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Full text of "Dictionnaire d'ascétisme"

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des  recherches  en  ligne  dans  le  texte  intégral  de  cet  ouvrage  à  l'adressefhttp:  //book  s  .google .  coïrïl 


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NOUVELLE 


ENCYCLOPÉDIE 

THËOLOGIQUE, 

OU  ROUTELLK 

liiii  fn  DKnoniAiius  sdr  wms  us  paitiis  di  la  scnici  riu8iedsb^ 


L4  PLUS  CLAIRE,  LA  PLOS  FACILE.  LA  PLUS  COMMODE»  LA  PLUS  VARIÉE 

ET  LA  PLUS  COMPLETE  DES  TBÉOLOGIES. 

CES  Mcnomunis  ion  ceux  : 

•C   MOCtAPEIB    GEKftTIEmiB  ET    AHn-CEBÉTIEmiB  ,    —  MS  PCt8£CUT102IS«  — 
•HUQSBliCB  CBIÉTlBiniBv  —  DE  LITTÉIATURB  Ûf.«  —  DE  BOTANIQUE  il/.,  — DE  STATISTIQUE  îlf., — 
»*IJBLMI  U  trf.,  •—  D\BCH£0L0€IE  tif . , —  D*BÉEALDIQOEil/., —    l»E    ZOOLOCIR, —   HfC    il £5CCIlfE  PRATIQUE, 
^■iCMIftAKS,  —  DCSEBEEUM  SOCIALES,  —    DE   rATSOLOCIE,  —    DES    MOPHÉTIES  ET    DES    MIRACLES, — 
■SDÉOm  DES  C09ICRÉCATI01I5  ROHAIIIBS,  —  DES  L^DULGEMCES,  —  D*aCRI-SILV|-TITI-IIORTICULTURE  , 
—  SE  HCSIQOE    M., —  D*6piCEAFniE  Ûf., —    DE   NUMISMATIQUE    td,^  —  DES    C0?IVERSIONS 
ÉB  CATMLICISME,  —  D^DUCATION,  —  DES  INTENTIONS  ET  D^XOUVEETES,  —  D^ETHNOCEAMIIE,  — 
HiANLOCamS  INTOLONTAIRES, —  des  manuscrits, — D^ANTHIOPOLOCIE,  —  DES  MTSTtaES  ,  —  DES  MEETBILLBS, 

ET  DES  invocations  A  LA  VICI6E,  —  DE  PALÉOCEAPHIB,  DE  CETPTOCRAPBIE,  DE  DACTTI^LOCIE, 
,    DE    STANOCEAPBIE    ET     DE    TÉLÉGRAPHIE,   —     DE    PALÉONTOLOGIE    ET    DE    GOSMOCOMIB ,    — 
DE  L*AET  DE  TÉEITIEE  LES  DATES,  —  DES  CONFRÉRIES  ET  COEPOEATIONS,  — 

ET  D*ÂPOL0GÉTIQUE  r  ATEOUQOE. 

PUBLIEE 

PAR  M.  L'ABBÊ  MIGNE, 


iti  mommm  coansva  sua  cbaque  •eamonk  de  la  sgibkb  bcclésiastiqve. 

f  PB.  U  TOL.,  POOE  LE  S0U8CRIPTEUE  A  LA  COLLECTION   BHTifcEE,  7  PE.,  8  PE.,  ET  MiME  10  PE.  POOE  LB 

SOUSGEIPTEUE  À  TEL  OU  TEL  DICTIONNAIRE  PAETICOLIEE. 


TOUE  GnrQUANTE-DEUZliBnB 


DICTIONNAIRE  D'APOLOGÉTIQUE  CATHOUQCB. 

S  TOL.  PMtx  :  16  FEJkircf . 

TOI»  DBUXiilIB. 


S'IMPRIME  ET   SE  VEND  CHEZ    J.-P.  MIGNE,  EDITEUR. 

AOX  ATBUBRS  CATHOLIQUES,  RUE  D'AMBOISE,  AU  PBTIT*MONTROUGE , 

BABBIÉBE    D'BBPBB    DB    FABIS. 

1S55  ^ 


DICTIONNAIRE 


APOLOGÉTIQUE 


9 


OU 


H8  smm  m  u  nniisiPiiE  au  m  mm 

DANS  LEURS  RAPPORTS  AYEC  LA  RÉYÉLATK»!  CHRÉTi£NNE  ; 


Toel  »  que  les  décoarertes  modernes  ont  ajouté  de  prenves  nouvelles  aux  anciennes 

AfK 

L'EXAMEN  CRITIQUE  DES  SYSTÈMES 

R   LA    flOUnOH    BBS   OVBCTIOm    SGHirnnQUBS  f    raiIjOSOVHIQUBS  9    HISTOftlQUBS,    BXfaÉ- 
TIQGBS,   QUI  DUT   ÉtA  VARBS   GOIITBX   LA    RKUGIOll,    PAETICIJIliBKllBHT  PAHS  CBS    TBOIS 

inBu  siicLBs; 

PAR  L.-F.   JEHAN  (^  MÊmt^Omnmh 

de  la  Sodélé  Gédiogiqae  de  Finneet  de  rAcadémie  royale  des  Sciences  de  Tarin,  etc. 


Tetâmoma  tÊOj  Jkmmet  ereiUHtia  fada  «ml  ninits.  Psof.  xcn,  5. 
Jhmme, »i enpr aioiÊm credmn^  au  decepd  sMmus;quomam  m 

BiauiD  HB  Saoct-Yictos. 


Qnrnate  unées  d'eipéiienoe  m'ont  proavé  Jaaqa'à  rérideoce  qoe 
la  ntoOD,  lîTTée  à  ses  pnwres  forces  et  sans  aucun  secours  de  la 
Tévélatk»,  ne  pent  qoe  s'égarer,  et  ooe  pour  être  bon  pliiloiophe» 
il  fimt  être  bon  dirétien.  TtUamed  de  Soblum. 

PURUÉ 

PAR  M.  L'ABBÉ  MIGNE , 

ÉMlILliH  M  Là  Smj^raÈCIJB   VHlTElUnLUB  »1T  Ci,WiCfc 

ou 

sua  CBAQIIB  BBAUCOE  DB  LA  SCICHCE  BCOJSlAlITIQOB» 


TOME  DEUXIEME. 


Pftix  :  16  fbaucs  les  2  volihks. 


S^IMPRIME  ET  SE  VEND  CHEZ  J.  -i\  HIGNE,  EDITEUR* 

AUX  ATELIERS  CATHOUQUES,  RUE  D'AHROISE,'  AU  PETIT-MONTROUGB, 

•ASUàsB   D'SjmS  OB   TàMM, 

1855 


OUVRAGES  DE  M.  L.-F.  JÉHA1H  <4e  tamt^Tie.). 


IIBMIUIB  VE   LA     nOCltlk    «ÉOLOfilQUB   DB    FRA19QB,     DB    L'ÀGÀCftniB    BORÀLB 

9B  TUB1N,    BTG. 


M8    SCIBNCEl 


DU  LANGAGE  et  de  son  rdle  dans  la  conslUotion  de  la 
raison,  on  Vues  pbik«<K>hiqaes  gnr  l'or^ine  des  oonnai»- 
saooes  homaioes.  1  vol.  in-46  Jésus,  chez  Lecoflire,  roe 
du  YieuX'Colonéier,  29,  à  Paris.  Prix  :  2  flr.  60  c.  -<^Cet 
ouvrage,  dont  les  journaux  et  les  revues  catholiques 
françaises  et  étrangères  ont  rendu  le  compte  le  plus  fa- 
vorable, présente,  sur  Torigioe  de  nos  connaissances, 
la  seule  théorie  qui,  ainsi  que  Ta  montré  le  célèbre  au- 
teur des  deux  articles  publiés  sur  ce  livre  dans  VUni- 
vernté  catholique  (Juin  et  Juillet  1853),  porte  le  dernier 
coup  à  tous  les  taux  systèmes  et  ^  toutes  les  hypo- 
thèses auxquelles  le  rationalisinB/a*eoreooor8poor  r^ 
soudre  cette  question  capitale. 

SPITOME  HISTORïiE  SACRiE  ANALTTÏCO-SYNTHÉ- 
TIQUE  à  Tusage  des  commençants,  méthode  nouvelle 
pour  la  versioD,  Tanalyse,  Tétode  des  règles,  etc.,  sans 
les  inconvénients  du  dtctlonnaire  et  de  la  «raminaire. 
Avec  celte  méthode  il  n*est  pas  nécessaire  de  savoir  le 
latin  pour  renseigner,  il  suflitde  savoir  lire.  1  vol.  ln-12, 
chez  Lecolfre,  à  Paris,. Prix  :  1  fr.  25  c. 

NOUVEAU  TRArrÉ  DES  SQENCES  GËOLOGIQUES 
considérées  dans  leurs  rapports  avec  la  Religion  et  dans 
leur  application  générale  à  Tindustrie  et  aux  arts,  avec 
un  tableau  figuratirdes  terrains  et  la  représentation  des 
fossiles  les  plus  caractéristiques  et  les  plus  curieux. 
Ouvrage  adopté  dans  les  petits  et  grands  séminaires 


pour  renseignement  de  la  géologie,  et  dédié  à  son  Emi- 
nence  Mgr.  le  cardinal  Morlot,  archevêque  de  Tours. 
Nouvelle  édUim  comidérabkment  augnwnUe,  1  toI. 
to-12,  avec  pi.,  chez  Lecolfre,  à  Paris.  Prix  :  2  fr.  80  c. 

ESQUISSES  DES  HARMONIES  DE  LA  CRÉATION,  on 
les  sciences  naturelles  étudiées  du  point  de  vue  philo- 
sophique et  religieux  et  dans  leur  application  à  l'indus- 
trie et  aux  arts;  histoire,  mœurs  et  instincts  des  ani- 
maux invertébrés.  1  fort  vol.  iu-12,  précédé  d'une  in- 
troduction générale,  et  orné  de  planches  représentant 
un  grand  nombre  de  figures  dessinées  et  gravées  avec 
le  plus  grand  soin.  Chez  Lecoffre,  à  Paris.  Prix  :  5  fr. 

ISOLA,  SOUVENIR  DES  VALLÉES  DE  BRETAGNE.  2 
vol.  grand  in-18,  sur  papier  raisin,  avec  4  gravures. 
Chez  L^coOre,  à  Paris.  Prix  :  2  fr.  50  e. 

TABLEAU  TfE  LA  CRÉATION,  OU  DIEU  MANIFESTÉ 
PAR  SES  OEUVRES.  2  vol.  in-8**,  imprimés  avec  luxe; 
noiçbreuses  0g]ares  sur  acier  et  Aur  bois. 

BOTw^tûUE  ET  PHYSIOLOGIE  VÉGÉTALE.  1  vol. 
in-S"*,  avec  de  nombreuses  figures  sur  acier  et  suf 
bois. 

BEAUTÉS  DU  SPECTACLE  DE  LA  NATURE,  par 
Pleçhe,.  ouvrage  mis  ^o  niveau  des  connaissances  ac- 
tuelles, 1  vol.  ln-12,  avec  fig. 


Série  de  Dictionnaires  embrassant  m  exUnto  les  lois  et  tous  les  ordres  de  phénomènes  du  monde  physique,  Iliistoir* 
naturelle  des  êtres  organiques  et  inorganiques  qui  le  composent,  l'examen  critique  des  questions  scientifiques  oui 
se  rattachent  à  nos  livres  saints,  la  réponse  aux  objectieos  et  aux  principales  difficultés  soulevées  contre  la  reli- 
gion, etc.,  etc.  Chaque  Dictionnaire,  dans  le  format  in-4''>  2  colonnes,  renierme  de  1,600  à  1,800  colonnes. 


DICTIONNAIRE  D'ASTRONOMIE,  DE  PHTSIQUC  Z.T 

DE  MÉTÉOROLOGIE. 
DICTIONNAIRE  DE  CHIMIE  ET  ïiZ  MINÉRALOGIE. 
DICTIONNAIRE  DE  BOTANIQUE. 
DICTIONNAIRE  DE  ZOOLOGIE,  3  vol.  in-4*. 


DICTIONNAIRE  D*ANTHROPOLOGIE. 
DICTIONNAIRE  Ï^K  COSMOGONIE  ET  DE  PALÉON* 

TOLOGIE. 
DICTIONNAIRE  APOLOGÉTIQUE,  2  Td.  in-4*  (*). 


(*)  Cet  ouvrage  avait  été  primitivement  annoncé  sous  le  litre  de  :  VkUmmnrê  Ue  O^Hem  mmdUss. 


Iropriineric  MIGNE,  au  PetU-Monv^u^e. 


5S 


DICTIONNAIRE 

APOLOGÉTIQUE 


■     '  \  '  - 


n 


MACnOBB,  examen  critique  du  passage 
oà  il  parle  du  massacre  des  Innocents.  Voy. 
?(ÂissA!fCE  DK  Jésus-Christ. 

MAGES  Tenant  adorer  Jésus-Christ;  ob- 
jections résolues.  Voy.  NAissAifcs  db  Jésus- 
Chbist.  —  Les  anciens  mages  ont  reçu  l'in- 
fiaence  des  Juifs,  suivant  M.  Salvador.  Voy. 
MkiBtevEf  §  IL 

liAG!9ÊTISME.  A-t-il  audque  rapporta  vec 
1^  miracles  de  Jésus-Christ?  Koy.  Jésus»- 
OuiST.  ArU  n,  S  III. 

MAHOMET  jugé  par  Napoléon.  Voy.  Mt* 
TnsySf  %  IX. 

JfAHOMÉTISME.  Sa  profonde  infirmité  et 
son  incapacité  logique»  Voy.  Surnatcri*- 

USVE,  I  iV. 

MAISTRE  (CoiiTB   de),  Ce  qu'il  dit  de 
loriginalité  de  TÉvangile.  Voy.  Note  XIL 
MAL. 

La  question  du  mal ,  autour  de  laquelle 
plTotent  les  attaques  des  incrédules  contre 
la  religion,  doit  être  résolue,  sous  peine 
de  voir  crouler  le  monde. 

ACTOBB   (1). 

Nons  allons  aborder  cette  fameuse  ques- 
tion de  l'origine  du  mal  qui  a  tant  occupé 
les  sages,  et  gui  est  la  première,  en  effeti 
de  toute  philosophie  vouée  à  Tétude  de 
Iliomme  et  de  ses  devoirs. 

Quand  Alexandre^  roi  de  Macédoine,  eut 
pris  Tyr  et  franchi  les  bouches  du  Nil,  il 
alla  dans  les  déserts  consulter  Toracle  de 
Jopiter-Ammon.  Sur  quoi,  un  ancien  philo- 
sophe, Maxime  de  Tyr,  s'interpelle  ainsi  : 
«  Voyons  ce  que  ce  grand  homme  va  de- 
mander aux  dieux.  »  Alexandre  demanda 
quelles  étaient  les  sources  du  NiK  et  le  sage 
reprend  :  «  Il  eût  été  digne  de  lui  et  plus 
heureux  poumons,  qu'il  demandât  quelles 
étaient  les  sources  du  mal;  car  il  nous  im- 
porte peu  de  quelle  région  descend  le  Nil, 
mais  il  nous  importerait  beaucoup  de  savoir 
d  où  viennent  les  maux  qui  accablent  Thu^ 
maaité.  »  Ce  que  Maxime  de  Tyr  attendait 
d'Alexandre  et  de  Jupiter-Ammon,  tous  leis 

(1)  Cest  à  cet  éminent  auteur  oae  nons  devons  le 
ilis  beia  livre  qui  ait  paru  sur  le  formidable  pro- 
MéiBe  qui  va  oous  occuper.  Ce  livre  admirable  au- 

DlCTIO.VNAlRE   APOLOeéTItaB.   II. 


pnilosophes"  ont  essayé  de  nous  le  direç 
mais  tous  ont  cherché  leur  point  d'appui 
dans  la  nature.  Le  christianisme  seul  a  dit  : 
Il  faut  guérir  hi  nature  ;  et  seul>  en  disani 
cela,  il  a  communiaué  à  l'Ame  le  secret 
d'une  force  €^\x\  est  le  principe  unique  de 
la  perfectibilité  individuelle  et  sociale  du 
genre  humain. 

ARTICLB  PRBKIBR 

Objections  de  Bayle  et  réfutation. 

Etat  de  là  question.  —  Manichéens.  —  Philosophie  etca- 
Uiolicisme  en  ptésence  de  la  question  du  mal.  —  Vol- 
tatre.  —  Objections  de  Bayle  et  résumé  de  ses  argu«- 
ments.  —  Double  conclusion  de  la  pMlosophte 

On  peut  ramener  la  controverse  sur  lo 
me]  à  un  petit  nombre  de  principes  fonda*- 
mentaux  qui  dominent  tellement    toute  la 

3uestion>  que>  lorsqu'on  sait  s'en  servir,  il 
evient  facile  de  mettre  en  poudre  et  la 
doctrine  de  Manès  et  les  objections  des  in"» 
crédules  moderne».  Montrons  dabord  en 
quelques  mots  combien  le  système  des  ma-^ 
nichéens  est  insoutenable. 

Le  mal  n'est  point  un  être  réel  et  exis" 
tant  en  soi,  c'est  la  négation  du  bien,  c'est 
comme  les  ténèbres  è  1  égard  de  la  lumière. 
Le  bien  est  l'être,  le  mal  le  non-être.  Dans 
toute  la  série  des  créatures»  depuis  les  plus 
élevées  jusqu'à  celles  qui  sont  reléguées 
aux  derniers  rangs,  ce  qui  forme  le  fond  de 
leur  substance,  ce  qui  les  constitue,  c'est  le 
bien  ;  le  mal,  sous  quelque  rapport  qu^on 
l'envisage»  est  toujours  une  imperfection, 
une  défaillance  de  l'être.  Le  mal  métaphy- 
sique consiste  dans  l'imperfection  essen- 
tielle à  toute  nature  créée  ;  le  mal  moral  est 
une  déviation  des  lois  de  Tordre  et  de  la 
justice;  le  mal  physique,  ou  la  douleur,  ne 
se  conçoit,  dans  l'être  sensible,  que  com- 
me un  état  anormal»  défectueux,  en  oppo- 
sition avec  ses  lois  constitutives.  Le  mal 
est  donc,  encore  une  fois,  une  négation  de 

quel  nous  empruntons  ce  que  nous  avons  à  dire  sut 
ce  sujet,  a  pour  titre  :  De  Corigine  et  de  lajréparatioà 
du  wal  ;  i  vol.  iii-8%  chez  Lf'coffre,  à  Paris^ 

1 


Il 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


la 


mfime  que  le  silence,  l'ombre,  le  repos  ;  il 
est  donc  absurde  d'en  faire  un  être,  el  sou- 
verainement absurde  d'en  faire  un  être  in- 
fini. 

Nos  incrédules  répondent  que,  à  la  vé- 
rité, cette  métaphysique  est  excellente  con- 
tre les  manichéens,  mais  qu'elle  laisse  en- 
tières toutes  les  objections  des  modernes. 
£n  effet,  disent  les  philosophes,  il  reste 
toujours  à  expliquer  comment  un  Dieu  sage 
a  mis  une  telle  disproportion  entre  la  na- 
ture de  l'homme  et  les  désirs  de  son  cœur, 
comment  un  Dieu  bon  l'a  assujetti  à  tant  do 
souffrances,  comment  un  Dieu  saint  le  laisse 
en  proie  à  tant  de  vices  :  rien  n'est  plus 
vrai.  Nous  dirons  donc  avec  les  philoso- 
phes :  Il  faut  expliquer  le  mal;  mais  en 
ajoutant  :  Il  faut  surtout  le  guérir;  car  c'est 
ainsi  que  le  problème  doit  être  posé.  Voyons 
en  peu  de  mots  qui  saura  mieux  Je  résou- 
dre des  philosophes  ou  des  catholiques. 

Voiûi  d'abord  notre  explication.  Le  mal 
moral,  le  péché,  procède  de  la  liberté  que 
Dieu  nous  a  donnée,  comme  l'instrument 
nécessaire  pour  mériter  une  gloire  et  une 
félicité  éternell*;s;  la  grandeur  du  résultat 
justifie  le  danger  des  moyens.  Dans  le  des- 
sein de  nous  «ider  à  accomplir  nos  desti- 
nées, la  Providence  nous  a  donné  un  senti- 
ment profond  de  nos  misères  présentes  et 
d'un  bonheur  inconnu  auquel  il  nous  est 
pertnis  d'espérer  ;  tout  ce  qui  est  fini,  im- 
parfait, nous  déplaît,  nous  pèse,  nous  en- 
nuie, nous  renci  à  charge  a  nous-mêmes. 
Dieu  aurait  moins  bien  Tait,  s'il  nous  eût 
rendus  contents  de  nous,  si  nous  avions  pu 
nous  suffire  et  trouver  ici-bas  de  quoi  rem- 
plir notre  cœur.  Le  mal  physique  dégoûte 
l'âme  du  monde  et  de  la  vie,  il  la  dispose  à 
céder  à  l'influence  de  la  grAce  ;  préservatif 
et  remède  en  même  temps,  il  nous  éloigne 
du  péché  et  nous  aide  à  l'expier.  Cesvstème 
se  défend  par  lui-même,  il  nous  suffira  de 
le  développer  pour  répondre  aux  attaques 
dont  il  est  l'objet. 

Comme  la  question  du  mal  intéresse  sou- 
verainement la  société,  il  est  raisonnable  de 
mesurer  la  valeur  des  explications  sur  leur 
utilité.  Il  fallait  rejeter  celle  des  manichéens, 
non-seulement  parce  qu'elle  est  absurde, 
mais  aussi  parce  qu'elle  est  funeste.  Ici, 
d'ailleurs,  personne  ne  doit  être  cru  sur  pa- 
role. L'origine  des  choses  se  cache  dans  les 
ténèbres  d  un  monde  inconnu  où  toute  véri- 
fication est  impossible;  il  faut  donc,  à  celui 
qui  veut  en  révéler  le  mystère,  des  preuves 
puisées  dans  les  réalités  de  la  vie  présente, 
il  doit,  en  quelque  sorte,  porter  ses  litres  à 
la  main.  Le  christianisme  a  le  droit  de  pré- 
senter les  siens  avec  confiance  ;  sa  puissance 
contre  le  mal  sous  quelque  forme  qu'il  se 
montre,  est  un  fait  constant,  perpétuel,  fa- 
cile à  vérifier  ;  on  ne  peut  donc  pas  plus  la 
nier  que  la  lumière  du  jour.  Il  a  fait  dis(»a- 
raltre  des  vices  exécrables  et  mis  à  leur 
place  des  vertus  inconnues  avant  lui  ;  non 
content  de_rendre  supportables  la  tristesse, 

(2)  Marc,  n,  54. 


la  pauvreté,  la  souffrance,  toutes  les  misères 
de  la  vie,  il  les  a  fait  aimer  et  rechercher 
comme  la  seule  chose  cfui  donne  du  prix  à 
notre  existence.  C'est  ainsi  que  sainte  Thé- 
rèse se  plaisait  à  répéter  sa  célèbre  devise  : 
«Ou  souffrir  ou  mouririvet  qu'à  la  vue 
des  travaux  et  des  dangers  de  son  apostolat, 
Si'iint  François-Xavier  s'écriait  :  n  Encore 
plus.  Seigneur,  encore  plus  1  » 

Le  grand  mal  des  hommes,  surtout  dans 
notre  siècle,  vient  de  ce  que  nul  ne  veut 
rester  à  sa  place  ni  se  contenter  de  la  part 
que  la  Providence  lui  a  faite.  On  risque  tout 
pour  s'élever,  on  essaye  de  forcer  les  desti- 
nées, de  lutter  contre  l'immuable  nature 
des  choses.  Il  n'y  a  qu'une  première  place. 
Tout  le  monde  y  aspire.  Les  fous,  les  sages, 
les  grands,  le  peuple,  sont  atteints  du  même 
mal;  tous,  comme  César,  veulent  primer 
pour  le  moins  dans  leur  village,  s'ils  ne  le 

f)euvent  sur  un  théâtre  éclatant.  Oh  1  que 
'Evangile  a  bien  pourvu  è  l'établissement 
de  la  paix,  de  la  justice,  de  la  charité  sur  la 
terre,  et  au  bonheur  du  genre  humain,  lors- 
qu'il a  dit  :  5î  qud'qu  un  veut  devenir  le 
premier^  qu'il  se  melle  au  dernier  rang^  et 

3uHl  se  fasse  le  serviteur  de  tous  (2).  Il  y  a 
ans  ce  seul  mot  de  Jésus-Christ  plus  de 
science  religieuse,  politique  et  sociale,  une 
théorie  plus  profonde,  plus  vraie  de  la  féli- 
cité publique  et  privée  que  dans  tous  les 
livres  des  philosophes.  Et  il   ne  faut   pas 

Elaindre  comme  malheureux  cexui  qui  s'ou- 
lie  pour  se  dévouer  au  bien  de  ses  frères, 
son  sort  est  digne  d'envie;  il  suit  les  ins- 
pirations de  la  charité  c^ui  porte  toujours  sa 
récompense  avec  elle  ;  il  obéit  à  la  volonté 
la  plus  chère  du  Père  commun  :  c*est  assez 
pour  inonder  son  cœur  de  joie.  Le  vrai  chré- 
tien a  un  sentiment  profond  de  Tordre  uni- 
versel, il  trouve  un  bonheur  ineffable  à 
s'immoler  à  cet  ordre  et  à  la  gloire  de  celui 
qui  en  est  l'auteur.  J'aimerais  mieux,  disait 
une  Âme  sublime  dont  je  ne  puis  transcrire 
ici  les  paroles  sans  sentir  couler  de  mes 
yeux  les  larmes  de  l'adiniration,  «  j'aime- 
rais mieux  être  un  ver  de  terre  par  la  vo- 
lonté de  Dieu  qu'un  séraphin  parla  mienne.  » 
Avec  de  telles  maximes,  avec,  de  tels  senti- 
ments, qui  ne  sont  pas  un  vain  langage, 
car  le  christianisme  agit  toujours  plus  qu'il 
ne  parle,  on  peut  changer  la  face  du  monde 
et  transformer  l'humanité.  Voilà  comment 
la  religion  de  Jésus-Christ  sait  expliquer  et 
combattre  le  mal,  voilà  s^s  titres.  Examinons 
ceux  de  la  philosophie. 

Avant  tout,  je  dois  l'avouer,  je  ne  puis  me 
défendre  d'un  sentiment  de  douleur  pro- 
fonde, en  voyant  avec  quelle  légèreté  les 
malheureux  humains  se  jouent  des  questions 
les  plus  formidables,  et  ()ui  sont  pour  eux 
d'une  imporlance  iiiiinie  :  celle  du  mal,  la 
plus  capitale,  la  plus  essentielle  de  toutes, 
celle  sur  laquelle  les  incrédules  font  pivo- 
ter leur  prétendue  philosophie,  le  croiraii- 
on  ?  ils  ne  font  pas  comprise,  ils  n'ont  pa.^ 
su  ou  voulu  en  mesurer  la  portée.  Nous 


i} 


B 


Màt 


DICTieNNÂlRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


U 


faTOos  dit,  et  iout  bomme  de  sens  en  con- 
Tieudra*  il  ftot  expliquer  le  mat,  mais  l'ex- 
plîqaer  pour  le  guérir.  Il  ae  s*agit  |)as  ici 
d'une  SDécalalion  oiseuse;  rbamanité  de- 
ooaode  a  genoux  Torigine  «l  ia  cause  du 
mal  qui  h  dëfore,  a6a  d*ea  trouver  plus 
iadlement  le  remède  :  ainsi  l'ont  compris, 
pourne rien  diredes  catholiques,  les  auteurs 
et  les  seelaleurs  des  Causses  religions.  Qu'ont 
bit  les  philosophes?  lis  se  sontem|;arés  de  la 
redoutable  question,  non  pour  Ja  résoudre, 
mais  pour  s'en  faire  une  arme  contre  les  véri- 
tés les  plus  nécessaires  au  monde,  |>our  ôter 
aamaineureux  Te^érance,  au  puissant  la 
rrainle,  au  coupable  le  remords,  au  juste  le 
motif  de  bien  fiiire;  en  un  mot,  ils  ont  tou- 
«Hbé  la  plaie  de  l'iiamanité  pour  lenvenimer, 
\nnw  la  rendre  incurable.  Après  cela,  con- 
lems  et  Gers  de  leur  ouvrage,  ils  se  sont 
donnés  à  eux-mêmes  les  titres  pompeux  de 
bienfaiteurs  du  genre  humain,  de  restaura- 
teofs  de  la  raison  avilie  par  la  superstition. 
Ol  aveuglement  est  inconcevable.  Lorsque 
yabooiet  entreprit  de  régénérer  sa  nation,  il 
loi  donna  ua  code  de  morale,  appuyé  sur 
une  révélation  et  sanctionné  par  la  foi  au 
paradis  et  à  l'enfer.  Mahomet  fut  un  grand 
coupable,  car  il  mentit  aux  hommes  en 
appelant  en  témoignage  ia  vérité  de  Dieu  ; 
«nais  il  ne  fut  pas  un  insensé,  il  savait  du 
cmmis  ce  qu'il  uisait.  Peut-on  en  dire  autant 
des  philosophes?  J'aime  h  croire  que  non, 
lisseraient  trop  criminels  devant  Dieu  et 
devant  les  hommes. 

Le  mal,  le  vrai  mal,  aux. veux  des  catho- 
liques, c'est  le  péché,  le  désordre,  l'insou- 
mission à  la  volonté  divine,  r^le  suprême 
des  intelligences;  les  saints,  c'est-à-dire  les 
bonmes  qui  sont  animés  du  véritable  esprit 
du  christianisme,  ne  voudraient  pas,  s'il 
est  permis  de  Cure  une  telle  supposition,  se 
racheter  des  supplices  de  l'enfer  par  la 
moindre  transgression  de  la  loi  divine.  Il 
n'en  est  pas  ainsi  des  philosophes;  le  mal, 
ponreox,  c'est  la  douleur,  la  pauvreté,  l'i* 
gnominie.  Quant  au  mal  moral,au  péché  et  au 
crime,  comme  on  voudra  l'appeler,  les  uns 
Tout  nié,  mettant  sur  la  même  ligue  le  vice 
et  U  vertUf  et  imposant  à  l'homme  le  seul 
devoir  de  se  rendre  heureux;  les  autres 
sont  arrivés  à  peu  près  à  la  même  conclu- 
sion, en  justifiant  toutes  les  faiblesses  hu- 
maines par  la  violence  des  penchants  de  la 
latnre,  ou  en  rassurant  les  coupables  par  la 
débonnaireté  d'un  Dieu  indifférent  à  ce  qui 
se  fkit  sur  la  terre.  On  comprend  la  diiié- 
rence  de  ces  deuiL  points  de  vue  et  celle  qui 
doit  en  résulter  pour  la  direction  des  peu- 
sées  et  des  sentiments  dans  la  conduite  or- 
dinaire de  la  vie. 

Du  reste,  c|ue  les  philosophes  aient  rom  nu 
avec  le  christianisme  parce  qu'il  gêne  les 
passions  par  ses  terribles  menaces,  c'est  un 
Mit  ;  ils  veulent  jouir  dès  à  présent,  et  ce  ne 
sont  pas  les  nobles  plaisirs  de  l'âme  qu'ils 
ont  en  vue.  Non,  sans  doute  ;  il  aurait  autant 
valu  rester  chrétiens.  Veut-on  savoir  com- 


ment Voltaire  répond  aux  plaintes  élo^juentes 
de  Pascal  sur  les  maux  de  l'humanité  (3)  t 
«  Je  sais,  dit-il,  qu'il  est  doux  de  se  plaindre. 
Cependant  J'arrive  de  ma  prorince  à  Paris; 
on  m'introduit  dans  une  très-belle  salle,  où  ' 
douze  cents  personnes  écoutent  une  musique 
délicieuse,  après  quoi  toute  cette  assemblée 
se  divise  en  petites  sociétés  qui  vont  faire 
un  très-bon  souper....  le  vois  tons  les  beaux- 
arts  en  honneur  dans  cette  ville,  et  les  mé- 
tiers les  plus  atqects  bien  récompensés,  les 
infirmités  très^soulagëes,  les  accidents  pré- 
venus; tout  le  monde  y  jouit,  ou  espère 
jouir,  ou  travaille  pour  jouir  un  jour,  et  ce 
dernier  partage  n'est  pas  le  plus  mauvais.  » 
On  pourrait  s  étonner  en  voyant  avec  quelle 
iacili  té  l'auteur  tient  lour  satisfaits  tous  ceux 
qui  sont  exclus  des  plaisirs  dont  il  s'est  plu 
à  nous  faire  rénumération.  Mais  laissons 
cela,  et  allons  au  fait.  Lui,  dû  moins,  qui  a 
joui  de  tous  les  avantages  d'une  société  polio 
et  savante;  lui,  rassasié  de  gloire,  de  ri- 
chesses, de  toluptés,  a-t-il  été  heureux? 
Non.  «  Si  j'avais  un  fils,  disait-il,  et  qu'il  dût 
être  aussi  malheureux  que  moi,  je  lui  tor* 
drais  le  cou  par  tendresse  paterne^e.  ^ 

Quand  Voltaire  n'aurait  pas  tenu  ce  lan- 
gage» çuand  je  ne  saurais  rien  de  son  his- 
toire, je  n'en  affirmerais  pas  moins  qu'il  a 
cruellement  soufTert.  Nul  n'est  exempt  d'in- 
fortune dans  ce  inonde,  parce  que  tous  sont 
appelés  au  bonbeur  de  l'éternité  ;  heureux 
ici-bas,  nous  ne  penserions  point  à  la  félicité 
future,  et  nous  négligerions  les  moyens  de 
Tobtenir.  Voltaire  a  eu  des  traverses,  il  était 
soumis  à  la  loi  générale  ;  il  en  a  eu  de  plus 
^andes  que  la  plupart  des  autres  hommes, 
il  le  fallait  à  cause  de  la  nature  de  son  esprit 
et  de  la  violence  de  ses  passions  ;  s'il  en  eût 
été  autrement,  il  aurait  pu  se  plaindre  que 
ta  Providence  l'avait  privé  des  ressources  les 
plus  nécessaires  au  salut.  Hais  quel  moyen 
avait-il  de  se  consoler  dans  ses  douleurs,  lui 
qui  faisait  profession  de  ne  croire  k  aucune 
religion  ?  Le  chrétien  n'a  pas  besoin  de  dire, 
comme  le  stoïcien  :  «  O  douleur  1  je  n'avoue- 
rai jamais  que  tu  sois  un  mal  ;  »  il  sait  la 
convertir  en  bien  par  sa  patience,  par  sa 
soumission  filiale  à  la  volonté  de  Dieu,  et 
souvent  il  peut  s'écrier  avec  saint  Paul  :  Je 
surabonde  aejoie  au  milieu  de  mes  tribula- 
iions  {k).  Le  vrai  chrétien  a  un  secret  pour 
se  rendre  heureux  dans  les  circonstances  les 

[»lus  douloureuses;  le  philosophe  ne  sait  pas 
*être  au  milieu  de  toutes  les  prospérités. 

On  peut  juger  maintenant  oui,  des  philo- 
sophes ou  des  catholiques,  a  le  mieux  saisi 
la  question  et  est  plus  capable  de  la  ré- 
soudre. 

Toute  la  doctrine  des  philosophes  se  ré- 
duit à  des  ergoteries  miséraliles.  Certes,  des 
hommes  qui  n'ont  vu  dans  l'immense  pro- 
blème du  bien  et  du  mal  qu'un  moyen  de 
harceler  le  christianisme,  ne  mériteraient 

f>as  que  l'on  discutât  sérieusement  avec  eux. 
I  le  faut  cependant,  et  nous  te  ferons  dans 
riotérét  de  ceux  dont  l'esprit  a  été  fasciné 


(5)  Noies  $ur  ltspeu$ée*  de  Pascal ^  u*  103. 


(4)  //  Corinth.  tu,  4. 


f3 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


Iti 


Iiar  des  objections  spécieuses.  Nous  ne  vou- 
ons point  éluder  les  difficultés,  mais  plutôt 
les  étaler  et  les  déployer,  afin  de  les  éclaircir 
de  telle  sorte  qu'il  ne  reste  plus  de  doutes 
sur  les  vérités  importantes  que  Ton  a  voulu 
ébranler.  Il  y  avait  un  moyen  honorable  de 
combattre  le  christianisme,  c'était  de  faire 
mieux  que  lui;  on  n'a  pas  sonçé  à  celui-là. 
Pour  écraser  leur  ennemi,  au  risque  de  res- 
ter ensevelis  sous  les  mêmes  ruines,  les  in- 
crédules ont  secoué  les  colonnes  qui  portent 
l'édifice  social,  de  sorte  qu'en  défendant  no- 
tre foi,  nous  défendons  en  même  temps  les 
vérités  fondamentales  sans  lesquelles  le  genre 
humain  ne  peut  vivre.  Nous  acceptons  donc 
le  débat,  mais  en  nous  réservant  de  le  faire 
sortir,  quand  le  moment  sera  venu,  des  étroi- 
tes limites  où  l'on  a  voulu  l'enfermer.  Comme 
Bayle  a  été  le  plus  habite  champion  de  la 
philosophie,  et  que  depuis  lui,  la  question 
en  est  restée  au  même  point  sans  avancer 
d'un  pas,  nous  allons  donner  ici  le  résumé 
de  ses  arguments  et  présenter  l'ensemble  de 
ses  objections,  en  supposant  que  c'est  lui- 
même  qui  parie. 

<c  Dieu  étant  infiniment  heureux  en  lui- 
même,  et  n'ayant  aucun  besoin  des  créatu- 
res, n'a  pu  avoir  d'autre  motif  de  les  créer 
^ue  sa  bonté  et  le  désir  de  les  rendre  heu- 
reuses, mais  heureuses  d'un  bonheur  qui 
les  perfectionne,  qui  les  établisse  et  les 
maintienne  dans  l'ordre  et  la  justice  ;  car  la 
bonté  de  Dieu  doit  être  d'accord  avec  sa  sain- 
teté. Voilà  les  principes  avoués  par  la  saine 
raison.  Selon  les  chrétiens,  au  contraire,  le 
Dieu  infiniment  bon  serait  sorti  de  son  repos 
éternel  pour  donner  l'existence  à  des  hom- 
mes qui,  après  avoir  été  presque  tous  mal- 
heureux dans  cette  vie,  vont  subir  dans 
l'autre  les  tourments  horribles  de  la  damna- 
lion.  On  parle  de  péché,  et  en  particulier  de 
celui  d'Adam,  source  de  tous  les  autres;  mais 
comment  un  Dieu  bon  et  sage  a-t-il  fait  dé- 
pendre le  sort  de  tous  de  la  fidélité  d'un 
seul  ?  Comment  un  Dieu  saint  a-t-il  laissé  le 
péché  pénétrer  dans  le  monde?  Comment 
nous  a-t-il  fait  un  présent  aussi  dangereux 
que  la  liberté?  S'il  fallait  que  l'homme  fût 
libre,  Dieu  ne  pouvait-il  pas  lui  donner  une 
liberté  parfaite  comme  celle  des  bienheu- 
reux, ou  au  moins  Tentourer  de  tant  de  grâ- 
ces et  de  secours  qu'il  ne  faillit  jamais?  Per- 
mettre une  chose  qu'on  peut  empêcher  aisé- 
ment et  sans  inconvénient,  la  permettre 
malgré  les  maux  qui  on  seront  la  suite  et 
que  l'on  prévoit,  c  est  en  effet  vouloir  celle 
chose  et  ses  suites;  permission  et  voionlé 
ont  ici  le  même  sens.  On  se  moque  quand 
on  dit  que  Dieu  veut  sincèrement  le  salut 
de  tous  les  hommes;  s'il  en  était  ainsi,  ils 
seraient  tous  sauvés  sans  exception,  parce 
que  Dieu  peut  tout  ce  qu'il  veut,  même  sur 
la  liberté.  Les  théologiens  de  tous  les  partis 
en  conviennent,  la  Providence  a  des  moyens 
sûrs  de  conduire  la  volonté  de  l'homme  sans 
détruire  son  libre  arbitre.  D'où  viennent 
donc  tant  de  crimes  multipliés  ? 

a  Dans  toutes  les  suppositions  imagina- 
bles, Dieu  a  voulu  le  péché  et  ses  suites. 


d'une  volonté  réelle  et  absolue.  Il  y  a  coo- 
péré positivement  en  créant  le  pécheur  avec 
des  inclinations  vicieuses,  en  le  plaçant  dans 
des  circonstances  où  ces  inclinations  ne  pou- 
vaient manquer  de  se  fortifier  ;  il  y  a  coopéré 
négativement  en  refusant,  dans  le  moment 
critique,  les  grâces  victorieuses  sans  les- 
quelles la  chute  était  inévitable.  Ce  n'est  pcs 
assez;  afin  de  rendre  notre  ruine  plus  cer- 
taine, il  a  mis  notre  faiblesse,  notre  igno- 
rance, aux  prises  avec  la  ruse,  la  ]missance 
el  la  haine  des  esprits  tentateurs.  Un  ennemi 
nj^irait-il  autrement? 

n  Distinguer  entre  la  volonté  d'appro- 
bation, de  décret,  et  la  volonté  de  permis- 
sion ,  c'est  ne  pas  s'entendre  soi-même. 
Dieu  permet  une  chose  ,  parce  que  sa 
sa;;esse  la  juge  convenable  et  utile,  en 
d'autres  termes,  parce  qu'il  l'approuve  et  là 
veut;  sa  souveraine  sagesse  ne  manque 
jamais  de  moyens  pour  exécuter  ce  qu'elle 
approuve,  sans  être  forcée  de  permettre  ce 
qu  elle  n'approuve  pas.  Dire  de  Dieu  qu'il 
n^a  pu  prévenir  le  péché,  c'est  nier  sa  loule- 

i)uissance;  dire  qu'il  ne  Ta  pas  voulu,  c'est 
iaire  iftjure  à  sa  sainteté.  Ne  se  fût-il  commis 
Ju'un  seul  péché  depuis  le  commencement 
u  monde,  il  en  résulterait  contre  les  attri- 
buts divins  une  objection  insoluble. 

«  Dans  l'état  présent,  le  péché  est  inévi- 
table, les  plus  justes  ne  sont  pas  à  l'abri  de 
grandes  chutes  :  telle  est  la  faiblesse  de 
rhomme;  mais  telle  est  la  sévérité  de  Dieu, 
qu'à  son  tribunal  il  suffit  d'une  seule  viola- 
tion de  sa  loi  pour  être.condamné  à  souffrir 
éternellement  des  supplices  dont  la  pensée 
fait  frémir.  Or,  en  donnant  la  vie  aux  hom- 
mes. Dieu  prévoyait  que'le  plus  grand  nom- 
bre serait  damné;  pourquoi  faire  un  présont 
si  funeste  à  ceux  qui  ne  le  demandaient  pas? 
Eussent-ils  pu  le  demander,  il  aurait  fallu  le 
leur  refuser;  il  valait  mieux  les  laisser  dans 
le  néant.  Poignarder  un  homme  ou  lui  met- 
tre en  main  le  poignard  dont  on  sait  qu'il 
doit  certainement  se  percer  le  sein,  n'est-ce 
pas  la  même  chose?  Une  mère  qui  enverrait 
sa  fille  dans  un  lieu  de  débauche  aurait  t)eau 
lui  donner  de  sages  conseils,  fortifier  sa  vertu 
par  des  promesses  et  des  menaces,  elle  de- 
viendrait justement  l'objet  de  l'exécration 
publique;  mais  si  celte  mère  savait  d'avance 
que  Sii  fille  cédera  à  l'entraînement  du  vice, 
rappeler  ses  conseils,  ses  promesses  ou  ses 
menaces  pour  justifier  son  injustifiable  C(;n- 
duile,  c'est  insulter  à  la  conscience  et  à  la 
raison. 

K  On  ne  répondra  jamais  à  cela.  Pour 
un  réprouvé,  la  vie  n'est  pas  le  don  d'un 

Eère,  mais  d'un  ennemi.  Chose  inconceva- 
le,  entre  une  infinité  de  combinaisons  qui 
pouvaient  assurer  le  salut  de  cet  infortuné. 
Dieu  donne  la  préférence  précisément  à  celle 
qui  rend  sa  perte  inévitable  1  N'y  eût-il  qu'un 
seul  damné,  la  bonté  de  Dieu  ne  pourrait  se 
justifier.  Mais  le  plus  inexplicable  des  mys- 
tères, c'est  qu'entre  une  infinité  de  mondes 
où  le  bien  seul  aurait  ru^^né,  le  Créateur  ait 
choisi  celui  où  le  mal  triomphe.  Si  I  on  no 
peut  rendre  raison  do  la  réprobatioa  d'un 


17 


MAL 


DICTIONNMRIs  APOLOGETIQUE. 


MAL 


\9 


seulf  comment  expliquera-t-on  celle  de 
rimroense  majorité  des  hommes  (5)  ?  » 

Tels  sont  à  peu  près  les  raisonnements  de 
Bayle,  nous  n^avons  point  cherché  à  les 
affaiblir;  nous  les  aurions  plutôt: fortifiés, 
s'il  eût  été  possible,  afin  d'éclairer  les  recoins 
les  plus  obscurs  de  la  question,  et  d'en  finir 
avec  des  sophismes  qui  ont  fait  tant  de  mal 
à  la  religion  et  k  la  société.  Mais,  il  faut  en 
coarcnir»  Bayle  les  a  présentés  avec  toute 
rhabtleté  imaginable;  il  a  eu  la  triste  gloire 
d'épuiser  le  sujet  et  de  ne  laisser  rien  à 
faire  à  ses  successeurs,  si  ce  n'est  de  con- 
clare.  llTuot  fait  avec  une  ardeur  et  une 
assurance  extraordinaires  :  les  uns  sont 
allés jusqu  aux  extrémités  les  plus  opposées 
à  la  raison  et  à  la  conscience  humaines ,  ils 
soal  devenus  athées,  sceptiques,  matéria- 
listes, ils  onCconfondu  les  idées  de  vice  et 
de  vertu  %  d'autres,  plus  modérés,  bornant 
If  or  victoire  à  Tanéantissement  du  cbristia* 
nisoie  et  de  toutes  les  religions  positives, 
oti.  retenu,  avec  le  dogme  de  Texistence  de 
P*ea  et  les  notions  communes  de  la  morale, 
je  De  sais  quelle  religion  naturelle,  dont  la 
Bible  serait  l'univers  et  chaque  particulier 
ledocteuret  le  pontife.  Nous  al  Ions  examiner 

sa  ces  conclusions  sont  légitimes. 

btoBaéqamct  et  Um  nisonnement  des  phttosopbes. — 
iBpNBânee  do  déiste,  de  TaUiée,  du  sceptique  dans  la 
SBiaiioede  UqoesUoo  du  ma).  — Vice  de  rarfumentaUon 
deftyledémoutrcparle  raisonnement  et  par  les  lails. 

Il  serait  agréable  aux    philosophes  de 
pouvoir  se  faire  de  la  questiondu  mal  comme 
une  machine  de  guerre  pour  battre  en  brè- 
che le  christianisme,  et  de  s'établir  eux- 
mêmes  dans  un  de  ces  systèmes  d'incrédu- 
lité tempérée  qui  donnent  à  la  raison  et  à 
la  conscience  une  demi  satisfaction ,  sans 
leur  imposer  des  croyances  gênantes  et  des 
devoirs  pénibles.  Une  doctrine  qui,  en   dé- 
truisant la  croyance  d*un  enfer  éternel,  con- 
serverait les  dogmes  de  l'existence  de  Dieu  et 
Je  rimmortalité  de  l'Ame,  les  préceptes  de 
la  morale  et  peut-être  une  manière  d  expia- 
non  ou    de  purification  dans  l'autre  vie , 
parallrail  h  beaucoup  d'esprits  .lever  toutes 
les  difficultés   et  concilier  heureusement 
toutes  choses.  On  va  voir  qu'il  est  impossible 
lie  tenir  dans  cette  position,  si  l'on  regarde 
ies  objections  de  Bayle  comme  assez  fortes 
pour  ruiner  le  christianisme. 

Depuis  longtemps  l'existence  du  mal  est 
le  tourment  de  ia  raison  humaine;  malgré 
des  tentatives  réitérées,  aucune  philosophie, 
aucune  religion  n'a  pu  résoudre  le  problème. 
Le  christianisme  seul,  et  c'est,  ce  nous  sem- 
ble, la  preuve  la  plus  glorieuse  de  son 
origine  céleste,  a  su  expliquer  la  conduite 
de  la  Providence,  à  l'égard  de  la  permission 
du  ma),  de  manière  à  changer  en  admira-  ' 
tion  et  en  reconnaissance  la  douloureuse 
anxiété  que  fait  naître  naturellement  ;  le 
>(iectarle  de  la  misère  et  de  la  corruption 
d4;s  hommes;  nous  espérons  le  démontrer 
a^aez  clairement  pour  oue  chacun  soit  obligé 

{5}  IVyez  II  note  X  ii  la  fin  du  vol. 


de  s'écrier  avec  l'Eglise,  parlant  de  la  di^so- 
béissance  d'Adam  et  de  son  remède:  «  Heu- 
reuse faute  !  (6)  » 

Cependant  la  doctrine  contre  laauelle  on 
peut  le  moins  se  prévaloir  des  difficultés 
inhérentes  à  la  question  du  mal,  est  préci- 
sément celle  à  laquelle  on  les  oppose  ;  mais 
si  l'on  ne  croitpas  pouvoir  justifier  la  bonté 
du  Dieu  des  catholiques,  comment  justifiera- 
t-on  celle  du  Dieu  des  philosophes  ?  On 
trouve  trop  rigoureux  les  supplices  dont 
l'Evangile  menace  les  méchants,  comment 
expliquera-t-on  les  misères,  les  douleurs 
de  la  vie  présente  auxquelles  l'homme  est 
condamné  avant  sa  naissance  ?  S'il  y  a  de  la 
rigueur  dans  Je  premier  cas,  n'y  a-t-il  pas 
ici  do  l'injustice?  Allons  plus  loin.  Peut- 
on  justifier  la  sagesse  et  la  sainteté  de  Dieu, 
à  la  vue  des  désordres,  des  iniquités  dont 
le  monde  est  tous  les  jours  le  théâtre?  Pour- 
quoi créer  des  hommes  qui  devaient  deve- 
nir des  monstres  de  cruauté,  d'injustice, 
d'impiété?  Dans  le  supplice  des  criminels, 
la  justice,  la  sainteté,  la  sagesse  de  Dieu 
sont  satisfaites  ;  la  bonté  même  n'ose  mur- 
murer à  cause  des  inconvénients  de  l'im- 
punité que  les  justes  seraient  les  premiers  à 
ressentir  ;  dans  la  création  du  méchant,  tous 
les  attributs  divins  sont  également  froissés. 
Si  la  difficulté  de  concilier  la  bonté  de  Dieu 
avec  la  damnation  d'un  certain  nombre  de 
ses  créatures  suffit  pour  autoriser  à  nier  le 
christianisme,  à  plus  forte  raison  l'opposi- 
tion manifeste  du  péché  à  tous  les  attributs 
divins  oblige-t-elle  de  rejeter  le  déisme.  En 
vain  alléguerait-on,  avec  M.  de  Lamennais, 
que  le  mal  physique  et  le  mal  moral  sont 
une  conséquence  de  la  limitation  de  toute 
nature  finie  ;  cette  assertion  est  trop  visi- 
blement dénuée  de  raison,  il  était  racile  à 
Dieu  de  créer  un  monde  où  il  n'y  aurait  eu 
ni  péché,  ni  douleur;  mais  si  elle  était 
fondée ,  les  catholiques  pourraient  s'en 
prévaloir  comme  les  déistes.  Le  mal  méta- 
physique lui-même,  par  le  sentiment  pénible 
que^nous  avons  de  notre  imperfection,  est, 
au  point  de  vue  des  philosophes,  ua  désor- 
dre inexplicable,  parce  que  le  créateur 
pouvait  aisément  mettre  en  équilibre  nos 
désirs  et  nos  jouissances.  Donc,  pour  être 
conséquent,  si  Ton  nie  Jésus-Christ  le  répa- 
rateur du  mal,  à  cause  de  ce  mal  même,  à 
plus  forte  raison  faut-il  nier  Dieu  qui  en 
est  le  premier  auteur,  ou,  ce  qui  revient  au 
même,  soutenir  que  tout  est  Dieu  et  qu'il 
n'y  a  pas  de  différence  entre  le  vice  et  la 
vertu. 

De  tous  les  philosophes  dont  l'incrédulité 
a  pour  motif  les  obscurités  de  la  question 
du  mal,  Bayle  seul  pourrait  passer  pour  avoir 
été  conséquent.  Nous  venons  de  voircombien 
les  déistes  le  sont  peu;  ils  ont  eu  peur 
d'eux-mêmes  ;  ils  n'ont  pas  osé  suivre  leurs 
principes  jusqu'au  bout;  les  athées  sont 
tombés  dans  1  excès  contraire,  en  concluant 
au-delà  de  leurs  raisonnements  :  ils  nieni 
l'existence  de  Dieu  et  il  leur  serait  tout  au 

(6)  OfBce  du  samedi  saint. 


19 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUES 


BLIL 


«» 


plus  permis  d*eD  douter,  lenrsargutncntsne 
portenC  pas  plus  loin.  Bayle  |l'a  bien  com- 
pris, aussi  s*est-il  arrêté  dans  le  scepticisme. 
Supposant  d'égale  force  les  preuves  sur 
lesquelles  repose  Texistence  de  Dieu  et  les 
raisons  négatives  qui  se  déduisent  de  l'exis- 
tence du  mal»  il  en  conclut  que  le  sage  doit 
restcF  dans  le  doute  et  que  le  pyrrhonisme 
est  le  seul  système  raisonnable.  Mais,  quel- 
les que  soient  les  apparences,  il  y  a  encore 
ici  une  inconséquence  véritable. 

Deux  vérités  sont  évidentes  et  ne  peuvent 
Être  niées,,  c'est  l'existence  de  Dieu  et  l'exi- 
stence du  mal. 'Ces  vérités  n'appartiennent 
pas  seaTement  â  la  religion,  elle  font  partie 
de  la  raison  r  nier  le  maU. c'est  se  convaincre 
soi-même  de  foKe;  nier  Dieu,  ciesl  abju- 
rer la  raison,  puisque  Tes  meilleurs  esprits 
regardent  comme  impossible  un  athéisme 
sérieux  et  de  conviction.  Les  philosophes 
demandent  si  le  mal  peut  exister  dansl  em- 
pire de  Dieu,  cela  est  certain  etsedé^montre 
par  le  fait  ;  jls  ne  lo  comprennent  pas,  disent- 
iJs,.  qu'importe?  ils  comprendront  du  moins 
ceci  :  faire  et  pouvoir  faire  sont  deux  choses 
insépacables  ;  Dieu  a  permis  le  mal,  donc  il 

Souvait  le  permettre.  Il  n'y  a  rien  à  répon- 
re  à  ce  simple  raisonnement.  Bayle  l'avait 
bien  senti;  pour  sortir  d'embarras,  il  disait 
avec  une  fausse  apparence  de  religion  :  La 
liaison  et  la  foi  sont  ici  diamétralement  oppo- 
sées, mais  il  e.H  juste  de  préférer  lesobscu- 
cilés  de  la  foi  aux  plus  vives  lumières  de 
1/1  raison»  Personne  ne  prendra  le  change, 
et  ne  se  laissera  tromper  par  cette  vieille 
manœuvre  de  l'incrédulité.  Il  n'est  pas 
question  ici  de  la  foi,  il  s'agit  i  de  Ja 
raison,  uniquement  de  la  raison  «  Non  con- 
tent de  connaître  Dieu  et  le  mal  par  les 
lumières  naturelles,  les  philosophes,  sans 
autre  secours,  ont  voulu  argumenter  sur  les 
conseils  les  plus  profonds  delà  Providence, 
et  leur  raison  s'est  trouvée  prise  dans  ses 

f>ropres  subtilités.  Est-il  besoin  de  la  foi  pour 
a  dégager?  nullement;  il  suiiit  de^la rame- 
ner au. point  de  départ  et  de  Tempêcher 
d'entreprendre  au-delà  de  ses  forces.  Le 
malheur  de  Thommo  est  de  ne  vouloir  point 
ignorer  ce  qu'il  ne  peut  connaître;  de  là 
sont  venus  tant  de  systèmes  auxquels  on 
pardonnerait  d*êtri3  absurdes,  s'ils  n'étaient 
funestes,  de  là  sont  sorties  en  particulier  les 
monstrueuses  inventions  de  la  philosophie 
moderne.  On.  ne  compread  pas  les  molifs 
de  la  permission  du  mal»  et  on  en  prend 
droit  de  révoquer  en  doute  les  vérités  les 
plus  claires,  comme  si  les  borixes  de  la  rai- 
son se  confondaient  avec  celles  du  possible, 
comme  s'il  était  permis  de  rejeter  deuxpeo- 
positions  évidentes ,  parce  qu'on  n'a  pas 
compté  tous  les  an^neaux  de  la  chaîne  qui 
les  rattache  l'une  à  Tautre. 

Si  je  vois  un  grand  et  magniGque  bâti- 
ment, bien  proportionné  dans  toutes  ses 
parties,  construit  selon  les  règles  de  l'art,  je 
ne  balance  pas  à  y  reconnaître  l'ouvrage 
d*un  habile  architecte  ;  mais  si  la  destina- 

^7)  Dict,  de  tltéoL,  art.  Max* 


tion  de  l'édifice  m'est  inconnue,  et  si  pour 
cette  raison  je  crois  y  apercevoir  quelques 
irrégularités,  devrai-je  mettre  en  doute 
l'habileté  on  Texistencede  l'architecte?  non,, 
sans  doute,  cela  est  évidente 

Crésus  est  connu  de  tonte  la  ville,,  on  la 
voit  tous  les  jours  au  milieu  d'une  nom- 
breuse suite  d'amis  et  de  serviteurs;  les 
plus  petits  enfants  répètent  son  nom ,  con- 
naissent sa  demeure,  distinguent  sa  livrée 
au  milieu  de  toutes  les  autres.  Son  opulenco 
est  proverbiale  Y  tout  le  monde  peut  vous 
montrer  ses  vastes  domaines,  les  habitants 
de  k  ville  et  des  ftmboarga  sont  ses  débi- 
teurs. Personne  n'en  doute,  mais  personne 
aussi  ne  |)eut  vous  satisfaire  sur  Torigine  de 
cette  richesse,  vous  avez  beau  chercher, 
rien  ne  vous  en  donne  l'explication.  En 
désespoir  de  cause,  traiterez- vous  de  fable 
l'opulence  de  Crésus,  ou  bien  vous  décWe- 
rez-vous  à  nier  qu'il  y  ait  un  Crésus  dans 
le  monde?  quoi  I  est-ce  pour  vous  un  effort 
impossible  d'avouer  qi»e  vous  ne  savez 
comment  Crésus  est  devenu  riehe? 

Les  philosophes  ne  raisonnent  pas  plus 
sagement.  En  effet,  les  preuves  des  grandes 
vérités  sur  lesquelles  le  genre  humain  est 
unanime  sont  éclatantes  eomme  le  soleil  ; 
au  milieu  de  cet  océan  de  lumière  se  trouve 
un  point  moins  éclairé.  Les  uns  soulicnneat 

Sue  ce  point  peut  être  aperçu  suffisamment, 
'autres  prétendent  qu'il  est  dans  une  obs- 
curité profonde;  là  est  tout  le  débat.  Si  les 
raisons  étaient  d*é^aie  force  des  deux  cô- 
tés, que  faudrait-il  conclure?  que  tout  h> 
reste  est  ténèbres?  non  assurément.  On 
pourra  inférer  de  ces  arguments  contraires 
qu'il  n*est  pas  certain  que  le  point  dont  il 
s^agit  soit  obscur  ou  lumineux  :  pas  autre 
chose.  Ainsi,  pour  nous  renfermer  dans 
notre  controverse  avec  les  incrédules,  est- 
il  certain  que  Dieu  existe,  que  les  mots  d& 
vice  et  de  vertu  no  sont  pas  des  termes  ar- 
bitraires? oui,  mille  fois  oui  ;  l'univers  le 
proclame  avec  nous.  Est-il  sûr  que  la  ques- 
tion du  mal  ne  peut  s'éclaircir  dans  ce 
monde?  Les  incrédules  répondront  affirma^ 
tîvement,  mais  la  logique  leur  défend  d'al- 
ler plus  loin ,  ils  doivent  se  contenter  de 
cette  conclusion.  Quant  à  nous,  nous  ne  la 
leur  accordons  point:  nous  soutenons  au 
contraire gu'une  discussion  approfondie  sur 
le  mal,  loin  de  mener  an  scepticisme,  doit 
se  résoudre  en  une  démonstration  nouvelle 
de  notre  admirable  rCiigion.  Il  demeure  au 
moins  établi  que  les  raisonnements  de 
Bayle  ne  prouvent  absolument  rien  contre 
les  vérités  fondamentales,  et  que  si  le  doute 
peut  en  sortir,  c'est  uniquement  sur  la 
question  de  savoir  si  le  mal  est  explicable 
ou  inexplicable  dans  la  vie  présente.  Et 
voilà  ce  quia  fait  tourner  la  tête  aux  grands 
hommes  du  xviir  siècle  I 

Ce  n'est  pas  faute  d'avoir  été  avertis. 
Ecoutons  le  docte  et  sage  Bergier  démon- 
trant, comme  nous,  la  stérilité,  l'impuis- 
sance de  ces  objections  tant  vantées  (7]« 


il 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


22 


«  C'est  donc  injustement,  dit-i]   après  avoir 
montré  le  rice  des  raisonnements  de  Bayle, 
^ae  les  sceptiques  prétendent  qu^entre  les 
preares  de  Texistence  de  Dieu  et  d'une 
(roridence,  et  les  objections  tirées  de  Texis- 
teDce  du  mal,  c*cst   le  goût  seul  et  non  la 
raison  qui  décide;  que  le  choix  de  la  reli- 
{;ion  ou  de  l*atbéi$me  dépend  uniquement 
de  la  manière  dont  un  homme  est  affecté. 
1*  Quand  cela  serait  vrai ,  le  goût  pour  la 
verta,  qui  détermine  un  homme  h  croire  en 
Dteo,  est  certainement  plus  louable  que  le 
goût  pour   l*indépendance,  qui  décide  un 
philosophe  i  Tathéisme.  2**  Les  preuves  po- 
sitives de  Texistence  de  Dieu  et  d*une  Pro- 
vidence sont  démonstratives  et  sans  répli- 
<^a«,  au  lieu  que  les  objections  tirées  de 
1  existence  du  mal  ne  sont  fondées  que  sur 
des  équivoques  et  des  comparaisons  lausses. 
^  Quand  ces  objections  seraient  insolubles, 
€*est  un  inconvénient  commun  à  tous  les 
STstèmes,  soit  de  religion,  soit  d'incrédu- 
lité; or,  il  est  absurde  de  rejeter  un  systè- 
me prouvé  par  des  démonstrations  directes, 
quoique  sujet   à  des  difRcultés  insolubles, 
lour  en  embrasser  un  qui  n*a  point  de 
i»reuves  que  ces  difficultés  même,  et  dans 
lequel  on  est  forcé  de  dévorer  des  absurdi- 
tés et  des  contradictions.  » 

La  dernière  remarque  de  Bergier  mérite 
Qiie  aUeotioo  particulière,  elle  est  d'une 
justesse  parfaite  et  coupe  court  à  toute  dis- 
cussion ultérieure.  Si,  pour  accepter  une 
fériléf  il  fallait  attendre  qu'elle  fût  dégagée 
de  tout  nua^e,  on  ne  croirait  à  rien,  pas 
méoie  à  l'existence  de  ce  que  l'on  voit  et  de 
ce  que  l'on  louche.  Le  raisonnement  con- 
iisie  à  rattacberles  vérités  particulières  aux 
principes  universels,  dont  l'invincible  na- 
ture nous  impose  la  croyance ,   quoique 
noo^  ne  puissions  les  prouver.   Nous  ne 
comprenons  rien  parfaitement,  ou   plutôt 
nous  trouvons  des  difficultés,  des  impossi- 
bilités partout,  jusque  dans  les  choses  qui 
(iéterminent   nos  actions  de  chaque  jour. 
Sans  être  bien  habile,  on  aurait  pu  prouver 
a  Ba/le  Timpossibilité  de  son  existence. 
Dont  |ïoor  eue  conséqnent,  après  avoir  re- 
jeté la  religion  à  cause  de  ses  obscurités,  il 
laut  nier  la  nature  et  la  vie  à  raison  de 
leurs   mystères;  ce  n'est  pas  assez  d*é(re 
sceptiiiue  en  matière  de  foi,  on  doit  le  de- 
venir en  toute  chose,  il  faut  accepter  et  su- 
bir le  scepticisme  universel.  Ce  n'est  pas  là 
que  Bayle  voulait  en  venir;  mais  l'eût-il 
voulu,  la  nature  plus  forte  l'aurait  empêché 
d'y   ^éus^i^;  le  scepticisme  est  encore  plus 
impossible  que  l'athéisme. 

llans  tous  les  siècles,  dans  tous  les  pays, 
k  l'exception  d'un  petit  nombre  d'esprits 
sin^liers,  les  hommes  ont  fait  remonter 
Torigine  du  mal  à  Ja  loi  de  l'épreuve  par  la 
liberté,  loi  établie  par  le  Créateur  dans  l'in- 
térêt des  justes  dont  il  veut  couronner  les 
mérites. 

Si  cette  explication  ne  nous  parait  point 
parbîtement  satisfaisante,  cela  tient  à  notre 
jjOiorance  du  plan  divin,  dont  la  complète 
révélation  éclaircira  tous  les  doutes.  Jusqu*à 


preuve  évidente,  irrécusable  du  contraire, 
nous  devons  présumer  en  faveur  de  la  sa- 
iresse  et  de  la  bonté  de  Dieu;  dans  un  cas 
semblable ,  on  en  agirait  ainsi  à  Tégard 
d'un  homme  prudent  et  vertueux.  Les  phi- 
losophes ont  beau  dire,  ceci  n^est  pas  un 
acte  de  foi,  c'est  un  acte  de  raison^  il  n'est 
pas  nécessaire  d'être  chrétien  pour  supposer 
cju'un  Dieu  infiniment  sage  peut  trouver 
des  combinaisons  qui  passent  nos  faibles 
lumières.  Mais  rien  ne  peut  forcer  la  raison 
humaine  à  convenir  que  le  monde  s'est  fait 
et  se  gouverne  tout  seul  ;  rien  ne  peut  vio- 
lenter la  conscience  jusqu'à  lui  faire  pro- 
clamer cjue  la  douleur  vaut  le  plaisir,  que 
le  parricide  est  digne  d'éloges  comme  la 
piété  filiale.  L'histoire,  les  mœurs,  les  lois, 
les  religions,  la  vie  publique,  la  vie  privée, 
tout  l'homme  enfin  rend  hommage  à  la  vé- 
rité de  notre  explication,  malgré  l'intérêt 
contraire  des  passions;  nous  compterons 
tout  cela  pour  rien,  si  les  philoso|»hcs  vien- 
nent à  bout,  n'importe  comment,  de  faire 
accepter  leur  système,  non  par  le  genre 
humain,  ce  serait  trop  demander,  mais  par 
un  seul  peuple.  Nous  ne  craignons  pas  d'ê- 
tre trompés  par  l'événement;  une  nation 
théoriquement  et  pratiquement  athée,  scep- 
tique ou  panthéiste,  est  une  merveille  que 
le  monde  n'a  vu  ni  ne  verra  jamais. 

Ainsi,  par  les  obligations  tirées  de  la 
question  du  mal,  le  déiste  prouve  plus  con- 
tre lui-même  que  contre  le  christianisme; 
le  sceptique,  le  panthéiste,  Talhée  ne  prou- 
vent rien,  si  ce  n'est  leur  ignorance  sur 
rexnlieation  du  mal  :  donc  ils  ne  sont  rece- 
vabies  ni  les  uns  ni  les  autres  à  argumenter 
contre  la  vérité  de  la  religion  chrétienne; 
tant  qu'ils  n'emploieront  pas  d'autres  ar 
mes,  leurs  coups  ne  sauraient  nous  attein- 
dre. 

On  a  été  frappé,  nous  n'en  doutons  pas, 
de  l'apparence  de  force,  de  clarté,  d'évidence 
qui  éclate  dans  les  raisonnements  de  Bayle, 
par  un  effet  de  la  merveilleuse  habileté  de 
ce  philosophe  ;  et,  quoi  que  nous  ayons  pu 
dire,  on  naura  point  vou  u  se  persuader 
qu'une  argumentation  si  vigoureuse  ne 
prouve  absolument  riçn,  si  ce  n'est  notre 
Ignorance.  Il  en  est  pourtant  ainsi,  nous 
avons  essayé  de  l'établir  par  le  raisonne- 
ment, nous'allons  maintenant  le  démontrer, 
en  quelque  sorte,  par  les  faits. 

Si  la  révélation  est  un  mensonge,  Dieu  a 
laissé  le  mal  envahir  le  monde  sans  pren- 
dre amune  précaution  pour  prévenir  ou  di- 
minuer ses  ravages  ;  par  conséquent,  comme 
nous  lavons  déjà  dit»  les  objections  de 
Bayle  prouvent  plus  contre  l'existence  de 
Dieu  que  contre  la  divinité  de  Jésus-Christ. 
Or,  ces  objections  sont  connues  depuis  cent 
cinquante  ans;  elles  ont  été  dès  le  premier 
jour  célèbres  dans  toute  l'Europe,  le  dix- 
huitième  siècle  les  a  amplifiées  et  retournées 
de  mille  manières;  et  pendant  ce  temps, 
par  une  exception  unique,  l'Eglise  n'a  vu 
naître  dans  son  sein  aucun  de  ces  hommes 
extraordinaires,  dont  la  sainteté  ou  la  doc- 
trine sont  le  plus  bel  ornement  d.es  di^"''^ 


MAL 


WCTiaXNAlRE  APOLOCETîQnE. 


■AL 


U 


rentes  épociues  de  son  histoire.  Il  semble 
que  la  Providence  a  voulu  laisser  le  champ 
fibre  à  la  philosophie,,  afin  de  la  convaincre 
de  mensonge  par  ses  victoires.  La  révolu- 
tion française  est  venue  lui  donner  Teropire; 
qu'en  a-t-elle  fait?  elle  s'en  est  servi  pour 
proclamer  par  la  bouche  de  Robespierre 
l'existence  de  Dieu  et  rimmorlalité  de 
l'âme.  Certes*  pour  affirmer  ce  double  dogme 
et  en  faire  la  base  de  la  législation  d'un 
grand  peuple»  il  fallait  avoir  une  médiocre 
confiance  aux  raisonnements  de  Bayle»  qui 
certainement  prouvait  tout  autre  chose  que 
ces  rérités. 

Quant  au  christianisme,  puisqu'è  toute 
force  on  veut  tourner  contre  lui  les  célèbres 
objections,  la  discussion  ne  l'a  point  affai- 
bli ;  loin  d'avoir  perdu  du  terrain  depuis 
cinquante  ans,  il  en  a  çagné  tous  les  jours. 
Evidemment  une  réaction  a  commencé  en 
faveur  de  la  religion,  et  elle  ne  date  pas  de 
quelques  années  seulement,  il  faut  la  faire 
remonler  à  l'époque  du  concordat  et  de  l'ap* 
parition  du  Génie  du  Christianisme  le  plus 
Jbeau  livre  de  ce  siècle,  dont  presque  tous 
les  grands  hommes  ont  rendu  hommage  h  la 
foi  de  l'Eglise  catholique.  Un  d'entre  eux, 
blessé  dans  son  orgueil  comme  autrefois 
Tertullien,  est  sorti  de  nos  rangs  pour  pas- 
ser à  l'ennemi ,  et  sa  défection  n  a  pas  fait 
chanceler  ia  foi  d'un  seul  de  ses  amis  les 
plus  dévoués.  Le  christianisme  est  encore 
plein  de  vie  et  de  jeunesse,  il  domine  puis- 
samment les  âmes  ;  on  est  obligé  de  le  con- 
fesser en  voyant  ce  qu'il  a  fait  depuis  un 
demi  siècle,  tandis  que  la  philosopnîe  était 
décrépite  le  lendemain  de  sa  naissance, 
parce  qu'elle  ne  peut  enfanter  que  le 
doute. 

Bayle,  qui  a  montré  tant  de  sagacité  dans 
le  choix  et  ia  disposition  de  ses  arguments, 
a  compris  qu'il  ne  pouvait  rien  en  conclure  de 
positif,  ni  en  faire  sortir  aucune  affirmation  : 
«  Je  suis,  disait-il,  Jupiter  Assemble-Nues. 
Mon  talent  est  de  former  des  doutes,  mais 
ce  ne  sont  pour  moi  aue  des  doutes.  » 
Kousseau,  le  plus  habile  dialecticien  du 
parti  philosophique,,  pendant  le  xviu'  siè- 
cle, na  pas  été  plus  ai&rmatif;  après  avoir 
successivement  loué  et  blâmé  l Evangile, 
«  Que  faire,  dit-il,  au  milieu  de  toutca 
ces  contradictions?  Etre  toujours  modeste  et 
circonspect,  respecter  en  silence  ce  qu'on 
ne  saurait  ni  rejeter,  ni  comprendre,  et 
s'humilier  devant  le  grand  Être  (]ui  seul  sait 
la  vérité.  Voilà  le  scepticisme  involontaire 
où  je  suis  resté  (8).  »  Les  disciples  n'ont  pas 
sans  doute  une  conviction  plus  ferme  que 
leurs  maîtres,,  il  est  rare  qu  à  la  mort  ils  ne 
démentent  pas  Tincrédulitédont  ils  s'étaient 
parés  pendant  leur  vie.  Quel  contraste  entre 
ces  incertitudes  et  la  foi  inébranlable  des 
▼rais  chrétiens  I  Les  fondateurs  de  notre 
religion  sont  morts  pour  rendre  hommage  à 
l'Evangile  dont  ils  étaient  les  ministres  ;  on 
meurt  encore  aujourd'hui  parmi  nous  pour 
la  même  cause.  Si  cette  hésitation  aune 

(8)  PTo[et8,  de  foi  du  vicaire  savoyard.. 


.part,  et  cette  assurance  de  Tautre,  n'indi- 
quent pas  clairement  où  est  la  vérité,*  k 
Suels  signes  pourra-t-on  la  recqnnaltref 
ous  sommes  mille  contre  nu,  nous  semmee 
en  possession,  peut-on  nous  déposséder 
avec  des  doutes  ?  Quand  on  reut  chasser  un 
fils  de  l'héritage  paternel ,  il  ne  suffit  pas 
de  le  chicaner  sur  la  validité  de  ses  titres,  ri 
faut  lui  en  présenter  d'autres,  clairs,  précis^ 
authentiques  ;  où  sont  ceux  des  philoso- 
phes 7  Le  christianisme  possède  des  preuves 
qui  ont  subjugué  le  monde,  il  ne  se  laissera 
point  ravir  sa  conquête  pour  un  peut-Mve 
de  la  philosophie. 

Il  laut  toujours  en  revenir  au  même 
point,  et,  sous  peine  de  tomber  dans  un 
scepticisme  universel ,  admettre  en  principe 
qu'une  vérité  démontrée  clairement  ne  sau- 
rait être  rendue  jproblématique  par  des  ob- 
jections, même  insolubles,  surtout  s'il  s'a- 
Sit  d'une  révélation  divine.  L'Etre  infini  a 
es  secrets  qui  passent  de  bien  loin  notre 
raison;  pour  les  comprendre,  il  nous  fau- 
drait un  accroissement  de  lumières,  et,  pour 
ainsi  dire,  un  sens  de  plus;  jusque-là  nous 
n'y  découvrons  que  des  incohérences  et  des 
impossibilités.  Cette  vérité  est  rendue  seiw 
sible  par  une  excellente  réflexion  que  l'on 
est  étonné  de  trouver  dans  Diderot,  et  qui 
me  parait  ici  décisive  :  «  Si  un  homme  qui 
n'a  vu  que  .'pendant  un  jour  ou  deux,  dit 
ce  philosophe,  se  trouvait  confondu  chez 
un  peuple  d'aveugles ,  il  faudrait  qu'il  prit 
le  parti  de  se  taire  ou  de  passer  pour  un 
fou  :  il  leur  annoncerait  tous  les  jours  gueU 
que  nouveau  mystère  qui  n'en  serait  un 
que  pour  eux  ,  et  aue  les  esprits  forts  se 
sauraient  bon  gré  de  ne  pas  croire  (9).  »  Di- 
derot ajoute  :  «  Les  défenseurs  de  la  religion 
ne  pourraient-ils  pas  tirer  un  ^rand  parti 
d'une  incrédulité  si  opiniâtre,  si  juste  même 
à  certains  égards,  et  cependant  si  peu  fon- 
dée ?  »  Cette  comparaison  de  l'aveusle  a  été 
employée  plusieurs  fois,  mais  nulle  part 
avec  plus  de  justesse  et  de  bonheur.  Elle 
complète  ce  que  nous  avions  à  dire  pour 
démontrer  linconséquence  des  philoso- 
phes; plus  on  la  méditera,  plus  on  restera 
convaincu  qu'elle  est  péremptoire  et  qu'elle 
résout  la  question. 

Nous  pourrions  nous  arrêter  ici ,  la  cause 
est  jugée.  Si  nous  reprenons  une  à  une  les 
objections  de  Bayle,  c'est  par  égard  pour 
certains  esprits  à  qui  l'habitude  de  regarder 
ces  difficultés  comme  insolubles,  les  a  |>eut- 
être  rendues  telles,  et  qui*  pour  voir  la 
vérité,  ont  besoin  que  cnaque  détail  leur 
soit  montré  dans  tout  son  jour.  Nous  n*avons 
point  cherché  à  affaiblir  l'impression  des 
raisonnements  de  Bayle,  en  les  présentant 
par  fragments  détachés  dans  les  divers 
articles  à  mesure  que  nous  aurions  à  y 
répondre,  nous  leur  avons  au  contraire 
prêté  une  force  plus  grande  on  les  groupant 
dans  un  résumé  rapide.  S'il  s'était  élevé 
quelques  doutes  dans  l'esprit  des  lecteurs, 
nous  espérons,  avec  l'aide  de  Dieu,  les 

(9)  Pemécs  philoiophiqiu*^. 


-«•tX» 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETiQUE. 


MAL. 


SO 


dissiper  entièrement ,  pourvu  qu'on  ait  la 
patience  de  nous  suivre  jusqu'au  bout,  et 

3 ne  l'on  ne  se  prononce  point  sur  la  valeur 
e  nos  réponses  avant  d'en  avoir  vu  le  dé« 
veloppemeot  complet.  —  Voy.  Création» 
I V.  et  le  mot  Libbrté  (10). 


IIL 

Kal,  nBtrwBeni  de  perfecUoD  dans  l'œuvre  dvi  Créateur. 
-  Dan^n  évités,  source  d*étemeUes  félicités.  ~  Coin- 
■tarait  de  mérite  et  de  gloire  des  élus  consommée 
daiBle  Verbe  étemel.  —  Problème  divin  :  élever  à  la 
gtoue  la  bibicsse  et  la  corrupiion.  —  Sans  le  mal  mo- 
ral elpiu^ique,  pas  de  vertu.  —  Comment  nous  acqué- 
rons des  nérîtes.  —  Réponse  âi  cette  objection  :  Les 
■édunts  tnai  sacrifiés.  —  Rôle  de  Satan  dans  le  plan 
dfîa,  et  avantages  de  la  lutte  des  deux  dtés. 

Ponr  bien  juger  du  plan  divin,  il  faut 
prendre  garde  de  se  borner  h  une  vue  par- 
tielle» mais  s'efforcer  d'embrasser  l'ensem- 
ble; car  alors  les  choses  se  montrent  sous 
en  aspect  tout  différent. 

Le  voyageur  qui  arrive  au  pied  des  Alpes 
ou  d«s  Pyrénées 9  reste  comme  anéanti  de- 
vant leur  masse  gigantesque  ;  le  savant,  dont 
le  compas  mesure  l'orbite  des  sphères  cé- 
lestes, compare  à  peine  les  plus  hautes  mon- 
tagnes de  notre  globe  aux  aspérités  d'une 
surbcemal  polie;  la  terre,  elle-même,  lui 
parait  comme  un  point  dans  l'étendue  des 
cieui. 

il  en  est  ainsi  dans  les  grandes  affaires  : 
lesdétâih  ne  doivent  pas  èlre  vus  isolément 
ni  de  trop  près  ;  il  faut  les  considérer  dans 
le  tout,  pour  en  apprécier  les  rapports  et 
l'importance.  Les  lois  les  plus  sages  entraî- 
nent toujours  des  inconvénients,  source  fé- 
conde de  déclamations  qui  n'arrêtent  point 
un   gouvernement   ferme    et   éclairé.  lEn 
voyant  une  mère  en  deuil,  une  veuve  déso- 
lée, de  pauvres  enfants  orphelins  ;  aux  cris 
des  blessés ,  au  spectacle  du  meurtre,  du 
pillage,  de  l'incendie,  on  a  de  la  peine  à  ne 
j^s  maudire  les  auteurs  de  la  guerre  ta 
plus  juste.  Peut-être  un  roi,  père  de  ses  peu- 
pies,  dans  la  prévision  de  tant  de  maux, 
cODsent-i]   au  sacrifice  de  l'honneur  »  pour 
conserver  les  avantages  de  la  paix;  cepen- 
*i^nU  on  a  beau  faire,  le  moment  vient  oii  il 
faut  tirer  l*épée,    et  où  le  monarque  man- 
querait à  tous  ses  devoirs  si,  dans  le  des- 
sein de  prévenir  des  désastres  particuliers, 
il  compronoettait  les  intérêts  généraux  de  la 
nation. 

On  comprend  cela  facilement;  mais  dès 
qull  s'a^^it  de  l'éternité,  on  ne  veut  plus  rien 
entendre  :  les  comparaisons  et  les  raisonne- 
ments de  Eayle  sont  pourtant  moins  con- 
cluants contre  Dieu  que  contre  un  roi  et  un 
général  d  armée  ,  qui  commencent  une 
çuerre  sérieuse  où  un  grand  nombre  de 
leurs  soldats  vont  être  exposés  à  une  mort 
inévitable.  Dans  l'empire  du  Suprême  mo- 
narque, tout  homme  possède  des  moyens 
5uratK)ndants  de  salut  :  nul  ne  périt  que 
par  sa  faute;  en  est-il  de  même  d'une  armée 

(10)  Mous  cooaeillons  ae  lecteur  qoi  veut  embras- 
i«r  loQle  réceadoe  de  la  auestion  du  mal  at  se  ren- 
4re  bien  comple  des  •olunons  qa*on  oppose  aux  dif- 
icvllés,  de  ne  pas  passer  à  ce  qui  suit  avant  d*avoir 


3ue  ses  chefs  mènent  h  la  boucherie?  Sans 
ou  te.  Dieu  a  prévu  le  malheur  des  réprou- 
vés ;  nous  ne  le  contestons  pas,  nous  oisons 
qu'il  a  eu  des  raisons  invincibles  pour  pas- 
ser outre,  et  ces  raisons,  on  n'a  pas  le  droit 
de  nous  les  demander;  la  bonté,  la  sainteté, 
la  Sagesse  de  Dieu  témoignent  assez  de  leur 
existence  aussi  bien  que  de  leur  force.  Ce- 

f)endant,  en  expliquant  les  avantages  de  la 
iberlé,  nous  en  avons  fait  connaître  qui 
sont,  certes,  bien  suffisantes  pour  justihcr 
la  permission  du  mal.  Nous  voulons  main- 
tenant aller  plus  loin  et  prouver  que  le 
mal  lui-même  devient,  entre  les  mains  de  la 
sagesse  infinie,  Tinslrument  de  la  plus  haute 
perfection  de  son  ouvrage. 

Les  conséquences  de  cette  proposition 
pourront  paraître  extraordinaires  ;  il  s'en- 
suit, en  effet,  que  les  inconvénients  de  la 
liberté  sont,  en  quelque  sorte,  plus  utiles 
que  ses  avantages  mêmes;  qu'un  monde,  où 
il  y  a  du  mal,  peut  devenir  et  devient  réelle- 
ment par  ce  mal,  ou  à  l'occasion  de  cernai, 
supérieur  à  tout  autre  monde  où  le  bien 
seul  aurait  trouvé  place.  Cela  semble  bien 
absurde  è  soutenir,  et  cependant  cela  est 
certain  :  Dieu  a  plus  fait  que  nous  n'aurions 

f)en$é  à  lui  demander.  Lorsqu'un  général  a 
disse  un  grand  nombre  de  morts  sur  le 
champ  de  bataille,  il  suffit  pour  sa  justifica- 
tion qu'il  ait  eu  de  graves  motifs  de  marcher 
à  l'ennemi  ;  on  ne  s'avise  pas  de  lui  de- 
mander en  quoi  peuvent  être  utiles  à  la 
chose  publique  les  cadavres  qui  sont  restés 
couches  dans  la  poussière  ;  on  sait  trop  que 
la  perte  des  soldats  aguerris  est  toujours  un 
malheur  pour  la  patrie.  Mais  Dieu,  dans  cette 
lamentable  guerre  du  mal  contre  le  bien,  a 
fait  servir  le  crime  et  le  châtiment  des  cou- 
pables à  la  sanctification  et  à  la  béatitude 
dos  prédestinés.  Le  sculpteur  laisse  rouler 
dans  la  poussière  les  vils  débris  que  son  ci-t 
seau  détache  du  bloc  de  marbre  d'où  il  veut 
faire  sortir  un  chef-d'œuvre;  Dieu  n'a  riea 
négligé  :  il  a  su  profiter  de  tout;  et  comme 
sa  sagesse  aime  a  se  jo'.ier  des  difficultés,  il 
a  donné  pour  fondement  à  l'exécution  de 
ses  desseins*  ce  qui  aurait  été  le  désespoir 
de  toute  autre  science  que  la  sienne. 

Le  malheur  des  réprouvés  est  horrible,  et 
nous  ne  pouvons  l'éviter  que  par  des  pré- 
cautions infinies.  Environnés  de  toutes  parts 
d'ennemis  puissants,  implacables»  nous  de-« 
vons  craindre  jusqu'au  dernier  moment  de 
tomber  dans  leurs  cruelles  mains.  Nos  pé- 
rils sont  plus  pressants  que  ceux  de  cette 
reine  infortunée  dont  Bossuet  nous  peint  la 
fuite  à  travers  l'Océan,  d'une  manière  si 
pathétique  (11)  :  «  Elle  partit  des  porU 
d'Angleterre  à  la  vue  des  vaisseaux  des  re-^ 
belles ,  qui  la  poursuivaient  de  si  près 
qu'elle  entendait  presque  leurs  cris  et  leurs 
menaces  insolentes.  Chassée,  poursuivie 
par  ses  ennemis  implacables,  qui  avaient  ew 

lu  les  deux  articles  auxquels  nous  venons  de  lec:* 
voyer. 
(11)  Oraiion  funèbre  de  ta  rtiw 


« 


BiAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


Taudace  de  lui  faire  son  procès,  fanlôt  sau- 
Tée»  tantôt  presque  prise,  changeant  de  for- 
tune à  ch«ique  quarl-d'heure,  n'ayant  pour 
elle  que  Dieu  et  son  courage  inébranlable, 
elle  n'avait  ni  assez  de  vent  ni  assez  de  voi-* 
les  pour  favoriser  sa  fuite  précipitée.  Mais 
enfln  elle  arriva  à  Brest,  où  après  tant  de 
maux  il  lui  fut  permis  de  respirer  un 
peu.  » 

Le  cbétien  fidèle,  en  abordant  au  rivage 
de  l'éternité,  après  des  dangers  tout  autre- 
ment terribles,  éprouve  encore  un  sort  bien 
plus  heureux.  A  travers  les  écueils,  les 
tempêtes,  ajranl  sous  lui,  non  l'Océan  mais 
l'enfer,  oti  il  pouvait  tomber  à  chaque  in- 
stant, exposé  qu'il  était  aux  atteintes  d'une 
nuée  d'ennemis  qui  n'ont  cessé  de  l'attaquer 
de  toutes  parts  pendant  sa  périlleuse  course, 
il  vient  enfin  d  entrer  dans  le  port.  Jusque- 
là,  il  n'avait  pas  connu  l'étendue  de  ses  dan- 
gers ;  il  frémit  lorsque,  regardant  en  ar- 
rière, il  voit  combien  de  fois  et  dans  quels 
épouvantables  malheurs  il  a  failli  être  en- 
traîné  ;  sa  destinée  ne  tenait  h  rien,  il  a  vu 
périr  un  grand  nombre  de  ses  compagnons 
de  voyage,  en  api^arence  moins  exposés  aux 
coups  de  l'ennemi.  Non,  rien  ne  ressemble 
à  ce  qu'éprouvera  alors  l'âme  prédestinée  ; 
on  n'en  trouverait  qu'une  faible  image  dans 
l'homme  qui  se  réveille  d'un  songe  affreux 
où  il  s'est  vu  sous  le  poignard  des  brigands 
ou  entre  les  ^iffes  d'une  béte  féroce,  et 
dont  les  premiers  regards  rencontrent  sa 
ioyeuse  famille,  rassemblée  autour  de  son 
lit  pour  le  féliciter  d'un  succès  inespéré 
qui  l'enrichit  et  le  comble  de  gloire.  L'heu- 
reux   vainqueur    vient    d'échapper   pour 
jamais  à  la  poursuite  de  ses  ennemis  ;  il 
entend  encore,  pour  ainsi  dire,  leurs  [cris 
de  race,  de  se  voir  arracher  une  proie 'sur 
laquelle  ils  avaient  compté,  et  maintenant  il 
va  être  associé  à  la  gloire  divine  et  entrer 
en  possession  du  royaume  éternel.  Il  est 
reçu  dans  une  assemblée  de  rois  et  de  dieux 
au  bruit  des  applaudissements  de  tous  ses 
frères,  qui  l'appelaient  de  leurs  vœux,  l'ai- 
daient de  leurs  suffrages,  lui  ont  obtenu  des 
secours  victorieux  dans  les  moments  les  plus 
désespérés.  Il  retrouve  au  milieu  d'eux  les 
amis  oui  avaient  accepté  de  l'Eglise  de  la 
terre  la  mission  de  plaider  sa  cause,  de  dé- 
fendre ses  intérêts  dans  l'Eglise  du  ciel;  il 
y  voit  son  gardien  fidèle,  son  protecteur  de 
tous  les  jours ,  auquel  il  pourrait  dire  com- 
me le  jeune  Tobie  et  avec  plus  de  raison  : 
Azariaê  mon  frire^  quand  je  me  donnerais  à 
vous  pour  être  votre  esclave^  je  ne  saurais  re- 
connaHre  ce  que  vous  avez  fait  pour  mor(12). 
Que  dirais-je  ?  de    tous  les  membres  de 
cotte  auguste  et  innombrable  assemblée,  il 
n'en  est  aucun  auc|uel  il  ne  doive  de  la  re- 
connaissance. Mais  par   quels  hommages 
pieux,  par  quelle  vive  tendresse  s'acquitle- 
ra-t-il  envers  la  mère  chérie  des  élus?  Tous 
les  habitants  du  ciel,  entrant  dans  ses  senti- 
ments, unissimt  leur  voix  à  la  sienne,  pour 
remercier  la  douce  avocate  des  uécheursjde 

(1^)  Totf.  IX. 


la  miséricorde  qu'elle  a  obtenue  è  ce  nou- 
veau compagnon  de  leur  gloire.  Quefle  so- 
ciété !  Si  le  bonheur  se  compose  d'amour, 
de  souvenirs,  de  reconnaissance  réciproque, 
du  contraste  des  dangers  cassés  et  de  la 
sécurité  présente,  des  humiliations  évitées 
et  de  la  gloire  conquise,  l'éternité  sera-t- 
eJle  assez  lonsue  pour  goûter  cette  félicité? 
Dieu  a  voulu  que  les  prédestinés  fussent 
redevables  les  uns  aux  autres,  afin  de  ci- 
menter l'union  c>3s  cœurs.  C'est  pourquoi 
la  chaîne  des  services  rendus  et  reçus  com- 
mence au  plus  sublime  des  séraphins,  et 
descend  jusqu'au  dernier  des  hommes.  Cha- 
cun d'eux  a  déposé  sa  part  dans  un  trésor 
devenu  ensuite  la  propriété  de  tous  ;  chacun 
a  fait  sa  guerre  particulière  ;  mais  ces  com- 
-bats  individuels  ne  restent  pas  isolés,  ils  se 
rattachent  aux  différentes  scènes  de  la 
grande  lutte  qui  dure  depuis  la  création 
des  anges  et  se  terminera  au  lugement. 
Tous  les  élus  ont  combattu  dans  les  mêmes 
rangs  et  sous  le  même  drapeau  ;  ils  se  sont 

f>rêté  main-forte  au  milieu  des  hasards  de 
a  mêlée  ;  ils  ont  commencé  à  se  connaître , 
et  leur  amitié  s'est  formée,  pour  ainsi  dire, 
sous  le  feu  do  l'ennemi.  D'ailleurs,  le  fruit 
de  la  victoire  générale  se   composera  -  dé 
toutes  les  conquêtes  particulières ,  et  cha- 
cun des  bienheureux  jouira  des  travaux  de 
tous  ses  frères.  Mais  nous  n'avons  rien  dit 
encore  :  l'unité  des  élus  se  consomme  d'une 
manière  plus  haute  et  plus  admirable.  La 
bataille  était  perdue,  la  gloire  de  Dieu,  la 
destinée   des  élus  compromise  ,  alors  le 
Verbe  éternel  s'est  fait  chair,  afin  de  pren- 
dre part  au  combat  etde  rétablir  nos  affaires 
en  payant  de  sa  personne.  Par  l'effusion  de 
son  sang,  le  Fils  de  Dieu  en  nous  sauvant 
d'une  ruine  inévitable,  nous  a  frayé  la  voie 
vers  la  félicité  infinie,  à  laquelle,  sans  lui, 
il  nous  était  interdit  de   prétendre.   Les 
paroles  sont  ici  superflues  ;  si  l'amour  et  la 
reconnaissance  se  mesurent  sur  les  bien- 
faits, on  n'a  pas  besoin  d'un  plus  long  dis- 
cours pour  Juger  des  sentiments  des  élus 
pour  leur  divin  Rédempteur.  Dès  ce  monde 
de  ténèbres,  les  saints  se  sentent  ravis  hors 
d'eux-mêmes  è  la  pensée  de  la  charité  do 
Jésus-Christ  pour  les  hommes  ;  ils  donne- 
raient mille  fois  leur  vie   pour  lui  rendre 
§Ioire  ;  peut-on  s'étonner  de  leurs  transports 
ans  le  séjour  de  l'éternelle  lumière  ? 
A  cette  clarté  divine,  les  bienheureux 
voyant  la  corruption  de  la  nature  humaine, 
la  multitude  de  leurs  iniquités,  l'abus  de 
tant  de  grAces  dont'ils  se  sont  rendus  cou- 
pables, admireront  éternellement  les  conseils 
profonds  qui  ont  assuré  leur  salut.  Adopter  un 
orphelin  abandonné,  développer  ses  heu- 
reuses qualités  par  l'éducation  la  plus  atten- 
tive et  la  plus  tendre,  récompenser  sa  vertu 
en  lui  assurant  l'héritage  d'une  grande  for- 
tune, c'est  une  conduite  admirable,  mais 
qui  n'est  peut-être  pas  sans  exemple  parmi 
les  hommes.  Si  Dieu  n'avait  pas  fait  davan- 
tage, c*cût  été  un  faible  aliment  à  une  re- 


WJ. 


E»CTK)NNA1RE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


M 


coQnaissancey  k  une  admiraiion  qui  doivent 
durer  élernellementy    toujours    nouvelles, 
toujours  également  vives.  Son  plan  a  été 
I^us  digne  de  lui.  Dans  le  dessein  de  ras- 
sembler autour  de  son  trône,  une  famille 
destinée  i   partager  sà  gloire,  au  lieu  de 
chotsir  des  êtres  exempts  de  passions  déré- 
glées, il  a  donné  la  préférence  à  des  créatu- 
res bibles»  corrompues,  dont  la  plupart  ont 
mille  fois  pa jé  ses'  bienfaits  d*irigratitud'e, 
et  Biérité   un  opprobre  éternel  |)ar  leurs 
crimes  multipliés.  Le  problème  était  d'une 
difficulté  effrayante  ;  car  Dieu  voulait  non- 
seulement    épargner    ces  malheureux  en 
leur  faisant  grAce  du  châtiment,  mais  leur 
rendre  Tfaonneur,  .non-seulement  les  rece- 
voir dans  rassemblée  des  saints,  dans  son 
intimité  étemelle,  mais  les  faire  dignes  de 
eetle  gloire,  de  manière  qu'ils  niaient  point 
à  rougir  dans  une  telle  société,  qu'ils  puis- 
sent soutenir  les  regards  de  Dieu  et  de  ses 
&QS  ;  non-seulement  leur  donner  un  trAne, 
une  oouronne,  un  royaume,  éternel,  mais 
leur  donner  tout  cela  a  titre  de  récompense. 
Voilà  ce  que  Dieu  a  fait;  le  mal  semblait 
unobstacle  inyincible  à  ses  desseins,  il  s'est 
servi  do  mal  pour  les  accomplir. 

L'exercice  des  vertus  les  plus  héroïques 
suppose  \e  léché  d'où  elles  tirent  leur  prin- 
àpale  perfection  :  pardonner  les  injures , 
prier  pour  ses  persécuteurs,  dire  du  bien 
ce  ses  calomniateurs,  en  faire  à  ses  ennemis, 
esl-if  possible  dans  les  uns  sans  le  péché 
dans  les  autres?  Est-ce  la  même  chose  de 
croire  au  milieu  de  ceux  qui  croient,  et  {le 
rester  ferme  dans  la  foi  en  face  des  héré- 
tàqaeSf  des  infidèles,  des  comtempteurs  de 
toute  religion  ?  Est-il  égal  d'espérer  en  Dieu« 
lorsqu'on  est  assuré  oe  son  salut,  et  de  se 
confier  en  sa  bonté,  lorsqu'on  sent  sa  propre 
fidblesse    et   qu'on  se  voit  environné  de 
scandales?  Peut-on  comparer  le  mérite  delà 
charité  dans  un  cœur  indifférent  à  tous  les 
oigets  créés  et  dans  une  âme  en  proie  à  tou- 
tes les  passions?  Quelle  force  ne  faut-il  pas 
]onr  lutter  jusqu'à  la  lin  contre  le  démon, 
contre  le  monde,  contre  soi-même?  Ces  ob- 
servations sont  applicables  au  mal  physi- 
que. Sans  la  douleur,  où  serait  la  patience? 
Sans  les  misères  de  la  vie,  que  deviendrait 
Taufflône  qui  peut  se  faire  de  tant  de  ma- 
nières? Où  trouver  les  dévouements  héroï- 
ques de  la  charité,  dont  les  exemples  sont 
si  fréquents  dans  le  christianisme  ? 

Parcourez  les  différents  ordres  des  saints 
les  plus  élevés  dans  la  gloire,  vous  verrez 
qae  lenrs  plus  beaux  titres  supposent  tou- 
jours Texistence  du  maL  Point  d'apd- 
ires  sans  infidélité,  point  de  martyrs  sans 
persécutions,  point  de  docteurs  sans  héré- 
sie.Le  ministère  sacré  serait  inutile  sans  les 
vices  des  hommes,  la  virginité  n'est  glo- 
rieuse qu*k  cause  de  la  fragilité  et  de  la  dé- 
pravation de  notre  nature.  Que  dis- je? 
Pour  accomplir  la  merveille  des  merveilles, 
c'est'à-d ire  la  rédemption.  Dieu  s'est  servi 
de  rin^ratîtude  des  Juifs,  de  la  jalousie  des 
pharisiens,  de  J'avarice  de  Judas,  de  la  1<1- 
cbetédc  Pilale;  et  je  ne  dis  uas  tout.  Com- 


bien de  crimes  étaient  nécessaires  pour 
faire  mourir  Jésus-Christ?  Que  l'on  pense 
maintenant  de  quel  œil  Dieu/loit  regarder 
ces  nobles  Ames  qui  abandonnent  tout  pour 
se  dévouer  au  service  de  sa  sainte  cause, 
qui  souffrent  la  pauvreté,  l'opprobre,  la  per- 
sécution pour  la  gloire  de  son  nom,  qui 
s'efforcent  pour  l'amour  de  lui,  de  [soulager 
toutes  les  misères,  de  détruire  toutes  les 
erreurs,  de  changer  le  vice  en  vertu,  de 
subjuguer  les  cœurs  rebeltes  par  Tascendant 
de  fa  religion,  de  faire  enfin  ae  ces^our  de 
l'iniguité  celui  de  la  piété  et  de  Injustice? 
L'existence  du  mal  est  un  scandale  pour  les 
faibles,  pour  les  impies  un  sujet  de  blasphè- 
mes contre  la  providence,  le  plus  plausible 
des  arguments  de  l'athéisme  ;  Dieu  re^arde- 
t-il  donc*comme  rien  de  tels  inconvénients? 
Non  sans  doute,  ils  sont  incomparablement 
plus  graves  à  ses  yeux  qu'aux  nôtres:  mais 
il  a  voulu  laisser  aux  justes  le  soin  et  la 
gloire  de  les  combattre,  afin  d'avoir  à  les 
en  récompenser  un  jour. 
^  Voilà  le  grand  mystère  de  la  sagesse  de 
Dieu  et  de  son  amour  pour  les  hommes  ;  lui 
de  qui  viennent  tous  les  dons,  de  qui  nous 
avons  tout  reçu,  a  trouvé  le  secret  de  rece- 
voir quelque  chose  de  nous,  afindos'acquit- 
,  ter  comme  il  convient  à  un  tel  débiteur. 
Dans  un  monde  où  tout  serait  bien,  Dieu 
>  n'aurait  rien  laissé  h  faire  au  juste;  dans  le 
f"  nôtre  il  l'a  associé  à  sa  providence  pour 
''  nourrir  les  pauvres,  consoler  les  affligés, 
instruire  les  ignorants,  ramener  les  vicieux 
y  à  la  vertu  ;  il  l'a  fait  pa  providence  visible 
^  de  tous'les  malheureux,  le  médecin  de  tous 
les  mauxducorps  etde  l'Ame.  Il  semble  que 
Dieu,  abdiquant  son  pouvoir,  l'ait  remis 
entre  les  mains  de  l'homme,  comme  autre- 
fois ce  roi  d'Egypte  qui  renvoyait  au  sage 
Joseph  ses  sujets  affamés.  Jésus-Christ  lui, 
n'a  fait  çiue  paraître  sur  la  terre,  comme  s'il 
eût  craint  de  nous  ôler  les  occasions  de 
mérite,  il  s'est  à  peu  près  borné  à  instruire 
ses  disciples,  leur  disant  à  l'oreille  ce  qu'ils 
devaient  publier  sur  les  toits,  et  leur  lais- 
sant tout  le  travail  de  la  fondation  et  de  la 
conservation  de  l'Eglise.  Disons  toute  la 
vérité;  Jésus-Christ,  en  sa  aualité  de  chef, 
est  pour  tout  le  corps  des  élus  le  principe 
de  la  vie  surnaturelle;  mais  il  ne  fait  rien 
par  lui-même,  jusqiie  dans  les  occasions  les 
plus  importantes.  Partout  il  se  sert  des  an- 

Ses  et  des  hommes,  comme  de  ses  bras  et 
e  ses  mains.  Ainsi,  lorsque  saint  Paul  fut 
terrassé  sur  le  chemin  de  Damas,  c'est  Jésus 
en  personne  qui  fit  entendre  sa  voix  au 
persécuteur;  mais  celui-ri  ayant  demandé 
ce  que  le  Seigneur  voulait  de  lui,  il  fut 
renvoyé  à  un  disciple  inconnu  jusque-lk,  et 
dont  la  plus  grande  gloire  est  d'avoir  été  le 

Eremier  maître  d'un  tel  disciple.  Que  dis-je? 
a  prière  du  martyr  Etienne  avait  déjà  ob- 
tenu la  conversion  de  Paul,  et  il  semble 
qu'avant  d'appeler  celui  qui  devait  travail- 
ler ^plus  que  tous  les  autres,  Dieu  ^vait 
voulu  faire  payera  son  Eglise  le  prix  do 
cette  illustre  conquête. 
Peut-être  se  trouye-il  en   ce  moment^ 


S! 


MAL 


DlGTIOiNNAlRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


dans  les  rangs  de  nos  adversaires  »  quelque 
Paul  inconnu ,  destiné  à  devenir  un  jour  le 
plus  glorieux  athlète  do  la  foi;  nous  ne 
sommes  pas  des  Etienne  «  mais  nous  pou- 
vons tous  prier  le  Seigneur  d'avancer  Fheure 
de  son  élu  et  de  multiplier  les  fruits  de  son 
zèle.  C'est  une  grande  consolation  pour  les 
tirtèles  de  penser  qu'ils  peuvent  ainsi  avoir 
une  bonne  part  aux  succès  des  héros  de  la 
religion.  Kn  deux  prédications,  saint  Pierre 
convertit  huit  mille  personnes;  je«ne  doute 
pas  que  les  prières  de  Marie  n'aient  plus 

fmissamment  contribué  à  ce  prodige  que 
'éloquence  du  chef  des  apAtres.  Il  en  est 
encore  ainsi  ;  celui  à  qui  la  renommée  at- 
tribue la  gloire  d'un  succès,  n'en  a  pas  tou- 
jours le  principal  mérite  devant  Dieu. 

Une  difficulté  se  présente  ici.  Nous  ap- 
partenons à  Dieu,  comment  pouvons-nous 
acquérir  des  mérites  en  le  servant.  Quel  est 
celui  d'entre  vouê^  dit  Jésus-Christ,  qui^ 
ayant  un  serviteur  occupé  à  labourer  ou  à 
paître  les  troupeaux ,  lui  dise ,  aussitôt  qu'il 
est  revenu  des  champs  :  Allez  vous  mettre  à 
table  ?  Ne  lui  dira-t-il  pas  plutôt  :  Préparez* 
moi  à  souper ,  ceignez-vous^  et  me  servez  jus- 
qu'à  ce  que  faie  bu  et  mangé;  après  cela  vous 
mangerez  et  vous  boirez  vous-même.  Sera^t-il 
reconnaissant  envers  ce  serviteur ,  pour  avoir 
fait  ce  qu'il  lui  avait  commande?  je  ne  le 
pense  pas.  Dites  donc^  lorsque  vous  aurez  fait 
tout  ce  qui  vous  est  commandé:  Nous  sommes 
des  serviteurs  inutiles  ^  nous  avons  fait  ce 
que  nous  devions  faire  (13).  Assurément,  il 
est  dans  Tordre  que  le  serviteur  ne  s'enfle 
point  d'orgueil  pour  avoir  rempli  sa  tAche, 
c'est  la  maxime  que  le  Seigneur  vou- 
lait établir,  et,  certes,  elle  est  d'une  im- 
portance extrême;  le  plus  sûr  moyen  d'ac- 
quérir des  mérites  et  de  les  conserver, 
c'est  d'ignorer  qu'on  en  a;   il  ne  faut  pas 

3ue  la  main  gauche  sache  ce  que  fait  la 
roite  (!/»).  Loin  donc  de  nier  les  mérites 
des  justes,  Jésus-Christ  leur  apprend  à  ne 
pas  s'en  laisser  dépouiller  par  l'orgueil  ; 
jusque  dans  le  passage  cité  plus  haut ,  il 
nous  enseigne  au  moins  implicitement  le 
droit  du  serviteur  à  utie  certaine  rémuné- 
ration ,  puisque  sans  parler  du  reste,  il 
nous  le  fait  voir  logé  et  nourri  dans  la  mai- 
son de  son  maître.  Voici  en  deux  mots  le 
plan  de  Dieu  :  La  récompense  éternelle  sera 
duc  tout  entière  à  sa  bonté,  et  tout  entière 
aussi  elle  aura  les  mérites  des  justes  pour 
fondement.  L'Eglise  semble  le  reconnaître 
lorsqu'elle  dit  :  a  En  couronnant  leurs  mé- 
rites ,  vous  couronnerez  vos  propres  dons 
(15).  »  De  cette  manière ,  Dieu  se  glorifiera 
dans  ses  saints ,  les  saints  se  glorifieront 
en  Dieu ,  et  leur  union  éternelle  aura  pour 
lien  l'amour  réciproque  le  plus  tendre,  le 
plus  véhément,  le  plus  délicat  et  le  plus 
familier,  s'il  est  permis  de  le  dire,  le  plus 
parfait  enfin,  sous  tous  les  rapports  imagi- 
nables. C'est  par  là  seulement  que  le  ciel 
est  la  récompense  suprême. 


On  conçoit  facilement  que  nous  devons 
tout  à  Dieu;  il  est  plus  malaisé,  mais  non 
impossible  de  s'expliquer  comment  Dieu 
nous  doit  quelque  cnose.  Sans  doute,  avant 
d'exister,  nous  ne  possédions  aucun  droit 
à  la  vie,  pi  à  rien  de  ce  qui  en  fait  le  prix, 
mais  une  fois  tirés  du  néant ,  nous  avons 
celui  d'être  traités  équitablement  :  en  d'au- 
tres termes ,  l'action  de  Dieu  comme  créa- 
teur est  souverainement  libre ,  mais  comme 
législateur  et  comme  juge ,  il  est  dominé 

I)ar  la  nature  des  choses.  Il  peut  laisser  dans 
e  néant  l'impie  et  Thorome  de  bien  ;  dès 
(]u*il  leur  a  donné  l'existence,  il  lui  devient 
impossible  de  ne  pas  détester  l'iniquité  do 
l'un ,  de  ne  pas  aimer  la  vertu  de  l'autre. 
D'un  autre  côté,  en  nous  créant  intelligents 
et  libres ,  Dieu  a  imprimé  dans  notre  Ame 
un  besoin  irrésistibl'e  de  bonheur;  d'après 
l'opinion  commune,  la  perte  dé  ce  bonheur 
sera  le  plus  grand  tourment  de  l'enfer  ;  se- 
rait-il juste  de  nous  en  priver ,  si  nous 
remplissons  les  conditions  qui  peuvent  rai- 
sonnablement être  mises  à  l'accomplisse- 
ment de  notre  destinée  ^  Nous  .avons  faim 
et  soif  de  la  justice  et  de  la  vérité  ;  pourvu 
que  nous  ne  nous  rendions  pas  indignes, 
par  notre  faute ,  d'être  un  jour  rassasiés , 
en  nous  donnant  ces  aspirjitions  sublimes. 
Dieu  semble  avoir  accepté  1  obligation  de  les 
satisfaire.  Certes,  si  la  bête  de  somme  pou- 
vait avoir  des  droits ,  elle  aurait  celui  de 
recevoir  sa  pAture  après  le  travail  de  la 
journée.  Dieu  a  disposé  les  choses[de  telle 
sorte  qu  il  a  besoin  de  l'homme  pour  justi- 
fier et,  en  quelque  sorte,  pour  remplacer 
sa  providence  par  la  guerre  contre  le  mal, 
dont  l'existence  semble  accuser  la  sagesse 
de  son  gouvernement;  ministère  sublime  < 
qui  nous  fait  ici-bas  les  lieutenants  de  no- 
tre Dieu  et  nous  permet  de  lui  rendre  les 
services  les  plus  directs,  les  plus  personnels 
qu'il  puisse  recevoir  I  Ce  n'est  pas  tout  :  les 
grAces  de  Dieu  nous  sont  données  avec  des 
charges  terribles;  chacune  d'elles  peut  de- 
venir pour  nous  l'occasion  du  plus  affreux, 
du  plus  irréparable  des  malheurs.  Une  seule 
faute,  hélas  I  trop  facile  à  commettre,  peut 
noUs  précipiter  dans  les  flammes  éternelles. 
Serait-il  convenable  qu'une  vie  tout  entière 
de  vertus  valût  au  plus  juste  des  hommes, 
pour  toute  récompense,  l'exemption  du 
supplice?  Que  dis-je?  N'est-ce  pas  un  sup- 

flice,  et  le  plus  grand  de  tous,  d'être  privés 
jamais  du  bien  souverain  pour  lequel  nous 
sommes  crées  ?  Oui,  s'il  y  a  un  enfer  pour 
punir  untt  faiblesse  d'un  moment,  if  est 
juste  qu'il  y  ait  un  ciel  pour  récompenser 
une  inviolable  fidélité  à  la  loi  de  Dieu. 

Ces  considérations  sont  applicables  [aux 
anges.  Nous  savons  que  ces  bienheureux 
esprits  ont  passé  par  une  épreuve  très-sé- 
rieuse, puisque  quelques-uns  des  plus 
grands  d  entre  eux  sont  tombés.  C'en  est 
assez  }>our  nous  faire  entrevoir  comment 
se  sont  formés  leurs  mérites. 


M3)  Luc.  xvu. 

{U)  Matth.  vif,v.  3. 


(15)  Liturgie. 


UAL 


Ccncloons  que  le  plan  où  est  comprise 
la  permission  du  mal  est  plus  parfait  que 
celoi  qui  ne  la  renferme  pas.  S'ii  en  est 
•iasi,  quel  reproche  peut*on  faire  à  la 
ProTidence  T 

Us  méchants,  dit-on,  sont  sacrifiés.  Eh  I 
n  on  Dieu,  ils   le  sont  bien  tous  Jes  jours 
dans  la  société  civile.  Ce  n'est  pas  pourries 
faforiser  oue  nos  législateurs  ont  rédigé  Je 
Code  pénal.  On  Toit  d'ailleurs  à  chaque  pas, 
dans  le  monde,  des  choses  bien  plus  exlra- 
oniinaires,  contre  lesquelles  on  ne  songe 
pas  à  rédanier.  Qu*un  homme  se  jette  dans 
Tcao  OQ  dans  le  feu,  qu'il  se  précipite  du 
b«Qt  d'on  arbre  ou  d'une  maison,  personne 
ne  sooge  à  exiger  de  la  Providence  qu'elle 
tasse  on  miracle  pour  sauver  la  vie  de   ce 
malbeoreux,  quelquefois  père  d'une  nom- 
breuse bmille  dont  il  était  Tunique  soutien; 
quelquefois,   chose  bien   plus  déplorable, 
dans  on  état  de  conscience  où  la  justice  di^ 
vine  doit  le  condamner.  Quoi  I  les  lois  de  la 
vite  matière  sont-elles  si  sacrées  que  leur 
maintien  doive  être  préféré  à  la  vie  d*un 
homme  et  à  ses  intérêts  les  plus  sérieux  1 
Et  il  ne  serait  pas  permis  k  Dieu  de  conser- 
veries lois  étemelles  de  la  morale  aux  dé- 
pens de  quelques  coupables  endurcis  1  O 
philosophesaveugles  et  inconséquents  I  Com- 
ment oevoient-iis  pas  que  la  Providence  est 
milktoisptus  attentive  pour  l'âme  que  pour 
Je  eorp$?j5i  vous  osez  une  seule  fois  déiier 
ià  force  terrible  des  éléments  destructeurs, 
vous  serez  broyé ,  vous  serez  anéanti  du 
premier  coup  ;   mais  après  les  longues  er- 
revs  d'une  vie  de  crimes,  revenez  au  Sei- 
gneur, demandez-lui  grâce  avec  un  cœur 
umAé  de  repentir,  et  vous  ^sentirez  l'effet 
de  sa  miséricorde  infinie. 

Peat-étre  pensera -t-on  que  le  christia- 
nisme raJbaisse  lajmegeslé  de  Dieu  en  nous 
le  Bontranl  engagé  dans  une  guerre  en 
qoelqoe  aorte  personnelle  avec  le  démon, 
et  forcé  d'acheter  la  victoire  par  la  mort 
liorrible  de  son  Fils.  Hais  il  faut  bien  com- 
prendre qo*aveG  la  liberté  cette  lutte  est  iné- 
vitable, et  Iqu^il  est  plus  glorieux  à  Dieu  de 
conduire  i  ses  fins  des  intelligences  libres 
qoe  de  régner   sur  des  volontés  esclaves. 
C'est  le  miracle  journalier  de  la  Providence, 
et  nous  ne  l'admirons  pas  assez,  d'accom- 
plir  ses  desseins  par   le   concours  d'une 
maJtitade  de   volontés  libres,  qui  toutes, 
croyant  obéir  et  obéissant  en  effet  à  leurs 
iotértts^  à  leurs  pensées,  à  leurs  projets 
nrticaliers.  Tiennent  cependant  se  ranger  à 
«eor  place  et  exécutent  leur  part  de  l'œuvre 
commune,  comme  à  un  mot  d'ordre  docile- 
ment reçu.  Les  ennemis  de  Dieu  surtout, 
voulant  comtiattre  ses  décrets,  les  favori- 
sent ec  serrent  quelquefois  plus  que  les 
tins  même  i  leur  accomplissement.  C'est  ce 
qui  est  arrivé  à  Lucifer.  —  Voij.  Asxao- 


DÏCTiONMAIUE  APOLOGETIQUE.  MAL  %i 

et  s'épier  à  Dieu.  Un  tel  outrage  ne  pouvait 
être  effacé  ni  par  la  punition  du  coupable. 


Cet  esprit  superbe  était  placé  au  premier 
rang  parmi  les  intelligences  célestes.  Enivré 
ce  Min  euellencei  il  voulut  monter  encore 

iïê)  6^.  m,  5. 


ni  parles  hommaçes  des  anges  restés  fidè- 
les. L'offense  était,  en  un  sens,  d'une  gra<- 
vile  infinie  à  cause  de  la  grandeur  de  rof- 
fensé  ;  mais  cette  mémo  grandeur  le  plaçait 
trop  ad-dessus  de  Tinjure  pour  qu'il  dût  se 
mettre  en  peine  de  la  réparalion.  Il  laisse  à 
la  fureur  aveugle  de  50n  ennemi  le  soin 
d'en  faire  naître  une  occasion  favorable. 
Chassé  du  ciel,  d'où  il  emporte  dans  son 
cœur  un  implacable  désir  de  se  venger  et 
de  Dieu,  et  des  anges,  et  de  toutes  les  créa- 
tures, Salan  rencontre  sur  la  terre  rborame 
encore  innocent.  A  Tinstant  il  se  précipite 
sur  cette  proie,  comme  la  béte  féroce  sur 
Tappût  qui  (îache  la  pointe  meurtriè.-e. 
L'homme  tombe,  mais  sa  chute  devient  la 
cause  d'une  révolution  admirable  et  inat- 
tendue. Le  ciel  et  la  terre  sont  dans  le  deuil  ; 
s'ils  connaissaient  le  secret  divin  ils  répé- 
teraient àTenvi  :  Heureuse  faute  I  heureuse 
faute  1  Un  cri  de  victoire,  courant  de  monde 
en  monde,  se  prolongerait  jusqu'aux  extrê- 
mes limites  de  la  création  :  L'incarnation  du 
Verbe  vient  d'être  résolue. 

Voilà  où  aboutit  l'orgueil  frénétique  de 
Lucifer;  il  ne  sera  pas  plus  heureux  dans 
ses  autres  tentatives,  tous  lès  crimes  qu'il 
inspirera  contribueront  à  la  gloire  de  Dieu 
et  de  ses  élus.  Non-seulement  la  victoire 
reste  toujours  en  définitive  à  la  sagesse  su- 
prême, mais  elle  est  rendue  plus  décisive, 
plus  glorieuse,  plus  complète  par  la  haine 
persévérante  du  démon,  comme  si  la  Provi- 
dence avait  tenu  à  honneur  de  triompher  en 
se  donnant  son  ennemi  pour  principal  auxi- 
liaire, comme  si  la  meilleure  partie  de  son 
plan  devait  se  composer  des  efforts  tentés 
i»our  en  entraver  l'exécution. 

11  y  a  dans  ce  plan  je  ne  sais  quelle  iro- 
nie divine  qu'il  est  impossible  de  ne  pas 
remarquer  ;  on  y  voit  une  sagesse  supérieure 
qui  se  joue  d'une  aveugle  fureur,  la  me- 
nant par  ses  propres  emportements  où  elle 
ne  veut  point  aller.  Nous  pourrions  en  citer 
des  exemples  par  milliers.  Bornons-nous  h 
une  seule.  Le  démon  dit  à  l'homme:  Vom 
serez  comme  des  dieux  (16),  et  c'est  en  effet 
pour  nous  rendre  des  dieux  que  le  Seigneur 
permet  le  succès  de  la  tenialion.  Mais  ce 
neai  pas  un  vain  spectacle  qu'il  donne  à  ses 
élus,  quoiuue,  selon  saint  Augustin  (17),  on 
puisse  appliquer  au  démon  cette  parole  du 
j»saliniste:  a  Le  dragon  que  vous  avez  formé 
pour  faire  un  jouet.  »  Les  conseils  divins 
sont  sérieux  jusque  dans  les  choses  qui  le 
sont  le  moins  ;  le  Seigneur  se  joue  des  mé- 
chants, mais  c'est  en  les  faisant  servir  mal- 
gré eux  et  p:.r  les  inventions  de  leur  plus 
noire  malice,  à  la  glorification  des  prédes-< 
tinés. 

Dieu  est  le  grand  artiste  ;  il  a  voulu  fair*; 
une  œuvre  éternellement  di^^ne  de  l'admi* 
ration,  de  la  reconnaissance  de  ses  bien- 
aimés,  et,  pour  dire  encore  plus,  digne  de 
lui-même.  II  fallait  que  son  ouvrage  fût 

(17)  CitéHi  Dûtt,  lÎY.  n,  ch.  15. 


15  MAL 

également  étonnant  par  le  fond,  la  forme  et 
les  mofens  ;  simple  et  profond,  un  et  di- 
Ten:  esqnression  visible  et  saisissante  des 
attribats  divins»  répondant  à  tous  les  ins- 
tincts de  rame,  à  tous  les  rêves  de  l'ima- 
gination, à  toutes  les  pensées  deTesprit,  à 
tous  les  sentiments  du  cœur  de  Tbomme. 
Pour  faire  toulcela,  il  lui  a  suffi  de  la  li- 
berté. 

Tel  est  le  principe  de  la  perfection  de 
notre  monde,  mais  c*est  à  condition  que 
cette  flère  liberté  sera  continuellement  te- 
nue en  haleine  par  le  travail,  la  soufl'raiice 
ou  le  danger.  La  paix,  la  sécurité,  amollis- 
sent rame  ;  Tattaquc  et  la  résistance  dou- 
blent son  énergie,  mettent  en  exercice  tou- 
tes ses  facultés.  L*êlre  libre  se  perfec- 
tionne par  le  travail  et  la  lutte  ;  il  se  corrompt 
dans  Toisiveté  et  le  repos.  C'est  ainsi  (^e 
sous  un  ciel  rigoureux,  dans  un  pays  de 
torrents  et  de  monlagneSi  se  forment  d*ln- 
domptables  courages  ;  tandis  aue  dans  les 
climats  plus  doux,  au  milieu  de  Vabondauce, 
iïes  délices  d'une  nature  riche  et  féconde, 
les  Ames  s*énervcnt  avec  les  corps,  on  Ta 
vu  dans  tous  les  temps.  Les  tiers  Canta- 
bres,  aussi  rudes,  aussi  âpres  que  leur  pays, 
se  soumirent  les  derniers  à  la  puissance  ro- 
maine, et  ne  subirent  point  le  joug  des  Ara- 
bes ;  les  Indiens  sont  toujours  devenus  la 
proie  du  premier  conquérant  qui  a  voulu 
se  donner  la  facile  gloire  de  les  subju- 
guer. 

Si  le  monde  de  la  lutte  est  par  excellence 
le  théâtre  de  la  vertu,  il  est  aussi  celui  des 
surprises,  des  émotions,  de  la  joie  vive,  du 
bonheur  enivrant»  parce  qu'il  se  compose 
d'oppositions  et  de  contrastes,  sans  lesc[ucls 
les  étrei  appartenant  à  l'ordre  relatif,  loin  de 
jouir  de  leurs  avantages,  ne  seraient  pas 
même  capables  de  les  apprécier,  faute  de 
terme  de  comparaison.  Le  mal  est  comme 
les  ombres  dans  un  tableau,  il  fait  ressortir 
les  objets  qui  resteraient  aplatis  sur  la  toile, 
il  leur  donne  du  corps.  Sans  la  liberté  et  ses 
conséquences,  les  panthéistes  auraient  beau 
jeu  pour  attaquer  la  [iersonnalité  humaine, 
représenter  toutes  les  existences  comme  de 
simples  phénomènes,  la  création  entière 
comme  un  rêve  divin  ;  c'est  alors  qu'ils  nous 
montreraient  avec  assurance  les  vies  parti- 
cutières  apparaissant  un  moment  à  la  sur- 
face de  l'être,  pour  aller  se  perdre  l'instant 
d'après  et  dormir  d'un  sommeil  éternel  dans 
les  profondeurs  de  l'absolu.  La  liberté,  la 
responsabilité,  m'assurentde  moi-même;  la 
lutte  contre  le  mal,  les  ell'orts  qu'elle  m'a 
coûtés,  les  blessures  même  que  j'y  ai  re- 
çues, les  incalculables  conséquences  de  la 
défaite  me  garantissent  les  fruits  de  la  |vic- 
toire,  et  établissent  mes  droits  à  la  récom- 
pense. Le  don  de  la  vie  est  accompagné 
d'assez  de  dangers,  grevé  de  charges  assez 
lourdes,  pour  qu'un  bon  usage  de  ma  ra- 
pide existence,  puisse  justement  me  donner 
des  titres  à  une  rémunération  sans  tin,  pour 
que  le  souvenir  de  mon  passage  sur  la  terre 
et  la  vue  des  malheurs  qui  pouvaient  en  être 
la  suite,  fassent  couler  jusqu'au  fond  «le 


DICtlONNAmE  APOLOGETIQUE.  MAL  3« 

mon  âme,  et  pendant  les  siècles  des  siècles, 
la  joie  toujours  nouvelle  d'avoir  échappé  à 
une  destinée  horrible,  pour  entrer  dans  le 
règne  de  l'immuable  félicité.  Ah  I  puissé-je 
arriver  à  ce  terme  heureux,  quand  ce  de- 
vrait être  par  les  opprobres,  les  persécutions, 
les  calomnies,  les  tortures  du  corps  et  de 
l'âmelSije  me  plains,  j'aurai  tort,  car  ce 
sera  encore  avoir  le  ciel  pour  rien. 

La  lutte  des  deux  cités,  dont  l'une  a  pour 
chef  Satan  et  l'autre  Jésus-Christ,  est  le 
triomphe  de  la  sagesse  divine.  Si  Bavie  se 
scandalise,  si  le  manichéen  conclut  Pexis- 
tence  de  deux  [)rincipes  indépendants,  c'est 
que  ni  Tun  ni  l'autre  n'ont  assez  réfléchi 
sur  le  but  de  la  Providence  et  les  moyens 
de  son  gouvernement;  avec  plus  d'atten- 
tion,  ils  auraient  vu  que  le  mal  est  un  ins^ 
trument  dontDieu  se  sert  à  sa  volonté,  eC 
pour  des  tins  toujours  dignes  de  lui.  Il  ex- 
iste un  poëme  dont  Satan  est  le  héros  ;c*est 
une  idée  fausse,  l'auteur  s'est  mépris  gros» 
sièrement,  et  notre  sage  critique  a  eu  rai- 
son de  réprouver  ces  fictions  insensées  où 
l'on  nous  montre  l'esprit  infernal  balan^nt 
la  victoire  avec  Dieu  même.  Si  les  siècles  à 
venir  voient  naître  un  homme  réunissant 
les  génies  divers  d'Homère,  de  Platon,  de 
Bossuet  et  plus  grand  qu'eux  tous,  celui-là 
chantera  l'épopée  divine,  la  guerre  contre 
le  mal,  Satan  vaincu  et  couvert  d'une  honte 
éternelle  (lar  son  triomphe.  C'est  le  plus  su- 
blime spectacle  qui  puisse  être  présenté  à 
l'admiration  du  genre  humain  ;  C'est  celui 
que  Dieu,  dans  son  jugement,  donnera  aux 
générations  assemblées,  pour  la  gloire  de 
son  nom.  Jusque-là,  afin  d'assurer  le  mé- 
rite de  notre  foi,  le  secret  divin  reste  voilé  à 
demi  ;  mais  nous  en  savons  assez  pour  être, 
dès  ce  monde,  ravis  hors  de  nous-mêmes 
par  la  contemplation  des  profonds  conseils 
de  la  Providence  sur  les  fanges  de  ténè- 
bres. 

§IV. 


Examen  de  celle  question  :  Dieu  a-Uil  le  droil  de  don- 
ner à  son  ouvrage  une  perfecUon  impossible  S4iis 
Texislecce  du  mal  et  le  cbâliment  élernei  du  coupable? 
—  Monde  sans  la  liberté.  —  Monde  avec  une  liberiû 
impeccable.  —  Monde  avec  la  liberté  du  mal  préféra- 
ble k  tout  autre.  —  Amour,  lien  de  la  société  des  élus 
par  J.-C.  —  Mérites  de  J.-€.,  donnent  k  la  création  une 
dignité  inOnie.  —  L'incarnation  du  Fils  de  Dieu  au- 
rait-elle eu  lieu  si  l'homme  n*était  pas  tombé?  Cposidé- 
ration  sur  ce  mystère.  —  Satan,  vaincu  par  l'incama- 
tion.  —  Réponses  à  quelques  objecUons. 

La  sagesse  de  Dieu  n'est  nulle  part  en 
défaut,  elle  doit  l'être  moins  qu'ailleurs 
dans  la  constitution  et  le  gouvernement  d'un 
monde  dont  les  habitants  sont  responsa- 
bles ;  celui  qui  est  la  suprême  raison  n'avait 
garde  d'en  manquer  dans  la  disposition  d'un 
ordre  de  choses,  où  une  seule  imperlection, 
mettant  en  péril  les  intérêts  éternels  de  toutes 
les  intelligences,  aurait  à  peine  trouvé  grâce 
devant  les  heureux,  loin  de  l'obtenir  des 
infortunés.  Le  malheur  rend  injuste,  celui 
des  réprouvés  surtout  semble  ne  devoir 
laisser  aucune  place  à  l'étiuitc  et  à  la  raison; 
c'était  assez  pour  que  Dieu,  en  permettant 
le  mal,  s'ap[)iiquàt  à  ne  pas  donner  de  pri^e 


>>l 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


S8 


à  la  haine  de  ses  ennemis.  Mais  des  vues 
plosbaoteSy  plusdiguesde  lui  ont  déterminé 
sa  Providence.  Le  ma)  répugne  à  sa  nature, 
sa  miséricorde  et  sa  sainteté  Fabhorrcnt  ;  sa 
justice  s*en  indigne;  il  faut  donc  qu'il  ait 
fa  des  moti£s  d'une  gravité  extraordinaire 
luur  en  tolérer  Texistence,  et  Ton  ne  doit 
l>as  $*étonner  de  lire  dans  nos  livres  saints 
'pje  les  hérésies  (18)  et  les  scandales  (19) 
>onl  nécessaires.  Cette  vérité  mérite  d*ôtre 
bien  comprise,  et  il  importe  de  la  mettre 
Oans  tout  son  jour. 

Punr  être  dans  le  vrai,  nous  ne  devons 
pas  nous  borner  à  considérer  le  mal  comme 
une  abstraction,  il  faut  le  personnifier  dans 
les  démons  et  les  réprouvés;  dès  lors  la 
première  question  qui  se  présente  est  celle* 
ci  :  Dieu  a-t-il  le  droit  de  donner  à  son 
ouTrage  une  perfection  impossible  sans  les 
cr'uoes  et  le  châtiment  éternel  d*nn  grand 
nombre  de  ses  «Téatures  ?  Nous  Tadirmons 
sans  balancer,  il  {nous  suffira  pour  le  dé-* 
montrer  de  présenter  la  suite  des  idées  di- 
vines dans  leur  ordre  logique. 

ATant  la  création,  Dieu  était  seul  et  ne 
devait  rien  qu'à  lui-même.  Il  voyait  dans  sa 
pensée  une  infinité  de  mondes  possibles  : 
inondesmatériels,  mondes  spirituels,  mondes 
coinpesis  d*esprits  et  de  corps,    mondes 
échelonnés,  pour  ainsi  dire,  depuis  le  plus 
bas  û^ré  de  Tétre  jusqu*au  sommet  de  la 
j)erfectioQ.  Ce  qui  n*est  pas  ne  saurait  avoir 
de  droit  à  rexistence,^et  Dieu  n'avait  aucun 
l)e5oio  de  réaliser  au-dehors  ce  qu'il  possé- 
dait déjà  éminemment  en  lui-même  ;  il  était 
donc  absolument  libre  non-seulement  de 
rmr  ou  de  ne  pas  créer,  mais  de  choisir 
^uiTt  tant  de  mondes  différents,  sans  autre 
rai^OB  que  sa  Toionlé,  pour  déterminer  son 
choix.  Il  pouvait  préférer  un   monde  qui 
n'aurait  renfermé  que  des  corps  ou  en  ado- 
pter un  qui  ne  serait  composé  que  d'esprits; 
il  a  mieui  aimé  un  plan  qui,  admettant  à 
la  fois  des  corps  et  des  esprits,  ouvrait  à  sa 
puissance  uu  champ  plus  vaste  et  lui  per- 
mettait de  rassembler  dans  son  ouvrage  les 
merveilles  de  deux  créations   contraires. 
Jusqu'ici  il  n'j  a  pas  l'ombre  d'une  diffi- 
tuité. 

Mais  les  'mondes  composés  de  corps  et 
d'i-sprits  se  di vissent  en  deux  classes  :  dans 
les  uns,  tous  les  êtres  intelligents  sont  régis 
{•ar  des  lois  qui  les  dominent  invincibie- 
meul  ;  dans  les  autres,  la  première,  la  plus 
inviolable  des  lois,  c*est  la  liberté.  De  ces 
deux  classes  de  mondes,  quelle  est  la  plus 
)arfaite?On  pensera  peut-être  que  le  régime 
«le  \^  nécessité  est  préférable  à  celui  de  la 
liberté,  parce  que,  s'il  ne  possède  pas  les 
mêmes  avantages,  il  n'est  pas  exjjosé  à  d*aussi 
itritibles  inconvénients.  Mais  si  Ton  suppo- 
sait une  combinaison  où  la  liberté  trouve- 
lait  place  et  d'où  le  péché  serait  exclus, 
n'en  résulterait-il  pas  plus  de  gloire  pour 
biett  et  pour  ses  créatures  que  ne  pourrait 
1*0  donner  un  système  où  la  volonté  reste- 

(IS)  I  Connlk.  ii,  19. 
ilVj  Uatlh.  xviu,  7. 


rait  esclave.  Le  doute  n'est  pas  permis  à  cet 
égard.  Le  droit,  le  mérite,  la  vertu,  et  par 
conséquent  l'honneiu*,  ^la  dignité  des  créa- 
tures intelligentes  sont  anéantis  du  même 
coup  qui  détruit  leur  liberté  ;  on  ne  voit  pa& 
comment  de  pareils  serviteurs  offriraient  à 
leur  Maître  des  hommages  dignes  de  lui,  ni 
quelle  importance  Dieu  pourrait  attacher  à 
un  culte  forcé.  Nous  ne  croyons  pas  néces- 
saire d'insister  sur  ce  point  déjè  sufiisam« 
ment  éclairé  (20).  Si  la  liberté  de  choix  en- 
tre le  bien  et  le  mal  peut  exister  sans  au- 
cune défaillance  de  la  créature,  tout  le 
*  monde  en  conviendra,  le  système  qui  la 
réaliserait  de  cette  manière  est  préférable  à 
tout  autre  où  l'action  du  libre  arbitre  serait 
enchaînée. 

Il  est  question  de  savoir  si  un  ensemble 
de  lois  combinées  pour  maintenir  la  liberté, 
en  prévenant  sqs  moindres  écarts ,  peut 
constituer  une  épreuve  véritable,  et  diffère 
essentiellement  du  régime  de  la  nécessité. 
Nous  ne  le  pensons  pas,  surtout  si  Ton  veut 
regarder  comme  un  principe  fondamental 
que  la  permission  du  mal  répugne  à  la,sa- 
gesse,  a  la  sainteté  et  à  la  bonté  de  Dieu. 

En  effet,  ce  principe  une  fois  admis,  on 
doit  croire  que  Dieu  fait  son  affaire  propre, 
son  atl'aire  d'honneur,  pour  ainsi  parler,  de 
préserver  du  péché  tous  les  êtres  libres;  du 
péché,  disons-nous,  grave  ou  léger  et  de 
quelque  nom  qu'il  se  nomme,  parce  que  le 
principe  n'étant  solide  qu'autant  qu'il  est 
absolu ,  ne  saurait  admettre  aucune  exce{>- 
tion.  Cette  doctrine  mène  loin.  Dès  qu'il  est 
reconnu  que  le  premier  ou,  pour  mieux 
dire,  Tunique  objet  du  gouvernement  de 
Dieu  est  de  prévenir  toute  lésion  à  l'ordre, 
l'ange  et  l'homme  auraient  tort  de  veiller 
sur  eux-mêmes;  ils  doiveut  même  se  lais- 
ser aller  au  courant  de  leurs  affections  ;  la 
moindre  sollicitude  deviendrait  un  outrage 
à  la  Providence.  Le  quiétisme  le  plus  com- 
plet, le  plus  absolu  serait  le  seul  étal  natu- 
rel et  logique  de  l'être  raisonnable,  soit  que 
Dieu  se  fût  réservé  de  satisfaire  aux  exigen- 
ces diverses  des  temps  par  des  actes  parti- 
culiers, soit  qu'il  eut  pourvu  d'avance  au 
maintien  de  l'ordre  par  des  lois  invaria- 
bles, alin  de  n'être  pas  à  toute  heure  obligé, 
comme  un  ouvrier  malhabile,  de  mettre  la 
main  à  son  ouvrage  pour  l'empêcher  de  se 
disloquer. 

On  pensera  peut-être  que  l'âme,  ayant  la 
liberté  du  bien,  pourrait  au  moins,  en 
s'exerçant  aux  œuvres  les  plus  difficiles  de 
la  vertu,  acquérir  ainsi  une  sorte  de  mérite. 
Comment  Tentend-on?  £st-ce  à  dire  que  la 
nature,  par  ses  seules  forces,  donnerait  à 
Dieu  plus  qu'il  ne  lui  demande?  Mais  les 
dons  naturels  sont,  selon  le  langage  de  l'E- 
vangile, des  talents  que  la  Providence  nous 
met  entre  les  mains  pour  les  iaire  fructifier; 
rester  au-dessous  de  la  mesure  que  Ton 
aurait  pu  atteindre,  c'est  un  mal.  D'après 
notre  principe,  Dieu  doit  l'empêcher,  et  il 

;;iO)  Yo^e*  Liberté. 


UAL 


DICTîOXNAlRE  APOLOGETIQUE. 


IIAL 


49 


ne  le  pent  qo*en  «conduisant  lui-même,  par 
des  Toies  sûres,  toutes  les  intelligences  a  la 
plus  haute  perfection  dont  elles  sont  suscep- 
tibles. 

.  La  grâce  viendrait-elle  en  aide  à  la  natu- 
re? Ce  ne  pourrait  être  que  pour  la  domi- 
ner souverainement  dans  toutes  les  circons- 
tances imaginables,  parce  que,  résister  à  la 
grAce  en  quelque  chose,  ne  pas  lui  donner 
son  concours  jusqu'au  bout,  c'est  encore  un 
mal,  et  Ton  ne  veut  pas  que  Dieu  puisse  le 
permettre. 

En  un  mot,  chacun  est  tenu  &  tout  ce  qu'il 
est  capable  de  faire,  soit  naturellement,  soit 
sumaturellement  ;  donc,  dès  que  Ion  rei^arde 
lexistence  du  mal  comme  inconciliable 
avec  les  attributs  divins,  ou  doit  conclure 
que  Dieu,  en  personne,  se  charge  d'élever 
les  êtres  libres  aussi  haut  qu'il  leur  soit 
donné  d'atteindre.  Si,  dans  un  tel  ordre  de 
choses,  la  créature  faîi^ait  le  moindre  effort, 
ce  serait  un  acte  d'incrédulité  folle  et  cri- 
minelle; car,  avant  d'agir,  elle  aurait  dû 
supposer,  au  moins  implicitement,  que  Dieu 
n'est  pas  assez  puissant  pour  la  faire  arri- 
ver à  un  degré  de  perfection  que  sa  nature 
comporte,  et  qu'elle-même  peut  suppléer  à 
TinsuiOsance  de  l'action  divine.  L'Ecriture 
nous  donne  une  idée  vraie  de  la  justice  du 
Très-Haut  et  de  la  foi  qui  lui  est  due,  en 
nous  montrant  Moïse  exclus  de  la  terre 
de  promission,  pour  avoir  frappé  deux 
fois  le  rocher,  par  une  sorte  d'hésitation 
indélibérée  (21).  Le  plus  léger  mouve- 
ment de  la  créature  ne  serait  pas  moins 
coupable,  donc  il  ne  saurait  avoir  lieu  dans 
le  s/stème  où  le  péché  n'entre  lias.  Donc,  à 
ne  considérer  que  le  mérite,  le  régime  de 
la  nécessité  et  celui  de  la  liberté  impecca- 
ble sont  en  quejque  sorte  identiques  ou 
peu  s'en  faut  (22). 

Supposons  cependant  qu'il  existe  uiîe  dif- 
férence, réelle  entre  les  deux  systèmes,  et  que 
celui  de  la  justice  inamissible  soit  conci- 
liable  avec  l'existence  de  mérites  sérieux  de 
la  créature.  Dans  cette  hypothèse,  le  plan 

3ui  renferme  la  liberté  est  autant  au*dessus 
e  celui  d'où  elle  est  bannie,  qu'une  intel- 
ligence libre  surpasse  un  automate.  Per- 
sonne au  monde  ne  songera  à  mettre  en 
doute  une  vérité  si  claire.  Allons  encore 
plus  loin,  et,  oubliant  que  toute  l'argumen- 
tation de  nos  adversaires  repose  sur  ce  prin- 
cipe, qu'un  seul  péché,  que  le  châtiment 
d'un  seul  coupable  sont  incompatibles  avec 
la  sainteté  et  la  bonté  de  Dieu,  supposons 
un  monde  régi  par  des  lois  semblables  à 
celles  qui  gouvernent  le  nôtre,  avec  cette 
différence,  qu'à  l'insu  de  ses  créatures. 
Dieu,  sans  v  être  obligé  et  par  un  pur  effet 
de  sa  miséricorde  inlinie,  préviendrait  la 

(SI)  Nombr.  xi. 

(Si)  On  ira  pas  le  droit  de  nous  objecter  ici  les 
mérites  de  iésiu-Cbrist;  car,  si  noir^  divin  cher  était 
impeccable,  les  huniroes,  au  miliea  desquels  il  a 
vécu,  ne  l'étaient  pas.  Combien,  pour  ne  point  par- 
ler du  reste,  un  cœur  tel  ^ue  le  sien,  a-t-il  dû  souf- 
frir de  tant  de  crimes  qui  outrasent  Dieu  et  prépa- 
rent à   rbommc  une  i^pouvantable  destinée!  Quel 


défaillance  de  la  liberté  par  une  suite  do 
grâces  toujours  efficaces,  lesquelles  laissent 
subsister  le  mérite  et  en  sont  même  le  fon- 
dement, comme  l'enseignent  les  théologiens. 
Certes,  les  philosophes  ne  peuvent  rien  de- 
mander de  plus.  Èh.bienI  nous  soutenons 
que  notre  monde,  où  l'indépendance  de  la 
volonté  humaine  a  causé  tant  de  crimes  et 
de  malheurs,  vaut  incomparablement  mieux 
que  tout  autre  système  où  le  péché  n'existe- 
rait  pas. 

En  comparant  deux  créations  égales  par 
le  nombre  des  êtres  intelligents,  on  doit 
juger  de  la  perfection  relative  de  leurs  lois 
jiar  la  somme  du  bien  qu'elles  produisent, 
déduction  faite  du  mal  dont  elles  sont  l'oc- 
casion. Dans  notre  monde,  il  y  a  beaucoup 
de  mal,  point  dans  celui  de  nos  adversaires; 
il  faut  donc,  pour  nous  relever,  que  le  bien 
nous  offre  une  ample  compensation.  Voyons 
s'il  nous  sera  impossible  de  la  trouver. 

Un  monde  ou  Dieu  aurait  fermé  l'entrée  au 

fléché,  serait  un  séjour  de  paix  et  de  délices  ; 
es  douleurs  physiques  et  morales  y  seraient 
inconnues,  car  elles  sont  le  fruit  de  l'iniqui- 
té ;  les  habitants  de  cette  paisible  demeure  y 
couleraient  des  jours  fortunés  ;  s'aimant  les 
uns  les  autres,  faisant  leur  plus  douce  oc** 
cupation  de  se  rendre  réciproquement  heu- 
reux, rien  ne  troublerait  le  repos  de  celte 
vie  calme  et  unie.  Les  philosophes  ne  peu- 
vent ici  nous  contredire;  s'ils  ne  veulent  pas 
convenir  qu'un  Dieu  inflniment  bon  puisse 
châtier  les  coupables,  comment  compren- 
draient-ils qu'il  affligeât  des  innocents  (23 J? 
Voilà  donc  des  êtres  dont  la  condition  pa- 
rait digne  d'envie,  mais  un  état  si  tranquille 
ne  connaît  pas  la  lutte,  ignore  les  sacrifices. 
Quand  il  s'agit  de  ces  justes  si  différents  des 
nêlres,  il  ne  faut  parler  ni  de  courage,  ni  de 
résignation,  ni  de  constance,  ni  de  dévoue- 
ment, ni  de  toutes  les  autres  vertus  que  nous 
connaissons;  car  je  ne  sais  s'il  en  existe  une 
seule  qui  ne  tire  son  principal  lustre  de 
l'existence  du  mal.  J'ose  l'affirmer:  tous  les 
mérites  réunis  d'un  tel  monde  n'approche- 
raient {MIS  de  ceux  de  la  sublime  mère,  que 
l'Evangile  nous  montre  debout  auprès  de  la 
croix,  souscrivant  à  la  mort  de  son  Fi!s, 
s'unissant  à  lui  pour  obtenir  le  salut  des 
bourreaux  qu'elle  consent  à  adopter  comme 
SCS  enfants,  à  aimer  éternellement  comme 
les  compagnons  immortels  de  sa  gloire.  C'est 
un  discours  commun  dans  l'Eglise  que  Marie 
l'emporte  à  elle  seule  sur  tous  les  prédestinés 
ensemble  ;  s'il  en  est  ainsi  à  l'égard  de  ceux 
qui  ont  conquis  leur  couronne  par  tant  de 
travaux,  que  faudrait-il  dire  des  habitants 
d'un  monde  où  le  péril  et  la  peine  sont  in- 
connus ?  Mais  pourquoi  insister  ?  Le  moins 
glorieux  des  apôtres  ou  des  .martyrs,  quo 

martyre  que  celui  de  notre  bien-aimé  Rédempteur, 
depuis  le  premier  jasqu*au  dernier  moment  de  sa  \ie 
mortelle! 

(23)  Noas  ne  contredisons  point  ici ,  à  Dieu  ne 
plaise,  l'enseignement  de  TEglise  sur  la  possibilité 
de  Pétat  de  pure  nature,  nous  raisonnons  d'après  les 
principes  des  philosophes. 


41 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


i^ 


dis-je?un  simple  chrétien,  mourant  dans 
$tin  lit,  au  oiilieu  de  sa  famille,  paraît  plus 
mod,  plus  dignede  récompense,  en  faisant 
le  sacrince  de  sa  Tie,que  la  multitude  de  ces 
héros,  toujours  lacilemenl  vainaueursd'en- 
Demis  dont  une  main  puissante  aétourne  les 
coii{)s.  Si  la  rémunération  se  mesure  sur  le 
mérite,  si  la  joie  du  triomphe  répond  aux 
dangers  du  combat,  si  la  [gloire  est  en  pro- 
portion des  difficultés  vamcues,  la  félicité 
d'uo  seul  de  nos  élus  doit  remporter  sur 
celle  de  toate  une  société  dont  aucun  mem- 
bre n^aarait  pu  faillir. 

«Hais  la  bonté  de  Dieu,  dira-t-on,  est' 
maîtresse  de  ses  dons  ;  rien  ne  Tempôchait 
de  donner  à  ses  élus  à  titre  gratuit  ce  que, 
dans  on  autre  plan,  ils  reçoivent  comme  ré- 
compense. Que  s*est  proposé  .la  Providence 
en  créant  le  monde  et  en  instituant  ses  lois? 
La  formation  d'une  société  parfaite,  destinée 
à  voir  Dieu,  à  le  posséder,  à  le  glorifier  éler* 
aeilemeoL  Ne  pouvait-il  pas  donner  l*étre  à 
des  intelligences  d*un  ordre  assez  élevé  pour 
oontemuler  sa  majesté  infinie,  et  se  commu- 
niquer à  elles  à  leur  entrée  dans  la  vie,  sans 
leor  demander  aucun  mérite  f  Ces  intelli* 
genees  devraient  ainsi  à  sa  suprême  bonté 
uttepltts  grande  reconnaissance,  et  la  joie  du 
ciel  semt  plus  douce  par  la  pensée  qu'il 
n*eiiste  point  de   malheureux  dans   toute 
retendue  de  lik  création.  « 
.  Voir  Dien,  le  posséder,  vivre  dans  son 
jeinooflNDe  son  tils  et  son  héritier,  ce  n^est 
p«5  Q0e  chose  aussi  simple  que  Ton  pense  ; 
antre  le  créature  et  le  Créateur,  il  y  a  un 
alilme  infini  à  conribler.  Lorsqu'on  parle  d'a- 
doption ou  de  mariage  parmi  les  nommes, 
vù  veut  au'ii  existe  une  sorte  d^égalité,  au 
moins  d'éducation  ou  de  naissance,  entre  les 
personnes  qui  vont  s'unir  par  des  liens  si 
étroits, et  c'est  avec  raison  ;  une  trop  grande 
disproportion  manque  rarement  de  compro- 
mettre le  bonheur  domestique,  dont  l'aisance 
et  l'abandon   sont  la  première  condition. 
Les  anciens  croyaient  que  l'on  ne  peut  voir 
Oiea  sans  mourir;  et,  en  vérité,  je  conçois 
cette  opinion,  s'il  s'agit  d'une  créature  qui  se 
tronverait  tout  d'un  coup  placée  devant  la 
Majesté  intiuie  avec  son  seul  néant  :  inter- 
flue, atterrée,  elle  n'oserait  ni  lever  les  yeux, 
ni  ouvrir  la  bouche,  pour  ainsi  dire  ;  elle 
^rait  dans  un  état  violent  et  contre  nature. 
yi^ore  si  cet  être,  étrangement  déplacé, 
aurait  l'audace  d'aimer  Dieu,  si  Dieu  lui- 
mèfne  pourrait  l'aimer  à  son  tour,  à  moins 
«lue  ce  ne  fût  comme  un  fleuve  ou  une  mon- 
tagne,qui  sont  aussi  l'ouvragede  ses  mains; 
iziais  ii  me  paraît  impossible  qu'il  existât 
jamais  entre  eux  une  société  intime,  une 
ilfeetion  de  cœur,  l'effusion  des  sentiments, 
la  confiance  de  l'amour.  Un  homme,  oui 
adopterait  un  ver  de  terre,  ferait  une  folie 
également  inutile  à  l'insecte  et  à  lui-même, 
il  oublierait  sa  dignité  en  pure  perte  ;  une 
soeiécé  qui  n'est  |)oint  cimentée  par  l'union 
des  ccears,  devient  à  la  longue  un  supplice 
iiitoléral>fe  ;  et  souvenons-nous  qu'il  est  ici 
«rtMsiion  d'une  société  étemelle  I  Notre  foi 
bit  disparaître  toutes  ces  diffieultés  ;  les  élus 

DlCTIONTfAISE  APOLOOÉTlQUE.   II, 


aimeront,  posséderont  Dieu  par  Jésus-Christ; 
Dieu  les  aimera  dans  la  persoiiiie  de  son  Fils, 
ce  Fils  humilié,  crucifié  pour  sa  gloire,  mais 
crucifié  aussi,  pour  le  rachat  de  ceux  qu'il 
appelle  sus  frères,  pour  la  sanctification  do 
l'Eglise  à  laquelle  il  donne  le  doux  nom 
d'épouse.  Dès  lors,  nous  ferons  en  quelque 
sorte  partie  de  la  famille  do  Dieu,  nous  no 
craindrons  pas  de  nous  nommer  ses  enfants, 
de  l'aimer  comme  notre  père,  de  regarder 
son  royaume  comme  notre  héritage  et  notre 
patrimoine. 

Quoi  quil  en  soit,  celui  qui  est  la  souve* 
raine  raison  aime  nécessairement*  ses  créa- 
tures  autant  qu'elles  sont  aimables,  ni  plus 
ni  moins;  or,  il  y  a  une  différence  infinie 
entre  posséder  des  mérites  et  en  être  dé* 

Eourvu  tout  à  fait.  Il  est  impossible  que 
)ieu  resarde  des  mêmes  yeux  l'homme  qui 
a  travaillé  et  souffert  pour  sa  gloire  et  celui 
dont  les  jours  se  sont  écoulés  dans  le  repos 
et  les  délices  ;  celui  qui  lui  doit  tout,  auquel 
lui-même  ne  doit  rien,  et  celui  dont  il  a 
voulu  devenir,  pour  ainsi  dire,  l'obligé,  et 
auquel  il  se  donne  comme  pour  acquitter  là 
dette  de  la  reconnaissance.  Etre  aimé  de 
cette  manière  par  notre  grand  Dieu,  c'est 
une  gloire,  c'est  un  bonhetjr  que  ni  le  lan* 
gage  des  hommes,  ni  celui  des  anges  ne  peu- 
vent exprimer. 

D'un  autre  côté,  la  béatitude  des  élus 
n'aura  pas  coûté  i  Dieu  seulement  une  pa« 
rôle  comme  la  création  ;  elle  sera  le  |>rii  du 
sang  de  Jésus-Christ,  le  Fils  bien-aimé,  im- 
molé pour  la  rédemption  des  misérables 
mortels.  Ce  no  sera  plus  pour  eux  une  au* 
dace  d'aimer  Dieu,  mais  un  besoin,  une  né-* 
cessité  irrésistibles;  ils  voudraient  pouvoir 
l'aimer  infiniment.  Voilà  maintenant  une 
vraie  société,  parce  que  l'amour  en  est  le 
lien;  l'amour,  ais-je,  tel  qu'il  doit  être  pour 
ne  pas  s'attiédir  pendant  la  longue  éternité; 
l'amour  qui  calmerait  les  douleurs  de  l'en-^ 
fer,  s'il  pouvait  y  pénétrer  ;  l'amour  qui 
sera  le  plus  bel  ornement,  la  plus  douce  fé- 
licité du  ciel  même.  Oui ,  le  monde,  où  la 
loi  du  mérite  et  de  l'épreuve  ne  règne  pas, 
quelque  grand  qu'on  le  suppose,  restera 
toujours  a  une  incalculable  distance  du 
nôtre» 

La  gr&ce  fait  tout  en  nous  dans  l'ordre 
surnaturel,  il  faut  bien  le  dire;  mais  aussi 
elle  nous  est  donnée  en  vue  des  mérites  de 
Jésus-Christ,  que  Dieu,  par  un  conseil  ad* 
mirable,  a  su  rendre  nôtres,  et  nui  sont 
fondées  sur  la  Passion  du  Sauveur,  laquelle 
n'a  pu  avoir  lieu  que  par  le  péché  et  à  cause 
du  péché.  Lorsque  Bayle,  supposant  la  réa- 
lisation d'un  plan  exclusif  du  péché,  parle 
de  mérites  qui  seraient  produits  par  une  sé« 
rie  de  çrAces  toujours  ei&caces,  ii  ne  sait  ce 
qu'il  dit.  Avee  renseignement  de  T Eglise 
sur  la  rédemption,  la  coexistence  de  la  grêce 
et  du  mérite  s'explique  parfaitement,  parce 
que  les  secours  naturels  que  nous  recevons 
sont  puisés  dans  un  trésor  mstement  devenu 
le  patrimoine  du  genre  humain  ;  au  con- 
traire •  dans  l'hypothèse  d'un  monde  qui 
n'aurait  pas  eu  besoin  de  réparate*'*^    ^'^ 


tô 


MAI 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


44 


Îrâce  de  bien  vivre,  comme  la  vie  elle-même, 
écoulerait  uniquement  de  la  bonté  divine, 
elle  serait  radicalement  incapable  de  consti- 
tuer le  mérite.  Ceci  se  comprendra  mieux 
à  mesure  que  nous  avancerons  dans  Texpli- 
cation  du  plan  divin.  H  nous  sufilra  de  re- 
ma4*quer,  en  attendant,  que,  lors  même  que 
nous  accorderions  à  Bayle  ce  qu'il  sup- 
pose contre,  toute  raison,  son  monde  imagi- 
naire resterait  toujours  bien  au-dessous  de 
celui  du  Créateur.  £n  effet,  la  grâce  doit  être 
communiquée  plus  abondamment  selon  la 
gravité  des  dangers,  la  difficulté  des  situa- 
tions, l'importance  des  ministères;  elle  opé- 
rera donc  plus  dans  le  monde  de  la  lutte 
que  dans  tout  autre. 

On  nous  arrête  ici.  A  quoi  bon,  dira-t-on, 
ces  raisonnements  pour  prouver  la  supério- 
rité du  bien  dans  votre  système,  nous  ne  la 
contesterons  pas,  si  vous  le  voulez  ainsi  ; 
mais  une  seule  injure  faite  à  Dieu  n*anéanlit- 
elle  pas  tout  ce  que  les  hommages  des  créa- 
tures peuvent  lui  donner  de  gloire  f  Cela 
serait  vrai,  si  nous  n'avions  pas  un  Répara- 
teur, dont  la  moindre  satisfaction  rend  plus 
d'honneur  à  Dieu  que  ne  sauraient  lui  en 
ôter  les  crimes  d'un  million  de  mondes  aussi 
coupables  que  te  nôtre.  11  faut  bien  le  re- 
marquer ;  le  Fils  de  Dieu  n'est  pas  venu 
seulement  pour  remettre  les  choses  dans 
leur  premier  état  :  il  a  donné  à  la  création 
une  valeur,  une  dignité  infinies  ;  par  lui, 
les  élus  seront  rendus  participants  de  la 
nature  divine.  Ce  résultat  est  assez  grand 
pour  justifier  la  permission  du  mal  sans  le- 
quel il  n*aurait  pas  été  obtenu. 

Notre  débat  avec  les  incrédules  peut  se 
réduire  à  ce  simple  raisonnement  :  ou  vous 
reconnaissez,  leur  dirons-nous,  que  Texis- 
tence  du  mal  n'est  pas  incompatible  avec  les 
attributs  de  Dieu,  ou  vous  ne  le  reconnais- 
sez pas.  Si  vous  le  reconnaissez,  quel  droit 
avez-vous  de  condamner  un  monde  où  la 
Providence  a  su  donner  aux  mérites  de  la 
créature  quelque  chose  d'infini  en  les  asso- 
ciant à  ceux  du  Verbe  incarné  ?  Si  vous  ne 
le  reconnaissez  pas,  vous  rendez  tout  mé- 
rite impossible  ;  car,  pour  être  digue  de  ré- 
compense en  faisant  le  bien,  il  faudrait  au 
moins  avoir  pu  ne  pas  le  faire.  La  perfection 
d'une  société  consiste  dans  le  mérite  de  ses 
membres ,  et  la  lutte  contre  le  mal  donne 
lieu  à  des  mérites  plus  grands  $  le  monde  où 
le  mal  existe,  vaut  donc  mieux  que  celui  où 
il  n'est  pas.  D*après  quel  principe  voudrait- 
on  qu^il  fût  interdit  à  Dieu  de  faire  ce  qui 
est  plus  parfait?  Est-ce  parce  que  le  mal 
n  est  pas  suffisamment  compensé  par  Texcès 
du  bien?  Mais  la  croix  de  Jésus-Christ  ré- 
pond à  tout.  D'ailleurs  le  bien,  dans  quel 
sens  qu'on  entende  ce  mot,  acquiert  à  i  oc- 
casion du  mal  un  développement  incompa- 
rable. Si  par  bien  on  veut  dire  vertu  et  mé- 
rite, cela  est  évident  ;  si  l'on  entend  la  gloire 
et  le  bonheur,  cela  n'est  pas  moins  clair, 
parce  que  Dieu  doit  aimer  ses  créatures 
comme  elles  sont  aimables,  et  les  traiter 
comme  il  les  aime.  D'un  autre  côté,  le  sort 
des  réprouvés  ne  cause  aucune  douleur  aux 


élus  qui  les  détestent  comme  les  ennemis 
de  Dieu  :  on  peut  dire,  au  contraire,  que  les 
douleurs  de  Fenfer  doublent  le  bonheur  du 
ciel,  dont  les  habitants  reconnaissent  qu'ils 
seraient  mille  fois  tombés  dans  l'abîme  sans 
la  miséricorde  infinie  à  laquelle  ils  doivent 
leur  salut. 

En  d'autres  termes,  le  mal  n'est  pas  un 
défaut  dans  l'ouvrage  de  Dieu,  puisqu'il  est 
le  fondement  nécessaire  de  sa  perfection;  le 
mal  est  surabondamment  compensé  par  le 
bien,  puisqu'il  est  Toccasion  et  Tinstrumenl 
de  la  mort  de  Jésus-Christ,  source  de  méri- 
tes infinis,  applicables  h  tous  les  élus  et 
même  aux  réprouvés,  s'ils  avaient  voulu  y 
consentir. 

On  croira  peut-être  échapper  à  nos  rai- 
sonnements en  disant  que,  selon  Topinion 
de  quelques  théologiens  catholiques,  l'in-- 
carnation,  de  laquelle  nous  faisons  sortir 
toute  la  nerfection  de  l'ouvrage  de  Dieu, 
aurait  eu  lieu,  lors  même  que  rhomme  ne 
se  serait  pas  rendu  coupable.  Quoi  qu*il  en 
soit  de  cette  opinion^  nos  raisonnements 
gardent  toute  leur  force.  En  effet,  la  forma- 
tion de  la  société  des  élus  est  là  fin  de  tous 
les  desseins  de  Dieu  ;  la  perfection  de  cette 
société  est,  par  conséquent,  celle  du  monde. 
Or,  la  gloire  des  élus,  c'est  le  mérite;  leur 
bonheur,  c'est  l'amour  Nous  le  demandons 
de  nouveau,  peut-il  exister  de  vrais  mérites 
pour  qui  est  inpeccable  et  dans  un  plan  d*où 
le  mal  est  exclu  .,  Dieu  aimera-t-il  de  la 
même  manière  celui  qui  n'aura  rien  fait  et 
celui  qui  a  travaillé  pour  sa  gloire  ?  Le  pré- 
destine éprouvera-t-il  une  aussi  tendre  re* 
connaissance  pour  un  Dieu  qui  n'aurait  eu 
d'autre  peine  que  celle  de  le  tirer  du  néant, 
et  pour  celui  qui  est  mort  sur  la  croix  afin 
de  le  délivrer  de  Tenfer  ?  Des  élus,  qui  se 
sont  sauvés  les  uns  par  le  secours  des 
autres,  ne  s'aimeront-ils  pas  d'un  amour 
mille  fois  plus  véhément  qu'ils  ne  le  feraient 
dans  un  système  où  ils  n'auraient  pu  se 
rendre  aucun  service  essentiel  ?  Le  plus 
mince  écolier  saurait  réoondre  à  ces  ques- 
tions. 

En  considérant  les  choses  sous  un  autre 
point  de  vue,  nous  arriverons  à  la  même 
conclusion.  La  difficulté  vaincue  fait  toute 
la  nerfection  des  œuvres  de  Dieu  comme  do 
celles  de  l'homme.  Pour  ne  point  parler  de 
celui-ci,  il  se  trouve  dans  la  lutte  contre  le 
mal  desdifiicultés  dignes  de  Dieu  lui-même, 
puisque,  pour  les  vaincre,  il  a  été  obligé 
d'envoyer  sur  la  terre  son  Fils  en  personne. 
Cette  même  guerre  contre  le  pécné  donne 
au  plan  divin,  par  la  communion  univer- 
selle des  biens  spirituels  en  Jésus-Christ, 
une  unité  parfaite,  et  par  la  diversité  des 
situations,  des  périls  et  des  travaux,  une 
variété  infinie.  De  celte  manière,  la  société 
des  élus  pourra  être  à  elle-même  un  éter- 
nel objet  d'admiration ,  et  c'est  ainsi  que  le 
cantique  des  /miséricordes  du  Seigneur 
n'aura  plus  de  fin. 

Il  faut  d'ailleurs  bien  comprendre  le  sens 
et  la  valeur  de  l'opinion  Ihéologique  dont 
il  est  ici  question.  Si  l'on  se  bornait  à  dire 


4o 


MAL 


DICTiaNNAtRE  APOLOGETIQUES 


MAL 


40 


que  la  rétleinpiion  des  hommes  n'est  pas  le 
seul  fruit  «le  riDcarualion,  on  ne  se  trom- 
perait pas  ;  en  effet,  Jésus-Christ   n*est  pas 
mort  pour  les  bons  anges  qui  n*ont  pas  bc- 
soÎD  de  grâce  médicinale,  mais  ses  méritos 
se  sont  ré|>andu5  sur  eux,  en  leur  qualilé 
demembresxiu  corps  dont  il  est  le  chef;  il 
n'a  pas  souffert  pour  les  démons,  condam- 
Qés  irrévocablement  ;  cependant  on  ne  peut 
douter  qu*il  n*ait  offert  h  son  Père  ses  salis- 
bctioDS  pour  réparer  l'outrage    fait  à   la 
Majesté  diicine  par  la  révolte  des  esprits 
retlelles.  Jusque-là  point  de  division  entre 
les  cathoUaues  ;  mais  de  ce  que  rincarna- 
tiona  produit  d*autres  résultats  que  la  ré- 
demotion  des  coupables,  est-il  permis  de 
eoMture  qu*elle  aurait  eu  lieu  dans  un 
BModeeieaipt  de  péché?  Nous  ne  le  pen- 
sons pas.  Ainsi,  la  gloire  de  Dieu  est  le 
pferaier  fruit  et  le  plus  précieux  de  la  mort 
de  JésQs-Cbrist  ;  mais  s'il  n'y  avait  pas  eu 
des  pécheurs    à   racheter,  certainement, 
quand  il  Taurait  pu,  Dieu  n*aurait  pas  voulu 
eiiger  lesacriDce  du  Calvaire,  pour  obtenir 
ose  gloire  dout  il  n*a  nas  besoin. 

een*estpas  assez,  r£critureet  la  tradi- 
tion bqfqs  paraissent  peu  favorable^  à  cette 
opinion,  qui  du   reste  n'est  soutenue  que 
par  un  petit  nonibre  de  théologiens,  ftemar-^ 
quoos-le  d'abord,  TEglise  enseigne  formel- 
l&o€Dlqae  le  Fils  de  Dieu  est  descendu  sur 
la  terre  pour  nous  autres  hommes  et  pour 
notre saIoL  A  la  vérité ,  elle  u*a  point  dé- 
claré d*ane  manière  expresse  çiu  il  ne  lût 
point  venu,  si  Thomme  nes*éiait  pas  rendu 
oûopable  ;  mais  il  nous  semble  qu'elle  fait 
eonoaltre  clairement  sa  pensée  en  disant 
de  la  désobéissance  d'Adam  :  Heureuse  faute 
qui  a  mérité  un  tel  Rédempteur  (24)  ! 

Lorsque  saint  Paul  appelle  l'incarnation 
du  Verbe  un  anéantissement,  il  se  sert  d'une 
expression  énergique,  mais  juste  et  vraie; 
les  philosophes  ne  pourront  en  disconvenir. 
Lmcamation  nie  parait  plus  étonnante  que 
tontes  les  scènes  du  Calvaire.  Dans  Tincar- 
nation,  c'est  la  nature  divine  jqui  s'al^aisse 
directement  et  d'une  manière  iuûnie;  dans 
ie  sacrifice  de  la  croix ,  la  nature  humaine 
souffre  seule  des  atteintes  que  le  Verbe 
arait  acceptées  en  se  l'associant.  Est-ce 
habitude  ou  raison  7  Je  l'ignore  ;  mais  la 
}*cnsée  de  l'incariiation  réveille  en  moi, 
towme  nécessairement,  celle  d'un  grand 
(iésastre  à  réparer  :  et,  quelque  grand  qu'il 
vMt,  on  s'étonne  encore  avec  TEglise-que  le 
Fiis  de  Dieu  n'ait  pas  eu  horreur  du  sein 
'l'une  vierge.  Que  serait-il  venu  faire  dans 
un  monde  où  le  mal  ue  pourrait  exister  ? 
y  augmenter  le  bien  ;  mais  de  quelle  ma* 
mère  ?  par  une  opération  de  sa  puis- 
ante ;  il  n'avait  pas  besoin  pour  l'exercer 
de  sortir  du  sein  de  son  Père.  Par  la  corn** 
n)uaicati«»n  de  ses  mérites?  Pour  c^ue  le 
uiénie  soit  réel  et  puisse  se  communiquer, 
li  faut  un  concours  de  circonstances  qu'il 
*^i  impossible  de  réunir  dans  un  système 
où  tout  est  bien»  nous  le  verrons  bienlAl  ; 


faisons,  en  attendant,  une  situ  pie  réflexion  : 
Si  les  théologiens  se  demandent  comment 
Jésus-Christ  étatit  impeccable,  a  pu  méri- 
ter dans  un  monde  rempli  d  hommes  mé- 
chants, avec  un  corps  sujet  aux  souffrances 
et  à  la  mort;  quel  ne  serait  pâs  leur  embar-^ 
ras,  s^il  leur  fallait  trouver  le  fondement 
des  mérites  du  Médiateur,  venant  vivre 
dans  une  chair  impassible,  au  milieu  d'une 
société  de  justes,  exempts  des  moindres 
faiidesses  I 

Mais,  sans  tant  de  raisonnenïents,  il  est 
facile,  ce  nous  semble,  d'arriver  à  ia  vérité 
par  l'examen  des  faits  antérieurs  au  décret 
de  l'incarnation.  Un  certain  nombre  d'anges 
se  révoltent  contre  le  Tr^s-Haut,  ils  sont 
condamnés  sans  retour  sans  qu'il  soit  ques- 
tion de  réparateur.  Rien,  en  effet,  ne  faisait 
à  Dieu  une  loi  de  réhabiliter  les  démons  et 
de  chercher  des  compensations  au  mal  dont 
ils  étaient  les  auteurs.  Tout  considéré,  le 
dessein  du  Créateur  avait  réussi  :  la  liberté 
venait  de  produire  un  bien  immense;  la 
trahison  de  quelques  rebellés,  réprouvés.par 
leur  faute  servait  admirablement  à  relever 
l'éclat  de  la  fidélité  du  j^lus  grand  nombre 
des  an^es.  La  conduite  de  la  Providence  se 
trouva-it  donc  justifiée  jusque-là.  Dans  de 
telles  circonstances,  le  décret  de  l'union  hy- 
postatique  du  Verbe  avec  une  nature  créée 
ne  paraîtrait  pas,  s*il  est  permis  de  le  dire 
en  hésitant»  motivé  par  des  raisons  d^uti 
ordre  assez  élevé,  pour  expliquer  une  déter- 
mination si  étrange.  Il  ne  sullit  pas,  ce  sem- 
ble, d*un  simple  désordre  à  corriger,  à  plus 
forte  raison  d'un  avantage  à  procurer  aux 
créatures,  pour  faire  descendre  Dieu  dans 
la  création  par  une  sorte  d'anéantissement» 
selon  la  belle  expression  de  saint  Paul  ;  ce 
serait  un  trop  mince  résultat  d'un  si  grand 
effort  de  la  puissance  divine.  Le  poêle,  se 
fondant  sur  les  plus  claires  notions  du  bon 
sens,  ne  veut  pas  que»  dans  de  vaines  Qc- 
lions,  on  fasse  intervenir  la  Divinité  hors 
de  propos,  et  lorsque  le  nœud  peut  se  dé- 
lier par  une  main  mortelle.  Lincarnation 
du  Verbe»  créateur  de  l'univers»  est  tout 
autre  chose  que  l'apparition  momentanée 
d'un  dieu  de  théâtre;  cependant  il  fallait 
que  ce  grand  événement»  proposé  à  la  foi 
du  genre  humain,  parût  avoir  été  amené 
par  des  causes  assez  sérieuses  pour  pouvoir 
devenir  le  fondement  de  la  religion  uni- 
verselle. C'est  ce  qui  est  arrivé. 

Nous  ne  voulons  point  en  ce  moment  énu- 
mérer  toutes  les  raisons  qui  ont  déterminé 
la  résolution  de  la  sagesse  infinie»  peut-être 
trouverait-on  trop  disproportionnées  celles 
qui  ne  regardent  que  Vhomme  ;  noiis  nous 
bornerons  donc  à  remarquer  que  Dieu  ayant 
un  intérêt  maieur  et»  pour  ainsi  dire,  per- 
sonnel engagé  dans  la  question»  l'égalité 
entre  le  but  et  le  moyeu  se  trouve  ainsi  par- 
faitement établie. 

£u  effet»  Lucifer  s'était  attaqué  directe- 
ment à  Dieu»  qui  acceiUe  cet  insolent  déti« 
parce  qu'il  sait  à  quels  grands  dea&eios  il 


\ii*  OOice  du  Samedi  saint. 


17 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


48 


Veul  fflife  servii»  rfmpiétè  de  son  ennemi. 
Ce  malheureuï  rehelVe,  après  avoir  contri- 
bué dans  le  ciel  à  Tépreuve  des  anges  fidèles, 
autant  de  temps  quil  était  nécessaire  pour 
leur  gloire»  chassé  avec  ignominie  du  milieu 
d'eux  et  précipité  sur  la  terre,  y  trouve  un 
couple  innocent,  favorisé  du  Très-Haut  et 
réservé  à  de  grandes  destinées.  Cette  vue 
enflamme  sa  colère,  il  veut  se  venger  sur 
rhomme  du  mal  qu'il  n'a  pu  faire  a  Dieu. 
C'en  est  fait,  Adam  et  Eve  se  sont  laissés 
tromper  par  le  suborneur;  sa  victoire  sur 
le  premier  père  des  hommes  lui  assure, 
d'un  seul  coup,  la  conquête  de  toutes  les 
générations  à  venir.  Dieu  lui-même  est 
vaincu,  et  si  les  choses  en  restent  à  ce 
point,  il  va  se  voir,  pour  ainsi  dire,  forcé 
de  passer  sous  le  joug  du  vainqueur;  car, 
par  suite  des  lois  établies  pour  la  propaga- 
tion de  la  race  humaine,  il  se  trouvera  con- 
traint de  créerjdes  sujets  à  son  ennemi,  et, 
en  quelque  sorte,  au  commandement  de 
celui-ci.  Mais  c'est  là  que  le  Très- Haut 
attend  ce  triomphateur  en  idée  :  à  sa  con- 
fusion éternelle,  tous  ses  desseins  vont  s'é- 
crouler en  un  clin  d'œil,  et  ceux  du  Sei- 
gneur s'élever  à  une  hauteur  infinie. 

A  toute  force  Dieu  pouvait  encore,  après 
la  chute  de  Fhomme,  ou  laisser  les  lois  de 
la  nature  suivre  leur  cours,  ou  en  arrêter 
révolution  pour  prévenir  de  plus  grands 
malheurs.  L'ennemi,  il  est  vai,  n aurait 
pas  manqué  d'entonner  le  chant  de  triom- 
phe, d'insulter  à  la  sagesse  éternelle  mise 
en  défaut;  mais  la  souveraine  félicité  de 
Dieu  peut-elle  être  troublée,  sa  gloire  peut- 
elle  être  amoindrie  par  les  bravades  d'un 
rebelle  qu'il  lui  est  si  facile  d'humilier  et 
de  punir?  Cependant,  il  faut  le  dire,  ce  dé- 
nouement n  était  pas  le  plus  convenable, 
ni  le  plus  digne  de  la  majesté  infinie;  la 
raison  se  sent  froissée  de  la  seule  idée  que 
le  Créateur  ait  pu  être  vaincu  en  quelque 
chose  par  sa  créature.  Dieu  devait  donc 
vaincre  ;  ce  n'est  pas  assez,  il  devait  vaincre 
en  Dieu,  c'est-à-dire  conquérir  par  sa  pré- 
tendue défaite  une  gloire  infinie;  il  ne  le 
pouvait  que  par  l'incarnation. 

Nous  savons  ce  qu'on  va  répondre  :  Puis- 
que Dieu  a  fait  de  si  grandes  choses  à  l'oc- 
casion et  par  le  moyen  du  péché,  il  l'a  donc 
voulu;  mais  comment  concilier  ce  vouloir 
avec  sa  sainteté?  Ne  disputons  pas  sur  des 
mots,  allons  au  fond  des  choses.  Assuré- 
ment si  Dieu  n'avait  voulu  le  péché  d'au- 
cune manière,  le  péché  n'aurait  pas  eu  lieu; 
mais  il  l'a  voulu  comme  il  neut  \pt  vouloir, 
les  catholiques  disent  qu'il  le  permet:  c'est 
roxpression  la  plus  juste.  La  liberté  a  été 
donnée  à  l'homme,  non  afin  qu'elle  devint 
la  cause  du  péché,  cela  est  impossible,  mais 
parce  que  sans  elle  il  ne  peut  y  avoir  de 
mérite.  Dieu  a  prévu,  sans  doute,  l'abus  de 
la  liberté;  mais  comme  détruire  le  pouvoir 
d'abuser,  c'est  porter  atteinte  à  la  liberté 
elle-même,  il  a  toléré  ses  écarts  sous  la  ré- 
serve qu'ils  serviraient  au  bien  général.  On 
parle  de  sainteté.  £h  !  la  mort  de  Jésus- 
Christ,  les  peines  de  l'enfer  me  donnent  une 


plus  haute  idée  de  la  sainteté  de  notre  Dieu, 
que  ne  saurait  le  faire  une  création  où  la 
liberté  de  l'homme  resterait  enchaînée  et 
captive.  Qu'on  argumente  tant  qu'on  voudra, 
qu'on  entasse  subtilités  sur  subtilités,  on  ne 
viendra  pas  à  bout  d'obscurcir  ce  cjui  est 
clair  comme  la  lumière  du  soleil  :  Dieu  et 
le  péché  existent,  ils  se  révèlent  par  des 
faits  visibles,  et  il  est  impossible  qu'il  y  ait 
un  pacte  entre  eux;  le  jour  est  moins  con- 
traire à  la  nuit  que  la  nature  divine  à  l'inN 
quité. 

Mais,  dira-t-on,  le  mal  étant  une  partie 
essentielle  du  plan  divin,  si  essentielle 
qu'en  le  supprimant  on  ferait  disparaître  ce 
qu'il  y  a  de  plus  grand  dans  la  création,  ne 
s  ensuit-il  pas  que  Dieu  l'a  décrété  et  or- 
donné, qu'il  l'a  voulu  directement  et  posi- 
tivement, puisqu'on  ne  peut  vouloir  la  fin 
sans  vouloir  aussi  les  moyens?  Nous  avons 
affaire  à  des  passions  opiniâtres,  tâchons 
d'être  clairs  ;  et  d'abord  définissons  bien  les 
termes.  La  fin  de  la  création,  c'est  la  gloire 
de  Dieu  et  des  élus  ;  le  moven;  c'est  une  li- 
berté vraie, une  épreuve  réelle;  voilà l'idée- 
mère,  voilà  le  plan  primitif.  Mais  Dieu  a 
pris  au  sérieux  la  loi  fondamentale  du 
monde  ;  il  ne  s'est  pas  contenté  d'établir  la 
liberté  en  principe,  il  l'a  mise  dans  les  faits 
et  lui  a  subordonné  tout  son  gouvernement  ; 
s'il  avait  fait  autrement,  que  penserions- 
nous  de  lui?  Or,  être  libre,  c'est  pouvoir 
incliner  sa  volonté  vers  le  bien  ou  vers  le 
mal;  aller  au  bien,  c'est  l'usage  iésitime, 
tourner  au  mal  c'est  l'abus.  Mais  l'usage 
n'est  méritoire  qu'autant  que  l'abus  est 
possible;  il  est  absurde  de  s  étonner  qu'il 
ait  lieu,  et  il  n'en  faut  pas  davantage  pour 
le  justifier.  Cependant,  afin  de  le  justifier 
encore  mieux,  Dieu  s'en  sert  pour  donner 
une  plus  haute  perfection  à  son  œuvre  : 
voilà,  en  quelque  sorte,  le  second  plan. 
Comprenons  maintenant  combien  est  frivoie 
l'oi^jection  à  laquelle  nous  répondons  :  elle 
tire  toute  sa  force  de  ce  que  la  Providence 
a  su  faire  servir  le  mal  à  un  bien  immense  ; 
si  Dieu  avait  été  moins  sage  et  moins  bon, 
sa  sainteté  serait  à  couvert,  l'objectiOD 
n'existerait  pas. 

Si  je  ne  me  trompe,  les  incrédules  ne 
comptent  \ms  pour  beaucoup  les  raisonne- 
ments auxquels  nous  venons  de  répondre  ; 
voici  enfin  leur  argument  victorieux.  Dieu 
est  bon,  disent-ils;  comment  donc  a-t-il  pu 
créer  ceux  qui  devaient  se  perdre  éternel- 
lement? Pour  un  réprouvé,  la  vie  n'est  pas 
le  présent  d'un  père,  mais  d'un  ennemi. 
Tâchons  encore  ici  de  nous  faire  bien  com- 
prendre. £n  créant  le  monde.  Dieu  â-t-il 
désiré  d'avoir  des  coupables  à  punir?  non 
évidemment;  un  homme  vertueux  aurait 
horreur  d'une  telle  pensée,  comment  pour- 
rait-on l'attribuer  à  Dieu?  Que  s'est-il  donc 
proposé?  Si  nous  suivons  l'ordre  des  pen- 
sées divines,  nous  trouvons  :  1*  le  dessein 
de  former  une  société  bienheureuse;  2*  le 
plan  et  l'organisation  de  cette  société  ;  3*  le 
choix  de  ses  membl*es  et  la  place  assignée  à 
chacun;  %""  la  combinaison  des  moyens  les 


49 


XAL 


nCTKÎNXAIllE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


d(K 


pi»  propres  à  assurer  la  sanctification  des 
élos.  Ed  pareooranl  les  diTcrs  systèmes  qui 
peavent  rSaiiser  son  dessein»  la  pensée  di- 
▼ine  meoatre  notre  nnirers,  elle  sy  arrête, 
la  rom  liiée  ;  pourquoi  ?  parce  qu'elle  j 
troufe,  avec  les  moyens  de  les  faire  arriver 
à  leur  perfection,  tous  ceux  qu^eîle  a  élus 
éms  sa  prédilection  étemelle. 

Alors  pour  la  première  fois  les  réprouvés 
sf  présentent  A  elle;  cette  vue  fattriste,  elle 
s*affTê&  pour  chercher  le  mojen  d*annihi- 
kr  le  Bal&eur  des  uns  sans  amoindrir  la 
dkiire  des  autres;  elle  Toudrait  que  toute 
b  CMidté  du  ciel  ne  coûtât  A  la  terre  ni 
on  crime^  ni  un  soupir;  c'est  une  chose 
moralement,  phjsiauement  et  métapbjsi- 
qaemcat  impossible;  il  but  donc  passer 

OViR. 

Ainsi  à  ceux  qui  nous  demanderaient 
poorfn  Dieu«  malgré  la  prévision  de  leur 
■albru-y  a  donné  l'existence  aux  réprouvés, 
OMS  répocdrons  :  parce  qu'ils  étaient  com- 
prU  dans  le  même  plan  que  les  élus.  Ce 
F^  ^  d'une  sagesse,  d'une  grandeur  di- 
vine; le  bien  s'y  développe  dans  des  pro- 
portions immenses,  le  mal  y  est  resserré 
dans  des  limites  relativement  tris-étroites, 
ei  il  •>  entre  que   par  nécessité  :  le  mal 
moral,  oonne  conséquence  de  la  liberté, 
saas  laquelle  l'ouvrage  de  Dieu  n'aurait  au- 
oine   valeur   morale;   le  mal   physique, 
e»aie  présenratif,  remède  ou  chAtiment  du 
péché.  Dieo«  oui  préfère  ce  plan  à  cause  de 
*^  ^^  et-il  obligé  d'y  renoncer  A  cause 
des  r^irouTés?  et  pourquoi?  par  justice? 
Hiis  la  justice  la  plus  parfaite  sera  obser- 
vée A  regard  de  tous  les  êtres  libres;  bons 
et  méchants,  tous  seront  traités  selon  leurs 
fliéntes.  Far  tionté?  bonté  pour  qui?  pour 
les  r^>rtNiTés?  A  la  bonne  heure,  pourvu 
^  celle  bonté  ne  soit  point  funeste  aux 
élus  qui    raient  mieux  qu'eux  et  qui  sont 
ç&   pius    grand  nombre  ;   mais  priver  les 
jnsles  d*one  récompense  infinie  A  laquelle 
is  ont  droit,  pour  garantir   les  méchants 
o  un  supplice  trop  justement  .mérité,   on 
connera  A  cette  conduite  le  nom  que  I  on 
vcmlra,  moi,  je  ne  consentirai  jamais  A  Tay)- 
pe^er  de  la  bonté.  Dans  le  coofiit  des  inté- 
rêts  contraires  du  vice    et  de    la  vertu, 
qu'exige  de  Dieu  son  titre  de  Hre?  qu'il 
sacrifie   les  enfants  fidèles  aux   ingrats? 
Nco,  mille  fois  non.  G  est  assez  qu'il  ait  la 
rolouté   de   sauver  ces  malheureux,  sHIs 
usaient    bien    de    leur  liberté,  qu'il  leur 
ioumisse  des  moyens  surabondants  de  salut, 
que  dans  leur  ju^meot  il  fasse  incliner  la 
Lalanee  rers  la  miséricorde  autant  que  pos- 
sible. ^     *^ 

^ IV. 

—  DHproporttoo  infinie  eolre  le  nérile  des 
'  eilj  récumpense;  solution  par  Fincanution 

. — Oiir,  coannenl  devenoe  mn^eode  réittbi- 

—  GMMnent  Jésos-Orist  a-i-il  pn  mériter 
Aie?  —  Solniion  de  liras  les  pràblènies  de 
ir  rineimatioa  et  Umori  do  Sauveur; 

sur  ces  mystères.  Loi  de  la  SoUdariUoa 
■venelle  des  biens  el  des  maux. 

m  Le  mérite  suppose  une  sorte  d'égalité 


entre  la  peine  et  le  salaire  ;  mais  quel  rap- 

B9rt  peut-il  exister  entre  la  possession  de 
ieu  et  les<0uvres  d'une  créature,  surtout 
lorsque  celle-ci  a  eu  besoin  de  se  relever 
d'un  état  de  déchéance,  produit  et  par  la 
corruption  originelle  de  sa  nature  et  par  des 
crimes  personnels  ?  Dieu  a  su,  il  est  vrai,  au 
moyen  de  l'épreuve  par  la  liberté,  élever 
rhéroîsme  des  vertus  de  l'ange  et  de  l'hom- 
me aussi  haut  qu'il  puisse  monter;  mais 
leurs  mérites  restent  toujours  h  une  distança 
infinie  de  la  gloire  dont  ils  sont  le  prix  : 
autant  valait-il,  ce  semble,  ne  pas  exiger 
un  travail  hors  de  proportion  avec  la  ré- 
compense ,  et  couronner  h  leur  sortie  du 
néant  les  créatures  prédestinées,  sans  leur 
imposer  une  épreuve,  inutile  à  tous,  ftmeste 
è  un  grand  nombre.  »  Cette  difficulté  est  sé- 
rieuse; dans  un  monde  dont  la  première  loi 
est  la  liberté  et  le  mérite,  Tincaroation  pou* 
vait  seule  la  résoudre  parfaitement.  Ceci 
n'a  pas  besoin  d'être  démontré ,  c'est  un 
point  convenu  parmi  nos  docteurs.  Il  nous 
reste  à  voir  par  quelles  combinaisons  l'u- 
nion du  Verbe  avec  la  nature  humaine  a  été 
consommée  et  rendue  profitable  aux  élus. 

C'est  un  plan  en  apparence  bien  bizarre 

2 ne  d'associer  rintelligence  è  la  matière,  de 
lire  sortir  le  genre  humain  d'un  seul  cou- 
ple portant  en  lui-même  les  destinées  de 
toute  sa  postérité;  de  mettre  nos  premiers 
parents  si  faibles,  si  ingénus,  dont  la  chute 
devait  entraîner  tant  de  calamités,  aux  pri- 
ses avec  un  ennemi  également  implacable 
et  fécond  en  inventions  («ernicienses;  voilà 
cependant  le  chef-d'œuvre  de  la  sagesse  di- 
vine. 

L'influence  de  la  chair  sur  l'esprit  est  le 
mal  de  l'homme,  la  chair  semble  creuser 
plus  profondément  l'abîme  placé  entre  Dieu 
et  nous  ;  eh  bieul  c'est  la  chair  qui  va  com- 
bler cet  abtme.  Purs  esprits,  nous  n  aurions 
pu  nous  élever  jusqu'à  Dieu,  ni  devenir  ses 
parents  et  ses  alliés  comme  nous  le  sommes; 
par  la  chair  Dieu  est  descendu  jusqu'à  nous, 
il  est  devenu  le  fils  de  l'homme,  notis  lui 
donnons  sans  usurpation  le  nom  de  frère. 
Non-seulement  le  Dieu-Homme  acquittera 
la  dette  de  là  fomilledont  il  est  le  premier^ 
né,  comme  s'exprime  saint  Paul  (25),  mais 
il  Tennoblira,  il  la  divinisera,  il  la  couron- 
nera des  rayons  de  sa  gloire  infinie.  Nouvel 
Adam,  chef  de  sa  race  par  la  dignité  de  sa 

Krsonne,  il  pourra  plus  pour  notre  réhahi- 
ation  que  le  premier  homme  pour  notre 
déchéance.  La  solidarité  réparera  surabon- 
damment les  maux  dont  elle  aura  été  la 
source. 

Les  saints  Pères  et  les  théologiens  recon- 
naissent que  la  rédemption  de  l'homme 
était  plus  convenable  que  celle  des  anges  re- 
lielles  :  ceux-ci  formaient  une  petite  mino- 
rité dans  la  milice  céleste;  toute  la  postérité 
d*Adam  périssait  sans  l'incarnation  :  les  dé- 
mons n'avaient  point  été  poussés  au  mal;  ils 
s'j  étaient  portés  d'eux-mêmes;  fliomme 
en  s'y  livrant  avait  cédé  à  une  influence 


(S) 


vni,  99. 


5] 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


5S 


étrangère  :  les  premiers  étaient  de  purs  es- 
prits, doués  de  lumières  supérieures,  d'une 
Ibrce  de  voionfé  extraordinaire;  Thomme, 
môme  dans  l'état  d'innocence,  était  bien  in- 
férieur sous  ce  double  rapport  à  des  intelli- 
gences dégagées  des  sens  :  enfln  les  démons 
portaient  la  peine  d'un  crime  personnel, 
pleinement  volontaire  et  délibéré;  les  hom- 
mes de  tous  les  siècles  allaient  se  trouver 
punis  de  lu  faute  de  leur  premier  père,  à  la- 
quelle ils  n*ont  eu  aucune  part. 

La  sagesse  divine  se  justifie  par  ses  œu- 
vres. Le  démon  se  plaint-il  de  sa  destinée, 
de  la  rigueur  de  Dieu  à  son  *égard?  On  lui 
montre  la  faiblesse  humaine  exposée  à  des 
dangers  bien  autrement  sérieux  que  ceux 
auxquels  il  a  succombé.  L'homme  à  son 
lourse  trouve-l-il  trop  mal  partagé?  On  lui 
fait  voir  Tange  ébloui  de  sa  propre  excel- 
lence et  changeant  le  préservatif  en  poison. 
Ni  l'homme,  ni  l'ançe  n'ont  le  droit  de  se 
plaindre  de  la  Providence  ;  elle  a  fait  pour 
leur  salut,  par  des  moyens  contraires,  au 
delh  de  ce  qu'ils  pouvaient  demander.  On 
ne  sait  si  elle  s'est  montrée  plus  magniflque 
envers  Lucifer,  en  lui  donnant  une  puis- 
sante volonté,  une  intelligence  incompara- 
ble, ou  envers  Adam ,  en  lui  préparant  un 
remède  dans  sa  faiblesse  même;  et  ne  disons 
pas  que  Dieu  a  également  échoué  dans  ces 
deux  combinaisons;  si  elles  ont  été  inutiles 
à  quelques  particuliers  qui  se  sont  perdus 
par  leur  très-grande  faute,  elles  ont  immen- 
sément servi  et  à  la  famille  du  ciel  et  à  la 
famille  de  la  terre;  les  anges  et  les  hommes 
prédestinés  sont  devenus  les  fils,  les  héri- 
tiers de  Dieu  même. 

Mais  il  fallait  avant  tout  réparer  le  mal, 

f;uérir  la  ble'ssure  faite  au  çenre humain  par 
e  démon;  comme  nous  vivons  sous  la  loi 
du  mérite,  une  satisfaction  parfaite  était  né- 
cessaire, et  elle  ne  pouvait  avoir  lieu  sans 
l'incarnation  ;  l'incarnation  elle-même  ne 
suffisait  pas.  Nous  devons  en  dire  les  rai- 
sons. 

Rappelons  d'abord  que  dans  le  plan,  jus- 
tement préféré  par  le  Créateur,  la  gloire 
éternelle  est  un  salaire  proportionné  au 
travail,  une  récompense  égale  au  mérite. 
Mais  de  quoi  est  digne  le  pécheur,  si  ce 
n'est  de  la  malédiction  éternelle?  Pour  faire 
tl'un  criminel  un  enfant  de  Dieu,  il  y  avait 
un  double  prix  à  payer,  celui  de  la  répara- 
tion et  celui  de  la  glorification.  L'un  et  l'au- 
tre étant  infinis,  ifs  ne  pouvaient  être  ac- 
quittés que  par  un  Dieu.  Ici  se  présente 
une  première  difTicullé  :  si  Dieu  se  satisfait 
à  lui-même,  la  dette  n'est  pas  soldée,  elle 
est  remise;  il  ne  faut  plus  parler  de  mérite, 
de  récompense,  mais  de  don  purement  gra- 
tuit. L'incarnation  résout  le  problème. 
L^humanité  de  Jésus-Christ  paie  pour  nous, 
et,  h  cause  de  son  union  avec  le  Verbe,  elle 
paie  un  prix  qui  satisfait  pleinement  aux 
exigences  de  la  justice  divine. 

Mais  voici  de  nouveaux  embarras.  Les 
mérites  de  l'homme  faible,  rempli  de  pas- 
sions, environné  de  pièges  et  de  ténèbres, 
ic  conçoiventfacilement;  il  est  plus  malaisé 


de  deviner  sur  quoi  reposent  ceux  de  Jésus- 
Christ  qui  était  impeccable.  Or,  si  les  méri- 
tes de  Jésus-Christ  ne  sont  pas  effectifs,  les 
nôtres,  qui  en  tirent  toute  leur  valeur  sur- 
naturelle, que  seront-ils  ?  La  question  qui 
se  présente  en  ce  moment  à  notre  examen 
est  digne  d'une  attention  particulière;  elle 
renferme  la  solution  de  tous  les  problèmes 
de  la  création. 

Dans  THomme-Dieu,  c'est  l'homme  qui 
mérite,  qui  satisfait,  quoique  la  valeur  de 
ses  satisfactions  soit  fondée  sur  son  union 
hypostatigue  avec  le  Verbe.  Il  suit  de  là  que 
l'incarnation  seule  ne  constitue  pas  un  mé- 
rite, puisqu'elle  n'est  pas  le  fait  de  l'homme. 
Il  en  est  ae  même  probablement  des  hom- 
mages que  la  sainte  humanité  de  Jésus- 
Christ  onre  h  l'auguste  Trinité;  ces  hom- 
mageâ  sont  un  devoir,  une  obligation  ac- 
complie, une  dette  pavée  ;  c'est  en  outre  par 
une  douce  et  invincible  inclination  du  cœur 
que  Jésus-Christ  est  porté  à  louer,  à  bénir, 
à  remercier  son  Père.  Or,  si  je  ne  me  trom- 
pe, il  ne  saurait  y  avoir  dans  Taccomplisse- 
ment  du  devoir,  auquel  on  se  porte  par  un 
mouvement  irrésistible  de  l'Ame,  un  mérite 
tel,  qu'il  puisse  servir  à  l'acquittement  d'une 
dette  étrangère.  On  peut  en  dire  autant  de 
l'exemption  de  tout  péché;  Jésus-Christ  ne 
pouvait  faillir,  et  il  avait  naturellement 
cette  faim ,  cette  soif  de  la  justice  qu'il  re- 
commande à  ses  disciples.  L'Homme-Dieu 
en  professant  l'équité,  en  pratiquant  toutes 
les  vertus  qui  appartiennent  proprement  au 
juste,  telles  que  l'innocence,  la  piété,  la 
charité,  remplissait  un  devoir  et  cédait  à 
une  nécessite  de  sa  nature.  Mais  la  pauvreté, 
le  travail,  les  souffrances,  l'humiliation,  la 
mort,  il  ne  les  doit  ni  ne  les  aime.  Il  ne  les 
doit  pas,  puisqu'il  est  la  sainteté  même  et  le 
maître  absolu  de  toutes  choses;  il  ne  les 
aime  pas,  puisqu'il  a  tout  pris  de  la  nature 
humaine,  nors  la  corruption  et  le  péché.  Il 
souffrait  comme  nous  de  la  iïim,  de  la  soif, 
de  la  douleur;  son  âme  a  connu  la  tristesse, 
on  l'a  vu  pleurer  plusieurs  fois;  tous  les 
chrétiens  savent  Thistoire  de  son  agonie  et 
sa  crainte  de  la  mort.  Ces  sentiments  de 
tristesse,  d'accablement,  de  frayeur,  nous 
étonnent,  nous  les  trouvons  peu  dignes  de 
la  grandeur  du  Fils  de  Dieu,  et  avec  raison; 
mais  ce  qui  n'est  pas  convenable  en  soi,  de- 
vient un  prodige  de  sagesse  et  de  bonté t  à 
cause  de  l'office  que  remplit  Jésus-Christ  de 
modèle,  de  médiateur  et  de  sauveur  des 
hommes.  Comme  essentiellement  juste,  il 
n'aurait  dû  ni  souffrir,  ni  être  humilié;  mais 
en  sa  qualité  de  répondant  des  pécheurs,  de 
réparateur  de  leurs  offenses,  il  était  conve- 
nable et  même  en  un  sens  nécessaire  qu'il 
endurât  les  opprobres  et  les  tourments  d'un 
supplice  ignominieux,  qu'il  subtt  une  mort 
violente,  la  mort  des  criminels.  Mais  de 
quelle  valeur  seraient  ses  souffrances,  s'il 
avait  été  insensible  à  la  douleur  et  à  l'in- 
jure? 

On  peut  nous  faire  ici  une  objection.  Le 
Verbe  s'est  associé  la  nature  humaine,  afin 
qu  elle  servit  d'instrument  à  la  réparalioa 


53 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


» 


du  mal,  c'était  comme  la  condition  sine  qua 
Hon  de  l'uoion  ;  donc  Thumaaité  du  Fils  de 
DieUy  étant  engagée  d'avance,  n'a  pu  payer 
notre  rançon  qu'au  mo^en  d'un  prix  déjà 
dû,  donc  elle  n'a  satisfait  pour  nous  que 
d'une  manière  fictive  ;  par  conséquent  il  ne 
faat  plus  parler  de  mérites  réels  et  effectifs  ; 
toatceque  nous  avons  dit  jusqu*à  présent 
s'écroule  de  fond  en  comble. 

Ce  raisonnement  aurait  quelque  appa- 
rence de  vérité,  si  l'expiation  de  nos  crimes 
avait  demandé  l'effusion  de  tout  le  sang  de 
Jésos-Christ,  tous  les  tourments,  toutes  les 
i^fooroinies de   sa   passion;  il  n*en  est  pas 
ainsi:  Nous  croyons  avec  l'Eglise  que  la 
moiadredes  satisfactions  de  rUomme-Dieu 
soffitpour  expier  les  iniquités   du  monde. 
Si  Ton  dit  que  Dieu  le  Père  avait  ordonné 
la  mort  de  son  Fils,  nous  répondons,  TE- 
vaogile  à  la  main,  que  Jésus -Christ  pouvait 
nblmir  la réTocalion  de  cette  sentence;  car 
itdil  à  ses  apôtres:   Pensez-^ous  aue  je  ne 
fiuwi  pas  prier  mon  Pire^  et  qu'iîne  m'en- 
terrûit  pas  à  Vinstant  plus  de  douze  légions 
fwgu^  pour  me  délivrer  de  mes  ennemis 
(à6)?  Jésus-Christ  a  donc  véritablement  mé- 
rité, en  at^eptanl  tous  les  maux  de  notre 
cuQduion,  dont  il  avait  comme  une  horreur 
naturelle  et  dont  il  pouvait  se  faire  déchar- 
ger. Ses  mérites  sont  fondés  comme  les  nô- 
iressark  liberté  de  choix  et  sur  la  violence 
^a'iJ  a  soufferte  pour  accomplir  jusqu'à  la 
An  la  volonté  de  son  Père. 

i>ieu  a  voulu    la  mort  de  son  Fils,  il  est 
vrai,  mais  il  l'a  voulue  de    telle  manière 
qu'elle  fût    méritoire;  c'est  pourquoi  elle 
derajt  être   libre.   Aussi   lisons-nous  dans 
iUvangile  ces  paroles  bien  dignes  d'être  ve- 
nïsn\uéesi  Personne  ne  peut  m*ôter  la  vie: 
/>  la  Quitte  de  moi-même  et  parce  que  je  le 
rfiix(27).  Cependan-t  à   la  suite  de  ce  pas- 
sa^ et  dans  plusieurs  autres,  Jésus-Christ 
DOQS  enseigne  clairemeut  qu'il  devait  mou- 
rir, que  leHe  était  la  volonté  de  son  Père. 
Il  Dejàni  pas  s^cn  étonner;  un  tel   évé- 
nement doit  avoir  été   l'objet  d'un  décret 
jarticutier,    motivé  par  des  raisons  d'une 
(çravité  extrême.  Tâchons  d'en  découvrir  au 
oiohis  quelques-unes. 

Remarquons,  d'abord,  que  Jésus-Christ  a 
en  quelque  sorte  souffert  trois  morts  diffé- 
rentes :  la  première,  s'il  est  permis  de  lui 
donner  ce  nom,  par  l'anéantissement  du 
Verbe  dans  l'incarnation  ;  la  seconde,  par 
cette  tristesse  incompréhensible  dont  son 
âcoe  sainte  fut  accablée  au  temps  de  sa  pas- 
>iofl,  ce  qui  lui  tit  dire: Mon  âme  est  triste 
jusqu*à  la  mort  (28);  la  troisième  l^nlin,  par 
le  .<acrifure  de  la  croix.  De  ces  uiorts,  la 
l*ius  inexplicable  sans  contredit,'  c'est  la 
i'remière  ;  les  autres  n'en  sont  gtière  que 
îa  conséquence,  et,  pour  ainsi  dire,>jlecoiii- 
plément.  L'incarnation  semble  eiviportor 
comme  nécessairement  la  mort  coi'N>orellu 
daJéf os-Christ;  il  n'y  aurait  pas  eu    hur- 

(ië)  Mûtth.  xtvi,  55. 
ti7)  Joen.  »,  10. 


roonie  dans  sa  personne  divine,  si,  après 
l'anéantissement  du  Verbe,  la  nature  hu- 
maine n'avait  pas  subi  à  son  tour  une  es- 
pèce de  destruction.  D'ailleurs  la  peine  du 
péché,  c'est  la  mort:  mort  temporelle  pour 
l'homme  déchu,  mort  éternelle  pour  l'homme 
impénitent  et  pour  l'ange  révolté.  En  àOr 
ceptant  la  responsabilité  des  péchés  de  tous, 
le  Fils  de  Dieu  se  condamnait  donc  lui- 
même  à  la  mort.  Certes,  il  ne  devait  point 
demander  dispense  de  la  loi,  lui  nui  venait 
sur  la  terre  pour  nous  apprendre  a  l'accom- 
plir tout  entière. 

Comme  réparateur  de  l'offense  faite  à  Dieu 
par  la  révolte  de  l'ange  et  la  désobéissance 
de  l'homme,  Jésus-Christ  ne  pouvait  mieux 
remplir  sa  missionqu'en  se  montrant  obéis-- 
santjusqu*à  la  mort  et  jusqu'à  la  mort  de 
la  croix  (29). 

Médiateur  entre  Dieu  et  les  hommes,  il  a 
mérité  leur  amour  bu  suprême  degré  en  se 
dévouant  sans,  réserve  à  la  gloire  de  l'un  et 
à  la  rédemption  des  autres  ;  par  sa  mort,  il 
est  devenu  le  point  d'union  où  Dieu  et 
l'homme  se  rencontrent  et  s'embrassent. 
Sauveur,  son  sang  répandu  crie  plus  haut 
que  nos  iniquités  et  rend  croyables  les  plus 
grands  prodiges  de  la  miséricorde  divine  ; 
nulle  gr&ce  ne  peut  être  refusée  à  un  tel 
suppliant.  A  la  vérité,  la  moindre  des  dou- 
leurs de  Jésus-Christ  est  d'un  prix  infini, 
mais  Dieu  n'est  point  tenu  de  l'accepter 
pour  notre  rançon  ;  il  fallait  le  spectacle  des 
opprobres,  des  souffrances  de  son  Fils  pour 
désarmer  sa  juste  colère.  La  rédemption  pa- 
raîtrait d*ai Heurs  un  jeu,  si  elle  n'avait 
coûté  au  Sauveur  qu'une  goutte  de  sang  ou 
une  larme,  ou  s'il  était  mort  paisiblement 
dans  son  Ht  au  milieu  de  ses  disciples. 

Législateur,  il  nous  donne  dans  sa  pas* 
sion  l'exemple  le  plus  pathétique  de  toutes 
les  vertus  qu'il  commande;  ses  tourments 
nous  font  comprendre  le  péché,  le  ciel, 
l'enfer,  et  combien  la  vie  est  une  chose  sé- 
rieuse. 

Fondateur  de  religion,  en  établissant  son 
Eglrse  par  les  ignominies  de  la  croix,  il  a 
assuré  en  môme  temps  le  mérite  et  le  fon- 
dement de  la  foi,  donné  naissance  h  tous  les 
sacrifices,  à  tous  les  dévouements  de  la 
charité. 

Toutes  les  parties  du  plan  divin  se  rap- 
portent de  quelaue  manière  au  sacrifice  du 
Calvaire;  toute  I  économie  de  la  religion  est 
fondée  sur  la  passion  du  Fils  de  Dieu.  Aussi 
n'est-on  pas  étonné  d'entendre  Jésus-Christ 
dire  aux  disciples  d'Emmaiis  :  O  insensés  I 
ne  fallait-il  pas  que  le  Christ  souffrit  ces 
tourments,  et  qu'il  entrât  ainsi  dans  sa 
gloire  (30)  t  La  douloureuse  scène  du  jardin 
des  Olives  est  encore  plus  digne  d'attention  : 
dans  son  agonie,  le  Sauveur  est  tehement 
troublé,  abattu,  qu'il  ppie  son  Père  d'éloi- 
gner de  lui,  s'il  est  possible,  le  calice  jus- 
qu'alors tant  désiré;  mais  il  reconnaît  à 

(29)  Philipp,  n,  8. 
(50)  Luc.  xuv,'2G. 


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MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


86 


Tinstant  que  leMe  n'est  point  la  volonté  du 
cieK  En  effet»  comme  si  une  nécessité  in- 
vincible eût  commandé  le  grand  sacrifice,  le 
Père,  qui  exauce  toujours  son  Fils  unique, 
lui  envoie  un  ange  (31],  non  pour  le  délivrer» 
mais  pour  le  fortifier  à  rapproche  d*un  sup- 
plice inévitable. 

La  mort  de  Jésus-Christ  a  produit  un  bien 
i'mmcnse;  pour  en  embrasser  l'étendue,  il 
faudrait^  comme  s'exprime  saint  Paul»  me- 
surer la  hauteur»  la  largeur»  la  profon* 
deur  (32)»  toutes  les  dimensions  de  la  cha- 
rité infinie  de  Dieu  pour  ses  créatures»  dans 
]e  don  qu'il  leur  a  fait  de  son  Fils.  Non^ 
seulement  les  anges,  non-seulement  les 
hommes  ont  été  pénétrés  et  remplis  des 
mérites  de  ce  divin  Chef  des  élus»  il  n'y  a 
pas  jusqu'à  la  vile  matière  qui  n'ait  passé 
de  son  néant  à  un  état  surnaturel,  en  deve- 
nant quelque  chose  de  propre»  de  personnel 
à  un  Dieu»  et  en  servant  d'une  manière  si 
essentielle  &  la  consommation  de  son  œuvre. 
Jusque-là  le  monde  n'était  qu'ébauché»  in- 
complet; ici  la  création  tout  entière  subit 
une  transformation  admirable  :  elle  s'élève 
à  une  perfection  dont  elle  n'avait  pas  même 
le  germe  et  les  premiers  traits. 

Oserait-on  dire  que  la  gloire  rendue  à 
Dieu  et  le  bonheur  acquis  dans  un  degré  si 
sublime  aux  prédestinés  ne  justifient  pas  la 
mort  de  Jésus-Christ?  Mais  si  cette  mort, 
la  mort  du  juste,  de  l'innocent»  la  mort  d'un 
Dieu,  se  trouve  si  bien  expliquée  par  la 
grandeur  de  ses  résultats;  si»  au  lieu  d'être 
un  défaut  dans  le  plan  de  la  Providence» 
elle  est  la  souveraine  perfection  du  monde 
et  la  source  de  toutes  les  perfections,  n'est-il 
])as  évident  que  ce  qui  a  concouru  à  pro- 
duire ce  bien  immense  est  aussi  en  un  sens 
une  perfection»  et»  si  ce  concours  a  été  in- 
dispensable» une  perfection  nécessaire  ? 

Or,  la  mort  de  Jésus-Christ  suppose  la 
création  des  corps,  la  désobéissance  de 
1  homme»  la  transmission  de  sou  péché,  et 
même  la  chute  des  anges  rebelles. 

L'âme»  étant  immatérielle»  ne  peut  mourir 

3ue  par  l'anéantissement»  et  sans  aucun 
outc  Jésus-Christ  ne  devait  pas  mourir  de 
cette  manière»  puisqu'il  s'est  fait  homme 
pour  être  Téternel  médiateur  de  l'union  de 
Dieu  avec  ses  élus.  11  lui  fallait  donc  un 
corps  mortel,  une  existence  environnée  de 
tous  les  maux  qui  sont  entrés  dans  le  monde 
par  le  péché  de  notre  «premier  père* 

Egal  en  force  et  en  intelligence  à  Lucifer» 
Adam  périssait  sans  retour»  sa  chute  était 
irréparable;  mais  placé  à  un  degré  inférieur 
dans  la  hiérarchie  des  esprits»  plus  faible  et 
exposé  à  des  dangers  plus  grands»  il  a  eu  à 
l'indulgence  un  certain  droit»  et  Dieu  ne  l'a 
point  irrévocablement  condamné.  Cepen- 
dant le  mal  a  suivi  sim  cours.  Tous  les 
hommes  étant  nés  du  premier  homme  et 
formés  de  sa  substance»  la  nature  humaine» 
altérée  dans  le  père,  a  dû  passer. viciée  et 
corrompue  à  sa  postérité.  Jésus-Christ  lui- 
mëthc,  en  mettant  de  (:ôté  le  péché  de  la 


concupiscence,  a  eu  sa  part  de  cet  héritago 
malheureux  :  comme  Gis  de  l'homme,  un 
sang  impur  à  quelques  égards  coulait  dans 
ses  veines;  il  avait  pris  non  la  chair  de  la 
justice  originelle,  mais  la  chair  du  péché 
avec  ses  peines  et  ses  douleurs.  Si  riiomuie 
fût  resté  pur»  les  humiliations  du  Fils  de 
Dieu  n'avaient ])lus  de  motif;  s'il  était  tombé 
sans  retour,  le  Verbe  aurait  vainement  cher- 
ché sur  la  terre  une  mère  di^ne  de  devenir 
l'instrument  de  son  incarnation»  d'ailleurs 
inutile  dans  cette  hypothèse;  si  le  mode  de 
propagation  du  genre  humain  eût  été  diffé* 
rcnt,  les  conséquences  de  la  faute  d'Adam 
se  seraient  bornées  à  lui  seul»  et  le  Sauveur 
n'eût  nu  trouver  parmi  nous  un  corps  sou- 
mis à  la  douleur  et  à  la  mort. 

Allons  plus  loin.  Le  Sauveur  devait  mou* 
rirde  mort  violente.  On  ne  veut  pas  sans 
doute  oue  le  Dieu  infiniment  juste  se  soit 
fait  le  bourreau  de  son  Fils.  Tout  au  plus 
pouvait-il  permettre  à  des  hommes  méchants 
d'exécuter»  sans  le  savoir»  les  desseins  de  sa 
miséricorde  sur  le  monde.  L'attentat  des 
Juifs  ne  devait  pas  pouvoir  être  justifié  par 
l'ignorance;  car»  quoique  Jésus-Christ  ait 

1>ris  soin  de  cacher  sa  gloire  pour  atténuer 
e  crime  de  ses  ingrats  compatriotes»  il  était 
obligé  de  donner  des  preuves  assez  authen- 
tiques de  sa  divine  mission  pour  en  con- 
vaincre tous  les  siècles.  Il  est  donc  venu 
dans  un  temps  de  grande  civilisation;  il  est 
né  au  milieu  d'un  peuple  choisi  pour  être 
le  gardien  de  l'ancienne  foi»  le  dépositaire 
des  promesses  faites  au  genre  humain;  il 
a  paru  dans  le  monde  avec  l'éclat  qui  con^* 
venait  à  sa  grandeur;  il  a  parlé  avec  une  sa- 
gesse que  nul  n'égala  dans  aucun  temps  ;  il 
a  fait  des  miracles  tels  qu'on  n'eu  vit  jamais 
de  semblables  en  Israël.  En  un  mot,  il  est 
venu  dans  le  siècle  le  plus  éclairé,  chez  le 
peuple  le  mieux  instruit  des  mystères  de  la 
foi,  des  oracles  des  prophètes,  qui»  dans  ce 
temps-là  même,  attendait  son  Messie;  et  ee« 
pendant  ce  peuple»  à  oui  le  Rédempteur  était 
annoncé  depuis  tant  as  siècles»  et  aui  avait 
tant  de  moyens  de  le  reconnaître»  le  renie» 
l'accable  d*outrages»  lui  fait  souffrir  la  mort 
de  la  croix.  Si  la  nation  élue  parmi  toutes 
les  autres  pour  conserver  sur  là  terre,  au 
milieu  de  la  corruption  générale»  le  dépôt 
de  l-antique  foi  et  l'exemple  des  bonnes 
mo&urs»  avait  pu,  d'olle-raôme  et  sans  y  être 
poussée  par  une  force  étrangère,  s'emporter 
jusqu'à  cet  excès,  le  mal  eût  été  irrémédia- 
ble; ceux  que  le  Fils  de  Dieu  venait  spécia- 
lement sauver  étaient  perdus  sans  ressource. 
H  devait  en  être  aulroment;  l'honneur  du 
Verbe  incarné  ne  permettait  pas  que  la  na- 
ture qu'il  s'élait'unie  fût  réprouvée  tout 
entière.  C'était  là  pour  Dieu  une  puissante 
raison  de  permettre  aux  anges  renelles  do 
tenter  l'homme  ;  il  faisait  ainsi  éclater  sa 
sagesse  d'une  manière  admirable,  en  nou5 
sauvant  par  nos  périls,  en  faisant  servir  le 
fléché  à  la  rédemption  de  l'univers. 
Par  un  conseil  semblable,  le  Fils  de  Dieu» 


(r.S)  fA(c,  txn,  43. 


(7^2)  Kphes,  m,  18. 


S7 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQLË. 


IL\L 


IX 


qui  i^tait  Tenu  déirnire  le  règne  da  péché 
sur  la  terre,  en  laisse  subsister  ]es  effets, 
comme  la  concupiscence,  la  douleur,  la 
mort. Ce  gtii  était  un  châtiment  devient  une 
Ofcaston  de  mérite  ou  un  moyen  de  récon^** 
dliation.  L^épreuve,  la  tentation  font  les 
grandes  rertus;  la  mort  a  fait  nos  martyrs, 
et  la  terrenr  qu^elle  inspire  une  multitude 
innombrable  de  pénitents.  D'ailleurs,  si  la 
profession  du  christianisme  exemptait  de  la 
mort  et  des  misères  de  la  rie,  qui  ne  s'em- 
presserait de  recevoir  le  baptême,  dit  saint 
Augustin  (33)7  Et  quel  mérite  aurait  une 
foi  qui  recevrait  dès  ce  monde  une  telle 
récompenseT 

Si  Ton  s*étonne  de  nous  voir  rapporter 
tout  au  Fils  de  Dieu,  et  chercher  dans  son 
union  avec  la  nature  humaine  l'explication 
de5  conseils  de  la  Providence  :  nous  répon- 
drons que  lésus-€hrist  lui-même  se  nomme 
la  pierre  an^laire  de  l'édiflee,  l'alpha  et 
Toméga,  le  principe  et  la  fin  de  toutes  cho- 
ses, la  pensée  de  rattacher  tout  à  l'Homme- 
Dieu  était  à  la  fois  la  plus  naturelle  et  la 
plus  haute  à  laquelle  le  Créateur  pàt  s'arrê- 
ter. L'incarnation  étant  l'effet  sans  pareil  de 
la  puissance  divine,  il  est  raisonnable  de 
Tfti^ierloas  les  autres  prodiges  h  celui-là, 
et  impussible  de  trouver  pour  la  création  un 
rentre  d'ointe  et  un  moyen  de  perfection 
plus  digne  de  Dieu. 

I&as-€hrist  est  plus  particulièrement  le 
chef  do  genre  humain  ;  maïs  il  est  aussi 
eefoi  des  esprits  bienheureux.  Saint  Paul 
nous  renseigne  en  mille  endroits  de  ses 
£pflres.  Il  ne  faut  pas  s'en  étonner.  Quoi  t  le 
iDoiide  physique  est  un  dans  son  immensité, 
par  le  rapport  de  ses  parties  et  leur  dépen- 
dance réciproques,  et  le  monde  (le«  esprits 
ne  le  serait  pasl  Dieu  aurait  refusé  à  la 
société  de  ses  élus  une  perfection  dont  il 
03  pas  Toulu  priver  la  vile  matière  I  Quoi  I 
Dieu  aurait  préféré  un  moyen  de  glorifier 
les  anges  indépendamment  de  Jésus-Christ, 
pendant  qu'il  trouvait  en  lui  avec  surabon- 
dance de  quoi  contenter  sa  miséricorde,  sans 
rien  relAcber  de  sa  justice  I  C'est  par  Jésus- 
Christ  ,  comme  le  chante  l'Eglise ,  que  les 
Bomioations,  les  Puissances,  les  Chérubins . 
et  les  Séraphins,  tous  les  ordres  de  la  hiérar- 
chie céleste,  louent,  adorent,  bénissent  (34), 
et  Ton   peut  ajouter  aiment  et  possèdent 
Dieu,  et  ce  n'est  point  par  lui  qu'ils  auraient 
obtenu  cette  suprême  félicité!  Arrivés  au 
terme,  ils  ont  en  quelque  sorte  besoin  de 
iésos-Christ  pour  jouir  de  leur  récompense, 
et  ils  auraient  pu  se  passer  de  lui  pour  la  * 
mériter  1  Quel  décousu,  ({uelle  incohérence 
ûêns  le  pian  qu'il  faudrait  prêter  h  Dieu,  si 
eu  tout  et  partout  le  Verbe  incarné  n'élait 
fias  le  médiatenr  des  créatures  1  Quelle  gran- 
«ieor,  au  contraire,  quelle  harmonie  dans 
l'ouvrage  divin  I  Combien  il  devient  di^ne 
•le  Aon  auteur,  dès  qu*on  admet  la  médiation 
universelle  de  Jésus-Christ  I  On  doit  conve- 
nir que  les  anges  fidèles  n'ont  pas  eu  besoin 

(^)  Cité  de  Dietif  liv.  ini,  ch.  4. 
31 1  Litvrgîe, 


du  Sauveur  de  la  même  manière  que  nous: 
la  grâce  médicinale  leur  était  inutile,  puis* 
qu'ils  ne  sont  pas  tombés;  mais  il  leur  en 
fallait  une  autre  pour  surnaturaliser  leurs 
œuvres  et  les  rendre  dignes  de  la  récom- 
pense infinie.  Si  cette  grflce  n'est  pas  fondée 
sur  les  mérites  de  Jésus-Christ,  la  gloire  du 
ciel  n'est  plus  pour  les  anges  un  salaire, 
mais  un  pur  don;  le  moindre  des  justes  de 
la  terre  est  plus  digne  d'honneur  que  tous 
les  esprits  bienheureux  ensemble,  ce  qui  est 
contraire  h  la  croyance  de  TEglLse,  laquelle 
ne  met  au-dessus  des  chœurs  célestes  que 
la  seule  mère  de  Dieu. 

Nous  ignorons  comment  les  mérites  de 
Jésus-Christ  sont  communiqués  aux  anges 
fidèles,  qu'importe?  Il  est  leur  chef,  et  c  est 
tout  dire.  N  est-ce  pas  la  tète  €|ui  est  le  prin- 
cipe du  mouvement,  du  sentiment  et  de  la 
vie  pour  tous  les  membres  du  corps?  S'il  en 
est  un  qui  ne  communique  plus  avec  la  tête, 
on  dit  que  c'est  un  membre  mort,  et  on  a 
raison.  J*avoue  aue  je  ne  comprends  pas 
comment  Jésus-Ciirist  pourrait  être  appelé 
le  chef  des  anzes  (35j,  s'il  n*était  pour  eux 
le  principe  de  la  vie  surnaturelle. 

D'ailleurs,  lorsque  Dieu  établit  une  loi,  il 
en  compense  les  inconvénients  par  des  avan- 
tages plus  grands.  La  faute  d'Adam  nous  est 
imputée  ;  mais  aussi  le  Fils  de  Dieu  nous 
est  devenu  justice,  sanctification  et  rédem]>- 
tion(36).  Les  enfantsmortssans  baptême  sont 
exclus  du  royaume  des  cieux  ;  mais  ceux  qui 
meurent  avec  le  caractère  du  chrétien  re- 
çoivent en  partage  les  récompenôes  éternel- 
les sans  avoir  rien  fait  pour  les  mériter.  Le 
crime  des  anses  nous  ayant  été  si  fatal,  le 
contre-coup  de  cette  grande  chute  ayant 
abattu  le  genre  humain,  n'estai  pas  naturel 
de  penser  que  la  grAce  qui  nous  a  relevés 
s'est  fait  sentir,  quoique  d'une  manière  dif- 
férente, à  tous  les  enfants  de  Dieu  ?  Le 
crime  d'un  seul  coupable  a  pu  mettre  en  pé^ 
ril  la  société  des  intelligences  tout  entière, 
et  les  œuvres  du  Saint  des  saints  n*auraient 
point  d'influence  hors  des  limites  étroites  de 
cette  terre  I  Pendant  qu'il  n'y  a  jvas  d'évé- 
nement isolé  ;  que,  par  la  constitution  de 
la  société  des  élus,  les  biens  comme  les 
maux  sont  communs  et  se  iont  sentir  au 
corps  entier,  l'événement  le  plus  grand  d<j 
tous,  le  bien  par  excellence  ne  se  serait  rap- 

Eorté  qu'à  une  fraction  de  la  lamilledeDieu, 
ors  de  ce  petit  coin  de  l'univers,  il  serait 
resté  sans  portée  et  comme  non  avenu!  Le  gé- 
nie du  mal  aurait  eu  plus  de  privilèges  que  le 
féniedu  bien,  et  le  démon,  ayant  pu  nuire  à 
homme,  il  serait  défendu  à  Jésus-Christ 
d'être  utile  à  l'ange  I  Ce  ne  sont  point  là 
les  pensées  de  notre  Dieu 

Pour  suppléer  à  l'insuffisance  de  nos  œu'- 
vres  et  à  leur.disproportion  avec  la  gloire 
éternelle,  ce  n'était  pas  assez  que  Jésus- 
Christ  acquit  des  mérites,  il  fallait  encore 
qu'il  pût  nous  les  communiquer  et  que  son  - 
bien  devint  le  nôtre.  C'est  ce  quq  la  Provi- 


(55)  Captif. 
(36)  /  Cbrinth.  i, 


.ji». 


m 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


60 


dence  a  fait,  non  en  instituant  de  nouvelles 
lois,  mais  en  maintenant  et  appliquant  celle 
de  la  solidarité,  de  la  communion  univer- 
selle. Avant  comme  après  Jésus-Christ,  le 
mérite  ou  le  démjérite  d'un  membre  a  été 
réversible  sur  tout  le  corps  de  TEglise.  Dix 
justes  auraient  sauvé  Sodome  ;  la  terre  ne 
subsiste  qu'à  cause  des  élus,  c*est  pour  eux 
seuls  que  sont  abrégés  les  jours  mauvais. 
ï)*un  autre  côté,  le  péché  d*Adam  a  passé  à 
sa  postérité,  le  crime  des  pères  est  puni  sur 
les  enfants  jusqu'à  la  quatrième  génération 
(37j  ;  nous  portons  tous  de  quelque  manière 
la  peine  de  fautes  qui  nous  sont  étrangères. 
Jésus-Christ,  en  entrant  dans  l'humanité,  a 
accepté  pour  lui-même  cette  loi  de  la  soli- 
darité universelle.  Il  s'est  soumis  à  des 
maux  introduits  dans  le  monde  par  des  pé- 
chés dont  il  n'est  point  coupable;  je  dis 
non-seulement  le  péché  de  Lucifer  et  celui 
d'Adam,  mais  les  péchés  de  ses  compatriotes 
que  leurs  iniquités  avaient  fait  tomoer  dans 
un  état  dont  il  asubi  tous  les  inconvénients  ; 
je  dis  aussi  les  péchés  de  tous  les  hommes , 

f>arceque  les  peuples  réagissent  les  uns  sur 
es  autres,  et  que  les  Juifs  eux-mêmes,  mal- 
gré les  précautions  infinies  delà  Providence, 
n'étaient  pas  à  l'abri  de  Tinfluence  des  na- 
tions étrangères.  Si  donc  Dieu  avait  refusé 
les  satisfactions  du  Sauveur  pour  ses  frères, 
il  aurait  fait  une  exception  à  la  règle  géné- 
rale ;  il  aurait  mis  Jésus-Christ  hors  de  la 
loi  commune  dans  ce  qu'ellea d'avantageux, 
après  Vy  avoir  soumis  dans  ce  qu'elle  a  de 
funeste;  il  semble,  par  conséquent,  que  Dieu 
n'aurait  pas  été  juste  envers  son  Fils,  en  lui 
refusant  d'admettre  les  anges  et  les  hommes 
à  la  participation  de  ses  mérites. 

Nous  aussi,  par  la  même  raison,  nous 
avions  quelque  droit  à  n'être  point  exclus 
de  la  communion  des  œuvres  au  Sauveur  ; 
l'incarnation  ne  nous  était  pas  due  assuré- 
ment ;  mais  dès  l'instant  que  le  Fils  de  Dieu 
s'était  fait  le  Fils  de  l'homme,  il  devenait 
notre  associé,  il  s'établissait  entre  nous  une 
communauté  de  biens  et  de  maux.  Certes, 
il  n'aurait  pas  été  digne  de  Dieu  de  nous 
priver  du  bénéfice  d'une  loi  dont  nous  avions 
supporté  toutes  les  charges. 

Nous  savons  trop  peu  de  chose  des  saints 
anges  pour  dire  tous  leurs  titres  à  la  parti- 
cipation des  mérites  du  Verbe  incarné  ;  ce- 
pendant nous  pouvons  affirmer  qu'ils  ont 
lutté  contre  les  démons  pour  empêcher  la 
séduction  de  s'étendre,  soit  au  ciel,  soit  sur 
la  terre  ;  cette  lutte  dure  encore  et  elle 
5e  prolongera  jusqu'à  la  fin  des  siècles. 
Il  est  aussi  permis  de  croire  qu'après  la 
chute  du  premier  homme,  les  saints  anges 
ont  demandé  grâce  pour  lui,  et  que  leurs 
prières  n'ont  pas  été  sans  influence  sur  le 
décret  de  l'incarnation  ;  car  c'est  la  conduite 
ordinaire  de  Dieu  de  nous  porter  à  deman- 
der ce  qu'il  veut  nous  donner.  Pourquoi, 
s'étant  trouvés  mêlés  dans  la  lutte  et  ayant 
contribué  à  la  victoire,  les  anges  n'en  par- 
tageraient-ils pas  le  profit  ?  Où  serait  la 

(37)  Exod.  XX,  5. 


justice  d'une  telle  exclusion  ?  Dira-t-on  que 
les  anges  étaient  déjà  dans  la  gloire,  et  par 
conséquent  incapables  d'acquérir  de  nou- 
veaux mérites  ?  Qu'en  sait-on?  Pourquoi  vou- 
loir que  Dieu  n'ait  pas  disposé  les  choses 
de  manière  à  leur  donner  undroitau  partage 
des  fruits  du  grand  sacrifice  ?  Il  nu  faut  pas 
d'ailleurs  confondre  les  mérites  purement 
personnels  avec  ceux  qui  proviennent  de  la 
communion  des  saints  ;  les  premiers  sont  la 
condition  nécessaire  des  seconds  «  et  ils 
s'arrêtent  pour  l'homme,  à  la  mort,  pour 
l'ange  au  moment  que  Dieu  a  marqué  ;  les 
seconds  sont  susceptibles  d'augmentation 
jusqu'à  la  fin  des  siècles. 

On  demanderasurquoi  repose  ledroitdes 
enfants  baptisés;  nous  répondons  que,  nés 
du  sang  d'Adam,  exposés  à  tous  les  incon- 
vénients de  la  solidarité,  ils  ont  dès  lors  un 
titre  à  la  jouissance  des  avantages  que  Dieu 
nous  a  donnés  en  compensation.  S  ils  sont 
dépourvus  de  mérites  personnels,  ce  n'^st 
pas  leur  faute,  ils  n'ont  point  déserté  le 
combat.  Notre  dernière  heure  doit  être  in- 
certaine, nous  en  avons  vu  les  raisons  ;  si 
elle  surprend  l'homme  dans  le  péché,  il  est 

tierdu;  pourquoi  ne  serait-il  pas  sauvé, 
orsqu'elle  le  trouve  dans  la  justice?  Les 
chances  doivent  être  égales;  c'est  le  moins 
qu'on  puisse  attendre  d'un  Dieu  comme  le 
nôtre. 

Mais  pourquoi  le  baptême,  dont  la  priva- 
tion exclut  du  royaume  des  cieux  7  Ne  de- 
vrait-il pas  suQired'être  homme,  et  en  cette 
qualité  frère  de  Jésus-Christ,  pour  avoir  part 
à  ses  mérites?  La  réponse  à  celte  question 
remplirait  un  volume;  car,  c'est  comme  si 
l'on  nous  demandait  :  Pourquoi  l'Egliseavec 
son  culte,  ses  sacrements,  sa  hiérarchie? 
Pourquoi  une  religion?  Pourquoi  la  néces- 
sité des  bonnes  œuvres?  Contentons- nous 
dédire  que,1aluttedul)ienetdu  mal  n'ayant 
point  cessé  depuis  l'incarnation,  pour  deve- 
nir membre  du  corps  mystique  de  Jésus- 
Christ,  il  faut  au  moins  le  vouloir.  Cette 
volonté  se  déclare  par  la  réception  du  bap- 
tême ;  c'est,  poiu*  ainsi  dire,  la  formule  que 
Dieu  à  prescrite  ;  il  pouvait  en  choisir  une 
autre,  il  ne  tenait  qu*à  lui.  Quant  aux  en- 
fants, un  Dieu  mort  pour  eux  n'a  pu  vou- 
loir qu'ils  restent  esclaves  du  démon  jusqu'à 
l'âge  de  discrétion,  auquel  ils  n'arriveront 

f)eut-être  jamais.  Il  est  donc  raisonnable  de 
eur  administrer  le  baptême  dès  leur  nais- 
sance ,  comme  le  fait  l'Eglise  catholique. 
Dans  ce  cas,  leur  volonté  est  suppléée  autant 

3ue  possible  par  celles  de  leur  famille  et 
u  ministre  de  la  religion.  Libreàeuxplus 
tard  de  ratifier  ou  de  désavouer  l'engagement 
pris  en  leur  nom. 

Dieu  n  a  donc  rien  oublié  pour  glorifier 
ses  élus.  11  leur  a  tout  donné,  puisqu'il  les 
a  tirés  du  néant;  mais  il  a  trouvé  dans  les 
secrets  de  sa  sagesse  infinie  le  moyen  do 
leur  faire  acquérir  des  mérites  égaux  à  la 
récompense,  de  telle  sorte  qu'il  semble 
acquitter  à  leur  égard  une  dette  de  justice» 


ta 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


61 


lorsqu'il  accomplît  sur  eux  le  plus  grand 
acte  de  sa  bonté.  Ainsi  se  vérifie  la  paroie 
(lu  prophète  :  La  miséricorde  et  latérites  se 
sont  rencontrées^  la  justice  et  la  paix  se  sont 
donné  le  baiser  étunion  (38).  Admirable  com- 
binaison I  La  justice  •  divine  devait  nous 
inspirer  une  profonde  terreur,  elle  devient 
le  tondemeut  de  notre  espérance  1  Comme 
fils  d*Adam,  la  malédiction  était  notre  par- 
tage; comme  frères  de  Jésus-Christ,  nous 
aTons  droit  à  Thérilage  des  cieuxl  Et  le 
principe  de  ce  changement  merveilleux , 
c'est  ce  qui  devait  nous  perdre  sans  retour, 
la  transmission  du  péché  du  premier  homme 
^sapostérilé.  Le  prophète  avait  bien  rai- 
sou  de  s'écrier  :  O  Seigneur^  que  vos  œuvres 
sont  grandes  I  vos  pensées  sont  d'une  pro- 
fondeur impénétrable {3^).  Il  faut  pourtant  s'ef- 
forcer de  comprendre,  dans  son  principe  et 
dans  ses  effets,  cette  loi  de  la  communion 
des  biens  et  des  maux;  on  y  trouvera  le  mot 
de  rénigrae  de  l'homme,  de  Tan^e,  de  la 
création  et  du  gouvernement  de  Ta  Provi- 
dence 

L'histoire  de  la  chute  présente  deux  cir- 
constances bien  remarquables  :   l'influence 
funeste  de  Satan  et  la  promesse  du  Libéra- 
teur. Mais  »    chose  digne  d'attention ,  en 
anoonçanv  la   réparation  ,  ce  n'est  pas   à 
nomme  qae  Dieu  s'adresse,  c'est  au  démon, 
comme  s  îl  lui  disait  :  <«  Tu  as  voulu  perdre 
celui  qui  devait    te    remplacer    dans    la 
gioire^  eh    bien  I  mon  dessein  subsistera 
malgré  toi  ;  je  dompterai  ton  orgueil  par  ce 
qu'il  j   a  de   plus   faible,  je  mettrai  une 
inimitié    éternelle  entre  la  femme  et  toi, 
entre  sa   race  et  la  tienne,  et  elle  t'écra- 
sera la   tête.  »    L'honneur    de  Dieu  était 
eniça^é;  dès  lors  l'incarnation,  auparavant 
peut-être  impossible,  devenait  nécessaire, 
èùn  qu'il  ne  fût  pas  dit  que  le  démon,  vain- 
queur de  Dieu,  avait  mis  dans  son  ouvrage 
un  désordre  irréparable',  en  se  prévalant 
des  lois  établies.  Du  côté  de  Dieu  la  commu-» 
nion  du  mal  emporte  donc  nécessairement 
la  communion  du  bien.  Il  en  est  de  même 
à  l'égard  de  l'homme;  dès  qu'il  a  soufTertde 
la  faute   d'autrui,  il  doit  pouvoir  chercher 
une  compensation  dans  les  mérites  étran- 
gers. Ainsi  la  loi  de  la  solidarité  universelle, 
raisonnable  en  soi,  devient-elle  la  source 
d'un  bien  intini;  Tinstitulion  de  cette  loi 
n'accuse  donc  ni  la  justice,  ni  la  sa^^esse, 
ni  la  bonté  divine. 

ABTICLE  SECOND. 

Impuissance  de  la  philosophie.  —  Réponse 

à  M,  de  Lamennais, 

yous  n'avons  pas  l'intention  de  montrer 
l'impuissance  de  chaque  système  en  parti- 
culier. Cela  n'est  pas  nécessaire.  Pour  at- 
teindre notre  but,  il  nous  sufilra  de  diviser 
en  deux  classes  les  ennemis  delà  révélation: 
ceux  qui  admettent  la  vie  future ,  et  ceux 
qui  bornent  à  la  vie  présente  les  destinées 


du  genre  humain.  Nos  raisons  ne  perdront 
rien  de  leur  force  pour  être  plus  géné- 
rales. 

§1. 

Impuissance  des  phUosophes  qui  admetlent  llmmortalilé 

.de  rame. 

Parlons  d'abord  des  philosophes  qui  re- 
connaissent rimmortalité  de  l'âme.  Les 
uns  (&0),  en  bien  petit  nombre,  admettent 
l'éternité  des  peines ,  ou  plutôt  ne  se  sen- 
tent pas  assez  forts  pour  en  détruire  les 
Kreuves,  et  la  rejeter  absolument  ;  ce  sont 
îs  plus  raisonnables.  D'autres  (il)  regardent 
toute  espèce  de  supplices  infligés  hors  de  ce 
monde  aux  plus  coupables  des  hommes 
comme  inconciliables  avec  la  miséricorde 
de  Dieu  ;  ceux-là  du  moins  sont  sincères^ 
ils  osent  dire  à  la  face  du  soleil  le  fond  de 
leurs  pensées  et  de  leurs  désirs.  Quelques- 
uns  enfin  aiment  mieux  un  chAtiment  tem- 
poraire, proportionné  aux  crimes,  et  suivi 
d'un  état  heureux  ou  même  de  l'anéantisse* 
ment. 

La  réfutation  des  deux  dernières  opinions 
serait  facile.  En  effet ,  nous  montrer  Dieu 
couronnant  la  séduction,  la  rapine,  le  meur- 
tre et  tous  les  crimes,  excitant  les  passions 
désordonnées  par  l'espoir  de  la  rémunéra- 
tion ,  décourageant  le  juste  en  lui  faisant 
attendre  pour  salaire  le  sort  et  la  compagnie 
des  méchants,  ce  n'est  pas  un  système,  c'est 
une  impiété  et  une  absurdité  ;  une  impiété, 
e^r  un  homme  de  bien  aurait  plus  A  cœur 
le  maintien  de  la  justice,  mettrait  mieux  k 
couvert  l'innocence  et  la  faiblesse,  oppose* 
rait  (les  obstacles  plus  sérieux  au  déborde- 
ment de  tous  les  vices;  une  absurdité: 
parce  qu'une  religion  ou  un^  philosophie, 
en  établissant  le  dogme  -d'une  impunité 
absolue,  loin  d'améliorer  les  mœurs,  ce  qui 
doit  être  l'objet  de  toute  philosophie  et  en- 
core plus  de  toute  religion,  livreraient  le 
monde  à  une  corruption,  à  une  perversité 
sans  exemple,  et  la  société  à  une  ruine 
inévitable.  Un  enfer  non  éternel  ne  vaudrait 
guère  mieux  que  l'impunité ,  puisque  la  foi 
à  des  supplices  sans  fin,  suffit  rarement  pour 
empêcher  les  plus  justes  des  hommes  de 
tomber  dans  le  crime. 

Nous  avons  traité  ailleurs  la  question  de 
l'éternité  des  peines.  (Voy.  ces  mots.)  il  nous 
suffit  ici  de  dire  que  les  divers  systèmes 
des  philosophes  sur  la  nature  des  châtiments 
du  crime  dans  l'autre  vie  sont  tout  à  fait 
sans  valeur;  une  simple  affirmation  du  pre- 
mier venu  ne  suffit  pas  pour  établir  un 
dogme  contraire  h  la  croyance  de  tous  les 
pays  et  de  tous  les  siècles.  Le  catholique 
])eut  parler  avec  assurance  des  tourments 
de  l'enfer  et  de  leur  éternité  ;  il  s*appuie 
sur  la  parole  de  Jésus-Christ,  dont  il  recon- 
naît la  mission  divine,  et  sur  la  foi  de  tous 
les  peuples  de  la  terre.  Mais  le  philosophe 
n'a  reçu  de  révélation  de  personne  ;  il  n  est 
point  allé  dans  l'autre  monde  pour  eu  ap- 


(5S)  Psal.  Lxxiiv,  11. 
159>  PmL  SCI,  6. 


[40)  J.'J.  Rousseau,  Emile^  livre  iv. 

[41j  L^ucN^Ais.  Ei(jms$e  d"me  phiiosophie. 


i 


fô 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE, 


MAL 


Ci 


prendre  les  secrets,  et  il  ne  peut  guère 
compter  sur  sa  raison  en  la  voyant  en  con- 
flit arec  celle  du  genre  humain.  S*il  est  sage, 
ses  propres  systèmes  doivent  donc  lui  pa- 
raître des  suppositions  en  Tair,  d*après  les- 
quelles il  serait  imprudent  de  régler  sa 
rie. 

Nos  avanfages  sont  ici  évidents  ;  poussons 
néanmoins  la  condescendance  au  delà  de 
toute  mesure,  en  mettant  sur  la  même  ligne 
le  philosophe  et  le  catholiijue,  et  raison- 
nons comme  si  Trucertitude  était  égale  des 
deux  côtés.  En  nous  supposant  juges  du 
combat,  nous  dirons  aux  deux  adversaires  : 
Laissons-là  vos  affirmations  contradictoires, 
Tautre  vie  est  ce  qu'elle  est  en  bien  et  en 
mal,  Dieu  en  a  formulé  les  lois  comme  il 
a  voulu,  vos  opinions  n'y  changeront  rien. 
De  deux  choses  Tune  :  ou  le  vice  et  la  vertu 
seront  traités  de  la  même  manière  dans  l'au- 
tre monde,  et  alors  il  faut  juger  du  prix  du 
christianisme  et  de  la  philosophie  par  la 
somme  de  bonheur  qu'ils  procurent  aux 
hommes  dans  celui-ci  ^nous  examinons  cette 
question  dans  le  paragraphe  suivant);  ou 
le  vice  sera  puni  et  la  vertu  récompensée, 
n^importe  comment,  et  alors  le  système  le 
plus  propre  à  réformer  les  mauvaises  pas- 
sions, à  développer  les  inclinations  loua- 
bles, doit  obtenir  la  préférence  et  être  pro- 
clamé le  plus  utile  au  genre  humain. 

Poser  ainsi  la  question,  c*est  l'avoir  déjà 
résolue.  En  effet,  le  christianisme  est  la 
plus  admirable  école  de  vertu  qui  ail  jamais 
existé  ;  il  est  visiblement  organisé  pour  re- 
fouler dans  le  fond  de  l'Ame  les  mauvais 
instincts  de  la  nature,  comme  aussi  pour 
inspirer  les  nobles  sacriGces  de  la  vertu; 
ses  dogmes,  ses  maximes,  son  culte,  sa  hié- 
rarchie,  concourent  également  à  faciliter  la 
pratique  de  ses  enseignements  moraux. 
L'Eglise  a  une  seule  ambition,  une  pensée 
unique,  celle  de  rendre  les  hommes  meil- 
leurs ;  elle  emploie  à  atteindre  ce  but  toutes 
les  ressources,  toutes  les  forces  dont  elle 
dispose.  Sa  doctrine  et  sa  constitution  sont 
admirablement  combinées  dans  ce  dessein, 
elles  composent  un  tout  d'une  harmonie 
merveilleuse  et  d'une  force  incomparable  ; 
mais  en  y  faisant  le  moindre  retranchement 
on  détruit  de  même  l'énergie  vitale  et  la 
puissance  pour  le  bien,  comme  le  prouve 
rhistoire  de  toutes  les  hérésies,  devenues 
stériles  en  grandes  vertus  dès  le  moment  de 
la  séparation. 

La  philosophie  incrédule ,  au  contraire, 
a  pour  premier  objet  (on  en  conviendra  si 
l'on  veut  montrer  un  peu  de  franchise)  de 
mettre  à  Taise  les  passions  humaines  en  les 
délirrant  d'une  crainte  capable  d'empoi- 
sonner leurs  jouissances.  Aussi  a-t-elle 
dépassé  de  bien  loin  les  erreurs  des  siècles 
précédents,  rejetant  avec  l'autorité  de  l'E- 
criture et  de  i  Eglise  toutes  les  vérités  dog- 
matiques, et  laissant  à  peine  subsister  la 
morale  sous  la  réserve  de  lui  ôtor  sa  sanc- 
tion. Cette  révolte  déclarée  contre  le  chris- 


tianisme ne  pouvait  manquer  d'ouvcir  une 
large  carrière  à  tous  les  vices.  Si  l'hérésie, 
en  rejetant  un  seul  article  de  la  vraie  foi, 
prépare  la  décadence  prochaine,  inévitable 
des  vertus  chrétiennes,  que  sera-ce  de  l'in- 
crédulité qui  les  repousse  tous  ?  La  faiblesse 
contre  le  vice  doit  se  mesurer  sur  le  nombre 
et  l'importance  de  ses  négations;  nous 
en  avons  sous  les  yeux  la  preuve  affligeante: 
sans  les  efforts  de  l'Eglise  pour  arrêter  le 
progrès  de  la  dépravation  générale ,  notre 
siècle  serait  déjà  descendu  peut  -  être  au- 
dessous  des  plus  mauvais  temps  du  paga- 
nisme. 

Il  ne  faut  pas  s'en  étonner,  la  philosophie 
est  de  sa  nature  radicalement  impuissante 
contre  le  mal.  AQn  qu'il  ne  reste  pas  de 
doute  à  cet  égard,  prenons  le  cas  le  plus 
favorable,  et  supposons  un  philosophe  de 
mœurs  irréprocnables,  d'un  génie  élevé, 
animé  des  intentions  les  plus  nobles,  et 
appuyant  une  morale  sévère  sur  le  dogme 
de  l'éternité  du  chAtiment.  Ce  philosophe 
pourra <t-il  imposer  à  la  conscience  le  moin- 
dre devoir?  Non,  parce  que  tout  le  monde 
peut  lui  dire:  Qui  êtes-vous?  qui  vous  a 
envoyé?  De  qui  tenez-vous  votre  mission? 
Vous  parlez  d'une  loi  divine,  d'un  enfer 
éternel  réservé  aux  violateurs  de  cette  loi  ; 
nous  n'en  croyons  rien.  Si  Dieu  nous  avait 
imposé  des  devoirs,  il  nous  aurait  fait  con- 
naître sa  volonté  (fune  manière  certaine. 
Un  législateur  c[ui,  n'ayant  point  promulgué 
son  code,  punirait  la  transgression  de  ses 
lois  par  des  peines  terribles,  ^serait  le  plus 
absurde  et  le  plus  inicfue  des  tyrans  ;  un 
Dieu  qui  exigerait  si  rigoureusement  l'ob- 
servation de  ses  ordonnances,  qu'il  en  con- 
damnAt  les  violateurs  &  des  tourments  sans 
fin,  et  en  même  temps  qui  y  tiendrait  assez 
peu  pour  ne  daigner  faire  connaître  aux 
intéressés  ni  ses  commandements,  ni  le 
motif  d'hêtre  fidèle,  quel  nom  mériterait- 
il?  Est-il  digne  de  l'Etre  infiniment  sage  et 
infiniment  bon  d'avoir  placé  l'homme  sur 
la  terre  comme  pour  deviner  une  énigme, 
et  lorsqu'il  n'a  pas  su  en  trouver  le  mot,  de 
le  condamner  à  des  supplices  éternels  ?  Une 
destinée  sérieuse  de  l'Iiomme  et  un  silence 
absolu  de  Dieu  sont  ce  qu'il  y  a  au  monde  de 
plus  inconciliable. 

Le  philosophe  se  trouve  ici  dans  un  em- 
barras extrême,  peut-être  croira  t-il  en  sor- 
tir en  disant  avec  Rousseau  (12)  :  «  Dieu  a 
tout  dit  à  nos  yeux,  à  notre  conscience,  à 
notre  jugement.  »  Quoil  tout,  et  k  chacun 
des  hommes  1  D'où  viennent  donc  tant  d'i- 
gnorance sur  les  objets  essentiels  parmi  les 
plus  savants,  tantde  discordes  entre  les  parti- 
sans de  la  même  doctrine  et  les  'disciples 
de  la  même  é^^ole  ?  Tranchons  la  question 
im  un  mot  :  l'Eglise  catholique  peut  à  peine 
retenir  dans  le  devoir,  par  la  menace  des 
supplices  de  l'enfer,  un  petit  nombre  de 
ceux  qui  reconnaissent  soti  infaillible  au- 
torité, et  le  philosophe,  qui  n'en- a  point,  à 
qui  personne  ne  croit,  pensera  être  assez 


(li)  Emi7e,lîir.  iv. 


MAL 


DICTIONliAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


66 


fort  pour  mettre  un  frein  aoi  passions  bo- 
■Mûnes  déchaînées  1  On  se  demande  avec 
éconnement  snr  qnoî  peut  èire  fondé  un 
pareil  espoir.  La  raison*  seole  et  dernière 
re&soarce  da  philosophe ,  est  une  esclare 
dont  les  passions  se  serrent  pour  combat- 
tre par  des  sophismes  une  autorité  redoutée 
et  dont  elles  ne  daigneront  pas  entendre 
les  rédamaiions  timides,  lorsqu'elles  auront 
entièfement  secooé  le  joug  de  la  foi. 

POor  rendre  fimpuissance  des  systèmes 
aotithrétieiis    plus  manifeste  enoore,  s'il 
est  possible,  supposons  les  espérances  des 
incrédules  réalisées,  c'est-è-dire  le  chris- 
uinisme  anéanti,  et  le  rè^ne  de  la  raison 
établi  sur  les  niines  de  la  révélation.  Voilk 
doBccouTaincae  d'erreur  une  religion,  dont 
les  prteentions  à  une  origine  céleste  se  fon- 
daient snr  des  prédictious  gardées  par  les 
Joi&ses  ennemis,  sur  des  miracles  attestés 
l^ar  les  païens  ses  persécuteurs,  sur  le  cou* 
nge  ei  le  nombre  des  martyrs,  sur  le  génie 
et  il  sainteté  de  ses  grands  hommes,  sur  la 
force  et  la  dorée  de  son  institution,  sur  les 
Ûoilaitsdont  le  genre  humain  lui  est  re- 
devable, enliu  snr  la  sublimité  de  ses  dog- 
mes et  la  sainteté  de  sa  morale.  Si  les  phi- 
losophes, aprèsa  voir  vaincu  lechristianisme, 
}«Hivâcal  établir  leur  système  d'une  ma- 
nière duaUe,    il  leur  âudrait  un  grand 
iiooibre  de  siècles  pour  l'entourer  de  preu- 
ves comparables  à  celles  de  notre  religion  ; 
etaiorsîls  ne  mériteraient  aucune  croyance, 
puisque  eux-mêmes  auraient  refuséde  croire 
sur  des  raisons  d'une  valeur  égale.  Mais  ils 
ne  saoraient  s*élever  jusque-là,  dès  Tins- 
laat  qu'ils  se  mettent  en  dehors  de  l'ordre 
snmalnrel  sur  lequel  repose  la  puissance 
de  renseignement  de  r£glise  catholique. 
ils  travailleraient  éternellement  à  établir 
oo  seal  article  de  foi,  sans  pouvoir  en  venir 
à  ImmiL  Où  prendront-ils  donc  leur  point 
d'appoî  poor  forcer  Thomme  à  résister  à 
ses  fermant*  les  plus  diers,  à  préférer  en 
mute  cîr«3onstance  le  devoir  au  ùlaisir  et  à 
rinlérèlî  On  a  bientôt  dit  :  le  dogme  n'est 
rien,  la  morale  seule  est  nécessaire  ;  mais 
s'il  est  difficile  d'être  juste  avec  les  promes- 
ses et  les  menaces  de  la  religion ,  ne  sera- 
ce  pas  impossible,  lorsque  chacun  pourra 
rrmre  de  l'avenir  tout  ce  qu'il  voudra? 
Bossoel  avait  raison  :  Bien  croire  est  le  fon- 
dement de  bien  vivre  ;  où  la  foi  manque  on 
chercherait  vainement  la  vertu. 

Soos  le  diristianisme,  quelques  Ames 
privilégiées  échappent  à  peine  au  naufrage 
universel.  Le  nombre  des  élus  serait  bien 
petit,  si  l'Eglise  ne  possédait  pas  le  pouvoir 
de  réeoncitierles  coupables  avec  Dieu.  Mais, 
avec  la  philoaophîe,  sur  auoi  se  fonderait 
le  pardon  du  crime,  plus  nécessaire  que  ja- 
mais? La  loi,  ni  l'opinion  ne  pardonnent 
puîsi  an  criminel  ;  la  rémission  des  péchés 
n'est  donc  pas  une  chose  anssi  simple  que 
l'on  pense.  Elle  se  conçoit  cependant  chez 
les  calboliqaes  qui  ont  un  Sauveur  mort 
l«>ur  les  coupables,  au-dessous  de  lui  une 
avocate,  une  mère  tonte-puissante,  encore 
au-dessons  une  multitude  de  patrons,  de 


protecteurs,  et  de  plus  un  tribunal  où  le 
criminel  doit  venir  s'accuser  lui-même  en 
déplorant  son  iniquité  et  en  promettant  à 
Bien  de  s'en  «abstenir  désormais.  Malgré 
tant  de  raisons  d'espérer  que  la  justice  di- 
vine se  laissera  désarmer,  l'élise  regarJe 
encore  la  rémission  des  péchés  comme  une 
chose  si  extraordinaire,  qu'elle  en  fait  un 
des  articles  fondamentaux  de  son  symbole 
et  r^  place  è  côté  de  ses  mystères  les  plus 
impénétrables.  C'est  là  vraiment  compren- 
dre la  nature  du  |iéché  et  la  manière  dont 
il  doit  être  remis  aux  hommes.  Tout  est  ad- 
mirablement ménagé  et  balancé  dans  ce  sys- 
tème, pour  ne  point  léser  les  droits  de  Dien 
et  ne  pas  désespérer  la  faiblesse  humaine. 

Mais  le  philosophe  se  trouve  ici  entre 
deux  abtmes  ;  il  ne  peut  ni  rejeter,  ni  re- 
connaître la  rémission  des  péchés  sans  por- 
ter à  la  vertu  un  coup  irrémédiable.  £n 
fermant  au  coupable  toute  voie  de  retour  à 
Dieu,  il  le  précipite  dès  sa  première  chute 
dans  une  carrière  de  crimes  où  il  ne  s'arrê- 
tera plus,  ne  voyaut  aucun  profit  à  se  priver 
iies  joies  du  vice  sans  niériier  les  récom- 
penses de  la  vertu  ;  en  lui  laissant  Tassu- 
rance  du  pardon,  indépendamment  des  pré- 
cautions infinies  que  l'auteur  du  christia- 
nisme a  jugées  nécessaires  pour  prévenir  les 
dangers  de  findulgence,  il  le  pousse  au  mal 
d'une  manière  contraire,  mais  également  in- 
faillible, par  la  certitude  de  pouvoir  cueillir 
le  fruit  de  l'iniquité  sans  perdre  le  prix  de  la 
justice.  Je  nedécide  pas  lequel  de  ces  deux  sys- 
tèmes est  le  plus  funeste  et  le  plus  immoral. 

Au  premier  coup  d'œil,  l'Eglise  semble 
élargir  le  cercle  des  obligations  et  aggraver 
le  fardeau  de  l'homme  ;  il  n'en  est  rien. 
Ainsi  la  soumission  à  une  autorité  infail- 
lible, loin  d'être  une  surcharge,  empêche  les 
esprits  de  se  perdre  dans  le  labyrinthe  des 
opinions  humaines;  Fusagedes  sacrements, 
Tassistance  aux  cérémonies  du  culte,  toutes 
les  couvres  de  la  piété  chrétienne  facilitent 
Tobservationde  la  loi  naturelle;  la  pratique 
du  jeûne  et  de  l'abstinence  est  un  (iréserva- 
tif  contre  les  attraits  toujours  séduisants  de 
la  volupté.  L'Eglise  a  fait  ses  preuves,  on 
|ieut  s^n  rapporter  à  elle  comme  maîtresse 
de  vertu,  elle  sait  par  quels  moyens  on  ré- 
tablit et  on  l'entretient  dans  les  âmes  :  il  ne 
faut  |ias  se  flatter  de  faire  mieux  qu'elle. 
Les  protestants  et  les  philosophes,  en  rui- 
nant le  respect  de  l'autorité  dans  les  esprits, 
en  détruisant  le  culte  extérieur,  en  abolis- 
sant-la confession,  le  jeûne,  le  célibat  reli- 
gieux, comme  les  inventions  de  la  snpersti- 
tion  et  du  fanatisme,  ont-ils  travaillé  dans 
l'intérêt  des  mœurs  et  de  la  justice  ;  tout  le 
monde  peut  répondre  à  celte  question. 

On  reproche  aux  catholiques  leur  terrible 
maxime  :  Hor$  de  f  Eglise  point  de  salut  : 
mais  c*est  par  une  inconcevable  méprise. 
Tout  le  bien  çui  se  fait  parmi  nous  a  pour 
principe  la  foi,  sans  laquelle  il  n'existerait 
ni  dévouement,  ni  sacrifice.  Que  deviendrait 
cette  foi,  nous  le  demandons,  s'il  fallait 
croire  que  la  vérité  s'enseigne  en  même 
temps  à  Rome,  à  Genève,  à  Constantinqile  ; 


67 


MAL 


blCTlONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


08 


que  leculle  du  bœuf  Apis,  les  cérémonies 
infâmes  et  cruelles  observées  parmi  les 
païens,  les  plus  absurdes  pratiques  du  féti- 
cbisme  ont  reçu  de  Dieu  autant  de  vertu 

f^our  la  justification  des  hommes  que  la  rc- 
igion  de  Jésus-Christ?  Dieu  ne  peut  pas  se 
donner  un  démenti  à  lui-même;  il  ne  sau- 
rait avoir  révélé  des  doctrines  contradic- 
toires aui  auteurs  des  différents  cultes,  qui 
tous  ont  prétendu  parler  en  son  nom  ;  il 
n*y  a  donc  qu'une  seule  religion  vraie,  ou  il 
n'y  en  a  point  du  tout.  De  là  suit  une  con- 
séquence fort  embarrassante  pour  les  phi- 
losophes qui  ne  croienl^à  aucune  révélation, 
mais  retiennent  le  dogme  des  châtiments 
de  l'autre  vie.  Ces  philosophes,  les  seuls  à 
qui  nous  ayons  affaire  en  ce  moment,  après 
avoir  mauui  l'intolérance  de  l'Eglise,  sont 
obligé  de  dire  en  retournant  sa  maxime 
pour  se  l'approprier  :  Hors  de  la  philosophie 
point  de  salut.  £n  effet,  le  plus  grand  des 
crimes  c'est  de  rendre  à  un  autre  que  Dieu 
.6  culte  de  l'adoration,  et  de  se  servir  de  son 
nom  pour  préconiser  l'imposture.  Or,  toutes 
les  religions  sont  coupables  de  ce  crime,  et 
le  christianisme  plus  que  les  autres.  Certes, 
il  ne  doit  pas  être  permis  de  se  rendre  com- 
plice d'une  usurpation  sacrilège.  En  rejetant 
toutes  les  religions,  la  philosophie  est  donc 
obligée  d'imiter  l'intolérance  de  l'Eglise  et 
de  restreindre  comme  elle  le  nombre  des 
prédestinés  aux  récompenses  de  l'autre  vie. 
Mais  c'est  là  le  moindre  de  ses  embarras. 

On  ne  gouverne  pas  le  monde  avec  des  né- 
gations ;  il  faut  des  doctrines  positives,  so- 
lidement établies,  qui  puissent  servir  de  base 
et  de  sanction  à  la  régie  des  devoirs.  Les 
philosophes  sont  facilement  d'accord, quand 
il  s'agit  de  nier  et  de  détruire  ;  il  en  est  au- 
trement, lorsqu'il  faut  relever  .l'édifice.  Cha- 
cun alors  se  présente  avec  un  système  dif- 
férent, mais  nul  n'a  assez  d'autorilé  pour 
imposer  le  sien  à  ses  rivaux.  L'histoire  de 
la  philosophie  est  celle  de  son  impuissance 
et  des  longues  guerres  de  ses  écoles  toujours 
opposées  les  unes  aux  autres,  hn  vain  les 
incrédules  se  promettent-ils  plus  de  succès 
dans  l'avenir  ;  ils  n'attendent  rien  que  de  la 
nature  et  de  la  raison,  et  nous  savons  par 
une  expérience  de  six  mille  ans  ce  que  la 
nature  et  la  raison  peuvent  faire,  même  âi- 
déesdes  souvenirs,  nulle  part  effacés,  de  la 
révélation  primitive.  Voyez  où  en  sont  les 
peuples  qui  n'ont  pas  embrassé  le  chris- 
tianisme ;  à  peine  se  conserve-t-il  parmi  eux 
une  ombre  d  ordre  à  l'aide  du  despotisme,  de 
l'ignorance,  de  la  superstition,  de  l'esclava- 
ge et  de  l'autorité  absolue  du  chef  de  la  fa- 
mille. Aujourd'hui  de  nouveaux  besoins,  de 
nouvelles  idées  agitent  le  monde:  des  pro- 
blèmes formidables  ont  été  posés,  dont  l'an- 
tiquité ne  se  doutait  }>as  ;  on  peut  assigner 
le  jour  où  tous  les  peuples  de  la  terre  en- 
treront dans  le  mouvement  européen.  Si  vous 
détruisez  les  croyances,  qui  maintiendra 
Tordre  dans  cette  cotiue  de  nations  ?  qui 
sauvera  cette  civilisation  d'elle-même  ?  La 
philosophie  ne  l'a  pas  pu  pour  la  France 
seule,  le  pourra-t-ellepour  l'univers?  11  ne 


faut  point  s'y  tromper:  si  notre  société  n'est 
pas  dans  les  convulsions  de  l'agonie,  c'est 
qu'elle  vit  encore  sur  le  fonds  d'idées  saines 
et  de  bons  sentiments  que  lui  a  laissés  le 
christianisme  ;  elle  n'a  jamais  été  dans  un 
étatplus  déplorable  quedans  le  temps  où  Ton 
rendait  un  culte  publie  à  la  raison. 

Les  philosophes  parlent  des  droits  de  la 
vérité  et  de  la  science,  ils  reprochent  aux 
catholiques  une  intolérance  qui  interdit  à 
l'homme  le  libre  exercice  de  sa  raison.  A 
cela  nous  répondrons  par  un  seul  mot  :  Etes- 
vous  sûrs  qu'il  n'y  ait  point  eu  de  révéla- 
tion ?êtes-vous  capables  de  le  démontrer  ? 
non,  car  nous  connaissons  vos  raisons  aussi 
bien  que  vous,  et  nous  n'en  croyons  pas 
moins  à  la  mission  de  Jésus-Christ.  Mais  si 
vous  n'êtes  sûrs  de  rien,  quelle  responsabi- 
lité prenez-vous  donc  devant  Dieu  et  devant 
les  hommes,  en  lâchant  sur  la  société  des 
bêles  féroces  que  les  menaces  de  la  religion 

f mouvaient  à  peine  retenir  quelquefois?  Voilà 
e  grand  reproche  que  peuvent  faire  aux  phi- 
losophes les  partisans  mêmes  de  leurs  don- 
trines,  ils  ont  attaqué  le  christianisme  sans 
rien  prévoir.  Apparemment  ils  comptaient 
sur  la  victoire  ;  en  bien  I  ils  ne  se  sont  pas 
doutés  du  vide  immense  que  la  chute  de  la  re- 
ligion allait  laisser  au  milieu  de  la  société,  ils 
n'ont  préparéaucuneinstitulion  pour  rempla- 
cer celle  à  l'ombre  de  laquelle  les  générations 
vivaient  paisiblement  depuis  tantde  siècles. 
«  Dans  vingt  ans,  disa^it  Voltaire,  Dieu 
verra  beau  jeu.  »  Sans  être  sévère,  il  est 
impossible  de  ne  pas  condamner  l'indécence 
de  ces  paroles  ;  certes,  on  ne  reconnaît  point 
là  le  langage  d'un  philosophe,  d'un  législa- 
teur, d'un  réformateur  du  genre  humain  : 
on  dirait  bien  plutôt  celui  d'un  téméraire 
qui  ne  calcule  et  ne  prévoit  rien  ;  d'un  insen- 
sé qui  met  le  feu  à  une  poudrière  pour 
faire  du  bruit,  sans  s'inquiéter  des  consé- 
quences. 11  faut  le  dire,  aux  veux  de  tout 
homme  sensé,  quelle  que  soit  sa  croyance  : 
s'ellorcer  de  détruire  l'Eglise  catholique 
avant  d'avoir  rien  trouvé  pour  en  tenir  lieu, 
c'est  un  acte  de  barbare,  de  mauvais  ci- 
toyen, d'ennemi  de  l'humanité;  un  pareil 
crime  ne  saurait  être  excusé  que  par  la  fo- 
lie de  ses  auteurs. 

Les  successeurs  de  Voltaire  sont-ils  plus 
avancés  que  leur  mattre?  Non.  Le  seul  sys- 
tème un  peu  large  qu'ils  aient  produit  en 
dehors  du  christianisme,  est  celui  des  Saint- 
Simoniens,  tombé  en  peu  de  temps  sous  les 
coups  du  ridicule  encore  plus  que  de  la  rai- 
son. Que  l'on  fasse  donc  de  nouveaux  essais  : 
car  c'est  trop  longtemps  critiquer  notre  re- 
ligion, il  faudrait  enfin  montrer  par  des 
œuvres  que  l'on  est  cnpable  de  faire  mieux, 
qu'elle.  Nous,demandons  peu  :  que  les  phi- 
losophes forment  un  code  de  lois  morales  et 
religieuses,  assez  fortement  combinées  pour 
suliire  au  maintient  de  l'ordre,  seulement 
dans  une  province  ou  dans  une  ville; 
alors  nous  les  prendrons  pour  des  hom- 
mes sérieux  avec  lesquels  en  peut  trai- 
ter des  grands  intérêts  de  l'humanité  et  dis- 
cuter les  hautes  questions  de  l'avenir.  Mais 


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MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


70 


\\%  n'en  viendront  pas  à  bout,  car  iljeur  est 
impossible  de  trouTer  une  assiette  assez  so- 
iiJe  pour  s'y  établir;  ils  ont  miné  d'avance 
j.nrs systèmes  à  venir  par  leur  guerre  con- 
iy!  le  christianisme. 

Si  VEglise,  effaçant  de  TEvangile  les  ter- 
ribles nienaces  de  Jésus-Christ  contre  les 
l'étheurs,  se  l>ornait  à  nous  dire  :  Puisque 
TOUS  ne  voulez  pas  être  fidèles  à  Dieu  par 
03]our  de  la  justice»  soyez-le  du  moins  par 
r&cOQoaissaDce  :  car,  outre  tant  de  bienfaits 
dont  TOUS  avez  été  comblés  sans  avoir  rien 
hit  pour  les  mériter,  la  miséricorde  infinie 
eccurJera  à  votre  persévérance  dans  le  i>ien 
un« récompense  incompréhensible;  et,  pour 
punir  votre  endurcissement  dans  le  crime, 
elie  se  intentera  de  vous  élever  à  un  de- 
gré de  gloire  inférieur  à  celui  des  justes.  Si 
TEglise  nous  parlait  ainsi,  peu  d'hommes, 
j'en  sois  persuadé,  seraient  disposés  à  croire 
sur  SI  parole  cette  étrange  doctrine,  dont  le 
moindre  inconvénient  serait  de  livrer   la 
terre  ï  des  violences  capables  de  rendre 
toute  société  impossible,  il  faut  prendre  le 
monde  comme  il  est»  non  s*en  faire  des  idées 
ima^oaires  pour  bâtir  par-dessus  un  écha- 
taaoage  de  raisonnements  sans  valeur.  Il 
èi&ilteriaifiement  facile  à  Dieu  de  créer  des 
âmes  assez  pures»  assez   saintes   pour  se 
['orler  toujours  à  l'observation  de  sa  loi  par 
le^ai  moUfde  l'amour  ou  de  la  reconnais- 
Mnce;  nous  avons  été  formés  sur  un  mo- 
dèle différeut  :  heureux  lorsque  les  plus 
tembies  menaces,  n*ayant  pu  nous  empè- 
ttitT  de  tomber  dans  le  crime,  nous  tou- 
chent assez  pour  nous  déterminer  à  recou- 
rir à  des  moyens  d'expiation  1  L'Eglise  a 
tlonc  raison    de  répéter  les  anathèmes  de 
IXiaBsile  et  de  rappeler  souvent  aux  pé- 
cheurs le  formidable  avenir  qui  les  attend. 
les  philosophes  ne   pensent   pas  comme 
tioos  :  ils  nous  accusent  de  calomnier  la 
M»nlé  divine,  et  sur  ce  motif  ils  abjurent  la 
religion  chrétienne  ;  eh  bien  I  nous  préten- 
aous  qu'en  renonçant  à  la  révélation,  ils  sont 
forcés  d'accepter  sur  Dien  des  idées  si  horri- 
bles, qu'il  vaudrait  autant  le  renier  tout  à 
Ikit  ei  se  déclarer  athées  sans  hésitation. 
Dieu,  disent  les  catholiques,  après  avoir 
créé  rhomme,  s'entretient  avec  lui   pour 
J'iûstroire  de  ses  devoirs,  de  ses  destinées, 
et  aiéme  des  moyens  de  fournir  aux  besoins 
Uu  corps; dans  la  suite  des  temps,  il  se  ma- 
cifeste  aux  patriarches  et  aux  prophètes;  il 
cii«iisit  un  peuple  pour  en  faire  le  gardien  de 
^a  parole,  enfin  il  envoie  son  propre  Fils  sur 
la  terre  pour  contirmer  les  antii^ues  tradi- 
tions, développer  la  révélation  primitive,  et 
!'>tHler  une  Église  destinée  à  rester  jusqu'à 
4  an  des  siècles  la  dépositaire  incorrupti- 
le  de  la  vérité. 

Les  philosophes,  ne  reconnaissant  comme 
émanée  tïeu  naut  aucune  des  religions  qui 
existent  ou  qui  ont  existé  dans  le  monde, 
«•^nt  obligés  de  soutenir  que  Dieu  n'a  jamais 
parié  aux  hommes;  car  s'il  a  parlé,  ce  doit 
^tre  pour  révéler  des  vérités  de  la  plus  haute 
i.npurtance,  et  dès  lors  ou  les  hommes  se 
* -at  appliqués  à  en' conserver  le  dépôt,  ou  à 


leur  défaut  Dieu  lui-même  y  a  pourvu  de 
quelque  manière  :  dans  cette  supposition, 
on  ne  pourrait  se  dispenser  de  faire  un  choix 
entre  les  diverses  religions  qui  se  disent  en 
possession  de  la  parole  divine;  il  faudrait 
croire  et  cesser  d'être  philosophes.  Mais  si 
Dieu  n'a  point  parlé,  son  silence  suppose 
d'étranges  choses  sur  lesquelles  il  est  bon 
d'arrêter  à  loisir  son  attention.  Donnons^nous 
ici  le  spectacle  de  l'aveuglement  de  nos  ad- 
ver5aires,  montrons  combien  peu  ils  savent 
où  les  mènent  leurs  principes  :  ils  repous- 
sent bien  loin  l'enseignement  de  l'Eglise 
catholique,  comme  inconciliable,  disent-ils, 
avec  la  sagesse  et  la  bonté  de  Dieu  ;  voici  ce 
qu'ils  sont  forcés  de  mettre  à  sa  place. 

Le  Créateur,  en  tirant  Thomme  du  néant, 
le  place  seul,  sans  secours,  sans  instruction 
sur  une  terre  stérile,  peuplée  de  bêtes  fé- 
roces, où  il  peut  trouver  la  mort  à  chaq*ie 
pas.  La  mère  instruit  son  enfant  à  parler,  à 
marcher,  à  pourvoir  à  ses  besoins,  à  re- 
connaître les  substances  dangereuses,  à  fuir 
la  violence  des  animaux  nuisibles  et  des  élé- 
ments destructeurs;  le  père  forme  son  tils 
à  manier  les  instruments  de  la  guerre  et  du 
travail,  il  lui  enseigne  le  métierqui  le  nour- 
rira un  jour.  Dieu  n*a  rien  fait  de  semblable 
pour  l'homme,  jeté  dans  le  monde  comme 
ces  enfants  que  des  mères  dénaturées  aban- 
donnent dans  la  rue  à  la  pitié  des  passants.  Si 
cet  être  dédaigné  par  son  Créateur  a  pu  vi- 
vre dans  ce  délaissement,  et  cela  n  est  pas 
prouvé,  il  lui  aura  fallu  pour  arriver  à  un 
état  supportable,  pour  ap|)rendre  à  travailler 
les  métaux,  à  se  vêtir,  à  se  loger,  à  faire  lo 
pain  dont  il  se  nourrit,  il  lui  aura  fallu  des 
milliers  d'années  et  une  foule  de  hasards 
heureux  :  jusque-là  nu ,  sans  armes,  sans 
asile,  il  aura  disputé  sa  p&ture  aux  animaux 
et  brouté  l'herbe  avec  eux. 

L'homme  qui  a  eu  besoin  de  tout  inven- 
ter, les  idées,  le  langage,  la  religion,  la  so- 
ciété, entreprise  difiicile  assurément,  d'au- 
tres diraient  impossible,  mais  nous  sommes 
accoutumés  à  faire  des  concessions  aux  phi- 
losophes, l'homme  estdonc  venuà  boutaprès 
des  myriades  d'années  écoulées,  de  trouver 
enfin  ce  qui  lui  aurait  été  fort  nécessaire  dès 
le  premier  jour  de  son  existence.  Tant  de 
recherches  laborieuses  l'ont-ellesdu  moins 
conduit  à  la  vérité  dans  la  religion,  qui  est 
le  fondement  de  la  science,  de  la  morale  et 
des  lois,  la  source  du  bonheur  public  et  privé 
le  moyen  d'éviter  les  maux  et  de  mériter  les 
biens  de  l'autre  vie  ?  Hélas  1  non,  il  s'est 
trompé  :  parmi  toutes  les  religions  de  la 
terre,  il  n'en  existe  pas  une  de  vraie;  heu- 
reuse erreur  toutefois};  si  fhommenese  fût 
trompé,  il  vivrait  encore  dans  les  bois  avec 
les  bêtes  sauvages. 

En  créant  Thomme  dans  des  conditions  si 
funestes,  le  Dieu  des  philosophes  a  montré 
de  la  manière  la  plus  évidente  gu'il  n'a 
donnée  son  existence  aucun  but  sérieux.  S*il 
avait  voulu  lui  imposer  des  devoirs,  s'il 
avait  tenu  à  recevoir  ses  hommages,  il  né 
l'aurait  pas  faitdabord  descendre  au  niveau 
des  bêtes,  sans  lui  préparer  d'au  très  moyens 


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MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


n 


[)Our  sortir  de  cet  état  do  dégradation  que  le 
lasard  et  l'erreur.  Où  seraient  d'ailleurs  les 
droits  de  ce  Dieu  à  un  culte  de  reconnais-* 
sance  et  d'amour?  Qu'a-t-il  fait  pour  l'hom- 
me? Il  Ta  moins  favorisé  que  les  animaux 
qui  naissent  vêtus,  armés  et  capables  de 
pourvoir  h  leur  subsistance;  {pourquoi  lui 
demanderait-il  davantage?  Serait-ce  pour  lui 
avoir  donné  la  raison  et  la  conscience?  Pré- 
sent funeste,  lorsqu'il  est  seul  ;  car  la  cons- 
cience et  la  raison  ne  sauraient  nous  assurer 
la  possession  de  la  vérité  et  de  Injustice;  elles 
ne  sont  bonnes  qu'à  nous  faire  sentir  plus 
vivement  le  malheur  d'eu  ôtre  privés. 

Que  s'est  donc  proposé  le  créateur  de  l'u- 
nivers? Il  a  eu  un  but  sans  doute  ,  et  les 
moyens  d'atteindre  ce  but  ne  lui  ont  pas 
manqué,  car  son  ouvrage  révèle  une  science 
et  une  puissance  suprêmes.  Qu'a-t-if  voulu 
en  formant  cet  assemblage  de  contrastes  et 
d'oppositions,  cette  énigme  vivante  qu'on 
appelle  l'homme,  être  ébauché  et  mons- 
trueux, aimant  la  vérité  et  la  vertu  avec  en- 
thousiasme et  se  livrantau  vice  et  à  l'erreur 
avecfrénésie,  affamé  de  bonheur  et  de  gloire, 
et  trouvant  partout  la  honte,  la  douleur  et 
la  peine?  Nous  ne  craignons  pas  de  le  dire  :  en 
nous  plaçant  au  point  de  vue  des  nhiloso- 
phes ,  ce  que  nous  trouverons  de  plus  clair 
dans  le  dessein  de  Dieu,  c'est  qu'il  a  voulu 
se  faire  de  l'homme  un  jouet,  se  donner  le 
spectacle  barbare  des  égarements,  des  crimes» 
des  souffrances  de  la  misérable  humanité. 

Il  ne  suiiit  pas  de  crier  à  pleine  voix  : 
Dieu  est  bon,  il  a  créé  l'homme  pour  le 
rendre  heureux  :  puisqu'on  parle  do  science, 
il  faut  le  prouver  scientiliquemenl,  il  faut 
le  prouver  par  des  faits.  Mais  qu'aperce- 
vons-nous dans  le  monde?  Que  nous  ap- 
prend l'histoire?  Que  voyons-nous  tous  les 
jours  de  nos  yeux?  £si-ce  la  bonté  qui  a 
réglé  les  choses  ici-bas,  ou  une  méchan- 
ceté raftinée  qui  ne  veut  laisser  à  l'homme 
ae  repos  dans  aucun  â^e,  dans  aucune  si- 
tuation de  la  vie?  Est-ce  la  miséricorde 
ou  la  haine  qui  produit  les  guerres,  les  épi- 
démies, les  lamihes,  les  maladies,  la  mort? 
Les  trois  quarts  et  demi  du  genre  humain 
mangent  un  pain  trempé  de  leurs  sueurs, 
souvent  de  leurs  larmes,  et  le  petit  nombre 
des  riches  ne  saurait  encore  trouver  le 
bonheur  dans  son  opulence;  car  c'est  parmi 
eux  surtout  ^ue  se  rencontrent  les  passions 
funestes,  l'ennui,  la  satiété  et  le  det<;oût  de 
la  vie  poussé  jusqu'au  suicide. 

Les  sacrilicus  humains,  la  prostitution  ou 
des  cérémonies  infâmes  sont  entrés  dans 
presque  tous  les  cultes  de  la  terre;  les  na- 
tions les  plus  vantées  ont  été  asservies  à 
des  religions  absurdes  et  abominables.  Un 
seul  peuple  entre  tous  a  eu  des  idées  rai- 
sonnables de  la  divinité  ;  il  s'est  vu  bai,  mé- 
prisé, persécuté  par  les  autres  nations;  un 
Momme  sorti  du  sein  de  ce  peuple  a  fait 
tomber  à  ses  pieds  le  monde  ébloui  de  la 
sainteté  de  sa  vie  et  de  la  sublimité^de  sa 
doctrine;  mais  cette  homme  est  mort  sur 
un  gibet,  ses  disciples  xjt  (ini  comme  lui 
par  une  mort  violente,  la  société  dont  il  est 


le  fondateur  est  persécutée  de  différentes 
manières»  depuis  dix-huit  siècles.  Mais  Jé- 
sus a-t-il  du  moins  été  récompensé  de  ses  ver- 
tus et  de  ses  travaux  par  la  conquête  de  la 
vérité?  Non,  répond  le  philosophe,  il  s'est 
trompé  et  il  a  trompé  le  monde.  Jésus,  le 
sage,  le  juste,  le  saint,  avait  tort;  Pilate, 
le  juge  prévaricateur,  avait  raison;  Paul 
était  dans  l'erreur,  et  Néron  dans  la  vé- 
rité. François  de  Sales,  Vincent  de  Paul, 
Fénelon,  méritaient  moins  le  nom  de  sage 
que  l'auteur  de  la  Pucelle;  Lacenaire,  la 
Brinvilliers  raisonnaient  mieux  sur  Dieu, 
sur  la  destinée  humaine  que  sainte  Tbé^ 
rèse  et  saint  François-Xavier.  Mais  enfin  le 
philosophe  lui-même  aura  sans  doute  ren- 
contré la  vérité?  Nullement.  Il  a  raison  de 
nier  toutes  les  religions;  mais  s'il  veut 
aifirmer  quelque  chose,  à  l'instant  mille 
voix  s'élèvent  de  son  i^ropre  parti  pour  le 
démentir.  Que  dis-je?  il  se  contreclira  lui- 
même,  et  après  l'avoir  entendu  on  ne  saura 
quelle  est  sa  croyance  ;  il  ne  sera  pas  sûr 
de  ses  idées  les  mieux  arrêtées,  il  n'énon- 
cera qu'en  tremblant  ses  ooinions  les  plus 
fermes. 

Tous  les  prodiges  de  miséricorde  sont 
possibles  de  la  part  d'un  Dieu  qui  meurt 
pour  racheter  des  coupables  ;  un  champ 
immense  s'ouvrait  donc  devant  nous,  lors- 
que nous  avons  entrepris  de  parler  du 
nombre,  de  la  gloire  et  de  la  félicité  des 
élus.  Mais  on  ne  peut  avoir  que  de  sombres 
pressentiments,  on  doit  s'attendre  à  tous  les 
maux,  sous  l'empire  du  Dieu  des  philoso- 
phes, esnrit  mal&isant ,  toujours  appliquera 
déjouer  les  efforts  de  l'homme  vers  la  jus- 
tice, la  vérité  et  le  bonheur,  et  faisant  drs 
plus  grandes  Ames  l'objet  préféré  de  sa 
cruelle  jalousie.  Les  philosophes  veulent 
sans  doute  qu'on  juge  de  leur  Dieu  par  ses 
ouvrages,  puisque,  d'après  eux,  il  ne  se 
montre  pas  autrement  aux  hommes.  Eh 
bien  !  la  Providence  a  ordonné  les  choses 
do  manière  qu'avec  le  christianisme  elles 
forment  le  tout  le  |)lus  parfait,  le  plus  har* 
monieux,  le  plus  admirable;  mais,  sans  la 
révélation,  le  genre  humain  n'est  plus  qu'un 
assemblage  monstrueux  d'êtres  infortunés 
qui  ne  savent  ni  d'où  ils  viennent,  ni  où 
ils  vont,  ni  ce  qu'ils  doivent  faire  ;  malheu- 
reux dans  le  présent,  destinés  peut-être  à  la 
devenir  davantage  dans  l'avenir.  Voilé'  où 
aboutissent  les  négations  des  philosophes. 

Une  dernière  observation  va  résumer  tout 
ce  paragraphe.  Les  protestants,  en  niant 
l'autorité  de  l'Eglise ,  se  sont  d'avance  et 
pour  toujours  6té  le  pouvoir  de  fonder  un 
corps  de  société  religieuse,  à  moins  d'ab- 
jurer leurs  propres  principes.  Les  pbiioso* 
phes ,  en  refusant  de  reconnaître  une  révc* 
lation  attestée  par  des  témoignages  si  nom* 
breux ,  si  autoenliques,  appuyée  sur  des 
preuves  qui  ont  convaincu  I univers;  soni 
obligés  de  renier  les  principes  les  plus  clairs 
et,  pour  ainsi  dire,  la  raison  même.  Par  là  , 
s'ils  veulent  être  eonséquents,  ils  se  met- 
tent dans  l'éternelle  impuissance  de  rien 
établir  scientiûqueme.nt  •  au  moins  dans 


u 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


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lonlre  reli;;ieui  et  moral.  Après  aTOir  foulé 
aai  piiHls  le  chriscianisoie  «  il  n*est  plus  de 
.«jstÀne  qui  puisse  un  moment  captÎTer 
lêor  iodépendaDce.  Voilk  donc  l'homme 
tîTré,  sans  contre-poids,  sans  préservatifs 
et  sans  remèdes,  à  ses  seules  passions  mau- 
Taises  et  à  tons  les  crimes  qui  en  sont  la 
suite  ;  donc  plus  de  vertus  sur  la  terre,  donc 
plus  de  iMinnenr  dans  Tautre  rie. 

iiL 

des  |iMl4}ioplie«  qui  ft'adaetteot  qae  b  Yîe 


Les  incrédules  se  consoleraient  facilement 
deb  perte  des  biens  k  renir,  s'ils  pouvaient 
les  remplacer  par  ceux  de  la  rie  présente  ; 
ils  o'atlaqoent  fioint  le  christianisme  comme 
incapable  de  satisfaire  les  désirs  de  Thomme 
dans  un  antre  monde,   ils  raccusenl  d'im- 
poissance   i   les    réaliser  dans  celui-ci. 
?oorces  hommes  pressés  de  jouir,  les  im- 
morlèlles  espérances  de  la  religion  ne  ba* 
lancent  pas  les  promesses  terrestres  de  là 
phîlosofmie;  la  gloire,  la  félicité  du  ciel,  ne 
Talent  pas  les  misérables  plaisirs  d*une  vie 
de  quatre  joars.  En  nn  mut,  TETangite  sem- 
ble s'oeoiper  exclusivement  de  Tétcrnité,  la 
pbiUnoohie  se  renferme  tout  entière  dans  la 
redierdiedes  intérêts  actuels  de  Thumanité. 
Telle  est  la  vraie  raison  de  la  préférence 
aceorJfa  i  des  systèmes  menteurs,  sur  la 
doctrine  de  lésns-ChrisI;  mais  on  se  trom|)e, 
on  fait  nn  bax  calcul  en  désertant  le  chris- 
tianisme,  dans  Tespoir  de  conquérir  plus 
sûreoient  le  Imnbeur  sous  un  autre  drapeau. 
Hotre  divine  religion  surabonde  tellement 
de  rie,  de  vérité  et  de  puissance,  que  le 
Uen  gabelle  n*a  pas  en  vue,  qu'elle  ne  veut 

B\s  directement,  qni  sort  d'elle,  pour  ainsi 
re,  k  son  insu,  surpasse  de  beaucoup 
ceini  que  peuvent  obtenir  ses  adversaires 
en  /  emplo/ant  tous  leurs  efforts. 

Le  diristianisme  a  fait  ses  preuves;  ses 
ennemis  sont  obligés  de  renare  hommage 
k  sa  puissance  civilisatrice,  et  de  reconnaître 
lliearrase  et  immense  révolution  sociale 
fJ<jol  il  a  été  Fauteur;  mais  on  espère  se 

Cu«er  de  lui  désormais,  et  accomplir  avec 
seule  raison  les  destinées  ultérieures  du 
geare  bomain.  Les  faits  ne  sont  guère  d*ac« 
corJ  jusqu'k  ce  jour  avec  ces  hautaines 
prétentions.  Partoiit  où  les  philosophes  ont 
mis  la  aiain  an  gouvernail,  le  vaisseau  de 
instjt  s'est  trouvé  en  péril,  et  on  a  pu  ju^er 
de  réiendoe  dn  mal  par  celle  de  leur  in- 
floence.  Pour  rétablir  I  ordre,  il  a  toujours 
falla  les  éloi^er  des  affaires,  ou  les  forcer 
de  gouverner  contrairement  k  leurs  doc* 
trioes.  Frédéric  avait  pressenti  combien  les 
STstèmes  antir:hrétiens  sont  incompatibles 
jTec  une  bonne  administration  :  ^  Il  fan* 
^rait,  disait-it,  donner  aux  philosophes  le 
gouvernement  d'une  province  aue  Ton 
Tondrait  châtier,  p  Napoléon,  après  les  avoir 
▼us  k  Tœuvre,  n*a  eu  garde  de  les  traiter 
f'(u5  favorablement.  Tous  les  hommes  ha- 
biles, qui  ont  gouverné  la   France  depuis 


cinanante  ans,  ont  pu  se  servir  de  la  philo- 
sopnie  irréligieuse  comme  d'un  moven  de 
détruire  ce  qui  leur  faisait  obstacle;  une 
fois  arrivés  au  pouvoir,  ils  se  sont  bâtés 
d'abjurer  les  principes  qui  les  y  avaient 
portés,  et  avec  raison  :  car  leurs  plus  grands 
emliarras  sont  toujours  venus  de  ce  qu'ils 
n'ont  pu  s*en  affranchir  complètement,  ni 
renier  tout  k  fait  leur  origine.  Placés  entre 
la  honte  d'échouer  dès  le  premier  pas  et 
celle  de  déserter  leur  drapeau,  les  habiles 
ont  préféré  le  succès  k  l'honneur,  et  l'apos- 
tasie  k  l'impuissance.  D'autres,  moins  clair- 
voyants ou  moins  prompts  k  changer  de  duo* 
trines  selon  la  différence  des  positions,  se 
sont  rendus  fameux  par  leurs  méprises,  et 
ont  servi  de  marchepied  k  des  ambitieux  tou- 
jours prêts  k  s'accommoder  aux  circonstances. 
TelfutLafayette,conslamment  fidèleaux  prin- 
cipes de  la  révolution,  mais  par  cela  même 
un  des  hommes  les  plus  notoirement  inca- 
pables et  les  plus  funestes  parmi  ceux  qui 
ont  exercé  une  grande  inQuence  sur  les  des- 
tinées de  leur  pays.  Il  en  sera  toujours  ainsi, 
car  l'essence  des  choses  ne  change  pas  :  si 
les  philosophes  devaient  encore  régner  sur 
la  France,  le  mal  dont  ils  seraient  les  au- 
teurs pourrait,  commme  pour  le  passé,  se 
mesurer  sur  leur  fidélité  aux  maximes  révo- 
lutionnaires, et  le  bien  sur  leurs  inconsé« 
quences. 

Cependant  il  se  trouve  encore  des  hommes 
qui  osent  reprocher  au  christianisme  d'avoir 
perdu  son  esprit  primitif,  lequel,  disent-ils, 
est  aujourd'hui  représenté  par  la  révolution 
française.  Il  est  vrai ,  la  révolution  a  em- 
prunté quelques-uns  de  ses  principes  fou* 
aamentaux  k  la  religion  chrétienne,  mais  k 
la  manière  des  écoliers  qui  gâtent  l'idée  de 
leur  maître  en  voulant  faire  autrement  et 
mieux  que  lui.  L'Evangile  avait  proclamé  la 
fraternité  humaine,  dit  anaUième  aux  riches, 
aux  heureux  du  siècle,  préconisé  les  |iau- 
vres,  les  affligés,  les  victimes  de  la  persécu- 
tion; on  y  lit  cette  parole,  qui,  dans  la  bou- 
che des  pbilosopiies ,  serait  devenue  la 
trompette  de  Tinsurrection  et  aurait  boule- 
verse le  monde  :  Leg  première  gérant  les 
ilemiersj  les  derniers  deviendrani  les  pre^ 
miers  (%3).  Sur  ces  principes  s'est  établie 
une  société  où  la  surbordinalion,  l'obéissance 
d*une  part,  de  l'autre  la  douceur  du  coni- 
roandemenl  et  l'équilé  des  lois,  où  la  défé- 
rence, les  égards,  l'amour  réciproque  ont 
surpassé  tout  ce  qu'on  avait  vu  de  plus  ad- 
mirable chez  les  |)euplcs  les  plus  vantés  : 
c  L'Eglise  catholitpie  est  la  plus  grande 
école  de  resfiect  qui  soit  sur  la  terre,  »  a  dit 
un  liomme  d'Etat  dont  le  langage  n'est  fias 
suspect.  Qu^ont  (ait  les  philosopnes?  ils  se 
sont  emparés  des  maximes  de  l'Evangile, 
ils  ont  même  adouci  ce  qu'elles  semblaient 
avoir  d'eicessif;  eh  bien!  leur  succès  a  été 
tel,  qu'aujourd'hui  un  honnête  homme  ose  k 
peine  défendre  avec  un  peu  da  chaleur  les 
intérêts  du  |)auve  peuple,  dans  la  crainte 
de  passer  p<iur  un  mauvais  citoyen. 


IG^  Mmitk.  XT,  16. 

DlCTIOXXliae   APOU>GFTIQt*K*  II. 


s 


75 


MM. 


dictionnaire:  apologétique. 


MAL 


^C 


Avec  toiK  ccin,  on  continuera  à  nous  par- 
}eiMJe»  grands  «biens  dont  le  peu  |t)e  français 
esi  redevahic  h  la  rôvolulmn,  fille  <le  la  phi- 
losopliie  incrédule.  Sans  doute,  si  la  révolu- 
tion, doiit  on  ne  pourra  bien  juger  les  ré- 
sultats que  lorsqu'elle  sera  finie»  n'avait 
eu  aucune  sorte  d'utilité,  la  Providence  ne 
l'aurait  pas  permise.  Entre  autres  avantages» 
on  ne  peut  lui  contester  celui  d'avoir  mon- 
tré le  danger  des  principes  philosophiques 
et  la  nécessité  d'une  religion  pour  le  maintien 
(te  l'ordre  social  et  politique.  Elle  était  aussi 
(testinée^punirlescrimesdesrois,dcsgrands 
•<U  des  peuples»  à  balayer  une  société  vieille 
dons  le  vice,  et.  en  quelque  sorte,  h  prépa- 
rer le  terrain  pour  les  iustilutions  de  l'ave- 
nir, (vêlaient  le  des  oeuvres  dont  le  cliristia- 
Hisme- était  incai)able,  comme  l'est  tout 
homme  d'honneur  de  devenir  l'exécuteur 
<  des  arrêts  do  la  justice  humaine. 

La  révolutiona  su  détruire,  elle  s'est  mon- 
virée  incapa4>!e  de  fonder.  A  l'égard  des  prin- 
cipes qu'elle  se  glorifie  d*avoir  mis  en  hon- 
neur, on  peut  la  défier  d'indiquer  un  seul 
sentiment,  une  seule  pensée  véritablement 
mile  h  l'humanité»  qui  ne  soient  pas  dans 
FEglise.  On  l'a  dit  avec  raison  :  Tout  ce  que 
peut  faire  la  philosophie,  la  religion  le  fait 
encore  mieux»  et  tout  ce  que  fait  la  religion» 
}a  philosophie  n'est  pas  caiiable  de  le  iairc; 
elle  ne  peut  pas  même  donner  un  fonde- 
ment soli«lo4iux  notions  du  droit  et  du  de- 
voir sans  lesquels  il  n'y  a  point  de  société. 
D'après  les  idées  chrétiennes»  Dieu  est 
Tauteur  et  le  conservateur  de  l'ordre  social  ; 
il  veut  qu'on  respecte  le  pouvoir  légitime- 
ment   établi»   sous   quelque    forme  qu'il 
s'exerce;  il  ordonne  la  soumission  aux  lois 
émanées  de    l'autorité  constituée;  voilà  le 
fondement  ilu  droit  et  Torij^inedu  devoir, 
^lais  sous  l'empire  d'une  philosophie  qui 
irejette  toute  révélation,  la  société  doit  èlro 
.  regardée  comme  l'œuvre  de  l'homme.  Or» 
l'homme,   n'ayant  aucun  droit  sur  ma  li- 
berté, n'a  pu  la  soumettre  à  des  obligations 
ffueje  n'ai  pas  aceceptées.  La  société,  telle 
vpic  je  la  vois»  est  constituée  de  manière  h 
réserver  la  grosse  part  à  un  petit  nombre  de 
forts  et  dliabiles  ;  le  plus  grand  nou)l>iu>»  ce- 
^Mi  des 'faibles  et  des  iiicanables»  obtient  à 
peine  la  liberté  de  recueillir  h  genoux  les 
miettes  qui  tombent  de  la  table  des  privilé- 
giés. Ce  sont  eux  qui  font  les  lois»  et  ils 
les  font  dans  leur   intérêt;  pourquoi  me 
soumettrais-je  à  un  ordre  social  qui  est  pour 
moi  le  désordre  souverain?  Il  y  a  eu,  dit- 
vn»  'un  contrat  entre  les  gouvernants  et  les 
gouvernés,  jen'en  sais  rien  ;  mais»  dans  tous 
les  cas»  ce  eonlrat  ne  m'oblige  point,  puis- 
que je  ne  l'ai  |>as  signé.  D'autres  ont  pu  re- 
noncer è  leur  liberté»  c'était  leur  bien,  ils 
^ttient  maîtres  d'en  disposer  ;  mais  personne 
au  monde  n'avait  le  droit  d'engager  la  mien- 
ne. Les  lois  sont  lois  pour  ceux  qui  veulent 
les  reconnaître»  elles  ne  sont  rien  pour  qui 
sait  s'en  affranchir.  Les  rois»  les  magistrats, 
n'ont  d'autre  titre  que  la  force,  ou  plutôt 
l'imbéciMité  de  leurs  esclaves  qui  ne  savent 
pàS  môme  se  com(Uer»  et  qui  tremblent  de- 


vant quelques  hommes  comme  un  vil  trou- 
peau. Voila  le  langage  des  liassions;  le  chré- 
tien y  trouvera  facilement  une  réponse;  la 
philosophe  la  chercherait  vainement.  Non» 
oà  Dieu  n'est  )>as,  il  ne  saurait  exister  ni 
droit  d'ordonner»  ni  devoir  de  se  soumettre. 
Le  christianisme  a  fait  un  bien  immense 
à  l'humanité,  en  dominant  puissamment  la 
conscience  des  peuples^  en  établissant  l'unité 
de  la  foi»  en  mettant  en  honneur  la  chasteté» 
la  patience»  la  charité,  l'abnégation  de  soi» 
le  dévouement  aux  autres  hommes»  vertus 
éminemment  sociales.  La  philosophie»  par 
un  système  contraire»  a  préconisé  la  liberté 
de  penser»  fait  du  plaisir  la  fin  de  rhomnie» 
et  donné  l'intérêt  nour  fondement  à  l.i  mo- 
rale. Mais  tout  le  monde  voit  où  ^cour- 
raient conduire  de  semblables  doctrines; 
les  philosophes  eux-mêmes  ne  s'en  dissi- 
mulent pas  les  dangers.  En  effet,  ils  ne  vou- 
draient point  que  leur  femme^  leur  &II0  et 
leur  sœur  prissent  de  tels  pri-ncipes  pour 
rè  Je»  et  ils  sont  les  premiers  i  dire  cpie  U 
religion  est  nécessaire  pour  les  femmes «t 

C>ur  le  peuple.  Dans  cette  pensée»  ne  vou- 
nt  pas  d'une  doctrine  assez  forte  pour  les 
dominer  eux-mêmes»  ils  ont  fait  depuis  cin- 
quante ans  des  efforts  exlraordinaires  pour 
remplacer  la  vraie  foi  par  quelque  chose  qui 
pût  imposer  le  respect  de  la  loi  aux  classes 
inférieures.  De  là  sont  venus  l'Eglise  consti- 
tutionnelle» le  culte  à  l'Etre  suprême,  la  tbéo- 
philanthropie»  le  saint^simonisme  et  d'au- 
tres systèmes  encore.  Cependant,  lassés  de 
vaines  tentatives  ou  convaincus  de  leur  im- 

fmissance»  les  habiles  ont  accepté  le  catlio- 
icisme  comme  instrument  de  règne»  dans 
l'espoir  sans  doute  de  le  protestantiser  peu  h 
peu  ou  de  l'affaiblirprogressivement  jusqu'au 
jour  de  l'avènement  d'un  évangile  nou- 
veau. 

Si  les  philosophes  étaient  désintéressas 
dans  la  question,  ils  ne  se  contenteraient  pas 
d'avouer  que  la  religion  est  nécessaire  au 
peuple;  ils  ajouteraient  qu'elle  ïe^i  encore 
davantage  aux  puissants»  pour  les  empêcher 
d'abuser  de  leur  pouvoir»  et  de  donner  k\a 
multitude  des  exemples  toujours  trop  fidè* 
lement  suivis»  parmi  nous»  d'immoralité  el 
de  mépris  des  lois  les  plus  saintes.  Les  Fran- 
çais ne  savent  ni  se  contrefaire»  ni  être  in- 
conséquentsavcc  persévérance  :  ils  n^auraient 
pas  été  capables  de  faire  vivre  pendant  des 
siècles  l'Eglise  et  la  constitution  anglicanes  ; 
c'est  donc  une  chose  certaine  :  si  la  philoso- 
phie établissait  son  empire  sur  la  France, 
l'incrédulité  se  communiquerait  bientôt  des 
•savants  aux  if^norants  ;  personne  ne  voudrait 
être  peuple  ni  recevoir  le  irein  comme  uiiu 
iiête  de  somme  ;  toute  foi  aurait  bientôt  dis- 
jiaru  sans  qu'il  en  restât  de  vestiges. 

Lorsque  le  peuple  ne  croira  plus  à  rien, 
les  institutions  les  |)lus  sages  seront  im- 
puissantes à  maintenir  l'ordre  social  ;  car  à 
quoi  servent  les  meilleures  lois»  lorsque  les 
mœurs  sont  mauvaises?  LY'mploi  deiaforce 
sera  aussi  une  faible  ressource.  Jusqu'à  pré- 
sent l'action  du  gouvernement  a  sufli  a  la 
réfircssion  des  ennemis  de  la  loi,  pane  qu'ils 


1 

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1 


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Bll 


APOLOGETIQUE. 


MAL 


78 


sont  en  mîftorilé  dans  b  nation.  Vais  quand 
il  sera  bien  établi  que  rbomme  n  a  rien  à 
espérer  ni  à  craindre  au  delà  de  cette  vie; 
que  la  coo^cience  et  i*bonnenr,  le  vice  et  la 
verto  sont  des  mots  vides  de  sens  ;  qu*ii  iaui 
se  hâter  d*éire    heureux  dans  ic  moment 
préseol,  de  pear  de  ne  Tèlre  jamais,  mon 
Dieo!  ^eUe|$aerreetrroyable  1  Je  vois  mille 
albinés  se  disputant  la  même  proie.  Dans 
ce  pèle-méle  bomMe,  où  le  plus  fort  de- 
vra passer  sur  le  corps  du  plus  faillie  pour 
5e  fraver  un  chemin ,  que  deviendront  les 
eolaotSv  les  vieillards,  les  femmes,  le  pauvre 
peuple?  Emploiera-l-on  une  moitié  du  genre 
baoïain  à  sonretller  l'autre?  Mais  qui  sur- 
veillera  les  surveillants?  Pour  mieux  dire, 
qui  aimera  les  tempêtes  populaires?  Quelle 
uain  assez  ferme  tiendra  les  rênes  d'une 
Biailitade  toujours  prête  à  se  révolter?  Il  n*jr 
a  pas  de  puissance,  sous  le  soleil,  capable  de 
résister  à  tout  un  peuple;  celle  de  Na|ioléon 
»'est  trouvée  faible  devant  les  Ksiiagnols 
fêm  armes  el  sans  généraux.  Non,  on  ne 
ironve  rien  dans  Phistoire  qui  puisse  nous 
tkNiner  une  idée  de  ce  que  deviendrait  noire 
sjoiié,  si  la  religion  venait  à  disparaître. 
\t  OMS  y  trompons  pas,  le  monde  n*est 
pas  constilué  pour  rendre  Tbomme  heureux 
dès  celte  vie.  11  est  écrit  :  La  ttrre  tst  umn^ 
à  emm»eie  votre  déMobéissonee,  Elle  tous 
roneeg  el  des  épines^  et  roiu  maft- 
ferc  wûtn  pam  à  la  sueur  de  voire  tisa^e^ 
jusfuà  ce  qme  vous  rentriez  dams  la  pous- 
siere  dom  zofus  acez  été  tirés  (hk).  Tous  les 
edbrte  de  rbomme  ne  sauraient  chan^jer  les 
hts  établies,  ni  prévaloir  contre  l'institution 
de  la  Provîdenoe.  A  l'aide  d'un  travail  opi- 
niâtre, la  terre  produit  assez  pour  nos  be- 
soins; mais  il  n*en  est  pas  de  l'homme  comme 
tie  ranioMiU  il  n'est  point  satisfait  dès  qu'il 
est  repu.  Nos  trms  ^«ndes  passions,  source 
de  toutes  les  antres,  sont  l'orgueil,  l'ambi- 
tion, la  volupté,  et  ces  passions  sont  insatia- 
bles. Loni  ne  se  rassasie  point  devoir^  ni  fo- 
rrilie  desU^estàre^  a  dit  le  Sage  (45)  ;  c'est  une 
paraJe  ibadée  sur  une   profonde  connais- 
sance de  rhomme  et  des  choses  de  la  vie. 
Le  moode  n*avait  ni  assez  de  gloire ,  ni  assez 
•Se  pnissaneepour  leco^irduseul  Alexandre; 
il  n'est  pas  de  voluptueux  qui  ne  demande  à 
ses  setàs  plus  qu'ils  ne  peuvent  lui  donner, 
et  à  la  société  plus  que  ne  le  permet  le 
respect  des  droits  de  tous.  Exciter  les  pas- 
siuus  esC  donc  fatal  au  bonheur;  pour  être 
heureux*  il  faut  les  retenir  dans  les  limi* 
tes  de  Tordre  et  du  devoir.  Cherchez  iTabord, 
dit  lésus-Christ,  fe  royaume  de  Dieu  et  sa 
fusiiee,  et  les  autres  biens  vous  seront  donnés 
par  smrerait  (Mj.  —  La  piété^  dit  saint  Paul, 
est  utiie  é  tout;  elle  a  les  promesses  de  la  vie 
présente  ei   de  la  vie  future.  {%1).  C'est  une 
^'Jfs  vérités  les  mieux  établies  dans  l'Ecri- 
ture, et  les  plus  authentiquemcnt  confirmées 
l«r  rexpénence. 

Ou  se  promet  l>eaucoup  d'un  vaste  sys- 
tème d'association.  Ce  système  n'est  pas  en- 


core trouvé;  D;ai$  on  doit  convenir  que,  si 
les  hommes  mettaient  plus  de  concert  e: 
d'ensemble  dans  leurs  travaux,  ils  obtien- 
draient avec  moins  de  |»eine  des  résultats 
plus  considérables.  Ce  n'est  pas  d'aujour- 
d'hui qu'où  a  eu  l'idée  de  s  associer  pour 
accopuplir  par  la  réunion  de  toutes  les  forces 
ce  qui  eût  été  impossible  à  nu  seul  homme; 
la  famille,  la  nation,  l'église  n'ont  pas  d'au- 
tre fundemenL  liais  pour  guérir  tes  maux 
présents  et  préparer  un  meilleur  avenir, 
c'est  peu  de  dire  aux  hommes  :  Associez- 
vous;  il  but  leur  donner  les  moyens  de  le 
faire,  il  faut  leur  apprendre  d'abord  l'obéis- 
sance, la  justice,  le  dévouement?  Celui  qui 
a  dit  :  Aimez  Dieu  par-de5;sus  toutes  choses 
et  votre  prochain  comme  vous-même,  a  seul 
trouvé  le  secret  d'une  association  assez 
vaste  et  assez  puissante  |iour  influer  d'une 
manière  décisive  sur  les  destinées  du  genre 
humain.  L'exiiérienoe  nous  ap|>rend  que  là 
où  n'est  |as  l'amour  de  Dieu  ne  se  trouve 
jamais  l'amour  de  l'homme. 

Il  existe  dans  le  cœur  humain  nn  bO' 
soin  de  dominer  et  de  faire  sentir  son  pou- 
voir qui  se  révèle  à  toutes  les  (lages  de 
l'histoire  ;  des  ficnchants,  dont  la  prostitu- 
tion, la  polygamie,  le  culte  infâme  de  cer- 
laines  divinités  du  fsaganisme,  sont  les  in* 
dices  trop  certains;  un  instinct  de  cruauté, 
manifesté  fiar  des  vengeances  atroces,  des 
guerres  d'extermination,  l'amour  des  s|icc- 
tacles  sanglants,  et,  faut-il  le  dire?  |iar 
l'anthropophagie.  Quelle  digue  la  philoso- 
phie peut-elle  opposer  k  ces  fiassions  hi- 
deuses? On  ne  fait  rien  de  bien  sans  dévoue- 
ment; où  prendre  dans  des  doctrines  de 
néant  les  sentiments  élevés  qui  sont  Tâme 
des  généreux  sacrifices  ?  Dans  une  société 
incrédule,  qui  aura  soin  des  enfants,  des 
faibles,  des  malades?  qui  pleurera  avec 
ceux  qui  pleurent  ?  qui  voudra  s'ex(K>ser  à 
la  haine  des  puissants  |>our  défendre  les 
opiMÎmés?  Chacun  |)Our  soi,  est  déjà  la 
maxime  en  crédit;  que  serait-ce  si  la  philo- 
sophie régnait  seule  sur  la  terre  ?  Encore 
une  fois,  ce  n'est  ras  tout  d'ima^ner  des 
systèmes  ;  le  plus  difficile  est  de  les  aiipli- 
quer.  Donnez-moi  un  point  d'appui,  liisait 
un  ancien,  et  je  remuerai  le  ciel  et  la  terre; 
donnez-moi  une  autre  nature  humaine,  di- 
rai-je  aux  philosophes,  et  alors  il  deviendra 
possible  de  réaliser  vos  utopies.  Tant  que 
l'homme  restera  ce  qu'il  est ,  le  chris- 
tianisme seul  saura  le  rendre  heureux  , 
parée  que  seul  il  peut  le  convertir  à  la  cha- 
rité. 

Jusqu'à  présent  les  inventions  les  plus 
admirées,  loin  de  soulager  le  peuple,  ont 
augmenté  sa  misère,  en  enrichissant  un  pe- 
tit nombre  de  capitalistes;  c'est  le  vice  do 
notre  civilisation,  mais  un  vice  qui  lient  à 
ses  entrailles.  I..es  machines  dérobent  k  l'ou- 
vrier le  travail  dont  il  a  besoin  pour  vivre; 
si  l'on  voulait  le  lui  conserver,  il  faudrait 
centupler  les  produits;  mais   où    trouver 


;  Hi,  20. 
.  I,  8. 


(46)  Matîk.  Ti,  55. 

(47)  f  Titii.  IV,  8. 


73 


MAL 


DrCTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


80 


<les  consommateurs?  L'Anj^lelerre  fait  un 
commerce  fabuleux,  et  son  peuple  meurt 
de  faim,  parce* qu'elle  ne  possède  pas  }e 
monopole  universel.  Quoi!  faudrait-il  que  le 
genre  humain  fûtsacriQé  à  un  seul  peuple? 
que  dis-je?  h  un  petit  nombre  d*industrie1s« 
vainqueurs  de  leurs  rivaux?  Au  moyen  des 
nouvelles  inventions  et  do  celles  qui  vien- 
dront plus  tard,  quatre  ou  cinq  villes  manu- 
facturières pourraient  approvisionner  le 
monde. 

On  aura  beau  faire*  le  nombre  des  mal- 
)ieureux,que1lequesoitla  cause  de  leur  infor- 
tune, sera  toujours  le  plus  grand,  et  la  ques- 
tion qui  nous  occupe  pourra  toujours  se  ré- 
duire à  ves  termes  bien  simples  :  Cent  affa- 
més sont  autour  d'une  table  où  il  ne  se 
trouve  pas  assez  d'aliments  pour  en  rassa- 
sier un  seul;  leur  vrai  ami  n'est-il  pas  celui 
qui  sait  et  qui  veut  leur  oiïrir  un  autre 
moyen  d'apaiser  leur  faim?  La  vie  présente 
4)eul-elle  se  passer  de  la  compnnsaliôn  que 
la  religion  nous  promet  dans  un  monde 
meilleur? 

Il  ne  faut  pas  juger  des  maux  qu'amène- 
rait l'intronisation  des  doctrines  philosophie 
ques  par  ce  que  nou«  voyons  aujourd'hui  : 
4e  siècle  est  encore  chrétien,  quoi  qu'il  en 
dise;  c'est  encore  le  christianisme  qui  régit 
la  famille  et  la  cité,  les  lois  et  les  mœurs 
restent  sous  son  influence  :  ceux  qui  ne 
croient  pas  sont  retenus  par  l'exemple  do 
ceux  qui  croient;  ils  sont  conduits,  à  leur 
insu,  parce  je  ne  sais  quoi  qui  forme  l'esprit 
général  d*une  société,  on  ne  s'en  affranchit 
}>as  plus  que  de  l'air  et  de  l'aecent  de  sa  fa- 
mille et  de  son  pays.  Mais  supposez  toute 
croyance  religieuse  anéantie  depuis  deux  ou 
trois  générations,  si  la  société  peut  subsis- 
ter jusque-là«  et  tAchez  de  vous  représenter 
ce  que  Sera  devenu  le  monde. 

Nous  aimons  mieux  espérer  que,  dans  un 
/ivenir  peut-être  prochain,  l'association  des 
^leuples,  cimentée  par  la  foi  et  la  chariléi 
ouvrira  au  genre  humain  une  ère  de  pros- 
})érilé  et  de  LK)nheur.  Malgré  les  entraves 
mises  à  son  aciion  par  les  hérésies,  l'incré- 
dulité, la  fausse  politique  des  iirinces,  un 
égoisme  étroit  et  mal  entendu  de  classe  ou 
«de  nation,  le  christianisme  a  montré  et 
montre  encore  tous  les  jours  quelle  puis- 
.sance  il  possède  pour  unir  les  intérêts  et  les 
sentiments;  on  le  voit  en  même  temps  dans 
l'ordre  religieux,  civil  et  politique.  L'héré- 
sie et  la  philosophie,  au  lieu  de  fonder,  ont 
^itl'aibli  ce  qui  était.  Les  amis  de  l'huma- 
nité doivent  donc  désirer  de  voir  revenir  à 
l'ancienne  foi  les  peuples  qui  ont  eu  le 
malheur  de  s'en  éloigner;  c'est  alors  que 
TËglise  catholi(]ue  déploierait  en  liberté  sa 
bienfaisante  influence  et  étonneraitle  monde 
par  les  prodiges  de  sa  charité.  La  Franco 
surtout  doit  appeler  de  ses  vœux  cet  heu- 
reux moment;  car  le  christianisme  est  seul 
assez  fort  pour  conserver  et  conduire  à 
raccomplisseinent  de  ses  destinées  une  as- 
sociation de  trent-cinq  millions  d'hommes, 
qui  ne  veulent  d'autre  loi  que  l'égalité. 

Liii  philosophes,  en  attaquant  I  E^jUse  sur 


la  solution  qu'elle  donne  h  la  q;iestion  du 
mal,  s'imposaient  l'obligation  de  la  résoudre 
d'une  manière  plus  raisonnable.  Jamais  at- 
taque no  fut  plus  inconsidérée  et  plus  pro- 
pre à  couvrir  ses  auteurs  de  confusion  ;  ils 
paraissent  ne  pas  s'être  doutés  et  de  leur 
impuissance  radicale  pour  le  bien  et  de  la 
vertu  divine  du  chrilianisme.  Ils  se  sont 
laissés  amorcer,  comme  des  enfants,  par 
une  apparence  trom^r^^rise,  et  malgré  leurs 
chants  de  triompbe,  il  se  trouve  à  la  fin  que 
tous  leurs  arguments  prétendus  invincibles 
leur  retombent  sur  la  tète. 

Pour  ne  point  parler  de  ce  qui  est  de  foi 
catholique,  ou  de  ce  qui  en  dérive  immé- 
diatement, nous  ne  voudrions  donner  au- 
cune de  nos  hypothèses  comme  vérité  in- 
contestable; mais  il  restera  établi  aue  le 
christianisme  est  incomparablement  plus 
puissant  que  la  philosophie  pour  le  bonheur 
de  l'homme.  Oui,  nous  maintenons,  comme 
démontrée  par  l'expérience,  par  la  raison, 
et  de  toutes  les  manières  possibles,  la  su- 
périorité de  notre  religion  comme  instru- 
ment du  bien  dans  ce  monde  et  dans  l'autre. 
Nous  ne  craignons  pas  le  parallèle,  ou  plu- 
tôt nous  affirmons  hardiment  que,  sous  ce 
rapport,  la  différence  entre  ie  christianisme 
et  tous  les  systèmes  humains  est  telle,  que 
la  comparaison  des  résultats  est  impi>ssible; 
c'est  comme  l'infini  d'un  côté  et  le  néant 
de  l'autre.  Il  n'en  faut  pas  davantage;  tout 
homme  peut  désormais  prononcer  entre  nos 
ennemis  et  nous. 

La  grandeur  du  bien  iustifie  la  permis- 
sion du  mal  ;  mais  que  dire,  lorsqu'on  voit 
le  mal  partout  et  le  bien  nulle  part?  O  pro- 
fondeur des  conseils  divins  I  O  vanité  des 
pensées  de  l'homme  1  Cette  question  si  for- 
midable où  tant  d'esprits  faibles  sont  venus 
se  briser,  ces  difficultés  que  les  incrédules 
nous  opposent  d'un  ton  de  vainqueui-s,  bien 
examinées,  elles  suffisent  pour  établir  la  di- 
vinité de  notre  religion,  et  démontrer  la 
folie  des  inventions  philosophiques.  —  Toy. 
Originel  (péché),  DéchéAx^gb,  Eprewb» 
Tentation. 

§111 
ObjecUons  de  M.  de  Lamennais  et  réponses. 

Ce  serait  peu  de  réfuter  les  philosophes 
incrédules  des  sièiîles  précédents ,  si  nous 
laissions  sans  réponse  les  arguments  des 
écrivains  de  nos  jours.  Chaque  époque  a 
son  point  de  vue  particulier,  sa  tendance 
propre,  de  laquelle  les  esprits  les  plus  indé- 
pendauls  ne  peuvent  s'affranchir  tout  h  fait: 
l'opinion  gouverne  le  monde,  et  les  grands 
génies  sont  ses  premiers  ministres.  Au  dix- 
septième  siècle,  les  hautes  spéculations  de 
la  philosophie  et  de  la  théologie  occupaient 
les  loisirs  des  gens  du  monde;  la  cour  et  lu 
ville  se  partageaient  entrî  des  systèmes  op- 
posés sur  la  grâce,  la  prédestination  et  la 
prescience  :  aussi  est*ce  de  cet  ordre  d'idées 
que  Bayle  a  tiré  ses  principales  objections 
contre  le  christianisme.  Aujourd'hui,  dans 
toutes  les  classes  de  la  nation,  on  se  préoc- 
cupe de  nouvelles  théories  sociales,,  de  sys- 


SI 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


Ht 


• 

têiiies  politiques  et  industriels.  Il  faul  bien 
s  AttenJre  à  voir  e«s  oigets,  autrefois  secon- 
(inireSf  tenir»  dans  les  débals  religieui  les 
plus  iuiportants,  une  place  que  nos  pères 
auraient  peut-être  eu  honte  de  leur  donner. 
Mais  Dieu  a  pourvu  à  tout  :  on  peut  traiter 
les  questions  de  la  veille  comme  celles  du 
leDiemaiu,  sans  courir  le  risque  de  trouver 
^a  providence  en  défaut. 

Puisqu*il  en  est  ainsi,  mieux  vaut  pour 
nuusavoir  en  tête  des  adversaires  qui  voient 
le  fond  des  ditHcultés  et  savent  les  poser 
neileuienl  ;  la  discussion  en  est  moins  lon- 
gue et  plus  décisive  :  nous  avons  ici  cet 
a\aota.{e.  Un  Fioaime  a  lonj^tenif^s  combattu 
atec  gloire,   au  milieu  de  nos  rangs,  ()en- 
Kor  profond,  écrivaiu  éloquent,  supérieur 
à  fiayie,  à  bien  des  égards,  mais  d'un  esprit 
eicessif,  d'un  caractère  outré,  qui,  trompé 
)Mr  sa  force  même,  a  toujours  dépassé  le 
imt  ;  incaitable  de  mesure   dans  Terreur 
«tiuime dans  la  vérité,  on  Ta  vu  en  peu  d'an- 
nées soutenir  avec  une  égale  ardeur  les 
r4uses  les  plus  contraires  ,    et  promener 
liaos  tons  les  cam[)S  la  foufzue  de  son  aigre 
et  indiscîplinahle  génie.  Lin  tel    homme, 
uiiùéaox  secrets  des  deux  partis,  doit  con- 
iiatire  \e  côté  vulnérable  de  notre  doctrine, 
cl  les  moyens  d*attaque  les  plus  puissants 
lie  nos  adrersaires,  dont  on  peut  être  sûr 
</u*iio affaiblira  point  la  cause  par  des  mé- 
ita^aients  politiques  :  nous  allons  donc  le 
laisser  parler. 

Après  avoir  exposé  à  sa  manière  la  doc- 
trijie  de  l*Eglise  sur  la  chute  et  la  réhabili- 
taiioo,  M.  de  Lamennais  ajoute  :  «  Ce  sys- 
i^ue,  pris  dans  son  ensemble,  a  cerlaine- 
tueat  de  la  grandeur;  mais,  en  premier 
heu,  il  faillit  par  sa  base,  puisqu'il  repose 
sor  une  conception  erronée  du  mal  moral, 
de  son  origine  et  de  ses  effets  (tô).  »  On 
cniDj^nd  h  peine  comment  les  catholi((ues 
auraient  pu  se  tromper  sur  l'orij^ine,  la  na- 
ture, les  effets  du  mal  moral  :  i)  n'y  a  pas, 
ce  nous  semble,  deux  manières  de  résoudre 
f:es  questions.  Le  mal  moral  vient  de  la  li- 
l>erté  :  il  est  un  défaut  d'ordre,  de  rectitude 
dàot  }es  actes  de  l'être  libre,  qu'il  éloigne 
lie  Dieu,  son  centre  et  sa  fin.  Jusque-là 
nous  sommes  d'accord  avec  M.  de  Lamen- 
nais. L'opposition  des  doctrines  commence 
sur  rexplication  d'un  fait,  lin  considérant 
llHMnnie,  on  s'aperçoit  que  sa  liberté  incline 
vers  le  mal,  par  un  penchant  presque  irré- 
sistible, auquel,  en  effet,  presque  personne 
ne  résiste.  La  vraie  liberté  consisterait  dans 
un  parfait  équilibre  de  la  volonté  entre  le 
bien  e<  le  mal.  Dieu  pouvait  nous  créer  dans 
rifi  étal,  quoique  sa  bouté  infinie  dût  natu- 
rellement faire  pencher  la  balance  vers  le 
bien  ;  m/«is  le  contraire  est  arrivé  :  le  mal 
j'emporte  d'une  manière  effrayante.  D'où 
vient  cet  étrange  phénomène?  Est-ce  de  la 
«ié^radaiion  primitive  de  notre  nature,  per- 
mis par  la  Providence  à  cause  de  grands 
l*iens  dont   elle  allait  devenir  Toccasion» 


comme  le  disent  les  catholiques?  Est-ce,, 
comme  le  prétend  M.  de  Lamennais,  du  pro- 
grès nécessaire  de  l'humanité,  passant  de 
l'ignorance  à  la  science  du  bien  et  du  mal? 
Mais  cette  dernière  réponse  n'explique  rien, 
ne  résout  pas  une  seule  des  objections  de 
Bayle»  On  demandera  toujours  pourquoi 
Dieu,  qui  déleste  souverainement  le  péché, 
n'a  pas  arrêté  un  prOiçrèsdont  le  péché  était 
la  suite  nécessaire;  (>c)urquoi  il  a  fait  la  na- 
ture humaine  de  telle  manière  qu'elle  n*ait 
pu  sortir  de  l'ignorance  sans  se  précipiter 
dans  tous  les  crimes.  C*est  à  quoi  il  faut 
répondre  nettement  :  M.  de  Lamennais  ne 
l'a  [)oint  fait.  Non,  non,  le  problème  n'est 
pas  aussi  facile  à  résoudre  que  le  célèbre 
écrivain  le  suppose. 

En  vain  s'écrie-t-il  d'un  ton  affîrmatif  : 
«  Les  effrayantes  dillicultés  que  la  qucstiott 
du  mal  présente  au  premier  coup  d'œil,. 
sYvanouissent  dès  qu'on  la  dégage  des  sys- 
tèmes et  des  hypothèses,  au  milieu  des- 
quels on  l'a  comme  égarée  ;  dès  qu'on  écarte 
le  fantôme  de  l'imagination,  les  préjugés  de 
toutes  sortes,  pour  ne  considérer  que  les- 
faits  :  car  ceux-ei  n'offrent  rien  uui  ne  se- 
conçoive  nettement,  qui  ne  s'explique  do 
soi-même  par  les  causes  et  les  lois  con- 
nues(49).  »  Les  difficultés  ne  viennent  point 
i\es  hypothèses  et  des  systèmes,  lesquels 
n'existent,  au  contraire,  que  pour  les  ré- 
soudre. Si  les  auteurs  des  dilférentes  reli-* 
gions  se  sont  trompés,  le  problème  n^en  est 
pas  pour  cela  devenu  plus  difficile;  il  resle 
tout  ce  qu'il  était  auparavant.  La  terre  est 
couverte  de  crimes  et  de  calamités,  tous 
les  hommes  sont  cou|)ables  et  malheureux,, 
voilà  les  faits  ;  comment  ces  faits  existent- 
ils  sous  le  gouvernement  d'un  Dieu  dont 
la  bonté,  la  sagesse,  la  sainteté  sont  infinies^ 
Voilà  la  question.  Le  christianisme  y  ré- 
pond en  trois  mots  :  la  déchéance,  la  ré- 
demption, la  vie  future  avec  ses  peines  et 
ses  récompenses.  Vous  ne  voulez  pas  de 
cette  solution  I  vous  en  êtes  le  maître; 
voyons  donc  la  vôtre  :  «  Les  ibits,  dites- 
vous,  n  offrent  rien  qui  ne  se  conçoive  net- 
tement, qui  ne  s'explique  de  soi-U'ême  par 
les  causes  et  les  lois  connues.  »  Vous  élu- 
dez la  difficulté,  vous  ne  la  résolvez  pas. 
Sans  doute,  la  liberté  de  l'homme  et  son  af- 
freux penchant  n\ï  mal  étant  supjiosés,  le 
règne  du  crime  dans  le  monde  est  inévi- 
table; mais  pourquoi  Dieu  nous a-t-il  donné 
celte  liberté  funeste?  pourquoi  nous  a-t-il 
créés  avec  un  penchant  irrésistible  pour  le 
mal?  C'est  là  (;e  qu*il  fallait  expliquer.  Si 
les  lois  existantes  devaient  produire  de  tels 
effets,  c'était  pour  la  Providence  un  motif 
impérieux  d'en  établir  d'autres. 

Mais  peut-être  ces  lois  sont-elles  néces- 
Si'iires;  vous  je  donnez,  du  moins  à  enten- 
dre assez  clairement  :  «  Il  n'y  a  point  de 
déchéance,  s'il  faut  vous  en  croire  :  la  dé* 
chéancc,  c'est  la  création  (50).  »  Je  vous 
comprends  :  le  mal  est  la  privation  du  hien^ 


'  i>t)  Eêqvlise  d'une  pliilosophie,  lom.  Il,  p.  8U 
V*9;  hpifunêc  d'une  phUv$opltie,  p.  6tj. 


(50)  Eiquisse  d^uue  ^hUoiopUtûy^jf.  GI. 


83 


MAL 


DICTIONNAIWC'  APOLOGETIQUE. 


MAL 


U 


il  existe  donc,  h  ccrlains  ép;Ards,  dans  (out 
ôlre  qui  ne  possède  pas  le  bien  absolu,  c'est- 
h-dire,  dans  toui  être  créé  ;  il  est  donc  es- 
sentie^à  la  création;  (el  est  en  somme  vo- 
tre raisonnement.  Mais  gardons-nous  de 
cnnfondre  ce  qui  doit  être  soigneusement 
distinjur.  Dieu  ne  peut  pas  faire  que  le  fini 
soit  infini,  que  le  contingent  soit  nécessaire; 
rien  de  plus  cortain  :  )a  créature  est  impar- 
faite et  doit  Télrc;  cette  espèce  de  mal  qui 
résulte  de  jon  imperfection  est  inévitable. 
Mais  il  existe  un  autre  m»!  qui  s^appelle  la 
douleur  et  le  péché:  celui-là  est-il  néces- 
saire, oui  ou  non? Si  Ton  répond  qu*il  est 
nécessaire,  c*est-à-dire  1*  conséquence  for- 
cée des  lois  essentielles  de  la  création,  nous 
demanderons  pourquoi  il  constitue  un  étftt 
violent,  anormal,  contre  nature.  Dès  que  le 
mal  physique  et  le  mal  moral  sont  inhé- 
rents à  notre  qualité  d'être  contingents,  il 
njr  a  plus  de  raison  de  se  plaindre  et  de 
s'indigner  h  ki  vue  des  crimes  et  des  souf- 
frances de  rhumMTté;  il  v.iut  bien  mieux 
dire  avec  le  stoïcien  :  O  douleur  !  je  n'a- 
vouerai januiis  que  tu  sois  un  mail  et  avec 
i'athée  :  Le  vice  et  la  vertu  sont  des  mots 
vides  de  sens.  Si  la  domleur  et  1ep«ichéne 
sont  pas  nécessaires,  pourquoi  y  sommes- 
nous  assujettis?  M.  deLamennaîs^croit  avoir 
simplifié  la  question  en  niant  les  peines  de 
l*autre  vie;  il  se  trompe.  Le  ciime  iinppni 
e&t  un  plus  grand  mad  que  le  crime  nuni; 
telle  est  la  croyance  de  tous  les  peuples  de 
la  terre.  Nous  persistons  donc  h  demander 
à  Tauteur  pourquoi  la  douleur  et  le  péché 
sous  Tempire  du  Dieu  très-saint  el  très- 
bon? 

Que  nos  adversaires  ne  croient  pas  noïis 
écha(»per:  ils  ont  voulu  se  faire  de  la  ques- 
tion dti  niai  une  arme  terrible  contre  le 
christianisme,  nous  la  retournerons  cou  Ire 
eux  ;  sans  autres  arguments  (|ue  ceux  de 
Bayle,  nous  ruinerons  tous  leurs  systèmes, 
et,  pendant  (jue  nous  nous  dégagerons  avec 
la  plus  grande  facilité,  ils  resteront  pris 
dans  le  piège  où  ils  voulaient  nous  faire 
tomber  ;  M.  de  Lamennais  ne  sera  pas  plus 
heureux  auo  ses  nouveaux  alliés. 

«  lA  création,  dit-il,  oui  a  pour  objet  de 
maniieslcr  Dieu  ou  de  le  reproduire  exté- 
rieurement, étant  finie  par  son  essence, 
tandis  que  son  éternel  exemplaire  est  infini, 
a  dû,  par  là  même,  être  soumise  dans  son 
ensemble,  et  conséquemment  aussi  daus 
chacun  des  êtres  particuliers  dont  elle  se 
compose,  à  une  loi  de  progression  continue  ; 
sans  quoi,  à  quelque  degré  de  perfection  re- 
lative que  vous  la  sup[K>siez  arrêtée,  elle  no 
correspondrait  plus  à  l'objet  que  Dieu  s'est 
proposé,  et  nécessairement  pro[>osé  en 
rréant.  Mais  toute  progression  et  tout  déve- 
lomiemcnt  implique  le  passage  d*un  état 
inférieur  à  un  état  supérieur,  suivant  un 
ordre  régulier  ou  déterminé  par  des  lois 
constantes /51).  v 

Ces  paroles,  qui  renferment  tout  le  sys- 
tème de  Kauteur,  sont-elles  Tcxplicalion  du 

(?»1)  FrfKiVîf  d'une  fhilo$opUe,f.  67. 


mal  physique  el  du  mal  moral?  En  aucune 
manière.  Lui  acconhU-on  ses  principes,  le 
problème  reste,  et  le  mot  de  I  énigme  est  h 
trouver.  Toute  progression  in>plîque  le  |»as-* 
sage  d'un  état  inférieur  h  un  élat  supérieur, 
il  est  vrai  ;  mais  il  £fiiit  dire  aussi  que  toute 
pro>gression,  soit  ascendante,  soit  descen- 
dante, est  nécessairement  bornée  ;  on  nei 
peut  supposer  une  série  infinie  de  degrés 
actuellement  parcourus;  le  premier  terme, 
le  peint  de  départ  de  toute  progression 
est  donc  nécessairement  arbilraire.  Eh  bien  I 
je  demande  pourquoi  Dieuf  a  fait  partir 
l'humanité  de  si  bas,  que  son  existence  jus-, 

3u'à   ce  jour  soit  un  long  enchaînement 
e  crimes  et  de  malheurs  ?  J^  question  est 
claire,  il  faut  y  répondre  nettemenL 

La  théorie  de  la  progression,  entendue- 
dans  le  sens  de  M*  ae  Lamennais,  contredit 
d'ailleurs  Texpérience  et  la  foi  de  tous  les 
peuples  ;  sans  chercher  bien  loin,  nous  en 
trouverons  la  réfutation  éloquente  dans  les 
premiers  ouvrages  du  grand  écrivain;  car 
cette  théorie  attaque  par  leur  base  la  reli- 
gion, la  morale,  I  ordre  social,  dont  ii  a  été, 
daus  ses  belles  et  regrettables  années,  un 
des  plus  glorieux  défenseurs.  Si  la  progres- 
sion du  bien  ne  doit  jamais  s'arrêter,  et  pour 
l'ensemble  de  la  création,  et  pour  chacun 
des  êtres  particuliers  dont  elle  se  composev 
les  hommes  les  plus  endurcis  dans  le  crime 
verraient,  en  quittant  ce  monde  «  s'ouvrir 
devant  eux  une  carrière  infinie  de  gloire  ei 
de  félicité  ^  et  vorlà  le  contre-poids  que  la 
sagesse  éternelle  aurait  préparé  aux  passions 
humaines I  Oh!  que  le  christianisme  mou* 
tre  plus  de  connaisance  de  nos  malheureux 
penchants,  lorsqu'il  s'efforce  d'inspirer  au 
juste  même  la  crainte  des  jugements  de 
Dieu  l  La  religion  peut  à  peine  uieltre  un 
frein  à  notre  liberté  par  les  terreurs  do 
l'enfer;  ôlez  donc  au  coupable  toute  crainte  ; 

Sue  dis-ie?  donnez-lui  l'assurance  de  la 
estinée  la  plus  souhaitable  |)0ur  l'hommo 
de  bien,  et  ensuite  gouvernez  le  monde  si 
vous  le  pouvez^ 

Mais,  funeste  ou  utile,  il  faudrait  bien  ac«- 
cepter  cette  doctrine,  si  elle  était  fondée  sur 
des  principes  certains.  Ceux  de  M.  de  La- 
mennais le  sont-ils,  et  peut-on  en  faire  sor- 
tir, par  une  déduction  logique ,  la  théorie 
de  la  progression?  Non.  Le  système  philo- 
sophique de  l'auteur  de  VEsquisse  repose^ 
sur  le  principe  fondamental  du  panthéismcv 
l'unité  de  substance.  Or,  de  ce  que  tous  les 
êtres  participeraient  h  la  substance  divine, 
s*ensuit-il  qu'ils  doivent  se  rapprocher  do 
Dieu  par  un  progrès  éternel?  Où  en  serait 
la  raison  ?  £sl-ce  au'en  effet,  après  une  pro* 
gression  conliniiee  pendant  des  myriade.^ 
de  millions  do  siècles,  Têtre  contingent  se- 
rait devenu  plus  voisin  de  Têlre  absolu?  Ncs 
sait-on  pas,  au  contraire,  au'cntre  l'infini 
et  le  fiiii ,  h  tous  les  defçrés  possibles,  la 
différence  reste  h  jamais  identique,  c'est-à- 
dire,  infiniment  srande?  I^  créature  a  i)eau 
faire  des  pas,  elle  se  trouve  toujours  à  !a 


ss 


MAL 


DICTIONNAIRE  APUI.OGKTIQUE. 


MAL 


méiue  distance  de  Dieu;  où  pourrait  donc 
^re  la  aéce:*sité  d^une  progression  qui  ne 
uièoe  à  rien?  Aus:>i  les  panthéistes  sont-ils 
toiu  d*étre  d*accord  sur  les  conséquences 
(ieronité  de  substance.  Selbn  Spinosa,  dont 
va  06  peut  récuser  Tantorité  en  pareille 
matière  y  les  êtres  particuliers,  après  la 
ceurte  dorée  de  leur  existence  indiTiduello, 
▼ont  se  perdre  dans  l'Etre  infini.  D'après 
M.  (le  LamennaiSy  Tabsorption  en  Dieu  doit 
^e  remplacée  par  une  progression  qui 
rommence  dans  cette  vie  et  se  prolonge 
éteraellement  dans  une  vie  k  venir.  A  en 
croire  M.  Leroux,,  le  pnigrès  n*a  ni  cora- 
inencMneot  ni  tin ,  et  il  ne  sort  pas  de  Tordre 
dês  choses  visibles;  d'autres  philosophes 
viendront  pro|K)ser  d'autres  systèmes  avec 
auUai  de  raison  ;  car  tout  ici  est  arbitraire  : 
le  paothéisme  ne  peut  produire  que  le 
ebaos. 

La  théorie  de  la  progression,  fût-elle  ren* 
fenuée  dans  le  principe  de  l'unité  de  subs- 
tance, on  ne  serait  pas  plus  avancé,  ce  prin- 
ojie   éiaol    manilcstement    insoutenable. 
L'bumie^  ea  ettA^,  n'd  pas  besoin  de  lon- 
gues n^flexions  pour  reconoaltrô  qu*il  existe 
en \uUeux substances  d'une  nature  opposée. 
l\  sent  «on  cori)s,  et  ne  saurait  le  nier  quand 
il  le  voudrait;  il  ne  sent  pas  moins  sonftme. 
>7/e^  quelque  chose  de  démontré  en  phi- 
ktfofMp,  c'est  la  distinction  des  deux  subs- 
taores  dont  Tur.ion  mystérieuse  forme  la 
nature  Jiuniaiiie.  Ici,  reml)arras  de  M.  de 
Lamennais  est  extrême  :  il  n'ose  confondre 
lespdl  et  la  matière;  il  n'a  garde  de  suppo- 
ser on  Dieu  qui  serait  l'un  et  l'autre  en 
mèffie  temps,  et  avec  raison.  S'il  n'existe 
«IQ'ttoe  substance,  Tesprit  est  donc  matière, 
oa  la  matière  est  esprit.  S'il  y  a  double  subs- 
(auœen  rhomme,d  après  les  raisonnements 
de  notre  adversaire,  il  devrait  v  avoir  dou- 
ble sobstançe  en    Dieu;  c'est-à-dire,  que 
rabcolu,  rinfini,  serait  en  même  temps  fini 
et  contingent.  En  un  mot,  pour  défendre  lo- 
(Muement    !e   (Minthéisme   ou   l'unité  de 
$ubslaacc,  ce  qui  revient  au  même,  il  faut 
d'abonl  nier«  ou  l'esprit,  ou  la  matière,  ou 
IHeo,  conçu  comme  l'être  inlini  et  absolu. 
L'aoteor  de  i*^a^iaae croit  échapper  à  tant  de 
dtificoltés,  en  disant  que  la  matière  est  une 
•  limite  substantielle  »  nécessaire  hAa  dis- 
tinction des  êtres  créés.  Mais  on  a  beau  y 
uiettre  de  L'esprit  et  de  l'invention,  les  ter- 
nies de  iubêtunct  et  de  Umiti  ne  peuvent 
aller  ensemble;  l'un  est  positif,  l'autre  est 
né^at  r;le  premier  exprime  l'être,  le  second 
ie  néant;  il   faut  choisir  entre  les  deux. 
Dailleurs,  quelle  idée  bizarre  de  regarder 
«'Oiome  in)|>osstble  l'existence  des  purs  cs- 
rriis!  Eh  1  mon  Dieu,  celle  d'un  être  mixte 
rmuine  Thommo  est  centfois  plus  étonnante; 
^is  rincarnation  et  ses  suites,  l'union  de 
il  matière  el  de  l'esprit  serait  un  fait  aussi 
iikfxpiicable  dans  sa  cause  que  dans  ses 
htoyi-ns;  le  pourquoi  et  le  comment  de  ce 
U\i  resteraient  à  jamais  cnvelo|»pés  des  mê- 
itKS  ténèbres. 

'^i)  tuimMC  (Cunc  philciophie,  t'^m.  U,  (.60. 


Tout  le  panthéisme,  si  je  ne  me  trompe^ 
repose  sur  drux  arguments  tirés  de  l'impos- 
sibilité d'ajouter  h  l'innni,  et  de  faire  quel- 
que chose  de  rion.  Mais  vos  raisons,  pou- 
vons-nous dire  aux  panthéistes,  prouvent 
enntre  vous  :  dans  notre  système,  tous  les 
êtres  créés  étant  radicalement  étrangers  à 
Dieu,  nelui  s^outeni  Ni  ne  lui  retranchent 
rien-;-dans  le  vêtee,  l'être  absolu  {(agne  ou 
perd  tous  les  jours,  car  tous  les  accidents  de 
la  vie  humaine  aflectent  sa  substance,  modi- 
fient son  être. On  ne  comprend  pas,  dites- 
vous,  commenta  Dieu  a* fait  quelque  chose 
de  rien  ;  cela  est  vrai;fnais  on  compreml 
encore  moins  comment  une  substance  es- 
sentiellement simple  a-  pu  se  morceler,  se 
diviser  en  autant  de  fractions  qu'il  existo 
d'êtres  contingenta  ;  ou  plutôt  on  comprend 
très-bien  que  cette  division  est  impossible. 
Vous  devriez  donc  conclure  aue  Dieu  seul 
existe,  ou  encore  mieux  que  le  moi  seul  a 
de  la  réalité,  que  tout  le  reste  est  un  rêve  de 
notre  esprit.  S  il  se  trouve  quelque  part  un. 
homme  qui  ait  le  courage  d'aller  jusquc-lii^ 
je  ne  me  sens  pas  celui  d'entreprendre  de 
le  convaincre.  Revenons  donc  au  texte  do 
VEsquisse. 

«  En  second  lieu,  dit  l'auteur  (52),  le  sys- 
tème de  la  grâce  implique  une  contradiction 
radicale,  parce  qu'il  renferme  une  impossi- 
bilité absolue. 

«  Qu'appelle-t-on,  en  effet,  ordre  surnatu- 
rel? Dieu  et  la  création,  voilà  tout  ce  qui  est;; 
hors  de  là  rien  de  iiossibfe.  , 

«i  11  n'y  a  que  deux  ordres,  c'est-à-dire,, 
deux  modes  généraux  d'existence  paisibles  :;^ 
le  mode  d'existence  de  Dieu»  Je- modo  d'exis- 
tence de  la  cpéation,  également  naturels 
on  conformes  à'  la  natare,  à^  l'essence  de 
Dieu  ;  à  la  nature,  àl  l'esseaco  de  la  créa- 
tion. » 

M.  de  Lamennais-  ne  dit  pas  tout  :  il  est 
un  troisième  mode  d'existence,  celui  de  la- 
créature  unie  à  Dieu,  union  réalisée  à  di- 
vers degrés  et  de  différentes  manières  par 
la  grâce  sur  la  terre,   par  û  gloire  dans  le 
ciel,  en  Jésus-Christ  par  l'association  hy[K)s- 
tatique  de  la  nature  divine  avec  la  nature- 
humaine.  Si  ce  troisième  mode  d'existence- 
était  contraire  à  la  nature  de  Dieu  ou  à  celle- 
de  la  créature,  il  deviendrait  dès  lors  im- 
possible ;  aussi  ne  disons-nous  rien  de  sem- 
blable ;  nous  prétendons  seulement  qu'il, 
surpasse  toute  nature  créée,  de  telle  mar 
nière  que^.sans  l'intervention  divine,  nul 
effort  ne  peut  y  faire  atteindre,  nul  mérite 
ne  peut,  y  donner  droit,  et  c'est  pourquoi^ 
nous  le  nommons  surnaturel* 

L'Incarnation  est  le  fondement  de  l'ordre- 
surnaturel  ;  si  l'on  venait  à  buutde  prouver 
qu'il  est  impossible,  la  nuestion«erait  jugée; 
mais  Dieu  a  répondu  d'avance  à  toutes  lîs 
objections.  La  possibilité  de  l'union  de  deux., 
natures  contraires  dans  une  seule  pcraunna 
n'est  pas  une  suppoajjîttiLen  Tair.  G'fl|kpn 
lait  visible,  c'est  ^  '^'^^JHJH^ 


S7 


MAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAL 


88 


sibilité  de  l*incarnation,  c  est  nier  Thomme. 
«  Vous  transportez,  nous  dit-on,  le  fini  en 
Dieu,  riufini  dans  la  création  ;  vous  changez 
l'essence  des  choses.  »  Autant  vaudrait  de 
(!ire  à  celui  qui  reconnaît  en  même  teins 
dans  riiontme  Tunilé  de  la  personne  et  la 
distmclion  des  substances  :  Vous  spirituali- 
sez  la  malière,  vous  matérialisez  l'esprit.  On 
ne  fait  ni  l'un  ni  l'autre,  la  matière  reste  ma- 
tièro,  l'esprit  reste  esprit;  mais  la  substance 
inlérieure  tire  de  son  union  avec  la  subs- 
tance supérieure  une  dignité,  des  droits 
qu'elle  était  par  elle-même  radicalement 
incapable  de  posséder.  Le  corps  humain  n'a 

λas  cessé  d'être  cendre  et  poussière  ;  toute- 
ois  il  est  devenu  sacré  par  son  union  avec 
YAfiie,  un  profond  respect  lui  est  dû.  Ainsi 
en  est-il  de  la  créature  unie  à  Dieu. 

«  Suivant  la  doctrine  théologique,  dit  en- 
core M.  de  Lamennais,  l'homme,  pai*  les 
seuls  moyens  que  lui  fournil  sa  nature,  est 
impuissant  à  se  relever,  h  offrir  à  Dieu  une 
expiation  proportionnée  à  l'offense  dont  il 
s'est  pendu  coupable  envers  lui,  à  se  réinté- 
grer dans  son  élat  primordial.  Pourquoi  ? 
parce  que  sa  nature,  ses  forces,  son  action 
est  flnie,  et  que  la  réhabilitation,  impliquant 
un  terme  infmi,  implique  une  action  iuQ- 
nie  (53).  » 

Nous  arrêtons  ici  l'auteur  de  VEiquisse, 
La  réhabilitation  implique  un  terme  infini, 
en  ce  sens  qu'elle  $up[>ose  parfaitement  ré- 
parée l'ofiénse  faite  a  une  majesté  infinie, 
oui  ;  en  ce  sens  que  Thomnio  réhabilité  de- 
viendrait infini,  non.  A  la  vérité,  le  mérite 
étranger  qui  nous  est  imputé  doit  être  sans 
limites,  afin  que  Dieu  reçoive  une  réparation 
digne  de  lui  ;  mais  cette  ré\)aralion  devien- 
drait dérisoire,  si  l'homme  n'y  entrait  pour 
rien,  si  les  satisfactions  du  Sauveur  ne  lui 
appartenaient  de  quelque  manière  comme 
son  bien  personnel.  D'un  autre  côté,  les  mé- 
rites et  les  actions  de  Jésus-Christ  ne  doi- 
vent point  être  mesurés  les  uns  sur  les  au- 
tres, Vinfinité  du  mérite  n'étant  pas  fondée 
sur  l'infinité  de  l'action,  mais  sur  la  dignité 
infinie  de  la  personne.  Poursuivons. 

«  Or,  une  action  infinie  est  évidemment 
impossible  à  l'homme  :  ce  sera  donc  une  ac- 
tion exclusivement  divine,  ce  sera  Dieu  qui 
a^ira  immédiatement  sur  l'homme  pour  le 
transformer.  Et  comme  la  cause  détermi- 
nante de  l'action  divine  est  en  Dieu  même, 
le  secours  divin  ou  la  grftce  aura  ce  double 
caractère  :  elle  sera  infinie  dans  son  essence 
et  gratuite  dans  sa  distribution,  c'est-à-dire 
indépendante  de  toute  cause  déterminée  de 
la  part  de  l'homme. 

«  De  U  deux  conséquences  : 

«  Une  action  essentiellement  infinie  est, 
quant  h  son  effet,  irrésistible  ou  nécessi- 
tante ;  la  Krâce  agira  donc  comme  une  puis- 
sance fatale  en  ce  qu'elle  a  nécessairement 
son  effet,  l'effet  voulu  de  celui  qui  agit. 

f    «  Nécessairement  gratuite  aussi,  donnée 
et  reçue  sans  aucun  égard  aux  dispositions 

(S3)  Ehquiise  fûne  philosophie,  iom.  II,  p.  8i. 


internes  de  riiommc,  à  la  direction  préala- 
ble de  sa  volonté,  la  grâce  n*5ira  sur  lui  à  la 
manière  des  forces  qui  agissent  physique- 
ment sur  les  corps  bruts,  de  sorte  ciu'il  sepa 
de  fait  totalement  étranger  à  sa  réhaUilita- 
tion  :  d'où  l'on  devra  conclure  ultérieure- 
ment, ou  que  cette  réhabilitation,  qui  ne  dé- 
pend de  l'nomme  en  aucune  façon,  est  cer- 
taine pour  tous  les  hommes,  ou  que,  sans 
aucun  motif  lire  de  l'homme  même.  Dieu  a 
primitivement  décidé  en  soi  que  quelques- 
uns  seraient  réhabilités,  et  que  d'autres  ne 
le  seraient  pas. 

«  L'invincible  ascendant  de  .a  logique  a 
maintes  fois  ramené  ces  conséquences  » 
aperçues  dès  l'origine  mêmi%  du  système 
dont  elles  découlent,  et  admises  encore  au- 
jourd'hui par  un  grand  nombre  de  croyants. 
Mais  comme  elles  répugnent  profondément 
à  la  conscience  et  à  la  raison  humaine,  oa 
a  tâché  aussi  de  s'y  soustraire  en  établis- 
sant :  «  Que  la  grâce  est  essentiellement  elli- 
«  cace  sans  être  nécessitante  ; 

«  Que  Dieu  veut  sincèrement  la  réhabili- 
«  talion  ou  le  salut  de  tous  les  hommes; 

«  Et  que  cependant  tous  les  hommes  ne 
a  S(  ront  pas  sauvés  ou  réhabilités.  » 

«  Ce  qui  ne  peut  se  soutenir  sans  rendre 
h  la  volonté  humaine  une  partie  du  pouvoir 
dont  le  système  oblifc;e  de  la  dt'nouiller  com- 
plètement, sans  renverser  dès  lors  les  bases 
premières  de  ce  système,  ou  sans  ajouter» 
aux  contradictions  radicales  qu'il  renferme» 
de  nouvelles  contradictions.  Car  quoi  de 
plus  contradictoire  que  de  supposer  la  né- 
cessité d'une  action  divine  essentiellement 
infinie  et  indépendante  de  la  volonté  hu- 
maine, et  de  supposer  en  même  tem()S  ^ue 
cette  action  infime  pourra  ne  pas  avoir  l'ef- 
fet en  vue  duquel  Dieu  agit,  et  qu'elle  ii*aura 
pas  son  effet  à  cause  de  celte  volonté 
même  dont  elle  est  pleinement  indépen- 
dante. » 

« 

M.  de  Ijimennais  change  les  termes  de 
notre  doctrine  pour  s'assurer  le  facile  avan- 
tage d'y  trouver  des  contradictions  ;  en  ef- 
fet, nous  n'avons  jamais  supposé  que  l'action 
divine  sur  rhomme  fût  essentiellement  in- 
finie et  indépendante  de  la  volonté  hu- 
maine; nous  disons  précisément  le  con- 
traire. L'action  extérieure  de  Dieu  est  tou- 
jours et  nécessairement  finie  ;  les  nlus  minces 
philosophes  le  savent  et  les  callioliques  ne 
l'ignorent  pas;  mais  fût-elle  infinie,  il  ne 
s'ensuivrait  pas,  ce  nous  semble,  que  la  vo- 
lonté humaine  est  annulée  :  loin  de  là,  plus 
l'action  divine  est  puissante,  plus  infailli- 
blement doit-elle  atteindre  le  but  aue  pieu 
se  propose;  or,  quel  est  le  but  de  Dieu? 
c'est  de  rendre  le  mérite  de  l'homme  égal  à 
la  gloire  éternelle,  par  conséquent  de  con- 
server à  notre  volonlé  son  action  propre» 
afin  que  ses  œuvres  soient  nôtres,  et  aussi 
sans  doute  do  transformer  ces  œuvres  par 
l'influeme  de  la  grâce  de  Jésus-Christ,  afin 
que  leur  valeur  devienne  surnaturelle  Eu 


S) 


M^L 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE* 


MAL 


00 


on  tù(Af  ronr  racooœpnsscment  des  des- 
seins <ie  la  Providence,  la  grâce  et  la  liberté 
DUOS  sont  également  indispensables.  Pour- 
quoi parler  de  puissance  fatale  quand  il 
i!àd{  de  la  souveraine  intelligence  7  Dieu 
oesail-ii  plus  ce  qu'il  veut?  ou  bien  man- 
qae-(-il  des  moyens  d'arriver  à  ses  fins? 
Préicndrait-on  fui  refuser  le  pouvoir  de 
lemfiérer  son  action,  de  régler,  de  modérer 
M  fon-e  de  manière  à  ne  point  gêner  la  li- 
berté humaine. 

Nous  pouvons  ne  pas  savoir  comment  la 
grâ  esaceorde  avec  le  libre  arbitre;  certes, 
li  est  lians  le  monde  bien  d'autres  ivroblè- 
mes  non  encore  résolus;  mais  prétendre 
qaeIXea  ne  peut  a^^ir  sur  notre  liberté  sans 
la  détruire,  c'est  fermer  les  yeux  è  l'évi- 
deoee,  c'est  refuser  à  la  souveraine  puis- 
Mnre  labcuité  d'accomplir  ce  que  Tbomme 
fait  tous  les  jours  sous  nos  yeui. 

La  oéctissilé  du  concours  de  la  volonté  hu- 
maioe  répond  k  toutes  les  difficultés  tirées 
(iud6retde  la  prédestination  ;  faut-il  donc 
kré[éicr?  Oui,  Dieu  veut  sincèrement  le 
MlQtdetoQs;  mais  il  le  veut  sous  la  ré- 
senedubrin  usage  et  de  la  liberté.  La  grâce 
vieuUnakleè  la  liberté  sans  la  détruire,  et 
«lien  tel  refusée  à  personne;  on  a  toujours 
au  moins  la  grâce  de  la  prière,  disent  les 
théok^eaSf  et  par  la  prière  on  peut  tout 
oMeoir,  même  la  persévérance  finale.  Telle 
tttia  docirioede  TÈglise,  doctrine  non  in- 
ternée après  coup  pour  éckapper  aux  con- 
séquences d'un  faux  principe,  mais  fondée 
sar les  lestes  les  plus  clairs  do  l'Ecriture  et 
IVoseigoement  unanime  des  docteurs  de 
tous  les  temps. 

lU  lutte  contre  le  mal,  ajoute  H.  de 
Lamennais,  est  donc  entièrement  incom- 
préfieQsil>ie  dans  cette  doctrine.  Elle  est, 
de  plus  k  peu  près  stérile  quant  à  son  ré- 
5ullat  final  ;  car,  suivant  ce  qu'on  enseigne 
«leore,  la  masse  des  hommes,  à  jamais 
tderîie  au  péché,  doit  éternellement  en 
iubir  finfini  châtiment.  De  sorte  que  l'in- 
t^neotion  surnaturelle  de  Dieu  dans  la 
^ulte  de  l'homme  contre  le  mal  aboutirait 
d^tiuiti rement  h  la  perte  certaine  de  la 
Ke&i|ue  universalité  cics  hommes.  » 

La  lotte  contre  le  ma!  est  tout  le  christia- 
oiiine;  on  chercherait  vainement  autre 
diAse  dans  notre  admirable  religion.  Le 
^'hiistest  venu  sauver  ce  qui  avait  péri  (54); 
i|  fie  s'attribue  point  d'autre  mission. 
CoQoieot  une  doctrine  entièrement  incom- 
prébeosible  aurait-elle  subjugué  les  plus 
tiautes  intelligences,  soumis  a  ses  lois  les 

Cuples  les  plus  civilisés  de  la  terre  ?  M.  de 
meonais  aurait  dû  s'adresser  cette  ques- 
ti<>n  araot  de  conclure  d'une  manière  si 
I'  reu;|»ioire.  Son  langage  ne  manque  pas 
moins  d'exactitude  dans  le  reste  de  ce  pas- 
^Àff.  Oo  n*en>eigne  nulle  part  que  la  masse 
^  iKXonnes  doive  subir  un  cliâlimeni  in- 
ti^'i.  La  oiasse,  la  presque  universalité  des 
^mesl  Dans  quelle  décision  de  TEî^lise 


a-(-on  rien  vu  de  semblable  ?  Un  châtiment 
infini  1  C  est  une  idée  extravagante  qui  n'est 
jamais  venue  dans  l'esprit  d'aucun  catho- 
lique; le  châtiment  peut  être  éternel,  il  ne 
saurait  être  infini. 

Nous  ne  croyons  pas  être  trop  sévère  en- 
vers M.  de  Lamennais,  en  affirmant  que  tout 
ce  qu'il  a  écrit  sur  la  grâce,  au  point  de 
vue  de  la  théorie  et  des  principes,  est  un 
contre-sens  perpétuel  qui  suppose,  dans  un 
aussi  grand  esprit,  une  préoccuriation  in- 
concevable. Nous  allons  le  voir,  à  1  é^ard  des 
faits,  sous  l'empire  d'une  prévention  non 
moins  étrange. 

«  Dans  l'ordre  pratique,  dit-il,  cette  mémo 
doctrine  tend  à  produire  un  fanatisme  som- 
bre, une  terreur  lugubre,  si  Tesprit  se  fixe 
sur  la  fatalité  du  décret  divin  qui  perd  ou 
sauve  suivant  une  primitive  élection,  impé- 
nétrable dans  ses  motifs ,  infaillible  dans 
son  effet,  immuable  du  côté  de  Dieu  dont  la 
volonté  ne  saurait  varier;  immuable  du  côté 
de  l'homme,  purement  passif  sous  la  puis- 
sance irrésistible  de  cette  volonté  invariable 
et  primordiale  de  sauver  ou  de  nerdre.  Et  si 
l'esjjrît  s'arrête  de  préférence  a  cette  autre 
pensée,  que  la  grâce  agissant  surnaturelle- 
nient  et  indépendamment  de  la  volonté  qui 
ne  peut  rien  sans  elle,  et  sur  laquelle  elle 

I)eui  tfiuf,  produit  toujours  avec  certitude 
'elfet  voulu  de  Dieu  ;  que  si  de  plus  on  se 
persuade  que  le  don  gratuit  de  cette  grâce 
est  ]ié  à  certains  signes  extérieurs,  de  telle 
manière  que  le  signe,  par  l'eiBcace  que 
Dieu  y  a  miniculeusement  attachée,  com- 
munique infailliblement  la  grâce;  quelques 
dispositions  intcrnt^s  qu'on  puisse  ensuite 
exiger  de  rhomme  pour  qu'elle  soit  réelle- 
ment reçue  de  lui,  il  résultera  de  celte 
persuasion,  et  l'expérience  le  prouve,  un 
rtîlâchement  funeste  dans  le  travail  de 
l'Iionime  sur  lui-même.  Il  mettra  dans  le 
signe  une  confiance  d'autant  plus  exclu- 
sive, d'autant  plus  entière,  qu'on  a  déclaré 
ses  propres  efforts  radicalement  impuis- 
sants; et  la  lutte  contre  le  mal,  réduite 
presque  à  certaines  pratiques  matérielles^ 
cesserait  complètement  si  le  sentiment  in- 
time, la  conscience,  si  les  lois  enfin  de  la  na- 
ture humaine  n'opposaient  pas  aux  consé- 
quences dernières  et  absolues  de  toutes 
les  théories  erronées  une  invincible  résis- 
tance.  » 

J'ignore  si  M.  de  Lamennais  a  cru  véri- 
tablement exposer  la  doctrine  catholicjue  sur 
la  grâce;  ceux  qui  la  connaissent  n  auront 
pas  eu  de  peine  è  s'a|)ercevoir  que  l'auteur 
de  VEsquisse  confond  nos  dogmes  avec  les 
opinions  mille  fois  condamnées  de  Luther, 
de  Calvin  et  de  Jansénius.  Les  faits  les  plus 
faciles  à  vérifier  auraient  dû  l'avertir  de  sa 
méprise.  Certes,  on  ne  remarque  point  de 
fanatisme  sombre,  ni  de  terreur  lugubre 
dans  les  hommes  .«.ans^gjgsc  occupés  de  la 
méditation  des  vér^'^-  '       •*«  jouis- 

sent au  contraire  ^*Ulie 


f'ILtf.,  nx,  10. 


91 


UAL 


DICTÎONXAIUË  APOLOCKTIQLE, 


MAL 


H 


I 


n-ofonde  paix  ;  ils  remettent  leur  sort  entre 
es  mains  de  Dieu  avec  une  parfaite  con- 
fiance ,  (-ar  ils  Taiment  et  le  connaissent 
comme  infiniment  miséricordieux.  Si  l*on 
pénètre  dans  le  désert  de  Ja  Chartreuse  ou 
de  la  Trappe;  si  Ton  visLle  les  moiyistèrcs 
où  Tesprit  religieux  5*est  conservé  dans  sa 
ferTCur  primitive,  l*oa  verra  reluire  sur  le 
front  des  heureux  habitants  de  ces  lieux 
bénis  du  ciel  celte  joie  de  Tâme  qui  tait  le 
bonheur  de  la  vie,  et  d*autaxit  plus  qu*ils  se 
6oront  pénétrés  davantage  des  maximes  de 
r£vangile.  Faut-il  s*ea  étonner?  Sous  un 
Dieu  qui  est  venu  sur  la  terre  mourir  pour 
le  salut  de  tous  les  hommes,  quelqu'un 
]>eut-il  se  perdre^  à  moins  qu*il  n*oppose  à  la 
grâce  une  résistance  invincible?  Ësl-ii  pec- 
mis  de  désespérer  dans  une  Eglise  fondée 
sur  la  primauté  do  saint  Pierre  qui  renia 
son  maître,  établie  par  la  prédication  de 
saint  Paul,  qui  fut  d*abord  un  persécuteur? 
Non ,  la  foi  ne  se  conçoit  j)as  sans  Vesr 
pérance. 

Mais  la  foi  et  les  osuvres  de  la  foi  sout 
soutenues  par  les  sacrements  de  l'Eglise  ; 
rexpéricnce  le  prouve,  quoi  qu'eu  dise 
M.  de  Lamennais,  qui  n'a  pas  voulu  com- 
prendre que  l'institution  du  signe  est  fon- 
dée sur  une  profonde  connaissance  du  cœur 
humain.  Qui  de  nous  n*a  éprouvé  qu'on 
est  plus  faible  contre  les  passions  après  une 

Iiremière  faute,  qu*on  le  de-vient  davantage 
i  mesure  que  les  chutes  se  multiplient  7  A 
la  fin  on  s  abandonne  au  crime  par  le  dé- 
sespoir de  remonter  vers  la  vertu.  Pour  re- 
prendre courage,  le  coupable  a  besoin  <le 
savoir  que  son  passé  ne  pèse  plus  sur  lui.; 
comment  le  saura-l-il,  sinon  par  le  signe? 
Nier  la  rémission  des  néchés  ou  la  vouloir 
sans  iM)nditions,  sont  deux  excès  également 
funestes.  Mettre  des  conditions  au  pardon, 
c'est  restaurer  le  signe»  car  le  signe  est  né- 
cessaire à  l'homme  même  pour  penser;  à 
quoi  bon  d'ailleurs  des  conditions  qui  [tour- 
raient  être  remplies  àl'insu  de  celui  de  qui 
on  les  exige?  Du  reste  la  méthode  de  TE- 
glise  est  appliquée  depuis  assez  longtemps, 
pour  qu*il  soit  aisé  de  se  prononcer  en  con- 
naissance de  cause  sur  son  efficacité  ou  son 
impuissance;  or,  nous  voyons  que  les  hom- 
mes vertueux  ou  ceux  qui  veulent  le  de- 
venir recourent  aux  sacrements^  tandis  que 
h*s  pécheurs  obstinés  s'en  éloignent;  ce 
simple  fait  ré[:oiid  à  des  volumes  d'objec- 
tions. 

L'Eglise  catholique  est  la  seule  société 
établie  pour  rendre  les  hommes  meilleurs, 
et  l'on  ne  peut  nier  que,  dans  Taccomplis- 
5ementdesa  mission,  elle  n'ait  obtenu,  à 
toutes  les  époques  de  son  existence,  des 
succès  dont  elle  seule  a  le  secret.  N'est-il 
pas  extraordinaire  qu*après  dix-huiX  siècles 
du  triomphes,  un  homme  se  présente  pour 
luidire:  Vous  n'entendez  rien  à  la  direction 
des  consciences,  vous  avez  réussi  contre  les 
règles,  les  moyens  employés  par  vous  de- 
vaient proiiuire  des  résultats  déplorables? 
N'insistons  pas,  de  nouvelles  surprises  nous 
attendent. 


u  Sous  un  antre  poinlde  vue,  ajoute  M. da 
Lamennais,  la  doctrine  d'un  ordre  surna- 
turel, qui  présente  Tappareneo  d'une  gigan- 
tesque réaction  contre  le  mal  moral,  dé- 
tourne non-seulement  d'en  combattre  les 
effets,  h  cause  de  leu-r  caractère  à  la  fois  pé- 
nal et  ei)>iatoire^  mais  à  quelques  égards, 
de  combattre  le  mal  môme,  et  cela  de  deux 
Isiçons. 

«  Les  misères  de  l'homme»  ses  souGTran* 
ces,  proviennent  d'une  double  source,  la 
nature  et  la  société. 

«  Pour  forcer  la  nature  de  satisfaire  à  ses^ 
besoins,  pour  obtenir  d'elle  les  biens  qui 
rendent  progressivement  meilleure  sa  con- 
dition terrestre,  il  lui  fiiul  lutter  sans  cesse- 
contre  elle.  Or,  la  doctrine  que  nous  discu- 
tons déioucae  de  celle  lutte;  d'un  c6lé, 
en  enseignant  que  la  soutfrance  doit  être», 
selon  les  décrets  de  Dieu,  l'état  de  l'homme 
sur  la  tevre, qu'elle  est  inèmepour  lui  l'état 
le  plus  désirable,,  h  raison  de  la  vertu  ex- 
piatrice  qu'elle  renferme  en  soi,  et  d'un  aa- 
tre  c6lé  en  montrant  à  l'homme,  comme 
Tunique  but  qu'il  doit  se  proposer,  le  bien 
surnaturel  ou  infini,  dont  la  possession» 
d'autant  plus  certaine  qu'il  aura  plus  sou£- 
ferl  ici-bas»seradans  la  vie  future  le  prix  de 
cclie  soulfrance  mémo. 

•  Celles  qui  dérivent  de  la  société,  de  se» 
imperfections  et  de  ses  vices,  ont  la  plu[)art 
pour  origine  l'abus  de  la  force,  l'abus  du 
pouvoir.  Mais,  quoiqu'en  abusant  du  pou- 
voir et  de  la  force,  les  puissances  établies 
comiuetteiU  un  crime  réel  dont  elles  devront 
un  jour  rendre  compte  au  Juge  suprême; 
cUes  n'en  sont  pas  moins,  même  en  cela» 
les  ministres  providentiels  de  la  justice  di- 
vine, les  exécuteurs  de  la  sentence  qui  ori- 
ginairement a  condamné  l'homme  à  l'inévi- 
table châtiment  qu'il  doit  subir  pendant  la 
durée  de  son  existence  présente.  Bésister 
aux  puissances,  les  coml^attre,  alors  même 
qiie  la  tyrannie  semble  le  pUis  iniolérablç» 
c'est  donc  résistcsr  à.  Dieu». combattre  sa  jus- 
tice» se  révolter  contre  ses  décrets. 

«Que cette  doctrine  régnât  pleinement^ 
exclusivement  ;  que,  substituée  aux  instincts 
natifs  de  la  conscience  et  de  la  raison  ,  elle 
fût  parvenue  à  les  éteindre,  à  les  détruire  en*> 
tlèrement,  tout  progrèss'arréterait  soudain  : 
riiommc,  retombé  sans  retour  dans  l'escla- 
vage de  la  nature,  lui  disputerait  à  peine 
les  déplorables  restes  d'une  vie  au-dessous 
de  la  vie  sauvage:  et  dans  la  société  la 
force  dominatrice»  ne  rencontrant  aucun 
obstacle,  réaliserait»  au  profit  de  ses  pas* 
sions  les  plus  désordonnées»  de  ses  plus 
moQSlrueax  caprices,  une  servitude  telle, 
que  l'idée  même  de  droit  se  perdrait  bien- 
iùti  se  perdrait  à  ja^nais.  La  terire,  par  riiicr* 
tie  des  bons,  serait  transCurniéc  en  un  lieu 
de  misère  indicible»  d'inénarratde  désola- 
tion ,  en  une  sorte  de  démenoe  infer- 
nale. 1* 

L'emphase,  l'exagération  de  ce  style  suf- 
firaient au  besoin  pour  montrer  combÎMi 


BiL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQl'E. 


JfAL 


94 


iMileur  est  dans  le  laux;  lui-même  aurait 
dû  roir  qn*îl  existe  entre  ses  affirmations  et 
les  Mts  une  contradiction  manifeste.  Si  la 
doctrine  érançéliqve  est  si  funeste,  com- 
ment se  fiiit-il  que  les  peuples  chrétiens 
meot  les  plus  ridies  sans  contredit,  les  plus 
iodnstrîeoi,  les  plus  libres,  les  plus  heu- 
renx  de  la  terre?  Comment  sebit-il  surtout 
^  leur  so|iériorité  en  tout  genre  ne  puisse 
sex|iliquer  que  par  Tinfluence de  leurre- 
lîipott?  car  c*est  bien  le  christianisme,  pre- 
Bière  et  principale  cause  des  progrès  a^ 
rofsplis,  qui  n  fait  TEurope  ce  qu'elle  est. 
Ble  doit  tous  ses  aranlages  à  ses  pontifes, 
k  ses  aïoines,  i  ses  eoneiles«  k  ses  pieux  mo- 
BJitiocs,  Tbistoire  en  fait  foi  ;  elle  les  doit 
>.  la  lé^iation  et  encore  plus  k  Fespritpu- 
Ait  qui  se  sont  formés  sous  la  dirco> 
lion  de  rsi^ise.  Les  faits  réfutent  donc  pé- 
irjiptoiremeDt  les  arguments  de  H.  de  La- 
nenaais,  qui  n*ontâ*ai Heurs  une  apparence 
«iefoKc  qpe  parce  qu'ils  se  fondent  sur  un 
«posé  inbdèle  de  notre  doctrine. 

£n  effet,  il  ne  nous  est  défendu  nulle  part 
de  loUer  contre  la  nature,  puisque  le' traTsil 
rt  la  latte  sont  pour  nous,  dans  les  desseins 
de  la  ?rof îdence,  un  préserTatif  et  un  ré- 
nale ;  rEcfitnre  nous  défend,  au  contraire, 
I  oisiTeté  eonme  la  source  de  tout  mal.  A 
la  férifé,  i'ETangile  nous  instruit  k   être 
imlkatf^  résignés,  h  nous  r^ouir  dans  les 
sooflraoces  et  les  humiliations.   Mais,  pre- 
Biirreoieiit,  rette  doctrine,  inutile  k  des  êtres 
d'ane  natnre  supérieure,  couYient  merveil- 
kasement  à  des  malheureux  comme  nous: 
anl  0  est  exempt  de  douleurs  ici-tms,  dou- 
kors  du  corps,  douleurs  plus  cuisantes  de 
rine;  persctone  ne  peut  dire  :  le  n'ai  aucun 
besoin  de  consolation.  La  religion  la  mieux 
appropriée  i  notre  eondiîion   présente  est 
assurément  celle  qui  nous  apprend  à  souf- 
frir. En  second  lieu,  le  christianisme,  loin 
de  rooioiaiider  Findifférence  pour  les  niaut 
u  aolnii  (M.  de  Lamennais  luiratt   l'avoir 
roaqilélement  eoUié),  nous  fait  un  devoir 
iir»!«ant  de  venir  en  aide  k  nos  frères,  de- 
voir de  simple  charité  fioiir  les  uns,  de  jiis- 
iKe  rigoarevse  |iour  les  autres.  Dans  la  fa- 
mille, dans  la  cité,  dans  la  nation,  chacun  a 
des  obligiatiuns  diverses;  de  l'aixomplisse- 
aient  de  ces  obligations    résultent  Tordre, 
la  paix,  la  prospérité  publique;  or,  quelle 
religioii  pins  que  le  clirisiianisme  les  rend 
respectables  et  sacrées?  On  peut  interroger 
rexpénence  eten  croire  les  faits. 

Les  biens  qne  les  hommes  ambitionnent, 
aDQt  la  ridiese»  la  gloire,  les  honneurs  et 
les  idaî^irs,  qui  ne  vont  point  sans  la  ri- 
ciie>5e.  Or,  ces  biens  de  la  nature  n'ap|)ar- 
tîfauenl  qu'au  petit  nombre;  il  n'y  a  |ioint 
œ  ouiutiioaisou  politique  ni  sociale  qui 
puisse  cbanj^er  les  lois  du  monde.  £t  il  est 
beoreax  qu  il  en  soit  ainsi  ;  si  la  terre  nous 
donnait  tout  sans  travail,  sans  ctTort  de  no- 
tre part,  le  genre  humain  n'aurait  pu  se 
uévelopper  sous  aucun  rapport.  Dans  la  so- 
àélé,  diaque  individu,  chaque  classe  a  ses 
fcfBcdoDS  particulières:;  ceux  qu'on  nomme 
*>"isifs  uesont  pa>  moins  utiles  que  les 


travailleurs.  Semer  des  pommes  de  (crro 
dans  les  jardins  de  Versailles,  faire  descen- 
dre tous  les  citoyens  au  niveau  du  labou- 
reur et  de  l'artisan,  sont  des  idées  du  même 
temps  et  de  la  même  force;  priver  une  na- 
tion de  ses  monuments,  de  ses  académies, 
de  ses  fêtes  ;  ramener  tout  aux  proportions 
d'une  utilité  prosaïque  et  vulgaire,  c'est  re- 
noncer d'avance  aux  grandes  choses.  Le 
problème  social  consiste  k  diriger,  k  orga- 
niser, non  k  mêler  et  k  confondre;  il  faut 
empêcher  les  oisifs  de  corrompre,  d'asser- 
irir les  travailleurs,  établir  entre  les  uns  et 
les  MIresdes  rapports  de  justice  et  de  charité. 
Encore  une  fois,  quelle  religion  mieux  que 
le  christiadisme  peut  atteindre  ce  but? 
Mais  quel  résultai,  si  l'on  bornait  k  ce  monde 
le  sort  de  l'humanité?  Avoir  du  pain  en 
travaillant  dix  ou  douze  heures  par  jour,  ne 
fias  mourir  de  faim  ou  de  froid,  est-ce  donc 
tout  ?  Je  sais  bien  qu'on  es)»ère  établir  un 
système  d'instruction  dont  le  peuple  puisse 
protiter,  afin  qne  l'admissibilité  de  tous  les 
Français  aux  emplois  nublics  ne  soit  plus  un 
vain  mot;  k  la  Umne  heure:  mais  l'instruc- 
tion généralisée  augmenlera-t-elle  le  nom- 
bre des  charges  en  multipliant  celui  des  pré- 
tendants? A  quoi  servira  une  éducation  li- 
bérale k  l'homme  obligé  de  travailler  |X)ur 
vivre?  On  a  beau  faire,  le  nombre  des  pau- 
vres, des  ignorants,  des  souffrants ,  sera 
toujours  le  plus  considérable; c'est  une  né- 
cessité qui  tient  k  la  constitution  même  de 
l'univers;  par  conséquent,  le  premier  be- 
soin des  peuples  est  une  religion  capable  do 
consoler  les  malheureux.  S'il   en  existe  une 

a  ni  fasse  trouver  la  joie  dans  la  souffrance, 
faut  la  regarder  comme  le  plus  grand 
bienfait  du  ciel,  même  jiour  Ja  vie  pré- 
sente. 

Le  christianisme  est  essentiellement  la 
religion  de  la  liberté,  parce  qu'il  est  la  re- 
ligion de  la  conscience.  La  lilierté,  en  effet, 
ne  consiste- t-elle  pas  dans  le  respect  des 
droits  de  tous?  Et  ces  droits  ont-ils  d'autres 
ennemis  que  les  passions  humaines  ?  Nous 
ne  le  nions  pas  ;  certaines  formes  de  gou- 
vernement fieuvent  avoir  des  avantages, 
niaislaconscicBce  et  Topinionsont  toujours 
plus  fortes  que  la  loi.  Que  valent  les  insti- 
tutions les  plus  vantées  avec  des  hommes 
sans  fui? Lorsque  les  gouvernants  et  les 
gouvernés  ne  croient  plus  les  uns  aux  au- 
tres, on  est  toujours  sur  la  [tente  du  despo- 
tisme ou  de  l'anarchie.  Montesquieu  a  rai- 
son, la  vertu  est  le  fondement  des  gouver- 
nements libres;  un  peuple  corrompu  n'est 
|ia$  fait  )  our  la  liberté  :  il  lui  fout  le  frein 
de  l'esclavage  :  un  |icnvle  de  parfaits  cliré- 
lieus  n'aurait  besoin  ni  de  lois,  ni  do  gou- 
vernement ;  la  religion  lui  en  tiendrait  lieu. 
«  Mais  dans  une  société  où  le  christianisme 
régnerait  pleinement,  exclusivement,  dit 
M.  de  I^niennais,  la  force  dominatrice  ne 
rencontrerait  aucun  obstacle,  et  pourrait 
donner  carrière  k  ses  passions  les  plus  dé- 
sordonnées, k  ses  plus  monstrueux  capri- 
ces. »  C'est  encore  une  méprise  du  célèbre 
écrivain;  il  fallait  rîirc  au  contraire  :  «  Danâ 


'95 


IIÂL 


DltTIONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


MÂR 


r6 


une  société  de  vrais  chrétiens,  le  pouvoir 
ne  trouverait  pas  d*instrument  pourTac- 
complis5ement  de  ses  mauvais  desseins  ;  il 
rencontrerait  plutôt  des  Ambroise'pour  les 
]ui  reprocher.  »  Cette  manière  de  résister 
ne  vaut-elle  pas  l'insurrection?  O'Connel 
était-il  un  ennemi  de  la  liberté,  parce  qu'il 
ne  cessait  d*exhorter  ses  compatriotes  a  ne 
point  sortir  des  voies  légales  pour  briser  le 
jou^  de  Toppression  7  Du  reste,  que  Tiusur- 
rection  ne  soit  jamais  permise,  ce  n*est  point 
un  dogme,  mais  une  simple  opinion  soute- 
nue par  de  graves  auteurs,  et  comiiatlue 
par  d'autres  d'une  autorité  non  moins  res- 
pectable. Des  esprits  passionnés  pourront 
s*indi^uer  du  silence  de  l'Eglise  sur  cette 
question  formidable,  qui  touche  de  si  près 
au  repos  des  peuples;  les  hommes  graves 
approuveront  sa  prudente  réserve. 

Il  nous  importe  peu  de  savoir  quel  sys- 
tème religieux  M.  de  Lamennais  a  la  pré- 
tention de  substituer  au  christianisme  ;  s'il 
ose  jamais  en  formuler  un,  il  n'aura  pas 
plus  de  succès  que  les  Saints-Simoniens, 
nous  le  prédisons  hardiment.  Sans  atten- 
dre jusque-là,  nous  pouvons  apprécier  dès 
h  présent  l'utilité  sociale  des  futures  théo- 
ries de  M.  de  Lamennais.  Cet  écrivain,  qui 
triomphe  sur  la  question  du  mal,  qui  repro- 
che aux  chrétiens  de  ne  l'avoir  pas  comprise, 
d'être  impuissants  à  la  résoudre;  lui  qui 
regarde  notre  religion,  on  l'a  vu  par  les 
citations  précédentes,  comme  funeste  h  la 
vertu  et  au  bonheur  des  peuplés,  malgré 
l'apparence  contraire  d'une  «  réaction  gigan- 
tesque contre  le  mal,  »  désire-t-oa  savoir 
sur  (^uels  principes  il  veut  faire  reposer  les 
destinées  des  nations?  Il  va  nous  le  dire 
lui-même  :  <  Un  petit  nombre  de  lois  im- 
muables, et  qui  seulement  se  modifient 
selon  la  diversité  des  natures,  président  à 
l'ordre  universel,  et  tôt  ou  tard  y  ramènent 
infailliblement  tout  ce  qui  en  dévie,  car 
tout  fléchit  sous  leur  puissance  iwiéfecti- 
ble  et  souveraine  (SS).  »  Ces  lois  destinées 
à  ramener  h  l'ordre,  dan.^  un  autre  monde 
probablement,  tout  ce  qui  s'en  écarte  dans 
celui-ii,  ne  sont  pas  établies  pour  la  puni- 
tion des  coupables.;  loin  de  là,  car,  selon 
l'auteur  (56),  l'idée  de  punition  ou  d'ex- 
piation par  la  souffrance  est  exécrable  ou 
absurde.  Ainsi  point  de  châtiment,  même 
temporaire,  pour  les  plus  grands  crimes. 
Ce  n'est  pas  assez;  comme  toujours,  selon 
l'auteur  qui  l'aflirme  en  plusieurs  endroits, 
le  bien  doit  nécessairement  finir  par  l'em- 
porter, et  que  ce  bien  ira  croissant,  se  dé- 
veloppant par  un  progrès  éternel,  il  s'en- 
suit que  les  plus  abominables  scélérats, 
mourussent-ils  le  blasphème  à  la  bouche  et 
dans  l'acte  du  crime,  non-seulement  ne 
doivent  rien  craindre  de  la  justice  de  Dieu, 
mais  ont  le  droit  de  compter  sur  une  muni- 
liecnce  infinie. 

Cette  doctrine  subversive  de  tout  ordre, 

(55)  Esquiêêe  d'une  pMlo$ophie^  p.  98. 

(56)  Ei^nnufCune  philosophie^p,  60. 

(•w)  E»qui$ie  iVuHê  philosophie^  loro.  II,  p.  93. 
(.'iH)  Papus,  apud  EtsLB.,  Uiêi,  eccL^  I.  ui.  c.59. 


de  toute  morale,  avec  laquelle  il  serait  im- 
possible de  conserver  la  société  seulement 
deux  jours,  cette  doctrine  découle  naturel- 
lement de  la  philosophie  de  M.  de  Lamen- 
nais (57)  :  «  Tout  est  de  Dieu  et  vit  de 
Dieu,  dit-il;  tout  participe  sous  la  condi- 
tion d*une  limife  nécessaire  à  sa  substance 
et  aux  propriétés  inhérentes  à  sa  subs- 
tance ,  de  sorte  qu'être  uni  à  Dieu,  non 
simplement  d'une  union  morale,  mais 
d'une  union  radicalement  effective  et  sub- 
stantielle ,  est ,  pour  l'être  contingent , 
une  nécessité  première,  al)Solue,  insépa- 
rable de  son  existence.  »  S'il  ou  est  ainsi 
de  la  pierre  et  du  bois,  à  plus  forte  raison 
de  l'homme  ;  or,  veut-on  que  Dieu  se  pu- 
nisse lui-même,  qu'il  frappe  sur  sa  pro- 
pre substance  7  Cela  n'est  pas  possible.  Que 
tous  les  vices  se  donnent  donc  une  libre 
carrière  ;  que  les  oppresseurs,  les  tyrans, 
ne  craignent  rien;  ils  n'ont  à  attendre  au 
delà  du  tombeau  que  des  récompenses  ma- 
gnifiques; quant  aux  peines  de  cette  vie,  il 
est  toujours  aisé  de  s'y  dérober  par  le  sui- 
cide. 

Ou  n'a  pas  la  force  de  s'indigner  contre 
ces  cou  fiables  et  funestes  théories  ;  en  pen- 
sant à  la  profondeur  de  la  chute  du  malliea- 
reux  écrivain,  il  ne  reste  dans  l'âme  de 
place  qu'à  la  douleur.  Que  l'on  comprenne 
au  moins  combien  les  plus  vigoureux  génies 
sont  impuissants  contre  le  christianisme, 
et  dans  quelles  erreurs  monstrueuses  ils 
tombent  nécessairement,  lorsqu'ils  cessent 
d'être  soumis  à  l'autorité  de  l'Eglise. 

Mal,  sa  prépondérance  en  nous  snr  le 
liicn.  Voy.  Culte,  §  L  —  Son  origine,  ï6i</., 
§  II.  —  31al  permis  pour  un  plussrand  bien. 
Voy,  Création,  §  Iv.  -—Nécessite  delà  lutte 
entre  le  bien  et  le  mal.  Voy.  Salot,  §  IL 

MALADIES  NATURELLES.  Les  posses- 
sions peuvent-elles  être  regardées  comme 
des  maladies  naturelles  ?  Yoy.  Possession, 
SIH. 

MALEBRANCHE.  Son  optimisme  refuté. 
Voy.  Optimisme. 

AlALTEURUN,  montre  l'accord  de  Moïse 
avec  les  plus  anciens  historiens  sur  l'ori- 
gine des  peuples.  Yoy.  Pstchologr,  \  IV. 

MANETHON.  Ce  qu'il  faut  penser  de  sqs 
listes  dynastiques  égyptiennes.  Koy.  Egyp- 
tiens, §  L 

MANICHÉENS  réfutés.   Voy.  Mal,  art.  I, 

MANICHÉISME.  Yoy.  Chcte,  %  H,  et  Mal, 
art.  1,  §  I. 

MANOU.  Lois  de  Hanou ,  livre  indien, 
examen  critique.  Voy,  Indianisme,  %  II. 

MARC  (Saint).  — Saint  Marc,  s'il  faut  on 
juger  par  son  style,  était  juif  d'origine.  Ou 
croit  avec  assez  de  fondement  qu'il  ne  fut 
converti  qu'après  la  résurrection  de  Jésus- 
Christ,  par  la  prédication  des  apAtres  (58); 
qu'il  fut  disciple  et  interprète  de  saint 
Pierre  (59),  et  que  c'est  le  même  Marc  quo 

—  AtGUST. ,  De  tonuniu  evang^hlarum^  I.  i,  r.  t^ 
(59)  Ibk?i.,  adttn,  hortê.^  I.  m,  c.  1.  —  ttsr.n., 
I.  III,  c.  59,  eti.  u,  c.  lÎK 


s: 


MAll 


DICTIONNAIRE  APOLOCtTlQUE. 


MAR 


!iS 


ce  pnme  ties  aj*(lres,  dans  sa   première 
^/rr  (t,  I3),af)i)elle  sou  tils,  a|)pareainienl 
|iarcequ*îl  I  arail  ennemi  ré  à  la  foi  en  Jésus- 
Christ  (GO).  Mais  ane  question  difficile,  c*est 
de  saroir  si  saiflt  Marc  i'évangéliste  est  le 
même  persounage  que  Jean  Marc,  connu 
dans  les  Actes  comme  fils  d*une  femme  de 
Jërusalemy   nommée  Marie,  chez  laquelle 
Papôtre  saint  Pierre,  délivré  de  prison  par 
un  ange,  se  retira,  et  trouva  les  fidèles  as- 
sembles, priant  pour  sa  délivrance.  {Act.  xii. 
If.)  Ce  Jean  Marc  suivit  saint  Paul  et  saint 
RamaJié  dans  plusieurs  voyages;  mais  étant 
arrivé  à  Perge,  en  Pamphîlie,  il  les  quitta 
et  s*en  retourna  à  Jérusalem  {Act.  xv,  ^- 
39);  fe  qui  fut  cause  que  saint  Paul  ne  vou- 
lant pa«  qoMl  TaccomiMignât  dans  un  second 
vojageen  Asie,  il  s'éleva  une  conteslation 
par  sQîie  de  laquelle  les  deux  a|>6tres  s*étant 
séfurés,  saint  Barnabe  prit  Marc  avec  lui  et 
sVtnliarnna  pour  aller  en  Chypre.  La  liaison 
étroite  de  Jean  Marc  avec  saint  Barnabe 
porte  à  croire  que  c'est  le  même  qui  est  ap- 
peiéson  cousin  dans  Tépttre  auxColossicns 
(TV,  10),  et  dont  il  est  encore  fait  mention 
daus  la  seconde  à  Tiniothée  (iv,  12),  et  dans 
ré^ittit  à  Pfailémon  (iv,  ^].  Dans  cette  hypo- 
tii^se ,  lean  Marc  se  serait  réconcilié  avec 
saint  Paul  depnis  la  division  de  cet  apôtre 
artx  saint  Sarnabé.  Reste  encore  à  savoir  si 
Ji'aii  sarnomméMarc  est  le  même  que  notre 
tran^Hsle.  Saint  Jérôme,  Victor  d'Antio- 
die  et  beaucoup  de  critiques  de  ces  der- 
niers temps,  paîirmi  lesquels  nous  i)Ouvons 
rjti'r  Lsrdner,  Michaêlis,  Marsh,  Hug,  01s- 
haaseo ,  confondent  ces  deux  personnages, 
UEi<iisque  Baronius,  Giotius,  Tillemont  et 
uoe  infinité    d'autres    écrivains    les  dis- 
tinguent formeSlement.  Les  raisons  qu'on 
allègue  de  part  et  d'antre  sont  également 
5pécieu5e5;  nous  pencherions  cependant  plus 
Tolijntiers  pour  le  sentiment  ues  critiques 
qui  soutiennent  Tidentité  des  personnes. 
Le  nom  de  Marc  n'est  pas  hébreu;  peut- 
C're  que  c'était  un  surnom  de  Romain  que 
révangélîste  avait  pris,  suivant  un  usage 
a^5?z  commun  k  son  époque.  C'est  une  tra- 
dition ancienne  et  constante  que  saint  Marc 
a  i'iêi  le  fondateur  de  l'Eglise  d'Aleiandrie. 
Ouant  aux  autres  circonstances  de  sà  vie  et 
it  sa  morty  rapportées  dans  ses  actes  et  par 
des  aatcnrs  récents,  elles  sont  incertaines 
«a  fabnieuses. 

Lr  second  évangile  a-t-il  été  réellement 
f*  rit  par  cet  ami  des  fondateurs  du  christia- 
nisme? y.ous  sommes  assez  heureux  pour 
l<o^$éder  sur  ce  point  un  témoignante  qui 
r  monte  jnsqu*k  Tentourage  immédiat  du 
Qirist.  Le  prêtre  Jean,  disciple  immédiat  du 
Seigneur  9  nous  parle  en  ces  termes  de  l'é- 
langile  de  .Marc  [EvskBE^-Hist.  eccL^  1.  m,  c. 
»;:  «  Marc  était  interprète  de  Pierre,  et  écri- 
vait avec  soin  ce  qui  lui  était  resté  dans  la 
isénioire;  il  ne  mit  cependant  i>as  dans  leur 
c-rdre  («v  ri^ti)  les  paroles  et  les  actions  du 
Cijrist.  n  n*avait  pas,  en  effet,  entendu  le 
Christ  lui-même,  et  il  ne  l'avait  pas  accom- 

<60)  OftiGBJi.,  apad  Ecseb.,  L  vi,  c.  25.— liicaosi., 
tsrcl'of^.,  VIII. 


pa.:.né;  mais  il  avait  été  plus  fard  h  la  suite 
oe  Pierre,  qui  disposait  ses  enseignements 
suivant  les  besoins  de  ses  auditeurs,  sans 
avoir  positivement  le  dessein  de  faire  un 
recueil  (précis)  des  |)aroles  du  Seigneur. 
On  ne  peut  donc  pas  dire  que  Marc  ait  failli 
en  écrivant  ainsi  certaines  choses,  comme 
Pierre  les  avait  racontées.  II.  n'avait  qu'un 
soin,  c'était  de  ne  rien  omettre  de  ce  qu'il 
avait  entendu  et  de  ne  rien  déûgurer  dans 
le  récit.  »  Voilà  un  témoignage  précis  et  que 
Ton  ne  doit  nas  regarder  comme  de  peu  de 
valeur.  Creaner  l'appelle  «le  plus  ancien 
témoignage  que  nous  ayons  sur  l'auteur 
d'un  évangile.  »  fintr.,  p.  111.) 

Voyons  maintenant  ce  que  Strauss  trouve 
k  dire  contre  ce  témoignage:  «Papias,  dit- 
il  ,  met  dans  la  bouche  du  prêtre  Jean  les 
renseignements  suivants  sur  le  second 
évangile  :  «  il  a  été  écrit  par  Marc,  qui  setr- 
*  vait  d'interprète  à  Pierre  et  uui  rédigea  cet 
«évangile de  mémoire,  d'après  les  prédira* 
c  tionsdesonmattre.»D'autres(Clem.u*Alex. 
dans  Eus.,  U,  15)  veulent  que  Pierre  ait  jiar- 
rouru  cet  écrit  et  Tait  approuvé.  Mais,  d  une 
part,  cette  dernière  asseilion  se  réfute  par 
la  propre  contradiction  de  celui  qui  nous  la 

Présente  lidem,  ibidem^  vol.  VI,  c.  H);  et,  de 
autre,  le  premier  document,  qui  fait  tra- 
vailler Marc  d  après  la  prédication  de  Pierre, 
et  par  conséquent  d'après  une  source  qui 
lui  est  propre,  ne  peut  en  aucune  façon 
s'appliquer  à  notre  second  évangile,  qui  est 
visiblement  une  compilation  de  Matthieu  et 
de  Luc.  (Griest>ach  l'a  prouvé  jusqu'à  l'évi- 
dence dans  son  Iivre«inlitu1é  :  Commentatio^ 
Îua  Marci  etangelicum  totum  e  Matthai  et 
.ucœ  commentariis  decerptum  esse  desnon^ 
stratur.)  En  outre  l'expression  que  Papins 
emploie,  à  propos  de  Kouvrage  de  Marc,  ne 
peut  s'appliquer  en  aucune  façon  à  l'ou- 
vrage que  nous  possédons  è  présent.  On 
voit  donc,  de  ce  côté  aussi,  s'évanouir  les 
apparences  qui  pouvaient  faire  croire  au 
premier  aliON  que  Papias  parlait  de  l'évan- 
gile actuellement  attribué  a  Marc.  * 

Reprenons.  —  Un  Marc,  disciplede  Pierre, 
a  écrit  an  évangile,  on  n'ose  pas  le  nier; 
mais,  ajoute-l-on,  l'évangile  que  nous  pos- 
sédons sous  ce  nom  n'est  pas  le  même  que 
celuiTlà.  Maintenant ,  si  nous  pouvons 
démontrer  que  les  défositions  du  prêtre 
Jean  ne  sont  pas  en  contradiction,  comme 
on  le  croit ,  avec  le  caractère  de  notre 
Evangile,  il  faudra  convenir  que  nous  avons 
un  témoignage'de  la  crédibilité  et  de  l'aii* 
thentictté  de  cet  évangile,  capable  de  satis* 
faire  Thomme  le  plus  incrédule.  Disons 
d'abon!  que,  si  Schleimachej*,  dans  son  ei^a- 
men  du  témoignage  de  Papias  sur  Matthieu 
a  donné  un  sens  trop  étendu  à  ces  mots 
Xôyiff  x'/scrxft,  comme  Strauss  le  reconnaît 
après  Lucke,  il  a  véritablement  agi  ici  de 
la  même  manière  h  l'é^arJ  des  mots  oO  râ^c 
En  effet,  d'après  Schleiermacher ,  le  mot 
riçti  (61),  ne  peut  signifier  autre  chose  qu'un 
ordre  chronologique,   ou  un    classement 

(61  )  Dans  ion  acception  militaire  primitive,  il  étiiit 
opposé  à  Gifûûhif, 


99 


MAU 


DUIilONNAlUE  APOLOGETIQUE. 


MAa 


100 


symétrique  des  matières  ;  or,  puisque  notre 
évangéliste  suit  un  01  chronologique  et  un 
plan  déterminé^  notre  évangile  de  Mure  ne 
peut  être  désig$ié  dans  c€  passage^  non  j)lus 
que  notre  évangile  de  Alallliieu  dans  Tautrc; 
et  ce  témoignage  ne  peut  s*appliquer  quh 
<c  un  recueil  de  traits  isolés  de  la  vie  du 
Christ,  de  paroles  et  d'actions  reproduites 
précisément  comnies  elles  se  trouvaient 
éparses  dans  les  iirédicalions  de  Pierre,  sans 
former  une  suite  ou  composer  un  tout,  sans 
classement  par  cliapilres,  et  sans  aucun 
ordre  basé  sur  la  chronolo^^ie  ou  sur  le  rap- 

(>ort  des  choses  entre  elles.  »  N*est-il  pas 
)ien  à  déplorer  de  voir  placer  la  discussion 
de  choses  aussi  importantes  c^ue  Taulhenti- 
cité  d*un  évangile ,  sur  la  pointe  d*une  ai- 
guille, sur  la  portée  présutnée  du  sens  des 
mots  ov  T«S(t  1  On  peut  voir  là  dedans  une 
hypothèse  ingénieuse;  on  peut  admirer  l'a- 
dresse du  prestidigitateur  qui  porte  un  poids 
pareil  sur  un  point  d^appui  aussi  faible; 
seulement  il  ne  faudrait  pas  soumettre  toutes 
les  données  historiques  à  des  conjectures.de 
ce  genre!  Ici,  par  exemple,  le  raisonnement 
n*est  tiasé  sur  rien.  Car  les  mots  oO  t«(cc  ne 
)K)urraient-ils  donc  exprimer  que  «  Tabsence 
u*un  ordre  basé  sur  la  chronologie  ou  sur  le 
rapport  des  choses  entre  elles?  »  Quand  un 
biographe  ne  peint  la  vie  de  son  héros 
qu'imparfaitement  et  par  des  mémoires 
(acirouvr;fioyiv|&e(a«}  détachés  et  rangés  les  uns 
a  côté  lies  autres,  ne  peut-on  pas  dire  qu*il 
ne  nous  raconte  point  cette  vie  dans  un 
ordre  rigoureux?  Le  mot  jc«^($«»  dans  le 
proœmium  de  Luc  doit,  comme  nous  Tavona 
vu,  être  pris  dans  un  sens  directement  o))- 
posé.  On  a  remarqué  que  xaiu  est  opposé  à 
vno^ft^qv  et  signifie  par  conséquent  un  rang 
serré  ;  un  rang  n*est-ii  donc  pas  interrompu 
là  où  des  membres  détachés  manquent*  Par 
bonheur,  le  vieil  historien  Papias  nous  a 
«lonné  TexpUcation  du  sans  dans  lequel  le 
prêtre  Jean  a  employé  les  roots  oO  xàçu.  En 
etfet,  les  jiaroles  suivantes  nous  rendent  la 
chose  pleinement  intelligible  :  ovSév  ijivfTs 

>1 .  /)xo;,  ovrutf  ivitu  yf  yfOfS  wf  cbripiv  ^ôm vffgy.  Voi  là 

donc  ce  que  le  prêtre  Jean  nous  dit  de  Té- 
vangéliste  :  il  u'jl  écrit  que  certaines  choses  et 
non  pas  tout  complètement.  On  voit  ainsi  que 
cette  objection  n  a  aucune  consistance  et  doit 
être  écartée. 

Nous  ne  chercherons  pas  à  nier  Timpor* 
tance  bien  plus  grande  de  l'autre  difficulté 
présentée  par  Strauss.  Voici  la  question.  Le 
témoignage  de  la  plus  haute*antiquité,  dont 
nous  venons  de  parler,  et  un  grand  nombre 
d'autres  plus  récents  nous  disent  oue  Marc 
a  composé  son  récit  évangélique  d  après  les 
prédications  de  Pierre  ;  et  cependant,  non- 
seulement  son  récit  suit  en  général  Matthieu 
et  Luc,  mais  tiriesbach,  Paulus»  Saunier  et 
Theile  ont  démontré,  après  TAnglais  Owen , 
que  Tévangile  de  Marc,  excepte  quelques 
passages  peu  nombreux,  n'est  qu'un  abrégé 
de  Matthieu  et  de  Luc,  et  reproduit  mot  à 
mot,  dans  certains  endroits,  l'un  ou  l'autre 


de  ces  auteurs.  Nous  voulons ,  avant  de 
commencer  la  discussion  ,  présenter  à  nos 
lecteurs  quelques  remarques  au  sujet  des 
recherches  sur  les  rapports  d«s  trois  syiKip- 
tiques  entre  eux. 

Tous  ceux  qui  se  sont  occupes  de  ces 
recherches  reconnaîtront,  ou  devraient  au 
moins  reconnaître,  combien  il  est  difficile, 
pour  ne  pas  dire  impossible,  d'affirmer  quoi 

3ue  ce  soit ,  d'une  manière  apodictique , 
ans  cette  question.  On  ne  peut  peser  les 
assertions  contradictoires  émises  et  démon- 
trées sur  ce  styet ,  depuis  que  de  nos  jours 
l'attention  de  la  critique  a  été  portée  de  ce 
côté,  sans  considérer  cette  même  critique 
comme  un  aérostat ,  que  chaque  coup  de 
vent  pousse  où  il  lui  platt.  Tandis  que  Hug 
démontre  avec  son«habileté  accoutumée  que 
chacun  des  synoptiques  s'est  servi  des  autres 
d'après  Tordre  dans  lequel  ils  sont  placés 
devant  nous ,  c'est-à-dire  une  Marc  a  écril 
d'après  Matthieu  ,  et  Luc  d'après  ses  deux 
prédécesseurs,  HerJer  et  Storr  se  croient  en 
état  de  prouver  que  Marc  sert  de  base  à  Luc 
et  à  Matthieu.  D'après  Vogel,  Luc  est  la 
source  de  Marc,  et  des  deux  réunis  est  sorti 
Matthieu.  Busching  pense  que  Matthieu 
s'est  servi  de  Luc,  et  que  Marc  est  formé 
des  deux  autres.  Mais  voici  un  nouveau 
météore  qui  paraît  dans  l'atmosphère  de  la 
critique,  l'Evangile  primitif.  Toutes  les 
tentatives  faites  pour  déduire  un  évangélisle 
d'un  autre  sont  abandonnées  comme  sii«* 
rannéesl..  Le  phénomène  a  bien  des  phases  : 
le  premier  Eichorn  ,  Marsh  ;  le  second  Ei- 
chorn,  etc..  11  faut  avouer,  pour  être  juste, 
que  c'est  une  des  hypothèses  les  plus  ingé- 
nieuses qui  aient  été  créés  par  la  critique 
du  Nouveau-Testament;  mais  il  lui  a  fallu 
aussi  descendre  au  tombeau.  Giescier  vînt 
après  Herder,  et  nous  présenta^  dans  son 
remarquable  traité,  un  cycle  évangélique  de 
la  tradition  orale.  Cette  opinion  a  encore 
pour  elle  Tassentiment complet  de  beaucoup 
de  gens ,  uniquement  parce  qu\7  tCy  en  a 
pas  de  plus  nouvelle.  Cependant  on  s'aperçoit 
déjà  qu*elle  ne  suffit  pas  pour  aplanir  la 
difficulté.  On  recommence  à  parler  de  rem- 
ploi de  sources  plus  anciennes,  et  le  cycle 
est  parvenu  à  son  terme;  car  nous  voici 
revenus  avec  de  Wetle  (lntr«,  2,  A,  {  88,  93), 
au  point  d'où  la  nouvelle  critique  était  partie^ 
à  ^influence  réciproque  des  étangélistes  :Mat* 
thieu  a  exercé  une  influence  sur  Luc,  et  Marc 
a  eu  Matthieu  et  Luc  sous  les  yeux.  Entin 
le  modeste  Schott  termine  par  cet  aveu,  oui 
ôte  à  la  critique  même  un  refuge  dans  1  n- 
venir  :  Etsi  lubenter  largiamur  ejusmodi 
conjecturam^  cujus  ope,  quœcunque  discep- 
tan  possint  de  his  illisve  sectionious  eva%igt  - 
liorum  canonicorum  parallelis,  prorsus  de,  - 
niantur,  Uald  facile  unquam  prouitlra\i 

ESSE. 

Dans  cet  état  de  choses,  un  des  criti- 
ques (62)  qui  essayent  de  démontrer  quo 
Marc  a  eu  Matthieu  et  Luc  sous  les  yeux  et 
a  formé  son  évangile  d'après  eux,  ose  placer 


(Gi)  TiiciLE,  dans  le  lonrml  de  Yiner  et  iTEngelhardi;  v«Vl«f«  9. 


101 


MAR 


IHCTIO.NNAIPJ^:  APOLOCKTIQUE. 


MAR 


t02 


m  léir  iJe  son  essai  les  paroles  suiT«inles  : 
M  II  De  faol  pas  rojeter  de  prime  alionl  le 
■  r*^ent  essai  dans  la  r^on  des  hypothèses, 
i.  ne  s'ai^l  pas  ici  de  possibHiiés^  mais  bien 
«e  réalités,  et  on  j  a  renoncé  positîreneni 
9  tifulcaqai  n*esl  lias  pure  vraisemblance.  » 
Ea  Cm»  aune  pareille  conGance,  on  ne  peut 
r\aÊieT  le  criu^ue  que  sur  sa  grande  jeu^ 
Be^se.  L'opinion  qui  fiiit  de  Téran^ile  de 
^vr  one  simple  mosaïque  com|iosée  avec 
.V  |irmiipr  et  le  troisième  érangile  a  pour 
elli".  nous  le  savons,  un  grand  nombre  de 
rri'iioe^,  sortoot  depuis  que  Sannîer  est 
vftia  înierpréter  les  leçons  de  Sclileierma- 
rhfr  ^  sa  laveur;  el«  lorsque  Slrauss  vient 
lie  firiiDe  aborJ  nous  décJarer  que  Grieshaeh 
a  «  proové  relie  opinion  jusqu^è  révidenco,  » 
cela  n*a  riende  bien  surprenant.  Néanmoins 
BU  eianien  plus  approfondi  conduirait  on 
esprit  pénétrant  &  reconnaître  qu'on  peut  au 
roctraire  démontrer  jus(|u*à  l'évidence  la 
fi«S5e:é  de  celte  hypothèse.  Il  faut  remar- 
«pier  d*alionI  qu'elle  n'a  pas  même  i>n  sa- 
usCrire  con|ilétement  ceux  qui  s'élaient 
pifté»  ses  défenseurs.  Car  Scnleiermachcr 
«^  ol>lî^  d*avoir  recours  à  une  nouvelle 
bTpQihèse,  el  dé  sop|ioser  que  l'évangéliste 

•  «  pat  cm  font  les  yeux  noire  texte  de  Lue 
én§  mm  ttuier.  {Sur  Luc,  p.  158.)  Saunier 
(p.  ÎSSï  pense  que  du  moins  il  n  a  pas  eu 
Sênoi  les  renx  le  chapitre  i%  de  Luc,  f  51  et 
suif.  De  Welle  arrive  an  résultat  suivant  : 

•  Sa  aianîére  de  procéder  aurait  été  trop 

arfiilraire,  s'il  avait  eu  les  deux  autres  évan- 

t^^ishti  soos  les  yeux  en  composant  son 

rran^le  ;  on  doit  donc  penser  quUl  s'en  est 

urri  4e  at/aiorre.  »  Cet  aveu  suflit  k  lui  seul 

r^wrjnger  celle  hy|iolhèse  ;  car»  de  nos 

fnrs  combien  faodfait-il  qu'un  homme  eût 

la  de  fois  les  évangiles  de  llatihieu  et  de 

LiK,  no*jr   composer  une  mosaïque  telle 

«{lie  Hm    Dr>us  représente    Tévangile    de 

)brc?  El  quelles  raisons  Marc  aurait-il  eues 

«rapprendre  par  cœur  ces  deux  évangiles? 

Ans»!  le  dodeor  Crediier,  qui  a  traité  ce 

«tW  le  ilemier»  atiandonne-t-il  l'opinion  de 

^rie«tiaeii. 

Eniruns  plus  profondément  dans  la  ques- 
f>>n,  et  présentons  ce  r|ut  rond  cette  liypo- 
LVfe  inadmissible,  i*  Sclileiermacher  nous 
àii  :  •  Quant  k  moi,  pour  que  je  ne  puisse 
'"■mprefidre  rbypolhèse  d'Eichorn,  qui  fait 
Hirtir  nos  trois  preioiersévangilesd'unévan- 
ple  primitif,  il  suflit  que  cette  hypothèse 
iti  oblige  à  0ie  représenier  nos  lions  évangé- 
listes  enloorés  de  cinq  on  six  livres  écrits 
''O  diverses  langues,  et  prenant  lanlôt  dans 
Tao,  tanldi  dans  l'autre,  la  matière  de  leurs 
ftVTrages.  »  N  y  aH-il  pas  aussi,  dans  le  cas 
;r^nU  quelque  chose  d'inintelligible,  qiioi- 
■)je  sans  aucun  doute,  h  un  moindre  degré? 
(^ii»i!  un  disciple  des  apôtres,  jouissant 
«.'une  autorité  ^le  â  celle  de  Luc,  se  serait 
i  tarhé  h  Touvra^e  de  son  compa.^non  et  à 
:  !uî  de  Matliiieu  (63),  pour  en  faire  une 
'.v.dpitalioD  et  des  extraits  si  serviies,  qu'on 


no  pât  trouver  dans  loiit  son  ouvrage  que 
deux  chapitres  qui  lui  fussent  propres;  et 
il  ne  se  serait  permis  d'ailleurs  que  d'ajouter 
çik  et  là  qnelaues  petits  renseignements  !... 
Voilà  ce  que  1  on  voudrait  nous  faire  croire  I 

Ecoutons  à'ce  suiel  Giesler,  dans  son  ou- 
vrage sur  roriginede5évangiles(635)  :  «  Com- 
bien le  travail  qu'on  est  oblis;é  d'admettre 
dans  ce  cas^  ne  diffère*t'il  point  de  la  ma- 
nière de  procéder  oui  convient  à  une  |ui- 
reille  é|>oqucI  Ici  lévangéliste  le  plus  ré« 
cent  assigne  à  des  narrations  entières  et  à 
des  sentences  isolées  une  place  toute  diflé- 
rente  de  celle  qu'elles  occiqient  dans  l'ou- 
vrage de  son  prédécesseur;  il  faut  donc  qu*il 
ail  feuilleté  cet  ouvrage,  tantôt  à  une  place, 
tantôt  à  l'autre,  pour  y  prendre  ces  passades! 
Il  coiiimence  par  copier  mot  à  mot,  puis  il 
se  fait  un  jeu  île  changer  Tonlre  des  mots 
et  des  pi^nsées;  ensuite  il  omet  des  fiensées« 
ei  linit  par  changer  les  ex|l^^<isiollS  el  les 
synonymes,  sans  altérer  (i*om|ilétement)  la 
pensée  I  Or«  au  milieu  de  tant  d'apprêts,  ces 
écrits  portent  si  clairement  Temprcinle  de 
la  simplicité,  et  il  y  a  une  telle  absence  de 
jTétentions,  que  leurs  ennemis  eux-mêmes 
sont  forcés  de  le  reconnaître.  »  Nous  allons 
snivre  quelques  instants  seulement  l'opéra- 
tion altribuée  à  Tévangélisto ,  |iour  nous 
taire  une  idée  de  la  manière  dont  on  le  fait 
procéder. 

Au  chapitre  i,  f  1--20,  il  suit  Matthieu  en 
l'abrégeant,  non  toutefois  sans  jeter  un  re- 
gard sur  Luc,  |)Our  lui  emprunter  ses  phra- 
ses :  ^  yiyùaimt  ht  'îIvwl^u — ïvatu  tÔ»  cjiccyr«  xi» 

Cir9^«|ft>r'>wv — ffv  cIô  vtôff  u9m.  Il  al)andonne  en-* 
suite  Matthieu,  lorsqu  il  arrive  au  sermon 
snr  la  montagne  exposé  trop  longuement 
}K>ur  son  but  dans  cet  évaiigélist'^  ;  puis  il 
s'attache  à  Luc  aux  c.  I,  2,  3, 6.  Il  passe  ce- 
pendant le  discours  tenu  dans  la  synagogue 
de  Nazareth,  parce  qu'il  contient  troii  d'exem- 
ples tirés  de  rAncien-Testamenl.  Il  omet  de 
même  la  néche  de  Pierre,  qu'il  avait  déjà 
racontée  d  après  Matthieu,  auquel  toutefois 
il  avait  déjà  précédemment  emprunté  des 
expressions  isolées.  Puis  trouvant  chez  Mat- 
thieu un  trop  grand  nombre  de  paraboles, 
il  se  contente  au  chapitre  iv,  21-3,  M,  den 
prendre  quelques-unes  des  plus  courtes;  el 
il  revient,  ensuite  avec  d'autant  plus  d'em- 
pressement à  Luc,  qu'il  a  sauté  précéilem- 
inent  dans  Matthieu  le  récit  du  voyage  à 
Gadara,  etc....  II  retourne  ensuite  vers  Mat- 
thieu, pour  raconter  an  chatdtre  vi,  7- 
13,  la  mission  des  apôtres,  et,  au  chapitre 
Vf,  U-29,  le  jugement  à  la  cour  d'Hénnle; 
s*a5sociant  en  même  tem{is  à  Matlhiei:,  il 
rapporte  ici  la  décollation  de  Jean,  et  |Mirle 
ensuite,  chapitre  vi,  30  et  suiv.,  du  retour 
des  apôtres,  d'après  Luc...  ^ 

Et  l'on  veut  trouver  naturel  qu'un  écrivain 
antique,  un  homme  qni  était,  aussi  bien  que 
Luc,  disciple  des  apôtres,  flotte  ainsi  sans 
plan  entre  les  ouvrages  de  ses  deux  pré<)é- 
eesseurs  et  aille  emi>runter  une  phra>e  taii- 


ai  C0^  Mage,  que  MafeaoraH  failde  leurs  écriif,  servirait  do  reste  à  proavar  ravlorité  apostoliqae 


103 


MAR 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE 


IIAR 


104 


tAt  à  Tun,  tantôt  à  Tautre  I  Eh  bien,  sott  ! 
Mais  comment  eipliquera-t-on  maintenant 
cette  différence  d*expression  qui  se  fait  sen- 
tir dans  tout  rEvan^le,  et  qui  semblerait 
ainsi  calculée  pour  jouer  au  tin  avecle  lec- 
teur, en  évitant  de  suivre  pendant  deux  li- 
gnes de  suite  un  des  deux  évangélistes  ? 
Donnons  ici  un  des  chapitres  où  ta  confor- 
mité avec  Luc  est  le  plus  visible,  et  nous 
ferons  ensuite  ressortir  les  différences  de 
Marc. 
Comparez  Marc  1,21-28,  avec  Luc  iv,  31-37. 

2 1 .  E Ac  <cffir'i/»cvoirr Ac  tiç  5 1.  Kai  x  a  r  q  >6  (  v   c^; 

Ka%apyKOVfi,   KaI    Mià»ç  Ka^A^yxoO/x,  iroXcv  rq;  Ta- 

roiç  9 avn  tiaùBùiv  tic  XOtataç,  xi  jv  dc^Aaawv 

rÀ9  9Wtocprfàv  i^iiAOXf .  aOtov^  iv  toc;  aceSSao-c. 

22*  KaI  iltn\iôv9wvo  inl  32  k Ai  £itnXnv90Yvo  M 
rn  3iSax$  avroO*  iv  yàp  rp  ^i^ax?  ^^vov  ,  ôtc  cv 
Sc^AaxeMp  uvTovç  tàÇ  iÇov"    IÇou^ca  qv  ô  Xôyoff'  av- 

7/»A/A|tAATf(ip. 

23.  KAi  19V  h  T^  9vvA7fli-  33.  Kau  Iv  t$  ovMcyttTJI 
711  AÙTÛv  '/yO//A>iro;  iv  irvsu  •    «v  ovO^iroc  g  ;^  a»  y  ir  v  c  û« 

flATC     0(XaOa/>T6»     XAi    Âvi*       f&«  ^AlflOVIOV    àxA^Â^ 

x^A^c  }iy&iy'  tov,    xaI   ÀvéxpA^t   f««vq 

fifyÀij  Xiyciiv* 

24.  "Ea,  tî  i5{*?v  xa2  ffoî,  34.  '"Ea,  ti  ijfû»  xaI  aroî, 
'iqaoû  NaÇa^ ijvt ;  Q).Of  f  Àiro  *Ii29oû  NaÇa/ïhm  ;  jXOcc  Âir»- 
AiVai  ituAc  oc3a  ac  tî;  tl,  ïiatu  qoÂc.  oI^Â  o-|  Tt;  il, 
i  Syt9ç  ToO  6<oû.  0  Âyco;  tov  Ocoû. 

25.  Bai  iircTiuiQO'fy  avtm  35.  Kac  ifrcTCfio^cv  av- 
ô  *li97oOc    )i7A)y'  ^*gjMQnxi    T&»  ô  *lqo'ovff  Xcyoïv*  ^cfAM- 

XAifSl^Ôl  i^AVTOV.  OoTi   XaI    ^CAOc    £^    AVTOÛ. 

26.  XAi  9  TT  A/PÂÇa  y  aO-       *««    f^'f*"»  «^TÔV  TÔ  èotflù' 

TÔvTo  irwûfiA  TO  axÂ9a/»tw  *«,'»^  .«'f  ^»w  *5<^««»  ««' 
«a1  x/)aÇav  )^ÎS  foyÂXiï  "^^^  ^*«*  p>Af»xv  aùtw. 
IÇiSXOcv  ÎÇ  Avrov.' 

27.  kaI  i9Af«Si]9i}ffAv  36.  lAt  lyivi to  OAfi- 

isônxtÇf  &9rt    avtuTCÎv  i^oç  lici  nàmaç,  xa2  wv- 

irpoç   AJTOvç  Xiywtaç'  Tl  iXÂXoyy   fr/Dor    àUiiXovc 

ictt  Tovro;  t*ç  »S   Ztkaxii  Xtyoyrtff *  Ti;  ô  Xôyoç"  ovm;, 

q  XACVlà  AVTq,  ÔTC  XAT^iÇoU*  OTC  iv  Î$0V9ÎA  XAC  ^wÂ^CI 
•^ÎAy  XACTOCfffrvtV^tAO'CTOtC  ilTCTAffAffC  TOCÇ  axa6â/»tocc 
flUCttOcc^TOeÇ  iTTlTÂO'VffC,     XAi      1CVlÛflA91    XAC   C^ipj^OVTAl  ; 

viTAxovovo'iy  aùt6; 
.28.*£E^9c  ^i  i§  d^xo4       37.     eaI     i;ciro/>it^m 

ICtpix^^W    T«r  rAXt>A(Af.      TA  TÔîCOy    TTJC    in^CX^/»OV. 

Quel  est  l'écrivain  qui  en  extrayant  un 
])assage  d'un  autre  auteur,  s'aviserait  de 
mettre  it^iro^cvovrAc  où  celui-ci  aurait  mis 
xATi^XOiv ,  97rA/»xÇAv  à  la  place  de  '  pî^v,  et 

iOAjti^e  9AV    au    lieu  d'iytyrro   GÂ/A^eor,  etc.7..« 

Un  plagiaire  maladroit  qui  veut  cacher  son 
larcin,  un  dandif  qui  change  la  coupe  de  son 
habit,  parce  (]u  un  autre  en  porte  un  pareil, 
à  la  t>onne  heure  I  Mais  ce  qu'il  y  a  de  cer- 
tain, c'est  qu'une  semblable  idée  ne  vien- 
drait jamais  h.  un  homme  honnête  et  raison- 
nable. 

£n  présence  de  cette  différence  persis- 
tante dans  l'expression,  à  laquelle  viennent 
se  joindre  les  idioli$mes  faciles  h  reconnatire 
chez  cetévangéliste,  comme  le  mot  cvGî»pqu'il 
met  i>artout,  i»a  prédilection  pour  les  di- 
minutifs  comme   irAc^iov,  Ov^Arpcov,    xo/>Â7coy, 


xMJxp'a^  ix,MtM9  et  pour  le  présent  dans 
la  narration,  etc.,  de  Wetle  a  été  forcé 
d'avouer  qu*il  est  impossible  que  Marc  ait 
eu  sous  les  yeux  les  écrits  de  ses  deur 
prédécesseurs  sup^sés.  Ce  que  nous  ve- 
nons de  dire  est  bien  suffisant  pour  la  dé- 
monstration que  nous  voulons  donner  ici, 
et  il  est  superflu  d*appuyer  sur  d'autres 
points  tels  que  les  suivants  :  Tinsuflisance 
des  rai>oos  alléguées  fiour  expliquer  la  ma- 
nière brusque  dont  Ifarc  passe  d*un  évan- 
géliste  à  l'autre,  et  les  omissions  qu'il  fait 
souvent  dans  leurs  récits;  l'accord  de  Luc 
avec  Matthieu,  accord  oui  est  parfois  aussi 
frappant  que  celui  de  liarc  avec  Matthieu 
et  Luc,  et  devrait  ainsi  placer  Luc,  à  l'égard 
de  Matthieu ,  dans  un  rapport  semblable  à 
celui  de  Marc  avec  ses  deux  prédécesseurs. 
Nous  voulons  cependant  montrer  encore 
ici  que  l'opinion  de  Srauss  (6b)  prive  de 
toute  vraisemblance  la  supposition  oui  place 
sous  les  yeux  de  Marc  les  écrits  des  deux 


u  «/Mw^wB  wuvu     vkriMig«/,     a|j«iB«u^«     u«iui»iavi  , 

suivant  lui,  de  la  tradition  [>opulaire,  qui 
enlumine  involontairement  tous  ses  ta- 
bleaux. Ainsi ,  no!re  évan^éliste  aurait 
trouvé  chez  Luc,  dans  l'histoire  de  la  fem- 
me sujette  à  un  fluxde  sang,  que  cette  femme 
avait  inutilement  dépensé  son  bien  à  se  faire 
traiter  par  les  médecins  (lue.  viu,  43),  et  il 
aurait  ajouté,  pour  enchérir  (c.  v,  26)  :  Mais 
elle  n'en  allail  que  plus  mal  11]  a  dû  lire  chez 
Luc  que  Jésus  avait  demandé  qui  l'avait 
touche  (Luc  viii,  45),  et  H  aurait  ajouté  au 
r.d^  :  Et  Jéêu*  regardait  autour  de  lui  qui 
l'avait  touché!  Il  i  pareillement  lu  dans 
l'histoire  du  |>aralytique  {Luc.  v,  19),  qu'on 
avait  apporté  ce  malade  devant  Jésus  en  le 
descendant  par  les  ouvertures  du  toit  ;  et, 
pour  embellir  la  chose,  il  aurait  dit  qu*ou 
avait  enlevé  les  tuiles  pour  faire  une  ouver- 
ture au  toit  {Marc,  ii,  3)  I  Puis,  comme 
l'ouverture  u*eût  pas  été  assez  considérable 
s'il  n'y  avait  eu  que  deux  personnes  pour 
porterie  parai  vtique,  Marc  aurait  ajouté 
(lu'il  était  porté  par  quatre  hommes  I  Mat- 
thieu, VIII  âd,  nous  rapporte  que  les  démo- 
niaques avaient  cherche  par  leurs  cris  à  éloi- 
gner Jésus  ;  Luc  fait  tomber  &  terre  à  l'ap- 
£  roche  de  Jésus  celui  dbnt  il  nous  parle,  ei 
[arc  vient  ensuite  enchérir^  en  lyoutanl 
Îu'il  l'avait  déjà  vu  de  loin!  Marc  lit  dans 
uc  que  le  démoniaque  se  tenait  dans  les 
tombeaux  ;  aussitôt  il  igoute  :  Nuit  el  jour^ 
ei  il  se  frappait  avec  des  pierres.  Les  autres 
évangélistes  ne  parlent  que  d'un  troupiaa 
de  |K)urceaux;  Marc  nous  dit  qu'il  y  en 
avait  deux  mille  i 

Nous  ne  nions  pas  que  la  tradition  popu- 
laire ne  puisse  i^outer  involontairement  do 
semblables  enluminures:  et  si  Ton  accordait 
que  les  récits  évangéliques  portent  un  ca- 
ractère non  historique,  on  ne  pourrait  |»a8 
protester  contre  une  exagération  légendaire 


(64)  Suivant  celle  opinion ,  Marc  aurait,  pour  les  réciti  miraculeux,  un  système  d*encliérissement  sur 

Luc  tl  sur  AlaUliieu.  "'  ••"-•« 


MAR 


DfCTIONNAmE  APOIjOGETIQUE. 


IIAR 


106 


dans  ks  récits  de  Marc.  Mais  |irélendre 
90*00  étrirain^  en  bisant  ud  extrait  liu 
lêile  d*on  autre,  s*e$t  a?bé  d'y  ajouter 
pbrase  {>ar  phrase  de  peiiis  enthérissemenu 
île  te  çeore  (65),  c'est  une  supposition  si 
étrange,  qoe  les  éirangttéê  attribuées  à  Marc 
ne  ioot  nec  auprès  de  celle-li.  Mais  cette 
opinion  oe  devient-eile  pas  évidemment  in- 
soutenable, quand  il  s*a^t  d*|in  écrivain 
qui  a  eu  îles  relations  avec  les  premiers 
téflMûos  de  la  vie  du  Christ,  et  quand  nous 
sans  rappelons  les  aveux  de  notre  critique 
sor  la  «  ooble  simplicité  i>  de  nos  évan- 
gMesf 

Tloos  veaons  donc  de  voir  encore  une  fois 
te  qu  it  lanl  penser  sur  ce  que  le  docteur 
Strauss  reganle  comme  déaumiré  jusqu^à  /V- 


lelaas  oo  dernier  coup  d*œil  sur  Tasser- 
tiott  do  prêtre  Jean.  Mous  n'exigeons  d'au- 
cun critique  une  foi  aveugle  aux    rap- 
ports des  Pères  de  TSglise  ou  des  témoins 
encore  pins  onciens  du  christianisme.  Nous 
trouvons  bon  que  la  critique  recherche  dans 
leurs  rèdts  la  part  de  l'hisloire  et  celle  des 
eoDÎeciores  particulières;  mais  on  ne  peut 
méconnaître  que  la  déplorable  coutume  de 
iftiter  ces  témoignages  avec  une  légèreté 
ineicosaUe  oe  prenne  de  nos  jours  une 
force  nouvelle,  et  cela  uniquement  pour  la 
coflioodifé  des  faiseurs  d'b jpothèses.  Nous 
deoiaodaas  seulement,  pour  ces  anciens  té- 
Dcign^ges,  le  même  degré  de  respect  que 
Larnaiaoao  oceordé  aux  plus  anciens  ma^ 
nmscrùs  dans  sa  critique  du  Nouveau  Tes- 
tament. Il  o  pris  pour  point  de  départ  un 
telle  tel   que  ces  manuscrits  le  donnent, 
iSÊS  en  dier  les  corrections  dogmatiques  et 
les  lanles  d'écriture  proliables  ;  on  obtient 
ainsi  une  base  sur  laquelle  la  critique  peut 
asseoir  ses  conjectures.  Plusieurs  de  nos 
critiques  nouveaux,  au  contraire,  prennent 
dans  leurs  conjectures  le  texte  de  leur  cri- 
tique historique,  et  recherchent  ensuite  ce 
qneles  oianuscrits  contiennent.  Maintenant, 
fi  loo  examine  le  témoignage  en  question 
pnat  voir  s'il  |iorte  le  caractère  de  la  crédi- 
iiilité,  il  fiiat  commencer  par  convenir  que 
le  {«être  Jean  étaitenpositiondesavoirquel- 

2e  chose  sor  le  compte  de  Marc.  Il  avait 
i  disciple  du  Seigneur  et  avait  par  consé- 
quent Téca  précédemment  en  Palestine;  è 
1  époque  dont  il  s'agit,  il  vivait  en  Asie 
Mmenre;  dans  ces  deux  jiajs  il  avait  connu 
les  apôtres,  et  en  particulier  Pierre.  De 
fiîns,  conaoïe  Marc  avait  été  plusieurs  fois 
lians  FAsie  Mineure,  il  pouvait  aussi  l'a- 
voir coaoa  d*une  manière  très-précise.  Son 
léoioignagev  ou  celui  de  Papias,  contient  en- 
soite  une  circonstance  d'un  grand  poids  en 
laveor  de  sa  crédibilité.  Les  Pères  de  l'JB- 
glise,  pour  donner  aux  documents  évangé- 
liques  un  plus  haut  degré  de  crédibilité, 
cfaenliaieBt,  autant  que  possible,  à  établir 
qu'ils  resDontaient  jusqu  aux  apêtreset  jus- 
qu'au Seigneur  lui-même.  Ainsi  Origène  et 


d'autres  ont  clas$é  Luc  parmi  les  soixante- 
dix  disciples;  d'autres  ont  voulu  trouver 
dans  Marc  (xiv,  51)  la  preuve  que  cet  évan- 
gélisle  avait  été  à  la  suite  de  Jésus.  Notre 
lémoisnage,  au  contraire,  exclut  formelle- 
ment Ta  supposition  que  Marc  ait  ap|iartenu 
à  l'entourage  immédiat  du  Seigneur.  L'au- 
teur dece  témoignage  ne  parait  donc  pas  avoir 
suivi  ses  propres  conjectures  ;  des  écrivains 
postérieurs  soutiennent  même,  conlradie- 
toirement  avec  lui,  que  Marcavait^onuu 
personnellement  le  Sauveur.  La  mère  de 
l'évangéliste  s'étant  établie  à  Jérusalem,  et 
unie  aux  apôtres  aussitôt  après  l'Ascension, 
il  eût  été  très-facile  de  rendre  plausible  la 
conn naissance  personnelle  de  Marc  avec  le 
Ohrist. 

Nous  avons  encore  à  défendre  un  autre 
point  de  la  tradition  ecclésiastique  au  sujet 
de  Marc.  Ce  point  n'est  pas  compris  à  la 
vérité  dans  le  témoignage  dont  nous  nous 
occupons  ;  mais  il  peut  aussi  servir  à  prou- 
ver que  nous  devons  peser  avec  soin  les 
traditions  qui  se  présentent  i  nous  avec  des 
garanties  extérieures  solides,  avant  de  leur 
substituer  nos  propres  hypothèses.  D  après 
Clément  d'Alexandrie  les  anciens  docteurs, 
•i  MmAn  itmoCutcmc  rapportaient  que  Marc 
écrivit  son  évangile  pour  les  Bomains  (Eu$^ 
V.  6,  c.  14.)  L*Kvangile  contient  quelques 
indications  qui  viennent  confirmer  cette  tra- 
dition d'une  manière  frappante.  On  y  trouve 
quelques  mots  latins  qui  ne  se  voient  |iOint 
dans  les  autres,  x»Tvpc>ty,  ofnxvv^iftTwp,  et  le 
prix  de  la  monnaie,  du  iximy,  y  est  évalué 
d'après  le  ouodriina  romain  (ifarc.  xii,  42). 
Quoique  la  langue  des  G  recs  eût  adopté  moins 
de  mots  étrangers  que  celles  des  autres  peu* 
pies,  on  comprend  cependant  que  les  termes 
militaires  des  Romams  et  les  noms  des 
monnaies  ont  dû  s'introduire  surtout  dans 
les  contrées  que  les  troui^es  romaines  occu- 
paient ;  de  sorte  que  l'usage  des  mots  que 
nous  avons  ci  tés  ne  peut  être  reganJé  comme 
une  preuve  certaine.  Il  fiaiut  cependant  obser- 
ver que  Matthieu,  Luc,  Josèphe,  Plutarque 
et  autres  n'emploient  nulle  part  le  mot 

xrrn^ûniy  mà\>  bien  bmxinzmfx^^^  iwaxvnkpx*-** 

et  quand  Plutarque  se  fert  de  mots  tels 
que  ffictxovUr^ip,  zo^pcy  «cy  il  trouve  néces- 
saire tyajouier  une  explicalion:  ckezMarc^ 
au  contraire^  ce  dernier  moi  esl  employé  lui» 
même  comme  explication. 

Celui  qui  croirait  devoir  attribuer  i  une 
source  écrite  raccord  des  évangélistes  entre 
eux,  devrait  suivre  le  chemin  déjà  frayé  par 
la  sagacité  de  Hug ,  examiner  si  Marc  ne 
s'est  point  servi  de  Mattliieu,  et  si1e  texte 
de  Marc  n'était  |X>int  au  nombre  des  docu- 
ments particuliers  employés  par  Luc.  On 
pourrait  dire  aussi  que  les  trois  évangélistes 
ont  puisé  \  une  source  commune  de  petits 
écrits  fiarticuliers,  circonstance  plus  que 
suffisante  |iour  expliquer  leuri:oncordance« 
Enfin,  il  serait  encore  bien  plus' facile  d'ar- 
river au  but,  en  s'appropriant  l'hypothèoede 


(S3)  Ues  Rvaagilrs  spocryplics  sont  là  poar  noas  monuer  qiron  eût  pv  trovvtr  des  exsgératkiiiS  bian 
sarsamt  fui  les. 

DkTIOXNAIRS  1P0I.0GÉT1QLE.  IL  4 


107 


MAR 


DlCTIONNAmt:  APOLOGETIQUE. 


MIVR 


fOS 


Gieselcr  sur  lalradition  oraledcs  Evansilos; 
car  on  trouverait  alors  un  appui  dans  le  té- 
moignage liislorique  du  prêtre  Jean.  {Vvy. 
GiBSELER,  p.  12d{]  Il  est  vraisemblable  que 
Pierre  aura  eu  la  coutume  de  présenter  une 
courte  esquisse  de  la  vie  du  Seigneur,  par- 
tant de  repo({ue  à  laquelle  les  apôtres  j»en- 
saient  que  leur  témoignage  commençait  à 
être  compétent,  comme  il  le  dit  lui-même. 
(i4cM,  2z).  D'ailleurs  les  |)ernturesde  détails 
que  nous  trouvons  chez  Marc,  les  rensei- 
gnements particuliers  qu*ii  nous  donne  sur 
«erre  (c.  i,  36,  37;  mu,  3;  xvi,  7),  ne  nous 
j)rouvent-ils  pas  que  le  récit  de  cet  évangé- 
•liste  émane  d  un  témoin  oculaire? 

Nous  voulons  revenir  encore  une  fois 
ici  à  l'accusation  si  grave  que  le  docteur 
Strauss  a  intentée  contre  Tautour  du  second 
évangile,  précisément  au  sujet  des  détails 
dont  nous  venons  de  parler.  Les  critiques 
allemands  n*ont  du  moins  jamais  contesté 
h  nos  Évangiles  le  mérite  de  parler  au  cœur 
avec  une  majesté  simple,  qui  a  même  paru 
les  toucher.  Mais  la  vue  plus  pénétrante  de 
notre  critique  a  découvert,  au  milieu  de 
ia  simplicité  de  Marc,  une  ornementation 
déplacée.  D'après  lui,  toutes  les  additionsqui 
sont  propres  a  cet  évangile ,  ne  sont  aue  des 
ornements  dusà  Cimaginaiian  hyperbolique  de 
son  auteur.  Nous  avons  montrécombien  cette 
thèse  devient  ridicule,  lorsque  celui  qui  la 
soutient  admet  en  même  temps  que  cet 
«évangile  est  une  compilation  de  Matthieu  et 
de  Luc.  Éclairons  encore  la  ouestion  sous 
un  autre  rapport,  et  pour  cela  examinons 
la  critique  des  deux  récits  miraculeux  par- 
ticuliers à  l'évangile  de  Marc.  {Mare,  vu,  32 
«t  suiv.t  i^iu»  22  et  sui¥.}  Notre  auteur  nous 
n  reproché  assez  souvent  que  la  tradition 

Kpulaire  amoncelait  les  miracles  comme 
valanche  amoncelé  la  neige.  Or,  dans  le 
récit  de  Marc,  le  merveilleux  est  atténué 
par  une  gradation  dans  la  guérison.  Le  cri- 
tique nous  adit  ()lusd*une  fois  que  la  tradi- 
tion populaire  aimait  les  contrastes  subtils, 
comme  ceux  que  nous  offrent  ailleurs  la 
lèpre  qui  disp.  ratt  en  un  clin  d'œil ,  ou 
l'homme,  paralytique  depuis  trente  ans,  qui 
s'en  \a  à  finslant  même  emportant  son  lit. 
Ici ,  la  cécité  est  remplacée  peu  à  peu  par  la 
vue.  Il  nous  a  dit  souvent  que  les  miracles 
légendaires  étaient  invisibles  et  insaisissa- 
bles. Dans  le  récit  en  question,  nous  avons 
des  détails  satisfaisants  à  cet  égaixi.  Lo  carac- 
tère historique  des  récits  miraculeux  se 
trouve  doue  ainsi  chez  Marc,  plus  que  par- 
tout ailleurs,  justifié  par  lui-même.  On  ne 
peut  donc  voir  sans  éionnement  le  critique 
i>aser  ici  ses  attaques  sur  Vexislenee  d'une 
circonstance  août  l'omission  sert  d'ailleurs 
de  point  de  départ  à  ses  accusations.  C'est, 
an  vérité,  un  précieux  talent  que  celui  de 
s'arranger  de  touti  Le  critique  raisonne 
«insi  :  Le  désir  de  /aire  de  Veffet  par  des 
peintures  exagérées  et  frapianles  a  été 
comprimé  ici  évidemment,  chez  Tévangé* 
liste,  par  un  intérêt  plus  puissant,  celui  de 
donner  plus  de  crédibilité  à  son  récit,  âm\  le 
rendant  plus  facile  à  imaginer.  «  il  est  dil- 


ficile  de  se  figurer  tout  ce  (^ui  est  soudain.  i> 
Nous  l'avouons,  dans  la  lormatiou  des  lé- 
gcndcsjl  peut  se  manifester  quelouefois une 
tendance  à  sacrifier  Yeffet ,  pour  obtenir  plus 
de  crédibilité  en  faisant  procéder  lescl»oses 
avec  une  gradation  qui  les  rende  plus  saisis- 
sables  à  I  imagination ,  tandis  qu'ailleurs  oa 
cherchera  à  augmenter  Yeffet  par  des  cir- 
constances «oudainei  et  frappantes  ^  èHX  dé- 
pens de  la  crédibilité.  Mais  supposer,  comme 
notre  auteur  le  fait  ici,  qu'un  seul  et  même 
écrivain  va ,  suivant  son  caprice ,  tantôt  stu- 
mettre  à  la  loupe  et  exagérer  d'une  manière 
grotesque ,  tantôt  regarder  avec  un  verre  di^ 
fit  jnuoni  et  peindre  en  raccourci  les  faits  mer- 
veilleux que  la  tradition  lui  a  livrés ,  c'e^t 
procéder  contrairement  è  toute  notion  psy- 
chologique. Cetle  conduite  est  d'autant  plus 
étonnante  de  la  part  de  Strauss,  que,  d'après 
sa  manière  de  voir,  on  ne  trouvé  partout 
ailleurs ,  chez  Marc ,  qu*un  penchant  a  V exa- 
gération. Par  exemple ,  quelles  preuves  ex- 
traordinaires de  la  force  d*imagination  de 
l'évangéliste  ne  tronve-t-il  pas  dans  l'his- 
toire du  sourd-muet  (ilfarc.  vu,  32,  37).  II 
ne  nous  montre ,  en  cet  endroit,  rien  moins 
que  six  exagérations,  au  moyen  desqiielles 
Marc  fait  passer  cette  histoire  du  positif  au 
superlatif.  1*  Jésus  conduit  le  sourd-muet 
loin  du  peuple.  2*  Il  met  les  doigts  dans  les 
oreilles  de  cet  homme,  et  de  la  salive  sur  sa 
langue,  ce  qui  rend  la  chose  mystérieu&e. 
3*  Jésus  lève  les  yeux  au  ciel  et  jette  un 
soupir,  tandis  qu'il  n'y  a  aucune  raison  qui 
motive  cette  aspiration,  k'  Jésus  prononce 
le  mot  étranger  ephpheta^  parole  qui  a  ici 
quelque  chose  de  mystérieux  (semblable  du 
reste  aux  mots  TaXi6«  x,0;tc,  qu'on  trouve 
dans  Marc  (v,41).  5*  Jésus,  pour  augmenter 
l'etl'et,  détend  au  sourd-muet  de  dire  à  per- 
sonne ce  qui  vient  de  se  passer.  6*  Les  assis- 
tants ne  s'étonnent  pas  simplement,  mais 
viri pTrcpiQ-aû; ,  c'est-à-dire  au  delà  de  toute 
mesure  1  On  conviendra  cependant  que,  pour 
que  toutes  ces  circonstances  puissent  servir 
à  prouver  la  force  particulière  de  l'imagina- 
tion de  cet  évangéliste,  il  faut  qu'elles  soient 
propres  à  ses  récits.  Par  malheur,  nous  les 
retrouvons  toutes  dans  d'autres  histoires, 
chez  les  autres  évanp;élistes.  1"  Dans  la  gué- 
rison de  la  fdie  de  Jaïre,  tout  le  peuple  est 
écarté ,  et  les  disciples  eux-mêmes,  excepté 
trois  (Luc.  yni,31j.  2*  Jésus  met  de  la  terre 
et  de  la  salive  sur  lès  yeux  de  i'aveugle-nc 
et  l'envoie  même  à  la  piscine  de  Siloah  {Joan  • 
IX  ).  "S*  Jésus  regarde  au  ciel  et  fait  une 
jirière  dans  la  résurrection  de  Lazare,  f^oan. 
II,  41).  k""  Les  mots  de  Jésus  sont  aussi  ra|)- 
portés  dans  Matthieu  (xxvii,  b6).  5*  Jésus 
défend  de  répandre  le  bruit  du  miracle,  selon 
ce  même  évangéliste  (ix,  80).  6*Nous  voycny 
les  miracles  produire  un  étonnement encore 
plus  grand,  d'après  Matthieu  (xi,  33).  Si  les 
détails  de  ce  genre  étaient  ajoutés  volontaire- 
ment par  l'évangéliste ,  ou  involontairemeni 
par  la  tradition,  on  y  reconnaîtrait  souvent 
un  tmt  déterminé ,  celui  de  Texagération. 
Au  lieu  do  cela,  nous  ne  trouvons,  en  gé- 
néral ,  dans  la  narration  de  Mare  qu'une  plus 


MAR 


mCTIONNAiRE  APOLOGETIQUE. 


MAR 


110 


eraode  précision.  Atosi,  lA  où  Mathieu  (xi« 
19)  $e  sert  da  mot  indéterminé  Sipx^f  Marc 
Dotts  donne  le  nomile  TindiTidaen  question, 
Jaîre,  et  désigne  sa  dignité  arec  plus  de 
précision  t    9iç  t«*  a^x"^'>*7*^o'-    Lorsque 
llaUhieu  {xt,  2i)  parle  d'une  yvi^i  ^««'«ût , 
(Marc  m^  26)y'dît:  yvwà  'fiUnWr  lvp9ynUivfni 
ri,  yhtt.  Dans  beaucoup  de  cas  même ,  les 
aiiditîons  de  Marc  diminuent  Teflet  plutôt 
que  de  Teia^^érer.  Ainsi  {Matthieu  (  xxyn, 
16)  appelle  larrabasUvpK  Iri^v^c;  et  Marc 
dit  seulement  qullaYait  commis  un  meurtre 
dans  une  séditjon.Marc  nous  donne  sourent 
les  noms  de  personnages  que  les  autres  ne 
ceonaîasenl  point;  et  cette  circonstance, 
dans  Topinion  du  critique ,  est  aussi  propre 
A  appeler  le  soupœn  sur  lui  qu^à  le  rendre 
£gne  de  foi;  car,  dit-il ,  les  apocryphes  pro- 
duisent les  noms  de  beaucoup  de  personnes 
érangéliques  que  lesévangélisles  eux-mêmes 
oe  Dommeot  iioiut;  tel  est  «  par  exemple, 
le  nom  de  réponse  de  Pilale,  qui  s'appelle 
Procula  ou  Claudia  Procula,  dans  I  évan- 
gile de  !ficodéme»  et  dans  les  autres  sources 
apocryphes,  ainsi  que  dans  les  Éthiopiens, 
saivant  Lndolt  (Lex.  Mthiop^  ti,  3^1.)  Mais 
tool  critique  raisonnable  ne  doit-il  pas  re- 
comulireque,  lorsque  des  noms  de  ce  genre 
sont  produits  à  ooe  époque  rapprochée  des 
éréDements,  on  doit  les  regarder,  de  prime 
«tord,  comme  historiques,  surtout  quand 
on  0  aperçoit  aucune  intention  dans  la  men- 
Cioo  de  ces  noms? 

Mélaochthon,  dans  soq  Histoire  de  la  vie 
† Imiktr^  ne  nous  donne  pas  le  nom  de 
rami  dont  la  mort  subite  6t  une  si  profonde 
impression  sur  fesprit  du  réformateur  :  celte 
eœissîen  seule  doit-elle  nous  faire  douter 
de  la  réritédn  récit  de  Bavarus,  autre  ami  de 
Lolber,  qui  nous  apprend  'que  ce  jeune 
homme  se  nommait  Alexis  (66j  ? 

M AUAGE,  type  de  perfection  présenté  au 
f>rétre  catholique  par  Aimé-Martm  ;  réfuta- 
tion, foy.  PsiTaE. 

MARIE,  MERS  DE  PIEU,  ttpb  de  la 
moix  ain6TiB!ixE. 

JteaMi  Me  ikad  emmet  ^mertoUmn, 
Taalei  les  fènéntjoos  me  <Kront  bienheorevse. 

<CMitiqiie  MagmfeaL) 

«  L'ottion  de  rhorooie  avec  Dieu ,  voilk 
Tessence  intime,  roilà  le  commencement,  le 
mtKeo  et  la  fin  de  la  religion.  Cette  union 
s*opère  par  deux  voies  :  ou  Dieu  descend 
▼ers  Hiomnie,  ou  il  élève  l'homme  vers  lui . 
La  desoente  de  Dien  dans  Inhumanité  a  son 
terme  le  plus  sublime  dans  Tincamation. 
L*élévaliOQ  de  Tbomme  vers  Dieu  alioutit  k 
Tapothéose.  Llnearaation  s>st  réalisée  dans 
le  Christ  :  l*apothéose  s*accomplit  dans  les 
aeaibrea  dn  Christ*  dans  les  saints  à  la  tète 
dflsquels  apparaît  Marie. 

<  Marie  est  la  femme  complètement  rég6- 
■érée,  FEre  céleste  en  qui  l'Eve  terrestre  et 
eoopalile  sTest  absorhée  dans  une  transfigu- 
ration glorieuse.  De  cette  apothéose  de  la 
Cemme  date  fère  de  son  affrancfaissemeiil. 


c  On  a  remarqué  avec  raisoUt  que  l'ana- 
thème  originel  a  pesé  plus  particulièrement 
sur  la  femme,  quoique  pourtant  Eve,  en 
écoutant  la  parole  de  séduction,  eût  péché, 
dit  saint  Ambroise,  bien  moins  par  malice 
de  cœur  que  par  mobilité  d'esprtt.  Mais  de 
séduite  elle  était  devenue  séductrice.  Elle 
avait  introduit  le  mal  dans  le  monde  ter- 
restre, en  corrompant  l'homme  primordial  et 
universel,  qui  renfermait  en  soi  tout  le 
genre  humain.  L'antique  idolâtrie  naquit 
par  elle  :  son  impérieux  caprice  fut  pour 
Adam  une  idole,  dont  il  substitua  le  cuite  à 
l'adoration  de  la  volonté  divine,  dans  le 
sanctuaire  de  sa  conscience^  De  I&  une  plus 
grande  part,  pour  la  femme,  dans  les  souf- 
frances qui  forment  la  longue  pénitence  de 
rbumanité.  Pour  s*ètre  fait  adorer  par  l'hom- 
me, elle  devint  son  esclave,  et,  durant  la 
période  d'attente  qui  précéda  l'apparition  du 
Christ,  la  servitude  publique  et  privée  des 
femmes,  servitude  que  l'opinion,  la  législa- 
tion, les  mœurs,  avaient  impitoyablement 
scellée  de  leur  triple  sceau,  fut  généralement 
la  pierre  angulaire  de  ce  que  l'on  appelait 
l'ordre  social,  comme  elle  continuée  Vôtre 
dans  toutes  les  contrées  qui  n'ont  |kis  reçu 
encore  la  loi  qui  aflrancbit  Je  monde. 

«  Le  christianisme,  qui  attaqua  radicale- 
ment Tesclavase  par  s&  doctrine  sur  la  fra- 
ternité divine  de  tous  les  hommes,  combattit 
d'une  manière  spéciale  Tesclavage  des  fem« 
mes,  par  son  dogme  de  la  maternité  divine 
de  Marie.  Comment  les  filles  d*Eve  auraient* 
elles  pu  rester  esclaves  de  l'Adam  déchu, 
depuis  que  l'Eve  réhabilitée,  la  nouvelle 
Mère  dee  vivants  élait  devenue  la  reine  des 
anges  ?  Lorsque  nous  entrons  dans  ces  cha- 
pelles de  la  Vierge,  auxquelles  la  dévotion 
a  donné  une  célébrité  |)articulière ,  nous 
remarquons  avec  un  pieux  intérêt  les  ex 
voto  qu'j  suspend  la  main  d'une  mère  dont 
Tenfant  a  été  guéri,  ou  celle  du  pauvre  ma* 
tdot  sauvé  du  oaufrage  par  la  patronne  des 
mariniers.  Mais,  aux  yeux  de  la  raison  et 
de  l'histoire,  qui  voient  dans  le  culte  da 
Marie  comme  un  temple  idéal,  que  le  ca- 
tholicisme a  construit  pour  tous  les  tem||S 
et  pour  tous  les  lieux,  un  ex  voto  d'une  si- 
gnification plus  haute,  social,  universel  y 
est  attaché.  L'homme  avait  lait  peser  un 
sceptre  brutal  sur  la  tète  de  sa  compagne 
pendant  quarante  siècles.  Il  le  déposa  le 
jour  où  il  s'agenouilla  devant  l'autel  de  Ma- 
rie. Il  l'y  dé|H)sa  avec  reconnaissance;  car 
l'oppression  de  la  femme  était  sa  dégraiia- 
tion  k  lui-même  ;  il  fui  délivré  de  sa  pro« 
pre  tyrannie. 

«  La  réhabilitation  des  femmes,  liée  si 
étroitement  au  culte  de  Marie,  a  des  harmo- 
nies singulières  et  profondes  avec  les  mys^ 
1ères  que  ce  culte  renferme.  Marie  étant  la 
femme  typique  dans  l'ordre  de  la  régénéra-» 
tion,  comme  Eve  avait  été  la  femme  typique 
dans  la  déchéance,  ce  qui  s*est  acoompU 
dans  Marie  avec  le  concours  de  sa|volonté) 


m)  Naet  réfeteas,  noie  V,  i  h  fin  do  volume,  ropimon  qui  prétend  que  les  ùomt  derniers  verst«s  da 
.  tvi  ont  été  ajoolés. 


m 


HÂR 


DICTIOiNNAIRE  APOLOvSETIQUR. 


MAR 


m 


pour  la  réparation  de  la  nature  humaine , 
.s'accomplit  aussi,  en  des  proportions  moins 
liantes,  dans  la  régénération  des  femmes 
sous  Tempire  du  christianisme.  . 

«  Le  crime  primitif  avait  été,  sous  une  de 
ses  faces,  un  crime  d'orgueil.  Pourquoi 
Dieu  vous  a-t-il  fait  cette  défense  :  Si  vous 
mangez  de  ce  fruit  »  vous  serez  comme  des 
dieuXf  sachant  le  bien  et  le  mal?  Il  y  eut 
alors  une  annoncialion  des  mystères  de 
mort,  que  )*ange  de  ténèbre^  voila  sous  la 
trompeuse  promesse  d'une  renaissance  di- 
vine, comme  il  y  eut  plus  lard  une  annon- 
cialion du  mystère  de  vie,  faite  à  Marie  par 
range  de  lumière,  mystère  de  vie  divine, 
caclié  sous  le  voile  d'un  enfantement  hu- 
main. L'orgueil  d'Eve,  qui  s'était  approprié 
la  parole  de  révolte  en  y  consentant,  fut  ei- 
pié  nar  la  soumission  infinie  et  l'humilité 
suprême  de  la  réponse  de  Marie  :  Voici  la 
servante  du  Seigneur ^  qu'il  me  soit  fait  selon 
votre  parole. 

a  Le  crime  primitif  avait  été,  sous  une 
autre  face,  un  crime  de  volupté:  car  la 
femme  vit  que  cet  arbre  était  bon  pour  la 
nourriture^  beau  à  Cœil  et  â^un  aspect  délec- 
tabUf  et  elle  prit  de  son  fruits  paroles  oui 
indiquent,  de  quelque  manière  qu'on  los 
interprète,  que  l'attrait  des  sens  prédomi- 
na et  fit  passer  l'esprit  sous  le  joua;  du 
rorps.  Comme  le  remède  à  l'orgueil  est 
l'humble  soumission  »  le  remède  a  la  vo- 
lupté se  trouve  dans  la  souffrance  volon- 
taire. Mais  la  sonlfrance,  douée  de  la  plus 
grande  vertu  d'expiation,  est  la  souffrance 
que  la  charité  anime,  la  souffrance  d'autrui 
que  la  charité  fait  sienne  pour  la  soulager. 
Marie  expia  la  faute  de  la  voluptueuse  Eve 
par  sa  \  arlicipalion  intime  aux  douleurs  du 
Christ,  et  par  là  même  aux  douleurs  de 
l'humanité  entière.  Ce  second  acte  d'expia- 
tion est  représenté  dans  la  fêle  de  la  Com- 
passion  de  la  Vierge^  comme  le  premier  est 
représenté  dans  la  fête  de  VAnnonciation. 

«  L'exjiialion  une  fois  accomplie,  l'anti- 
que Eve  est  détruite,  l'Eve  nouvelle  est  for- 
mée. La  déchéance  fait  place  à  la  glorifica- 
tion ,  dont  la  fêle  de  VAssomption  de  la 
Vierge  est  le  monument  et  le  symbole. 

«  Ces  trois  fêtes  reproduisent  donc  les 
trois  moments  fondamentaux  pendant  les- 
quels s'est  complélée,  par  le  concours  de  la 
volonté  humaine  de  Marie  avec  l'action  di- 
vine, la  formation  de  l'Eve  céleste,  mère  de 
la  femme  chrétienne.  A  ces  moments  typi- 
ques correspondent  les  trois  degrés,  les  trois 
phases  solennelles  de  la  réhabilitation  des 
femoies.  Cette  réhabilitation  a  aussi  à  sa  ma- 
nière sou  aouondation,  sa  compassion,  son 
assomption. 

et  L  histoire  remarque  que,  lorsque  l'E- 
vaiigile  est  annoncé  à  un  peuple,  les  fem- 
mes montrent  toujours  une  sympathie  parti- 
culière pour  la  parole  de  vie,  et  qu'elles  Uc- 
vanceni  habiluellemeni  les  hommes  par  leur 
empressement  divin  à  la  recevoir  et  à  la 
proi^ager.  On  dirait  que  la  docile  ré|>onse  do 
Marie  à  l'ange  :  Voici  ta  servante  dfu  ÂVe- 
yiuarj  trouvedans  leur  &me  un  écho  plus 


retentissant.  Ceci  fut  préfiguré,  dès  l'orîçi- 
ne  du  christianisme,  dans  la  personne  des 
saintes  amies  de  la  Vierge,  qui,  ayant  de- 
vancé au  tombeau  du  Sauveur  le  disciple 
bien-aimé  lui-même,  furent  les  premières  à 
connaître  la  résurrection,  et  l'annoncèrent 
aux  apôtres.  La  mission  des  femmes  a 
toujours  été  haute  dans  la  prédication  du 
christianisme.  Au  commencement  de  tou- 
tes les  grandes  époques  religieuses,  on  voit 
planer  une  forme  mystérieuse,  céleste,  sous 
la  figure  d'une  sainte.  Quand  le  christia- 
nisme sortit  des  catacombes,  la  mère  de 
Constantin,  Hélène,  donna  à  l'ancien  monde 
romain  la  croix  retrouvée,  que  Clotilde  éri- 
gea bientôt  sur  le  berceau  français  du  mon- 
de moderne.  L'Eglise  doit,  en  grande  partie, 
les  plus  beaux  travaux  de  saint  Jérôme  a 
l'hospitalité  que  lui  offrit  sainte  Paula  dans 
sa  paisible  retraite  de  Palestine ,  où  elle 
institua  une  académie  chrétienne  de  dames 
romaines.  Monique  enfanta,  par  ses  prières, 
le  véritable  Augustin.  Dans  le  moyen  âge, 
sainte  Hildegarde,  sainte  Catherine  de 
Sienne,  sainte  Thérèse,  conservèrent  bien 
mieux  que  la  plupart  des  docteurs  de  leur 
temps,  la  tradition  d'une  philosophie  mys- 
tique, si  bonne  au  cœur  et  si  vivifiante  que, 
dans  notre  siècle,  })lus  d'une  flroe,  dessé- 
chée par  le  doute,  vient  se  retremper  à  celle 
source,  et  essaie  de  rentrer  dans  la  vérité 
par  l'amour. 

«  La  mission  des  femmes  est  moins,  en 
général,  d'expliquer  la  vérité  que  de  la  faire 
sentir.  Marie  ne  révéla  pas  le  Verbe  divin, 
mais  elle  l'enfanta  par  la  vertu  de  l'Esprit 
saint.  Ici  on  retrouve  encore  un  ty(>e  du 
ministère  de  la  femme  et  du  ministère  de 
l'homme,  dans  la  prédication  de  la  vérité, 
qui  n'est  que  son  annoncialion  perpétuée. 
Pour  que  la  vérité  s^emparo  de  nous,  il  faut 
d'aboixl  qu'elle  soit  révélée  à  notre  intelli- 
gence; c'est  la  fonction  particulière  de  l'hom- 
me, parce  que  la  faculté  rationnelle  prédo- 
mine en  lui.  Et  comme  la  raison  qui  éclaire 
tout  homme  venant  en  ce  monde^  est  ce  qui 
dépend  le  moins  des  diversités  intimes  qui 
constituent  chaque  individualité,  comme 
elle  est  le  lien  radical,  commun,  )iatenf,  do 
la  société  humaine,  le  ministère  de  l'hommot 
dans  renseignement  de  la  vérité,  est  un  mi- 
nistère public  qui  s'adresse  aux  masses  :  à 
lui  la  chaire,  la  prédication  dans  l'église,  la 
magistrature  de  ia  doctrine;  dans  la  feoime 
préilomine  la  puissance  affective  ou  le  sen- 
timent. Saint  Paul  semble  le  reconnaître, 
lorsque,  recommandant  à  deux  reprises  aux 
hommes  d'aimer  leurs  femmes  comme  Je 
Christ  a  aimé  son  Eglise,  il  croit  inutile  de 
faire  aux  femmes  un  précepte  analogue,  et 
se  borne  à  leur  prescrire  la  soumission  h 
leurs  maris.  Cette  prédominance  du  senti- 
ment détermine  la  mission  propre  des  fem- 
mes, lillc  a  pour  but  de  faire  passer  la  vérité 
dans  le  cœur,  de  la  convenir  en  amour.  Mais 
le  sentiment  ne  s'enseigne  pas,  il  s  insinue. 
L'amour,  dans  l'homuie,  comme  dans  Dieu 
même,  ne  natt  point  i)ar  voie  de  révélation, 
il  procède  i^ar  voie  d'inspiration  ;  et  cette 


ff3 


MAP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MAR 


!U 


iospiralion  dépend  de  ce  qu*il  y  a  de  plus 
iotimedans  Ttroe  à  qui  Ton  veut  faire  ai- 
mer la  Térité;  elle  dépend  de  ces  nuances 
kifininient  délicates,  de  ces  raille  circons- 
lances  presque  i  m  perceptibles»  de  cet  invi- 
Mble  réseau  d'émotions,  de  sourenirs,  de 
rères,  d'espérances,  gui  distinguent  tout 
rœar  de  tout  cœur.  Voilà  pourquoi  la  mis- 
»iofl  inspiratrice,  dévolue  à  la  femme,  est 
une  mission  privée.  Elle  s'accomplit  parti- 
(ulièremeot  aans  le  sanctuaire  de  la  société 
domestique ,  dans  les  conGdences  ,  dans 
Teffasiondes  flmes,  que  provoque  l'intimité 
de  b  bmille,  et  cette  autre  parenté  qu'on 
8p|iel!e  l'amitié,  et  l'infortune  qui  cherche 
lies  consolations  secrètes  comme  ses  plain- 
tes. La  prédication  de  la  femme  ne  se  pro- 
pose point  d'ébranler  la  nature  humaine, 
mais  de  saisir  chaque  individualité  dans  le 
Mf.Bleest  moins  retentissante,  sans  doute, 
mais  elle  est  plus  pénétrante.  La  grande 
toix,  qai  annonce  la  vérité  à  travers  les  siè- 
cles, se  compose  de  deux  voix  :  à  celle  de 
lliofflme  appartiennent  les  tons  éclatants  et 
majeurs;  celle  de  la  femme  s'eihale  en 
tons  mioeors,  voilés,  onctueux,  dont  le  si- 
lence ne  laisserait  à  l'autre  voix  que  la  ru- 
desse de  la  force.  De  leur  union  résulte  la 
najKtoeose et  suave  harmonie. 

«  Qne  les  téitimes  ne  se  plaignent  point 
éekurptrLSi  elles  ne  sont  pas  chargées 
dediri^les  hommes,  elles  sont  chargées 
ik  foroier  Thomine,  comme  l'a  remarqué  le 
f/atûflebrétien:  «  L'homme  moral  est  peut- 

•  étra  formé  à  dix  ans  ;  s'il  ne  l'a  pas  été 
«  sur  Jes  genoux  de  sa  mère,  ce  sera  tou- 
«joon  un  grand  malheur.  Rien  ne  peut 

*  remplacer  cette  éducation.  Si  la  mère  sur- 

•  (oot  s'est  un  un  devoir  d'imprimer  pro- 
«  foodément  sur  le  front  de  son  enfant  le 
«  seeao  divin,  on  peut  être  à  peu  près  sûr 

*  qoe  ta  main  du  vice  ne  Teuacera  jamais 

•  La  réhabilitation  des  femmes,  sous  i'in- 
floeoce  du  christianisme,  commence  parles 
^«dioDS  qu'elles  ont  à  remplir  dans  l'an- 
nMcio/ios  de  la  vérité.  Le  second  acte  de 
<H2e  rébaliilitation  consiste  dans  la  charité 
arec  laquelle  elles  s'associent ,  pour  les 
•d^Hidr,  à  toutes  les  souffrances  do  l'hu- 
cianité:  charité  gui  a  son  type  particulier 
4dos  la  Compassion  de  la  Mère  de  douleur, 
<iebontau  pied  de  la  croix  et  pleurant.  Un 
\<>*iie  chrétien ,  KIopstock,  suppose  qu'au 
usinent  de  la  mort  du  Christ,  les  âmes  d'A- 
i^m  et  d'Eve  sont  tirées  des  limbes  et  con- 
<;Qiles  sur  le  Calvaire  pour  j  contempler 
ieor  ouvrage.  Tout  n'est  pas  Gction  dans 
'ette  belle  idée.  L'homme  primitif  fut  repré- 
"eoté  sur  leCaWaire  par  saint  Jean,  l'apôtre 
'«ilur  de  la  charité,  et  [mr  là  même  le  premier 
"vi  <Ja  nouveau  genre  humain,  créé  par  le 
Oirist;Eve  t  comparut  dans  Marie.  Mais 
'^iDt  Jeao,  délaissé  par  tous  ses  compagnons 
^^piibf  porta  au  pied  de  la  croix  une  soli- 
^re  dooleor  d'homme.  11  n'en  fut  pas  ainsi 


poiu*  Marie  :  elle  y  eu  t  des  compaj^nes  qui 
mirent  en  commun  avec  elle  leurs  larmes 
compatissantes.  La  première  association  de 
charité  fut  fondée  par  des  femmes ,  sous 
l'inspiration  des  derniers  soupirs  du  Ré- 
dempteur. On  voit  ici  la  figure  prophétique 
d'un  fait  oui  s'est  produit  dans  tous  les  siè- 
cles de  l'ere  chrétienne.  Le  nombre  des 
femmes  a  toujours  surpassé  notablement 
celui  des  hommes,  dans  toutes  les  œuvres 
de  miséricorde  et  de  dévouement.  Il  sem- 
ble qu'elles  ont  recueilli  une  plus  grande 
abondance  de  compassion  avec  les  larmes 
des  saintes  femmes  du  Calvaire:  les  hom- 
mes n*ont  hérité  que  des  larmes  uniques  de 
saint  Jean.  Je  no  peux  pas  dérouler  ici  le 
tableau  qui  s'offre  à  ma  pensée  :  car  l'his- 
toire de  la  charité  est  une  grande  histoire, 
et  je  m'étonne  que  ce  soit  précisément  la 
iseule  peut-être  qu'on  ait  oublié  de  faire.  Je 
me  renfermerai  dans  une  seule  observa- 
tion. 

a  Le  catholicisme  a  produit,  avec  une 
inépuisable  fécondité,  des  congrégations  re- 
ligieuses de  femmes,  dévouées  au  soulage- 
ment de  toutes  les  misères.  Ces  sociétés  de 
sacriQce,  qui  disent  à  la  pauvreté  :  Vous  êtes 
notre  fille;  et  à  toutes  les  souffrances  :  Vous 
êtes  nos  sœursy  sont  la  postérité  spirituelle 
de  Marie.  Toutes  l'ont  pour  patronne,  toutes 
se  proposent  l'imitation  de  ses  vertus  ;  et, 
en  elTet,  leur  dévouement  absolu  n'est  pos- 
sible que  par  les  croyances  qui  servent  de 
})ase  au  culte  de  la  Vierge.  Comment,  on  iie 
saurait  trop  le  répéter,  comment  ces  admi- 
rables femmes  pourraient-elles  se  consacrer 
\  tous  les  instants,  et  sans  réserve,  \  leurs 
œuvres  do  charité!  comment  pourraient- 
elles  user  leur  vie  dans  leurs  soulTrances 
adoplives,  si,  épouses  et  mères,  elles  étaient 
tenues,  pardevoir,dese  consacrer  principa^^ 
lement  à  leurs  familles?  Mais  le  vœu  de 
virginité,  cette  charte  divine  qui  leur  garan 
tit  Ta  plus  haute  de  toutes  les  libertés,  la  li* 
berté  du  dévouement,  se  rattache  émi- 
nemment à  l'apothéose  de  la  virginité  dans 
la  mère  de  l'Uomme-Dieu.  Dans  l'hymne 
que  Ion  chante  le  vendredi  saint  autour  du 
loml)cau  du  Christ,  I^lise  dit  &  Marie  :  ^  O 
«  Vierge!  la  plus  brillante  des  vierges,  ne 
«  me  soyez  plus  amère.  »  Que  va-t-elle 
donc  lui  demander?  Quelque  grande  grAce, 
sans  doute,  puisque  sa  supplication  s'insi- 
nue par  des  louanges,  j'ai  presque  dit  par 
une  pieuse  flatterie.  Cette  grande  faveur,  la 
voici  :  Faites  f  dit-elle,  que  je  pleure  avec 
vous  (68).  Ce  mot  est  gravé  dans  le  cœur 
des  héroïnes  de  la  charité  chrétienne.  Si 
elles  sont  toujours  prêtes  à  consoler  ceux 
qui  souffrent,  c'est  qu'elles  ont  su  se  priver 
elles-m^mes  de  presque  toutes  les  consola- 
tions terrestres  ;  elles  ne  sauraient  pas  pleu- 
rer si  bien  avec  tous  les  malheureux ,  si 
elles  n'avaient  appris  à  pleurer  avec  la 
Vierge. 

«  Compagne  et  image  de  rbomtp^ 


^")  ^  Maistae,  Soiréside  Saint- Vêler ibour g. 

H  ^ vfo  virgiuttoipraeclara,  —  Milii  jaui  ma  si»  amdra|.  —  Eac  me  tecur 


il5 


MAKI 


mCTlONNAlllË  APOLOGETIQUE. 


IIAR 


m 


le  ministère  de  la  vérité,  guide  et  modèle 
de  rbomtne  dans  le  ministère  de  la  charité, 
V  ilà  la  femme  telle  qile  le  christianisme 
]'a  faite;  voilà  les  deui  bases  de  sa  glorifi- 
cation, même  terrestre.  Cat  fe  mystère 
de  V Assomption  s^opère  déjà  en  elley  à 
quelques  égards,  sur  la  terre,  et  il  suffit, 
pour  s'en  convaincre,  de  comparer  l'état 
u*ahjection,  de  captivité  physique  et  morale 
auquel  elle  était  réduite  chez  les  peuples  les 
plus  brillants,  et  aux  époques  tes  plus  re- 
nommées de  l'ancien  moncfe,  à  la  transfigu- 
ration merveilleuse  qu'elle  doit  au  chris- 
tianisme. Dans  \  Assomption  de  la  Vierge,  le 
caractère  de  son  âme  céleste  produisit  une 
transformation  dans  son  enveloppe  corpo- 
relle, oui  revêtit  les  qualités  des  corps  glo- 
rieux, Vincorniplibilité,  l'éclat,  Tagilité.  Ce 
changement  ne  s'accomplira  réellement , 
pour  les  filles  de  Marie,  qu'au  jour  de  la 
l*6surfection  ;  mars  il  commence  déjà  à  se 
réfléchir  dans  leur  condition  sociale,  qui  est 
Comme  le  corps,  Penreloppe  de  leur  vie  spi- 
rituelle. 

«  Le  christianisme  a  établi  Tincorruplibili* 
té  de  la  femme,  en  frappant  de  réprobation 
la  pensée  de  Tadullère,  J'usaçe  de  la  poly- 
gamie, qui  n'est  que  radultère  lé^al,  et 
iff  trompeuse  faculté  du  divorce,  qui  n'est 


que  la  polygamie  successive.  La  sainteté, 
\  unité ,  rindissolubilité  du  mariage ,  éfevé , 
suivant  une  expression  heureusement  vul- 
gaire, à  la  dignité  de  sacrement,  pouvaient 
seules  prévenir  efficacement  le  retour  des 
mœurs  païennes,  auxquelles  l'Eglise  oppose 
d'ailfeurs  une  foule  d  obstacles  parles  dispo- 
sitions vi{$ilantes  de  sa  législation  matrimo- 
niale, qui  out  presque  toutes  pour  objet  la 
protection  morale  de  la  femme .  D'un  autre 
cOté,  la  foi  catholique  lie,  particulièrement 
ici,  les  plus  petits  détails  de  la  morale  positive 
et  pratique  aux  idées  les  plus  élevées.  Le 
mariage  chrétien  n'est  pas  seulement  une 
image  <ie  Tunion  du  Christ  avec  son  Eglise. 
Cette  union  mystique  étant  elle- même  une 
image dePéternelle  union  des  personnes  di- 
vines, suivant  cette  parole  du  Verbe  fait 
ehatr  :  quHls  soient  un  comme  nous  sommes  un^ 
de  degré  en  degré  la  sainteté  du  mariage 
remonte  et  va  chercher  sa  source  dans  les 
splendeurs  mystérieuses  du  Saint  des  saints. 
De  là  descend  aussi  cette  auréole  de  respect 
et  d'honneur  dont  la  femme  est  entourée 
ehez  les  nations  chrétiennes ,  auréole  qui 
est  comme  une  ombre  terrestre  du  vête- 
ment de  lumière  et  de  gloire  qui  envelop- 
pa le  corps  virginal  de  Marie.  Le  troisième 
attribut  des  corps  régénérés,  Tagilité,  qui 
est  un  plus  grand  affranchissement  des  lois 
de  la  matière,  ou  la  liberté  de  se  transpor- 
ter dans  l'espace  au  gré  desdésirs  de  Tâme, 
a  son  prélude,  sur  la  terre,  dans  la  liberté 
que  les  mœurs  chrétiennes  accordent  aux 
femmes,  et  qu'elles  seules  leur  accordent; 
car  cette  liberté,  qui  nous  paraît  si  natU" 
relle,  est»  aux  yeux  des  peuples  étrangers  à 
TEvangilei  un  prodige  aussi  étonnant  que  le 
phénomène  de  la  glace  Test  pour  le$  iiabi- 
tanls  de  la  zone  torride.  ^ 


«  Les  trois  phases  de  la  réhabilitation 
des  femmes  correspotident,  d'une  manière 
encore    plus    intime,  aux    mystères    les 

!)Ius  hauts.  En  concourant,  avec  l'homme, 
i  la  propagation  de  la  vérité,  elles  sont 
unies  au  Verbe  divin,  lumière  de  toute  in- 
telligence. Elles  participent  à  l'Esprit  cod-^ 
solateur,  à  l'Esprit  d'amour,  par  la  charité 
avec  laquelle  elles  s'emparent  du  sublime 
monopole  de  toutes  les  soulfradces  à  soula** 

f^er  ;  et  le  haut  de^^ré  de  puissance  et  de 
iberté  qui  caractérise  leur  assomption  ter- 
restre, est  un  don  du  Père,  de  qui  toute 
puissance  émane  dans  le  ciel  et  sur  la  terre. 
C'est  ainsi  que  le  christianisme  forme,  avec 
les  ruines  de  l'état  primitif  brisé  par  le 
péché,  une  nouvelle  Eve;  et,  quoique  sa 
génération  radicale  ne  s'accomplisse  pas  en 
ce  monde,  il  lui  rend  déjà  quelque  chose  de 
l'Eden  évanoui. 

<r  Cette  réhabilitation,  crue  des  liens  étroits 
rattachent,  comme  nous  l'avons  vu,  au  culte 
de  la  Vierge,  fut  menacée,  dans  les  premiers 
siècles  du  christianisme,  par  ces  sectes  qui 
disputèrent  à  Marie  son  titre  de  Mère  de 
Dieu.  Un  concile  universel  s'assembla  nour 
le  lui  conserver.  Si  la  question,  agitée  alors, 
tenait,  sous  le  rapport  le  plus  fondamental, 
au  mystère  de  rincarnatioii  du  Verbe,  elle 
tenait  aussi,  sous  un  rapport  subordonné, 
au  miracle  social  de  la  condition  des  femrnos 
chrétiennes.  Le  caractère  divin,  dont  le 
christianisme  a  marqué  leur  front,  se  fût 
obscurci  le  jour  où  le  nom  de  la  Mère  de 
Dieu  eût  été  cOïicé  du  symbole  :  VEtoile  du 
matin  n'aurait  pu  s'éclipser  sans  projeter  h 
jamais  une  ombre  fatale  sur  leur  destinée, 
ff  Leur  sort  courut  de  grand  dangers  dans 
le  moyen  âge,  à  l'époque  des  croisades. 
L'Europe  armée,  qui  partait  pour  l'Asie, 
allait  y  assister  au  spectacle  des  mœurs 
musulmanes  et  de  la  religion  des  sens.  Il 
était  à  craindre  qu'elle  ne  fût  vaincue  par 
elles,  même  au  sein  de  ses  victoires.  Elle 
pouvait  en  rapporter  d'étranges  idées  et  des 
tentations  inconnues  et  menaçantes.  Ce  fut 

frécisément  à  cette  époque  que  la  dévotion 
la  Vierge  se  ranima  avec  une  nouvelle 
ferveur  ;  il  v  eut  en  cela  un  fait  clairement 
]>rovidentie1.  Le  ^rand  homme  de  ce  siècle, 
celui  dont  la  voix  tonnante  précipitait  les 
populations  vers  la  Syrie,  trouva  des  accents 
d'une  inexprimable  douceur  pour  célébnjr 
Marie,  et  des  milliers  d'Ames  répondirent  à 
la  parole  persuasive,  on  pourrait  dire  aux 
chants  mystiques  de  saint  Bernard  r  comme 
si  une  lumière  supérieure  lui  eût  révélé 
qu'au  moment  où  la  chrétienté  allait  so 
trouver  exposée  à  la  fascination  du  vieux 
serpent  oriental,  il  fallait  en  toute  hAto 
réveiller  l'enthousiasme  pour  la  Vierge 
divine  qui  l'a  terrassé,  et  opposer  à  l'impure 
séduction  la  chaste  magie  de  son  culte. 

«  Denosîjours,  il  a  été  prononcé  à  l'o- 
reille des  femmes  quelques-uns  de  ces  mots 
qu'Eve  entendit,  lorsque  Satan  lui  jura 
qu'elle  était  la  femme  libre.  On  leur  a  dit 
que  la  science  du  bien  et  du  mal  allait  enfin 
leur  être  révélée,  que  rUuitation  des  bnUca 


fl7 


UM 


DICTIONNAIRE  APOLOGETSQUe. 


MHZ 


118 


reafemuit  pear  elle  le  secret  de  se  Iransfor* 
Dier  en  dîeai.  Ou  leur  a  promis  dans  un 
Eden  folur,  une  apothéose  iufernale.  Ces 
coapables  extravagances  n'ont  pas  exercé 
Boe  grande  puissance  de  séduction.  Les 
feoiBes  ont  compris  les  premières  où  cela 
menaiL  EUes  ont  compris,  avec  cette  intel- 
ligence du  oœnr,  qui  devance  les  procédés 
moins  rapides  du  raisonnement,  que  tout 
rrogrès  nfel  n'est  (possible  que  dans  la  route 
tracée  par  le  christianisme;  que  leur  avenir , 
s'il  s'égarait  loin  de  cette  route,  ne  serait 
quuoe  marche  rétrograde ,  non  pas  seule- 
ment vers  les  mceurs  païennes ,  mais  vers 
qad]oe  chose  de  pis  ;  qu  il  n'y  a  pour  elles 
que  déception,  servitude,  chute,  hors  des 
mjstères  à  la  fois  sévères  et  doux  qui  leur 
doaoeot  llarie  pour  mère. 

c  0  Marie  I  ces  lignes  que  je  viens  d'écri- 
re le  jour  de  votre  Conception  immaculée  je 
f  oBs  les  offre,,  et  pourtant  je  vous  prie  de  me 
les  ptrdonner  I  Je  sens  que  votre  culte  ren- 
ferme des  merveilles  plus  divines  que  celles 
3[Qe  ma  plume  grossière  a  voulu  retracer, 
e  n'ai  eontemplé  que  le  côté  inférieur,  les 
effets  terrestres  de  ce  culte  ;  mais  son  côté 
sttpcème,  celui  qui  touche  aux  secrets  du 
ciel,  je  Fai  laissé  dans  l'ombre  de  mon 
i^Doniice.  O  mère  des  hommes  I  vous  êtes, 
i^uÎTiot  Qo  langage  antique  et  saint,  la  fille 
jfoéeda  Créitcur  ,  dont  le  front  se  cache 
aa-dessos  des  astres,  tandis  que  les  franges 
lie  sà  robe  sont  traînantes  sur  la  terre.  A 
npoi  dont  le  regard  est  plus   pur  que  le 
mien,  à  eux  d'interpréter  les  douze  étoiles 
t^ot  votre   tête  est  couronnée.  Mais  moi, 
oanaleor  bien  faible  de  vos  plus  humbles 
graodeors,  j  ai  seulement  essayé  de  dire 
comment  les  filles  d'Eve,  en  touchant  le  bord 
de  votre  vètemeul  mystérieux,  ressentent 
cae  éoanalion  de  ces  parfums  dont  parle 
l*£poose  dans  le  Cantique  des  cantiques. 
B'aalres  le  diront  bien  mieux  que  moi ,  car 
la  bacne  de  Sion  Fcur  sera  rendue  pour 
'[ails  le  disent»  et  le  moment  approche  où, 
U  poésie  chrétienne,  dans  la  ferveur  de  sa 
n^arrection,  racontera  de  vous  des  choses 
qoe  n'ont  point  racontées  ni  les  vitraux  de 
oof  vieilles  cathédrales,  ni  les  vierges  de 
Bafihaêl,  ni  les  accords  de  Pergolèze.  Cette 
grande  CHe  poétique  se  prépare,  et  les  ap- 
I>rèis  en  sont  visibles.  Le  paganisme,  qui 
semblait  être  éternel  dans  les  arts,  en  a  été 
dTiassé  par  le  génie.  Le  faux  jardin  des  Hes- 
fiéndes»  arec  ses  pommes  d'or,   ne  nous 
cache  plus  le  paradis  terrestre.  Nous  savons 
quelle  espérance  immortelle  était  voilée 
MMis  le  mjtbe  de  Pandore  :  et  dans  les  nua- 
gts,  où  s^nfonce  enfin  le  fabuleux  Olympe, 
00  voit  reparaître  glorieusement  les  cimes 
(hi  Calvaire  et  du  Thabor.  Donc,  6  Marie 
(•«eine  de  grâce  I  votre  place  est  prêle  ;  elle 
^  haute  et  belle  !  Comme  l'impudique  Vé- 
nus régna  sur  la  poésie  des  sens,  vous 
monterez  sur  le  trône  de  la  poésie  spiritua- 
issée.  Ble  chante^  cette  poésie,  les  mystères 
ée  la  vie  et  de  la  mort,  rantique  douleur  et 
hs  joies  futures,  et  vous  avez  le  secret  de 
«es  ch^^scs  et  de  leur  harmonie  inliraei  ô 


Mère  de  douleur  et  de  bénédiction  I  L'en- 
cens est  pur,  el  belles  sont  les  Oeurs  que  la 
main  des  vierges  eflCeuille  sur  le  pavé  de 
vos  chapelles;  mais  Irvoix  de  toute  l'âme, 
mais  la  sainte  |x>ésie  qui  se  sent  à  l'étroit 
sur  cette  terre,  qui  a  le  pressentiment  d'un 
monde  plus  beau,  qui  veut  respirer  l'infini, 
qui  renferme  au  fond  de  tous  ces  chants  une- 

{irière  cachée,  monte  plus  haut  que  le  |iar- 
um  des  fleurs  et  l'encens.  Elle  arrive  jus- 
que-là où  vous  êtes,  là  d'où  vous  voyez 
sous  vos  pieds  les  étoiles  germer,  comme 
des  fleurs  de  lumière^  dans  les  champs  illi- 
mités de  Tespace,  et  la  création  se  balancer 
comme  un  encensoir  étemel,  b  Pb.  Gerbict, 
Mquê  de  Perpignan. 

MARIE  (Gomment  a  mérité).  Fey.  Li- 
hbsté. 

HARMONTEL,  cité  sur  Jésus-Christ.  Voy. 
Jésus-Chbist.  —  Bel  hommage  qu'il  rend  à 
la  divinité  de  Jésus-Christ,  roy.  MrmisMc, 

HARTIUS ,  cité  sur  les  peuples  indigè- 
nes de  l'Amérique.  Voy.  Races  ntHAiif bs. 
J  VIII. 

MARTYRS,  inscriptions  qui  en  prouvent 
le  grand  nombre.  Voy.  WonvuKwrs  corfa- 

MANT  LES  BÉCITS  DE  LA  BiBLE,  |  VI. 

MASSACRE  DES  INNOCENTS^^  difficultés 
etsolutions.  Fov.Naissaiicbdb  JAsus^hbist, 
ilL 

MASSE  GAZEUSE,  germe  des  mondes. 
Yoy,  CosMOooiiiB. 

MATÉRIALISME,  sokition  qu'il  donne  à 
la  question  de  lorigi  ne  du  mal.  Voy.  Chute, 
i  IL  —  Voy.  aussi  les  art.  Hobiie  et  Amb,  où 
il  est  réfuté,  ainsi  qu'au  mot  Pahthêisme, 

MATHÉMATIQUES,  propositions  démon- 
trées el  qui  paraissent  absurdes  ;  pourquoi 
dans  la  religion  n'y  aurait-îl  pas  des  mys- 
tères 7  Voy.  ElchaVistie  |  I. 

MATHIEU  (Sa»t),  l'évan^éliste  ;  difTi- 
cultés  au  sujet  des  deux  premiers  cbap.  de 
son  Evansile.  Voy.  note  V,  à  la  fin  du  vol.— 
Examen  des  difficultés  que  présente  le  récit 
des  circonstances  qui  accompagnèrent  la 
naissance  de  Jésus -Christ.  Voy.  Naissasice 
DE  Jésus-Chbist. 

MATIÈRE.  Voy.  Cbéatiox,  §  H— Y  a-t-il 
en  elle  un  travail  progressif  qui  expliaue 
le  principe  pensant  dans  l'homme?  Voy. 
Ame. — Son  essence.  Voy.  Mordb. — Est-elle 
î  ucapable  de  con  naître  ?  ifrid.— Est-elle  éter-  - 
nellet  Voy.  GEBàsE  m at^ialhtb. 

MAUPIED  (M.  l'abbêJ  ;  son  interprétation 
du  texte  de  la  Geniee  relatif  à  l'universalité 
du  déluge.  Voy.  note  I,  à  la  (ui  du  vol. 

MAURY  fM.  Alfbed],  communications 
divines  traitées  par  lui  d'hallucinations.  Voy. 
lfALLcci5ATio?i.  —  Compsrc  la  foi  des  mar- 
tyrs àcelledes  sorciers  suppliciés.  Foy.ibid. 
—  Ce  qu'il  dit  des  possessions.  /6f  d. 

MAYA,  déesse  de  l'illusion  chez  les  lu- 
drens.  Voy.  Itidia^isme,  %  V. 

MAZDECHIANITES,  secte  de  la  Perse. 

Voy.  ACROAMATIQUE. 

MAZDÉISME.  —  U  existe  qucl<L«e  parl^ 


119 


HAZ 


DICTIONNAIllE  APOLOGETIQUE. 


HAZ 


m 


sous  le^  titre  d'Encyclopédie  nouvelle  (60)« 
une  Babel  inachevéct  dans  laquelle  on  cons- 
tate un  fait  important  et  curieux;  c^est  qu'il 
règne  entre  les  théories  de  ses  deux  direc- 
teurs lin  étrange  désaccord.  M.  Pierre  Le- 
roux, fidèle  disciple  de  H.  Cousin»  peut-être 
sans  s*eD  apercevoir,  attribue  Tongine  des 
religions  à  cette  inspiration  perpétuelle  de 
l'humanité,  qui  lui  révèle  partout  les  mêmes 
symboles  et  les  mê  i  es  théories  (70).  Cest  là 
le  point  de  départ  de  Lessing,  de  Schelling, 
de  Schleiermacher  et  de  Hegel.  Les  hommes 
sont  peu  dans  un  pareil  système;  l'humanité 
n'a  guère  plus  besoin  de  messies  et  de  pro- 
phètes. M.  Je«n  Reynaud  est  loin  de  penser 
ainsi  :  le  genre  humain  est  une  race  routi* 
nière  qui  s'attache,  par  une  impulsion  irré- 
sistible, à  la  trace  de  quelques  grands  esprits 
qui  l'éblouissent  et  la  dominent.  Deux  hom- 
mes peut-être,  Vyàsa  et  Zoroastre,  ont  im- 
primé è  l'humanité  ce  mouvement  religieux 
3ue  Quelques  génies  supérieurs  ont  continué 
e  siècle  en  siècle.  Zoroastre,  Moïse  et  Jésus- 
Christ  sont  les  bril  lants  anneaux  d'une  chaîne 
d'or  qui  se  continue  à  travers  les  siècles,  et 
qui  dèaceBd  du  ciel  (71).  Mais  le  Christ  (H  le 
prophète  du  Sinaï  n'ont  pourtant  pas  modifié 
profondémelit  la  tradition  du  matlre;  ils 
n'ont  faH  que  la  continuer  et  l'approprier 
aux  besoins  de  leur  temps.  L'idée  de  Dieu 
ne  vient  plus,  comme  H.  Kdgar  Quinet  l'en- 
seignait récemment,  des  vents  et  du  soleil. 
Ce  n*est  plus  l'immensité  majestueuse  des 
océans,  les  arides  et  mornes  solitudes  des 
«Léserts,  les  savanes  aux  larges  horizons,  qui 

(G9)  Voy.  Cf^cfCUH^Mc  2IO0VCLLC  dans  ce  Dlcthn- 
natre. 
(70)  Cfr  Covsm,  Introduction  h  VHiiî.  de  la  phi- 

(7!)  I  Comme  on  le  reconnaît  en  comparant  la 
doetriiie  chiéiienne  \k  la  doctrine  pliarlaaîqiie,  Jésus, 
sur  plusieurs  points  capiiaui ,  s*était  rapproché  du 
mazdéisme,  plus  qn*on  ue  Tavait  encore  rait  en  Ju- 
dée. De  sorte  que,  grikce  à  lui,  en  mètne  temps  qne 
les  précédentes  fécondations  de  Tespril  de  Moïse  par 
«re!ui  de  Zoroastre  étaient  légiiimééi  pour  les  fidè- 
les, il  s*en  faisait  encore  de  toutes  nouvelles.  Sous 
te  pns-ige  de  sa  personne,  changée  en  un  type  divin 
crbumauiié,  la  partit  la  plus  pure  Je  la  religion  an- 
tique de  TAriane,  rvvctue  par  son  alliance  avec 
Moïse  d*un  pins  haut  degté  de  terlu-,  alkit  se  ré- 
pandre glorieusement  sur  fOecident,  eiTenlever  en 
quelques  siècles  au  col  e  piiéiil  et  dégénéré  de  Ju- 
piter... Noos^ne  nous  trompions  donc  pas  en  disant 
que  le  nytite  par  leqMl  les  chrétiens  se  fleurent  \t» 
Mages  se  réjouissant  de  la  naissance  du  Messie  de 
Betbiéem ,  et  se  prestemani  devant  lui.  caehait  un 
sens  vrai  et  profond;  et  nous  avions  également  le 
droit  de  prétendre  que  la  nûssion^  de  Jésus,  rappor- 
tée &  riiîstolre  totale  du  genre  humain,  représentai! 
simplement  un  terme,  à  Ta  vérité  le  plus  considéra- 
ble, de  la  propagation  et  du  développement  de  la 
tradition  de  Zoroastre.  i  (J.  Reykj^ud,  EncytL  nonv., 
art.  Zoroaêtre^  p.  796.) 

(7i)  Cfr  Ëdgard  Quimkt,  Le  géndtdeê  reiigkmê. 

(73)  M.  A.  llfynaiMl- lui-même  cemprend  si  bien  le 
peu  de  valeur  de  Kopimoo  qui.  aaribve  une  haute  an- 
li^uiiéà  Zoroastre  quil  n'en  parle  qu'avec  mie  cer- 
taine hésilatien.  i  Ne  vouI6t-ou,  dit-il,  regarder  que 
comme  une  détermination  purement  arbitraire,  vu 
Tabsenee  de  preuves  positives,  la  date  du  sixième 
nUléBaire  avant  notre  ère>. que  celte  donnée  mériie- 


révèlent  h  ITiomme  tous  les  mystères  de  l'in- 
Tini  (72).  La  nature,  comme  Thumanité,  s'ef- 
face devant  la  puissance  du  génie.  La  voix 
des  révélateurs  s*est  fait  entendre  sur  les 
sommets  des  montagnes  sacrées,  et  les  peu* 

Eles  se  sont  inclinés  dans  la  poussière»  trem- 
lants  et  respectueux. 

§ï. 

Examea  critique  de  Topinion  de  M.  J.  Beynaud  sur  Ta»- 
tiqalté  de  Zoroastre.  —  Est  rcjelée  par  les  orienla- 
lislesles  plus  Illustres.  —  Zoroastre  est  du  \f  slèd» 
avant  Jésoa-Christ.  —  ▲urait  été  disciple  d^un  pfophèt* 
hébreux. 

Malheureusement  toute  cette  brillante  phi- 
losophie do  l'histoire  repose  sur  la  plus  vain» 
et  la  plus  fragile  de  toutes  les  suppositions. 
Reculer  la  vie  et  les  institutions  de  Zoroastre 
jusque  dans  les  profondeurs  ténébreuses  de 
la  plus  haute  antiquitéi  c'est  là  une  opinion 
contraire  à  toutes  les  données  de  la  science 
la  plus  sérieuse  et  la  plus  positive  (73).  Je 
ne  ra'élonne  donc  pas  si  les  preuves  mises 
en  avant  par  H.  Jean  Reynaua  sont  d'une  si 
mince  valeur.  Aristole  est,  de  son  aveu,  très- 
obscur  sur  ce  point.  Quant  è  Pline  et  è  Plu- 
tarque»  ce  sont  deux  écrivains  si  crédules  et 
si  amis  du  merveilleux,  qu'on  est  surpris  do 
les  voir  mis  en  avant  dans  une  question  si 
grave,  il  ne  cite  qu'un  seul  nom  véritable- 
ment imposant  :  c'est  celui  de  Platon  (74). 
Mais  qu'est-ce  qu'une  autorité,  quand  il  s'a- 
git d'établir  un  système  aussi  opposé  h  toutes 
les  traditions  de  l'Asie  occidentale?  Rhode 
est  l'inventeur  de  cette  théorie  nouvelle  à 
tous  égardst  ot  qui  parait  d'al^ord  séduisante, 

ralt  eependam  d'être  recneillie  silienilvement  par  I» 
Âcienee,  comme  donnant  une  expression  générale  du 
Fentiment  des  anciens  à  cet  ë^ard.  Il  est  certain  que 
sur  les  informations  qu*il8  eut  reçues  de  TOrieni, 
alors  encore  digne  de  foi  dans  ses  récits  sur  lui-mê- 
me, ils  ont  constamment  considéré  Zoroastre  com- 
me dominant  du  haut  des  siècles  toutes  les  choses 
humaines.  Ils  semblent  s*ètre  accordés  à  reconnat- 
tre  dans  ce  législateur  le  prince  de  tous  les  autres, 
l's  ToBt  conçu  comme  anté.  îiur  aux  Hébreux,  anté- 
rieur aux  Egyptiens,  antérieur  même  aux  Brahmanes. 
Ce  qui  me  frappe  donc  dansceue  date,  c'est  moins  son 
exagération  que  sa  modestie,  et  cette  modestie,  si 
remarquable  en  comparaison  des  hyperboles  des  au- 
tres chronologies  orientales,  me  paiait  une  raison 
qui  s'ajoute  à  l'autorité  de  ceux  qui  nous  l'ont  irans- 
ni4>e  pour  lui  valoir  du  respect.  »  (  Zoroasire ,  p. 
783.) 

(74)  il  cite  bien  encore  quelques  écrivains,  mais 
dont  il  est  impossible  d'apprécier  l'autorité,  comtMe 
llermodore,  Hermippe,  Xaiithus,  etc.  il  est  étonnant 
que  M.  Jean  Reynaud  ait  suivi  avre  une  si  aveugle 
confiance  les  fcnseignMnentsdes  Grées  aur  l'histoire 
religitfuse  de  la  Perse,  i  Les  sonrces  grecqu<>s,  en 
tout  ce  qu'elles  offrent  de  contemporain,  dit  M.  Oii, 
méritent  le  plus  de  conOance  ;  mais  souvent  les  au- 
teurs grecs  rap|)Orteiit  des  traditi«.ns  sur  les  ^riodes 
antérieures,  et  à  celtes-ci,  sans  doute,  on  doit  préfé- 
rer les  sources  originales.  On  sait  quel  accord  ré^ne 
entre  Xénopbon  et  HérodoCe  sur  l'histoire  de  Ke- 
Kuroas  (Cyrss).  L'histoire  de  ses  successeurs ,  qui 
no«s  aété  donnée  par  des  historiens  g^ecs,  est  sou- 
vent contredite  par  la  tradition  orteniaie.  >  Mais  o» 
comprend  pourquoi  M.  Jean  Reynaud  a  laissé  cons- 
tamment dans  l'ombre  la  tradition  des  Perses,  c'est 
quelle  renverse  compléiciucnt  teuti»  ses  présuppo- 
si  lions. 


m 


VAZ 


DKTIONNAiRE  APOIX)Gi!:TIQl]E. 


UAZ 


93 


wmb  qui  me  résisie  pas  à  un  examem  impar* 
liai  (75).  H.  Gaiçniauty  après  avoir  si  dure- 
ment earactérisé  rhypolbese  que  nous  allons 
oombattre,  complète  ainsi  sa  pensée  sur  ce 
sajel  :  «  En  se  prenant  de  passion  pour  les 
antiques  écrits  qui  portent  le  nom  de  Zo- 
roastre,  d  lewr  sacrifiani  ioute  aiUre  source 
ifmsirmeiwm^  alors  même  que,  par  une  cri- 
tique des  livres  zends  plus  sévère  qu'on  ne 
Tavait  laite  jusqu*ici,  ils  y  reconnaissent, 
^all^  le  Vendidra,  un  certain  nombre  de 
fragments  d*époques  très-;lifférentes,  on  a 
essayé  de  retracer,  d*après  le  Zendavesta 
seulement,  tout  le  système  religieux  et  litur- 
|âqoe  des  Perses,  que,  par  une  bizarre  in- 
cooséquenc»  ou  combinaison,  si  l'on  vent, 
00  reparte  ensuite  aux  âges  primitifs  (76).  » 

Le  traducteur  de  Creuzer  dit  encore  ail- 
leurs :  «  Rbode  a  émis  une  by |K)thèse  loti/  à 
fni  extruordinaire  en  rejetant  non-seule- 
ment Hom,  mais  Zoroastre,  au  delà  des  limi- 
tes de  rhistoire  et  bien  atant  Moïse  (77).  i» 

Si  11.  Jean  Rejrnaud  n'avait  pas  suivi  avec 
une  aveo^  docilité  les  théories  de  Rhode, 
il  se  serait  bien  vite  aperçu  qu'il  était  im- 
possible de  prendre  les  traditions  persanes 
poor  point  aie  départ  des  opinions  religieu- 
ses de  l'Asie  occidentale  ;  il  était  plus  simple 
de  dicrdier  dans  la  reli^on  mosaïque  et 
primitive  les  véritables  origines  du  dogme 
vhréûeo.  Es  effet,  qu'y  a-l-il  de  plus  confus 
^uefliisfoire  religieuse  de  la  Perse?  Y  a-t-il 
an  poÎBt  sor  lequel  on  ait  plus  discuté  que 
5iir  la  date  précise  de  la  prédication  de  Zo- 
roastre ?  L'alibé  Foueher,  Tychseo  et  Hoeren, 
le  font  vivre  avant  Cyrus.  Quelques-uns, 
comme  Zo^a,  le  confondent  avec  Hom,  qui 

(î3)  Ce  «•m  les  propres  expressions  de  N.  Gui- 
fvnel,  Bolc  iV  du  livre  il,  les  Rtii^ons  de  Canli- 
fui^,dcC«crzcs.  M.  Guignianl,  d*après  Zoéga  et 
friqaw  aatres,  admet  plusieurs  Zoroastres,  dont 
le  dcrmer  Mnrail  vécu  su  temps  de  Darius  flyslas- 
pes.  c  O  dentier,  dit -il,  est  le  seul  itont  semlilent 
parir  les  livres  des  Parses,  le  seul  historique;  les 
hmK  que  des  mnbes ,  ou  niéme  de  purs 
1  Cette  bvpoitiiipse  s'accorde  avec  l^opi- 
CVst  pcQr«|ooi  ions  les  orientalistes 
b  venue  de  Zoroastre  vers  la  fln  da  vi*  sié- 
cfeavMl  BOlre  ère,  ei  identifient  GusUsp  avec  Da- 
iluftft  ils  d*Hysiaspes« 

(7S)  Clir  CoicsiAeT,  ibid.  —  Les  remarques  que 
fiii  fiuitr  M  Guif^niaut  sur  tes  opinions  de  Rbode 
f— picicrt  l^nalogte  de  ce  système  et  de  celui  de 
H.  J.  BejBaad ,  puisque  ce  dernier  admet,  comme 
réeriraiB  allemaiid,  une  certaine  itlentiié  primitive 
cube  b  dacuine  d«i  llaces  et  celle  de  Tliide. 

(77)  M.  P^risotpmle  aussi  da  système  de  RliAile 

i  m.  J.  Uejnamà  a  reproduit  en  Texagérant  •  ■- 


corc.  f  Rhodê,  dil-il,  »ém9  eulre  prenne  que  la  coîii- 
ôdeMa  s^avtnl  frappante  des  doctrines  du  Zend- 
Avesta  avec  celles  da  BrahuiaismCt  élève  tout  à  coup 
et  le  législairnr  et  le  livre  qu'il  a  écrit  à  une  hauteur 
#aaii»|uilé  à  laqveite  on  ns  pourrait  rien  comparer.  • 
Cir.  FAunoT.  art.  Zorooêtre^  dans  U  Biogr.  Kittv.  de 
l^■>fc^|^ — Volney.  qui  donne  une  date  assez  reculée 
au  Ime  4e  Zoroaslie ,  est  ainsi  ju^é  par  le  savant 
ir  :  «  Le  sma  que  Voloey  a  mis  k  comparer  et 
léler  les  unes  par  les  autres  les  diverses  tra- 
me  ie  f  réserve  pas  non  plus  i'inierpritalion* 
;.»  —  Parisot,  art.  Zoroastre^  dans  la  Bto- 

^^ mûveruUe;  —  Cfr  Rbode,  l^s  degmee  ei 

Umiltsytiime  religieux  des  anciens  BttctritnSf  Mè- 


joue  un  si  grand  rôle  dans  les  livres  zends. 
Volney  le  recule  jusqu  au  temps  de  Ninns. 
D*aulres  savants,  afin  de  concilier  avec  Kopi- 
nion  de  quelques  écrivains  grecs  la  tradition 
des  Orientaux,  sumiosent  qu'il  y  a  eu  plu- 
sieurs Zoroastre,  aônt  le  dernier,  qui  a  écrit 
les  livres  zends,  vivait  sous  le  règne  de  Ke- 
Kustasp,  ou  Danus,  fils  d'Hyslaspe,  de  la 
dynastie  des  Achéménides.  H.  uuignicut 
fait  remarquer  qu'il  pourrait  y  avoir  en  effet, 
chez  les  anciens  Perses,  une  série  de  révé- 
lateurs, comme  il  y  a  plusieurs  Bouddha 
dans  rinde  (78).  Enfin,  rhypolhèse  la  plus 
commune,  et  qui  compte  en  sa  faveur  les 
hommes  qui  ont  le  plus  étudié  les  traditions 
persanes,  place  Zoroastre  à  la  fin  du  vr  siè- 
cle avant  l'ère  vulgaire.  C'est  ce  qu'ont  en- 
seigné Hyde,  Anquetil-Duper«*on,  Kleuker, 
Herder,  Parisot,  de  Muller,  Malcolm  et  de 
Hammer  (79). 

Ainsi,  tout  le  svstème  de  M.  Jean  Reynaud 
tombe  en  poussière.  Zoroastre,  au  lieu  d'a- 
voir servi  de  modèle  à  Moïse,  aura  dû  trou- 
ver, avant  de  commencer  ses  prédications, 
des  disciples  du  législateur  hébreu  répandus 
dans  toute  l'Asie  occidentale.  M.  Guigniaut 
ne  nie  pas  la  possibilité  de  ces  rapports  avec 
les  tribus  d'Israël.  «  On  parie,  dit-il,  de  ses 
communications  avec  les  Chaldéens  de  Ba- 
bylonc  et  avec  les  docteurs  hébreux  répan- 
dus alors  dans  toutes  les  grandes  villes  de 
l'empire  (80).  »  «  On  le  voit,  dit  encore 
M.  Parisot,  au  sein  de  la  populeuse  et  sa- 
vante Babylone,  observatoire  perfiétuel  des 
Chaldéens,  asile  des  sages  de  la  Judée  et  des 
pèlerinages  scientifiques  de  Py  Ihagore  (81j.  » 
11  se  trouve  donc,  en  dernière  analyse»  qu  un 

des  et  Perses^  ou  des  peuples  zends. 

(78)  Cfr  Eugène  Bi;b!iocf  ,  lulroduetion  à  Vhii- 
toire  du  bouddhisme  indien, 

(79)  c  Cette  opinion,  dit  H.  Parisot,  est celled^une 
foute  d^orieulatisles,  dbisumeus  et  de  philologues 
illustres.— Nous  ne  reproduirons  pas  ici  les  raisons 
qui  militent  eu  faveur  de  cette  hypothèse;  nous 
nous  contentons  d*en  citer  une  tirée  de  la  tradition 
grecque,  si  mal  i  propos  opposée  par  notre  adver- 
saire à  la  tradition  nationale  de^  Perses.  Hérodote, 
qui  se  tait  si  complètement  sur  Zoroastre,  dit  fur- 
mellemeai  que  les  Perses,  adorateurs  des  éléments 
et  des  astres,  ne  leur  élevaient  ni  temples,  ni  monu- 
ments, ni  simulacres.»  —  H.  Parisot  fait  obseiver 
ici  qu*oB  est  trés-surprisde  voir  que,  dans  un  temps 
où  Ton  suppose  la  Perse  gouvernée  par  les  idées  de 
Zoroastre,  on  n'eût  pas  éle? é  de  temples  ou  atéch- 
gabs.  il  faudrait  alors  adnieure  que  cette  prescrip- 
tion étant  une  conséquence  nécessaire  de  la  loi  de 
Zoroastre ,  les  Perses  auraient  renoncé  à  une  des^ 
habitudes  les  plus  essentielles  de  ce  culte,  il  ajoute  : 
f  De  même,  si  Zoroastre,  si  ce  pliilosopbe,  illustre 
dans  tout  TOrient,  avait  vécu  bien  longtemps  a^anl 
lui,  comment  son  ne  m  aurait-il  été  omis  dans  ce  re- 
cueil si  exact  des  traditions  alors  .en  vogue  dans 
rOi  ient?  Tout  s'explique,  si  Pou  fait  de  Zoroastre 
un  contemporain  dllérodole.  »  (IhidJ) 

(80)  arGuiGsiuvT,  note  III.  li».  n  de  Grenier.  — 
M.  Charma,  Essai  sur  la  philosaphu  arienialf»  n'ac- 
cepte pus  cette  opinion. — Cfr  CuAauA,  Essai  S^  B.— 
Cependant  ce  savant  Raccorde  avee  nous  sur  te  temps 
de  la  prédication  de  Zoroastie.  —  Cfr  Ghabua,  iM., 
4i7. 

(81)  Cfr  Pàkisot,  art.  Zoroatiré,  dans  la  BiiSfa- 


«3 


M\Z 


DICTlONNÂinE  APOLOGETIQUE. 


MAZ 


iU^ 


sjstëiiie  qu'on  prétend  avoir  établi  le  chris* 
tianisme  pnr  l'intermédiaire  des  Hébreu i 
(32),  a  reçu  très-probablement,  des  docteurs 
captifs  de  la  synagogue,  les  inspirations  qui 
lui  ont  assuré  une  incontestable  supériorité 
sur  les  religions  de  l'Asie  occidentale? 

il  paraît  aue  la  pauvreté  des  parents  de 
Znro'istre  I  obligeant  à  se  créer  des  res- 
sources pour  subsister,  il  fut,  dans  sa  pre- 
mière jeunesse  ,  esclave  d'un  propnète 
Israélite.  C'était  Daniel,  selon  les  uns;  Ezé- 
chiel,  selon  les  autres.  Le  docteur  Hyde 
croit  avec  Abu-Mohammed  que  c'était  Es* 
dras  (83).  L'historien  anglais  attribue  à  cette 
domesticité  toutes  les  grandes  choses  qu'a 
faites  ensuite  Zoroastre.  Selon  lui,  il  se  sentit 
aiguillonné  par  les  miracles  de  son  mattre  ; 
et  appuyé  sur  l'activité  de  son  esprit,  la 
force  de  son  îmaKination,  sa  hardiesse  et  sa 
confiance  naturelles,  il  essaya  de  les  imiter 
par  une  adresse  étudiée.  Medjidi,  écrivain 
niahométan,  parle  aussi  des  connaissances 
de  Zoroastre  dans  l'art  des  prestiges,  et  des 
secours  qu*il  en  tira  pour  étonner  le  peuple 
par  de  prétendus  miracles.  Il  ne  borne  pas 
là  cependant  le  mérite  de  cet  imposteur  cé- 
lèbre, il  annonce  que  sa  mémoire  embras- 
sait les  sciences  les  plus  rares  et  les  plus 
étendues  (Si),  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est 

3ue  le  législateur  de  la  Perse  s'instruisit 
es  lois,  de  la  doctrine  et  des  usages  reli- 
gieux que  Moïse  avait  donnés  aux  Israélites. 
Le  sacerdoce  renfermé  dans  une  seule  tribu, 
la  dtme  accordée  aux  ministres  des  autels,  la 
distinction  des  animaux  purs  et  des  animaux 
impurs,  les  ablutions  fréquentes,  les  moyens 
de  se  çarantirde  toutes  sortes  de  souillures, 
la  manière  donton  lescontractait,  milleautres 
conformités  qui  ne  sont  pas  moins  frappantes, 
ont  passé  des  livres  des  Juifs  dans  ceux  de 
Zoroastre,  ou  de  ses  disciples.  On  a  même 
prétendu  (85)  que  celui-ci,  parfaitement 
instruit  de  l'histoire  des  Hébreux,  de  leur 
culte,  et  des  promesses  qui  leur  avaient  été 
faites,  que  Dieu  susciterait  parmi  eux  un 
lioniuie  auquel  ils  devraient,  ainsi  qu'à 
Moïse,  donner  leur  foi  et  soumettre  leur 
conduite,  annonça  qu'il  était  cet  envoyé  du 
ciel,  et  voulut  usurper  l'hommage  que  pro- 
mettait un  titre  si  sacré. 

Il  ne  l'aurait  pas  aisément  persuadé  dans 
la  terre  d'Israël,  s'il  est  vrai,  comme  le  di- 
sent les  écrivains  mahométans,  qu'il  fut 
chassé  de  la  maison  de  son  prophète.  Abu- 
Mohamniedy  Bundari,  Medjidi  l'annoncent 
d'une  manière  précise  ;  mais  ils  ne  sont  pas 
d'accord  sur  la  c^use  qui  fit  renvoyer  Zo- 
roastre. Le  premier  iren  assigne  d'autre, 
c|ue  de  s'être  trouvé  d'un  avis  contraire  à  son 
mattre.  Medjidi  ne  s'explique  pas  clairement, 
et  Bundari  veut  que  ce  fut  pour  avoir  tromjfé 

phie  unifteneite.  —  J.  Retmaiid,  arC  Zoroastre^  En- 
cycL  Roiiv.,  796. 

(82)  Ce  toiit  surfont  les  Pharisieot  qifl  ont  ainsi 
préparé  TEvangilo.  M.  P.  Leroux  faisait  jouer  le  mé- 
mo rôle  aoi  ËMéniens.  Il  est  curieux  de  voir  com- 
me nos  adversaires  sont  d'accord  ! 

(85)  Mém.  de  VÀcad.,  l.  XXVII.— Hïoe.  cli.  14.— 
raiDKàvx,  I.  II.-  -D'uEiiBKi.OT,  BtbL  ur.,giu  mot  Zcr- 


bassement  celui  dont  il  était  Tesclave  (86). 
iZoroiUlre^  Confuciut  et  Mahomet^  etc.,  par 
Db  Pastoret,  Mém.  de  rAcad.  des  inscript, 
et  belles-leitres.) 

§1T. 

Le  Christ  el  tes  ApdU'es  ont-Us  puisé  dans  les  doctriiM^ 
da  roaidéisme.  —  Le  Verbe  est-il  un  Ferver,  un* 
Hanover,  le  Hom,  etc.;  embarras  et  eootradiciions.  — 
Mithra  est-il  le  Saint-Esprit.  —  TradiUon  priiaiUv» 
oMiservde  parmi  les  Hèdes  et  les  Perses.  —  Infliieoce 
des  Juils  sur  les  mages  reconnue  par  M.  Salvador. 

Cependant  il  resterait  encore  une  res- 
source à  nos  adversaires.  La  publication  des> 
livres  zends  étant  certainement  antérieure 
à  la  rédaction  de  nos  saints  Evangiles,  ifs 
pourraient  supposer,  puisque  nous  refusons 
d'admettre  l'influence  des  doctrines  maz- 
déennes  sur  la  religion  des  Juifs,  C|ue  le 
Christ  et  les  apôtres  auraient  puisé  directe- 
ment dans  les  croyances  du  mazdéisme  leurs 
inspirations  les  plus  pures  el  les  plus  éle- 
vées. H.  Jean  Reynaud  a  en  effet  suivi  celto 
marche  dans  la  seconde  partie  de  son  im- 
mense dissertation.  Il  ne  se  contente  pas 
d'établir  que  plusieurs  opinions  des  mages 
sont  entrées  dans  le  christianisme  par  1  jil- 
fluence  de  la  synagogue,  il  admet  encore 

3ue  le  Christ  lui-même  s'est  inspiré  de  la 
octrine  révélée  naguère  sur  les  sommets 
de  l'Albordj  (87j.  Le  directeur  de  V Encyclo- 
pédie nouvelle  n  en  reste  pas  à  des  assertions 
générales;  les  dogmes  du  Verbe  et  du  Saint- 
Esprit  lui  paraissent  des  emprunts  évidents 
faits  par  le  christianisme  aux  idées  maz- 
déennes  (88).  Ainsi»  pendant  que  M.  Pierre 
Leroux, directeur  de\  Encyclopédie  nouvelle^ 
envoie  les  chrétiens  chercher  leurs  doctrir 
nés  dans  les  écoles  de  l'Egypte  et  de  la 
Grèce,  son  collègue  émet  dans  le  même  ou- 
vrage, mais,  il  est  vrai,  dans  un  autre  to- 
lume,  une  hypothèse  tout  à  fait  opposée  à 
la  sienne  1 

il  n'est  pas  clair,  tant  s'en  faut,  que  la 
théologie  du  Verbe  existe  dans  les  livres 
zends.  Nous  souhaiterions  h  M.  Jean  Rey- 
naud plus  d'originalilé.  Il  n  a  fait  que  répé- 
ter quelques  insinuations  cachées  obscuré- 
ment dans  les  notes  de  la  traduction  des  Re^ 
ligions  de  Vantiquité^  par  M.  Guigniaut  (89). 

Quelques-uns  ont  cru  voir  la  doctrine  du 
Verbe  dans  le  Ferver  d'Ormuzd  ;  mais  cette 
opinion  est  véritablement  inadmissible,  si 
l'on  se  fait  une  idée  bien  exacte  du  rôle  que 
jouent  les  Fervers  dans  la  mythologie  maz- 
déenne.  «  Ce  sont,  dit  M.  Ott,  des  êtres  spi- 
rituels et  particuliers,  qui  se  préseoieut 
tantôt  comme  prototypes  de  tous  les  êtres, 
tantôt  comme  génies  protecteurs  et  bienfai- 
sants, tantôt  comme  laisant  partie  de  l'âm^ 
humaine  elle-même  et  comme  formant  la 
base  des  êtres  spirituels  (90).  »  Avec  quelle 


daseht, 

(M) 

m 

(87) 

<?!> 

(89) 
(90) 


IItde,  cb.  21. 

Hyde,  ch.  i4. 

Htdk,  ibid. — D^IÎERBBtOT,  aa  mot  xerdascht. 

Cfr  J.  Reynaud,  art.  Zoroastre^  8f  7  ei  799* 

Crr  J.  Reynaud,  art  Zoroastre^  805,  8(K>. 

Cfr  CREUZER-fH'IGNIAUT,  IIOlCS  (lu  lïV.  If. 


II 
J 


lis 


MAZ 


DICTIONrUlRE  APOLOGETIQUE. 


MAZ 


126 


sorprise  n'aTons-ooos  pas  tu  Creuzer  recon- 
tiatire  daos  uû  de  ces  êtres,  qui  ressemblent 
Tagoemeiit  aux  «nges  gardiens  du  catholi- 
cisme, le  Verbe  étemel  consubstantiel  au 
Pèrel  ■  Onniizd,  dît-il,  a  son  Ferver,  parce 
que  rBlemel  se  contemple  dans  le  Verbe 
toat-poûsaot,  et  cette  image  de  TStre  inef- 
fable est  le  Ferrer  d*Omiuzd  (91).  »  Ailleurs 
le  proTcsseor  allemand,  oubliant  tout  d*un 
eoQpeette  insoutenable  théorie,  transforme 
raoaorer,  ou  la  prière  primitive,  révélée 
par  Onnuid  i  Tongine  des  temps,  en  Verbe 
dîna,  eomme  il  l'avait  fait  pour  le  Ferver 
da  priiid|ie  lumineui  (93)  1 

Oa  conçoit  que  la  doctrine  de  FHonover 
ait  donné  Meu  aux  supnositions  les  pins 
arbilnîres,  parce  qu'il  n  y  a  pas  peut-être, 
dais  les  lÎTres  zeods,  une  théorie  plus  con- 
tradictoire et  plus  remplie  d'embarras.  Dans 
Oeozefp  c'est  Unt6t  la  définition  de  Dieu, 
le  fai  créaiftur,  la  volonté  éternelle  et  pure. 
Le  nonde  est  encore  présenté  lui-même 
coame  le  Verbe  d*Ormuzd  (93).  Dans  un 
a«lrepas5a£e,c*est  la  loi  qui  est  le  Verbe  (9i). 
H  le  considère  encore  comme  un  esprit  de 
lamiète  el  de  vie  qui  anime  toute  chose. 
Baas  lin  second  degré,  il  devient  un  végétal 
^ppdê  Hom,  arbre  salutaire,  qui  donne  une 
vie  mmôUeiise ;  enfin,  diins  un  troisième 
dcif^ré,  il  devient  le  premier  fondateur  du 
aaaidéisflie,  le  grand  Hom,  qui  prêcha  la 

enk  eflesto  sous  le  règne  de  Djemschid. 
'  lésimé,  le  Verbe  de  la  religion  maz- 
déeoae  est  tour  k  tour,  d'après  Creuzer,  une 
définition,  une  volitioo  divine,  le  monde,  la 
loi,  fesprît  vital,  un  végétal,  enfin  un  homme 
et  on  prophète.  Du  reste.  Fauteur  des  Reli- 
fi^mg  de  tamilquité  ne  tire  de  ces  faits  au- 
ctioe  conclosîon  sur  Torigine  de  la  dogma- 
tique de  FEvangile.  C'est  son  traducteur, 
II.  Gaigniaut,  qui  s'est  chargé,  dans  ses 

isr  ae  dément  |»m  eelie  interprétation.  «  l>es  Fer- 
^en .  dil^n  •  Mml  le<  idées ,  les  prototypes ,  les 
vsiléles  de  Mas  les  êtres  formés  de  Fessenee  d'Or- 
■nd  et  les  plus  pures  étnaitations  de  oetie  snU- 
ssttce.  Il9  eiisient  par  la  |ian»le  vÎTanie  du  Créa- 
irar,  aassî  soai-ils  iMmoriels,  etpareox  tout  vit 
éjM  h  Bauire.  Ils  sont  plao^  au  ciel  comme  des 
seatiMllea  vigilantes  contre  Ahriman,  et  porleut  ii 
Ormvai  les  prières  des  hommes  pieui  quMIs  proié- 
fHÊi  et  psrii^st  de  loot  mal.  Sur  la  terre,  unis  ^  des 
rarys,  Os  combattent  sans  cesse  l«i  maoTais  esprits. 
DssMM  snsM  Boabrens  et  aassi  diversiGés  dans 
Icfs/spécei  ^«e  les  êtres  eus-mémet.  >  (Csel'zeb, 
JUifiBms  ée  VmmA^iîé^  V*  partie,  lif.  u,  cb.  II.) 

(94)  CsBom,  Rdimont  de  VAntiqmU.  nid. 

(95)  t  L*HoBOver,  dit  M.  Oit ,  est  ane  prière  f|ui 
aiaait  dXVmaxd  avant  toates  cboses ,  et  qai  n%-st 
astre  rhnseqse  le  résumé  des  droitset  des  devoirs.  > 
(Drr.  Mmmmd  d'histoire  ancienne^  La  Perse.) 

(95)  Tostes  ees  défiaitioaseontradicioiresse  tron- 
veai  daas  la  même  page  de  Cnmer.—Beiigionê  de 
rimtifmiié^  r*  pari.,  1. 1,  eh.  5.  M.  E.  Quinet  adopte 
la  deniére  définition  :  <  L^univers,  dit-il ,  Tunivers 
cal  Terte  !•(!£.  Qdiskt,  Géme  de*  Religiotu^  liv.  iv, 

(94)  Cfr  CaavzEB,  liv.  u,  ch.  11.  —  c  La  loi  (le 
Tertc)  a  sas  ferver*  • 

(95)  Cfir  GofciiuoT,  Note$  êmr  Creuser^  liv.  u, 
»-iie  IV.  —  Es  ef^,  si  Ormuad  se  définit  eomme  Je  • 
k^Ta,  celsi  ^oi  est,  il  ajoute  dans  le  n!émc  passage: 


notes,  de  faire  les  applications  des  faits 
condradictoires  accumulés  |iar  le  célèbre 
professeur  allemand.  Toutefois,  après  aToir 
cité  plusieurs  passages  des  livres  zends, 
dans  lesquels  il  retrouTe  la  doctrine  du 
Verbe,  il  affirme  que  c*est  là  pourtant  une 
métaphysique  naturaliste  «  «  quelque  chose 
qui  respire  le  panthéisme^  \ émanation^  et 
une  intuition  féconde  de  la  philosophie  ée% 
Hindous  (95).  a  Hais  le  christianisme  n'avait- 
il  pas,  dans  la  tradition  hébraïque,  une  idée 
bien  plus  parfaite  et  bien  plus  pure  du 
Verbe  divin  coéternel  à  Dieu? 
H.  Jean  Itejnaud  affirme,  au  contraire, 

Îue  le  Christ  a  cherché  dans  la  doctrine 
u  mazdéisme  des  inspirations  de  la  plus 
S  rende  élévation.  Sans  doute  le  fils  de  Marie, 
ominé  comme  il  l'était  par  la  conviction  de 
sà  mission  surnaturelle,  ne  croyait  pas  sim- 
plement reproduire  les  opinions  des  secta- 
teurs de  Zoroastre.  Mais,  k  son  insu,  la  pen- 
sée de  l'Asie  trouvait  dans  son  âme  un  écho 
sublime  et  d'irrésistibles  sympathies.  L'in- 
fluence qui  domina  l'admirable  fondateur 
du  christianisme  ne  pouvait  manquer  d'a;;îr 
aussi  sur  les  apôtres.  Il  est  évident,  en  effet, 
quand  on  examine  de  près  les  deux  théolo- 
gies, qu'il  existe  entre  elles  des  analogies 
tellement  profondes,  qu  on  ne  peut  les  attri- 
buer &  de  pures  coïncidences,  produites  par 
le  hasard. 

Il  est  ini|H>ssib1e,  par  exemple, dit  M.Jean 
Reynaud,  de  se  faire  du  Féroûer  d'Onnuz<l 
une  autre  idée  que  celle  du  Verbe  (96). 
Nous  avons  déjà  montré  combien  cette  sup- 
position était  peu  d'accord  avec  les  faits;  et 
M.  Jean  Reynaud  paraît  si  bien  l'avoir  com- 
pris lui-même,  qu'il  cite  aussitôt  après  iin 
fragment  de  l'Yaçna  (97),  où  il  est  question 
de  l'Hoiiover  (96),  et  Cju'il  trouve  dans  co 
célèbre  passade  des  livres  zends,  comme 

rit  esl  fottl.  (Arouctil,  Le  Zend-Atesta^  11,  ti5.>-- 
uasi  M.  Goîgnîaat  exprime-t-il  ainsi  la  théologie 
do  Verbe  telle  qu*il  croit  la  irouvi^  dans  le  Zf  ml- 
Avesia  :  c  Cette  caa  primitive,  ee  ff ■  primitif,  foas 
deux  idenlimiet  à  la  primitive  lumière,  identique  elU" 
menu  au  Verbe  qai  ae  confond  zvec  Orrou'S'J,  »  eie. 
(Gdi€5Iai;t,  Note»  sur  Creuzer^  liv.  u,  note  iV.) 

(96)  Cfr  J.  REVNJkoa ,  art.  Zoroastre ,  805.  — 
M.  QiAanA  n*en  donne  pas  eelte  idée,  t^fr  Essai  sur 
la  philosophie  orieutaie^  4iO.—  <  Lies  Féroôera ,  dit 
M.  Menant,  imkomhrablesdiriuilés  du  troisiènu  ordre^ 
sont  toutes  femelles^  i  ce  qa*il  parait...  Ce  sont  enx 
qui  forment  la  norobrenae  milice  do  bataillon  cé- 
leste... Dans  les  prières  on  invoqne  les  Féroùen  du 
soleil,  de  U  lumière,  dv  bœuf,  de  la  main  sainte, 
du  poignard  de  la  pare  parole.. •  Ce  sont  des  inter- 
médiaires placés  entre  Tbomme  et  la  divinité  ;  ce 
sont  eni  qoi  portent  la  prière  an  pied  do  tt-dnedX>r- 
mazd;  ce  «onteai  qui  viennent  au-devant  des  imcs 
des  justes  et  les  initient  à  leurs  nouvelles  destinées,  i 
(Mékaht.  Zoroasire,  418,119,  tâO.) 

(97)  Cfr  E.  BoaiiouF,  Yaçaa,  i,  19. 

(98)  D'après  Feiposé  que  H.  Menant  donne  en  )a 
créaUOB  du  monde  an  point  de  voe  da  Zei:d*Ave&ta, 
il  semlileiait  qne  Tllonover  rstia  pttrole  forte  et 
paissanle  par  laqnelle  Diea  a  ordonné  aui  créaiares 
de  nature.  Cfr  Mtnsnr^  Zoroastre^  Dogme.  —  Mais 
M.  E.  Bumouf,  Cowsmentmre  sur  le  Yaçsa^  a  coo- 
testé  reiisienee  de  la  création  proprement  dite  dans 
la  doctrine  de  Zoroastre.  MM.  J.  ticyoaud  et  b.  Qui- 


127 


IIAZ 


DICTIONNAIRE  APOLOGLTlQUE. 


MAZ 


I2S 


r.'.vail  déjà  fait  M.  Guignîaut,  la  doctrine  du 
FJs  de  Dieu  (99).  Cet  embarras  de  nos  ad- 
Tdrsaires,  quand  il  s'agit  d'appliquer  leurs 

Crincipes,  établit  d'une  manière  incontesta- 
le  y  en  même  temps  que  la  confusion  de 
leurs  théories»  la  faiblesse  de  leurs  ureuves. 
Ailleurs*  H.  Jean  Reynaud,  oubliant  sa 
double  supposition  contradictoire,  présente 
Uom  comme  le  type  véritable  du  Dieu  fait 
cbair  pour  le  safut  du  monde  (100).  H.  E. 
Quinety  qui  voit,  lui  aussi,  le  Fils  do  Dieu 
dans  la  théologie  roazdéenne  (10i),se  contre- 
dit d'abord  lui-même  (102),  ce  qui  est  assez 
ordinaire,  et  conteste  ensuite,  probablement 
sans  s*en  apercevoir,  quelques-unes  des  allé- 

Sations  de  M.  Jean  Reynaud  sur  la  théologie 
es  maçes  (103).  Chez  lui,  c'est  tantôt  l'uni- 
vers qui  est  Verl)e,  tantôt  c*est  Mithra.  Il  est 
vrai  que,  pour  éviter  la  mouotonie,  il  pré- 
sente encore  ce  même  Mithra,  qui  est  tout 
simplement  un  Ized,  comme  le  modèle  du 
Saint-Esprit  (104j. 

M.  Jean  Keynaud  lui  rend,  comme  cela 
devait  être,  contradiction  pour  contradiction. 
«  Je  regarde  volontiers ,  dit-il ,  l'archange 
Bahman  comme  le  substitut  du  Saint-Esptit 
dans  le  mazdéisme.  »  Ce  n'est  pas  assez  de 
trouver  dans  la  théologie  de  Zoroastre  la 

net  fax-mèmi^s  ont  adopté  cetle  interprélation.  — 
(Cfi  Daniéi.o,  Uiitoire  et  tableau  de  CUniven^  IV.) 

(99)  On  n*a  pas  oublié  que  M.  Guigiiiaut,  tout  en 
y  trouvant  une  formule  de  la  Trinité,  reconnaît  pour- 
tant qu'il  ne8*a^tt  que  d*une  idée  panthéîatiqQe  ana- 
logue aux  opinions  hindoues. 

(100)  Cfr  J.  Retnaud,  art.  Zoroojlre,  816,  f7, 
18. 

(101)  c  Qu*existail-il  au  commencement,  demande 
le  prophète  penché  sur  la  source  du  Bordj  ?  Il  y  avait 
la  lumière  et  la  parole  incréée,  répond  la  voix  dVn 
haut.  »  C*est  de  cette  étrange  manière  que  M.  E.  Qni- 
iKrt  traduit  le  passage  de  rYaçna,  où  il  n'^  a  pas  un 
seul  mot  qui  regarde  la  parole  incréée,  mais  oii  il  sV 
git  seulement  des  astres  éterneU,  comme  M.  J.  Rey- 
naud lui  -  même  Ta  démoptré.  (  Cfr  £.  Burnouf, 
Yâçna^  iS.)  Plus  loin,  il  ajoute  avec  une  sorte  d'eii- 
ibousiasme  déclamatoire,  en  mettant ,  selon  son 
usage,  des  phrases  à  la  place  des  raisons  :  c  Croyez - 
vous,  au  reste,  que  le  fond  de  ces  idées  n*ait  pas 
de  valeur  duraMc;  que,  nées  au  hasard  près  des 
sources  de  naphte  de  la  Bactriane ,  elles  n'appar- 
tiennent qu'à  la  Perse,  et  vont  mourir  avec  elle?  Je 
prétend»  au  contraire  qu'il  n'en  est  pas  de  plus  vi- 
vante dans  la  traditirn  du  genre  humain.  Ln  eflei, 
je  connais  un  livre  qui  s'ouvre  par  ces  mots  :  <  An 
<  commencement,  la  parole  était  avec  Dieu  ;  c'était 
t  en  elle  qu'était  la  vie,  et  la  vie  était  la  lumière,  i 

Sui  parle  ainsi  ?est^^  le  Zend-Avesta  de  Zoroastre? 
on,  c'est  l'évangile  de  saint  Jtan.  Sans  chercher  à 
qu4*lle  source  l'apôtre  a  recueilli  le  dogme  fonda- 
mental derOrient ,  il  me  suffit  aujounrfaui  de  savoir 
que  les  visions  des  anciens  peuples  reparaîtront  pu- 
rifiées, divinisées  dans  le  culte  nouveau.  Attendons 
encore  quelque  temps  ;  les  obscurs  pressentiments 
du  paganisme  se  conftrmeront  dans  TËvangile.  Cette 
lumière  de  Tlran  n'est  que  ténèbres,  cette  parole  de 
vie  prononcée  par  Tancien  monde  n'est  qu'un  bé- 
gaiement; mais  demain,  l'une  et  Taulre  éclateront 
dans  les  discours  et  la  prédication  du  Christianis- 
me. >  (E.  QviRBT,  Vkéme  des  religioni^  516, 17.) 

(103)  U  parle  de  Mithra  comme  du  Christ  de  la 
rdigion  maxdéenne.  c  Ce  Dieu  Mithra  aux  yeux  d'or, 
ca  laboureur  du  désert,  ce  lits  de  la  parole,  lequel 
fermo  la  scène  des  révolutions  religicusos.de  la  Pofbe 


doctrine  des  trois  personnes  divines  :  le 
directeur  de  V Encyclopédie^  comme  M.  K 
Quinet,  y  découvre  toutes  les  formules  mê- 
mes du  proloscue  de  saint  Jean.  Le  Verbe  do 
D'.eu,  i(L?ntifié  avec  la  lumière,  ne  rappelle- 
t-ii  pas  Tcssence  Ittm.ineuse  d*Ormuzd,  qui 
répand  sur  toute  la  nature  le  mouvement  et 
la  vie?  Les  ténèbres,  que  gouverne  Ahri- 
man,  ne  sont-elles  pas  présentées  aussi 
comme  empêchant,  par  leur  résistance,  la 
propagation  du  règne  de  là  vérité?  Le  jour 
de  la  Pentecôte,  n*est«ce  pas  le  feu  divin 
brûlant  dans  les  Atech-gâhs,  qui  resplendit 
sur  la  tète  des  apôtres?  Il  est  clair  qu*cri 
abusant  de  pareilles  analogies  on  démontre- 
rait facilement  que  le  christianisme  vient 
aussi  bien  du  Mexique  ou  du  Pérou.  Sur  les 
bords  du  Polose,  les  prêtres  du  Soleil  n'ado- 
raient-ils pas  cette  lumière  vivifiante  que 
vénéraient  les  mobeds  de  Hran?  D'ailleurs, 
dans  le  préambule  du  quatrième  évangile^, 
le  Christ  n*est-il  pas  considéré  comme  1/t 
lumière  de  l'Ame,  et  bien  plutôt  comme  le 
soleil  des  intelligences  que  comme  un  astre 
du  monde  matériel?  il  est  d'ailleurs  dans  la 
nature  de  l'esprit  humain  de  comparer  Ter- 
reur et  les  ténèbres;  et  il  faut  abuser  singu- 
lièrement de  rinia^ination  pour  trouver  dai*s 

et  clôt  son  Ancien  Testament,  apparaît  comme  le 
purîflcateur  de  la  nature  et  le  lédenipteur  de  la  créa- 
lion.  Mithra  transfigurait  les  lois  de  Zoroastre  et  le 
Christ  la  loi  ûa  Moïse,  i  (  E.  QtTi!«ET,  318-19.  )  — 
C^  qui  n^empêche  pas  le  professeur  du  colléffe  de 
France  de  meure  dans  la  pajçe  précédente  Mitbra  k 
la  place  du  Saint-Esprit,  c  Le  Médiateur  viendra,  et 
c'est  le  nom  qu'il  faut  donner  à  la  troiêième  per^ 
sonne  de  la  Trinité  penane ,  Mithra.  Investi  d'une 
double  nature,  ce  dieu  mystique,  hermaphrodite* 
arrive  pour  illuminer  de  sa  splendeur  interne  le  dieu 
des  ténèbres.  » 

(103)  M.  E.  Quinet  complote  ainsi  toute  sa  sing^i- 
licre  théorie  :  <  Vaincue  (la  religion  des  Mages),  elle 
a  laissé  partout  sa  marque  dans  le  culte  triomphant. 
Sou  Ormuzd  qui  plane  coihme  EUihim  sur  la  nature 
ei'tière  sans  y  être  Incarné;  ses  archanges,  armés 
de  lances  d'or,  et  ^ui  couvrent  le  monde  de  leurs 
boucliers;  son  Âlirimann,  qui,  excepté  réternité  du 
châtiment,  a  tous  les  traits  de  Satan;  la  résurnx- 
tion  de  la  matière,  l'image  de  l'arbre  de  vie  dans  le 
jardin  du  monde  naissant,  le  baptême  dans  l'eau 
sacrée  :  que  de  traits  communs  à  la  BiblectauZeiid- 
Avesta!  Les  dragons  C4»nvertis  du  désert,  ne  sont> 
ce  pas  les  chérubins  à  la  face  de  taureaux?  l^es  ani- 
maux couronnés  de  Pcrsépolis  ne  sont-i's  pas  an 
partie  les  animaux  symboliques  des  évangélisies, 
qui  les  ont  apprivoisés,  domptés  prr  le  miracle  du 
christianisme?  Enlin  les  rois  mages,  qui  de  loin 
aperçoivent  Tétoile  de  l'Evangile  et  viennent  aii> 
devant  du  Dieu  nouveau-né,  ne  figurent-Us  pas  de 
la  nanière  la  plus  naïve  cet  instinct,  ce  pressenti- 
ment  chrétien  qui  était  enveloppé  sous  chacun  des 
symboles  du  paganisme  de  l'Iran  ?  La  myrrhe,  l'en- 
cens au'i!s  ont  apportés  tout  lumauls  du  foyer  d'A- 
giii.4,  d'Indra,  d'OrmuzJ,  brûlent  encore  aujourd'hui 
au  foyer  du  Dieu  de  Bethléem.  »  (E.  QuiiNet,  Génie 
des  religions^  520.) 

(104)  M.  Menant  r<:garde  avec  raison  les  lieJs 
comme  des  divinités  du  second  ordre.  —  lIcrod<»te 
croit  qve  Mithra  éuit  Vénus-Uranie,  d^autres  pen- 
s;iieni  que  c'était  le  soleil.  Sous  Icstlésars,  on  d<  uni 
à  Mi4hra  un  rôle  bien  différent  de  celui  qu'il  y  uaii 
dans  le  Zcnd-Avesia. 


DUmOlMNAlIlE  APOLOGETIQUE. 


UAZ 


riO 


ceUe  simple  méuiphorc  inslinctive  une  tni- 
dition  de  la  luUe  éternelle  d*Orniuzd  et 
(TAhriman. 

Nous  atons  mis  aujourd'hui  en  relier  tout 
ce  que  les  hypothèses  de  nos  adversaires 
renferment  de  contradictions  et  d'inexacti- 
tudes. Faul-ii  en  eonclure  que  nous  contes- 
lions  toute  es|.èce  de  similitude  entre  la 
doctrine  des  mages  et  la  religion  révélée? 
Assurément  telle  n*est  pas  notre  pensée,  et 
nous  sommes  tout  au  contraire  convaincu 
que,  parmi  les  fieuples  de  fancien  monde, 
au^on  n*a  conservé  de  souvenir  plus  frap- 
pant de  la  tradition  première  du  genre 
humain.  L*empire  de  1  Iran  touchait,  |>our 
ainsi  dire,  au  berceau  même  du  genre 
faomain.Zoroastre  n'avait-il  pas  soin  de  dire 
è  diaque  instant  qu*il  s'appuyait  sur  les 
cmrances  des  ancêtres  (105)?  En  outre,  la 
nation  des  Ifèdes  et  des  Perses  puisa  dans 
ses  rapports  fréquents  avec  les  Juifs  des 
laniièitrs  qui  lui  servirent  à  maintenir  en 
bien  des  (loints  la  tradition  primitive.  Avant 
la  prédication  de  Zoroastre,  nous  voyons  un 
icédéeesseur  de  Ke-Kurous  (106)  écrire 
ainsi  \  Ions  les  peuples  soumis  à  son  au- 
UKÎtè: 

«  Que  la  paix  se  multiplie  par  vous!  J'or- 
donne |ar  cet  édit  que,  dans  tout  l'empire 
Je  ma  dOiiiination,  tous  craignent  et  rétrè- 
reot  le  INen  de  Daniel  ;  car  c'est  lui  le  Dieu 
virant,  solisistant  dans  tous  les  siècles;  in- 
destnictiiile  est  son  empire»  et  sa  puissance 
D  Mra  point  de  fin  (107).  » 

Or^  qu*oo  a*oublie  itas  qu*après  la  mort 
d«  um  prédécesseur,  Ke-Kurous  régna  sur 
j  rt^}ue  toute  l'Asie. 

DanieU  qui  avait  été  en  si  grand  honneur 
yms  IVnde,  ne  le  fut  pas  moins  sous  le 
oereu.  On   ne  doute  point  qu'il   n'ait  eu 
.^rande  (lart  à  Tédit  que  publia  Ke-Kurous 
;«iur  le  rétablissement  du  temple  de  Jérusa- 
L-oi,  qui  termina  les  soixante-dix  ans  de  la 
(aptivitéy  comme  lavait  annoncé  Jérémie. 
L'historien  Josèphe  assure  |)Osilivement,  et 
iâ  teneur  même  du  décret  le  fait  entendre, 
oue  Ke-Kurous  vit  et  lut  les  prophéties 
d  fsaïe,  qui  l'anpclait  nar  son  nom  deux  siè- 
cles d'avance,  le  signalait  comme  le  conqué- 
rant de  Tuoivers  et  le  restaurateur  du  peu- 
|)le  de  Dieu. 
Ainsi  parle  le  roi  de  Perse  : 
«  Jéhova,  Dieu  du  ciel,  m'a  donné  tous  les 
royaumes  de  la  terre,  et  il  ma  commandé 
ce'lui  bâtir  une  maison  à  Jéiusalem, qui  est 

(1A5)  c  n  paraii  qa*^«  tein|>s  de  Znr<oasti«,  4îl 
H.  Uit,  iMHi  let  dofiMS  prindiianx  qa>o  troove 
«Lias  la  Ze»-Av€sla  étaient  reças  dans  la  Perae  et 
rtmtiiuti  en  aneîennea  trailitiaiia  nalionalet.  •  — 
iOrr,  Mmmmd  d'kbtûire  aneUnne;  La  Per»a.l 

(laCfCjmis. 

(Itî)  Ùmmd^  VI.  —  QaHques  ra'ioaalktes  ont 
kcB  rmMeiHé  l'aolbenticué  de  ce  livre,  mais  Datiit'l 
a  éé  éélHkIa  par  J.  D.  MtcniEUt ,  Introduction  à 
CAmâern  TtMlament;  —  Jabsi,  Jnttcductio  in  iibroê 
fnmf  Fœden»;  —  LuMBWALt,  Commemtmre  sur 
DmmUi;  —  DEaBSRm,  Commentaire  $nr  Daniei;  — 
HairmanK,  Cmmmentmre  ntr  Dnniel ,  —  et  He!C6str!I- 
k«i.^.  iuthentiâté  de  Daniel . 


en  Judée.  Qui  est  parmi  vous  de  tout  sou 
peuple?  Que  son  Dieu  soit  avec  lui.  Qu'il 
monte  h  Jérusalem,  qui  est  en  Judée, et  qu'il 
édifie  la  maison  de  Jéhova,  Dieu  d*hraël  ;  il 
est  Dieu,  celui  qui  est  à  Jérusalem  (108).  a 

«  Tobic,  Daniel,  Mardochée,  EsJras,  dit 
M.  Rohrbacher,  brillèrent  au  milieu  d.'s 
mages  comme  des  astres.  Ils  savaient  ce 
qu'était  la  sagesse  véritable;  ils  savaient  où 
trouver  la  pure  doctrine.  Ceux  d'entre  eux 
qui  vinrent  à  Bethléem  adorer  le  Christ, 
les  prêcheront  sans  doute  de  parole  comme 
d'exemple  (109).  » 

M.  Salvador  pense,  comme  nous,  que  les 
mages  ont  dû  subir  inévilablement  1  in- 
fluence des  Juifs.  Cet  écrivain  est  trop  rare- 
ment de  notre  avis  pour  que  nous  résistions 
i  l'envie  de  le  citer  : 

«  Tous  ceux  qui  ont  parlé  de  Zoroastre 
commencent  par  reconnaître  l'absence  eu 
l'incertitude  des  documents  nécessaires  pour 
tracer  l'histoire  de  sa  vie  et  de  ses  dog- 
mes (110).  Etait-il  né  dans  la  Médie,  dans 
l'Assyrie,  dans  la  Cbaldée,  dans  la  Perse,  la 
Baclrianc?  On  a  soutenu  ces  diverses  opi- 
nions. Quant  à  l'époque  de  son  existence, 
on  ne  compte  plus  quelques  dates  fondées  sur 
des  légendes  purement  théologiques  :  tels  les 
six  mille  ans  d'antiquité  que  Platon  lui 
accorde  (111),  ou  les  cmq  cents  ans  avant  la 
guerre  de  Troie,  auxquels  Plutaraue  se 
contente  de  le  renvoyer.  Mais  les  pins  sa- 
vants des  moiJernes  qui  se  sont  occupés  de 
ce  législateur,  après  avoir  émis  le  doute  s'il 
n'y  avait  eu  qu'un  Zoroastre,  ou  s'il  en  fal- 
lait compter  deux,  ont  concentré  le  débat 
dans  la  question  de  savoir  s'il  a  vécu  sous  le 
règne  de  Cyaxare  l'%  chef  de  l'empire  médo- 
l>actrien,  620  ans  environ  avant  Jésus-Christ» 
ou  bien,  ce  qui  est  le  plus  probable  et  lo 
plus  généralement  adopté,  s'il  a  vécu  avant 
la  naissance  et  pendant  le  règne  de  Darius, 
ills  d'Hystaspe. 

«Or,  quelle  que  soit  celle  de  ces  opinions 
qu'on  adopte,  ou  l'existence  de  Zoroastre 
sous  le  roi  des  Mèdes  Cyaxare,  ou  son  exfs« 
tence  sous  le  roi  des  Perses  Darius,  ou 
même  l'existence  des  deux  Zoroastres  sous 
chacun  de  ces  rois,  la  transplantation  des 
dix  tribus  israélites  dans  \t^  Médie  et  au  delà 
par  Salmanazar  devance  de  près  de  cent 
années  Cyaxare  I'%  et  la  transplantation  des 
dix  tribus  de  Juda  et  de  Benjamin  dans  la 
Rabylonie  par  Nabuchodonosor  précède  do 
(pâtre- vingts  ans  environ  le  règne. du  fils 

(108)  Cfr  KonaBACBEE,  Histoire  nnirerselfe  de 
r Eglise  ealkotiqne,  iU,  71  ;  —  et  i  Esdm,  t.  i, 
1-4. 

(109)  RoHRBAcaBE,  t»«fem.,205. 

(1 10)  U  ne  hioi  pas  oublier  que  c*est  tar  onelelle 
ÎDcertilude  que  M.  J.  Iteyi:aod  appaie  toat  «a  sys- 
tème desiiiié  à  renverser  de  fond  en  comble  la  révé- 
lation chrétienne!  11  nous  semble  qve  le  chrit-tia* 
Disme  est  une  cboie  assez  grave  poor  qa*OB  le  uaite 
ma  as  légèrement. 

(111)  Cette  hypothèse,  que  M.  Salvador  uaila 
avec  tant  de  dédain,  est  celle  ce^adaui  qae  I!.  J« 
Ueynaad  noas  donne  comme  le  deridtr  mot  de  la 
science. 


131 


MIC 


DICTIONNAlIiR  APOLOGETIQUE. 


ir.p 


I5i 


d'Hjslaspc.  En  mémo  temps,  si  «ne  parlie 
(le  ces  tribus  reste  fidèle  au  souvenir  de 
Jérusalem,  au  point  que  la  première  colonie 
nui  retourna  dans  ses  foyers,  après  le  décret 
de  Cyrus,  se  composa'  de  quarante-deux 
mille  individus,  une  autre  partie,  cédant 
aux  circonstances  et  h  de  nouveaux  intérêts, 
se  confondit  de  toutes  parts  avec  les  peuples 
indigènes.  Bien  plus,  les  rapports  des  exilés 
temporaires  avec  les  peuples  étrangers 
acquirent  un  degré  d*intensUé  assez  grand 
pour  hahituer  exclusivement  les  Juifs  è  la 
langue  de  ces  derniers,  et  pour  donner  lieu 
à  un  fait  assez  digne  d'attention  :  on  ne 
connaît  plus  rien  aujourd'hui  du  langage 
parlé  de  Verapire  chaldéo-babylonien,  si  ce 
n*est  ce  qui  en  a  été  conservé  dans  les  écrits 
de  la  Judée. 

«  Dès  que  la  nation  juive,  (ju'on  se  rcpré- 
gentecomme  si  résistante  aux  idées  des  autres 
peuples,  emporte,  des  pays  où  elle  avait  été 
transplantée  de  vive  force,  une  langue  et  des 
/Jogmes  qui  jusqu'alors  lui  étaient  en  partie 
inconnus  (112),  comment  supposer  que  ses 
propres  principes,  doués  de  tant  de  vigueur, 
et  dont  chacun  de  ses  membres,  par  le  seul 
fait  de  son  éducation  populaire,  était  un  écho 
naturel,  n'aient  pas  sillonné  à  une  grande 
profondeur  les  terres  étrangères  (113)?  » 

MÉDAILLES,  confirmant  le  récit  du  déluge 
par  Moïse.  Voy.  Monuments  confirmant  les 
BÉciTS  DE  LA  Bible,  {IV. 

MEDECINS  PHYSlOLOCilSTES ,  leurs 
théories  sur  Thailucination.  Voy.  Hallu- 
cination. 

MEDES  €l  PERSES,  ont  mieux  conservé 
la  tradition  primitive.  Voy.  Mazdéisme,  §  11. 

MENOU.  Voy.  MANOU. 

MER  ROU(i£,  passage  miraculeux  des 
Israélites  à  travers  cette  mer.  Voy,  Passage 
DE  la  mer  Rouge. 

MERITES.  Peut*il  y  en  avoir  sans  épreuve 
ou  sans  liberté.  Voy.  Liberté.  — Comment 
ils  6*acquièrent.    Voy,  Mal.  Art.  1,  §  IIL 

—  Mérites  de  Jésus-Christ.  Toy.  Mal.  Art.  1, 
§1V. 

MESSIE,  prophéties  qui  Tannoncent.  Voy. 
note  XV.  — Doit  naître  d'une  vierge;  i6W., 
SUI.  —  Doit  naître  à  Bethléem,  ibid.  §  IV. 

—  PrO()héties  sur  la  personne  niênie  du 
Messie.  Voy.  note  XV,  S  VI.— Sur  les  cir- 
constances de  sa  vie,  sur  ses  actions,  ibid. 

—  Sa  naissance,  circonstances  prophétiques 
qui  raccompagnent,  cantiques,  etc.  Voy. 
note  XV,  S  vlll.  —  Prédit  par  les  prophètes. 
Voy.  Prophéties,  §  11.  —  Ohjel  de  Tattente 
universelle.  Voy.  Mythisme,  i  IX. 

MICHELET,  réfutation  de  son  opinion  sur 
)*origiiie  du  dogme  de  TEucharistie.  Vou. 
Dogmes,  §  111.  —  Réfutation  de  ses  appré- 
ciations sur  la  controverse  entre  Hincmar 
et  Gottheschalk.  Voy.  Hincmar,  |  VI  et  VIL 
— Ses  erreurs  sur  le  pouvoir  des  évëques 

(lli)  Il  va  sans  dire  aue  nous  n^acceplons  nulle- 
iiieiit  Mtta  hypoUièse.  Nous  ne  croyons  pas  qoe  la 
isptiviié  «it  inlrtklQit  dans  renseignement  de  la  Sy« 
nagogiicr  les  docirinas  paîannes. 


sous  Charles  le  Chauve.  Voy,  CiiAaLEs  lb 
Chauve.  —  Réfuté  sur  le  prétendu  scejiti- 
cismc  de  Grégoire  Vil  et  de  Jésus-Christ. 
Fay.  Grégoire  VII,  §  VIL 

MICROSCOPE,  comment  il  combat  Targu- 
ment  fourni  par  le  télescope  contre  l'insi- 
gnifiancede  notre  planète.  Voy.  Astrono* 

MIE. 

MILIEUX  dans  lesquels  ont  vécu  les  fos- 
siles, étaient-ils  les  mêmes  qii*aujourd*hui 
Voy.  Homme,  art.  1,  §  IV. 

MINISTERE  de  Jésus-Christ,  éclaircisse* 
ment  sur  sa  durée.  Voy.  Luc  (Saint). 

MIRACLES.— Sans  les  miracles,  aucune 
explication  de  rétablissement  du  christia- 
nisme n*est  possible. 

Illusions  et  débordements  du  paganisme, 
cVst  humain  et  naturel;  aveugle  et  fatal 
empire  du  mahométisme ,  c*est  humain  ; 
c*est  le  harem  et  le  cimeterre,  c*est  la  force 
brute  et  quelques  élans  de  génie  ;  le  drapeau 
levé  de  Luther,  c*est  humain,  c*est  Torgueil 
et  Tamour  de  Tindénendance;  la  philoso- 
phie délirante,  c'est  1  homme  aussi. 

Mais  je  cherche  la  place  humaine  et  natu- 
relle du  christianisme;  montrez-la-moi I.  • 
La  force?  Non.  Le  génie?  Non  plus.  Les 
passions?  Encore  moins. 

Douze  marchands  de  poissons,  Juifs,  igno- 
rants et  barbares,  s*avisent  un  jour  de  prê- 
cher un  Juif  supplicié,  crucifié;  et  le  monde 
c'it  changé.  .C*est  tout  simple!  Seuls,  seois 
contre  tous,  ils  combattent  les  passions,  les 
préjugés,  la  puissance,  la  philosophie;  et  le 
monde  les  tue,  mais  se  convertit;  c*est  tout 
naturel! 

Et  le  christianisme,  la  morale  la  plus 
austère  et  la  plus  pure,  les  dogmes  les  plus 
incompréhensibles,  Tautorité  la  plus  in- 
flexible, le  christianisme  sétablit  sur  les 
ruines  des  voluptés,  des  déliées  et  des  po- 
litiques païennes,  à  la  voix  des  bateliers 
galiléens.  Et  c*est  Thistoire. 

Pas  de  miracles;  soit.  Elle  monde  changé 
de  la  sorte  sans  miracles,  seulement  par 
cette  manière  d*enseignement  de  la  part  de 
pêcheurs  de  poissons,  devenus  pécheurs 
d'hommes  avec  la  mission  de  leur  maître; 
sans  miracles,  sans  acte  divin  de  puissance 
et  d'intervention  visible  1  Vous  le  croirez 
ainsi.  Mais  c'est  pour  moi  le  plus  incohé* 
rent  prodige,  le  plus  .absurde  mystère;  le 
monde  chrétien  sans  miracles;  le  monde 
païen  fait  chrétien  sans  miracles,  de  par  des 
pécheurs  de  Galilée!  Saint  Augustin  avait 
raison  ;  cela  suffit  à  la  divinité  ue  la  foi,  et 
prouve  plus  que  les  miracles. 

Vous  retranchez  le  miracle  de  l'établisse* 
ment  du  christianisme,  alors  vous  amonce- 
lez sur  vous  l'impossible,  l'inexplicable,  le 
faux  évident,  le  démenti  donné  à  toutes 
les  proportions  de  la  nature  et  ,de  rhuma- 
nité. 

(H3)  Salvadoe,  Jétus^Chmi  et  m  rf oclrme,  L 
note  E.  ^  Cfr.  M.  V%ÏM  Ceassay,  U  Cktiu  H  /*£- 
tangile. 


IS 


MIR 


DICTIONNAIRE  APOIjOGETIQUE. 


HiR 


ISi 


Voos  aimez  mieiix  dévorer  cette  forôt 
(TioTraisembiance.  Soyez  rationnels,  logi- 
ques; reportez-vous  aui  temps,  aux  lieux, 
tai  hommes  et  aux  choses  d'alors.  Vous 
direz  avec  on  réceot  et  courageux  historien 
des  Césars  :  Pour  moi,  il  est  démontré  que 
le  tkrisiiamisme  ne  pouvait  pas^  ne  devait  pa$ 


%l 


Et  ne  To^ez-Toos  pas  enfin  que  toutes  vos 
impossibilités  amoncelées  font  précisément 
U  gloire  du  cbristianismo?  Entassez  mon- 
iffznes  sur  montagnes;  soyez  géants  |M>ur 
les  moaroir  et  les  lancer  contre  la  foi  ;  je 
vous  seconderai,  je  répéterai  :  Oui,  le  chris- 
tianisme esl  impossible;  il  ne  doit  pas 
régner...  et  îl  s*est  propagé,  et  il  a  raincu 
les  esprits  et  les  coeurs  rebelles;  il  a  régné, 
il  règne  encore.  Contre  lui  vous  pourrez 
bien  voos  élever,  atteindre  les  nues,  vous 
j  |ierdre;  voos  n  atteindrez  pas  les  cieux 
i]oi  le  couvrent  et  le  protè,;ent;  mais,  pre- 
nez garde,  dans  les  uoes  on  trouve  la  fou- 
dre qui  frappe  et  qui  renverse. 

Faites  la  guerre  encore.  Déclarez  le  sur- 
naturel  chimère,  le  miracle  folie,  les  myeti- 
rrilinatisme  ou  sottise;  marquez,  marquez 
mis  fronts  do  fer  de  vos  dédains  et  de  vos 
savantes  flétrissures;  nos  fronts  sont  prèls 
cumme  nos  cœurs;  aussi  bien  il  y  a  des 
cicalrices  qoi  valent  mieux  qu'une  cou- 
ronne. 

Ce  snjei  ayant  déjà  été  traité  au  root 
Jisis-CnaisT  (art.  Ui,  f  II  et  ill),  lorsque 
DOQs  avons  proové  la  divinité  du  Messie 
par  les  miracles  qu'il  a  publiiiucmeut  opé- 
rà,  ooos  noos  bornerons  à  ajouter  ici  quel- 
qaes  considérations  nouvelles. 


(114)  SvmiciS,  Tu  de  lénu,  trad.,  Paris,  1856; 
/iffW.,  1 14«  loai.  I,  part.  1,  pag.  87  et  suiv. 

(II5|  Im.  Sekm  SÂniiiss,  ropînion  eoniralre  au 

■inde  f  est  acUnaent  ideatiiée  avec  la  conacienoe 

4m  memée  moétwmt^  que  dans  la  vie  réelle,  quicon- 

^■e  veai  donner  à  eoieadre  «pe  la  paisaance  diTine 

seti  auaifiesiée  d'ace  maniera  inimédrate,  esl  re- 

pnié  eiMiBe  va  icnorant  on  nn  imposteur,  i  ilbid,^ 

me  88.)  Or,  «Ton  vient  eeb,  sinon  de  la  predomi- 

uoee  nniverMlle  des  aeos  sur  la  raison,  aouillnre 

1«i  miede  Boire  civilisation  et  la  menace  d*one  nou- 

vdk  bnrbarie?  Le  prodige  dans  la  religion,  comme 

lUéraféMe  dans  b  nature,  est  an  fait  ina^paral*le 

éêwmxfi  «les  origines.  Da  reste,  U  eomêcienu  du 

mtmde  moéétm  n'est  pas  «ne  aulorilé  biaii  eflrayante. 

^'^■^•tpif.  eel  esprit  si  hardi,  mais  en  même  temps 

si  ingénieax,  preÎMl  à  corps  Fincréduliié  il  lui  «lit 

M»  fut  avec  «n  bon  lens  admirable  dans  un  chapi- 

trt  iniitnié  :  CeU  folle  de  rapporur  le  rrojf  et  le 

ftmlx  ««  jufememt  de  nostre  euffisance.  f  Cest,  dit- 

rf,  «ne  sotae  présomption  d*aller  desdaicnant  et  eon- 

poor  faalx  ce  qoi  ne  nous  semble  pas  vray- 

:  qvi  est  vn  vice  ordinaire  de  ceuli  qui 

qadqiie  saflSsance  oultre  b  commune... 

ainsi  rcBoloflMnt  ui^e  chose  pour  faulse 

l'e,  c'est  se  donner  l'ad^aotage  d*avoîr 

dttt  k  t-rste  bs  hornes  et  limites  de  la  volonté  de 

Km  et  de  la  puissance  de  nostre  nature;  et  il  n  y  a 

point  de  pins  notable  folie  au  monde  que  de  les  ra- 

■encra  la  nae^orede  nostre  capaciléu suffisaiiCi'... 

(faaad  M»«a  lisons  dana  Boocbet  les  miraebs  des 

Hii|«e«  de  Minet  Hibire,  passe;  (On  créiiit  i/eU 

>4^  ak&ra  grand  pour  noos  osier  la  liienre  dW  con- 


Possibilité  de»  mirac!ps;  —  Leur  rapport  arec  le  gourer- 
nemeot  de  Diea  dans  le  monde  ;  —  leur  valeur  dé- 
monstralîTe  ;  —  la  part  qo'y  peut  avoir  l'élénieat  natu- 
rel ;  ~  leur  rapport  avec  Tceavre  rédemptrice. 

«  Dieu,  dit-on,  ne  peut  altérer  les  lois 
qu'il  a  lui-même  établies  ;  ainsi  le  miracle  a 
une  impossibilité  et  une  inconvenance  au 
moins  relatives  (114).  » 

Un  auteur  moderne  a  cru  pouvoir  renou- 
veler celto  objection,  qui  n*a  pas  certaine- 
ment le  mérite  de  la  nouveauté.  Mais  elle 
n'est  pas  moins  futile  que  rebattue;  car  lo 
miracle,  contraire  aux  lois  inférieures  de  la 
nature  matérielle,  est  conforme  à  la  loi  mo- 
rale et  suprême  de  Tunivers.  Cette  loi  su- 
ftrême  est  la  subordination  de  la  matière  à 
'esprit,  de  Tordre  sensible  k  Tordre  intel- 
lectuel du  monde.  Dieu  donc,  loin  de  mettre 
obstacle  &  Tharmonie  universelle,  la  main- 
tient en  interrompant  le  cours  des  forces 
physiques  dans  certains  cas  déterminés  et 
pour  une  fin  très-sage.  Strauss  avoue  quo 
Thomme,  parcelle  du  monde  créé,  peut 
s*opposer  par  son  libre  arintre ,  et  k  Taide 
des  instruments  organiques,  aux  forces 
aveuj^les  qui  Tentourent,  et  leur  imprinier 
un  mouvement  particulier  (115).  C'est  Ik  en 
effet  ce  qu  on  appelle  art.  L'art  est  une  es^ 
pèce  de  prodige  continué  que  Thomme 
opère  dans  la  sphère  de  la  nature.  Orcom» 
ment  peut-on  refuser  à  Dieu  un  pouvoir 
que  nous  ayons  nous-mêmes?  L'ordre  sur- 
naturel ne  suspend  jamais  toutes  les  lois  de 
la  nature  ;  il  est  même  lié  k  une  d'entre  el- 
les, k  la  principale  de  toutes.  Si  les  sophis- 
mes  de  D.  Hume  sur  ce  point  ont  quelque 
valeur,  s'il  faut  rejeter  les  miracles  parce 
qu'ils  répugnent  k  l'expérience,  il  faudra 

iredîre  :  mais  de  condamner  d*nn  Irain  de  pareill  s 
histoires  me  semble  singulière  impad*  nce.  Ce  mi.d 
sainct  Augustin  lesmoigne  avoir  vu;  Mir  les  reliques 
Sfcincts  G«rvais  et  Proiauk  Milan,  nn  enfant  aveugle 
recouvra  la  vue;  une  femme,  k  Carthage,  estre 

Sarie  d*on  cancer  par  le  signe  de  la  croix  qn*uiae 
nme  nouvellemenl  bapibée  lui  fit  ;  et  plusieurs 
anltres  miradea,  où  il  dit  Ini-mcsme  avoir  assisté  : 
de  qnoy  accuserons  nous  et  luy  et  deui  saiucts 
evesqnes  Aurdins  et  Maximilius,  on  il  appelle  pour 
ses  recorh?  Sera-ce  d'ignorance,  simplesse,  faciliié? 
ou  de  malice  et  Impo&iure?  Est-Il  kimme  en  nostre 
siècle,  si  inipadeni^  qui  pense  leur  esire  compara- 
ble, soit  en  vertu  et  en  piété,  soit  en  sçavoir,  loge- 
ment  et  suflisanee?  qui  «l  ratiouem  ullam  m  ferrent, 
ifêa  aueloHtate  me  frÊugerent.  «-  C'est  une  hardieskO 
dangereuse  et  de  couscquence,  oulire  IMisurde  te- 
roeriié  qnVlle  traisne  quant  et  soy,  de  mespriser  ce 
que  nous  ne  conccTons  pas  :  car  après  que,  selon 
vostre  bel  entendement,  vous  avez  esialilv  les  limi- 
trs  de  la  vérité  et  de  la  mensnoge,  et  qnlf  se  trouve 
que  vous  avez  neeessairement  à  croire  dtt  clM^Si-s  i*ù 
il  y  a  eneores  plus  d'estrangeié  qn*en  ce  que  vnos 
niez,  vous  vons  estes  d^  obligé  de  les  abandon- 
ner. • 

C*est  après  avoir  lu  ce  chapitre  et  celui  iniiiulé  : 
Le»  Bottenx,  qne  Pascal  ft*écnait,  avec  sa  haute  rai- 
s»n  :  <  Que  je  hais  eeuz  gui  font  les  douteux  de 
miradfs  !  Montaigne  en  parle  comme  il  faut  dans  It^ 
denx  endroits  :  on  voit  en  Tun  combien  il  t  st  pru- 
dent, et  néuimoius  il  croit  en  Tantre,  et  se  moque 
«tes  incrédules.  »  {Peméeê^  édit.  Feugèra,  t.  Il, 
p.  53.) 


435 


Mm 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MtR 


136 


]»our  la  roôme  raison  rejc(er  toutes  les  lois 
naturelles,  car  il  ny  en  a  aucune  qui  ne 
contrarie  celles  d'une  espèce  différente. 
Ainsi,  par  exemple,  les  fonctions  vitales  ne 
sont  pas  moins  opposées  aux  simples  forces 
chimiques,  que  la  résurrection  d*un  mort 
ne  Test  aux  lois  vitales.  Que  si  sous  le  nom 
d'expérience  on  entend  la  succession  de 
tous  les  faits  accomplis  dans  l'espace  et  dans 
le  temps,  l'expérience  comprendra  aussi  les 
événements  miraculeux.  Aujourd'hui,  tout 
homme  qui  a  suivi  les  progrès  de  la  science, 
admet  dans  la  nature  une  hiérarchie  de  for- 
ces se  donnant  une  exclusion  mutuelle.  De 
môme,  outre  les  forces  naturelles,  on  doit 
reconnaître  certaines  forces  surnaturelles, 
toutes  les  fois  que  leur  existence  est  en  har- 
monie avec  les  inductions,  les  principes  ra- 
tionnels et  le  témoignage  de  l'histoire.  Il  y 
a  donc  dans  l'univers  une  loi  en  vertu  de 
laquelle  f ordre  moral  des  choses  humaines 
s'effectue  et  se  complète  à  raids  de  moyens 
surnaturels.  Peu  importe  que  son  applica- 
tion ne  soit  pas  continuelle  dans,  le  temps  ; 
car  toutes  les  lois  de  la  nature  ne  s'actuali- 
sent pas  dans  chaque  point  de  la  durée  ou 
de  l'espace;  les  lois  qui  ont  produit  la  cos- 
mogonie ou  le  déluge  ne  subsistent  plus  au- 
jourd'hui ,  et  un  grand  nombre  des  règles 
qui  gouvernent  la  terre  ne  sont  certaine- 
ment pas  communes  aux  planètes  et  aux 
autres  globes  célestes.  Il  faut  admettre  dans 
la  nature  certaines  époques  extraordinaires 
qui  ne  se  renouvellent  plus  ou  qui  ne  se 
répètent  qu*à  des  intervalles  très-éloignés; 
telle  est  aussi,  dans  le  cours  moral  de  la  vie 
cosmique,  l'époque  de  la  fondation  ou  de 
la  restauration  de  la  religion. 

Considéré  en  lui-même,  le  miracle  appa- 
raît d'abord  comme  un  fait  inexplicable  d'a- 
près les  lois  jusqu'alors  connues  de  la  na- 
ture ou  de  rhistoire.  Mais  celle  détermina- 
tion négative  ne  suflit  pas  pour  caractériser 
le  miracle.  L'idée  de  miracle  est  essentiel- 
lement religieuse,  tandis  que  beaucoup  do 
faits  peuvent  nous  paraître  inexplicables, 
sans  avoir  cc|)endant  aucun  rapport  avec  le 
sentiment  religieux.  Combien  de  choses  qui 
ne  se  peuvent  exidiquer  et  qui  ne  sont 
pourtant  r^as  regardées  comme  surnaturelles  I 
L'esprit  droit,  qui  s'incline  devant  un  phéno- 
mène extraordinaire,  ne  constate  pas  en- 
core un  miracle.  Il  penlespérer  que  les  pro- 
grès de  la  science  feront  découvrir  les  lois 
i.achées  dont  ces  phénomènes  dépendent; 
ou  bien,  si  le  fait,  tel  qu'il  est  raconté,  ne 
parait  pas  pouvoir  être  jamais  rattaché  à  au- 
cune loi  de  la  nature,  on  peut  attribuer  cela 
à  la  forme  que  lui  a  donnée  le  narrateur,  et 
chercher  dès  lors ,  par  une  étude  plus  ap- 
profondie, ou,  s'il  y  a  lieu,  par  une  compa- 
raison plus  attentive  des  documents,  à  dé- 
gager le  fait  en  question  dans  sa  valeur  ob- 
jective. 

Il  faut  donc  distinguer  soigneusement  le 

(116)  11  s'agit  ici  dei  principes.  Eu  fait,  le  pan- 
théisme peut  se  trouver  associé  à  des  éléments  plus 
ou  muins  religieux;  mais,  en  priucipe,  il  ne  recoii- 


miracle  de  ce  qui  est  simplement  inexplica- 
ble ou  extraordinaire.  L'extraordinaire  se 
présente  partout.  Si  un  mesquin  et  tuI- 
gaire  bon  sens  ne  consent  à  croire  que  ce 
qu'il  a  pu  comprendre,  les  esprits  profonds 
et  sincères  ont  appris  h  penser  autrement.  Il 
existe  une  foule  de  faits  qu'il  faut  admettre 
sans  pouvoir  en  déterminer  la  loi,  et  le  ma- 
gnétisme en  fournit  à  lui  seul  un  assez 
grand  nombre.  Mais  tout  cela  reste  complè- 
tement en  dehors  du  domaine  religieux,  au- 
quel seul  appartient  le  miracle.  Ces  lois  ca- 
chées sont  cependant  toujours  des  lois  ou 
des  puissances  naturelles.  Elles  n'obligent 
point  à  reconnaître  un  monde  supérieur  et 
divin.  Le  miracle,  au  contraire,  a  sa  source 
clans  le  monde  de  la  sainteté  et  delà  liberté, 
dans  un  monde  que  l'observation  ni  la  science 
ne  peuvent  jamais  atteindre.  Rien  ne  peut 
nous  conduire  à  la  connaissance  de  ces  lois 
mystérieuses,  rien,  si  ce  n*estla  voix  de 
Dieu  qui  est  en  nous  et  qui  est  une  révéla- 
tion des  choses  invisibles.  Mais  les  obsta- 
cles qui  nous  empêchent  de  suivre  cette  di- 
rection intérieure  de  l'esprit  ne  peuvent 
point  être  lovés  par  la  science. 
•  Aussi  n'est-ce  pas  seulement  le  théisme 
qui  admet  des  faits  extraordinaires  et  Texis- 
tence  de  lois  naturelles  encore  inconnues; 
le  panthéisme ,  qui  nie  le  monde  surnatu- 
rel, et  par  conséquent  la  religion  (116),  l'ad- 
met également.  C'est  de  cette  manière  qu'il 
explique  toute  la  vie  religieuse.  Les  fonda- 
teurs de  religion,  ceux  qui  ont  commencé 
dans  l'histoire  un  développement  nouveau, 
il  les  considère  comme  des  organes  spéciaux 
de  l'esprit  universel.  Les  puissances  cachées 
de  la  nature  se  sont  concentrées  en  eux,  et 
de  là  vient  leur  influence  sur  le  monde. 
C'est  ainsi  que  Pomponace,  qui  rejetait 
toule  es;ièce  de  supranaluralisme,  préten- 
dait ce|>eudant  admettre  les  miracles,  en  les 
oxj)liquant  à  sa  manière.  £t  lorsqu'il  se 
trouvera  dans  l'histoire  évangéiique  des  faits 
qui  ne  pourront  pas  se  plier  à  ces  explica- 
tions, on  ne  se  fera  pas  semoule  de  les  met- 
tre en  doute. 

Mais  le  déisme  et  le  panthéisme  sont  éga- 
lement incapables  de  reconnaître  le  vériia- 
ble  caractère  du  miracle,  l'un,  en  bannissa;it 
Dieu  du  monde,  l'autre,  en  confondant  Dieu 
avec  le  monde.  L'un  et  l'autre  n'admettent 
en  dernière  analyse  que  des  causes  naturel- 
les et  posent  en  principe  l'impossibiiîtô 
d'une  action  direcle  de  Dieu  sur  le  monde. 
Ils  ne  reconnaissent  donc  rien  de  surnatu- 
rel ,  c  est-à-dire  de  miraculeux.  Ceci  nous 
conduit  à  la  détermination  positive  du  mi- 
racle. 

L'homme  a  perdu  par  le  péché  la  coromu* 
nion  avec  Dieu.  Cette  communion,  qui  fai- 
sait sa  vie,  était  en  même  temps  la  condi'- 
tion  d'un  accord  parfait  entre  la  nature  etlo 
monde  invisible.  Ln  chute  a  détruit  cet  ac- 
cord, et  désormais  l'homme  n*a  pu,  par  les 

naît  qu*un  seul  monde  et  ne  laisse  plus  aucune  place 
à  la  religton. 


Al 


itm 


blCTlONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MIR 


ISS 


seuls  oMijeils  naturels,  parvenir  k  la  con- 
naissance  rraie  de  Dieu.  Il  n*f  a  qu'une  ré- 
vélalioD  BOUYelle  qui  puisse  le  replacer 
ites  les  cooditioDS  premières;  il  nous  faut 
me  coBBaisstttoe  supérieure  à  celle  que  la 
eft  la  salure  naa»  donnent)  une 
à  laquelle  le  déTeloppement 
B*aiiraii  jamais  pu  atteindre^  Et 
la  Batnre  et  le  monde  surnaturel  ne 
se  cofrespoodent  plus,  eelui>ei  ne  peut  se 
■aaifesler  qoa  d^nne  manière  extra-natu* 
telle  ou  Biracttleose. 

fo«r  eompreodre  le  miracle)  il  ne  fiiut 
ras  le  considérer  isolément  i  comme  une 
naoîfeslaUaa  de  la  toute-puissance  dif  ine, 
nais  comme  nn  des  momenfs  de  la  réféla-" 
(ioo  de  Diea  dans  la  totalité  de  ses  attributs. 
Dieo,  qui  a  établi  les  lois  de  la  nature  et 
qui  B*agil  d*ordinaire  dans  le  monde  que 
par  Tinlermédiaire  de  ces  lois  permanentes, 
se  rifèle  directement  dans  le  miracle.  Il  est 
vrai,  derrière  les  causes  secondes ,  quelles 
qa elles  soient»  libres  ou  aveugles,  la  foi 
sait  bien  loojoors  discerner  la  main  puis* 
unie  de  Diea  qui  dirige  toute  cbose  ;  et  d*un 
aaire  côié,  dans  le  miracle  le  plus  éclatant, 
Diea  ne  se  montre  pas  d'une  manière  àbso* 
loinenl  «médiate;  il  n*y  a  que  les  yeux  de 
k  foi  uni  paissent  reconnaître  sa  présence» 
Hais  le  auraele,  ne  pouvant  être  expliqué 
ntr  les  Us  naturelles,  appelle  directement 
I  aUeolion  sur  la  cause  suprême  de  toutes 
Hioses»  et  sert  ainsi  à  donnera  la  nature  sa 
vériiaMe  sia;ni6cation. 

Considéré  sous  ce  point  de  vue,  le  miracle 
seialiadie  à  Tensemble  des  disfiensations 
de  Dieu  pour  raclieler  rbumanité  et  lui 
c/j«nmunimier  une  vie  divine.  Cette  action 
nouvelle  6e  Dieu  doit  se  manifester  par  des 
effets  que  les  lois  naturelles  ne  puissent  pas 
eipiiqoer.  Cest  là  le  miracle  dont  le  carac- 
tère positif  est  ainsi  rattaché  à  racception 
native.  La  disfiettsation  rédemptrice  une 
lois  donnée,  le  miracle  devient  un  fait  nor- 
»al,  nécessaire.  Il  est  au-dessus  de  la  na- 
tare,  nuis  non  en  contradiction  avec  elle» 
Li  natnre  étant  disposée  pour  rétablisse- 
ment de  récooomie  nouvelle,  Test  égale* 
■Kntpoar  recevoir  les  faits  qui  eu  dépen* 
vent  tf  17).  Ainsi,  nature  et  miracle  se  rap- 
l<Micat  Fun  à  Tautre,  et  réalisent»  chacun  à 
»a  manière,  le  plan  général  de  Dieu.  Ce 
tjêQ  est  nn  plan  d^amour,  c'est  la  rédemp- 
tion de  rborame,  c'est  l'établissement  du 
rfjannie  de  Dieu.  Tout  est  ordonné  en  vue 
tie  ce  Imt  suprême.  La  nature  doit  manifes-» 
icT  et  glorifier  Dieu  :  mais  elle  ne  le  peut 
Ti«  pnr  le  raojen  des  êtres  raisonnablest 
>aas  eox«  elle  ne  serait  qn*une  multiplicité 
fans  nnilé,  un  ass«nblage  d*êtres  sans  otyet 
maanmit  sans  vie  commune.  Or  le  concours 
libre  des  êtres  intelligents  à  la  glorification 
de  Dira,  c^est  le  royaume  de  Dieu.  Le 
rovaone  de  Dieu  est  donc  le  but  de  la  na^ 
tore  et  de  lliistoirei  le  terme,  la  perfection 
ée  la  création  tout  entière.  Et  comme  Jésus* 


Christ  est  le  fondateur  de  ce  rojaudie ,  la 
venue  de  Jésus-Christ  au  monde  est  le  mira- 
cle par  excellence.  Avec  Jésus-Christ,  la  vie 
nouvelle  est  entrée  dans  le  monde,  Funion 
de  Dieu  avec  Tbomme  est  réalisée.  Et  com- 
me ce  grand  événement  était  le«but  vers  le- 
quel tendaient  toutes  chosesi  une  fois  qu'il 
est  accompli»  tout  le  reste  s*jr  rattache  ;  et  la 
vie  divine ,  ainsi  introduite  dans  Thistoire, 

tagit  désormais  conformément  aux  lois  de 
naturp  humaine. 

De  là  résulte  la  manière  dont  Tbistoire 
doit  envisager  le  miracle.  Sans  doute  une 
raison  qui  ne  reconnaît  rien  au-dessusd*elie- 
même  ne  pourra  pas  accepter  de  laits  mi« 
taculeux.  Elle  cnercbera  nécessairement 
i  iaire  tout  rentrer  dans  rencbatnement 
ordinaire  des  effets  et  des  causes.  Elle  niera 
le  miracle  a  priori.  Tout  au  plus  cherchera- 
t-elle»  d'aprâ  les  récits,  à  déterminer  quelle 
impression  certaines  actions  de  Jésus-Christ 

Ïroduisirent  sur  les  témoins,  et  comment 
ésus  voulait  lui'^même  que  ces  actions 
fussent  envisagées.  Quant  aux  dits  eux- 
mêmes,  elle  ne  peut  faire  autrement  que 
de  les  rapporter  à  des  lois  naturelles  ou  de 
contester  la  vérité  des  récits.  Mais  ce  n*est 
pasavec  ces  idées  étroites  et  ces  pr^ugésar>> 
bitraires  qu'on  peut  entreprendre  avec  suc- 
e^  Tétuda  de  Ttùstoire.  L  histoire  vraiment 
scientifique  doit  recevoir  le  miracle  comme 
faiti  et  chercher  à  le  comprendre  en  tant 
que  miracle,  non  pas  à  le  nier  en  i*^x« 
pliquant.  MatSi  pour  cela,  il  lisut  d'abord 
avoir  accej[>té  le  christianisme  comme  un 
lait  à  la  fois  historique  et  suraaturel.  Il  faut 
avoir  com()ris  que  lui  seul  donne  la  loi  de 
riiistoire;  que  sans  lui  l'histoire  ne  serait 
plus  qu'un  chaos,  qu*un  jeu  de  forces  cou* 
traires,  sans  unité  et  sans  but.  En  un  mot» 
il  faut  être  clirétien.  Dès  lors,  le  miracle 
na  plus  rien  oui  choque»  Il  est|  comme 
nous  l'avons  dej^  dit,  un  fait  normal  et 
nécessaire.  Mais  sans  la  foi,  Fœii  privé  de  la 
lumière  supérieure  ne  peut  plus  discerner 
la  présence  de  Dieu  et  ne  comprend  i^as 
la  révélation  »  qui  est  la  vie  de  l'histoire» 
Si  nous  considérons  maintenant  les  mi- 
racles par  rapport  aux  témoins ,  il  sont 
une  partie  essentielle  de  l'œuvre  de  Jéâus- 
Christ  :  car  sans  eux  il  n'aurait  noint  été 
reconnu  comme  le  Messie  |  et  lui*même 
n'aurait  pu  avoir  une  conscience  claire  de 
la  divinité  de  sa  mission  s'il  n'eût  eu  la 
conscience  de  sa  puissance  miraculeuse. 
C'est  pour  cela  que  Jean^BaptistCi  se  sentant 
incapable  de  foire  des  miracles  ,  dut  reco« 
naître  à  ce  signe  qu'il  ne  possédait  pas  la 
plénitude  de  l*fisprit  divin.  J^ur  lui  les 
miracles  devaient  être  un  des  signes  de  la 
divinité  duMessiCi  et  c'est  pourquoi  les  mi* 
racles  de  Jésus -Christ  lui  firent  penser 
que  celait  bien  là  Celui  qui  devait  venir* 

C'était  l'époque  de  la  décadence  du  Jtt-» 
daîsme.  Les  révélattons  dîrines,  les  grands 
effets  de  la  puissance  de  Dieu  ne  sont  plus 


illT)  A  eet  if»ié^  les  scobstiqscs  da  lin-  siétie  Jistingttaiest  avec  raisua  eatre  la  pêiemiU  actha  et 
a  fmumtim  pmMiiva  de  b  eatere. 

Dunno.*f3i*iaK  aroLOGcriotB.  IL  5 


139 


Mfn 


DlCTiONNAIIlE  APOLOGETIQUE. 


MIR 


140 


que  Q  anciens  souvenirs.  On  sent  qii*une 
barrière  sépare  le  présent  de  TAge  sacré  des 
prophètes.  Maintenant  que  les  prophètes  ne 
parlent  plus,  on  n'attend  plus  de  révélation 
divine,  sinon  de  quelque  voix  céleste  sou- 
dainement entendue,  ou  de  quelque  mys- 
térieux Baik  Ao/(118),  ou  bien  enfin  des 
jongleries  de  quelques  adroits  exorcistes 
(119).  Et  puisqu'on  attendait  du  Messie  des 
actions  miracbleuses,  et  que  )e  peuple  ho- 
nora Jean-Baptisie  comme  Ud  pmphëte,  sans 
hii  attribuer  ccpendnnt  de  telles  actions, 
c*est  une  preuve  suffisante  que  les  Juifs 
n'étaient  pas  si  facilement  disposé»  h  sup- 
poser partout  des  miracles  (120). 

Si  maintenant  nous  recherchons  comment 
lésus-Christ  appréciait  lui-même  ses  mira- 
cles, il  semble,  au  premier  abord,  que  son 
nt^préciation  varie,  et  au'il  y  ait  contradic- 
tion dans  ses  paroles.  Mais  cette  contradic- 
tion n'est  qu  apparente.  Elle  provient  du 
double  point  de  vue  sous  lequel  le  miracle 
est  considéré.  Nous  avons  vu  que,  pour  être 
compris,  le  miracle  doit  être  rattaché  b  l'en* 
semble  de  la  révélation  divine,  à  la  révélation 
de  la  gloire  du  Christ,  selon  l'expression  de 
saint  Jean.  Jésus-Christ  ne  manifeste  pointsé- 
parément  chacun  de  ses  attributs;  ses  actes, 
ses  paroles  ont  toujours  pour  but  de  montrer 
sa  personne  tout  entière.  Tel  est  le  but  des 
miracles.  Ce  sont  des  signes  {^fum)  desti- 
nés à  élever  l'homme  du  visible  à  l'invisible, 
h  arracher  Pesprit  au  matérialisme  en  lui 
faisant  connaître  ou  du  moins  pressentir  la 
présence  d'une  puissance  supérieure.  Si 
donc  le  miracle  révèle  surtout  rautorité  su- 
prême do  Dieu  sur  la  nature,  il  ne  peut 
s*opérer  que  le  où  se  révèlent  en  même 
temps  les  autres  attributs  divins,  et  en  par- 
ticulier la  sagesse  et  l'amour  infinis.  Ce 
ifcst  pas  une  démonstration  arbitraire  de 
f)'jissnnce.  La  révélation  rédemptrice  dans 
tOMtO  sa  plénitude,  tel  est  le  résultat  que 
Jésus  poursuit  constamment,  et  en  particu-» 
lier  dans  les  miracles.  Le  miracle  a  d'abord 
un  but  prochain,  iiiimé<h'at,  celui  d'accorder 
un  l)ien  terrestre  et  de  satisfaire  un  besoin 
de  la  vie  actuelle,  mais  il  a  en  même  temps 
un  but  supérieur  et  plus  général.  Jésus  veut 
«i  révéler  par  là  à  ceux  en  faveur  desquels 
il  déploie  sa  puissance  ;  il  veut  leur  donner 
les  biens  de  l'âme,  le  bien  su|»rêmc,  ei  non- 
seulement  à  eux,  mais  à  tous  ceux  pour  qui 
ce  signe  sera  un  moyen  de  les  conduire,  à 
la  foi  en  lui.  Mais  ce  résultait  dépend  de  cer- 
taines conditions.  11  suppose  le  cosur  de 
Thomme  disposé  à  recevoir  cette  révélation. 
L'impression  extérieure  ne  peut  que  réveiU 
ier  la  consciem^e  religieuse  endormie,  mais 
non  la  suppléer.  La  foi  ne  se  produit  point 
fatalement.  Elle  est  un  acte  libre.  L'impres- 
sion la  plus  forte,  la  démonstration  la  plus 
éclatante  ne  peut  seule  la  donner.  L'esprit 

(IIH)  QiieU|iief<iis  un  iMoime,  daas  un  momeotde 
coni  !in{iUiioD  religieufe,  croyait  entendre  une  voix 
céleste.  Cest  là  ce  qii*oii  sppebit  le  Baik  koL  Ou 
bien,  une  proie  prononcée  psr  hasard  par  un  au.re 
paraissait  avoir  os  rapport  nystérieux  et  prophi^ti- 
que  avec  td  ou  tel  état  îiiiérîeur.  On  la  cunsitiéra.t 


du  monde  monJanisc  tout.  Lliomme  qui 
n*a  pas  le  sens  du  divin  trouvera  toujours 
le  moyen  de  nier  le  miracle  le  mieux  avéré 
et  de  se  séduire  lui-même,  il  appellera  à  son 
aide  tous  les  sophismes  du  cceiir  rusé.  Ainsi 
les  pharisiens,  ne  pouvant  s'empêcher  de 
reconnaître  dans  les  actes  de  Jésus-Chrisi 
l'action  d'une  puissance  supérieure,  préfè- 
rent supposer  une  puissance  maligne  pour 
ne  pas  être  forcés  d  avouer  ce  qui  répugnail 
à  leur  sens  charnel.  C'est  le  point  de  vue 

Î général  auquel  on  s'est  placé  qui  détermine 
e  jugement  dans  les  cas  particuliers^  el 
Toilà  pourquoi  celui  dont  la  vie  a  pourploinl 
de  départ  la  négation  des  choses  surnatu- 
relles ne  pourra  être  forcé  par  aucun  témoi- 
Snage  extérieur  à  reconnaître  l'existence 
u  monde  invisible.  Il  sera  fatalement  con- 
duit à  cherclier  une  autre  explication.  La 
conviction  no  ()eul  point  être  forcée.  Telle 
est  la  puissance  de  l'esprit  :  fien  ne  saurait 
l'empêcher  de  s'ateugler  volontairement,  et 
jusauedanslaservitude  il  conserve saliberté. 
D  ailleurs,  quand  même  le  miracle  par* 
viendrait  h  entraîner  sur  le  moment  Tadhc- 
sion  de  Tintelligence,  cette  adhésion  ne  se- 
rait que  momentanée»  et  disparaîtrait  bien- 
tôt avec  l'impression  qui  l'a  produite.  Quand 
il  n'y  a  pas  de  point  d'appui  dans  la  cons- 
cience ,  combien  passent  rapidement  les 
impressions  les  plus  vives  I  Gomme  elles 
sont  facilement  effacées  par  des  impressions 
contraires  I  Nous  comprenons  par  là  fiour- 
quoi  Jésus  refuse  constamment  de  faire  un 
miracle  f>our donnersîmplement  une  preuve 
de  sa  puissance,  et  pourquoi  il  déclare  que 
même  la  résurrection  d'un  mort  ne  fiourrait 
conduire  à  la  repentanee  ceux  qui  n'y  ont 
pas  été  déjà  conduits  par  Moïse  et  les 
prophètes.  Nous  voyons  en  même  temps 
combien  est  vaine  l'objection  des  déistes 
du  xviii*  siècle ,  qui  allèguent  contre  la 
réalité  des  miracles  de  Jésus-Christ  le  peu 
de  résultats  qu*ils  ont  produits.  Que  sert  la 
démonstration,  si  on  ne  veut  pasTentendroî 
L'effet  du  miracle  dépend  de  la  réceptivité 
des  témoins.  Cette  reman^ue  lève  toutes  les 
difficultés.  £lle  nous  fait  comprendre  la 
conduite  de  Jésus-Christ  et  explique  les  dif- 
férenees  apparentes  de  son  af»préciation. 

Lui-même  distingue  dans  le  miracle  un 
caractère  matériel  et  un  caractère  formel. 
Le  premier  consistedans  la  satisfaction  d'un 
besoin  du  moment.  Le  second  réside  dans 
le  but  suprême  du  miracle,  à  savoir,  do  ma- 
nifester Celui  qui  peut  seul  satisfaire  les 
besoins  de  l'Ame.  A  ceux  qui  reçoivent  vrai- 
ment les  miracles  comme  des  ov^fe,  comme 
des  révélations  de  la  vie  divine,  i  ceux- 
là  il  se  fait  de  plus  en  plus  eonnaltre  ;  mais  il 
s'éloigne  toujours  d'avantage  de  ceux  qui  no 
le  suivent  que  par  curiosité  el  dans  un  but 
purement  terrestre.  Ainsi^après  le  miracle  de 

alors  comme  un  oracle. 

(119)  JascPHX,  Arckeol,^  U  viu,  c«  2,  1 4. 

(HO)  Ta  :rff/^07«  mt  fuc{Ai  rpc  lln^ç  toc; 
ôfiotocf  ttcttoOtm  fr^ftyfiftvcv.  (Jos.|  Arc/l.,  1.  X,  c.  i. 

8  i) 


Ml 


MCTiONNAIRR  APOLOGETIQUE. 


HIR 


142 


U  QialUplicaUon  des  pains,  il  reproche  à 
orax  qui  le  cberebenl  de  le  chercher,  non 
ptroe  40*Us  ont  va  uo  signe^  mais  uDigae-» 
■leat  Dvee  qu'ils  ont  été  rassasiés.  {Joan. 
n,  26w)  Ces  gens-là  ne  peureDt.point  croire 
•s  lui  :  ils  n'ont  pas  le  sens  dn  dirin.  Les 
iftstinds  terrestres  ont  étouffé  en  eux  les 
besoins  plv  éleTés  ;  e*est  pourquoi  les  té» 
noîgn^ges  les  pins  éclatants  ne  sauraient 
les  eooTainere  et  les  attacher  réellement  à 
loi.  (/«M.  Ti.  96^.)  EnGn,  s'il  est  bien 
vrai  que ,  quand  Jésus  invoque  le  témoi- 
gnage de  ses  cBQTres,  il  ne  s'agit  pas  seule- 
n«iit  des  miracles ,  il  y  a  cependant  des 
fÊiSèçts  où  c'est  surtout  aux  miracles  qu'il 
est  bit  allusion,  comme  i  des  signes  desti- 
nés i  |f4|iarer  les  âmes  à  la  connaissance 
«les  rhftwf  spirituelles.  (Jonn.  xt>  21.) 

Mais  si  naos  considérons  lemirade.comme 
BOjpea  de  diveloiiper  la  loi  des  témoins, 
BOUS  deToos  distinguer  dirers  degrés  dans 
re  déTekq»pement.  Au  plus  bas  degré  sont 
ceax  dont  l'esprit  n'était  pas  accessible  i 
rimpressioo  immédiate  des  choses  spiri- 
t&elles  et  qui  ont  eu  besoin  du  mi  racle  pour 
les  léretUer  de  leur  engourdissement.  Et 
de  Blac  que  le  Père  céleste  sait  amener 
les  boomcs  des  choses  visibles  aux  choses 
iiirisiiiies^  Jésus-Christ  s'accommode  égale- 
raent  à  etUe  Cublesse»  tout  en  gémissant 
d'èùe  bucé  d'employer  de  tels  moyens  pour 
conjoare  la  nature  humaine  à  ce  qui  n*est 
que  son  vérikible  but.   (Jaan.  ly,  48.) 
Viennent  ensuite  ceux  que  des  besoins  plus 
Milles  ont  attiréi  vers  le  Messie»  mais  dont 
le  sentiment  religieux  .est  encore  mêlé  de 
beaœoop  «félémenls   étrangers.    Ceux-là 
Msst  ont  besoin  de  signes  qui  montrent  Ce- 
lai qu'ils  dierchent  i  leur  regards  affiaiblis. 
Tels  étaient  les  ap6tres  ouand  ils  commen- 
oèfent  i  suivre  iésusj  Jésus  ne  dédaigne 
fas  de  condescendre  à  leurs  vues  bornées, 
«aïs  en  ni4me  temps  il  déclare  que  ce  n'est 
U  qu'an  de^  inférieur  de  la  vie  religieuse. 
Les  hommes  doivent  s^élever  jusqu'à  pou- 
voir oonleaipler  la  divinité  de  Jésus  dans 
loat  reasenable  de  sa  vie,  et  non  pas  seule- 
BMnt  dans  quelques  actions  isolées.  Il  faut 
qa  ils  poissent    partout  reconnaître  Dieu 
agissant  et  se  révélant  en  lui.  Ainsi»  la  foi 
U  pins  paurlDûte»  c'est  celle  qui  ne  provient 
pasdn  miracle,  mais  d*une  source  plus  pro>- 
fonde   de  la  vie  divine  ;  cW    celle  qui 
{Micèdo  le  miracle»  qui  rappelle,  pour  ainsi 
dire,  comme  nue  des  manuestations  néces- 
saires de  la  vie  supérieure.  Telle  est,  par 
exemple,  la  foi  du  centurion  païen  que  Jésus 
impose  |ioor  modèle  aux  Juifs.  {Mailk.  viii.) 
Cette  foi  est  produite  par  l'impression  im- 
médiate da  ai?in  sur  notre  àme  ;  elle  sup« 
|nse  une  ailinîté  entre  la  vérité  et  le  cœur 
de  lliomme.  C'est  là  ce  qui  donne  un  ca- 
ractère spédal  à  la  oonlession  de  Pierre. 
(ifallà.  XVI,  16-17.)  Les  paroles  de  Jésus 
dans  cette  circonstance  ne  se  rapportent  pas 
liréôsémentà  la  pensée  exprimée  par  Pierre, 
fi^rre  aarait  po  déjà  auparavant  rendre^  le 
r.èffle  témoigna^.  Mais  ce  oui  donne  è  ce 
icnaoîiifias^  une  valeur  spéciale,  c'est  le  sen«* 


timent  qui  l'a  dicté.  C'est  une  intuition  im- 
médiate de  la  vérité,  une  révélation  directe 
de  Dieu  dans  l'Ame  du  disciple.  Tandis  que 
les  autres  ne  regardent  encore  Jésus-Christ 
q^  comme  un  homme  extraordinaire,  saint 
Pierre  a  reconnu  en  lui  le  Pils  de  Dieu.  Or 
la  chair  ni  le  sang  ne  peuvent  révéler  cela. 
Ils  pieuvent  bien  conduire  à  croire  d'une 
certaine  manière  que  Jésus  est  le  Messie, 
mais  ce  ne  sera  pas  une  foi  vivante  :  elle 
n  aura  j^as  de  durée  ;  elle  disparaîtra  avec 
l'impression  qUi  l'a  produite»  Mais  ceux  qui 
auront  cru  par  sentiment,  par  intuition  , 
s'écrieront  par  la  bouche  de  saint  Pierre  : 
Cest  tous  qui  êtes  le  Atessie  !  À  quel  autre 
ifionê-nous  auà  vous?  Nous  eenions  que 
lu  vie  étemeue  découle  de  vos  paroles  I  {Joan, 
vl,  68-69.)  ! 

De  même ,  Jorsque  thomifis  a  refusé  de 
croire  aux  discours  des  autres  disciples, 
Jéstis,  il  est  vrai,  s'accommode  à  sa  laiblesse 
en  lui  donnant  une  preuve  matérielle  de  la 
réalité  de  sa  résurrection  $  mais  il  déclare 
en  même  temps  que  bien  heureux  sont  ceux 
qui  n*ont  pas  besoin  du  témoignage  des  sens 
pour  croire»  et  dont  le  sentiment  intérieur 
a  été  assez  puissant  pouf  dissiper  tous  leurs 
doutes. 

Enfin  les  propres  paroles  de  Jésus  nous 
enseignent  que  la  communication  de  la  vie 
divine  à  Inhumanité  doit  être  considérée 
comme  le  plus  grand  des  miracles,  comme 
le  ()rincipe  et  le  but  de  tous  les  autres.  Ses 
disciples,  dit-il,  feront  des  œuvres  encore 
plus  grandes  que  celles  qu*il  accomplit  lui- 
même,  parce  qu'il  s'en  va  vers  le  Père,  et 
que  de  là  il  continuera  à  agir  sur  la  terre  en 
eux  et  par  eux.  (Joqn.  xnr,  12.)  Allusion  à 
la  iiridiçatioo  de  fËvangile  et  à  la  vienou^- 
vcile  qui  devait  en  découler,  et  qui  est  l'œn^- 
vre  de  Dieu  dans  le  sens  le  plus  élevé  du 
mot. 

On  répète  fréquemment  a  ujouni*hui,  que» 
admettre  un  miracle,  c'est  établir  une  oppo- 
sition radicale  entre  la  nature  et  le  monde 
surnaturel.  Mais  c^est  une  erreur.  On  exa- 
gère une  opinion,  afin  d'en  avoir  plus  fa* 
cilement  raison.  L'abstraction  représente 
toutes  choses  avec  des  couleurs  tranchées» 
mais  la  vie  ménage  partout  des  transitions 
et  ne  conduit  d'une  chose  à  Tautre  que  par 
des  nuances  et  des  degrés  insensibles.  Pour* 
quoi  n'en  serait-il  pas  de  même  ici  7  Nous 
avons  déjà  montré  que  la  nature  et  le  mi- 
racle rentrent  dans  le  gouvernement  général 
du  monde,  et  que  cette  dualité  apparente  se 
résout  dans  une  unité  supérieure.  Aussi 
nous  croyons-nous  en  droit  de  distinguer 
divers  degrés  dans  la  transition  du  naturel 
au  surnaturel  dans  le  miracle.  11  est  vrai 
que  cette  distinction  n^est  pas  assez  positive 
pour  notis  permettre  d'établir  là-dessus  une 
classification  des  miracles,  mais  nous  pou^ 
vous  y  reconnaître  du  moins  la  loi  univer* 
selfe  des  choses»  à  savoir  qu'il  a'y  a  dans 
les  ceuvres  de  Dieu  aucun  saiius,  et  que  tout 
est  amené  graduellement.  D*Hn  cAté  nous 
trouvons  des  faits  dont  on  ne  pent  dire  avec 
certitude  s'ils  appartiennent  à  Tordre  sur-* 


4.i3 


MIK 


DICTIONNAIRE  APOI.OGETIQUE. 


MIR 


Ul 


naturel  ou  à  Tordre  naturel;  de  l'autre,  des 
laits  dans  lesquels  raclivité  créatrice  de  Dieu 
se  montre  seule,  et  qui  ne  paraissent  aroîr 
aucun  rapport  arec  les  cAuses  naturelles. 
Entre  ces  deui  eitrdmes  rienflent  se  ranger 
les  faits  miraculeut  dans  lesquels  Taction 
surnaturelle  est  plus  ou  moins  analogue  k 
celle  des  causes  secondes.  Ce  dernier  cffrac" 
lère  se  i^ontre  dan»  la  plupart  des  miracles 
qui  ont  pour  objet  la  nature  humaine,  tandis 
que  dans  Faction  du  Christ  sur  la  nature 
matérielle  le  côté  surnaturel  ressort  exclii- 
siTcment. 

Celte  dernière  classe  de  miracles  est  de 
beaucoup  la  moins  nombreuse.  C'est  Thomme 
qui  est  surtout  Tobjet  des  actions  merveiU 
leuscs  de  Jésus.  Comme  Jésus  est  avant  tout 
)e  Rédempteur  de  Thumanité,  ses  miracles 
«consistent,  pour  la  plupart,  dans  la  guéri* 
son  des  maladies,  parce  que  c*est  ce  qui 
touche  de  plus  près  k  son  œuvre  rédemp- 
trice. Le  mal  physique  procè<le  toujours 
plus  ou  moins  directement  du  mal  monil. 
II  y  a,  entre  le  péché  et  la  douleur,  un  lien 
indissoluble  (121).  Le  rapport  peut  bien  ne 
])as  être  exact  dans  les  individus  ou  les  cas 
particuliers,  mais  il  Test  d'une  manière  gé- 
nérale. Et  comme  le  but  de  Jésus  était  de 
délivrer  la  nature  humaine  du  mal  qui  Ja 
dévore,  et  de  rétablir  l'harmonie  détruite 
par  le  péché,  la  guérison  des  maladies  n'était 
point  un  acte  étranger  k  son  œuvre.  Parfois 
CCS  maladies  avaient  dans  l'individu  même 
une  cause  morale.  Agir  sur  la  cause  était 
un  moyen  excellent  d  agir  sur  l'effet,  et  cV 
tait  même  le  seul  moyen  d'opérer  une  gué- 
rison complète,  c'est^k-dire  permanente.  Le 
rapport  inconnu,  mais  réel,  qui  existe  entre 
l'es|)rit  et  le  corps,  nous  permet  de  com- 
prendre qu'une  impression  extraordinaire, 
produite  sur  l'âme,  ait  opéré  dans  l'organi-* 
sation  physique  une  transformation  sou- 
daine. On  peut  sans  doute  exagérer  ce  prin- 
cipe et  s'en  servir  pour  rapporter  le  miracle 
kdes  causes  purement  subjectives.  Il  eat 
de  fait  que  Timagination  exaltée  peut  réagir 
sur  le  corps  et  produire  dans  la  nature  phy- 
si(|ue  des  résultats  assez  semblables  aux 
miracles.  Ce  n'est  point  de  cela  qu'il  s'agit 
ici.  Nous  parlons  des  véritables  miracles, 
c'est-k-dire  des  faits  qui  ont  pour  principe 
une  cause  supérieure  et  o^ective.  Néan- 
moins nous  ne  voulons  pas  méconnaître  dans 
ces  faits  le  concours  d  un  autre  facteur;  et 
Faction  divine  de  Jésus-Christ  sur  l'Ame 
humaine,  et  par  Ik  sur  Torganisalion  phy- 
sique, n'exclul  nullement  une  certaine  ré^ 
ceptivité  du  côté  de  l'homme.  Aussi  Jésus- 
Christ  a-t-il  soin,  en  pareil  cas,  de  réclamer 
la  foi,  c'est-k-dire  la  condition  subjective  de 
son  actio»  sur  TAme.  Nous  ne  le  voyons  ja- 
mais exercer  sa  puissance  Hùracuteuse  en 
laveur  de  perscNiMs  animées  de  sentimeois 

{ïti)  Les  miids  fléaax  qui>  ont,  à  AverMs  épo- 
f  ues,  déiolé  le  MiMule,  coineideiil  toigaurt  avec  de 
arandes  periurbaiiaiis  dans  la  nalare  morak.  Ainsi, 
k  peste  a* Athènes  iiandant  la  guerre  du  Pelopoiièse  ; 
celle  qui  éclata  sous  les  Autonins  et  sous  Tempe- 
r«ur  béc.us:la  Mu  inguinariu^  à  la  lin  du  vr 


contraires  k  ceux  qui  produisent  ou  qui  ac^ 
compagnent  la  foi.  Il  transforme  la  nature 
matériel  le  par  la  nature  morale,  liais  il  ne 
faudrait  pas  vouloir  appliquer  cette  règlo 
générale  k  tous  les  cas  particuliers.^  Beau- 
coup de  guérisons  ne  semblent  pouvoir  s'ev- 
pliquer  que  par  une  action  immédiate  sur 
le  corps,  et  se  rapprochent  alors  des  mira- 
cle» qui  ont  pour  objet  la  oature  matérielle. 

Ce  nVst  pas  toujours  sous  la  même  forme 
que  se  manifeste  Ta  puissance  de  Jésus  dans 
la  guérison  des  maladies,  Tantdt  il  agit  im- 
médiatement par  sa  présence,  par  un  acte 
de  sa  volonté  divine,  par  sa  parole.  C'est 
surtout  alors  que  la  guérison  se  rattache  k 
une  influence  spirituelle.  Tantôt  k  rex()res- 
sion  de  la  roFlonté  se  joint  un  acte  risible, 
ainsi  l'attouchement,  ou  bien  l'emploi  de 
certaines  substances  comme  la  salive,  Teau 
ou  l^uile  (122).  (Mare,  viii,  Joan.  ix.)  Hais 
ces  moyens  n'ont  aucun  rapport  naturel 
avec  le  résultat  produit,  et  ne  peuvent  k  eux 
seuls  expliquer  la  guérison.  Jésus  a  montré 
d'ailleurs  en  diverses  eirconstances  qu'ils  ne 
lui  étaient  pas  nécessaires,  et  que  sa  puis- 
sance pouvait  s'exercer  directement.  Les 
moyens  qu'il  emploie  ne  sont  que  des  sym- 
boles par  lesquels  il  revêt  l'action  divine 
des  formes  ordinaires  de  l'action  humaine. 
liais  il  sait  quand  il  faut  agir  autrement  ; 
sa  présence  même  n'est  pas  nécessaire  pour 
manifester  son  pouvoir,  et  les  limites  de 
Tespace  n'opposent  aucun  obstacle  k  l'ac- 
complissement de  sa  volonté. 

Nous  avons  déjk  observé  que  la  guérison 
des  maladies  appartenait  k  la  vocation  «ie 
Jésus  comme  Rédempteur.  Arrêtons -nous 
un  peu  k  cette  pensée.  Le  rapport  entre  la 

Snérison  et  rœnvre  rédemptrice  provient 
tt  rapport  entre  la  maladie  et  le  péché.  De 
quelle  manière  Jésus  a-t-il  conçu  ce  rap()ort, 
et  en  général  celui  du  mal  physique  avec 
le  mal  moral?  Certains  passages,  comme 
LuCf  V,  20;  Jean^  v,  %k,  seiobtent  établir  un 
lien  étroit  entre  les  maladies  et  les  |>échés 
individuels,  el   regarder  chaqve  douleur 
comme  une  punition  spéciale,  tandis  qu'ail-» 
leurs  cette  pensée  parait  ouvertement  re-> 
poussée^  Pour  résoudre  relie  apparente  con- 
tradiction, il  faut  tenir  compte  de  la  dîflé- 
rence  des  circonstances.  Jésus^hrist  consî* 
dère  le  mal  alternativement  sotfs  €leux  points 
de  vue  ;  le  point  de  vue  trai  de  l'Ancien 
Testament^  et  celai  des  Juifs  de  son  temps. 
Ce  qui  distingue  surtout  l'Ancien  Testament 
des  autres  religions,  c'est  la  manière  solen- 
nelle dont  il  proclame  la  sainteté  de  Dieu 
en  face  du  péché,  il  envisage  le  monde  non 
plus  au  point  de  vue  naturel,  mais  an  iioiot 
de  vue  moral.  La  sainteté  divine  exige  ma 
le  péché  soit  puni  et  que  la  créature  rebell 
subisse  forcément  la  volonté  supiéme.  D*ai 
près  cette  doctrine,  le  mai  jAysique  n*~ 


siéde  ;  Tlfuîs  Mr#r,  émt  le  %i\  et  la  mort  Mar 
dans  le  xiv*  lièrle,  etc.  L*illii»ir€  Niebahr.dot 
les  ieures  reufarneal  Umi  de  paroles  d*or,  i  és^ 
lemeiii  sigoalé  cette  colucidcDce.  (Yoir  sa  ViV,  U|| 
p.  167.) 

(iti)  Comp.  rLTO,  HUt.  nat.^  !.  xxvni,  c.  7. 


IIS 


Mm 


DICT10.NNA1RE  AfOLOGEriQUE. 


MIR 


ll« 


(|ti€  i« coaséqaoDce  inévilabie  du  mal  moral. 
L'iiisloire  tout  entière  montre  qu*il  en  est 
•tftsi.  Elle  BOUS  faii  voir  constamment,  el 
partout  dans  les  grandes  crises  sociales,  le 
Dit^u  jaloux  qui  recherche  rini^uité  des 
iières  sur  Im  eofimis  iu6qu*à  la  troisième  et 
a  il  quatrième  génération*  L'histoire  du 
iieuple  juif  était  parliculièreroent  propre  h 
uire  ressortir  cette  loi  universelle  qui  rë^it 
tonla  Inhumanité.  Mais  resjprit  l)orné  des 
laib  avait  édifié  sur  cette  idée  vraie  une 
étroite  et  fausse  théodùsée.  Ils  prétendaient 
trouver  dans  chaque  cas  narticuUer  le  rap- 
port général  du  péché  avec  la  souffrance  (123). 
C'est  pourquoi  Jésus;  ea  prenant  l*idée  que 
reDfenne  I  Apciea  Testament  et  eu  la  dé» 
veloppaott  rejette  formellement  Vidée  fausse 
qoisy  était  attachée.  Au  reste^  nons  irou- 
TODs  il  véritable  doctrine  sur  ce  point  déjà 
eixsei^ée  dans  le  livre  de  lob. 

Mais,  eu  même  lejups,  la  doctrine  de  la 
réileroption  nous  dit  envisager  sous  un  jour 
tout  nouveau  celle  de  la  justice  de  Dieu. 
S'il  est  vrai  que  le  but  suprême  de  Dieu  vis- 
à-vis  dn  monde  soit  un  but  d'amour;  s*il  est 
vni  que  toute  I*histoire  de  la  révélation  soit 
destinée  à  œajjifestcr  de  plus  en  p1u.s  l'a- 
Qkoar  ridenipleur«  II  eu  résulte  que  le  lien 
éiÉbil  «ure  le  mal  et  le  péché  doit  aussi 
«tmcoorir  k  sa  manière  à  la  réalisation  de 
b  aii«érieorde  infinie,  et  que  la  souffrance 
eM  dispensée  à  eliacun  dans  la  mesure  la 
pIcK  cûfireoable  pour  difi{)06er  les  hommes 
i  mevoir  le  salut,  ou  pour  développer  en 
eui  la  vie  divine  que  la  rédemption  leur  a 
fiOfomuniquée. 

Sous  Dou voos  maintanaot  nous  expliquer 
il  maQiere  dont  J4sus  apprécie  les  idées  que 
ies  Juifs  s*étai en t  faites  de  la  justice  divine. 
Sapemiée  ressort  surtout  des  deux  passages 
suivants  :  Lue,  xiii«  %  i,  et  Joan.  ix,  3.  Dans 
le  premier  cas,  il  détourne  la  pensée  de  Tin- 
difido  pour  la  ^rter  sur  le  peuple.  C*est  le 
peuple  tout  entier  qui  est  couMble.  Si  quel* 
ques  individus  sont  punis  de  Dieu ,  c*est 

Ju*ils  ont  pris  part  à  la  faute  commune,  et 
I  châtiment  qui  les  a  atteints  montre  quel 
est  le  sort  réservé  à  tous»  puisque  tous  ont 
iiéebé.  Dans  le  second  cas,  è  ta  place  des 
ulées  étroites  sur  la  rémunération  il  substi- 
Inela  doctrine  de  l^amour  divin«  qui  se  ^ert 
du  mal  |)Our  amener  tes  hommes  au  salut. 
Ce  double  point  de  vue  explique  tout,  et  les 
divers  passages  qui  ont  trait  à  celte  ques- 
tion ne  présentent  plus  de  difficultés. 

Le  rapport  du  mal  avec  le  péché  et  de  la 
guénson  arec  la  rédemption  se  remarque 
^artoni  dans  une  certaine  classe  do  mala- 
dies, dans  celles  qui,  de  quelque  manière 
qu'on  les  envisage,  sont  an  tous  cas  le  signe 
dune  profonde  décadence  morale,  soit  de 
rtodiviilo,  soit  de  la  société  contemporaine, 
lions  voulons  parler  des  personnes  d<^si^ 


(f 91  Goaiflse  eelle  Idée  e^t  compiélemeAt  fiemet> 
ta  ^  Ira  fiMts,  la  isndance  ascciico^ébîoiMtiqup, 
m  par  les  cscèi  du  matérialisme  juiC,  fut 
«ers  la  iloctriiic  contraire.  On  enseigna  que 
ap|«rt'ient  à  SaUn.  C*esi  poun|u<>j' 


b  y—frclé  et 'la  souffirauce  soûl  te  paitage  dci 


gnées  sous  le  nom  de  démoniaques  ou  d*é- 
ner^umènes.  -^  Foy.  PossRssioa. 

in. 

Pourqoal  Ves  miracles  oat  diminué  k  paTtk  de  rétabli' 
lement  du  daniMtanisme. 

Les  raisons  de  croire  ou  de  ne  pas  croire 
ont  été  diverses,  mais  non  moindres,  selon  les 
temps:  et  on  peut  soutenir  avec  avantage 
que  rélat  actuel  des  preuves  du  christianis- 
me n'est  pas  inférieur  à  ce  qu*il  était  du 
temps  de  Jésus-Christ  et  de  ses  nias  grands 
miracles.  Seulement,  par  une  illusion  ordi- 
naire, ce  sont  les  preuves  éloignées  qui 
nous  paraissent  avoir  dû  être  les  plus  fortes; 
et  de  même  que  nous  disons  que  la  vue  des 
miracles  nous  eon  ver  tirait,  oe  même  ceux 
que  les  miracles  ne  convertissaient  pas  di- 
saient quQ  la  vue  de  Taccomplissement  des 
prophéties,  dont  nous  jouissons  aujourd'hui, 
les  aurait  convertis. 

Quelle  est  la  plus  grossière  oe  ces  deux 
illusions?  Il  serait  cnflicile  de  le  dire,  tant 
des  deux  parts  les  sommes  de  preuves  se 
compensent;  et  c'est  là  le  motif  qui  fait  que 
les  premières  (Us  miracles)  ont  dû  cesser 
proportionnellement,  à  mesure  que  les  se- 
condes {raccomplissement  dss  prophéties]  en. 
ont  pris  la  place. 

Remarquons,  en  effet,  que  du  vivant  de 
Jésus-Christ  rien  ne  le  prouvait  que  ses  mi- 
racles; je  dis  plus,  tout  prouvait  contre  ses 
miracles» 

Aujourd'hui  nous  naissons  chrétiens,  nous 
suçons,  nous  respirons  le  christianisme  dès 
le  sein  de  nos  nières,  et  toutaulour  de  nous, 
dans  la  société,  nous  en  inspire  les  croyances 
et  les  mœurs.  C'est  en  quelque  sorte  h  plai- 
sir que  nous  sommes  incrédules;  il  faut 
que  les  passions  nous  fasseut  violence  pour 
cela. 

Quand  Jésus-Christ  parut,  c^était  l'inverse; 
les  préjugés  païens,  et  peut-être  encore  da- 
vantage les  préjugés  iuifs,  étaient  contre  la 
foi.  La  nature  même  était  du  côté  de  ces  pré- 
jugés, et  faisait  avec  eux  un  poids  infini.  Ce 
n'étaient  i>as  de  faux  incrédules,  des  incré- 
dules de  mauvaise  foi,  comme  la  plupart  do 
ceux  de  nos  jours,  qu  il  fallait  contondro, 
c'étaient  de  Vrais,  de  sincères  et  de  légitimes 
incrédules,  qu'il  fallait  convaincre  :  quedis- 
je,  des  iucrédules  7  ce  n'étaient  pas  des  incré- 
dules en  particulier,  c'était  la  masse  de  la 
société,  c'était  le  monde  entier,  c'était  la  na- 
ture humaine,  c*était  ce  milieu  profond  et 
vasteoù  s'agitait  rhumaaiié,  qu'il  fallait  re- 
fondre, et  faire  |)a5ser  de  la  sagesse  des 
hommes  à  la  folie  de  Dieu. 

Or ,  i^iur  opérer  ce  renversement  il  ne 
fallait  rien  moins  que  dos  miracles.  I^s  mi- 
racles n'étaient  pas  seulement  la  plus  forte 
preuve,  mais  /a  seule  preuve  que  Jésus* 
Clirist  pût  employer. 

âmes  pieases,  tandis  qae  la  jouissance  des  biens 
terrestres  est  réservée  aoi  mëclianis.  L*éfuilibre  ne 
doit  éure  réiabK  que  dans  le  régne  de  mille  ans  os 
dans  nne  vie  future.  La  vérité  cbrétlcmie  coiiiredit 

é;;alcinenl  ces  deux  erreurs  opiHibées. 


147 


MIR 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MIR 


lis 


Même  les  prophéties  ^  loin  de  prouver 
Jésus-Christ  peiAdanl  saTie,  proaTaîenl  con- 
tre lui,  et  le  surnaturel  rejoignait  au  natu- 
rel pour  lutter  contre  le^  lumi]ere« 

Elles  étaient  de  deux  sortes,  les  anciennes 
et  les  nouvelles  :  quant  aui  anciennes,  gé- 
néralement interprétées  dans  le  sens  humain 
elles  avaient  ftiit  concevoir  l'attente  d^ln 
avènement  glorieux  et  triomphant  à  la  ma- 
nière des  grandeurs  terrestres;  et  non-seu- 
lement Jésus-Christ  ne  répondait  pas  à 
cotte  attente,  mais  il   la  heurtait  de  front 

Sar  Thumilité  et  Tabjection  de  sa  vie  et  de 
a  mort.  Quant  aux  nouvelles  prophéties 
que  disait  Jésus-Christ,  quil  convertirait 
Ifi  monde  I  quê^  quand  il  serait  élevé  en 
croix,  il  attirerait  tout  à  lui,  etc.,  elles  dé- 
concertaient encore  davantage  toutes  les 
Idées,  parce  qu'elles  faisaient  de  son  humi- 
lité et  de  son  abjection,  non  plus  un  acci- 
dent, mais  un  choix,  mais  un  principe  de 
Succès  qui  bravait  toutes  les  espérances  et 
Kuiles  les  conjectures. 

Il  résulte  de  là  que  les  preuves  que  nous 
fiyons  aujourd'hui  de  la  divinité  de  Jésus^ 
Christ  (le  succès  de  sa  doctrine  et  Taccom- 
plissement  de  ses  promesses  ),  i\on-seule- 
tneht  les  Juifs  ne  les  avaient  pas  potir,  mais 
ils  les  avaient  contre  la  croyance  à  Jé&us- 
Chri8t;de  sorte  que  sans  les  miracles  ils 
n'avaient  aucun  motif  pour  croire  en  lui.  et 
que  ce  seul  motif  avait  à  balancer,  à  forcer 
foutes  les  raisons  naturelles  et  même  surna- 
turelles d'incrédulité,  qui,  depuis  lors,  sont 
devenues  des  raisons  de  foi. 

Aussi  TOjons-nous  partout  dans  TEvan- 
(^ile,  Içs  témoins  des  miraclesde  Jésus^Christ 
partagés  entre  la  force  de  ces  miracles  et 
1  elle  des  préjugés  naturels  et  surnaturels  que 
nous  venons  de  rappeler.  Préoccupés ,  infa- 
tués de  leurs  prophéties,  et  surtout  du  char- 
nel aspect  sous  lequel  ils  s'étaient  habitués 
h  en  envisager  l'objet,  ils  ne  pouvaient  rc- 
renir  du  désenchantement  que  leur  caur 
S9ieri\  la  simplicité  et  l'obscurité  de  Jrsus- 
Christ)  ils  ne  pouvaient  se  résoudre  à  voir 
en  lui  ce  christ  qui  devait  les  délivrer  de 
iouis  kurs  ennemis;  et  dans  cet  homme  qu'ifs 
avaient  yu  nattre  au  milieu  d'Qux ,  comipc 
l'un  d'eux;  dans  ce  fils  de  charpentier^  dont 
les  parents  existaient  encore  dans  la  plus 
basse  condition,  qui  lui-même  y  était  resté 
caché  pendant  trente  ans,  et  qui  n*en  sortait 
4]ue  pour  s'entourer  de  disciples  pris  plus 
bas  encore,  et  se  signaler,  si  j'ose  ainsi  dire, 
par  le  luxe  de  la  pauvreté  et  de  la  souffran- 
ce; dans  cet  homme,  dis-je,  ils  ne  pouvaient 
jamais  plier  leur  orgueil  pharisaïçiue  à  ado- 
rer le  Dieu.  Cette  répugnance  invincible 
étendait  un  voile  épais  sur  leur  esprit,  sur 
leurs  yeux,  et  leur  dérobait  l'éclat  des  mi- 
racles. Forcés  quelquefois  par  cet  éclat  et 
retenus  par  leurs  préjugés,  ilis  étaient  en 
lutte  avec  eux-mêmes,  et,  s'p^semblant  aur 
/our  de  cet  homme  extraordinaire  qui  faisait 
leur  désespoir,  ils  lui  disaient  :  Jusques  à 
quand  nous  tiendrez^vous  l  esprit  en  suspens! 

(\tk)  Joan,  X. 


Si  vous  êtes  le  Christ^  dites-le-nous  claire^ 
ment  (1241;  c'est-à-dire,  soyez-le  convne 
nous  voudrions  que  vous  le  fussiez.  Mais 
Jésus-Christ,  sans  sortir  de  son  divin  carac- 
tère, leur  répondait  avec  simplicité  :  Je  vous 
parl^  et  vous  ne  me  croyez  pas.  Les  miracles 
que  je  fais  au  nom  de  mon  Père  rendent  /e- 
moignage  dt  moi.  Mon  Père  et  moi  nous  ne 
sommes  quun.  A  cette  idée  que  cet  homme 
qui  leur  parle  ainsi  n^st  qu  un  avec  Dieu, 
les  Juifs  perdent  de  vue  ses  miracles;  tous 
leurs  préjugés  se  réveillent,  et  ils  prennent 
des  pierres  pour  le  lapider;  et  comme  Jésus- 
Christ,  pour  les  confondre  de  nouveau  par  la 
représentation  de  ses  miracles,  leur  répli- 
que soudain  :  Je  fais  devant  vous  plusieurs 
œuvres  au  nom  de  mon  Pire  ;  pour  laquelle 
est^e  que  vous  me  lapidez?^.,  les  Juifs  évi- 
tent cette  raison  accablante,  et  poursuivent; 
Ce  n^est  pour  aucune  de  vos  oeuvres  que  nous 
vous  lapidons f  mais  à  cause  de  votre  blasphème^ 
et  parce  qu'étant  homme  vous  vous  faites  Dieu. 
Combien  de  ceux  d'entre  nous  qui  de-* 
mandent  des  miracles  pour  se  convertir 
eussent  fait  alors  ce  que  firent  les  Juifs  II! 

C'est  ainsi  que  les  miracles  avaient  une 
raison  de  nécessité  toute  particulière  dans 
l'état  où  était  le  monde  au  moment  du 
christianisme;  c'était  la  seule  preuve,  et 
elle  devait  être  d'autant  plus  forte  que 
non -seulement  elle  était  la  seule,  niai$ 
qu'elle  avait  contre  elle  toutes  les  autres,  et 
qu'elle  devait  les  balancer  jusqu'à  ce  que 
celles-ci  eussent  fini  de  s'étabhr  ;  comme 
ces  arcs-boutants  qui  soutiennent  en  l'air 
tout  un  édiflce  repris  en  sous-œuvre,  jus- 
qu'à ce  que  le  changement  régulier  de  ses 
appuis  naturels  soit  terminé. 

Mais  celte  raison»  qui  rendait  les  mira* 
clés  nécessaires  à  l'origine  du  christianisme» 
nous  découvre,  par  contre,  la  raison  qui  les 
a  rendus  depuis  lors  de  plus  en  i)lus  super^ 
fluSf  et  qui  par  conséquent  a  dd  les  fair^ 
cesser,  comme  les  Juifs  n'avaient  pas  les 
preuves  que  nous  avons,  nous  ne  pouvions 
avoir  celles  qu'ils  avaient,  et  il  serait  dillicil? 
de  dire  quelles  sont  les  plus  fortes. 

La  vue  immédiate  des  miracles  est  san$ 
doute  une  preuve  oui  doit  exciter  notre  en-!* 
vie;  m^is  l'établissement  universel  du 
christianisme,  I9  destruction  du  paganisme, 
et  la  conversion  de  toute  la  terre  idolâtre  à 
la  croix  de  Jésus-Christ,  n*e$t-ce  donc  rien  ? 
n'est-ce  pas  bien  davantage? 

Ce  grand  fait  çst  un  miracle  qui  évidem- 
ment a  dû  mettre  un  termç  à  tous  les  au- 
tres, car  à  partir  de  lui  (e  but  des  miracles 
a  été  atteint  :  le  iritmde  a  été  chrétien,  et 
n'a  eu  qu'à  continuer  à  l'^lrç.  Les  miracles 
n*avaient  pas  pour  objet  de  convertir  les 
liommes  individuellement,  mjiis  la  société 
des  hommes,  et  ceux-ci  seulement  commo 
membres  de  cette  société.  Avant  cette  con- 
version, il  n'y  avait  aucune  raison  poor  les 
individus  de  croire  que  Jésus-Christ  était 
Dieu,  précisément  |)aree  que  la  société  où 
ils  naissaient   leur  inspirait  des  préjugés 


APOLOGETIQUE: 


MIR 


140 


eoBlraires.  II  fallait  donc  des  preures  direo- 
k>s  de  cette  DivÎQÎlé,  des  miracles,  parce  que 
tout  élaic  à  eoBf enir,  et  la  société,  et  |>ar 
roQséi|«eBt  les  membres  de  la  société  des 
liomwe^  Mais  à  partir  do  moment  où  cette 
cooTersioD  de  la  société  a  été  ache? ée,  I  ou- 
vrage des  nîracles  a  été  achevé.  Il  nV  a 
plus  riea  eu  à  coorertir.  Les  hommes  sont 
nés  loat  cooTertis.  Ils  ont  dA  croire  sur  la 
foi  de  lears  ancêtres.  S'ils  ont  perdu  la  foi, 
s'ils  se  soot  ptrveriiif  ça  été  leur  faute. 
Diea  ne  leor  devail  plus  rien  ;  et  alors 
nièflie,  pour  revenir  de  cette  incrédulité 
Toloaiaire  et  coufiable,  ils  n'ont  eu  besoin 
qse  de  rentrer  dans  le  milieu  des  croyances 
chrétiennes»  où  flotte  le  monde  comme  dans 
sonéiéineBl. 

Il  en  a  élé  dn  diristianisme,  cotte  créa- 
tioB  morale»  comme  de  la  nature  el  de  sa 
créitioa    matérielle.    Au    commencement 
Dieu  créa  le  dft]  et  la  terre  ;  et  comment  les 
créa-t-îl?  Bécessairement  ^ar  des  miracles. 
Depois  lors  la  nature  subsiste,  ci  Dieu  ne 
lait  |4as  de  miracles  de  ce  genre;  les  êtres  5e 
refirôdoisent  maturelkmefK,  en  vertu  i.n  mi- 
racle primitif  de  la  création.  Ainsi  du  cliris* 
tiaoisaie  :  il  sul»siste  et  se  poursuit  dans  la 
sodété  dont  il  est  la  vie,  sans  qu'il  soit  lie> 
uÀn  de  crnouveler  les  miracles  par  lesquels 
ilaélèiondè. 

El  qa*ûn  ae  voie  pas  dans  eatle  foi  tradi* 

fiûBodle  nne  foi  aveugle  et  dénuée  de  mo- 

ids  ;  elh  est  pleine  de  lo^que  et  de  raison. 

Car,  de  même  que  Teiistence  du  monde 

K^ppose  la  création  et  ses  miracles,  de 

uême  rexiatence  du  cbrislianisme  dans  le 

asonde  easdaît  en  remontant  an  gratul  mi* 

cadedesoD  établissement^  lequel  présup* 

pose  les  aûrades  qui  Font  fondé.  Pour  qui 

considère  alleolivement   les  éléments  du 

christianisme,  et  le  chaos  de  dissolution  et 

de  ténèbres  d'où  il  est  sorti,  il  y  a  dans  son 

étabUssemenl,  sam$  la  maim  taueun  homme^ 

un  mirade  déi^isif  gni  répond  des  autres, 

qsi  nons  les  fait  voir  dans  leur  effet,  parce 

que  sans  eax,  comme  dit  saint  Augustin, 

il  serait  nins  grand  qu'eux.  Je  n*ai  pas  vu 

les  BîrMles,  mais  je  vois  le  monde  pa'ien 

converti  ;  et  alors  de  deux  choses  l'ane  :  ou 

je  m'explique  le  mande  converti  par  les  mi^ 

racles,  eC  ja  ciois  aux  miracles;  ou  je  ne 

venxpas  croire  aux  miracles,  et  alors  je 

9«iis  foreé  de  Toir  dans  ce  monde  converti 

sans  miracles  un  plus  grand  miracle  :  dans 

les  deox  cas,  la  Térité  du  christianisme  et 

sa  divinité. 

Ainsi  les  miracles  ont  dû  cesser  do  mo- 
ment où  le  monde  a  été  converti,  par  deux 
raisons:  la  première,  |>arf'e  que  le  but  direct 
des  miracles  a  été  atteint;  la  seconde,  parce 
fne  ce  bot  atteint  n'ayant  pu  Tétre  sans  les 
anracies,  oens  les  Cuit  voir  en  loi. 

Haie  il  y  a  «ne raison  encore  pins  sensi- 
ble eC  iiitts  admirable  de  la  diminution  des 
miracMsà  partir  de  l'établissement  du  chris- 
tianisme, que  nous  avons  indiquée  et  qu'il 
fiai  approfondir  :  cette  raison  est  Taccom- 
I  lîssewent  des  projihélies. 
Avant  Jésus-Ciiti^t,  les  prophéties  entre* 


tenaient  son  attente  dans  le  monde  par  Ip 
peuple  juif.  L'accomplissement  successif  d|2 
jflusieurs  de  ces  prophéties  concernant  Icvs 
destirées  transitoires  de  ce  peuple,  nK>tivait 
sa  foi  dans  celles  qui  regardaient  Tavéne- 
ment  ultérieur  et  définitif  de  Jésus- Christ. 
Ainsi  il  avait  pour  raison  de  croire,  les  pro- 
phéties elles-mêmes  se  justifiant  les  unes  les 
autres. 

.  Au  moment  où  Jésus-Christ  parut,  il  fut 
méconnu,  conformément  è  ces  |iropbéties, 
qui  s*éclipsèrent  ainsi  dans  leur  propre  an- 
complissement.  Cette  preuve  qui  avait  jusr 
que-ià  guidé  le  peuple  juif  disparut  d<iii#s 
son  objet,  ou  plntôt  devint  objection,  pierre 
d*achoppemeait  et  de  scandale.  Alors  les  \n\r 
racles  durent  suppléer  à  cette  lumière  per- 
du^ et  faire  croire,  contre  toutes  les  appa* 
rences,  que  Jésus-Christ  était  Tobjet  des 
anciennes  promesses^  et  que  les  nouvelle^ 
promesses,  qu'il  faisait  lui-même  en  co«fir» 
mation  et  en  extension  des  premières,  trou^ 
Teraient  leur  accomplissement  :  notammciU 
que  tous  les  peuides  de  la  terre  se  conver- 
tiraient à  sa  doctrine  ;  que  le  peuple  juif 
serait  reioté,  miséralde,  et  toujours  errant 
par  tout  Tunivers,  en  châtiment  de  son  in- 
crédulité déicide;  et  one  la  société  fondée 
par  Jésus-Christ  sur  les  luiôtres,  TEglise 
triompherait  de  tous  les  eflorts  de  l'enfer 
par  la  seule  rertu  de  sa  croix,  el  demeure- 
rait A  jamais,  jusqu'à  la  fin  du  monde,  assistée 
de  son  divin  Esprit. 

Ces  nouvelles  prophéties,  comme  les  ao^ 
ciennes,  étaient  difficiles  à  croire  dans  l'état 
de  faiblesse  et  d'anéantissement  où  se  trou- 
vaient alors  leur  objet  et  leur  auteur.  Leur 
accomplissement,  qui  fait  aujourd'hui  la 
manifestation  de  la  divinité  de  Jésus-Christ, 
faisait  alors,  par  la  contradiction  des  appa- 
rences, le  scandale  et  la  folie  de  la  foi  cliré-r 
tienne.  C'est  pourquoi  les  miracles  étaient 
nécessaires  pour  eu  cautionner  la  vérité. 

Mais  quand  cette  vérité  commença  A  sa 
justifier  elle-même  par  l'événement;  que  les 
nations  se  convertirent;  que  le  peuple  juif 
exterminé,  comme  il  avait  été  dit,  commença 
è  traîner  par  le  monde  cette  malédiction  qu'U 
s'élait  attirée;  que  l'Eglise  se  forma  dans  le 
feu  des  persécutions,  et  prit  peu  à  peu  sur 
les  débris  du  paganisme  celte  assiette  im|M>- 
'sante  et  terrible  oui  est  devenue  l'éeueil  de 
tout  ce  qui  a  eu  l'insolence  de  s'y  heurter: 
alors  le  prodige  de  ces  événements,  non  plus 
seulement  en  lui-même^  comme  nous  l'avons 
dit  plus  liant,  mais  dan»  son  rapport  ponctuel 
el  Ùitéral  arec  tonteê  les  propkétieâ  qui  IV 
vaient  annoncé,  ce  prodige  de  l'accomplisse* 
ment  des  prophéties  vintdégager,  pour  ainsi 
liarler,  la  parole  de  Dieu,  et  faire  cesser  la 
nécessité  des  miracles  |iarticuliers  |iar  un 
grand  miracle  toujours  subsistant. 

c  Jésus-Christ  a  fait  des  miracles,  dit  A  ce 
sujet  Pascal,  et  les  apôtres  ensuite,  et  les 

f crémiers  saints  en  grand  nombre,  parce  qua 
es  prophéties  n'étant  pas  encore  accomplies 
et  s'accomplissant  par  eux,  rien  ne  témoi- 
gnait que  les  miracles.  Il  était  prédit  que  le 
Messie  convertirait  les  nations  :  comment 


m 


MIR 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MIR 


ISS 


cette  prophétie  se  fût-elle  ^ccotnpHe  s^ns  la 
conversion  des  natioos?  çt  comment  les  na- 
tions se  fussent-elles  «inverties  au  Messie, 
ne  voyant  pas  ce  dernier  effet  des  prophéties 
qui  le  prou venttATantdono  qu*il  ait  été  morti 
ressuscité,  et  qu'il  eQt  converti  les  nations, 
tout  n*étalt  pas  accompli  ;  et  ainsi  il  a  fallu  des 
miracles  pendant  tout  ce  temps-là.  Mainte- 
nant il  n'en  faut  pas,  car  les  prophéties  sont 
nn  miracle  toujours  subsistant  (125).  » 

Ainsi,  par  une  admirable  con^pensation  de 
la  Providence,  qui  veut  qu*^  toutes  les  épo- 

Îues  il  y  ait  à  peu  prè^  les  mômes  motifs  de 
M,  les  deux  plus  grands  miraclea  de  la  reli« 
S  ion,  la  réprobation  des  Juifs  et  la  perpétuité 
e  TEglise^  deviennent  chaque  jour  plus 
éclatants,  à  mesure  que  nous  nous  éloignons 
du  temps  des  miracles^  Un  homme  gui  aôir-^ 
tnerait  quo  Dieu  lui  a  promis  une  vie  de  dij( 
èiècles  ne  serait  cru  de  personne  s*il  ne  fai- 
sait des  miracles;  mais  dès  au^l  aurait  dé^ 
passé  trois  cents  ans,  cette  longévité  sans 
exemple  serait  un  miracle  continuel  qui  suf- 
tliaii  apparemment  pour  convaincre  les  plus 
incrédules.  Or  le  peuple  juif,  dispersé  dans 
toutes  les  parties  de  la  terre  depuis  dix-huit 
siècles,  a  subsisté  dans  cet  état  ae  dissolution^ 
indissoluble  (1S6),  inouï  auparavant  dans 
l'histoire,  plus  de  temps  que  n'ont  subsisté 
les  empires  les  plus  célèbres;  et  l'Eglise  ca- 
tholique, de  son  côté,  a  duré  déjà  dix  foia 
plus  ue  temps  que  ne  vivent  d*ordinaire  les 
Sjrstèmes  de  gouvernement  les  mieux  com« 
binés. 

Pascal  ol:serve  très-judicieusement  queU 
que  part  que  les  prophéties  sont  les  seuls 
'  miracles  subsistants  qu'on  peut  faire.  Et  en 
effet,  les  autres  miracles  particuliers  cesse* 
raient  d'être  tels  par  leur  répétition,  et  de- 
viendraient des  phénomènes  naturels.  Mais 
\\  n'en  est  pas  ainsi  des  prof)héiies,  parce 
que  là  il  n'y  a  |  as  répétition;  c'est  un  seul 
^dt  singulier j  n)»is  tellement  immense,  qu'il 
remplit  tous  les  temps  et  tous  les  Sieux,  et 
que  c'est  cette  universalité  et  cette  perpé« 
tuité  qui  font  sa  singularité.  Il  se  compose 
de  deux  parties  :  la  prophétie  et  révéne* 
ment.  C'est  la  séparation  ce  ces  deux  parties 
et  leur  accord  dans  cette  séparation  qui  font 
le  prodige.  Or  quatre  mille  ana  sont  d'abor^l 
exclusivement  réservés  à  la  prophétie,  et  le 
reste  des  siècles  à  Tévénement  ;  la  séparation 
ne  peut  pas  être  plus  tranchée,  et  son  éten«* 
duo.  loin  d'affaiblir  te  prodige,  en  est  la  plus 
éclatante  préparation.  Et  maintenant,  quant 
au  prodige  en  lui-même,  c'est-à-dire  l'accord 
de  réTéqement  avec  la  prophétie,  la  durée 
ne  peut  l'affaiblir,  tant  s'en  faut,  puisqu'il 
consiste  précisément  dans  la  durée  ;  c'est  ià 
l'cvénemenl,  c^est  là  le  prodige  :  la  durée  de 
.1  réprotiation  des  Juifs,  la  durée  de  r£glise. 
Ce  lait  non-seulement  ne  saurait  devenir 
ordinaire  à  force  de  durer,  mais  il  devient 
de  jour  en  jour  pins  extraordinaire,  et  ce 
n  est  pas  seulement,  comme  dit  Pascal,  un 


miracle  toujours  subsistant^  mais  un  miracle 
toujours  croissant:  et  non-seulement  un 
miracle,  mais  un  double  miracle  :  miracle 
dans  le  fait  en  lui-môme,  quand  bien  môme 
il  n'aurait  pas  été  prédit,  et  miracle  dans 
son  accord  avec  la  prédiction. 

Rousseau,  faisant  allusion  aux  miracles 
de  l'Evangile,  ne  craint  pas  de  dire  que  les 
miracles  des  imitosteubs  se  font  dans  aes  cof" 
rsfours^  ékuns  des  déserts  et  dans  des  chambres: 
mais  que  ceux  de  la  Divinité  devraient  ôtre 
éclatants  et  manifestes,  et  avoir  pour  théâtre 
la  terre  entière,  comme  de  faire  que  le  soleil 
change  sa  course^  que  les  étoiles  forment  un 
autre  arrangement^  que  les  montagnes  s'apla^ 
nissentf  que  la  terre  prenne  un  autre  as^ 
pect^  etc.  (127).  Nous  n'avons  pas  à  discuter 
cette  grossière  et  judaïque  exigence,  mais 
nous  en  tirerons  occasion  de  remarquer  que 
les  miracles  de  l'Evangile  (sans  accorder 

3u'ils  aient  été^  faits  dans  des  carrefours^ 
ans  des  éUserts  et  dans  des  chambres^  commo 
il  platt  à  dire  à  Rousseau),  le  cèdent  en  éclat 
et  en  évidence  à  celui  de  l'accomplissement 
des  prophéties  dont  nous  aommes  les  té-* 
moins,  puisque  celui-ci  a  pour  théâtre  toute 
la  terre,  pour  durée  tous  les  siècles;  qu'il 
grandit  tous  les  jours,  et  qu'à  l'heure  qu'il 
est  il  a  atteint  des  proportions  tellement 
énormes,  tellement  en  deoors  du  cours  ordi- 
naire de  la  nature,  que  les  plus  aveugles  et 
les  plus  prévenus  en  sont  transportés  aéion-t 
nement,  d'admiration  et  d'enthousiasme. 

Ainsi  à  cette  question  :  Pourquoi  les  mt- 
racles  ont  été  en  diminuant  à  partir  de  Féia^ 
blissemenf  du  christianisme?  trois  raisons 
sont  venues  répondre  :  1**  parce  que  le  but 
réel  des  miracles,  la  conversion  du  monde, 
a  été  atteint;  2''  parce  que  ce  but  atteint, 
n^'ayant  pu  l'être  sans  les  miracles,  les  a  rcn-» 
dus  dès  lors  à  jamais  visibles  en  lui  ;  3"  imrce 
que  ce  but  est  devenu  dans  son  développe- 
ment et  dans  sa  perpétuité  un  double  mira- 
cle, soit  en  lui-môme,  soit  comme  accom- 
plissement des  prophéties,  miracle  qui  va 
grandissant  dans  la  proportion  de  notre  éloi- 
gnement  de  l'époque  des  miracles;  de  telle 
sorte  que  ce  que  le  temps  Ate  d'impressiou 
à  ceux-ci,  il  I  ajoute  à  celui-là,  et  qu'ainsi 
la  sagesse  divine,  qui  fait  tout  avec  nombre, 
l^ûids  et  mesure,  et  se  signale  autant  en  ne 
faisant  rien  de  plus  qu'ilne  faut  qu'en  fai- 
sant tout  ce  qu  il  faut  pour  atteindre  à  &es 
Qns,  se  découvre  de  la  manière  la  plus  ad- 
mirable dans  cette  belle  économie  des  preu- 
ves du  christianisme,  où  l'esprit  humain 
trouve  toujours  également,  quoique  diverse- 
ment, de  quoi  s'assurer  de  la  vérité  par  la 
raison,  et  de  quoi  la  mériter  par  la  foi. 

MiRAci.ps.  Mode  de  manifestation  de  Dieu 
à  l'homme»  Votf.  Jésus-Christ  ,  art.  11, 
§  ].  —  Jésus*Christ  a-t-il  opéré  des  mira- 
cles ?  témoignages  des  Juifs  et  des  païens  ; 
ibid.  f  H.  —  Sont-ils  des  prestiges  ou  le 
fruii  de  l'imposture?  ibid,  —  Le  miracle  est- 


(îî^)  Penséen^  ^ic.  Feiigète,  t.  Il,  p.  SU.  sunisgesiiU  toujours  dans  un  liquide,  sans  janai^ 

(ISU)  On  a  judirifiisen  ciil  coiiipa» é  1rs  Juifs  dans      pouvoir  s*y  mêler. 
'e  Hioudtf  à  dêi  Iraguieiiis  d'une  niaiit^re  iubolublu         (|i7)  Emile,  Ijv.  iv. 


19 


OiCTIOXNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MON 


151 


il  iapossiblef  ibid.^  f  lU.  —  Oi«e«:tions  : 
iMiM  les  doctrines  <hiI  eu  des  miracles  ;  les 
Bifides  soDl  le  résultat  d*une  science  oo- 
celte;  AU.  —  Magnétisme;  ibid.  —  MinK 
de  de  rétablissement  da  christianisme. 
Tuf.  PMr^«4Tio9  M  ùnisnAaisiiy.  —  Mi- 
rade  da  temple  de  Jérusalem.  Fey.  Twmhm 
m  JiacBALBf  •  —  Mirades  de  Jésus-Christ  : 
ot^edîons  el  réponses.  Yow.  note  VL  à  la 

il  dl  vol.,  Ol  BfAMILB,  I  Vl. 

MISEMCORDS  infinie  de  Dien  manifestée 
pv  rincimatîon  et  la  rédemption.  Foy.  As- 


msiVCORDIEinL  —On  a  appelé  ainsi 
ctoi  qui  iaîsaient  finir  la  dorée  des  peines 
tics  dûmes,  non  plus  par  Tanéantissement 
ai  pir  rinstabiliie  de  tout  ce  qui  est  créé, 
WÊÊS  bien  parce  qo*il  répugnait  à  la  nature 
de  Dieu  de  poorsniTre  ae  sa  rigueur  éter- 
idie  on  crime  d*un  moment.  Saint  Augus- 
tia  t  distingué  les  différentes  classes  des 
nisérieordieox  (liS) .  Il  ;  en  STait  d'abord 
oaî  peasaienl  que  ceu(  qui  seraient  con- 
«aiés  an  dernier  jugement.  Terraient  un 
lerae  à  leurs  souffrances  et  que  tous  arri- 
Teraidt  lAt  ou  lard  à  un  éternel  bonheur  : 
ilsi'onieit  cependant  espérer  la  délivrance 
deSiln.Qiielqoes-uns,  en  second  lieu,  tout 
Cl  mjaalque  les  méchants  et  les  infidèles 
Hdeal  f&gîes  d'une  éternelle  damnation , 
disueit  qce  Dieu,  par  pure  miséricorde, 
leur  areorderait  le  pardon  ani  prières  des 
saiais;  lis  n'étendaient  pas  celte  rémission 
de  peines  an  démon  ni  à  ses  anges.  £n  troî- 
sièiie  Iko,  certains  ne  faisaient*  attendre 
ii  délivranee  deFenfer  qu*à  ceux  qui,  ajrant 
iié  Ifrés  par  le  baptême,  sont  devenus  par* 
tkipiais  du  corps  de  Jésus-Christ,  quelque 
vie  on  ils  aient  menée  ensuite,  dans  quelque 
hérésie  oo  impiété  qu'ils  soient  tombés. 
Qistrièmement»  quelques-uns  ne  faisaient 
sortir  des  toormenis  éternels  que  les  seuls 
ciiiiolk}oes  pervers,  et  dans  quelque  héré- 
sie on  idolâtrie  qu^ils  fussent  ensuite  touw 
Mi.  En  ciaqoième  lieu,  d*aatres  ne  per* 
Bctiaieot  Fespoir  du  pardon  qu*à  ceux  qui 
penévénient  dans  le  catholicisme,  tout  ep 
j  vivant  très-mai.  Enfin  il  s*en  trouva  oui 
cmvaicnt  que  Dieu  se  montrerait  miséri» 
rordieu  dans  son  jugement  |à  Tégard  des 
impies  qtti  auraient  lait  Faumône,  de  telle 
sorte  qull  ne  seraient  pas  damnés  ou  se- 
raient tA|  on  tard  délivres  de  Tenfer. 

Cesdifférentes  manières  de  la  piémeerrear 
se  dissipèrent  devai;t  fautorité  de  TEglise 
^  lo  proscrivit.  lÀ  monde,  devenu  cliré- 
tien^  crojnit  noiv^ersellement  que  Tenfer 
soiit  éternel,  quand  quelques  protestants 


il») 


Afi,  lib.  nu  e.  17,  ai  seih 

(I.  M  ée  fcs  œuvras ,  Bepomâa  sm 

prwimcûU}  a  abosé  de  la  Mbiitité  de 


ftaiM 


proever  pir  la  raison  qee  rétemîté 
ée  Teaièr  r^iogne  à  b  jisliee  et  li  la 
IKm,  leet  ee  adMeilaiit  rcnfer  élerMl  par 
Eerîttires.  Celliis  {ÊH$€omn  sw  ia 
)  sait  la  naiiéffe  de  raîaooeer  de 
(daes  soa  CkriMiiMuêmÊê  rctsmuM^/tf) 
ire  à  raoéantisseiHeBt  du  daniië 
sepplice.  Jeaa  Leckfc  (Parr/iiuîaii) 


(129),  les  sociniens  (130)  et  en  dernier  lieu 
les  naturalistes  sont  venus  ^lUmuerce  dogme 
fondamental.  Vog.  EnfiMH  ^  ÏTuairt  des 

PVIHES. 

HITHRA,  est<ll   le  8*i»»^Espri|f   Fey. 

Il AED&UMB  I  11. 

MODE,  ne  peut^^étre  déiçagé  de  la  snb« 
stance  qn*aa  moyen  da  signe,  foy.  Psvçbcn 

iOGlB,  i  XII« 

MOEURS  PARTRlARCAIfg,  Vof.  Pa« 
Tauacns.  —  Comparées  aux  moeurs  bomé* 
riques,  Ibid, 

lIOl,  qu*est*ce  dans  la  philosophie  de 
Fichte?  I  oy.  PuLosoraiy  na  l*akolo.  —  Sa 
nature.  Yoy.  A  m. 

MOÏSE,  historien,  théologien,  législateur, 
^tc.  Foy.  PuifTATcoQUB.  —  Cc  qu'en  disent 
les  auteurs  païens.  Jbid.^  S  IV.  —  Son  earac* 
tère  et  sa  conduite  dans  les  trois  grands 
actes  de  son  ministère.  Ibid. ,  {  X.  —  Sa 
sincérité  dans  le  récit  du  passage  de  la  mer 
Rouge.  Fetf.  Passaqi  dk  la  mbi  Rougb,  i  V. 
—  Toutes  Tes  sciences  rendent  hommage  h 
sa  véracité.  Foy.  Scwsces,  S  1.  —  Son  por- 
trait. 76id.  —Son récit  do  déluge.  Voy.  De- 
LLCK.  -^  A--t*il  pu  s'assurer  du  fait  fonda* 
mental  du  déluge.  /6td.,  i  IL  D'accord  avec 
les  plus  anciens  historiens  sur  Foriginedcs 
peuples.  Voy.  PsychoijOgib,  §  Xil. 

MOIJICULES  ORGANIQUES.  Voy.  Homue. 

MONASTERES,  leurs  bibliothèques  au 
moyen  âge.  Voy.  Sciaifcas,  i  111. 

MONDE,    H*BX|STB    PAS   PAl   L|:|'lfftllB.  — 

Ri:nJTATI0a  na  |.*ATBi|siiB  et  l>t'  nt'4LisMX. 

Prenons  la  nature  telle  que  nous  la  livrent 
les  athées,  existant  par  soi  et  a^is^nt  lar 
des  lois  éternelles;  dans  ces  conditicuis 
même  nous  espérons  mettre  à  na  son  iw- 
puissance. 

Pour  réfuter  ratliéisme,  on  prouve  d  or- 
dinaire que  la  matière  ne  se  suffit  pas  à  elle- 
ménie;  qu*elle  est  inca|)able  de  penser  et 
d^agir,  et  par  conséuoent  de  s*ordomier. 
Cette  preuve  se  tire  ae  Tessence  de  la  ma* 
tière.  Or,  ce  qui  affaiblit  cette  preuve ,  et 
lui  Ait  perdre  de  son  autorité,  c*esl  que 
cette  essence  est  très-difficile  à  délenoinor, 
et  soulève  de  grandes  contestations.  Il  sV 
git,  en  effet,  de  décider  si  la  matière  est  eu 
non  divisible  à  Pinfini.  Prétendez- vous  i|u*il 
j  a  un  terme  à  la  division  #  on  vous  objecte 
que  cette  partie  indivisible  n*est  plus  com- 
posée, n*est  plus  étendue,  n*est  plus  de  la 
matière  »  el  on  demande  comment  il  se  fait 

Sue  de  plusieurs  substances  simples  réunie^ 
résulte  une  substance  composée.  Préten-. 
dez-vous,  au  contraire,  que  la  division  n*a 
pas  de  terme,  alors  on  ne  conçoit  plus  com-i 

auaqoe  aassi  Téleniîté  et  Y*  afer  pr  le  raiaonae- 
Bcat;  sans  parler  de  ling ,  de  TIlMaon,  de  Mon» 
et  aatres  Anglais  qai  semMèrent  ne  pas  la  défend,  e 
assez  vîgoareeseaMnt,  «pwlqn^  hiibériens  cnireni 
ansst  qee  les  sappliees  de  renier  aanieni  aa  leiaiSi 
enlie  antres  P^torsenins  ei  i^angins»  Mca  que  cHie 
mcnr  soît  eandaanée  dans  les  anabspiisli^  r^ 
rartide  17  de  la  eeniessinn  d^Angsbqnrf . 

(130)  Kmesi  Sonems,  entre  aairrs.  écrÎTÎt  couUtt 
réiernîté  de  1  enfer. 


ITin 


MON 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MON 


IfiQ 


meut  lin  notiihre  n'est  pas  composé  d'unî- 
lést  et  l'esprit  s*étonne  qu*iin  objet  fini  se 
prèle  à  une  divi.«îon  sans  Un.  Ceux  que 
frappe  la  première  difficulté  admettent  que 
i'éiendueest  Tessenre  de  la  matière;  ceux 
que  Ja  seconde  louche  davantage  admettent 
que  la  matière  consiste  en  unités  simples, 
en  forces.  Selon  ceux-ci ,  malgré  Tappa- 
rence,  il  n>  a  dans  la  nature  rien  de  ce 
qu'on  appelle  étendue,  continuité,  juxtaix)- 
sition  de  parties  possédant  longueur,  lar- 
geur et  profondeur.  Comment,  en  effet, 
ecmnaissons-nous  que  les  corps  existenti 
Nous  éprouvons  une  résistance,  rien  de  plus. 
Or  qu  est-ce  que  cette  sensation  de  rési- 
stance analysée  nous  donne?  L'idée  d'une 
force  qui  réagit,  de  plusieurs  forces  asso- 
ciées qui  réagissent.  Mais  y  trouve-t-on  que 
ces  forces  sont  composées  et  non  pas  sim- 
ples, qu'elles  ont  les  trois  dimensions?  Nul- 
lement; elle  nous  apprend  seulement  ceci, 
que  nous  sommes  modiflés  d'une  certaine 
matière,  que  notre  activité  rencontre  une 
op|)02»ition.  Notre   tort  est  de  vouloir  Juî 
fiiire  rendre  ce  qu'elle  ne  coolfent  pas,  de 
lui  fiiiredire  ce  qu'elle  ne  dit  pas,  et  ne 
|ieui  dire  en  aucune  façon.  J'ai  froid ,  j*ai 
eiiaud,  et  je  sens  une  odeur,  une  saveur; 

3ue  signifient  ces  propositions?  Que  je  suis 
ans  un  certain  état  que  je  dislingue  par- 
faitement de  tous  les  autres.  Me  prend-il 
fantaisie  de  conclure  de  cet  état  ou  je  me 
Irouve,  qu'il  y  a  hors  de  moi  quelque  chose 

9ul  est  la  clinicur,  le  froid,  la  saveur,  l'o- 
eur,  alors  je  me  trompe  grossièrement; 
car  la  physique  et   la  physiologie   m'en- 
seignent que  ces  différentes  sensations  sont 
pro<iuites  par  divers  mouvements  qui  sont 
i»urement  des  mouvements,  et  quil  n'y  a 
rien  dans  la  nature  qui  soit,  indépendam- 
ment de  nos  organes  et  de  notre  connais- 
sance, la  chaleur, Todeur,  la  saveur. Instruits 
par  ces  exemples,  nous  devons  donc,  quand 
nous  arrivons  h  la  sensation  de  résistance, 
recueillir  scnipuleuseraenl  les  idées  qu'elle- 
contient,  ne  pas  en  forcer  la  signification 
par  des  interprétations  arbitraires,  et,  par 
suite,  ne  pas  définir  cet  ohjet  qui  nous 
transmet  à  tout  instant  des  impressions,  un 
objet  étendu,  composé,  mais  simplement 
une  aggrégation  de  forces,  et  notre  corps 
lui-même  une  autre  aggrégation  semblable 
de  forces  qui  nous  sont  plus  particulière- 
ment unies.  Que  si  nous  voulons,  par  la 
spéculation ,  tirer  cette  notion  du  vague,  c| 
nous  la  représenter  avec  exactitude,  loin 
qu'elle  nous  fournisse  aucune,  idée  de  com- 
position, elle  l'exclut;  toute  force  nous  pa- 
rattétre  essentiellement  simple,  une,  comme 
il  paraissait  à  la  raison  de  Lcibnitz. 
Telles  sont  les  deux  théories  principales 

aui  expliquent  la  nature  de  la  matière.  Si 
oDCt  dans  nos  raisonnements  pour  arriver 
à  Dieu,  nous  partons  de  l'une  de  ces  théo- 
ries^ atiendons-nouc  à  ce  que  les  partisans 
de  r.intre  nous  arrêtent,  et  nous  reprochent 
de  n'avoir  rien  prouvé.  Et  si  nous  voulons 
yainere  tous  les  fcrupulcs,  nous  devrons 
liii>lllrcr  que  dans  les  deux  cas,  qtiqlle  (jiie 


soit  l'opinion  vrafet  on  obtient  le  même 
résultat ,  que  la  matière  simple  ou  comfio- 
sée,  est  toujours  incapable  de  produire 
les  phénomènes,  les  êtres,  et  rbarmooie  4e 
l'univers. 

Supposons  d'abord  qu'elle  est  réellement 
étendue.  Les  athées  soutiennent  que,  pour 
expliquer  rintellisence  et  la  volonté,  il  ne 
faut  pas  recourir  a  quelque  chose  d'étran- 
ger à  la  matière.  Nous  la  regardons  d'ordi- 
naire comme  aveugle  et  inerte,  et  telle  elle 
se  montre  souvent  en  effet  :  ainsi  la  terri! 
que  je  foule  aqx  pieds^  le  marbre  que  je 
taille  en  statues,  les  fleuves,  la  mer;  de  loua 
cdtés  je  suis  environné  par  des  objets  visr« 
hies  et  palpables  qui  ne  connaissent  pas  et 
ne  veulent  pas  :  je  me  suis  accoutuiné  à  as^ 
socier  des  qualités  qui  se  présentent  sou^ 
vent  ensemble,  et,  dans  cette  prévention, 
je  déclare  que  toute  chose  qui  tombe  sous 
les  sens  ne  peut  avoir  ni  raison,  m  senti- 
ment, ni  libre  énergie.  Hais  c^est  mal  rai- 
sonner :  de  ce  qu'une  portion  de  matière 
manque  de  telles  qualités,  il  ne  s'ensuit  pas. 
que  toute  matière  en  soit  nécessairement 
privée.  La  pierre  et  le  fer  ne  s'électriscnt 
pas  par  le  frottement;  ce  n'est  pas  une 
preuve  que  le  verre  et  l'ambre  n'ont  pas 
cette  propriété.  Lorsque,  à  une  certaine 
époque,  il  n'y  avait  sur  notre  glotie  que  den 
êtres  inorganisés,  on  aurait  conclu  aussi 
justement  que  la  matière  n'était  pas  capable 
de  vivre.  Un  jour,  pourtant,  elle  a  vécu: 
un  arrangement  particulier  des  éléments  lui 
a  donné  une  vertu  qu'elle  ne  possédait  pas 
encore.  Qui  donc  nous  assure  que,  comiiio 
à  un  moment  elle  a  commencé  de  vivre* 
par  une  certaine  disposition  des  parties,  h 
un  autre  moment,  par  une  autre  dis|K)si- 
tion,  elle  n'a«  pas  commencé  de  penser?  De 
l'un  à  l'autre,  il  n'y  a  que  la  différence  du 
plus  au  moins.  Soyons  donc  plus  circon- 
spects dans  nos  iugements;  apprenons  de 
la  nature  ce  quelle  est,  et  dis|)eiisoiis- 
nous  de  grands  efforts  de  logique  là  («ù  il 
ne  faut  que  de  l'observation  et  une  facile 
analogie. 

VoilA  l'asile  des  athées;  ils  croient  qu'on 
ne  peut  les  y  poursuivre.  Du  moins  on  I» 
tentera;  qu'on  veuille  bien  se  souvenir  que 
nous  regardons  ici  la  matière  comme  éten- 
due nécessairement  jusque  dans  la  plus 
minime  de  ses  parties. 

Au  premier  abord,  il  ne  semble  pas  évi- 
dent que  la  matière  ainsi  comprise  soit  iiK 
cai^able  de  connaître  ;  mais  à  mesure  qu'on 
découvre  les  conditions  de  l'intelligence, 
cette  incompatibilité  se  fait  jour.  Savoir,  en 
effet,  c'est  savoir  qu'on  sait.  Or  cette  cons- 
cience que  j'ai  de  mon  O|)ération  est  unique; 
il  n'existe  en  moi  qu'un  seul  centre  où  ton- 
tes  mes  actions  sont  rapportées.  Je  veux, 
j'aime,  je  hais,  je  souffre,  je  jouis,  je  pc  60u« 
viens,  ie  raisonne,  j'imagine;  c'est  un 
même  être  qui  affirme  de  lui  toutes  cas 
opérations  diverses;  quand,  dans  le  mémo 
instant,  j'ai  chaud  à  une  main,  et  froid  h  une 
autre,  il  n'y  a  pas  deux  êtres  dont  l'un  ait 
chaud  et   Tiiulrc  froid îc'o^t  le  même  qui 


IS7 


IMKI 


DICT;ON>AiRE  APOLOGETiQL'ii:. 


MON 


158 


é|*niOfe  à  b  fois  celte  double  iitt|>rcs$ion. 
Aulaiil  il  j  a  de  consciences  distinctes,  aii- 
uot  il  j  a  de  personnes  séfiarées»  d'indivis 
«h»;elaiBsipoîir  chaque  individu,  il  n*yt*n 
iqoone  saille  Ce  point  établi,  admettons 
pour  on  moment  que  la  matière  pense,  je 
demande  qnelle  partie  de  moi-même  en  aura 
consdcoce.  Une  seule»  direz-fOus;  car* 
comme  je  suis  une  personne  onique,  il 
bot  one  conscience  unique.  Sans  doute  ; 
mais  oft  se  trouve  en  moi  cet  élément 
Doa  composé,  lorsque  selon  votre  défi- 
sitkm  même,  toute  matière  est  étendue  et 
difiâble,  lorsque  toute  partie  contient  d'au- 
tres parues,  à  l'infini?  Or,  si  telle  est  votre 
dodnoe,  si  elle  me  condamne  h  sacrifier  la 
simplicité  de  ma  conscience  et  de  mon  être  : 
si  elle  foit  de  moi,  qui  me  reconnais  une 
personne,  la  réunion  d'individus  sans  nom- 
bre, on  plnt6t  si  elle  ne  trouve  ces  indivis 
dos  oolle  part,  forcé  de  rejeter  un  système, 
une  ooînîon,  ou  de  rejeter  le  témoignage  le 
plos  Clair,  le  plus  fort  do  sens  intime,  do 
m'iUiqner  moi^^même,  je  n*hésite  point,  et 
tieos  la  matérialisme  pour  une  fausseté. 

Je  ma  |»laee  maintenant  dans  la  seconde 
tiiéorie,  selon  laquelle  la  matière  consiste 
en  ooiiés.  Id  la  difficulté  qui  se  présentait 
Um  \  rbcorc  n*eiiste  plus,  car  nous  som- 
mes eo  plein  spiritualisme.  Il  n*j  a  plua 
rien  eo  eîfei  de  composé,  d'étendu,  de  réel* 
iemeol  divisible,  et  toutes  les  siAbstances 
5eréJoiseot  k  une  seule  et  même  classe, 
se  fooliMident  dans  le  caractère  essentiel  de 
la  siflq>lidté. 

Cm  fois  cette  théorie  reçue,  il  est  permis 
de  Aire  plusieurs  hypothèses  sur  la  uais^- 
saoce  do  monde.  Celles  qui,  dans  Tautre 
Uléorie,  étaient  frappées  d'impuissances  par 
le  ficede  celte  théorie  même,  peuvent  repa- 
raître avec  autorité  sous  cette  forme  nouvelle. 
D'iberd»  àe  deux  choses  Tune  :  ou  bien  il 
existe,  dans  le  prinrioe,  une  multituded'êires 
pareilleoient  éternels,  pareillement  par  soi, 
où  il  n'en  existe  qu^un. 

L  Admetie^vous  plusieurs  êtres  coéter- 
oeb  et  par  soi»  voici  les  suppositions  pos- 
sibles :  i*  I/on  d'eux  est  plus  parfait  et  plus 
poissant  :  doctrine  iÂMiaxagore^  dTArUioU^ 
ele.  etc.  2*  Il  est  plus  parCait,  sans  être  plus 
poissant  :  épicmrii$me.  3*  Tons  sont  é^/ànx 
eo  perfection  et  en  indéiiendaiicc  ;  atomiême^ 
éKirime  de  d'Holbach- 

II,  Admettez-vous,  au  contraire ,  qu'il 
existe  d*abord  un  seul  être,  voici  encore 
les  suppositions  possibles:  1*  Ou  cet  être 
ne  produit  nul  être  véritable  et  distinctt 
mais  seulement  des  phénomènes  :  pan^ 
théisme,  ir  Ou  il  produit  des  êtres  réels,  des 
individus;  soit  qu'il  crée  de  rien  :  eréaiion. 
^  Soit  qu'il  les  lasse  avec  6à  substance  : 
4'  Dans  ce  dernier  cas,  ou  il 


sarde  soo  existence  propre,  au  milieu  de 
sa  fécondité  :  Pythagore.  5'  Ou  bien  elle  s'y 
éptiise  :  mikéteme  hégélien, 

Voi]i«sj  je  ne  me  trompe,  tous  les  systè- 
o*es  qu'on  peut  imaginer  pour  expliquer  le 
mon«k-.  Je  les  parcourrai  rapidement,  me 
Umant  à  marquer  Te^jicocc  de  la  |  lu(mrt 


d'entre  eux  cl  le  vice  princii^al,  et  me  ré- 
férant aux  réfutations  com|ilètes  qu'ils  Ont 
provoq'iées. 

Première  hypothèse  :  Plueieure  êtres  étcr^ 
neU  et  par  sot  coexistent  ;  un  éCentre  emjr^ 
plus  parfait^  a  poutoir  sur  les  autres. 

Nous  sommes  encore  loin  de  l'athéisme, 
mais  du  moins  l'univers  ne  vient  pas  de 
Dieu,  et,  au  défaut  de  l'indépendance,  c'est 
quelque  chose  que  d'exister  par  soi.  La 
question  est  de  savoir  si  ces  deux  jugements 
se  concilient,  s*il  est  possible  qu'on  soit  su- 
jet d'antrui  quand  on  n'est  |ias  fiar  autrui» 
On  avouera  d'abord  que  la  matière,  ainsi 
conçue,  est  indépendante  de  Dieu,  quant  à 
l'existence;  qu'elle  ne  peut  être  détruite 
par  lui;  car  eHe  existe  non  par  accident, 
mais  par  la  nécessité.  Ajoutez  donc  qu'elle 
n'existe  fias  nue  et  abstraite,  mais  telle  ou 
telle,  revêtue  de  certaines  gualités,  mar^ 
quéc  de  certains  caractères.  La  même  né- 
cessité qui  la  lait  être,  la  lait  aussi  être 
quelque  chose  de  déterminé,  ceci  ou  cela. 
Et  ce  n'est  pas  ici  une  assertion  gratuite; 
les  mêmes  raisonnements  qui  s*appli4|uent 
à  Dieu,  et  nous  forcent  à  croire  cpi'il  ne 
saurait  pas  plus  changer  que  mourir,  s'ap* 
pliquent  avec  la  même  rigueur  à  la  ma* 
tière  ;  et  II  bat  renoncer  a  la  certitude  que 
Dieu  est  impérissable  et  immuable,  ou  ad- 
jnettre  du  même  coup  que  la  matière  |iar« 
tage  avec  lui,  du  même  droit,  ces  mêmes 
attributs.  Lo  principe  par  lequel  on  ju^e 
une  nature  première,  existante  par  elle* 
même,  quelle  qu'elle  soit  d'ailleurs,  est 
commun  à  toutes  les  doctrines  les  |>lus  op- 
posées :  athées  et  théistes  y  prennent  leur 
fondement.  La  matière  a  donc  son  essence, 
sa  nature,  ses  lois,  éternelles  comme  son 
être,  et  ainsi  Dieu  lui-même  n'y  peut  rien 
changer.  Si  la  matière  est  lialK^rd  en  re- 
pos, c'est  sa  nature  d'être  en  repos;  si  elle 
se  meut  conrusément,  c'est  encore  sa  na» 
turc  nécessaire  que  cette  confusion. 

Supposez-vous,  renonçant  à  une  prêtent 
lion  inadmissible,  que  Dieu  se  conforme 
aux  lois  de  la  matière,  et  se  borne  à  en  dis- 
poser autrement  les  parties,  comme  nous 
faisons  nous-mêmes,  rapprochant  les  unes, 
séparant  les  autres,  ouvrier  en  grand  comme 
nous  le  sommes  en  petit;  d'abord  c'est  une 
entreprise  bien  médiocre  pour  un  être  si 
graud,  ensuite  son  intervention  est  |Hiriaite- 
niunl  inutile.  Les  lois  physiques  toutes  soup- 
les ont  fait  notre  globe  tel  qu'il  est,  ont  dis- 
posé les  unes  au-dessus  iïes  autres  les  di«> 
verses  couches  dont  il  se  forme  «  élevé  les 
montagnes,  creusé  les  bassins  des  fleuves  et 
des  mers. 

Ainsi  tout  ce  bel  ouvrage  que  les  anciens 
attribuaient  à  un  artiste  divin,  et  regardaient 
comme  fait  d'une  pièce,  est  l'ouvri^e  des 
lois,  aidées  du  tem|iS. 

En  résumé*  l'opinion  que  la  matière  a 
existé  éternellement  en  face  de  Dieu,  ainsi 
que  lui,  tirant  d'elle-même  son  origine,  et 
c|ucDicu  néanmoins  a  pouvoir  sur  elle,  est 
insoutenable.  Il  ne  saurait  loucher  ni  à  Sîtn 
cxi^teuve  ni  à  ses  lois,  également  abà«>lut:s  ; 


IS9 


MON 


MCTlONNAine  APOLOGK'nQUE. 


um 


m 


et  si  en  le  conçoit  comme  nn  artiste  qui  fà-i- 

Î;onne  seulement  un  olnet^  sans  en  altérer 
'essence,  et  suivant  ses  lois»  il  est  inutile, 
et  fait  ce  qne  les  lois  sont  capables  de  faire 
sans  lui. 

Seconde  hypothèse  t  Biiu  $i  h  tnatiêre^ 
pt^eiltement  éitmehf  $ani  indépendanit  fun 
ée  Vautre. 

On  demande  alors  à  quoi  sert  la  DiTinité, 
du  moment  que  tout  dans  TuniTers  s>xpli- 

Î|ue  sans  elle.  Nous  yoilk  ramenés  aux  dieux 
ainéants  d'Épicure«  Que  Dieu  existe  ou  qu*i( 
n'existe  pas,  peu  nous  importe  :  il  ne  nous 
est  rien  { il  n  est  ni  notre  origine,  ni  notre 
guide,  ni  notre  fin. 

Puis,  comment  est<»on  instruit  qu*i1  existe  T 
Ce  n'est  pas  sans  doute  qu'on  remonte  des 

[phénomènes  et  des  êtres  observables  jusqu'k 
ui ,  leur  cause  invisible  ;  car,  nous  l'avons 
dit  déjà,  Tunlvers  se  sufDt.  Est-ce  donc  que 
jetant  les  yeux  sur  nos  imperfections,  nous  le 
concevons  comme  le  ty|)e  de  cette  |)erfection 
sans  mesure  que  noire  raison  nous  révèle? 
Mais  ce  n'est  pas  un  Être  parfait,  celui  qui, 
renfermé  en  lui-même,  vit  dans  une  stérilité 
et  une  oisiveté  éternelles,  sans  amour 
comme  sans  force,  étranger,  si  on  veut, 
à  nos  vices,  mais  aussi  étranger  h  nos 
vertus. 

Troisième  hypothèse  ;  Toui  le$  iire$  eo^ 
éiemels  $oni  du  même  rang  ;  et  théorie  d^Hé^ 
getj  admettant  une  subelanee  unique^  indé- 
terminée^  qui  fïroduit  tout  en  se  développant. 

Allons  au  fait.  Gomment  se  sont  produites 
toutes  les  créatures  qui  peuplent  la  terre?  Le 
naturalisme,  è  la  recherche  des  faits  qui  peu- 
vent appuyer  ses  prétentions,  a  accueilli  avec 
empressement  l'idée  de  la  génération  spon- 
tanée ou  hétérogène.  Depuis  qu'au  moyen  du 
microscope  on  a  nu  apercevoir  des  êtres,  au* 
paravant  invisibles,  non^eulement  on  a  dé* 
couvert  tout  un  monde  d'animaux  vivants,  et 
se  mouvant,  qu'on  n^avait  pas  soupçonnés, 
mais  on  a  cru  voir  encore  que  la  matière 
jnorijanique  s'organisait  d'elle-même  dans 
certaines  conditions,  que  la  vie  naissait  de 
fa  mort.  C'était  là  une  découverte  précieuse 
pour  le  naturalisme  ;  car  si  la  matière  nous 
inontre  tous  les  jours  cette  propriété  en 
exercice ,  pourquoi  recourir  alors  à  un 
éfre  étranger,  à  un  Dieu  qui  la  fait  passer 
d'un  règne  à  Tutitre  7  Ce  Dieu  est  une  hypo- 
thèse gra(uit0f  parfaitement  inutile,  que  la 
rigueur  de  1a  science  ne  supporte  point. 

Quoi  )  cette  terre  que  je  loule  du  pied  va 
former  un  homme  I  On  se  révolte  à  cette 
idée  ;  il  y  a  si  loin  d*un  terme  h  l'autre, 

3ue  la  raison  se  refuse  à  franchir  une  telle 
istance.Lesnaturalistes  ne  sont  pas  si  gros- 
siers que  de  nous  proposer  leur  doctrine 
d'une  niçon  si  choquante  i  au  lieu  de  heur« 
ter  les  esprits,  ils  prétendent  les  séduire, 
et  voici  comment.  Le  vulgaire  pense  qu'il 
try  a  aucun  rapport  entre  un  poisson  et  un 
homme,  un  oiseau  et  un  reptile,  un  ver  et 
et  un  oiseau,  tant  l'appflrence  est  diverse. 
Kf,  en  effet,  op  ne  voit  pas  trop  au  premier 
alKird  la  rosseniblAnce  entre  un  hotnnie  et 
un  pqi:;bu|i,  çiilfe  un  rosbi^riul  et  uiî  scrprn», 


entre  un  ver  et  ce  rossignol.  Le  peuple 
sépare  donc  profondément  ces  classes  d'ê- 
tres, et  croit  que  pour  passer  d'on  ver  à  un 
mammifère,  il  faut  un  bond  énorme.  Le 
naturalisme  combat  cette  idée.On  juge  mal, 
dit-il,  de  la  nature,  quand  on  ne  compare 
entre  eux  que  les  êtres  extrêmes  ;  il  faut 
voir  l'ensemble;  rapprocher  l'une  de  l'autre 
toutes  les  diverses  organisations,  et  alors, 
au  lieu  de  ces  brusques  contrastes^  qui  pa- 
raissaient tout  à  l'heure,  on  remarque  une 
gradation  continue  et  insensible,  qui  vous 
conduit  sans  effort  de  l'être  le  plus  éié* 
mentaire  à  l'être  le  plus  compliqué.  Aifisi 
parcourue,  nulle  distance  n'  effraye  ;  qu'on 
accorde  à  la  matière  le  pouvoir  de  for- 
mer l'animal  le  plus  simple,  il  serait 
difficile  de  lui  refuser  le  pouvoir  de  produire 
l'animal  voisin  qui  en  diffère  de  si  peu  ;  de 
celui^i  on  atteindrait  sans  peine  ranimai 
qui  est  immédiatement  au-dessus,  et  peu  ^ 
peu  on  arriverait  jusqu'à  l'homme. 

D'ailleurs,  il  ne  serait  pas  nécessaire  que 
l'homme  naquit  sous  sa  forme  même.  On  ne 
sait  pas  quels  changements  peut  apporter 
chez  les  êtres  l'influence  des  circonstances 
où  ils  se  trouvent,  l'opération  incessante 
des  agents  physiques;  et  par  conséquent,  il 
ne  serait  pas  nécessaire  que  la  nature  fit  un 
si  grand  effort  pour  engendrer  un  individu 
d'une  espèce  supérieure;  elle  y  pourrait 
suppléer  par  un  autre  travail,  qui  modifie- 
rait des  espèces  inférieures  une  Cois  e^jsen« 
drées,  ponr  les  élever. 

Enfin,  toutes  les  classes  d'êtres  vivaiUs 
sont  liées  ))ar  un  rapport  beaucoup  plus  étroit. 
Des  savants,  s'appliquent  k  l'embr^^o^éuie, 
ont  cru  trouver  que  l'œuf  d'où  doit  sortir 
plus  tard  un  homme,  ne  contient  pas  dans 
les  premiers  temps  un  homme  en  petit; 
qu^en  ouvrant  cet  œuf  à  différentes  épo<iues, 
on  y  voit  d'abord  une  simple  monade,  puis 
un  ver,  puis  k  un  certain  intervalle,  et  après 
d'autres  formes,  un  poisson,  et  ensuite  un 
reptile,  bientôt  un  oi3eau,  enfin  un  homme, 
dont  la  figure  persistera.  Si  ces  observations 
sont  vraies,  il  n'y  a  pas  entre  les  classes 
d'êtres  vivants  cette  différence  si  tranchée 
qu'on  suppose  d'ordinaire;  en  réalité,  il 
n'existe  qu  on  seul  type,  avec  des  esquisses 
plus  ou  moins  légères;  la  nature  travaille 
sur  un  seul  plan,  et  comme  tout  artiste»  elle 
ébauche  son  oBuvre  avant  de  l'achever;  elle 
l'ébauche  d'abord  grossièrement,  au  jioint 
que  l'œil  le  plus  exercé  ne  recoondltrait  pas 
son  dessein  :  c'est  une  masse  où  Ton  ne  dis- 
cerne rien,  sans  nulle  beauté;  mais  laissez 
faire  lartiste,  cette  ^asse,  toçt  à  l'heure 
informe,  se  distingiie,*  \os  po^rties  se  déta- 
ohent^  les  détails  s  accusent;  laissez-le  faire 
encore^  il  y  met  la  derçière  m^in,  et  vous 
admirerez  uç  chef-d'œuvre.  A.iosi  la  forme 
la  plus  imparfaite  de  1^  vie,  la  monade,  est 
liée  &  la  H>rme  la  plu^  p^riaite^  du  moins 
selon  notre  connaissance,  qui.  eHrhommc; 
c'est  le  grand  chemin  de  la  nature,  et  tou- 
tes les  autres  formes  sont  purement  des  in- 
tertiiédiaires  qui  marquent  les  teiuos  d'aiTÔt 
de  Id  loue  jflastiquc.  "• 


ICI 


DiCTIOM^IAlilE  APOLOGETIQUE. 


um 


f€i 


Séttsissez  ces  théories  ;  la  première,  qui 
àcmae  à  U  matière  le  pou? oîr  de  s'organiser 
elle-aBéiiiet  par  la  seule  influence  des  lois 
<)«i  la  régissent  ;  la  seconde»  cpn  rapproche, 
qai  fond  eoseoiible  les  organisations  en  ap' 
rtreoce  les    plus  éloign&Bs;  la  troisième, 

S'  les  fttt  se  substituer  l'une  à  l'aotre  par 
Ineace  des  milieux  où  elles  existent  ;  la 
dcrûère»  qui  les  ennsage  comme  des  ébau- 
ches plus  on  moins  panailes  d'une  forme 
uiqie,  et  ecmcluez.  Ce  qui  se  passe  main* 
tenant  pour  la  naissance  d'un  individn  dans 
uB  or;^ne  raché,  s*est  passé  jadis  à  ciel  dé- 
roerert  An  commencement,  comme  aojour- 
dltai,  la  Tte  a  pris  possession  de  la  matière» 
en  saîTant  tes  mêmes  drarés»  car  la  nature 
o'i  DBS  deux  procédés»  eue  est  constaramenC 
nimme. 

Ob  demandera»  il  est  vrai»  comrarat  il 
s'est  Sût  que  la  matière  s'organisât  un  jour 
plus  lét  oue  l'antre»  et  comment  il  s'est  fait 
assâ  quaa  lieu  d'une  seule  et  même 
csfièce  d*ètrea«  il  naquit  des  espèces  diOé- 
rrntes.  Ce  sont  deux  questions  que  nous 
alloBS  examiiier. 

La  {RCfloère  question  se  résout  d'elle- 
nèiDC«  •«  Blême  que  les  propriétés  fhysi^ 
qBcsetdUnqBes  de  la  matière  ne  se  réYè* 
lent  qae  dans  certaines  circonstances  déter- 
Binées  de  Blême  aussi  cette  autre  propriété 
ça'eila  pomède»  de  rirre»  demeure  cachée» 
tant  jpw  les  eireonstances  nécessaires  à  son 
dévebppaBent  sont  absentes»  et  paraît  dès 
qi'eiles  paraôsoit  La  rencontre  de  perticu" 
les  Batéiiellct»  sous  certaines  conditions 
de  dislance»  de  forme»  de  chaleur»  d'éleo- 
iricilét  de  lumière»  etc.»  suffira  pour  opérer 
ce  fhangrmmt   Sons  nos  yeux»  quand  ces 
draonsiaiiees  se  réunissent,  la  Tie  jaillit  de 
Il  laatière  inerte  ;  et  bien  arant  nous»  aussitôt 
qae  le  f^obe»  incandescent  pendant  des  siè- 
cles» a  été  propre  i  la  Tie^  quand  la  chaleur 
a  été  amsarée»  par  exemplci  des  phénomè- 
nes noareaax  ont  marquées  nouYel  eut»  la 
■siière  a  commencé  de  Tirre. 

là  seconde  question  n'est  pas  plus  em- 
iitfrmsante.  La  même  cause  qui  dit  que  la 
■urifre  organique  s'oi^nise»  fait  aussi 
«pi'eilesn  développe  plus  ou  moins.  Suppo- 
sez les  circonstances  défilTorables»  ell0  s  ar- 
t#ie  dès  les  premiers  pas»  et  ne  tous  lijre 
qB*ane  monade  ;  aupposex'les»  au  contraire^ 
aussi  conTesiatrfes  qû  possible»  elle  atteint 
sa  llmile»  ei  tous  arex  un  homme*  Puis» 
entre  ces  deux  termes  extrêmes»  conçerex 
des  intermédiaires»  des  stations,  et  tous 
aarez  ainsi  la  création  Tirante  tout  entière. 
Consultes  l'histoire  de  notre  globe»  elle 
Téfifiem  cette  théorie.  Qui  Toyer-Tous  pa- 
raître BOX  premiers  et  aux  derniers  temps  T 
Les  monades  et  Âiumairité  ;  Tune  ouTre  la 
série  des  formes  >iTanleSf  l'autre  la  cidt  ;  et 
oile-lè»  qui  est  la  première  en  date  est  la 
Ucmière  dans  la  hiérarchie^  comme  ceKe-ci, 
•lui  est  la  dernière  venue,  est  la  première 
l«r  le  rang.  Ainsi»  quand  l'air  est  encore 
ciBbrasé»  le  sol  mal  refroidir  quand  la  na- 
ïve est  encore  saoTage»  il  naît  des  êtres 
^issiers,  qui  se  placent  immédiatement 


au-^dessus  de  la  matière  inerte  ;  puis»  à  me- 
sure que  la  violence  des  agents  physiques 
se  calme»  ils  suscitent  et  entretiennent  des 
êtres  plus  délicats;  et  chaque  catastrophe 

3ul  change  les  conditions  de  la  terre»  change 
u  même  coup  ses  babilants.  Que  reut-on 
de  plus?  Cette  Tariation  semblable  de  deux 
phénomènes»  constatée  par  des  expériences 
si  fréquentes,  n'est-ellu  pas  une  preore  ma- 
nifeste que  l'un  est  la  cause  et  l'autre 
l'effet? 

Dès  lors  il  n'est  pas  besoin  de  recourir 
k  rinterrention  d'un  être  étranger  pour 
expliquer  la  formation  des  espèces  rirautcs; 
la  nature  se  suflit* 

Le  naturalisme»  se  présenlaift  atec  ces  ap- 
puis» ne  fierait  pas  à  dédaigner.  La  doctrine 
de  la  génération  spontanée  sonrit  aux  esprit» 
amis  de  la  simplicité;  elle  mène  bien 
a  tant  sans  au'on  y  pense.  Si  peu  qu'on 
lui  accorde»  le  reste  soit  :  on  lui  donne  un 
Ter,  elle  prend  un  homme»  tant  est  vrai 
ce  spirituel  adage  :  il  y  a  plus  loin  de  rien 
h  quelque  chose»  que  de  quelque  chose  h 
tout«  La  loi  de  continuité»  qui  lie  entre 
elles  toutes  les  formes  Tivanles»  satisfait^ 
pour  sa  part»  l'intelligence,  qui  a  horreur 
du  ride.  Enfin»  l'unité  du  plan  des  êtres 
animés»  indépendamment  de  la  beauté  de 
cette  découTerte  et  de  l'ordre  qu'elle  intro-* 
doit  dans  le  monde f  est  un  argument 
formidable  en  fareur  de  l'athéisme.  L'n 
effet»  ce  qui  choque  ordinairement  dans 
cette  doctrine»  c'est  qu'on  fait  produire 
à  la  matière  areugle  toute  la  ranété  des 
êtres»  et  que  cette  Tariété  marque  claire-' 
ment  un  dioix^  une  industrie  qu'elle  ne  sau- 
rait aToir.  liais  ici  cette  difiiculté  ne  sub^ 
siste  plus.  La  matière  n  a  qu'un  seul  des- 
sein, elle  ne  tend  de  toute  éternité  qu'à 
produire  un  homme.  Or»  cette  persistance 
a  prendre  toujours  la  même  forme  »  indique 
si  nettement  la  nécessité»  une  tendance 
areugle  et  fatale  »  attacliée  au  fond  de  Titre, 
qu'on  oublie  l'art  qui  existe  dans  l'œurre, 
pour  ne  songer  qu'à  son  uniformité:  on 
n'est  pas  plus  surpris  de  roir  la  matière 
tomber  dans  cette  disposition»  qu'on  n'est 
surpris  de  T<»r  les  corps  s'attirer  les  uns  les 
autres;  c'est  son  essence»  une  propriété 
iliséparable  ;  dès  qu'on  reconnaît  qu'elle 
existe,  elie  existe  ainsi»  et  qu'elle  existe 
éternellement»  elle  existe  ainsi  étemeU 
lement. 

Nous  allcma  chercher  si  un  athéisme 
aussi  redoutable  doit  on  non  être  admis, 
quelle  est  la  solidité  de  ses  fondements»  et 
s^il  peut  tout  expliauer. 

RecoMiaissens  aabord  qu*on  n*est  paa 
athée  par  cela  qu'on  admet  une  des  quatre 
lois  naturelles  que  nous  Tenons  de  citer  « 
ou  toutes  ensemble*  U  est  Trai  que  le  na- 
turalisme les  peut  iuToquer  ^  et  Qu'elles  lui 
sont  d  un  grand  secoors^maîs  le  tnéisme  les 

ti^ut  ittToquef  aussi  en  témoignage  de  la 
roTidence.  Ceat  donc  ici  nue  affaire  de 
science  uniquement  »  point  de  parti.  Ceit 
dit»  constatons  les  jugements  de  la  scieuM 
sur  la  Térilé  de  ces  quatre  k»is« 


IG7 


MON 


DICTIONNAIKE  APOLOGETIQUE. 


MON 


les 


en  i7i,  et  Porphyre  et  Eusèbe  5ontd*accord 
pour  en  fixer  la  aur<5e  à  moins  de  neuf  ans. 
Suivant  eus,  il  doit  avoir  péri  dans  une 

Ïuerre  vers  Fan  182.  Comment  alors  les 
uifs,  en  188,  ont-ils  pu  parler  de  sa  mbM 
comme  d'un  événement  récent?  Imagine- 
rait-on, par  exemple,  que  de  nos  jou^s  len 
membres  .d*une  communauté  t*eligleti$é 
quelconque,  écrivant  une  lettre  à  leurs  frè- 
res habitant  un  pays  très-voisin,  pour  leur 
ap(!|rendre  que  le  souverain  qui  les  oppri- 
mait est  mort,  prissent  ce  soin  six  ans  après 
révénement?  La  rencontre  de  ces  deux  hisi^ 
toriens  dans  le  même  témoignage,  fut 
considérée  comme  décisive  contre  Thisto- 
rien  juif,  et  Prideaux,  sans  hésiter,  adopta 
leur  opinion  c^mme  exacte  (138). 

Eh  bieni  Frohiich  a  prouvé  d*une  ma* 
nière  incontestable  que  les  deux  hisioritnê 
êe  trompent.  D*abord,  il  a  produit  deux  mé- 
dailles portant  le  nom  d  Antiochus,  Tune 
datée  de  183»  Tautrede  18i;  deux  ans,  par 
conséqiient,  après  le  temps  que  ces  histo- 
riens hxent  comme  celui  de  sa  morL  Sur 
Tune  on  lit  : 

BACIAEÛC.  ANtcoxotl  TTP  :  1£^  :  ACT  AllP« 

bu  roi  Aiiiioclios  de  Tyr,  Faslle  sacré,  184  (139). 

La  discussion  sur  ces  médailles  a  con- 
tinué jusqu'à  notre  époque.  Ernest  Werna* 
dorff  reconnaît  Tauthenticité  de  la  dernière; 
il  reconnaît  qu'elle  prouve  d'une  manière 
satisfaisante  qu'Antiochus  Sidetii  a  .vécu  au 
delà  de  l'époque  qui  lui  est  assignée  par 
l'histoire  profane;,  et  il  semble  même 
ajouter  son  propre  témoignage  à  celui  de 
Frohiich,  en  s'expriroant  ainsi  :  «  En  ce  qui 
c  touche  les  médailles  et  les  dates  qu'elles 
<  portent, .  je  suis  volontiers  de  son  avis , 
«  parce  que,  grAce  aux  soins  d'un  homme 
<i  très-hahile  en  cette  matière,  j*ai  pu,  comme 
«  Frohiich,  avoir  sous  les  veux  et  entre  les 
«  mains  plusieurs  médailles  frappées  par 
•  Tordre  d'Antiochus  (l^Oj.  »  Gottliebi  son 
auxiliaire ,  est  moins  traitable  ;  il  doute 
({ue  la  légende  ait  été  bien  lue;  il  suppose 
que  probablement  une  légère  altération  dans 
une  lettre  aura  changé  le  nombre  181  en  ce- 
lui de  iSf*  (lU).  Mais  quand  nous  reconnaî- 
trions i^omme  irrécusahie  tout  ce  qui  a  été 
écrit  contre  ces  deux  médailles,  il  en  existe 
d'autres  produites  depuis  les  observations 
des  deux  frères,  quijsemblent  mettre  la  ques- 
tion hors  de4ioute  :  car  Frolilich  a  ensuite 
{oublié  une  médaille  du  même  roi ,  portant 
a  date  de  185  (iU)  ;  et  Ecrkhel  en  a  ajouté 
une  quatrième  frappée  en  18G  (Itô). 

M.  Tochon  rejette  les  deux  premières 
médailles ,  principalement  celle  de  184,  par 
des  motifs  autres  que  ceux  de  Wernsdortf, 

.  (138)  Aticien  et  nout,  Teuamenî  réunit  ^  tabh 
éhnin.  à  fin  U  du  vol..  A*  éd.  1749. 

(159)  P.  U. 
'  (140i  Ùe  font^huê  kut.  Sifnw,  p.  13. 

(lAl)  Vbi  tup.f  sec.  XLii,  p.  79.  Vu).  U  réponse, 
p*  288. 

(I<4i)  Ad  Humùmata  regum  reffrtim»  etc.,  p.  G9. 

(143)  SffUoge  numorum  teierum,  p.  8.  Doctrina 
numorum  refemm,  lom.  III,  p.  i3i*« 


mais  qui  sont  admis  par  Eckhol .  S<ilon  lui 
le  A  ou  4  supposé,  qui  est  ptresque  effacé i 
i>arait  être  un  b  ou  %  d'une  forme  panicu- 
tière  (lU).  Contre  lés  deutdernières  médait> 
les,  il  n'allègueht  qtie  des  faisotis  ^pétiett-^ 
ses;  il  fait  valoir  les  difficultés  qu'oh  reu» 
contre  (^uattd  on  veut  les  considérer  comme 
authentiques,  au  mépris  de  tant  d*autorités 
historiques  (lU) .  A  queloues  égards,  il  se 
montre  peu  juste  pour  Frohiich  ;  il  De  cesse 
de  soutenir  que  le  savAnt  jéstiite  iilaoe  la 
mort  du  ^oi  en  188  (IM)  ;et,  en  conséquencei 
il  demande  comment  il  se  fait  que  nous 
ayons  des  médailles  de  son  successeari 
Antiochus  Grypus,  portant  la  date  de  187 

Îihl),  Or  Frohiich  place  la  mort  d'Antiochus 
Svergéte  en  186  (1«8) .  De  la  sorte ,  comme 
aucune  médailled'AntiochusGrvpusne  porte 
dédale  antérieure  à  cette  dernière,  l'opinion 
de  Frohiich  reçoit  une  confirmation  qu'on 
peut  Appeler  négative.  Jusqu'ici  donc  l'appli^ 
cation  des  médailles  a  servi  k  défendre  la 
chronologie  de  l'histoire  sacrée. 

IV.  -^  Médailles  (TAptinëe  rappelant  le  ëOQTeiiir  da 

déliigfei 

Ces  médailles  ont  été  toutes  frappées  dans 
la  ville  d'Apamée(Phrygiei  Asie-Mineure). 
Au  témoignage  de  Pline,  c'était  une  villa 
célèbre  qui  porta  d'abord  le  nom  de  Kùtumi 
{Kelcenœ)  et  ensuite,  do  ki^utôc  [Kibotot^ 
arche)  ;  enfin  elle  fut  appelée  Apamée^  d*Apa- 
me ,  mère  d*Antiochus  Sotcr,  au  rapport  de 
Strabon  (149)  ;  elle  est  assise  sur  le  nord  des 
fleuves  le  Méandre  et  le  Martvas. 

Il  existe  trois  médailles  des  empereurs» 
frappées  à  Apamée,  et  présentant  toutes  les 
trois  le  souvenir  du  déluge.  La  première  est 
do  Lucius  Septime  Sévère  Pertinaxy  qui  a  ré^ 

S  né  de  l'an  193  à  Tan  211  de  notre  ère.  La 
euxième  est  àl'effigiede  rempereurMarrm 
qui  fut  empereur  vers  l'an  2t7.  La  troisièire 
représente  Terapereur  Philippe  le  Pirtf  qui 
a  régné  vers  Tan  2i&. 

Le  revers  do  ces  médailles  représente  une 
arche  nageant  sur  les  eaux.  Au  dedans  de 
cettearche,  apparaissent,  à  mi-corps,  unhom* 
me  et  une  temme.  En  dehors,  on  voit  une 
femme  revêtue  d'une  loozue  robe,  et  un 
homme  couvert  d*une  espèce  de  tunique; 
Tun  et  l'autre  élèvent  leurs  mains  vers  le 
ciel.  Au-dessus  du  couvercle  de  larche  est 
perché  un  oiseau,  tandis  qu'un  autre  oiseau 
se  soutient  dans  les  airs,  tout  près  de  Tar* 
che,  et  porte  dans  ses  pattes  un  rameau 
d'olivier. 

Nous  allons  maintenant  faire  connaître 
succinctement  les  principales  discussions 
auxquelles  ces  médailles  ont  donné  lieu,  et 
les  raisons  qui  prouvent  que  c'est  véritable* 

(144)  Dittcrtaîionf  p.  SSi 

(li5)  P.  U. 

(146)  P.  i4,  39,  etc. 

(i47)  é  Conmi6Di  alors  supposer  aue  la  mort 
rAaUochui  £vergète  puisse  éire  acrivee  fan  188; 
elle  serait  postérieure  av  rèsne  de  son  fils.  >  P.  til. 

(148)  Aniio  CLXxxvi.  Circa  kitc  tempus  contig^u 
extsiimo  cœdem  Antioclti  VU  Ëvergeln,  p.  88. 

(149)  St»as.|  Uv.  xu.— Plis.i  liv.  v,  t.  39. 


î& 


MON 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


HON 


f7tf 


Deot  an  souTenir  du  déluge  de  Noé  qu'elles 
KpréseolenL 

Le  presniei*  auteur  qui  en  ait  parlé,  est 
Falconer  (150).  Son  opinion  était  que  les 
deux  |ienoQDa^;es  représentés  dans  rarche 
et  hors  de  Tarche,  sont  Oeiicalion  et  Pyrrba  ; 
que  le  geste  de  leurs  bras  indique  qu'ils 
jettent  des  pierres  derrière  leur  dos,  et  que 
(es  oiseauiL  que  Ton  j  Voit  sont  ceux  que 
Denealîoo  envoyait  hors  de  Tarche,  au  té- 
moignage de  Plularque  (151},  pour  s'assurer 
de  relit  des  eaux. 

y^  il  restait  à  expliquer  les  lettres  mie, 
ffW,  qu'il  assure  aroir  lues  sur  la  médaille. 
Faîeoner  pensait  que  c'était  un  emprunt 
que  les  Apaméens  avaient  fait  à  nos  livres 
«aiots,  en  appliquant  à  leurs  croyances  le 
B-va  d*an  personnage  de  la  Bible;  et  il  prou- 
vait son  assertion,  en  citant  les  nombreux 
«Bprmts  que  les  mystères  grecs  avaient 
taiis  aux  antiquités  judaïques. 

Quelque  temps  après ,  Bryant,  dans  sou 
ÂMmlfuderamctenne  mythologie  [ib2)^  revint 
lar  <Ts  mfidailles,  et  soutint  avec  beaucoup 
de  fofce  ropinion  de  Falconer,  dans  la  par- 
tie oh  cet  auteur  pensait  qu'il  s'agissait,  sur 
en  uiMaflles,  du  déluge  de  Noé. 

%  ToccasioD  de  son  ouvrage,  les  discus* 
irons  et  les  redierches  se  ranimèrent  en  An- 
iMerre,  e(  produisirent  trois  dissertations, 
qai  famt  consignées  dans  VArehéologie 
fribtiée  par  la  société  des  antiquaires  de 
l/^res  (153). 

L'auteur  de  !a  première,  Barrington ,  es- 
f9jê  de  prouver  que  les  fibres  gravées  sur 
les  oédaîUeSy  avaient  rapport  au  déluge  de 
IHicalion  et  de  Pyrrba.  Mais  comme  le  mot 
ifûE  loi  faisait  obstacle,  il  ne  faisait  pas  dif- 
traité  d^assurer  qu'il  avait  été  mis  pour  le 
aot  ViUt  «o«#,  qui  est  le  pluriel  duel  de 
l7««  et  il  expliquait  ce  mot  par  ce  passage 
dthide:  m09duo^  iurbatumus,  A  nouideux, 
caiif  forwÊJûmM  la  foule, 

La  denriéme  dissertation^  composée  par 
te  D.  Milles,  s'attaque  aux  médailles  elies- 
fiièoes.  Milles  pense  qu'il  n'y  a  d'authenti- 
ques qœ  celles  qui  portent  écrit  sur  l'arche^ 
es  lettres  de  i^Eûa,  Neoki  lesquelles;  dit-il, 
forent  ensoite  changées  par  les  faussaires 
ta  eeOes  de  kue.  D'après  cette  opinion,  qui 
B'est  pas  soutenable,  dit  Eckhel,  Milles  croit 
•^ae  ces  médailles  n'ont  rapport,  ni  au  dé- 
lice de  Moé,  ni  à  celui  de  Dencalion  ;  mais 
qu'elles  font  allusion  à  quelque  culte  parti- 
celier  des  Apaméens^  dont  nous  n^vons 
nmiae  connaissance. 

iM  troisième  dissertation  est  une  lettre 
du  sarant  abbé  Barthélémy,  lequel,  consulté 
l»  les  auteurs  anglais,  s*abstient  de  pro- 
&'ncer  sur  l'interprétation  de  la  médaille, 
:^is  assure  qu'il  est  hors  de  doute  que  les  * 
'inu\  premières  lettres  sont  nq. 
Après  avoir  cité  ces  différents  avis,  le  sa- 


n 


Son  oavratt  a  pour  litre  :  DiêêertaUo  de 
Apmtmemn  Mkmeolmmeî  éilueu  twmm  exhi- 
OK,  I6a7. 

ISf)  PLCTAtQce,  De  toUrtia  ammalium^  n*  15. 

lïSl   AmJifgth  af  aneient  mffthologie^  iouL  II, 

IliCflOÏXAlaS  âPOLOGÉTIQCS.  II. 


vaut  Eckhel  expose  son  sentiment,  lequel 
est  que  ces  médailles  t'ont  pu  faire  allusion 
qu'au  déluge  de  Noé.  Nous  allons  exiioser 
siierînctement  les  raisons  sur  lesquelles  il 
s*a|ipuic  (15^). 

En  premier  lieu,  tous  les  savants  sont 
obligés  de  conveiiir  que  celte  arche  qoi  vo- 
gue sur  les  eaux,  cet  homme  et  cette  fem* 
me  qui  y  sont  renfermés,  cette  colombe  qui 
rapporte  une  branche  d'olivier^  et  cet  aulrd 
oiseau  qui  est  perché  sur  l'arche,  convien- 
nent au  moins  autant  au  déluge  de  Noé,  tel 
3u'il  nous  est  raconté  dans  la  Bible,  qu'au 
éluge  de  Deucalion,  tel  que  nous  en  par- 
lent Tes  auteurs  profanes.  Bien  plus,  il  est 
plus  que  probable  que  quelques  circonstan- 
ces, notamment  celte  de  la  colombe,  envoyée 
hors  de  l'arche,  paraissent  n'avoir  été  attri- 
buées à  Deucalion,  par  Plntarque,  qui  vi- 
vait au  second  siècle  de  l'ère  chrétienne , 
que  parce  Qu'il  avait  entendu  parler  du  dé-^ 
luge  de  Noe. 

Examinons  donc  les  circonstances  parti- 
culières oui  ont  fait  penser  à  quelques  au- 
teurs qu  il  s'agit  seulement  du  déluge 
grec. 

Tous  se  fondent  principalement  sur  ce 
que  les  deux  personnages  sortis  de  l'arche; 
jettent  des  pierres  derrière  leur  dos  ;  mais 
cela  est  loin  d'être  prouvé.  En  effet ,  si  1  on 
examine  attentivement  les  deux  figures,  on 
verra  qu'on  peut  interpréter  leurs  gestes  de 
toute  autre  manière  ;  (rabohl,  on  remarque^ 
ra  que  la  paume  de  leurs  mains  n'est  point 
fermée,  comme  elle  le  serait  si  elle  tenait 
une  pierre  pour  la  lancer.  C'est  ainsi  que^ 
sur  une  médaille  des  Tyriens,  on  toit  Ibrt 
distinctement  la  pierre  que  Cadmus  tient 
dans  sa  main  (155)  ;  on  ne  voit  pas,  non 
plus,  qu'il  y  ait  des  pierres  en  l'air,  ou  d'au- 
tres éparses  sur  la  terre. 

—Mais;  disent  les  critiques^  nous  voyons 
qùé  ces  deux  personnages  ont  la  main  éle- 
vée, n'est-ce  pas  là  le  geste  de  personnes 
qui  jettent  quelque  chose  derrière  elles  ? 

—  Sans  doute  ;  mais  combien  d^autres 
choses  ce  geste  peut  aussi  désigner  7  Nous 
avons  en  effet  une  infinité  d'exemples,  tirés 
d'anciens  monuments,  sur  lesquels  on  voit 
des  figures  ayant  la  même  position,  et  que 
les  artistes  ont  donnée  à  des  personnes  qui 
ne  Jettent  pas  des  pierres,  mais  qoi  pérorent^ 
qui  sont  aans  l'admiration,  qui  s  efforcent 
o'apaiser  des  querelles,  qui  invoquent  la  di* 
tinité,  ou  font  toute  autre  chose  que  de  je- 
ter des  pierres. 

Pourquoi  donc  se  refuser  à  reconnaître 
dans  cas  deux  figures,  Noé  et  son  épouse, 
nouvellement  sortis  de  l'arche,  manifestant^ 
en  élevant  leurs  mains  vers  le  ciel,  leur  ad- 
miration et  reconnaissant  qu'ils  n'ont  été  coiv^ 
serves  que  par  uu  miracle?  C'est  ainsi  que 
chez  les  Athéniens,  la  loi  ordonnait  d'élever 

(155)  Ârciueologia  pmb&sked  *f  îhe  Mdefy  of 
amliquaHes  ûfLomdom^  tom.  iV,  p.  515. 

(154)  Voir  IK}rf riiia  Nummorum  reterum,  too.  Ul; 
p.  152,  8  vol.  ÎD-S*  ;  Yieiiue: 

(155)  Vaula!(t,  in  Colon,  ittb  Cordhno  cl  Gd^ 
lieHO, 


m 


MON 


DICTIO.NNAIUE  APOLOGETieUE. 


UÙS 


m 


les  csains  vers  le  ciel  lorsau'on  faisait  des 
vœux  à  la  Divinité  (156).  G  est  ainsi  que  les 
Argonautes  firent  le  même  geste  lorscpi'ils 
se  lurent  emparés  de  la  toison  d'or. 

«  Les  héros  de  Mynie,  nous  dit  le  poëte, 
furent  remplis  d'une  grande  joie,  et  élevè- 
rent leurs  mains  vers  les  dieux  qui  habi- 
tent le  vaste  ciel  (157).  » 

—  Mais,  iit-on  encore,  comment  les  Apa- 
méens  de  Phrjgie,  non  chrétiens  k  cette 
époque,  ont-ils  pu  aller  chercher»  pour  leurs 
monnaies,  un  type  tout  à  fait  étranger  à 
leur  ville  et  à  leur  religion  ? 

—  On  répond  d'abord  qu'il  n'est  aucun 
érudit  qui  puisse  présumer  assez  de  soi- 
même  t  pour  espérer  découvrir  l'orisine  et 
les  causes  de  tout  ce  que  les  peuples  de 
l'antiquité  ont  cru  devoir  consigner  sur 
leurs  monuments;  il  n'en  est  pas  un,  non 
plus,  qui  soil  assez  déraisonnable  pour  se 
refuser  à  croire  à  un  fait  attesté  par  des 
monuments,  sous  prétexte  qu'il  n'en  connaît 

f)as  les  causes.  Nous  devons  donc  croire  que 
es  Apaméens  ont  jugé  convenable  de  rap^ 
peler  le  déluge  de  Noé  sur  leurs  médailles, 
précisément  parce  que  ces  médailles  nous 
présentent  ce  f&it  avec  la  dernière  évidence. 
H  est  cependant  quelques  considérations 
qui  peuvent  nous  rendre  compte  de  leur 
conduite,  et  nous  aider  à  dissiper  les  voiles 
qui  couvrent  ce  fait  historique  ;  ces  considé- 
rations nous  sont  fournies  par  les  livres 
Sibyllins,  livres  trop  vite  condamnés  par  les 
érudils  des  siècles  derniers  (158).  Falconer 
les  avait  dé^'à  invoqués;  mais,  préoccupé 
de  ridée  qu  il  s'agissait,  sur  ces  médailles, 
lu  déluge  de  Noé  et  aussi  de  celui  de  Deu- 
caUon,  it  n'en  avait  pas  tiré  tout  l'avantage 
qu'ils  offrent  pour  l'explication  de  la  pré- 
sente quesUon. 

Voici  le  passage  de^  livres  Sib)rllins(159]  : 
«  11  y  a  sur  le  continent  de  la  noire  Phrygie 
une  montage  haut  élevée  et  inaccessible  ;  on 
rappelle  Ararat,  parce  que  c'est  là  que  tous 
durent  se  réfugier.  C'est  de  là  que  prennent 
naissance  les  sources  du  grand  fleuve,  le 
Marsyas.  C'est  sur  le  sommet  de  cette  mon- 
tagne, que  l'arche  (Kibotos)  se  reposa  lors- 
que les  eaux  se  furent  retirées.  » 

On  peut  tirer  de  ce  passage  les  conclu- 
sfuns  suivantes,  toutes  en  faveur  du  senti- 
ment que  nous  défendons  : 

f  II  s*agit  ici  évidemment  du  déluge  de 
Woé,  et  non  de  celui  de  Deucalîon,  dont  Tar- 
che,  dit-on,  s'arrêta  sur  le  mont  Parnasse, 
tandis   que   les  plus    anciennes   histoires 

(153)  Voir  DÉMOSTnÈ.HEs,  adv,  Macarlato»,  1038, 
et  adv.  Uidiam^  p.  611. 
(i67j  npmç  Mcvvixc  {ity  lynOiov,  av  8'«o«  yc^^; 
AOccvaTêi;  ôiipov,  o7  ovakvov  cvpuv  ^ovatv. 

(Argon,  v.  lOif.) 

H58)  Voir  la  mention  qui   a  été  faite  dans  le 

nf  59  des  Annales  de  pltHus,,  tom.  VII,  p.  351,  ci^un 

Mémoire  de  M,  Futur,  tn  à  la  Société  littéraire  de 

Londres,  dans  loquet  fauteur  rébabllite  Tautorité 


nous  disent  que  l'arche  de  Noé  s'arrêta  sur 
le  mont  Ararat. 

2**  Le  lieu  où  cet  événement  arriva  est 
désigné,  dans  les  vers  Sibyllins,  par  des 
caractères  très-clairs,  et  qui  ne  permettent 
pas  de  douter  qu'il  ne  s'agisse  ici  d'A|)amée* 
C'est  d'abord  le  nom  de  Kélanès  de  Phrygie 
qui  lui  est  donné,  et  puis  celui  de  Kibotos, 
qui  est  cité  un  peu  plus  bas;  et  nous  avons 
vu  qu'Apamée  avait  primitivement  porté  ces 
deux  noms.  Ensuite^  ^indication  du  fleuve 
Marsyas,  qui  en  effet  prend  sa  source  au 
pied  d'Ai}amée,  ne  laisse  aucun  doute. 

On  voit  donc  que  c'était  une  tradition 
ancienne,  que  l'arche  du  déluge  2»'était  ar- 
rêtée à  Apamée  ;  or,  ce  déluge  est  celui  de 
Noé,  et  non  celui  de  Deucalion.  Il  s'ensuit 

3ue  les  Apaméens  n'ont  i)u  nppcler  que  le 
éluge  de  Noé,  lequel  seul  avait  Quelque 
rapport  avec  leur  ville,  et  non  celui  ue  Deu- 
calion, dont  ils  n'avaient  aucune  raison 
particulière  de  rappeler  ou  de  conserver  le 
souvenir. 

Il  ne  faudrait  pas  que  l'on  vint  objecter 
ici  que  les  vers  Sibyllins  ne  sont  pas  d'une 
authenticité  à,  labri  de  toute  critique.  Ils 
n'^ont  pas  besoin  d'une  plus  grande  au- 
thenticité pour  nous  servir  dans  ta  question 
actuelle.  En  effet,  il  est  certain  que  ceux 
qui  les  ont  composés  ont  suivi  une  tradition, 
une  croyance  qui  existait  de  leur  temps.  A 
cette  époque  donc,  il  y  avait  des  personnes 

Îui  croyaient  que  la  montagne  qui  domine 
pâmée  était  ce  mont  Ararat^  où  s'arrêta 
Y  Arche ,  et  ils  devaient  être  d'autant  plus 
portés  à  le  croire,  que  le  nom  ancien  de 
cette  ville  était  Kibotos^  c'est-<\-dire  Archs, 
nom  qui  n'a  pu  lui  être  donné  que  d'après 
quelque  allusion  à  un  vaisseau  ;  or,  Af>aroée 
ne  se  trouvant  pas  sur  le  bord  de  la  mer, 
d'où  lui  serait  venu  ce  nom? 

On  connaît  d'ailleurs  combien  les  Grecs 
étaient  portés  à  accueillir  tous  I#s  traits  qui 
pouvaient  donner  à  leurs  villes  quelque  re- 
nom, témoin  leur  dispute  sur  la  patrie  de 
Jupiter,  de  Bacchus,  d'Homère,  etc.;  il  ne 
faut  donc  pas  s'étonner  que  les  Apaméens, 
ayant  appris  d'une  manière  queicon€|uc, 
qu'une  tradition  portait  que  l'arche  s  était 
arrêtée  chez  eux,  aient  saisi  cette  occasion 
de  se  donner  de  l'importance^  en  attachant 
à  leur  ville  le  souvenir  d'un  événement  si 
célèbre  dans  la  vieille  antiquité.  Peut-être 
même  ont-ils  voulu,  en  frappant  ces  mé- 
dailles, contrebalancer  et  détruire  les  pré- 
tentions des  Grecs,  qui  se  vantaient  de  ce 
que  Deucalion  était  venu  aborder  sur  une 

de  quelques-uns  de  ces  livres. 

(159)  *EffTiSt  Tc  ^/svycqc.cicè  qrcî^oco  picXacyijf  (a) 

*Ott*  a/sa  au^no-eo^ai  ctt*  outû  nicrrtç  tyMw% 
^Ev  TOuT«o  fieyiàn  èè  iroOiJ  mttAvfAtoç  in- 

(Uv.  I,  X.  soi  ;  Paris,  Didot,  1841.) 


(a)  Au  Ken  de  mcX«Ivi,«,  que  poriciit  maintenant  les  vers  sybyllins,  Eckel  lit  ici  Kùmi^^ ,  avec  Bocbarl,  Géographie 
sacrée,  liy.  i,  ch.  5;  d*autant  plus  que  KtWtv^;  et  )uX«iv«  signifient  l'un  et.Fautre  iwîr.  D'ailleurs  ic  mot  mùmnit  est  ap- 
pît^ué  à  la  Phrv^*e,  au  liv.  i»,  v.  407.  ,  ^  • 


m 


«ON 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MON 


174 


de  leurs  montagnes.  Ceci  eiplique  de  reste 
commeoi  ils  ooi  pu  faire  usage  de  lliistoire 
de  Noé,  et  apposer  soa  nom  sur  leurs  mé- 
dailles, bien  que  ce  nom  leur  fût  étranger. 
Mais  ee  qui  surtout  nous  doit  déterminer 
à  reconnaître  que  c'est  bien  le  déluge  de  Noé 
lioot  on  a  Toulc  rappeler  le  souvenir  sur 
ces  méJaiJIes,  c*e$t  le  nom  de  ce  patriarche 
inscrit  sur  le  côté  de  Tarcbe.  Car,  s*ii  est 
douteux  que  la  troisième  lettre,  presque 
eotièremenc  effacée,  soit  un  E,  au  moins 
e$t-il  hors  de  doute  que  les  ileux  premières 
soBl  HO.  Or*  aucune  conjecture  plausible  ne 
peut  élre  laite  sur  le  sens  de  ces  lettres  par 
ceui  qai  ne  Teolent  pas  Toir  sur  ces  mé« 
dailles  le  déluge  de  Noé,  tandis  que  tout  se 
réaoit  ^nr  prouver  que  c'est  de  ce  déluge 
qull  s  agit.  Ainsi  toutes  les  figures  de  ce 
tjpe  nous  disent  que  c'est  nae  qu'il  but 
lire  ici,  et  rinscription,  à  son  tour,  donne 
■ae  ooufelle  preuve  que  c'est  du  déluge 
de  Noé  que  les  figures  veulent  parler.  D'au- 
leurs,  ce  n'est  pas  sans  raison  que  les  Apa- 
luéens  ont  inscrit  ce  nom  sur  leurs  médail- 
les :  cooiine  ils  roulaient  distinguer  leur 
<ié!oge  et  leurs  médailles  de  celui  de  Deu- 
caiiOB  el  des  médailles  oui  avaient  été  frap- 
{•ées  pour  en  rappeler  le  souvenir,  ils  ont 
dû  inscrire  le  nom  de  kûe,  qui  seul  était 
capable  d'ôler  toute  ambiguité. 

£a  oBire,  plusieurs  eiemples  viennent 

90QS  prouver  que  c'était  une  chose  reçue 

cbcz  les  anciens,  d'inscrire  sur  les  vaisseaux 

iBémes  les  noms  des  personnages  dont  ils 

rappelaient  le  souvenir.  C'est  ainsi  que  les 

Magnésiens  et  les  Ioniens  nous  ont  laissé 

plusieurs  médailles  qui  portent  aussi  un 

vaiflMao,  ei  le  vaisseau  porte  écrit  sur  un 

de  ses  côlés  le  nom  d'APro,  Ar^os,  bien  que 

te  nom  n'appartint,  ni  à  leur  ville,  ni  à  leur 

nation  ;  mais  pour  avertir  ceux  qui  Terraient 

Ces  médailles ,  de  quel  vaisseau  ils  rappe- 

bieat  le  souvenir.  Les  Apaméens  ont  dû 

bire  de  même,  et  inscrire  sur  leur  vaisseau 

le  nom  de  celui  qu'il  devait  contenir,  et  par 

conséqueot  Noé. 

Toutes  les  circonstances,  comme  toutes 
les  recherches  et  toutes  les  critiques,  s'ac- 
cordent donc  à  reconnaître  que  les  médailles 
des. Apaméens  nous  ont  conservé  la  preuve 
qve  le  soa  venir  du  déluse  de  Noé,  et  le 
nom  de  ce  patriarche  s'étaient  conservés 
c:>ez  les  peuples  de  l'Asie. 

Sur  la  forme  carrée  donnée  à  Tarche  sur 
tes  médailles  d' A  pâmée,  le  docteur  Wise- 
BU[n.a  recueilli  quelques  documents  que 
nous  copions  ici. 

«  On  pourrait  objecter  qu'une  pareille 
t^ire  donnée  à  l'arche  s'accorde  aiflicile- 

l€<*-6l>  Borna  lubUrranea;  Borne,  1631,  lom.'I. 
I-  'i5,  351.  355;  loio.  Il,  p.  14i. 

ici; /Hrf.  539,  551,566. 

'Il»3)  O^ser^aûom  topra  aUtad  frammtnli  di  vasi 
Atidhidi  wtirû^  loin.  I,  6g.  1. 

iî^p  DiMMertmtm  de  dtMbw  embUmatibus  mu$mi 
urd,  Cmrphui,  Rome,  1748,  p.  18.  Bîancbioî  a  aubsi 
^Mié,d*après  «a  ancien  verrp,  une  représenulioa 
et  b  Méing  scène  <rn  jnin'ature. 

ittS;  ViDfrt  las  eiempK»  dans  Annfçbi,  t.  II,  p. 


ment  avec  la  description  que  les  historiens 
sacrés  ou  profanes  nous  font  du  déluge  ;  les 
uns  et  les  autres  supposent  que  non-seule* 
ment  Noé  et  sa  femme,  mais  aussi  toute  sa 
fomiile  et  un  grand  nombre  d'animaux,  ont 
été  renfermés  dans  l'arche.  De  telles  cir- 
constances ne  peuvent  guère  être  exprimées 
par  la  fij^re  d*un  petit  coffre  contenant 
deux  individus.  Pour  lever  cette  difficulté, 
je  proposerai  une  cf'mparaisôn  entre  les 
premiers  monuments  chrétiens  et  la  repré- 
sentation que  nous  offrent  les  médailles. 
Personne  ne  peut  douter  que  dans  les  mo- 
numenls  chrétiens,  on  ait  eu  en  vue  le  récit 
de  TEcrilure.  Eh  bien  1 1  arche  y  est  toujours 
représentée  comme  un  coffre  carré  flottant 
sur  un  courant  d'eau  ;  on  n'y  voit  que  la 
personne  du  patriarche  jusqu  à  la  ceinture, 
et  au-dessus  la  colombe  qui  lui  apporte  la 
branche  d'olivier.  Telle  est  la  manière  dont 
le  sujet  est  représenté  sur  auatre  sarcopha- 
ges dans  les  dessins  d'Aringhi  (160-61)  ;  ainsi 
on  le  trouve  dans  la  peinture  de  la  seconde 
chambre  du  cimetière  de  Calliste  (162),  et 
enfin  sur  une  feuille  de  métal  dont  le  sé- 
nateur Buonarrotti  nous  a  donné  le  des- 
sin (163),  et  Ciampini  Texplication  (16^). 
Quelques-unes  de  ces  peintures  montrent 
le.  couvercle  du  coffre  ouvert  sur  la  tète  du 
patriarche,  ainsi  que  dans  les  médailles  d'A« 
pâmée  (165).  Dans  celles-ci  encore,  la  figure 
de  Noé  est  quelquefois  .représentée  en  de- 
hors de  l'arche,  sur  la  terre  fermé,  avec  la 
colombe  symbolique,  qui  sert  à  le  désigner; 
car,  parmi  les  symboles  chrétiens  les  plus 
communs ,  Beldetti  compte  celui-ci  :  <  Noé, 
quelquefois  dans  Tarclie  et  quelquefois  en 
dehors,  avec  la  colombe  (166).  »  E^fin  la  co- 
lombe est  de  temps  en  temps  perchée  sur 
l'arche,  comme  on  le  voit  sur  la  médaille 
dont  nous  donnons  le  dessin;  mais  alors 
la  figure  du  patriarche  est  omise.  Il  en  est 
ainsi  sur  la  pierre  de  Foggi,  décrite  par  Ma- 
machi  (167).  » 

y.  —  Snr  le  Utre  de  BasUicot  que  Ton  Vnnre  dans  saint 

iean. 

Saint  Jean  donne  au  père  du  jeune  homme 

3ue  Jésus  guérit  de  la  fièvre,  sans  le  voir  et 
'une  seule  parole,  le  titre  de  pmaùirw^  que 
la  traduction  française  rend  par  seigneur  de 
la  cour;  or,  on  objectait  que  ce  titre  était 
totalement  inconnu  en  Palestine  (168).  Mais 
voilà  que  Texactitude  de  cette  dénomina- 
tion vient  d'être  démontrée  par  une  inscri- 
f>tion  trouvée  sur  la  statue  de  Memnon, 
aquelle  fait  mention  d'un  Ariemidore^  sei- 
gneur  de  la  cour  (basilicos)  du  roi  Ptolé" 
mée  (169). 

67, 105,  187.  515.  ^  ' 

(166)  Obsenaiioiu  sur  les  cimtUtres^  Rome,  1720, 
tom.  1,  p.  22.  s  ^ 

(167)  Origine  et  aniiquiU  des  chrétiens^  liv.  xs« 
UMB.  III;  Rome.  1731. 

(168)  Observationes  flavianap,  p.  144. 

(169)  AfTttuZtàpoç  Ux^ysuMin  fkaàtxovi.  Mt'KTCi, 
Recueil  d'ùb'urratwns  religieuse» ,  diaprés  le»  mar^ 
bres  grecs^  dans  les  Miscellatua  de  Copenhague,  looi. 
I,  I8iG. 


175 


MON 


DICTIOlNNAIRE 


Vl.  —  loscriplions  prourapl  le  granJ  nombre  des  Martyrs. 

Gibbon  et  Dodwel  avaient  avancé  que  le 
nombre  des  martyrs  n*avait  pas  été  1res- 
considérable,  et  que  TEçlise,  après  le  règne 
de  Doniitien,  avait  joui  d*une  tranquitlité 
parfaite  (170).  Or,  toutes  ces  assertions  sont 
détruites  par  les  inscriptions  recueillies  par 
Visconti  (171),  par  Aringhi  et  par  d'autres. 
Kn  voici  une  de  ce  dernier,  qui  expliquera 
quelles  difficultés  éprouvaient  les  cnrétiens 
pour  conserver  les  corps  de  leurs  martyrs. 

«  Alexandre  n'est  pas  mort;  il  vit  au-des- 
sus des  étoiles,  et  son  corps  repose  dans  cette 
tombe.  Il  a  cessé  de  vivre  soûs  Pempereur 
Antonin,  qui  ne  lui  paya  que  par  de  la 
haine  ce  qu'il  lui  devait  do  faveur  et  de 
bonté.  Car,  tandis  qu^il  fléchissait  les  genoux 
pour  sacrifier  au  vrai  Dieu,  il  fut  entraîné 
au  supplice.  0ht  malheureux  temps,  où, 
au  milieu  de  nos  cérémonies  sacrées  et  de 
DOS  prières,  nous  ne  pouvons  être  en  sû- 
reté, même  dans  des  cavernes!  Quoi  de  plus 
misérable  pour  ik)us  quel»  vie?  Mais  d*un 
autre  côté,  quoi  de  plus  misérable  aussi  que 
la  mort?  Car  nous  no  pouvons  pas  même 
être  ensevelis  par  nos  amis  et  par  nos  fa- 
milles (172).  » 

y\\.  —  Qui  doit  c^irc  cm  de  la  Bible  qui  dit  (i»*il  y  avait 
du  via  en  Kgvptc,  ou  d'Hérodote  qui  dit  cxpfe^mettl 
qu^ii  û'y  eu  avait  pas. 

«  Dans  le  siècle  dernier,  les  livres  de 
Moïse  furent  souvent  attaqués,  à  cause  des 
raisins  et  des  vignes^  et  peut-être  du  vin  (173) 
dont  il  y  est  fait  mention  (17l!i>),  comme  appar- 
tenant au  sol  et  aux  usages  de  l'Egypte  (175). 
Car  Hérodote  nous  dit  expressément  qu'eu 
Egypte  il  n'y  avait  point  de  vignes  (176),  et 
Fliitarquc  nous  assure  que  les  naturels  du 
pays  abhorraient  le  vin,  le  considérant 
comme  Ye  sang  do  ceux  qui  s'élaienV  révol- 
tés contre  les  dieux  (177).  Ces  autorités  pa- 
rurent si  concluantes,  que  les  assertions 
contraires  de  Diodore,  de  Strabon,  de  Pline 
et  d'Athénée  furent  considérées  par  le 
savant  auteur  des  Commentaires  sur  les  lois 
de  Moïse  comme  ne  pouvant  infirmer  tou- 
tes ensemble  le  seul  témoignage  d'Héro- 
dote (178).  De  là,  il  conclut  qfi9r\&  vin  était 
prescrit  dans  les  sacrifices  juifs,  à  l'eilet  de 
détruire  tout  préjugé  venant  des  Egyptiens 
k  regard  de  cette  boisson,  et  pour  détacher 
i*ncore  davantage  le  peuple  élu  de  son  affec- 
tion renaissante  pour  ce  pays  et  pour  ses 
institutions.  Plusieurs  savants  ont  partagé 
cette  opinion.  Le  docteur  Prichard  citt  les 
nblations  de  vin  parmi  ceux  des  rites  hé- 
breux qui  sont  «  ou  en  rapnort  d'imitation 
ou  en  contradiction  avec  les  lois  de  TE- 
g^vpte  (179),  »  Et  comme  ce  rite  assurément 

^  fil9)  Décadence  et  chute  de  V Empire  romain,  chap.. 
fff,ei  bmeftationes  Cfprianœ^d'ni,  il,  p.  57. 
(i-71)  Memêrie  romane  di  anttclnta^  lom,  1,  182.%. 
\ïl^)  Alexander  morlmut  non  Mf ,  etc.  Aai.NGni, 
Sioma  tubterranea^  tooi.  U^  p.  685. 

(173)  ^ttlfl.  XI,  5. 

(174)  Gen,  xi,  9;  xuii,  13. 

(175)  Voyez  Bcllst,  Répontet  critiques;  Besan- 
con, 1819,  tom.  III,  p.  Ui.— Le  Bibie  vengée,  de 
Dua.es,  Brcscia,  18il,  lom.  Il,  p.  214. 


APOLOGETIQCE.  VLQiS  176 

ne  saurait  être  rangé  parmi  ceux  de  la  pre- 
mière classe,  je  suppose  que  nous  devins 
considérer  le  docteur  Pricnard  comme  étant 
de  la  même  opinion  que  Michaëlis.  Tant 
que  l'autorité  d'Hérodote  a  été  jugée  supé- 
rieure aux  divers  témoi^^nages  des  autres 
écrivains,  on  n'a  pu  opposer  que  de  faibles 
arguments  à  l'objection  fondée  sur  cette  au« 
torité.  Aussi  nous  voyons  les  antcurs  qui 
ont  entrepris  de  la  combattre  recourir  à  des 
conjectures  puisées  dans  l'invraisemblance 
d*une  telle  supposition,  ou  imaginer  une 
différence  chronologique  de  circonstances 
et  un  changement  de  coutumes  entre  les 
temps  de  Moïse  et  ceux  d'Hérodote. 

«  Mais  les  monuments  égyptiens  ont  décidé 
la  question,  et  naturellement  l'ont  décidée 
en  faveur  du  législateur  hébreu.  Dans  \a 
grande  Description  de  f Egypte^  publiée  par 
le  gouvernement  français  après  l'expédilion 
faite  dans  ce  pays,  M.  Costaz  fait  le  tableau 
détaillé  de  la  vendange  égyptienne,  depuis 
la  taille  de  la  vigne  jusquli  l'extraction  du 
vin,  en  se  réglant  sur  les  peintures  qui  se 
trouvent  dans  l'Hypogée,  ou  souterrains 
d'Jbilithyia,  et  il  blâme  sévèrement  Héro- 
dote pour  avoir  nié  rexistence  de  la  vigne 
en  Egypte  (180). 

«  lilh  1825,  cette  question  fut  agitée  de 
nouveau  :  dans  le  Journal  des  Debaîs^  un 
critique,  rendant  compte  d'une  nouvelle 
édition  d*Horace,  en  pnt  occasion  de  faire 
observer  que  le  vinum  mareoiicum^  dont  if 
est  parlé  dans  la  trente-septième  ode  du  pre- 
mier livre,  ne  pouvait  être  un  vin  d'Egypte, 
mais  devait  provenir  d'un  district  de  l'Epire,. 
appelé  Maréotis.  Cet  article  parut  dans  le 
journal  du  26  juin.  Le  2  et  le  6  du  mois  sui-^ 
vant,  Malte-Brun,  dans  le  même  journal^ 
examina  la  question^  principalement  en  co 
qui  touche  )%  témoignage  d'Hérodote.  Au 
reste,  dans  ses  preuves,  il  ne  remonta  pas 
plus  haut  que  les  temps  de  la  domination 
romaine  et  grecque.  M.  Jomard  entreprit 
de  discuter  ce  point  plus  à  fond,  et  dans 
une  feuille  périodique,  pkjs  propre  à  de 
telles  questions  qu*un  journal  quotidien,  y\ 
poussa  ses  recherches  jusqu'au  temps  des 
Pharaons.  Après  les  peintures  déjà  citées 
par  Costaz,  il  en  appeUe  aux  restes  d'am^Ao-- 
re«,  eu  vases  à  vin,  trouvées  dans  les  ruines 
des  anciennes  villes  de  l'Egypte,  et  encore 
imprégnées  du  tartre  <(ui  y  fut  déposé  par 
le  vin  (181).  C'est  depuis  la  découverte  de 
l'alphabet  hiéroglyphique  par  Champolliou 

3u'on  peut  regarder  la  question  comme 
écidée;car  il  parait  maintenant  certain  que 
non-seulement  le  Tin  était  connu  en  Egy- 
pte, mais  encore  qu'on  en  faisait  usage 
dans  les  sacrifices.  Dans  la  peinture  des  of- 

(l7e)Llv.  n,cb.  77. 

(177)  De  hide  et  Osiride,  ^  S. 
.  (17S)  Toia.  III,  p.  121  et&uiv.,  Irsd.  augh 

^179)  Analyse  de  la  mylholvgie  des  EgyptUit^t  P« 
441  — (GuÉNÉB,  Lettres  de  quelques  Jutfs;  Vêùs^ 
1S21,  toin.l,p.  192). 

(180)  Deicnptîon  de C Egypte,  Autiq.,l0CD.  1,  p. 62; 
Paris,  180S. 

(181)  Bulletin  universel^  sect.  7^  lom.  IV,  p»  78» 


IT7 


mcnO^CvlIRE  APOLOGETIQUE. 


MON 


|T8 


fra^'îtM;  jïims  Torofw  représ^nl(^5,  cotre  aa- 
ires  doDSp  des  Oâcous  remplis  dTune  cou- 
I^cr  rouge  josqa'aa  goulot,  qui  est  blanc 
tomme  toul  Tase  transparent;  et  on  lit  au- 
l*rès  eo  caractères  hiéroglyphiques,  le  mot 
I?H  qai«  en  cophle,  signifie  vin  (182). 

•  Rosellioi  a  représenté,  dans  les  planches 
de  son  bel  ouTrag't,  tout  ce  qui  concerne 
la  Tendange  et  Ta  manipulation  du   Tin. 
Auparavant,  il  arait  publié  à  Florence  un 
ia%  relier  égyptien,  tiré  de  la  saJerie  du 
gfaiidsluc  :  on  w  Toyait  une  prière  en  ea- 
lai'tères  hiérOi^Typhiques  adressée  comme 
i;  le  suppose,  à  la  déesse  Atbyr,  et  dans 
lacvelle  oa  la  conjurait  de   répandre  sur  le 
défunt  do  TÎn,  du  lait,  et  d*aulre$  substan- 
rfs  salutaires.  Ces  objets  sont  représentés 
\^r  des  Tases  qui  sont  censés  les  contenir, 
H  leurs  noms  sont  écrits  à  Tentour  en  hié- 
roglrphes.  Autour  du  premier  yase^  on  TOtt 
la  fmc,  la  frou^At,  et  le  carrée  caractères 
pMMiétiqoes  des  lettres  EPH  (183);  et  je  ferai 
obserfcr  ici  que  le  savant  Scnweigauser, 
dans  SCS  remarques  sur  Athénée,  paratt 
(louter  de  Texactitude  des  assertions  ae  Ca- 
saubon,  qui  prétend  que  i^tç  était  le  mot 
^Srpticfl  signifiant  iTtu  (18%),  quoiqjue  la  jus- 
tesse de  eetle  interprétation  soit  clairement 
proBTée  fÊg  Euslalbius  et  Lycophron.  S*il 
eût  écrit  après  qu*on  a  eu  découvert  ce  mot 
eiprimi  en  caractères  hiéroglyphiques,  il 
aoraJI  smos  doute   chanj^   d'opinion;  et, 
d'an  autre  côté.  Je  ne  doute  pas  que  Cham- 
l^lfion  et  Rosellini  n'eussent  appuyé  leur 
Jfllerprétation  du  témoignage  de  ces  deux 
anciens  écrirains,  s'ils  Teussent  connu. 


—  IftS 


égrp^ieBiies.  —  iBunorUUlé  de  rime. 
IMS.  -*  Arts  d^sgréments.  —  Husique. 
—  Jeo  des  femmes.  —  Combats  de  tau- 


Les  manmnents  deFEgypte,  arec  les  scul- 
ptures ei  les  peintures  au'ils  renferment,  se 
l>résenteD4  scus  un  triple  point  de  Yue.  On 
peut  les  considérer  comme  ouvrages  d*art, 
n»mme  documents  historiques  ou  comme 
féraoigoages,  pour  confirmer  ou  réfuter  les 
ootioiis  que  nous  fournissent,  sans  les  prou* 
Tpr,  les  Bébreux,  les  Grecs  ou  les  Romains  ; 

00  finalement  comme  des  moyens  de  déter- 
miner rétat  de  I9  ciriUsation  à  l'époque  de 

1  i-rectioa  de  ces  monuments.  Sous  le  pre* 
mier  rapport,  il  y  a  peu  de  chose  à  dire  ;  le 
caractère  de  Tari  égyptien  était  véritable- 
tuent  stéréoty|)é,  car  il  était  sujet  au  con- 
tr&le  de  la  caste  sacerdotale,  et  tonte  dévia* 
lion  des  formes  établies  était  prohibée.  Sous 
le  poiol  de  vue  historique,  ces  monuments 
présentent  nécessairement  de  grandes  la- 
cunes, car  tous  les  rois  n*aimaient  pas  à 
I4tîr;  leur  valeur  historique  est  cependant 

(fS2)  Letirei  à  M,  le  duc  dé  Biacûs^  première, 
lettre^  pu  ùJ» 

ifSSi  ir«a  bas  '  relief  égvpiieii  de  b  galerie  de 
llareBee.  Ibid.^  1826,  p.  40.  Wilkinsoo  s  aussi  la 
le  Même  oioi.  Mat,  hierogL^  p.  16,  note  5. 

p.  1 1S.  11  trouve  le  mot  ipnif  dans«ane  ciialion  de 
V>|p|io,  ^«oiiiQe  dans  un  auirc  passage  il  lise  (liv.  x, 


considérable  corame-eipKoalion  subsidiaire 
des  documenta  écrits;  et  notamment  le 
Peniateuque  en  reçoit  des  éclaircissements 

3 ni  dissipent  menreilieusemeut  Tobscurité 
e  certains  passages. 

Quant  à  lYtat  de  ta  civilisation^  des  dé«. 
couvertes    récentes    nous    ont  fourni  les 
moyens  de  déterminer  Tétai  social  de  Tan-, 
cienne  Egypte;  nous  avons  des  peintures 
de  leur  vie  puMiqiie  et  de  leurs  mœurs 
domestiques;  ces  peuples  nous  ont  légué. 
tous  les  détails  de  leur  manière  de  vivre 
depuis  le  conseil  du  roi  jusqu*au  berceau 
de  Tenfant,   non  point  décrit   en  termes 
vagues,  mais  leur  pensée  ayant  pris  corps, 
par  les  formes  de  la  peinture  et  de  la  scul- 
pture, n'exigeant  aucune  étude  préliminaire 
pour  être  comprise,  ni  une  science  bien, 
profonde  pour  être  interprétée. 

Il  y  a  peu  de  nations  dont  les  formes  ex- 
térieures de  la  civilisation  aient  aussi  clai* 
rement  révélé  Topinion  intime  sur  laquelle 
elles  étaient  basées,  comme  les  anciens 
Egyptiens.  Il  est  impossible  de  contempler 
quelque  grande  collection  de  leurs  antiqui- 
tés, sans  apercevoir  que  ta  pensée  la  plus 
influente,  aans  leurs  opinions  religieuses 
et  sociales,  était  la  croyance  d*one  conti- 
nuation de  rètre  après  la  mort.  Mais  cette 
croyance  était  grossière  et  sensuelle:  c'est 
pourquoi  ils  mettaient  tant  d'importance  k 
la  conservation  des  corps.  L*ancienne  E:^ypte, 
cojimela  Chine  moderne,  était  spécialement 
gouvernée  par  le  bâton.  Los  Musulmans, 
qui  connaissent  bien  son  efficacité,  ont  un 
proverbe  favori  :  «  Le  bâton  est  descendu 
«  du  ciel,  c*e5t  un  bienfait  de  Dieu.»  Les 
maîtres  de  l*Eg3rpte,  dans  tous  les  siècles, 
se  sont  évertués  à  faire  jouir  les  peuples  de 
ce  bienfait.  Ammien  Marcellin  dit  que,  de 
son  temps,  on  se  faisait  un  point  d'hon- 
neur de  supporter  la  bastonnade  pour  élu- 
der le  paiement  des  impôts.  La  même  chose 
a  encore  lieu  de  nos  jours. 

M.  Witkinson,  qui  a  |)assé  plusieurs  an- 
nées dans  les  toml>eaux  de  Thèbes  et  <io 
Memphis,  pour  dessiner  les  peintures  qu'ils 
renferment,  nous  a  transmis  de  curieux 
détails  sur  les  arts  de  Tépoque  la  plus  re^ 
culée.  Ainsi,  dans  le  tombeau  de  Thothmo- 
sis  111,  contemporain  de  Moïse,  et  proba- 
blement le  Pharaon  de  l'Ecriture,  on  voit 
un  cordonnierarmé  de  Talène  et  du  tranchet, 
de  la  même  forme  que  ceux  dont  nous  nous 
servons,  et  faisant  usage  du  tire-pied  re- 
tenu par  son  orteil.  Dans  le  même  tableau, 
on  voit  un  ébéniste  incrustant  un  morceau 
de  bois  rouge  dans  une  planche  de  syco- 
more jaune;  à  côté  de  lui,  est  un  petit 
coffre  marqueté  de  bois  de  diverses  cou- 
leurs. Un  autre  ouvrier  prépare  de  la  colle 

lAiB.  IV,  p.  55)  ôXir«.  Ce  savant  rrîtiqne  sembla 
avoir  proaré  que  le  dernier  lexie  est  le  plos  correct. 
{Ammadv.  in  Âth.;  \9M^  ton.  V,  p.  575.)  Cepen- 
dant la  décoarerie,  en  caraeléres  hiérogl^hiqnea^ 
do  mot  égyptien  donné  aa  vin  par  les  anciens  écri- 
vains, ainsi  que  les  anlrcs  déiails  rapportés  dans  le 
te\le,  doit  être  considérée  cmunip  on  arguneat  puis- 
sant en  faveur  du  svsicii.e  pliouéti<iuc. 


179 


MON 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MON 


iSO 


Sue  son  camarade  applique  à  deux  pièces 
e  bois  pour  les  réonir,  et  celte  peinture  a 
au  moins  trois  mille  trois  cents  ans l  L'ha- 
bileté des  Egyptiens  pour  allier  et  travailler 
les  métaux  est  suffisamment  prouvée  parles 
nombreuses  pièces  dont  fourmillent  les  mu- 
sées de  l'Europe.  Ils  avaient  surtout  le  se- 
cret de  donner  aux  lames  de  bronze  un 
certain  degré  d'élasticité,  comme  on  peut 
le  voir  dans  le  poignard  du  Musée  de  Ber- 
lin, ce  qui  probablement  dépendait  de  la 
manière  de  forger  le  métal»  ei  dans  les  jus- 
tes proportions  de  Talliage.  Certaines  habi- 
tudes parmi  les  hommes  de  la  même  pro- 
fession se  retrouvent  quelquefois  dans  des 
«!ontrées  très^éloignées  ;  et  dans  les  tableaux 
en  question,  on  voit  souvent  le  scribe  avec 
sa  plume  de  roseau  derrière  l'oreille  pen- 
dant qu*il  parle  à  (}uelqu'un,  comme  nous 
le  voyons  tous  les  jours  dans  nos  maisons 
de  commerce. 

Le  soufflet»  comme  on  l'emploie  encore 
dans  quelques  provinces  du  Midi ,  étak 
connu  des  Egyptiens.  C'est  un  sac  de  cuir 
avec  une  douille,  sur  lequel  un  homme 
nresse  avec  le  pied  ;  une  ficelle,  qu'il  tient  à 
la  main^  sert  a  relever  la  peau  pour  faire 
rentrer  l'air.  Dans  la  tombe  d'Amunoph  11, 
quatorze  cents  ans  avant  Jésus-Christ.,  on 
voit  un  Egyptien  qui  se  sert  d'un  siphon 
pour  vider  un  vase  qu'on  ne  peut  pas  re- 
muer. Il  n'est  pas  improbable  que  cette 
invention  soit  due  à  la  nécessité  de  laisser 
déposer  l'eau  bourbeuse  du  Nil. 

D'après  la  fréquente  répétition  de  ban- 
quets et  de  festins  que  l'on  voit  sur  les 
monuments,  il  est  évident  que  les  E^ryptiens 
étaient  un  peuple  très-sociable;  ils  n'ont 
rien  négligé  de  ce  qui  pouvait  proToquer 
ou  augmenter  la  gaieté;  la  musique,  les 
chansons,,  la  danse,  et  même  des  sauteurs. 
Bes  jeux  de  hasard  occupaient  le  temps  entre 
rarnvée  des  conviés  et  le  commencement 
de  la  fête.  Les  personnes  de  haut  rang 
venaient  en  palanquin  et.  en  chariots,  et 
escortés  par  une  nombreuse  suite;  on  voit 
môme  des  coureurs,  comme  c'était  encore 
la  mode  chez  nous  dans  le  dernier  siècle. 
Dans  la  première  pièce  on  trouvait  de 
l'eau  pour  se  laver  les  mains  et  les  pieds; 
l'absence  de  gants  et  les  sandales  ouvertes, 
ren(lai.ent  cette  pratique  générale  parmî  les 
anciens.  Dans  quelques  occasions  on  offrait 
des  vêtements  aux  convives,  et  négliger  de 
s'en  revêtir  était  manquer  de  respect  au 
maître  de  la  maison:  Ceci  explique  une  des 
paraboles  de  Jésus,  qu*un  convive  fut  igno- 
minieusement expulsé  parce  qu'il  n'était 
pas  revêtu  de  l'habit  de  fête  ;  circonstance 
qui  a  tant  exciié  les  clameurs  des  philoso- 
phes du  xviu*  siècle,  parce  qu'ils  ignoraient 
cette  particularité  des  habits  fournis  aux 
convives  par  Je  maître  du  festin.  Ensuite 
on  répandait  des  parfums  précieux  sur  les 
invités,  coutume  que  les  Juifs  avaient  em- 
pruntée des  Egy|)tiens,  et  qui  se  pratiquait 
encore  en  Palestine    du  temps  de  Notre- 

1185)  Matth.  XXVI,  V.  6,  7. 


Seigneur  (185).  Les  reproches  que  Je  pro- 
phète Amos  [186)  adresse  aux  Juifs  sur  leur 
nite  de  table,  ne  sont  que  la  description 
d'un  banquet  égyptien. 

Une  troupe  de  danseurs  de  profession  se 
composait  d'hommes  et  de  fbmmes;  les 
hommes  faisaient  aussi  des  tours  de  force, 
des  sauts  périlleux,  ou  marchaient  la  tête 
en  bas,  etc.  Parmi  les  jeux,  on  voit  le  jeu 
d'échecs  et  la  mora  des  Italiens.  Plusieurs 
des  peintres  égyptiens  montrent  beaucoup 
d&  talent  pour  la  caricature.  II  y  a  un  ta- 
bleau au  Muséum  britannique,  où  des  dames, 
dans  une  réunion,  sont  représentées  dispu- 
tant sur  la  beauté  de  leurs  boucles  d'oreil- 
les et  l'arrangement  des  tresses  de  leurs 
chevelures,  avec  une  vivacité,  un  esprit  de 
rivalité  tout  à  fait  caractéristiques.  Dans 
une  ou  deux  occasions,  Tartiste,  ften  galant» 
a  peint  des  dames  que  le  plaisir  de  boire 
avait  entraînées  trop  loin,  et  qui  ne  peuvent 
plus  dissimuler  leur  indiscrétion. 

I^s  dames  jouaient  &  la  balle  relies  étaient 
assises  sur  le  dos  de  celles  qui  avaient  nian-^ 
que,  et  lorsqu'une  joueuse  manquait  à  son 
tour,  elle  servait  de  siège  à  une  nouvelle. 
Cette  manière  était  connue  des  Grecques, 
qui  appelaient  les  vaincues  des  ânes^  parce 
qu'elles  étaient  obligées  d'obéir  à  celles  qui 
avaient  gagné.  Les  escamoteurs  se  trouvent 
aussi  dans  les  fêtes  ;  le  professeur  Rosellini 
a  publié  une  gravure,  dans  laquelle  on  voit 
quatre  coupes  renversées,  et  sous  une  d'elles, 
une  balle  est  cachée  par  le  charlatan,  dont 
le  coup  d'œil  rusé  et  le  regard  plein  d'in- 
dulgence malicieuse,  le  rendraient  di^ne  de 
figurer  parmi  les  plus  habiles  de  nos  jours; 
en  y  voit  même  le  niais^   qui  se  présente 

fiour  deviner  sous  quelle  coupe  est  la  balle. 
1  serait  difficile  de  trouver  dans  nos  temps 
modernes  quelque  coutume  ou  quelque 
amusement  qui  ne  se  retrouveraient  pas 
chez  les  Egyptiens  du  temps  des  Pharaons. 
Ainsi,,  on  voit  un  singe,  un  petit  chien  ou 
une  gazelle  près  de  la  maîtresse  de  la  mai- 
son, tandis  que  les  convives  viennent  la 
saluer  à  mesure  qu'ils  arrivent;  les  jouets 
d'enfant  sont  aussi  variés  que  chez  nous, 
même  y  compris  les  pousas;  les  nains,  que 
nous  avons  vus  à  la  cour  de  nos  rois,  il  y  a 
deux  siècles,  étaient  aussi  à  la  cour  des  grands 
en  Eg^^pte,  et  quelquefois  aussi  par  su- 
perstition, ils  prenaient  auprès  d'eux  des 
créatures  difformes,  ou  qui  avaient  quelque 
ressemblance  avec  l'aspect  d'un  de  leurs 
principaux  dieux,  Phtah^Sokary-Osifis^  la 
divinité  informe  de  Mempbis.  Il  est  assez 
singulier  que  les  Egyptiens  aient  eu,  il  y  a 
trois  mille  cinq  cents  ans,  les  mêmes  gcûts 
qu'on  a  revus  depuis  à  Rome  et  dans  l'Eu- 
rope modernje. 

Les  combats  de  taureaux  n'étaient  pas 
oubliés,  et  /«â  torvéadore$  étaient  plus  in- 
trépides que  ceux  d'Espagne,  car  ils  atta- 
quaient l'animal,  n'ayant  qu^Jne  main  de 
libre,  et  se  faisaient  lier  l'autre  pour  mon- 
trer leur  courage  et  leur  dextérité.  L'espace 

(186)  Amos^  VI,  A,  6. 


m 


MOR 


DICTIOMNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MOU 


I8<t 


oe  noas  pennet  pas  de  présenter  tous  les 
nn[Ta:hcn]ents  oae  les  coutumes  de  ces 
ucieos  peuples  offrent  avec  les  nôtres,  et 
surtout  afec  celles  du  peuple  Juif,  dont  les 
IWres  sacrés  se  trourenl  ainsi  expliqués  de 
h  manière  la  plus  évidente  ;  car  la  Véracité 
hisioriqae  de  Moïse  ne  peut  plus,  d'après 
cela,  donner  lieu  au  plus  léger  doute.  On 
trourera  de  nouveaux  documents  dans  le 
erand  ouvrage  du  professeur  Bosellini,  le 
digne  successeur  de  Champollion. 

MOORE  (Sir  Thomas),  réfuté  sur  la  ques- 
tioo  des  antipodes.  Voy.  Antipodes. 

MORAL.  Fruits  du  christianisme  dans 
r»rdre  moral.  Voy.  risTRODucTioN  on  tête 
dû  premier  vol.,  §  XI.  —  L'ordre  moral 
dans  ses  rapport^  avec  la  peine  et  la  jouis- 
sance. Voir.  Ei.TJs,  51. 

MORAI^  DU  FOVRiÉmsiiE.  Voy.  FouniÉ- 
11S11. 

MORT  fia).  —  Par  suite  des  progrès  de  la 
Kéologie  et  de  la  paléontologie  on  a  été  con- 
âoitHaire  Tobjection  suivante  : 

•  Les  théologiens  prétendent  que  la  mort 
est  le  r^ltatdu  péché;  cependant  si  Ion 
TDlerroge  les  entrailles  de  la  terre,  on  y 
trouTefianombrables  fossiles  qui  attestent 
des  desUnctions  bien  antérieures  à  la  créa- 
limi  denM)inine.  Ces  temps  mystérieux  qui 
précédèreot  Tavénement  de  Thomnie  sur  la 
terre,  nous  présentent  la  mort  organisée  sur 
une  écielle  immense.    Des  marbres,  des 
ra/ca/res,  des  cra^îes ,  des  grès,  des  marnes 
cootiennent  un  nombre  incalculable  de  corps 
réirfflés,  jadis  doués  de  sensibilité  et  de  vie. 
Ceci  est  indal>itable.  Les  savants,  les  géo- 
logues, les  physiciens,  les  naturalistes  le 
confirment    a   Tunan imité.   Cependant  les 
théologiens  enseignent  que  la  mort  est  en- 
trée dans  ce  monde  par  le  péché  ;  et  que 
sans  le  péché,  jamais  elle  n'eût  paru  sur  la 
terre.  Or,  nous  trouvons  la  mort  et  le  mal 
largement  établis  ici-bas,  bien  avant  la  créa- 
tion d*AMain.  Partant.  Thistoire  de  la  chute 
</e  DOS  premiers  parents  ne  peut  être  qu'une 
aliéi^onc,  un  noytne  oriental  dont  on  a  perdu 
le  sens.  Si  donc  le  récit  hébraïque,  reçu  pour 
la  plus  rationnelle  et  la  plus  vénérable  des 
traditions,  le  livre  inspire,  donne  lieu  à  des 
alisurdîtés  pareilles,  comment   croire  aux 
autres  genèses?    D'autre  part^    puisqu'on 
rencontre  des  n^ythes  au  frontispice  de  cha- 
que histoire,  pourquoi  ne  s'en  trouverait- 
i(  pas  dans  celle  de  .Moïse,  le  vétéran  des 
chroniqueurs  T  » 

Dès  lors 9  s'éloignant  du  Christianisme, 
sasnectdnt  chaque  tiistoire,  récusant  L'auto- 
rité de  toute  tradition,  les  panthéistes  es- 
saient, par  les  seules  lumières,  de  l'idée, 
d'éclairer  le  passé ,  et,  par  le  passé,  de  for- 
muler Tavenir.  Au  moyen  de  la  raison  pure, 
ils  précisent  des  faits  généraux  sur  lesquels 
s'appuie  leur  doctrine.  Loin  de  procéder 
régulièrement,  en  progressant  du  connu 
vers  rinconnu,  ils  veulent,  du  doute  nositif 
monter  h  la  certitude,  et  partis  de  1  hypo- 

lIST)  Kmt  Martin,  De  rédueathn  des  merci  de 
f^nhtte,  lom.  Il,  p.  2^4. 


thèse  et  du  système,  arriver  à  la  vérité.  Unc^ 
fois  débarrassés  de  la  tradition,  rien  n'en- 
trave leur  marche;  ils  se  précipitent  dans 
le  panthéisme,  ce  vaste  carrefour  de  toutes 
les  erreurs. 

C'est  réellement  pour  n'avoir  pu  concilipr 
avec  les  principes  des  sciences  naturelles» 
les  prétendues  suites  du  péché  origineU  quo 
les  théologiens  allemands,  développant  l'i- 
dée de  leur  docte  maître,  Eichorn,  a  savoir, 
l'existence  du  mythe  dans  le  premier  chapi- 
tre de  la  Genèse,  ont  ouvert  leur  école* à 
tous  les  abus.  De  là,  négation  de  la  divinité 
du  Christ,  négation  de  l'inspiration  des  saints 
livres,  négation  de  la  rédemption  :  l'homme 
n'a  pas  été  réhabilité,  puisqu'il  n'était  pas 
déchu.  On  ne  relève  point  ce  qui  n'est  pas 
tombé  ;  et  il  n'est  pas  tombé ,  puisque  le 
récit  de  sa  chute  est  purement  mythique  ;  et 
il  est  mythique,  sous  peine  d'être  déclaré 
mensonger  :  car  la  science  dément  sans  ré- 
plique, les  prétendus  effets  dn  péché  origi- 
nel. Ainsi  :  —  ils  ne  veulent  point  de  la 
déchéance,  parce  qu'ils  dénient  les  suites 
du  péché  d'Adam  :  la  douleur,  les  maladies, 
les  poisons,  la  mort,  etc.,  —  parce  qu'ils 
prennent,  de  très-bonne  foi,  son  récit  pour 
un  mythe  rudimenlaire;  —  et  toujours  ils 
aboutissent  à  la  négation  absolue  de  la 
chute.  Puis,  sous  le  prétexte  que  nous  sou- 
tenons l'absurde,  sans  entrer  en  discus- 
sion, ils  nous  mettent  hors  de  débat.  Le  té- 
moignage des  savants  est  leur  Gn  de  non- 
recevoir,  pour  nous  débouter  de  l'instance 
en  polémique. 

£n  détruisant  le  dogme  de  la  déchéance, 
les  panthéistes  effacent  par  un  seul  argu- 
ment le  Christianisme  entier.  Il  faut  qu  ils 
nient,  de  toute  leur  puissance,  la  realité 
de  la  chute,  car  en  démontrant  que  l'homme 
est  déchu,  la  dernière  objection  contre  la 
Genèse  disparaît.  Rien  ne  peut,  dès  lors,  in- 
firmer ce  témoignage.  S  il  est  admis  que 
l'homme  a  fait  le  mal,  et  introduit  la  mort 
dans  l'humanité,  que  deviennent  les  objec- 
tions contre  les  livres  saints?  A  quoi  se  ré- 
duit le  progrès  continu?  Quel  sort  reçoi- 
vent ses  associés,  le  fétichisme  et  le  sau- 
vase,  autrement  dit  l'homme  primitif? 
Prévoyant  ces  inductions,  la  philosophie- 
moderne  s'est  attachée  à  repousser  obstiné-, 
ment  les  résultats  du  mal  originel.  Dans  uq 
livre  que  le  panthéisme  couronna  soIenneU 
lement  à  l'Académie  française ,  la  déchéance 
est  formellement  niée.  Lon  y  établit  que  la 
mort  n'est  point  une  punition  (187).  D'au- 
tres cherchant  à  pallier  la  précision  du  (ait, 
disent  :  a  II  n'a  pas  appartenu  à  l'humanité 
d'empêcher  Taccom plissement  de  ce  qu'on  a 
considéré  comme  .une  chute  ;  car  a  cette 
époque,  pas  plus  que  l'enfant,  l'humanité 
n  était  libre  (188)  ;  »  sans  lamâis  tenir 
compte  de  ce  fait  primordial,  ils  raisonnent 
dans  l'hypothèse  de  son  inexistence.  —  Re-- 
marquez  qu'il  s'agit,  dans  le  dosme  de  la 
déchéance,  non-seulement  de  l'Kgliise  callio^ 

(188)  Hîst.  phîtotoph.  des  progrès  de  la  zoologie 
Qcnérale,  ton).  I",p.  140. 


m 


VOR 


DIGTIONiNAIRE  APOLOGETIQUE. 


HOTi 


184 


liqiie,  mais  du  Christianisme  entiçr;  non- 
seulement  du  christiai)vsrqey  mt^ïs  de  toute 
religion  actuelle  ou  passée.  Tout  rit  reli- 
gieux ressort  de  la  chute  primitive.  Détrui- 
sez cet  événement,  ânéantisscz-le  dans 
l'histoire ,  les  institutions,  la  conscience  de 
l'humanité,  et  il  n'y  a  plus  d'explication 
possible  de  notre  condition  ici-bas.  Et  là 
raison,  épouvantée ,  tournoie  dans  un  af- 
freux vertige,  se  sentant  attirée  par  1  abime 
nanthéi clique,  —  pas  d'autre  alternative  dans 
l'univers  :  Déchéance  ou  panthéisme. 

Parce  que  ce  fait  est  attaqué  avec  astuce 
çt  vigueur,  noi^s  devons  démontrer  claire-: 
pienl  la  vérité  de  son  essence. 

Si  le  pr6tre  monte  en  chaire,  s'il  [>arle 
jiveo antoritS  s'il  appartient  è  l'Eglise,  si 
l'Eglise  appartient  à  Jésus-Chris^  si  Jésus- 
Christ  nous  a  appartenu,  en  se  donnant  pour 
nous  et  à  nous,  ce  n'est  qu'en  force  cfe  ce 
dogme.  Si  le  Libérateur  nous  a  affranchis, 
c'est  que  nous  étions  esclaves.  S*il  novis  9 
sauvés,  c'est  que  nous  étions  perdus.  La 
venue  de  Jésus-Christ  en  ce  monde  eat  fon- 
dée sur  la  rédemption;  la  réJemption  ^ur  la 
déchéance.  La  déchéance  est  un  fait  unique 
et  universel,  priuitif  et  primordial,  connu 
par  toute  la  terrei,  Qt  même  dans  les  cieux, 
qui  a  sa  place  dans  l'éternité,  qui  tquche  au 
Créateur  outragé,  à  l'ordre  souverain  troublé, 
^ux  plus  intimes  perceptions  de  rintelli^ence 
çt  du  c(te,ur,à  la  miséricorde  divine.  Quicon- 
que nie  ia  déchéance,  nie  autant  le  christia- 
pismè  que  .toute  religion,  autant  toute  reli- 
gion que  notre  histoire,  autant  toute  histoire 
(|ue  toute  notion  de  l'humanité,  que  toute 

4'ustice  :  nous»  disons  pins  :  Quiconque  nie  la 
[échéance,  nie  DieuV  Car  si  l'homme  n'est 
point  l'auteur  du  mal,  il  vient  de  Dieu.  Donc. 
DÎQu  est  mauvais  ou  impuissant,  et  ici  il 
faut  bl^isphémer  logiquement,  et  la  raison 
PURE  vd  se  faire  peur  h  elle-même,  si  elle 
ne  s'est  pas  aguerrie  au  delà  du  Rhin, 

Pierre  angulaire  du  temple  catholique,  le 
dpgmè  de  la  déchéance  est  aussi  une  pierre 
d'achoppement  pour  l'orgueil  des  sophistes. 
Et  cependant  force  doit  rester  à  la  vérité.  11 
faudra  bien  que  notre  doctrine,  rejetée  par 
ues  dcîctéurs,  soit  replacée  avec  respect  sur 
sa  basé;  et  que  ces  fiers  architectes  de  la 
raison,  servent  à  l'accomplissement  de  ces 
prophétiques  paroles  :  Lapidem  quem  re- 
prooaverunt  c^aificantes ,  factus  est  in  capui 
angnH  (189).  Tous  lés  efforts  de  l'orgueil, 

Î)réventions  de  l'erreur,  échoueront  contre 
a  puissance  d'un  fait  plus  ancien  que  l'his- 
toire. Et  malheur  à  qui  repoussera  ce  'dogine 
fondamental  des  dogmes,  car  il  est  encore 
écrit  :  Et  qui  ceciderit  super  lapidem  istum^ 
ionfringetur  [iÙO): 

L'esprit  de  ténèbres  ne  s'endort  pas.  A 
l'instant  où  la  géologie  hasardait  ses  pre- 
miers pas,  il  faisait  surgir  une  nouvelle  dif- 
ficulté, relative  aux  destructions  qui  précé- 
dèrent l'apparition  de  l'homme  sur  ce  globe. 
Quand  les  objections,  extorquées  aux  plani- 
sphères et  aux  zodiaques,  sont  anéanties,  il 

(189)  PiaL  cxYH^  2«. 


en  exhume  des  entrailles  du  sol,  afin  d'op- 
poser le  Créateur  lui-même  à  l'historiogra- 
phe officiel  de  son  œuvre.  Il  ne  s'agit  plus 
maintenant  de  divagations  astronomiques, 
d'arguments  tirés  d'arsutiesî  mais  de  faits 
que  heurte  notre  pied,  que  mesure  notre 
main,  qui  restent  a  la  portée  de  nos  vérifi- 
cations. Cette  dernière  attaque  de  l'impiété 
est  aussi  neuve  que  la  science  même  d'où 
elle  est  sortie.  Jamais  les  sophistes  païens, 
les  théurgistes  d'Athènes  et  a*Antiocne,  les 
hérésiarques  de  la  Renaissance,  les  déistes 
et  les  ath4e$  de  l'Eticyclopédie,  ne  uossédè- 
rent  une  arme  ainsi  -  trempée.  Combien  Bo- 
lingbroke,  Voltaire,  Lamëtrie,  réduits  à 
rajuster  les  syllogismes  éthiques  de  Celse,  de 
Porphyre  et  de  Julien  n'auraient -ils  pas 
tressailli  de  joie,  à  la  découverte  d'un  argu- 
ment qui  se  montre,  se  sent,  se  palpe,  se 
produit  en  fait  et  en  corpsi 

Abrégeant  tout  pVélicUinaire,  qous  (jillons 
aborder  cette  difficulté  menaçante. 

§1. 

C'est,  à  la  vérité,  une  opinion  vulgaire, 
que  le  péché  d'Adam  engendra  la  mort  et 
I étendit  à  toute  la  nature;  mais  l'Eglise 
déclare-t-eile  que,  sans  ce  péché,  la  mor( 
n'etit  jamais  paru  sur  la  terre? 

Nous  ne  le  pensons  point. 

Si,  de  ce  que  la  mort  suivit  le  crime  d'A- 
dam, des  catéchismes  ùn\  conclu  qu'elle  nei 
commença  pour  le  reste  des  êtres,  qu'à  da- 
ter de  ia  chute,  ils  ont  mal  enseigne.  Cette 
opinion  leur  appartient  en  propre  :  car  l'E- 
glise étant  infaillible,  ne  saurait  professer 
Terreur.  Nous  soutenons  que.  loin  de  s'op- 
poser aux  inductions  rationnelles  de  Tanthro-' 
pologie,  de  la  géologie,  de  l'anatomie  com- 
parée, la  doctrine  catholique  semble  plutôt 
supposer,  antérieurement  à  l£)  déchéance, 
un  état  d'organisation  végétale  et  animale, 
pareil  à  celui  que  nous  observons  aujour- 
d'hui. 

En  conséquence,  arrachant  à  la  mauvaise 
foi  et  à  la  prévention  leurs  derniers  pré-' 
textes  do  doute  ou  de  retard,  nous  venons; 
sommer  la  science  de  $e  réconcilier  sans  dé- 
lai, ^vecson  aïeule,  l'Eglis^. 

Tpute  vérité  repose  en  germe  dans  le§ 
livres  saints.  Donc  jamais,  durant  le  déve- 
loppement futur  de  l'humanité,  ils  ne  con-: 
Iredifont  les  progrès  de  la  science.  Pour 
rappeler  celle-ci  au  respect  dû  à  l'Ecriture, 
il  suffit  d'en  donner  1  explication  la  plus 
scientifique,  par  conséquent  au  fond,  là  pins 
simple.  Qu  on  se  le  persuade  bien  :  l'obsti- 
nation des  esprits  étroits  ne  saurait  préva- 
loir contre  l'évidence.  Loin  de  profiter  k  ^9 
cause  du  catholicisme,  elle  en  détourne  des 
îritèlligences  cultivées,  et  lui  attire  d'irvjas7 
tes  préventions.  Bien  que  le  texte  soit  im- 
muable, son  exposition  peut  admettre  des 
considérations,  des  révélations  qu'on  n'y 
avait  point  encore  aperçues,  parce  qu'il  eût 
été,  sans  doute,  inutile  de  les  découvrir  plus 
tôt.  Chaque  chose  vient  en  son  temps.  C'est 

(190)  Matth.  $xi,  44. 


us 


XOR 


MGTMKflNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MOR 


186 


Il  même  on  sigae  dif  in  que  cette  immula- 
Ulitép  qui  suffit  à  tous  les  âges,  ài  tous  les 
lieui,  se  troare  toujours  en  avance  sur  les 
besoins  et  Jes  pro^çrès  des  siècles.  Le  plus 
antbenliqae  monameot  de  l'histoire,  la  Bi- 
ble, ce  pain  spirituel  des  intelligences,  Yia* 
tique  qn*eniportent  les  générations  dans 
leur  passage  sur  cette  terre,  demeure  au- 
dessus  de  la  science  mortelle.  Les  hommes 
Iieareot  ne  pas  le  comprendre,  mais  la  ?é* 
nié  y  reste  écrite  jtisqu  an  jour  où  le  Livre 
de  vie,  expliquant  Tunivers ,  s'ouvrira  à  la 
face  des  nations  pour  le  jugement  Gnal. 

Ealre  des  explications  diverses,  préférons 
tuQjoors  celle  qui  concilie  Topinion  des  sa* 
vants  avee  la  tradition  catholique.  Aujour- 
(Thai  une  nouvelle  bxpuc4tion  est  devenue 
urgente.  Les  géoio^es  ont  commencé,  sans 
Urvr aucune  induction,  à  établir  Texistence 
de  la  mort  ayant  laf  création  de  Tbomme  ; 
des  Dhiloso^riies  en  ont  conclu  Fimpossi* 
Lilite  da  lait  réel  et  historique  de  la  chute 
c*Adam.  Nous  ne  saurions  nous  taire  plus 
I«iD^teiDps;  le  silem^  est  interprété  contre 
nous.  Aux  veux  des  érudits,  il  parait  un 
bonbeux  acquiescement  à  une  erreur  que 
DOQsdédarons  capitale. 

Ceux  qoi  enseignent  que  sans  la  déso- 
béissante d'Adam,    et'  le  désordre  qu'elle 
eatraioav  tous  les  animaux  seraient  restés 
^ert^ivoresp  se  trompent  lourdement.  Car,  si 
le  caniassier  convoite  la   chair,  ce  n'est 
point  de  son  plein  gré  et  j  ar  son  choix.  11 
0  j  est  pas  moins  forcé,  que  l'oiseau  à  se 
servir  de  ses  ailes  ^ur  voler. 

T  aviez-vons  pris  garde  ?  Soutenir  qu*au 

moment  de  I4  condamnation  d*Adam,  cer* 

laîns  animaux,    primitivement  destinés  à 

rirre  d'herbages,  ont,  par  une  dépravation 

stjliite,  été  arides  de  chair,  c'est  dire  :  leurs 

irMinds^   leurs   intestins,  leur  structure, 

leur  puissance  de  manducatioh,  de  diges- 

ûfpiu  de  respiration,  de  vfgueur  musculaire 

oat  été  réformés.    C'est  dire  encore  :  leurs 

flattes  ont  diangé  de  forme  pour  saisir  la 

proie;  leur  ^eule,  d'ouverture  et  de  force 

f^^ar  remporter;  leurs   entrailles  se  sont 

rrtréries  ;  les  uns  se  sont  retranchés  deux  et 

:>s]nlt  trois  estomacs,  les  autres  ont  reçu 

**is  dents  d^one  dimension  différente.  11  y  a 

•^a  pondération  nou%eIIc  dans  les  rapports 

.7  l'existence,  le  nombre  des  individus,  la 

rr^Toductioa,  la  consommation,  la  végéta- 

'.  -n,  en  on   mot ,  une  création  nouvelle. 

Cest  attribuer  au  péché,  d*où  ne  pouvait 

^.nir  que  la  perturbation.  Tordre,  la  ré^u- 

'^té,  une  économie  admirable. 

Des  i^oranls  peuvent  facilement  admet- 
tra le  r&iaie  Carnivore  ou  frugivore  comme 
ti3  Mmple  changement  de  mets,  mais  aux 
r^^ris  de    Tanatomiste  et  du  naturaliste, 
C'Ti  lois  infaillibles  et  spéciales  règlent  l'as- 
K filiation   dans  chacun  de  ces  divers  ré^i- 
£.^5.  Ce  n'^est  point  la  dent,  mais  le  sys- 
ïA-3e  entier  de  son  organisation,  qui  sépare 
.erfoîTi're    de  Tanimal  fait  pour  vivre  de 
'•Jir. 
Afin  que  le  carnassier  saisisse  sa  proie,  il 
-.faut  une  griffe,  conséquemment  une 


distribution  particulière  de  inusd^s,  de 
tendons,  une  disposition  spéciale  d^s  pha- 
langes, favorisant  une  certaine  mobilité 
dans  les  doigts  et  combinée  avec  la  force  dans 
les  ongles.  De  plus,  comme  il  doit  exécuter 
des  mouvements  variés  de  trait,  de  constric- 
tion,  de  raideur  avec  Tavant-bras,  et  que  ses 
os  s'articulent  sur  l'humérus,  les  impres- 
sions et  le  jeu  de  ces  muscles  nécessitent 
une  fermeté  et  une  résistance  dans  l'épaule, 
modifiée  selon  l'instinct  et  la  taille,  et  les 
habitudes  des  espèces.  Puis,  quand  il  a 
saisi ,  il  a  liesoin  d'une  radcboire  propor- 
tionnée à  la  grosseur  habituelle  de  sa  proie» 
avec  une  certaine  forme  de  condyle,  une 
certaine,  puissance  du  nerf  crotaphite,  une 
convexité  mesurée  .le  Tarcade  zygomatique, 
et  d'une  vigueur  calculée  dans  les  vertèbres 
et  les  attaches  des  muscles  qui  soulèvent  sa 
tàte,  pour  emporter  sa  pâture. — A  cet  effet, 
le  cou  de  tous  les  carnassiers  est  plus  court 
et  plus  ramassé  que  celui  des  herbivores, 
surtout  des  ruminants. 

La  forme  de  la  dent^  commandée  par  Tin- 
testin,  entraîne  celle  de  la  mâchoire ,  ta 
composition  du  tronc,  autant  que  celle  des 
vertèbres  et  des  extrémités  postérieures  ai* 
dant  à  la  rapidité  des  mouvements  géné- 
raux. 

Toutes  c«s  nécessités  se  déduisent  Tune 
de  l'autre,  à  ce  point  que  Tétroitesse  de 
l'omoplate,  l'absence  de  clavicule  et  d'acro- 
mion  suffit  pour  déterminer,  à  la  simple 
vue,  le  caractère  timide  et  le  régime  her- 
bivore d'un  animal.  Pareillement  l'absence 
d'avant-hras  mobiles  suffit  pour  obliger  un 
quadrupède  an  régime  végétal.  L'animal  à 
sabot,  n'ayant  aucun  moyen  de  saisir  et  do 
déchirer  une  proie,  est  pacifique,  faute  de 
pouvoir  être  offensif. 

Les  animaux  herbivores  à  pieds  fourchus 
sont  ruminants.  Leur  système  digestif  de* 
vait  être  d'autant  plus  compliqué  que  leur 
système  dentaire  était  plus  imparfait,  lis 
sont  pourvus  de  quatre  estomai».  Les  autres 
herbivores,  ayant  presque  toujours  des 
dents  canines  aiguës  aux  deux  mâchoires, 
broient,  divisent,  triturent  plus  complète- 
ment leur  pâture  ;  ils  ne  son  t  pas  ruminants. 
Ces  différences  attestent ja  plus  savante  or- 
ganisation. 

Qu'on  nous  pardonne  ces  détails.  Ils  ser- 
vent à  démontrer  combien  les  mœurs  des 
herbivores  et  les  mœurs  des  carnassiers  sont 
soumises  à  leur  mode  d'alimentation.  — 
Le  ventre  domine  l'animai.  —  Chaque  indi- 
vidu devant,  pour  soutenir  sa  vie,  s'assimi- 
ler une  certaine  quantité  de  molécules  or- 
ganiques; plus  la  nourriture  qu'il  prend 
contiendra  de  principes  fortifiants,  moins  le 
volume  en  devra  être  considérable.  Le  ré- 
gime carnassier  se  composant  de  substances 
plus  riches,  les  intestms  qui  y  sont  dispo- 
sés, se  trouvent  moins  étendus.  Au  con- 
traire, les  herbivores,  étant  obligés  d'ingérer 
une  plus  grande  masse  d'aliments,  puisque 
leur  qualité  abonde  moins  en  molécules 
organiques,  ont  reçu  plusieurs  estomacs, 
ou  en  supplément,  des  intestins  d'une  amçl^ 


IS7 


MOR 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MOR 


m 


dimensien.  —  Invariablement,  le  canal  in- 
testinal des  herbirores  est  d'une  capacité 
relative  bien  plus  considérable  que  celui 
des  carnassiers.  —  Quand  les  herbivores 
Dont  qu*un  estomac,  par  compensation, 
leurs  intestins  se  trouvent  munis  de  poches 
presque  égales  en  étendue  &  la  panse  des 
ruminants. 

Le  nombre  des  estomacs  et  la  capacité 
des  intestins  varie  en  raison  du  régime  : 
Ainsi  les  chameaux,  girafes,  lamas,  antilo- 

Ees,  cerfs,  élans,  rennes,  mouillons ,  bœtifs, 
isons,  béliers»  etc.,  vivant  exclusivement 
d'herbes,  sont  pourvus  de  quatre  estomacs. 
-^  Ceux  qui  ajoutent  aux  herbages  une 
nourriture  plus  substantielle,  tels  que  les 
chevaux,  ânes,  lièvres,  lapins,  cochons 
d'Inde,  etc.,  ont  encore,  outre  l'estomac, 
un  cœcum  qui  en  tient  lieu.  —Les  animaux 
rongeurs  et  granivores,  tels  que  les  san- 
gliers, hérissons,  castors,  gerboises,  écu- 
reuils, etc.,  qui  vivent  surtout  de  fruits  et 
de  racines  succulentes,  n'ont  que  des  boyaux 
peu  étendus.  —  Les  animaux  exclusive- 
ment carnassiers,  les  tigres,  hyènes,  pan- 
thères, léopards,  lynx,  jaguars,  etc.,  n'ont 
qu'un  estomac  et  des  intestins  d'une  capa- 
cité comparativement  moindre  que  tous  les 
autres.  —  Forcément  ils  doivent  compenser 

J)ar  la  qualité  le  peu  de  quantité,  et  choisir 
es  aliments  les  plus  nourriciers,  les  plus 
chargés  de  molécules  organiques. 

La  fixité  de  cette  règle  est  invariable. 

L'inspection  des  intestins,  comparés  à  la 
grosseur  de  l'animal,  donnera  d'avance  la 
naiure  de  son  alimentation,  et  par  suite,  de 
ses  mœurs.  Car  les  naturalistes,  unanimes 
sur  ce  point,  ont  dit  :  -^  «  Le  naturel  et  les 
mœurs  dépendent  beaucoup  des  appétits,  i» 
—  Or,  l'appétit  est  dirigé  par  l'intestin.  De 
sa  conformation  particulière  résultent  sa 
fré^juence  et  son  énergie.  La  forme  et  le» 
proportions  de  l'intestin  ont  donc  com- 
mandé celles  des  mâchoires,  du  cou,  du 
bec  (191),  des  griffes,  des  pieds,  etc.  Selon 
ce  principe,  1  échelle  des  appétits  donnera 
l'exact  rapport  de  la  façon  de  vivre  de  cha- 
que espèce,  et,  en  l'observant,  on  retrou-» 
vera^  parmi  les  habitants  de  l'air,  les  mê- 
mes difîérencds  que  présentent  entre  eux 
les  hôtes  des  forêts. 

En  effet,  chez  les  oiseaux  comme  chez  les 
quadrupèdes,  les  carnassiers  n'ont  qu'un 
estomac,  des  intestins  plus  courts,  un  cœcum 
peu  développé;  tandis  que  les  granivores 

{>ortent  des  intestins  étendus,  formant  de 
ongs  replis,  et,  souvent  encore,  plusieurs 
oœcums. 
Cette  loi  parait  générale. 
Les  oiseaux  de  proie,  outre  le  peu  d*é- 
tenduc  de  leurs  intestins,  sont  privés  de 
gésier,  de  jabot  et  de  double  cœcum.  —  Les 
oissaux  qui  vivent  exclusivement  de  grai- 

(191)  Toutefois  le  bec  crochu  ])eui  avoir  une  an- 
tre destination,  et  ii*êire  pas  i*unique  indice  du  ré- 
gime Carnivore.  Plusieurs  variétés  d'oiseaux  à  bec 
trés-crocbu,  préfèrent  à  la  chair  des  fruits  à  écorce 
et  k  cosse  dure. 


nés,  outre  leurs  deux  cœcums  et  leur  gésier 
appareil  musculeux  destiné  à  triturer  les 
parties  résistantes  de  leurs  aliments,  ont 
un  jabot  qu'ils  peuvent  remplir  afin  d'aug- 
menter la  masse  de  leur  nourriture  et  le 
multiplier  leurs  repas,  même  en  parcou- 
rant l'atmosphère.  Toujours  par  ce  motif 
que  leurs  aliments  contiennent  moins  de 
substances  nutritives,  la  quantité  doit  en 
être  plus  grande. 

Si  la  structure  de  l'intestin  était  la  même 
chez  tous  les  animaux,  on  serait  fondé  à 
croire,  d*après  leurs  différences  de  naturel 
et  de  régime,  que  tous  pouvant  se  nourrir 
d'herbes  et  éviter  l'effusion  du  sans,  il  y  a 
eu  abus  et  perversité  dans  l'appétit  des 
destructeurs.  Hais  la  physiologie,  la  zoo- 
logie, l'anatomie  comparée  démontrent  sans 
réplique  qu'ils  n'ont  pas  le  choix  de  leurs 
aliments. 

Bien  plus  :  loin  de  rendre  destructrices 
des  espèces  qui  vivaient  paisiblement,  !e 

f)éché  n'a  pas  même  rendu  carnivores,  reU 
es  qui  pourraient  l'être  aujourd'hui.  Plu- 
sieurs variétés  de  solipèdes,  de  fissipèdes  et 
tous  les  rongeurs,  qui  au  besoin  mangeraient 
de  la  chair,  se  contentent  de  végétaux  (192). 
Certains  herbivores  pourraient,  pendant  un 
temps  donné,  subsister  de  chair;  aucun 
carnassier  ne  pourrait  vivre  d'herbe. 

Il  en  est  de  même  chez  les  oiseaux.  Les 
granivores  seraient  tous  carnassiers  au  be- 
soin, même  le  mélodieux  rossignol  et  le 
gracieux  faisan.  La  plupart  des  oiseaux  ti- 
mides et  vivant  habituellement  de  graines, 
ont  commencé  dans  le  nid,  par  manger  de 
la  chair,  ne  fût-ce  que  des  insectes  et  des 
débris  de  viandes  délaissées  du  gerfault. 

Si  l'insecte  Carnivore  dérogeait  aux  lois 
primitives,  rencontrerions-nous  une  orga- 
nisation aussi  savante  que  régulière  parmi 
lesdévorateurs»  etdes  analogies  constantes 
entre  les  fonctions  des  races,  soit  dans  les 
airs,  soit  sur  la  terre? 

Comparez  les  rôles. 

Dans  les  deux  empires  règne  Tabsolutlsme, 
et  dominent  les  déprédateurs.  La  loi  souve- 
raine qui  les  régit,  atteint  Toiseau  au  sein 
des  nues,  comme  le  quadrupède  au  fond  des 
vallées.  La  postérité  des  tyrans  n'est  jamais 
nombreuse.  Celle  des  tribus  '  pacifiques  ne 
peut  être  comptée.  La  puissance  proliGque 
s'étend  en  raison  inverse  de  la  grandeur.  — 
Les  grands  quadrupèdes  produisent  moins 
que  les  petits.  —  La  ponte  des  grands  oi- 
seaux est  moindre  que  celle  des  petits.  — 
Ainsi  que  chez  les  quadrupèdes,  parmi  les 
oiseaux,  les  grands  carnassiers  vivent  seuls 
dans  leur  aire.  — Plus  la  famille  se  propage, 

f>lus  s'isolent  les  individus.  —  Comme  le 
ion,  l'aigle  ne  souffle  pas  que  ses  petits 
s'établissent  près  de  son  domaine. 
Sérieusement,  attribuera- t-on  au  désordre, 

(192)  Tous  les  rongeurs  vivraient  plus  longtemps 
nourris  uniquement  de  chair,  qu*en  se  réduisant  a 
one  seule  substance  végétale,  telle  que  avoine,  cIkhu, 
navels,  etc. — Voir  les  expériences  de  Magendie  sur 
la  nutrition. 


m 


VOR 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQ&f:« 


IIOR 


190 


à  la  oonfosion,  suite  da  péché  d'Adam,  ces 
rapports  étonnants  d'emplois,  de  mœurs,  de 
suprématie,  d'infériorité  entre  les  animaux 
des  deox  règnes? 

Rapprodiez  de  la  terre  l'empire  des  airs  ; 
foiis  Kncontrerez  Taîgle  pour  représenter 
Ja  fière  générosité  du  lion  ;  le  vautour,  l'in- 
saiiable  cruauté  du  tigre;  les  milans,  les  bu- 
ses, les  coitieaux,  la  voracité  puante  des 
chacals,  des  loups,  des  hyènes.  Vous  aper- 
cevra des  oiseaux  abandonnant  les  restes 
de  leur  repas,  et,  pareils  au  cfaatpard  et  au 
serval,  recherchant  une  proie  toujours  irai- 
ehe;  les  uns  sur  des  rocs,  se  posant  à  l'affût 
cornait:  le  glouton  en  embuscade  ;  les  autres 
ciiassant  au  vol,  ainsi  que  l'once  et  le  puma 
à  la  course.  Ceux-ci  ne  guerroyant  que  la 
ouir,  tels  que  le  léopard,  le  coguar  ;  ceux-là 
vi7«ot  de  pèche,  ainsi  que  ïe  phoque,  la 
loutre  et  Tours  blanc.  Plusieurs  remplissent 
l'office  de  fourmiliers,  d'insectivores.  Plu- 
sieorspar  leur  jabot,  leur  eésier,  leur  dou- 
ble ccBcum  nou.<  rappellent  l'ordre  des  rn- 
HiiBiQts.  Partout  des  nécessités  semblables 
établissent  des  analogies  d'instinct,  au- 
tant parmi  les  oiseaux  que  chez  les  quadru- 
pèdes. 

5  11. 

Ikos  le  pbc  universel  de  la  création, 
Boas  remarquons  qu*è  toutes  les  époques 
DO  sy$iiine  de  destruction  générale,  con* 
(reiialaaeé  par  un  renouvellement  con- 
tinoei,  a  contribué  à  accroître,  pour  les 
animaux,  la  somme  du  bien-être  sur  la  sur* 
iàce  tout  entière  du  globe. 

Parmi  les  prévisions  les  plus  importantes 

(Joot  nous  trouvons  la  preuve  dans  Tanato- 

Diie  des  animaux  fossiles,  plusieurs  sont 

propres  aux  organes  qui  leur  ont  été  donnés 

pf  or  saisir  leur  proie  et  la  mettre  à  mort. 

El  comme  des  desseins  dont  la  révélation 

JIC15  est  fournie  par  des  instruments  évi* 

demmeol  façonnés  dans  un  but  de  mort  et 

d€  destruction  peuvent ,  au  premier  abord , 

sembler  mal  en  harmonie  avec  le  plan  d'une 

création  toute  fondée  sur  la  bienveillance, 

el  rendant  à  produire  la  plus  grande  somme 

>  biea-étre  pour  le  plus  grand  nombre 

w'io'Jividiis  9  il  est  bon    que  nous  disions 

«jneiques  aiots  sur  l'histoire  de  cette  quan- 

u:é  énenne  d'animaux  du  monde  ancien»  qpii 

ne  furent  créés  que  pour  détruire. 

La  mort  une  fois  établie  par  le  Créa- 
teur comme  une  irrévocable  condition  de  la 
lie.  il  a  dû  entrer  dans  ses  desseins  de  bien- 
veillance de  rendre  aussi  doux  que  possible, 
jeur  ébaeune  de  ses  créatures,  ce  triste 
usme  de  tonte  existence.  Or,  la  mort  la  plus 
dc<oce,  an  proverbe  le  dit,  est  celle  qu*on 
attend  le  moins  ;  et,  bien  que  pour  des  rai- 
^»ùs  morales  et  propres  à  notre  espèce,  nous 
Cfcaumdioas  au  ciel  de  détourner  de  nous 
rette  fin  subite,  il  n'en  est  pas  moins  vrai 
que  pour  les  animaux,  c'est  là  ce  qu'il  y  a  de 
p-Itts désirable.  Les  douleurs  de  là  maladie, 
-3  'iécrépitude  de  la  vieillesse,  sont  les  pré- 
rj«rseurs  ordinaires  de  la  mort ,  lorsqu'elle 
tu  amenée  par  un  affaiblissement  graduel. 


C'est  dans  l'espèce  humaine  seulement  que 
tous  ces  maux  sont  susceptibles  d*allége- 
ments;  car  nous  possédons  en  nous  des 
sources  nombreuses  d'espérance  et  de  con- 
solation ,  et  c'est  au  sein  des  douleurs  que 
l'humanité  trouve  à  développer  les  senti- 
ments de  charité  les  plus  élevés  et  les  sym- 
Cathies  les  plus  tendres.  Mais  rien  de  sem- 
lable  à  ces  (acuités  n'existe  dans  les  ani- 
maux inférieurs.  Là,  point  de  tenflresse, 
point  d'égards  pour  ceux  qui  sont  faibles  ou 
cassés  par  les  années  :  aucun  soin  n*y  vient 
alléger  les  douleurs  de  la  maladie;  et  la  vie, 
prolongée  jusqu'aux  époques  reculées  du 
déclin  et  de  la  vieillesse,  ne  serait  pour 
chaque  être  qu'une  série  de  longues  misères. 
Avec  un  pareil  système,  la  nature  offrirait  le 
spectacle  quotidien  d'une  somme  de  souf- 
frances énormes,  si  on  venait  à  la  com|iarer 
avec  la  somme  de  jouissances  qui  a  été  ac- 
cordée aux  animaux.  Bans  ce  système ,  au 
contraire ,  où  les  êtres  sont  soudainement 
détruits  et  promptement  remplacés,  tout  ce 
qui  est  faible  ou  cassé  est  bientôt  délivré  de 
ses  maux,  et  le  monde  n*est  habité  que  par 
des  myriades  d'êtres  doués  de  toutes  leurs 
facultés  et  jouissant  de  tous  les  bienfaits  de 
Texistence;  et  si,  pour  un  grand  nombre,  la 
part  de  vie  qui  leur  est  accordée  n'a  que 
bien  peu  d'étendue,  du  moins  peut-elle  être 
considérée  comme  un  bienfait  non  inter- 
rompu, et  la  douleur  momentanée  d'une 
mort  soudaine  et  inattendue  n'est  plusçu'un 
mal  bien  léger,  si  on  le  compare  aux  jouis- 
sances dont  elle  vient  arrêter  le  cours. 

Ainsi  donc,  des  deux  grandes  divisions 
dans  lesquelles  se  sont  toujours  partagés  les 
habitants  du  globe,  herbivores  et  carnivores, 
ces  derniers,  dont  l'existence  semble  au 
premier  abord  avoir  pour  but  d  accroître  la 
somme  des  maux  pour  tous  les  êtres  animés 
qui  les  entourent,  nous  apparaissent  sous 
un  point  de  vue  tout  opposé,  dès  que  nous 
venons  à  les  considérer  dans  l'ensemble  de 
leurs  rapports. 

A  tout  homme  qui,  dans  Téconoroie  de  la 
nature,  ne  s'arrête  pas  aux  résultats  géné- 
raux ,  le  globe  peut  paraître  le  théâtre  d'une 
Suerre  incessante  et  d'un  carnage  sans  r^le. 
lais  toutes  les  fois  qu'un  esprit  plus  large, 
étudie  les  individus  dans  leurs  rapports 
avec  le  bien  général  de  leur  propre  espèce» 
et  aussi  des  autres  espèces  qui  lui  sont  asso- 
ciées dans  la  grande  famille  de  la  nature» 
il  ramène  bientôt  tous  les  cas  isolés,  oà  le 
mal  parait  se  montrer,  k  servir  d'exemple 
qui  prouve  combien  tout  est  sulK>rdonné  à 
un  système  de  bien-être  universel. 

Dans  cette  manière  d'envisager  les  choses» 
non-seulement  la  somme  totale  des  jouis- 
sances auxquelles  sont  ap^lés  les  animaux, 
s'est  agrandie  par  la  création  des  races  car- 
nivores, mais  ces  dernières  sont  une  source 
de  bienfaits  même  |K>ur  les  races  herbivores 
qui  sont  soumises  h  leur  terrible  domina- 
tion. 

Outre  le  bienfait  si  désirable  d'une  mort 
qui  vient  les  saisir  au  moment  où  va  com- 
mencer la  maladie  ou  la  caducité,  il  en  est 


191 


uoa 


DICTIONMIRE  APOLOGETIQUE. 


MOR 


m 


lin  sutro  cntîore  doat  sont  redevables  à 
rcxi&iei)(;o<ics  carnivoreisles  espèces  mêmes 
qui  (ieviennent  leur  proie  :  VqsI  la  sorte  de 
contrôle  que  ces  dernie'rs  exercent  sur  leur 
accroissement  excessif,  en  détruisant  un 
grand  nombre  d'individus  pleins  de*  jeu- 
nesse et  de  vii^uewr.  Sans  ce  frein  salutaire, 
chaque  espèce  s'accroîtrait  à  un  tel  point 
que,  bientôt  arrivée  à  une  exubérance  fu- 
neste, elle  ne  trouverait  plus  à  se  nourrir, 
et  que  le  groupe  tout  entier  des  herbivores, 
désolé  par  le  fléau  de  la  famine,  ne  se  com- 
poserait plus  que  d'êtres  dont  chaque  jour 
iWs  milliers  seraient  enlevés  par  la  mort 
lento  et  cruelle  de  la  faim.  Tous  ces  maux 
ont  été  prévenus  par  rétablissement  du 
pouvoir  destructeur  des  carnivores.  Leur 
action  contient  chaque  espèce  dans  des  li- 
mites convenables.  Les  malades,  ceux  qui 
isont  estropiés  ou  affaiblis  par  TAge,  ceux  qui 
.dépassent  le  nombre  fixé  dans  les  prévisions 
i>rovidentielle$,  sont  immédiatement  dé- 
voués à  la  mort,  en  même  temps  qu'ils  sont 
^insi  délivrés  des  maux  qui  les  affligeaient, 
leurs  cadavres  servent  de  pâture  aux  carni- 
vores ,  leurs  bienfaiteurs,  et  la  place  qu'ils 
laissent  accroît  d'autant  le  bien-être  des 
animaux  de  leur  espèce  qui  leur  survivent 
pleins  de  santé. 

Cette  même  police  de  la  nature  qui  est 
pour  les  animaux  terrestres  un  bienfait 
si  grand,  s'étend  de  même  sur  les  habitants 
des  mers  et  n'est  pas  pour  eux  un  moindre 
bienfaiL  Parmi  c^s  derniers,  en  effet,  il  y 
a,  de  même  que  parmi  les  premiers,  toute 
une  grande  division  qui  ne  se  nourrit  que 
de  végétaux,  et  qui  fournit  la  pflture  à 
toute  Tau tre  division,  laquelle  ne  peut  se 

fiourrir  que  de  chair.  Or,  ici  comme  dans 
e  premier  cas,  il  est  facile  de  voir  que ,  si 
l'on  suppose  l'absence  dos  carnivores,  les 
li/»rbivores ,  dont  rien  ne  limitera  la  mul- 
tiplication, s  accroîtront  îndéQniment,  sans 
autre  terme  que  eelui  que  viendra  leur  im- 
poser la  famine,  et  que,  par  une  inévitable 
conséquence,  la  mer  ne  sera  plus  peuplée 
que  de  créatures  chétives  traînant  miséra- 
blement leur  existence  h  travers  toutes  les 
liorreurs  de  la  faim  ,  à  laquelle  ils  devront 
infailliblement  succomber  tôt  ou  tard. 

La  mort  ainsi  donnée  par  la  dent  des  car- 
nivores, si  on  la  considère  comme  le  terme 
ordinaire  de  la  vie  chez  les  animaux,  nous 
apparaît  sous  le  point  de  vue  de  ses  résul- 
tats comme  un  bienfaiL  Elle  sauve  un  grand 
nombre  d  entre  eux  de  toute  cette  somme  de 
douleurs,  compagne  inséparable  de  la  mort 
naturelle  chez  tou^t  les  êtres  animés;  elle 
abrège,  elle  supprime  môme  pour  tous  les 
êtres  créés  inférieurs  à  Thomme  les  misères 
de  la  maladie,  les  accidents  et  les  langueurs 
de  la  décrépitude;  elle  réprime  si  salutaire- 
ment  leur  multiplication  excessive  que  le 
nombre  de  ceux  qui  reste  est  exactement 
celui  qui  peut  trouver  à  satisfaire  tous  ses 
besoins.  Aussi  la  surface  de  la  terre  et  les 
profondeurs  des  mers  sont-elles  habitées  par 
des  milliards  de  créatures  animées  dont  le 
bien-être  dure  autant  que  la  vie^  et  qui, 


pendant  le  petit  noiHibro  de  jours  (|iii  leur 
sont  accordes,  s'acquittent  avec  joie  des  fonc- 
tions pour  lesquelles  elles  ont  été  faites.  La 
vie,  pour  chacun  dé  cea  êtres,  n'est  qu'un 
festin  continuel  au  sein  de  l'abondance.  Uno 
inort  prématurée  vient-elle  en  arrêter  lo 
cours;  c'est  un  intérêt  qu'il  paie,  inlérôt 
bien  faible  pour  i^  d^^te  qu'il  a  contractée 
envers  le  fonds  commun  destiné  à  laliuien- 
tation  de  l'ensemble  des  animaux,  et  auquel 
if  a  pui$é  tous  les  matériaux  qui  entrent 
dans  la  composition  de  son  corps.  C'est  par 
ce  movei)  que  le  grand  dj^me  de  la  vie  uni- 
verselle se  co||ti(iue  sans  relAche  ;  et  quoi- 
que les  acteurs,  si  on  les  considère  comme 
individus,  charigerit  à  chaque  instant,  cha 
que  rôle  n'en  demeure  pas  moins  rcrapti 
sans  interruption,  Ips  gépérations  succé- 
dant aux  générations.  A\i\s\  la  face  de  la 
terre  et  le  sein  des  mers  se  renouvellent 
sans  cessé,  et  la  vie  se  tpaiisinet  avec  le 
bien-être  par  un  héritage  qui  ne  s'éouise 
jamais. 

8  m, 

Si  quelque  catéchiste  enseigne  dans  ces 
commentaires  que,  sans  le  péché  d'Adam, 
les  animaux  vivant  entre  eux  en  parfaite 
harmonie,  n'auraient  jamais,  ni  convoité  la 
chair  ni  subi  la  mort,  il  se  trompe.  Et  son 
erreur  lui  appartient.  Dans  sou  infaillible 
sagesse,  TEgiise  nous  prescrit  seulement  de 
croire  ceci  : 

—  Le  péché  a  introduit  la  mort  dans  Thu- 
inanité,  •—  la  faute  d*un  seul  est  entrée  dans 
tous.  —  Et  tous,  issus  d'un  seul,  naissent 
aouillés  à  cause  de  leur  origine. 

La  profonde  vérité  de  ce  dogme,  lès  phi- 
losophes et  les  traditions  des  peuples  la 
confirment  unanimement.  Mais  loin  d'établir 

3ue  la  mort  de  l'homme  ail  entraîné  celle 
esanimaux,  des  divers  passages  de  TEcri- 
ture  et  des  Pères  sur  ce  sujet,  il  résulte  plu- 
tôt que  la  mort  existait  antérieurement  à  la 
création  d'Adam  ;  et  que  le  péché  a  fait 
tomber  l'homme  sous  cette  loi  commune,  de 
laquelle  il  était  exempté 

Remarquez-le  bien  : 

D'abora,  l'homme  n'était  pas  nécessaire- 
ment immortel  par  sa  nature  —  Sa  nature 
simple  ne  le  rendait  pas  immuable  et  perpé- 
tuel ici-bas.  La  théologie  nous  apprend  (|ue 
—  Adam  devant  à  une  grAce  surnaturelle, 
son  immortalité  phvsique,  —  il  aurait  pu 
être  créé  mortel,  selon  la  condition  géné- 
rale des  corps  organisés,  et  des  êtres  vivants 
sur  ce  globe. 

Nous  le  répétons  :  dans  son  état  de  pure 
nature^  l'homme  pouvait  être  créé  sujet  h  la 
mort;  mais  TEternel  ayant  daiené  le  former 
h  son  image  et  à  sa  ressemblance,  l'avais 
doué  de  puissance,  de  justice  et  d'immortn- 
lité.  Son  exception  de  la  mort,  privilège 
unique  dans  l'univers,  relevait  d'une  srâcn 
toute  surnaturelle.  Il  n'est  donc  point  éton- 
nant que  devenant  orgueilleux  et  rebelle, 
et  perdant  la  divine  ressemblance  qu'il  de- 
vait garder,  il  ait  perdu  Kimmunité  qui  en 
formait  le  glorieux  apanage. 


vu 


XOR 


OiCtIONMAIIIE  APOLOGETIQUE. 


ÙOR 


191 


Comme  i'oiiionlait  la  force  et  la  Tie,  tant 
q9t  l*homme  restait  uni  areo  Dieo,  il  était 
iSBorteL  Mais  dès  qu'il  Toolait  s'en  sépa- 
rer, il  retombait  dans  «a  pwre  nature  ;  et 
VMïi  tiré  eu  limon  terrestre,  il  devait  y 
rentrer,  ainsi  que  les  autres  créatures  qui 
en  éUient  produites.  Car  :  iaui  ce  qui  vient 
et  U  terre  rtimmnun  dauM  la  terre^  ainsi  que 
teniti  lee  emmx  rentrent  dan$ la  mer  (l^X^),  Et 
tetteooBséoiieiice  est  tellement  directe,  que 
Dieu*  endqpoaillaDt  Adam  de  son  pririlégc, 
^•jï  rappelle  Tinlériorité  de  sa  pure  nature. 
Après  lui  avoir  dit  qu'il  retournera  dans  In 
lerre  d'où  il  a  été  pris,  il  ajoute  :  —  Parce 
qnt  tm  e$  uamuUref  iu  retourneras  en  pous* 
iitre  ,1». 
âiiat  Alhanase avait  profondément  compris 
reue  question  transcendante ,  lorsqu'il  écri* 
Tiit  :  c  Far  la  transgression  du  commande- 
ment  de  Dieu»  nos  premiers  fiarcnts  furent 
réduits  k  la  eradition  de  leur  propre  nature^ 
de  manière  qœ^  comme  ils  avaient  été  tirés 
da  néaiu,  ib  furenl  con'lamnés  avec  justice, 
à  éprouver  dans  la  suite  la  corruption  de 
leur  être...  Car  enfin,  l'homme  est  mortel  de 
9Â  nature  (i%j.  b   Ghii,  un  corps  formé  de 
l>Qttssièffe    doit    retourner    en   i>oussière. 
L'homme  m'tjunais  été  immortel  nu  même 
titre  que  les  pors  esprits.  Il  Tétait  par  une 
laveur  sans  eiemple,    et    condiliounelle- 
meol  jflDOfriée,  qui  l'éJevail  et  le  maintenait 
«411$  une  position  bien   su|»érieure  à   sa 
)  ro|*re  sphère.  Ecoutons  è  ce  sujet  le  pen- 
seur qui  a  le  plus,  peut-être,  médité  sur  les 
unses  et  les  effeU  du  péché  orisinel  I  — 
•  L  imaortalilé  id  bn»,  dit<jl ,  ne  lut  jamais 
acquise  A  llKHBme  par  droit  de  naissance. 
Toof  coq»  terrestre  doit  périr  par  la  disso- 
iatioB  de  ses  parties,  à  moins  quune  volonté 
an  Créaleor  ne  s^j  oppose;  cette  volonté  se 
naaifesta  eo  laveur  de  nos  premiers  pères. 
ttea  plmiie  dans  le  jardin  délicieux,  I  arbre 
de  Tîe,  qui  avait  la  propriété  de  repousser 
iê  moru  A  cet  arbre  mystérieux  était  attachée 
î'immortalité  de  l'espèce  humaine.  Loin  de 
cet  abri  protecteur  l'homme  n'était  plus 
qa'uae  créature  frêle  et  périssable,  soumise 
mx  Ms  qmi  Fuissent  les  corps  créés  (195).» 
Ainsi  la  morty  principe  supérieur  du  gou- 
verameat  universel,  n'a  pas  été  créée  par 
:  bomme.  Elle  est  reconnue  pour  la  loi  des 
"xps  or^ganisés,  puisque,  sans  le  péché,  il 
3>a  eût  pas  été  atteint,  donc  elle  loi  était 
antérieure. 

En  efTet^  lorsque  Dieu  formule  sa  prohi  * 
..non,  il  attache  une  peine  à  Tinfractioa  de 
fa  commandement.  Il  dit  à  Adam  :  Vous 
de  wMft.  Ici  l'Etemel  agit  en  légis^ 
;  eommeaateurde  la  justice;  pourtant 
1.  ne  lui  eajilique  point  ce  qu'est  la  mort. 
L  annoBoe  suD(Hement  qu'elle  sera  sa  peine, 
si  Adam  la  connaissait  parfaitement, 
s'il  s'était  agi  d'un  mouve* 


^  '  i  '  ^ 


'I9r)  Erdi.  KL,  II. 
ISS*  Qmim  pmtfts  es  ^  et  in  fmiverem  rererterit^ 

«LUI,  f9.) 

ISi^  S.  ATSASiAte,  De  incermel.  Verhi  Dei,  n*  4; 

mr,^  iMB«  1,  p.  50. 

ïsl)  S.  AccvtTis,  J/J,  Quœêi.   Vet.  et  Amt. 


ment  aussi  prodigieux  que  celui  de  Tapf  a- 
rition  de  la  mort,  de  son  organisation,  son 
extension  à  tous  les  êtres  vivants,  d'uno 
puissance  immense  et  inconnue,  Dieu  lui 
aurait  appris  la  gravité  de  ce  châtiment,  et 
son  prophète  Moïse,  législateur  aussi,  n'eût 

Es  omis  un  récit  d'une  telle  importance, 
oiais  loi  pénale  n'est  rendue  sans  déter- 
mination de  peine.  —  Or,  nécessairement 
pour  qu'une  peine  soit  déterminée,  il  faut 
d'abonl  qu'elle  suit  connue.  —  Dans  le  sens 
le  plus  ngoureux.  Dieu,  soleil  de  la  justice 
(196)  ne  pouvait  menacer  Adam  d*une  peine 
qu'il  ne  connaissait  pas.  Et  il  la  lui  aurait 
certainement  expliquée,  s'il  ne  I  eût  i>arfai- 
leiuent  connue. 

Dans  les  documents  de  cette  procédure, 
si  siraj)le  et  si  terrible  à  la  fois,  aucun  dé- 
tail ncstà  négliger.  Remarque!  combien 
est  absolue  la  défense,  et  quel  prix  attache 
à  son  observance  le  Créateur.  Non*seule- 
ment  il  déclare  très*formellement  la  peine  : 
morte  morieris^  mais  il  le  fait  longtempa  à 
l'avance.  Comme  de  la  soumission,  du  choix 
d'Adam,  va  dépendre  sa  condition,  il  doit 
avoir  le  temps  de  la  réflexion.  Donc  l'ordre 
divin,  et  le  châtiment  réservé  à  son  infrac- 
tion, lui  sont  notifiés  avant  même  qu'il  ait 
reçu  la  compagne  de  sa  vie,  avant  quo 
nommant  les  corps  et  les  animaux  de  ee 
globe,  il  ait  pris  possession  de  son  gouver- 
nement. La  défense  et  la  déclaration  de  la 
pénalité,  ont  précédé  cet  acte  d'investiture 
royale.  Antérieurement  à  Texistence  de 
l'humanité  (  car  Khumanité  comprend  le 
pluriel,  et  Adam  était  encore  seul  ),  la  loi 
qui  l'embrassait  tout  entière  jusque  dans  la 
suite  des  siècles,  avait  été  promulguée.  Et 
comme  dès  le  principe,  Adam  savait  la  dé- 
fense et  la  peine  qu'entraînerait  sa  viola* 
lion  ;  lorsque  le  Cmteur  prononce  la  sen- 
tence, il  se  tait.  Il  ne  forme  pas  ArraL 
devant  sa  miséricorde,  il  ne  sacousT  pas  en 
osACE,  car  il  se  trouve  sans  excuse  aucune. 
Son  silence  reconnaît  lb  bibs  ':iu6i  de  l'ar- 
bitre suprême.  En  examinant  cette  aflàire, 
on  j  observe  la  plus  stricte  légalité. 

Cette  déclaration  de  la  peine,  antérieure- 
ment au  délit,  est  si  évidente,  que  le  con- 
cile de  Trente,  dans  son  décret  sur  le  péché 
originel,  n'a  pas  manqué  de  relever  cette 
forme  irrépro<mable  de  justice  (197). 

Donc  Ifrmort  régnait  avant  l'homme. 

La  rèçle  lui  est  appliquée  comme  peine. 
Pour  lui,  qu'une  grâce  surnaturelle  élevait 
au-^lessus  de  son  empire,  elle  atteste  une 
dégradation.  Il  perd  sa  qualité  d'immortel  > 
et  rentre  dans  la  condition  physique  des 
brutes.  Il  est  réduit  à  sa  propre  nature.  Les 
t^mes  du  concile,  dans  son  décret  sur  le  pé-^ 
cbé  originel,  précisent,  avec  une  réserve  ad- 
mirable de  justesse,  le  caractère  de  celte 
déchéance  :  in  éUerius  eommutatum  fkisse 

Tesimm.  q«  10.  p.  4M# 

(f1N$)  ùim^  soieU  de  jmsiiu,  qui  quérii  fer  ses 
rayons.  {Malaek.  m,  20.) 

(197)  c  Aiqtte  ideo  Burten,  qvam  artca  itti  com<« 
minatiis  fuerat  Devs,  etc.  i  [CoueiL  7n<l.,  sesj.  v, 
svu  janii  1546.  Decreuée  peccai.  oriçiiu 


198 


MOR 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MOR 


196 


(198)9  rhomme  tomba  dans  un  état  inférieur. 
Un  des  membres  Les  plus  érudils  de  la 
Coajpagnie  de  Jésus  a  traduit  excellemment 
le  morte  morierisj  de  la  Vulgate  par  :  vous 
deviendrez  sujet  à  la  mort  (199).  Ces  mots 
constatent  la  préexistence  de  la  mort  et  ap- 
puient Texpression  de  saint  Justin,  au  su- 
jet de  la  race  humaine  qui,  «  depuis  Adam, 
est  tombée  sous  le  joug  de  la  mort  (200j.  » 
Il  ne  s*agit  point  id  d'une  perturbation 
complète,  d'un  remaniement  général  des 
instincts,  des  rapports  créés,  et  d  une  refonte 
des  êtres,  mais  simplement  d'un  assujettis- 
sement à  un  ordre  déjà  établi ,  et  dont 
rhomme  se  trouvait  exempté.  Le  docte 
Bergier,  en  disant  qu'Adam  «  pouvait  «'exemp- 
ter de  la  mort  en  ne  péchant  pas  (201),  » 
exprime  implicitement,  que  cette  exemp- 
tion, était  une  exception  a  la  loi  générale 
des  êtres. 

Donc  encore,  la  mort  était  avant  l'homme. 

De  l'état  présent,  nous  induisons,  avec 
certitude,  que  les  dispositions,  les  classifi- 
cations actuelles  d'herbivores  et  de  carnas- 
siers existaient  antérieurement  à  l'homme. 
On  trouve  des  ruines,  des  vestiges  de  des- 
tructions immenses,  avant  l'époque  où  il 
eût  pu  vivre;  Les  ossements  fossiles  de  cer- 
tains carnivores  dont  les  congénères  habi- 
tent maintenant  nos  forôts,  étant  construits 
sur  un  modèle  exactement  conforme  aux 
espèces  qui  vivent  de  nos  jours,  démon- 
trent qu'ils  possédèrent  des  organes,  et  par 
conséquent  des  instincts  de  nature  sembla- 
ble. Des  tribus  de  carnassiers  fossiles,  ours, 
hyènes,  lions,  tigres,  carcajoux,  etc.,  of- 
frent la  même  structure  que  leurs  analo- 
gues vivants  ;  il  suit  qu'ils  reçurent  les  mê- 
mes instincts.  Les  mœurs  dépendent  de 
l'appétit.  Le  ventre  gouverne  l'animal.  Il  ne 
saurait  y  avoir  erreur  ici;  car  dans  ses  for- 
mations, la  nature  procéda  par  des  moyens 
identiques,  même  à  Tégard  des  simples 
corps  organisés.  L'étude  microscopique  des 
végétaux  fossiles,  dont  les  analogues  sub- 
sistent aujourd'hui,  a  mis  ce  fait  hors  de 
doute.  Donc  nous  sommes  pleinement  auto- 
risés à  conclure  que  la  mort  régnait  avant 
la  création  de  1  homme.  Seulement  elle 
n*était  point  un  mal  ;  elle  opérait  avec  régu- 
larité les  renouvellements,  et  préparait  sous 
les  yeux  de  la  Providence  l'époque  où 
l'homme  pourrait  habiter  ce  globe. 

Ceux  qui  s'obstinent,  contre  les  témoi- 
gnages des  sciences  naturelles  et  le  senti- 
ment des  Pères,  à  voir  dans  saint  Paul  que 
la  mort  est  le  résultat  du  péché,  lisent  mal. 
Voici  textuellement  le  passage  dont  ils  s'au- 
torisent à  tort  :  Comme  le  péché  est  entré  dans 
le  monde  par  un  seul  homme,  et  la  mort  par 
h  péché,  ainsi  la  mort  est  passée  dans  tous 
les  hommes  par  un  seul  en  qui  tous  ont  pé" 
ché  (202).  L  Apôtre  des  nations,  parlant  des 

(198)  ConcU.  Trid.  sess.  v,  ITiunii  1546. 
(Id9)  p.  Bemruter,  Histoire  du  peuple  de  Dieu, 
toiu.  1",  iiv.  I,  p.  tl. 
(iOU)  S.  JuSTiii,  Dialêguc  avec  Tryphon,  n*  88. 
I'aUI)  BtEGiEii.  JMclîonn.  théulog.,  lom.  1«%  article 

ÂBàê. 


effets  du  péché,  ne  peut  les  entendre  hors 
de  l'humanité.  La  mort  est  passée  dans  tous 

f)ar  un  seul,  comme  le  péché  est  en(f^ dans 
e  monde  par  un  seul  homme  :  Pesez  ces  ex- 
pressions. La  mort  est  entrée  dans  le  monde, 
mais  au  même  titre  que  le  péché  dont  elle 
était  le  châtiment:  Stipendia  enim  peccati, 
mors,  comme  il  dit  ailleurs  (203).  Voilà 
pourquoi  il  ne  parle  point  de  la  terre,  ni  de 
son  organisation;  mais  du  monde.  Ce  monde 
qui  représente  uniquement  l'humanité,  et 
I  humanité  oublieuse  de  Dieu  ;  —  ce  monde, 
qui  hait  ceux  dont  les  œuvres  ne  ressem- 
blent pas  aux  siennes  ;  — ce  monde^  dont  ie 
prince,  depuis  la  chute  d'Adam,  a  reçu 
l'empire  de  la  mort  (20^)  ;  —  ce  monde,  dout 
le  prince  a  été  chassé  par  Jésus  (205);  —  ce 
monde  dont  l'Agneau  de  Dieu  eûace  les  pé- 
chés, et  auquel  le  pain  de  Dieu  descendu 
du  ciel,  vient  donner  la  vie  (206). 

Comme  la  mort,  le  péché  existait  avant 
l'homme.  Voilà  pourquoi  TApêtre  inspiré, 
ne  dit  pas  que  le  péché  ou  la  mort  aicnl  élé 

Î produits  sur  la  terre,  mais  introduits  daas 
e  monde.  —  Le  péché  régnait  au  cœur  de 
l'archange  rebelle.  Adam  fiit  séduit  du  de- 
hors. —  La  mort  régnait  sur  la  terre,  daas 
les  organisations  inférieures.  —  Ainsi  il  ue 
s'agit  point  de  la  création,  de  la  production 
de  la  mort  sur  la  terre,  applicable  aux  ani- 
maux, mais  de  V introduction,  de  l'entrée  de 
la  mort  dans  le  mande,  et  de  sou  extension 
à  l'homme,  qui  ne  lui  était  pas  encore  sou- 
mis. Et  par  cela  même,  la  mort  qui  n'est 
qu'une  foi  régulière,  et  une  condition  na> 
turelle  de  l'existence  de  l'animal,  sert  de 
punition  et  d'affliction  à  Thumanilé  1  Sti- 
pendia  enim  peccati,  mors!  L'incorrupli- 
bililé  matérielle,  don  divin  attaché  à  rétat 
d'innocence,  de  justice,  de  grâce  saacti- 
flante  dont  était  revêtu  Adam,  fut  enleréeà 
toute  sa  race,  et  la  mort  resta  pour  elle  un 
sujet  de  désolation  et  d'effroi.  Ce  n*est  \)ss 
d'hier  que  fut  écrite  cette  plaintive  excla- 
mation :  «  O  morll  que  ta  pensée  estamère 
&  un  homme  qui  vit  en  paix  au  milieu  de  ses 
biens  1  »  Il  s'attache  un  indéfinissable  cha- 
grin à  I  idée  de  voir  son  corps  s'évaporer 
en  çaz  subtils,  en  fluides  impondérables,  el 
restituer  à  la  terre  les  éléments  qui  le  com- 
posent. Une  anxiété  poignante,  une  vaçue 
terreur  à  Taspect  de  1  avenir  inconnu,  1  ef- 
froi du  silence,  de  la  fin. . . ,  les  deux  extrê- 
mes, l'horreur  du  néant,  et  l'horreur  plus 
affreuse  encore  d'une  éternité  terrible,  dou- 
leversent  notre  flmelEt  Taversion  de  la 
pourriture  précède  les  angoisses  de  l'agonie. 
Comme  cette  dissolution  n'entrait  pas  dans 
la  destination  primitive  de  l'humanité,  que 
la  grAce  faite  à  son  chef  Texemptait  de  la 
décomposition  que  subit  toute  organisation 
terrestre  ;  elle  en  a  instinctivement  horreur 

(20t)  S.  Pâuli,  EpiitoL  ad  Roman.,  cap.  v,  12. 
(S03)  Rom,  vu  23. 

(204)  Conciiiî  Tridentini  decrelum,  art.  i. 

(205)  Nuttc  princeps  mundi  ejicielur  forai,  (Joan, 
x|i,  31.) 

(206)  Joan.  vi,  33. 


«: 


MUS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


^;' Tout  homme  éprouve  une  aTersion 
iDtioie,  à  ridée  de  la  mort,  car  elle  est  une 
[•uailioQ.  Tantjis  que  nous  la  subissons  en 
«•  aimables,  comme  rexécution  d'un  arrôl  cri- 
MDel,  pour  les  animaux  elle  constitue  Tac- 
'  ojplissemenl  proYidenliel  d'une  loi  géné- 
rée de  Vunif  ers. 

,  hsqtt*^  présent, nous  ne  jojons  pas  que 
h  Ibéoloàe  «nseigne  rien  de  contraire  aux 
l>fu^  de  la  science  et  de  Tobservalion. 

UE^iseue professe  ni  la  minéralogie»  ni 
la  tioiaûque,  ai  la  zoologie.  £lle  parle  aux 
t.ommeSf  des  hommes  et  pour  les  hommes» 
unîquefflfflL  Ce  que  l'on  peut  uniquement 
affirfl^d'mace»  c'est  que»  jamais,  elle  ne 
MneflopposiUoD  avec  les  YÉRiTés  scienti- 
fiques; car  la  rérité  est  une.  Ici  même»  bien 
<iael\e  n'ait |«s prononcé  péremptoirement» 
idrceUe  madère»  on  ne  saurait  rien  in- 
r  ûoire  de  ses  paroles,  qui  autorise  l'opinion 
I  derimonaeeet  de  la  routine.  Il  y  a  en- 
'  cûctlidmirer  comment,  dans  les  expres- 
sions dAÏoise,  celles  de  saint  Pâul»  de  saint 
Aiiiihise,lesaiot  Augustin»  du  concile  qui 
de^  ail,  TÂitial  diverses  hérésies»  sanction- 
uer  ta  bises  de  la  foi»  relativement  &  la 
chaude  VboiDme  et  à  ses  conséquences  ; 
«ians  luoia  le  ces  monuments»  qui  cm- 
brâiseotoupiriode  d'environ  trente  siè- 
cies,  et  torném  aune  époque  où  les  noms 
de  ^ifi^eeldanatomiecomparée  n'étaient 
jojfl/;ji  aeserencontrepas  une  parole»  un 
sentimeolfiu  ait  contredit  les  sciences  à 
^enir.  Ce  n'est  point  ainsi  que  procèdent 
dans  f»r  philosophie  les  écoles  humai- 

Hoir  PI  Disu,  comment  il  faut  l'enlen- 
..re,  Ttfjf  tÉFAUTiOH»  §  IJl.  —  Mort,  comme 
I  LâuiueDt,  moyeu  da  réintégration.  Voy. 
Mirainox, { III.  —  Mort  de  Jésus-Christ» 
JbK/'e réelle?  Yoy.  Résurrection. 

MOETIflCATION.  Yoy.  Ame,  i  1. 

HOATS.  Les  imes  des  morts  étaient-elles 

les^éfliuisciiez  les  anciens?  Foi/.  Posses* 
iios,  i  lY. 

ïorifSDi  u  Création.  Yoy.  Création» 
|iV. 

MOITEMENT  DR  LA  Terre  ;  réfutation  de 
(  1^  i^^roooe  à  ce  sujet.  Yoy.  Terre. 
;    Mum  Ati£.  Ce  qu*en  dit  M.  Libri»  ré- 
'Aj^'iQ.  Yoy,  Sciences. 
^ILET.  }oy.  UouuB. 

mriPUClTË  DES  Espèces  DANS  l'Hu- 
><«frc;  réfutation  de  cette  hypothèse.  Yoy. 

'i^iUIIAI5IB$,  {11. 

Ml  >i(il£  chez  les  Egyptiens.  Yoy.  Mo- 

^  ZIMS  COXriRIIANT   LES    RÉCITS  DE    LA  Bl- 

^âSAAD,  réfute  Strauss. Foy.  Mytiiisme» 


IfYS 
MYSTERES. 


198 


1 


'*0  Celle  i^ltkm  épargne  ces  saintes  Ames 
*>9nM  M  tcrae  de  lesr  pélermage,  que  l*amour  a 
^**ted^  éiBS  celte  vie,  hors  de  ce  monde  pé- 

*^*  et  fH  rccoRquiêreot  par  Jésus- Christ  cette 
1^  ^  c«  b  fie  éteroelle.  Stipendia  enim  peccati 


La  deniière  démarche  de  la  raison  est  de 
connailrc  qu'il  y  a  uoe  infinité  de  dioses  qii 
la  surpassent;  elle  est  bien  faible  si  elle  ne  va 
pas  jusque-là. 

(Pascal.) 

Les  choses  révélées  de  Dieu  par  la  pro- 
phétie lYoy.  ce  mot)  surpassent  la  portée 
naturelle  de  notre  entendement»  et  sont 
ainsi  pour  nous  en  dehors  de  toute  démons- 
tration et  au-dessus  de  toute  compréhen- 
sion. Si  elles  n'étaient  qu*indémontrables» 
l'esprit  s'y  résiçnerait  peut-être  encore» 
puisque  »  même  dans  Tordre  naturel  »  il  est 
des  vérités  qui  s'attestent  et  ne  se  démon- 
trent pas,  telles  c|ue  les  faits  anciens  dont 
se  compose  Thistoire;  et  si  l'homme  obtient 
créance  à  son  témoignage  pour  les  choses 
humaines,  on  n'entend  pas  bien  pourquoi 
on  la  refuserait  à  Dieu  pour  les  choses  clivi- 
nés.  Mais  il  y  a  cette  différence»  que  l'objet 
de  la  prophétie  est  incompréhensible  en 
même  temps  qu'indémontraule»  et  c'est  là 
ce  que  le  rationalisme  ne  saurait  lui  par- 
donner, i»  Quoil  dit-il»  vous  présentez  la 
prophétie  comme  la  lumière  du  monde,  et 
cependant  vous  confessez  vous-mêmes  qu'on 
ne  la  comprend  pas.  Vous  appelez  vos 
dogmes  du  nom  significatif  de  mystères  ; 
vous  faites  gloire  en  quelque  sorte  de  l'ob- 
scurité qui  règne  dans  la  révélation  ;  vous 
vous  écriez  è  la  suite  de  vos  livres  :  O  pro^ 
fondeur  de  la  sagesse  et  de  la  science  de 
Dieu!  Que  ses  jugements  sont  inscrutables 
et  ses  voies  au-dessus  de  nos  investiga^ 
tions  (209)1  Or,  comment  ce  qui  est  mysté- 
rieux» obscur»  inscrutable»  incompréhen- 
sible enfin,  peut -il  être  la  lumière  du 
monde?  Pour  nous»  c'est-à-dire  pour  tout 
homme  qui  ne  renonce  pas  à  sa  raison»  le 
mystère  esta  la  fois  inutile  et  absurde  ;  inu- 
tile» puisqu'on  n'en  saisit  pas  le  sens  ;  ab- 
surde, puisque  là  où  le  sens  échappe»  il 
ne  reste  rien  de  rationnel.  » 

Telle  est  la  double  difficulté  qui  surfit 
devant  nous»  et  qui  exige  un  double  éclair- 
cissement. On  nous  dit  que  le  mystère  est 
inutile  :  j'en  prouverai  futilité.  On  écoute 
qu'il  est  absurde  :  j'en  prouverai  la  ratio- 


nalité. 


§1. 


CUlité  du  mystère.  ^  Faiblesse  de  Hiomme  grec  el 
romain  devant  l'homme  cbrétieu  apportant  l'incompré- 
iiensîble. 

Il  est  certain  »  et  ce  serait  une  grande  il- 
lusion de  vouloir  le  cacher»  il  est  certain 
que  la  parole  de  Dieu  nous  révèle  des  cho- 
ses qui  passent  notre  raison  ;  et  s'il  en  était 
autrement,  Dieu  n'aurait  aucun  motif  de 
nous  parler»  puisque  nous  pourrions  dé- 
couvrir par  nous-mêmes  les  vérités  dont  il 
lui  plairait  de  nous  entretenir.  Mais  Dieu 
est  plus  grand  que  nous;  placé  à  l'horizon 
de  1  intini»  qui  est  son  essence,  il  voit  co 

mors;  gratta  amUm  Deu  vtta  mterna  in  CkmtoJésu 
Domino  nostro.  (Aom.  vi,  23.) 

(208)  Cfr.  sur  celte  question  le  savant  ouvrage 
de  RoscLLV  DE  LoRGFES,  De  la  mort  avant  VUomnu* 

(209)  Rom.  Il,  59. 


199 


IITS 


DICtiONNAltlE  APOLOGEtiQiJE. 


MtS 


20( 


qu 
le 


qno  nous  ne  voyons  pas,  et  nous  dît  ce  que 

tiersonne  ne  saurait  nous  dire  que  lui. 
Pourquoi  nous  le  dit-il  ?  Pourquoi ,  ne  pou- 
vant ou  ne  voulant  nous  donner  Tévidence 
des  choses  qu*il  noua  révèle,  nous  les  ré^ 
vèlc-t-il?  Où  est  l'utilité  de  cette  communia 
cation  (210)?  L'utilité  est  une  chose  de  fait: 
Vous  niez  l'utilité  de  l'incompréhensible;  ie 
la  soutiens.  Peu  importe^  en  ce  moment*  la 
définition  exacte  de  ces  mots:  comprendre, 
ne  pas  comprendre.  Peut-être  sufQrait-il  de 
les  détinir  pour  terminer  la  quesUon  ;  mais 
je  ne  le  veux  pas.  Je  les  laisse  dans  votre 
esprit  tels  qu'ils  y  sont,  et  parlant  de  l'idée 
vulgaire,  qu'être  utile  c'est  faire  du  bien, 
je  me  demande  :  l'incompréhensible  fait-il 
du  bien  à  ThommeT  S'il  fait  du  bien  à 
l'homme,  si  l'histoire  le  prouve  avec  une 
entière  évidence,  totl^  les  raisonnements 
que  vous  opposerez  à  ce  résultat  tomberont 
comme  des  coups  perdus.  En  matière  d'uti- 
lité, le  résultat  décide  de  tout.  Il  n'importe 
'on  s'explique  ou  qu'on  ne  s'explique  pas 
bienfait  i  le  bienfait  existe.  Y  a-t-il  quel- 
qu'un qui  ait  méconnu  un  bienfait,  sous  le 
pt*étexte  qu'il  ne  se  rendait  pas  compte  du 
procédé  par  lequel  son  bienfaiteur  l'avait 
servi? 

Je  renouvelle  donc  ma  question  :  L'in- 
compréhensible fait-il  du  bien  à  l'homme? 
II  ^  en  a  qui  se  croient  assurés  de  ne!  rien 
devoir  à  cet  étrange  bienfaiteur.  Disciples 
de  la  raison,  ils  estiment  qu'ils  se  sont  for- 
més par  eux-mêmes,  et  qu  il  n'est  entré  que 
l'évidence  dans  la  composition  de  leur  es- 

Erit.  Mais  encore  auc  cela  fût  vrai,  un 
omme  n'est  pas  l'homme  et  je  parle  de 
l'homme.  Je  parle  de  vous  tous,  contempo- 
rains du  xix*  siècle,  liés  par  vos  pères 
aux  â^es  qui  ont  précédé,  apfiartenant 
ensemole  à  un  grand  mouvement  historique 
qui  a  changé  la  face  du  monde,  et  qui  a  pré- 
])aré  à  chacun  de  vous  une  autre  destinée 
que  celle  dont  l'eût  doté  le  cours  de  l'an* 
cienne  civilisation^  Voilà  l'homme  réel,  ce- 
lui que  j'interroge,  et  non  l'homme  idéal 
qui  s'est  séparé,  crojt-il  de  la  paternité  de 
son  temps.  Or,  cet  homme  réel,  qui  Ta 
fait?  Qui  a  fait  l'humanité  moderne?  N'est- 
ce  pas  le  christianisme?  £t  en  est-il  un  seul 
parmi  vous  qui  niera  la  supériorité  de 
l'homme  chrétien  sur  tous  ceux  qui  ont  été 
les  (ils  d'une  autre  génération  ?  Si  vous  eti 
doutiez,  je  vous  dirais  :  Comparez- vous 
vous-mêmes  à  la  plus  illustre  et  à  la  plus 
parfaite  humanité  qui  ait  régné  dans  le 
inonde  avant  et  depuis  vous.  Certes  ^  c'était 
une  grande  race  que  celle  qui  eut  Athènes 
et  Rome  pour  patrie,  race  féconde  en  légis- 
lateurs, en  sages,  en  héros,  mémorable  dans 
la  guerre  par  ses  conquêtes,  dans  la  politi- 
que par  ses  institutions  y  dans  la  paix  [)ar 
ses  arts,  et  qui,  éteinte  depuis  de  longs  siè- 
cles, nous  appelle  encore  autour  de  ses  rui- 
nes pour  nous  y  donner  des  leçons.  Mais  si 
merveilleuse  qu'en  ait  été  l'histoire,  qui  de 


vous  consentirait  à  renaître  dans  cette  anti 

quité?  Qui  de  vous  sacrifierait  tes  droits  oi 

les  devoirs  de  l'homme  chrétien  à  toute  ]( 

gloire  du  Grec  ou  du  Romain.  En  lisant  le* 

plus  belles  choses  qu'ils  nous  ont  laissées 

nous  sentons,   depuis  letiri  dieux  jusqu*] 

leurs  vertuSj  qtte  ce  sont  des  peuples  en 

fants,  et  l'excellence  môme  de  leur  liiiéra 

ture,  loin  d'être  le  voile  de  leur  infériorili* 

en  est  l'éclatante  et  immortelle  révélation 

Les  chefs-d'œdvrede  ces  deux  langues  iron 

jusqu'à  la  dernière  postérité  pour  être  ui 

ténioignage  qu'on  peut  alliei'  la  barbarie  de 

mœurs  à  une  exquise  culture  de  l'csprilf  e 

une  grande  faiblesse  de  pensées  à  une  ad 

mirable  science  du  stjle.  Aussi ,  quand  li 

christianisme,  né  avec  le  monde  mais  in 

connu  de  lui,  se  leva  pour  apparaître  à  cHi* 

société  ingénieuse  et  puissante  qui  n'atji 

jamais  eu  d'égalé  sur  la  terre,  il  n'eut  qu* 

parler  et  h  mourir  pou^  en  ruiner  la  civili 

^atioti.  L'homme  grec  et  romain  ne  put  teni 

devant  l'homme  chrétien. 

.  Et  qu'était-ce  donc  que  l'homme  chrétien 

Qu*apportait-il  avec  lui  de  plus  forlquW 

thènes  et  que  Rdme;  Athènes,  matlress 

dans  la  science  de  dire  ;  Rome,  maitress 

dans  l'art  de  combattre  et  de  gouverner?  C 

qn^il  ap[K)rtait,  une  seule  chose  (]ui  conte 

nait  tout  te  reste  2  l'incompréhensible.  II  an 

nonçait  au    monde  que  la  race  hunfiaim 

souillée  dès  l'origine,  recevait  et  transmel 

tait  avec  son  sang  la  solidarité  d'une  faut 

inexpiable;    mais   que   Dieu,  un  en  troi 

personnes,  avait  envoyé  son  Fils  sur  la  lerr 

pour  prendre  notre  nature  dans  le  sein  d'un 

vierge,  et  nous  racheter  par  un  sacrifice  y( 

loniaire  du  péché  et  delà  mort,  il  annoi 

çait  que  ce  mystère  s'était  accompli  ;  que  I 

Fils  de  Dieu,  venu  en  chair,  avait  parudai 

la  Judée,  qti'il  y  avait  enseigné,  et  que  m 

à  mort  sur  une  croix ,  enseveli  dans  un  bi 

pulcre,  II  était  ressuscité  ie  troisième  jou 

assurant  par  sa  mort  son  triomphe  sur  lep< 

ché,  et  par  sa  résurrection  son  triomphe  si 

la  mort.  Tel  était  le  dogme  chrétien,  ol  l 

aussi  le  principe  de  la  civilisation  qui  voi 

a  faits  ce  que  vous  êtes  en  renversant  tou 

l'antique  société.  Ou  niez  votre  supériuri 

sur  les  idées  cft  les  choses  du  paganisme,  ( 

reconnaissez  l'utilité  de  l'incooipréhensibl 

Vous  pourriez  croire  que  le  christiauisii 

renferme  deux  parties  distinctes  :  l'une  m 

sonnable,  qui  est  la  source  du  bien  qu'il 

opéré  dans  le  monde;  l'autre  mystérieux 

qui  n'est  qu'une  eliteloppe  dont  ona  couve 

par  hasard  de  hautes  vérités  et  de  salut 

vertus.  L'Evangile ,  en  effets  ne  se  décoii 

pose-t-il  pas  ainsi  naturelleoient?  S'il  y  c 

question  de  miracles  et  de  dogmes  qui  roti 

ternent  la  raison,  on  y  voit  plus  souvent  0 

core  un  Sage  qui  enseigne  au  peuple  u 

morale  simple  et  sublime,'  la  douceur, 

modestie,  la  patience,  le  désintérossemei 

la  justice,  et  ce  qiâ  comprend  tout  dans  i 

seul  précepte,  l'amour  sincère  do  Dieu 


(910)  A  Tart.  Surnâtcaalisue,  nous  donnerons' à  cette  question  une  réponse  mét.iph}'s{t;tac;  ici  m 
répoudons  par  des  considérations  d'u»  autre  ordre. 


IITS 


IMGTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


«TS 


îfA 


des  bomnies.  Faut-il  s*é(onner  qu'un  code 
êusâ  parlait,  émané  d*une  âme  pure  qui 
souliat  ja$qa*à  la  mort  les  leçons  qu'die 
araii  données,  ait  produit  à  la  longue  dans 
le  i^enre  bumain  un  salutaire  et  mémorable 
tfïkJ  II  est  imfïossible-  de  lire  FEvangile 
Mos  souhaiter  au  moins  de  devenir  meiU 
irur,  et  ce  vœn,  dercnu  celui  d'un  grand 
O'^ffibre,  a  fiai  par  se  réaliser  dans  quelques- 
nns  auiy  de   siècle  en  siècle,  ont  orné  le 
Moade  de  leurs  Tertus.  L'incompréhensible 
n'est  là  qu*an  accessoire  sans  portée  ;  c'est 
U  lable  qui  précèiie  ou  qui  re^t  la  vérité. 
Je  cuoTîeas  que  le  cbristianîsme  aboutit  tout 
reliera  lamour  de  Dieu  et  des  hommes,  et 
•pje  là  gît  le  secret  du  changement  prodi- 
gieai  qu'il  a  introduit  et  qu'il  maintient 
|iaraii  nous.  Mais  cet  amour,  si  longtemjis 
luécoona  de  la  terre,  si  difficile  encore  au- 
joarriiui  à  coooaltre  par  sa  propre  expé- 
heoce,  loin  d'être  la  cause  de  la  révolution 
cuorale  opérée  par  le  christianisme,  est  cette 
rvTolotioB  elle-aiême  dans  son  effet  dernier, 
JiQssuo  effet  le  plus  profond.  L'Evangile, 
<1  tes-voos,  a  lait  aimer  Dieu  et  les  hommes  ; 
il  est  vrai,  je  le  sais,  je  le  dis,  mais  comment 
f<'\\  fanreau  à  les  faire  aimer,  eux  qui  ne 
rétnenl  |«s  depuis  quatre  mille  ans?  Par  où 
a-t-îltiréte  eorar  humain  de  Tégoïsme  de 
yts  fassions,  et  surtout  de  l'égoïsme  de  ses 
terias?  £sl-ce   |iarce  qu'il  a  dit  :   Aimez 
Dieu,  aimez  les  hommes?  Hélas I  s*ii  n'eût 
<tff  que  cela,  il  eût  eu  juste  la  puissance 
</o  exereent  sur  nous  tant  de  iihiJosophies 
mortes  ou  rivantes  qui  nous  lionorenl  de 
Iturs  conseils.   On   eût   élevé   une  seule 
sialae  à  Jésos-Cbrist,  au  seuil  d'une  aca- 
démie; on  eût  possédé  son    portrait  dans 
ies  musées  des  peuples  civilisés,  et  depuis 
rîtopiimerie,  oo  eût  écrix  dans  toutes  les 
lao^aes  de  FEurope  que  ^Evangile  est  un 
beau  livre;    mais  le  fiauvce  n'eût  connu  ni 
le  livre  ni  Je  sage,  et  le  cœur  de  tous  eût 
•iiûtiané  de  jouir  de  soi  dans  les  sens  et  dans 
iVirgueil. 

•  Voulez -TOUS    savoir,  s'écrie    Lacor- 

•^ire,  oomment  Jésus-Christ  nous  a  élevés 

v**rs  Dieu  et  nous  a  penchés  vers  l'homme? 

Sortez  de  Notre-Dame,  et  regardez  à  votre 

uiiclie.  Sar  un  monument,  sans  mérite  par 

«art'liiCeclure,  vous  lirez  cette  inscription  : 

flOTci.«DiEu.  Peut-être  Tinscription  a-t-elle 

**  «{4ra  de  la  pierre,  je  l'ignore,  mais  elle 

siUsisie  dans  la  mémoire  et  dans  la  langue 

Mifieople*  csequi&ttflit.  Francliissez  la  voûte, 

•  Hantez  Tescalier,  levez  les  yeui  sur  l'image 

S'ui  e^  «u«dessus  de  cette   porte^  vous  y 

.  r^sz  z  L*iioiiME-DiKU.  Allez  plus  loin  en- 

''  le.  pénéirez  dans  la  cellule  d'une  de  ces 

errantes  volontaires  qui  consacrent  leurs 

ffixTs  aux  infirmités  du  pauvre  ;  vous  êtes 

«caoe«  beau,  riche,  et  elle-même  est  revêtue 

Zone  beauté  qui  sort  de  la  vertu;  offrez-lui 

vMre  main.  Elle  vous  ré|K>ndra  :  Hoi,  l'£- 

p»/tfta  D«  DiEcl  Si  ces  trois  mots  incompré- 

^asibtes,  fHôuUDieu^  V Homme-Dieu^  l"E* 

pomse  de  Dieu^  ne  vous  éclairent  pas  encore*, 

'•«-«^landez  à  cette  âme  pourquoi  elle  a  quitté 

.^  Tempérances  du  monde  pour  se  consumer 

D1CT107I5A1BE   APOLOGÉTIQLE.    II. 


dans  un  hôpital,  entre  des  douleurs  étran- 
gères :  elle  vous  dira  son  secret.  De  qui 
voulez-vous  l'apprendre  sinon  de  ceux  qui 
ont  l'amour  dont  vous  cherchez  la  cause? 
Elle  vous  dira  qu'elle  aime  Dieu,  parce  que 
Dieu  l'a  aimée  jusqu'à  mourir,  et  qu'elle 
ain:e  les  hommes,  parée  que  Dieu,  en  pre- 
nant leur  nature  et  en  mourant  poux  eux, 
en  a  fait  une  partie  de  son  adorable  bouté. 
Si  Dieu  n*est  (las  homme,  s'il  n'est  pas  mon, 
assurez-vous  qu'il  n'y  a  plus  d'Epouse  de 
Dieu,  ni  d*Hâtel-Dieu;  la  vertu  du  chrétien 
sort  de  Tincompréhensible,  comme  la  fleur 
sort  de  la  terre.  L'incompréhensible  est 
TAme  du  chrétien,  il  est  sa  lumière,  sa  force, 
sa  vie,  sa  respiration.  Dites  que  cela  est  fou, 
je  le  veux  bien.  Je  n*ai  pas  entendu  vous 
prouver  que  cela  n'était  pas  fiiu«  njais  que 
cela  vous  sert.  Voilà  soixante  ans  que  vous 
essayez  de  vous  [^^sset  de  cette  folie,  et  de 
conserver  les  bienfaits  du  christianisme  en 
en  répudiant  les  dogmes;  c'est  à  vous  de 
voir  SI  vous  avez  réussi,  ji 

L'homme  est  un  animal  divin,  et  l'incom- 
préhensible est  sajnourriture.  Si  iamais  ce  don 
du  ciel  lui  était  pleinement  retiré,  vous  auriez 
un  spectacle  que  ie  ne  peux  pas  dépeindre, 
parce  qu'on  ne  la  jamais  vu.  Le  paganisme 
lui-même,  tout  dénué  qu  il  était,  renfermait 
des  restes  confus  de  l'incompréhensible  |iri- 
mordial,  et  c'est  ce  débiis  qui  a  fait  sa  gran- 
deur en  de  certains  peuples  et  en  de  certains 
temps.  Quand  Rome  est  résolu  d'asseoir  sur 
une  colline  solitaire  le  centre  et  le  fondement 
de  SB  puissance  future,  die  y  bâUt  à  la  fois  ua 
temple  et  un  camp,  laissant  entre  deux  un  es- 
pace vide,  qui  était  comme  le  siège  où  elle  se 
tiendrait  debout,  une  main  sur  ses  armes  et 
l'autre  sur  le  ciel.  C'est  de  là  qu'elle  a  regardé 
et  dominé  TuBivers,  y  puisant  une  sagesse 
aussi  invincible  que  son  courage,  et  lorsque 
ses  triomphateurs  lui  amenaient  les  rois  et  les 
dépouilles  des  nations,  ils  montaient  à  ce 
Capitole  comme  au  lieu  tutélaire  où  leurs 
victoires  avaient  pris  naissance  dans  la 
volonté  des  dieux  qui  rhabitaient.  Ce  carac- 
tère religieux  dura  autant  que  la  vertu  et  la 
liberté  de  Rome.  Les  sacrés  mystères  i>rési- 
daient  à  tou^;  on  les  |K)rtait  jusque  devant 
l'ennemi ,  et  ces  iameux  généraux  ,  qui 
avaient  reçu  de  la  fortune  et  de  leur  génie 
tant  d'assurances  de  vaincre,  n'osaient  se 
confiera  une  bataille  sans  avoir  consulté  |)ar 
des  augures  Timpénétrable  conseil  des  dieux 
du  monde  et  de  la  patrie.  Alais  quand  Cieéroa 
put  avouer  qu'il  ne  concevait  pas  que  deux 
augures  eussent  le  secret  de  se  regarder  sans 
rire,  Rome  toml»a  du  Capitole  au  Palatin,  du 
temple  des  dieux  au  (lalais  ilQs  Césars,  et 
bientôt  Tibère,  suivi  de  Néron,  prodigua  le 
mépris  de  sa  tyrannie  aux  vivants  et  aux 
morts  du  peuple-roi.  Riez  tant  qu'il  vous 
plaira  des  poulets  sacrés;  mais  sachez  du 
moins  que,  quand  il  n'y  eut  plus  de  poulets 
sacrés,  il  n'y  eut  plus  de  Scipions.  £t  le 
même  spectacle,  issu  de  la  même  cause» 
vous  le  rencontrerez  (lartoot  dans  l'histoire 
du  monde.  Partout  la  décadence  des  peup*^ 
est  née  de  la  décadeuce  do  l'imcompréljc^  - 

7 


203 


MYS 


DICÏIO.NNAIHE  APOLOGETIQUE. 


&1YS 


m 


sible,  cl  la  terre  a  dévoré  tous  ceux  qui 
n'ont  plus  reeardé  du  ciel  que  ce  que  l'œil 
en  découvre  a  Thorizon. 

J'aime  donc  les  Egyptiens  d'avoir'placé  le 
sphynx  à  rentrée  de  leurs  temples.  C'est 
bien  là  le  vieil  ami  de  l'homme»  et  son  na- 
turel introducteur  dans  l'infini.  Méprisez-le 
tant  que  vous  le  voudrez;  appelez-en  à  la 
raison  pure,  aux  droits  sacrés  de  l'inteUi- 
gence  humaine  :  pour  moi,  je  m'en  tiendrai 
au  sphynx,  tant  que  je  le  verrai  à  la  porte 
des  vertus  gui  fondent  et  des  gloires  qui  ont 
une  postérité. 

Ralionabililô  &»  »y»lère,  prouvée  par  rincomprébensir 
ble  dans  lous  les  ordres  de  phéaomèBes  :  u  mtUëre, 
l'e'^prU,  Dieu.  —  I.e  scepticisme.  —  Le  cfansUantsme 
parle  doffmaliquemeiil,  donc  son  dogme  est  ane  Idée 
raUoQneUe. 

Cependant,  me  direz-vous  encore,  pour- 
quoi le  sphynx?  pourquoi  rincomprénensi- 
b'IeT  Ici,  vous  changez  de  question,  vous  ne 
me  demandez  plus  de  vous  prouver  lutililé 
de  l'incompréhensible,  mais  de  vous  donner 
la  raison  de  son  existence  dans  le  genre 

humain  (^11). 

Rien  d'absurde  ne  pouvant  être  utile,  et 
surtout  utile  à  l'humanité  tout  entière,  il 
suffit  que  l'incompréhensible  fasse  du  bien 
aux  hommes  pour  en  conclure  qu'il  est  essen- 
tiellement rationnel.  C'est  pourquoi  quicon- 
que dit  du  christianisme  qu'il  est  le  bienfai- 
teur du  monde,  celui-là  dit  en  même  temps 
que  l'incompréhensible,  loin  de  contredire 
la  raison,  en  est  le  dernier  et  le  plus  magni- 
fique effort.  Cette  preuve  néanmoins,  toute 
suffisante  qu'elle  soit,  ne  répondrait  pas,  je 
]p  sens,  au  besoin  que  vous  avez  d'appro- 
fondir un  si  grave  sujet.  Je  veux  donc  pren- 
dre une  voie  plus  directe,  et  vous  montrer 
fiu'en  toute  chose  rationnelle  il  entre  un 
élément  incompréhensible,  comme  en  toute 
chose  incompréhensible  un  élément  ration- 
nel. Dès  lors  il  ne  vous  sera  plus  permis  de 
penser  que  la  raison  et  le  mystère  sere- 
jfoussent  mutuellement,  puisque  l'un  n'est 
jamais  sans  l'autre,  et  que,  comme  l'ombre 
2»'associe  k  la  lumière  dans  la  nature,  il  en 
est  ainsi  dans  les  profondeurs  infinies  où 
notre  intelligence  est  aux  prises  avec  la 
vérité 

J'affirme  d'abord  qu'en  toute  chose  ration- 
nelle il  entre  un  élément  incompréhensible. 
Rien  n'est  plus  à  la  portée  de  la  raison  que 
les  corps  qui  peuplent  l'espace,  et  surtout 
que  les  corps  dont  se  compose  le  globe  ha- 
bité par  nous  ;  la  raison  les  voit,  les  touche, 
les  pesé,  les  mesure,  les  confronte,  les  ana- 
lyse, elle  en  fait  tout  ce  qu'elle  veut.  Et  ce- 
f>endant  comment  nomme-t-elle  ce  qui  dans 
es  corps  est  soumis  à  ses  observations  T  Elle 
le.  nomme  un  phénomène,  c'est-à-dire  quel- 
que chose  qui  apparaît.  Energique  et  sincère 
aveu,  qui  prouve  qu'elle  ne  voit  pas  tout  le 
corps,  et  que  si  quelque  chose  s'y  livre  à  sa 
curiosité,  quelque  chose  s'y  dérobe  aussi. 
En  doutez-vous  î  Considérez  cette  autre  ex- 
pression par  où  la  science  désigne  le  corps 


lui-même,  expression  bien  autrement  for- 
midable et  désespérée,  et  qui  est  au  phéno- 
mène ce  que  la  nuit  est  au  jour.  Elle  appelle 
donc  le  corps  une  substance,  c*est-à-d)re  ce 
qui  est  dessous,  ce  je  ne  sais  quoi  qui  est 
sous  Tapparent.  Et,  en  effet,  qu'est-ce  que 
le  corps  ensoiTQuand  vous  avez  constate  sa 
couleur^  son  poids^  le  mode  d'agrégation  de 
ses  parties,  Faction  qu'if  exerce  sur  d'autres 
corps,  savez-vous  ce  qu'il  est  7  La  chimie 
moderne,  et  avant  elle  I  alchimie,  ont  essayé 
sans  doute  de  poursuivre  la  substance  jus- 
qu'à ses  dernières  profondeurs*  et  de  lui  ra- 
vir le  secret  de  sa  composition.  Elles  y  ont 
même  réussi  à  un  degré  qui  tient  du  pro- 
dige et  qui  a  mis  à  nu  devant  nous  des  m}  »- 
tères  que  la  nature  avait  longtems  soustraite 
à  nos  investigations.  Néanmoins  Tombren'a 
fait  que  reculer  sans  disparaître,  et  la  place 
qu'elle  a  cédée  à  la  lumière  n'a  oas  diminué 
pour  nous  l'abtme  de  l'inconnu.  Nous  savons 
que  les  corps,  eoutniints  {lar  l'analyse,  se 
résolvent  en  un  certain  nombre  de  substan- 
ces que  nous  appelons  des  éléments  :  mais 
ce  qu'est  l'élément,  nous  ne  le  savons  plus. 
La  matière  se  réfugie  là  comme  dans  un 
fort  où  elle  brave  l'orgueil  de  nos  ex[»érieu- 
ces  et  la  dictature  de  notre  volonté. 

Il  en  est  du  germe  végétal  et  animal 
comme  de  l'élément  minéral,  mais  avec  une 
circonstance  qu'il  n'est  pas  inutile  de  remar- 
quer. La  science  a  prise  sur  l'élément  miné- 
ral, en  ce  sens  qu  elle  peut  le  ramener  à 
constituer  de  nouveau  un  corps  proprement 
dit  ;  mais  quand  l'analyse  a  décomposé  les 
germes  de  l'ordre  animal  et  végétal,  elle  est 
impuissante  à  y  rappeler  le  principe  de  vie 
qui  y  était  contenu.  Elle  n'a  plus  sous  ses 
instruments  que  des  débris  inanimés  ;  elle 
voit,  elle  touche  la  poussière  mystérieuse 
d'où  devait  s'élancer  le  cliêne  séculaire  des 
forêts  ou  l'aigle,  habitant  de  leurs  sentiers 
perdus  :  mais  cette  poussière  est  morte  dé- 
sormais. Pourquoi  morte  T  D'où  vient  que 
le  sépulcre  brisé,  l'être  vivant  a  disparu  ? 
Qu'est-ce  que  la  vie  7  La  vie  est  dans  un 
germe  ;  elle  y  demeurera  des  siècles,  soli- 
taire et  silencieuse ,  sans  se  t>erdre  et  sans 
a^ir  :  mais  que  l'analyse  y  porte  la  main,  la 
vie  s'enfuit,  comme  si  la  nature  jalouse 
tenait  à  devenir  plus  incompréhensible  à 
mesure  que  son  ouvrage  devient  plus  par- 
fait. 

Vous  en  aurez  dans  l'homme  une  trop 
irrécusable  preuve.  L'homme  est  corps  et  il 
renferme  dans  son  corps  tous  les  inconnus 
de  l'univers  matériel,  tous  les  faits  qui  se 
voient  sans  s'expliquer.  Mais  conjointement  à 
ce  premier  mystère,  dans  le  tissu  complexe 
d'une  personnalité  unique,  il  porte  un  se- 
cond abîme  plus  effrayant  que  le  premier, 
l'abîme  de  la  pensée.  L'homme  pense,  il  veut, 
il  est  libre,  il  se  gouverne,  toutes  choses 
dont  on  ne  voit  aucune  trace  dans  les  corps, 
et  toutes  choses  qui  échappent  aux  prises 
les  plus  ingénieuses  de  l'analyse  scientifique. 
Jamais  savant  n'a  \m  attirer  la  i>onsée  dans 


(211)  Nous  la  donnerons  au  mol  Surnaturalisiie  au<iuel  nous  renvoyons  (§  Y  ei  VIj. 


1 1 


315 


UT 


DlCTIONiNAlRE  APOLOGETIQUE. 


IITS 


9S» 


soQ  creuset  ;  jaioais  il  n'a  pa  la  souaietirc  h 
luaine  iosIraroentatioD.  Le  spiritualiste 
affirme  qo*elle  n*e$t  pas  fille  du  corps,  mais 
ione autri!  sabslance  qu*il  appelle  l'esprit, 
H  qui,  dëooée  de  ûgure,  d'étendue»  de  cou- 
leor.de  poids»  de  tout  ce  qui  nous  est  connu 
|iir  les  sens,  coostilue  une  réalité  dont  rien 
de  Tisible  ne  saurait  nous  donner  la  plus 
<ÀjscQrt  et  la  dIus  lointaine  représentation. 
Aiasi  tout  à  Iheure,  an  plus  bas  des  êtres, 
rélément  minéral,  bien  qu'en  restant  sous 
DOS  yeoi,  échap|)ait  dans  son  essence  aux 
efforts  de  notre  lUTestigation  ;  un  peu  plus 
tuai,  dus  le  germe  animal  et  fégétaU  la  Tîe 
s*eiih^«itdemnt  nos  recherches,  et  ne  nous 
\^$mi  pas  même  la  consolation  d*entreToir 
le  rcnort  d*où  jailiit  son  acti?ilé  ;  raaiote- 
naatfoîd  fespril  qui,  h  aucun  moment, 
soostocaneiMÎBe,  par  aucune  fmage,  ne  se 
faisseapprodier  de  nous,  quoiqu'il  soil  nous. 
Le  malnialîste,  il  est  vrai,  nie  Tespril  et 
^ootieotqoe  la  pensée  est  un  simple  effet 
<ia  cDipf  parreau  à  unecertaine perfection  : 
aaiscvla  est-il  plus  clair?  Nous  expliquons- 
Bcms  dafanta^  comment  la  matière,  qui 
Qe  pense  i«mt  par  elle-même,  puise  dans 
nœ  oranisatioa  quelconque  la  faculté  de 
peoser: 

Quoi  qu'il  en  soitp  nous  pensons,  et  dans 
le  OTStère  personnel  de  notre  [lensée  il  en 
sur^l  un  mitre  plus  profond  encore,  que 
ihtQfipp^oas  l'étemel,  Tinfini,  le  principe, 
DieiL  Jte  méoie  que  la  nature  est  rliorizon 
naiorel  Je  noire  œil  physique.  Dieu  est  Tho- 
rizoo  oéeessaire  de  notre  œil  intellectueL 
?ioas  ne  pouTons  souieTer  nos  paupières 
"^Dsroir  l'espace  indéfini  où  se  meuvent  les 
(Drps^  et  nous  oe  pouvons  éveiller  notre 
pensée  sans  qu*e1le  découvre  la  c^iuse  (>re- 
Oiière  qui  contient  en  soi  tout  le  possible 
d  loot  le  réel.  L'impie  peut  lui  refuser  le 
KHD  de  Dieu  ;  il  peut  essajrer  de  confondre  la 
'tuse  avec  l'effèi,  en  transportant  an  monde 
n^Me  ridée  qpe  nous  avons  de  l'être  sub- 
^^UDt  par  SOI  :  mais  cet  effort  désespéré 
i(f^neni  ïm  profondeur  du  mystère  qu'ha- 
bite la  peasée^  et  quoi  qu^elle  fiasse,  elle  a 
>not  die  réCernité.  Quelle  est  Tintelli- 
è^  placée  en  face  de  ce  dernier  abîme, 
f'i  dira  :  Je  l*ai  sondée  1  Quelle  est  l'flme  si 
*tste  qu'elle  soit, qui  ne  s'est  arrêtée,  triste 
•^  pensive,  devaiit  ce  mot  si  court  :  Dieu  1  Un 
9Umt  nous  confond,  et  nous  voici  en  pré- 
"eue de  rinfioil  Vous  le  représentez-vous? 
^  'ius  représentez-vous  une  substance  sans 
f'^'Oiinencemenldans  sa  durée,  sans  bornes 
'>iBi  son  être,  remplissant  tout  de  sa  pré- 
>^Ke  et  de  son  action,  quoique  concentrée 
^  ue  îodirîsîble  unité  qui  n'a  de  lieu 
ji'en  elle-même?  Le  jour  fuirait  avant  que 
jMsseacberé  la  nomenclature  des  mystères 
('iatenus  dans  ce  mystère  suprême  où  pour- 
taat  toute  vie  prend  naissance  avec  toute 
^'arté.  Car,  tel  est  notre  sort  de  rencontrer 
^  î^Dèbres  aux  choses  mêmes  où  nous  pui- 
•  zs  la  lumière.  De  la  terre  à  l'esprit,  de 
^«yrit  à  Diea,  dans  les  trois  sphères  de  no- 
'"  ^Kax\atioa  etde  notre  activité,  une  main 
vire  autant    que  proiigue  a  savamment 


mêlé  l'ombre  'qui  nous  aveude  à  la  splen- 
deur qui  nous  ravit.  En  vain  Ta  raison  s'in- 
diçne  de  cet  adultère  hyménée  ;  il  faul 
qu  elle  accepte  l'incompréhensible  comme 
le  livage  qui  contient  l'évidence,  ou  bien 
que,  renonçant  è  la  vérité,  elle  lui  dise  dans 
le  scepticisme  un  ir-évocâble  adieu. 

Le  scepticisme  n'est  que  le  désespoir  d'une 
intelligence  assez  grande  ()Our  connaître 
qu'elle  ne  voit  le  ioui  de  rien^  selon  Tox- 
pression  de  Montaigne,  mais  trop  faible  pour 
respecter  dans  le  mystère  la  limite  inévita- 
ble imposée  &  l'esprit  créé.  Tandis  que  le 
rationaliste  vulgaire,  enivré  de  ses  propres 
idées,  croit  comprendre  tout  ce  qu'il  pense, 
le  sceptique,  avec  autant  d'orgueil  et  plus 
de  pénétration ,  discerne  le  côté  faible  de 
la  science  humaine  et  conçoit  un  dégoût 
sombre  de  la  vérité  I  Promenant  son  mélan- 
colique regard  sur  rencbainement  progressif 
des  choses  ei  l'arrèlant  &  l>ieu,  il  se  deman- 
de :  Est-ce  que  ie  comprends  Dieu  7  Non; 
eh  bieni  Atoos  Dieu.  —  Mais,  moi-même, 
mon  esprit,  est-ce  que  je  le  comprends? 
Non;  eh  bien  1  ôtons  Vesprit.  —  Mais  la  ma- 
tière, à  tout  le  moiosl  La  matière!  .sans  doute, 
je  là  vois,  je  Teipérimente,  et  pourtant  sais- 
je  ce  que  c'est?  Puis-je  dire  que  je  la  com- 
prends? Eh  bien  1  ôtons  la  matière^ —Ainsi, 
de  degré  en  degré,  de  désespoir  en  déses- 
poir, la  raison  s*écanouU  en  elle-méaoe, 
selon  l'énergique  expression  de  saint  Paul, 
et  sur  les  ruines,  incerlaine  do  toute  réalité, 
elle  se  dit  avec  une  lamentable  angoisse  : 
Que  sais-je  et  que  suis-je  ?  Le  doute,  il  est 
vrai,  ne  descend  pas  souvent  jusau'à  cette 
profondeur  où  rien  ne  subsiste  dans  l'es- 
irit  ;  mais  quelque  part  qu'il  s'arrête,  il  est 
e  meurtrier  de  Tâme,  et  plus  haut  ou  plus 
lias,  il  n^a  qu'une  même  cause,  qui  est 
le  refus  de  consentir  à  l'incompréhensible 
comme  à  une  nécessité  et  à  un  aliment  de 
la  raison.  Pour  moi,  si  j'en  étais  là,  si  je  ne 
reconnaissais  le  signe  du  vrai  que  dans  une 
absolue  clarté ,  je  vous  le  déclare ,  je  ne 
croirais  pas  plus  à  la  matière  qu  à  l'esprit, 
l>as  plus  à  Tcsprit  qu'k  Dieu  ;  ic  me  serais  à 
moi-même  une  énigme  douloureuse ,  un 
souffle  dans  le  désert,  une  plainte  dans  un 
sépulcre,  le  jouet  d'une  existence  sans  prin- 
cipe ni  but  ;  j*irais  dans  mes  jours  au  hasard 
de  chaque  soleil,  entre  la  tristesse  d'hier  et 
Il  joie  de  demain,  n'attendant  rien  de  plus 
delà  vie,  rien  de  plus  de  la  mort.  Hais,  grâce 
à  Dieu,  j'adore  dans  l'évidence  l'ombre  qui 
la  limite;  je  sais  que  la  vérité,  objet  uni- 
que et  saint  de  mon  Ame  tout  entière,  est 
grande  comme  l'infini,  et  que  l'infini  n'étant 
compréhensible  qu'à  son  égal,  c'est-à-dire  à 
lui-même,  il  est  naturel  que  je  ne  voie  rien 
jusqu^au  bout,  mais  dans  une  mesure  qui 
suffise  pour  connaître  sans  suffire  pour 
éjmiser. 

De  même  qu'en  toutes  choses  rationnelles 
il  se  rencontre  un  élément  incompréhensi- 
ble, dans  toute  chose  incompréhensible  il 
se  rencontre  aussi  un  élément  rationnel , 
c'est-à-dire  Tidée.  L'idée  est  tout  ce  que  voit 
rcsj)rit,  et  Tespril  ne  voyant  rien  que  par 


I 


207 


MÏS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYS 


20} 


Si  lumière  primitire,  qui  est  la  raison,  il 
s'ensuit  que  toute  idée,  si  problématique 
qu'elle  soit,  est  un  élément  rationnel.  Or, 
le  christianisme,  dont  nous  confessons  que 
]e  dogme  est  incompréhensible,  )e  christia- 
nisme porte  évidemment  dans  son  dogme 
luôme  le  trésor  de  l'idée,  et  si  tous  en  dou- 
tez, je  ne  vous  en  donnerai  qu'une  preuve, 
c'est  qu'il  parle.  Le  christianisme  parle,  il 
parle  dogmatiquement  depuis  dix-huit  siè- 
cles :  donc,  si  incompréhensible  que  soit 
son  dogme ,  son  dogme  est  une  idée,  et  par 
conséquent  quelque  chose  de  rationnel. 

Est-ce  que  ce  raisonnement  vous  étonne? 
Est-ce  que  vous  n'auriez  jamais  réfléchi  à  ce 
aue  c'est  que  parler?  Parler,  c'est  enchaîner 
des  mots,  et  des  mots  n'étant  que  des  idées 
vivantes  sous  une  expression,  parler  c'est 
enchaîner  ces  idées.  Quiconque  parle  donne 
la  preuve  qu'il  voit  quelque  chose  dans  son 
esprit ,  et  qu'il  transmet  à  l'esprit  qui  l'é- 
eoute  tout  ou  partie  de  la  lumière  dont  il  est 
éclairé.  S'il  en  était  autrement,  la  parole  ne 
serait  cfu'utie  suite  de  sons  tombant  dans 
Toreille  et  non  dansTintelli^ence;  elle  serait 
du  bruit,  et  encore  un  bruit  sans  signiflca- 
tion.  Mais  quoi  !  me  direz-vous,  est-ce  que 
l'absurde  ne  parle  pas  aussi?  Et  puisqu'il 
parle,  serait-il  donc  une  lumière,  une  idée, 
un  élément  rationnel  ?  Sans  doute ,  il  est 
tout  cela,  et  s*il  ne  l'était  point,  il  lui  serait 
impossible  de  parler  et  d'être  entendu.  L^ab- 
surde  est  l'évidence  du  faux,  et  le  faux  n'é- 
tant qu'une  vérité  dont  on  abuse,  c'est  la 
vérité  cachée  dans  le  faux  oui  lui  permet  de 
s'énoncer.  Une  erreur  absolue  ne  repr&en- 
tant  rien  à  l'esprit,  ne  susciterait  aucune  ex- 
pression dans  la  pensée  ;  ce  serait  le  néant 
pur.  La  gloire  de  la  vérité  est  de  vivre  jus- 
que dans  Terreur,  et  d'illuminer  la  parole 
qui  l'exprime  de  manière  à  ce  que  l'absurde 
saute  aux  yeux  de  l'entendement.  Loin  donc 
qu'il  n'y  ait  pas  d'idée  ou  de  substance  ra- 
tionnelle dans  l'absurde,  elle  s'y  trouve  h  un 
si  haut  de^ré,  que  tout  le  monde  dit  à  l'ins- 
tant :  Voila  qui  n'a  pas  le  sens  commun. 
L'absurde  est  la  seconde  révélation  du  vrai, 
peut-être  plus  puissante  que  la  révélation 
directe,  et  c'est  pourquoi  les  mathématiques 
emploient  si  souvent  cette  forme  de  raison- 
ner qu*on  appelle  démonstration  par  l'ab- 
surde. 

Je  reviens  donc  5  ma  pensée  :  le  christia- 
nisme p«irle,  il  parle  dogmatiquement  de- 
puis tiix-liuit  siècles,  cl  ainsi,  tel  incom- 
préhensible que  soit  son  dogme,  sou  dogme 
est  néccssairenient  une  idée,  c*cst-à-(Jirc 
qùelqucclioso  de  rationnel.  A  Ja  bonne  heure, 
ilirez-vous^  mais  quelque  cliose'dc  rationnel 
h  la  façon  do  Tatisurde;  car  puisque  Tabsurdc 
parie  autant  que  riiicompréheiisible^  qui 
empêche  do  confondre  rincompréhensibic 
avec  lui  ?  Ce  qui  en  empêche,  c'est  que  l'un 
n*csl  pas  Fautre;  c'est  que  l'absurde  est 
l'évidence  du  faux,  tandis  que  l'incompré- 
liensiblo  manque  h  la  foi  de  l'évidence  du 
faux  et  de  l'évidence  Ju  vrai.  L'incompré- 
hensible est  ({uelquc  chose  que  la  raison  ne 
s'explique! pas,  rien  de  plus.  Nierez-vous 


son  existence?  Nierez-vous  cet  état  parlicMi- 
licr  de  resj)rit  humain?  Mais  je  vous  ai  fait 
voir  que  rincompréhensible  nous  poursui- 
vait jusque  dans  les  objets  de  science;  je 
vous  l'ai  montré  comme  le  terme  nécessaire 
de  nos  plus  hautes  clartés.  Si  rincompré- 
hensible se  confondait  de  sa  nature  arec 
l'absurde,  il  n'y  aurait  d'ombres  nulle  part, 
puisque  l'absurde  est  aussi  clair  qu'une 
démonstration.  Etant  donc  prouvé  que  l'in- 
compréhensible est  une  catégorie  aistincte 
de  1  esprit  humain,  un  état  a  part  si  vous 
l'armez  mieux,  où  l'entendement  n'a  ni 
l'évidence  du  faux,  ni  l'évidence  du  vrai,  il 
restait  cette  diOiculté,quenepascon)nrenitre 
c'est  ne  rien  voir.  Contre  cette  difficulté,  que 
devais-je  faire?  Vous  démontrer  que  l'in- 
compréhensible n'est  pas  l'exclusion  de  toute 
idée,  et  par  conséquent  de  toute  vision 
rationnelle.  A  cet  effet,  je  vous  ai  dit  :  Le 
christianisme  est  incompréhensible  dans 
son  dogme,  et  cependant  le  christianisme 
dogmatique  est  une  idée;  il  est  une  idée, 
puisqu'il  parle.  Vous  me  réijondrez  à  cela, 
que  fabsurde  parle  bien  aussi.  Oui,  mais  ii 
parle  avec  le  caractère  de  l'absurde,  c'esl-è- 
dire  avec  l'évidence  du  faux,  tandis  que  le 
christianisme  parle  avec  le  caractère  de 
l'incompréhensible,  c'est-è-dire  avac  Tab 
sence  dunedécisive  clarté,  soit  pourle  faux, 
soit  pour  le  vrai. 

Cependant  si  Texemple  du  christianisme 
vous  embarrasse,  par  la  préoccupatioa  oii 
vous  seriez  que  sa  doctrine  est  manifeste- 
ment empreinte  du  signe  de  l'absurde,  je 
veux  bien  l'écarter  du  débat  où  il  n  entre 
pas  nécessairement,  et  je  vous  dirai.  Com- 
prenez-vous l'élernité,  rinùni,  Dieu?  Com- 
prenez-vous un  être  qui  existe  par  soi, 
qui  est  parce  qu'il  est,  sans  commenceinenl 
ni  fin  ?  Comprenez- vous  Tunion   en  une 
seule  personne  de  deux  substances  aussi 
opposées  que  le  corps  et  l'esprit?  Comprc- 
vous  l'action  du  corps  sur  respril,  et  dt» 
l'esprit  sur  le  corps  ?  Non  assurément.  £h 
bien  I  tous  ces  mystères  si  profonds,  si  im- 
pénétrables, présentent-ils,  oui   ou   uon, 
quelque  idée  a  votre  entendement?  Si  vou^ 
me  répondez  que  oui,  et  vous  ne  pouvez 
pas  me  répondre  autrement,  j'en  conclus 
que  l'incompréhensible,  malc^ré  son  obscu- 
rité, n'emporte  pas  avec  soi  l'exclusion  de 
tout  élément  rationnel,   et  c^est  la  seule 
chose  que  j'avais  à  démontrer.  Car,  remar- 
quez-le bien,  il  ne  s'agit  entre  nous,  dansée 
moment,  que  de  l'essence  générale  de  l'in- 
compréhensible. Vous  m'avez  dit  que  l'in- 
compréhensible considéré  en  soi,  dans  sa 
nature  même,  était  une  absurdité.  Et  moi. 
me  tenant  pas  h  pas  sur  vos  traces,  j'ai  dû 
vous  prouver  que  cela  n*était  pas,  et  que 
proposer  à  l'homme  la  contemplation  d  ua 
mystère,  loin  de  déshonorer  son  intelligence, 
c'était  l'élever  dans  des  répions  dont  il  est 
le  naturel  et  sublime  convié.  Car,  ai-je  dit, 
la  raison  elle-même  renferme  un  élément 
incompréhensible,  et  l'incompréhensible  à 
son  tour  confient  un  élément   rationnel; 
l'évidence,  en  montant  vers  !e  pôle  supê^ 


ÎW 


MTS 


DtCTIONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


MÏS 


21(» 


rieur  des  choses,  donl  elle  esl  le  grand  che- 
min, y  rencontre Tobscurité,  elle  myslère 
ffi  descendant  du  ciel  nous  apporte  une  lu- 
mière digne  de  son  nom  propre,  qui  est  la 
rérélation. 

ftroù  TOUS  Tojez  que  la  dîflërenne  entre 
l'unlrenalnrel  et  Tordre  surnaturel  ne  consiste 
l«s  fo  ce  que  tout  est  compréhensible  dans  le 
preoiierylandîsqnetoutestincoropréhensible 
dans  le  second*  mais  en  cequelesTéritésde 
«vlaî-ci  ne  sont  pas  susceptibles  d*une  dé- 
ttitAslration  directe ,  tandis  que  les  ?érités 
tle  celQKià  découlent  par  voie  de  eons^- 
«foenee  dn  germe  lumineux  qui  est  notre 
raiiOQ.  Ainsi  Dieu,  quoique  inserutable 
«lans  son  essence,  est  un  dogme  de  la  nature, 
IHfce  que  nous  le  concluons  de  la  lumière 
profffe  qnt  esl  en  nous  ;  mais  Tunité  de  Dieu 
fo  trots  personnes  distinctes  est  un  do^mc 
•le  ta  révéiation,  parce  qu'il  nous  est  impos- 
MUe  de  le  détiuire  d'aucun  principe  ration - 

Gfl. 

A  tout  le  moins,  tous  penserez  peut-être 
quil  j  i  pins  d*oliscurité  dans  Pincompré- 
l«iisU)le  surnaturel  quedans  l'incompréhen- 
îUile  natarel.  Or,  je  ne  puis  que  tous  répé- 
ter tes  uroles  de  Jésus-Christ  :  Je  suis  ta 
Immènèmmmde;  celui  qui  vient  après  moi 
•i  sMfrAe^nsr  dafu    les  ténèbres^  mais  il 
amrm  k  hmUre  de  la  vie  (212).  Et  ces  autres: 
Mn,  la  lumière^  je  suis  venu  dans  le  monde^ 
afn  fme  fmrsnme  eroii  en  moi  ne  demeure 
p^tmtàÊOsUs  timibres  (213).  Et  celles-ci,  de 
rapAre  salât  Paul  aux  chrétiens  d*Ephèse  : 
y^ms  éiitx  auirefois  ténèbres^  mais  maintenani 
fsmê  êtes  lumière  dans  le  Seigneur;  marchez 
r^mme  des  fU  de  la  lumière  (214).  Partout, 
•tins  rEcriture*  Tordre  naturel,  comparé  à 
f'Hdre  somaturel,  est  appelé  ténèbres,  et 
Hm-eî,la  lumière,  la  vie,  la  ▼oie.  laTériié. 
Ces!  qu  en  effet,  si  loin  el  si  haut  que  par- 
viemie  la  raison  la  plus  pure,  elle  ne  con- 
Aitt  Bien  qae  par  des  notions  imparfaites 
«réfîTées  dn  spectacle  des  choses  flnies  ou  de 
il  contemplation  d*elle-méme.  Or,  Dieu  est 
iovf.  Qui  ne  le  connaît  pas  ne  sait  rien  ;  qui 
lecoimaft  uMd  sait  mal  ;  qui  le  connaît  |ieu 
^il  peu.  Et  puisque  la  raison  ne  s'élève  à 
lai  an*impanaitement,  comme  il  est  trop 
Ti^bie,  il  est  juste  de  dire  qu'elle  est  une 
tnble  aurore  d'un  grand  jour,  un  miroir 
^ijDatiqoe  et  douloureux  de  la  yérité. 
ibzs  si  INen,  touché  de  notre  ignorance 
ucoreile,  nous  a  apporté  sa  propre  science  ; 
l'il  nous  eofifesse  ce  qu'il  est,  ce  qu*il  voit, 
c^qall  sent,  ce  qu'il  veut;  s*il  nous  initie 
iai  profondeurs  de  son  éternité,  à  son  ac- 
i^AQ  sur  le  temps,  aux  motifs  et  aux  plans 
:«<a  ProTidence,  alors  sans  doute,  notre 
'ni  itttfrjeor  ne  discernera  qu'avec  peine  les 
'--uses  inflniesde  celte  révélation,  il  demeu* 
^  au-dessous  de  l'horizon  céleste  comme 
•  eft  au-dessous  de  Fimmcnsité  créée,  et 
Vjvte&iîs  qui  dira  qu'il  ne  sait  pas  davan- 
>^?  qui  o*appellera  ténèbres  son  étal  pré- 


cédent, et  lumièresonélat  nouveau?  J'avoue 
que  1  ombre  s'augmente  avec  la  clarté;  mais 
c'est  !a  loi  de  toute  science  et  de  toute  lu- 
mière. Quel  est  le  savant  qui  ne  découvre 
plus  d'abîmes,  à  mesure  qu'il  pénètre  plus 
loin  dans  la  nature?  Quel  est  le  soleil  qui, 
en  tombant  sur  les  corps,  n'en  fasse  saillir 
une  ombre  d'autant  plus  forte  queses  rayons 
sont  plus  ardents  ?  Si  le  fini  lui-même,  en 
s'ouvrant  à  nos  regards,  devient  d'autant  plus 
mystérieux  qu'il  devient  plus  visible,  que 
sera-ce  de  l'inOni  (215)? 

iiu 

NouTeaax  déTeloppements  «or  le  mjstère.  —  Point  de 
«ience  aams  myslère.  —  Eiisteuce  el  myslère  de  Vuk- 
fmmeia  armd,  ^  L'infini  dans  l'étendue.  —  L*infim 
du»  la  diirêe.  —  Existence  el  mystère  de  Vm/bnmetd 
petit.  ^  Les  incrédules  ne  peofentse  refuser  à  croir« 
à  la  refigkMi  à  cause  de  ses  mystères. 

Depuis  que  l'étude  des  sciences  a  fait, 
parmi  nous,  ces  étonnants  progrès  dont 
quelques  incrédules  se  montrent  si  fiers, 
on  dirait,  à  les  entendre,  que  leur  raison  a 
conduis,  avec  l'espoir  de  tout  expliquer,  le 
droit  de  ne  rien  admettre  sans  le  concevoir 
pleinement,  et  que  l'humble  foi  du  chrétien 
ne  convient  plus  à  l'élévation  de  leur  génie. 
Pourtant  cette  raison  si  dédaigneuse,  si 
hautaine,  n'a  pu  découvrir  encore  une  cause 
première,  sans  sortir  de  l'univers  physique 
livré  à  ses  investigations.  Le  mouvement, 
la  matière,  ne  sont  que  des  effets  qui  la 
forcent  de  remonter  à  une  volonté  impul- 
sive, k  une  intelligence  créatrice,  sans  la- 
quelle ils  n'existeraient  pjis.  Le  monde  vi- 
sible suppose  donc  nécessairement  un  autre 
monde  qui  échappe  à  nos  regards  ;  toute 
science  a  donc  SES  MYSTÈRES  qu'il  ne  nous 
est  |)as  donné  de  sonder. 

D'où  vient  cependant  qu'à  ce  seul  mot  de 
mystères,  prononcé  par  la  religion,  certains 
esprits  se  révoltent  et  ne  veulent  pluscroire? 
d'où  vient  le  mépris  qu'ils  afltchent  pour 
tout  ce  qu'il  leur  plaît  d'envelopper  sous  le 
nom  de  mysticisme?  c'est  que  luonime,  dis- 
trait par  l'imagination  et  captivé  par  les 
sens,  réfléchit  peu  à  ces  innombrables  my3- 
tères  qui  l'environnent.  S'il  les  méditait 
sérieusement,  s'il  y  pensait  seulement  quel- 
quefois, il  s'arrêterait  bientôt,  saisi  d  une 
respectueuse  ffajeur,  devant  la  majesté 
suprême,  qui  lui  apparaîtrait  débordant  de 
toutes  parts  la  création  au  milieu  de  laquello 
il  fut  jeié;  il  reconnaîtrait,  sans  hésiter,  son 
i^orance  et  sa  faiblesse,  et  dé|K>serait  aux 
pieds  de  la  religion  l'orgueil  mal  entendu 
de  ses  téméraires  pensées. 

Mais  c'est  surtout  en  présence  du  mystère 
de  l'Infini  que  tombe  cet  orgueil  humain,  et 
que  se  dévoile  la  prodigieuse  faiblesse  de 
notre  intelligence  accablée  par  la  grandeur 
divine.  Non,  rien,  dans  les  mystères  que  la 
religion  nous  propose,  n'est  plus  propre  à 
déconcerter  la  raison  et  à  lui  faire  sentir 
fortement  ses  bornes,  que  cet  infini  où  no- 


îfî  i 


1  'i- 


.  vin,  H 
.  iJi,  16. 


(il  ï)  Ephn.  Y,  8. 

\i\:\)  Crr.  Lâcobd.,  tom.  11. 


m 


MYS 


DICTlOiNiNArRE  APOLOGETIQCE. 


xns 


212 


tre  esprit  se  perd*  devanl  lequel  Timagma- 
tion  recule  effrayée,  et  que  cependant  l'in- 
crédule ne  peut  éviter;  car,  de  quelque  côté 
qu'il  se  tourne»  au  sein  de  retendue  et  de 
la  dorée,  il  le  rencontrera  toujours,  et  Yin- 
finiment  grand  d*un  côté,  rinfinîment  petit 
de  Tautre,  s'offriront  à  lui  comme  deui  abî- 
mes entre  lesquels  il  tremblera  de  se  voir 
suspendu. 

L'expérience  nous  apprenti  que  plus  un 
objet  s  éloigne,  plus  Tangfe  qui  mesure  sa 
grandeur  est  petit.  Si  donc  un  objet  est  vi- 
sible sous  un  angle  très-petit,  il  faut  au*il 
soit  éloigné  du  lieu  d*où  on  le  considère, 
d'une  distance  d'autant  plus  forte  que  son 
volume  sera  plus  grand.  Cest  sur  ces  prin- 
cipes d'une  évidence  pratique  qu'est  fon- 
dée la  théorie  astronomique  desparaUaxei. 
On  démontre  à  l'aide  do  cette  théorie  , 
qu'une  distance  de  trente^qiêatre  miiliofi$ 
ciifia  cent  mille  lieues  existe  entre  le  soleil 
et  la  terre  ;  en  effet,  la  parallaxef  e'est-à- 
dire  l'angle  sons  lequel  un  spectateur  placé 
dans  le  soleil  verrait  les  quinze  cents 
lieues  formant  le  rayon  de  la  terre,  est  de 
8"  73  ;  et  une  simple  opération  prouve 
que  la  dislance  indiquée  corresj^nd  h  ces 
tJottnées. 

«  Pourfourrrir  une  idée  de  cette  immense 
éloignement,  dit  M.  Francœur,  dans  son 
Urmiographie  ^  nous  ferons  remarquer  qu'un 
boulet  de  vingt-quatre,  chassé  par  seize 
livres  dQ  poudre,  parcourt,  au  sortir  du  ca- 
non, &30  toises  par  seconde,  ce  qui  revient 
^  663  lieues  par  heure.  Ce  projectile,  s'il 
conservait  cette  vitesse,  parcourrait  dune 
quinze  mille  neuf  cents  lieues  par  jour,  et 
eepHendam  il  lui  faudrait  environ  sii  ans  pour 
arriver  au  soleil.  » 

Voilà  donc  à  quelle  énorme  distance  il 
fiaut  se  transporter  pour  ne  plus  voir  que 
sous  un  angle  de  8"  73,  un  rayon  de  quinze 
cents  lieues.  Mais,  que  serait-ce  donc,  si 
ce  rayon  était  de  sii  mille,  de  dix  mille,  de 
quinze  mille  lieues  ?...  eh  bien  t  ce  ne  serait 
rien  auprès-  des  étonnants  résultats  que 
fournit  encore  la  science. 

Une  base  bien  autrement  étendue,  une 
base,  la  pins  lar^e  qu'il  ait  été  donné  à 
l'homme  de  choisir  pour  y  édifier  ses  cal- 
culs, se  présente  comme  un  moyen  de  me- 
surer, s'il  était  possible,  Téloignement  des 
étoiles.  Cette  base  est  le  diamètre  de  l'é- 
cliptique,  aux  deux  extrémités  duquel  la 
terre  revient  tous  les  six  mois,  et  ce  dia- 
niètre  a  soixante-dix  millions  de  lieues. 

(216)  Vranographie  de  Francoccii,  p.  47  et  48.  — 
\oir  anssi  CtxpoêUion  du  système  du  monde^  par 
I.APLACE,  édition  in-4%  p.  394  et  595;  et  snr  la  théo- 
rie des  parallaxes  ,  l'AstroMmie  physique  de  Biot, 
tom.  1,  p.  240  et  suivantes.— ^n  peut  voir,  au  sur- 
plus, rariicle  inséré  par  M.  Ârago  dans  V Annuaire 
du  bureau  des  longitudes  pour  iS^i,  p.  386  et  sut- 
vaotes.  Cet  article  laisserait  entrevoir  la  possibilité 
de  calculer  la  distance  des  étoiles,  à  Taide  du  mou- 
vemeht  de  rotation  d'une  étoile  autour  d'une  autre, 
remarqué  dans  quelques-uns  de  ces  couples  binaires 
oonnuK  sous  le  nom  û*éloiles  doubles;  il  n'y  aurait 
qp.  à  comparer  les  durées  des  deux  d«mi-révoluiioiis 


Ëloignez-vous  maintenant  perpendicul^ire^ 
ment  à  cette  ligne,  reculez  dans  les  profon- 
deurs de  Tespace  jusqu'à  ce  que  ses  extré- 
mités se  rapprochent  et  se  touchent  dans  le 
lointain,  jusqu'à  ce  qu'elle  ne  vous  paraisse 

f)Tus  qu'un  point  k  peine  perceptible  dans 
'immensité,  vous  n*ffvez  pas  encore  atteint 
la  région  des  étoiles.  Dire  que  leurdîstaïK^e 
est  cent  raille  tcns  au  moins  plus  grande  que 
celle  da  soleil,  est  donc  trop  peu,  il  faut 
renoncer  è  l'apprécier;  il  feut  reconnaître 
avec  rautetiraejà  cité,  «^qne  les  dimensions 
^  de  la  terre  et  du  diamètre  mène  de  Véclip- 
«r  tique  t  sont  nulles  comparativement  h 
«  cette  dislance  ;  »  et  c'est  avec  réserve 
—  de  peur  de  n'en  pas  dire»  encore  assez  — 
qu'il  sera  permis  d'ajouter  «  qu'aux  yeux 
«  du  spectateur  placé  dans  l'un  ne  ces  astres, 
^  l'épaisseur  d'une  sme  suflirait  pour  ca- 
«  cher  notre  système  planétaire,  motyu'i/ 
<r  fotV  vingt  fois  plu$  long  que  Féeliptique. 
«  (216).  » 

A  la  vue  de  ces  prodigieux  espaces  dans 
lesquels  flotte  notre  univers,  gui  n'éprou- 
verait d'abord  un  tremblement  involonlaire7 
qui  ne  s'effrayerait  de  se  voir  comme  perdu 
au  milieu  d'une  telle  immensité?  cependant 
tout  cela  n'est  rien  encore,  ou  plutôt  ce  n*est 

3u'un  grain  de  la  poussière  éclatante  du 
rmament.  Autour  des  milliers  de  soleils 
dont  brille  cette  })oussière  des  mondes,  s'é- 
tendent d'autres  espaces  non  moins  eCTroya- 
blés,  et  se  déroulent  d'autres  immensités  : 
chaque  point  étincelant  dans  l'azur  est  le 
centre  d'un  nouvel  océan  où  nagent  peut- 
être  de  nouvelles  planètes  enchaînées  à  de 
nouveaux  systèmes  ;  chaque  blancheur  cé- 
leste est  un  gouffre  où  s'engloutissent  tous 
ces  océans  comme  de  faibles  flots;  et  par 
delà  tous  ces  soleils,  par  delà  tous  ces  mon- 
des, qu'y  a-l-il?...  Encore  d'autres  espaces 
sans  bornes,  encore  d'autres  océans 'dont 
les  rivages  fuient  d'une  fuite  éternelle. 

Et  vainement  l'imagination  s'éimiserait- 
elle  dans  les  plus  incroyables  eflijrts  peur 
trouver  des  limites  à  cette  incommensurable 
étendue;  elle  n'y  réussira  jamais.  L'homme 
fût -il  capable  de  traverser  l'espAce  avec 
la  rapidité  de  la  lumière  ;  eût-il  les  ailes 
puissantes  des  [anges  rebelles  de  Hilton , 

f>lus  rapides  que  la  lumière  même;  pût-il 
rancbir  en  un  instant  des  myriades  de 
mondes,  et  continuer  en  ligne  droite  son 
vol  infatigable  pendant  des  myriades  de 
siècles,  jamais  il  ne  serait  arrêté  par  aucune 
barrière;  toujours  il   pourrait  aller  plus 

ascendante  et  descendante  do  satellite  stdlaîre,  eo 
conclure  le  temps  qu'il  a  fallu  ài  la  lanière  pour 
traverser  Varbite  de  ee  sàiellile  (que  Ton  suppose  ta- 
diné  par  rapport  à  notre  globe),  et  déterniiuer  par 
suite  le  diamètre  de  cet  orbite,  qui  deviendiait  la 
base  d*un  triangle  au  sommet  duquel  nous  serions 
placés.  Mais  riraperfeetion  de  nos  instruments  et 
Textrôme  proxi mué  apparente  des  étoiles  doubles. 
Tune  par  rapport  à  Tautre,  paraissem  devoir  oppo- 
ser des  oUsiacles  insurmontables  à  la  réalisation  de 
ce  calcul,  ingénieux  ;  il  n^est  donc  pas  probable  qti^ 
la  distance  de  ces  astres  noussoit  jamais  eoimue; 
c'est  un  secret  que  Dieu  b^est  réser>é. 


•J3 


MYS 


DICTiONNÂiRE  APOLOGETIQUE. 


MYS 


211 


l'itii ,  ei  parcourir  oe  rtoaiéiles  dislan- 
res  el  s'enfoncer  sans  espoir  dans  de  ncu- 
veaai  espaces  :  car  il  aurait  devant  lui... 
FiufmL  El  si  Dieu  donnait  à  la  terre,  sub;  - 
tenenl  agrandie  par  un  merTeilleax  effet 
de  sa  toole-fniissance,  les  dimensions  du 
tanameol  qui  Tenrironne  ;  si  tout  ce  qui 
la  covTre,  et  nous  oui  rhabitons,  et  le  fir- 
manient  laiHn£me«  s  a^andissait  à  la  fois 
dans  b  même  proportion*  que  pensez- vous 

Î|iie  deviendraient  pour  nous  alors  ces  gouf- 
res  épouvantables  de  retendue,  qui  nous 
enveloppent  maintenant,  et  nous  rempHs- 
«std^ane religieuse  terreur?  Ils  ne  seraient 
riea.  L'agrandissement  simullané  de  toute 
la  création  pourrait  être  tel,  que  la  vaste 
«Bcnnte  des  mondes  actuelleinent  visibles 
se  troBvât  réduite,  par  rapport  à  Tbomme, 
I  rinsaisissable  petitesse  d^un  atome ,  sans 
qi]11s>o  fili  même  aperçu  ;  et  les  champs  de 
l  lofini  s'ouvriraient  toujours  à  sa  pensée 
ramiDe  un  abtme  désespérant,  où  elle  s*é- 
pnisertiten  vain  à  sVlancer  sans  fin  etsans 
itpos. 

iiasî,  rbomme  ne   peut  réfléchir  un 
iiisiaiit  à  rétendue,  sans  que  Tinfini  se  pré- 
refile  aussitôt  à  son  esprit,  forcé  de  subir 
U4i«ttiiatîon  de  cette  grande  idée...  Mais 
est-ce  bien  Tinfini  qu'il  voit  directement  ? 
n'est-ce  pas  plutôt  uu  vague  loinlaîn  dont  les 
bornes  inassiaiables  pourraient  exister  sans 
70I/ /ni fât  donné  de  les  atteindre?  N*est- 
re  pas  de  Timpuissance  de  ses  efTorts  vers 
ces  bornes  inconnues,  qu  il  conclut  à  l'exis- 
tHice  de  l'infini,  comme  un  voyageur  fa- 
li^oé  qui  renonce  à  toucher  au  but  de  son 
Torage  !...  et  puis,  un  esprit  fini  peut-il  avoir 
('.»  Idées  véritablement  infinies  7...  Ecoutons 
U  réponse  d^un  de  nos  plus  grands  métaphy- 
siciens, de  cet  homme  «  qui  a  bien  pu,  dit 
M.  de  Naistre,  s*^arer  dans  la  route  de  la 
vérité,  mais  qui  n  en  est  jamais  sorti.  » 

iprès  avoir  affirmé  «  que  l'esprit  voit 
adoellement,  que  son  objet  immédtat  e$i  in- 
fmi^  qnli  Toi:  aeiueitement  que  retendue  in- 
idlipble  est  infinie  » ,  Malebiancbe  lyoute  : 
c  Et  ee  n'est  pas,  comme  vous  le  pensez, 
f«ree  qu'il  n*en  voit  pas  le  bout  ;  car  si  cela 
éiaii,  il  poorrait  espérer  de  le  trouver  ou  du 
•oins  il  poorrait  douter  si  elle  en  a  ou  si 
elle  n'en  a  point;  maîi,  c*e$t  farce  fuil  voit 
f^kememi  au  die  n^en  a  ponU....  Lorsque 
resprit  kiense  k  retendue  intelligible,  lors- 
qo  il  reol  mesurer  l'idée  de  l'espace,  il  voit 


,  EMrelien»  mr  kt  méiapk^ù- 

relâfJM,  fttmkr  entretien,  1».  98  el  t9; 

(  MfHiea,  p.  51  ei  5^  édition  de  Ro- 

La  réalîié  de  Ildée  inlliiie  en  teila  que 

d^  que  naire  esprit  eonnall  le  fini, 

reMfqaedeFénelon:  <  On  ne  connall  le 

^*e«  Ini  aitriboant  «ne  borne,  qai  est 

nésalîon  ÎTane  pltts  gran.le  étendue.  Ct 

qmt  la  privaiioo  de  riottoi.  Or,  on  ne 

lis  se  représenter  la  privation  de  Tin- 

ceneevait  l'infini  néine,  comne  on  ne 

roir  la  maladie  si  on  ne  concevait  la 

s  n*ea  que  la  privation.  »  (ExiUenu 

^iére  partie,  ehap.  iv,  |  î.)  —  H  est 

^  conirsier  la  réalité  de  Tinfini,  en  admet  • 
i^oce  du  fini.  «  Paurqnoi  rimparfaii  scrailr 


iai,»iae 


ta 


clairement  qu'elle  est  infinie  ;  il  ne  peut 
douter  que  celte  idée  ne  soit  ijiéplisake. 
Qu*il  en  prenne  de  quoi  se  représenter  le 
lieu  de  cent  mille  mondes,  et  à  chaque  ins- 
tant encore  cent  millefois  davantage,  jamais 
cette  idée* ne  cessera  de  lui  fournir  tout  ce 

3u*il  Ciudra  :  Fe^prit  le  voit  et  n'en  peut 
outer;  mais  ce  n  est  point  {lar  là  qu*il  dé- 
couvre qu'elle  est  infinie;  c'est,  au  contraire, 
parce  qu'il  la  voit  actuellement  inflniCf  qu'il 
sait  bien  qu'il  ne  répuisera  jamais.... 

«  Oui,  nos  idées  sont  finies,  si  par  nos 
idées  vous  entendez  nos  perceptions,  ou  les 
modifications  de  notre  esprit*;  mais  si  vous 
entendez,  |iar  l'idée  de  l'infini,  ce  que  l'es- 
prit voit  quand  il  y  pense,  ou  ce  qui  esi  ' 
alors  l'objet  immédiat  de  l'esprit,  assuré- 
ment cela  est  infini;  car  on  le  voit  tel.  Pre- 
nez-y garde,  vous  dis-je  ;  l'impression  que 
l'infini  fait  sur  l'esprit,  est  finie,  il  v  a  même 
plus  de  perception  dans  l'esprit,  plus  d'iin- 

firession  d'idée,  en  un  mot,  plus  de  pensée, 
orsqu  on  connaît  clairement  et  distincte- 
ment un  petit  objet,  que  lorsqu'on  pense 
confusément  à  un  grand,  ou  uième  à  Tin- 
fini  ;  mais  quoique  l'esprit  soit  presque 
toujours  plus  touché,  plus  pénétré,  plus  mo- 
difié par  une  idée  finie  que  par  une  infinie, 
néanmoins  il  y  a  bien  plus  de  réalité  dans 
l'idée  infinie,  que  dans  la  finie,  dans  l'élre 
sans  restriction,  que  dans  tels  ou  tels  êtres 
(217).  > 

Tel  est  le  coup  d'œil  perçant  que  ce  maî- 
tre de  la  science  contemplative  a  jeté  dans 
rablme  profond  de  Tinfini  ;  et  il  n'est  pas 
un  esprit  tant  soit  peu  méditatif,  qui  ne  re- 
connaisse la  justesse  de  ces  idées  appliquées 
à  rétendue. 

Or  il  en  sera  de  même  si  notre  esprit 
veut  considérer  attentivement  la  durée  ;  qu'il 
s*épuise  à  remonter  le  fleuve  des  temps  et 
le  torrent  des  âges,  ou  qu'il  en  suive  le 
cours,  il  ne  pourra  s'arrêter  devant  aucune 
i)ome,  et  toujours  il  lui  sera  possible  d'avan- 
cer encore.  Mais  a-t-il  besoin  d'une  telle 
expérience  pour  acquérir  l'idée  de  l'infini 
dans  la  durée  ?  Non  ;  il  l'aperçoit,  il  la  dé- 
couvre de  suite  sans  intermédiaire  et  sans 
recherche  ;  il  dit  :  quelque  chose  a  existé 
et  existera  de  toute  éternité,  et  il  n'y  a  pas 
de  vérité  qui  le  frappe  d'une  lumière  plus 
éclatante  et  plus  vive. 

Maintenant  laissons  la  raison  humaine  se 
débattre  sous  le  poids  de  cette  idée  de  fifi- 

î),  ft^écrie  Bwsuel,  et  le  parlail  ne  serait-il  pas? 
cesl-à-dire,  pourquoi  ce  qui  tient  le  plos  du  néant 
serall-il,  et  ce  qui  n*en  tient  rien  du  ton!  ne  serait-il 
pas?  Qa*appeUe-l-on  parfait?  on  être  à  qui  rien  ne 
manque  ;  qii*appelle-l-on  Imparfait?  on  être  à  qui 
qoelqne  chose  manque.  Pourqnoi  réireà  qoi  rien  ne 
manque  ne  leraltril  pas,  pluiét  que  réure  k  qui 
quelque  cbsie  manque?  d*oà  vient  que  quelque 
chose  est,  et  qu'il  ne  se  peut  pas  faire  que  le  rioi 
soit  :  si  ce  n'est  parce  que  Feue  vaut  mieux  que  le 
rien,  et  que  le  rien  ne  peut  pas  prétaluir  sur  I  eire 
ni  empêcher  l'être  d'être?  mais,  par  la  même  raison, 
l'imparfait  ne  peut  valoir  mieux  que  le  parfait,  m 
être  plutôt  que  lui  ni  rempècber  d'être.»  (Bossiet, 
première  Elévation  sur  les  mysiéres.) 


îrs 


MYS 


DICTlONiNAIRE  APOLOGETIQUE 


MTS 


2!6 


fnimeni  grctndùnns  retendue  et  la  durée..,. 
Qu'est-ce  que  cet  infîni?  est-il  composé  de 

rrties?....  lion.  S'il  l'était  on  parviendrait 
le  trouver ,  en  ajoutant  incessamment 
l'unité  à  elle-même.  Or,  nous  venons  de 
le  voir,  l'esprit  a  beau  ajouter  les  distances 
aui  distances,  les  années  aux  années,  il  ne 
peut,  quoi  qu'il  fasse,  arriver,  par  ce  pro- 
cédé, à  rinnni  en  étendue  ou  en  durée.  Si 
cet  infini  était  composé  départies,  «  il  se- 
«f  rait  pair  ou  impair,  dit  Pascal  ;  or,  il  est 
M  faui  (]u'il  soit  pair,  il  est  faux  nu^il  soit 
t  impair;  car,  en  ajoutant  Tunilé,  il  ue 
«  change  point  de  nature.  *  Il  n'est  donc 
j!oint  mesurable;  de  môme  qu'il  ne  peut- 
être  formé  par  la  multiplication,  il  ne  peut- 
être  soumis  à  la  division  ;  de  même  qu'on 
n'y  peut  rien  ajouter,  on  n'en  peut  rien  re- 
trancher; il  échappe  à  toutes  les  opérations 
lie  notre  esprit;  il  est  indivisible;  il  est 
simple;  il  est  UN;  nous  n*en  savons  pas 
davantage. 

Cependant  cet  espace  borné  que  je  mesure 
est  dans  l'infini,  et  comment  se  fait-il  qu'il 
y  soit,  sans  en  être  une  partie?  (218)....  Mais 
si  cet  espace  est  dans  l'infini,  il  y  a  donc  dans 
l'infini  quelque  chose  oui  se  mesure...,  et 
le  temps  estaussi  dans  l'éternité  ;  et  comment 
se  fait-il  qu'ily  soit,  sans  qu'il  y  ait  rien  en  elle 
•pii  se  puisse  appeler  une  partie  d'elle-même 
on  qui  se  paisse  diviser?...  mais|ne  semble- 
l-il  pas  que  Tinfini  se  divise  à  mon  égard  en 
deux  parties?  nai-je  pas  dans  l'étendue 
un  inmii  à  ma  droite,  un  infini  à  ma  gauche, 
un  infini  sur  ma  tête,  un  infini  sous  mes 
pieds  ?n*y  a-t-il  pas  dans  la  durée  une  éter- 
nité qui  nous  a  précédé,  une  éternité  qui 
nous  suivra,  une  éternité  nassée,  une  éter- 
nité future?...  Non,  non,  les  murmures  de 
la  raison  frémissante  sont  impuissants  ;  ils  ne 
sauraient  altérer  l'immuable  idée  de  l'infini. 
Ne  parle?  ni  d*orîent  ou  d'occident ,  ni 
d'avenir  ou  de  passé;  ne  dites  pas  que 
rhomme  est  place  à  un  point  où  V infini  finit ^ 

(il  8)  I  Si,  en  séparant  le  globe  <|iie  iiou»li;ibilon8 
ite9  espaces  immenses  qui  reiifironnent ,  nous 
croYODS  que  ces  es|)aces  denieoreni  encore  infinis, 
M  s  ensuit  que  je  puis  augnienler  rinfini,  puisque  je 
puis  ajouter  à  ces  espacifs  i^ans  bornes  ni>tre  globe 
que  j^en  avais  séparé  par  la  p<;nsée  ;  et  ainsi  ce  svra 
la  un  fini  el  un  uifini  tout  à  la  fois  :  et  si  ces  espa- 
ces que  je  sépare  de  la  lerre  demeurent  finis,  il  s*en- 
Sttit  que  deux  finis,  savoir  la  terre  el  ses  espaces, 
joints  ensemble,  font  un  Infini,  ce  qui  n*esl  pas  moins 
rontraire  à  la  raison,  i  (TraUé  de  la  vérité  de  la  re- 
ligion chrétienne,  pM  Abapie,  I.  I,  p.  119.) 

(^19)  Voir  II  Dissertation  f!e  Gerdil,  t.  Illde  ses 
OEuvres,  p.  2GI;  Maclaurin,  Traité  des  fluxions, 
introd  ,  p.  41;  Mairan,  d*Alcmbrrt,  etc. 

(220)  Mystère  :  chose  cachée  et  secrète,  impossible 
ou  difficile  à  comprendre.  Défiuition  de  Vtncyclo- 
pliie. 

{tii)  Malebranrbc,  Entretiens  sur  la  métaphysique 
H  la  religion,  deuxième  entretien,  p.  Ai  cl  i5.  — 
Ocscaucs  propose  de  réserver  à  Dieu  seul  le  nom 
rîn/îni,  f  i  d'appeler  indéfini  les  choses  dans  les- 
4t'elles  nous  ne  remarquons  point  de  limites.  (Voir 
Princives  de  philosophie,  in-i»,  p.  !(>.) 

(Si2)  c  >e  veux  imaginer,  &*é<:rie  Bossnrt,  il  y  a 
ih  ou  sept  iiiille  ans,  ei  avant  que  le  monde  iiU, 
eûJLniti  une  suce  ssioii  infinie  de  i évolutions  et  de 


où  Vinfinirecommtnce;  la  raison  métnevous 
le  défend  ;  rim|>o$$iliilité  d'une  suite  actuel- 
lement infinie  de  termes,  soit  permanents 
soit  successifs,  est  géométriquement  démon- 
trée (219),  et  la  contradiction  choauanke  des 
mots,  dit  assez  d'aiHeurs  toute  i  absurdité 
de  la  pensée  qu'ils  eipriment. 

Ainsi  nulle  proportion,  nuls  rapports  ne 
se  peuvent  établir  entre  le  fini  où  nous  vi- 
vons, et  rinûni  que  nous  voyons  sans  le 
comprendre  :  une  différence  absolue,  essen- 
tielle, les  sépare  ;  l'un  est  dansTautre  comme 
s'il  n'était  pas.  Le  fini  ne  peut  modifier  Tin- 
fini;  il  ne  peut  servira  l'expliquer;  il  ne 
peut  l'embrasser,  ni  discuter  son  essence 
ou  scrutersa  nature  ;  il  ne  peut  que  répéter 
de  lui  cette  seule  parole  :  IL  EST;  et  nul 
ne  saurait  le  concevoir,  s'il  n'est    infini 
comme  lui.  Philosophes  I  voilà  )e  mystère 
(220);  inclinons  nous,  il  le  faut.  Avouons 
notre  jEaiblesse  ;  et  dans  cette  grande  idée 
de  1  infini»  reconnaissons  la  prcseuce  d'un 
Breu  qui  n'a  pas  moins  droit  à  Tobéissance 
de  nos  esprits  qu'à  la  soumission  de  nos 
cœurs. 

En  effet,  ^  Dieu,  l'Etre  ou  l'Infini,  ne  sont 

Îu'une  même  chose   (221.)  »    L'infini  en 
tendue,  en  d!irée,dans  ce  qu'il  a  de  positif 
(abstraction  faite  de  toute  imperfection  et 
de  toute  borne),  est  donc  comme  l'infini  en 
tout  sens,  un  véritable  attribut  de  Dieu  ; 
non  quefétendue  et  la  durée  que  nous  voyons 
fessent  partie  de  l'essence  divine  ;  il  y  aurait 
absurdité  à  le  penser,  et  blasphème  à  le  pré- 
tendre. L'espace,  tel  que  nous  le  concevons, 
mesurable»  composé,  divisible,  fut  créé  avec 
la  matière,  et  ne  serait  rien  sans  elle;  ainsi 
en  est'il  du  temps  que  nous  mesurons»  que 
nous  comptons,  et  qui  n'est  non  plus  qu'une 
partie  de  la  création  universelle  (2i22).  Mais 
l'infini  qui  n'a  rien  de  commun  avec  ce 
temps  et  cet  espace  créés,  appartient  à  Dieu, 
seul  éternel ,  seul  présent  partout,  ayant 
avec  tout   ce  qui  existe  des   relations  de 

monicnls  entresuivîs  dont  le  créât*  iir  en  ait  choisi 
un  pour  y  Wxtr  le  cumnienceinenl  du  monde  :  et  je 
ne  veux  pas  comprendre  que  Dieu,,  qui  fait  to«i,  ne 
lioiiTe  rien  de  fait   dans  son  ouvrage  avant  qu'il 
a/i^fte;  qu*ainst  a\anl  le  comureneetnenl  du  inonde 
il  n'y  avait  rien  du  tout  qu  •  D  eu  seul,  et  que  dans 
le  run  il  ii*y  a  ni  suca'Si»ion,  ni  durée,  ni  lien  qui 
soit,  ni  rieu  qui  d^'uieure,  ni  rien  i|uî  passe  :  parce 
que  ie  rirn  est  toujours  rien,  et  qu^'il  ii*y  a  rien  t»iis 
de  D.t'U  que  ce  que  Dieu  fait...  Le  t4  mps  a  com- 
mencé selon  qu*il  vous  a  plu,  6  mon  D  eu!  cl  vous 
en  avez  tait  le  comincnCMnenI  tel  qu*U  vous  a  )il»i, 
comme  vous  eu  avez  fait  la  suite  et  sa  succession, 
que  vous  ne  cessez  de  développer  du  centre  immua- 
b'e  de  voire  éternité.  Vou^  avez  fait    le  lien  de  in 
même  sorte  que  vous  a^ex  fait  le  temps..,  le  lieu  eu 
l'espace  est  une  étendue  ;  et  un  espace  ou  étendue, 
des  proportions,  des  dislances,  dc.>  égalités,  ne  sont 
pas  un  rien  :  et  si  Ton  veut  que  vous  trouviez  toutes 
faites  ces  distances,  ces  étendues,  ces  pr«>portions, 
sans  les  avoir  faites  vous  même,  on  r  tombe  dans 
Terreur  de  ceux  qui  melicnt  quelque  chose  hors  de 
vous,   qui  vous   soit  néc«  ssairenicnt  coéleriiel,  et 
ne  soit  pas  votre  ouvrage.  O   Dieu!  dissipez  ces 
fausses  idées  de  l'esprit  de  vos  serviteurs.  »  (Eléi> 
tions  à  Dieu  sur  les  mystères,    troisiéuie  stniatr-e, 
treizième  élévation.) 


il 


HTS 


IMCTIONAIRE  AIH>I.0(;ETIQU& 


MTS 


SIS 


iufsenee,  sans  aucun  ra|»|ior(  de  durée  ou 
lie  mesure,  rclalions  mystérieuses  et  ineiïa* 
Mes  qce  lui  seul  d^nnatl  ;  à  Dieu*  seul  in- 
finu  seul  canakie  de  se  coroprendre. 

1^  voili  donc,  celle  grande  cl  majestueuse 
i<!éedeDîea,  se  Gonfondanl  arec  celle  de 
rinlioi  on  de  Pélrc;  hors  dVIle*  il  n'y  a 
que  bomcs,  imperfections,  néant;  en  elle 
seule  se  lrT>uve  l"ôtre  nécessaire,  le  princi- 
pe, la  cause  première,  la  raison  générale  de 
tous  les  êtres.  Tout  ce  qui  n*esl  pas  inflni 
est  crW.  Tout  ce  qui  se  petit  concevoir  non 
eiisfant,  â  commencé;  nnfini  seul  se  suflit 
k  loj-Bème,  et  rien  ne  se  suflît  sans  lui; 
resfttee,  le  temps  (créatures  comme  nous), 
B*eiisleDl  ▼éritaklement  que  pour  nous,  et 
o*oot  dliifluence  que  sur  nous.  Il  n  y  a  ni 
moment,  ni  soccession,  ni  pmerès,  ni  dé- 
Hin  dans  TinCni;  et  lorsque  l'incrédulité 
|4iilo5oplnque  s*étonne  que  Dieu  n*ait  pas 
créé  le  monde  plus  tôt,  lorsqu'elle  demande 
s*il  était  bien  nécessaire  de  réfléchir  pen- 
dant toute  une  éternité  ayant  de  proi-^er  h 
Faceomplissement  de  ce  grand  œuvre,  elle 
De  voit  pas  qu*eMe  dit  un  non-êms;  et  c'est 


un  wtm-iens  aussi  que  de  demander  ce  que 
•leTteudra  le  temps,  lorsque  Féternité  s'oii- 
Tiinpinr  bous;  car  autant  vaudrait  cher- 
cher oè  est  le  fleuve  tari,  dont  les  eaux  se 
sont  perdues  dans   l'immensité  de  l'Océan. 
Via/bnmfut  grande  sérieusement  médité, 
5e  présente  donc  à  la  fois  comme  la  vérité 
la  pios  certaine,  le  dogme  le  i)lus  impor- 
tant, et  le  plus  impénétrable  des  mystères. 
Il  ooof  reste  maintenant  à  puiser,  dans 
(a  considération   de  rinfinimeni  petit,  de 
iNrovelies    preuves   de    l'impuissance    de 
notre  raison,  et  des  bornes  de  notre  in- 
lellîi;enee,  en   présence   de   la    grandeur 
Je  Dîeo.  Ici  le  mystère  n*est  pas  moins 
pmfond,  et  si   nous  y  réfléchissons  avec 
soîQ,  il  deriendra  même  plus  effrayant  en- 
core poor  notre  faiblesse.  Ce  n'est  plus 
hors  ue  nous,  et  par  delà  les  régions  inac- 
cessililex  du  firmament ,  que  notre  pensée 
va  s*élancer  1  la  recherche  de  finfini  ;  c'est 
dans  la  plos  petite  particule  de  la  matière, 
c'est  dans  le  moindre  grain  de  sable,  que 
BfiQS  le  retrouverons  tout  entier. 

Mais,  de  même  que  Timmensité  de  Tuni- 
vers  nous  a  serri  de  degré  pour  nous  élever 
d'alKwd  k  la  notion  de  rtnfiniment  grande 
ainsi  nous  admettrons  avec  moins  de  réjiu- 
gnance,  et  nous  concevrons  mieux  la  divi- 
sîbiKlé  à  rinfiui  de  la  matière ,  ou  rtn/fnt- 
mnu  ptiii  •  quand  nous  aurons  atiaissé  nos 
regards  sor  ces  dernières  subdivisions  des 
coips,  au  delà  desquelles  les  yeux  ne  voient 
plus  rien. 

Or,  quelle  que  soit  l'imperfection  de  nos 
»ens,  Tobservation  et  le  calcul  fournissent 
<je  si  étonnants  résultats ,  que  l'imaj^ina- 
tion,  livTi'e  à  elle-même,  aurait  eu  peine  à 
ks  supposer  ou  à  les  prévoir. 

On  eonnalt  les  exemples  cités  par  Boy  le: 
â  Aogsbourg,  un  habile  tireur  d'or  fit  îfun 
fram  de  ce  métal,  un  fil  de  huit  cents  pieds 
H*'  (ovg.  Ce  fi]  aurait  pu  être  divisé  en  trois 
:x*!!!ioa5  six  cent  mille  larties  visibles. 


Les  doreurs  se  servent  tous  les  jours  >ic 
feuilles  Ires-déliées,  qui,  bien  iiattues,  fieu- 
vent  être  amincies  encore.  Trois  cent  nii!lo 
de  CCS  feuilles  superposées,  font  l'épaisseur 
d'un  pouce  :  donnons-leur  un  \H>nv.e  carré 
de  surface,  chacune  d'elles  |»ourra  être  divi- 
sée en  six  cents  petits  fils  visibles,  et  chacun 
de  ces  petits  fils,  en  six  cents  parties  visi- 
bles :  chaque  pouce  carre  seradonc  divisible 
en  trois  cent  soixante  mille  parties.  Or,  un 
grain  d'or  est  divisible  en  cinquante  pouces 
semblables:  donc  il  peut  être  divisé  en  dix- 
huit  millions  de  parties  visibles. 

Nous  pourrions  citer  encore  les  observa- 
tions microscopiques  faites  sur  les  animal- 
cules infusoires  :  les  plus  petits  de  ceux  re- 
marqués par  le  fameux  Leweohoeck,  étaient 
à  un  ^rain  de  sable  ordinaire  comme  un  à 
un  milliard  ;  ils  ont  cependant  des  vaisseaux 
«  et  du  sang  dans  ces  vaisseaux,  et  des  hu- 
meurs dans  ce  sang,  et  des  gouttes  dans  ces 
humeurs,  et  des  vaneurs  dans  ces  gouttes;  » 
et  tout  cela  s'est  développé  depuis  que,  bri- 
sant l'œuf  qui  leur  servait  de  berceau,  ils 
commencèrent  à  s'agiter  lU  à  grandir. 

Enlin ,  quelle  ne  doit  pas  être  la  ténuité 
des  corpuscules  o<loriférants  qui  s'exhalent 
de  certains  corps  I  Placés  dans  une  vaste  en- 
ceinte, ces  corps  y  peuvent  séjourner  long- 
temps, remplissant  de  leurs  émanations  sans 
cesse  renouvelées,  un  énorme  volume  d'air; 
et  cependant  leur  pesanteur  n'en  sera  pas 
même  légèrement  altérée. 

Tous  ces  exemples,  qu'il  serait  facile  de 
multiplier  encore,  nous  prouvent  qu'il  faut 
se  garder  d*assi^ncr  à  la  divisibilité  de  la 
matière  des  limites  infranchissables  sur  le 
témoignage  des  sens  aidés  même  par  Jes 
meilleurs  instruments.  Ce  qui  semblait 
échapper  à  toute  décom[)Osition  possible 
avant  les  découvertes  modernes,  s  est  pré- 
senté aux  regards  surpris  des  savants,  com- 
me un  monde  nouveau  peuplé  d'innombra- 
bles merveilles  ;  ce  qui  nous  parait  aujour- 
d'hui le  dernier  terme  de  la  petitesse,  de- 
viendrait encore  un  monde,  si  nous  avions 
des  instruments  ou  des  sens  plus  parfaits. 

Ainsi,  descendant  toujours  les  degrés  de 
cette  échelle  décroissante,  nous  pourrions, 
si  l'imperfection  de  notre  nature  n'y  mettait 
obstacle,  diviser  et  subdiviser  à  l'infini  le 
plus  petit  grain  de  poussière,  sans  trouver 
jamais  une  particule  élémentaire  à  laquelle 
s*arrètât  forcément  cette  interminable  ojté- 
ration;  et  la  raison  seule  le  dit,  à  délaut 
d'une  exfiérience  impossible;  arrivez,  en 
effet,  après  une  longue  suite  de  réductions 
et  d'amoindrissements,  au  plus  petit  volume 
qui  se  puisse  imaginer  :  la  molécule  obte- 
nue sera-t-ellc  étendue  ou  inétendue?  Dans 
le  premier  cas,  l'opération  n'est  pas  finie..., 
divisez  encore;  dans  le  second,  une  ques- 
tion se  présente  :  comment  des  (tarties  iné- 
tendues [K)urraient-elles  constituer  un  tout 
étendu?  comment  l'agrégat  serait-il  d'une 
toute  autre  nature  que  les  éléments  dont  il  so 
compose? 

Devaut  cette  objection  insoluble  lonibciU 
tous  les  systèmes  ima;^iné5  pour  expliipier 


SI9 


MYS 


DICTIONNAIRE   APOLOGETIQUE. 


MYS 


m 


la  (  omposilion  des  corps,  depuis  les  atomes 
frEpicure  jusqu'aux  monades  de  Leibnitz; 
nier  la  divis'bililé  à  Tinfini  de  la  matière, 
c  est  nier  que  retendue  lui  soit  essentielle, 
c'est  lui  donner  des  éléments  immatériels: 
c'est  se  jeter,  en  un  mot,  dans  une  contra- 
diction Qagrante  nour  éviter  un  mystère. 

Reconnaissons-le  donc  :  l'étendue,  comme 
la  quantité  mathématique,  n'a  point  d'unité 
ru  de  fraction  indécomposable  ;  et  la  simple 
notion  de  la  matière  (essentiellement  éten- 
duej  démontre  déjh  qull  ne  saurait  exister 
des  corps  simples  dans  la  nature. 

Ainsi  tout  concourt  à  démontrer  que  Fé- 
/eitcfue,  et  par  conséquent  la  matière,  sont 
dÎTisibles  à  Finfini  dans  toute  la  rigueur  du 
mot;  et  celte  conclusion  s'applique  d'une 
manière  bien  plus  sensible  à  ta  durée.  En 
cfTot,  tandis  que  la  division  actuelle  à  Vinfini 
de  la  matière  ne  sera  iamais  exécutée  par 
rhomme,  la  divisibilité  a  Tinfini  de  la  durée 
se  présente ,  au  contraire,  comme  un  fait 
incessamment  accompli.  Qu'est-ce  que  le 
présent  séparé  du  passé  et  do  l'avenir?  Ce 
n'est  rien  ;  et  pourtant  c'est  sur  ce  rien^  sur 
cet  infiniment  petit  i  que  l'homme  flotte  et 
s'avance  au  milieu  du  temps  vers  l'éter- 
nité. 

Maintenant,  écoulons  encore  les  murmu- 
res de  la  raison  en  présentée  de  ce  nouveau 
mystère,  ^infiniment  petit  est  un  véritable 
néant  9  si  on  l'envisage  comme  élément  du 
mouvement,  do  l'étendue  ou  de  la  durée,  et 
cependant  c'est  à  Taide  de  ce  néants  de  ce 
n'en,  gue  les  quantités  variables  ont  pu  être 
soumises  à  la  puissance  du  calcul;  et  ce 
calcul,  chef-d'œuvre  de  l'intelligence  hu- 
maine, n'opère  pas  seulement  sur  la  notion 
de  rinfiniment  petit ,  il  en  distingue  encore 
de  dififérents  ordres,  et  les  résultats  obtenus 
présentent  la  plus  rigoureuse  précision  (223). 
Comment  cela  se  peut-il?  comment  un  rien 
a-t-il  pu  féconder  les  plus  belles  théories  de 
la  science  ? 

^  ^infiniment  petit  est  un  pur  néant  1  Mais 
G*est  aonc  un  néant  que  le  point  de  tan- 
gence  entre  le  cercle  et  la  ligne,  entre  la 
sphère  et  le  plan....  Ainsi,  sup[)osez  un 
globe  de  marbre  exactement  spherique,  sé- 
paré d'abord  de  la  surface  rigoureusement 
plane  d*un  plateau  de  marbre,  et  placé  sur 
cette  surface  ;  et  dites-moi  s'il  existe  entre 
ces  deux  corps  ainsi  rapprochés,  plus  de 
contact  matériel  que  durant  ieur  séparation  ? 
La  raison  l'affirme  d*abord  :  il  lui  paraît  ab- 
surde de  soutenir  que  deux  corps,  reposant 
l'un  sur  l'autre,  ne  se  touchent  pas  matériel-- 
lement.  Et  cependant  il  lui  faut  dévorer  cette 
absurdité  apparente  :  car  il  n*existera  jamais 
entre  le  plan  et  la  sphère,  quelque  grande 
qu'on  la  suppose,  qu'un  seul  point  de  tan- 

(i^)  Qiiris  qne  soient  les  efloris  de  plusieurs 
g<^ninétres  pour  baiinir  du  calcul  diliéreiitiel  et  inté- 
gral t4)ute  idée  d'infiniment  petit,  il  est  impossible 
de  méconnaître  que  celte  Idée,  c'tte  noUoii  n*a  pu 
é  re  écartée;  que  toutes  les  méihodes  remploient  ou 
lu  présupposent,  et  quelle  est  au  fond  la  base  essen- 
tielle de  chacune  d'elles.  —  Quant  aux  inlîniment 
petits  de  dillercDis  ordres,  il  est  vrai  quMs  ne  cou 


gence,  point  mathématique^  n*est-à-dirc  iuli- 
himcnt  petit,  indivisible,  inétendu,  et  par 
conséquant  non  matériel. 

Etourdie  par  ces  premières  difficuTIlés,  la 
raison  voudrait  en  vain  essayer  de  nier  le 
principe  qui  les  fait  natlre  :  la  divisibilité  à 
l'infini  de  la  matière  est  démontrée,  il  faut 
en  accepter  toutes  les  conséquences. 

Or,  parmi  ces  conséquences,  il  en  est  une 
foule  d'autres  dont  l'énoncé  déconcerte  la 
raison,  et  dont  les  preuves  la  subjuguent 
sans  qu'elle  cesse  d'en  être  révoltée.  Telle 
est  cette  incroyable  proposition  démontrée 
]iar  Keill  :  une  ligne  cube  de  matière  peut  être 
étendue  dans  un  espace  aussi  grand  qu'on  le 
voudra.  Divisez,  en  effet,  cette  portion  de 
matière  par  tranches,  en  petites  lames, 
que  vous  mettrez  les  unes  à  côté  des  autres; 
subdivisez  encore  ces  petites  lames  à  TinGni, 
et  placez  toujours  les  nouvelles  tranchas 
(îue  vous  obtiendrez  &  côté  des  anciennes: 
i!  n'est  pas  de  surface,  quelque  grande 
qu'elle  soit,  qui  ne  puisse  être  entièrement 
couverte  de  la  sorte  :  rien  ne  saurait  d'ail- 
leurs borner  une  telle  0|iération.  Après 
avoir  recouvert  ainsi  un  globe  quelconque, 
il  sera  possible  de  le  garnir  eu  tous  sens 
d*innombrables  réseaux;  et  un  grain  de 
sable  suffira  pour  envelopper  cl  remplir 
l'univers. 

Cela  est  absurde,  dira-t-on...  ;  mais  quel 
est  le  monde,  parmi  ceux  qui  roulent  aulour 
de  nous,  ou  qui  étincellent  sur  nos  téleb, 
qui  ne  puisse  se  retrouver  tout  entier  avec 
les  mêmes  proportions,  la  même  variété, 
les  mêmes  formes,  dans  le  plus  petit  grain 
de  poussière?  Qui  nous  dit  que,  dans  un 
de  ces  corpuscules  flottants  dans  l'air,  au 
gré  du  vent,  n'est  pas  renfermé  un  monde, 
un  univers  semblable  au  nôtre?  Avons- 
nous  sondé  l'abtme  de  l'infini  ?  en  connais- 
sons-nous la  profoiKleur?  Si  Dieu  voulait 
rapetisser  notre  système,  au  point  de  l'en- 
velopper tout  entier,  avec  tous  ses  soleils  et 
ses  vastes  espacés  dans  l'invisible  sein  d*un 
atome,  ne  le  pourrait-il  pas?  S'il  faisait  ce 
prodige,  qu'en  saurions-nous  ?...  Tout  n'est* 
il  pas  relatif  dans  les  idées  de  grandeur  et  de 
mesure?...  Et  si  Dieu  peut  enfermer  l'uni- 
vers dans  un  atome,  qui  Tempêchera  de  dé- 
velopper un  atome  dans  l'univers? 

On!  que  l'orgueil  humain  est  misérable 
et  digne  de  pitié,  devant  la  redoutable  obs- 
curité de  ce  mystère  I  Qu'ils  sont  à  plain- 
dre ceux  qui  méconnaissent  ici  l'existence 
et  la  grandeur  de  Dieu,  manifestées  visible- 
teient  par  la  faiblesse  même  de  notre  raison  !.. 
Cette  énigme,  qu'elle  ne  peut  s'expliquer, 
ne  faut-il  pas  qu'il  y  ait  un  être  qui  en  pos- 
sède  le  secret?  Ce  mystère,  impénétrable  à 
Tesprit  de  l'homme,  ne  suppose-t-il  pas  une 

courent  jamais  dans  le  calcul,  et  qne  ceux  d*uo  or- 
dre inférieur  sont  toujours  nésliges  en  présence  de 
ceux  d*nn  ordre  sujérirur.  Mais  ce  n'en  est  p99 
moins  une  idée  absurde  que  celle  dlnfiniutent  pe- 
tits de  divers  ordres  :  quand  la  corde  est  évanouie, 
que  sont  devenus  le  sinus  et  le  sinnsrverse?  Conçoit* 
on  qHcl<iue  chose  de  plus  petit  que  riufioiiueitt 
pciii? 


Î2I 


IIYT 


dictionnaire;  apologétique. 


MYT 


^H 


iMlaresojiêrieore,  une  intelligence  suprême 
qui  es  doniioe  les  hauteurs  et  en  aissipe 
le  ombres  par  sa  lumiière  immortelle? 

?loa»  la  révolte  de  Timpiété  contre  les  di- 
yios  enseignements  de  la  religion  n*est  pas 
jastiilée  par  la  raison,  comme  le  soutient 
ooe  philosophie  menteuse.  La  raison  I  qu*on 
la  laisse  se  recueillir  loin  du  tumulte  des 
passioBf  ;  qu*on  empêche  les  nuages  de  la 
oMTvplioo  de  monter  jusqu'à  elle;  alors  elle 
■e  fera  pas  nn  |nis  dans  les  sciences  sans  y 
tfOttferdes  prenres  de  sa  dépendance;  alors 
elle  ne  refbsen  plus  de  croire  sur  la  parole 
do  Mea  ;  alors  la  religion  et  la  science  s'em- 
brasseront i  jamais;  et  loin  que  les  progrès 
de  fesprit  humain  en  soient  retardés,  notre 
Sijdété  TÎeillie,  retrempée  aux  sources  de 
la  k»«  Terra  se  rouvrir  devant  elle  Tère  des 
piodes  découvertes,  des  sublimes  înspira- 
lioDs,  rère  des  grands  hommes  ei  des  chré- 
tiens  Mètes. 

MYTHE.  Foy.  M rmisMs.  —  Sa  définiUon. 
nu^  i  il. — Sa  vériiable  nature.  Ibid.  —La 
leatation  de  Jésus-€hrist  est-elle  un  mjthe? 
Têfl.  Ti^TAHOH  DB  JÉSUS -Christ,  g  II. 

MTTHISME,  SYMBOUSMfi,  LÉGENDE. 

L'oMbre  partooi  a  remplacé  le  eorps- 


Oa*est-fe  qu*un  mythe,  un  symbole,  etc.? 
Ta  eienple  mieux  qu*une  définition  fera 
comprendre  ce  qu*on  entend  par  ces  mots. 

SoQs  sommes  en  Tan  2155;  nous  entrons 
dans  ooe  université  d'Allemagne  (  le  mythe 
fleurit  surtout  en  Germanie },  et  là  nous  0$^ 
rsUms  an  cours  d*un  professeur  qui  adresse 
i  ses  nombreux  élèves  le  discours  sui- 
Tiat: 

■  Messieurs, 
«  Assez  et  trop  longtemps  les  peuples, 
abusés  par  des  traditions  sans  bases,  ont 
bissé  la  Cable  usurper  les  droits  de  lliis* 
iM're  ei  se  placer  à  côté  d'elle  dans  les  es- 
prits. Il  afipartenait  h  la  critique  de  notre 
siètledesé|iarerTune  de  l'autre  et  d'indiquer 
dairemeot  aux  bommes  à  idées  larges  quels 
ftits  doivent  être  acceptés  par  eux,  quels 
astres  doivent  être  rejetés. 

«  Mj^  dans  des  temps  éloignés  de  nous, 
on  avait  prouvé  que  le  prétendu  poète  de  la 
gnerre  de  Troie,  le  fameux  Homère,  n'a  ja- 
sais existé:  plus  tard  il  y  a  bientôt  quatre 
cntsaiBS  (c'était  en  17W),  un  philosophe 
que  la  France  ne  sut  pas  apprécier,  Dupuis, 
avait  démontré  que  Jésus  de  Nazareth,  au- 
teur de  la  secte  cnrétienne  dont  la  plus  pure 
et  la  plus  nombreuse,  celle  des  chrétiens 
cadioliqoes,  se  meurt  depuis  plus  de  six  cents 
aas  déjà  et  ne  peut  désormais  vivre  long- 
leapa,  que  Jésus,  dis-je,  n'était  qu'une  allé- 
ptrie  do  soleil  ;  d'autres  personnages,  dont 
ta  réalité  avait  été  admise  de  toutes  parts 
9ans  plus  d'examen,  s*évanouissentde  même 
vms  Tobservation  approfondie  d'historiens 
philosophes,  et  il  semblait  que  l'humanité 

(ai)  Les  îtiées  qni  forment  le  fond  de  ce  mii  ra 
««•vre  apiartieHiicoi,  non  nas  à  nous,  mais  à  N.  Pé- 
f'^  bibliothécaire  de  la  ville  d*Ageo,  qui  les  a  déie- 


était  à  jamais  prémunie  contre  de  pareilles 
erreurs. 

«  Eh  bien,  admirez  l'incroyalile  crédulité 
des  masses  :  il  v  a  trois  siècles  et  demi,  une 
fable  toute  semblable  s'est  trouvée  tellement 
accréditée  que,  jusqu'aux  plus  p  andsgénios* 
tous  racceptèrent  ou  du  moins  feignircni 
habilement  de  Taccepter  comme  une  incon- 
testable réalité. 

«  Je  veux  parler  de  la  prétendue  existence 
de  Napoléon  Bonaparte,  dont  la  croyance  do- 
vint  tellement  générale,  tellement  enracinée 
dans  les  esprits  que,  pendant  deux  siècles, 
celui-là  eût  passe  pour  fou  qui  aurait  tenté 
d'en  démon  trerl'absnrdiléfSurtouten  Franco, 
où  l'orgueil  national  attachait  naturellement 
une  haute  importance  aux  glorieux  exploits 
que  la  renommée  prêtait  à  ce  héros. 

«  11  est  cependant  delà  dernière  évidence. 
Messieurs,  que  l'histoire  de  Napoléon  n'est, 
comme  celle  de  Jésus,  comme  celle  de  Bac- 
clius  et  d'Adonis,  gu'une  iable  imaginée  du 
soleil  ;  et  il  faudrait  ne  pas  posséder  les  pre- 
mières notions  de  la  mythologie  pour  refu- 
ser de  le  reconnaître, 

«  Prouvons-le,  en  passant  rapidement  en 
revue  les  principales  cirqpnstances  qu'on  a 
prêtées  à  la  vie  de  ce  fabuleux  héros  (^^). 

■  D*après  les  divers  historiens  : 

«  11  s  appelait  Napoléon  Bonaparte: 

«  Il  était  né  dans  la  Corse,  Ue  de  la  Médi- 
terranée; 

«  Sa  mère  s'appelait  Lœiiiia; 

«  11  avait  trois  sœurs  ; 

«  11  avait  quatre  frères,  dont  trois  furent 
rois; 

«  Il  eut  deux  épouses,  dont  l'une  lui  donna 
un  enfant  mtle  ; 

«  11  apaisa,  en  France,  une  révolution  qui 
jetait  partout  la  terreur  ; 

<  11  commandait  à  seize  maréchaux  d'em^ 
pire, dont  douze  en  activité  de  service; 

c  11  triompha  dans  le  Midi  ei  succomba 
dans  le  Nord; 

«  Enfin,  après  nn  r^e  de  douze  années, 
qu'il  avait  commencé  en  arrivant  de  TO- 
rient,  il  alla  mourir  dans  les  mers  occiden- 
tales. 

«  Voyons  si  chacune  de  ces  dix  circons- 
tanaes  n'est  pas  évidemment  empruntée  du 
soleil. 

«  I*  Tout  le  monde  sait  que  le  soleil  est  ap- 
pelé par  les  [loëtes  ilpoMoi»,  nom  aui  signifie 
exterminateur.  Il  fut  donné  au  soleil  parles 
Grecs  qui,  devant  Troie,  perdirent  beaucoup 
de  soloats  par  suite  de  cnaleurs  excessives, 
lors  de  Toutrage  lait  par  Agamemnon  à 
Chrysès,  prêtre  du  M>leil. 

«  Or  Apollon  est  le  même  mot  qn'iépo/eon. 
Tous  deux  dérivent  d'Àic«>av«*  ou  «r^^fi* . 
verbes  grecs  qui  signifient  tuer,  exterminer, 
de  sorte  que  déjh  l'N  initiale  est  la  seule 
différence  entre  Apollon  et  Napoléon.  Mais 
cette  différence,  loin  de  détruire  l'étymolo* 
gie ,  la  confirme  au  contraire. 

loppécs  avec  infiniment  d^esprîi  dans  vne  pciiie  Ivo- 
'-liure înlîlalée  :  Comme  quoi  KapoUvn  ru  jnmaU 


2i3 


MYT 


DICTlONiNAIRE  APOLOGETIQUE. 


lliT 


2âi 


«  En  cfTet,  le  vrai  nom  de  notre  liùros 
prétendu  était,  non  pas  Napoléon,  mais  bien 
Néapoléon^  comme  on  le  voit  encore aujonr- 
dMiui  sur  divers  monuments  de  la  capitale 
de  la  France.  C'est  donc  la  syllabe  Né  qui 
se  trouve  ici  en  plus.  Or,  n^ou  nai  signilîe 
on  grec  feries^  vraiment^  asiurémeni;  de 
toile  sorte  que  Né  apoléon  ou  Napoléon 
signifie  le  Dieu  vraiment  exterminateur,  le 
véritable  Apollon. 

ff  Le  second  nom,  Bonaparte ^  s'explique 
aussi  clairement  que  le  premier. 

«  Bona  parte  signifie  en  latin,  du  bon 
coté^  en  bonne  part  :  il  s*agit  donc  I&  d'une 
chose  qui  a  deux  côtés,  1  un  bon,  l'antre 
mauvais.  C'est  certainement  le  double  effet 
de  la  révolution  par  laquelle  le  soleil  pro- 
duit le  jour  et  la  nuit  :  c'est  une  allégorie 
des  Perses.  C'est  l'empire d'Oromaze  et  celui 
d*Arimane,  Temnire  des  anges  de  lumière 
et  des  esprits  Je  ténèbres;  et  comme  on 
dévouait  autrefois  à  ceux-ci  par  cette  for- 
mule :  abi  mata  parte ,  nul  doute  que  par 
Néapoléon  Bonaparte  on  n'ait  voulu  si- 
gnifier le  véritable  Apollon  envoyé  à  la 
France  en  bonne  part ,  pour  son  bonheur, 
pour  exterminer  ses  ennemie, 

«  2*  En  vous  rappelant,  Messieurs ,  que 
les  poètes  grecs  avaient  fait  naître  Apollon 
à  Délos,  lie  de  la  Méditerranée  très-rap- 
prochée  de  la  Grèce,  où  étaient  les  princi- 
paux temples  de  ce  dieu ,  vous  concevrez 
sans  peine  que  les  auteurs  de  la  fabuleuse 
légende  aient  placé  la  naissance  de  leur 
liéros  dans  la  Méditerranée  également,  mais 
dans  rile  de  Corse ,  qui  se  trouve  sur  les 
côtes  du  royaume  de  France  où  ils  voulaient 
le  faire  régner. 

«  3*  D*après  la  même  légende,  la  mère  de 
Napoléon  s'appelait  Lœtitia^  mot  qui,  signi- 
tiant  la  ioie,  désigne  ici  Taurore  qui  répand 
ta  joie  dans  la  nature,  parce  qu'elle  enfante 
au  monde  le  soleil,  en  lui  ouvrant  les  portes 
de  l'Orient. 

«  Chez  les  Grecs,  la  mère  d'Apollon  s'ap- 

(ftclait  LœtOf  et,  tandis  que  de  ce  nom  les 
iomains  firent  lalone,  (es  [)oetes  français 
aimèrent  mieux  en  fiiire  Latitia^  parce  que 
ce  mot  est  le  substantif  du  Terbe  inusité 
lœto^  qui  veut  dire  avoir  de  la  joie. 

<  k^  Pour  ce  qui  est  des  trois  sœurs  du 
prétendu  fils  de  Lœtitia^  je  n*ai  pas  besoin 
de  vous  dire  i  Messieurs ,  que  ce  sont  les 
trois  Grâces ,  sœurs  d'Apollon. 

«  5*  Les  quatre  frères  qu*on  a  donnés  à 
TApoilon  français,  sont  certainement  les 
quatre  saisons  de  l'année. 

«  Et  ne  vous  étonnez  pas.  Messieurs,  de  voir 
les  saisons  représentées  par  des  hommes.  En 
latin,  TOUS  le  savez,  les  noms  des  quatre  sai- 
sons sont  masculins  :  en  français,  trois  l'ont 
toujours  été,  et  à  l'époque  à  la<|uelle  remonte 
l'invention  de  notre  fable,  c'était  un  point 
très-controversé  entre  les  grammairiens  de 
France,  que  de  savoir  si  le  dernier,  TAu- 
tomne,  était  masculin  ou  féminin.  Pas  de 
difficulté  là-dessus,  par  conséquent. 

«  Les  trois  de  ses  frères  qui  furent  rois 
sont  î  lePrintcmos,  qui  règne  sur  les  (letirs; 


rÉté,  qui  règne  sur  les  moissons;  et  TAu 
tomne ,  qui  règne  sur  les  fruits.  On  a  dit 
qu'ils  tenaient  leur  royauté  de  leur  frère 
Napoléon,  parce  que  c'est  de  l'influence  du 
soleil  que  ces  trois  saisons  tiennent  tout. 
L*Hiver  ne  régnant  sur  rien,  on  a  dit  que  le 
quatrième  frère  n'avait  pas  été  roi. 

«(  Si  pourtant  on  prétendait  que  l'hiver 
n'est  pas  absolument  sans  empire  et  qu'où 
lui  attribuât  la  principauté  des  neiges  et  des 
frimas  dont  il  blanchit  nos  campagnes,  ceci 
viendrait  encore  à  l'appui  de  la  vérité  que 
nous  développons.  C'est  là,  selon  toute  ap- 
parence, ce  que  les  poètes  français  ont  in- 
diqué par  la  vaine  principauté  dont  ils  nous 
montrent  revêtu  le  quatrième  frère  de  Na- 
poléon. Cette  principauté,  ils  l'ont  attachée 
de  préférence  au  village  do  Canino ,  parce 
que  ce  mot  vient  de  Cani,  qui  signifie  les 
cheveux  blancs  de  la  froide  vieillesse  ;  ce 
qui  rappelle  l'hiver. 

«  Et  notez  que  ce  frère  n'aurait  eu  cette 
principauté  de  Canino  qu'après  la  décadence 
de  Napoléon  et  de  ses  trois  autres  frères  ; 
parce  qu'effectivement  l'hiver  commence 
quand  il  ne  reste  plus  rien  des  trois  belles 
saisons,  et  que  le  soleil  est  très-éloigné  de 
nos  contrées. 

«  Vous  voyez  également,  dans  cet  éloi- 
gnement  du  soleil  et  des  belles  saisons,  le 
sujet  de  la  fabuleuse  invasion  des  peuples 
du  Nord,  qui,  en  renversant  Na|X)léon,  au- 
raient fait  disparaître  en  France  un  drapeau 
de  diverses  couleurs  dont  elle  était  embellie, 
pour  y  substituer  un  drajieau  entièrement 
blanc.  C'est  là  1  emblème  ingénieux  des  fri- 
mas que  les  vents  d'hivers,  appelés  par  les 
poètes  ,  Enfants  du  Nord ,  apportent  à  la 
place  des  belles  couleurs  que  maintenait  le 
soleil. 

«  6*  Napoléon,  dit-on,  eut  deux  femmes, 
dont  une  lui  donna  un  enfant  mâle.  Or, 
vous  savez  que  le  soleil ,  d'après  la  mytho- 
logie, avait  eu  deux  femmes  :  la  Lune,  dont 
il  n'eut  point  de  postérité,  et  la  Terre  dont 
il  eut  un  fils  unique ,  le  petit  Borus.  Cesi 
une  allégorie  égyptienne  dans  laquelle  le 
jeune  Horus  ,  fils  d'Osiris  et  d'Isis ,  repré- 
sente les  fruits  de  l'agriculture  que  donne 
la  terre  fécondée  par  le  soleil.  Aussi  a-t-on 
placé  la  naissance  du  fils  de  l'Apollon  fran- 
çais au  20  mars,  à  l'équinoxe  du  printemps, 
é|)oque  à  laquelle  les  productions  de  l'&gri- 
culture  prennent  leur  grand  dévelopfiement. 

«  7*  L'hydre  révolutionnaire,  qui  jetait 
partout  la  terreur  et  que  vainquit  Napoléon, 
est  certainement  ce  serpent  Python  qui  ra- 
vageait la  Grèce,  et  dont  Apollon  la  délivra. 
Ce  fut  là  son  premier  exploit,  d'après  la  m^'- 
tholoçie;  aussi  nous  dit-on  que  c'est  eu 
étooftant  l'hydre  révolutionnaire  que  Napo- 
léon commença  son  règne.  Que  si  l'on  a 
figuré  le  serpent  Python  par  une  révolution, 
c'est  que  les  mots  revohuio^  revolutus  carac- 
térisent bien  le  serpent,  qui,  soit  dans  ses 
mouvements,  soit  dans  son  repos,  se  pré- 
sente toujours  sous  forme  d  anneaux  et 
roulé  sur  lui-même. 
«  8"  Notre  fabuleux  héros  avait,  dit-on. 


ÎT. 


MTT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


^6 


douze  maréchaux  en  actifilé  de  service  et 
«iiulre  en  non-aclirilé.  Endcmment,  les 
o«>oze  premiers  sont  les  douze  signes  du 
lojiaque  marcbân!  sous  les  ordres  du  soleil, 
ri  commandant  chacun  une  dÎTision  de  Fin- 
romlirable  armée  des  étoiles.  Les  quatre 
autres  sont  les  quatre  points  cardinaux,  qui, 
immobiles  au  milieu  du  mouvemeut  géné- 
rât, représentent  très-bien  la  non-acti?ité. 

•  9*  La  Ibroe  do  soleil  dans  le  midi,  sa 
sarcbe  rers  les  r^ons  septentrionales, 
après  réqaînoxe  du  printemps,  le  retour 
<fi1  la  rencontre  do  tropique  boréal  il  opère 
<ur  ses  pas  Ters  le  midi,  en  suivant  le  si^ne 
^ti  Cancer  ou  écreth$e  fainsi  nommé  pour 
eiprimer  cette  marche  rétrograde  du  soleil), 
tout  reia,  toos  le  vojrez  clairement,  iles- 
sievs,  a  lait  imaginer  les  triomphes  de 
?Upnléon  dans  les  contrées  méridionales, 
son  expédition  dans  le  Nord,  Ters  Moscow, 
et  la  retraite  désastreuse  dont  cette  exfiédi- 
tioB  avait  été  suivie. 

•  H^  Enfin  «  Messieurs,   tout  le  monde 

«aisit  dès  le  premier  coup  d*Œil  ]K)urquot 

Toa  a  dit  que  Napoléon  élait  venu  par  mer 

étrOhemt  (de  I1^v|>te)  pour  régner  sur  la 

Traaee,  H  qi]*il  avait  été  disparaître  dans 

les  mtn  ^teideniales  ^  après  un  règne  de 

iaasranf.U  bodraitètre  avengle  pour  ne 

pas  voir  là  le  lever  du  soleil  à  TOrient  et 

Mm  amrèer  à  TOccident,  après  sa  course  de 

émmkara  sur  Tborizon.  //  n*a  régné  quun 

/MT,  a  dit  le  poêle  Casimir  Delavigne,  qui, 

tien  qii*iJ  n*ail  pas  osé  le  proclamer,  parce 

qvH  vivait  à  une  épofiue  où  cette  erreur 

état  trop  répandue,  na  certainement  vu 

quïïBt  nctlon  du  soleil  dans  ce  prétendu 

tfén.  Il  n*a  régné  quun  jour;  quoi  de  plus 

pfétfsL*. 

«  Iteos  aorions  pu.  Messieurs,  vous  pre- 
mier, à  rappoi  de  la  vérité  que  nous  ve- 
nons «rétablir,  bien  d'autres  considérations, 
liieQ  d'autres  faits.  Nous  aurions  pu  surtout 
îAfoqoerdes  actes  du  roi  Louis  XVIU,  dont 
les  dates  sont  inconciliables  avec  le  rèf^e 
^B  précendo  empereur.  Mais  nous  tenions 
à  fffendre  la  question  au  cœur,  à  roinhatlre 
*-a  lable  par  la  fable  même,  en  mettant  au 
^rand  jonr  les  sources  où  Ton  a  été  puiser 
^oos  les  faits  racontés  de  ce  héros  imagi* 
taire. 

«  Noos  Pavons  fait,  vous  le  vojez,  Mes- 
^i^ars^  avec  un  plein  succès.  Napoléon  n'est 
';j*une  allégorie  du  soleil.  C*est  démontré 
f^r  ses  deux  noms,  par  celui  de  sa  mère, 
jar  ses  trois  sœnrs,  ses  quatre  frères,  ses 
«kux  femmes,  son  fils,  ses  maréchaux,  ses 
exploits  ;  c*est  démontré  par  le  lieu  de  sa 
niissance,  par  la  région  d  où  il  partit  |H)ur 
rif-.'ner  en  France,  i^ar  les  contrées  où  il 
triompha  et  celles  où  il  succomba,  par  la 
«lurée  de  son  règne,  par  la  région  où  il  dis- 
(laniL  Refbser  de  le  reconnaître,  c'est  vrai- 
ment DÎer  révidence. 

€  Qoe  quelques  intelli^nces  crédules 
continoent  de  regarder  Texistencc  de  Na|K>- 
léoa  comme  une  vérité  historique,  nous  ne 
C9US  en  étonnerons  pas.  Ne  voil-on  pas  au- 
juord^^hui  encore,  six  cents  ans  après  les 


démonstrations  de  Luther  et  de  Calvin,  plu^ 
4le  trois  siècles  après  les  explications  lucides 
du  savant  Dupuis,  une  foule  d'hommes  de 
tous  pays  croire  plus  fortement  ane  jamais 
à  la  réalité  de  I  existence  du  Chrisl,  è  la 
vérité  des  dogmes  ridicules  qu*on  dit  prê- 
ches par  lui! 

<  Pour  vous.  Messieurs,  ces  deux  person- 
nages sont  désormais  appréciés;  tous  deux 
sont  pour  vous  sur  la  même  ligne.  L'exis- 
tence de  Napoléon  Bonaparte  n  est  qu*unc 
fable,  absolument  comme  l'existence  de  Jé- 
sus-Christ; les  liatailles  et  les  conquéles  de 
Tempcreur  français  sont  ni  plus  ni  moins 
chimériques  que  les  prédications  et  les  mi- 
racles du  Dieu  des  chrétiens.  » 

A  force  de  travai*,  certains  hommes  sont 
devenus  extrêmement  adroits  dans  l'exer- 
cice de  cet  art.  Ils  escamotent  le  fait  le  plus 
éclatant  avec  la  dextérité  du  prestidigiiaieur 
gui  fait  dis|)areltre  une  muscade,  a^i^.  la 
facilité  de  ces  dégraisseurs  ambulants  dont 
le  savon  miraculeux  enlève  de  voire  habit 
les  taches  les  plus  rebelles. 

Il  jr  a  cependant,  entre  nos  artîstes-dé- 
graisseurs  et  les  artistes-philosophes,  celti? 
diflSrence  remarquable,  que  les  premiers 
enlèvent  une  tache  u'autant  plus  facilement 
qu'elle  est  plus  nouvelle,  tandis  que  les 
autres  ne  peuvent  enlever  un  fait  que  quand 
il  est  déjà  bien  vieux.  Le  Ait  doit  avoir  au 
moins  trois  siècles  d*existence  pour  être 
soumis,  avec  quelque  succès,  à  fexpérience 
de  la  suppression  symbolique^  et  la  réussite, 
bien  entendu,  devient  plus  protiable  à  me- 
sure que  ce  fait  remoute  à  one  plus  haute 
antiquité. 

Avec  cette  condition  d'antiquité  reculée, 
il  n*est  pas  dans  toute  l'histoire  une  seule 
tache...  un  seul  fait  qui  ne  puisse  être  en- 
levé, si  vous  vous  adressez  à  un  philosophe 
possédant  bien  son  art. 

SI 

Béalké  Ustiiriqiie  de  Jésus  Christ.  —  \atgre  et  lob  de 
lliistmre.  —  tes  Ut>is  élémeols  de  l'histoire  :  Ecriture 
pablknie,  faits  publiques,  Uauie  publique.  —  Applic»- 
tioB  des  caractères  de  llrisloire  à  la  vte  de  iésii»- 
ChrisL.  —  Tjdle.  Pline  le  Jeune.  —  PiopuitloB  tar- 
de l'histoire  de  Jésus-Christ. 


Le  Christ  est-il  une  chimère  ou  une  réa- 
lité? appartient-il  à  la  fable  ou  à  l'histoire? 
telle  est  la  question.  Pour  la  résoudre,  nous 
devons  nous  enquérir,  avant  tout,  de  la 
nature  et  des  lois  de  fhistoire  ;  car,  tant 
que  nous  ne  les  connaîtrons  pas,  il  nous 
sera  impossible  de  décider  si  Jésus-Christ 
est  ou  non  une  figure  historique.  Je  vais 
donc  traiter  de  rbistoire,  après  quoi  nous 
verrons  si  le  Christ  y  est  présent  ou  s'il  en 
est  absent 

L*homme  vit  dans  le  temps,  c*est-k-dire 
dans  un  élément  singulier  qui  le  fait  à  la 
fois  vivre  et  mourir;  il  s'avance  entre  un 
passé  qui  n'est  plus  et  un  avenir  qui  n'est 
pas  encore,  et-s*il  n*avait  pas  la  faculté  de 
rassembler  en  lui  ces  trois  états  de  son  exis- 
tence, il  ne  ferait  que  naître  incessamment 
sans  jamais  parvenir  à  posséder  la  vie.  Car 


2i9 


Ufl 


I>i£TIONNAIRR  APOIX)r.ETIQUE. 


M\r 


iis 


1  peine  aurait-il  fait  nn  pas  que  loubli  en 
aaralt  emporté  la  trace  *  et  ainsi  serait-il 
toujours  (leTant  lui-même  comme  une  om- 
bre qui  sort  de  terre  et  qui  s'éranouit.  Dieu, 
contre  cette  terrible  puissance  du  temps,  lui 
a  donné  la  mémoire,  par  laquelle  l*homme 
TÎt  dans  ce  qui  n*est  plus  aussi  bien  qu'il 
▼il  dans  ce  qui  est  présent,  en  sorte  que, 
ressuscitant  a  toute  heure,  quand  il  le  Teut, 
ses  jours  anciens,  il  se  Toit  dans  la  pléni*- 
tnde  de  sa  personnalité,  semblable  à  un  édi- 
fice dont  les  assises  ont  été  suocessiTement 
posées,  mais  gue  Toeil  parcourt  et  découvre 
tout  entier.  Or,  la  mémoire  qui  suffit  à 
rhomme  pour  vivre,  ne  suffit  pas  à  Thuma- 
nité  ;  tandis  que  Thomme  est  un  avec  une 
mémoire  qui  subsiste  autant  que  lui,  Tbu- 
mjnité  est  multiple  et  sa  mémoire  expire 
à  chaque  génération,  ou  du  moins  il  n*en 
transmet  a  la  génération  suivante  qu'une 
laible  partie.  Le  père  raconte  au  fils  ce  qu*il 
a  vu  ;  le  fils  le  redit  au  petit-fils  ;  mais,  à 
chaque  degré,  le  souvenir  s'obscurcit,  et 
peu  à  peu  la  lumière  de  cette  tradition 
n'éclaire  plus  que  les  sommets  lointains  des 
plus  grands  événements  :  encore  finit-elle 
|)ar  se  dégrader  ;  les  lignes  se  confondent 
aux  yeux  d'une  postérité  qui  s'éloigne  tou- 
jours, et  si  Dieu  n'intervenait  pas  pour  por- 
ter secours  au  genre  humain  perdant  la 
trace  de  lui-même,  on  le  verrait  demeurer 
dans  une  éternelle  enfance  entre  un  passé 
informe  et  un  avenir  inconnu.  L'expérience, 
source  de  tous  les  progrès,  lui  manquerait 
ix)nslamment.  Ni  la  vérité,  ni  l'erreur,  ni  le 
bien,  ni  le  mal»  ne  se  connaîtraient  que  par 
un  (-.ombat  puéril,  recommençant  toujours 
au  même  point,  spectacle  indigne  de 
l'homme,  indigne  de  Dieu,  où  la  vérité  et 
le  bien,  faute  d'une  carrière  aussi  g[rande 
qu  eux-mêmes,  ne  pourraient  jamais  dé- 
ployer Iburs  caractères  de  stabilité  et  d'im- 
mortalité. Dieu,  uui  avait  pourvu  par  la  mé- 
moire à  l'identité  progressive  de  l'homme, 
(levait  évidemment  pourvoira  la  perpétuité 
continue  du  genre  humain  pêf  une  mémoire 
conforme  aux  destiné^^  de  ce  vaste  corps, 
c'e8t-à-dire  par  une  mémoire  une,  univer- 
selle, certaine,  capable  de  lui  donner  la 
conscience  totale  de  ses  œuvres,  depuis  le 
commencement  jusqu'à  la  fin.  En  pariant 
ainsi  j'ai  défini  1  histoire. 

Lliistoire  est  la  vie  de  l'humanité  présente 
à  elle-même  comme  notre  propre  vie  nous 
est  présente;  l'histoire  est  la  mémoire  du 
monde.  Mais  quelles  difficultés  pour  la  créerl 
Dieu  allume  dans  notre  intelligence  un  flam- 
beau qui  éclaire  notre  passé,  parce  gii'il  est 
notre  intelligence  même,  une  et  indivisibie, 
voilà  qui  est  fait  f  mais  comment  donner  au 
genre  iiumain,  multiple  et  divisé,  une  sem- 
blable lumière?  Comment  lui  donner  une 
mémoire  immortelle,  à  lui  qui  meurt  cha- 
que jour?  une  mémoire  immuable,  à  lui 
qui  n'est  que  changement?  une  mémoire 
certaine,  à  lui  qui  peut  douter  si  facilement 
de  ce  qu'il  ne  voit  pas  ?  Dieu  y  pourvut  en 
nous  donnant  l'écriture.  Par  elle,  une  chose 
dite  une  fuis  peut  être  entendue  toujours; 


un  s|)ectacle  une  fois  donné  neut  être  vi- 
sible toujours  :  elle  saisit  le  fiot  qui  passe 
et  le  rend  étemel.  (Tétait  déjà  Timmortalité 
et  rimmutabililé,  ee  n'était  pas  encore  la 
certitude.  Car  le  bux  s'écrit  comme  le  vrai. 
On  a  écrit,  c'est  bien  ;  mais  qui  lUOus  ga- 
rantit la  vérité  de  ce  qui  est  écrit  ?  Un 
homme,  il  y  a  deux  mille  ans,  a  fait  un  li* 
vre  où  il  raconte  les  choses  dont  il  affirme 
avoir  été  témoin  :  Qu'est-ce  qui  nous  prouve 
qu'il  n'a  pas  menti,  et  que  la  fable  ne  nous 
soit  pas  arrivée  sous  rhabit  apparent  de 
l'histoire?  Evidemment,  l'écriture  toute 
seule  ne  répond  pas  à  cette  question  ;  l'his- 
toire commence  avec  elle,  mais  elle  n'est 
EBS  l'histoire  dans  la  totalité  de  ses  éléments, 
'histoire,  s'il  y  en  a  une,  doit  commander 
à  notre  esprit  avec  la  même  autorité  quo 
toutes  les  puissances  qui  ont  reçu  missioa 
de  le  ^gouverner.  De  même  quil  y  a  au 
monde  une  force  morale  qui  ne  nous  permet 
pas  de  dire  qu'il  est  légitime  à  l'enfant  de 
tuer  son  père,  une  force  mathématique  qui 
ne*  nous  permet  pas  de  iiàtir  une  maison 
sur  un  plan  privé  d'équilibre,  de  même 
aussi  il  doit  y  avoir  au  monde  une  force  his- 
torique qui  ne  nous  permette  pas  de  dire  à 
l'histoire  :  Tu  as  menti.  Si  cette  force 
n'existe  pas,  l'histoire  n'existe  pas  non 
pi  us. 

Quelles  sont  donc  les  conditions  de  l'his- 
toire, ou  plutôt  quelles  sont  les  conditions 
d'une  écriture  historique?  Car  l'écriture  est 
l'élément  fondamental,  persistant,  substan- 
tiel de  l'histoire.  Sans  récriture,  nous  n'a- 
vons plus  que  des  traditions  plus  ou  moûis 
confuses  ;  mais  comme  l'écriture  peut  trom- 
per, il  faut  que  nous  connaissions  les  con- 
ditions qui  élèvent  l'écriture  à  l'état  d'écri- 
ture historique,  c'est-à-dire  à  Tétat  d'écri- 
ture authentique,  certaine,  infaillible,  vraie. 
Ces  conditions  sont  au  nombre  de  trois. 

Premièrement,  l'écriture  doit  être  nublt- 
que.  Tout  ce  qui  est  secret  n'a  |)oint  crauto^ 
rite;  toute  écriture  mystérieuse  est  uno 
écriture  vaine,  parce  qu'elle  n'a  pas  été 
contrôlée.  Rien  n'est  puissant  en  ce  genre 
que  par  le  contrôle  de  tous.  Le  peuple  est  le 
seul  notaire  capable  de  certifier  sa  propre 
histoire,  {larce  qu'il  est  la  réunion  de  tous 
les  Ages,  de  toutes  les  pensées,  de  tous  les 
intérêts,  et  qu'une  conjuration  populaire, 
pour  mentir  à  la  postérité,  est  un  spectacle 
qui,  loin  de  s'être  vu,  ne  peut  pas  même  se 
concevoir.  Un  homme  fabrique  l'erreur;  an 
peuple  a  trop  d'idées  et  de  passions  diver- 
ses pour  s'entendre  dans  le  but  de  tromper 
les  siècles  futurs.  Un  peuple,  d'ailleurs,  n  est 
jamais  seul;  il  vit  entre  des  peuples  con- 
temporains dont  Thisloire  est  mêlée  à  la 
sienne,  et  fût-il  ca[>able  d'un  mensonge  una- 
nime, il  soulèferait  inévitablement  la  pro- 
testation du  siècle  même  sous  les  yeux  du- 
quel il  aurait  inauj^uré  son  complot. 

La  seconde  condition  de  l'écriture,  pour 
arriver  à  l'état  d^histoire,  est  de  porter  sur 
des  événements  publies.  Tout  fait  qui  n'est 
pas  public  n'est  pas  du  domaine  de  1  his- 
toire, par  kl  raison  que  je  disais  tout  à 


fis 


M^f 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


IITT 


330 


llicore;  car  on  fait  qui  n*est  pas  publie, 
qui  est-ce  qui  Ta  ru?  C  est  un  homme,  ce  sont 
injîs  hommes,  si  tous  le  Touiez;  mais  This- 
toire  ne  peut  pas  reposer  sur  le  témoignage 
tfan  homme,  ni  de  trois  hommes;  ce  n'est 
plus  là  de  rhistoire,  c'est  du  mémoire.  Le 
méfDoire  porte  sur  des  foits  miréSt  tandis 
qoe  rhistoire  porte  sur  des  érenements  pu* 
Llics.  Par  exemple,  que  Louis  XIY  ait  con- 
qois  la  Flandre,  la  Franche-Comté,  l'Alsace» 
u  L4)rraine,  qu'il  ait  attacJié  ces  provinces 
aa  rojaoffle  de  France,  d'abord  par  ses  ar* 
iD€s,  pais  par  des  traitée,  Toilà  de  l'histoire, 
rt  sDot  des  événements  qui  intéressent  la 
France  et  toutes  les  nations  de  l'Europe,  et 
rfli  oat  eu  cent  millions  d*hommes  pour 
ss«rtateors.  Mais  que  Louis  XIV,  dans  sa 
cliambre  k  eooeber  de  Versailles,  ait  dit  en 
pcfeenee  de  M.  le  duc  de  Saint-Simon  telle 
parole  qui  est  rup()ortée  dans  les  livres  de 
CCI  hooine  d*espnt«  ce  n'est  plus  là  que  du 
niéBioire.  Sans  doute,  cet  élément  secondaire 
edtre  pour  beaucoup  dans  la  composition  des 
aoMles  do  genre  humain,  [Uirce  que  nous  ne 
sa(iporterioas  pas  des  récits  où  n'apparai- 
tnirotqoe  les  grandes  lignes  de  l'arcbitectu  rc 
histonqae;  les  détails  privés  nous  charment 

S  las  encore  que  les  mouvements  généraux 
0  DHNide  ;  ils  se  rapprochent  davantage  de 
notre  existence  personnelle  et  font  descen- 
tln  jusqul  ooos  les  plus  éminents  person- 
oa^  des  temps  accomplis.  Dénués  d'atJeurs 
de  ia  solennelle  certitude  de  rhistoire,  ils 
oe  iBiaqDent  pas  toujours  d'une  sanction 
%nie,  quoique  d'un  onlre  inférieur;  les  a&- 
U'ift»  privée  s'entrelacent  aux  actions  pu- 
lii^oes;  des  témoignages  nombreux  et  con- 
rardtnts  établissent  le  rap|H)rt  des  unes  aux 
lorres  et  le  tout  va  d'un  pas  qui  n'est  pas 
irt.p  inégal.  Cependant,  dès  qu'on  aspire  à 
^  rtriitnJe  historique  absolue,  il  est  néces- 
*iin  de  sé(>arer  les  deux  éléments  et  de 
rto-Jre  an  premier,  par  cette  séparation, 
tiBle  sa  force  et  tout  son  éclat. 

Là  troisième  condition  nécessaire  pour 

âerer  l'écriture  à  Tétat  d'histoire,  est  que 

les  faits  se  coordonnent  dans  une  trame  pu- 

i'i^*|ae  et  générale.  Rien  n'est  isolé  dans  les 

éféoements  du  monde;  ils  se  lient  entre 

rox  par  un  enchaînement  semblable  à  celui 

qui  resserre  les  idées  dans  le  tissu  logique 

«l'on  discours.    L'histoire  doit  reiiroduire 

ceue  génération  continue,  de  manière  à  ce 

qaelons  les  faits  qu'elle  rajpjx>rte  entrent 

fiatarelleroent  dans  la  suite  des  choses  dont 

i'enseoblé   progressif  constilue  la  vie  du 

^re  haoïain.  Un  Ait  solitaire  n'est  pas  un 

Uiî  Ustoriqoe  ;  il  ne  se  tient  pas  debout,  il 

t4  en  Tait.  Ken  moins  encore  appellerons- 

L  oi  de  ce  nom  un  Dut  qui  ne  peut  prendre 

;  3>e  dans   la  trame  générale  de  rhistoire 

siûs  en  troubler  toute  l'économie;  c*estle 

^  me  infaillible  de  l'imposture.  La  force  de 

-.Uoire,    comme  la  lorce  de  tout  ordre 

réel,  est  dans  l'ensemble  et  la  liaison.  Quand 

.a  Lomme  est  seul,  ce  n'est  rien;  cpiand  un 

îiJ  est  seul,  ce  n'est   rien.   Mais  qu'un 

:  'ume  entre  en  société  avec  d*aulres,  c*est 

^.K  CauiillCy  un  peuple,  c'est  le  genre  hu- 


main tout  entier.  Et  de  même,  qu'un  fait 
entre  en  société  historique  avec  d'autres, 
et  non  pas  seulement  avec  d'autres,  mais 
avejc  tous  les  autres,  au'il  soit  nécessaire  à 
la  trame  générale  de  I  histoire,  que  l'histoire 
ne  puis>e  pas  se  construire  sans  cet  événe- 
ment, et  alors  il  n'a  pas  seulement  la  force 
d*un  fait  historiaoe,  il  a  la  force  de  l'histoire 
tout  entière;  il  faut  le  subir  ou  nier  la  vie 
totale  du  genre  humain. 

Ainsi,  écriture  publique,  faits  publics, 
trame  publique,  voilà  les  trois  éléments  de 
l'histoire;  et  quand  ces  trois  éléments  sont 
réunis,  j'affirme   que  l'histoire  existe,  et 

Î|u'on  ne  saurait  y  résister  sans  résister  à  la 
orce  même  du  sens  commun.  En  effet,  fK>ur 
que  dans  ce  cas-là  l'histoire  fût  trompeuse, 
voici  ce  qui  devrait  être  possible  :  il  ftudrait 
qu'un  homme,  le  premier  venu,  exposant 
en  public  des  événemenis  d'une  nature  pu- 
blique, ces  événements  su|>posés  faux  fus- 
sent admis  comme  vrais,  et  rattachés,  lual- 
fré  leur  fausseté,  à  la  trame  générale  de 
histoire.  Or,  cela  est  de  toute  impossibilité, 
et  rien  n'est  plus  simple  que  de  vous  en 
donner  la  preuve.  Permettez-moi  seulement 
une  supposition.  Je  suppose  que  demain 
matin  il  me  plaise  de  publier  un  livre  dont 
je  résume  ainsi  la  substance  :  Le  1"  janvier 
1847,  la  France  a  déclaré  la  guerre  aux  trois 
grandes  puissances  continentales  de  l'Eu- 
rojie.  Cette  guerre  avait  pour  but  de  rétablir 
le  droit  des  gens  et  la  foi  des  traités  compro- 
mis par  des  actes  violents.  On  s'est  rencon- 
tré dans  les  plaines  de  Majence.  La  France 
comptait  six  cent  mille  hommes  si»us  Ihs 
tfrmes,  les  ennemis  en  avaient  un  million. 
La  bataille  a  duré  dix  jours  eonsécsitifs  ; 
le  dixième  jour ,  au  matin ,  le  sort  s'est 
prononcé  en  faveur  des  Français.  Les  plé* 
nipotentiaires  de  l'Europe  se  sont  réunis 
à  Mayence  et  ont  signé  un  traité  qui  a  mis 
fin  à  la  guerre  par  un  partage  nouveau  du 
continent  européen. 

Je  vous  le  demande,  croyez-vous  que  ce 
roman  politique  eût  des  chances  d'imposer 
à  la  postérité?  N'est-il  pas  manifeste  que  la 
France  l'accueillerait  avec  le  plus  profond 
mépris?  Si  la  France  l'acceptait,  u'est-il 
pas  manifeste  que  toute  l'Europe  le  livre- 
rait à  la  dérision  ?  Et  si ,  par  un  acte  de  dé- 
mence universelle,  la  France  et  TEurope 
consentaient  à  le  révêtir  d'une  al>surde  au- 
torité, n'est-il  pas  manifeste  qu'on  ne  {par- 
viendrait pas  à  l'introduire  dans  le  tissu  de 
l'histoire,  puisque  l'état  de  toutes  les  affaires 
coiitem)ioraines,  et  jfàt  suite,  de  toutes  les 
affaires  à  vaoir,  serait  en  contradiction  avec 
cette  prétendue  pierre  et  ce  traité  fictif?  Le 
mensonge,  pour  se  soutenir,  exigerait  un 
mensonge  perpétuel,  et  la  coiyuration  d'un 
seul  moment  contre  la  vérité,  une  conjura- 
tion fpoursuivie  jusqu'au  dernier  jour  du 
monde.  L'impossibilité  d'un  tel  concours  et 
d'une  telle  persévérance  dans  une  impos- 
ture universelle,  n*est  pas  seulement  une 
impossibilité  morale,  c'est  une  impossibilité 
métaphysique  et  absolue. 
Or,  à  quelque  époque  de  l'humanité  que 


231 


MYT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


UYT 


•  «#2 


nous  nous  re|)orlions,  celte  impossilnlilé 
sera  la  même.  Partout  et  toujours,  une  écri- 
ture publique  rapjiortani  des  événements 
publics  qui  se  placent  naturellement  dans 
la  suite  générale  de  Tiiistoire,  sera  une  écri- 
ture authentique  et  vraie,  parce  que  partout 
et  toujours  il  y  aura  impossibilité,  dans  de 
Celles  circonstances,  de  tromper  le  {;eure  hu- 
main sur  sa  propre  vie  ou  d'obtenir  de  lui 
de  se  mentir  à  lui-même  sans  but  et 
contre  toute  raison.  Et ,  remarauez  -  le 
bien,  Thistoire  existant  une  fois,  le  temps 
n'a  pas  le  privilé^^o  d*en  diminuer  la 
force;  il  la  confirme,  loin  de  la  diminuer. 
Je  dis  d  abord,  qu'il  ne  la  diminue  pas,  et 
pour  preuve,  je  vous  propose  ceci.  Pensez  à 
César,  puis  pensez  à  Louis  XIV,  et  cherchez 
à  discerner  si  la 'certitude  historique  de 
Louis  XIV,  et  la  certitude  historique  de 
César  diffèrent  par  la  plus  légère  nuance 
dans  votre  esprit.  Evidemment ,  elles  ne 
diffèrent  pas,  et  |)ourtant  dii-seut  siècles  sé- 
parent Lonis  XIV  de  César,  liais  ces  dix- 
sept  siècles  s^évauouissent  devant  votre  pea- 
sée,  |»ar  le  coupd'œil  électrique  qui  la  porte 
subitement  de  Tunà  Tautre,  il  uii  fait  voir 
non-seulement  que  la  base  historique  de 
César  est  la  même  que  la  base  historique  de 
Louis  XiV«  mais  encore  qu*en  doutant  du 
premier  il  faudrait  douter  du  second,  puis- 
cjue  sans  César  l'histoire  tout  entière  per- 
drait son  enchaînement,  et  avec  son  enchaî- 
nement la  principale  cause  de  sa  solidité.  Je 
dis  davantage  encore,  je  dis  ((ue  le  temps 
contirme  la  certitude  de  Thistoire  au  lieu  do 
la  diminuer.  Pourquoi  cela?  Parce  que  le 
temps,  à  chaque  pus  qu'il  fait,  développe  la 
toile  historique,  et  que  chaque  point  de 
l'histoire  entrant  en  participation  de  la  force 
solidaire  du  tout,  plus  cette  force  s'accroit 
par  la  répercussion  des  événements  les  uns 
sur  les  autres,  plus  chaque  point  particulier 
s  assied,  se  soutient  et  s'étend.  Ainsi,  Moïse 
a  été  consolidé  par  Jésus-Christ;  car  bien 
que  Moïse  eût  écrit  publiquement  sur  des 
événements  publics,  la  trame  de  l'histoire 
était  courte  de  son  temps;  elle  avait  besoin 
de  gagner  de  Tampleur,  et  lorsque  Jésus- 
Christ  s'y  fut  placé,  sa  présence  illumina  le 
passé  mosaïque,  comme  l'avenir  chréiien 
devait  à  son  tour  rejaillir  jusque  sur  Jésus- 
Christ.  D'où  il  suit  que  nous  ne  faisons  pas 
un  mouvement,  à  Theure  qu*il  est,  sans  ai)- 
porter  encore  à  Moïse  Téclat  d'une  nouvelle 
conGrmation,  parce  que,  danstoutcequenous 
faisons,  c'est  lui  qui  nous  jporle,  et  c'est 
nous,  à  notre  tour,  qui  expliquons  tout  ce 
qu'il  a  fait.  Le  fil  de  l'histoire  va  et  revient 
sans  cesse  du  passé  à  Tavenir,  de  l'avenir 
au  passé,  et  ce  que  nous  voyons  de  nos 
yeux  sera  plus  clair  k  notre  postérité  qu'à 
nous-mêmes,  parce  qu'elle  achèvera  sur  la 
toile  où  nous  travaillons  des  dessins  qui  ne 
sont  pas  encore  sortis  de  la  main  de  l'ouvrier. 
Comme  un  édifice  dont  le  faite  couvre  la 
base,  ainsi  est  Thistoire  ;  comme  une  terre 
qui  s'affermit  è  force  d*être  foulée  aux  pieds, 
ainsi  est  encore  l'histoire  sous  les  pas  des 
générations.  En  un  mot  le  temps,  qui  sem- 


blait le  plus  grand  ennemi  de  l'histoire, une 
fois  qu*elleestfondée,la  protège  et  raOerom. 

Mais  rhistoire  exisle-t-elle  ?  Tout  ce  que 
nous  venons  de  dire  est-il  autre  chosequ*uue 
magnifique  spéculation?  Le  genre  humain 
connalt-il  sa  vie?  Y  a-t-il  au    monde  une 
histoire  du  momie?  C'est  demander,  s*il 
existe  des  écritures  publiques  contenant  une 
longue  trame  d'événements  publics:  or,  ces 
écritures  et  cette  trame  sont  sous  vos  yeui. 
L'humanité  connaît  sa  vie    primitive  fMir 
quelques  traditions  fondamentales,  recueil- 
lies à  temps  et  que  confirme  leur  univer- 
salité; elle  connaît  sa  vie  subséquente  de- 
puis Moïse   par  une  histoire  interrompue, 
qui  est  allée  toujours  en  se  déveio.ipant.  De 
Moïse  à  Hérodote,  c'est  l'aurore  de  1* histoire; 
d'Hérodote  à  Tacite,  c'est  la  matinée  de  Vhïs- 
toire  ;  Tacite  en  est  le  raidi,  et  ce  n.idi  dure 
encore.  11  est  même  devenu  plus  éclatant 
depuis  trois  siècles,  par  une  invention  ce- 
lètîre  qui  a  augmente  de  beaucoup  la  publi- 
cité et  Timmortalité  de  récriture.  Comiue 
Dieu  avait  donné  récriture  h  nos   ]^rv.s 
quand  la  tradition  était  en  péril  de  s'obs- 
curcir, il  leur  a  donné  fimprimerie  quand 
récriture  elle-même  était  menacée  d  oubli 
et  de  confusion  par  la  trop  grande  quantité 
des  monuments.  L'imprimerie  a  sauvé  Tbis- 
toire  quinze  cents  ans  après  Jésus-Christ, 
comme  l'écriture  avait  sauvé  la  traditiuu 
quinze  cents  ans  avant  lui. 

Cela  étant  donc,  et  Thistoire  existant 
depuis  trente  siècles  passés,  la  question  est 
de  savoir  si  Jésus-Christ  est  dans  l'histoire 
ou  s*il  est  hors  de  Thistoire.  J*aflirme  qu*il 
est  dans  l'histoire,  et  que  nul  au  monde  n  y 
occupe  une  place  plus  importante  et  plus 
assurée  que  la  sienne. 

Qu  ai-je  à  faire  pourle  prouver?  Evidem- 
ment trois  choses:  montrer  que  la  vie  de 
Jésus-Christ  est  contenue  dans  une  écriture 
publique,  qii*elle  est  un  tissu  d'événements 
publics,  et  qu'elle  entre  naturellement  daus 
la  trame  publique  de  l'histoire. 

Or,  la  vie  de  Jésus-Christ  esi  contenue 
dans  tes  évangiles,  et  les  évangiles  sont  une 
écriture  publique  ;  voilà  ma  preuiière  pro- 
position. Mais  vous  m'arrêtez  immédiate- 
ment et  vous  me  dites:  Qu'est-ce  qui  prouve 
que  les  évangiles  étaient  une  écriture  pu- 
blique? Ne  sont-ce  pas  les  évangiles  eux- 
mêmes,  et  ne  prouvez-vous  pas  ainsi  la 
question  par  ce  qui  est  une  question  ?  Si 
les  évangiles  commençaient  ou  étaient  toute 
rhistoire,  il  serait  dilhcile  pcut-^tre  de  ré- 
pondre à  votre  interruption;  mais  vous 
n*avez  pas  si  vite  oublié»  je  le  pense,  qi>e 
riiisloire  préexiste  à  Jésus-Christ,  et  Dici*, 
qui  voulait  nous  donner  la  certitude  de 
l'existence  et  des  gestes  de  son  Fils,  avait 
apparemment  préparé  le  terrain  où  nous 
devions  un  jour  le  Rencontrer.  Ce  terrain, 
c'est  l'histoire,  et  au  temps  où  se  place  la 
vie  de  Jésus-Christ,  c*est-à-dire  Auguste, 
l'histoire  avait  dans  le  monde  ujiôtat  qui  ne 
dépendait  pas  de  nous.  Ce  n'est  pas  nous, 
catholiques,  qui  faisions  Thistoire  ;  elle  se 
faisait  sans  nous  et  contre  nous.  £lle  était 


ss 


MTT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


M\T 


SU 


ffltre  les  mains  de  uos  eiiiiemis,  et  si  nous 
aaaoeocioQs  alors  l'histoire  de  l'Eglise  t 
'îiieda  monde  se  poursuivail  sur  un  plan 
^Tii  o*étaic  pas  le  nôtre  et  où  aucun  nou- 
\v\T  De  nous  était  réserré.  Or»  voilà  1  liis- 
lureque  j'invoque  en  ce  moment  pour  éta- 
blir la  publicité  des  Evangiles,  dirai-je, 
.;D'ils  étaient  une  écriture  imblique,  parce 
^ïiis appartenaient  à  une  société  doctrinale 
fuUique. 

Que  les  premiers  chrétiens  formassent 
*aOe  société  doctrinal e»  la  chose  est  claire 
ae  siji;  que  cette  sociéîé  fût  publique,  cela 
nc^ pis  douteux  non  plus,  et  pourtant  il 
irfi^^ne  d^  rétablir  avec  la  dernière   ri- 
gueur, car  toui  glt  là.  On  conçoit,  en  effet, 
quequelqaes  hommes  réunis  sous  terre  et 
prdiiaut  ane  doctrine  secrète  eussent   pu 
, rcparer  dans  rotnbre  un  livre  mystérieuic, 
t|ui  b  eût  été  lobjet  d'aucun  contrôle  et  qui 
itffûtnpaDdu  de  main  en  main,  en  çaiçnant 
:e  l'auiorité  avec  Je  temps.  Mais  si  la  so- 
ci\ê  Ces  chrétiens  a  été  publique  tout  d*a- 
>)râ;si,dès  le  surlendemain  de  la  mort  du 
Christ  ses  apôtres  ont  paru  sur  les  places  de 
'j  Jodétet  bientôt  sur  les  places  de  Tempire 
Tomin,  provoquant  non  pas  une  guerre 
•ju^le, mfis une  ffuerre  éclatante;  s'ils  ont 
ca  bardimefilaux  Juifs  :  Jésus  de  Naxarethf 
iU  hmmg  ûfwouvé  de  Dieu  parmi  vou$^ 
puusMl  par  U$  vertus^  les  prodiges  et  les 
sffu$  que  Dieu  a  faits  par  lui  au  milieu  de 
r«ttf,  comme  vous  le  savez  ;  ce  même  Jésus 
q^t,  tfiifMi  Us  eonseih  et  la  prescience  de 
Oiem,  t9u  avez  livré  et  mis  a  mort  par  la 
met»  4a  méchants^  Dieu  Va  ressuscite  (^^). 
N,  inlsés  devant   tous  les  tribunaux  de 
/ecjpîre,  lort'|u*on  leur  dit:  Quiôtes-vous? 
iScQt  répondu  :  Nous  sommes  chrétiens, 
re^t^^ire  les  enfants  du  Christ  gui  a  été 
cnàmorU  mais  que  le  bras  de  Dieu,  plus 
pjly>àiii  que    toutes    les  conjurations   de 
<  )joffita«,  a  tiré  de  sa  tombe  et  a  élevé  pour 
'in  a  jamais  la  tête  et  le  chef  de  toutes  les 
u:^oas;  s*ils  ont  dit  cela,  s'il  est  certain 
v.tfi  l'ont  dit,  certain  non  pas  seulement 
.'«r  des  écrits  venus  de  nous,  mais  par  des 
c  nu  venus  des  étrangers,  de  nos  ennemis, 
«:  une  multitude  de  monuments,  j'aurai  le 
--uitde  conclure  que  la  société  chrétienne, 
<  )0Q  commencement,  a  été  une  société  pu- 
\.  1  {ae,  et  que,  à  la  différence  de  tant  de 
'Ujs€s  qui  se  préparent  sous  terre ,  parce 
n'eiles  n'ont  pas  foi  dans  leur  force  et  leur 
T.'iumité,  r£^lise  catholique  a  commencé 
l  iwliqaement  comme  elle  a  continué  publi- 
;3ement. 

Arrivons  à  la  preuve,  et  écoutez  Tacite, 
('lus  célèbre  des  historiens.  Tacite,  chargé 
.«/  I^ieu  de  «raver  dans  Thisloire  l'acte  de 
'^  ï>anoe  et  Pacte  de  mort  de  son  Fils  unique 
/-.îUi-ChrîsL  Vingt-sept  ans  après  ce  grand 
>'viàe  du  Calvaire,  Néron  eut  la  fantaisie  de 
-'a  tr  Rome,  et,  pour  couvrir  Fhorreur  de 
'.ii^  alyMoinable  action,  il  fit  saisir,  dit  Ta- 
t,  une  itnmense  multitude  d'hommes. — m- 

5i?j  Ut.  Il,  Î2,  23,  !Î4. 

DlCTt03l5AlRB    AP0L0r.KTlQrE,   II. 


gens  mullitudo.  Quels  étaient  ces  hommes? 
Tacite  va  les  définir  :  C*étaient  des  hommes 
que  le  vulgaire  appelait  Chrétiens^ — quos  ru/- 
gus  christianos  appellabat.  Ueinar(|uez  ce 
mot  vulgus.  Vingt-sept  ans  après  la  mort  de 
Jésus-Christ,  le  nom  de  ses  disciples  était 
vulgaire  à  Rome,  la  capitale  du  monde.  Mais 
qu'est-ce  que  c'était  gue  les  chrétiens?  Ta- 
cite va  nous  le  dire  :  Lauteur  de  ce  nom  était 
le  Christf — auctor  nominis  hujus  Christus. 
Vous  entendez,  et  la  date  de  ce  texte,  qui 
n'a  jamais  été  contesté  par  personne,  est 
authentique;  elle  est  marquée  par  Tincendie 
de  Rome,  l'an  64  de  l'ère  chrétienne,  c*est-à« 
dire  vingt-sept  ans  après  la  mort  de  Jésus- 
Christ.  Mais  est-ce  la  tout?  Non,  vous  allez 
entendre  mieux  ,  vous  allez  entendre  la 
Symbole  des  apôtres  sous  la  plume  et  avec 
l'encre  de  Tacite.  L'historien  avait  à  dire  ce 

Îue  c'était  que  le  Christ;  il  continue  donc  : 
'auteur  de  ce  nom  était  le  Christ^  qui,  sous 
le  règne  de  Tibère  ^  avait  été  mis  à  mort  par 
le  procurateur  Ponce-PitatCf — auctor  nominis 
hiijus  Christus f  quij  Tiberio  imperitantCf  per 
procuratorem  Pontium  Pilatûm  supphcio 
af[ectu$  erat.  Encore  une  fois,  est-ee  Tacite 
qui  parle  ou  est-ce  le  Symbole  des  apôtres? 
Le  Svmbole  des  apôtres  dit  :  Qui  passus  est 
sub  Pontio  PiUUo  ;  Tacite  dit  :  Qui  per  pro^ 
curatorem  Pontium  PHatum  supplicio  affe" 
dus  erat.  C'est  bien  Tacite,  un  étran^^er,  un 
profane,  un  homme  qui,  en  écrivant  ces 
choses  sur  un  indestructible  airain,  ne  sa- 
vait pas  même  ce  qu'il  disait.  Et  que  disait- 
il  des  chrétiens,  cfe  cette  immense  multi- 
tude que  le  vulgaire  appelait  du  nom  de 
chrétiens  ?  Il  en  disait  ce  que  voici,  tou- 
jours dans  le  même  texte  :  Cette  détestable 
superstition^  réprimée  pour  le  moment,  faisait 
une  nouvelle  irruption^  non-seulement  dans 
la  Judée f  origine  de  ce  mal^  mais  jusque  dans 
Rome^—repressaque  in  prœsens  exitxalis  su^ 
perstitio  rursus  erumpebat^  non  modo  per 
Judœam^  originem  hujus  mali^  scd  per  urbem 
etiam.  Quel  texte,  quelle  précision,  que  de 
choses  on  deux  lignes  !  Amsi  donc,  vingt- 
sept  ans  après  la  mort  de  Jésus-Christ,  Tes 
chrétiens  formaient  à  Rome  une  immense 
multitude;  ils  étaient  connus  du  vulgaire 
sous  leur  véritable  nom  ;  môme  avant  cette 
époque,  ils  avaient  déjà  été  réprimés  par 
l'autorité  publique,  mais  cette  répression  ne 
les  empécnait  pas  de  se  propager  avec  une 
telle  puissance  que  Tacite  raupelle  une  ir- 
ruption. Ils  comparaissaient  élevant  les  tri- 
bunaux et  y  rendaient  témoignage  de  leur 
foi  ;  car  Tacite  ajoute  qu'ils  furent  saisis 
sur  leur  aveu,  —  primo  correpti  qui  fateban^ 
tur.  Ils  étaient  odieux  à  tous, — invisos^  et 
leurs  mœurs  difléraicnt  tellement  des  mœurs 
générales,  que,  selon  la  remarque  de  This- 
torien,  ils  furent  moins  convaincus  du  crime 
d'incendie  que  de  haine  envers  le  genre  Au- 
main^ — haua  perinde  in  crimine  incendiif 
aiiamodio  humani  generis  convicti  suni  (22()}« 
Et  Tacite  savait  tout  cela  ;  il  était  au  cou- 
rant de  la  vie  de  Jésus-Christ  ;  il  connais- 


(2iG)  Annales,  livre  xv. 


8 


-SZ5 


HIT 


DrCTiONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


m 


sait  Ponce*Pilale  ;  le  drame  du  Calvaire  lui 
était  présent. 

Voulez-vous  une  autre  preuve  de  la  vie 
publique  descbrétiens  dès  l'origine  du  chris- 
tianisme? Dieu  et  Thistoire  ne  vous  la  refu- 
seront pas.  L*an  98  de  T-ère  chrétienne, 
soixante- el-un  ans  après  la  mort  de  Jésus- 
Christ,  Trajan  monte  sur  le  trône,  et  This- 
toire  nous  apporte  une  lettre  d*un  de  ses 
proconsuls  au  sujet  des  chrétiens,  ie  })ro- 
consul  de  Bithynie  et  du  Pont,  Pline  le 
Jeune,  homme  célèbre.  Car,  remarqnez-lc, 
quand  Dieu  veut  écrire  l'iiistoire,  il  n*est 

rs  malhabile  à  choisir  ses  historiens.  Tout 
l'heure  nous  étions  avec  Tacite^  voici 
maintenant  Pline  le  Jeune  dans  une  lettre 
oUicielle  adressée  à  Trajan.  Il  écrit  à  l'em- 
pereur pour  le  consulter  sur  la  procédure 
qu'il  faut  suivre  contre  les  chrétiens;  car, 
dit-il,  «  je  n'ai  jamais  assisté  à  ce  genre  de 
causes,  et  je  ne  sais  pas  ce  que  Ton  a  cou- 
tume d'y  rechercher  et  d'y  punir,  ni  à  quel 
degré.  Mon  hésitation  nest  donc  pas  mé- 
diocre pour  savoir  s*il  faut  tenir  compte  de 
la  différence  des  âges,  ou  ne  s'en  pas  f)réoc- 
cuper;  s'il  faut  pardonner  au  repentir,  ou 
sïlest  inutile  de  cesser  d'être  chrétien  quand 
une  fois  on  l'a  été;  si  c'est  le  nom  que  l'on 
poursuit,  même  exempt  de  crimes,  ou  si  ce 
sont  les  crimes  attachés  au  nom.  »  Quelles 
questions  de  la  part  d'un  homme  d'esprit  et 
(l'un  homme  de  bien!  Un  nom  coupable  1 
des  crimes  attachés  à  un  nom  1  Mais  que 
.voulez-vous?  Pline  trouvait  sur  son  chemin 
des  habitudes  déjà  invétérées  contre  une 
société  d'hommes  en  lutte  ouverte^vec  l'em- 
pire romain,  et  Ton  voit  jusque  dans  les  ab- 
surdes choses  qu'il  dit  le  désir  d'être  le  plus 
doux  possible  sans  déplaire  à  l'empereur. 
Sa  lettre  se  termine  jiar  ta  remarque  «  qu'un 
jrand  nombre  de  personnes  de  tout  ftge,  de 
tout  rang  et  de  tout  sexe,  se  trouvaient  com- 
promises, et  que  d'autres  le  seraient  plus 
tard;  que  non*seulcment  les  villes,  mais  les 
bourgs  et  les  camj)agnes,  étaient  inondés  do 
x;etle  contagieuse  superstition  ;  qu'enfin  les 
temples  désolés,  et  les  cérémonies  sacrées 
interrompues  depuis  longtemps,  commen- 
çaient à  revivre,  grâce  aux  poursuites  exer- 
cées contre  les  chrétiens.  » 

Cette  peinture,  jointe  à  celle  de  Tacite,  ne 
laisse  aucun  doute  sur  le  point  capital  (|ui 
nous  préoccupe,  savoir  :  que,  dès  l'origine 
du  christianisme,  les  chrétiens  vivaient  dans 
une  société  constituée  publiquement.  Et 
d'ailleurs,  le  résultat  même  qu'ils  ont  ob- 
tenu dans  le  court  espace  de  trois  siècles,  en 
est  une  preuve  surabondante.  Au  bout  de 
trois  siècles,  les  chrétiens  ont  été  les  maîtres 
de  l'empire  romain^  ils  ont  porté  au  trône 
le  premier  César  qui  eût  embrassé  leur  foi, 
et,  non  contents  de  ce  prodige  de  leur  puis- 
sance, ils  ont  dit  à  Constantin  :  Recule  jus- 
qu'au Bosphore,  car  ici^  à  Rome,  doit  être 
posée  la  chaire  de  saint  Pierre,  le  pécheur 
de  Galilée*  Et  Constantin,  par  une  obéissance 
instinctive  à  ce  commandement  inexprimé 
de  la  Providence,  alla  porter  jusqu'aux  bords 
de  TEuxin  une  preuve  encore  subsistante 


de  l'avènement  social  de  Jésus-Christ.  Or, 
jamais  société  secrète  n'a  été  capable  d'un 
tel  succès.  Tout  ce  oui  commence  dans  rcoQ. 
hre  s'achève  dans  l'ombre.  Quand. on  vous 

f^arle  d'une  société  secrète,  c'est  comme  si 
'on  vous  disait  que  le  néant  s'est  associé. 
Sans  doute  ces  complots  ténébreux  pourront 
travailler  sourdement,  ébranler  les  fonde- 
ments des  Etats,  préparer  des  jours  de  rui- 
nes; mais  ils  n'arriveront  jamais  à  la  vie  ré- 
glée et  publique.  Tout  ce  qui  commence 
sous  terre  est  frappé  de  l'incapacité  de  vivre 
en  plein  jour  et  eo  fileinair.  C'est  pourquoi 
l'avènement  de  la  société  chrétienne  à  l'em- 
pire, sous  Constantin,  est  une  preuve  suffi- 
sante ^  elle  seule  que  Toeuvre  chrétienne  a 
été  une  œuvre  constamment  publique. 

Mais  si  les  premiers  chrétiens  formaient 
une  société  publique  et  en  même  temps  une 
société  doctrinale,  il  s'ensuit  nécessaire- 
ment que  leurs  écrits  étaient  publics*  Cher- 
chez à  concevoir  une  société  doctrinale  pu- 
blique qui  cache  ses  écrits,  vous  n'en  viendrez 
pas  à  bout  ;  car  comment  serait-elle  publiaue, 
si  elle  ne  disait  pas  hautement  ce  quelle 
croit;  et  comment  dirait-elle  hautement  ce 
qu'elle  croit,  si  elle  cachait  ses  écrits  et  ceux- 
là  même  qui  servent  de  fondement  è  sa  loi? 
Encore  que  les  Evangiles  n'aient  pas  été  ré- 
digés à  l'instant  même  qui  suivit  la  mort  et  la 
résurrection  de  Jésus-Christ,  ils  se  publiaient 
dans  tout  l'univers  par  les  prédications  apos- 
toliques, et  lorsquils  parurent  successive- 
ment, la  tradition,  toute  jeune  et  toute  vi- 
vante, se  fondit  avec  eux  dans  une  même 
authenticité.  Une  lutte  de  près  de  trois  centi 
ans  commença  sur  le  texte  même  des  Evan- 
giles, entre  les  catho  iques  d'une  part,  les 
hérétiaues  et  les  philosophes  de  Tautre  port. 
Cette  lutte  a  laissé  des  monuments  très- 
nombreux.  On  y  voit  Celse  et  Porphyre 
suivre  pas  à  uas,  sur  tes  Evangiles,  la  vie 
du  Sauveur.  Ils  n'en  contestent  pas  !a  publi- 
cité et  l'authenticité.  Les  hérétiques  font 
quelque  chose  de  plus.  Non-seulement  ils 
argumentent  du  texte  sconsacré  par  Tadlié- 
sk>n  de  l'Eglise,  mais  ils  se  fabriquent  des 
Evangiles  apocryphes  pour  les  opposer  aux 
Evangiles  approuvés,  tant  il  est  vrai  que 
toute  la  discussion  portait  sur  ces  textes. 
fondamentaux.  On  a  eu  la  simplicité  de  se 
faire  une  arme  coiitre  nous  des  Evangiles 
apocrypiies,  c*est-à-dire  d'invoquer  contre 
Jésus-Christ  des  livxes  où  les  principaux 
mystères  de  sa  vie  et  de  sa  mort  étaient  re- 
connus, et  où  l'altération  mèaie  de  certaines 
f parties  prouvait  d'autant  plus  la  vérité  de 
'ensemble.  II  est  très-simple  qu'une  grande 
publicité  appelle   des   contrefaçons;   c'est 
mènic  là  le  signe  par  excellence  du  succès. 
Toute  idée,  tout  style,  tout  mode  qui  réus- 
sit, provoque  une  nuée  d  imitateurs  ou  de 
spéculateurs.  Mais  qu'est-ce  aue  cela  fait  à 
l'nomme  ou  à  la  chose  qui  est  robiet  de  tout 
ce  travail?  A  tout  le  moins,  ce  n  est  [)as  la 
mbllcité  qui  en  souffre;  or,  la  publicité  de 
a  vie  de  Jésus-Christ  par  les  Evangiles  et 
les  livres  primitifs  des  chrétiens,  est  préci- 
sément le  point  que  je  voulais  établir,  et  je 


{ 


t57 


MYT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


238 


oe  crois  pas  que  tous  en  deii  andiez  davan- 
ll^e  en  ce  niiiment. 

La  vîe  de  Jésus-Christ  a  été  entourée  dès 
foripne  d'une  immense  publicité.  Ses  dis- 
ci(»)<^  ont  formé  dès  J'origine  une  société 
publique  :  leur  profession  de  foi,  leurs  écrits 
(lOtremiJi  tous  les  tribunaux  et  toutes  les 
écoles  (le  U  terre,  et  Qnaicment  en  trois 
siècle»» Tempereur  était  publiauement  chré- 
tien, et  le  vicaire  de  Jésus-Cnrist  siégeait 
pôbliqueroent  à  Rome.  Tout  cela  est  certain 
|tf  riiisloire  profane  autant  que  par  This- 
U)ire  chrétienne.  Ce  premier  point  est  ac- 
quis. 

QuDtaux  événements  qui  composent  la 
lie  même  de  Jésus-Christ,  leur  nature  est 
lussi  d*ane  manifeste  et  éclatante  publicité. 
De  quoi  s'agissait-il  7  Etait-ce  d*un  philosophe 
eoseignant  quelques  disciples  sous  un  por- 
tique ou  dans  un  jardin?  N*était-ce  que  So- 
mtê.  si  célèbre  soit-ilTNoUt  il  s'agissait 
û  uo  bomme  fondateur  d'une  religion  nou- 
uiie,  chose  qui  touche  à  tout,  aux  tradi- 
it<>&&,aux  k>is«  aux  mœurs,  aux  sentiments, 
ioi  intérêts  les  plus  sacrés;   il   s'agissait 
(i'unbuiame  fondateur  d'une  religion  exclu- 
sif e,  et  qui  ne  se  proposait  rien  moins  que  de 
rc&ierscr  tous  les  cultes  et  tous  les  sacerdo- 
ces eûAa&ts;  il  s^agissait  d'un  bomme  opé- 
rait, disttl-on,    en  public    des  prodiges 
iaoois,  et  accum^)agne  partout  d'une  foule 
ÎBBomhnblet  attirée  par  ses  œuvres  et  sa 
doetriae;  il  s'agissait  d'un  homme  appelé 
u  tribunal  suprême  de  sa  nation,  condamné, 
mis  è  oiort,  puis,  disait-on,  ressuscité,  et 
ifiDt  envoyé  ses  disciples  à  la  conquête  mo- 
nieëarimivers;  il  s  agissait  d'un  homme 
Jjaajftossi  à  soulever  une  foi  inébranlable 
oias  le  cœur  d'une  multitude  d'hommes  de 
Uiatesies  nations,  et  devenu  par  son  nom 
senJ  Je  point  de  ralliement  d*nne  nouvelle 
toaéU.  Si  jamais  il  y  eut  des  événements 
pabliesj  c*élaient  assurément  ceux-là. 

£t  ces  événements  qui  contredisaient  toute 
ià  vie  passée  du  genre  humain,  qui  devaient, 
yr  conséquent,  s'ils  étaient  faux,  être  re- 
j«a&sés  de  la  trame  générale  de  l'histoire 
(«if  une  invincible  impossibilité  de  les  y 
14/n;  cadrer  «  ont-ils  ou  non  pris  leur  place 
vaos  cet  enchaînement  rigoureux  de  la  vie 
funuaine  depuis  trois  mille  ans?  Ils  ont  fait 
i:<u5qu'j  prendre  leur  place: sans  euxThis- 
t'ire  e^t  une  énigme  incompréhensible.  En 
f5et,  de  Moïse  h  Fie  IX,  ces  deux  termes  ex- 
irémes  des  annales  du  monde,  quelle  est  la 
oaestiofi  principale  de  l'histoire?  Est-ce  la 
biodation  et  la  chute  des  empires  d'Assyrie, 
Ij  guerre  de  Troie,  les  conquêtes  d'Alexan- 
^Tif ,  là  fortune  des  Romains,  l'élévation  des 
Kuples  modernes,  la  découverte  de  l'Amé- 
nque.  les  progrès  de  la  science  et  de  l'indus- 
ine  dans  les  temps  nouveaux?  Non, aucune 
•:e  ces  questions,  si  vastes  qu'elles  soient, 
0  tsi  la  question  principale  de  l'histoire, 
'ci*e  qui  embrasse  fa  totalité  des  trois  mille 
i&s,  q«i  vivent  dans  la  mémoire  du  genre 
ïamaLn.La  question  principale,  parce  qu'elle 
'^jbtienl  tout,  le  passé*  le  présent  et  l'avenir, 
e>i  celle-ci  :  le  monde  ayant  ôté  idolâtre  dans 


les  temps  antérieurs  è  Auguste,  comment 
esl-il  devenu  chrétien  dans  les  temps  pos- 
térieurs? Voilà  les  deux  versants  qui  parta- 
gent toute  l'histoire,  le  versant  de  l'anti- 
quité et  le  versant  des  âges  nouveaux  ;  l'un 
est  idolâtre,  nlongé  dans  le  matérialisme  la 
plus  effréné  ;Vaulre  est  chrétien,  purifié  aux 
sources  d'un  spiritualisme  accompli.  Dans 
le  monde  antique,  la  chair  prévaut  publi- 
quement sur  l'esprit;  dans  le  monde  pré- 
sent, l'esprit  prévaut  publiquement  sur  la 
chair.  Quelle  en  est  la  cause?  Qui  a  produit 
un  changement  aussi  grand  et  d'une  étendue 
aussi  générale  entre  les  deux  temps  de  l'hu- 
manité ?  Qui  a  modifié  à  ce  point  la  forme 
humaine  et  le  cours  de  l'histoire?  Vos  pères 
adoraient  des  idoles;  vous,  leur  postérité, 
venus  d'eux  oar  un  sang  corrompu,  vous 
adorez  Jésus-Christ.  Vos  pères  étaient  maté- 
rialistes jusque  dans  leur  culte  ;  vous  êtes 
spiritualistes  jusque  dans  vos  passions.  Vos 
pères  niaient  tout  ce  que  vous  croyez;  vous 
niez  tout  ce  qu'ils  croyaient.  Encore  une 
fois  ,  quelle  en  est  la  raison  ?  Il  n'y  a  pas 
dans  l'histoire  d'événement  sans  cause,  pas 
plus  qu'en  mathématiques  il  n'y  a  de  mou- 
vement sans  un  moteur.  Où  est  la  cause  his- 
torique qui  a  fait  du  monde  idolâtre  le  monde 
chrétien,  qui  a  donné  Charlemagne  pour 
successeur  a  Néron?  Vous  êtes  obligés  de  la 
connaître  ou  du  moins  de  la  chercher.  Nous, 
catholiques,  nous  disons  que  ce  change- 
ment prodigieux  correspond  à  l'apparition 
sur  la  terre  d'un  homme  qui  s'est  dit  le  Fils 
de  Dieu,  envoyé  pour  effacer  les  péchés  du 
inonde;  qui  a  prêché  l'humilité, Ta  pureté, 
la  pénitence,  la  douceur,  la  paix;  qui  a  vécu 
pieusement  avec  les  petits  et  les  simples; 
qui  est  mort  à  une  croix,  les  bras  étendus 
sur  nous  tous,  pour  nous  bénir;  qui  nous  a 
laissé  dans  son  Evangile  sa  parole  et  soc 
exemple,  et  qui,  ayant  ainsi  touché  l'âme 
de  plusieurs,  pacifié  leur  orgueil  et  corrigé 
leurs  sens,  a  laissé  en  eux  une  joie  eatme 
si  surprenante  que  le  parfum  s'en  est  ré- 
|>andu  aux  extrémités  du  monde  et  a  séduit 
jusuu'à  la  volupté.  Nous  disons  cela.  Oui, 
un  nomme,  un  seul  homme  a  fondé  l'em- 
pire des  Chrétiens  sur  les  ruines  de  l'em- 
pire îdolâtrique,  et  nous  ne  nous  en  éton- 
nons pas,  parce  que  nous  avons  remarqué 
dans  rhi«>toire  que  tout  bien    comme  tout 
mal  part  toujours  d'un  principe,  ou  d'un 
homme  dépositaire  de  la  force  cachée  du 
démon  ou  de  la  force  invisible  de  Dieu. 
Nous  disous  cela,  et  nous  appuyons  notre 
parole  de  monuments  ininterrompus  qui 
commencent  à  Moïse  pour  venir  jusqu'à 
nous;  nous  en  appelons  à  une  publicité  de 
trente-deux  siècles  consécutifs;  nous  lions 
entre  «ux  le  peuple  Juif,  Jésus-Christ,  l'E- 
glise catholi<{ue,   ou  plutôt  nous  ne   les 
lions  pas  entre  eux,  ils  se  présentent  à 
nous  étroitement  enchaînés  dans  une  suite 
de  choses  qui  se  soutiennent  l'une  par  l'au- 
tre ;  nous  en  appelons  enfin  à  toute  la  trame 
de  l'histoire,  et  au  nom  de  cette  trame  im- 
mense   qu'il    est    absolument    nécessaire 
d'admettre  et  d'expliquer,  nous  vous  disons; 


MTT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


«\T 


240 


Jésus*Chri5t  est  le  mot  siiprënie  de  l'his- 
.ioire,  il  en  est  la  clef  et  ia  révéialion.  Non- 
seulement  il  entre  dans  l'histoire,  il  s*y 
place  au  milieu  de  tous  les  événementSy 
sans  peine  et  à  Taise,  mais  Thistoire  n'est 
pas  possible  sans  lui.  Essayez,  en  suivant 
Xa  ligne  des  monuments,  de  passer  du  monde 
.ancien  au  monde  nouveau  et  de  vous  expli- 
quer sans  Jésus-Christ  comment  le  Pape  a 
j-emplacé  les  Césars  au  Vatican.  Le  pourrez- 
vous?  £t  si  une  lueur  de  bonne  foi  reste 
au  fond  de  votre  âme,  neserez-vous  pas 
obligés  de  dire  comme  nous  :  Oui,  c*estau 
Christ,  au  Calvaire,  à  ce  san,^  répandu,  que 
la  rénovation  du  genre  humain  a  commencé. 

Aussi  avant  notre  Âge,  personne  n*avait 
osé  nier  la  réalité  historique  de  Jésus- 
Christ,  personne.  Avant  vous,  bien  avant 
Yous  Jésus-Christ  avait  des  ennemis;  car 
-avant  vous  Torgueil  existait,  et  l'orgueil  est 
le  premier  ennemi  de  Jésus-Christ.  Avant 
TOUS,  Jésus-Christ*  avait  des  ennemis;  car 
^avanlvous  la  volupté  existait,  et  la  volupté 
est  la  seconde  ennemie  de  Jésus-Christ. 
Avant  vous,  Jésus-Christ  avait  des  ennemis; 
car  avant  vous  Tégoïsme  existait,  et  Té- 
^o'ismc  est  le  troisième  ennemi  de  Jésus- 
Christ.  £t  cependant,  lorsqu'il  a  paru  pour 
la  première  lois,  quand  il  est  venu  avec  sa 
croix  saper  votre  orgueil,  insulter  vos  sens, 
traîner  votre  égoïsme  aux  gémonies,  que  lui 
a-t-on  dit?  L'orgueil,  la  volupté,  l'égoïsme 
avaient  alors,  comme  aujourd'hui,  à  leur 
service  des  gens  d'esprit,  Celse,  Porphyre, 
toute  l'école  des  Alexandrins,  et  les  gens 
heureux  qui  aiment  la  vie,  et  la  tourbe  des 
•courtisans  toujours  prête  à  voir  dans  la  vé- 
rité une  secrète  ennemie  du  pouvoir  ; 
(ju'ont-ils  dit  du  Christ?  lis  l'ont  poursuivi 
j>ar  le  supplice  des  siens,  par  la  dérision  de 
sa  vie,  par  la  discussion  de  ses  dogmes,  par 
l'oppression  appelée  au  secours  diine  cause 
que  trahissait  la  liberté  ;  mais  leurs  livres  sub- 
sistant dans  mille  débris,  srâce  à  Timprime- 
riu,  que  j'appelais  tout  à  rheure  le  salut  de 
l*histoire,  leurs  livres  en  font  foi,  pas  un 
d'eux  n'a  nié  la  réalité  de  la  via  de  Jésus- 
X]hrist.  Vous  seub  venus  dix-huit  siè- 
43les  après,  et  croyant  que  le  temps,  qui 
ronGrme  l'histoire,  en  est  le  destructeur, 
vous  avez  osé  combattre  la  clarté  même  du 
soleil,  espérant  que  toute  négation  est  au 
moins  une  ombre,  et  que  l'imbécillicé  hu- 
maine, cherchant  un  refuge  contre  la  sévé- 
rité de  Jésus-Christ,  accepterait  toute  arme 
pour  se  défendre  et  tout  bouclier  pour  se 
couvrir.  Vous  vous  êtes  trompés.  L  iiistoire 
subsiste,  malgré  la  négation,  comme  le 
cœur  de  l'homme  subsiste  malgré  la  débau- 
che des  sens,  et  Jésus -Christ  reste,  sous 
l'abri  d'une  publicité  sans  exemple  et  d'une 
nécessité  sans  contrejioids,  au  sommet  de 
Tbisloire. 

Toutefois,  vous  me  jetterez  un  dernier 
mot,  TOUS  me  direz  :  S'il  ne  s'agissait  que 
de  faits  humains,  tels  que  ceux  dont  se 
composent  les  annales  ordinaires  des  peu- 
ples, il  est  manifeste  que  la  vie  de  Jésus- 
Clu'ist  contenue  dans  les  Evangiles  serait 


hors  de  toute  discussion.  Mnis  il  s'a^t  dans 
cette  vie  d'événements  qui  n'ont  aucune 

Proportion  avec  ceux  dont  nous  sommes 
abituellement  les  témoins.  C'est  un  Dieu 
qui  s'est  fait  homme,  qui  est  mort,  qui  est 
ressuscité;  comment  voulez-vous  que  nous 
admettions  de  si  étranges  faits  sur  un  en- 
semble de  témoignages  humains?  Car  enfia 
des  écritures  publiques,  des  événements 
publics,  la  trame  publique  et  générale  do 
l'histoire,  tout  ce  concours  de  preuves  est 
purement  de  l'homme,  et  c'est  sur  ce  fon- 
dement mortel  que  vous  posez  une  histoire 
où  tout  est  surhumain.  La  base  croule  évi- 
demment sous  le  fardeau. 

Je  ne  méconnais  pas  la  force  de  cette  ol>- 
jeclion.  Oui,  je  comprends  que,  quand  il 
s'agit  de  l'histoire  d'un  Dieu,  il  y  faut  une 
autre  encre  que  pour  l'histoire  du  plus 
grand  homme  du  monde,  c'est  vrai.  Mais 
aussi,  je  crois  que  Dieu  a  résolu  Tobjection 
en  créant  pour  son  Fils  unique,  Jésus^Ihrist, 
une  histoire  qui  n'est  pas  humaine,  c'est- 
è-dire  qui  est  dans  des  proportions  si 
au-dessus  du  néant  de  l'homme,  que  la 
puissance  historique  ordinaire  n'y  aurait 
évidemment  pas  suffi.  En  effet,  où  trou- 
verez-vous  l'enchaînement  du  peuple  juif, 
de  Jésus-Christ  et  de  l'Eglise  catholique? 
Qu'y  a-t-il  de  pareil  nulle  part?  Et,  de  plus, 
sans  revenir  sur  ce  qui  est  déjà  énoncé,  di« 
tes-moi,  je  vous  prie,  parmi  les  histoires 
que  vous  connaissez,  celle  qui  a  eu  pendant 
trois  siècles  .des  témoins  morts  pour  l'at- 
tester? Où  sont  les  témoins  qui  ont  donné 
leur  vie  en  faveur  de  l'authenticité  des  plus 
grands  hommes  et  des  plus  grands  événe- 
ments? Qui  est  mort  pour  assurer  l'histoire 
d'Alexandre?  qui  est  mort  pour  assurer 
l'histoire  de  César?  Qui?  mais  personne. 
Personne  au  monde  n'a  jamais  répandu  son 
san^  pour  communiquer  un  degré  de  plus 
d'éviuence  à  la  certitude  historique  de  quoi 
que  ce  soit.  On  laisse  l'histoire  aller  son 
train  ;  mais  la  faire  avec  son  sang,  cimen- 
ter le  témoignage  historique  pendant  trois 
cents  ans  avec  du  sang  humain,  voilà  ce  qui 
ne  s'est  pas  vu,  sauf  de  la  part  des  Chré- 
tiens, ^our  Jésus-Christ.  On  nous  a  interro- 
gés trois  siècles  durant,  pour  savoir  qui  nous 
étions;  nous  avons  dit  :  Chrétiens.  On  nous 
a  répondu  :  Blasphémez  le  nom  du  Christ» 
et  nous  avons  dit  :  Nous  sommes  Chrétiens. 
On  nous  a  tués  pour  cela  dans  des  suppli- 
ces affreux,  et,  entre  les  mains  des  bour- 
reaux, notre  dernier  soupir  exhalait  le  nor«^ 
de  Jésus,  comme  un  baume  pour  le  mou- 
rant et  un  témoignage  pour  le  vivant  au 
siècle  des  siècles,  Jésus-Christ.  Nous  ne 
sommes  pas  morts  pour  des  opinions,  mais 
pour  des  faits  :  le  nom  même  de  martyrs  lo 
prouve,  et  Pascal  a  dit  excellemment  :  «  J'en 
crois  des  témoins  qui  se  font  égor^jer.  i^  Et, 
quoiqu'il  y  ait  insolence  à  vouloir  mieux 
(lire  aue  Pascal,  je  dirai  pourtant  mieux  <^ue 
lui  :  J  en  crois  le  genre  humain  qui  se  l&ii 
égorger. 

Voulez-vous  une  autre  marque  par  où  se 
révèle  encore  Télévalion  de  Jésus-Christ 


tu 


MYT 


DîCTlONiNMRE  .VPOLOCETIQOE. 


MYT 


31^ 


dans  rhîsloire,  par-dessus  toute  histoire  ? 
Diies-moi  quel  est  Tancien  peuple  du  mon- 
de, le  plus  célèbrei  à  votre  cBoix,  qui  ait 
lèissé  des  gardiens  sur  sou  tombeau  pour  y 
garder  son  histoire  7  Où  sont  les  survivants 
des  Assyriens,  des  Mèdes,  des  Grecs,  des  Ro- 
miinsT  où  &ont'ils7Quel  peuple  mort  rend 
téffloigna$ça  de  sa  vie?  Un  seul  peuple,  lie 
peuple  juify  à  la  fois  mort  et  vivant,  reli- 
que du  monde  ancien  dans  le  monde  nou- 
veau, et  témoin  à  charge  contre  lui-même 
du  Christ  par  lui  crucifié.  Dieu  nous  a  con- 
serve cet  irréprochable  témoin  ;  je  le  pro- 
(iQis,  il  est  là  I  regardez-le  I  le  sang  est  dans 
s^fflains.  Kt  nous  aussi,  catholiques,  nous, 
r^fise,  nous  sommes  à  côté  de  lui,  nous 
partons  avec  lui  et  aussi  haut  que  lui.  So- 
aëté  vivante  et  universelle,  nous  portons 
dans  les  cicatrices  de  nos  martyrs  le  sang 
versé  tiar  nous  pour  rendre  témoignage  a 
l'histoire  de  Jésus-Christ;  et,  de  son  côté, 
société  vivante  aussi,  universelle  aussi,  le 
{«euple  juif  porte  un  sang  qui  u  est  pas  le 
Memmais  qui  n*estpas  moins  éloquent  que 
le  nôtre.  Il  y  a  deux  témoins  ici  et  deux 
san^.  ftegardez-Ies  1  regardez  à  la  droite  et 
^  \a  ^^e  du  Christ  :  voici  le  peuple  qui 
Ta  cradbe,  voici  le  peuple  qui  est  né  de  sa 
cnûx.  Ils  vous  disent  tous  deux  la  même 
cbo»e ;  tous  deux  souffrent  depuis  dix-huit 
eealsêasun  martyre  qui  ne  se  ressemble 
pAs,  mais  qui  a  lu  même  source;  tous  deux 
sont  ennemis,  et  ils  ne  se  rencontrent  que 
liaosune  seule   chose:  Jésus -Christ!  Ahl 
vous  portez  un  défi  à  Dieul  Croyez-moi  » 
qnaad  Iliomme  porle  des  défis  à  Dieu,  sa 
iVovideoce    s'est    inévitablement   ménagé 
une  réponse,  et  vous  venez  d*enten(lre,  au 
>iijc(de  lliistoire  de  Jésus-Christ,  celle  qu'il 
TiAss  ISut.  (Lacordaire,  42*  confér.) 

dn  mythe.  —  Mythe  de  Promélhée.  —  Appli- 
e  la  Uiéorie  mylhiqiie  à  Jésus-Clirist  et  aux 
u  —  Le  Christ  c'est  l'humanité.  Réfutation  de 

—  FormaUon  et  véritable  nature  du  mythe.  — 

Candfefe  scriplarar  de  Jésus-Christ.  —  Les  ëvangâ- 
;.  —  Le  cercueil  des  ennemis  du  Christ. 


Qtiam  de 
et 


Nous  venons  de  prouver  la  réalité  histo- 
ri'fue  de  Jésus-Chnst,  et,  en  même  temps, 
j'anibenticité  des  Évangiles.  Peul-êtr<*,  en 
Rje  lisaut,  vous  vous  êtes  demandé  à  qui 
}\u  voulais,  et  s'il  était  bien  nécessaire  de 
se  donner  tant  de  peine  pour  une  chose 
qui  ne  semble  pas  contestée.  Vous  vous 
teriez  trompés  en  cela.  Non-seulement  dans 
us  ouTrage  célèbre,  sur  [^Origine  de  tous  les 
euUts^  Dupuis  a  nié  la  réalité  historique  de 
iésos-Cbnst,  mais  il  n'est  pas  un  incroyant 
qui,  à  quelque  degré,  ne  lasse  de  mémo,  et 
&'ail  besoin  d*élever  des  nuages  entre  son 
esprit  et  celle  foraudable  ligure  du  Fils  de 
I^iea  Tenu  dans  la  chair.  i)e  là  vient  que 
tons  entendez  redire  si  complaisamment  et 
M  laossement qu'aucun  témoignage  contem- 
f-oraio,  en  dehors  de  Técole  chrétienne,. 
n'atteste  la  présence  de  Jésus-Cbrist  sur  le 
tbéAtre  de  rhistoire.  De  là  vient  que  le  fa- 
meux texte  de  Flavien  Josèphe,  sur  la  vie 
cl  U  mort  duGlirist,  a  été  si  vivement  franpé 


de  suspicion,  11  n'est  pas  d'incroyant  que  I» 
certitude  historique  des  premiers  temps  du 
christianisme  ne  trouble  et  n'importune,  et 
qui  ne  tienne  à  haut  prix  le  moindre  doute 
à  cet  égard.  Il  fallait  donc  leur  en  ôter  la- 
consolation.  Battu  sur  ce  terrain,  le  ratio- 
nalisme a  tenté  un  autre  efifort,  non  plus 
pour  anéantir  la  vie  de  Jésus-Christ,  mais 
pour  la  dénaturer.  Après  avoir  dit  ou  fait 
entendre  que  la  vie  du  Christ  était  une  fable, 
le  rationalisme  lui-même  s*est  aperçu  que 
c'était  trop  demander  à  lacrédulité  humame; 
il  a  craint  la  lumière  toute-puissante  du  bon 
sens,  et  au  commencement  de  ce  siècle,  non 
pas  en  Angleterre,  non  pas  en  France,  mais 
en  Allemagne,  un  système  nouveau  s  est 
produit.  On  a  dit  :  La  vie  du  Christ  n  est 
pas  une  fable,  c'est  un  mythe.  ^ 

Qu'est-ce  donc  que  le  mythe?  quest-co 
que  cette  théorie  autour  de  laquelle  le  génie 
allemand  tourne  depuis  bientôt  soixante 

ans? 

Lorsque,  dans  une  belle  nuit,  vous  por- 
tez vos  regards  sur  cette  voûte  céleste  dont 
Pascal  a  dit  :  «  Le  silence  éternel  de  ces  es- 
paces inconnus  m'effraye  l  »  par  delà  les  as- 
tres que  votre  œil  y  découvre  sans  peine,  et 
comme  à  l'extrême  frontière  de  l'étendue,, 
vous  discernez  je  ne  sais  quelles  étoiles 
problématiques.  Sont-elles  le  fruit  dune 
vision  que  trompe  l'éloignement?  Ont-elles 
une  totale  subsistance?  ou  plutôt  leur  ap- 
parition n'a-t-elle  pas  pour  cause  tout  a  la. 
fois  une  illusion  d'optique  et  une  certaine 
réalité?  Ainsi  arrivera-l-il  si,  au  lieu  d  ex- 
plorer les  régions  profondes  du  firmament,, 
vous  plongez  un  regard  curieux  jusqu  aux 
frontières  de  l'antiquité.  Vous  y  remarque- 
rez des  récils  qui  inquiéteront  votre  mtel^ 
ligcnce,  incertaine  si  elle  doit  les  repous- 
ser tout  à  fait  ou  les  admettre  tout  à  fait. 
Je  choisis  Promélhée  pour  exemple,  vous 
connaissez  le  thème  de  Promélhée,  cet 
homme  audacieux  qui  a  dérobé  le  feu  du 
ciel,  et  que  Jupiter,  en  punition  d  un  si 
grand  rapt,  a  fait  clouer  sur  un  roc,  où  sort 
cœur  est  dévoré  parun  vautour.  L'antiquité 
était  pleine  de  ce  récit,  dont  Eschyle  a  fait 
une  des  tragédies  les  plus  singulières 
du  théâtre  grec.  Qu'était-ce  au  fond  que 
Promélhée?  Etait-ce  une  fable  pure?  H 
est  bien  difficile  de  le  penser ,  1  homme 
part  toujours  dans  ses  croyances  et  ses 
souvenirs  de  qiielqjie  réalité,  et  lorsque 
ses  croyances  et  ses  souvenirs  ont  un  ca- 
ractère universel,  il  n'est  pas  fosique  de 
Ids  déshonorer  par  un  dédain  absolu.  Ma^s,, 
d'un  autre  côté,  rangercz-vous  dans  I  his- 
toire le  thème  de  Promélhée?  Nous  ne  le 
pouvons  pas  davantage.  Comment  admettre 
qu'un  homme  a  dérobé  le  feu  du  ciel,  que- 
Dieu  l'a  enchaîné  à  un  roc,  et  que  son. 
cœur,  toujours  renaissant,  y  est  la  proie 
d'un  vaulour  qui  ne  se  rassasie  jamais  7  Nous 
sommes  ici  évidemment  entre  la  fable  et 
l'histoire.  Un  événement  relatif  aux  desU- 
nées  religieuses  du  genre  humain  s'est  passe 
au  fond  des  siècles  primordiaux;  tous  les 
peuples  en  ont  emporté  la  mémoire  dauîi 


143 


MYT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


H¥T 


UA 


leurs  émigrations;  mais  à  mesure  que 
}*ombre  du  passé  grandissait  sur  le  monde, 
la  pliysionomie  véritable  de  cette  tragédie 
antique  a  perdu  de  sa  clarté;  Firoaginalion 
a  porté  secours  h  la  mémoire,  et  Prométhée, 
cloué  sur  son  roc,  est  devenu  l*expression 
populaire  et  impérissabFe  d'un  grand  crime, 
suivi  d*une  grande  expiation.  C'est  là  le 
mytne.  Le  mythe  est  un  fait  transfiguré  par 
une  idée,  et  Tantiquité  nous  apparaît  à  sa 
frontière,  je  répèle  Texpression,  comme 
gardée  par  une  légion  de  mythes,  qui  tous 
sont  l'expression  altérée  de  quelque  vérité. 
Cela  étant,  dît  le  docteur  Strauss,  l'un  des 
plus    célèbres    tenants  de   l'école    mylhi- 

aue  (227),  pourquoi  Jésus-Christ  ne  serait- 
pas  un  mythe^  pourquoi  les  évangélistes 
seraient-ils  autre  chose  qu'un  ensemble  de 
mythes,  c'est-à-dire  de  feits  réels  transfiîju- 
rés  par  des  idées  ?  Voyons  si  la  chose  n  est 
pas  possible,  et,  en  second  lieu,  si  elle  n'est 
pas  réelle. 

Qu'elle  soit  possible  d'abord,  l'analogie 
ne  laisse  guère  lieu  d'en  douter.  Est-il  une 
nligion,  soit  l'idolâtrie,  soil  le  brahma- 
nisme ou  le  bouddhisme,  qui  ait  une  autre 
subsistance  que  celle  d'un  vaste  ensemble 
do  faits  et  d'idées  altérés  les  uns  par  les 
aulresî  Si  vous  le  niez,  chrétiens,  vous 
vous  portez  à  vous-mêmes  un  bien  grand 
coup;  car  vous  affirmez  par  laque  l'huma- 
nité est  capable,  tant  elle  est  dépourvue  de 
sens,  d'adorer  pendant  des  siècles  des  fa- 
bles dénuées  de  toute  espèce  de  fondement, 
soit  traditionnel,  soit  idéal.  Evidemment 
vous  ne  \e  pouvez  pas;  vous  devez  con- 
venir, sous  peine  de  vous  blesser  vous- 
inômes,.que  partout  où  l'homme  a  fléchi  le 
genou  avec  quelque  universalité  et  auelc^ue 
perpétuité,  ii  avait  devant  lui  des  laits  in- 
crustés dans  des  conceptions.  Mais  si  c'est 
là  le  phénomène  général,  pourquoi  le  chris- 
tianisme ne  se  serait-il  pas  produit  sous 
l'empire  de  la  même  loi?  Sans  doute  les 
chrétiens  adorent  des  faits;  Jésus-Christ 
est  un  fait;  seulement,  comme  dans  toutes 
les  occasions  de  celte  nature,  le  fait  primor- 
dial, quoique  certain,  a  subi  dans  la  pensée 
de  ses  adorateurs,  avec  le  cours  du  temps 
et  la  fascination  d'une  idée  préconçue,  des 
modifications  qui  le  tirent  de  l'histoire  pure 

Sour  le  ranger  dans  l'espace  des  mythes, 
lue  Jésus-Christ  n'ait  pas  subi  une  transfor- 
mation aussi  complète  qu^  les  faits  plus 
lointains  de  la  haute  antiquité,  on  peut 
sans  crainte  y  consentir  ;  mais  le  plus  ou 
le  moins  n'est  qu'une  question  secondaire, 
et  il  n'en  reste  pas  moins  que  la  personne 
du  Christ  et  l'événement  chrétien  sont  com- 
pris dans  la  loi  générale  qui  rattache  au 
mythe  toutes  les  religions  connues. 

On  peut  d'autant  moins  en  douter,  que  la 
publication  des  Evangiles  n'est  pas  contem- 
poraine du  Christ.  De  l'aveu  même  des 
chrétiens,  un  assez  grand  nombre  d'années 
de  tradition  et  de  prédication  a  précédé  l'ère 
de  l'Ecriture  évangéiique,  et  si  Ton  s'en 

(2î7j  Vof^.  la  uolc  Xr,  à  la  un  du  volume. 


rapporte  à  une  critique  exacte,  ce  ne  sera 
pas  avant  U  moitié  du  n*  siècle  qu'il  sera 
permis  de  placer  le  rèsne  assuré  du  Nou- 
veau TestamenL  Que  d  espace  laissé  à  Ti- 
magination  et  à  la  foi  pour  transfi»rmor 
Jésus-Christ  I 

Cette  transformation  était  d'autant  plus 
facile,  remarquez-le  bien,  que  l'idée  mes- 
sianique préexistait  à  Jésus-Christ,  fiien 
avant  qu'il  parût,  cette  idée  courait  daus  les 
veines  du  peuple  juif;  une  foule  d'hommes, 
attentifs  à  la  voix  des  prophètes,  s'étaient 
occupés  du  Messie  à  venir,  et  après  que 
le  Christ  s'en  fut  attribué  la  mission,  il  était 
naturel  qu'on  lui  en  appliquât  tous  les  traits. 
L'idée  messianique  était  le  moule  où  se  for- 
mait depuis  des  siècles  le  mythe  de  Jésus- 
Christ  ;  Jésus-Christ  n'avait  en  quelque  sorte 
qu'à  se  laisser  faire,  et  lorsqu'il  fat  mort,  sa 
vie  entra  de  soi-même,  comme  une  matière 
en  fusion,  dans  le  monde  du  messianisme» 
d'où  il  sortit  enfin  tel  qu'il  est  aujourd'hui 
sous  l'œil  étonné  des  générations. 

L'analogie,  le  temps,  l'idée  préconçue  du 
Messie,  toutes  ces  circonstances  nous  mè- 
nent à  conclure  que  le  christianisme  a  pu  se 
former,  comme  toutes  les  religions  de  l'an- 
tiquité, par  le  principe  de  la  transfisuralion 
mythique.  Mais  un  examen  plus  sévère  nous 
conduira  bien  au  delà  de  cette  conclusion, 
et  nous  fera  discerner  dans  le  Nouveau  Tes- 
tament tous  les  caractères  d'un  mythe  ac- 
compli. 

Premièrement,  la  vie  de  Jésus-Christ,  telle 
qu'elle  est  rapportée  dans  les  Evangiles,  est 
empreinte  d'un  merveilleux  continuel.  De- 
puis l'ange  qui  annonce  sa  conception  au 
sein  de  la  vierge  Marie,  jusqu'à  sa  résurrec- 
tion et  son  ascension,  pas  un  événement  de 
celte  existence  n'est  conforme  au  cours  de 
la  nature.  Chaque  parole  enfante  un  ijro- 
dige,  chaque  pas  est  un  miracle,  et  le  mira- 
cle semble  lutter  avec  lui-même  pour  se  sur- 
[ casser  de  moment  en  moment  et  confondre 
es  dernières  espérances  de  la  raison.  Or, 
précisément  le  merveilleux  est  l'inséparable 
compagnon  du  mythe  et  a  le  même  siège 
que  lui.  Où  trouvons-nous,  en  effet,  le  mer- 
veilleux? Est-ce  sous  nos  regards,  proche 
de  nous,  dans  le  monde  moderne,  enfin? 
Jamais.  Tout  ce  que  nous  voyons  est  sim- 
ple et  naturel;  des  lois  générales,  d'où  pro- 
cède un  ordre  constant,  régissent  le  monde 
qui  est  devant  nous;  Dieu  n'y  intervient  en 
aucune  manière  par  des  coups  bizarres  et 
subits;  mais  il  ^aisse  aux  causes  secondes 
leur  indissoluble  enchaînement.  Où  donc 
trouvons-nous  le  merveilleux?  Là  môme  où 
nous  découvrons  le  mythe,  dans  Tanliquilé. 
L'antiquité  est  le  siège  de  l'un  et  de  l'autre, 
et  le  mythe  même  ne  nous  est  révélé  çiue  par 
la  présence  du  merveilleux.  Qir  si  rien  n'é- 
tait merveilleux  dans  l'anliqufté,  tout  serait 
histoire.  Mais  alors,  qui  est-ce  qui  distingue 
le  merveilleux  de  Jésus-Christ  de  tout  au- 
tre merveilleux?  En  soi,  rien;  quant  à  <a 
place,  rien  encore,  puisque  cette  place  est 


su 


MYT 


DrCTiONNAïaE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


Si6 


rjntiquiié.  Pourquoi  donc,  s'il  vous  plaît-, 
coupez-Tous  en  deux  Tanliquilé,  l'une 
fioise,  Iratre  rraîeî  Pourquoi  repoussez- 
Toasdao5  le  mythe  le  merveilleux  antérieur 
1  Jésus-Cbrist,  e(  donnez-vous  rang  d'histoire 
au  Hierreilleax  qui  lui  est  contemporain? 
La  raison  ne  saisit  aucun  motif  de  ce  discer- 
Demeot,  si  ce  n*est  que  vous  appelez  le 
taiDpsde  Jésus-Christ  un  temps  historique, 
(«>  opposition  h  d'autres  époques  que  vous 
ipplez  des  temps  fiftbuleux.  Mais  le  mer- 
Teilleux  est  justement  le  trait  propre  qui 
distia^e  les  siècles  de  la  fable  des  siècles 
4e  lliutoire  ;  car ,  sans  cela ,  où  serais  le 
ihncipe  de  leur  distinction? 

âi  second  lieu,  il  est  manifeste,  à  la  pre- 
Bière  lecture  des  Evaneiles,  qu'ils  ne  pré- 
vient aucune  suite  chronologique,  rien 
^i  aononce  l'histoire ,  mais  que  ce  sont  de 
siffifiles  matériaux  ramassés  au  hasard  dans 
tfseprits,  sans  même  queTon  se  soit  Inquiété 
d'jioettre  la  moindre  vraisemblance  a  har- 
tbmt.  Tout  y  est  confusion  et  contradic- 
tioQ  tiîB}.  Le  docteur  Strauss  n'a  eu  quà 
laisKT  courir  son  regard  et  sa  piume  pour 
former  ouatre  volumes  des  incroyables  mé- 
Vn»es  dont  ils  sont  remplis.  Et  il  ne  faut 
pi  c&  accuser  les  évangélistes  ;  c'est  là 
mèiae la  preuve  de  leur  sincérité.  Ils  ont 
imlemjike  comme  ils  l'ont  trouvé,  flottane, 
indécis,  eemtradictoire  à  lui-même,  comme 
tout  ce  qui  sort  du  confluent  ténébreux  des 
âitset  des  idées.  Plusd*un  siècle  avait  passé 
nir  la  vie  de  Jésus*Christ  ;  on  en  avait  pro- 
neaé  les  lambeaux  de  l'Orient  à  l'Occident, 
«'osie  coup  de  sentiments  et  de  pensées 
qoi  avaient  des  oriefnes  diverses,  et  bien 
«roeletype  eût  quelque  unité,  à  cause  de 
^  force  messianique  qui  était  le  point  de 
déî^rt  primitif,  néanmoins  il  était  impossi- 
hie  que  Télahoration  finale  do  tant  d'élé- 
n^fiits  ne  portât  pas  des  cicatrices  visibles 
àa  désaccord  et  de  la  variété. 

Vous  le  To^ez,  la  réalité  historique  de  Jé- 
f05-Cbrist  n  est  plus  niée^  on  ne  vient  plus 


se  briser  contre  la  constitution  même  de 
riii«toiro,  et  néanmoins,  tout  en  demeurant 
un  fait,  Jésus-Christ  est  désarmé  de  la  puis- 
sance du  fait.  D'un  autre  côté,  il  n*est 
plus  nécessaire  de  combattre  Timpres- 
sion  de  bonne  foi  qui  résulte  de  sa  vie  et 
de  la  vie  des  siens.  On  accorde  cette  bonne 
foi.  Jésus  croyait. en  soi  et  Ton  croyait  en 
lui..  On  y  crovait  devant  César;  on  y  croit 
devant  Tincrédulité.  Nos  pères  donnaient 
leur  sang  pour  des  faits  et  des  idées.  Seule- 
ment, nous  ne  les  entendons  pas  bien,  et  il 
est  permis,  il  est  honorable,  il  est  glorieux, 
de  vivre  et  de  mourir  pour  des  choses  que 
Ton  n  entend  pas  bien. 

C'en  est  donc  fait  du  christianisme!  Il  ne 
reste  donc  rien  de  la  vieille  foi  des  ancê*- 
tres  I  Tant  de  siècles  ont  tout  souffert  pour 
un  rêve,  et  combattu  pour  un  fantôme  I  Oh  t 
non;  consolez-vous,  la  main  qui  fait  la  bles- 
sure peut  aussi  la  guérir.  L'humanité  n'est- 
elle  pas  infaillible?  Ne  cache-t-elle  pas  tou- 
jours des  vérités  profondes  sous  Temblème 
des  symboles?  Brisez  d'une  main  coura- 

f;euse  cette  grossière  écorce  qui  vous  cache 
es  trésors  intellectuels  de  la  pensée  chré- 
tienne 1  Eh  bien  1  n'apercevez-vous  pa^ 
quelles  vérités  éclatantes  resulendissent  à 
vos  regards  surpris  (229)  ? 

Tout  ce  que  l'Evangile  nous  rapporte  du 
Christ  est  vrai  de  l'humanité.  N  est-ce  pas 
elle  qui  naît  de  la  mère  immaculée  et  clc^ 
l'esprit  invisible?  N'est-ce  pas  elle  qui  fait 
des  miracles  et  qui  domine  le  monde  en  as- 
sujettissant tous  les  jours  la  matière  à  ses 
lois?  C*est  elle  qui  est  véritablement  sans 
souillure  et  sans  tache,  parce  que  son  déve^ 
loppement  providentiel  est  toujours  sainl  et 
légitime,  parce  qu'elle  marche  à  travers  ïe^ 
siècles  vers  un  but  divin  ;  c'est  elle,  enfin, 
qui  monte  au  ciel  en  se  dégageant  des  enve- 
loppes grossières  de  la  nature  pour  s*unir  à 
celle  vie  universelle  qui  pénètre  et  qui  'gou- 
verne le  monde  (230). 

Ces  rêves  étranges  d*un  gnoslicisme  bi- 


^3S)  Toiiâ  eomment  M.  Coquerel  a  parié  de  la 
nbitlsié  ec  de  Tadressa  du  professeur  allemand. 
«  Sa^eue,  dil-il,  Tliabilelé  de  ses  rapprochémenls, 
*a4fvs&e  de  sa  mise  en  œuvre,  Tart  de  déffuiser  oe 
^«1  tu  faible  et  d*cia$(érer  ce  qui  semble  fort,  Tan 
ie  fa&tir  toot  un  écliafaudajçe  d*objections  ou  d*as- 
tniMMis*  sur  un  rien,  sur  un  mot,  quelquefois  sur 
!•  efaiff^,  une  syllabe,  une  lettre,  n  a  jamais  peui- 
tue  été  pootsé  plus  loin  ;  jamais  le  texte  de  PEvan- 
^fle,  q«*oo  noBS  |asse  Tespression,  n*a  été  déchî- 
^•esé  de  ee&te  façon.  Le  scalpel  le  plus  acéré  de 
I  asaloniste  à  la  main  la  plus  eiercee  ne  se  pro- 
•cse  pas  avec  plus  de  légèreté  ^  travers  le  déiiale 
des  filwes  et  des  nerfs,  que  la  critique  du  docteur 
Mnoss  à  travers  le  labyrinthe  d*un  récit  qu'il  ré- 
luU,  poor  ainsi  dire,  à  Tétat  de  squelette...;  et, 
fonr  continiier  une  comparaison  qui  est  malheu- 
reaiement  juste,  on  voit,  en  le  lisant,  que  le  doc- 
ie«r  Stansa  travaille  sur  ce  qui  est  pour  lui  un 
raâavTC  ^  phrase  est  sèche  et  froide  comme  sa 
Kasée....  11  dépouille  la  piéié  de  sa  i;f)be  blanche 
•hi  fie^tîB  de  TAgneau,  sans  plaindre  un  roonieni  ha 
vuiiié.  Tout  occupé  à  détruire,  il  ne  s*émeut  point 
Ct  son  ceuvte  de  destruction,  et  c*est  avec  la  même 


stoique  insensibilité  qu*aprè8  nous  avoir  ravi ,  dans 
son  idée,  le  christianisme,  il  avoue  ne  savoir  comment 
le  remplacer.  Mais  non  l  en  vain  ce  géani  du  scep- 
licisme  s^est  placé  entre  les  colonnes  du  templa 
pour  le  renverser.  Ses  efforts  n'auront  servi  qu*à 
les  affermir,  i  (Réponse  au  livre  du  docteur  Slrauêi^ 
p.  H.) 

(229)  Cfr  Strauss,  Vie  de  Jésm,  disseH.  finale. 
—  Les  mêmes  idées  sont  contenues  dans  sa  Dogmih- 
iique  chrétienne. 

(230)  c  Strauss,  dit  M.  E.  Quiaet,  exprime  ceHe 
conclusion  aussi  nettement  qu'on  peut  ie  désirer, 
lorsqu*il  résume  sa  dcotrine  dans  cette  sorte  de 
iitaïue  métaphysique  :  <  Le  Christ,  dit-il,.  n*est  pas 
un  individu,  mais  ure  idée,  ou  plulôl  un  gtnrc, 
à  savoir,  Thumanité.  Le  genre  humain,  voUà  le 
Dieu  fait  homme  ;  voilà  Teufaist  de  la  Yier|[e  visible 
et  du  Père  invisible,  e*cst-à-dire  de  la  matiéfe  et  de 
Tespril;  voilA  le  sauveur,  le  rédempteur,  Timpec- 
cable;  voilà  celui  qui  meuK,  oui  re&stiscile,  qui 
monte  au  ciel.  En  croyant  à  ce  Christ,  a  sa  mort,  à 
sa  résurrection,  Thomme  se  justifie  devant  Dieu.  i> 
Je  cite  ces  paroles,  non-seulement  parce  qu>l)es. 
r<^sumcot  tout  le  sysiéme  de  Tauieur,  mais  ausst 


Ul 


MYT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


313 


zarre  ont  cessé  il*étrc  le  patrimoine  des 
cerveaux  germaniques.  «  Jésus  fut-il  réel- 
lement un  homme  céleste  et  original,  ou  un 
sectaire  iuif  analogue  h  Jean  le  haptiseur? 
dit  la  Liberté  de  perner.  Nous  aimons  à  croire 
que  le  personnage  réel  offrit  dans  sa  fier- 
sonne  quelques  traits  du  personnage  idéal. 
Toutefois,  ne  compromettons  pas  notre  ad- 
miration là  où  la  science  ne  peut  rien  dire 
de  certain,  et  arrivera  peut-être  un  jour  à 
des  négations.  Qui  sait  si  Jésus  ne  nous 
apparaît  si  dégagé  des  faiblesses  humaines, 
que  parce  que  nous  ne  le  voyons  que  de 
loin,  et  à  travers  hs  nuage  de  la  légende? 
Qui  sait  s*ii  ne  nous  apparaît  dans  Thistoire 
comme  le  seul  irréprochable,  que  parce  que 
les  moyens  nous  manquent  pour  le  critiquer? 
Hélas  I  il  est  bien  à  croire  que  si  nous  io 
touchions,  comme  Socrale,  nous  trouverions 
aussi  à  ses  pieds  quelque  peu  de  limon 
terrestre.  Qui  sait  si  dans  ce  cas,  comme 
dans  toutes  les  autres  créations  de  Tesprit 
humain,  Fadmirable,  le  céleste,  le  divin,  ne 
reviennent  pas  de  droit  à  Thumanité?  £n 
^énrral,  la  bonne  criti(}ue  doit  se  défier  des 
individus,  et  se  garder  de  leur  faire  une 
trop  grande  part.  C*est  la  masse  qui  crée; 
car  la  masse  possède  éminemment,  et  avec 
un  degré  de  S[>onlanéité  mille  fois  supérieur 
les  instincts  moraux  de  la  nature  humaine. 
La  beauté  de  Béatrix  appartient  à  Dante,  et 
non  à  Béatrix  ;  la  beauté  de  Krischna  appar* 
tient  au  génie  indien,  et  non  à  Krischna  ;  de 
môme  la  beauté  de  Jésus  et  de  Marie  appar- 
tient au  christianisme,  et  non  à  Jésus  et  à 
Marie.  Sans  doute,  ce  n*esl  pas  le  Iiasard 
qui  a  désigné  tel  individu  pour  fidéalisation. 
Mais  il  est  des  cas  où  la  trame  de  l'humanité 
couvre  entièrement  la  réalité  primitive.  $ous 
ce  travail  puissant,  transfotmé  par  cette 
énergie  plastique,  la  plus  laide  chenille 
pourra  devenir  le  plus  idéal  papillon* 

«  Telle  est  la  christologie  du  philosophe. 
Il  ne  confond  pas  dans  son  adoration  le  héros 
réel  et  le  héros  idéal.  11  faut  sans  hésiter 
adorer  le  Christ,  c'est-à-dire  le  caractère 
résultant  de  TEvangilc;  car  tout  ce  qui  est 
sublime  participe  au  divin,  et  le  Christ  évan- 
gélique  est  la  plus  belle  incarnation  de  Dieu 
uans  la  plus  belle  forme,  qui  est  Thomme 
moral;  c*est  réellement  le  Fils  de  Dieu  et 
le  Fils  de  Thomme,  Dieu  dans  Thomme.  Ils 
ne  se  trompaient  pas,  ces  grands  interprètes 
du  christianisme,  qui  le  firent  naître  sans 
père  sur  la  terre,  et  attribuèrent  sa  généra- 
tion, non  à  un  commerce  vulgaire,  mais  à 
un  seiu  virginal  et  à  une  opéi-ation  céleste. 
Mythe  magnifique,  symbole  admirable,  gui 
cache  sous  ses  voiles  la  véritable  explication 
du  Jésus  idéal  I  Mais  quant  au  Galiléen  qui 

parce  qireilcs  »onl  rcxp'.cssioii  la  plus  claire  dj 
cette  apolbéose  du  genre  liumain  à  laquelle  nous 
avons  tous  concouru  pins  ou  moins  depuis  quelq^ues 
années.  Dépouiller  Tindividu  pour  enrichir  l*espec(% 
diminuer  I  homme  |)Our  acciotlre  Thumanité,  voilà 
la  pcMiic.  On  met  sur  le  compte  de  tous  ce  qu*(»n 
n*0BCi-ail  dire  de  soi.  L'amour- propre  est  en  monte 
lemps  abaUuctdéific.  Cille  i«!éc  a  une  ccriairiegiaK- 
dcut  Lljniqnc  qui  nvub  cnchanic  lou:>.  Ccilc  giau- 


a  porté  ce  nom,  je  ne  le  co?inais  pas  Sans 
doute  la  curiosité  du  critiaue  doit  souhaiter 
d'éclaircir  ce  curieux  problème  historique, 
mais  au  fond  les  besoins  de  Thomme  reli- 
gieux et  moral  y  sont  peu  intéressés.  Et  que 
nous  importe  tel  petit  fait  arrivé  en  Pales- 
tine il  y  a  dix-huit  cents  ans?  Que  nous 
importe  que  Jésus  soit  né  dans  telle  ou  telle 
bourgade,  quMI  ait  eu  tels  ou  tels  ancêtres, 
que  ses  ennemis  se  soient  partagé  sa  tuni- 
que et  l'aient  abreuvé  de  tiel?  Laissons  ces 
questions  aux  archéologues  du   lieu.  Ho- 
mère serait-il  plus  beau,  s*il  était  prouvé 
que  les  faits  qu'il  a  chantés  sont  tous  des 
faits  véritables?  L'Evangile  sera-t-il   plus 
beau  s'il  est  vrai  qu'à  un  certain  point  do 
l'espace  et  de  la  durée,  un  homme  a  réalisé 
l'idéal  qu'il  nous  présente?  La  peinture  d'un 
sublime  caractère  ne  gagne  rien  à  sa  con- 
formité historique  avec  un  héros  réel.  Le 
Jésus  vraiment  admirable  est  à  l'abri  de  la 
critique  historique;  il  a  son  trône  dans  la 
conscience   morale,  il  n'a  à  craindre  quo 
d'être  détrôné  par  un  idéal  supérieur;  il  est 
roi  encore  pour  longtemps.  Que  dis-je?  sa 
beauté  est  éternelle,  son  règne  n'aura  pas 
de  fin.  L'Eglise  a  été  dépassée  et  s'est  dé- 
passée elle-même;  le  Christ  n'a  pas  été  dé- 
)  assé.  Les  temples  matériels  du  Jésus  réel 
s'écrouleront,  les  tabernacles  où  l'on  croit 
tenir  sa  chair  et  son  sang  seront  brisés;  déjà 
le  toit  est  percé  à  jour,  et  Teau  du  ciel  vient 
mouiller  la  face  du  cro3'ant  agenouillé.  Mais 
le  Jésus  idéal,  le  Christ  est  immortel.  Tant 
qu'une  conscience  humaine  aspirera  à   la 
beauté   morale,   tant  qu'une  Ame  élevée 
s'exaltera  sympathiquement  devant  la  réali- 
sation du  divin,  le  Christ  aura  des  adora- 
teurs par  la  partie  vraiment  immortelle  de 
son  être.  Car,  ne  nous  y  trompons  pas,  et 
n'étendons  pas  trop  les  limites  de  1  impé- 
rissable. Dans  le  Christ  évangélique  lui- 
même,  une  partie  mourra;  c'est  la  forme 
locale  et  nationale,   c'est  le  juif,  c'est  le 
thaumaturgie;  mais  une  part  restera;  c'est 
le  grand  maître  de  la  morale,  c'est  le  juste 
persécuté,  c'est  celui  qui  a  dit  aux  hommes  : 
V'^ous  êtes  fils  d'un  même  père  céleste.   Le 
dieu  et  le  prophète  mourront;  l'homme  et 
le  philosophe  resteront;  ou  plutôt  la  nature 
humaine,  source  éternelle  de  beauté,  vivra 
à  jamais  dans  ce  nom  sublime,   comme 
dans  tous  ceux  que  l'humanité  a  consacrés, 
j)Our  se  rappeler  ce  qu'elle  est,    et  s'en- 
thousiasmer de  sa  propre  image.  Voila  lb 
Dieu  vivant,  voila  gblli  qu'il  faut  ado- 
rer (231).  » 

Nierai-je  l'existence  des  mythes?  Non,  le 
mythe  me  paraît  historiquement  la  chose  du 
monde    la    i)lus    véritable.  J'admets  que 

deur  est-ulle  réelle,  et  ne  nous  ahusons-nous  pas 
é  rangement  les  uns  les  auins?  Voilà  la  question. 
Supposé  donc  que  nous  voulions  nous  cxalier  avec 
loul  le  genre  liumain,  il  ne  Taul  pas  renier  la  dt- 
giiité  de  la  personiie  :  loul  le  ^énie  même  du  chris- 
lianisuie  est  de  Ta  voir  consacrée  d*uiie  maniéro 
aU^oluc.  I  (E.  QiiNET,  Allemagne  if  Italie^  11,  390.) 
(^31)  Les  hisioncui  critiquei,  de  Jésus  da;;s  La 
Liberté  de  pcHSi'i\ 


flD 


MYT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


S50 


niomme,  abandonnée  la  tradilion  pendant 
tu  lon^  cours  de  siècles,  fiait  par  ne  plus 
bien  discerner    Vencadrement  et  le  texte 
pnifltlifdcs  érénements.  Comme  un  tablenu 
devant  leouel  le  spectateur  recule  toujours, 
!e  genre  nomain  recule  devant  le  passé,  et 
r.hicn  qu'il  le  regarde,  il  vient  un  moment 
i.û  >a  Tae  5*oliscurcit.  Cependant,  l'imagina- 
iioo,  travaillant  sur  ce  spectacle  devenu 
l'^BUio,  y  ajoute  des  traits  nouveaux;  l'idée 
Guniinele  fait,  et  il  se  produit  quelque  chose 
qoi  D'est  plus  ni  une  histoire  ni  une  fable, 
mais  que  nous  appelons  un  mythe.  La  my- 
Ibdogie  c.«t  Tensemblc  de  toutes  les  créa- 
liottsde  IVprît  humain  entre  l'ombre  et  la 
liffiière  de  ranliquilé.  Car,  remarqnez-le, 
nueJestle  théâtre  des  mythes?  C'est  fan- 
i<  joilé,  ou   plutôt  c'est  la  tradition  aban- 
•lofiDée  toute  seule  au  cours  de  l'humanité 
qai  la  porte    en   avançant  et  la  poussant. 
Cm  la  tradition  pure  qui  est  le  siège  du 
niylhe.  Mais  là  où  se  lève  l'écriture,  là  où 
aitparatt  le  récit  immobilisé,  là  où  Tairain 
S'nfilural  est  posé  en  face  des  générations, 
îj'inslMi  la  puissance  mvlhique  de  l'honnne 
^  vMOoniL  Car  alors  le  fait  reste  devant  lui 
-^n$  Hiproportions  véridiques,  il  reste  en 
fKiisiaiftU&t  h  son  imagination,  et  mille  ans 
n'î  peof «it  pas  plus  qu'un  jour.  Jamais,  de- 
puis fijroJole  et  Tacite,  vous  a-t-on  signalé 
desmjtbes  dans   l'histoire?  Charlemaçne 
esH7  devenu   un   mythe  au  bout  de  mille 
'6>?C/ori$  au  bout  de  treize  cents?  Au- 
çîl^t^Cësar,  en  s*enfonçant  dans  le  passé, 
•ktiMls  pris  quelque  am»arence  mvlhique? 
V«o;ltî  |)oini  le  plus  éloigné  où  Inistorien 
'•'Jerne  cherche  à  découvrir  le   mythe, 

•  i'*U  pr  exemple,  le  commencement  de 

^'»aie,  Romulus  et  Rémus.  Pourquoi?  Parce 

«]ie  W^n  qu*on   s'approchât  de  l'écriture, 

.'•a  qa elle  préexistât  dans  d'autres  pays, 

;;'.'*  n'avait   pas  encore   reçu  la   garde  do 

^uMidre  romaine.  Mais  une  fois  l'écriture 

▼  nme,  une  fois  qu'elle  s'est  emparée  de  la 

''luic  générale  de  l'histoire,  à   l'instant  lo 

•ule  tttylhi<|ue  est  brisé. 

Or,  Jésus^hrist  n'appartient  pas  au  rèi:çnc 

•  Iz  trailiiion,  mais  au  règne  de  récriture» 
i  î-st  né  en  pleine  écriture,  sur  un  terrain 

-  ;  j)  e^t  impossible  au  mythe  de  prendre 
r-înf*  cl  de  se  développer.  La  Providence 
"dit  toTit  prévu  et  tout  préparé  de  loin,  et 

ous  vous  Ates  demandé  quelquefois  pour- 
i  >j  Jé^uS'Christ  est  venu  si  tard,  vous  en 

'^-ez  maintenant  une  raison.  Il  est  venu  si 
»r  J  pour  n'être  pas  dans  l'anlirniité,  pour 

•"  reau  centre  de  l'écriture,  car  il  n'est  pas 

■  première  écriture,  il  s'en  est  bien  gardé; 

n>sl  i»as  la  preinière  écriture,  il  est  Té- 

-lurc  afirfcs  quinze  cents  ans,  et  si  vous  ne 

■'  -lez  compter  que  depuis  Hérodote,  il  est 

•r-T^rc  récriture  après  cinq  cents  ans.  Ainsi 

-  f^K  mo«1erne,  et  quand  même  le  monde 
-ri^rait   des  siècles  sans  nombre,  comme 

.'    rboyen   de  l'écriture  tout  est  présent, 

'  'î^  que  d  un  coup  d  œil  et  avec  la  rapidité 

'éc!air  nous  parcourons  toute  la  chaîne  de 

t  t'iire,  Jésus-Christ  est  àjamais  nouveau, 

*\9  4an&  la  pleine  réalité  des  événements 


qui  composent  la  vie  connue  et  certaine  du 
genre  humain. 

Je  pourrais  m'arrèter  là,  car  vous  voyez 
bien  que  la  machine  mythique  est  par  terre, 
puisque  la  condition  fondamentale  du  mythe» 
qui  est  l'absence  de  l'écriture,  manque  en 
Jésus-Christ.  Le  docteur  Strauss  lui-même 
convient  expressément  que  le  mythe  n'est 
pas  possible  avec  l'écriture;  aussi  cher- 
che-t-il  à  dépouiller  Jésus-Christ  du  carac- 
tère scriptural  en  reculant  la  publication 
des  Evangiles  aussi  tard  qu'il  peut.  Nous 
verrons  bientôt  la  faiblesse  de  cette  res- 
source, si  vous  me  permettez  de  suivre  pas 
à  pas  la  trace  de  son  argumentation. 

L'analogie,  dit-il,  est  contre  Jésus-Christ, 
puisque  le  mythe  est  la  base  de  toutes  les 
religions  connues.  Je  le  nie.  Le  mythe  est 
la  base  des  religions  de  l'antiquité,  sauf  le 
mosaïsme,  parce  que  tous  ces  cultes  plon- 
geaient leurs  racines  dans  une  tradition 
dont  l'écriture  n'avait  point  arrêté  les  om- 
bres cl  prévenu  les  écarts.  Mais,  l'écriture 
venue,  les  faux  cultes  eux-mêmes,  tels  que 
celui  de  Mahomet,  ont  pris  une  consistance 
historique  qui  les  sépare  manifestement  des 
sacerdoces  et  des  dogmes  corrompus  do 
l'antiquité.  La  différence  saute  aux  yeux. 
C'est  pourquoi,  nous  chrétiens,  et  vous  qui 
combattez  le  christianisme,  il  ne  nous  vien- 
dra pas  même  à  l'esprit  de  combattre  Maho- 
met en  faisant  de  sa  personne  un  mythe, 
et  du  Coran  un  recueil  mythique.  La  force 
de  l'écriture,  sous  l'empire  de  laquelle  il  a 
vécu,  nous  interdit  jusqu'à  la  pensée  d'une 
aussi  chimérique  témérité.  Nous  sommes 
contraints  d'avouer  qu'il  est  un  personnage 
réel,  qu'il  a  écrit  ou  dicté  le  Coran,  organisé 
rislamisme,  et  notre  seule  ressource  contre 
ses  prétentions  sur  nous  est  de  le  traiter 
d'imposteur,  de  lui  dire  énergiquement  : 
Tu  en  as  menti.  Mais  la  chose  est  plus  diffi- 
cile  en  ce  cas,  le  succès  tout  aulrement 
coûteux,  et  voilà  pourquoi  lo  rationalisme 
dispute  avec  tant  d'art  au  Christ  sa  puis- 
sante réalité.  Quoi  qu'il  en  soit,  ranalo;;ia 
que  l'on  invoque  pour  étendre  le  nuage  du 
mythe  jusque  sur  lui  est  une  analogie  sani 
fondement.  Une  grande  ligne  do  démarca- 
tion sépare  en  deux  hémisphères  tous  les 
cultes  connus,  l'hémisphère  mythique  et 
l'hémisphère  réel;  celui-là  contient  les  cul- 
tes formés  dans  les  temps  primitifs,  sous 
l'empire  d'une  tradilion  mobile;  celui-ci 
contient  les  cultes  vrais  ou  faux  que  l'écri- 
ture a  enchaînés  dans  une  histoire  et  un 
dogme  déterminés.  Pour  rejeter  les  pre- 
miers, il  suffit  de  leur  opposer  leur  nature 
mythique;  pour  rejeter  les  seconds,  il  faut 
entrer  dans  la  discussion  de  leur  valeur 
historique,  intellectuelle,  morale  et  sojîialc. 

Il  est  vrai  que  l'on  conteste  à  Jésus-Christ 
son  caractère  scriptural,  mais  comment? 
])arceque,  dit-on,  il  est  im|Kjssible  d'établir 
que  la  publication  des  Evangiles  ait  eu  lieu 
avant  l'an  150  de  l'ère,  d'où  il  suit  que  le 
type  du  Christ  a  flotté  pendant  pi  us  d'un  siè- 
cle à  la  merci  de  la  tradition.  Quand  je  l'ac- 
corderais !   quand    j'accorderais   que    nos 


S5I 


MYT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


m 


Evangiles  n*on(  point  paru  avant  Tan  1501 
Mais  avant  150, 1  i^criture  existait  en  dehors 
ile  l'école  cliKaiennc;  elle  existait  chez  les 
Juifs,  chez  les  Grecs,  chez  les  Romains,  sur 
tout  le  théâtre  où  se  débattait  la  question  du 
christianisme  ;  Thistoire  était  fondée  par  la 
publicité  et  l'immutabilité  des  monuments. 
Avant  150,  on  annonçait  Jésus-Christ  mort  et 
ressuscité  dans  toutes  les  synagogues  qui 
couvraient,  et  môme  au-dolh,  la  surface  du 
monde  romain;  on  Tannoncait  publiquement 
dans  le»  palais  des  césars  et  au  prétoire  de 
tous  les  proconsuls.  Avant  150,  Tacite  et 
Pline  le  Jeune  attestent  qu'il  en  était  ainsi. 
Ces  j)rédications,  ces  témoignages,  ces  dis- 
cussions, ces  luttes,  ce  sang,  tout  cela  était 
public,  était  écrit  ;  ce  n'était  pas  une  tradition 
morte,  livréeauichancesdu  temps  et  deTima- 
gination  pendant  mille  ans  d'indifférence  et 
de  paix.  On  donnait  au  même  moment  sa  pa* 
rôle  et  sa  vie,  ot  trois  sociétés  ensemble,  sou- 
verainement intéressées  à  ce  riui  se  passait, 
la  société  chrétienne,  la  sociétejuive  et  laso- 
ciété  romaine,  se  renc-ontraientsur  le  champ 
de  bataille  dont  vous  circonscrivez  vous-mê- 
mes à  un  peu  plus  d'un  siècle  la  limite  tra- 
ditionnelle. Eh  quoi!  ces  Juifs  à  qui  Ton 
disait  :  Vous  avez  tué  Jésus-Christ  ;  ces 
princes  et  ces  présidents  dont  on  foulait  aux 
pieds  les  ordres  au  nom  de  Jésus-Christ; 
quoi  I  pas  un  d'eux  ne  s*est  aperçu  qu'il  s  Va- 
gissait d'un  mythe  à  l'état  de  formation? 
Non,  tout  le  monde  était  dans  le  sang,  et 
par  conséquent  dans  la  réalité;  tout  le 
monde  était  dans  la  discussion,  et  par  con- 
séauent  dans  la  force  et  dans  la  gloire  de  la 
publicifé  qui  est  le  fondement  de  toute  l'his- 
toire. Peu  importe  donc  la  date  des  Evan- 
giles; car  l'histoire  porte  les  Evangiles.  S'ils 
n'ont  paru  que  cent  vingt  ans  après  Jésus- 
Christ,  ils  vivaient  avant  de  naître,  ils  vi- 
vaient dans  la  bouche  des  apôtres,  dans  le 
sang  des  martyrs,  dans  la  haine  du  monde, 
dans  la  poitrine  de  millions  d'hommes  qui 
confessaient  Jésus-Christ  mort  et  ressuscité! 
Quelle  jjîtié,  quelle  faiblessel  Comparer 
une  religion  dont  les  origines  sont  aussi  pu- 
bliques et  militantes,  et  dont  la  tradition 
n'aurait  précédé  l'écriture  que  de  cent  vingt 
ans,  à  ces  cultes  sans  histoire,  plongés  pen- 
dant deux  mille  ans  dans  les  eaux  mortes 
d'une  tr/iJiiion  qui  n'était  conflée  è  per- 
sonne, et  pour  laquelle  personne  n'a  jamais 
donné  une  goutte  de  son  sang. 

J'ai  à  peine  besoin  de  vous  dire  que  nous 
n'acceptons  pas  la  date  qu'on  veut  bien  as- 
signer à  la  publicMion  des  Evangiles.  Les 
Evangiles  sont  des  écritures  publiques  , 
contenant  des  faits  publics  qui  entrent  dans 
la  ^rarae  publique  de  l'histoire;  ils  portent 
le  ï\om  de  trois  apôtres,  et  d'un  disciple  cé- 


constances,  soit  contraire  à  la  vérité.  Les 
lois  mathématiques  de  la  publicité  ne  le 
permettent  pas.  Les  Evangiles  sont  des  apô- 
tres; ils  ont  la  valeur  de  leur  témoignage  et 
la  date  de  leur  vie,  c'est-à-dire  la  date  d'une 


vie  contemporaine  et  la  valeur  d  un  témoj. 
gnage  contemporain.  Ce  détail  d'authenticité 
se  soude  à  l'authenticité  générale  des  origines 
chrétiennes  et  n'en  est  pas  séparable.  Jugez, 
encore  une  fois,  durapportqui  existe  entre 
de  tels  monuments  et  les  mythes  obscurs 
sortis  de  l'abîme  sourd  et  sans  lumière  de 
la  haute  antiquité. 

En  vain  pour  rejeter  Jésus-Christ  plus  lofa 
que  son  temps,  appelle-t-on  au  secours  l'idée 
messianique  qui  avait  préparé  sa  venue. 
D'abord  Vidée  messianique  n'était  |)as  un 
mythe;  elle  appartenait  à  un  peuple  scrip- 
tural, h  un  peuple  écrivant  et  écrit,  et  elle- 
même  était  une  part  de  son  écriture.  C'était 
une  idée  fixe  et  un  fait  fixe.  Mais  quand 
même  primitivement  le  messianisme  eût  élé 
un  mythe»  il  ne  peut  plus  garder  ce  carac- 
tère dans  son  application  à  Jésus-Christ. 
Car  cette  application  i  Jésus-Christ  était 
moderne;  elle  s'opérait  à  une  époque  toute 
scripturale  et  publique,  et  par  conséquent, 

3uoi  (lu'il  en  eût  été  dans  le  passé,  le  mythe 
isparaissait  au  ^rand  jour  de  Jésus-Christ 
et  de  son  siècle.  I^  question  réelle  étouflfait 
la  question  chimérique. 

Kestent  les  signes  mythiques  que  Tonprt^- 
tend  découvrir  dans  l'histoire  même  de  Jé- 
sus-Christ. Le  premier  de  ces  signes  est  le 
merveilleux.  Le  merveilleux,  dit-on,  est  le 
caractère  mythique  proprement  dit  ;  partout 
où  il  se  montre,  l'histoire  disparaît;  carie 
miracle  étant  impossible  en  soi,  tout  récftqui 
le  contient  ne  saurait  évidemment  être  histo- 
rique. Ainsi,  nous  dit  le  docteur  Strauss,je 
renverse  toute  votre  dogmatisation  par  ce 
seul  mot  :  L'Evangile  est  un  tissu  de  mira- 
cles; or,  le  miracle  est  impossible:  donc 
l'histoire  en  est  impossible  aussi,  et,  par 
conséquent,  cette  histoire  n'existe  pas.  Ce 
ne  peut  être  qu'un  mythe. 

Que  le  miracle  soit  impossible  ou  non, 
c'est  une  question  de  métaphysique  que  j'ai 
déjà  traitée  et  sur  laquelle  je  ne  reviendrai 
pas.  {Voyez  Miracles  et  Jésus -Christ, 
art.  III.)  Mais,  à  tout  le  moins  »  c'esi  une 
question  ;  vous,  rationalistes,  vous  n'admet- 
tez pas  la  possibilité  de  l'action  souveraine 
de  Dieu  en  ce  monde;  nous,  chrétiens, nous 
l'admettons.  Or,  nous  sommes  des  hommes 
comme  vous,  des  intelligences  comme  vous; 
si  vous  êtes  nombreux,  nous  le  sommes 
plus  que  vous  ;  si  vous  êtes  savants,  nous 
le  sommes  autant  que  vous  ;  et,  tandis  que 
vous  niez  le  miracle,  nous  en  demandons 
tous  les  jours  à  Dieu,  persuadés  qu'il  mani- 
feste ainsi  sa  puissance  et  sa  bonté  à  notre 
égard,  môme  encore  aujourd'hui.  Nnus  al- 
lons plus  loin  ;  nous  ne  concevons  pas  l'idée 
de  Dieu  sans  l'idée  d'une  souveraineté  qui 
puisse  se  manifester  par  la  toute-puissance 
de  son  action,  en  sorte  que  pour  nous  la 
négation  de  la  possibilité  du  miracle  est  la 
négaiion  même  de  l'idée  de  Bieu.  Dieu,  se- 
lon nous,  est  miraculeux  de  sa  nature,  et 
si  l'histoire  cesse  par  le  miracle,  nous  pen- 
sons que  Dieu  cesse  sans  le  miracle.  Un 
abîme  sépare,  vous  le  voyez,  cps  deux  senti- 
ments. Que  s  ensuit-il  ?  Il   s'ensuit  que  l8 


G 


ÎI\T 


DICTrONNAinE  APOLOGCTIQLE. 


MYT 


SÎV» 


jïsàbWUé  du  miracle  esl  une  question,  et 
Mf  «oséquenl  que  décider  de  la  réaîité  de 
lr.<îAitc  car  11  présence  ou  l'absence  du 
i  «ide,  c  esl  décider  une  question  par  une 
•tîT^  question»  procédé  contraire  aux  règles 
t«  ia  logique  eldii  sens  commun.  0»oi  I  des 
l'-cuments  sont  authentiques,  ils  s'enchaî- 
n-nilesunsauxaulres  dans  un  ordre  visi- 
••ie  et c«>u$tanl,  ils  se  lient  5  toute  la  suite 
dt  iaîie  humaine  publique ,  ils  sont  inatla- 
7'iaiMeç,  certains,  consacrés,  c'est  folie  d'y 
tiîncher  ;  mais  le  doigt  de  Dieu  s'y  trouve, 
tt  *\Qi^  qoi  a  créé  le  monde,  et  cela  suffit, 
JTitsioire  a  disparu.  Vous  me  dispenserez, 
n:è<Be  en  supposant  que  le  miracle  soit 
f'Trtoauliqoeen  soi,  de  nier  le  certain  à 
rjixse  de  l'iBcerlain.  Nous  autres  chrétiens, 
r  >i5  admeltCDS  rincertajn  sur  la  foi  du 
rf  naru  :  ducuD  a  sa  logu|*ue. 

On  insiste  en  faisant  remarquer  que  le 
CkvtTdlleoiesdeseul  caractère  qui  dislin- 
çse  la fibkde l'histoire.  Cela  n'est  pas;  la 
lipeéedéiMrcalion  entre  l'histoire  et  la 
ttiAe  âU  ailhrs  ;  elle  gti  dans  la  différence 
ii«<  ^ïoses  sans  suite  et  sans  monuments 
|ioblic$aT«e des  choses  suivies  et  orientées 
4eU»i»T»rlspar  la  publicité. 

Skfwiijleûce  l'eût  voulu,  Jésus-Christ 

o%<kl  «fi'jBi5eul  historien   conduisant 

<rû!ifcw/i/iB(fe  le  fîl  de  sa  vie  avec  une 

f fï/rf  rf/ow/ogigue  qui  eût  mis  chaque 

I «rt» diwsa rraie  place,  et  le  tout  à  l'abri 

de  II  pfas légère  discussion.  Mais  la  Provi- 

Arteewl'i  pas  voulu.  Elle  souhaitait  que 

rwmkfûl  l'œuvre  de  plusieurs  hommes 

tfïffefflijdïgc,  de  génie,  de  style  et  de 

j*itf  de  me,  cl  dont  aucun  ne  rassemblât 

»0!W  SI  ploffle  tous  les  matériaux  de  la  vie 

*?'^wtflMi$  de  simples  fragments  dont 

leacria^me  fût  arbitraire.  La  pensée  de 

«wfoffij  était  de  faire  de  la'bio^raphiede 

^ï/ï*iflfl  miracle  de  vérité  intime  que  Toeil 

k/<fli  ralgaire  pût  discerner,  et  qu'on  ne 

VEiuD'jài  en  aucune  autre  vie  de  quelque 

i  Que  que  ce  fût.  En  effet,  dès  le  premier 

f^M,  k  ffloltiplicité  des  évangélistes  est 

^'fao/e,  non-seulement  à  cause  du  fron- 

I    ««e,  qui  porte  des  noms  différents,  mais 

l.'finnel  de  leur  nature  personnelle  en 

l'-^i^ndesEvaUc^iles.  On  voit,  on  sent  que 

|«iii  Vathieu,  saint  Marc,  saint  Luc,  saint 

«sa.soQt  des  âmes  diverses,  et  qu'ils  bu- 

i'^ol  chacun  de  leur  côté  la  figure  de  leur 

"'!>  liien-aimé,  sans  prendre  le  moindre 

*"He  ce  que  fait  leur  voisin,  ni  même 

-"t  aoe  demande  ia  suite  de  la  chrono- 

'  .'*.  Ue  là  un  choix  arbitraire  de  frajgment.s 

-<.;;faat  de  liaison,  des  .contradictions  ap- 

''Mes,  des  détails  omis  dans  celui-ci  et 

'   *>rtésdans  celui-là»  une  multitude  de 

**^>sdoDt  on  neserend  aucune  raison. 

'  •  e^t  Trai.  Et  pourtant  c*est  bien  dans 

1  {<utre  évangélistes   la  même  Ggure  du 

'\  la  même  sublimité,  la  même  ten- 

";%  U  même  force,  la  même  parole,  le 

'^•^  accent,  la  même  singularité  su  pi  êiuc 

>  ' 'Vsiononiie.  Ouvrez  saint  Mathieu,  le 

'^     ''ain,  ou  saint  Jean,    le  jeune  homme 

\    !*el(,oBleniplalif  ;  clioi^issoz  telle  phrase 


que  vous  voudrez  dansTun  et  dans  l'autre , 
aussi  différente  lar  l'expression  que  par  le 
sujet,  et  prononcez-la  devant  dix  mille  hom- 
mes assemt)Iés:  tous  lèveront  la  tête,  ils  ont 
reconnu  Jésus-Christ.  Et  plus  on  montrera 
le  désaccord  extérieur  des  évangélistes* 
plus  cet  accord  intime  d*où  ressort  Tunité 
morale  du  Christ  deviendra  une  preuve  de 
leur  fidélité.  S'ils  rendent  unanimement  ^i 
bien  la  figure  inimitable  de  Jésus-Christ, 
c*est  gu'il  est  devant  eux  ;  ils  le  voient,  tel 
qu*il  rut  et  tel  Qu'ils  n*ont  pu  Toublier.  Us 
le  voient  avec  leurs  sens,  avec  leur  cœur, 
avec  l'exactitude  d'un  amour  qui  va  donner 
son  sang  ;  ils  sont  à  la  fois  témoins,  pein- 
tres et  martyrs.  Cette  pose  de  Dieu  devant 
l'homme  ne  s'est  vue  qu'une  fois,  et  c'est 
pourquoi  il  n'y  a  qu'un  Evangile  ,  bien  qu'il 
y  ait  quatre  évangélistes. 

Aussi  quelle  âme  y  est  insensible?  quelle 
âme  n'oublia  un  jour  la  science  aux  pieds 
de  Jésus-Christ  peint  par  ses  apôtres?  Écou- 
tez, pour  en  finir,  une  parole  française  qui 
nous  consolera  des  fureurs  d'une  science 

Îue  l'Evangile  n'a  pas  désarmée.  Elle  est 
'un  homme  dont  je  vous  ai  déjà  cité  le  ju- 
Sement  sur  Jésus-Christ,  et  elle  exprime 
ans  une  langue  claire  et  heureuse  le  senti- 
ment que  laisse  au  profane  comme  au  chré- 
tien la  lecture  de  l'Evangile.  «  Dirons-nous 
que  l'histoire  de  l'Evangile  est  inventée  à 
plaisir?  Mon  ami,  ce  n'est  pas  ainsi  qu'on 
invente,  et  les  faits  de  Socrale,  dont  per- 
sonne ne  doute,  sont  moins  attestés  que 
ceux  de  Jésus-Christ.  Au  fond,  c'est  recu- 
ler la  difficulté  sans  la  détruire;  il  serait 
bien  plus  inconcevable  que  plusieurs  hom- 
mes a  accord  eussent  fabriqué  ce  livre,  qu'il 
ne  l'est  qu'un  seul  en  ait  fourni  le  sujet. 
Jamais  des  auteurs  juifs  n'eussent  trouvé 
ce  ton  ni  cette  morale;  et  l'Evangile  a  des 
caractères  de  vérité  si  grands,  si  frappants, 
si  parfaitement  inimitables,  que  l'inventeur 
en  serait  plus  étonnant  gue  le  héros t» 

Voilà  la  langue  française  et  le  génie  fran- 
çais. Et  c'est  pourquoi  vous  ne  devez  nas 
être  surpris  de  revenir  au  Christ  après  l'a- 
voir quitté.  La  lucidité  de  notre  intelligence 
nationale  soutient  en  vous  la  lumière  de  ta 
grâce»  et  vous  fait  traverser  comme  des 
géants  ces  abîmes  hérissés  de  science,  mais 
d'une  science  qui  brave  i'âme.  Soyez  fidèles 
à  ce  double  don  qui  vous  porte  vers  Dieu  ; 
jugez  de  la  puissance  de  Jésuç-Christ  par  les 
efforts  si  contradictoires  et  si  vains  de  ses 
adversaires,  et  permettez-moi  de  vous  rap- 
peler, en  finissant,  un  trait  célèbre  qui  peint 
cette  puissance,  et  dont  quinze  siècles  ont 
confirmé  l'éloquente  propliétie. 

Quand  Tempereur  Julien  s'attaquait  au 
christianisme  par  cette  ruse  de  guerre  et  de 
violence  qui  norte  son  nom,  et  qu'absent  de 
l'empire,  il  était  allé  chercher  dans  les  ba- 
tailles la  consécration  d'un  pouvoir  et  d'une 
popularité  qui  devaient,  dans  sa  pensée» 
achever  la  ruine  de  Jésus-Christ,  un  de  ses 
familiers,  le  rhéteur  Libanius,  rencontraul 
un  chrétien,  lui  demanda»  par  déribion  el 
avec  toute  l'insnlle  d'un  succès  déjà  sûr^  cft 


Î55 


MTT 


DICTIONNAIRE 


que  fiiisail  le  CiaUléen  ;  le  cbrétien  ré|K)ndiC  : 
Il  fait  un  cercueil.  Quelque  temps  après, 
Lil)anius  prononçait  Toraison  fanèbrc  de 
Julien  devant  son  corps  meurtri  et  sa  puis- 
sance é?anouic.  Ce  que  faisait  alors  le  Ga- 
liléen,  il  le  fait  toujours,  quels  que  soient 
farme  et  Torgueil  qu'on  oppose  a  sa  croix. 
Il  serait  long  d'en  déduire  tous  les  fameux 
exemples;  mais  nous  en  avons  quelques- 
uns  qui  nous  touchent  de  près»  et  par  où 
Jésus-Christ,  à  Teilrémité  des  âges ,  nous 
a  confirmé  le  néant  de  ses  ennemis.  Ainsi, 
quand  Voltaire  se  frottait  de  joie  les  mains, 
vers  la  fin  de  sa  vie,  en  disant  à  ses  fidèles  : 
n  Dans  vingt  ans.  Dieu  verra  beau  jeu,  » 
le  Galiléen  faisait  un  cercueil  :  c*était  le 
cercueil  de  la  monarchie  française 


£t  aujourd'hui,  en  regardant  TAl- 

lemagne  agitée  par  les  convulsions  d'une 
science  qui  n  a  plus  de  rires,  et  dont  vous 
venez  do  voir  un  si  lamentable  travail,  nous 
pouvons  dire  avec  autant  de  certitude  que 
d'espérance  :  le  (ialiléen  fait  un  cercueil,  et 
c'est  le  cercueil  du  ralionalisme.  'Lacor- 
DAII.E,  42*  confér.) 

fin. 

Caractère  et  crlUque  do  livre  de  Slrau»,  (lar  Edgard 

Quînet. 

«  On  a  souvent  demandé  d*où  peut  venir 
rimniensc  relenlîssemcnl  de  rouvrnge  du 
docteur  Slrauss.  Cette  cause  n'est  point 
dans  le  slylc  de  l'écrivain.  Ce  lanj^ngo 
trisle,  nu,  géoniélrique,  qui,  pendant  quinze 
cents  pages,  ne  se  déride  j}as  un  moment, 
ce  n'est  point  là  la  manière  d'un  amateur 
de  scandales.  Quant  à  ses  doctrines,  il  n'est 
pas,  je  crois,  une  de  ses  propositions  les 
plus  audacieuses  qui  n'ait  été  avancée,  sou- 
tenue, débattue  avant  lui.  Comment  donc 
expliquer  le  prodigieux  éclat  d'un  ouvrage 
qui  semble  fait  do  la  dépouille  de  tous? 
Lorsqu'on  vit  qu'il  était  comme  la  consé- 
quence mathématique  de  presque  tous  les 
travaux  accomplis  au  delà  du  Rhin  depuis 
cinquante  ans,  et  que  chacun  avait  apporté 
une  |>ierreà  ce  triste  sépulcre,  rAllemagne 
savante  tressaillit  cl  recula  devant  son-œu- 
vre; c'est  là  ce  qui  se  passe  dans  ce  pays 
depuis  tiols  ans. 

^  «  En  oITcl,  si  Ton  y  suit  pour  un  moment 
l'esprit  qui  a  régné  d'ans  la  [philosophie,  dans 
la  critique  et  dans  l'histoire,  on  s'étonne 
seulement  que  celte  conséquence  ail  lardé 
si  longtemps  à  paraître.  On  ne  peut  manquer 
de  voir  que  le  docteur  Sirauss  a  eu  des  pré- 
curseurs dans  chacun  des  chefs  d'école  qui 
ont  brillé  depuis  un  demi-siècle  etqu'il  était 
impossible  qu'un  système  tant  de  fois  pro- 
phétisé n'achevât  pos  de  se  monirer.  »  (Ed- 
gar Qljnet,  Allemagne  et  Italie,  t.  II.) 

El  ailleurs  : 

^  L'impression  du  vide  immense  que  lais- 
serait l'absence  du  Christ  dans  la  mémoire 
du  '^enre  humain  ne  lui  coûte  pas  un  soujûr. 


APOLOGETIQUE.,  MIT  u 

Sans  œlère,  sans  pKi>sion,  sans  haine,  il 
continue  tranquillement,  géométriqueroem 
la  solution  de  son  pniblème.  Est-ce  h  dire 
qu'il  n'ait  pas  le  sentiment  de  son  œuvre  el 
que,  sapant  l'édifice  par  la  base,  il  ignore  ce 
qu'il  faitl  Non,  sans  doute;  mais  cest  une 
chose  propre  à  l'Allemagne  que  ce  genre 
d'impossibilité.  Les  savants  y  ont  tellement 
peur  de  toute  apparence  de  déclamaiioD  qui 
pourrait  déranger  l'assiette  de  leurs  sys- 
tèmes ,  qu'ils  tombent  à  cet  égard  dans  \m 
défaut  tout  opfiosé.  Ce  que  la  rhétorique  esi 
pour  nous  en  France,  les  formules  le  sont 
pour  les  Allemands  :  une  prétention  qui, 
changée  en  habitude»  finit  par  devenir  na- 
turelle. Ils  prennent  volontiers  dans  leurs 
livres  la  figure  inexorable  de  la  fatalité  sur 
son  siège  d'airain.  A  la  lecture  de  le!  ou- 
vrage vous  prendriez  l'auteur  pour  une 
âme  de  bronze  que  rien  d'humain  ne  peut 
atteindre 


«  Je  reconnaîtrai  que  dès  Touverturede 
celle  histoire   on  voit   clairement  que  le 

SYSTÈME  EST  COXÇL'  PAR  AVA?(CE,  Qu'lL  NE  MIT 
PAS  NÉCESSAIREVE^iT  DES  FAITS,  QVâV.  COV 
TRAIRE  l'aUTELR,  AVEC  LA  FERME  VOLONTÉ  DE 
TOLT  T  RAMENER,  SE  S'eN  DÉMETTRA  D£\i>T 
ALCLN  OBSTACLE,  QVE  PAR  LA  IL  EST  ENTRAi>K 
A  LNE  INTOLÉRANCE  LOGIQUE  QUI  RESSEMBLE 
A  UKE  SORTE  DE  FANATISME  ET  RAPPELLE  ÀVK 
PLUS  DE  SAN(;-FROID  ET  DE  UATURfrÉ  L  ESPRIT 
EXTERMINATEUR    DE    DUPUIS    ET    DB   VOL^EY. 

J'ai  n.ômc  quelque  sérieuse  raison  de  cruire 
que,  revenu  de  la  première  fougue  de  la 
discussion,  il  ne  serait  pas  éloigné  d'admet- 
tre la  justesse  de  celle  critique.  Un  second 
reproche  que  je  ferai  à  cet  ouvrage,  parce 
que  la  critique  allemande  n'y  a  pas  assez 
insisté,  c'eslque  l'intelliçence  et  Ia^ollnai^- 
sancc,  il  est  vrai  prodigieuse  des  livres,}' 
semblent  étouffer  le  senlimcnt  de  toute  roa- 
lité.  Au  milieu  de  cette   né^^ation  absolue 
de  toute  vie,  vous  êtes  vous-même  teuté  do 
vous  interroger  pour  savoir  si  vos  im|»rcf- 
sions  les  plus  personnelles,  si  voire  soulHo 
et  votre  Âme  ne  sont  pas  aussi  par  liasanl 
une  copie  d'un  texte  égaré  du  livre  de  la 
fatalité  et  si  votre  propre   existence  ne  va 
pas  soudainement  vous  ôlre  contestée  com- 
me un  plagiat  d'une  histoire  inconnue.  Dès 
que  l'auteur  rencontre  un  récit  qui  sonde 
la  condition  des  choses  les  plus  ordinaires, 
il  déclare  que  celle  narration  ne  renferme 
aucune  vérité  historique  et  qu'elle  n«;  peu! 
être  i|u'uu  mythe.  Or  n'est-ce  pas  apj>auvrii 
cl  ruiner  la  nature  cl  la   pensée  que  de  ks 
mettre  ainsi  tout  ensemble  sur  ce  lit  de  Pro- 
cusle?  N'acce])tcr  pour  légitime  que  les  im« 
pressions  conformes  au  génie  d'une  société 
merle,  à  la  manière  de  la  société  présente 
n'est-ce  pas  borner  étrangement  le  cœurdi 
l'homme?  Sommes -nous   donc  si  assuré 
d'être  en  tout  la  mesure  du  possible?  ( 
docteur!  que  de  miracles  se  passent  dan 
les  âmes  et  que  la  connaissance  des  livre 
ne  nous  enseignera  pas  1  Que  Penthousias 
Bic  el  l'amour  et  les  révolutions  sont  là 


r* 
».'• 


>»i 


MYT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


S!;8 


u>ad$  grands  maîtres  I  Qu^ils  savent  de 
5^  que  toutes  les    bibliothèques   du 
L  nie  ne  nous  enseigneront  jamais  I    .    . 


<  Vautres  fois  ]*auteur  substitue  à  la  sim- 

,Mnté  des  Ecritures  une  abstraction  qui  me 

leflible  répugner  étrangement  à  leur  génie. 

AiQ&i  ti  rencontre  de  Jésus  et  de  la  Samari- 

uiotiuprès  d'un  puits  le  renvoie  naturel- 

?>sifDi  à  celles  d'Éiiézer  et  de  Rébecca,  de 

lacobeideRachel,  de  Moïse  et  de  Séphora. 

v>$ ressemblances,  fortiflées,  il  est  vrai,  de 

pteon  circonstances  tirées  du  dialogue, 

ttr:^msentà  sa  conclusion  ordinaire,  que 

»  f  réjl  n'est  rien  autre  chose  qu'un  mythe. 

ir* !e  reui  bien;  mais  ceci  admis,  la  difli- 

'.liié augmente;  cette  courte  narration  qui 

.irUiinn  tel  cachet  de  simplicité,  oue  va- 

!-^uedcTeBir!Une  formule  de  la  pliiloso- 

T  :iic  de  lliisloire.  La  Samaritaine  au  bord 

•.'ipaitswiremWème  d'un  peuple  impur 

Vau  rompu Talliance  avec  Jéhovah.  Le  dia- 

^»:w  Uwl  entier  n'est  que  la  figure  des  re- 

''}t:oi!s  des  premiers  chrétiens  avec  les  Sa> 

r.&ri*aia$. Hais  comme  l'auteur  nie  que  ces 

re'.aiv>Qs  lient  jamais  existé  en  effet ,  il  ne 

uois  t«teplns  qne  le  symbole  d'un  sym- 

ivncUi^d'un  réve,Vombre  d*uneom- 

t»iv.  Idlesûiiianque  sous  les  pas.  De  bonne 

/'»/•  ces  ihstneijons  rédigées  en  légendes 

i7f  soot-elles pis  tout  le  contraire  de  l'es- 

I  rit  (/e5fri02Jles?  L'auteur  est  ici  dans  les 

t».^rifi5iD«/emes,  dans  la  synthèse  de  Hé- 

1^1.  Il esl dans  le  xu*  siècle,  il  n'est  plus 

oiasler. 

•  Aiflmje  regrette  qu'après  s'être  ense- 

^'V  disi  la  litiérature  des  rabbins  et  du 

fdW.iJo'ait  pas  eu  recours  plus  souvent 

m  wjpîs  modernes  qui  pt-ignent  la  vie 

^lOntnlhsms  convaincu  qu'il  aurait 

(rmééms  le  spectacle  des  peuples  du  Le- 

ai/ foelqoes  traits  qui  auraient  éclairé  son 

Kjti  il  eût  fait  plus,  il  eût  tempéré  par  là 

tf  ttadince  évidemment  trop  constante  à 

^*iréiaire en  abstractions.  Sil  eût  un  peu 

■■««WTOché  de  ces  rivages  des  apôlres, 

«*  ^oes  du  lac  de  fîalilée,  le  Christ  en- 

màans  l'orage,  les  flots  apaisés  par  ses 

•î^'H  ne  lai  eussent  plus,  j'imagine,  paru 

*?âtiDentdes  fictiODs  sans  corps,  imita- 

^  bséradites  du  passage  de  la  mer  Rouge 

^Unresée  la  vertu  embarquée  sur  un 

-*ift  orageux. 

I  Sans  entrer  dans  plus  de  détails,  oombien 
t  ueslions  me  resteraient  encoreàexami- 
^r!Si  répoaoe  du  Christ  était  propre  à 
'-«îenlioo  dune  mythologie?  en  uuoi  la 
•TfM  d'Alexandrie  pouvait  contiôler  les 
«asnations  de  Jérusîdem,  ce  qui  condui- 
"^ireiamen  de  l*esprit  de  critique  dans 
'  «'Dde  romain  ;  si  trente  ans  ont  dû  suf- 
^  i  rétablissement  d'une  tradition  toute 
'-juira$e?si  le  ton  des  évangiles  apocry- 
r-^nest  pas  fort  distinct  de  celui  des  livres 
"via^ues?  si  les  AcUi  de$  apôtrei  tenus 
i*  avérés  ne  présentent  pas  des  récits 
'.-ues  h  ceux  des  évangélistes?  si  les 
>i.es  dans  les  monuments  primitifs  ne 


*r. 


sont  pas  expressément  séparées  du  récit,  et 
si,  par  conséquent,  la  démarcation  do  l'his- 
toire et  de  l'allégorie  n'a  pas  été  observée 
{»ar  les  écrivains  eux-mêmes?  la  préface  de 
*  Evangile  selon  saint  Luc  si  raisonnée,  si 
méthodique,  siphilo-^ophique,  est-ce  bien  là 
l'introduction  d'un  recueil  de  mythes?  Les 
Epitres  de  saint  Paul  ne  portent-elles  pas 
une  telle  empreinte  de  réalité  que  ce  témoi- 
gnage rejaillit  sur  l'époque  précédente?  et 
cet  homme  si  semblable  a  nous,  si  voisin  do 
nous,  que  nous  le  touchons  de  nos  mains, 
ne  plaide-t-il  pas  pouria  vérité,  pour  l'inté- 
grité historique  des  personnages  que  nous 
n'atteignons  que  par  son  intermédiaire? 
Voilà  autant  de  points  qu'il  faudrait  exami- 
ner de  près.  A  l'éi^ard  de  la  comparai- 
son des  Evangiles  et  \|S  poèmes  d'origine 
populaire,  je  T'accepte  eTje  dis  :  Charleraa- 
gne  a  élé  transfiguré  par  les  imnginations 
du  moven-ftge;  mais  sous  la  fable  était  ca- 
chée rliistoire,  sous  la  fiction  des  douze  pa- 
ladins il  y  a  l'auteur  des  Capituiaires ,  le 
conquérant  des  Saxons,  le  législateur  et  le 
guerrier.  Comment  sous  la  tradition  des 
apôtres  n'^  aurait-il  qu'une  ombre?  Il  me 
suiOra  aujourd'hui  de  livrer  ces  questions 
aux  réflexions  des  lecteurs  qui  m'auront 
suivi  jusqu'ici. 

«  Ce  qui  ne  peut  manquer  de  frapper  ceux 
qui  entreront  {ilus  avant  dans  cet  examen, 
c'est  çiu'au  point  de  vue  de  l'auteur,  le 
christianisme  serait  un  effet  sans  cause. 
Comment  cette  figure  dépouillée  du  Christ, 
ombre  dont  il  ne  reste  aucun  vestige  appré- 
ciable, larve  errante  dans  la  tradition,  aurait- 
elle  dominé  tous  les  temps  qui  ont  suivi  ? 
Je  vois  l'univers  moral  ébranlé,  mais  lo 
premier  moteur  m'échappe.  Si  dans  le  Nou- 
veau Testament  il  n'y  a  point  de  spontanéité, 
d'où  est  sortie  la  vie?  Le  monde  civil  serait- 
il  né  d'un  plagiat?  Si  la  nouvelle  loi  n'est 
rien  aulre  chose  que  la  reproduction  de  l'an- 
cienne, si  l'esprit  de  création  n'a  éclaté  nulle 
part,  si  le  miracle  du  renouvellement  du 
monde  ne  s'est  point  accompli,  que  faisons- 
nous  ici  et  que  sommes-nous  dans  les  mu- 
railles de  l'ancienne  cité?  Ce  qui  démontre 
en  effet  la  grandeur  personnelle  du  Christ» 
ce  n'est  pas  tant  l'Evangile  que  lo  mouve- 
mentet  l'espritdes  temps  qui  lui  ont  succédé. 
Je  ne  saurais  rien  des  Ecritures  et  le  nom 
mèmede  Jésus  serait  effacé  de  la  terre,  qu'il 
me  faudrait  toujours  supposer  quelque  part 
une  impulsion  toute-puissante  vers  le  temps 
des  empereurs  romains.  Lorsque  M.  Strauss 
dit  à  cetéeard  :  «  Nous  regardons  l'invention 
«  de  l'horloge  marine  et  des  raisseaux  à  va- 
«  peur  comme  au-dessus  de  la  guérison  do 
«  quelques  malades  de  Galilée,  »  il  est  visi- 
ble qu'il  est  la  dupe  de  son  propre  raisonne- 
ment; car  enfin  if  sait  bien  comme  moi  que 
le  miracle  du  christianisme  n'est  pas  dans 
cette  guérison,  mais  bien  plutôt  dans  le  pro* 
diçe  de  Thumanité  étendue  sur  son  grabat, 
puis  guérie  du  mal  de  l'esclavage,  de  ta  lè- 
pre des  castes,  de  l'aveuglement  de  la  sen- 
sualité païenne  et  qui  subitement  se  lève  et 
marche  bien  loin  du  seuil  du  vieux  montiA 


259 


MYT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


SGO 


Il  sait  bien  que  le  prodige  n  est  pas  tout  en- 
tier dans  l*eau  changée  en  vin  aux  noces  de 
Cana,  mais  plutdt  dans  le  changement  du 
monde  par  une  seule  pensée,  dans  la  trans- 
figuration soudaine  de  Fancienne  loi ,  dans 
le  dépouiUement  du  vieil  homme,  dansTem- 
pire  des  Césars  frafipéde  stupeur  comme  les 
soldats  du  Sépulcre,  dans  les  barbares  domi- 
nés par  le  do^me  qu'ils  ont  vaincu ,  dans 
la  réforme  qui  le  discute»  dans  la  philo- 
sophie qui  le  nie,  dans  la  révolution  fran- 
çaise qui  croit  le  tuer  et  ne  sert  qu*à  le 
réaliser.  Voilà  les  miracles  qu*il  fallait  com- 
parer k  ceux  de  Taslrolabe  et  de  Taiguille 
aimantée. 

«  Quoil  cette  incomparable  originalité  du 
Christ  ne  serait  qu^une  perpétuelle  imitation 
du  passé,  et  le  personnage  le  plus  neuf  de 
Thistoire  aurait  été  perpétuellement  occupé 
à  se  former,  ou,  comme  quelques  personnes 
le  disent  aujourd'hui,  &«  se  poser  d*aprà$ 
les  figures  des  anciens  pronhètesl  On  a 
beau  objecter  que  les  évangélistes  se  con- 
tredisent fréquemment  les  uns  les  autres, 
il  faut  avouer  à  la  fin  que  ces  contradictions 
ne  portent  qu«  sur  des  circonstances  acces- 
soires, et  que  ces  mêmes  écrivains  s'accor- 
dent en  tout  sur  le  caractère  même  de  Jésus- 
Christ.  Je  sais  bien  un  moyen  sans  réplique 
pour  prouver  que  cette  figure  n'est  au  une 
invention  incohérente  de  l'esprit  de  1  hom- 
me. Il  consisterait  à  montrer  que  celui  qui 
est  chaste  et  humble  de  cœur  selon  saint 
Jean,  est  impudique  et  colère  selon  saint 
Luc;  que  ses  promesses*  qui  sont  spirituel- 
les selon  saint  Matthieu,  sont  temporelles 
selon  saint  Marc.  Mais  c'est  là  ce  que  Ton 
n'a  point  encore  tenté  de  faire;  et  l'unité  de 
cette  vie  est  la  seule  chose  que  l'on  n'ait 
point  disputée.  Sans  nous  arrêter  à  cette 
observation,  excepterons  -  nous,  pour  tout 
estpiiquer,  la  tradition  populaire,  c*est-à- 
dire  le  mélange  le  plus  courus  que  l'histoire 
ait  jamais  laissé  paraître,  un  chaos  d'Hé- 
breux, de  Grecs,  d'Egyptiens,  de  Romains, 
de  grammairiens  d'Alexandrie,  de  scribes 
de  Jérusalem,  d'esséniens,  de  sadducéens, 
de  thérapeutes,  d'adorateurs  de  Jéhovah,  de 
Milhra,  de  Sérapis?  Dirons-nous  que  cette 
vague  multitude,  oubliant  les  différences 
d'origines,  de  croyances,  d'institutions,  s'est 
soudainement  réunie  en  un  seul  esprit  pour 
inventer  le  même  idéal,  pour  créer  de  rien 
et  rendre  palpable  à  tout  le  çenre  humain 
le  caractère  qui  tranche  le  mieux  avec  tout 
le  passé  et  dans  lequel  on  découvre  ^l'unité 
la  plus  manifeste?  On  avouera  au  moins  que 
voilà  le  plus  étrange  miracle  dont  jamais  on 
ait  entendu  parler,  et  que  Teau  changée  en 
vin  n*est  rien  auprès  de  celui-là  1  Cette  pre- 
mière difficulté  en  entraîne  une  seconde; 
car  loin  que  la  plèbe  de  la  Palestine  ait  elle- 
même  inventé  l'idéal  du  Christ,  quelle  peine 
ces  intelligences  endurcies  u'avaient-elles 
pas  à  comprendre  le  nouvel  enseignement  7 
Ce  qui  demeure  de  la  lecture  de  TEvangile,  si 
on  la  fait  sans  système  conçu  à  l'avance, 
sans  raffinement,  sans  subtilité,  n'est-ce  pas 
que  la  foule  et  les  disciples  eux-mêmes 


sont  toujours  disposés  à  saisir  les  paroles 
du  Christ  dans  le  sens  de  l'ancienne  loi, 
c'est-à-dire  dans  le  sens  matériel?  N'y  a-Ul 
pas  contradiction  perpétuelle  entre  le  règne 
tout  spirituel  annoncé  par  le  Maître,  et  le 
règne  temporel  attendu  par  le  peuple?  La 
plupart  des  paraboles  ne  finissent-elles  pas 
par  ces  mots,  ou  d'autres  équivalents  :  o  A 
«  la  vérité  il  parlait  ainsi,  mais  eux  ne  l*cn- 
«  tendaient  pas?  »  Preuve  manifeste,  preuve 
irréfragable  que  l'initiative,  l'enseignement, 
c*est-à-aire  1  idéal,  ne  venaient  pas  de  la 
foule,  mais  qu'ils  appartenaient  à  la  [Per- 
sonne, à  l'autorité  du  Matlrei  et  que  la  révo- 
lution religieuse,  avant  d'être  acceptée  par 
le  plus  grand  nombre,  a  été  conçue  et  im- 
posée par  un  législateur  suprême. 

«  Si  quelque  chose  distingue  le  christia- 
nisme des  relisions  qui  Tout  précédé,  c'est 
qu'il  est  l'apothéose,  non  plus  de  la  nature 
en  général,  mais  de  la  personnalité  même. 
Voilà  son  caractère  dans  son  commencement 
et  dans  sa  fin,  dans  ses  monuments  et  daus 
ses  dogmes.  Comment  ce  caractère  manque- 
rait-il à  son  histoire?  S'il  n'eût  dominé  ei- 
clusivement    dans   l'institution   nouvelle , 
celle-ci  n'eât  été  qu'une  secte  de  lagraade 
mythologie  de  l'antiquité.  Au  contraire,  le 
genre  humain  l'en  a  profondément  distin- 
gué, parce  qu'elle  s'est,  en  effet,  établie  sur 
un  fondement  nouveau.  Le  règne  intérieur 
d'une  âme  qui  se  trouve  plus  grande  que 
l'univers  visible,  voilà  le  miracle  perma- 
nent de  l'Evangile.  Or  ce  prodige  n  est  [las 
une  illusion  ni  une  allégorie,  c'est  une  réa- 
lité. De  la  même  manière  que  dans  le  pa- 
ganisme, la  nature  palpable,  la  mer,  la  nuit 
primitive,  le  chaos  sans  rire,  ont  servi  de 
base  véritable  aux  inventions  des  peuples: 
de  même  ici,  l'Ame  infini'e  du  Christ  a  servi 
de  fondement  à  toute  la   théogonie  chré' 
tienne.  Car,  qu'est-ce  que  l'Evangile,  sinon 
la  révélation  du  monde  intérieur? 

«  En  cet  endroit,  je  rencontre  un  étran^je 
raisonnement.  On  dit  :  Le  premier  terme 
d'une  série  ne  peut  être  plus  f^rand  que  ce- 
lui qui  la  termine.  Ce  serait  là  un  effet 
contraire  à  la  loi  de  tout  développement; 
d'où  l'on  infère  que  Jésus,  étant  le  premier 
dans  la  progression  des  idées  chrétiennes, 
a  dû  nécessairement  rester  au-dessous  de 
la  pensée  et  des  types  des  générations  sut* 
vantes.  De  cette  proposition,  il  résulterait 
également  que  Jésus  céderait  la  place  a 
saint  Paul,  saint  Paul  à  saint  Augustin, 
saint  Augustin  à  Grégoire  VH... 

«  Et  sur  ce  terrain  mobile  chacun  se  dé- 
truisant l'un  l'autre,  et  n'y  ayant  pjus  rien 
de  fixe  dans  la  conception  du  saint,  du  juste, 
du  beau,  du  vrai,  qui  sait  si  nous  ne  nou^j 
trouverions  pas,  en  définitive,  être  le  terme 
ascendant  de  celte  échelle  de  sainteté?  Cai 
nous  aussi  nous  sommes  à  l'extrémité  d'une 
série  :  on  prouverait  tout  aussi  bien  par  \l 
qu'entre  Homère  et  Virgile,  c*est  le  seconJ 
qui  fut  le  matire  Mais  dejHiis  quand  lins 
piration  de  la  beauté,  de  la  justice,  do  i^ 
vérité,  est-elle  une  progression  arithmOli' 
que  ou  géométrique  ?  On  yoit  qn'il  ne  sa 


» 


IITT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


M\T 


262 


jiplflida  Christ  seul,  mais  bien  du  prin- 

3pe  mime  de  toate  personnalilét  et  que 

rt4  ia  à  nier  la  vie  même.  Pour  moi,  je 

re^^  persuadé  que  la  personne  du  Christ 

SiiltelleiPeQtinrtiedel  édifice  de  Thistoire 

>^\m  dix-huit  cents  ans,  que  si  vous  la 

re&ranchez,  toute  autre  doit  être  niée  par 

\\  DèmeraL^OQ  et  au  même  litre  ;  et  sans 

se  iéoDoeerter  aucunement,  il  faut  admettre 

oMUBc  conséquence  inévitable  une  huma* 

Dit*  sans  peuples,  ou  plutôt  des  peuples 

sans  vndifidus  :  générations  d*idées   sans 

toroes,  qui  meurent,  renaissent  pour  mou- 

tiieMRatt  pied  de  l'invisible  croix  oCi 

reste éienellement  suspendu  le  Christ  uni- 

pcnoanel  du  panthéisme. 

I  Lanteur  exprime  d*ailleurs  cette  con- 
eJusioaiQSsi  nettement  qu'on  peut  le  dési- 
rer, lonao'ij  résume  sa  doiUrine  dans  cette 
s<jrtê  d€ litaDie  métaphysique  :        t 
<  U  Christ,  dit-il,  n  est  pas  un  individu, 

•  nais  use  idée,  ou  'plutôt  un  genre,  à  sa- 

•  loir  rkaniaDité.  Le  genr«  humain,  voilà 
«  ie  DieQ  (ait  homme,  voilà  Tenfant  de  la 

•  îiO);e rbible  et  du  père  invisible,  c'est- 
«  Min  de  la  matière  et  de  Tesprit;  voilà 
«  ieSaavev,  le  Rédempteur,  l'Impeccable  ; 
«nâfkedoiqui  meurt,  qui  ressuscite,  qui 

•  BMlt  la  rieL  En  croyant  h  ce  Christ,  à 
«ttMrt,i  sa  résurrection,  l'homme  se 
«JBstifedertttDieu.  »  Je  cite  ces  paroles, 
i7atf-«i/r0ea(  parce  qu'elles  résument  tout 
ksjstéùitét  1  auteur,  mais  aussi  parce 
4|a'eliefiofi(  l'expression  la  plus  claire  de 
cette ^éose du  eenre  humain  à  laquelle 
MMifons  tous  plus  ou  moins  concouru 
^^pwjieloues  années. 

«A^ilJer  rindividu  pour    enrichir 

fttpfo^  diminuer  Thommc  pour  accroître 

'wiff//^  roilà  la  pente  :  on  met  sur  le 

tUfftetleious  ce  que  l'on  n*oserait  dire  de 

iu  /j/nour-propre  est  en  même  temps 

éSjtiu  et  déilié  :  c^tte  idée  a  une  certaine 

rafideor  titanique  qui  nous  enchante  tous. 

I  candeur  est-elle  réelle,  et  ne  nous 

)a5-oous  pas  étrangement  les  uns  les 

?  Voilà  la  Question.  Si  l'individu  ne 

fpeotpas  lui-même  être  le  juste,  le  saint 

eicelleDce  :  s'il  n*est  pas  un  même  esprit 

Dieu:  s*it  est  incapable  de  s'élever  au 

^me  idéal  de  la  vertu,  de  la  beauté,  de 

liitperté,  de  l'amour,  qu*est-ce  à  dire?£t 

tment  ces  attributs  deviendront-ils  ceux 

IFespèce?  Dites-moi  combien  il  fautd'bom- 

Bpour  faire  l'humanité?  Deux,  trois  indi- 

los  aiteiodront-ils  cet  idéal?  Si  ceux-là 

suffirent  pas»  trois  mille,  trois  cent  mille, 

i  millions ,  qu'importe  le  nombre,  y 

»Mront*ils  davantage?  Entassons  tant  que 

s  te  voudrons  ces  unités  vides,  te  résul- 

iH^ra-t-ii  moins  vide  qu  elles  7  Ne  voyons- 

i  ^as  que  nous  faisons-là  un  travail 

rosé;  que  si  la  personne  humaine  n'est 

ï\m  néant  aliéné  de  Dieu,  comme  nous  le 

cUous,  les  peuples  aussi,  de  leur  côté, 

soQt  que  des  collections  de  néant,  et 


qu'en  ajoutant  les  nations  aux  nations,  les 
empires  aux  empires,  quelque  beaux  noms 

Ïue  nous  leur  donnions,  Inde,  Assyrie 
rèce,iRome,  empires  d'Alexandre,  de  Char- 
lema^'ne,  de  Napoléon,  nous  avons  beau 
multiplier  les  zéros,  nous  n'enfantons  que 
le  rien,  et  que  toujours  prétendant  à  l'infini, 
nous  ne  faisons  en  realité  qu'embrasser 
dans  l'humanité  un  plus  parfait  néant,  puis- 
qu'il est  le  compose  de  tous  ces  néants  en- 
semble? Si  cela  est  vrai,  il  en  résulte  que 
toute  vie,  toute  grandeur  comme  toute  mi- 
sère relèvent  de  l'individu.  Supposé  donc 
que  nous  voulions  nousexalter  avec  tout  le 
genre  humain,  il  ne  faut  nas  renier  la  dignité 
de  la  personne;  tout  le  génie  même  du  cnris- 
tianisme  est  de  l'avoir  consacrée  d'une  ma- 
nière absolue  :  car  si  la  vie  de  Dieu  fait 
homme  a  un  sens  compréhensible  pour 
tous,  irrécusable  pour  tous,  c'est  qu'elle 
montre  que,  dans  1  intérieur  de  chaque  con- 
science habite  l'infini  aussi  bien  que  dans 
l'âme  du  genre  humain  et  que  la  pensée  de 
chaque  homme  peut  se  répandre  et  se  dila- 
ter jusqu'à  embrasser  et  pénétrer  tout  l'uni- 
vers moral 


«  Si  l'on  insiste  pour  savoir  en  quoi  con- 
sisle  cette  mésintelligence,  je  dirai  claire- 
ment que  le  panthéisme  tente  aulourdlmi 
de  se  substituer  en  Allemagne  à  1  esprit  de 
l'Evangile,  et  que  c'est  à  cela  que  se  réduit 
tout  le  débat.  Jusqu'à  quel  point  l'institu- 
tion chrétienne  est-elle  assez  souple  pour 
que  cette  seconde  réformation  puisse  s'ache* 
ver  sans  rupture?  Le  Dieu  tout  personnel 
du  crucifix  peut-il  devenir  le  Dieu  subs- 
tance sans  que  les  peuples  s^aperçoivent  de 
ce  changement,  toutes  les  gradations  seront 
ménagées  et  insensibles?  Tout  est  contenu 
dans  ces  paroles.  Le  Christ,  sur  le  calvaire 
de  la  théologie  moderne,  endure  aujour- 
d'hui une  passion  plus  cruelle  que  la  passion 
du  Golgotna.  Ni  les  pharisiens,  ni  les  scri- 
bes de  Jérusalem  ne  lui  ont  présenté  une 
boisson  plus  amère  que  celle  que  lui  ver- 
sent abondamment  les  docteurs  de  nos  jours. 
Chacun  l'attire  à  soi  par  la  violence,  chacun 
veut  le  receler  dans  son  système  comme 
dans  un  sépulcre  blanchi.  Quelle  transfigu- 
I*ation  va-t-il  subir?  Le  Dieu  de  Jacob  et  de 
saint  Paul  deviendra-t-il  le  dieu  de  Parme- 
nide,  de  Descartes  (232),  et  de  son  disciple 
Spinosa?  Nous  vivons  tous  à  notre  insu 
dans  l'attente  de  cette  grande,  de  cette  uni- 
que affaire.  »  (  Edgar  Quinet,  Allemagne  et 
Italie,  t.  II,  page  3d4  et  suiv.) 

IV. 


Preuves  internes  en  laveur  de  Toriglne  apostolique  des 
évangiles.  —  L'origine  apostolique  des  cvaogi.es  com- 
bat Ijiypothèse  du  myltie.  —  Faits  secondaires  coniir- 
mant  la  réalité  historique  des  récils  contenus  dans  les 
évangiles;  prédicaUou  et  miracles  des  apôtres;  saint 
Paul  et  ses  epitres;  établissement  du  christianisme 

«  Pour  peu  qu'on  connaisse  les  Evangiles, 
qu'on  ait  appris  à  les  analyser  dans  leurs 


:(&2)  Oê  ne  Toll  trop   ce  que  Descartes  fait  ici ,  entre  Parméttide  et  Sphàosa.  (  Voy.  la  Biographie 
^f)»carlet  el  ses  écritt  apologétiques.) 


•m,^.^ 


^^ 


M\T 


DICTIOXN.URE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


^G4 


détails,  à  les  com|)arer  dans  leur  ensemble, 
on  ne  peut  manquer  d*y  reconnaître  certains 
traits  dont  on  ne  saurait  expliq^uer  la  pn^- 
scnce  qu'en  admettant  que  les  livres  qui  les 
renferment  sont  l*œu?re  d*horames  qui  ont 
vécu  aTecJésuSydctérooinsoculairesdes  faits 
qu'ils  rapportent,  l'œuvre  des  apôtres  ou 
de  leurs  disciples.  Ces  traits  sont  en  grand 
nombre.  Je  n  en  rappellerai  que  quelques- 
uns,  qui  m*ont  toujours  frappé  et  rempli- 
ront sullisamment  mon  but. 

«  Les  érangélistes  n*ont  pas  écrit  à  la 
manière  des  auteurs  modernes  ;  ce  n'est 
pas  une  histoire  philosophique  qu'ils  met- 
tent sous  nos  yeux  ;  simules  narrateurs  des 
faits  qui  les  ont  frappés,  jamais  ils  n'y 
mêlent  leurs  propres  réflexions;  ils  lais- 
sent parler  les  événements  eux-mêmes.  Un 
biographe  de  nos  jours  se  fait  un  devoir, 
avant  de  raconter  la  vie  de  son  héros,  de 
dépeindre  son  caractère  tel  qu'il  Ta  com- 
pris ;  les  auteurs  sacrés  ne  nous  disent  pas 
un  mot  de  celui  de  Jésus  ;  mais,  grâce  aux 
détails  minutieux  dans  lesquels  ils  sont  en- 
trés, au  soin  qu'ils  ont  pris  de  ne  rien  omet- 
tre de  ce  qui  peut  mieux  faire  connaître  leur 
Mattre,  le  lecteur  peut  facilement  créer  dû 
nouveau  ce  caractère;  il  soflit  pour  cela  de 
rapprocher  les  récits,  de  les  comparer  et  de 
concluro.  Si  l'on  essaye  ce  travail,  que  cha- 
que chrétien  doit  faire  pour  sa  propre  édilî- 
ealion,  on  est  frappé  de  la  facilité  avec  la- 
quelle il  s'opère  ;  il  a  fallu  réunir  une  foule 
de  traits  épars  dans  quatre  récits  rédigés 
par  des  auteurs  différents,  dans  un  but  dif- 
férent, dans  des  circonstances  qui  ne  sont 
pas  les  mêmes;  et  malgré  cela,  les  faits 
s'enchatncnt  d*une  manière  naturelle  ;  ils 
forment  un  tout  uni  et  compacte,  d'où  res- 
sort une  idée  claire  de  ce  qu'était  Jésus. 
Aucun  trait  nouveau  ne  vient  contredire 
Topinlon  qu'ont  fait  naître  ceux  qui  précè- 
dent. D'un  bouta  l'autre  des  Evangiles,  c'est 
le  même  Christ  qui  paraît  à  nos  yeux  ;  dans 
le  cercle  étroit  de  ses  disciples  et  au  milieu 
d'une  foule  enthousiaste,  dans  la  demeure 
du  péager  modeste  ou  à  la  table  du  phari- 
sien superbe,  au  bord  de  la  mer  de  Tibé- 
riade  ou  dans  les  places  de  Jérusalem,  au 
jjiéloire  et  sur  la  croix,  c'est  toujours  fêtro 
bon  et  compatissant  aux  souffrances  des 
mortels,  toujours  noble  et  pur,  humble  dans 
lesuccès,  résigné  dans  l'épreuve,  indulgent 
pour  le  pécheur  qui  se  repent  et  s'amende, 
censeur  sévère  du  vice  qui  se  cache  sous 
les  dehors  de  la  vertu.  On  1  lorsque  je  con- 
sidère de  ce  point  de  vue  les  récits  évangé- 
liques,  je  me  refuse  à  y  voir  l'œuvre  do 
l'imposture,  ou  la  réunion  des  traditions 
populaires,  plus  ou  moins  conformes  à  l'his- 
toire véritable.  I^s  modifications  apportées 
dans  les  laits  par  leur  passage  de  bouche 
en  bouche,  ou  par  une  relation  inexacte, 
changent  trop  la  physionomie  générale  des 
récits,  pour  que,  rapprochés  les  uns  des 
autres,  ils  puissent  ainsi  cadrer  ensemble  ; 

(235)  CVâl  ce  qtt'oni  prouvé  Lakdxer,  Hco,*  Pa  • 
L&y,  par  une  fuulc  de  rapprocUeuieuts  ingénieux. 


je  ne  puis  m'expliquer  ce  caractère  de  Jésus, 
toujours  identique  à  lui-même,  quoique 
formé  de  traits  épars  puisés  à  des  sources 
différentes,  qu'en  supposant  que  les  hommes 
les  plus  capables  de  l'apprécier  et  de  le  com- 
prendre, des  apôtres  témoins  de  sa  vie  ont 
réuni  ces  traits,  et  en  ont  fait  part  à  leurs 
disciples. 

«Eu  racontant  la  vie  du  Sauveur,  les 
évangélistes  se  sont  souvent  trouvés  en  con- 
tact avec  l'histoire  du  temps;  et  le  carac- 
tère de  cette  époque,  que  nous   font  con- 
naître d'autre  part  les  auteurs  juifs  et  ro- 
mains, se  retrouve  fidèlement  retracé  dans 
nos  récits  sacrés.  La  critique  la  plus  minu- 
tieuse peut  les  suivre  dans  leurs    moindres 
détails,  les  examiner  sous  le  point  de  vue 
des  mœurs,  des  lieux,  du  temps,  du  langage, 
etc.  :  partout  se  révèle  une  connaissance 
exacte  de  toutes  ces  choses  (233).  Et  cepen- 
dant quelle  époque  était  moins  favoraole  à 
un  imposteur  pour  y  placer  une  histoire  in- 
ventée, ou  moins  facile  à   reconstruire  sur 
les  vagues  données   de  la  tradition?  Cette 
époque  a  été  signalée  par  une  suite  de  révo- 
lutions successives,  c^ui,  dans  le  court  es- 
pace d'un  siècle,  ont  introduit  chez  le  peu- 
J)ie  juif  les  changements  les  plus  rapides  et 
es  plus  variés,  et,  chose  curieuse,  à  peine 
arrivée  à  son  tenne,  elle  ne    laisse  plus  au- 
cune trace.  Quarante  ans  après  Jésus-Christ, 
les  armées  romaines  pénètrent  en  Pales- 
tine et  portent  partout  la  terreur  et  la  dévas- 
tation ;  Jérusalem  tombe  devant   elles,  la 
charrue  passe  sur  les  ruines  du  temple  :  plus 
de  deux  millions  d'hommes  périssent  sous 
le  fer  ennemi  ou  sont  emmenés  captifs;  le 
peuple  juif  a  perdu  pour  jamais   le  pays  de 
ses  pères  (23i^).  Une  tradition  .ne  traverse 
pas  impunément  une  révolution  de  ce  genre. 
Si  l'histoire  évangélique,  appelée  à  retracer 
une  époque  si  promptement  effacée,  se  pré- 
sente comme  tldèle  dans  ses  moindres  dé- 
tails, c*est  que  ceux-là  même  qui  y  jooeul 
un  rôle  l'ont  retracée  de  leur  main,  ou  ra- 
contée à  des  disciples  chargés  de    la  trans- 
crire sous  leurs  yeux. 

c  A  ces  deux  indices,   si   fort  en  faveur 
de  l'origine  apostolique  des  évangiles,  nous 
pouvons  enjoindre  un  troisième  plus  facile 
encore  à  apprécier.  Il  est  tiré  du  ton  même 
des  auteurs  sacrés  et  de  leur  mode  de  nar- 
ration. Qui  pourrait  ne  pas  voir  dans  leur 
langage  celui  des  premiers  fondateurs  de  la 
foi  chrétienne?  On  ^reconnaît  ce  sens  droit, 
cette  âme  pure  et  pieuse  qui    dut  les   faire 
choisir  par  Jésus  fK>ur  compagnons  desuu 
ministère,  cette  simplicité,  cette  candeur 
de  l'homme  qui  raconte  ce  qu'il   a  vu  ou 
entendu,  sans  chercher  à  Tembellir,  parce 
que  la  vérité  est  toujours  assez   belle  par 
elle-même.    Peu  jaloux  de  satisfaire  une 
vaine  curiosité,  pénétrés  de  la  grandeur  de 
leur  tAche,  ils  passent  soms   silence  toutco 
qui  n'est  d'aucun  intérêt  pour  la    foi  et  la 
vie  chrétienne  ;  leur  seul   but  est  défaire 

(i5i)  Voffez  Capefigve,    Ristoire  de*  Juifi  nu 
moyen  àtje,  toin.  1,  cit.  3* 


MYt  DICTiONNAtftE  APOLOGETIQUE. 

Jîf  ^u*^«s  comme  le  Christ,  le  Fils  de 
-rJ  f^^^iveur  des  hommes.  Partout 
•  «swa  ^^  ^^^  *™^"'*  pour  le  Maître > 
«•odwoSf^/^"  no™»  q"^  ''on  ne  peut 
«li«»m  ton^  hommes  qui  l'ont  person^ 


MYT 


2Ôd 


Tue 


j^jlMî^oséés,  qui  ont  pris  pour  de- 
bwcheiim^^«''on  retrouve  dans  la 

de  réciisffi  ^e  faussaires  ou 

i  Ooc  (il     ^"OwS. 
.«nul  iiMt«  '^^  'es  partisans  du  système 
rS/£„.  "^  occupons  î  L'époque  à  la- 
^iSt^P'^wlt,  et  dans  laquelle  se 
d^Sé^^!'^  est  mythique.  One  ten- 
ff^JZl^^  i  la  crédulité,  l'amour  du 
/^T^^^^-^«>J«nce  aux  miracles  domine 
V^^'  1-Mmagination  mobile  du 
/*«P'7*f«  s'empare  des  moindres  faits, 
if-5  moemià  son  eré,  et  en  dénature  ainsi 
lu  taleur.  U  Judée  entière  est  dans  Tat- 
tiriiie  do  Veisie,  ce   libérateur  d'Israël,  an- 
ymi  ^  1^  Prophètes  sous  les  plus  pom- 
r^u5esifflaîïS'.Ç  ^st  alors  que  le  Christ  se 
ujiir*  uW*  ^.^^  charpentier  se  déclare  le 
"***J^-j  4^ti>^^ns;  il  étonne,  il  confond 
t^\»  ^^fJP^'^sse  sur  ses  pas  ;  on  ad- 
^V*\^^î5^    sagesse   et   l'éloquence 
iMï^^^^v^s  leçons:  on  l'entoure, 
U>^T^^\Wt  «Dpressement  \  les  pauvres, 
'^^  yjj/îjr/iwéf,  te  malades,  tous  les  petits 
f^  ^oadeàojii  il  se  déclare  le  protecteur 
-^l'^ifli^ûnfua  cortège  rie  disciples;  et 
•^p»04^l**fisien8,  jaloux  de  ses  triom* 
^|^d*lafa?eur(ju*il  a  su  se  captiver, 
i^rnoiatauCalraire,  Jérusalem  entière 
^jpflUfflpIe  son  supplice.  Quel  thème  pour 
eii^W*' «s  mythes  1  Le  peuple,  qui    re- 
laie jis(a  immolé  sur  la  croiXi  ne  voit 
^tf/fii  un  simple  homme;  il  raconte 
i    gfeeeptbousièsme  rangélique  douceur  et 
I    ii  miffïiiion  sublime  que  le  juste  a  mon- 
tréesdanssà  lenie  et  terrible  agonie.  Les 
éjMnhàisfersés  par  la  peur,  se  rassem- 
Weiib  iii  reprennent  peu  à  peu  courage, 
r!S54;/igiifeaiqueleur  Maître  est  ressuscité, 
firceqail  l'a  promis  f  comme  ils  l'espèrent, 
ibkcnneaif  etliientût  l'annoncent  partout 
tf ec  iif Mpidjté.  Quelques  Ames  avides  de 
!Krf«illes  embrassent  avec  foi  ces  récits; 
ce  loales parts  dans  la  Palestine,  on  se  ras- 
«Mftle  au  nom  du  crucifié.  L'Eglise  chré- 
* —  est  fondée.  Dès   lors  l'histoire  de 


de  l'ancienne  loi  ;  la  simple  biographie  du 
moraliste  sublime  a  enfanté  le  mythe  de  Gol- 
gotha  I 

4  II  y  a  quelque  chose  de  vrai  dans  ce 
raisonnement,  tiôus  nous  empressons  de  le 
reconnaître.  Oui,  la  croyance  aux  miracles 
régnait  au  temps  de  Jésus.  Oui,  la  vie  et  ta 

Sersonne  de  Jésus  étaient  capables  d'en- 
ammer  les  imaginations  et  de  fournir  ainsi 
matière  à  des  récits  mythiques  ;  mais  en  ré- 
su  Ite-t-il  que  nos  livres  sacrés  soient  les 
dépositaires  de  semblables  récits?  Pour  en 
juger  ainsi,  il  faudrait  n'avoir  aucune  don- 
née sur  les  auteurs  dé  nos  évangiles  et  sur 
les  sources  auxquelles  ils  ont  pUisé  i  or,  nous 
n*eii  sommes  pas  réduits  là.  Nous  savons 

Sue  des  apôtres  ou  leurs  disciples  ont  ré- 
igé  ces  livres  \  dès  lors  il  n*est  plus  pos- 
sible que  le  mythe  y  ait  pris  place. 

«  On  sait  qu  il  faut  au  moins  trois  géné- 
rations pour  le  produire,  et  les  cinquante 
ans  laissés  à  sa  formation  supposée,  par  le 
fait  de  l'origine  apostolique  cies  Evangiles, 
fait  que  nous  avons  démontré,  ne  sont  pas 
un  espace  do  temps  suffisant  pour  lui  donner 
naissance. 

et  Ce  n'est  pas  tout  ;  un  mythe  se  forme 
lentement,  à  la  longue,  par  des  additions 
successives  ;  ici  nous  avons  au  contraire, 
dès  le  début,  une  histoire  complète,  offrant 
l'ensemble  de  ces  faits  merveilleux  que  le 
témoignage  seul  peut  confirmer,  mais  aue 
l'imagination  même  la  plus  féconde  d  un 
peuple  ne  peut  créer  tout  à  coup. 

4  Cette  histoire,  en  outre,  est  toujours 
restée  la  même;  ta  tradition  la  respecte  et 
ne  cherche  pas  à  la  dénaturer,  ou  si  plus 
tard  la  légende  essaye  de  le  faire,  le  bon 
sens  de  l'époque  rejette  ces  falsifications 
mensongères  (235),  tandis  que  le  mythe 
multiple  dans  ses  formes  se  diversifie  à  l'in-^ 
fini. 

it  Enfin,  les  récits  qui  hous  sont  parvenus 
sur  Jésus  ont  été  rédigés  par  des  témoins 
oculaires;  la  génération  contemporaine  les 
a  vérifiés,  et  la  réfutation  la  plus  éclatante 
aurait  pu  faire  à  l'instant  justice  de  l'impos- 
ture. Ce  sont  les  disciples  mêmes  de  Jésus 
qui  nous  transmettent  son  histoire  |  ils  ne 
sont  pas  inconnus  k  la  foule  qui  les  a  long- 
temps remarqués  aux  côtés  de  leur  Maître) 
acteurs  eux-mêmes  dans  la  plupart  des 
scènes  quUls  décrivent,  ils  en  connaissent 
tous  les  détails.  Ce  ne  sont  pas  des  étrangers 
qui  les  retracent  à  nos  yeux,  c'est  saint  Mat- 
ttiieu,  (lui ,  pendant  trois  ans  et  demi,  n'a 
pas  quitté  le  Seigneur;  c*est  saint  Jean,  le 
disciple  bien-aimé  de  Jésus,  qui,  dans  l'in- 
timité de  ce  céleste  ami  et  dans  ses  rapports 
avec  Marie,  dont  il  est  devenu  le  second 
fils,  n'a  pu  rien  ignorer  de  ce  qui  concernait 
son  Mettre  ;  et  cette  histoire  consacrée,  les 
apOtres  la  signent  de  leur  nom»..  Le  mythe, 
au  contraire ,  n'a  point  de  père  ;  de  nVst 
qu'après  avoir  pour  ainsi  dire,~  t  Tlnsu  do 
tout  le  monde,  jeté  ses  pro|6ndes  radnes, 


M  éel  est  destinée  à  passer  à  la  posté' 

A^«t  sera  consignée  dans  ses  annales. 

—  OofoD   envisage  maintenant  cette  his- 

<<»>« /aeontée  dès  l'abord  avec  tant  d'en- 

ttoitfiasmei  lorsqu^après   avoir  passé  de 

Mvtiieen  bouche  elle  aura  été  transcrite 

ttv  les  évangiles,  et  Ton  verra  quels  chan^- 

^eets  notables  la  tradition  a  su  y  inlro- 

duirt.  Elle  a  joint  des  prodiges  à  la  réalité  ; 

^'*«  a  prêté  au  Christ  des  miracles  qu'elle  a 

^Qliipliés  à  l'infini  ;  elle  a  réuni  sur  cette 

^U;  Téuérée  tous  les  oracles   messianiques 

'^  Oo  kiii  que  fie  bonne  heure  rEglise  sut     Evangiles,  des  fablas  menaODgèrei  ffenfariDéei  Jana 
^«'«{•tfr  les  récits  vérilat^s,  contenas  dans  les     les  apecrypiies* 

DlCTlOTINAiRE  APOLOGÉTIQUE.   II  ^ 


i 


4r.7 


int 


D  CTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


2CS 


qiril  sorj^it  tout  à  coup  ;  il  n^apparalt  que 
comme  un  phénomène,  et  presque  toujours 
on  ignore  son  berceau. 

«  Le  mythe  est  donc  impossible  au  temps 
de  la  rédaction  des  évangiles;  il  na  pu 
prendre  place  dans  nos  livres  saints  :  les 
apôtres  eux-mêmes,  eussent-ils  voulu  l'y 
introduire,  ne  l'auraient  pas  trouvé. 

a  Cependant,  comme  nos  adversaires  pour- 
raient nous  contester  encore  le  Mi  de  l'ori- 
gine apostolique  d6s  évangiles,  base  essen- 
tielle ae  notre  réfutation  de  leur  système, 
exposons  la  série  des  arguments  irldirecls 
qui,  nous  paraissent  concourir  au  même 
résultat  par  des  voies  différentes. 

«  On  nie  la  réalité  deâ  faits  éyangéliques 
qui  concernent  le  Sauveur;  mais  alors  com- 
ment expliquer  la  prédication  des  apôtres, 
qui  les  prennent  pour  thème  de  leurs  exhor- 
tations a  la  ibule? 

«  Retranchez  les  évangiles  du  canon  ;  pla- 
cez les  Actes  en  tête  du  Nouveau  Testament, 
et  vous  pourrez,  en  vous  appuyant  seule- 
ment sur  les  Actes  j  reconstruire  l'histoire 
de  Jésus. 

«  £n  efTety  que  disent  les  apôtres  lorsque, 
)*evenus  de  leur  terreur  première,  embrasés 
d'un  zèle  nouveau,  transformés  pour  ainsi 
dire  en  de  nouvelles  créatures,  ils  appa- 
raissent intrépides  devant  le  peuple  assem- 
blé? 

«  Cinquante  jours  se  sont  h  peine  écou- 
lés depuis  que  Jésus  est  sorti  du  sépulcre, 
et  Pierre  élève  la  toix  au  milieu  de  Jéru- 
salem :  Israélites^  dit-il  &  la  foule  qui  l'en- 
toure, apprenez  ce  que  je  vais  vous  dire^  et 
soyez  attentifs  à  mes  paroles.  Jésus  de  Naza- 
reth a  été  un  homme  à  qui  Dieu  a  rendu  té- 
moignage devant  vous^  par  les  merveilles^  lés 
miracles  et  les  prodiges  qu*il  lui  a  donné  de 
faire  au  milieu  de  vous^  comme  vous  le  savez 
vous-mêmes.  Ce  Jésus  vous  a  été  livré  par  dés 
mains  impies,  selon  le  dessein  déterminé  et  la 
prescience  de  Dieu;  vous  l'avez  pris  et  vous 
l'avez  fait  mourir  en  le  crucifiant.  Mais  Dieu 
Fa  ressuscité  en  rompant  les  liens  de  la  mort, 
à  laquelle  il  était  impossible  quil  restât  assU' 
jetti  (236J.  £t^  dans  cette  éloquente  improvi- 
sation, il  Ile  se  borne  piis,  eeimme  on  peutic 
voir,  à  proclamer  le  fait  capital  de  ha  résur- 
rection,  il  fait  un  appel  solennel  Aux  mira- 
des  opérés  par  le  Cnrist)  il  prend  à  témoin 
ses  auditeurs  de  la  réalité  de  ces  prodiges 
qu'ils  connaissent  eux-mêmes;  plus  loin,  il 
oaentionne  la  naissance  merveilleuse  de 
Jésus  ;  il  rappelle  qu^il  est  sorti  de  la  famille 
de  David  (237);  il  raconte  sa  mort  sur  la 
croix»  son  ascension  dafis  le^  cieux  (238), 
de  telle  façon  que  ce  discOui's,  qui  sert  en 
quelque  sorte  de  péristyle  aux  Actes ^  s(e 
présente  à  nos  yeux  comme  un  résumé  clair 
et  rapide  de  tout  ce  qu'il  v  a  de  plus  impor- 
tant dans  les  récils  évangéliques.  Le  peuple, 

(i36)  AcUsi  II,  44,  15, 22,  24. 

(237)  Ibidem,  n,  30. 

(238)  Actes^  ii,  83. 

(259)  Ibidem,  u,  41. 

(249)  Claubwurdigkeit  der  er.  Geichichte,  p.  373. 


^  loin  de  contredire  l'Apôtre  dans  ses  allu- 
sions positives  à  des  faits  qui  se  trouvaient 
alors  dans  le  domaine  de  la  publicité,  ap- 
plaudit à  son  témoignage,  et  trois  mille  juifs 
se  disent  chrétiens.  L*£glise  chrétienne  est 
fondée  (239). 

«  Poursuivons  maintenant  la  leeture  du 
livre  des  Actes;  avançons  dans  le  détail  des 
faits  qu'il  renferma.  Que  trouvons- nons? 
Toute  une  série  nouvelle  de  prodiges  opérés 
par  les  a])ôtres,  et  qui,  s'ils  sg  trouvent  saos 
rapport  immédiat  avec  ceux  que  le  Christ 
accomplit  lui-même,  en  sont  du  moins  la 
continuation;  )missance  merveilleuse  des 
disciples,  qui  se  présente  à  nous  comme 
un  reflet  animé  de  la  gloire  iniraitahl6  du 
Maître.  Il  n'y  a  donc  point  de  solution  de 
continuité,  ni  de  rupture  dans  la  manifesta- 
tion de  cette  force  miraculeuse,  si  étonnante 
dans  l'histoire  de  Jésus;  non-seulement  elle 
apparaît  avant  lui  dans  les  prodiges  qui  si- 
gnalèrent la  naissance  du  Précurseur  et  la 
{)romesse  de  sa  venue,  mais  elle  se  mani- 
èste  encore  après  sa  mort.  Comme  l'a  dit 
élégamment  Tholuek,  le  soleil  de  la  Judée 
a  eu  son  aurore  et  son  couchant  HM).  Que 
faire  alors  do  ces  miracles  dans  1  iiypothèse 
du  mythe?  Quelle  place  leur  assigner?  Ne 
confirment-ils  pas  d'une  manière  éclatante 
la  réalité  de  ceux  qu'on  cherche  à  faire  dis- 
paraître du  champ  des  évangiles? 

«  Mais  nous  voulons  encore  aller  plus 
loin.  Supposons  qu'on  refuse  absolument 
de  nous   accorder  l'authenticité  des  Actes 
et  l'argument  que  nous  tirohs  de  ce  livre, 
il  reste  encore  les  Epitres  de  Paul,  dont  ' 
les  plus  importantes  n'ont  jamais  été  atta- 
quées {2ki),  même  par  les  plus  violents  ad- 
versaires de  la  fiible,  les  Epttres  de  Paul 
que  Strauss  lui-même  a  respectées.  Or,  que 
sont  ces  Epîtres  sdns    les  évangiles?  Ne 
supposent-elles  pas  d'un  bout  à  l'autre  /a 
Vérité  des  récits  qu'ils  renferment,  tfj  font- 
ils  pas  allusion  à  chaque  pa^e? 

«  Les  enseignements  écrits  de  TApôtre 
ne  sont  autre  chose  que  le  développement 
animé  des  vérités  évangéliques^  qu'il  appuie 
sur  les  faits  qui  leur  servent  de  base.  C'est 
une  foi  sincère  en  Jésus- Christ  qu'il  ré- 
clame, et  la  profession  publique  de  TEvaii- 
gile.  Quand  il  parle  de  grAce  et  de  résigna- 
tion^ cesi  au  baptême^  c'est  à  la  mort  et  à 
la  résurrection  de  Jésus  qu'il  fait  allusion. 
8'ag?t-il  de  l'espérance  du  salut  pour  le  vrai 
tidèlej  c'est  sur  le»  soatfrances  du  Sauveur 
qu'il  s^appuie;  veut-il  prouver  la  résurrec- 
tion, c'est  celle  du  Sauveur  qui  en  garantit 
)a  certitude  à  ses  yeux.  11  ne  ]»rélen<i  savoir 
quune  seule  chose,  c'est  Jésus-Christ^  et  Jé^ 
SUS' Christ  crucifié.  Et  ces  faits,  il  ne  son^e 
pas  même  h  les  discuter^  il  les  cite  h  chat|ue 
instant,  il  en  parle  comme  d'une  chose  «i<l« 
mise,  sans  la  moindre  contestation  de   la 

(241)  Nom  parlons  des  Epttres  aux  Itoniain^  ^ 
Calâtes,    f,  u;  CoriiUhiens,  Philémon,  Coloê*9^éi^\ 
Ephésiens,  Philippien$,  The$»alonicicns.  Voyei     1^^ 
assertions  de  db  Wettc,  letatives  à  chacune  d^cllt^^ 
(£îii/eî7  tw  d.  N.  T.,  5-  édition.) 


de 


îttrT 


mCTIONNAiRE  AP0L0GETIQU6. 


MT1 


vo 


ZJ^?^  auxquels  îl  s'adresse.  Bien 
j°s  les  schismes  naissants  auxquels 
ne»  V^^  dans  le  cours  de  ses  lettres, 
j.  ^«  *^*^  P^s  que  ces  schismes  aient  ja- 
•IrnwJ^^'^  céuse  dcs  doutes  élevés  par 
rS^  .^*^^»P'es  sceptiques  sur  la  réalité 
rwiii  ^^  ^  ^^"s  ;  personne  alors  ne 
m  -w^  «mythes  ;  c'est  sur  Vinterpréta- 
T^  wul  donner  aux  paroles  du  Maî- 
X  csi  SUT  le  sens  des  mystères,  du'on  se 
tt?^  ou  nu  on  dispute  à  cette  époque  ; 
uw^fflldéPaul,  les  auti^es  sont  d'Apol- 
^i^istous  se  font  honneur  d'appartenir 


j>  ^^^  .comment  expliquer  la  conversion 

•eiWel  son  apostolat,  sans  admettre  la 

•JWJ»  absolue  des  principaux  faits  évan- 

^iWîPaal.  disciple  de  Gamaliel;  Paul, 

*ws  la  science  de  la  loi  ;  Paul,  cette 

ulelligence,  cet  être  doué  de  tant  de 

I»  de  sensibilité,  d'éloquence;  cette 

ç  ¥  M  fois  élevée  et  tendre,  aurdit  abjuré 

y  pi^ypc  pour  embrasser  une  doctrine 

tffBMtt  sur  des  superstitions  1  Lui,  con- 

liBiymndes  éTénements  sur  lesquels  il 

«fafcsiprttirtiion,  lui  qui  marche  è  côté 

«S  inaptes  de  Jésus,  qui  siège  dans  leurs 

aaBMtttteSi  et  qui  a  pu  recueillir  auprès 

«feu  iMtts les  lumières*  dont  il  atait  be- 

s«îttMttssé  tromper  par  une  fable 

«,el,penécuteur  d'une  secte  mé- 

îiivée^  1/ ^B ml  ie^envL  l'adepte  soumis* 

%MB3  laiiv '^^fliage  que  l'opprobre,  et  sans 

«ttife  perspeente  que  celle  de  l'échafaud  I 

ç2rsX  fwtf  ^^^  prévaloir  des  mythes  que  cet 

^cm0^  ^  étoduant  et  sublime  caractère, 

^^nt  ^^^  ^ànt  de  zèle,  tant  d'efforts, 

fggt  de  Ukois^  parcouru  la  terre  et  les 

^10^  exposé  mille  fois  sa  vie  I  Quand  on  le 

t^^^nm»! avec  tant  d'instances  sur  le  fait 

^pôiMie  la  résurrection,  qui  ne  sentj 

i  sfio Kfn  pénétré,  à  la  forme  si  puissam-^ 

0e0/iffiriDa(ilre  de  ses  assertions,  qu'il  a 

f«raei7/i sur  câ  fait  les  témoignages  les  plus 

éetiUnts^  et  que  l'évidence  seule  a  pu  dé- 

iHinioer  ses  convictions?  Ou  Paul  a  vu 

l  IsBsezi  personne  sur  le  chemin  de  Damas, 

\4i  U i  tm-m^me  entendu  sa  Voix,  ou  bien 

'JM  n*e$t  qu'un  insensé  1  11  faut  choisir 

[9tnc€sdeni  alternatives;  entre  ces  deux 

iniiûes  il  n'jr  a  plus  de  terme  moyen.  Si 

[Ab/,  tel  que  nous  le  connaissons,  tel  que 

Ontoire  et  ses  propres  écrits  le  révèlent, 

^ttétre  victime  d'illusions  aussi  gros- 

ii^  slofs  il  n'y  a  plus  de  garanties  de 

f^^iiéf  toute  certitude  disparaît.  L'A- 

^//?de$  gentils  nous  parait  un  problème 

^f/ahk  et  sans  analogie  dans  l'histoire  de 

^rit  iiomain. 

>3loQs  fioiirrions  nous  en  tenir  aux  ré^ 

li^ios  qui  précèdent  ;  il  nous  semble  que 

'  bien  assez  d'arguments  pour   tout 

litit  Tfffa  C/oKifti,  xxv;  YUa  Neronii,  xvis 

tx:»}  Awialef ,  xv.  U. 

MU'  E^lêtûia  ad  Trajanum^  lib.  x,  97. 

>U5;  In  des  bisioriens  les  plus  sceptiques,  Spil- 

Na  rreonntt  la  codeur  de  la  révolution  opérée 

I»  le  monde  |»ar  riutrodnciion  du  chrislianisme  : 

fUftM^B^apaseooiNPe  suhide  révolmioo  pareille 


homme  libre  de  préjugés,  et  que  dominé 
l'dmoui^  sincère  de  Id  vérité  ;  mais,  avant  de 
quitter  ce  sujet,  nous  voulons  faire  une  der- 
nière hypothèse^  pour  achever  de  dissipei* 
les  moindres  doutes  qui  pourraient  planer 
encot^e  dans  l'esprit  de  nos  lecteurs. 

«  Nous  supposons  pour  un  instant  que  le 
canon  ne  subsiste  pas ,  nous  n'avons  ni  les 
Evangiles,  ni  les  Actes,  ni  même  les  Ept^ 
très.  11  ne  nous  reste  absolument  aucun  mo- 
nument écrit  de  cette  histoire  merteilleuse 
de  Jésus ,  qu'on  veut  nous  faire  prehdre  pour 
mythique;  nous  supposons  même  que  Paul 
lirait  pas  plus  existé  que  fés  lettres  qiril  adres- 
sait à  Ses  Eglises  chériesi  Eh  bien  I  même  dans 
ce  cas  extrême^  un  fait  imposant,  un  fait  so- 
lennel, V établissement  de  VEglise,  suffirait 
{>our  combattre  l'hypothèse  de  Strauss ,  et 
a  réduire  à  néant. 

«  Une  Eglise  s'est  fondée,  il  y  a  plus  de 
dix-huit  siècles ,  ce  fait  nous  est  attesté  par 
des  historiens  profanes;  c'e3t  Suétone (24.2), 
c'est  Tacite  (243),  c'est  Pline  le  jeune  (244]jqui 
le  confirment,  nous  le  voyons  nous-i-memes 
sous  nos  yeux.  Le  fondateur  de  cette  Eglise 
est  un  Juif,  un  enfant  de  cette  nation  qu'on 
méprise  en  dehors  comme  superstitieuse  et 
grossière  :  c'est  un  Juif  cruciQé  «  puni  du 
plus  infamant  supplice  ;  il  est  sorti  d  ailleurs 
des  derniers  rangs  de  la  société  >  c'est  le  ûls 
a'nn  artisan  modeste.  La  religion  qu'il  a 
préchée  s'établit  non^^seulémeut  en  Palestine, 
en  dépit  des  persécutions  les  plus  rigou-^ 
reuses  ;  mais  elle  franchit  les  limites  de  cet 
obscur  pays;  elle  envahit  la  capitale  du 
monde  connu ,  la  Rome  des  Césars ,  ce  foyei* 
de  civilisation  raffinée ,  ce  centre  éclatant  de 
toutes  les  lumières ,  de  tous  les  talents  de 
Tépoque;  non-seulement  elle  l'envahit^  mais 
encore  elle  v  établit  son  empire ,  elle  dé- 
trône le  culte  des  faux  dieux  f  elle  résiste 
aux  attaques  acharnées  des  prêtres  et  des 

Chilosophes  ses  ennemis:  elle  soumet  les 
arbares  eux- mêmes  à  ses  lois;  elle  régé- 
nère le  monde  entier*  et  le  reconstruit  sur 
un  plan  nouveau.  La  société  se  transformé 

I)ar  elle»  elle  crée  un  droit  nouveau,  des 
ois  nouvelles  i  des  lûœurs  nouvelles;  des 
sages  cherchent  en  vain  à  la  détruire ,  elle 
résiste  à  tous  leurs  efforts,  et  bravant  les 
révolutions  qui  menacent  de  la  renverser, 
elle  survit  à  elles  toutes,  elle  renaît  après 
mille  orales,  plus  grande  et  plus  puissante 
que  jamais.  Tous  les  yeux  se  tournent  vers 
elle«  c'est  à  elle  seule  que  l'avenir  est  pro-^ 
mis  I 

L  «  Et  l'on  voudrait  que  ce  fût  un  simple 
homme  qui  par  la  seule  force  de  son  génie 
ait  su  accomplir  cette  œuvre  merveilleuse 
(245)  I  On  fait  de  l'artisan  obscur  de  la  Pa* 
lestine ,  cette  contrée  ignorante  des  lettres, 
des  arts I  de  toute  philosophie,  un  sage  plus 

à  celle  qui  s'actomplît  dans  Tespace  de  quelques  an- 
nées, il  y  a  plus  de  dis-huit  siècles,  p.lr  un  Juif  nom- 
mé Jésus,  révolution  i  peine  remarquée  dans  ses 
débuts,  et  si  étonnante  dans  ses  conséquences.  # 
(Grundriis  der  GeêMeiKlêdêr  chrUtHcken  Kireht 
tom.  1,  p.  26.) 


«71 


BIYT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


2-iî 


grand  que  Socrale,  Platon,  Zoroaslre,  Con- 
fuciiis?  Non,  une  telle  supposition  n'est  pas 
possible.  Il  n  y  a  que  Jésus,  Fils  de  Dieu, 
auteur  des  miracles,  ressuscité  des  morts  et 
reçu  dans  le  ciel  à  la  droite  de  son  Père  cé- 
leste, qui  puisse  expliquer  la  naissance, 
rétablissement  et  le  succès  de  l'Eglise  chré- 
tienne. Botranchez  de  la  tête  du  Christ  toute 
cette  auréole  merreilleuse  qui  Tentoure, 
vous  arez  une  énigme  dont  il  est  impossible 
de  trouver  le  secret.  On  nous  objectera  peut- 
être  l'exemple  de  Mahomet...  Mais  Mahomet 
a  vaincu  par  le  glaive,  et  Jésus  n'a  eu  pour 
tout  instrument  de  ses  triomphes  que  quel- 
ques femmes  tremblantes,  quelques  péii- 
Ï;er8  obscurs,  quelques  pécheurs  sans  crédit 
246).  » 

§V. 

Formâlion  de»  premières  communautés  chréUennes:  ■— 
Caraclére  des  évangélistes.  —  Applicâiion  des  passa- 
ges de  l*Ancieii  TeiKament  aux  temps  messiauiqutfs. 

«  On  ne  peut  assigner  à  une  œuvre  aussi 
grande  que  le  christianisme  un  commence* 
ment  petit  ei  indigne  d'elle  ;  le  cèdre,  destiné 
à  surpasser  tous  Tes  autres  arbres,  ne  peut 
venir  de  la  graine  de  Thumble  noisetier.  La 
religion  mosaïque  avaii  une  autorité  divine^ 
et  chaque  juif  avait  la  ferme  conviction  quHl 
était  un  membre  du  peuple  choisi  de  Dieuj  et 
qxie  les  destinées  d^ Israël^  depuis  les  patriar- 
ches  jusqu'au  Christ^  étaient  placées  sous  la 
conduite  toute  spéciale  de  la  Divinité.  Com- 
ment dans  ces  oirconslances  eût-il  pu  se 
trouver  un  seul  juif  qui  s'attachAt  au  fonda- 
teur d'une  nouvelle  doctrine,  sans  s'être 
préalablement  convaincu  que  cette  nouvelle 
doctrine  devait  également  son  origine  â  là 
révélation  dit'the ,  en  un  mot,  aue  celui  qui 
était  venu  était  bien  réellement  le  Messie  at* 
tendu  depuis  longtemps  et  annoncé  par  les 
prophéties?  Or,  pour  acquérir  cette  convie* 
(ion,  chaque  juif  n'a-t-il  pas  dû  d'abord 
examiner  si  la  doctrine  et  les  œuvres  de  Jé- 
sus étaient  en  harmonie  avec  la  dignité  du 
Messie  ? 

«  Les  Actes  des  apôtres  {n^  l-i7)  nous  mon- 
trent la  première  communauté  se  formant 
avec  la  coopération  divine ,  selon  la  pro-^ 
messe  de  Jésus.  Au  v.  ^1  il  est  dit  :  «  Ceux 
«  donc  qui  reçurent  la  parole  de  Jésus,  se 
tf  firent  baptiser,  et  il  y  eut  en  ce  jour  environ 
«  trois  mille  dmes  qui  se  joignirent  (aux  dis* 
«  pies.)  V  Dans  ce  chapitre,  une  vérité  con- 
lirme  1  autre  :  pour  que  la  première  commu* 
nauté  chrétienne  se  format  non-seulement 
dans  le  judaïsme,  mais  au  milieu  de  Jéru-* 
salem  et  malgré  l'opposition  puissante  du 
pbarisaïsme,  il  était  nécessaire  que  sa  pre- 
mière racine  y  fût  plantée  tout  d  un  coup  et 
si  profondément,  qu'il  n'y  eût  plus  moyen  de 
l'arracher.  Mais  aussi,  pour  que  trois  mille 
personnes  se  fissent  baptiser  et  embrassas^ 
sent  la  foi  chrétiennCf  malgré  le  courroux 
et  les  anathèmes  des  pharisiens,  il  était  né* 
cessaire  que  tout  ce  que  les  évangiles  ra- 
content de  Jésus  fût  précédemment  arrivé. 


Ici  aussi  le  motif  de  foi  le  plus  puissant  i*s( 
le  Christ  crucifié  et  ressuscité^  comme  il  est 
dit,  III,  15  :  a  Vous  avez  fait  mourir  l'auteur 
«  de  la  vie  ;  mais  Dieu  l'a  ressuscité  d'entre 
«  les  morts,  et  c'est  de  quoi  nous  (les  apô- 
a  très)  sommes  témoins.  »  Les  meilleurs 
d*entre  les  juifs  résistaient  encore  à  la  doc- 
trine du  Christ  et  à  ses  miracles,  qui  ne  fai* 
saient  qu'une  impression  passagère  sur  un 
peuple  tout  adonné  aux  sens;  mais  le  fait 
incontesté  de  la  résurrection  du  Christ  crttafé 
les  poussait  à  la  foi  avec  tant  de  force,  qoils 
sacrifiaient  leur  vie  et  leur  liberté  pour  iV 
mour  du  Christ,  et  la  lumière  éclatante  que 
ce  fait  avait  jetée  dans  leur  esprit  rejaillissait 
sur  tout  ce  qu'ils  avaient  vu  et  entendu  pré- 
cédemment de  ce  même  Jésus.  Ici  les  faits 
se  confirment  réci[)roquement  :  la.  résurrec- 
tion de  Jésus  était  certaine,  la  formation 
des  Eglises  et  l'extension  de  sa  doctrine  en 
étaient  la  suite  nécessaire;  et  de  même  en 
renversant  la  proposition  :  s'il  est  certain 
que  nous  possédons  maintenant  la  religion 
chrétienne*  qui  doit  son  origine  h  la  foi 
persérérante  des  apôtres  et  des  premières 
JSglises,  il  est  également  certain  c)ue  Jésus 
est  ressuscité.  L  un  ne  peut  s'expliquer  que 
par  l'aolrei  et  pour  mettre  en  doute  «ette 
connexion  historique,  il  ne  faut  apercevoir 
que  la  surface  de  la  vie  et  du  cœur  de  Tboni- 
me.  Tous  les  doutes  spéculatifs,  de  quelque 
nature  qu'ils  soient,  se  taisent  devant  le  lan- 
gage éclatant  des  faits  et  la  ?oix  puissante  et 
victorieuse  de  la  vérité* 

«  Comment  un  mythe  serai t-i!   possible 
dans  cette  circonstance  ?  D'où  les  juifs  au- 
raient-ils tiré  le  mythe  de  Ja  résurrection, 
eux  dont  toute  l'histoire  n'offre  pas  un  seul 
fait  analogue  ?  Où  trouver  ici  le  temps  né- 
cessaire pour  que  la  longue  chaîne  de  \ê  ira^ 
dition  puisse  se  former,  et  altérer  le  fait  par 
l'adjonction  des  légendes  populaires?  Six 
semaines  écoulées  depuis  la  mort  de  Jésus 
suffisent-elles  donc  pour  frapper  d'aveugle- 
ment les  témoins  oculaires  et  auriculaires,  k 
tel  point  qu'ils  ne  voient  plus  la  lumière  du 
jour  et  aillent  ajouter  foi  aux  rêves  aébuleux 
de  quelques  imaginations  en  délire?  Ad- 
mettre ici  un  mytlie,  c'est  se  mociuer  de  Ja 
révélation  divine^  et  renier  de  la  marière  la 
plus  impudente  ï esprit  qui  a  donné  h  la 
première  Eglise  chrétienne  sa  consécratiou 
et  son  gage  de  durée  éternelle.  Maïs  àq 
même  que  dans  tous  les  temps  les  adora- 
teurs du  Christ  s'elTorcent  de  prendre  part 
à  cette  première  consécration  de  TEsprit- 
Saint,  de  même  aussi  depuis  celui  qui    a 
renié  le  premier  l'Esprit-Saint,  ou  voit  Tis- 
cariotisme   se  propager  à  travers  tous    les 
âges,  et  relever  la  tête  avec  une  force  nou- 
velle dans  les  raffinements  de  la  science  et 
de  la  critique  moderne. 

«  Depuis  le  commencement  jusqu*à  la  fin, 
les  récits  des  évangélistes  se  composent 
d'une  série  d'éJrénements  extraordinaires 
et  d'actions  surprenantes  attribuées  à  Jésus* 


(216)  Examen  critique  du  système  de  Strauss,  par  E.  Hussard,  Biinistre  protestant  à  Genève  (1839). 


« 


MTT 


DICTIONNAIU:  APOLOGETIQUE. 


MYT 


Î7i 


et  rhisloneo  oe  se  lasse  jamais  de  nous 
fféscsler  des  scènee  de  plus  en  plus  mer- 
ftdiemses.  L'homme  porté  par  j*orainîsa- 
Bîucîoii  de  sa  raison  a  toujours  recnercher 
W  rapport  de  reflet  i  la  cause»  et  habitué  à 
D«sarer  tontes  les  forces  d*après  une  loi  » 
foii  id  tontes  ses  peines  inutiles.  Et  cepen- 
cunt  ee  rédt  n'a  point  pris  naissance  dans 
rfir-imne  terre  des  prodiges,  aux  temps 
bbaleax  de  la  mjrtholi^e.  Cest  dans  les 
teiDps  dassiqoea  des  Romains  t  après  les 
époques  de  la  plus  hante  culture  des  Grecs^ 
WioqadleaTail  eu  le  temps  de  se  répandre 
jaS'jQftAn  les  peuples  les  plus  éloignés , 
c'est  «■  ailieu  aun  pajs  où  s'étaient  con- 
servés les  plus  anciens  monuments  du  culte 
itirn  le  fta%  par,  de  la  lé^slation  et  de  la 
orilisalinQ ,  que  se  produit  ce  phénomène 
eitrin^liiiaîre* 

c  Les  éTangélistes  ne  sont  point  des  his* 

loriess  eieroes,  dont  l'imagination  place 

lins  riflie  de  leur  héros  les  projets  les  plus 

e^és,  et  qui  saisissent  le  c6te  brillant  et 

ijèd  <ks  érénements,  ainsi  que  l'enchaîne- 

ami  aaltipie  de  tontes  les  causes  qui  agis- 

9eQt  naltuiémenL  lis  ra<;ontent  ce  quMIs 

ont  fil  ci  entendu,  ou  au  moins  ce  qu'ils 

c«fti|fm  des  témoins  immédiats,  et  cela 

(l'one  ttuîirt  si  simple  et  si  dépourvue 

d*artîte,  qaelle  confond  le  scepticisme 

bi$lorn|ve  et  te  réduit  au  silence. 

'  QatreoqBêest  bien  pénétré  de  l'idée  du 
thnsdnhm^  soutiendra  que  ces  person* 
aa^es  oai  réellement  existé ,  enseigné  et 
aTnCtqoVn  particulier  le  héros  autour  du- 
quel «epoope  toute  l'histoire  ne  brille  pas 
d'oae  huaiire  empruntée  à  l'imagination  de 
«^^JoraiearSy  mais  qu'il  a  bien  réellement 
f^mpé  cC  opéré  ce  que  lui  attribuent  les 
ttia^es.  Il   reconnaîtra    également    que 
Ir-ol  le  lassé  de  l'histoire  juive  ne  peut 
/n.'aier  ailleors  que  dans  Papparilion  do 
iéiaisss  relations  les  plus  profondes  et  les 
fjos  secrètes  ,  et  que  le  point  culminant  de 
iaifioire  religieuse  suppose nécessairemeni 
u  pareil  point  de  départ. 

«liais  telle  n'est  point  la  doctrine  de 

Sftoss.  Son  héros  n  est  autre  chose  qu  un 

snad  personnage  que  les  évangélisles  ont 

€MiTen  d*iuie  auréole  de  traditions  légen- 

^cre».  Quel  tissu  de  contradictions  I  Les 

ft'-V!«rs  da  premier  et  du  quatrième  évan- 

s!e  srmt-ils  des  disciples  de  Jésus,  oui  ou 

^4? S'ils  le  sont»  ce  ne  sont  alors  que  des 

'•^teurs,   puisqu'ils  lui   attribuent  des 

^^Jies  et   des  actions  qui  ne  sont  pas 

vnm.  £t,  dans  ce  cas,  ce  n'est  pas  b  tradi- 

Uufl  «/n  ment,  ce  sont  \es  témoins  oculaires. 

S  les  auteurs  de  ces  évangiles  ne  sont  point 

>i  disciples,  il  faut  alors  que  la  |iarabolc 

;ibon  fiasteur  et  les  dernières  paroles  «jue 

^  quatrième  évangile  nous  a  conservées 

'"•^oent  d'un  homme  plus  j;rand  que  Jésus, 

'tr  elles  contiennent  I  espnt  le  plus  profond 

-1  christianisme.  Pourquoi  donc  cet  homme 

'tu  est'il  resté  inconnu?  Mais  cet  homme 

-iHDéme  n'est  qu'un  im|K)stcur,  car  dâ 

"^viblables  paroles  ne  peuvent  avoir  été 

•  ueillies  dans  les  traditions  populairc:>. 


Nous  nous  trouvons  ainsi  placés  avec  les 
évangiles,  non-seulement  dans  un  monde 
de  mythes,  mais  dans  le  royaume' de  l'im- 
posture. Certes,  le  père  du  mensonse  a  bien 
le  droit  de  laisser  tomber  de  ses  lèvres  un 
sourire  de  joie  ironique*  puisqu'il  a  réussi 
k  faire  de  l'Evangile  un  assemblage  de 
mythes*  et  à  traduire  de  nouveau  Jésus  de- 
vant Caîphe,  jtour  y  entendre  iK>rter  un  faux 
témoignage  contre  lui. 

«  La  main  du  disciple  Jean  se  révèle  de 
diverses  manières  dans  le  quatrième  évan- 
gile- 

«  Jean,  i,  li  :  El  le  Verbe  a  été  fait  chair^ 
et  il  a  habité  parmi  nous ,  et  nous  avons  vu 
sa  gloire. 

•  Cliap.  XIX,  27  :  Puis  il  dit  au  disciple  : 
Voilà  votre  mère;  et  depuis  cette  heure-là  le 
disciple  la  prit  chez  lui. 

«  Chap.  XIX,  33  :  Celui  qui  Fa  vu  en  rend 
témoignoact  et  son  témoignage  est  véritable  et 
il  sait  quil  dit  vrai^  afin  que  vous  le  croyiez 
aussi. 

«(  Chap.  XXI,  2V  :  Cest  ce  même  disciple  (le 
disciple  qui  ne  meurt  |X)inl)  qui  rend  témoin 
gnage  de  ces  choses  et  qui  a  écrit  ceci.  Et  nous 
savons  que  son  témoignage  est  véritable. 

«  Ces  passages  ne  peuvent  se  rapporter 
qu'à  Jean,  comme  auteur  et  en  même  iem\fs 
comme  témoin  oculaire.  Or  si  le  quatrième 
évangéliste  n'est  pas  Jean,  c'est  déjà  un 
imposteur,  par  là  même  qu^il  se  donne  pour 
lui.  Il  ne  peut  donc  pas  être  question  de 
léçendes  par  rapport  au  quatrième  évan- 
gile, mais  seulement  de  mensonges.  Main- 
tenant ,  si  le  monde  avait  à  choisir  entre 
regarder  le  quatrième  évangéliste  comme 
un  menteur,  ou  le  livre  dont  nous  nous  oc- 
cupons et  qui  Taccuse  d'imf>osture,  comme 
une  œuvre  souverainement  inutile  et  déplo- 
rable, nous  ne  doutons  pas  un  instant  du 
résultat  de  son  choix. 

c  Selon  Strauss,  l'exposition  et  Torne- 
mentation  du  style  dans  les  évangiles  tra- 
hissent la  manière  mythique.  Certes ,  per- 
sonne n'avait  fait  cette  découverte  avant  lui. 
Selon  nous,  ils  ressemblent  bien  plutôt  à  la 
chronique  la  plus  simple  dont  l'auteur  ra- 
conte ce  qu'il  a  vu  et  entendu  sans  orne- 
ments et  sans  donner  son  jugement  |)arti« 

culier. 

c  En  examinant  les  évangélistes  saint 
Marc  et  saint  Luc ,  on  n'y  découvrira  pas 
plus  de  traces  de  légendes  que  chez  les  évan- 
gélistes disciples.  Marc  et  Luc,  aussi  bien 
que  les  disciples,  sont  conteniiH)rains  de 
Tactivité  publique  de  Jésus,  et  il  leur  était 
facile  de  se  mettre  en  rapport  à  chaque  ins- 
tant avec  les  témoins  oculaires  et  de  s'ap- 
proprier ce  qu'ils  en  apprenaient. 

c  Nous  devons  cej)cndant  convenir  qu'il 
existe  une  différence  entre  les  documents 
qui  regardent  la  naissance  et  l'enfance  ce 
Jésus ,  et  ceux  de  sa  vie  publique.  L'intro- 
duction des  mythes  est  d  autant  plus  inad- 
missible, que  les  narrateurs  sont  plus  rap- 
prochés de  la  source  à  laquelle  ils  puisent. 
Les  circonstances  de  la»naissance  et  de  Ten- 
fante  de  Jé^us,  que  les  cvangélislo  no':s 


875 


vrr 


MCTIOXNâIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


^76 


racoctenty  $6  trouvent  ^atu^el^em^^t  anté- 
rieures dp  trente  années  à  sa  vie  publique; 
maïs  cp  temps  est  encore  bien  loin  de  sufQre 
pour  jpler  sur  les  événements  le  voile  d'une 
obscyrité  complète,  et  pour  Oter  aux  évan- 
gélistes  Matthieu  et  Luc,  qui  nous  ont  tr^ns- 
luis  les  détails  les  plus  circonstanciés,  la 
possibilité  de  prendre  des  informations  aur 

i»rès  des  témoins  oculaires  encore  vivants. 
la  effet,  quoique  le  berceau  d*un  enfant  3oit 
entouré  de  prodiges  multiples ,  on  peut 
concevoir  cependant  que  le  souvenir  s*en 
efface  dans  la  e^nération  suivante  ;  mais  il 
se  réveillerai  de  nou\e^u  si  cet  enfant,  de- 
venu homme,  acquiert  une  grande  célébrité 
pt  provoque  ainsi  la  génération  nouvelle  à 
prendre  des  informations  près  de  celle  qui 
l'a  précédée.  Il  faut  sans  doute  une  grande 
circonspection  pour  distinguer  le  vrai  du 
faux»  )e  certain  de  l'incertain,  ce  qui  est  lé- 
gendaire de  ce  qui  est  historique;  mais,  après 
tout,  celle  tâche  n'excède  pas  les  forces  d'un 
esprit  impartial.  Nos  critiques  savent-ils 
donc  de  science  certaine  que  les  évangé- 
listes  n'ont  pris  aucune  information  de  ce 
t$enre,  et  qu'il$  se  sont  contentés  dç  nous 
jaconler  des  l^genc|es  et  des  bruits  popu- 
laires? Strauss  porte  ipi  jusq^à  soixante 
{ins  le  temps  que  les  légendes  ont  eu  pour 
se  former,  ce  qui  est  complètement  lau^* 
Car  autre  chose  est  le  temps  eu  les  rensêir 
p;nements  ont  pu  se  prendre  et  les  docu- 
ments se  recueillir,  ce  qui  a  pu  arriver  ici 
^u  bout  dé  trente  aps,  et  le  temps  auquel  le 
(ruit  des  recherche^  est  parvenu  à  l£^  con- 
pflissftnce  du  public,  gi  l'on  s'étepdait  da- 
vantÂg;e  sur  cette  question,  il  est  certain 

fiue  le  poids  des  arguments  ferait  pencher 
a  balance  du  côté  de  ceux  qui  admettent 
^es  renseignements  antérieurs  pris  par  les 
disciples,  à  une  époque  où  il  était  facile^de 
distinguer  les  légendes  de  la  vérité. 

«  Mais  il  en  est  tout  autrement  lorsque  1^ 
personne  du  Christ,  arrivée  à  toute  sa  ;orce, 
parait  sur  le  théâtre  de  la  vie  publique, 
enseignant  et  agissant.  Là  les  faits  se  con- 
servent dans  la  mémoire  dans  toute  leur 
fraîcheur,  et  la  véracité  des  qisciples  que 
nous  pouvons  sup|)Ose^  sans  difllculté  ne 

I)ermet  pas  d'admettre  qu'ils  aient  dénaturé 
es  faits  Les  évangélistes  sont  dos  hommes 
dont  le  caractère  [garantit  le  témoignage. 
Que  IVmée  des  critiques  et  des  sceptiques 
se  mette  en  campagne ,  qu'ils  ailieiit  dans 
Tarsenal  de  la  science  chercher  leurs  armes 
les  mieux  trempées,  elles  seront  'impuis- 
santes contre  la  vérité  du  Verbe, fixée  main- 
tenant pçr  l'Ecriture,  et  il  leur  arrivera 
comme  aux  ouvriers  qui  ont  rejeté  la  pierre 
qui  est  devenue  la  pierre  angulaire  :  Celui 
gui  tombera  sur  cette  pierre  s'y  brisera  ;  çt 
elleécraseracelui^urqui  elle  tombera.  [Matth, 

«  Le  roc  solide  sur  lequel  l'Ëvangile  est 
bâti  ne  ()eut  être  entamé  par  le  marteau 
de  U  cfilique  ;  toutes  les  armes  s'émousseut 
contre  Iqi,  et  les  critiques  peuvent  se  coui- 
parer  au  petit  anim*Si  de  ta  fable  qui  s'élaU 
écorché  eu  cherchant  à  ronger  une  lime,  et 


suçait  son  propre  sang  avec  la  plus  grande 
satisfaction. 

«  Ne  se  lassera-t^on  point  à  la  fin  de  sus^ 
pecter  toutes  les  sources  f  de  dénaturer  le  ca^ 
ractêre  des  évangélistes  t  de  se  moquer  de4 
promesses  de  Jésus  et  de  renier  VEsprit-Saint? 
Les  apôtres  sont  des  témoins  remplis  du 
Saint-Esprit,  et  Jeap  en  particulier,  qui  ne 
quitta  pas  Jésus  un  seul  instant  jusqu'à  sa 
mort,  et  pénétra  dans  son  esprit  plus  pro- 
fondément que  les  autres,  semble  avoir  Aé 
appelé  ^  compléter  ce  que  les  synontiqaes 
n  ont  point  traité.  Soupçonner  cet  homme 
de  Dieu  de  falsification ,  c'est  pécher  contre 
l'Esprit-Saint,  L^  critique  moderne  devait 
arriver  jusqu'à  cet  abîme;  elle  a  attciat 
maintenant  (es  dernière3  limites  du  négatii; 
dans  lesquelles  la  religion  chrétienne  dii- 
parait  complètement.  Or  là  où  cesse  la  re- 
ligion ,  là  commence  le  désespoir,  comoio 
nous  Tavons^vu  chez  Judas  Ischariote.  Votre 
cri  est  :  Liberté  de  l'esprit;  vous  voulez 
qu'il  prenne  son  essor  dans  toutes  les  di- 
rections, soit  en  politique,  soit  en  histoire, 
soit  en  religion  ;  je  n'ai  rien  à  dire  h  enla^ 
mais  je  sais  que  celui  qui  a  perdu  le  res^ 
pect  pour  ce  qui  est  saint  peut  servir  lo 
monde,  mais  est  inutile  à  Dieu ,  et  je  sai3 
encore  plus  certainement  que  quiconque 
nie  le  Fils ,  n'a  pas  non  plus  le  Père  |K>cr 
lui.  (IJoan.  Il,  23.) 

tf  Le  judaïsme  sort  du  cercle  ordinaire  de 
la  vie  des  peuples  et  forme  une  uatiou  com- 
plètement à  part  dans  ses  mçeurs,  s^  cousU^ 
tutioH  et  Sj|  religion. 

«  D*où  vient  cette  religion  pure  ap  milieu 
des  diverses  idolâtries  païennes?  d'où,  vient 
cette  législation  au  milieu  de  royaumes  des? 
potiques?  d'où  viept  cette  admir^blç  réunion 
du  prêtre,  du  législateur  et  du  ch*if  militaire 
dans  un  temps  od  l'histoire  des  autres  /^en^ 
pies  n'ia  encore  que  des  fables  à  nous  />n5T 
scnter?  comment  est-il  possible  que  la  plus 
pure  de  toutes  les  formes  de  gquvernement, 
le  véritable  théocratisme,  (lit  ^i^  inventée  à 
cette  époque?  caria  sortie  d'Egypte  remouu 
à  huit  cents  aps  au  delà  de  la  première  olym-r 
piade  et  de  la  fondation  de  Rome  ?  D'où  vien- 
nent  donc  toutes  ces  choses  à  une  époque 
où  il  ne  pouvait  être  question  d'aucun  dé- 
veloppement rationnel  dans  les  idées  d*un 
ordre  élevé  ?  Ce  peuple  ne  pofie-t-il  pas  stir 
son  front  le  sceau  de  la  révélation  ?  le  Dieu 
fin,  éternel^  vivant^  qui  se  révèle  lui^mimt^ 
possède  seul  la  vérité,  et  à  c«(use  de  cela  suq 
culte  ne  devait  point  disparaître  du  monde. 
11  fallait  donc  qu'un  peuple  fût  choisi  poui* 
garder  dans  son  sein  )e  véritable  cuite  de 
Dieu.  Cependant  le  judaïsme  n'est  nulle  pari 
\o  but  et  1^  fin,  il  n'est  que  le  moyen  d*ar>i- 
ver  à  up  but  plus  élevé.  Il  portait  en  lui  la 

ffromesseque  toutes  les  nations  trouveraient 
cur  salut  dans  la  postérité  d'Abraham  et  de 
David,  et  cette  promesse  était  étroitement 
liée  à  celle  du  Messie,  qui  devai t  toul  accotn  - 

fdir.  C'est  pourquoi  nous  voyons  sans  cesse 
es  prophètes  designer  un  personnage  c^ui 
doit  venir  et  en  vue  duquel  tout  le  reste 
*doit  précéder.  L41  semence  seulement  est  dé- 


n 


MTT 


DiCTIONNAIRR  APOLOGETIQUE 


MIT 


S7S 


joséedans  le  judaïsme,  mais  le  fruiL  est  le 
JfosiV  qui  appartient  à  i^humaDilé  tout  en- 
itnt.  Ce  If  essie  a  paru  en  Jésus-Christ,  et 
Ha  accompli  toutes  las  prophéties  qui  ren- 
>2jient  témoigiidge  de  lui.  Le  Christ  dit  :  Ke 
prMsezpas  que  je  sois  tenu  détruire  la  loi  et 
la  propkèies  :  je  ne  suis  pas  tenu  détruire^ 
mets  wcfmpUr.  (Mattk.  t.  17.)  —  Car  je  vous 
Uéisem  tériié^  le  ciel  et  la  terre  ne  passeront 
foinl,  me  UnU  ce  qui  est  dans  la  loi  ne  soit 
û€t»mpli  jusqu'à  un  iota  etjusquau  moindre 
fnic.  (IM.,  18.)  Quelle  preuve  plus  puis- 
sante ponvait-il  j  avoir  d£  la  venue  du  Mes- 
^e,  qse  raccomplissement  en  lui  de  toutes 
!es  prophéties?  Aussi  voTons-nous  souvent, 
BOfrscîdcment  les  disciples,  mais  le  Christ 
hii-«tee»  faire  allusion  i  ces  prophéties, 
aâa  de  tdre  naître  dans  la  Judée  la  foi  au 
Messie  veflQ«  foi  nécessaire  au  salut  de  ce 
pivs. 

c  Beoaloos  maintenant  Strauss.  Il  interver- 
tit k  question  d^une  manière  inconcevable, 
d  raisoone  ainsi  :  «  II  n*est  pas  vrai  que  les 
pro|Mlîes  se  soient  accomplies  dans  Tindi* 
fîdfl  appelé  Jésus,  mais  ses  sectateurs  ont 
doBoé  naissance  h  des  légendes  sur  son 
eMDpte,  et  se  sont  servis  après  coup  de  ces 
^aTnp»  deFAncien  Testament  pour  en  com- 
poser une  aaiéble  de  gloire  qu'ils  ont  placéa 
svr  la  tèie  de  kor  maître,  m  On  ose  à  peine 
s  cfl  fier  à  ses  jeax  lorsqu'on  voit  employer 
iûasser  nUstoire  du  Messie  prAcisiément 
Jes  ônonMates  qui  jettent  sur  sa  personne 
la  loaiîcffv  là  plus  vive.  Ces  passages  n*é- 
uîntéoBc  pas,  selon  Strauss,des  prophéties, 
mais  sealenept  des  idées  fantastiques,  pro- 
doit  accidentel  des  jeux  de  Timagination, 
ihotkstjie  poétione  et  élevé  favorisait  Tap-r 
js'katioa  que  ses  disciples  firent  à  leur  mat- 
Ut  mr  embellir  son  {listoire.  Quelle  dé« 
psditioQ  du  caractère  de  ces  hommes  rem* 
piisde  la  crainte  de  Dieu  1  La  richesse  de 
ndsiofre  juive  est  convertie  en  pauvreté,  et 
fasoite  des  rérélationsdont  elle  est  remplie 
setroove  ainsi  ray^e.d*un  seul  trait.  Quelle 
■  est  pas  ral>erration  de  ce  peuple  qui,  sous 
^  eofiduite  de  s^  destinées  et  d'hommes  pé^- 
titrés  de  rSprit  de  Dieu,  vit  dans  l'attente 
foA Messie  sortant  de  son  seiq,  et  n*enfante 
à  ta  place  gu'un  héros  (ils  des  légendes  I 
i-smsa-t-il  bien  réelicmont  été  crucifié  à  Jé- 
rusalem ?  quel  a  donc  été  son  crin^e?  Strauss 
^'ègae  ses  idées  de  nature  à  bouleverser  le 
*^e.  Hais  sa  dcx^trine  et  ses  {laroles  sont- 
e'«s  donc  révolutionnaires  ?  Elles  ne  font 
^'c«vrir  le  cœur,  le  purifier  des  éléments 
ouatiis,  7  répandre  la  bonne  semence,  et 
li  «oaduire  à  Dieu  ;  mais  elles  ne  boulever- 
**vi  point  le  monde.  £t  d'ailleurs  quelle  part 
«oit  revenir  è  Jésus  dans  ces  paroles,  puis- 
fsft  selon  Strauss,  le  quatrième  évangéliste 
«  tant  ajouté  de  ses  propres  doctrines  ?  Pi- 
•ite  ne  trouve  en  lui  aucun  crime  et  lenvoie 
i  Hérode  ;  Hérode  ne  le  juge  pas  non  plus 
«t  lerenroie  à  Pilate;  alors  tout  le  peuple 
^  écrie  :  Crucifiez-le!  crucifiez-le  !  queson  sanq 
f'Tt^UÊte  sur  nous  et  surnos  enfants.  Qua-t-il 


donc  fait,  puis(|ue  ses  juges  ne  trouvent  rien 
en  lui  qui  mérite  la  mort,  et  que  cependant 
'le  peuple  en  tumulte  demande  sà  tète  !  H 
était  le  Christ 9  et  cUtait  là  son  crime.  Nous 
trouvonsia  solution  de  cette  question  (Matth. 
xxin,  3i,  35)  :  Cest  pourquoi  je  vais  vous 
envofer  des  sages^  des  prophètes  et  des  doc^ 
teurs^  et  vous  tuerez  les  uns,  vous  rmct- 
fierez  les  autres  ;  vous  en  fouetterez  d'autres 
dans  vos  synagoges ,  et  vous  les  persécuto* 
rez  de  ville  en  ville^  afin  que  tout  le  sang 
tnftoceiU  qui  a  été  répand  sur  la  terre  re^ 
tombe  sur  vous^  depuis  le  sang  dAbel  le 
juste  Jusqu^au  sang  de  Zacharie^  fils  de  Ba^ 
rachte^  que  vous  avez  tué  entre  te  temple  et 
r autel.  — Vers.  37  :  Jérusalem!  Jérusalem! 
qui  tues  les  prophètes  et  lapides  ceux  qui  te 
sont  envoyés^  combien  de  fois  oi-je  voulu  ras- 
sembler tes  enfants  f  comme  une  poule  ras- 
semble  ses  petits  sous  ses  ailes^  et  tu  ne  Cas 

{}as  voulu.  —  Aet.  des  ap.^  vu,  52  :  Quel  est 
e  prophète  que  vos  pères  n'aient  point  per* 
sécuté?  ils  ont  fait  mourir  ceux  qui  prédi- 
saient favénement  du  Juste^  aue  vous  venez 
de  livrer  et  dont  vous  avez  été  tes  meurtriers. 
«  Strauss  taxe  les  évangélistes  de  partialité 
dans  le  portrait  qu'ils  font  de  Jésus  :  voyons 
donc  les  témoignages  du  peuple  et  des  pha- 
risiens, qui  sont  consienés  dans  les  Evangiles 
d'une  manière  si  aimpie  qu'elle  exelut  toute 
arrière-pensée, 

«  U  est  souvent  dit  :  «  Les  pharisiens  n'o* 
saient  mettre  la  main  sur  Im,  parce  que  le 
peuple  le  suivait  et  le  regardait  comme  un 

Erophète  è  cause  des  actions  qu'il  faisait.  » 
es  pharisiens  disaient  :  //  chasse  les  dé- 
mons par  Béelzébud  leur  prince.  Ils  cher* 
chaient  à  s'emparer  de  lui,  parce  qu'il  gué* 
rissait  le  jour  du  sabt)at.  Les  pharisiens  ne 
niaient  donc  pas  ses  actions,  et  se  conten- 
taient de  blAmer  la  manière  dont  il  les  fai- 
sait. Quelques-uns  d'entre  le  peupledisaienl: 
Le  Christ f  quand  il  viendra^  pourra-tnl  bieu 
faire  plus  de  miracles  que  cet  homme  ?  Le  con* 
seil  des  grands  prêtres  et  des  pharisiens  s'ex- 
primait ainsi  :  Que  ferons-nous?  cet  homme 
fait  beaucoup  de  miracles.  Si  nous  le  laissons^ 
tous  croiront  en  lui.  Et  les  Romains  vien^ 
dront  et  prendront  notre  pays  et  ses  habitants. 
Et  Caïphe  dit  :  //  vaut  mieux  quun  homme 
meurt  que  tout  le  peuple.  Le  grand  prêtre  lui 
dit  :  Je  vous  ordonne  de  la  part  du  Dieu  vi- 
vant de  nous  dire  si  vous  êtes  le  Christ^  le 
Fils  de  Dieu. 

f  II  faut  bien  que  nous  croyions  à  ces  té- 
moignages, car  autrement  nous  ne  pouvons 
motiver  sa  i^ranJe  célébrité,  son  accusation 
et  son  crucitiement.  Hais  si  ces  témoignages 
sont  véritables,  il  s'ensuit  çpie  ce  n'est  point 
par  des  idées  révolutionnaires  qui,  du  reste, 
sont  sansinfluepce  quand  elles  ne  sont  point 
accompagnées  d'actions,  mais  parson  activité 
surhumaine,  que  Jésus  a  acquis  une  célébrité 
assez  grande  ^«our  ébranler  l'esprit  du  grand 
piètre,  à  tel  point  que  celui-ci  vint  lui  de- 
mander s'il  n  était  pas  le  Christs  le  Fils  de 
Dieu  {2i7) .  • 


"tkJ)  i/Jicerictitme  de  noire  époque  pour  sertir  d'appendice  a  Couvrage  publié  récemment  et  qut  a  pour 


«7d 


MTT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


280 


S  VI. 


{.^Orient  an  lempi  de  la  prédication  de  rEfangile.—  Rt- 
cfaûses  iDielleclaeUes  du  momie  anc|fa  ;  sesdîsposi- 
tioiis  à  réard  da  chrisUaiMsme.  —  L'A«ie  oocidentâlB 
«a  siècle  d^Aogiute. 

Un  des  auteurs  de  VEncyclopédie  noutelle 
disait,  il  y  a  quelques  années,  aui  phiioso- 
pffes  du  XTiii*  siècle  :  «  Pour  expliquer  mo- 
destement une  si  grande  anomalie  entre 
vous  et  vos  devanciers,  direz-vous  que  tous 
avez  paru  dans  un  siècle  de  lumières , 
et  que  les  fondateurs  du  christianisme 
paquirent  au  milieu  des  ténèbres?  Quoi! 
je  christianisme  précédé  par  les  écoles 
grecques,  précédé  par  Platon  et  par  Âris- 

tOte,    PRÉCÊDB    PAR    L*ESPR1T    DE    DOtTE    QVÎ 
AVAIT    DÉTRUrr  LE    P0LYTHÉ|S1|E,  IC  ChnStia* 

pismct  venant  triompher  d*Epicure  et  de 
Tacadémie  sceptique,  a  paru  dans  un  temps 
de  ténèbres  ?  Alexandrie,  Rome,  Athènes, 
)e  séjour  de  Tignoranceet  des  ténèbres  |.... 
£hl  ce  sont  ces  ténèbres  mêmes  qui  vous 
ont  en  partie  éclairés.  N*est-<;e  pas  la  Grèce 
et  Home  qui  ont  engendré,  vers  le  %y*  siè- 
cle, cette  renaissance  d'où  vous  êtes  sortis 
vous-mêmes,  qui  avez  renversé  le  chrîsiia- 
liisme?  Quels  monuments  d*une  plus  forte 
et  d'une  plus  haute  raison  avez  vous  pro- 
duits qui  effacent  les  monuments  de  Vart 
Çrec  et  de  )a  philosophie  grecque?  les  scien- 
ces oi\t  été  perfectionnées  de  votre  temps , 
mais  il  faut  convenir  que  les  anciens  les 
avaient  d^à  fort  avancées  ;  de  quelle  dé- 
couverte ne  trouve -t^on  pas  chez  eux  le 
iserme  et  le  pre^entiment? 

«  Le  christianisme  est  né  au  milieu  de 
toutes  les  lumières  concentrées  de  l'Orient, 
Ue  la  Grèce  et  de  Rome ,  et  il  a  d'abord 
vaincu  toutes  ces  lumières,  ou  plutôt  il 
$'est  servi  de  toutes  ces  lumières  pour  vain- 
cre. Examinez  ce  que  furent  les  premiers 
Pères  avant  d'être  chrétiens,  ils  avaient  été 
philosophes^.  Cje  sont  des  disciples  de  Platon 
ist  des  écoliers  de  Cicéron  qui  ont  propagé 
la  doctrine  dq  Christ  (2M).  > 

Et  c^st  dans  une  pareille  époque  qu'on  a 
Ima^né  de  placer  ce  qu'on  appelle  la  for- 
ination  de  la  mythologie  chrétienne  (2^9)  1 

Au  temps  où  fiarurepl  les  premiers  pré- 
dicateurs du  christianisme,  ce  qui  domine 
dans  (es  esprits,  c'es(  le  sarcasme  et  l'ironie, 
le  dédain  du  mond0  invisible,  la  passion 
effrénée  du  plaisir,  le  mépris  du  genre 
humain  poussé  jusqu^à  ses  dernières  exa-* 
gérations  (250).  C*est  dans  une  pareille 
situation  des  opinions  qu*oi\  est  venu  pro- 
poser au  monde  ré(range  mystère  de   la. 

iiire  :  (.a  y\e  de  Jésos,  par  Strauss,  par  G.  A.  Es- 
cHK.fMAYpR,  prafeêscur  à  Tubingue  (1855). 

(248)  Pierre  Leroux,  Encyclopédie  nouvelte,  art. 
Çhriêtianisme, 

(ii9)  c  Que  f^i^ail  donc  alors  la  science  de  TAsie- 
Mii»et|re,  de  la  Grèce  et  de  TËgypic ,  et  comment 
ll'4-l-e)ie.  pas  reconnu ,  environ  dix  liuit  cents  ans 
afiut  le  docteur  Stmuss,  que  ces  légendes  fabuleu- 
ses u*étaient  que  des  fabh^?  Cet  argument,  pour 
quiconque  connaît  Teftpril  de  la  science  de  a^Ue  épo- 
que, est  d'une  foTce  extrême,  i  (A.  Goqurrel.) 

(230)  Cf.  VwxKi  DE  luAUPAG>v,  Les  C'6«rj;— Ât.- 


crèche  et  de  la  croix.  C'est  aux  épicuriens 
(251),  successeurs  d'Horace,  que  les  prédica- 
teurs apostoliques  venaient  annoncer  la  frar 
temité  universelle,  la  mortification  des  sens, 
l'immolation  do  l'esprit  et  du  cœur.  On  ny 
veut  donc  pas  songer ,  l'ami  de  Mécène  venait 
de  mourir  et  Lucien  allait  bientAt  paraître! 

Cependant  nos  adversaires  croient  nou voir 
sortir  de  ces  inextricables  difficultés.  Nous 
accordons-,  disent-ils,  que  tel  était  Pétat  de 
l'Occident  quand  on  y  prêcha  I*Evaneile; 
mais  ce  n*est  pas  dans  le  palais  de  Séneque 
ou  dans  les  jardins  de  Néron  que  le  christia- 
nisme est  né;  c'est  au  sein  de  rOrieni 
mystique  et  visionnaire,  au  milieu  de  peu- 
ples encore  enfants  et  faciles  h\  séduire, 
qu^l  a  planté  sa  croix.  Lucien  n'était  pas 
è  Jérusalem  ou  à  Samarie  pour  y  flageller  de 
ses  amères  épigrammes  les  rêveries  de  quel- 
ques bateliers  çaliléens  (252). 

Telle  est  l'objection  sur  laauelle  on  insiste 
avec  complaisance  ;  mais  au  il  est  facile  de  la 
résoudre,  en  examinant  les  faits  avec  plus 
d'attention  I  L*Orientdo  ce  temps-là  ne  res- 
semblait en  rien  aux  sociétés  immobi/es  et 
dégradées  de  la  Haute-Âsie  et  de  TAsie  mé- 
ridionale. Les  soldats  d'Alexandre  et  de 
Rome  avaient  porté  dans  toute  la  région  oc- 
cidentale de  cette  partie  du  monde  leur 
scien<-e  et  leur  littérature.  Paul  était  riiojen 
romain,  civis  Romanus  sum  ego.  Il  citail  aux 
Athéniens  leurs  savants  et  leurs  poètes.  Il  y 
ayait  à  Jérusalem,  même  sous  les  yeux  du 
Christ  et  des  apôtres,  des  épicuriens  décla- 
rés, qui  essayaient  de  combattre  par  des  sar- 
casmes ce  qu'on  leur  disait  de  la  résurrec- 
tion (253).  La  domination  intellectuelle  do 
Rome,  comme  cela  arrive  toujours,  s^éitii 
étendue  avec  l'empire  de  ses  armes.  Pour- 
rait-on dire  que  les  vaincus  d'Àuslerlitz, 
d'iéna  et  de  Wagram  ignorassent  les  idées 
religieuses  des  soldats  de  Napoiéod  î  Ifar^, 
quand   même    il   n'en    serait  pas   ainsi , 
quand  même  on  voudrait,  par  uqe  fiction  in- 
soutenable, comparer  l'Asie  gréco-romamc 
aux  sociétés  immobiles  de  l'Asie  orientalis 
on  n'aurait  pas  beaucoup  gagné.  En  effet,  co 
n'est  pas  à  Babylone,  ce  n'est  pas  en  Perse, 
ce  n'est  pas  en  Arabie  que  l'Eglise  primitive 
fait  les  plus  grands  progrès  ;  elle  va  poser 
audacieusement  sa  tente  dans  les  cités  les 
plus  savantes,  les  plus  sceptiques,  les  plus 
remuantes,  les  plus  eançrenécs  du  monde 
romain*  C'est  à  Antioche,  a  Ephèse,  à  Alexan- 
drie, à  Athènes,  à  Corinthe,  à  Rome  entlu 
qu'elle  va  planter  aux  yeux  des  philosophes 
cette  croix  de  bois  qui  devait  changer  et  pu- 

zoG,  Histoire  de  CEifliêe^  I  ;— LÉi,4ifD,  Démonstration 
évangélique; — Dtellinger,  Origines  du  chrisliantMVur; 
— RoHRBACUER,  Histoire  nniverseUede  C  Eglise  catho^ 
tique t  IV. 

(25i)  Cf.  sur  les  doctrines  des  é))îcurii>ns  de  c<  lie 
époque  un  intéressant  article  «le  M.  Félix  Ro»ioi}, 
dans  les  Annales  de  vhitosovhie  chrétienne ,  mars 
iS5i. 

(^52)  La  Liberté  de  penser  triomphe  4c  ctrtte  diOi- 
cuiié. 

(253)  Cf.  Luc,  XX,  et  /  Cor.  xv. 


^fhumi 


MTT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MTT 


2Si 


t-«  tSMÎ^-ElailH^elà  éviter  la  lumière? 

Nl»tatioDL;L^^*men?  Etait-ce  chercher  les 

m  mùf^^^^^  etcrédules  (254)?  Est-ce 

l«*«î'y  '^^  légendes  ?  N'avons. 

if4^T^**Qedire  avecJ.-J.  Kousseaut 

«  ^^  !kÎ  ***  ^^  ***  SOCRATE,  DONT  PIR- 
Wï  «tu»    **  ^^^'"^  MOINS  ATTESTAS  QU« 

mic  tiîu**  ^*  Jâsos?  Chbwt.  » 

ffiwr"^»  avant  de  qu-itler  la  Judée, 

•™*^«^^^  surmontât 

r^®^  «WEculiés,  «  Le  christianisme, 

*""^W  M.  Coquerel,  mt  sobti  iMifé- 

^^^JJ*  W  iLDÉB,  et  s'est  avancé  triora- 

1SL  A?i    P«"Ples  païens.  Or,  la  Pa- 

""■jg  gttu  a  celte  etK)Que  comme  environ» 

pecwsagqcepaipm,^^  elle  en  rencontrait 

[^Wtfnries frontières;  d'un  côté,  la  Ju- 

SLUtui^A^^^^*  en  Egypte,  la  célèbre 
wieii A/ciandne,  avec  ses  gymnases,  ses 
'les.  «toeuse  bibliothèque;  Alexandrie, 
remp/ie  de  Juifs,  et  dont  les  relations 
^^^^f^Oi  éiaieoi  si  fréquentes  que 
etUedemère  ville  il  se  trouvait  une 
-™S^  ^/exaiidrins  ;  Alexandrie  * 
^fXi\  »  docte  connaissaient  la  mission 
ieiWttUwD  te  précurseur,  et  où  l'on  élur 
ifoi/  alOTS  piqs  qu'il  :Athènes  (255).  Vers 
/ï)a«tvVtelB<lfe  v^ojreit  l'Arabie,  où  une 
riftrûedeliiQettce  de    la  Grèce  s'était  réfu* 

UéeVÎiiitl^''^*^^^^*'^  et  de  l'oppression 
al  E€Bt^««î^^.?**^»  la  Judée  avait  à  ses 
!nnries^^^^^  ^sîe  Mineure,  presque 
r^.^  des  fûî*^   ^^    science  ;   Pergarae , 

\''*  .  i«iriiûûÎH^^AxV^«^^d«  c^"e  d'Alexan. 
il*>tt^**?SS!sû>^\^\^opâlre,  d>  être  trans^ 


^V!^lu^^0^  o>a^^mi  Paul  avait  reçu  Ten- 
^**^«rfî  ^^  ^*  jeunesse  même  de  Rome 
^  ^^itmir^»  ol  dont  les  écoles,  selon 


l^f^é  de  penser  affirme  que  chez  u8 

ils  iDftbes  se  forment  avec  une  facitiié 

fsn  bien  k  développement  de  la  my- 

iiie.  Ltf^  auditeurs  que  sâmt  Paul 

iikoM  sur  TAgora  ii*éui0|it  pis,  oe 

tf  joiriiiiie  aussi  atqpide  que  rinsmue  la 

fiktffgiiqiu.  0e  leUes  comparaisons  ne  peu- 

É«0tofMO  ga*aux  ignorants. 

,fCea  BM  ville  magnifique  que  ceue  ville 

ji'iinAxnaiE;  ville  savante,  vi|teopuleiw 

^nlato'r,  peul^^re  plus  peuplée  et  plus 

pMf  lame,  certainement  plus  commerçante, 

mûère  ti  phis  belle.  Un  songe,  di«ait>on, 

iî*«é  i  Alexandre  Padroirable  enipUet^ment 

\  /oiare.  Entre  la  mer  et  un  grand  lac, 

étekx  liaTres  magnifiques,  Tun  pour  Ten* 

e  pour  la  sortie;  commandant  ^  toute 

de  la  Méditerranée  oui  n'a  pas  d*autre 

le  firoiriontoire  de  Libye  (cap  de  Bone) 

-^;  staûon  nécessaire  sur  la  route  de 

•or  celte  de  Tlnde;  Alexandrie  lève  un 

i«  Biaaaes  de  denrées  précieuses  que  le 

_  foH  arriver  par  la  mer  Rouge;  elle  ex- 

tpiaa  leos  les  produits  de  rindasirie  égyp- 

,ii  ctabliaaeni  en  »a  laveur  une  balance  ma- 

tjor  la  supériorité  des  droits  d'entrée  sur 

'  de  sortie;  Alexandrie  est  la  capitale  de 

la  seconde  ville  du  monde.  Voyeï  main- 

t^fue^  SUT  le  Mil,  ces  bras  du  fleave  semés 

'm  <fe   lien%  de  débauche,  ces  milliers  de 

^t  qoi  imonseni  illummées,  portant  aux  joies 

iease  Canope  le  peuple  tout  entier 

1^  trafic  et  le  plaibir  leront-its  négli- 

ciuice?  VoyeA  ces  gymnases,  ces  musées, 


Strabon,  surpassaient  cellea  d'Alexandrie  et 
d'Athènes  ;  Aritioche»  ^  qui  Gicéron  rend,  en 
termes  si  forts,  dans  son  Oraison  pour  Ar- 
chias^  le  témoignage  le  plus  honorable  h 
cause  du  grand  nombre  d'nommea  instruits 
qui  y  demeuraient  ;  Antioche,  où  le  nom  de 
chrétien  commença  d'être  mis  en  usage.  Le 
christianisme,  au  sortir  de  la  Judée,  avait  à 
traverser  ces  centres  divers  de  eonnaissan* 
ces  historiques,  critiaues  et  philosophiques 
du  moment.  Il  avait  a  passer  sous  ce  con- 
trôle ;  il  avait  à  subir  ces  jugements  enta- 
chés de  f)ar(iaUté  bien  plus  que  de  faveur.  • 
Le  spirituel  et  savant  auteur  peint  ensuite, 
de  la  manière  la  plus  frappante,  le  caractère 
investigateur  et  critique  de  la  science  de 
ce  temps-là}  il  se  demande  comment  ces  es-, 
prits  inquiets  et  curieux,  si  rapprochés  des 
événements,  n'ont  pas  pu  faire  les  étonnant 
tes  découvertes  dont  Strauss  voudrait  se  faire 
honneur. 

«  En  fait  de  trésors  intellectuels,  le  monde 
était  riche.  Dans  la  philosophie,  restaient 
ouverts  à  l'investigation  tous  les  sj^stèmes 
de  la  Grèce;  toutes  les  questions  avaient  été 
soulevées;  toutes  les  notions  mises  en  avant 
ou  détruites;  toutes  les  formes  de  la  spécu- 
lation humaine  épuisées,  on  le  pouvait  croire^ 
par  une  pléiade  de  génies  supérieurs  (256). 
Dans  les  sciences,  arrêtées,  il  est  vrai,  par 
des  causes  particulières  à  l'antiquité,  que 
de  notions  pourtant  s'étaient  produites  1  que 
d'hypothèses  ingénieuses  avaient  été  avan- 
cées, de  vérités  avaient  été  atteintes  par  la 
démonstration  ou  saisies  par  la  conjecture  ! 
Dans  l'éloQuence,  que  de  grands  modèles 
et  de  granas  souvenirs  |  Et  quant  à  la  poé- 
sie, quel  souille  admirable  que  celui  qui 

ces  bibliothèques,  ces  écoles  où  la  jeunesse  de  tout 
Tempire  vient  demander  le  savair  qu*on  chcrcbaii 
autrefois  daas  Athènes.  Qans  le  palais  même  des  rois, 
une  savajite  asadémie  a  ses  conférences ,  ses  stu- 
dieuses promenades,  ses  doctes  banquets.  Plus  loin, 
sont  des  meuuinenta,  des  temples,  un  hippodrome  « 
la  nécropolis,  cité  des  morts,  est  grande  et  magnifi- 
que comme  la  cité  des  vivants  :  la  rue  la  plus  étroite 
suffit  au  passage  des  chars  ;  au  centre  de  la  ville  se 
croisent  detix  rne$,  larges  de  cent  pieds  chacune  et 
bordées  de  colonnes,  sur  une  longueur  de  six  stades 
peur  Tune,  de  trente  stades  (enviion  une  lieue  un 
quart)  peur  Taïutra.  A  tout  cela,  comparez  la  ville 
de  Romolus,  sa  populace  injocupiée,  sa  richesse  Im- 
productive, son  commerce  qui  n'a  rien  à  échang[ef 
contre  les  produits  du  dehors,  ses  constructions  ir- 
régulières,  ses  rues  étroites,  ses  faubourgs  mats^ius-, 
rencombrement,  le  âé>accord,  souvent  la  petitesse 
de  ses  monnmenis.  Par  Alexandrie,  l'inf^ijknce 
GRccQVfi  TRIOMPHAIT  EN  Egtpte  ;  elle  faisait  oublier 
k  la  fois  Rome  qui  se  tenait  è  jKin  dans  s^  défiance 
poliitgue,et  l^antique  esprit  égyptien  qui  disparais- 
sait. Les  dieux  ^recs  faisaient  la  guerre  aux  dieux 
du  pays.  (Franz  de  Champagny,  L#«  CMars^  111.  25. 
—  Cf.  aussi  Ballanche,  AUxawine^) 

(256)  c  Les  siècles  qui  nous  ont  précédés  nous 
appartiennent.  Ces  illustres  philosophes  des  temps 
passés  sont  nés  pour  nous  instruire  et  pour  nous 

Sider...  Nous  pouvons  discuter  avecSocrate,  dou- 
r  av4T  Cafnéade,  nous  reposer  avecEpîcure,  vain- 
cre la  nature  homaine  avec  les  stoïques,  la  dépasser 
avec  les  cyniques,  vivre  comme  le  monde  lui-même, 
en  communauté  avec  tous  les  siccks,  ctc.^.  i  (^t- 
^^:QUF,  De  brevitate  vitœt  U.) 


%%z 


un 


DKTIONNAIRB  APOLOGETIQDB. 


MTT 


ttl 


respirait  dans  Homj^rOv  Sophocle,  Pindare, 
expliqués  et  transmis  par  une  tradition  mm 
interrompue,  par  tout  un  sacerdoce  de  rap- 
sodes et  ^imitateurs!  Dans  les  arts,  enfin, 
la  perfection  gpec(jue  était  partout  proposée 
à  I  émulation  et  à  rélude;  on  tenait  en  main 
les  nombreux  chefs-d'œuvre  des  Phidias  et 
des  Praxitèle.  En  un  mot,  pour  nouer  la 
chaîne  desiradilions  intellectuelles,  on  n'en 
était  pas  réduit,  comme  nos  aïeux  du  xvi* 
siècle,  à  deviner  Tantiquité  sur  dos  débris 
souvent  obscurs  et  mutilés,  déterrés  après 
bien  des  Ages  et  restitués  par  une  tradition 
laborieuse  :  mais  on  connaissait  et  on  com- 
prenait, par  la  possession  pleine  et  entière 
de  leurs  œuvres,  par  la  tradition  et  lYntelli- 

f;ence  héréditaire  de  leurs  pensées,  par  la 
umineuse  auréole  d'une  gloire  sur  laquelle 
le  temps  n*avait  jeté  aucun  nuage,  —dans 
la  philosophie  et  dans  la  science,  Pythagore, 
Platon,  Aristole,  —  dans  l'éloquence,  Cicé- 
pon  et  Démosthènes,  —  dans  la  poésie,  Ho- 
mère et  Virdle, -^dans  les  arts,  Phidias^ 
Ictinus,  Zeuxis  (357).  » 

LVgueil  qu'inspirait  aux  intelligences 
cette  haute  culture  intellectuelle  et  artisti- 
que les  disposait  à  juger  avec  une  très-grand^ 
malveillance  le  christianisme  naissant. 

«  Le  constant  reproche  adressé  par  le  po- 
lythéisme savant  et  par  la  philosophie  or- 
gueilleuse aux  premiers  chrétiens,  c'était  la 
profonde  ignorance  dont  ils  semblaient  tirer 
vanité,  et  le  mépris  que  professait  «  cette 
«  secte  étrange  pour  les  produits  de  Tari  et  de 
«  la  science  des  Hellènes.  »  Au  point  de  vue 
de  la  philosophie  pt  de  la  belle  littérature, 
Tantiquité  gréco-romaine  était  parvenue  à 
un  degré  de  noble  raffinement  qu'aucune 
^tude  nouvelle  ne  pouvait  égaler  et  encore 
moins  surpasser.  Si  les  arts  avaient  enfanté 
la  Vénus  de  Praxitèle,  le  Laoooon  respirant 
la  douleur  sous  le  marbre,  ou  l'Apollon 
Pythien  aux  formes  accomplies,  les  lettres 
vivaient  donné  Homère,  Virgile,  Horace,  Ci- 
céron,  et  la  pléiade  de  poètes,  d'historiens, 
de  moralistes  da  grand  siècle  d'Auguste, 
JLes  élèves  et  içs  fils  d'une  littérature  si 
livancée  devaient  paturelleqaent  railler  n  ces 
pauvres  d'esprit,  dont  I9  prétention  était  de 
changer  les  lois  éternelles  du  monde,  9  Les 
premiers  chrétiens  eux-mêmes,  loin  de  se 
poser  comme  des  philosophes  et  des  lettrés, 
mettaient  pour  ainsi  dire  leur  soin  na'if  à  se 
séparer  des  jouissances  de  l'esprit  comme  de 
celles  de  la  chair,  afin  d'acquérir  le  royaume 
céleste,  sj  en  dehors  des  espérances  et  des 
idées  polythéistes.  Ils  enveloppaient  dans  le 
même  mépris  jes  chefs-d'œuvre  de  l'art  et 
les  merveilles  de  l'intelligencei  à  leurs  yeux 
inspirés  par  le  démon. 

«  Les  écrits  primitifs  des  chrétiens,  les 
Evangiles  et  les  Actes  des  apôtres  son( 
d'une  divine  simplicité ,  d'une  beauté  in- 
comparable; comf)Osés  en  hébreu,  e|i  grec..., 
co  sont  de  pieuses  chroniques,  d'admira-i 
blés  récits  qui  se  sé|)arent  d'une  manière 

(257)  FiUMz  D«  Ci^aPiCHT,  Us  Césars,  IV,  131- 


absolue  des  formes  élésantei  et  des  grâces 
de  l'esprit,   si  remarquées  parmi   les  pro- 
ductions de  l'antiquité.  Les  paraboles  évan- 
géliques,  qui  s'enveloppent  de  poésie  bi- 
blique et  de  la  pompe  orientale  sont,  pour 
les  sujets  et  le  style,  d'une  naïveté  si  tou- 
chante qu'elles  pouvaient  et  devaient  être 
dédaignées  par  les  écoles  superbesde  laGrèce 
et  de  Rome.  La  génération  du  siècle  d*Au> 
guste  jusqu'à  Nerva,  arrivée  aux  dernières 
et  srandes  limites  de  la  philosophie,  de  h 
poésie  et  de  l'histoire,  devait  sourire  à  (»s 
pastorales  de  la  Syrie  et  de  la  Palestioe,  ^^\ 
se  ressentent  de  la  vie  et  de  la  profession 
première   de  .leurs   auteurs.    Les    épitres 
apostoliques   adressées  aux  fidèles    de  la 
communauté  chrétienne,  ne  sont  que  des 
traités  de  discipline  et  de  morale  k  Vus»^e 
exclusif  d'une  secte  presque  inconnue  ;  il  r 
règne  une  douceur  inaltérable,  une  majesté 

frave  et  sévère,  mais  les  érudits  qoi  oai 
tudié  la  littérature  augustale,  doivent  ny 
connaître  que  le  monde  polythéiste  ne  pou- 
vait admirer  ces  divines  épttres  qui,  è  ses 
yeux,  égalaient  à  peine  les  lettres  de  Cicé- 
roq  à  Atticus  et  la  correspondance  spiri- 
tuelle et  sérieuse  de  Pline  le  Jeune.  Si  l'A- 
pocalypse faisait  entrer  la  doctrine  chré-* 
tienne  dans  une  atmosphère  de  prophéties 
et  de  prédictions  mystiques,  Rome  sensua^^ 
liste  se  préoccupait  peu  de  ces  allégories 
sombres  et  fatales  qu  elle  reléguait  arec  /es 
livres  sibyllins,  si  poétiquement  traduits  ou 
interprétés   par    Virgile    au    x*  Uvre   de 
VEnAde. 

«  Ainsi  aucune  production  littéraire  du 
christianisme  primitif  ne  pouvait  exercvr 
un  grand  prestige  sur  le  monde  |>oh- 
théiste,  sinerde  son  intelligence  el  de  m 
philosophie.  Le  siècle  d'Auguste  a^vail  lou-. 
ché  les  dernières  limites  de  TesprU  hymai/i  : 

3 ui  oserait  le  dépasser?  Que  les  habitsuis 
e  la  Judée,  de  la  Syrie,  d'Antiocbe  ou 
d'Alexandrie,  pussent  admirer  les  formes 
d'un  style  qui  empruntait  ses  images  audé* 
sert  et  à  la  vie  pastorale,  cela  se  conçoU; 
mais  les  écoles  de  la  Grèce  et  de  Rome 
avaient  des  traditions  littéraires  d'une  au- 
tre importance ,  tout  entières  ^çcueiilie^ 
dans  les  riantes  çt  riches  émotions  du  i^Sj^a- 
nisme  (258). 

«  J'ai  déjà  fait   connaître  les    diverses 
nuances  de  la  philosophie  ancienne  depuis 
les  pythagoriciens,  les  disciples  d'ArisVoVi  e^ 
dePjaton,  jusqu'aux  stoïciens,quidominaîenl 
les  derniers  temps  de  la  société  romaine.  A 
quelques  nuances  spéculatives  ou  pra|î<{ues 
queces  systèmes  pussent  appartenir,  tous  re- 
poussaient également  les  principes  et  les  m  vs- 
tèresdecette  fraction  dujudalismeagenouilîée 
devant  la  croix  )  les  uns  s'en  raillaient  avoc 
nn  esprit  orgueilleux,   les  autres  les  exa- 
minaient avec  indignation  et  colère.  Tous 
repoussaient,  comme  d'étranges  nouveau- 
tés, le  dogme  delarésurrectiondelachair..., 
la  rédemption  des  péchés,  rincarnation,  cet 

(258)  Capcfigue  ,  Les  quatre  premiers  sièdeë  de 
r^j/fse  chrétienne^  11,  t-i. 


^\Hi 


MYT  DICTlONNÀiRB  APOLOGETIQUE. 

**|Mi^^  ^'fv^lation  enseignée  qui  fai- 
•Wi\.i»Y*Ç  fondement  du  christianis- 
■*^ SI  fJ^le  d'Alexandrie,  si  bienveil- 

^4oJ^?,P^ttr  toutes  les  doctrines,  et 

?fe  ei  u.  '*  mission  d'en  eflfacer  les  as?- 


MYT 


«se 


^«îDeiJl^niradictions,  dans  son  syn- 

âigDdfiçQ^^^nt,  n'aurait  pas  eu  lam^me 
!>»e,  k  j^P^^r  le  dogme  chrétien,  si  ce 
-  •^ïûel(|J**^^f»  avait  consenti  às*assi- 
ées  néopûi  ^^nes  ^^^  maximes  capitales 
point,  la  ^^û»ciens  (260).  Mais  ,  sur  ce 
absolue,  1^  ^."KHAnce  des  évangélistes  était 
dogtùt  è  p^J^'^tianisme  n'admettait  pas  un 

ii/ewûrff/ik       ^^  ^^^^  •  *'  repoussait  les 
«îinwb,  9f  ^^^B^e  les  stoïciens  ou  les  épi- 
tf'Oiimènt  ifT  ^^  même  ténacité.  De  là  ce 
ffiiié  du  Ti^     *'  ^^  haine  que  la  philoso- 

iJt^yt^  hostilité  que  cette  philoso- 
;'.'f;^™7rfme  flïçon  générale,  avec  les 
'•^  n  J^!i°?'^K*que  érudite  et  railleuse, 
^'  f?"v!,^^-^  («eS),  qui  appartenait  à  la 
vs  ;iîile  écofe  (/tf  -Platon  et  d'Epicure;  son 
Jfif(9uri  mtùti^  (263)  est  un  manifeste 
j^nde  ^w^w  et  ^'psprit  contre  Tensei- 
««vDftûlo'f*"^^  cl^ussoïi  ensemble  et  ses 


ih 


t-*i 


^îui\\5' '^  J*^^  ■"<'6  avec  hardiesse  les 
a.tti!ictt<»«^«*^^  Planisme,  son  origine  et 

J.n4i^*«^J?^  •  ^'«bord  il  le  preqd  au 
!!Jnld«'^l?7^^^e,  à  sa  formation  prir 
J^?-;,il5«t^^iv^ifen  scène  pour  atia- 
^^  ifijlotf!^-  ^^damentpux  et  Tensej- 
^^^î*tStonfî^*\^^  ;  il  déclure  avep  dédain 
^c^*  ijkû^^\Tie  sont  que  les  apostats  de 
^ft^jipP^'  "^^ofendément  instruit  dans 

«  2^*^  ^^^'^'*^™^'  ^^'^^  réfute,  avec  Ip 
fb^  jes  ^^^^®5i  les  nouveautés  annon- 
ii<<^  l'Etanjçile,  et  conteste  surtout  l(i 
rfj^jide  la  révélation  messianique  (26i). 
^^J^secooaot  le  vêtement  grossier  du 
^cèse  tfCl^que  à  la  fois  le  christianisme 
^SiDOMjisaDe  comme  deux  branches  du 
Zftéârîire  mythologique  né  sur  le  sol  ar- 
ijfitde  la  Perse  et  de  l'Inde,  Celse,  en  cri- 

rie  Mbile  des  choses  historiques,  compare 
ails*  les  assertions,  les  apprécie  et  les 
kte  Vime  par  l'autre.  Son  but  est  do  met- 
ea  opposition  le  Christ,  saint   Piefre, 
\t  Pâuf,  d'attaquer  le  supernaturalisme 
«/.Aires,  il  veut  démontrer  que  l'action 
i/iD/aqne  était  commune  aux  néoplalo- 
eas  et  que  d'autres  que  Jésus  avaient 
i4e$  fliincles  et  commandé  4ux  esprits» 

fDI»  <  Le»  formules  niènips  du  stoïcisme  sont 
ni  celles  d*une  profonde  ii  différence  sur 
de  la  TÎe  future.  Séuéque  ajoute  :  c  Nec 
lioTrebimoi  o^c  deos  ;  rcunus  lonriem  ma- 
I  este,  deos  malos  non  esse  ;  »  d*où  le  phi- 
condot  qqUI  ne  fjiut  ni  culte  ^\  temple.  (S£- 
r.  ùe  èeaelicUM.) 
V«0>  c  CeUe  fusion  de  doctrines,  Alexandre*Sé- 
R  avati  cherché  ii  l'accomplir  en  acceptant  le 
rWHt  p^rmï  les  dieux  de  rOlympe  placés  d^ns  son 
i^«imre  fvrif é.  i 

'^i  )  Il  ne  faut  donc  pas  sVlonner  si  le  cbngtia* 
•••^  f«i  M  iâîeusement  examiné. 

)^>  t  Celse  était  un  diseij»le  d*Amraoniu8,  et  vî- 
«•■I.  par  oNifléqu«'nl,  au  milieu  du  u'  sièck.  > 
•>  >}  «  JIÔ70C  «>99«f,  Ici  est  le  titre  dts  vieux  ma* 


Ce  manifeste,  d'une  certaine  portée,  produi- 
sit un  grand  effet  au  milieu  du  monde  po^ 
iytéiste,  qui  craignait  tant  le  christianisme 
et  ses  progrès.  Celse  avait  la  renommée  d'un 
philosophe  et  d'un  érudit;  maniant  l'ironie 
avec  habileté,  les  Grecs,  pour  lesquels  il 
écrivait,  aimaient  ses  ouvrages,  et  ce  fut  un 
rire  universel  contre  les  Evangiles,  quand 
le  discours  de  Celse  se  répandit  parmi  les 
polythéistes  (265).  On  crut  la  Ibi  nouvelle 
mortellement  atteinte  nar  un  livre  de  celte 
portée,  qui  eut  une  punlicité  immense. 

et  Lucien,  de  l'école  épicurienne,  s'était 
aussi  posé  au  milieu  de  ses  contemporains 
comme  un  çrand  railleur  de  croyance  (266). 
Nulle  tradition,  nulle  foi  respectable  n'6* 
taient  h  l'abri  de  son  dédain;  peu  de  coutu-» 
mes  échappaient  à  sa  verve  moqueuse,  et 
ses  Dta/oj)^««  si  pétillants  d'esprit  racontent 
les  travers  de  ses  contemporains,  les  folles 
fêtes  des  courtisanes,  les  iectet  à  reneav^ 
Jupiter  eonfondUf  les  aventures  de  râne^  con« 
tes  licencieux  en  rapport  avec  les  mœurs  de 
la  société  grecque  et  romaine,  Tout  un  récit 
de  Lucien  est  consacré  aux  aventures  d'un 
philosophe  du  nom  de  Pérégrinus,  grand 
coureur  de  doctrines.  Après  avoir  essayé 
de  toutes  les  Initiations,  le  cynique  adopta 
la  foi  nouvelle  r  «  Ce  futè  cette  époque,  dit 
«  Lucien,  qu'il  apprit  le  secret  admirable  de 
«  la  reliffion  des  chrétiens,  en  s'associant  en 
%  Palestine  h  leurs  prêtres  etk  leurs  docteurs. 
f  Cea  malheureux  (les  chrétiens)  sont  forte-> 
et  ment  persuadés  qu^ls  jouirr>iit  un  jour 
«  d'une  vie  immortelle,  et  ils  courent  eux-t 
c  mêmes  s'ex()Oser  à  la  mort  et  au  supplice  ; 
«  leurpremierlégislateurleura  mis  gif  têtu 
«  qu'ils  sont  TOUS  frèrbs  (267);  ils  rejettent 
«  constamment  le  dieu  des  Grecs  et  n'adorent 
f  que  le  sophiste  crucifié  ;  ils  règlent  leurs 
«  mœurs  et  leur  conduite  sur  ses  lois,  mépri- 
«  saiit  les  biens  de  ce  monde,  et  mettant  en 
ff  commun  ce  qu'ils  possèdent.»  Ce  récit  de 
Lucien  est  d'autant  plus  précieux  qu'il  cens-? 
tate  toutes  les  vertus,  toutes  les  grandeurs 
de  la  vie  chrétienne}  ce  que  raille  le  philo<« 
sophe  est  précisément  ce  qui  élève  si  haut 
la  doctrine  nouvelle,  la  fraternité,  le  mut 
tualisnie.  Lucien  raconte  comment  Péréjçri- 
nus,  associé  k  celte  croyance,  fut  jeté  dans 
les  fers,  et  ici  se  rattache  un  récit  curieux 
sur  l'empressement  des  fidèles  autour  des 
captif^  et  des  confesseurs  de  la  foi.  «  Dès  I4 
«  matin  on  voyait  rangés  autour  d^  la  prison 

nuscrîia  et  celui  qiradoptent  les  copiroenta leurs.  > 
(i6i)  f  Au  reste,  Touvrage  de  Celse  ne  nous  est 
connu  que  par  les  fragments  qu*a  publiés  Origène, 
mais  ces  fragments  sont  textuels.  > 

(265)  On  peut  juger  maintenant 'si  le  polytht^isme 
était  décidé  à  subir  sans  coiitréle  tous  les  myt/ies 
chrétiens,  comme  La  Liberté  de  penter  n'a  pus  rougi 
de  Taflirmer. 

(266)  c  Lai  meilleure  édition  des  œuvres  de  Lu- 
cien est  celle  qui  a  été  publiée  à  Halle,  par  Schneider 
(1800).  Lucien  était  né  à  Samosaie,  mais  on  ignoie 
précisément  la  date  de  sa  naissance.  On  sait  la 
renommée  collégiale  de  ses  dialogues.  » 

(267)  On  voit  comme  le  rationalisme  éult  disposé 
&  recevoir  le  dogme  de  la  fraternité  humaine. 


287 


HTT 


DICTIOJrNAlRfc  APOLOGETIQUE. 


HYT 


m 


«  une  foule  de  vieilles  femmes,  d*bomraes  et 
«I  d'enfants  orphelins;  lesprincipaax  chefs  de 
«  la  secte  passaient  la  nuit  auprès  d'eux,  après 
«  avoir  corrompu  les  geôliers  et  apportant 
c  desalinientsdelouteespèce,  et,  de  concert» 
«  ils  célébraient  leurs  mystères.»  Le  philo- 
sophe Lucien  rappelle  ain£«i  une  des  plus 
belles  scènes  de  la  vie  des  martyrs,  ce  dé- 
vouement fraterneJ  de  tous  pour  un,  cette 
existence  en  commun,  qui  des  catacombes 
allaient  aboutir  aux  fers  de  la  captivité  et 
au  cirque  sanglant. 

«  Dans  le  dialogue  non  moins  curieux  du 
Phihpatrist  ou  du  catéchumène,  Lucien 
revient  encore  sur  las  dogmes  chrétiens  et 
spécialement  sur  la  Trinité  (268),  à  laquelle 
il  fait  allusion  :  «  Par  quoi  veux-tu  que  je  ju- 
«c  re  ?  Est-ce  par  le  Père  céleste  tout-puissant, 
«  par  le  Fils  issu  du  Père,  par  leSaînt-Ésprit 
«  procédant  du  Père,  un  en  trois  et  trois  en 
ff  un?  Il  ne  faut  pas  divulguerce mystère»  et 
M  je  t*iip[irendrai,  si  tu  veux^  ce  que  c'est  que 
«  cet  univers,  comnient  et  par  qui  il  a  été 
«  formé,  ainsi quemeTaenseigué le Galiléen, 
f  qui  a  été  ravi  au  troisième  ciel,  où  il  a 
«  Appris  des  choses  merveilleuses;  carj*étais 
«comme  toi  avant  mon  initiation,  il  m'a 
«  renouvelé  par  le  baptême  6t  m'a  racheté  des 
«  enfers  pour  me  mettre  dans  le  diemin  des 
«  bienbeureux(269).»Ainsi6'exprimeLucien. 
11  résulte  de  ce  curieux  passage,  assez  con* 
forme  au  dogme,  c|ue,des  l'origine  de  l'en- 
seignement, le  principe  de  la  Trinité  était 
si  complètement  admis  dans  l'Eglise  ortho- 
doxe qu*un  polythéiste  railleur  pouvait  l'ex- 
pliquer dans  une  de  ses  satires  moqueuses. 
Philosophe  épicurien,  Lucien  ne  comprend 
pas  aussi  les  macérations  et  les  austérités  de 
la  vie  chrétienne,  qui  s'impose  les  douleurs, 
les  ieûaes,  les  privations  volontaires  r  «  Les 
«k  voyez-vous  pâles,  décharnés,  courbés  vers 
«  la  terre;  ils  ne  se  plaisent  qu'à  s'entretenir 
«  de  nouvelles  fâcheuses:  d pauvres malheu- 
«  reux,  n*élcvez  pas  trop  haut  la  parole,  de 
«  peur  d*irritor  les  lions  qui  ne  respirent  que 
«  le  sang  et  le  carnaee  (270j.  Je  ne  dois  pas 
ff  omettre  de  parler  des  jeunes  chrétiennes 
f  qui  passent  les naitsàchanterdes hymnes.» 

«  Sous  les  apparences  d'injures  et  d'accu- 
sations, il  y  a  ici  Téloge  de  la  constance  et 
du  dévouement  des  chrétiens  :  au  point  de 
vue  sensualiste,  les  Epicuriens  ne  pouvaient 
jusUQer  des  malheureux  assez  pauvres  d'es- 

(Ws)  c  Haet  ne  croit  pas  que  cet  ouvrage  soii  de 
Lucien  ;  mais  Fabrioîus  le  restitue  î^  son  auteur  vé- 
ritable. Voyez  Tarticle  très-remarquable  de  M.  Ik>isT 
sonade  sur  Lucien  dans  la  Biographie  univenelle  de 
M.  Micliaud.  I 

(S69)  c  Ce  passade  de  Lucien  dans  son  Philopatri$ 
suppose  une  véritable  étude  de  la  foi  et  du  dogme 
chrétien  parmi  les  philosophes  des  écoles  coniein- 
poraines.  Us  en  étaient  trèi-préoccuv4M  comme  tVun 
fait  nouveau  et  puiuant,  i 

(270)  c  II  fait  ici  allusion  aux  martyrs  ;  épicurien 
et  sensualiste,  il  ne  peut  comprendre  ce  dévouement 
à  une  idée.  Il  vivait  dans  la  période  de  Trajan  à 
Adrien,  temps  où  la  persccuUon  populaire  poursui- 
vait les  chrétiens  dans  toute  sa  force,  > 

(271)  c  Ndiil  aliud  iuveni  quam  supersiitionem 
piavam  et  iuimudicam,  ne<}ue  eutm  ci  vitales  t;^u- 


prit  pour  se  condamner  à  des  souffrances 
volontaires  et  à  la  mort,  h  cause  de  certaines 
doctrines  spirituelles  qui  n'ajoutaient  rien 
aux  jouissances  de  la  vie.  La  philosophie  et 
la  politique  du  Tieux  monde  formulaient 
des  griefs  plus  irrités  et  plus  graves  contre 
les  chrétiens  :  «  Je  ii>i  rien  trouvé  ,  dit 
a  Pline,  aue  les  sectateurs  d'une  superstition 
V  nouvel  le,  dépravée,  imraoade;  eileanon- 
«  seulement  envahi  la  citéf  mais  encore  cette 
a  contafçipn  a  atteint  les  bourgs,  les  villages; 
«  la  religion  barbare,  étrangère  (271  )  aime 
a  les  ténèbres  et  fuit  la  lumière  (272).  » 

c  Embrassons  d*un  seul  coup  d*Œil  toute 
la  partie  du  monde  oriental  qui  nous   reste 
à   parcourir,  depuis  Péluse  et  les   sables 
d'Arabie  jnsqu*aux  sources  de  TEuphrate  et 
aux  rives  du  Pont-Euxin.  C*est  la  qne  se 
sont  accomplies    )es    grandes  résolutions 
asiatiques,  que  les  empires  ont  passé  les 
uns  par-dessus  les  autres,  que  les    races 
superi)osées  se  touchent  et  se  confondent. 
Là  trônent,  dans  les  rochers  du  Liban  ou 
dans  Ta  rêne  du  désert,  toute  une  fourmilière 
de  souverains  obscurs,  tétrarques,  plirlar- 
ques,  dynasles  ;  tremblants  vassaux,  qui  se 
taisent  et  se  retirent  modestement  à  la  voii 
d'un  proconsul  (273).  Là  vous  rencontrcrex 
et  la  cité  de  David,  la  ville,  dit  Pline,  la 
plus  célèbre  de  l'Orient  (27i);  et  Tyr  la 
phénicienne,  jadis  si  puissante,  aujourd'hui 
jobscur  atelier  où  Rome  fait  iàhnquer  la 
pourpre  de  ses  consuls.;  et  Palmyre,  k  ville 
de  Salomoti,  cette  perle  jetée  dans  le  sable 
du  désert,  station  commerciale  entre  Vln^^ 
et  TAsie,  royaume  flottant  entre  le  Romain 
et  le  Parlhe,  cause  de  plus  d'une  guerre 
{275).  Autiocho,  Séleucie,  Laodicëe»    ce\t 
A13TRES  VII.LES  oBEcpUES  ,(276)  sout  nées  fie 
l'invasion  macédonienne^  Et  enfin  cent  qua- 
tre-vingt-seize peuples  celtes,  si  Pline  les  a 
bien  comptés  (x77}j  à  la  suite  de  Ywuptiou 
4e  Brennus,  Oiit  fondé  dans  le  centre  Je 
l*Asie  Mineure  la  république  des  Galates. 

«  Hais  par-dessus  l'antiqle  Orie!(t,  i^ 
conquête  macéponienne  et  la  civilisation 

GRECQUE  ONT  DÉBOROi.  LcS  diCUX  greCS  SOHl 

partout  auprès  des  dieux  antiques,  coufon* 
dus  sans  répugnance  ou  séparés  sans  être 
ennemis.  Le  grec  se  parle  dans  les  villes: 

LES  RHETEURS,  LES  PHI|<OSOPHES,  LES  ÉCRf* 
VAINS  ORECS  AEONUENT  PARMI  LES  F|LS  DE  CES 

CITÉS  ASIATIQUES  (278).  Tarse  enseigne  à  t*0- 

tum,  sed  vices  etîam  atqne  agros  soperstîtioRÎs  %si«u& 
contagio  pervagau  est,  i  Ainsi  s'exprime  Pline  avec 
une  sorte  dloquiétude  philosophique. 

(272)  Capefigue,  Les  quatre  premiers  %iècle^  de 
Vtgltse  chrétienne,  I,  218-925. 

(273)  €  Les  cinq  rois  de  Comagène,  d^Emisénle^ 
de  la  petlle  Arménie,  du  Pont  et  de  Ghalcide,  réunis^ 
en  présence  du  gouverneur  de  Syrie,  se  reUrem  nttr 
Tordre  qu^il  leur  donne,  »  (JostinB,  Ànt.jud.^  is.ix, 
8.) 

(274)  '  Longe  clarissîma  urbinm  Orieitiis  ,  ut^ 
Judseie  modo,  i  (Pline,  Hist.  nat,^  v,  14.) 

(275)  Ibidem,  v,  25. 

(276)  L*Asie  Mineure  n*étaît  donc  pas  an  Eempi 
d* Auguste  un  pays  de  t^auvagcs  abrutis. 

(277)  tttst.  nal.,  52. 

(278)  Tous  cç»  lUits  prouvent  lo  caractère   f^u 


i 

(ii 
I 


MTT  DICTIONNAIRE  Al^OLOGETIQÙE. 

ies  sciences  ellâ  littérature  hellénique 


UYt 


SM 


.allez  pi  as  loin;  Toastrouyerez  la 

;  Qua  pas  la  Gi-dee  de  M iltiade  et  de 

«triste  et  languissante  comme  on  la 

k  Xthèaes  «  sensuelle  et  déshonorée 

on  la  rencontre  à  Corinihe  ;  mais 

(rèce  d'Homère,  la  Grèce  asiatique,  suare, 

iine,  ricbe,  souriante,  sans  prélention 

pusuDce  ni  de  liberté.  La  Troade^  terre 

'  desÂants  homériques  ;  Tlonie,  Téri- 

UTOHudtt  génie  grec;  en  un  root, 

ImU  celte  cAte  occidentale  de  TAsie  Mi- 
.  acwMlqNiis  la  Propontide  jusqu'à  la  pointe 

Kaleske  de  Rnodes;  c'est  là  aujour- 
niiGrtoî  féri table,  et  une  des  plus  ma- 
griigoes portions  de  l'empire  romain.  Les 
«rioBs  iderreui  de  la  Thessalie,  les  arides 
txda  Céphise  sont  bien  tristes  main* 
loue  le  génie  et  la  gloire  les  abandon- 
us  ici,  sur  ce  long  riYage  où  la  mer 
t  dosuié  tant  de  golfes  et  tant  de  ports  ; 
AttieesUtô  riches  et  glorieuses  de  Rhodes^ 
d€  Qtt,  de  Lesbos  ;  près  de  ces  beaux 
Oe^m  qui,  dans  leurs  méandres  infmis, 
pnNDteit  STec  eux  une  f\ra!cheur  et  une 
«ibotthm  de  Tfeétation  que  la  Grèce  ne 
contfKfii|<M];aIaTue  de  ces  magnifi* 
4^  HW  de  ces  horizons  à  la  fois  sua-^ 
^ftÊ  et  pmm  que  ne  saurait  deriner 
/libfttottfooord,  qui  peut  demander  quel" 
^oeeôwdeplosl  qui  peut  avoir  besoin 
emcôte  dïadéjîendance ,  de  gloire  ou  de  gé- 
«ief 

t  Aussi,  jif  celte  terre  facile  à  gourernerf 

les  m  (fe  Perse  ont -ils  été  salués  comme 

f^àesm)  la  domination  macédonienne 

M/ i  pis  tmuYé  de  rebelles;  et  un  procon- 

*>l«  tfn  oaelqaes  esclayes  armés  de  fais* 

JWt  et  de  haches  inutiles,  sans  une  co-* 

Mn^voQs un  soldat,  est  le  souverain  aisé- 

mtpté  de  cette  Asie  Uineure  où  cinq 

nllesi  selon  Josèphe  (281),  fleurissent 

^le sceptre  romain.  Ces  peuples,  en  eSètf 

JOni  pas  d'intraitables  Doriens,  des  Spar- 

"^  6/oache$  ;  ce  sont  des  ioniens^  race 

spiriiutilef  plus  sensible,  plus  appli- 

rOoios énergique  et  moins  guerrière; 

démocratique,  oui  fait  bon  marché  de 

^trié  pour  régalitéi  et  du  patriotisme 

italique  des  anciennes  cités  pour  quel- 

drose  comme  la  liberté  intérieure,  le 

iTement  commercial,  le  bien-être  indus- 

i<ie$  cités  modernes. 

jCesentiment  démocratiaue  et  cette  in^ 
financière  caractérisent  la  race 
foe^i  laquelle  ont  appartenu  et  la  riche 
*f  et  la  sage  Marseille,  et  la  commer- 
ithèoes.  Les  institutions  de  toutes  ces 
ont  une  base  commune  ;  elles  repou^ 

ém  pariraSi  que  La  Hbirté  de  penur  fatt  de 
au  temps  de  la  prédicatioii  eliré- 


I)  H'aridioiis  pas  que  Tarse  est  la  patrie  da 

Ap4cre« 

)  c  Atia  aaMena  et  féconda,  i  (Tacite,  Germi^ 

aassl  AiiM.,lii.  7.) 
i)  Joianc,  ik  belh,  n,  16. 
:j  Celle  libcnéde  discustioa  en  lootes  chose» 


Jmftt 


sent  ce  patriotisme  aristocratique  qui,  dans 
les  cités  doriennes,  organise  l'Etat  seule- 
ment pour  la  guerre.  Elles  honorent  le  com- 
merce; elles  excitent  le  sentiment  démocra- 
tique; elles  promettent  tout  à  tous  (282), 
système  excellent  lorsqu'il  ne  conduit  pas  à 
la  ruine.  Cicéron,  lui  Komaini  s*indigne  de 
Yoir,  à  Tralles  et  à  Pergame,  le  simple  ar- 
tisan, le  cordonnier^  se  mêler  aux  délibéra- 
tions publiques  (283).  Mais,  en  même  temps, 
Cicéron  nous  fait  comprendre  rhabileteii- 
nancière  de  ces  villes^  qui  savent  se  passer 
de  trésors  et  de  riches  domaines;  elles  lè- 
Tent  des  imuôts  et  elles  empruntent  (28^)  : 
c'est  toute  1  économie  financière  des  Etats 
modernes  opposée  à  celle  de  Tantiquité. 

«  Aussi  cette  province  d'Asie  regorgeait 
d^  richesses  [285).  Foulée  tour  à  tour  par 
Home  et  par  Mithridate,  par  les  légions  el 

Eir  les  publicains,  après  avoir  payé  ans 
omains  jusqu'à  12,000  talents  (environ  69 
millions),  elle  demeurait  encore  la  plus  opu-* 
lente  province  que  possédât  la  république^ 
et  seule  accroissait  le  trésor,  quand  les  au- 
tres ne  faisaient  que  payer  leur  défense  (286)4 
L'Asie  était  le  grand  atelier,  comme  Alexan- 
drie le  ^rand  entrepôt  de  l'empire.  Par  Dé- 
los,  station  du  commerce  entre  l'Europe  el 
l'Asie,  arrivaient  à  Rome,  à  Tltalie,  à  toaf 
l'Occident,  les  étoffes  de  laine  de  Milet,  les^ 
fers  ciselés  de  Cibyraf  les  tapis  de  Laodicée^ 
les  vins  de  Chio  et  de  Lesbos. 

<  Ces  villesi  asservies  par  le  droit  de  la 
conquête,  demeuraient  libres  par  le  fait  de 
leur  richesse.  Smjrme^  Ephèse,  TraUcs,  sou- 
veraines chacune  de  plusieurs  bourgs  el 
commandant  à  tout  un  pays,  étaient  comme 
les  villes  anséatiques  de  Tlouie.  Les  deux 
fédérations  carienne  et  lycienne,  avec  leur» 
bourgades,  leurs  députés,  leurs  assemblée» 
communes,  nous  rappellent  l'indépendance 
des  Suisses  au  moyen  Aae  ;  et  dans  leur» 
réunions  délibérantes  où  (%aque  ville,  selon 
son  importance,  envoyait  un  ou  piusieur» 
mandaûires,  nous  trouvons  un  exemple  de 
ces  formes  que,  sous  le  nom  de  gouverne^ 
ment  représentatif,  notre  siècle  se  flatte 
d'avoir  inventées.  Enfin,  aux  deux  extrémi- 
tés de  cette  province  d'Asie,  deux  cités  ma*- 
ritimes,  filles  d'une  autre  race,  plus  aristo^ 
cratiqnes  et  plus  nationales,  par  suite  plus 
suspectes  aux  Romains,  Rhodes  et  Cvzique, 
l'une  sur  son  rocher  au  milieu  de  la  mer, 
l'autre  dans  une  lie  de  la  Propontide  jointe 
par  un  pont  à  la  terre  ferme  ;  ces  deux  villes 
des  eaux  nous  représentent  Venise.  Rho<^ 
des  surtout  est  vovageuse,  navigatrice^  con* 
quérante  comme  Venise  s  gouvernée  comme 
elle  par  une  aristocratie  à  la  fois  marchande 
et  nobiliaire»  elle  fertne  au  peuple  ses  arse- 

proove  qoe  le  chrittlanisme  était  discalé  atae  une 
enilèra  indépendance. 

(285)  Ckéror,  Pro  Fiaceo,  6. 
(284)  CicArom,  Fro  Fiaeco^  7,  8. 

(185)  Cicéron,  Pto  iêge  Mamliû^  7;  Pro  Rëkwht 
et  Vexoellent  chapitre  de  M.  Deuvalu,  Egêuamig 
poUti/fue^  IV,  it. 

(286)  QcÉRON,  Pro  Ufe  MnnHia,  6. 


295 


MYT 


DICTIOXNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


Î96 


Oa  sait  que  c  est  à  propos  de  la  naissance 
des  grands  hommes  que  l'esprit  poétique 
des  peuples  enfants  déreloppe  toutes  ses 
ressources  d'imagination.  Cependant  il  ne 
faut  pas  oublier  que  les  fleurs  légendaires, 
dont  on  a  couronné  le  berceau  des  héros» 
rappellent  toujours  la  nature  du  sol  qui  les 
Vit  naître.  Toute  la  tendance  des  raylliolo- 
gies  grecques,  bouddhistes,  chinoises  et  in- 
diennes,' se  révèle  dans  les  naissances  do 
Persée,  de  Bacchus^  d'Apollon,  de  8akia- 
Mouni ,  de  Lao-Tseu,  de  Vichnou,  de 
Krichna.  Ce  fait  est  admis  de  tous  les  sa- 
vants, et  n^a  pas  besoin  àe  démonstration. 
B*il  en  est  ainsi,  si  Tincarnation  du  Christ 
avait  été  imaginée  par  l*esprit  populaire»  elle 
devrait  aVoif  un  caractère  essentiellement 
Judaïque,  h  moins  qu*on  ne  prouve  que  ce 
mythe  prétendu  est  une  importation  étran- 
gère. Or,  qui  s*avisera  de  dire  que  ce  sont 
les  Yoguis  de  Tinde  ou  les  prêtres  de  Boud- 
dha qui  ont  inventé  la  naissance  miracu* 
ieuse  du  Fils  de  Marie?  Si  une  telle  idée  a 
im  séduire  quelques  esprits,  le  chef  de 
l'école  mythique  a  reculé  devant  une  pareille 
absurdité.  Il  a  mieux  aimé  supposer  que  les 
Juifs  avaient  copié  leurs  traditions  sacrées; 
qu*on  avfût  donné  au  philosophe  de  Nazareth 
une  naissance  merveilleuse  comme  celle 
disaac,  de  Samson  ou  de  Sarouel;  mais  il 
n'a  pas  remarqué  une  difficulté  capitale,  ({ui 
rend  absolument  impossible  une  explication 
61  superficielle  et  si  intolérable  des  faits. 
Qu'on  reiise  avec  attention  l^Ancien  ïeslao^ 
ment,  œ  qu'il  raconte  de  la  naissance  de 
quelques  grands  hommes  du  peuple  élu  :  il 
n'y  a  pas  la  un  seul  mot  qui  puisse  mener  à 
ridée  d'incarnation*  idée  si  étrangère  aux 
habitudes  et  auK  opinions  du  bas  peuple  de 
la  Judée  (298).  Bethléem  et  Nazaretn  ne  sont 
pas  la  terre  classique  des  Avatars.  11  ne  faut 
pas,  par  une  illusion  d'imagination  *  nous 
transporter  d'un  seul  bond  des  rives  du 
Jtiurcfain  aux  bords  de  la  mer  du  Bengale. 

pirs  IVnraiii  conftacré  I  Dieu  et  réservé  à  de  grandes 
clesiînéei  :  lel  était  le  cadre  de  rigueur.  De  là  UNJt 
Un  lécii  (lu  iroisiéme  évangile  sur  la  naissance  de 
Jean-Bapiisie,  et  la  plupart  des  circonstaoces  de 
celle  de  Jésus,  entre  autres  le  canlique  de  Marie* 
iniilé  évidemiueiit  de  celui  d*iniie.  De  là  dans  les 
évangiles  apocryphes,  qni  exagèrent  jus<|u*à  la 
n  iii.->ce  ce  procédé  de  calque,  tout  un  groupe  de 
rirconaUiitces  analogues  autour  de  la  naissanee  de 
Marie,  i  (La  liberté  de  penser.  Historiens  criltqiiftf 
de  Jéttus.)  —  L*auteur  n*a  pas  en  la  sagacité  de  voir 
Tablme  qui  sépare  Tidce  de  la  naissance  de  la 
Vierge,  telle  qu'elle  est  conçue  d'après  TAncieu 
Testa  nient  au  cba  pitre  m  de  V  Evangile  de  la  no/t* 
vite  de  Marie,  de  la  notion  de  Pincarnailon  du  Pds 
de  dieu  que  prééent«.nt  les  évangiles  canoaîques. 

(298)*i>i  Ion  objectait  (fue  les  «prophètes  de  la 
Syn:igiigue  avaient  sur  le  Rédempteur  futur  les  idées 
les  plus  éie^'é«s,  it  ne  nous  serait  pas  diflimle  dé 
faire  remarquer  q«e  te  peufjle,  au  temps  de  iésus^ 
Citrtsi,  par  «uiie  de  ses  préjugés  stsiiboels  «t  gmfr- 
siei'S,  détiaturMii  loute  rancienne  iraOkieu  JMÎve^ 
Le  Metiie  (|U'il  comprenait  ii*éiaii  pas  le  Fik  4e 
Ditu  eugendré  dans  la  splèndenr  dea  S9ipês#  mais 

(a)  On  peut  voir  le  mot  JfeMM  dani  les  TabUê  gM* 
tUes  de$  Amialei  de  p/uiot.  chréL,  où  «n  trouvera  det 


Les  suppositions  de  Strauss  donneraieot  & 
croire  que  les  populations  de  la  Judée  se 
faisaient  de  Jéhovah,  TElernel,  au  nom  trois 
fois  saint  et  incommunicable»  la  même  idée 
que  les  brachmanes  ont  de  leur  oomplai<aoi 
et  facile  Vichnou,  qui  descend  vingt  fois 
dans  les  ténèbres  de  ce  monde,  pour  satis- 
faire les  vains  caprices  de  l'imagination  îd- 
dienne.  Tel  n'était  pas  le  Dieu  du  Sinai^qu 
avait  fait  jaillir  les  motides  de  la  nuitpn>* 
fonde  du  néant.  L*idée  d'incarnation  éiiii, 
de  toutes  les  conceptions,  celle  qui  deuil  (e 
moins  facilement  s'enraciner  ilans  Vt&pi. 
des  Hébreux.  Cette  nation  tenace  et  nM\ù 
a  conservé  pour  elle  toute  son  antipathie. 
Est-'-il  donc  possible  de  supposer  que  la 
mtfsse  ignorante  du  peuple  se  soit  emftfrée 
tout  d'un  coup  d'une  idée  si  étrangjre  i 
Tesprit  national,  pour  embellir  le  tereeaa 
pauti-e  et  nu  de  l'eniSlint  de  Bethléem?  Peut- 
on  supposer  encore  que  cette  foule  aveugle 
et  crédule  se  soit  plu  à  faire  naître  dm 
vierge  le  Sauveur  désiré  des  nations?  £st-e« 
que  dans  Tbistoire  des  Hébreux  ce  prinlé^o 
est  attribué  à  ud  seul  de  leurs  grands  nommes? 
Nous  ne  sommes  pas  ici  dans  la  pairie  da 
célibat,  nous  ne  sommes  plus  sur  les  bonis 
du  Gange  1  C'est  par  des  cOnfusioos  de  ce 
genre  qu'on  peut  faire  illusion  aux  esprits 
superficiels  .et  sarts    instruction  positive. 
Mais  la  science  véritable  sait  percer  ce  fra- 
gile tissu  pour  aller  jusqu'au  had  des  dto^ 
ses,  pour  atteindre  les  réalité  solides  et 
vivantes  de  Thistoire.  La  méthode  de  Veié- 
gèse   allemande   pourra   plus  d^ui^e  Io\s 
séduire  les  théologiens  improvisés  de  nos 
revues  françaises.  Cela  n'a  rien  dVUonnanl. 
La  science  de  la  religion  est  ce  qu'il  y  a  Je 
plus  rare  dans  un  certain  monde,  qui  se 
pique  pourtant  d'érudition.  Mais  tant  qu  i\ 
restera  sur  la  terre  de  France  un  seul  pritm 
catholique )  il  lui  sera  permis  de  prales/eo 
au  nom  du  bon  sens  national,  contre  toutes 
les  rêveries  germaniques  (299).  LVdmirable 

un  guerrier  Tanatique  comme  Barcokéba^.  (Gf.Sài.' 
VADon,  Histoire  de  la  domination  romaine,  U,  cb.  6.) 
(i99)  Après  avoir  déoioiilié  le  désaccord  de  ïby- 
pothèse  ni^Ftliique  avec  les  données  les  plas  pwV 
tivt^s  de  riiistojre,  V^thîager  met  en  relief  mie  con- 
tradiction psycbologîqtte  qui  ressort  do  fond  mètae 
du  système.  Celle  contradiction,  qui  ii*a  (oére  été 
remarquée,  n*en  est  pas  moins  une  despiai  cho^ 
qutiites  de  rbypotliéftO  mythique^  Strauss  tapooyi 
en  effet  que  l>s  Juifs  du  temps  de  Jésiks-CW\a 
attendaient  un  Messie  dont  la  vie  merveilleuse  ferait 
oublier  Ëlie  et  Elisée.  On  croyait,  de  J'aveu  roeii.e 
de  Strauss,  que  ce  Fils  du  ciel  reproduirait  dans  sa 
prodigieuse  existence  tous  les  oriides  des  voyant 
d'israél.  Les  penplt^  TattendaleiH  comme  les  plaulH 
desaédiées  auendtnt  la  rosée  du  soir.  Il  ctrculaH 
dans  tout  rOricnt  comme  une  rameur  d*aiteute  et 
d'enthousiasme.  Totis  les  peuples  saraiepi  que  Ir 
Saint  alUit  paraitre  (0).  Sî  b  vie  de  Jésus  a  été 
aussi  pile  et  aussi  décolorée  que  Strauss  Ta  répète 
cent  fois,  qui  donc  aurait  pu  sViser  de  voir  dans 
ee  Fits  de  charpentier,  sans  éclat  et  sans  gloire,  le 
Uessie  désiré  des  natiousf  Qui  aurait  dope  pu  s*r 
méprendre?  D*où  viendrait  cette  étrange  anleur  et 

preuTes  nombreuses  de  cette  asserUon,  et  dan»  Uosâ- 
HwA,  leWrei  wr  Jéeus^Christ,  u  h 


w 


MYT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


S0S 


iotelligence  de  notre  patrie  a  fait  bonne  et 
lipide  jostioe  de  la  métaphysique  aile- 
lunde.  Kant.  Hegel  et  Schelling  n'ont  pas 
|i(  oublier  chez  nous  Bossuet  et  Pascal  (300). 
KÎ^iéroas  aussi  que  l'esprit  si  clairroyant  de 
KHre  pajrs  appréciera  bientôt  à  leur  juste 
nlear  les  Scoieiermacher«  les  de  Wette,  les 
hulus  et  les  Strauss  (301). 


VIII. 
Chmd»nisine  et  mjrUiologie. 

La  Tie  des  peuples  enfiints  est.  le  temps 
jb  légendes.  Les  mvthes  sont  comme  un 
bois  sacré  qui  cache  la  source  profonde  des 
flnjiJres.  Quand  les  nations  se  séparèrent  de 
bindidoD  ré?élée«  pleines I  comme  elles 
Téimi,  de  Jeunesse ,  de  passions  fougueu- 
tts  et  d'imagination  «  elles  produisirent  le 
locode  des  fables»  mélange  bizarre  de  con- 
repiioQs  seasuelîes  et  sanguinaires.  Mais 
files j^eonent»  en  Tieillissaut,  un  caractère 
positif  et  pratique.  La  réalité,  pAle  et  sévère» 
iitcbire  les  guirlandes  fanées  de  la  poésie. 
C^  D'est  |)as  dans  Tâge  mûr  des  peuples  que 
setrourent  les  Titans  et  les  vainqueurs  des 
Qoostres.  Auguste  n*esl  pas»  comme  le  fon- 
dateur de  Rome ,  allaité  par  une  louve  ; 
Ttuèuùstode  ne  recommence  pas  les  travaux 
•llercole  et  de  Thésée.  Or  la  société  chré- 
te(  M  s'est  pas  développée  dans  la  jeu- 
nesse enthousiaste  d'une  nation.  Le  Christ 
^i  ni  sou  Auguste»  et  il  est  mort  sous 
TihènAl  est  bien  vrai  qu'on  peut  dire  que 
'<  première  communauté  chrétienne  était 
iossi  ua  peuple  nouveau»  qui  allait  verser 
^  les  reines  du  genre  humain  un  sang 
^usjeaoe  et  phis  pur;  cependant»  l'Eglise 
(A  ce  (eraps-la  ne  peut  pais  être  comparée 


aux  tribus  primitif  es»  toutes  bouillantes  de 
passions  effrénées,  et  dominées  par  une 
imagination  tour  à  tour  barbare  ou  sen- 
suelle. Sa  jeunesse  n'a  pas  les  rêves  do 
l'enfance  (302)  ;  elle  n*a  point  grandi  dans  la 
profondeur  mystérieuse  des  forêts  et  des 
sanctuaires  voilés  :  elle  est  née  au  milieu 
des  controverses  et  au  sein  de  la  lumière» 
par  le  souffle  puissant  de  l'Esprit  divin.  Dès 
les  premiers  jours  de  sa  vie»  elle  a  foulé 
aux  pieds  toutes  les  illusions  orgueilleuses 
qui  pesaient  sur  l'ancien  monde.  Les  pre- 
miers disciples  du  christianisme  n'étaient 
pas  une  horde  d'Arabes  pillards  et  cruels» 
racontant  autour  des  feux  du  bivouac  la 
grossière  légende  du  désert.  La  première 
communauté  chrétienne  n'était  pas  un  chœua* 
de  l)acchantes  gorgées  de  vin  et  de  débau- 
ches» faisant  retentir  l'air  de  cris  sauvages 
et  de  cymbales  barbares. 

Quand  on  vient  è  examiner  le  caractère 
des  apAtres»  il  s'en  faut  qu'on  trouve  chez 
eux  la  tendance  qu'on  est  obligé  de  prêter 
aux  organisateurs  d'une  nouvelle  mytholo- 
gie. Il  est  impossible  d'être  moins  doué  d'i- 
magination ;  la  foi  ne  se  forme  chez  eux 
aue  paisiblement  et  par  degrés.  Leur  con- 
uite  après  la  résurrection  sufQrait  seule 
pour  montrer  quelles  précautions  ils  prirent 
avant  d'accepter  les  merveilles  qui  s'oiiraient 
à  leurs  veux.  Il  serait  difficile  de  transfor- 
mer un  nomme  comme  Tapdtre  Thomas  en 
esprit  visionnaire.  D'ailleurs»  leur  situation 

Eerilleuse  en  présence  de  la  SynagO|[ue  était 
icn  propre  à  calmer  les  imaginations  les 
plus  ardentes.  On  aperçoit  dans  toute  leur 
vie  une  tendance  sérieuse»  positive  et  pra- 
tique^ qui  ne  s'accorde  guère  avec  l'habitude 


cr^Mmeot  saos  bornes  que  montrèrent  partout 
kxpfédicaiearsde  la  nouvelle  doctrine?  Pour  qui 
runaU  \ff%  lois  éternelles  de  Tesprlt  humain  ,  do- 
fuiiB^arey  miracle,  les  morts  refisuscitës  ne 
Mfin'M  jett  iTetiraiii.  L'histoire  du  christianisme, 
<iiiiHpleet  il  naturelle  quand  on  veut  bien  admei" 
i^iiindiiioa  des  faits,  devieni  dans  toutes  les 
Aè^ries  raiioaaiistes  un  entassement  de  .merveillns 
a  {fiiopoMibiliiés.  Les  défenseurs  de  rËvaiigîlc 
i^M( pâi assex pesé,  ce  nous  semble»  cette  coHsi- 
^iiOQ  foiidanieuiaje.  II  ne  suffit  pas  de  déchirer  k 
ytuiir  les  pages  du  livre  sacré  pour  les  jeter  au 
^i.  Il  hni  ensuite  écrire  rbistoira  de  cette  éioii- 
wtte  téf oistiott  morale  dont  leChristest  Taulenr. 
roi  liort  que  le  ttl  délié  des  sysièiues  se  brise 
^u  les  mains  des  faiseurs  ilâ  romans.  Ber^ier  ré- 
P^i  aux  écrivains  du  dernier  sièele  qu*ils  n'en 
mi^nipas  flui'avec  le  christianisme;  nous  aubsi 
i«i»  (NODs  dire  aux  ennemis  du  Sauveur  Jésus  ' 
Un^i  qo*i]s  n*eflaceront  pas  facjjemeot  sa  glorieuse 
^-  >tc  rtiisioire  de  l'huminiié.  Saint  Augustin  di- 
^  >ui  iiirrédules  de  sou  teuips  :  i  Si  le  Christ 
^  I  lus  fait  de»  miracles ,  le  monde  changé  et  cou* 
|mi  u't:»t.il  pas  la  plus  grande  des  merveilles?  i 
1^ l^oti  leiis catliotique  a  toujours ,  lui,  naïvement 
**V]^(\n*i\  n>zistait  Jamain  dWet  sans  c^iuse.  Ce 
<•  MQuemeiit  est  simple ,  niais  il  est  concluant. 

ijOO)  Ou  peut  voir  dans  la  Hevus  des  Deux-Mon^ 
|<4  ce  i|ueil.  Saissel  peu;^  de  ces  prétendus  grands 
*m»oci  oiie  M.  Cousin  appelait ,  il  y  a  quelques 
^w^y  :  Meê  wuiUreM  ei  mes  ami$ ,  le*  chcfi  de  la 
^*i0fkit  fonl^ifcporatiie.— (Cf.  Saisset,  lUvue  des 


DeHX'Mondes^  iSiG ,  De  la  philosophie  positive.) 
(391)  C*esl  c«  qu'ont  r«ii,  même  en  Allemagne» 
plusieurs  hisioriens  célèbres  qui ,  dans  leurs  appré- 
ciations sur  la  valeur  historique  de  la  Bible ,  se  sont 
élevés  au-dessus  des  préjugés  des  théologiens  luthé- 
riens 

(502)  c  L'enfant,  dit  îm  Liberté  depetaer^  pro- 
jette sur  toutes  choses  le  merveilleux  qu*il  trouve  en 
sou  âme.  Celle  c:harmante  petite  ivresse  de  la  vie 
qu'il  porte  en  lui-même  «  lui  donne  le  vertige;  il  ne 
voit  le  monde  qu*à  travers  une  vapeur  doucement 
colorée;  jetant  sur  toutes  choses  un  curieux  et 
joyeux  regard  ,  il  sourit  k  tout,  tout  lui  souilt.  De 
là  ses  joies  et  aussi  ses  terreurs  :  il  se  fait  un  monde 
fantastique  qui  Tenchante  ou  qui  fefiraye,  il  n*a 
pas  cette  claire  distinction  qui ,  dans  l'Age  dé  la  ré- 
Uoxion ,  sépare  si  netiemenl  le  moi  et  le  non-moi , 
et  nous  pose  en  froids  observateurs  vis-à-vis  de  la 
réalité.  Il  se  mêle  k  tous  ses  récits  ;  le  narré  simple 
et  oljectif  du  fait  lui  est  impossible;  il  ne  sait 
point  risoler  du  jugement  qu*il  eu  a  porté  et  deTim- 
pression  personnelle  qui  lui  eu  est  restée.  Il  ne  ra* 
conte  pailes  choses ,  mais  les  imagiualioM  qu'il  s^est 

(ailes  à  propos  des  choses  ^  ou  pluiàt  il  sê  raconte 
ui-mème.  ueufaut  se  crée  à  son  tour  tons  les  uiy- 
ihes  que  Thumanité  s*est  créés  :  toute  fahle  qui 
frappe  son  imagination  est  par  lui  acceptée  ;  lui- 
même  s*en  improvise  d*étriinges,  et  puis  se  les 
aflirme.  Tel  fut  Téclat  de  Tesprit  humain  aux  épo* 
ques  mythiques.  Sans  préméditation  mensongère, 
la  fable  naissaR  d*elle  même.  (La  Liberté  de  penur , 
liist.  Cl  it.  de  Jésus.) 


DlCTIOKlfAlRB  APOLOGÉTIQUE.   IL 


10 


299 


MYT 


DICTlONNAmE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


500 


des  rêveries  qu*on  veut  bien  leur  prêter.  Ils 
transmirent»  en  mourant,  à  TEdise  primi- 
tive ce  caractère  de  simplicité  héroïque  et 
d-antifMthie  pour  la  poésie  légendaire.  Fa- 
buiasdevita,  avait  écrit  saint  Paul,  et  les  pre- 
miers chrétiens  conservèrent  cette  devise. 
Ils  écartèrent  de  la  tradition  véritable  toutes 
les  imaginations  arbitraires  qui  se  trouvent 
dans  les  évangiles  apocryphes.  L'histoire  de 
ces  légendes,  comme  il  est  facile  de  le  dé-* 
montrer,  suffit  pour  l'apologie  de  l'Eglise 
primitive.  En  faisant  délie  un  pêle-mêle 
d'enthousiastes  visionnaires,  onna  pas  as- 
sez réfléchi  sur  le  caractère  que  l'histoire 
lui  conservera  toujours.  L'éminente  sain- 
teté de  ses  premiers  fidèles,  leur  passion 
pour  la  vérité,  les  dangers  qu'il  leur  fallait 
courir  pour  la  foi,  tout  la  leur  faisait  gar- 
der avec  une  admirable  vigilance.  L'Apôtre 
des  nations  n'avait-il  pas  condamné  comme 
sacrilèges  toutes  les  altérations  de  ce  dépôt 
sacré?  N'avait-il  pas  dit  encore  qu'il  ne  fau- 
drait pas  croire  un  ange  qui  prétendrait  te- 
nir du  ciel  un  nouvel  Évangile? 

11  y  a  de  fausses  comparaisons  qui  sédui- 
sent toujours  les  esprits  vains  et  superficiels  ; 
mais  quand  on  vient  à  pénétrer  jusqu'à  la 
source  même  des  choses,  on  s'aperçoit  bien- 
tôt que  le  christianisme  est  né  de  la  vérité, 
tandis  gue  la  mythologie  païenne  est  née  de 
la  passion. 

Cependant,  nous  rencontrons  ici  une  ob- 
jection dont  nous  ne  pouvons  dissimulc^r 
l'importance.  Il  est  incontestable,  disent  nos 
adversaires,  qu'il  y  a  entre  la  mythique  des 
peuples  païens  et  la  théologie  du  christia- 
nisme des  ressemblances  profondes  et  sai- 
sissantes (303). 

M.  Pierre  Leroux,  dans  V Encyclopédie 
nouvelle^  a  beaucoup  insisté  sur  ces  analo- 
logies.  Il  prétendait  prouver  parla  que  les 
fondateurs  du  christianisme  n'avaient  fait 
que  développer  et  populariser  tous  les  prin- 
cipes de  l'ancien  dogme  païen  conservé  m  vs- 
térieusement  dans  les  écoles  philosopni- 
ques  ou  bien  dans  les  sanctuaires  du  sacer- 
doce. Cette  objection,  qui  parait  très-sé- 

(305)  D'après  récole  de  Strauss,  les  hnnienses  pro- 
grès faits  dans  l'étude  des  mylhologies  auraient 
puissamment  servi  à  affaiblir  J'aulorité  historique 
de  la  Bible.  Harless  appelle  avec  raison  cette  ma- 
nière de  raisonner  scandaleuse  et  dérisoire.  Cela 
est  Trai,  et  pour  reprendre  la  difficulté  dès  son  prin- 
cipe, il  me  semble  que  le  point  de  départ  des  my- 
thicistes  ne  soutient  pas  Texamen  ae  la  science. 
Ueyne  ayant  remarqué  de  frappantes  analogies  entre 
les  traditions  sacrées  des  peuples  et  certains  faits 
racontés  dans  les  livres  de  Moïse,  on  s'empressa  de 
conclure  précipitamment  que  tous  ces  faits  étaient 
un  simple  produit  de  l'esprit  légendaire.  Il  est  vrai 
que  les  circonstances  de  ces  histoires  ont  été  sou- 
vent enfantées  par  l'imagination  populaire.  Mais  Tu- 
niversaiité  et  l'identité  perpétuelle  du  fond  prouvent 
évidemment  que  les  légendes  se  sont  surajoutées  à 
une  base,  d'une  autorité  bistori(|ue  iticontesiable. 
Or  il  suffit  d'examiner  la  tradition  contenue  dans 
le  Peiitateuque,  sa  Fimpliciié»  sa  brièveté,  son  ca- 
ractère philosophique,  pour  reconnaître  qu'elle  a 
servi  de  point  de  départ  aux  légendes  poéuques  du 
|tniyibéisiuie.  C'est  pour  avoir  méconnu  ces  idées  si 
clciuviitairos  et  si  rationnelles  que  Ëichhonij  Gabier, 


rietise  au  premier  coup  d*œll,  ne  peut  véri* 
tablement  pas  supporter  Texamen  de  ia 
science.  Ce  qui  en  fait  la  force,  c'est  la  sup- 
position arbitraire  que  le  Sauveur  préteo- 
dait  annoncer  à  la  terre  une  doctrine  jus- 
au*alors  complètement  inconnue.  Mais  si 

I  on  vient  à  réfléchir  que  la  religion  chré- 
tienne se  proposait  de  continuer  les  révéla- 
tions de  rËden  (30^0  et  du  Sinaï,  on  avouera 
que,  bien  avant  Jésus-Christ,  le  chrislia- 
nisme  avait  de  |)rofondes  racines  dans  Ik- 
cien  monde.  D'ailleurs,  du  fond  de  laite 
de  corruption  et  de  servitude  où  il  était 
plongé,  le  genre  humain  devait  rêver  sans 
cesse  les  merveilles  delà  réparation  future. 

II  7  a  tant  de  sang  et  de  larmes  dans  toute 
cette  histoire  du  vieux  monde,  que  Ton 
comprend  facilement  pourquoi  rhumanité, 
entraînée  par  ses  rêves  ardents,  cherchait 
aux  cieux  les  premiers  rayons  dusdieilde 
justice.  M.  Tabbé  (îerbet,  dans  son  profond 
ouvrage  sur  le  dogme  générateur^  a  fait  sen- 
tir d'une  manière  énergique  et  ?ive  le  be- 
soin perpétuel  de  la  présence  de  Dieu  qui 
dévorait  la  société  païenne.  Ce  besoin, 
d'ailleurs,  n'avait-il  pas  sa  racine  daus  une 
ancienne  promesse  faite  aux  ancêtres  de  la 
famille  humaine?  C'est  là  le  principemys- 
térieux  des  théophanies  et  des  incaroatioos. 
Les  peuples  qui  ont  conservé  le  plus  long- 
temps les  souvenirs  traditionnels,  ODtdonoé 
beaucoup  plus  de  développement  que  ks 
autres  à  la  théorie  de  la  reaemptioodirine. 
Il  est  étonnant  que  nos  adversaires  aient 
constamment  méconnu  un  enchaînement 
d*idées  pourtant  si  facile  à  saisir.  La  préci- 
pitation avec  laquelle  ils  examinent  et  ju- 
gent le  magnifique  ensemble  des  faits  qui 
composent  l'histoire  de  la  révélation  i)eut 
seule  expliquer  leurs  erreurs.  Le  christia- 
nisme, qui  est  une  chose  si  grave,  est  étu- 
dié dans  les  livres  de  nos  savants  moilernes 
avec  une  pétulance  déplorabJciqu^on  rougi- 
rait d'employer,  s'il  s'agissait  de  fiier  iadate 
d'un  Pharaon  ou  de  reconstruire  le  sque- 
lette d'un  ptérodactyle  (305).  Pourtant  iicst 
question  crune  doctrine  qui  a  bÂti  de  ses 

Schelling,  Bauer«Vatcr  et  de  Wetle  pr'kentlirent  mi' 
Uier  le  caractère  mythique  de  fAncien  Te^uniciiu 
On  n*en  resta  pas  là  :  Krug  ,llorsl.  Gabier,  Weg^bc;- 
der,  Daub,  Bauer,  Kaiser,  Amiiion,  Berlbold  et  de 
Wette  trouvèrent  bientéi  des  mythes  daus  le  iV«' 
veau  Testament.  Pourtant,  comme  on  reconnaisisii. 
en  faveur  de  son  authenticité ,  des  arguments  très* 
forts,  Taltaque  lan^^uissaît.  Il  se  trouva,  beureu;^ 
ment  pour  le  système,  que  quelques  tbéoiogiens 
tournèrent  leurs  efforts  de  ce  côte.  L'auibeniicue 
d'un  ou  de  plusieurs  évangiles  fut  attaquée  surc*:^ 
sivement  parBreischeider,  Scbultz,  Schleieiniclieri 
Sieffert,  àchneckenburger.  On  conçoit  les  eflbm 
qiron  a  faits  dans  ce  sens.  De  Taveu  même  w 
Strauss,  si  les  évangiles  8<mt  au tben tiques,  le  sjs- 
tème  mythique  n'est  qu'un  rêve.  Or  il  s'en  wui 
beaucoup  que  les  ntvUiicistes  aient  renverse  m 
constante  tradition  de  l'Eglise.  On  en  peut  juger  P«r 
les  objections  que  Strauss  met  en  avant  daus  sou 
Introduction.  , 

(504)  Pour  briser  cette  chaîne  des  révélation!,  tes 
partisans  du  système  mytliique  ont  nié  uoaDiJU<^ 
ment  la  chnte  primitive.  . 

(305j  Nous  ne  voulons  pas  citer  d'autre  nettf^^ 


30t 


MIT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MIT 


30S 


mm  rigoureuses  le  mer?eilleux  édiGce  de 
b  société  moderne,  d'une  doctriiie  de  la- 
(jueile  dépend  évidemment  la  vie  morale 
de5  î>e»plest  cl  sàns  laguelle  la  force  pré- 
TauJraii  contre  le  droit,  la  chair  contre 
re&iffit.  Quoi  qa^on  dise  du  spiritualisme  de 
«  siècle,  il  ne  comprend  (306)  véritable 
Biejit  que  les  forces  matérielles  (307).  On 
toit  des  hommes  qui  se  disent  graves,  con- 
umer  leur  intellij^ence  et  leur  vie  sur  une 
question  de  statistique ,  de  chemins  de  fer 
«m  de  canalisation.  Mais  quand  il  est  ques- 
\iondes  bases  les  plus  profondes  de  la  reli- 
pjft.  de  Tordre  et  des  mœurs,  ils  répondent 
4UC  dédain,  comme  les  savants  de  l'Aréo- 
l«:e  répondaient  à  saint  Paul  :  «  Un  autre 
fur  Qous  parlerons  avec  vous  de  tout 
^la  (308)  I  ^ 

la  seule  chose  que  nous  puissions  avouer 
à  nos  adversaires,  c'est  que  la  mythologie  a 
mji  de  se  mêler  à  l'histoire  du  chnstia- 
fnsme.  Hais  sa  tentative  a  rencontré  dans 
feûdèlesde  TEglise  primitive  une  résis- 
tance ({ui  devrait  éclairer  les  esprits  les  plus 
revenus  en  foveur  de  Topinion  mvthique. 
est  Trai,  il  s'est  développé  au  milieu  des 
fopuUtions  chrétiennes,  sur  la  vie  du  Christ 
<A  ses  actions,  un  cycle  de  légendes  popu- 
l«jrt>. Nous  les  avons  encore;  il  n'est  pas 
ûifiicikde  les  comparer  à  l'Evangile.  «  Ce 

^P^l'ènn^  résumé  de  riiisloire  ëvangélique  que 
b^  tnMtToiis  dans  La  lAberté  de  pemer  :  i  A  peine, 
KÇikire,  en  exprinianl  de  tons  les  évangiles  ce 
<iv'i'i  coiiiieiiiiriii  de  réel,  oblieiidraji-on  une  page 
bUU)ire  de  Jésus.  Ouand  ou  dit  qu^il  jinquil  el 
MMJ«tihesM  eu  Gulilée,  qu^ii  ne  reçut  aucune 
tkn\m  kltéuique,  el  que  uiéine  sou  cducalion 
!*»t  fui  peu  soignée;  qu'il  lil  dans  sa  jeunesse 
^\ttei  Tojjges  à  Jérusalem  où  son  iinaginaliuu 
wmfttieiii  Inpressioniiée,  eioù  il  enira  en  corn- 
MfuiioQ  avec  fesprit  de  sa  uaiion  ;  quM  précJia 
*>«  <)ociriiie  peu  onhodoxe  à  Tégard  du  judaïsme, 
iklmte  euraretnie  peul-élre  deprevincialisme;  car 
B  Caillée  inii  mal  faniée  pour  rorihodoxie  comme 

rr  la  iMireié  de  sa  langue;  que  les  Juifs  rigoureux 
irtnc  une  vive  opposition  et  réussirent  k  le 
■ire  Dteun*  à  mort;  quand  on  a  ajouté  que  ses  dis- 
[J^lttttçciEHT  (reçurent  est  tûen  inveniét)  uroba- 
U^eni  ion  cadavre,  el  que  soii  qu'il  ne  lut  pas 
"^0  «ori,  feoii  innecente  supercberie  (quelle  inno- 
M^!|i  KMi  leui  anire  moyen  qub  nous  ne  sommes 
Monicés  M  DIRE (sû;),on  crut  qu'il  était  ressuscilé, 
Mcsidii  mT-ÉTBB.  »  (La  Uberlé  de  penter,  llis- 
jjflew  crUiqoei  de  Jésus.)  —  Ce  peut-être  devrait 
«vt  (erril)lejiieiil  réfléchir  des  liommes  qui  u'ont 

Ë ^certes  la  péiiétraiiou  îles  Euler,  des  Pascal,  des 
,^U.desRossuei! 
(386)  I  Pour  comprendre  Jésus,  dit  La  Ubtrlé  de 

^tiiCsUltTtC  ENDOBCI  AUX  Ml&ACLES?!  Queliu 

NMdeiir  phitosopbique! 

^)  Si^  ran  doutait  encore  de  Tesprit  de  ce 
*^i  qu'an  se  rappelle  ces  étranges  paroles  : 
(UieseK  iilentique  avec  ie  monde;  un  homme  re- 
^ǻenie  une  parcelle  de  ce  Dieu.  On  peut  dire  avec 
v^Mn  de  l'kttMianHé  entière  qu'elle  eh  esi  une  in- 
fini. Âussi«  le  but  de  toutes  nos  uiatitutions 
"'^^^  est  b  réhabiliuiion  de  la  matière,  sa 
^i^ratiûM  dans  set  droits,  sa  reconnaissance 
'/^'{teoie,  la  sanctiftcaiion  morale...  Nous  pour- 
>^tois  le  bien-être  de  la  matière,  parce  que  nous 
T^!L^  la  divinité  de  Tbomme  se  roauifesie 
^^Xttcat  dans  sa  fornie  cerperelle...  Nous  fondons 
-'t^Boeraiie  de  dieux  terrestres,  égaui  en  béa- 


sont,  dit  M.  A.  Coquerel,  des  recueils  d'em- 

[>runts  faits  aux  évangiles  canoniques,  nié- 
es de  fables,  de  légendes,  de  merveilles 
puériles,  grossières,  absurdes,  quelquefois 
impures  et  plus  souvent  barbares.  Et  la  my- 
thologie du  christianisme ,  si  vainement 
cherchée  par  l'ingénieuse  incrédulité  du 
docteur  Strauss  dans  les  livres  sacrés,  est 
là.  a  Si  les  évangiles  canoniques  doivent 
être  considérés,  ainsi  que  les  ai:>ocrjphes, 
comma  les  produits  de  Fimagination  légen- 
daire de  la  première  communauté  chré- 
tienne, comment  se  fait-il  qu'on  trouve, 
entre  ces  deux  résultats  de  la  même  cause, 
des  différences  si  essentielles  et  si  profon- 
des? Comment  se  fait-il  que,  par  le  plus 
étonnant  des  miracles,  quatre  recueils,  sor- 
tis comme  les  autres  de  la  source  féconde 
des  passions  populaires,  portent  empreint, 
à  chaque  ligne,  ce  caractère  de  grandeur  et 
de  majesté,  qui  saisissait  si  fortement  l'in- 
telligence élevée  du  philosophe  de  Genève? 
Herder  disait  souvent  du  Quatrième  évan- 
gile ;  «  La  main  d'un  ange  la  écrit  I  »  Si  ce 
siéraphin  descendu  des  cieux  n'est  autre 
chose  que  la  muse  qui  parle  au  fond  du  cœur 
des  peuples  enfants,  comment  se  fait-il  que 
les  évangiles  apocryphes  reproduisent  si 
mal  la  sublime  poésie  des  bateliers  gali- 
léens  (309j?  Comment  se  fait-il  que  la  gran- 

litude  et  en  sainteté...  Nous  voidons  le  nectar  et 
rambrotsîe,  des  manleaui  de  pourpre,  la  volupté 
des  parTiinis,  des  dauses,  des  nymphes,  de  la  mi^ 
sjque,  des  comédies,  i  (U.  Hkinb,  De  l^ Allemagne 
depuU  Luther,) — Ces  articles,  dont  i*auteiir  a  depuis 
fait  un  livre,  ont  paru  d' abord  dans  la  lUvue  des 
Deux-iloadet^  en  i834.  Si  Ton  regardait  ce  prodi- 
gieux délire  comme  l'expression  désordonnée  des 
passions  d*un  seul  lionime,  qu'on  écoute  M.  P.  Leroux, 
en  tenant  Gepenilant  compie  de  ses  utopies  :  c  11  n'y 
a  plus,  dit  il,  d*autre  nuilière  d'échange  entre  les 
hommes  que  l'or;  ei  celui  qui  en  est  privé  n'a  rien 
à  demander  aux  autres,  et  par  conséquent  rien  à  eu 
recevoir.  Ce  n'est  plus  même  Thomme  qui  régue  sur 
rhomme,  c'est  du  métal  qui  régne,  c*esi  la  propriété 
qui  règne;  donc  c^esi  de  la  matière  qui  règne,  c'est 
l'or,  c'est  l'argent,  cVst  de  la  terre,  de  la  boue,  du 
fumier.  Supposez  un  amas  de  fumier,  couvrant  dix 
lieues  carrées  de  terrain,  quel  que  soii  l'Iiomiue  au- 
quel appartiendrait  cet  amas  de  fumier,  cet  homme 
seraii  un  des  princes  de  la  terre  aujourd'hui ,  et  U 
aurail  le  droit  de  faire  passer  à  un  autre,  fût^-ce  un 
scélérat  couvert  de  crimes,  toute  sa  puissance.  Au- 
trefois, on  possédait  la  matière^parce  qu'on  avait  un 
litre  dans  la  société;  aujourd'hui,  c'est  l'inverse.  Ou 
a  litre  dans  la  société  à  titre  de  la  matière  que  l'ou 
possède.  Donc,  encore  une  fois,  c'est  la  matière  qui 
règne.  Ia  sociélé  d*aujourd*bui  danse  autour  du  veau 
d'or.  >  (Cf.,  dans  les  Aana/«f  de  philotofhieehrélienne, 
le  Tableau  de  la  sociélé  sans  le  chrinianisme,  par 
M.  Pierre  Leroux.) 

^  (308)  Audiemui  u  de  hoc  ilerum,  {Act.  xvii,  22.) 
(309)  En  parlant  des  évangiles  apocryphes,  j'ai 
fait  constamment  allusion  aux  apocryphes  de  la  se- 
conde classe,  les  seuls  qui  soient  le  produit  de  l'ima- 
gination populaire.  Les  a|>ocrypbes  de  la  première 
classe  ne  sont,  au  contraire,  qu'une  reproduction 
des  récits  des  évangiles  canoniques,  auxquels  on  a 
quelquefois  ajouté  quelques  renseignements  tirés  de 
Iti  tradition  qui  ne  sont  pas  toujours  dénués  d'im- 
portance. —  Cf.  Fabricius,  Codex  apocryphut  Novi 
Teitamenli;  —  Bcrgier,  teriitude  de$  preuves  du 
christianisine ;  —  Glairi:,  Introduction  au  Noutmu 


à 


305 


MYT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


7.04 


(leur  des  idées  et  Tadmirable  conYenance  de 
i*eipre6Sion  ne  se  soient  rencontrées  que  par 
hasard  dans  les  pages  qu'une  Eglise  igno- 
rante et  passionnée  a  déclarées,  je  ne  sais 
jï\  Comment  ni  pourquoi,  la  parole  de  Dieu 
et  l'œuvre  des  apdtres?  La  conserYation  des 
évangiles  apocryphes  est  donc  véritable- 
ment, à  mes  yeux,  bn  événement  providen- 
tiel; un  fait  sensible,  plus  éclatant  que  la 
lumière,  et  qui  démasquera  toujours,  par 
une  comparaison  qu'il  esi  impossible  de  ne 

Ks  faire,  les  adversaires  contemporains  de 
évangile.  S'est -on  iamais  avisé  de  confon- 
dre les  légendes  cariovingieniies  avec  l'ou- 
vrage écrit  par  ^inhard,  contemporain  des 
faits  (310)  ;  le  roi^chevalier  des  romans  du 
XII'  siècle  avec  le  restaurateur  de  l'empire 
d'Occident?  Ou  sait  que  les  Roland,  les  Re- 
naud, les  Turpin  ont  été  singulièrement 
transformés  par  I  imagination  des  masses, 
et  la  poésie  gigantesque  ou  barbare  des  lé- 
gendes n'a  jamais  été  confondue  uar  les  sa- 
vants avec  les  documents  tout  à  fait  dignes 
de  foi  que  l'histoire  nous  a  transmis  sur  le 
(ils  de  Pépin.  Pourtant,  en  frappant  d'un 
même  anathèmé  les  écrits  des  àpftlres  et  de 
leurs  disciples,  et  les  légendes  populaires 
produites  par  la  poésie  df^s  masses,  les  ad- 
versaires de  l'Ëvangiie  ne  s'aperçoivent  pas 
qu'ils  feraient  comme  un  savant  qui  met- 
trait absolujnent  sur  la  même  ligne  les  écrits 
<i'£ginhard  et  le  rpman  des  Quatre  Hh 
Àymon.  Est-ce  là  de  la  critique  véritable? 
Parce  qu'on  trouve  à  chaque  instant  la  fa- 
ble, faut-il  renverser  toute  l'histoire?  £st-il 
sûr  que  le  vrai  et  le  faux  ne  puissent  pas 
être  démêlés  dans  les  traditions  dupasse? 

Testament;  — Hug,  Introduction  au  Nouveau  Teita- 
mentj  —  Thilo,  Codex  apocryphus  Novi  Testamenti; 
'  -~  C.-C.>L.  ScHMiDT,  Corpus  omnium  veierum  apo- 
ci:yphorum;  —  Bibcu,  AUctarîum  codicis  apocryphi 
Nàvi  Testamenti  Fubrieiàni;  —  Kleuker,  Les  apo- 
cryphes du  Nouveau  Testament  ;  —  F.  de  BEAirso- 
BRB,  De  Novi  Testamenti  libris  apocryphis, —  Brij> 
MET  ,  Les  évangiles  apocryphes.  —  Ces  écrivains 
'n*oni  pas  tous  jugé  la  question  au  poiul  de  vue  ca- 
tholique. . 

(310)  Cr.  Eginhard,  Vita  et  gesta  Caroli  «St^ni,  et 
Chronique^  et  Touvra^e  intitulé  :  Histoire  fatte  par 
Turpin,  archevêque  de  Reims,  contenant  let  prouesses 
et  laits  d'armes  advenus  au  temps  du  roi  Charte- 
magne  et  de  son  neveu  Roland,  translatée  du  latin  en 
français, 

(51 1)  Il  est  encore  très-curieux  de  comparer  avec 
les  évangiles  canoniques  les  mythes  qui  se  sont  for- 
més au  sein  du  mahoiuétisuie  sur  là  vie  du  fonda- 
teur du  christianisme.  Car  la  réunion  étonnante  du 
puéril  et  du  fantastique,  de  la  simplicité  et  de  Taf- 
feciation,  qui  se  trouvent  dans  ces  traditions  musul- 
manes» rend  plus  frappante  encore  la  peinture  naïve 
et  constamment  vraie  des  évangiles. 

(5iî)  Socrate  dit  dans  Platon  :  c  II  faut  attendre 

2ue  quelqu^un  vienne  nous  instruire  de  la  manière 
ont  nous  devons  agir  relativement  aux  dieux  et  aux 
liommes.  Il  n*y  a  qu*un  Dieu  qui  puisse  nous  éclal  - 
rer.  i  (Cf.  Platon,  Alcibiade.)  —  c  On  voit  par  le 
Timéej  dit  Tahbé  Foucher,  que  Tattente  ceruine  du 
docteur  universel  du  genre  numain  était  un  do^me 
reçu  9  qui  ne  souffrait  pas  contradiction.  »  (Cf.  Fou  • 
CHEB,  Mémoires  de  f Académie  des  inscriptions, 
t.  LXXI,  XX,  147.)  ~  Voilà  pour  la  Grèce.  —  Ecou- 
^tons  la  Chine  :  c  En  nous  attachant  facilement  aux 


Nous    n'avons  pas   besoin  de    livrer  ce^ 
'  questions  aux  discussions  de  la  science  con- 
temporaine, le  sens  commun  ne  les  a-l-il  i^as 
tranchées  depuis  longtemps  (311)  ? 

Nous  conclurons  par  ces  paroles  remar 
quables  du  prisonnier  de  Sainte-Hélène  - 
«  Les  esprits  superficiels  voient  de  la  res- 
semblance entre  le  Christ  et  les  dieux  def 
autres  religions.  Cette  ressemblance  D*exist6 
pas.  Il  7  a,  entre  le  christianisme  et  quelque 
religion  que  ce  soit,  la  dislance  de  Tinfini. 
'  Le  premier  venu  tranchera  la  question 
comme  moi,  pourvu  qu'il  ait  une  vraie  con- 
naissance des  choses  et  Texpérience  des 
hommes.  » 

Jix. 

Publicité  des  faits  évangéliques.  —  Attente  universeUe 
du  Bleasie.'—  Mahonet  jugé  par  Napoléon.  —  Les  apA- 
très.  —  Jean-Baptiste. 

Il  existe  dans  Thypothèse  mythiaue  une 
contradiction  qui  tient  au  fond  même  du 
système.  Cette  contradiction,  qui  n'a  guère 
été  remarquée,  n'en  est  pas  moins  une  des 
plus  choquantes  que  Ion  puisse  sigi.aler. 
Strauss  suppose  en  effet  que,  du  temps  de 
Jésus-Christ,  les  Juifs  attendaient  un  Me^io 
dont  la  vie  merveilleuse  ferait  oublier  £(ie 
et  Elisée.  On  croyait,  de  Taveu  même  de 
notre  adversaire,  que  ce  fils  du  ciel  repro- 
duirait, dans  sa  prodigieuse  existence,  fous 
les  oracles  des  voyants  d*lsraël.  Les/>eup/es 
l'attendaient  comme  les  plantes  desséchées 
attendent  la  rosée  du  soir  (312).  H  circulait 
dans  tout  TOrient  comme  une  rumeur 
d'espérance  et  d'enthousiasme  (3i3k  Tous 
'  les  peuples  savaient  que  le  Saint  allait  pa- 

traditions  anuques,  dit  Kouei-Kou*Tseu,  nous  sa- 
vons que  le  Saint  existe  avant  tout  ce  qui  a  été  pro- 
duit, f  (Cf.  Préhaee,' &/<Pc/a  Vestigia,  dans  les  Ajt- 

;  nales  de  philosophie  chrétienne,  xvui.)  Les  peuples 
Tatiendent,  comme  les  plantes  flétries  attendent  U 
rosée.  (Cf.  Scuhitt,  De  la  rédemption  du  gemre  In- 
main,  trad.  Heorion,  45.)  Âbel  Réroasat  avoue  qoe 

,  ridée  de  la  venue  d'un  saint  était  répandue  eo  Chine 
six  ceuu  ans  avant  Tére  chrétienne.  (Cf.  Akl  Rc- 
MISAT,  Morale  de  Confucius,  Invariable  milieu,  vK 
ù'i,  liv.  vMi,  94,  note  160.)  — La  Perse  atiendait 
dans  Sosioch  un  libérateur  futur,  qui  devait  réparrr 
les  maux  rausés  par  Âbriman.  (Cf.  Crccxea*  Ui^ 

[  toire  des  religions  de  Pantiquité,  notes  de  Guigniaut 

'  sur  les  Religions  de  la  Perul)  —  Quant  à  Tltide,  U 
ii*est  pas  i.éctssaire  d*accumuler  les  prenves.  — 
f  Tout  le  système  bindou»  dit  M.  Rossignol,  est  pé- 
nétré du  dogone  d*un  médiateur,  i  (Cf.  Rqssicno^^, 
Lettres  sur  Jésus-Christ,  i,  lettre  5.)  —  Noos  ne 
multiplierons  pas  les  citations,  puisque  dos  adver* 
saires  ne  semblent  pas,  cette  fois»  contester  les  faits. 

.  —  «  De  temps  immi^morial,  disait  Voliaire,  c'éiaic 
chez  les  Orientaux  une  maxime  que  le  Sage  vie»- 
drait  de  POccident.  i  (Voltaire,  Aâditiw»  à  tk'u- 
toire,  15.)  Yolney  disait  à  son  toar  :  c  Les  iraili> 

.  tiens  sacrées  et  mythologiques  des  temps  aaitérieuis 
avaient  réoandu  dans  toute  TAsie  la  cn^yance  d'au 
grand  médiateur  futur,  d*un  juge  final,  d*uii  sau- 
veur, d*un  conquérant,  d*un  roi,  d*nn  IHeii  législa- 
teur, qui  devait  ramener  Tàge  d*or  sur  la  terre  et 
délivrer  les  hommes  de  Tempire  du  maL  •  (  Yolksi, 
Les  Ruines,  226.) 

(313)  Ce  fait  est  aUesté  par  le  lémoigim^  de  Ta- 
cite  et  de  Suétone. 


«5 


HYT 


blGTIONiNAIRE  APOLOGETIQUE 


Mît 


306 


tiiire.  Si  la  rie  de  Jésus  a  été  aussi  pAle  et 
ii)$si  décolorée  que  les  mythologues  Toni 
fipété  cent  fois,  qui  donc  aurait  pu  s'aviser 
leToir,  dans  le  61s  d'un  charpentier  sans 
klaietsaos  Eloire,  le  Messie  désiré  des  na- 
iûos  (314)?  Qui  aurait  donc  pu  s'y  mépren-. 
Ire?  Doù  Tiendrait  cette  étrange  ardeur  et 
M  dévouement  sans  bornes  que  noontrèrent 
firtout  les  prédicateurs  de  la  nouvelle,  doc- 
trine (315)  ?  Supposons  qu'un  homnâe  se 
ionlre  aujourd'hui  et  se  dise  le  prophète 
die  (lis  de  Dieu,  s'imaginera-t-on  pour  cela 
f&'i)  8  tait  des  miracles  et  accompli  les  pro* 
^es?On  comprendrait  une  piareille  in- 
mmt  de  la  part  d'un  homme  qui»  par  la 
puissaoce  ou  la  ruse,  pourrait  a^ir  lorie- 
fteol  sur  les  imaginations  populaires  (316)^ 
Kib  qu'on  voiQ  dans  quelles  circonstances 
lartit  dd  se  former  la  mythologie  chré- 
NQcLefilsde  Marie  était  mort  sur  une 
en^ix,  et  il  n'était  pas  ressuscité.  11  était 
lUttditdes  grands  et  des  princes  du  peuple, 
IIIii!4il,pottr  croire  eu  lui,  s'exposer  aux 
persécutions  de  la  Synagogue  ;  si  ses  disci* 
pksMaieDl  jamais  eu  pour  lui  quelque  en- 
tki)(bia$iQey  les  circonstances  étaient  bien 
(copresà  le  faire  disparaître.  On  a  vu  des 
■Jthologiea  commencer  par  la  grandeur 
ii^oiqai,parla  fascination  du  génie  mili- 
Uirf.  Hiis  01^  trouver,  dans  l'histoire  des 
wto«  ttfle  mythologie  qui  commence  au 
ptedJ'un  gibet?  Imagine-t-on  qu'en  voyant 
'^ur  maUre  cloué  au  poteau  des  esclaves, 
«es disciples  se  soient  enthousiasmés  pour 

(3UI  a.  i]LLMJUCN,  Que  tuppoêê  la  fondation  de 
fUui^f  «R  crucifie?  —  Ker».  Faîrt  principaux 
itt^iiiwe  étau^li^iue;  —  EscnKiiiiAVEB,  hcario* 
ibf,ch.  IV.  —  I  Le  cèdre,  qui  est  destiné  à  sur- 
pKrioos  les  attires  arbres,  diien  parlant  du  chris- 
mmt  rélOi|iient  Escbenmay^'r,  peut-il  venir  de 
ftpainede  rbamble  neiseiier?  » 

tSIS)  Cf.  Emjusriiayeb,  J$carioti*me^  cli.  iv.  Le 
lUraii  4|iill  fait  de  la  vie  de  sauil  Paul  est  un  des 
Ibreourquabies  morceaux  de  la  liuérature  théo- 

^3f6)  Ceii  ce  qu'a  fait  Mahomet,  et  Napoléon  a 
tattdé  sa  vie,  avec  celle  du  Chrisi,  un  paraUéte 
^  MUS  ne  pouvons  résister  à  Tenvie  de  citer  ici  : 
^(Valtoset,  aans  doute,  prodame  Funiié  de 
1^;  o-ue  vérité  est  Teêsence  et  le  dogme  principal 
'  »  rdigioii.  Je  le  recouuais;  mais  loul  le  monde 
<iQ*d  ae  Taffirme  que  d'après  M<>îse  et  la  iradi- 
jaive.  L'esprit  de  Mahomet,  ou  plulét  son  ima- 
- Jtion,  1  (ait  tous  les  frais  de  tous  les  autres  dug- 
^de  PAlcoran,  livre  plein  de  confusion  et  d*obs- 
w\\é^  (Tua  novateur  passionné  qui  se  tourmente 
|Mr  re«Hidr«,  avec  le  génie,  des  questions  qui 
m  plus  lames  que  le  génie,  et  il  n'ahoutt(  vrai- 
pnA(\uk  ées  larpitndes!  Tant  il  est  vrai  qu'il  n'est 
i^  a  personne,  même  à  un  grand  homme,  de 
Haifireilesalisfaisanlëur  Dieu,  le  paradis  cl  la 
^^  faiurf ,  si  Dieu  ne  l'en  insiniil  lui-nièuie  préa- 
Ui^tfieat  !  Ausii  Mahomet  n'esl  vrai  qu'autant  qu'il 
>'ilMie  for  U  Bible  et  sur  Te  seutîmeut  inné  de  hi 
'Wjitfe  de  Di^u.  —  Pour  tout  le  reste  ,  l'Alcoran 
»''û  inimeut  qu'un  sysièiuc  hardi  de  domination 
'UeaTaliiiMuieut  politique,  —  Partout  l'homme 
'•4jiua»  le  montre  à  découvert  dans  Mahomet. 
^''  bueur  de  toutes  les  passions  les  plus  chères  au 
^«BrJc  llHH»me,  coniuie  il  caresse  la  chair! 
f  Ile  hf  je  part  il  fait  à  la  scnfuaUlé  !  —  Esl-co 


ce  crucifié  qui  avait  trompé  leurs  espérances 
et  compromis  leurs  destinées?  Non,  on  ne 
peut  accepter  une  plus  révoltante  absurdité 
psychologique,  surtout  si  l'on  tient  compte 
du  caractère  des  apôtres,  que  nous  voyons, 
jusqu'à  la  Pentecôte  ,  dominés  par  une 
tendance  positive  qu'ils  ne  dissimulent 
pas. 

11  était  d'autant  plus  difficile  de  se  faire  il- 
lusion sur  les  miracles  du  Sauveur,  que  sa 
mission  tout  entière  s'était  exécutée  sous 
les  yeux  de  ses  plus  redoutables  ennemis. 
Quelle  a  été,  en  effet,  la  vie  du  Christ? 
Quel  a  été  le  caractère  de  ses  miracles?  Est- 
ce  dans  l'ombre  que  s'est  passée  son  exis- 
tence? A-t-il  prêché  dans  des  conventîcules 
mystérieux?  A-t-il  fui  la  lumière?  Il  fQut 
l'avouer,  les  maladroits  faiseurs  de  légen- 
des, qu'on  dit  avoir  inventé  cette  histoire, 
choisissaient  bien  leur  temps  I  en  donnant 
à  la  vie  du  Rédempteur  un  cadre  si  bien 
tracé,  des  circonstances  si  nettes  et  si  pré- 
cises, ils  acceptaient  comme  à  dessein,  tout 
ce  qui  pouvait  démasquer  et  confondre  leur 
follç  crédulité.  Strauss,  n'a  pas  contesté 
l'authenticité  des  Actes  de$  apôtres  (317)  : 
qu'il  lise  donc,  dans  les  premiers  chapitres, 
les  admirables  discours  de  saint  Pierre  (318) 
et  de  saint  Etienne  (319),  prononcés  devant 
la  multitude  et  devant  le  sanhédrin  lui- 
même.  Quelle  vivacité  I  quelle  conviction  1 
quelle  logique I  S'il  se  fût  agi  d'une  pure  il- 
lusion dlraagination,  pourquoi  les  meur- 
triers du  Chrtst  n'ont-ils  jamais  essayé  de 

vers  la  vérité  de  Dieu  qu'il  veut  entraîner  l'Arabe , 
ou  vers  la  sédnclion  de  toutes  les  jouissances  per- 
mises dans  cette  vie,  et  promises  comme  l'espoir  et 
la  récompense  de  l'autre  ?  —  Il  fallait  enlever  un 
peuple:  l'appel  aux  passions   fut  nécessaire,  à  la 
tioiine  heure  I  11  a  réussi  ;  mais  la  cause  de  son 
iriomphe  sera  la  cause  de  sa  ruine.  Tôt  ou  tard  le 
croissant  disparaîtra  de  la  scène  du  monde ,  et  la 
croix  demeurera.  Le   sensualisme  tue ,  en  défini- 
tive Jes  nations  aussi  bien  que  les  individus  quioni 
la  folie  d'en  fiiirc  la  base  de  leur  exisiei»ee!  —  De 
plus,  ce  faux  prophète  s'adresse  à  une  seule  na- 
tion ,  et  il  a  senti  le  besoin  de  jouer  deux  rôles ,  le 
rôle  politique  et  le  rôle  religieux.   Il  a  eirecti- 
venient  Conquis  et  possédé  toute  la  puissance  du 
t)remier.  Pour  le  second ,  s'il  en  a  eu  le  prestige,  il 
n'en  a  pas  eu  la  réalité.  Jamais  il   n'a  donne  de 
preuves  de  la  divinité  de  sa  mission.  Une  ou  deux 
fois  il  veut  s'étayer  d'un  miracle,  et  il  échoue  lion- 
teusement  :  personne  ne  croit  h  ses  miracles,  parce 
que  Mahomet  n'y  croyait  pas  lui-même ,   ce  qui 
prouve  qu'il  n'est  pas  aussi  aisé  qu'on  se  l'imagine 
d'en  Imposer  sous  ce  rapport  Si  le  titre  d'impos- 
teur s'accole  facilement  au  nom  de  Mahomet ,  il 
répugne  tellement  avec  celui  du  Christ  que  je  ne 
crois  pas  qu'aucun  ennemi  du  christianisme  ait  ose 
l'en  flétrir.  —  Et  cependant  il  n'y  a  pas  de  uikieo, 

LE  Christ  EST  «NIMPOSTEBR.  ou  IL  EST  DIEU.    >    (Cf. 

DE  Beau  TERNE  ,  ,Senliment  de  KapoUon  ,  cli.  h  , 

(517)  Depuis  le  D'  de  YTettc,  Baor,  M.  Maury  et 
Schraderonf  essayé  d'afl'aibllr  l'autlienticilé  de  ce 
livre ,  mais  il  n'ont  pas  même  entame  les  argumenta 
si  forts  de  Lardner,  Palcy  et  de  Tholuck. 

(518)  Cl.  AclM  Apotl,^  II. 
'5iî))  Cf. -Acitts  Apoit,,  Ml. 


367 


MTF 


mCnOflNAIRE  APOLOGETIQUE. 


mnr 


soft 


conraiiicre  d*imposlDre  ces  disciples  simples 
et  naî6  qui  les  accusaient  derant  la  oatioa 
tout  entière  du  plus  grand  des  forfaits? 
Pourquoi  n*a-t-on  pas  fait  d'enquête? 
Pourquoi  n'a-t-on  jamais  rien  inventé  qui 
fût  tant  soit  peu  raisonnable  ?  Quelque  sup- 
position que  Ton  fasse,  ces  conclusions  au 
sens  commun  j'^tteront  toujours  à  terre  les 
adversaires  de  PEyangile.  Si,  au  contraire, 
il  est  impossible  de  contester  la  publicité 
des  miracles  du  Sauveur,  on  s'explique  les 
hésitations,  les  fausses  mesures,  les  embar- 
ras du  sanhédrin.  On  comprend  le  change- 
ment subit,  le  zèle  et  la  fermeté  des  apd- 
très.  II  est  plus  facile  d^accepter  des  mira- 
cles que  de  dévorer  tontes  les  absurdités 
des  systèmes  rationalistes:  vaines  chimères 
qu'emporte  le  flot  du  temps  et  qui  dispa- 
raissent plus  vite  que  les  nuées  poussées 
par  le  vent  de  Forage! 

Ajoutons  à  ces  considérations  une  ré- 
fleiion  d'une  grande  portée  qui  nous  est 
suggérée  par  le  docteur  Ullmann  (320).  La 
personnalité  de  Jésus,  telle  que  Strauss  la 
représente,  une  vie  si  complètement  livrée 
à  Texamen,  une  existence  qu'on  nous  dé- 
peint comme  si  prosaïque  et  si  insigniûante 
était-elte  véritablement  propre  à  mettre  en 
émoi  l'imagination  populaire?  Si  quelque 
personnage  de  ce  temps-là  était  capable 
d'exciter  Tenthousiasme  de  la  foule,  c'était 
bien  plutAt  Jean-Baptiste,  dont  la  parole 
puissante  remuait  si  profondément  les  po- 
pulations de  la  Judée.  Sa  vie,  d*ailleurs 
pleine  de  rudesse  et  d'austérité,  était  beau- 
coup plus  eu  harmonie  avec  les  tendances 
du  génie  national,  et  rappelait  d'une  ma- 
nière oien  plus  frappante  la  tradition  véné- 
rée des  prophètes  d  Israël.  Jean-Baptiste  ne 
laissait  point  sur  les  sables  des  déserts  la 
trace  de  ses  pieds;  son 'existence  inconnue 
et  profondément  mystérieuse  se  prêtait  bien 
plus  facilement  aux  combinaisons  arbitraires 
de  la  légende  et  de  la  poésie  (321}.  D'ail- 
leurs, puisque  Ton  suppose  qu  il  avait  été 
le  mattre  de  Jésus-Christ,  comment  peut-on 
admettre  que  l'imagination  de  la  foule  se 
soit  emparée  du  disciple  pour  laisser  è  peu 
près  dans  l'ombre  et  dans  l'oubli  le  prédica- 
tcur  populaire  du  désert?  La  mythologie 
chrétienne,  au  lieu  de  s'organiser  d'après 
Tordre  naturel  des  idées,  aurait  donc  violé 
toutes  les  lois  de  l'analogie  et  du  bon  sens. 
Il  n'y  a  donc,  dans  de  pareilles  hypothèses, 
ni  science  sérieuse  ni  réflexion  solide.  0*est 
un  parti  pris  k  l'avance  (322),  qui  brise  im- 
pitoyablement tous  les  faits  qui  ne  peuvent 
pas  entrer  dans  le  cercle  de  fer  qu  on  veut 
vacer  autour  du  christianisnie. 

(320)  et,  ULLIIA5II,  Examen  de  la  Vie  de  Jétui^ 
dans  les  Etudes  el  critiques  de  1836. 

(321)Cf.  Khvn,  Vf>  de  Jéên$ .  i,  161-300;  — 
Alzog  ,  Hiiloire  univer$êUe  de  VEgli$e  ,  le  Christ  el 
le  sièrie  aposioliqiie  ;    —  Tillenont,    Mémoires 

Êour  servir  à  rUisloire  ecclésiastique  ,  i ,  saint  Jeaii- 
iaptiste. 

(322)  La  même  réflexion  s^^ppliqne  à  la  Dogma- 
tique  de  Strauss  el  aux  autres  ouvrages  du  niciiic 
genre ,  publiés  par  les  théologiens  rationalistes. 


M.  Edgar  Qui  net  Ta  voue  maigre  son  ad- 
miration pour  l'et^èse  allemande,  c  Arec 
le  même  désir  de  rester  dans  ta  vérité,  je 
reconnaîtrai  que,  dès  l'ouverture  de  rette 
histoire,  on  voit  clairement  que  le  système 
est  conçu  par  avance  ;  qu*il  ne  naît  pas  né- 
cessairement des  faits;  qu'au  contraire, 
l'auteur,  avec  la  ferme  volonté  de  tout  y 
ramener,  ne  s'en  démettra  devant  ancDH 
obstacle.  Que  par  là  il  est  entraîné  è  nne  Iq- 
tolérance  logique  qui  ressembTe  i  une  sorte 
de  fanatisme,  et  rappelle  avec  plus  de  sang- 
froid  et  de  maturité  l'esprit  exterminateur 
de  Dupuis  et  de  Volney.  j'ai  même  quelque 
sérieuse  raison  de  croire  que,  revenu  de  la 
première  fougue  de  la  discussion,  il  ne  se- 
rait pas  éloigné  d'admettre  la  justesse  de 
cette  critique.  Un  second  reproche  que  je 
ferai  à  cet  ouvrage,  parce  que  la  critique 
allemande  n'y  a  pas  assez  insisté,  c  est  que 
l'intelligence  et  la  connaissance,  il  est  vrai, 

{frodigieuses  des  livres,  y  semblent  étouffer 
e  sentiment  de  toute  réalité.  Au  milieu  de 
cette  négation  absolue  de  toute  tic,  tous 
êtes  vous-même  tenté  de  vous  interroger 
pour  savoir  si  vos  impressions  les  pins  per- 
sonnelles et  votre  âme  ne  sont  pas  aussi, 
fiar  hasard,  une  copie  d'un  texte  égaré  du 
ivre  de  la  fatalité,  et  si  votre  propre  exis- 
tence ne  va  pas  soudainement  vous  èire 
contestée  comme  un  plagiat  d'une  histoire 
inconnue  (3i3).  i> 

Unité,  originaUté,  sabliinité,  sfncérilé,  indrenitilt  de 

l*Evangile. 

Un  professeur  allemand^  gui  répondait,  il 
y  a  quelques  années,  au  livre  du  docteur 
Strauss,  écrivait  dans  VIndicateur  liltéroiTt, 
ces  remarquables  paroles  :  «  Les  évangiles 
sont  unanimes  sur  la  sainteté  extraordinaire 
de  la  personne  et  de  la  vie  de  Jésus,  et  leurs 
témoignages  ne  seraient  pour  nous  que  des 
mythes  1  Ces  témoignages,  considérés  comme 
des  inventions  sou  volontaires  et  dans  un 
but  quelconque,  soit  involontaires,  derieii- 
draient  de  pures  absurdités!  Où doncaurait- 
on  pu  prendre  les  traits  du  portrait  de  Jésus, 
tel  que  nous  le  retracent  unanimement  les 
quatre  évangiles ,  si  ce  n'est  chez  celui  qu  ou 
peut  appeler  le  messager  de  la  vie,  rhomrae 
divin,  1  homme  entièrement  pur?  Comment 
ses  disciples,  qui  appartenaient  aui  classes 
les  plus  ignorantes  du  peuple,  purent-ils 
s'élever  eux-mêmes  à  de  si  naules  concei'- 
tiens  idéales  ?  Pourquoi  apf)Iiciuèrenl-il5 
ces  traits  précisément  à  cet  individu?- 
Assurément,  on  n'en  peut  douter,  p^rce 
qu'ils  y  furent  contraints  parla  personnalité 
si  vivante  et  si  merveilleuse  de  Jésus  (3i^}; 

(32^)  E.  QniicET,  Allemagne  et  Italie,  III,  '^^-^ 
Sur  Toriginaliié  de  l'Ëvangile ,  voy.  note  XII,  à  i< 
fin  du  volume. 

(3i4)  Cf.,  aiip  Texcellenee  du  capaclère  moral  de 
Jésus-Christ,  Bergick  ,  Traité  de  la  vrais  religton, 
3*  part.,  cb.  m,  art.  2  ;  —  Atmé.  FendemenU  de  M 
Foi,  I,  4H  ;  —  Vkrwet,  Traité  de  la  vraie  reliçjton, 
III,  liv.  V  ;  —  DuvoisiN ,  Démênstrarwn  évaHgéli(l*^* 
52-78  ;— Abbadie,  Traité  de  la  vraie  religion,  n,  f^; 
lion  2,  ch.  8  ;— Geotius,  De  veritale  retigimi  d^^ 


*w 


MYT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


310 


ctsi  d'elle  qu'ils  reçurent  d'abord  ce  por- 
trait. Admettre  la  composition  involontai- 
rement mythique,  c'est-à-dire  fabuleuse,  de 
If  fie  de  Jésus,  est  une  absurdité.  » 

y.  E.  Qoinet,  qui  n*est  pas  suspect,  a  dé- 
veloppe ces  quelques  pensées,  si  pleines  de 
justeise  et  de  solidité,  avec  une  énergie  qu'il 
»«rai(  difficile  de  surpasser. 

«Quoi!  dit-il,  cette  incomparable  origi- 
nalité du  Christ  ne  serait  qu'une  perpétuelle 
loiitalion  du  passé,  et  le  personnage  le  plus 
neuf  de  l'histoire  aurait  été  occupé  perpé- 
tuellement à  se  former,  ou,  comme  quel- 
ques personnes  le  disent  aujourd'hui,  h  se 
()0^fr  d'après  les  figures  des  anciens  pro- 
;  te?  On  a  beau  objecter  que  les  évangé- 
\m  se  contredisent  fréquemment  les  uns 
les  autres,  il  faut  avouer  à  la  fin,  que  ces 
loolradictions  ne  portent  que  sur  des  cir- 
ronstances  accessoires,  et  que  ces  mêmes 
(«rirains  s'accordent  en  tout  sur  le  caractère 
ii;êmedeJésu5-Christ.  Je  sais  bien  un  moyen 
•^'iN  réplique  pour  prouver  que  cette  figure 
îi'itqo'ane  invention  incohérente  de  T'es- 
{irit de  l'homme  :  it  consisterait  à  montrer 
iu>  celui  qui  est  chaste  et  humble  de  cœur, 
^W  saint  Jean,  est  impudique  ot  colère, 
i^o:: saint  Luc;  que  ses  promesses  qui  sont 

'MhiaeHes,   selon    saint    Matthieu,    sont 

i«'ni|H7re!les,  selon  saint  Marc;  mais  c'est  là 

^^'ofl  n'a  |>oint  encore  tenté  de  faire,  et 

(uni^é  de  cette  vie  est  la  seule  chose  qu'on 

iJâit  ^loiot  discutée.  Sans  nous  arrêter  à 

't«e  observation,  accepterons-nous,   pour 

•îJl expliquer,  la  tradition  populaire,  c'est- 

•-life  le  mélange  le  plus  courus  que  l'his- 

(«irr  ait  jamais   laissé  paraître,  un  chaos 

•^Hébreui,  de  Grecs,  dEgvptiens,  de  Ro- 

Baios.de  grammairiens  a  Alexandrie,  de 

^ibes  de  Jérusalem,  d'esséniens,  de  sad- 

(JiK^ns,  de  thérapeutes,  d'adorateurs  de 

JéijOTah,deHithra,  deSérapis?  Dirons-nous 

ijo^"  cette  vague   multitude,  oubliant  les 

ffiiTéreoces  d'origine,  de  croyances,  d'inslitu- 

boo5,  s'est  soudainement  réunie  en  un  seul 

«prit,  pour  inventer  le  même  idéal,  pour 

créer  de  rien,  et  rendre  palpable  à  tout  le 

pnre  humain,  le  caractère  qui  tranche  le 

Btieux  avec  tout  le  passé,  et  dans  lequel  on 

^^nnalt  Tunité   la  plus    manifeste?  On 

t^'^aera  au  moins  que  voilà  le  plus  étrange 

I  rjjrade  dont  on  ait  jamais  entendu  parler, 

l^'fi^  l'eau  changée  en  vin  n'est  rien  auprès 

i^^elui-lè(325)-» 

I   Lohgiualité  de  l'Evangile  ne  s'explique 

I  *'»««,  lib.  u,  cap.  18;— BcRGiER,  Apologie  du  chris- 
**••'*«<,  i,ch.  3,  §  1-4;— Pascal,  PentéeSy  cb.  11. 

'  '^>)  E,  QouiET,  Ailemagne  et  Italie^  ii,  582.  — 
^^tt-sw  exprimail  à  Sainte  -  Hélène,  avec  non 
aûin  ifâergie  et  avec  une  concision  plus  grande 


T  •-*•»   *«»|Flli;  WlIC  «VIK?  «^    ▼«i^il^i  UMVil  \\MM.^^%J\j  »   'VW^a 

*'*^ee)iTre  procure  à  ceux  qui  y  croient!  Que  de 
«^«Hûi  yadmirent  ceux  qui  l'ont  médité!— Tous 
'^n^u  T  «ont  scellés  et  solidairi*s  l'un  de  Tautre, 
«'••lelrt  pirrresd^an  même  ctliOce...  Le  Christ  ne 
^^  |af,ti  nMiésiie  jamais  dans  son  enseignement, 
*^  '•  niirailie  affitmation  de  lui  est  marquée  d*uu 


pas  mieux  dans  l'hypothèse  mythique,  que 
sa  merveilleuse  unité.  Le  Nouveau  Testa- 
ment est  un  livre  à  part,  qui  ne  ressemble 
évidemment  à  aucun  autre.  La  grandeur 
des  idées  qui  est  constante,  ne  revêt  jamais 
les  formes  de  l'enflure  ni  de  l'exagc^ra- 
tion  (326);  il  y  règne  un  mélange  de  sim- 
plicité et  de  profondeur,  qui  est  le  caractère 
propre  des  œuvres  divines.  Fidèles  témoins 
des  faits,  les  évauKéiistes  les  rapportent 
avec  la  naïveté  et  l'émotion  que  ces  faits 
devaient  tout  naturellement  leur  causer. 
On  sent  que  les  hommes  qui  ont  rédigé  ce 
livre  ont  vécu  dans  une  atmosphère  toute 
divine,  et  qu'ils  ont  conservé  quelque  chose 
de  l'admirable  sérénité  du  maître  dont  ils 
rapportent  les  paroles  et  les  actes.  Si  l'E- 
vangile avait  été  écrit  bien  loin  du  spectacle 
des  événements,  comme  on  l'imagine,  il 
n'aurait  pas  une  pareille  physionomie.  Avec 
tant  soit  peu  d'habitude  des  hommes  et  des 
affaires,  une  déposition  quelconque  présente, 
avant  tout  contrôle  et  tout  examen,  l'inévi- 
table cachet  de  la  simplicité  naïve  et  de  la 
candeur  pariaite.  Comment  peut-on  supposer 

3u'une  tourbe  de  visionnaires  eût  pu  tracer 
'une  manière  si  étonnante,  ce  prodigieux 
tableau  des  passions  et  des  idées  de  toute 
une  époque  qui  s'appelle  l'Evangile?  Et 
pourçiuoi  un  pareil  pnénomène  ne  s'est-il 
jamais  reproduit  dans  aucune  autre  cir- 
constance, ni  dans  aucune  mythologie? 
Pourquoi  les  légendes  de  Bouddha,  de  Kri- 
chna,  de  Rama,  de  Lao-Tseu,  de  Zoroastre, 
d'Apollonius  de  Tyane,  n'onl-elles  jamais 
ce  caractère?  Pourquoi,  dans  ces  sortes  de 
compositions  littéraires,  découvre-t-on  tou- 
jours, au  premier  coup  d'oeil,  l'absence  de 
la  vie  et  de  la  réalité?  L'Evangile,  dites- 
vous,  est  une  mythologie;  mais  comment 
donc  se  fait-il  que  la  même  cause  ait  produit 
des  effets  si  divers?  Je  sais  bien  qu'il  y  a 
plusieurs  sortes  de  mythologies  ;  que  les 
mythes  sanguinaires  des  Eddas  ne  ressem- 
blent guère  aux  scènes  mystiques  du  fiha- 
gavat-Gita  ou  aux  légendes  voluptueuses  de 
la  Grèce.  Mais  ici  la  différence  n'est  pas 
seulement  dans  la  forme  et  dans  le  carac- 
tère des  passions  qu'on  met  en  jeu,  elle 
affecte  le  fond  et  la  substance  elle-même. 
D'ailleurs,  si  l'imagination  des  premiers 
chrétiens  se  fût  avisée  de  parer  la  grande 
figure  du  Christ  de  tant  de  fleurs  et  de  poé- 
sie, pensez-vous  qu'elle  eût  laissé  dans  leur 
simplicité   rude   et  grossière  les  disciples 

cachet  de  simplicité  et  de  profondeur  qui  captive 
rignorant  et  le  savant,  pour  peu  qu*ils  y  prêtent  leur 
attention.  Nulle  part  on  ne  trouve  cette  série  de  bel- 
les idées  ,  de  belles  maximes  morales ,  qui  défilent 
comme  les  bataillons  de  la  niHice  réleste,  et  qui 

{produisent  dans  noire  5me  le  même  sentiment  que 
*oo  éprouve  à  considérer  rétendue  du  ciel  resplen- 
dissant, par  une  belle  nuit  d'été,  de  tout  Téclat  des 
astres. — Non-seulement  notre  esprit  est  préoccupé, 
maii  il  est  déminé  par  cette  lecture,  et  jamais  TA- 
me  ne  court  risque  de  s*égarer  avec  ce  livre,  i  (De 
Beauternb,  Sentiment  de  Napoléon,  iv,  106.) 

(326)  L'illustre  Joseph  Gœrres  a  parfaitement  dé- 
veloppé ce  caractère  des  livres  saints  dans  son  Et  • 
sai  bur  rilistoire  universelle. 


511 


MTT 


DICnONNÂfRE:  APOLOGETIQIJE. 


MYT 


5li 


fidèles,  ces  apôtres  bien-aimés,  propagateurs 
de  son  œuvre  et  de  sa  parole?  Pourquoi 
a-t-elle  conservé  avec  tant  d'exactitude  la 
dureté  de  leur  cœur,  la  paressé  de  leur  • 
intelligence,  lesouvenirde  leur  fuite,  enfin, 
tout  ce  qui  dans  la  pensée  d'une  foule  amie 
du  merveilleux,  devait  singulièrement  ra- 
petisser les  proportions  de  leur  vie  T 

Ce  n*est  pas  ainsi  qu'agit  la  poésie  légen- 
daire. Elle  peint  Roland  et  Renand  tout 
aussi  grands  que  Cbarlema^ne.  Les  fils  d'O- 
din,  dans  les  Eddas,  se  placent  avec  une 
audacieuse  mirjesté  autour  du  trône  formi- 
dable du  Jupiter  des  Scandinaves.  Ici,  les 
choses  se  seraient  passées  fout  autrement. 
L'Eglise  primitive,  qui  avait  un  si  grand 
intérêt  à  peindre  sous  df^s  traits  merveilleux 
les  premiers  prédicateurs  de  l'Evangile,  leur 
a  laissé  toute  la  rudesse  prosaïque,  les 

ftenséea  populaires  des  pécheurs  gatiléens. 
I  est  impossible  d'admettre  tout  à  la  fois, 
dans  l'Eglise  primitive,  une  extravagante 
passion  du  fantastique  ,  et  un  sentiment  si 
Tif  de  la  vérité  historique.  M.  Edgar  Quinet 
avait  donc  raison  de  dire  a  Strauss,  en  par- 
lant des  apôtres  :  Ce  sont  bien  là  de$  hommes 
et  non  pas  des  mythes  I 

Si^l'on  supposeque  l'Evangile  est  l'oeuvre 
de  Timagination  populaire  ^  comme  le  veut 
le  rationalisme  contemporain,  il  est  encore 

(327)  L*éviiience  Intrinsèque  du  christianisme  est 
dans  la  coBtroverse  chréiièiine  une  question  de  la 
plus  haute  Importance. — Les  anciens  apologistes  ont 
émis  sur  ce  point  bien  dps  vues  capiuiles.  Cf.  Brr- 
ciEB,  Traité  de  la  vraie  religion^  5' partie,  ch.  3,  art. 
I,  et  3*  partie,  eh.  7;  —  Aymé,  Fondements  de  la 
foi^  I,  4d3  ; — De  la  Marr,  La  foi  justifiée^  propos. 
VI  ;— Verkbt,  Traité  de  la  vraie  reliaimi,  iv;  —  Dw- 
toism.  Démonstration  évangélUme,  87;  — Abbaoie, 
Traité  de  ta  vraie  religion^  ii,  4*  sect.;  —  Gérard, 
Le  comte  de  Valmont,  ni,  leitr.  2;— Le  François, 
Preuves  de  la  religion^  part,  iv,  sect.  2,  tom.  III  ;  — 
Pet,  La  loi  de  la  nature  perfectionnée; — Sermon  de 
Dradfort,  dans  La  défense  des  »avant$  anglais^  ii  ; 
—Sermon  de  Stahhope,  ibidem^  3*  point,  )i;^Je- 
NTics,  Evidence  du  christianisme;  —  Erskine,  Â^- 
ftexions  sur  révidence  intrinsè^e  du  ehriêtianiâme  ; 
«—  Sermon  de  Tijrner  dans  la  Défense  des  savants 
anglais^  m  ;  —  Grotius,  De  veritate  religionis  ckri- 
stianœ^  lib.  h,  cap.  11-16:  —  Bergier,  Certitude  des 
preuves  du  christianisme,  2'  part»,  ch.  9-10;  —  Du- 
GUET,  Principes  de  la  foi ,  m,  4'  part.,  ch.  5  et  7  ; 
— De  Montazet,  Jnstructionpastorale  contre  Cincré' 
.duUtét  2*  part.,  n*"  34-50  ;  —  Frayssinoos,  Défense 
du  christianisme^  m,  290^319;  —De  La  Luzf.rne, 
Instruction  pastorale  sur  Vexcetlence  delà  religion;-^ 
De  Trevern  ,  Discours  contre  l  incrédulité,  2'  et  3* 
discours  ; — Hearn,  Principes  fondamentaux  du  chris^ 
tianisme, 

(328)  Chateaubriand,  parlant  de  Rousseau  sous  le 
rapport  religieux,  nous  parati  l'avoir  montré  sous 
son  véritable  jour,  dans  ce  peu  de  lignes  :  c  Rous- 
seau, (iit^il,  est  uu  des  écrlvalnbdu  xviii*  siôcle  dont 
le  SI  vie  a  le  plus  de  charme,  parce  que  cet  homme 
Iii7.arre  à  dessein  8*était  an  moins  créé  une  ombre 
<le  religion.  Il  avait  foi  en  quelque  chose,  qui  n*éiail 
p»s  le  Christ^  mais  qui  pourtant  était  VEvangile,  Ce 
fantéroe  dn  christianisme ,  tel  quel,  a  quelquefois 
lionne  des  grinces  ineffables  à  son  génie.  Lui  qui 
sVt^t  élevé  avec  tant  de  force  contre  les  sophitites, 
n'cùl-il  pas  mieux  fait  de  &*ahandonncr  à  toute  la 
tendresse  de  son  àme,  que  de  se  penlre,  comme 


plus  difficile  de  rendre  raison  de  son  admi- 
rable sublimité  (327).  «  La  majesté  des  Ecri- 
tures m'étonne,  s'écriait  rinconséquent  au- 
teur A'Emile  (328),  la  sainteté  de  l^ETangile 
Krie  à  mon  cœur.  Voyez  les  liTresdes  poi- 
sophes  avec  toute  leur  pompe  ;  qu'ils  sont 
petits  près  de  cçlui-Iàl  Se  peut-il  qa'un  li- 
vre, à  la  fois  si  sublime  et  si  simple ,  soit 
l'ouvrage  des  hommes?  Se  f)eut-il  qne  celui 
dont  il  fait  l'histoire,  ne  soit  qu'un  homme 
lui-même?  Est-ce  là  le  ton  d'un  enthonsiaste 
ou  d'nn  ambitieux  sectaire?  Quelle  douceur, 
quelle  pureté  dans  ses  moBijrsI  Qaelle  grâce 
touchante  dans  ses  instructions  f  quelle  élé- 
vation dans  ses  maximes!  Quelle  profonde 
sagesse  dans  ses  discours  1  Quelle  présence 
d'esprit  1:  Quel  naturel  et  quelle  justesse  dans 
ses  réponses  1  Quel  empire  sur  ses  passionsi 
Où  est  l'homme,  où  est  le  sage  qui  sait  agir, 
souffrir  et  mourir  sans  faiblesse  et  sans  os- 
tentation ?  Quand  Platon  neint  son  juste  ima- 
ginaire couvert  de  tout  I  opprobre  du  rrinf^e 
et  digne  de  tous  les  prix  de  la  vertu,  il  peint 
trait  pour  trait  Jésus-Christ  (329);  la  ressem- 
blance est  si  frappante  t  que  tous  les  Pères 
l'ont  sentie,  et  qu  il  n'est  pas  possible  desV 
tromper.  Quels  ))réjugés,  quel  aveuglement 
ne  faut-il  pas  avoir  pour  oser  comparer  le  fils 
de  Sophronisque  au  fils  de  Marie  1  Quelle  dis- 
tance de  l'un  à  l'autre  (330)1  Socrate,  mou- 

eux,  dans  de  vains  systèmes,  dont  il  n'a  M  qoe  ra- 
jennir  les  vieilles  erreurs?.! 

(529)  I  Le  juste  parfait ,  dît  Platon,  est  ^\\  \  t\nî 
cherche,  non  pas  à  paraître  vertueux,  mais  à  ré;r«*. 
Il  faut  qu*il  soit  privé  de  Testimedu  public;  car  s'il 
passe  pour  juste ,  il  aura  des  honneurs  et  des  ré- 
compenses, et  Ton  ne  pourra  savoir  s^il  pratique  ta 
justice  pour  Pamour  de  ces  biens  oo  pour  la  justice 
elle-même.  Il  faut  donc  qn*il  soit  dépouillé  de  tout, 
excepté  de  la  venu  ;  il  doit  n*en  avoir  pas  mê- 
me la  réputation ,  mais  passer  pour  injuste  et  mé- 
chant ;  et,  comme  tel,  être  fouetté,  touruienie,  mis 
dans  les  chaînes,  privé  de  la  vue,  et,  après  avoir 
souffert  toutes  sortes  de  maux,  expirer  sur  une  croix.  • 
{HépubL ,  liv.  )i.)  11  est  Impossible  d'avoir  mieux 
spériflé  la  lin  douloureuse  de  Jésufr-Ghrist,  qui  ce- 
pendant n*eut  lieu  que  bien  longtemps  apH^  U  mon 
de  Platon. 

(330)  Marmontel,  revenu  des  erteurs  eu  rationa- 
lisme moderne,  a  rendu  un  bel  bommaae  à*la  divi- 
nité de  Jésus-Christ,  i  Le  caractère  de  Socraie,  d«t- 
il,  est  beau,  mais  il  n*a  rien  qui  soit  au-dessus  de 
riitimain.  Il  plaide  sa  cause  devant  ses  juges  artv  U 
dignité  d*nn  sage  ;  mais  il  rapelle  sa  vit*,  9^s  mœurs, 
sa  doctrine  et  les  services  qu*il  a  reiidiis  à  sa  patrie, 
et  le  bien  qu*ont  fait  ses  leçons.  Il  méprise  la  mon, 
mais  à  cause  de  sa  vieillesse,  ^t  parce  qn*cllc  lui 
procure  une  fin  douce,  au  lieu  d*uiie  fin  doulenrettse 
qtril  trouverait  inccs^imment,  et  qu'il  ne  saurnit 
éviter.  £i  lorsqii%in  de  ses  amis  lui  demande  p«:nrqnoi 
il  a  i;cgligé  de  prolonger  ses  jours,  écoulez  la  rëpotiâ';i 
f  il  m  eût  fallu  mourir  tourmenté  p:ir  Ifs  malndies^ 
f  ou  au  moins  par  la  vieillesse  sur  laquelle  s^acnw 
<  iiiulenl  tous  les  maux,  ou  au  moins  par  la  privn- 
lian  lie  tous  les  plaisirs.  >  (Vie  de  Socrate  par  \é- 
ropuom).  AsBuréuietit  tout  cela  est  d^m  liouiine.  Hirn 
de  semblable  dans  Jésus-Christ;  il  prédit  sa  mort 
.1  ses  di>ciples;  il  leur  annonce  que  Tiin  d*eux  le 
livrera,  il  le  nomme  et  Padmct  à  sa  table;  vî  d:iii$ 
le  miimciit  que  ce  disci,  le  le  livre.  Il  reçoit  son  Iri- 
ser, cl  rappelle  bOn  ami  ;  et  à  ceux  qui  vieniinit 
Tarrétci;  ;  <  Vous  venez  comme  pour  saisir  un  voleur: 


/•♦. 


513 


MTT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


^14 


ran(58n5  douleur,  sans  ignominie,  soutint 
lisémenl jusqu'au  bout  son  personnage;  et 
si  cette  facile  mort  n'eût  honoré  sa  vie,  on 
(jouterait  si  Socrate,  ayec  tout  son  esprit,  fût 
autre  chose  qu'un  sophiste.  Il  inventa,  dit-, 
ufl,  la  morale;  d'antres  avant  lui  l'avaient, 
imse  en  pratique:  il  ne  fit  que  dire  ce  qu'ils» 
AraieDlfait,  il  ne  fit  que  mettre  en  leçons . 
leurs  exemples.  Aristide  avait  été  juste, 
mnt (|iie Socrate  eût  dit  ce  que  c'était  que. 
ia  justjce  ;  Léonîdas  était  mort  avant  que 
Sûcrate  eût  fait  un  devoir  d'aimer  sa  patrie; 
Spirte  était  sobre  avant  que  Socrate  eût 
M  la  sobriété;  avant  qu'il  eût  loué  la 
T(ft'j,  la  Grèce  abondait  en  hommes  ver- 
(oeax.  Mais  oi^  Jésus-Christ  avait-il  pris 
rfi^zles  siens  cette  morale  élevée  et  pure, 
dijnt  )ui  seul  a  donné  les  leçons  et  l'exero- 
pie?  La  mort  de  Socrate,  philosophant  tran- 
liuiileuienl  avec  ses  amis,  est  la  plus  douce 
qn'oD  poisse  désirer;  celle  de  Jésus  expirant 
(lins les  tourments,  injurié,  raillé,  maudit 
deiootna  peuple,  est  la  plus  horrible  qu'on 
iHiisse craindre.  Socrate,  prenant  la  coupe 
rmpoisonoée,  bénit:  celui  qui  la  lui  présente 
rtqni  pleure;  Jésus,  au  milieu  d'un  supplice 
«ffrçui,  prie  pour  ses  bourreaux  acharnés. 
Oqi,$i  la  vie  et  la  mort  de  Socrate  sont  d'un 
^?^liTie  et  la  mort  de  Jésus-Christ  sont 
•^uQ  Uea.  Dirons-nous  que  l'histoire  do 
^Emgit  est  inventée  è  plaisir?  Ce  n'est 
posiiosi  qu'on  invente  ;  et  les  faits  de  So- 
ff^te»  dont  personne  ne  doute,  sont  moins 
auestés  que  ceult  de  Jésus-Christ  :  au  fond, 
cesi  reculer  la  difiiculté  sans  la  détruire.  Il 
Krait  plus  inconcevable  que  plusieurs  born- 
ai d'acccrd  eurent  fabriqué  ce  livre,  qu'il 
i^Test  qu'un  seul  en  ait  fourni  le  sujet. 
lm\i  des  auteurs  juifs  n'eussent  trouvé  ce 
^'G  ni  cette  morale ,  et  TEvangile  a  des  ca- 
bières  de  vérité  si  grands,  si  frappants,  si 
i^rfiiteanent  inimitables,  que  l'inventeur 
«*o  serait  plus  étonnant  que  le  héros  (331).» 
£hl)ienl  ce  livre  merveilleux,  c'est  une 
^'iile  fanatique  et  visionnaire  qui  l'a  rêvé  ! 
Oueiques  pécheur»  de  Galilée  ont  fait  mieux 

<f>e  ne  m'avez-viios  pri6,lear  dtuil,  lorsque,  ions 
«iMn,(hui$  le  temple,  j*enscignai8  au  milieu  «le 
'««N»?!  De  fanx  témoins  raccusctil;  il  {çanle  le 
^^<Me  :  Jiiui  mtem  taeebat.  Ce  n*eiic  i|ii*;iti  moment 
^  )e  poiiiife  radjnre,  au  nom  <le  Dieu  vivant,  de 
^Mittti  le  Chrbl,  le  ViU  de  Di<;u,  qu*il  répond  : 
l^/'Mesots  •  (Mabmoïitcl,  Leçom  tur  la  morale,  p. 
>*$.)>.  MarnuHitel  dil  plus  loin,  en  parliint  île 
^'Mlbriii  :  i  L'histoire  nous  n  peint  des  liomincs 
ntttleau  par  quelque  vertu  ;  la  philosophie  nous  en 
1  iJiiié  qoelqDc»*unft  ;  Téloquenre  en  a  célébré  ;  la 
H^  eo  a  pu  feîmlre;  mais  un  ciractère  aussi 
MiAaniMent  accompli  que  celui  de  Jésus-Christ  ne 
*^^Mais  tncé«  iiiéuie  dans  les  actions  les  plus  fa- 
•itaitts  «les  poéies.  (Mabmontel,  tM<f.,  p.  77.) 

■^1)  iean-lar^nefl  Hocssbau,  Emile^  iv,  105.  — 
'^  D*eii  point  Ici  un  tmil  d*esprit,  une  pensée  bril- 
^*i«;e*eattu  trait  de  lumière  qui  commande  la 
"*tTicti<M,  et  que  rincrédulilé  ne  peut  pas  plusolis- 
cirrtr  par  «les  sopbîsmcs,  qu'affaiblir  par  le  niépris. 
(jMSMcai,  eu  flfei,  ces  hoiupies  si  ignorau'ts  et  si 
^'■'{^Haaraietil'its  pu  inventer,  cVsl'à-dire  inmvcr 
7v^(>émrs  une  morale  si  au*  k'MUS  «leleurn  l:iil»i(*s 
'  '••^e«,  et  remire  avec  tant  de  justesse  une  di.c 
^'■t i^UiU  aTOwiiêiit  ne  pas  entendre?  Coninieui 


dans  leur  enthousiasme  naïf  que  Socrate, 
Zenon,  Cicéron,  K.ong-Fou-Tseu ,  Sakia- 
Mouni,Zoroastre,mieuxquela.Grèce,  mieux 
que  i'iude,  mieux  que  la  Chine,  mieux  que 
llome,  mieux  c|ue  le  monde  entier  I  C'est  là, 
certes,  un  curieux  prodige  que  nous  livrons 
aux  méditations  des  gens  qui  ne  veulent 
pas  de  miracles?  Cette  petite  communauté 
de  visionnaires  et  de  rêveurs  a  eu  plus  de 
sagesse,  plus  de  raison,  plus  de  bon  sens 
qiie  n'en  onteu  les  plus  fortes  tètes  de  l'hu- 
nianilél  Elle  a  trouvé  dans  ses  rêves  la  fra- 
ternité universelle,  la  prodigieuse  doctrine 
du  sacrifice,  la  réhabilitation  des  esclaves, 
les  droits  des  peuples,  en  un  mot  la  civilisa- 
tion moderne.  Que  Ton  compare,  par  exem- 
ple ,  VEihiaue  d'Aristote  au  sermon  sur  la 
montagne;  le  Timéede  Platon  au  discours 
de  la  Cène;  la  République  du  philosophe  de 
l'Académie  avec  la  première  communauté 
chrétienne,  et  J'on  comprendra  peut-être 
enfin  quel  miracle  c'est  c|ue  le  christianisme! 
li  reste  encore  à  signaler  un  privili^ge 
spécial  et  providentiel  dé  l'Evangile.  Les  li- 
vres sacrés  de  m^thologies,  fruits  de  l'ima- 
gination populaire,  sont  perpétuellement 
empreints  d  un  caractère  temporaire  et  lo- 
cal. Il  n'v  a,  dans  la  morale  qu'ils  imposent 
ou  dans  les  dogmes  c|u'ils  présentent  comme 
nécessaires,  rien  qui  s'adapte  aux  exigences 
perpétuelles  du  cœur  et  de  l'esprit  de  l'hom- 
me. Ces  législations,  purement  humaines, 
supposent  toujours  un  état  politique  inflexi- 
ble et  particulier,  de  telle  manière  qu'une 
révolution  entraînerait  nécessairement  la 
suppression  du  système  religieux  qui  sert 
de  base  5  tout  l'ordre  social.  Mais,  est-ce  là 
le  caractère  de  l'Evangile?  Sa  morale  et  ses 
doi^mes  ne  conviennent-ils  pas  à  tous  les  de- 
grés de  civilisation  et  de  sociabilité?  Les 
peuples  savants  du  xvir  siècle  n'ont-ils  pas 
accepté  l'Evangile  comme  les  tribus  erran- 
tes du  Paraguay?  Le  christianisme  n'a-t-il 
pas  été  prêché  sous  l'empire  des  Césars  et 
dans  les  communes  industrieuses  et  turbu- 
lentes du  moyen  flge?  La  liberté  ne  lui  fait 

auraient-ils  pn  inventer  lotîtes  ces  chosest^  qui  ne 
peuvent  pas  venir  dans  resprti  «le  celui  qui  invente, 
et  que  n'auraient  eeriainenient  pu  invpnter  (l«fS  lioiii^^ 
mes  qui  n*:Hiraient  voulu  «pie  tioniporîCommnit 
auraientHls,  pu  imaginer  ce  grand  caraolért;  de 
Jésus-Clirist  qui  ne  se  dément  jamais,  qui  est  tou- 
jours ce  qu'il  (toit  étr(%  itMijours  «ligne  4e  s^n  origina 
céleste,  toujours  tel«|uepar»li  le  deuinnder  la  natur<; 
de  sa  mission*  et  le  grand  luit  «lu'il  se  prop«>se  de 
remplir?  Non,  un  |»ortraii  si  sMldime  et  si  eraiul.  si 
Itien  d^iccord  dans  i«Hites  ses  parties,  si  «lépoiiillé 
de  tout  art  et  de  toute  déclamation,  si  éloigne  «le 
lout  ce  qui  pnit  senlir  le  panégyrique  et  reloge, 
irexislerait  point,  si  le  divin  oiiginal  nVût  |>oiiii 
esistél  C'est  un  «her-crœuvredonl  les  évan{(clistei 
n'eussent  jamais  été  capaUies,  s*ils  n'eusseiil  tra- 
vaillé sur  le  vrai,  et  copié  «l'après  nature;  et  certes, 
dans  la  suppositi<m  qu'il  n'y  ait  jamais  eu  de  r  di 
«te  Dieu,  pnmiis  et  envoyé  au  momie,  nous  n  anrioi.s 
jamais  «M  l'Evangile  tel  que  nous  le  lisons;  et  i'Ins- 
loire  de  Jésiis-l«liris»t,  que  nous  y  tnnivons,  doit  éiro 
reléguée  au  rang  des  clioses  Impossibles  dés  l'instaui 
«>ù  on  ose  la  travestir  on  iiiie  légende  apocryphe.  • 
{De  BuvLoCNe,  Mélanges. 


815 


MYT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


MYT 


316 


es  peur.  Il  triomphe  aux  Etals-Unis  et  dans 
saTanle  universitc^  d'OxI'ord  ;  il  saura  vi- 
vre également  sous  le  pouvoir  absolu  des 
czars  de  Saint-Pétersbourg.  Il  a  vécu  sous 
les  césars  et  sous  la  Convention  nationale  ; 
il  a  supporté  tout  è  la  fois  Néron  et  Rok)es- 
pierre,  sans  désespérer  de  son  avenir  et  de 
son  immortalité  (3312).  Qu'on  inlerrojçe  quel- 
qu'un des  s,vstèmes  religieux  qui  disputent 
au  christianisme  Tempire  de  la  terre;  qu'on 
demande  au  brahmanisme,  au  bouddhisme 
ou  au  mahométisme  de  franchir  la  frontière 
de  leurs  fleuves  sacrés  et  de  jeter  aux  qua- 
tre vents  du  ciel,  comme  Ta  lait  TEvangile, 
la  parole  de  la  vie  ;  qu'on  leur  dise  de  bra- 
ver les  révolutions  politiques,  les  catastro- 
phes sociales,  la  licence  efl'rénée  des  jour- 
naux,  les  convulsions  de  l'anarchie  et  les  fu- 
reurs du  despotisme!  Qui  pourrait  croire 
qu*nn  seul  de  i!es  grands  systèmes  de  supers- 
tition pût  affronter  le  regard  de  lynx  de 
rbérésie  et  de  la  philosophie?  Croit-on  c\ne 
le  mahométisme  et  le  bouddhisme  auraient 
vécu  longtemps  sous  l'œil  pénétrant  des 
Celse,  des  Porphyre,  des  Bayle  et  des  Vol- 
taire? Imagine-t-on  facilement  que  les  Des- 
cartes, les  Leibnitz,  les  Newton,  les  Bossuet, 
les  Pascal  (333)  eussent  accepté  la  théologie 
des  Védas  comme  celle  de  l'Evangile  (334.)  ? 
A  peine  y  a-t-il  queiqjues  années  que  la  li- 
berté de  discussion  vient  de  toucher  le  ma- 
hométisme, et  déjà,  du  moins  en  Europe,  le 
formidable  colosse  menace  de  tomber  en 
poussière.  Mais  l'Evangile  seul  conserve  un 
caractère  spécial  qui  ledistingue  au  premier 

(3?2j  c  Le  ninlioniétismc ,  disait  le  vainqueur 
«rÀiisierlitz,  les  céréitioiiics  tie  Niima,  sonl  bien  plus 
i\ei  œuvres  tie  légishiiion  que  <ies  religions.  —  En 
eiïel,  cliRCiin  de  ces  ciilies  se  npporie  plus  à  la  terre 
c|u*au  ciel.  Il  s'agit  là  surtonl  d'un  peuple  el  des 
intéréis  d*une  nation.  El  nVst^il  pasëvldenl  que  la 
vraie  religion  ne  saurail  éire  rirconscrile  à  un  seul 
pays?  1^  vérhé  doit  enibrnsseï'  Tuniveis.  Tel  esl  le 
cbrisilanisme,  la  seule  religion  qui  détruise  la  nu- 
lionalhé;  la  seule  qui  proclame  Tunlié  el  la  fraier- 
nlié  absolue  de  Fespèce  bumaine  ;  la  seule  qui  soii 
purement  spirituelle,  enfin  la  seule  qui  ;is8igne  à 
tous,  sans  dislinriiou,  pour  pairie,  le  sein  d'un  Dieu 
créaieur.  —  Le  Cbriai  prouve  qu*il  est  le  bis  de  TE* 
tcniel  par  son  mépris  du  temps  ;  tous  ses  dogmes 
sîgnilieiit  une  seule  el  nièuie  chose,  c  rëleruiié.  • 
—  Aussi  comme  TboriKon  d«  sou  empire  s'étend  el 
se  prolonge  inliuimentl  Lu  Cbrist  régne  par  delà 
la  vie  et  p:ir  delà  la  mort!  Le  passé  et  l'avenir  sont 
également  à  lui  ;  le  royaume  de  la  v  rite  n'a  en 
eflt'l  el  ne  peut  avoir  d'autres  limites  que  le  men- 
songe. Tel  esl  le  royaume  de  l'Evangile,  qui  em- 
brasse tous  les  lieux  rt  tous  les  peuples.  Jésus  li'esl 
emparé  du  genre  buinain  ;  il  en  fait  une  seule  na* 
lion,  fa  nation  des  lionnèies  gens,  qu'il  appelle  à  une 
vie  parfiite.  Les  ennemis  du  Cbrist  relèvent  do  lui 
comme  ses  amis,  par  le  jugement  qu'il  exercera  sur 
tous,  le  Jour  dn  jugement.  >  (De  lisAUTERKS,  Sen- 
timent  de  l^apoléon  sur  le  rArûliViiiMine,  cb.  U,  Si9.) 

(355)  f  On  pourrait,  disait  d'Aieudiert,  produise 
aisiément  la  liste  desgrands  bomuiesqui  ont  regardé 
la  religion  comme  l'ouvrage  de  Dieu,  liste  capable 
d*ébranler,  wême  avant  Cexamen^  W%  meilleurs 
esprils,  main  sulllsaiite  an  moins  pour  inqmser  si* 
le.ire  à  une  foulo  de  conjuré»,  ennemis  iiiipuissants 
de  ^ériléi  nécessaires  aux  bummcs,  que  Pascal  a 
défcidues,  que  Newton  croyait,  que  bcbcaries  a  re- 


coup d'œil  de  tous  les  syslèmes  religieux 
qu'on  veut  lui  comparer.  Il  n'a  ni  frontière 
ni  patrie.  Comme  la  providence  de  Dieu,  il 
embrasse  Tunivers ,  il  est  dans  les  somç- 
tueuses  basiliques  de  l'Europe,  et  sous  la 
cabane  de  feuillage  des  sauvages  erranls  du 
Canada  (335).  Seul,  il  a  eu  la  prétention 
d'embrasser  l'univers  et  de  rétablir  l'uni  lé 
dans  les  entrailles  déchirées  du  genre  hu- 
main. Jamais  une  pensée  de  ce  genre  n'aurait 
pu  sortir  des  préventions  étroites  de  quel- 
ques bateliers  galiléens.  La  merveilleuse 
flexibilité  de  TEvangile  n'a  pu  naîlro 
dans  la  têle  d'un  homme,  parce  qu'il  uy  a 
pas  d'homme  qui  puisse  embrasser  rhuiiia- 
nifé  tout  entière  par  son  intelligence  et  par 
son  amour. 

Citons,  en  terminant^  les  considérations 
éloquentes  de  M.  de  Boulogne  sur  le  uiêmc 
sujet  : 

«  L'histoire  de  la  vie  de  Jésus-Cbrisl  est 
une  des  preuves  de  la  religion  la  plus  frap- 
pante et  la  plus  sensible.  Elle  porte  avec  elle 
des  traits  de  vérité  si  naturels  et  si  tou- 
chants, qu'il  ne  faut  pour  s'y  rendre  qu'un 
sens  droit  et  un  cœur  disposé  au  bien.  Qui 
peut,  en  effet,  méconnaître  et  cette  empreinte 
de  divinité  qui  distingue  l'Evançile  de  tous 
les  ouvrages  de  l'homme,  et  cette  impression 
de  vertu  qui  en  naît  de  toutes  les  pago5, 
ainsi  qu'elle  sortait  de  la  personne  du  Sau- 
veur du  monde?  Quel  est  donc  ce  lirre  uni- 
que dans  son  genre,  dont  ta  majesté  é^ale  la 
simplicité?  Quel  ton  jusqu'alors  inconnu  1 
Quelle  manière  ravissantel  Quel  natureU 

p<»ctée8.  I  (D'Aleubert,  Eloge  de  BemoniUi.)^LR 
ttuii  respectées  esl  trop  fiii'ble  pour  Di*scarlrs.  — 
(Cf.  Demonstratioiii  émngéliqun  de  M.  Migne,  Urs- 
cartes.)  —  M.  Bouillier,  ilans  S(m  Uistoire  de  h  ré 
vohuion  cartésienne^  a  eu  rbeureuse  idée  Je  faire  de 
Descai'tes  nu  sceptique! 

(35 i)  c  J.imais  le  paganisme,  disait  Napoléon  à 
Sainto-Hclène,  fut-il  accepté  comme  la  vérité  .ili> 
soiue  par  les  sages  de  la  Grèce,  par  Pytbsgorcmi 
par  Socrate,  par  Platon,  par  Ânaxagore  ou  par  Pc- 

riclés? Au  contraire,  les  plus  grands  esprits, 

de|Hiis  Tapparition  du  cbrislianisme,  ont  eu  la  fin, 
et  une  foi  vive,  une  foi  pratique  aux  my.stères  et  aux 
dngires  de  Tl^vangile  :  non-seulement  Bas&uci  ci 
Fénelon,  dont  c'était  Tétat  «le  le  prècber,  mats  Dt*s> 
cartes  el  Newton ,  Leibnitz  et  Pasc;d,  (^riicilU;  t^i 
Itaiinc,  Cbarlemagne  et  Louis  XIV.  IVoù  vient  oru« 
singularité?  Qu'un  symbole  aus&i  niy.Ntôrîcux  et  oti^- 
cur  que  le  Symbole  des  at>6tres  ait  été  reçu  avec  un 
profond  respect  par  nos  plus  grands  liomiiics,  l«fi«tis 
que  des  tiicogonies  puisées  dans  les  lois  de  la  iiattir»*, 
et  <|ui  irêuiîent ,  à  vrai  dire,  que  dos  cxtdicatttiits 
sysiémaliques  du  monde,  n'ont  pu  parvenir  à   imi 
imposer  à  aucun   bouiuie  insiiuii...  Le  paganisme 
esl  Pœuvrc  de  rimunue  ;  ou  peut  lire  ici  noire  iuil>è- 
cilité  et   notre  cacbel  qui   sont    écriu   partout    » 
(Cil.  De  liEACTERXK,  Setituuetil  de  ^apolégu  j^arr  U 
chrisiiaumne  9 1>.)  —  Il  esieurieuv  de  comparer  re^ 
paroles  avec  celles  de  ioscpb  de  Maiblre.  (Vt^îi  ta 
note  à  la  lin  du  vol.) 

(5ù5)  Itien  n'est  plus  toucbant  que  la  propagation 
du  cbrislianisme  parmi  les  races  barbares  du  tioii* 
veau  monde.  (Cf.  Baibild  Uoumoi.,  Souvenirs  des 
sermons  du  P,  Laverlorhère  ^  ie  missionnaire  </«  4m 
mer  Glaciale,  dans  Le  Correspondant  du  i5  avril 
1851.) 


517 


Mît 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


M\T 


518 


Qoelle  candeur  I  Quel  invincible  caractère 
de  bonne  foi  et  de  sincérité!  Comment  ne 
fêsse  rendre  k  ci^tair  cfinnocence,  et  à  celte 
ingénuité  qui  ignore  l*art  de$  précautions, 
qui  jamais  ne  cherche  k  surprendre;  k  cette 
noble  simplicité»  qui,  aussi  éloignée  de  toute 
prétention  que  de  toute  emphase,  ne  perd 
jamais  de  vue  son  objet,  ne  s'écarte  jamais 
dans  des  routes  étrangères,  et  jamais  ne  dit 
un  sent  mot  qui  ne  tende  h  sa  fin?  Où  donc 
DOS  évan^élistes  ont-ils  pris  cette  admira- 
ble concision,  qui,  en  si  peu  de  mots,  dit 
tifllde  choses  et  des  choses  si  étonnantes 
et  si  sublimes,  si  ce  n*est  dans  celui  qui 
est  la  parole  elle-même?  Qui  leur  a  révélé 
cette  morale  et  si  simple  et  si  étendue,  et  si 
iianteet  si  populaire,  si  ce  n'est  celui  qui 
est  la  source  de  la  morale  et  la  morale  elle- 
même?  Quels  écrivains  inspirèrent  jamais 
pins  de  respect,  et  méritèrent  plus  de  con- 
flsnre?  Témoins  de  tons  les  faits  qu'ils  ra- 
content, auditeurs  de  toutes  les  instructions, 
sans  prétention  comme  sans  espérance,  au- 
dessns  de  toute  illusion  et  de  tout  intérêt, 
ils  n'entreprennent  ni  l'éloge,  ni  l'apoloçie 
de  leur  maître  ;  ils  ne  cherchent  jamais  m  à 
1q\  concilier  l'admiration,  ni  k  le  préserver 
<ia  bUme;  ils  racontent  aussi  uniment  ses 
buoiliatlons  aue  ses  vertus ,  ses  faiblesses 
fue  ses  miracles  ;  ils  ne  montrent  ni  recon- 
m^ocepour  ses  bienfaits,  ni  compassion 
pwuf  Ses  soufi^rances  ;  et  partout  on  les  voit, 
rmnmelui,  sans  passion  et  sans  enthousias- 
me. S'ils  ont  k  se  défendre  de  quelque  pré- 
Tentian,  c'est  de  celle  qu'ils  ont  conçue 
ç'^stre  sa  personne  ;  et  s'ils  ont  quelque  pré- 
ji;éèérjirler,  c'est  la  répugnance  elle-même 
([Qils ressentent  pour  ses  préceptes.  On  sent 
tndemment  qu'ils  n'ont  pas  plus  l'intention 
ïîe tromper  que  la  crainte  d  être  démentis; 
p'ils  laissent  parler  leur  sujet,  et  que  c'est 
btopius  la  vérité  qui  les  presse  que  la  ma- 
nière de  la  dire  qui  les  occupe.  C'est  la  mar- 
rbe  de  gens  tellement  familiarisés  avec  la 
grandeur  des  événements  dont  ils  sont  les 
bistoriens,  ou'ils  en  ont  perdu  jusqu'k  Té- 
t^^onement.  ils  écrivent  ce  qu'ils  ont  vu  et 
eotepda;  ils  l'écrivent  sans  réflexions  com- 
Ae  ils  le  croient,  sans  aucun  doute;  ils  ne 
soupçonnent  seulement  pas  que    d'antres 
puissent  en  douter;  ils  ne  se  cnargent  que 

,  W)  De  BooLOCMB,  CEuvrei  compièiet.  Mélanges. 
,tjo8toiif  nm*  page  de  Pjiîtcal  sur  le  siyle  de  TEvan- 
V^uCt  style,  ilil-tl,  est  admirable  en  tant  de  nia- 
*î<^  H  entré  aoires  en  ne  menant  jamais  aiictine 
J^çetive  contre  les  lioarreaut  el  ennemis  de  Jésus- 
urisi;  far  U  n'y  fn  a  aucune  de  la  pari  des  liisio- 
fctt  eoDire  Judas,  Piiale,  ni  aucun  des  Juifs.  Si 
<ai<  Bodestîe  des  bistoriens  évangéliques  avait  éié 
yée,ausii  bien  que  tant  d*aoires  traits  d%in  si 
*^  cmciére,  el  qu'ils  ne  l'eussent  afieciée  que 


des  faits  ;  ils  vous  laissent  en  tirer  les  con- 
séquences :  ce  n'est  pas  leur  faute  si  elles 
vous  déplaisent,  et  si  vos  passions  en  mur- 
murent. Les  commentaires  et  les  explica- 
tions ne  les  regardent  pas;  la  seule  tAche 
qu'ils  se  soient  imposée,  c'est  d'être  rigou- 
reusement exacts  :  ils  ont  fait  leur  devoir 
d'historiens  fldèles;  ne  leur  demandez  pas 
autre  chose. 

«  Qu'on  nous  montre ,  dans  toute  l'anti- 
quité, un  seul  historien  qui,  même  de  loin, 
approche  de  ce  grand  caractère  d'impartia- 
lité, de  véracité  et  de  sagesse  !  Il  n'^  a  pas 
même  jusau'aux  apparences  contradictoires 
des  évangélistes  qui  ne  déposent  en  leur  fa- 
veur, en  nous  prouvant  qu'ils  ne  se  sont  ja- 
mais copiés ,  qu'ils  ne  se  sont  jamais  con- 
certés ;  et  néanmoins  ils  s'accordent  k  un 
tel  point  sur  les  enseignements  et  sur  les 
faits,  que,  quand  nous  n'aurions  qu'un  seul 
évangeliste,  nous  y  trouverions  le  même 
système  de  religion  et  de  morale  que  dans 
les  quatre  évangiles  réunis.  A  qui  donc 
faut-il  croire,  si  ce  n'est  pas  k  de  pareils  té- 
moins? Sur  quel  monument  historique  peut- 
on  se  reposer ,  si  celui-ci  peut  être  légiti- 
mement suspect?  Quelle  règle  avons-nous 
pour  connaître  la  vérité,  si  c  est  ainsi  qu*on 

{>eut  écrire  le  mensonge  ?  Comment  la  bonne 
bi  est-elle  faite,  si  ce  n  est  pas  Ik  son  caractère 
etsonaccent?£tquepeut-il  manquer  k  notre 
certitude,  lorsque  ces  hommes,  qui  ont  écrit 
ce  qu'ils  ont  vu  et  entendu,  meurent  enfin 
pour  défendre  ce  qu'ils  ont  écrit  (336).  » 

La  plus  savante  et  la  plus  complète  réfu- 
tation qui  ait  été  faite  en  France  du  docteur 
Strauss  et  de  ses  adhérents,  est  celle  que 
nous  devons  k  M.  l'abbé  Chassay.  Nous  ren- 
voyons k  ses  nombreux  travaux  sur  ce  su- 
jet, particulièrement  k  sa  Défense  du  chris^ 
tianisme  historique,  Voy.  encore  Le  Christ  et 
VEtangile^  Strauss  et  ses  adversaires  en  Alle^ 
magne^  etc.  —  Chaque  article  de  ce  Diction- 
naire est  une  réfutation  du  docteur  Strauss. 
Consultez  principalement  les  art.  Jésus- 
Christ,  Surnaturalisme,  Prophétie,  Apô- 
tres, Luc  (saint),  Jean  (saint),  Marc  (saint). 
Evangile,  etc.  Voy,  Rationalisme,  §  H. 

MYTHOLOGIE;  le  chrislianisn^e  est-il 
une  mythologie?  Voy.  Mythisme,  §  VIIL 


pour  le  faire  rem.'^rquer  ;  s'ils  n*;ivaieiil  osé  le  rr- 
inarqiier  eux-niéines,  ils  n*niir:iieiii  p:is  inniiiptc  do 
se  procurer  des  ainîs  ipii  eussent  fuil  ras  rcni:it4|iir» 
il  leur  avantage.  Ilai.s  comme  ils  ont  :igi  iti*  l;i  Mtrlo 
sans  afTeclaiion  et  par  uu  mouveuieul  inut  dcsinié- 
rcssé,  ils  ne  l'oul  fait  remarquer  .n  pei-sonuo;  et]c 
crois  que  plusieurs  de  ces  choses  n'ont  pnini  cié 
remarquées  jusqu'ici  ;  et  c'est  ce  qui  lémuiKue  la 
froideur  avec  laquelle  la  chose  a  cié  faite.  Pascal, 
Pensées.] 


519 


NAl 


DICTlONNAmE  APOLOGETIQUE. 


PlAl 


5S0 


N 


NAHUM,  accomplissement  de  ses  i>roplié- 
ties  sur  Niiiive.  lor/.  Prophéties,  §  111. 

NAISSANCE  DE  JESUS-CHIllST,  circons- 
tances Qoi  L^ACGOMPAGNikRENT.  —  Parmi  les 
circonstances  qiij,  selon  Tévanï^iie  de  saint 
Matthieu  (cb.  uj^accompa^nèrent  la  naissance 
du  Sauveur,  il  en  est  quelques-unes  qui  ont 
été  plus  particulièrement  attaquées  par  les 
naturaliêtes  et  mythologues  :  ce  sont  Vétoile 

3m  apparut  aux  mages  qui  vinrent  adorer 
ésns-Christ;  le  massacre  des  jeunes  enfants 
ordonné  par  Hérode,  et  plusieurs  autres  faits 
qui  se  rattachent  à  ceux-ci. 

91. 

De  rétoile  qui  apparot  aux  mages. 

Saint  Matthieu  rapporte  (ii»  1,2,. 9, 10)  que 
des  mages  vinrent  à  Bethléem  pour  adorer 
Jésus-Christ,  et  qu'ils  y  furent  conduits  par 
une  étoile  qui  allait  devant  eux,  et  qui  s  ar 
rôta  à  l'endroit  où  était  l'enfant.  Or,  disent 
les  adversaires  de  nos  divines  Ecritures,  ce 
seul  énoncé  prouve  Jusqu*à  Tévidence  la 
fausseté  de  ce  récit.  Car  personne  n*ignore 

2ue  les  étoiles,  à  raison  de  leur  immense 
lévation,  ne  peuvent  indiquer  une  ville, 
pas  même  un  pays,  bien  moins  encore  une 
maison.  Si  t  on  dit  qu*une  étoile  s'abaissa  et 
s'approcha  vers  la  terre  |)our  marquer  la 
maison  où  était  Jésus,  on  tombera  dans  une 
absurdité  plus  ridicule  que  la  première, 
puisqu'eu  s'abaissant  dans  l'espace,  celte 
étoile  aurait  couvert  par  son  étendue  non- 
seulement  Bethléem  et  toute  la  Judée,  mais 
encore  tout  notre  hémisphère. 

Pour  répondre  à  cette  objection,  nous  ne 
ferons  pas  valoir  les  différentes  explications 
naturelles  qu'on  a  données  de  ce  fait  incon- 
testableuieilt  miraculeux.  Ainsi  nous  ne  di- 
rons pas  avec  Michaëlis,  que  l'étoile  qui  ap- 
parut aiix  mages  de  l'Orient  est  une  comète; 
ni  avec  Miinter,  que  c'est  un  astérisme  ou 
constellalion,  c'est-à-dire  une  corvjonction 
d*étôiles;  ni  avec  Hug,  que  c'est  une  étoile 
nouvelle  et  extraordinaire  telle  qu'il  en  pa- 
rait quelquefois  dans  le  ciel.  En  effet  toutes 
ces  explications  s'éloignent  plus  ou  moins 
du  texte  sacré  ;  et  quelques  efforts  qu'aient 
tentés  leurs  auteurs  pour  les  cx)ncilier  avec 
les  paroles  de  TévangéHste,  ils  ont  complè- 
tement échoué.  Toutefois,  nous,  sommes 
loin  de  croire  qu'on  ne  puisse  trouver  un 
moyen  légitime  de  maintenir  la  véracité  du 
récit  et  la  réalité  historique  du  fait  qu'il 
contient. 

La  difficulté  des  incrédules  tombe  d'elle- 
même,  dès  que  l'on  considère  que  le  terme 
aster  {hrnhp)  employé  dans  le  lexte  grec, et  le 

,      (537)  lIoMER..  Iliad.,  iv.  75-78. 

(558)  A  ces  exemples  cifés  par  Biillel  dans  le  des- 
sein de  inotilrer  que  les  Lalins  preiiaioiu  qiieli|ue- 
fois  le  mol  itella  dans  le  sens  de  uiéiéure  luinincxj^, 


mot  latin  Stella  de  la  Vuigate  soni  suscepti- 
bles non-seulement  du  sens  d'étoile  pro- 
prement dite,  mais  encore  d'un  simple  mé- 
téore lumineux  qui,  vu  à  une  certaine  dis- 
tance, a  toutes  les  apparences  d'uue  étoile. 
Cela  posé,  toute  la  question  se  réduil  à  sa- 
voir si  Dieu»  dont  la  puissance  inGnie  a 
formé  les  cieux,  créé  tous  les  astres,  qu'il 
tient  suspendus  dans  Tespace  au  moyen  de 
certaines  lois  qui  sont  l'œuvre  de  sa  sagesse, 
si  Dieu,  disons-nous,  n'a  point  eu  la  f)o$si- 
bilité  de  créer  aussi  un  météore  lumineux 
'  h  l'aspect  d'une  étoile  ordinaire,  et  de  le 
faire  concourir  au  dessein  qu'il  avait  d^anie- 
ner  les  mases  de  TOrient  aux  pieds  daVerbe 
fait  chair.  Or  tous  les  astronomes  qui  méri- 
tent ce  nom  savent  parfaitement  qu'ils  re- 
cevraient un  démenti  de  la  science  elle- 
même,  et  qu'ils  se  couvriraient  de  ridicule, 
s*ils  se  prononçaient  pour  la  négative.  Mais 
nous  avons  à  prouver  que  les  paroles  du 
texte  évangéliaue  permettent  la  sup|>osjtion 
d'un  météore  lumineux,  formé  miraculeu- 
sement assez  près  de  la  terre,  et  dirigé  dm 
son  cours  par  la  main  divine  qui  Tavait  pro- 
duit; la  chose  n'est  pas  difficile. 

D'abord  le  mot  grec  aster  se  trouve  employé 
par  Homère  dans  le  sens  d'un  météore  au- 
quel il  compare  la  descente  de  Minerve  sur 
la  terre (^7).  Aristote  s'en  estégalementservi 
avec  la  même  signification  au  premier  livn^ 
des  Météores. 

Quant  au  latin  Stella^  il  «  a  la  douhle  si^ 
gnification  du  mot  grec,  dit  avec  raison  Bulj 
let.  Voyez,  poursuit  le  même  criliquC| 
l'Histoire  naturelle  de  Pline,  livre  xvni| 
chap.  35,  et  Virgile,  livre  i"  des  Géorgiqati 
vers  365  et  suivants. 

Sœpe  eiiam  tteUas^  venio  ^mpendenie^  tidebit 
PracipUes  cœlo  labi  ÇS5S)» 

«  Nous  pouvons  même,  sans  sortir  de 
Ire  langue,  donner  un  exemple  de  cette  (k 
ble  acception.  On  appelle  parmi  nous  et 
un  météore  qui  paratt  souvent  en  été 
forme  d'une  étoile  oui  tombe,  et  ce  nVsl 
seulement  le  peuple  qui  parle  ainsi; 
philosophes,  qui  se  piquent  d'une  si  grai 
exactitude  dans  leurs  expressions,  no  s\ 
pliauent  point  autrement.  11  n'est  pas  ] 
qu'à  des  météores  factices  que  mms 
nommions  ainsi.  Telles  sont  ces  étoiles 
lesquelles  les  fusées  se  terminent  assez  ii 
vent. 

«  Les  Arabes  appellent  aussi  étoiles 
météores  lumineux  qui  semblent  tomber 
ciel.  Voyez  le  poëmed'Abulola,  page^23l 
recueil  île  Golius,  à  la  suite  de  la  gramuil 
d'Erpénius. 


nous  en  ajoiilerons  un  empriinié  de  Cicéron.  L'o 
leur  laiiii  a  désigné  en  eflei  sous  la  itoui  de  irajt 
Stella*,  celte  vupcur  ignée  en  forme  d*cloile  qui  (il 
et  b'élcinl. 


st 


NAI 


DICTIONNAIKK  Âl»OLOGËTIQUE. 


NAI 


32Î 


I  Les  Chinois  sont  dans  le  même  usage. 
«Jelisais,  dit  Fontenelle,  dans  un  abrégé 
«e.' annales  de  la  Chine,  écrit  en  latin,  qu*on 
$  ToU  des  milliers  d'étoiles  à  la  fois  qui 
bimkntduciel  dans  la  mer  avec  nn  grand  fra- 
easouquî  sedissolvent  ets'en  vonten  pluie  ; 
{«!«  D*a  pas  été  tu  pour  une  fois  à  la  Chine  ; 
jaitroofé  cette  observation  en  deux  temps 
i^'z  éloignés,  sans  compter  une  étoile  qui 
m  ra  €re?er  vers  l*Orient  comme  une  fu- 
sé^, ioujoors  avec  un  grand  bruit.  Il  est  fâ- 
Am\  que  ces  spcctacies-Ià  soient  réservés 
à  II  Chine,  et  que  ces  pays-ci  n'en  aient  ja- 
mi  eu  leur  part.  » 

•  OoTûitbicQ,  et  M.  Fontenelle  le  fait 
i5«ez  connaître  par  les  paroles  qui  termi- 
fieot  sou  récit,  que  ces  étoiles  qui  tombent 
to  la  mer,  que  cette  étoile  qui  fait  une 
triinée  de  lumière  comme  une  fusée,  ne  sont 
pas  de  Téritables  étoiles,  qu'elles  ne  peu- 
ffntélreque  ce  météore  lumineux  que 
BOds  appelons  étoile  tombante.  Leur*  grand 
loiûbre,  le  bruit  qu'elles  font,  la  pluie 
qo'f Iles  produisent»  sont  des  ornements  dont 
it(  Chinois,  qui  exagèrent  tout  ce  qui  les 
i^rde^ont  embelli  ce  phénomène  pour  le 
rtkreplus  merveilleux.  Remaruuez  que  ce 
|tQ{>tft  formé  depuis  tant  de  siècles,  placé  à 
iMif^iiédu  inonde,  donne,  comme  nous, 
h  nm  iféloile  au  météore  dont  il  est  ici 
(/ur>//ao  :  tant  est  ancienne»  tant  est  uni- 
teMie  la  coutume  de  donner  aux  choses 
te  QfHDde  celles  dont  elles  ont  l'apparence! 
Cd  donc  bien  injustement  que  les  déistes 
l>iAiDeo(  Moïse  et  les  autres  auteurs  de  nos 
Itms  saints  d'avoir  parlé  du  système  du 
NiiJe  et  des  choses  naturelles  non  selon 
la  réalité,  mais  selon  les  apparences,  puis- 
Suil^  n'ont  fait  en  cela  que  suivre  le  ian- 
K'^  de  tout  Tuni vers,  celui  même  que  les 

fiiosephes  emploient  tous  les  jours  dans 
fOffliDeiTe  de  la  vie  (339).  » 
Quant  à  la  manière  dont  tes  rationalistes 
inexpliqué  ce  récit,  elle  cho(jue  bien  plus 
Nesjesfraisemblances  que  Tinterprétation 
PBsumaturalistes.  Ici  nous  laisserons  parkr 
Knoss,  dont  les  réflexions  sur  ce  point 
P^  ont  paru  très-judicieuses  i  «  D'après 
inpiicalion  naturelle,  dit-il  (3/»0),  le  but  réel 
in  luyagede  ces  hommes  n'est  pas  de  voir  le 
kttnrjuveau-oé;  l'étoile  qu'ils  observèrent 

Sa  [tas  été  Toccasion  de  leur  départ;  mais 
^  sont  venus  à  Jérusalem  peut-être  dans 
!^  Tues  de  commerce.  Ce  n  est  que  parce 

!nls  entendent  parler  çà  et  là  dans  le  pajrs 
ao  roi  nouveau-né»  qu'ils  sont  frappés 
foB  météore  céleste  qu'ils  avaient  récem- 
^t  aperçu,  et  i*s  désirent  de  voir  eux- 
|>^es  renfimt  dont  il  est  question.  Par  là 
Ji  diminue  sans  doute  ce  qu'a  de  choquant 
[l^rlance  donnée  à  l'astrologie  dans  l'ex- 
wiion  ordinaire,  mais  ce  n'est  qu'en  for- 
V^He  sens  des  mots;  car,  lors  même  qu'on 
leurrait  transformer  sans  difficulté  des  iùBl' 
1^i«>rx]  en  marchands,  néanmoins  leur 


HoLUT,  Répomet  eriliqueêf  t.  Il,  p.  355- 

». 

'^^l  Stuum,  fie  de  Jésuê,  1. 1,  p.  i,  p.  209. 


but  dans  ce  voyage  n*a  pu  être  un  but  do 
commerce,  puisque,  à  leur  arrivée  à  Jérusa- 
lem, ne  qu'ils  demandent  d'abord  c'est  le  roi 
des  Juifs.  Ils  indiquent  coiqme  raison  de 
cette  demande  l'étoile  qu'ils  ont  vue  dans 
l'Orient,  et  qui  a  été  aussi  la  cause  de  leur 
voyage  actuel  ;  et  ils  disent  que  le  but  de 
leur  présence  en  Judée  est  IVidoration  qu'ils 
doivent  offrir  au  nouveau-né  (vers.  2).»  On 
ne  conçoit  pas,  en  elTet,  comment  de3  exé- 
gèles  qui,  comme  rationalistes,  font  profes- 
sion d'admettre  le  sens  littéral  ou  historique 
des  termes  du  texte  sacré,  prétendent  ce- 
pendant ne  point  s'en  écarter  en  donnant 
des  explications  aussi  forcées. 

Mais  en  combattant  avec  tant  de  raison 
l'explication  rationaliste,  Strauss  tombe  dans 
une  autre  erreur  non  moins  grave  et  non 
moins  choquante,  dès  qu'on  veut  se  dé- 
pouiller de  toute  prévention.  En  effet,  pour 

•  détruire  toute  réalité  historique  dans  ce  ré- 
cit de  saint  Matthieu,  il  prétend  que  «  la 
prédiction  de  Balaam  sur  une  étoile  qui 
dcTait  si)rtir  de  Jacob  (Num.  xxiv.  17)  n'a  pas 
été  cause,  con^me  Je  crurent  les  Pères  de 
r£glise,  que  réellement  des  mages  aient  re- 
connu une  étoile  pour  celle  du  Messie,  et 
se  soient  rendus  en  conséquence  à  Jérusa- 
lem ;  mais  elle  a  été  cause  ijue  la  légende  a 
supposé,  au  moment  de  la  naissance  de  Jésus, 
ram)arition  d'une  étoile  reconnue  comme 
celle  du  Messie  par  des  astrologues.  La  pro- 
phétie mise  dans  la  bouche  de  Balaam  se 
rapportait,  dans  lorigine,  à  quelque  roi 
d'Israël,  puissant  et  victorieux,  mais  elle  pa- 
rait avoir  reçu  de  bonne  heure  une  applica- 
tion au  Messie  (:i&l).  » 

C'est  bien  gratuitement  que  le  censeur  de 
saint  Matthieu  nie  l'influence  de  la  prédic- 
tion de  Balaam,  et  qu'il  donne  un  démenti, 
lui,  Strauss,  à  tous  les  Pères  de  l'Eglise, 
comme  il  oserait  à  peine  le  donner  è  un  cri- 
tique de  sa  force  et  de  son  siècle.  D'abord, 

>  uesons  bien  les  paroles  des  mages  :  Où  e$t 
le  roi  dee  Juifs  gui  a  M  enfanté  f  Carnouê 
avons  vu  son  étoile  en  Orient^  et  nous  sommes 
venus  l'adorer,  {Matih,  ii,  2.)  Que  signifie, 

:  en  effet,  cette  étoile  du  roi  des  Juifsï  d*od 
vient  une  dénomination  aussi  singulière  et 
aussi  étrange?  Quelle  liaison  y  a-t-il  entre 

.  un  astre  de  cette  nature  et  un  monanpie  de 
la  Judée?  Que  chez  les  anciens,  réioile  eu 

.  général  ait  été  prise  comme  symbole  de  la 
royauté;  qu'Ovide  appelle  Fabius  Maximus 
l'astre  de  sa  nation  :  suœ  gentis  sidus  (342)  ; 
qu'Isaïe  lui-même  nomme  le  roi  de  Baby- 
lone  Lucifer  (xiv,  12);  il  n'y  a  rien  là  quidoive 
nous  étonner;  nous  trouverions  même  au  be- 
soin cette  métaphore  en  usage  dans  toutes  les 
langues  connues;  mais  qu'un  astre  particu- 
lier, attribué  aux  rois  des  Juifs, ait  été  connu 

'  chez  un  peuple  qui  habitait  à  l'orient  de  la 
Judée,  et  que  l'idée  de  cet  astre  ait  été  ru- 
veillée  précisément  à  l'époque  de  la  nais- 
sance de  Jésus-Christ,  sans  que  rien  y  ait 

(34t)  Vie  de  Jéint,  t.  L  p.  i,  p.  276. 

(3fô)  OviD.  Fpist.  ex  Pa/i/o.  I  ni.ép.  5,  vers.  9. 


va 


NAI 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE 


NAl 


VU 


Qontribué  (car  c*est  ce  que  les  mythologues 
sont  forcés  d'admettre  dans  leur  système), 
voilà  certainement  un  phénomène  unique 
.1  ans)*histoire,  et  qui  surpasse  toute  croyance 
liumaine.  Pourquoi  donc  ne  pas  admettre 
plutôt  a^ec  les  Pères,  les  interprètes  chré- 
tiens» tant  protestants  que  catholi(|ues,  les 
anciens  interprétais  juifs  et  un  grand  nom- 
bre de  modernes,  quu  les  mages,  compatrio- 
tes et  successeurs  de  Balaam,  vinrent  sur  la 
foi  de  sa  prophétie,  à  Jérusalem  chercher  le 
nouveau  roi?  «  En  quel  endroit  de  TEcri- 
ture,  demande  avec  raison  O.  Calmet,  la  ve- 
nue du  Messie  est-elle  désignée  sous  le 
nom  du  lever  d'une  étoile,  et  par  quelle  au- 
tre voie  ces  étrangers  pouvaient-ils  connaî- 
tre que  ce  nouveau  phénomène  désignait  la 
venue  du  Messie  attendu  des  Juifs,  sinon 
par  la  prophétie  de  Balaam,  qui  s'était  con- 
servée dans  leur  nation  et  gui  était  passée 
jusqu'à  eux  par  une  tradition  de  père  en 
tils(3i3)7» 

C  est  encore  sans  fondement  aucun  que 
l'on  prétend  que  dans  l'origine  la  prophétie 
de  Balaam  se  rapportait  à  quelque  roi  dis- 
raêl  puissant  et  vietorieux.Ici  les  mythologues 
ne  sont  que  les  simples  échos  des  rationa- 
listes ;  mais  pourquoi  se  borner  à  une 
pure  assertion ,  quand  il  fiiudrait  produire 
de  bonnes  preuves?  Cependant  Strauss 
croit  sans  doute  en  fournir  une  de  bon  aioi, 
quand  il  dit  :  «  S'il  est  vrai  que  la  traduc- 
tion du  Targum  d'Onkelos  :  Surget  rex 
ex  JacobOf  et  Musias  (unctu$]  ungetur  in 
Israël^  ne  prouve  rien,  attendu  qu'ici  un^ 
dus  mis  en  re^'ard  de  rex  pourrait  signifier 
un  roi  ordinaire;  néanmoins  plusieurs  rab-* 
bius,  d'après  letémoi^na^ed'Aben-Esra  (3&&} 
et  d'après  les  passages  cités  par  Wetstem  et 
Schœtlgen,  ont  rapporté  la  prophétie  au 
Messie.  Le  nom  de  Bar-Cochba,  que  prit 
le  célèbre  pseudomessie  sous  Adrien ,  avait 
été  choisi  conformément  à  la  prophétie  de 
Balaam, interprétée  messianiuuement(3tô}.)i 
Mais  d'abord,  il  est  faux  ae  dire  que  le 
Targum  d*Onkelos  ne  prouve  rien,  sous 
prétexte  que  le  mot  unctui  mis  en  regard 
de  rex  pourrait  signifier  un  roi  ordinaire  ; 
car,  premièrement,  le  texte  du paraphraste 
ne  porte  pas  un  roi  en  général,  mais  te  roi  ; 
car  le  mot  h alga  est  au  cas  emphatique , 
comme  disent  les  grammairiens.  Or,  le  roi 
ne  peut  signifier  que  le  roi  par  excellence, 
l'oint  de  Jéhovah,  dénomination  qui  à  toutes 
les  é|K>quesde  Thistoire  des  Hébreux  a  dési- 
gné le  Messie.  Secondement,  le  mot  meschiha 
est  également  emphatique;  par  conséquent, 
il  ne  signifie  pas  un  personnage  quelcon- 
que consacré  par  l'huile  sainte,  mais  le 
consacré^  Foint  par  excellence,  c'est-àniire 
encore»  mais  d'une  manière  plus  expresse 
et  plus  déterminée ,  le  Messie  promis  dès 
Toriginedu  monde.  Une  troisième  remarque 
importante  à  faire,  c'est  que  dans  ce  passage, 
où  se  trouve  le  parallélisme  le  plus  rigou- 


reux ,  le  second  hémistiche  n'est  qu'on  ei- 
plicatif  du  premier;  t>ar  conséquent,  omm 
si  l'auteur  eût  dit  :  Le  roi  sorttra  de  Jacri 
c'esl-à-dire  le  Messie  sera  oint  en  hraèi  C'est 
au  reste  ce  que  Jonathan  a  parfaitement  fait 
ressortir  dans  sa  paraphrase;  car  après  aroir 
dit  dans  le  premier  hémistiche  :  <  Vn  roi 
(mbuch)  fort  régnera  dans  la  maison  de 
Jacob ,  »  il  ajoute  dans  le  deuxième  :  %  Et 
sera  oint  le  Messie^  etc.  »  Ajoutons  que  m 
ne  sont  pas  seulement  plusieurs  rabbins  qui, 
d'après  le  témoignage  d'Aben-Esra, ont  rap- 
porté la  prophétie  de  Balaam  au  Messie, 
mais  un  grand  nombre  ;  ce  qui  dans  notre 
langue  exprime  une  toute  autre  idée. 

§«. 

De  la  venue  des  mages  ï  Bethléem,  et  dôs  iiiU  qd  s'j 

ralUcheuL 

Suivant  nos  adversaires ,  le  récit  de  saint 
Matthieu  sur  la  venue  des  mages  à  Bethléeoi 
etsur  plusieurs  autres  faits  qui  s'y  ratia- 
chent,  et  se  lisent  au  deuxième  chapitre 
de  cet  évangéliste,  ne  peut  être  considété 
que  comme  un  vrai  conte,  puisque  d'an 
côté  l'historien  Josèpbe  garde  le  silence  sur 
plusieurs  de  ces  faits,  et  que  tous  présen- 
tent des  invraisemblances  qui  ne  sauraient 
se  trouver  dans  une  histoire  véritable. 

Lescenseurs  de  saint  Matthieu  se  font  sin- 
gulièrement illusion,  pour  oser  traiter aiosi 
la  narration  de  c;et  évangéliste.  D'abord, 
quoi  qu'ils  puissent  dire ,  son  titno^iia^e 
estdu  plus  grand  poids,  et  pour  bienlecom- 
prendre,  il  faut  considérer  que  cet  ap6lre 
est  un  auteur  contemporain^  qui  a  composé 
son  évangile  peu  de  temps  après  la  mort 
du  Sauveur;  qu'il  a  écrit  pour  les  Juifs  et 
dans  la  langue  des  Juifs  ;  que  le  fait  qu'il  rap 
porte  ici  est  un  fait  public  et  éclalaat.  El 
d'abord,  ne  s'est-il  point  passé  à  Jérusalem, 
cette  cité  si  grande,  si  fréquentée  encore  an 
tempsde  Jésus-Christ?Toute  la  cour  du  ffm 
Hérode  n'en  fut-elle  pas  témoin?  D'un  autn 
côté»  quoi  de  plus  éclatant  que  la  venue  d* 
trois  sages  de  l'Orient,  conduits  par  un 
étoile  merveilleuse,  que  le  massacre  d 
tous  les  enfants  de  deux  ans  qui  se  trou 
vaient  à  Bethléem,  qui  n*est  qu'à  deo 
lieues  de  Jérusalem  ;  fait  étroitement  11 
avec  la  venue  des  mages?  Ajoutons  qu 
l'époque  où  saint  l^latthieu  écrÎTait  ceti 
histoire,  il  devait  y  avoir  une  multitu( 
de  personnes  qui  avaient  vécu  au  tem] 
où  ces  événements  s'étuient  |»a$sés.  Il  fa 
encore  observer  que  non -seulement 
n'y  avait  rien  de  (nus  opposé  k  l'intéi 
de  la  cause  que  saint  Matlieu  défendait  ,q 
de  controuver  un  fait  de  celte  nature,  c 
la  fausseté  pouvait  en  être  si  facilemc 
découverte!  mais  que  cet  événement,  e 
visage  dans  ses  suites ,  ne  |iaraissait  ne 
lement  glorieux  à  Jésus* Christ,  puisq* 
le  représentait  ne  pouvant  échapper  à 
puissance  d'un  prince  de   la   terre  qu 


(343)  D.  Calmkt,  Diueriaiion  sur  le»  mageg  qui     Uorœ,,  II,  p.  152)  :  lluiU  hilerpreuiî  sunt  lixc 
wmremi  adorer  JéiUS'Ckrist.  Mcssia.  • 

(3i4)  I  iii  toc.  ^um.  XXIV,  17  (dans  Sgucettgen,         (545)  Vis  de  Jisue,  1 1.,  p.  i,  p.  î76, 177 


SD 


NÂl 


PICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


NAl 


S26 


IreDaot  la  faite.  <  Qu*éUit-il  nécessaire  de 
îifiosporter  en  Egypte?....  s'écrie  Celse. 
U  Diea  suprême  ne  pouvait-il  pas  garder 
«iD  fils  en  sûreté  chez  lui,  après  lui  avoir 
éfjà  dépéché  deux  anges  (346j  ?»  Si  Ton 
ftse  aiteDliTement  toutes  ces  circonstan- 
ces, un  demeurera  convaincu  que  jamais 
tto  homme  de  bon  sens»  comme  on  doit  con- 
venir qu'était  saint  Matthieu ,  n*aurait  pu- 
blié on  bit  de  cette  nature,  s*il  n'était  pas 
ff'fiiemenl arrivé.  Commeni ,  en  eiïel,  au- 
niUI  pu  s'abuser  au  point  de  compter  sur 
ta  (ni  des  Jaifs  à  une  histoire  dont  la  faus- 
sMceûlpuétre  si  aisément  mise  au  grand 
juu^' Aussi, jamais  personne  n'en  a  contesté 
idvémé.  Saint  Justin  et  saint  Irénée,  tous 
'ledi  suleurs  du  ii*  siècle ,  la  rappor- 
kni  iàus  leurs  écrits.  Origène ,  dans  ses 
Inreseonlre  Celse,  la  suppose  déuiontrée. 
Tt)u(e  cette  histoire  se  trouve  dans  le 
frotéraogile  de  saint  Jacques,  qui,  bien 
fiti  ne  soit  pas  authentique,  remonte  à 
,w  é|)oque  assez  ancienne,  puisqu^it  a 
titf  nié  par  les  Pères,  Nous  la  trouvons 
A55I  lion^^  r Evangile  de  C enfance  du  Sauveur 
q&'Henri  Sikiusa  traduit  de  Tarabe  en  latin, 
f^  (^oidit  en  propres  termes  que  leb  mages 
nmit  adorer  Jésus^CbriSi  en  suivant  ies 
l«rpiicliûns  de  Zoroastre,  fameux  philoso- 
imHtePerses. 

1*0 /«ot  encore  citer,  en  faveur  de  This- 
<<'/rei/Êi mages,  le  lémoigna^çedeChalcidius, 
|Li(X»ûpJie  platonicien,  qui,  dans  son  com- 
ffiffiUire  sur  le  Timée  de  Platon,  après  avoir 
prié  d'une  étoile  qui  annonçait  les  maladies 
itijmorty  ajoute  ces  paroles  :  «  11  faut  remar- 
foer  une  autre  histoire  bien  plus  sainte  et 
i^^s  digne  de  vénération  ;  car  elle  nous 
niporie  rapparîtion  d'une  certaine  étoile 
fttj  le présageait  ni  des  maladies  ni  la  mor- 
UHiét  mais  la  descente  du  Dieu  adorable 
«r  la  terre  pour  sauver  les  hommes,  vivre 
•ti  milieu  d  eux  et  les  combler  de  ses  fa- 
|iturs.  Des  sages  de  Chaldée  ayant  aperçu 
|Ptaeétoile  durant  la  nuit ,  comme  ils  étaient 
jimès  dans  la  connaissance  des  astres ,  ils 
«mirent à  chercher  ce  Dieu  nouveau-né; 
^i^rsquIlsTeurent  trouvé,  ils  radorôrenl 
p  lui  offrirent  des  vœux  dignes  d'un  si 
p3MKeu{3W).  » 

,  Daw  une  de  ses  notes  sur  ce  passage  de 
p!cidiQS,Fabricius  cite  un  fragment  d'dn 
h'm  inédit,  qui  parle  aussi  de  l'histoire 
i! )>toile  des  mages,  et  dit,  entre  autres 
cV'Se$,qu'kla  naissance  du  Verbe  do  Dieu 
Ki^  fut  leur  guide  en  leur  faisant  connaître 
pik  oaissance  comme  déjà  accomplie,  et 
p  leur  annonçant  un  si  grand  bienfait. 
I  Fibricius  prétend  que  ces  deux  auteurs 
fiA  des»  chrétiens  démises  ;  ils  parlent ,  en 
tfet,  de  Jésus-Christ  comme  les  païens 
••^n  ont  jamais  parlé,  puisque  le  premier 
î'M'Pelle  Dieu ,  et  le  second  verbe  de  Dieu. 
Cmeodant  d'autres  critiques  pensent  que 
'client des  philosophes  platoniciens,  qui, 
»*«s  adopter  tous  lespréjugés  des  païens  i)ar 

^5)  Vtfj.  OtiCE!! .  ConlT,  Cets.,  I  i. 


rapport  à  la  personne  de  Jésus-Christ ,  n'en 
avaient  pas  néanmoins  embrasssé  la  reli- 
gion. Quoi  qu*il  en  soit,  ils  nous  présentent 
deux  anciens  philosophes  du  m'  et  du  iv* 
siècle,  qui  confirment  de  leur  témoignage 
l'histoire  des  mages  d'Orient, 

L*évangile  de  saint  Matthieu,  disent  les 
ineréduldes,  rattache  à  la  venue  des  mages  à 
Jérusalem  un  fait  dont  Texistence  ne  parait 
nullement  certaine,  cl  au*on  peut  même  dire 
tout  h  fait  invraisemblable;  nous  voulons 
parler  du  massacre  des  innocents  (ii,  16). 
D'abord,  cet  événement  n'olfre  aucune  certi- 
tude historique.  En  clFet,  Thistorien  Josèplie, 
qui  ne  dissimule  aucune  des  cruautés  d'Hé- 
rode,  ne  fait  point  mention  du  massacre  de 
tous  les  jeunes  enfanls,ordonné  parce  prince 
en  conséqucnre  de  la  nouvelle  qui  lui  par- 
vint qu'il  était  né  un  roi  des  Juifs.  Nous  di- 
rons avec  Bullet,  à  qui  nous  empruntons  la 
plus  grande  partie  de  celte  réponse,  qu'il  y 
n  plusieurs  choses  dans  Suétone  et  dans 
Tacite  que  personne  ne  révo(]ue  en  doute, 
quoiqu'elles  ne  soient  attestées  que  par  un 
seul  de  ces  historiens.  Or,  y  a-t-il  de  1  équité 
à  refuser  cette  contiance  à  saint  Matthieu, 
sous  prétexte  qu'il  est  le  seul  qui  ait  parlé 
des  enfants  égorgés?  La  réilexion  que  nous 
avons  faite  au  mragraphe  précédent  sur  l'ap- 
parition de  l'étoile  et  la  venue  des  mages 
est  parfaitement  applicable  ici  ;  le  massacre 
de  ces  jeunes  victimes  de  la  cruauté  est  un 
fait  public,  éclatant, arrivé  du  temps  desaint 
Matthieu  qui  le  rapporte,  et  dans  la  patrie 
même  de  cet  évangeliste;  ce  qui  suilit  [tour 
prouver  que  saint  Matthieu  en  le  racontant 
mérite  toute  confiance.  Quel  motif,  d'ailleurs, 
aurait  pu  le  portera  inventer  cet  événement? 
£st-il  glorieux  à  celui  doiit  il  écrit  la  vie? 
£st-il  propre  à  lui  concilier  l'affection  de 
son  peuple?  au  contraire,  il  est  aux  yeux  de 
la  chair  déshonorant  pour  lui.  Quoi!  celui 
qu'on  vientde  donner  pour  Fils  deDieu,pour 
maître  absolu  de  l'univers,  est  obligé  de  fuir 
pendant  les  ténèbres  de  la  nuit  dans  une  terro 
étrangère  pour  sauver  sa  viel  Qiioit  cet  en- 
fant, dont  les  anges  ont  annoncé  la  naissance 
comme  le  sujetd  une  grande  joie,  occasionne 
peu  de  jours  après  une  calamité  publique  I 
Il  faut  donc  convenir  de  bonne  foi  que  Té- 
crivain  sacré  n  avaitaucune  raison  de  feindre 
ce  massacre,  et  qu'au  contraire  il  en  avait  de 
très -bonnes  de  le  passer  sous  silence,  s'il 
n'eût  pas  été  sincère. 

Ajoutons  que  si  Josèphe  n'atteste  pas  le 
massacre  des  innocents  en  termes  exprès,  il 
le  rond  vraisembiablf^,  et  qu'il  le  fait  pour 
ainsi  dire  entrevoir  dans  l'histoire  qu'il  nous 
a  laissée  des  actions  et  des  mœurs  d'HéroJe. 
Ce  prince,  selon  lui,  futsoupçonueux, déliant, 
excessivement  jaloux  de  sa  couronne,  cruel 
jusque  la  férocité;  son  règne  fut  un  règne 
de  sang  ;  épouse,  enfants,  alliés,  sujets,  sans 
distinction  de  naissance,  de  dignité,  de  rang, 
d'âge  ou  de  sexe,  furent  les  victimes  de  sa 
barbarie,  11  faisait  mourir,  dit  l'écrivain  juif, 

(547)  Voy.  S.  Uippolyti  Opéra,  p.  3i5;  coraul# 
Jo.  Alberto  Fubriciot 


H7 


Mal 


DtCnOHNAlRE  APOLOGETIQUE. 


MAI 


S28 


sons  le  premier  prétexle  qui  se  présentait, 
ceux  qui  avaient  le  malheur  de  lui  (aire  le 
moindre  ombrage  ;  il  n*épar^a  pas  même 
Costotiare,  Lysimachus,  Gadias,  surnommé 
Antipater»  et  Dosithée,  les  meilleurs  de  ses 
amis.  La  deruière  maladie  de  ce  prince,  qui 
fut  assez  longue,  augmenta  inCniment  ses 
sou|>(ons  et  sa  cruauté;  il  devint  insuppôr* 
table  à  tout  le  monde  et  à  lui  -  même  ;  tout 
lui  faisait  ombrage,  il  tomba  dans  une  mé- 
lancolie si  atrabilaire  qu'il  voulut  se  donnet 
la  mort,  et  qu*il  ordonna  à  sa  sœur  Salomé 
de  faire  tuer  à  coup  de  flèches,  après  son 
tré|»as,  les  plus  considérables  des  Juifs  qu'il 
avait  fait  enfermer  dans  l'hippodrome.  Or 
qui  ne  voit  que  dans  ces  circonstances  le 
massacre  d*une  centaine  d*enfants,  parmi 
lesquels  il  7  en  a  un  qu'on  disait  être  né  roi 
des  Juifs,  est  un  trait  qui  se  place  comme  de 
lui-même  dans  le  tableau  de  ce  prince  cruel 
et  liarliare. 

Ne  pourrait-on  pas  dire  encore  que  si  Jo- 
sèpbe  n'a  pas  fait  une  mention  expresse  de 
cet  infanticide ,  c'est  que  les  grands  événe- 
ments qui  sont  arrivés  dans  le  même  temps 
ont  attiré  toute  son  attention?  La  Judée,  en 
effet»  n'offrait  alors  qu'un  spectacle  plein 
d'horreur  :  la  famiHe  Totale  déchirée  par 
des  haines  implacables,  six  mille  pharisiens 
rebelles,  une  sédition  excitée  dans  Jérusa- 
lem, la  conspiration  d'Antipater,  la  mort 
violente  de  ce  flis  dénaturé,  la  mala'iie  ex- 
traordinaire du  roi,  les  noires  fureurs  dont 
il  était  agité,  ses  variations  sur  le  choix  d*un 
successeur,  l'ordre  barbare  qu'il  donna  de 
massacrer  les  principaux  des  Juifs;  ce  sont 
là  des  objets  qui ,  ayant  paru  beaucoup  plus 
considérables  à  cet  historien  que  le  mas- 
sacre de  quelques  eniïints,  i'auront  unique- 
ment occupé. 

Ajoutons  ciue  Josèphe  ayant  composé  son 
histoire  sur  les  mémoires  de  Nicolas  de  Da- 
mas, il  peut  bien  se  faire  ^ue  cet  annaliste, 
qui  est  très-favorable  h  Herode,  ait  omis  ce 
massacre  iMiur  ménager  un  peu  la  mémoire 
de  ce  prince.  Il  jieut  se  faire  encore  que  Ni- 
colas de  Damas  ne  IrouvAt  pas  Hérode  si 
criminel,  à  cause  des  raisons  politiques  qui 
auraient  porté  le  monarque  juif  à  cette  san- 
glante exécution,  etque  Josèphetue  trouvant 
(las  ce  lait  relaté  (ïsins  ses  mémoires,  n'en 
ait  rien  dit  lui-même. 

On  peut  donner  une  autre  raison  du  si- 
lence de  Josèphe;  c'est  qu'étant  juif,  et  dési- 
rant singulièrement  d'un  autre  cêté  flatter 
les  païens,  il  aura  retranché  de  son  histoire 
la  venue  des  mages,  si  glorieuse  à  Jésus- 
Chriât,  dont^la  religion  était  alors  délestée 
par  les  Juifs  et  (lersécutée  par  les  empereurs 
romains^  Et  la  dépendance  esseiitielle  qu  il 
y  a  entre  la  venue  des  mages  et  le  massacre 
des  innocents  loi  aura  fait  aussi  omettre  ce 
dernier  fait.  Celte  supposition  (tarait  d'aulant 
mieux  fondée,  que  s'il  a  parlé  de  Jésus- 
Christ  une  fois,  c'est  en  peu  de  mots  et 
parce  qu'il  y  était  comme  forcé  |)ar  l'éclat  de 
fes  miracles  qui  avaient  rempli  la  Judée,  et 


dont  la  mémoire  était  encore  toute  fraîche. 
Mais  n  ayant  pas  la  même  nécessité  de  par- 
ler de  la  venue  des  m^es  et  du  massacre 
des  jeunes  innocents ,  il  n'a  pas  cru  devoir 
en  parier  dans  son  histoire. 

Enfin  le.silence  de  Josèphe  n*est  après  tout 
qu'un  argument  négatif,  tandis  que  le  té- 
moignage de  saint  Matthieu  est  une  auto- 
rité positive.  Or,  dans  ce  conflit  les  règles 
de  la  critique  ne  permettent  pas  même  d'hé* 
siter;  l'argument  positif  doit  l'emporter. 
Ainsi ,  quand  nous  n'aurions  dans  cette  dis- 
pute que  le  témoignage  de  l'évangéliste  à 
opposer  aux  incrédules,  l'avantage  seraii 
pour  nous  ;  mais  pour  appuyer  sa  narration 
nous,  avons  encore  une  autorité  qui  aux 
yeux  de  nos  adversaires  sera  bien  supé- 
rieure h  la  sienne ,  c'est  celle  de  Macrobe, 
qui  raconte  entre  les  bons  mots  d'Auguste, 
que  cet  empereur  ayant  appris  que  paraii 
les  enfants  qu*Uérode,  roi  des  Juifs,  avait 
fait  tuer  dans  la  Syrie,  Asés  de  deuz  ans  et 
au-dessous,  son  fils  avait  été.  enveloppé  dans 
ce  massacre,  dit:  I!  vaut  mieux  être  le  pour- 
ceau d'Hérode  que  son  fils.  Cum  audiuet 
Jfkter  pueros  quoi  in  Syria  Herode$  rtx  /m- 
dœorum  intra  bimatum  juaii  interfeù  fiHtêm 
quoque  eju$  Qccitum,  ait  :  Metiuê  est  Ècrodit 
porcvm  esse  quam  filium  (348). 

On  élève,  il  est  vrai,  contre  ce  passage 
plusieurs  diflicultés  c|ui  tendent  h  prouver 
qu'il  ne  saurait  servir  d'appui  au  récit  de 
saint  Matthieu.  Ainsi,  on  objecte  qu'il  est 
trop  moderne,  Macrobe  n'ayaùt  écrit  qu'il 
la   fin   du  IV'  siècle.  On   objecte  encore 
qu'il  suppose  que  le  fils  d'Hérode  fut  enve- 
loppé dans  le  massacre;  ce  qui  est  une  faus- 
seté   historique,    et    prouve    clairement 
au' Auguste  n'a  jamaiç  pu  tenir  ce  propos, 
^ndit,  enfin,  qu'il  est  possible  et  même 
vraisemblable  que  Macrobe  n'a  trouvé  dans 
l'auteur  ancien  qu'il  copie  que  ce  aeul  mot 
d'Auguste  :.  //  vaut  mieux  éire  le  pourceau 
d'Hérode  que  êon  fiU;  et  çiue  sachant  par  les 
chrétiens  au'Hérode  avait  fait  massacrer  un 
grand  nombre  d'enfants,  il  aura  saisi  cette 
circonstance  pour  en  faire  l'origine  du  bon 
mot.  Pour  donner  plus  de  poids  à  cette  der^ 
nière  objection,  on  fait  observer  que  Tex- 
pression  de  Macrobe,  intra  bimatum^  paraît 
évidemment  copiée  sur  l'évangile  de  saint 
Matthieu.  —  La   première  objection,    loin 
d'être  solide,  n'offre  même  rien  de  spécieux. 
En  effet,  qui  ne  voit,  même  au  premier  as* 
pect ,  que  Macrobe ,  tout  en  rapportant  ce 
bon  mot,  n'en  est  pourtant  pas  l'auteur. 

Puisqu'il  rattribue  à  rempereur  Auguste  ;  il 
a  certainement  trouvé  dans  quelque  an- 
cien écrivain  dont  il  l'a  emprunté;  et  c*e$t 
probablement  du  temps  même  d*Auguste 
que  le  propos  a  été  recueilli  dans  quelque 
ouvrage.  Quoi  qu'il  en  soit,  Macrobe  ou  I  ^ 
auteurs  anciens  qui  lui  ont  transmis  ce  fir  >- 
pos  d'Auguste  ne  trouvaient  pas  absurde  \  e 
récit  du  massacre  des  innocents. 

Quant  à  la  seconde  difficulté,  on  a  tmil 
droit  de  répondre  que  la  mort  d'Antipater 


'SiS)  Macrob.,  SaturHal.  L  11,  r.  4. 


m 


Nâl 


DICtiONNAiRE  APOLOGETIQUE. 


NAI 


S3» 


on  d'iristobold  n'Uyilnk  précédé  que  de  quel- 
ques semaines  seulement  le  massacre  des 
Iniioceots,  ii  est  très^vraisemblable  qu*Au- 
goste  apprit  en  mAme  temps  hi  nouvelle  des 
(îeui  éTeoemeuts,  et  qu'il  les  réunit  dans 
ie  boo  mot  que  cette  nouvelle  lui  inspira. 
D'iilleurs»  ne  peut-il  pas  être  arrivé  que 
Vacfobe lai*inème, ou  lauteur  ancien  che< 
qui  il  a  puisé  ce  bon  mot»  soit  par  igno- 
raflce,  soit  pour  rendre  le  bbn  mol  plus  pi-i* 
qtDiit,  ait  lié  au  même  temps  les  deux  évé- 
nements^ ouoiqu'  ils  se  soient  passés  à  des 
é|)0|Qe$  dinérentes  ? 
lilroisième  difficulté  ne  paratt  pas  plus 
solide  qne  les  précédentes.  D*abord^  c^est 
U)it(àâit  gratuitement  qu*on  suppose  que 
Nirrobe  n  a  pris  de  l'auteur  qu'il  copie  que 
If  jeolhon  mot  d'Auguste,  et  qu'il  a  ajouté 
ùtt  lui-même  la  circonstance  qùt  y  a  donné 
oimioQ.  Du  moins,  il  nV  ai  certainement 
non  dans  ce  qu'il  dit  qui  exige  une  pareille 
»pfxisition;  au  contraire ,  ce  qui  semble 
piolit ressortir  de  son  texte,  c'est  qu'il  ne 
tiNMrta  le  bon  mot  qu'à  cause  du  lait  lui- 
mie,  e*esi-à^ire  le  massacre  des  jeunes 
«fuis.  D*flilleurs,  l'analogie  d'expression 
^se  iroQVe  entre  le  philosophe  platoni- 
œn  et  notre  saint  évangéliste  peut-elle  en 
i«<}(i&e  critique  autoriser  la  conclusion  de 
>«»  ddrersaires?  C'est  l'expression   inira 
^uiatm  que  Macrobe.  selon  eux,  aurait 
«-'Ojfufliée  de  l'Evangile,  parce  qu'elle  n'est 
*o\rii  qu«  celle  de  a  bimatu  qu  on  lit  dans 
ii.n(  iUattlneu.  Mais  quels  autres  mots  pou- 
wi  eaiplojer  Macrobe  pour  exprimer  1  idée 
'i^nfiflls  âgés  de  deux  ans?  car  c'est  cette 
1^  qu'il  fallait  rendre  pour  être  conforme 
^'•9  vérité,  et  c'est  par  conséquent  celle  qui 
^^iit  nécessairement  se  trouver  dans  tout 
«uuieot  quelconque  destiné  à  transmettre 
'ctte  histoire.  Ajoutez  qu'il  y  a  entre  les 
'^•ài  textes  nne  différence  assez  marquée 
^ur  qu'on  ne  paisse  pas  regarder  comme 
ttriam  et  démontré  que  l'un  a  été  copié  sur 
faatre.  En  effet,  Hacrobe  dit  tout  simple- 
Beot  titf  m  bimaium  ;  tandis  qae  le  passage  de 
not  Uatttiieu  porte  a  bimatu  et  infra.  EnflUi 
Kui-on  supposer  que  Macrobe,  païen  et 
nu>eo)i  juré  du  christianisme,  ait  voulu  em- 

Eu/iler  quelque  chose  au  récit  des  évangé'> 
^^?  Ainsi,  rien  ne  parait  s'opposer  è  ce 
|bvû  emploie  le  jiassage  de  Macrobe  pour 
^«i^toer  la  narration  de  saint  Matthieu. 
Enfin,  il  est  encore  une  autre  nreuve  de 
M  rêrîté  du  récit  évangélique.  Gelse ,  ou 
htttùt  le  Juif  qu'il  fait  parler  dans  son  ou- 
^y  dit  que  Afarie  fut  obligée  de  se  reti- 
^enBf{jpte,  où  elle  éleva  son  fils  en  secfeté 
«pourquoi  Marie  fut-elle  obligée  de  se 
Wirer  en  Egypte  (39^9)?  C'est  donc  qu'elle 
wit  menacée  par  un  ennemi  puissant  qui 
^^fioàûi  sa  domination  sur  toute  la  Pales- 
^i  car  autrement ,  pourquoi  eût-elle  été 
^  i'^m  et  dans  un  fiays  qui  lui  était  étranger? 
^  cet  ennemi  puissant  ne  peut  être  qullé- 
Me,  qui  poursuivait  sonnls,  parce  qu'il 
iiu  donnait  de  l'ombrage,  et  qu'il  était  1  en« 

^M)  F«|.  Ofticcfi.,  Conira  Ceii,,  1 1. 

DKTIONNAIRB  APOLOOÉTIQUÉé   II< 


fant-roi  que  les  mages  étaient  venus  adorer. 
Ainsi,  cette  fuite,  avouée  par  Celseet  par 
les  Juifs,  explique  parfaitement|toute  l'his- 
toire des  mages  et  du  massacre  des  Inno- 
cents. 

MaiS)  Objecte  Schleiermâcher»  ce  massacre, 
outre  qu'il  est  l'acte  le  plus  horrible  de 
cruauté,  choque  de  plus  toutes  les  vraisem- 
blances; car  si  Hérode  voulait  faire  mourir 
Jésus-Christ,  il  n'était  pas  nécessaire  de  ré- 
pandre tant  de  sans^,  il  lui  était  très-facile 
de  savoir  dans  quel  lieu  de  la  petite  ville 
de  Bethléem  les  étrangers  venus  d'Orient 
avaient  déposé  leurs  présents,  et  de  décou^ 
vrir  bientôt  ainsi  et  la  mère  et  l'enfant.  -* 
Mais,  pour  expliquer  cette  conduite  d*Hé-^ 
rode,  il  ne  faut  pas  seulement  tenir  compte 
de  sa  cruauté,  iV  faut  encore  y  feire  entrei^ 
son  esprit  défiant  et  soupçonneux.  Cette  dis-» 
position,  qui  était  le  propre  du  caractère 
d'Hélrode,  s'était,  selon  Josèphe,  accrue  de 
jour  en  jour,  et  était  h  la  fin  de  sa  vie  par-» 
venue  à  son  plus  haut  degré.  Après  avoi^ 
été  trompé  par  les  ma^es  et  blessé  dans  son 
endroit  le  plus  sensible,  qui  était  la  crainte 
d'être  déposé  du  trAne  de  Judée^  il  n'est  pas 
vraisemblable  qu'il  ait  Voulu  se  fier  à  des 
demandes  et  à  des  enquêtes  sur  lesquelles 
il  pouvait  encore  être  trompé.  Mais»  d'après 
son  caractère  cruel  et  ombrageux^  il  dut 

t)rendre  les  mesures  les  plus  promptes  et 
es  plus  eflicaces,  quoique  les  plus  cruelles 
et  les  plus  atroces. 

11  est  permis,  sans  doute»  de  conclure  dô 
ces  diverses  considérations  que  ce  massacre^ 
quelque  inhumain  et  barbare  qu'il  paraissci 
n'est  nullement  en  opposition  avec  le  carac^ 
tère  d'Hérode. 

A  ce  récit  de  saint  Matthieu  se  rattachent 
quelques  faits  dont  nos  adversaires  révo-» 
quent  en  doute  la  vérité  historique,  sous 

E  rétexte  qu'ils  présentent  les  invraiscni' 
lances  les  plus  choquante.^.  Examinons  ces 
divers  faits >  et  voyons  s'ils  méritent  réelle* 
ment  cette  censure  flétrissante» 

Saint  Matthieu  rapporte  que  toute  la  ville 
de  Jérusalem  prit  part  aux  alarmes  d'Hé^ 
rode  :  Turbaius  est  lierodeSf  et  omnis  JerO'* 
êùlyma  cum  illo,  (ii,  S.)  Il  fallait  donc  que  ce 

Î rince  fût  très-aimé  des  Juifs;  cependant 
osèphe  nous  assure  que  sur  la  fin  de  son 
rèsne,  temps  auquel  les  mages  sont  arrivés 
à  Jérusalem,  Hérode  était  détesté  de  toute 
la  nation.  -—Nos  adversaires  prennent  évi- 
demment le  change.  L'évangéliste  n'affirme 
pas  que  la  ville  de  Jérusalem  fut  troublée 
pour  les  mêmes  motifs  qu'Hérode;  il  dit 
simplement  qu'elle  le  fut  avec  lui»  c*est-à<* 
dire  que  la  nouvelle  d'un  roi  des  Juifs  qui 
venait  dé  naître  excita  une  certaine  émo-^ 
tion,  non -seulement  dans  Hérode»  mais 
encore  parmi  les  habitants  de  Jérusalem* 
Comme  les  intérêts  personnels  du  roi  n'é-» 
taient  pas  absolument  les  mêmes  que  ceux 
de  ses  sujets ,  les  motifs  de  son  trouble  de-* 
vaient  nécessairement  être  différents.  Ces 
derniers  eux-mêmes  durent  avoir  des  motifs 


351 


NAI 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


^M 


S3f 


différents  ddns  leur  agitation  et  leur  émoi, 
parce  qu'ils  n'étaient  pas  tous  animés  des 
mêmes  sentiments.  Ainsi ,  les  uns  purent 
craindre  qu'Hérode  ne  fit  tous  ses  efforts 
pour  exterminer  cet  héritier  légitime  du 
trône  de  David  ;  les  autres  furent  probable- 
ment effrayés  par  la  crainte  des  guerres 
qu'entraînent  ordinairement  ces  change- 
ments de  dynastie;  d'autres,  enfin,  purent 
bien,  dans  leur  fcû  vive  au  Messie  rédemp- 
teur, n'éprouver  à  la  nouvelle  qu'apportèrent 
les  mages  qu'un  sentiment  d'admiration  et 
d'espérance,  par  la  pensée  que  le  temps  des 

Îromesses  divines  étant  enfin  accompli,  le 
uste,  le  Prince  de  la  paix^  qui  était  l'attente 
des  peuples  et  surtout  de  la  nation  juive, 
apparaissait  au  monde.  D.  Calmet  nous  sem- 
ble avoir  parfaitement  résumé  en  un  seul 
wot  toutes  ces  considérations  :  «(  Chacun, 
dit-il,  raisonna  sur  cette  affaire  à  sa  manière; 
Toutefois,  ajoute  le  savant  interprète,  per- 
sonne ne  se  mit  en  devoir  de  chercher  le 
nouveau  roi  ;  la  crainte  qu'on  avait  d'Hérode 
tenait  tout  le  monde  en  su^ens  (3S0).  » 

Ce  qui  prouve  le  peu  cfe  confiance  que 
mérite  saint  Matthieu  comme  historien,  di- 
sent nos  adversaires,  c'est  ia  facilité  avec 
laquelle  il  se  contredit  dans  cette  même 
histoire  des  mages;  car  il  nous  représente 
d*abord  Hérode  comme  croyant  aux  prophé- 
ties, puisqu'il  les  fait  consulter  par  les  prê- 
tres et  les  docteurs  pour  savoir  le  lieu  où 
devait  naître  le  Christ  (ii,  4);  et  il  suppose 
immédiatement  après  qu'il  n'y  ajoutait  pas 
foi,  vu  qu'il  le  montre  s'efforçant  de  dé- 
truire celui  qui,  d'après  la  prophétie  de  Mi- 
chée,  réunissait  les  caractères  du  Messie 
(vers.  13, 16, 20),  —  Mais  cette  contradiction 
qu'on  reproche  ici  à  notre  évangéliste  n'est 
simplement  qu'apparente.  £n  effet,  si  Hé- 
rode fait  consulter  les  prophéties,  ce  n'est 
pas  qu'il  y  ait  réellement  foi,  mais  c'est 
pour  connaître  le  lieu  où,  selon  ia  croyance 
des  Juifs,  leur  Messie  devait  naître,  afin 
qu'en  envovant  dans  ce  lieu  il  pût  plus  fa- 
cilement détruire  l'objet  de  leur  attente  et 
empêcher  les  troubles  publics  que  cet  évé- 
nement pouvait  jiroduire  dans  ses  états. 
Ainsi,  ce  prince  joue  simplement  le  rôle 
d'un  hypocrite;  il  feint  un  grand  respect 
pour  les  oracles  prophétiques,  pendant  qu*il 
interroge  les  prêtres  sur  le  lieu  que  les 
])rophètes  ont  assigné  à  la  naissance  du 
Messie  ;  mais  il  est  bien  déterminé  à  étouf- 
fer dans  son  berceau  l'enfant  attendu  par 
les  Juifs.,  et  qui  devait  lui  enlever  ia  cou- 
ronne. Cette  explication,  fondée  sur  le  texte 
même  de  saint  Matthieu,  suûit  pour  faire 
disparaître  la  prétendue  contradiction  dont 
on  l'accuse  si  gratuitement. 

Jl  est  dans  le  récit  des  mages,  objecte- t-on, 
u neutre  trait  dont  la  fausseté  se  trahit  par 
l'invraisemblance  même  du  fait  que  saint 
Matthieu  y  raconte.  Ainsi ,  selon  ce  récit, 
Hérode  se  contente  d'envoyer  les  mages  à 
Bethléem,  en  leur  recommandant  seule- 
ment de  s'informer  de  l'enfant  qui  devait  y 


être  né,  et  de  lui  en  porter  des  nouvelles. 
Or  conçoit-on  qu'un  prince  aussi  soupçon- 
neux et  aussi  cruel  une  le  suppose  saint 
Matthieu  ne  soit  pas  allé  lui-même  à  Beth- 
léem ,  ou  au  moins  n'y  ait  pas  envoyé  des 
satellites  affidés  pour  massacrer  sur-le- 
champ  celui  dont  la  naissance  loi  causait 
de  si  vives  alarmes?  —  Nous  convenons  que 
cette  difficulté  fasse  au  premier  abord  une 
certaine  impression  ;  mais  nous  pensons  en 
même  temps  qu'une  attention  sérieuse  por- 
tée sur  la  conduite  d'Hérode  peut  facile- 
ment la  lever.  Hérode  a  dû  juger  de  la 
conduite  qu'il  avait  à  tenir  dans  cette  cir- 
constance si  délicate  tout  autrement  que  ne 
lont  fait  les  auteurs  de  cette  objection.  Ce 
prince,  qui  était  très-rusé,  pensa,  awec  rai- 
son, que  le  moyen  le  plus  sûr  de  découvrir 
l'enfant  qui  lui  faisait  ombrage  était  d'en- 
voyer les  ma^s,  qui,  étant  étrangers  et 
ayant*  entrepris  un  long  voyage  pour  venir 
rendre  leurs  hommages  à  ce  roi  nouveau- 
né,  seraient  exempts  de  tout  soupçon;  la 
sincérité  de  ces  bons  mages,  l'accueil  qu'il 
leur  avait  fait,  la  consultation  des  prêtres  et 
des  docteurs  qui  avait  eu  lieu  par  son  en- 
tremise, le  désir  hypocrite  qu'il  avait  té- 
moigné d'aller  lui-même  rendre  ses  hom- 
mages à  ce  nouveau  roi,  devaient  naturel- 
lement lui  persuader  que  les  mages  revien- 
draient à  Jérusalem  lui  rendre  compte  de 
leur  découverte,  et  gu'il  pourrait  ahrs 
sûrement  et  sans  bruit  se  défaire  de  son 
nouveau  rival:  Il  craignait  avec  raison  qu'eu 
y  allant  lui-même,  ou  en  y  envoyant  des 
satellites,  il  ne  fit  un  éclat  qui  non-seule- 
ment l'aurait  empêché  de  découvrir  l'enfant, 
mais  aurait  fourni  à  ses  parents  mêmes  un 
moyen  facile  de  le  soustraire  à  toutes  ses 

Coursuites.  A  ne  consulter  que  la  prudence 
umaine,  Hérode  ne  devait  pas  tenir  une 
autre  conduite;  et  si  nous  la  trouvons  sin- 
gulière et  incroyable  même,  c'est  parce  que 
nous  ne  la  jugeons  que  depuis  qu  elle  a  été 
déjouée  par  la  sagesse  infinie  qui  se  rit  de 
la  prudence  des  humains.  Si  donc  nos  ad- 
versaires se  placent  dans  celte  question  au 
véritable  point  de  vue  de  la  critique  et  de 
l'histoire,  ils  n'accuseront  pas  saint  Matthieu 
d'avoir  dans  ce  récit  choqué  les  vraisem- 
blances. 

D'après  la  narration  de  saint  Matlliieu» 
la  venue  des  mages  et  son  objet  auraient  été 
-connus  et  publiés  dans  Jérusalem:  mais  s'il 
en  eût  été  réellement  ainsi ,  comment  quel- 
qu'un des  Juifs  et  surtout  des  prêtres  ne  se 
serait-il  pas  transporté  à  Bethléem ,  qui 
était  si  proche  de  Jérusalem?  Cette  seule 
considération ,  disent  les  censeurs  de  notre 
évangéliste,  suflit  pour  faire  rejeter  comme 
fausse  la  narration  de  saint  Matthieu.  — Quoi- 
que la  venue  des  mages  eût  fait  dulM^uit  dans 
Jérusalem ,  cependant  il  est  certain  qu'Hé- 
rode, qui  craignait  les  troubles  et  les  désor- 
dres auxquels  pouvait  se  porter  un' peuple 
qui,  d'ailleurs,  lui  était  si  peu  affectionné, 
et  qui  soupirait  si  vivement  à  cette  époque 


(550)  D.  CkLytzi,  Comment  JUtér,  sur  S,  MiU^ti'^n.  »•  " 


S35 


NAI 


OICnONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


NAI 


334 


ii\}ïis  ta  venae  cl*un  légitime  héritier  de 
itarid»  a  dû  s'efforcer  d  ensevelir  la  nais^ 
sim  de  ce  nouveau  roi  dans  le  silence  ; 
luiià  poarquoi  il  fait  venir  les  mages  en 
secret  :  clam  voeaiis  magis^  et  leur  recom-> 
mande  de  s*Joformer  avec  soin  de  la  nais- 
sance de  cet  enfant.  Il  ne  paratt  point  que 
le  peuple  fût  informé  que  ce  nouveau  roi 
était  né  à  Bethléem  ;  les  principaux  des 
ftfélres  et  des  scribes  furent  consultés  par 
(e  prince  pour  savoir  où  le  Messie  devait 
naître;  mais  il  ne  leur  dit  point  le  soupçon 
qo'il  êTait  qu'il  iQt  déjà  né.  Quoi  qu'il  en 
\é\y  il  paraît  certain  que  leur  réponse  ne 
foi  point  alors  divulguée.  Hérode  donna  sû- 
ment  à  entendre  aux  prêtres  et  aux  doc- 
teurs de  la  loi  .qu'il  se  chargeait  de  faire  les 
eogoètes  nécessaires  ;  or,  après  au'un  prince 
iQssi  soupçonneux  et  aussi  cruel  s'était  saisi 
de  celte  airoire ,  il  n'y  avait  point  de  sûreté 
l^or  eut  d'aller  en  personne  a  la  découverte 
•i'oo  eo&nt  qu'il  détestait  comme  son  rival  ; 
use  pareille  démarche  les  aurait  d'autant 
pios  compromis»  qu'ils  Jouissaient  delà  plus 
grande  autorité  dans  la  nation.  Ils  firent , 
dîDs  cette .  occasion ,  dit  saint  Augustin  » 
comme  ces  pierres  placées  sur  les  routes , 
lefqoelles  montrent  le  chemin,  et  ne  bou- 
geât pas  de  leur  place  (351). 
11  eat  encore  quelques  traits  qui  se  ratta- 
àm  à  Thistoire  des  mages  rapportée  par 
MiA{  Matthieu,  et  qu'il  est  impossible  d'ad- 
aieUrea»mme  vrais ,  parœ  qu  on  ne  saurait 
(a  donner  aucune  explication.  Ainsi,  par 
neniple,  comment  expliquer  pourquoi  Ué- 
fv'ie  a  différé  si  longtemps  de  s'informer  de 
<*' fo étaient  devenus  les  mages?  Et  s'il  a 
faii promptement  ces  perquisitions,  n'est-ii 
f^  encore  impossible  d'expliquer  comment 
liirie  a  osé  venir  à  Jérusalem  pour  la  pu- 
roication?—  Cette  difficulté,  qui  parait  une 
ùHplos  considérables  qui  aient  été  soule- 
vées contre  la  narration  de  saint  Matthieu , 
D'est  pourtant  pas  insoluble.  En  effet ,  il 
^uifitf  pour  y  répondre  d'une  manière  satis- 
bisanld ,  d'établir  une  hypothèse  dont  nos 
iciversaire$  ne  puissent  en  aucune  manière 
(iiomrer  la  fausseté  ;  de  supposer,  par  exem- 
ple, qu'Hérode  ,  après  le  départ  des  mages , 
)H  été  obligé  de  faire  un  voyage.  Nous  ne 
oiruQs  pas  précisément ,  avec  plusieurs  an- 
"''0$,  qu'il  avait  dû  à  cette  époque  se  rendre 
tKomeavec  s%%  deux  fils,  Aristobule  et 
iltiandre,pour  les  accuser  devant  Auguste, 
f^rie  qu'il  serait  difficile  de  justifier  la  coïu- 
'^'icace  de  ce  fait  avec  celui  qui  nous  occupe 
'*>}i^  cette  discussion  ;  mais  la  situation  où 
^  trouvait  alors  \%.  Judée,  et  même  l'état  de 
;«ût«  d*Hérode,  rendent  très-vraisemblable 
f  supposition  qu'il  devait  être  absent  de 
^^riualem,  ou  qu'il  fut  contraint  de  porter 
^^te  son  attention   sur  d'autres  affaires 
quil  lai  était  extrêmement  important  de 
i^^Qrsuivre  sans  relAche.  Car  ce  fut  peut- 
^e  dans  ces  temps  qu'éclata  la  révolte  de 

>f^l)  AccosT.,  sermo  I,  De  Epiphan. 

'^^  Voy.  Joscra.,  Antiq.^L  xvn,  c.  2. 

(^)  V«y.lMBni.  Amiq..  C.  5,  et  De  Beiiojud.^ 


pluB  de  six  mille  pharisiens,  qui  non-seule- 
ment refusèrent  de  prêter  serment  au  roi  et 
à  l'empereur,  mais  encore  persuadèrent  à  la 
belle-sœur  d'Hérode,  femme  de  son  frère 
Phéroras,  qu'il  fallait  se  défaire  du  roi, 
parce  que  la  volonté  de  Dieu  était  d'ôter  le 
royaume  à  Hérode  et  à  ses  descendants 
pour  le  donner  à  son  mari.  On  sent,  en 
effet,  combien  la  découverte  de  cette  conspi- 
ration dut  occuper  Hérode],  d'autant  plus 
que  ses  serviteurs  les  plus  affidés  faisaient 
partie  des  conjurés  (352).  Ce  fut  peut-être 
aussi  à  la  même  époque  qu'eut  lieu  le  juge- 
ment d'Antipater,  jugement  dans  lequel  il 
présida  lui-même  avec  QuintiliusVarus,  gou- 
verneur de  Syrie ,  et  porta  la  parole  contre 
son  fils  (353).  Quant  a  sa  santé,  l'histoire 
de  sa  vie  nous  apprend  qu'elle  se  trouvait 
dans  un  état  tel  que  ses  médecins  le  faisaient 
voyager  pour  prendre  les  eaux.  C'est  ainsi 
que  quelques  jours  même  avant  sa  mort,  il 
alla  prencire,  d'après  leur  conseil ,  celles  de 
Callirhoê  au  delà  du  Jourdain  (35&-).  Nous 
demandons  maintenant  s'il  y  aurait  lieu  de 
s'étonner  qu'Hérode  ait  différé  de  s'informer 
de  ce  qu  étaient  devenus  les  mages  après 
qu*il  leur  eut  dit  de  se  rendre  à  Bethléem, 
et  si  l'on  peut,  sous  ce  prétexte,  rejeter  le 
récit  de  saint  Matthieu,  comme  rapportant 
un  fait  entièrement  invraisemblable!  Ajou- 
tons qu'Hérode ,  qui  n'avait  aucun  doute  sur 
la  sincérité  des  mages ,  et  qui  se  confiait 

f pleinement  à  eux  dans  cette  affaire ,  a  pu 
es  perdre  de  vue  pendant  son  absence ,  et 
que  c*est  sans  doute  pendant  cette  absence 
que  Marie  et  Joseph  sont  venus  à  Jérusalem 

Eour  exécuter  la  loi  de  la  purification.  Enfin, 
[érode  n'a-t-il  point  pu  croire  que  les  mages 
s'étaient  trompés,  et  que  n*ayant  trouvé 
aucun  enfant  qui  portât  les  marques  de  la 
royauté ,  ils  étaient  retournés  dans  leur  pays, 
confus  de  leur  fausse  démarche  et  sans  avoir 
osé  se  présenter  devant  lui  à  Jérusalem  ?  Ce 
qui  montre  surtout  qu'il  y  avait  quelque 
raison  pour  laquelle  Hérode  était  resté  dans 
une  sorte  d'inaction  et  de  négligence  dans 
cette  affaire,  qu'il  [était  cependant  très-im- 
portant pour  lui  de  poursuivre  avec  chaleur, 
c'est  sa  conduite  ultérieure.  En  effet,  à  peine 
a-t-il  appris  ce  qui  s'est  passé  dans  le  temple 
à  la  purification  de  Marie,  que  comprenant 
par  là  qu'il  est  réellement  né  à  Bethléem 
un  enfant  extraordinaire,  il  change  tout  à 
coup  :  ne  songeant  donc  qu'à  se  défaire  de 
son  rival,  et  ne  prenant  conseil  que  de  sa 
fureur,  il  ordonne  impitoyablement  le  mas- 
sacre des  Innocents.  Ainsi  s'évanouit  la  dif- 
ficulté proposée  par  les  censeurs  de  saint 
Matthieu. 

Enfin,  objectO'-t-on  encore,  ce  qui  prouve 
le  peu  de  confiance  que  mérite  le  récit  de 
saint  Matthieu,  c'est  que  saint  Luc,  dont  on 
vante  tant  l'exactitude,  le  contredit  formelle- 
ment. En  effet,  selon  ce  dernier  (ii,  92  et 
seq.),  aussitôt  que  les  jours  de  la  purification 

1. 1,  c.-  30. 32. 
(354)  Voff.  Joasrs.,  Antiq.^  llv.  ivn^  c.  8. 


Sj5 


fikl 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


NAI 


ZM 


furent  accomplis,  Marie  et  Joseph  allèrent  à 
Jérusalem  pour  présenter  Tenfant  au  S^- 

teneur,  et  après  avoir  exécuté  tout  ce  que  la 
oi  prescrit  pour  cette  présentation,  ils  re- 
tinrent en  Galilée,  à  Nazareth,  qui  était  le 
lieu  de  leur  demeure.  Saint  Matthieu  rap- 
porte les  choses  tout  autrement;  car,  selon 
lui,  les  parents  de  Jésus  recurent  d'abord 
la  visite  des  mages,  laquelle  occasionna 
leur  fuite  en  Egypte;  et  ce  ne  fut  qu'après 
le  retour  d'Egypte  qu*ils  vinrent  habiter 
Nazareth.  Si  l'on  dit  que  l'arrivée  des  mages 
n'eut  lieu  qu'après  la  présentation,  les  ma- 

Î;es  ne  purent  trouver  alors  Tenfant  à  Beth- 
éem  ;  jIs  durent  le  trouver  à  Nazareth,  où, 
selon  saint  Luc,  Marie  et  Joseph  étaient 
retournés  après  la  présentation,  et  où  ils 
avaient  fixé  leur  demeure.  Si  l'on  prétend, 
au  contraire,  que  les  mages  sont  arrivés 
avant  la  présentation,  il  s^nsuivra  que  la 

1)résenlation  n'a  pu  avoir  lieu,  puisque  c'est 
a  venue  des  ntages  qui,  selon  saint  Mat- 
thieu, occasionna  la  fuite  en  Egypte.  Enfin, 
si,  pour  échapper  à  la  difficulté,  on  dit  que 
Mario  et  Jose|)h,  à  leur  retour  de  l'Egypte, 
sont  revenus  à  Bethléem  pour  y  recevoir 
la  visite  des  mages,  et  de  là  sont  allés  à  Jé- 
rusalem pour  y  faire  la  présentation,  on  se 
met  alors  en  opposition  avec  saint  Luc,  qui 
suppose  Que  l'enfant  fut  présenté  quarante 
)ours  après  sa  naissance,  et  avec  saint  Mat- 
thieu, qui  nous  dit  que  Marie  et  Joseph,  à 
leur  retour  d'Egvpte,  u'osèmut  pas  aller  en 
Jurlée  h  cause  uÂrchéiaùs  qui  y  régnait.  — 
Cette  difficulté ,  sur  laquelle  quelques  cri- 
tiques ont  beaucoup  insisté  pour  combattre 
^authenticité  des  deux  premiers  chapitres 
lie  saint  Matthieu,  ne  laisse  pas  d'ôtre  fort 
spécieuse.  Ce  que  nous  avons  dit  précéclnm- 
nicnt  répond  suilisamment  à  quelques  [)oints 
particuliers  de  cette  objection  ;  nous  nous 
bornerons  donc  ici  à  lever  la  contradiction 
apparente  entre  les  deux  évangélisles.  On 
peut  opposer  à  cette  difficulté  deux  solu- 
tions différentes,  tirées  du  caractère  des 
deux  évangiles.  La  première  est  celle  de 
Uug.  Voici  comment  cet  habile  critique  la 
présente  :  «  La  question,  dit-il,  est  de  sa- 
voir si  Texpression  de.saint  Luc,  après  qu'ils 
eurent  tout  accompli  selon  la  /oi,  ils  revin- 
rent à  Naxarelh  (u,  39),  doit  être  prise  dans 
un  sens  tellement  rigoureux  quelle  doive 
exprimer  qu'immédiatement  après  la  pré- 
sentation, et  sans  aucun  autre  événement 
intermédiaire,  Marie  et  Joseph  soient  reve- 
nus à  Nazareth.  Or  ii  ne  parait  pas  cp'un 
doive  la  prendre  d'une  manière  si  rigou- 
reuse et  SI  précise.  Car  c'est  la  coutume  de 
saint  Luc,  de  terminer  ses  récits  par  une 
formule  de  conclusion  qui  n'exprime  qu'une 
maxime  générale  (jui  ne  se  rapporte  à  au- 
cun temps  déterminé,  et  qui  est  assez  sou- 
vent une  addition  superflue.  C'est  ainsi  qu'il 
termine  le  récit  de  rapparilion  de  l'archange 
Gabriel  à  la  saiute  Vierge  par  cette  formule  ; 

(355)  JXJluc,  Einleit.  in  dk  Sebriften  des  Neuen 
TeêtametUê,  Tb.  Il,  Seii.  S5tt;  zweite  AuUage.  — 
Voy.  aussi  H.   Ouiuuseu,  BiUUckcr  Commeiuar 


Et  range  s'éloigna  d'elle,  (i,  38.)  De  même  il 
ferme  la  narration  des  bergers  qui  étaient 
accourus  à  la  crèche  du  Sauveur  par  ces 
mots  :  Et  les  bergers  s'en  retournèrent  glori- 
fiant Dieu,  (n,  20.)^ Après  le  cantique  de 
Zacharie,  il  ajoute  immédiatement  :  Et  fea- 
fant  croissait  et  se  fortifiait  en  esprit  (i,  8i); 
et  après  plusieurs  récits  particuliers,  il  ter- 
mine ainsi  :  Et  Jésus  croissait  en  sagesse^ 
en  âge  et  en  grâce  devant  Dieu  et  devant  les 
hommes,  (ii,  5â.)  Or  la  phrase  qui  nous  oc- 
cupe est  précisément  du  même  genre  :  Aprêê 
qu  ils  eurent  accompli  tout  ce  qui  était  or- 
donné  par  la  loi  du  Seigneur^  ils  s'en  retour- 
nirent  en  Galilée^  à  Naxareth^  leur  ville.  El 
Venfant  croissait  et  se  fortifiait^  etc.  (n,  39, 
40.)  Ainsi,  on  doit  prendre  ces  paroles  pla- 
tôt  comme  des  formules  de  conclusion  que 
comme  des  expressions  qui  déterminent  ri- 
goureusement le  temps;  et  saint  Luc  veut 
dire  seulement  d'une  manière  générale  qno 
Jésus,  après  avoir  été  présente  au  temple, 
devint  un  habitant  de  Nazareth,  sans  ex- 
clure pour  cela  tout  intervalle  de  temps  qui 
aurait  eu  lieu  entre  ces  deux  événements^ 
et  sans  nier  les  faits  qui  auraient  pu  se  pas- 
ser dans  cet  intervalle  intermédiaire  (355).  » 
La  seconde  réponse  à  la  difficulté  est  do 
M.  Cellérier.  «  D'après  ce  que  nous  avons 
vu  du  but  et  du  genre  de  saint  Matthieu, 
comparés  à  ceux  des  autres  évangélist&s, 
dit-il,  il  est  clair  qu'il  ne  faut  pas  tirer  des 
conséquences  trop  rigoureuses  de  l'ordre 
dans  lequel  il  raconte  les  faits,  ou  des  li- 
mites dans  lesquelles  il  parait  les  renfer- 
mer. A  plus  forte  raison  ne  doit-on  pas, 
comme  ici,  les  tirer  de  ce  qu'il  ne  dit  pas, 
mais  de  ce  que  l'on  suppose  seulement  qu'il 
a  eu  l'intention  de  dire.  Toute  la  difficulté 
gtt  en  ce  que  les  mases  trouvent,  à  ce  qu'on 
affirme,  l'enfant  Jésus  à  Bethléem.  Mais 
qu'on  lise  saint  Matthieu  (chap.  ii)  avec  at- 
tention, on  verra  qu'il  n  en  dit  pas  un  mot. 
Hérode  les  y  envoya,  voilà  tout;  mais  ils 
ont  pour  guide  l'astre  miraculeux  qui  les 
conduit  au  lieu  où  était  l'enfant  (ivwm  «v  liv 
To  irm^ioy).  OÙ  était-ce?  Nous  n'en  savoirs 
rien,  puisque  saint  Matthieu  ne  le  dit  |mis. 
Il  ne  tient  pas  à  nous  donner  les  circons- 
tances exactes  et  suivies  du  fait,  mais  à  nous 
montrer  les  sages  de  l'Orient  prosternés 
devant  l'enfant  né  à  Bethléem,  do  la  ra^e 
de  David.  Le  reste  n'a  pas  d'importance  pour 
son  but,  il  ne  i)arait  pas  sVn  inquiéter. 
Pourquoi,  après  ia  présentation,  la  sainte 
famille  ne  serait-elle  pas  retournée  à  Na- 
zareth, chez  elle,  et  pourquoi  les  magea 
arrivés  alors  à  Jérusalem,  n  auraieat-iis  |ias 
été  conduits  en  Galilée  par  ht  lumière  cé- 
leste? Si  l'on  admet  cette  supiH>sition,  on 
peut  traduire  saint  Luc  à  la  lettre,  et  il  n'y 
a  plus  l'ombre  d'une  contradiction  entre 
les  6vangélistes. — La  même  réponse  s'ap- 
plique paiement  au  T.  23,  où  saint  Matthieu 
semblerait  indiquer  que  la  sainte  Cuuille 

uher  Stmnuliche  Sehriften  des  Ncucn  Tcstamenlt,  I, 
I45î  zweite  Auflugo. 


557 


!UT 


DICTIONNAmE  APOLOGETIQUE. 


NAT 


S3& 


ne  (lemeori  k  Nazareth  qu'après  le  retoar 
dE/jpte.  Saint  Matthieu  n'avait  point  en- 
core parlé  de  Nazareth,  il  n'avait  eu  aucune 
(jtmm  de  le  faire  :  la  chose  qui  importait 
.1  m  but  était  de  dire  que  Jésus  était  né  à 
Mi\éem  (v.i),  et  uon  que  sa  mère  de- 
meurât eu  Galilée.  S*il  parle  maintenant  de 
Mzarelb,  il  est  évident  que  ce  n'est  pas  pour 
cuaiiJêter  le  récit,  mais  pour  faire  remarquer 
qiA>$uir2nC  les  prophètes,  Jésus  devait  être 
a|)(H'!é  Sojoréen,  Voilà  la  manière  d'écrire 
rblsioire  de  Jésus.  Quand  donc  il  nomme 
ctHk  fille  pour  la  première  fois,  il  est  tout 
Mffiple  qu'il  ne  dise  pas  la  ville  de  Naza- 
rîl!),  f^  rî>  leo^Uv...  (Ittc.  Il,  39),  mais  une 
tdk  tî»'  ffiX:v  ^tyofâmv....  Il  est  d'ailleurs  fort 
Ko&ible  Que  Joseph  n'eût  habité  précé- 
demiueDt  Nazareth  que  momentanément  et 
fidr  hasard  (356).  » 

NAPOLEON,  comme  quoi  il  n'a  jamais 
uiité.  Foy.  MrraisMB.  —  Belle  parole  sur 
Jésii5-Cbribt.  Vop.  Jésus-Christ,  art.  1,  §  II. 
!(ATLRAUSME  de  J.-J.  Rousseau.  Voy. 
CaiTc,!!!.  — Dévelop[iements  sur  ce  sys- 
l€ioe.  Yojf.  Rationalisme,  |  III. 
>ATCRAUSTES  ou  NATURISTES.  —  On 
lipeile  ainsi  certains  théologiens  protes- 
ta&is  raiionalisles  qui  prétendent  ramener 
biiitséyangéliques  aux  lois  de  la  nature, 
e^  les  expliquer  par  les  sciences  naturelles, 
i^pfajsique,  la  chimie,  l'exégèse,  etc.  C'est 
k  ifiéorie  soutenue  en  France  par  M.  E.  Sal- 
^erie,  dans  son  livre  sur  les  sciences  oc* 
^/^^;eten  Allemagne,  par  Eichhorn,  Pau- 
iiiN  etn.  Voici  les  appréciations  de  la  Liberli 
àpmersur  ces  théiologiens  qui  confondent 
1^  faits  surnaturels  avec  les  fables  gros- 
sières de  la  mythologie. 
«  la  homme,  dont  le  nom  n'occupe  pas 
^i  rkistoire  de  l'esprit  humain  la  place 
<|u'il  mériterait,  c'est  Eichhorn....  Les  re« 
ctierches  mythologiques  de  Heine  avaient 
K^zaj^raodi  son  norizon  pour  qu'il  sentit 
il  oécessité  d'admettre  l'intervention  divine 
ciiez  tons  les  peuples,  à  leur  Age  primitif, 
ûa  de  la  nier  chez  tous.  Chez  tous  les  peu- 
pe$,  observait-il,  en  Grèce  comme  dans 
iOrient,  tout  ce  qui  était  inattendu  et  Ui'^ 
C'^Qipris  était  rapporté  à  la  Divinité;  les 
»*:tt  vivaient  toujours  en  communication 
«/ee  des  êtres  supérieurs.  En  dehors  de 
i'Mstoire  hébraïque,  personne  n'est  tenté 
^  croire  à  la  réalité  littérale  de  pareils  ré- 
tiu.Mais  évidemment,  ajoutait  Eichhorn,  la 
Justice  exige  que  l'on  traite  les  Hébreux  et 
îes  iioii-Hébreux  de  la  même  façon  (357)  ; 
ro  sorte  qu'il  faut,  ou  placer  toutes  les  na* 
i>*^flS  durant  leur  enfance,  sous  Tintluence 
(oiuiQutie  d'êtres  supérieurs,  ou  refuser  de 
miire  des  deux  côtés  à  une  telle  influence.. 
A<i(uettre  uasupematuralisme  primitif,  corn* 
o^uu  à  toutes  les  nations,  cest  créer  un 
iDOQde  de  fables.  Ce  qu'il  y  a  donc  à  £aire, 
'^c  (Mirt  et  d'autre ,  c  est  aa  concevoir  ces 
*<^ieas  récits  dans  l'esprit  de  leur  temps. 

(3SS)  £iMj  «Thm  imrod.  erUique  au  Nounau  Tu- 


Sans  doute,  s'ils  étaient  écrits  avec  la  pré- 
cision philosophique  de  notre  siècle,  il  fnu- 
drait  y  voir  ou  une  réelle  intervention  de 
la  Divinité,  ou  la  supposition  mensongère 
d'une  telle  intervention;  mais,  provenant 
d'une  époque  primitive  qui  n'avait  point  de 
philosophie,  ils  s'expriment  sans  artifice  et 
conformément  aux  iciées  de  l'antiquité.  Nous 
n'avons,  il  est  vrai,  aucun  miracle  à  admi- 
rer; mais  nous  n'avons  non  plus  aucune 
fourberie  à  démasquer;  il  ne  faut  que  tra- 
duire, dans  notre  langue,  la  lanuue  des  pre- 
miers siècles.  Tant  que  l'esprit  humain  n'a- 
vait pas  encore  pénétré  la  véritable  cause 
des  phénomènes,  il  dérivait  tout  de  forces- 
surnaturelles;  les  hautes  pensées,  les  grandes 
résolutions,  les  inventions  utiles,  et  surtout 
les  songes  à  vives  images,  étaient  des  effets 
de  la  Divinité,  sous  1  influence  immédiate 
de  laquelle  on  se  croyait  placé.  Et  ce  n'était 

{ms  seulement  le  peuple  qui  embrassait  ces 
àciles  explications;  les  hommes  supérieurs 
n'avaient  eux-mè«nes  aucun  doute  à  cet 
é^ard,  et  se  vantaient,  avec  une  pleine  con- 
viction, de  relations  mystérieuses  avec  la 
Divinité. 

«  Sous  les  récits  merveilleux  delà  Bible, 
il  faut  donc,  disait  Eichhorn,  chercher  un 
fait  naturel  et  simple,  exprimé  à  la  façon 
du  temps.  Ainsi  la  fumée  et  la  flamme  de 
Sinai  ne  furent  autre  chose  qu'un  feu  que 
Moïse  alluma  sur  la  montagne  pour  aider  à 
l'imagination  du  peuple,  et  avec  lequel,  par 
hasard,  coïncida  un  violent  orage  ;  la  co- 
lonne lumineuse  était  une  torche  qu'on 
portait  devant  le  front  de  la  caravane  ;  l'ap- 

f carillon  radieuse  de  la  face  du  législateur 
ut  une  suite  de  son  grand  échauffement,  et 
lui-même,  qui  en  ignorait  la  cause,  y  vit 
avec  le  peuple  quelque  chose  de  divin. 

«  C'était  un  pas  immense  d'avoir  assujetti 
le  corps  des  écritures  hébraïques  à  la  mémo 
critique  que  le  reste  des  œuvres  de  Tesprit 
humain.  Il  fallut  quelque  temps  pour  qu'on 
s'enhardit  jusqu'à  appliquer  la  même  exégèse 
aux  écrits  du  Nouveau  Testament,  compo- 
sés à  une  époque  plus  rapprochée  de  nous 
et  objets  d'une  vénération  plus  spéciale. 
Eich&orn ,  comme  tous  les  réformateurs , 
s'arrête  au  premier  pas  et  n'applique  que 
très-timidement  la  méthode  rationnelle  aux 
faits  évangéliques  ;  à  peine  la  hasarda-t-il 
pour  quelques  récits  de  l'histoire  apostoli- 
que, comme  la  conversion  de  Paul,  le  mira- 
cle (le  la  Pentecête,  les  apparitions  évansé- 
tiques.  Ce  fut  en  1800  que  fe  docteur  Pautus 
entra  k  pleines  voiles  dans  cette  mer  nou- 
velle et  conquit  la  gloire  d'un  Evhémère 
chrétien.  Paul  us  distingua  avec  beaucoup 
de  finesse  ce  qui,  dans  une  histoire,  est  fait 
(élément  objectif),  ou  jugement  du  narra- 
teur (élément  subjectif).  Le  laiU  c'est  la  réa- 
lité qui  sert  de  fond  au  récit  ;  le  jugement 
du  fait,  c'est  la  façon  dont  le  spectateur  qu 
le  narrateur  l'a  envisagé,  l'expacation  qu'il 

(557)  Ce  priucipe  serait  vrai  sans  rinlerveniion 
divine.  Une  fois  qb  fait  biilprîqaeaieDl  constaté» 
tttui  ve  brilLuit  édifice  s'écreule» 


339 


NAT 


DTGTIONNAimS  APOLOGETIQUE. 


NAT 


540 


s'en  csl  donuée  à  ]ui-*méme,  la  manière  dont 
le  fait  s*est  réfracté  dans  son  individualité. 
Les  Evangiles,  au  point  de  vue  de  Paulus, 
sont  des  hittoires  laites  par  des  hommes 
crédules  et  de  vive  imagination.  Les  évan- 
gélistes  sont  des  historiens  à  la  façon  de  ces 
naïfs  témoins  qui,  en  nous  racontant  un  fait 
tout  simple  ,  ne  peuvent  s'empêcher  d*y 
mettre  du  leur  et  de  nous  le  présenter  avec 
le  merveilleux  dont  ils  l'entourent  eux- 
mêmes.  Pour  avoir  la  vérité,  il  faut  se  met- 
tre au  point  de  vue  de  l'époque  et  séparer 
le  fait  réel  des  enjolivements  que  la  foi 
crédule  et  le  goût  du  merveilleux  j  ont 
igoutés.  Paulus  tient  fermement  à  la  vérité 
historique  des  récits;  il  s'efforce  d'intro- 
duire dans  l'histoire  évangéliaue  un  étroit 
enchaînement  de  dates  et  de  laits  ;  mais  ces 
faits  n'ont  rien  qui  sorte  de  Tordre  habituel 
et  oui  exige  une  intervention  surnaturelle 
de  forces  supérieures.  Pour  lui,  Jésus  n'est 
pas  le  Fils  de  Dieu  dans  le  sens  de  l'Eglise, 
mais  c'est  un  homme  sage  et  vertueux  ;  oe 
ne  sont  pas  des  miracles  qu'il  accomplit, 
mais  ce  sont  des  actes  de  hasard  et*de  bonne 
fortune. 

«  Quelques  exemples  feront  comprendre 
ce  qu'une  telle  exégèse  avait  d'ingénieux, 
mais  aussi  de  subtil  et  de  forcé.  Soit,  pàv 
exemple,  le  récit  de  l'Evangile  sur  la  nais- 
sance de  Jean-Baptiste  :  ce  récit  renferme 
deux  faits  surnaturels,  et  par  conséquent 
inacceptables  :  l'apparition  de  l'ange  et  le 
mutisme  subit  de  Zacharie.  L'apparition 
s'expliquait  parles  lois  habituelles  de  l'an- 
gélophanie.  Pour  les  uns,  ce  fut  un  homme 
qui  lui  apparut  et  lui  dit  ce  qu'il  attribue  à 
un  messager  céleste;  pour  les  autres,  ce  fut 
un  éclair  qui  frappa  son  imagination  ;  pour 
d'autres,  ce  fut  un  rêve  ;  pour  d'autres,  une 
extase  ou  hallucination  provoquée  par  l'état 
mental  où  il  se  trouvait,  par  le  désir  d'avoir 
de  la  postérité,  i)ar  la  fonction  religieuse 
qu*il  accomplissait,  par  l'odeur  de  l'eurens, 
peut-être  aussi  par  une  sollicitation  de  la 
femme,  semblable  à  celle  de  Racbel  à  Jacob. 
L'esprit  ainsi  excité,  dans  la  demi-obscu^^ 
rite  du  sanctuaire,  il  pense,  tout  en  priant, 
à  l'objet  de  ses  souhaits  les  plus  ardents; 
il  espère  maintenant  ou  jamais  être  exaucé, 
et  est,  par  conséquent,  disposé  à  voir  un 
signe  dans  tout  ce  qui  pourra  se  montrer. 
La  fdmée  de  l'encens  qui  s'élève,  éclairée 
par  les  lampes  du  sanctuaire,  forme  des  fi-* 
gurcs;  le  prêtre  s'imagine  v  apercevoir  une 
image  céleste  qui  Teffraj^e  d  abord,  mais  de  la 
bouche  de  laquelle  i  1  croit  bientôt  entendre  la 
promesse  de  ce  qu'il  désire.  A  peine  un 
doute  léger  commence-il  à  naître  dans  son 
cœur,  que  le  scrupuleux  Zacharie  se  re- 
garde (Somme  coupable  et  se  croit  répri- 
mandé par  l'ange  qui  lui  reproche  son  in- 
crédulité. Quant  au  mutisme ,  une  double 
explication  est  possible  :  ou  bien  une  apo- 
plexie subite  paralyse  réellement  sa  langue, 
ce  qu'il  prend  pour  une  punition  de  son 


doute  ;  ou  bien  Zacharie,  par  une  supersti- 
tion juive,  s'interdit  lui-même,  pendant 
quelque  temps,  l'usage  de  la  parole  qa*il 
s  accuse  d'avoir  mal  employée.  Toutes  les 
circonstances  du  récit  sont  ainsi  acceptées 
comme  réelles,  n>ais  expliquées.  Les  non- 
veaux  exégètes  ne  songèrent  pas  un  mo- 
ment à  se  demander  si  tout  ce  récit  n*était 
pas  une  fiction  conçue  sur  le  moule  des 
circonstances  que  l'Ancien  Testament  place 
à  la  naissance  de  tous  les  grands  nom- 
mes (358). 

«  Soit  encore  le  récit  de  l'Ëvangile  sur  le 
jeûne  de  Jésus,  qu'il  aurait  prolongé  durant 
quarante  jours  sans  rien  prendre  (ovx  cf«7<> 
ovScv).  A  en  croire  les  rationalistes,  qua* 
ranle  était  un  nombre  rond  pour  signifier 
plusieurs  jours;  ou  bien  cette  abstinence 
ne  fut  pas  complète  et  n'exclut  pas  les  her- 
bes et  les  racines.  Hoffmann,  plus  spirituel 
encore,  Qt  observer  qu'il  est  bien  dît  que 
Jésus  n'a  rien  man^é,  mais  nulle  part  qu'il 
n'ait  rien  bu.  Or  il  nous  rapporte  qu'un 
enthousiaste  s'est  soutenu  pendant  qua- 
rante-cinq jours  avec  de  l'eau  et  du  thé.  A 
la  vérité  il  mourut,  dit-il,  non  de  faim,  mais 
delà  fausseté  de  son  sentiment! 

«  Tous  les  faits  merveilleux  de  la  vie  de 
Jésus  étaient  expliqués  d'une  manière  ana- 
logue. Ainsi,  la  lumière  céleste  des  bei*gers 
de  Bethléem  ne  fut  ni  plus  ni  moins  au 'une 
lanterne  qu'on  leur  ()orta  aux  yeux.  L  étoile 
des  mages  fut  une  conionotion  de  planètes 
ou  une  comète;  et  s'il  est  dit  qu  elle  les 
accompagna,  cela  doit  s'entendre  du  fanal 

Îu'on  portait  devant  eux  pendant  ,1a  nuil. 
luand  il  est  dit  que  Jésus  marcha  sur  la 
mer,  cela  veut  dire  qu'il  rejoignit  ses  disci- 
ples à  la  nage,  ou  en  marchant  sur  le  bord. 
Quand  il  calma  la  tempête,  cela  signifie  que, 
dans  une  circonstance  désespérée,  il  saisit 
le  gouvernail  d'une  main  ferme.  Là  multi- 
plication des  pains  s'explique  par  des  maga- 
sins secrets  ou  par  des  provisions  que  Tes 
auditeurs  avaient  dans  leurs  poches.  Les 
riches  en  avaient  trop ,  les  pauvres  en 
avaient  trop  peu,  ou  n'en  avaient  pas  du 
tout.  Jésus,  en  vrai  philanthrope,  leur  con- 
seilla de  mettre  le  dîner  en  commun,  et  il  y 
en  eut  de  reste.  Quand  il  est  dit  que  Jésus 
descendit  aux  enfers,  cela  veut  dire  toul 
simplement  qu'il  fut  enterré.  Les  anges  de 
la  résurrection  ne  furent  autre  chose  que 
des  linceuls  blancs  que  les  pieuses  femmes 
prirent  pour  (des  êtres  célestes.  L'ascension 
s'explique  par  la  supposition  d'un  brouillard 
à  la  faveur  duquel  Jésus  s'esquiva  adroite- 
ment et  se  sauva  de  l'autre  côté  de  la  mon* 
tagne. 
«  C'était  là,  certes,  une  étroite  et  mes- 

auine  exégèse  bien  peu  propre  k  sauver  la 
ignité  du  caractère  lue  Jésus;  exégèse  toute 
de  subtilité  et  de  tours  de  force,  fondée  sur 
l'emploi  mécanique  de  quelques  proc^édés 
d'explication  (extase,  éclair,  orage ,  nna^ 
ge,  etc.)  ;  exégèse  d'ailleurs  bien  .inconsé- 


(358)  Voy,  à  Tart.  Uallccuiàtiok  §  111 ,  la  .réTutaiioD  que  Strauss  a  faiie  de  cette  ioterprétaiioa* 


Uï 


NÂT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


NAT 


515- 


queute  (339);  car  si  les  narrateurs  sacrés 
hn(  brnidé  sur  les  circonstances,  pourquoi 
imirsiforlà  leur  véracité  sur  le  fond  du 
rtvii?  Dans  une  hypothèse»  pas  plus  que 
•lans  TauCre»  il  n'est  facile  de  croire  à  Tins- 
pralion  du  Saint-Esprit;  et  Starck  avait 
>pie(i(ae  raison  de  dire  à  ces  demi-rationa- 
I>ie5  ;  «  Vous  vous  tireriez  plus  facilement 
w  (i'affaire  en  disant  que  personne  ne  connaît 
<  iesdrùles  qui  racontent  de  pareilles  aven- 
t  tjres;  que  ce  sont  d'insignes  menteurs,  et 
"  ;u?  tout  ce  qu'on  allègue  en  faveur  de  leur 

jTubité  est  un  conte  en  Tair  (360).  » 

•  Aussi,  ne  tarda-t-on  pas  à  sentir  l'in- 
^;.iîsaDce  de  ce  mode  d'interprétation.  Ei- 
«IhOfo  lui-même,  le  pèredei  évhémérisme 
t  iiiliqoey  reconnut  la  nécessité  d'une  exé- 
pseplus  large  pour  quelques  parties  des 
i:Tres  de  l'Ancien  Testament,  et  particu- 
hèrement  pour  les  récits  de  la  création  et  de 
lacbole  de  l'homme.  Après  en  avoir  tenté 
airerses  explications  naturelles,  et  avoir 
iiiitenu,  eu  scrupuleux  théologien,  qu'il 
seraii  Indigne  de  la  Divinité  d'avoir  laissé 
lONérer  un  fragment  mythologique  dans  un 
i.trv  révélé,  il  reconnut  plus  tard  la  puéri- 
r.'édeces  tentatives  et  ne  vit  plus,  dans  le 

tià  précité ,  que  la  traduction  mythique 

'je  «tle  pensée  philosophique  :  Le  désir 
o'jQ  ffleilleur  état  est  la  source  de  tout  le 
cal  dans  ce  monde  (361  j.  » 

M.  E.  Salverte  rejette  la  résurrection  de  la 
fiî.'eiieJaïr  et  ne  voit  dans  le  fait  qu'une 
irtioo  bienfaisante  qui  ne  renferme  rien  de 
îjrnatiu'el.  «  Son  père,  dit-il,  a  imploré  le 
îtrours  de  Jésus.  On  vient  annoncer  qu'elle 
•^ft-isé  de  vivre.  Jésus  rassure  Jaïr;  il  dit 
iOMiivemeut  aux  personnes  qui  (pleuraient  : 
Sf  pUurex  point  :  lorieune  fille  n'est  point 
f^vTU^  mais  seulement  endormie.  Il  la  prend 
i^rh  main,  l'appelle  à  haute  voix  :  sa 
r'>iûralion  renaît;  elle  se  lève  ;  et  par  Tor- 
<ire  de  Jésus ,  on  lui  donne  des  aliments. 
{Lue,  vni  ;  Mat  th.  ix).  Une  fille  de  douze  ans 
que  rend  malade  le  travail  de  la  puberté, 
l'.Qibe  dans  un  sommeil  comateux  et  léthar- 
Mque:  Jésus  l'en  retire...  Supposer  qu^elIe 
i^*i  vivait  plus,  c'est  supposer  que  Jésus  a 
iroféré  un  mensonge ,  en  disant,  elle  n'est 
i'mt  morte:  supposition  à  la  fois  déraison- 
nable et  injurieuse;  je  dirais  blasphématoire, 
'i  lenthousiasme  de  la  reconnaissance  ne 
i'Ttait  avec  lui  l'excuse  des  erreurs  qu'il 
'iilanle.  »  (Des  sciences  occultes  y  ch.  20, 
(.  350J.  —  M.  Maurv  ne  voit  là  aussi  qu'une 
^'thargie  {Essai  sur  Us  légendes^  p.   237.) 

écoutons  ledocteur  Strauss  fairejustice  de 
'.^  âUpp05'itions  insoutenables. 

«  L'eiplication  naturelle,  dit-il,  procède 
id  avec  une  conQance  toute  particulière  ; 
carellecroit  avoir  ensa  faveur  la  propre 
(l^riaration  de  Jésus ,  quand  elle  soutient 
îie  la  jeune  fille  n'était  pas  réellement 
niorte,  mais  qu'elle  était  dans  un  état  de 
'défaillance  semblable  au  sommeil.  Et  non- 

C^)  Noos  enregUtrons  loog  ces  aveux. 
^'''^)  Lts  coïKiiiuateurs  de  Slrauss  penchent  vl- 
^^^^mûx  vers  une  théorie  que  Starck  indiquait  aux 


seulement  des  commentateurs  décidément  ra* 
tionalistescomme  Paulus,  ou  des  (demi -ratio* 
nalistes  comme  Schleiermacher,  mais  encore 
des  théologiens  décidément  surnaturalistes 
comme  Olshausen ,  croient,  en  raison  de  la 
déclaration  de  Jésus,  ne  pas  devoir  songer 
à ,  une    résurrection.    Le    commentateur 
nommé  en  dernier  lieu  attache  une  impor- 
tance particulière  à  l'opposition  qui  se  trouve 
dans  le  discours  de  Jésus    et  pense  que , 
puisque  aux  mots —  elle  n'est  pas  morte  f  — 
sont  joints  les  mots,  —  mais  elle  dorty  —  les 
premiers  ne  peuvent  pas  être  entendus  sim- 
plementdanscesens  :  —  elle  n'est  pas  morte, 
puisque  f  ai  dessein  delà  réveiller; — ce  qui  est 
fort  singulier,  puisque  si  cette  addition  in- 
dique que  la  jeune  fille  n'est  pas  morte,  c'est 
seulement  parce  que  Jésus  a  le  pouvoir  de  la 
ressusciter.  On  invoque  en  outre  ce   que 
Jésus  dit  touchant  Lazare  {Joan.  xi,   ih)', 
passage  où  les  expressions  Lazare  est  mort^ 
AûÇKpoç    RTrc^avc ,    forment   exactement  la 
contrepartie    des    expressions    que    nous 
examinons  en  ce  moment  :  —  l'enfant  n'est 
pas    mort.  —  Mais   précédemment  aussi, 
Jésus  avait  dit  de  Lazare  :   celte  maladio 
n'est  pas  mùrlelle,  «'x^  n  àvBivtia  oOx  hxi  ïr/io«. 
OàvoTov  (v.  k).  11  nie  donc  auss    dans   le 
passage  de  Jean  la  mort  de  Lazare  ;  il  sou- 
tient comme  ici  que  c'est  un  simple  som- 
meil, et  cependant  il  parlait ,  dans  le  cas 
de  Lazare,  d'un  véritable  mort.  En  con- 
séquen.ce,.Frilzsche  a  certainement  raison 
quand  il  paraphrase  ainsi  les  paroles  de  Jé- 
sus dans  le  j>assage  que  nous  examinons  : 
Ne  regardez  pas  la  jeune  fille  comme  morte , 
mais  croyez  qu'elle  dort  t  car  elle   va  bientôt 
revenir  à  la  vie.  D'ailleurs,   quand,  plus 
loin,  Matthieu  (v.  5)  fait  dire  à  Jdsus  :  Les 
morts  ressuscitent ,  vfx/>ot  ,lyti^ovT«c,  cet  évan- 
gélisle,  n'aj'ant  encore  jusque-là  raconté 
aucune  résurrection,  parait    avoir  songé  à 
celle-ià  môme. 

«  Mais  indépendamment  de  la  fausse  in- 
terprétation des  paroles  de  Jésus,  l'explica- 
tion naturelle  a  encore  plusieurs  autre^ 
diflicultés.  Sans  doute  on  ne  contestera  pas 
que  dans  plusieurs  maladies  il  ne  puisse  ^ 
survenir  des  états  qui  simulent  la  mort  ;  on 
ne  contestera  pas  non  plus  que,  à  cause  do 
l'imperfection  de  la  médecine  parmi  les  Juifs 
d'alors,  une  syncope  n'ait  pu  être  j)rise  faci- 
lement pour  une  mort  véritable.  Mais  alors, 
d*où  Jésus  a-t-i!  su  qu'il  n'y  avait  ou'une 
mortapparente  chez  cette  jeune  &lleTQuand 
bien  même  le  père  lui  aurait  rapporté,  avec 
toute  exaclitucle,  la  marche  de  la  maladie, 
quand  bien  même  il  aurait  eu  une  connais- 
sance préalable  de  l'état  où  se  trouvait  la 
jeune  fille,  ainsi  que  le  suppose  l'explica- 
tion naturelle,  toujours  est-il  que  l'on  est  , 
en  droit  de  demander  comment  il  peut  assez 
compter  sur  ces  vagues  indications  pour 
déclarer,  prégiiéoient  d'après  l'interpréta- 
tion que  ^ilHHHMiitgs  donnent  à  ses  pa- 


rdfion 


^toriens  criiiquciL 


S43 


NAT 


BICTIQNNÂIRE  APOLOGETIQUE;. 


NAT 


m 


rôles,  qiie  Tenfant  n^était  pas  mort,  conlrar 
dicKuiremeiit  à  l'assertion  des  témoins  ocu- 
laires et  sans  avojrvu  encore  ]a  malade. 
C'eût  été  une  témérité,  c*cût  été  même  une 
folie,  si  Jésus  n*avAit  pas  eu,  par  voie  sur- 
naturelle, une  connaissance  assurée  du  vé* 
ritabie  état  d^  choses,.  Hais  alors  on  quitte 
le  point  de  vue  de  rèiplication  naturelle. 
Paulus  va  plus  loin  ;  le  membre  de  phrase  : 

—  Jésuê  prit  la  ntatn,  —  et  le  membre  de 

Îhrase  :  f enfant  resêuscit^^  —  qui  sont  sans 
oute   réunis  chez  Matthieu  fort  étroite- 
ment, le  sont  encore  davantage  par  les  mots 

—  aussitôt  —  et  —  sur-le-champ,  —  dans  les 
deux  autres  évangélistes;  eh  bien!  cela  n*em- 
pêcbe  pas  Paulus  d*inte^c(iler,  entre  ce$ 
deux  membres  de  phrase,  un  traitement 
médical  qui  dura  quelque  temps  ;  et  Ventu- 
Tini  n*hésite  pas  à  nommer  un  à  un  les  re- 
mèdes qui  lurent  employés  I  OIshauscn  , 
pour  combattre  de  pareilles  atteintes  pointées 
arbitrairement  au  texte,  soutient  fermement, 
et  avec  raison,  que  d(ins  l'opiniou  des  nar- 
rateurst  la  parole  vivifiante  de  jFésus,  et 
nous  pouvons  ig^uter  le  contact  de  sa  main 
UJunie  d'une  force  divine,  furent  les  inter- 
médiaires de  la  résurrection  de  la  jeune 
Çlle.  »  {4.-p.rF.  Stbauss,  Yie  de  Jésus^  tr^. 
^ittré.)  * 

Montrons  encore  par  un  autre  exemple 
Vimpuissauce  du  naturalisme  yo\x\  expli- 
quer les  faits  évaugéliques.  Voyons,  tou- 
jours d*après  Strauss,  si  Texplication  qu^il 
donne  au  miracle  de  la  résurrection  Su  L|h 
;are  est  sati$ri|isante. 

«  Moins  dans  la  troisième  histoire  de  ré- 
surrection qui  est  propre  à  FEvangile  de 
^ean,  et  où  Lazare  est  non  un  homme  mo^^t 
^éceoimept  où  que  Ton  porte  au  tombeau, 
n^ais  unmor^  enterré  depuis  plusieurs  jours; 
^oins,  dis-je,  il  semble  que  Ton  puisse  son* 
ger  è  une  explication  naturelle,  plus  les  ra- 
Çonalist^s  ont  employé  d'artifices  et  de  dé- 
veloppemeuts  pour  lever  les  difiiouli^.  •    • 

«  L'explication  naturelle  s'appuie  sur  les 

Siémes  prémisses  que  dfins  le  récit  précé- 
ent,  à  savoir  qu-un  homme  déposé  depuis 
quatre  jours  dans  un  tombeau  a  pu  0tre 
rappelé  à  la  vie,  et  que  I9  chose,  })ossible  ep 
SOI,  r^st  encore  davantage  en  raison  de  la 
coutume  juive;  possibilité  que  nous  ne 
contesterons  pas  ici  dans  le  spns  absolu.  Cel(i 
posé,  elle  commence  en  faisant  une  suppo- 
sition que  qo^s  ne  devrions  peut-être  pfi^ 
laisser  passer»  c'^st  que  J^sus  s'informa 
exactement  des  conditions  de  la  maladie  au- 

firès  du  messager  que  les  sœurs  du  malade 
ui  envoyèreiit,  et  que  la  réponse  qu'il  fit  à 
ce  messftger  \  Cette  maladie  n'est  pufs  mor^ 

tellôf  etC,,  oevrv  4  àvOiwta  oOx  Ibre  inso^  Oovarov 

(v.  4},  n'est  qu'une  conclusion  tirée  par  lui 
des  renseigqements  qu'on  lui  donna,  et 
n^exprime  que  la  conviction  gu'ils  lui  inspi- 
rèrent, que  la  maladie  n'était  pas  mortelle. 
Il  est  nue  particularité  de  la  conduite  sub* 


demeura  encore  deux  jours  d'ins  la  Péréç. 
(v.  6.)  En  effet,  d'après  la  supposition  rai(^ 
par  l'explication  naturelle,  il  put  juger  que 
sa  présence  à  Béthanie  n'était  ftas  duno 
nécessité  urgente.  Mais  comment  se  f«it-ii 
que  ces  deux  iours  étant  écoulés,  non-seu- 
lement il  se  résolve  à  y  aller  (v.  8),  mais  en- 
core qu'il  conçoive  une  tout  autre  idée  de 
l'état  de  Lazare,  et  que  même  il  ait  la  nou^ 
Telle  positive  de  sa  mort,  qu'il  annonce  au\ 
apôtres ,  d'abord  d'une  manière  fij^uréo 
(v.  11),  puis  ouvertement.?  (v.  ik.)  ici  Yeu 
nlication  naturelle  éiirouve  une  notable  so- 
lution de  continuité,  qu'elle  ne  rend  que 
plus  frappante  en  imaginant  un  second  mes- 
sager, qui  apporte  au  bout  des  deux  jours 
è  jTésus  la  nouvelle  de  la  mort  de  Lazare 
survenue  pendant  Tititcrvalle.  Le  rédacteur 
de  l'Ëvongile  n'a  pas  du  moins  eu  conuais- 
sance  d'un  second  message,  autrement  il 
en  aurait  fait  mention;  car  le  silence  qu'il 
garde  sur  ce  mesrotge  donpe  à  tout  le  récit 
une  autre  apparence,  à  savoir  que  Jésus  a 
eu,  d'une  manière  mi^'aculeuse,  connaissance 
de  1(^  mort  de  Lazare.  Jésus,  lorsqu'il  fut  dé* 
cidé  à  se  rendre  à  Béthanie,  dit  aux  apôtres 
qu'il  voulait  réveiller  Laz^ire  endormi,  w^ 
tt^To^....  iiuirAqju,  [Joan.  XI,  11.)  L'expliq- 
tion  naturelle  se  rend  cooiptc  Je  cette  cirn 
Gonstfince  çn  supposant  que  Jésus  conciul, 
des  renseignements  fournis  par  le  n^essa^'cr 

3ui  lui  annonça  la  mort  de  Lazare,  aoe  ce 
ernier  n^étâit  que  dans  un  état  léthargi-» 
que.  Bfais  ici,  pas  pli^s  que  plus  haut,  nous 
ne  pouvons  attribuer  à  Jésus  une  téiuériii 
assez  peu  sage  pour  qu'il  ait  donné,  araul 
d'avoir  vu  le  prétendu  mort,  Tassurance  j^or 
sitiye  qu'il  vivait  encore.  Au  point  de  >uo 
de  Texplic^ition  nç\turelle  %  les  paroles  que 
Jésus  prononce  en  cette  occasion  font  une 
nouvelle  difficulté  ;  il  dit,  en  effet,  à  ses 
apôtres  (v.  15)  qu'il  se  réjouit  à  cause  d'eux 
de  ne  s'être  pas  trouvé  à  Béthanie  avant  et 
pendant  la  mort  de  Lazare,  q/ïnçu'f/acroten^. 
«!  L'explic{ilion  que  P^^utus  donne  de  ces 
paroles,  6'est  que  Jésus  aurait  craint  que  la 
mort  de  Lazare,  survenue  en  sa  présence, 
U'eût  ébranlé  leur  foi  en  lui.  Elle  a  d'abord 
contre  file  l^  remarque  de  Gabier;  le  verbe 
wtfTXiXKù  ne  p^ut  PAS  avoir,  sans  ^utre  expli- 
cation, la  sigoification  négntive  de:  ne  pas 
perdra  la  foi^  que  l'on  rendrait  bien  plutôt 
par  une  phrase  telle  quç  celle-ci:  Afin  qm 
votre  foi  ne  vous  abandonne pas^  ha  un  ixlii^ 
4  irioTiff  90V.  (Vpy.  Luc.  XXII,  32.)  En  second 
lieu,  on  ne  montrera  nulle  part  que  le^ 
apôtres  se  soient  fait  une  idée  (le  Jésus  com- 
me Messiç  telle  que  la  mort  d'un  homme 
ou  même  d'un  ami  etlt  été  incompatiMc 
avec  sa  présence. 

a  Â  partir  de  l'arrivée  de  Jésus  è  Béthanie, 
le  récit  évangéliqùe  devient  up  peu  plus  fa- 
vorable à  l'^explicàtion  naturelle.  A  la  vérité 
quand  Marthe  lui  dit  (v.  21  et  <eq.)  que  s'il 
avait  ét^  présent^  spn  frère  ne  serait  \^s 
moit;  quand  elle  egôute  :  ifais  je  sais  que, 
mfmeà  pris^t^  tout  ce  que  vous  demanderei 
à  Dieu,  Dieu  vous  raccordera^  iïïA  rai  ^y^  9^* 
Su  hqi  «y  çùxi^n  tôv  Omv.  Sûaii  vti  ôOièCj  ce^ 


:45 


HAT 


DICTtONNAlilE  APOLOGETIQUE. 


NAT 


346 


expressions  paraissent  renfermer ,  d^uoe 
BAoière  non  méconnaissable»  l'espérance  de 
Toir  le  défani  rappelé  à  la  vie  par  la  puis- 
sance de  Jésos.  Mais  Jésus  lui  donnant  Tas- 
suranee  que  son  frère  ressuscitera^  kmffrnvtrat 
•  iklfiç  99V,  elle  répond  découragée  :  Oui, 
au  dernier  jour,  (v,  2I^.J  Cette  réponse  prête 
<ies  secours  à  une  explication  qui  dès  lors 
suppose,  rétroactivement  à  Texpression  pré- 
cédente de  Marthe  (▼.  âS),  unsens  mal  pré- 
cisé, à  savoir,  que  même  aujourd'hui,  et 
bieo  qu'il  n'ait  pas  conserTé  la  vie  à  son 
frère,  elle  a  ce|)endant  foi  en  Jésus,  comme 
éUDt  celui  à  qui  Dieu  accorde  toutes  ses  de- 
iuao«ies,  c'est-à-dire  comme  étant  le  &vori 
de  la  Dîyioité,  le  Messie.  Mais  Marthe  ne 
uilpas  :  Je  crois,  wt/mju,  elle  dit  :  Je  sais, 
9^  et  la  tournure  :  Je  sais  que  telle  ou  telle 
chose  se  fera  pourvu  que  tu  le  veuilles ,  est 
une  ibrme  ordinaire,  maïs  indirecte,  de  la 
{Tière,  d'autant  moins  méconnaissable  ici, 
que  lobjet  de  la  demande  est  clairement 
manifeste  par  l'opposition  qui  avait  précédé. 
II  e!>tdOQc  clair  que  Marthe  veut  dire  :  Tu 
n'as  i^as  empêché,  il  est  vrai,  la  mort  dp 
mon  frère  ;  mais  il  n'est  pas  trop  tard,  même 
nainienant,  et  sur  U^  demande  Dieu  le  ren- 
dra à  toi  et  i  nous.  Sans  dou^  il  Cpiut  fid« 
ffi^Ure  qœ  Marthe  change  dp  septiment , 
puisque  l'espérance  qu'elle  avait  ^  peipp 
eipriinëe  est  déjà  éteinte  dans  sa  réponse 
(r.  ih).  Hais  cela  ne  doit  pas  beaucoup  nous 
rarj>reodre  chez  une  femme  qui,  ici  et  ail- 
leurs, se  montre  très-mobile;  et,  dans  ce 
tas  particulier,  on  s'en  rend  sufTisaniment 
cûoipte  par  la  forme  de  l'assurance  qu'avait 
ùjnnée  Jé^tis.  En  effet,  à  ^a  demande  indi- 
recte, Jlarthe  avait  espéré  un  assentiment 
irécis;    mais  Jésus  ayant  répondu  d'une 
manière  tont  à  bit  générale  et  avec  une  ex- 
fression  par  laauclle  on  avait  coutume  de 
caractériser  la  résurrection  à  la  fin  d0S  temps 
;mvTi9vr«),  elle  répliaue,  moitié  piquée, 
moitié  découragée ,  (ju  elle  sait  que  Lazare 
ressuscitera  au  dernier  jour.  L'explication 
naturelle  fait  justement  tourner  à  son  pro<p 
tit  cette  expression  de  Jésus  si  générale, 
H  !es  expressions  encore  plus  indécises  : 
Jt  suis  la  résurrection,  etc.  ;  iy*»  i î/u  i  àv«9* 
ffsci;.  2.  T.  h  et  elle  dit  que  Jésus  était  encore 
n  Je  songer  à  un  résultat  extraordinaire  ; 
C4>nséquence,  il  ne  donne  à  Marthe  que 
>  consolations  générales,  promettant  que 
I  il.  le  Messie,  procurera  une  résurrection 
liture  et  une  vie  bienheureuse  à  ceux  qui 
l'utoni  cru  en  lui.  Mais  plus  haut  Jésus 
araii  parlé  (v- 11]  Avec  assurance  à  ses  apô- 
im  d  un  réveil  de  Lazare  ;  il  faudrait  donc 
>i:u*ii  eùi  changé  de  sentiment  pepdant  cet 
l:iU;rTalle;  or  on  ne  trouve  aucun  motif  à 
jui  changement.  De  plus ,  quand  Jésus ,  sur 
k  point  de  procéder  a  la  résurrectioq  dp  La* 
tare,  dit  à  Jlarthe  (v.  40}  :  Ne  vous  ai-j^  pas 
"  i  aucj  si  vous  croy^,  tous  verrez  la  gloire 

t  Dieu  T  Ovx  taK«v  9U,  w  Iwê  ircorf vo^Ct  >hfvt 

««  «i^  Tm>  omû,  il  fait  évidemment  allusion 
0  Yersel  23,  dans  lequel  il  entend,  par  con? 
«•luem,  avoir  prédit  la  résurrection  qu'il 

va  opérer.  S'il  ne  la  caractérise  pas  d  une 


»•» 


'.•:5 


manière  plus  précise,  et  s'il  cache  de  nou- 
veau la  promesse  à  peine  donnée  relative- 
ment au  frire,  iiUljoç,  en  des  promesses  gé- 


nérales  pour  celui  qui  croit,  ict^rtvtn  (v. 
etseq.),  il  le  fait  à  dessein,  afin  d'éprouver 
la  foi  de  Marthe  et  d'agrandir  son  horizon, 
c  A  ce  moment  Marie  sort  avec  un  cortéfos 
et  ses  pleurs  touchent  Jésus  au  point  de  lui 
arracher  des  larmes.  C'est  une  circonstance 
que  l'explication  naturelle  invoque  avec  une 
confiance  particulière  ;  elle  demande  si  Jé- 
sus, dans  le  cas  où  il  aurait  été  sûr  de  la 
résurrection  de  son  ami,  ne  se  serait  pas 
approché  avec  la  joie  la  plus  vive  de  ce  tom- 
beau, duquel  il  avait  la  conscience  de  pou* 
voir  à  l'instant  même  le  retirer  vivant.  En 
conséquence,  elle  entend  les  mots  il  frémis-- 
sait.  heCùtfti'TKfïy.  33]  frémissant,  ffi€pifc^|Af- 
voc  (v.  38)  d'un  effort  violent  pour  corn  primer 
la  douleur  que  lui  avait  causée  la  mort  de  sou 
ami,  douleur  qui  se  fit  jour  par  des  larmes, 
j^iHTfv.  Mais  l'étymolo^e  d'après  laquelle 
ce  mot  signifie  fremere  tn  aliquem  ou  m  se, 
et  l'analogie  de  l'usage  dans  le  Nouveau 
Testament,  où  il  n*a  jamais  que  la  signifi- 
cation de  faire  des  reproches  à  quelqu'un 
(Matth.  IX,  30  ;  Jfarc.  i,  M  ;  xiv,  5),  mon- 
(refit  que  If^e^cf^faOcc  exprime  un  mouvement 
il§  colère,  non  de  douleur;  et,  dans  le  cas 
|)articuiier-où  il  est  joint,  non  au  datif  d'une 
autre  persoupCi  mais  au  mot  tù  ir/cii.ua7c 
et  f^  i«vTf ,  il  devrait  être  entpndu  d*un  mé- 
contentement muet  et  retenu.  Ce(lp  signifi- 
cation conviendrait  très-bien  au  verset  38, 
où  ce  mot  est  répété;  car  les  Juifs.aj^nt  dï\ 
aufiaravant  :  Cet  homme,  qui  a  ouvert  les  yeujç^ 
dun  aveugle,  nepourrait-il  pas  faire  que  Lur 
xare  ne  mourût  pas  f  ovx  «3ûy«ro  our«^,  o^  «  otr 

•v:^  fcii  hnùay^  ;  Cette  remarque  appartient 
en  tout  cas,  à  des  gens  ^ui  se  scandalisent, 
puisque  l'acte  antérieur  de  Jésus  les  eiu- 
fiéchait  de  comprendre  sa  conduite  actuelle, 
et,  à  son  tour,  sa  conduite  actuelle  de  com-. 

Iirendre  cet  acte  antérieur.  La  première 
ois  que  %^^pipia*.m%  {Joan.  xi,  33)  est  em- 
ployé, les  larmes  que  chacun  versait  peu- 
vent paraître  avoir  excité  en  Jésus  plutdt 
un  sentiment  de  tristesse  que  de  méconten- 
tement ;  mais  il  est  possitile  aussi  qu'il  ait 
fortement  désapprouvé  le  peu  de  foi,  iUyo- 
irtgrca,  qui  sc  manifestait.  Si  Jésus  lui-même 
fondit  en  larmes,  cela  prouve  seulement  que 
son  mécontentement  sur  la  génération  in- 
crédule qui  l'entourait  devint  de  la  tristesse 
en  s'adoucissant,  mais  non  que  la  tristesse 
ait  été,  dès  le  commencement,  le  sentiment 
qui  le  remplissait.  Enfin,  quand  les  Juifs 
(v.  36),  apercevant  les  larmes  de  Jésus,  disent 
entre  eux  :  Yoyex  combien  il  F  aimait,  t9f, 
9ÛÇ  ifùn  «<nôv,  cela  parait  être  plutôt  contre 

Î|ue  pour  ceux  qui  considèrent  l'émotion  de 
ésus  comme  de  la  douleur  occasionnée  par 
la  mort  de  son  ami,  et  comme  un  sentiment 
de  sympathie  avec  la  douleurde  ses  scaurs  ; 
car,  de  même  que  le  caractère  de  la  narra- 
tion de  Jean  fait,  en  général,  attendre  une 
opposition  entre  lesens  véritable  de  la  con- 
duite de  JésuSf  et  la  manière  dont  les  spec- 


347 


NAT 


DICTIONNAIRE  Al'OLOGETIQUC. 


NAT 


318 


tateurs  la  compenneD^  de  même  en  parti- 
culier les  Juifs,  oi'lov^acbiy  sont  toujours, 
dans  eet  évangile ,  ceux  qui  entendent 
mal,  ou  interprètent  mal  les  paroles  et  les 
actions  de  Jésus.  On  invoaue  encore'  le  ca- 
ractère ordinairement  si  doux  de  Jésus,  à 
qui  ne  conviendrait  pas  la  dureté  qu*it  au- 
rait montrée  s*il  s'était  choqué  des  larmes 
si  naturelles  de  Marie  et  des  autres  (362j  1 
Mais  le  Christ  de  Jean  n'est  nullement  étran- 
ger à  une  pareille  manière  de  penser.  Celui 
qui,  au  Seigneur  de  cour^  j3«7c>cx6c,  le  sup- 
pliant instamment  de  venir  dans  sa  mai- 
son guérir  son  fils,  adresse  la  leçon  sévère  : 
Si  vous  ne  voyez  des  signes  et  des  mira- 
cleSf  vous  ne  croyez  points  iav  pii  ^^ctfa  rcti 

TJpara  (9qTC,  ou  fi)î  TrcerTfvoT.Ti    (/oaft.  IV,   hS)  \ 

celui  oui,  voyant  les  apôtres  hiessés  de  la 
dure  allocution  du  vi'  chapitre,  les  prévient 
par  des  paroles  aussi  incisives  :  Cela  vous 
scandalise-l'il  ?  Tovxo  vuûç  trxen^ukiÇu  ;  et  vous f 
ne  voulez-vous  point  aussi  vous  en  aller? 

fii  xai  ùfAilç   Oihrt    v^ayctv  [Joan.  VI,  62,  68); 

celui  qui  repousse  l'observation  de  sa  pro- 

f»re  mère  se  plaignant  du  manaue  de  vin, 
ors  de  la  noce  de  Cana,  par  les  mots  ci- 
après  :  Femmey  quy  a-t-il  de  commun  entre 
vous  et  moi  ?  xl  ^fioc  xeû  voi^  yvrat  (Joan.  II,  h); 
celui  (fui  éprouvait  le  plus  vif  mécontente- 
ment dans  toutes  les  circonstances  où  les 
hommes,  ne  comprenant  pas  ses  actions  et 
ses  pensées  supérieures,  se  montraient  pu- 
sillanimes ou  importuns  ;  celui-là,  dis-je, 
avait  ici  une  raison  toute  particulière  de 
ressentir  un  pareil  mécontentement.  Ainsi, 
comme,  d*après  cette  inter[)rétation  du  pas- 
sage, il  n'est  nullement  question  d'une  dou- 
leur de  Jésus  causée  par  la  mort  de  Lazare, 
l'explication  naturelle  perd  l'appui  au'elle 
croyait    trouver   dans   cette  particularité. 
D'ailleurs,  dans  l'autre  explication  du  verbe 
itt€pc|etâ<r9ff( ,    l'émotiou    momentanée    qu'il 
éprouva  par  sympathie  avec  ceux  qui  pleu- 
raient, peut  très-bien  se  concilier  avec  la 
E révision  au'il  avait  do  la  résurrection  de 
azare  (363).  Et  comment  les  paroles  des 
Juifs,  qui  lui  reprochaient  de  n'avoir  pas 
fait  |)Our  Lazare  ce  au'il  avait  fait  pour  un 
aveugle,    auraient-elles  été*  propres,  ainsi 
que  le  soutiennent  les  interprèles  rationa* 
listes,  à  exciter  en  Jésus  l'espérance  que 
Dieu,  en  ce  moment,  ferait  peut-être  pour 
lui  quelque  chose  de  signalé?    Les  Juifs 
exprimaient,  non  l'espérance  qu'il  pouvait 
ressusciter  le  mort,  mais  la  conjecture  que, 
peut-être,  il  aurait  été  en  état  de  conserver 
la  vie  du  malade.  Marthe,  en  disant  que, 
maintenant  encore,  le  Père  lui  accordera  ce 

au'il  demandera,  avait  donc  été  déjà  au-delà 
u  dire  do  ces  Juifs  ;  de  sorte  que,  si  de 
pareilles  espérances  avaient  été  excitées 
pour  la  première  fois  en  Jésus  par  quelque 
chose  d'extérieur,  elles  auraient  dû  l'être 
dès  auparavant,  et  par  conséquent  avant  ces 
larmes  de  Jésus  dont  on  s'appuie  pour  pré- 

(362)  LociE,  11.  s.  388. 

(363)  Fl4tt,  /.  c,  R.  104;  Lucx,  (,  e, 

(364)  Flatt.  8.  106;  Olshause^n,  2,  s.  269  (2t« 


tendre  qu'un  pareil  espoir  ne  s'était  pas  en- 
core éveillé  en  lui. 

«  LorsqueJésus  ordonne  qu'on  dtela  pierrjD 
du  séputcre,  Marthe  dit  :  Seigneur ,  il  sent 
défà^  car  il  y  a  quatre  fours  qu  il  est  U,  k.v/»ii, 
q3i9  oÇci,  Tf TCjDTatoc  yûfi  IotL  {Joan,  Yi,  39.)  Ces 
expressions  ne  prouvent  pas  que  la  putréfac- 
tion eûtd^èréellementcommencé,  et  qu'un 
retournalurel  à  la viefût  impossible;  c'est  ce 

3 ne  les  interprètes  surnaturalistes  ont  accor- 
éde  leur  côté  (36^),  car  elles  peuvent  être 
une  simple  conséquence  de  l'intervalle  de 

Îuatrc  jours  qui  s'était  déjà  écoulé.  Mais 
ésus,  écartant  l'observation  de  Marthe,  in- 
siste pour  qu'on  ouvre  le  tombeau  (v.  W), 
et  il  dit  que,  pourvu  qu'elle  croie,  elle  verra 
la  gloire  de  Dieuj  o^ci  rnv  3i^ay  roO  dcoû  ;  com- 
ment aurait-il  pu  prononcer  ces  paroles, 
s*il  ne  s'était  pas  senti,  de  la  manière  la 

Elus  précise,  la  puissance  de  ressusciter 
azare?  D'après  Paulus,  ces  paroles  signi- 
fiaient   seulement,  en  général,  que  celui 
S[ui  est  plein  de  confiance  obtient,  d^une 
àçon  quelconque,  une  manifestation  glo- 
rieuse de  la  Divinité.  Mais  quelle  manifes- 
tation glorieuse  de  la  Divinité  y  avait-il  i 
obtenir  en  ouvrant  le  tombeau  d'un  homme 
enseveli  depuis  quatre  jours,  si  ce  n'est  sa 
résurrection?  Et  quand  Marthe  assure  que 
la  putréfaction  a  déjà  dû  s'emparer  de  son 
frère,  quel  sens  les  paroles  de  Jésus,  dans 
leur  opposition  avec  celles  de  Marthe,  peu- 
vent-elles avoir,  si  ce  n'est  qu'il  s'agit  îc\ 
de  préserver  Lazare  de  la   putréfaction? 
Mais  pour  apprendre  avec  toute  certitude 
ce  que  les  mots  :  gloire  de  Dieu^  ^ôç«  tow  »t«y, 
signifient  dans  notre  passage,  on  n'a  qu'à 
se  reporter  au  verset  «,  où  Jésus  avait  dit 
que  la  maladie  de  Lazare  n'était  pas  mor^ 
telle^  izfoç  Oâvarov,  mais  était  survenue  pour 
la  gloire  de  Dieu,  vnsp  xf,ç  Hho*  tov  Ofov. 
Ici,  l'opposition  que  renfermaient  les  mots: 
non  mortelle^   prouve  invinciblement  que 
les  mots  ^ôift  roo  eeoo  indiquent  la  gloiifica- 
tîon  de  Dieu  par  la  vie  de  Lazare,  et,  puis- 
qu'il était  déjà  mort,  par  sa  résurrection  ; 
espérance  que  Jésus  ne  pouvait  se  hasarder 
à  faire  naître,  justement  dans  le  moraent  le 
plus  décisif,  sans  avoir  une  certitude  supé- 
rieure qu'elle  serait  accomplie  (365).  Aussi- 
tôt après  l'ouverture  du  tombeau,  el  avant 
d'avoir  crié  au  mort  :  Sortez  dehors^  ^cî^&o  il'», 
il  remercie  son  Père  d'avoir  exaucé  sa  prière. 
Au  point  de  vue  de  l'explication  naturelle, 
cela  est  présenté  comme  la  preuve  la  plus 
manifeste,  non  pas  qu'il  a  rappelé  Lazare 
à  la  vie  par  cette  parole,  mais  que,  en  jetant 
le  regard  dans  le  tombeau,  il  l'a  aperçu  déjà 
ranimé.  On  ne  devrait  pas,  en  vérité,  atten- 
dre un  pareil  argument  de  théologiens  qui 
connaissent  l'Evangile  de  Jean.  Combien  ne 
lui  est-il  pas  familier  (par  exemple,  dans 
l'expression  :  le  Fils  de  r Homme  fui  glorifie^ 
èio^étfxBn  ô  *Y(ôff  toû  A'^Opûnou)  de  représenter 
comme  déjà  accompli  ce  qui  se  commence 

Aiifl:i|;e.) 
(365)  FLiTT,  s.  97,  r. 


v$ 


NAT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


NAT 


550 


seulement,  et  ce  (]ui  va  se  faire  I  Combien, 
dans  ce  cas  particulier,  n*était-il  pas  con- 
venobie  de  relever  la  certitude  que  Jésus 
avait  (l*étre  exaucé,  en  indiquant  comme 
ûéik  réalisé  raccomplissement  de  la  prière  I 
D'ailleurs,  de  quelles  fictions  n'a-t-on  pas 
k^m  pour  expliquer  ultérieurement,  soit 
rrjtnmeDt  Jésus  s'aperçut  que  Lazare  était 
rerenu  à  la  vie,  soit  comment  ce  dernier 
mit  jHi  y  revenir  ?  Entre  l'enlèvement  de 
b  pierre  et  la  prière  du  remerciement 
alrejsée  par  Jésus,  dit  Paulus,  est  finter- 
n::e  (Jéi:isif  où  s'opère  le  résultat  snrpre- 
itjii;il  faut  qu'alors  Jésus,  encore  éloigné 
o'fielquespas,  se  soit  aperçu  que  Lazare 
m'iL  A  quel  signe?  demanderons-nous, 
Wlui  Tenait  un  coupd'œilsi  prompt  et  si 
^Orrelpourouoi  à  lui  et  à  nul  autre?  On 
f'fljedure ou  il  reconnut  pardes  mouvements 
^  rf'tour  à  la  vie  ;  mais  avec  quelle  facilité 
Hc  ijourail-il  pas  se  tromper,  puisque  le 
B^^rt  gisait  dans  une  grotte  obscure  ?,quelle 
it'iipitaiion  que  de  déclarer,  sans  un  exa- 
B-tQ  )>lus  attentif,  avec  tant  de  rapidité  et 
•e  1  récision,  la  conviction  où  il  était  de  la 
V">  Lazare  1  Ou,  si  les  mouvements  du 
'•^îfDilo  mort  étaient  forts  et  non  mécon- 
Dai^sabit^,  comment  pouvaient-ils  échapper 
'•isiMstants?  Enfin  comment  Jésus  pou- 
Mik^  signaler,  dans  sa  prière,  l'événement 
'1*»  allait  s'accomplir,  comme  une  manifes- 
tation de  SA  mission  divine ,  s'il  avait  la 
b'ovieDce  d'avoir  non  opéré,  mais  aperçu 
iirtourrection  de  Lazare  ?  Pour  prouver  la 
Mbtiité  naturelle  du  retour  de  la  vie  chez 
I^r^  déjà  enterré,  les  rationalistes  invo- 
Mt  le  peu  de  connaissance  que  nous 
''û^  des  circonstances  de  sa  mort  suppo- 
*^ia  promptitude  de  Tenterrement  cnez 
^^uifs,  puis,  la  fraîcheur  de  la  grotte,  la 
^v  o<ieur  des  Aromates,  et  enfm  le  cou- 
^Maircliaud  qui,  au  moment  où  la  pierre 
f  '^nlerée,  entra  et  vint  le  ranimer.  Mais 
2^  f^  détails  ne  s'élèvent  pas  au-dessus 
i^'ij i:as  degré  de  la  possibilité,  lequel 
1^<'^«1  à  la  plus  haute  invraisemblance,  ce 
'  renJ  im|iossible  de  concevoir  la  certi- 
aur.  laquelle  Jésus  annonça  d'avance 
uilat  (366).  Ces  annonces  précises  de 
1  va  se  faire,  formant  le  principal 
•eà  une  explication  naturelle  de  ce 
raphe,  ont  été  par  conséquent  Tobjet 
critique  des  rationalistes ,  et  ils  ont 
éde  se  délivrer  de  l'embarras  qu'elles 
IjuuÀaient  eo  supposant  qu'elles  ne  pro- 
'ent  pas  de  Jésus  lui-même  ,  mais 
les  ont  pu  être  ajoutées  par  l'évangé- 
aprës  Tévénemeot.  Paulus  même  a 
cotre  autres  l'expression  je  le  réveil' 
^wyin*  cvfôy  (Joan.  XI,  11)  beaucoup 
l'fecise,  et  il  s'est  hasardé  à  conjecturer 
'  narrateur  avait  omis,  après  l'évé- 
'Unnpem^lre  atténuant  aont  Jésus 

'  ^r  ce  point  comparez  pariicuUèremeot 

Ji  LiJfke  (ly  Stbauss.). 

V  '-^ . 7,  f7Ï  ff.  Meander  aussi  ne  se  montre 

;>«  tfuiie  pareille  c  onjecture  au   sujet  du 

'  ^iit,  ^49.  Tsindis  que  ces  expressions  pa- 

«Oïbkr  apiiifCOiir  9  nou  à  Jé«us,  mais  à 


s'était  servi.  Gabier  a  développé  cette  sup- 
position ;  non-seulement  il  partage  la  con- 
iecture  de  Paulus,  mais  encore  il  est  disposé 
ï  mettre  uniquement  sur  le  compte  de 
l'évangéliste  les  mots  pour  la  gloire  de  Dieu 
vittpxic  mrsrov  etov  (v.  h).  De  même,  verset 
15,  où  il  e$t  dit  :  Je  me  réjouis  à  cause  de 
vous,  de  ce  que  je  ne  m  y  suis  pas  Irouvéafin 

que  vous  croyiez,  x^^P^  livftâÇ,  ha,  Tria-tivoniTty 

oTc  ovx  ^v  fxcc,  il  suppose  que  Jean ,  après 
l'événement,  a  renforcé  quelque  peu  les 
expressions  de  Jésus.  ïïnQn,  même  pour  les 
paroles  de  Marthe  (v.  22)  :  Je  sais  que,  même 
à  présent,  tout  ce  que  vous  demanderez  à  Dieu, 
Dieu  vous  raccordera,  il  accepte  la  pensée 
qu*ilyalàuncadditiondufaitderévangéliste 
(367),  De  celte  façon,  l'explication  naturelle 
s'est  reconnue  impuissante  à  se  tirer,  par  ses 
propres  ressources,  des  difficultés  que  pré- 
sente le  récit  de  Jean  ;  car  si,  pour  s'y  éta- 
blir, elle  est  obligée  d'effacer  plusieurs  pas- 
sages justement  les  plus  caractéristiques^ 
elle  avoue  implicitement  que  le  récit,  tel 

3u'il  nous  est  donné,  n'est  pas  susceptible 
'être  interprété  naturellement.  A  la  vérité^ 
les  passages  dont  on  constate,  en  les  écar- 
tant, Tincompatibilité  avec  l'explication  ra- 
tionaliste, ont  été  choisis  avec  beaucoup  do 
parcimonie  ;  mais  les  détails  dans  lesquels 
nous  sommes  entrés  montrent  oue,  si  l'on 
voulait  mettresur  ie  comptede  l  évangéliste 
toutes  les  particularités  de  ce  paragraphe 

aui  répugnent  à  l'opinion  des  rationalistes» 
ne  resterait,  pour  ainsi  dire,  rien  de  tout 
ce  qu'il  refiferme  qui  ne  dût  être  considéré 
comme  une  fiction  postérieure.  Ainsi,  ce 

3ue  nous  avons  fait  nous-mêmes  pour  les 
eux  récits  de  résurrection  examinés  aupa- 
ravant, a  été  implicitement  fait  pour  la  der- 
nière et  la  plus  remarquable  histoire  de 
cette  espèce,  parles  différents  essais  d'expli- 
cation qui  se  sont  succédé,  à  savoir  qu*il  ne 
reste  plus  que  ralternative,  ou  d'admettre 
commesurnaturel  l'événement,  ou,  si  comme 
tel  on  le  trouve  incroyable,  denier  le  carac- 
tère historique  de  la  narration.  »  (Strauss, 
Vie  de  Jésus f  trâd.  Littré.) 

Nous  pourrions  multiplier'les  exemples, 
mais  ceux-ci  suffisent  sans  doute  au  lecteur 
pour  apprécier  l'impuissance  et  le  peu  de 
succès  de  la  méthode  naturaliste,  t  Dans 
cette  exégèse,  dit  Strauss,  on  complète  des 
documents  par  des  conjectures,  on  prend 
pour  textes  écrits  ses  propres  hypotèses, 
on  fait  des  efforts  pénibles  et  stériles  pour 
représenter  comme  naturel  ce  que  le  docu- 
ment donne  pour  surnaturel.  » 

NATURE.  Voy.  CRiATiov.  —  Etat  de  na- 
ture. Toy,  Psychologie.  —  Placée  avant 
respritdans  le  système  philosophique  de 
Schelling.  Yoy,  Philosophie  de  l  absolu. 

NATURISTES.  Yoy.  Natoraustes 

Jean,  elles  ont  paru  à  DietTenliacb,  dans  Bettholofs 
KtH.  Journat,  6,  8  7  ff.,  ne  pas  appartenir  même  à 
Jean,  et  attendu  qu*il  regarde  le  reste  de  cet  évan* 
gîle  comme  rédigé  Dar  cet  apdtre,  il  a  admis  que 
ces  passages  éuleotaesinierpolaiious.  (D'  Strauss.) 


351 


OPT 


DICTiONNAIRE 


NÊANDER,  objection  contre  TEucharistie. 
Yoff.  Eucharistie,  S  lU* 

NÉANT,  tirer  du  néant,  sens  ridicule 
donné  par  le  rationalisme  à  celte  expression. 
Voy.  Création,  |  H.  —  Qu'est-ce  que  le 
nénnt  dans  la  philosophie  de  Hegel  ?  Voy. 
Philosophie  db  l* absolu,  §  II. 

NÉBULEUSES,  résolubles  en  étoiles  |iar 
le  lélesoo|ie  de  lord  Uoss.  Voy.  Coshogome. 

NÈGRES  AFRICAINS,  traditions  bibliques 
conservées  chez  eus.  Vov.  Races  humainks, 
§  X.  —  Leur  psychologie.  Voy.  Races 
uuMAiNBSySX.  —  Leurs  pratiques  relijçiou- 
SCS,  Jbid.  —  Obsèques,  cérémonies  publi- 
ques, pèlerinages.  Jbid.  —  Kécompenses  et 
châtiments  après  la  mort. /6ic/.  —  Métcaipsy* 
coso.  Ibid.  —  Sont-ils  dé|K)urvus  d'aptitude 
aux  sciences,  aux  lettres,  etc.  Voy,  note 
XIX  à  la  fin  du  vol. 

NIEBUUR,  son  opinion  sur  fendroit  où 
les  Hébreux  passèrent  la  mer  Rouge.  Voy. 


APOLOGETIQUE.  OPT  S» 

Passage  de  la  ver  Rotas,  {  II. 

NIHILISME;  c*est  &  lui  qu*aboutit  la 
théorie  de  Tabsolu.  Voy.  Philosophie  de 
l'absolu,  §  H. 

NINIVË.  Véracité  des  prophéties  qui  1a 
concernent.  Voy.  Prophéties,  §  III.  —  Im- 
portance de  la  découverte  de^  ses  ruines 
|)Our  confirmer  la  véracité  de  Thistoire  bi- 
Llinue.  Ibid. 

NOÉ.  Traditions  des  peuples  sur  ce  jia- 
triarche.  Voy.  Déll'GE,  IS II.  —  A-l-il  pu 
constater  retendue  de  ce  cataclysme  7  Ibid. 

NOIR.  Hommes  <le  la  race  sémitique  affco 
tés  de  celle  couleur.  Voy.  Races  humaiices, 

NUBILITË  chez  les  divers  peuples.  Voy. 
Races  dliiaines,  |  VI. 

NUMiSMATIQUE.  Vient  au  secours  de 
saint  Luc  accusé  d'ixiexactitudo.  Voy.  Lcc 
(Saint). 


o 


OBJECTIONS  DE    BAYLE  SUR  LE  VAL.  Voy, 

BIal. 

OBSESSION.  Voy.  Possession?. 

OBSTACLES  PHYSIQUES  vaincus  par  la 
catholicité.  Koy.  Catholicité.  —  Obstacles 
h  la  propagation  du  christianisme.  Voy. 
Propagation  do  christianisme. 

OCÉAN  ;  a-t-il  envahi  les  continents  lors 
du  déluge?  Voy.  Déluoe  et  note  I  h  la  fin  du 
Tol.  —  Son  invasion  aurait-elle  détruit  les 
animaux  marins,  fluviatiles  et  lacustres? 
Voy,  la  notel. 

OCELLUS  DE  LUCANIE.  Son  panthéisme 
idéaliste.  Voy.  Panthéisme,  §  \, 

ŒUVRE  DE  LA  RÉGÉNÉRATION.  Pour- 
quoi progressive.  Voy.  Saltjt,  f  II. 

OMAR,  a-t-il  détruit  la  bibliothèque  d'A- 
lexandrie? Voy.  Bibliothèque  o* ALEXANDRIE, 
5  IV. 

ONOMATOPÉE,  est-elle  forigine  du  lan- 
ga^^e?  Voy,  pote  XVII,  à  là  (On  du  vol.  et 
Psychologie,  §  VIII. 

OPHIR.  Voy.  Psychologie,  §IV. 

OPTIMISME.  -  L'optimisme,  ou  le  sys- 
tème d*anrès  lequel  Dieu  serait  tenu  au 
plus  ()ariail,  à  été  imaginé  pour  résoudre  la 
question  de  Torigine  du  mal  et  répondre 
aux  arguments  de  Bayle.  Parmi  lesdéfen- 
seurs.de  cette  bridante  hypothèse»  paraissent 
fiVL  premier  rang  Malebranche  et  Leibnitz» 
(leux  des  plus  beaux  génies  philosophiques 
jiu  XVII*  siècle  et  de  tous  les  siècles.  Jamais 
plus  grands  esprifs  ne  tentèrent  une  entre- 
prise aussi  audacieuse;  ils  montrèrent  bien 
quel  élan  le  christianisme  peut  donner  à  de 
vigoureuses  iptelligences  i  mais  ils  flrent 
yoir  aussi,  par  leurs  méprises,  combien  est 
incurable  la  faiblesse  de  la  raison  humaine. 
Toutefois  il  y  eut  un  moment  d'éblouisse-^ 
nient  et  d'enthousiasme  ;  Jamais  le  çénie  de 
1  homme  n*avait  pris  un  vol  si  hardi,  ni  ré- 
solu en  apparence  d'une  manière  plus  par- 
faite un  plus  difficile  problème.  C'était  un 


succès  inespéré  dont  rentralnement  (lourait 
mener  loin  ;  mais  TEglise»  qui  ne  s'émeut 
de  rien  parce  qu'elle  compte  sur  la  pro- 
messe divine,  resta  caïme  au  milieu  de  loiit 
ce  bruit  d^attaque  et  de  défense.  Quelques- 
uns  de  ces  docteurs  d*abord»  puis  tous  à  la 
suite  les  uns  des  autres/  repoussèrent  W 
nouveau  système ,  dont  la  réfutation  se 
trouve  aujourd'hui  dans  tous  les  livres. 

Le  premier  tort  de  ses  auteurs  fut  de  vou- 
loir l'établir  a  priori  et  par  voie  de  démoii.^ 
Iralion  rigoureuse.  Ils  ne  pouvaient  j  réussir 
sans  bouleverser  les  notions  du  uni  et  de  )*iuU- 
ni,eteneirétilsallèrentdonnerrunetrauin> 
contre  redouble  écueil.Un  monde,  le  plus 
parfait  de  tous,  et  auquel  par  conséquent 
on  ne  puisse  rien  ajouter,  est  une  contra- 
diction dans  les  termes;  s'il  est  fini,  on 
peut  élargir  ses  limites;  s'il  est  inGiiî,  il 
est  Dieu.  Prétendre  que  Dieu  est  tenu  au 
plus  parfait,  c'est  donc  en  réalité  soutenir 
qu'il  n'a  pu  rien  créer.  Cette  conséquence 
esi  particulièrement  sensible  dans  I  expli- 
cation  de  Leibnitz. 

Ce  philosophe  établit  en  principe  que 
Dieu  ne  peut  rien  faire  sans  une  rai>4iai 
sullisante;  de  sorte^  qu'il  ne  saurait  m*  d.* 
terminer  à  un  choix  entre  deux  inoiidt  ! 
également  parfaits,  parce  qu'il  n'y  a  p«is  d< 
motif  de  préférer  l'un  h  l'autre;  è  plus  torti 
raison  ne  choisira-t-il  jamais  le  rnrin«i< 
moins  parfait  de  préférence  au  plus  parfouj 
ce  qui  serait  contraire  à  sa  sagesse.  Puîs<|U( 
Dieu  s'est  décidé  à  créer  un  monde,  ou  doii 
conclure  du  fait  de  sa  création  que  c< 
monde  est  le  meilleur  de  tous.  Ainsi  rai 
sonne  Leibnitz;  mais  rien  n^est  plus  faibl 
que  ses  raisonnements. 

Nous  avons  dit  déjà  que  la  conséqucnc 
est  inadmissible,  parce  que  la  perfertioi 
absolue  ne  peut  se  trouver dan^  la  créalimi, 
le  princi[>e  n'est  pas  plus  vrai»  ou  du  moi  m 
il  ne  l'est  pas  dans  le  sens  de  l'auteur. 


S5 


OPT 


DICTlONiNAlRE  APOLOGETIQUE. 


OPT 


5:>4 


foQ  roulait  se  r^résen ter  la  volonté  divine 
o)ioiDe  une  sorte  de  balance  qui  pencherait 
KKjjoursdu  côté  de  la  raison  la  plus  forte» 
et  où  des  raisons  égales  resteraient  en  équi- 
libre, la  création  aurait  été  absolument  im- 
po>5ible,  (puisqu'il  ne  |)eut  rien  exister  qui 
l'ait  une  infinité  d*équivaients  et  de  multi-» 
^'^.  £a  effet,  parce  que  Dieu  a  créé  une 
(errr,  un  soleil»  des  étoiles»  niera-t-on  que» 
dans  Qoe  autre  partie  do  res[»ace»  il  ne 
poisse  créer  encore  une  terre,  un  soleil»  des 
Mei,  un  monde  enfia  parfaitement  sem- 
kl))e  à  celai  que  uous  habitons?  S*il  peut 
(/«ff'leux  mondes  égaux»  il  peut  en  créer 
une  infinité.  N*existe-t-il  pas»  d  ailleurs»  des 
m}m  équiralents  d*atteindrc  le   même 
hii! Qu'importe  que  les  astres  se  meuvent 
<ûrieolen  occident»  ou  d*occident  en  orient» 
le  inonde  ait  commencé  plustôt  ou  plus 
.(^ae  le  même  résultat  soit  obtenu  par 
lai  ou  par  une  autre  également  simple» 
un  bomme  ou  par  un  autre  doué  des 
^iffies  qualités  et  placé  dans  des  circons* 
tocts  semblables?  C'est  trop  visiblement 
'«/oi^erdusens  commun,  que  de  regarder 
ln>oie  Impossibles  des  créations  égales  ou 
Hiiuleutes,  et  de  supposer  que  Dieu  res- 
itmtttemellement  eu  suspens  entre  deux 
VttH^de  la  même  valeur»  comme  si  tous 
hi  ij^tèmes  n'avaient  pas  leur  équivalent« 
iUHfSila  nécessité  de  se  décicfer  n'était 
(non  motif  sufGsant  pour  fiiire  un  choix. 
Un  autre  cAté»  il  est  évident  que»  quelle 
pi  v)it  la  perfection  de  notre  monde»  en 
Mtipliaot  toutes  les  parties  dont  il  est 
to^'é,  yisibles  et  invisibles»  naturejles 
wtttorelles»  par  dix»  par  cent»  par  mille. 
Ml  changera  point  le  rapport  de  ces  ptr- 
h  «itre  elles  et  on  ne  troublera  point 
Értarmonie  ;  qu'elles  p*)urront  concourir 
pie  même  succès  h  la  Qn  commune»  et 
Je  résultat  Gnal  sera  dix»  cent»  mille  fois 
(ooâidérable.    A    la  vérité»  en  mulli- 
le  bien»  nous  multiplions  aussi  le 
(bais  comme  les  deux  mondes  seraient 
portion  géométrique  et  qu'il  n'exis- 
«ians  chacun  entre  le  bien  et  le  mal 
rapport  arithmétique»  car  le  mal  est 
elle  è  prendre  sur  le  bien»  si  dans  le 
le  plus  petit  le  bien  excède  sur  le 
dans  le  plus  grand  il  excédera  encore 
Uge.  Supposons  un   monde  où  la 
e  du  bien  et  du  mal  soit  comme  6»  le 
étant  représenté  par  4  et  le  mal  par 
scès de  l'un  sur  lautre  sera  exprimé 
En  multipliant  ces  deux  termes  par  6» 
n  il  pour  Je  bien  »  13  pour  le  mal,  et 
>éqoent  une  différence  six  fois  plus 
4ue  dans  le  premier  cas:  Il  est  donc 
il)le  d'assigner  à  la  uerfection  des 
de  Dieu  un  terme  qu  elle  ne  puisse 
ri;  pour  qn'il  en  fût  ainsi»  il  faudrait 
^création  tout  entière  dans  l'absolu» 
oe  Murait  avoir  lieu  qu'à  certains 

^  par  rincamation  du  Verbe»  Thuma* 
tt.nle  de  Jésus-Christ  a  été  élevée  à 
[^^ité  infinie  ;  la  moindre  de  ses  ac- 
'^d'one  valeur  incompréhensible;  ses 


hommages  rendent  h  Dieu  une  gloire  souve- 
raine et  surpassent  ceux  de  toutes  les  créa- 
tures possibles,  à  cause  de  l'unité  de  per- 
sonnes qui  fait  tout  attribuer  au  Verbe  divin. 
Mais,  à  moins  de  donner  dans  les  rêveries 
insensées  d*£utycliès,  on  doit  reconiiattre 
que»  dans  l'Honime-Dieu»  la  nature  humaine 
reste  nature  humaine;  que  par  conséquent 
elle  est  limitée.  Si,  par  sa  dignité,  elle  se 
rattache  à  l'absolu»  par  son  essence  elle  reste 
donc  nécessairement  dans  le  relatif,  et  sous 
ce  rapport  elle  peut  Atre  agrandie  itidi^fini- 
ment.  Lorsque  le  chef  reçoit  un  accroisst'- 
ment,  les  membres  doivent  grandir  dans  la 
même  proportion»  aGn  que  le  rappoit  des 
parties  et  l'harmonie  de  Tensemblc  soient 
conservés.  Donc  le  monde  ménie  dans  lequel 
se  trouve  comprise  Tincarnation  n*est  pas  le 
meilleur  possible. 

Halebrancbe  s*est  trompé  en  supposant 
gue  Dieu  ne  pouvait  créer  le  monde  sans  y 
faire  entrer  1  incarnation^  Dieu»^se  suffisant 
à  lui-même»  est  tout  à  fait  libre  de  créer  ou 
de  ne  pas  créer,  de  donner  la  préférence  à 
un  monde  plus  ou  moins  parfait,  avec  o»i 
sans  Tincarnation.  Lui  refuser  cette  liberté» 
c'est»  à  l'exemple  des  panthéistes,  le  sou- 
mettre à  une  nécessité  fatale;  c'est  le  dé- 
pouiller d'un  avantage  dont  la  privation  fe- 
rait perdre  à  Thomme  même  la  meilleure 
part  de  sa  dignité. 

En  reprenant  dans  le  sens  contraire  le 
système  de  l'illustre  métaphysicien,  c'esl-à- 
(fire  en  étudiant  ce  que  Dieu  a  fait»  au  lieu 
de  s'égarer  dans  la  recherche  de  ce  qu'il  au- 
rait dû  faire»  on  obtiendrait  à  peu  près  tous 
les  avantages  de  l'optimisme  sans  s'exposer 
à  ses  inconvénients.  L'on  pourrait»  en  effet» 
raisonner  de  cette  manière  :  11  n'a  point  plu 
à  Dieu  de  nous  faire  connaître  son  plan  tout 
entier,  mais  il  nous  en  a  révélé  la  partie 
essentielle  et  fondamentale.  Comme  il  y  a 
de  la  proportion»  de  l'harmonie  dans  ses 
œuvres»  nous  pouvons  juger  du  tout  pur  une 
partie,  et  mesurer  fa  grandeur  de  Téditice 
sur  les  dimensions  du  fondement.  Les  natu- 
ralistes sont  venus  à  bout  de  recomposer  los 
animaux  antédiluviens  au  moyen  de  quel- 
ques dél)ris  de  leur  gigantesque  organisa- 
tion échappés  aux  ravages  du  temps  ;  ils  ont 
deviné  la  structure  et  la  proportion  dé  tous 
leurs  membres  par  l'inspection  d'un  seul. 
Non  contents  d'avoir»  pour  ainsi  dire»  remis 
sur  pied  leurs  énormes  masses»  ils  les  ont 
fait  marcher  devant  nous»  et  nous  ont  dit 
leurs  mœurs»  leurs  instincts»  l'élément  dans 
lequel  ils  vivaient»  Tagilité  et  la  force  dont 
ils  furent  doués.  Les  naturalistes  se  sont-ils 
trompés?  Non,  parce  que  la  sagesse  divine 
a  combiné  les  diverses  parties  de  l'organisme 
d'après  des  lois  constantes  et  des  proportions 
immuables.  Cette  justesse  des  rapports  que 
Dieu  ne  néglige  pas  dans  des  ouvrages  indi- 
gnes» ce  semble,  de  ses  mains  divines»  l'au- 
rait-il  mise  en  oubli  dans  la  formation  de  la 
société  des  élus»  son  œuvre  principale»  le 
but  final  de  la  crcalion?  Il  ne  saurait  en 
être  ainsi. 

En  nous  révélant  l'incarnation»  Dieu  no*»**^ 


555 


OPT 


MCnONNAlRE  APOLOGETIQOE. 


OPT 


ki« 


S» 


montre  donc  d'une  manière  éridente  qa*il 
a  voalu  donner  à  notre  monde  des  propor- 
tions immenses,  incompréiiensibles,  dépas- 
sant de  bien  loin  rintelligence  de  tout  esprit 
créé.  Si  l*ange  et  Tbomme  restaient  dans 
leur  état  naturel,  Touvrage  de  Dieu  serait 
monstrueux  :  d'un  côté,  la  grandeur  infinie 
dans  l'incarnation  du  Verbe;  de  Tautre,  la 
faiblesse  et  le  néant  de  la  créature  ;  ce  serait 
comme  une  colonnade  magnifique,  digne  du 
plus  auguste  édifice  de  l'univers,  servant  de 
péristyle  à  une  chaumière.  La  société  des 
élus  est  souvent  comparée  à  un  corps,  nous 
Tavons  déjà  dit  ;  pour  que  toutes  les  parties 
de  ce  corps,  qui  est  le  chef^'œuvre  de  la 
sagesse  suprême,  soient  dans  de  justes  pro- 
portions, elles  doivent  perdre  leurs  qualités 
propres  et  participer  à  celles  de  leur  divin 
cher  par  une  union  intime,  radicale,  suIh 
stantielle  avec  l'essence  infinie  ;  union  dont 
la  nature  nous  est  inconnue,  quoique  nous 
sachions  qu'elle  ne  sera  point  personnelle. 
Oui,  nous  deviendrons  un  jour  participants 
de  la  nature  divine,  et  la  firomcsse  que  le 
tentateur  fit  autrefois  à  nos  premiers  parents 
pour  les  séduire  (368),  se  réalisera  pour  sa 
confusion  et  pour  la  gloire  de  Jésus-Christ, 
notre  Rédempteur;  nous  serons  véritable- 
ment comme  des  dieux.  Comment  cela  se 
fera-t-il  ?  Encore  une  fois,  nous  Tignorons. 
Qu'importe?  Aurions-nous  cru  |)Ossible  l'u- 
nion hypostatique  de  deux  natures  contrai- 
res, si  nous  n'en  avions  un  exemple  dans 
celle  de  notre  corps  et  de  notre  âme?  Nous 
ne  participerons  point  à  la  divinité  de  cette 
manière,  ce  privilège  appartient  à  Jésus- 
Christ  seul  ;  mais  Dieu  n  a-t-ii  qu'un  moyen 
de  communiquer  sa  nature?  Au-dessous  de 
l'union  personnelle,  n'en  existe-t-il  point 
d'une  espèce  différente  qui  puisse  nous  éle- 
ver par  delà  les  limites  de  la  nature,  et  nous 
relier  substantiellement  à  l'infini?  II  en 
existe  sans  doute;  prétendre  le  contraire,  ce 
serait  refuser  à  Dieu  le  pouvoir  de  faire 
moins,  après  lui  avoir  accordé  celui  de  faire 
davantage.  Poursuivons. 

Dans  l'absolu  il  n'y  a  ni  plus,  ni  moins  ; 
tout  est  égal,  parce  que  tout  est  infini  ;  ainsi 
toutes  les  unions  hypostatiques  imaginables 
du  Créateur  et  de  la  créature  intelligente 
sont  identiaues  sous  le  rapport  de  l'abso- 
lu, mais  elles  peuvent  dilTérer  de  valeur 
relative. 

Si  l'union  du  Verbe  avec  une  intelligence 
créée  était  une  œuvre  isolée  et  ne  se  liait 
d'aucune  manière  au  plan  général  de  la  créa- 
tion, elle  serait  sans  doute,  en  ce  qu'elle  a 
d'infini,  le  suprême  effort  de  la  puissance 
divine,  elle  honorerait  Dieu  souveraine- 
ment ;  mais  elle  resterait  inutile  au  monde 
et  laisserait  les  créatures  dans  leur  bassesse 
et  leur  indignité  premières.  Au  contraire, 
en  devenant  la  pierre  fondamentale  de  l'édi- 
lice,  elle  ne  perd  rien  de  sa  valeur  propre, 
et  communique  un  prix  immense,  ^ urnatu- 

{TieSk)  Cenèu,  m,  5. 
i5t>9)  Luc.  u,  14. 


rel,  aux  différentes  parties  du  tout  dans  le* 
quel  elle  est  entrée. 

L'incarnation  appartient  à  un  plan  plus 
vaste  que  l'union  avec  un  pur  esprit.  Daos 
cette  dernière  hypothèse,  la  matière  resterait 
en  dehors  de  l^influence  du  Dieu-Ange  ;)e 
monde  visible  ne  rendrait  à  la  suprême  qi^ 
jesté  qu'un  hommage  indigne  d'elle  ;  rhouh 
me  n'existerait  fias  ou  n'entrerait  pour  rien 
dans  le  dessein  principal  de  la  ProTidenoe: 
surtout  il  n'y  aurait  point  de  mère  de  Dieu; 
Marie,  le  grand  chef-d^œuvre  de  la  création, 
serait  devenue  impossible.  Au  moyen  de 
l'Incarnation,  tons  les  êtres  possibles,  esprit 
et  matière,  sont  représentés  auprès  de  Dica: 
l'esprit,  parce  que  Jésus-Christ  a  reçu  une 
Ame  intelligente  et  libre  comme  la  nôtre;  la 
matière,  parce  que  tous  les  éléments  ont 
servi  à  la  formation,  au  développemeDl,  i 
l'usage,  aux  besoins  du  corps  du  Verbe  fait 
chair.  On  a  dit  que  Thomme  est  un  petit 
monde  ;  celui  qui  est  à  la  fois  le  FilsdeDieu 
et  ûls  de  l'homme  a  résumé  le  monde  en  sa 
personne,  afin  d*en  présenter  l'hommage  à 
son  Père  céleste. 

L'incarnation,  avec  les  souffrance*  et  la 
mort,  manifeste  mieux  les  attributs  dirios 
et  les  misères  humaines  que  l'incarnatioo 
seule  ;  elle  doit  exciter  plus  vivement  dans 
les  élus  l'amour,  la  reconnaissance,  radoii- 
ration,  tous  les  sentiments  d'où  naît  le  bon- 
heur, et  par  conséquent  mieux  atteindre  la 
fln  du  Créateur,  ainsi  exprimée  dansTEvan- 
gile  :  Gloire  à  Dieu  au  plus  haut  de*  rteuA 
et  paix  aux  hommes  de  bonne  volonté  tur  k 
terrt  (369). 

Dans  un  monde  qui  tient  à  l'absolu  par 
l'incarnation,  il  importe  peu  gue  le  côté  qui 
reste  dans  le  relatif  soit  supérieur,  inférieur 
ou  égal  à  la  partie  correspondante  d'un  aulre 
monde.  Le  rapport  du  uni  à  l'infini  estcomma 
celui  du  néant  à  l'être  ;  avec  des  zéros  accu- 
mulés sans  Qn,  vous  serez  à  jamais  égale- 
ment éloignés  de  l'unité  ;  avec  des  êtres  dois 
multipliés  éternellement,  éternellement  tous 
resterez  à  une  distance  infinie  de  l'absolu. 
Le  prophète  avait  raison  de  dire  :  TovAts  les 
nations  sont  devant  Dieu  comme  si  tlUi 
n  étaient  pas^  il  les  regarde  comme  un  pnr 
néant  (370).  Vous  aurez  beau  les  élever,  le$ 
agrandir  hors  de  mesure,  elles  n'en  resten^oi 
pas  moins  un  néant  à  ses  yeux  ;  tous  les  ac» 
croissements  possibles  ne  sauraient  changer 
le  rapport,  il  demeurera  éternellement  hû- 
muable. 

De  ces  différentes  observations  concluons 
que,  s'il  n'est  pas  permis  de  mettre  noire 
monde  au-dessus  de  tous  les  mondes  {xissi* 
blés,  au  moins  peut-on  soutenir  qu*il  appan 
tient  è  la  classe  des  plus  parfaits.  S'il  eiiste, 
en  effet,  des  mondes  d'une  classe  tellement 
élevée  qu'on  n'en  conçoive  pas  de  supérieur 
re,  il  est  clair  qu'il  ne  faut  pas  chercher  le^ 
conditions  de  leur  perfection  dans  l'ordre  du 
relatif,  mais  dans  celui  de  l'absplu.  Or  l'in- 
carnation (on  est  bien  forcé  d'en  convenir] 

(570)  ha.  XX,  17. 


s: 


OPT 


l>ICTIONXAIR£  APOKOCETIQIiEL 


OPT 


ipç«tientjk  ce  dernier  orJre,  et  de  plus, 
<i«»  le  iiûn  préféré  de  Dieu,  elle  se  mêle 
^^éumlà  loat  ;  i  riinmaoîlc,  une  à  la  fois 
'2  Adam  et  en  Jésus-Christ;  à  la  hiérarchie 
«^(«rsesprilsdont  rttomme-Dieu  est  aussi 
^arf,  de  sorte  que  les  élus  de  la  terre  et 
^^»  du  ciel  forment  sous  lui  un  même 
'-  'T^-L'tDanialion  n'est  pas  pour  cela  uni- 
^e«île,cest-i-dire,  que  les  élus  ne  cessent 
/«.uiidèlreeiii-aiémes  |iar  leur  uuion  inti- 
^t  im  Dieu  en  Jésus-Christ.  La  nature 
iii^iuiiioe  sera  transformée  et  divinisée,  l'es- 
iafinie  pénétrera  notre  substance 
elalomièreda  soleil  pénètre  le  cris- 
r/  U  pins  pur,  elle  tiendra  se  peindre  et 
féAMûrennoos  comme  dans  une  glace 
f^Ue  ;  e*est  alors  que  nous  porterons  véri- 
tJi/ieaieiA^  oons-mémes  fimagc  et  la  res- 
^^^^iOUott  de  la  Dirînité,  €{ui  sera  toutes 
^^>- *e5eoii(His,etne  nous  laissera  que  Teiis- 
.^tyiïT  uidiTiduelIc  et  la  personnalité  humai* 
vt-  T«  fsi  le  mjsière  d'amour,  de  sagesse 
^  -i*  f^J^^cequele  christianisme  a  révélé 

Oan^dlMf  pas  craindre  que  nous  soyons 
ilol/tipJom.  Cne chose  ressort  clairement 
••  rCcriiue,  c'est  que  nous  serons  un  jour 
um  a  rescoce  divine  d'une  manière  encore 
îfiobiuiiicqioîqne  nous  sachions  que  celle 
ooiMis'opae  en  Jésus-Christ  et  par  Jésus- 
OuiiL  lis  telles  qui  étal>lissent  cette  dou- 
ble rérilé  sont  en  grand  nombre,  nous  n'a- 
vDfis  qse  rembarras  du  choix.  Comidértz^ 
él  rapine  saint  Jean   (^1}*  quel  amour  le 
^f^^iu  a  témoigné^  en  vouiant  que  nous  de- 
rminsréeiiemetU  ses  fiis  el  que  nous  en  ayons 
^^UinXitl  pourquoi U  monde  ne  nous  con- 
^  p^àu^  parce  qu  il  ne  connaii  pas  noire 
^^i.Mtthiea-aiméSf  nous  sommes  dès  ce  mo^ 
^'^  /o  iMfaïUs  de  Dieu  ;  mais  ce  que  nous 
^lu  lu  ^9ur  iCest  pas  connu  encore.  Nous 
Wu^itf,  lorsqu'il  apparaîtra  dans  sa  gloire^ 
^'^  dirimdrons  semblables  à  lui^  parce  que 
•^w/e  terrons  tel  qu  il  est.  Saint  Pierre  s'ex- 
]r^  d'une  manière  plus  concise  et  plus 
f '^j^Jque,  en  disant  que  nous  participerons 
^  4  sature  divine  (372).  Les  disciples  ne 
^^'Tiieoi  parler  autrCinent  que  le  maître  ; 
'^i^^Jirist  avait  dit  :  Si  quelqu'un  m^aime 
^  iVina  ma  parole^  et  mon  Père  Vaimera^ 
^>"iu  viendrons  à  luij  et  nous  établirons  en 
^^  ïïotre  demeure  1373).  Et  un  peu  aupara- 
^^CLiEn  ce  jour-iày  cotis  connaîtrez  que  je 
^c<mnaa  Père^  et  vous  en  moi^  et  moi  en 
"^^iu.  Admirable  unité  de  Dieu  et  de  la 
""-îciure  consommée  par  la  médiation  de 
-*î-..Mirîstl 

^  grand  Ap6tre  ne  s*exprime  pas  en  ter- 
"csd  Vioias  éner^ques  (374)  :  D/eu,  dit-il,  a 
*i^  Jttus^knst  pour  chef  à  V Eglise,  qui 
^  »•  corpsf  et  dims  laquelle  trouve  sa  plé- 
^Mt  celui  qui  accomplit  tout  en  tous.  £t 
'  ^  loin  dans  la  même  Epllre  (373)  :  Le 
^^uttstla  téte^  de  laquelle  tous  les  membres 

ilU  tpii.  !'•,  111. 
♦^;  i—m.  iif ,  43. 


du  corps^  parfaiiemeni  unis  et  liés  ensemble^ 
reçoivent  lu  vie  par  les  organes  qui  lajrans^ 
mettent  à  chacun  deux  selon  la  mesureparti- 
cuiière,  11  suit  de  là  gue  la  sainte  humanité 
du  Fils  de  Dieu  n  est,  en  quelque  sorte» 
complète  que  (lar  l'incorporation  des  élus 
avec  elle;  do  mèaicquerâmc  humaine,  faite 
pour  animer  un  corps,  ne  pussède  sa  pléni- 
tude et  n*esr,  |K»ur  ainsi  dire,  achevée  que 
par  son  union  avec  re  corps;  ou  de  même 
qu'une  tôle,  destinée  à  régir  des  membres, 
n'arrive  â  la  perfection  de  so  nature  qu*eu 
s*unissant  h  une  organisation  complète  par 
le  nombre  et  la  pro|K)rtion  des  parties.  Mais 
comme  le  principe  du  mouvement,  du  sen- 
timent et  de  la  vie  réside  dans  la  tête,  il  est 
clair  que  le  eor|»s  de  l'Eglise  en  général  et 
de  chacun  de  ses  membres  en  particulier  r^ 
coit  toutes  ces  choses  de  l'influence  de 
leur  divin  chef,  et  Ton  ne  s*étonne  pas  d'en- 
tendre saint  Paul  s'écrier  :  Ce  n^est  plus 
moi  qui  vis^  cest  Jesus-Christ  qui  vit  en 
moi  (;<7G). 

Cette  union  du  chef  avec  les  membres  et 
des  membres  les  uns  avec  lés  autres  existe 
déjà  sur  la  terre  par  les  sacrements,  et  en 
particulier  par  l'Eucharistie  qui  nous  com- 
munique la  sulistance  du  Verbe  incarné.  S'il 
en  est  ainsi  dans  ce  monde  misérable,  où 
nous  sommes  à  tout  moment  exposés  à  per- 
dre Dieu  pour  l'éternité,  que  sera-ce  lors- 
que les  noces  de  l'Agneau  seront  venues  (377); 
lorsque  le  grand  sacrement  du  Christ  et  de 
l'Eglise  s'accomplira  (378),  et  que,  comme 
répoux  et  l'épouse,  ils  seront  deux  dans  la 
même  chair  ?  Evidemment  sous  tant  de 
symboles  magnifiques  se  cache  un  mystère 
que  nous  pouvons  entrevoir  dès  à  présent» 
mais  qui  ne  nous  sera  pleinement  dévoilé 
que  dans  le  siècle  à  venir. 

Ainsi,  notre  monde  est  au  premier  rang 
des  plus  parfaits  par  rincarnation,  {lar  les 
Suunrances  et  la  mort  du  Verbe  fait  chair, 
par  la  parlicipation  des  élus  à  la  gloire  sub- 
stantielle, au  bonheur  de  Dieu.  Deux  choses 
cependant  peuvent  embarrasser  l'esprit  :  le 
mal  mêlé  au  bien,  le  bien  lui-même  borné 
dans  son  étendue  et  dans  le  nombre  de  ceux 
qui  y  participent.  (Foy.  Mal.) 

Quant  aux  bornes  du  bien,  la  question 
est  sans  difficulté  pour  ceux  qui  admettraient 
rhypolhèse  du  progrès  à  l'infini.  Sur  quel* 

Î[ues  dimensions  que  l'on  conçoive  un  monde 
orme,  lenôlre  finira  par  atteindre  et  dépas- 
ser cette  mesure;  ce  n'est  plus  qu'une  ques- 
tion de  temps,  qui  n'en  est  pas  une  lors- 
qu'on a  l'éternité  devant  soi. 

Même  en  restant  en  dehors  de  cette  sup- 
position, on  ne  regardera  pas  la  limitation 
du  bien  comme  pouvant  donner  lieu  à  des 
difficultés  sérieuses,  si  l'on  se  souvient  que 
dans  notre  monde  l'absolu  se  trouve  à  côté 
du  relatif.  La  société  des  élus,  dans  son 
chef  et  dans  ses  membres,  a  été  élevée  à  une 

(575)  Ephes.  iv,  15-16 

(576)  Catai.  u*  20. 
(?77)  Apoeal.  xii. 
(378)  Ephis.  V. 


3:^9 


OPT 


DICTIONNAIRE  APOLOGEtlQUE. 


OPt 


i 


dignité  infinie;  elle  possède  tout,  puisque 
Dieu  lui  appartient  comme  son  patrimoine 
et  son  héritage;  il  est  impossible  sans  doute 
qu*e)le  connaisse  tous  les  trésors  qui  sont 
en  sa  possession,  c*est  la  suite  nécessaire  de 
l'immensité  de  ses  richesses  ;  mais  elle  saî^ 

3u*elle  peut  y  prendre  à  pleines  mains  peu- 
ant  réternilé,  sans  les  épuiser  jamais: 
après  cela,  qu*importe  au  prédestiné  que  la 
société  dont  il  est  membre  soit  placée  un 
peu  plus  hayt  ou  un  peu  plus  bas  dans  Tin* 
fini,  si  tant  est  que  Ton  puisse  parler  ainsi? 
Question  oiseuse  d'ailleurs,  et  qui  recom- 
mencerait éternellement,  quelque  dévelop- 
pement que  Ton  voulût  donner  à  la  partie 
relative  de  TEglise  triomphante  ;  parce  que, 
dans  toute  hy{K)thèse,  il  resterait  une  série 
infinie  à  parcourir  avant  d'atteindre  le  der- 
nier degré  d'élévation.  Le  même  raisonne- 
ment peut  s'appliquer  au  nombre  des  pré- 
destinés, puisque  ce  nombre  rtant  indéfini* 
ment  susceptible  d'augmentxition,  les  objec- 
tions valables  contre  une  supposition  le 
seraient  contre  toutes.  Il  faut  donc  consi- 
dérer la  dignité  des  élus  plus  que  leur  mul- 
titude, c'est-à-dire  encore,  1  absolu  plutôt 
que  le  relatif. 

Pourquoi,  d'ailleurs,  voudrait-on  rendre 
les  prédestinés  plus  nombreux?  Est-^ce  pour 
augmenter  la  gloire  extérieure  de  Dieu? 
L'incarnation  suffit  abondamment  et  l'on  ne 
conçoit  rien  au  delè.  Est-ce  à  cause  des 
êtres  qui  ne  sont  pas  com()ris  dans  le  plan 
divin  et  qui  resteront  à  jamais  dans  le 
néant  ?  Ce  qui  n'est  pas  ne  saurait  avoir  ni 
droits,  ni  désirs,  et,  de  i)lus,  ceux  qu'on 
prendrait  n*ôteraient  j^as  la  difficulté  à  l'é- 
gard de  ceux  qu'on  laisserait.  Est-ce  [pour 
les  élus  eux-mêmes  ?  Ils  possèdent  tout  en 
Dieu,  même  les  compagnons  qu'on  veut 
leur  donner.  Est-ce  enfin  pour  la  perfection 
de  l'œuvre  divine?  Mais  il  faut  croire  que 
Dieu  ,  qui  est  admirable  dans  les  plus  pe- 
tites choses,  ne  l'est  pas  moins  dans  son 
grand  ouvrage,  et  que  le  corps  mystique 
de  Jésus-Christ  est  parfait  par  l'harmonie, 
le  juste  rapport  et  le  nombre  de  ses  mem- 
bres. On  conçoit  que  la  perfection  d6  ce 
corps  suppose  des  membres  déterminés  dans 
leurs  mesures,  dans  leurs  fonctions  comme 
dans  leur  nombre,  et  tellement  déterminés 
que,  eu  ajoutant  ou  en  retranchant,  on  fe- 
rait perdre  au  tout  quelque  chose  de  sa 
beauté  ;  il  faut  que  chaque  partie,  et  toutes 
ensemble,  soient  dans  une  exacte  propor- 
tion avec  la  tête  qui  les  régit.  L'humanité 
du  Verbe  incarné  est  donc  le  terme  de  com- 

f)araison  auquel  doivent  être  ramenés  tous 
es  membres,  en  tenant  compte  de  leurs 
fonctions  particulières  et  de  là  fin  générale 
que  Dieu  s'est  proposée  dans  la  formation 
du  corps  tout  entier.  Rien  n'est  plus  con- 
forme a  la  raison,  et  l'on  doit  voir  sur  quel 
fondement  repose  la  croyance  que  la  fin 
des  siècles  arrivera,  lorsque  le  nombre  des 
élas  sera  complet.  Mais  pourquoi  nous  mar- 
quer timidement  des  limites  dans  l'évalua* 

(579)  Jaan,  i. 


tion  de  ce  nombre?  Dieu  aura-t-il  craint i 
faire  sa  part  trop  forte?  Ne  faut-il  pas 
le  corps  soit  digne  du  chef»  due  la  gr<in( 
du  peuple  réponde  à  celle  au  roi  7  Le  [ 
de  Dieu  est  assez  vaste  |)our  y  faire  eiH^ 
plus  que  nous  ne  sommes  capables  d  mi 
giner.  Contentons-nous  de  ce  aue  m 
possédons,  et  çardons'^nous  de  vouloir  ajd 
ter  à  l'œuvre  divine,  nous  ne  pourrions  (h 
la  défibrer.  ' 

Ainsi,  supposer  des  créations  autériem 
ou  contemporaines  qui  ne  se  rattacherai^ 

Sms  à  la  nôtre,  c'est  aller  contre  des  teij 
brmelsde  l'Ecriture,  où  nous  voyons!] 
iiité  du  monde  en  Jésus-Christ  enseigii 
de  la  manière  la  plus  claire.  Supposer  <] 
créations  futures  n'est  guère  phis  permi 
il  y  aurait  de  la  témérité  à  les  mettre  en  il 
hors  de  Jésus-Christ,  Fils  et  héritier  de  Die 
et  de  la  déraison  à  les  relier  à  lui,  parce  qu 
en  résulterait  plusieurs  corps  sous  un  sa 
chef,  ou  un  corps  monstrueux  sous  i^ 
tête  parfaite  (379). 

Ne  regret  tons  lias  davantage  lesinventio 
des  panthéistes.  S'ils  admettent  unecréatii 
simultanée  de  tous  les  êtres  possibles,  c'( 
une  absurdité  de  plus  ajoutée  à  celles dtj 
est  rempli  leur  insoutenable  système;  s 
se  réduisent  à  une  création  successiye, 
ne  sont  pàs  plus  avancés  que  nous;  ils r< 
teront  à  jamais  infiniment  éloignés  de  ïi 
fini.  11  ne  suiTit  nas  d^ailleura  d  émettre  d 
opinions,  il  faudrait  au  moins  qu'elles  u 
ruassent  d'être  discutées.  Or  iln'exislpfi 
sous  le  soleil  de  plus  opposé  à  la  raison, 
plus  antipathique  à  la  conscience  huinaii 
que  le  panthéisme.  Y  a-t-il  un  homme 
monde,  a  moins  qu'il  n'ait  perdu  Tespri 

auijl'on  puisse  persuader,  cfe  manière  à  i 
uer  sur  l'ensemble  de  sa  conduite  partie 
lière,  que  la  création,  avec  ses  mille  y^r 
tés,  ses  forces  contraires,  ses  contras 
sans  nombre,  n'est  qu'un  épanouisscmt 
de  moi,  un  produit  de  son  énergie  iniln 
ou  un  simple  phénomène  de  la  vie  de  l'ê 
universel?  C'est  bien  là  cependant  le  (M 
théisme  dans  ses  déductions  les  plusrig( 
reuses.  Mais  ce  système  mitigé  et  rédui 
l'afOrmation  de  l'unité  de  la  substance  d 
devient  pas  plus  facile  à  soutenir.  Sans 
1er  chercher  plus  loin,  l'existence  du  mal 
celle  de  la  matière  font  toucher  au  doi^tt 
absurdité.  Le  mal  ne  saurait  appartenu 
l'essence  divine,  la  pensée  et  la  volonté  s< 
des  attributs  incompatibles  avec  la  maiiè 
cela  est  clair  comme  la  lumière  du  jour, 
tous  les  sophismes  du  monde  ne  parvic 
dront  jamais  à  obscurcir  une  vérité  si  é 
dente.  Laissons  donc  là  ces  idées  chiiDé 
quesde  la  création  successive  ou  simul 
née  de  tous  les  êtres  possibles. 

Cependant,  il  faut  en  convenir,  on  %ou 
quelque  peine  à  penser  qu'une  infinité  d' 
telligences,  qui  auraient  pu  louer  et  béi 
Dieu,  resteront  à  jamais  dans  le  néant.  1 
saints,  voyant  que  Dieu  pouvait  arriver 
ses  Qns  par  une  infinité  de  combinaisons  i 


m 


m 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAL 


562 


férenteset  de  mondes  supérieurs  au  ndtreà 
plusieurs  égards,  les  saiats  ne  demeureront 
pi  étrangers  à  ce  sentiment,  dans  la  peu- 
1^  qu'ils  ont  été  préférés  par  une  bonté 
pataite  i  tant  drames  dont  la  fidélité  aurait 
lufui  répondu  au  bienfait  de  la  création 
fti celui  de  la  rédemption.  Ils  éprouveront 
le  besoin  de  rendre  gloire  à  Dieu  pour  les 
fcresdoQt  ils  tiennent  la  place  et  auxquels 
tl .De  donnera  jamais  Texistence.  L'auguste 
DèndeJésus-Cbrist  s'associera  à  ce  pieux 
^ir,  car  elle  aussi  n'a  pas  mérité  sa  haute 
ti iocomparable  dignité,  quoi  qu'elle  fût  la 

Cdiçae;  il  en  est  de  même  de  la  sainte 
«Dite  du  Fils  de  Dieu.  L'Eglise  du  ciel 
iMtefitière,  dans  sou  chef  et  dans  ses  mem- 
bcs»  aspirera  i  s^étendre,  à  se  dilater,  pour 
edrir  à  la  Divinité  un  juste  dédommagement, 
«ioDQibler  le  vide  immense  d'une  création 
•  prtidie,  de  manière  que  Tétre  soit  au 
Boios  représenté  comptéfement  hors  de 
Km,  comme  il  est  réaUsé  en  lui  tout  entier 

régénération  du  Verbe  et  là  procession 
Saiiit-EspriL 

A  l'arliGle  Elos  bous  avons  vu  que  le 

talireea  est  incalculable.  Si  nous  suppo* 

Mms  l'eiistence  d'un  nombre  égal  de  mon- 

feSiSopérieurs  au  nfttre  par  leur  étendue  et 

knMobrede  leurs  habitants;  si  nous  don- 

iNtticbacnndeces  mondes  pour  roi,  pour 

>n|frp.et,  en  quelque*  sorte,  pour  Dieu  un 

à» prédestinés,  de  manière  que  cette  im- 

irtbe assemblée  de  rois-pontifes,  hiérar- 

Aiquefflent  constituée  et  formant  comme 

■tevasle  pyramide  dont  Jésus-Christ  serait 

ftymmet,  offrit  à  Dieu  Thommage  de  tou- 

;ii  les  créations  qu'elle  représente;  nous 

^ions  avoir  enfanté  le  système  le  plus 

.M,  it  le  plus  magnifique,  et  trouvé  la 

•jh  beureuse  explication  des  divers  en- 

«ibde  l'Ecriture  où  les  élus  sont  appelés 

Jet  héritiers  de  Dieu.  Eh  bien!  ce  serait 

Jwre  là  une  création  bornée,  et  il  resterait 

«champ  infini  jà  parcourir  pour  atteindre 

^dmiières  limites  de  l'être  et  du  possible. 

t^^ius  ont  été  faits  si  grands,  que  toute 

pit'î  les  resserre,  les  met  à  l'étroit;  il  leur 

pi  î  infini  pour   s'y  déployer  en  liberté. 

9B<'^|iie  vaste  que  soit  la  cité  éternelle,  si 


les  intelligences,  restées  ensevelies  dans  le 
néant,  ne  s'y[  trouvaient  représentées  d'une 
manière  éauivalente,  les  prédestinés,  à  l'aide 
de  la  lumière  divine,  découvriraient  au  delà 
de  son  enceinte  des  es[)aces  illimités,  et 
s'étonneraient  de  voir  Dieu  au-dessous  de 
lui-même  dans  les  dimensions  de  son  em- 
pire immortel,  après  l'avoir  admiré  si  grand 
et  si  magnifique  dans  l'ordonnance  d'un 
monde  destine  à  périr.  La  supposition  con- 
traire satisfait  également  l'esprit  et  le  cœur. 
On  aime  à  se  figurer  tous  les  êtres  sans 
exception,  venant  rendre  hommage  à  l'au- 
suste  Trinité  ou  par  eux-mêmes  ou  par 
leurs  représentants.  C'est  alors  que  les 
bienheureux  seraieut  véritablement  rois  et 
pontifes,  et  au-dessus  d'eux  tous  Jésus- 
Christ,  roi  des  rois  et  pontife  universel. 

Dans  cette  hypothèse  nous  le  demandons» 
que  serait  le  mal  à  côte  du  bien? 

ORANG-OUTANG,  l'homme  en  descend- 
il  7  Koy.  Homme. 

ORDRE  SURNATUREL.  Voy.  Suknaturâ- 
LisME.— Ordre  humain,  exige  la  foi  comme 
Tordre  divin.  Voy.  Foi. 

ORGANES  des  animaux.  Sont-ils  restés 
les  mêmes  dans  les  différents  âges  géologi- 
ques? Voy.  Hommes,  art.  I,  S  IV. 

ORIENT,  au  temps  de  la  prédication 
évangélique.  Voy.  Mtthisme,  {  VL  —  Ber- 
ceau du  genre  humain.  Voy.  Psychologie, 
§  V  et  VII. 

ORIGÈNE.  Ses  paroles  sur  Platon  fausse- 
ment interprétées  par  Leclerc  relativement 
l  la  Trinité.  Voy.  note  XKII,  i  VIII,  à  la  fin 
du  vol. 

ORIGINALITE  de  l'Evangile.  Voy. 
note  XII,  à  la  fin  du  vol. 

ORIGINE  de  l'homme  et  des  êtres  organi- 
sés. Voy.  Homme.  —  Origine  des  peuples. 
Vou.  Psychologie,  §  IV. 

ORIGINE  de  nos  connaiss/mces.  Voy. 
Psychologie,  §  IX.  —  Origine  de  nos  idées. 
ibid.,S  Xet  suiv. 

ORIGINE  du  mal,  examen  des  théories, 
et  solution  parle  christianisme.  Voy.  Chute, 

S"- 

OROSE  (PAUL),  Voy.  BuLiOTuiQUE  d'A- 
lexandrie. 


i 


p 


MviENS  (AUTEURS),  témoignent  de  la 
P^  lUuvlede  chrétiens  dans  les  premiers  siè- 
■î».v  Yoy,  Propagation  do   christianisme  , 
|lll<  ~  Ont-ils  parlé  du  passage  de  la  mer 
mittVoy.  Passage  db  la  mer  Rouge,  {  IV. 
I^w-ils  parlé  des  miracles  de  Jésus-Christ 
*•!«  apôtres.  Vog.  Note  VI,  h  la  fin  du  vol. 
-'Ués  en  faveur  de  l'authenticité  desEvan- 
f^^.  Yojf.  Evangile,  j  I.  —Leurs aveux  sur 
«  fe>satign  des  oracles.  Voy.  Demon,  jlV. 
'I^'xoanaisscnt-les  possessions.  Yoy.  Pos- 
»;»K)5,  §11  et  III. 

i^AIN,  sacrifiée  du  pain  chez  les  mages  et 
^-^^  presque  tous  les  anciens  peuples.  Voy. 
^^wm£.  f  III. 

Dictionnaire  apologétique.  IL 


PALÉONTOLOGIE,Tottrnil-elle des  preuves 
en  faveur  du  déluge  Vojf.  Déluge,  §I.  -^  Les 
découvertes  de  cette  science  ont  anéanti  l'hy- 
pothèse du  panthéisme  sur  Torigine  des  êtres 
organisés.  Voy.  Homme,  art.  I,  |  IV. 

PALESTINE.  Voy.  Judée. 

PALINGÉNÉSIE.  (Rtgenerath^  renaissan- 
ce). —  Nous  verrons  à  Tarticle  Renaissance 
dans  l'Humanité  que  si,  comme  uous  le  mon- 
trerons, cette  vaine  théorie  est  incompati- 
ble avec  le  progrès  numérique  du  geora 
humain,  «tte  M'est  pas  moins  incompatibto 
avec  le  progrès  de  son  action.  (Quelques 
considérations  vont   nous    en  *      ^ 

pleinementi  en  étudiant  ce  g' 


S93 


ϻAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUe. 


PAL 


364 


pelé  les  palingénéiies  du  monde,  formule 
philosophique  qui,  avec  celle  de  la  méump" 
$yeos€f  a  ODscurciy  dans  la  pensée  humaine, 
la  foi  à  notre  destinée  finale  et  consommée 
dans  le  i>onheur  ou  dans  la  misère. 

La  palingénésie  (380),  qui  veut  dire  ici 
renaiêsance^  de  ioutti  choies  après  leur  des- 
iruction  {38i)f  a  été  moins  généralement 
établie  que  la  métempsycose;  celle-ci 
était  en  quelque  sorte  nécessaire  à  la  durée 
du  monde,  qui  devait  être  éternelle  dans  la 
pensée  de  quelques  philosophes  ijxecs,  tan- 
dis que  les  palingéuésies  supposent  la  tin  de 
Tunivers  actuel,  pour  qull  puisse  être  réta- 
bli. Cependant,  comme  Tidee  de  la  création 
prouremcnt  dite  ne  se  perdit  jamais  dans  les 
traditions  anciennes,  de  môme  la  foi  à  une 
destruction  nrocliaine  de  ce  qui  existe  s*était 
conservée  dans  renseignement  philosophi- 
que. Ces  deux  idées  sont  corrélatives  et  se 
supposent  nécessairement.  Aussi  un  grand 
nombre  de  philosophes  crurent-ils  que  le 
monde  finirait.  Ce  fut  un  des  dogmes  fon- 
damentaux des  stoïciens,  qui  le  faisaient 
périr  par  embrasement,  suivant  que  Tex- 
plique  Cicéron  (382).  Tel  fut  le  sentiment  de 
Chrysippe,  de  Numénius,  de  Sénèque  (383), 
q^ui  appartinrent  à  cette  école.  Les  épicu- 
riens eux-mêmes  croyaient  que  le  monde 
finirait  par  la  désunion  des  atomes,  comme 
Lucrèce  la  chanté  dans  son  livre  De  la  Aa- 
iure  des  choses  {3Sk), 

Ovide  a  célébré  dans  ses  Métamorphoses 
la  croyance  des  peuples  sur  les  destinées 
futures  du  monde,  qui  doit  être  entièrement 
brûlé  (385).  D*autres  poètes  latins,  comme 
Stace  et  Properce,  annoncent  aussi  la  tin 
des  choses.  En  remontant  plus  haut  dans 
l'histoire  de  la  philosophie  grecque,  on 
trouve  Heraclite  et  Empédocle  admettant 
Tembrasement  futur  du  monde ,  suivant 
une  tradition  qui  serait  descendue,  d'après 
Plutarque,  d'Hésiode  et  d'Orphée.  Les  si- 
bylles elles-mêmes  prononcèrent  sur  le  tré- 
pied des  sanctuaires,  que  le  monde  serait 
consumé.  La  même  crovance  se  retrouve 
d'ailleurs  chez  les  peuples  de  l'Orient,  du 
Nord  et  de  tout  les  climats. 

Ces  divers  accents  qui  annonçaient  par- 
tout l'agonie  future  de  Tordre  présent,  s  ac- 
cordaient avecles  paroles  d'isaïe  qui  disait  : 
«  Elevez  vos  yeux  vers  le  ciel,  ramenez-les 
ensuite  sur  la  terre:  les  cieux  se  dissipe- 
ront comme  la  fumée;  la  terre  sera  détruite 
comme  un  vêtement  ;  ses  habitants  péri- 
ront avec  elle  ;  le  salut  que  j'ai  promis  est 
éternel  et  ma  justice  subsiste  a  jamais  (386).  » 

(580)  Nous  verront  plus  bas  qu*on  6*est  aussi 
seivi  de  €«  mot  pour  expritucr  la  résurreciiou  des 
corps. 

(381)  C*est  là  la  dëOiiîtion  de  la  palingénésie 
primiinre,  pour  la  disUnjjjuer  d*une  auire  palingé- 
nésie qu*auraieni  enseignée  plus  lard  les  disciples 
de  Pyihagore  ei  de  Plaion  d*aprés  Origèue  (lib.  v, 
c.  2S,  coniraCe/s.),  et  qu'aurait  posiiivement  admise 
Pyiliagore  iui-niéuie,  d*apr6s  saint  Jérémo  [eontra 
Kiijf.),  et  suivant  laf|uclle  les  choses  qui  avaient  été 
ru\enaiciii  toutes  les  mêmes  sans  deiiructiou  prén- 
lable  du  monde. 


David  avait  prophétisé  avant  lui  :  Qhs  les 
deux  périront  et  que  vous  (Dieu)  vous  res- 
tez^ tandis qu^ ils i usent  commeun  vêtement^ y. 
Îue  les  montagnes  couleront  comme  de  la  cire 
étant  la  face  du  Seigneur  (387).  Mais  nulle 
part  dans  les  Ecritures  on  ne  voit  d'une  ma* 
nière  aussi  précise  ta  manière  de  la  destruc- 
tion du  monde  que  dans  la  seconde  Epitre  de 
saint  Pierre,  qui  dit  :  Or,  les  deux  et  la  terre 
qui  sont  meUntenantf'se  conservent  par  lamésne 
paroleet  sont  réservéspour  étrebrûlés  par  le  feu 
au' jour  du  jugement  et  de'la  ruine  des  imptcs.  Et 
unpeu*plMS  bas:  Le  jour  du  Seigneur  viendra 
comme  un  voleur;  et  aior«,  au  milieu  du  bruit 
dune  grande  tempête^  les  deux  passeront,  les 
éléments  embrasés  se  dissoudront,  et  la  terre 
avec  tout  ce  quelle  renferme  sera  consumée 
par  le  feu  (388).  Ce  passage  de  l'Apôtre  doit 
être  pris  dans  son  sens  littéral,  puisque  le 
feu  qui  détruira  le. monde  est  comparé  aux 
eaux  du  déluge  qui  le  submergèrent.  Qui 
pourrait  croire  que  les  chrétiens,  en  profes- 
sant le  dogme  de  la  Gn  du  monde  si  généra* 
lement  reconnu  partout^  aient  pu  passer, 
suivant  le  témoi^^nage  de  Minutius  Félix 
dans  son  Octave^  pour  des  séditieux  et  des 
criminels  d'État  qui  prétendaient  arracher 
par  le  feu  cette  terre  au  pouvoir  des  gou- 
verncments  politiques  ? 

Si  le  monde  devait  être  embrasé,  il  devait 
aussi  renaître  de  ses  cendres,  comme  le 

1)hénix  qui  renaît  sur  son  bûcher,  cet  em- 
ilème  mystérieux,  sous  lequel  se  cocser* 
vèrent  deux  points  du  dogme  catholique,  la 
résurrection  de  la  chair  et  la  création  des 
cieux  nouveaux  et  de  la  terre  nouvelle. 
Avant  d'entrer  dans  ce  développemeut,  étu- 
dions d*abord  les  erreurs  qui  surgirent  de 
Ja  tradition  primitive  obscurcie  et  déna* 
turée. 

Il  ne  fut  pas  difficile  à  Tesprit  humain 
d'étendre  indéfiniment  la  palinsénésie  du 
monde,  qui  doit  renaître  une  fois  de  ses 
cendres,  suivant  les  Ecritures.  Le  plus  grand 
nombre  des  stoïciens ,  plusieurs  anciens 
philosophes  grecs  et  quelques  peuples  de 
rOrient  crurent  à  la  palingénésie  conti- 
nuelle du  monde.  Dans  cet  ordre  d*idées» 
tout  ce  que  nous  voyons  vit  et  doit  mourir; 
et  il  renaîtra  en  même  temps  d'autres  êtres 
de  même  espèce,  un  autre  ciel,  une  autre 
terre,  d'autres  astres.  J'ai  déjà  remarqué  un 

f>eu  plus  haut  que  cette  forme  sous  laquelle 
a  palingénésie  se  produisit  d'abord,  fut  plus 
tard  remplacée  ou  modifiée  chez  plusieurs 
philosophes  par  cette  autre  forme  de  re- 
naissance, qui  ne  faisait  plus  détruire  et 


(382)  Lilj.  n.  De  luUura  deorum, 
(385)  Hercul.  OEta^  acL  ni. 

(384)  De  rerum  iSaiura,  lib.  v. 

(385)  Eue  quoqn^    in  /alh  reminitciiur ,  nd[or€ 

\tempm^\ 
Quo  mare,  quo  leUus^  correplaque  regia  cetU 
Ardealf  et  mundi  moles  operoin  iaborm. 

(OviD.,  Metamorpkoi.^  t.) 

(386)  Ua.  Li,  6. 

(387)  PmL  XCV4.  5. 

(388)  n  Petr.  m,  7-10. 


Sfô 


PAL 


DICTIONNAIRE  APOLOCETIQUE. 


PAL 


366 


i 


rrQooreler  le  monde  ,  mais  qui  ramenait 
(iicfeiiieot  les  mimes  choses  «  les  mêmes 
bommes  et  les  mêmes  conditions,  à  certaines 
^ues  périodiques  du  temps^  Cette  paiin* 
pHk  plas  rjcente  est  en  effet  attachée  A 
(c  qtt*OQ  a  appelé  les  périodes  astronomi- 
i^ue^,  bien  qae  peut-être  chez  quelques  pen- 
ses inciras,  comme  chez  les  Chaldéens, 
pilménésie  de  Tunivers  ait  dû  arriver 
iii^i  à  Teipiration  de  certains  cvctcs.  Quoi 
^')ien  soitf  on  avait  cru  dans  rantiquité, 
^oe  les  mourements  célestes  seraient  ac- 
omplis  dans  un  certain  temps  donné»  après 
l»jDd  le  soleil  et  la  lune,  et  roême,  suivant 
i|tKl<|Qe$-uas,  les  planètes,  devaient  se  re^ 
tniUTer  au  même  point  du  ciel.  Le  temps 
(l^ttiie  révolution  fut  appelé  une  période 
b(n)Doinique.  La  première  qu*on  crut  con- 
aiilre  e(  dont  Bérose  s*e5t  servie  est  de 
loiianteans  (389).  On  ne  tarda  pas  à  s'aper- 
tiToir quelle  était  imparfaite.  Les  Babylo- 
«enseo  cherchèrent  une  autre,  en  multi- 
pliant GO  par  10,  et  on  eut  600  ans  ou  le 
m*  de  Bérose.  Elle  n'est  exacte  que  par 
iiirurt  au  aosiof,  ou  60  ans,  dont  elle  est 
j^iplet  et  c'est  pourquoi  Josèphe  Tappe- 
w  la  grande  année.  Cicéron,  Servius,  Ma« 
^  et  d  autres  ont  avoué  que  ce  cycle  est 
i^^ra  problème.  La  période  de  3600  ans, 
MMr«f  de  Bérose,  ou  la  grande  année  pjr- 
lN;w{ue,  est  encore  plus  imparfaite  ;  il 
^f  saiTant  la  remarque  de  Legentil,  que 
ft^P^odes  puissent  être  considérées  sous 
>M  autre  point  de  vue  que  de  ramener  les 
M);onc(ioiis  de  la  lune  au  soleil,  ou  les 
iift^s  au  bout  d*un  temps  fixé  et  déter- 
feoé.  Ce  point  de  vue  parait  à  ce  savant 
veéfideiument  celui  de  considérer  la  lune 
ftrnpiiort  à  son  apoffée,  ce  que  les  astro- 
t>A»  appellent  la  révolution  anomalisti- 
^(ie  la  lune. 

^etie  impuissance  de  déterminer  d'une 
tfoi^re  exacte  les  révolutions  célestes  dans 
Bieaips  délerniiné,  se  fait  encore  mieux  sen- 
rJao!  la  Grèce,  où  Ton  ne  put  pas  même 
kr  d'abord  la  durée  d'une  année  (390)  na- 
i^ile,  qu*on  borna  à  trois  mois ,  puis  à 
Kii/e,  puis  i  dix  ;  et  où  lorsque,  plus  tard, 
i«uulu(  élablir  la  durée  de  Tan  sur  le 
«rsde  la  lune,  il  arrivait  qu'en  moins  de 
i*^p(  ans  l'hiver  avait  pris  la  place  de 
^'  En  vam  ils  crurent  avoir  trouvé  le 
^J^n  de  ramener  les  différents  mois  de 
iraQDêe  à  la  même  saison,  en  intercalant 
^  ireizième  mois  de  deux  en  deux  ans. 
Ue  période  à  laquelle  on  donna  le  nom  de 
^idcy  excédant  de  deux  jours  environ 
^vée  des  deux  années  solaires,  produi- 
iieii  huit  ans  près  d*nn  mois  d'erreur  (391). 
nrroédièrent  à  ce  défaut  par  un  défaut 
u  grand  encore ,  c'est-à-dire,  par  la  lé-^ 
déride,  cycle  où  Tintercalation  du  trei- 
a^  mois  ne  se  faisait  qu'après  quatre  an- 
K  révolues  ;  ce  qui  tous  les  huit  ans  don- 

^)  On  rappelle  le  Souos  de  Bérose. 

^)  CfMlML,  ۥ  19.  SOLIN.,  C.  i. 

,'WiCcooi.,c.  1«- 
i^>  Afoi.,  Itb.  iu. 


nait  près  de  troisjoursd'erreurdeplusquela 
diatride.  Enfin  les  Grecs  inventèrent  Voctaé^ 
téride  ou  tnniatMde^  ainsi  nommée  de  ce 
que  ce  nouveau  cycle  recommençait  chaque 
neuvième  année.  Vennéatéride  paratt  avoir 
eu  lieu  dans  la  Grèce  dès  le  temps  de  Cadmus. 
Ce  prince  sorti  d*un  pays  civilisé  put  enri- 
chir les  Grecs  d'une  connaissance  qui  n'é- 
tait due  qu'à  des  peuples  plus  instruits  que 
ceux  chez  lesquels  il  tenait  s'établir.  Du 
moins  trouvons-nous  que  sous  ce  prince  il 
est  Question  d'une  granoe  ann(^e,  et  que  cette 
année  est  de  huit  ans  (3^.  S'il  est  vrai  que 
les  peuiiles  de  la  Grèce  n  aient  pas,  avant  le 
règne  d'Atrée,  fait  attention  au  mouvement 
propre  du  soleil  d'orient  en  occident  (393)» 
et  que  cette  découverte  ait  été  cachée' sous 
l'emblème  de  l'affreux  repas  qui  fit  reculer 
cet  astre  d'horreur,  les  siècles  héroïques 
furent  trop  peu  avancés  en  astronomie,  pour 
fonder  la  palinsénésie  du  monde  sur  i'ac» 
complissement  d'un  cycle  révolu. 

Dllésiode  à  Thaïes,  la  science  grecque 
s'enrichit  des  découvertes  de  l'Orient  et  de 
l'Egypte,  qui  divisait  l'année  en  trois  cent 
soiiante-cinq  jours  (391^);  mais  il  n'est  nul- 
lement Question  d*une  période  qui  aurait 
embrasse  la  révolution  complète  des  mou- 
vements du  ciel,  puisque  même  l'année 
olympique  n'étant  ijjue  de  trois  cent  soixante  '■- 
deux  ou  même  trois  eent  soixante-un  jours 
(395),  en  quatre  ans,  se  serait  écartée  de 
quatorze  jours  du  cours  du  soleil,  et  après 
cinquante  ans  les  jeux  olympiques  eussent 
été  transportés  du  premier  mois  qui  suit  le 
solstice  d'été  au  solstice  d'hiver,  si  l'obser- 
vation du  lever  de  quelque  astre  n'en  eût 
ramené  la  célébration  à  sa  véritable  place. 
Vint  ensuite  le  fameux  cycle  de  Méthon 

1(396),  qu'on  a  appelé  le  nombre  d'or,  com- 
)Osé  de  dix-neuf  années  solaires,  f)endant 
esquelles  arrivent  précisément  trois  cent 
trente-cinq  lunaisons,  du  moins  à  très-peu 
près,  puis  ensuite  la  correction,  parEudoxo» 
de  l'octaétéride  attribué  à  Gléostrate  de  Té- 
nédos.  Il  serait  inutile  de  poursuivre  nos 
recherches  sur  les  travaux  postérieurs  en 
astronomie;  rien  n'y  prouve  qu'on  ait  pré- 
tendu avoir  trouvé  une  période  générale. 
Quoi  qu'il  en  soit,  aujourd  hui  que  Fastrono- 
mie  a  multiplié  les  observations  au  moyeu 
d'instruments  beaucoup  plus  précis»  il  est 
certain  que  tous  ces  cycles  ne  sont  que  des 
approximations  plus  ou  moins  grossières,  où 
les  erreurs  iraient  en  s'accumulant  avec  les 
années.  D'un  autre  côté,  l'analyse  maihéma- 
tique  ayant  démontré  que  les  éléments  des 
orbites  sont  affectés  de  diverses  variations 
qui  marcheront  dans  le  même  sens  pendant 
un  très-grand  nombre  de  siècles,  et  dont  les 
limites,  fort  différentes  les  unes  des  autres, 
ne  pourront  jamais  être  connues  qu'impar- 
faitement, c'est  une  idée  fausse  que  de 
croire  à  l'existence  d'une  certaine  période 


ï 


95)  STrAS.,  1. 1,  p.  23.  Ltxizx  De  Àur0in 

594)  Laekt. 

595)  Hiitûiri  dé  ranrowomii.  ».  iU-i 
(59tf)  Eu  Tau  159  avant  ié' 


367 


PAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAL 


« 


qui  ramènera  simultanément  toutes  les  pla«- 
nètes  dans  les  mêmes  positions  respectives 
où  elles  se  trouvaient  à  une  époque  anté- 
rieure. 

11  arriva  ainsi  que  Tidée  de  destruction  et 
de  palingénésie  du  monde,  vraie  en  elle- 
mAnie,  se  trouva  établie  sur  un  fondement 
ruineux,  sur  Vexaclitude  présumée  des  pé- 
riodes, si  tant  est  que  celles-ci  aient  précédé 
la  première,  ce  que  je  ne  saurais  entière- 
mont  Admettre.  Que  peut-on  conclure  en 
c|['et  de  certains  cycles  connus  dis  la  plus 
.  haute  antiquité,  eomme  le  cycle  de  la  se- 
inaine,  dans  le  fait  qui  nous  intéresse?  Il  ne 
peut  exister  aucun  rapport,  entre  une  pë- 
,  riode  qui  ne  divise  (Mis  même  exactement 
Tannée  solaire,  et  une  multiplication  quel- 
conque de  cet  espace  de  temps  pour  embras- 
ser rcnsemble  des  révolutions  inégales  des 
astres. 

La  palingénésie  indéfinie  du  monde  se 
présente  donc  comme  une  erreur,  en  ne  la 
considérant  qu'au  regard  de  son  principe 
qui  était  faux  ;  son  mode  et  ses  conséqueu- 
ces  s'opposent  aussi  de  tout  point  aux.no- 
lions  le  plus  généralement  reçues  et  aux 
conclusions  quen  prétendent  tirer  les  r«- 
naUsanU  dans  r humanité.  Et  d'abord  un 
monde  qui  se  renouvelle  toujours  et  dans 
les  mêmes  conditions  détruit  complètement 
Téternité  des  supplices  des  grands  criminels 
que  tous  ont  admise,  et  ne  s'oppose  pas 
moins  au  repos  final  et  consommé  des  Ames 
très-justes.  Si  l'on  ne  veut  pas  que  les  an- 
ciens aient  pu  se  contredire  d'une  manière 
aussi  patente,  expliquons  le  sens  véritable 
que  le  mot  de  palingénésie  a  dû  nécessaire- 
ment eiprimerdans  son  acception  naturelle 
et  primitive.  Nous  le  trouvons  dans  la  théo- 
logie de  l'Orient,  d'où  l'idée  de  métempsy- 
cose et  le  renouvellement  de  toutes  cho- 
ses se  répandit  plus  tari  dans  l'Egypte  et 
dans  la  Grèce. 

La  double  mauière  de  faire  finir  le  monde, 
tantôt  parle  feu  et  tantôt  par  l'eau,  attii- 
buée  aux  Cbaldéens,  ne  se  trouve  confirmée 
]mv  aucune  analogie  dans  les  lois  physiques. 
£u  supposant  que  tel  eût  été  le  fond  de  la 
croyance  de  ce  ])euple,  il  s'ensuivrait  sim- 
plement qu'il  n'eût  pas  attaché  au  mot  de 
palingénésie  Tidée  d  une  destruction  com- 
plète du  monde,  mais  seulement  d'un  grand 
cataclysme,  avec  lequel  po.urrait  subsister 
l'éiernité  des  récompenses  et  des  cbÂti- 
luents;  mais  nous  avons  assez  d'autres  té- 
moignages pour  nous  assurer  quel  fut  le 
sens  précis  de  ce  mot. 

On  lit  dans  le  Vedas  (397)  qu  à  la  fin  de 
chaque  Age  tout  périt,  que  tout  est  sub- 
mergé; il  n'y  est  nullement  question  d'une 
destruction  et  d'un  renouvellement  intégral 
du  monde.  Dans  le  Thibet,  1<îs  difi'érents 
âges  de  l'univers  se  renouvellent  sans  chan- 
gement des  formes.  Suivant  Fréret,  les  In- 
dous  croient  à  la  création  et  à  la  fin  du 
monde  sensible  sans  qu'il  se  renouvelle. 
Dupuis,  professeur  au  collège  de  Lisieux,  à 


Paris,  établit,  dans  son  mémoire  sur  l'on- 
gine  des  conslettalions^  que  la  recréation  de 
toutes  choses  n'était  chez  les  Perses  oue  le 
renouvellement  annuel  de  la  nature.  Quand 
la  source  vraie  de  la  tradition  de  la  renais- 
sance du  monde  eut  totalement  disparu  de 
l'esprit  des  peuples,  la  nature  se  présenta 
comme  d'elle-même  pour  expliquer  ee  qu'il 
y  avait  de  mystérieux  dans  l'attente  d'un 
aussi  çrand  événement  dont  on  ne  connais- 
sait plus  la  manière.  La  philosophie  dé- 
passa ensuite  la  révolution  annuelle  de  la 
nature,  on  chercha  une  grande  année  sécu- 
laire, où  toutes  les  choses  passent  se  repro- 
duire. C'était  la  chimère  des  stoïciens,  dont 
quelques-uns,  tout  en  admettant  la  fin  du 
monde,  semblèrent  méconnaître  son  renoa- 
yeliement,  et  ainsi  les  croyances  générales 
de  lantiquité  se  combinent  et  s'accordent 
lorsqu'on  a  bien  compris  le  sens  caché  de 
leurs  svmboles. 

D'ailleurs,  les  palingénésies  éternelles  du 
monde,  sait  qu'on  les  entende  dans  l'une  ou 
l'autre  acception  que  nous  avons  indiquées 
plus  haut,  détruisent  la  liberté  de  l'homme, 
son  identité  et  ses  progrès.  11  est  bien  évident 

2ue  si  ce  que  nous  appelons  l'individu  e.st 
ternellement  attaché  au  retour  néeessaire 
du  monde,  il  n'est  plus  quelque  chose  de 
distinct  de  la  nature  qui  se  reprodait  dans 
ses  difi'érentes    parties.    Si  l'on  admet  la 
palingénésie  indienne,  où  les  individus  re- 
paraisseQt  sous  d'autres  lormes,  bien  qu'ifs 
conservent  la  forme    humaine  ,  l'identité 
de  l'être  disparait,  puisque  ce  qui  le  per- 
sonnifie est  anéanti  àcliaque  renouvelle- 
•ment  :  et  partant  plus  de  progrès  possible, 
car  le  progrès  dans  l'ôtre  ne  se  conçoit  et 
ne  peut  s'apprécier  qu*pn  comprenant  ses 
divers  états>  rendusimpossibles par  l'absence 
de  l'identité.  Si  au  contraire  on  aimait  mieux 
la    palingénésie    telle  que    l'enseigoèreot 
quelques  philosophes  grecs,  et  par  laquelle 
tout  reparait  exactement  dans  les  mêmes 
conditions  qu  aux  états  antérieurs,  ici  en- 
core tout  progrès  est  anéanti,  puisque  tout 
est  nécessairement   le  même  et  par  suite 
stationnÀire.  Li\  liberté  n  a  plus  de  sens  dans 
un  tel  physicisme,  la  destinée  de  Tboniiue 
est  purement  mécanique.  S'il  n'y  a  plus  de 
liberté,  il  n'y  a  plus  de  raison  d'agir  dans 
l'être  intelligent  ;  car,  encore  une  fois,  Tes- 
pèce  qui  se  borne  aux  formes  matérielles 
n'est  pas  perfectible.  Disous-fe  hardiment, 
l'anliquité  n'a  ras  cru  il  la  palingénésie  q^ue 
l'auteur  de  VUumanité  a  inventée  dans  son 
cerveau  ;  celle  que  les  premiers  peu|>les  ont 
attendue  ne  détruisait  nullement  réterniié 
du  ciel  et  de  l'enfer.  Nous  avons  encore  des 
témoignages  plus  que  suffisants. 

En  eifét,  la  première  idée  d'une  palingé- 
nésie cosmique,  endos  périodes  déterminées, 
semble  avoir  pris  naissance  dans  la  Cbal.lée 
et  dans  la  Perse,  où  nous  devons  chercher 
la  confirmation  de  ce  que  nous  avons  avancé 
sur  le  sens  de  la  palingénésie.  Or,  il  est 
facile  de  suivre,  dans  le  Zend-Avtsia   des 


(397)  Parallèie  des  religiont. 


I 


PAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUB. 


PàN 


370 


hirses(398),  les  diverses  phases  de  Tanta- 
^isiDequis*établit  et  se  prolonge  durani 
certaines  périodes  entre  Ormuxd^  roi  de  la 
bière,  et  Ahrimanj  le  prince  des  ténèbres. 
Ûai-ci  était  primitivement  par  comme  le 
pmnier  né,  mais  sa  baine  et  son  orgueil 
l'iTaiint  lait  condamner  par  l'Etre  suprême 
ihibiter,  pendant  une  période  de  douze 
Lille  ans,  les  espaces  gue  n*éclaire  aucun 
fijoD  de  lumiërey  le  noir  empire  !des  ténè- 
[ff>.  BieDldt  la  guerre  entre  les  deux  puis^ 
anc»  était  descendue  des  régions  intellec- 
iftflks  et  supérieures  jusque  sur  la  terrCtOÙ 
Hrmn  fait  souvent  triompher  Tempire 
jtt!fl)èbre.s  dans  le  cours  des  trois  dernières 
p^M  qui  forment  le  cycle  des  douze 
feiiie  iQs.  Néanmoins  les  Ames  f)ures  n*ont 
riiQi  craindre;  elles  sont  averties  par  les 
kfii  esprits.  Le  triomphe  du  bien  est  résolu 
bns  Irs  arrêts  de  TEtre  suprême,  Tépoque 
Irielriûfflphe  arrivera  iniailliblement.  Au 
iKmeni  où  la  terre  sera  le  plus  profondé- 
M  affligée  des  maux  que  versent  sur  elle 
b»pmsde  perdition»  le  prophète  Soiio$€h 
Mira  régner  sur  la  terre,  et  lui  rendre 
B  beauté,  sa  force,  sa  pureté  primitives; 
Ikera  les  bons  et  les  méchants  ;  après  la 
«rrectioa  universelle  des  bons,  les  esprits 
lin  les  conduiront  au  séjour  de  VélemelU 
Jteiii,  Ahriman,  ses  màuvaii  démons  et 
tas  les  méchants  seront  jetés  dans  un  tor- 
Itti  de  métal  liquide  :  dès  lors  la  loi  d*Or- 
puJr^era  partout  (399).  On  lit  dans  tout 
iquioous  reste  des  monuments  de  la  Ca- 
Mtei  du  gDOticisœe,  que  les  erreurs,  les 
>rre$,  les  séductions,  le  mal  qui  en  est 
Isooree,  et  en  général  cette  affligeante 
'mïi  des  esprits  purs  et  des  mauvais 
1%  n'existaient  pas  dans  Torigine.  Une 
le  Tint  troubler  cet  ordre;  mais  lorsque 
bue  qui  se  poursuit  entre  le  bien  et  le 
sera  parvenue  à  la  période  déterminée, 
mel  viendra  lui-même  rétablir  dans 
piUuDivers  la  primitive  et  haute  harmonie 
p  («fait  répondre  à  la  musique  sphérique 
Isjstème  de  Py thagore. 
Ces  efforts  de  l'esprit  humain  vers  son 

e»  consommé  se  reproduisirent  sous  des 
es  mystérieuses  dans  l'erreur  des  Va- 
^Qieos.  La  Sophia  ou  Léon  dégénéré, 
^e  qu  elle  est  sortie  du  Plérôme  pour 
flt«ciier  h  la  terre,  gémit,  comme  l'âme  re- 

tise,  sur  sa  triste  situation.  Bardesanes 
içoiail  flans  un  de  ses  hymnes,  s'écriant 
ic  le  Psalmiste  :  «  Pourquoi,  ô  mon  Dieu 
iK'jQ  roil  m'as-tu  ainsi  abandonnée?  »  Cet 
Mr  [iour  le  monde  supérieur  réveillé  en 
k  lui  fit  voir  dans  le  Christos  qui  vint  à 
to«^>urs  la  parfaite  ima^e  de  la  lumière 
lra<f.  £lle  l'aima  de  tout  son  être  ;  il  la 
li:a  dans  la  marche  de  son  épuration;  elle 
kaitde  nouveau  avec  lui  comme  sa  pri- 
iiti^e  compagne. 

lanlesdnes,]^ansrhyronedont  nous  venons 
t  ("Vler,  représente  cette  union  sous  Ti* 

'4;  Sv   Abriman,   Zend-Atetia,  vol.    1» 
'  '  )l4iTU,  Iliitoiu  du  gnonichmc^  vul.  I. 


mage  d*uiv hymen;  il  parlait  aussi chi  ban- 
quet qui  devait  célébrer  cette  sublime  et 
irrévocable  alliai^ce,  car  l'hymen  a  toniours 
été  le  symbole  d'une  union  indissoluble. 

Nous  devons  convenir  que  si  la  tendance 
de  ces  systèmes  asiatiques' à  un  dégagement 
définitif  pour  tous  les  esprits  coupables,  des 
liens  du  mal  et  de  la  matière,  détruit  le  re- 
tour éternel  des  palingénésies,  il  n'en  est 
1>as  moins  vrai  qu'elle  attaque  l'éternité  de 
'enfer. 

Nous  répondrons  h  cette  difficulté,  en  ré- 
futant les  erreurs  qui  ont  attaqué  cette  éter- 
nité (MO). 

Nous  conclurons  donc  que  l'erreur  qui 
s'est  produite  par  Oriçène  d'abord,  et  au- 
jourd  hui  par  les  renaissants  dans  VHuma^ 
nitéj  est  un  fait  tout  à  fait  exceptionnel 
dans  l'histoire  de  l'esprit  humain,  et  par 
conséquent  faux,  contradictoire  ;  nous  achè- 
verons de  nous  en  convaincre,  en  jetant  un 
coup  d'œil  sur  les  vérités  catholiques  qui  se 
dénaturèrent  plus  tard  dans  les  erreurs  de 
la  métempsycose  et  des  palingénésies,  je 
veux  parler  de  la  nÉsonaECTiON  des  conrs 
et  de  la  geéation  dbs  cibux  nouveaux  et  db 

LA  TERRE  NOUVELLE.    (Foy.  CCS  mOtS.) 

PANTHEISME.  —  Nous  diviserons  en  trois 
paragraphes  ce  que  nous  avons  à  dire  sur 
cette  erande  aberration  de  l'esprit  humain. 
Dans  Te  premier,  nous  ferons  l'histoire  du 
panthéisme  idéaliste  ;  dans  le  second,  celle 
du  panthéisme  matérialiste,  et  dans  un  troi- 
sième, nous  montrerons  les  conséquences 
de  ce  système  et  nous  le  réfuterons. 

il* 

Dtt  panthéisme  idéaliste. 

II  nous  faudrait  remonter  bien  haut  dans 
les  siècles  pour  trouver  l'origine  du  pan- 
théisme. Nous  en  voyons  le  germe  déposé 
dans  les  védas,  oh  certaines  formuler  de 
langage  au  moins  équivoques,  nous  présen- 
tent Dieu  comme  l'Etre  unique,  et  les  créa- 
tures comme  des  êtres  illusoires.  Qu'on 
doive  entendre  ces  formules  dans  un  sens 
absolu,  ou  qu'elles  n'aient  eu  d'autre  objel 
que  de  caractériser  vivement  ce  que  nous 
appelons  nous-mêmes  le  néant  de  la  créa- 
tion, en  présence  de  Dieu,  toujours  est-il 
qu'elles  sont  devenues  plus  tard  rexpression 
propre  du  panthéisme.  Ainsi  le  Ytâania  ab- 
sorbe posiUvement  toutes  les  existences  dans 
une  seule,  celle  de  Brahma,  qui  est  tout. 
Brahma  est  Têlre  un,  éternel,  pur,  rationnel, 
alTranchi  de  toute  limite,  à  la  fois  actif  et  |»as- 
sif  ;  actif,  parce  qu'il  produit  les  transfor- 
mations apparentes  ;  passif,  parce  que  celui 
qui  transforme  est  en  même  temps  celui  qui 
est  transformé  ;  en  un  mot,  dont  les  divers 
êtres  ne  peuvent  tout  au  plus  être  conçus 
que  comme  les  noms  ou  les  formes  multi- 
ples, formes  qui.  d'ailleurs,  sont  purement 
illusoires.  11  est  remarquable  que  tous  les 

(400)  Voy.  EwrBR,  Etemité  drs  rei!iis,llistRi- 

CORDICUX. 


m 


PAN 


DICTlONNÂinE  APOLOGETIQUE. 


PAN 


3TÎ 


systèmes  de  panthéisme  qui  ont  été  imagi- 
nés postérieurement,  ne  sont  que  lu  repro- 
duction des  idées  sur  lesquelles  se  fonde  la 
philosophie  Tédantiste.  C'est  toujours  ndée 
u  unité  gui  prévaut  sur  Tidée  des  existen- 
ces particulières,  distinctes,  individuelles; 
c'est  toujours  le  flni  qui  s'efface  et  s'éva- 
nouit pour  s'absorber  clans  l'infini  ;  c'est  tou- 
jours la  coexistence  des  deux  termes  de  la 
création  qui  est  déclarée  imfiossible.  Mais, 
dans  le  vedanta,  les  êtres  particuliers,  n'é- 
tant pas  même  de  simples  modifications  de 
la  substance  divine»  et  l'univers  n'étant  plus 

Îue  le  spectacle  de  ses  propres  pensées  que 
^ieu  se  donne  à  lui-même,  en  contemplant 
toutes  les  combinaisons  qu'elles  pourraient 

Srésenter,  si  elles  étaient  réalisées  hors  de 
lieu,  le  panthéisme  n'est  pas  seulement  la 
confusion  de  tous  les  êtres  dans  une  seule 
existence  éternelle  et  infinie;  c'est  encore 
un  immense  scepticisme  dans  lequel  dis- 
paraît, non-seulement  le  monde  matériel 
et  le  monde  moral,  mais  l'unité  divine  elle- 
même,  puisqu'en  rejetant  comme  illusoires 
toutes  les  noliom  di$iincte$  pour  ne  retenir 
que  celle  de  l'unité  absolue,  il  enveloppe 
celle-ci  dans  le  naufrage  commun  de  tou- 
tes les  vérités  ;  car  l'idée  de  l'unité  est  dis* 
tinete^  est  souverainement  dUtincte^  et  ne 
subsiste  dans  notre  intelligence  que  par  son 
opposition  avec  toutes  les  autres,  et  parti- 
cuiièrement  avec  celle  de  variété  et  de  mul- 
tiplicité. 

Le  panthéisme  de  Pvthagore  présente  un 
autre  caractère.  Le  Vedanta  n'admet  point 
de  production,  parce  que  cette  production 
ne  serait  possible  qu'autant  aue  Brahma 
posséderait  en  lui  le  principe  réel  d'imper- 
lection,  de  limitation,  de  composition,  tou- 
tes choses  incompatibles  avec  son  essence 
même.  Selon  Pytha^re,  au  contraire ,  la 
monade,  ou  l'être  principe,  renferme  ori- 
ginairement Tesprit  et  la  matière,  mais  sans 
séparation,  sans  division.  Ils  sont  confondus 
en  eliedans  Tunité  absolue  de  la  substance. 
De  l'unité  sort  le  multiple,  et  le  multiple 
c'est  l'univers.  Ainsi  ce  n^est  point  par 
eréaiian^  mais  par  déiachêmmi^  que  la  ma- 
tière est  siN*tie  de  Dieu.  U  en  résulte  gue 
Dieu  est  h  la  fois  le  principe  de  la  periec- 
tion  et  de  imperfection,  du  variable  et  de 
l'invariable,  du  bien  et  du  mal,  puisque  l'un 
et  l'autre  ont  été  originairement  renfermés 
dans  la  monade  :  conception  qui  détruit  à 
la  fois  ta  notion  de  Tindivisible  unité  de 
Dieu,  et  celle  de  son  inaltérable  pureté.  Car 
ouoique  le  but  moral  de  la  philosophie  py- 
thagoricienne soit  de  délivrer  rinteUigence  et 
la  volonté  de  Thomme  des  liens  de  la  matière, 
l'idée  de  la  confusion  primitive  de  la  ma- 
tière avec  l'esprit,  dans  le  sein  de  la  monade 
infinie*  n^en  est  pas  moins  l'idée  fondamen- 
tale de  son  système. 

La  pensée  de  Pythagore  se  retrouve,  mais 
déjà  modifiée,  dans  les  ouvrases  qu'on  at- 
tribue généralement  à  Timée  de  Locres  et  à 
Ocellus  de  Lucanie,  quoique  leur  authenti- 
cité, selon  M.  de  Gérando,  soit  au  moins  très- 
douteuse.  Dans  le  livre  qui  porte  lé  nom  de 


ce  dernier,  l'univers  apparaît  comme  une 
immense  unité,  qui  comprend  toutes  choses, 
comme  un  seul  être ,  in^irodoit ,  immuable, 
indestructible,  qui  n'a  pas  commencé,  qui 
ne  doit  point  finir,  et  dont  les  parties  seules 
changent  et  subissent  des  rapports  diffé- 
rents, des  formes  et  des  combinaisons  nou- 
velles. L'idée  d'Ocellus  diffère  de  celle  de 
Pythagore  comme  l'idée  de  /otofti/diffère 
de  celle  d'unité.  Selon  celui-ci,  loul  était 
primitivement  un;  Funité  est  le  principe 
universel  d'oii  tout  est  sorti,  la  racine  de  la 
dualité j  de  la  pluralité.  Suivant  Ocellus, 
tout  est  dans  le  tout^  tout  est  avec  le  tout  ; 
l'univers  enfin  est  un  système  ordonné,  par- 
fait et  complet  de  toutes  les  natures,  car  rien 
n'est  hors  de  lui  ;  si  quelque  chose  est,,  il 
est  compris  dans  lui. 

Timée  de  Locres,  l'auteur  présumé  du 
livre  de  FAmt  du  moticfe,  matérialise  encore 
davantage  l'idée  primitive  des  pythagori- 
ciens. L'unité  n'est  pas  conçue  dans  son 
svstème  sous  une  notion  purement  méta- 

Imysique,  mais  sous  celle  d'une  individna- 
ite  dans  laquelle  viennent  se  confondre  et 
s'identifier  tous  les  êtres.  Le  monde  est  un 
corps,  un  immense  organisme,  dont  Dieu 
est  l'Ame  ;  cette  flme,  placée  au  centre  et  s'é- 
tendant  k  la  circonférence,  embrasse  l'uni- 
vers. 
Les  doctrines  primitives  de  Técole  itali- 

3ue  retenaient  encore  la  notion  d*une  pro- 
uction  des  choses ,  quoiqu'elles  laissassent 
cettte  opinion  dans  le  vague,  ou  plutôt  la 
dénaturassent,  en  se  représentant  la  produc- 
tion des  choses  sous  l'idée  d'une  émanation 
de  la  substance  divine.  Hais,  dès  son  début, 
l'école  éléatique  se  demanda  si  la  production 
est  possible,  et  nia  cette  possibilité,  en  prou- 
vant que,  dans  le  système  émanation,  ce  qui 
parait  commencer  existant  déjà  antérieure- 
ment, la  production  n'est  qu'apparente,  et 
que  s'il  n'existe  pas  de  production  réelle^ 
toute  existence  individuelle  distincte  n*esl 
aussi   qu'un  pur  phénomène.  Si  quelque 
chose  a  été  faite,  disait  Xénophane,  elle  a  été 
faite  de  ce  qui  était  ou  de  ce  qui  n*était  pas. 
De  ce  qui  n'était  pas,  cela  est  impossible; 
car,  rien  ne  se  fait  de  rien.  De  ce  qui  était, 
cela  est  impossible  encore;  car  puisqu'elle 
était  déjà,  elle  n'a  pas  été  faite.  Partant  donc 
de  ce  principe,  que  rien  ne  saurait  passer 
du  non-être  à  l'être,  il  en  conclut  que  tout 
ce  qui  existe  réellement  est  éternel  et  im- 
muable. De  là  |il  considérait  toutes  choses 
sous  la  loi  de  l'unité.  Dieu,  comme  étant  l'ê- 
tre le  plus  parfait,  et  unique,  parfaitemenl 
semblable  et  égal  à  lui-même  ;  il  n'est  ni  li- 
mité, ni  illimité,  ni  mobile,  ni  immobile. 

Parménide,  rigoureusement  conséquent 
au  principe  d'unité  posé  par  son  mattre,  et 
partant  de  l'idée  de  l'être  pur,  qu'il  idenii* 
fie  avec  la  pensée  et  la  connaissance,  en  con- 
clut que  le  non-être  ne  saurait  être  pnssi* 
ble,  que  toute  chose  existante  est  une  et 
identique,  qu'ainsi  ce  qui  existe  n*a  point  die 
commencement,  qu'il  est  invariable,  indÎTi* 
sible,  qu'il  remplit  l'espace  tout  entier,  et 
n'est  limité  que  par  lui-même;  que,  par 


373 


PAN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAN 


374 


cooséqaent,  tout  changement,  tout  mouve- 
ueDt  est  uae  pure  apparence. 

Xoos  passerons  lé^rement  sur  les  systè- 
nesgnostiquesY  dans  lesquels  la  création  tout 
mtiére  est  pr&ientée  comme  une  immense 
série  d'émanations  décroissantes,  depuis  les 
tm  qui  constituent  le  plérômeou  le  monde 
Kifiéhear,  jusqu'aux  diverses  existences 
({ui  composent  le  monde  inférieur,  et  dont. 
hsource  est  le  démiurge.  Nous  nous  borne- 
loos  également  à  mentionner  les  doctrines 
oldiistiques,  où  tous  les  Mves  de  la  nature 
teooent  selon  divers  degrés  de  perfection,  de 
tm&fke,  on  de  la  lumière  primitive,  et  où 
biutière  elle-même  est  conçue  comme  une 
ronleosation  et  un  obscurcissement  des 
njons  de  la  lumière,  et  toute  substance 
considérée  comme  divine. 

Mais  celle  de  toutes  les  théories  ancien- 
oe5,  à  Teiception  du  Védanta,  où  le  pan- 
théisme idéaliste  a  été  formulé  dans  sa  plus 
ptnde  rigueur  métaphysique,  c'est  peut- 
(ire celle  de  Plotin,  qui,  par  Tidentificatioa 
É^lue  de  la  connaissance  avec  la  chose 
coonue,  du  subjectif  avec  Tolgectif,  efface 
bste  distinction  entre  les  êtres. 

TcQt  ce  qui  existe  est  en  vertu  de  Tunité, 

«luo,  eta  en  soiTunité.  Néanmoins,  Pexis- 

lea^eetTunité  ne  sont  point  identiques;  car 

c^^;g(  o|}jet  comprend  une  pluralité.  La 

rdty>Q n'est  pas  non  plus  Tunité  même,  car 

«'^  a)nte  nple   Funité  d'une  vue  parfaite. 

Ion  hors  d*elle,  mais  en  elle-même  ;  elle  est 

'eoiD^nie  temps  ce  qui  contemple  et  ce  qui 

et  roDtemplé  ;  donc  elle  n*est  point  simple, 

iil«  est  douille;  elle  n'est  point  l'être  premier 

i«i(riniilif,  mais  seulement  l'unité  déduite 

irtjùérivéc  de  quelque  autre  principe  dont 

Hlf  procède.  L/unité  primitive  n'est  point 

tt«  chose,  mais  le  principe  de  toutes  choses, 

l' tien  cl  la  perfection  absolus ,  ce  qui  en 

n  est  simple,  et  ne  tombe  point  sous  la 

«uQoepiion  de  l'entendement;   elle  n'a  ni 

>)<>Jntiténi  qualité». ni  raison,  ni  Ame;  elle 

f'M  ni  en  mouvement,  ni  en  repos,  ni  dans 
»pace,  ni  dans  le  temps  ;  ce  n'est  ni  une 
mitémimérique,  ni  un  point,  car  le  point 
it  l'unité  numérique  sont  compris  dans 
^elque  chose,  savoir  le  divisible;  mais 
testrëlre  pur  sans  aucun  accident,  dont  on 
M  concevoir  Tidée  e.n  songeant  qu'il  se 
Mffit  constamment  à  lui-même  ;  elle  est 
pempte  de  tout  besoin  et  de  toute  dépen- 
wice,  de  toute  pensée  et  de  toute  volonté  ; 
^  n>st  point  un  être  pensant,  mais  plutôt 
h  pensée  elle-même  en  acte  ;  c'est  le  prin- 
(ip<^<  la  cause  de  tout,  l'infiniment  netit,  et 
Riniéme  temps,  par  sa  puissance,  Vinfini- 
^<Ql  grand,  le  centre  con^mun  de  toutes 
ftwes,  le  Bien,  Ditu. 

^  •  Lunité  est  aussi  représentée  comme  la 
twiière  primitive,  la  lumière  pure,  de  la- 
*rj^'lc  découle  incessamment  un  cercle  lu- 
nineux;  elle  possède  la  vision  et  la  science 
^  ^i-m£me,  mais  sans  dualité  de  termes 
*iBs  réflexion)  ;  elle  est  &  la  fois  la  pure 
'îftualité,  et  1  essence  de  tout  ce  qui  e^t. 
l-  io,  le  parfait,  coule  de  la  région  supé- 
'^nre  ;  i^ut  ce  qui  procède  de  lui,  rêlre. 


la  raison,  la  vie  en  découle  éternellement , 
sans  qu'il  perde  rien  de  sa'substance;car 
il  est  shnpie,  et  non  colleetif  comme  la  ma- 
tière ;  et  cette  provenance  n'est  point  une 
férnaatron  dans  le  temps,  mais  elle  a  lieu 
selon  l'idée  pure  de  cause  et  d'ordre,  sans 
nulle  volonté,  car  vouloir  est  ehanser.  En 
premier  Keu  il  en  émane,  comme  la  lumière 
émane  du  soleil,  quelque  chose  d'éternel 
qui,  selon  Plotin,  est  ce  qu'il  y  a  de  plus 
parfait  ;  c'est  l'intelligence  absolue,  «ovç  , 
qui  contemple  l'unité,  et  qui  n'a  besoin 

2ue  d'elle  seule  pour  être.  De  l'intelligence 
mane  à  son  tour  l'âme,  l'Ame  du  monde, 
^;p^  Tov  tTKvT^c,  ou  x&y  o>(uy.  Tels  sout  les  trois 
principes  de  toute  existence  réelle,  et  ils 
ont  eux-mêmes  leur  principe  dans  l'unité  ; 
c'est  la  Triade  [Trioê]  de  Plotin. 
'  «  L'intelligence  est  le  produit  et  l'image 
de  l'unité;  en  tant  qu'elle  conteniple  l'u- 
nité comme  son  objet,  elle  devient  sujet, 
et  se  distin^e  de  ce  qu'elle  contemple  ;  de 
\h  une  dualité.  En  tant  que  cette  intelligence 
envisage  le  possible  dans  l'unité,  le  possi- 
ble se  détermine,  se  limite;  il  devient  l'ef- 
fectif et  le  réel,  h ,  il  suit  de  Ik  que  l'in- 
telligence est  la  réalité  première,  hase  de 
toutes  les  autres  et  inséparablement  unie 
avec  l'être  réel.  La  pensée,  la  chose  pen- 
sée et  la  chose  pensante  sont  identiques; 
ce  que  l'intelligence  pense,  elle  le  constitue 
en  même  temps.  C'est  en  pensant  toujours, 
toujours  de  même,  et  pourtant  toujours 
quelque  chose  de  nouveau,  qu'elle  produit 
toutes  choses;  elle  est  la  somme  des  exis- 
tences, la  vie  infinie  dans  sa  total ité« 

«c  L'Ame  est  le  produit  de  l'intelligence , 
elle  en  est  la  pensée,  pensée,  à  son  tour, 
féconde  et  plastique.  Elle  est  donc  elle- 
mênr^e  intelligence,  seulement  avec  une 
connaissance  et  une  vision  plus  obscure, 
parce  qu'elle  contemple  les  objets  non  en 
elle-même,  mais  dans  l'intelligence,  étant 
douée  d'une  force  active  qui  dirige  ses 
regards  hors  d'elle.  C'est  une  lumière  non 
originale,  mais  réfléchie,  principe  du  mou- 
vement et  du  monde  extérieur.  Son  activité 
propre  est  dans  la  contemplation,  OcMpî»,  et 
dans  la  production  des  objets  par  cette 
même  contemplation.  C'est  ainsi  qu'ello 
produit  &  son  tour  divers  ordres  d'âmes , 
entre  autres,  l'âme  humaine,  dont  les  fa- 
cultés tendent  à  s'élever  ou  t  s'abaisser. 
Celle  du  degré  le  plus  bas,  dirigée  vers  la 
matière,  est  aussi  une  force  appliouée  à  la 
foruie  ;  c'est  la  faculté  sensitive  et  végétative» 
ou  la  nature,  f\Krtç. 

«  La  nature  est  une  force  intuitive ,  mo- 
trice, qui  impose  la  forme  à  la  matière,  force 
plastique  et  vivifiante,  pensée  créatrice , 
iiyiç  frocûv  ;  car  forme,  fl^oç,  fiopfi^  et  pensée, 
Xoyoc,  sont  une  seule  et  même  chose.  Tout 
ce  qui  se  passe  dans  la  nature  est  l'œuvre  de 
l'intuition,  et  est  fait  pour  elle.  Ainsi  se  dé- 
veloppe du  sein  de  l'unité,  comme  du  point 
central  d'un  cercle,  la  plura^^J^re  divi- 
sible et  la  vie,  par  voie  d''  "  '^ns 
l'unité  se  distinguent  la  ^ 
car  c'est  la  forme  qui  c 


37S 


PAN 


DKTiONMAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAN 


S7G 


«t  elle  suppose  nécessairement  qaelone 
chose  de  non  déterminé,  m«is  susceptible 
de  recevoir  une  détermination. 

«  La  forme  et  la  matière,  TAme  et  le  corps 
sont  inséparables;  il  n*y  a  point  eu  de 
temps  où  le  tout  ne  fût  point  animé  ;  mais, 
ponr  la  pensée,  la  distinction  est  possible  , 
et  de  là  naît  la  question  :  Qu'est-ce  que  la 
matière,  et  comment  a-t-elle  été  produite 
par  lunité,  puisque  celle-ci  est  le  principe 
de  toute  réalité?  La  matière  est  quelque 
chose  de  réel  dénué  de  toute  forme  ;  elle  est 
l'indéterminé  susceptible  de  recetoir  la 
forme,  et  elle  cstavcc  celle-ci  dans  le  mê- 
me rapport  que  Tombre  arec  la  lumière. 
L'unité,  comme  produisant  .toute  réalité, 
sort  sans  cesse  d'elle-même  :  or,  au  dernier 
échelon  de  cette  production  perpétuelle, 
arrive  un  dernier  produit,  au  delà  duquel 
i\ul  autre  n'est  plus  possible,  terme  dernier 
d*où  rien  ne  peut  sortir,  et  qui  ne  conserve 

1>lus  rien  de  l'unité  et  de  la  perfection.  — 
/Ame  par  sa  contemplation  progressive, 
qui  est  t^n  même  temps  production,  se  crée 
à  elle-même  le  théâtre  de  son  action,  c'est- 
à-dire  l'esjMce.  L'Ame  est  une  lumière  allu- 
mée par  l'intelligence,  et  qui  rayonne  jus- 
qu'à une  certaine  portée,  au  delà  de  laquelle 
commence  la  nuit.  L'Ame  regarde  cette  nuit, 
et  lui  appliquer  une  forme ,  parce  qu'elle 
ne  peut  rien  soutfrir  autour  d'elle  qui  ne 
soit  empreint  d'une  pensée,  et  elle  se  fait 
ainsi,  au  moyen  des  ténèbres,  une  habita- 
tion belle  et  variée,  inséparable  de  la  cause 
qui  Ta  produite ,  c'est-a-dire ,  qu'elle  se 
donne  un  corps.  De  là  la  matière  intelligi- 
ble et  senstlile,  etc.  »  {Manuel  de  Tenne- 
«lan.) 

Scot-Erigène,  dont  les  idées  ont  des  rap- 
ports frapiiants  avec  celles  de  Plotin,  et 
rappellent  en  même  temps  les  concepiions 
pauthéistiques  de  l'Inde,  part  également  de 
l'unité  primitive,  pour  aboutir  au  système 
de  l'identité  absolue. 

«  Tout  ce  qui  est  perçu  dans  les  créatu- 
res, dit-il,  soit  dans  le  domaine  des  sens 
corporels,  soit  dans  celui  de  l'entendement, 
n'est  autre  chose  qu'une  sorte  d'accident 
d'uii€  eseenee  incompréhensible,  qui  se 
donne  à  connaître  par  la  quantité,  la  forme, 
le  lieu  et  le  temps,  en  sorte  que  nous 
voyons  non  ce  qui  est,  mais  qu'une  choie  est. 

«  L'essence  suprême  se  communique  et 
se  transmet  par  une  suite  de  dérivations 
auxquelles  les  Grecs  ont  donné  le  nom  de 
paritcipation.  >  Voici  comment  Jean  [Scot 
explique  cette  transmission:  «  Le  fleuve 
entier  découle  de  la  source  première  ;  l'onde 

3ui  en  jaillt  se  répand  dans  toute  l'étendue 
u  lit  de  ce  fleuve  immense,  et  en  forme  le 
cours  qui  se  prolonge  indéfiniment.  Ainsi  la 
bonté  divine,  l'essence,  la  vie,  la  sagesse,  et 
tout  ce  qui  réside  dans  la  source  universelle, 
s'éDancbent  d'abord  sur  les.  causes  primor- 
diales et  leur  donnent  l'être,  descendent 
ensuite  par  ces  mêmes  causes  sur  l'univqr- 
salité  de  leurs  effets,  d'une  manière  ineffa- 
ble, dans  une  progression  successive,  pas- 
sant des  choses  supérieures  aux  inférieures; 


ces  effusions  sont  ensuite  ramenées  à  b 
source  originelle  par  la  transpiration  ca- 
chée des  pores  les  plus  secrets  de  la  n<iture. 
De  là  dérive  tout  ce  qui  est  et  ce  qui  n'est 
pas,  tout  ce  qui  est  conçu  et  senti,  tout  ce  qui 
e>t  supérieur  aux  sens  et  à  l'entendement.  Le 
mouvement  immuable  de  la  bonté  suprême  et 
triple,  de  la  seule  véritable  bonté  sur  elle- 
même,  sa  simple  multiplication^  sa  diffusion 
inépuisable  qui  part  de  son  sein  et  y  re- 
tourne, est  la  seule  cause  universelle,  ou 
plutôt  eUe  est  tout^  car  si  l'intelligonce  de 
toutes  choses  est  la  réalité  de  toutes  choses, 
cette  cause  qui  connaît  tout,  est  tout  ;  elle 
est  la  sexkXe  puissance  gnostiaue  ;  eltenecon- 
nati  rien  hors  d^ elle-même  ;  it  n'y  a  rien  hors 
délie:  tout  est  en  e//e,  elle  seule  est  vérita- 
blement. 9  (De  gérando,  Histoire  comparée 
des  systèmes  de  philosophie.) 

Comme  les  mêmes  idées  se  trouvent  re- 
produites, à  très-f>eu  do  chose  près,  dans 
tous  les  systèmes  idéalistes  qui  ont  apparu 
aux  diverses  phases  du  moyen  Age,  reci 
nous  dispense  d'entrer  dans  de  longs  détails 
sur  chacun  d'eux.  C'est  toujours  la  même 
formule  panthéistique  présentée  avec  de 
légères  variantes  dans  l'expression,  mais 
sans  aucune  différence  essentielle.  «  Tout 
est  Dieu,  et  Dieu  est  tout,  dit  Amaury  de 
Chartres.  Le  Créateur  et  la  créature  sont  un 
même  être.  Les  idées  sont  à  la  fois  créatricis 
et  créées.  Dieu  est  la  fin  des  choses,  en  ce 
sens  que  toutes  choses  doivent  rentrer  en  lui 
pour  constituer  avec  lui  une  immuable  in- 
dividualité. De  même  qu'Abraham  et  Isaac 
ne  sont  que  des  individualisations  de  la  na- 
ture  humaine,  ainsi  tous  les  êtres  ne  sont 
que  des  formes  individuelles  d'une  seule 
essence.  »  Selon  Jordan  Bruno,  rien  n*existo 
que  ce  qui  est  un,  car  tout  ce  qui  n>st  y^as 
un,  n'est,  en  tant  que  multiple,  qu'un  com- 
posé, et  toute  composition  n'est  qu'un  en- 
semble de  rapports,  et  non  une  réalité. 
L'unité  est  donc  l'être,  et  l'être  est  l'unité; 
à  moins  d'admettre  aue  tout  est  relatif,  opi- 
nion repoussée  par  la  raison  humaine  qui 
tend  à  I  absolu,  il  faut  reconnatlre  une  unité 
absolue,  sans  parties,  sans  limites.  Dans 
cette  unité,  l'infini  et  le  fini,  l'esprit  et  la 
matière,  le  pair  et  l'impair  sont  confondus. 
De  là  résulte  l'identité  absolue  de  toutes 
choses;  car  les  principes  les  plus  généraux 
de  la  différence  des  choses  sont  le  fini  et 
l'infini,  l'esprit  et  la  matière,  et  cette  dis- 
tinction, qui  ne  peut  constituer  une  diffé- 
rence réelle  dans  le  sein  de  l'unité  absolue» 
n'indique  qu'une  diversité  de  modifications 
dans  le  même  être  un  et  universel.  [Précis 
de  rhistoire  de  la  philosophie,) 

Mais  dans  les  temps  modernes,  le  pan- 
théisme a  revêtu  des  formes  plus  savantes; 
et  quoique  le  fond  des  idées  soit  toujours 
le  même,  il  se  présente  avec  un  caractère 

Çarticulier  qu'il    est  im)>ortant  de  saisir, 
oici  d'abora  comment  M.  Hippeau  résume 
la  doctrine  de  Fichte  : 

«  Kant  avait  reconnu  et  mis  en  saillie  Tes 
deux  termes  de  toute  connaissance  humaine, 
savoir,  le  sujet  ou  le  moi  qui  la  possède,  et 


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PâN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE* 


PAN 


S78 


M/r/ou  le  nofi-moi  qui  en  est  la  matière. 
)iais  il  s'agissait  de  constater  cette  dualité 
primitirp,  de  faire  au  moi  et  au  non-moi 
u  part  et  de  la  lui  faire  d'une  manière  ri- 
coureuse  et  irrévocable.  Or,  Rant  avait  dit  : 
(>qaiest  universel  et  nécessaire  dans  nos 
rein'senlatibns    appartient  au    sujet  ;   ce 
({ullya  de  véritable   et  particulier  appar- 
ucDl  à  Tobjet  ;  et  la  roalité  résulte  de  la 
réunion  de  run  h  Taulre.  Mais,  d'après  la 
mfKfue  de  la  raiton  pure,  le  sujet  est  un 
phcDom^ne  ft  $es  propres  y  put;   sa  na- 
ture intime  lui   est   aussi  inconnue   que 
allé  ée  Tobiet  ;  il  est  lui-même  varianle 
(lios  celles  de  ses  représentations  gui  nous 
[missent  constantes  :  il  pourrait  enrore 
é{re soumis  h  d'autres  variations  possibles; 
(>n  ne  Toit  donc  ]^as  pourquoi  le  sujet  doit 
été,  [ijulôt  ({ue  l'objet,  le  principe  de  ce 
•]aii  ?  a  de  nécessaire  et  d'universel  dans 
le  système  de  nos  représentations.  Où  donc 
esi  la  réalité,  si  le  moi  est  un  phénomène, 
dleDOQ-rooi  anssi  un  phénomène?  Si  vous 
letlcoModez  au  moi,  le  mot  vous  renvoie  à 
Utjtt,  car  les  formes,  les  catégories,  les 
tdéesne  sont  rien  sans  la  matière  que  les 
stasiburnissont;  mais,  d*un  autre  côté,  si 
Tfcs  demandez  la  réalité  à  l'objet^  Vohjtt 
>t^vri-nToie  au  mot  ou  au  sujet. 
«Fichte,  er,  après  lui,   Schelling  durent 
frvi<saireiuent  chercher  un  principe  absolu 
rt inconditionnel  à  ces  deux  phénomènes: 
e;  roici  ce  qui  amena  Fichte  à  trouver  ce 
principe  dans  le  sujet  Iui*m6me. 
«  Tout  en  laisant  naître  la  réalité  du  con* 
'«ors  du  sujet  et  de  Tobjet,  la  philosophie 
om;qtie  avait  montré  une  sorte  de  prédilec* 
tviQfH)ur  le  suiet,  et  lui  avait  fait  la  part  la 
^ib  considérable.  Toute  unité  vient  de  lui, 
ri  p«r  conséquent  tout  paraît  venir  de  lui; 
vr  il  n'jr  a  point  d'intuition  sensible  sans 
nilé,  point  de  jugement  sans  unité,  point 
le  raisonnement  sans  unité...  dès  lors  un 
BDtemporain  de  Kant,  Jacobi,  put  prévoir 
t  prédire  que  Ton  tenterait  de  tirer  tout 
b  sein  du  sujet,  et  Fichte  justifia  sa  pré- 
ictioB. 

«  Poar  établir  sur  des  bases  certaines  la 
l^ede  la  seience,  Fichte  ne  partit  point 
ose décomposî tien  de  l'intelligence,  ainsi 
se  lavait  fait  Kant.  Selon  lui,  ni  la  cons- 
bre  ni  sts  objets,  ni  la  matière  de' la 
i^joaissance  ni  ses  formes  n'existent  pri- 
Mirement,  mais  sont  produites  par  un 
Ueda  moi  et  recueillies  par  la  réflexion. 
<  seole  proposition  gui  ait  une  certitude 
iiiiMiate, c'est  celle-ci  :  Moi  est  moi.  £lle 
^rte  sa  preuve  en  elle-même,  et  peut  elle- 
tocservirdepreuvei  toutes  les  autres  pro- 
''étions.  C'est  en  vertu  de  ce  principe  uue 
^tjofeeiQent  a  lieu;  or,  juger  est  un  fait 
^U  oh  acte  propre  du  mot.  Le  mot  se  pose 
l^'Oc  lui«mème;  il  est  l'agent  et  en  même 
^\^  le  produit  de  l'acte,  et  c'est  ce  dout)te 
^'•'^ qui  bit  la  conscience.  L'activité  primi- 
^v*:  <m  mei  consiste  en  une  réflexion  sur 
^-(Déme,  qui  a  sa  raison  dans  un  obstacle 
'«  met  nécessaire,  éprouvé  par  lactivité 
^  ;u^là  indéfinie.  Le  mot  se  pose  comme 


snjet,  en  même  tomps  qu'il  s'oppose  comme 
objet  h  ce  point  de  résistance.  Le  second 

f)rincipe  déterminé  par  le  premier  est  co- 
ui-ci  :  Moi  n'est  pas  non-moi.  11  reste  & 
évoquer  encore,  par  un  nouvel  efl*ort  de  l'art 
philosophique,  un  troisième  prinripe  non 
contingent  quant  à  sa  valeur,  et  contingent 
quant  a  sa  forme.  A  cet  efl'et,  il  faut  trouver 
un  actcldu  moi,  où  puisse  se  rencontrer 
dans  le  mot  l'opposition  du  noiu%noi,  sans 
que  le  mot  périsse.  Or,  la  réalité  et  la  né- 
gation ne  sauraient  se  trouver  réunies  c^ue 
dans  ce  qui  est  fini,  limité.  La  limitation 
est  donc  ce  principe  que  nous  cherchons. 
«  Maintenant  la  limitation  nous  conduit  à 
la  divisibilité  :  tout  divisible  est  une  quan- 
tité; par  conséquent,  dans  le  mot  sujet  à  li- 
mitation doit  être  contenue  une  quantité 
divisible  :  ainsi  le  mot  comprend  en  lui- 
même  quelque  chose  qui  peut  y  être  mis 
ou  retranche,  sans  que  pour  cela  le  moi 
cesse  d'exister.  Fichte  reconnaît  donc  un 
mot  divisible  et  un  moi  absolu.  Le  mot 
oppose  au  moi  divisible  un  not^moi  égale- 
ment divisible.  Tous  deux  sont  posés  dans 
le  mot  absolu  et  par  lui,  comme  étant  ap- 

1>réciables  et  délerminables  l'un  par  l'autre. 
)e  là  ces  deux  propositions  :  le  mot  se  pose 
comme  déterminé  par  un  non^moi,  qui  li- 
mite l'activité  absolue  en  lui;  2*  le  mot  se 
pose  comme  déterminant  le  uon^moi\  la 
réalité  de  l'un  sert  de  limite  à  la  réalité 
de  l'autre. 

«  C'est  ainsi  que  Fichte  crut  avoir  trouvé 
le  moyen  de  concilier  l'idéalisme  et  le  réa- 
lisme; d'après  cette  théorie,  toutes  nos 
conceptions,  tous  les  phénomènes  de  notre 
intelligence  se  réduiront  à  deux  points  de 
vue  dun  même  fait,  dans  lesquels  nous 
considérerons  tantôt  le  mot  comme  actif,  et 
le  non-moi  comme  passif;  tantôt  le  mot 
comme  passif,  et  le  von^-moi  comme  actif. 
'  «  Suivons  le  mot  dans  ses  développements  : 
une  fois  posé,  il  se  heurte  contre  le  non^ 
mot  qui  le 'limite,  qui  le  repousse  lorsqu'il 
▼eut  s'étendre.  Dans  ce  choc,  le  moi  signale 
l'obstacle  et  le  crée;  car  s'il  n'y  avait  pas 
de  mot,  où  serait  le  non-moi?  Le  non-moi 
ressort  donc  du  mot;  même  en  lui  résistant, 
il  est  sa  créature;  donc  le  monde  c'est  mot. 
Dieu  n'existe  iK>ur  mot  que  parce  que  j'y 

f>ense;  c'est  mot  qui  le  construis  comme 
'idée  la  plus  haute  de  Tordre  moral  du 
monde.  Hors  de  mot,  il  n'est  pas;  en  moi,  il 
est.  Dieu  est  la  création  sublime  de  l'homme, 
et  l'homme  doit  travailler  à  ressembler  à  ce 
Dieu  qu'il  fait  lui-même,  qui  est  le  résultat 
de  sa  conscience  et  de  sa  moralité  :  donc. 
Dieu,  c'est  mot. 

«  Je  règne  donc  sur  tout  ce  qui  est;  j*en 
suis  le  principe,  la  source,  le  centre;  je  suis 
l'être  lui-même,  je  suis  cause  indépendante, 
je  suis  libre.  » 

Il  est  remarquable  que  cette  théorie  indi- 
vidualiste, l'antipode  de  tous  les  autres 
systèmes  de  panthéisme,  avait  eu  déjà  son 
expression  dans  les  opinions  philosophiques 
des  Bouddhas;  le,  comme  dans  les  concep- 
tions du  ]»hilosophe  allemand,  la  notion 


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PâN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAN 


580 


d^iinité  et  de  réalité  est  transportée  de  Dieu 
au  mot;. bien  loin  queje  mot  soit«  ainsi  que 
toute  individualité  quelconque,  purement 
phénoménal,  c'est  au  contraire  1  existence 
du  mot  qui  est  considérée  comme  la  seule 
existence  réelle;  c'est  le  moi  qui  est  éter- 
nel et  qui  tire  de  son  nropre  fonds  tous  les 
phénomènes.  Cenenoant  Fichte  modiHa 
plus  tard  ses  idées,  et  changea  son  point 
de  départ.  Ce  n'est  plus  Tactivité  du  mot 
qu'il  pose  en  firincipe,  c'est:  l'existence 
absolue  de  Dieu,  ctmrae  réalité  unique, 

fmre  et  indépendante  ,  dont  le  monde  et 
a  conscience  portent  l'image  et  l'empreinte. 
Il  nous  reste  maintenant  à  exposer  som- 
mairement le  système  de  Scbelling.  D'abord 
ami  de  Fichte,  il  avait  été  séduit  par  sa 
tiiéoric  de  la  subjectivité  absolue,  dans  la- 
quelle il  croyait  trouver  cette  unité  systé- 
matique que  Kant  avait  promise  et  n  avait 
point  donnée.  Devenu  plus  tard  son  rival,  il 
substitua  à  cette  théorie  celle  de  Videntilé 
absolue^  que  Tenneman  expose  de  la  manière 
suivante  dans  son  Manuel  de  fhistoire  et  de 
la  philosoohie  :  «  C'est  en  poursuivant  cette 
idée,  que  la  science  doit  reposer  essentiel- 
lement sur  Tunité  originelle  de  ce  qui  sait 
et  de  ce  qui  est  su,  gue  Schellins  arriva 
enfin  au  système  de  r indifférence  au  diffé- 
rent^ en  quoi  consiste,  dit-il,  la  mesure  de 
Tabsolu  ou  de  Dieu.  Cet  absolu  est  annoncé 
h  notre  esprit  par  un  acte  absolu  [de  con- 
naissance, acte  ^dans  lequel  le  subjectif  et 
Tobjectif  concourent  implicitement  et  indis- 
tinctement  Ce  que  se  propose  la  philo- 
sophie de  Schelling,  c'est  donc  de  connaître, 
au  m.oyen  des  idées  de  la  raison,  l'essence 
et  la  forme  de  toutes  choses  ;  pour  elle,  être 
et  connaître  sont  identiques.  C'est  un  idéa- 
lisme transcendantal,  qui  fait  sortir  toute 
science  non  plus  du  principe  trop  exclusif 
du  moi,  mais  d'un  principe  plus  élevé,  de 
l'absolu  renfermant  dans  son  sein  et  le  moi 
et  la  nature... 

«  L'absolu  n'est  ni  infini,  ni  fini,  ni  être  ni 
connaître,  ni  sujet  ni  objet  :  c'est  ce  en  quoi 
se  confondent  et  disparaissent  toute  opfjosi- 
tion,  toute  diversité,  toute  séparation, 
comme  celle  de  sujet  et  objet,  de  savoir  et 
être,  d'esprit  et  nature,  d'idéal  et  réel;  c'est 
donc  inclivisiblement  l'être  et  le  savoir 
absolus,  ou  l'essence  collective  de  tous  les 
deux.  C'est  l'absolue  identité  de  l'idéal  et 


et  hors  d'elle  il  n'est  rien  réellement;  par 
conséquent  il  n'est  rien  de  fini  qui  existe  en 
soi.  Tout  ce  qui  est  est  identité  absolue  et 
son  développement  propre.  Ce  développe- 
ment a  lieu  par  les  oppositions  de  termes, 
qui,  résultant  de  l'absolu  identiaue,  comme 
le  type  et  l'empreinte,  comme  la  face  et  le 
revers,  comme  le  pôle  et  son  antipode,  sor- 
tent du  sein  de  cet  absolu  avec  un  caractère 
dominant,  tantôt  plus  idéal  tantôt  plus  réel, 
et  qui  rentrent  réunis;de  nouveau  par  la  loi 
de  totalité,  d'où  celte'  proposition  :  L'iden- 


tité dans  la  triplicité  esi  la  loi  du  déreloppe- 
ment.  Or,  ces  dégagements  de  Fabsolu  sor- 
tant de  son  immobile  uniformité,  Schelling 
les  qualifie  de  diverses  manières,  les  nom- 
mant tantôt  division  de  labsolu  on  mode 
de  différence  (  dans  son  opposition  des  vrais 
rapports  de  la  philosophie  de  la  nature  avec 
la  théorie  de  Fichte);  tantôt  révélation 
spontanée  de  l'absolu,  tantôt  encore  chute 
des  idées  tombées  de  Dieu  (  dans  son  ou- 
vrage intitulé  :  Philosophie  et  Beligion), 
Celle  manifestation  nous  donne  la  possibité 
de  connaître  d*une  manière  absolue,  et  la 
raison  est  elle-même,  en  tant  qu'absolue, 
ridentité  de  l'idéal  et  du  réel.  La  forme 
essentielle  de  Tabsolu  est  la  connaissance 
absolue,  connaissance  dans  laquelle  l'iden- 
tité, l'unité  passe  à  l'état  de  dualité,  et  peut 
se  rendre  par  cette  formule  :  A  =  A.  En 
conséquence  voici  les  principales  consé- 
quences de  cette  doctrine  :  i**  Il  n'existe 
qu'un  seul  être  identique  :  toute  différence 
entre  les  choses  relativement  à  leur  réalité 
est  purement  quantitative  et  non  qualitative, 
et  réside  dans  la  prédominance  du  point  de 
vue  objectif  ou  subjectif,  de  l'idéal  et  du 
réel.  Le  fini,  produit  d'une  réflexion  toute 
relative  par  sa  nature,  n'a  qu'une  réalité 
apparente.  2*"  L'être  absolu  se  révèle  dans 
la  génération  éternelle  des  choses,  lesquel- 
les constituent  les  formes  de  cet  être  uni- 
3ue.  Toute  chose  est  donc  une  manifestation 
e  l'être  absolu  sous  une  forme  détermioéo, 
et  il  ne  peut  rien  exister  gui  ne  participe 
de  l'Etre  divin.  De  là  |il  suit  que  la  nature 
elle-même  n'est  point  morte,  mais  vivante 
et  divine,  ainsi  que  l'idéal.  3"*  Cette  mani- 
festation de  l'absolu  s'est  produite  juir  les 
oppositions  ou  corrélations  qui  apparaissent 
è  différents  degrés  du  développement  total 
où  se  rencontre  une  prédominance  diverse 
tantôt  de  Tidéal,  tantôt  du  réel;  ces  opposi- 
tions ne  ;sont  donc  que  l'expression  de 
ridrntité.  La  science  est  la  recherche  de  ce 
développement;  elle  est  une  imagée  de  l'u- 
nivers, en  tant  Qu'elle  déduit  les  idées  des 
chosesde.Iapenseefondamentalede  l'absolu, 
d'après  le  principe  de  l'identité  dans  la  tri- 
plicité, et  en  tant  [que  dans  cette  construc- 
tion, comme  rappelle  Schellins,  elle  repro- 
duit la  marche  de  la  nature,  c  est-à-dire  la 
succession  des  formes  qu'elle  revêt  tour  à 
tour.  Or,  cette  construction  idéale  est  la 
philosophie  (  science  des  idées  )  :  le  pins 
haut  point  de  vue  philosophique  est  celui 
suivant  lequel  on  n'envisage  dans  la  plura- 
lité et  la  diversité  qu'une  forme  relative, 
et  dans  cette  forme  que  l'identité  abso- 
lue. » 

Enfin,  pour  terminer  cette  longue  énumé- 
rationdes  formes  sous  lesquelles  l'idéalis- 
me s'est  produit,  nous  dirons  quelques  mots 
de  Hegel,  l'un  de  ses  derniers  représentants 
en  Allemagne.  C'est  aussi  Vunité  qu'il  cher- 
che en*tout  et  partout.  Cette  ufUte^  il  la  voit 
dans  V identité  de  l'existence  et  de  la  pen- 
sée, et  dans /'um^^  de  la  substance  qui  existe 
et  qui  pense.  Cette  substance,  c'est  Dieu, 
qui  se  manifeste  et  se  développe  sous  toutes 


sr 


PAN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAN 


38i 


les  formes.  Par  I^abstracCion  de  retendue  et 
df  la  pensée,  en  réduisant  retendue  à  n^ètre 
qo*uii  point  indiyisible,  et  la  pensée  une 
notion  qui  D*a  rien  de  distinct,  Hegel  arriye 
è  fémUf  qui  renferme  retendue  et  la  pen- 
sée. L'absolu  sera  à  la  fois  Tétro  pur  et  la 
notion  pure,  Tétre  et  Tidée,  Tidéal  et  le  réel. 
L'ibsoinaura  la  faculté  de  se  manifester,  de 
se  déTelopper»  et  il  se  développera  en  trois 
époques.  L'idéei  Tétre  ou  Tabsolu  se  revë* 
Un  d'abord  des  qualités  abstraites  et  for- 
vera  la  logique  :  elle  apparaîtra  comme 
30Qd6 extérieur,  et  ce  sera  la  nature;  elle 
coDbQuera  ce  développement  comme  esprit. 
km  sont  constituées  les  trois  parties  de  la 
ptiilosopbie  de  Hegel. 

Ho  ponlbéisqie  matérialiste. 

Comme  le  panthéisme  a  i)Our  conséquence 
immédiate  de  corrompre  ou  plutôt  de  dé- 
truire la  notion  de  Dieu,  et  n  est,  à  le  bien 
pnodre,  qu'un  athéisme  déguisé,  son  ex- 
pression la  plus  vraie,  sa  conclusion  la  plus 
Ngiqoe  et  la  plus  pratique  est  le  matéria- 
liHBe;car  te  premier  et  le  plus  infaillible 

del  de  l'altération  ou  de  l'anéantissement 

deTidéede  Dieu  dans  les  intelligences,  c'est 
^iinvr  l*borome  tout  entier  aux  sens  et  & 
inudère,  dont  les  réalités  le  touchent  de 
trop  lires,  pour  que  les  croyances  qu'elles 
délenDinent  en  lui  ne  résistent  pas  è  toutes 
lesfictioBs  de  la  raison,  quelque  effort  qu'il 
tee  pour  les  réduire  dans  la  spéculation  & 
h  simple  idéalité.  L'idéalisme  le  plus  com- 
plet, le  plus  absolu,  se  résout  donc  en  défl- 
BjtiTe  dans  le  matérialisme.  Dès  que  Dieu 
B'eslpins  au'une  idée,  ei  une  idée  fausee^ 
Teaipirede  la  matière  est  assuré,  la  domi- 
ution  des  sens  et  de  Jours  nécessités  est 
^lie,  et  toute  la  viedel*homme  s'ordonne 
en  conséquence.  C*est  ce  que  prouvent  in- 
Tiociblement  toutes  les  théories  sociales  et 
lioinanitaires  qo*on  a  essayé  de  fonder  sur 
^  panthéisme.  Toutes,  sans  exception,  abou- 
lusent  i  la  divinisation  et  an  culte  de  la  na- 
ïve, parce  que  dans  tout  système  où  Dieu 
s'identifie  et  se  confond  avec  la  nature,  c'est 
^^cessairement  la  matière  qui  est  Dieu. 
Voilà  pourquoi  Spinosa  nous  parait  être  Tin- 
l^fprèie  le  plus  exact  et  le  plus  sincère  des 
mrines  pantbéistiques  dans  les  temps 
Mêmes,  et  c'est  aussi  pour  cette  raison 
<}Qe  nous  avons  voulu  clore  Thistoire  de 
^Ue  grande  erreur  par  l'expositioa  de  son 
'istèmequi  résume  teus  les  autres»  et  par 
^^uel  s'expliquent  toutes  les  folies  des  seè- 
vres de  nos  jours. 

Spinosa  ne  fit  d'ailleurs  que  reproduire, 
|v  x^vc  siècle,  le  vaste  nrstème  de  matéria- 
lise qai  s*était  organise  parmi  les  Arabes 
jwtt  les  sociétés  secrètes  dont  la  Syrie  et 
^%p(e  furent  les  principaux  foyers;  sys- 
i^e  qa*OQ  peut  ramener  aux  maximes sui- 
^Qies  :  Il  n  V  a  pas  d'autce  Dieu  que  la  na- 
li<R matérielle;  pas  d'autre  culte  que  celui 
^Q  Pbisir;  pas  d'autre  droit  que  celui  de 
»  Kifie.  U  doctrine  de  David  de  Dinant 


petit  également  être  considérée  dans  se3 
points  principaux  comme  contenant  le  ger- 
me du  spinosisme.  Pour  lui,  comme  pour  le 
philosophe  juif.  Dieu  est  la  matière  uni- 
verselle :  les  formes,  c'est-à-dire  tout  ce  qui 
n*est  pas  matériel,  sont  des  accidents  ima- 

S inaires.  La  matière  première  dépourvue 
e  toute  qualité,  et  conçue  néanmoins  com- 
me quelque  chose  de  positif,  tel  était,  se- 
lon lui ,  le  fond  commun  do  ce  qu'on  dési- 
gne, soit  sous  le  nom  d'esprits,  soit  sous 
celui  de  corps  ;  et  comme  elle  devait  être 
nécessairement  identique  partout,  par  cela 
même  qu*elle  n*avait  aucune  propriété  spé- 
ciale, il  en  concluait  l'identité  absolue  de 
toutes  choses.  A  la  vérité,  lorsqu'il  disait 
que  Dieu  est  la  matière,  il  n'entendait  pas 
ce  mot  dans  le  sens  qu*il  reçoit  lorsqu  on 
l'applique  uniquement  aux  corps  ;  mais  son 
système  n'en  rentrait  pas  moins  dans  le 
panthéisme  matérialiste,  puisque  d'une  part 
il  identifiait  radicalement  l'esprit  avec  la 
matière,  et  que,  d'autre  part,  c  était  sous  la 
notion  de  celle-ci  au'il  se  représentait  la 
substance  universelîe.  {Précie  de  rhiitoire 
de  la  philosophie.) 

Ce  sont  ces  mêmes  doctrines  que  Spinosa 
a  développées  plus  tard  avec  toute  la  rigueur 
de  la  métliode  mathématique,  et  dont  il  pré- 
tendit donner  la  démonstration  complète, 
en  la  présentant  comme  la  conséquence  ma- 
nifeste des  principes  qu'il  disait  emprunter 
à  Descartes  lui-même.  «  Cet  esprit  de  rné* 
thodeet  de  précision  scientifique,  dit  Ten- 
neman,  Taraenak  cette  théorie  remarqua- 
ble, suivant  laquelle  il  n'existe  qu'une  seule 
substance.  Dieu,  l'être  infini  av«:c  ses  attri- 
buts infinis  d'étendue  et  de  pensée;  toutes 
les  choses  finies  étant  de  pures  apparences» 
des  déterminations  ou  modes  de  l'étendue 
infinie  et  de  l'infinie  penséo.  »  La  substance 
n'est  pas  un  être  individuel,  m.iis  elle  fait 
le  fond  de  toute  individualité;  elle  n'a  point 
été«faite,  elle  subsiste  par  elle-même  (cauea 
sut).  Il  n'y  a  que  l'individuel,  ou,  autre- 
ment, les  modifications  des  attributs  infinis 
de  la  substance  qui  commencent  à  être,  sa- 
voir :  du  seia  de  l'étendue  infinie,  le  mou- 
vement et  le  repos  ;  et  du  sein  de  l'infinia 
pensée,  les  modes  de  l'intelligence  et  de  la 
volonté.  Tout  corps  particulier,  toute  intel- 
ligence finie  ont  pour  fond  et  pour  soutien, 
les  uns  l'étendue  sans  limite,  les  autres,  la 
pensée  absolue  ;  et  ces  deux  infinis  forment 
entre  eux  une  unité  nécessaire,  se  oorres« 
pondent  intimement  sans  qu'aucun  des  deux 
ait  engendré  Tautre.  Toutes  les  choses  finies, 
corps  et  Ames,  sont  en  Dieu  ;  Dieii  est  leur 
cause  immanente  {causa  naturans)  :  il  n'est 
point  lui-même  une  chose  finie ,  auoique 
toutes  les  choses  finies  procèdent  de  la  subs« 
tance  divine,  et  cela  nécessairement  et  non 
lias  en  vertu  d'idées  et  de  buts  prédétermi^ 
nés.  Il  n'y  a  point  de  hasard.  Il  n'y  a  qu'une 
nécessité  unie  en  Dieu  avec  la  liberté,  parée 
qu'il  est  l'unique  substance  dont  l'existence 
et  les  actes  ne  sont  lim**^  "•*  ■«^•.une  au- 
tre. Dieu  agit  en  verf  '-**^ 
rieure,  inhérente  a< 


385 


PAxN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAN 


5SI 


son  être,  et  sa  volonté  est  inséparable  de  sa 
connaissance.  Il  n'existe*  point  de  causalité 
finale  déterminée  librement  vers  tel  ou  tel 
but,  il  n'existe  de  causalité  que  celle  de  la 
nature  même  et  de  sa  constitution  propre. 
La  notion  directe  immédiate  d'une  inaivi- 
dualité  réelle  et  actuelle  s'appelle  l'esprit, 
Tâme  (mens)  de  cette  individualité;  et  réci- 
proquement celte  individualité,  considérée 
comme  l'objet  direct  d'une  telle  notion» 
s'appelle  le  corps  de  cette  âme.  Ces  deux 
choses  ne  forment  qu'un  seul  et  même  ob- 
jet, que  l'on  envisage  tantôt  sous  l'attribut 
de  la  pensée,  tantôt  sous  l'attribut  de  l'éten- 
due. Toutes  les  idées,  en  tant  qu'on  les  rap- 
ftorte  à  Dieu,  sont  vraies;  car  toutes  les 
idées  qui  sont  en  Dieu  correspondent  par- 
faitement à  leurs  objets  ;  d'où  il  suit  que 
toute  idée  absolue,  en  d'autres  termes  toute 
idée  (;omplète  en  nous ,  correspondante  à 
un  objet,  est  une  idée  vraie.  Le  faux  a  sa 
raison  dans  la  privation  de  la  pensée,  résul- 
tat de  son  application  à  des  idées  désordon- 
nées et  corrompues.  L'essence  éternelle  et 
inQnie  de  Dieu  comprend  en  soi  l'idée  de 
toute  réalité  particulière;  et  réciproque- 
ment la  notion  de lêtre  universel  et  inQni, 
comprise  implicitement  dans  toute  idée,  est 
une  notion  adéquate  et  parfaite.  Par  consé- 
quent l'esprit  humain  possède  indubitable- 
ment une  notion  adéquate  de  cet  être  divin. 
C'est  dans  la  pensée  active  et  vivante  de  la 
réalité  de  Dieu  que  consiste  notre  félicité 
suprême  ;  car  plus  nous  savons  la  reconnaî- 
tre, plus  nous  sommes  portés  à  vivre  selon 
ses  volonti''S,  et  en  cela  consiste  à  la  fois  no- 
tre bonheur  et  notre  liberté.  Notre  volonté 
n'est  pas  absolument  libre.  En  effet,  l'âme 
est  déterminée  elle-même  par  une  autre 
cause,  et  ainsi  de  suite.  11  en  est  de  même 
des  autres  facultés  de  notre  ftme,  dont 
aucune  n'est  absohie  et  indépendante  en 
soi. 

§IIL 
Conséquences  et  rôAitaUon  du  panUiéisme. 

Nous  avons  dit  que  le  panthéisme  n'était 
qu'un  athéisme  déguisé.  G  est  cette  assertion 
que  nous  avons  &  justifier,  et  par  là  même 
sera  démontrée  l'ab^rdité  de  cette  doctrine. 
Car  tel  est  le  caractère  particulier  de  cette 
monstrueuse  erreur,  qu'en  détruisant  la 
notion  de  Dieu,  elle  ruine  du  même  coup  le 
système  tout  entier  de  la  connaissance  hu- 
maine. 

1*  £l  d'abord  le  panthéisme  dénature  l'idée 
de  l'unité  divine.  L'unité  des  panthéistes 
n'est  point  cette  unité  substantielle,  cette 
«saenco  pure,  simple,  indivisible  que  notre 
raison,  d'accord  avec  la  foi,  conçoit  distinc- 
tement, toutes  les  fuis  que,  dans  ses  con- 
iemjilations  intellectuelles,  elle  s'arrête  sur 
ridoede  Dieu,  et  cherche  à  la  saisir  dans  sa 
véritable  nature.  Dieu  est  un  et  immatériel, 
Toilà  ce  que  nous  avons  démontré.  Mais  ce 
que  les  panthéistes  appellent  l'unité  premiè- 
re, absolue,  n'est  qu'un  com(>osé  de  parties, 
qu'un  assemblage  bizarre  de  choses  inio- 


b»^rentes  et  contradictoires,  qu'une  horrible 
confusion  de  toutes  les  existences,  qu'un 
monstrueux  chaos  où  le  fini  et  l'infini,  le 
contingent  et  le  nécessaire,  le  relatif  et  l'ab- 
solu, l'actif  et  le  passif,  le  subjectif  et  t'oli- 
jectif,  le  connu  et  ie  connaissant,  les  causes 
et  les  effets,  les  phénomènes  et  les  lois,  les 
esprits  et  les  corps,  le  moi  et  la  nature,  le 
monde  et  Dieu,  l'éternel  et  le  passager,  le 
variable  et  l'immuable,  sont  jetés  pêle-mêle, 
et  ne  forment  plus  qu'un  tout,  qu'une  im- 
mense synthèse,  qu'on  n'a  pu  avoir  l'extra- 
vai^anle  pensée  de  ramener  à  l'identité, 
qu'en  faisant  violence  à  toutes  les  notions 
du  sens  commun.  Si  Dieu  est  l'unité  pure, 
comment  la  notion  de  cette  unité  est-elle 
conciliable  avec  la  pluralité  et  la  diversité 
des  éléments  que  les  panthéistes  font  entrer 
dans  l'idée  de  leur  Grand-Tout  7  Si  Dieu  et 
l'univers  no  font  qu'un,  ce  n'est  plus  sous 
la  notion  d'unilé  que  Dieu  se  présente  à 
nous,  mais  sous  la  notion  de  muhipliciti. 
Alors  Dieu  n'est  plus  que  la  réunion  de  toutes 
les  choses  de  ce  monde.  Mais  qui  dit  riunion^ 
dit  tout  le  contraire  de  Vuniit.  Et  en  suppo- 
sant que  toutes  les  existences  fussent  réu- 
nies sous  la  condition  de  l'ordre  et  de  l'har- 
monie, cet  ordre,  celte  harmonie  supposant 
nécessairement  la  distinction  des  êtres  et 
nullement  leur  confusion,  seraient  tout  au- 
tre chose  que  l'identité. 
Mais  dès  que  Dieu  cesse  d'être  un,  il  cesse 

[)ar  cela  même  d'exister.  Dieu  est  tout  dans 
'hypothèse  des  panthéistes  ;  mais,  dans  la 
réalité,  il  n'est  rien.  C'est  un  pur  néant, 
qu'ils  ne  nous  font  voir  nulle  part,  tout  en 
prétendant  qu'il  est  partout.  Je  dia  que  le 
Dieu  des  panthéistes  n'est  rien  ;  car  une 
chose  n'existe  qu'à  la  condition  d'être  dis- 
tincte. Et  si  Dieu,  dans  nos  conceptions,  ne 
se  distingue  de  rien  ;  si  rien  ne  détermine 
l'idée  une  nous  en  avons,  c'est  que  l'objet  do 
cette  idée  el  cette  idée  elle-même  ne  sont 
que  des  chimères  ;  car  qu'est-ce  qu'une  idée 
sans  objet  distinct  ?  Peut-il  même  y  avoir 
idée,  là  où  il  n'y  a  point  d'objet  capable 
d'être  discerné,  reconnu,  parmi  les  mille 
autresobjets  auxquels  correspond  la  connais- 
sance humaine.  Or,  Dieu, dans  le  systèmedes 
panthéistes,  n'est  pas  un  être  distinct,  qui 
ait  son  existence  propre  et  indépendante,  car 
il  ne  se  distingue  ni  du  fini  ni  de  l'infini,  ni 
de  l'esprit  ni  de  la  matière,  ni  du  chan- 
geant ni  de  l'invariable,  ni  du  phénomène 
ni  de  la  substance,  ni  du  moi  ni  de  la  natu- 
re, ni  de  la  mort  ni  de  la  vie,  ni  du  blanc  ni 
du  noir,  ni  du  vrai  ni  du  faux,  ni  du  bien 
ni  du  mal,  ni  de  la  rondeur  ni  de  la  quadra- 
ture ;  d'où  il  suit  que,  comme  il  e:i»t  parlai- 
teroent  indéterminé  dans  son  essence,  dans 
sa  nature,  dans  ses  attributs,  et  qu'on  ne 
peut  rien  atlirmerde  lui  positivement,  il  nj 
a  réellement  rien  qu'on  puisse  en  affirmer, 
si  ce  n'est  qu'il  n'est  pas,  et  que  son  exis- 
tence est  purement  négative.  Remarquons 
eu  effet  que  nous  n  avons  l'idée  claire  du 
fini  que  par  son  opposition  avec  Tm/Sfit,  du 
variable  que  par  son  rapport  de  contrariété 
arec  Vinvariable,  de  1  esprit  une  par  sa  diffé- 


5Sa 


PAN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAN 


58C 


reBced*a?ec  la  malièrey  du  mot  que  par  son 
utilhèse  avec  le  non^moiy  du  bten  que  par 
sà  distinction  d'avec  le  mal.  II  est  évident 
que  $\  le  Goi  n*était  pas  distinct  de  l'infini, 
resprit  de  la  matière,  le  mode  de  la  substan- 
ce, le  moi  de  la  nature»  le  vrai  du  faux,  le 
bm  du  mal,  il  n*y  aurait  en  réalité  ni  fini 
D!  infini,  ni  esprit  ni  matière,  ni  mode  ni 
sulslance,  ni  mot  ni  monde  extérieur,  ni 
rninifaux,  ni  bien  ni  mal.  Donv  ri   fout 
inclure  que  si  Dieu  ne  se  distingue  en 
ri^n,  c'est  qa*il  n'est  rien  lui-même.  Donc 
Impression  la  plus  vraie  du  Dieu  des  pan- 
iliéisies,  c'est  le  moi  néant.  Et  voilà  com- 
mi,  en  Toulant  prouver  que  Dieu  est  tout, 
Itli^qoe  les  conduit  à  cette  inévitable  con- 
s^wnce,  qne  Dieu  n'est  rien. 
f  Après  avoir  détruit  l'idée  de  Tunité  en 
Dieajes  panthéistes  ne  détruisent  pas  moins 
rsdicaiement  Fidée  de  la  substance  divine. 
leVédanta,  par  son  idéalisme  absolu  qui  ne 
leisse sii1)sister  l'unité  divine  que  comme 
UQ«  pure  conception  deTesprit  sans  réalité 
bnrs  de  Fentendement  ;  Pjjthagore,  par  la 
Mbfasion  profonde  qu*il  fait  de  la  matière 
tille  resprit  dans  le  sein  de  la  monade éter* 
Tifile, confusion  qui,  en  effaçant  la  distinc- 
iMAii»deux  substances,  anéantit  en  réalité 
Tuv^t (autre,  puisque,  si  elles  ont  pu  être 
omiuirement  indistinctes,  coexister  sans 
imm  ui  séparation,  on  ne  conçoit  plus 
matni  elles  ont  pu  devenir  distinctes  et 
>éf4fées  ;  Fichte,  par  son  système  de  la 
nitjtftmté  absotwSf  d  après  lequel  le  mot  et 
le  non-moi  ne  sont  ix)nsidérés  que  comme  de 
iioipies  phénomènes  de  notre  intelligence, 
et  ^e  réduisent  à  deux  points  de  vue  d*un 
Bi^e  fait,  à  deux  formes  d'une  même  pen- 
>«et  fiuisque  Dieu  et  la  nature  n*étant  que 
>.mi*yt  limitant  par  ses  propres  idées,  et 
I'rm' n'étant  lui-même  que  le  reflet  de  la 
^oscience  s'oLijectivant  devant  son  propre 
f^rd,  toute  réalité  substantielle  disparaît 
m  milieu  de  celte  fantasmagorie;  Schelling, 
pr  son  système  de  Videnlité  absolue^  qui, 
P>^dnten  princi[)e  l'absolue  indifférence  du 
Citèrent,  efface  toute  distinction  entre  Tidéal 
^  le  réel,  entre  le  fini  et  l'infini,  entre  l'être 
(lie non-être,  entre  le  sujet  et  l'objet,  par 
«^'nï«*]aent  entre  le  mode  et  la  subistance, 
'^ire  la  qualité  et  la  chose  qualifiée,  de 
^^rte  que  toute  opnosition,  toute  diversité, 
l'^Ue  séparation  disparaissent  au  sein  de 
l'^iernelie  confusion  où  toutes  les  idées  sans 
ncqition  viennent  aboutir  et  s'identifier 
^m  le  néant  ;  Hegel,  par  sa  théorie  de  /  afr- 
'okqui absorbant  iVtrr dans  Vidée^  ou  plutôt 
^iii  De  reconnaissant  d*aiUre  entité  que  Vidée, 
'uiaitreiistence  absolue,   et  annihile  en 
'-(^  toutes  les  réalités  de  l'univers  ;  enfin 
^'iQfisa,  par  son  identification  de  l'esprit  et 
•f  Id  matière,  qui,  comblant  l'abîme  qui 
%^t^  les  deux  substances,  et  confondant 
^/stesles  notions  que  nous  avons  de  Tune 
•idH'aulre,  met  resprit  dans  Timpossibi- 
l'iémidqQe  de  caractériser  et  par  consé- 
«>efit  (l'admettre  l'une  ou  Taulre-Mais  com- 
^;:'e$t  principalement  sur  les  arguments 
**  Spinosa  que  s'appuie  le  panthéisme  mo- 


derne, ce  sont  ces  arguments  que  nous  nous 
attacherons  surtout  a  combattre. 

Spinosa  interprétant  dans  te  sens  de  sa 
doctrine  ce  que  Dëscartes  avait  dit  de  la  subs- 
tance, qu'il  définissait:  Ce  qui  n'a  pas  besoin 
d'une  autre  chose  pour  exister,  en  concluait 
que  tous  les  êtres  Unis  ayant  besoin  de  Dieu 
pour  exister,  ne  pouvaient  être  conçus  que 
comme  de  sim])les  atti  iLuts  d'une  substaLce 
unique  ou  de  l'être  divin  qui  seul  existe 
indépendamment  de  toui«  autre  chose.  Mais 
cette  substance  unique,  quelle  était  sa  natu- 
re ?  devait-on  la  dire  matérielle  ou  si  iri- 
tueHe  7  On  doit  juger,  dis^ait  Spinosa,  de  la 
nature  de  la  substance  par  ses  attribua.  Or, 
suivant  la  philosophie  deDoscartes,  il  n'exis- 
te que  deux  attributs  fondamentaux,  l'éten- 
due et  la  pensée,  et,  de  l'aveu  des  Carté- 
siens, l'étendue  suppose  une  substance  ma- 
térielle.' 

Mais  d'abord  les  cartésiens  répondaient 
que  s'il  est  vrai  de  dire  qu'une  substance  est 
ce  qui  n'a  pas  besoin  d'une  autre  chose, 
comme  sujet  dans  lequel  elle  réside,  /an- 

Suam  subjecto^  une  substance  peut  cepen- 
ant  avoir  besoin  d'une  autre  cnose,  comme 
principe  et  cause,  tanqtutmprincipio  et  causa. 
Cette  distinction  présu{)posée,  il  s'ensuivait 
bien  que  Dieu  est  la  seule  substance  com- 
plète et  absolue,  puisque,  sous  aucun  ra|)- 
port,  il  n'a  besoin  d*une  autre  chose  ;  mais 
il  s'ensuivait  aussi  que  les  êtres  finis,  quoi- 
qu'ils eussent  besoin  de  Dieu,  comme  prin- 
cipe et  cause,  pouvaient  être  des  substances 
incomplètes  sans  doute,  m^ds  réelles,  puis- 
qu'on les  concevait  comme  sujets  d'attri- 
buts, et  non  comme  simples  attributs  d'un 
sujet. 

En  second  lieu,  de  ce  qn'il  n'existe  que 
deux  attributs  fondamentaux,  l'étendue  et  la 
pensée,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  n'y  a  qu'une 
seule  substance,  la  substance  matière,  car 
si  l'étendue  suppose  la  matière,  la  pensée 
supj)Ose  l'esprit  :  et  l'on  ne  pourrait  identi- 
fier la  substance,  sujet  de  l'étendue,  avec  la 
substance,  sujet  de  la  pensée,  qu'en  identi- 
fiant la  pensée  simple  et  indivisible  par  sa 
nature,  avec  l'étendue  divisible  et  multiple. 
Or,  c'est  cette  identification  que  Spinosa  est 
obligé  d^admettre  pour  conclure  l'unité  de  sa 
substance  Dieu,  taisant  ainsi  violence  à  la 
conscience  humaine  qui  rattache  invincible- 
ment à  l'unité  du  moi  toutes  les  modifica- 
tions de  la  pensée,  comme  la  raison  rattache 
h  un  sujet  multiple  et  composé  toutes  les 
modifications  de  l'étendue.  Ainsi  la  confu- 
sion qu.'il  fait  de  la  nature,  de  la  pensée 
avec  celle  de  l'étendue  le  conduit  nécessai- 
rement à  dénaturer  Tidée  de  substance,  puis- 
que nous  ne  connaissons  clairement  la  ma- 
tière que  par  son  opposition  avec  l'esprit,  et 
que  nous  ne  distinguons  l'une  de  l'autre 
qne  par  la  distinction  de  l'étendue  et  de  la 
pensée.  Donc  effacer  cette  distinction,  c'est 
anéantir  l'idée  de  substance,  el,  par  l'in- 
compatibilité de  deux  attributs  qu'un  même 
sujet  ne  peut  évidemment  réunir,  en  rendre 
la  conception  impossible  :  car  rien  n'est  plus 
contradictoire  que  l'unité  et  la  pluralité. 


387 


PâN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAN 


S8S 


efiTet»  dans  le  système  de  Spinosa,  Dieu, 
considéré  seulement  sous  le  point  de  Tue 
de  la  pensée,  serait  parfattemeot  un  et  iden* 
tiaue  &  lui-même.  Hais,  considéré  sous  le 
point  de  vue  de  retendue,  il  serait  multiple 
comme  la  matière,  il  ne  serait  qu'une  col- 
lection d*atomes,  en  un  mot,  il  ne  serait 
autre  chose  que  le  monde  physique,  avec 
tous  les  corps  qu'il  renferme  ;  c'est-à-dire 
qu'il  serait  h  la  lois  un  et  plusieurs,  simple 
et  «M)mposé,  indivisible  et  sujet  h  la  division. 
Or  il  n  y  a  point  de  substance  de  cette  na- 
ture ;  donc  sa  substance-Dieu  n'est  qu'une 
chimère. 

3'  Les  panthéistes  porlent  encore  plus  di- 
rectement atteinte,  s  il  est  possible,  à  l'idée 
de  Dieu,  en  niant  toute  production,  toute 
création  ;  or,  si  Dieu  n'est  plus  créateur,  il 
n'est  plus  tout-puissant;  s'il  n'est  plus  créa- 
teur, il  n'est  pius  l'être  nécessaire,  il  n'est 
plus  cause;  et  s'il  n'est  plus  cause,  il  n'est 
plus  rien,  attendu  que  nous  ne  le  connais- 
sons que  par  l'idée  de  cause,  et  par  l'idée 
de  cause  suprême,  universelle,  nécessaire. 

Dieu  n'est  plus  créateur,  selon  les  pan- 
théistes, car,  dans  tous  leurs  systèmes,  ridée 
d'émanation  est  substituée  à  l'idée  de  créa- 
tion. Or,  l'idée  de  création  implique  la  réa- 
lisation de  ce  gui  n'était  pas,  tandis  que 
ridée  d'émanation  implique  seulement,  ou 
la  manifestation  de  ce  qui  existait  à  l'état 
latent,  ou  le  dégagement  d'une  réalité  anté- 
rieurement distante,  mais  confondue  avec 
d'autres  réalités,  ou  le  développement  de  ce 
qui  existait  déjà,  avec  toutes  ses  parties  con- 
stitutives dans  un  germe. 

La  doctrine  des  Hindous.,  comme  celle 
de  Pytbagore.  comme  celle  des  Eléates  mé- 
taphysiciens, comme  celle  des  gnostiques, 
sont  toutes  d'accord  pour  n'admettre  aucune 
production  réelle,  et  pour  abolir  ainsi  l'at- 
tribut essentiel  et  fondamental  de  la  Divi- 
nité, sa  puissance  créatrice. 

C'est  cette  puissance  créatrice  dont  Spi- 
nosa  s'applique  k  démontrer  l'impossibilité. 
Partant  des  principes  dont  Descartes  s'était 
servi  pour  prouier  l'existence  de  deux  sub- 
stances distinctes,  l'esprit  et  la  matière,  il 
prétendit,  au  contraire,  en  conclure  l'iden- 
tité absolue  de  substance,  en  ce  sens  que 
tous  les  êtres  particuliers  ne  pouvaient  être 
conçus  que  comme  les  attributs  d'un  seul 
sujet,  «i  La  définition  cartésienne  de  la  sub- 
staiice  reposait  sur  la  distinction  de  sujet  et 
caus^  :  elle  impliquait  qu'il  existe  ou  qu'il 
peut  exister  non-seulement  des  substances 
d'attributs,  mais  une  substance,  cause  pro- 
ductrice d'autres  substances.  Or,  suivant 
Spinosa,  cette  production  répugne  ;  car,  ou 
la  substance  qui  produit  et  la  substance 
produite  ont  des  attributs  différents,  ou 
elles  ont  les  mêmes  attributs.  Si  elles  ontdes 
attributs  différents,  on  ne  peut  concevoir 
que  l'une  soit  la  cause  de  l'autre,  puisque  la 
cause  ne  peut  pas  produire  ce  qu'elle  ne  ren- 
ferme pas.  Si,  au  contraire,  elfes ontles  mê- 
mes attributs,  elles  ne  sont  pas  distinctes? 
Comment,  en  effet,  Descartes  prouve- t-fl  que 
l'esprit  ei  la.  matière  sont  des  substances  dis- . 


tinetesTll  le  prouve  en  s'appuyant  sur  cet 
unique  fondement,  que  l'attribut  de  l'un,  la 
pensée,  n'est. pas  l'étendue  qui  est  l'attribot 
de  l'autre.  Donc,  disait  Spinosa,  on  ne  peut 
alarmer  la  distinction  des  substances  que 
par  la  distinction  même  des  atuîbals;6t, 
dès  lors,  si  la  substance  qu'on  suppose 
productrice,  et  la  substance  qu'on  suppose 
produite  ont  les  mêmes  attributs,  elfes  oe 
peuvent  pas  être  deux  substances  «lifféren- 
tes.  »  (Précis  de  Chisioire  de  la  pkilo$opkit.) 

Bayle  Gt  observer  que  ce  dilemme  ne  dé- 
montrait pas  ce  que  Spinosa  prétendait  dé- 
montrer; car,  dans  l'hypothèse  où  la  sub- 
stance productrice  et  la  substance  produite 
ont  des  attributs  différents,  on  ne  peat  con- 
clure de  ce  nue  la  cause  doit  contenir  ce 
qui  est  dans  1  effet,  qu'elle  doive  le  contenir 
sous  le  même  mode  ou  au  même  degré  ;  la 
cause  infinie  peut  contenir  éminemment, 
c'est-à-dire,  sous  un  mode  parfait  ou  infini, 
ce  Qu'elle  communique  à  ses  effetssous  uo 
mode  fini  ;  dès  lors,  bien  que  les  subslanees 
produites  aient  les  mêmes  attributs  que  la 
substance  qui  les  produit,  en  ce  sens  qu^iis 
se  trouvent  é.ninemment  en  celle-ci,  elles 
ont  néanmoins  des  attributs  essentieileœent 
différents,  en  ce  sens  que  ce  qui  estiaipa^ 
fait  en  elles  est  parfait  dans  leur  cause.  Si, 
au  contraire,  les  deux  substances  ont  les 
mêmes  attributs,  il  s'ensuit  bien  qu'elles  ne 
sont  pas  différentes  spéoifi(]tu6ment;  mais 
il  ne  s  ensuit  pas  qu'  il  ne  puisse  exbter^oos 
les  mêmes  attributs,  deux  substances  indi- 
viduellement^et  numériquement  distinctes. 

Ainsi,  Spinosa  qui  prétendait  n'attaquer 
par  ses  arguments  que  l'idée  de  création, 
attaauait  l'existence  même  de  Dieu  dans  ce 
qu'elle  a  de  plus  manifeste  etdeplussensi- 
bleà  l'intelligence  humaine.  Dieu,  sansdeute, 
a  en  soi  la  raison  absolue  de  son  existence; 
il  existe  indépendamment  du  monde,  et 
ce  n'est  pas  par  l'existence  du  moode 
qu'il  a  créé  que  s'explique  son  existence. 
Mais  pour  l'homme,  cette  existence  ne  se 
révèle  que  par  le  rapport  du  monde  à  sa 
cause,  et  dans  l'ordre  logique  de  nos  con- 
ceptions, Dieu,  considéré  en  dehors  de 
toute  révélation,  n'est  que  la  raison  pre- 
mière, éternelle,  infinie,  du  monde  et  de 
tous  les  êtres  qu'il  renferme.  Nier  touia 

(production,  c'est  donc  nier  nou-seulemeot 
a  cause,  mais  encore  les  effets;  car  les  ef- 
fets ne  s'expliquent  pour  nous  que  par  la 
cause  ;;et  s'il  nous  était  possible  de  ne  plus 
croire  à  celle-ci,  nous  aurions  la  mèoa 
raison  de  ne  plus  croire  à  aucune  existence, 
à  aucune  réalité.  Ainsi,  l'athéisme  de  Spi* 
nosa  conduit  directement  au  nihilisme. 

4*  Le  panthéisme  détruit  Tidée  dmfini. 
Dieu  est  tout  :  voilà  la  formule  la  plus  ri- 

f;ourense,  la  conséquence  dernière  et  abso- 
ue  de  cette  doctrine  :  mais  quoique,  en 
théorie,  les  {vinthéistes  ramènent  tout  à 
l'identité  par  le  fait,  et  par  le  langage  même 
dont  ils  se  servent,  ils  admettent  la  distin- 
ction du  fini  et  de  l'infini,  puisqu'ils  noi-n- 
ment  l'un  et  l'autre,  et  qu'ils  ne  pourraient 
les  nommer,  s'ils  ne  concevaient  pas  leur 


:»9 


PAN 


DlCTIOiNNAlRE  APOLOGETIQUE. 


PAN 


590 


f 


(»P|iOsition,  lear  différence.  C'est  donc  par 
une  pure  fiction  de  la  raison  qu'ils  les  con- 
fondent; car»  dans  leur  esprit,  ce  n'est  pas 
leur  identité  qui  est  réelle,  c'est  tout  au 
lus  lear  unification.  En  un  mot,  ils  veu- 
eo(  oue  tout  soit  un^  et  pour  que  tout  soit 
ijo,i[  faut  nécessairement  que  la  multipli- 
uié  soit  absorbée  dans  l'unité,  que  toute 
Ttriélé  disparaisse  dans  le  sein  de  Téter- 
fiti.'le  et  unique  existence.  Hais,  tout  en 
mlînèni  que  tous  les  ôtres  de  la  création 
ce  sont  que  les  modifications  d'une  seule 
substance,  tout  en  prétendant  que  les  divers 
iDoiJesde  l'étendue  et  de  la  pensée  ne  sont 
quâ  les  manifestations  ou  les  formes  de 
leiisteoce  universelle;  ils  conçoivent  for- 
n^eni  ces    modes,    ces    manifestations 
imm  finies,  comme  passagères,   comme 
successives,  comme  contingentes;  cartons 
l<â  phénomènes  de  la  pensée  ne  sont  pas  les 
niéiiies,  toutes  les  dimensions  de  l'étendue 
Be  mi  lias  identiques.  Ces  modes  de  la 
posée  se  bornent  mutuellement  dans  les 
temps;  ces  modes  de  l'étendue  se  bornent 
ftciproquement  dans  l'espace.  Or,  si  toutes 
os  choses  oe  sont  que  les  attributs  de  Tu- 
mié  absolue,  voilà  le  Qni  introduit  au  sein 
^  rinfîni;  voilà  le   changeant  et  le  va- 
nUilcffièlé  avec  le  nécessaire;  voilà   la 
{'ioralitf  et  le  nombre  confondus  avec  l'iu^ 
ûi^kibit;  voilà  l*imperftction  qui  souille 
Ikûmipiible  pureté  de  l'être  parfait.  Il  y 
'p^^;  il  est  évident  que  l'union,  eu,  si  Ton 
veflt,  l'unification  du  fini  avec  l'infini  dé- 
inuj^  par  cette  adjonction,  même  la  notion 
<kriQ(ini;  car  l'intini  plus  le  fini  ne  fait  pas 
riaâfli.  Celui-ci  change  de  nature,  du  rao- 
JE(ii(qu*il  reçoit  et  absorbe  en  lui  le  fini. 
Its bornes  de  Kun  deviennent  les  bornes 
^i'sotre,  puisqu'alors    l'infini,  devenant 
A5re{rtil}|e  d'augmentation  et  de  diminu- 
^«it  perd  sa  qualité  absolue,  pour  rentrer 
à^  la  sphère  des  choses  relatives. 
^' le  panthéisme  détruit  l'idée  del'éter- 
otéelderiiumutabilité  de  Dieu.  En  etfet 
^  qui  est  étemel  est  nécessairement  tou- 
fonle  même.  Ainsi,  dans  le  système  chré- 
^o»Dien,  conçu  comme  parfaitement  dis- 
^tdes  créatures,  est  par  le  même  clai- 
Rfiieut  conçu  comme  éternel,  parce  que 
^*^  (ie  contingent  n'entrant  dans  la  notion 
?>^  la  foi  nous  eu  donne,  son  éternité  n'est 
{■our  DOtts  que  son  éternelle  identité  avec 
*^'Qiéffle.  Lors  donc  que  nous  parlons  de 
^  éternelle  justice,  de  son  éternelle  sa- 
P=^^,  (le  son  éternelle  bonté,  de  son  éter- 
^•'^  YoloDlé,  etc.,  nous  entendons  parler 
^•Imenietabsoiumentd' une  justice,  d'une 
'*^8^,  d'une  bonté,  d'une  volonté  qui  ne 
^  cémentent  jamais,  qui  ne  se  modifient 
^^^S  qui  n  admettent  jamais  ni  plus  ni 
*^'w,  ni  commencement,  ni  pro^^rès,  ni 
H^entation,  ni  diminution,  ni  enfin  rien 
r^^V^^  ressemble,  à  l'instabilité  et  au 
'^l^dement.  Mais  dans  le  système  panthéis- 
^*  ^  distinction  de^  êtres  étant  effacée,  et 
N  ce  qoi  existe  dans  la  nature,  tout  ce  qui 
^Muitdans  le  monde,  tout  ce  qui  appa* 
^<ui  aosyeuxy  naissances  et  destructions. 


mouvements  et  renouvellements,  formes  et 
phénomènes  de  toutes  sortes,  n'étant  que  la 
manifestation  indéfiniment  variée  de  1  exi»- 
tenr.e  divine,  l'éternité  de  Dieu  n'est  plus 
compréhensible.  Il  y  a  même  contradiction 
dans  les  termes  ;  car  qui  dit  instabilité,  chan- 

Sement,  développement,  dit  tout  le  contraire 
'éternité.  Si  les  diverses  formes  du  monde, 
si  les  diverses  révolutions  de  la  nature,  si 
les  diverses  phases  de  l'humanité  ne  sont 
quedes  transformations,  des  développements 
successifs  de  la  substance  divine,  celle-ci 
n'est  pas  éternelle  ;  elle  ne  l'est  ni  dans  son 
être  qui,  par  ce  développement  et  cet  ac- 
croissement d'existence  substantielle,  reçoit 
de  continuelles  adjonctions,  ni  dans  ses 
modes  qui  varient  incessamment,  sous  le 
rapport  de  l'espèce  et  du  nombre,  du  temps 
et  au  lieu,  etc.  En  un  mot,  ce  qui  ^st  d'une 
évidence  absolue,  c'est  que  l'immutabilité 
e^t  la  condition  de  l'éternité.  Or,  comment 
soutenir  sans  absurdité  que  Dieu  est  im- 
muable, lorsque  l'idée  la  plus  claire  que 
les  panthéistes  nous  en  donnent  n'est  que 
l'éternel  spectacle  des  évolutions  et  des  mé- 
tamorphoses de  la  nature  ;  lorsque,  dans 
l'hyjiothèse  où  tous  les  êtres  n'en  font  qu'un, 
la  vie  divine  ne  peut  être  que  la  perpétuelle 
succession  des  innombrables  accidents  de 
l'universTon  abeau  vouloir  se  faire  illusion, 
rien  n'est  plus  certain,  aux  yeux  de  ma 
conscience,  que  les  continuelles  transfor- 
mations de  ma  pensée,  que  Tinsiabilité  de 
mes  idées  et  de  mes  sentiments  ;  rien  n'est 
plus  certain  pour  mes  sens,  que  la  mobilité 
des  combinaisons  de  la  matière,  que  la  va- 
riabilité des  apparenccc  visuelles,  que  les 
changements  de  toutes  sortes  dont  le  monde 
des  corps  est  le  théâtre.  Or,  si  mes  pensées 
ne  sont  que  des  modes  de  la  substance  uni- 

3ue,  Dieu  change  continuellement  avec  moi 
e  sentiments,  d'opinions  et  de  volontés;  et 
il  faut  en  dire  autant  par  rapport  aux  pen- 
sées de  chacun  de  mes  semblables,  de  cha- 
que société,  et  de  l'humanité  tout  entière 
aux  diverses  époques  de  son  existence.  De 
même  que  si  toutes  les  figures  dont  l'éten- 
due matérielle  est  susceptible  ne  sont  que 
des  manifestations  de  rêtre  divin,  Dieu 
change  à  chaque  instant  avec  la  nature  se- 
lon les  saisons,  les  années  et  les  siècles  ;  et 
au  lieu  de  dire  que  tout  est  identique,  il 
faut  dire  que  cette  prétendue  unité  divine 
n'est  pas  un  seul  jour,  pas  un  seul  moment 
semblable  à  elle-même.  Donc  elle  n  est  pas 
éternelle,  puisqu'elle  n'a  pu  exister  sans 
attributs,  et  que  tous  sont  contingents. 

6"  Enfin  le  panthéisme,  en  niant  la  dis- 
tinction des  êtres,  non-seulement  détruit  en 
Dieu  l'inaltérable  pureté  de  son  essence,  et 
dans  l'homme  la  liberté,  mais  encore  atta* 
que  la  première,  la  plus  évidente,  la  plus 
inébranlable  des  vérités  de  sens  intime  et  de 
sens  commun.  Et  ici  nous  avons  à  démon- 
trer la  fausseté  de  cette  doctrine  par  la  pro- 
fonde immoralité'de  ses  conséquences  non 
moins  que  par  rabsurdîji^jii,  ''^  «■'•ncipe. 
Si  Dieu  est  tout,  to^*  «*Vle 

mal,  le  crime  et  1^ 


SOI 


PAN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAN 


:;m 


les  actions  que  nous  admirons; comme  celles 
que  nous  avons  on  horreur,  lés  faits  qui  ex- 
citent nos  remords*  comme  ceux  dont^notre 
conscience  s*app1audit.  Et  qu*on  ne  dise  pas 
que  dans  un  système  où  tout  est  identique, 
où  tout  ce  qui  arrive  est  un  résultat  néces- 
saire de  Ténergie  de  la^ubslance,  la  notion 
de  vertu  et  de  vice  est  radicalement  détruite. 
Elle  Test  théoriquement  sans  doute,-  et  du 
pointde  vue  où  se  place  fictivement  Spino- 
sa;  mais  elle  ne  Test  pas  et  ne  peut  t'étre 
de  fait,  du  point  de  vue  de  la  conscience 
humaine.  Il  fallait  bien  aue  Spinosa  admit 
la  distiiictiou  du  bien  et  du  mai,  du  jqste  et 
deTinjuste,  puisque  si  la  supposition  d'une 
fnorale  à  côté  d^une  nécessité  absolue  est 
étrange  et  contradictoire,  elle  prouvait  du 
moins  que,  dans  Pesprit  de  ce  sectaire,  Ti- 
dée  du  devoir  avait  résisté  à  tous  les  eCTorls 
de  sa  raison  pour  tout  réduire  à  l'identité; 
car  la  notion  de  morale  implique  celle  de 
devoir,  et  s'il  existe  une  règle  quelconque 
do  conduite,  il  faut  admettre /lu  moins  com- 
me possibles  des  actes  contraires  et  des 
actes  conformes  à  cette  rè^le.  11  est  vrai 
que  si  l'on  explique  sa  doctrine  morale 
par  sa  doctrine  métaphysique,  la  just-ice, 
relativement  à  chaque  ^tre,  ne  pouvait 
être  conçue  que  comme  la  mesure  de  sa 
puissance,  puisqu'il  faudrait  pour  la  con* 
cevoir  sous  une  autre  nqtion,  rentrer  dans* 
les  idées  de  loi  divine  obligatoire  et  de 
libre  arbitre  ;  ^mais  il  s'ensuit  que  ce  'so- 
y)hîsto  était  inconséquent  avec  lui-même, 
ou  i(u'il  s'était  fait  illusion  au  pointde  s'i- 
maginer que  la  morale  pouvait  se  concilier 
avec  la  fatalité;  et  non  pas  qu'il  eût  absolu- 
ment perdu  le,  sentiment  des  distinctions 
morales,  et  qu'il  confondit  réelleuïent  dans 
sa  pensée  le  vice  et  la  vertu,  le  juste  et 
Tiujdste,  le  bien  et  le  mal.  Ainsi,  lorsque 
8pinosa  suppose  l'existence  d'une  morale, 
il  suppose  par  cela  môme  le  rapport  des  vo» 
lontes  et  des  actions  humaines  avec  Jds 
principes  et  les  règles  qu  elle  établit,  rap- 
port d  opposition  dans  les  unes  et  de  con- 
formité dans  les  autres.  Mais  comme  il  ad< 
met  d'une  part  une  nécessité  absolue,  qui 
pèse  sur  toutes  les  choses  finies,  ei  d*autrc 
))art  l'identité  absolue  de  toutes  ces  choses 
arec  l'unité  divine,  les  volontés  et  les  actions 
humaines,  soit  bonnes,  soit  mauvaises,  soit 
contraires,  soit  conformes  à  la  morale,  ap- 
partiennent, en  tant  que  détermination  de 
l'infini,  à  là  suhstance  nécessaire  do  Dieu, 
et  n'en  sont  que  les  modifications.  Voilà 
donc  l'essence  divine  souillée  par  le  mal  et 
l'imperfection,  vQilà  tous  les  vices,  tous  les 
-crimes,  toutes  les  infamies  divinisés  ;  voilà 
Dieu  chargé  d^  toutes  les  immoralités,  de 
tous  les  eicès,  de  toutes  les  turpitudes  que 
toutes  les  passions  enfantent:  mais  aussi 
voilà  la  vertu  dépouillée  do  tous  ses  méri- 
tes, de  toiitesa  gloire,  de  toutes  ses  récom- 
penses ;  car  comme  elle  n'est  que  le  résul- 
tat du  développement  nécessaire  et  illimité 
lie  la  substance  unique,  elle  se  produit  dans 
l'homme  au  même  titre  que  le  mouvementdes 
cor|AS  célestes,  ou  l'accroissement  successif 


des  plantes,  entraînée,  comme  toutes  les 
choses  dépendantes  de  l'action  des  lois  de  la 
nature,  dans  la  connexion  f&tale  des  causes 
passagères. 

Et  ce  n'est  i>as  là  une  conséquence  particu- 
lière du  panthéisme  de  Spinosa:  c*est  celle  de 
tous  les  systèmes  panthéistes  sans  exception; 
c'était  celle  du  Vedanta,  qui^  par  la  connais- 
s;ince  de  l'identité  de  touîl^  les  existences 
avec  Punité  pure,  prétendaitTitTranchir  l'hom- 
me  de  toute  erreur,  de  toute  ignorance^  de 
toute  activité  propre, de  toute  liberté,et  par  là 
même  de  tout  péché  et  de  toute  possibilité 
de  péctier.  De  sorte  qu'on  ne  peut  mettre 
'  le  pied  dàns^  le  panthéisme  sans  être  entraî- 
né par  la  force  de  la  logique  à  nier,  toute 
religion  et  toute  morale;  toute  religion,  en 
effaçant  l'idée  de  la  justice  et  de  la  sainteté 
de  Dieu  ;  toute  morale,  en  détruisant  le  libre 
arbitre  et  l'imputabilité  des  déterminations 
humaines.  Voyons,  en  effet,  M.  Cousin  8>f- 
forçant  de  dégager  l'activité  libre  du  moU 
du  milieu  des  autres  phénomènes  de  la 
conscience,  la  distinguant  avec  soin  de  la 
sensation  et  ^e'ià  passivité,  la  considérant 
comme  le  signe  le  plus  évident  de  la  per- 
sonnalité, accumulant  les  arguments  pour 
dém  -  rer  sa  réalité.  Voyons-le  ensuite  re* 
mon  .  par  l'idée  du  mot  et  du  non-tnoû 
c'est-â-  lire,  par  celle  des  caiises  et  des  ni6- 
stanees  contingentes^  à  la  notion  d'une  cause 
substantielle  unique  au  delà  de  laquelle  il 
n'y  a  plus  rien  à  chercher  relativement  à 
l'existence;  vous  croiriez  qu'il  va  conclure 
de  là  la  distinction  de  Dtf  u,  de  Ihomme  ei 
de  la  nature.  Nullement,  «i  Le  Dieu  de  la 
conscience,  dit-il,  n'est  {>as  un  Dieu  abs- 
trait, un  roi  solitaire  relégué  par  delà  la 
création  sur  le  trône  désert  d*une  éternité 
silencieuse  et  d'une  existence  absolue  qui 
ressemble  au  néant  même  de  l'existeiioe; 
c*est  un  Dieu  à  la  fois  vrai  et  réel,  à  ta  fois 
substance  et  cause,  toujours  siitïstance  et 
toujours  cause,  n'étant  substance  qu^en  tant 
que  cause;  c'est-à-dire,  étant  cause  absolue, 
une  et  plusieurs,  éternité  et  temps,  espace 
et  nombre,,  e^ssence  et  vie,  indivisibilité  et 
totalité,  principe,  fin  et  milieu,  au  sommet 
de  Tôtre  et  à  sm  plus  humble  degrés  infini 
et  fini  tout  ensemble,  triple  en/Sn;  c^est^à- 
dire,  d  la  fois  DieUf  nature  et  humanité.  En 
effet,  si  Dieu  n'est  pas  tout^  il  n'est  rien.  » 
Or,  comme  Dieu  n'est  assurément  ni  Tiiu- 
lAanité,  ni  la  nature,  nous  devons  croire, 
selon  M.  Cousin,  que  Dieu  n'est  qu'un  mot. 
Et  c'est  1^  effectivement  la  conclusion  la 
plus  légitime  du  panthéisme,  puisque  si 
Dieu  était  identique  à  la  nature  et  à  l*hu« 
manité,  il  ne  serait  ni  plus  infini,  ni  plus 
éterncli  ni  plus  immuable  que  la  nature,  ni 

Plus  saint,  ni  plus  juste,  ni  plus  parfait  que 
humanité,  ou  M.  Cousin  voit  lui-même  le 
mélange  du  bien  et  du  mal,  et  le  contraste 
de  la  perversité  et  de  l'innocence,  des  plus 
horribles  forfaits  et,  des  plus  admirables 
vertus. 

Il  nous  reste  maintenant  à  examiner  ce 
fameux  principe  de  l'identité  de  toutes  cho* 
ses  qui  Tait  le  fond  du  oanthéisme.  £st-Il 


3»! 


PAN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE). 


PAN 


idi 


mi  qoe  (otH  soit  identic[iie?  Esl-il  vrai 
(juii  oVâit  noile  part  de  difTérences,  d*op- 
p^Kioûs,  de  conlradlctiotis,  d'existences 
iistindes  el  séparées?  I^es  panthéistes  l'af- 
inoent;  mais  sur  quoi  s'appuient-ils?  Que! 
M  leor  principe  de  certitude?  Quel  est 
k«r  rriterium  do  vérité?  Est-ce  le  téraoi- 
|9iizede5  sens?  Biais  les  sens  distinguent 
.jf^ étendues  tangibles,  des  formes,  des  sons, 
ùt$  coaieurs  et  des  odeurs.  Le  géomètre 
4hieatifie  pas  le  cercle  iivoc  le  triangle  ; 
lephTsicien, les  solides  avec  les  fluides;  le 
^mie,  rbjdrogène  avec  )*oxygèue  ;  le 
liin^orior,  la  couleur  écarlaie  avec  ta  cou- 
Inr  bleue;  le  grammairien,  les  vxiyelles 
iteclescoosonnes;  le  musicien,  le  r^avec 
ief«l; le  botaniste,  le  narfum  de  la  roseavec^ 
r«leiirdQ  camphre;  le  gourmet,  la  ^ave^t 
ikodre arec  celle  du  vin  de  Bordeaux;  et 
fhumnie  frileux,  le  froid  avec  le  chaud.  Est- 
«letéiDoigaage  de  la  raison?  Mais  la  rai- 
un  distingue  resfiace  d*avecle  temps,  le 
iMle  d'afec  la  substance,  la  cause  d*avec 
MK  lejaste  d*avec  l'injuste,  le  beau  d  a- 
**  If  iiid,  le  phénomène  d*avec  sa  loi,  le 
]î\m\\e  d*8vec  sa  conséaiience,  etc.  Xa 
niviine  rassemble  pas  deux  iilées,  sans 
eilj«  la  différence,  etc.  Est-ce  le  f<^?»oi- 

Cie  de  il  conscience?  Mais  laconsi.  ,.ice 
siietûttt  aussi  clairement  le  m,  V  dn 
9»*9i.  et  les  phénomènes  de  la  pensée 
àia'»  des  autres;  elle  ne  confond  pas  le 

fmkxez  la  douleur,  et  le  remoid^  avec 
liiiqoi  accompagne  la  vertu.  Sur  quoi 
fcfron  donc  se  fonder  pour  déclarer  Ti- 
pMlé  de  toutes  choses?  Car,  en  dehors  de 

6 trois  témoignages,  il  n*y  a  plus  aucune 
%  aucune  tiase  d*alIirmation.  Cest  ce 
M.  Buehcz  démontre  parfaitement  dans 
;F>'fage  suivant:  «  Le  panthéiste,  dit-il, 
\mi  de  {irincipe  de  certitude  ni  de  cri- 
en  aucune  ctiose...  Il  ne  lui  est  point 
îs  de  (larler  de  la  certitude  des  sens, 
les  «ens  a*ont  rien  h  voir  qui  ne  soit 
i^me  et  eux-mêmes  ;  de   la  certitude 
b  raison,  caria  raison  est  lui-même, 
^ttoatet  partout.  Aux  yeux  du  |)an- 
^tc,  il  ne  peut  y  avoir  de  différence 
e  la  veille  et  le  rave,  entre  la  raison  et 

tlUie;  car  cest  la  substanée  unique  et 
'erselle  qui  éprouve  tout  cela.  Les  rè- 
ie>  de  Phorame  qui  dort  et  aliéné  sont 
m^  aux  pensées  de  Thomme  éveillé  et 
pbuDl  de  ses  facultés  intellectuel  les.  Que 
F*ilnier?Hien  également.  Les  Bouddhis- 
[J'^'nt  parfaitement  conséquents  lorsqu'ils 
furent  que  tout  est  illusion  et  rêverie,  et 
F  i<^  hommes  éprouvent  comme  Dieu 
i^^flic  une  hallucination  continuelle  et 
Pliliirc.  » 

J^'^ntefois  nous  n'admettrons  pas  avec  M. 
™ïei  qu'il  ny  a  absolument  rien  à  espc- 
^  d'une  discussion  avec  un  panthéiste, 
■coiQ  qu'il  nous  est  impossible  de  lui  faire 
J^i'fer  une  certitude  qui  soit  en  dehors,  et 
*  ''Ji-même,  et  de.  nous.  Il  est  vrai  de  dire 
*^i  doute  que  le  panthéiste  n*a  aucun 
•■^f«ï  de  véritier  ses  conceptions  et  d'en 
■*''»f  la  certitude.  Mais*  pourquoi  ?  Préci- 

Dicn(n?fAir.B  APOLUGsriQtiE.  11. 


sèment  parce  que  son  principe  d^identit*^ 
absolue  est  posé  en  dehors  de  tontes  les 
données  fournies  par  la  conscience,  la  rai- 
son et  les  sens.  Il  est  posé  par  un  acte 
d*a(Tirmation  arbitraire  qui  n'a  point  de  ra- 
cines dans  rintelligence,  et  quia  contre  lui 
toutes  les  croyances  naturelles  de  lesprii 
humain.  Mais  cet  acte  d^aflirmation  fait-il 
taire  dans  te  panthéiste  là  voix  de  la  cod- 
*  iinre,  des  sens  et  de  la  raison;  y  détruit- 

'  il  la  nature  humaine?  Non.  Les  perceptions 
du  panthéiste  sont  les  nôtres,    il  entend 

'donc,  il  comprend  donc  très-bien,  quoique 
malgré  lui,  les  objections  qu!on  lui  oppose; 
il  en  sent  toute  la  valeur;  et  comme  il  parle 
le  même  langage  que  nous,  il  distingue  in- 
dubitablement tout  coque  nous  distinguons 
nous-mêmes. 

Ainsi  nous  ne  chercherons  même  pas  eu 
dehors  de  lui-même  un  critérium  de  certi- 
tude pour  renverser  son  système.  Cest  dans 
sa  propre  conscience  que  nous  en  trouve- 
rons la  réfutation.  Or,  que  dit  la  conscience 
à  chaque  individu  ?  C*est  quMl  existe  comme 
individu  distinct  de  tous  les  autresr  indivi- 
dus, comme  personne  distincte  de  toutes 
les  autres  personnes.   Et  la  preuve  que  le 

f>anthéiste  croit  h  son  existence  propre,  à 
a  réalité  de  son  mot,  de  sa  personnalité, 
c'est  que,  selon  qu*il  parle  de  lui-même  ou 
qu*il  parle  à  un  autre,  ou  qu'il  parle  d'un 
autre,  il  se  sert  de  mots  différents,  dont  la 
signification  est  três-claircmcnt  déterminée 
dans  son  esprii  ;  sachant  fort  bien  que  ces 
trois  termes»  je,  /u,  t7,  exprime^nt,  non  pas 
un  seul  être,  mais  trois  existences  distinctes, 
trois  personnalités  séparées.  Si  ces  trois 
personnalités  sont  identiques,  pourquoi 
irais  mots  pour  exprimer  la  même  chose  ? 
ou  pourquoi  ne  les  omploie-t-il  pas  indif- 
féremment, quand  il  parlede  soi?  Mais  non, 
il  sait  ce  qu'il  veut  dire,xiuand  il  dit:  mot, 
ioi^  lui.  Et  il  sait  tout  aussi  indubitablement 

Sue  quand  il  parle  à  Tun  de  ses  semblables 
e  lui-même  ou  de  quelque  autre  homme,, 
il  ne  parle  ni  à  Dieu,  ni  de  Picuj  ni  d'au* 
cune  portion  de  la  divinité.  Selon  la  doc- 
trine panthéiste,  comme  il  n'y  a  qu'uns» 
seule  substance,  il  n'y  a  au  monde  qu'dnc 
seule  personne,  qu'un  seul  mot,  au  n(»iu 
duquel  devraieiit  parler  tous  les  hommes, 
puisque  toute  pro|K)sitfon  devrait  avoir  pour 
but  d*anîrmer  une  de  ses  modifications.  Eh 
bien  )  ici  encore  le  panthéiste  se  dément  h 
chaque  instant  ;  car  quand  H  me  parle  de  >a 
douleur,  de  sa  tristesse  ou  de  ses  besoins, 
il  veut  bien  certainement  que  je  croie  qu'il 
s'agit  de  ce  qu'il  éprouve,  de  ce  qu'il  souffre 
dans  son  âme  ou  dans  son  corps,  el  non  de 
ce  que  souffre  Dieu,  ou  de  ce  que  souffrent 
les  autres  hommes.  Etsi,  réduit  h  la  misère, 
il  me  tendait  la  main  ppur  demander  l'au- 
mône, il  croirait  avec  raison  que  je  l'insulte, 
si  je  lui  répoTidai^que  rien  ne  doit  lui  man- 
quer, attendu  que  tout  est  dans  tout^  ou  bien 
S),  m'appuyant  sur  le  principe  d'identité, 
je  niais  la  distinction  des  pauvres  et  des 
riches,  de  la  disette  et  de  Tanondance,  de  la 
faim  et  de  la  satiété. 


39» 


PAN 


DfCTIOiNNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAN 


506 


Si  mon  esprit  était  un  mode  de  la  subs- 
tance divine,  il  me  serait  impossible  de  me 
concevoir  vivant  d'une  existence  propre  et 
particulière,  de  déterminer  les  bornes  de 
mon  individualité,  de  me  séparer  dans  ma 
pensée  de  sa  substance  unique  dont  ma  pen- 
sée serait  un  des  attributs.  Cependant  j'ai 
ridée  distincte  de  mon  fttre  et  de  son  iden- 
tité» et  ma  conscience  me  révèle  tous  ses 
états,  toutes  ses  opérations.  Je  me  conçois 
très-clairement  comme  autre  que  Dieu  dont 
j'ai  ridée,  et  dont  l*idée  dans  mon  esprit  ne 
se  confond  nullement  avec  celle  que  j*ai  de 
moi-même.  Or,  ceci  serait  inexplicables  dans 
Fhjrpothèse  des  panthéistes,  car  Vidée  du 
moif  q^ui  est  certainement  celle  d*une  exis- 
tence individuelle  et  limitée,  devrait  dis- 
paraître et  s'absorber  entièrement  dans  la 
substance  uniquef  dont  l'idée  est  tout  aussi 
incontestablement  celle  de  inexistence  uni- 
verselle. Cependant  autant  d'individus  dans 
rhumanité,  autant  de  consciences,  autant 
de  îTêoL  Conciliez,  si  vous  pouvez,  cette  plu- 
ralité de  moij  attestée  par  le  langage,  par  la 
foi  commune,  par  le  témoignage  de  l'huma- 
nité tout  entière,  avec  la  supposition  d*un 
seul  être.  Si  tous  mes  souvenirs,  toutes  mes 
pensées,  toutes  mes  alTections,  toutes  mes 
volontés  étaient  les  modifications  de  la 
substance  divine,  la  conscience  de  toutes 
ces  modifications  serait  dans  cette  substance 
unique,  et  non  pas  dans  moi.  En  un  mut, 
comme  il  n'y  aurait  qu'une  ieule  persan- 
nolilé  àxi  monde,  il  n'y  aurait  qu'une  seule 
conscience  d'une  existence  infinie  ;  et  chacun 
de  nous  n'a  en  soi  que  la  conscience  d'une 
existence  finie,  passagère,  contingente.  Donc 
l'identité  de  Dieu  et  de  l'homme  est  une  ab- 
surdilé. 

Mais  est-il  besoin  de  présenter  sous  des 
formes  nouvelles  des  arguments  que  l'on 
retrouve  partout,  et  ne  suflit-il  point  de  re- 
produire ici  les  objections  irréfutables  que 
Bayle  opposait  au  système  de  S|3iuosa  dès 
le  premier  moment  de  son  apparition  ;  ob- 
jections qui  auraient  ruiné  complètement  le 
panthéisme,  s'il  ne  s'agissait  contre  lui  que 
d'avoir  raison.  «  Considérez,  dit-il,  avec 
attention  ce  que  je  vais  dire  :  S'il  y  a  quel- 
que chose  de  certain  et  d'incontestable  dans 
les  connaissances  humaines,  c'est  cette  pro- 
position :  Opposita  sunt  quœ  neque  de  se  in- 
vicem^  neque  de  eodem  tertio  secundum  tdem, 
ad  idem,  eodem  modo  atque  tempore^  vere 
affirmari  possunl  ;  c'est-à-dire ,  on  ne  peut 
pas  affirmer  avec  vérité,  d'un  même  sujet, 
aux  mêmes  égards  et  en  même  temps,  deux 
termes  qui  sont  opposés  ;  par  exemple,  on 
ne  peut  pas  dire  sans  mentir  :  Pterre  se 
porte  6ten,  Pierre  est  fort  malade;  il  nie  cela 
et  il  VafRrme.  Les  spinosistes  ruinent  cette 
idée,  et  la  ialsifient  de  telle  sorte,  qu'on  ne 
sait  plus  où  ils  pourront  prendre  le  caractère 
de  la  vérité  ;  car  si  de  telles  propositions 
étaient  fausses,  il  n'y  en  a  point  qu'on  pût 
garantir  pour  vraie.  On  ne  peut  donc  nen 
se  promettre  d'une  dispute  avec  eux  ;  car 
s'ils  sont  capables  de  nier  cela,  ils  nieront 
toute  autre  rais^.ui  qu'on  voudra  Icir  allé- 


guer. Montrons  que  cet  axiome  est  Irès-faui 
dans  leur  système,  et  posons  d'abord  pour 
maxime  incontestable  que  tousies  titres  quo 
l'on  donne  à  un  sujet  pour  signifier  once 
qu'il  fait  ou  ce  qu  il  soutfre,  conviennenl 
proprement  et  pbysicjuemeut  à  sa  subslanccr 
et  non  pas  &  ses  accidents.  Quand  nous  di- 
sons le  fer  est  dur,  le  fer  est  pesant  ;  il  s*e&- 
fonce  dans  l'eau,  il  fend  le  l>ois,  nous  or 
prétendons  point  dire  que  sa  dureté  est 
dure,  que  sà  pesanteur  est  pesante,  etc.  :  re 
langage  serait  trop  impertinent  ;  nous  vou- 
lons dire  que  la  substance  étendue  qui  h; 
compose  résiste,  qu'elle  pèse/qu'elle  desecDil 
sous  l'eau,  qu'elle  divise  le  bois.  De  uèmct 
quand  nous  disonsqu'un  hommenie^ aftirine, 
se  fAche,  caresse,  loue,  etc.,  nous  faisons 
tomber  tous  ces  attributs  sur  la  suttslancc 
même  de  son  âme,  et  non  pas  sur  s^  peiH 
sées^  et  tant  qu'elles  sont  des  accidents  et 
des   modifications.    S'il   était   donc  vrai, 
comme  le  prétend  Sninosa,  que  les  hommes 
fussent  des  modalités  de  Dieu,  on  parlerait 
faussement  quand  on  dirait  :  Pierre  nie 
ceci,  il  veut  cela,  il  affirme  une  telle  chose; 
car  réellement  et  d'effet,  selon  ce  s.vsièiDef 
c'est  Dieu  qui  nie,  qui  veut,  qui  aiBrmcet 
par  conséquent  toutes  les  dénomioalioRs 
qui  résultent  des  pensées  de  tous  les  hom* 
mes  tombent  proprement  et  physiquement 
sur  la  substance  de  Dieu.  D'où  il  s'ensuit 
que  Dieu  hait  et  aime,  nie  et  afllrme  \^ 
mêmes  choses,  en  même  temps  e(  selon 
toutes  les  conditions  requises  pour  faire 
que  la  règle  que  j'ai  rapportée,  touchiml les 
termes  opposés,  soit  fausse  ;  car  on  ne  sau- 
rait nier  que,  selon  toutes  ces  conditions 
prises  en  rigueur,  certains  hommes  nai- 
roent  et  n'aflirment  ce  que  d'autres  homvm 
haïssent  et  nient.  —  Passons  plosavaut.  Les 
termes  contradictoires,  vouloir  et  nttoMr 
pasf  conviennent  selon  toutes  ces  eondilions, 
en  même  temps  à  différents  hommes;  il  but 
donc  que,  dans  le  système  de  Spinosa,  11^ 
conviennent   à  cette  substance  unique  et 
indivisible  qu'il  nomme  Dieu.  C'est  doue 
Dieu  gui ,  en  même  temps,  forme  raclede 
vouloir,  et  qui  ne  le  forme  pas  ï  l'égard 
d'un  même  objet  :  on  vérifie  donc  de  lui 
deux  termes  contradictoires!  ce  qui  est  ie 
renversement  des  premiers  principes  de  ia 
métaphysique.  —  Comme  un  cercle  carri 
est  une  contradiction ,  une  sul)stance  t'est 
aussi  quand  elle  a  de  l'amour  et  de  la  haino 
en  même  temps  pour  le  même  objet.  Cu 
cercle  carré  serait  un  cercle  et  il  ne  léserait 
pas  :  voilà  une  contradiction  dans  toutes  les 
formes  ;  il  le  serait  selon  la  supposition,  et 
il  ne  ie  serait  pas,  puisque  la  ligure  carri^* 
exclut  essentiellement  la  circulaire.  J'en  dis 
autant  d'une  substance  qui  hait  et  qui  ainie 
la  même  chose  ;  elle  l'aime  et  ne  l'aime  pas; 
rien  ne  manque  à  la  contradiction  :  clic 
l'aime,  car  on  le  suppose;  elle  ne  l'aime  pas, 
vu  que  la  haine  est  essentiellement  esclu- 
sive  de  l'amour.  Voilà  oe  que  c'est  que  la 
fausse  délicatesse  :  notre  homme  ne  pourait 
souffrir  les  moindres  obscurités  ou  du  pén- 
patétisme,  ou  du  judaïsme,  ou  du  cbristia- 


37 


PAM 


DICTIONNAIHK  APOLOGETIQUE. 


PAN 


5M 


flisine,  ctil  embrassait  de  tout  cœur  une 
hT|K)Uié$6  qui  alKe  ensemble  deux  tormrs 
libM  opposés  que  la  fi^re  carrée  à  ia  cir- 
C!i!ffjre»erquifait  qu'utie  infinité  d*attributs 
jiscordtnts  et  hieonipatibles  6t  toute  la  va* 
rjé(i  et  ranti)iiithie  des  pensées  du  genre 
tamaiB,  se  ?érifient  foutes  à  là  fois  d'une 
srale  substance  très*simple«  Où  dit  ordi- 
onremeflt  f HO/  raptia,  ioi  titnsust  autafnt  de 
intinents  que  de  tètes  ^  mais,  selon  Spi- 
Boj^f  tous  lessentiments  datons  les  hommes 
lolltdn!$uDeseu^e  M(e.  Rapporte^  simple- 
fotnt  de  telles  choses,  c*est  lesféruier>  ts'est 
(sbrretorr  clairement  les  contradictions; 
erii  est  iDBnifestey  ou  que  rien  n*esl  im- 
pssible,  BOQ  pas  même  que  deui  et  deux 
mot  douze,  ou  qnMI  y  à  dans  roui  vers 
Aiffil  de  substances  que  de  sujets  qui  ne 

Ïovent  recetroir  en  même  temps  les  mêmes 
Dominations. 

■Vais,  si  c'est,  physiquement  parlant,  une 

Éssrdité prodigieuse  qu*un  sujet  simple  et 

ttVjuesoit  modifié  en  même  temjys  par  les 

fttsies  de  tous  tes  hommes,  c  est  une  abo- 

■isaiion  exécrable,  quand  on  considèi'O  cecr 

àdtédela  morale.  Quoi  donc!  l'être  in- 

hil'èfre  nécessaire,  l'être  souverain emeni 

(Hfiil m  sera  point  ferme,  constant^  im- 

MUelQae  dis-je,  immuable!  il  ne  sera 

fD on seol  moment  le  même  ;  ses  pensées 

nncctkrôni  les  unes  aux  autres  sans  fin 

tfjsas  cesse;  la  même  bigarrure  de  pas- 

Âmset  de  sentiments  ne  se  verra  pas  deux 

ki^.  Oia  est  dur  à  digérer,  mais  voici  bien 

|è:mfe  mobilité  continuelle  gardera  beau- 

tiop  d'uniformité,  en  ce  sens,  que  toujours 

-fiDrane  bonne  pensée  Têtre  infini  en  aura 

:Wede  sottes,  d'extravagantes,  d*impures, 

•fil^minables.  Il    produira  en   lui-même 

'ijiiesles  folies,  toulos  les  rêveries,  toutes 

ifcsaletés,  toutes  les  iniuuités  du  genre 

JRBiin.  H  en  sera  non-seulement  ia  cause 

K'ieoie,  mais  aussi  le  sujet  passif,  le  aub- 

mm  inJutsionis  ;  îl  se  joindra  avec  elles  par 

h^m  la  plus  intime  qui  se  puisse  conce- 

"  r  ;  lar  c'est  une  union  pénétrative ,  ou 

-iûL  uoo  vraie  identité^  puisque  le  mode 

'^i  point  distinct  réellement  de  la  subs- 

e  modifiée.  Plusieurs  grands  philosophes 

(ouTant  comprendre  qu  il  soit  compatible 

<>  lélre  souverainement  parfait,  de  souffrir 

^erbomme  soit  si  méchant  et  si  malbeu- 

i«  ont  supposé  deux  principes,  Fun  bon 

autre  mauvais;  et  voici  un  philosophe 

^trouve  bon  que  Dieu  soit  lui-même  Ta- 

P'etle  jialient  de  tous  les  crimes  et  de 

l^tes  les  misères  de  Thomme.  Que  les  hom- 

^  H  haïssent  les  uns  les  autres,  qu'ils 

noire  assassinent  au  sein  d'un  bois,  qu'ils 

•ttjeojblent  en  corps  d'armée  pour  s'enlre- 

^(r,<iue les  vainqueurs  mangent  quelquefois 

^  laincus,  cela  se  comprend,  parce  qu'on 

*';p>ose  qu  ils  sont  distincts  les  uns  des  au- 

*^>*et  que  le  tien  et  le  mien  produisent 

l^treenides  rissions  contraires.  Mais  que 

"'  hommes  n  étant  que  la  modification  du 

^^  être,  n'j  ayant  par  conséquent  que 

l^^uqui  a)çisse,  et  le  même  Dieu  en  nombre 

v-<  >e  modifie  en  Turc  se  modifiant  en  Hon- 


grois, il  y  ait  des  guerres  et  des  batailles, 
c'est  ce  oui  surpasse  to«s  les  monstres  et 
tous  les  aéréglements  chimérioues  des  plus 
folles  têtes  qu'on  ait  jamais  renrermées  dans 
les  petites  maisons.  Remarquez  bien,  comme 
je  l'ai  iiéQh  dit,  que  les  modes  ne  sont  rien, 
et  que  ce  sont  4cs  substances  seules  qui  a,^is- 
sent  et  qui  souCTrent.  Ainsi,  dans  le  système 
de  Spinosa,  tous  ceux  qui  disent  :  Lès  AllC' 
mands  ant  tué  dix  mHte  Turrs^  parlent  mal 
faussement,  à  moiiis  qu'ils  n'entendent  que 
Dieu  modifié  tn  Allemande  a  tué  Dieu  modifié 
en  dix  mille  Turcs;  et  ainsi  toutes  les  nhrases 
par  lesquelles  on  exprime  ce  que  font  les 
hommes  les  uns  contre  les  autres,  n'ont 
point  d'autre  sens  véritable  que  celui-ci  : 
Dieu  se  hait  lui-même  ;  il  ut  demande  des 
grâces  à  lui^méme^  et  se  les  refuse;  H  se  per- 
sécute^  H  se  tue  ;  H  se  mange;  il  se  calomnie; 
il  ienvoie  sur  Nckafaud,  etc.  Un  l)on  esprit 
aimerait  mieux  défricher  la  terre  avec  les 
dents  et  les  ongles,  que  de  cultiver  une  hy- 
(lothèse  aussi  choquante  et  aussi  absurde 
que  celle-là. 

«  Ce  serait  une  phrase  impertinente,  bouf- 
fonne >  burlesque,  que  de  dirfe  :  iajoie  est 
gaie^  la  tristesse  est  triste;  c'est  une  sembla- 


doivent  être  dites  de  la  substance  dont 
rhomme  n'est  que  le  mode.  Comment  a-t-on 
pu  imaginer  qu'une  nature  indéjendanle, 
qui  existe  par  elle-même,  et  qui  |V)sSède 
des  perfections  infinies,  soit  sujette  h  tous 
les  malheurs  du  genre  humain? Si  quelque 
autre  nature  la  contraignait  à  se  donner  du 
chagrin,  à  sentir  de  ia  douleur,  on  ne  trou- 
''veraii  pas  si  étrange  qu'elle  employât  sou 
autorite  è  se  rendre  malheureuse;  on  di- 
rait !  Il  faut  bien  qu  elle  obéisse  h  une  force 
majeure;  c'est  apparemment  pour  éviter  un 

Elus  grand  mal,  qu'elle  se  donne  la  gravelle, 
I  colique,  la  fièvre  chaude,  la  rage  ;  mais 
elle  est  seule  dans  l'univers;  rien  ne  lui* 
commande,  rien  ne  l'exhorte ,  rien  ne  la 
prie.  C'est  sa  propre  nature,  dira  Spinosa, 
qui  la  porte  à  se  donner  &  elle-même^  en 
certaines  circonstances,  un  grand  chagrin  et 
une  très-vive  douleur.  —Mais,  lui  répon- 
drai-je,  ne  trouvez-vous  pas  quelque  chose 
de  monstrueux  et  d'inconvenable  dans  une 
telle  fatalité? 

«  Les  raisons  très-fortes  qui  combattaient 
la  doctrine,  que  nos  âmes  sont  une  portion 
de  Dieu,  ont  encore  plus  de  solidité  contre 
Spinosa.  On  objecte  à  Pythagoras,  dans  un 
ouvrage  de  Ciceron,  qu  ii  résulte  de  cette 
doctrine  trois  faussetés  évidentes  :  1*  que  la 
nature  divine  serait  déchirée  en  pièces; 
2*  qu'elle  serait  malheureuse  autant  de  fois 
que  les  hommes  ;  3*  que  l'esprit  humain 
n'ignorerait  aucune  chose,  ]>uisquil  serait 
Dieu. 

a  Spinosa  s'est  embarrassé  dans  une  hy- 
pothèse qui  rend  ridicule  tout  son  travail. 
Premièrement,  je  voudrais  savoir  è  qui  il 
en  veut,  quand  il  rejette  certaines  doctrines 
et  qu'il  en  propose  d'aul^  "^^^ 


599 


PAN 


DICTIONNÀIIIE  APOLOGETIQUE. 


PAN 


490 


dra  des  vérités  ?  veuMI  réfuter  des  erreurs? 
Hais  est-il  en  droit  de  dire  qui!  y  a  des 
erreurs?  Les  pensées  des  philosophes  ordi- 
naires» celles  des  Juifs»  celles  des  Chrétiens 
ne  sont-elles  pas  des  modes  de  Pétre  inflni, 
aussi  bien  que  celles  de  son  éthique  ?  Ne 
sont-elles  pas  des  réalités  aussi  nécessaires 
h  la  perfection  de  Tunirers  que  toutes  ses 
spéculations?  N'émanent -elles  pas  de  la 
cause  nécessaire  ?  Comment  donc  ose-t-il 
prétendre  qu'il  y  a  là  quelque  chose  à  rec- 
tifier ?  £n  second  lieu,  ne  prétend-il  pas  que 
la  nature»  dont  elles  sont  des  modalités»  agit 
nécessairement  ;  qu'elle  va  toujours  son 
grand  chemin  ;  qu'elle  ne  peut  ni  se  détour- 
ner» ni  s'arrêter»  ni  qu'étant  unique  dans 
Tunivers»  aucune  cause  extérieure  ne  l'ar- 
rfttera  jamais,  ni  ne  la  redressera?  Il  n'y  a 
donc  ri^n  de  plus  utile  que  les  leçons  de 
ce  philosophe.  C'est  bien  à  lui»  qui  n'est 
qu'une  modification  de  substance»  à  pres- 
crire à  l'Être  infini  ce  qu'il  faut  faire Un 

homme  comme  Spinosa  se  tiendrait  fort  en 
repos  s'il  raisonnait  bien.  » 

Est-il  assez  démontré  par  tout  ce  qui  pré- 
cède que  le  panthéisme  est  condamné  par  le 
sens  commun  »  que  révolte  l'hypothèse  ab- 
surde de  l'identité  universelle;  parla  cons- 
'cience  qui  se  résume  tout  entière  dans  le 
sentiment  de  l'existence  personnelle»  dans 
la  distinction  du  mot  et  du  non-^mei;  par  le 
langage  qui  se  fonde  tout  entier  sur  la  dis- 
tinction des  mots»  des  idées  et  des  choses  ; 
par  la  science  dont  tous  les  principes  et  tou- 
tes les  applications  reposent  sur  la  dis- 
tinction des  êtres  ;  par  la  raison  qui  nous 
fait  croire  invinciblement  à  la  distinction 
et  à  la  pluralité  des  substances»  et  qui  nous 
conduit  à  la  notion  de  Dieu»  non  pas»  eomme 
le  prétendent  les  panthéistes»  par  l'idée  de 
l'unité  absolue»  mais  par  l'idée  de  la  cause 
universelle»  l'idée  de  l'unité  divine  étant 
postérieure  à  l'idée  de  cause,  puisque  l'idée 
de  cause»  étant  appliquée  au  monde  et  à  ses 
phénomènes»  n'est  ramenée  à  l'idée  d'unité 
que  par  l'idée  de  l'ordre  et  de  l'harmonie  qui 
régnent  dans  la  nature;  par  la  morale  qui  a 
sa  base  dans  la  distinction  des  volontés  fmies 
et  de  la  volonté  infinie»  dans  le  rapport  de 
conformité  ou  d'opposition  des  actes  libres 
avec  la  loi  suprême»  dans  la  différence  du 
vice  et  de  la  vertu,  du  mérite  et  du  démé- 
rite; enfin»  par  la  religion  qui»  n'étant  que 
le  lien  d'indépendance  et  d*amour  par  lequel 
l'homme  est  uni  à  Dieu»  la  créature  au  Créa- 
teur» cesse  d*eiister»du  moment  que  Dieu  et 
i'bomroe»  le  Créateur  et  la  créature  sont 
identiques  »  du  moment  que  les  deux  termes 

Î[ui  la  constituent  nécessairement  se  con- 
ondentdans  une  seule  et  même  existence» 
du  moment  que  toute  distinction  est  effacée 
entre  l'Etre  nécessaire  et  fêtre  contingent» 
entre  la  perfection  souveraine  et  l'imperfec- 
tion» le  pur  et  l'impur»  le  bien  et  le  mal. 
D  où  nous  devons  conclure  que  le  panthéisme 
est  un  monstrueux  mélange  de  scepticisme, 
d'athéisme  et  de  matérialisme  »  c'est-à-dire 
le  résumé»  et  comme  le  syncrétisme  de  tou- 


tes les  extravagances  qui  ont  pu  jamais  se 
produire  par  l'esprit  humain. 

Mais  tout  faux  système  s'explique  par  le 
but  pratique  en  vue  duquel  il  a  été  ima- 
giné. Or»  suivons  l'histoire  des  sectes  pan- 
théistes» et  il  sera  facile  de  comprendre 
combien  cette  trilogie  philosophique  était 
commode  pour  les  passions.  Par  le  scepti- 
cisme qui  est  au  fond  de  la  doctrine  de  Ti- 
dentité  absolue,  les  panthéistes  étaient  en 
mesure  de  nier  toutes  les  réalités  qui  les 
gênaient;  en  réduisant  toutes  choses  à  on 
système  d'illusions  et  d*apparences»  ils  n'a- 
vaient à  craindre  aucune  des  distinctions 
physiques  et  morales  qu'on  pouvait  leur 
objecter.  Par  l'athéisme  qui  se  déduit  logi- 
quement de  leur  manière  de  concevoir  la 
Divinité»  ils  pouvaient  indifféremment  ideo** 
tifier  l'homme  avec  Dieu»  ou  Dieu  avec 
l'homme»  soit  en  absorbant  Tinfini  dans  le 
mo9\  soit  en  absorbant  le  mot  dans  Tinfini  ; 
et  dans  l'un  et  l'autre  cas»  lune  des  deux 

Scrsonnalités  disparaissant  et  «^évaporant 
ans  l'abstraction  »  il  ne  restait  plus  que 
Têtre»  ou  plutôt  l'existence  universelle,  de 
qui  il  n'y  avait  absolument  rien  à  afTirmer, 
ni  oui  ni  non»  ni  vrai  ni  faux»  ni  b'en  ni 
mal.  En  effet»  il  est  évident  que  rhumanité* 
Dieu,  ou  le  Dieu-humanité  ne  se  devrait  à 
lui-même  ni  culte,  ni  obéissance»  ni  rému- 
nération,  ni  chAtiment;  la  volonté  par  qui 
le  devoir  serait  rendu  étant  identique  à  celJe 
qui  imposerait.  Par  le  matérialisme»  au- 
quel toutes  les  tendances  du  panthéisme  le 
ramènent  par  le  fait,  la  nature,  c'est-i-dire 
la  matière»  se  trouvait  divinisée  dans  lous 
ses  phénomènes,  dans  tous  ses  accidents, 
dans  tous  ses  mouvements  quelconques» 
c'est-à-dire»  dans  toutes  les  impressions  sen- 
sibles, dans  tous  les  désirs  charnels,  dans 
toutes  les  inclinations  de  l'esprit,  qui  se 
développent  à  l'orxuision  de  Taction  des 
corps  sur  les  sens.  Qu'importe  aux  panthéis- 
tes que  ces  phénomènes  matériels  soient  ou 
non  des  réalités?  qu importe  qu*on  leur 
objecte»  d'après  les  principes  mêmes  de  leur 
idéalisme»  que  les  plaisirs  de  la  chair,  les 
voluptés  du  corps  ne  sont  que  des  chimères, 
des  ombres»  des  fantOmes?  Ils  passeront 
aisément  condamnation  sur  Tidéalité  de  ces 
phénomènes»  pourvu  que  vous  leur  acoop* 
dlez  la  permission  d'en  jouir  à  leur  aise^ 
ne  fût-ce  qu'à  titre  (Vapparences.  Ils  tous 
ré{)ondront  o^ême  que  c  est  pour  cela  qa*î\s 
en  jouissent  sans  remords»  car  comment 
incriminer  des  illusions^  qui  ne  sont  d*ail- 
leurs  que  des  modes  de  la  substance  in- 
finie? 

Les  disciples  de  Carpocrate»  de  Marc,  de 
Valentin,  les  templiers»  lessaints-simonions 
de  nos  jours»  étaient  donc  très-conséquenis 
avec  leurs  doctrines»  lorsqu'ils  regardaieni 
les  plaisirs  les  plus  honteux  comme  une 
espèce  de  contribution  que  Tâmedeyait  «ux 
anges  créateurs»  et  les  actions  les  plus  in- 
fâmes» comme  des  actes  de  vertu;  lorsqu*ils 
prétendaient  rétablir  l'unité  sociale  absolue, 
par  la  destruction  de  la  propriété  et  du  ma- 
riage» auxquels  ils  substituaient  la  continu- 


^ 


PAP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAP 


402 


mié  des  femmes  et  des  biens  ;  lorsque, 
^loa  le  témoignage  de  saint  Irénée ,  ils 
ff^tudaient  par  la  prière  aux  plus  alx)mi- 
aibies  débaudies,  persuadés  qu'après  ces 
qrocations  le  silence  et  la  sagesse  éten- 
mnt  sur  eux  un  voile  impénétrable; 
l>r$((Qe,  pourrele?er  la  chair  de  l'anathème 
{urU'  cootre  elle  par  le  christianisme,  ces 
•l-rniers  posaient  en  principe  que  les  pas- 
»ms  .«mensuelles  doivent  avoir  leur  pleine 
dtfltière  satisfaction,  comme  les  senti- 
neols  da  cœur  et  les  besoins  de  la  raison, 
dinKesioDt  en  religion  la  théorie  la  plus 
rM|»lèlederiinmoralité,de  la  promiscuité, 
Unioe des  mœurs  et  de  la  famille  (401). 

FIXTHEISME  dos  religions  dans  Tlndc. 
r«|, Itoubiisme,  |V.  — Nouvelle  réfutation 
4  pinthéisme.  Voy,  Etres,  comment  ils 
9ft  m  Dieu  (scholie).  —  Réfuté  dans  ses 
lUories  historiques.  Voy,  Philosophie  pan- 
niisnQCK  db  l*histoire.  —  Panthéisme 
Wérîaliste  réfuté*  Voy.  Homme. 

hPACTÉ;  en  avait-on  entendu  parler 
uni  )a  condamnation  de  saint  Hilaire 
•i'irles;  erreurs  réfutées.  Voy.  Hiliirb 
toi,  i  Vil. -^ Sa  perpétuité  et  sa  stabi- 
iaé.r«y.  Ylntroduetion,  J  XV.—  Voy.  l'art. 

'AFEfU  PBlMACTi  ET  SOU  AUTORrrÉ  DOG- 

Rien  dansioule  I1iis<a|re  eccléslasti* 
qa«  11*681  aiMsi  inriacibleineiildôiiiODlrô 
que  la  suprémalie  monarchique  du  Soa* 
verain  Ponlire. 

(Comle  M  Maistee,  Vu  Pape, 
L  I,  c.  6.) 

B  est,  dans  le  monde,  une  royauté  su  pe- 
lure à  toute  autre,  par  l'élévation  de  sa 
Rlear  et  la  sublimité  de  son  histoire. 
Qié  spirituelle  :  les  souverains  d*ici-has 
*i^cnt  que  sur  l'homme  extérieur;  plus 
waseel  hlus  puissante,  elle  domine  sur 
•Inies;  elle  en  a  reçu  le  gouvernement; 

•  ^n  porte,  non-seulement  le  sceptre, 
J«  les  destinées  dans  ses  mains.  Leur  vie 

M  entière  attachée  h  deux  clefs  mysté- 

'^'^  dont  elle  est  seule  dépositaire;  par 

elle  leur  ouvre  dans  le   temps  le 

r'We  trésor  de  la  vérité  qui  éclaire,  de  la 
[^  q»n  sanctifie,  et  par  Vautre,  du  seuil 
wtohe  et  de  l'espérance,  elle  les  in- 
Maii  dans  les  régions  de  la  gloire  et  de 
•roortaliié. 

Jovaatésans  l)ornes  :  les  empires,  même 
•rlusTastes,  ont  leurs  limites;  il  est  un 
per,  une  colonne ,  un  fleuve,  au  delà 
■^aels  le  bras  de  leur  chef,  f\il-il  un 
••f  ou  on  Auguste,  n'a  pas  le  droit  de 
Jwodre,  ni  sa  voix  celui  de  se  faire  écou- 
Pî  DMis  elle  peut  commander  partout  ;  son 
j^tine  embrasse  tous  les  Etats,  et  la  ligne 

•  »e$  frontières  se  confond  et  recule  avec 
J»'»î  des  rédons  connues.  Royauté  immua- 
J:  îJJDŒîiable  dans  sa  forme,  qui  reste  per- 
wHIeaient  identique  avec  elle-même,  et 
^"^ant  accommodée  à  toutes  les  épo- 
1^;  immuable  dans  ses  traditions  et  ses 
*^5es,| toujours  anciennes  et  toujours 


nouvelles,  comme  la  vérité  dont  elles  éma- 
nent; immuable  dans  son  autorité,  qui, 
aujourd'hui  môme,  tient  encore  par  des 
racines  plus  vigoureuses  et  plus  profondes 
que  jamais  au  cœur  de  l'humanité.  Royauté 
exemplaire  :  sur  un  espace  de  plusieurs 
siècles,  vingt  autres  dynasties  vous  montre- 
ront tout  au  plus  un  ou  deux  princes  im- 
maculés; presque  tous  fléchissent  sous  le 
poids  des  séductions  inséparables  de  la  puis- 
sance. Elle,  au  contraire,  existe  depuis  deux 
railltians;  plus  de  deux  cents  fois  sa  cou* 
ronne  a  changé  de  fronts  ;  et,  chose  admi- 
rable autant  qu'elle  est  certaine!  parmi  ceux 
qui  l'ont  ainsi  représentée,  le  mveau  de  la 
vertu  plane  habituellement  bien  au-dessus 
des  trônes  qui  les  entourent  ;  souvent  ils  le 
font  monter  jusqu'au  plus  éclatant  héroïsme, 
et  c'est  à  peine  si,  a  travers  la  continuité 
de  cette  splendeur,  vous  surprenez  trois  ou 
quatre  noms  dont  on  puisse  ne  pas  vénérer 
la  mémoire. 

Enfin,  royauté  bienfaisante  :  que  ae  pou- 
voirs oppresseurs  ou  stériles  dans  le  passé! 
Pour  elle,  ce  n'est  point  sur  la  force  qu'elle 
fut  établie,  c'estsur  l'amour,  et  elle  ne  l'ou- 
blia jamais.  A  la  puissance  spirituelle  elle 
a  joint  dans  la  suite  des  Ages  la  puissance 
temporelle;  sa  tiare  s'est  enlacée  d'une 
double  auréole;  mais,  en  prenant  les  deux 
glaives,  elle  n'a  pas  cessé  de  régner  par 
l'amour,  et  dans  les  deux  ordres  de  choses, 
ce  sentiment  l'a  toujours  richement  inspirée 
|H)ur  le  bonheur  du  monde.  Dissiper  en  tous 
lieux  l'erreur  et  la  barbarie,  prévenir  ou 
consoler  les  malheurs  et  les  désastres  pu- 
blics, recueillir  les  débris  et  l'exil  de  toutes 
les  hautes  infortunes,  nréparerTaffranchis- 
sement  ou  défendre  la  liberté  des  peuples, 
soutenir  les  droits  ou  protester  contre  les 
excès  des  puissances,  sauver  la  civilisation 
moderne  des  ennemis  et  des  naufrages  qui 
l'ont  menacée  le  plus  solennellement  dans 
sa  marche  laborieuse,  réveiller,  encoura- 
ger, féconder  la  science,  la  poésie,  les  beaux- 
arls,  et  faire  éclore  par  son  sourire  leurs 
plus  brillantes  merveilles  ;  s'associer,  et  le 
plus  souvent  encore,  donner  le  branle  aux 
grandes  réformes  sociales  :  voilà  ce  qu'elle 
fit  dans  tous  les  temps,  voilà  ce  qu'elle  fait 
encore.  Vous  comprenez  cette  royauté  ;  c'est 
celle  dont  l'auguste  Pie  IX  est  couronné  ; 
c'est  la  puissance  des  Papes. 

51. 

Ce  qn*il  fiiut  entendre  par  la  saprémaUe  du  Pape.  —  Ello 
a  pour  fondement  sa  primauté  d*honneur  et  de  Juridic- 
tion dont  taint  Pierre  a  été  revêtu. — Examen  critique 
des  teites  évangôlimiea  qui  prouvent  cette  suprématie 
de  saint  Pierre.  —  objections  et  réponses 

Ici  se  présentent  tant  de  préjugés  popu- 
laires, tant  de  faux  exposés  de  nos  doctrines» 
qu'il  est  nécessaire  de  mettre  en  avant  quel- 
ques observations  préliminaires.  Qu'est-ce 
donc  que  les  catholiques  entendent  par  la 
suprématie  du  Pai^e?  Rien  autre  chose  assu- 
rément que  ceci:  savoir,  que  le  Pape  ou 
évoque  de  Rome  a,  comme  successeur  ih 


'^U  Cf.  |*£iiaî  tur  te  punthéume  dani  U%  êociélét  moderna,  par  H,  Mabet. 


4a? 


PAP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAP 


m 


siînt  Pierre,  aatorilé  et  juridiction  dans 
Tordre  spirituel  sur  toute  l'Eglise  ;  qu'ainsi 
il  en  est  le  chef  visible  et  le  vicaire  du 
Christ  sur  la  terre.  Cette  idée  de  la  supré- 
matie renferme  deux  prérogatives  distinc- 
tes, mais  étroitement  liées  :  t"  que  le  Saint- 
Siège  est  le  eeiître  de  lunité ;  2^  qi>'il  est 
la  source  de  Taulorité.  Il  résulte^  de  la  pre-* 
mière  de  ces  ])rérogatives,  qve  i&as  les 
fidèles  doivent  être  en  communion  avec  le 
Saint-Siège,  par  Tintermédiaire  de  leurs 
})asteurs  respectifs,  qui  formen.t  une  chaîne 
non  interrompue  q^i  lie  le  dernier  des 
membres  du  troupeau  h  celui  quû  en  a  éié 
établi  le  pasteur  universel.  La  rupture  de 
eette  union  et  de  cette  communion  «constitue 
le  crime  affreux  du  schisme,  et  détruit  un 
principe  essentiel  et  fondamental  de  la  reli- 
gion du  Ghfist. 

Nous  cFoyons.  pareilien^ent  que  le  Pape 
est  la  source  de  Tautorité,  de  sorte  quetotis 
les  pasteurs  du  second  ordre  dans  TKglise 
lui  sont  soumis,  et  reçoivent,  directement 
ou  indirectement,.  leur  juridiction  de  lui  et 
par  lui.  Ainsi  c'est  entre  les;  mains  du  Pape 
que  réside  le  pouvoir  exécutif  pour  toutes  les 
affaires  spirituelles,  qui  concernent  TË^Iise; 
e*e$t  à  lui  qu'est  confiée  la  charge  de  con- 
tirmer  ses  frères  dans  la  foi  ;  son  devoir  est 
de  veiller  à  la  réforme  des  abus  et  au  main- 
tien de  la  discipline  dans  toute  l'Eglise  ;  s'il 
vient  d  s'élever  quelque  part  une  erreur, 
c'est  à  lui  défaire  les  recherches  nécessaires 
)K)UT  )a  découvrir  et  la  condamner,  et  de 
Famenerles  réfractaires  à  la  soumission,  ou 
de  les  retrancher,  comme  des  branches 
mortes,  de  la  vigne.  Dans  le  cas  de  dfeor- 
dies  graves  et  capables  d'entraîner  de  dan- 
gereuses conséquences,  en  matière  de  foi 
ou  de  discipline,  il  convoque  un  concile 
gf^néral  des  pasteurs  de  l'Ëglise,  le  préside 
en  personne  ou  par  ses  légats,  et  sanctionne 
l>ar  son  approbation  les  canons  ou  décrets 
q'ii  y  out  été  portés. 

Que  les  hautes  prérogatives  attribuées  par 
)es  catholiques  au  Souverain  Pontife  leur 
inspirent  pour  lui  la  plus  grande  vénération,, 
on  ne  doit  pas  s'en  étonner;  il  serait  au 
contraire  contre  toute  raison  de  penser 
qu'on  pût  lui  refuser  le  respect  que  demande 
son  subUme  ministère.  Une  si  haute  dignité 
a  des  droits  à  la  vénération,  sans  eiaminer 
si  celui  qui  en  est  revêtu  est  exempt  de 
toute  espèce  de  faute  ou  de  péché.  C'est  une 
calomnie  souvent  répétée,  que  les  catholi- 
ques s'imaginent  que  le  Souverain  Pontife 
esta  Tabri  de  toute,  trausg^ressiou  morale, 
et  qu'il  ne  peut  commettre  aucune  action 
coupable.  Je  n'ai  pas  besoin  de  réfuter  une 
imputation  si  absurde  et  si  grossière.  Non- 
seulement  nous  savons  Que,  malgré  son  élé- 
vation,^ il  est  sous  le  poids  de  la  malédiction 
prononcée  contre  Ad<^m,  tout  (lutant  que  le 
dernier  de  ses  sujets;  majs  encore  nous 
croyons  que  soQ  élévation  même  ne  fait  que 
Tesposer  à  de  plus  grands  périls  encore; 
nous  croyons  qu'il  est  exposé  à  tous  les 
dangers  d'olfenser  Dieu,  qui  nous  sont  or- 
dinal t'c*<,  et  obligé  d'avoir  recours  aux  mê- 


mes précautions  et  aux  mêmes  remèdes  qu« 
les  autres  hommes  frafçiles. 

La  suprématie  que  Je  viens  de  définir  esi 
d'un  caractère  purement  spirituel,  etna 
rien  de  commun  avec  la  possession  d'une 

i'uridîctioo  temporelle.  La  souverwoeté  du 
'ape  sur  tous  ses  domaines  s'est  pas  une 
portion  essentielle  de  sa  dignité.  Sa  supré- 
matie n'en,  était  pas  moindre  avant  que  ses 
domaines  temporels  lui  fussent  acquis  ;pi 
si  les  décrets  impésétrables  de  la  Prori^ 
dence  déi)Ouillaient  dans  lasuite  des  àj^eslc 
Saint-Siège  de  sa  souveraineté  leniporeiie, 
comme  il  est  arrivé  à  Pie  VU,  par  PasuN 

f nation  d'un  conquérant,  son  pouvoir  sur 
'Eglise  et  sur  les  consciences  d«  fidèles 
n'en  recevrait  aucune  atteinte. 

Cette  suprématie  spirituelle  n'a  aaeon 
rapport  non  plus  avec  l'influence  plus  élen- 
due  que  les  pontifes  exercèrent  autrefois 
sur  les  destinées  de  l'Europe.  Que  le  chef 
suprême  de  l'Eglise  ait  acquis  natureUemeol 
la  plus  baule  iiofluence  et  l&i^us  puissaiie 
autorité  sur  un  état  social  et  poliliçue,  qui 
avait  pour  base  les  principes  catholiques,  ii 
n'y  a  en  cela  rien  d'étonnant  ;  ce  pouvoir  a 
comm(Hicé  et  a  ftni  avec  les  institulioos  qui 
l'avaient  fait  naître  ou  l'avaient  soutenu;  et 
il  n'entre  pour  riea  dans  la  cvoyance  tenue 
par  l'Eglisu  relativement  à  la  suprématie 
du  Pape. 

La  prééminence  attribuée  à  lévégoede 
Rome  par  l'Eglise  catholique  repjosant  sur 
ce  fait,  qu'il  est  le  successeur  de  saint  Pierre, 
il  s'ensuit  que  le  droit  qu'elle  prétend  avoir 
d'en  agir  ainsi  doit  nécessairement  avoir 

Four  fondement  la  preuve  incontestable  que 
apôtre  était  véritablement  revêtu  de  cette 
primauté  d'honueur  et  de  juridiction.  Le 
sujet  do  la  discussion  qui  va  nous  occuper 
preseute  ainsi  deux  points  distincts;  nous 
allons  donc  d'abord  examine^  si  saipt Pierre 
a  été  investi  par  Jésus-Christ  d'ume  pri- 
mauté, non-seuloment  d'honneur,  mais  en- 
core de  juridiction  sur  les  autres  a|»ô|res; 
et,  s'il  en  est  ainsi  nous  devons  décidefi 
ep  second  lieu,  si  ce  n'était  qu'une  simple 
préro^iiiiv^  personnelle,  ou  si  elle  devait 
nécessairement  se  transmettre  à  ses  succes- 
seurs jusqu^à  la  fin  des  temps. 

1*  C'était  un  usage  pratiqué  par  les 
docteurs  juifs  d'imposer  un  nouveau  pom 
à  leurs  disciples,  lorsqu'il  leur  arrivait  de 
se  distinguer  par  quelque  succès  éclatant; 
c'est  aussi  le  mojren  dont  8*est  quelquefois 
servi  le  Tout-Puissant  pour  signaler  un 
événement  important  dans  la  vie  ofe  ses  ser- 
viteurs :  il  les  récompensait  de  leur  tidélilé 
passée  en  les  honorant  de  quelque  titre 
glorievix  et  éclato^nt.  C'e$t ainsi  qu*il  cliao- 
gea^  les  noms  d'Abraham  et  de  Sara 
(Gen.  xvii,  5,    15},  lorsqu'il  forma  avec  le 

[)remier  Tailiance  dont  la  circoncision  était 
e  signe,  et  qu'il  promit  è  celle-ci  un  iiis 
dans  ses  vieux  jours,  qu'il  les  bénit  Tun  et 
l'autre,  et  leur  assura  que  d'eux  naîtraient 
des  naiiont  et  des  rois  de  peuples.  C'est  ainsi 
encore  que  Jacob  reçut  de  lui  le  nom 
d'Israël,  lorsquoi  aprè$  la  lultb  qu'il  a^ut 


m 


PAP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAP 


406 


soulanno  coptre  fange»  il  Tassura  qu'il  lui 
m\i  toujours  donné  de  prévaloir  contre 
b  hommes.  (6en.  xxxii,  28.)^  Il  est  singu- 
fierau'àu  mooient  même  où  Simon  fut  pré- 
vniéàootre  divin  Sauveur,  il  en  reçut  la 
jwmesse  d'être  honoré  d*une  distinction 
>.inblable  :  Vous  êtes  Simon^  fils  de  Jean^ 
•rBi  iwfs  appéli  CéphaSf  qui  veut  dire  Pierre» 
/(M.  1, 42.) 

Ce  fat  dans  foceasion  où  il  confessa  la 
in:s5ieR  divine  du  Fils  de  Dieu  que  cette 
|.roQ]fôsa  fut  accomplie.  Jésus-Cnrist,  au 
osiaieocefflent  de  se  réponse,  l'appelle  en- 
'U(  par  son  ancien  nom  :  Vous  éUs  bien-' 
brftt/,  Simfm^  fils  de  Jean^  parce  que  ce  ne 
$fnd  point  la  chair  ni  le  sang  qui  vous  ont 
rtfikceei^maii  mon  Pire^  qui  est  dans  le  ciel. 
fuis  il  procède  à  l'inauguration  du  nouveau 
tm  qail  voulait  lui  donner  :  Et  moi^je  vous 
iu  fui  eottf  êtes  Pierre.  D'après  l'analogie 
^(«exemples  cités  plus  liaut,  nous  devons 
tr«'UTer  dans  ce  nom  quelque  allusion  h  la 
ï^Qipense  et  à  la  gloire  dont  il  était 
Aro.n(t4mé.  C'est  ce  qui  a  Heu  en  effet.  Le 
Liib  de  Pierre  signifie  un  roc  :  car  dans  la 
:x)2ac  qçe  parlait  Jésus- Christ  en  cette 

"liioB,  il  fl  y  a  pas  la  moindre  différence, 
•.ttiâtiQJourdMiuu  autre  te  nom  porté  par 

v^i  i^iàlpe,  ou  tout  autre  qui  a  le  même 
iibai(|ieiai,  et  le  terme  dont  on  se  sert  le 
^'Kûniinairemcnt  pour  exprimer  un  roc 
viiooe  pierre  (en  syriaque  kypho).  Ainsi  la 
îhn^it  notre  Sauveur  doit  présenter  aux 
•rtiiiesdc  ses  auditeurs  le  même  sens  que 
«îlKi  :  Et  moi t  je  vous  dis  que  vous  êtes  un 
rv.  Xoyei  maintenant  comme  l'autre  partie 
«ijiscoors  du  Sauveur  s'accorde  bien  avec 
lr<l(fliul;  et  sur  ce  roc  je  bâtirai  mon  Eglise^ 
d/apar/ei  de  F  enfer  ne  prévaudront  point 
mift  file.  Telle  est  la  première  prérogative 
Nt  saint  Pierre  est  honoré  :  le  Sauveur 
Mre  qu*il  est  le  roc  sur  lequel  TEglise^ 
pinloiiélre  indestructible,  sera  bâtie, 
â;  Noire  Sauveur  continue  en  ces  termes  : 
^j(  tout  donnerai  les  cltfs  du  royaume  des 
'^fiTittiout  te  que  vous  lierez  sur  la  terre 
rv  liéûuHi  dans  le  cte/,  et  tout  ce  que  vous 
^ei  sur  la  terre  sera  délié  aussi  dans  le 
V,  La  seconde  prérogative  est  la  posses- 
îoo  des  def$«  et  le  pouvoir  de  faire  des 
hrets  qui  seront  nécessairement  ratifiés 
iw  le  ciel. 

^  A  ces  deux  pouvoirs  si  étendus,  qui  lui 
lot  ici  conférés,  il  nous  faut  ajouter  une 
Nre  mission  spéciale  qui  lui  est  confiée 
irès  la  résurrection,  lorsque  Jésus  exige 
i  loi  une  triple  protestation  d'un  amour 
if^rieur  à  celui  des  autres  apôtres*  et  que 
^  trois  fois  il  le  eharge  de  patlre  tout  son 
^peau,  ses  agneaux  et  ses  brebis.  (Joan. 

«•15.18;) 

Cest  principalemefit  sur  la  forée  de  ces 
<s^ges  que  l'élise  catholique  s'est  ap- 
Q)4e  pour  enseigner  que  Pierre  a  reçu 
^^  l>reéminence  et  une  suprématie  spiri- 
lle. Et  en  effet,  si  dans  ces  diverses  rais- 
ins Pierre  a  reçu  un  pouvoir  et  une  juri- 
Non  qui  lui  soient  propres  et  supéneurs 
I  trui  qu'ont  reçus  les  apôtrcsi  il  faudra 


reconnaître  sans  hésiter  que  la  suprématie 
que  nous  lui  attribuons  lui  a  été  réellement 
conférée  par  Dieu. 

Or,  par  là  même  que  Pierre  est  établi  \e 
fondement  de  l'Eglise,  cette  iuridiclion  Itii 
devient  nécessaire.  Car  quelle  est  la  pre- 
mière idée  que  présente  cette  figure,  sinon 
que  tout  l'édifice  s'élève  dans  l'unité,  et 
trouve  sa  solidité  dans  son  adhérence  à  la 
base  qui  lui  sert  d'appui  et  de  soutien?  Mais 
ce  qui  a  naturellement  lieu  dans  un  édifice, 
malérlel,  par  le  poids  et  l'enchaînement  des, 
parties  qui  le  composent*  ne  peut  avoir  une, 
existence  solide  et  durable,  dans  un  corps* 
moral,  que  par  une  influence  corapressive, 
ou  par  Pexercice  de  l'autorité  et  du  pouvoir. 
T^ous  appelons  les  lois  la  base  de  l'ordre 
social,  parce  qu'elles  ont  pour  but  d'assurer 
par  leur  exercice  les  droits  véritables  de 
chacun,  de  punir  les  transgresseurs,  de  juget^ 
les  différends,  et  de  produire  dans  tous  ceut 
qui  sont  de  leur  ressort  une  parfaite  unifor- 
mité de  conduite.  Nous  donnons  à  notre 
triple  autorité  législative  le  nom  de  fondC" 
nient  de  la  constitution,  parce  que  d'ellu 
émanent  tous  les  pouvoirs  qui  régissent  les 
parties  secondaires  du  corps  politique,  ef 
que  c'est  sur  elle  que  repose  le  gouverne- 
ment, ainsi  que  toutes  les  modifications  et 
les  réformes  qu'il  esi  nécessaire  de  lui  faire 
subir. 

Remarquez,  je  vous  prie^  que  ce  raison- 
nement exclut  la  possibilité,  non-seulement 
d'une  autorité  supérieure,  mais  même  d'une 
autorité  égale  et  de  même  rang.  Car,  si  l'au- 
torité des  lois  n*est  pas  souveraine;  s'il 
existe  une  règle  qui  ait  la  même  force  et  qui 
soit  indépendante  de  leur  contrôle,  quoique 
se  mouvant  dans  la  même  sphère  et  agissant 
sur  les  mêmes  objets,  vous  serez  forcés 
d'avouer  qu'elles  cessent  par  là  même  d'ê(re 
la  base  d'un  ordre  qu'elles  ne  peuvent  plus 
garantir  ni  priéserver.  Que  s'il  devait  s  éle- 
ver dans  l'Etat  un  nouveau  pouvoir  qui  eût 
la  même  autorité  que  les  pouvoirs  suprêmes 
alors  existants  pour  le  régir^  le  gouverner 
et  le  diriger,  sans  que  ceux-ci  puissent 
intervenir  en  rien,  les  mettant  ainsi  au  défi 
et  les  narguant  impunément,  je  vous  le 
demande,  toute  l'économie  politique  ne 
serait-elle  pas  nécessairement  renversée,, et  ' 
ne  s'ensuivrait- il  pas  une  désorganisation 
universelle?  N'est- il  pas  évident  que  ces 
pouvoirs  perdraient  le  nom  qu'ils  portent^ 
et  cesseraient  d'être  le  fondement  de  notre 
constitution?  Appliquez  ce  raisonnement  h 
saint  Pierre.  Il  est  établi  le  fondement  d'un 
édiiice  moral  qui  est  TEglise.  Ce  titre  même 
implique  le  pouvoir  de  rassembler  dans  un 
même  tout  les  divers  matériaux  qui  entrent 
dans  la  composition  de  cet  édifice  sacré;  et 
ce  pouvoir,  comme  nous  l'avons  vu,  consiste 
dans  le  droit  suprême  de  contrôler  et  de 
gouverner  les  parties  qui  le  constituent. 

On  a  objecte  (et  c'est  la  seule  interpréta- 
tion du  texte  dont  nos  adversaires  puissent 
se  servir  pour  faire  une  objection  qui  n'est 
que  spécieuse)  que  cette  prérogative  dO' 
pierre  s*est  réalisée  par  l'honneur  qu'il  a 


407 


PAP 


MCTIONNAJBE  APOLOGETIQUE. 


PAP 


40» 


eu  cl  6tre  eavové  le  premier  pour  conrertir 
à  la  foi  les  Juifs  et  les  gentils  :  en  sorte  qu*il 
est  vrai  de  dire  que  l'Eglise  est  née  et  sortie 
de  luit  et  qu  en  ce  sens  il  est  Térilabiement 
le  fondement  de  l%};1ise.  &Iais  serait-il  alors 
lo  roe  sur  lequel  l'Ëglise  est  bttie?  Si  notre 
Sauveur  eût  dit  :  Tous  poserez  le  fondement: 
peut-être  pourrait-on  donner  ce  sens-l&  h  ses 
))aroles.  Mais  n'y  a-t-il  aucune  difiTéreuce 
entre  cette  phrase  et  celle-ci  :  Vous  serez  le 
roc  sur  lequel  je  bdiireû  mon  Eglise?  En 
d*aulres  termes,  celte  expression  tigurée  ne 
veut-elle  dire  rien  autre  chose,  sinon  que 
Pierre  commencera  la  construction  de  Tédi- 
fico,  qu'il  en  posera  la  première  pierre? 
Doniieriez-vous  h  quelqu'un  le  nom  de  roe 
pour  exprimer  un  simple  rapport  entre  lui 
vi  un  édifice?  Ce  nom  de  roc  n'emporte-t-il 
pas  avec  lui  une  idée  de  stabilité,  de  durée 
et  de  solidité,  ou  n1ndiquc-t-il  qu'un  simple 
coinniencemcnt? 

Veut  •  on  appliquer  ce  principe  à  un 
cxcm^)le  du  même  genre?  L'Evangile  fut  on 
premier  lieu  prêché  aux  Irlandais  par  saint 
Patrice;  et  aux  Anglo-Saxons  par  saint  Au- 
gustin :  oserez-vous  dire  que  saint  Patrice 
ou  saint  Augustin  sont  \^  fondement  ûq  ces 
deux  Eglises,  ou  le  roc  sur  lequel  elles 
ont  été  bâties  ?  Quand  il  est  dit  ae  Jésus- 
Christ  qu'il  est  le  fondement  unique  sur  le- 
quel on  doit  bâtir  (I  Corintk.  m,  11),  per- 
mettrez-vous  aux  ariens  de  soutenir  qu'on 
ne  peut  r4>nclure  autre  chose  de  ce  texte, 
sinott  que  le  ehristianisme  est  sorti  de  lui, 
et  non  qu'il  est  lo  consommateur  de  notre 
fiii  comme  il  en  est  l'auteur  (EpAes.  ii,  20); 
qu'il  est  la  fin  de  notre  religion  comme  il  en 
est  le  fondateur  ?  Quand  ilest  dit  que  nous 
sommes  bâtis  sur  le  fondement  des  apôtres^ 
{>ermeltrez-vous  aux  libres  penseurs  de  |)ré- 
tendre  que  celte  expression  ne  leur  attri- 
bue pas  d'autre  honneur  que  celui  d'avoir 
été  les  premiers  prédicateurs  de  la  foi ,  et 
ne  marque  pas  du  tout  que  leur  autorité 
puisse  être  citée  en  preuve  du  christianisme 
ou  de  ses  vérilés  ?  Et  cependant  n'auraient- 
ils  pas  droit  de  raisonner  ainsi,  si  de  ce  que 
Pierre  est  appelé  le  roc  sur  lequel  l'Eglise 
est  fondée,  il  n'en  résultait  d'autre  consé- 
quence, sinon  qu'il  était  celui  qui  devait 
commencer  à  jeter  les  fondements  de  l'E- 
glise ? 

En  second  lieu,  notre  Sauveur  ne  dit  pas 
seulement  que  Pierre  est  le  roc  sur  lequel 
l'Eglise  doit  être  hêlie,  maisde  plus  il  ajoute 
qu'en  consé^encede  ce  fondement,  l'Eglise 
doit  être  inexpugnable  et  indestructible. 
Sur  ce  roc  je  bâtirai  mon  Eglise^  et  les  portes 
de  Venfer  ne  prévaudront  point  contre  elle. 
Je  dis  donc  au'il  résulte  évidemment  de  ces 
paroles  que  FEglise  doit  être  impérissable, 
en  conséquence  de  ce.  qu'elle  est  fondée  sur 
Pierre,  parce  que  les  idées  de  fondement 
solide  et  d'édifice  durable  ont  une  liaison  si 
étroilo  et  si  naturelle,  que  iei  règles  ordi- 
naires du  lan;;a^,e  nous  obligent  de  reton- 
nntlre  que  leur  réunion  ici  n'est (jue  la  con- 
s'quonre  de  celle  liaison  (lu'ellcs  ont  entre 
elles.  Ci  Ions  en  preuve  de  ceci  un  fait  qui 


nous  est  familier  :  Quand  notre  Saufcur  (ii( 
que  l'insensé  bâtit  sa  merison  sur  k  tabU, 
que  les  flots  se  débordèrent^  que  te  souffle  dn 
vents  vint  frapper  cette  maison  et  qu'dU 
s'écroula  {Matth.  tu,  27],  nous  en  con- 
cluons snr-le-champ,  quoique  cela  ne  soit 
pas  dit  expressément,  que  le  sens  de  ces 
paroles  est  que  la  chute  si  prompte  et  sib- 
cile  de  cette  maison  doit  être  attribuée  au 
défaut  de  solidité  de  ses  fondations.  De 
même  nous  devons  attribuer  la  solidité  de 
la  maison  bâtie  par  l'homme  sage  k  c^  qu'il 
est  dit  qu'elle  était  fondée  sur  un  roc^  bien 
que  notre  Sauveur  ne  l'ait  pas  déclaré  d'une 
manière  expresse,  (/btif.,  25.)  Ainsi  donc» 
dans  le  cas  qui  nous  occupe,  par  là  mémo 

Sju'il  est  dit  que  l'Eglise  de  Dieu  doit  être 
ondée  sur  Pierre  comme  sur  un  roc,  r. 
qu'en  même  temps  il  est  déclaré  qu'elle  e$( 
h  l'épreuve  de  toute  puissance  destructive, 
nous  en  devons  conclure  que  cette  préser- 
vation de  toute  ruine  est  la  conséquence 
naturelle  de  la  manière  dont  elle  est  fondée. 
Ainsi  Pierre  n'est  pas  seulement  le  premier 
ouvrier  de  l'Eglise,  mais  il  en  est  le  vérita- 
ble appui  ;  et  cette  qualité,  comme  nous 
l'avons  déjà  vu,  requiert  la  puissance  et 
l'autorité. 

La  seconde  prérogative  de  Pierre,  la  pos- 
session  des  clrfs,  et  le  pouvoir  de  lier  et  de 
délier,  n'implique  pas  moins  Tidée  de  juri- 
diction et  de  pouvoir.  On  a  égaleroenlioler- 
prêté  le  texte  qui  contient  cette  [>réroga(i>e 
en  ce  sens  qu'il  en  résultait  simpiemeut 
que  Pierre  devait  ouvrir  les  portes  de  l'E- 
glise aux  Juifs  et  aux  gentils*  Mais  qui 
]K)urrait  se  décider  à  croire  à  une  significa- 
tion aussi  froide,  je  pourrais  même  dire 
aussi  vile  que  celle*ci  ?  A-t-on  jamais  tu 
chez  les  écrivains,  soit  sacrés,  soit  profanes, 
cette  image  employée  dans  un  sens  sembla- 
ble ?  La  remise  des  clefs  a  toujours  été  le 
symbole  de  la  transmission  de  l'autorité 
souveraine  du  commandement.  C'est  en  ce 
sens  qu'elle  est  employée  dans  rKcriture. 
Dieu  mettra  sur  Vépaule  (du  Messie)  fa  tltf 
de  ta  maison  de  David  ;  il  ouvrira^  et  pr* 
sonne  ne  fermera;  tljermera,  et  personu 
n'ouvrira  (Isa.  xxii,  22  ;  Apoe,  ui,  7  ;  hh 
XII,  14,  et  Isa.xxj  6  :  La  pcissancb  socvKRAi^tc 
est  sur  son  épaule)  ;  c'est-à-dire  que  Dieu  lui 
donnera  le  pouvoir  souverain  dans  la  mai- 
son de  David.  11  est  dit  encore  de  la  méroc 
manière  qu'il  a  reçu  les  clefs  de  la  mort 
et  de  Venfer  (Apoc.  i,  18),  (loiir  signiticr 
son  souverain  domaine  sur  l'une  cl  sur 
l'autre. 
Chez  les  peuples  orientaux,  la  liaison  du 

[louvoir  réel  avec  les  emblèmes  qui  en  sont 
a  tignre  est  très-fortement  marquée.  Nous 
apprenons  du  plus  fidèle  des  liistoriens 
orientaux  que  les  clefs  du  temple  de  la  Mec- 
que étaient  entre  les  mains  d'uue  tribu  par- 
ticulière,, il  qui  était  en  même  temps  confin 
le  commandement  de  la  place;  et  ces  deux 
choses  étaient  si  nécessaifomeat  liées  eu- 
semlile,  que,  si  les  clefs  matérieHos  venaient 
à  être  extorquées  par  fraude  k  celui  qui  en 
était  possesseur,  il  perdait  irrévocabletieni 


J09 


PAP 


DICTIONN.VIIIË  APOLOGETIQUE. 


PAP 


4iU 


ym  fooîeraifl  domaine  iur  le  sanctuaire* 

Ailleurs  ce  même  historien  prouve  rpie  la 

i^>s5e5sion  de  remblèmc  conférait  en  réalité 

f  (N)UToir  doot  il  était  la  représentation 

'lOi).  là  même  analui^ie    exi&tait  aussi, 

jtiuique  peut-être  avec  moins  de  force,  chez 

irSDA(ioris  européennes.  Car,  lorsqu'il  est 

uJ((]ue  les  clefs  d'une  ville  ont  été  remises 

}  quelqu'un  par  son  souverain,  est-il  jamais 

reouàJa  |K>n.<ée  d*entenclre  par  1^  qn'il  lui 

jttélé  seulement  donné   le   pouvoir  d*eo 

ouuir  et  fermer  les  portes  au\  étrangers  et 

m  Douveaux  venus  ?  Et  quand  on  dit  que 

ific!efs  d'une  forteresse  ont  été  livrées  à  un 

i\Mi<}Bérant,  qui  ne  comprend  à   Tiiistant 

L^éme  qae  la  possession  de  cette  place  forte 

ni  ^t  également  transférée  ?  NVsl-ce  [)as 

;ii)sidcec  même  sentiment  qu*est  né  lu* 

vi;i  deTcnu  aujourd'hui  une  simple  céré- 

uoQie, quand  le  monarque  visite  cette  cité, 

>l>a  fermer  les  portes  et  de  lui  en  présen- 

w  les  cie&  par  jcs  mains  du  premier  ma- 

fbtrat  ;  roulant  signiflcr  par  là  que  Tau- 

affilé  soureraine  domine  au-dessus  de  Tau- 

tKiié  purement   déléguée  ?  Quand    donc 

Pifnv  reçoit  les  clefs  du  royaume  des  cieux, 

'«'iel'Ei^Irse,  nous  no  fKiuvous  le  considé* 

rtrauireoient  que  comme  investi  de  Tauto- 

niesoveraine  à  son  égard. 

l'&Bien  dire  autant  du  pouvoir  de  lier 

fiéeé&itr.  Soit  que  nous  entendions  par 

'»/H}Qroir  le  droit  de  commander  et  de  dé- 

hàn^oa  de  punir  et  de  panJonner,  car  ce 

«ùai  U  les  deux  seules  interprétations  qui 

ieolquelque  plausibilité  ;  soit  que,  ce  qui 

(Mbien  plus  probable  encore,  nous  réunis* 

UNS  ensemble  ces  deux  pouvoirs,  toujours 

^'il  que  celte  façon  de  parler  impliqueunc 

|iifro|^aliTe  de  juridiction. 

Intio  la  charge  illimitée  de  paftre  tout 

kinjupeau  du  Cfirist  implique  Tidée  desu- 

iTfuMtie  et  de  juridiction  sur  tout  ce  trou- 

frài.  Car  la  charge  de  pattre  le  troupeau 

«(  ia  charge  môodo  de  le  gouverner  et  de 

kcoQJuirc.  Dans  les  anciens  auteurs  cias* 

^m,  tels  qu*Horaère,  donrt  les  ima;;es  ont 

kplus  de  rapport  avec  celles  des  Ecritures, 

fen»is  et  les  chefs  de  peuples  sont  honorés 

4  nom  de  pa$teurt  du  peuple.  Dans  TAu- 

*'<i  Testament*  la  même  idée  se  présente  à 

(M.)ue  instant,  surtout  lorsqu'il  est  parlé 

et  David,  et  que  Ton  met  en  contraste  sa 

iltriuière  occupation,  qui  fut  de  veiller  à  la 

jyrie  des  troupeaux  de  son  père,  et  la 

ti)r;e  qui  lui  fut  imposée  plus  tard  de  ré- 

A'Mur  le  peuple  de  Dieu.  (77  Beg.  v,  2;  Ps. 

«uiu,  71,  72  ;  Esech,  xxxii,  1-10;  Jer.  m, 

^^H)  Ato'L  Fr.DA*.  Spécimen  hitl.  Arab  :  Oiford.,. 

<'«.  Le  |NiiKa;*«  iliiiit  il  vsl  ici  i|iiesUoii  se  trouve  à 

^f  î*i  tla  ii*&  c.  ei  à  la  p«ge  555  de  la  Iradiiclioii, 

V* nldil  qiHf  la  ganlc  ilii  It'inple  delà  Mt^npie  de* 

^«rm  à  la  tribu  dt*s  kho'niiUiSp  jus^prau  nioiiiciit 

-3^11  rept  éveilla  ut  Abii-nasliaii,  eu  cial  d*ivre$sc, 

«"^  tfH'lii  le»  clc's  h  Kosay,  en  présence  do  tciiioiiis. 

^'<«4jKo.aT  envoya  s<in  fils  en  irininplic  avec  ces 

^f«  I U  ll<'rj|iic,  et  Vs  rendit  »ux  lialfiianls  de  I* 

•<r.  .Ihv^.t^ian,  revniu  à  ta  raison,  si;  re|ienlU  de 

(  111*4  jvait  r^ii,  iii;ii»  4*e  repciiiir   fui  iiitilile  et 

'  «-'u  litt  ï  ce  prevcrlH!  :  Une  perte  ptu»  niaUieU' 


1&  ;  XXIII,  1,  2,  4;  Nah.  nu  18»  etc.)  C'est 
rimage  favorite  des  prophètes  pour  décrire 
le  règne  du  Messie  et  celui  de  Dieu  sur  son 
héritage  choisi,  lorsqu'il  aura  recouvré 
ses  faveurs. (7«a«  xl.  tl  ;  ilfirA.  vu,  1^  ;  Ezeck. 
xxxii,  10,  23,  etc.)  Et  notre  divin  Sauveur 
lui-même  adopte  ce  même  langage  pour 
exprimer  la  liaison  qui  existait  entre  lui  et 
SCS  disciples  ;  il  les  appelle  ses  brebis  qui 
evUendent  sa  voix  ei  le  suivent,  (Joan.  x.) 
Nous  rencontrons  également  la  même  idée 
à  chaque  pas  dans  les  écrits  des  apôtres. 
Saint  Pierre  appelle  le  Christ  le  prince  des 
pasteurs  (7  Petr.  v,  4),  et  ordonne  au  clergé 
de  paître  le  troupeau  confié  h  ses  soins. 
(Ibid.t  2.)  Saint  Paul  rappelle  aux  évoques 
assembles  par  lui  à  Ephèse  qu'ils  ont  été 
placés  par  TEsprit-Saint  è  la  tète  de  leurs 
troupeaux  pour  gouverner  l'Eglise  de  Dieu. 
{Act.  XX,  28.) 

En  un  mot,  et  pour  résumer  tous  les 
arguments  tirés  de  ces  diverses  attribu- 
tions, si  elles  n'assurent  pas  à  saint  Pierre 
une  véritable  juridiction  et  une  véritable 
autorité,  il  faut  nécessairement  dire  que 
les  apôtres  n'en  ont  reçu  aucune  nulle 
part.  Prenez  tous  les  titres  qui  leur  sont 
donnés,  et  vous  n'en  trouverez  pas  qui  four« 
nissent  une  preuve  plus  décisive  en  faveur 
de  leur  autorité  que  la  qualité  qui  leuresi 
attribuée  d'être  les  fondements  de  l'Eglise , 
que  le  pouvoir  dont  ils  sont  investis  de  lier 
et  de  délier,  avec  la  certitude  de  voir  leurs 
jugements  ratitiésdansle  ciel,  que  la  charge 
eiifîn  qui  leur  est  imposée  d'être  les  chefs 
et  les  pasteurs  du  troupeau  du  Christ. 

Ainsi,  saint  Pierre  est*il ,  d'abord  dans 
le  voisinage  de  Cesarée-Philippe,  et  en- 
suite sur  le  bord  de  la  mer  de  Galilée, 
solennellement  investi  d'une  autorité  et 
d'une  juridiction  qui  lui  est  propre  et  per*- 
sonnelle,  en  récompense  de  la  double  con- 
fession de  foi  et  d'amour  qui  était  sortie  do 
sa  bouche  ;  et  comme  son  nom  est  changé 
en  celte  circonstance  et  que  le  Sauvcnrs'est 
ailressé  à  lui  personnellement,  il  en  résulte 
une  preuve  évidente  que  ce  privilège  lui 
était  exclusif.  Il  fut  donc  élevé  à  une  auto- 
rité d'un  ordre  distinct  et  supérieur  à  ccllo 
des  apôtres  ses  collègues,  autorité  qui  s'é- 
tendait à  toute  l'Eglise,  par  la  mission  dont 
il  est  chargé  de  pattre  tout  le  troupeau  ;  oui 
excluait  toute  idée  d'autorité  égale  et  rivale» 
comme  étant  le  roc  sur  lenuel  tous  doivent 
trouver  une  éternelle  unité  ;  qui  entin  surw 
pose  un  pouvoir  souverain,  en  vertu  de  la 
])OSSCssion  des  clefs.  En  voilà  plus  qu*il  no 

rrftse  que  celle  tTAbH-HasItun,  \a  même  idée  esl  rc« 
produite  encore  aux  pjig.  48â  cl  561.  i  La  surinlen* 
dancc  du  temple  et  us  clefh  furcni  cnirc  les  mains 
descnfauts  dismaêl,  jusqu^au  nionictil,  sausdoiiie, 
où  ce  pouvoir  passa  aux  mains  de  Nalusli.  Après 
Ciiui-ci,  il  remua  eu  la  possession  des  Jorbnnntcs» 
comme  il  osi  prouvé  par  ce  vers  du  pocmc  d'Amer, 
iiU  de  llareili.  jiirlianiite  :  <  Nous  |ios8cdàine»  'a 
rfqle  dit  ia  sainte  maison  npiés  Nalieili.  i  Ainsi  les 
i*cux  idées desiuiple  possession  des  «Icfi»  du  temple 
cl  ia  Mirintendauce  du  temple,  soûl  cvidciuiucut 
kces  tubcmtlc. 


41t 


PAP 


DICTIONNAIRE  APOLOGbTIQUE 


PAP 


m 


faut  pour  prouver  )a  suprématie  du  chef 
des  apAtrcs. 

Il  n*y  a  que  deux  moyens  d'échapper  h  cette 
conséquence  :  Tun»  de  nier  le  fait  qui  sert 
de  base  à  notre  raisonnement,  et  ce  n*est  là 
qu'une  faible  objection  ;  l'autre,  de  nier  les 
consé(|uences  ,  et  celui^^i  mérite  une  plus 
guindé  attention. 

Par  le  premier  de  ces  moyens,  je  veux 
parler  des  efforts  tentés  il  y  a  quelques  an- 
nées et  nmouvelés  récemment,  pour  prou- 
ver que  le  roc  sur  lequel  le  Christ  promet 
de  bAtir  son  Eglise  n'était  pas  Pierre,  mais 
bien  le  Christ  Jui-méme.  On  suppose  qu'a- 
près s'être  adressé  à  cet  apdtre  dans  la  pre- 
mière par(ie. de  la  phrase,  et  lui  avoir  dit: 
Vous  êtes  Pierre,  c  est-à-dire  un  roc^  notre 
Sauveur  chan^çea  tout  à  coup  l'obiet  de  son 
discours,  et  que,  se  repliant  sur  lui-mémo. 
Il  dit  de  lui-même  :  Et  sur  ce  roc  je  bâtirai 
mon  Eglise.  Celte  interprétation,  vous  en 
serez  convaincus,  doit  moins  se  féliciter 
d'être  plausible  qu*ingénieuse  ;  elle  semble 
plus  propre  h  traliir  les  expédients  auxquels 
nos  adversaires  so  sentent  obligés  de  recou- 
rir pour  éluder  la  force  de  nos  arguments, 
qu'à  y  opposer  une  sérieuse  résistance.  Si 
la  particule  conjonctive  et  le  pronom  dé- 
monstratif ce  {et  sur  ee  roc)  ne  sufliseni  pas 
jK)ur  unir  ensemble  les  deux  membres  de 
la  même  phrase,  il  n*est  plus  au  pouvoir  des 
for.nes  grammaticales  (le  le  faire.  Si  Ton 
vient  à  s*écarter  une  fois  du  sens  naturel  et 
littéral  d'une  phrase,  sous  prétexte  quau 
moment  où  elle  fut  prononcée  elle  se  trou- 
vait expliquée  |)ar  ties  signes  on  des  gestes 
qui  sont  supprimés  dans  le  récit,  il  s'en- 
suivra que  Timagination  devra  servir  autant 
que  notre  raison  dans  l'interprétation  des 
Écritures.  Et,  en  etfet,  tous  ceux  qui  con- 
naissent toutes  les  altérations  introduites 
dans  rinternrétation  des  livres  sacrés  par  la 
science  biblique  des  temps  modernes  i)anni 
les  protestants  d'Allemagne,  savent  qu'au 
moyen  de  cet  expédient,  d'imaginer  et  de 
suppléer  des  regards,  des  gestes  et  des  mots 

Îfu'ils  prétendent  avoir  été  supprimés,  on  a 
Htt  les  tentatives  les  plus  audacieuses  et  les 
plus  effrénées  pour  saper  les  vérités  des  mi- 
racles les  plus  importants  du  Nouveau  Tes- 
tament. On  pourrait,  avec  tout  autant  de 
raison,  partager  les  paroles  que  Dieu  adressa 
à  Abraham,  lorsqu'il  changea  le  nom  de  ce 
patriarche  ;  et  après  ces  mots  :  El  désormais 
vous  ne  serez  plus  appelé  Abram,  mais  vous 
porterez  le  nom  (TÀbraham^  parce  que  je  vous 
Mi  rendu  le  père  de  plusieurs  nattons^  nous 
pourrions  interpréter  les  paroles  qui  sui- 
vent immédiatement  :  Et  je  vous  multiplierai 
é  l'infini  {Gen.  xvti,  6,  6),  comme  s  adres- 
sant non  au  patriarche,  mais  à  son  fils  Ismaél  ; 
H  n'est  besoin  pour  cela  que  de  supposer, 
avec  autant  de  droit  que  pour  les  paroles  de 
notre  Sauveur  dont  il  est  ici  question,  que 
l'ange  indiquait  celui-ci  en  le  prononçant. 
Voioi  maintenant  une  autre  objection  à 
notre  raisonnement,  qui  est  à  la  fois  plus 
plausible  et  d'une  plus  grande  im()ortance 
que  !a  première,  parce  que,  sans  cherdier  à 


éluder  le  sens  naturel  des  termes,  elle  lenl 
&  les  dépouiller  de  toute  leur  force;  qu'eue 
admet  les  faits  dont  l'évidence  est  palpaj^le, 
et  n'attaque  que  les  consé(]uencos  que  nous 
en  déduisons.  Il  est  vrai,  c<«r  c'est  ainsi 
qu'est  conçu  le  raisonnement  de  nos  ad- 
versaires, il  est  vrai  quQ  Pierre  a  reçu  uq 
pouvoir  et  une  juridiction,  et  que  ce  pou- 
voir et  cette  juridiction  lui  ont  étédonné$,à 
titre  de  privilège $()écial  et  personnel, comme 
une  récompense  due  &  l'excellence  de  ses 
mérites;  mais  il  n'est  pas  moins  vrai* qu'il 
ne  fut  rien  accordé  à  Pierre  en  cette  ooc4i- 
sion  qui  ne  l'ait  été  plus  tard  aux  douzo 
apôtres.  Dans  YApocalypse^  les  noms  de$ 
douze  apôtres  de  r Agneau  {Apoc.  xii,  U) 
sont  inscrits  sur  les  douze  fondements  ilc 
la  Jérusalem  céleste.  Saint  Paul  dit  aux  fi- 
dèles que  les  apôtres  sont  le  fondement  sur 
lequel  ils  sont  construits.  (Ephes.  ii,  20.) 
Donc  ils  ne  sont  pas  moins  que  Pierre  io 
fondement  de  TËgiise.  De  même,  au  cha- 
pitre xviii  de  saint  Matthieu,  tous  les douzu 
apôtres  reçoivent  précisément  le  même  pou- 
voir de  lier  et  de  délier  sur  la  terre,  et  las- 
surance  d'une  pleine  ratification  de  leur 
jugement  dans  le  ciel,  qui  est  donnée  è 
saint  Pierre  au  chapitre  seizième.  Ainsi  les 
prérogatives  dont  il  est  ici  honoré  sontpitts 
tard  étendues  à  tous  ses  collègues,  et  tout 
ce  qui  lui  est  accordé  à  titre  de  privilt^ge 
(personnel  se  mêîe  et  se  confond  Jansune 
mission  commune  et  générale,  où  les  autres 
apôtres  se  trouvent  placés  de  niveau  axec 
lui. 

Cet  argument,  je  l'avoue,  présente,  au 
premier  coup  d'œil,  une  certaine  apparence 
de  force,  et  je  ne  suis  pas  surpris  de  Toir 
plusieurs  commentateurs  protestants  se  fon- 
der presque  uniquement  sur  ce  raisonne- 
ment pour  rejeter  la  suprématie  de  Pierre. 
Il  serait.assuréroent  facile  d'en  éluder  toute 
la  force;  mais  je  préfère  en  faire  un  argu* 
ment  en  ma  faveur.  Pierre,  dit-on,  n'a  reçu 
aucune  primauté  de  juridiction,  parce  qu  il 
n'a  point  reçu  de  pouvoir  ou  de  mission 
personnelle  et  spéciale  qui  n'ait  été,  dans 
une  autre  occasion,  communiquée  aux  an- 
tres apôtres  collectivement.  Or,  est-<;e  ainsi 
que  vous  raisonnez  dans  les  autres  cas  sem- 
blables qui  se  présentent  dans  i'£cnture, 
ou  plutôt  ne  raisonnez-vous  pas  alors  d*uHe 
manière  diamétralement  opposée?  Prenons 
quelques  exemples.  Notre  divin  Sauveur  a 
constamment  inculqué  à  tous  ses  disciples 
et  même  à  tous  ses  auditeurs,  la  nécessité 
de  le  suivre.  Celui  seul  qui  me  suit  ne  marcht 
pas  dans  les  ténèbres  {Joan.  vm,  12);  tous 
doivent  prendre  leur  croix  et  le  suivre  (Marc. 
VIII,  38)  ;  toutes  les  brebis  doivent  connaître 
sa  voix  et  suivre  leur  pasteur.  (Joan,  x,  k.) 
Quand  donc  il  adressa  personnellement. «i 
Pierre  et  à  André,  à  Matthieu  et  aux  fils  du 
Zébédée,  la  même  invitation  :  Suirej-moû 
conclurez- vous  de  là  que  la  même  invitation 
ayant  été  en  d'autres  occasions  adressée 
éj^alement  à  toute  la  foule  des  Juifs  ausM 
bien  qu'aux  apôtres,  Jésus  n*ordonnait  \^ 
h  ceux-ci  de  le  suivre  d*une  manière  sj^ 


IIS 


PAP 


DICTIO.NNAIRE  APOLOGETIQUE, 


PAP 


4(4 


cial'jet  plus  p.irlicuUère?  De  mfimc  >l  est 

waveot  répété  que  notre  Sauveur  «aimait 

reodreroent  ses  apôtres  :  il  les  appelait  non 

^i8^ ses  serviteurs,  mais  ses  amis  ;  bien  plus, 

mil  autre  n*a  jamais  éprouvé  plus  d*âmour 

i»)ur  ceai  qui!  aimait  que  Jésus  ne  leur 

rna  marqué  en  donnant  sa  vie  pour  eux. 

Joan.  xni,  1  ;  xv»  12, 15.)  Quand  donc  saint 

JeAoesUppeié simplement  le  discinie  bien- 

d.W,  quoique  tous  les  autres  disciples  aussi 

siieot  appelés  bien-aimés^  voudriez-vous  en 

ronclure  que  Jésus,  n*ayant  rien  dit  de  cet 

i]todan5  une  occasion  qu'il  n'ait  dit  éga- 

«i.cQlde  tous  les  autres  dans  d'autres  cir- 

ntiL^taûceSy  il  s'ensuit  que  son  amour  pour 

]m  n*aTait  rien  de  particulier  et  de  spé* 

liai?  Ua  autre  exemple  encore.  Tous  les 

apûlresont  également  reçu  la  mission  d*en- 

y^ii^ner  toutes  les  nations, de  prêcher  l'Evan- 

(à!èè  toute  créature,  en  commençant  par 

iimsaieai  et  la  Samarie  jusqu'aux.dernièrcs 

nirémités  de  la  terre.  (Malth.  xwiii,  19, 

^\k(t.  1,  8.)  Lors  donc  que  l'Esprit  do 

Ti^y  leur  ordonna  de  séparer  d'eux  Saul  et 

bniabé  |)Our  exercer  leur  ministère  auprès 

uf» gentils  [Act.  xiiu  2);  ou  bien  lorsque 

hal  s'appelle  lui -même  individuellement 

îAfù;re  des  gentils,  en  conclurez-vous  ja- 

uibqiie,  cette  mission  individuelle  étant 

to/trôiée  et  comprise  dans  la  mission  gé- 

lénle  donnée  &  tous,  Paul  n'a  pas  été  du 

(vot chargé  d'une  mission  personnelle,  n'a 

losre^'iici  plus  que  les  autres  apôtres,  et 

3*4  fait  que  s  arroger  sans  fondement  l'apos- 

(ijl des  gentils  comme  la  charge  qui  lui 

iorail  été  spécialement  confiée?  Si,  dans 

&'J5  ces  divers  cas,  vous  refusez  d'admettre 

^  fiareiiles  conclusions,  pouvez-vous  les 

•^«Ure  lorsqu'il  s'agit  de  Pierre?  Et  com- 

<^«o(  les  pouvoirs  particuliers  et  personnels 

4qH  a  reçus  se  trouveraient-ils  invalidés 

Hr  ceui  qu'il  a  reçus  conjointement  avec 

•:> antres  apôtres? 

Mais  j'ai  avancé  uue  je  no  me  contenterais 
)^de  répondre  à  l'objection,  que  je  nréfé- 
»:»  CD  tirer  une  nouvelle  preuve  en  laveur 
i^ma  cause;  «t  la  voici  en  peu  de  mots, 
b'après  les  exemples  que  j'ai  cités,  il  est 
^Ti'jent  que  je  |ieux  proposer  comme  cou- 
M'iaence  cette  rèj^le  ou  cauon  pour  Tinter- 
pr^taiioo  de  l'Ecriture  :  que,  quand  un  titre, 
io(»  prérogative*  une  mission,  sont  donnés 
i  'laelqu'un  en  particulier,  quoique  les 
vaines  privilèges  aient  également  été  don- 
nés à  d'autres  collectivement,  parmi  lesquels 
iiOtait  lui-même  compris,  on  en  doit  con- 
clure qu'il  a  reça  ces  privilèges  d'une  ma- 
nière spéciale  et  dans  un  degré  plus  élevé 
W  les  autres.  Voilà  précisément  le  cas 
^iH  lequel  se  trouve  Pierre.  Si  les  autres 
^>ôtres  ont  été  investis  de  quelque  autorité 
'<'ir»s  les  missions  qui  leur  ont  été  imposées, 
iuaad  même  Pierre  n'aurait  reçu  en  parti- 
culier rien  autre  chose,  on  devra  cependant 
^oniuitre  qu'il  a  reçu  par  là  même  cette 
«ttioriié  dans  un  plus  haut  degré  que  les 
•ntre$.  Mais  iieul^tre  ne  serez-vous  pas 
^"  lit»d*entcDdre  la  réponse  h  cette  objection 
'*""'  '•«  bouche  même  d'un  Père  du  m'  siècle, 


qui  appartient  à  l'Eglise  gnHMjue.  Voici  e4#m« 
ment  s'exprime  à  ce  sujet  le  spirituel  et  sa-» 
vaut  Orîgéne  :  «  Ce  qui  avait  d'abord  M  ac- 
cordé à  Pierre  eemble  Vavoir  été  également  à 
tous.  Mais,  comme  il  devait  être  donné  à 
Pierre  quelque  chose  de  supérieur  et  de 
plus  excellent,  cela  lui  a  été  donné  en  par* 
ticulier  :  Je  vous  donnerai  les  chfs  du 
royaume  des  cieux.  Ceci  eut  lieu  avant  quo 
ces  paroles,  tout  ce  que  vous  lierez  sur  la 
terre  (qui  se  trouvent  au  chapitre  xvin), 
eussent  été  prononcées.  Et,  de  fait,  si  l'on 
considère  les  termes  de  l'Evangile,  nous 
verrons  que  ces  dernières  paroles  du  Sau- 
veur sont  communes  à  saint  Pierre  et  aux 
autres;  mais  que  les  premières,  cfui  s'adres- 
sent uniquement  à  Pierre,  emportent  avee 
elles  l'idée  d'une  grande  distinction  et  d'une 
grande  supériorité.  »  [Comment,  in  Matth,^ 
t.  III,  ]).  612.)  Je  pourrais  aioutor  que  la 
charge  de  paître  le  troupeau  du  Christ  n'est 
donnée  nulle  part  aux  autres  apôtres,  et, 
supposé  Qu'il  en  fût  ainsi,  h  quoi  bon,  je 
vous  le  demande,  notre  Sauveur  aurart-il 
exigé  de  Pierre  une  triple  assurance  qu'il 
Tainiait  plus  que  les  autres,  pour  ne  le  jugcp 
digne  que  d'une  récompense  en  tout  sem- 
blable? 

11  est  encore  un  autre  passage  que  je  n'ai 
pas  compris  au  noml)rc  de  ceux  que  j'ai 
cités,  parce  qu'il  n'exprime  pas  formelle- 
ment une  tradition  do  pouvoirs,  quoir/ie 
cependant  il  marque  clairement  une  distinc- 
tion entre  les  prérogatives  accordées  h  Pierre 
et  celles  accordées  aux  autres  aj^ôlres,  ci 
qu'il  montre  bien  que  Pierre  fut  l'objet  d'un 
soin  et  d'une  protection  toute  spéciale.  Et 
le  Seigneur  dit:  Simon,  Simon  y  voilà  que 
Satan  a  désiré  de  vous  avoir  pour  vous  crible^' 
comme  on  crible  le  froment  ;  mais  foi  prié 
pour  toi  afin  que  ta  foi  ne  défaille  point:  toi 
donct  lorsque  lu  seras  converti^  affermis  tes 
frères.  (Luc.  xxii,  31,  32.)  Dans  re  passage, 
le  Christ  semble  établir  une  distinction  mar- 
quée entre  les  desseins  de  Satan  contre  tous 
les  apôtres,  et  l'intérêt  qu'il  porte  h  Pierre. 
C'est  lui  qui  est  l'objet  particulier  et  spécial 
de  la  prière  du  Sauveur,  afin  que  sa  foi  no 
défaille  point,  et  qu'une  fois  relevé  de  sa 
chute,  il  affermisse  cette  vertu  dans  le  rœur 
de  ses  collègues  dans  l'apostolat.  En  lui  donc 
cette  vertu  devait  se  trouver  en  mesure  plus 
abondante;  or,  à  quoi  bon,  s'il  ne  devait 
avoir  aucune  espèce  de  supériorité  sur  les 
autres  membres  du  collège  apostoliaue?  on 
plutôt  la  charge  même  d'allermir  leur  foi 
n'exige-t-elle  pas  nécessairement  qu'il  soit 
placé  dans  une  position  plus  élevée  qui  le 
mette  au-dessus  d*eux  ? 

Je  me  suis  suffisamment  étendu  sur  les 
preuves  qui  établissent  que  Pierre  a  reçu 
dans  un  plus  haut  degré  que  les  autres  a|.ô- 
tres  une  juridiction  suprême  et  une  véritable 
primauté  sur  toute  l'Eglise;  cl  en  consé- 
quence de  cette  prérogative,  nous  le  voyons 
partout  nommé  le  premier  entre  les  apô- 
tres {Matth.  IV,  18;  x,  2;  Luc.  ix,  28, 
32,  etc.,  etc  ;  Gai.  i,  18;  ii,  8),  toujours  à  leur 
tête  dans  les  actions  qu'ils  exercent  en  corn* 


415 


PAP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAP 


416 


inun.  (Matth.  xit,  28;  xv,  15;  xyi,  23;  Act. 
iVv  19;  XII,  13).  et  parlant  toujours  comme 
Torgane  de  l*E|{lise  (Maith.  xviii»  21  ;  xxx, 
27;  xiTi,  23;  Act,  i,  15;  ii«  U  et  seqq.;  iv, 
8;  T.  8;  yui,  19;  xv  7,  et  alibi  passim.) 


n. 

Celle  primaulô  d*bonneur  el  de  juridiclion  n*était  pas, 
dans  saîDl  Pierre,  ane  simple  prérogative  peraonnelle. 
—  Preuves  qu^elle  devait  être  et  qu'elle  a  uié  de  fait 
transmise  i  ses  successeurs — Témoignages  des  Pères. 
—Conséquences  qui  s*ensuivraient,  pour  le  cliristia- 
hisroe«  de  la  supposition  que  la  supremaUe  du  Souve- 
rain PonUfe  est  contre  nature  et  sans  Fondement  dans 
la  constitution  de  TEçlise  cbrélienne.—  Réliabililation 
des  Papes  du  moyen  âge  par  les  historiens  protestants, 
Voigt,  Hurler,  etc. 

Mais  si  Pierre  a  été  véritablement  honoré 
de  cette  distinction  comme  nous  venons  de 
le  Toir,  n*était-ce  pas  là  un  privilège  per- 
sonnel qui  a  uni  avec  celui  qui  en  a  été  gra- 
tifié 7  Le  temps  est  venu  d'examiner  ce  point 
particulier,  et  de  vous  prouver  qu'il  Ta 
transmis  à  ses  successeurs  sur  le  siège  qu'il 
a  occupé  lui-niôme. 

Je  pense  qu'il  ne  sera  pas  nécessaire  d'é- 
tablir par  des  preuves  en  forme  que  Pierre  a 
été  le  premier  évègue  de  Rome.  Les  monu- 
ments encore  subsistants  dans  toutes  les  par- 
ties de  cette  cité  et  les  témoignages  des  ûcri<- 
vains  ecclésiastiques  des  premiers  siècles, 
mettent  ce  fait  absolument  hors  de  doute, 
et  il  suffit  de  dire  que  des  auteurs  qui  occu- 
pent les  rangs  les  plus  éminents  dans  la  lit- 
térature et  qui  se  sont  signalés  par  leur 
opposition  à  la  suprématie  du  siège  oe  Rome, 
tels  que  Cave ,  Pearson ,  Usher,  Young  et 
Itlonael  (403)  l'ont  tous  reconnu  et  s'en  sont 
montrés  les  défenseurs.  Parmi  les  modernes 
il  suffit  de  remarquer  qu'aucun  écrivain 
ecclésiastique  de  quelque  réputation  ne 
prétend  nier  ce  fait.  -1  Pierre,  ainsi  que  l'ob- 
serve saint  Irénée,  euccéda  Lin;  à  Lin^  Ana- 
clet:  puis  est  venu  en  troisième  lieu  Clément. 
(Adv.  hœres.f  lib.  m,  cap.  4.)  A  partir  de 
cette  époque,  la  suite  des  Papes  est  •certaine 
vi  non  interrompue  jusqu'à  nos  jours.  Ces 
préliminaires  une  fois  établis,  je  vais  exposer 
sommairement  quelques-unes  des  raisons 
c^ui  prouvent  que  la  primautéde  saint  Pierre 
^  est  |)erpétuée  dans  la  personne  de  ceux  qui 
occupent  son  siège. 

D'abord,  il  a  toujours  été  admis  dès  le 
commencement  que  toute  prérogative,  quoi- 
que personnelle,  de  juridiction  apportée  à 
un  siège  par  son  premier  évéque,  se  conti- 
nuait à  ses  successeurs.  Ainsi  le  siège  d'A- 
lexandrie fut  occupé  en  premier  lieu  par 
saint  Marc,  qui,  comme  disciple  de  Pierre, 
exerçait  une  juridiction  patriarcale  sur 
TE^vple,  la  Libye  et  la  Pcnlai)ole;  et  celte 

Iuridiclion  est  restée  jusqu'à  ce  jour  attachée 
i  son  siège.  Jacques  gouverna  d'abord  l'K- 
glisc  de  Jérusalem,  et  exerça  son  autorité 
sur  toutes  les  Eglises  de  Palestine;  et  l'évo- 
que de  Jérusalem  porte  encore  aujourd'hui 
le  titre  do  patriarche.  Pierre  fixa  d'abord 
son  siège  à  Antioche,  el  ce  siégea  toujours 


conservé  sa  suprématie  sur  une  lahge  por- 
tion de  l'Orient.  De  même  donc,  si  Pierro 
apporta  au  siège  de  Rome  non-seulement 
un  droit  de  palriarchat  sur  tout  rOccidenl, 
mais  encore  un  droit  de  primauté  sur  le 
monde  entier,  cette  juridiction  accessoire 
devint  inhérente  à  ce  siège,  et  dut  passer 
par  mode  de  substitution  à  ses  succès- 
seurs. 

Mais  il  semblerait  peut-être  que  noas fai- 
sons reposer  la  suprématie  du  Saint-Siège 
sur  la  même  autorité  que  celle  despatriar- 
ehats,  qui  n'est  que  d'autorité  ecclésiastique 
et  de  pure  discipline,  tandis  qu'au  contraire 
nous  soutenons  qu'elle  a  pour  base  un  droit 
imprescriptible.  Je  dis  donc,  en  second  lieu, 
qu  elle  a  été  transmise  comme  une  institu- 
tion divine  dans  TËglise  de  Dieu,  dont  elle 
forme  une  partie  intégrante  et  essentielle. 
Jésus-Christ  est  aujourd'hui  ce  qu'il  était 
hier.  Tel  gu  il  a  établi  son  royaume  dans  le 
principe,  il  doit  ainsi  se  perpétuer  jusqu'^ 
la  fin  des  siècles  :  la  forme  de  gouvernement 
qu'il  a  instituée  au  moment  de  sa  fondation 
ne  saurait  être  changée,  et  elle  doit  conti- 
nuer de  la  régir  jusqu'à  la  fin  des  temps. 
Pourquoi  donc  l'autorité  épiscopale  n'a-l- 
elle  pas  été  seulement  l'apanage  des  apôtres 
et  des  disciples  ?  Pourquoi  leurs  successeurs, 
dans  leurs  sièges  respectifs,  ont-ils  pris  en 
main  leur  bâton  pastoral,  et  se  sont-ils  ar- 
rogé le  droit  d'enseigner  et  de  commander, 
de  reprendre  et  de  punir,  comme  ils  le  6rent 
eux-mêmes  ,  sinon  parce  que  la  nature 
même  de  l'Edisc  demandait  que  le  lemiisne 
pût  en  rien  altérer  sa  constitution  hiérarchi- 

Sue?  Or,  si  Pierre  a  vraiment  établi  le  fon* 
emenl  de  l'Eglise,  ce  n'a  pu  être  dans  celte 
intention  qu*après  sa  mort  le  fondement  de 
TEglise  fût  entièrement  détruit  et  les  pierres 
du  sanctuaire  dispersées  çà  et  là. 

Cette  figure,  prise  des  fondements  d'un 
èJifice,  renferme  évidemment  deux  choses: 
l'unité  et  la  durée.  Car  l'unité  dans  un  édifice 
résulte  de  ce  que  toutes  les  parties  qui  lo 
composent  sont  liées  ensemble  par  les  mêmes 
fondations  ou  la  même  base  ;  aussi  les  Pères 
des  premiers  siècles  ont-ils  compris  que  ia 
suprématie  avait  été  donnée  à  Pierre  princi- 
palement pour  assurer  à  l'Eglise  ce  précieux 
avantage.  Un  des  douze  est  choisi^  dit  saiol 
Jérôme,  afin  que^  par  Inexistence  d'un  cV/i 
toute  occasion  de  schisme  soit  écartée.  (Ààf. 
Jovin.,  lib.  i,  1. 1,  part,  ii,  p.  168.)  Pour  ma- 
nifester Vunitéf  dit  saint  Cyprien,  i7  ordonna 
que  V autorité sortHiP un  seul.  (De  tmîf .,  p.  19^'] 
Vous  ne  pouvez  nier,  écrit  saint  Optât,  fMe 
saint  Pierre^  le  chef  des  apôtres^  ait  établi  un 
siège  épiscopal  à  Home.  Ce  siège  est  uniqutf 
afin  que  tous  les  autres  puissent  conserver 
r unité  par  leur  union  avec  lui;  de  sorte  que 
quiconque  voudrait  élever  une  autre  chaire  à 
côté  de  celle-là  serait  un  schismaiique  et  un 
prévaricateur.  C'est  dans  cette  chaire^  qui  est 
le  berceau  de  l'Eglise^  que  saini  Pierre  s'est 
assis.  {De  schism.  Donai.^  lib  it»  p.  28.) 


(405)   Voyez    les  Vie*  des  saints,  de  Bcti.rr,  39  jtiiii,  ou  bien  cousuticz  BAnoiiius,  Noël  Alku  t^u, 
ou  it>m  uutie  liiaiericu  ccclô^iasli*|tie. 


ilî 


PÂP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAP 


iia 


Or,si>POiiroonsciTer  Tunilé  dansTEglise, 

notreiiirioSauveur  a  jugé  rinslilulion  d*une 

liriaiaulé  nécessaire,  lorsque  la  ferveur  du 

iihstiaoisme  était  dans  toute  sa  force  et 

rjins  toute  sa  pureté  ;  lorsque  les  apôtres 

uraient encore dis|)ersés  dans  tout  l'univers 

(f  liirrgés  par  une  assistance  spéciale  de 

.  Ls{»rii*Saint  ;  que  le  nombre  des  cti rétiens 

HJit  encore  comparativement   petit;   que 

{<res(]ue  tous  les  membres  de  i^Ëglise  appar* 

i/iuieatàun  même  élat,  parlaient  une  même 

jjo^ue  et  Quêtaient  divisés  par  aucun   pré- 

•^^t  politique  ou    national,  je  vous    le 

itiamÏQf  cette  précaution  aurait-elle  été 

(Boins  nécessaire  lorsque  le  refroidissement 

>.'•  Il  céleste  cliarité,  la  diminution  des  lu- 

Lm  dans  les  pasteurs,  la  dispersion  des 

bieies  en  fies  lieux  si  éloignés,  et  la  division 

«iWBats  et  des  royaumes,  ont  infiniment 

fifaiiili  les  moyens  humains  et  les  chances 

morales  de  conserver  Tunité  de  la  foi  et  do 

,n{ique?  Si  donc  Tunité  est  un  caractère 

nnoliel  (le  la  vraie  foi,  et  si  Tinstitution 

k  me  suprématie  a  été  le  moyen  établi  pour 

l^^nf^  comme  le  démontrent  évidemment 

''i.ée  même  de  sa  fondation  et  les  témoi- 

pA^i^ (le  l'ancienne  Eglise,  il  s*ensuit  que 

«tUr  suprématie  est  aussi  nécessaire  à  la 

^nii: religion  du  Christ  que  Tunité  qu*eilo 

c»t&ii\«l(e  à  maintenir,  et  par  conséquent 

Atloilftre  perpétuelle. 

^$dt)nd  caractère  renfernté  dans  cette 

fe»r)>(iela  fondation  de  TEglise  sur  le  roc 

«owlipiVrre,  est  la  durée.  J*ai  déjà  fait 

^(jue  les  paroles  de  notre  Sauveur  indi- 

V^flt  clairement  que  la  durée  de  TEglise 

^  QQe  conséquence  de  sa  fondation  sur 

te  base  solide.  Mais  pour  être  éternelle  et 

*t^lruclible  en  conséquence  de  ses  fonde- 

^K  il  Taul  nécessairement  que  ces  fonde- 

*cBU  ne  puissent  manquer,  et  qu*ils  sub- 

^^bl  éternellement.  Nous  avons  vu  que 

*^é  fondation  consiste  dans  la  juridiction 

Maie  conférée  à  Pierre;  il  en  résulte 

*wt  nécessairement  que  cette  juridiction 

^m  doit  durer  dans  l'Eglise  jusqu'à  la 

■•les  siècles. 

i'i  troisième  lieu,  l'autorité  de  Pierre  de- 
^  dans  les  desseins  de  Dieu,  être  perpé- 
Ueoans  le  christianisme;  car  nous  voyons 
P'f  ^è$  les  premiers  âges  de  TE^^Iise,  tout 
'  Oionde  reconnaissait  son  existence  dans 
jn  >urcesseurs,  comme  un  droit  qui  leur 
>^i  inhérent.  Le  Pape  Clément  examina  et 
^>;<i  les  abus  qui  s'étaient  introduits 
^  '  iiiglise  de  Corinthe  ;  Victor,  ceux  qui 
[fîJtfni  élevés  dans  l'Eglise  d'Ephèse;  et  le 
|H^  Etienne,  i^eux  qui  s'étaient  glissés  dans 
H'i>c  dWfrique.  Saint  Denis,  au  m'  siècle, 
^^iu  homonvmc,  le  patriarche  d'Alexan- 
v'tiiâ  comparaître  devant  lui,  pour  y  rendre 
^l>te  de  sa  foi,  parce  qu'il  avait  été  accusé 
li^jQie  |«arses  ouailles,  et  le  saint  patriarche 
|^:3iu  pas  un  insunt  à  obéir.  Quand  saint 
lUnèst  fut  dé|)Os$édé  de  ce  même  siège 
'^•«landrie  par  les  ariens,  le  Pape  Jules 
^  louies  les  |iarties  à  son  tribunal,  et  tous 
^f  Garnirent.  Non  content  de  rétablir  ce 
^^  patriarche  sur  son  siège,  il  prit  encore 


connaissance  do  la  cause  de  Paul,  patriarche 
de  Constantinople,  et  le  rétablit  de  la  même 
manière.  Le  grand  saint  Jean  Chrysostome; 
]iatriarche  de  la  même  Eglise,  ayant  été  dé- 
posé injustement,  écrivit  au  Pai>e  Innocent 
pour  le  prier  d'instruire  sa  cause.  J'ai  choisi 
ce  petit  nombre  de  faits,  qui  nous  montrent 
les  évèques  de  Rome  dans  l'exercice  de  Tau- 
forité  suprême  sur  les  prélats  et  même  sur 
les  patriarches  de  l'Orient,  dans  le  cours  des 
quatre  premiers  siècles,  comme  un  simple 
spécimen  d*un  bien  plus  grand  nombre  d'au- 
tres que  je  pourrais  rapporter  ici. 

Pour  vous  donner  en  entier  les  témoi- 
gnages des  Pères  sur  ce  sujet,  il  me  faudrait 
prolonger  cet  article  bien  au  delà  des  bornes 
ordinaires;  je  me  contenterai  donc  d'un 
choix  bien  limité.  Voici  comment  s'eiiprime 
faint  Irénée,  un  des  plus  anciens  Pères  : 
Comme  il  serait  trop  long  d'énumérer  toute 
la  suite  des  successeurs  (des  çtpùtres)^  je  me 
bornerai  à  V Eglise  de  Rome^  la  plus  grande^ 
la  plus  ancienne  et  la  plus  illustre  des  Eglises 
fondées  par  les  alorxeux  apôtres  Pierre  et 
Paul^  recevant  d  eux  sa  doctrine ^  qui  a  été 
annoncée  à  tous  les  hommes^  et  qui^  par  la 
succession  de  ses  évèques^  est  parvenue  jusqu'à 
nous.  A  cette  Eglise^  à  cause  de  sa  primauté 
qui  rélève  au-^Ussus  d'elles^  toutes  les  autres 
Eglises  doivent  avoir  recours;  ie  veux  dire  les 
fidèles  de  tous  les  pays  de  ta  terre.  Après 
avoir  ainsi  fondé  et  instruit  cette  Eglise^  ils 
en  confièrent  le  gouvernement  à  Lin;  Lin  eut 
pour  successeur  Anaclet  ;  puis,  en  troisième 
lieUf  vint  Clément.  A  Clément  succéda  Eva- 
riste^  qui  eut  pour  successeur  Alexandre; 
puis  ensuite  Sixte  f  qui  fut  suivi  par  Télés- 
phorCf  Hyginf  Pie  et  Anicet,  Mais  Soter 
ayant  aiiccéflW  à  Anicet^  Eleutkère,  le  douxiime 
pontife  depuis  les  apôtres^  gouverne  aiijour- 
d*hui  CEglise.  lAdv.  hœres.f  lib.  au,  cap.  3, 
p.  175.) 

De  même  Tertullien  pro)K)se  un  moyen 
expéditif  d*apaiser  les  différends  et  les  con- 
troverses, en  invitant  les  parties  adverses  à 
s'adresser  à  TEdise  aposlolique,  qui  sa 
trouve  le  plus  àleur  portée.  Sx  c'ea/,  dit-il, 
en  Afrique^  Rome  n^ est  pas  loin;  il  est  facile 
d'y  en  appeler.  Puis  il  ajoute  :  Eglise  for- 
tunéCf  que  les  grands  apôtres  ont  imprégnée  de 
leur  doctrine  et  de  leur  sangl  (Pe  prutscript.^ 
cap.  30,  p.  338.) 

Si  nous  descendons  un  peu  plus  bas,  saint 
Cyprien  nous  tient  le  même  langa^^e;  voici 
en  effet  dans  quels  termes  il  s'exj  rime  : 
Après  ces  tentatives,  après  s^étre  choisi  à  eux-- 
mêmes un  évéquCf  ils  osent  mettre  à  la  voiU 
et  porter  des  lettres  de  schismatiques  et  de 
gens  profanes  à  la  chaire  de  Pierre  et  de  TA*- 
glise  principaUf  où  f  unité  sacerdotale  prend 
sa  source ,  ne  faisant  pas  réflexion  que  les 
membres  de  cette  Eglise  sont  ces  Romains  {dont 
la  foi  est  préconisée  par  Paul)  auprès  desquels 
la  perfidie  ne  saurait  avoir  ct'acc^a..  (Ep.  54, 
p  86.)  Ainsi  saint  Cyi>rien  ne  rapi>elle  pas 
seulement  le  siège  de  Pierre  et  TEglise  prin 
cipale,  il  ajoute  qu'elle  est  la  source  unique 
de  l'unité,  el  quelle  est  préservée  de  toute 
erreur  pariio  soin  spécial  de  la  Providence. 


êVè 


Pkp 


DiCtiONNAinE  AtOLOGKTiQUK 


PAP 


423 


Le  concile  tenu  à  Safdique,  en  Tlirace, 
k  la  requèle  de  saint  Alhanase,  et  auquel 
assistèrent  trois  cents  évoques,  nous  four- 
nit un  autre  témoignage  remarquable  et 
encore  plus  décisif.  Voici  comment  il  s'ex- 
prime dans  ses  décrets  :  Il  semble  três-con' 


{Episty  iynod,  ad  Julium  Rom,  Conc.  Gen,^ 
t.  Il  p.  661.)  Voilà  donc  un  concile  qui  re- 
connatt  le  ciroit  de  dernier  appel  au  chef  de 
l'Eglise;  et  il  déclare  en  termes  exprès  qu'il 
entend  par  là  la  chaire  de  Pierre  où  rési- 
dent ses  successeurs. 

Saint  Basile  le  grand  a  recours  au  Pape 
]>amase,  au  sujet  de  l'état  de  détresse  où  se 
trouvait  son  Eglise  ;  et,  pour  mieux  le  tou- 
cher, il  lui  rappelle  ûes  circonstances  où  les 
pontifes  de  Home  sont  intervenus  autrefois 
dans  les  affaires  de  son  siège.  Voici  comment 
il  s'exprime  :  Nous  savons  f  par  des  documents 
que  nous  avons  eu  soin  de  conserver^  que  le 
bienheureux  Dtnys^  qui  comme  vous  se  dis» 
iingua  par  sa  foi  et  ses  autres  vertus^  visita 
par  ses  lettres  notre  Eglise  de  Césarée^  con^ 
sotanos  pères,  et  délivra  nos  frères  de  V escla- 
vage. Or  notre  situation  présente  est  bien  plus 
déplorable  encore.  Si  donc  vous  ne  vous  déci- 
dez à  venir  promptement  à  notre  aide,  bientôt 
tout  le  monde  sera  soumis  aux  hérétiques,  et  il 
ne  se  trouvera  plus  personne  à  qui  vous  puis*- 
siez  tendre  la  main,  (Ep.  70>  ad  Damasum, 
tom.  III,  p.  16i.)  Dans  un  autre  passage  il 
raconte  qu'Eustathius,  évèque  de  Séhaste, 
ayant  été  déposé,  se  rendit  à  Rome  ;  qu'il 
ignore  ce  qui  s'est  passé  entre  lui  et  l'é- 
véque  de  cette  cité  ;  mais  qu'à  son  retour 
Eustathius  présenta  une  lettre  du  Pape  au 
concile  de  Thyane ,  où  il  fut  sur-le-champ 
rétabli  sur  son  siège.  Voilà  donc  qu'un 
évèque  d'Orient  en  appelle  au  Pape,  revient 
avec  une  lettre  du  Pontife  de  Rome  à  un 
synode  provincial  ;  et  quoiqu'il  soit  évident 
que  saint  Basile  en  cette  circonstance  pense 
qu'il  y  avait  eu  quelques  raisons  de  pronon- 
cer sa  déposition,  cependant,  sur  la  simjile 
exhibition  de  la  lettre  du  Souverain  Pontife, 
il  est  rétabli  dans  ses  droits. 

Saint  Jérôme,  écrivant  au  même  Pape,  s'a- 
dresse à  lui  absolument  dans  les  mêmes  ter- 
mes que  le  ferait  tout  catholique  de  nos 
jours;  peut-être  même  va-t*il  plus  loin  en- 
core :  Je  ne  veux  suivre  aucun  autre  que  le 
Ckrisif  uni  à  la  communion  de  votre  sainteté, 
c'est-à-dire  à  la  chaire  de  Pierre.  Je  sais  que 
l'Eglise  est  fondée  sur  ce  roc.  Quiconque 
mange  C Agneau  hors  de  cette  maison,  est 
un  profane.  Quiconque  n'est  pas  renfermé 
dans  l'arche,  périra  dans  les  eaux  du  déluge. 
Mais,  ivmme  il  ne  m'est  pas  possible,  retiré 
comme  je  le  suis  dans  les  déserts  de  la  Syrie, 
de  recevoir  le  sacrement  de  vos  mains,  je  suis 
vos  collègues,  les  évéques  d^ Egypte.  Je  ne 
connais  pas  Vitalis,  je  ne  suis  pas  en  commu- 
nion avec  Mélice,  Paulin  est  un  étranger  pour 
moi  (c'étaient  des  hommes  dont  la  foi  était 
suspecte);  celui  qui  ne  recueille  pas  avec 
vouSf  dissipe.  (Ep.  1^,  ad  Damas.,  t.  IV,  p.  19.) 


Il  est  un  |)assage  att:|Uel  j'ai  déjà  fait  a  • 
lusion,  comme  étant  l'expression  des  senti- 
ments de  saint  Jean  Chrysostome  |  je  vais 
vous  citer  ce  passage»  parce  qu'il  est  d'une 
énergie  et  d'une  force  remarquable.  Il  écrit 
au  Pape  Innocent,  évèque  de  Rome)  au  su-^ 
jet  de  ce  qu'il  avait  été  dépossédé  de  son 
siège  et  traité  de  la  manière  la  plus  injuste  : 
Je  votM  prie  d'ordonner  que  tout  ce  qui  a  été 
fait  méchamment  contre  moi^  lorsque  jyiais  ab- 
sent et  que  je  ne  me  refusais  pas  à  unjugemcnt^ 
soit  de  nul  effet,  et  que  ceux  qui  ont  procédé 
contre  moi  de  la  sorte  soient  soumis  à  une 
peine  ecclésiastique.  Faites-moi  la  grâce^  à  moi 
qui  n'ai  été  convaincu  d'aucune  faute,  deiouir 
de  la  consolation  de  vos  lettres  et  de  la  so- 
ciété de  mes  anciens  amis,  (Ep.  ad  Innoc.^ 
tom.  III,  pag.  520.)  Cela  ne  snppose-t-il  pas 
la  croyance  aue  l'évêque  de  Rome  avait  ju* 
ridicton  sur  les  évêques  d'Asie,  et  le  droit 
de  punir;  et  cet  appel  d'un  patriarche  de 
Constantinople  au  Pontife  romain  n'estai 
pas  une  attestation  pèremptoire  de  son  sou- 
verain domaine  sur  l'Eglise  universelle? 
En  outre»  le  même  saint  s'exprime  encore 
d'une  manière  plus  énergique  dans  ces  au- 
tres i>aroles  :  «  Pourquoi  le  Christ  a-t^ii  versé 
son  sang  ?  Certainement  pour  sauver  ces  bre^- 
bis  dont  le  soin  a  été  confié  à  Pierre  et  à 
ses  successeurs.  »  (De  sacerd.,  lib.  ii,  cap.  1, 
tom.  1,  pag.  372.) 

Ces  citations  ne  forment  pas  la  vino'tiènj« 
partie  de  celles  que  j'omets;  mais  il  est  une 
autre  classe  de  passages  que  je  ne  dois  pas 
passer  sous  silence;  ce  sont  les  térooif^ua- 

Ses  multipliés  des  conciles  générauxi  c  est- 
-dire  des  conciles  de  toute  I  Eglise,  qui  re- 
connaissent l'autorité  suprême  du  Pepe 
dans  les  décisions  sur  toutes  les  matières 
ecclésiastiques.  Cette  suprématie  du  pon- 
tife de  Rome  était  toujours  réclamée  en  son 
nom  par  les  légats  apostolîaues  qui  y  pré- 
sidaient, et  toujours  aussi  elle  était  recon- 
nue i\es  Pères  ou  des  évêques  qui  compo- 
saient le  svnode.  Par  exemple,  au  concile 
d'Ephèse,  Philippe,  un  des  délégués  du  Pape 
Céléstin,  s'adressa  en  ces  termes  à  cette  as- 
semblée vénérable  :  Nul  n'en  doute:  tous  Us 
siècles  en  effet  ont  reconnu  que  le  très-saint 
Pierre,  le  prince  des  apôtres,  la  colonne  de 
la  foi  et  le  fondement  de  l'Eglise,  a  reçu  de 
Notre-Seigneur  les  clefs  du  royaume  céleste, 
et  le  pouvoir  de  remettre  et  de  retenir  les  pé- 
chés. Il  vit  encore  aujourd'hui  dans  la  per- 
sonne de  ses  successeurs  et  il  exerce  toujours 
ce  pouvoir  par  leurs  mains^  Notre  saint 
Père  Célestiny  le  successeur  légitime  de  Pierre, 
et  qui  tient  maintenant  sa  place,  nous  u  en- 
voyés en  son  nom  à  ce  saint  concile,  conro- 
que  par  nos  très-chrétiens  empereurs,  pour  la 
conservation  de  la  foi  qu'ils  ont  reçue  de  leurs 
pères.  (Conc.  gén.,  tom.  III,  act.  3,  p.  02<L) 

De  même,  les  Pères  du  concile  de  Chal- 
cédoine,  après  avoir  entendu  la  lecture  de 
la  lettre  (^ue  leur  avait  adressée  le  Pa|)e 
Léon,  s'écrièrent  d'une  voix  unanime:  C'est 
la  foi  de  nos  pères;  Pierre  a  parlé  par  la 
bouche  de  Léon;  c'st  ainsi  que  les  apôtres  ont 
enseigné.  (Ibid,,  t.  IV,  p.  3(î8.)  El,  lorsq^fà  la 


« 


PAP 


DICTiONNAlRE  APOLOGETlQtlE. 


PAP 


491 


Mm  h  sjDode,  ils  s'adressèrent  à  ce 
jà/fl/ Pontife,  leurs  expressions  sont  si  re- 
Qisr]ual)les  que  je  ne  saurais  in*ecnp6cher 
^  le5  ciler  :  «  Dans  la  personne  de  Pierre^ 
tcriveot-ils,  gui  nous  a  été  donné  pour  inier- 
friit.  tous  comervez  la  chaîne  de  la  foi^  d'a^ 
frfi  le  cottunandement  de  voire  Maître^  et  elle 
iwtni  jtuquà  nous.  Cest  pourquoi^  vous 
ifui  fris  pour  noire  guide^  nous  avons  en- 
ifi^Rda  térilé  aux  fidèles ,  non  par  noire  i/i- 
UffrilAlion privée f  mais  par  notre  confession 
mnme.  Si  donc  deux  ou  trois  personnes  se 
Hnml  réunies  ensemble  au  nom  du  Christ^ 
ûatBumiUeu  telles^  combien  plus  a-t-il  dà 
NtroKrer  arec  cinq  cent  vingt  de  ses  minis- 
im!Aw4essusd^euXf  comme  la  tète  au-des- 
Wiles  membres,  V0U4  avez  présidé  par  ceux 
fia  îimtnt  voire  place.  Nous  vous  conju'^ 
ms  ionc  é^konorer  notre  décision  par  vos 
àmir,  et  comme  nous  sommes  en  parfait 
Kcnrd  avec  le  chef  (de  VEQlise)^  que  votre 
iii\%mt  achète  et  accomplisse  ce  qui  con^ 
i<tii  À  rof  enfants.  Dioscore  (ait  éclater  sa 
m (outre  celui  à  aui  le  Christ  a  confié  le 
«a  de  sa  rigne,  c  est*à-dire  contre  votre 
miiïi  apostolique.  »  (ibtd.,  p.  834.,  835, 

v>>as  le  voyez  donc,  ce  u*est  pas  là  une 

^.bfie  oouf elle»  mais  au  contraire  toute 

l2&iii|uiié  s'accorde  avec  nous  à  croire  que 

^!^  diria  Sauveu  r  a  donné  à  Pierre  une 

Kffémi(i  et  une  primauté  sur  son  Eglise, 

(tfj'elies  se  sont  perpétuées  à  travers  les 

^  màntSf  dans  la  personne  de  ses  suc* 

^^m,  les  évèques  de  Rome.  Nous  les 

^^< exercer  des  actes  d^autorité  décisive 

iinard  des  plus  hauts  dignitaires  de  !*£- 

^(l'Orient;  nous  les  voyons  reconnus 

Miiie  juges  suprêmes  |)ar  les  plus  savants 

fnire  les  Pères  ;  nous  avons  rappelé  en 

Bb^ énergiques  la  déférence  et  la  soumis-» 

À  des  conciles,  même  généraux,  à  leurs 

iciiioQs et  à  leurs  décrets.  Si  cela  ne  suflit 

^m  prouver  la  croyance  de  ces  siècles 

iiibilà  suprématie  du  Pape,  je  ne  sais 

^<  comment  arriver  à  reconnaître  ce  qu'ils 

cru  et  enseigné  sur  un  sujet  quefcon* 

Jbis,  en  quatrième  lieu,  la  meilleure  in- 
FprêiatioQ  d*une  prophétie  est  l'histoire 
F>0Q  accomplissement.  Les  prophéties  qui 
wn^aient la  dispersion  d'Israël  et  laban- 
r>  ou  Dieu  devait  le  laisser,  sont  restées 
Poures  jusqu'au  jour  où  elles  se  sont  trou- 
ât aciM)ffliiIies.  Les  Juifs  devaient-ils  être 
V]<!emeDt  privés  de  leur  temple,  ou  bien 
triuQie  autre  forme  de  culte  national?  De- 
^tiiirih  simplement  être  destitués  de  tout 
^lemement  domestique,  ou  devaient-ils 
PMre  toute  espèce  de  droit  de  cité  et  de 
kiiuunauté  avec  le  reste  du  monde?  Lisez 
t  prophétie  à  la  lueur  du  flambeau  de 
^toire,  et  tout  est  clair,  logique  et  cou- 
KûkcanL  Maintenant,  appliquez  cette  règle 
^h  promesse  bite  à  Pierre.  Un  pouvoir  qui 
>^d  descendre  de  lui  se  trouve  existant 
^kfi  en  &^e,  au  sein  du  christianisme,  sans 
^^  a&s'jjetti  à  aucune  des  variations,  vicis- 
"'fi^etiaterrapUunsde  toute  domination 


temporelle.  Il  forme  lu  chaîne  unique  qui, 
sans  rupture  et  sans  interruntion,  lie  ea« 
semble  à  travers  tous  les  siècles,  et  unit  les 
uns  aux  autres  les  éléments  de  Thistoire  sa- 
crée et  profane.  Car^  tandis  que  de  eourtes 
dynasties  naissent  et  meurent  autour  de  cette 
puissance  sacrée,  Thislorien,  pour  fixer  l'é- 
poque de  leur  commencement,  des  événe- 
ments qui  s  y  rapportent  et  de  leur  Guy  n*a 
d*autre  moyen  i|ue  de  les  rapporter  à  la 
succession  non  interrompue  de  ceux  dans 
les  mains  desquels  elle  a  résidé<  Qu'on  ne 
dise  pas  non  plus  que  celle  perpétuité  est 
le  résultat  d*un  hommage  aveugle  payé  à 
Tautorité  des  Souverains  Pontifes.  A  diver** 
ses  reprises,  leur  patrimoine  a  été  usurp6 
.  parles  étrangers,  leur  capitale  a  été  sacca^ 
gée  par  les  conquérants,  leur  chaire  réduite 
en  cendres  par  les  harl^ares;  ils  ont  été  uen»- 
dant  plusieurs  générations  retenus  dans!  exil 
par  leurs  sujets  rebelles;  ils  ont  été  jeié» 
dans  les  fers,  mis  à  mort;  en  un  mot,  ils 
ont  éprouvé  tout  ce  qui  met  fîn  aux  dynas- 
ties mortelles  et  aux  principautés  humaines. 
Mais  une  vigueur  mystérieuse  semble  ani- 
mer cette  race  de  |>rinces  sacrés;  et,  tandis 
que  Ton  voit  d'autres  évêchés  effacés  de  la 
surface  de  la  terre,  ici  les  pontifes  succè- 
dent aux  pontifes,  en  dépit  de  tous  les  obsla- 
clés  :  le  conclave  pour  leur  élection  se  tient, 
tantôt  dans  une  province  éloignée  de  rita- 
lie,  tantôt  en  France  ou  en  Allemagne;  tou- 
jours un  successiçur  est  élu  dans  les  formes 
prescrites,  et  recQnnu  de  toute  TEglise,  et 
toutes  les  tentatives  faites  pour  en  rompre 
la  suite  avortent  et  deviennent  inutiles. 

En  même  temps,  cette  |iuissance  pontifi-^ 
cale  exerce  une  influence  marquée  sur  la 
civilisation,  la  culture  et  le  bonheur  dea 
hommes.  Avec  les  vertus  de  ceux  qui  eu 
sont  successivement  revêtus,  on  voit  fleurir 
les  vertus  de  toute  la  terre;  les  vices  bien 
rares,  il  faut  l'avouer,  mais,  hélas  I  trop  in- 
fluents de  quelques-uns  d'entre  eux  hou* 
vent  un  funeste  échodans  le  restedu  monde 
chrétien,  qui  en  ressent  les  fatales  atteintes., 
Les  vertus  humaines  sont  comme  une  mer. 
qui  s'élève  ou  s'al)aisse,  qui  est  en  flux  ou 
en  reflux,  par  cela  seul  que  la  vertu  des 
pontifes  est  en  progrès  ou  en  diminution. 
Mais  là  ne  se  borne  pas  l'influence  de  fan-. 
torité  pontificale.  Le  sort  de  touie  la  reli- 
gion semble  être  attaché  à  sa  destinée;  on 
peut  dire  que  depuis  plusieurs  siècles  elle 
n'existe  plus  nulle  part  que  dans  son  union 
et  sa  dépendance  avec  elle  ;  point  de  pas- 
teurs qui  ne  reçoivent  d'elle  leur  juridiction  ; 
point  de  prédicateurs  qui  ne  œnfessent 
avoir  appris  d'elle  les  doctrines  qu'ils  dot- 
vent  enseigner;  point  de  fidèles  enfin  qui  ne 
fondent  Téspoir  de  leur  salut  sur  leur  unité 
de  communion  avec  elle.  Tout  ce  qui  brille 
dans  la  religion  semble  n'être  qu'un  reflet 
de  sa  lumière;  formes  et  cérémonies,  lois 
et  canons,  symboles  de  foi  et  termes  de  com- 
munion tout  dérive  d'elle  avec  une  pleine 
obéissance.  . 

Un  système  qui  dao»**  •-''•  -*^  '«^es  se 
trouve  sienlièrer  ^- 


i^ 


PÀP 


DICTIONiNÂlKl!;  APOLOGETIQUE. 


PAP 


4^1 


nisroe,  et  qui  en  rè^^le  roxistence,  ne  sau- 
rait 6tre  une  simfile  niCKlificalion  acciden- 
telle ;  il  doit,  ou  former  une  partie  intégrante 
de  sa  constitution,  ou  exister  ainsi  depuis 
longtemps  malgré  lui;  c'est,  ou  un  organe 
essentiel,  nécessaire  h  ses  fondions  vitales, 
qui  agit  avec  une  puissante  énergie  jus- 
qu*aux  dernières  extrémités  de  ce  corps 
mystique;  que  dis-ie,  c'en  est  le  cœur  et 
l'âme,  ou  bien  ce  n  est  qu'un  monstrueux 
assemblage  qui  s'y  est  fortement  attaché  et 
comme  profondément  enraciné,  et  qui  exerce 
dans  toutes  ses  parties  une  inllu«?nce  désor^a- 
nisatriceet  fatale.  Vous  platl-il  maintenant 
de  le  considérer  dans  ce  dernier  sens?  Alors 
\ayez  dans  (|uel  abîme  de  dilUcultés  vous 
allez  vous  jeterl 

D'abord,  vous  mettez  en  pièces,  que  dis* 
je?  Vous  réduisez  complètement  en  poudre 
toutes  les  plus  belles  merveilles  du  christia- 
nisme. La  soumission  du  rœur  et  de  la  vo- 
lonté à  l'enseignement  de  la  toi,  l'espérance, 
qui  nous  fait  jeter  l'ancre  dans  un  autre 
monde ,  les  biens  de  \a  charité  religieuse  ; 
Taffection  qui  unit  les  caractères  les  plus 
opposés,  l'attachement  le  plus  héroïque  aux 
grandes  maximes  de  la  religion,  toute  la 
science  des  docteurs ,  toute  la  constance  des 
martyrs,  tout  le  dévouement  des  pasteurs, 
en  un  mot  tout  ce  oui  fait  du  christianisme 
quelque  chose  de  plus  saint,  de  plus  noble, 
ue  plus  divin  quece  que  la  terre  ou  l'homme 
avaient  produit  dans  les  temps  qui  avaient 
précédé,  tout  cela  n'a  existé  nulle  [uirt,  ni 
en  aucun  temps,  qu'en  communion  avec 
cette  autorité  usurpée ,  ainsi  que  vous  le 
supposez,  et  s'est  fait  gloire  de  lui  payer 
un  tribut  de  respect,  de  lui  prêter  son  appui 
et  de  lui  rendre  témoignage.  Proclamez- vous 
que  ce  ne  sont  là  qu'autant  de  témoignages 
rendus  h  une  monstrueuse  fausseté  et  h  une 
alfreuse  déception?  Mais  alors,  vous  leur 
ôtez  nécessairemeut  toute  leur  force  en  ma* 
tière  de  preuve,  et  il  vous  faudra  chercher 
ailleurs  les  preuves  les  plus  belles  et  les 
plus  touchantes  du  christianisme. 

En  second  lieu,  vous  devez  aussi  consi- 
dérer la  protection  continuelle  et  non  inter- 
rompue que  cette  institution  a  reçue  de  la 
divine  Providence.  La  destinée  des  institu- 
tions iiumaincs  est  de  croître,  de  fleurir, 
puis  de  tomber  en  décadence,  elles  com- 
mencent diliicilement,  subsistent  un  peu  de 
temps  et  disparaissent  sans  retour,  nulle 
dynastie,  nul  royaume  qui  ail  atteint  la 
moitié  de  sa  durée  :  nul  dessein ,  même  le 
plus  favorisé  de  Dieu,  qui  ait  traversé  vic- 
torieusement tant  de  diverses  vicissitudes, 
son  partage  semble  avoir  été  celui  du  juste  ; 
la  tribulation  paratt  lui  être  envoyée  pour 
l'éprouver  et  la  punir,  et  non  pour  la  dé- 
truire. Quoi  1  su|)iK)serez-vous  que  cette  in- 
tervention extraordinaire  de  la  Providence 
ait  été  toute  en  faveur  d'une  usurpation 
anticbrétienne,  qui  ne  fait  qu'égarer  les 
iiommes  et  ruiner  la  cause  de  Dieu? 

KnUn,  vous  devez  reconnaître  que  le  Tout- 
Puissant  s'est  constamment  servi  de  cette 
terrible  atK>stasie  comme  du  seul  moyen 


qui  fût  entre  ses  mains  jiour  conserver  cl 
propager  sa  religion.  Comme  de  tunique 
moyen  pour  laeoraerver;  car,  durant  le  cours 
de  tant  de  siècles,  \ms  une  hérésie,  je  pari? 
de  celles  que  les  protestants  eux-mêmes  sont 
forcés  d'appeler  de  ce  nom,  n'a  été  condam- 
née, étouffée  et  déracinée  autrement  que  par 
le  ministère  et  les  décrets  de  l'autorité  pon- 
tificale. Ariens,  macédoniens,  eulychiens, 
nestoriens,  pélagiens  et  mille  autres  encore, 
ont  été  anathématisés  par  les  Papes;  et  tel 
est  le  moyen  unique  par  lequel  la  doctrine 
et  la  foi  de  l'Ealise  se  sont  conservées  pures 
et  intactes  de  leurs  erreurs.  Ce  n'est  qu'au 
nom  et  })ar  l'autorité  des  Souverains  Ponlifes 
que  les  conciles  ont  été  convoqués  et  les 
canons  promulgués ,  et  qu'ainsi  s'est  accrue 
et  conservée  la  moralité  des  fiJèles.  Commr 
Punique  moyen  delà  propager;  car  tontes  k's 
contrées  de  la  terre,  qui  ont  été  converties 
au  christianisme  depuis  le  temps  des  apôtres 
sont  redevables  de  ce  bienfait  au  Saint-Siège. 

L'Ecosse,  rirlande,  l'Andelerrc,  l'Aile- 
magne ,  le  Danemark ,  la  Hongrie ,  la  Po- 
logne et  la  Livonie  ont  été  converties  dci'uts 
le  cinquième  siècle  jusqu'au  dixième,  (vir 
des  missionnaires  envoyés  de  Rome.  Los 
Indes  orientales  et  occidentales  lui  ont  la 
même  obligation;  on  peut  dire  qu'elles  ne 
connaissent  du  christianisme  que  la  foi  uc 
l'Eglise  romaine  devant  laquelle  elles  s'in- 
clinent avec  soumission.  Et  je  puis  d/rr, 
sans  crainte  d'être  contredit,  que  tandis  quM 
n'y  a  peut-être  pas  de  pays  sur  le  globe  où 
le  Souverain  Pontife  ne  compte  un  grand 
nombre  de  sujets,  aucune  autre  Eglise  ne 
peut  se  glorifier  d'avoir  possédé  avec  quelque 
étendue  ou  avec  quelque  durée,  le  pouvoir 
défaire  des  conversions. Eh  bien  1  mainte- 
nant, à  toutes  les  époques  où  vous  devez 
supposer  que  Dieu  a  usé  de  ce  système  anti* 
chrétien,  comme  de  l'unique  instrument 
propre  à  conserver  et  h  propager  le  chris- 
tianisme, remarquez  gue  rautorité  pontifi- 
cale se  glorifiait  publiquement  de  ces  suc- 
cès, et  les  présentait  comme  une  preuve 
néremptoire  qu'elle  était  le  roc  sur  lequel 
le  christianisme  est  fondé,  le  représentant 
de  la  seule  autorité  en  vertu  de  laquelle  il 
devait  être  reçu  comme  venant  de  Dieu.  Mais 
ne  résultera  il- il  |ias  de  votre  hypothèse  que 
Dieu  aurait  lui-même  soutenu  de  la  manière 
la  plus  eflieace,  une  si  horrible  et  si  terrible 
déception? 

Ne  m'alléguez  pas  que  Dieu  sait  tirer  le 
bien  du  mal,  qu'il  peut  se  servir  des  plus 
mauvais  agents,  et  qu'il  importe  peu  que 
l'Evangile  soit  prêché  par  un  esprit  de  ja- 
lousie, pourvu  qu'il  le  soit  en  elTet.  (Phiiipp. 
I,  17.)  Ce  n'est  que  dans  les  cas  ettraonli- 
naires  que  Dieu  a  recours  à  de  tels  moyens  ; 
ce  n'est  pas  là  le  cours  ordinaire  de  sa  Pro- 
vidence.  Je  conçois  bien  qu'il  envoie  un 
Sennachérib  ou  un  Nahucnodonosor  pour 
convertir  son  peuple  et  le  purifier  en  le  châ- 
tiant ;  mais  je  ne  saurais ,  sans  blasphémer 
sa  bonté,  penser  qu'il  puisse  lui  donner, 
pour  chefs  ordinaires,  de  pareils  liumnie>, 
et  leur  confier  habituellement  et  pendant 


m 


PAP 


DICTlOiNNAlRE  APOLOGETIQUE. 


PAP 


i26 


«les  sikles  le  soin  de  proléger  et  de  défendre 
m  béritage  et  sou  culte.  Je  conçois  bien 
rocore  que  fialaam ,  qui  était  venu  pour 
maudire,  se] trouve  forcé,  malgré  lui, "de 
i>^oir  le  peuple  du  Seigneur  et  de  prophé 
liser  k  teter  de  Véloile  de  Jacob  ;  mais  je 
fif  puis  admettre,  sans  outrager  sa  sainteté, 
/[oe  les  prophètes ,  depuis  Samuel  jusqu'à 
Iblichie,  n'aient  été  qu'une  suite  d'autres 
BibiiDfGOotraints,  contre  leur  gré,  à  in- 
siroire  une  nation  qu'ils  auraient  surpassée 
fn  méchanceté.  Paul  aussi  n'a  pu  supposer 
que lOHS  les apAtres  et  tous  les  prédicateurs 
ce iÏTangile,  durant  les  siècles,  n'enseigne- 
nieDtles  dogmes  du  christianisme  que  f>ar 
m  esprit  de  jalousie.  Tel  est  cependant 
fiWiDe  où  vous  vous  jetez  ;  telles  sont  '(les 
dilbltésdans  lesquelles  vous  tombez,  en 
apposaotaae  la  suprématie  du  Saint-Siège 
a'ieiisiédaas  le  cnristianisme  que  contre 
h  ^loolé  divine, 

^apposez,  au  contraire ,  que  cette  supré- 

uiie  ait  été  donnée  à  Pierre ,  alors ,  tout 

c^coQséqaent,  tout  est  merveilleux,  tout 

«tsablioe.  Nous  suivons  à  travers  tous  les 

b^rtccomplissemeutUela  promesse;  nous 

utsapliqqons  comment  elle  a  résisté  au 

t^^taotde  convulsions,  comment  elle 

^istreieiée  tant  de  fois  invincible  de  des- 

iwJ»  lots  tempétueux;  comment  elle  est 

ttifffr  à  la  ruine  qui  frappe  toutes  les 

ytitptions  humaines,  et  a  été  le  roc  qui 

fcnuti  toutes  les  parties  de  ce  vaste  bAti- 

Mnoebase  si  solide,  qu'il  s'en  est  formé 

feifiiif édifice,  et  les  a  conservées  inébrao- 

wdans  tons  les  siècles. 

'  M»  c'est  une  institution  dont  la  subli- 

Mesl  di^e  de  Dieu.  Voir  ainsi  la  rcli- 

PidereDir  un  objet  sur  lequel  la  terre  et 

ws  ses  vicissitudes  n'ont  aucun  empire  ; 

Ï^ 3e rit  des  bornes  que  le  génie  de  l'homme, 
«oiaio  plus  puissante  encore  de  la  nature 
Mposées  pour  intercepter  les  communica- 
pnfnlfelcs  peuples;  qui  sait  faire'.respec- 
|e(  observer  ses  décrets  à  des  peuples  qui 
pi jamais  entendu  le  nom  et  les  conquêtes 
MOfoe,  qu'autant  qu'ils  se  trouvent  liés 
N  HTités  qu'ils  en  ont  reçues;  qui  em- 

twe  dans  un  intérêt  commun  et  dans 
iens  de  la  charité,  les  peuples  les  i)lus 
reots  de  langage,  de  couleuret  de  figure; 
Slk^,en  vérité,  l'idée  que  nous  eussions 
*ous  former  d'une  religion  qui  aurait  eu 
hauteur  Celui  à  qui  appartiennent  les 
■^«w  de  la  terre  (PsaL  xciv).  Quelle 
P^que  celle-là,  qu'à  la  grande  fôte  de 
nQes*  lorsnue  le  souverain  pontife  étendra 
^inset  bénira  tout  son  troupeau,  cette* 
pdiction  traversera  les  mers  eljles  océans, 
Pvi«^Qdra  à  des  climats  que  le  soleil  n'éclai- 
^  l'As  encore  de  sa  lumière ,  et  tombera 
^'^e  une  rosée  sur  des  églises  qui  ne  re- 
^^Qt les  nouvelles  de  ce  grand  jour,  que 
v^tmps  après  que  les  feuilles  que  nous 
^^'M  présientement  en  boutons  sur  les 
f  ^"^i  se  seront  desséchées  et  seront  tom- 
f'^^àm  le  sépulcre  que  leur  creuse  l'au- 

W»i  pénible  de  nous  détourner  de  ces 

DlGTI09fXAUlE  APOLOGÉTIQUE.    11. 


pensées  consolantes  pour  aborder  les  objec- 
tions Que  les  préjugés  ou  l'ignorance  ont 
soulevées  contre  ce  que  'n«us  avons  dit  de 
l'autorité  pontificale.  Mais  je  sais  qu'il  en 
est  peut-être  qui  désirent  m'arrêter  et  me 
rappeler  qu'il  y  a  des  volumes  écrits  contre 
les  crimes  et  les  iniquités  des  Papes.  Ou  me 
dira  qu'ils  n'ont  été,  pendant  des  siècles, 
qu'une  suite  d'hommes  remplis  de  l'esprit 
du  monde,  n'aspirant  qu'à  la  puissance  ter* 
restre,  et  ne  cherchant  qu'à  arracher  la 
couronne  de  la  tête  des  souverains  ;  saisis- 
sant averardeur  toutes  les  occasions  de  lutte 
contre  la  puissance  temporelle  et  de  se 
rendre  à  la  fois  les  chefs  politiques  et  les 
maîtres  spirituels  du  monde.  Pour  réponse , 
je  ferai  d'abord  observer  que,  quelle  que 
soit  l'impression  dont  on  puisse  être  affecté 
par  rapport  à  la  conduite  de  quelques-uns, 
ou  même  de  beaucoup  des  pontifes  romains, 
on  n'a  pas  le  droit  |de  s'en  faire  une  règle 
pour  l'interprétation  [des  paroles  du  Christ, 
ou  pour  juger  de  l'existence  d'une  institu- 
tion. Beaucoup  de  ceux  qui  ont  été  honorés 
du  titre  de  grand  prêtre  chez  les  Juifs ,  de- 
puis Héli  jusqu'à  Caïphe ,  ont  déshonoré  leur 
rang  ;  et  ce()endant  la  sainteté  de  cette  dignité 
et  son  institution  divine,  n'en  ont  reçu  au- 
cune atteinte  ;  et  ni  notre  Sauveur,  ni  saint 
Paul  n'ont  enseigné  qu'il  fallût  lui  refuser 
le  respect  et  la  vénération,  Nous  savons  que 
parmi  les  apôtres  eux-mêmes,  il  y  en  eut 
un  capable  de  trahir  son  matlre;  par  consé- 
quent,  de  commettre  le  crime  le  plus  abo- 
minable qu'ait  jamais  éclairé  le  soleil ,  sans 
que  pour  cela  l'apostolat  ait  rien  perdu  de 
sa  diffnité.  Nous  pouvons  dire  de  ta  môme 
manière  que  si  Ton  voulait  compter  le  nom- 
re  des  Papes  qui  ont  déshonoré  leur  carac- 
tère, il  ne  serait  pas,  relativement  à  ceux 
dont  les  vertus  ont  fait  la  gloire  du  chris- 
tianisme, dans  la  même  proportion  que  le 
perfide  Judas,  par  rapport  au  collège  aposto- 
lique. Si  donc  la  dignité  des  apôtres  n'a  rien 
perdu  par  la  trahison  de  Judas  ;  si  leur  ju- 
ridiction n'en  a  souffert  aucune  diminution, 
je  vous  le  demande,  l'institution  de  Tau- 
torité  pontificale  doit-elle  être  condamnée 
pour  les  crimes  de  quelques-uns  de  ceux 
qui  en  ont  été  revêtus? 

Mais  à  ce  sujet  il  se  présente  une  foule 
d'illusions  et  de  déceptions  sans  cesse  ré- 
pétées et  capables  de  nous  porter  à  nous 
étonner  comment  on  a  pu  se  laisser  prendre 
à  de  si  grossières  faussetés.  D*aboru  il  est 
d'usage  do  confondre  ensemble  le  caractère 
privé^,  individuel  du  Pontife,  et  sa  conduite 
publique;  et  cependant  il  y  a  en  cela  une 
distinction  nécessaire  à  faire,  comme  je  l'ai 
observé  au  commencement  de  cet  article. 
Notre  Sauveur,  en  conférant  aux  Panes  un 
pouvoir  si  étendn ,  leur  a  donné,  sils  en 
étaient  indignes,  les  moyens  de  faire  beau- 
coup de  mal,  comme  ceux  de  faire  le  plus 
grand  bien  :  cependant  il  ne  leur  a  pas  ôté 
pour  ceJa  leur  responsabilité  personnelle; 
il  les  a  laissés  en  possession  de  leur  libre 

arbitre,  dans   la  position  par  con*' 

la  plus  dangereuse  à   laquelle  la 


m 


PAP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAP 


i» 


humaine  puisse  se  trouver  exposée.  Do  là 
résulle  la  possibilité  qu'un  certain  nombre 
<le  Papes  se  soient  montrés  indignes  de  leur 
caractère.  Qu'il  en  ait  été  ainsi,  personne 
ne  le  nie;  mais  en  même  temps  il  faut  re- 
connaître que  dans  une  foule  d'exemples,  on 
a  dénaturé  ici  les  faits  [Ans  que  dans  aucune 
autre  partie  de  l'histoire,  rour  ce  qui  est 
des  Pontifes  des  premiers  siècles  «  personne 
no  contestera  qu  ils  n'aient  été  dignes  de  la 
])lace  qui  leur  a  été  donnée  dans  le  calen- 
drier des  saints.  Pour  les  Pontifes  des  der- 
niers siècles,  il  est  reconnu  de  même,  non- 
seulement  des  écrivains  catholiques,  mais 
même  des  auteurs  protestants,  non  pas  d'une 
époque  éloignée,  mais  d'une  date  toute  ré- 
cenie,  que  depuis  le  changement  de  religion 
-^survenu  dans  quelques  parties  de  1  Eu- 
rope ,  depuis  et  avant  la  réforme ,  rien  n'a 
été  plus  exemplaire  et  plus  digne  de  la 
place  qu'ils  occupaient,  que  la  conduite  de 
40US  ceux  qui  ont  rempli  la  chaire  de  saint 
Pierre. 

Ainsi  donc,  la  seule  époque  de  l'histoire 
<iuiait  pu  fournir  toutes  ces  objections,  ce 
sont  les  siècles  appelés  le  moyen  Age,  ou 
les  siècles  de  ténèbres.  Or,  tous  ceux  çiui 
4)rétendent  juger  cette  période  de  l'histoire, 
sont  en  général  totalement  étrangers  à  l'es- 
prit qui  l'animait;  ainsi,  sans  être  en  état 
d'apprécier  sous  leur  véritable  point  de  vue 
les   mesures  qui   furent  alors  suivies,  et 
ne  les  jugeant  que  d'après  les  vues  non 
moins  particulières  et  plqs  étroites  du  temps 
joii  ils  vivent,  ils  condamnent  la  conduite 
4ies  Papes,  comme  n'ayant  eu  d'autre  mobile 
-^ue  le  désir  de  l'agrandissement  temporel 
et  de  l'empire  souverain  du  monde.  Mais 
un  ravon  de  lumière  commence  à  pénétrer 
dans  le  chaos  et  la  conftision  où  les  préjugés 
^nt  plongé  l'histoire  de  ces  temps  malheu- 
reux; et  il  part  d'une  source  qui  doit  rendre 
tout  soupçon  diOicile.  Depuis  ces  trente  der- 
nières années,  il. a  paru  une  foule  d'ou- 
vrages dans  lesquels  la  conduite  des  Papes 
du  moyen  âge  a  été  non-seulement  réhabili- 
tée ,  mais  encore  placée  dans  le  point  de  vue 
le  plus  sublime  et  te  plus  magnifique.  Et  je  re- 
mercie Dieu  de  ce  que  ces  ouvrages,  comme 
Je  ^viensde  le  dire,  partent  d'une  source 
qui  ne  saurait  être  suspecte;  car  ils  ont 
tous  des  protestants  pour. auteurs.  Dans  ces 
dernières  années ,  il  a  -été  publié  plusieurs 
vies  ou   réhabilitations  du  Pontife  ç|ui  a 
.été  regardé  (  omme  le  ty^e  personnifié  de 
-cette  soif  d'agrandissement  qui  est  attribuée 
.aux  Papes  du  moyen  âge  :  je  'Veux  parler  de 
Grégoire  VII,  connu  vulgairement  sous  le 
<aiun  de  Hildebrand.  Dans  un  grand  ouvrage 
JTolumineux,  publié  il  y  a  quelques  années 
Dar  Voigt,  et  approuvé  par  les  plus  célèbres 
nistoriens   de  1  Allema^e  moderne,  nous 
jvoyons  la  vie  dece  Pontife,  rédigée  d'après 
des  documents  contemporains,  d'après  sa 
luropre  correspondance  et  les  témoignages 
tant  de  ses  ennemis  que  de  ses  amis.  Il  ré- 

(iOl)  Eichborn,  Luden,  Léo,  Huiler  et  beaucoup 
4*auire«  écrivaias  protesunts. 


suite  de  là,  et  jp  voudrais  bien  i)Ouvoir  vous 
citer  les  paroles  mêmes  de  1  auteur,  que 
tout  historien  qui  Isaura  s'affranchir  de 
misérables  préjugés  et  d'idées  {inreuient 
nationales,  et  considérera  d'un  point  plus 
élevé  le  caractère  de  ce  Pontife  ,  sera  forcé 
de  le  reconnaître  pour  un  homme  d*un 
esprit  très-supérieur,  d'un  désintéresse- 
ment parfait  et  du  zèle  le  plus  pur,  un 
homme  qui  dans  toutes  les  occasions  a  su 
agir  comme  sa  position  demandait  quMI  agit, 
et  qui  n'employa  jamais  d'autres  moyens 
que  ceux  dont  il  avait  droit  de  se  servir. 
Voigt  est  suivi  en  cela  par  d'autres  écrivains 
qui  en  parlent  avec  un  enthousiasme  qu*un 
catholique  même  ne  saurait  dépasser;  on 
a  remarqué  qu'un  de  ces  auteurs  ne  put 
jamais  parler  de  ce  Pontife  sans  une  sorte  de 
ravissement  (Wk). 

Il  a  également  paru  un  autre  ouvrage 
fort  intéressant  :  c  est  la  Vie  d*Innocent  III, 
un  des  Pontifes;iles?plus  dénigrés  qui  aicoi 
occupé  le^siége  de  Rome,  écrite  par  Hurler, 
ministre  de  1  «église  protestante  d  jiHemagne. 
Cet  écrivain  a  examiné  de  nouveau  avec  une 
froide  éauité  les  allégations  portées  contre 
ce  Pontire;  il  a  basé  entièrement  son  travail 
sur  les  monuments  de  l'époque,  et  il  est  ar- 
rivé  è  cette  conclusion,  qu'il  n*jr  avait  dans 
la  conduite  de  ce  Pape  rien  qui  fût  digne 
de  reproche.  Qu'elle  doit  être  au  contraire 
l'objet  de  la  plus  haute  admiration.  Pour 
donner  une  idée  de  l'esprit  dans  lequel  cet 
ouvrage  est  fait,  je  vais  tous  citer  deux 
passages  qui  peuvent  s'appliquer  au  sujet 

3ue  je  traite ,  considéré  en  général.  Voici 
enc  comme  il  s'exprime  :  Instrument  im^ 
médiat  entre  les  mains  de  Dieu  pour  assurer 
le  plus  grand  bien  de  la  eommunautéf  tel  dut 
être  considéré  par  les  chrétiens  de  ce  temps^là^ 
par  les  ecclésiastiques ,  et  encore  plus  par 
ceux  qui  approchaient  davantage  au  centre 
de  F  Eglise  f*  celui  qui  en  était  le  chef.  Toutes 
les  puissances  de  ce  monde  ne  travaillent  que 
pour  le  bien  d'une  vie  terrestre^  pour  une  fin 
transitoire:  V  Eglise  seule  a  en  vue  le  salut  de 
tous  les  hommes  f  et  travaille  paur  une  fin 
d^ étemelle  durée.  Si  le  pouvoir  temporel  rient 
de  Dieu^  ce  n'est  pas  dans  le  même  sens^  dar  s 
(a  même  mesure  ,  ni  dans  les  mêmes  limites 

Sue  le  souverain  pouvoir  spirituel  de  cette 
poque,  dont  l'origine^  le  développement,  féten* 
due ,  et  Vinfluence  {indépendamment  de  toutes 
les  formules  dogmatiques)  forment  le  spec- 
tacle le  plus  remarqtuible  de  Vhistoire  du 
monde  (405). 

Dans  un  autre  passage ,  il  s'exprime 
ainsi  :  Portez  vos  regards  en  arrière^  remon-^ 
tex  d'une  époque  quelconque  à  d'autres  temps^ 
et  voyez  comment  l'institution  de  la  papauté 
n  survécu  à  toutes  les  autres  institutions  de 
f  Europe  ;  comment f  dans  les  variations  sans 
fin  de  la  puissance  humaine^  elle  seule  est  de-- 
meurée  invariable  et  a  conservé  et  retenu  le 
mémeesprit.  Serez^vous surprisque plusieurs 
la  regardent  comme   le  roc  qui  seUve   inf^ 


(405)  HuRTCR,  Geichidite  pabiat  Innocent  ///, 
semer  Zeitgenossen;  llamb.^  t85i,  voL  1,  p.  56. 


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PAP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAP 


430 


^ruMU  au-dessus  des  vagues  orageuses  du 

Tâi  esssjé  de  tous  présenter  en  abrégé 
les  arguments  sur  lesquels  s'appuie  la  su- 
prématie des  successeurs  de  saint  Pierre. 
Musarez  ru  sur  quelles  bases  nous  Téta- 
[t'mas  :  ce  sont  des  textes  clairs  de  1  Ecrî- 
m,  interprétés,  sans  violence,  simplement 
(j'iprès  leur  construction  et  leur  analogie  à 
c'autres  passages  de  la  sainte  ^>arole  de 
Diea.  Vous  avez  ru  comme  l'institution  de 
Itutorité  pontificale  s'est  transmise  et  main* 
i^oepar  une  suite  de  siècles  et  de  pontifes 
}\^û  celui  qui  occupe  aujourahui  la 
(Jiredesaint  Pierre^  le  glorieux  Pie  IX. 

Considérons  maintenant  la  papauté  dans 
.va  autorité  dogmatique,  dans  sa  mission 
t'Ktriaale. 

§ni. 

Ué^m^mt  de  l'Eglise  comme  autorité  doctriuale. 
-Il est  le  dépositatre  de  l*auU>rilé  de  l'Eglise,  comme 
)>BToir  dosmatique.  —  Des  grandeurs  de  la  mission 
«Ciinle  A»t  U  est  invesU. 

h  homme  illustre  disait,  au  commence- 

atni  de  notre  j^ièclcy  que  ia  plus  admirable 

tttriQtes  les  institutions,  c'était  la  papauté. 

O&u  peut  se  défendre  de  tenir  le  même 

bopct quand  on  examine,  dans  sa  nature 

tf  «<co  objet,  la  mission  doctrinale  des  sou- 

vfw  pontifes.  Il  y  a  dix-huit  cents  ans, 

n&( extraordinaire  arriva  dans  le  monde. 

b pécheur  de  la  Galilée  racommodait  ses 

Itô:  il  s'appelait  Simon  ;  et  voilà  qu'un 

msuné  Jésus  passe  et  lui  dit  :  «  Suis-moi  1 

«teferii  devenir  pêcheur  d'hommes.  »  Et 

kf'écheur  le  suivit.  Et  plus  tard  Jésus  dit 

>jïécheur;€  Tu  es  Pierre,  et  fsur  cette 

^  je  LAliirai  mon  Eglise,  et  les  portes 

l'eofer  ne  prévaudront  point  contre  elle. 

'^  a  bien  demandé  à  te  cribler  pour  te 

billir;  mais  j*ai  prié  pour  toi  ;  ta  foi 

rhaocellera  point,  et  ton  devoir,  comme 

pririlége,  sera  d'abord  de  prêcher  et 

ligner  comme  tous  les  autres,  mais 

te d asseoir,  de  fortifler  et  de  défeu- 

au  besoin  la  croyance  de  tes  frères  : 

inw  fraires  tuos.  Tu  les  raffermiras 

[bernent,  par  l'autorité  de  tes  décisions 

énergie  de  ton  courage  :par  l'autorité  de 

^écisions,  en  dissipant  leurs  erreurs  et 

bfiUeurs  incertitudes;  ])ar  l'énergie  de 

Pcourage,  en  t'opposant,  comme  [un  mur 

Priiû,  soit  aux  séductions  qui  tenteraient 

&•»$  surprendre,  soit  aux  tyrannies  qui  se 
^«nieraient  pour  les  opprimer  :  Confirma 
Tti,  • 

^  quand  le  maître  qui  lui  confiait  ce 
*>i  ministère  fut  parti  pour  le  ciel,  le 
'ierpililéen  s'en  alla  par  l'univers  rem- 
if  ses  instructions.  Répandre  la  vérité, 


--épand  .> ^ 

'ies  prédications  qui,  semblables  h  de 

>â  coups  de  ûlets,  saisissent  unn  fois 

[J^^  mille,  et  l'autre  fois  cinq  mille  hom- 

^tii confirme  la  vérité  dans  ce  concile 

^^}  IW.,  p.  70, 


apostolique  dont  il  préside  les  réunions  et 
promulgue  les  décrets;  il  soutient  l'indé- 
pendance de  la  vérité  en  annonçant  Jésus* 
Christ,  malgré  la  Synagogue  qui  lui  com- 
mande le  silence  et  le  jette  dans  les  cachots, 
parc^  qu'il  ue  peut  se  taire.  De  Jérusalem  il 
court  a  Antioche  ;  mais  ce  n'est  point  en- 
core là  le  lieu  de  son  repos.  Comme  l'œuvre 
qu'il  médite  doit  être  impérissable  et  uni- 
verselle; comme  elle  doit  envelopper  dans 
son  influence  et  toutes  les  régions  et  tous 
les  As;es,  il  choisit,  pour  l'asseoir,  un  sol 
plus  ferme  que  la  mobilité  de  l'Orient,  et 
plus  haut  qu'une  \cilé  subalterne.  Au  sein 
du  Latium,  au  pied  de  quelques  monticules 
qui  semblent  peser  sur  son  front  comme 
une^couronne  de  murailles  crénelées,  une 
ville  repose  dans  la  force  et  la  splendeur  ;  et 
sur  l'une  des  collines  qu'elle  embrasse,  un 
palais  s'élève  avec  un  rude  orgueil.  Cette 
ville,  c*e$t  Rome,  devenue,  par  sept  cents 
ans  de  sage  politique  et  de  colossales  con*- 
quêtes,  la  dominatrice  des  nations;  ce  palais, 
cest  celui  de  ses  consuls  transformés  eu 
empereurs.  Du  faite  de  ce  séjour,  comme 
du  sommet  d'un  observatoire  gigantesque, 
ils  ont  promené  eu  tous  sens  1  avidité  de 
leurs  regards;  partout  oil  ils  ont  aperçu  un 
coin  de  terre  libre  encore,  ils  lui  ont  dit: 
Tu  seras  une  proie  I  Et  leurs  aigles  dévo- 
rantes s'y  sont  précipitées,  comme  la  fou- 
dre dont  on  les  disait  messagères;  elles  ont 
porté  des  chaînes  et  des  erreurs  à  tous  les 
peuples,  et  à  leur  retour,  dans  les  plis  des 
drapeaux  arrachés  à  ces  nouveaux  esclaves, 
elles  ont  rapporté,  aux  Césars  qui  les  avaient 
lâchées,  autant  de  faux  dieux  pour  leur 
Panthéon  que  de  dépouilles  et  de  trophées 
pour  leur  Capitole.  Voilà  précisémant  où 
Pierre  vole  s'établir.  C'est  au  cœur  de  cette 
autre  Babylone  qu'il  place  le  centre  de  cette 
autre  Jérusalem  dont  il  doit  être  la  pierre 
fondamentale.  Là  où  le  despotisme  et*  lo 
mensonge  régnent  unis  par  des  nœuds  sé< 
culaires,  il  dresse  un  trône  dont  la  vérité 
partagera  l'usage  et  la  gloire  avec  la  charité. 
Enfin,  sur  les  mêmes  hauteurs,  d'où  les 
conquérants  romains  n'ont  entrevu  les  na- 
tions que  pour  leur  envoyer  la  servitude  et 
en  aggraver  les  ténèbres,  lui  vient  fonder 
une  dynastie  de  pontifes  qui,  se  disant,  ^i 
son  exemple,  serviteurs  de  tous  les  hom- 
mes, débiteurs  et  appuis  de  toutes  les  Ames, 
s'occupent  sans  cesse,  et  à  tout  prix,  de 
leur  faire  arriver  et  de  leur  garantir  la 
plus  riche  de  toutes  les  lumières,  la  plus 
précieuse  de  toutes  les  libertés  :  la  lumière 
et  la  liberté  des  enfants  de  Dieu.  Et  voilà 
l'origine  et  le  plan  de  la  papauté  ;  en  voilà 
le  type  immuable  et  suprême';  en  voilà 
l'idée  et  la  mission. 

Ainsi,  un  homme  qui  garde,  au  sommet 
de  l'Eglise  catholique,  le  trésor  général  dos 
célestes  oracles  dont  elle  est  dépositaire  ; 
un  homme  qui  en  soit  gardien,  non  pas  pour 
en  jouir  seul,  comme  un  sage  égoïste;  non 
pas  simplement  pour  le  coiumuniauer  à 


J 


431 


PAP 


DICTIONNAIRE  APOLOCETîQUE. 


PAP 


IZÎ 


quelques  rares  adeptes»  comme  un  chef 
d'école,  mais  pour  en  jeter  les  enseigne- 
ments aussi  loin  qne  le  jour  lance  ses  feux, 
c'est-à-dire,  jusqu'aux  extrémités  du  monde  ; 
un  homme  qui ,  pour  cela,  sentinelle  per- 

rUuellement  attentive,  cherche  sans  cesse 
décourrir,  dans  le  plus  profond  des  espa- 
ces et  sous  les  vapeurs  les  plus  lointaines 
de  l'océan ,  les  peuples  égarés  qui  s'y  ca- 
chent; un  homme  qui,  du  moment  où  il  en 
aperçoit,  se  hâte  de  leur  faire  porter  la 
bonne  nouvelle  par  des  anges  de  lumière  ; 
un  homme  enfin  qui,  non-seulement  s'ap- 
plique à  doter  de  fa  science  divine  les  na- 
tions qui  ne  lont  pas,  mais  encore,  après 
cela ,  veille  à  en  maintenir  l'unité  sans  di- 
vision, l'inlégrilé  sans  tache,  la  dépendance 
sans  entrave,  et  soit  prêt  à  résister,  s'il  le 
faut,  jusqu'au  sang,  a  quiconque  voudrait 
ou  la  corrompre  ou  l'asservir  :  c'est  là  le 
Pape.  Et  quelle  institution  sublime  I  Quelle 
magnifique  sollicitude  que  celle  qui  lui  est 
imposée  l  Qu'il  sera  beau,  sur  la  montagne 
sainte,  avec  son  oreille  toujours  penchée 
sur  l'abîme  des  siècles,  épiant  toutes  les 
aspirations  à  la  vérité  pour  y  satisfaire, 
tous  les  bruits  d'erreur  pour  les  confondre, 
tous  les  soupirs  de  servitude  religieuse  pour 
affranchir  ou  consoler  les  Ames  qui  les 
exhaleront  I 

Autant  la  mission  des  successeurs  do 
Pierre  est  admirable  en  elle-même,  autant 
est  remarquable  la  hdélilé  qu'ils  mettent  à 
la  remplir.  Qu'est-ce  que  l'Evangile?  C'est, 
en  matière  de  vérité  religieuse,  une  doctrine 
complète.  Il  ne  contient  pas  seulement, 
dans  ce  qu'ils  ont  de  raisonnable,  ces  dog- 
mes d'égalité  et  de  fraternité  aux(iucls  cer- 
tains esprits  étranges  voudraient  maintenant 
réduire  toute  la  loi  et  les  prophètes;  il  ren- 
ferme encore,  d'un  côté,  toutes  les  notions 
dont  nous  avons  individuellement  besoin 
pour  éclairer  nos  devoirs  et  notre  destinée; 
d'un  autre  côté,  toutes  les  connaissances 
nécessaires  è  la  société  pour  lui  découvrir 
les  sources  de  Tordre  et  du  bonheur.  Avec 
•ce  trésor,  l'humanité  possède  tout  ce  qu'il 
lui  importe  de  savoir;  il  faut  simplement 
qu'il  lui  soit  communiqué;  et  c'est  précisé- 
moRt  ce  que  font  les  Papes  avec  une  ac- 
tivité magnifique. 

Voyez  a  leur  tête,  voyez  comme  saint 
Pierre  en  épanche  h  flots  les  richesses  sur 
l'Asie  Mineure,  la  Grèce,  l'Espagne;  et,  par 
les  coopérateurs  de  son  apostolat,  sur  la 
Perse,  les  Indes,  l'Egypte  et  l'Ethiopie I 
Quelle  n'est  pas  l'ardeur  de  ceux  qui  lui 
iiuccèdent  pour  régaler  daus  son  zèle  à  semer 
la  lumière  I  Comme  partout  où  manque  la 
lumière,  partout  ils  s'empressent  de  faire 
éclater  un  rayon  de  l'astre  évangélique.  Le 
paganisme  des  Romains,  joint  au  culte  des 
druides,  forme  sur  la  Gaule  des  ténèbres 

F  lus  épaisses  que  Tombre  de  ses  iforèts  :  à 
ordre  du  Pontife  suprême,  Trophime,  De- 
nis, Gatien  accourent;  ils  prêchent  au  midi, 
au  nord,  à  l'ouest,  et  Tobscurilé  s'éclaircit. 
•N'est-ce  pas  à  la  parole  de  saint  Eleuthère 
et  de  saint  Grégoire  que  la  vérité  s'est  levée 


deux  fois  sur  la  Grande-Bretagne?  Et  la 
Germanie,  qui  donc  ose  renverser  ses  fa- 
buleuses croyances?  Ce  n'est  pas  un  légion- 
naire de  cette  ancienne  Rome,  dont  elle  a 
humilié  la  gloire  dans  les  champs  où  périt 
Varus;  c'est  Boniface,  c'est-à-dire  un  apô- 
tre délégué  par  Grégoire  II,  chef  spirituel 
de  la  nouvelle  Rome.  Les  siècles  se  précipi- 
tent. Un  nouveau  monde  éclot  pour  ainsi 
dire  des  entrailles  de  l'Atlantique,  le  vi- 
caire de  Jésus-Christ  y  fait  retentir  la  pa- 
role de  vie,  au  même  instant  où  l'Espagne 
y  déploie  le  drapeau  de  la  conquête.  £t 
maintenant  encore,  si  la  vérité  a  pu  péné« 
trer  une  seconde  fois  dans  le  grand  empire 
du  milieu,  à  la  suite  des  boulets  qui  en  ont 
ouvert  l'entrée;  si,  en  même  temps  qu'elle 
multiplie  ses  martyrs  dans  le  royaume  d'An- 
nam,  elle  cherche  une  grève  inaperçue  pour 
redescendre  au  Japon;  si  elle  a  des  întcr- 

[)rètes  qui  voguent  avec  les  sauvages  de 
'Australie  dans  leur  canot  d*écorce,  au  ris- 
que de  périr  dans  Jes  flots  ou  d'être  broyés 
sous  les  dents  de  quelques  tribus  inhospi- 
talières, n'es:-ce  pas  de  Rome  que  part  le 
branle  de  cet  immense  apostolat? 

Oui,  telle  est  la  gloire  de  la  cité  pontifi- 
cale et  sa  ditTi^renc'e  d'avec  les  autres  cités. 
Ailleurs,  il  faut  le  dire,  à  Londres,  à  Co- 

Îenhague,  à  Saint-Pétersbourç,  on  apprend 
parler  tous  les  idiomes,  mais  dans  un  in- 
térêt national  ;  h  Rome,  il  est  un  collège 
sublime  où  Ton  enseigne  aussi  tontes  les 
langues,  mais  dans  un  intérêt  religieux  cl 
humanitaire.  Là,  c'est  pour  former  des  am- 
bassadeurs ou  des  consuls;  ici,  c'est  pour 
former  des  apôtres.  Là  je  vois  bien  aussi 
des  papes  qui  jettent  des  émissaires  à  tous 
les  vents;  mais  ce  sont  des  papes  laïques  cl 
calculateurs;  de  leurs  missionnaires  ils  font 
des  agents  politiques;  au  lieu  de  sanctuai* 
res ,  ils  leur  commandent  d'élever  des 
comptoirs  sous  la  tutelle  du  canon,  et  d'ex* 
ploiler  le  sol  sans  trop  s'inquiéter  des  âtiics. 
Ici,  au  contraire,  c'est  un  pontife  qui,  à  la 
place  du  glaive,  symbole  très-souvent  d'c*^ 
goïsme  et  d'erreur,  porte  une  croix,  sym- 
bole 4out  ensemble  de  la  lumière  et  du  dé- 
sintéressement. 11  la  remet  à  (juclques-uns 
de  ses  prêtres  et  leur  dit  :  Voici  l'arbro  de 
la  science  et  du  salut;  allez  le  planter  sur 
les  plages  les  plus  lointaines  et  les  plus  dé- 
vorantes. Dans  ce  travail  ne  songez  ni  k 
mes  intérêts  ni  à  votre  vie;  la  seule  chose 
que  je  demande  et  que  je  souhaite  à  votre 
courage,  c'est  que  le  vaisseau  qui  doit  vous 
emmener  aujourd'hui  comme  prédicateurs 
de  ta  vérité,  demain  vous  ramène  à  moi 
comme  ses  martyrs.  Voilà  les  Papes.  Nous 
autres  nous  en  ^appelons  sans  cesse  à  la 
propagation  des' lumières,  et  nous  ne  sa- 
vons pas  nous  remuer  pour  les  répandre. 
Rome  parle  beaucoup  moins,  et  elle  agit 
beaucoup  mieut;  elle  fait  comme  le  soleil 
qui  se  tait  au  fond  du  firmament  et  rayonne 
en  même  temps  avec  une  infatigable  iibi  ra- 
lilé  sur  le  monde. 

Propagateurs  de  la  vérité,  ils  en  furent 
aussi  toujours  les  arbitres  éclairés  et  les 


13 


PAP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAP 


AU 


Tfogeursiocorraptihies.  Voici  un  contraste 
oerreilleusemeQt  étrange.  Au  sein  des 
eciies  antiques,  on  vit  bien  des  savants 
nQsuItés.  Socrate,  Platon,  et,  avant  eux, 
fMbagore,  objets  d  une  certaine  vénération, 
fireol  sans  doute  appelés  par  plus  d*uu 
(iiiosophc  ou  d*un  monarque  à  résoudre 
1^  problèmes  plus  ou  moins  formidables. 
Ibis  ils  n*étaient  p&s  officiellement  établis 
pnirédaircir  ies  doutes  qui  agiteraient  le 
sK«(iV.  Mais,  après  tout,  ceut  qui  invo* 
([mi  leurs  décisions  sont  assez  rares,  si 
imabreux  qu'on  les  suppose;  ce  sont  quel- 
^«fssàtaats  isolés;  mais  enfin  ies  réponses 
<pl!s  ont  faites  soni  le  plus  souvent,  ou 
itodes  en  détail,  ou  disparates  dans  l'en- 
$eatb'e,et,  comparées  les  unes  aux  autres, 
ami  des  flots  de  contradictions  qui  se 
kortent  mutuellement  et  se  brisent.  Tel 
h  le  sort  d'Athènes  et  de  ses  sophistes,  tel 
ta  Celui  (le  Rome  antique  et  de  ses  saj^çes. 
Il  ce  que  je  (fis  des  rois  de  la  pensée,  il 
htk  (lire  aussi  des  rois  de  la  puissance. 
(leiietrADes  sur  lesquels  l'erreur  s*ost 
BKff  sous  cette  couronne  de  fer  ou  de  dia- 
CHtsiQiie  de  mains  portant  le  sceptre, 
KKAiserries  de  leur  autorité  pour  la  ré- 

ÊROo  l'accréditer  parmi  les  nations  I 
.ci»se  étonnante  I  au  centre  de  Rome 
jj^tooe,  un  homme  existera  pour  être 
,mc/e  onifersel  ;  ce  sera  là  sa  destination. 
^Ktous  les  siècles  aussi  bien  auiourd*hui 

I'ilr  a  deux  mille  ans,  de  tous  les  coins 
Il  lerrc,  de  Paris,  de  Varsovie,  de  8yd- 
//lieUeiico,  de  Pékin,  l'on  aura  le  droit 
lecoosulter,  et  on  le  fera.  Un  doute  sur 
tnditions  s'élève,  on  le  lui  soumettra; 
iiérésie  éclate,  elle  lui  sera  portée!;  une 
"talion  s'engaçe,  on  en  appellera  à  son 
ial;des  conciles  s'assemblent,  on  ne 
rien  que  sous  sa  présidence  et  comme 
psoQ  inspiration.  C'est-à-dire,  en  d'au- 
p!^nne<),  que  des  questions  aussi  diver- 
qamnoml)rabIes  lui  seront  proposées  ; 
'îiins  parfois  exclusivement  dogmati- 
e: morales,  nniis  aussi  questions  sou- 
.  liées,  soit  aux  bases  de  la  politique, 
llàcellpsde  la  philosophie,  à  l'expérience 
Mu  i»on  sens,  aussi  bien  qu'à  la  foi.  Tel 
p  le  manichéisme,  qui  détruit  l'unité 
mQ  et  la  sainteté  du  mariage;  tel  sera  le 
éranisroe,  qui  renverse  la  liberté  de 
(ne;  tel  sera  le  calvinisme,  qui  en 
aiit  la  responsabilité  par  le  rêve  d'une 
^^abiiité  chimérique!  A  tout  cela  les 
s  répondront;  ils  lixeront  toutes  les  in- 
'ludes,  et  trancheront  toutes  les  difli- 
;  ils  termineront  tous  les  diiférends, 
«nneront  ce  qui  leur  semblera  des 
iirs,  dégageront  ce  qui  leur  paraîtra  des 
^^i|«s.  £i  dans  leurs  jugements,  sur 
w  d'objets  variés,  et  pendant  près  de 
pî^  njillc  ans  d'arbitrage,  vous  trouverez 
^^MleconUiiuité  d'exactitude  et  de  pré- 
•*«'jn.  qu'on  ne  pourra  dire  si  elle  fut 
**»«iUf€  même  par  un  seul  nuage.  Depuis 
!**  i*i  Pierre  jusau'à  Pie  IX,  plus  de  deux 
|*^'i  papes ,  divers  d'origine  et  d'cdu- 
I  *  Mîi,  se  succéderont  dans  ce  grand  minib  • 


tèrc,  et  tous  auront  la  même  justesse  comme 
le  même  enseignement.  11  y  aura  parmi  eux 
des  Alexandre  VI  ;  leur  sainteté'subira  des 
éclipses  passagères,  et  le  rayon  de  leur  doc- 
trine n*en  connaîtra  point.  Ils  traverseront 
des  époques  inégalement  éclairées,  et  quel- 
ques-unes ténébreuses;  mais  leur  sagesse, 
sur  les  points  essentiels,  ne  fléchira  point 
avec  le  niveau  des  lumières  publiques.  On 
essaiera  différentes  fois  de  les  surprendre 
ou  4e  les  contraindre,  mais  rien  ne  pourra 
ni  tromper  leur  coup  d'oeil,  ni  égarer  leurs 
anathèmes.  «  Rome  a  prononcé,  la  cause 
est  finie;  »  voilà  ce  que  proclameront  les 
Pères  après  saint  Augustin.  «  Jésus-Christ 
a  parlé  par  .la  bouche  de  Pierre;  »  voilà  ce 
que  répéteront  constamment  les  conciles. 
La  rectitude  et  le  sens  commun  se  sont  ex- 
primés par  le  Pape;  voilà  ce  que  diront 
éternellement  les  hommes  sérieux  Ainsi» 
comme  le  publie  Bossuet,  l'Eglise  romaine 
restera-t-elle  doublement  vierge,  et  ne  con- 
naîtra ni  hérésies  ni  faux  systèmes,  elle 
frappera  directement  ou  par  contre-coup 
tous  les  genres  d'erreurs,  sans  jamais  ei> 
enseigner  aucune,  et,  par  une  gloire  au- 
dessus  de  toutes  les  autres,  elle  ne  sera  pas 
moins  la  colonne  et  l'appui  de  la  raison 
que  le  fondement  de  l'orthodoxie.  Trouvez 
à  cet  homme,  si  vous  le  pouvez,  ou  un  seul 
démenti  sérieux,  ou  un  second  exemple 
dans  l'histoire! 

L'irréprochable  saçesse,  portée  par  les 
Papes  dans  leurs  décisions,  ne  peut  être 
égalée  que  par  le  langage  qui  les  exprima. 
On  dit  souvent,  en  parlant  des  grands  hom- 
mes, à  quelque  ordre  d'ailleurs  qu'ils  appar- 
tiennent, qu  ils  ont  une  langue  à  part.  Oq 
nomme  la  langue  de  Corneille;  il  est  une 
langue  de  Pascal.;  on  répète  encore  de  nos 
jours  que  Napoléon  eut  la  sienne.  Comme 
le  {;énio  a  son  Idiome,  les  ministères  et  les 
puissances  ont  aussi  le  leur  :  idiome  qui  xvà 
manque  pas  d'une  certaine  noblesse,  mai? 
toujours  aride  et  sans  aucune  vibration. 

Il  existe  dans  le  monde  une  autre  langue 
qu^on  connaît  peu,  qu'on  cite  rarement,  et 
qui  cependant  est  magnifique  entre  toutes 
les  langues  humaines  :  c'est  celle  des  sou- 
verains pontifes.  Après  celle  des  B.critures, 
c'est  bien  ce  que  je  connais  de  plus  tranché 
et  de  plus  admirable.  Elle  respire  une  ma- 
jesté tellement  naturelle  et  sublime,  qu'on 
y  salue  comme  involontairement  le  rayon 
Je  plus  beau  de  la  majesté  éternelle  sur  la 
terre.  A  la  dignité  se  joint  le  calme.  On  sent 
que  celui  qui  parle  possède  la  vérité  comme 
dans  sa  plénitude  et  dans  sa  source;  il  ira 
()oint  d'efforts  à  faire,  point  de  mouvements 
à  se  donner  pour  l'atteindre  ni  pour  la  ré- 
pandre; c'est  la  paix  do  Dieu  laissant  débor- 
der, sans  trouble  et  sans  aeitations,  les 
flots  de  celte  lumière  immortelle,  au  sein  de 
laquelle  il  habite  et  dont  son  intelligence 
surabonde.  Enfin  par  le  caractère  le  plus 
glorieux,  cette  grandeur  n'est  pas  sèche  ni 
altière  ;  cette  tranquillité  n't^at  pas  ffoUfe  et 
morte.  A  l'une  et  "^■Ifci 

modestie  onclucu' 


455 


PAP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAP 


436 


fam  d'inciTable  tendresse,  qui  tempère  la 
première  et  vivifie  la  seconde.  C'est  l'accent 
aun  père  s'échappaut  de  la  bouche  d'un 
oracle;  et  jusque  dans  ses  décisions  les 
plus  hautes,  jusque  dans  ses  sentences  les 

Elus  austères,  on  voit  que  la  royauté  s'ou- 
lie,  que  Ténergie  se  contient,  que  l'indi- 
gnation se  modère,  que  le  courroux  se  sur- 
monte pour  laisser  prévaloir  ou  du  moins 
apparaître  l'cibandon  de  la  simplicité,  les 
ménagements  de  la  douceur  et  les  angois- 
ses de  l'amour.  Ses  foudres,  avant  d'éclater, 
se  sont  attiédies  dans  ses  larmes.  Vous 
n'avez  peut-être  jamais  lu,  ai  bulles  ni  en- 
cycliques parties  de  Rome?  s'il  vous  en 
tombe  sous  la  main,  je  vous  invite  à  ]e$ 
parcourir,  et  vous  verrez  si  leur  style  ne 
vaut  pas  mieux  que  celui  de  tous  les  proto- 
coles du  monde,  et  n'est  pas  un  écho  de  la 
langue  qui  doit  se  parler  au  ciel  ! 
Propagateurs  admirables  de  la  vérité  reli- 

f pieuse,  tuteurs  ^inflexibles  de  son  intégrité, 
es  papes  le  sont  encore  de  sa  liberté. 

Attila,  c'est-à-dire  le  fléau  de  Dieu,  s'est 
abattu  sur  l'Italie.  Aquilée,  Pavie  et  Milan 
sont  en  poudre;  le  vainqueur  pousse  déjà 
sur  Rome  ce  formidable  cheval  dont  le  pied 
foule  si  bien  Therbe  des  champs  et  la  gloire 
des  cités  semées  sur  son  passage,  qu'elles 
ne  savent  plus  renaître.  Valentinien  trem- 
ble et  reste  immobile.  Mais  saint  Léoa  $*a- 
vanoe,  et  le  barbare  recule.  D'autres  Altila 
so  sont  montrés  dans  l'histoire.  Celui-I^ 
s'élançait  contre  des  villes;  ceux-ci  s'atta- 
quaient aux  consciences;  celui-là  n'aspi- 
rait qu'à  mettre  des  monuments  en  débris  ; 
les  autres  prétendaient  réduire  la  vérité  en 
servitude.  Mais  à  ce  dernier  genre  d'oppres- 
seurs, comme  à  l'autre,  le  Saint-Siège  a 
toujours  eu  des  Léon  pour  opposer  une 
di^uel  A  l'origine,  c'est  Néron  et  toute  cette 
suite  de  tyrans  que  la  Rome  impériale  pro- 
duisit dans  ;5a  féroce  décrépitude  :  je  vois 
alors  saint  Pierre  mourir  crucifié  sur  le 
Janicule,  comme  son  maître  le  fut  sur  le 
Golgotba;  il  érige,  pour  ainsi  dire,  un  se- 
cond calvaire  sur  lequel,  à  son  exemple, 
presque  tous  les  pontiies  des  premiers  Ages 
se  laisseront  égorger  pour  sauver  la  liberté 
de  la  foi»  Viennent  ensuite  les  princes  hé- 
rétiques de  Ra venue  et  de  Constantinople; 
ils  luttent  de  despotisme  et  presque  d'atro- 
cité avee  les  persécuteurs  païens.  Mais 
fureur  inutile^  Jean  I*''  mourra  dans  les 
cachots  de  Théodoric,  Symmaque  protestera 
contre  Anastase,  Sylvère  sera  martyr  plu; 
t6t  que  de  condescendre  aux  caprices  hété- 
rodoxes de  la  cruelle  Théodora;  et  ainsi  le 
siège  apostoliaue  soutiendra-t-il,  contre  ce 
nouvel  ordre  d'ennemis  et  de  brutalités,  ses 
saintes  traditions  d'héroïsme  et  d'inflexible 
indépendance.  Que,  vers  le  moyen  âge»  les 
empereurs  d'Allemagne  ne  se  contentent  pas 
d'épouvanter  les  peuples  par  une  licence  à 
la  rois  effrénée  et  sanguinaire  comme  celle 
des  musulmans  ;  qu'ils  se  mêlent  de  tran- 
cher des  points  de  théologie,  pour  usurper 
ensuite  des  droits  de  juridiction  ;  qu'ils  mal- 
traitent les  évèques  assez  courageux  pour 


refuser  de  puiser  leurs  pouvoirs  à  la  source 
de  ce  pontificat  laïque  et  sacrilège,  Aleian- 
dre  III,  Grégoire  IX,  Innocent  IV  seront  là 

{)Our  abriter  le  sanctuaire,  contre  cesenva- 
lissements  et  ces  violences  d'une  autocra- 
tie que  le  vice  déshonore  et  que  l'oi^util 
égare. 

Si,  après  cela,  franchissant  tous  les  îl- 
termédiaires,  nous  venons  h  notre  époque, 
de  quelle  scène  magnifique  ne  nous  rappel- 
Ieroi|$-nous  pas  que  le  monde  naguère  a  été 
le  témoin  et  le  Vatican  le  théâtre?  Deux  scni- 
verains  s'^  sont  rencontrés.  L'un,  chef  d'un 
empire  gigantesques  et  maître  des  plus 
nombreuses  armées  fdont  le  fardeau  pèse 
aujourd'hui  sur  le  globe  ;  l'autre,  rui^d'uu 
Etat  modeste,  à  peine  gardé  dans  ses  terres 
par  quelques  rares  lésons,  mais,  en  retour, 

Ï>ère  d'une  famille  spirituelle  éparse  k  tous 
es  vents  des  cieux  ;  celui-là,  regardé  comme 
appuyant  son  sceptre  d'airain  sur  les  âmes, 
jusqu'à  y  étouffer  la  libre  palpitation  des 
croyances rcatholiques;  celui-ci,  chargé  par 
le  Dieu  dont  il  est  le  représentant,  de  pro- 
téger et  l'indépendance  de  la  vérité  et  celle 
des  consciences  qui  l'ftbritent.  Et  le  vieillard 
du  Vatican  tira  alors  une  sublime  pArole 
de  son  cœur  octogénaire.  En  présence  des 
peuples  qui  regardent,  au  milieu  des  gou- 
vernements qui  font  silence,  sous  les  Tou- 
tes de  ce  palais  où  les  ombres  de  deux  ceols 
pontifes  généreux  le  considèrent,  d'Doe 
voix  où  le  respect  et  la  dignité  se  confon- 
dent dans  un  accent  commun,  il  adresse  ces 
mémorables  mots  à  l'hôte  couronné  qui 
vient  lui  rendre  une  visite,  dans  la  cilé 
même  où  quelques-unes  de  ses  victimes 
sont  venues  chercher  un  refuge  :  t  Tous 
deux,  sire,  nous  uaraltrons  devant  le  Juge 
su|:)réme,  moi  plutôt  que  Votre  Majesté, 
mais  Votre  Majesté  viendra  après  moi;  Tun 
et  l'autre  nous  aurons  à  rendre  compte  de 
notre  gouvernement'.  Cette  pensée  m'im- 
pose le  devoir  de  défendre  ceux  de  mes  ti- 
dèles  enfants  qui  vivent  dans  les  États  de 
Votre  Majesté.  »  Tant  il  est  vrai  que  l'es- 
prit de  Pierre,  le  sentiment  et  le  zèle  de  si 
mission  remplissent  et  animent  encore  ao 
jourd'hui  les  héritiers  de  sa  couronne  l 
Au  noble  langage  de  Pie  IX,  ne  se  ra(>- 
pelle-t-on  pas  involontairement  le  prince 
des  apôtres  soutenant  les  mômes  intérêts 
et  proclamant  la  môme  liberté  devant  les 
tribunaux  de  la  Palestine  et  les  empereurs 
de  la  vieille  Romel 

Ainsi,  sublime  par  son  but,  la  mission  des 
souverains  pontifes  ne  l'est  pas  moins  par 
la  II  anièredontils  l'exercent;  ils  répandent 
le  bienfait  de  la  vérité  avec  un  zèle  infatiga- 
ble; ils  en  maintiennent  l'intégrité  avec 
une  irréprochable  sagesse;  ils  en  protègent 
l'indépendance  avec  une  inflexible  fermeté. 
•  Je  pourrais  ajouter  qu'à  cette  gloire, 
Dieu  se  fait  souvent  un  bonheur  d'en  allier 
une  autre,  gloire  lugubre,  il  est  vrai,  mais 
cependant  majestueuse.  C'est  qu'il  appuie 
de  temps  en  temps  la  mission  de  ses  pou- 
tifes  par  des  coups  éclatants  de  Providence; 
c'est  qu'il  venge  plus  d'une  fois  par  de* 


13) 


PAP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAP 


43r 


({liiitnenLs  formida*j»]es  leur  autorité  më- 
(onoue, ou  leur  liberté  mise  aux  chaînes; 
r>5(  qu'on  f)Ourrait  composer  un  livre  qui 
Ml  à  penser  sur  la  mort  des  persécu- 
(tur^des  Papes,  comme  Lactance  en  a  fait 
i8$urla  mort  des  persécuteurs  de  TÉsIise» 
ÎJaiiDOflijd  n'inâsie  pas  sur  cette  idée»  je 
ms  pne  de  la  féconder  vous-mêmes  et  de 
à rmtjer  par  vos  lectures. 
Cnaatre  phénomène  qui  me  parait  peut- 
^fîitplos  digne  dé  remarque,  cest  que  ja- 
uL^uitinu  approbationdu  Saint-Siège n*est 
Iticiiiie  avec  indifférence,-  ni  une  con- 
'^uiioQ,  ni  une  excommuni<^tion  de  sa 

Ejcceplée  avec  mépris  et  sans  douleur, 
àreurssont  toujours  chères,  ses  coups 
mjf\m  sensibles.  Vojez  Luther  :  une  bulle 
•arrivée  de  Rome  qui  le  condamne,  il  la 
Miebieo»  éi  vous  le  voulez,  sur  la  place 
^ii{Qe;  mais  la  blessure  qu'elle  a  faite 
niioaâaie  demeure,  jusqu'à  là  (in  de  ses 
»,  me  et  brûlante.  Impossible  à  lui 
jfcUier  ou  de  dédaigner  la  sentence  pon- 
Mû;  sa  rage  sans  repos  et  ses  invectives 
aiiflierrapiion  l'attestent;  il  no  parle 
jM)i(l(iPape  aue  pour  le  flétrir  de  noms 
'jfmr^  ou  le  charger  d'exécrations  infer- 
iBb.preave  éclatante  que  le  trait  qu'il  en 
;Wlît^  ne  cessait  de  torturer  sa  con- 
\§tmti  de  désoler  son  orgueil  I  Ce  n'est 
llUttifalement  l'impression  des  moines 
M^;  cest  celle  des  rois  et  des  empereurs 
fliéiDes  quand  ils  sont  excommuniés, 
tmeot Henri  d'Allemagne essaie-t-il  de 
uerdes  anathèmes  de  Grégoire  VU;  il 
im(6  malgré  lui,  il  a  besoin  de  cher- 
•  pâf  les  décrets  de  quelques  concilia- 
teiias  sous  sa  présidence,  à  se  dis- 
ses foudres  que  Rome  a  lait  éclater 
8  lèle.  On  dit  que  plus  tard  Henri  YUI 
•cterre  ne  fut  pas  moins  tourmenté  de 
;râcede  Clément  VIL  II  eut  beau  se 
proclamer  chef  suprême  de  l'église 
cane,  cet  acte  d'un  parlement  usurpa* 
H scbismatique  ne  1  empêcha  point  de 
^Rger  qu'avec  angoisse  à  celui  qu'il 
'kitdédaigneusement  l'évèque  de  Rome. 
â*aalres  faits  semblables  ne  pourrais- 
encore  vous  rappeler?  Que  de  poten- 
ce me  serait-il  pas  facile  de  vous  mon- 
ki  (lune  part  dédisant,  par  manière  do 
les  royautés  et  les  constitutions  les 
t  affermies,  de  l'autre,  ne  pouvant 
»rter  i'anathème  d'un  Pape,  alors  même 
W  ^s[  leur  prisonnier  et  leur  victime? 
tfoti  Tient  à  celui  qui  l'exerce  ce  prodi- 
pouToir  de  troubler  et  de  désoler  ceux 
»qui  le  méprisent  ou  le  persécutent? 
Ail  que  le  souvenir  et  le  nom  de  Démos- 
$ufiisaient  pour  désoler  le  père  d'A- 
^^  je  le  conçois.  Démosthenes  était 
^<  ^U  |)ar  la  vigueur  de  son  éloquence, 
forait  soulever  toute  la  Grèce  comme 
^ul  homme,  contre  le  prince  Macédo- 
Bioi  menaçait  de  l'envahir.  Mais  ici, 
p  »ois-je?  Souvent  c'est  un  vieillard 
r«W  sous  le  poids  d'un  âge  presque  sé- 
^^|fe.  il  ne  peut  disposer  d'aucune  force 
*  lelle,  parfois  même  il  est  dans  un  ca- 


chot, il  ne  lui  reste  que  sa  parole  et  sa 
plume.  Dans  cet  état  d'impuissance  et  d'op- 
pression, il  dit  un  mot,  il  jette  un  lambeau 
de  parchemin  à  travers  les  barreaux  de  sa 
prison,  et  c'est  assez  pour  troubler,  et  pres- 
que désespérer,  ou  des  sectaires  faroucheSt 
ou  des  monarques  terribJes.Ils  brisent  avec 
son  autorité,  et  ils  sont  vexés  de  son  cour- 
roux; ils  Tétouffent  dans  leurs  serres,  et 
ils  ont  peur  de  ses  cris  ou  de  ses  soupirs. 
Comment  expliouer  cette  force  magique 
dans  la  faiblesse?  Comment  ces  alarmes  et 
ces  inquiétudes  dans  la  force?  Ah!  c'est  que 
ceux  oui  sont  frappés  reconnaissent  malgré: 
eux,  Clans  ce  vieux  pontife  qu'ils  oppriment 
et  qui  les  condamne,  une  dignité  surhu- 
maine; en  dépit  d'eux-mêmes,  ils  le  vénè- 
rent pour  le  représentant  de  la  Justice,  pour 
le  vengeur  suprême  de  la  vérité,  et  c'est 
pourquoi,  tout  en  se  dérobant  à  son  empire, 
ils  se  montrent  froissés  de  ses  excommu-^ 
nications;  elles  les  abattent  comme  une 
explosion  de  la  fureur  divine. 

Frappé  des  coups  de  Rome,  on  s  attriste  ; 
séparé  de  sa  vie,  on  se  dessèche  individuel- 
lement. Que  de  chefs  de  secte  ou  d'écolb» 
dès  que  Rome  les  a  eu  condamnés,  ne  se 
sont  pas  vu  déserter  par  tout  ce  qu'il  x  avait 
autour  d'eux  d'esprits  droits  et  de  conscien- 
ces honnêtes  !  Les  nations  ne  se  dessèchent 
pas  moins  comme  caractère  et  comme  di- 
gnité morale.  C'est  une  des  grandes  scènes 
de  l'histoire  ecclésiastique  que  le  moment 
où.  se  prépare  et  s'accomplit  le  schisme  des 
Grecs,  d'une  part  sous  Photius,  et  de  l'autre 
sous  Michel  Cérulaire. 

Deux  Papes,  également  remarquables 
comme  ^énie  et  comme  vertu,  occupent 
alors  le  siège  de  saint  Pierre,  et,  tous  deux, 
quand  ils  voient  Constantinople  sur  le 
point  de  briser  avec  Rome,  prédisent  à 
celle-là  que  si  elle  se  détache  de  celle-ci, 
rameau  séparé  de  la  tige,  elle  ne  tardera 
pas  à  passer  par  la  pourriture  pour  tomber 
en  poussière.  Prophétie  trop  littéralementjus- 
tiQée  1  Où  en  est  aujourd'hui  cette  Eglise  d'Or 
rient  qui  fitéclore  autrefois  tant  de  pontifes, 
aussi  nobles  de  caractères  qu'ils  étaient  su- 
blimesd'intelligence?A-t-elle  retenu  dans  ses 
veines  le  sang  des  Grégoire  et  des  Chrysos- 
tome  ?  Ah  !  quelle  horrible  déchéance  date 

f)Our  elle  de  sa  rupture  avec  le  centre  de 
'unité  catholique  1  A  la  place  du  Pape,,  elle 
a  bien  mis  un  patriarche  ;  mais  ce  patriar- 
che est  un  fantôme.  Ses  véritables  chels,  ce 
sont  les  souverains  de  ce  Bas-Empire,  si 
digne  de  son  nom;  despotes  misérables, 
dont  l'esprit  et  la  vie  présentèrent  le  hideux 
mélange  d'un  mysticisme  ridicule  et  d'une 
l)izarrerie  parfois  bouffonne,  presque  tou- 
jours licencieuse  et  cruelle.  Ils  débattaient 
gravement  des  questions  théologiques,  et 
portaient  des  décrets  de  pénitence  ou  de 
moralité;  puis,  au  sortir  de  leurs  ^îonciles, 
ils  allaient  édifier  les  peuples  et  recomman- 
der leurs  arrêts  par  des  meurtres  atroces, 
des  divorces  scandaleux  ou  d'infftmes  or- 
gies. La  religion,  ils  n'y  tounhâiAUi  aod 
pour  en  fausser  les  doctrines 


439 


PAP 


mCTlONNAinE  APOLOGETIQUE. 


PAP, 


m 


ministres  et  le  culte  ;  TÉtat,  ils  ne  s'en  oc- 
cupaient que  pour  ropprimer  ou  le  perver- 
tir, réunissant  ainsi  sur  leur  front  le  triple 
stigmate  de  sophistes,  de  corrupteurs  et  de 
tyrans.  Les  membres  étaient  dignes  de  la 
tôle.  Devenu  schismatique  par  complai- 
sance pour  les  empereurs,  Tepiscopat  s'en 
est  fait  l'esclave,  et,  dans  cette  servitude,  il 
a  perdu  toute  noblesse.  Plus  d'indépendance 
dans  la  foi  :  il  croit  et  enseigne  ce  que  veut 
le  prince;  plus  de  dignité  dans  la  contro- 
verse :  comme  ses  maîtres,  il  no  vit  que  de 
chicanes  et  d'équivoques  ;  plus  d'élévation 
dans  la  conduite:  il  imite  les  mœurs  gros- 
sières de  ceux  dont  il  est  le  courtisan  ;  plus 
de  zèle  dans  le  ministère  :  pourquoi  se 
tourmenterait-'il  quand  les  Ames  et  fa  vérité 
ne  sont  plus  rien  pour  lui,  tandis  que  le 
sourire  du  monarque  est  tout?  Plus  môme 
d'humanité  dans  le  cœur,  et  personne  d'en- 
tre vous  n'ignore  que  si  tant  de  fois  les  ca- 
tholiques de  rOrienl,  restés  fidèles  à  Rome, 
ont  été  persécutés  par  les  empereurs  de 
Constantinople,  les  évéques  grecs  et  schis- 
matiques  ont  été  pour  beaucoup  dans  ces 
orages,  et  que,  s'ils  ne  les  ont  pas  toujours 
provoqués  par  de  perfides  manœuvres,  du 
moins  ils  les  ont  toujours  vus  avec  une  joie 
barbare. 

Tel  fut  le  schisme  grec  ,  avant  l'établis- 
sement définitif  do  l'islamisme  dans  la  cité 
de  Constantin,  tel  il  est  encore  aujourd'hui 
pour  le  fond  du  caractère.  Pour  les  autres  so- 
ciétés schismatiques,  il  en  est  presque  aussi 
de  môme.  Vovez  en  Angleterre,  voyez  en 
Suède,  voyez  dans  cette  portion  de  la  pauvre 
Pologne  qui  vient  d'apostasier;  voyez,  en 
un  mot,  partout,  partout  où  Ton  en  a  fini 
avec  la  soumission  pour  le  Saint-Siège, 
partout  vous  rencontrerez  un  abaissement 

fit  us  profond,  à  mesure  qu'on  sera  plus  vio- 
emment  et  depuis  plus  longtemps  éloigné 
de  l'Église  romaine. 

Il  en  est  autrement  quand  on  tient  par  des 
nœuds  étroits  à  cette  tige  sacrée.  Avec  la 
plénitude  de  la  vérité,  elle  possède  la  plé- 
nitude de  la  dignité  morale,  ei  elle  la  com- 
munique aux  branches  qui  vivent  desa  sève. 
Tout  cequidépend  de  sa  puissance,  elle  l'attire 
avec  elle  à  la  hauteur  descieux;  tous  les  mem- 
bres fortement  liés  au  corps  dont  elle  est 
l'Ame,  elle  les  fait  battre  de  ses  propres  pulsa- 
tions, et  ces  pulsations  sont  sublimes,  parce 
qu'elles  sont  celles  de  Dieu  môme.  Qu'ils 
sont  donc  mal  inspirés,  ceux  qui,  dans  les 
empires  fidèles  encore  à  Tunité,  poussent 
parfois  à  rompre  avec  le  siège  de  Pierre  1  Ah  I 
qu'ils  le  sachentbienlcequi  élève  et  soutient 
le  plus  eflicacement  les  caractères,  ce  qui 
alimente,  ce  qui  développe,  et  perpétue 
avec  le  plus  do  succès  le  sentiment  et  la 
possession  de  la  vraie  grandeur  dans  les 
Etats  chrétiens,  ce  ne  sont  pas  les  bruyantes 
leçons  de  la  presse,  ce  ne  sont  pas  les  maxi- 
mes pompeuses  descendues  de  nos  tribunes 
parlementaires.  C'est  le  plus  ou  moins  de 
noblesse,  propre  à  cette  portion  de  catho- 

(407)  Tbiees  ,  Uitloire  du  Comulai  et  de  rEmpire. 


liques  et  de  TE^Iise  universelle  qu  ils  abri- 
tent. Voilà  le  sel  qui,  selon  l'expressico  de 
l'Ecriture,  en  féconde  le  mieux  la  terre; 
voilà,  le  ferment  qui,  suivant  un  autre  mot 
de  l'Evangile,  y  fait  lever  plus  heureusement 
la  masse  de  la  pâte.  Et  cette  portion  de 
l'Eglise  elle-même,  en  France  con^me  ail- 
leurs, tire  la  plus  grande  partie  de  sa  vi- 
gueur, de  son  union  avec  l'Eglise,  sa  mère 
et  maîtresse.  Tant  que  nous  autres,  enfants 
de  ce  r(»yaume,  nous  serons  énergiquemont 
affectionnés  à  Rome,  nous  porterons  nos 
croyances  toujours  pures ,  dans  une  cons- 
cience toujours  haute,dans  une  flme  toujours 
indépendante.  Mais  du  moment  où  nous 
briserions  avec  elle,  l'affaissement  de  tous 
les  Etats  schismatiques  deviendrait  infailli- 
blement le  nôtre;  en  nous  révoltant  comme 
chrétiens,  nous  nous  appauvririons  comme 
valeur  morale.  Astres  imprudents,  nous 
nous  serions  détachés  de  notre  centre,  et 
nous  ne  tarderions  pas  à  descendre  dans  la 
nuit,  c'est-à-dire  dans  les  hontes  de  tous  les 
peuples  dégénérés. 

Et  ne  disons  pas  :  Le  joug  de  Rome  est  on 
joug  étranger,  et  chaque  nation  doit  à  sa  di- 
gnité comme  à  son  indépendance  de  s'en 
affranchir.  Un  joug  étranger  I  <«  Eh  bien,  oui, 
vous  dirai-je  d'abord  avec  Bonaparte.  Mais 
remarquez  une  chose  :  c'est  que  le  Pape  est 
la  meilleure  des  institutions,  et  en  même 
temps  la  plus  inébranlable  de  toutes;  on  ne 
peut  le  détruire,  et  l'on  aurait  tort  de  vou- 
loir s'en  passer;  et  avec  cela,  au  lieu  de  nous 
plaindre  de  ce  qu'il  est  étranger,  noos  de- 
vons plutôt  en  remercier  le  ciel.  Quoildans 
un  même  pays,  se  figure-t-onuneaulorilé 
pareille  à  cûté  du  gouvernement  de  l'Etatl 
Liée  au  gouvernement ,  on  criera  au 
despotisme;  séparée,  des  rivalités  seront 
à  craindre.  Le  Pape  est  hors  de  Paris,  c'est 
bien.  D'un  autre  côté,  il  nest  ni  à  Madrid, 
ni  à  Vienne,  c'est  bien  encore  ;  et  pour  cela 
nous  pouvons  supporter  son  autorité  spiri- 
tuelle. A  Madrid  et  à  Vienne ,  on  est  fondé 
à  en  dire  autant.  Croit-on  que,  s'il  était  à 
Paris,  les  Viennois  et  les  Espagnols  consen- 
tiraient à  recevoirsesdécisions?On  est  donc 
heureux  qu'il  existe;  qu'en  existant,  il  ré- 
side hors  de  chez  soi  ;  qu'en  résidant  hors 
de  chez  soi,  il  ne  réside  pas  chez  des  rivaux, 
qu'il  habite  entin  dans  cette  vieille  Rome, 
loin  de  la  main  des  empereurs  d'Allemagne, 
loin  de  celle  des  rois  de  France  ou  des  rois 
d'Espagne,  tenant  la  balance  entre  les  souve- 
rainscatholiques,  toujoursprétàs'élever.con- 
tre  le  plusforts'il  devient  oppresseur  (407)1  » 
Ainsi  pariait  le  réorganisateur  de  la  France, 
dans  un  langage  dont  les  dernières  paroles 
semblent  une  prophétie  contre  lui-même; 
il  ne  s'offensait  pas,  mais  il  s'applaudit)' 
sait  plutôt  de  ce  que  Rome  fût  à  l'étranger. 

Du  reste,  qu'importe  ici  la  pensée  dos 
hommes  d'Etat?  11  s'agit  seulement  de  te 
qu'enseigne  la  foi  ;  et  que  dit-elle?  Rome,  un 
joug  étranger!  Mais  l'Eglise  est  universelle; 
c'est  un  bercail  qui  dtil  embrasser  tous  les 


j 


u\ 


PAP 


DlCTlOxNNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAP 


m 


{>eu))lc;  et  puisque  lo  Pope  en  est  le  pas- 
teur souverain,  comment  serail-il  étranger 
3uei!|ue  part?N'e.st-il  pas  chez  lui  partout  où 
compte  des  ouailles?  Un  joug  étrangerl 
&)mmesi,  suivant  Je  beau  mot  de  Bossuet, 
le  lien  commun,  qui  doit  faire  ici-bas  de 
bot  de  royaumes  un  seul  royaume  de  Jésus- 
Ciirist,|)ouyail  devenir  étranger  à  des  chré- 
tk^ns!  In  joug  étranger!  Mais  qu*Gst«ce  que 
.  k  Pajw?  C  est  le  dépositaire  suprême  de  la 
icffic;  noQ-seulement  il  en  est  le  déposi- 
|jire«mais  il  eu  est  le  dispensateur  et  le 
rcQ^far  public;  et  comme  la  vérité  n'est 
Itnogère pour  aucun  Etat,  comme  toules  les 
P^$Hms  ap{iarlienncnt  h  son  domaine  et 
Ituftesles  sociétés  à  sa  juridiction,  celui  qui 
aérien  ce  monde  forgane  principal  et  le 
tafeorauthentique  ne  saurait  non  plus  élre 
tara  justement  pour  étranger  par  aucune 
•Btion!  Loin  donc  de  nous  ce  langage  I 

hiin  de  nous  Topinion  qu'il  exprime  1 
liflio  de  nous  cette  pensée  d'émancipation 
'^ordinairement  l'accompagne  !  Elle  s'ins- 
[fierait  d'un  blasphème  sans  motif  et  sans 
lOose.  A  quel  danger,  à  (}uel  inconvénient 

Bendrait-on  se  soustraire,  en  repoussant 
lùrité  de  Rome  comme  un  joug  étran- 
rlDf  a  deux  hommes  dans  le  Pape,  on 
■il&en  :  le  prince  temporel  et  le  chef 
'^fill^.  Si  le  prince  temuorel  voulait 
jMrmqnelque  empire  au  detiors,  je  con- 
Ims/s  (ja'on  protestât.  Mais  non.  Comme 
ul5e[K>rneà  ses  Etats,  sans  se  mêler 
loucher  en  rien  aux  institutions  des  au- 
peuples  ;  le  pouvoir  dont  il  fait  usage 
dtlh  de  ses  terres  et  dans  les  royaumes 
ntsdu  sien,  est  un  pouvoir  tout  s[)i- 
1.  Quels  que  soient  les  actes  qui  en 
i'nt,  il  ne  nuit  jamais,  ni  à  l'indépen- 
de$  gouvernements,  ni  à  la  mesure 
pect  et  d'obéissance  à  laquelle  ils  ont 
dnnts,  ni  à  la  paix  et  à  la  prospérité 
Dations  qu'ils  régissent.  Au  contraire, 
•<  on  l'entrave  et  plus  ces  intérêts  sont 
rt-^.  Quand  Rome  est  plus  libre;  quand 
•f  pose  moins  de  défiance,  d'inquisition, 
Vuialités  et  d'obstacles  à  son  action  sur 
Eglises  particulières  ;  quand  les  pou-  • 
i  civils  la  traitent  avec  une  plus  large 
dvconOance  et  d'amour,  elle|ne  se  sert  de 
latitude  que  pour  donner  plus  d'essor 
liMtable  esprit  du  christianisme';  et  plus 
ÉÎ^rit  salutaire  se  développe  sous  son  in- 
pice,  mieux  aussi  vont  les  choses  du  côté 
Koissances  et  du  côté  des  peu[>les.  Ainsi 
m  n'a  rien  h  craindre  de  rester  sous  le 
^:e  de  Pierre,  uiakré  que  celui  qui  le 
pvtna  soit  pas  le  chef  de  la  patrie. 
*fc«ju'on  n'aille  pas  rappeler  ce  moyen  âge 
Itt5  Papes,  dit-on,  faisaient  irruption  dans 
inire  temporel  1  Ce  serait  agiter  un  é|K>u- 
fcauil  puéril.  Les  Papes  savent  conjpren- 
k  H  «Jistinguer  les  époques.  Au  moyen 

t,  Tesprit  el  le  droit  public  leur  accor- 
u  la  faculté  d'intervenir  entre  les  prin- 
h^»t  les  peuples,  dans  de  certaines  con- 

tc'.is;  ils  en  u5%/*renl;  et  tout  le  monde 
".ut;nt    aujourd'hui  que  re  fut  pour  le 
fci*.:ur  de  1  Europe  et  de  la  liberlo.  Main- 


tenant, au  contraire,  de  nouvelles  idées  ont 
prévalu;  ce  privilège,  que  l'opinion  géné- 
rale et  le  respect  universel  décernaient  aux 
pontifes  de  Rome,  on  le  leur  conteste,  on  lo 
leur  nie!  Ils  no  l'exercent  plus,  etse  tiennent 
renfermés  sévèrement  dans  les  limites  de 
leur  puissance  spirituelle.  Ainsi  comme  ils 
étaient  jadis  de  leur  temps ,  ils  en  sont  en- 
core aujourd'hui  ;  ils  en  seront  toujours;  et 
quand  on  les  entend  représenter  comme  rê- 
vant et  regrcllaiit  sans  cesse  le  xi%  le  xn'el 
le  xnr  siècles;  (|uand  on  voit  des  hommes 
partir  de  ce  motif  pour  porter  h  s'en  déta- 
cher, on  se  demande  vraiment  si  ce  langage 
n'est  pas  de  la  niaisantorie. 

Non,  les  ponliies  romains  n'aspirent  point 
è  l'asservissement  des  puissances;  ils  n'as- 
jïirent  qu'à  leur  élever  des  trônes  plus  sa- 
crés dans  la  conscience  des  peuples.  Non, 
ils  n'aspirent  point  non  plus  è  troubler  la 
tranquilité  des  nations,  en  se  mêlant  indis- 
crètement de  leurs  affaires.  Ce  qu'ils  veu- 
lent, c'est  tout  simplement  d'en  maintenir 
la  foi  sans  alliage,  les  mœurs  sans  altération, 
la  religion[sans  oppression  comme  sans  fai- 
blesse. Ce  qu'ils  veulent,  c'est  tout  simple- 
ment, confondant  tous  les  genres  de  sollici- 
tudes compatibles  avec  leur  ministère  pas- 
toral et  réclamés  par  le  bonheur  des  nations, 
que  nul  besoin  et  nul  malheur  public,  oueilo 
qu'en  soit  la  nature,  ne  leur  restent  étran- 
gers, et  que  de  leur  âme,  comme  d'un  vaste 
foyer  de  lumière  et  de  chaleur,  déborde 
sans  cesse  un  intarissable  océan  de  vérité  et 
de  miséricorde  dont  les  flots  et  les  bienfaits 
s*cn  aillent  éternellement  inonder  et  vivi- 
fier tous  les  coins  de  l'univers.  Ce  qu'ils  veu- 
lent enliu,  c'est  que  si  les  diverses  branches 
de  la  famille  humaine ,  divisées  de  croyan- 
ces et  de  communions,  ne  consentent  pas  h 
leur  décerner,  dans  un  amour  et  un  respect 
unanimes,  le  double  nom  d'oracle  el  do 
père,  toutes  au  moins  soient  forcées  de  re- 
connaître qu'ils  possèdent  h  la  fois  et  la 
sagesse  et  la  boulé  que  ces  deux  titres  sup- 
posent. 

Heureux  le  monde,  s'il  sait  rendre  hom- 
mageà cette  paternilési  légitime,  si  bienveil- 
lante, et  en  accepler  la  tutelle  I  Heureuses  les 
nations,  si  elles  se  décident  jamais,  dans  leur 
ensemble,  è  faire  remonter  au  pontife  suprê- 
me un  reflux  d'obéissance  et  d'attachement 
proportionné  à  la  sainteté  de  son  [K>uvoir,  et 
à  l'immense  charité  qui  de  son  cœur  s'épan- 
che sur  le  monde  1  Heureuses  si  elles  vou- 
laient toutes  s'abriter  sous  sa  main,  comme 
elles  sont  déjà  (outes  com{)rises  dans  la  dou- 
ble étendue  de  ses  droits  et  de  son  affection! 
L'humanité  jouirait  alors  du  bonheur  qu'elle 
poursuit,  à  uolre  é|:oque,  de  ses  rêves  les 
plus  ardents.  A  en  croire  ce  que  chacun 
répèle,  les  peu|)lcs  aspireraient  maintenant 
à  se  fondre  dans  une  vaste  unité  de  senli- 
menls.  De  loricnt  à  roetident,  des  pôles  à 
l'équaleurj  les  cœurs,  prélcnd-on,  s'appel- 
lent et  se  répondent,  innalients  de  voir 
tomber  les  barrières  qui  les  divisent,  et  de 
substituer  à  leur  vie  morcelée,  à  leurs  bat- 
tements solitaires,  uoe  vie  cor 


445 


PAP 


DICTIONNAIRE  APOLOCETIQL'E. 


PAS 


4U 


communes  palpitations.  Mais  qui  réalisera 
ce  VŒU  sublime?  La  philosophie?  Elle  no 
fait  que  désunir  les  intelligences  et  mettre 
le  monde  moral  en  poussière.  Les  religions 
nationales?  Elles  n'enfantent  pour  Tunivers 
que  des  rivalités  et  des  fractionnements, 
comme  elles  ne  produisent  que  tyrannie  et 
malheur  pour  chacune  des  sociétés  qu'elles 
dominent.  Il  n'est  que  le  catholicisme,  avec 
son  Pape,  qui  puisse,  comme  nous  le  dési- 
rons, lier  les  divers  tronçons  du  genre  hu- 
main en  un  seul  et  même  faisceau.  Le  Pape 
seul  représente  des  croyances  capables  de 
réunir  les  esprits  en  une  seule  et  même  foi: 
je  Pape  seul  exerce  une  puissance  assez 
douce  pour  caiitiver  tous  les  cœurs,  a>sez 
haute  pourque  les  rois  puissent  la|$ubirsans 
abaissement;  assez  indépendante  pourque 
nulle  jalousie  de  nation  n*ait  droit  de  la 
repousser  comme  incompatible,  assez  souple 
pour  pouvoirs'étendreàvolonté  et  créer  sous 
ses  ailes  un  abri  pour  toutes  les  sociétés 
qui  jamais  demanderont  à  y  prendre  pla«;e. 
Sans  détruire  les  nationalités,  elle  peut  effa- 
cer les  divisions.  Avec  elle  la  patrie  subsis- 
tera, les  formes  du  gouvernement  demeure- 
ront; mais  Tégoïsme  sera  éteint;  les  hostiltés 
qu'il  inspire  se  seront  évanouies.  D'un  bout 
du  monde  à  l'autre,  par  dessus  toutes  les  fron- 
tières, non  point  anéanties,  mais  du  moins 
abaissées,  on  se  pressera  la  main,  et,  après 
s'être  tourné  du  côté  de  Rome  pour  dire  à 
son  pontife: Mon  Pèrel  On  se  tournera  les 
uns  vers  les  autres,  le  sourire  sur  les  lèvres, 
Kamitié  dans  le  cœur,  et  on  se  dira  :  Mon 
frère  1  Puisse  cet  âj^e  d'or,  que  Leibnitz  rê- 
vait autrefois,  se  lever  sur  le  monde  1  Et  si 
les  autres  peuples  ne  veulent  pas,  ou  reve- 
nir, ou  rester  unis  avec  celui  qui  peut  seul 
nousen  nrocurer  le  bienfait,  soyons-lui  pour 
jamais  fidèles  1  La  France  fut  toujours  ho- 
norée d'une  bienveillance  spéciale  par  le 
Saint-Siège;  il  nous  considère  encore  main- 
tenant avec  un  œil  de  particulière  tendresse. 
De  son  côté,  TEglise  gallicane  elle-même  se 
distingua,  dans  tous  les  temps,  par  la  sou- 
mission la  plus  Gliale  aux  successeurs  de 
Pierre.  Evêques,  rois  et  peuples  en  donnè- 
rent, en  mille  occasions,  les  marques  les 
p.us  éclatantes.  Ah  !  conservons  éiernello- 
ment  inlact  ce  trésor  que  nous  ont  transmis 
nos  pères  1  Gomme  eux,  tenons  à  passer 
pour  les  enfants  les  plus  respectueux  et  ies 
plus  dociles  de  Rome  I  C'est  une  gloire  qui, 
par  sa  splendeur,  vaut  bien  celle  des  armes 
ou  de  la  civilisation,  et  qui  soutiendra  mieux 
jiar  sa  force  l'avenir  de  notre  sociétô'chan- 
celante.  Plus  nous  serons  appuyés  sur  celte 
pierre  auguste,  qui  sert  de  londement  à  l'E- 
glise universelle,  plus  nous  participerons  & 
rimmuable  solidité  et  à  Timpérissable  exis- 
tence de  l'Eglise  elle-même. 

PAPYRUS.  Manuscrits  sur  i.apyrus  trou- 
vés en  Egypte.  Voy.  Sciences  §  L  —  A  servi 
a  écrire  le  Pentateuque,  ibid.  —  Un  manus- 
crit de  la  Loi  mosaïque  a  pu  être  retrouvé 
après  mille  ans  dans  le  temple  de  Jérusalem, 
puisqu'on  a  des  contrats  sur  papyrus  de 
Tépoque  des  Pharaons.  /6/rf. 


PAQUE.  Débat  à  ce  sujet  sous  le  pontifi- 
cat du  Pape  saint  Victor  ;  erreurs  de  MM.  Am- 
père et  Am.  Thierry  refutées,  Foy.  Victor 
(Saint). 

PARABOLE.  Les  paroles  de  Jésus-Christ 
dans  l'institution  de  l'Eucharistie  sont-elles 
une  parabole?  Voy,  Eugharistib,  §111. 

PARADIS  TERRESTRE.  Sa  situation. 
Yoy.  Psychologie.,  (  V. 

PAR  AVE  Y  (M.  DE),  ingénieux  rapproche- 
ments au  sujet  de  la  tour  de  Babel?  foy. 
Babel. 

PARCHAPPE  (le  docteur),  nie  le  surnatu- 
ralisme. Voy.  DÉMON. 

PAROLE.  A-t-clle  pu  être  inventée.  Yoy. 
Psychologie  {  VI, — considérée  dans  ses  cap- 
ports  avec  la  raison.  Yoy,  Psychologie,  § XI. 
—  Parole  de  Dieu,  manifestant  à  rhonime 
des  vérités  de  l'ordre  surnaturel.  Voy.  Pao- 
phéties 

PASSAGE  DE  LA  MER  ROUGE.  —  En  par- 
tant de  TE^pte,  les  Hébreux  avaient  à  leur 
droite  une  chaîne  (je  monta;;nes,  à  leur 
gauche,  les  Philistins  et  les  Amalécites,  der- 
rière eux,  les  Egyptiens  qui  les  poursui- 
vaient, et  en  face  la  mer  Rouge  (Exod.  xiv). 
S'étant  aperçus  que  les  Eg^^ptiens  allaient 
les  atteindre,  ils  furent  saisis  d'effroi,  et  ils 
se  plaignirent  à  Moïse  de  les  avoir  retirés 
de  l'Egypte  pour  les  faire  mourir  dam  le 
désert.  Mais  Dieu,  après  les  avoir  délivrés 
du  joug  de  l'Egypte,  devait,  par  un  nouveau 
miracle,  les  arracher  aux  périls  dont  ils 
étaient  menacés.  C'est  pourquoi  il  dit  à 
Moïse  :  tf  Elève  ta  verge,  étends  ton  bras  sur 
la  mer,  et  divise-la,  afin  que  les  enfants  d*ls- 
raël  marchent  à  sec  au  milieu  de  son  lit. 
Pour  moi,  je  vais  endurcir  le  cœur  des 
Egyptiens,  afin  qu'ils  entrent  après  tous 
dans  la  mer,  et  que  je  fasse  éclater  ma  gloire, 
tant  dans  la  personne  de  Pharaon  que  dans 
ses  chars,  ses  cavaliers  et  toute  son  armée. 
C'est  alors  enfin  que  les  Egyptiens  recao- 
naîtront  que  je  suis  Jého  va.»  [Ibid.  16-18.)^.. 
Moïse  donc  ayant  étenduson  bras  sur  la  mer, 
Jéhova  la  fit  retirer  par  un  vent  brûlant  et 
impétueux,  lequel  ayant  soufflé  toute  la 
nuit,  en  dessécha  le  fond,  en  sorte  que  les 
eaux  se  divisèrent.  C'est  ainsi  que  les  en 
fants  d'Israël  marchèrent  à  sec  au  milieu  de 
la  mer,  ayant  à  droite  et  à  gauche  un  mur 
formé  par  les  eaux.  Les  Egyptiens,  qui  les 
poursuivaient  toujours,  entrèrent  après  eux 
au  milieu  de  la  mer,  avec  tous  les  chevaux 
de  Pharaon,  ses  chars  et  ses  cavaliers.  Mais 
Moïse  ayant  étendu  de  nouveau  son  bras  sur 
la  mer,  elle  reprit,  dès  la  pointe  du  Jour, 
son  cours  impétueux,  pendant  que  les  Egyp- 
tiens qui  fuyaient,  se  trouvant  à  sa  rcncctn- 
tre,  furent  précipités  par  Jéhova  au  milieu 
de  ses  flots.  C'est  ainsi  que  les  eaux  étant 
retombées,  couvrirent,  de  manière  à  ce  qu'il 
n'en  échappât  pas  un  seul,  les  chariots,  les 
cavaliers  et  toute  l'armée  de  Pharaon,  qui 
étaient  entrés  dans  la  mer  en  poursuivant 
les  enfants  d'Israël;  tandis  que  ceux-ci 
avaient  marché  à  pied  sec  au  mlieu  de  la 
mer,  ayant  à  droite  et  è  gauche  un  mur 
formé  par  les  eaux  (27-29).  »  Alors  Moise  et 


m 


PAS 


DICTIUNNAIKE  APOLOGETIQUE. 


PAS 


446 


les  Israélites  chantèrent  un  cantique  pour 

n/iiire  grâces  à  Dieu  de  cette  délivrance  (xvj. 

Ce  récit,  comme  on  le  voit,  montre  clai- 

rfmnu  par  son  seul  exposé,  que  le  pas- 

i  i';e  «le  la  mer  Rouge  par  les  Hébreux  est 

00  véritable  miracle,  et  que  la  narration 

)j 5i(up/6  et  si  naturelle  de  Moïse  porte  un 

u^hpide  vérité  qu'on  ne  saurait  mécon- 

ultre.  Cependant  les  rationalistes  modernes 

so'jlieonentqnil  n*j  arien  de  miraculeux 

tfjQs  cet  événement,  vu  qu'il  est  aisé  de  lui 

p^i.nenies  causes  naturelles.  De  leur  côté, 

in  m  rétiules    reprochent    hardiment    à 

liseii  avoir  ajouté  à  son  récit  des  circons- 

tBi*«5  propres  à  rendre  le  fait  plus  mer- 

M>ui,  et  d'avoir  ainsi  transformé  en  nîi- 

ffiVuo  événement  purenient  naturel.  Ils 

irHtDJent  même  iiue  cet  historien  a  inséré 

•»)« il  narration  des  traits  qui  rendent  le 

lii  ab>o|iiment  incroyable.  Ajoutons»  que 

.flsfiours écrivains,  tout  en  professant  qu  ils 

jlliRedent  nn  miracle  dans  cet  événement 

jttrsonlJDaire,  lont  eiLpIiqué  de  manière  à 

h  rendre  bien  peu  sensiljle,  pour  ne  pas 

[fe fort  douteux.  Maïs  avant  d  entrer  dans 

|.)i<!brus5ion  de  ces  divers  points,  il  est  im- 

i(iitntd'en  traiter  quelques  autres  qui  se 

.ttKtÉeat  aux  premiers.  Ainsi  nous  exami- 

'      f««r quelle  route  les  Hébreux  arrivé 

tbiuer  Rou^e,  lorsqu'ils  partirent  d'E- 

r;<juel  est  1  endroit  où  ils  la  traverse- 

;tiotiD  s'ils  la  traversèrent  réellement, 

tifQ  s'ils  ne  se  bornèrent  pas  plutôt  à  un 

pié  circuit,  de  manière  à  revenir  sur  la 

rive  qu'ils  venaient  de  quitter. 

inaïc  psr  bqaeUe  les  Hébreux  arrivèrent  a  îa  mer 

Rouge. 

iqoe  Moïse  lui-même  nous  ait  tracé,  en 
oe  sorte,  ntinéraire  de  sa  marche,  en 
nt  avec  le  plus  grand  soin  ses  divers 
ments,  comme  ces  lieux  ont  changé 
<ts,il  est  bien  diflicile  de  s'en  former 
Uée  juste  et  précise.  De  là  deux  oui- 
différentes.  Selon  la  première,  les  Is- 
?8,au  sortir  de  l'Egypte,  seraient  allés 
à  Suez,  ville  située  à  l'extrémité  sep- 
RODaie  de  la  mer  Rouge  ;  puis,  au  lieu 
I doubler,  pour  se  rendre  dans  le  désert 
tt/te,  ils  seraient  revenus  du  côté  de 
Fpte  en  côtoyant  les  bords  de  la  mer,  et 
^ ainsi  devant  Pbi-hahiroth,  où  ils  au- 
it  été  atteints  par  Pharaon,  qui  les  pour* 

Krantla  seconde  opinion,  soutenue  par 
}'  Sicard,  jésuite,  qu'on  sait  avoir  vi- 
IIa  lieux  et  tout  examiné  avec  l'attention 
scrupuleuse,  les  Israélites  ne  prirent 

la  route  de  Suez,  quoique  la  plus 
R«;car  ils  se  seraient  rapprochés  de  la 

<les  Philistins,  chemin  qu'ils  devaient 

VoT.  Utiret  édifiantes ,  t.  V,  et  Mémoires 

iVoMMi  de  la  tompagme  de  Jésus  au  Letant^ 

^••1.  aittii  dans  la  bible  de  Veiice,  Disserta- 

*^^  U  pùuafe  de  la  mer  Rouge  par  Us  Ué* 

ï^'  I  CuBicof,   Disserl.  de  trajectione  maris 
^*f  ViaucLif,    Ânmerkf  zum  xweitcn  Buch 


éviter,  et  qu'ils  ne  prirent  point  en  effet,' 
d'après  la  narration  môme  de  Moïse  {Exod. 
xm,  17).  Lesavantjésuitepensedc  plus  que 
la  vallée  qui  conduit  de  Suez  h  Béelséphon, 
qu'ils  auraient  dû  traverser,  n'ayant  environ 
qu'un  quart  de  lieue  de  largeur,  n'aurait  pu 
être  franchie  en  si  peu  de  temps  par  une 
troupe  composée  au  moins  de  deux  millions 
de  personnes  ;  d'où  il  conclujl  que  Moïseprit 
un  autre  chemin  qu'il  tiace  de  la  manière 
suivante.  De  Ramesf^ès  le  chef  des  Israélites 
se  dirigea  vers  la  plaine  de  Gendeli  pour  ar- 
river à  Socoth,  d  où  11  continua  sa  marche 
dans  la  plaine  de  Ramiié  aGn  de  joindre 
Etham.  En  quittant  ce  dernier  endroit,  au 
Heu  de  se  retirer  dans  le  désert  de  la  haute 
Egypte,  comme  Pharaon  s'y  attendait,  il  re- 
vint un  peu  sur  ses  pas  cour  gagner  la  plaine 
de  Bédé,  qui  le  conduisit  à  Phi-hahiroth , 
entre  Béelséphon  et  Magdalum.  Ce  fut  au 
moment  de  ce  retour  qu'on  avertit  Pharaon 
que  les  Hébreux,  au  lieu  de  se  retirer  dans 
le  désert  de  la  haute  Egypte,  prenaient  lo 
chemin  de  la  mer  Rouge,  afin  de  pouvoir 
abandonner  entièrement  son  royaume.  Cette 
marche  ainsi  tracée  par  le  P.  Sicard  semble 
assez  conforme  au  texte  biblique,  et  par  con- 
séquent présente  quelque  probabilité  (1^08). 

)e  Teodroit  où  les  Hébreux  passèrent  la  mer  Roage. 

L'ignorance  où  Ton  est  nécessairement 
aujourd'hui  par  rapport  à  l'objet  de  la  se- 
conde question  quenous  avons  a  examiner, 
a  fait  nattre  principalement  deux  opinions 
différentes  sur  l'endroit  précis  où  les  Hé- 
breux ont  effectué  leur  passage  de  la  mer 
Rouce.  Ainsi,  parmi  les  critiques  qui  ont 
étudié  ce  point  d'antiquité;  les  uns,  au  nom- 
bre desquels  se  trouvent  la  plupart  des  dé- 
fenseurs des  deux  sentiments  relatifs  à  la 
marche  des  Hébreux  depuis  leur  sortie  d'E- 
gypte jusqu'à  la  mer  Rouge,  prétendent 
qu  ils  traversèrent  cette  mer  vis-a-vis  de  la 
plaine  de  Bédé;  !es  autres,  tels  que  Leclerc, 
Michaëlis,  Niebubr,  Rosenmûller,  Dubois- 
Aymé,  Léon  de  I^borde,  etc.,  veulent  que 
ce  soit  beaucoup  plus  au  nord,  c'est-à-dire 
tout  près  de  Suez,  à  l'extrémité  du  golfe 
(409).  Examinons  ces  deux  sentiments. 

Plusieurs  raisons  assez  plausibles  sem- 
blent motiver  l'opinion  de  ceux  qui  préten- 
dent que  les  Israélites  ont  passé  la  mer  Rouge 
vis  à-vis  la  plaine  de  Bédé.  En  effet,  ce 
point  se  trouve  dans  la  direction  de  la  mar- 
che des  Hébreux  telle  que  l'a  tracée  avec 
quelque  apparence  de  raison  le  P.  Sicard , 
comme  nous  venons  de  le  remarquer  dans  la 
question  précédente.  Ajoutons  que  d'aprè:! 
ce  sentiment,  les  Israélites  devaient  néces- 

Mose,  cap.  xiv;  Niebcdr,  Description  de  P Arabie^ 
t.  il,  p.  283  ei  saiv.;  Rosknmoller  ,  Schol  in  Exod. 
xiv;  DuBois-AviiE,  Notice  sur  le  séjour  des  Hébreux 
en  Egypu  et  sur  leur  fuite  dans  le  déurt,  p.  2di  de 
la  Description  d^Egyp/c;  Paris,  Inippîmerie  impériale, 
181^  ;  Léon  de  Laboude,  Commentairs  géographique 
sur  H  Exffit  et  les  Nvnibfes,  p.  79. 


447 


PAS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAS 


44S 


sairement  se  trouver  cernés  et  enfermés  (Je 
toutes  parts;  d'un  côlé  par  les  déserts,  et 
de  l'autre  par  les  montagnes;  devant  par  la 
mer  Rou;:;e  et  derrière  par  la  cavalerie  de 
Phcraon.  Troisièmement,  la  mer  en  cet  en- 
droit n'a  que  trois  lieues  de  largeur,  et  elfe 
offrait  aux  Israélites  un  passage  d'autant 
plus  facile  et  plus  commoae,  que  son  fond 
n*y  est  ni  boueux  ni  hérissé  de  ces  coraux 
trancliantsqui  teurauraient  déchiré  les  pieds 
et  If  bas  des  jambes,  et  que  l'on  rencontre 
dans  d'autres  parties  de  la  mer,  ni  embar- 
rassé par  l'algue  marine  ;  mais  il  est  sablon- 
neux comme  le  terrain  des  plaines  voi- 
sines. 

A  la  vérité  on  a  opposé  quelques  difficul- 
tés à  ce  sentiment;  mais  elles  nous  ont  paru 
peu  solides.  Ainsi  Rosenmûller  dit  qu'il  n'est 
pas  vraisemblable  que  les  Hébreux  se  soient 
avancés  si  loin  le  long  du  rivage  de  la  mer, 
d  après  le  récit  de  Muïse,  puisque Is  ne  l'at- 
teignirent que  le  dernier  jour  de  leur  mar- 
clie.  Mais  cette  difficulté  ne  peut  avoir  quel- 
que valeur  que  dans  l'hypothèse  que  les 
Israélites  n'arrivèrent  à  la  mer  Rouge  que 
par-la  pointe  de  Suez,  ce  qui  n'est  pas  prouvé, 
comme  on  l'a  vu  dans  la  question  précé- 
dente, où  nous  avons  considéré  au  contraire 
comme  plus  probable  l'opinion  du  P.Sicard, 
qui  conduit  les  Hébreux  jusqu*au  golfe  par 
une  ligne  plus  directe.  Rosenmûlïer  nest 
pas  plus  heureux,  quand  il  dit  que  la  mer 
Rouge  vis*à-vis  de  Bédé  est  trop  large  pour 
qu'une  si  grande  multitude  d  hommes  ait 
pu  la  traverser  en  si  peu  de  temps,  et  trop 
profonde  pour  avoir  été  mise  &  sec  par  les 
moyens  qu'assigne  Moïse,  c'est-à-dire  par  un 
vent  et  le  tlux  des  eaux.  En  effet,  notre  cri- 
tique suppose  que  ce  dessèchement  du  lit  de 
la  mer  n  eut  pour  cause  qu'un  simple  vent 
ordinaire  et  le  flux  auquel  ce  golfe  est  su- 
jet; mais  cette  supposition  est  tout  à  fait 
gratuite  ;  nous  espérons  môme  prouver  un 

S)eu  plus  bas  qu'elle  est  réellement  opposée 
i  la  vérité  (MO). 

Parmi  lès  défenseurs  du  second  sentiment, 
Niebubr  est  celui  qui  nous  semCle  Tavoir  le 
mieux  développé.  Nous  suivrons  donc  pas 
h  pas  ce  savant  écrivain,  en  ajoutant  quel- 
ques réflexions.  Ainsi  ta  ))remière  raison 
qui  Ta  déterminé  h  faire  passer  la  mer  par 
les  Israélites  à  Suez,  c'est  parce  que  c'était 
la  route  ta  plus  courte  et  la  plus  ordinaire- 
ment suivie  quand  on  sortait  de  l'Egypte. 
Cette  raison  ne  paraît  pas  d'un  grand  poids; 
car  ce  qu'il  importail  le  plus  aut  Héijreux 
n'étaitpoinl  précisémen  tdc  prendre  le  chemin 
le  plus  court,  mais  celui  qui  ne  devait  faire 
naître  aucun  soupçon  dans  l'esprit  de  Pha- 
raon; puisque  ce  prince  avait  permis  seule- 
ment aux  Israélites  d'aller  sacriûcr  dans  le 
désert ,  mais  non  point  de  quitter  entière- 
ment l'Egypte. 

Niebuhr  ajoute,  qu'en  prenant  la  route  de 
Bédé,  les  Israélites  s'engageaient  dans  un 
chemin  plus  long  et  plus  difficile,  qui  les 
éloignait  du  moni  Sinai.  --  Mais  lo  P.  Sicard, 


qui  a  visité  les  lieux  aussi  bien  que  Niclmhr, 
ne  pense  pas,  comme  lui,  que  cette  roule 
fût  impraticable  et  trop  longue  pour  avoir 
été  faite  en  trois  jours.  D'ailleurs  ce  chemin, 
dans  un  temps  où  TEgypte  était  cultivée, 
pouvait  être  plus  facile  qu*aujourd'hui  ;  vu 
que  les  sables  ont  lait  tant  de  ravages  depuis 
cette  époque. 

Un  troisième  motif,  c'est  que  les  Israélites 
n'auraient  pas  voulu  suivre  Mo'ise  dans  une 
pareille  route.  —  N'est-ce  pas  une  assertion 
purement  gratuite?  Sans  cloute  l'histoire  de 
ce  peuple  nous  montre  combien  il  se  portait 
aisément  aux  murmures,  et  quelquefois 
môme  à  la  révolte;  cependant,  comme  un 
grand  nombre  de  pnxiiges  dont  il  devait  être 
encore  tout  pénétré  venaient  de  prouver  la 
divine  mission  de  Moïse,  on  ne  peut  guère 
supposer  qu'il  n'aurait  pas  voulu  s'abandon- 
ner à  la  conduite  d'un  pareil  chef;  d*aulaot 
plus  qu'il  l'a  suivi  pendant  quarante  ans 
dans  les  déserts  de  l'Arabie. 

La  troisième  raison  que  notre  savant 
voyageur  /ait  valoir  en  faveur  de  son  opinion, 
c*est  que  si  les  Hébreux  avaient  pris  le  che- 
min de  Bédé  au  lieu  de  celui  de  Suez,  Pha- 
raon n'aurait  pas  cru  qu'ils  voulaient  quiller 
l'Egypte  sans  retour,  et  par  conséquent  il  ne 
les  aurait  pas  poursuivis  comme  il  leGtselon 
l'Ecriture.  —  Une  élude  un  peu  plus  atten- 
tive du  texte  sacré  aurait  prouvé  à  Niebuhr 
que  son  raisonnement  n'était  pas  très-logi- 
que. A  la  vérité,  la  Genèse  dit  que  Pharaon 
poursuivit  les  Israélites  (xiv,8,  9);  niaiselie 
nous  apprend  en  même  temps  qu'ils  étaient 
déjà  loin,  lorsqu'on  annonça  a  ce  prince 
qu'ils  s'étaient  enfuis  (â,  4,  5);  ce  qui  auto- 
rise à  penser,  avec  le  P.  Sicard,  que  si  les 
Hébreux  s'étaient  dirigés  vers  Suez,  dès  leur 
départ,  le  roi  d'Egypte  n'aurait  pas  manqué 
de  penser  qu'ils  ne  voulaient  plus  revenir 
dans  ses  Etats,  et  se  serait  mis  aussitôt  en  de- 
voir do  les  arrêter.  Si  donc  il  ne  les  pour- 
suivit {)as  dès  les  premiers  moments,  c'est 
parce  que  les  voyant  prendre  le  chemin  qui 
conduit  dans  les  déserts  de  la  haute  Egypte» 
il  crut  tout  naturellement  que  c'était  là  qu'ils 
se  rendaient  pour  offrir  leurs  sacrifices.  Mais 
informé  bientôt  après  qu'ils  quittaient  cette 
direction  et  s'approchaient  de  la  mer  Rouge, 
pour  aller  sans  doute  doubler  \a  pointe  de 
Suez,  il  partit  avec  son  armée,  courut  à  leur 
poursuite,  mais  lorsqu'il  put  tes  atteindre, 
ils  étaient  déjà  parvenus  sur  le  bord  de  la 
mer. 

EnQn  Niebuhr  regarde  comme  une  chose 
impossible  que  Pliaraon  ait  voulu  s'en- 
gager dans  le  lit  de  la  mer  desséché  oii* 
raculcusement ,  après  avoir  été  témoin  de 
tous  les  miracles  opérés  par  Mo'ise;  mais  il 
trouve  tout  simple  que  ce  prince  ait  passé, 
du  côté  de  Suez,  le  bras  de  mer  qu'il  a  pu 
croire  desséché  naturellement  par  le  vent 
joint  au  reflux  des  eaux.  Notre  célèbre  voya- 
geur ajoute  que  la  mer  Rouge  peut  avoir  uu 
quart  de  lieue  à  Suez,  et  qu'au  temps  de  Moïse 
elle  pouvait  être  plus  large  et  plus  profonde, 


(410)  KoscMiCLLER ,  Scholifi  in  Lxodum,  p.  279,  27i. 


il9 


PAS 


ro'^Ju'onDesauraitdoulnrqu'elIo  ne 
I  Ueeducôlé  du  sud.  —  11  est  surprenant, 
I  en  itTof,  que  Pharaon,  qui  avait  vu  tant  de 
i  »HJi;es  Q\)Ms  par  Moïse,  se  soit  risqué 
I  îfiiirer  dans  le  lit  de  la  mer  miraculeuse- 
wDî desséché.  Cependant,  quand  on  pense 
If'Minalion  el  àl'opiniûlreté  que  ce  prince 
iirtildéjà  montrées  en  sa  personne,  lorsque 
Tfcbfi  Diultipliail  en  Egypte  les  miracles  les 
Ijjoj  propres  à  dessiller  ses  yeux,  et  à  triom- 
lerdei'areugleaaent  le  plus  opiniâtre,  et 
'mÀ  on  considère  môme  que  son  endur- 
'^oient  et  sa  résistance  semblaient  s*ac- 


titliKet  se  fortifier  à  chaque  nouvelle  plaie 
fuie  frappait,  I*étonnement  cesse  ou  du 
'BÉ5  diminue  beaucoup.  Sa  conduite  si 
l^nlière  en  cette  occasion  s'explique  d'ail- 
hrsiDut  naturellement,  tant  parle  trans- 
art  furieux  dont  il  était  animé  en  poursui- 
ptles  Hébreux,  qu'il  croyait  déjà  altetn- 
P,  (j^ie  par  !  aveuj^lement  extraordinaire 
AiiDieQ  le  frappa  en  ce  moment,  et  que 
IbJtureeiprimo  si  énergiquement  par  ses 
'pua  :  Murabo  cor  ejus^ac  persequetur 
»«.;W.xiv,  k.)  Ajoutez  h  cela  lobscu- 
iHtffodnite  nécessairement  {)ar  la  colonne 
iâttfe  qui  Teropëchait  de  bien  distinguer 
:kiaoùi)  se  trouvait. 
fN^la  retraite  des  eaux  de  la  mer  vers 
luil.0His  n'avons  aucun  intérêt  à  la  nier 
biiâuus  semble  même  qu'elle  tourne. 
Incertain  rapport,  au  détriment  de  l'o- 
nde i^iebuhr  et  de  tous  ceux  qui  veulent 
ilei Israélites  aient  traversé  la  mer  tout 
fiieSupz.  En  etlet,  un  des  motifs  pour  les- 
tfeseriliques  prétendent  que  le  passage 
is  eu  lieu  vis-à-vis  de  la  piaine  de  Bédé, 
foe  le  golfe,  en  cet  endroit,  est  trop 
'titrop  profond  pour  qu'une  multitude 
'(uosidérable  que  celle  des  Hébreux  ait 
Ikiraverser  en  si  peu  de  temps,  et  j^our 
m  vent  joint  au  flux  des  eaux  ait  mis  à 
r^  lit  Je  la  mer.  Or,  si  au  temps  de  Moïse 
tr  s'avançait  beaucoup  plus  au  nord,  la 
*]m  touchait  &  Suez  devait  par  consé- 
Uêtre  beaucoup  plus  large  et  beaucoup 
frufuade  qu'elle  ne  l'est  aujourd'hui, 
tenter  au  passage  des  Israélites  les 
Mcultésque  l'on  trouve  pour  Bédé. 

§II[. 

'Msge  réel  de  la  mer  Rouge  par  les  Hébreux. 

^oadés  que  le  récit  de  V Exode  oCi  le 

D(!f  eoosidérations  à  la  fois  géologiques  et 

'^proovenl  qu*andenneineiil  la  mer  Rou^e 

ao  nord  t>eaucoup  plus  qa^aujourXhui , 

-eUe allait  jasqa*auprè8  de  la  ville  de  Saba'h- 

0>  attribue  généralement  ce  changement  à 

<aiues  différentes  :  à  la  retraite  des  eaux ,  et 

aération  des  sables  au  fond  de  la  mer,  prés 

.  mais  M.  Léon  de  Laborde  n*admet  que 

^aiére,  soutenant  c  qu*il  n'y  a  aucune  raison 

iMef  ao  citangement  physique  dans  le  pays, 

laecdm  produit  par  Teucombremeut  des  sa- 

'  lion  de  Labobdb  ,  Commentaire  géographi-' 

oTixodr,  p.  30.)  Cette  diversité  d'opinion, 

^  M  le  voit,  ne  change  rieu  à  la  thèse  princi- 

fi  GtK.TttTon.  Hi$i.  1.  I,  c.  iO;  D.  Tnon., 
^'«^CorimA.,  c.  i;  Tostat.,  Quœst.  19  in  cap. 


DICTIONNAIRE  APOLOGLTIQUE.  PAS  450 

se  soit  passage  de  la  mer  Rouge  se  trouve  rapporté, 
présente  des  difficultés  insurmontables , 
plusieurs  anciens  auteurs  cités  dans  saint 
Grégoire  de  Tours,  ainsi  que  saint  Thomas, 
Toslat,  Paul  de  Burgos,Génébrard,  Grotius, 
Valable,  Aben  Ezra,  et  d'autres  savants  rab- 
bins que  nomme  Fagius  (^12),  ont  prétendu 
que  les  Hébreux  ne  iraversènint  pas  réelle- 
ment la  mer  Rouge  d'un  bord  à  raulre,mais 
qu'ils  remontèrent,  simplement  de  l'endroit 
où  ils  étaient  en  un  autre  endroit  un  peu 
plus  haut,  et  qu'après  avoir  fait  dans  le  lit 
du  golfe  comme  un  demi-cercle,  ils  revin- 
rent sur  la  même  rive.  Or,  voici  ces  difficul- 
tés. Premièrement,  la  mer  Rouge  est  trop 
large  pour  qu'on  puisse  la  traverser  dans 
un  espace  de  temps  aussi  court  que  celui 
que  les  Israélites  ont  pu  avoir.  Secondement, 
le  texte  sacré  qui  fait  passer  les  Israélites 
par  Ethanij  avant  qu'ils  soient  entrés  dans  le 
lit  do  la  mer  [Exod.  xni,  20;  lYum.  xxxiii, 
6),  les  fait  encore  marcher  dans  le  désert 
aEtham  après  qu'ils  sont  sortis  du  golfe 
(iVum.  XXXIII,  8}  ;  ce  qui,  en  effet,  semble 
prouver  que  les  Hébreux  ne  traversèrent 
pas  réellement  la  mer,  mais  qu'ils  se  bor- 
nèrent à  faire  un  circuit  qui  les  ramena  dans 
le  même  désert  qu*ils  avaient  quitté  en  en- 
trant dans  le  goUe. 

Cette  opinion  n'est  pas  {)lus  fondée  en 
elle-même  aue  dans  les  motifs  sur  lesquels 
on  prétend  1  appuyer.  D'abord  elle  est  for- 
mellement opposée  aux  paroles  mêmes  du 
texte  sacré,  qui  dit  à  la  lettre  que  les  eaux 
furent  fendues^  partagées  [kVi)^  et  que  c'est 
au  milieu  de  la  mer  que  les  Israélites  mar- 
chèrent (414),  ayant  à  droite  et  à  gauche 
un  mur  formé  par  les  eaux  [Exod.  xiv,  21, 
22).  Le  texte  biblique  ajoute  que  les  Egyp- 
tiens, qui  les  poursuivaient  toujours,  en- 
trèrent après  eux  au  milieu  de  la  mer  (vers. 
23)  ;  ce  qui  indique  clairement  que  les  Hé- 
breux passèrent  d'un  rivage  à  l'autre. 

Une  preuve  bien  forte  encore  que  les  Hé- 
breux ont  réellement  traversé  la  mer  Rouge 
d'une  rive  à  lautre,  c'est  la  trnditiun  de  ce 
peuple,  laquelle  rend  le  témoignage  le  plus 
formel  à  cette  vérité.  Or,  cette  tradition  re- 
monte jusqu'à  Moïse;  car,  sans  parler  du 
texte  de  V Exode  cjue  nous  venons  de  citer, 
et  qui  suppose  clairement  un  nassage  d'une 
rive  à  l'autre,  on  lit  au  livre  aes  Nombres  • 
De  Phi'hahiroth  ils  passèrent  par  le  milieu  d9 

XIV  Exod.;  Pacl.  Burgens,  in  cap,  xiv  Exod,;  Ge- 
nebRm  Chron.^  ad  ami.  2i59;  Grotius,  ad  vert,  19, 
cap.  xiv  Exod.;  Vatabl.  in  Exod.  xiv. 

(415)  Tel  est,  en  efl'ei,  le  sens  ri^^oureax  du  verbe 
héiiieii  BAQAii  employé  par  M<.iâe. 

(41 4)  LVxprcs&ioii  betiioch  ne  saurait  se  traduire 
autrement  que  par  au  milieu,  C*e>t  en  effet  son  sens 
primitif  et  naturel.  Par  conséquent  les  lois  de  Tlier- 
inéneutique  n'auioriseraient  à  lui  en  donner  un  au- 
tre dans  ce  passage,  qu'autant  que  le  contexte 
Texigerait  :  or  le  contexte  léclame  au  contraire  ici 
cette  signiUcation.  Le«eul  verbe  être  fendu,  partagé 
en  deux,  peut-il  permettre  de  reittendre  autremenlt 
Au^si  Gesenius,  tout  endf*" '"oi  fflt  par- 
fois syiumymc  de  bk  dar  "*'  *^l 
au  milieu.  (Gesemus,  L 


4M 


PAS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAS 


43i 


la  mer  dans  le  désert  (xxxin,  8).  Or  le  teile 
ne  saurait  comporter  un  sens  différent  de 
celui  que  nous  donnons.  D'ailleurs  ce  même 
sens  aun  passage  effectué  au  travers  du 
Ht  de  la  mer  se  troure  aussi  mentionné 
dans  les  Psaumes  (lxxvi,  13;  lxxvii,  13; 
€xiU9  3,  5),  dans  Isale  (lxiii,  11),  dans  Ha- 
bacuc  (m,  8»  10, 15),  et  surtout  dans  le  livre 
de  la  Sagesse  fx,  17»  18;  xix,  7).  Enfln  les 
anciens  Juifs,  Josèphe,Phi1on,  etc.,  ont  cru, 
comme  nous,  que  leurs  pères  avaient  passé 
«a  mer  Rouge  d'un  bord  à  l'autre. 

On  pourrait  demander  encore  avec  le  P. 
Sicard,  où  cette  prétendue  route  des  Israéli- 
tes dans  la  mer  aura  pu  aboutir,  en  suppo* 
sant  qu'ils  soient  revenus  sur  le  même  ri- 
vage, c'est-à-dire  du  côté  de  TEçypte.  Est- 
ce  au  pied  du  mont  Eutaqua,  qui  est  sur  le 
bord  occidental  de  la  mer  Rouge  ?  Est-ce 
près  de  la  ville  de  Suez,  située  vers  l'extré- 
mité septentrionale?  Ces  deux  sup|)ositions 
sont  également  impossibles  et  hors  de  toute 
Traisemblance;  c'est  ainsi  qu'en  jugera  qui- 
C4)nque  saura  la  carie  du  pays.  Et  d'abord 
ce  ne  peut  être  au  [ned  du  mont  Eutaqua  ; 
vu  que  cette  montagne  est  très-éJevée  et 
très-escarpée,  et  que  d  ailleurs  l'espace  étroit 
et  resserré  qui  la  sépare  de  la  mer  permet- 
trait h  peine  d'v  placer  deux  régiments  :  or 
l'armée  d'Israël  comptait  plus  de  deux  mil- 
lions d'individus.  Ce  ne  peut  être  non  plus 
à  la  plaine  de  Suez;  car  ce  cercle  fait  dans 
la  mer  aurait  eu  nécessairement  huit  ou 
neuf  lieues  de  Ions.  En  effet,  tout  voyageur 
qui  examinera  les  lieux  avec  soin,  sera  forcé 
d'avouer  que  ce  détour  établit  cette  distance 
entre  le  mont  Eutaqua  et  Suez.  Mais  outre 

3ue  ce  système  allonge  sans  n(^cessité  la  route 
es  Israélites  dans  la  mer  d'environ  quatre 
lieues,  en  les  faisant  aboutir  à  Suez,  on  les 
éloigne  du  mont  Sinaï,  et  on  les  expose  à  re- 
tomber entre  les  mains  •  des  Egyptiens  ;  au 
lieu  que  s'ils  ont  traversé  la  uier  d'un  bord 
à  l'autre,  ils  n'ont  eu  que  cinq  ou  six  lieues 
de  chemin  à  faire,  ils  sont  entrés  dans  l'A- 
rabie Pétrée,  se  sont  apjirochés  du  Sinaï,  et 
ifont  eu  plus  rien  à  craindre  de  la  part  des 
Egyptiens. 

A  ces  preuves  fournies  par  le  P.  Sicard, 
nous  ajouterons  un  autre  argument,  dont 
on  a  essayé  vainement  d'éluder  la  force , 
comme  nous  allons  le  voir.  Si  les  Hébreux, 
au  lieu  d  avoir  traversé  le  golfe  d'un  bord  à 
l'autre,  s'étaient  bornés,  comme  le  veulent 
uos  adversaires ,  à  .faire  un  circuit  sur  le 
bord  occidental  delà  mer  Rouge,  ils  auraient 
dû  nécessairement  remonterdu  sud  au  nord. 
Mais  le  texte  original  porte  à  la  lettre  que 
le  vent  qui  dessécha  le  lit  de  la  mer,  et  ou- 
Trit  dans  son  sein  un  passage  libre  aux  Is- 
raélites, était  le  vent  qadiii,  c'est-è-dire  le 
vent  d'orient  [Exod.  xiv,  21).  Or,  comment 
le  vent  d'Orient  aurait-il  pu  ouvrir  une  roule 
circulairedu  sud  au  nord?  Evidemment  il  ne 
pouvait  en  ouvrir  une  que  de  Test  à  l'ouest, 

(il5)  Bellon,  Observât.  1.  n,  c.  58;  NiEbuiiR, 
Deicriffl.  de  l'Arabie,  i.  II,  p.  289;  voici  ses  propres 
parole  :  c  Aprte  avoir  mesuré  la  largeur  du  golfe 


ou  de  l'ouest  à  Test.  Ainsi,  les  Hébreux  qui 
étaient  à  l'ouest  traversèrent  donc  la  mer  de 
l'ouest  à  Test,  c'est-à-dire  du  bord  occiden- 
tal an  bord  oriental. 

Mais,  objecte-t-on,  le  mot  Hébreux  giDni 
pourrait  se  prendre  ici  pour  un  tenlvioUnt, 
impétueux^  abstraction  faite  de  son  point  de 
départ,  d'autant  plus  que  l'Ecriture  remploie 
quelquefois  dans  ce  sens.  Mais  la  significa- 
tion primitive  et  rigoureuse  de  ce  mol  étant 
vent  d'orient ,  comme  tous  les  hébraisants 
sont  forcés  d'en  convenir,  il  faut  que  le  con- 
texte, ou  Quelque  antre  circonstance  de  cri- 
tique ou  d  herméneutique  s'oppose  formel- 
lement à  ce  sens,  pour  qu'on  puisse  légiti- 
mement l'en  dépouiller;  c'est  un  principe 
sacré  et  incontestable  en  exégèse.  Or,  mm 
le  demandons  h  nos  adversaires,  le  molirqui 
lésa  portés  à  détourner  ainsi  la  si^niGralioo 
première  et  fondamentale  dcoADiuneyient- 
il  pas  uniquement  de  ce  qu'elle  est  inconci- 
liable avec  l'opinion  particulière  qu'ils  oot 
cru  devoir  embrasser  relatiyement  au  p- 
sage  de  la  mer  Rouge?  Mais,  on  le  sent  bien, 
une  critique  juste  et  équital)le  ne  $aurai($e 
contenter  d'une  pareille  raison.  Quant  aux 
divers  endroits  de  l'Ëcriture  que  nos  ad- 
versaires allèguent  en  leur  faveur,  nous  di- 
rons d'abord  qu'il  n'est' pas  démontré  que 
l'idée  d'orient  en  soit  absolument  exclue; 
nous  ajouterons  ensuite  que  tous  ees  passa- 
ges appartiennent  à  des  livres  poétiques,  oà 
le  terme  hébreu  pourrait  à  la  rigueur  se 
trouver  employé  dans  celle  significalion 
métaphorique,  sans  qu'on  fût  autorisé  pour 
cela  à  lui  supposer  ce  même  sens  dans  le 
récit  'purement  historique  du  trajet  de  la 
mer  Rouge. 

Tels  sont  les  motifs  qui  doivent  faire  reji'- 
ter  cette  opinion.  Mais  puisque  ses  partisans 
prétendent  la  justifler  par  quelques  difliiul- 
tés  qu'ils  opposent  au  sentiment  contraire, 
voyons  si  elles  sont  fondées. 

La  première  difficulté,  c'est,  comme  noos 
Tavons  dit,  que  la  mer  Rouge  présente  entre 
ses  deux  rives  trop  de  largeur  pour  qu  on  la 
traverse  dans  un  espace  de  temps  aussi  petit 
que  celui  que  les  Israélites  ont  pu  aroir; 
mais  si  l'on  admet  avec  Leclerc,  Micbaélis 
Niebuhr,  Rosenmiiller,  etc.,  que  leslsraéllN^ 
ont  passé  la  mer  à  l'extrémité  du  golfe  de 
Suez,  elle  ne  saurait  être  d'aucune  nk^u 
puisqu'il  est  incontestable  qu'en  cet  endroil 
la  mer  Kouge  n'offre  que  très-peu  d'étendue; 
c'est  ce  qu^ffirment,  outre  Strabon  el'Dio- 
dore  de  Sicile,  tous  les  voyageurs  modernes 
qui  ont  visité  les  lieux.  Sans  parler  des  au- 
tres, Bellon  assure  qu'en  cet  endroit  la  mer 
Rouge  n'est  qu'un  simple  canal  qui  n'a  pas 
plus  de  largeur  que  la  Seine  entre  Harfleur 
et  Honfleur;  et  Niebuhr  dit  qu'elle  na  cer- 
tainement guère  plus  de  quinze  cents  [^ 
(415).  On  objectera,  sans  doute,  qu'au  temps 
de  Moïse  elle  était  plus  large  et  plus  pN- 
fonde,  puisqu'il  parait  incontestable  qu  elle 

près  de  cette  ville  (Suez) ,  je  l'ai  trouvée  de  1,5U 
pas,  ou  3,406  pieds  de  roi . 


ISS 


PAS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAS 


454 


s  f5(  retirée  depuis  cette  époque  du  cAté  da 
sQiJ;  mais  comme  il  n'y  a  aucun  moyen  pos- 
sible de  constater  d'une  manière  sûre  et  cer- 
taine quelle  éuit  au  juste  la  largeur  et  la 
ppifoDdeur  du  golfe,  tout  en  les  supposant 
pi  considérables  qu'elles  ne  le  sont  auiour- 
Âai,  ii  est  permis  de  passer  outre  à  l'ob- 
jKiion. 
Dans  llijpothèse  gue  le  passage  des  Hé- 
irenx  se  soit  effectué  à  la  Tallée  de  Bédé,  la 
fficutté  De  restera  pas  encore  sans  réponse. 
hemièrement,  le  P.  Sîcard  assure  aue  la 
ver  Rouge  n'a  pas,  dans  cet  endroit,  la  lar- 
anrqae  les  auteurs  que  nous  combattons 
bi attribuent,  et  que  Ton  TOit  représentée 
i  tes  presque  toutes  les  cartes  de  géographie  ; 
'  cile  n'a  en  réalité  que  cinq  ou  six  lieues 
^Naaplus.  Secondement,  les  Israélites  ont 
iDoiiDeucé  leur  trajet  vers  les  huit  heures  du 
Or,  comme  fe  remarque  Michaëlis,  et 
s  lai  Rosenmûller,  depuis  ce  moment 
u'è  la  première  Teille  du  matin,  c'est-è- 
jusqu'à  trois  heures  après  minuit,  ils 
, «.eu  UD  temps  suffisant  pour  traverser  un 
^^Kedecinqousix  lieues.  A  la  vérité,  nos 
iti«rsiires  veulent  que  les  Hébreux  aient 
;  hisé  passer  les  deux  premières  .veilles  du 
làiiuendre  que  le  vent  eût  séché  le  fond 
'te»ide  la  mer;  mais  cette  supposition 
«ffitèement  fausse  on  au  moins  sans 
kimai  En  effet,  le  texte  sacré  ne  dit 
îie  i^rt  que  les  Israélites,  à  la  vue  de  ce 
m  tracé  dans  le  sein  de  la  mer,  aient 
'io  six  benres  entières,  tusqu'à  ce  que 
fooJde  la  mer  fût  des'séché.  On  j  lit,  il 
'fni,  <)ue  le  vent  souiDa  pendant  toute  la 
Lmais  non  point  que  le  lit  de  la  mer  ne 
Nia  sec  qu  à  la  fin  de  la  nuit.  D*ail- 
^  Dieu,  (]ui  avait  ouvert  à  son  peuple 
àfimm  libre  au  milieu  des  flots,  qu*il 
isusjjeodus  à  droite  et  à  gauche  comme 
murailles,  ne  pouvait-il  pas  sécher  en 
binent  le  limon  qui  aurait  été  au  fond 
l^iDer?  Enfin  le  P.  Sicard  assure  que  le 
f  de  la  mer  Rouge  n'a  point  de  vase,  mais 
Ifist  sablonneux,  et  à  peu  près  comme 
rrain  des  terres  voisines  ;  et  Niebuhr 
>e(«sitivement  qu'il  est  tout  à  fait  sa- 
leoi  depuis  Suez  jusqu'à  la  vallée  de 
>del.  Or,  cette  vallée  est  située  beaucoup 
au  midi  que  celle  de  Bédé,  où  nous 
isons  que  les  Hébreux  ont  traversé  la 
f  par  conséquent  ils  n'ont  pas  eu  cet 
We  à  leur  passage. 

seconde  difficulté  est  beaucoup  plus 
'tise,  puisque  le  texte  sacré,  qui  fait 
r  les  Israélites  par  Eiham  avant  leur 
;dans  la  mer,  nou&  les  montre  encore, 
leur  trajet  maritime,  marchant  dans  le 
^iEtham.  Or,  le  lieu  nommé  Elham  se 

"^1  H.  E.  G.  Paolttt  {Sammlung  der  merkwur- 
^Jàten  in  den  Orieni.  Tb.  V.  Seil,  570)  peine 
*  ^  bom  bélitea  signifie  proprement  <o- 
coinme  «on  analogue  arabe  séparation , 
•  d^ou  eoUine$  sablontteuies  el  Uparétê 
J*  ^nire  ;  et  que  ce  nom  a  été  donné  à  lout 
J^}  ^le  les  l^raéliles  traversérenl ,  et  qai 
^jisq«*a:is  frontières  de  TEgypte  et  au-deli, 
"^  IBM  peui  le  voir  dans  les.  S  ombres  (xxxui| 


trouvant  situé  à  Toccident  de  la  mer  Rouge, 
le  désert  de  ce  nom  devait  s'y  trouver  aussi. 
Cependant  le  P.  Sicard  a  répondu  à  cette 
objection  d'une  manière  qui  a  satifait  les 
critiques  les  moins  favorables  à  la  véracité 
de  nos  livres  saints.  Le  savant  jésuite  fait 
d'abord  remarquer  qu*en  hébreu  Etham  ou 
Ethan  est  un  mot  générique  qui  convient  à 
tout  désert  rude  et  sablonneux.  D'où  il  ré- 
sulte que  la  seule  conclusion  logique  que 
l'on  puisse  tirer  du  texte  sacré,  c'est  que  les 
Hébreux,  en  sortant  de  la  mer,  entrèrent 
dans  un  désert,  qui,  étant  rude  et  sablon- 
neux, avait  reçu  de  là  le  nom  de  désert 
dT Etham;  et  par  conséquent  il  ne  s'ensuit 
nullement  que  ce  désert  fût  du  côté  de  l'E- 
gypte plutôt  que  du  côté  de  l'Arabie.  Paulus, 
fameux  rationaliste  d'Allemagne,  dans  ses 
notes  sur  le  commentaire  du  P.  Sicard,  con- 
firme cette  explication  en  Tappuyant  sur  des 
considérations  philologiques  (^16).  De  son 
côté,  Rosenmûller,  après  avoir  rapporté  l'ob- 
jection de  nos  adversaires,  ajoute  que  Leclerc 
a  déjà  remarqué  avec  raison  que  le  nom 
(TEtham  a  été  pris  du  village  iïÈtham^  situé 
à  l'occident  du  golfe  Arabique,  et  donné  à 
toute  cette  vaste  solitude  qui  se  trouve  à 
l'occident  du  eolfe  de  Suez,  et  s'étend  à  lo- 
rieut  de  ce  golfe  (417). 

Ainsi  ces  difficultés  sont  bien  loin  de 
prouver  que  les  Israélites  n'ont  |X)int  réelle- 
ment traversé  la  mer  Rouge  d'une  rive  à 
l'autre. 

Do  passage  mincttleax  de  la  mer  Rooge. 

Pour  expliquer  d'une  manière  naturelle  le 
passage  de  la  mer  Rouge,  les  rationalistes 
ont  eu  recours  à  des  moyens  différents.  Les 
uns  ont  soutenu  qu'il  était  uniquement  leffet 
du  flux  et  du  reflux,  auquel,  comme  on  le 
sait,  cette  mer  est  sujette  ;  les  autres  veulent 
qu'un  vent  extraordinaire,  mais  naturel,  ait 
refoulé  les  eaux  de  manière  à  laisser  le  lit 
de  la  mer  à  sec;  d'autres,  enfin,  ont  admis 
l'action  simultanée  de  ces  deux  causes.  Afin 
de  donner  plus  de  poids  à  leur  opinion,  nos 
adversaires  s'appuient  sur  plusieurs  consi- 
dérations. Arlapan,  cité  par  Eu&èbe  (VIS), 
nous  appronJ  que  Moïse  profila  de  la  con- 
naissance qu'il  avait  du  flux  et  du  reflux 
pour  faire  passer  le  peuple  à  marée  basse; 
tandis  que  Pharaon,  s'ét^nt  imprudemment 
engagé  dans  le  même  |  assage  quelques  heu- 
res après,  et  au  moment  du  flux  de  la  mer, 
fut  englouti  sous  les  flots  avec  toute  son  ar- 
mée. En  second  lieu,  si  ce  trajet  eût  été  mi- 
raculeux, il  aurait  dû  être  célèbre  chez  toutes 
les  nations  voisines;  aucune  cependant  ne 
parait  en  avoir  eu  connaissance,  puisque  au- 

6.  8). 

(il  7)  f  Sed  recte  j:im  monoit  Clericus,  verisimile 
esse,  ab  oppido  Etham,  ad  occidentale  sinus  Arabie! 
littus  silo,  in  deserti  linibos,  nomen  esse  factura 
loti  illi  soliiudini,  non  modo  ad  occtdenlem  sinoa 
Suentis  siiae.  sed  eiiam  ad  orientem  porreciae,  adeo- 
que  îniimnm  sinus  recessum  ambitu  siio  comple* 
dent.  I  (RdSENMULLER,  Schoi.  m  Exod.  xv,  tt.) 

(418)  EosRB  ,  Prœpar.  evang.^  1.  ix,  c.  i7« 


45» 


PAS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAS 


m 


cune  n'en  a  parlé.  Enfin  Josenlie  compare  ce 
passage  des  Israélites  à  celui  des  soldats 
d'Alexandre  dans  la  mer  de  Pamphylie,  et  il 
n'ose  affirmer  qu'il  y  eût  du  surnaturel. 

Ces  moyens,  proposés  par  les  rationalistes 
pour  expliquer  naturellement  le  trajet  de  la 
mer  Rouge,  sont  tout  &  fait  insuffisants  en 
eux-mêmes,  et  les  raisons  sur  lesquelles  on 
prétend  les  établir  n'ont  aucun. fondement 
solide;  on  n'a  besoin,  pour  s'en  convaincre 
pleinement,  qu'à  donner  quelque  attention 
aux  preuves  suivantes. 

Le  premier  moyen  naturel  que  les  ratio- 
nalistes proposent  pour  expliquer  ce  i^assage, 
est  le  flux  et  le  reflux  dont  Moïse  profita  pour 
faire  passer  la  mer  aux  Israélites.  Nous  n*au- 
rons  pas  de  peine  à  montrer  combien  ce 
moyen  est  loin  de  fournir  une  explication 
satisfaisante.  £t  d'abord,  comment  concevoir 
que  le  flux  et  le  reflux  aient  pu  laisser  un 
passage  tel  que  Moïse  le  décrit?  A  la  vérité, 
nous  ne  partageons  pas  l'opinion  de  ceux 
qui  contestent  que  le  golfe  Arabique  ait  son 
flux  et  reflux,  comme  les  autres  mers  qui 
communiquent  avec  TOcéan  ('»19j,  mais  nous 
ne  saurions  admettre  que  ce  flux  et  ce  reflux 
aient  été  suffisants  pour  faciliter  le  trajet 
des  Israélites.  En  euet,  les  voyageurs  qui 
ont  visité  les  lieux  assurent  que  les  eaux,  à 
la  pointe  de  Suez,  où  nos  adversaires  suppo- 
sent que  les  Hébreux  traversèrent  la  mer, 
montent  vers  le  rivage  pendant  six  heures, 
et  descendent  pendant  le  même  espace  de 
temps,  après  un  quart  d'heure  de  repos.  Ils 
ajoutent  que  quand  l'eau  est  tout  à  fait  basse, 
elle  laisse  à  sec  un  espace  d'environ  trois 
cents  pas  assez  ferme  pour  (]u*on  puisse  s'y 

{iromener  (&20],  comme  quelques-uns  ont 
ait  (&21).  11  est  évident  que  ces  trois  cents 
pas  que  la  mer  laisse  à  sec  pendant  que  Teau 
est  basse,  ne  peuvent  rester  en  cet  état  que 
pendant  un  quart  d'heure,  car  durant  les  six 
premières  heures  la  mer  se  relire  peu  à  peu 
du  rivage,  et  pendant  les  six  qui  suivent  elle 
se  rapproche  du  bord,  diminuant  ainsi  pro- 
gressivement la  largeur  du  terrain  desséché; 
(je  manière  que  le  [)lns  qu'on  puisse  accor- 
der, tant  pour  la  durée  du  temps  que  pour 
l'étendue  de  la  plage  desséchée,  se  réduit  à 
deux  cents  pas  durant  six  heures,  et  à  cent 
cinquante  pendant  huit  heures,  terme  que 
n'a  pas  dépassé  le  trajet  des  Israélites,  selon 
le  récit  même  de  Moïse.  Car  on  ne  peut  mar- 
cher sur  le  sable  aussitôt  après  que  l'eau 
s'est  retirée,  surtout  lorsque  c'est  un  sable 
mouvant,  comme  Diodore  de  Sicile  le  dit  de 
celui  de  la  mer  Rouge  vers  sa  pointe.  Or, 
d'après  ces  considérations,  ne  doit-on  pas 

|419)  Voy»  les  réflexion*  que  fait  à  ce  sujet  Nie- 
bolir  dans  sa  Description  dé  VArabie^  t.  Il,  p.  505  et 
ralv. 

(iîO)  Voy.  Bernier  ,  Lettre  à  J/.  de  Chaumont, 
évéquè  d^Acqs  ;  MonisOiN,  Voyage  du  mont  Sinat,  L  i, 
ch.  ii. 

iitï)  Thevrnot,  Voyag.^  cb.  25. 

(42i)  Yotcl  les  propres  paroles  de  rillustre  aca- 
démicien ,  qui  faisait  partie  de  ropédillo  i  sclenii- 
fique  d*Egypie  ;  cNous  avons  vu.  daus  Tan  vii  de 
la  répnbiiiiiie  française,  le  général  Booaparte,  rêve- 
uani  des  Fontaines  de  Moïse,  vouloir,  au  i.eu  de 


reconnaître  comme  physiquement  impos- 
sible  qu'une  multitude  de  deux  millions 
d'hommes,  de  femmes,  d'enfants  et  d'escla- 
ves, chargée  d'ailleurs  d'une  quantité  prodi- 
gieuse  de  bétail,  de  meubles  et  de  dépouilles 
des  Egyptiens,  ait  pu  faire  un  |)areil  trajet 
dans  un  si  court  es|)ace  de  temps,  ni  mêoiti 
dans  un  espace  double,  quand  même  on  dou- 
blerait encore  la  largeur  du  terrain? 

Il  est  dans  le  récit  de  Moïse  un  autre  fait 
qu'on  ne  saurait  expliquer  par  ce  moyen; 
nous  voulons  parler  de  la  destruction  totale 
de  Tarmée  de  Pharaon,  engloutie  avec  lui 
sous  les  eaux.  En  effet,  rien  ne  paraissait 
plus  facile,  surtout  pour  des  hommes  à  che- 
val|  que  d'échapper  au  reflux;  car  eu  su{»- 
posant  que  les  premiers  eussent  été  surpris 
par  les  flots  et  submergés,  c^ux  qui  les  sui- 
vaient n'auraient  pas  manqué  de  revenir  sur 
leurs  pas  et  de  s'approcher  de  la  côte.  £n 
vain  M.  Dubois-Aymé,  qui  ne  veut  rien  Toir 
de  miraculeux  dans  cet  événement,  sHorce- 
t-il  de  l'expliquer  par  Texemple  de  Bona- 
parte, qui,  dans  son  expédition  d*Ëgyple, 
ayant  voulu  traverser  la  mer  Rouge  dans  un 
endroit  guéable,  près  de  Suez,  afin  d'abréger 
sa  route,  faillit  y  périr  lui  et  toute  sasuiie 
(422).  Il  n'y  a  pas  dans  ces  deux  faits  la 
moindre  parité,  puisque  dans  la  tentative  de 
Bonafiarte  personne  n'a  péri  ;  que  d'ailleurs 
le  général  était  accompagné  seuleioeot  de 
quelques  ofliciers,  et  qu'enfin  le daogerqu il 
courut  en  cette  occasion  ne  saurait  en  aucune 
manière  être  comparé  è  fa  catastrophe  qui 
engloutit  sous  les  flots  le  roi  égyptien  avec 
sa  cavalerie,  ses  chars,  en  un  mot,  avec  toute 
sun^armée. 

Un  troisième  motif  qui  doit  empêcher  tout 
critique  impartial  et  éclairé  d'attribuer  au 
flux  et  reflux  le  passage  do  la  mer  Rouge. 
c'est  le  texte  biblique  même,  qui  nous  dit 
expressément  que  les  eaux  du  golfe  s^étaot 
divisées,  s'élevèrent  à  droite  et  à  çauche, 
comme  deux  murs,  et  laissèrent  ainsi  au 
milieu  de  leur  lit  un  passage  libre  auxerw 
fauls  d'Israël,  tandis  que,  lorsque  les  Egyp- 
tiens qui  les  poursuivaient  lurent  eûirés 
dans  la. mer,  elles  retombèrent,  reprirent 
leur  cours  ordinaire,  et  enscveIirentsou>  les 
flots  les  ennemis  des  Hébreux.  Or,  si  les 
Israélites  n'avaient  opéré  leur  trajet  qu'àli 
faveur  du  flux  de  la  mer,  ils  n'auraieuteu 
des  eaux  que  d'un  seul  côté.  Il  est  vrai  qno 
les  rationalistes  ne  voient  dans  cette  fiarlie 
du  récit  qu'une  expression  poétiçiue,  yraio 
dans  l'intention  de  l'auteur,  mais  qu  il  ne 
faut  pas  prendre  au  pied  de  la  lettre,  et  que 
les  incrédules  prétendent  que  c'est  une  cir- 

coiilourner  la  poînie  du  golfe,  traverser  la  mer  an 
gaé  qui  est  près  de  Suez  ;  ce  qui  abrégeait  sa  rouiô 
de  plus  de  deux  lieues.  C*était  au  commencement 
de  la  nuii,  la  marée  montait;  elle  B'accmt  plus  ra- 
pidement que  Ton  ne  8*y  atlendaif,  et  le  général, 
ainsi  que  sa  suite,  coururent  les  plus  grands  Czv 
gers  :  iis  avaient  pourtant  des  gens  du  pays  pour  pu- 
des.  (Notice  sur  le  séjour  des  Hébreux  en  Egypte»  «t 
$ur  leur  fuite  dans  le  désert,  dans  la  Descripiion  de 
t Egypte,  1. 1.  p.  311,  note  3  ;  Paris,  Iniprimcriî  «o»- 
périale,  1809.) 


k^' 


PAS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETiQUE. 


PAS 


458 


xaunce  iofentée  à  dessein  par  Moïse  pour 
/«oer  à  UD  taii  purement  naturel  toutes 
-y  apparences  d*oa  miracle  ;  mais  nous  al- 
"•as  précisément  montrer  tout  à  Fheure  que 
-4  première  opinion  est  erronée,  et  que  la 
^MMide  est  aossi  fausse  qu'injarieuse  au 
fcoérable  historien  des  Hébreux. 

Un  teot  Tiolent,  disent  les  rationalistes, 
filmique  d'autant  mieux  le  passage  de  la 
n.ef  Bouge,  gne  c*est.à  cette  cause  que  Moïse 
rittribae  lui-même  dans  sa  narration  (Exod. 
\n,  il),  el  qu'il  j  a  des  exemples  de  gran- 
des rinères  desséchées  par  un  yent  sem- 
blable josqu'à  la  distance  de  plusieurs  lieues; 
car,  saas  parler  de  la  nyiëre  de  la  Plata  en 
Améritioe,  où  ce  phénomène  s'est  renou?elé 
il  oja  pas  bien  longtemps,  n'a-t-on  pas  vu 
ea  âailaode»  dans  Tannée  1672,  le  reflux  se 
mainieiiir  pendant  douze  heures  entières 
|4r  TeSTet  crun  Tent  violent  qui  retenait  les 
eaai  el  les  empêchai!  de  regagner  le  ri- 

!io«s  avons  plusieurs  considérations  à 
uire  en  réponse  à  cette  objection.  Puisque 
00»  «tfersaires  nous  opposent,  comme  fa- 
vorisant leur  opinion  contre  notre  senti- 
ment, le  texte  même  de  Moïse,  pourquoi 
nenprauMBl-îls  si  arbitrairement  qu* une 
famé,  ccUeqni  convient  à  leurs  idées  |)ar- 
ticolières?  E«K«  ainsi  qu'on  doit  agir  en 
tiaoa«lMriii^0ealtquc?  et  ce  rêle  est-il  di- 
goedeiégètes  francs  et  locaux? 

Si  donc  les  rationalistes  invoquent  le  vent 
lopétucox  dont  parle  Moïse,  ils  n'ont  aucun 
«Jroit  de  loi  refuser  l'influence  et  Tacttou 
qoe  loi  attribue  le  même  Moise.  Or,  cet  écrt- 
uiOfiànoin  oculaire  du  fait,  ne  dit  point 
qae  ks  eaux  de  la  mer  Rouge  furent  re- 
classées par  reflet  du  veut  dans  la  direction 
4<le(ir canal*  comme  il  est  arrivé  à  la  ri- 
n«  de  la  Plala;  mais  il  affirme  qu'elles 
wii  àé  divisées  en  deux  parties,  en  sorte 
'i'j'ii  y  ta  arait  des  deux  côtés  des  Hébreux 
2j  oiOiDent  de  leur  trajet.  Or,  un  vent  ordi- 
Uff*,  quelque  fort,  quelque  impétueux 
luoa  le  suppose,  ne  saurait  produire  un 
t^*eil  phénomène.  11  faudrait,  en  effet,  pour 
'«^  que  ce  vent,  n'ayant  souQlé  (jue  sur 
:^  partie  des  eaux,  n'eût  point  agi  sur  les 
'^ui  voisines.  II  faudrait  encore  que  cette 
^fikxkf  concentrée  sur  un  point,  eût  duré 
t«iiiiant  huit  heures  consécutives  sans  di- 
^ukaiion^  et  eût  cessé  immédiatement  après 
"^feait  heures,  au  moment  même  où  les 
^riîens  Tenaient  d'entrer  dans  la  mer, 
éVm  ^  ne  point  manquer  de  les  engloutir. 
Nous  Je  demandons  maintenant,  pour  opé- 
'^  un  semblable  prodige,  ne  fallait-il  pas 
^-^oessairetnent  un  vent  extraordinaire  et 
■tracuienx,  un  vent  que  Dieu  seul  pouvait 
'^îojer,  c^imme  à  point  nommé,  et  diriger 
V  :aie  manière  conforme  aux  desseins  pro- 
v«icntieLs  qu'il  avait  sur  son  peuple? 

L'action  simultanée  de  ces  deux  causes 
rvement  naturelles,  quoique  a>'ant  un  ré- 
>;ihat  pins  efficace,  n'est  pourtant  uoint  suf- 

iiaS)  fl  Hon  Mie»  allovenio  beilîns  in  Cleeiniiin 
Arabîci  repirlli  potnerunt  Qactus,  nisi  sepleii- 

l>ICTI03r?(AinK   APOLOGKTIQtK.   II. 


fisanle  |)Our  expliquer  le  passage  de  la  mor 
Rou^e.  Et  d'abord,  un  vent  qui  aurait  souf- 
flé dans  la  direction  du  flux  n'eût  jamais  di- 
visé les  eaux,  comme  nous  venons  d'en  laire 
la  remarque  ;  il  n'eût  fait  que  les  repousser 
dans  le  canal  de  la  mer;  et  dans  ce  cas,  les 
Hébreux  n  auraient  pu  avoir,  selon  le  texte 
biblique,  les  eaux  à  droite  et  à  gauche,  puis- 
qu'elles auraient  été  toutes  repoussees  et 
amoncelées  sur  le  cAté  opposé  à  la  direction 
du  vent  et  du  reflux.  En  second  lieu,  les 
flots  n'auraient  pu  être  repoussés  dans  la 
direction  du  flux  que  par  un  vent  de  nord  ; 
c'est  une  vérité  évidente  et  que  Rosenroûl- 
ler,  tout  rationaliste  qu'il  est,  n'a  pu  s*em- 
pêcher  d'admettre  (^33}.  Or,  Moïse  nous 
assure  que  celui  qui  régnait  sur  la  mer 
Rouge  au  moment  du  passade  des  Israélites 
était  un  teni  d'orient.  Quelaues  critiques, 
il  est  vrai,  prétendent  que  le  mot  hébreu 
QADiM  n'a  point  été  employé  ici  par  Moïse 
dans  son  sens  primitif  et  rigoureux  de  vent 

?ui  vient  de  forient.  Dans  leur  opinion, 
historien  sacré  aurait  simplement  voulu 
désigner  un  vent  qui  avait  toute  l'impétuo- 
sité, toute  la  véhémence  de  ceux  de  l'orient; 
mais  nous  avons  montré  un  peu  plus  haut 
qu'on  n'a  aucun  motif  raisonnable  de  dé- 
pouiller ce  mot  du  sens  de  vent  dCorient^  qui 
est  sa  signification  primitive,  et  que  si  nos 
adversaires  se  le  permettent,  c'est  unique- 
ment dans  l'intérêt  de  l'explication  patti- 
culière  qu'ils  font  de  ce  passage  [V^)- 

Enfin ,  quand  nous  accorderions  que  ces 
causes  naturelles  ont  pu  par  elles-mêmes 

riroduire  le  dessèchement  du  lit  de  la  mer, 
e  passage  des  Israélites  et  la  destruction 
des  Eg}'ptiens,  les  circonstances  qui  aecom- 
))agnent  cet  événement  en  font  néanmoins 
un  miracle  qu'on  ne  saurait  méconnaître. 
Eneflet,  n'est-ce  point  contre  toutes  les 
lois  de  la  nature,  que  ce  vent  violent  ait  été 
prédit  par  Moise  (Exod.  xiv,  16);  qu'il  ait 
commencé  à  soufller  au  moment  même  où 
ce  serviteur  de  Dieu  a  élevé  sa  verge, 
étendu  son  bras  sur  la  mer  (vers.  21),  et 
qu'il  ait  cessé  aussitôt  que  les  Israélites  sont 
arrivés  à  l'autre  bord  du  golfe?  N'est-ce  pas 
encore  contre  toutes  les  lois  naturelles,  que 
les  eaux,  a^ant  repris  leur  cours  dès  que 
Moïse  étendit  une  seconde  fois  son  bras  sur 
la  mer,  aient  englouti  toute  l'armée  des 
Egyptiens  (vers.  ^)?  Mais  citions,  à  l'appui 
de  nos  réflexions,  un  beau  passase  de  Hi- 
chaëlis,  rapporté  par  Niebuhr.  «  M.  Michaê- 
lis,  auquel  j'avais  envoyé  mes  réponses  è 
ses  questions,  dit,  p.  51  de  sa  Traduction 
de  VExode^  que  je  ne  m'accorde  avec  lui 
dans  l'essentiel  sur  le  passage  des  Israélites, 
qu'en  ce  que  je  le  regarde  comme  un  mira- 
cle ;  mais  il  dit  aussi,  pag.  52-53  :  Moïse  ne 
put,  par  aucune  raison  hnmaine,  prévoir  le 
dessèchement  de  la  mer  qui  sauva  et  lui  et 
le  peuple ,  il  agit  par  inspiration  dirine.  Ce 
dessèchement  fut  une  œuvre  de  la  Provi- 
dence qui  avait  résolu  de  délivrer  son  peu- 


trionali.  i  (ScM.  m  Exôi.^  p.  tlô.) 
(il4)  Voy.  cHleisas,  f  IH. 


15 


4r>9 


PAS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAS 


pic.  La  prévision  certaine  de  col  événement 
était  surnaturelle  au  suprême  degré,  puis- 
qu'il n*est  jamais  arrivé  que  cette  seule  fois; 
et  sa  connaissance  prouvait  la  mission  di- 
vine de  Moïse  autant  çiu'aucun  miracle  eût 
pu  le  faire.  Moïse,  qui,  contre  le  but  de  sa 
marche  et  sans  nécessité,  se  tourna  vers  le 
côté  d'Afrique  de  la  mer  Rouge  qui  lui  cou- 
pait le  chemin  de  TAsie,  qui  se  vit  environné 
d'Egyptiens  et  qui  aurait  dû  périr  s'il  n'é- 
tait arrivé  un  fait  inouï  et  unique;  ce 
Âloïse  qui,  au  lieu  d'exhorter  son  peuple, 
resserré  entre  la  mer  et  l'ennemi,  à  une 
vigoureuse  défense,  lui  promet  que  Dieu  le 
délivrera  sans  armes,  lui  ordonne  de  mar- 
cher vers  la  mer  sur  laquelle  il  étend  sa 
verge  et  lui  commande  d'ouvrir  un  chemin 
h  ce  peuple,  et  oui  agit  comme  s'il  prévoj^ait 
d'une  manière  sure  celte  èbe  extraordinaire, 
arrivée  cette  seule  fois  dans  notre  monde; 
cet  homme  doit  tenir  sa  mission  du  maître 
de  la  nature,  qui  seul  pouvait  révéler  ce 
qu'il  avait  arrangé  dans  celle-ci  pour  le  sa- 
lut des  Israélites.  »  J'avoue,  reprend  Nie- 
buhr,  que  le  découvrement  du  fond  de  la 
mer,  qui  même,  selon  M.  Michaëlis,  était 
surnaturel  au  [suprême  degrés  V opération  de 
la  Providence  :  la  tempête  supposée  qui,  dans 
l'espace  de  vingt-quatre  heures,  soufflait  de 
deux  plages  contraires,  pendant  que  le  vent 
y  est  constamment  six  mois  nord  et  six 
n)ois  sud;  Vobéissance  de  la  mer^  qui  offrit 
au  peuple  d'Israël  un  chemin,  dès  que  Moïse 
eut  étendu  sa  main  sur  elle  ;  j'avoue,  dis-je, 
que  toutes  ces  circonstances  me  paraissent 
autant  de  miracles.  Si  tout  cela  s'est  passé 
très-naturellement,  je  ne  sais  pas  encore  ce 
que  les  savants  entendent  par  le  mot  de  mi- 
racle, et  je  cède  volontiers  à  l'opinion  de 
M.  Michaëlis  (4.25).  » 

Les  témoignages  historiques,  et,  d'un  au- 
tre côté,  le  silence  prétendu  des  peuples 
voisins,  sur  lesquels  se  fondent  les  rationa- 
listes pour  ne  voir  dans  le  passage  de  la 
mer  Rouge  qu'un  fait  purement  naturel, 
nous  ont  paru  peu  fondes,  et  surtout  très- 
])cu  propres  k  donner  quelque  valeur  réelle 
i\  leur  opinion.  D'abord  il  ne  faut  point  ou- 
blier que  le  témoignage  des  anciens  Egyp- 
tiens, ennemis  jures  des  Hébreux,  ne  peut 
être  que  suspect.  Cependant  si,  comme  nous 
l'avons  vu  dans  l'objection,  les  prêtres  de 
Memphis,  au  rapport  d'Artapan,  ne  conve- 
naient pas  du  passage  miraculeux  de  la  mer 
Rouge,  ceux  d'Héliopolis,  de  l'aveu  du  même 
Artapan,  enseignaient  <t  que  Moïse  avait 
touché  l'eau  de  sa  verge,  et  que  les  flots 
s'étant  écartés  à  droite  et  à  gauche,  il  avait 
fait  passer  son  armée  à  pied  sec  (426).  » 
Quant  au  flux  et  au  reflux,  il  n'en  dit  abso- 
lument rien.  Or,  suivant  Hérodote,  les  Hé- 
liopolitains  étaient  regardés  comme  \qs  plus 
sages  et  les  plus  savants  des  Egyptiens  (427j. 
Leur  autorité  doit  d'ailleurs  être  d'un  plus 

(425)  Voy.  NiXBUHR,  ûeseription  de  r Arabie^  t.  li, 
p.  298,  «î)9. 

(i2(>)  AiiTAP.  apnd  EoifiB.,  Prœpar.  étang.  1.  i.\, 
c.  17. 


grand  poids  que  celle  des  prêtres  de  M 

phis,  parce  que   l'aveu  (fe  i'inlerven 

d'une  puissance  divine  ne  saurait  Atre  n 

bué  qu'à  la  force  de  la  vérité  et  à  la  e 

riété  du  fait,  quelque  motif  qu'aieni 

avoir  ceux  de  Memphis  pour  le  nier. 

Quant  aux  Arabes,  il  serait  faui  de 

qu'ils  n'ont  pas  eu  connaissance  de  cet 

nement;  car,  sans  parler  d'une  fouli 

noms  propres  qu'ils  ont  donnés,  soit  l 

droit  où  ils  supposent  que  le  passage  ( 

mer  Rouge  s'est  effectue,  soit  à  tous  les 

très  lieux  qui  ont  été  le  théâtre  deplusi 

autres  faits  mémorables  qui  se  rattache 

celui-là,  voici  ce  que  nous  apprend  le 

vant  voyageur  naturaliste  Shaw,  quiao 

ché  sur  les  traces  des  Hébreux,  ài^ 

déserts  de  l'Arabie ,  et  qui  s'est  appligoi 

suivre  toutes  leurs  stations  jusqu'asoM 

Sinaï  :  «i  Les  Israélites  sortant  de  RaiDe» 

dit-il,  marchèrent  quelques  jours  dans 

pays  ouvert,  ayant  suivi  peut-être  iaiot 

route  par  laquelle  leurs  ancêtres  étaiest 

nus  en  Egypte  :  c'est  ce  qui  parait  par 

que  nous  lisons  dans  l'Ecriture,  qui po 

que  r Etemel  parla  à  Moïse ^  disant: h 

aux  enfants  d  Israël ,  quils  se  détouf^t^l 

au  ils  se  campent  devant  Phi-hahirotï,  n 

Migdol  et  la  mer^  vis-à-vis  de  Mai-] 

phon  :  vous  vous  camperez  à  Fendroit  (fie 

près  de  la  mer;  lors  Pharaon  dira  des  enfa 

d' Israël  :  Ils  sont  embarrastU  a»  pa^y 

désert  tfiïi\x%  les  montagnes  de  Moc-co«i 

de  Suez)  les  a  enfermés.  Les  Egyptiens  avri 

effectivement  lieu  de  croire  que  leslsra 

tes,  dans  la  situation  où  ils  se  trouvai 

ne  pouvaient  pas  leur  échapper.  Us  m 

alors  les  montagnes  de  Moc-caliear 

qui  leur  barraient  le  passage  de  ce  d 

les  montagnes  de  Suez  les  enferma' 

nord,  et  ne  leur  permettaient  pas 

dans  le  pays  des  Philistins  ;  la  roc 

était  devant  eux  à  l'est,  et  Pliar^ 

son  armée  fermait  l'entrée  de  la  valll 

rière  eux  à  l'ouest.  Cette  vallée  se 

à  la  mer  par  une  petite  baie  qui 

iïas  extrémités  orientales  des  moaU 

dessus    décrites,    et    s'appelle  K 

Israël^  ou  la  route  des  Israélites^ 

d'une  tradition  gui  se   conserve  j 

jour  parmi  les  Arabes^  et  qui  pnrti 

peuule  la  traversa.    On  la  noaiB 

Baiaeah  [Bédé)^  peut-être  à  cause  du 

nouveau  et  inouï  qui  se  fit  près  de 

que  la  mer,  après  s'être  partagée, 

gnit  et  engloutit  PAaraon,  sescharii 

gens  de  cheval   {kW).  »  Ce  lémoi 

d*autant  plus  précieux  (fu*il  nous 

Arabes  qui,  ayant  toujours  habité 

ges  de  la  mer  Rouge,  ont  perpél 

moire  de  ce  passage  miraculeux  p 

qui  en  rappelle  le  souvenir,  cl  qu 

du  fait  a  pu  seule  occasionner; 

soupçonnera  point ,  comme   le 


(427)  Heeodot.,  I.  n,  c.  3. 
(4i8)  Shaw,  Yo^ages  de  Barbarie  et 
t.  Il,  p.  31. 


m 


PAS 


DiCTiaXNAlilE  APOLOGETIQUE. 


PAS 


ÀSfi 


Ulel»  qu'on  peuple  puisse  sUmaginer 
^:'ane  oauon  entière  a  traversé  la  mer^  et 
:a1i  reuille  consacrer  par  on  monument 
.e  iétire  de  son  esprit  (hSS). 

Hais  les  Arabes  ne  sont  pas  les  seuls  qui 

i/estent  le  passage  miraculeux  de  la  mer 

l  :zt,  Achior»  chef  des  Ammonites,  en 

.  :r:e  l  Holopheme ,  comme  d'un  évéue- 

L^ùi  très-connu  et  très- familier  à  ce  peu- 

p'e:  car  il  lui  en  raconte  tous  les  détails  et 

todtesles  circonstances  (430).  Les  Philistins 

eax-oêiDeSy  quoiaue  ennemis  mortels  des 

iuirem  comme  les  Ammonites,  semblent 

jissi  aroîr  consenré  la  mémoire  de  cet  évé- 

neiMfit  Du   moins  un  passage  du  I"  livre 

•!cjIm«  le   donne  à  entendre,  car  il  fait 

Mf^iai  Philistins  :  «  Malheur  à  nousl  qui 

E*^ûs  sanTera  de  la  main  de  ces  dieux  su- 

(*toes?  Ce  sont  les  dieux  qui  ont  frappé 

!ts  E^piiens  de  toutes  sortes  de  plaies  dans 

k  daert  »  (nr,  8.) 

be  sâQ  côté,  Diodore  de  Sicile  dit  «  que  les 

f-tft;4es  ichtbjophages  qui  habitaient  le  ri- 

uzt  octideotal  de  la  mer  Rouge  tenaient 

pif  tniîtioo  qu'autrefois  cette  mer  s'était 

«.•iTerte  pir  un  reflax  violent;  que  tout  son 

f/Q-l  mil  paru  à  sec  et  courert  de  rerdure* 

'.•^  Mai  s  étant  partagées  en  deux  parties; 

fâiis  qu'ensuite  il  était  survenu  un  flux  im- 

j'^uieoiqaî  réunit  les  eaux  (^1).  •  Le  flux 

d  nûai  on/iaaire,  quelque  fort  qu'il  soit» 

E*  séptre  point  les  eaux  :  celui  dont  parle 

iNrkJore,  fsi  ùutrii  la  mer  et  la  partagea  en 

im^  est  nsîblement  le  miracle  si  célèbre 

i>.i  tes  Hébreux. 

hstift  dit,  d'après  Trogue-Pompée»  «  que 

Mobe  eu  s*enfujant  emporta  les  dieux  de 

/Xffj4e,  et  quelles  Egyptiens  qui  le  pour- 

ssirmt  furent  contraints  par  les  tempêtes 

''te  f>Q  retourner  chez  eux  (432).  Mais  ces 

'^fées  qui  favorisèrent  la  fuite  de  Moise 

'*'ziL\ea  remarquables  dans  un  pays  où  il 

i  ?ct  très-rarement.  N'est-on  pas  légitime- 

-fiii  autorisé  à  voir  dans  ce  récit  un  fait 

r^  trojable  qui  a  été  défiguré?  N  j  aper- 

:c.:-on  point  des  traces  sensibles  du  passade 

-nculeux  de  la  mer  Rouge,  à  travers  les 

-rntions   artificieuses  par  lesquelles   les 

I^j,  tiens  cherchèrent  à  le  déguiser?  On  ne 

-i^nit  en  douter  ;  il  faut  qu'un  événement 

^'tiocemait  les  Hébreux  et  les  Egyptiens 

4.*.  ^^nné  lieu  à  cette  fable,  dont  le  foud  est 

^Jr^^mmeni  historique.  O»  quand  on  lit 

^w^prérenlion  le  passage  de  la  mer  Rouge, 

i;  «i  impossible  de  ne  pas  y  reconnaître 

j  rV^nement  historique  qui  a  servi  de  base 

«'.  rédt  fabuleux  que  nous  venons  de  citer. 

Enfin,  rbîstorien  Josèphe  reconnaît  for- 

Lt.>emeat  le  miraculeux  passage  de  la  mer 

i.i^,  el  qu'il  n'y  a  pas  de  ressemblance 

■îrièie  entre  ce  passage  et  celui  des  soldats 

'«^\>xandre  sur  le  boiid  de  la  mer  de  Pam- 

;*Tlie.  Voici  ses  propres  paroles  :  «  L'admi- 

^''>  conducteur  du  peuple  de  Dieu,  dit-il, 

^rès  avoir  achevé'sa  prière,  frappa  la  mer 

•(9i>  BtxuLT.  Répomus  crill^es^  t.  1,  p.  251. 
i:^)  Jmdîik^  V,  li-U. 
iiï)  Dm»,  bic.,  L  m,  op.  3. 


avec  cette  verge  miraculeuse,  et  aussitôt 
elle  se  divisa  et  se  retira  pour  laisser  aux 
Hébreux  un  passage  libre,  et  leur  donner 
moyen  de  la  traverser  à  pied  sec ,  comme 
ils  auraient  marché  sur  la  terre  ferme. 
Ifoîse  voyant  cet  effet  du  secours  de  Dieu , 
entra  le  f^remier,  et  commanda  aux  Israélites 
de  le  suivre  dans  le  chemin  que  le  Tout- 
Puissant  leur  avait  ouvert  contre  l'ordre  de 
la  nature  {h33),  »  Peut-on  reconnaître  un 
miracle  en  termes  plus  exprès? 

Cependant  on  nous  objecte  le  passage  sui- 
vant comme  réfutant  celui-ci,  et  nous  pré- 
sentant la  véritable  opinion  du  célèbre  his- 
torien des  Juifs  :  «  J'ai  rapporté  toutes  ces 
choses  comme  je  les  ai  trouvées  dans  les 
livres  sacrés.  Or,  personne  ne  doit  regarder 
comme  incro^pable  que  des  hommes  qui  vi- 
vaient dans  l'innocence  et  dans  la  simplicité 
de  ces  temps  anciens  aient  trouvé  dans  la 
mer  un  passage  pour  se  sauver,  soit  qu'elle 
se  soit  ouverte  d'elle-même,  soit  qu'elle 
l'ait  été  par  la  volonté  de  Dieu  ;  puisqu*à 
une  époque  beaucoup  plus  rapprochée  de 
nous,  la  mer  de  Pampnylie  a  ouvert  dans 
son  sein  une  larse  voie  aux  soldats  d'A- 
lexandre, roi  de  Macédoine,  qui  n'avaient 
aucun  autre  moyen  de  continuer  leur  route; 
Dieu  ayant  voulu  se  servir  de  ce  prince 
pour  détruire  l'empire  des  Perses.  C  est  ce 
que  rapportent  tous  les  historiens  qui  ont 
écrit  la  vie  d'Alexandre.  Je  laisse  néanmoins 
à  chacun  le  soin  d'en  juger  comme  il  vou- 
dra (hSk).  > 

Mais  la  teneur  même  de  ce  passage  montre 
qu'il  n'est  nullement  en  opposition  avec  le 
précédent.  En  effet,  dans  le  premier  Josè- 
phe est  aOirmatif  dans  toutes  ses  expres- 
sions ;  chaque  mot  révèle  en  lui  une  con- 
viction profonde  ;  dans  ce  dernier  il  ne 
rétracte  rien.  Il  commence  même  par  recon- 
naître que  c'est  dans  les  livres  saints  de  sa 
nation  qu*il  a  puisé  le  récit  du  passage  mi- 
raculeux de  la  mer  Rou^e.  Or,  cette  source 
était  sacrée  pour  lui  ;  il  a  dans  plus  d'un 
endroit  de  ses  ouvrages  consigné  sa  profes- 
sion de  foi  sur  l'autorité  infaillible  et  divine 
iles  Ecritures  consacrées  chez  les  Juifs.  Si 
donc  il  cherche  à  rapprocher  le  fiassage  de 
la  mer  Rouge  de  ce  que  les  Grecs  racontaient 
de  celui  de  la  mer  de  Païuphyliepar  l'armée 
d'Alexandre,  ce  n'est  évidemment  que  dans 
le  désir  de  rendre  plus  croyable  aux  gentils 
le  récit  des  écrivains  sacrés.  Car  un  homme 
sensé,  admettant,  comme  Josèphe,  l'autorité 
historique  et  divine  de  la  Bible,  ne  s'avisera 
jamais  d'établir  une  comparaison  entre  envi- 
ron deux  millions  d'hommes  qui,  en  une  seule 
nuit  traversent  à  pied  sec  avec  leurs  trou- 
peaux et  leurs  bagages  un  bras  de  mer  lai>;e 
de  cinq  lieues,  après  que  la  mer  s'est  sejia- 
rée  en  deux  pour  leur  laisser  un  libre  pas- 
sage, et  une  partie  d'une  armée  qui  tout 
entière  n'était  que  d'environ  trente-cinq 
mille  hommes,  et  qui  passa  le  long  du  ri- 

(432)  JosTui.,  lib.  XXXVI. 

(455)  Joscn.,  Anlta.,  1.  u,  c  6, 7. 

(454)  Ibid.,  c  7. 


4G3 


PAS 


DICTIONNAIRE  APOLOGKTÏQUE. 


PAS 


▼âge  do  la  mer  de  Pampliylie,  dans  un  en- 
droit où  tout  le  monde  peut  passer. 

A  la  vérité,  QuinterCurce  dit  qu'Aleran- 
(Ire  s'était  ouvert  un  nouveau  chemin,  par  la 
mer  (U5).  Mais  ces  paroles  emphatiques  nous 
sont  expliquées  par  Arrien  et  Strabon.  Ar- 
rien  remarque  (WG)  «  qu'onne  pouvait  passer 
le  long  du  rivage  entre  les  rochers  et  la  mer 
de  Pamphylie,  à  mains  que  le  venl  ne  fût 
nord,  parce  que  ce  vent  empftchait  la  marée 
de  monter  autant  que  lorsque  le  vent  du 
midi  soufflait  :  Alexandre  5'étant  aperçu  qu'il 
faisait  un  vent  du  nord  très-violent,  profita 
de  l'occasion  ;  après  avoir  envoyé  une  par- 
tie de  son  armée  faire  le  tour  des  montagnes, 
il  risqua  de'passer  lui-même  avec  le  reste 
le  long  de  la  mer.  x  Strabon  ajoute  a  au'il  y 
a  une  colline  dans  la  mer  de  Pampnylie, 
nommée  Climax,  le  long  de  laquelle  est  un 
passage  ;  quand  l'eau  de  la  mer  est  basse, 
cette  colline  est  entièrement  découverte  ; 
mais  on  ne  la  voit  plus  dès  que  l'eau  recom- 
mence à  monter.  Alexandre,  continue-t-il, 
étant  venu  en  cet  endroit,  voulut  la  passer 
avant  que  les  eaux  remontassent  ;  mais 
comme  c'était  alors  en  hiver,  la  mer  grossit 
avant  qu'il  l'eût  traversée,  et  il  fut  obligé 
de  marcher  tout  le  jour  dans  Teau  jusqu  à 
la  ceinture  (U7).  »  Il  est  clair  maintenant 
qu'il  n'y  a  aucune  parité  entre  le  passage 
d'Alexandre  et  celui  des  Israélites,  quel 
qu'ait  été  d'ailleurs  le  dessein  de  Josèphe  en 
les  comparant. 

Nous  croirions  faire  injure  à  la  raison 
éclairée  de  nos  lecteurs,  si  nous  insistions 
davantage  sur  cette  question.  Il  faut  fermer 
volontairement  les  yeux  à  la  lumière  pour 
nôtre  point  frappé  de  l'éclat' si  brillant  du 
miracle  opéré  au  passage  de  la  mer  Rouge. 
Pour  notre  part  nous  regardons  comme  un 
des  plus  inconcevables  mystères  la  bonho- 
mie des  rationalistes  sur  ce  point. 

De  la  sincérité  de  Miûse  dans  tout  le  récH  du  passage 

de  la  mer  Roiige. 

Le  passage  des  Hébreux  au  travers  de  la 
mer  Uouge,  disent  les  incrédules,  ne  paratt 
miraculeux  que  dans  les  circonstances  que 
raconte  Moïse.  Or,  n'est-îl  point  permis  de 
supposer  que  cet  historien  a  pu  ajouter  ces 
circonstances  h  sa  narration  pour  rendre  le 
fait  plus  merveilleux,  et  qu'il  ait  ainsi  trans- 
formé en  miracle  un  événement  purement 
naturel  ? 

Nous  dirons  d'abord  que  cette  supposition 
eât  une  injure  aussi  sanglante  que  gratuite 
faite  à  la  mémoire  d'un  homme  illustre,  qui 
commande  le  respect  et  la  vénération.  La 
lecture  la  plus  superficielle  de  ses  ouvrages 
sutDt  pour  écarter  bien  loin  de  lui  toute  idée 
d'imposture.  Pour  nous,  nous  nous  semons 
le  cœur  déchiré,  en  voyant  une  Ame  aussi 
pure  et  aussi  belle,  soupçonnée  de  fausseté 

fi35)  QciiiT.  CuRT.,  lib.  v. 

l456)  Areian.,  Expedit.  Alex,  mag^  l  \. 

(457)  Strabo,  Ceoyr,,  1.  xiv,  c.  11. 

(438)  DuBOis-AxHÉ,  Notice  sur  le  séjour  de$  Hé- 


et  d'imposture.  Que  l'incrédulité  nous  pan^ 
hideuse  quand  elle  se  porte  à  de  f>areilse| 
cèst  Et  que  sa  cause  semUe  mauvaise,  pui 

3u*elle  croit  ne  pouvoir  la  défemlre  aue  n 
^horribles  calomnies  I  Toland  avait  déjà  d 
Sue  ce  fut  un  stratagème  de  Moïse  ;  ma 
epuis,  un  de  nos  savants,  M^Dubois-Ajin 
a  prétendu  que  cet  historien  a  pu  d'aula 
plus  facilement  embellir  son  récit  de  ci 
constances  merveilleuses,  qu'il  ne  puh 
son  histoire  que  quarante  ans  après  Ter 
nement,  dans  un  temps  où  tous  les  témoi 
oculaires  étant  moris ,  ne  pouvaient  pi 
réclamer.  «  On  sait,  en  effet,  dit-il,  quec'tj 
dans  la  terre  de  Moab  (Deut.hh;x\nA 
XX.XLI,  9  et  25)  que  le  livre  de  la  loi  fut  pulil 
pour  la  première  fois,  quarante  ans  m 
que  les  Hébreux  furent  sortis  d'Egypte  (Jtti 
1,  3).  Il  n'existait  alors  dans  tout  Israël  H 
deux  témoins  des  faits  consignés  dans  J 
Pentateuque,  Josué  et  Caleb  (Dent,  \,  35, 3 
et  38),  qui ,  favorisés  de  Moise  et  hérilie^ 
de  son  pouvoir,  secondèrent  conslammcfl 
ses  desseins.  {Num.  xiv,  6.)  Les  pelili  en 
fants  qui  ne  savaient  pas  encore  disceroH 
fe  bien  et  le  mal,  lorsque  leurs  pères  tm] 
paient  dans  le  désert  de  Pharan ,  ataienj 
obtenu  du  Seigneur  d'entrer  dans  ta  vw 
promise  {Deut.  i,  39);  pouvaient-ils,  deved 
nommes,  connaître  les  forces  de  leurs  irib 
au  moment  où  elles  quittèrent  TËgyp/c, 
rejeter  le  témoignage  de  celui  qui  élailJ 
fois  leur  législateur,  leur  prophète,  m 
souverain  absolu  et  redouté  (W8)?  » 

Nous  nous  garderons  bien  de  rendre,  a 
nom  de  Moïse,  injure  pour  iiyureàM.D» 
bois-Aymé  et  à  ses  autres  détracteurs.  Si 
saint  conducteur  des  Hébreux  avait  eu  à  j 
ger  les  ouvrages  du  savant  acadéniirien, 
raurait  fait  incontestabiemenlavecplusdi 
quité  et  plus  de  justice  ;  il  aurait  sans  éoui 
eu  plus  d'une  erreur  à  y  relever,  » 
n'aurait  certainement  pas  attaqué  sa  probii 
et  sa  bonne  foi.  Nous  tâcherons  (Jnui|| 
nous-méme  cette  sage  réserve,  cette  bel 
modération. 

Nous  ferons  observer  en  preini*'r  k 
que  c'est  tout  h  fait  arbitraireiueni  ^ 
M.  Dubois-Aymé  place  la  composili^'"  " 
l'histoire  dû  passage  de  la  inerKouge.^"' 
rante  ans  après  l'événement.  II  parait»  * 
contraire»  plus  probable  que  Moïse  écn^J^ 
les  événements  au  fur  et  à  mesure  q^ 
arrivaient  ;  de  même  qu'il  rédigeait  l^f  ^^ 
et  les  ordonnances  lorsque  Dieu  les  luiup 
nail.  Cette  supposition  n'a  rien  que  deu 
ordinaire  et  de  fort  naturel.  S'il  fallaiiniet 
en  croire  le  témoignage  de  beaucoup 
critiques  habiles,  la  disposition  des  mai 
riaux  du  Pentateuque  viendrait  à  l'ai^jw}' 
notre  hypothèse.  A  la  vérité,  notre  auTC 
saire  se  fonde  sur  plusieurs  passa^^es  < 
Deutéronomej  mais  il  ne  s'est  pas  apen 
qu'il  en  tirait  de  fausses  inductions.  a> 

treux  en  Egupte  et  iur  leur  fuiu  dam  le  ài*f^^  ^ 
la  Description  de  r Egypte,  U  I,  p.  5l6;Partfr  ^v 
marie  impériale,  1809. 


i'I 


PAS 


DICTIONNAIRE  APOLOCETIOUC 


PAS 


46S 


Uf j,  le  seul  de  ees  passages  qui  ail  rap* 
(vdi  une  rédaclion  est  celui  nui  se  trouve 
in  chapitre  xxxi,  t  9  et  24.  Mais  il  ne  pa- 
rt:: Dalleinent  certain  qu*il  soit  question  en 
T.  eodroit  de  Coot  le  Ptntaieuque  :  à  ne 
.  >35ulter  que  le  texte,  il  semblerait  beau- 
:  .)'!  plus  probable  qu*il  ne  s^agit  que  des 
I  j;*ilres  précédents,  xxTn,  xxviu,  xxix, 
iii«  ou  tout  au  plus  du  Deuiéronome.  De 
1  Tieot  qu'une  foule  d^interprètes  aussi 
<LM  que  savants  ne  Tenteodent  pas  du 
PriUêtaugiu  tout  entier, 

£a  sapposant  même  que  récrivaiB  sacré 
tùtTOola  parler  des  cinq  livres  de  la  loi,  on 
at  ^allraic  légitimement  en  conclure  que  ces 
liTreso'éUient  publiés  qu'alors  pour  la  pre- 
uiicre  fi>is;  la  seuie  conséquence  que  le 
<voiexle  permettrait  de  tirer,  c^est  que  Moïse 
tii  bue  ose  copie  particulière  et  authenti- 
que de  la  loi,  qu'il  remit  aux  lévites  pour 
êirt  conservée  a  côté  .de  l'arche  d'alliance, 
a  «einr  de  témoignage  contre  les  Israélites 
>iiu,^i6)  ;  eumme  les  rois  étaient  obligés, 
<ie  Wnr  côté,  d'en  transcrire  un  exemplaire 
l^tur  ieor  proore  usage,  et  d'après  la  copie 
<iQe  deraieot  leur  fournir  les  prêtres  de  la 
inlMi  de  Léri  (xvn,  18). 

Eafa.  qoand  il  serait  démontré  gue  le 

Pniikane  cl  par  conséquent  l'histoire  du 

/•«sisageae  la  mer  Rouge  n^ont  été  réelle- 

tuent  pMiés  umr  la  première  fois  que  qua- 

nDleioiiprts  œ  dernier  événement,  on 

M  seml  aoilement  en  droit  d'attribuer  ce 

reun/  aa  dessein    formé   par   Moïse   de 

iTimper  si  indignement  les  Hébreux  dans 

(jnetiûrede  cette  importance,  car  il  pou- 

ui(  Tjroir  une  foule  de  motifs  différents 

;-^flr  lesauels  il  n'avait  point  fait  plus  tût 

cd(e  f4il)]ication. 

VitA  an  fait  que  M.  Dubois-Aymé  ne 

ssufiit  révoquer  en  doute,  c'est  que  le  can- 

L'iœqm  se  trouve  au  chapitre  xv  fut  com- 

i^j6é  par  Moise  et  chanté  par  tout  le  peuple 

idtmédiatement  après  le  trajet  des  Israéli  - 

t«i.U9;.  Or,  ce  cantique  fait  les  allusions 

*^  plus  évidentes  à  ces  circoastauces  mer- 

f-jiieases  qui,  selon  notre  adversaire,  au- 

riKsi  éié  inventées  pour  transformer  un 

itporemeot  naturel  eu  un  miracle  des  plus 

CiGoasts.  C*cst  ainsi,  par  exemple,  qu'on 

••'  la  verset  8  *  Au  souffle  de  ta  colère  les 

f'ii  te  S0mi  amoncelés f  Veau  qui  coulait  s'est 

'fT«  m  s'arrélant   comme  une  montagne 

»4,  et  Jea   vagues   mugissantes    se   sont 

h'o  tu  mdUeu  de  la  mer  ;  paroles  qui  ne 

VAL  «n  effet,  qu'une  simple  reproduction 

^  oriles  qui  se  trouvent  dans  l'histoire 

s^iflie  du  passage  des  Hébreux,  et  qui  nous 

^■^renneot  que  Moise   ayant  étendu  son 

!'2s  sur  la  mer,  JétK>va  la  fit  retirer  par  un 

«col  impétueux,  qui  ayant  soufflé  toute  la 

l'Oit,  en  dessécha  le  fond,  eu  sorte  que  les 

«aai  se  divisèrent,  et  que  les  Hébreux  pu- 

r»ia  ainsi  marcher  k  sec  au  milieu  de  la 

wS)  F«9«  les  preoves  pliiloiiigi<|iie8  que  M.  Tabbé 
^^uÊt  a  ili»iiué«i  de  celte  aMeition  dans  soo  ou« 
^S/t  ialitailé  :  Le  Pentateuque  avec  une  traduction 
^ofRir,  eic,  ull|  Exopc,  p.  il7,  it8. 


mer,  ayant  à  droilo  et  à  gaucne  un  mur 
formé  par  les  eaux  (xiv,  21,  22). 

M.  Dubois-Aymé  ne  se  borne  pas  à  regar- 
der Moïse  comme  imposteur,  il  rend  aussi 
complices  de  son  imposture  Josué  et  Caleb, 
qui,  dit-il,  favorisés  de  Moise  et  héritiers  de 
son  pouvoir^  secondèrent  constamment  ses 
desseins.  Ici  notre  critique  cite,  à  Tappui  de 
son  assertion,  le  livre  des  Nombres  (xiv.  G)  ; 
mais  le  passage  invoqué  ne  prouve  nulle- 
ment que  ces  deux  personnages  aient  été 
disposés  à  soutenir  le  mensonge  et  la  fraude; 
il  BOUS  apprend  seulement  que  Moïse  et 
Aaron  ayant  entendu  les  murmures  îles  Hé- 
breux après  le  récit  infidèle  au'on  leur  avait 
fait  du  pays  de  Chanaan,  et  leur  menace  de 
se  choisir  un  chef  et  de  retourner  en 
Egypte,  se  prosternèrent  le  visage  contre 
terre  en  présence  de  tout  Israël ,  et  que  de 
leur  côté,  Josué  et  Caleb,  qui  avaient  été 
du  nombre  des  espions,  déchirèrent  leurs 
vêtements,  cherchant  par  leurs  exhortations 
à  apaiser  la  multitude  et  à  la  ramener  à  de 
'ineilleurs  sentiments.  Or,  cette  conduite  de 
leur  part,  loin  de  montrer  de  lAches  com- 
plaisants, toujours  prêts  à  se  plier  aux  pré- 
tendues vues  intéressées  du  chef  d'Israël, 
était  au  contraire  toute  dans  l'intérêt  dn 
peuple,  qui  par  sa  révolte  s'ex|x>sait  évi- 
demment à  la  vengeance  divine.  Rien  donc 
dans  ce  trait  historique  ne  permet  de  penser 
que  si  Moïse  avait  jamais  formé  des  desseins 
qui  répugnent  naturellement  i  une  âme 
honnête,  il  eAt  trouvé  ces  deux  Israéli^ei 
dis|>osés  à  les  seconder.  Ainsi  notre  adver- 
saire aurait  dû  mieux  choisir  ses  exemples, 
ou,  s'il  n'en  trouvait  point,  parce  qu*en  effet 
il  n'en  existe  aucun,  il  n'aurait  pas  dû  es- 
sayer de  porter  atteinte  à  la  réputation  d'un 
homme  dont  le  caractère  a  toujours  com- 
mandé le  respect  et  la  vénération. 

Enfin,  c'est  contre  toute  vérité  que  le 
savant  académicien  prétend  qu'au  moment 
où  le  livre  de  la  loi  fut  publié  pour  la  pre- 
mière fois,  c'est-à-dire  selon  lui  quarante 
ans  après  la  sortie  d'Egypte,  il  nV  avait 
dans  tout  Israël  que  deux  témoins  des  faits 
consignés  dans  le  Pentateuque^  Josué  et 
Caleb.  En  effet,  pour  que  cette  prétention 
eût  un  fondement  légitime,  il  faudrait  dé- 
montrer que  tous  les  Hébreux,  &  l'exceptioa 
seulement  de  Josué  et  de  Caleb,  avaient 
péri  dans  le  désert,  conformément  à  l'arrêt 
])orté  par  le  Seiicneur,  de  punir  les  Israéli- 
tes qui  avaient  déclaré  vouloir  se  choisir  un 
nouveau  chef  et  retourner  en  Egypte;  mais 
l'Ecriture  elle-même  prouve  que  lorsque 
Moïse  dit  lyum.  xiv,  1,  2)  que  tous  les 
enfants  d'Israël  murmurèrent  contre  Jé- 
hova,  et  qu'il  proteste  ensuite  qu'aucun  de 
ceux  qui  ont  murmuré  n'entrera  dans  la 
terre  promise  (  vers.  23  ),  ces  expressions 
doivent  être  prises  dans  un  sens  limité, 
puisqu'on  lit  au  verset  29  de  ce  même  cha- 

(440)  Le  mot  bébreo  red,  qae  noiis  avons  rendit 
par  montagne^  signifie  propreoient  amas  énorme^ 
grand  monceau;  il  répondDarfaitemeiit  à  boha  Hiiir, 
employé  aa  ch.  xiv,  22,  29. 


467 


PAS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAS 


m 


pilre  :  «  Vos  corps  seront  étendus  morts 
dans  ce  désert.  Vous  périrez,  vous  tous  dont 
on  a  fait  le  dénombrement ,  depuis  vingt 
ans  et  au-dessus,  et  qui  avez  murmuré  con- 
tre moi.  9  D*où  on  voit  que  tous  les  Israé- 
lites qui  n'avaient  pas  encore  atteint  l'âge 
do  vingt  ans  au  moment  de  la  rébellion,  et 
ceux  (Te  tout  âge  qui  n'avaient  pas  pris 
]mrt  aux  murmures  (car  il  n'est  pas  croyable 
que  sur  une  multitude  composée  de  plus  de 
deux  cent  mille  hommes,  deux  seulement 
n'aient  pas  murmuré)  ont  pu  échapper  à  la 
mort.  Ajoutons  que,  sans  dire  avec  Origène 
que  les  prêtres  et  les  lévites  n'ayant  point 
tenté  le  Seigneur,  ne  furent  pas  enveloppés 
dans  le  châtiment  commun  (Hl),  nous 
pouvons  affirmer  qu*£léazar ,  grand-prétre, 
survécut  au  désastre,  puisque  nous  voyons 
son  nom  Tigurer  en  tète  des  chefs  qui  tirent 
le  partage  de  la  terre  promise  entre  leurs 
tribus  (kk2).  Nous  ne  nous  arrêterons  point 
à  montrer  que  la  contradiction  qui  résulte 
du  rapprochement  de  ces  divers  textes  n'est 
purement  qu'apparente,  car  il  n'est  pas 
d'exégète  qui  ne  sache  que  certaines  expres- 
sions générales  de  l'Ecriture  doivent  se 
prendre  dans  un  sens  limité,  et  que  le  mot 
tous  en  particulier  s'emploie  assez  sou- 
vent pour  exprimer  l'idée  d'un  grand  notn^ 
bre  (IkS). 

Il  résulte  de  ces  considérations  que  lors 
même  que  de  tous  les  témoins  oculaires  du 
passage  de  la  mer  Rouge  il  ne  s'en  serait 
pas  trouvé  un  seul  vivant  quarante  ans  après 
la  sortie  d'Egypte,  il  y  avait  une  multitude 
de  témoins  auriculaires  ,  qui  ayant  vécu 
longtemps  après  les  premiers,  avaient  dû 
nécessairement  leur  entendre  raconter  en 
mille  occasions  ce  grand  événement,  qui 
leur  rappelait  leur  délivrance  du  joug  igno- 
minieux de  l'Egypte,  et  qui  était  célébré 
dans  les  cantiques  populaires  de  toute  la 
nation.  Or,  si  ce  trajet  de  la  mer  Rouge 
n'eût  été  que  l'eflet  du  flux  et  du  reflux,  et 
que  dans  le  moment  où  il  a  été  effectué  on 
n'en  eût  pas  jugé  autrement,  tous  ces  nom- 
breux témoins  auraient-ils  gardé  le  silence? 
N'y  aurait-il  pas  eu  au  contraire  de  vives 
réclamations  contre  les  circonstances  mer- 
veilleuses, étrangères  au  fait,  inouïes  jusque 
alors,  et  ajoutées  par  Moïse  pour  transfor- 
mer cet  événement  simple  et  naturel  en  un 
prodige  le  plus  étonnant  ?  Un  pareil  silence 
serait  en  histoire  un  miracle  non  moins 
surprenant  que  la  violation  des  lois  de  la 
nature  au  passage  de  la  mer  Rouge. 

On  voit  maintenant  le  peu  de  portée,  di- 
sons !nême  rinsignifianco  complète  de  la 
réflexion  par  laquelle  se  termine  l'objection 
de  M.  Dubois-Aymé. 

Mais.l'opinion  des  incrédules  que  nous 
combattons  dans  ce  paragraphe,  non-seule- 
ment fait  de  Moïse  un  faussaire  et  un  im- 
posteur, mais  elle  suppose  encore  dans  les 

(4^1)  OiiiGE!f.,  nomil.  27  m  Num. 
(iiî)  CofQpar.  Num,  xslxiv,  17  ei  seqi|.  avec  Jot. 
I|T,  I  vi  seqq. 
(445)  c  Scciijiiuin  euiii  canonem  quem  sa;pe  ex- 


hommes  qui  vivaient  à  l'époque  du  pas^Ke 
de  la  mer  Rouge,  un  renversement  d'idées 
qui  détruit  toute  certitude  historique  et 
morale.  D'abord,  comment  pourrait-on  croire 
que  les  Egyptiens  n'aient  pas  connu  auvsi 
bien  que  le  conducteur  des  Hébreui  le  flux 
et  le  reflux  du  golfe  de  Suez  ?  L'heure  de  ses  1 
marées  pouvait-elle  être  ignorée  des  Egviv  j 
tiens  qui  vivaient  sur  ses  bords,  et  qui'ba-  ■ 
bitaient  Magdalum  et  Béelzéphon,  quand  \ 
les  paysans  les  plus  rustres  et  les  plus 
grossiers  de  nos  côtes  connaissent  parfaite 
ment  le  même  phénomène?  Ignore-t-oni 
Paris  et  dans  les  environs  le  flux  et  le  reâui  i 
de  la  Manche?  Comment  donc  aurait-on 
ignoré  à  Memphis  et  dans  le  pays  deGes^eo 
celui  de  la  mer  Rouge  ?  Quoi  !  ces  Egyptiens 
dont  nos  adversaires  eux-mêmes  piw/> 
ment  si  haut  la  sagesse,  les  lumières,  l'ha- 
bileté en  tous  genres,  auront  été  du  lemps 
de  Moïse  un  peuple  composé  d'une  mntti- 
tude  innombrable  de  fous,  qui  se  semnt 
précipités  dans  la  mer,  lorsqu'elle  commen- 
çait à  remonter,  sans  penser  ni  à  son  (lui, 
ni  au  temps  de  la  pleine  lune  qui  les  éclai- 
rait, ni  aux  marées  des  équinoxes?  Personne 
n*aura  averti  le  roi  ni  les  chefs,  ettoosau- 
ront  péri  sous  les  flots  ? 

Il  n'est  ni  plus  facile  ni  plus  naturel  de 
penser  que  parmi  deux  raillions dlsra^Iilcs. 
dont  la  plupart  avaient  demeurédèDsIslerrv 
de  Gessen,  peu  éloigné  de  Sue2,auPUDn  a wii 
connaissance  du  flux  et  du  reflui  de  la  mer: 
que  Moïse  a  pu  fasciner  les  yeuide  louie 
cette  multitude  au  point  de  lui  persuader 
qu'en  traversant  le  golfe  elle  aYêUHroile 
et  à  gauche  les  flots  élevés  comme  un  mur. 
Ajoutons  que  quelques  moments  aupara- 
vant tout  le  peuple  s'était  révolté  contre 
Moïse  en  voyant  arriver  l'armée  des  Egyj»- 
tiens  :  N'y  avait-il  donc  pan  des  tombms 
en  Egypte  pour  nouê  enterrer^  s'icriami- 
ils;  et  fallait-il  venir  dans  un  désert  où  mi 
devions  trouver  la  mort?  (Exod.  x^i^i' 
Assurément,  un  peuple,  qui  était  dans^« 
pareilles  «lispositions,  ne  pouvait  se  laiss^f 
tromper  par  Moïse,  en  croyant  tout  ce qa  il 
lui  aurait  plu  d'imaginer.  I\  est  vrai  q»^ 
certains  incrédules  sont  allés  jusquàsoa- 
tenir  que  les  Israélites  ne  traversèrenl  W' 
tre  chose  qu'un  nuage  épais,  qu'ils  prim»^ 
pour  les  eaux  de  la  mer  Rouge;  mais  ((««''^ 

3u'ail  été  leur  stupidité,  il  n'est  pas  pertû^-. 
e  supposer  que  tout  un  peuple  vm^^ 
d'environ  deux  millions  de  personnes  1«» 
portée  jusqu'à  Ce  point.   D  ailleurs,  ésn^ 
l'hypothèse  de  ces  incrédules,  VatB^  "^ 
Pharaon  elle-même  a  dû  aussi  niaRbcf  a 
travers  les  nuées  sur  une  terre  fetwe;  ce- 
pendant comment  se  fait-il  qu'elle  ait  cw 
submergée?  Le  miracle  du  passage  de  l» 
nier  Rouge,  tel  que  nous  le  comprenouN 
n'est-il  pas  plus  accessible  à  la  raison  qu  uwj 
pareille  hypothèse? 

posiiimiis  Scripltiramm,  omnia  non  ad  loium  rrl 
renda  e»se,  sed  ad  partem  maiiiuaiu.  i  (liii*^''' 
rptst.  146  ad  Damas.) 


9 


PAS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETlQUi:. 


PAS 


470 


|VL 


t  U  Traisemblance  de  imit  le  rocit  du  passage  de  la  mer 

Rouge. 

L^s  incrédules  et  les  rationalistes,  commo 
911S  en  avons  déjà  fait  la  remarque,  ne  se 
)nt  pas  bornés  h  nier  ce  qu*il  y  a  de  mira- 
rteux  dans  lo  trajet  de  la  mer  Rouge,  ils 
•(encore  prétendu  que  le  récit  dans  le- 
lel  cel  événement  se  trouve  consigné, 
■tient  plusieurs  circonstances  entièrement 
imisemblables,  et  (jui  autorisent  par  là 
Mme  à  révoquer  !e  fait  en  doute.  Sans  tirer 
)ltte  eonséc(uence,  d*autres  écrivains,  qui 
dbeuent  Pinspiration  divine,  ont  trouvé 
Iwres  mêmes  circonstances  des  diflicul- 
llqai  leur  ont  senii)lé  assez  graves  pour 
k  engager  A  donner  au  texte  sacré  une 
^ieatioo  par  laquelle  ils  ont  cru  les  ré- 
Mre  d'une  manière  satisfaisante  (4U). 
Hous  concevons  que,  considéré  au  point 
f  Toe  du  rationalisme,  cet  événement  pa- 
t»$e  dans  plusieurs  de  ses  parties  tout  à 
il  incroyable  ;  mais,  si  Ton  suppose,  ce 

eu  reste  nous  croyons  avoir  solidement 
li  un  peu  plus  haut  (|  iv),  savoir  qu'il 
fiV^is'effectuerainsi  que  Moïse  le  rapporte, 
ans  un  vrai  miracle,  tous  les  traits  de  la 
virtumi  paraissent  non*seulement  possi- 
lki,iiaVsliès-psiroples  et  très-naturels.  Ajou- 
ta» qoe  mi  adversaires  ont  exagéré  cer* 
;  lÊÙes  dtSeuMés  ;  ainsi,  par  exemple,  ils 
fiéiendeni  que  les  coraux  aigus  et  tran- 
ckints  aussi  bien  que  les  algues  marines 
40Bt  le  golfe  est  hérissé,  ont  dû  nécessaire- 
^Htf  empêcher  les  Hébreux  de  le  traverser; 
ition  aussi  erronée  que  gratuite.  Car 
ge  s*est  fait  ou  aux  environs  de 
me  de  Suez,  comme  le  soutient  Nie* 
,ou  Tis-à-vis  de  la  plaine  de  Bédé, 
le  croit  le  P.  Sicard.  Or,  selon  Nie- 
H  ForskaU  on  ne  trouve  dans  le  pre« 
eodroît  ni  corail  ni  algues  ;  et  dans  le 
er,  le  fond,  suivant  Je  P.  Sicard,  est 
nenx,  comme  le  terrain  des  plaines 

conçoit  aisément  encore  que  le  fait 
ux  millions  d'hommes  traversant  Tes- 
de  trois  lieues  qu*a  la  mer  Rouge  vis- 
_  i  de  la  plaine  de  Bédé»  dans  l'intervalle 
fhftit  heures,  paraisse  d'autant  plus  in- 
^^?mblable,  qu'il  a  fallu  un  temps  bien 
considérable  pour  faire  déGler  une 
aussi  nombreuse.  Mais  la  chose  pa- 
bien  moins  surprenante,  si  1  on  con- 
fie Dieu,  qui  voulait  délivrer  son 
te  la  servitude  d'Egvpte,  a  pu  faire 
^ttn  à  Moïse  ce  qui  allait  arriver  ;  en 
que  celui-ci  disposa  sa  troupe  le  long 
h  r6le,  en  la  développant  sur  une  ligne 
^  '  érable  ;  et  que  la  mer  s'élant  ouverte 
nae  largeur  proportionnée  h  cette  ligne, 
feraéliies  la  traversèrent  en  présentant 
trè»-grand  front. 
IS  eu  une  supposition,  émise  par  quelques 
^tirs,  qui  ferait  disparaître  la  difficulté, 
•j»e  nos  adversaires  seraient  bien  en 
m^  de  rejeter  légitimement.  On  sait  qu*il 

I  ««il 


y  avait  beaucoup  d'Israélites  nomades,  qui 
menaient  paître  leurs  troupeaux  de  la  terre 
de  Gessen  jusqu*aux  environs  de  Pélusc,  du 
côté  du  désert  de  l'Arabie,  Or,  rien  n'em- 
pêche, en  effet,  de  supposer  que  ces  Israé- 
lites ne  se  rendirent  pas  à  Ramessès,  d*oCi 
partit  le  corps  de  leur  nation,  mais  qu'ils 
reçurent  de  Moïse  Tordre  d'aller  l'attendre 
de  l'autre  côté  de  la  mer'Rouge  ;  ce  qui  di- 
minua les  embarras  et  la  longueur  du  pas- 
sage. Au  reste,  quelque  hypothèse  qu'on 
imagine,  il  faudra  toujours  admettre  une 
intervention  miraculeuse  de  la  Providence; 
parce  que  tous  les  moyens  purement  natu- 
rels seront  insuffisants  pour  expliquer  toutes 
les  circocstances  de  ce  passage  extraordi- 
naire. Mais  alors  n'est-on  pas  légitimement 
fondé  à  croire  que  le  même  Dieu  qui,  'pour 
sauver  les  Hébreux,  dessécha  le  fond  cie  la 
mer,  leur  donna  aussi  la  sagesse  et  la  pru- 
dence nécessaires  pour  éviter  le  désordre  et 
profiter-  habilement  du  temps,  enfm  aug- 
menta leur  force  et  leur  agilité  pour  se 
soustraire  au  danger  auquel,  sans  ces  se- 
cours, il  leur  était  impossible  d'échapper  ? 
Certes,  pour  peu  qu'on  pèse  ces  considéra- 
tions, on  en  conclura  nécessairement  qu*il 
n'est  point  invraisemblable  que  les  Israé- 
lites malgré  leur  grand  nombre,  aient  pu, 
dans  l'espace  de  huit  heures,  franchir  un 
intervalle  de  trois  lieues,  par  une  ouver- 
ture immense,  car  on  peut  la  supposer  aussi 
large  qu'on  voudra,  vu  que  Moïse  en  disant 
que  la  mer  fut  divisi^e^  ne  détermine  en 
aucune  manière  la  distance  qui  sépara  les 
eaux  amoncelées  des  deux  côtés. 

Enfin  nos  adversaires  trouvent  tout  à  fait 
invraisemblable  que  les  E^y[)tieus  ne  se 
soient  pas  aperçus  qu'ils  étaient  entrés  dans 
le  lit  de  la  mer  Rouge  ;  umis,  comme  nous 
l'avons  déjà  remarqué  (§  ii),  ce  fait  n'a  rieu 
qui  doive  surprendre,  quand  on  pense  à  la 
fureur  dont  ils  étaient  animés  en  poursui- 
vant les  Hébreux  :  quand  on  considère,  d'un 
autre  côté,  que  la  colonne  de  nuée,  qui  les 
tenait  dans  une  certaine  obscurité,  les  em- 
pochait nécessairement  de  bien  distinguer 
l'endroit  où  ils  se  trouvaient  ;  et  quand  on 
songe  que,  puisque  Dieu  voulait  les  exter- 
miner, il  était  tout  naturel  qu'il  les  aveu- 
glât d'une  manière  surnaturelle,  eu  leur 
otantla  pensée  du  danger  dans  lequel  ils 
se  précipitaient,  d'autant  plus  qu'il  avait 
déclaré  formellement  à  Mo'ise  que  telle  était 
sa  volonté  :  J'endurcirai  le  cœur  des  Egyp^ 
iiens^  afin  qu'ils  vous  poursuivent  :  et  je  serai 
glorifié  dans  Pharaon  et  dans  toute  sonarmée^ 
et  dans  ses  chariots  et  dans  sa  cavalerie. 
{Exod.  xiv,  17.) 

Il  résulte  de  cette  discussion,  que  si  on 
admet  dans  le  passage  de  la  mer  Rouge  une 
intervention  miraculeuse  de  la  Providence, 
intervention,  au  reste,  que  Moïse  n'exclut 
nullement  de  sa  narration,  toutes  les  parties 
de  son  récit  se  conçoivent  aisément,  et  il 
n'en  est  pas  une  seule  qui  choque  la  vrai- 
semblance. Ainsi  rhisloire  de  cet  événc- 


*«l;  Vojr.  plus  haut  ao  %  U. 


47! 


PAS 


DICTIONNAIIIE  APOLOGETIQUE. 


PAS 


4:î 


nient  mémorable  porte  d'un  bout  à  Tautre 
le  cachet  de  l'exactitude  et  de  la  sincérité 
de  récri?aîn  sacré  qui  nous  la  transmise  ; 
et  nous  ne  pouvons  que  plaindre  Taveugle- 
ment  des  incrédules  nui  la  considèrent  sous 
un  point  de  rne  tout  a  fait  opposé  (U5.) 

PASSAGE  DU  JOURDAIN.  On  lit  au  cha- 
pitre m  du  livre  de  Josué^  que  ce  succes- 
seur de  Moïse  ayant  annoncé  de  la  part  de 
Dieu  aux  Israélites  que,  lorsque  les  prêtres 
qui  portaient  l'Arche  sacrée  entreraient  dans 
le  Jonniain,  les  eaux  laisseraient  le  lit  du 
fleuve  à  sec,  pour  donner  passage  au  peuple, 
i'i  prédiction  eut  tout  son  effet.  Or,  disent 
les  incrédules,  c*eût  été  prodi^er  les  mira- 
cles à  pure  perle  que  d'en  employer  un  pour 
favoriser  ce  trajet,  vu  qu'on  pouvait  aisé- 
ment jeter  un  pont  de  planches  sur  le  Jour- 
dain, ou  bien  le  passer  à  eue. 

Nous  examinerons  tout  a  l'heure  si  c'eût 
été  réellementprodiguer  des  miracles  %  pure 
perte  que  d'en  opérer  un  pour  favoriser  le 
passage  du  Jourdain  aux  Hébreux  qui  étaient 
sous  la  conduite  de  Josué;  discutons  aupara- 
vant les  points  principaux  de  l'objec- 
tion. 

D'abord,  nous  en  convenons,  il  nous  se- 
rait bien  diflicile  de  démontrer  que  les  Hé- 
breux n'auraient  pas  pu,  à  la  rigueur,  con- 
struire un  pont  sur  le  Jourdain  ;  mais  nous 
demanderons  à  nos  adversaires  par  quels 
arguments  ils  pourraient  prouver  eux- 
mêmes  que  les  Israélites,  au  temps  de  Josué, 
ronrâdissàicnt  l'art  de  jeter  des  ponts  ;  qu'ils 
éliiient  assez  accoutumés  à  en  faire  pour  en 
(^s^^^y^T  un  sur  le  Jourdain,  dans  les  cir- 
constances oix  ils  s^  trouvaient  au  moment 
où  ils  ont  passé  ce  fleuve.  Ce  qui  est  certain, 
c'est  que  le  nom  même  de  ces  ouvrages  ne 
se  trouve  dans  aucun  de  leurs  livres  sacrés, 

Îjnoiqu'il  v  soit  parlé  souvent  de  guerres 
aites  au  delà  du  Jourdain.  Ce  n'est  pas  tout; 
nous  demanderons  encore,  iondés  sur  quoi 
nos  adversaires  soutiendraient  que  les  Hé- 
breux avaient  en  ce  moment  avec  eux  une 
(luantité  suffisante  de  planches  ou  de  ma- 
driers. Enfin  nous  désirerions  savoir  com- 
ment les  Israélites  auraient  pu  construire 
si  aisément  et  si  promptement  un  pont  assez 
large  pour  passer  environ  deux  millions 
d'hommes  sur  une  rivière  qui  s^étendait 
'usqu'à  ses  bords  les  plus  éloignés,  comme 
^Ecriture  le  dit  dans  ce  récit  même  (Jos.  m, 
15);  comment  enfin  ils  auraient  pu  réussir 
dans  cet  ouvrage  sans  que  les  travailleurs 
fussent  attaqués  par  les  Chananéens. 

Pour  répondre  &  la  seconde  partie  de  l'ob- 
jection, les  apologistes  de  la  religion,  comme 
Bullet,  Du  Clôt,  etc.,  en  ont  appelé  à  la 
largeur  et  à  la  profondeur  du  Jourdain;  les 
témoignages  des  voyageurs  ne  manquent 
pas  en  cfiet,  et  plusieurs  assurent  même 
que  le  débordement  de  ce  fleuve  est  moins 
considérable  qu'il  ne  Tétait  autrefois.  On  a 
fait  valoir  surtout  l'impossibilité  de  le  tra- 

(iS5)  Vatr  la  nolft  XII  hn  à  la  fin  ilu  volume. 
(Ufij  Du  Clôt,  Uible  vvngéef  l.  Il,  p.  "iôC  ;  I  von, 


verser  à  gué  au  moment  ou  le  passade  des 
Israélites  s'est  effectué;  puisque,  selon  le 
t  exte  même  (xni,  13),  il  se  débordait  de  1011(85 
parts;  c'est  ce  qui  a  fait  dire  à  DuGloi: 
«  A  présent  il  n'est  guéable  que  sur  la  fm 
de  Tété  et  seulement  en  quel(|uesendroiKi 
Selon  le  P.  Eugène  (Description  de  la  Tmr- 
Sainie)y  i\  est  constant  au'il  ne  le  fut  jamais 
dans  le  temps  de  son  débordement  :  |i€ul- 
on  trouver  des  gués  dans  une  rivière,  lors- 
qu'elle passe  ses  bords  et  se  répand  de  tuu> 
fôtés  (ik6}7  Cependant,  sans  parler  de  la 
relation  du  lameux  voyageur  Barckhari, 
qui  assure  que  les  Arabes  trouvent  encore 
aujourd'hui  le  moyen  de  jMsser  le  Jourdain 
h  gué  dans  certains  endroits  à  eui  connos. 
lors  même  que  le  lit  du  fleuve  est  entière- 
ment couvert  d'eaux,  il  faut  bien  conrenir 
au'à  répoque  même  dont  nous  parlons  le 
euve  était  reconnu  pour  guéable,  puisqoo 
l'historien  sacré  dit  gue  les  hommes  e&- 
voyés  par  le  roi  de  Jéricho  à  la  poursuile 
des  espions  de  Josué,  prirent  le  chemin  qui 
mène  au  gué  du  Jourdain  :  SmUi  mt 
eo8  per  viam  (fuœ  ducit  ad  vadum  Jorkm 
(n,  7)  ;  et  qu'il  ajoute  môme  qu'après «roir 
rempli  leur  mission  les  espions  rerioreDi 
trouver  Josué  après  avoir  repassé  le  Jour- 
dain :  JranfmiMO  Jordane.  (ii,  23.)  M^,^ 
qui  est  plus  fort  encore,  c'est  ce  que  npmi^ 
1  auteur  du  premier  livre  des  ParBlipowènes; 
nous  y  lisons,  en  effet,  que  lorsque  Par/W 
fuyait  le  roi  Saâl  les  chefs  de  la  tribu  de 
Gad  étant  accourus  à  son  secoa»  anec  unu 
armée,  passèrent  le  Jourdain  au  pemjcr 
mois  de  l'année,  dans  le  temps  où  Use  dé- 
borde :  Isti  8unt  oui  iransierunt  Jordanero 
mense primo  quanao  inundareconiunU*\}^\ 
8-15.jOr,  ce  mois  est  précisément  celui  oii 
se  faisait  la  moisson  des  orges  (4W)tC'esM- 
dire  celui-là  môme  pendant  le<l^*'*^*^ 
breux  passèrent  le  Jourdain  sous  Joflw 
(m,  15.) 

Ainsi,  cet  argument  n'est  pas  péreroploi». 
bien  qu'il  y  ait  de  la  différence  entre  ic 
passage  d'une  rivière  par  quelques  bonirac» 
ou  même  par  une  armée  de  deux  njiile^o'* 
dats  tout  au  plus,  et  un  peuple  d*entirf»o 
deux  millions  d'individus ,  traînant  à  $< 
suite  armes  et  bagages,  et  toutes  les  aot^ 
choses  nécessaires  è  son  existence  et  a  ^^ 
divers  besoins. 

Les  rational  istes  corn  me  RosenmiillcTi<¥J^ 
croient  à  l'authenticité  et  à  la  véracité  du 
livre  de  Josué,  en  sont  réduits  à  dïTe<\^ 
Josué  conduisit  les  Israélites  sur  le  gué fl"'* 
ses  espionsavaientsuivi  quelques  jours*"!'?' 
ravant  ;  et  qu'ainsi  ce  passage  du  Jourdain 
n'a  rien  que  de  fort  nature!  et  très-ordip^^^*^ 
quoique  la  présence  de  l'Arche,  qw  hg^^^ 
elle-même  celle  do  la  Divinité,  lui  donn^* 
toutes  les  apparences  d'uu  fait  miraculeux 
Sous  ce  rapport,  ces  critiques  différent  de 
mythologues,  qui,  comme  Maurer,  prétca 
dent  que  l'historien  hébreu  a  eu  le  desseii 

« 

(147)  Vov.  Vlntroduclton  histonmu  tt  c^^f[ 
livres  de  i\iiicien  et  du  Nouveau  Teitamcnt,  l."iP 
155,  par  l'abbé  GUire. 


PAS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAS 


i^i 


el.de  faire  prendre  le  change  h  ses 
ors,  en  revêtant  de  circonstances  mi- 
teuses un  événement  commun  et  ordi- 

et  dont  le  récit  est  absolument  sem- 
le  i  eelui  dans  lequel  Quinte -Curce 

nte  Alexandre  traversant  le  Tigre 
son  armée  »  au  moment  même  où  ce 
e  parait  plus  violent  et  plus  impé- 

s  il  àut  s*abnser  d*une  manière  étrange 

se  figurer  que  le  texte  sacré  puisse  se 

k  de  pareilles  explications  ;  le  voici  tel 

ttt  dans  le  livre  de  Josué  ;  que  le  lec- 

soit  lui-même  juge  et  qu'il  prononce  : 

vft  d«f  à  Josué:  Je  commencerai  aujour- 

à  ( élever  aux  yeux  de  tout  Israèi ,  afn 

Mcke  que  je  suie  avec  îoi^  comme  j  ai 

r  Jfei^e.  Donne  donc  cet  ordre  aux 

fw  parleur  VArchty  et  dis  leur  :  Lors* 

•tai  ferex  entrés  au  bord  du  Jourdain^ 

Wfu  arrêterez  dans  cet  endroit  du 

Et  io$uédit  aux  enfants  dT Israël:  Ap" 

s-Miu,  et  écoutez  les  paroles  de  Jého^ 

fHn  A'eii.  Et  il  ajouta  :  Voici  le  signe 

"  nu  eonnattrex  que  le  Dieu  vivant 

wlUmde  vous  et  (fuil  chassera  et  dis^ 

émA  tous  le  Chananéen,  le  Héthéen^ 

IMa,  b  Phérézéen ,  le  Gergéséen^  VA-^ 

Il  le  Jébuséen  :  F  Arche  d'alliance 

à  toute  la  terre  marchera  de^ 

mt  Êê  travers  du  Jourdain.  Prenez 

iouie  hommes  des  douze  tribus 

m  de  chaque  tribu  (U9);  et^  lors* 

its  frêtrts  qui  portent  V  Arche  de  Jéhovah^ 

'n  de  toute  la  terre^  auront  mis  le 

les  eaux  du  Jourdain^  elles  dispa- 

mais  les  eaux  qui  viennent  aen 

s'arrêteront  f    et  formeront  une  seule 

.  Il  arriva  en  effet  que  le  peuple  étant 

éeses  ternies  pour  passer  le  Jourdain^ 

fn  tête  les  prêtres  qui  portaient  VAr* 

M  ceux-ci  étant  arrivés  au  fleuve^  et  les 

eowunençant  à  couvrir  leurs  pieds  (le 

'  m  alûrs  avait  comblé  ses  rives^  comme 

durant  la  moisson)  les  eaux  qui  ve^ 

ten  haut  s'arrêtèrent  et  formèrent^  en 

celant 9  une  masse  qui  s'étendit  au  delà 

I,  vUlt  située  à  côté  de  Sarthan  ;  mais 

fui  descendirent  dans  la  mer   de  la 

»  c'est^'-dire  la  mer  Salée^  disparurent 

ment.  Le  peuple  passa  ainsi  vis^à^vis 

ifiko.  Cependant^  les  prêtres  qui  por^ 

T Arche  de  Falliance  se  tinrent  toujours 

hmger  sur  la  terre  desséchée  du  lit  du 

m;  et  tout  Israël  passa  le  fleuve  éga^ 

è  see  (m,  7-17.) 

BttÙk'il  pas,  en  effet,  de  lire  ces  paroles 

foir  que  le  passage  du  Jourdain  n'est 

oent  un  fait  commun  et  ordinaire,  et 

I  présence  de  l'Arche  se  lui  donne  pas 

ent  les  apparences  d*un  événement 

^leoxT  Et  ifabord,  que  signifient  ces 

es  de  Bien  adressées  h  Josué  :  Je  com- 

^rai  oujaurd'hMi  à  f  élever  aux  yeux  de 

Jsrait,  Otez  le  prodige  surnaturel  de  ce 

*f  V^y  restera-t-il  de  propre  à  donner 

^#)  Qi'CVT.  Ci'xr.v  tf»^  Alex.,  1.  iv,  c.  9 


l 


de  la  gloire  à  Josué,  et  k  relever  son  mérite 
aux  yeux  des  Israélites?  Et  que  |)euvent 
signifier  ces  autres  :  Aj^  au'il  sache  que  je 
suis  avec  toi,  comme  j'ai  été  avec  Motse,  Les 
quatre  derniers  livres  du  Penlateugue  at- 
testent d'un  bout  à  Tautre  que  Dieu  n'a 
presque  jamais  manifesté  l'assistance  et  le 
secours  qu'il  prêtait  à  son  serviteur  autre- 
ment que  par  les  prodiges  les  plus  éclatants. 
C'est  par  des  miracles  continuels  que  ce 
saint  homme  parvenait  à  dompter  le  peu- 
ple opiniâtre  qu'il  avait  à  conduire;  et  on 
voit  clairement,  par  l'histoire  de  cette  nation 
c'est-à-dire  par  ses  murmures  et  ses  révoltes 
si  souvent  renouvelées,  que  tout  moyen 
naturel  eût  été  insuffisant  pour  le  gouver- 
ner. Or,  c'était  la  même  nation  que  Josué 
avait  sous  sa  conduite;  et  la  mission  du 
nouveau  général  n'était  ni  moins  difficile 
ni  moins  périlleuse  que  celle  de  Moïse  son 
prédécesseur. 

On  peut  même  dire  que,  si  le  passage  du 
Jourdain  n'est  pas  miraculeux,  le  tableau 
que  l'écrivain  sacré  en  a  tracé  devient'tout 
entier  une  énigme  indéchiffrable;  bien  plus 
l'ensemble  du  récit  n'offre  qu'un  non-sens 
bizarre  et  ridicule.  D'après  cette  hypothèse, 
en  effet,  il  faut  nécessairement  supposer  un 
manque  de  sens  complet  dans  Josué  adres- 
sant cet  ordre  au  peuple  :  Purifiez-vousj  car 
demain  Jéhovah  fera  parmi  vous  des  choses 
admirables  (m,  5);  ordre  d'ailleurs  tout  h 
fait  semblable  h  celui  que  Moïse  avait  donné 
aux  Israélites  pour  les  préparer  au  grand 
miracle  du  Sinaï.  (Exoa.  xix,  10  et  suiv.) 
On  s'explique  encore  moins  eet  empresse- 
ment à  faire  enlever  du  Jourdain  douze 
grosses  pierres  pour  élever  à  Galgala  un 
stèle  destiné  k  rappeler  aux  siècles  futurs  le 
trajet  de  ce  fleuve  [Jos.  iv,  fc-6,  20),  si  ce 
fait  n'a  rien  de  surnaturel  de  la  part  de  Dieu, 
rien  d'extraordinaire  et  de  remarquable  de 
la  part  de  Josué  et  de  son  peuple  ;  car  il  ne 
faut  ni  habileté  ni  courage  pour  passer  un 
fleuve  sur  un  gué  que  la  nature  elle-même 
y  a  formé,  et  qui  est  le  passage  ordinaire 
de  tous  les  habitants  du  pays. 

Knfin,  nous  lisons  dans  cette  même  his- 
toire que  lorsque  Josué  eut  érigé  ce  stèle  & 
t'ialgala,  il  dit  aux  Hébreux  :  Quand  vos  en- 
fants demanderont  un  jour  à  leurs  pires  :  Que 
veulent  dire  ces  pierres?  Vous  le  leur  appren- 
drzjk  et  leur  direz  :  Israël  a  passé  à  pied  sec  ce 
Jourdain^  Jéhovah  votre  Dieu  en  ayant  séché 
les  eaux  devant  vous  jusquà  ce  que  vous  fus^ 
siez  passée  comme  il  avait  fait  auparavant  à 
la  Mer  Bouqe,  dont  il  sécha  les  eaux  devant 
nous  jusquà  ce  que  nous  fussions  passés:  afin 
que  tous  les  peuples  de  la  terre  reconnaissent 
que  le  bras  de  Jéhovah  est  un  bras  puissant^ 
et  que  vous  révériez  vous-mêmes  à  jamais  Jé- 
hovah votre  Dieu,  (iv,  21-2%,)  Or,  il  faut  de 
toute  nécessité  ou  admettre  ici  un  vrai  pro- 
dige divin,  ou  retrancher  tout  ce  discours 
du  livre  de  Josué:  car  ce  n'est  pas  seulement 
un  trait  particulier  inséré  dans  la  narration 

(liD)  Ofi  voit  an  c-iMpiire  iv  ^  quoi  devaient  ser- 
vir ccb  douze  lioniiuo». 


475 


PAS 


DICTIONNAIRE  APOLOGKTIQUE. 


PAT 


rp 


générale  par  une  main  étrangère,  c*est  en- 
core une  imposture  qui  ne  peut  que  nous 
donner  une  niée  tout  à  fait  fausse  et  men- 
songère de  cet  événement,  et  tromper  la 
foi  et  la  religion  du  lecteur  de  la  manière 
la  plus  déboutée. 

Nous  ne  dirons  rien  du  dessèchement 
ifune  partie  des  eaux  du  Jourdain,  et  de  la 
suspension  et  de  Tamoncèlement  énorme 
de  Pautre,  au  moment  précis  où  les  prêtres 
entrèrent  dans  le  fleuve,  conformément  à 
la  prédiction  qui  en  avait  été  déjà  faite;  ce 
sont  des  faits  qui  parlent  assez  haut  d*euT- 
mômes,  pour  qu'il  ne  soit  nullement  besoin 
de  recourir  à  des  preuves  ultérieures. 

Ainsi,  tout  dans  cette  histoire  concourt  à 
démontrer  que  ce  n'est  ni  h  gué  ni  sur  un 
|K)nt  de  planches  que  Josué  et  les  Israélites 
tint  passé  le  Jourdain,  mais  que  c*est  sur  le 
lit  même  du  fleuve  qiie  ie  Dieu  des  Hébreux 
a  miraculeusement  desséché. 

Quant  à  ce  qu^objectent  nos  adversaires, 
que  c'eût  été  prodiguer  un  miracle  h  pure 
perte,  nous  répondrons  que,  toute  autre 
considération  à  part,  il  semble  bien  diflicile 
que,  placés  à  une  distance  de  plus  de  trois 
mille  ans  d'un  événement,  nous  ayons  des 
données  suflisantes  pour  prononcer,  sans 
crainte  de  nous  tromper,  que  Dieu  n'avait 
aucune  raison  légitime  d'y  intervenir  d'une 
manière  surnaturelle.  Au  surplus,  comme 
la  question  réduite  à  ces  termes  est  une 
question  de  simple  bon  sens,  nous  laissons 
a  nos  lecteurs  le  soin  de  la  résoudre.  Mais, 
passant  du  genre  à  l'espèce,   nous  dirons 

3u*abstraction  faite  de  la  promesse  formelle 
e  Dieu  à  Josué  d'être  avec  lui  comme  il 
avait  été  avec  Moïse,  ce  qui  veut  dire  évi- 
demment qu'il  continuerait  à  opérer  des 
prodiges  sous  son  commandement,  comme 
il  en  avait  opéré  sous  celui  de  Moïse  son 
prédécesseur,  il  fallait  que  l'entrée  en  cant- 
Jiagne  du  nouveau  général  fût  signalée  par 
un  événement  propre  à  donner  aux  Israélites 
le  courage  et  la  confiance  nécessaires  pour 
hasarder  toutes  les  fatigues  et  toutes  les 
chances  d'une  conquête  dont  l'entreprise 
paraissait  ausssi  difljcile  en  elle-même  que 
le  succès  incertain.  D'ailleurs,  Moïse  ayant 
commencé  sa  mission  sous  les  auspices  et 
avec  l'aide  des  miraclesî,  il  convenait  d'autant 
mieux  que  Josué  ne  fÂt  pas  moins  favorisé 

3ue  lui  sous  ce  rapport,  qu'il  n'était  consi- 
éré  que  comme  le  délégué  de  Moïse,  quoi- 
qu'il lût  son  successeur  ;  car  d'un  côté  Dieu 
lui  commande  d'observer  et  ^accomplir  toute 
la  loi  que  son  serviteur  Moïse  lui  a  prescrite 
(Jos.^lj  7);  et  de  l'autre,  Josué  lui-même 
recommande  aux  tribus  de  Ruben  et  de 
l]ade«  et  à  la  demi  tribu  de  Manassé  de  faire 
exactement  ce  que  Moïse  leur  a  ordonné. 
(Vers.  12,  15).  D'ailleurs,  c'était  Moïse  qui 
avait  délivré  Israël  de  la  servitude  d'Egypte; 
c'était  lui  qui  l'avait  formé  en  corps  de  na- 
tion. Ces  faits,  joints  aux  apparitions  de^Je- 
hova^  dont  il  était  sans  cesse  favorisé,  avait 
donné  à  sa  mission  une  supériorité  incon- 


testable sur  toutes  celles  dont  auraient  )mi 
être  chargés  ses  successeurs,  eiravaienlen- 
vironné  d  un  prestige  et  d'un  i^clat  qui  au. 
raient  compromis  l'autorité  de  Josué,  si  c(f 
même  Jéhora  n'eût  montré  aux  Uébreuv 
par  un  miracle  éclatant,  que  ce  nouveau 
chef  devait  être  pour  eux  un  nouveau 
Moïse. 
PASTEURS  (PEUPLES).  Foy.  Patbiaecoes 
PATRIARCHES.  —  La  vie  des  patrianhes 
s'offre  à  nos  regards  sous  les  images  les  \\h 
nobles  et  les  plus  riantes;  ces  sages n' 
l'ancienne  loi  semblent  avoirretenu quelque 
chose  de  la  félicité  d'Ecien  et  de  rinuocenci 
des  premiers  âges.  On  sent  qu'ils  éiiieii 
plus  près  que  nous  de  la  Divinité,  et  qu'elle 
daignait  quelquefois  habiter  et  coaverstir 
avec  eux.  Pour  peindre  ces  mœurs  mm, 
ce  mélange  de  grandeur  et  de  simpiioié, 
cette  politesse  sans  élude,  qui  n'est  (jiie 
l'expression  de  la  bonté  ;  ces  rois  conduisdii 
leurs  peuples,  comme  leurs  troupeaux, avpr. 
la  houlette  du  pasteur;  ces  fils  si  doeilei, 
ces  mères  si  tendres,  ces  époux  si  Odèb, 
ces  vierges  si  gracieuses  pour  les  élraQger5, 
et  cependant  si  modestes  et  si  pudiques,  il 
faudrait  le  style  de  Moïse  oti  le  piootau 
d'Homère  :  attachons-nous  à  des  id^es moins 
brillantes,  mais  plus  graves  et  plus  utiles. 
Un  auteur  moderae  (M.  Dunojerj,  (raçaoi 
pour  ainsi  dire  l'échelle  de  la  mUsâtioût 
a  divisé  les  peuples  en  peuples  $aurage5, 

Ïeuples  nomades,  peuplesa  esclaves,  peu(ite$ 
privilèges,  peuples  industriels. llsmlain^i 
une  nation  dans  toutes  les  phases  de  son 
existence,  et  il  cherche  à  montrer  que  plus 
elle  croît  en  civilisation ^  c'est-à-dire enin- 
dustrie,  —  pour  Tauleur  c'est  la  même  cto. 
—  plus  elle  acquiert  en  même  temps  de  li- 
berté et  de  bonheur.  Sans  examiner  le  mé- 
rite de  ce  système,  sans  faire  ressortir I«5 
conséquences  funestes  de  ce  malérialLm' 
social,  qui  pèse  tant  dans  la  balance ila 
commerce,  appliquons  cette  théorie,  qu«^ 
nous  sommes  loin  d'admettre,  à  rexanito 
des  différents  états  par  lesquels  a  passé  le 
peuple  juif. 

Dans  quelle  classe  placerons-nous  ie> 
patriarches?  ce  ne  peut  être  que  dans  la  pre- 
mière, c'est-à-dire  dans  celle  des  çe«P 
nomades  ©u  pasteurs  ;  toutefois  qu'on  » 
garde  bien  de  confondre  l'état  nomade,  cei 
âge  d'or  du  genre  humain,  avec  cet  tt(û.«!^' 
vage ,  inventé  par  nos  philosophes.  La  so- 
ciété, en  effet,  a  été  constituée  dès  le  com- 
mencement, et  la  barbarie  est  un  réredeia 
civilisation.  ., 

L'histoire  sacrée,  après  avoir  fait  \^  f' 
nombrement  de  la  parenté  de  Noé,  ajo^}^ 
Ce  sont  là  les  familles  des  enfants  de  i|?y 
selon  les  diverses  nntions  qui  en  sont  som^' 
et  c'est  de  ces  familles  que  sont  f^^^*,}!^ 
les  peuples  de  la  terre  après  le  déluge  (^l- 
Ces  paroles  révèlent  Toiigine  de  la  souett' 

On  voit  tous  les  peuples  sortir  du  se  " 
d'une  même  famille;  la  royauté  dut  cire  • 
premier  gouvernement  des  hommes, 


I 


(130)  Goièief  i,  52. 


rî 


PAT 


DICTKmNAIRE  APOU)GETIQUL\ 


PAT 


178 


tJe  n*est  qo*ane  suite  «  et  pour  ainsi  dire 
nce  eitensiOD  de  la  paternité;  mais,  comme 
Tobsenre  Montesquieu  »  si  le  pouTOir  du 
j^  a  du  rapport  au  gouvernement  d'un 
i^jïU  apris  la  mort  du  père,  le  pouvoir  des 
frères  on  après  la  mort  des  frères,  celui  des 
ciunns-germains ,  ont  du  rapport  au  gou- 
Trniement  de  plusieurs.  La  puissance  po- 
Jidqoe  comprend  accessoirement  Tunion  de 
plosieurs  familles.  Il  fallut  donc,  pour  per- 
pftaer  la  rojaulé,  avoir  recours  à  une  insti- 
tulioa  qoit  si  elle  n*est  pas  conforme  à  la 
utore,  dut  au  moins  se  présenter  natnrel- 
leoicil  à  Tesprit  des  premiers  hommes  ;  je 
veux  ptrier  du  droit  d'aînesse.  La  Genise 
De  vm  dit  pas  quelle  part  avait  alors  Ta! né 
diosie  patrimoine  commun,  elle  nous  ap- 
preod  seulement  que  l'atné  recevait  du  père 
unt  bénédiction  plus  solennelle  ;   c*e(ait 
T^mr  loi  comme  une  espèce  de  sacre  qui 
nnfestissait  de  la  puissance.  Lorsque  Esaû 
»  présente  à  Isaae,  et  se  plaint  de  la  pré- 
fèm»  accordée  h  Jacob,  Isaac  lui  réfK)nd  : 
Jrrii  iùbli  votre  seigneur ^  eifai  oêsujetti 
i  m  itmmÊiion  iout  $e$frèr€ê;je  F  ai  affermi 
daa» la  pastetiiim  du  blé  ei  du  vin^  ei  après 
rck.  Rat  fis  s  que  me  resie^i-il  queje  puisse 
fwtfMrvew  (Ul)  ?  L'autorité  ainsi  trans- 
mise da  pèit  aux  enfants  par  une  simple 
béoédidioo,  acquérait  un  caractère  sacré,  et 
troopiif  Boe  tempérance  et  un  appui  dans 
/esp/of  doux  sentiments  de  la  nature.  Enfin, 
fe  prarenieiDent  domestique  se  liait  telle- 
meol  ifl  gouvernement  politique,  qu*il  ne 
iàmi  pias  qu'un  avec  lui ,  caractère  qui 
cistiftpe  les  premiers  Hébreux  dei  autres 
f«a;l(s  anciens ,  chez  lesquels  on  voit  le 
/«ort/îr domestique  s'unir  souvent  comme 
ëàseatou  comme  soutien  avec  le  pouvoir 
»-altic,  mais  sans  jamais  se  confondre  en- 
i&meni  arec   lui.  S'il  s'élevait  quelque 
cjnaooau  sein  des  familles,  les  brancncs 
'^e^elte  famille,  formant  comme  autant  de 
inias^  se  séparaient,  et  chacune  d'elle  allait 
<T^-er  ses  tentes  sous  un  ciel  plus  propiœ. 
^'e^t  ainsi  que  les  hommes  étaient  soumis 
«Piètre  esclaves,  libres  sans  être  isolés. 
>i  maintenant  nous  voulons  rechercher 
ii^'M  était  la  législation  civile  de  ces  petits 
^iples,  nous  éprouvons  quelque  embarras; 
'9r  la  Gemése  ne  cite  aucun  texte,  et  cepen- 
-lot  les  enfants  d*Abraham  s'étaient  assez 
vafiiplîés  pour  avoir  besoin  de  lois  :  nous 
- 'S ooo tenterons,  pour  expliquer  ce  fait, 
c*  t  que  dit  Montesquieu  des  peuples  ))as- 
leon: 

«  (Test  le  partage  des  terres  qui  grossit 

/^Acipalement  le  code  civil;  chez  les  nations 

<^ron  n*aura  pas  fait  ce  partage,  il  j  aura 

''es-pea  de  lois  civiles. 

«  On  peut  appeler  les  institutions  de  ce 

^apte  des  mœurs^  plutôt  que  des  lois. 

•Chez  de  pareilles  nations,  les  vieillards 
ç«î  se  souviennent  des  choses  passées,  ont 
Tse  grande  autorité;  on  n'y  peut  être  dis- 
t9^  par  les  biens,  mais  par  les  mœurs  et 
}*r  les  conseils,  v 


En  effet,  chez  les  j)atriarches,  c'étaient  les 
mœurs  et  les  traditions  qui  tenaient  lieu  de 
lois. 

C'était  un  beau  spectacle  que  celui  de  ces 
vénérables  vieillards,  rois  et  pères  de  fa- 
mille, législateurs  et  pontifes,  historiens  et 
philosophes,  héritiers  des  promesses  divi- 
nes, dépositaires  de  toutes  les  coutumes  et 
de  tous  les  souvenirs.  Noé,  Sem,  Abraham, 
Isaac  et  Jacob ,  se  tiennent  pour  ainsi  dire 
par  la  main,  et  forment  comme  une  chaîne 
non  interrompue,  dont  le  premier  anneau 
touche  au  berceau  du  monde.  Avec  quelle 
religieuse  mémoire  on  conservait  les  noms 
des  ancêtres  1  y  a-t-il  chez  les  nations  mo- 
dernes beaucoup  de  familles  qui  puissent 
produire  des  généalogies  semblables  k  celles 
qu'on  trouve  dans  la  Genèse 7  Si  les  patriar- 
ches conservaient  avec  soin  les  titres  de  leur 
noblesse,  ils  veillaient  avec  plus  de  soin  en- 
core h  ne  pas  en  altérer  la  pureté.  Abraham 
se  marie  dans  sa  famille,  et  donne  une  fem- 
me de  la  même  race  k  ce  fils,  objet  des  bé- 
nédictions célestes,  et  Isaac  fait  observer  à 
Jacob  la  même  loi.  C'est  en  vivant  ainsi , 
étroitement  unies  entre  elles,  que  les  famil- 
les des  patriarches  transmettaient  intactes 
et  sans  mélange  les  traditions  reçues  de  Dieu 
même.  La  langue,  la  reli^pon,  les  mœurs  et 
les  arts,  tout  dans  cette  société  naissante  por- 
tait l'empreinre  de  cette  innocence  et  de 
cette  simplicité  qui  ne  peuvent  appartenir 
qu*à  l'enfance  du  monde.  Arrêtons  encore 
nn  instant  nos  regards  sur  un  tableau  si  dif- 
férent de  celui  qu'offre  aujourd'hui  notre 
vieil  univers. 

La  parole  est  le  premier  lien  social  ;  aussi 
la  Bible  nous  apprend  que,  dans  le  principe» 
la  terre  n'avait  qu'une  seule  langue  et  qu'une 
même  manière  de  parler.  Depuis  que  ce  texte 
a.  été  commenté  avec  tant  de  science  et  de 
profondeur  par  l'auteur  delà  législation pri^ 
mitive^  il  est  devenu  la  profession  de  foi  des 
philosophes  même  et  des  incrédules;  en  ef- 
let,  à  quelques  exceptions  près,  tous  recon- 
naissent que  l'invention  de  la  parole  est  une 
.chimère,  que  l'homme  n'a  pu  exister  sans 
parler,  et  que,  s*il  eût  été  muet  à  quelque 
époque  de  son  existence,  il  le  serait  encore. 
Ils  ont  senti  que«  comme  les  chrétiens,  il 
fallait,  sous  peine  de  ne  rien  expliquer,  faire 
tiescendre  le  Verbe  du  ciel.  La  civilisation, 
avec  tontes  ses  lois  et  tous  ses  arts,  n'est 
qu'une  suite  du  langage  ;  ôtez  ce  moyen  de 
communication ,  et  cet  édifice  des  connais- 
sances humaines  qui  s'élève  jusqu'au  ciel, 
sera  interrompu  ;  les  ouvriers  de  Babel  se- 
ront frappés  aune  éternelle  inaction. 

La  langue  des  patriarches  répondait  par- 
faitement aux  besoins,  aux  sentiments  et 
aux  idées  d'une  société  n.'iissanie.  Tout  re 
que  l'homme  invente  ne  se  perfectionne  qu'a- 
vec le  temps,  mais  tout  ce  qu'il  tient  de  Fau- 
teur de  la  nature,  porte  dès  l'abord  le  ca- 
chet de  la  perfection.  J'ajouterai,  pour  les 
croyants,  ao'une  langue  que  les  aus^s  et 
Dieu  lui-même  ne  dédai(;naient  pas  de  par- 


wl  CcJ*.,  xivii,  37. 


479 


PAT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


VAX 


i^ 


hr,  Lovail  eonserver  je  ne  sais  quelle  em- 
preinte divine.  Elle  oure  en  effet  un  modèle 
de  familiarité  sans  t»assesse  »  de  noblesse 
sans  enflure»  et  Timprcssion  fidèle  des  mœurs 
patriarcales.  Point  Je  ces  tours  durs  et  beur- 
t<Ks  qui  annoncent  un  peuple  sauvage»  point 
de  ces  expressions  molles,  délicates  et  po- 
lies, inventées  par  le  luxe  et  la  corruption  ; 
tout  est  simple,  naturel  et  vrai  dans  ce  style 
des  anciens  jours;  il  y  a  là  comme  un  écho 
de  voix  divines  ;  et  en  effet  c'était  du  ciel 
que  la  muse  bébraïque  attendait  ses  inspi- 
rations, et  ses  poètes  étaient  prêtres  et  pro- 
phètes. 

La  religion,  dans  ces  premiers  temps,  était 
simple  comme  tout  le  rester  etc*est  une  chose 
remarquable  que  toutes  les  religions,  à  leur 
naissance,  ont  été  d'une  grande  simplicité. 
Si  nous  voyons  les  Grecs,  dès  leur  origine, 
peupler  TÔlympe,  c'est  qu  ils  ne  voulurent 
pas  abandonner  les  dieux  qu'ils  avaient  ame- 
nés aVec  eux  de  l'antique  Egypte.  Au  reste, 
il  y  a  encore  une  grande  ditférence  entre  la 
théogonie  d'Homère  et  d'Hésiode ,  et  celle 
des  siècles  corrompus  de  la  Grèce  :  au  temps 
d'Homère,  on  n'élevait  des  temples  qu'à  la 
Force,  au  Génie,  à  la  Verlu,  à  la  Beauté  ;  au 
temps  de  Périclès,  tous  les  vices  avaient 
leurs  autels.  A  Rome,  la  religion  de  Numa 
était  d*une  telle  simplicité,  que  quelques 
auteurs  l'ont  regardée  comme  un  déisme 
pur;  sous  les  empereurs,  on  comptait  les 
dieux  par  milliers. 

Les  patriarches  n'avaient  pas,  comme  les 
autres  peuples,  altéré  la  vérité  par  des  fa- 
bles; une  obéissance  prompte  et  absolue 
à  la  volonté  du  Très-Haut,  Tespérance  d'une 
vie  meilleure  qui  devait  les  consoler  des 
maux  de  cette  terre  qu'ils  traversaient  en 
roffogeurSf  selon  l'expression  de  Jacob,  tels 
étaient  leurs  dogmes;  un  autel  de  pierre 
élevé  sur  le  bord  du  chemin  en  mémoire 
d'un  bienfait  du  ciel,  un  sacrifice  où  l'on 
offrait  les  premiers-nés  des  fruits  et  des 
troupeaux,  la  prière  sur  la  montagne  au  le- 
ver du  soleil;  voilà  tout  leur  culte,  toutes 
leurs  cérémonies. 

Jt)  ne  parle  |)as  ici  de  ces  apparitions  et 
de  ces  alliances  mystérieuses,  de  ces  entre- 
tiens fréquents  avec  les  anges  et  avec  Dieu; 
c'est  la  partie  surnaturelle  et  miraculeuse 
de  la  Bible,  et  nous  ne  nous  occupons  ici 
que  de  la  ()artie  morale  et  politioue. 

Une  langue  et  une  religion  suliisent  pour 
civiliser  un  peuple;  le  luie  et  les  arts  ne 
sont  qu'un  superflu.  11  est  yrai  que  les  so- 
ciétés avancées  ne  peuvent  pas  plus  s'en  pas- 
ser qu'un  enfant  de  grande  famille  ne  peut 
se  t^asser  des  aisances  et  des  agréments  de 
la  vie  ;  mais  les  autels  sont  inutiles,  et  le 
luxe  serait  gênant  pour  des  peuples  pas- 
teurs qui  vivent  en  plein  air,  et  qui  n'ont 
d'autre  toit  que  le  dôme  du  ciel.  A  quoi 
servent  les  arts  chez  les  peuples  que  nous 
appelons  civilisés?  à  la  splendeur  de  la  re- 
lijjioB,  de  TEtat  et  des  particuliers  :  la  reli- 
gion leur  demande  des  temples,  des  statues 
e.i  des  tableaux  ;  l'Etat,  des  monuments  di- 
gnes de  sa  richesse  et  de  sa  gloire;  les  par- 


ticuliers, des  objets  qui  flattent  leurs  sm 
et  leurs  passions.  Chez  les  peuples  nomades, 
la  religion  est  trop  simple,  trop  pure,  pour 
avoir  besoin  des  arts;  Dieu  est  )iartoa(,son 
image  nulle  part,  l'univers  entier  est  soa 
temple,  l'Etat  est  pauvre,  oapIulAl  il  n'existe 
pas  encore;  il  n'y  a  que  clés  familles,  les 
particuliers  songent  aux  besoins  et  4u\ 
jouissances  de  la  vie;  ils  sont  bien  là  où  ils 
trouvent  à  manger  pour  eux  et  pour  leur^ 
troupeaux. 

Ces  réflexions  s'appliquent  surtout  «m 
patriarches;  ils  dédaignaient  mèmeragri* 
culture,  le  premier  et  le  plus  utile  des  dri) 
(si  l'on  peut  appeler  un  art  ce  qui  pour  Ie< 
nommes  est  une  nécessité],  mais  I  agricul- 
ture n*était  pas  encore  une  nécessilé  ûm 
un  temps  où  la  nature  avait  une  yW^mié 
féconde.  Chose  remarquable,  ragricultoni 
est  frappée  d'un  égal  mépris  à  la  naissance 
et  au  ueclin  des  sociétés.  Elle  n'est  en  hon- 
neur que  chez  les  peuples  qui,  sans  noir 
perdu  tout  à  fait  leur  simplicité  priniiiiTe, 
ont  appris  à  seconder  la  nature,  au  lieu  Je 
s'abandonner  à  elle.  «(La  principale  occupa* 
tion  des  patriarches,  dit  Fleury,  c'est  km 
de  leurs  troupeaux  ;  on  le  voit  par  toute  lear 
histoire,  et  par  la  déclaration  expresse  (juc 
les  enfants  de  Jacob  en  firent  au  roi  dE; 
gypte.  Quelçiue  innocente  que  soii  l'isrl- 
culture,  la  vie  pastorale  est  plus  piMe,  M 
première  fut  le  partage  de  Cm  et  l'^atro 
d'Abel  ;  elle  a  quelque  chose  deplussiiD(>fe 
et  de  plus  noble;  elle  est  moins pimblcs 
elle  attache  moinsà  la  terre,  ettotttetoiselle 
est  d'un  plus  grand  profil.  Le  vieui  Cai»u 
mettait  les  nourritures,  même  médiocres 
avant  le  labourage,  qu'il  préférait  auxaulrc? 
moyens  de  s'enrichir.  »  il  est  curieui  « 
Yoir  l'abbé  Fleury,  précepteur  d'un  pnnce 
du  sang,  au  milieu  des  pompes  du  xyh' siè- 
cle et  de  la  cour  brillante  de  Louis  XI». 
faire  un  si  bel  éloge  de  la  vie  pastorale.  La 
naïveté  charmante  qui  fait  le  principal  œe- 
rite  de  son  livre  sur  les  mœurs  deslsri^i; 
tes,  présente  un  contraste  frappant  aTece> 
mœurs  de  son  temps,  et  prouve  aue  la  reli- 
gion et  la  vertu  forment  autour  decer» 
hommes  une  solitude  inviolable  où  Ittùm 
ne  saurait  pénétrer.  . . 

Malgré  ce  mépris  des  patriarches  poDH^* 
arts,  la  llenèse  nous  apprend  qu  Abw^"' 
était  très-riche,  et  qu'il  avait  beaucoup^oî 
et  d'argent;  mais  elle  ajoute  qu'il  ♦^of]**^ 
alors  de  l'Egypte.  Nous  lisons  qu'Eljé^'^ 
offrit  à  Rébecca  des  bracelets  etdes{>eD(ljnh 
d*oreilles  qui  pesaient  six  onces  dor;  ^^ 
biiouxavaient-ils  été  fabriqués dansle/^a^^S; 
ce  fait  serait  difficile  à  concilier  arec  ^^^^^ 
ce  que  l'Ecriture  nous  rapporte  des  bamui- 
des  et  des  occupations  ordinaires  des  i»- 
triarches.  il  faut  donc  croire  que  ces  bijou? 
aussi  bien  que  l'or  et  Targent,  avaient  eu. 
apportés  de  l'Egypte;  c'est  toujours  t^"^^ 
mystérieuse  Egypte  que  Ton  rencontre 
première  dans  la  découverte  des  arts. 

Après  avoir  montré  tout  ce  qu  il  )*  ^ 
de  bon,  de  pur  et  de  noble  dans  les  aiœ^^ 
et  dans  les  institutions  |)alriarcales,  u 


Ul 


PAT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAU 


Âfa 


g  ponritre  impartial*  de  direquel- 
•yie  chose  des  TÎces  et  de  la  rudesse  de 
€tat  société  naissante.  Je  ne  parie  pas  de 
r^^larage^  parce  qu'il  était  si  doux  qu'il  ne 
■rfîte  pas  même  ce  nom;  il  est  Yrai  cepen- 
éiatqiie  l*homme  étaitla  propriété  de  rbom- 
■^,  mais  la  douceur  du  mattre  tempérait  ce 

}Qe   cet  état   pouvait   avoir   d*bumiliant. 
est-être  qu*k  Torigine  des  sociétés,  dans 
Tal/seoce  des  lois  protectrices,  il  est  néces- 
iiire  aucune  partie  de  la  population  se  sou- 
■^XXe  a  Fobéissance,  ou  plutôt  à  la  prolee- 
ikui  de  quelques  hommes  privilégiés.  C*est 
par  le  patronage  que  presque  partout  !*es* 
«/ava^  a  commencé;  chez  les  patriarches, 
ies  serviteurs  faisaient  ^lartie  de  la  famillCy 
eu  coffloie  la  iamille  était  le  gouvernement, 
re5clave  avait  la  dignité  du  sujet.  Fixons 
maintenant  notre  attention  sur  la  condition 
ues  frinmes  dans   les   premiers  Ages  du 
nioode. 
(>n  ne  saurai!  croire  combien  les  femmes 
5ont  redevables  k  la  religion  chrétienne  et  à 
Il  cinKsation  moderne.  II  semble  que  les 
uriens  aient  r^ardé  le^  femmes  comme 
a{«parteQant  à  une  autre  nature  que  lliomme, 
lini  ils  ont  mis  de  distance  entre  les  deux 
s^ies.  Les  peuples  modernes  ont  donné  aux 
femmes,  DOtt-scukment  une  existence  socialb 
et  plus  noble  et  plus  douce,  mais  encore  une 
nourelle  rie  morale  pleine  de  délicatesse  et 
r/e  cbarmes.  Lacté  de  leur  affranchissement 
et  du  déreloppement  de  leurs  facultés  dale 
«ie  la  profDulgation  de  TEvangile.  Si  la  ser* 
ritoJe  dorade  Thorome,  elle  dégrade  davan- 
t2^  la  femme,  parce  qu*elle  a  moins  de 
résislaoee  à  lui  opposer  :  voilà  ce  qui  expli- 
ue  celte  nullité  absolue  des  femmes  dauB 
€s  aûcîens  gouvernements.  Plus  on  appro- 
die  da  berceau  du  monde,  plus  cette  domi- 
oaiion  de  Tbomme  sur  la  femme  se  fait  sen- 
tir; ii  semble  qu'on  entende  encore  retentir 
ftixe  malédiction  prononcée  par  un  Dieu 
irrité  :  Fmia  Mertz  sous  la  puissance  de  votre 
■«rû  el  ii  vous  dominera  (452).  Le  pouvoir 
uivital  des  patriarches  était  aussi  étendu 
*\jt\e  pouvoir  paternel,  c'est-à-dire  absolu. 
l!i  étaient  les  seigneurs  de  leurs  enfants  et 
ue  leurs   épouses;  mais  ils  exerçaient  ce 
^^Tfiii  avec  une  espèce  de  dignité  qui  empè- 
c*«ait    fobéissance  de   dégénérer  en  ser- 

l!i  est  des  usages  qui  sont  si  étrangers  à 
n^A  idées  et  à  nos  habitudes,  qui  choquent 
telieiaent  notre  susceptibilité,  que  nous  no 
f<^aroiis  les  expliquer  par  les  règles  qui 
ji/QS  servent  aujourd'hui  à  juger  le  cœur 
l.uaatn.  Ainsi,  dans  la  Genèse,  nous  voyons 
<i^  femmes  présenter  elles-mêmes  une  ser- 
▼lote  à  leur  mari,  pour  en  avoir  des  enfants 
Wiflt  elles  ne  rougissent  pas  de  s'enorgueillir, 
M  les  maris  accepter  ce  présent  avec  recon- 
■«îssance;  nous  voyons  un  père  se  servir 
<ie  rombre  du  voile  nuptial  pour  substituer 
une  de  ses  filles  à  1  autre,  et  le  nouvel 
«poux»  afin  de  ne  pas  exciter  de  jalousie,  les 
{rendre  toutes  deux  pour  femmes.  Notre 


l 


délicatesse  moderne  ne  pardonnerait  pas  de 
telles  mœurs.  Cétaient  pourtant  celles  des 
rois  et  des  plus  saints  hommes  de  la  terre  ; 
c'étaient  aussi  celles  des  héros  d'Homère. 
Mais  îd  la  critiaue  doit  s'arrêter,  et  ne  pas 
chercher  à  soulever  le  ?oile,  car  Dieu  est 
caché  derrière. 

11  est  d'autres  faits  qu'elle  |)eut  blAmer 
avec  moins  de  scrupule,  et  qui  peignent 
cette  rudesse,  quelquefois  cruelle,  qui  se 
mêlait  à  la  simplicité  native  d'un  peuple  du 
reste  si  veclueux  :  la  haine  sanglante  et  la 
longue  querelle  d'Esaû  et  de  Jacob,  la  coi>- 
duite  barbare  des  frères  de  Joseph,  Ta  ven- 
geance pleine  de  honte  et  de  perfidie  que 
Simon  et  Lévi  exercent  sur  tout  un  peuple 
dont  le  roi  avait  fait  outrage  à  leur  sœur, 
prouvent  ijue  les  mœurs  ne  sont  pas  tou- 
jours aussi  parfaites  que  les  lois. 

Terminons  par  une  comparaison  de  Moïse 
et  dHomère,  des  patriarches  et  des  héros. 
On  ne  peut  se  dissimuler,  au  premier  coup 
d'œil,  que  les  Grecs,  au  temps  d'Achille  et 
d'DIvsse,  n'Qussent  un  degré  de  civilisation 
de  plus  que  les  Hébreux  au  temps  d'Abraham 
et  de  Jacob  :  les  uns  ont  des  gouvernements 
et  des  lois,  tandis  que  les  antres  n'ont  que 
des  familles  et  des  mœurs;  la  Genèse  ne 
nous  offre  pas  un  tableau  semblable  à  celui 
que  nous  présente  l'Odyssée.  Lorsque  Télé- 
mi|^ue  assemble  sur  la  place  publique  les 
principaux  citoyens  d'Ithaque,  pour  délibérer 
sur  les  destinées  de  son  royaume,  n'aper- 
çoit-on pas  déjà  Athènes  dans  le  lointain, 
avec  ses  assemblées  populaires?  Chez  les 
Grecs  dépeints  par  Homère,  la  guerre  est 
déjà  un  art,  la  politique  une  science;  chez 
les  patriarches,  la  guerre  n'est  qu'un  acci- 
dent fort  rare,  ce  ou'on  appelle  politique  est 
inconnu.  Mais,  s'il  y  a  de  grandes  différences 
dans  la  vie  publique,  il  jr  a  peut-être  plus 
de  rapport  dans  la  vie  privée  des  hommes. 
Priam,  Nestor,  Abraham,  Isaac,  nous  sem- 
blent contemporains,  et  en  quelque  sorte 
frères;  Nausicaa,  purifiant  dans  une  onde 
pure  les  vêtements  de  la  famille,  fait  un  gra- 
cieux pendant  avec  Rébecca  allant  puiser  de 
l'eau  à  la  fontaine,  où  Rachel  conduisant  les 
troupeaux  de  son  père.  On  retrouve  dans  les 
caractères  la  même  simplicité,  la  mênie 
franchise,  la  même  énerve,  et  quelquefois 
la  même  rudesse.  IÇnfin,  il  est  une  chose  qui 
assure  aux  premiers  Hébreux  une  supério- 
rité incontestable  et  une  merveilleuse  com- 
|.ensalion  ponr  tous  les  avantages  qui  leur 
manquent  :  c'est  la  pureté  de  leur  religion. 
Elle  donne  à  leurs  mœurs  une  auguste  no- 
blesse, qui  surpasse  de  beaucoup  la  gran- 
deur des  siècles  héroïques  :  preuve  évidente 
que  la  vérilablecivilisation  naftde  la  religion. 

Sur  la  longévité  des  patriarches,  toy.  le  m<t 
LONGÉVITÉ  et  la  note  IX  à  la  fin  du  volume,  et 
sur  les  vices  de  l'âge  i«triarcal,  l'art.  Salut, 

S  H. 
PAUL  (SAINT),  arAtrb.  —  Quand  nous 

opposons  aux  [^artisans  du  système  mythi- 
que le  témoi$!nage  du  grand  apôtre  des  gen- 


ii52)  5»^  viri  poUttale  eris,  et  ipu  dominahitur  lui.  {Cen.  m,  16./ 


4S3 


PAU 


DICTIONNAIRE 


tils  en  faveur  des  faits  surnaturels»  ils  se 
contentent  de  nous  répondre  arec  sang- 
froid  :  Paul  est  un  visionnaire  I 

Cette  solution  ridicule  et  banale  com- 
mence à  devenir  à  la  mode.  Les  plus  grands 
hommes  du  christianisme,  les  apôtres,  les 
François  d'Assise,  les  Dominicjue,  les  Ignace 
de  Loyola,  les  François  Xavier,  etc.,  n'ap- 
paraissent plus,  dans  les  histoires  du  ratio- 
nalisme. Que  comme  des  cerveaux  exaltés, 
assez  semblables  aux  Yo^uis  ouauxSann^a- 
sis  du  brahmanisme  indien  [iS3).  On  évite, 
par  celle  suirituelle  invention,  d'appliquer 
aux  vieux  néros  du  catholicisme  Todieuse 
épithète  d'imposteurs;  on  sort  ainsi  du 
point  de  vue  étroit  et  mesquin  du  xviii*  siè- 
cle; on  veut  ménager  nnvincible  répu- 
gnance de  toutes  les  âmes,  et  le  nombre  en 
est  grand,  qui  conservent  encore  au  fond  du 
cœur  quelque  sentiment  catholique.  Mais  il 
n'est  pas  plus  difficile,  dans  l'histoire,  de 
reconnaître  les  fauatiaues  que  les  impos- 
teurs qui  voilent  sous  le  manteau  de  la  reli- 
gion leurs  projets  et  leur  ambition.  L'esprit 
visionnaire  a  ses  caractères  et  ses  marques 
extérieures,  tout  aussi  bien  que  le  calcul  et 
la  fourberie.  Puisque  nos  adversaires  nous  y 
obligent,  nous  aurons  la  patience  de  compa- 
rer avec  les  faits  leurs  suppositions  arbi- 
traires. 

La  vie  de  saint  Paul,  dont  il  s'agit  uni- 
quement ici,  présente-t-elle  les  caractères 
qui  constituent  un  enthousiasme  rêveur  et 
fanatique?  Et  est-ce  une  de  ces  Ames  crédu- 
les^ qu'on  captive  et  qu  on  entraîne  sans 
qu'elles  sachent  résister  ni  conserver  aucune 
indépendance?  Ce  n'est  pas  ainsi  qu'il  appa- 
raît dans  l'Eglise  primitive.  Les  premières 
prédications  des  a|)ôtres,  qui  convertirent 
un  grand  nombre  de  Juifs,  ne  le  (gagnèrent 
pas  à  la  nouvelle  doctrine.  L'admirable 
défense  de  saint  Etienne  devant  le  sanhé- 
drin, son  courage,  son  martyre,  sa  résigna- 
tion, n'adoucirent  pas  la  rudesse  de  ses 
antipathies.  11  est  donc  clair  qu'il  n'était  pas 
une  de  ces  intelligences  qu'entraîne  la  pre- 
mière histoire  merveilleuse  qu'on  jette  au 
milieu  des  masses.  Il  était  trop  éclairé,  il 
avait  trop  d'habitudes  sérieuses  et  positives, 
pour  n'exiger  pas,  avant  de  se  laisser  con- 
vaincre, les  preuves  les  plus  fortes  et  les 
plus  décisives  (&54).  Tarse,  où  saint  Paul 
avait  pris  naissance,  était  une  des  cités  les 
plus  savantes  de  l'Asie  occidentale.  Le  futur 
apôtre  des  nations,  citoyen  romain,  avant  de 

(455)  Voy.  HALLOCINATiON. 

(i54)  c  Oii  vuii  par  rhiBtoire  de  saint  Paul,  dit 
avec  beaucoup  de  raisoo  LiiUetoo,  d^une  manière  k 
n*en  pouvoir  douter,  qu*ii  n^était  rien  moins  que 
crédule.  H  semble  même  avoir  donné  dans  Texcés 
contraire,  puisqu*il  ne  se  rendit  ui  aux  miracles  de 
J  'SU8-<^brist,  dont  il  avait  sans  doute  ouï  parler  à 
Jérusalem,  ni  k  eelui  que  les  apôtres  Pierre  et  Jean 
opérèrent  en  son  nom,  après  sa  résurrection,  sur  ie 
boiteux  qui  demandait  l'aumône  à  la  porte  du  lem* 
pie,  ui  k  Targument  que  saint  Pierre  tirait  de  cet 
événement  eu  faveur  de  la  résurrection  de  Jésub- 
Christ  devant  les  princes  des  prêtre^,  les  magis- 
tiais,  les  anciens  et  les  Kribes,  »  etc.  (Littleton, 


APOLOGETIQUE.  I>AU  ai 

compiler  ses  études  religieuses  dans  Técoit 
de  âamaliel,  connaissait  déjà  la  littéritarv 
sceptique  et  moqueuse  de  la  Grèce.  C'est 
donc  en  vain  qu'on  essayerait  de  le  peindri; 
comme  un  de  ces  esprits  que  Tignorantc 
prédispose  à  toutes  les  illusions.  Nous  le  * 
voyons  en  effet,  même  après  sa  conTer$io&,  J 
manifester  pour  les  fables  et  les  légeoila 
une  souveraine  antipathie.  Il  reocmmaiidel 
ses  disciples  de  ne  pas  laisser  altérer  par  da 
contes  de  bonne  femme  ledépôtsscrédeii 
tradition  évangélique  (^55).  L*esprit  posit 
domine  constamment  toute  sa  Tie.  Orgii» 
sateur  habile  et  patient,  il  gouTerne  m 
une  prudence  constante  et  merfeilleiise  s 
communautés  chrétiennes  qu'il  fonde  à  to^ 
les  coins  du  monde. 

Nous  avons  la  correspondance  de  mi 
Paul  ;  qu  on  y  trouve,  s'il  est  possible,  (piel- 
que  trace  de  l'esprit  visionnaire  I  Est-il  pos- 
sible de  ménager  avec  plus  d'adresse  le< 
Ëréventions  et  les  passions  des  homiotO 
^t-ce  là   quelque  chose  qui  ressemble  ii 
rinQexiMe  raideur  du  fanatisme?  Peakn 
avec  plus  de  modération  tenir  un  coffl/'ie 
sévère  des  circonstances,  des  dilBealtés,  dc^ 
faiblesses  et  des  i mperfections  de  ceoi  qu'il 
veut  convaincre?  Est-ce  là  letonfoosuetii 
d'un  sectaire?  Il  règne  dans  toutes  ces  let- 
tres une  connaissance  si  admirable  de  li 
nature  humaine  qu'il  est  impossililed'éààp' 
pcr  à  l'irrésistible  attrait  qoe/ear  lecture 
inspire.  Pourtant  ce  n'est  pas  une  liabitode 
des  esprits  exaltés  d'observer  ateeunesi 
subtile  délicatesse   toutes  les  faiblesses  du 
cœur  de  l'homme.  Il  y  a  dans  les  cemaoi 
exaltés  trop  d*impatienceetdeYiTacilé(K)Qr 
qu'on  puisse  les  soupçennerd'uneaUenti«ff 
si  minutieuse  et  si  profonde.  Le  seDliaeni 
de  la  réalité  et  de  la  vie  leur  échappe  p 
que  à  chaque  instant  ;  ils  aiment  mm^ 
comme  Swendenborg,   décrire  les  nioinics 
fantastiques  créés  [>ar  leur  imagiuatioqqo^i^^ 
peindre  ie  monde  de  Ja  nature  et  des  fiii^ 
Tel  n'est  pas  le  génie  de  saint  Paul: on b^ 
peut  pas  même   l'accuser  de  ce  pendiaQU 
la  contemplation  qui    tourne  quelq*^ 
les  têtes  faibles.  Rien  n'est  propre  coiuiiie-^ 
mouvement  et  l'action  à  calmer  l'exallai^^" 
d'un  esprit  visionnaire;  et  dans  son ap^sj^^ 
lat,  qui  ne  fut  pas  très-long,  saint  m^ 
rempli  de  sa  parole  et  de  ses  œuvres  m^^^ 
monde  gréco-romain,  tour-à-lour  detaQ^^*^ 
proconsuls,  au  milieu  des  synagogues  tUj^ 
l'aréopage  et  dans  les  palais  de  Néron  \W 

La  religion  chrétienne  démontrée  par  la  fpi«"*^* 
et  Vapostolat  de  saint  Paul,  dans  les  /)*fiiW»'f*"-'" 
de  11.  Tabbé  Migiie.  IX,  colonne  675.) 

ii55)  Anite»  fabulas  devita.  .    ^_. 

.'Epitre  aux  Colossieiu  nionire  l'»ffl»-''^,M 
lui  causait  une  exaluUon  enttioubia&ie  ei  Iv'^^ 
tion  de  la  pîélé.  (Col.  ii,  16-i5.)  .       . 

(4M)  Ou  se  fera  une  juste  idée  des  i^»^* 
travaux  de  saint  Paul  eu  parcourant  ce  Mwo»  ^ 
lieux  oà  il  a  pa,sé  aunonçant  i  Evangile,  tl  4<i>  " 
disposé  selon  Tordre  de  ses  vovages.  . , 

Tarse  en  Cilicie  (Aei.  x\u  59;;  Jer«s»le»  r 
xxu,  5)  ;  Damas  en  Syrie  (Âct.  ix,  8);  rAr«b^.e '^1 
1,17);  Damas  (ibid.)  ;  Jérusalem  (Ad.  Ui  »»  r  «^ 


t<s5 


PAU 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE 


PAU 


486 


l.^  nrcoostaDces  Ton  mis  en  contact  avec 
;joi  d*hommes  elaTec  tant  d*idées  qu*il  était 
t -^possible  que  ses  conrictions  ne  subissent 
(  «5  les  pins  rades  épreuves. 

liais  quand  on  rient  k  considérer  les  cir- 
^astancesde  la  conversion  de  saint  Paul,  il 
c^  impossible  de  Tattribuer,  comme  font 
t^  adrersaires,  an  hasard  fortuit  d'une 
^^ffucination  passagère.  A-t-on  jamais  va 
rimagiiDation  renverser  les  préjugés  et  dé- 
truire tout  d*un  coup  les  convictions  d'une 
vie  entière  ?  Il  faut  qu'une  idée  se  soit  en- 
r^nce  bien  longtemps  dans  un  esprit  ma- 
Ui^  avant  de  lui  faire  voir,  au  milieu  des 
'.e^x,  des  fantômes  éclatants  de  lumière. 
Or  quelles  étaient  les  dispositions  de  saint 
iMal  en  allant  à  Damas?  Etait-il  depuis 
\yfù^emps  sous  Fimpression  de  la  religion 
^N-rreHe?  Etait-il  bien  disposé  à  croire  que 
■r  christ  ressuscité  fût  assis  au  haut  des 
n^u\  sur  on  trône  éternel  ?  Fervent  discî- 
[^v  de  la  Svnagogue,  persécuteur  ardent  du 
'..hstianisme  (UT),  si  TA pôtre  avait  subi 

'inâoence  d^uue  hallucination,  an  lieu  du 
C-'rist  triomphant,  il  aurait  dû  voir  plutôt 
M  Mse  OQ  Etie  Tencourager  à  défendre  la  re- 

.i'jQ  Ténérée  des  patriarches  et  des  pro- 
V  'vèifcs.  Vcs  dkoses  se  passent  toujours  ainsi 


1. 1^1  :  Cénréeiicf.  ix,  SO);  Tarse  (f^.);  la  Sjrrie 
rt  la  Qbât (UL  i,  21  )  ;  Tarse  {Aet.  xi,  25)  ;  Aiilio- 
r  etm  SmeiAa,  xi,  26);  lérusaleai  {Ad.  xi,  30)  ; 
Kfiiotke  em  Sjrîe  {AcL  xiii,  2)  ;  Seleucie  eo  Syrie, 

prcs  àe  rOrHiie  {Aci.  xiii.  A);  Ite  de  Cypre,  iiala- 

m\mt  I J^.  un,  5)  ;  Papbus  (Aet.  xiii,  61  ;  Perge  en 

Pïapfcflie  {Aei.  xui,  15);  Aotlticlie  en  Pjsidie  [Aei. 

lui,  li*,  2;  Tiwu  m.  II);  leonie  an  Lycaotiie  {Act. 
ïi'.  I;  ièid,)i  Ljstre  en    Lycaonie  {Aci.  xiv,  8; 

i«*m'.;;  Aerbe  en  Ljcaouie  [Aci.  xjv,  2U):  Lysire 
ifLut,  21);  konie  {ibid.);  Antiocbe  en  Pisiilie 

•'»ii.f;  Pierfe  {Act.  xiv,  25);  Aiialie  en  Pampbylie 
rï^);  AMiociie  en  Syrie  (Act.  xiv,  26)  ;  Jënisalem 
i'U  XT,  2);  Anlioche  en  Syrie  {Aci.  w,  30);  la 

>|^«  et  b  Ctlide  [Aei.  iv,  41)  ;  Derbe  (Aci.  xvi,  1); 

L.'tre  Ktkid.);  b  Pbrygie  {Aet.  ivi,  o) .  la  Calaue 

'v  1.}  ;  ia  Mysie  {Aet.  xvi,  7);  Troas  en  Mysie  (Act. 

*-M.  s»;  De  de  Samothrace  (Aet.  xvi.  II);  Ncapolis 
«i.»;  Piidippêsett  Macédoine  {Aet.  iti,  12;  P/if. 

0  9,  I  ;  I  TkeM.  ii,  2)  ;  Amphipolis  en  llacétioine 
fx  xTii,  I);  Apollottie    en    Macédoine  (ibid.); 

*«E&&aloiiîqae  en  MacéJoine  {ibid.;  I  The^.  ii,  I); 
'  -*ce  en  MacéJoine  {Aet.  xvii,  10)  ;  Albènes  (Aet. 

1  :.  15,  1  ;  Thet.  m,  I);  Corintbe  en  Achaie  \Act. 
I  IL,  I);  Ct-ucbiée,  le  port  de  Corintbe  {Aci.  iviii, 
*  ^  ;  Epiftéae  en  lonie  (Act.  xviii,  19)  ;  Césarée  (Act. 

'  %  22);  Jérusalem  (ffrîd.);  Auuucbe  eu  Syrie 
-i.-;  U  Pbrygie  (^cf.  xviu,23);  la  Galatie  (tfrid.; 

'--  :%  14,  I  ;  Cor.  ïti,  I);  Epbése  (Aet.  xix,  I); 

Tnai  H  Cor.  Il,  12);  la  Macédoine  (Aet.  xx,  I); 
:7jTne(ffom.  XT,  19);  la  Grèce  (Act.  xx,  2);  Co- 
r.uhcil  Cor.  jv,  19;  xi,54;  xvi,  5;  7/ Cor.  i,  15); 

i  Hj«eitoine  (Aci.  xx,  3)  ;  Pbllippes  (Aci.  xx,  6)  ; 

rr>ju  (f^ûf.);  Assos  {Aci.  xx,  13;  Ile  de  Lesbos, 
JUikne  iwlc  .  xx,  I4);ile  de  Samos  (An.  xx,  15); 
7-'^yte  en  lonie  (ibid.)  ;  Milet  en  lonie  (ibid.)  ;  Ile 
^  l»s  (Aci.  XXI,  I  )  ;  Ile  de  Rbodes  (ibid.)  ;  Paure 
tz  Lycûs  (iéti.);  Tyr  en  Pbéoicie  {Aei.  xxi,  3); 
r.Mewais  (Acf  xxi,7);  Césaréeeo  Iodée  (Aei.  xxi, 
I  :  ièrasalem  (Aet.  xxi,  15)  ;  Césarée  (Aci.  xxiii, 
-3  ;  Sidon  (Ai:i.  xxvu,  3);  Myra  en  Lycîe  (Act. 
uuj,  5)  ;  Ile  de  Crète,  Beaux-Pons  lAei.  xxvii,  8); 
br  de  Malte  (A^.  xxvui,  I);  Ile  de  Sicile,  Syracuse 
4rf.  xsTiH,  I});  Rb^e  en  Italie  {Act.  xxvui,  13); 
'vA&2al  ea  lulie  (tèt'if .)  ;  Marcbé-d*Appiasy  pnès  de 


Suand  il s*a^t d*exal(a(ion ;  jamais  un  sol- 
at  de  la  croisade  n*a  cru  voir  le  prophète 
de  ristamisme  se  monlrerk  lui  rayonnant 
dans  les  cieux.  Les  fiartisans  du  systèmip 
mythique  sont  pourtant  obligés  de  faire  pour 
saint  Paul  une  supposition  complélemeni 
analogue.  Hais  cette  supposition,  tout  ar- 
bitraire qu'elle  est  déjà,  est  en  désaccorii 
avec  les  circonstances  du  récit,  telles  qu'el- 
les sont  rapportées  par  les  Actes  des  apôtres. 
Paul,  en  effet,  ne  crut  pas  seulement  toi  r 
rimage  de  Jésus-Glirist,  maisi!  entendit  sa 
voix,  mais  il  fut  renversé  de  cheval,  mais  il 
fut  frappé  d'aveuglement.  Cet  aveuglement 
surnaturel  et  si  impossible  à  exnliquerfut 
si  complet  que  les  soldats  qni  raccompa- 
gnaient furent  obitgésde  le  faire  entrer  dans 
les  murs  de  Damas,  en  le  conduisant  par  la 
main  (^58).  Il  ne  recouvra  même  la  vue 
qu'après  qu'un  chrétien  de  la  ville,  nommé 
Ananias,  lui  eut  imposé  les  mains  (459).  On 
est  donc  obligé  d'admettre  que  l'hallucina- 
lion  aura  aussi  saisi  tout  d'un  coup  ce  chré- 
tien inconnu,  et  que  laiiôtre,  dont  il-  éta:t 
impossible  de  constater. la  cécité,  aura  été 
guéri  par  la  force  de  son  imagination  préci- 
sément au  moment  même  où  les  mains  d'A- 
nanias  reposaient  sur  sa  tète. 

Rone  (Act.  xxvui.  15)  ;  les  Trois-Tavemet,  prés  de 
Rimie  \ibid.)  ;  Rome  {Act.  xxviii,  Ib)  ;  Ile  de  Créle 
(Tit.  I,  5);  la  Judée  {Utb.  xiii,  23);  ColoMet  m 
Pbrygie  (PkU.  22);  Ephée  (/  Tint,  i,  3);  la  Maré- 
doiue  (Pkil.  s,  26  ;  il,  24)  ;  Nicopiilia  en  Epite  (TU. 
lit,  12)  ;  TAsie  Mineure  (/  Ti m.  m,  14  ;  iv,  13)  ; 
Trous  (il  Tim.  iv,  13);  Milet  {li  Tim.  iv,  20);  Co- 
nnlbe  (ibid.);  Rose  {li  Tim.  iv,  17). 

f  457)  Il  écrivait  eo  effet  aux  Galatea  :  Soium  emm 
9obis  facio^  fratret^  eoaugelium  qmod  esangeliiêtum 
est  a  mtf  ^mia  non  est  $ecundum  hominem  :  ne^ine 
enim  ego  ab  komine  «ccefn  illnd  neque  didici;  sed 
per  revelationem  Je9u  Ckriiti.  AndistU  enim  conver- 
»asionem  meam  atiqmmuio  in  jmdmsww  :  qnmiimm 
supra  modo  m  penequebûr  Eeclenam  Dei  et  expu- 
gnnkam  iilam^  et  proficiehnm  in  jmdniimo  $uffrm 
mmltoê  coœtaneoê  meas  in  génère  meo^  nbi^nd^mlins 
œmulutor  existens  patemanm  mearum  truâiiiemnm. 
(Cal.  1,  tM4.) 

(458)  Ecoutons-le  raconter  loi-nèine  aux  JuTs  les 
circoiisiauces  de  ce  grand  événement  :  Facium  est 
anlem^  ennie  me,  et  apffropinqnanie  Ùamasco  medim 
die^  subito  de  eœio  cireumfui9it  me  lus  eofnoim;  et 
décident  in  ierrom  audivi  vœem  dieentem  miki  : 
Saule,  Sauie,  quid  me  peruqnerit  f  Ego  uuiem  rea- 
pondi  :  Quis  es.  Domine  ?  —  Distique  ad  me  :  Ego 
sum  'JeêUM  Naxarenus^  qnem  tu  persequeris.  Et  qui 
meeum  erani  lumen  quidem  viderunt^  vocem  autem 
non  audieruni  ejus  qui  loquebaiur  mecum.  Et  dirt  : 
Quid  fadam^  Domine  f  Dominus  autem  dixit  ad  me: 
Surgens  tade  Damascum  ;  ei  ibi  iibidicetur  de  onuit- 
bus  quœ  te  oporteai  facere.  Ei  qumm  non  tiderem 
prœ  elaritûle  luminis  t7/t«s,  ad  manum  deductus  a 
eomitibus^  teni  Damascum.  Ananias  autem  quidam, 
tir  secundum  legem  tesiimonium  kabens  ab  ommkms 
eokabilaniibus  fudteis^  remens  ad  me,  et  adstams^  di- 
xii  mihi  :  Saule^  frmier,  respice.  Et  ego  eadem  kora 
respexi  in  eum.  Ai  ilie  dixit  :  Deus  pairum  nostro- 
Tum  prasordinami  le,  «f  eoginoseeres  voltmtaiem  ejus, 
ei  videres  justum,  et  audires  vocem  em  are  efns;  quim 
eris  teslis  illius  ad  amnes  komines^  eorum  qum  widi^ti 
et  audisiu  Et  nmne  quid  moraris  f  Exurge  et  ènpf i* 
Mre,  ei  ablue  peccata  twa,  insocato  nomîne  ifsius. 
lAet.  xiii,t»*l7.) 

(459)  Cf.  Act.  u,  12-20. 


487 


PAU 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAU 


Mais,  si  la  conversion  (i€  saint  Paul  est 
cnmplétemenl  inexplicable  au  point  de  vue 
de  nos  adversaires,  toute  son  existence  l'est 
bien  davantage;  car,  non-seulement  cet 
homme  étrange  a  été  le  |)lus  insensé  des 
hommes,  mais  il  acommuniqué  safolieà  tout 
ce  qui  l'environnait.  Toute  sa  vie  il  .a  cru 
0{)ércr  des  miracles,  et  il  a  fait  accepter 
cette  prétention  à  une  inflnité  d'hommes. 
Saint  Luc,  médecin  d'Antiocbe,  esprit  cul* 
tivé,  com [Mignon  des  travaux  et  des  prédi- 
cations de  IVkpôtre,  nous  a  laissé  une  bis* 
toire  complète  de  tous  ceux  qu'il  a  vus  de 
ses  yeux  ou  touchés  de  ses  mains.  Les  juifs 
ou  les  païens  convertis  par  saint  Paul  dans 
tes  villes  les  plus  savantes  et  les  plus  scep- 
ti()ues  de  l'ancien  monde,  ont  cru  aussi  aux 
miracles  de  l'Apôtre.  Il  les  a  pris  plus  d'une 
fois  à  témoin  de  la  vérité  des  prodiges  qui 
éclataient  parmi  eux,  avec  une  assurance  qui 
respire  la  conviction  la  plus  complète.  Ses 
lettres  sont  là  pour  l'attester  (MO).  Dira-t-on 
que  cet  homme  singulier  avait  le  pouvoir 
extraordinaire  de  bouleverser  toutes  les 
têtes,  etque  sa  parole,  pleine  de  fascination, 
rendait  visionnaires  les  esprits  les  plus 
simples  7  Mais  c'est  là  une  supposition  si 
exorbitante,  tellement  en  désaccord  avec 

(i60)  4  Ce  Paul,  il  calme  et  si  modeste»  dît  le  doc* 
t<  or  Tlioluck,  |iorle  de  pouvoirs  exiraordi mires,  de 
miracles  ei  de  prophélies,  comme  de  dioses  qui  ren* 
ireni  iJans  le  cercle  ordinaire  de  son  eipérience.  11 
parle  lui-même  de  ravissements  merveilleux  qu'd  a 
epiouvés  (II  Cor»  xii,  2),  quoique  ici  même  oa  re- 
connaisse encore  sa  modesiie,  car  11  n'eu  fait  men* 
lion  que  dans  ce  passage.  Les  Aeteê  ont  raconté  les 
iniraHes  que  Paul  a  opérés;  il  parle  lui-mênie  des 
prédications  et  des  œuvres,  àe$  prodigei  et  des  mi' 
racUi  par  iesqueU  H  a  propagé  P Evangile*  {Rom.  xv, 
19;  li  Cor,  XH,  li).  Les  Actes  des  apôtres  ont  parié 
du  don  miraculeux  des  langues  chez  les  confesseurs 
du  Seigneur.  Paul  remercie  Dieu  deeequ*il  possède 
«;e  don,  et  même  à  un  degré  émineot.  (i  Cor.  xiv, 
I8.)*  Mais  nous  reconnaissons  encore  ici  sa  modes- 
tie. En  effet,  pour  extiorier  ses  frères  dans  une  iau- 
gueconnuo,  il  est  dispotié  à  sacrilier  cet  état  exiaii- 
que  qi.i  aviit  tant  de  charmes  p«iur  celui  qui  s'y 
trouvait  plongé.  L*appaiitiou  du  Christ  gtoritfé  in- 
dique le  moment  où  Paul  changea  de  vie«  (Aet,  xxit, 
iO;  XXVI,  15.)  Dans  ses  EpUres,  il  parle  de  cet  évé- 
nement comme  du  plus  iiuportaut  de  son  exisience; 
mais  si,  d*unc  part,  il  Tonde  sur  cette  apparition  sou 
dniii  et  son  élévation  i  l'apostolat  (  1  Cor,  u,  1  ), 
d'un  autre  celé,  il  la  raconte  avec  rhumiliié  que  lui 
âubpirait  la  pensés  d*avoir  jusi|ue-là  persécuté  le  Fils 
de  Dieu.  {4  Cor.  xv,  8,  9.  )  Les  Actes  des  apôtres 
Tont  mention  de  nombreuses  uianirestations  et  de 
forces  miraculeuses  au  milieu  de  TEglise,  et  Paul 
les  présente  comme  un  fait  généralement  connu  des 
dirétietfs.  (i  Cor.  xti,.8-i0, 14.)  i  (Tholuck,  Cr^t* 
tiUté  de  Cnistoire  évangélique^  traduction  De  Vairo- 
|$er,  40e,  408.)— <  Saint  Paul,  dans  ses  Epitres,  dit 
un  écrivain  une  M.  de  Chateaubriand  a  beaucoup 
vanté,  paile  ues  dons  miraculeux  comme  de  quelque 
dmse  de  trés-connu.  11  les  appelle  les  dons  du  Saint- 
t2«prit,  et  quelquefois  le  Saint-Esprit.  Celui  qui  vou- 
drait éter  de  ses  Epitres  tous  les  endroiis  où  il  en 
Ifarle,  eu  éterait  sans  doute  une  des  plus  considéra* 
lilês  parties,  c  A  Tun,  dit-il,  est  donné  par  l'Eiiprit 
la  parole  de  sapiaice,  et  à  Tautre,  selon  le  meute 
Esprit,  U  parole  de  connaissance;  et  à  Fautrela  fui 
ea  ce  même  Esprit;  et  à  fautre  les  dons  de  guérison 
en  ce  môme  Esprit  ;  et  à  T^utre  dçs  opérations  de  . 


tous  les  fisits   de  l'expérience,  qu'eHc 
mérite  même  pas  les  honneurs  d'une  ij 
cussion  sérieuse. 

H.  Salvador,  en  écrivant  son  livre  de /^n 
Christ  et  ea  doctrine^  n'a  pas  accepté  rhv| 
thèse  de  Strauss  pour  expliquer  la  couvi 
sion  et  Tapostolat  de  saint  Paul.  Il  lui  i 
porte  assez  peu,  dans  son  enthousiasi 
judaïque,  de  ménager  Thonneur  des  fooi 
teurs  de  l'Eglise  primitive.  Pour  M,U\^ 
des  nations  est  un  esprit  adroit  bien  piui 
qu'enthousiaste;  un  de  ces  caractères  ru* 
et  inflexibles  qui  sont  disposés  i  tout  £t 
pour  le  triomphe  de  leurs  idées  (461).  L 
crivain  juif,  qui  continue  d'Holbach  et  V 
taire  (462),  ne  paraît  pas  professer  unegrao 
estime  pour  1  exégèse  nouvelle.  Après  an 
réfuté  le  professeur  de  Tubiasue,  nousooi 
retrouvons  donc  vis-à-vis  de Tbvpothèsed 
xviii*  siècle,  q[ue  les  hommes  de  ïkxki 
H.  Salvador  n  abandonneront  qu'à  la  dei 
nière  extrémité,  tout  en  essayant  d'adouc 
ce  qu'elle  présente  de  trop  insupportable. 

Cependant,  la  supposition  qui  veut  &ir 
de  saint  Paul  un  homme  sans  mivAm 
sincère,  n*est  pas  moins  en  désiecon/  «ici 
les  faits  que  l'hypothèse  mythiooe(U3).0{i 
serait  alors  nécessairement  m4  ^^  ^^ 


vertus  ;  et  à  Taotre  la  prophétie;  et  à  Tutn  le 
de  discerner  les  esprits;  et  à  Tautre  la  divmhé  i 
langages  :  mais  ce  seul  et  ménie  Esprit  iiitiM(| 
eetckoses,  distribuant  pariicoltéreneoi  liéjN 
selon  qu*il¥eut.  » — Vous  voyez  eomioeni  laifliN 
suppose  en  passant  ce  fait  comme  un  fait  il(ip| 
rience,  et  oue  chacun  connaissait.  CependaDt,ilc 
remarquable  qu*il  ne  s*agit  pas  làd'ua  seuidef 
dons,  mais  de  plusieurs  dons  luirsculeni,  ei  ^ 
sont  même  à  couvert  d^illusion  et  d*artiic«. 
quand  on  aurait  pu  supposer  que  eeruiies 
avaient  re^u  le  don  de  parler  des  Uoian,  ( 
ces  gens  n*auraient  pas  été  dëme ntÎM  d*abonl 
des  personnes  qui  savaient  vériiableffleoi 
toutes  ces  langues-1^,  comment  y  en  poufait-it 
d'autres  qui  expllquaieoi  les  langues  et  qui( 
daient  les  gens  de  toutes  les  nations,  et  A'is^ 

Suérissaient  les  malades,  et  d'autres  ^i  ^^^ 
es  venus,  et  qui  avaient  la  foi  des  miracb?^* 
(Abbahie,  Traité  de  la  vérité  de  la  religiouckrfii» 
u*  8«^ction, ck.  11.)  , 

(4;BI)  c  Paul,  dit-il,  Adèle  à  son  principe  de  r<" 
toutes  les  formes  pour  arrivar  k  ses  fins.  >  i^^ 
non,  11,  352.)  —  Du  reste.  M.  Salvadoreu  irii^ 
liarrasiié  sur  ce  terrain,  car  il  incline  aiUen»''' 
garder  saint  Paul  comme  dupe  des  illusM^.^^ 
imagination  et  de  sa  nature  passionnée.  <  ^}^}^ 
pie  de  toutes  les  Smes  impétueuses  «ti^^*"' 
sait  ni  hair  ni  aimer  k  demi.  Une  de  ces  f»»»^ 
à  regard  de  Técole  naissanle  succéda  pronpi^i^ 
dans  son  cœur  à  1  autre.  1—4  Peui-^tre  soii  ira^j 
proie  aux  agiotions  insépamblex  de  srs  pr<*^ 
crut-elle  voir  un  décret  du  ciel  dans  Quelque 
téore  inattendu.  »  (Salvados,  ibidem,  tl\  ^  ;f 

(462)  Cf.  0  Holbach,  Histoire  critique  de  Ui 
Christ^  Tableau  des  saints.  Examen  criu^^ 
vie  et  des  ouvrages  de  saint  Paul;—  ^^ 
Dictionnaire  philosophique,  article  Paul,  et  t 
important  de  milord  Bolingbroke.  —  L'écola  v 
rienne  copiait  Julien.  (Cf.  S.  CvaiLLE,  coniu  l 
livre  III.) 

(463)  Quoique  nous  ayons  déjà  Jugé  YW 
mjtbiqne  appliquée  àPhistoirede  8si»t  rs\iu 
sommes  bien  aise  de  reproduire  iei  <|Qoqii 
flexions  d>in  des  éaivains  les  plus  disung 


09 


PAU 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAU 


410 


loir,  diins  sa  eonversioti  et  dans  son  apos- 
t liât, rien quan calcul  ;  dans  ses  souUrances 
d'Ions  sa  fie,  rien  qu*une  combinaison  de  la 
|ioIûi<iue  humaine.  Mais,  quand  on  Yient  à 
fercfMirtcraax  circonstances  dans  lesquelles 
fiint  Paul  altandonna  le  indaïsme»  il  devient 
itiMiiiimenl  impossible  aaccepter  une  soin- 
(inn  toute  pleine  d'embarras  et  de  contra- 
diilions. 

On  feint,  en  effet,  d'oublier  quelle  était 
k^KualioD  des  chrétiens  de  la  Syrie,  quand 
mira  Tévénement  de  la  route  de  Damas, 
ib  rhrislianisme  était  proscrit  à  Jérusalem  ; 
Eoenoe  venait  d'être  mis  à  mort;  la  Syna- 
ftçne  afait  donné  des  ordres  impitoyables 
ffKirlaire  rentrer  par  la  violence,  dans  Tu- 
nitp  nationale,  les  sectateurs  de  la  nouvelle 
(gli5€. Humainement  parlant,  la  cause  du 
Àristianisme  semblait  perdue. 

F^mJaut  ce  temps-là,  Paul  s'avançait  à  la 
t^tedes^s  soldats  sur  la  route  de  Syrie.  11 
P'flsique  s'il  prenait  la  défense  de  la  reli- 
:?Q0  nouvelle,  il  remplirait  le  monde  du 

mil  de  sa  doctrine  et  de  son  nom.  Il  rêva 
<i<i;n<iuA(ede  l'univers,  et  il  entreprit  sur- 
>;^)i4nip  de  tromper  la  Synagogue,  les  sol- 

it^  les  apôtres,  les  chrétiens  et  la  postérité 
*' Hiitme.  C'est  là  le  plan  qu*on  lui  sup- 

l^/^.Sais  plus  on  le  représente  politique 

^t  pradeot,  moins  une  pareille  idée  devait 

if^^ri  son  esprit.  S'il  était  dominé  par  la 
la^iootles  richesses,  que  devait-il  attendre 
A  ce)  communautés  chrétiennes  qui  fai- 

^|^s|De  tbéologîque.  Elles  prouvent  qu'au  delà 
*Kb  le  trouvent  des  esprits  émiiiente  pour  pro- 
^ffcottut  lea  excentriciiés  de  la  nouvelle  exé- 
^•(Posrquol  atlacbe-t-oii  si  peu  d'importance 

tini>oinTi\anl,  dont  la  dépositiou,  appréciée  à  sa 
*>le«r,  toflirait  seule  pour  renverser  dans  la 
^m  toute  recule  de  critique  sceptique.?  Qu*on 
2,<^P|Klle  I^bI  prenant  plaisir  à  voir  lapider 
min;,  ravageant  l'Eglise  chrétienne,  allant  par- 

*  ^>as  le»  maisons  pour  en  arracher  les  hommes 
itb  tomes  et  Its  jeter  dans  les  prisons,  ne  res- 
^tcooire  les  disciples  que  menaces  et  carnage, 
^aaidtt  frand  prêtre  des  lettres  pour  les  svna- 
^  de  Damas,  afln  d'avoir  Tautorisation  d  em- 
^  pieds  et  poiugs  liés  à  Jérusalem  tous  ceux  qui 
H^  adopté  la  nouvelle  doctrine.  Qu*on  se  repré- 
'^^QMite  ce  persécuteur  des  chrétiens  s*arrétaut 
«|OQr  dans  sa  route,  et  eela  non  par  su  te  de 
r^rt  renseignements  obtenus  des  disciples,  ou 

*  ^therdies  laitea  sur  la  réputation  que  Jésus 
21  hitiée  dans  le  peuple,  m  as  par  suite  d*un 
m'oeiiiprormid  et  iu&iantané  survenu  dans  son 
p  diani^ement  si  grand  qu*il  devint  le  premier 
r^pioQ  du  christianisme  et  surpassa  tous  les  au- 
r  ipôtres  par  le  géuie,  le  zèle  et  la  puissance  de 
P^trines et  de  ses  œuvres,  et  au*on  demande 
^l^^ui  mythiques  et  aux  natuialistes  Texplica- 

*  <>e  celle  énigme  psychologique.  Si  ce  cliaiige- 
^f  c^dû  à  l'apparition  du  Seigneur,  comme  il  tn 
7^*\  touveot  témoignage  devant  les  tribunaux, 
fr^oe est  résolu;  mais  alois  prenez  tous  vos 
paeouires  et  tout  votre  arsens.!  de  critique  my- 
n^iu*  i^^'^*  dans  les  abîmes  les  plus  pro- 
^'  de  la  mer.  Si  ceue  apparition  n'était  qu  une 
P*^>gorie  ou  une  illusion,  expliquez  noub  alors 
r|'"<*i)i«tie  a  pa  produire  tout  à  coup  la  lumière 
r'^nie  de  Tidée  curétienne  la  plus  profonde.  Ici 
l^'^^ue  $*sgiic  dans  un  cercle  vicieux  de  conjec- 

•  <^i«  fait  violence  à  toutes  les  lois  de  la  psy- 

l>lCTtO!(!i4IBE    APOLOGETIQUE.    11. 


saient  de  la  pauvreté  la  première  loi  de  leur 
existence?  Si  c'était  la  soif  du  pouvoir  qui 
le  jetait  dans  une  pareille  folie,  il  devait  sa- 
voir, par  tout  ce  qui  s'était  passé  sous  ses 
yeux,  que  les  chefs  de  la  nouvelle  doctrine 
n'avaietit  trouvé  jusqu*iei  que  des  fers,  des 
opprobres  et  des  persécutions.  D'ailleurs,  il 
connaissait  la  Synagogue;  ne  savait-il  pas 
qu'elle  n'accepterait  point  de  sa  pnvi  une 
pareille  imposture?  Ignorait-il  que  les  sol- 
dats qui  raccompagnaient  étaient  dévoués 
au  sanhédrin?  qu'on  pourrait  à  chague  ins- 
tant les  citer  en  témoignage  contre  lui,  quand 
il  raconterait  le  prétendu  miracle  arrivé  sur 
la  route  de  Damas?  Pouvait-il  encore  penser 
que  les  chrétiens  recevraient  sans  déûauce, 
au  milieu  de  leurs  rangs,  un  homme  qui 
les  avait  si  cruellement  persécutés?  Com- 
ment peut-on  admettre  qu*Ananias,  qui  n'a- 
vait jamais  vu  l'Apôtre,  se  soit  prêté  tout 
d'un  coup  à  favoriser  sa  grossière  impos- 
ture? On  est  donc  obligé  de  supposer  que, 
quand  même  il  aurait  voulu  inventer  le  mi- 
racle de  sa  conversion,  il  n'aurait  jamais  pu 
par  là  réaliser  un  projet  aussi  extravagant 
que  celui  qu'on  veut  bien  lui  prêter.  £n 
outre,  il  aurait  rencontré  toute  sa  vie  les 
mêmes  difficultés.  Comment  aurait -il  pu 
faire  croire  aux  chrétiens  des  Eglises  qu'il 
fondait  que  la  nature  obéissait  en  esclave  à 
sa  voix?  Comment  aurait-il  pu  leur  dire 
que  ce  n'était  pas  par  l'éloquence  humaine, 
mais  par  la  vertu  des  miracles  qu'il  les  avait 

chologle  et  de  la  physique,  elle  mutile  eonipléie* 
ment  le  fait  pour  le  livrer  au  sortir  de  ses  mains 
comme  Tenfant  sans  vie  arraché  violemment  du  seiu 
de  sa  mère.  L'apparition  dans  laqiielle  Jésus.se  ma- 
nifesta à  Paul,  sa  cécité,  sa  guérison  par  Ananie, 
son  baptême  et  son  Institution  comme  apétre  et 
témoin  du  Seisi  eur,  et  la  seconde  apparition  dans 
le  temple  de  Jérusalem,  où  le  Christ  lui  renouvela 
les  mêmes  recommandations,  le  remplirent  d*une 
sainte  certitude  de  la  résurreetian,  et  cette  convic- 
tion fut  encore  confirmée  plus  tard  par  le  témoi- 
gnage oculaire  des  apôtres,  comme  il  le  fait  enten- 
dre. (/  Cor.  XV,  4-8.)  Aussi,  Jésus  crucifié  et  res« 
suscité  devint-il  le  thème  principal  de  ses  prédications. 
Dans  une  question  où  tout  est  intuition,  sentiment, 
eipérience  et  rapport  immédiat  des  témoins  les 
plus  dignes  de  foi,  institués  par  Jésus  lui-même,  uni 
pourrait  donc  avoir  Timpudence  de  parli-r  de  mythe 
et  devenir  vous  dire  que  <  Paul,  le  fougueux  adver- 
c  saire  du  christianisme,  s'est  laissé  détourner  de  la 
c  persécution  par  un  prestige  illusoire,  et  a  ajouté 
c  foi  au  bruit  de  la  it^surrection  que  les  apôtres 
c  avaient  fait  courir,  et  qui  circulait  alors  parmi  le 
c  peuple?  »  Une  circonstance  qui  n^est  pas  sans  im- 
portance, c*est  qu'aussitôt  après  Tapparition,  et 
avant  d*avoir  vu  les  apôtres  tt  par  conséquent  pu 
recevoir  d'eux  des  renseignements  plus  précis  sur 
rhistoire  de  Jésus,  Paul  commença  aussuôt  à  an- 
noncer la  révélation  du  Fils  de  Dieu  dans  TEvangile» 
(Cf.  Cal.  1, 15-19.)  —  Gomment  expliquer  cela,  si  ce 
n*est  par  une  illumination  immédiate  qui  exclut 
toutes  les  légendes  et  toutes  les  suppositions  de 
persuasion  résultant  des  récits  des  dîselples?  Ltt 
apôtres  le  reconnurent  aussi  par  la  suite  comme  on 
témoin  appelé  par  le  Seigneur  lui-même,  ce  qu*ils 
n'auraient  certainement  pas  fait  s'ils  n'a\  aient  pas 
cru  à  la  vérité  tie  cette  apparition,  i  (Eschknmater, 
hckariotisme,  iv,  Preuves  contre  ropinlon  mythi- 
que.) 


191 


PAU 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAU 


A 


amenés  h  ta  connaissance  de  la  vérité?  C'est 
là  pourtant  te  langage  qu'il  tient  avec  assu- 
rance è  des  hommes  élevés  dans  les  défiances 
et  dans  les  doutes  du  paganisme  et  de  la 
philosophie  1 

Si  quelqu'un  s'avisait  de  calomnier  se- 
rleusement  le  grand  caractère  de  TAiiûtre 
des  nations,  je  n'eiigerais  de  lui  qu'une 
seule  épreuve,  ce  serait  de  lire  la  collection 
de  ses  lettres  renfermées  dans  le  canon  du 
Nouveau  Testament.  On  respire  dans  chaque 
ligne  de  ces  pages  sublimes  un  parfum  de 
sincérité  qui  |)énètre  jusqu'à  I  Ame  sans 
qu'on  puisse  s'en  défendre.  Le^rand  évéque 
de  Constantinople,  saint  Jean  Chrysostome, 
rien  qu'en  lisant  les  épitres  de*  TApôtre, 
avait  contracté  dans  cette  étude  une  irrésis- 
tible affection  |)our  leur  auteur.  Saint  Paul 
vit  en  effet  tout  entier  dans  sa  correspon- 
dance avec  ses  tristesses,  avec  ses  joies, 
avec  ses  fatigues,  avec  ses  consolations, 
avec  toute  sa  grandeur  et  avec  toutes  ses 
souffrances.  Il  épanche  son  âme  tout  entière 
dans  le  cœur  des  fidèles  qu*il  a  convertis  à 

(ICI)  i  La  piété  de  cet  apôtre,  dit  Abbadie,  éclate 
en  tant  de  manières  dans  ses  Epitres,  qu*on  ne  p«'ut 
la  croire  fausse  et  affectée  sans  se  faire  violence. 
€ir,  quand  un  homme  se  contraindrait  dans  une 
occasion,  le  moyen  quM  se  contraigne  de  la  même 
«one  pendant  tout  le  cours  de  sa  vie ,  dans  toutes 
ses  aciions,  dans  toutes  ses  paroles,  dans  la  manière 
de  dire  les  choses,  qui  est  souvent  plus  capable  de 
découvrir  le  fond  du  cœur  que  les  choses  mêmes 
que  Ton  dit?  Je  sais  que  rhypocrisie  se  couvre  de 
Texiér  eur  et  des  apparences  de  la  vertu  ;  mais,  en 
vérité,  il  y  a  toujours  un  je  ne  sais  ({uoi,  un  air  sim- 
ple et  naturel  dans  la  véritable  vertu,  qui  ne  se  trou- 
ve pas  dans  Thypocrisie;  ou  plutôt,  Phypocrisie  nVsC 
pas  si  habile  et  si  éclairée ,  qu'elle  ne  se  découvre 
d'un  côté  ou  d'un  autre ,  et  qu'une  parole  qui  lui 
ccbap|>e  iie  la  fasse  vi)ir.  Je  conseiiScepcndani  qu'on 
examine  les  Eplires  de  saint  Paul,  pour  voir  si  l'on 
y  remarquera  rien  que  de  naturel  ei  de  sincère.  Se- 
raii-il  possible  que  du  sein  de  la  malice  et  de  la  per- 
fidie d  un  homme  qui  %ienl  accuser  sa  nation  d'un 
crime  qu'il  sait  être  faux,  sortissent  tant  d'exhorta- 
tions à  craindre  Dieu,  si  fortes ,  si  touchantes  et  si 
répé  ées,  qu'elles  remplissent  les  écrits  de  saint 
Pa;.l;  celle  humiliiéqui  i  apporte  tout  à  Dieu  comme 
au  centre  du  Lien,  nous  disant  avec. tant  de  vérité  : 
Qu'as  lu  faii  que  lu  ne  l'aies  reçu?  Et  si  tu  l'as 
reçu,  pourquoi  l'fu  glorifies-tu?  Nous  soniuKS  à 
vous,  vous  êtes  à  Christ  •  et  Christ  est  à  Dieu;  ei 
qu'on  en  \li  sortir  celte  horreur  pour  le  vice,  qu'il 
ne  perd  aucune  occasion  de  témoisneri  et  qu'il  ex- 

Îriiiie  d*une  manière  si  vive  et  si  forte?  »  (âbbadie, 
railé  de  la  vérité  de  la  religion ,  2*  section ,  cb. 
il.) 

(4G5)  I  Sa  charité  ne  se  découvre  pas  moina  sen- 
siblement dans  ces  soins  si  passionnés  qu'il  a  de 
aanctiflt-r  ses  frères.  Toutes  ses  Eplires  ue  soni 
qu'un  tissu  de  tendres  exhortations,  ou  plutôt  de 
prières  ardentes  qu'il  leur  fait  à  s'aimer  les  uns  les 
autres.  Il  veut  qu'ils  vivent  sobrement,  justement  et 
religieusemenL  II  s'adresse  aux  serviteurs  et  aux 
maîtres,  aux  pauvres  et  aux  riches,  aux  pères  et 
aux  enfants,  aux  Jeunes  gens  et  aux  vieillards.  N'é- 
tant préoccupé  pour  personne  et  ue  haïssant  per- 
sonne, il  s'épanche  en  actions  de  grâces  et  en  béné- 
dictions pour  tous,  il  leur  tient  uu  langage  tendie 
et  touchant  ;  Il  les  appelle  ses  petits  enfants,  ses 
bien -aiinés,  ses  euitaïUes,  sa  gloire  et  sa  couronne. 
Et  quel  éat  son  but  en  leur  parlant  de  cette  ma- 
nière? C'eet  de  leur  Inspirer  l'umour  de  Dieu  et  ce- 


la vérité  et  à  la  justice.  Son  amoor  de Dieg, 
qui  est  immense  (&64)  etqQis'élèTequet* 
uuefois  jusqu'au  ciel  par  des  élans  dum 
éloquence  pleine  de  majesté  et  de  poési(| 
son  amour  de  Dieu  ne  fait  que  dilater  li 
sensibilité  naturelle  de  son  âme  elle  rendcf 
plus  compatissant,  plus  doux,  plus  miséri* 
cordieux  pour  les  souffrances  de  sesfrèrci 
dans  le  Seigneur  (i65).  Sa  condescendanix 
est  pour  eux  si  sublime  et  si  forte,  qui 
s*humilie  profondément  pour  les  coDsoier 
de  leurs  faiblesses.  Il  va  jusqu^à  leur  n* 
conter  les  temi^étes  de  son  flme  ellestuoiiil^ 
tueuses  agitations  de  son  cœur.  Il  a  bidj 
soin,  à  cnaque  instant,  de  rappeler  qgi{ 
toutes  les  merveilles  qui  se  sont  faites fi 
lui,  c*est  la  vrAce  de  Dieu  qui  les  a  û|)érée& 
On  sent  qu'il  est  plus  à  Taise  quand  ilpark 
de  ses  fautes  et  de  ses  misères,  (|QeqiiaRd 
il  est  obligé  de  faire  valoir  les  privilèges da 
son  apos'tolat.  11  n'y  a,  dans  aucune  de  sa 
pages,  rien  qui  sente  ce  retour  sursoie 
même,  ni  ces  subtilités  d'orteil  que  les 
ambilieui  ne  savent  pas  dis^imaler  (Mj, 

lui  du  prochain,  i  (Abb4Die,  ibid,) 

(466)  t  Dans  son  EpUre  aux  tphéMm{(àn,ia], 

il  se  nomme  lui-même  le  moindre  deiSiiuU.ud2u 

sa  première  aux  Corinthiens  (chap.  xr),  il  ^ii  qril 

est  le  dernier  des  apôtres  et  qu*il  ne  oériie  puiul 

d*éire  apêtre,  ayant  persécuté  TEglise  de  kM- 

Christ.  Et  dans  sa  première  jk  Timolliée  (ebip.  1)  : 

C*eil,  dlt-il,  une  parole  de  foi  et  dipe  iétrt  repu 

avec  ioumiision^  que  Jéius-Chriit  eitmuiuiU 

monde  pour  muoer  Us  pécheurs^  exire  M^b  jt 

$ni$  le  premier.  Mais  fat  obtenu  ïïttûmfii,^^ 

que  je  fusie  le  premier  en  qui  JétuMriH  \^  pt * 

raitre  toute  sorte  de  patience^  pour  imir  it  u^t 

à  ceux  qui  croiront  en  lui,  pour  avoir  Utitttnéit 

II  est  vrai  que  dans  la  second.;  EpUreauxC^mt^i 

(chap.  m},  il  dit  qu*il  n*a  élé  inféiar  en  lieflsu 

plus  grands  des  apôircs.  Hais  cousidêrOQt  ïvxi- 

sion  qui  lui  a  anaché  c(s  paroles.  In  faux  (lu^ 

teur  employait  contre  lui  fintrigue  ei  la  a\mw, 

avait  fait  révoquer  en  douie  son  aposiolalpanoi*^ 

Coriiiibiens.  Ne  pas  soutenir  coulre  celle  aUsq«!3 

dignité  apostolique  eût  été  trahir  son  devoir  e(  Il 

charge  que  Dieu  lui  avait  conliée.  Il  était  dooc  for» 

de  se  faire  justice  à  lui-même,  etdesjuieDircee»* 

raciére  d*ou  dépendait  tout  la  succès  et  Peffitiei». 

de  son  ministère  parmi  eux.  Mais  de  quelle  dia'^I 

le  fait-il  ?  Ce  n*est  point  avec  celte  vaniié  i  ^V^i 

se  livre  un  homme  orgueilleux,  quand  il  p^ttU'"' 

ver  roccaston  de  se  vanter,  ni  par  no  puiupesi  <>' 

tait  des  prodiges  et  des  miracles  quM  avait  op^ 

dans  les  différentes  parties  du  monde;  mh  puaie 

exposition  simple  et  modeste  des  travaux  sass  ooa- 

bre  qu'il  avait  soufferts  dans  la  prédicauVn  de  li- 

vangile.  Il  se  contente  de  leur  rappeler  qi*e  1rs prfv 

ves  de  son  apostolat  avaient  paiu  dans  losie^^rte 

de  patience,  dans  les  miracles,  les  pr« dig« e*''* 

effets  extraordinaires  de  la  puissance  diviiic-  (litt^ 

xii,  12.)  Pouvait-il  lien  dire  de  moins,  ei  cette»»; 

nière  de  se  gloriOer  u*esi-elle  pas  1  buoiilii^  ta^^ 

Il  s*eu  excuse  pourUni  plusieurs  fols,  et  leur  reft|e 

souvent  que  c*est  malgré  lui  quil  parie  de  lûm^ 

me,  encore  que  ce  fût  pour  sa  défeose.  tiOfs^^* 

dans  la  même  Epîire  et  dans  la  nicoie  occasioo.  " 

pai  le  de  son  ravi>seni<  m  au  ciel,  avec  quelle  ^"*' 

destie  ne  le  fait- il  pas?  Il  ne  se  nomme  poist  li"' 

même.  Je  connais,  dit-il  (chap.  xiij,  aa  *«"*?'* 

Jésus'Chmt^  qui  a  été  ravi  jusqu'au  troitièiat  f^ ' 

et  linmédiaieiiieiil  apnés  il  ajoute  :  Je  me  t<j^^ 

dit-il,  de  peur  que  qtielquun  ne  m'estime  «s-^t^. 

de  ce  qu'ti  voit  m  moi  ou  de  ce  qu*il  entend  de  w»** 


4î*3 


PAU 


D1CTI0N?ÎA1IIE  APOLOGETIQUE. 


PAU 


491 


Oo  ne  fera  jamais  croire  à  quelqu'un  de 
v^flsé  que  lliomme,  oui  a  tiré  de  son  Ame 
l<  magnifique  éloge  aè  la  charité,  que  tout 
'uréùen  derrait  relire  sans  cesse  (467),  n*ait 
Hé  qa*an  rusé  sectaire.  La  langue  de  Ta- 
Dioar  difin  ne  s'imite  pas;  la  parole  des 
lo^es  ne  tombe  jamais  sur  des  lèpres  cor- 
rompues. Dieu,  dans  sa  bonté,  n'a  pas  per- 
rJs  qu'une  bouche  indigne  pût  profaner 
1»  mystères  du  ciel  ;  et  ou  ne  pourrait  mon- 
trer, dans  les  écrits  des  imposteurs  ou  des 
hi|Vicriie$,  quelque  chose  qui  ressemble  à 
Il  merTeîlleuse  correspondance  de  fApdtre 
'1*^  Dations. 

La  Tie  de  saint  Paul  est  là  comme  sa  pa- 
rjle  pour   protester  contre   ces  odieuses 
i-u{iutitions;  et,  quelle  vie  que  celle-là  I 
TrifaiJIer  de  ses  mains,  paraître  devant  les 
ir^roosuls,  traverser  les  émeutes,  parcou- 
rir les  mers,   s'arrêter  devant  les  synago- 
.-ues,  braver  toutes  les  puissances  humaines, 
v.'lertTan  bout  du  monde  à  l'autre  avec  la 
T^Wlé  de  l'éclair,  telle  a  été  l'existence 
•:*nn  bomme  qui,  pendant  quelques  années, 
L  renipli  de  toute  son  activité  la  société 
çrcco- romaine  (M8}.  Quand  on  étudie  avec 
noe  sérieuse  attention  l'apostolat  de  saint 
Paal,  il  est  ini|>ossible  de  saisir  l'apparence 
«!u  calco).  U  ne  reste,  dans  les  cités  qu'il 
cna^élise,  qee  pour  y  trouver  des  persecu- 
ti'»ns  et  4fs  comtMits.  Quand  l'épreuve  va 
tiOT,  (foao'J  la  tempête  va  s  apaiser,  quand 
ij  reeooDaissance  et  l'amour  des  fidèles  se 
Iféf^rent  à  environner  leur  apôtre  bien- 
â'nié,  à  le  consoler  de  ses  fatigues  et   à  le 

t.H«M  ii  phn  contraire  i  Pesprit  de  vanîf é  et  ii  la 
r-tû^ae  de  ees  enthoasiasles  qoi  a*aitribuent  des 
nTisttaeals  ei des  visions,  ei  qui,  croyant  n*en 
iT«r jamais  asseï  dit  sur  ce  sujet,  en  remplissent 
te  tatmea?  Cette  retenue  ne  suffît  pas  encore  à 
unaJestie:  Uy  ajonie  l'aven  de  ses  infirmités,  et 
vmioBaiiqv'allei  lui  oni  été  données  conune  un 
rvure-poiôs ,  pour  empêcher  que  la  grandeur  de 
Ks  rêrélatiotts  ne  réle\àt  ouu-e  mesure.  Il  est  bon 
^?  resarqaer  ici  qu*il  avait  eu  ee  ravissement  on 
Ijue  TisioB  du  paradis  quatorze  ans  auparavant.... 
Mais  n  ae  parle  de  cette  vision  même  que  pour  ré- 
p««idre  i  «■  faui  .docteur,  et  renferme  en  trois 
pintes  ce  qu^il  en  dit,  s^eicasant  souvent  d*étre 
uUife  d*ca  parier.  II  ne  se  fait  pas  même  uu  mérite 
^  neoés  de  ses  travaux  apostoliques,  quHI  relève 
P'iBcipaleaMut  dans  cette  Eplire.  Car  voici  comme 
<*  s  es  ciplîqoc  dans  iz  pr<>mière  Eplire  à  la  même 
k^  (chap.  m)  :  QttVil  Paul  ei  qu'e$t  Apollon  ?  C# 
^  iOMtqtu  ks  mbùitres  de  celui  en  qui  vous  avez 
^ni.  ekicun  idon  U  don  qu'il  a  reçu  du  Seigneur. 
^'*i  flanii^  Apollon  a  nrroU  ;  mata  c^esi  Dieu  qui 
<  iuMé  taeeroiMêemeni.  Or^  celui  qui  plante  nVsl 
^^^  n  celui  qui  arrou;  maii  Dieu  snU  qui  donne 
^^^oûsARMi.  Et  dans  un  autre  endroit  de  la  mè- 
^  Epitre,  il  dît  (cbap.  xv)  :  Ceêt  par  la  grâce  de 
<v«  que  je  suis  ce  que  je  iuit.  (LiTTLeroBC,  La  con- 
tnuoa  ei  Capostolat  de  sainl  Paul,  dans  lus  Démonê- 
<'^«tt  émingéliques  de  M.  Migne,  IX,  col.  977-78. 
^Cr.^eDcore  AaainiE, 2' section,  ch.  11.) 
.  [^'î)  Combien  reléve-i-il  IVxcelleuce  de  la  cha- 
'Ue?  Quand  je  parlerait,  dit-il,  le  langage  des  hom- 
^tt  mémeU  langage  des  anges^  si  je  n^aivoinî  la 
'T^f/e  suis  comme  l" airain  qui  résonne.  Quand  je 
'^^irikiuTais  tout  uwn  bien  aux  pauvres  et  que  je  li- 
natis  «OK  ewps  pour  être  brûlé,  si  je  ii*ai  point  de 
'^^nU,  cela  ne  me  profite  de  rien.  La  charité  eH 


récompenser  de  ses  peines,  c'est  alors  qu'il 
s'en  va,  voyageur  éternel,  semant  partout 
dans  les  sillons  du  monde  paien  cette  pa- 
role de  Dieu  qu'il  ne  veut  pas  garder  cap*^ 
tive.  Il  ii'v  a  pas,  dans  toute  Thistoire  de 
lantiquité,  uu  seul  homme  peut-être  qui 
ait  plus  rapidement  franchi  les  espaces  et 
méconnu  toutes  les  difficultés.  Il  ne  s'arrête 
que  dans  les  fers  ;  et  encore,  l'Evangile  n'est 
r»as  enchaîné  avec  lui,  et  il  prêche  Jésus* 
Christ  jusqu'au  fond  des  cachots  (469). 
^  Est-il  possible  de  supposer  qu'il  ait  rêvé 
l'incompréhensible  triomphe  du  christia- 
nisme sur  cette  vieille  société  romaine  si 
corrompue,  si  forte,  si  éternelle  en  appa* 
rence?  £st*il  possible  qu'il  ait  entrevu  à 
l'horizon  des  siècles  les  triomphes  de  la 
croix?  Ne  se  faisait-il  pas  illusion  sur  la 
puissance  de  sa  parole  et  de  sa  prédication? 
Oh  I  non  ;  car  il  répète  à  chaque  iustant  que 
l'Evangile  doit  paraître  à  tous  un  scandale 
et  une  folie,  qu'il  n'est  qu'un  avorton,  que 
le  christianisme  a  contre  lui  les  sa^es,  les 
nobles  et  les  savants,  que  les  chrétiens  sont 
!e  rebut  du  siècle,  et  que,  s'ils  n'avaient  pas 
Tespérance  de  la  vie  éternelle,  ils  seraient 
les  plus  misérablesde  tous  les  hommes  (470k 
Mais  savez -vous  pourquoi  l'apôtre  allait 
toujours  ainsi  en  avant  comme  poussé  par 
une  main  invisible?  Savez-vous  pourquoi 
sa  parole  franchissait  les  mers  et  volait  lus- 

Îp  aux  extrémités  du  monde,  pourquoi  les 
ers  ne  l'arrêtaient  pas,  pourquoi  les  magis- 
trats ne  pouvaient  contenir  la  prédicatioiî 
de  l'Evangile,   pourquoi  les  peuples  gron* 

d'un  esprit  patient  :  elle  se  montre  bénigne.  La  chM- 
rite  n^est  point  envieuse.  La  charité  n*use  point  d'in^ 
solence;  elle  ne  s'enfie  point  ;  elle  ne  se  conduit  pas 
malhonnêtement,  elle  ne  cherche  point  son  propre 
profit;  elle  ne  u  dépite  point;  elle  ne  pense  point  à 
mai;  elle  ne  se  réjouit  point  de  tinjustice  ;  mais  elîe 
u  réjouit  de  la  vérité.  Elle  endure  tout ,  elle  croit 
tout,  elle  espère  tout.  Voilà  quelle  est  l'idée  que  saint 
Paul  avait  de  la  charité.  On  y  voit  la  forée  du  bon 
sens  et  de  la  vraie  vertu ,  et  non  pas  les  faiblesses 
et  la  bizarrerie  de  la  superstitlou.  U  préfère  la  cha- 
rité aux  dons  miraculeux.  On  voit  bien  là  Tespritde 
la  vraie  religion.  (Abbadie,  Traité  de  la  vérité  de  la 
religion,  2*  sectiou,  41.^ 

(468)  L*Ap6tre  écrivait, en  effet,  aux  Corinihiena, 
en  parlant  de  lui-même  :  in  laboribus  plurimis,  in 
carceribus  abundantius ,  in  plagis  supra  modum,  in 
mortibus  fréquenter.  A  Judœis  quinquies  quadragc" 
nas,  una  minus  accepi.  Ter  vtrgts  cœsus  ium,  semel 
lapidatus  sum,  ter  naufrafium  feci,  nocte  et  die  in 
profundo  maris  fui,  in  itinenbus  sœpe,  periculis  fiumi- 
ttum,  paiculis  latronum^  periculis  ex  génère^  pericu- 
lis ex  gentibus,  periculis  m  civitate ,  periculis  in  so- 
litudine,  periculis  in  mari^  periculis  in  falsis  fratri- 
bus  :  in  labore  et  œrumna,  in  vigiliis  multis,  in  famé 
et  siti,  in  jejuniis  multis,  in  frigore  et  nuditate.  Prœ- 
ter  nia  quœ  extrinsecus  sunt  instantia  mea  quotidia- 
aa,  sollicitudo  omnium  Ecclesiarum.  Quis  infirmatur 
et  ego  non  infirmor?  Quis  seandalizatur  et  ego  non 
uror  ?  Si  gloriari  oportet,  quœ  infirmitatis  meœ  aaml, 
gloriabor.  (Il  Cor.  xi,  23  et  aeq.) 

(469)  in  Evangelio  laboro  ustpu  ad  vincula,  quasi 
maie  operans  :  sed  verbum  Des  non  est  alligatum. 
Ego  fton  solum  alligari,  sed  et  morî  paratus  sum 
propter  nomen  Domini  Jesu.  (Il  Tim.  ii,  8.) 

(470)  Presque  toutes  ces  paroles  sont  de  saint  Paul 
lui-même. 


495 


PEC 


DICTIONNAIRE 


daient  en  vain  contre  ce  céleste  messager 
qai  venait  réveiller  dans  leurs  cœurs  la 
vertu  endormie  ?  C'est  qu'un  jour  Jésus- 
Christy  Verbe  de  Dieu  fait  chair,  avait  quitté 
la  splendeur  des  cieux  pour  venir  choisir 
lui-même»  au  milieu  des  loups  dévorants, 
ce  fils  de  Benjamin»  rebelle  et  persécuteur, 
et  en  faire  le  grand  apdtre  (Vli). 

PAUL  (saint),  apôtre,  que  pensait-il  du 
«élibat?  toy.  Célibat.  —  Ses  Èpitres,  Yoy. 
Mtthishe,  I  iV.  —  Ses  prétendus  débats 
avec  saint  Pierre,  suivant  M.  Quinet.  Voy. 
Pierre  (l'apôtre  saint)  §  II. 

PAULIN  (saint);  erreur  de  M.  Beugnot  à 
son  sujeL  Voy,  Aristocratie  gallo-romaine, 

5". 
PAULUS,    théologien  -  naturaliste.     Voy. 

Naturalistes. 

PAUTHIER,  ses  idées  sur  l'influence  re- 
ligieuse de  riiide  antique  refutées.  Voy.  In- 

Z^IANISME. 

PAUVRE.  Voy.  Elus,  i  II.  , 

PEAU,  son  histoire  au  point  de  vue  de  la 

diversité  des  races  humaines.   Voy.  note 

XVIIià  la  fin  du  volume. 
PÉCHÉ  ORIGINEL. 

Soperfoo  slnipo. 
(Dakts,  ItifernOf  cant.  tu.) 

«  La  croyance  que  l'homme  est  déchu  et 
dégénéré,  dit  Voltaire,  se  trouve  chez  tous 
les  anciens  peuples.  Aurea  prima  sala  est 
4Btas^  est  la  devise  de  toutes  les  nations. 
<fc72).  » 

Cet  aveu  de  Voltaire  vaut  à  lui  seul  tout 
«n  volume  de  preuves.  Ajoutons  que  non- 
seulement  tous  les  peuples  de  la  terre  ont 
cru  l'homme  déchu  et  dégénéré^  mais  encore 
qu'ils  l'ont  cru  déchu  de  la  manière  et  avec 
les  circonstances  qui  prêtent  le  plus  à  l'in-^ 
crédulité  dans  le  récit  de  Moïse  :  un  fruit 
défendu,  un  esprit  mauvais  se  glissant  sous 
la  forme  du  serpent  auprès  de  la  femme  ; 
celle-ci ,  séduite  par  ce  serpent,  séduisant  à 
son  tour  l'homme;  tous  les  matix  de  l'es- 
pèce humaine  dérivant  de  cette  transgres- 
sion, et  la  race  entière  punie  pour  la  feule 
de  son  chef,  voilà  le  fond  commun  de  toutes 
les  traditions  de  l'univers.  Ce  fait  imposant 
est  acquis. 

De  là  je  tire  un  raisonnement  sans  ré- 
plique en  faveur  de  la  vérité  de  ce  fonde- 
ment de  notre  religion. 

Tant  de  peuples,  si  divers  en  tout  le 
reste,  si  séparés,  si  dispersés,  ne  peuvent 
se  trouver  d'accord  sur  un  fait  unique  que 
parce  que  ce  fait  s'est  réellement  passé  à 
l'époque  de  leur  commune  origine,  et  a  fait 
une  impression  profonde  sur  la  source 
même  du  genre  humain;  et  c'est  bien  le  cas 
de  s'écrier  avec  Cuvier  :  —  EUhI  ponible 
que  ce  $oit  un  eimple  hasard  qui  donne  un 
résultat  aussi  frappant?  —  Les  idées  de  peu- 
ples oui  ont  si  peu  de  rapports  ensemble, 
dont  la  langue^  la  religion^  tes  mœurs^  nont 


APOLOGETIQUE.  PEC  45 

rien  de  commun^  s'aeeorderaient-ellei  m  t 
point,  si  elles  n'avaient  la  vérité  pourbast 
Le  fait  sur  lequel  nous  raisonuonseof 
moment  est  un  fait  complexe,  singulier,  di 
plus  mystérieux,  et  dont  les  détails  carac 
téristiques  sont  tirés  d*un  ordre  eniièn 
ment  surnaturel  :  d'où  il  suit  qae  Tunivei 
salité  de  croyance  sur  ce  fait  est  dauui 
plus  inexplicable  si  elle  ne  tient  à  sa  pn 
fonde  vérité,  et  gue  l'argument  de  Tilliuii 
géologue  grandit  de  toute  rélrangotéd 
sujet  auquel  nous  l'appliquons. 

Pour  faire  concevoir  notre  pensée,  qrf 
nous  soit  permis  de  descendre  à  une  coo 
paraison  bien  simple. 

Je  suppose  qu'un  fragment  de  carte» 
donné,  et  qu'il  présente  une  coupure d-' 
et  régulière.  Si  d'autres  morceaux  de 
sont  rapportés,  et  que,  par  le  rappu. 
ment,  elles  s'adaptent  exactement  au  pi. 
juier  fragment,  il  y  aura  lieu  de  croire  qi 
cet  accord  n'est  pas  l'effet  du  hasard,  et  pn 
vient  de  l'union  primitive  de  leurexisteoe 
Mais  je  suppose  maintenant  qu*au  lieu  ( 
présenter  une  coupure  droite  et  réguliè« 
le  premier  fragment  soit  tout  ce  qu'on ir 
imaginer  de  {mus  bizarre  et  de  plus  im 
gulier  dans  sa  conformaYion  :  alors  Tépreu 
sera  beaucoup  plus  décisive,  et  si  les  autr 
fragments  viennent  s'enchâsser  eiacteo»' 
dans  tous  les  caprices  de  la  découpure  dufr: 
ment  supposé,  on  aura  la  plus  forte  preu 
de  leur  sincérité  respective  et  de  leurp* 
mitive  unité:  et  Ce  moyen  est  précisée 
la  plus  haute  garantie  matérielle  auai 

f)u  inventer  les  hommes,  de  la  sincérité 
eurs  accords  à  travers  les  espaces  im 
par  la  navigation,  et  qu'à  cet  effet  ils 
appelé  charte-partie  (carte-partie). 

Cette  comparaison  s'applique  d*e]le-Q)êil 
à  notre  sujet. 

Si  les  traditions  universelles  n'éuu 
d'accord  avec  le  récit  de  Moïse  que  sur 
lait  simple  que  l'homme  est  îiéchu  el  d^ 
néré,  ce  serait  déjà  une  grande  preuve 
la  vérité  de  ce  récit.  Mais  ce  n*est  pas  4 
lement  sur  l'ensemble  du  récit  quecell 
cord  existe,  c'est  aussi  sur  ses  déiaib,^ 
tails  des  plus  sinçulier^  Qu'ya-l-iU 
effet,  de  plus  sinsuiler  que  ceci  :  le  ^ 
humain  tout  entier  déchu  dans  le  mail 
la  faute  d'un  premier  homme;  la  déchc« 
de  ce  premier  homme  venue  elle-aita<^l 
la  femme;  par  la  femme  en  rapport  aicc 
être  surnaturel,  malfaisant,  et,  cequilj 
de  plus  particulier,  se  produisant  sou» 
forme  d'un  animal,  plus  particulièrem 
sous  celle  du  serpent?  —  Certes,  perso^ 
ne  disconviendra  que  toutes  ces  circou^i 
ces  ne  soient  singulières,  bizarres;  eti 
crédulité  à  qui  je  m'adresse  en  ce  moffl' 
ira  même  jusqu'à  m'accorder  qu  elles 
raissent  absurdes  ;  du  moins  c'est  ce  qu'( 
a  toujours  dit,  c'est  la  seule  arme  qu*< 
oppose  à  la  vérité  de  ce  fondement  de  no 


«/l*V^?/  ïï;/****^  CHàSSAV,  Le  Christ  et  lEvan^     chrét.  dém.  parla  eonvers.  et  ravouoi  di  S.  Pt 
gtle,  L  il  (  Allemagne  )  ;  -  Littleton,  La  relighu         (i72)  EssM^rleV^^ϝnJ^^^ 


iîî 


TEC 


DICTIONNAIRE  ÂroLOGETIQ!JE« 


PEG 


498 


Tligion.  Eb  bieni  c*est  par  cetle  arme 
Déine  qQ*elJe  est  vaincue  :  car  toutes  ces 
;jrroo5l3nces,  surtout  celles  qui  choquent 
»plib  par  leur  apparence  d*al)surditéy  ayant 
«ssédans  les  traditions  universelles,  sont 
iereotteSy  par  cette  absurdité  même,  au* 
in(  darpmeots  invincibles  de  la  parfaite 
^(é  da  récit  de  Moïse ,  auquel  ces  tra- 
itions Tiennent  de  toutes  parts  s'adapter  ; 
Iresl  le  cas  de  dire  ce  mot  célèbre  :  Credo 
tinaiiurium.  —  Ouï,  plus  les  circonstan- 
e$  caractéristiques  du  récit  de  Moïse  sont 
Innges,  io? raisemblables,  absurdes  si  vous 
ouiei,  plos  il  est  impossible  que  le  sens 
DuioiuD  les  ait  universellement  et  identi- 
wement  imaginées  chez  tous  les  peuples 
Il oioode,  et  s> soit  invariablement  attaché 
mi  00  grand  fondement;  et  plus  il  est 
értssaire  d'admettre  que  c*est  le  fait  lui- 
éw  qui  s*est  imprimé  dans  la  tradition 
rimJtiTe,  avec  une  telle  force  que  tontes 
H  traditions  successives  et  universelles  en 
alirardérempreinte. 

De  (|uelqae  côté  qu'on  envisage  Tesprit 
mm,  il  est  impossible  d'expliquer  l'accord 
laiTffsel  sur  ce  point,  autrement  que  par 
^^if\iiy  et  la  vérité  à  sa  plus  haute  puis- 

^ule  mystère  du  péché  originel  choque 
Il riiiûfl  humaine,  plus  il  soulève  de  con- 
i^Kiions,  plus  il  est  obscur,  incompré- 
Mule,  impénétrable,  moins  est-il  croyable 
pli  se  soit  insinué  naturellement  dans 
ri['rit  (le  tous  les  hommes,  et  que  l'uni- 
tf^t'jut  entier  se  soit  pris  à  l'imaginer  et 
krroire  identiquement  ;  car,  ce  qui  paraît 
brde  i  une  personne,  le  doit  paraître,  à 
nu  forte  raison,  à  deux,  à  trois,  à  cent, 
^que  le  <eii«  eomnmn  s'oppose  de  plus 

I  plus  à  son  admission. 

Q«esion  veut  faire  la  part  la  plus  large 

II  faiblesse  de  Tesprit  humain,  et  le  su|>- 
Hrr  accessible  aux  impressions  les  plus 
Blastiques,  j  y  consens  ;  mais  cela  même 
[s'opposer  encore  invinciblement  à  raxl- 
ioioQ  uniferselle  et  permanente  d'une 
^terreur:  car  celle  facilité  même  de 
iH*ritàla  recevoir  et  è  la  forger,  donnera 
cot^t  à  cette  erreur  une  rivale  et  une 
Htière.  Si  une  même  erreur  pouvait  être 
kéraiement  approuvée,  ce  serait  celle  qui 
i*e.ublerait  à  la  vérité,  et  qui  serait  ron- 
[B^e  aux  dispositions  naturelles  de  l'es- 
Pitumain.  7oii«  /fa  peuples  ont  pu  adorer 
^^iil,  dit  fort  bien  Malebranche  :  Pour^ 
^■Ce$t  que  cei  aetre  éblouit  généralement 
^  l<ts  kommee.  Mais  si  un  peuple  insensé  a 
^^  Ui  souris,  un  autre  aura  adoré  les 

^*}m  cAté  donc  qu'on  envisage  l'esprit 
^iîQ,  soit  sous  le  rapport  du  sens  com- 
'o«  qui  en  fait  le  fond  et  qui  se  refuse  è 
^^  lonjjiemps  et  uniformément  le  joug 
l^treor,  soit  sous  le  rapport  de  sa  dis- 
^uion  k  se  séduire  lui-même  ou  à  être 
^U  qui  fait  varier  Terreur  suivant  le 
^l<  et  les  lieux,  on  arrive  toujours  à  ce 

^*^^i  E9trfiien$  i»r  la  métaphysique,  xni. 


résultat,  que  plus  une  chose  s'éloigne  de  la 
vraisemblance,  plus  elle  est  bizarre  et  sin- 
gulière, moins  elle  a  de  chance  d'tmirer- 
salité  et  de  perpétuité;  et  que  dès  lors,  si 
elle  présente  ces  caractères,  c'est  nécessai- 
rement qu'elle  a  à  sa  base  et  dans  son  fond, 
un  principe  de  vérité  primitive,  d'autant 
plus  puissantt  quMI  aura  ea  à  combattre, 
pour  se  maintenir  également  partout,  ses 
propres  apparences  d  erreur. 

II. 

De  la  lentalioo  du  premier  homme,  —  Hiérarchie  des 
êtres,  proereaston  ascendanie  et  progression  descen- 
dante. ~  Les  esprits  supérieurs  bons  et  mauvais.  — 
Relations  entre  les  êtres  spirituels.  —  Esprits  sapè- 
rienrssoomis  à  l'épreuve,  leur  chute.  —  Le  serpent. 

On  fait  cette  objection  :  «  Qui  pouvait  ten* 
ter  Adam  dans  le  sens  de  l'orgueil  et  de  l'é- 
goïsme?  N'était-il  pas  seul  au  monde  avec 
une  compagne  aussi  sainte  que  lui?  » 

Non,  Adam  n'était  {Mis  seul.  L'homme 
appartenant  par  son  corps  au  monde  visible 
de  la  matière,  et  par  son  ême  au  monde 
invisible  des  esprits,  était  le  centre  où  l'or- 
dre total  des  choses  créées  prenait  son 
unité.  Dieu,  pour  établir  l'ordonnance  du 
progrès  indt^Gni  des  êtres,  entre  le  néant  et 
lui,  avait  dû  se  servir  de  deux  éléments^ 
Tun  de  petitesse,  qui  est  la  substance  maté- 
rielle, loutre  de  grandeur,  qui  est  la  subs- 
tance intellectuelle,  d'où  il  élait  arrivé  au 
point  de  rencontre  nécessaire  entre  l'une 
et  Tautre,  qui  est  l'homme.  L'homme,  ainsi 
placé  à  la  frontière  des  corps  et  des  esprits, 
le  premier  de  l'ordre  inférieur,  et  le  der- 
nier de  l'ordre  supérieur,  avait  avec  tous 
les  deux  des  rapports  qui  constituaient 
leur  unité;  car,  s'il  n'eût  eu  de  commerce 
qu'en  bas  ou  en  haut,  le  mouvement  gé- 
néral de  la  création,  au  lieu  de  remonter 
sans  interruption  jusqu'à  Dieu,  se  fût  brisé 
à  son  centre  même,  ne  laissant  pas  le  moyen 
de  concevoir  pourquoi  le  Créateur  eût  voulu 
et  fondé  l'ascension  progressive  des  êtres. 
Cardes  êtres  qui  n'ont  point  d'action  les 
uns  sur  les  autres  se  demeurefit  étrangers, 
et  leur  super^iosition  hiérarchique,  au  lieu 
de  former  une  harmonie,  ne  fait  que  don- 
ner au  chaos  l'apparence  de  Tordre.  Adam 
était  donc  uni  aux  deux  hémisphères  du 
monde,  par  des  rapports  réels,  et  loin  d  être 
perdu  dans  la  solitude  d'une  oisive  perfec- 
tion, il  était  de  tojutes  les  créatures  celle 
qui,  correspondant  è  plus  de  choses,  donnait 
et  recevait  plus  de  vie.  Dès  lors  sa  tenta- 
tion était  une  œuvre  aussi  facile  que  logique, 
et  l'on  ne  peut  la  contester  qu'en  soutenant 
l'une  de  ces  trois  propositions  :  ou  qu'il 
n'existe  pas  d^esprits  supérieui-s  à  l'homme, 
ou  que  ces  esprits  n'ont  point  de  relation 
avec  l'homme,  ou  enfin  que,  placés  sous  la 
loi  du  libre  arbitre  et  de  l'épreuve,  aucun 
d'eux  n'a  pu  faillir  et  tenter  l'homme  dans 
le  sens  du  mal.  , 

Qu'il  y  ait  des  esprits  d'une  nature  plus 
élevée  que  la  nôtre,  il  est  aisé  de  s'en  con- 
vaincre,  en  considérant  le  spectacle  dis 


490 


PEC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEC 


soo 


tshoses  lel  qu*il  nous  apparaît.  Le  monde 
^t  Yisiblement  composé  d'une  suite  in()é- 
finie  d^étres  qui,  des  })lus  obscurs  degrés  de 
^organisation  de  la  vie,  s*élèvent  lentement 
les  uns  au-dessus  des  autres,  dans  une 
Toriété  féconde  dont  le  terme  inférieur  ne 
se  découvre  nulle  ]>art.  Quelque  loin  que 
nous  descendions  à  travers  les  abtmes  de 
la  nature,  le  vide  ni  le  néant  ne  s*y  mon- 
trent jamais;  li  où  notre  œil  s*arrète,  le 
pressentiment  ne  s*arr6te  pas,  et  si  la  science 
vient  k  créer  quelque  instrument  qui  ac- 
croisse notre  vision  du  côté  de  Tinfiniment 
petit,  nous  comptons  avec  stupeur,  plusieurs 
mondes  dans  une  goutte  d'eau.  Comment 
st)  ferait-il  que  la  progression  ascendante 
des  6tres  fût  moins  riche  que  leur  progres- 
sion descendante?  Comment  la  toute-puis- 
sance divine  se  serait-elle  épuisée  dans  la 
diminution,  et  une  fois  parvenue  è  la  limite 
où  commence  l'esprit,  n'eût-elle  trouvé 
aucune  ressource  pour  en  multiplier  les 
degrés?  Est-il  possible  de  le  croire?  Est-il 
possible  de  s'imaginer  que  l'homme  soit  le 
sommet  de  la  création,  et  que  le  don  de 
rinlelligence  ne  se  soit  épanoui  qu*à  tra- 
vers les  langes  et  les  ombres  du  corps?  Il 
est  vrai,  nous  ne  voyons  pas  de  nos  yeux 
sensibles  la  hiérarchie  des  esprits  purs; 
mais  voyons-nous  toute  celle  des  corps? 
Avons-nous  pénétré  jusqu'au  fond  du  fir- 
mament pour  y  saisir  la  dernière  étoile,  et 
jusqu'aux  entrailles  de  la  terre  pour  en 
arracher  les  derniers  secrets?  Le  monde 
matériel  se  dérobe  h  nos  regards,  et  nous 
nous  étonnons  que  le  monde  spirituel  ne 
se  livre  pas  à  leur  effort  grossier  1  Nous  le 
découvrons  pourtant,  mais  en  la  manière 
de  connaître  qui  lui  est  propre  ;  c'est-à-diro 
par  rinlclliiçcnce,  par  cette  loi  de  la  pensée 
que  nous  appelons  l'analogie,  et  qui  ne  nous 
permet  pas  de  briser  une  progression  au 
point  où  elle  perdrait,  par  cette  rupture,  sa 
valeur  et  sa  raison  d'être,  La  multiplication 
hiérarchique  des  esprits  est  la  conséquence 
nécessaire  de  la  multiplication  hiérarchique 
des  corps  inanimés  e|  des  corps  vivants: 
ou  bien  il  faut  admettre  que  Dieu  a  n\pins 
tenu  aux  créatures  intelliçentes  qu'aux  vers 
de  terre;  qu'il  a  moins  fait  pour  approcher 
les  êtres  de  lui  que  pour  les  en  éloigner. 
Cela  n'est  pas  possible.  Tout  a  été  conçu  et 
exécuté  pour  les  êtres  capables  de  connaître 
et  d'aimer;  l'amour  est  le  principe  de  tout, 
la  raison  de  tonl,  la  lin  de  tout,  et  par  con- 
séquent, c'est  dans  les  êtres  qui  en  ressen- 
tent le  mouvement  qu'il  faut  chercher  la 
plénitude  des  opérations  de  Dieu.  Si  Dieu 
a  été  fécond  à  l'endroit  de  la  poussière  in- 
sensible ou  simplement  animée,  il  Ta  été 
raille  fois  davanla^ije  à  l'égard  de  cette  glo- 
nt'use  substance  qui  pense  et  qui  veut. 
S'il  a  distribué  la  poussière  en  phalanges 
innombrables  diversement  pétries,  il  a  bien 
autrement  compté  et  rangfe  la  seconde  en 
bataillons  distincts  de  puissance  et  de  gran- 
deur. 

Que  je  dise  h  un  philosophe  rationaliste 
^ue  les  étoiles  sont  vides,  qu'aucun  habitant 


doué  de  raison  n'y  fait  son  séioar,  Len 
prendra  occasion  de  blasphémer  le  christia- 
nisme, lui  imputant  de  séparer  la  malièix; 
de  l'esprit  et  de  peupler  l'espace  de  mondes 
sans  cause  et  sans  objet.  Et  si  je  lui  oorre 
un  horizon  plus  vaste  que  celui  de  l'éibcr, 
si  je  le  conduis  par  delà  tous  les  globes 
lumineux  dans  l'espace  pur  et  intelligibie, 
il  s'étonne  que  je  veuille  lui  donner  des 
habitants  dignes  de  lui,  plus  rapprochés  de 
Dieu,  entrevoyant  de  plus  près  le  M 
éblouissant  de  son  éternelle  gloire  I  Mais 
quoi  I  c'est  la  démence  ordinaire  à  qui  fuit 
la  vérité  ?  Les  anciens  n'en  étaientpas  atleinL^ 
comme  nous,  parce  que,  moins  riches  de  lu- 
mière Que  nous,  ils  ne  sentaient  pas  k 
besoin  d'en  combattre  l'éclat.  Rien  ne  leur 
était  plus  familier  que  la  notion  desesprlLs 
et  l'on  serait  tenté  de  croire  qu'elle  {vissaii 
en  eux  avant  la  notion  mèmeaelaDiTiniié. 
Ils  ne  se  persuadaient  pas  que  rhoaiiuc, 
tout  grand  qu'il  fût  ,  combiftt  suilisaïa- 
ment  Tablme  qui  le  sépare  de  Dieu,  lis  se 
croyaient  entourés  de  génies  remontant  de 
degré  en  degré  jusqu'à  la  source  supréac 
de  l'intelligence,  et  même,  par  TelTet  sans 
doute  d'une  tradition  opiniâtre,  ils  distitt- 
guaient  ces  génies  en  deux  classes,  lesboib 
et  les  mauvais  ;  toute  leur  histoire  est  [deine 
de  cette  croyance,  et  les  plus  erands  hom- 
mes ne  se  défendaient  pas  deV'mpressm 
au  ils  étaient  ar^compagnés  dans  leurs  succès 
e  quelque  influence  active  et  surltoiBaine 
qu'ils  appelaient  leur  bon  génie.  Gomme 
aussi,  lorsque  des  revers  rnenaçaienUeur 
fortune,  ils  se  ressentaient  d'un  Toisinaée 
obscur  et  terrible  qu'ils  appelaient  leur 
mauvais  génie,  et  dont  ils  croyaient  quel- 
quefois, comme  Brutus  à  Philippes,enirt- 
voir  une  réelle  apparition  ;  tant  est  naturelle 
aux  hommes  la  pensée  que  l'humanité  n*^ 
renferme  ))as  tous  les  esprits,  mais  qo'|;)le 
n  en  contient,  au  contraire,  qu'une  première 
ébauche  et  une  faible  portion;  tant  ils  voiil 
au-devant  de  cette  autre  conséimence,  quf 
les  esprits  supérieurs  ont  avec  le  nAlreuii 
commerce  habituel  1  .  . 

En  effet,  Tharmonie,  comme  je  le  to/ 
tout  à  l'heure,  ne  résulte  pas  du  faiiipal^ 
riel  de  la  superposition  des  êtres,  œais'^^ 
l'intimité  de  leurs  rapports.  Des  éinf^^^^ 
rapports  nerendrontjamais  le  son  de  Tu* 
et  sans  unité,  point  d'harmonie,  point  d  or- 
dre, point  de  beauté,  le  chaos  seul.  Se  re- 
présenterait-on le  monde  physique  coroiw 
un  amas  d'astres  jetés  sans  lien  entre  eui 
dans  lesprofondeurs  de  l'espace?  Sufliraitij 
à  leur  ordonnance  d'être  placés  à  l'égy 
les  uns  des  autres  à  des  intervalles niatlié- 
nialiquement  proportionnés?  Personne  nt 
le  penserait,  et  dans  tous  les  cas,  Newton» 
pénétrant  le  m vslère  de  leur  activité  réu* 
proque,  a  élevé  jusqu'à  la  certitude  sciw»- 
titique  la  loi  de  leur  attraction.  1^  «'H'* 
s'attirent  à  travers  les  solitudes  de  I  »nw««- 


transmettant  Tordre  suprême  avec  un  ^' 


M 


pu: 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEC 


503 


leuee  exact  que  les  si  c]es  ^s  plus  que  les 
distances  ironl  suspendu  jamais.  Si  telle 
est  funion  des  corps,  si  tel  est  leur  com- 
merce, quel  ne  doit  pas  Atre  celui  des  es- 
priis?  L^  corps  n*ont  qu'une  activité  pas- 
MTe,  eo  quelque  sorte,  sans  conscience  sans 
lilierté;  les  esprits  senieuYentd'eux-mémes, 
i!$  n'ont  point  de  i-esanleurqui  les  arrële 
ou  les  retarde,  point  de  lieu  qui  les  circons- 
crive; ils  sont  où  ils  appliquent  leur  pensée 
et  leor  volonté,  et  s'ils  ne  peuvent,  comme 
Dien,  être  présents  partout  à  la  fois,  à  cause 
(ie  la  limite  intérieur  de  leur  essence,  il  ne 
leur  but  que  le  temps  de  vouloir  pour  être 
au  terme  de  leur  dé^ir.  L'Ame  humaine  ne 
tarait  nous  donner  une  image  de   cette 
rimdilé,  parce  uu'élant  unie  a  un  corps, 
rite  parlicaiie  en  lui  des  incapacités  de  la  me- 
«T)reetdo  poids,prisonniëre  sublime  qu'une 
l'^ù<ée  enlève  jusqu*à  Dieu ,  et  qui  cepcn- 
diflt  demeure  à  terre   tristement  retenue 
mr  le  compagnon  de  vie  qui  lui  fut  donné. 
iUis  ces  liens,  qui  entravent  sa  substance,  ne 
voat  pis  à  ^  détruire  Je  vol  de  ses  facultés; 
en  tant  qa*elie  pense  ou  qu'elle  veut,  sou 
éa^jjt  est  celle  de  Téclair  qui  passe  de 
Viinént  à  Foceident.  Et  par  la,  elle  est  en 
étaidcoorrespondre  avec  toutes  les  tribus 
dlnteiK^nces,  quelle  que  soit  la  hauteur 
oà  la  iBcio  de  Dieu  les  ait  placées  dans  la 
spèêre  intelligible  qui  précède  immédiate- 
ineoi  la  sienne  propre  ;  soit  que  lui-même, 
eo  sa  bonté,  leur  communique  nos  pensées, 
v)if  qa'elles  leur  parviennent  directement, 
if  est  manifeste  que  la  substance  spirituelle 
a  an  moins  autant  d'activité  pénétrante  que 
la  sabstaace   matérielle,  et  que  s'il   y  a 
tnasmission  de  celle-ci  à  travers  tout  l'orbe 
de  rimmeosité,  il  peut  bien  y  avoir  trans- 
mission de  celle-là  à  travers  tous  les  champs 
de  la  vie.  En  un  mot,  comme  l'nnivers  phjr- 
^iqiie  est  un ,  l'univers  moral  est  un  aussi, 
li  oV  a  pas  deux  mondes  de  la  matière,  ni 
par  conséquent  deux  mondes  de  l'esprit.  Et 
1  unité  supposant  des  relations  réciproques, 
ces  relations  existent  entre  les  Ames  de  toute 
trempe  et  de  tout  degré. 

liais  (|uelles  relations?  celles  évidem- 
ment qui  sont  propres  à  la  nature  spirituelle, 
des  relations  de  pensées  et  de  vouloirs,  de 
pensées  et  de  vouloirs  selon  le  bien,  lorsque 
les  esprits  sont  dans  l'union  de  Dieu  ;  de  pen- 
sées et  de  vouloirs  selon  le  mal,  lorsque  les 
esprits  sont  séparés  de  Dieu.  Car,  desup- 
p««er  que  Thomme  seul  est  tombé  dans  le 
mal,  que  nul  au-dessus  de  lui  n'avait  im- 
patiemment supporté  le  joug  de  l'ordre, 
c'est  retrancher  des  sphères  supérieures  le 
libre  arbitre  et  Tépreuve,  c'est-à-dire  ce  qui 
donne  aux  êtres  leur  valeur  personnelle , 
ainsi  que  nous  l'avons  démontré.  {Voyez 
Epaeuvk,  Mal,  etc.)  Pourquoi  cette  excep- 
tion? Pourquoi  Dieu  aurait-il  diminué  le 
prix  de  ses  créatures  en  les  élevant  à  un 
état  plus  parfait?  L'universalité  est  le  carac- 

(471)  Coi.  m.  ! 

(175)  Dv  grec  dcâCoXi>ç,  Tormé  de  Siâ,  à  travers, 
et  de  tiûjM,  jeicr;  StaCâ)^^,  je  croise,  je  Ua- 


tère  des  lois;  elles  s*appliqucnt  à  tous  les 
êtres  du  même  genre,  et  s  il  est  une  classe 
d'intelligences  qui  ait  été  soumise  aux  no- 
bles conditions  du  libre  arbitre  et  de  Té- 
preuve,  toutes  l'ont  été,  et  l'ont  été  d'autant 
plus  qu'elles  appartenaient  à  un  rang  plus 
remarquable  de  leur  commune  hiérarchie.i 
Aussi  toute  la  question  qui  nousoccu|>e  est 
renfermée  dans  cette  seule  question  :  Y  a- 
t-il  des  esprits  supérieurs  à  riiommc?Ce 
point  admis,  le  reste  va  de  soi,  et  telle  est 
la  raison  qui  inspire  h  l'incrédulité  une  ré- 
volte si  décidée  contre  l'existence  de  ces 
esprits.  Elle  voit  d'un  trait  oii  le  premier 
aveu  la  conduira.  Dès  que  Tunivers  prend 
ses  vraies  proportions,  dès  qu'au  delà  du 
monde  sensible  et  du  monde  humain  se 
révèle  le  monde  purement  spirituel,  les 
barrières  étroites  de  la  matière  et  de  l'ima- 
gination s'évanouissent,  Tunité  morale  des 
choses  se  montre  dans  toute  sa  splendeur, 
et  les  scènes  bibliques  qui  occupent  tout 
ce  large  espace,  au  lieu  de  paraître  des 
songes,  se  trouvent  seules  au  point  de  vue 
de  la  réalité.  L'incroyance  a  besoin  d'une 
extrême  petitesse  :  le  grand  lui  fait  peur, 
parce  qu'elle  y  rencontre  Dieu. 

Mais  quoi!  me  direz--vous,  le  serpent? 
cette  terrilîle  ouverture  du  drame  :  Or,  le 
serpent  était  plue  rusé  que  tous  les  êtres  rt- 
vants  de  la  terre  çue  le  Seigneur  Dieu  avait 
faits  {klk).  Hé  quoi  !  faudra-t-il  tout  vous 
dire  ?  Dieu,  qui  a  tout  nommé,,  avait  à  nom- 
mer rintellieenre  détestable  qui^  tombée 
par  sa  faute  de  l'état  de  lumière  et  de  sain- 
teté, employa  les  débris  survivants  de  sa 
puissance  à  séduire  le  cœur  de  l'homme. 
Et  ce  nom  avait  une  grande  imfiortance, 
parce  que  nommer  c'est  révéler.  Il  devait 
exprimer  avec  une  énergie  sensible  le  ca- 
ractère du  tentateur,  et  stigmatiser  à  jamais 
le  prosélytisme  du  mal.  Aussi  Dieu  ne  s'y 
prit-il  pas  en  une  seule  fois.  A  mesure 
qu'on  avance  dans  le  développement  histo- 
rique de  la  lutte,  on  voit  Tesprit  d'erreur  se 
ffroduire  sous  de  nouvelles  dénominations. 
I  est  appelé  Salan^  c'est-à-dire  Vadtersaire^ 
puis  le  aioMe^  c'est-à-dire  la  volonté  qui  s' est 
mise  en  travers  (i75) ,  puis  le  démon^  c'est- 
à-dire  le  mauvais  génie.  Mais  aucune  de  ces 
appellations  ne  fut  la  première,  bien  qu'elles 
semblent  manifester  le  prince  du  mal  avec 
toute  sa  postérité.  Le  nom  primitif  est  celui- 
là  mêmequi  vous  émeut:  le  serpent  !  Comme 
le  serpent  caché  dans  d'obscures  broussailles 
s'élance  en  siillant  sur  le  voyageur  inattentif, 
ainsi  le  corrupteur  invisible  des  âmes  leur 
tend  ses  pièges  pleins  d'artitic^,  de  mensonge 
et  de  poison.  C  est  là  son  caractère  j)rincipal 
et  celui  de  tous  les  siens.  11  est,  selon  l'ex- 
pression de  l'Evangile,  le  père  du  mensonge 
(476),  et  la  diSérence  qui  demeure  éternel- 
lement entre  le  prosélytisme  du  bien  et 
celui  du  mal,  c'est  que  le  premier  est  sin- 
cère, et  le  second  lallacieux.  Le  bien  n*a 


verse. 

(476)  Jean.  viii.  41. 


505 


PEG 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEC 


roi 


rien  de  cadié  ;  il  se  montre  sans  crainle  et 
dans  sa  nudité,  parce  qu*il  est  le  vrai,  le 
juste,  le  beau,  le  saint.  Le  mal,  au  contraire» 
a  peur  de  lui-niômc  devant  les  autres;  il  se 
couvre  de  Tèlernents  d'emprunt,  il  affecte 
un  but  qui  n'est  pas  le  sien,  et  ce  n'est  qu'à 
la  longue,  après  avoir  habitué  sea  victimes 
aux  ténèbres  et  h  l'opprobre,  qu'il]  ose  leur 
dire  ses  derniers  secrets.  Il  a,  en  un  mot, 
les  allures  du  serpent,  et  il  inspire  la  même 
horreur  à  quiconque  le  reconnaît  ;  un  fris- 
son, un  mouvement  en  arrière  ,et  le  dres- 
sement  des  cheveux.  C'est  pourquoi  qui- 
conque est  sincère  ne  lui  appartient  pas. 
L'erreur  elle-môme,  lorsqu'elle  est  de  bonne 
foi,  lorsqu'elle  a  pour  cause  une  ignorance 
invincible,  perd  sous  ce  bouclier  Te  carac- 
tère du  mai,  et  la  doctrine  catholique  Ta 
toujours  professé.  Quiconque  pourra  dire  : 
II  est  vrai,  je  me  suis  trompé,  mais,  ô  mon 
Dieul  vous  qui  lisez  au  plus  profond  des 
cœurs,  vous  savez  que  je  me  suis  trompé 
sans  ma  faute,  et  par  conséquent  que  je  n  ai 
jamais  trompé  I...  Celui-là  n'aura  point  à 
souffrir  du  regard  de  Dieu.  Il  aura  été  sin- 
cère, et  le  père  du  mensonge  ne  trouvera 
rien  en  lui  qu'il  puisse  revendiquer  comme 
son  œuve  et  sa  part. 

Dès  lors  substituez  dans  le  récit  de  la 
Genèse  l'être  nommé  à  la  métaphore  de  son 
nom,  qu'avcz-vous  ?  le  voici  :  Or^  Fesprit 
mauvais  était  plus  rusé  que  tous  les  êtres  vi" 
rants  de  la  terre  que  le  Seigneur  Dieu  avait 
faits^  et  il  dit  à  la  femme  :  Pourquoi  Dieu  ne 
vous  c^t'il  pas  permis  'de  manger  de  tout  arbre 
du  paradis?...  Et  Vesprit  mauvais  dit  encore 
à  la  femme  :  Vous  ne  mourrez  point  t  mais 
Dieu  sait  qu^ au  jour  où  vous  aurez  mangé  de 
Varbre ,  vos  yeux  s'ouvriront^  et  vous  serez 
comme  des  dieux ^  sachant  le  bien  et  le  mal... 
Et  Dieu  dit  à  F  esprit  mauvais  :  Parce  que  tu 
as  fait  cela,  tu  es  maudit  entre  tous  les  êtres 
vivants  et  les  bêles  de  la  terre;  tu  ramperas 
sur  ta  poitrine^  et  tu  mangeras  la  terre  tous 
les  jours  de  ta  vie  ;  je  mettrai  une  inimitié 
entre  toi  et  la  femme^  entre  sa  race  et  ta  race^ 
elle  Cécrasera  la  tête  et  lu  lui  tendras  des  em- 
bûches par  derrière  (W7j.  Y  a-t-il  rien  de 
plus  simple  et  de  plus  naturel  que  ce  récit? 
La  seule  expression  obscure  qui  y  substitue 
celle  de  ramper  sur  la  poitrine  et  de  manger 
la  terre ,  est  une  conséquence  du  nom  mé- 
taphorique imposé  à  l'esprit  déchu,  et  si- 
gnifie la  bassesse  du  rôle  auquel  il  est  désor- 
mais condamné  à  l'égard  de  l'homme,  loin 
de  la  région  snblime  qu'il  habitait  autrefois. 
Quelle  que  soit  l'interprétation,  il  faut  bien 
l'entendre  ainsi,  puisque  le  châtiment  est 
évidemment  imposé  au  tentateur  et  non  pas 
à  la  forme  dont  on  suppose  qu'il  se  serait 
revêtu.  Du  reste,  vous  avez  de  cette  histoire 
un  autre  commentateur  que  moi.  Quand 
l'apôtre  des  dernières  visions,  le  prophète 
bien-aimé  du  Christ,  celui  qui  avait  lu  l'a- 
venrr  dans  la  poitrine  de  son  mattre  avant  de 
le  lire  à  Pathmos,  quand  saint  Jean  eut  vu  eu 
révélation  la  lutte  suprêuie  du  bien  et  du  mal, 

(477)  Gen.  m,  i  cl  suiv. 


il  en  termina  ainsi  la  sanglante  description: 
Et  projeclus  est  draco  ille  magntu,  serpent 
antiquusy  quivocatur  diabolus  et  Satanasani 
seducit  universum  orbem.  — Et  fut  jeté  bat 
ce  grand  dragon^  Vantique  serpent  quieti 
appelé  le  diable  et  Satan,  et  qui  séduit  (oui 
runivers  {W7*),  Aux  deux  extrémités  de  la 
Bible,  dans  la  Genèse  et  dans  l'Apocalypse, 
au  commencement  et  à  la  fin  du  draine  de 
riiumanité,  l'esprit  de  ténèbres  apparat!  sous 
le  signe  du  serpent»  et  le  prophète,  comme 
s'il  en  eût  reçu  la  mission  spéciale,  a  soin  de 
nous  expliquer  que  c'est  le  serpent  antique, 
celui  qui  est  appelé  d'autres  noms,  qui  tous 
ensemble  désignent  la  même  personnalité 
en  exprimant  la  même  perversité. 

§11. 

Eclaircissemeiits.—  Avona-noo^  commis  perMoiieHaiieit 
la  faute  de  noUre  premier  père  Y  «-  Sort  deseii&iii 
morts  sans  baptême. 

Écartons  d'abord  les  idées  puériles  que 
l'ignorance  se  forme  au  sujet  du  péché  ori- 
ginel. On  se  persuade  que,  d'après  rensei- 
gnement  de  l'Eglise,  tout  homme  qui  vient 
au  monde  a  commis  t>crsonuellement  la 
faute  dont  le  père  du  genre  humain  sesl 
rendu  coupable  :  c'est  là  tout  ensemble  une 
démence  et  une  hérésie.  Pour  que  nous 
eussions  commis  en  iiersonne,  par  voie  do 
perpétration  ou  de  comidicité,  la  faute  ada- 
mique,  il  faudrait  de  deux  choses  Inoe,  ou 
que  la  personne  d'Adam  eût  élé  la  iiôin*,  ^n 
que  l'acte  même  de  sa  rébelliou  nouseûiéié 
transmis.  L'une  et  l'autre  de  ces  supv«fv- 
tionssont  absurdes.  D'une  part,  la  personna- 
lité est  incommunicable,  nul  n'étant  soi  que 
soi-même;  et,  d'une  autre  part,  les  actes  soûl 
intransmissibles,  parce  qu'ils  sont  d'une  m- 


catholique  a  toujours  distingué  nettement 
le  péché  originel  du  péché  personnel,  leur 
donnant  des  noms  divers  p(^ur  que  la  fan  e 
du  langage  imprimât  dans  les  esprits  la  di- 
versité de  leur  essence.  Le  péché  person- 
nel est  celui  dont  l'homme  vivant,  et  avant 
conscience  de  lui-même  et  de  Dieu,  a  volon- 
tairement posé  l'acte;  le  péché  originel  est 
le  péché  dAdam  transmis  a  tous  par  fa  pro- 
pagation de  la  vie.  —  Peccatum  Àdœ  propa- 
gatione  transfusum  omnibus  :  ce  sont  les  ei- 
pressions  du  concile  de  Trente.  Remarquez- 
en  la  propriété.  Le  concile  définit  le  péché 
originel  en  l'appelant  Te  péché  d^Adarn;  il  ne 
l'attribue  pas  à  chacun  de  nous  |Nir  voie  île 
perpétration  ou  de  complicité,  mais  par  voie 
de  propagation  :  or,  si  nous  en  eussions 
})Osé  l'acte,  si  nous  en  étions  les  auteurs  ou 
les  complices,  tous  ces  termes  manqueraient 
d'exactitude. 

Faites  une  autre  remaraue.  Vous  avez  vu 
baptiser  des  hommes  adultes,  et  vous  stkYei 
que  le  baptême,  dans  la  doctrine  catholique, 
a  pour  but  et  pour  effet  <le  purifier  l'Ame  du 
)eché  originel.  Or,  le  |»rêtre,  en  versant 
'eau  sainte  sur  le  front  du  coupable  béré* 

(477*)  ApocatypsCf  xii,  9. 


I 


m 


PEC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEC 


506 


dîtaire,  loi  a-t-îl  jamais  demandé  s*il  se  re- 
peolait  de  celle  faute  ?  Non  :  è  tout  autre 
uécheor  cette  question  est  posée,  elle  ne 
l'est  pas  i  celui-ci.  Pourauoi  donc,  s*il  en 
était  fauteur  ou  le  complice,  s'il  en  avait 
['fodait  lacle,  si  cet  acte  lui  était  personnel  ? 
Ce  n'est  pas  tout.  Le  crime  mérite  châti- 
ment, et  dans  la  doctrine  de  l'Eglise  il  mé- 
rile  un  clifttiment  éternel,  si  l'homme  ne  l'a 
jiiMQt  ré|iaré  avant  d'èlre  appelé  devant  Dieu 
l<ar  la   mort.   DUcedUe  a  me,  maledictû  i^ 
ifnem  œiemum;  —  Allez ,  maudits  9  au  feu 
etemtl  (i78)  :  Toilà  quelle  est  dans  l'Evan- 
gîiela  formule  suprême  de  la  condamnation. 
Par  elle,  le  pécheur  opiniâtre  est  à  jamais 
séparé  de  la  présence  de  Dieu,  qui  est  le 
preaiier  et  le  dernier  besoin  de  sa  nature , 
ri  le  supplice  qui  résulte  pour  lui  de  cette 
irrémédiable  privation  est  consommé  dans 
son  corps  uar  une  souffrance  inférieure , 
mais  terrible  cependant*  Or,  tel  n'est  point 
\t  serf  qae  la  doctrine  catholique  assigne 
aoi  âmes  qui  meurent  chargées  de  la  seule 
îiste originelle.  Saint  Au^stin,  le  plus  dur 
des  dodenrs  en  cette  matière,  dit  expressé- 
mi'at  que  la  peine  du  péché  de  naissance 
e>U%  moindre  de  toutes  les  peines.  Levissi" 
m»o«MMi  pœnam,  £t  saint  Thomas  d'A- 
quio,  ontrejiassant  cette  pensée  déjà  si  hé- 
Dîgne,  enseigne  que  les  entants  morts  sans 
bii4émf^  avant  toute  autre  culpabilité  que 
relie  qu'ils  ont  héritée  d'Adam,  ne  souffrent 
01  h  iieine  intellisible  attachée  à  la  priva- 
tion de  Dieu ,  ni  la  peine  sensible  qui  est 
dans  les  damnés  la  compagne  inséparable  de 
<e[ie-Iâ.  Ils  sont  loin  de  Dieu,  sans  doute, 
piiis'|u*ils  n'ont  pas  reçu  la  semence  de  l'in- 
601  par  le  don  de  la  grâce  ;  mais  f)récisément 
;«rce  qu'il  ne  l'ont  pas  reçue,  ils  ne  souf- 
frent (las  de  la  privation  qui  en  est  la  con- 
séquence; ils  vivent  dans  la  sphère  des 
choses  finies,  image  parfaite  de  la  bonté  de 
Dieu,  mais  image  qui  leur  suffit,  parce  qu'ils 
De  se  sentent  point  ap|)elés  nlus  haut.  Leur 
corps,  sans  être  transfiguré,  n'est  pas  non 
|ilus  soumis  à  la  douleur  ;  ils  y  habitent  en 
fiaii,  sous  un  vêtement  qui  n'est  point  celui 
«fe  la  gloire  divine,  mais  qui  n'est  pas  davau- 
fa:;e  celui  d'une  ignominie  contractée  par 
d**s  *actes  personnels  de  dépravation.  Ce 
K^Dl  des  êtres  déchus  plutôt  que  tourmcn- 
té5«  et,  pour  me  servir  d'une  admirable  cx- 
r^ression  de  sainte  Bri>;iUe,  iU  sont  plus  près 
de  la  miséricorde  de  Dieu  que  de  sa  justice. 
Encore  n'est-ce  pas  là  tout  ce  que  la  théo- 
logie calbolîque  peroiet  à  ses  docteurs  au 
Mi)et  de  ces  âmes,  que  Virgile  lui-même , 
«Uns  un  vers  Cameui,  avait  rencontrées  au 
*^aîl  infranchissable  de  réleriietle  félicité, 
il  en  e:>t  qui  ont  aflirmé  que  les  enfants 
norts  sans  baptême  |)ai  viennent  à  la  per- 
Cr.'tîon  de  liéatitude  que  la  nature  peut  don- 
Qtr.  Le  cardinal  Cajetan  et  le  cardinal  Sfon- 
«irate  ont  été  de  cet  avis,  aussi  bien  que  le 
f<ameux  Jérôme  Savonarole  dans  son  traité 
de  la  vérUé  de  la  foi. 
Que  conclure  ue  là,  sinon  que  le  péché 


originel  diffère  autant  du  péché  personnel 
que  la  peine  de  l'un  diffère  de  la  peine  de 
1  autre.  C'est  la  peine  qui  est  la  mesure  du 
péché,  et  là  où  elle  est  incomparablement 
moindre,  pour  ne  pas  dire  tout  à  lait  di- 
diverse,  le  péché  aussi  est  à  la  fois  et  moin- 
dre et  divers?  Donc,  nous  n'avons  point 
commis  Tacte  d'Adam,  il  ne  nous  a  pas  été 
transmis,  il  ne  nous  est  imputable  ni  par 
voie  de  perpétration ,  ni  |>ar  voie  de  com- 
plicité. 

Ce  pas  fait,  nous  avons  écarté  l'absurde , 
mais  nous  n'avons  pas  pénétré  dans  l'in- 
térieur du  mystère  i>our  nous  en  rendre 
raison. 

iiil. 

CoDsidéralioDS  sar  la  iraasmisBioo  svbsfaDlielle  de  la 
chute  primilive.  —  Elfel  de  Tacle  mauvais  sur  l'âmr, 
—^ir  le  corps.  — De  la  phrénologie  au  point  de  vue 
de  la  théologie. 

Les  actes  élant  intransmissibles  de  leur 
nature,  si  le  péché  n*était  qu'un  acte,  il 
mourrait  avec  lui-même,  et  il  n'en  resterait 
rien  que  le  souvenir  dans  la  mémoire  du 
coupable  et  dans  la  mémoire  de  Dieu.  Mais 
il  n  en.  est  pas  ainsi.  Tout  acte,  bon  ou  mau- 
vais, produit  dans  l'homme  qui  en  a  été  l'au- 
teur, pour  ne  parler  que  de  l'homme,  un 
état  permanent  qui  affecte  son  âme  et  son 
corps,  qui  subsiste  jusqu'à  ce  qu  il  ait  été 
détruit  par  une  action  contraire,  et  oui»  à 
cause  de  la  transmission  substantielle  de 
l'homme  à  sa  postérité,  est  susceptible  aussi 
de  se  communiquer  avec  la  vie. 

Je  dis  d'aboni  que  le  péché  produit  un 
état,  c'est-à-dire  une  manière  d'être  perma- 
nente. En  eifet,  riiomiiie,  aussi  bien  que 
toute  créature,  est  substance  et  action,  rien 
que  cela.  L'action  sort  de  la  substance  dont 
elle  est  l'efCcacité,  pour  produire  un  effet 
au  dehors  ;  mais  elle  ne  peut  eu  sortir 
qu'en  agissant  sur  elle,  comme  un  volcan 
ne  fait  son  éruption  qu'en  étant  la  première 
victime  de  sa  soudaineté.  L'acle  est  la  subs- 
tance qui  se  meut,  et  la  substance  ne  se 
meut  pas  sans  subir  son  propre  mouvement* 
sans  en  garder  la  trace  et  comme  la  cica- 
trice. Le  mouvement  se  répètc-t-il,  la  traco 
devient  plus  profonde,  le  rrtour  de  l'acte 
plus  facile,  et  si  l'acte  est  mauvais,  c*esi-à- 
dire  contraire  aui  lois  de  l'ôire  qui  l'a  com- 
mis, la  substance  est  nécessairement  atteinte 
d'une  plus  ou  moins  grave  altération.  Fairo 
mal,  c  est  se  faire  du  mal  à  soi-même,  et  il 
est  impossible  de  se  faire  ilu  mal  à  soi- 
même  sans  blesser  le  fonds  d'être  qui  porta 
avec  nos  actes  toute  notre  personnalité. 

L'âme  est  la  première  qui  ressent  jn  effel 
substantiel  de  nos  mauvaises  actions.  Sim-^ 
pie  et  indivisible  dans  son  essence,  elle  a 
des  facultés  altérables,  l'intelli^^ence,  la  mé- 
moire, la  volonté,  la  sensibilité  ;  le  mal  y 
édifie  des  ruines  d'autant  plus  subsistantes 
que  la  nature  où  il  opère  est  moins  prompte 
au  changement.  Sous  ses  coups  redoublés, 
rinteiligence  perd  sa  pénétration,  la  mé- 
moire sa  vigueur,  la  volonté  sa  rectitude,  )a 


(17?)  J/a«A.  xxv,4t. 


SOT 


PEC 


DICT10NN.VIRE  APOLOGETIQUE. 


PEC 


m 


sensil)ililé  son  entraînement.  Mais  (nul 
intime  que  soit  cette  dénadence,  elle  n*est 
encore  que  la  superGcie  du  sépulcre  que 
creuse  eu  nous  le  péché.  Avant  son  api>a- 
rilion  dans  notre  âme,  noire  âme  était  unie 
à  Dieu  :  le  péché  la  sépare  de  cet  hôte  ja- 
loux qui,  en  se  retirant,  la  laisse  pauvre  et 
vide,  tel  que  serait  l'Océan  si  les  eaux  se 
tarissaient  dans  ses  profondeurs.  Sans  doute 
l'Ame  demeure  raisonnable,  mais  elle  cesse 
d'être  divine,  elle  n  a  plus  avec  Dieu  qu'un 
rapport  indirect,  qui  la  livre  aux  seules 
forces  d'une  nature  flnie  et  détournée  de  sa 
vocation.  Aucune  ruine  ne  saurait  èlrc 
comparée  à  celle-là.  £n  tout  ce  qui  périt  et 
s'altère,  la  perte  ou  le  'changement  n'est 
que  de  peu  ;  la  mort  n'est  qu'une  décom- 
position d'éléments  bornés  qui  se  retrou- 
vent sous  d*autres  formes  et  se  rajeunissent 
au  sein  même  de  la  destruction.  Ici,  la  raine 
est  inGnie,  et  rien  ne  sort  d'elle  qu'un 
anéantissement  de  plus  en  plus  profond,  à 
moins  que  Dieu  ne  retourne  à  cette  Ame 
perdue  et  ne  lui  rende  avec  sa  présence  le 

Î;erme  efficace  de  l'éternité.  C'est  pourquoi 
a  théologie  catholique  appelle  le  péché  la 
mort  de  làme^  expression  sublime  qui  peint 
adroiral^lement  l'état  de  cette  substance  im- 
mortelle de  sa  nature,  et  qui  cependant,  nar 
la  retraite  de  Dieu,  tombe  tellement  au-<ies- 
sous  de  ses  besoins,  de  ses  droits,  de  ses 
vertus  et  de  sa  destinée,  que  sa  vie  même 
jevient  une  mort,  et  la  persévérance  de 
celte  vie  une  mort  éternelle. 

Aiusi,  tout  rapide  que  soit  le  péché,  om- 
bre fugitive  et  déjà  oubliée,  il  a  fait  à  l'Ame 
nne  blessure  qui  ne  passe  pas  avec  lui. 
L'acte  n'est  plus,  l'état  qui  en  est  la  suite 
persévère,  état  dMnjustice  et  de  privation  ; 
djinjustice  à  l'égard  de  Dieu  relégué  loin 
d'une  créature  qu'il  avait  faite  par  amour, 
de  privation  pour  l'âme  séparée  de  celui 
qui  est  le  principe  unique  de  sa  perfection 
et  de  sa  félicité. 

Mais  Thomme  n'est  pas  seulement  un  être 
spirituel  ;  il  renferme  dans  sa  personnalité 
un  corps  qui  ne  lui  est   pas  plus  étran- 

Per  çjue  son  Ame.  Que  devient  le  corps  sous 
action  du  péché?  Y  reste-t-il  insensible? 
N'en  reçoil-il  aucun  contre-coup  qui  en 
altère  substantiellement  les  organes,  et 
qui  le  rende  à  la  fois  complice  et  victime 

Iiermanente  des  désordres  de  la  volonté  ? 
ci,  la  science  humaine  répond  pour  nous. 
Elle  nous  apprend  que  l'esprit  et  le  cor|iS 
rivent  d'une  communion  perpétuelle  et  se 
renvoient  réciproquement  l'ctrct  de  leurs 
actes,  ou  plutôt  qu'ils  les  produisent  en- 
i»emble  par  un  concours  où  1  initiative  et  la 

1|rinci|)ale  puissance  appartiennent  tantôt  à 
*un,  tanlAt  à  l'autre  des  deux  acteurs.  Dans 
)e  mystère  du  péché,  quelquefois  les  sons 
présentent  à  l'âme  un  objet  qui  ne  la  tou* 
obérait  point  sans  eux,  et  l'unissant  à  leur 
convoitise,  ils  la  souillent  d'imaginations 
et  de  désirs  auxauels  son  essence  est  étran- 
gère et  succombe  pourtant.  D'autres  fois, 

079)  l^om,  vu,  17;  Jonii.  vni,  54. 


c'est  l'âme  oui  éveille  dans  son  sein  d^s 
passions  intelligibles,  telles  que  Tor^ueil, 
et  qui  ensuite  appelle  les  sens  au  i^rtage 
des  voluptés  Qu'ils  ne  connaissent  point. 
Dans  l'un  et  1  autre  cas,  le  corps  conserTe 
la  trace  de  l'ébranlement  qu'a  subi  la  per- 
sonnalité tout  entière  de  I  homme;  la  riiâir, 
au  plus  profond  de  ses  replis,  Ci^çoit  du  pé- 
ché des  stigmates  invisibles  qui  se  traduisiut 
ensuite  dans  les  traits  du  visage  et  y  com- 
posent cette  physionomie  honteuse,  accusa- 
trice, incorruptible  et  publique  des  secrets 
de  la  conscience.  £n  ces  derniers  temps,  la 
spéculation  scientitique  ne  s'est  pas  coHtcn- 
tee  de  démontrer  les  rapports  généraux  tfd 
physique  avec  le  niora/,  pour  me  servir  ilc 
ses  propres  expressions;  elle  a  voulu  péné- 
trer plus  avant  et  surprendre  la  nature  au 
siège  uiême  où  s'opère  la  suprême  renron- 
trc  de  l'âme  avec  le  corps.  Comme  le  cer- 
veau est  le  sommet  incontestable  de  notre 
organisation  extérieure,  et  que,  de  lut,  |iar- 
tent  tous  les  fils  moteurs  de  notre  aclifiié, 
en  même  temps  qu'y  reviennent  toutes  les 
impressions  rapportées  du  dehors  par  les 
sens,  il  s'est  trouvé  des  esprits  qui  ont  ex- 
ploré l'enveloppe  oi!i  repose  cet  organe  sou- 
verain, et  ont  cru  y  reconnaître,  à  des  signes 
infaillibles,  l'aclion  du  bien  et  du  mal.  On 
peut  abuser  de  cette  découverte,  si  c'en 
est  une,  et  la  tourner  au  profit  du  matéria- 
lisme et  du  fatalisme  ;  mais  il  est  aisé  Je  la 
ramener  à  des  termes  chrétiens»  et  loin  qio 
la  théologie  ait  lieu  de  la  repousser ,  elle  a 
toujours  cru,  d'une  manière  générale,^  ce 
résultat  de  l'influence  réciproque  de  Tâme 
et  du  corps.  Soit  que  les   sillons  creu^és 
dans  la  chair  par  le  péché  alK>utissent  fina- 
lement au  cerveau  et  y  laissent  leur  aclite 
empreinte,  soit  que  leurs  vestiges  se  défio- 
sent  ailleurs  ou  partout,  le  fait  est  en  lui- 
même  inévitable  et  certain.  L'homme  e^l 
un,  et  tous  ses  actes,  émanés  ensemble  de 
sa  double  nature,  ébranlent  substantielle- 
ment Tune  et  l'autre  du  même  coup.  Qai 
pourrait  le   nier,  après  avoir  coRi|)aré  la 
physionomie  de  l'homme  de  bien  et  de 
l'homme  de  péché  ?  Quel  observateur,  même 
superficiel,  ne  devine  au  moins  les  grands 
coupables  et  les  grands  saints?  D'ingenieoi 
esprits,  aidés  de  l'histoire,  ont  décomposé 
les  traits  dont  le  mélange  forme  les  innom- 
lirables  variétés  de  la  figure  humaine,  et  ils 
ont  rendu  sensibles  à  l'œil  le  plus  Tulgalrf, 
dans   des    ligues    saisissantes,  toutes  les 
nuances  du  crime  et  de  la  vertu. 

Vous  croyez  que  c'est  peu  de  chose,  le 
péché  1  Un  désir  et  un  instant,  dites-vous, 
qu'est-ce  que  cela  1  Ah  1  qu'est-ce  que  cela  I 
Le  désir  passe,  l'instant  s'évanouit,  mais 
l'abîme  est  fait.  Lepéché habite  en  vous  (WJ\ 
selon  la  terrible  expression  de  saint  Paul: 
Il  lient  Dieu  loin  devotre  âme,  il  corrompt 
vos  facultés  intelligibles,  il  donnée  ^olre 
chair  sa  forme,  il  est  plus  que  votre  hôte,  il 
est  votre  dominateur,  selon  cette  antre  pa- 
role de  Jésus-Christ  lui-u.ôme  :  Quiconque 


PEC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEC 


510 


arcùWÊpUt  le  péché  est  Vesciate  du  péché. 
Vous  ne  TOUS  possédez  plus,  vous  ^tes  pos- 
séfiés  par  un  autre,  el  cet  autre,  c'est  une 
faim  contraire  è  votre  raison,  une  faim  d'ani- 
oial  qui  vous  pousse  hors  de  vous,  à  la  bauge 
et  à  la  fange.  Aussi  toute  l'antiquité,  d'ac- 
cord en  cela  avec  le  christianisme,  disait 
qu'ii  o  j  avait  ici-bas  qu'un  homme  libre, 
savoir  :  Tbomme  de  bien.  L*homme  de  bien 
lai  seul  n'a  point  de  matire,  parce  qu'il 
n  obéit  qa*à  la  justice  et  h  la  vérité. 

Je  ne  veux  pas  dire  que  le  péché  ravit  k 
lliomme  Tusage  du  libre  arbitre,  et  le  ré- 
«iuit  à  on   état  de  servitude  complet  ;  non, 
le  libre  arbitre  n'est  pas  détruit  dans  l'hom- 
me pécheur,  il  n'est  qu'affaibli  el  incliné. 
Mais  cet  affaiblissement  et  cette  inclinaison 
suffisent  pour  lui  ôter  la  pleine  jouissance 
•!e  son  âme  et  la  sainte  indépendance  d*un 
entant  de  Dieu.  Affranchi  de  Dieu,  il  sert 
quelque  d)ose  qui    n'est    pas  même  sou 
corps,  mais  un  instinct  dépravé,  issu  de  la 
corruption  réciproque  des  sens  par  l'esprit, 
et  de  l'esprit  par  les  sens,  et  qui  demeure 
eo  lai  souvent  plus  fort  que  lui,  jusqu'à  ce 
qae  IHeu  fasse  descendre  au  fond  de  cet 
iblme  an  rajon  de  sa  lumière  et  un  couj» 
<ie  sa  vertu. 

Inl  et  rhércéné  ou  de  la  traosmissibflil^  dans  Tondre 
iM>  dans  l'ordre  moral.  — Poarqaoi  Oieo 
âme  pure  dam  un  corps  soOilté? 


Soft  donc  que  nous  considérions  l'homme 
dans  sa  partie  supérieure  et  pensante,  soit 
goe  nous  le  considérions  dans  sa  partie  in* 
krieure  et  organique,  ou  même  dans  l'unité 
^mpleie  de  son  indivisible  personnalité, 
en  haut,  en  bas  et  au  centre  nous  j  trou- 
Toos  le  fléché  sous  un  mode  permanent,  at- 
taché à  ses  os,  rongeant  sa  substance  et 
Pétrissant  sa  vie.  Cela  posé,  un  tel  état  qui 
e<t  lelat  de  péché,  est-il  héréditairement 
transmissîlile  avec  les  privations  et  les  al- 
térations qni  l'affectent  substantiellement. 
Or,  q^i  pourrait  le  mettre  en  doute?  L'hom- 
me n  est  pas  un  être  sans  aïeux  et  sans  pos- 
térité ;  il  vient  de  (jIus  loin  que  ses  propres 
années,  et  se  survit  h  lui-même  dans  de 
longue»  générations.  A  la  différence  deTes- 
prit  pur,  qui  n'a  que  Dieu  avant  et  après 
lui,  rhomtne  doit  au  corps  dont  il  est  re- 
vêtu rinappréciablo  privilège  de  se  perpé- 
toer  dans  une  race  illimitée  par  la  transmis- 
sion de  son  sang,  de  sa  forme  et  de  sa  vie.  Il 
transmet  son  saujj  personnel,  celui  qu'il  a 
niulé  dans  ses  veines  en  lui  communiquant 
i'ardeur  de  son  âme,  et  non  pas  un  sang 
vague  et  indéterminé,  qni  ne  serait  pas  plus 
le  $if»n  que  celui  d'un  autre,  et  qui,  appar- 
if'nant  à  tons,  serait  incapable  de  lui  don- 
ner un  lils,  son  propre  O'ivrage  et  sa  vraie 
foniinnation.  Si  à  ne  considérer  que  la  ma- 
tière brute,  le  sang  est  uniforme,  ce  que 
/ignore,  et  ce  dont  je  ne  me  soucie  pas,  il 
§en  faut  bien  qu'il  en  soit  ainsi  moralement. 
Tout  homme,  par  le  sentiment  habituel  qui 


l'anime,  soniHe  ou  purifie  le  flot  qui  coule 
en  lui,  et  en  fait  une  liqueur  vile  ou  géné- 
reuse, capable  d'une  race  puissante  ou  mé- 
prisable. Le  sang,  modifié  par  l'Ame,  modi- 
fie à  son  tour  la  forme  org^inique  du  corps, 
et  l'honime,  en  vertu  de  sa  faculté  propaga- 
trice, communique  à  sa  postérité  cette  foriuo 
intérieure  d'où  jaillit  la  physionomie,  et 
d'oi!k  sort  la  facilité  du  vice  ou  de  la  vertu. 
C  est  cette  forme  qui  constitue  proprement 
la  race,  et  qui  donne  è  chaque  famille  et  à 
chaque  peuple  ses  goûts,  son  caractère,  son 
histoire  et  son  Identité.  Le  fils  est  l'image 
du  père  par  cette  communication  de  la  forme, 
et  les  enfants  d'un  même  père  dans  toute  la 
suite  des  siècles,  se  renvoient  cette  image 
primitivement  unique  qui  fait  leur  patri- 
moine et  leur  parenté.  Patrimoine  impuis- 
sant toutefois,  parenté  stérile,  si  la  vie  ne 
pénétrait  ces  éléments  profonds,  la  vie  même 
du  père  qui  se  poursuit  au  dehors  de  son 
sein,  et  qui  lui  rend  dans  d'autres  entrailles 
le  battement  de  son  propre  cœur.  Entendez, 
entendez  ces  mystères  :  ce  sont  eux  qui  tout 
l'huinanité.  Sans  eux,  l'homme  existerait 
peut-être,  mais  non  pas  l'humanité.  L'hu- 
manité est  un  tronc  unique  qui  a  fleuri  dans 
la  main  de  Dieu ,  son  premier  |  ère,  qui  a 
poussé  des  rameaux  sous  toute  retendue  du 
ciel,  mais  des  rameaux  qui  ne  perdent  ja- 
mais le  sang  et  la  forme  de  la  vie  de  la  sou- 
che patriarcale,  où  tous,  morts  et  vivants, 
anciens  et  nouveaux,  puisent  leur  ressem- 
blance et  leur  unité. 

Est-ce  là  tout?  L'âme  n'a-t-elle  rien  à  faire 
dans  la  perpétuité  du  genre  humain  ?  Tout 
ce  mystère  est-il  un  mystère  de  fange  orga- 
nisée coulant  dans  un  moule  qui  ne  change 
et  ne  s'use  pas  ?  Oh  I  non,  croyez-en  vos 
pressentiments.  Pâme  n'est  pas  étrangère 
ici  ;  car  l'âme  est  la  grande  chose  de  l'hom- 
me, et  sans  doute  elle  entre  [K>ur  une  pan 
dans  la  constitution  de  Tliumanité.  Mais 
quoi  1  l'âme  n'esl-elle  pas  une  substamn; 
simple,  indivisible,  et  par  conséquent  in- 
transmissible ?  Oui,  j'en  conviens,  el  cepen- 
dant le  fils  ne  pourrait  être  étranger  au  père 
par  son  âme  sans  penire  sa  ressemblance 
avec  lui  et  sans  donner  li  la  paternité  un 
caractère  purement  extérieur  et  animal.  1^ 
père  n'est  père  que  par  ce  qu'il  engendre 
une  personne  humaine,  composée  de  père 
et  d'âme,  et  qui  le  c«)ntinue  par  une  res- 
semblance prise  des  deux  côtés  de  cette 
double  nature.  C'est  pourquoi,  dans  l'œuvre 
de  la  |>erpétuilé,  riiorame  ne  transmet  pas 
seulement  sa  substance  matérielle,  il  a  reçu 
de  Dieu  un  pouvoir  plus  haut  :  être  créé  et 
incapable  de  créer  à  son  tour,  il  ]iénètre 
par  son  vouloir  jusqu'à  la  toute-puissance 
créatrice,  et  en  vertu  de  la  loi  qui  a  fait  de 
la  paternité  une  partie  de  son  essence,  il 
somme  Dieu  plutôt  qu'il  ne  le  sollicite  do 
produire  une  âme  et  de  l'unir  au  corps  qui 
doit  perpétuer  son  sang,  sa  forme,  sa  vie,  et 
lui  donner,  avec  le  concours  de  l'âme,  le 
glorieux  et  doux  nom  de  père.  Dieu  obéit  ; 
un  souffle  descend  sur  le  limon  obscur  qui 
est  déjà  l'homme  et  qui  ne  Test  pas  encore; 


511 


PEC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE, 


PEC 


51^ 


qui  Test  par  la  disposition  de  ses  éléments, 
qui  ne  Test  pas  encore»  |iarce  qu'il  y  manque 
un  esprit  capable  de  connaître  et  d'aimer. 
Ce  souffle  est  celui*Ià  même  qui  anima  le 
premier  homme  ;  il  roconnait  celte  vieille 
terre  préparée  autrefois  de  la  main  de  Dieu» 
il  y  verse  avec  amour  et  respect  une  Ame 

3U1  n'était  pas  tout  h  l'heure  une  Ame  née 
e  la  volonté  de  Dieu»  pure»  sans  tache» 
vierge,  ne  portant  en  elle  qu'une  image»  qui 
est  celle  de  Djeu.  Mais  tandis  qu'autrefois 
le  timon  primordial  était  pur  lui-même  et 
sans  aucun  droit  ni  pouvoir  de  paternité, 
ici  TAme  rencontre  deux  forces  auxquelles 
il  lui  faut  se  plier  :  la  force  organique  et 
assimilatrice  du  père  et  la  force  corruptrice 
du  péché.  Elle  entre  dans  le  moule  paternel, 
affaibli  et  vicié  par  l'absence  de  la  grAce 
divine,  par  l'altération  du  sang,  par  la  dé- 
génération de  la  formel  par  la  pauvreté  de 
la  vie,  et  là,  victime  involontaire  et  qui  ne 
se  connaît  pas  encore,  elle  reçoit  1  image 
de  Thomme  déchu  et  en  continue  la  tra- 
dition. 

On  a  demandé  souvent  pourquoi  Dieu  en- 
voyait une  Ame  pure  dans  un  corps  souillé 
parle  péché.  Pourquoi?  vous  venez  de  le 
voir.  Ce  n'est  pas  Dieu  qui  envoie  les  Ames, 
c'est  vous  qui  les  évoquez.  C'est  vous,  hom- 
mes doués  d'une  vie  transmissible,  investis 
du  droit  auguste  de  la  paternité,  c'est  vous 
qui,  sur  l'ordre  de  votre  chair»  appelez  les 
esprits  à  vous  et  les  forcez  de  recevoir  avec 
votre  image  la  honte  et  la  gloire  d'être  votre 
postérité.  Si  cette  puissance  vous  eût  été 
retirée,  c'eût  été  l'arrêt  de  mort  du  genre 
humain.  Dieu»  qui  voulait  sauver  l'huma- 
nité, vous  a  laissé  la  vie  dans  sa  plénitude  » 
il  a  maintenu  la  loi  de  la  transmission  hé- 
réditaire, sans  laquelle,  demeurés  au  néant, 
vous  n'interpelleriez  pas  sa  justice  et  sa 
sagesse,  et,  accomplissant  de  sa  part  tout  ce 
qu  il  avait  proniis,  il  permet  à  votre  misère 
de  souiller  les  Ames  qu*ilcrée  pour  vous,  et 
à  votre  ingratitude  de  le  blasphémer  pour 
le  mal  dont  vous  êtes  les  auteurs. 

IV. 

Commenl  îliumaoUé  estreUe  foupoble  et  pourquoi  piiniA 
d  une  faute  qui  De  lui  est  pas  personnelle?  —  Loi  de 
la  solidarllé,  -^  entre  Tànie  et  le  coriis,  —  dans  les  fa- 
milles, —  dans  les  naUoiis,  —  dans  rliumanité. 

Si  je  ne  me  trompe,  j'ai  prouvé  deux 
choses,  la  première,  ()ue  le  p('*ché  produit 
dans  l'hoiiimeunétat  permanent  de  désordre 
qui  afToce  son  Ame  et  son  corps  substan- 
tiellement; la  seconde ,  que  cet  étal  de  dé- 
sordre e>t  hércditai renient  transmissible 
d'une  manière  physiolojjique ,  c'est  -  à  - 
dire,  comme  une  maladie,  en  vertu  des 
lois  générales  qui  régissent  l'Ame  et  le 
corps  dans  l'œuvre  de  la  paternité  I  C'est 
beaucoup  déjà,  et  pourtant  ce  n'est  pas  tout, 
car  cette  maladie  clu  péché,  elle  est  imputée 
h  la  viclime  qui  la  reçoit  sans  le  vouloir, 

3 ni  la  subit  comme  une  condition  nécessaire 
e   sa   naissance,  sans  qu'il  ait  dépendu 


d'elle  d'y  donner  ou  d'y  refuser  son  consen- 
tement :  comment  cela  peut-il  ôireî  Ceni- 
ment,  aux  yeux  de  la  souveraine  juslke, 
l'homme  déchu  est-il  autre  chose  qu^unèire 
malheureux?  Il  a  perdu  Dieu  par  le  crime 
de  son  premier  père,  on  le  conçoit  : Dieo, 
qui  s'était  donné  gratuitement,  a  pu  se  re- 
tirer gratuitement  de  la  race  d'un  con|ial)ic 
et  l'abandonner  aux  effets  persévéranlsd'une 
corruption  qui  ne  venait  pas  de  lui.  Mi 
appeler  cette  race  elle-même  couiwble,  lui 
imputer  sa  misère  à  crime  et  sa  perle  i 
chAtiment ,  voili  qui  confond  notre  cœurld 
que  Dieu  lui-même  Ta  fait.  Il  est  vrai,  vous 
nous  l'avez  dit ,  le  péché  originel  n*est  [las 

{mni  dans  la  postérité  d'Adam  comme  une 
àute  personnelle,  il  s*en  faut  bien,  \m 
enfin,  il  est  puni.  Pourquoi?  A  quel  litre? 
C'est  une  simple  privation,  nous avez-roiis 
dit  encore ,  et  même  une  privation  qui  n'ei> 
traîne  aucune  douleur  de  l'Ame,  parce  qat 
l'Ame ,  n'ayant  pas  reçu  la  semence  du  bieo 
éternel ,  est  incapable  de  connaître  et  de 
ressentir  ce  qu'elle  a  perdu.  Oui,  mais  ce- 
pendant c'est  une  peine ,  et  c'est  h  cau^e 
d'une  faute  que  Dieu  tient  éloignés  de  lui  les 
enfants  qu*il  avait  faits  pour  lui.  Comiueni 
cette  faute  retombe^t-elle ,  si  peu  que  ce 
soit,  sur  toute  l'humanité? 

Je  ne  puis  vous  répondre  que  par  on  seul 
mot,  mot  célèbre,  sans  lequel  il  est  impas- 
sible d'entendre  l'histoire  de  l'horDoeel sa 
f)ropre  justice ,  mot  qui  est  de  toutes  les 
an^ues,  et  que  voici  :  solidarité.  Que  teul- 
il  dire?  Il  veut  dire  nécessairement  quelque 
chose,  et  quelque  chose  de  vrai,  sans  quoi 
il  n'existerait  pas.  La  solidarité,  telle  que 
le  ^enre  humain  l'a  toujours  conjiue  et  com- 
prise, est  une  communauté  de  mérite  et  de 
démérite,  de  gloire  et  de  honte,  entre  des 
êtres  liés  ensemble  par  un  principe  d*unilé. 
Partout  où  il  y  a  unité  il  y  a  communauté 
morale»  et  la  communauté  morale  n'est  pas 
autre  chose  que  la  solidarité.  Ainsi, entre 
l'Ame  et  le  corps, si  différents  qu'ils  soieut, 
il  existe  un  lien  qui  fait  de  l'un  et  de  l'autre 
une  seule  personne.  Eh  bien!  le  corps, 
quoiaue  incapable  de  bien  et  de  mal,  et  par 
conséquent  de  responsabilité,  est  cependant 
comptable  des  actes  libres  de  l'Ame»  etii  oe 
s'est  oas  rencontré  de  législateur  asseiio- 
sensé  pour  dire  :  l'Ame  seule  est  coupable; 
l'Ame  seule  doit  être  punie-Et  ne  croyez  jws 

aue  Ton  s'attaque  au  corps  par  impuissaoce 
e  s'attaquer  directement  à  l'Ame  :  uont  la 
pensée  commune  n'est  pascelle-li.Eofrap' 
\\aui  le  corpsdu  coupable,  la  justice  humaine 
entend  faire  un  acte  juste  dans  sa  totalité, 
et  non  pas  un  acte  qui  passe  par  rinuocent 
pour  atteindre  le  criminel.  LAineseuie,il 
est  vrai,  conçoit  le  crime,  seule  elle  je 
veut,  seule  elle  le  commande;  mais  m\' 
visiblement  unie  au  corps,  elle  ne  conçoit, 
ne  veut»  ne  commande  et  n'exécute  qu  arec 
le  corps  ;  la  communauté  de  vie  eni^eniirele 
communauté  morale;  et  chaque  membre 
solidaire  de  tous  ne  s*étonnepasquc  Içsui^ 
plice  parvienne  jusqu'à  celui  qui  n'a  pas 
commis  la  faute,  mais  qui  s'y  trouve  enve- 


SIS 


PEC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PBC 


514 


lof»()é  |jar  one  info!nn(airc  coopératîoa.  Le 
tiras  a  fnppé,  la  léte  en  ré|iond ,  et  toute  la 
terre  applaudit  au  rers  du  Cid  : 

Qsaad  le  bras  a  fallH,  Ton  en  punit  la  téie. 

De  même  et  mieui  encore,  an  sein  de  la 

famille,  il  eiisle  un  principe  d'unité  qui  a 

^a  source  dans  la  transmission  du  sang,  et 

lour  conséquence  une  solidarité  d*autant 

fins  forle  que  Ton  est  plus  près  du  tronc 

<J'i>ù  el!es*épand.  Toute  famille  compte  dans 

500  patrimoine  l'honneur  qu'elle  a  reçu  de 

««s  aîeoi  9  €t  cet  honneur  ombrage  la  léte 

(ie  reofani  qui  vient  de  naître  arant  même 

quil  soit  capable  de  nommer  la  gloire,  en 

Dommaot  sou  ()ère.  En  vain  réclamerez-vous 

contre  cetle  disposition  du  mérite;  en  rain 

tatrailefez-TOusde  préjugé  sans  fondement, 

ie  préjugé  tous  subjuguera  vdus-mème,  et 

loréqult  s*agîra  d'unir  TOtre  sang  à  un  autre 

«aog,  votre  race  k  one  autre  race,  vous 

&  estimerez  rien  plus  que  cet  incompréhen- 

siUe  héritage  de  rhonneur,  comme  vous  ne 

redooterex  rien  plus  que  la  rencontre  d*une 

MMiillnre  bérédiiaire,  fût-ce  dilns  Tobjet  le 

f.ûs  aimé  et  le  plus  digne  de  Pétre.  Je  vous 

k^iDande*  la  maiu  sur  votre  cœur,  épouse- 

riez-foas  la  fille  d'un  misérable.  Y  a-t-il  au 

moftile  «n  amour  qui  vous  persuadât  de 

birtï  fMrepostéritéce douloureux  présent? 

Vues  ^miserez  le  malheur,  jamais  la  honte, 

tî  ttjùçemeM  de  votre  âme  me  suffit  contre 

T*ftn  ruson.  Votre  âme  n'a  pas  tort  :  le  fils 

efifesaiig,  la  vie,  Timage,  la  continuation 

dd  père;  il  perftélue,  quoique  imftarfiiite- 

itifiil,  la  cause  qui  a  fait  le  mal  et  trouve 

r'fprubre  dans  le  mal. 

Vous  me  direz  qae  cette  condamnation 
fi'tfl  pas  sans  relevailles,  qu'il  j  a  des  eiem- 
Hfs  d'un  retour  de  l'opinion,  et  qu'une  so- 
li^rité  de  gloire  s'est  plus  d'une  fois  super- 
}fOb6e  à  Doe  solidarité  contraire.  Oui ,  et  qui 
'^  nie?  Le  mérite  personnel  peut  racheter 
le  démérite  originel,  et  il  n'en  est  pas  du 
wéshonnear  transmis  comme  du  déshonneur 
(|iu  vient  de  nous.  La  justice  humaine,  aussi 
Uen  que  la  justice  divine,  distingue  aisé- 
ment ces  nuances  et  ne  se  trompe  pas  sur  le 
ét^  de  responsabilité.  Le  coupable  primitif 
est  le  vrai  «  le  grand  coupable ,  le  coupable 
kéréditaire,  victime  du  sang  qu'il  porte ,  est 
noe  infortunée  prolongation  d'autrui,  et 
Téquilé  lui  montre  de  loin  la  piscine  labo- 
rieuse où  tout  grand  cœur  peut  dépouiller 
le  vieil  homme  et  rajeunir  son  sang. 

Au-dessus  de  funué  de  famille  et  de  la 
M>lidarité  domestique,  est  une  unité  plus 
«asie  qui  engendre  une  solidarité  plus  pro- 
fonde, je  veux  |jarler  des  nations.  Un  peuple 
n'eM  pas  rinforme  assemblage  de  quelques 
uiiriades  d'hommes  ré|<andus  sur  un  même 
irrriloire;  il  est  la  postérité  d'un  patriarche 
qui ,  de  chef  de  famille  et  de  conducteur  de 
iriba,  est  devenu  le  |)ère  d'une. race  nom- 
i«reiise  et  puissante ,  unie  par  les  lois ,  les 
tiMiurs  9  les  institutions ,  la  terre  et  les  sou* 
Tt-nirs.  Un  peuple  est  une  communauté  qui 
n'a  qu'une  âme  et  qu'une  histoire.  Un  peuple 
tst  uo;  îilentique  a  lui-même  dans  lo«ite  la 


suite  des  siècles  ;  il  agit,  selon  l'expression 
de  l'Ecriture, comme  un  seul  homme,  met- 
tant dans  les  affaires  humaines  le  poids  de 
sa  masse  et  de  son  unité.  (Test  pourquoi  il 
est  responsable  en  tant  que  peuple,  et  le 

r^uple  ne  commençant  ni  ne  finissant  jamais 
M  ou  lel  point  particulier,  sa  responsa- 
bilité enveloppe  toutes  les  générations  qui 
le  composent  et  tous  les  artes  qui  consti- 
tuent l'ensemble  de  sa  vie.  En  doutez-vous? 
Doutez-vous  que  la  France  porte  dans  son 
sein  la  tradition  solidaire  de  tout  ce  qu'elle 
a  fait  au  monde?  Doutez-vous  ^ue  votre 
nom  de  peuple  soit  une  réalité  vivante  qui 
accom|>agne  chaoue  Français  et  rappelle  en 
lui  la  mémoire  des  fautes  et  des  vertus  de 
nos  aïeux?  Doutez-vous  de  la  grandeur  com- 
mune qui  est  en  chacun  de  vous,  et  ne  vous 
estimez-vous  qu'au  |[)Oids  de  votre  mérite 
perÂonnel  ?  Le  Romain  disait  avec  orgueil  : 
Homanuf  eiriêsum  ego.  Vous  le  dites  comme 
hii ,  parce  que  vous  sentez  comme  lui  qu'un 
grand  peuple  habite  en  vous.  Oui ,  nous  re- 
vivons dans  nos  aïeux  par  le  sang  qu'ils 
nous  ont  légué,  et  nos  aïeux  revivent  eu 
nous  par  ce  même  sang  que  nous  leur  de- 
vons. Nous  étions  en  Clovis,  lorsque,  sortis 
i\<^s  austères  foréls  de  la  Germanie ,  il  jetait 
au  delà  du  Rhin  le  regard  qui  promettait  à 
sa  race  la  possession  des  Gaules  et  la  ruine 
des  Romains.  Nous  étions  en  lui  lorsqu'il 
écoutait  Clolilde  sous  sa  tente,  lorsqu'il  priait 
)  Tolbiac,  lorsqu'il  courbait  la  tête  sous  la 
l)éné<lietion  de  saint  Remr,  en  recevant  le 
liaptéme  du  Christ.  Nous  étions  en  Charle- 
magne,  passant  les  Alpes  pour  ven|;er  la 
papauté  outragée  et  asseoir  son  indépen- 
dance au  milieu  des  nouvelles  nations.  Nous 
traversions  la  mer  avec  Fhiii[)pe-Auguste 
et  saint  Louis  |iour  délivrer  le  ^aintsépulcre. 
Nous  étions  de  la  ligue  qui  défendit  notre 
antique  foi  contre  les  armes  de  l'hérésie, 
et  plus  récemment  encore,  on  nous  a  trou- 
vés sur  l'échafaud  où  coulait  le  sang  de  nos 
pères  pour  .nous  conserver  le  titre  et  les 
droits  de  chrétiens.  Tous  ces  mérites  sont 
les  nôtres,  tous  ces  souvenirs  parlent  de 
nous-mêmes.  Du  haut  de  l'histoire  où  la 

C)stérité  les  voit,  la  France  apparaît  comme 
ur  cause  invisible  et  subsistante,  et  du 
haut  du  ciel  où  Dif^ii  l^s  récompense,  sa 
justice  ne  couronne  qu'une  âme  et  ne  oro- 
clame  i|u'un  nom. 

Ces  exemfiles  font  voir  que  la  solidarité 
est  une  loi  générale  du  monde ,  et  que  si  les 
familles  et  les  nations  y  sont  sujettes,  l'hu- 
manité tout  entière,  en  la  personne  d'Adam 
qui  la  contenait  et  la  représentait,  a  bien 
pu  en  soutenir  l'action.  De  même  que  chacun 
de  nous  porte  les  fautes  de  son  sang,  comme 
membre  u'une  race  et  d'un  peuple,  nous  les 
|iortons  aussi  comme  partie  substantielle 
du  genre  humain ,  avec  cette  diOérence  que 
les  solidarités  (K>stérieures  k  la  solidarité 
primitive  sont  nécessairement  bornées  et 
imparfaites,  tandis  que  la  solilarité  pri- 
mitive ,  étant  le  principe  de  la  responsa- 
bilité humaine,  surpasse  toutes  ses  filles 
en  étendue  et  en  jirofondeur.  En  étendue, 


515 


PEC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEC 


518 


car  Adam  est  le  seul  homme  qui  ait  ren- 
fermé en  lui  tous  les  hommes ,  qui  leur  ait 
transmis  à  tous  sans  exception  son  sang»  sa 
forme  et  sa  vie  ;  en  profondeur,  car  il  est  le 
seul  qui,  par  sa  faute,  ait  séparé  de  Dieu  le 

(;enre  humain.  Les  fautes  subséquentes  des 
lommes ,  des  familles  et  des  peuples  ,  trou- 
vent cette  séparation  accomplie  et  ne  peu- 
vent y  ajouter  qu'une  aggravation.  Nulle 
créature  humaine^  sauf  Adam,  n*est  en 
droit  de  se  dire  :  J'ai  perdu  le  monde; 
comme  nul  autre  que  Jésus-Christ  n*e$t  en 
droit  de  se  dire  :J  ai  sauvé  le  monde.  Adam 
a  ouvert  la  série  des  crimes,  Jésus^CbristJa 
sériedes  grâces  el  des  vertus  :  chaque  homme 
ifjoute  à  ces  deux  tables  des  mérites  et  des 
démérites  propres,  et  cireffe  des  solidarités 
secondaires  sur  la  solidarité  universelle; 
mais  aucun  n*e$t  la  souche,  aucun  n*est  le 
fleuve,  aucun  n'est  Tunité  primordiale  d'où 
découle  la  perte  ou  le  salut  commun. 

Vous  voyez  donc  |)ourquoi  la  transmis- 
sion héréditaire  de  Tétat  de  péché  à  la  des- 
cendance d*Adam  n*est  pas  seulement  un 
malheur,  mais  une  certaine  ))articipatioa 
qui  a  pour  conséquence  un  degré  d*impu- 
ta'bilité.  Dieu ,  en  considérant  le  genre  nu- 
main  avant  toute  réparation,  n'y  voit  pas 
seulement  un  désordre  perpétué,  il  y  dé- 
couvre encore  la  cause  permanente  de  ce 
désordre,  qui  est  la  nature  humaine  elle- 
même  issue  d*Adam  et  ne  faisant  qu*un  avec 
lui.  Cette  cause,  il  est  vrai,  n'est  plus  entière; 
la  personnalité  d'Adam  y  fait  début  et  y 
est  remplacée  par  la  personnalité  de  ses 
descendants.  C'est  pourquoi  l'état  de  péché 
qu'ils  portent  en  eux  ne  leur  est  pas  imputé 
comme  à  leur  premier  père,  seule  cause 
intégrale  de  la  séparation  de  l'homme  avec 
Dieu.  £n  Adam  ,  la  peine  est  tout  à  la  fois 
privative  elaffliclive;  dans  sa  postérité,  elle 
n'est  plus  que  privative,  sans  aucune  dou- 
leur, ni  de  l'âme,  ni  du  corps.  Dieu  se  tient 
retiré  de  l'homme  qui  s'est  retiré  de  lui, 
voilà  tout. 

Que  si  cette  condition  des  choses  vous 
semble  encore  dure,  considérez  que  le  don 
de  Dieu  à  l'homme  était  gratuit,  surnaturel, 
infiniment  supérieur  à  toute  espérance 
d'uh  être  créé.  Considérez,  en  second  lieu . 


humaine,  et  que,  dans  le  plan  de  la  créa- 
tion, elle  ne  devait  entraîner  que  la  com- 
munication et  la  diflusiondu  bien.  C'est 
l'homme  qui  a  corrompu  la  loi  de  la  solida- 
rité et  en  a  fait  un  instrument  de  propaga- 
tion du  mal,  cl  malgré  cette  corruption, 
1  effet  premier  de  la  loi  subsiste  encore. 
Jésus-Christ ,  le  sauveur  du  monde ,  s'en 
est  emparé  pour  appliquer  au  genre  hu- 
main tout  entier  {¥oy,  Uépabation)  le  mé- 
rite expiatoire  de  sa  vie  el  de  sa  mort; 
si  la  solidarité  nous  a  perdus,  c'est  la 
solidarité  qui  nous  sauve,  et  le  bien  qui 

(>i80)  Bom.  V,  15. 
(481)  Exod.  XX,  5  el  6. 


en  sort  surpasse  le  mal  qui  en  est  le  fruit, 
C'est  pour<iuoi  saint  Paul  ne  craint  pss  de 
dire  :  //  n'en  est  pas  du  péché  commt  dt  k 
grâce.  Si  beaucoup  sont  morts  par  la  fautf 
a  un  seul^  combien  plus  la  grâce  de  Di(u 
abonderait-elle  en  beaucoup  dans  la  gràct 
d'un  seul  autre  homme  ^  Jésus-Christ  (UOJI 
Et  déjà  dans  l'ancienne  loi ,  au  milieu  des 
foudres  du  Sinaï,  Dieu  disait  à  sou  peuple: 
Je  suis  le  Seigneur  ton  Dieu ,  le  Dieu  fort  H 
jaloux^  ^ui  visite  F  iniquité  des  pères  doM  lu 
enfants  jusqu'à  la  troisième  et  quatrième^ 
ration  de  ceux  qui  me  haïssent  j  et  qui  fan 
miséricorde  iusqu  à  la  millième  généraiûmdt 
ceux  qui  m  aiment  et  qui  garSimt  me»  c^m- 
mandements  (^81).  Paroles  mémorables  et 
(]ui  montrent  commenty^d'une  même  loi  d\»ù 
jaillit  le  bien  et  le  mal,  Dieu  sait  tirer  plus 
de  satisfaction  pour  la  miséricorde  que  pour 
la  justice.  (il8^)  (Yoy.  Mil,  Liberté, C«éi- 

TION,  RÉPARATION,  etc.) 

§  VI. 
BépoQse  lux  objecUoDs  de  U.  de  Lamemnii 

«  La  théorie  chrétienne  de  la  transmission 
du  péché  re(K)se,  »  dit  Tauteur  de  l'fipfiM 
d^une  philosophie^  «  sur  rhypolhèsed'unélal 
primitif  de  pierfection  impossible  en  soi,  el 
manifestement  oiiposé  à  la  première  loi  de 
l'univers,  la  loi  Je  progression,  entertude 
laquelle  chaque  créature,  semblable eo  re 
point  à  la  création  tout  entière,  parcr^urt 
successivement,  depuis  le  plus  bis  degré 
d'être  ou  de  bien,  les  phases  du  déreloppe- 
ment  que  sa  nature  comporte,  jusauà  ce 

3u*elle  subisse,  par  la  dissolution  inevilabie 
e  son  organisme,  )a  condition  de  tout  ce 
qui,  limité  dans  l'espace,  l'est  nécessaire- 
ment dès  lors  dans  le  temps  (4^).  » 

La  perfection  primitive  n'est  pas  impossi- 
ble en  soi ,  nous  en  demandons  pardon  à  Tau- 
teur,  pourquoi  le  serait-elle  et  sous  çiuel  rap- 
port? Répugue-t-il  que  l'homme  soit  exempt 
de  concupiscence  et  de  péché,  naturellement 
enclin  à  la  vertu,  doué  de  lumières  supérieu- 
res &  celles  de  notre  état  présent?  Nous  n'attri- 
buons pas  d'autres  privilèges  à  Tâmed^Adani 
innocent,  il  est  clair  que  Dieu  a  pu  les  lui  ac- 
corder. S*étonne-t-onde  rimmortalité,deré- 
ternelle  jeunesse  assurée  à  l'homme,  s-'il  ne 
péchait  pas  %  Qu'y  a-t-il  encore  d'impossible? 
Ne  sait-on  (.^as  que  les  lois  du  monde  phy- 
sique sont  arbitraires  et  dépendent  de  ta 
libre  institution  de  Dieu;  qu'il  ne  lui  en 
coûtait  pas  plus  de  faire  Thorome  immortei 
que  de  le  condamner  à  la  mort?  «  Ce  qui 
est  limité  dans  l'espace,  dit-on,  Test  néces- 
sairement dans  le  temps.  »  Limité  du  cAi^ 
de  Forigine,  oui,  mais  non  autrement:  il 
est  nécessaire  que  Tètre  contingent  soit 
créé,  ou  qu'il  ait  un  commencement,  il  Q^ 
l'est  pas  qu'il  tinisse.  Au  reste,  puisque  la 
loi  de  progression  est  la  première  loi  de 
l'univers ,  Thomme  arrivera  tôt  ou  tard  i 
une  perfection  au  moins  égale  à  celle  qix' 
nous  supposons  en  Adam;  pourquoi  Dieu» 

i\%\  *)  Lacoedaire,  65*  coiif. 

(482)  Esqui$9e  d'une  philosophie^  I.  U,P*^* 


Îî7 


PEC 


DICTIONNAIRE  APOLOGLTIQDE. 


PEC 


518 


n'auraîNl  pas  pu  la  lui  donner  tout  d*un 
coup  sans  le  faire  passer  par  les  degrés  in- 
fcrieurs? 

La  loi  du  mérite  par  la  liberté  et  Téprcuve 
f5t  aa  moins  égale  en  importance  k  celle  du 
{trngrès;  Adam  a  donc  dû  être  libre  et  pou- 
uÂr,  abuser  de  sa  liberté.  S'il  la  fait  comme 
nous  le  croyons,  pourquoi  n'aurait-il  pas 
clé  l'oni  par  la  |ierte  des  avantages  attachés 
ï  réuid'iDOOcence?  Quoil  la  loi  de  progres- 
sion est-elle  si  importante,  que,  de  peur  de 
la  contrarier,  le  crime  doit  rester  impuni 
yjiis  un  Dieu  juste  et  ennemi  de  riniguité  I 
'jui  poorrait  le  croire?  D'ailleurs,  la  foi  de 
1  Eglise  sur  un  état  primitif  plus  parfait  n*a 
ncn  de  contraire  k  ta  loi  de  progression;  si 
AtUiu  fût  resté  fidèle,  il  aurait,  comme  s'ex- 
prime l'aoteur,  parcouru  successivement 
\m\es  les  phases  du  développement  que 
(.'ufuporte  la  nature  ;  par  sa  chute ,  il  est 
luaibé  bien  bas  sans  doute  ;  toutefois  rien 
A*f  TempAche  de  recommencer  de  là   un 
r^yaveau  progrès  et  de  monter  peu  à  peu 
jusqu'au  degré  le  plus  élevé  au'ii  soit  donné 
(Tattrindre  ;  la  religion  est  l  instrument  de 
re  r^loor  progressif  vers  l'état  premier,  pas 
antre  chose.  Que  dis-je?  l'incarnation  et  la 
luori  4a  Fils  de  Dieu  ont  fait  plus  que  ré- 
|iarer  levai  :  où  le  péché  avait  abondé,  dit 
«aiQi  Paul  (483),  la  grâce  a  été  surabon- 
fjjnle.  »  i  plusieurs  égards  uolre  état  pré- 
M0<  est  inférieur  à  Tétai  primitif,  cela  est 
^rji  :  mais  en  somme  et  par  la  miséricorde 
ijÎTÎoe,  il  vaut  mieux ,  il  constitue  un  pto- 
pt5  rentable. 

La  loi  de  progression,  telle  que  l'entend 
JU.  de  Lamennais ,  est  une  chimère,  mais 
une  diiiuèf e  à  laquelle  on  attache  le  plus 
traod  prix ,  et  nous  en  savons  bien  la  rai- 
viQ  :  on  voudrait  s'en  faire  une  arme  de 
w'ts^iruction  contre  toutes  les  religions  posi- 
t<re^,  el  s'en  servir  en  particulier  pour 
anéantir  le  dogme  des  peines  de  l'autre  vie. 
Mzï^  ooiumedans  celte  entreprise  on  se  met 
*-ii  opposition  avec  la  foi  du  genre  hu- 
u:ain,  i^mme  un  contredit  les  notions 
1^  plus  claires  des  attributs  de  Dieu  et 
tir  la  liberté  de  l'homme,  il  faudrait  au 
Tboins,  pour  se  donner  une  apparence  de 
raison,  nous  montrer  la  loi  de  progression 
^itrn  établie  sur  la  terre,  en  y  régnant  sans 
ronte^tation.  On  le  tenterait  vainement, 
s'il  V  a  dans  le  monde  une  loi  universelle, 
^ao^  exception,  cest  moins  la  loi  du  progrès 
querelle  de  la  déchéance  ;  ou  plutôt  pour 
nire  la  vérité,  elles  y  existent  toutes  deux , 
•îe  telle  sorte  cependant  que  la  décadence 
•^t  une  suite  nécessaire  de  la  constitution 
!iivrale  de  Thonime,  et  le  progrès  un  effet 
tLJra^-uleux  de  la  providence  de  Dieu.  Com- 
ment en  serait-il  autrement?  Rien  ne  parait 
auisi  inconciliable  avec  la  nature  humaine 
'}09  le  progrès,  et  cependant  le  progrès 
rtiste  dans  le  monde.  Noire  suiet  nous 
aîtiêne  naturellement  à  prouver,  rliistoire 
a  la  main,  Texislence  de  ce  double  fait, 
l/élal  des  sauvages,  des  nègres,  des  ha- 


bitants de  la  Polynésie,  de  tous  les  peuples 
enfin  étrangers  à  noire  sainte  religion, 
prouve  assez  que  l'homme  abandonné  a  lui- 
même,  déchoit  nécessairement;  le  sort  des 
nations  civilisées  concourt  k  la  même  dé- 


tutions  les  plus  vantées,  les  lois  les  plus  sa- 
ges peuvent  à  peine  rendre  plus  lente  une 
décadence  inévitable  ;  ces  lois,  ces  institu- 
tions dégénèrent  h  leur  tour,  car,  tout  ce  qui 
est  humain  |K>rte  en  soi  un  princi|»e  de  dé- 
périssement et  de  mort.  Le  christianisme, 
lui-même,  n'a  pu  nous  mettre  k  l'abri  de 
cette  insurmontable  nécessilé  :  tant  elle  pèse 
cruellement  sur  les  enfants  d*Adaml  L'afiTai- 
blissement  progressif  de  la  discipline  et  des 
mœurs  est  un  fait  visible,  on  le  remarque 
dans  le  clergé,  dans  les  corps  religieux 
comme  dans  le  peuple;  chez  les  nations  les 
plus  chrétiennes,  la  société  civile  el  la  so- 
ciété religieuse  sont  travaillées  de  cette  ma- 
ladie. Au  commencement  les  institutions, 
combinées  d'après  les  mœurs  et  les  besoins 
du 'temps,  sont  d'ordinaire  assez  fortes  pout* 
maintenir  l'accord  nécessaire  entre  les  gou- 
vernants el  les  gouvernés  ;  plus  tard ,  par 
l'effet  de  la  décadence  des  mœurs  publiques, 
elles  deviennent  trop  faibles,  les  liens  se 
relâchent,  un  malaise,  un  trouble  se  fait 
sentir  dans  le  corps  social ,  et  après  d'assez 
longues  souffrances  arrivent  les  crises  et 
les  t)Ouleversements. 

Le  christianisme  diffère  des  autres  reli- 
gions en  ce  qu'il  |K>ssède  un  principe  de 
vie,  une  énergie  intime,  qui  non-seulement 
arrête  le  cours  de  la  dégénération,  mais  qui 
ramène  les  vertus  premières  au  sein  d'une 
société  corrompue.  Evidemment  de  toutes 
les  institutions  existant  sur  la  terre,  le  chris- 
tianisme est  la  plus  forte  contre  l'action  du 
tem{is.  Or,  sur  quels  principes  fondés  et 
par  quels  moyens  le  christianisme  rend-il 
d'abord  la  décadence  moins  rapide ,  et  fait- 
il  ensuite  remonter  la  société  au  point  où 
la  déchéance  a  commencé?  Agit-il  confor- 
mément k  la  doctrine  du  progrès?  Nulle- 
ment, il  suppose  partout  la  déchéance,  la 
déchéance  continue,  un  penchant  au  mal 
qui  doit  être  combattu  sans  relâche,  qu'il 
combat  en  effet  |)ar  toutes  les  forces  dont  il 
dispose;  et  ces  forces  sont  immenses,  l'ex- 
périence l'a  démontré. 

Certes,  les  fondateurs  d'ordres  religieux 
connaissaient  le  cœur  humain,  ils  avaient 
étudié  à  fond  le  grand  art  de  conduire  les 
hommes  ;  que  trouve-t-on  dans  les  règles 
dont  ils  ont  comi)Osé  Tobservaiion  k  leurs 
disciples?  Partout  des  précautions,  partout 
des  entraves;  une  succession  d'exercices 
qui  ne  laissent  pas  le  religieux  un  seul  mo- 
ment è  lui-même;  les  vœux  de  pauvreté, 
de  chasteté,  d'obéissance,  qui  le  retiennent 
sur  la  pente  du  mal  comme  par  des  chaî- 
nes invincibles;  ajoutez  les  graves  médita- 
tions la  solitude,  le  silence,  le  travail,  la 


li8ô)RMi.v,20. 


M9 


PEC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE 


PEC 


530 


niorliQcalion  des  sens*  de  l*esprU  et  du 
(*œur,  la  surveiliance  rigoureuse  des  chefs» 
leur  allenlioD  à  contrarier  la  volonté  en  tou- 
tes choses.  Cepeu  Jant,  malgré  tant  de  nré- 
servaliis,  le  relflchcment  s'introduit  à  la  lon- 
gue, il  faut  enfin  des  remèdes  extraordi- 
naires |)Our  arrêter  le  cours  du  mal  et  rap- 
peler la  ferveur  des  premiers  jours  de  Tins- 
tilution.  Aui  époques  les  plus  glorieuses 
de  la  durée  de  ces  écoles  de  sagesse,  quels 
hommes  se  sont  distingués  entre  tous  les  au- 
tres par  rtiéroïsme  de  leurs  vertus?  Ceux 
qui  ont  encore  encliéri  sur  Taustérité  de  la 
règle,  ceux  qui,  se  regardant  comme  les 
plus  faibles  des  hommes,  ont  montré  jus- 
(|u*à  leur  deraiëre  heure  une  crainte  près-» 
que  exagérée  d'eux-mêmes,  une  vigilanee, 
une  attention  toujours  soutenues.  Tous  les 
grands  corps  ont  compté  quelques-uns  de 
ces  illustres  personnages,  auxquels  l'Ëglise 
a  érigé  des  autels  ;  Tinitialion  fidèle  de  leurs 
exemples  a  élevé  jusqu*au  ciel  la  gloire  des 
ordres  monastiques;  Tabandon  de  leurs 
maximes  a  été  le  signal  de  la  décadence,  du 
dépérissement  et  de  la  mort. 

Oh  I  que  la  plaie  de  Thumanité  est  pro- 
fonde! C'en  serait  fait  depuis  longtem|)s  de 
la  vérité  et  de  la  vertu  sur  la  terre,  si,  au 
moment  où  tout  allait  s'abîmer  comme  dans 
un  gouQ're,  Dieu  n'eût  tout  sauvé  par  une 
intervention  miraculeuse  de  sa  providence. 
Où  en  serions-nous  aujourd'hui  sans  le  dé- 
luge, la  révélation  de  Moïse  et  la  prédication 
des  apôtres?  Où  allons-nous  en  ce  moment? 
Que  présage  une  dépravation  d'esprit  et  de 
cœur  toujours  croissante?  A  quoi  faut-il 
s*attendre,  si  Dieu,  par  les  moyens  qui  lui 
sont  connus,  n'opère  pas  bientôt  dans  la  so« 
ciété  une  rénovation  radicaie? 

Mais  la  Providence  ne  se  contente  pas  de 
soutenir  l'humanité  sur  le  penchant  de  sa 
ruine,  elle  la  fait  toujours  remonter  plus 
haut  que  le  point  d  où  elle  était  descendue. 
Ainsi  la  loi  de  Moïse  est  l»Ius  parfaite  que 
Ia  première  loi  donnée  à  Vhomme  ;  l'Evan- 
gile est  au-dessus  de  l'Ancien  Testament, 
et,  nous  n'en  doutons  pas,  Tépoque  à  la- 
quelle nous  touchons  peut-être,  sera  plus 
glorieuse  |K>ur  le  christianisme  que  toutes 
celles  qui  ont  précédé.  Après  avoir  long- 
temps décliné,  la  vérité  s'est  développée  k 
à  travers  les  Ages  par  de  brusques  secous- 
ses, pour  ainsi  dire,  semblable  à  un  flam- 
beau qui  se  rallume  et  devient  plus  brillant 
au  moment  où  il  allait  s'éteindre.  Oui,  ces 
deux  choses  sont  également  prouvées  par 
Texpérience  des  siècles.  L'humanité  des- 
cend par  son  propre  poids;  cependant  Dieu 
a  su,  en  laissant  subsister  la  loi  delà  dé- 
chéance, faire  suivre  à  la  société  une  pro- 
gression ascendante  dont  le  terme  n'est  pas 
encore  connu.  Laconsé(|uence  est  évidente: 
le  doçme  du  péché  originel  et  celui  de  la 
réhabilitation  sont  d'accord  avec  les  lois  et 
les  faits  de  l'humanité. 

Continuons  à  citer  M.  de  Lamennais  {h8h)i 
«  L*liëréditaire  transmission  <lu  péché  ren- 

(484)  Esquiise.  l.  Il,  p.  58, 


ferme,  dit-il,  une  contradiction  absolue 
Qu'est-ce  que  le  péché  dans  sa  cause  mo- 
rale? Une  volonté  mauvaise  ou  désordon- 
née. Qu'est-ce  que  la  volonté?  L'acte  propre 
du  moi  dans  un  être  individuel,  intelligent, 
ou  l'individualité  elle-même,  en  tant  qu'ac- 
tive et  intelligente.  Iji  volonté  est  donc, 
comme  l'individualité,  essentiellemenl  in* 
communicable  :  le  péché  est  donc  incomnia- 
nicable  également.  Kn  outre,  il  implique 
la  liberté  qui,  dérivant  de  Tin  tell  igeiice, 
n'apparatt  qu'avec  elle.  A?ant  qu'elle  exîMe, 
le  péché  n'est  donc  pas  possible;  et  quand  il 
existe,  il  n*est  que  l'abus  qu'on  en  fait. 

«  Le  péché  d'ailleurs  est,  ou  ua  acte  de  li 
volonté,  ou  un  état  déterminé  par  un  acle 
de  la  volonté,  ou  l'un  et  l'autre  ensemble. 
Comment  pourrait-il  ,v  avoir  iW^cbé  avaot 
qu'il  y  ait  ni  acte  de  la  Volonté,  ni  Tolomé!» 

L'auteur  ajoute  (M^)  :  «  En  supposant 
que  l'humanité  a  néciié  dans  le  premier 
homme  qui  la  reniermait  ;  que,  coupable 
comme  lui,  elle  a  dû  être  condamnée  eofnroe 
lui;  que  des  millions  d'êtres  hamains  ont 
été  dès  lors,  avant  de  natlre,  destinés  en  cette 
vie  h  d'innombrables  misères,  et  dans  une 
vie  ultérieurs  à  ime  éternité  de  tourments, 
on  a  tout  à  la  fois  renversé  les  notions  fon- 
damentales des  choses,  et  cho^jué,  au  fooil 
de  la  conscience,  le  sentiment  inné  du  iuste 
et  de  riiyuste,  lequel  répugne  invincible- 
ment à  cette  solidarité  de  faute  etdecMli- 
ment  aussi  bien  qu'à  l'éternité  deeelui-ci; 
car  l'éternité  du  châtiment  implique  l'éter- 
nité du  crime,  et  aboutit  logiquetûeni  à 
l'hypothèse  de  deux  ))rincipe5  coéteraels 
et  indépendants.  » 

La  plu|)art  des  objections  contre  le  dogme 
du  péché  orisinol  roulent  sur  une  double 
é(]uivoque  relative  aux  termes  de  péché  et 
de  punition.  On  raisonne  sur  le  premier 
comme  si,  d'après  la  doctrine,  l'homme  nais- 
sait coupable  de  In  faute  d'Adam,  de  la  même 
manière  que  s'il  l'avait  commise;  ei  sur  le 
second,  comme  si  la  peine  de  la  tache  ori* 
ginelie  consistait  à  être  privé  de  bieus  ri- 
goureusement dus,  ou  à  souffrir  des  maai 
dont  on  aurait  le  droit  d'être  exempL  Cette 
confusion  de  termes  se  conçoit  dans  les  au- 
teurs peu  instruits  de  renseigneaiont  de 
l'Ëgtise,  on  ne  la  comprend  pas  dans  M.  de 
Lamennais. 

En  effet,  ou  son  raisonnement  est  en  de- 
hors de  la  question,  ou  il  faut  dire  que  le 
péché  originel  est  en  nous  exactement  et 
sous  tous  les  rapports  de  la  même  manière 
qu'en  Adam,  et  que  nous  en  sommes  éga- 
lement responsabfes,  que  nous  devons  Tef- 
facer  par  l'emploi  des  mêmes  moyens  ou 
en  être  punis  par  les  mêmes  tourments* 
Mais  jamais  l'Eglise  de  Dieu  n'a  enseigne 
rien  de  semblable.  En  Adam  le  péché  origi- 
nel était  un  acte  de  la  volonté,  une  faute 
personnelle;  en  nous  c'est  un  vice  de  cons- 
titution, une  tache  de  famille,  une  flétrissure 
imprimée  à  toute  la  race  à  cause  du  crime 
de  son  chef;  Adam  était  coupable,nous  som- 

(485)  Esquisse,  t.  II,  p.  60. 


91 


KC 


MCTIONNAIRE  APCH^GETIQUE. 


PfiC 


522 


mes  lAJtçies;  son  péché  lai  avait  laissé  la 
boole  el  le  remords,  à  nous  TiaipiiissaBce 
fC  fiocapacité.  La  révolte  da  premier  homme 
iflecu  à  la  fois  sa  personoe  et  sa  nature  :  sa 
fersoQoe,  eomme  la  constituant  responsa- 
tJ«  eBTers  IKeo  ;  sa  nature,  comme  la  dégra- 
otnt  et  la  Tictant  d*ntle  manière  profonde. 
\U]gri  la  loi  de  solidarité  entre  les  mem* 
.■r«s  d*oiie  même  fami fief  Adam  ne  pouvait 
tnasDelCre  i  sa  postérité  sa  responsabilité 
r-^oanelle,  sf  ce  n*est  en  partie;  mais  la 
c^'fniptioii  de  sa  nature^  il  nous  Ta  trans- 
'..ise  (oot  entière  »  et  par  la  constitution  et 
■e  mode  de  communication  de  celte  nature, 
1.  éui{  impossible  qu^il  en  fttt  autrement. 

Les  IfaMogiens^  dont  Topinion  pourrait 
dMoerleplos  de  prise  aux  objections  des 
ia^oles»  ne  vont  pas  plus  loin.  Selon  ces 
^•'ctears,  ta  lauKe  du  premier  homme»  con- 
'li^rte  comoie  transgression  actuelle  de  la 
'  ijie  Meo,  n^est  physiquement  imputable 
M'i*'!  lai  seul  ;  niais  la  tache  iiabituelle  de 
reie  baie  est  substantiellement  la  même  en 
Dvos.Ceia  lait  une  différence  inCnie.  Pour 
c<i^r  ie  |)trdon  de  son  crime,  Adam  de- 
tiii  se  repentir,  faire  pénitence,  et  de  plus 
^in  ooarert  des  mérites  du   Réparateur; 

(cue  (ienière  condition  suffit  pour  nous. 

<)o  <k«Be  le  baptême  aux  petits  enlants,  in- 

ça^aUes  (Tiae^douleur  que  l*on  n'a  d  ailleurs 
jiadis  Jffliandée  aux  catéchumènes.  Oui, 
aosidé&msnos  adversaires  de  trouver,  dans 
t/>3(f^^li5iiiiedela  tradition^un  seul  motten^ 
^lâ  élililir  la  nécessité  de  se  repentir  du 
p^ê  originel  pour  devenir  enJbnt  de  Pieu. 

^  0  j  trouvera  rien  non  plus  sur  le 
0  -pat  prétendu  des  tourments  éternels,  in- 
^ué5  aux  homnnes  non  régénérés,  à  cause 
.a  seal  péebé  d*origine;  ceux  en  qui  les  mé- 
r^*^  de  Jésns-Cbrist  ne  Tout  pas  eflhcé  ne 
^trmai  jamais  Dieu.  Cest  tout  ce  que  nous 
1-  lîOQs  affirmer,  le  reste  est  abandonné 
121  discussions  de  l'école. 

^'>tts  avons  déjà  parlé  des  opinions  des 

ci'^^^ens  sur  le  sort  des  eiuants  morts 
^rasl d'aroir  r efu  le  baplême ;  bornons^nous 
'  '  ce  momenl  i  quelques  remarques  es- 
-airelles, 

l^^ar  décider  si  les  peines  réservées  aux 
'::l4ats  non  baptisés  sont  injustes,  il  àu- 
•^lU  savoir  si  elles  ne  consistent  pas  pure- 
'•^«Qt  dans  la  soustraction  de  certains  biens 
•l^eDieu  n*est  pas  tenu  d'accorder  à  la  na- 
Ur«  bamaine.  Dans  notre  état  actuel,  nous 
i-affroos  jusqu'à  un  certain  point  la  peine 
^^  b  bote  cTAdam  et  celle  du  sens  ;  mais 
•*«  peines  sont  tellement  adoucies,  tellem^ 
^'^-uicées  pas  les  biens  de  la  vie,  que  la 
F«Jpirt  consentiraient  sans  peine  à  les  voir 
la.*er  étemeUement;  la  privation  de  Dieu 
^  ^  douleofs  corporelles  n'excluent  donc 
r^  nécessairement  toute  espèce  de  bonheur, 
^^ons-nous  accordé  k  nos  adversaires 
'^ie  la  tache  originelle  entraîne  la  peine  du 
^fts,  il  ne  leur  serait  pas  permis  de  cofl- 
^^  que  la  vie  est  un  présent  funeste  fiour 
^  eubnu  des   infidèles.   Qui  sait   dans 

.»6(  EtqmMU,  U  II,  p.  54. 

DICTI03I9A1AB   APOLOGÉTÎQCB.  II. 


quelles  proportions  diverses  peuvent  se 
combiner  les  biens  et  les  maux  de  la  nature? 
Oseraiiron  dire  que  Dieu  n'a  pu  créer  un 
monde  où  le  mal  soit  mêlé  au  bien?  Com- 
naent  dès  !ors  expliquer  celui  que  nous  ha- 
bitons? S*il  Ta  pu,  comment  sait-on  que  le 
mal  entre  dans  le  sort  des  enfants  entachés 
de  la  faute  originelle  pour  une  quantité  plus 
forte  que  ne  le  permet  la  justice?  Et  sll  n'y 
a  pas  d'injustice  dans  ce  mélange  du  bien 
et  du  mal,  qu'importe  qu'il  existe  en  vertu 
de  b  loi  constitutive  de  l'univers,  ou  par 
suite  de  la  révolte  du  premier  père  des  hom* 
mes?  La  justice  n'étant  plus  en  cause,  il  ne 
reste  à' examiner  que  les  raisons  qui  ont  dé- 
terminé la  sagesse  divine  à  permettre  la 
transmission  du  mal;  ces  raisons  sont  décisi- 
ves, nous  croyons  Tavoir  démontré.  —  Voy. 
Mau 

Ea  résumé.  Dieu  n'impute  pas  aux  hom- 
mes le  péché  originel,  il  ne  les  en  rend  pas 
responsables,  ne  les  en  punit  pas,  comipe 
s'ils  l'avaient  commis  par  un  acte  libre  de 
leur  volonté  :  telle  est  la  doctrine  de  l'E- 
glise catbolii|ue.  Nous  pourrions  nous  en 
tenir  Ik»  mais  il  faut  répondre  à  tout. 

Quand  M.  de  Lamennais  igou  le  que  l'éter* 
nité  du  châtiment  réputé  à  la  conscience 
et  au  sentiment  iiipé  du  juste  et  de  l'injuste, 
il  énonce  une  proposition  visililement  fausse  ; 
car,  s'il  en  était  ainsi,  le  genre  humain  tout 
entier  ne  croirait  pas  k  Tenfer.  La  r/iison  ne 
vaut  pas  mieux  que  l'assertion  :  <  L  éternité 
du  châtiment  implique,  dit-on,  l'éternité 
du  crime,  »  passe;  «  elle  aboutit  logique- 
ment à  l'hypothèse  des  deux  principes  coé- 
ternels  et  indépendants.  »  C'est  précisément 
le  contraire  qui  est  vrai;  si  le  crime  restait 
impunij  on  pourrait  croire  que  la  justice 
du  bon  principe  est  entravée  par  la'pnissance 
du  mauvais  ;  mais  lorsqu'on  voit  le  coupa- 
ble puni  d'un  supplice  éternel,  on  ne  peut 
s'empêcher  de  voir  en  même  tem^is  la  con- 
séquence logiqueet  nécessaire  qu  il  n existe 
donc  point  de  principe  du  mal,  éternel  et 
indépendant  ;  car  il  révélerait  son  existence 
en  défendant  ses  partisans  de  la  vengeance 
de  son  ennemi.  Rien  n'est  plus  évident. 

On  avait  donc  eu  tort  de  dire  avec  tant 
d'assurance  (486),  c  qu'en  ce  qui  touche 
l'homme,  l'hypothèse  d  un  dualisme  primitif 
ét^nt  écartée,  le  problème  dnmal  n'onre  plus 
que  deux  solutions  :  l'unasimple,  naturelle, 
consolantCf  en  harmonie  avec  toutes  les  lois 
de  Dieu  et  de  la  création  ;  l'autre  inconcilia- 
ble avec  ces  mêmes  lois,  triste*  sombre, 
accablante,. et. conduisant  à  des  abîmes  au 
bord  desquels  le  genre  humain  tremblant, 
éperdu,  est  obligé  de  renier  et  sa  conscience 
et  sa  raison.  » 

Encore  ici  il  faut  renverser  la  proposition 
de  l'auteur,  pour  être  dans  le  vrai.  Le  dogme 
catholique  de  la  transmission  du  poché 
n'est  point  contraire  aux  lois  du  monde,  ni 
oppoÂé  k  la  conscience  et  à  la  raison  ;  on 
vient  de  le  voir.  Mais  c'est  peu  dire  :  s'il 
existe  un  système  sombre,  triste,  donnant 


17 


825 


PEC 


MCTIOiNMAIRE  APOLOGETIQOE. 


TEC 


52; 


d'horribles  idées  de  Dion,  on  le  trouvera 
dans  les  liTres  des  adversaires  de  noire  en- 
seignement SOT  le  péché  originel  ;  la  doc- 
trine catholique  est  seule  véritablement 
consolante.  Nous  l'avons  déjà  démontré  ail- 
leurs (V87).  Quelques  mots  suffiront  ici. 

Le  mal  physique  et  le  mal  moral  existent 
dans  le  monde,  indépendamment  de  tous  les 
systèmes.  Les  ennemis  du  christianisme, 
obligés  comme  nous  d*en  rendre  raison,  sont 
réduits  à  soutenir,  ou  que  le  Créateur  n'a 
pas  pu  faire  mieux,  ou  qu'il  ne  l'a  pas 
voulu.  Dire  que  Dieu  ne  pouvait  donner  à 
rhomme  plus  d'empire  sur  ses  sens,  plus 
de  penchant  pour  la  verlu,  un  cœur  plus 
droit,  un  jugement  moins  sujet  à  faillir  ; 
qu'il  ne  pouvait  supprimer  ni  la  douleur 
ni  les  maladies,  ni  la  nécessité  d'un  travail 
pénible,  ni  les  dangers  dont  notre  vie  est 
sans  cesse  environnée,  c'est  fermer  volon- 
tairement les  yeux  sur  l'essence  des  lois 
de  la  création,  où  tout  dépend  de  la  libre  ins- 
titution du  supréftie  ordonnateur  des  choses. 
i)ire  que  Dieu,  sans  nécessité,  sans  com- 
pensation d'aucune  sorte,  a  bien  réellement 
voulu  créer  le  monde  tel  qu*il  est,  avec  ses 
souffrances,  ses  erreurs,  ses  crimes,  c'est  le 
)>résenter  aux  hom^mes  sous  les  traits  de  ce 
sombre  génie  du  'mal  rfivé  par  les  mani- 
chéens, ^ue  voyons-nous,  en  effet,  dans  l'u- 
ni vers  7  Tous  les  peuples  de  la  terre  ont  soif 
de  vérité,  de  justice  et  de  bonheur.  Cepen^ 
dact,  si  les  pnilosophes  disent  vrai,  Adam, 
Noé,  Moïse,  Jésus  -  Christ,  selon  nous 
appelés  par  la  Providence  k  conduire  les 
}K)mmes  à  l'accomplissement  de  leurs 
subîmes  destinées,  ont  été  d'abominables 
imposteurs,  et  lesfaits  les  plus  glorieux  de 
leurs  disciples  doivent  s'ajouter  a  la  longue 
liste  des  crimes  dont  ce  monde  a  été  le 
théfttre.  Le  genre  humain  a  été  livré  h  la 
merci  de  tous  les  fourbes  qui  ont  voulu  ou 

3ui  voudront  encore  se  parer  du  grand  nom 
e  Dieu  et  se  dire  ses  envoyés;  la  supersti- 
tion, l'impiété,  l'idolâtrie,  les  cuites  les 
plus  hideux  et  les  plus  cruels  se  sont  partagé 
le  monde;  ce  que  nous  avons  cru  la  vérité 
est  une  {erreur  plus  raffinée  et  plus  fatale. 

Comment  peu^-on  donner  le  nom  de  père 
et  de  roi  k  un  Dieu  qui  tolère  ou  .  plutôt 
favorire  de  tels  désordres  dans  son  empire? 
Comment  croire  à  sa  justice ,  à  sa  bonté, 
à  sa  providence?  Cet  univers  est  un  jeu 
bizarre  et  cruel  de  sa  puissance,  où  1  on 
ne  voit  aucun  dessein  suivi,  si  ce  n'est 
i-elni  de  faire  tout  servir  au  tourment  des 
malheureux  humains.  Oui ,  si  la  révélation 
est  un  mensonge,  tout  en  nous  est  un 
présent  de  la  haine^  du  Créateur,  même  ce 
qui  est  bon.  Ainsi  l'homme  aime  la  vérité 
et  la  vertu ,  et  une  barrière  insurraontabJe 
l'en  sépare  à  jamais;  lorsqu'il  s'est  rendu 
coupable,  le  remords,  le  repentir,  naissent 
naturellement  dans  son  âme,  mais  rien 
de  prévu ,  rien  d'établi  pour  le  réconcilier 
avec  lui-môme,  pour  lui  faire  retrouver  le 
repos  de  la  conscience.  Si  le  monde  mo- 

(487)  Yoy.  Mal.  art.  II. 


rai  était  régi  par  des  lois  mécaniqQes, 
après  avoir  établi  ces  lois,  Dîea  aurau 
pu  laisser  les  choses  aller  d'elles-mêmes; 
mais,  ayant  donné  è  l'homme  la  liberlê, 
et  une  liberté  qui  penche  vers  le  mal,  si; 
ne  lui  apprend  rien  de  ses  devoirs»  s'il  n  • 
lui  accorde  aucun  secours  |H)Qr  ré.sisler 
à  ses  penchants  ou  pour  se  relever  de  s^ 
chutes;,  il  faut  dire,  ou  qu'il  aime  le  Tb> 
plus  que  la  vertu ,  ou  qu^il  nous  a  caVs 
afin  de  se  donner  lui-même  le  spe<-iac'<> 
des  malheurs  que  produisent  les  pas^^lo*  «> 
déchaînées.  Voilà  le  Dieu  que  la  naluro 
impose  aux  philosophes,  lursqu*ils  refu- 
sent de  se  soumettre  à  celui  de  rE^an* 
gilel 

Dans  le  système  chrétien  ,  le  mal  eiW: 
sans  doute,  mais  non'  d'après  le  prenixir 
plan,  non  d'après  la  volonté  et  rinstilutioL 
de  Dieu;  il  existe,  mais  comme  conséquente 
de  la  liberté  humaine,  et  avec  d*ample^  ci 
surabondantes  compensations.  Nous  l'a- 
vons déjà  dit,  la  loi  de  la  communion  uni- 
verselle est  bonne  et  sage ,  elle  Test  tlarr.^ 
toutes  les  hypothèses  ;  dans  celle  «Je  !'inn  )• 
cence  conservée,  parce  que  le  bien  d'un 
seul  devenait  le  patrimoine  de  tous;  daib 
celle  de  l'innocencfe  perdue,  parce  quVli» 
est  Se  principe  de  la  réparation  du  mal  it 
de  l'acquisition  d'un  bien  infinimeDt  su- 
périeur à  tous  ceux  auxquels  on  aurait  jm 
prétendre,  si  le  Fils  de  Dieu  neiaii  /<<> 
descendu  sur  la  terre  pour  nous  radi^t.T. 
Ainsi  la  sagesse,  la  sainteté,  Ja  misén- 
corde  paternelle  de  Dieu  se  montrent  jus- 

Sie  dans  nos  misères  et  nos  crime>,  et 
plus  qu'ailleurs.  Oui,  notre  Dieo  e>i 
véritablement  un  père;  on  le  voit  da»> 
nos  livres  saints  s  entretenir  avec  le  i»re- 
mier  homme,  l'instruire  de  ses  devoirs  •  t 
de  ses  destinées;  après  la  désobéissaiice. 
il  excite  le  coujpable  au  repentir  par  sf> 
reproches,  il  lui  inflige  une  peine  médiit- 
nale,  il  lui  promet  un  libérateur,  et  ce  lib^* 
rateur  c'est  son  Fils  qui  sauvera  les  homffi^*>  \ 
en  mourant  poqr  eux  sur  la  croix,  comme 
un  criminel.  Lajustice  divine  se  trouraol 
désarmée  pour  l'immolation  de  cette  graojr 
victime,  la  miséricorde  pourra  désormais 
s'exercer  sans  obstacle;  quelque  nombreux  ; 
quelque  énormes  que  soient  les  crimes  de» 
coupables,  jusqu'au  dernier^noment  un  at  ij 
de  repentir  suflira  pour  en  obtenir  la  rémi:^ 
sion.  Que  veut -on  de  plus?  TimpuDUé 
dans  l'autre  vie?  C'est  demander  au  dina  ] 
monarque  d'encourager  lui-même  à  la 
révolte  les  contempteurs  de  son  autoritô 
suprême.  Lexemption  de  toute  souffrante? 
dans  ce  monde?  Ce  serait  enlever  au  ju%u 
une  occasion  de  mérite,  au  méchani  un 
moyen  d'expiation,  à  l'un  et  à  l'autre  un 
préservatif  contre  Tenlraînement  des  pas- 
sions. Quoi!  Le  système  chrétien  n^pu^rr 
à  la  conscience  et  à  la  raison,  pan^e  q^c 
nous  avons  quelque  chose  à  soutfrir  c  > 
conséquence  d'une  faute  étrangère  I  Mavs, 
dans  le  vôtre ,  pour  quelle  raison  sommes- 


B5 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


52G 


Doas  malbeureai?  Pour  quel  crime  avons- 
Doas  été  condamnés  à  morlT  Vous  trouvez 
raisonnable  que  Dieu  ait  fait  lui-même  »  au 
commencement,  une  nature  humaine  telle 
oue  nous  la  voyons,  et  il  ne  lui  aura  pas 
été  permis  de  la  laisser  descendre  jusque- 
là  par  la  Ciate  de  celui  en  qui  elle  se  trouvait 
d'abord  concentrée  tout  entière  t  il  aura 
tilla  gue  la  Providence  bouleversÂt  toutes 
\t$  lois  établies  |)Oor  empêcher  la  déchéance 
du  genre  humain I  Dans  notre  doctrine, 
«a  moins,  on  voit  un  dessein  suivi,  grand, 
sublime,  digne  de  Dieu  i  mais,  dans  la  vôtre, 
est-il  possible  de  trouver  une  idée,  un  plan 
quelconque,  si  ce  n*est  celui  de  se  faire  des 
malheurs  de  Thumanité  un  barbare  passe- 
temps?  El  c*est  là  ceiiendant  ce  qu*on  appelle 
f  une  solution  simple,  naturelle,  consolante, 
^0  harmonie  avec  toutes  les  lois  de  Dieu 
tl  de  la  création  1  »  En  vérité,  c'est  pro- 
di^eoxl    Voyez  Ual,  Liberté,  Création, 

liPAlATION. 

PÊCBÉ.  Dans  quel  sens  il  a  introduit  la 
iu<~»rt  dans  le  monde.  Yoy.  Mort.  —  Peut-il 
être  expié  après  la  mort?  Yoy.  Enfer,  g  UI* 

PÊDICDLUS  NIGRITARUM  ou  pou  des 
cèdres ,  objection  et  réfutation.  Foy.  Races 
uiiAtns,  I  V. 

PEI!i£S  TEMPORAIRES,   conséquences. 

rOf.tnRlITÉ  DES  PEINES,  g  I. 

PELLETAN,  ses  idées  sur  l'homme  primitif. 

Tâf.  PnncHOLMiB ,  S  1  et  XIU.  —  Son  opi- 

nioo  lar  rortgine  de  la  parole,  i&îd.,  g  VIU. 

P£?UTENCE.  —  Le  traité  sur  VEducation 

dt$mèrt$  de  famille  f  par  M.  Aimé-Martin, 

ouvrage  qui  a  obtenu  un  grand  prix  aca- 

«Jéfflii|oe,  renferme  un  grand  nombre  d'ei- 

ceotricités  religieuses  et    philosophiques, 

eic.,  les  ones  renouvelées  des  Grecs,  les 

aaires  fraîches  écloses  des  méditations  de 

iauteor.  Nous   en  signalerons    quelques- 

uDes  SOT  la  pénitence. 

il. 

L'Etaaglie  ne  prècbe-l-U  pis  la  peoiteBee? 

«  Dira-t-on  qne  cette  doctrine,  qui  blesse 
tuâtes  les  lois  de  la  nature,  accomplit  les 
lois  de  l*£vangile?  Ouvrons  les  deux  li- 
vres. 

«  Que  dit  TEvangile  ?  Aimez  Dieu,  aimez 
les  hommes  ;  Tamour  est  l'accomplissement 
lie  U  loi. 

«  De  même  la  nature,  par  ses  bieniaits, 
manifeste  Dieu  et  nous  invite  à  aimer  les 
hommes. . . 

«  Ainsi,  la  doctrine  de  Jésus  n*est  pas  la 
loi  transitoire  de  Moïse»  mais  la  loi  stable 
«Je  la  future.  Fils  de  Tbomme,  il  a  huma- 
nii^é  les  vertus  célestes  en  les  apportant  sur 
U  terre  ;  fils  de  Dieu,  il  a  sanctifié  les  ver- 
tus terrestres  en  leur  promettant  le  ciel. 
Toutes  ses  actions  nous  ramènent  à  la  fa- 
miJIe^  et  non  au  clottre,  et  non  au  désert: 

<48S)  Liv.  IV,  6. 
(4M)  VH  wpni. 

(4M;  Cesi  aiasi  qve  Rousseau,  ea  tèta  de  sa  Nou- 
ftiU  UéUnu^  apprécie  cet  oavrage,  dont  M.  Aimé- 


assis  aux  noces  do  Cana,  il  bénit  le  mariage 
et  lajoiedes festins; au  milieu  des  docteurs, 
i{  bénit  les  petits  enfants,  l'innocence  et  la 
maternité.  Vojez-le  rendre  le  fils  à  la  veuve 
et  la  fille  au  pèrel  voyez-le  sanctifier  lami* 
tié  en  pleurant  sur  Lazare  qu'il  ressuscite; 
consacrer  la  société  humaine  en  appelant 
à  lui  tous  les  peuples  de  la  terre,  et  ramour 
de  la  patrie,  en  versant  des  larmes  sur  Jé- 
rusalem :  et  dites  .'quelle  action  d*homme, 
quel  sentiment  naturel,  quelles  pensées  hu- 
maines et  célestes  nous  pourrions  repousser 
en  présence  de  Jésus-Christ  I 

«  Mais,  s'il  n'appelle  pas  les  hommes  aux 
macérations,  de  toutes  parts  il  les  appelle  à 
la  rè^le:  il  ne  dit  point  à  la  fiiible  Samari- 
taine :  «  Pleurez  vos  fautes,  faites  péni- 
tence 1  »  il  lui  dit  :  Allez  en  paix  et  ne  pé- 
chez plus! 

«  De  même,  le  père  de  famille  ne  con- 
damne pas  l'enfiint  prodigue  au  cilice  et 
aux  larmes  ;  il  lui  prépare  un  festin  et  se 
réjouit  de  son  retour. 

c  Ce  n'est  donc  ni  par  le  jeûne,  ni  par  les 
larmes,  ni  par  de  longues  prières  que 
l'homme  est  appelé  à  glorifier  le  Seigneur, 
mais  par  l'amour,  mais  parla  charité,  mais 
par  1  usage  légitime  des  plaisirs  attachés 
aux  dons  de  la  divinité  (488).  » 

Si,  comme  le  pense  M.  Aimé-Martin ,  les 
prêtres  enseignent  c  qu'aller  au  bain,  dé- 
jeûner, diner,  se  marier,  avoir  des  enfiinls, 
soigner  son  ménage,  se  consacrer  k  sa  fa- 
mille et  à  son  pays,  est  un  état  de  péché  et 
de  damnation  (w9),  n  l'auteur  a  cent  fois 
raison  de  dire  que  la  pénitence  qu'ils  prê- 
chent est  étrangère  à  l'Evangile;  mcis, 
grâce  au  ciel,  nos  prêtres  n'ont  sur  Tart  de 
guérir  le  mal  moral  et  de  conduire  an  bien 
ni  les  idées  que  M.  Aimé-Martin  leur  attri- 
bue, ni  celles  qu'il  leur  suggère;  c'est-à- 
dire  qu'ils  ne  conseillent  pas  plus  k  une 
mère  de  négliger  son  ménage  pour  se  sau- 
ver, que  de  rappeler  son  fils  à  la  vertu?  en 
lui  donnant  k  méditer  ce  livre  dont  l'au- 
teur même  a  écrit  «  qu'il  doit  scandaliser 
les  honnêtes  femmes  (^90).  »  Nos  prêtre^^ 
parlent  parfois  de  jeûnes' et  d'austérités; 
mais  en  cela  ils  ne  font  que  répéter  les  ins- 
tructions de  l'Evangile.  M.  Aimé-Martin  le 
nie;  consultons  donc  le  livre  sacré. 

Le  fils  de  Marie,  après  avoir  reçu  le  bap- 
tême de  Jean,  s'enfonça  dans  le  désert,  où 
il  passa  quarante  jours  k  jeûner.  Commen- 
çant ensuite  le  cours  de  ses  prédications,  les 
premiers  mots  qu'il  prononça  furent  un  or- 
dre défaire  .pénitence  (%91).  La  foule  aug- 
mentant de  jour  en  jour  autour  de  Jésus,  il 
se  plaça  sur  une  montagne  :  Bienheureux 
les  pauvres  en  esprit!  dit-il;  bienheureux 
ceux  qui  pleurent  !  Malheur  à  vous  qui  êtes 
rassasiés!  malheur  à  vous  qui  riez  mainte- 
nant  !  car  vous  gémirez  et  pleurerez.  Puis  il 
traça  les  règles  qu'on  doit  suivre  lorsqu'on 

Martin  faii  le  manod  du  pénitent.  Tenuns-coas-cn 
à  Topinion  de  Rausseao  sur  sou  roman. 

(49i)  Maltk.  iVy  17  :  Cœpit...  dicere :  PœniUntiam 
agite. 


527 


PEM 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


m 


jeâne»  pour  que  cet  acte  n'ait  d'autre  té- 
moin que  Dieu. 

Ces  austérités,  cependant,  il  ne  les  impo- 
sait f)às  à  ses  disciples.  On  lui  en  demande 
la  raison.  Or»  est-ce  qu'il  fit  entrevoir  qu'au 
foiid  il  n'aimait  pas  ces  sombres  dévotions 
déjeunes  et  de  larmes!  Non  pas  ;  il  répondit 
que  le  temps  des  austérités  viendrait  aussi 
pour  ses  disciples,  mais  qu'ils  n'étaient 
point  encore  préparés  à  cette  vie  nouvelle 
(i^92)«  Aussi  les  y  dispose-t-il  tous  les  jours. 
Quand  il  les  envoie  évangéliser,  ne  leur  re- 
commande-t-il  pas  déjà  le  dépouillement 
des  biens  de  ce  monde?  ne  leur  dit-il  pas  de 
ne  posséder  ni  or^  ni  argent,  ni  double  vê- 
tement, pas  même  un  bâtonj)our  alléger  les 
fatigues  du  voyage  (^93)?  £t  s'ils  ^veulent 
aller  ensevelir  un  parent,  n'ordonne-t-il 
pas  de  laisser  les  morts  ensevelir  les  morts 
(4%) 7  Quelques-uns  de  ses  disciples  lui  de- 
mandent pourauoi  i!s  n'ont  pu  guérir  un 
possédé  ;  Jésus  leur  répond,  non  pas  qu'ils 
n'ont  point  assez  aimé,  mais  que  ce  genre 
si  rebelle  de  démons  n'est  vaincu  que  par 
le  jeûne  et  la  prière  (495).  Touche  de  sa 
doctrine,  un  jeune  homme  l'inlerroge  sur 
ce  qu'il  doit  faire  pour  arriver  à  la  perfec- 
tion de  la  vertu,  et  il  entend  avec  elTroi  le 
doui  Jésus  lui  commander,  non  pas  d'ai- 
mer, puisqu'il  est  i  l'âge  de  l'amour,  mais 
de  vendre  tout  ce  qu'il  possède,  puis  d'en 
donner  le  prix  aux  pauvres,  et  qu'alors  il 
sera  pariait  (496). 

Jésus  n'a-t-il  pas  loué  la  pénitence  faite 
pàrNiniveà  la  voix  de  Jonas?  Ne  s'est-il 
jias  écrié:  Malheur  à  toU  Corozatnt  mal- 
heur à  toiy  Bethjiàide  I  car  si  les  prodiges 
accomplis  au  milieu  de  vous  avaient  été  ac" 
complis  autrefois  dans  Tyr  et  dans  Sidon^ 
elles  auraient  fait  pénitence  sous  le  cilice  et 
dans  la  cendre  ?  Un  homme,  jeune  encore  et 
de  race  sacerdotale,  vivait  alors  au  désert.  Il 
perlait  un  vêtement  de  poils  de  chameau  et 
une  ceinture  de  cuir  autour  des  reins;  sa 
nourriture  se  composait  de  sauterelles  et  de 
miel  sauvage.  S*ii  laissait  parfois  les  hom- 
mes pénétrer  dans  sa  solitude,  c'était  pour 
leur  dire  :  Faites  pénitence  l  et  pour  leur  ad- 
ministrer un  baptême  de  pénitence  (497). 
Or,  cet  anachorète,  ce  martyr  volontaire, 
savez- vous  comment  Jésus  le  nomtnait?  Il 
l'appelait  le  plus  grand  des  enfants  des 
hommes  et  cet  £lie  annôdcé  par  les  pro- 
phètes (498).  11  avertissait  que,  dépuis  les 
jours  de  Jean,  le  royaume  du  ciel  souf- 
fre violence,  et  oue  les  violents  seuls  le 
ravissent. 

Des  promesses  et  des  menaces  sanction- 
naient les  prédications  du  Sauveur.  Au  dis- 
ciple fidèle  il  promet  le  céleste  royaume  du 
Père;  mais  il  menace  le  pécheur  impéni- 
tent du  ver  qui  ne  meurt  jamais,  du  feu  qui 
ne  s*éteint  pas,  de  cette  prison  où  le  mau- 
vais riche  est  éternellement  séparé  d'Abra- 

(492)  Matth.  ix,  14. 

(493)  Matth.  x,  10. 

(494)  Hatih.  vui,  12. 
(4^5)  Matth.  xvn,  20. 


ham  par  le  chaos.  Qui  ne  se  rappelle  que 
Jésus  exige  aue  nous  pardonnions,  si  doqs 
voulons  espérer  le  pardon;  qu'il  nous  re- 
noncera devant  son  Père,  si  nous  le  renon- 
çons devant  les  hommes;  que  la  porte  con- 
duisant à  la  vie  est  étroite,  et  que  bien  |*eu 
la  trouvent  TEnfin,  après  être  né  sur  la  paiilr, 
après  avoir  vécu  célibataire  et  pauvre,  Jé- 
sus mourut  insulté  sur  une  croix. 

M.  Aimé-Martin  a  cité  contre  la  doctrine 
de  la  pénitence  ces  deux  exemples:  l'indul- 
gence au  père  de  famille  qui  tua  le  veau 
Çras  au  retour  de  Penfant  prodigue,  el  ic 
facile  pardon  accordé  par  Jésus  à  la  femoie 
adultère  (qu'il  ne  fallait  pas  confondre  ave: 
la  Samaritaine).  Il  y  a  deux  réponses  i  pré- 
senter à  cesditficultés. 

1**  Le  but  que  se  proposait  Jésus  dans  cc^ 
occasions  n'exigeait  pas  qu*il  {uirlAt  du  dt^ 
voir  de  la  pénitence  corporelle.  Quand  1) 
proposa  la  parabole  de  Tenfani  prodigue 
dont  le  retour  fut  si  paternellementaccaeiHu 
il  le  fit  pour  montrer  avec  quelle  bonté  Dien 
reçoit  le  pécheur  repentant.  Or,  l'exposition 
des  conditions  plus  ou  moins  strictement 
requises  pour  un  repentir  véritable  n'appar- 
tenait pas  au  sujet  que  Jésus  expliquait  |)ar 
son  touchant  apologue. 

Dans  l'histoire  de  la  femme  aduU6n% 
nous  voyons  Jésus  se  proposant  de  dqoue; 
la  malice  de  ses  ennemis ,  qui  espéraient 
prendre  en  défaut  son  indulgence  ou  sa  sé- 
vérité. Il  suffit  donc  alors  au  Sauveur  deditv 
à  la  femme  coupable,  à  mesure  que  ses  ai- 
cusaleurs  s'éloignaient  :/«  ne  vous  condam- 
nerai pas  non  plus;  allez  et  cessez  depéchv 
(^99). 

â^Si  la  bonté  de  Jésus  se  révèle  dans  res 
deux  exemples  plus  que  sa  justice,  qui  veut 
que  le  pécheur  se  châtie  pour  n'être  |»as 
châtié,  c'est  que  le  Sauveur,  comme  nous 
l'avons  déjà  vu  à  l'occasion  du  jeûne,  duni 
il  n'imposait  pas  encore  strictement  la  Un 
aux  disciples  c'est  que  le  Sauveur,  disons- 
nous,  tout  en  prêchant  le  principe  génial 
du  rachat  des  fautes  par  la  pénitence,  n  eii- 
gèait,  dans  les  cas  particuliers,  aue  le  re|cn- 
tir  du  cœur,  attendant,  [tour  i  applicaiiou 
complète  de  sadqctrine,  que  la  vie  nou- 
velle eût  plus  profondément  régénéré  rc>- 
prit  humain,  qu'elle  Peut  mieux  armé  lour 
cette  lutte  contre  la  chair. 

La  conduite  de  Jésus,  dans  ces  deux  cir- 
constances, n'est  donc  ni  une  négation  dc 
sa  doctrine  sévère,  ni  une  contradietioti. 

C'est  précisément  parce  que  la  loi  du 
Christ  ressemble  è  celle  delà  nature  qu'elle 
renferme  des  pages  austères.  La  terre  u'a- 
t-elle  donc  pour  nous  que  des  fleurs  el  d<^^ 
parfums^  et  les  idylles  de  M.  Aimé-Martin 
sur  le  printemps  et  l'amour  nous  cacheni- 
elles  le  spectacle  des  maladies,  des  Gatai*I}>- 
mes  ?  Chose  étrange  1  le  Mentor  des  mèK^ 
de  famille  trouve  que  la  mort  est  un  bien, 

(496)  Matth.  six,  31. 

(497)  Matth.  ui. 

(498)  MaUh.  xi. 

(499;  Luc.  XV  ;  Jeaa.  tuu 


5^9 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


5^ù 


{•arce  qu  elle  déblaye  la  route  devant  les 
;:ënéralioiiâ  qui  arrivent;  il  la  trouve  un 
iâen,  parce  Qu'elle  porte  la  vie  et  la  pensée 
àufie  ooovelle  argile  (500);  et  il  appelle 
cependant  folie  la  mort  aux  joies  du  monde, 
|iour  déblajer  devant  certaines  natures  les 
f»)ules  de  la  vertu,  pour  montrer  par  d'hé- 
roïques exemples  aux  esclaves  de  la  passion 
la  possibilité  de  la  victoire,  ou  pour  se  dé- 
Touer  plus  complètement  au  service  des 
(norresl  C'est  là  vraiment  ne  comprendre 
i|ae  le  plaisir.  Je  plaisir  des  sens.  Il  n'y  a 
que  malière  au  fond  de  cette  rhétorique  et 
de  eetle  philanthropie.  Que  faime  bien 
Qiieai  l'Eglise  me  faisant  lire,  dans  l'Ëvan- 
siiie,  le  double  devoir  de  la  charité  pour  mes 
irères  et  de  la  sévérité  pour  mes  seules  pas- 
sions! 

m. 

«.>u£e  I  été  b  doctrine  de  Bounhlooe  sur  la  pénitence? 

•  De  celle  doctrine  terrible,  insatiable  de 
JiiiDés  {hors   de  VMglise  point  de  salut), 
l'm  Tojoas  naître  une  autre  doctrine  in- 
Mluble de  supplices:  la  doctrine  de  lapé- 
liiieace. Ecoulez  Bourdaloue:  c  La  pénitence 
iii  use  Tcrlu  qui  doit  prendre  contre  nous 
l^intiréu  de  Dieu:  qui,  aux  dépens  de  no- 
tre «(Sûiuie,  doit  venger  et  apaiser  Dieu.  » 
J.  r,  serm.  sur  la  zerité  de  la  pénitence^  p. 
IW.;  Or.  pour  que  la  pénitence   soit   son- 
fjrmt  à  (adroite  raison,  elle  penchera  vers 
Jin^iiear;  car  elle  doit  être  proportionnée 
âu  crime,  et  quel  plus  grand  crime  qued'of- 
(eoHT Dieu!  (Serm.  pour  le  quatrième  di- 
/bajjche  de  l'A  vent,    p.  501.)  «   Frappez, 
irai»i«z,  sï'crîe  le  prélre  ;  soyez  inflexible: 
ui^e  Ucbeet  molle  pénitence  n*a  rien  qui 
r  s^enibleà  fiodi^nalion  de  Dieu.  »  (T.  1", 
diS  Œuvres,  p.  1J9.) 

«  Maintenant,  si  vous  avez  foi,  que  vous 
0  t'Ujiez-vous  des  devoirs  de  cette  vie?  Il 
*'a^'ii  hiea  de  gagner  le  pain  du  jour  1 . . . 
Prei»3rt*2  les  fouets,  aiguisez  le  fer,  jeûnez, 
î-^uffrez,  mourez,  soyez  martyrs:  surtout 
f'Oiat  (Je  repos,  surtout  point  de  pitié;  car 
voire  |>éoitence  n'égalera  jamais  la  colàre 
uQ  Dieu  vivant  (501).  » 

Comment  M.  Aimé-Martin  a-t-il  transcrit 
et  comment  a- t-il  compris  ces  extraits  des 
uiscours  de  Bourdaloue?  Deux  points  à 
eiaminer. 

Lauleura  cité  de Téloquent  jésuite  trois 
{•assaç;es:  le  premier,  tiré  du  sermon  sur  la 
iétériié  de   la  pà^ilence,  est  exact  (502)  ;  le 

^evOod  (303)  ne  se  trouve  ni  à  l'endroit  in- 

« 
<'j^}  Liv.  ui,  cb.  30.  —  La  mort  semble  encore 
uo  Lien  à  H.  Ilaitin,  parce  qu'elle  nous  conduit  à 
^0.  Ne  seniii'il  pas  plus  exact  de  dire  qu'elle  est 
w  mil,  souvent  affreux,  mais  à  Tnccasion  duquel 
uoQs  arrive  le  plus  grand  des  biens,  la  possessioo 
lepicu?         "-       ^  ^ 

\ôO\)EdMc.d€smière$de(am,^  liv.  iv.cb.9. — Nous 
pâtirions  plus  loin  de  la  maxime  :  Hors  de  r  Eglise 
yu'M  de  «Wac. 

\m)  IT«  diauincbe  du  1"  ATCot,  Sur  la  sévérité 
^if  pémlatu^  1*'  point,  3*  alihéa. 

ioO 5)  Les  mois  soulignés  par  M.  Aimé  -llarlin  dans 
J^  ciution  et  les  daq  suivants  se  lisent  à  Teu- 
«(oii  imlii{ué  dans  la  note  précédeute.  La  troisième 


diqué,  ni  ailleurs,  car  ce  n'est  pas  Bourda- 
loue, c'est  M.  de  la  Palisse  qui  a  pu  difis^ 
que /e  p/tM  ^ratid  des  crimes  est  d'offenser 
Dieu  :  comme  si  Dieu  n'était  pas  offensé  par 
tous  les  crimes  1  La  troisième  citation  nous 
offrira  quelque  chose  d'aussi  curieux,  mais 
dans  un  autre  genre.  «Frappez,  frappez, 
soyez  inflexible,  »  liait-on  crier  par  rora- 
teurè  la  page  199  de  ses  (Kuvres  (8M);  et 
pourtant  il  s'était  borné  à  ces  mots  :  c  A 
parier  simplement  et  dans  les  termes  les 
|>lu5  éloignés  de  l'ami^lification,  k  quoi, 
dans  le  sujet  que  je  traite,  je  fais  profes- 
sion de  renoncer,  dites-moi,  chrétiens ,  une 
lâche    et  molle  pénitence  a-t-elle    quel- 

Îue  chose  qui  ressemblée  cette  indignation 
e  Dieu  (505)  7  »  Ainsi  donc,  l'orateur  a  voulu 
parler  simplement,  et  l'on  traduit  sa  phrase 
en  frénétiques  exclamations;  il  redoutait 
l'amplification,  et  on  lui  prête  de  la  décla- 
mation. H.  Aimé-Martin  a  donc  lalsifié  les 
textes  de  Bourdaloue. 

Recherchons  maintenant  ce  que  l'illustre 
orateur  entendait  par  la  pénitence.  Ne  la  re- 
présentai t-il  qu'armée  de  torches  et  de  fers 
tranchants? 

Elle  était,  selon  lui,  le  repentir  de  nos  fau- 
tes, accomf>agné,  il  est  vrai,  de  quelques  aus- 
térités, mais  manifesté  surtout  par  1  amende- 
ment de  notre  conduite.  Ecoutons-le  lui- 
même  :  ft  Quelque  usa^e  que  nous  fassions, 
du  sacrement  de  la  pénitence,  nous  ne  nous- 
corrigeons  pas,  parce  qu'à  mesure  que  nous 
péchons,  nous  ne  nous  punissons  pas...  Si  le 
châtiment  du  péché  suivait  de  près  le  péché 
même;  si  nous  avions  assez  de  zèle  pour  ne 
nous  rien  pardonner;  si,  malgré  notre  déli- 
catesse, autant  de  fois  que  nous  oublions  nos 
devoirs  et  pour  chaque  infidélité  oii  nous 
tombons,  nous  avions  le  courage  de  nous 
imposer  une  peine  et  de  nous  mortifier, 
j'ose  le  dire,  il  n'y  aurait  plus  de  vice  qu'on 
ne  déracinât,  ni  de  passioa  qu'on  ne  sur- 
montât... On  peut  se  punir....  en  s'obligeant, 
])Our  rentrer  eu  grâce  avec  Dieu  et  ^ur  lui 

fayer  le  juste  tribut  d'une  satisfaction  qui 
honore,  à  faire  telle  ou  telle  œuvre  de  piété, 
à  pratiquer  telle  ou  telle  austérité,  à  se  re- 
trancher tel  ou  tel  plaisir  permis,  à  se  pri- 
ver de  telle  ou  telle  commodité  [506).  » 

«  Si  ces  heureux  siècles  de  la  première 
ferveur  du  christianisme  duraient  encore,  où 
un  seul  péché...  était  expié  par  les  exerci- 
ces les  plus  iaborieui,...  peut-être  nous 
pourrait-il  venir  dans  l'esprit  qu'une  telle 

citaiîon  est  aussi  tirée  do  même  sermon.  Qa*a  donc 
voulu  M.  Aimé-Martin  «d  aflccUnt  de  varier  ses  in- 
dieatîoBS?  N*anrait-il  pas  eu  quelque  peu  la  préten- 
tion de  faire  croire  qu*avant  de  formuler  son  appré- 
ciation de  la  doctrii^e  de  Bourdaloue,  il  Tavait  bien 
étudiée  ;  qu^il  avait  bien  comiNiré  eatre  eux  les  di- 
vers discours  de  Toraieur,  et  qvC'û  ne  s*a((i8sait  pa» 
toujours  des  mêmes  jiacesf 

(504)  Cette  page  f99  correspond  au  seruion  Indi- 
qué dans  Jes  dtnx  dernières  notes. 

(505)  Toujours  aui  même  seraMo,  4*  allaéa  du» 
!«'  point. 

(506)  ll«  Avent,  1Y«  dlmaoclM,  m*  partie  du 
mon  Sur  la  pénitence. 


531 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


53S 


sévérité  passerait  les  bornes,  et  co  serait  à 
moi,  comme  défenseur  des  intérêts  de  Dieu, 
à  la  justifier...  Mais  nous  n*en  sommes  plus 
là...  Elle  {h  pénitence)  n*a  plus  rien  de  sé- 
vère que  ce  que  votre  raison  mémo  vous 
présent.  •• 

c  oui,  en  quoi  consiste  et  a  toujours  con- 
sisté son  essentielle  sévérité»  c*est  à  nous 
réduire  aux  bornes  étroites  de  la  raison  que 
Dieu  nous  a  donnée...  :  car  c'est  là  ce  qui 
nous  coûte,  et  ce  que  nous  trouvons  de  plus 
difficile  dans  la  pénitence;  à  nous  inter- 
dire tout  ce  que  notre  raison  nous  fait  con- 
naître, ou  péché  ou  cause  du  péché;  à  arra- 
cher de  nos  coeurs  nos  affections  que  nous 
jugeous  nous-mêmes  criminelles  et  sources 
du  péché  ;  à  renoncer  à  mille  choses  agréa- 
bles, mais  que  nous  savons  être  pour  nous 
des  engagements  au  péché...  Hors  de  là,  on 
se  sDumettralt  à  tout  le  reste,  et,  pourvu 

au'on  en  fût  quitte  pour  ce  qui  était  or- 
onné  par  les  anciens  canons,  pn  consenti- 
rait sans  peine  qu'ils  fussent  renouvelés;  on 
jeûnerait,  on  se  couvrirait  du  ciliée  et  de  la 
cendre...  mais  d'étouffer  une  vengeance  dans 
son  ccBur,...  voilà  ce  qui  révolte  fa  nature... 
«  Cependant  voilà  ce  que  j'appelle  (souf- 
frez cette  expression)  et  ce  qui  est  en  effet 
le  raisonnable  delà  pénitence,.  .  si  raisonna- 
ble, que  vous  seriez  vous-mêmes  scandalisés 
si  on  ne  l'exigeait  pas.  Le  reste  était  d'insti- 
tution humaine,  mais  ce  raisonnable  est  de 
droit  naturel  et  divin;  le  restç  a  pu  changer, 
mais  co  raisonnable  subsistera  toujours,  et 
est  en  quelque  sorte  aussi  immuable  que 
Dieu  (507).  »  Or,  qu'est-ce  que  Bourdaloùe, 
sans  cesser  d^tre  raisonnable  et  chrétien, 
pourrait  changer  à  ces  conseils  sur  la  péni- 
tence tant  intérieure  qu'extérieure? 

De  la  double  épreuve  que  nous  venons  de 
faire  subir  aux  pages  critiques  de  M.  Aimé- 
Martin,  nous  pouvons  donc  conclure  que  le 
censeuc  a  déflgurô  le  texte  et  la  doctrine  du 
jésuite,  en  les  parodiant  d'une  manière  parfois 
atroce  et  parfois  ridiculç. 

§m. 

La  doclrioe  de  la  pénitence  a-t-el!e  rendu  Bossuet  fatar 

liste  et  cruel  ? 

«  A  cette  ferveur  de  la  pénitence  (préchée 
par  Bourdalouç)^  Bossuet  ajoute,  comme  arti- 
cle de  foi,  la  prédestination  de  l'homme  à 
l'enfer  et  au  paradis.  En  sorte  que  ces  tortu- 
res que  Bourdaloùe  nous  impolie  comme  né- 
cessités peuvent  être  des  vertus  stériles 
suivant  Bossuet,  puisque,  ayant  de  r^aître, 
l'homme  est  élu  ou  réprouvé  sans  appel. 
(Œuvres  de  Bonnet,  édition  in-4%  1. 1.  p.  191 
et  192.)  Voilà  la  religion  telle  que  nos  mi- 
nistres l'enseignent  ;  voilà  l'homme  tel  que 
le  fait  le  prêtre  (508).  » 

J*ai  cherché  dans  les  Œuvres  de  Bossuet, 
édition  in-i%  Paris,  1772,  au  tome  et  aux  pages 
qu'on  indique,  et  ce  aue  j'y  ai  rencontré, 
c'est  le  commentaire  des  psaumes  lxxv  et 

(507)  i'^  point  du  sermon  Sur  la  sévérUé  de  la  pi- 
iiHence,  déjà  cité. 

(508)  Liv.  IV,  ch.  9,  p.  457. 


Lxxvi,  fort  étrangers  au  sujet  dont  parle  M. 
Aimé-Martin.  Je  regrette  que  ce  dernier  ail 
été  assez  sobre  de  détails  pour  nous  refuser 
le  titre  de  l'ouvrage  spécial  auquel  il  nous 
renvoyait,  et  où  nous  devions  voir  J'évêqoe 
de  Heaux  fataliste,  lui  adversaire  du  fatalisme 
protestant  et  janséniste* 

Quand  on  a  étudié  les  travaux  du  grand 
évèque  sur  la  grâce,  la  liberté  et  la  |>rédes- 
tination,  l'on  y  distingue  deux  parties  :  sa 
crojrance  qui  est  celle  de  l'Eglise,  et  les  sys- 
tèmes particuliers  à  l'aide  desquels  il  tâi-nait 
d'expliquer  cette  croyance.  Les  SYStèmes 
explicatifs  qu'il  imagina  sont,  je  ravoae, 
écrasants  ;  mais  ils  ne  sont  que  des  opinions 
particulières,  n'ayant  pas,  ce  me  semble, 
rencontré,  beaucoup  d  ideptes.  Quant  à  la 
croyance  même  de  Bossuet,  quant  à  ce  qu'il 
aOirmait,  il  n  y  ava.it  plus  rien  qui  de  loia 
ou  de  près  ressemblât  au  fatalisme.  Il  sau* 
veg^rdait  aussi  bien  la  liberté  que  la  grâce, 
et  il  a  énergiquement  renfermé  sa  pensée 
dans  une  phrase  devenue  classique  :  «  La 
première  règle  de  notre  logique,  dit-il,  c  est 
qu*il  ne  faut  jamais  aluindonner  les  vérités 
une  fois  cx)nnues,  quelque  difficulté  qui  sur- 
vienne, quand  on  veut  les  concilier;  mais 
qu'il  faut  au  contraire,  pour  ainsi  parler, 
tenir  toujours  fortement  comme  les  deux 
bouts  de  l«i  chaîne,  quoiqu'on  ne  Toie  pas 
toujours  le  milieu,  par  ou  l'encbaluement  se 
conlinue...  Nous  allons  examiner,  dans  cette 
pensée,  poursuit-il,  les  moyens  de  coodlier 
notre  liberté  avec  les  décrets  de  la  Provi- 
dence (509).  »  Bossuet  croyait  donc  à  la  li- 
berté humaine  aussi  bien  qu*aux  décrets  de 
Dieu.  Qu'il  ait  pu  se  tromper  dans  Texplica- 
tion  de  l'inexplicable  mvstère  de  Taction  de 
Dieu  sur  l'hpmme  reste  libre,  qu'il  ait  pu 
se  tromper  eu  supposant  que  tels  ou  tel5 
anneaux  réunissent,  dans  la  nuit  sacrée,  les 
diverses  parties  de  la  chaîne  dont  les  deux 
bouts  sent  dans  ses  mains,  personne  ne  le 
nie  ;  mais  on  nie,  comme  l'évèque  de  Meaui 
le  fait  également  dans  la  citation  précédente, 
quHl  ait  {prêché  le  principe  du  fatalisme 
et  de  la  prédestination  quand  même  à  l'enfer 
ou  au  ciel. 

«  Bossuet,...  ^énie  superbe,  intelligence 
dominante  du  siècle  de  Louis  XIV,  son  noui 
rappelle  tous  les  prodiges  de  l'éloquence  et 
toutes  les  puissances  de  la  foi.  Le  voyez-vous 
feuilletant  dans  la  solitude  les  ouvrages  théo- 
lo^ques  de  Tun  des  plus  illustres  princes  de 
l'EgliseY  Tout&coupses  yeux  s  allument,  ses 
lèvres  trembleot,  ^es  cheveux  se  hérissent, 
l'horreur  s*empare  de  lui.  Que  s'esl-il  donc 
passé  dans  le  moinde  chrétien  ?Oluel  sacrilège, 
quelle  impiété,  réveillent  les  foudres  de  son 
âme?  Un  saint  prélat,  le  cardinal  Sefondrate 
(510),  ému  de  compassion  pour  les  petits 
enfants  morts  sans  baptême,  ose  soutenir 
qu'ils  ne  sont  point  condamnés  au  feu  éter- 
nel de  l'enfer,  «  Sentiment  bas  et  énervé, 
«  s'écrie  Bossuet,  qui  détruit  la  force  dj  1^ 

(509)  Traitéilu  libre  arbitre,  cb.  4. 

(510)  Lisez  S/bn(/nilf. 


5S 


PEN 


DiCTION?<AlRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


534 


«  piété  J.  X,  Lettre  au  saint  pontife  Inno- 

•  cent  l7//«  p.  175),  nouveauté  élrauge,  er- 

•  reur  détestable»  langage  inouï  qui  nous  a 
I  frappé  d*étoonement.  n  {Idemy  p.  167.) 
Alors,  cédant  à  la  sainte  colère  qui  lé  trans- 
j  vrte,  le  prélat  s'adresse  au  Pape  et  lui  de- 
DanJe  la  punition  du  coupable  ;  il  reut  que 
cette  poDition  soit  vigoureuse,  car  il  con- 
vcDt  de  frapper  d*aulant  plus  rudement  que 
.Vrreur  part  d*un  lieu  plus  élevé.  {Iden^  p. 
KTT..  «  La  damnation  des  enfants  morts  sans 

•  t^plème,  dit-il»  est  de  foi  constante  dans 
.  l'Ej^lise.  »  {idem^  p.  177  et  183.)  Ain^i  Ta 
.  -Jeridé  le  docte  Denis  Petau,  et  Témi- 
<  Dealissime  Bellarmin,   et  le  concile  de 

•  Ljon...  • 

•  ESrajante  doctrine,  qui  supolée  Tauto- 
rité  de  la  nature  par  Tautorité  ae  Petau  et 
Je  Noris!  le    prélat    croit  soumettre  sa 
rai5«)D  eu  cédant  au  besoin  de  brûler  et  de 
^«aaioer. .  Bossuet  livre  tous  les  enfS&nts  aux 
sii-pliccs  des  enfers,  et  Jésus-Christ  se  W- 
c'.e  contre  les  apdtres,  qui  les  repoussaient 
Ku  des  paroles  trop   dures.    Bossuet   dit 
quiîs  sont  l'objet  de  sa  haine  et  de  Taver- 
sioa  de  Dieu,  et  Jésus-Christ  dit  positive- 
ment que  le    royaume  de  Dieu  est  pour 
ceu  qai  leur  ressemblent.  Notez  que  Jesus- 
Oihst  parle    ées  enfants  des  Juifs  et  des 
l')ieas,  el  non  des  enfants  baptisés  (511).  » 
^  Voaoi  Bossuet,  avec  quelques  autres  pré- 
l9is,  aUaqua    certaines  doctrines  de  Sfon- 
tJ:3i#»,  il  n'in-voqua  la  sévérité  du  Pape  ni 
H.'Qtrele  cardinal,  ni  contre  Topinion  qui 
rieuipuit  de   peines  sensibles  les  enfants 
h  orts  sans  baptême. 

r  Bossuet  ne  demanda  jamais  la  flétrissure 
•J^  Sfondrate  ;  il  écrivait  :  «  Ce  n'est  qu'au 
'irre  que  nous  en  voulons  et  à  la  mauvaise 
•ix-trioe,  et  non  à  la  personne,  dont  nous 
respectons  la  vertu  el  la  dignité.  —  Nous 
^^rons  très-aise,  non-seulement  qu'on  mette 
à  couvert  la  personne,  mais  encore  qu'on 
i'ùOQore  et  qu*on  la  recommande  (512).  « 
Il  parlait  toujours  de  ce  cardinal  avec  un 
ffûfond  respect,  et,  dans  la  lettre  même 
'iirigée  contre  nne  partie  de  son  livre,  il  lui 
projiguait  les  titres  de  personnage  tris-ci- 
^'Vf...  recommandable par  tant  de  belles  qua- 
^ite$.„  (Thomme  excellent...  dont  Véle'gance 
<•'  le  talent  rirent  dans  la  mémoire  (513). 

Telle  était  l'estime  de  l'évêquc  de  Mcaux 
[*our  le  pieux  cardinal.  Par  conséquent, 
<elle  espace  de  p}thonisse  que  M.  Aimé- 
Mariin  nous  montrait  il  n'y  a  uu'un  mo- 
ment, et  qu'il  nommait  Bossuet,  n  a  donc  pas 
louésé  sa  foreur  jusqu'à  solliciter  du  Pape 
looocint  le  chiiiroenl  du  pieux  Sfondrate 
Iri^-pa^sé. 

^  B^jssuet  9-t-il  aflirmé  que  les  enfants 
nKtris  sans  baptême  eussent  à  souffrir  dans 
{i'>  flammes  en  enfer? 

L'éfèque  de  Meaux,  Sfondrate  et  toute 
l'Eglise  croyaient  également  que  les  enfants 
luorts  sans  la  grâce  dn  baptême  ne  jouis- 

ïMI|IJT.ui,cb.  i,p.237. 
(512)  Lettre  5  de  h  coUeetion  des  LeHreê  tur  le 
7«i€iismr;  lettre  112. 


sent  pas  de  la  vue  de  Dieu.  Mais,  de  quel 
nom  appeler  cette  privation?  Sfondrate 
chercha  une  expression  dont  l'imagination 
ne  fût  point  effrayée  ;  Bossue!»  au  contraire^ 
pressentant  des  consécjuences  fftcbeuses  cpii 
pourraient  sortir  un  jour  d'une  expression 
plus  sentimentale  que  juste,  nomma  sans 
détour  cet  état  des  enfants  :  damnation. 
>  Cependant,  comme  dans  la  damnation, 
c'est-à-dire  dans  la  privation  de  la  vue  de 
Dieu,  il  y  a,  aussi  bien  que  dans  la  vue 
même  de  Dieu,  une  infinité  de  degrés.  Ton 
n'est  pas  nécessairement  condamné  aux 
flammes  éternelles  et  aux  éternels  grince- 
uients  de  dents,  parce  qu'on  est  damné. 
Nous  avons  déjà  fait  observer  ailleurs  que 
le  plus  tendre  cceur  de  mère  peut  supposer 
à  ces  petits  enfants  un  bonheur  tel,  que  la 
philosophie  de  tous  les  adversaires  de  cette 
doctrine  de  r£glise  n'ait  rien  de  mieux  1 
rêver  (5U). 
Or,  que  pensait  Bossuet  de  celte  opinion 

Elus  douce  sur  le  sort  des  enfants  non 
aptisés  ?  Il  ne  la  partageait  pas,  mais  il  ne 
la  condamnait  pas;  il  se  bornait  à  soutenir 
que  l'état  de  ces  petits  enfants,  quel  qu'il 
soit,  doit  se  nommer  damnation. 

Voici  le  passage  incriminé  par  M.  Aimé- 
Martin  :  «  Sfondrate  refuse  d'appeler  damnés 
ceux  que  plusieurs  théologiens  croient 
exempts  de  la  peine  du  sens,  c'est-à-dire  du 
supplice  du  feu  éternel  :  que  nous  importe- 
{cette  opinion  des  théologiens)  !  Ce  n'est  point 
sur  cela  que  nous  contestons.  Que  Toncon* 
suite,  si  on  le  veut,  le  très-docte  Denis  Pc*? 
tau  et  l'érainentisssime  Henri  Noris...  Pour 
nous,  nous  passons  sur  cela,  et  nous  le  lais- 
sons disputer  par  les  théologiens.  Mais  tout 
ce  qu'il  y  a  d'énorme  dans  l'erreur  qui  al)- 
sout  de  l'enfer  et  de  la  damnation  des  enr 
fants  morts  sans  le  sacrement  du  Christ 
nous  préférons  l'exprimer  en  nous  servant 
des  paroles  du  cardinal  Bellarmin  plutôt  que 
des  nôtres  (515).  » 

Bossuet,  dans  ce  fragment  d'épttre,  dit. 
et  répèle  près  d'une  demi-douzaine  de  fois 
qu'il  ne  recherche  pas  si  les  enfants  non 
baptisés  souffrent  ;  que  ce  n'est  |>as  l'opinion 
négative  qu'il  conteste,  el  pourtant  M.  Aimé- 
Martin  assure  que  Bossuet  cède  au  besoin  de 
les  brûler;  il  assure  que  Bossuet  s'indigne 
quand  la  pitié  ose  soutenir  qu'ils  ne  sont  pas 
condamnés  au  feu!  Evidemment  le  sujet  du 
débatsoulevé  par  l'évêçiue  de  Meaux  échappe 
complètement  au  critique, 

M.  Aimé-Martin  ne  s'est  pas  borné  à  gé- 
mir sur  les  doctrines  adoptées  par  Bossuet, 
il  a  bien  voulu  encore  prouver  au  prélat, 
par  la  tendresse  de  Jésus  pour  des  enfants 
non  baptisés,  que  le  baptême  n'est  pas  né- 
cessaire à  l'eniance.  Que  j'aime  à  voir  l'ins^ 
tiluteur  des  mères  enseigner  aussi  l'Evan- 
gile à  Bossuet  I  Le  prélat  était  modeste  ;  il 
ne  se  fâchera  peint  au  ciel  de  celte  leçon» 
contre  laquelle  toutefois  il  se  présente,  un» 

(515)  lettre  201  des  Lettres  déverui. 
(514)  Voy.  Vtcnt  iieiciiiel. 
(5i5j  Loure  201,  u^t  wpra^ 


5S5 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


8SS 


petiln  (ii/TicuUé.  En  effet,  quelle  raison 
M.  Aimé-Martin  à-t^l  de  croire  que  ces 
enflants  bénis  par  Jésus  n'avaient  pas  été 
purifiés  de  là  faute  orig;in6lIe  par  la  cérémor 
nie  expiatrice  qui,  avant  le  baptême  chré- 
tien, elistéit  certainement  chez  les  Jûits , 
et  très -probablement  même  chez  le$ 
païens  (516). 

On  ne  peut  se  Caire  une  idée  des  préjugés 
de  M.  Aimé-Hartin  sur  cette  doctrine  chré- 
tienne qu*il  maudit.  Ainsi,  à  i\)ccasiondc 
la  maxime  Hor»  de  VE^ist  point  de  satut^ 
qui,  selon  lui,  ne  laisse  guère  d'espoir  d'âtre 
sauvés  qu*è  <<(  quelques  adeptes  crédules  et 
3ans  lumière,  »  il  écrit  :  «  Diras-tu  :  Je 
nrappuierai  sur  la  sagesse,  je  serai  juste  et 
miséricordieux,  j'aimerai  Dieu  par-dessus 
toute  chose  6t  mon  prochain  comme  moi- 
même?  Vertus  sans  pouvoir,  si  tu  es  né  à 
Genève,  àCoâstantinople,  &  Madras,  &  Pékin^ 
dans  les  ténèbres  d'une  erreur  que  tu  ne 
cannais  pas^  ou  d'un  mensonge  quô  les 
hommes  te  donnent  pour  la  vérité  :  nors  de 
rJEglise point  de  salut  (517).  ji  Eh  I  non,  mou 
mattre^  nous  ne  condamnons  pas  à  l'enfer, 
sous  quelque  latitude  et  en  quelques  ténè- 
bres qu'il  soit  né,  IHiomme  qui  aime  Dieu 
etsoa  prQchaii^;  quiconque  obéit  à  ce  que 
Dieu  lui  donne  de  grAces  et  de  raison  ac-. 
complit  la,  loi  (518)\ 

M.  Aimé-Martin  ne  dit-il  pa3  encore  : 
«  Des  hommes  méchants  (4  mon  Dieu!)  vous 
ontfaitipéchant  comme  eux;  ils  ont  crié 
enfbr>  pénitence,  expiation,  damnation  :  j'ai 
eu.peu  de  foi  en  leurs  paroles...  Comment 
la  perfection  serait-elle  sévère  à  la  faiblesse? 
comment  la  bonté  serait-elle  impkicable  au 
rofieniir  (519)?  »  —  Mais  quand  donc  fios- 
suot  ou  Boardatoua  vous  a.-t-il  prêché  que 
D'eu  damnerait  la    faiblesse    repentante? 


Martin  ignore  profondément  la  religion  dont 
il  sechargQ  de  donner  des  leçons  &  Bossuet. 

Quels,  sont  lea.réspjUls  sociaux  de  ladocUUie  de  1$ 

pénilenc^î? 

«  Point  de  déchéance,  point  d'expiation» 
mais  une  épreuve...  L'étude  des  lois  de  l'a 
nature  nous  apprend  que  Dieu  a  fait  de  la 
vie  une  épreuve,  et  noup^  une  pui^itlon. 
L'épreuve  est  le  combat  des  bo9î;ies  et  des 
mauvaises  passions,  de  I^  matière  et  de 
l'esprit...  Toutes  les  conséquences  d^l'éf- 
preuve  sokt  sociales^  morales  et  divines  : 
e!le  veut  compléleç  l'homme  t  la  Vertu  au 
lieu  de  la  pénitence,  la  règle  au  lieu  de  la 
mutilation.  Toutes  les  cojis^que^ces    de 

(510)  Voir  sur  ce  sujet  la  Juêtification  de  la  ihéo-. 
logte  moraU  de  eaita  Ligpiorù  par  S,  Em.  l^e  eardioal 
Gousset,  arcbevèque  de  Reims,  eh.  H. 

(517)  LIv.  IV,  ch.  9,  p.  456. 

(518)  La  ibéologie  nous  apprend  que  cet  homme, 

Ear  robéis&ancc  à  ce  qa*il  connaît  de  la  volonté  de 
»ieu,  est  censé  vouloir  accomplir  ce  qu*ii  en  ignore, 
eu  par  conséquent,  est  censé  désirer  le  baptême. 
(lUiLLT  Cl  Receveur,  Thevlogia  dogmalka  et  mora- 


l'expiation  sont  sauvages,  humorales  ot 
cruelles  :  elle  veut  des  supplices,  elle  de- 
mande du  sang...  les  croisades,  les  dra- 
Î;onnades,  >es  auto-da-fé,  la  Saint-Barthé- 
em 7,  lui  apparaissent  comme  des  œuvre.s 
de  miséricorde  :  les  sacrifices  humains  sont 
tes  charités  de  Teipiation^..  Le  salut  du 
monde  par  le  sang  est  la  justice  de  la  Pro- 
vidence t  et  c*est  Il)omme  qui  est  charcé  de 
tue^  l'homme.  (DEMâisTRE«5oire'«9  d€  Sainu 
Pét$r$hourg^  t.  W.)  Entendez-rvous  ces  exé- 
crables paroles  ?  Celui  qui  les  a  prononcées 
était  plein  de  foi,  et,  en  conséquence  du 
principe  de  l'expiation,  il  faisait  de  la  guerre 
Uhe  institution  divine,  âe  Tinquisilion  une 
nécessité  morale,  et  tlu  bourreau  la  pierre 
angulaire  de  la  société  (520).'» 

La  doctrine  de  la  pénitence  est  Jugée  an- 
tisociale par  M.  Aimé-^Martin^  pai'ce  qu'elle 
fait  regarder  la  douleur  comme  utfe  expia* 
tion.  Cette  idée  d*expia(ion  répugne  è  notre 
moraliste  pour  trois  raisons  :  parce  qu*elle 
lui  semble  1*  avoir  produit  dans  l'histoire 
une  longue  sériede*crimes;2"  avoir  dicté 
à  de  Maistre  d*atroces  maximes  ;  3*  n*ë(re 
pas  conforme  à  la  natui^e  comme  le  serait 
le  système  qui  ne  voit  dans  les  souffrances 
qu'une  épreuve. 

i""  Les  faits  que  il  Aimé-Hartin  rattache 
\  la  doctrine  de  l'expiation  n'j  ont  aucun 
rapport.  Jamais,  en  effet»  les  auteurs  des 
croisades,  des  dragonnades^  des  auto-d^-fé, 
de  la  Saint-Ba^thelemy,  qui  ne  fut,  iTùU 
leurs,  qu^ine  subite  résolution  de  la  poliii* 
que  de  Catherine  de  MôdiciSt  jamais  les  au- 
teurs de  ces  guerres  et  (le  ces  massacres  ne 
les  ont  entrepris  pour  (aire  expier  è  ceux 
qu'ils  fraippaient  leurs  erreurs  religieuses 
et  les  laver  dans  le  sang.  Jamais  Ton  n'a 
cru  qu'un  huguenot  brûle  fût  un  iiérétiaue 
converti  :  on  songeait  à  le  punir,  et  nulle- 
ment à  le  purifier. 

2**  Quant  aux  idées  de  de  Maistre^  d'abord, 
s*il  y  a  de  l'exagération,  la  doctrine  chré* 
tienne  de  l'expiation  ne  doit  pAs  plus  en 
ré|)t)ndre  que  l'Evangile  ne  répond  de^  pré- 
tendues maximes  évangéJiques  prêtées  par 
M.  Aimé-fMartin  à  Jésus^Christ.  Ensuite^ 
l'odieux  des  assertions  de  de  Maistre  de  ht 
trouve  guère  que  dans  la  manière  infidèle 
dont  le  critique  les  expose.  Ainsi,  Tautcur 
des  Satr^ç^  de  Saint-Petersbourji  ne  dit  pas 

Sue  l'inquisition  ait  élé  une  nécesiité  morait; 
dit  que  ce  fut  une  nécessité  politique 
imposée  à,  l'Espagne  pac  la  haine  des  Juii5 
el  des  Maures  (5âl|.  Si  la  guerre  lui  parait 
une  institution  divine^  c^est  è  la  manière  do 
la  peste  et  des  autres  fléaux  dont  nous  de- 
vons. cheiTcher  ^  purger.le  globe(Sà2).  En- 
Qn,  lorsqu'il  a  pris  le  bourreau  pour  pierre 

(ts,  tenu  IH,  De  bapthm^^  cap^  %  art.  2,  prop.  S, 
quacst.  i.) 
(5td)  Ut.  IV,  ch.  10,  p.  I6i. 

(520)  Lîv.  Ml,  cil.  31,  p.  363,  etc. 

(521)  Lettrée  à  un  ffentilHomme  ruue  f«r  Clnqm* 
$iuon  d'Espagne, 

(522)  QonsUiràlions  sur  ta  France^  cb.  S.  —  S^i- 
ries  de  Saint-Pétersbourg^  entrelien  7,  p.  26.  — 
Eclairàssetncni  sur  (es  sacrificeSfjdk»  \  Pv4H* 


557 


PÊN 


DICTIONNÂIIIE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


5)8 


jfl^nhirc  de  la  société,  il  n*a  pas  fait  autre 
chose,  dans  son  pittoresque  langage,  que 
ije  déclarer  la  société,  telle  que  nous  la 
ri)nnais$on5,  incapable  de  subsister  sans  la 
peine  de  mort  (223).  Toutes  choses  gui  ne 
m^rïïàkni  ni  que  Ton  maudtt  la  doctrine  de 
iVtpiatioii,  ni  une  l'on  donnât  à  l'éloquent 
plémiste  les  uénominations  d'homme  en 
étimeet  de  courtisan  du  despotisme  sacer- 
^fai  et  de  possédé  du  démon  (52^).  Savez- 
vmqde  le  doux  Mentor  des  dames  a  toutes 
wrtes  de  cordes  à  sa  lyre,  même  celte  de 
Tinjure? 

3"  Pour  rester  fidèle  aux  leçons  de  la  na- 
torft  faut-il  dans  le  mal  physique  ne  voir 
fûune  épreuve  et  non  pas  une  expiation? 

Je  coDTiens  que  la  nature  ne  parle  pas 
d'eipiation  (325),  mais  elle  ne  parle  pas 
difantaee  d'épreuve.  Vous  souffrez,  et  vous 
«ites  :  C'est  une  épreuve.  Bien.  Mais  l'am* 
Qil,  que  ?ous  douez  d'intelligence  comme 
)V)(Dme,  souffre  aussi,  et  il  ne  peut  dire  : 
^e  m'importe  la  douleur  I  elle  est  une 
^uTe.  Pourquoi  donc  l'animal  souffre- 
N)?N'6  répondez  pas,  comme  vous  avez 
osfTé  de  le  faire  :  «  Cherche  un  animal  qui 
•ttsoif,  et  qui  ne  puisse  découvrir  une  fon* 
ttu)e(525).  »  A  guoi  sert-il  de  nier  l'évi- 
te! Eh  I  oui.  Ton  a  vu  des  animaux 
Mrti  de  soif  et  de  faim  h  côté  de  leurs 
Mres  morts  avec  eux  (527).  La  nature 
<Al  donc  pas  plus  du  sentiment  de  M.  Ai- 
ip-lfartin  âne  de  celui  du  catholique  ;  elle 
Hile  et  multiplie  le  problème  de  la  souf- 
nfice,  elle  ne  relpliiîue  pas. 
Combien  ne  serail-il  pas  facile  de  rétor- 
ver  contre  l'opimoQ  de  M.  Aimé-Martin 
«ies  ses  invectives  adressées  à  la  croyance 
«reipialionl  Un  athée  ne  pourrait-il  donc 
B  lui  dire  aussi  :  «  Les  conséquences  do 
lirevre  sont  sauvages,  immorales  et  cruel- 
I  :  elle  veut  des  supplices,  elle  demande 
i  sang.  Je  souffre,  et  vous  prétendez  que 
^^  tine  épreuve  1  Mais  que  voulez-vous 
tt  Totrc  Dieu  tout  bon  fasse  de  mon  sang 
dt!  mes  larmes?  Dieu,  à  vous  en  croire, 
1  lutter  en   moi,  pour  m'éprouver,  de 

^i\  Smréeê^  ecc,  entretien  7,  p,  6. 

^}i  Uv.  III,  cb.  54.  p.  578, 579, 580. 

i'^ti  Dten  aurait  pu  noua  créer  dans  le  principe 

V  toDtei  nos  nisèreô,  noire  pente  au  mal,  et 
*ftpoir  d*one  autre  vie.  (Bailly  et  Receveur, 
*^^$ia  dopn,  ti  moral.^  I.  III,  De  gratta^  pars,  i, 
^  ••I 

-Wi  Lir.  n,  eb.  23,  p.  71, 
'^')  U  méine  difficnlié  s*adres8e-trelle  au  cathu- 
"it^ipeiiiHMi  lui  4ire:  Si  la  souffrance  est  une 
fttUoo  pour  rbomme,  qu*esl-elie  pour  Taniroal? 
^  est  ponr  ranimai  la  loi  générale  de  la  na- 
^  éui»lie,  j*ignore  pour  quel  motif,  par  le  Créa- 
[^  mais  cette  loi  aénérale,  dont  un  privilège 
^laa>att  etempté  rhofflflie,  s'il  c4t  rempli  cer- 
tes condiiiont ,  esl  devenue  pour  lui,  après  la 
Ne  i^Adan,  un  châtiaient,  une  expiation.  (Voir, 
11-  Itowui  de  Lorgves  Touvrage  intitulé  :  De  la 
^l«fiai  Clumme.  — r  Voir  Tart.  Moet. 
^^)  ÏMoi  $UT  les  mœurs  des  nations,  cb.  145. 

V  cacore  au  eh.  4,  sur  la  cbote  originelle,  un 
*^ta»eu.  : 

'  '•^)  •  Ces  désordres,  ces  misères  de  la  vie  nu- 
<i:  f/Lt  croire  parfois  que  les  anciens  prophètes 


bonnes  et  de  mauvaises  passions  :  c'est  danc 
è  dire  qu*il  s*est  plu  à  tendre  des  pièces  h 
ma  faiblesse?...  Malheur  aux  enfants  du 
père  qui  croit  ainsi  :  pour  éprouver  sa  fa- 
mille, comme  Dieu  la  sienne,  un  tel  hommo 
mettra  son  étude  h  être  cruel  !  a 

Voilà  comment  les  vaines  déclamations 
de  M.  Aimé-Martin  au  nom  de  la  nature  se 
retournent  contre  lui-même.  La  nature,  je 
l'ai  déjà  dit,  ii*a  point  de  réponse  nn  peu 
consolante  à  Ténigme  des  douleurs.  Aussi  ce 
n'est  pas  sur  elle  que  se  fonde  la  foi  du 
chrétien,  c'est  sur  la  révélation. 

Chose  étonnante  et  si^alée  par  Voltaire 
lui-même l  «  De  tant  de  religions  différen- 
tes, a-t-il  dit,  il  n'en  est  aucune  qui  n'ait  eu 
pour  but  principal  les  expiations.  L'homme 
a  toujours  senti  qu'il  avait  besoin  de  clé- 
mence (528).  »  La  croyance  du  chrétien 
sur  la  vertu  expiatoire  de  la  souffrance  est 
donc  celle  du  genre  humain,  croyance  qui, 
d'après  son  universalité,  doit  évidemment 
remonter  à  une  source  unique,  au  premier 
homme  et  à  la  révélation  primitive  (529). 

M.  Aimé-Martin  n'a  donc  rien  à  invoquer 
à  l'appui  de  son  opinion  de  l'épreuve,  qu'il 
croit  éminemment  sociale,  tandis  que  la 
croyance  à  l'expiation,  qu'il  repousse  comme 
antisociale,  est  forte  de  la  tradition  reli- 
gieuse universelle  et  de  la  révélation  (530). 

«  Peut*ètre  Cillait- il  passer  |  ar  toutes  les 
turpitudes  du  moyen  Age  pour  arriver  à  de 
meilleures  idées.  Mais  un  lait  bien  constaté, 
c'est  que  les  lumières  nous  sont  venues  par 
l'Evangile,  malgré  le  sacerdoce,  qui  avait 
bâti  dans  les  ténèbres.  Non  que  la  société 
chrétienne  ait  manqué  de  docteurs,  d'écoles 
ou  de  bibliothèques  :  les  écrits  étaient 
nombreux,  mais  stériles  ;  l'esprit  humain 
refaisait  sans  cesse  la  même  pensée.  Lors- 

2u*on  se  plonge  dans  cette  étude,  on  est 
pouvante  du  vide.  De  l'éloquence,  des  idées 
poétiques,  ascétiques,  théolog[iques,  la  mo- 
rale des  anachorètes,  la  religion  de  la  péni- 
tence, les  visions  délirantes  du  somnambu- 
lisme, l'apologie  du  martyre,  voilà  ce  qu'on 
r<encontre  à  chaque  pas  dans  ces  Pères  de 

ai  les  prêtres  chargés  d*annoncer  la  volonté  divine 
dans  les  initiations  et  les  sacriflces,  ne  parlent  pas 
au  basarJ  quand  ils  disent  que  nous  sommes  nés 
pour  expier  certains  crimes  commis  dans  une  vie 
antérieure.  Par  là  se  vérille  également  celle  parole 
d'Aristote,  que  notre  existence  terrestre  est  un  sap- 
pUce  pareil  k  celui  de  ces  malheureux  qui,  lomliéa 
entre  les  mains  des  brigands  étrusques,  étaient  con- 
damnés à  un  genre  de  mort  cruel  et  raffiné  :  on  liait 
leurs  corps  vivants  k  des  cadavres.  »  (Cicéron, 
Uort^nsiuSf  trad.  de  Panckoucke ,  tom.  XXXVI, 
p.  4tii.) 

(550)  En  tikCliant  de  montrer  que  M.  Ainté-Maitln^ 
ne  peut  éuMir  son  système  de  Tétat  dVpn  nve  eu 
cette  vie,  je  n*ai  pas  voulu  nier  le  lyaicme  Ini- 
méme,  puisque  la  foi  m*ordonne  de  croire  ^ue  k 
vie  est  i  la  (oit  épreuve  et  expiation.  Je  nie  suis  seu- 
lement proposé  de  prouver  que  ce  n'est  pas  la  na.t 
ture  qu'il  fout  ici  consulter,  la  révélation  sachant 
seule  bien  clairement  quelle  est  notre  destînauoi\ 
ici-bas.  L*opinion  de  M.  Aimé-Martin  est  lui  em- 
prunt fait  k  TËglise,  ce  dont  Tauteur  ne  se  souvienl 
plus. 


539 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PLM 


540 


TE^Iise  qu'on  vante  tant  et  qu*on  lit  si  peu. 
Poinl  d*idées  larges  et  généreuses,  (las  ur 
de  ces  sentiments  évangéliques  qui  embras- 
sent le  genre  bumain,  nulle  intelligence  de 
Tamour  de  Dieu  et  du  prochain  :  1  aumône 
au  lieu  de  la  charité,  le  fanatisme  au  lieu 
du  premier  commandement,  les  ciliées,  le 
fouet,  le  jeûne  au  lieu  de  la  rertu,  le  fana- 
tisme d*un  corps  au  lieu  du  dévouement  à 
la  patrie  et  à  Thumanité;  rien,  rien,  abso- 
lument rien  pour  Tamélioration  des  peuples 
vi  la  civilisation  du  monde.  De  sainl  Jérôme 
h  Bourdaloue,  de  saint  Augustin  à  fiossuet, 
toujours  le  Dieu  terrible.  Te  Dieu  des  ven- 
geances, Texcommunication,  la  damnation, 
renfer.  Les  saints  lisaient  TEvangile  sans 
en  rien  tirer  ni  pour  eux,  ni  pour  les  au- 
tres. Ils  po'^sédaient  seuls  le  livre  qui  devait 
civiliser  les  peuples,  et  ils  s'en  servaient 
pour  établir  et  pour  régulariser  des  moines. 
Nous  avions  les  austérités  de  l'Inde  au  lieu 
de  la  morale  du  Christ.  Il  a  fallu  l'invention 
de  l'imprimerie,  seconde  révélation,  pour 
leur  arracher  ce  livre  et  le  donner  à  l^ni- 
vers.  Osons  le  dire,  sans  le  ^énie  de  Faust 
et  de  Gutlemberg,  la  doctrine  de  Jésus- 
Christ  était  perdue  pour  l'humanité.  L'Evan- 
gile n'existe  véritablement  que  de  cette 
époque,  et  l'intelligence  de  sa  morale  ne 
date  que  de  l'avènement  de  Fénelon  (531).  » 

Paraon  I  pardon  pour  tant  de  blasphèmes 
contre  le  génie  civilisateur  de  nos  Pères 
de  l*£glise  !  Celui  qui  les  a  proférés  va  les 
rétracter.  Nous  avons  entendu  ses  paroles 
de  colère  et  de  haine;  quel  doux  épanche- 
ment  de  vérité  et  de  tendresse  nous  allons 
admirer  maintenant! 

«C'est  donc  à  l'Orient,  resté  barbare, 
dît-il,  que  nous  devons  les  deux  livres  qui 
ont  civilisé  l'Occident  :  la  Bible...  l'Evan- 
gile, cette  création  du  monda  moral,  qui  ne 
promettait  aux  hommes  que  les  biens  du 
ciel  et  qui  aflirmo  l'immortalité  ! 

«Ici  commence  la  théologie  de  l'autre 
moitié  du  clobe  (de  IVccident).  Celle-ci 
s'est  appuyée  sur  l'éloquence  et  la  vérité. 
Elle  s'est  enrichie  d'une  suite  de  grands 
noms  depuis  saint  Jérôme  jusqu'à  Bossuet; 
depuis  saint  Augustin  jusqu'à  FénelonJ; 
entin  elle  possède  le  livre  qui  a  renouvelé 
le  monde... 

«  Il  y  a  plusieurs  époques  dans  l'histoire 
du  christianisme  :  l'époque  de  sa  naissance, 
et  les  époques  d'hérésies,  de  controverses  et 
de  réforme.  L'époque  de  sa  naissance  est  le 
plus  grand  événement  de  l'histoire  des 
hommes;  c'est  la  régénération  du  globe  par 
la  foi  et  la  charité...  Celte  époque  sublime 
eut  ses  saints,  ses  martyrs,  ses  Pères,  comme 
on  les  a  appelés,  du  nom  le  plus  doux  que 
l'homme  puisse  donner  à  l'homme.  Alors 
toutes  les  cités ,  toutes  les  populations 
avaient  leur  père.  On  les  trouvait  partout, 
dans  les  catacombes  où  ihs  priaient,  dans 
les  thébaïdes  où  ils  s*humiliaient,  dans  les 


amphithéâtres  où  ils  mouraient  Dieu  sem- 
blait les  avoir  chargés  de  la  double  mission 
de  réformer  les  vices  du  monde  civilisé  aui 
allait  disparaître,  et  de  dompter  les  bordes 
barbares  qui,  du  fond  du  Nord,  accouraient 
au  sac  du  grand  empire.  Ceux-là  ae  savent 

3 ne  tuer  ou  mourir  ;  ils  viennent  se  venger 
e  douze  siècles  de  conquêtes;  mais  quel 
étonnement  1  Au  lieu  d'armée  à  combattre, 
ils  trouvent  des  hommes  qui  liénissent  eeui 
qui  les  égorgent,  des  hommes  qui,  lorsqu'on 
leur  arrache  leur  tunique,  offrent  encore 
leur  manteau,  qui,  lorsqu'on  les  frappe  au 
visage,  tendent  humblement  l'autre  joue.  Il 
y  avait,  dans  ce  mépris  de  la  vie  et  des  ri- 
chesses, quelque  chose  do  grand  qui  sur- 
passait les  barbares.  Le  fer  n'eût  pu  les 
vaincre,  la  charité  les  dompta  ;  et  c'est 
ainsi  que  de  la  plus  épouvantable  confusion 
où  se  soit  abîmé  le  monde  un  sentiment  in- 
connu fit  peu  à  peu  sortir  l'ordre^  la  sa- 
gesse et  une  civilisation  nouvelle. 

^  La  grandeur  des  événements,  les  lattes 
sublimes  de  la  résignation  et  de  la  foi  con- 
tre Rome  et  les  barbares;  l'étrangeté  deU 
vie  chrétienne  au  milieu  de  cette  dissoln- 
tion  universelle;,  les  prédications  conti- 
nues de^  Pères,  leurs  courses  pastorales  à 
Jérusalem,  à  Rome,  à  Athènes,  à  Antioche, 
à  Constantinople,  dans  la  Syrie  et  dans  la 
Uaule,  pour  arrétei?  les  armées,  convertir 
les  peuples  ou  fléchir  les  rois,  tels  seot  les 
prodiges  de  l'histoire  à  cette  éBoqne.  Voilà 
ce  que  racontent  les  Pères  de  1  E^ise  grec- 
que et  romaine,  avec  cette  éloquence  sim- 
ple et  passionnée  qui  fût  sans  modèle  avant 
eux,  et  qui  n'a  pu  être  égalée  que  par  les 
nouveaux  Pères  de  l'Ëglise  du  siècle  do 
Louis  XJV  (532). 

«  L'Evangile  est  la  source  sacrée  de  tool 
le  bien  qui  est  aujourd'hui  sur  ta  terre.  Les 
autres  religions  nous  appellent  au  boabeor, 
ceMe-ci  nous  appellera  la  résignation,  tous, 
heureux  ou  malheureux,  car  elle  sait  que 
les  heureux  ont  aussi  leurs  souffrances. 
Grande  et  admirable  doctrine,  fondée  sur 
notre  double  nature,  elle  ne  nous  promet 
rien  ici-bas  que  la  persécution  et  la  dou- 
leur; toutes  ses  récompenses  sont  dans  le 
ciel,  et  c'est  en  y  attirant  nos  regards  par  la 
foi  et  l'espérance  qu'elle  a  démalériali<é 
le  monde  ! 

«  Telles  sont  les  vérités  que  le  temps  a 
consacrées  dans  les  œuvres  de  Gerson,  de 
saint  François  de  Sales,  de  Fénelon,  deMa^- 
sillon,  de  Bossuet,  do  Bourdatouc,  de  Ni- 
cole, de  Fleury,  de  Malebranche,d'Abbadie, 
et  de  cette  multitudede  beaux  génies,  leurs 
émules  sublimes  ou  leurs  disciples,  continua- 
teurs des  Pères  de  l'Eglise  grecque  et  latine, 
et  voués  comme  eux  au  culte  de  la  vérité. 
Avec  quel  soin  religieux  nous  avons  re- 
cueilli ces  œuvres  saintes,  illustrées  |iar  le 
temps,  consacrées  par  notre  reconnaissane^», 
et  qui,  après  avoir  été  la  gloire  de  l'Europe, 


(531)  LIv.it,  ch.  n,p.  469. 

(&3i)  luiroduclion  au  Panthéon  lUiéraire,  sect.  n,  ch.  1,  p.  58,  édition  de  1837. 


MI 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOIjOGETIQUE. 


PEN 


543 


<<''Qt  defenos  la  coasolatioo  du  genre  bu- 
caiD  '333)  I 

«  L^histoirede  l*Eglise  est  une  histoire  à 
j^rt,  QDe  histoire  morale  jetée  à  travers 
l'histoire  matérielle  des  peuples  et  destinée 
ï  la  spîritoaliser.  Au  milieu  de  toutes  les 
(b'j^es  qai  passent,  de  toutes  les  croyances 
fil  meurent,  de  tous  les  dieux  qui  s'en  vont, 
ce  est  surpris  de  rencontrer  quelque  chose 
•:'imiDuabie,  une  société  qui  ne  meurt  |>as  , 
une  reliîpon  qui  grandit.  C'est  que  cette 
ÏZ'ise  n*est  jias  née  de  l'ignorance  des  peu- 
y  is  ou  de  1  ambition  des  hommes ,  comme 
(  uies  les  autres  religions  (534),  mais  des 
limières  du  ciel  et  des  besoins  de  Thuma- 
&ité.  Son  point  de  départ  est  la  perfection 
Liroie  ?ers  laquelle  gravite  le  Kcnre  bu- 
miiii«  et  qiiand  nous  Ta  voyons  plus  belle» 
K  D*est  pas  elle  qui  change,  c'est  notre  in- 
uliiçeDce  qui  est  en  progrès. 

«  Ânssi  quelle  puissance  !  comme  elle 
4(13(46  les  rois,  comme  elle  soumet  les  peu- 
]'.ts\  Son  histoire  est  encore  l'histoire  du 
Eiiï^de.  Après  Rome  conquérante  vient  Rome 
rru-ieose  et  civilisatrice.  L'Europe  lui  doit 
'I  ibarcbe  progressive  et  l'Occident  son 
''iz:M  S35).  » 

«Annt  le  vm*  siècle,  l'Eglise  ne  cesse 

d^ojplortr  la  douceur  des  juges  contre  les 

lisacqas  des  cbrétietas  ;  elle  sauve  la  vie  à 

t'>us!escriQÛnels;  son  but  est  la  conversion, 

limis  la  mort.  Les  œuvres  de  saint  Augus- 

-a  i^moigoent  de  eette  horreur  du  sang  ;  la 

Semence  jest  de  droit  ecclésiastique...  Il 

rtî  dorîeux  pour  relise  d'avoir  protesté 

-}  première  contre  le  sang  versé,  soit  au 

COQ  de  la  justice,  soit  au  nom  de  la  reli- 

f  on  (536).  > 

U  défense  des  Pères  et  des  moines  ne 
r^uTait  être  plus  chaleureuse,  ni  la  répara- 
0"o  d'honneur  qu'on  leur  devait  plus  écla- 

t3DlC. 

Nous  avons  encore  à  recueillir  de  M.  Ai- 
Dé'Martin  quelques-unes  de  ces  variations 
«i^ûi  finissent  toutefois  à  la  gloire  de  l'Eglise. 

>  La  vie  de  pénitence  tue  la  vie  de  de- 
voirs, c'est-à-dire  la  société  et  l'humanité... 

«  Vous  appelez  la  pénitence  ;  elle  nous  dé- 
laie: vous  appelez  la  solitude  ;  elle  nous 
'lènature.  La  preuve  que  l'homme  n'est  pas 
r  il  j-our  l'isolement,  c'est  qu'il  n'est  vrai- 
'.ent  homme  qu'au  milieu  de  ses  sembla- 
i  ><  :  là  seulement  toutes  ses  facultés  se 
^•rTe'.oppent  :  là  seulement  il  se  complète 
[  3r  le  génie  et  la  vertu  (537}.  > 

C  est  M.  Aimé-Martin  qui  va  nous  mon- 
trer la  solitude  et  la  pénileace  fournissant 
QQ  remède  nécessaire  à  la  corruption  de  la 
liti de  lempire  romain  et  à  la  servitude  du 
'"■•jen  âge. 

'  Peut-être  les  excès  de  Fascétisme  et  du 
^'•inacbisme  étaient-ils  un  des  éléments  in- 


(S35)  Introdactîoa  au  Panthéon  lUUraire^  ubi 
f.'a,  rh.  î,  p.  47. 
KÎ^^  EiceptoDs  cependant  le  mosaîsme. 
'5S5)  btrod.  au  Panthéon  litt.^  sect.  tu,  cb.  5, 

^oj6)  l'H  tu^a^  p.  375. 


dispensables  d'une  régénération  complète. 
Le  monde,  à  cette  époque,  n'entendait  que 
par  les  sens:  Rome,  en  mourant,  l'avait 
laissé  matérialiste  et  athée.  11  fallait  le  dé- 
matérialiser, détruire  l'empire  du  corps  par 
la  mort  des  sens,  spiritualiser  les  âmes  par 
le  mépris  de  la  matière,  arriver  à  la  con- 
naissance de  Dieu  par  le  détachement  com- 
plet ae  soi-même,  et  à  la  nécessité  d'nne 
vie  immortelle  par  les  dégoûts  d'une  vie 
terrestre.  Sous  ce  rapport,  la  vie  d'austérité 
et  de  pénitence  fut  ravorable  au  genre  hu- 
main. Elle  prouvait  la  supériorité  de  l'es* 
prit  sur  la  matière;  elle  offrait  le  grand 
spectacle  d'un  intérêt  matériel  qui  renon- 
çait aux  richesses  et  aux  grandeurs  terres- 
tres pourj  quelque  chose  d'idéal  placé  au 
delà;  elle  développait  dans  l'homme  cette 
faculté  vivifiante  qui  lui  infuse  les  vérités 
inconnues  en  l'entraînant  vers  l'infini  ;  dès 
lors  il  V  eut  comme  une  révélation  de  nos 
véritables  destinées.  L'invisible  fut  plus 
puissant  oue  le  visible,  et  le  monde  passa 
du  néant  à  l'immortalité  (538}. 

«  Quel  génie  sublime,  ayant  conçu  le  pro- 
jet de  sauver  l'honneur  de  l'humanité,  éleva, 
dans  cet  enfer  du  moyen  âge,  comme  un 
empire  céleste,  hors  de  la  portéedes  tyrans, 
sons  la  ^arde  des  croyances  et  des  conscien- 
ces 1  qui  lui  inspira  cette  comlânaison  pro- 
fonde, ces  lois  viriles  qui  de  chaque  monas- 
tère, de  chaque  église,  de  chaque  évêché, 
faisaient  une  république  indépendante,  et 
de  toutes  ces  républiques  une  vaste  famille 
répandue  sur  l'immensité  du  globe  1  Puis- 
.«sance  plél)éienne,  courbant  les  tètes  nobles 
et  royales;  puissance  royale  et  divine,  choi- 
sie dans  les  rangs  du  peuple,  à  la  face  du 
monde  féodal  ;  puissance  intelligente,  éle- 
vée en  haine  des  puissances  matérielles, 
des  puissances  armées,  et  destinée  à  les 
soumettre.  Peuple  roi  de  tous  les  autres 
peuples,  se  formant  par  la  science,  se  gou- 
vernant par  l'élection,  s'isolant  par  le  céli- 
bat; toujours  jeune,  toujours  fort,  ollrant 
le  premier  et  peut-être  l'uuique  exemple 
d'une  monarchie  absolue,  fondée  sur  des 
institutions  républicaines... 

«  Tel  fut  l'empire  du  gouvernement  pas- 
toral. Ajoutons  que,...  seul  sur  le  globe,  il 
honorait  l'intelligence  en  lui  donnant  les 
dignités  que  le  monde  n'attribuait  qu'à  la 
noblesse,  et  l'on  reconnaîtra  d'un  coup 
d'œil  Toriginc  de  son  |K)uvoir  et  les  espé- 
rances de  son  ambition.  Tout  est  compris 
dans  ces  mots  :  unité  de  doctrine,  égalité 
devant  la  loi,  élection  des  intelligences  au 
sein  de  TEglise  (339).  » 

Que  souhaiter  de  M.  Aimé-Martin  après 
de  telles  rétractations?  La  doctrine  des  Pè- 
res n'est  donc  pas  antisociale,  puisau'elle 
a  été  nécessaire  |>endant  quinze  siècles,  et 

(S57)  Education  des  wereSj  etc.,  liv.  iv,  cb.  C, 

p.  431. 
(538)  Education  des  mères^  etc.,  liv.  iv,  ch.  â» 

p.  4^. 
(oôO)  Liv.  IV,  ch.  8,  p.  450. 


545 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


U4 


que  les  chefs-d'œuvre  qu'elle  a  inspirés 
sbflt  devenus  la  consolalion  du  genre  hu- 
main. 

Il  est  encore  dans  le  traité  de  ÏEducation 
des  mères  une  admirable  nage  qui  répond 
aux  reproches  souvent  repétés»  même  par 
M.  Aimé-Martin»  contre  le  mo^en  Âge»  pour 
n*avoir  pas  su  tirer  de  l'Evangile  ni  rédiser 
en  code  les  conséquences  sociales  des  prin- 
cipes du  Sauveur. 

<i  Jésus-Christ»  dit-il»  invite  les  hommes  à 
lamour  de  Dieu  et  des  hommes»  attendant 
de  ce  seul  précepte  la  réforme  de  tous  les 
maux  qui  pèsent  sur  Thumanité.  Il  ne  parle 
pas  de  rien  changer,  et  par  lui  tout  a  été 
changé. 

«  Pour  rendre  cette  observation  plus  frap- 
pante, nous  citerons  un  seul  fiiit  :  l'escla- 
vage. L*homme  était  alors  une  marchan- 
dise; on  le  conduisait  au  marché  comme 
une  bète  de  somme.  Que  Jésus  eût  tonné 
contre  cet  infâme  trafic;  qu'il  en  eût  appelé 
aux  nations  de  la  barbarie  des  nations»  on 
Teût  écoulé  sans  l'entendre  :  l'usage  était 

général»  et  l'aveuglement  faisait  le  droit, 
hose  admirable!  he  Dieu  se  tait  sur  le  cri- 
me» mais  il  établit  la  confraternité  du  genre 
humain;  il  dit  :  Tous  les  hommes  sont 
FBÈBES  !  et  l'esclavage  disparaît  à  mesure 
que  lïntelligence  de  cette  vérité  se  fait  sen- 
tir au  monde  civilisé. 

«  Les  grandes  révolutions  n'arrivent  qu'a- 
vec l'intelligence  des  grandes  vérités. 

«  I^  marthe  tracée  par  Jésus-Christ  est 
doue  la  seule,  qui  puisse  régénérer  le 
monde.  Il  faut  établir  les  principes  sans  at- 
taquer les  préjugés  qui  ont  les  nations  pour 
défenseurs»  et  tout  attendre  du  temps  et  de 
la  raison  univers^^lle.  La  vérité  n'efface  l'er- 
reur que  lentement  et  graduellement,  com- 
me l'aurore  effare  les  ténèbres  (540).  » 

Voilà  bien  des  citations;  mais  ne  fallait-il 
pas  qu'après  tant  d'injustes  eensures  contre 
l'Eglise»  contre  les  prèlres»  les  moines»  la 
pénitence»  le  jeûne»  l'expiation  et  leur  in- 
fluence dénoncée  comme  luneste  et  barbare, 
ne  fallait-il  pas  que  M.  Aimé-Martin  nous 
fournil  un  long  erraia  de  ses  trop  nombreu- 
ses inadvertances? 

Peut-être  aura-t-on  remarqué  combien , 
•quand  il  proclame  les  bienfaits  du  catholi- 
cisme, le  style  de  M.  Aimé-Martin  est  plus 
élevé,  plus  pur  et  d'un  éclat  plus  serein,  que 


lorsqu'il  s'irrite  contre  notre  foi.  U  vérité 
est  encore  la  meilleure  des  muses  (oVl). 

PÉNITENCE.  Voy.  Confession. 

PENSÉE»  son  origine,  examen  critiqQc  des 
systèmes.  Voy.  Pstcologie»  §  VIU  el  XIV. 

PENTATEUQUE  (541*). -Ouvrons  les  an- 
nales  de  l'humanité»  interrogeons  les  mr^ 
muments  primitifs;  cherchons  qntàU  est 
l'histoire  la  plus  ancienne  et  la  plus  aulhcn- 
tique,  le  livre  qui  remonte  le  plus  haut  dans 
le  passé  et  peut  le  plussûremcDt  nousmn- 
duire  jusqu  aux  sources  du  genre  biunain, 
fleuve  immense  dont  l'origine,  comme  celle 
du  Nil»  semble  se  perdre  dans  des  ré^iuos 
inaccessibles. 

Evidemment»  les  littératures  grecque  h 
latine  ne  peuvent  rien  nous  offrir  de  sâr  e( 
de  précis  sur  les  origines  de  rhuniaDitû  ri 
de  la  religion.  «  Vous  autres  Grecs,  tous 
n'êtes  que  des  enfants»  disait  orgueilleuse- 
ment un  prêtre  égyptien  ;  vous  d  avez  poioi 
de  sagesse  blanchie  ^)ar  les  siècles.  >  h 
Grèce»  en  elfet»  est  bien  jeune  auprès  de 
l'Orient,  et  pourtant  elle  ne  sait  pasoêiue 
son  histoire  primitive;  elle  n'a  retenu  que 
les  fables  dont  on  amusait  son  enfance 
Rome  en  sait  encore  moins  que  la  Grèit. 
Les  traditions  du  Nord  se  sont  éteiules  arei: 
la  voix  des  bardes,  et  les  récentes  compi- 
lation de  l'Eiida  en  gardent  è  rielDeu» 
faible  écho.  En  vain  les  peuples  barbares 
de  l'Afrique  et  de  l'Océanie»  et  môme  de 
l'Amérique»  interrogeraient  leur  méiuoiri', 
il  n*y  reste  guère  que  des  traces  incohéren- 
tes d'un  passé  récent.  Ne  recherchez  plus 
les  .annales  de  TEgvpte,  elles  sont  ensevelies 
S0U3  les  ruines  des  temples,  au  fond  des 
hypogées;  les  inscriptions  les  plus  ancien- 
nes ne  pourraient  nous  reporter  jusqu  an 
temps  d  Abraham;  et  d'ailleurs,  elles  ut! 
peuvent  seules  nous  révéler  la  reliiîion  pri- 
mitive. L'histoire  des  Chaldéeas,  des  Assv- 
riens»  etc.»  est  aussi  perdue»  et  surcc> 
ruines»  c'est  à  peine  si  nous  voyons  errer 
quelaues  vagues  et  flottantes  lueurs.  Seuls. 
les  Cbinois^Tes  Hindous,  les  Perses  eli» 
Hébreux  prétendent»  avec  des  chances  |)iu$ 
ou  moins  grandes  de  succès»  à  la  primauté 
historique.  Sans  doute  les  annales  desautres 
peuples  ne  sont  pas  è  négliser;  si  incooi- 
plètes»  si  désordonnées  qu'elles  soiend  U  ; 
a  encore  de  précieux  débris  sous  leurs  faille^ 
amoncelées;  mais  c'est  un  labyrinthe  ou  le 


(510)  J'aurais  bien  voulu  extraire  encore  de  Tou- 
viage  de  M.  Aimé-Martin  (liv.  ui,  ck.  54  el  38,  et 
liv.  IV,  ch.  4)  quelques  réflexions  sur  la  guerre  pré- 
sentée comme  moyen  providentiel  de  civilisation  et 
comme  entreprise  sublime,  quan.i  elle  a  un  motif 
religieux  :  ce  qui  n*est  pas  peu  surprenant  après  les 
injures  de  fauteur  contre  de  Maislre  pour  avoir 
également  cru  que  la  guerre  est  un  moyen  dont  Dieu 
se  sert  daus  le  gouvernement  du  monde  coupable. 
Les  remarques  de  M.  Aimé-Martin  sur  le  sul»lime 
4es  guéries  religieuses  n*ont  pas  eropôcbé  qu*il  ne 
renouvelât  toutes  les  accusations  faites  d  Vdin;iire 
contre  TEglise  à  propos  des  Albigeois  (liv.  n,  ch. 
33).  Selon  Pusaga  aussi,  il  a  neglij^é  oe  dire  que 
ces  hérétiques,  en  ravageant  les  ^liscs,  en  outra- 
geant et  en  dispersant  les  piètres,  en  égorgeant  le 


légat  romain»  en  s^assoclant  les  bandits  noones 
Routiers,  avaient  donné  de  trop  justes  causes  à  une 

{(uerre'.  Geue  guerre  fut  atroce,  comme  les  ptvrti 
'étaient  toutes  an  moyen  ftge»  et  comiae  f  11**^  '^ 
sont  toujours;  mais  le  premier  assailUol,  ce  toi 
rhérésie. 
(54i)  Cf.  Def.  de  V Eglise,  par  M.  Fabbé  Gorioi. 
(541*)  Des  mots  grecs  irivri,  rîji^,  et  xcOx^f •<["*' 
trumeni,  livre.  Les  cinq  livres  que  renferme  le  rta- 
tateuque  sont  la  Genèse,  VExode,  le  LéHiiqsi.  1  » 
Nombres  et  le  Deutéronome,  Ces  noms  ue  te  irno' 
vent  que  dans  les  Septante  et  la  Vnigaie.  Ckscsn*^ 
ces  livres  est  désigné  dans  les  Bibles  bébrtiqv^ 
par  un  mot  qui  est  le  premier  par  lequel  il  tsm- 
mence.  Ainsi  berêschith,  in  princiviOj  as  comtnin(f 
ment,  désigne  la  Genèse,  et  ainsi  oes  autrci. 


M 


PEN 


IMCTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


516 


til  seul  (le  la  critiqae  ne  saurait  nous  con- 
liairc;  il  bal  qoe  la  lomiëre  vienne  de  plus 

><  ihm  (ttaots;  sans  aoUienUdlê  ;  ont  mbi  des  alléra- 
lh««  profiMides.  —  Des  livres  indiens  ;  manquent  d*aa- 
ttetiidté  ;  lânû^nage  de  B.  Constant  ;  ont  été  alté- 
ra —  Lirres  peisans;  le  Zenda-Tcsta  ne  remonte  qu'k 
u  fia  ds  ff  âède  avant  lésiis43irisL 

Après  les  traditions  desHébreux/cellesde 
iaCiiine  sont  incontestablement   les  plus 
iamioeoses.  Il  s'en  faut  bien,  néanmoins» 
«joelles  ooos  offrent  les  mêmes  garanties 
•,ue  rbistoire  biblique,  et  nous  conduisent 
aoi^M  sûrement  au  berceau  de  rbumanité. 
D'aijonJ,  nous  devons  mettre  de  côté  les 
S^  lignes  ou  Kaua  Fo-bi»  ou  le  fond  primi- 
tif de  IT-lmj^;  car  nous  ne  pourrions  pas 
[•ia$  T  troufer  Thistoire  primitive  que  dans 
ies  ii  leUres  de  notre  alphabet.  D  ailleurs, 
i^incieos  commentaires  comaosés  sur  ces 
tiérogivphes  sont  perdus  (542).  Les  monu- 
niesitsles  plus  anciens  qui  existent  mainte- 
Tuat  en  Chioe  sont  donc,  les  Kings  de  la 
v«ie  des  lettrés  ;  mais  leur  origine  se  perd 
«.^QS  la  Qqit  ;  leur  âge  et  leurs  auteurs  sont 
ai'Milument  inconnus;   tout  ce  que  nous 
MTuifi,c*est  qu'ils  3ont  antérieurs    à  Con- 
(uciasqmles  a  refondus  {543).  Encore  si 
Doos  les  iTJons   tels  qu'ils  sortirent  des 
inaifli de  nilostre  philosophe  1  Mais  on  sait 
^m  quelle  foreur  Chi-hoang^i  surtout  s^ef» 
y^li  deo  effacer    jusqu'au   sourenir.  La 
f>enersité  et  lama  u  Taise  foi  d'une  multi- 
to^^e  de  sophistes  leur  ont  fait  subir  des 
altérations  plus  profondes  encore  ;  c*est  ce 
«IDâTooent  même  les  savants  chinois  qui 
gardent  le  plus  d'admiration  pour  ces  lirres. 
Le  Ckou'king^  qui»  par  sa  nature,  devait 
Tendre  le  ^ïus  de  jour  sur  Thistoire  anli- 
•iJ^  est  précisément  celui  de  tous  qui  a  subi 
ô  atteintes  les  plus  irréparables. 

'ni)  Voy.  Amm.  de  Phil.  cbrét.,  I.  XV,  |«g.  18  et 
ȔT..  fi  U  Deuripiion  de  Vemp.  de  la  Chine,  par  le 
1^.  bc  fliLDc,  u  11,  p.  288. 

'>^  I  A  te  iwnte  de  la  chronologie  et  de  This- 
i  ve,  dit  Schlotser,  on  ne  sait  si  Cooracius  a  vécu 
^  Ms  oa  500  ans  avant  Jésus-Christ.  It  est  probable 
P'ii  fut  coDleniBurain  de  Xenès,  i84  ans  avant  ié- 
HM:iirist  »  lUht.  umv.  de  rAniiqmlé,  t.  I,  p.  98, 
tnd.  fr) 

[M)  Cae  édition  de  ce  livre,  avec  iexie^  traduc- 
^  (nnçnse  et  eommemlaire^  par  M.  Julien,  a  paru. 

«Si5)  Abel  iUnoiiT,  Aoav.  Méi.   m.,  ton.  II, 

(546)  c  Les  vieilles  chroniques  avaient  péri  dans 
'ioceiHlie  généiai  de  l'an  213.  »  (IM^  p.  137.) 

^>47)  Voir  :  La  rMlatiau  fnimiihe^  ou  te»  grands 
m(ip€$  du  ckrûtiamsme  dimonlrés  par  les  écriuet 
**à»cumaas  des  peuples  les  plus  anciens^  et  spécio' 
'J-m  par  Us  liwres  canomques  des  Chinois^  par 
^"nnaui  Joseph  Schmitt  ,  curé  de  Steinbach  ; 
^^•àsèai,  1854.  —  Urûfenbamng,  oder  :  die  grossem 
^^n  éer  ckrislentkums,  nasehewiesen  in  den  sagen 
^  Vrksudeu  der  AltesUn  VoUut,  YoriLÛglich  in  den 
^  $.  Uaoa.  Bûebem  der  ehinesen^  etc.  —  Voir  aussi 
l^nMKiiuaBi,  Die  pMasopkie^  etc.;  La  philosophie 
<flu  U  disehppemeut  de  thUtoire^  i"  part;  Bonn, 
i«t7. 

iS48)  Voir  Part.  Libiahisiu. 

\U9)  Dana  rarticle  cilé  plus  haut,  nous  avons 


Les  livres  des  7ao-ise  ont,  il  est  vrai, 
échappé  au  vandalisme  de  Chi-hoan^'-ti  ; 
mais  le  plus  ancien  de  tous,  le  Tao-te-king^  ne 
remonte  (^s  au  delà  de  sii  siècles  avant 
Jésus-Christ;  d'ailleurs  ce  n'est  point  un 
livre  historique,  mais  un  traité  d^  philoso- 
phie (5S^}. 

Enàn,  l'Hérodote  de  la  Chine,  Sse-ma- 
thsiaUf  n'écrivait  qu'un  siècle  avant  notre 
ère  (545).  Dès  lors,  malgré  son  bon  sens  et 
son  érudition,  on  comprendra  liacilement 
qu'il  ne  peut  être  comparé  à  Moïse;  car  il 
lui  est  postérieur  de  quatorze  siècles,  et  il 
n'eut  à  sa  disposition  que  les  lambeaux  de 
chroniques  écha|^)pés  à  la  proscription  géné- 
rale, ou  les  traditions  éimrses  dans  la  mé- 
moire des  vieillards  (546). 

Du  reste  nous  sommes  bien  loin  d'avoir 
intérêt  à  diminuer  Tautorité  des  traditions 
chinoises,  car  elles  confirment  nos  croyan- 
ces de  la  manière  la  plus  décisive.  Tout 
porte  à  croire  que  la  religion  patriarcale 
s'altéra  beaucoup  plus  lentement  chez  les 
descendants  d'Yao,  que  dans  les  autres  con- 
trées du  monde  antique,  et  l'on  peut  voir, 
par  l'ouvrage  du  P.  Prémare,  quels  tré- 
sors sont  enfouis  dans  les  monuments  litté- 
raires du  Céleste  Empire  (547). 

Quand  de  la  Chine  on  descend  dans  l'Inde, 
on  trouve  encore  une  obscurité  bien  plus 
profonde.  L'âge  des  principaux  livres  san^* 
crils  a  été  discuté  ailleurs  (548),  et  il  n'en- 
tre pas  dans  notre  plan  d'insister  beaucoup 
sur  une  matière  presque  épuisée.  —  Rappe- 
lons d'abord  ce  qui  a  été  dit  de  la  littérature 
des  Brahmanes,  nous  parlerons  ensuite  des 
livres  bouddhistes. 

Le  monument  le  plus  ancien  de  la  litté- 
rature brahmanique,  c'est  la  collection  des 
Véda*  (549).  Mais  quelle  est  l'origine  de  ces 
livres  mystérieux  ?  Pour  répondre  à  cette 
question  capitale,  nous  n'avons  que  des  £a- 

cueilli  les  aveux  d'un  grand  nombre  de  savants  sur 
TinauiJienilcilé  des  VéJas.  Toutefois,  à  ces  témoi- 
gnages nous  en  ajonteroits  encore  un  :  il  est  d*un 
homme  qu^on  n'accusera  pas  de  préoccupations  or- 
tbodoicf ,  de  B.  Constant. 

<  Les  Vèdes  originaui,  dit- il,  les  Aluhtèdes,  sont 
perdus;  lesbrahmes  en  coavienuenL  Les  détails  que 
ces  bramer  cummunii^uèrent  à  ilolwell  sur  la  révé- 
lation et  la  transmission  de  ces  livres,  démontrent 
que,  même  depuis  leur  rétablissement,  d'après  la 
tradition,  ils  furent  nlondus  encore,  et  que,  par 
conséquent,  la  doctrine  qu'ils  contiennent  fut  sou- 
Yent  modilîée.  Suivant  ces  deuils,  4,D00  ans  avant 
notre  ère,  le  Dien  suprême,  pour  réconctlii  r  à  lui 
les  espiits  tombés,  confia  d*abord  à  Brahma  la  loi  di- 
vinedansnn  langage  céleste  ;  Brahma  Tayant  traduite 
ea  sanscrit,  en  forma  les  Vèdes.  Mille  ans  plus  tan*, 
les  brabroes  écrivirent  sii  commentaires  sur  ces  pre- 
miers livres.  Ces  commentaires  sont  les  six  angas, 
Sui  traitent  de  la  prononciation  dt  s  saintes  voyelles^ 
e  la  liturgie,  de  la  giamniaire,  du  rythme  sacré, 
de  rastronomie  et  de  la  signification  des  mois  mys- 
térieux. Cinq  cents  ans  s'écoulèrent,  et  deBOuv«aux 
commenlateurs  publièrent  une  seoonJe  Inieipréu-. 
tion  dans  laquelle  ils  s'écartèrent  du  sens  primitif 
et  interpelèient  beaucoup  d'allégories  et  beaucoup 
de  fables.  De  ïk  naquirent  les  qnatre  Upenoèdes  con- 
tenant  les  lègles  de  la  mé<!ecine,  de  la  musique,  de 
la  profession  des  aimes  et  des  arts  mécaniques;  et 


547 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETI(lUE. 


PEN 


^W 


bles,  et,  qui  pis  est,  des  fables  contradic- 
toires. L*tiistoirc  des  Yédas  est  enveloppée 
d'ombres  impénétrables»  et  tout  ce  qu'il  est 
possible  d'apercevoir  à  tarvers  ces  ombres, 
se.réunit  comme  pour  désespérer  la  criti- 
que. £n  effet,  pendant  une  longue  suite  de 
siècles,  et  peut-être  même  jusqu'à  nos  jours, 
une  combinaison  toute  particulière  de  cir- 
constances a  facilité  les  interpolations  et  les 
additions;  or,  si  nous  étudions  ce  vaste  re- 
cueil dans  son  état  actuel,  ou  plutôt  les  som- 
maires et  les  extraits  incohérents  parvenus 
à  notre  connaissance ,  nous  y  trouvons  des 
traces  évidentes  et  nombreuses  d'altération. 
Indépendamment  de  ces  preuves  intrinsè- 
ques, les  textes  opposés  et  rivaux,  les  onze 
cents  écoles  qu'ils  ont  fait  naître,  et  les 
aveux  même  dBs  Hindous,  tout  démontre 
que  cette  compilation  est  de  divers  auteurs, 
de  diverses  époques,  et  uu*elle  a  subides 
rédactions  successives  et  discordantes,  aban- 
donnée qu'elle  était  aux  flots  inconstants  de 
mille  sectes  ennemies. 

€es  faits  sont  avoués  par  les  savants  les 
plus  enthousiastes  de  l'Inde;  aussi,  a-t-on 
imaginé  sur  Tâge  des  Védas  une  multitude 
de  systèmes  inconciliables.  Leur  origine 
avait  d'abord  été  reportée  à  plus  de  trois 
mille  ans  par  delà  notre  ère;  mais  William 
Jones  et  Colebroke  ont  réduit  successive- 
ment cette  fabuleuse  antiquité  à  seize,  puis  à 
quatorze  siècles  avant  Jésus-Christ.  Plus  ré- 
servé encore,  le  brahmane  Ram  Mohun-Roy 
ascontentededirequeVyasa,compilateurdes 

i  8  quatre  Vp-angas,  dans  le  premier  desquels  on  a 
renfermé  plus  tard  les  18  Pouranas. 

c  Enfin,  3,500  ans  après  Tappiration  des  \ede8 
originaui,  cinq  écrivains  Inspirés  prési>nlèreni  une 
nouvelle  rédaciion.  L*un<i*entreeui,  Fifaxa,  fauteur 
des  pouranas^  est  aussi  celui  du  grand  poème  épique 
des  Indiens,  le  Mahubarata.  Mais  ce  Vyasa  pourrait 
bien  n*avoir  été  qu*uu  nom  géuérique  désignant  une 
série  de  commentateurs  des  Vèdos.  L'incertitude 
qui  est  répandue  sur  Tépoque  de  Vyasa,  et  que  les 
efforts  de  M.  Bentley  n*unt  pu  dissiper,  nous  ferait 
peircber  vers  cette  opinion.  Les  contradictions  des 
Indiens  à  cet  égard  sont  manifestes  et  choquantes. 
D'une  part,  ils  séparent  le  Ramayan,  poème  qu'ils 
attribuent  à  Valmikv,  du  Mahabarata  de  Yyasa  par 
une  distance  de  SG^'UOO  ans  ;  ei  de  Tautre  ils  affir- 
ment que  ces  deux  poètes  se  sont  souvent  rencon- 
trés et  consultés  sur  la  rédaction  de  leurs  poèmes. 
Vyasa  est  de  plus  un  personnage  mythologique; 
Untôt  une  régénération  de  Brahnia,  née  dans  ce  troi- 
sième Âge,  quatre  ans  après  Tentrevue  de  sa  mère 
avec  un  Richi  ;  tantôt  une  incarnation  de  Vichnou 
dans  le  sein  de  la  jeune  Kaly  demeurée  vierge 
après  lui  avoir  donné  le  jour. 

<  Le  second  rédacteur  des  Vèaes  fut  Ifanov,  plus 
connu  que  le  premier  législateur  des  Indiens  (As. 
i?e«.  I,  1G2).  Le  recueil  de  s?s  lois  est  le  plus  ancien 
Code  :  mais  ce  Gode  n*a  été  probablement  ni  Pou- 
vrage  d*un  seul  homme  ni  rœuvre  d*un  seul  siècle. 
(IIeebek,  /itd..  H,  440.)  Les  trois  autres  rédacteurs, 
de  Taveu  des  Brahmes,  se  rendirent  suspects  d'héré- 
sie. Nous  n'examinerons  pas  la  vérité  du  récit;  mais 
il  indique  suffisamment  les  refontes  réitérées  de  la 
religion  indienne.  Tout  le  monde  connaît  les  impor- 
tantes déclarations  de  Wilfort  sur  les  falsifications 
du  Pandit,  qui  lui  avait  Iburni  les  matériaux  de  sa 
comparaison  entre  les  fables  de  TlnJe  et  celles  de 
lEgypU\  (Al,  Ret.  VIII,  251.)  On  peut,  ce  nous 


Védas,  vivait  «il  y  aplus  ùtdtux  militante 
et  Colebroke  paraît  s*ôtre  en  déûnilire  ar- 
rêté à  celte  modeste  prétention.  —  Enfin, 
M.  Bentley  a  osé  soutenir  qu'aucun  as 
Védas  n'était  antérieur  à  rinvasion  maho 
métane,  et  il  s*est  efforcé  de  le  prouYer,$(*it 
par  des  observations  astronomiques,  m 
par  différents  noms  de  princes  m^^oDib- 
'  tans  insérés  dans  le  texte. 

Quant  aux  autres  monuments  delà  litié- 
rature  brahmanique,  on  ne  saurait,  par  au- 
cune conjecture  un  peu  vraisemblable,  leur 
assigner  une  date  aussi  ancienne  que  celle 
du  Pentateuque,  et  les  indianistes  les  pics 
illustres  Tavouent  expressément.  Tous  ces 
livres  ont  d*ailleurs  subi  de  nombreuses  et 
profondes  altérations  ;  dans  tous,  l'aDlique 
est  mêlé  avec  le  moderne  d'une  manière  dé- 
sespérante. Les  époques  même  les  plus  rsp- 
procbées  de  nous  sont  pleines  d*incerlitQ<jp, 
et  les  ouvrages,  dont  l'Age  peut  être  Oie 
d*une  manière  certaine,  sont  tous  assez  ré- 
cents. 

Nous  pouvons  donc  conclure  ptr  ces  [vi- 
roles de  B.  Constant  :  «  L*époque  d'aucon 
des  monuments  brahmaniques  n'est  incciD- 
testable  ;  l'authenticité  de  plusieurs  est  dou- 
teuse ;  et,  comme  ceux  qui  sont  apocr^pha 
sont  toutefois  empreints  de  rimagiDation 
brillante  et  bizarre  et  de  l'excessive  abstrac- 
tion qui  caractérisent  les  productions  lia(^ 
raires  et  philosophiques  de  celle  contrée, 
on  est  d'autant  moins  en  état  de  Oxer  h 
dates,  de  démêler  les  opinions  priioitiTe^, 

semble,  eu  tirer  des  conséquences  gnTasiirlcsfal- 
siflcaiions  des  livres  indiens  en  gétiéral. 

c  Les  indigènes  eux-mêmes  ne  contesient  pa$« 
falsîûeàiions,  mais  se  bomenl  à  les  excuser  en  cissii 
que  la  corrupiion  du  siècle  force  les  sages  à  y^ 
aux  vérités  les  plus  sublimes  l'appui  d*Qoelab«leiN? 
auliqui(é.S'il  était,  de  plus,  conslaié,  coniiDe  rairme 
l'abbé  Dubois,  que  le  climat  détruit  assez  rtpKi'^ 
meut  tous  les  manuscrits  pour  forcer  les  brabnai 
les  recopier  chaque  siècle,  on  conçoit  combieiKfiD- 
terpolalions,  d*ahérations  de  doctrines  deTnieiii  es 
résulter. 

<  Si  Ton  rCÂéchit  encore  que,  durant  treize  i  qu- 
torze  cents  ans,  ces  monuments  amsl  muiiléi,  c>i 
copies  ainsi  refondues,  ces  commenuires  dost  ^ 
auteurs  avaient  à  faire  prévaloir  une  opinion  b^o* 
rite,  ont  servi  soit  d^occasion,  soit  de  texte,  à  dâ 
ouvrages  philosophiques  ou  métaphysiques  dï» 
lesquels  chaque  secte  donnait  son  système  cobu»c 
le  seul  primitif  et  vériuble,  on  appiécieralatié- 
fiance  qu*il  faut  apporter  dans  leur  examen.  EneK 
il  suffit  de  les  parcourir  avec  quelque  aiteotionpoof 
reconnaître  que,  loin  de  contenir  uuedocirioent"^, 
Ils  sont,  pour  la  plupart,  Tauvrage  de  réforoateon 
et  d'inspirés  qui  voulaient  intmréter,  ^nrer,  cei- 
à*dire  modifier  et  transformer  la  docmoe  reçue.  U 
Néardisen,  par  exemple,  que  les  Indiens  du  B.npie 
et  de  toutes  les  provinces  septentriolialesdeiliHic 
regardent  comme  un  S/iai(er  sacré,  tandis  que  khi 
du  Décan,  de  Goromandel  eidu  Malabar  le  ie,eU»>i, 
est  un  pur  système  de  métaphysique  admis  panoi 

les  livres  saints,  grjice  à  la  progression  d«s  iàé», 
ainsi  qu'auraient  pu  Pitre  les  ouvrages  des  écUcùfi^* 
si  le  polythéisme^  épuré  par  eux,  u  fût  numum.  » 
(Beii/amin  Gonstamt,  De  la  religion  comidém  dtt<t 
sa  source^  ses  formes  et  ses  déHloppeMffffh  ^  *'' 
ch.  C.) 


»9 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


S50 


et  de  déterminer  la  marche  et  le  progrès  de 
ces  epinioDS  (S50).  ^ 

La  littératare  bouddhiste  nous  Dffre-t-elle 
4ie5  documents  plus  authentiques  et  plus  an- 
rii-ns? 

CeUc   question  mérite  examen,   car  A. 
Rèinusat  jiense  que  les  écrits  des  boudtihis- 
tes  sont  bien  supérieurs  à  ceux  des  brahma- 
&':s  au  pointde  Tue  historique.  A  Ten croire, 
lissent  remplîsde  traditions  curieuses (551), 
H  il  en  donne  poor  preuve  un  fragment  de 
r  Emryciapf die  japonaise  j  contenant  une  liste 
(bronologique  de  trente-trois  personnages 
i^mstres,  par  lesquels  la  doctrine  secrète  de 
Bouddha  aurait,  dit-on,  été  transmise  jus- 
•qu*an  tT  siècle  de  notre  ère  environ.  Nous 
pourrions  observer  d'abord  que  la  valeur 
fii5iori<|ue  de  ce  fragment  n*a  pas  semblé 
au55î  irréfragable  à  tous  les  savants  qu'à 
l'illustre  orientaliste  qui  Tavait  découvert, 
liais  nous  ne  voulons  pas  revenir  sur  ce 
p<&întdéjà  touché  ail  leurs  (553);  il  nous  suf- 
fira dlnsister  sur  une  distinction  impor- 
tante. On  ne  doit  pas,  ce  nous  semble,  met- 
ire  sur  la  même  ligne  les  bouddhistes  de 
llnde  et  ceux  de  la  Chine  ou  du  Japon.  Je 
doQle  fort  que  les  bouddhistes  indiens  pos- 
sèdent beaucoup  plus  de  souvenirs  hislori- 
i^esque  les  brahmanes.  Les  différences  qui 
l€5  séparent  sont  toutes  extérieures  et  leurs 
peadîaiiis  intellectuels   sont    absolument 
identiques.  A.  Résumât  lui-même  nous  eu 
f'.*urail  la  preuve.  —  «  Ceux  qui  ont  insti- 
toé  la  religion  samanéenne  étaient  de  ces 
sages  de  1  antique  Orient  qui  aimaient  à 
s'eiprioier  par  énigmes  et  par  symboles, 
qoi  dédaignèrent  de  dire  raisonnablement 
des  choses  raisonnables,  et  qui ,  pour  rien 
au  monde,  n'auraient  voulu  émettre  une  vé- 
rité sans  lavoir  préalablement  déguisée  en 
fiUavagances.  » — Et  un  peu]plus  uiin  :  «  Le 
sîstème  mythologique  le  plus  embrouillé, 
qîu  soit  né  en  Asie,  se  trouve  combiné  dans 
le  liouddhisme,  avec  des  subtilités  physi- 
qotrs  telles  que  jamais  aucune  école  aOcci- 
•ient  n'en  a  enseigné  d'aussi  complètement 
iiânlelUgibles,  même  depuis  cinquante  ans 
553;.  k  —  Je  le  demande ,  ces  paroles  ne 
s'appliquent-elles  pas  au  brahmanisme  avec 
la  plus  parfaite  exactitude?  N'indiquent-elles 
pas  précisément  les  tendances  qui  ont  em- 
j-ècfaé  rhistoire  de  se  développer  parmi  les 
sectateurs  de  ce  culte  ?  Comment  donc  ces 
tendances  auraient-elles  produit  un  effet 
toat  contraire  dans  le  sein  du  bouddhisme, 
iorsqa'il  se  propageait  encore  au  milieu  des 
munies  populations,  sur  le  même  territoire, 
dans  les  mêmes  circonstances  (S5i^)  7 

Ce  quicouQrme  ces  doutes,  c'est  que  jus- 
qu'à ce  jour  l'on  n*a  pas  plus  découvert  de 
livres  historiques  parmi  les  bouddhistes  do 


C550)  De  Im  reMom.  considérée  dams  sa  iource, 
t  fmrmes  ei  ses  dérelcppememu^  liv.  vi,  ch.  5. 

(S5ft)jrér.  «.,  LLp  114. 

<5aS)  Voir  tor  les  Traditions  hindomes  fart.  L^au- 

{55^  /M.,  p.  130. 

i^Si)  A.  W.  Seblegd  déclare  qa*aprés  de  loogs 
tiortt,  il  o*a  pa  découvrir  aaeoae  différence  esseu- 


rinde  que  parmi  les  brahmanes.  A.  Rémusnt 
incline  néanmoins  à  croire  qu'il  doit  en 
exister  que  nous  ne  connaissons  pas ,  et 
il  appuie  cette  conjecture  sur  les  détails 
historiques,  géographiques  et  chronologi- 
ques où  est  entré  l'auteur  du  fragment  cité 
plus  haut.  Mais,  si  je  ne  me  trompe,  ce  rai- 
sonnement n'est  [ms  d'une  grande  force;  rar 
on  pourrait  en  faire  un  tout  à  fait  sembla- 
ble sur  les  histoires  des  nations  brahmani- 
ques composées  par  certains  érudits  euro- 
péens. Or,  cependant  on  aurait  grand  tort 
de  conjecturerque  les  brahmanes  leur  avaient 
fourni  des  documents  d'une  certitude  incon- 
testable. —  Que  les  bouddhistes  de  I  Inde 
aient  possédé,  même  avant  l'ère  chrétienne, 
des  légendes  historiques,  géographiques, 
chronologiques,  nous  le  croyons  sans  peine; 
les  brahmanes  en  ont  eu  aussi  à  une  épo- 

3ue  sans  doute  très  reculée.  Que  les  érudits 
e  la  Chine  ou  du  Japon  aient  fait,  depuis 
douze  ou  quinze  siècles,  des  travaux  cu- 
rieux sur  ces  légendes  samanéennes,  nous 
l'admettons  volontiers.  Lorsque  le  culte  de 
Fo  commença  à  se  répandre  dans  la  Chine 
etauJapon,  Tesprit  de  critique  et  toutes  les 
sciences  qui  se  rattachent  à  1  histoire  avaient 
pris  déjà  un  grand  développement  dans  ces 
deux  contrées  ;  l'influence  indienne  dut  sans 
doute  lui  être  fatale,  mais  elle  venait  trop 
tard  pour  les  étouffer;  et  le  penchant  des 
nouveaux  sectaires  pour  les  rêveries  my- 
thologiques ou  philosophiques  trouva  saus 
doute  un  frein  dans  les  habitudes  positives 
des  populations  qu'ils  voulaient  convertir. 
Il  est  clone  tout  à  fait  vraisemblable  que  le 
bouddhisme  possède  des  documents  histo- 
riques dignes  d'attention ,  depuis  qu'il  est 
sorti  de  l'Inde;  mais  ces  documents  doivent 
être  nécessairement  bien  postérieurs  à  cotre 
ère  ;  car  c'est  pendant  les  premiers  siècles 
qu'il  a  commencé  ses  conquêtes  au  Nord  et 
à  TEst,  et  c'est  seulement  du  v*  siècle  que 
datent  ses  grands  progrès.  Aussi  la  première 
traauction  des  livres  de  Bouddha  ea  chinois 
est  de  418  après  Jésus-Christ,  et  la  seconde 
de  695  (555). 

Supposons  toutefois  que  le  6ottddAtime  ait 
possédé  des  livres  historiques  avant  de  sor- 
tir des  contrées  qui  furent  son  berceau,  il 
est  évident  que  ces  livres  ne  pourront  en- 
trer  en  parallèle  avec  le  Pentateuque,  sous 
le  rapportde  l'ancienneté  etderauthenticité. 
Les  plus  anciens  seraient  sans  doute  ceux 
que  les  Samanéens  considèrent  comme  sa- 
crés, et  qu'ils  attribuent  aux  fondateurs  de 
leur  religion.  D'après  le  savant  que  nous 
avons  déjà  cité  tant  de  fois,  <  ces  livres  ont 
cerlainement  été  composés  en  sanscrit,  et, 
suivant  toute  apparence^  à  une  époque  très- 
rapprochée  de  celle  où  Ton  a  coutume  de 

tielle  entre  les  dogmes,  b  morale  et  le  enlie  da 
brahmanisme  et  du  bouddhisme.  MM.  Creuzet  et 
Gutgniaut,  après  avoir  cité  ces  paroles,  avauenl 
qu'ils  n*ont  pu  trouver  de  diOéti^iioe  que  daos  la 
coiistiluiion  hiérarcbii|ue  de  tes  deux  religicma. 
(V.  iÏMf.  des  ReL  de  Vautiq,,  I.  I,  k  i,  textes  el 
Bules.) 
(555)  A.  IUai;siT|  «^i  stt|».,  p.  iiO. 


95i 


PEN 


DICTIONNATRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


S5i 


de  placer  rexislence  terrestre  de  Bouddha. 
(556.)  V  —  Admettons  ce  fait,  admettons 
que  «  l*on  s*est  attaché  à  coaserver  ces  li* 
Très  avec  uo  soin  scrupuleux  (557)  ;  »  sup^ 
posons  enGn  que  Ton  doit  fixer  à  Fan  1029 
avant  Jésus-Christ,  la  naissance  de  Chakia- 
mouni  (558)  et  que  ce  personnage  est  bien 
Fauteur  des  doctrines  exposées  dans  \à  fleur 
majestueuse  (559)  ;  ces  doctrines  et  ces  livres 
seront  toujours  postérieurs  au  Pentateu^ue 
d'au  moins  cinq  siècles.  Mais  il  parait  qu  un 
des  deux  ouvrages  réunis  sous  le  nom 
d^Hoa-'yan  ou  de  la  fleur  majestueuse  ^  est 
postérieur  à  Chakia-mouni;  car  les  légendes 
bouddhistes  l'attribuent  à  Ven-tchu^sse-li 
(yertu  innefEable)  et  à  A-^nan  (le joveux).  Or, 
d'après  V Encyclopédie  jt^onaise^  fe  premier 
de  ces  deux  personnages  vivait  vers  SH)5avant 
Jésus-Christ,  et  le  second  mourut  vers  805. 
Il  parait  du  reste,  comme  nous  le  dirons 
plus  tard,  que  ces  livres  renferment  seule- 
ment des  rêveries  mythologiques  ou  méta- 
physiques, et  qu'il  n'y  a  pas  d'espoir  d'y 
trouver  des  documens  historiques  dignes 
d'attention*  » 

Ainsi  ni  les  disciples  de  Coqfucius  et  de 
Lao-tseu,  ni  les  Brahmanes,  ni  les  bouddhis- 
tes ne  peuvent  nous  offrir  un  livre  aussi 
ancien  que  celui  de  Moïse.  Voyons  si  les  li- 
vres persans  remontent  plus  haut  dans  l'an- 
tiquité. 

Le  plus  ancien  monument  où  soient 
réunies  les  traditions  persanes  est  sans  con- 
tredit le  ZendrAvesta^  apporté  en  Europe  et 
traduit  par  Anquetil-Duperron. 

Si  nou3  en  croyons  Kbode,  parmi  les 
monuments  si  divers  qui  forment  cette 
compilation,  quelques-uns  seraient  anté- 
rieurs, et  la  plupart  postérieurs  à  Zoroas- 
tre  (560);  mais  il  est  plus  sage  de  s'en  rap- 
porter à  la  tradition  qui  nous  présente  ce 
réformateur  comme  1  auteur  principal  des 

(556)  A.  Réxusat,  ubi  snp..  p.  105. 

(557)  Jbid. 
558)  i^ùi.,  117-118. 

(550)  Ibid.  —  f  La  réunion  complète  des  livres 
où  sont  expliquées  les  dilTérenles  doctrines  qu!  com- 
posent la  philosophie  de  Bouddha  se  nomme  en  chi- 
nois, Hoa^yan  ou  la  fleur  majestucuu.  On  comprend 
sous  ce  R'im  beancoop  <l*ouvrages  qui  n^ont  Jamais 
extsié,  et  qu*on  suppose  avoir  été  rédigés  par  Pt- 
lou*tcke*na'jou-lat,  c'est-à-dire,  par  Bouddha  pré- 
sent partout.  La  mythologie  bouddhiste  partage  la 
fleur  mqjestueuu  en  dix  classes  ;  mais  la  1"  ei  la  3* 
ont  seules  une  existences  réelle.  Ce  sont  :  lM*abrégé 
fondamenlat,  Lio^pen-king,  divisé  en  80  chapitres,  et 
2*  Le  Uia-pen-king.  —  A.  Rémusat  ne  nous  dit  rien 
de  Poiigtne  du  premier,  mais  voici  comment  il  s'ex- 
prime sur  celle  du  second,  d'après  le  Dictionnaire 
iliéolog4qae<Saii|.safi9-/a-soii.  <  L'origine  de  ce  livre 
esi  toute  miracttlease  ;  un  des  PAon-aa,  ou  dieux  du 
scconJ  ordre,  surnommé  Lonn^-CAoïi, étant  entré 
dans  le  PalaU  des  Dragons^  c*esl-Â-dîre  dans  le  Pa- 
radis, y  vit  tes  trois  parties  du  grand  ouvrage  qu'on 
nomme  immaffinable,  ou  ie  livre  des  Cent  Sextil- 
iions.  La  dernière  de  ces  trois  parties  contenait  cent 
mille  kiei  (périodes  de  4  membres  de  phrase»  cbacan 
de  5  ou  7  mou)  distribués  sous  48  sections.  Loung^^ 
chou  s'atucba  à  les  graver  dans  sa  mémoire,  et  il 
les  révéla  ensuite  aux  hommes  du  siècle,  i  P.  147 
et  148. 


livres  sacrés  du  Hagisme.  Malbeureosemcm 
on  ne  s*accorde  ni  sur  son  caractère,  ni  sur 
sa  patrie»  ni  sur  Tépoope  de  sa  mission. 
Plusieurs  écrivains  qe  Vantiquité  le  foot 
remonter  jusqu'à  6»000  ans  avant  noire  ère; 
mais  tous  les  savants  rejettent  avec  mépris 
cette  insoutenable  prétention.  Toutefois 
quelques-uns,  entraînés  par  Tesprit  de  sy <;- 
tème,  ont  reporté  Tâge  de  Zoroastre  auiidà 
des  limites  de  toute  histoire  connue,  iinsi. 
Rhode  met  (riif rcup»  sous  le  règne  dugoel 
parut  Zoroastre»  ou  Zerdouscht^  avant Ninu$ 
et  les  Assyriens  ;  Yolney  arrive  h  peu  près 
au  même  résultat»  et  fait  Zoroastre  conteiu- 
porainde  Ninus,  qui  vivait»  suivant  lui,  eo' 
viron  1»200  ans  avant  Jésus-Christ.  —  Une 
seconde  opinion^  mise  en  avant  par  hhk 
Foucher»  lait  descendre  le  réformateur  d*Iran 
sous  la  dynastie  des  Mèdes,  et  voit  dacs 
Gustaps  Cyaxarès  T*.  Ce  sentiment  a  e(é 
fortement  soutenu  d'après  le  Zeni-Atena, 
par  Tychscn  et  par  Heeren  ;  mais  Rbode  a 
tourné  contre  eux  leurs  propres  ai^uineols 
pour  les  faire  servira  l'établissemeotdeson 
système»  et  par  là  on  a  pu  voir  combien 
ces  arguments  étaient  faibles. 

M.'Guigniaut  n'hésite  pas  à  déclarer  que 
le  çénie  des  livres  zends  et  des  traditions 
religieuSes  de  rOrient  a  été  bien  mal  com- 
pris par  ces  savants  et  surtout  par  Voloev 
(561.)  Pour  lui»  d'après  Zoéga  et  quelques 
autres»  il  admet  plusieurs  Zoroastres,  doot 
le  dernier  aurait  vécu  au  temps  de  Dariui 
Hystaspes.  »  Ce  dernier^  dit-*il»  est  le  seul 
dont  semblent  parler  les  livres  des  Parses, 
le  seul  historique;  les  autres  ne  sont  que 
des  mythes  ou  même  de  purs  symboles.  » 
Cette  hypothèse  s'accorde  au  fond  avec  l'opi* 
nion  commune.  C'est  pourquoi  tous  les 
orientalistes  placent  la  venue  de  Zoroastre 
vers  la  fin  du  vi'  siècle  avant  notre  ère^  e( 

(560)  c  Les  fragments  qui  noas  restent  nefoniicbi 
qu'une  portion  peu  considérable  de  rensemble  in 
livres  divers  qui  portent  le  nom  de  Zoroastre.  Cci 
Hvres  se  divisaient  en  %i  sections»  sous  le  non  it 
nosk^  en  zend  nasçka.  Nous  ne  possédons  qu\iDe|»r« 
tie  de  la  90*  appelée  par  les  Perses  Yen^ad,  A 
cette  portion  du  iè*  Nasçka,  il  faut  ^'ooter  le  iirn 
de  la  liturgie»  connu  par  les  Perses  soos  le  bw 
dixescbne  (en  e«  nd  YoçHa^  sacriiioe)»  et  daflslequ<l 
on  retrouve  des  fragments  de  quelques  autres  îVai^- 
Ce  livre  est  accompagné  d*ttii  petit  recoeild'iDToc^ 
lions  que  Ton  peut  cependant  en  délaciier,  et  qoi 
prend  alors  le  nom  ,do  Vispered.  Ces  trois  oomgt^' 
sont  réunis  en  un  seul  par  1rs  prêtres  parses,  eiil> 
reçoivent  alors  le  nom  de  Vendtdad^adé,  Eufio,  i& 
Parses  cmiserveot»  sous  le  nom  de  iesckts  et  «k 
Neaechs,  d'anciens  fragmenta»  dont ptosieori  <»<  s» 
Ués^and  intérêt,  i  (BuBNOur ,  Cmmestaire  sur 
VYaçna.)  —  Le  Boundekesck  et»t  un  livie  pefaln  qu> 
vient  immédiatement  après  les  livres  zeulsdais 
Testime  des  Perses;  il  ne  faut  pas  le  confonJfe  arrc 
le  Sadder-Boundehesch^  qui  est  en  .parsi  susii  ii  " 
que  les  deux  autres  sadders.  Ltsadderesi  un  eiiriit 
récent  des  livres. zends* 

(561)  Il  va  même  jusqu'à  traiter  ropiaioo  «>u(^ 
nue  par  Rbode  et  par  Volnej»  de  bisârre^  àef»- 
tuite  et  de  tout  à  fait  extraordinaire.  {S.  Hi»^»^^ 
rel.  de  Cant.,  t.  I,  u*  partie,  p.  QGÙ-m.) 


v^ 


PCX 


DICnÔNNAiRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


SKt 


:'>fltJfieot  GusUsp  avec  .Darias,  Gis  d*Hys- 

Il  {laratt  donc  hors  de  doule  que  le  Zend^ 
iftUa  a  été  composé  vers  le  temps  où  les 
Jaifs  élaient  en  capCÎTilé  à  fiabjlone^  et  ré* 
f^ndiient  ieors  traditions  reli^euses  dans 
ip.Dtes  les  grandes  Tilles  de  TAsie.  Les  tra- 
ditions {lefsaties  confirment  puissamment 
rtUe  vérité  en  nous  montrant  Zoroastre  en 
apport  tfec  lesdoctenrs  hébreux.  Ce  point 
irté,  da  reste,  solidement  établi  par  les 
'•fi'^atalistes  les  pins  savants  et  les  plas 
j'Mtieai,  entre  autres  par  Hyde,  Anque- 
t -Daperroa,  Klenker»  Herder,  Jean  de 
Voiler,  Ualcoloi,  Gœrres,  et  M.  de  Hammer 
ç:t  Ta  fortifié  de  preuves  nouvelles  (562.) 

N>35  ne  nous  arrêtons  pas  à  examiner 

'-)  autres  monuments  de  la  littérature  per* 

»r.Qe,  (larce  qu'ils  sont  trop  modernes  pour 

"Ji-Tter  beaucoup  à  notre  sujet.  Le  Scha^ 

•'-^à,  00  livre  des  rois^  ibt  oomi)osé  vers 

!  n  tMde  notre  ère  par  Ferdousi  ou  Fir- 

v%as5u~  Le  Dabisian  et  le  Déêotir  auraient 

1  ^enplasdlmporlance  pour  nous  s'ils  étaient 

'  i.nes  de  foi  ;  car  ils  décrivent  une  période 

'••^  3  reiidoQ  d'Iran»  anlérieure  à  Zoroastre 

nn^B^lHom^  son  prédécesseur.  Par  mal- 

'r>^3r«  le  MûTo»  n*a  été,  dit-on,  rédigé  que 

f-^s  !e  inr  siècle  par  un  mahométan  de 

ù-'ieff.j>e;el,  si  récent  qu'il  paraisse,  il 

re  p  55^  encore  qu'une  authenticité  fort 

y-ihnse,  n  est  Trai  qu'il  s'appuie  sur  des 

r 'saflienls  plus  anciens,  entre  autres  sur  le 

Ifftniir:  mais  il  est  très-incertain  si  son  au- 

l'orjjaauitSTu  ce  dernier  ouvrage  où  il 

ir-^wi  puiser  (Srâ). 

li:5a  le  DésaSir  ne  nous  offre  guère  plus 
:e  ^nnties.  D'après  M.  de  Sacy  et  plusieurs 
î-{'«  orientaJistcsi  sa  date  est  nécessaire- 

■=t  postérieure  à  l'hégire,  et,  selon  toute 
"«•«mLlance,  ne  remonte  guère  au  delà 
'  mr  siècle  ;  M.  de  Hammer  seul  le  juge 
^uioap  plus  ancien,  du  moins  en  quei- 
^ô  [tariies.  Quoi  Qu'il  en  soit,  nous  som- 
es  loin  d'avoir  intérêt  à  déprécier  ces  mo- 
i:iien\s  ;  car,  au  lieu  de  nous  être  opposés, 
Mcnfirment  de  tout  leur  poids  Tensei^e- 
icr.1  de  la  Genèse  sur  la  religion  primitive. 
Il  résulte  des  observations  précédentes 
^'aocuQ  des  livres  chinois,  hindous,  per- 
a>.  ne  |)eut,  sous  le  rapport  de  Tancien- 
*ié,  eatrer  en  parallèle  avec  le  Peutaleu- 
i^;  car,  nous  le  démontrerons  bientôt,  ce 

oument  est  antérieur  à  Fère  chrétienne 
^nriron  quinze  cents  ans.  Il  a  été  corn- 
ue à  une  époque  où  le  paganisme  était 

l%i  Voir  Hioe,  De  reltgione  teUrum  Penmrmm^ 
«a.  17U4,  iii-4*.  —  AsttiiETiL-DFPCBRON,  Zemi- 
<x«,  etc.  ;  Paris,  1771  «  3  vol.  in-4*,  traduits  en 
esiod  avvc  de  précieuses  additions,  par  J.  F» 
rtiker  :  Ânhaia  mm,  Zend-Atesia  ;  Riga,  1776- 
M«  I7S3.  —  CoEiBCS,  Da$  Heldenbuch  von  Iran 
I  bm  Sdwkjumih  des  Ferdu$ii  ;  Berlin,  1820,  el 
f<A(i9ttc*,eic.—  MâixoLv,  But,  de  Peru^  irad. 
«ç  —  Çahmek,  Ueidelb.  Jahrbncher  der  Litt.  — 
H'iœr^/aArHcAer.  —  ZotCk's ,  Abhandl.  —  J. 
un'i  Werkê,  —  Heckch,  ideen^  etc.  —  Oo  peut 
V  PMr  de  ptas  amples  Indicalions  bibliographie 

DiCTio:«5aiaE  afolog^iqub.  II. 


encore  une  nouveauté,  et  où  les  soutenirs 
de  la  religion  primitive  n'avaient  pu  s'esi^ 
cer  de  la  mémoire  des  peuples.  Les  pk*eipiers 
apologistes  du  christianisme  s'attachaient  à 
nrouver  que  Moïse  avait  précédé  tous  les 
législateurs,  les  philosc^hes^  les  poètes  et 
même  la  plupart  des  dieux  de  l'Egypte,  de 
l'Asie  Mineure,  de  la  Grèce  et  de  Rome (564); 
nous  pouvons  ajouter  maintenant  que  le 
fondateur  du  iudaîsme  écrivait  longtemps 
avant  les  législateurs,  les  poètes  et  les  phi- 
losophes de  l'Asie  centrale  et  de  la  Haute- 
Asie,  Si  Pythagore^  Zaleucus,  Cérondas, 
Lycurgue,  Hérodote,  Homère,  Hésiode» 
Sanchoniaton,  Bérose,  Manéthon,  sont  mo- 
dernes auprès  de  lui  ;  Lao-tseu,  Confucius^ 
Ssé-mathsian ,  ChakiaHaQOuni,Vyasa,Manou» 
Zoroastre  lui  sont  aussi  bien  postérieurs. 
Soit  donc  qu'on  interroge  la  littérature  des 
Hellènes  ou  les  livres  des  parsis,  des  brah- 
manes, des  bouddhistes^  des  lettrés  ou  des 
tao-sse,  dans  quelque  secte,  chez  quelque 
nation  qu'on  se  place  pour  observer  les  ori'>> 
gines  de  l'homme  et  de  la  religion,  toujours 
et  partout  on  voit  apparaître  l'œuvre  de 
Moise  au  sommet  des  traditions  antiques. 
C'est  donc  évidemment  vers  ce  point  culmi-* 
nant  que  l'on  doit  se  diriger  tout  d'abord» 
quand  on  cherche  à  s'orienter  d'une  manière 
certaine  dans  lliistoire  primitive;  c'est  de 
Ik  seulement  que  l'on  peut  voir  autour  de 
soi  se  dessiner  avec  netteté  les  routes  di^ 
vergentes  où  s'élancèrent  les  peuples  deve-» 
nus  infidèles. 

111 

Les  iDiules  des  peoples  QiinolSî  Indiens,  Persans,  etc.,  à 
reiception  d«  celles  des  Joifr,  ne  présentent  qu'obsoïK- 
rilé  elincerUlnde  et  n*ont  ancnn  cwactère  historiquei 

Si  l'histoire  biblique^  l'emporte  sur  toutes 
les  autres  par  la  date  de  sa  composition,  elle 
les  surpasse  également  par  sa  clarté  et  sa 
certitude. 

D'après  Varron,  les  temps  historiques  de 
la  Grèce  ne  dataient  que  de  la  première 
olympiade,  776  ans  avant  J.-G.  (Ap.  Cehsor. 
De  die  natalii  c.  21  .J  Au  delà  tout  paraissait 
à  ce  savant,  sinon  fabuleux»  du  moins  très- 
incertain.  Si  l'on  excepte  la  nation  Juive, 
et  oeut-étre  les  Chinois,  la  critique  ne  peut 
guère  remonter  plus  haut  dans  les  annales 
de  l'Orient. 

£n  effet,  Rlaprolh  et  Windischmann  s'ac- 
cordent à  placer  le  commencement  de  l'his- 
toire certaine  en  Chine  à  l'année  7fô  avant 
Jésus-Christ  (565).  Si  nous  acceptons  le  té- 
moignage du  Chou-kingf  il  nous  reportera» 

qoes,  CftciJZBn,  Ae/t^ions  de  rAntiquilif  L I,  part,  u» 
p.  667-668. 

(363)  Voir  A$ict.  Joum,  de  Calcutta^  Janvier  1819 
et  novembre  1820.  —  W.  Ebs&ixc,  dans  les  Trait- 
saelioM  de  la  Société  de  Bombaïf,  t.  U,  18i0  ;  Hei- 
delberg,  Jahr  Bûcher  der  LiiL^  1833,  n*  6^  12, 13^ 
etc.  —  Creczeb,  uH  bup.^  p.  671. 

(564)  Y.  S.  JosiiB,  Théophile  d*AnUocb«i,  dé- 
ment  d'Alexandrie,  Origène,  S.  Cyrille  d*Aleian« 
drie,etc. 

(565)  KLiPaoTH,  Crédibilité  des  kiêtoriens  astatU 
qws  dans  PAna  poif/glotta  ;  ce  Mànolre  a  été  ifteé» 

18 


559 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


5)9 


di  lion  a  prêtés  è  leurs  types  immortels  (581  }•  » 
Mais  «  peut-être  est-il  plas  difficile  encore 
pour  rbistoire  de  la  religion  que  pour  l'his^ 
toire  civile  chez  les  Perdes»  de  concilier  entre 
eux  les  témoignages  des  écriratos  classiques 
de  Tantiquité,  et  ceux  des  auteurs  orientai;X| 
nationaux  ou  autres  ;  aussi  les  modernes  qui 
ont  examiné  ce  sujet  n*OBt-i)s  pas  manqué 
de  se  partager  en  systèmes  fort  divergents 
ou  même  contraires. 

«(  Les  uns,  tels  que  Foucher  et  Zoe^^a 
(pour  ne  pas  remotiler  jusqu'à  Hyde,  Pn- 
deauxy  etc.)»  n'attachant  qu'une  médiocre 
importance  aux  livres  zends»  ont  cherché  de 

E référence  la  solution  des  principaux  pro- 
lèraes  dans  les  récits  des  Grecs  et  des  Ro- 
mains, 

«  Les  autres,  et  c*est  le  plus  grand  nombre, 
considérant  le  Zend-Avesta  comme  le  recueil 
authentique  des  livres  sacrés  des  mages,  au 
temps  des  derniers  Achéménides,  se  sont 
surtout  proposé  de  mettre  en  accord  avec 
ces  précieux  originaux,  les  documents  qui 
nous  ont  été  transmis,  soit  par  les  auteurs 
classigues,  soit  par  les  orientaux  modernes. 
Parmi  ces  derniers  se  distinguent  Anque- 
lil,  Kleuker,  Herder,  et  plus  récemment, 
MM.  Gœrres,  Creuzer  et  de  Hammer. 

«  D'autres  enfin,  se  prenant  do  passion 
pour  les  antiques  écrits  qui  portent  le  nom 
lie  Zoroastre,  et  leur  sacrifiant  toute  autre 
source  d'instruction,  alors  même  que,  par 
une  critique  des  livres  zends  plus  sévère 
qu'on  ne  l'avait  faîte  jusqu'ici,  ils  y  recon- 
naissent, sauf  le  Vendiaad  et  un  certain 
nombre  de  morceaux,  des  fragments  d'épo- 
ques très-différentes,  ont  essayé  de  retracer, 
d'après  le  Zend-Avesta  seulement,  tout  le 
système  religieux  et  liturgique  des  Perses, 
que,  par  une  bizarre  inconséquence  ou  com- 
binaison, si  l'on  veut,  ils  reportent  ensuite 
aux  âges  primitifs*  M.  Rhode  est  l'auteur  de 
cette  théorie  nouvelle  à  tous  égards,  et  qui 
paraît  d'abord  séduisante,  mais  qui  ne  ré- 
siste pas  à  un  examen  impartial  (582).  » 

M.  Guigniaut  compare  ensuite  et  discute 
ces  divers  systèmes.  Mais  ce  qui  résulte 
ilus  clairement  des  recherches  et  des  con- 
, ecturcs  auxquelles  il  se  livre,  c'est  que 
rbistoire  religieuse  de  la  Perse  est  pleine 
de  problèmes  insolubles.  Aussi  Klaproth  ne 
fnit-il  commencer  l'histoire  certaine  dans 
cette  contrée  qu*au  m'  siècle  après  Jésus- 
Christ  (583). 

S  m. 

Incontestable  supérioriié  da  Pentateoque.  —  Aveugle- 
nient  de  ceux  qui»  dôdiûgnant  de  ie  consulter,  se  fali- 
gueut  à  poursuivre  des  ombres.— Problèmes  insolubles 
en  dehors  du  Penlaleuque.  —  Chao»  des  6lémeuts  po- 
lythéistes. 

On  le  voit,  nul  monument  profane  ne 

(i$8l)  nitl.  des  tél.  de  ianl.,  p.  686. 

(581)  Ibid.,  p.  G93. 

^585)  Asia  polygloUa  ubi  sup.  Pour  complël«r  les 
nbëervatioiis  précédentes,  nous  allons  reproduire  k\ 
le  tableau  où  M.  Klaproih  résume  sou  opinion  sur  le 
commencement  ds  Thistoire  certaine  cliez  les  peu- 
ples asiatiques. 

DEPUIS  KOTllE  iai  SlicLCS 

Uindous  cl  Mongols^  xu* 


fieut  nous  conduire  bien  sûrement  k  trarers 
*antiquité  jusqu'au  berceau  du  genre  hu- 
main. Dès  lors,  n^est-il  pas  sage  de  s'adresser 
d'abord  au  Pentateuque  quand  on  teul  cou« 
natlre  lori^ne  de  tous  les  cultes  7  Ne  doii-on 
pas  au  moins  le  consulter  quand  on  cherche 
de  bonne  foi  et  sans  détour  si  ie  genre  hu« 
main  a  débuté  par  le  fétichisme  le  plus  ab- 
ject, comme  le  dit  la  philosophie  ralionaiisl?, 
ou  bien,  au  contraire,  par  un  monolhéisnie 
très-pur,  eommel^enseigne  le  cbfistianisffip! 
Moïse  atteste  que  la  religion  primitive  k\ 
identique  dans  ses  bases  à  celle  que  ]>rD' 
fesse  aujourd'hui  l'Eglise;  il  atteste  que  le 
polj'théisme  est  une  déviation,  une  chute, 
un  mouvement  rétrograde^  et  non  un  pre« 
mier  pas,  dans  la  route  du  progrès.  Pourquoi 
reut-on  rejeter  obstinément  son  témoigoagi^ 
dans  cette  question?  Pourquoi  refuse-i-on 
de  lentendre?  —  Chose  inconcevable  1  On 
étudie,  on  accepte  tout,  si  ce  n*est  la  Biblel 
On  enregistre  gravement  les  fables  les  ptos 
absurdes,  on  dépense  des  trésors  d*éruditios 
à  bâtir  des  systèmes  sur  les  fantaisies  de 
tous  les  poètes  païens,  sur  le  sable  mouyaot 
de  la  mythologie,  et  Ton  rejette  cette  bs5e 
de  granit  que  Dieu  même  avait  posée  à  l'ori- 
gine des  tt^mps  pour  asseoir  solidement  lé- 
diûce  de  Thistoire  I  —  On  accueille  avec  en- 
thousiasme le  plus  obscur  manuscrit  exhuiDé 
du  fond  des  pagodes  hindoues,  et  loa  oe 
tient  nul  compte  de  ce  livre  vénérable  qui  a 

FSiSsé  trente-trois  siècles  au  grand  jour,  sons 
œil  de  la  critique  et  de  la  science,  sous  la 
f)rotection  de  la  foi  la  plus  yive  et  du  resfHM 
e  plus  profond  l  —  On  s'enferme  dans  la 
Huit  du  paganisme,  et  Ton  refuse  d'éleier 
les  yeux  vers  cette  lumière  éclatanle  qui 
brille  au  delà  I 

Mais  pourra-t-on  du  moins  se  faire  m\ 
une  illusion  complète  et  durable?  Non,  cer- 
tes^ car,  on  a  beau  Cairer  1®  phare  est  toujoors 
là,  qui  luit  à  Thorizon  ;  le  vent  des  passions 
ne  saurait  l'éteindre.  —  Et  puis,  si  épa  s^e 
que  soit  la  nuit  des  traditions  païennes,  l  j 

È mètre  encore  çà  et  \h  quelques  rafODS. 
ème  à  cette  lueur  pâle  et  douteuse,  on 
peut  reconnaître  que  la  religion  n^à  pciot 
eu  dans  les  temps  anciens  une  marche  sâitn- 
dan  te  et  progressive,  mais  au  contrait  eqii'eiic 
a  été  s*altérant  de  siècle  en  siècle;  unn** 
gard  attentif  retrouve  jusqu'au  fond  desi'^us 
grandes  erreurs,  et  sous  les  rites  les  |)iu^ 
honteux,  l'empreinte  sacrée  des  dogmes,  de 
la  morale  et  du  culte  peints  dans  la  Genèse"- 
Toutefois,  au  sein  de  ce^  ténèbres,  le 
doute  est  faciles  Tout  apparaît  dans  un  cer- 
tain vague;  tout  se  prête  à  mille  conjectures 
et  Ton  peut  aisément  supposer  aux  objets  iJ 
forme  et  la  couleur  qu'on  désire  ou  qu^^" 


Persans, 

TliibéUms, 

i^Airr  NOTRE  ÊRB 

Arméniensv 
Géorgieas, 
Japonais. 
Ounois 


III" 
I- 

tàau 

«• 

fil* 


%\ 


VES 


DiCTIONNAIR£  AfH)LOGET;QL'E. 


PEN 


S«jS 


T^Te.  Il  es(  donc  nalard  de  s*arr6ter  et  de  se 
i-ii-r  dans  cette  région  obscure  quand  ou 
Teu?9  comme  dit  saint  Paul,  apprendre  tou- 
j  urs ,  sans  arriver  jamais  à  une  science 
qu'on  redoute  :  Semper  discenUs  et  ad  scient 
/idiji  rerUaiis  nunquam  pervenienles  (58^). 
>oDs  plaidons  amèrement  ceux  qui  fuient 
*t  <rand  jour  des  traditions  hébraïques  et  se 
f3tigaeot  i  poursuivre  des  ombres  qui  s*é* 
vin<missent  sous  la  main  qui  les  presse; 
nous  prions  pour  eux»  nous  n*espérons  pas 
\<â  cooTaincre.  Hais  nous  nous  adressons 
aux  hommes  d'une  volonté  pure,  à  ceux  qui 
ne  rejeUent  pas  les  faitSi  comme  une  subs- 
UQce  molICt  dans  le  moule  d  un  système 
a  priorU  qoi  cherchent  avec  ardeur  la  vé- 
rité et  marchent  droit  à  elle  n'importe  oh 
tWt  se  montre.  A  ces  hommes,  nous  di- 
roos: 

C'est  s'exposer  volontairement  à  faire 

bosse  route  que  de  s'engager  sans  CI  et 

vsrs  gnide  dans   le  dédaie  des  mjthologies 

(isieBoes.  Jaicais,  par  cette  méthode,  on  ne 

^.^•am  découvrir  d*une   manière  certaine 

qjcUilé  le  point  de  départ  de  toutes  les 

Te'.ipoos.  Quand  on  Tadopte,  en  effet,  on 

biiUi^Uéleroiiner  d*une  manière  précise, 

irréfragable,  Tordre  dans  lequel  les  diverses 

f^noes  do  polythéisme  se  sont  engendrées 

1^  oûaic»  autres.  —  Or  c'est  là  une  enlre- 

/rise  ouiufestement  impossible  ;  car,  avant 

i^ot,  il  iâudrait  une  ciironologio  détaillée 

iie  toutes  les  variations  du  polytiiéisnie  ; 

M35  dirooolo{çie ,    point  d'histoire  ;   mais 

rtCe diroQoIogie  des  temps  fabuleux,  elle 

iK/os  manque  complètement;    il  ne   nous 

mie  que  des  anneaux  épars  et  brisés  de 

c^e  longue    chaîne.  Voiri   une  série  de 

q'iestioDs  que  nous  avons  droit  de  poser  à 

ya  adrersaires,  et  dont  ils  doivent  une  so- 

Jtuion  : 

A  âuelle  époque  ont  commencé  le  cuite 
de»  génies,  le  culte  des  éléments,  le  culte 
des  astres,  Tapotbéose  des  grands  hommes  ? 

—  On  De  sait. 

Ouaod  est-ce  que  l'on  a,  pour  la  pre<- 
znière  fois,  personnifié  les  attributs  divins? 

—  On  ne  sait. 

Dans  quel  siècle,  et  chez  quel  peupie  les 
JQjages  et  les  svmboles  ont-iis  été  d  abord 
identifiés  avec  Je  diou  qu'ils  représentaient? 
-~  On  ne  sait.  \ 

Quel  est  celai  qui  déifia  le  premier  les 
choses  utiles  et  nuisibles,  les  vertus  et  les 
Tices  7 —  On  ne  le  sait  pas  davantage. 

El  si  Ton  ne  peut  iixer  la  date  absolue 
u'aueun  de  ces  cultes,  pourra-t-on  du  moins 
découvrir  leur  date  relative?  Non,  histori- 
quement cela  est  impossible. 

Le  culte  des  génies  a-t-il  précédé  celui 
<!f9  éléments  et  des  astres?  Le  spiritualisme 
a-t-il  devancé  le  matérialisme  religieux? 
Les  forces  qui  dominent  et  dirigent  le  monde 
physique  furent-elles  primitivement  conçues 
et  honorées  comme  intelligentes  et  person- 
i^elles  ?  L'homme  s'osl-il  agenouillé  d'abord 
ûirant  tous  les  objets  particuliers  qui  exci- 


taient son  amour,  son  admiration  et  sa  ter- 
reur? Ou  bien,  a-t-il  débuté  par  un  pan- 
théisme vague,  par  une  adoration  spontanée 
de  Tuniversalite  des  choses  ?  —  Sur  toutes 
ces  questions,  et  sur  une  foule  d'autres,, 
l'histoire  se  tait.  —  Pour  suppléer  à  son  si- 
lence, on  a  bien  imaginé  des  systèmes  psy- 
chologiques, ontologiques,  etc.  ;  mais  on  a 
beau  dire,  ce  n*e£t  pas  là  de  l'histoire.  Tous 
ces  systèmes  ont  d  ailleurs  un  petit  incon- 
vénient, c'est  qu'ils  commencent  par  suppo- 
ser ce  qui  est  en  question,  à  savoir,  que 
l'homme  a  été  créé  dans  une  ignorance  ab- 
solue et  qu'il  a  dû  sortir,  par  ses  seules 
forces,  de  son  abrutissement  primitif.  On 
pose  en  principe  que  Dieu  n*a  pu  se  per- 
mettre en  aucune  façon  d'influer  sur  le  dé- 
veloppement religieux  de  Thumanité.  En 
vain,  les  croyants  représentent  que  cela  le 


regardait  assez  pour  quïl  pAts'en  mêler  un 

f»cu;  on  ne  veut  pas  le  lui  permettre.  Cela 
ui  est  défendu  de  par  la  philosophie,  et  sa 


soumission  à  cette  défense  est  un  postula- 
tam  qu'il  n*est  pas  même  permis  de  dis- 
cuter. 

Mais  laissons  là  toutes  ces  théories  a. 
priori;  revenons  aux  systèmes  oui  préten- 
dent s'appuyer  sur  le  terrain  des  faits  et 
de  l'observation,  et  continuons  d'énumérer 
les  problèmes  qu'ils  sont  tenus  de  ré- 
soudre. 

Varron  distingue  trois  théologies  diffé- 
rentes qui  coexistaient  au  sein  de  chaque 
culte  païen  :  là  théologie  poéiique^  la  tMolo^ 
gie  politique  et  la  théologie  physique.  La 
première  satisfaisait  aux  exigences  capri* 
cieuscs  de  l'imaginalion  populaire;  la  se- 
conde traduisait  les  vues  des  législateurs  et 
servait  les  intentions  des  magistrats  ou  dcsL 
hommes  d*£tat;  la  troisième  s  éiaborait  dans 
les  écoles  de  philosophie.— Eh  bienl  possé- 
dons-nous une  chronologie  sûre  et  détaillée 
des  innombrables  vicissitudes  qu'a  subies 
chacune  de  ces  théologies  dans  Tiniérieur 
d*un  seul  culte  polythéiste?  Savons-nous 
jusqu'à  quel  point  chacune  d'elles  a  pénétré 
et  modifié  les  deux  autres?  Dans  quelle  pro- 
portion, par  exemple,  l'astronomie,  la  phy- 
sique et  la  philosophie  se  sont^lles  mêlées 
aux  syml>oles  idolâ triques?  Ces  sciences 
ont-elles  produit  les  cultes  païens  comme 
une  expression  poétique  et  populaire  do 
leurs  théories?  —  Ici  encore  l'histoire  est 
muette  et  tous  les  efforts  des  mythoeraphes, 
pour  lui  arracher  une  réponse,  ont  été  com- 
plètement impuissants.  Ni  les  évhéméristes, 
ni  les  allégoristes  n'ont  pu  reconstruire  les 
annales  des  temps  fabuleux,  et  Ton  aura 
ïieau  combiner  tous  leurs  systèmes  par 
l'éclectisme  le  plus  habile,  on  échouera 
toujours  et  nécessairement  ;  on  n'élèvera 
que  des  théories  sans  base,  qui  (tomberont 
d'elles-mêmes    aux  premiers  coups  de  la 

critique. 

Certes,  quand  on  étudie  le  polythéisme 
dans  on  seul  auteur,  au  point  de  vue 
étroit  d'une  école  particulière,  on  s'en  faU 


v^4)  //  Tim.  m.  7. 


d65 


PKF 


BfCTIONNAIIIE  APOLOGETIQUE. 


PEI 


S-U 


une  idëe  bien  incomplète  *et  bien  fausse. 
On  ne  saurait  imai^iner  à  quel  point  de 
confusion  il  était  arrivé  dans  les  derniers 
temps  de  son  existence.  C'est  un  amas  im- 
mense d'éléments  hétérogènes  et  mille  fois 
bouleversés  par  des  révolutions  de  toute 
espèce.  Remuez  ces  débris  «  vousij  trouve- 
rez pêle-mêle  des  allégories  morales,  des 
légendes  historiques,  des  fragments  d'épo* 
pées  nationales  ou  humanitaires,  puis  des 
emblèmes  et  des  svmboles  scientifiques,  des 
cosmogonies  et  des  théogonies  sans  fin, 
compliquées  d'astronomie,  de  physique,  de 
géologie,  de  métaphysique,  decabale,  etc.,  — 
et  rien  n'indique  la  date  de  toutes  ces  ruines  ! 
Encore,  si  ces  fragments  épars  conser- 
vaient leurs  formes  primitives,  on  arriverait 
peut-être,  par  une  étude  attentive,  à  devi- 
ner leurs  rapports  et  la  place  qu'ils  oecu- 
Î aient  dans  1  ensemble  de  l'édifice.  Hais 
ien  des  causes  diverses  les  modifiaient  in- 
cessamment, et  les  rendaient  bientôt  mécon- 
naissables. ^£t  d'abord,  chaque  jour  de 
nouveaux  éléments  venaient  se  combiner 
avec  les  anciens.  Mille  superstitions  absur- 
des et  dégradantes  étaient  successivement 
inventées  pour  satisfaire  tous  les  caprices 
des  passions.  -^  Puis,  tandis  que  des  cultes 
inconnus  surgissaient  de  toutes  parts,  les 
cultes  plus  anciens,  par  des  variations  et 
des  divisions  inGnies,  s'efforçaient  de  com- 
plaire à  une  foule  mobile  et  changeante. 

Aussi,  prenez  au  hasard  une  divinité 
quelconque  du  Panthéon  grec,  romain,  hin- 
dou, persan,  égyptien,  etc.  ;  suivez-la  dans 
toutes  les  fables  qui  racontent  son  histoire, 
et  vous  la  verrez  prendre  successivement 
tous  les  caractères.  Ici,  c'est  un  génie  ;  là, 
c'est  un  astre;  ailleurs,  un  élément,  puis  un 
héros  déifié,  ou  bien  un  symbole  moral,  un 
emblème  scientifique,  une  catégorie  logi- 
que, quesaisrje?  C'est  un  Protée  insaisis- 
sable qui  se  dérobe  à  toutes  les  étreintes 
par  de  continuelles  métamorphoses. 

£t  lors  même  que  les  formes  extérieures 
du  culte  restaient  immobiles,  sa  significa- 
tion intérieure  et  secrète  subissait  mille 
vicissitudes.  Qui  pourrait  calculer  toutes  les 
interprétations  discordantes  auxquelles  se 

E liaient,  à  la  longue,  des  mythes  et  des  svm- 
oles  le  plus  souvent  fort  obscurs  dès  leur 
origine  ? 

^  Mais,  à  toutes  ces  causes  de  confusion, 
s'en  igoutait  une  dernière  non  moins  active 
et  non  moins  puissante,  je  veux  fdire  les 
relations  commercialQ^,  politiques,  guerriè- 
res, qui  amenaient  Ifequemment  des  em- 
prunts ou  des  échanges  entre  les  cultes  des 
divers  peuples.  L'Orient  et  l'Egypte  pas- 
saient ileurs  superstitions  à  la  Grèce,  qui 
f^lus  tard  leur  reportait  les  siennes,  et  l'Ha- 
ie ouvrait  ses  temples  aux  dieux  de  toutes 
les  contrées  soumises  par  les  Romains.  11 
est  impossible  d'imaginer  la  complication 
produite  par  cet  entrecroisement,  cette  pé- 
nétration réciproque  de  tous  les  cultes  ido- 
làtriques.  Mais  c'est  surtout  dans  les  der- 


niers siècles  qui  précédèrent  le  diveloppc. 
ment  du  christianisme  que  le  désordre  fut 
au  comble.  En  vain,  à  cette  époque,  les  do- 
cuments historiques  se  multiplient  et  de- 
viennent plus  sûrs,  plus  détaillés;  à  mesura 
que  le  jour  se  fait  sur  ce  chaos,  on  comprend 
mieux  qjjJU  n'y  a  point  de  remède,  et  qud 
nulle  critique,  nulle  analyse  ne  sauraiiy 
rétablir  un  ordre  véritable. 
Non,  ce  n'est  pas  par  cette  route  qu*il  faoU 
'ensacrer  à  la  recherche  des  orieines  r^hJ 


s  engager 


gieuses;  s'y  enfoncer,  c'est  s'exposer  volo 
tairement  a  s'égarer  et  à  manquer  le  but.' 
Marchez-y  quelques  instants,  bientôt  tuusI 
la  verrez  s'effacer  devant  vous  et  se  pcrdr*j 
dans  un  désert  sans  limites,  oi^  il  n'y  a  plus 
de  guide,  plus  de  sentier  battu,  où  mm 
voix  ne  répond  à  votre  appel,  où  nulle  éloilQ 
ne  brille  aux  cieux  pour  vous  diriger. 

Je  le  demande,  si  la  chronologie  des  trois 
derniers  siècles  venait  à  disparaître  enlièr^ 
ment,  pourrait-on,  après  deux  mille  ans, 
reconstruire   l'histoire    du   protestantisu.e 
moderne?  Que  faire,  s*il  restait  seulemeni 
des  lambeaux  sans  date  de  ses  innombrables 
symboles,  des  feuilles  déchirées  de  Lolher, 
de  Zwingle,  de  Calvin,  de  Servet,  de  Swe- 
demborg,  de  Schleirmacher,  de  Strauss,  de 
Leroux,  etc.?  —  Est-ce  par  l'élude  de  ces 
fragments  contradictoires  (ju'on  pourrait  dé- 
terminer la  forme  primitive  du  cbrisria- 
nisme  ?  Est-ce  |)ar  cette  voie  qu*il  faodrail 
rechercher  l'histoire  de  l'Eglise  aranllaré- 
vol  te  de  Wittemberg?  —  Assurément,  si 
une  pareille  méthode  venait  à  s'établir  au 
xLv*  ou  au  xLvi*  siècle,  de  savants  philoso- 
phes pourraient  fort  biep  alors  voir  TEglise 
primitive  dans  la  secte  protestante  la  plus 
obscure  et  la  plus  dégradée,  et  présenter  le 
catholicisme  du  xx*  siècle  comme  un  déve' 
loppement  naturel  des  doctrines  p^ofe5sée^ 
dans  le  sein  de  la  réforme.  Beaucoup  de 
science,  beaucoup  d'esprit  seraient  peui- 
être  dépensés  pour  établir  ce  paradoxe.  Mii^ 
en  serait-il  moins  absurde?  —  Eh  bienîrVsi 
ainsi  que  procèdent  aujourd'hui  nos  histo- 
riens de  l'école  progressive  et  nos  philoso- 
phes panthéistes.  Ils  prennent  au  sein  du 
protestantisme  antique  la  secte  la  plus  dé- 
gradée, le  fétichisme,  et  ils  en  font,  au 
nom  du  progrès,  la  religion  primitiye.  Ccli 
posé,  le  christianisme  apparaît  naturelle- 
ment  comme  le  dernier  effort  de  la  raison 
humaine  et  le  résumé  de  ses  travaux  en 
matière  religieuse.  Mais  la  méthode  em- 
ployée par  ces  écrivains  pour  donner  à  leurs 
systèmes  u(ie  apparence  de  vérité  est  con- 
traire à  toutes  les  règles  les  plus  évidentes 
de  la  logi(^ue  et  du  bon  sens.  Car  ils  rejet- 
tent ce  qui  est  clair  pour  ce  qui  est  obs'ur. 
et  ils  préfèrent  les  traditions  les  plus  p - 
contes  aux  plus  anciennes  dans  une  queMicn 
d'origine.  Ils  ne  tiennent  aucun  comnleiie 
Thistoire  la  plus  authentique  et  la  plus  luoii- 
ncuse,  et  ils  se  condamnent  à  combiner,  de 
la  façon  la  plus  arbitraire,  des  fables  in-ij»- 
telligibles,  des  rêveries  contradictoires  (5tt*i. 


(584*)  Cl,U.  De  Valrogeb,  dans  les  Afin,  c/e  phîl,  chnt. 


sss 


KN 


MCTiaNXAlIlE  APOLOGETlQUe. 


PEN 


566 


inr. 


ivVr^'tnié  àê  PnlJtevqiie;  prêtres  eilriasèqoes.  — 
TfsdMka  cuMtMte  et  mniBe  des  Juifr  et  des  cbré- 
iitwi.  —  PcBtamqjoe  snoarilain.  —  Témoignages  de 
Ta  kpilé  praCne. 

Robhes,  Spinosa  et  ao  grand  nombre  de 

friti|ues  allemands,  tels  que  Vaier,  de 

ViHiç^  Harmann,  Boblen»  Walke,  Gésé- 

nnis  etc.»  prétendent  que  le  Pentateuque 

D>M  point  toat  entier  de  Moïse.  Ces  enti- 

ânes  ne  roient  généralement  dans  les  par* 

ti"^  principales   du  Pentateuqne  que   de 

iioples  mémoires,  écrits  les  uns  par  Moïse 

kiHntee,  et  les  antres  par  quelques-uns  de 

$^  contemporains,  et  recueillis  plus  tard 

f«r  naekqne  compilateur  qui  ne  s*cst  pas 

Umé  à  les  réduire  en  un  corpe  d  ouvrage, 

nais  qui  y  a  fiit  de  nonilireoses  additions. 

i>"iQ(à  l'époaue  à  laquelle  cette  rompila" 

iioo aurait  été  faîte,  ces  mêmes  critiques 

•>  «'ireordenC  pas  entre  eux  :  les  uns  reu* 

\fiA  qoe  ce  soit  entre  Josué  et  Samuel, 

c'istres  à  fépoque  de  David,   quelques- 

ia<|iefiflaot  la  captivité  de  Babylone,  plu- 

sirorseafin  sous  Ésdras. 

AMrnf,  médee-in  de  Bruxelles,  pense  que 
b  Gom  est  tine  simple  compilation  de 
d:vm  aéaioires  écrits  par  des  auteurâ  in- 
mniQi  H  rassemblés  par  Moïse  in  un  corps 

ii>ri>ffiflf. 

5KriQ9 liions  démontrer,  contre  cesdiffé- 
mle(  meurs,  raotlienticitéduPcntatcuque 
p«r  lP5  trois  sortes  de  preuves  qui  servent 
^'0iin9ir«ment  dans  la  critique  à  établir 
i'2rj0ienliriléil*un  livre.  Les  deux  premières 
^«1  dirrttes  ou  |K)silivcs:  ce  sont  les  preu* 
ve5  es!nadèi|tics  et  intrinsà(|ucs  ;  la  troi- 
siéfflc  rsl  india^*cte  ou  négative. 

Commeaçi»os  |Kir  les  preuves  extrinsè- 
ques. 

I.  L'aotlienlicité  du  Pentateuoue  est  chez 
les  Joiis  un  dogme  fondamentaU  et,  parmi 
les  chrétiens,  c*C5t  au  moins  un  lait  constant 
^  re^rdé  comme  essentiel  dans  1  histoire 
^c  la  religion.  Si  quelques  hérétiques  des 
premiers  siècles  ont  paru  douter  que  Moïse 
fût  l'auteur  de  tout  ce  que  nous  lisons  dans  les 
livres  qoi  portent  son  nom,  ils  n'apportaient 
0  antre  preuve  à  la  foi  puliligue  et  univer- 
Vflie  lie  ri^;lise  qoe  Timpossibilité  où  ils  se 
^''raient  de  concilier  leur  doctrine  avec  cer- 
tA'05  passages  de  Moïse.  C'est  ainsi  que, 
tlans  ces  derniers  temps,  Eichhorn,  après 
iToir  soutenu  Tauthenlicité  du  Pentateuqne 
fn  eénéral,  déaesjiérant  d'en  Gnir,  par  une 
ei|.Tieatioa  pare  et  simple  du  texte,  avec 
les  iliiUrnillés  que  le  Pentateuqne  présentait 
au  sj«tème  dogmatique  qu'il  s'était  formé 
l^T  avance,  a  prétendu,  dans  la  dernière 
éùitton  de  son  Introdueiion,  que  les  parties 
l'nnrifialesdece  livre  n'étaient  qu'une  com- 
inUtion  faite  dans  le  temps  qui  s'est  écoulé 
eotre  Josué  et  Samuel,  et  que  si  Moïse  en 
s^ail  écrit  qnelques  fragments,  ses  contem* 
loraîns  avaient  pris  jpart  à  l'ouvrage  aussi 
^i«rD  que  lui|  et  que  le  compilateur  j  avait 


fait  lui-même  beaucoup  d'additions  (585). 
Or,  ni  le  sentiment  de-  ces  hérétiques,  ni 
l'opinion  nouvelle  d'EichhoFn>  ne  sauraient 
conlre-balancer  le  témoignage  unanime  de 
toute  la  nation  juive,  c|ui  dépose  sur  un  fait 
qui  lui  appartient  uniquement  et  qui  s'est 
passé  dans  son  sein  et  sous  les  yeux  de  ses 
pères.  Si  on  parcourt  tous  les  livres  de  l'An- 
cien Testament,  soit  historiques,  soit  pro- 
phétiques, on  y  voit  aisément  deux  choses  : 
1*  que  parmi  les  Juifs  on  a  toujours  supposé 
comme  un  fait  constant  et  indubitable  que 
Moïse  avait  laissé  un  livre  qui  contenait  ses 
lois;  â"  que  ce  livre,  dont  les  auteurs  sacrés 

eirlent  si  souvent,  et  qu'ils  attribuent  k 
Oise,  était  le  Pentateuque  que  nous  avons 
aujourd'hui. 

!•  Parmi  la  multitude  d'autorités  qui  con- 
courent à  établir  que  les  Juifs  ont  toujoura 
regardé  comme  un  fait  constant  et  indubi- 
table, que  Moïse  avait  laissé  un  livre  où  ses 
lois  étaient  contenues,  nous  nous  bornerons 
à  citer  ceHes  qui  sont  néiressaires  pour  for- 
mer la  chaîne  de  la  tradition.  Le  premier 
témoignage  que  nous  invoquerons  est  celui 
du  Pentateuque  lui-même,  qui  nous  apprend 
que  Moïse  est  l'auteur  de  Quelques  écrits. 
Au  chap.  xvu,  vers.  4,  de  YËxode,  Dieu  or^ 
donne  à  Moïse  d'écrire  dans  h  litre  les  per- 
fidies des  Amaléciles,  la  guerre  qu'il  a  euQ 
k  soutenir  contre  eux,  et  leur  future  des- 
truction. Dans  le  même  livre  (xxw,  4, 7,  el 
XXXIV,  27),  il  est  dit  expressément  queMoiso 
a  écrit  non-seulement  les  lois,  mais  encore 
les  diverses  apparitions  de  Dieu,  el,  par  con» 
séquenr,  la  partie  historique  du  Penfalcu- 
que.  Au  chap.  xxxm,  vers.  1,  2,  des  Nom- 
bre^j  on  lit  que  Moïse  a  décrit  les  campe- 
ments des  Hébreux  dans  l'Arabie  Pélrée. 
Le  Deutéronome  n'est  ni  moins  positif,  ni 
moins  formel;  mais,  avant  d'exposer  les 
preuves  qu'il  fournit  en  faveur  de  notre 
thèse,  nous  ferons  une  observation  qui  noua 
a  semblé  nécessaire.  Les  Juifs,  c'est  un  fait 
incontestable,  ont  toujours  donné  le  nom  do 
loi  au  Pentateuque,  et  celui  de  seconde  lot 
au  Deutéronome,  par  la  raison  qu'ils  î  ont 
considéré  comme  l'abrégé  ou  la  réj^tition 
de  la  loi  contenue  dans  les  livres  précédents. 
Il  est  donc  dit  dans  le  Deutéronome  que  Moïse 
écrivit  la  loi  et  la  donna  aux  prêtres,  enfants 
de  Lévi...  et  à  tous  les  anciens  d'Israël.  Et 
après  qu'il  eut  achevé  d'écrire  dans  un  livre 
les  ordonnances  de  cette  loi,  il  donna  cet 
ordre  aux  lévites  qui  portaient  l'arche  de 
l'alliance  du  Seigneur,  et  il  leur  dit  :  Prenez 
ce  livre,  et  mettez-le  à  côté  de  V arche  du  Sei- 
gneur votre  Dieu,  afin  quil  y  *erce  de  témût- 
mage  contre  tous.  (Deut.  xxxi,  9-26.)  Biais 
ce  livre,  écrit  par  Moïse,  et  déijosé  entre  les 
mains  des  prêlres,  est  le  môme  que  les  rois, 
en  yertu  d'une  loi  particulière,  devaient 
transcrire  pour  leur  usage  particulier  (tOitf; 
XVII,  18, 19)  ;  le  même  qui  fut  retrouvé  dans 
le  temple  sous  le  règne  de  Josias.  {IV  Ueg. 
XXII,  8;  //  Parai,  xxxiv,  1^.)  Et  soit  tio  ou 


(:«)£•  W.  n^^GSTC^BEiic ,   Die  autheniie  de9  Pentalcuchit;     Berlin,  1836,  Enter  Ponrf.,  Scii. 


m 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


57! 


point;  mais  il  en  restera  toujours  assez 
pour  prouver  sa  thèse,  qui  est  aussi  la  nô- 
tre (588),  Nous  nous  dispensons  d'autant 
plus  volontiers  de  rapporter  ces  passages, 
qu'ils  se  saisissent  facilement  à  fa  simple 
lecture,  et  que  les  adversaires  mêmes  de 
l*authenlieité  du  Pentateuque  conviennent 
de  cet  accord  entre  la  prophétie  de  Jérémie 
et  le  Deutéronome  (589). 

Nous  ajouterons  un  rapprochement  qui 
a  échappe  à  Kueuer,  mais  qui  n*en  est  pas 
moins  réel.  Au  cnapitre  xxxiv,  verset  14  de 
sa  prophétie,  Jérémie  reproche  aux  Juifs 
d'avoir  vjolé  la  loi  qui  leur  enjoignait 
d^aflTranchir  leurs  esclaves  après  six  années 
de  service.  Or  cette  loi  se  lit  dans  VExode 
(xxi,  2). 

Baruch  cite  des  passages  incontestable- 
ment extraits  de  plusieurs  livres  du  Penta- 
teuque, outre  qu'il  fait  des  allusions  évi- 
dentes à  quelques  faits  historiques  qui  y 
sont  rapportés.  On  peut  le  voir  surtout  au 
chap.  II,  vers.  16,  29,  et  comparer  les  pas- 
sages du  Lévilique  xvi,  14,  et  du  Deut,  xxvi, 
15.  Mais  voici  qui  est  plus  précis  encore. 
Baruch,  après  avoir  dit  quil  n'v  a  point 
sous  le  ciel  de  maux  semblables  a  ceux  de 
Jérusalem,  ajoute  qu'ils  sont  écrits  dans  la 
loi  de  Moïse  :  Secundum  quœ  scripta  sunt  in 
legt  Moysi  (ii,3);et  un  peu  plus  bas,  il 
rappelle  à  Dieu  que  c'est  lui-même  ({ui  a 
ordonné  à  Moïse,  son  serviteur,  d'écrire  sa 
loi  en  présence  des  enfants  d'Israël  :  Sicut 
loeuhis  es  in  manu  pueri  tui  Moysi  ^  in  die 
qua  prœvhpisti  ei  scribere  legem  tuam  coram 
jiliis  Israël  (vers.  28). 

Ezéchiel  rapporte  aussi  un  grand  nombre 
de  lois  et  de  sentences  visiblement  emprun- 
tées aux  livres  du  Pentateuque.  Ainsi,  par 
exemple,  le  chap.  iv,  vers.  6  do  ce  prophète, 
n'est  autre  chose  que  le  chap.  xiv,  vers.  Si 
iïcsNombrts;  le  vers.  11  du  chap.  xx  est  une 
transcription  littérale  du  vers.  5  du  chapi- 
tre xviii  du  Lévilique;  de  môme  que  le 
vers.  12  du  même  chap.  xx  est  une  imitation 
pure  et  simple  du  chap.  xx,  vers.  8,  et  du 
ohap.  XXXI,  vers.  13  de  VExode.  Si  l'on  com- 

5 are  encore  le  chap.  xuv,  vers.  22,  28,  30, 
I,  et  le  chap.  xlv,  vers.  12,  avec  Iet?i/.  xxi, 
14  3  Num.  xviit,  20;  Exod.  xxii,  29;  ïxx,  12; 
Levit.  XXVII,  25;  Num.  ni,  47,  on  verra  san$ 

(588)  <  Fac  forluila  esse  molta  eomm,  qaae  cita* 
vinius,  consensus  saepius  tam  accurale  expressoa 
esi,  lit  statim  suboculos  cadat.  i  (Ibid.^  p.  i8«) 

(589)  P(ous  nous  bornons  à  confronier  le  prophète, 
avec  les  quatre  premiers  livres  du  Pentateuque,  et 
nous  empruntons  au  même  Kueper  le  tableau  sui- 
vant: 

Genèse  i,  2;  ier.  iv,  23.  -—  Gen.  i,  28; 
i«r.  III,  16.— Géit.  VI,  7;  Jeu  ix,  9.— Cen.  iriii,  24; 
Jet,  xKXf,  56.  —  Gen.  xi,  5;  Jer.  li,25,  etc.  —  Gen. 
XV,  5;  4er.  xuiu,  32 et  xxxiv.  —  Getu  xvni,  \\\ 
hr,  XXXII,  17.— 6Vw.  XIX,  15;  ier.  t.i,  6,  50.—C<î«. 
XIX,  25;  /er.  xx,  16. — Gen.  xxv,  26;  Jer.  ix,  3.  — 
Gen.  XXX,  18,  20;  /er.  xxxi,  16,  47.  —  Gen.  xxxvii, 
25,  etXLii,  56;  Jer.  xxxi,  15.^eA.  xux,  17;  Jer, 
viii,  16. 

HxoDE  IV,  10,  etc.  ;  /«r.  i,  6,  7,  et  xv,  19.  —  Es. 
VII,  li;  Jer.  L,  53.  —  Kx.  xvi,  9  ;  Jer.  xxx,  2!.  — 
t>.  \x,  8,9,  !0, 11  ;Jcr.  xvii,  21.  —  flr.  xxii,  20  ; 


?eine  que  le  prophète  a*a  ftiit  que  copierla 
entateuque. 

Daniel  parle  plusieurs  fois  de  la  loi  de 
Moïse.  Au  chap.  ix,  vers.  13,  il  dit  que  la 
malédiction  dont  le  peuple  Juif  a  été  frappé 
est  la  même  qui  est  écrite  dans  la  loi  de 
MoLse  :  5icu/  scriptum  est  tn  legt  Moysi^ 
malum  hoc  venit  super  nos.  Or,  cette  malé- 
diction prononcée  contre  les  Israélites  in- 
fidèles  a  la  loi  est  rapportée  au  chapitre 
xxvn-xxix  du  DeutéroHome.  Vovez  encore 
ce  prophète  au  chap.  xiii,  62,  ou  il  fait  de 
nouveau  mention  de  la  loi  de  Moïse,  et  aa 
chap.  IX,  vers.  15,  où  il  raconte  la  sortie 
de  l'Egypte,  telle  que  nous  la  lisons  dans  le 
livre  de  lExode  (xiv,  xv). 

Les  petits  prophètes  nous  fournissent 
aussi  des  preuves  manifestes  de  rauthenli- 
cité  du  Pentateuque.  Osée,  qui  tient  le  p^^ 
mier  rang  parmi  eux,  ne  fait  autre  chose, 
dans  les  quatorze  versets  dont  se  compose 
le  chapitre  xii  de  sa  prophétie,  que  de  citor 
les  livres  de  la  Genèse  et  de  VExode.  Hais 
outre  cela,  il  y  a  dans  toutes  les  parties  de 
ses  oracles  prophétiques  une  multitude  de 
termes  et  de  locutions  que  tout  bébralsant 
de  bonne  foi  reconnaîtra  nécessairemeot 
appartenir  au  Pentateuque.  Nous  ferons  la 
même  observation  par  rapport  au  prophète 
Amos  ;  aussi  nous  bornerons-nous  à  indi- 
quer au  lecteur  les  passages  saivanLs  >a- 
voir  chap.  ii,  vers.  9,  10;  chap.  iv,  vers.  11, 
en  rinvitanl  à  les  comparer  avecfAombrfi 
XXI,  24  ;  Deut.  ii,  2k  ;  Exod.  xiv,  21;  M 
VIII,  2;  Gen.  xix,  2%  (590^. 

Abdias,  dans  son  chapitre  unioue,  fait  al- 
lusion à  plusieurs  passages  de  la  Gcnè^^ 
On  peut  s'en  convaincre  par  la  seule  lecture 
de  sa  prophétie,  dont  le  verset  10  surtout 
est  une  citation  pure  et  simple  de  ce  pre< 
mier  livre  du  Pentateuque.  (Gen.  xitu, 
42.) 

Michée,  après  avoir  dit  que  le  Seîgneor 
avait  envoyé  au-devant  du  peuple  dlsraél, 
Moïse,  Aaron  et  Marie,  rappelle  l'histoire 
de  Balap,  roi  de  Moab,  et  de  Balaam,  fils  de 
Béor  (vi,  4,  5);  or  celle  histoire  esl  rappor- 
tée au  livre  des  Nombres  (xxii-xiiv).  L» 
vers.  15  du  même  chap.  vi  de  Jlfi>W«  n'est 
que  ridée  du  Deutéronome  (xxviu,  38)  ex- 
primée avec  une  légère  différence  dans  Je$ 

/ar.  V,  28.  —  Ex.  xxxn,  9,  ier.  viu  26.— E».  ni». 
16;  Jer.  xvn,  1.  — JEjt.  xmiv,  7  ;  Jer.  xn,  Hi  ^ 

Xïxn,  18. 

Lévitiqub  xnt,  45  ;  Thren.  iv,  io.^Lev.  xu,  !•; 
Jer.  V,  2.  —  Lev.  xix ,  16  ;  Jer.  vi,  28,  el  ix,  5.  - 
Lev.  XIX,  27  ;  Jer.  ix,  25.  —  Lev.  xix,  34;  Thres^J^ 
12.  —  Lev.  XXVI,  6;  Jer.  xiv,  45.— /-^r.  xxti.IS; 
Jer,  II,  29.— L«r.  xxvi,  53;  Jer.  iv,  27.     ' 

NovoREs  V,  Il  el  seq<|.  ;  Jer.  n,  2 et  §«1(1.— *«•• 
VI,  5,  etc.  ;  Jer.  vu,  29,— iV»m.  xvi,  U;  Jer.  xixu. 
27,— iViim.  XXI,  6;  Jer.  vin,  17.— A'iim.  xxi,  ».*' 
XXIV,  17^  eic;  Jer.  xi.vni,  45,  46,  eixui,  I'».- 
Num.  XXIV,  14,  16;  Jer.  xxvj,  8, 9.— Aw».  wi"» 
7,  8;  Jer.  vi,  12,  ei  viit,  10. 

(590)  Les  lecteurs  familiarisés  avec  les  \»V^ 
hébraïque  et  allcnnande.irouverQfa  daQ^Hc^^P'^' 
bcig  {Die  Aulhenlie  des  Peniateuches^  Seil,i^l-' 
un  grand  nombre  de  passages  enipranléiau  lonu- 
icuque  par  les  prophètes  Osé^*  et  .iinos. 


'»    I 


srs 


TES 


DICnONNAlRE  APOLOGETIQUe. 


I>EN 


574 


Itrtnes.  niée  que  Ton  trouve  aussi  dans 
àgfée  h,  6)«  mais  reTètue  encore  d'exprès- 
sioas  différentes. 

Zacfaarîe,  en  recomoiandant  aux  Juiâ 
frn,  10)  de  ne  point  calomnier  ni  la  veuve» 
ni  iorphelin,  ni  fétranger,  ni  le  pauvre, 
u'arait-îi  pas  en  vue  la  loi  qui  se  lit  au 
diap.  im,  vers.  21,  22  de  VExode  ? 

Malacbie,  le  dernier  des  prophètes,  après 
^oir  fait  allusion  à  plusieurs  passages  du 
iVarateuque  (591),  termine  ses  prédictions 
l«r  ces  paroles,  qui  sont  un  témoignage 
iiTéfùsable  en  faveur  de  la  thèse  que  nous 
iOoienoQs  :  «  Souvenez-vous  de  la  lot  de 
Voise,  mon  serviteur,  de  cette  loi  que  je 
/ai  ai  donnée  sur  la  montagne  d'Horeb,  afin 
qa'il  portât  à  fout  Israël  mes  préceptes  et 
mes  ordonnances  (iv).  »  Cet  exposé  per- 
lu^c,   sans  doute,  de    dire  avec  Kneper  : 
«  Tous  les  livres  prophétiques  sont  rem- 
plis de  passages   empruntés  du  Pentoteu- 
«l'ie.  Or  cette   seule  circonstance,  si   Von 
j  fût  bien   attention,  suffit  pour  réfuter 
tous  ceux  qui  prétendent  qu*au  temps  des 
f'TQçbètea  le  Pentateuque  n  était  pas  encore 
«Mnposé  (592).  » 

Leltouveau  Testament  nous  fournit  en- 
core des  preuves  aussi  claires  et  aussi  déci- 
sives de  Fauthenticité  du  Penlateuque.  Nous 
lisons  dios  saint  Matthieu  (vu,  4),  que  Je- 
.*n5-Chri5tt  dit  k  un  lépreux  qu'il  venait  de 
goérir,  u'aller  $e  montrer  au  prêtre,  et  dof^ 
frir  ie  don  prescrit  par  Moise.  Or,  cette  loi 
Kcscrite  aux  lépreux  après  leur  gnérison, 
K?  trouve  eipressément  au  chap.  xiv  du  Lé- 
vitique. 

Saint  Marc  (xii,  26)  cite  cette  parole  du 

Storeur  :  tTatez-voue  point  lu  dans  le  livre 

tk  Ifolse  ce  que  Dieu  lui  dit  dont  le  buisson? 

/r  suis  le  Dieu  d'Abraham^   etc.  ;  passage 

fo  on  lit  en  effet  dans  VExode  (m ,  6).  Les 

la-JrJueéens,  auxquels  Jésus-Chnst  s'adresse 

iêj,  venaient  de  citer  eux-mêmes  (vers.  19), 

Mos  le  nom  de  Moise,  la  loi  du  lévirat 

la'oo  trouve  dans  le  Deutéronome  (xxv,  5). 

Saint  Jean  (v,  kê)  fait  dire  à  Jésus-Christ  : 

^  r<>K#  croyiez  Moïse,  tous  me  croiriez  aussi, 

wce  aue  c'est  de  moi  quUl  a  écrit»  Le  même 

Vangéliste  rapporte  une  question  adressée 

a  Sauveur  par  les  pharisiens,  et  dans  la- 

[oelle  Ils  disent  que  Moise  a  ordonné  dans 

t  ioi    do  lapider  les  adultères  (vu,  5).  Or, 

elle  Joi  contre  les  adultères  est  exposée  au 

hap  mx,  vers.  10  du  Léritique. 

L*apôtre  saint  lacrroes,  en  parlant  des 

utfs  '' AcI.  X?,  21),  dit  :  il  y  a  depuis  long» 

*^ps^  en  choque  ville,  des  hommes  qui  leur 

nnf^ncent  Moïse  (e'est-è-dire  sa  loi)  dans  les 

^^ngnguts,  ou  on  le  lit  chaque  jour  de 

Saint  Paul,  après  avoir  rappelé  aux  Co- 
rutfaiens  (//  Cor.  m)  un  passage  de  VExode 
CJLXXT,  30)  où  il  est  dit  que  les  enfants 
^l^raël  n'osaient  Gxer  leurs  regards  sur 
l«»L«e,  a  cause  de  la  lumière  éblouissante  de 
'ni  TÎ^a^e,  et  que  ce  servileur  de  Dieu  met- 


tait un  voile  sur  sa  face  quand  il  leur  parlait, 
aioute  :  Ainsi ,  jusqu'à  ce  jour,  lorsqu'on 
(leur)  lit  Moise,  ils  ont  un  roih  sur  te 
cœur. 

Enfin,  Philon,  Josèphe,tous  les  tatmudistes 
et  tous  les  rabbins,  nous  donnent  le  Penla-^ 
teuque  pour  un  ouvrage  de  Moise. 

S*  Après  avoir  démontré  que  les  JuiEs  ont 
toujours  supposé  comme  une  chose  cons- 
tante et  inaubitable  que  Moïse  avait  laissé 
un  livre  où  ses  lois  étaient  contenues,  i\ 
re^te  à  prouver  que  ce  livre  est  le  Penta- 
teuque même.  Dans  tous  les  passages  que 
nous  venons  de  citer,  et  que  nous  avons  ex- 
traits des  auteurs  sacrés  qui  ont  vécu  de-^ 
puis  Josué  jusqu'à  Malachie,  on  a  remarqué 
un  livre  de  la  loi,  cité  constamment  sous  le 
nom  de  Moïse.  Or,  ce  livre,  révéré  à  toutes 
les  époques  et  dans  tous  les  Ages  comme  le 
code  des  lois  religieuses,  civiles,  politiques 
et  militaires  du  peuple  hébreu,  ne  saurait 
être  différent  de  celui  que  nous  apiielons 
Pentateuque ,  et  nous  avons  plus  d'une 
raison  solide  pour  appuyer  noire  asser- 
tion. 

D  al)ord,  le  Pentateuque  est  le  seul  livre 
connu  qui  ait  porté  le  nom  de  Moïse;  nos 
adversaires  les  plus  opposés  seraient  bien 
en  peine  de  nous  donner  un  démenti  sur  ce 
point.  Mais  alors,  sur  quel  fondement  con- 
testeraient-ils au  législateur  des  Hébreux 
un  ouvrage  que  toute  sa  nation  lui  attribue 
unanimement  pour  lui  prêter  on  ne  sait  quel 
autre  livre,  dont  il  ne  reste  la  plus  légère 
trace,  ni  dans  rbisloire,  ni  dans  la  tradition 
des  Juifs? 

En  second  lieu,  on  a  pu  voir  dans  le  nu- 
méro précédent,  que  les  passages  des  divers 
auteurs  de  l'Ancien  et  au  Nouveau  Testa- 
ment où  il  est  fait  mention  des  livres  de 
Moise,  ou  supposent,  ou  indiquent,  ou  rap- 
portent en  termes  exprès  des  faits  et  iles 
lois  qui  se  lisent  dans  le  Pentateuque,  et 
qu'ils  ne  disent  rien  qu  on  ne  retrouve  dans 
quelques-uns  de  ces  cinq  livres.  Or,  nous  le 
demandons  à  tout  critique  sincère  et  éclairé, 
peut-il  v  avoir  une  preuve  plus  forte  de 
ridentité  du  Pentateuque  et  du  livre  qui  so 
trouve  |»erpétuellement  cité  sous  le  nom  de 
Moïse?  Oserait-on,  en  toute  autre  matière, 
manifester  le  plus  lé^er  doute  là  où  se  f  rou- 
ventdes  démonstrations  aussi  rigoureuses 
et  aussi  convaincantes? 

Troisièmement,  les  caractères  mêmes  par 
où  les  écrits  attribués  à  Moïse  sont  désignés 
dans  le  Pentateuque,  conviennent  parfaite- 
ment aux  livres  qui  portent  son  nom.  Il  est 
dit  en  efl'et,  dans  le  Pentaleuque  aue  Moïse 
écrivit  les  discours  du  Seigneur,  tes  paroles 
de  Valliance,  les  apparitions  de  Dieu,  et  les 
campements  des  Hébreux  dans  V  Arabie  Pé-* 
trée,  etc.  Or,  n'est-ce  p^s  là  précisément  ce 
qui  fait  la  matière  de  VExode  ,  du  Létiti- 

rie,  des  Nombres  et  du  Deutéronome?  Quant 
la  Genèse,  elle  n'est  qu'une  introduction 
aux  livres  suivants;   nous   ajouterons  ici 


•  rwOI  I  C^jpnpar.  Maltuh.  il   2  atec  Les.  xxvi,  t4- 
'.     i^ewt-  xi^iii,  15. 


(51H)  c  Jereinbs  libror.  sacr.  ioterpres  aique  viu- 
dex,  >  p.  4S. 


575 


pm 


ACTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


bTii 


arec  Eusèbe,  que  Tadmirable  théologien  et 
législatenr  des  Hébrpux,  voulant  donner  à 
ce  peuple  une  législation  toute  sainte  et 
toute  religieuse,  n^employa  point  un  eiorde 
Ou  une  préface  ordinaire  et  commune»  mais 
qu  il  alla  puiser  dans  la  théologie  de  ses  an- 
cêtres les  principes  de  ce  qu'il  devait  ensei- 
gner; qu'en  conséquence,  il  commença  son 
ouvrage  par  la  Genèse^  qui  est  comme  la  pré- 
face  des  lois  qu^il  prescrivit;  qu'il  tit  paraî- 
tre en  této  de  cette  introduction  le  souverain 
Aqteuret  Créateur  de  toutes  choses  visibles 
pt  invisibles,  en  le  dépeignant  sous  les  traits 
flji  législateur,  du  gouverneur,  du  maître  et 
|Jii  roi  de  l'univers,  qu'il  gouverne  comme 
une  grah^P  cité,  avec  une  sagesse  jointe  à 
uiie  puissance  et  à  une  bonté  infinies,  et  en  le 
représentant  aux  Israélites  comme  l'auteur 
jle  toutes  les  lois,  tant  de  cellesqu'il  va  leur 
prescrire  que  de  toutes  les  autres  qui  sont 
gravées  dans  le  fond  de  leurs  cœurs  (593). 

Quatrièmementenfin^ilestconstantetgéné- 
paiement  reconnu  que  les  Juifs  de  tous  les 
temps  et  de  tous  les  lieux  n*ont  jamais  eu 
d|aulres  usages,  d'autres  principes  de  reli- 
gion, de  politique  et  de  morale,  que  ceux 
du  Penlateuque.  11  n  est  pas  moins  constant 
qu'ils  ont  reçu  de  Moïse  les  lois  et  la  reli- 
^ion  qu'ils  ont  toujours  observée.  Or,  ces 
seuls  faits  doivent  nécessairement  être  aux 
jeux  de  tout  critique  qui  ne  s'est  point  laissé 
aveugler  par  la  prévention,  une  preuve  évi- 
dente que  le  Pentateuque  est  le  code  primi- 
tif de  ta  législation  de  ces  mômes  Juifs,  et 
par  conséquent  l'écrit  original  de  leur  légis- 
ia.'eur. 

H.  Bossuet  parlant  des  Samaritains,  dit  : 
«  Une  secte  si  faible  semble  ne  durer  si  long- 
temps que  pour  rendre  témoignage  à  l'anti- 
quité des  livres  de  Moïse  (594)7»  Cette  ré- 
ilexion  du  grand  évéque  de  Meaux  suppose 
que  le  Penlateuque  samaritain  est  beaucoup 
plus  ancien  que  le  Penlateuque  hébreu,  et 
que  par  là  même  il  doit  servir  h  établir  son 
aulhenticilé.  Il  résulte  de  l'hisloire  même 
ics  Samaritains,  que  leur  Penlaleui|ue  ou 
Code,  comme  rappellent  généralement  les 
critiques  de  nos  jours,  remonte  au  moins  au 
temps  où  l'un  des  successeurs  de  Salmana- 
sar,  roi  d'Assyrie,  le  même  probablement 
qu'Assaradou  {/  Esd.  iv,  3),  envoya  à  Sama^r 
rie  un  des  prêtres  qui  en  avaient  été  amenés 
captifs,  pour  apprendre  à  ses  nouveaux  ha- 
bitants, qui  étaient  idolâtres,  la  manière 
dont  ils  devaient  honorer  le  vrai  Dieu, 
ff  C'est  donc  originairement  par  les  Israélites 
àéparés  de  la  tribu  de  Juda,  remarque  judi- 
cieusement Du  voisin,  que  la  religion  et  les 
livres  de  Moïse  sont  parvenus  à  la  connais- 
sance des  Samaritains.  Mais  les  Israélites 
(schismaliques,  de  qui  les  avaient-ils  reçus  ? 
Si  la  haine  qyi,  depuis  le  temps  de  Zoro- 
l)abel,  a  toujours  régné  entre  les  Samaritains 
et  les  Juifs,  ne  permet  pas  de  croire  qu'un  de 
ces  deux  peuples  ait  emprunté  de  l'autre  son 
culie  et  ses  livres  sacrés;  la  môme  raison 

(593)  Euscn.,  Vrœ]mT.^  î.  vu,  c.  9. 

(594)  Dhc.  lur  I  hhi  uuiv. 


prouve  aussi  que  les  Israélites,  depuis  leur 
schisme,  n'ont  pas  reçu  de  la  tribu  de  Juda 
leurs  livres  et  leur  religion.  Il  faut  dire  que 
les  Juifs  et  les  Isiiaélites  ont  puisé  dans  une 
source  commune;  il  faut  chercher  Torigine 
du  livre  de  la  loi  dans  les  temps  où  toute  la 
nation  se  trouvait  réunie  sous  un  mèrae 

Souvernement  :  il  faut  même  reculer  la  date 
u  Penlateuque  bien  au  delà  du  schisicc 
des  dix  tribus.  Jéroboam  n'aurait  eu  ganie 
de  conserver  un  livre  si  contraire  à  ses  in- 
térêts et  à  ses  desseins,  si  lui-naême  et  les 
Israélites  complices  de  sa  révolte  n'eussent 
été  persuadés  que  Moïse  en  était  Taulear. 
Or,  cette  persuasion,  qu'elle  qu'en  ail  été 
l'origine,  n'avait  pu  s'établir  et  s'enraciner 
qu'à  la  faveur  du  temps.  Ce  n'était  passouj 
le  règne  de  Salomon  qu'elle  avait  pris  nais- 
sance :  il  eût  été  facile  à  Jéroboam  de  d(^ 
truire  une  opinion  si  nouvelle.  Ce  nétaii 
pas  non  plus  sous  le  rèçne  de  Davidt  qui 
eut  tant  de  peine  à  se  faire  reconnaître  [ur 
toutes  les  tribus,  et  que  nous  voyons  cuiiti- 
nuellement  occupé  de  guerres  civiles  et 
étrangères;  outre  qu'un  intervalledes^jiunto 
ou  quatre-vingts  ans  no  suflit  pas  |iour  af- 
fermir dans  toute  une  nation  l'autorité  (hn 
livre  de  cette  qalure.  Mais,  en  remonlaot 
depuis  David  jusqu'aux  premiers  succes- 
seurs de  Moïse,  l'histoire  aes  Juifs  ne  nous 
présente  que  des  temps  de  désordre  et  li^ 
narchie,  peu  favorables  à  la  supposilioa 
d'un  livre  qui  ne  pouviiit  être  admis  que  da 
consentement  de  toute  Ift  i[\ation.  £n  deux 
mots,  continue  Duvoisiu,  l'exemplaire saoïa- 
ritain  est  plus  ancien  qu'£sdras,  plus  ancica 
que  Salmanasar  plus  aqcien  que  Jéroboan), 
Salomonjet  David.  L'authenticité  du  Pen- 
tateuque  est  donc  appuyée  sur  les  traditions 
immémoriales  de  deux  peuples  diviséspnes 
sentiments  d'une  jalousie  et  d'une  baioe  iih 
vétérée  (595),  »  j 

III.  Quand  les  auteurs  profanes  auraicit  . 
gardé  un  silence  absolu  sur  ce  qui  concerne 
les  Juifs,  on  ne  devrait  certainement  poin» 
en  être  étonné;  ce  silence  s'expliquerait 
tout  naturellement  par  le  peu  de  ct>aimcrw 
de  cette  nation  avec  les  étrangers.  Copen- 
dant  une  multitude  d'écrivains  égyplienit 
grecs  et  latins  de  l'antiquité,  ont  parlé  d" 
Moïse  et  de  ses  lois,  ce  qui  conûnne  puis- 
samment la  tradition  des  Juifs  touchant 
l'authen licite  du  Penlateuque.  Parmi  ces 
écrivains,  il  en  est  plusieurs  dont  les  ou- 
vrages ne  sont  pas  venus  jusqu'à  nous; 
mais  leurs  témoignages  sont  consignés  dans 
d'autres  écrits.  C'est  ainsi  qu'on  retrou?e 
dans  Josèphe,  saint  Justin,  Talien,  Clémenl 
d'Alexandrie,  Athénagore,  Eusèbe  de  U»- 
rée,  etc.,  ce  que  disaient  du  législateur  u& 
Hébreux,  Manélhon,  Philocorus  d'Albènes, 
Eupoléraon,  Appollônius-Molon,  Ptolémee- 
Ephestion,  Apion  d'Alexandrie,  Nicolas  do 
Damas,  Alexandre  Pql^histor,  Artapaiii  elc. 
Quant  aux  autres  écrivains  de  ranliiiuiit 
profane  dont  nous  possédons  les  ouuagcj» 

(593)  Lautorité  dc$  livres  de  Moue  étabjiefj  dé- 
fendue contre  les  incrédnies,  p.  i,  cli.  %  P«  5I'5j« 


577 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


f: 


78 


ilSDenoQsUissentégatemeutaacundoutesur 

la  connaissance  quUTs  avaient  de  Moïse  et  de 

sa  ié^islation.  Dans  l'énumération  qu'il  fait 

des  plus  célèbres  législateurs  de  l'antiquité» 

dioiïoft  de  Sicile  dit  qu'il  y  avait  eu  chez 

les  Juife  un  certain  Moïse  qui  leur  laissa 

des  lois  qu'il  prétendait  avoir  reçues  du 

diea  Jao  (2^)f  c  est-à-dire  du  dieu  Jéhoya; 

(jr  Je  terme  hébreu  était  susceptible  de  ces 

Ceux  prononciations.  Il  est  certain  du  moins 

que  plusieurs  sectes  de  gnostiques,  ainsi 

que  Diodore  lui-même»  avaient  adopté  la 

fremière.  Cet  auteur  dit  ailleurs  que  Moïse 

'iilt  chef  d'une  colonie  sortie  d'Egypte; 

çj'ii  divisa  son  peuple  en  douze  tribus; 

','i'il  défendit  le  culte  des  images»  dans  la 

\  tfrsuasion  que  la  Divinité  ne  pouvait  être 

représentée  sous  une  forme  humaine;  qu'il 

[  re-schTÎt  aux  Juifs   une  religion  et  une 

L.3r.ièrede  vivre  toutes  différentes  de  celles 

•-^5  autres  peuples  (597.) 

^'^rabon  s'explique  à  peu  près  de  la  même 
r^Jiaièrc;  il  fait  l'éloge  de  Mo'ise  et  vante 
>cs  i&slitutions  f596). 

Quoique  enveloppé  de  fables  et  de  calom- 
u  es,  le  fond  de  Tnistoire  de  Moïse  toucliant 
\  -.n^ue  des  Juifs  se  retrouve  dans  Justin» 
V&uréTuleiir  de  Trogue-Pompée»  et  dans 
Tacite.  Ces  deux  historiens  s'accordent  à 
tiOfomer  Jfoise  comme  le  fondateur  et  le  ié- 
^lykteur  de  la  nation  juive  (599). 

JaTénai»  dans  sa  satire  xiv,  parle  de  Moïse» 
de  ia  vénération  que  les  Juifs  avaient  pour 
5es  lirres»  de  leur  aversion  pour  les  cultes 
ttraogers,  de  l'observance  du  sabbat,  de  là 
vircoQcision»  de  l'abstinence  de  la  chair  de 
^-ift  (600). 

Daas  son  Traité  du  Sublime  (ch.  7)»  le 
Tjéieur  Longin  dit  :  «  Le  législateur  des 
iuifs»  qui  n'était  pas  un  homme  ordinaire 
'  ^^X  ô  r^x*^  Mp  )  f  ayant  parfaitement 
'''«D',11  la  grandeur  et  la  puissance  de  Dieu» 
l'a  exprimée  dans  toute  sa  dignité  au  com- 
loencement  de  ses  lois,  par  ces  paroles  : 
b\ca  dit,  que  la  lumière  soit  faire,  et  la  lu- 
tujère  fut  faite.  > 

On  peut  voir  encore  dans  la  Démonstration 

hmngétiqut  de  Huet»  et  dans  la  Vérité  de  la 

religion  chrétienne  de  Grotius»  les  passa- 

if^   non   moins  précis  d'un  grand  nombre 

'auteurs  profanes  qui  ont  fait  mention  de 

^'"ive  et  de  ses  écrits;  nous  nous  dispen- 

iib  d'autant  plus  volontiers  de  les  mettre 

i  sous  les  yeux  du  lecteur»  que  ceux  que 

"«s    Tenons  de  rapporter   suflisent  pour 

•  utrer  que  Moïse  et  ses  écrits  ont  été  con- 

•  ad'  aaus  Tautiquité  païenne. 

AutkealiirUc  da  PeBUIeiM|De  ;  preaves  inlriosèques. 


preuves  intrinsèques ,  comme  nous 
jTons   déjà  remarqué»  sont  prises  du  fond 


i  S96)  Daoa.  Siaiu»  Eùiwr.^  1.  u 
i  hSàl)  Fvmfm.  ajmd  PhoL  Biblioth.  eod,  2ii. 
«  :*9H}  Steabo»  1.  XVI. 

«  Mi9>  Jc»TUi.  XXXVI  ;  Tacit.»  AnnaL^  I.  v,  c.  5. 
ifyiOi  Qoi^B  sortiU  metueDlem  sabbaUi  patrem, 
>a  prder  ovbes  el  cœ!i  «unen  adofaai  ; 


de  l'ouvrage  et  des  caractères  d'authenticité 
qu'il  porte  en  lui-même.  Or»  le  Pentateu- 
que  est  plein  de  ces  sortes  de  preuves.  Il 
sufQt»  en  effet»  de  jeter  nn  coup  d'œii  générai 
sur  les  faits  qui  y  sont  racontés»  sur  les 
personnes  qu'on  y  voit  figurer,  sur  l'ordre 
et  la  disposition  des  choses»  enfin  sur  le 
style  et  la  manière  d'écrire  de  l'auteur,  pour 

if  reconnaître  le  siècle  et  la  main  du  légis- 
ateur  des  Hébreux» 

I.  Tout  ce  oue  le  Pentateuque  renferme, 
tant  en  fait  crhistoire  et  de  religion  qu'en 
fait  de  politique  et  de  géographie»  décèle  un 
écrivain  très-ancien»  convient  parfaitement 
à  Moïse»  le  plus  ancien  des  historiens»  et  ne 
peut  guère  convenir  qu'à  lui  seul.  C'est 
ainsi  que  la  création  du  monde»  l'innocence 

{)rimitive»  la  corruption  de  l'homme»  le  dé^ 
uge»  la  dispersion  des  peuples»  la  naissance 
des  empires»  la  fondation  des  villes»  la  topo- 
graphie» la  description  de  la  vie  domestique 
et  pastorale  des  patriarches»  leurs  festins, 
leurs  funérailles,  leurs  mariages»  leurs  sa- 
crifices» sont  décrits  d'une  manière  qui  ne 
peut  convenir  qu'à  un  auteur  qui  a  composé 
son  ouvrage  d'après  les  monuments  et  les 
mémoires  conservés  dans  les  fioimilies»  et 
d'après  une  tradition  orale  qui»  transmise 
par  peu  de  bouches»  était  encore  fraîche. 
Mais  tout  cela  ne  peut  se  concevoir  qu'en 
supposant  un  écrivain  qui  vivait  dans  les 
temps  les  plus  reculés»  d'un  écrivain  très-* 
peu  éloigné  de  la  source  des  traditions  pri- 
mitives» de  Moïse»  en  un  mot.  Tont  ce  que 
l'auteur  du  Pentateuque  dit  surtout  de  I  £- 
g}'ple  et  de  l'Arabie  montre  qu'il  y  avait 
longtemps  résidé.  L'esprit  égyptien  qui  rè- 
gne dans  son  ouvrage  a  généralement  frappé 
tous  les  critiques,  et  Valer  lui-même,  tout 
adversaire  qu*il  est  de  l'authenticité  du 
Pentateuque.  L*auteur  parait  exactement 
informé  des  affaires  de  l'Egypte  ;  il  y  fait 
continuellement  allusion;  il  en  emprunte 
ses  figures  et  ses  images;  il  parle  avec 
exactitude  de  la  mer  d%gypte»  du  mépris 
que  les  Egyptiens  faisaient  des  étrangers» 
ûes  pasteurs»  etc.»  etc.  Or»  dans  tous  ces 
détails»  il  n'est  rien  qui  ne  s'accorde  parfai- 
ment  avec  les  relailons  des  auteurs  profanes^ 
lorsqu'elles  portent  quelque  caractère  de 
vérité.  Pour  ce  qui  est  de  la  législation  mo- 
saïque» elle  se  distingue  surtout  par  sa  cou- 
leur égyptienne.  Spencer  et  Warburton  ont 
remarqué  la  plus  grande  ressemblance  entre 
les  rites  égyptiens  et  les  rites  mosaïques. 
Or»  nul  autre  que  Moïse»  qui  avait  vécu  à  la 
cour  de  Pharaon»  ne  pouvait  être  assez  inst 
truit  des  lois  et  des  règlements  de  l'Egypte 

{^our  en  faire  un  choix  et  l'approprier  à  sa 
égislation.  Eichhom»  parlan t des  quatre  der^ 
niers  livres  du  Pentateuque»  dit  :  «  Si  aueU 
que  chose  peut  prouver  invinciblement  a  un 
ami  de  la  vérité  la  haute  antiquité  de  ces 

Tîil  distjre  potant  humaïui  carne  suillam, 
Qua  pater  absUuaîl,  moi  cl  pnepuUa  poeont 
Ronnoas  a<llem  solîli  cootemnere  leges, 
Judaicttn  efiiscunl,  et  senraiit  et  inelount  j«s« 
Tra'lidit  arcano  quodconiquo  volumiDe  llosd*. 


5*29 


PEN 


DÎCTiONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


m 


livres,  c'est  assurément  Tasserablage  de  ces 
traits  sans  nombre  d*une  vérité  minutieuse» 
qu  un  imposteur  n'aurait  jamais  su  trouvier 
plus  lard.  Je  veux  en  recueillir  ici^deux  ou 
trois  seulement.  Les  derniers  livres  de 
Moïse  supposent  évidemment  beaucoup  de 
choses  que  de  son  côté  l'histoire  nous  a 
transmises  sur  les  anciens  Egyptiens.  Ils 
avaient  en  horreur  les  sacrifices  sanglants 
(Ex.  VIII,  22]  ;  c'est  Peau  du  Nil  qui  les  abreu- 
vait d'ordinaire  (vu,  18).  Les  coups  mortels 
étaient  chez  eux  punis  de  mort  (ii,  15).  L'é- 
tude de  la  nature  était  réservée  à  une  seule 
classe  d'hommes  habiles»  prétendus  enchan- 
teurs (vu;  VIII,  ik).  L'Egypte  avait  une  caste 
militaire,  et  en  même  temps  une  armée  tou- 
jours prête  à  marcher  fxiv,  6).  Les  pierres 
précieuses  étaient  gravées  en  creux  (xxxviii, 

9-llj Un  écrivain  moins  familiarisé  que 

Moïse  avec  l'histoire  d'Egypte  eût-il  pu 
comfiarer  l'ancienneté  d'Hébron  avec  celle 
de  Tanis?  Un  auteur  plus  moderne  eût-il  pu 
parler  avec  autant  d'exactitude  de  la  future 
conquête  de  Chanaan  ?  N'eût-il  point  inséré 

3uelque  part  Tordre  de  détruire  les  temples 
es  idoles?  Les  Chananéens  n'avaient  que 
des  autels  et  des  bocages,  et  c'est  toujours 
ce  que  Moïse  suppose...  Comme  on  voit 
dans  ces  livres  les  progrès  des  connaissan- 
ces et  de  la  civilisation?  Dans  la  bénédic- 
tion de  Jacob,  le  patriarche  célèbre  le  bon- 
heur de  Zabulon,  qu'avoisinera  la  riche  et 
commerçante  capitale  des  Sidoniens.  Dans 
le  cantique  de  Moïse,  le  poëte  a  quelque 
chose  de  plus  à  dire  à  la  même  tribu,  et  il 
fait  allusion  au  verre  que  les  Sidoniens  ti- 
raient du  fleuve  Bélus,  etc.  (601).  i^  Les  ré- 
flexions de  Duvoisin  sur  ce  même  sujet  sont 
encore  plus  décisives  en  faveur  de  la  thèse 
que  nous  soutenons  ici.  «  Les  quatre  der- 
niers livres  du  Pentateuque,  dit  cet  excel- 
lent critique,  ont  tous  les  caractères  d'un 
écrit  original  et  contemporain  ;  on  y  voit 
les  noms  et  la  description  des  lieux  où  les 
Israélites  campèrent ,  depuis  leur  sortie 
d'SgyP^^J^isqu'au  passage  du  Jourdain;  le 
dénombrement  de  chaque  tribu,  les  noms 
des  chefs  et  leur  généalogie  ;  Ténumératiou 
très-longue  et  très-détaillée  des  dimensions 
du  tabernacle,  des  matériaux  employés  à  sa 
construction,  des  autels,  des  candélabres, 
des  vases,  des  tables,  tout  ce  qui  servait  à 
sa  décoration;  l'ordre  des  sacritices,  le  nom- 
bre, la  nature,  les  qualités  des  victimes,  les 
fonctions  des  prêtres  et  des  lévites,  leur  con- 
sécration, jusqu'à  la  forme  de  leurs  vête- 
ments, tout  est  marqué  avec  cette  exacti- 
tude minutieuse  qui  ne  peut  convenir 
qu'au  temps  de  la  première  institution.  » 

«  Un  cuite  chargé  d'une  multitude  d'ob- 
servances arbitraires,  demandait  que  le  lé- 
gislateur entrât  dans  cette  multitude  de 
pra(i(]ues  religieuses  :  il  fallait  tracer  aux 
ouvriers  les  mesures  du  tabernacle,  le  dessin 
des  ustensiJes  et  des  meubles  sacrés  em- 

.  (^2*'  EïcniiORN,  EittUitung  in  da$  A.  T.  3«  éJiliois 
I  Ua,  noie,  cité  dans  J.-E.  CELtmiER,  Introduction 
»  la  li€ture  de  PAnc.  Te%t.^  pag.  427,  428. 


ployésau  culte  divin,  le  modèie  des  uaiiii> 
du  grand  prêtre.  Vn  dénoinbreraeiu  du 
toutes  les  tribus  et  de  toutes  les  famillo 
était  nécessaire  pour  que  chacun  recoauût 
le  poste  qu'il  devait  occuper  dans  les  mar- 
ches et  dans  les  campements.  Enfin  ia 
description  des  lieux  où  s^élaient  passés  los 
principaux  événements  servaient  à  graver 
dans  1  esprit  des  Israélites  toute  la  suite  di* 
cette  importante  histoire.  Ces^  vues  conve^ 
naient  sans  doute  au  temps  dé  Moïse  et  au 
caractère  dont  il  était  revêtu.  Mais  si  le 
Pentateuque  n'est  pas  son  ouvrage,  si  Taa- 
teur  de  ce  livre  a  vécu  longtemps  après 
l'établissement  de  la  religion  des  Juifs, 
pourquoi  tant  de  détails,  de  longueurs,  de 
répétitions  sur  des  objets  connus,  surannés 
et  auxquels  on  ne  devait  prendre  mua 
intérêt?  Fallait-il  de  longs  discours (Kiur 
apprendre  aux  Juifs  l'ordre  du  service  lévi* 
tique,  les  fonctions  des  prêtres,  leur  consé- 
cration, la  forme  de  leurs  vêtements,  elpoui 
leur  faire  connaître  la  structure  et  Jes  or- 
nements du  tabernacle,  toutes  choses  au;- 
Ïuelles  ils  étaient  accoutumés  dès  Tenfaoce! 
Uait-il  nécessaire  de  décrire  avec  lanUo 
soin  les  déserts  de  l'Arabie,  à  un  peuple 
établi  depuis  longtemps  dans  ia  Palestine: 
de  lui  marquer  si  précisément  l'ordre  et 
la  marche  des  campements,  et  les  posK$ 
occupés  par  les  ditrérentes  tribus,  el  ie> 
noms  des  chefs  qui  les  commandaient? te 
ces  détails  étaient  convenables,  intéressaub, 
nécessaires  pour  le  temps  de  Moïse;  m^ 
supposez  qu'ils  soient  d'un  autre  siècle  ii 
d'un  autre  écrivain,  rien  de  plus  déplia* 
de  plus  fastidieux^  de  plus  inutile  (ii02l - 
11*  La  manière  dont  les  personnages  ipi 
figurent  dans  le  Pentateuque  y  sont  repré- 
sentés, otfre  encore  une  preuve  non  équi- 
voque de  son  authenticité.  Celui  qui  parle 
dans  le  Deutéronome  a  évidemment  tous  les 
caractères  d'un  homme  qui  par  les  plu) 
grands  prodiges  a  tiré  son  peuple  de  t2  ; 
captivité  d'Egypte,  el  qui,  au  piedduSinii, 
lui  a  donné  des  lois  et  un  gouvernemenL 
Ce  même  homme  parle  à  un  peuple  sot» 
les  yeux  duquel  se  sont  passés  tous  lei 
événements  (ju'il  raconte;  il  l'en  prend  s«ibj 
cesse  à  témoin ,  il  parle  avec  unfeu,  u»o 
véhémence  et  un  ton  de  conviction  q»u  n^; 
peuvent  convenir  qu'à  celui  qui  a  été  lén»o»i^ 
et  instrument  de  leur  délivrance,  il  l^n  • 
en  un  mot,  comme  Moïse  aurait  dû  iains 
et  comme  le  demandaient  absolument  louu» 
les  circonstances.  Or,  quel  écrivain  po^u- 
rieur  aurait  pu  se  transporter  si  parlîn^- 
ment  dans  toutes  les  circonstances  des 
temps,  des  lieux,  des  personnes,  des  érr 
nements  qui  devaient  avoir  lieu  à  ceijt 
époque?  Nous  devons  donc  conclure  que  f 
Deutéronome  est  l'œuvre  de  Moïse;  mais  'e 
Deutéronome  suppose  nécessairement  i^j 
quatre  livres  qui  le  précèdent  :  ce  qu»  f-j 
dire,  en    d'autres  termes»  que  Moise  «>» 

(602)  Vauterité  des  l'meê  de  MoîHihU^*^ 
pag.  64-66.  ,     ,     ... 


5gt 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


5tô 


térilablemenl  Kaateor  des  cinq  livres  qui 
portrntsonnom. 

III.  L  ordre  et  la  disposition  des  choses 
contenoes  dans  le  Penlateoqiie  s'expliquent 
•dmirableroeat  bien*  dans  J*bjpothèse  que 
Uolse  soit  Tauteur  de  cet  ouvrage.  D'abord 
il  est  très^naturel  qu'un    législateur  qui 
ëtrit  Tbistoire  de  sa  lé^slation  la  fasse 
précéder  d*une  introduction  qui  apprenne 
lorigine  du  peuple  auquel  il  donne  ses 
îoL5v  et  la  grandeur  du  Dieu  qui  veut  bien 
consentira  devenir  son  roi.Un  pareil  préam- 
bule était  nécessaire  pour  faire  connaître 
aui  Hébreux  leur  origine,  la  suite  de  leurs 
anréiresy  et  les  droits  qu'ils  leur  avaient 
Uissés.  Ainsi  la  Genèse  devait  entrer  dans  le 
pUn  de  Tonvrage  de  Moïse,  législateur  des 
Joîli.  Il  était  encore  naturel  d'apprendre 
«ai  Juifs  la  manière  merveilleuse  dont  ils 
allient  été  tirés  d'Egypte,  et  avaient  reçu 
U  loi  sor  le  Sinaï,  les  prodiges  du  désert, 
qui  afiient  été  l'occasion  de  ces  lois,  en 
&êae  temps  qu'un  puissant  motif  pour  les 
hiTt  oteerver.  Or,  c'est  précisément  le  but 
q\ie  remplit  Y  Exode:  et  si  nous  poussions 
|sQs  liûQ  DOS  observations,  nous  verrions 
^4eUmt,dans  les  autres  livres,  est  parfaite- 
fiie&i  rjQlibrme  aux  temps,  aux  lieux  et  aux 
rirtûosuacc)   où   se   trouvait    Moïse.  Le 
Prouieoçoe  renferme  des  répétitions,  des 
înaspùiiûims  et  des  contradictions  appa- 
rrores,  qall  eût  été  facile  à  un  faussaire 
fJYnier.  On  remarque  encore  que  la  narra- 
tioa  est  souvent  coupée  par  de  longs  dis* 
'oars,  qoe  les  lois  y  sont  mêlées  avec  les 
fèsts,  qu'elles  manquent  de  cette  suite  et 
ik  relie  liaison  que  l'on  trouve  dans  tout 
co^e  exictement  rédigé.  Or,  comme  le  dit  fort 
;adieieusenaent  Dnvoisin:  «  Ces  négligences, 
cette  confusion,  doivent  se  trouver  dans  le 
Penuteuque,  si  Moïse  en  est  l'auteur:  il 
z;  afail  i»as  besoin  de  transitions  étudiées, 
ae  réflexions,  d'éclaircissements,  pour  çer- 
^uaJer  aux  Israélites  des  faits  qui  venaient 
(ie  5e  passer  sous  leurs  yeux  ;  il  écrivait 
isoios  pour  les  leur  apprendre,  que  pour 
'es  rappeler  à  leur  mémoire,  et  pour  y  pui- 
':*-r  des  motifs  qui  pussent  les  engager  à 
'•iiiScTvation  de  ses  lois.  De  là,  ces  répéti- 
''^jds  fréquentes,  ces  discours  véhéments, 

''*is  exbortations,  ces  reproches,  oui  nais- 

^^'Qt  si  naturellement  du  fonds  de  1  histoire; 

taudrait  n'avoir  aucun  goût  pour  ne  pas 

l'^ounaltre  dans  les  discours  de  Moïse  le 

««raclère  original  d'un  législateur.  Les  lois 

v>jut  mêlées  avec  l'histoire,  parce  çue  sou- 

Trat  un  fait  donnait  lieu  à  l'établissement 

d'one  loi  ;  elles  sont  rapportées  sans  ordre, 

larce  qo'elles  ont  été  écrites  aussitôt  que 

Niiiées  (603).  » 

IV.  Le  style  dans  lequel  le  Pentatenque 
•^t  écrit,  nous  fournit  une  nouvelle  preuve 
^ià  haute  antiquité  de  ce  livre.  On  nous 
cispensera  sans  doute  d'entrer  dans  des 

UO)  UamionU  des  Hntes  de  Mcise,  p.  i,  di.  3, 
«.  ««,67.  ,         ^ 

^  ■  004)    Kof .  Dcvoisw  ,   Vautorili  de$   Uvra  de 
'^^  ue,  p.  1,  cil.  5,paf .  89-105.  Cet  auteur,  eu  com- 


délails  gui  ne  seraient  compris  que  par  un 
très-petit  nombre  de  lecteurs;  mais  en  même 
temps  nous  déûons  les  hébraîsants  les  plus 
habiles  de  nous  démentir,  quand  nous  af- 
firmerons que  dans  tout  le  Penlateuque  les 
couleurs  de  la  narration  portent  le  cachet 
de  la  plus  haute  antiquité;  que  la  diction 
jusqu  à  Abraham  est  remplie  de  figures  et 
d'images  d'une  simplicité  et  d'une  naïveté 
charmantes,  qui  peignent  au  naturel  les 
mœurs  patriarehales  Quant  à  la  langue 
même  du  Pentateuque,  elle  ne  trahit  jamais 
son  antiquité;  jamais,  en  effet,  on  n'j  trouve 
un  seul  terme,  une  seule  expression  mo* 
derne,  tandis  qu*on  y  remarçiue  des  ar* 
chaïsmes,  ou  expressions  primitives  qui 
ne  se  rencontrent  pas  dans  les  livres  posté- 
rieurs ;  car,  bien  que  la  langue  hébraïque 
ait  toujours  conservé  ce  caractère  de  sim- 
plicité qui  la  distingue,  elle  a  cependant 
acquis  de  nouvelles  expressions,  de  nou- 
veaux tours  de  phrases.  Nous  citerons  ce- 
{tendant,  en  faveur  de  l'antiquité  de  la  langue 
du  Pentateuque,  un  exemple  que  tout 
lecteur  peut  facilement  comprendre.  Les 
mois  de  l'année  n'ont  généralement  pas  de 
noms  propres  dans  le  Pentateuque  ;  ils  n'y 
sont  désignés  que  par  l'ordre  (fans  lequel 
ils  se  succèdent;  le  premier,  le  second,  le 
troisième  mois;  mais  dans  les  livres  des 
Jiois  et  les  suivants,  ils  ont  chacun  leur 
dénomination  particulière. 

|VI 

AntbenUcité  du  PenUteomie  ;  preure  indirecte  —  Dans 
l'histoire  des  Juifs,  Il  n  j  a  anoine  époque  à  laquelle 
CD  puîKe  placer  la  supposiUoa  du  Peolaleuque.  —  N'a 
pu  être  laonq*ié  par  l.sdras. 

Les  raisons  que  nous  avons  '  fait  valoir 
suffisent  sans  doute  pour  convaincre  tout 
esprit  raisonnable  de  l'authenticité  du  Pen- 
tateuque; cependant,  par  surcroit  de  preuve, 
et  pour  ne  laisser  aucun  prétexte  plausible 
à  nos  adversaires,  nous  allons  parcourir  les 
principales  époques  de  l'histoire  des  Juifs, 
et  nous  montrerons  qu'il  n  en  est  aucune 
à  laquelle  on  puisse,  avec  quelque  vraisem- 
blance, placer  la  supposition  du  Pentateu- 
que (60&}. 

Les  ennemis  les  plus  déclarés  de  l'authen- 
ticité des  livres  qui  portent  le  nom  de 
Moïse,  ne  sauraient  disconvenir  que  le 
Pentateuque,  tel  que  nous  l'avons  aujour-  ^ 
d'hui,  existait  deux  cent  cinquante  ans  avant 
Jésus-Christ;  car  c'est  vers  ce  temps  que  . 
fut  faite  la  version  grecque  des  Septante. 

Ils  sont  forcés  de  convenir  encore  que 
depuis  Esdras,  qui  vivait  quatre  cent 
cinquante  ans  avant  Jésus-Chnst,  les  Juifs 
n'ont  jamais  cessé  de  lire  et  de  révérer  le 
Pentateuque,  comme  le  titre  fondamental 
de  leur  religion. 

Ne  faut-il  pas  être  atteint  de  folie  et  d  ex- 
travagance  )K)ur   accuser   Esdras    d'avoir 

batunt  Voltaire,  réfute  les  .critiques  allemsads  de 
BOtre  époque  ;  e*esi  pourquoi  nous  ne  talançons  pas 
à  faire  ici  usage  de  tous  si^  argunieiiu. 


Md 


PEiN 


DICIIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEK 


lai 


fabri^é  le  l^entnteuque?  D'abord^  Esdras 
n'arHta  dans  la  Judée  que  l*an  hSS  avant 
Jésus-Christ;   or,  dès  lan  536  Zorobabel 
s'y  était  rendu   accompagné  des  chefs  et 
d  une  partie  de  la  nation,  et  y  avait  rétabli 
l'ancien  culte,  dans  Ja  forme  prescrite  par 
la  loi  de  Moïse*  comme  on  le  lit  dans  le 
livre   même  d'Esdras  :  Et  surrexU  Josue^ 
filius  Josedec,  et  fratres  ejiis  sacerdotes^  et 
Zorobabel  filius  Salathiel,  et  fratres  ejusj  et 
œdificaverunt  altare  Dei  Israël^  ut  offerrent 
in  eo  holocautomata^  sicut  scriptum  est  in 
lege  Mot/si  viriDei.  (/  Esdr.  ili,  2.)  La  loi  de 
Moïse  était  donc  connue  des  Juifs  avant 
qu'Esdras   vînt  de  Rabylone  à  Jérusalem.. 
En  second  lieu,  sous  Zorobabel,  et  par  con- 
séquent, avant  Esdras,  les  Samaritains  de* 
mandèrent  à  rétablir  le  temple,  conjointe*, 
ment  avec  les  Juifs,  donnant  pour  motif 
qu*ils  servaient  Dieu  de  la  même  manière 
(ju'eux  :  Ita  ut  vos  quœrimus  Deun%  testrum 
{l  Esdr.iyf2);  ce  qui,  rapproché  deceque  nous 
ovons  dit  un  peu  plus  haut  en  parlant  du  code, 
samaritain  (col.  575-576),  prouve  que  le  Pen- 
taleuque  existait  longtemps  avant  Esdras. 
Troisièmement,    les  Juifs    contemporains 
d'Esdras  étaient  les  fils  et  les  pelits-Ols  de 
ceux  que  Nabuchodonosor  avait  transportés 
de  la  Palestine  dans  la  Chaldée;  ils  avaient 
sntis  doute  une  religion,  un  culte,  une  ju- 
risprudence. Les  lois  de  cette  rénublique 
renaissante   étaient   ces   mêmes    lois  que 
Zorobabel  avait  remises   en    vigueur,   les 
mômes  que  Ton  suivait  à  Jérusalem  et  dans 
toute  la  Judée,  avant  la  captivité  de  Baby^ 
lone.  Esdras  pouvait-il  créer  de  nouvelles 
lois,  etpersuader  aux  Juifs  qu'elles  faisaient 
partielle  Taurienne  cfmstitution?  Il  serait 
certainement  plus  facfla  de  nous  persuader, 
à  nous,  Français,  que  depuis  Porigine  de 
notre  monarchie  tous    les  tribunaux  ont 
constamment  suivi  le  Code  Napoléon,  et 
qu*ils  n'en  ont  jamais  connu  d'autre.  Ainsi 
dans  l'opinion  de  nos  adversaires,  Esdras 
aurait  écrit  un  roman,  et  aurait  dit  à  ses 
concitoyens  :  Voilà  l'histoire  de  votre  légis-* 
laleur  et  de  vos  pères^  voilà  le  code  sacré 
du  gouvernement  et  de  la  religion  de  vos 
ancêtres;  le  livre  que  Moïse  a  laissé  à  son 
peuple,  que  tous  vos  historiens  et  tous  vos 
prophètes  ont  cité  d'âge  en  Age:  que  vos 
pères,  vos  rois  et  vous-mêmes  n'avez  cessé 
de  lire  jusqu'à  présent;  et  c'est  sur  l'auto- 
rité de  ce  nouveau  code,  fabriqué  par  ses 
propres  mains,  et  par  Conséquent  inconnu 
jusqu'alors,  qu'il  aurait   forcé  un    grand 
nombre  de  Juifs  à  renvoyer  les  femmes 
étrangères  qu'ils  avaient  épousées,  et  dé- 
gradé lous  ceux  qui  avaient  usurpé  le  rang 
de  lévite,  et  s'étaient  arrogé  les  fonctions 
du  sacerdoce.  Des  suppositions  aussi  ab- 
surdes se  réfutent  d  elles-mêmes.   EnCn, 
suivant  la  belle  remarque  de  Bossuet  :  «Si 
la  loi  s'est  perdue  et  demeure  si  profonde-^ 
ment  oubliée,  qu'il  soit  permis  à  Esdras  de 
la  rétablir  à  sa  fantaisie,  ce  n'était  pas  le  seul 
livre  qu'il  lui  fallait  fabriquer;  il  lui  fallait 


composer  en  même  temps  lous  les  prophètes 
anciens  et  nouveaux,  c'est-à-dire  ceux  qui 
avaient  écrit  et  devant  et  durant  la  capii. 
vite;  ceux  que  le  peuple  avait  vu  écrirr, 
aussi  bien  que  ceux  dont  il  cohservsii  li 
mémoire  ;  et  non-seulement  les  prophèlrs, 
mais  encore  les  livres  de  Salomou  ei  Ib 
psaumes  de  David,  et  tous  les  livres  d'his- 
toire, puisqu'à  peine  se  trouvera-t-il  dans 
toute  cette  histoire  un  seul  fait  considéia- 
i)]e,  et  dans  tous  ces  autres  livres  ud  seul 
chapitre  qui,  détaché  do  Moïse,  tel  quo 
nous  l'avons,  puisse  subsister  on  seul  mo- 
ment :  touty  parle  de  Moïse,  tout  y  esllonn 
sur  Moïse  ;  et  la  chose  devait  être  ainsi,  puiv 
que  Moïse  et  sa  loi,  et  l'histoire  qu'il  a  kn- 
te,  étaient  en  effet  dans  le  peuple  Jaif(ou( 
le  fondement  de  la  conduite  publique  ei 
particulière.  C*était,  en  vérité,  à  Esdras,  une 
merveilleuse  entreprise,  et  bien  nonvelV' 
dans  le  monde,  de  faire  parler  en  in^flic 
temps  avec  Moïse  tant  d'hommes  de  can*- 
tère  et  de  style  différents,  et  chacun diuio 
manière  uniforme  et  toujours  semblable  : 
elle-même,  et  faire  accroire  toute  coupi 
fout  un  peuple,  que  ce  sont  là  les  lirns 
anciens  qu'if  a  toujours  révérés,  et  les  nou- 
veaux qu'il  a  vus  faire,  comme  s'il  n'avait 
jamais  ouï  parler  de  rien,  et  que  la  conoaiV 
sance  du  temps  présent,  aussi  bien  que 
celle  du  temps  passé,  fut  tout  à  amÉo» 
lie  (605).  » 

11  est  absolument  impossible  quêlPsW^ 
vres  de  Moïse  aient  été  sufiposés  depuis  la 
mort  de  Salomon.  En  effet,  un  critique 
éclairé  et  libre  de  préventions^  pour  [«eu 
qu'il  réfléchisse  à  la  révolte  des  dix  IribJS 
schismatiques,  à  la  rivalité,  à  la  baiiie  ei 
aux  guerres  continuelles  dont  elle  fut  sui* 
vie,  ne  se  persuadera  jamais  que  les  Jui6 
et  les  Israélites  se  soient  réunis  et  enteodiit 
pour  fabriquer  une  loi  commune  aux  dm 
peuples,  ou  que  Tun  ait  adopté  l'ouTra^e 
de  1  autre. 

EnQn,  le  Pentateuque  n'a  pas  pu  êtie 
supposé  dans  Tintervalle  gui  sépare  Mobs 
de  Salomon«  Nous  lisons  bien  dans  Tbisloir: 
des  Hébreux  que  Salomon  fit  bâtir  un  leui^ 
pie  magnifique,  et  augmenta  la  pompe dJ 
culte;  mais  lorsque  ce  prince  monta  sur 
le  trône,  il  trouva  la  loi  de  Moïse  élal'li':: 
avant  lui,  aussi,  le  service  sacerdoiatf^ 
lévitique  s*observait,  les  fêles  prescrite 
dans  le  Pentateuque  se  célébraient  régu- 
lièrement, et  la  forme  do  la  religion  éia'. 
déterminée.  Le  règne  de  David  ne  présente 
aucune  innovation  sous  ce  rapport  :  Saul 
Samuel  et  les  juges,  ne  connaissent  p^^ 
d'autre  loi  que  celle  de  Moïse.  11  est  vrai 
que  sous  les  jugcs^  les  Israélites  se  rcnJi- 
renl  souvent  coupables  du  crime  d'idolâine: 
mais,  au  milieu  des  plus  grands  eicès,  on 
retrouva  des  traces  et  des  vestiges  de  !«  1"' 
mosaïque.  C'est  ainsi  que  Miehas,  4°' 
honorait  des  idoles  dans  sa  maison,  croyait 
avoir  besoin  d'un  prêtre  de  la  race  de  U^^' 
{Judic.  xvn,  M3.)  Avant  le  règne  de  Sauii 


(603)  Bossuet,  Diicoiir»  sur  l'histoire  toiîv.,  p^  u,  t\\31i 


» 


KJk 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


jTint  même  le  gouYernement  de  Samuel,  à 
cse  épuqiie  où  les  Hébreux  rivaient  dans 
vae  entière  Kcence,  nous  tojoos  l'arche 
•:rliaflce  déposée  à  Silo,  un  grand  prêtre 
«»  la  race  d*AaroD,  ses  fils  qui  reçoivent  les 
'Dm  les  du  peuple,  mais  qui  transgressent 
i^^  lois  des  sacrifices  et  les  devoirs  des  prê- 
tres (/  Beg.  I,  u);  nous  voyons  encore  des 
^îe5  qui  se  célébraient  i  un  temps  déter- 
i.îiié,  et  pendant  lesquelles  on  montait  A  la 
i^is^n  dm  Seigneur  pour  Tadorer  (/tuftV. 
iT«  19);  enOe,  dans  ces  temps  d*anarcbic 
(t';e  trouble,  nous  voyons  s'ebserver  des 
1^:5  concernant  les  hérilages  et  les  mariages 
*c!rt  parents,  et  absolument  conformes  à 
ce:!«s  da:  Pentateuque.  (Cora(>ar.  Ruih  iv, 
srec  ikmi.  xkt.)  Ainsi,  la  loi  de  Moïse  se 
irmve  i  toutes  les  époques  de  Thistoire 
iti  Jai&;  par  conséquent,  il  est  absolument 
'jDjossîbie  c|<ielle  ait  été  supposée  dans 
^zt^m  teaps. 

Tdies  sont  les  preuves  sur  lesquelles 

i^4se  rauthenticité  da   Pentateuque,  le 

\t'^'/.ga»gt  constant  et  luanime  de  la  nst- 

t>jflJuiTe,  les  caractères  du  livre  lui-même, 

«(  luapooibiHté  absolue qoMi  ait  étésup- 

\'^  tes  des  temps  postérieurs  è  Moïse. 

!^iOQs  onesera-t-on  les  doutes  anciens  et 

réotaftsiMs  contre  Pauthenticité  du  Pen- 

tâiemmltmàt  mots  suffiront  |)0ur  répon» 

dre;  oHif  dbiîa^oas  soigneusement  ces 

dtui  cksses  d'objections. 

I^  anciens  érndits,  frappés  de  quelques 

éàks  H  de  quelques  noms  plus  modernes, 

«ccoîés  (i  et  là  au  texte ,  ont  voulu  quel- 

'i^tfois  hire  passer  ces  broderies  récentes 

Mr  la  trame  elle-même  qu'elles  recoo- 

iTu^ol.  Mais  ces  fils  étrangers  ne  tenaient 

iMe  ê  réiofle  ;  presque  toujours  on  pou- 

w  les  ealerer  sans  que  le  vide  y  parût , 

«B»que  le  tissu  en  fût  moins  entier  et 

coics  serré.  Fresque  toujours  on  recon- 

Bi^saît  ilnterpolation  moderne  ^i  la  faci- 

î'-ié  'je  la  faire  disparaître.  On  avait  beau 

àscaier  des  détails,  peser  et  combiner  des 

^j\s  gratter  quelaue  angle  de  la  pierre,  fé- 

:^  e  restait  solide  et  imposant;  le  Pcnta* 

^iue  et  chacune  de   ses  cinq  divisions 

:4;eflt  encore  en  rapport  avec  Moïse,  dignes 

>•  !ut  et  explicables  seulement  par  lui; 

»>:fts  de  hautes  leçons  et  de  sublimes  beau- 

r^Usse  trouvaient  toujours  en  harmonie 

•^  le  temps,  le  but,  le  lieu,  toujours  le 

I  sjement  de  Thistoire  et  de  la  législation. 

Sé  UQ  oiot,  la  critique  a  dû  condamner  quel- 

-n  phrases  et  quelques  mots,   mais  elle 

^  ['U  atteindre  Tensemble.  Telle  a  été 

-.stoire  des  doutes  tant  qu'on  s*en  est  tenu 

a  laiu. 

D'autres  savants,  par  une  marche  oppo« 
K  ta  lieu  de  se  soumettre  aux  laits ,  les 
:!  voulu  plier  aux  principes.  Ce  sont«  en 
^:ser«l,  les  rationalistes  modernes.  Des 
^'9^Des  d*aii  grand  nom  et  d*un  caractère 
i^e  de  respect,  conduits  par  une  philoso- 
phie vicieuse  et  par  une  méthode  peu  loçi^ 
•manier  théoriquement  toute  possibilité 


des  miracles  avant  d^xaminor  tes  lémoig^ia- 
ges  qui  en  prouvent  rexistence,  se  sont 
contentés  de  dire  :  il  y  a  des  miracles  dejis 
le  Pentaleugue,  donc  le  Fentateuque  n'est 
pas  authentique,  car  là  Fimposture  serait 
impossible.  (Important  aveu,  dont,  en  pas- 
saut,  il  est  bon  de  nous  emparer.)  Puis  étu- 
diant alors  les  Csits,  ou  plutôt  les  éclairant 
d^une  lumière  équivoque  et  partiale ,  ces 
écrivains  se  sont  bornés  à  j  choisir  habile- 
ment ce  qui  pouvait  favoriser  leur  théorie. 
—  Mais,  si  le  Pentateuque  B*est  pas  authen- 
tique, qu'est  donc  ce  livre?  Quand  a-t-il  été 
écrit?  Comment  expliquer  son  existence, 
son  sljrle,  sa  renommée,  son  pouvoir?  Dif- 
ficiles questions  qu'on  a  voulu  résoudre  à 
force  de  travail  et  d'esprit.  On  a  cherché, 
supposé,  imaginé;  on  a  construit,  à  l'aide 
des  hypothèses  plutftt  que  des  faits ,  de  Ti- 
masination  plus  que  de  l'histoire,  et  enfin, 
aprês  bien  des  veilles,  des  efforts  et  des  li- 
vres, on  a  découvert  et  conclu  que  le  Pen- 
tateuque était...  un  poème  épique  1  Je  n'i- 
magine pas  que  mes  lecteurs  attendent  une 
réponse  sérieuse  A  cette  assertion,  nouvelle 
et  déplorable  preuve  iïes  erreurs  du  talent^ 
ou  même  du  génie,  qtiand  il  manque  d*im- 
partialité.  Bn  tout  cas»  pour  apprécier  la  va- 
leur de  cette  dernière  bjrpothèse,  il  suflû  de 
lire  de  sang-froid  et  de  bon  sens,  d'abord 
le  Ponlatenque,  puis  rhistoire  des  Hébreux 
{606}. 

§YU. 

iatésrité  du  PeBlaleai|iie.  >-  il  a'a  été  altéré  ai  avant  Ja 
ffladmiOB  da  camm  ni  depuis.  —  Tt 


Le  Peotateaqne  est  authentique.  Ce  livre 
qui  nous  raconte  avec  naivuté  les  touchan- 
tes histoires  des  patriarches,  qui  nous  fait 
suivre  la  marche  de  ta  Providence  dans  la 
législation  et  le  salut  des  Uélireux,  ce  livre 
est  bien'  Toeuvre  de  Moïse.  Mais  nous  est-il 
parvenu  sous  sa  forme  originaire?  N'a-t-il 
jamais  été  modifié,  dénaturé  depuis  son  au^ 
teur?  En  un  mot,  est-il  intègre?  et  tel  qu'il 
se  trouve  en  nos  mains,  mérite-t-il  notre  con« 
fiance? 

Pour  répondre  i  cette  question  nouvelle, 
distinguons  entre  les  temps  écoulés  depuis 
'Moïse  jusqu'au  retour  de  la  captivité,  épo- 
que de  la  condusion  du  canon  ,  et  depuis 
cette  époque  jusqu'à  nos  jours. 

Le  Pentateuque  a-t-il  été  altéré  avant  la 
oondusiou  du  canon? 

Oui,  mais  seulement  dans  des  détails  mi- 
nutieux, étrangers  au  fond  des  choses.  Quel- 
ques noms  modernes  ont  été  accolés  aux 
anciens,  Quelques  gloses  ou  quelaues  dates 
ajoutées;  la  mort  de  l'écrivain  a  été  racon- 
tée par  son  successeur;  peut-être  même  Jo- 
sué  a-t-il  le  premier  réuni,  par  un  lien  his- 
torique, les  discours,  les  cantiques,  les  lois 
?ui  composent  le  BeuUéronome  ^  et  qui  sont 
œuvre  de  Moïse,  mais  rien  de  plus.  Il  n'a 
été  touché  ni  à  la  législation,  ni  à  l'his- 
toire, ni  aux  caractères ,  ni  aux  faits.  Le  li- 
vre est  intègre.  Il  n  est  pas  nécessaire  de  le 


M.  faf.  la  note  XIO,  à  la£n  de  Tokme. 
DicaiotSAims  appm>gêtiqcs.  II. 


I» 


S87 


PRN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


SU 


prouTer  en  détail,  rautbenlitilé  une  fois 
ndmise.  Tous  les  caractères  internes  d'au- 
thenticité que  nous  avons  reconnus,  démon- 
trent que  le  Pentateuque  n*a  pas  subi  d'ai-- 
lérations  profondes.  Puisque  les  récits,  les 
lois,  le  ton,  le  stvle  nous  conduisent  à  y  re- 
connaître le  siècle  et  la  personne  de  Moïse, 
ves  récils ,  ces  lois  et  ce  style  ne  sont  pas 
Tœuvre  d*un  autre  siècle  etd^un  autre  écri- 
vain. Ainsi  donc  le  livre  que  nous  lisons  est 
bien  c^lui  que  Moïse  écrivit.  Naus  y  trou- 
vons bien  ce  que  cet  illustre  envoyé  de  Dieu 
a  fait,  a  dit,  a  pensé.  Ces  miracles  en  parti- 
culier, ces  prodiges  qui  étonnent  et  saisis- 
sent l'imaguiation,  apj  arliennent  bien  au 
récit  nriroitif.  El  comment  les  en  distinguer? 
C'est  le  fonds  même  de  Thistoire,  sa  subs- 
tance et  son  es[;rit.  Ils  sont  la  clef  de  la 
voûte,  car  ce  sont  eux  qui  nous  révèlent  les 
conseils  divins  et  nous  expliquent  les  suc- 
cès. Que  resterait-il  de  Thistoirc  mosaïque 
si  on  les  en  ôtail?  Tout  est  authentique  ou 
rien. 

Depuis  le  retour  de  la  captivité,  le  Penta- 
teuque a  été  conservé  plus  pur  encore  de 
toute  altération. 

Le  Pentateuque  samaritain  suffirait  à  le 
])rouver.  Il  découle  d'une  source  spéciale; 
il  nous  représente  bien  lo  texte  qui,  lors  du 
schisme,  était  entre  les  mains  des  dix  tri- 
bus; il  nous  donne  plus  sûrement  encore 
celui  qui,  avant  Jésus -Christ  et  depuis  la 
captiviié,  était  entre  les  mains  de  1  Enlise 
samaritaine.  Les  manuscrits  conservés,  tran- 
scrits dès  lors  par  les  seuls  Samaritains,  et 
découverts  chez  eux  dans  les  temps  moder- 
nes, ont  été  soigneusement  collalionnés.  Or, 
ils  renferment,  à  de  b'gèresditîérences  près, 
lo  même  texte  que  l^hébreu.  La  démonstra- 
tion qui  en  résulte  n'esl-elle  pas  complète  ? 

On  pourrait  tirer  une  preuve,  ou  du  moins 
une  présomption  du  même  scnre ,  des  fa- 
milles juives  énarses  dans  TAsie  dès  les 
temps  anciens.  Je  n*y  insiste  pas  ici,  parce 
que  leurs  manuscrits  sont  moins  bien  con- 
nus, et  parce  que  leurs  synagogues  ne  sont 
pas,  depuis  des  milliers  d*années,  comme 
celles  des  Samaritains,  sans  communication 
avec  les  Juifs  d*£urope. 

Des  arguments  plus  décisifs  et  plus  directs 
sont  à  noire  portée.  Je  ne  les  développerai 
point,  parce  que  je  dois  éviter  ici  les  dis- 
cussions scientifiques  et  arides,  mais  j'expo- 
serai en  peu  de  mots  les  plus  saillantes.  Ce 
sont  la  multiplicité  des  versions  anciennes 
qui  ont  reproduit  Tancien  code,  et  le  soin 
des  Juifs  pour  nous  le  transmettre  et  nous 
le  conserver.  Ces  nreuves  ont  ceci  de  remar- 
quable, qu'outre  1  intégrité  de  TAncien  Tes- 
tament, elles  démontrent  encore  la  protec- 
tion spéciale  dont  la  Providence  Ta  couvert. 
Dieu  ne  voulait  pas  seulement  que  les  ora- 
{ les  précurseurs  du  Christ  nous  parvinssent 
jansleur  pureté,  il  voulait  de  plus  que  nous 
rie^ipussions  pas  m^me  douter  de  leur  origine 
raitique,  et  par  conséquent  divine.  11  voulait 
xjue,  le  voyant  lui-même  en  quelque  sorte 
veiller  à  leur  conservation,  nous  crussions 
les  recevoir  immédiatement  de  lui  comme 


I 


les  Juifs»  en  dépit  de  la  distance  des  siècles 
et  des  lieux. 

L'Ancien  Testament  a  été  traduit  dans  un 
grand  nombre  de  langues ,  mais  les  seules 
versions  dont  nous  voulions  parler  ici,  sont 
celles  qui  remontent  à  Fère  chrétienne  ou 
environ.  A  cetie  erande  éitoqne,  presque 
tous  les  livres  de  rancienoe  loi  avaient  k 
traduits  en  chaldéen,  pour  l'usaze  des  Juifi 
d*Orient,  auxquels  le  véritable  hébreu  deTe< 
nait  toujours  plus  étranger;  en  grec,po!if 
TEglise  juive  d'Alexandrie,  qui  le  connais- 
sait moins  bien  encore.  Ils  le  farentjfQ 
après  on  syriaque  pour  les  chrétiens  d'E- 
desse  et  de  Nisibe.  Ces  trois  versions  « 
sont  conservées;  nous  en  (lossédonsdeso- 
pies  et  des  éditions  nombreuses,  et  pnf 
quelques  diversités  sans  importance,  e!|f 
noMS  représentent  le  même  texte,  les  ^ 
mes  livres,  les  mêmes  oracles  et  les  nièLn 
)hrascs.  Cependant,  cet  accord  n'est  \m\ 
e  résultat  <f  une  intention  des  interprè(e), 
ou  d'une  fraude  des  savants.  Ces  trois  soeun, 
une  fois  sorties  du  sein  de  leur  mère  com- 
mune ,  ont  été  séparées  pour  toujours  [jr 
les  événements,  et  par  une  rivalité  qui  se- 
siste  encore.  La  version  chaldéenne,  soi- 
gneusement conservée  et  consultée  par  \<^ 
Hébreux,  est  restée  inconnue  aux  chréte 
pendant  les  premiers  Ages  de  l'Eglise,  ei 
n'est  entre  leurs  mains  que  depuis  deui  l 
trois  siècles.  Les  chrétiens  de  Sjriefle  con- 
naissaient guère  plus  la  version  grecque^ 
que  les  Grecs  ne  connaissaient  la  syria(jue; 
la  version  grecque,  propagée  dansW\^- 
cident,  traduite  à  iion  tour  eu  latin,  et  de- 
venue, sous  celte  seconde  forme,  Tohielda 
respect  exclusif  de  l'Eglise  romaine,  n'awit 

?;arde  de  rien  emprunter  aux  autres,  qu« 
es  Occidentaux  d'ailleurs  ne  connaissaieni 
point.  Le  concert  de  ces  trois  témoins  e5t 
donc  d'autant  plus  remarquable  c^u  ils  u'i(^^ 
lamais  pus'entefidre,  que  ces  versions  élakc^ 
la  propriété  d'Eglises  rivales  et  de  religion^ 
ennemies,  l'ouvrage  d'adversaires  acbaro^ 
de  Chrétiens  et  de  Juifs,  de  Chrétiens (!<>' 
rient  et  de  Chrétiens  d'Occident,  de  Juifc^' 
Palestine  et  de  Juifs  d'Alexandrie.  Elles  sa- 
cordent  cependant  entre  elles.  Elles  m^ 
donnent  donc  avec  certitude  le  texte  «Dtj* 
que  et  vrai  de  l'Ancien  Testament,  tel  qu" 
existait  avant  Jésus-Christ. 

De  ces  trois  versions,  la  grecque  {connj^ 
sous  le  nom  de  version  des  hcplflnieM^^ 
longtemps  presque  seufe  en  usagie  cliei '«* 
Chrétiens.  Elle  était  mise,  par  leslidèleMe 
Conslantinople  et  d'Egypte,  au-dessus fteuie 
de  l'original  hébreu,  dont  ils  ignoraiem 
presque  l'existence.  Sous  sa  forme  laiifif» 
avons-nous  dit,  et  sous  le  nom  de  l«j''' 
elle  régnait  sans  partage  sur  l'Eglise  dO  ci- 
dent.  Si,  pendant  qu'elle  était  seule  connue 
du  Nil  à  la  Tamise  et  du  Ponl-Eaxin  an  Ta:^ 
le  texte  hébreu  et  sa  version  chald^^^'^o-: 
ignorés  des  chrétiens  et  mal  connus  ^^^ 
Juifs,  se  fussent  perdus,  qu'en  fûl-il  résa '^ 
pour  la  religion?  Que  l'authenticité  (les of 
clés  sur  lesquels  s'appuie  le  chrislianisto  ; 
n'aurait  eu  pour  garants  que  les  GtiniH^ni 


KS 


BiCTIONNAmE  APOCOGETIQCE. 


PEN 


aii-inémes  ;  qu'on  eûl  puiraiter  ceax-cide 
iogfs  partiaoi,  de  dépositaires  înGdèles  ei 
f;e  I  incrédalHé,  avide  d*objectioD$,  les  eût 
10  jonracciisésd'aToir  eux-mêmes  M[)ri<pié 
ki  aatiqiies  prophéties  dont  leur  religion 
se  targuait,  prophéties  que  quinze  siècles 
dlsDorence  et  de  disputes  feur  auraient 
Meh  pa  donner  le  désir,  le  besoin  et  Tocca^ 
BOQ  dlBYenter.  Cette  objection  eât  été  gra- 
re,  mais  Dieu  lui-méne  s*est  chargé  de  la 
préreoir.  Pendant  -oes  ^inze  siècles^  les 
Hiife  orasenraient  le  corJe  hébreu,  et  quand 
\t  moment  fixé  par  4a  Proridenee  est  Tenu, 
sas  eo  abandonner  4a  garde,  ils  Tout  laissé 
lut  «ux  chrétiens.  Pendant  quinze  siècles, 
lt«  Jnils  seals  font  étudié,  ce  texte.  Font  co- 
|v,aMljFsé,  etenfln  imprimé.  Ils  ont  reillé 
hnr  ce  précieux  dépôt  arec  la  persévérance 
o(>«4iB^,  la  passion  d*iui  avare  qui  garde 
«jg  trésor.  Qu'en  en  juge  par  les  détails  sui- 
vants. 

Dq  m*  an  xf  siècle,  deux  académies 
juves,  éty>Hes  Tune  &  Babylone ,  Tautre 
i  T^Wriade,  n*ont  pas  cesse  de  s*oecuper 
*H  code  hébreu  ;  non  pas  de  son  sens  on 
ôe  Ms  préceptes,  mais  de  sa  forme,  des 
mMs,  des  lettres  dont  il  était  composé.  Pen- 
^tVmil  cents  ans,  il  s*6st  trouvé  des  sa- 

vials  QoaAseax  et  célèbres,  qui,  dans  deux 
académifs,  em  dévoué  4eur  existence  à 

compter  ef  décrire  ces  lettres  et  ces  mois,  à 
distiagiur les  consonnes,  les  voyelles,  les 
^Tftats^  oamtHen  d*une  espèce ,  combien 
•fine  lolre,  à  retourner  de  toutes  manières 
kun  Cistidâeux  ^t  insignifiants  calculs. 
Vous  les  possédons  encore^  ces  calculs  ;  et 
;dj  «OFsit  ta  patience  de  les  vérifier,  y  trou- 
erait peui-étre  la  preuve  mathématique  de 
^fltégnté  du  texte  hébreu.  Ce  travail  n'ex- 
:e  $aas  doute  que  le  rire  de  mes  lecteurs. 
vahlions  pas  cependant  que  si  cette  giçan- 
^ue  niaiserie  des  anciens  rabbins  était 
irùitemeot  inutile  à  leurs  contemporains 
à  leur  Eglise,  Dieu  Toulait  qu'elle  fût  ga- 
Qt  à  la  «Atrede  leur  fidélité  Avigilanie» 
icAtfihB  machinale,  è  préserver  l'intégrité  de 
iflcien  Testament.  Qui  oserait  maintenant 
Qter  de  Tauthenticité  des  oracles,  dont  de 
s  hommes  ont  été  constamment  les  de- 
ntaires? Qui  oserait  supposer  quMIs  ont 
^ifié  ce  livre  dont  ils  semblent  adorer  Jes 
'iodres  iolo#,  et  qu'ils  Tont  falsifié  contre 
ir  intérêt  propre,  en  faveur  de  cette  Eglise 
'étieoae  qui  les  persécutait  et  qu'ils  ab- 
sent T 

:hosc  étonnante  1  Ce  sont  les  Juifs  qui  ont 
désignés  par  la  Providence  pour  être  dans 
s  les  âg3s  les  dépositaires  et  les  garants 
cette  cbane  sacrée  qui  les  condamne  !  Ce 
i  eu  qui  veillent  à  son  intégrité  dans 
itérèt  de  la  foi  chrétienne.  De|iuisdix- 
t  siècles,  r£glise  juive,  cette  épouse  dé« 
isée  qui  pleure  sous  le  palmier,  tient  les 
IX  attachés  sur  ce  livre.  Elle  le  montre 
lemeol  à  ceux  qui  lui  demandent  les  ti- 
s  de  son  ancienne  gloire ,  le  fondement 
s«s  espérances  ou  la  sentence  qui  Ta  frap- 
;  elle  est  toujours  là  pour  démontrer 
igine  et  la  fidéûté  de  ces  pages  étonnan^ 


tes,  que  ne  peuvent  effacer  ni  les  révol«~ 
tiens  ni  les  sièicles. 

iTiii. 

Yéndté  du  Featatewiiie,— Ctnctèret  tirés  de  U  natim 
des  dioses,  da  bpgige,  de  b  TnisenbUaee  historioM!, 
de  U  vaisembUme  eo8aiqgoiii4oe,de  U  vnlMaiblaiice 
arch(&ologiqiie. 

Nous  avons  prouvé  Cantique  origine  du 
Pentateuque,  et  sa  fidélité  matérielle  à  con- 
server la  forme  que  lut  donna  Moïse.  Hais 
cela  ne  suffit  point  em^ore.  Ce  livre  a-t-il 
été  trac^  par  une  plume  instruite  et  sincère? 
mérite-t-il  notre  confiance,  malgré  ce  qu'il 
a  d'extraordinaire  dans  sa  forme  et  ses  ré- 
cits? Est-ce  un  de  ces  livres  véridiques 
auxquels  l'examen  donne  toujours  plus  de 
prix,  ou  bien  est-il  de  ceux  que  l'homme 
raisonnable  et  droit  rejette  bientôt  avec 
dégoût,  parce  que  la  réflexion  lui  en  dé  - 
voue  l'imposture? 

Pour  repondre,  nous  rechercherons  suc- 
cessivement ses  caractères  de  vérité,  et  les 
indices  de  son  autorité;  en  d'autres  termes, 
sa  crédibilité  et.sa  divinité.  Nous  trouverons 
ses  droits  à  la  première,  d'abord  dans  le 
livre  même  ;  ensuite  dans  les  confirmations 
que  le  tem(À  lui  a  fournies. 

1*  Je  Jes  trouve  d'abord  dans  la  nature  des 
choses.  Le  Pentateuque  est  authentique.  Les 
récits  qu  il  renferme  ont  donc  été  écrits  sous 
les  yeux  des  témoins  des  faits,  en  présence 
des  monuments  destinés  à  en  conserver  la 
mémoire,  au  moment  même  oH  les  événe- 
ments avaient  lieu.  Cela  une  fois^admis,  la 
vérité  des  faits  racontés  est  démontrée*  De 
quelle  fraude*  en  effet,  peut-on  soupçonner 
encore  l'historien  qui  inscrit  à  mesure, 
pour  l'usage  des  spectateurs  ou  des  acteurs, 
ce  qu'ils  ont  fait  ou  vu  comme  lui?  Si  Hojse 
trompé,  six  cent  mille  témoins  peuvent  le 
démentir  ;  ce  sont  leurs  crimes  et  leurs 
souffrances  qui  remulissent  son  histoire. 
S'il  avait  trompée,  ils  rauraient  démenti,  car 
ils  n'étaient  rien  moins  que  confiants  et  do- 
ciles, car  celte  histoireles  contraignait  trop 
souvent  à  rougir.  Moïse  cherclie-t-il  donc  a 
soustraire  ce  livre  à  leurs  regards?  Non,  il 
les  contraint  h  le  lire,  à  le  iransmet  re  à 
leurs  fils.  Ils  obéissent  et  pourvoient  à  eu 
que  la  postérité  là  plus  reculée  n*ignore  pas 
qu'ils  ont  été  coupables  et  punis.  —  Doute- 
rez-YOUS  de  la  vérité  de  cette  voix  accusa* 
trice  qu'ils  n'osent,  qu'ils  ne  peuvent  con- 
tredire. 

r  â"  Le  langage  du  Pentateuaue  inspire  la 
conviction.  Naturel,  sans  prétention,  tout 
simple,  il  ne  porte  jamais  Tempreinte  de 
rim|.H>sture.  L'enthousiaste  ou  le  jongleur 
cherchent  à  frapper  Timagination;  rare^ 
ment  ils  réussissent  à  éviter  l'affectation  et 
r^mphase^  Moïse  est  toujours  simple  et  vrai. 
Si  son  style  s'anime,  c'est  en  quelque  sorte  à 
son  insu;  i  1  est  ébranlé  malgré  lui  par  les 
grandes  choses  qu'il  voit  ou  qu'il  lait.  Et 
cependant,  qu'on  le  remarque ,  Moïse  étiit 
poète  1  Quand  il  ne  veut  plus  commander  à 
son  émotion ,  ses  chants  de  reconnaissance 
ou  de  Tictoire  témoignent  de  la  véhémence 
de  ses.impressions  ;  mais  lors^^u'au  lieu  de 


nCTION>AlRE  APOLOGEnQCE. 


K5 


% 


chanter  il  raconle,  il  raconle  simplement, 
oaïTementy  prosaïquement.  Ce  même  homme 
quit  sur  !e  bord  de  la  mer  Rouge,  célébrait 
le  guerrier  dont  le  nom  est  l'Etemel  (607), 
Toyait  les  flots  s*amonceler  à  son  souffle,  et 
les  chariots  de  Pharaon  jirécipités  de  sa  main 
cx)mme  une'  pierre  au  fond  des  abtmes  ;  ce 
même  homme,  au  chapitre  suivant,  raconte 
le  don  du  pain  céleste  sans  appareil,  sans 
avoir  Tair  d*en  être  étonné,  ne  songeant,  ce 
semble^  qu'à  donner  clairement  les  moin- 
dres détails  de  Tévénement.  Quand  pourra* 
t-on  croire  à  la  sincérité  d'un  historien,  si 
ce  n'est  quand  elle  se  trahit  par  de  tels  con- 
trastes? cela  nous  conduit  à  faire  remarquer 
nne  antre  qualité  de  son  récit  :  la  minu- 
tieuse exactitude  des  descriptions.  On  peut 
la  reconnattre,  et  dans  le  chapitre  dont  il 
s'agit,  et  dans  presque  tout  TÈxode;  dans 
le  récit  de  la  construction  du  Tabernacle, 
dans  celui  des  souffrances  des  Hébreux, 
dans  celui  des  plaies  qui  les  vengèrent,  par* 
tout  on  retrouve  le  même  soin  à  donner  les 
détails,  importants  ou  non,  non  pas  comme 
importants,  mais  comme  vrais.  La  çréle 
tombe  sur  l'Egypte  et  la  ravage.  Or  le  Un  et 
Foroe  avaient  été  détruite^  remarque  Thisto- 
rien  (608),  parée  que  Forge  était  en  épis^  et 
que  le  lin  avait  pousié  sa  tige.  Mais  U  fro^ 
ment  et  Féveautre  ne  furent  point  détruits^ 
parce  qu*ils  étaient  moins  avancés.  l\  me 
semble  que  c'est  là  le  ton  de  l'homme  véri- 
dique,  et  non  du  charlatan  imposteur. 
L'ordre  des  récits,  d'ailleurs,  cette  méthode 
purement  [chronologique  ({ui  inscrit  de 
suite  et  jour  par  jour  tes  lois  et  les  faits,  à 
mesure  qu'ils  se  présentent,  fsans  tenir 
compte  de  leur  nature  ou  de  leur  liaison, 
n'est-il  pas. un  indice  d'exactitude  et  une 
preuve  oe  vérité  ? 

3""  La  nature  des  faits  racontés  nous  four- 
nit un  nouvel  argument. 

On  m'objectera  peut-être  les  prodiges  de 
la  Genèse  et  de  VExode.  Mais  des  prodiges 
sont-ils  donc,  par  eux-mêmes,  et  avant  tout 
exanien,  la  démonstration  du  mensonge? 
non  pas ,  du  moins,  pour  le  philosophe, 
qui  fidèle  à  la  base  de  toute  science  et 
de  toute  méthode,  remonte  des  faits  aux 
théories,  au  lieu  d'imposer  des  théories  aux 
laits.  Nous  examinerons  plus  loin  si  le  Pen- 
tateuque  ne  renferme  aucun  caractère  de 
divinité  qui  doive  nous  inspirer  pour  ces 
prodiges,' du  respect  et  de  la  foi;  nous  ve- 
nons de  montrer  que  la  nature  des  choses 
et  celle  du  récit  nous  conduisaient  à  les 
admettre;  notas  avons  de  plus  à  remarquer 
ici,  que,  malgré  ces  prodiges,  les  faits  ra- 
contes ne  donnent  point  l'idée  d'une  tiction« 
Si  Moïse  eût  voulu  tromper,  il  eût  au  moins 
su  flatter  ou  l'orgueil  national,  ou  l'imagi- 
nation déréglée  de  ses  compatriotes.  Mais, 
quel  inventeur  stérile  !  quel  étrange  impos- 
tourl  Le  nom  et  l'&ge  de  dix  patriarches, 
voilà  tout  ce  que  son  imagination  lui  four- 
nit de  remarauable  entre  Adam  et  Noé  I 

(607)  Exod.  XV. 
{flO%)Exod,  IX,  51,  3Î, 


Dans  les  premiers  diapitres  de  ia  Genèse, 
on  trouve  quelques  noms  propres,  qo^lioe) 
laits  grands,  sans  doute,  par  le  Diea  qui  m 
manifeste  et  par  leurs  immenses  rés>jlULs 
mais  racontés  en  quekpes  mois  sar»  en- 
tourage et  sans  appareiL  Dans  ce  gui  suit, 
nous  trouvons  de  petites  révolutions,  de 
petits  rois,  de  petits  inddents,  de  petites 
guerres,  des  scènes  domestioues  oa  pa^i^ 
raies,  toujours  dans  une  faruile  haruiODii' 
avec  fe  siècle  où  elles  sont  [rfa&^s  ;  mm 
histoires,  qui  nous  retracent  avec  simplifié 
ces  temps  anciens  niais  qni  n'ont,  cerl^s, 

rs  Taîr  d'inventions  orientales,  desiincei 
eflrajer  ou  à  séduire  I  Les  Oneobux, 
juifs,  persans  ou  arabes,  s'y  prenneotao- 
trement  (lorsqu'ils  révent  des  aTeotum 


gent  d'embellir.  Que  roo  prenne 

et  une  nuits,  le  Koran,  Josèphe  même,  ^ 

que  l'on  compare. 

Est-il  besoin  d'iyouter  que  la  véracité  de 
l'historien  se  reconnaît  à  ses  STeui?  Dé* 
guise-t-il  donc  ce  qui  pourrait  nuire  à  sonbot 
ou  offenser  les  Juifs?  Va-t-il  ao-deTaotè 
objections?  Cache-t-il  les  fautes  des  aik(* 
très  des  Héhreax,  de  Joseph,  de  Iwk^i 
Lévi?  Que  dis-je  ?  cacbe-t-il  son  propre  p^ 
ché,  celui  d'Aaron,  et  la  sentence  qai  les 
frappe  40US  deux? 

b**  Cette  comparaison  sera  plus  tnpféDfà 
encore  si  l'on  étudie  i*origine4escliosei<i 
ia  fois  dans  Mo'ise,  et  dans  les  pins  wliquei 
documents  des  païens.  C'est  chei  ceûyA 
dans  les  traditions  de  la  C^aldée,  de  TE- 
gypte  ou  de  l'Inde,  qu'on  trouvera  protoB- 
dément  empreint  le  cachet  du  measoDge. 
C'est  là  qu'on  trouve  de  monslrvettse^ 
théogonies,  unissant  d'une  manière  bizarre 
les  cieux,  la  terre,  aux  plus  viles  créatures 
aux  plus  fantastiques  conceptions,  peuplifl^ 
l'espace  de  dégoûtants  demi-dieux,  le  tei^^ 
d'orgueilleuses  myriades,  et  Thisloireil^ 
lisibles  généalogies.  Voità  comment  iBren- 
tèrent  toujours  ceux  dont  rimagioati^ 
sans  frein,  voulut  raconter  au  hasard  to- 
rigine  de  l'univers,  ou  du  moins,  qui  d0 
craignirent  pas  de  mêler  leurs  capricieuses 
fantaisies  aux  débris  inal  conservés  (1<^ 
traditions  primitives. 

«  Que  I  on  compare,  dit  à  ce  sujet  Bf"* 
horn  (609),  les  récits  de  Moïse  arec  ^ 
plus  anciennes  histoires  de  l'antiquité >  ^^ 
sentira  bien  vite  laquelle  de  ces  diverses 
sources  est  la  seule  pure.  Il  n'en  estpaso/jc 
qui.pùisse,  le  moins  du  monde,  soateoir  le 
parallèle  avec  la  Genèse:  qui  puisse  a^ 
moins  retracer  quelque  ombre  de  la  ^im* 
plieilé,  de  rexactitude  et  de  la  vérité  pnii^ 
sopbique  de  ce  livre  étonnant.  Hors  de  13. 
ce  ne  sont  plus  que  traditions  populaïf*^ 
et  fabuleuses,  où  les  plus  profonds érudtts 
les  hommes  les  plushabil.es  à  démêler  i^ 
allégories  et  à  expliquer  les  symboles^  "* 
savent  cependant  trouver  aucun  sens.  W 

(609)  EiCBHOiUf ,  Emleilung  in  daf  A.  T.  §  i^>  ^' 
édiu 


mCTIONNAlIlE  APOLOGETIQGK. 


PEN 


$94 


mh  les  temps  .es  plus  anciens,  les  histoires 
Nil  nous  parlons  ont  été  mal  comprises 
^  nations  qni  les  cooserYaient  ;  déjà  alors 
râ^rées  |>ar  des  ornements  déplacés,  par 
^  expliealions  ridicules,  par  des  interpo* 
'ions  et  des  mélanges,  elles  étaient  deve- 
ues  inintelligibles  :  l'idée  que  renfermait 
nuâliTenieDt  ce  rx>rps  grossier,  en  avait 

;«;aro Ainsi,  par  exemple,  la  plus  an- 

«nae  philosophie,  celle  qui  recherche  et 
s>eîgne  rorigine  des  choses,  devenue  le 
Ms  M>uTent  absurde  et  risible  chez  les  au- 
*«>  peuples,  à  force  de  méprises  successif- 
cr«,  est  toujours,  chez  les  Hébreux,  pleine 
w  simplicité,  de  dignité,  de  vérité.  Elle  est 
r.efflent  indépendante  des  chimériques 
'  ijnnations  des  autres  peuples,  tellement 
i. Prieure  i  toutes  ces  rêveries,  que,  par 
mit  seul,  la  Genèse  mériterait  déjà  la 
.iroone  qne  nous  lui  décernons.  » 
â*  Remarquons  enfin,  comme  nDuvellé  et 
:treièfe  preuve  de  la  véracité  du  Penlateu- 
\it^  la  vraisemblance  des  mœurs  qu*il  dé- 
|r jtt.  Teoiprante  à  Eichhorn  le  développe- 
izieoide  cette  idée,  et  je  me  contenta  de  le 
t^Qire.«  La  forme  des  récits  de  \aGeniief 
^*A'ï  \à  preuve  la  plus  certaine  de  son  au- 
t:3«Qûdifc  pour  l'homme  capable  de  sentir 
W  iMtiiR\«ile  simple,  de  se  re|)Orter  à 
r»dolesc»ce  Al  monde,  et  de  se  figurer  la 
vie  domtsàqne  des  peuples  pasteurs.  Le 
V'tB  de  /lûiàire  doit  changer  comme  les 
U5âgi5de§  hommes.  Il  doit  ressembler  tour 
à  /  'ur  à  l'influence  variée  de  chaque  peu- 
f-'e,  de  chaque  siècle  et  de  chaque  révolu- 
f'H).  Or,  la  Genèse  dépeint,  avec  une  vérité 
rcflurjuable,  Teniance  et  la  jeunesse  du 
g  are  bamain.  Souvent  les  récits  de  ce  livre 
»  réduisent  à  Thistoire  domestique  de 
;  Iniques  bergers;  partout  on  y  retrouve  la 
.*•  :4e  et  franche  simplicité  des  mœurs  nas- 
.  'aies.  —  Si,  dans  une  de  ces  heures  favo- 
ru/les  où  rame  s'ouvre  d*elle*mème  aux 
^Qtiments  paisibles  et  simples,  vous  avez 
i  avec  une  attention  entière  et  une  douce 
'ùoùoa  quelque  trait  de  la  vie  d*Abraham, 
ri^aac  ou  de  Jacob,  lisez  ensuite  de  la 
uénie  manière  quelque  portion  de  celle  de 
>and,  de  Salomon  ou  de  quelqu'un  des 
'ws  dlsraêl  :  vous  sentirez  aussitôt  la 
ii^Uoce  qui  sépare  les  deux  histoires  comme 
»  deux  époques,  et  toute  l'infériorité  de 
e>  derniers  tableaux.  Là,  c'est  une  nature 
•  jte  simple  qui  émeut  et  entraîne;  ici, 
>)t  encore  la  nature,  mais  moins  véhé- 
ienic  et  moins  franche. Là,  toute  la  candeur 
fooe  simplicité  sans  voile;  ici,  déjà  plus 
t'vléa^^ance  et  moins  d'originalité.  Là,  le 
*'xa^  naïf  du  coBur  humain  ;  ici,  Tem- 
^eiotp  des  premières  formes  de  la  civilisa- 
"0  et  du  luxe.  —  Si  Tàge  et  Thabilude 
>'  a«  6!ent  la  faculté  de  rappeler,  pour  faire 
tv^  ei[>érience  les  sentiments  et  les  émo- 
LvQsde  la  jeunesse,  essayez-la  sur  quelque 
lo^Qt  dont  ^1  éducation  n'ait  ooiut  encore 

*iï«  Ctn,  xiT,  18. 
•^tti  G«i.  \Tiii.  6-8. 
*'i  Cctt.  xxvji,  25. 


faussé  le  çoAt,  et  vous  verrez  auelle  im^ 
pression  différente  cette  Ame  tendre  reeevra 
de  ces  récits  si  divers. 

c  11  faut  cependant  avouer  aue  ces  cou- 
leurs si  vraies  perdant,  hors  de  l'original, 
une  grande  partie  de  leur  vivacité.  Je  ne 
veux  point  faire  ici  le  procès  aux  anciens 
ou  aux  nouveaux  traducteurs;  mais  i'aflirme 
qu'aucune  traduction  ne  peut  rendre  cette 
simplicité  d*une  nature  sans  fard,  cette 
fraîcheur  de  coloris  qui  font  le  charme  de 
la  Genèse.  Comment  reproduire,  dans  nos 
langues  compassées,  abstraites  et  froides, 
ce  langage  simple,  antique,  libre,  vif  et 
sans  parure?  Le  patriarche  hébreu  a,  certes, 
à  se  plaindre  de  ses  juges  modernes.  Ces 
hommes  téméraires  ont  hardiment  con- 
damné, sur  d'infidèles  copies,  un  monument 
original  qu'ils  ne  c^mnaissaient  point,  dont 
rien  ne  pouvait  leur  donner  une  assez 
exacte  idée. 

c  Allons  plus  loin.  Quel  imposteur  eût 
jamais  pu  retracer  avec  une  vérité  aussi 
exacteles  progrès  successifs  de  la  civilisation 
et  de  la  société?  Comment  eût-il  conservé 
oette  gradation  si  peu  étudiée,  dans  des 
objets  si  divers,  avec  des  incidents  si  mi- 
nutieux, si  naturels,  si  parfaitement  liés, 
et  de  manière  à  soutenir  le  plus  sévère 
examen  sans  trahir  la  fraude? 

«  Abraham  sort  de  la  Mésopotamie,  pairie 
des  peuples  bergers,  et  tous  les  détaris  de 
sa  vie  clénotent  un  vrai  nomade.  Bes  hôtes 
viennent-ils  à  lui?  Il  court  choisir  au  mi- 
Jieu  de  son  bétail  le  jeune  chevreau  qu'il  ap- 
prêtera lui-même,  comme  le  Patrocle  d'Ho- 
mère. Il  n'offre  pas  de  vin  à  ces  étrangers» 
et  cette  liqueur,  cependant,  n'était  pointa 
cette  époque  inconnue  en  Palestine  (610). 
Il  leur  présente  du  lait,  comme  un  nomade 
devaitle faire  (611).Isaac,au  contraire,  riche 
de  l'héritage  d'Abraham,  moins  étranger 
aux  habitudes  des  Chananéens  amollis,  fait 
usage  du  vin  (61â).  Un  chevreau,  enlevé  du 
pâturage,  ne  sulBt  plus  à  ses  goûts  comme 
il  suffisait  à  ceux  de  son  père.  Il  désire  du 

Sfibier,  il  le  fait  apprêter  à  sa  manière  pre- 
érée  (613).Son  palais  est  exercé  à  distinguer 
les  viandes,  et  c'est  par  une  ruse  que  Ré- 
becca  réussit  à  lui  faire  prendre  le  change 
{6ik}.  Demi-nomade  et  demi-laboureur,  il 
prend  à  ferme  un  champ  du  roi  de  Gérar, 
et  ne  se  contente  plus  d'être  riche  en  trou- 
peaux (615). 

c  L'écrivain  moderne  qui  aurait  inventé 
cette  histoire  sons  le  nom  de  Moise,  n'eût 
pas  manqué  de  faire  faire  à  la  civilisation 
de  nouveaux  progrès  avec  Jacob.  Il  eût 
blessé  la  vérité  sans  s'en  douter,  et  l'bistô- 
rien  du  Pentateuque  est  réellement  plus 
fidèle  aux  vraisemblances  de  l'histoire.  La 
civilisation  recule  quand  Jacob,,  laissant  la 
Palestine,  passe  vingt  ans  en  Mésopotamie, 
au  sein  de  la  vie  nomade  et  des  habitudes 
pastorales.  Elle  avance,  au  contraire,  avec 

(613)  Gen.  isvn,  4. 

(Hli)C;cK.  s\vii,9. 
(615)  C'en,  uvi^  tz. 


I^ 


PEN 


4>1CTI0NNAIKE  APOLOGETlQVe. 


FGN 


m 


Esaû,  parce  que  ce1oi>-ciaemeure  en  Pales- 
tine et  s'allie  aux  Chananéens... 

«  Le  commerce  multiplie  peu  à  peu  les 
rapports  des  diverses  nations.  Au  temps 
d'Abraham,  nous  ne  voyons  encore  aucun 
échange  de  blé  entre  VE^pte  et  Chanaan. 
Pour  éviter  la  famine ,  le  patriarche  est 
obli^de  se  transporter  iui-mème,  avec  tous 
les  siens>  sur  les  bords  du  Nil.  Au  temps 
de  Jacobr  ce  commerce  est  établi  (616).  Pour 
le  faciliter,  déjà  des  caravansérails  sont  éta- 
blis sur  la  route  (&17).  Partaot  d'Arabie,  des 
caravanes  ismaébles  portent  aux  Egyptiens 
des  épices,  des  résines  et  du  baume  ;  dans 
l'occasion  même,  ils  achètent  ou  vendent 
des  esclaves  (618).  Les  Egyptiens  ne  font» 

f>ar  eui-'mémes,  aucun  commerce  extérieur  ; 
a  Genist  le  suppose,  et  Thisloire  nous  le 
dit. 

«  L'Egypte,  plus  anciennement  constituée 
que  les  nations  voisines,  remporte,  comme 
de  raison,  en  civilisation  et  en  luxe.  Déjà, 
au  temps  d'Abraham,  les  pharaons  (wt  une 
cour  (619)^  Abimélec,  roi  d'une  colonie 
égyptienne  chez  les  Philistins,  imite  en 
})etit  les  rois  de  la  métropole  :  il  a,  comme 
eui^,  des  serviteurs  et  des  courtisans  7620). 
En  Palestine,  au  contraire,  le  roi  de  âalem 
vit  comme  un  simpte  particulier  (621).  Entre 
Abraham  et  Jacob,  Te  luxe  de  l'Egypte  fait 
(Je  grands  progrès.  Au  tempsde  Joseph , 
nous  voyons  à  la  cour  d'Egypte  de  grands 
(UgnitaireSy  des  chambellans,  des  surinten- 
dants, de  grands  échansons,  de  grands  pa* 
netiers,  un  srand  vizir,  une  police,  une 

Crison  d'Etat  (6^),  des  médecins  attachés  à 
personne  des  grands,  et  un  pompeux  ce* 
rémonial.  Joseph,  comme  grand  vizir,  est 
servi  à  une  table  à  part,  et  les  Egyptiens 
oui  maneent  chez  lui  prennent  place  a  celle- 
4e  son  chambellan  (6^).  Pharaon  n'admet 
point  Jacob  à  une  conversation  familière» 
comme  avait  fait  un  de  ses  ancêtres  à  Abra* 
bam,  mais  à  une  audience  en  forme,  avec 
tant  de  roideur  et  une  si  orgueilleuse  affa- 
bilité, que  le  style  même  du  récit  en  garde 
l'empreinte  (62ii^).  Diverses  solennités  ac- 
compagnent l'installation  des  fonctionnaires 
royaux  ;  Joseph,  à  son  entrée  en  charge , 
reçoit  une  chaîne  d'or,  un  costume  magni- 
fique, une  suite  et  un  anneau.  En  Mésopo» 
tamie,  où  les  Ghananéens  n'avaient  pas  en- 
core étendu  leur  commerce,  on  trouvait, 
au  temps  de  Jacob,  peu  d'or  et  peu  d'argent. 
Les  échanges  en  nature  sont,  à  cette  époque, 
le  seul  moyen  connu  de  se  procurer  des 
objets  nouveaux.  C'est  en  gardant  les  trou- 
peaux pendant  vingt  années»  que  le  patriar- 
che gagne  ses  deux  femmes,  des  esclaves 
et  du  bétail.  En  Chanaan,  au  contraire,  et 

(616)  Gen.  xu,  57. 

617)  Gen.  xlii,  27, 

618)  Gen.  xxxvn,  25. 
(919)  Gen.  xii,  U,  15.  . 

(6a0iCeii.  xxi,22;xxvi.  26, 
(621)  Gen.  xrv. 

i622)  Gtn,  XL. 
623)  Gtn.  xuii,  Z% 


dans  le  voisinage  de  cette  Phénicie  qoi 
tenait  déjà  dans  ses  mains  le  coromercedtt 
monde,  au  temps  d'Abraham,  on  n'a  déj^j 
plus  recours  aux  échanges;  l'argent  le' 
remplace,  comme  matière  précieuse.  Il  d* 
pas  encore  reçu  d'empreinte,  mais  od  V 
pèse  pour  déterminer  sa  valeur  (625).  Peut 
etre,eependant,lesPbéniciensavaient-ilsd 
quelques  monnaies  grossières  au  temps 
Jac^  (026).  {Vou.  MoiioiiEHTs,etc.,{i. 

«  Nulle  part  il  n'est  fait  mention  de  ch 
vaux  dans  les  quarante-quatre   premi 
chapitres  de  la  Genèse.  C'est  à  l'occasioD  d 
voyage  de  Jacob  en  Egypte  que  les  ch 
envoyés    par   Jo$e|)b  nous   les   montre 
pour  la  première  fois  en  usage.  L'histui 
nous  apprend,  en  effet,  que  dan&  ces  sied 
reculés  ils  étaient  usitâ  en  Egypte,  "^ 
presque  inconnus  en  Palestine. 

«  Les  formes  des  conventions  civiles  n^ 
pellent,  chez  les  patriarches,  la  plus  \mi 
antiquité.  Dans  Homère,  les  contrats  se  foot 
de  vive  voîx,  et  pour  les  rendre  oblieatoi- 
res,  c'est  i  la  garantie  des  dieux  que  1  oi  a 
recours  ;  on  les  accompagne  de  préseots  t\ 
de  cérémonies  symboliques.  De  la  mtoe 
manière,  Abraham  donne  sept  brebis  è  Aiu- 
métec,  en  mémoire  de  l'alliance  qu'ils  re* 
nouvellent,  et  de  la  cession  d'un  putls  con- 
testé (627).  Jacob  et  Laban  élèvent  uo  mon- 
ceau de   pierres  pour  être  témoin  de  leur 
réconciliation  (628)  ;  ils  lui   \mpeseut  uo 
nom  destiné  à  la  rappeler,  coaunearaieol 
fait  encore  AÛmélec  el  Abraham  ||ES9).Cest 
en  présence  de  témoins    que  ce  d^ruicr 
achète  la  caverne  de  Hacpela  (630)  ;  Bom<le 
cette  seule  garantie,  il  se  croit  assuré  que 
sa  propriété  ne  lui  sera  jamais  disputée. 
C'est  ainsi  que,  dans  Homère,  les  Giees  et 
les  Troyens  regardent  comme  certaine  Teié- 
cution  du  traite,  parce  que  les  deux  armées 
ont  entendu  les   promesses  verbales  do 
contractants. 

«  Le  pas  rétrograde  que,  dans  les  iirres 
de  Moïse,  la  civilisation  paraît  iairc  après 
le  déluge,  est  tout  à  fait  conforme  à  la  na- 
ture des  choses.  Avant  cette  catastrophe,  ia 
civilisation  semble  plus  avancée  qu'au teoifi^ 
d'Abraham.  Alors,  par  exemple,  on  coooati 
l'usage  du  fer;  ensuite,  bien  du  lea^)ssV 
coule  avant  qu*il  en  soit  de  nouveau  qoei- 
tion.  D'autres  arts  encore  sont  ensevrfo 
dans  l'abîme  qui  engloutit  le  (^enre  ^ 
main,  et  seront  une  seconde  lois  invcoiès 
dans  la  suite  des  Ages* 

«  Mais  n'était-ce  donc  jpas  là  ce  qui  deriit 
arriver?  Une  seule  famille  survit  au  déluge 
et  peuple  de  nouveau  l'Asie  désolée.  Pou- 
vait-elle donc  sauver  toutes  les  connais* 
sauces  et  tous  les  arts?  Les  possédait-elle? 


Ge)i.  XLVii,  7. 
Gen.  XXIII,  16. 
Gen.  XXXIII,  19. 
Gen.  XXI,  30. 
Gen.  XXXI,  46. 
Gen.  XXI,  51  • 
Gen.  xxiik 


(626) 

(627) 
(628) 
(629) 
(630 


PEN 


DICTIONNAIUE  ArOLO<;KTIQI  R. 


PEN 


^  qoanil  nous  le  supposerions,  «fail-elle, 
lorès  le  délage,  Toccasion  immédiate  de  les 
fctercer?  Elle  devait,  avant  tout,  pK)nrvoir  à 
î-  -Q  exislence:  voilà  ce  qui  exiiseait  tout  son 
iii-'ps  ei  toutes  ses  forces;  voila  aussi  ce  qui 
n  îuait  les  arts  de  luxe,  et  ne  permettait 
^'î.iercer  que  les  plus  communs  et  les  plus 
;^«.e5saires.  Il  était  donc  im{iossible  que 
f  rjsieurs  des  connaissances  du  monde  an* 
:'-J!uv΀D  ne  demeurassent  oisives,  et  ne 
fttÂseot  oubliées  après  cette  grande  époque, 
;'iNi|u'à  ce  qu*nn  heureux  nasard  les  vint 
remiuer  aux  hommes.  Si  donc- Moïse,  au 
^Q  de  laisser  paraître  ce  retard  de  la  civi- 
.c^^(ion,  nous  Teût  représentée  comme 
><ant  loujc»urs  continué  sa  marche  ascen- 
.•2ie«  c*est  bien  alors  que  nou>  devrions 
^J  jf^onner  la  Gdélité  de  i  historien.  » 

Dchborn  n*a  |«arlé  ici  que  de  la  Cenise; 
cs^ite  preuve  deviendrait  plus  saillante  et 
'j.is  complète  encore,  si  on  rappliquait  à 

ICL 

1  criei  4b  PeafJlMqiie.  —  GonfimuitioD  par  les  décou- 
"iervcs. —  RestrictioDs  et  esplications.  — 
—  Confinnaliobs  chrooologiqaes.  —  ExleiH 
le  de  b  chronolofrie.  •  -  Coîncideiices  hicio- 
çTià^Mi»  —  Aslonté  cnussanie  de  la  Geuése. 


\  mesure  que  les  temps  s*écoulent,  et 

q'^\€sUvTts  saints,  dépôt  de  la  vérité  re- 

l.^neuse,  reaontent   plus   haut  dans   les 

hn3^de  raatiquité.  nous  vovons  s^aOat- 

biir  (jueiqnes-unes  des  preuves   sur  tes- 

qutlles  leur  autorité  repose.  Les  traditions 

lisoriques  s*obscnrcissent  ou  se  perdent, 

.1  cri  ique  devient  plus  conjecturale,    les 

ûyijoîh^es  en  Tair  sont  plus  faciles,  et  la 

(.>iùace  des  lecteurs  s*ac4;rolt  à  mesure  que 

Iti  movens  d*examen  diminuent.  Gardons- 

D03S  d*eQ  eonclnre  aue  les  preuves  de  la 

rcrélation  aillent  en  s  affaiblissant.  D'autres 

[Couves  s'accroissent,  en  revanche,  et  font, 

2  (Lon  avis,  pluf  que*  compenser.  Ce  sont 

ce  les  que  fournissent  en  grand  nombre  la 

;erpétuité  et  les  progrès  de  certains  faits 

zii'>raux.  Ce  sont  encore  celles  qui  résnl- 

tcQtJe nouvelles  découvertes  et  de  confir- 

Mjijons  imprévues,  d'autant  plus  frappan- 

ttN  qu'elles  se  rapportent  à  des  faits  plus 

antiques,  et  résolvent  des  problèmes  plus 

."D^temfis  obscurs.  Le  Nouveau  Testament 

i  tk'  peut-être  de  la  première  de  ces  deux 

.^  .'jrces  ses  plus  fortes  et  jtius  touchantes 

îteuves,  et  la  seconde  en  fournit  d^assez 

lra{»fi«iules  à  TAncien.  Ce  sont  celles-ci  que 

nous  avons  à  indiquer  dans  ce  paragraphe. 

Avant  tout,  il  faut  bien  s'entendre,  et  je 

rjiumenca  par  une  remarque  importante 

sot  Tobjet  etTeffet  de  ces  preuves. 

11  importe  de  distinguer  soigneusement 
i'iulorilé  des  livres  saints  de  Taulorité  des 
uiit-rprétations  humaines,  deux  choses  qu'on 
L'i  utanque  guère  de  confondre.  Dès  lors 
V  at  ce  qui  porte  atteinte  à  la  seconde,  sem- 
i-e  ébranler  la  première;  confusion  pleine 
u^erreurs,  et  sur  laquelle  je  veux  insister. 
I*  est  fieo  extraordinaire  que  ces  deux  chu- 
tes s'ttjentifient  dansqueh{ues  esprits;  mais 
l-»ur  élrc  naturel,  reîa  u  en  e:>i  pa>  niuias 


fâcheux.  1^  parole  sainte  devient  ainsi  so- 
lidaire des  erreurs  et  des  méprises  humai- 
nes. Dans  tous  les  âges,  on  s  en  est  pris  à 
la  Bible,  des  fausses  idées,  des  préju^s, 
des  notions  incomplètes,  des  erreurs  scien- 
tîGquesde  ses  iuterprètes.  Qui  pourrait  dire 
que  d'attaques  publiques  et  de  doutes  ca- 
chés n'ont  pas  eu  d*autre  source!  Combien 
d'incrédules  secrets  ou  de  sceptiques  dé- 
clarés n  ont  perdu  la  sécurité  de  la  foi  que 
parce  qu*ils  voyaient,  avec  toute  raison, 
erreur  ou  absurdité,  non  dans  l'enseigne- 
ment même  de  la  Bible,  mais  dans  ce  que 
lautorité  d*autrui  leur  avait  toujours  donn) 
pour  cet  enseignement  ! 

Ces  méprises  ont  été  déplorables,  mais 
elles  peuvent  devenir  utiles,  en  nous  lais- 
sant cette  leçon-ci,  nécessaire  encore  do 
nos  jours  :  Tout  certains  que  nous  puissions 
être  de  l'authenticité  des  livres  saints,  de 
la  révélation  qu'ils  contiennent,  il  est  très- 
possible  que  nous  nous  trompions  sur  le 
sens  de  quelques-unes  de  leurs  portions, 
au  moins  eu  ce  qui  touche  la  science  et 
l'histoire,  surtout  dans  l'Ancien  Testament. 
Il  est  très-possible  que  des  découvertes 
scienliflques  et  critiques  doivent  changer 
un  jour  notre  manière  d'entendre  bien  des 
choses,  et  (|ue  ces  découvertes  confirment 
réellement  la  Bible,  tout  en  renversant  des 
opinions  de  détail  regardées  à  tort  comme 
bibliques. 

Cela  est  surtout  vrai  pour  la  (ren&e,  livre 
dont  l'antiquité  se  perd  dans  la  nuit  des 
âges,  et  qui  renferme  de  vieux  documents, 
dont  quelques-uns  sont  antérieurs  à  Moïse  ; 
qui  sait?  peut-être  à  Noé;  livre  qui  rapporte, 
en  trois  mots,  une  révolution  du  glèbe,  on 
un  prodige  merveilleux,  et  qui,  dans 
son  style  monumental,  figuré,  lapidaire,  ri 
légué  d'éternelles  énigmes  aux  cntiques  cl 
aux  savants.  Ils  ont  fait,  à  ce  sujet,  des 
expériences  qui  doivent  rendre  prudent 
pour  l'avenir. 

Le  chapitre  x  de  la  Genèse  ne  paraît,  au 
premier  coupd'œil»  renfermer  que  des  gé- 
néalogies, et  indiauer  que  des  rapports  de 
père  et  d'enfant.  Il  y  a  deux  siècles  que 
Bochart  s'avisa  d'y  voir  des  généalogies  de 
peuples,  et  des  rapports  de  colonies  et  de 
métropoles.  L'étude  plus  approfondie  de  ce 
document,  sa  comparaison  avec  les  docu- 
ments profanes,  ont  changé  la  conjecture 
de  Bochart  en  un  fait  avéré,  dont  nul  cri- 
tique instruit  n'oserait  maintenant  douter. 
Cette  explication  admise,  il  en  est  résulir^ 
une  contirmation  réeliede  la  Genèse  et  de 
son  exactitude.  Or,  si  la  chose,  au  lien  de 
se  passer  entre  les  savants,  avait  occupé  le 
peuple  des  fidèles,  si  ce  chapitre  eût  été  de 
ceux  sur  lesquels  les  théolb^enss'anpuient,. 
et  qui  excitent  l'attention,  il  est  très-possi- 
ble qu'on  n'eût  pas  si  facilement  renoncé 
à  son  interprétation  ancienne  et  naturelle, 
et  la  découverte  ^ui,  aux  yeux  des  hoinm^ 
judicieux,  ajoutait  réellement  du  poids  à 
son  autorité,  l'eût  fieut-ètre  ébranlée  aux 

Jeux  de  chrétiens  moins  éclairés.  Je  jiasse 
un  autre  exemple,  trop  connu  i>our  éli^ 


t09 


PEN 


DICTIONNAIRE 


étran(£$r  h  mes  lectearsi  mais  trop  saillant^ 
trop  décisif  pour  ne  pas  aroir  ici  sa  place 
marquée* 

Au  commencement i  Dieu  créa  les  deux  et 
la  terrcf  nous  dit  la  Genèse;  puis  elle  nous 
parte  de  six  œuvres  du  Créateur  accomplies 
suceessirement  en  six  jours.  Tant  qu'on 
n'a  point  demandé  aux  sciences  le  com- 
mentaire de  ce  texte,  on  nV  à  vu  qu'une 
création  unique  et  unirerselle  en  six  jours 
de  YÎngt  quatre  heures  chacun.  Mais  a  me- 
sure qu'on  a  mieux  étudié  la  constitution 
de  )a  terre,  force  a  été  de  mieux  entendre  aussi 
}c  récit  de  Mo'ise.  On  a  donc  distingué  entre 
le  premier  et  le  second  Tcrsct  de  la  Genèse^ 
entre  la  création  et  la  réor^nisation  du 

i^Iobe.  On  a  compris  quMi  avait  existé  entre 
e  grand  fait  de  la  création  première  et  cette 
réorganisation  ou  restauration  de  notre 
plajiele,  décrite  par  Mo'ise,  une  série  de 
phénomènes  ou  de  révolutions,  attestés 
i)ar  les  formations  géologiques  et  Tenseve- 
lissement  des  fossiles  tels  que  la  science 
If  s  constate.  On  a  rejeté  ces  ipoyues  indé- 
terminées dans  lesquelles  on  avait  imaginé 
de  transformer  les  six  jours  génésiaques, 
hypothèse  aussi  inconciliable  avec  le  texte, 
quelle  torturait  d'une  manière  étrange, 
fiu'avee  les  découvertes  géologiques  qui 
lont  entièrement  ruinée  (031).  Ainsi  les 
six  jours  du  récit  de  Moïse  ont  été  rendus 
k  kur  signification  ordinaire,  définie  avec 
une  si  rigoureuse  précision  par  l'historien 
sacré,  mais  dans  le  sens  d'une  réorganisa- 
tion^nond'une  création  primordialectnnani- 
té  de  toutes  ces  théories  cosmogoniques, 
géogéniqucs  et  paléontologiques,  qu'on 
ajustait  si  laborieusement  à  la  Genèstf  a  été 
Victorieusement  démontrée. 

Ce  dont  nous  venons  de  voir  d'aussi  frap" 
pants  exemples  peut  arriver  encore.  Des 
travaux  archéologiques  se  préparent  ou 
s'accomplissent,  qui,  en  dévoilant  l'ancienne 
histoire  d'Egypte,  confirmeront^  sans  doute, 
d'une  manière  éclatante  les  récits  de  Mo'ise. 
Pouvons-nous  assurer  qu'à  certains^ égards 
ils  ne  nous  les  feront  pas  comprendie  au- 
trement au'à  cette  heure?  La  chose  est  fa- 
cile à  prévoir,  ou  même  est  déjà  arrivée. 
£n  voici  un  exeiiiplepeu  important  en  lui- 
même,  mais  qui  confirme  singulièrement 
notre  thèse.  En  suivanl,  d*un  coté,  la  chro- 
nologie d'Dshérius  pour  les  Hébreux,  de 
Tautroy  celle  de  M»  Champollion-Figeac 
pour  les  Egyptiens,  on  est  arrivé  à  trouver 
que  (e  pharaon  qui  poursuivit  les  Israéli- 
tes au  bord  de  la  mer  Rouge,  est  TAmé- 
nophis  Ramsès  deManéthon.  D^autres  indi- 
ces encoi*e  confirment  cette  hypothèse.  Or, 
Ton  affirme  d'ordinaire,  d'après  VExode^ 
(lue  le  perséculeurdes  Hébreux  périt  dans 
la  mer  Houge,  en  essayant  d'y  passer  après 
eux  ;  les  entants  même  le  savent  et  l'appren-^ 

(65!)  Vop  Tsrt.  Création,  §V,  dans  ce  Diction- 
naire^ el  noire  Dictionnaire  de  coimogenie  ei  de  pa- 
iéontologie^  art.  JooRS-PÉatODES,  Coshogohie,  Hobe* 
ruov-,  Maacli.  dl  Serres,  Bccruind,  Mmisied,  et<-.» 
ti  .,eus 


APOLOGETIQOC.  PEN  m 

nent  dans  leur  catéchisme.  Il  n'y  a  pas  nn 
abrégé  d'histoire  sainte  qui  ne  le  répèle. 
Cependant  on  voit,  par  lachronolode  4yp- 
tienne,  que  cet  Aménophis  Rarosj^  suné- 
eut  dix-sept  ans  i  l'époque  admise  pour  la 
sortie  d'Egypte.  Voilé,  ce  semble,  onecoo- 
tradictioR  positive,  et  si  les  deoi  chroDo* 
logies  sont  exactes,  le  récit  de  l'Exode  ne 
devient-il  pas  suspect?  —  Non,  siaalieo 
de  s*en  tenir  à  l'interprétation  vulgaire,  on 
lit  soi-m6me  VExode  avec  attention,  car  on 
n'y  trouvera  pas  u  n  mot  destiné  à  affirmer 
que  le  monarque  lui-même  ait  péri  atecsi 
eavalerie  et  ses  soldats. 

Cette  observation  a,  an  fond,  pea  fïnii- 
rèt  pour  l'ensemble  du  Pentatenque,  mais 
la  leçon  de  réserve,  d'examen,  de  défiaocp 
des  interprétations  vagues  et  vulgaires,  fi 
en  résulte  pour  nous,  est  en  revanche  trt^ 
significative  (632).  Au  reste,  c'est  à  ce  titre. 
el  non  comme  résultat  constaté,  que  [a 
rapporté  cette  discussion,  car  lachronoiore 
hébraïque  renferme  encore  trop  d'élémeu'»  i 
douteux  pour  mettre  ces  calculs  à  Tabride  ] 
toute  incertitude.  | 

Viennent  maintenant  des  découvertes g^  , 
logiques,  physiologiques,  archéologiqiif5. 
géographiques,  qui  aient,  avec  la  6m, 
quelque  point  de  contact,  qui  la  GOofiroKOl 
en  s  accordant  avec  elle,  mais  autren^oi 
que  nous  ne  l'imaginions,  qui,  eoéclAir- 
cissant  certaines  obscurités,  condoisentà 
entendreautremenl  quelques  passigei/Co/ze 

découverte  affermira  la  foi  de  ceux  qui 
sauront  renoncer  à  leurs  anciennes  idées  et 
aux  interprétations  reçues;  maiseHesen 
pour  les  autres  une  cause  de  déGanceeUû 
doutes,  peut-être  un  grief  contre  la  science 
et  les  lumières. 

L'homme  éclairé,  bien  plus  saga,  toit 
dans  les  progrès  de  ce  genre,  un  motif  puis- 
sant d'encourager  et  de  suivre  ces  recher- 
ches, qui  peuvent  nous  instruire  U)U]Ou^ 
mieux  sur  la  nature  de  l'inspiration  el^ur 
la  véritable  manière  d'interpréter  les  livres 
saints  ;  il  y  voit  aussi  un  motif  de  réserve 
et  de  prudence  dans  les  théories  histori- 
ques et  scientifiques  surtout,  qu'il  adopte 
sur  l'autorilé  de  Ta  Bible,  et  dans  les  lulrr- 
prétalions  de  celle-ci.  Il  y  voitenenuw 
loi  de  l'humanité,  qui  vit  de  progrès  elOe 
mouvement  au  moral  comme  au  pbysmi«- 
santé,  religion,  science  ou  vertu,  peu  »C' 
porto,  rien  ne  subsiste  que  par  le  dévcioj; 
pemcnt,  c'esl-îi-dire  par  le  cbangemenl.  ^^ 
qui  est  immobile  languit ,  s'efface  it 
meurt.  ., 

Ainsi  donc,  au  lieu  de  craindre  les  dé- 
couvertes de  la  science,  lorsqu'elles  |00f- 
raient  changer  en  quelques  points  nos  w» 
bibliques,  sachons,  je  le  répète,  les  appeler 
de  tous  nos  vœux.  Ne  nous  effrayons  |«^ 
de  quelques  modifications  quelles  pourroni 

(634)  Cet  exemple  a  été  tiré  cïa  fexcdlcr.t^ 
vrage  de  M.  Greppo  (vicaire  général  de  Pelley,i»^ 
tulé:  E$$aiêur  le  mième  hiéroglyphtquei^''l'^* 
U  critique  $acrée ;  Paris,  Dondey-Uupre,  i»»» 


mu 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE 


VES 


f^^pfiTle  à  nos  idées.  Les  bases  de  la  tcH- 
cMo  et  les  grands  traits  de  la  rérélalion  ne 
peoTent  changer;  ce  n*est  |ias  là  ce  qne  les 
biéroglrphes  de  Thèbes,  ou  les  fouilles  géo- 
l^dques  pourront  altérer  jamais.  L*amour 
•ie  notre  INeu,  la  bonne  nouvelle  du  salut, 
k  deToir«  la  conscience,  Tarenir,  Toilà  no- 
tre trésor  à  ]*abri  de  toutes  les  découTcrtes; 
et  les  méprises  à  rectifier  ne  porteront  ja- 
mais que  sur  des  récits  mal  entendus,  des 
Mssa^  isolés  et  des  histoires  peu  iropor- 
iinles.  Mais,  en  revanche,  de  quel  ftrix  ne 
»ont  pas,  pour  le  fidèle  docile  et  amoureux 
de  11  Téritéy  quelques  pas  de  plus  vers  cette 
vcritéfSi  faiblement  entrevue  ici-bas?  Quelle 
-J'Hioeur  encore  d'affermir  sa  foi,  nrécisé- 
Btni  par  ces  changements  inévitables,  qui 
1  ébranleraient  infailliblement,  la  trouble- 
n:ent  du  moins,  si  nous  apportions  à  Tin- 
trpréUtiOD  biblique  des  principes  moins 
i^r^es  et  moins  judicieux  !  Quelle  douceur 
««»  Voir,  à  ehaque  pas  en  avant,  l'histoire  et 
•iiulore  mieux  aaccord  avec  notre  foil 
•i'iripérer,  de  croire,  avec  pleine  conviction 
•ne  chaque  progrès  nouveau  augmentera 
il  ;mxft  de  cet  accord,  accroîtra  nos  lu- 
niims  sur  le  sens  de  la  Bible,  comme  sur 
sa  <lifiailél 
tetewxis  maintenant  au  sujet  direct  de 
ce  ptitaapha  et  aux  confirmations  réelles 
que  le  raitaliaque,  ou  du  moins  la    Ge* 
mht  ê  Iroavées  dans  les  découvertes  mo- 
dernes. Les  réOexions  qui  précèdeut  nous 
en  oui  déjà   donné   des   exemples   sail- 
bflts. 

Il  j]*esC  aocan  point  sur  lequel  la  Genèse 
ait  éîi  aussi  violemment  attaquée  que  sur 
ia  c&roooiogie,  et  il  n'en  est  aucun  peut- 
^tre  sur  lequel  les  attaques  aient  été  plus 
Tictoriensement  réfutées  par  des  savants 
!Lodenies,  qui,  le  plus  souvent,  ne  son- 
(^knt  guère  à  ce  résultat.  On  voulait  faire 
;f  genre  humain  plus  vieux  que  la  Genèse 
c«  h  permet  :  on  opposait  a  celle-ci  les 
»*.t?les  s^ns  fin  accumulés  dans  les  tradi- 
tions de  llode,  de  l'Expie  et  de  la  Chine. 
Cae  réflexion  préiudicielle  aurait  dû,  ce 
$emh]ey  inspirer  plus  de  réserve  aux  adver- 
saires de  Moise.  En  fait  d'antiquité,  comme 
Le  merveilleux,  le  témoin  qui  diminue  est 
:a  général  plus  croyable,  et  celui  qui  aug- 
iiit'Ote,  plus  suspect.  L'orgueil  national  des 
:«eaples  d*Asie  les  portait  à  exagérer  Tan- 
ienneté  de  leur  origine  et  de  leurs  empi- 
*e<,  plutAt  cfu'à  la  rabaisser.  Mais  non,  tout 
lait  bon  contre  Moïse,  et  on  ne  pouvait 
Kvoir  tort  en  l'attaquant.  Cependant  la 
H^'ence  marchait  ;  histoire,  critique,  géolo- 
g^.e.  astronomie,  tout  cheminait  de  concert. 
(>e  partout  jaillissaient  chaque  jour  des  ré- 
i^'iliats  imprévus  et  nouveaux...  et  rappro- 
':-;5  les  uns  des  autres,  ces  résultats  sont 
lenos  démontrer  que  l'espèce  humaine  était 
[  las  récente  que  le  globe  ;  que  les  rêves 
c'anliquité  de  certains  peuples  n'avaient 
r  en  de.  réel,  et  qu*on  ne  pouvait  rien  op- 
\  >  er  de  sérieux  aux  dates  de  Moïse.  Pour 

,(iô.î)  Vo§ez  le  Journal  des  iatanti^  lévrier  1823, 
r  '  ^  etc.,  et  ma»  1823  p.  155,  etc. 


exposer  ici  cette  discussion  et  son  issue,  il 
ftudrait  un  gros  livre  que  je  ne  veux  pas 
faire,  et  des  connaissances  que  je  n'ai^Mts* 
Heureusement  que  ce  livre  existe,  quoique 
composé  dans  un  but  différent.  Fruit  du 
génie  de  la  scitnce,  d'un  immense  travail» 
et  d'une  plume  exercée,  le  Discours  sur  les 
révolutions  du  globe^  placé  par  le  célèbre 
Cuvier  en  tête  de  ses  Recherrhes  sur  les  os^ 
sements  fossiles^  démontre  réellement  ce  que 
nous  avons  affirmé.  L'auteur,  en  effet,  quoi- 

3 ne  occupé  de  dévoiler  la  nature  et  non  de 
éfendre  la  religion,  prouve  sans  réplique, 
et  la  nouveauté  de  Vespèce  humaine,  et 
celle  de  nos  continents.  Personne  ne  se  flat- 
terait sans  doute  de  dire  mieux  ou  plus,  et 
il  serait  difficile  d'extraire  ou  de  choisir.  Il 
vaut  mieux  renvoyer  mes  lecteurs  à  cet  ou- 
vrage, et  ne  rappeler  ici  qu'un  seul  triom- 
phe de  la  chronologie  mosaïque ,  triomphe 
tout  récent,  au  spectacle  duquel  le  monde 
savant  vient  d'a<sister. 

Parmi  les  attaques  que  la  science  a  es- 
sayées contre  l'autorité  du  Pentatf:uque,  il 
en  est  peu  de  plus  modernes  et  de  plus  con- 
nues que  celles  dont  les  antiquités  égyp- 
tiennes ont  été  l'occasion.  Associés  à  une 
expédition  célèbre  dont  ils  partagoaient  tous 
les  périls,  des  hommes  distingués  qui  étu- 
diaient avec  autant  de  courage  que  de  per- 
sévérance les  merveilles  jusque-là  mal  ob- 
servées de  la  vieille  Egypte,  épris  d'un  en- 
thousiasme un  peu  partial ,  mais  assez  na- 
turel, pour  les  monuments,  objet  de  leurs 
travaux  et  f^age  de  leur  gloire,  se  sont  fait 
quelques  illusions  sur  leur  importance  et 
leur  ancienneté.  Les  fameux  zodiaques,  en- 
tre autres»  d'Esné  et  de  Dendéra,  leur  ont 
paru  offrir  la  preuve  d*une  inralcu!ab!e  an- 
tiquité. Aussitôt  cette  prétendue  découverte 
fut  publiée,  comme  ayant  décidé  la  ques- 
tion, et  reculant  la  civilisation  égyptienne 
bien  au  delà  de  Moise,  ou  même  du  déluge. 
Mais  depuis  que  l'un  de  ces  zodiaques,  ap- 
porté en  Europe,  a  été  exposé  aux  regards, 
aepuis  que  les  recherches  accumulées  des 
voyageurs  ont  permis  à  d'autres  savants 
encore  d'étudier  un  grand  nombre  de  mo- 
numents égyptiens,  papyrus,  momies,  tem- 
ples et  tombeaux,  avec  leurs  hiéroglyphes 
et  leurs  inscriptions,  les  choses  ont  bien 
changé,  et  c'est  en  faveur  de  la  Genèse  que 
la  question  s* est  trouvée  résolue.  D*abord 
l'examen  de  ces  monuments  divers,  lait 
avec  plus  de  sang-froid,  a  réellement  assez 
diminué  l'idée  que  l'on  se  formait  de  leur 
grandeur  et  de  leur  importance,  comme  des 
sciences  et  de  l'état  de  civilisation  dont  ils 
étaient  le  gage  (633).  Le  prestige  une  fuis 
évanoui  et  les  premières  exagérations  écar- 
tées, on  a  discuté  la  question  avec  une  cri- 
tique plus  impartiale.  On  s'est  surtout  at- 
taché aux  zodiaques,  on  les  a  comparés  avec 
les  explications  de  leurs  savants  admira- 
teurs; les  doutes  n'ont  pas  tardé  à  naître  et 
à  s'accroître.  On  a  refait  les  calculs,  et  ils 
n'étaient  pas  exacts  (63i)  ;  oji  a  éprouvé  les 

(65i)  Voyez  Biot,  Recherches  «vr  ptntîcurs  points 
de  C astronomie  é^ptitnne. 


983 


PEN 


DlCTiONNAIRC  APOLOGETIQUE. 


PEN 


60i 


hypothèses,  et  elles  menaçaient  ruine.  Plu- 
sieurs autres  hypothèses  nouvelles,  toutes 
différentes  des  premières  et  diverses  entre 
elles,  ont  été  essayées  avec  peu  de  succès. 
Une  seule  chose  a  été  prouvée  dans  ce  con- 
flit, c*est  que  Ton  ne  pouvait  plus  croire  à 
Teitrême  antiquité  de  ces  zodiaques  :  tous 
les  nouveaux  systèmes  étaient  aaccord  en 
ce  point  (635).  Bientôt  de  nouvelles  ressour- 
ces se  sont  présentées,  et  on  a  pu  aller  plus 
loin  encore. 

Deux  savants,  entourés  l'un  et  Taotre, 
quoique  à  divers  titres,  d'une  célébrité  mé- 
ritée, puissamment  secondés,  sansdoute,^r 
la  masse  de  richesses  dont  les  musées  euro- 
péens se  sont  enrichis  depuis  quelque 
temps,  ont  enfin  soulevé  le  voile  qui  cachait 
à  nos  yeux  l'histoire  de  ces  merveilles  du 
monde  ancien.  Certes,  personne  ne  s'atten- 
dait que  sur  le  front  de  ces  temples  ruinés, 
construits,  disait-on,  trois  mille  ans  avant 
Jésus-Christ,  sous  ces  peintures  mystérieu- 
ses qui  devaient  renfermer  les  premières 
connaissances  du  monde  encore  enfant,  ils 
découvriraient  à  tous  les  regards  les  noms  de 
Ptolémée,  de  Cléopatre  ou  de  Trajan.  C'est 
pourtant  ce  qu'ils  ont  fait.  M.  Letronne,  en 
discutant  à  la  fois  la  construction  de  ces  mo- 
numents et  les  inscriptions  grecques  qui  se 
retrouvent  sur  quelques-uns  (636),  M.  Cham- 
polli<m  le  jeune,  en  saississant  enfin  la 
valeur  des  trois  classes  d'hiéroglyphes  dont 
ils  sont  chargés  (637),  sont  arrivés  au  même 
résultat.  Chose  remarquable  1  au  même 
moment,  des  savants  anglais  parvenaient 
à  lire  de  même  les  mômes  noms,  par  des 
efforts  tout  à  fait  isolés,  et  par  des  métho- 
thodes  différentes  (638);  méthodes  très- 
imparfaites,  sans  doute,  et  mêlées  d'erreurs, 
mais  suffisantes  cependant  pour  ce  premier 
et  singulier  succès.  Au  même  moment  en- 
core, des  arti.«tej  y  parvenaient  par  l'étude 
de  la  sculpture  et  àe  l'architecture  des  mo- 
numents en  question  (639).  Des  voyageurs 
confirmaient  ces  découvertes  sans  s'en  dou- 
ter, par  les  manuscrits  et  les  momies  qu'ils 
rapportaient  à  l'Europe  (6&0),  et  il  a  été 
démontré  de  la  manière  la  plus  irréfragable, 
par  trois  ou  quatre  voies  différentes,  que 
ces  trop  fameux  zodiaques,  peu  dignes  de 
tant  de  renommée,  étaient  postérieurs  à 
Jésus-Christ,  ainsi  que  les  édifices  sur  les 

Slafonds  desquels  ils  étaient  peints  (6j^l).  Si 
[.  Champollion,  en  réussissant  à  lire  les 
hiéroglyphes  des  temples,  a  rabaissé  plu- 
sieurs de  ces  monuments  jusqu'au  siècle 

(6S5)  Voyez  Touvrage  de  Biot  cité  plus  haut;  la 
Notice  sur  le  zodiaque  de  Detidéra^  par  M.  de  S  lui- 
Martin  ;  la  Revue  encydopédiquef  tome  XV,  p.  252 
et  suiv.;  le  Journal  des  tavanU^  avril  et  juillet  1824, 
^.  2.56»  etc.,  402,  etc. 

^^56}  Becherchfs  pour  servira  {'histoire  de  CEgypte 
pendant  la  domination  des  Grecs  et  des  Romains,  — 
Voyez  encore  le  Journal  des  savants^  avril  et  juin 
1825,  p.  198,  etc.,  344,  etc. 

(6'5/)  Précis  du  système  hiéroglyphique  des  anciens 
Egyptiens. 

(638)  Voyez  Essai  on  D'  Young*s  and  M,  Cham- 

9f/to»*s  vnoneiic  system  of  hieroglyphicy  etc.;  by 
1.  Sait;  Londres,  1820.  —  \oycz  aussi  la  répouse 


?i 


des  Antonins,  d'autres,  il  est  vrai,  ont  trodTé 
dans  ses  travaux  une  date  antique  et  eer 
taine  ;  mais,  confirmation  nouvelle  et  digne 
d'attention  !  aucun  monument  ne  s*esi  en- 
core trouvé  plus  ancien  que  les  pharaoBs 
de  VExode  et  de  la  Genèse. 

Maintenant  le  procès  est  jagé;  lesadTer- 
saires  de  Moïse  ont  laissé  sans  réponse  les 
assertions  positives  de  ses  défenseurs  cl  les 
faits  constatés  sur  lesquels  elles  reposent  ; 
ils  ont  avoué,  par  leur  silence,  la  précipi- 
tation de  leurs  jugements  et  rincorreclion 
de  leurs  calculs.  Une  pareille  victoire  n'ap- 
prendrai t-el  le  pas  enfin  aux  hommes  qnt 
croient  en  la  parole  de  Dieu,  ce  qu*ils  dot- 
vent  craindre  des  attaques  analogues  qui 
pourraient  encore  survenir.? 

Pour  avoir  droit  de  l'espérer  cependant, 
remarquons-le  bien,  il  faut  ne  demander] 
Moïse  que  ce  qu'il  peut  et  prétend  donoer; 
il  fautnien  expliquer,  par  conséquent,  « 
que  nous  appelons  la  chronologie  mosai* 
que.  Je  n'entends  point,  et  personne  de 
Tersé  dans  ces  matières  n*entendra  qu'elle 
détermine   l'époque    de  la    naissante  do 

Î^enre  humain,  ou  celle  du  déluge,  mij 
aisser  une  incertitude  de  quelaues  aso^i 
ou  plutôt  de  quelques  siècles.  11  fant  ledire 
sans  détour  :  la  Genèse  ne  peut  foaroir li- 
tière à  un  calcul  très-précis.  VèMt  an 
lieu  d'un  calcul,  les  manuscrits  ou /es  re^ 
sions  antiques  nous  en  présenta/  les  élé- 
ments de  deux  ou  même  trois  divers,  ddoi 
les  résultats  difièrent  entre  euidetoiU 
neuf  siècles.  Il  faut  choisir  entre  ces  trois 
chronologies,  ou  plutôt,  comme  on  ne  penl 
le  faire  avec  certitude,  H  faut  reconnaître 
que  la  chronologie  mosaïque  laisse  réelle- 
ment à  rénoaue  de  la  création  de  l'homaie 
une  latitude  ue  près  de  mille  ans.  Cne  s^ 
conde   circonstance  vient  encore  ansmen- 
ter  cette  incertitude  et  étendre  ce  chanic. 
La  chronologie  mosaïque  n'est  point  dim* 
ment  enseignée.  Nulle  part  Moïse  n*a  dit: 
tant  de  siècles  se  sont  écoutés  depuis  \ém 
jusqu'à  Noé,  depuis  Noé  jusqu'à  ce  jour. 
On  déduit  seulement  ces  résultais,  des  gé- 
néalogies que  renferme  l'Ancien  Teslameiii. 
Or,  ces  généalogies,  loin  de  se  prêter  tou- 
jours à  des  calculs  bien  rigoureaxjy  ^nl^'* 
duisent  presque  nécessairement  divers  j»- 
jets  de  doute.  Je  ne  parle  pas  seuleiii«! 
des  méorises  des  copistes,  si  faciles  et  ^^ 
fréquentes,  quand ,  au  lieu  d'une  som^ 
totale,  ils  doivent  reproduire  un  grand  nom- 
bre de  sommes  partielles,  exprimées d y^' 

de  M.  ChampolUon^dans  le  Bulletin  dt  Ff*^' 
(Sciences  historiques)  de  janvier  1926,  elle ^•n"'' 
ûes  savants  de  mai  1826.  n, 

(639)  MM.  Huyoi  et  Gan.  Yoyei  Letbo^^  ^' 
cherches  pour  urvir^  etc.,  In-rodiictioii,  p.  }^^' 

(640)  Voyez  Letrosse,  Obsenatioiu  fn^'f  ' 
archéologiques  sur  les  représentations  todiacaif*  f"' 
nous  restent  de  l^antiquilé.  —  Voyw  cflcore  k  ^f"» 
nal  des  savants^  juillet  1824,  p.  598.  .  ,, 

(641)  Ce  qui  parait  mainicnanl  le  pl"s  P^?^^^ 
c*esl  que  ces  peintures  zodiacales  éiaieni  de*  iw« 
astrologiques,  doiit  Tusage  s'iutrodaisH  en  Hf.i* 
sous  les  empereurs. 


mCTIOSaiAlRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


dinaire  en  simples  chiffres,  ni  des  erreurs 
presque  inévitables  dans  les  sommes  to- 
taies,  avec  Thabitude  des  Orientaux,  de  don- 
ner comme  entiers  des  nombres  rompus. 
Mais  je  veux  parler  surtout  de  l'habitude 
lien  constatée  des  Juiiis»  de  supprimer  sou- 
reot  quelques-uns  des  chaînons  Je  leurs 
groéa'o^es,  en  présentant  le  petit-fils  comme 
immédiatement  né  de  Taïeu].  Il  jNiralt  qu'ils 
(lisaient  cela  quand  le  père  avait  vécu  peu 
de  temps,  où  bien  avait  joué  dans  Tbisloire 
un  rftie  moins  remarquable  ;  peut-^tre  même 
l«ur  donner  aux  généalogies  quelque  chose 
de  plus  svroétrique  et  de  plus  régulier. 
Pimreux,  la  certitude  de  l'origine  était  tout, 
t{  les  intermédiaires  peu  de  chose.  La  gé- 
u«^aio^e  de  Jésus-Christ  dans  saint  Mat- 
Utieu  suiDrait  seule,  au  besoin,  pour  don- 
Df-r  Texemple  et  la  preuve  de  ce  que  nous 
iTaoçons.  D'antres  généalogies,  insérées  à 
ôoabie  dans  l'Ancien  Testament  et  dans  les 
V.Tres  divers»  prouvent,  par  leurs  différen- 
ces, des  omissions  du  même  genre.  Sans 
dciQie  les  séries  de  patriarches  aue  présente 
h»  FenUtenqoe,  avec  l'âge  de  chacun  d'eux 
à  la  nai^nce  de  son  fils  aîné,  ces  séries 
{•las  anriennes  et  plus  importantes  que  les 
fcair»  {linéalogies  des  livres  saints,  indi- 
(^ucmvA  fins  grand  soin  apporté  à  la  dé- 
tenaiMâoiida  t^mps;  mais  elles  n'excluent 
poiot  lOBlàtft  la  possibilité  de  semblables 
omissiaQs.Ujàp\us  encore  :  ce  ne  sont  pas 
seakmeBi  les  négligences  du  texte,  mais 
tfjsi  Jes  erreurs  des  critiques,  qui  ont  trop 
resserré  la  durée  de  la  chronologie  mo* 
sai'joe.  Ceux-ci,  méconnaissant  la  véritable 
nalore  des  calculs  du  Pentateuque,  ont  tiré 
suarent  de   tel  ou  tel  passaf^e  des  coosé- 
qoeoces  rigoureuses,  démenties  par  tel  au- 
tre, et  ioeooapatibles  avec  le  tout.  C'est  ainsi 
que,  malgré  Taffirmation  positive  du  texte 
sacré  .'6iz)  :  Jl  y  avait  quaire  cent  trenie  an$ 
{oe  les  lêraéliUi  étaient  en  Egypte^  les  chro- 
coloristes  ont  longtemps  soutenu  qu'ils  n'v 
eo  avaient  passé  que  deux  cent-quinze^  abr^ 
c**ant  ainsi  de  moitié  la  durée  assignée  par 
Tf!  Peniatenque,  pour  la  multiplication  du 
(•caple  (M3). 

li  résulte  de  ces  considérations  diverses 
que,  si  les  généalogies  de  l'Ancien  Testa- 
ment sont  des  monuments  parfaitement  sûrs 
de  Texistence  et  de  Tordre  des  personnages 
quelles  présentent,  eUes  ne  forment  pas 
ût&  éfémeots  aussi  certains  d'un  calcul  chro- 
noic^que  exact  ;  Moïse,  ne  l'oublions  pas» 
De  lait  nulle  part  ce  calcul.  II  n'est  pas 
même  probable  qu'il  ait  eu  l'intention  d  en 
i>>oner  les  éléments.  Quand  donc  nous  dé- 
codons l'autorité  de  la  chronologie  mo- 
^que,  nous  affirmons  seulement  qu'elle 
•:^U  en  général,  exacte,  plus  que  les  chro- 
LolOfpes  profanes  qui  la  contredisent,  qu'elle 

($i«)  Exod.  xu,  40. 

•G43)  \9yez.  sur  ce  sojet,  d*excelleiites  lliéscs  de 
V.  I^ouirmc;  Genève,  1S26. 

'&44)  \'of€z  à  ee  sujet  la  Lettre  à  M,  C.  Coqueret 
wr  te  999ième  kiérogfffpkique  de  M,  Champoilian^ 
touûdéré  dmm  m«  rapports  arec  f  Ecriture  sainte^ 
par  A.  L.  C  CoQixaxL,  pasteur  à  Amsterdmn  («c- 


ne  permet  de  soupçonner  que  des  erreurs 
restreintes,  et  qui  ne  pourraient  s'étendre, 

Eir  exemple,  k  de  longues  suites  de  siècles, 
enfermée  dans  ces  bornes,  cette  chrono- 
logie triomphe  de  toutes  les  objections; 
chaque  découverte  scientifique,  chaque  tra- 
vail bien  fait  sur  ces  matières,  au  lieu  de 
l'ébranler,  la  confirme,  et,  j'en  ai  la  con- 
fiance, la  confirmera  toujours. 

Les  découvertes  de  If.  Champollion  n'ont 
|ias  seulement  rendu  témoignage  au  Penta- 
teuque en  rabaissant  l'ancienneté  de  la 
vieille  Egypte,  mais  encore  en  découvrant 
dans  son  nistoire  des  coïncidences  avec  la 
Bible,  et  la  solution  de  quelques  objec- 
tions (&kk).  Ces  coïncidences  sont  de  diver- 
ses sortes  :  j'en  indiquerai  de  noms  ,  de 
mentrs  et  d'Au/oire. 

De  noms.  —Les  noms  égyptiens   qui  se 
rencontrent  dans  l'Ancien  Testament,  s'ex- 
pliquent par  la  lan^e  des  hiéroglyphes. 
Ainsi  IGen.  xu,  ko)  il  est  question  de  Poti- 
phérah,  prêtre  ou  gouverneur  d'On  (ville 
nommée  par  les  Grecs  Héliopolis,  cité  du 
soleil).  Or,  le  nom  de  Potiphérah  ou  Pélé- 
phré,  retrouvé  dans  des  manuscrits  hiéro- 
glyphiques etln  avec  l'alphabet  de  M.  Cham- 
pollion, sisnifie  celui  qui  appartient  à  Ré^  le 
dieu  Soleil.  Le  sens  du  nom,  en  égyptien, 
coïncide  donc  exactement  avec  les  fonctions 
attribuées  à   l'homme,  en  hébreu.  Aulre 
exemple  du  même  genre.  Je  tire  celui-ci  de 
il.  Greppo  (6U).  On  a  longtemps  et  vaine- 
ment disputé  sur  le  sens  du  mot  pharaon, 
nom  biblique  de  tous  les  monarques  égyp- 
tiens ;  entre  mille  conjectures,  on  avait  pu 
remarquer  celle  de  Jablonski,  ^ui  croyait 
pouvoir  l'interpréter  par  le  roi^  d'aprèsquel- 
ques  débris  de  l'ancienne  langue  éjûrptieune. 
—  On  a  un  être  surpris,  on  a  douté  peut- 
être  de  1  exactitude  biblique,  en  ne  trou- 
vant aucun  nom  semblable  dans  les  catalo* 
Fues  hiéroglyphiques   des  monarques  de 
Egypte,  non  plus  que  dans  les  tables  roya- 
les de  Hanéthon  ;  mais  les  doutes  eut  dû 
cesser  quand,  par  une   rencontre  curieuse 
et  vraiment  frappante,  H.  Champollion  a  re- 
trouvé dans  ce  nom  la  désignation  d'un  ser- 
fient,  signe  allégorique  des  souverains  de 
*£gyple  et  symbole  de  leur  puissance,  dont 
leur  tiare  était  habituellement  surmontée. 

De  mcturs.  —  Je  laisse  ici  parler  M.  Co- 
querel  (646)  :  «  La  dix-huitième  dynastie  de 
llanéthon  et  le  règne  de  Sésostris,qui  ouvre 
la  dix-neuvième,  paraissent  avoir  été  l'épo- 
que où  les  arU,  en  Egypte,  oçl  atteint  leur 
perfection.  Toutes  les  découvertes  de 
M.  Champollion  tendent  k  confirmer  ce  fiait  : 
alors  de  grandes  constructions  ont  été  com- 
mencées; les  belles  statues,  les  belles  cou- 
leurs ,  les  inscriptions  bien  sculptées  re- 
montent à  ce  temps,  au  delà  duquel  on  n'a 

lodlemem  à  Paris);  Amsterdam,  I8î5.  Les  coîDci- 
dences  qui  saivent  sont  priocipalement  tirées  de  cet 
opufculc.  —  Voyez  aussi  rioiéressaut  ouvage  da 
M.  Greppo,  dont  il  a  déjà  été  question. 

(645)  P.  tiO.125. 

(640)  P.  5!  et  32. 


M7 


PEN 


MCTIONNAIAE  APOLOGETIQOE. 


PEK 


^^ 


encore  rieo  trouTé.  Nous  allons  Toir  que 
Sésoslris  et  lloïsc  ont  été  contemporains  ;  et 
la  sagesse  que  ce  dernier  puisa  chez  les 
Egyptiens,  les  ohjets  d*arl  qu  il  fit  exécuter 
pour  le  tabernacle,  les  inscciptions  tracées 
sur  des  métaux  et  dejs  pierres,  les  yases  et 
les  candélabres,  les  tissus  colorés,  la  fonte 
du  y  eau  d'or,  n'ont  plus  rien  dont  Tincré- 
dulité  doive  s*étonner.  On  ne  demandera 
plus  sur  quoi  Moïse  a  pu  écrire  le  Penta- 
teuque,  trop  long  pour  n'être  j)as  écrit  sur 
des  matériaux  portatifs,  et  qui,  d'ailleurs, 
devait  être  gardé  dans  l'arche  ou  à  côté 
{Deui.  XXXI,  26),  puisque  Ton  possède  des 
papyrus  qui  remontent  à  ce  temps.  On  ne 
demandera  plus  comment  le  souverain  sa- 
crifiraleur  Hilkya,  sous  le  rëçne  de  Josias 
(lIReg.  xxii;  II  Chron»  xxxiv),  a  pu  retrou- 
ver dans  le  temple,  après  une  période  d'en- 
viron mille  ans,  Tautographe  de  Moïse, 
puisquvs  d^s  papyrus  de  cette  époque  exis- 
tent et  sont  encore  lisibles.  » 

D'histoire  (647).  —  Le  conquérant  nommé 
Sésostris  |iar  les   Grecs,  retrouvé  sur  les 
monuments  égyptiens  sous  le  nom  de  Ram- 
sèSf  avait  parcouru  successivement,  en  vain- 
queur, l'Asie   et   l'Afrique.  On  demandait, 
avec  quelque  raison,  comment  il  n'en  était 
fait  aucune  mention  dans  le  Pentateuque,  non 
plus  que   dans  les  histoires  juives  subsé* 
quentes.  A  une  époque  ou  à  une  autre ,   ce 
semble,  les  annales  sacrées  auraient  dû  nous 
le  montrer  ravageant  la  Palestine  et  lui  im- 
posant tribut.  On  avait  bien  voulu  le  retrou- 
ver dans  Sésack,  vainqueur  de  Roboam  (648); 
mais  il  faHait  pour  cela,  se  soumettre  à  un 
anachronisme  cfe  quelques  siècles,  et  ce  n'est 
pas  ainsi  qu'on  peut  étudier  l'histoire  et  dé- 
îendre  la  vérité.  —  Des  documents  égyptiens 
expliqués  par  M.  Champollion,  en  même 
temps  qu'ils  nous  font  reconnaître  Séson- 
chis  dans  le  Sésack  de  la  Bible,  nous  donne 
la  date  certaine  de  Sésostris.  Or,  il  monta 
sur  le  trône  quand  Israël  errait  depuis  vingt- 
deux  ans  dans  le  désert,  et  le  double  passasse 
du  conquérant  dut  coïncider  avec  l'exil  du 
peuple.  On  est,  de  plus,  conduit  h  conclure 
de  1  histoire,  que  Sésostris  suivait  la  mer  au 
nord,  pendant  que  Moïse  s'enfonçait  dans  les 
sables  plus  au  sud;  qu'il  revint  par  mer 
neuf  ans  après,  et  que,  ni  à  son  départ,  nia 
son  retour,  l'armée  du  conquérant  ne  dut 
avoir  le  moindre  contact  avec  la  caravane 
sainte  du  peuple  de  Dieu.  La  difficulté  est 
ainsi  levée  par  une  plus  exacte  connais- 
sance des  faits.  --  Convenons-en  toutefois, 
cette  frappante  et  curieuse  coïncidence  re- 
pose sur  l'exactitude  de  la  chronologie  hé- 
braïque, exactitude,  avons-nous  dit,  qu'il 
est  possible  de  contester  ;  surtout,  il    est 
vrai,  pour  les  temps  antérieurs  à  Abraham, 
mais  aussi  pour  ceux  qui  suivirent.  La  date 
de  Sésostris,  donnée   par  les  monuments 
égyptiens,  est  désormais  certaine;  celle  de 
la  sortie  d'Egypte  ne  Test  pas  autant.  Les 
meilleurs  et  les  plus  nombreux  chronologis- 
tes  s'accordent  sur  la  date  que  nous  avons 


admise  avec  nos  deux  auteurs,  U%  l  isûq 
avant  Jésus-Christ;  mais  que  d'élémeois 
douteux  dans  ces  ealenis!  Bien  des  dirono- 
logistes  allemands  font  remonter  cette  dite 
un  ou  deux  siècles  plus  haut,  en  alloDgeuit 
davantage  Tépoone  des  Juges,  époque  vagae 
et  obscure,  sur  la  durée  et  l'bistoire  de  la- 
quelle les  livres  saints  ne  donnent  que  des 
renseignements  partiels  et  ineomplets,  e( 
pendant  laquelle  Sésostris  pourrait  Ibrtbieo 
avoir  longé  la  Palestine  sans  laisser  de  tra- 
ces dans  Tfaistoire  Ibiblique.  Ainsi,  renar- 
2uons-le,  si  la  coïncidence  disparaît,  la  dif- 
culte  disparaît  aussi.  Au  reste,  il  faut  le 
dire,  c'est  sur  la  chronologie  sacrée  que 
nous  avons  surtout  besoin  de  lumières,  ci 
que  l'archéologie  égyptienne  pourra  nom 
en  fournir.  C'est  Ik  nn  des  grands  serric^s 
qçe  nous  pouvons  en  espérer.  Descbréliess 

3 ni  savent  en  qui  ils  ont  cru,  et  au  cm 
esquels  TEvangile  a  fait  sentir  sa  psiv 
sance,  peuvent  attendre  ces  nouveani  ré- 
sultats avec  quelque  impatience,  sansdùoie, 
mais,  qu'ils  se  le  disent  bien,  sansaoeufie 
inquiétude. 

Une  réflexion  doit  encore  trouver  p^ 
dans  ce  paragraphe.  A  la  fin  du  siècle  der- 
nier, la  uenèse  a  été  attaquée  avec  violence 
comme  toutes  les  autres  parties  do  livre 
divin.  On  l'a  représentée  comme  l'œurrcde 
l'ignorance  ;  la  science  et  la  nalore;  disèH- 
on,  la  contredisaient  à  chaque  pige.  Qve 
n'a-t-on  pas  été  rechercher?  De  quoi  ne 
s'est-on  pas  avisé?  A  quels  syslto«snV 
t-on  pas  consenti  à  recourir,  pow\& con- 
vaincre de  fausseté?  Il  semblait  qucligtio- 
rance  la  plus  stupide  pu!  seule  y  ajouler 
foi.  —  Le  moment  même  où  cette  disposi- 
tion paraissait  établie  dans  tous  les  esprits, 
était  celui  où  les  sciences  ont  fait  les  pms 
grands  progrès.  Les  mêmes  Ijoramesqui 
repoussaient  les  lumières  de  la  foi,  coiw- 
craient  en  même  temps  toute  la  puissance 
de  leur  volonté,  de  leur  savoir  et  de  leur 
talent  à  l'étude  de  la  nature,  du  calcul  ou 
de  l'antiquité.  Toutes  les  sciences  ont  fait 
de  concert  des  pas  énormes,  et  les  quarante 
premières  années  du  xix*  siècle  seront  tou- 
jours^une  époque  glorieuse  pour  les  progre 
de  l'esprit  humain,  quelques  résultats  qw 
puissent  donner  les  suivantes.  Dans  un  i« 
état  de  choses ,  les  savants  étant  si  ^ 
disposés  à  croire  à  la  Genèse,  si  ardenLU  j 
trouver  des  erreurs,  et  en  même  temps  si 
puissants]  en  moyens  de  les  décourrir,  ne 
devait-on  pas  s'attendre  h  voir  démasquer 
ce  livre,  s'il  était  en  effet  l'ouTra|e(itt 
mensonge?  Ses  méprises  et  ses  frauder o^ 
devaient-elles  pas  être  enfin  dévoilées  sans 
retour?  11  est  arrivé  cependant  tout  a«"v 
chose.Les  découvertes  nouvelles,  au  licu"<. 
ruiner  son  autorité  chancelante,  lonl  res- 
pectée, l'ont  même  restaurée.  On  F' 
maintenant  la  reconnaître,  la  défendre,  san^ 
être  rayé  du  catalogue  des  gens  éclairrî|. 
Ses  ennemis  éprouvent  de  la  résistance;  on 
les  attaque  à  leur  tour  sur  leur  terrain,  «^« 


(647)  CoQCERCL,  p.  32  46.  -  Greppo,  p.  241-252  (648):/  Heg.  xvi,  25  ;  II  Chron.  iii,  2. 


9W 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


610 


^    en  chasse  et  ils  se  retirent  désarmés.  Ce 
^^Itat,  si  peu  probable  en  apparence,  ne 
x0r\ril  donc  rien  à  1  intelligence  de  Tbomnie 
uariial  qui  en  est  témoin? 

iQaelque  lecteur  pensera,  peut-être,  gue 

résultat  pourra  bien  être  dû  tout  sim- 
tment  au  désir  d'être  agréable  à  tel  gou- 
roement  ou  tel  monarque,  dont  les  opi- 
nais relieieases  sont  fortement  pronon- 
és,  A  cela  je  réponds  que  mou  observation 

porte  pas  seulement  sur  cinq  ou  six 
s,  mais  surdO  ouM;  sur  les  savants  d'un 
ml  pa^s«  mais  sur  ceux  de  toute  TEurope  ; 
r  le  silence  des  ennemis  de  la  Bible,  mais 
r  leur  déiaite,  ni  enGn  sur  des  opinions 
ftncéesy  mais  sur  des  découvertes  et  des 
la.  La  nature  de  Talphabet  hiéroglyphi- 
e,  les  noms  qu*avec  son  aide  on  a  dû 
«  sur  les  temples  égyptiens,  sont  des 
Is  aussi  indé|)endants  de  rinfluence  du 
MLToir,  que  la  plaque  d*or  trouvée  derniè« 
fcBent  dans  les  fondements  d'un  de  ces 
ÎM^es  prétendu  antérieur  à  Moïse  (649} , 
ane  inscription  grecque»  où  se  lisent 
aotm  de  Ptolémée  et  de  Bérénice  ;  ou 
encore  que  le  zodiaque,  daté  de  Tan 

4e  Tr^,  rapporté  d'Egypte  par  M.  Gail- 
^  (ISO).  Des  écrivains  marquants  ont  pu 
tete  prendre  la  défense  de  la  Genise 
r'Ém  à  l'autorité,  mais  on  ne  pense 
vm,  fkupne^  que  les  adversaires  de  ce 
Mine  jRot  porte  la  déférence  jusqu'à  se 
fcnsera>avaincreinju8tement  d'erreur  (651). 

/tf  rfemande  la  permission  de  traduire 
^eljties  lignes  d'Eichbomsur  le  même  su- 
it /'aime  à  citer  cet  auteur,  d'autant 
pinF  suspect  en  pareille  matière,  que  s*ii 
I  TA/mirateur  de  Moïse,  il  n'a  cependant 
^5  su  TOir  en  lui  quelque  chose  de 
$5  qn*un  homme  habile  et  un  historien 
prenant. 

^  L'iiistoire  que  renferme  ces  livres  (le 
fNateuque)  n'a  rien  à  redouter  du  plus 

Eureux   examen.  Les  attaques  les  plus 
itixses  n'ont  pu  créer  à  Moïse  des  obsta- 
ftdoQt  son  livre  n*ait  triomphé.  Elles  ont 

Et  entouré  d'une   splendeur  nouvelle 
réricé  qu'elle  se  flattaient  d'obscurcir. 
raic-on  ne  pas  s*étonner,  quand  on  s'a- 
Isoit  ^iie  le  livre  historiaue,  le  plus  an- 
^  ({\n  existe,  est  vérifie,  confirmé  par 
IQe  découverte  nouvelle  dans  la  littéra- 
,  la  géographie  ou  Thistoire  naturelle 
ÎTOrientT  Comment  toutes  ces  choses 
irent-elles  à  l'éclaircir?  Auprès  des 
tes  clartés  qui,  Jusqu'à  présent, 
été  successivement  répandues  sur  ce 
presque  entier,  le  petit  nombre  de 
il^  que  couvrent  encore  les  voiles  de 
^tiquitéf  est  bien  peu  de  cho>e.  Lé  temps 
.-^a,  sans  doute,  où  ces  voiles  seront 
^  |iar  les  hommes  d'un  autre  flge,  comme 

^ff%)  LeTBMois,  Reehtrelut^  «te,  p.  7. 

^'^)  i^T»i>iwiE,  Obunatiom  critiques  et  arehéoloé 

^.  cte..  p.  «*. 

i  y  ÇMoamtAl  ne  pas  remarquer,  par  exemple. 


__  d*iia  fcomme  aussi  savant  que  H.  Fourier? 

^^snkûwiticieo  célèbre,  vétérao  de  rexpédilion 

^K(  ec  secrétaire  pecpéiaet  de  TAcaJélaie  des 


il  a  été  donné  è  notre  siècle  de  leyer  ceux 
qui  arrêtaient  nos  devanciers  (652),  » 

Une  dernière  observation  sur  le  caractère 
personnel  du  législateur  hébreu  et  sur  celui 
de  ses  écrits.  Aucun  historien  n*a  écrit  dans 
des  conditions  aussi  graves,  aussi  solen- 
nelles que  Moïse.  Ce  n'est  pas  un  poëte 
comme  Homère  ou  Hésiode,  écrivant  sous 
l'inspiration  de  sa  fantaisie,  se  proposant  de 
charmer  les  imaginations  et  de  s'assurer  une 
immortalité  terrestre.  Ce  n'est  pas  un  histo- 
rien comme  Hérodote  et  Thucydide,  compo- 
sant un  thème  oratoire  pour  concourir  aux 
Erix  qui  se  décernaient  dans  des  jeux  pu- 
lics.  Ce  n'est  pas  enfin  un  annaliste  adu- 
lateur ou  censeur  de  ses  contemporains, 
distribuant  la  gloire  ou  l'infamie  au  gré  des 
partis,  et  se  renfermant  dans  le  cercle  d'une 
idée  ou  d'une  nationalité,  comme  la  foule 
des  historiens.  C'est  un  pontife,  c'est  un  pa- 
triarche écrivant  sous  les  veux  de  tout  un 
peuple  et  pour  ainsi  dire  du  çenre  humain, 
relatant  des  événements  publics  dont  Tuni- 
vers  avait  été  le  théAtre,  et  fixant  par  l'écri- 
ture ce  que  toute  la  terre  racontait.  Chez 
lui,  pas  de  préface,  d'exorde,  ni  de  précau- 
tion; pas  d'arrangement,  pas  de  dessein 
concertés,  nul  souci  de  plaire  ou  de  ne  nas 
être  cru  ;  le  récit,  rien  que  le  récit  ;  probable 
ou  improbable,  naturel  ou  miraculeux , 
profond  ou  naïf,  tout  sort  de  sa  plume  avec 
une  austère  simplicité,  comme  s'il  n'eût  f?.it 
qu'écrire,  et  que  ce  fût  un  autre,  ayant  l'in- 
telligence des  choses  qu'il  écrivait,  qui  les 
eût  dictées.  Il  est  bien  évident  qu'il  écrit  au 
sein  de  la  persuasion  publique;  que  les 
choses  qu'il  raconte  se  soutiennent  de  leur 
propre  crédit,  et  que  les  impressions  d'é- 
tonnement,  de  doute  ou  d*incrédulitc  que 
nous  sommes  tentés  d'éprouver  en  le  lisaiit 
ne  se  rencontraient  nullement  chez  ses  con- 
temporains; autrement  il  s'enterait  plus 
préoccupé  lui-même.  On  voit,  on  sont  qu'il 
est  porté  sur  l'opinion  publique  de  sou 
temps,  et  pour  ainsi  dire  sur  la  voix  d'un 
peuple,  sur  la  voix  de  Dieu.  Cette  impres- 
sion va  jusqu'à  déconcerter  l'incrédulité  la 
plus  hardie  et  à  lui  faire  tomber  les  armes. 
Ce  n'est  pas  à  Moïse  seul  qu'on  s'attaquerait 
en  rejetant  son  récit,  ce  serait  à  tout  un  peu- 
pie,  a  tout  un  monde,  qui  le  lui  a  dicté  et 

3ui  Ta  reçu,  en  présence  des  monuments  et 
es  traditions  toutes  vives  qui  le  garantis- 
saient, et  dans  les  circonstances  les  plus  pro* 
près  à  le  confondre  s'il  eût  été  fabuleux. 

ÎX. 

Divinilc  du  Penlaleoqce.  —  Caractère  el  coodoitê  da 
Mi'îse  dans  les  trois  gruads  actes  de  son  nioistère  :  l* 
ladôUvrance  des  Hébreux;  2"  le  voyage  au  désert;  S* 
la  législatioa. 

La  divine  origine  du  Penlatouque  est  in«» 

sciences,  était  l'atitevr  des  calculs  sur  lesqaeN  s'^ih 
puyait  ranciquité  des  zodiaques.  CefM'ndani,  au  iiii« 
lieu  des  objecticins  multipliées  et  décisives  qui  coiii- 
baiteiit  et  tiétruisent  cette  antiquité,  ilu>  rien  ëciit 
pour  la  défendre. 

(652)  Eicnuoiisf,  Einleitung  in  da$  A.  T.  y  442  3* 
éditimi. 


€11 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


P£N 


611 


séparablcmcnt  liée  i  sa  crédibililé.  Ce 
Moïse,  qui  parle  au  nom  de  Dieu»  qui  dé- 
litre le  peuple  h  main  forte  »  épouvante 
Pharaon  sur  son  trône,  et  partage  la  mer 
Rouge  devant  Israël,  s'il  n'est  un  imposteur, 
est  un  envoyé  divin.  D*un  autre  côté,  pour 
croire  à  toutes  ces  choses,  nous  avons  be« 
soin  de  garanties  qui  satisfassent  le  cœur  et 

3u*approuve  la  raison.  Nous  avons  besoin 
e  reconnaître,  d*admirer  en  lui  l'envoyé 
divin,  pour  être  bien  assurés  que  nous  ne 
sommes  pas  le  jouet  d*ttn  imposteur.  Il  faut 
donc  étudier  Moïse  et  son  œuvre  sous  ce 
point  de  vue  nouveau.  J'ai  confiance  qu'au 
milieu  des  obscurités  dues  à  l'ancienneté 
des  temps,  aux  nécessités  des  circonstances, 
à  la  grossièreté  des  hommes,  nous  trouve- 
rons, è  côté  dès  prodiges  du  Pentateuque, 
d'autres  prodige^  non  moins  décisifs  que  les 
miracles  du  Nil  ou  du  désert. 

I.  Moïse  était  chargé  de  délivrer  les  Hé- 
breux du  joug  de  Pharaon.  Etait-ce.  une 
chose  aisée?  Pour  répondre,  oonsidérons 
les  trois  acteurs  qui  sont  en  scène  :  le  tyran 
égyptien,  le  peuple  hébreu,  Moï^. 

Pharaon  commande  à  un  peuple  nom- 
breux, riche,  guerrier.  Lui-même  porte  à 
un  excès  surprenant  l'obstination  et  l'au- 
dace. Quel  ton  despotique  dans  ses  répon- 
ses! quelle  ténacité  dans  ses  idées  1  quelle 
promptitude  dans  ses  mesures  I  quelle  vi- 
gueur opiniâtre  dans  sa  résistance  I  Les 
iléaux  du  ciel  le  frappent  sans  le  faire  cé- 
der ;  tout  au  plus  peuvent-ils  l'étourdir  un 
instant;  bientôt  le  ressort  comprimé  se  re- 
lève, et  au  milieu  de  ses  champs  désolés,  de 
son  ))alais  infecté,  de  sa  cour  tremblante, 
tandis  que  l'Ë^ypte  retentit  encore  du  cri 
de  douleur  qui  I  a  traversée.  Pharaon  s'é- 
crie :  Qui  est  l'Eiernel?  Que  f  obéisse  à  sa 
voix!  Il  n*hésite  pas  à  braver  son  propre 
peuple,  Moïse,  les  flots  de  la  mer  Rouge,  et 
le  bras  de  TËternel  qui  les  tient  suspen- 
dus. 

Le  peuple  hébreu ,  tant  qu'il  est  en 
Egypte,  ne  montre  que  défiance  et  mollesse. 
Ne  croyez  pas  qu'il  sache  souffrir  et  com- 
battre pour  la  liberté.  La  première  condi- 
tion de  son  salut  est  qu'il  n'ait  rien  à  faire 
pour  l'obtenir.  Hors  de  l'Egypte,  son  his- 
toire ne  présente  que  désobéissances  et 
murmures.  La  moindre  dilTiculté  Tarréte, 
Ithaque  privation  l'abat,  la  seule  vue  de  l'ar- 
mée des  Egyptiens  le  consterne^  et  dans  sa 
route.  Moïse  est  obligé  de  lui  faire,  à  tout 
firii,  éviter  la  terre  des  Philistins,  parce 
que  ces  six  cents  mille  esclaves  aimeraient 
mieux  «lier  reitrendre  leurs  chaînes  sous 
le  fouet  de  l'exacteur,  que  de  se  frayer  un 
passage  avec  leurs  armes.  Voilà  ceux  qu'il 
faut  délivrer,  malgré  eux,  des  serres  u'un 
peuple  guerrier  et  d*un  conquérant  opi- 
niâtre. Voyons  l'homme  qui  se  charge  de 
cette  étrange  entreprise. 

il  faut  distinguer  dans  Moïse  deux  épo- 
ques, et  comme  deux  hommes  différents. 
Kous  verrons  plus  loin  le  caractère  qu'il 
déploie  dans  le  désert,  et  la  raison  du  chan- 
gement qui  s'opère  en  lui.  Pour  le  moment, 


nous  ne  nous  occupons  que  de  ce  qu'il  élait 
au  commencement  de  soli  ministère,  tory 

3u'il  délivrait  les  Hébreux.  Il  avait  mi 
oute  beaucoup  de  zèle,  de  patriotisme  4 
de  foi.  Voilà  îles  dispositions  nécessaires 
à  son  entreprise  ;  mais  peuvent -elles  sujlut 
à  un  homme  médiocre  ?  Il  avait,  ce  seaible, 
plus  besoin  encore  des  qualités  qui  en  iiû* 
posent  à  la  multitude,  et  qui  peuvent  doiiih 
ner  les  événements.  Souplesse  et  fermeté,] 
courage  et  présence  d'esprit,  prorapliii* 
et  sang-froid,  voilà  les  éléments  nécessaw 
res  à  tout  conquérant,  à  tout  fondateur  d'en»^ 
pire,  à  tout  chef  de  parti  ;  et  voilà  aussiJ 
faut  le  dirct  ce  qui  parait  manquer  com(>lfii 
tement  à  Moïse.  £labli  depuis  quarante «1 
dans  une  terre  étrangère,  il  n'a  point  acquik 
par  ses  talents  ou  ses  services,  la  contiaQ| 
de  SQS  compatriotes.  Privé  de  l'art  de  Ia|ic 
rôle  par  une  infirmité  qui  en  altère  les  > 
gaues,  et  par  rembarras,  la  timidité,  rés»^ 
tat  nécessaire  de  cette  circonstance,  il  il 
sait  point  agir  sur  la  foule,  saisir  un  tak 
tant  favorable  et  mouvoir  les  passions  ^ soi 
gré.  H  tremble  à  l'aspect  de  lamissioû(|(if 
DiBU  lui  confie;  il  le  conjure  à  cina  l^ 
prises    d'en   charger  quelque  autre  i  M 

flaoe.  Bientdt,  contraint  d'obéir,  iiselnp 
la  première  défaite,  -  ei  croit  tout  ^ 
parce  que,  dès  l'abord,  il  n'a  pas  tout  gagiii. 
Le  peuple  lui  témoigne  son  déplaisir  p« 
ses  murmures,  et  méconnaît  sa  BimtL 
N'attendez*  pas  que  cet  étrange  cùef  de  fa- 
mille travaille  à  le-calmer  par  saorésencc 
adonner  une  direction  différente  à  ses  ii^ 
sions  agitées,  à  tourner  au  profiidesacasf 
cette  première  crise;  non,  il  nesailque^^ 
mir,  se  décourager,  se  plaindre  aiuèrtiutt^ 
devant  son  Dieu.  Voila  ce  qucslSluis^l 
qu'attendre  d'unpareil  libérateur?  Mm 
peut-être,  par  un  patriotisme  irréilàiiii 
dans  une  entreprise  au-dessusdesesM 
il  ne  réussira  qu'àirriterle  tyran,  qu'àj 
contenter  $esconcitoyens,dontil  aurarew 
par  le  fait  la  servitude  plus  pesante,  w 
s  affliger  d'avoir  fait  du  mal  à  ceui  qui 
aime,  en  voulant  leur  faire  du  bien.  Cd 
ce  qui  arrive,  en  effet;  on  ne  voit  pas  toa 
ment  avec  aussi  peu  de  ressort  dans  le  J* 
ractère,  de  souplesse  et  d'activité  dans  le' 
prit,  il  pourrait,  je  ne  dis  pas  aaieiifif* 
bien  la  révolution  sainte  quil  ose  Ml* 
prendre,  mais  seulement  lui  procurtf*" 
succès  momentané.  Elle  a  été  cependaiii!^ 
rieusement  terminée,  cette  audacieusejj 
treprise;  les  Eébreux  sortirent  ^'^ 
peu  après  la  tentative  infructueuse  que  d« 

venons  de  rappeler  ;  ils  en  sortirent  prosw 
conjurés  par  les  E-yrptiens  et  par  Pl'^r»! 
lui-môme,  chargés  desdons  de  leurs oppra 
seurs^  est-ce  donc  bien  là  ce  mérnfi  IJJ 
raon,  ces  mêmes  Hébreux,  ce  même  Mo» 
que  nous  venons  de  contempler?  OuJi| 
sont  les  mêmes  ;  et  comment  eipliflu^* 
fin  brillante  de  ce  drame,  si  <l«  ^j'flj 
hommes  interviennent  seuls  pour  \^  « 
nouer?  „,., 

11.  Dans  ce  second  période  de  son  ffimn 
tère,  Moïse  montre  un  caractère  un  l'eu  uiiiv 


PEN 


DlGTiONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


6t4 


I.  Il  a  plus  d'inteiligence,  de  fermeté,  de 

fiance  en  Dieu.  Au  fond,  il  est  toujours 

éme,  et  il  est.aisé  de  retrouver,  dans 

Gloire  de  sa  Tieillesse,  le  même  penchant 

découragement  et  à  la  défiance,  le  même 

mge  de  zèle  et  de  faiblesse,  de  dévoue- 

t  et  de  timidité,  qui  avaient  caractérisé 

Ige  mûr  et  sa  jeunesse.  Cependant,  je  le 

^te,  on  s*aperçoit  aussi  de  quelque  ac- 

tsseinent  de  confiance  et  de  fermeté;  il 

pte   davantage    sur   Tévénement»    sur 

u«  sur  lui-même;  les  murmures  l'aflli- 

j\  autant,  mais  l'effrayent  moins.  Ce  phé- 

Hucne  est  digne  de  remarque  ;  au  milieu 

tpérils  nouveaui,  extrêmes,  avec  un  tel 

Hple  à  conduire,  et  chez  un  chef  de  qua- 

tingls  ans,  ce  n'était  pas  à  un  progrès 

ce  sens  que  nous  devions  nous  atlen- 

•  Tout  homme  impartial  verra,  je  pense, 

assez  de  probabilité  dans  ce  cliange- 

tt  le  résultat  et  en  même  temps  la  preuve 

pHidi^  que  Moïse  s'étonnait  lui-même 

oovoir  opérer. 

antres  circonstances  de  ce  voyage  nous 
vent  bien  plus  fortement  encore  Tin- 
tion  divine.    Tout  y  est  singulier. 
n'y  fait  rien  comme  un  chef  ordinaire. 
Vibord,  au  lien  de  suivre  le  rivage  de  la 
(Oar  passer  d'Egj  pte  eu  Chanaan,  il 
4i  but  de  la  route.  11  voulait,  et 
fs  dit  que  cela  était  nécessaire, 
lepàjs  des  Philistins,  pour  épargner 
'/eomhèi  h  ses  faibles  soldats.  liJais  quelle 
îe  |irend-il  pour  les  sortir  h  la  fois  de 
nte  et  de  danger?  11  prolonge  leur  séjour 
f^rpte,  dont  il  fallait  se  hâter  de  fuir;  il 
éioj^e  de  Chanaan,  où  ils  tendaient  à 
Rvi?r;  il  les  retient  derrière  la  mer  Rouge,  * 
nts  n'avaient  aucun  moyen  de  franchir;  il 
renferme  à  Pihahiroth  (653),  dans  une 
Iftuie  eneeinte  de  montagnes,  entre  la  mer 

Luri  défilé.  Ce  passage  périlleux  offrait  à 
raoo  un  moyen  trop  certain,  en  appa- 
iiii  s  de  les  soumettre  de  nouveau,  pour 
fa'il  no  se  hAtAt  pas  de  venir  l'occuper, 
mt  ce  qai  arrive.  Le  tyran  triomphe,  Iqs 
fibreux  s'épouvantent.  En  effet,  un  miracle 
jNàl  pourait  les  sauver.  Si  le  miracle  n'est 
hsarriré,  que  l'on  explique  non-seulement 
^  salut  des  Israélites,  mais  encore  la  con- 
e  de  Moïse. 

Cae  fois  en  Arabie,  que  fait-il  encore?  Il 
quarante  ans  dans  ces  régions  dé- 
ifiées, où  de  rapides  caravanes  n*échap- 
ft  qu'avec  peine  à  l'influence  meurtrière 
ksoift  de  la  faim,  des  sables  et  du  vent 
désert.  Il  parcourt,  il  croise  dans  tous  les 
cette  plaine  aride  et  sauvage,  si  redou- 
des  voyageurs;  on  dirait  qu'il  craint 
'tu  sortir.  Si  l'on  admet  que  Dieu  lui- 
aie  présidait  à  la  marche  des  Hébreux  et 
^rro/ait  à  leurs  besoins,  je  crois  deviner 
^^  bul  :  je  vois  quMI  voulait  laisser  tomber 
'^  ^j'  îf  s  sables  de  l'Arabie  cette  génération 
^-^rrée,  à  laquelle  la  maiion  de  servitude 
e^néme  n*avait  pu  faire  désirer  la  liberté, 
\«%  prodiges  de  l'Egypte  inspirejr  de  la 

\^Ex9d.  tiw,  1-9;  Num.  xxxm,  7,5. 


confiance;  je  vois  qu'il  élevait  sous  les  tentes 
d'Israël  une  nation  nouvelle,  qui,  dès  Ten- 
fance^  accoutumée  aux  privations,  aux  fati- 
gues, aux  combats  et  à  la  discipline»  devait 
avoir  toute  la  force  nécessaire  pour  la  con- 
quéte^de  Chanaan.  Mais  si  Ton.veut  que  ce 
plan,  au  lieu  d'être  celui  du  Dieu  djsraëli 
soit  celui  d*un  simple  homme,  d'un  Moïse 
octogénaire,  il  devient  dès  lors  inexplicable. 
Comment  donc  ce  Moïse  faisait-il  subsister, 
au  milieu  du  désert,  cette  immense  armée 
de  vieillards,  de  femmes,  d'enfants  et  de 
lAches?  Où  trouver,  d'ailleurs,  le  conqué- 
rant, le  fondateur  qui  consente  volontaire- 
ment à  retarder  de  quarante  années  Taccom- 
plissement  de  son  projet  favori  ;  en  d'autres 
termes,  qui  préfère  le  laisser  imparfait,  et 

2ui  s'arrange  à  mourir  en  route?  Lorsque 
olomb  eut  découvert  le  continent  inconnu, 
objet  des  travaux  et  des  souffrances  d'une 
vie  toute  pleine  de  génie  et  de  dévouement, 
qui  lui  eut  sérieusement  proposé  de  croiser 
un  demi-siècle  sur  ses  bords  avant  tVy  des- 
cendre? Non;  ce  n'est  pas  ainsi  qu'agissent 
les  hommes  :  ils  sentent  qu'un  lointain  ave* 
nir  ne  leur  appartient  pas,  et  ils  sont  trop 
impatients  du  succès  pour  le  renvoyer  aussi 
loin.  Cette  conduite  ne  convient  qu'à  celui 
qui  est  «  patient,  par  e  qu'il  est  éternel.  » 

Je  vais  plus  loin.  Quand  on  pourrait  ex- 
pliquer la  conduite  de  Moïse  sans  Tinter- 
venlion  de  la  Divinité,  aurait-on  expliqué 
pour  cela  la  soumission  du  peuple  è  co 
bizarre  projet?  Comment  cette  nation,  si 
prompte  à  la  révolte  et  toujours  prête  au 
murmure,  souffre-t-elle  que  son  chef  lui 
refuse  arbitrairement  l'accès  à  la  terre  du 
repos,  et  que,  parvenue  jusqu'à  la  frontière, 
on  Tempôche  cependant  d'y  entrer,  avec  le 
projet  avoué  de  l'ensevelir  dans  le  désert? 
Comment  ne  contraint-elle  pas  son  conduc- 
teur à  la  tirer  enfin  de  ce  vaste  tombeau, 
soit  pour  entrer  en  Chanaan,  soit  pour  cher- 
cher une  autre  demeure,  si  la  terre  de  la 
promesse  est  d'un  accès  trop  difficile,  fallût- 
il  même  retourner  prendre  le  joug  des  pha- 
raons? N'a-t-elle  donc  pas  déjà  plus  d  une 
fois  regretté  les  jouissances  sensuelles  et 
faciles  que  lui  laissait  l'esclavago?  Cette  sin- 
gulière docilité  du  peuple  me  paraît  prou- 
ver deux  choses  :  d  abord,  que  le  séjour  du 
désert  était  adouci  par  les  bienfaits  de  Dieu, 
que  ce  Dieu  se  chargeait  de  nourrir  et  de 
soutenir  Israël  au  milieu  de  ces  sables 
meurtriers  ;  ensuite,  que  la  route  était  indi- 
quée |)ar  une  main  divine,  et  que  le  peuple 
recevait  Tordre  de  la  marche,  non  pas  de 
Moïse  seul,  mais  de  cette  colonne  de  nuée 
et  de  feu,  qui,  signe  de  la  présence  divine, 
reposait  sur  le  tabernacle,  à  la  vue  de  tous 
les  enfants  de  Jacob. 

Plus  nous  examinons  la  conduite  de 
Moïse  au  désert,  plus  elle  nous  fournit  de 
remarques  du  même  genre.  En  voici  nue 
dont  je  suis  singulièrement  frappé  :  Moïse, 
ce  chef  choisi  de  Dieu,  dont  la  main  parfaire 
les  eaux  de  la  mer,  obtient  du  ciel  U  vie- 


615 


PEN 


DICTIO.NNAIIIE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


eu 


toire»  ou  appelle  !a  foudre  sur  les  rebelles; 
lloîsey  qui  ne  peut,  ce  semble»  conduire  lo 
peuple  que  par  Tenthousiasme  de  la  con- 
fiance et  par  la  soumission  de  la  terreur,  ne 
se  contente  pas  cependant  de  lui  raconter 
ses  propres  hésilalions  et  ses  premières  fai- 
blesses :  il  lui  confesse  de  plus,  de  vive  voix 
et  par  écrit,  qu*il  vient  de  pécher  comme 
conducteur  d'Israël  et  comme  envoyé  du 
Très-Haut;  qu'une  punition  sévère  lui  est 
infligée  :  quil  lui  sera  refusé  d'amener  son 
entreprise  à  sa  fini  Chose  étrange I  Comme 
si  ce  n'était  pas  assez  des  défiances  et  des 
reproches  répétés  des  Hébreux,  Moïse  cher- 
die-t-il  donc  de  gaieté  de  cœur  à  en  provo- 
quer de  nouveaux?  Veut-il  donc  abattra 
toute  confiance  chez  le  peuple,  en  lui  annon- 
çant qu'il  l'abandonnera  bientôt,  au  moment 
môme  de  la  crise?  La  présence  du  chef  que 
Dieu  exauçait  toujours,  et  qui  commandait 
k  la  nature,  ne  devait-elle  pas  être,  précisé- 
ment à  cette  époque,  encore  plus  nécessaire? 
11  faut  donc  reconnaître  que  cet  homme 
simple  et  droit  raconte  sans  artifice  tout  ce 

3ui  se  passe  et  tout  ce  qu'il  sait.  Il  n'est 
onc  pas  un  imposteur  qui,  pour  arriver  à 
ses  fins,  se  targue  d'une  prétendue  mission 
céleste.  Il  est  réellement  l'envoyé  de  Dieuc 
S*il  ne  l'était  pasjl  serait  évidemment  aussi 
peu  capable  de  feindre  ce  divin  ministère 
que  de  le  remplir. 

111.  Ce  dernier  acte  du  ministère  de  Moïse 
nous  prouvera,  comme  les  deux  précédents, 
et  d'une  manière  analogue,  que  l'œuvre  du 
conducteur  d'Israël  était  réellement  l'œuvre 
de  Dieu.  Nous  ne  parlons  pas  ici  des  princi- 

f>es,  du  but,  des  ressorts  admirables  de  la 
éf^islation  mosaïque.  Pour  le  moment,  je 
fiup|[K)se  reconnu  que  cette  législation  était 
habilement  conçue  et  très-propre  k  remplir 
son  but.  C'est  un  fait  que  mes  lecteurs  ne 
peuvent  faire  difficulté  de  m'accorder.  S'ils 
eu  doutaient,  ils  n*auraient  qu'à  réfléchir  à 
la  durée  de  ces  lois  et  aux  effets  qu'elles  ont 
produits.  Cela  supposé,  j*ai  quatre  remar- 
ques k  faire. 

Moïse  connaissait  sans  doute  les.  usages 
égy [(tiens,  hébreux,  arabes;  il  aurait  pu, 
sans  le  secours  de  l'inspiration  divine,  les 
employer  plus  ou  moins  heureusement  dans 
fia  législation  nouvelle.  Hais  il  nous  faut  ici 
tout  autre  chose;  et  c'est  le  talent  de  choisir, 
de  combiner,  d'inventer  pour  l'avenir,  que 
ison  œuvre  dénote.  Les  institutions  qu'il 
donne  aux  Hébreux  sont  créées  pour  eux, 
préparées  pour  leur  postérité,  adaptées  à 
jour  future  patrie.  Si  elles  sont  basées  sur 
les  habitudes  et  les  mœurs  du  peuple  tel 
qu'il  existe,  elles  n'en  sont  pas  moins  évi- 
demment destinées  k  le  transformer  en  un 
peuple  nouveau.  Si  elles  font  reconnaître 
un  ))eu|)Ie  né  en  Egypte,  elles  indiquent 
plus  clairement  encore,  un  peuple  qui  n'y 
doit  plus  rentrer.  Elles  portent,  en  un  mot, 
l'empreinte  de  combinaisons  profondes  et 
île  vues  éloignées;  et  lorsqu'elles  font  des 
emprunts  aux  lois  égyptiennes,  ce  n'est 

(654)  Kxod.  xvni,  15-27. 


jamais  qu'avec  des  modifications  aussi  im. 
portantes  qu'habiles.  Or,  Moïse  avait-il  n?r 
lui-même,  a  un  degré  suffisant,  les  connais- 
sauces  et  les  facultés  que  cela  supiios^? 
Voici   un  fait  qui  me  semble  décider  li 

Suestiou  :  quand  Moïse  se  vit  au  milieu  du 
ésert,  à  la  tête  du  peuple,  chargé  de  la  in- 
ple  tâche  de  l'enseigner,  de  le  juger  et  de  te 
conduire,  il  ne  sut  point  s'aviser  par  lui- 
même  de  la  simple  et  facile  organisation  qui 
pouvait  lui  en  fournir  les  moyens.il  pensait 
assez  faire  en  y  dévouant  sa  personne  « 
son  temps.  Assis  en  plein  air,  il  écoutait,  v 
jugeait,  il  enseignait  toute  la  journée  ses  si! 
cent  mille  soldats,  leurs  femmes  et  leun 
enfants, épuisant  ainsi  ses  forces  sans  suIDre 
aux  besoins.  Il  fallut  que  son  beau-pèr? 
Jéthro  lui  apprit  ce  qu'il  y  avait  à  faire  (651 
n  lui  donna  l'idée  d'établir  une  hiérardi 
de  subalternes,  qui,  touchant  d'un  côtén 
peuple  et  de  l'autre  au  chef,  feraient  cons- 
tamment communiquer  celui-ci  avec  la  na- 
tion, assureraient  à  chaque  portion  de  ceil^ 
là  une  protection  plus  réelle,  et  au  condoc* 
leur  du  peuple  une  autorité  plus  efiicace.Ei 
cette  idée  si  naturelle,  ou  toute  autre  or^* 
nisation  du  même  genre,  ne  s'était  point 
présentée  à  l'esprit  de  Mo'iso,  sans  iloue 
parce  qu'elle  n'avait  point  de  rapport  arrc 
les  habitudes  égyptiennes.  Et  ce  serait  lui 
qui,  nouveau  Lycurgue,  aurait  innuléyaim 
le  secours  du  Très-Haut,  la  lépskioDjim 
cette  machine  si  puissante  à  ta  fois  dans  ses 
forces,  et  si  ingénieuse  dans  leurWhre; 
cette  œuvre  de  génie,  toute  calcmée  pc\ir 
un  long  avenir,  destinée  à  enraciner  les 
Hébreux  dans  le  sol  de  Cbanaan  par  leurs 
habitudes  et  leurs  besoins,  h  les  éloi;nierà 
jamais  des  coûts  de  l'Egypte  I...  C'est  lui  qui 
aurait  imaçmé  d'unir  la  force  religieuse  ait 
force  politique,  de  manière  qu'elles  se  sou- 
tinssent l'une  l'autre  sans  jamais  s'entraîner 
ou  se  combattre!  Ce  serait  li  un  téritabe 
|)aradoxe,  difficile  i  persuader.  Ainsi  don;. 
plus  nous  avançons  dans  Texamen  du  inioL«* 
tère  de  Moïse,  plus  des  difficultés  insoluble 
s'entassent  sur  l'hypothèse  incrédule  qui 
veut  faire  de  cet  homme  extraordinaire  d:> 
imposteur  habile  »  donnant  les  inspraw 
de  son  génie  pour  celles  de  la  Divinité. 

Hais  encore,  comment  Moïse  a-t-il  obleci 
la  soumission  du  peuple  aux  lois  qu'il  b 
impose?  Ces  lois  n'étaient  pas  faites  1*'-^ 
lui  plaire.  Si  elles  lui  assuraient  des  pn>' 
priétés,  des  mœurs  et  des  fêtes,  il  devait  y 
voir  avant  tout  d'intolérables  gènes  et  d'éloi- 
nelles  privations;  et  dans  le  culte, et  dans  ia 
vie  civile,  et  dans  la  vie  domestique,  cl  dap^ 
les  relations  sociales,  et  dans  les  entrepri$v$ 
militaires,  commerciales  ou  agricoles,  par- 
tout ce  ne  sont  que  restrictions,  p€ncM"!![ 
comprimés,  joug  pesant  et  nouveau,  \oiii 

Kurtantcequ'il  fallaitsubstituer  aux  Tie»'J* 
bitudes  puisées  dans  l'exemple  de  rEgfP!^ 
et  de  Chanaan.  Ah  1  pour  soumettre  volonia!- 
rement  un  tel  peuple  à  de  telles  lois,  in»  J 
plus  qu'un  homme,  plus  que  Moïse  :  il  w»'*** 


^7 


PEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


CIS 


)>0  désert,  Sinai,  Ia  colonne  de  nuée  bt  la  voix 

^  Dieu.  11  fallait  que,  nourri,  conduit  [»ar 

VTrès-Haut«  le  peuple  se  trouvât  placé  de 

manière  k  n  avoir  point  de  volonté  propre, 

Ido  pouvoir  ni  examiner,  ni  délibérer,  ni 

toisir;  k  recevoir  comme  un  bienfait,  et  en 
fuie  temps  comme  une  nécessité,  tous  les 
S  tires  comme  tous  les  dons  de  cette  main 
vine! 

Qaelques-anes  do  ces  lois  sont  tout  h  fait 
OfipHoables  si  Moïse  était  un  imposteur; 
sr  elles  sont  de  nature  à  supposer  le  con- 
tours et  la  garantie  d*uue  Providence  narti- 
olière.  Dans  quelques  cas,  en  effet,  il  faut 
pe  Dieu  Iui-m6me  s*engage  à  sanctionner 
là  rendre  exécutable  la  loi  :  sinon,  elle  va 
branler  ia  foi  du  peuple,  et  faire  soupçonner 
ilé^islateur  dHmposture.  Je  pourrais  citer 
hisieors  cas  de  ce  genre;  je  me  borne  à  un 
lui. 

Tous  les  sept  ans,  la  terre  devait  rester 
•ns  culture.  Ce  u*est  point  ici  le  lieu  d'exa- 
ftiner  les  motifs  politiques,  agricoles  et  relî- 
^ax  de  cette  institution  bizarre  en  appa- 
ir&tcJe  me  borne  h  ce  fait  :  Moïse  promet, 
de  la  part  de  Dieu,  quMi  n'en  résultera 
f  tbais  de  disette;  que,  malgré  la  double 
«ilAf  dont  les  terres  étaient  chargées,  le 
wUu  des  récoltes  précédentes  pourrait 
suffire ^Viconsommation  de  deux  ans  (655). 
LetpMâzce  ne  pouvait-elle  pas  immédiate- 
njfotk démentir 9  si  le  Dieu,  qui  fait  urospé- 
r^r  (es  fruits  de  la  terre ,  n'eût  été  d  qccord 
?T^  lui?  Bien  plus;  voici  qui  rend  cette 
réUeuon  plus  frappante  encore  :  le  peuple 
Hi'fuel  $*adressent  cette  promesse  et  cette 
M  ^5t  an  peuple  nomade  et  pasteur,  qui  n'a 
oirt/  acquis  de  science  et  d'habitudes  agri- 
lUs^  dont  rinexpérience  ou  la  paresse 
>jrraieiit  facilement,  à  elles  seules,  faire 
litre  les  disettes  dont  Moïse  le  déclare  à 

(i  nous  examinons  enGn  les  institutions 
!  Moïse  relativement  à  lui-même  et  aux 
«afagcs  qu'il  aurait  pu  tirer  de  sa  préten- 
^  imposture,  elles  ne  nous  surprendront 
1^  moins. 

Toute  imposture  a  un  bnt,  et  un  but  plus 
I  orioins  intéressé.  On  trompe  pour  Tar- 
mU  pour  les  jouissances  ou  pour  la  gloire. 

ipar  une  combinaison  bizarre,  l'amour 
hommes  est  jamais  entré  pour  quelquo 
te  dans  une  fraudé,  nul  doute  que  même 
i  on  n'ait  su  concilier  au  moins  les 
ftIbHs  de  son  amour-pro{)re  avec  ceux  du 
Mre  humain.  Si  l'on  trompe  pour  faire 
ffe'i^ipher  ses  opinions  ou  son  parti,  on 
lirt  quelquefois  oublier  ses  intérêts  pen- 
(di  ia  lutte,  mais  on  s'en  souvient  après  la 
noire.  Règle  générale  :  un  imposteur  ne 

Ktilie  pas  longtemps.  Or,  Moïse  s'est  ou- 
4  s'est  oublie  jusqu'au  bout;  et  cepen- 


dant point  de  milieu  :  si  Moïse  n*esl  pas  uu 
prophète  divin,  il  est  un  imposteur  dans 
toute  la  force  du  terme.  Ce  n'est  pas,  comme 
à  Numa,  une  fraude  unique  et  légère,  desti- 
née à  assurer  un  bienfait,  que  nous  avons  à 
lui  reprocher,  mais  une  suite  de  fourberies 
dont  plusieurs  seraient  atroces;  une  dissi- 
mulation profonde,  délovale,  perfide,  san- 
guinaire, continuée  pendant  quarante  ans. 
Si  Moïse  n'est  pas  un  prophète  divin,  il  n'est 
plus  le  sauveur  du  peuple,  mais  sou  tyran 
et  son  meurtrier.  Eh  bien!  je  le  répète,  cet 
imposteur  barbare  s'est  toujours  oublié  lui- 
même,  et  son  désintéressement  personnel, 
de  famille  et  de  caste,  est  un  des  traits  les 
plus  extraordinaires  de  son  administration. 

Quant  à  sa  personne,  il  doit  mourir  dans 
le  désert;  il  ne  connaîtra  jamais  le  repos, 
l'abondance  et  les  fêtes  qu'il  assure  à  ses 
compatriotes  ;  il  ne  partage  avec  eux  auc 
les  fatigues  et  les  privations;  il  a  do  pnis 
qu'eux  ses  inquiétudes  sur  leur  sort,  le  spec- 
tacle de  leur  désobéissance,  et  le  perpétuel 
supplice  de  leurs  murmures. 

Quant  à  sa  famille,  il  n'appelle  point  ses 
fils  à  lui  succéder;  il  les  relègue,  sans  distinc- 
tions et  sans  privilèges,  dans  les  rangs  obs- 
curs des  enfants  de  Lévi  ;  ils  restent  même 
en  dehors  de  la  famille  sacerdotale.  Diffé- 
rent de  tous  les  autres  pères,  jamais  Moïse  no 
place  Guersçom  et  son  frère  en  vue  de  la 
nation^ne  leur  fournit  l'occasion  d'acquérir 

auelque  gloire  ou  quelque  faveur.  Samuel, 
éli,  abandonnent  a  leurs  fils  une  partie  du 
pouvoir  paternel,  leur  permettent  mémo 
d'en  abuser;  mais  ceux  de  Moïse  seront, 
dans  le  voyage,  les  simples  portefaix  du  ta- 
bernacle, comme  tous  les  autres  enCants  do 
Kéhath  ;  s*ils  osaient  jamais  soulever  les 
voiles  étendus  sur  ces  meubles  sacrés,  dont 
ils  doivent  supporter  le  fardeau,  la  mort  se- 
rait leur  châtiment. 

Quant  à  sa  caste,  on  accuse  souvent  Moïse 
d'avoir  établi  une  théocratie  au  profit  des 
prêtres ,  de  leur  avoir  appris  à  gouverner 
despotiquçmcnt,  en  abusant  du  nom  révéré 
de  Jéhovah.  A  entendre  les  incrédules,  à 
lire  leurs  ouvrages  même  les  plus  moder- 
nes (656),  on  croirait  que  toute  la  richesse 
et  ia  ])uissance  étaient  remises  entre  les 
mains  des  sacrificateurs.  Autant  vaudrait, 
en  vérité,  accuser  Cicéron  d'avoir  conspiré 
avec  Catiiinal  Les  auteurs  de  ces  inculpa- 
tions si  étranges ,  quoique  si  fréquemment 
répétées,  ont-ils  donc  lu  Moïse? 

Moïse  avait  refusé  à  la  caste  sacerdotale  le 
monopole  des  lumières  et  toute  part  aux 

Êropriétés  territ(»riale6.  Seuls  de  tous  les 
[ébreux ,  ces  hommes,  dont  on  exagère  la 
{puissance ,  n'avaient  point  d'héritage  en 
sraël  !  Et  cependant  Israël  sortait  de  TE- 
gypte,  où  il  avait  vu  les  prêtres  posséder  en 


^^»0^\,Voge^0  yareieaipte,  Reinie»,  Eeon^Mme  pu  6iî- 

1  9\r9fÉUd€MAfah€$eideiJuif*.Céi^uteur,mj^'' 

•c  d«R9ie  à  tant  de  titres,  comme  homme,  comme 

«  it  (I  eomtnt  écrivain,  a  eu  le  Cori  de  juger  le 

raok^jtet    ^^^^  d*i»préa  le  Penlaieuque  même, 

DlCTlO^INAlRE    APOI.OCÉTIOIE.    il. 


mais  «Taprès  iêi  commandements  d'homme^  par  les- 
quels les  raliliins  Tout  tféflguré,  quelquefois  aussi 
diaprés  1rs  «sages  modernes  dés  Orientaux.  Avec 
ces  élémenis  emHQtfs.  il  a  De  aièler  ii  Moise  ana 
ibëocraiie  "'  '*alon  avec  le 

PentaU'uq 


619 


PEN 


MCTIONXAIHE  APOLOGETIQUE. 


PEU 


m 


Îiropre  un  tiers  des  campagnes*  mettre  tontes 
es  connaissances  en  ré^e  k  leur  profit»  en- 
veloppées qu'elles  étaient  dans  les  mystè- 
res des  hiéroglyphes,  enfin  tenir  en  tutelle 
les  rois  dont  ils  étaient  de  droit  les  précep- 
teurs, les  conseillers  et  les  juges.  Israël 
était  accoutumé  à  ce  prinlége,  et  il  eût  sans 
doute  trouvé  naturel  que  le  législateur  nou- 
veau le  lui  imposât.  Où  donc  trouver  une 
caste  sacerdotale  moins  dangereuse  pour  la 
lilverté  publique  et  pour  le  gouvernement? 
Où  trouver  surtout  un  désintéressement  plus 
complet  que  celui  de  Moïse?  N*est-ce  pas  là 
le  caractère  de  l'homme  droit,  qui  veut  le 
bien  général  et  non  son  intérêt  propre;  de 
l'homme  docile  qui  obéit  à  Dieu  sans  résis- 
tance et  sans  calcul  ? 

Quand  je  viens  à  méditer  sur  ces  diffé- 
rentes idées ,  quand  je  réfléchis  sur  tout  le 
ministère  de  Mo'ise,  sur  sa  vie,  sur  sa  mort, 
sur  son  caractère,  sur  ses  facultés  et  ses 
succès,  il  en  résulte  pour  moi  la  conviction 
la  plus  intime  qu'il  était  Tenvoyé  de  Dieu. 
8i  vous  n'en  faites  qu'un  lé^^isiateur  habile, 
qu'un  Lycurgue  ou  qu'un  Numa,  ses  actions 
deviennent  incompréhensibles;  on  ne  trouve 
plus  en  lui  les  aifections,  les  intérêts,  les 
vues  qui  expliquent  d'oniinaire  le  cœur 
humain.  La  simplicité,  l'harmomie,  la  vrai- 
semblance de  ce  caractère  si  naturel  s'éva- 
nouissent; elles  font  place  à  je  ne  sais  quel 
assemblage  incohérent  de  dévouement  et 
il'imposlure,  d  audace  et  de  timidité,  d'in- 
ca])acité  et  de  génie,  de  barbarie  et  de  sensi- 
bilité. Non  !  Moïse  était  inspiré  de  Dieu,  il  a 
reçu  de  Dieu  la  légiâlalion  qu'il  transmet 
aux  siens;  ces  cinq  livres,  où  il  la  dépose 
nvec  leur  histoire,  ont  bien  été  écrits  sous  la 
garantie  de  ce  Dieu  ;  ils  renferment  bien  sa 
jparole  (657). 

§xi 

Bhioilé  du  PenUteoqae.  -^  Théologie  de  Moïse.  -^  Com- 
paraison avec  la  philosopliie  grecque. 

fassoQs  à  un  autre  examen  plus  propre 
encore  h  affermir  la  foi  de  l'homme  instruit 
et  sérieux. 

Au  milieu  de  la  civilisation  progressive 
de  l'ancien  monde,  on  voit  un  peu^ile  stu- 
pide,  qui,  méprisé  du  genre  humain,  vé- 
gète opiniâtrement  sur  un  petit  coin  de 
terre.  Il  ne  prétend  à  aucune  gloire  litté- 
raire ou  scientifique;  il  n*a  ni  philosophes 
célèbres,  ni  artistes  distingues.  Il  reste 
étranger  au  mouvement  intellectuel  qui 
entraîne  à  ses  côtés  les  peuples  de  la  Grèce 
et  de  l'Orient  ;  sa  langue  est  pauvre,  son 
ignorance  extrême,  la  pensée  reste  chez  lui 
sans  développement  et  sans  essor;  il  est  pres- 
que, entre  les  peuples,  ce  que  sont  parmi 
les  hommes  ces  êtres  ébauchés,  que  des  fa- 
cultés imparfaites  condamnent  à  végéter 
dans  une  longue  enfance.  —  Cependant  il 
connaît  une  chose,  une  seule  chose,  et  il 
est  seul  à  la  connaître;  cette  connaissance 
fut  refusée  à  la  sagesse  des  Grecs  et  à  l'or- 
gueil des  Orientaux.  Cette  chose,  c'est  Texis- 

(C57)  Voy,  la  note  XIV,  à  la  fin  du  volume 


tence  éternelle  et  suprême  da  Bien  umqoe 
qui  a  fait  on  eommencemaU  Its  neuj  er  fa 
ierrt.  Seul  il  en  parle  d*une  manière  digne 
de  sa  grandeur  ;  le  reste  du  genre  homiin  le 
méconnaît.  Tamlis  qu'ailleursdcs  géniesiin. 
mortels,  faits  pour  chanter  la  gloire  do  Tr^ 
Haut,  l'outragent  par  leurs  mdignes  coo- 
ceptions;  tandis  que  quelques  sages  le 
cherchent  en  tâtonnant,  et  se  réjouissent 
tont  an  plus  à  la  lumière  de  quelque  nyon 
]iâle  et  incertain,  le  peuple  juif  adoré  le 
seul  Dieu  devant  lequel  les  hommes  puiy 
sent  se  prosterner  sans  rougir.  Cooirasi^ 
étrange  I  Le  peuple  juif,  le  plus  stopide,  k 
plus  Ignorant  de  tons,  lui  qui  n*a  janiai. 
reçu  de  ce  qui  l'entoure  que  des  leçons  dl- 
doUtrie  I  qui  a  passé  quatre  siècles  dit> 
l'esclavage  de  rkgypte,  de  cette  EgT.7/; 
dont,  suivant  l'expression  d  un  poêle,  ii 
dieux  habitaient  les  étables  et  crobsuea: 
dans  les  jardins  I...  C'est  lui  aui  seal  i 
connu  la  vérité  la  plus  relerée,  la  plus  im- 
portante et  la  plus  abstraite  de  toalesl  LV 
t-il  découverte  par  hasard?  La  doK-il  i  .v 

f>ropre  sagesse  ?  Suppositions  absurdes  qso 
e  moindre  examen  lait  tomber. 

Ce  contraste  vaut  la  peine  que  nousnons 
y  arrêtions.  Peu  de  choses,  mieux  ooeceUti 
opposition,  peuvent  faire  sentir  lauibiei^e 
de  la  raison  humaine  laissée  à  s^  propri^ 
forces  et  la  nécessité  d'admettre  nolerreo- 
tion  divine  dans  l'a  religion  juife.  Comewi 
ne  pas  s'étonner,  en  voyant  An  les  Hé- 
breux des  idées  si  justes  et  si  modes  sur 
la  Divinité,  et  chez  les  philosophes  p&iens, 
dans  leurs  écoles  les  plus  célèbres,  aux 
époques  ou  l'esprit  humain  se  défelopt^sit 
avec  le  plus  de  vigueur,  des  conceplious  h 
imparfaites,  si  erronées.  Entrons  à  ce  sujt 
dans  quelques  détails,  que  mes  lectear? 
pardonneront,  je  me  flatte,  à  reitrôcne  iin- 
portance  de  cette  matière.  Bornons-nous  ^ 

E  rendre  nos  points  de  comparaison  chei'f^ 
ommes  et  dans  les  siècles  les  plus  diTtni- 
gués  ;  je  veux  dire  chez  les  Grecs,  de  Thilèi 
à  Zenon.  C'est  dans  tout  l'éclat  de  sa  gloire, 
que  je  veux  examiner  ici  la  sagesse  hii* 
maine.  Je  ne  parlerai  que  des  hommes  qui. 
s'élevant  au-cfessus  de  leurs  contemporain' 
dans  la  théologie  naturelle  comme  to^ 
philosophie,  semblent,  au  premier o^p 
d'œil,  prouver  contre  notre  thèse.  ï^t^' 
ment  en  sera  plus  décisif. 

Les  sages  de  Trcole  d'Ionie  fnrenl  \^ 
premiers  qui  raisonnèrent  avec  un  \^^!^ 

Erofondeur  sur  la  nature  de  la  Divioii^ 
eurs  raisonnements  incomplets  1^  eonlui' 
sirent  cependant  à  un  mélange  d'atliéiM^» 
et  de  panthéisme  ;  présage  enrayant  |»i;]' 
leurs  successeurs  dans  Ta  carrière  quii^ 
viennent  d'ouvrir.  Au  milieu  des  l»'ntbrff 
où  ils  se  débattent,  on  aperçoit  cep  0:<>^^ 
quelque  clartés  douteuses  qui  semblersieoi 
annoncer  l'approche  du  jour.  On  lioniQ^'' 
grand  par  son  génie  et  sa  vertu,  Anfli^^'o*^* 
s'dève  en  jefl*et  par  luî-roêrae  à  I  idée  du 
vrai  Dieu.  Mais  cette  apparition  brilUn'f' 


G3\ 


FEN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


612 


^^oiblabte  à  un  des  météores  «nllammés  de 

Ij  ouiu  s*évaQOuil  aussitôt»  et  laisse  d'au- 

ù^nt  plus  apercevoir  la  profondeur  de  l'obs- 

Lirité  qu*elie  avait  un  instant  dissipée.  Ce 

io  fut  là  qu'un  phénomène  isolé»  dû  à  un 

oureax  hasard»  et  sans  influence  sur  les 

.-lo^rès  de  Fesprit  humain.  Les  successeurs 

:'  Aoaxagore  ne  surent  point  reconnaître 

i  ct>nserTer  la  vérité»  qu*il  avait  un  instant 

^foilée  ;  ils  Grent  immédiatement  retoni- 

'  -r  la  philosophie^  dans  les  conceptions 

r-v'ssiëres  de  leur  siècle  et  de  leur  école  ; 

«  fit  la  raison  de  Thomme  avait  de  peine  à 

t'^lever  au  vrai  Dieu»  par  sa  propre  puis- 

O^eel  • 

,Les  pythagoriciens  s^ouvrirant  une  mar- 
nouvelle,  mais  toute  la  puissance  d*une 
tance  infiitigable»  jointe  à  une  imagina- 
i^levée»  à  une  méditation  profonde,  ne 
va  pas  cette  école  de  la  grande  méprise 
laquelle  reposa  toute  sa  philosophie. 
'  ndant  les  lois  avec  les  causes»  ils  ad- 
rcnt  l'harmonie  de  Tuni  vers»  etsemblè- 
I  presque  en  méconnaître  rinlelligence 
inauice.  Vient  ensuite  Técole  d  £lée. 
Aûus  trouvons  des  hommes  plus  indé- 
Is»  plus  réellement»  plus  profonde- 
penseurs.  Ils  f<3nt  un  pas  de  plus  que 
cm  qui  les  ont  précédés  ;  ils  veumnt 
Ji*rir  ttwient  et  pourquoi  quelque  chose 
'''^fk;  msk  bientôt»  punis  d*avoir  méconnu 
£ns8s  de  leur  raison»  égarés  dans  ces 
leur  vue  se  trouble ,  leurs  pas 
ceJleut  ;  ils  affirment  que  tout  est  ap- 
Bccf  que  rien  n*est  réel.  Xénopbanes» 
chetp  reconnaît  un  Dieu»  mais  lui  re- 
)lie  fwuvoir  de  communiquer  Texistence 
fe'e  ga*il  ait  jamais  créé  quelque  chose. 
Jifaie  de  ce  philosophe  s  engloutit  et  se 
M  dans  les  flots  d'un  idéalisme  sans 
H  et  SAos  rivages  ;  le  malheureux  est  la 
pière  victime  de  sa  monstrueuse  erreur; 
vie  se  décolore;  il  ne  voit  autour  de  lui 
iioensonges»  ombre»  néant  ;  il  meurt  dans 
aa.;oisses  de  cette  incertitude  universelle 
f  soa  cœur  repousse»  mais  dont  sqs 
t&  raisonnements  Tenvironnent  et  Top- 
fient* 

k|iendaot  allait  bientôt  paraître  sur  la 
%\e  sage  le  plus  remarquable»  le  plus 
in  peui-Atre  de  l'admiration  et  de  l'a- 
ir tles  hommes»  que  le  monde  ait  encore 
raie  assit  la  religion  naturelle  sur 
'es  bases»  il  défendit  la  vraie 
il  enseigna  Timmortalité  de  l'âme 
létrihution  future.  Le  premier»  au 
ffe  s*aiiresser  à  des  disciples  choisis»  il 
^  t  &es  enseigneiMuts  à  un  plus  grand 
re  de  ses  com|iatriotes»  parce  que»  le 
ler,  il  ne  vit  dans  la  sagesse  qu'un 
'û  d*ëtre  utile»  et  qu'il  aima  cette  noble 
*»  josqn'à  lui  sacritier  sa  vie.  Il  luirut 
V^e  s*étaient  à  la  fois  corrompues  l'élo- 
**  «  e  Ja  jiolitique»  les  mœurs  et  la  philo* 
^  *  ff»  ei  il  entreprit  de  tout  réformer  en 
'  ^  (eoips.  Laissons  parler  un  auteur 
Quel  est  donc  celui  qui  s'élève» 


qu 

Est 


jui  ose  se  dévouer  pour  ce  grand  ouvrage  ? 

Est-ce  un  homme  puissant  qui  dispose  de 
Tinfluence  attachée  au  pouvoir,  à  la  fortune, 
au  crédit?  Occupe-l-il  une  magistrature  im- 
portante dans  la  république  ?  est-il  appuyé 
par  des  amis  nombreux  et  forts?  est-il  en- 
touré d'une  clientèle  qui  le  fasse  respec- 
ter? surpasse-t-il  ses  adversaires  en  élo- 
quence?... Non,  c*cst  un  homme  simple  et 
{>auvre»  d'une  condition  obscure  ;  il  est 
seul,  il  n'a  pour  lui  que  rascendant  de  son 
génie  et  l'autorité  de  son  caractère;  toute 
sa  puissance  est  dnns  sa  vertu;  car  sa 
science  et  son  génie  lui-même  ne  sont  au- 
tres que  sa  vertu La  philosophie  s'était 

corrompue....  il  fallait  qu'elle  retrouvât  un 
organe  digne  d'elle,  un  organe  dont  l'a- 
mour des  hommes»  l'amour  de  la  vérité 
dictât  seul  toutes  les  paroles...  un  organe 
tel  que  Socrate...  Ses  actions  devaient  être 
en  tout  la  conGrmation  de  ses  maximes  ;  il 
devait  être  en  tout  conséaucnt  è  lui-même; 
la  plus  grande  des  immoialions  devait  lui 
imprimer  le  dernier  sceau;  le  sage  qui  en- 
treprenait celte  réforme  devait  être  prêt  è 
en  devenir  la  victime  volontaire.  Il  fallait  la 
vie  et  la  mort  de  Socrate  (658).  » 

Ah  I  sans  doute»  la  Providence  avait  quel- 
que grande  vue  en  donnant  à  la  terre  cet 
homme  étonnant  I  Peut-être  avait-elle  des- 
sein d'ouvrir  les  cœurs  des  mortels  à  l'amour 
de  la  vertu,  en  la  leur  montrant  comme  per- 
sonnifiée sous  des  traits  humains  aussi  sim- 
Cles  que  touchants.  Peut-être  jugeait-elle 
on  d  apprendre  aux  hommes  quel  est  le 
vrai  caractère  de  la  sagesse»  et  quelle  est 
alors  aussi  sa  haute  et  simple  dignité  ;  jus- 
qu'où l'homme  peut  s'élever  par  elle»  ouand 
elle  sejointàune  vertu  désintéressée.  Peut- 
être  voulait-elle  donner  d'avance  aux  païens 
une  brillante»  mais  im|  arfeite  ébauche  de 
l'Eiro  céleste,  qui  devait  un  jour»  comme 
Socrate»  enseigner  la  vertu,  vivre  dans  la 
misère»  et  mourir  dans  les  supplices  i  our  le 
bonheur  de  l'humanité  ;  mais  qui  devait 
s'élever  au-dessus  du  sage  Athénien,  par  son 
enseignement»  sa  vie  et  sa  n.ort,  autant  que 
par  sa  nature  et  son  pouvoir.  Hélas  1  Socrate» 
cet  homme  prodigieux»  qui  sembleavoirreçu 
une  vacation  divine»  et  qui  se  croyait  ho- 
noré de  secours  surnaturels»  Socrate  ne  ré- 
forma cependant  ni  ses  contemporains»  ni 
ses  compatriotes  ;  il  passa  comme  Anaxa- 

Sore,  mieux  compris  de  quelques-uns»  sans 
oute»  et  laissant  sa  doctrine  en  dépôt  k  des 
disciples  plus  dignes  de  lui  ;  cependant»  il 
produisit  en  tout  moins  d'effet»  if  fût  beau- 
coup moins  utile  que  tant  de  grandeur  et  de 
vertu  n'auraient  semblé  devoir  l'être.  Son 
histoire  démontre  au  moins  à  l'homme  im- 
partial et  réfléchi»  rinsuinsance  de  la  philo* 
Sophie  pour  éclairer  les peupleset  perpétuer 
la  connaissance  de  la  vérité.  Socrate  était  si 
loin  d'atteindre  ce  but,  qu'il  ne  sut  pas 
même  confesser  devant  ses  juges  le  maître 
unique  de  Tunivers»  ou  ne  crut  pas  utile  de 
le  faire.  Ce  grand  homme  mourant  sembKiil 


TA)  DLcéftâXoo,  niêtofre  comparée  des  »yttèmeg  de  philosophie,  V  é" 


'  •<»« 


t>i3 


PEN 


-encore  accorder  quehjues  égards  aux  divi- 
nilés  mensongères  qui  déshonoraient  sa  pa- 
trie, el  en  l*nonneur  desquelles  son  sang 
ai  ait  couler.  Quelque  grand  d'ailleurs  que 
le  prince  des  sages  nous  paraisse,  quand  nous 

10  rapprochons  de  son  siècle  et  de  ses  ri- 
vaux, si,  le  considérant  en  lui-même,  nous 
ïe  comparons  à  l*idéai  de  perfection  absolue 
ei  de  pleine  vérité  dont  Je  monde  avait  be^ 
soin,  nous  serons  obligés  de  reconnaître  que 
sa  vie  ne  fut  pas  exempte  de  taches,  sa  tbéo* 
k)gied*errcurs,  safoi  d  hésitation,  et  son  mar- 
tyre même  de  quelque  déguisement. 

Ses  disciples  conservèrent  lo  souvenir  de 
ses  leçons,  et  ]>arurent  quelque  temps  se  faire 
du  Dieu  suprême,  des  idées  moins  indignes 
que  le  reste  des  païens.  Comme  Socrate  avait 
éié  l'homme  lo  plus  vertueux  du  paganisme, 
IMalon  en  fut  le  génie  le  plus  brillant  ;  il 
iMirla  de  Dieu  à  la  fois  comme  un  grand  phi- 
losophe et  comme  un  grand  poète.  Mais 
lorsque,  pour  contempler  de  plus  |)rès  la  Di- 
vinité, cet  aigle  de  la  philosophie  planait 
dans  le  monde  des  abstractions,  pouvait-il 
être  suivi  du  vulgaire,  et  compris  de  tout  le 
monde  ?  Se  comprenait-il  toujours  bien  lui- 
même  ?  Est  Ci.*  ainsi  gue  Ton  persuade,  que 
l'on  entraîne  la  multitude,  que  Ton  extirpe 
l'idolâtrie  ? 

Platon  d'ailleurs  admettait  l'éternité  de  la 
matière,  el  cette  seule  et  grave  erreur,  com*- 
bien  ne  rabaisse-t-ellepas  l'idée  qu'il  se  for- 
mait de  Dieu  ? 

Après  lui,  son  disciple  Arislote  se  présente 
sur  la  scène»  avec  un  genre  de  talent  et  de 
caractère  bien  opposé.  Le  philosophe  de  Sta- 
gyre  avait  appris  de  Socrate  et  de  Platon  à 
deviner  le  Très-Haut,  et  probablement  au- 
cun païen  n'en  a  jamais  parlé  d'une  manière 
plus  exacte  et  plus  étonnante.  «  Aristote, 
<>r41naireiuent  si  froid,  si  sec,  s'anime  subi- 
tement et  s'élève,  lorsque  la  pensée  de  la 
Divinité  se  présente  &  lui...  C  est  un  grand 
et  beau  spectacle  pour  les  amis  de  la  vraie 
philosophie  que  de  voir  les  deux  plus  beaux 
génies  de  l'antiquité,  Platon  et  Aristote,  si 
opposés  d'ailleurs,  se  retrouver  dans  un  si 
jarfdit  accord  à  lYgard  de  la  doctrine  sur 
aquelle  reposent  les  plus  grands  intérêts  de 
la  morale  et  de  l'humanité  ;  se  réunissant 
sur  les  pas  d'Anaxa^jore  et  de  Socrate,  pour 
offrir  Thommage  de  la  raison  humaine  au 
suprême  auteur  de  toutes  choses  (659)1  »  — 
Oui,  j'en  conviens,  c'est  là  un  grand  el  beau 
spectacle  ;  cependant,  avec  quelle  force  il 
peut  démontrer  encore  l'insuffisance  de  la 
raison  humaine  pour  acquérir,  et  surtout 
pour  conserver  la  connaissance  du  vrai  Dieu  î 
Je  pourrais  insister  sur  les  inconséquences 
qui  déparèrent  aussi  la  théologie  d'Aristote. 
Il  parla  correctement  de  la  nature  divine  ; 
mais  sa  philosophie,  tendant  h  un  véritable 

(639)  DECfeRANfK).  elc.,  lome  II,  p.  3^-358. 
(tfOO)  Les  iiiciuJttlrs  de  mu  jours  oitl-iU  <looc  le 
droit,  pour  le  dire  eu  pu»Miii»,  de  faire  houi.eur  à 

11  pbitosophic,  dt  la  llié«toi;ic  ii.ilurelie  dont  ils 
««nni  tiers,  el  si  le  chrisiia  .ÎMiiâ  ifeOl  jamais  éclairé 

tHK  ou  leiiri  piTOS,  csl-ii  bien  certain  qu'ils  fusseiit 
plus  avuo'jôâ  à  cet  égard  que  les  acil''*:*s*rs  de  So- 


DICTiONNAIRE  APOLOGETIQUE:. 

matérial 


PLN 


W 


i 


ialismc,  dépouillait  réelleoutut  Dia 
de  son  pouvoir,  et  trans|»(>rlaii à  [uniTS 
visible  Tactivitédeson  auteur.  Mais  je  Te 
me  borner  à  uno  seule  remarque.  Ce  rii 
héritage  de  Socrate,  cultivé  par  deux  dei 
successeurs,  ce  fruit  laborieux  du  génjej 
de  la  vertu  rénnis  à  un  degré  extraoniiDi( 
dans  trois  hommes,  élite  de  rhumaniléii 
dissipe  el  se  perdbienlAl  après  eux  ;taiit( 
grandes  vérités  étaient  au-dessus  de  iai 
tée  ordinaire,  tant  les  peuples  laissés  à 
seule  raison  étaient  peu  aptes  k  lesc 
prendre.  Slraton ,  disciple  d'Arisloie 
athée  L*.  Vint  ensuite  Epicure,  qui,  cl 
vaut  à  rbomme  toute  force  morale,  ï  kl 
ciété  tout  esprit  public,  dépouillant  Bi( 
sa 'providence,  et  TAme  humaioederia, 
taillé,  fil  bien  plus  de  mal  aux  hommes] 
Socrate  n*avait  pu  leur  faire  de  bien.l 
posa  au  sein  de  la  civilisation  amolliej 
goutte  empoisonnée  »  et  ce  principe  i 
meux,  rintectant  bienlAt  de  proclieenj 
çhe,  légitimant  tous  les  crimes,  dessé 
toutes  les  vertus,  dévelopiiant  tons)» 
produisit  bientôt  ces  générations  hi' 
et  souillées,  qui  effirajèrent  le  m 
leur  corruption.  Quelques  ètnes  relifl 
el  fortes  s^mdignèrent,  il  est  vrai,  à  cef 
lacle.  Le  Portique  conçut  lo  projet  de  i 
ner  le  patriotisme  dans  les  sociétés  ta 
nés,  de  rendre  à  la  religion  sontrlhM^. 
conscience  sa  félicité  désintéressée^Mfflb 
nirel  son  Dieu.  Mais,  flottant  efiire  le 
térialisme  cl  le  panthéisme,  les  secU) 
de  Zenon  ne  surent  proposer  à  Tadan 
des  hommes,  que  je  ne  sais  quel  Diegj 
porel,  qu'ils  composaient  de  lumière, 
lelligence  el  de  feu,  et  qu'ils  nommait 
Nature. 

Arrêtons-nous  maintenant,  et  jeto 
regard  en  arrière.  Nous  verrons  d'abo 
chez  les  Grecs,  dans  le  cours  de  biend 
des,  quatre  hommes  seulement,  aid 
uns  des  autres,  semblent  avoir  réussi 
connaître  Dieu  sous  des  traits  digues 
majesté. 

Ces  hommes,  en  second  lieu,  ontei 
d*influencesur  leurs  contem)K)raios 
enseignements  ont  été  mal  compris) 
disciples.  Il  semble  que  de  telles  vérii 
fois  découvertes,  ne  devaient,  oe 
plus  être  oubliées.  Mais  non,  il  n'eu 
ainsi.  Le  fait  prouve  que  ce  sont 
qui  étaient  presque  le  moins  facileoi 
sies  et  le  moins  sûrement  conserva 

Enfin,  ces  hommes  ne  s*adressaieoi 
qu'à  des  disciples  elioisis,  el  leur  tran 
talent,  souvent  en  secret,  les  vérités  <l< 
monde  entier  avait  besoin.  De  ces  || 
philosophes,  un  seul  s'est  adressé  i  d' 
qu*à  des  philosopl>€s,  aucun  n*a  son 

craie  et  les  diseiplfa  d'Anaxagore!  LV 
semble  indiquer,  au  contraire,  ^ue  la  pbii< 
laissée  à  ses  propies  forces*  luiît  lepi<» 
par  tomber  dans  Tun  des  deux  abîmes  eou^ 
quels  elle  marche  toujours ,  rattiétsme  a  k 
théisme. 


è 


dt 


il3 


PKN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE 


PEN 


GiH^ 


ciiple,  tous  parlaient  un  iangago  au-dessus 
t  sa  portée. 

Fortoos  è  présent  nos  regards  sur  le  peu- 

:r* hébreu:  nous  j  ferons  précisément  les 

••aarquds  opposées,  «t  Moïse  »,  dit  h  ce  su- 

:   \l.  B.  Constant  (CCt),  «  Moïse,  avec  une 

i^i'-né  merveilleuse,  parle  à  des  hommes 

'  >'»$iers  la  langue  qui  leur  convient;  et  ce- 

•ei'iaot  il  ne  plie  que  rarement  sa  doctrine 

;  -J  exigences  de  leur  grossièreté.  Ses  con- 

.--^ions  consistent  dans  les  mots  plus  que 

r^  les  rlio:$es;  ce  sont  des  nuages  passa- 

f^i  <}uî  n  obscurcissent  que  pour  un  instant 

qu  il  j  a  de  sublime  rians  les  notions  de 

^re  suprême.  Les  questions  oiseuses,  les 

^blèiues  insolubles,  sont  soigneusement 

""es.  Le  législateur  des  Juifs  ne  recher- 

inl,  comme  les  prêtres  de  TEgypte  ou 

oJe,  ou  comme  les  philosophes  de  la 

^,de  quelle  substance  Dieu  se  compose  ; 

existe  dans  retendue,  ou  s*il  existe  hors 

'étendue  ;  s*il  est  fini  ou  s'il  est  infini  ;  si 

aiistence  est  éternelle  et  nécessaire,  ou 

e  fut  Tœuvre  à  la  fois  subite  et  tardive 

inexplicable  volonté.  Le  prophète  de 

khappe  également  à  ces  écarts  d'une 

lution  déréglée,  qui  répandent  sur  les 

I  topulaires  dont  tes  prêtres  repaissent 

Mwvie,  un  vernis  tour  à  tour  révoltant 

Mtiiliailiiet  à  ces  subtilités  toujours  sans 

jjwpfrt  401  ont  précipité  le  théisme  philo- 

M^Uj^deTInde  dans  un  labyrinthe,  dont 

wktwcesi  inévitablement  l'athéisme  ou  le 

éîsme Dans  le  récit  de  la  création, 

/  il  tant  sans  doute  accorder  ce  que  le 
6  de  rOrient  exiee  qu'on  accorde  a  tout 
de  ce  genre,  il  n  est  parlé  ni  d'une  raa- 
(Êt  inerte  et  rebelle  qui  ^êne  le  Créateur, 
aon  œuf  mvstérieux,  ni  d'un  géant  mis 
pièces,  ni  d'une  alliance  entre  des  forces 
'Q)$fes  et  des  atomes  sans  intelligence,  ni 
h  nécessité  qui  enchaîne  la  raison,  ni  du 
^  qui  la  trouble.  » 
loîse^  el  tous  les  auteurs  hébreux  après 
.  (hirlent  constamment  de  Jéhovah»  comme 
ibcot  le  dire»  non  des  disciples  de  TE* 
fe,  mais  des  envoyés  de  Dieu.  Sa  toute- 
fbmce,  son  omniscicnce,  son  unité,  son 
^  .é^  son  immatérialité,  toutes  ses  pér- 
is enOn,  si  souvent  méconnues  des 
de  la  Grèce,  sont  constamment  pro- 
par  ces  grossiers  enfants  de  la  Pa- 

connaissance  du  vrai  Dieu  n'est  pas 
aux  écrivains  ;  elle  est  populaire 
k$  luiis,  parce  que  le  langage  de  leurs 
sacrés»  même  sur  ces  matières»  est  à 
de  toutes  les  classes  du  peuple. 
chose  admirable  f  en  style  simple , 
plein  d'images,  que  Moïse  et  les  pro- 
%  troorent  moyen  de  donner  sur  Dieu 
ées  réellement  les  plus  exactes  et  les 
"  Velerées,  tandis  que  les  philosophes  ne 
"^^  issaient,  le  plus  souvent,  qu'à  envelop- 
pes iiiécs  très-peu  philosophiques,  dans 


f^. 


'    %>  fV  /tf  religion^  eon$idéiée  dans  ta  êource, 
^  *  TW)  fi  tê$  développements ,  tome  II,  p.  ?I5- 


un  style  obscur  à  force  d'abstraction.  Qu'on 
lise  le  chanitro  xl  d*Isaïe  ;  on  y  verra  la 
puissance,  les  œuvres,  Tunité,  l'immensité 
divines,  rappelées  sous  des  formes  à  la  fois 
claires  et  poétiques,  dramatiques  et  justes. 
Voilà  le  iansage  que  le  peuple  peut  enten- 
dre et  aime  à  écouter;  voilà  comme  on  per- 
suade la.  multitude  en  même  temps  qu'on 
l'éclaire.  Comment  entendre  sans  étonne- 
ment  ces  écrivains  sacrés,  quand  ils  nous 
|)flrlent  de  la  Divinité  ?  S'agit-il  de  nous 
donner  Tidée  de  ses  perfections,  de  sa  na- 
ture? rien  n'est  assez  grand,  assoz  sublime  : 
Il  habite  une  lumière  inaccessible  :  Où  irai-je 
loin  de  ton  Esprit^  où  fuirai-je  loin  de  ta  face  ? 
Si  je  monte  au  cielf  iu  y  es  ;  si  je  descends  au 
sépulcre^  tu  y  es  encore.  Sa  justice  est  comme 
de  hautes  montagnes  ;  ses  jugements  sont  un 
profond  abîme.  Il  a  créé  les  deux  par  sa  pa* 
rôle  et  toute  Vannée  des  deux  pat  le  souffle  de 
sa  bouche.  Le  peigûont^ls  dans  ses  rapports 
avec  nous?  rien  de  plus  simple  et  de  plus 
sensible.  Il  s'irrite,  il  s'apaise,  il  se  rcpent, 
il  s'émeut.  Ah  ï  voilà  le  Dieu  oui  forma 
rhomme.  11  sait  quel  langage  il  iaul  lui  te- 
nir. 11  sait  que  la  Divinité  impassible  du 
philosophe  ne  dirait  rien  à  son  âme.  lise 
révèle  à  sa  raison  et  s'accommode  à  sa  na- 
ture. Il  dévoile  ses  perfections  à  son  esprit» 
et  il  parle  à  son  invagination,  à  son  cœur  : 
il  le  prend  par  ses  endroits  sensibles. 

Mais  encore,  comment  arrive-t-il  qu'en 
prenant  de  la  sorte  un  style  tout  en  images 
et  en  sentiments,  un  style  par  conséquent 
fort  éloigné  de  Texactitude  philosophique, 
comment  arrive-t-il  que  les  docteurs  de 
l'Ancien  Testament  trouvent  moyen  de  ne 
rien  laisser  échapper,  qui  puisse  donner  au 
peuple  une  direction  fausse,  retarder  les 
progrès  de  son  intelligence  et  le  faire 
retourner  à  son  idolâtrie  ?  Comment  arrive- 
t-il  qu*en  manifestant  l'état  de  la  gloire 
divine  aux  Hébreux  épouvantes,  le  Penta- 
teuque  ne  leur  montre  cependant  aucune 
figure  en  Horeb  (662|?  que  ces  Hébreux  qui 
entendent  la  voix  céleste  (663),  qui  voient 
le  trône  de  l'Eternel  sur  Sinai  (664},  qui 
parlent  sans  cesse  de  ses  yeux,  de  ses  mains, 
de  ses  oreilles,  ne  soient  cependant  jamais 
conduits  par  leurs  livres  sacrés  à  lui  attri- 
buer une  forme  humaine?  ce  qu'ont  fait 
cependant  toutes  les  my  tholo^ies  des  siècles 
anciens,  et  toutes  les  superstitions  des  âges 
modernes.  Pourquoi  les  images  que  les 
auteurs  hébreux  sont  réduits  a  employer» 
pour  donner  quelque  idée  de  la  j;loire  qui 
entoure  le  Très-Haut,  et  des  manifestations 
extraordinaires  de  sa  présence  ne  sont-elles 
empruntées  qu'à  des  formes  vagues  et  bril- 
lantes, propres  à  inspirer  une  lerreur  reli- 
gieuse» mais  trop  confuses  et  trop  incertaines 
pourqu'un  peuple enclinà l'idolâtrie  essayât 
de  le  reproduire  et  de  les  adorer?  Si  Moïse 
n'est  pas  un  prophète  inspiré,  que  l'on  ex- 
plique cette  (f^nigme,  et  le  contraste  marqué 

(662)  DeuL  iv,  1î,  15. 
(665)  Deul.  v,  24. 
(664)  Exod,  XXIV,  10. 


€27 


tEN 


OICTlONiNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PEN 


que  présentent  ses  leçons  et  son  peuple,  avec 
les  leçons  et  tes  compatriotes  des  philoso- 
phes païens  (665)  I  Si  d*autres  prophètes 
inspirés  n*ont  pas  suivi  Moïse,  que  Ton 
explique  une  autre  énigme  non  moins  sur- 

£  Tenante  :  la  conservation  du  théû^me  de 
loïse  à  Jésus^hrist,  chez  un  peuple  tout 
matériel»  passionné  pour  l'idolâtrie,  entouré 
d*idolfltres,  tandis  que  les  disciples  même 
d'Auazagore  ou  d'Aristote,  ces  doctes  nouf- 
j-isscms  de  la  Grèce  savante ,  laissaient 
promptement  cette  belle  lumière  s'éteindre 
entre  leurs  mains.  T  avait-il  donc  moins  de 
distance,  des  sublimes  leçons  de  Moïse  à 
l'intelligence  des  grossiers  enfan  s  de  Juda, 
que  des  sages  enseignements  de  Socrate  à 
1  esprit  exercé  de  Straton  et  d*Epicure? 

On  pensera f  peut-être,  que  j'aurais  dû 
prendre  mes  points  de  comparaison  ailleurs 

3ue  chez  les  Grecs,  et  que  les  anciennes 
octrines  delà  Chine  et  de  l'Inde  n'eussent 
eis  produit  un  contraste  aussi  favorable  aux 
ébreux.— En  effet,  en  remontant  plus  haut 
dans  lanu't  des  siècles,  en  nous  rapprochant 
de  c.'tte  Asie  centrale,  premier  berceau  du 
genre  humain,  nous  eussions  pu  trouver  un 
théisme  plus  pur  et  plus  répandu.  N'ifflportel 
Je  pourrais  demander  si  ces  leçons  furent 
claires ,  populaires ,  comprises  ,  sans  mé- 
lange d'erreurs  graves  et  de  principes  fu- 
nestes. Je  pourrais  demander  pourquoi  ces 
doctrines  n'ont  eu  d'efficace  et  de  durée 
que  chez  les  grossiers  Hébreux ,  pourquoi 
chez  ces  autres  peuples  si  vantés,  le  sensua- 
lisme ou  i'i.léalisme  les  étouffèrent  bientôt. 
Si  j'entrais  dans  cette  discussion ,  je  souiw 
çpnnc  que  l'opposition  de  la  théologie  mo^ 
sâïque  et  de  ses  effets  aurait  bien  encore  sa 
force  (666).  Mais  i'ai  une  autre  remarque  en 
vue.  La  pliilosopnie  et  la  ftrt  s'accordent,  à 
mon  avis,  k  prouver  l'existence  d'une  révé- 
lation primitive,  accordée  à  la  première 
enfance  du  genre  humain,  par  le  Dieu  qui 
rélevait  après,  l'avoir  mis  au  moiflde.  Quand 
on  remarque  chez  tant  de  peuples  de  l'anti- 
quité, une  religion  plus  éclairée  à  mesure 
qu'on  remonte  vers  les  siècles  d'ignorance, 
et  toutes  les  horreurs  d'une  abrutissante 
superstition,  quand  on  redescend,  au  con- 
Iraire,  vers  la  civilisation  et  le  savoir,  il 
irest  guère  permis  d'en  douter.  Or  ces  res- 
tes de  théisme,  épàrsdans  les  nuages  de  l'anti- 
i{uité,  mesemblentdusk  cette  révélationpre- 
mière,  bien  plus  qu'aux  efforts  delà  raison. 
Ce  sontdes  lambeaux  arrachés  à  ce  trône  de 
l'Eternel,  jadis  visible  aux  yeux  surpris  de 
toutes  les  familles  humaines.  Chez  les  Grecs, 
les  restes  de  la  révélation  primitive  étaient 

(665)  J'aime  à  consigner  ici  une  déclaration  po- 
sitive de  M.  B.  Constant  (tome  II,  p.  219-2S1)  : 
«  Noos  le  dirons  donc  avec  a*autant  plus  de  convic- 
tioa,que  notre  opinion  8*est  formée  lentement,  et, 
tmur  ainsi  dire,  mal^^é  nous.  L'apparition  et  la 
dtirée  du  théisme  juif,  dans  un  leuips  et  chei  un 
peuple  égaîemi  nt  incapable  d*eu  concevoir  1  idée  et 
<!•*  ta  conserver,  sont  a  nos  yeux  des  phénomènes 
nii*on  ne  saurait  expliquer  par  le  raisonnement,  i 
Q  lelques  pages  plus  haut  (p.  213),  il  montre  que 
Muîse  n*a  pu  puiser  se3  nobles  idées  de  la  Divinité 


tellement  déguisés  sous  les  emblèmes  ma- 
tériels de  la  mythologie,  que  respérience 
V  est  plus  décisive  ;  nous  j  contemplons 
bien  réellement  les  efforts  de  la  raisoD  hi. 
maine  pour  s'élever  à  son  atlteur.  Au  reste, 
le  contraste  des  anciennes  doctrines  tbéis^ 
tes  de  l'Asie  avec  celles  qui  les  remplacé- 
rent,  est  à  mes  jreux  une  preuve  de  plos 
que  )a  philosophie  ne  peut,  à  elle  seule^ 
comprendre  Dieu  tel  au*il  est,  et  que  ses 
efforts,  pour  s'élever  si  nant,  la  font  presque 
toujours  retomber  dans  quelque  abîme. 
Cela  noua  conduit,  d'un  c6té,  droit  à  I«  né- 
cessité de  la  révélation  et  k  son  eiistenct; 
de  rautr«^,  à  la  divinité  du  Penlaleuqoe. 

Si,  après  avoir  comparé  la  doctrine  da 
Pentateuque  à  celle  de  la  sagesse  humaine, 
nous  en  comparons  les  récits,  et  enqufl(;tie 
sorte  la  théologie  bistoriaue,  aux  cosmif- 
nies  païennes,  même  à  celles  de  cesaoUques 
régions  où  l'on  voudtiiit  chercher  des  ri- 
vaux à  Uoïse,  la  supériorité  de  celoi-d 
n'est  pas  moins  remarquable.  ^'oQs  riToos 
fait  observer  plus  haut,  mais  nous  arnos dll 
réserver,  pour  cette  place-cî,  une  ritim 
importante  :  La  sutiériorité  de  la  Utét 
siir  les  antiques  iabics  de  TEgypte,  de 
l'Inde  ou  de  la  Chaldée,  est  d*autaot  plus 
frappante  qu'elle  a  beaucoup  de  ehoses 
communes  avec  toutes,  et  qu*clle  parait 
renfermer  le  dépôt  primitif  des  Téri^éj (/if- 
figurées  dans  les  autres.  Quelques  Sto  de 
lumière  dérivés  de  la  Genèse,  eodessoor- 
ces  de  la  Genèse ,  modifiés  ,altérés  t\  ptts- 
que  perdus  chez  toutes  les  antiqoes  ImV 
les  du  genre  humain,  peuvent  à  )a  lois  ev 

f>liauer  ces  ressemblanees  et  faire  ressortir 
a  clivine  supériorité  de  la  version  seule  au- 
thentique, conservée  et  transmise  parMobe, 
sous  la  direction  du  Dieu  qui  Tenvoyaii. 


CONCLUSIOX. 


Quand  on  réunit,  auand  on  pèse  séfico- 
sèment  tous  les  motics  de  confiance  eldstl- 
bésion  qui  environne  le  livrede  laFibK 
et  en  particulier  le  Pentateuque,  auqup 
viennent  se  rattacher  toutes  les  autres  {••lo- 
ties, on  est  frappé  d'un  saint  respecien 
l'ouvrant;  on  sent  que  l'homme n*a  ps$>B 
venté  f-es  grands  et  mystérieux  réciis  «[^ 
qu'il  n'a  fait  aue  prêter  sa  main  poor^ 
tracer.  Si  parfois  la  légèreté  de  nottt^'* 
prit  se  choque  de  quelques  invraiseaiw»- 
ces ,  nous  nous  en  repentons  bientilt  I^^ 
que  nous  sentons  que  l'on  ne  peuiqo^ 
l>erdre  dans  celte  lutte  avec  l'esprit  de  Dic« 
Aussi  je  comprends  que  Thonime  \^P^. 
sceptique  de  notre  Age,  lord  Byron,  ait  nni 

dans  les  doctrines  secrèfes  da  sacerdoce  ég)P|^< 
doctrines  bien  éloignées  de  ce  haut  degré  <le  p««f 
c  Le  tliéisnie,  dii-il,  qui  s'y  amâlgainail  *^^  ^ 
panlhéisme,  ressemblai!  peu  à  la  notion  de  ron 
de  t)îeu,  lelle  que  les  livres  hébreux  "««•J'.P^ 
lent,  simple,  claiie,  éubtissant  enircla  r^^Z, 
les  honunes  des  rapports  moraux.  Ce  denucr  cini 
icre  consiifue  la  différence  essentielle  qui  separri'» 
deux  espèces  de  théisme.  • 
•  (C66)  Voy.  Indianisue* 


r 


PEU 


HCnONNAIRE  APOLO^TIQOE. 


F2? 


esa 


fcrécriresnT  une  Bible  oes  lignes  qui  y  ont 
f  Iroarées  «près  sa  mort  :  «  Dans  ce  livre 
iugnste  est  le  mystère  des  mystères.  A)i  1 
ieoreox  entre  tons  les  mortels  ceui  è  qui 
fiea  a  dit  la  grftce  d'entendre,  de  lire, 
le  prononcer  en  prières,  et  de  respecter 
|iaroles  de  ce  liTre  t  bearem  ceux  qai 
treot  forcer  la  porte,  et  entrer  violem- 
»<>Dt  dans  les  sentiers  I  Mais  it  vaudraU 
uoiT  qu'il  ne  fussent  jamais  nés^  me  de  tire 
^MT  douier  ou  pour  mépriser  (667).  »^' 
PÈRES  HE  L'EGLISE.  Ont-ils  pensé  ou 
brfé  du  mystère  de  la  Trinité  à  la  manière 
m  Platoniciens?  Foy.  note  XXH.  à  a  fin 
ih  Tol.  —Cités  sur  les  possessions.  Toy.  Pos- 
Nssiox;— sur  les oracfe^des  païens.  Voy.  D&- 
m%,  i  iV.  —  Réfutation  des  accusations  de 
IL  Letronoe  à  leur  sujet.  Voy.  CosMOGaA- 
rtiE,  —  Leurs  témoignages  démontrent  To- 
rizioe  de  la  Trinité  et  de  l*Eucharistie.  Yoy. 
DuGnst  I  II  et  111.  — Témoignages  en  la- 
ytMx  de  la  primauté  du  Pape.  Yoy.  Pape,  §  11. 

-  Témoignages  en  faveur  de  I  authenticité 
de5  Eran,{iles.  Yoy.  Evangile,  §  1  —  Leur 
t^ffloigna^  démontre  la  règle  d*auturité 
oHDmerèxiedefoi.  Yoy.  RteLB  de  foi,  §  III. 

-  Âtta((!Ki  par  M.  Aimé-Martin  ;  réfutation 
l«r  \u\-mènie.  Yoy.  PiNrrENCE,  {  IV.  — 
Pères  des  pcemiers  siècles,  ils  témoignent 
tie  \i  mottitoda  des  chrétiens.  Yoy.  Pso- 
rifiinoT  ar  chbistiaxisme,  |  III. 

?£Kf£niBIUTÉet  PROGRÈS.  Yoy.Vnu 

lÙS^ynîl  P1?(TRÉ1STIQLE  DE   L  HISTOIRE,  §  IV. 

P£RF£i:TION,   a    pour    instrument    le 
nul,  dans  Tieuvre  du  Créateur.  Yoy.  Mal, 

ITL  U  i  IV. 

PEKFECTIONNraiENT  graduel  des  os- 
[vces,  réfutation.  Yoy.  Uohme.  —•  Perfcc- 
l/o/inement  de  Thomme  et  des  races  humai- 
nes. circoDStances  oui  y  concourent.  Yoy. 
Uces  HtvAXiiEs,  i  XII.  —  Perfectionnement 
oMlectuel  et  physique  de  i*homme  d*après 
•iurier.  Fay.  rovminisMB. 

PERIODES  ASTRONOMIQUES.  Voy.  Pa- 

l^r.ÉsÊStK. 

PER1L4NENCE  des  BSPfccES.  Yoy.  Houme. 

PERPÉTUITÉ  BT  STABIUTÉ  do  curistia- 
MSE.  Yoy.  VintroduelioUf  S  XV. 

PERSANS,  leurs  livres  ne  remontent 
là  Zoroastre,  c'est-à-dire  à  la  fin  du  vr 
kle  aTanI  Jésus -Christ.  Yoy.  Pbnta- 
tQiE,  g  I. — Ils  ne  présentent  qu'obscurité 
mccrtitude.  i6td.,  |  II. 

PERSONNAGES   célèbres  de  Tantiquité, 

lés  d*hallDcination.  Yoy.  Uallccination, 

I. 

PERSONNAUTÉ  DIVINE  niée    dans  la 

kidicée     humanitaire.    Yoy.    Théodicée 


!^£TAD  (le  P.),  son  sentiment  snr  le 
itonismedes  saints  Pères.  Yoy.  note  XXII, 
et  II  à  la  fin  du  volume. 
PEUPLE.  Kj  avait-il  que  le  menu  peuple 
i  fût  chrétien  au  iv*  et  au  v*  siècle  7  Ké- 
ation   de  11.  Guizot.  Yoy,  Aristocbatie 


oAixo-BOiiAiHE,  1 1.  —  Scs  disposîtions-oa 
Judée  au  temps  de  lésns-Chist  étaient-elles^ 
favorables  à  la  formation  du  mythe?  Fay.* 
Htthisme  i  Vil. 

PEUPLES.  OnUls  commencé  par  Tétai  de 
nature?  Yoy.  PstchoijOgie,  f  II  et  lU.  —  Ac- 
cord de  Moïse  et  des  plus  anciens  historiens 
sur  leur  ori^pne.  Yoy.  Psychologue,  I IV. 

PHALANSTÈRE.  Yoy.  FoLRiiRisMB. 

PHlLOSOraUE  DE  I/ARSOLIT.  —Le  pro- 
grès de  la  raison,  amené  par  lechristianisme^ 
rend  presqoe  impossibles  aujourd'hui  des 
erreurs  autrefois  puissantes.  Par  exem|]Je , 
le  dualisme,  qui  conçoit  le  monde  comme 
le  résultat  de  ueui  princifies  éternels  et  en- 
nemis, ne  trouverait  pas  aujounrhui  un  seul 
partisan;  et  Talhéisme  atomistique,  qui  ne 
voit  dans  le  monde  que  des  éléments  maté- 
riels et  finis,  quoiqu'il  ait  fait  une aj)parition 
pendant  le  dernier  siècle,  n'aurait  d'accès 
aujourd'hui  qifauprès  de  quelques  esprits 

Srossiers  et  étrangers  aux  premières  notions 
'une  bonne  philosophie.  Rendons  justice  à 
nos  contemporains,  ils  ont  le  sentiment  de 
Tinfini  et  celui  de  Tunité.  SVçarant  trop 
souvent  dans  la  recherche  de  cet  infini,  dans^ 
la  poursuite  de  cette  unité,  ils  ne  conçoi- 
vent pas  leurs  vrais  caractères,  et  n'établis* 
sent  pas  leurs  vrais  rapports.  Par  voie  de 
conséquence,  ils  peuvent  même  être  conduits 
jusqu'à  la  négation  et  à  la  destruction  de 
l'unité  et  de  l'infini.  Mais  enfin  cette  grande 
pensée  a  lui  dans  leur  intelligence;  le  rayon 
divin  a  touché  leur  flme.  Il  ja  là  une  fra- 
ternité d'esprit  «  que  nous  aimons  è  signaler  ; 
là  se  trouve  l'espérance  d'une  réunion  fu- 
ture que  nous  saluons  de  grand  cœur.  Plus 
que  jamais  donc  des  discussions  sincères, 
graves,  bienveillantes,  sont  nécessaires;  c'est 
l'unique  rooj-en  de  rapprocher  des  esprits 
laits  pour  s'entendre  et  qui  déjà  se  toucnent 
par  plusieurs  points. 

Dans  le  monde  rationalisto,il  règne  au^ 
jourd'hui  unecertaine  uniléqu'il  importe  de 
constatel",  car  c'est  le  vrai  moyen  de  se  ren- 
dre un  compte  fidèle  de  Tétat  de  Tesprit  hu* 
main.  Mais  pour  arriver  à  cette  conception 
de  l'unité  delà  pensée  à  une  époque  donnée, 
il  est  nécessaire  d'embrasser,  dans  leur  en- 
semble, les  systèmes  philosophiques.  La 
France  et  l'Allemagne  sont  les  deui  nations 
philosophes  des  temps  modernes.  Toutefoisi^ 
il  faut  reconnaître  que  le  rationalisme  s'est 
développé  chez  nos  voisins  avec  beaucoup  ' 
plus  de  suite  et  de  conséquence  que  parmi 
nous.  Leurs  systèmes  nous  dévoilent  bien 
vite  le  fond  des  doctrines,  parce  qu'ils  sont 
complets.  Ce  qui  est  obscur  et  enveloppé 
dans  les  théories  françaises ,  est  manifeste 
et  avoué  dans  les  théories  allemandes.  Je 
ne  veux  pas  dire,  sans  doute  que  nos  voi- 
sins possèdentun  méthode  d'exposition  meil- 
leure que  la  nôtre  et  un  langage  plus  clair 
que  le  nôtre  ;  sous  ce  rapport,  nous  leur 
sommes  très-supérieurs,  et  ils  le  reconnais- 
sent; jnais,  en  métaphysique,  ils  vont  plus 
loin  que  nous.  Je  commencerai  donc  cet  ex- 


(^  /)  CEutrei  de  lord  Bifron;  Mélanges,  tome  11,  p.  486,  tradoction  d*Araédéc  Pichot. 


€91 


PHI 


DiCnOlGIAIflE 


fiosé-  ^r  les  systèmes  allemands  plus  corn- 
plels  que  les  nAtres. 

II. 

riiflosopbte  atlenande,  son  unité,  malgré  I*  diversHé  de 
ses  systèmes;  too  oHgtaie  ;  ses  principes  générani  ;  ses 
principAQx  résultais;  opposilion  absoluei  entre  celte 
philosophie  et  le  christianisme.  —  Origine  immédiate 
de  lldéatisme  sobjectif  de  Fichte ,  de  l'idéalisme  ol>- 
jeclif  de  Schelliog,  du  système  parement  logiane  de 
Hegel. -«-Fichte;  but  de  sa  théorie;  point  de  dépari; 
le  mot  créateur  et  unique  réalité  ;  le  moi  individuel  et 
le  moi  absolu  ;  application  des  principes  posés.  —  No- 
tion de  Bien  [d'après  ce  système.  —  RéfuUtion  du 
principe  fondamental  de  cette  théorie. 

Quand  on  parle  des  systèmes  qui ,  depuis 
cinquante  anî«.  se  sont  développés  chez  nos 
voisins  d'outpe-Khiû,  on  les  appelle  du  uora 
général  de  philosophie  allemande  ;  et  c'est 
avec  raison;  puisque,  malgré  la  diversité 
de  ces  systèmes,  cette  philosophie  est  une. 
le  crois  utile  de  signaler  ce  caractère  gé- 
néraU  a?ant  d'examiner  aucun  système  par- 
ticulier. 

L'unité  de  cette  philosophie  se  trouve 
dans  ridentité  d'origine,  de  principes  et 
de  résultats. 

D'abord  elle  est  née  du  mouvement  im- 
primé à  la  pensée  par  Kant.  Le  but  que  se 
Koposa  le  philosophe  de  Kœnisberg  fut  de 
unir  de  la  philosophie  toute  supposition, 
toute  hypothèse.  Il  voulut  démontrer  ratio- 
nellemcnt  tous  ses  principes.  Comme  nous 
arrivons  à  la  connaissance  des  choses  par 
l'intermédiaire  de  nos  facultés  passives  et 
actives,  Kant  pensa  qu'il  fallait  d  abord  étu- 
dier ces  facultés  elles  -  mêmes.  De  là  sa 
célèbre  critique  du  jugement  et  de  la  raison. 
Son  analyse  patiente  et  profonde  vint  aboutir 
à  ce  résultat  :  qu'il  n'existe  pas  un  lien 
nécessaire  entre  nos  facultés  et  leur  objet  ; 
entre  notre  esprit  et  le  monde  extérieur  ; 
entre  notre  raison  et  le  monde  métaphy- 
sique. Nos  facultés  ne  furent  donc  aux  yeux 
de  Kant  que  des  formes  vides,  des  instru- 
ments ,  des  organes  '  incapables  de  nous 
mettre  en  ]>ossession  d^i  la  réalité  des  cho- 
ses. Il  arriva  donc  à  un  scepticisme  réel , 
et  ouvrit  un  abîme  entre  les  facultés  hu- 
maines et  la  réalité  des  choses. 

Le  problème  de  la  réalité  de  nos  connais- 
sances soulevé  par  Kant  a  donné  naissance 
à  la  philosophie  allemande.  Les  disciples  et 
les  successeurs  de  Kant  ont  voulu  combler 
J'abîme  qu'il  avait  ouvert  entre  le  sujet  et 
l'obiet,  entre  l'homme  et  l'univers.  Rester 
fidèle  à  la  méthode  strictement  rationnelle 
dont  Kant  avait  donné  l'exemple,  et  en 
même  temps  échapper  à  son  scepticisme, 
tel  fut  le  but  que  se  proposa  la  philosophie 
nouvelle. 

Kant  avait  trouvé  le  scepticisme ,  parce 
qu'il  avait  cru  que  nos  facultés  ne  nous  ap- 
prenaient rien  de  l'essence  des  choses.  De 
prime  abord,  la  nouvelle  philosophie  s'em- 
pare de  Tessencedes  choses,  et  franchit  d'un 
bond  Tabîme  que  Kant  avait  creusé  entre 
ila  connaissance  et  rèlre,  le  sujet  et  l'objet. 
jElle*  affirme  que  Tèlre  est  dans  la  counais- 
esance  ;  qu'êlre  cl  co«nallrc  sont  identiques  ; 


APOLOCETIQI^E.  PHI  «5] 

3ue,  par  couséqueut»  notre  connaissance 
es  choses  nous  met  en  possession  de  leur 
essence.  Et  comme  notre  être  propre  est 
l'objet  immédiat  de  notre  connaissance, 
comme  nous  nous  connaissons  d'abord  non^. 
mêmes,  il  est  nécessaire  eue  nous  saisis- 
sions  eu  nous-mêmes,  et  dans  la  connais- 
sance de  nous-mêmes,  l'essence  des  chose;:. 
Ce  ))rincipe,  point  de  départ  de  toute  la 
spéculation  allemande,  en  renferme  un  au- 
tre. Si  être  et  connaître  sont  identiques, 
si  se  connaître  soi-même  est  connaître  l'es- 
sence des  choses,  il  faut  nécessairenocnt  que 
cette  essence  soit  en  nous,  et  qu'il  n'y  ail 
en  réalité  qu'une  seule  substance  dans  le 
monde.  Cette  substance  unique  estrahsola, 
qui  se  déyeloppe  n(^î'P^JsSi?-:îrncnt,  ci  d'une 
manière  intinle  dans  la  nature  et  dans  Tes- 

S  rit  humain,  et  qui  arrive  dans  rintelligeoce 
umaine  à  la  connaissance  de  lui-même. 
Voilà  l'idée  la  plus  générale  et  en  môme 
temps  la  plus   simple  de  la  philosophie 
allemande  ;  c'est  la  philosophie  de  Taksolu 
et  de  son  développement. 

Cette  philosophie  implique  nécessaire- 
mont  la  négation  de  tous  les  priucip<>> 
établis.  S*il  n'y  a  qu'une  seule  subslaore, 
il  n'y  a  pas  de  distinction  absolue  et  réeilc 
entre  le  fini  et  l'iuGni.  Si  l'absolu  se  dén- 
loppe  dans  la  nature  et  dans  l'esprit  iiu- 
main,  il  n'y  a  pas  un  Dieu  parfait,  un  Pieu 
personnel  antérieur  au  monde,  distinct  du 
monde  et  cause  du  monde.  Si  VàbsolQÛé- 
veloppe  son  essence  dans  la  prodaction  du 
monde,  il  n'v  a  pas  de  création  i[to\i\Ae. 
Ainsi,  rien  n  est  plus  opposé  que  la  ddcvhne 
chrétienne  et  la  philosophie  de  l'absolo. 

En  partant  des  principes  généraux  qu\ 
sont  les  bases  de  la  philosophie  de  ral)SOiu, 
on  peut  s'arrêter  h  des  points  de  Tue  divers. 
Ces  points  de  vue  sont  au  nombre  de  trois 
et  ils  ont  donné  naissance  aux  trois  gran^i^ 
systèmes  de  la  philosophie  allemande.  Od 
peut  se  placer  su  point  de  vue  du  moi;  $<: 
concentrer  dans  le  moi  ;  le  poser  cnm\^ 
l'absolu  lui-même,  et  chercher  a  endéiiuire 
l'universalité  des  choses  ;  alors  on  arrive i 
l'idéalisme  subjectif  de  Ficbte.  Ou  \m 
on  peut  se  placer  au  sein  de  la  réalité; 
embrasser  en  même  temps  le  moi  elle 
monde,  et  les  considérer  comme  les  dére- 
loppemeuts  de  l'identité  absolue  ;  par  <^ 
procédé  on  obtient  l'idéalisme  obiectiliic 
Schelling.  Enfin,  on  peut  sortir  de  M^ 
réalité  ;  se  placer  au  sein  des  lois  puremem 
logiques,  dans  un  monde  abstrait  ;  et  alurs 
on  aboutit  à  la  théorie  purement  logique  et 
abstraite  de  Hegel. 

La  première  difGcuUé  au^on  rencontre 
dans  1  étude  des  systèmes  allemands,  c'est  b 
langue  même  gu^ils  se  sont  créée.  Il  f^^^ 
d'abord  se  faire  un  dictionnaire,  et  fii^^ 
d*une  manière  nette  le  sens  de  termes  qui 
reviennent  sans  cesse,  et  qui  reçoivent  une 
acception  tout  à  fait  éloignée  de  celle  qu'iN 
ont  dans  l'usage  ordinaire.  Ces  singularité^ 
(le  langage  sont-elles  un  avantage?  Je  veu^ 
vous  faire  connaître  l'opinion  «f  un  homme 
qui,  pour  sa  part,  n'a  ims  peu  contribué  i 


63 


pm 


OiCnONMAlRE  APOLMfiTlQUfi. 


$U 


<^  ionoTatioBS.  «  Les  Alleoiandsont  si  long- 
temps philosophé   seulement   entre    eux» 
qu'ils  se  sont  peu  à  pea  écartés,  dans  leurs 
idées  et  leur  lansage,  des  formes  universel- 
iemeot  intellipbles»  et  qu*on  en  est  venu  à 
l'Teodrepourm^uredu  talent  philosophique 
tes  degrés  de  cet  éloignement  de  la  manière 
rommane  de  penser  et  de  s*exprimer.  Il  me 
serait  facile  a  en  citer  des  exemples.  Il  est 
irrîTé  aux  Allemands  ce  qui  arrive  aux  fa- 
milles qui  se  séparent  du  monde  i>our  vivre 
oniqaement  entre  elles,  et  qui  finissent  par 
a<Jopter,  entre  autres  singularités,  des  ex- 
f  rei^ioos  qui  leur  sont  propres»  et  qu^elles 
seules  peuvent  entendre.  Après  quelques 
efforts  infructueux  pour  répandre  au  denors 
Il  philosophie  de  Kant,  ils  renoncèrent  à  se 
rendre  intelligibles  aux  autres  nations,  s'ba- 
i'itaèreot  à  se  regarder  comme  le  peuple 
élu  de  la  «philosophie,  et  la  considérèrent 
comme  quelque  chose  qui  existait  par  soi- 
what  aune  existence  absolue  et  indépen- 
âi&te^  oubliant  que  le  but  de  toute  pnilo- 
sopUe,  but  souvent  manqué,  mais  qu*il  ne 
iaat  jamis  perdre  de  vue,  est  d'obtenir  Tas- 
seobment  universel  en  se  rendant  univer- 
teileneat  intelligible.  Ce  n*est  pas  à  dire 
T<wir  (daqp*il  fSlIe  juf^er  les  ceuvres  de 
peioét  t$mmit  des  exercices  de  style  ;  mats 
iMOle  pkihM|lûe  qui  ne  peut  être  intelli- 
gible pov  iPBtes  les  nations  éclairées,  et 
aeeessrUa  à  foutes  les  laneues,  ne  saurait 
Are,  pir  cela  même,  la  philosophie  vraie  et 
ooi>efseile(C68). 

Est^e  un  étranger  ou  un  adversaire  de 

j«  philosof^e  allemande  qui  tient  ce  lan- 

m^  f  Non,  c^est  un  des  fondateurs  de  cette 

philosophie ,    c'est    Scbelling    luinmëme. 

Uttoiqne  ces  paroles  puissent  être  prises 

pour  un  arrêt  porté  contre  la  philosophie 

nrmanique,  ou,  du  moins,  contre  plusieurs 

ce  ses  parties,  elles  ne  doivent  pas  nous 

détourner  d*nne  étude  dont  les   résultats 

saai  importants. 

Le  premier  système  dont  je  dois  vous 
présenter  on  aperçu ,  celui  de  Fichte,  em- 
^'ioîe  sans  cesse  les  expressions  de  mot,  'de 
i^-moi^  de  stf/el,  d'objet  f  de  con$cience, 
Pvor  Pidite»  le  moi  représente  la  sensation, 
e  seutimentt  Tintelli^ence,  la  raison,  la 
ulonté,  en  on  mot,  Tactivité  qui  est  en  nous, 
fui  est  nous-mêmes.  Le  non-moi  équivaut 
a  monde  extérieur  et  au  monde  de  Thu- 
\ièuiié^  Le  sujet  et  Vobjet  ne  sont  que  de 
ouveUes  manières  de  désigner  le  moi  et  le 
^o-moi.  Enfin,  par  le  mot  de  cofu ctence  il 
e  faut  pas  entendre  le  sentiment  du  bien 
l  du  mal  ;  ce  mot  désigne  tout  ce  monde 
ilérieor  que  nous  portons  au  dedans  de 
'ius-mémes,  et  peut  équivaloir  à  la  pensée 
rfléchie. 

Quel  est  le  but  avoué  des  théories  de 
icbte  ?  Ce  philosophe  ne  se  propose  rien 
koins  que  d  aflrancliir  le  moi,  ou  Vhomme, 
Er  U>ute  passivité  et  de  toute  dépendance, 
eion  loi»  rtiomme»  soumis  aux  seules  lois 
t  >a  propre  nature,  allrancbi  de  tout  em- 


pire étranger,  ne  peut  rien  recevoir  du 
dehors,  et  ne  doit  rien  qu*à  lui-même. 
Fichte  veut  douer  Tbomme  de  la  liberté 
absolue,  de  la  toute-puissance;  il  en  fait  la 
force  spontanée  et  créatrice.  Vous  allez  vons 
convaincre  qull  n*y  a  pas  lieu  à  m'accaser 
d*exagération, 

Kaot  n*avait  pu  faire  disparaître  la  dualité 
de  Tobjet  et  du  sujet.  Fichte,  voulant  rem- 
placer cette  dualité  par  Tunité,  cherche  un 
principe  capable  de  fonder  Tuoité  absolue 
dans  la  pensée  et  dans  le  monde,  et  ce 
principe,  il  croit  ne  pouvoir  le  trouver  que 
dans  I  homme,  dans  le  moi,  et  dans  la  cons- 
cience. Le  principe  de  la  philosophie  doit 
être  en  nous,  dans  la  sphère  du  sujet,  dit- 
il,  car  nous  ne  savons  que  ce  qui  est  en 
nous  ;  nous  n*avons  le  droit  que  de  parler 
de  nous,  et  de  nous  affirmer  nous-mêmes. 
Oublions  donc  tout  ce  qui  nous  est  exté- 
rieur ;  fermons  la  porte  de  Tâme  à  tout  ce 
qui  vient  du  dehors;  abandonnons  le  monde; 
concentrons  sur^ous-mêmes,  sur  notre  moi, 
tout  re£Fort  de  notre  attention;  c*est  là  vé- 
ritablement où  nous  trouverons  la  lumière. 
Ce  que  nous  connaissons  premièrement  en 
nous  c*est  notre  propre  activité;ce  sont  toutes 
les  modifications,  toutes  les  représentations 
qui  existent  en  nous;  en  un  mot,  c*est  notre 
conscience.  Celle  conscience  naît  et  se  déve- 
loppe quand,  par  la  réflexion,  nous  commen- 
çons à  apercevoir  tout  ce  qui  se  passe  en  nous, 
tout  ce  qui  se  meut  et  s*agite  sur  ce  théAtre 
intérieur  que  nous  portons  au  dedans  de 
nous-mêmes.  Le  moi  se  représente  ainsi 
lui-même  k  lui-même;  il  se  représente  un 
objet  qui  est  lui-même;  itêepose  lui-même^ 
exj)ression  sacremcntelle.  La  conscience  se 
fiit  donc  elle-même.  L*activité  qui  est  en 
nous  se  réfléchissant  elle-même  nous  donne 
sa  véritable  origine  ;  elle  ne  relève  donc  que 
d'elle-même. 

Tel  est  le  premier  fait  que  Fichte  constate, 
qu*il  pose  <x>mme  une  vérité  évidente,  im- 
médiate, et  qui  n  a  pas  besoin  de  preuve. 
De  cette  pensée,  de  cette  conscience,  qui 
vient  de  se  créer  elle-même  par  sa  propre 
activité  et  sa  puissance  de  réflexion,  le  phi- 
losophe veut  ensuite  tirer  l'universalité  des 
objets  et  le  monde  extérieur.  Le  problème 
peut  paraître  difficile  ;  voie:  comment  il  est 
résolu  par  Fichte. 

Mon  activité,  mon  moi,  éprouve  uc  choc 
qui  force  le  moi  à  se  replier  sur  lui-même; 
ma  puissance  vient  se  heurter  contre  un 
objet  qui  résiste,  se  dresse  devant  moi,  et 
se  pose  comme  une  borne,  une  limite,  une 
négation  de  mon  activité  et  de  ma  puissance. 
Aussitôt  liait  en  moi  te  sentiment  d'une 
existence  distincte  de  ma  propre  existence, 
d'un  non-moi,  d'un  monde,  d'un  objet,  et 
d'un  objet  qui  agit  sur  moi  pour  me  limi- 
ter. 

11  semble  ici  que  Fichte  abandonne  son 
grand  principe.  Si  le  moi  a  sa  limite  dans 
le  non-moi,  si  le  sujet  est  borné  i>ar  Fobjet, 
le  moi  n'est  donc  plus  absolu,  tout-pnis- 


'(^*S*  Im^€m€nl  de  SckcUing  wt  If.  Coiuin,  traduction  de  M.  Gbuusloi. 


pm 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


pn 


snm,  rréatear  ;  et  le  $7stème  e^t  renyersé 
par  8«  base. 

Comment  Fichle  échappera-t-il  à  cette 
dffBculté  ?  Il  reconnaît  sans  doute  qne  le 
monde  est  une  limite  du  moi.  Mais  il  ajoute 
que  c'est  la  conscience*  le  moi  lui-même, 
qui  pose  ceUe  limite.  En  effett  dit-il,  qui 
est-ce  gui  pense  le  monde  extérieur,  le  non- 
moi,  si  ce  n*esl  le  moi  lui-même?  Qui  est- 
ce  qui  pense  les  choses  qui  sont  hors  de 
moi,  si  ce  n*estmoi  ?  En  pensant  les  choses, 
je  lesifose,  je  leur  donne  Texistence.  L'i- 
mage des  choses  s*élève  des  profondeurs  de 
nùn-moi  ;  je  les  conçois  comme  existantes; 
je  leur  attribue  une  réalité;  joles  obisctivb  : 
et  Toilà  le  monde  eïtérieur.  Toutes  ces  re- 
iirésentations  naissent  donc  de  mon  activité 
libre  et  intelligente. 

Il  est  vrai  que  le  moi,  en  se  distinguant 
de  ses  Représentations,  et  en  s*opposant  le 
inonde,  rencontre  des  bornes.  Mais  comme 
€<^s  représentations  et  ce  non-moi  sont  un 
l>ro<h*U  du  moi  lui-même;  comme  cette 
*?Pl^sition  est  un  résultat  de  son  activité; 
il  suit  que  c'est  le  moi  qui  se  borne  lui- 
même,  et  que,  tout  en  s  opposant  un  non- 
moi,  il  ne  cesse  pas  d'être  absolu,  inOni  cl 
souverainement  libre.  Voilà  la  solution  que 
Fichtc  propose  et  que  nous  examinerons 
bientôt;  poursuivons  Texposé  de  son  sys- 
tème. 

Le  monde  n'est  donc  qu'une  forme  de 
notre  activité,  une  borne  de  notre  intelli- 
gence. Le  moi  est  l'unique  réalité,  l'unique 
principe;  il  pose  lui-même  les  bornes  qui 
sont  en  lui.  Unique  réalité,  ce  moi  n'est  en 
nous  que  dans  sa  forme  individuelle  ;  et 
pour  bien  saisir  tout  le  système,  il  est  né- 
cessaire de  le  concevoir  dans  sa  forme 
absolue.  Le  moi  contient  tout  en  lui-même; 
tout  est  en  lui  ;  tout  sort  de  lui  ;  mais  tout 
est  en  lui  d'abord  à  Tétat  irréfléchi.  Pour 
arriver  à  la  conscience  de  lui-même,'  il  doit 
se  développer  et  manifester  tout  ce  qui 
repose  en  lui.  Ce  dévefopperaent  et  cette 
manifestation  s'opèrent,  lorsque  Tunilé  es- 
sentielle du  moi  se  divise  en  deux  éléments 
ITincipaux,  en  sujet  et  en  objet.  Le  subjectif 
et  l'objectif  sont  comme  les  deux  formes, 
les  deux  aspects,  les  deux  organes  de  la 
force  active,  essence  de  toute  chose.  Sous 
.0  premier  aspect,  elle  représente;  sous  le 
second,  elle  est  représentée;  mais  c'est 
toujours  la  même  force.  L'absolu  est  donc 
ridcntité  même  de  ces  deux  asnects;  et 
comme  le  développement  de  l'absolu  n'a  pas 
determe,  il  se  produit  dans  une  série  infinie 
de  formes  individuelles. 

Le  moi  en  lui-même  étant  l'activité  ab- 
solu, est  absolument  indépendant;  car  de 
qui  pourrait-il  recevoir  des  lois,  puisau'il 
est  I  unique  existence,  l'unique  réalité?  Il 
f!St  l'absolue  liberté,  puisque  les  bornes 
qu  il  s'oppose,  les  limites  qu'il  met  à  ^a 
propre  activité,  sont  son  ouvrage.  Le  moi 
a  son  but  en  lui-même;  il  esté  lui-même 
sa  On,  puisqu'il  n*cx1slc  que  par  lui  et  que 
pour  lui. 

Fichte  cherche  ensuite  à  déterminer  le 


e» 


but  pratique  de  cette  activité  du  inoi,  et 
alors  il  arrive  à  une  théorie  du  devoir*  el 
de  l'ordre  moral,  du  droit  et  de  l'état,  dans 
laquelle  il  n'est  pas  nécessaire  de  lesuiyre. 

Tel  est  donc  l'idéalisme  transceodaDl 
Fichte  place  l'homme  sur  le  trône  de  l'ab- 
solu; il  lui  ordonne  de  créer  le  monde  par 
le  jeu  des  notions  de  son  intelligence;  et  ce 
monde,  simple  modification  du  moi  loi- 
même,  n*a  d'autre  réalité  que  celle  que  le 
moi  lui  prête.  Ce  système  a  été  regardé 
comme  un  prodigieux  effort  de  la  pensée 
humaine.  Quelque  puissance  quil  imm, 
j  avoue  que  je  ne  suis  |ias  tenté  de  1  admi- 
rer, même  en  le  considérant,  indépendam- 
ment de  sa  valeur  intrins^e,  comme  une 
sorte  de  construction  poétiaue.  ln¥olootai* 
rement  je  me  rappelle  ces  géants  de  h  Fable 
qui  entassaient  les  montagnes  |)ourescaiader 
le  ciel,  et  <jui,  par  ce  vain  et  stérile  labeor, 
{ortaient  jusqu'aux  nues  encore  plus  le 
témoignage  de  leur  orgueilleuse  faiMei^e, 
que  celui  de  leur  puissance  réelle. 

Je  n'envisagerai  pas  le  système  de  Fic'de 
dans  toutes  ses  applications,  ni  danstouie; 
ses  conséquences.  Me  renfernoant  dam  li 
théodicée,  je  demanderai  seulement  à  Fictit» 
ce  qu'il  fait  de  Dieu  dans  son  système 

Partout  où  je  trou  ve  la  franchise»  e(  les 
idées  nettement  exprimées,  je  sois  porl(^  è 
leur  applaudir.  Dans  la  discussion  des  srs* 
tèmes,  i*aime  mieux  une  erreur  neitmeni 
formulée  qu'une  pensée  douteuse^  eoreV 
pée  de  voiles  et  de  nuages,  et  qui  ms 
échappe  lorsque  vous  croyez  la  saisit. So\is 
ce  rapport,  nous  devons  de  la  recunna\s- 
sance  à  Fichte;  car  il  a  su  s'exprimer  d'une 
manière  nette  et  précise  sur  le  dogoieton- 
damental  de  la  raison  et  de  la  vie.  Flcbte 
déclare  donc  sans  détour  que  le  monde,  tel 
qu'il  le  conçoit,  n'étant  qu'une  fonncJf 
notre  activité  et  une  limite  de  Tespritt  ne 
peut  nous  fournir  aucune  donnée,  pour  ci) 
conclure  Texislence  de  Dieu  et  ses  pcncf- 
lions.  Un  Dieu  personnel,  créateur  du  oioiw« 
et  distinct  du  monde,  évidemment  ne  KOi 
pas  trou  ver  place  dans  son  système.  Liu'> 
lisme  transcendant  conçoit  Dieu  comme  Inr- 
dre  que  nous  sommesappelés  à  réaliscr.D:«i 
n'est  que  la  loi  morale  ;  la  loi  quidétenfliflf 
la  suite  des  événements  ;  il  n*est  que  lil^ 
lisatiou  du  vrai,  du  beau  et  du  bon  :  1^^' 
moral,  en  un  mot.  ^  . 

Je  ne  vous  signalerai  pas  rinutilwi  « 
vide,  rimpiélé  d^une  notion  pareille  de» 
Divinité.  J'ai  un  moyen  plus  court  d  en  noir 
avec  l'idéalisme  transcendant;  c'est  de  too^ 
montrer  tout  ce  qu'il  y  a  de  forcé,  d  élro»« 
de  contradictoire  dans  Tidéo  génératrice  on 
système  :  la  ruine  de  la  base  entraine  cen» 
del'édiflce.  ,    ^^,. 

D'abord,  il  est  juste  de  rappeler  gj 
Fichte,  averti  par  l'universelle  clamer 
qu'excita  j'apparition  de  son  sj^stènie,  f 
mécontent  d  une  doctrine  qui  ne  pouj;' 
satisfaire  la  droiture  de  son  âme,  mm 
sans  cesse  ses  principes,  el  arriva  en  Jt  • 
nier  lieu  h  une  théologie  plus  en  harin<)7 
aveo  les  lois  de  la  raison  et  les  besoin  ^^^ 


PBl 


BICTIONNAlilE  AMILOGETIQUE 


PUl 


658 


y.  oalore  ImiDaîoe.  Mais*  sous  celte  seconde 
^  me^  son  système  est  plein  d'incohérences, 
I     aappelle  pas  un  examen  sérieux.  ' 

Quand  OD  lit  Fichte,  quand  on  converse 

^^ec  cet    homme»    on  se  sent  oppressé 

,^maie  dans  un  ]leu  sans  air  et  sans  In- 

,^  ière;  on  sent  qu'il  y  a  là  quelque  chose 

^^  yiolentf  de  fatal»  qui  vous  i)ousserait 

ors  de  toutes  les  limites  de  la  nature  bn- 

luiiie.  Comment   me   persuaderairje  que 

elle  intelligence  dont  l'ai  le  droit  d'être 

tr,  sans  doute,  mais  dont  ie  ne  puis  ce- 

rodant  méconnaître  les  défiiillances»  est 

kcliTîié  même  absolue,  infinie  ?  Comment 

S4  persuadera i-je  que  tout  ce  qui  est  hors 

•  nioi  n'existe  que  par  ma  pensée,  n*est 

ai*uoe  moditication  de  mon  moi,  et  ne  pos- 

|de  d'aotre  réalité,  que  celle  gueje  lui 

lête.  Il  est  vrai  que  j'invoque  ici  le  bon 

E«,  le  sens  commun,  pour  lequel  certains 
iosopbes  d'outre-Rnin  professent  un 
y»nd  aédain.  Du  fond  de  leur  cabinet ,  ils 
pibtruisent  le  monde  à  leur  façon,  avec  un 
•ufond  mépris  de  ce  qu'ils  appellent  Tem- 
linsme.  Il  laut  donc  combattre  ces  philoso- 
Ae$  avec  leurs  proj>re^  armes;  il  laut  leur 
IKMTer  que  leurs  principes  ne  se  sou- 
tMRieot  pas,  et  renferment  de  palpables 
«uttoficlions. 

Soelb^si  le  non-moi  n'existe  que  par 
y  tioi,  et  si  le  moi  n'existe  que  par  le  non- 
Aci  k  oon-moi  est  aussi  nécessaire,  aussi 
9l^ila  que  le  moi  lui-même.  Parlons  plus 
ÛM  '  si  le  monde  est  la  condition  du  déve- 
b/^f^ment  de  l'intelligence,  le  monde  est 
^M  nécessaire,  aussi  absolu  que  rintelli* 
■Dre  elle-même.  Partant,  le  monde  exté- 
Ifur  est  aussi  réel  que  l'intelligence  elle- 
iffie;  et  Tidéalisme  tombe  dans  une 
ttniière  Gontradilion,  lorsqu'il  n'attribue 
f>^;tlîté  qu'à  l'idée.  Pourquoi  le  moi,  Tac- 
fité  infinie  Tient-elle  misérablement  se 
9rier  contre  des  bornes?  Pourauoi  ces 
0ines,  pourquoi  cette  prison  ou  vient 
Wermer l'absolu?  Vous  me  direz  que  le 
fti»e  pose  à  lui-même  ces  bornes.  Qu'im- 
vte?  ces  bornes  cessent-elles  d'être  des 
VDes,  parce  que  le  moi  se  les  donne?  Il  a 
luvoir,  ajouterez-vous,  de  les  dépasser 
«  reculant  sans  cesse.  Mais  reculer  la 
e,  c'est  la  déplacer;  ce  n'est  pas  la 
disparaître.  La  borne  est  donc  dans 
nce  nidme  de  l'absolu,  de  Tinlini;  et 
arrivons  à  une  nouvelle  conlradic- 

fia  ,  si  le  non-moi  n'est  qu'une  ar^pa- 
t\  comme  le  moi  n'existe  que  par  l'op- 
tion du  non-moi ,  il  n'est  pas  plus  réel 
ieiion  moi  lui-même;  et  nous  venons 
oous  perdre  dans  le  néant, 
f's  contradictions ,  aperçues  dès  l'origine 
^fes  amis  et  les  disciples  deFichte,  furent 
P^alées  par  Scliellfng  et  par  Uégel  lui- 
''^  itr.  L'impossibilité  de  s'arrêter  à  la  doc- 
Ao  de  Ficbte  fut  démontrée  à  tous.  On 
rha  donc  des  routes  nouvelles,  mais  en 
;N^.Tvant  toujours  le  |)oiiit  de  départ  de 
"^  Vile,  On  se  plaça  toujours  dans  le  moi  ;  et 
^  proMème  à  résoudre  fut  toujours  celui 


de  l'identité  de  l'objet  et  du  sujet.  Ainsi , 
Fichte  a  été  le  véritable  fondateur  de  la  fibi- 
losophie  de  l'absolu.  11  était  donc  nécessair*) 
de  connaître  ce  système  avant  de  passer  à 
ceux  qu'il  a  engendrés. 

I  n. 

Point  de  départ  de  Sciiellin^;  Il  place  la  nature*  «avant 
Tesprit. -->  La  nature  est  vivante;  elle  est  Je  premier 
développement  de  Tabsolu,  et  ne  doit  jamais  èlre  sâ- 

Krée  de  lui.  —  Loi  do  développement  de  Fabiiolu.  — 
mment  l'absolu  arrive  k  rintelligence  et  k  la  liberté. 
—  Loi  du  progrès  indéOni.—  L'absolu  n'existe  que  par 
son  développement  dans  la  nature  et  dans  l'esprit.  — 
Observations  générales  sur  celte  théorie.  — 11  &ut 
dierrher  dans  Hegel  les  preuves  qui  manquent  dans 
Scbelling.  —  Méthode  et*  métaphysique  de  Hegel.  — 
Point  de  départ  dans  la  pore  abstraction.  —  Elimina* 
lion  de  toutes  les  idées  corrélatives. —LV/re-néanl; 
le  devenir.  —  App'icaUon  du  principe.  —  RéfutaUon 
de  Hegel. —Impossibilité  d'expliquer  le  mouvement 
réel  et  logique  de  l'être  ;  de  rendre  raison  de  la  réa- 
lité. —  Le  devemr  est  Tinfinl,  ou  le  néant  absolu  ;  dans 
les  deui  hypothèses  la  théorie  de  l'absolu  croule  ;  ré* 
ponse  aux  difficultés  de  Hegel.  —  La  théorie  de  l'ab- 
solu n'est  que  le  mkHisme. 

La  base  de  la  philosophie  de  l'absolu, 
avons-nous  dit»  est  dans  ce  principe»  que 
la  connaissance  du  moi  nous  donne  1  essence 
même  des  choses,  identique  au  moi  lui- 
mAme.  Fidèle  à  ce  principe»  Scheling  se 
place  au  sein  de  la  conscience  humaine  e( 
dans  le  moi;  mais  tandis  que  le  moi  de 
Fichte  est  le  moi  individuel  »  celui  de  Scbel- 
ling est  le  moi  absolu.  Fichte  était  parti 
d^une  activité  f)urement  idéale;   Schelling 

[lart  d'une  activité  idéale  et  réelle  à  la  fois. 
I  place  même  l'activité  réelle  avant  l'activité 
idéale;  en  d'autres  termes»il  place  la  nature 
avant  l'esprit;  et  au  lieu  de  détruire  la 
nature  de  l'esprit»  c'est  l'esprit  qui  procède 
de  la  nature.  Nous  ne  sommes  donc  plus 
obligés  aux  incroyables  efforts  qu'exige  la 
la  théorie  deFichte»  pour  se  représenter 
l'univers  tout  entier  comme  créé  par  le  moi» 
et  comme  une  simple  modification»  une 
simple  borne  du  moi  lui-môme.  Nous  sor- 
tons de  ces  vues  étroites»  de  cette  position 
violente;  nous  nous  trouvons  au  sein  de 
l'activité  absolue  et  réelle»  qui  est  toutes 
choses  et  qui  opère  en  toutes. 

Pour  se  laire  comprendre,  Scbelling  exige 
d'abord  que  l'esprit  se  dépouille,  s'il  le 

[>eut,  des  notions  ordinaires  qu'il  se  fait  do 
a  nature.'Nous  nous  représentons  la  nature 
rommc  une  substance  inerte  en  elle-même» 
et  mise  en  mouvement  pardes  forces  actives. 
Non,  dit  Scbelling»  ne  vous  figurez  pas  la 
nature  comtne  une  sorte  de  germe  inerte, 
comiite  une  substance  morte»  soulevée» 
mise  en  branle  par  des  forces  vivantes;  la 
nature  est  elle-même  ces  forces»  ou  plutôt 
cette  force»  ccUe  activité  essentielle  qui  se 
développe  dans  l'espace»  et  qui»  par  ses 
mouvements  d'expansion  et  de  contraction  » 
forme  les  corps  et  donne  naissance  à  la 
matière.  L'impénétrabilité,  la  résistance  pas- 
sive qu*on  attribue  à  la  matière»  no  sont 
que  cette  activité  elle-même  remplissant  un 
heu  donné  de  l'espace»  et  repoussant  les 
autres  corps  qui  voudraient  occuper  le  même 
lieu.  Tout  est  donc  vivant  dans  la  nature, 
et  cette  matière  qui  nous  parait  inerte  est 


PHI 


IHGTHKINAIRE  APOLOGETîQUE. 


m 


le  plus  bas  degré  do  cette  vîe  unirerselle, 
qai  s'ëlëre  progressÎTement  du  monde  inor- 
ganique aux  êtres  or^^anisés  et  à  rhomme. 
Ce  que  nous  appelons  dans  rhomme,  esprit» 
raison,  existe  déjà  dans  le  degré  le  plus 
infime  de  Tètre.  Ainsi,  il  n'y  a  dans  le 
monde  que  ce  mouvement  d'une  seule  et 
unique  aetirité  f»our  devenir  toutes  choses , 
en  passant  du  plus  bas  au  plus  sublime 
degré  de  l'existence  ;  de  là  la  grande  maxime 
de  Fidéalisme  objectif  :  Qœ  iaui  est  un  et 
Mentique  quant  à  Veggence. 

Cet  être  universel,  cette  activité  à  l'état 
de  pure  rossibilitéetde  pure  puissance  d'un 
développement  infini ,  s'appelle  la  nature; 
manirestée,  réalisée  dans  les  êtres,  elle 
prend  nom  à'un%ver$:  et  la  réunion  de  ces 
deux  aspects  forme  le  toul;  l'absolu»  le  un, 
l'identique. 

Tous  les  êlres  individuels  reposent  dans 
la  nature  comme  dans  leur  principe,  et  ne 
sont  qwe  les  formes ,  les  manifestations  de 
son  activité.  Identiques  à  la  substance  même 
de  1  absolu,  ils  ne  doivent  jamais  être  consi- 
dérés séparément  de  lui,  comme  Tabsolu 
lui-même  ne  doit  jamais  être  séparé  de  la 
nature.  On  ne  peut  pas  séparer  les  effets  de 
hi  cause,  ni  la  cause  des  effets.  Que  sont  des 
effets  sans  cause?  rien.  Qu'est-ce  qu'une 
cause  sans  effets?  rien  encore.  Le  monde  ne 
doit  donc  jamais  être  séparé  de  son  principe. 

Mais  comment  s'opère  le  développement 
de  1  absolu?  Il  nous  est  donné  de  le  saisir 
dans  le  fait  même  de  la  vie,  dans  le  déve- 
loppement des  germes.  Étudions  donc  ce 
développement  de  la  vie  dans  les  germes  ; 
il  nous  donnera  la  loi  du  développement  de 
1  absolu  dans  les  deux  sphères  de  la  nature 
et  de  l'esprit. . 

La  force  vitale,  dans  les  germes,  paraît 
comme  enchaînée  et  refoulée  en  elle-même; 

mais  cette  force  est  essentiellement  élastique; 
elle  est  Télasticilô  elle-même  ;  elle  fait  des 
efforts  continuels  pour  briser  les  chaînes 
qui  paraissent  lier  son  activité,  pour  porter 
a  la  circonférence  tout  ce  qui  se  trouve  dans 
son  centre,  en  un  mot,  pour  se  développer. 
Vo3-ez  cet  œuf  couvé  }>ar  l'amour  maternel  : 
Jl  s, y  fait  un  mouvement  intérieur;  la  vie 
vent  rayonner  du  centre  à  la  circonférence, 
et  le  jeune  poussin  vent  manifester  à  l'exté- 
rieur tout  ce  qui  est  déjà  dans  sa  nature. 
Le  poussin,  dans  son  développement,  agit 
exactement  comme  s'il  avait  sous  les  yeux 
un  modèle  pour  régler  son  action ,  une  loi 
qu  11  dût  suivre.  Cependant,  il  n'en  est  rien  ; 
en  réalité,  rt  agit  sans  conscience  ;  il  agit 
fatalement,  aveuglément,  et  se  développe 
sans  connaître  la  loi  qui  préside  à  son  dé- 
yeloppement.  Tel  est  le  caractère  du  déve- 
loppement de  l'absolu  dans  la  sphère  de  la 
nature  ;  il  n'a  pas  conscience  de  lui-même 
et  de  son  action  ;  il  réalise  un  type  qu'il  ne 
connaît  pas ,  qu'il  n'a  pas  conçu  d'avance;  il 
le  réalise  aveuglément»  fatalement. 

wnnez  au  poussin  le  sentiment  de  lui- 
même^  la  connaissance  du  développement 
qui  s  opère  en  lui,  la  connaissance  du  type 
qu  U  réalise ,  et  dès  lors  vous  le  douez  de 


conscience  et  de  libeKé  :  de  conscience ,  cai 
il  aperçu  tout  ce  qui  se  passe  en  lui,  il  i 
réfléchit  lui-même;  de  liberté,  car  il  rea 
et  il  aime  son  développement;  et  il  le  ?eQ 
et  il  l'aime  selon  la  mesure  qui  le  délârniifle 
Ceci  est  notre  propre  histoire;  mma/oHo 
mtne,  de  te  fhbula  narratur.  C*est  on  noos 
mêmes ,  c'est  dans  rhomme  que  l'ai 
arrive  à  celte  sut-conscience^  à  celle  lîL 
Le  développement  de  Fesprit  se  faii ,  il 
vrai ,  d'après  une  loi  nécessaire;  ou  \L 
il  fiiut  dire,  pour  plus  d'exactilade , que 
développement  est  nécessaire,  car  il  ^ 
impropre  de  parler  de  loi  lorsqu'il  nV 
pas  de  législateur.  Mais  quoique  néces&a 
ce  dévelonpement  est  essenticllemenl  lif 
En  effet,  l'esprit,  en  agissant  conformé 
à  sa  nature,  n'est  soumis  à  aucune  Tio! 
extérieure,  et  n'obéit  qu'à  lui-même. l 
se  concilient  la  liberté  et  la  uécessiic, 
pluldt  ainsi  s'identifient  la  liberté  i 
nécessité. 

La  vie  universelle  ne  sMIève  que  rar 
gré  à  cette  conscience  de  soi-même,  à  ( 
nberté,  à  cette  sphère  de  l'esprit,  nous 
vous  déjà  reroar;]ué.  Ici  se  montre  lai 
la  perfectibilité  indéfinie  et  du  progrès 
tinu.  Le  monde  inséparable  de  son  prr 
la  cause  du  monde  inséparable  desoo 
constituent  la  vie  éternelle  et  infioie, , 
est  soumise  à  cette  loi  de  la  progression; 
cette  loi  s'impose  au  principe  et  ikcê 
du  monde,  comme  au  monde  lQi-fl)éBe;i 
est  la  loi  même  du  développement  de  f 
solu.  ' ^ 

On  parle  beaucoup  de  progrès  parmi  ui 
et'on  a  raison,  puisque  le  progrès  est  la 
de  tous  les  êtres  finis  ;  mais  ce  qu'il  ) 
d'affliçeant,  c'est  de  voir  qu'on  tourne 
nroffres  contre  le  christianisme,  tandis  ' 
le  cnristianisme  seul  le  rend  concevaU 
possible.  Quand  on  parle  de  progrès  hoi 
christianisme,  on  ne  s'entend  pas  soi-m 
ou  bien  on  admet  cette  théorie,  qui, 
dérant  le  progrès  comme  la  loi  univc 
du  monde,  y  soumet  Dieu  lui-même.  L 
nous,  les  partisans  du  progrès  indéfini 
remonte  pas  aussi  haut,  et  ne  sont  pas 
loux  d'une  métaphvsique  aussi  proft 
Aussi  ils  réduisent  la  doctrine  du  proj 
une  théorie  qui  ne  se  soutient  pas,  et 
pas  conséquente  avec  elle-même.  ' 
dant,  et  peut-être  à  cause  du  vagtie  - 
le  laisse,  ce  mot  magique  de  progrès  fa 
nombreuses  dupes.  Mais  revenons  à  î 
ling. 

Pour  réaliser  celte  progression  in 
qui  est  sa  loi,  l'absolu  doit  pouvoir  re 
successivement  toutes  les  formes  ;  ei 
être  capable  de  ces  transformations  su 
sives,  il  ne  doit  affecter  primitivement 
essentiellement  aucune  forme  pariicalti 
L'absolu,  originairement  en  lni-môn)Pi| 
possède  donc  aucune  forme  déterminée; 
n'est  pas  l'étendue,  il  n'est  pas  la  penséej 
n'est  pas  l'intelligence,  la  volonté,  l'espn! 
il  n'est  pas  la  matière.  11  n*est  qu'une  r» 
possibilité,  une  pure  puissance  d'^  f^^!^ 
toutes  choses;  cl,  pour  se  réaliser,  il  dt^J' 


iif 


iiicncMCUoie  ajhmjogctique. 


.jiriser  em  laHoêaie»  se  pardculariser  en 
«loe  moltiplidlé  infinie.  Ainsi»  l'infini  |>asse 
•laos  le  fini  ;  et  par  œtie  opposition  du  fini 
i  ilnfiai,  rêtre  se  développe  dans  rexia* 


Sdielling»  après  avoir  posé  Ions  ees  prin» 
'ipcSy  passaol  à  lear  application,  étudie 
«.'aboffd  la  natora»  et  cherche  à  constater 
tas  les  fiuts  qo'die  noos  présente,  dans  les 
:<n5  qu'elle  nous  révèle,  le  niooTemeot 
>  rafaaolii.  Il  eoostroit  ahirs  une  philoso- 
;bie  de  la  natore,  qni  a  donné  son  nom 
>a  srsièfDe  qn'il  a  créé.  La  philosophie  de 
1  esprit  Tient  après  celle  de  la  nature  ;  et 
re^tsedéreloppe  par  Thistoire,  Tart,  la 
Tst'fiov  eC  la  philosophie. 

|jDrs«me  Pesprit  humain  est  panrenn,  par 

h  philosonfeie,    à  se  r^jarder   lui-même 

ci-isaie  rabaoliie  activité»  développée  dV 

UwA  dans  la  nature  et  ensuite  dans  la  oons- 

cvaee  ;  quand   Tesprit  humain  a  alCrmé 

r^leatilé  de  toutes  dioses  ;  alors  le  cercle 

sàtrotsleiiceestdos»  et  Tabsolu  estcom* 

pict.  !tous  mt  suivrons  pas  Schelling  dans 

tcMu  ees  applications  de  son  princi|ie. 

Td  tA  llAfialisme  objectif.  Il  est  évident 

cette  théorie ,  la  nature  et  Tes* 

ai  enxHDèmes  leur  principe  et 

il  oe  peut  se  trouver  hors  du 

la  Heu  créateur  et  distinct  du 

laamode  matériel  eiislant  d  abord 

iKfhcafJr  principe  de  TespriL  Ce  qui  pré- 

^èk  iagi^ûement  Tesprit  est  une  pure  puis* 

»aaft^  qiû  n'est  rien  en  elle-même.  Dans 

û  Baùue,    radivité  essentielle  s'élève  de 

^^  en  degré,  de  la  pesanteur  h  la  lu- 

^'«Tf,  de  la  lumière  à  la  vie,  de  la  vie  h 

"^iriî  et  à  la  pure  idéalité.  L'esprit,  Fin- 

têfii^ence,  la  volonté,  ne  se  trouvent  donc 

;a5 ao  poînC initial  du  développement;  ils 

3(  sont  qa'à  son  terme  ;  ils  n'ouvrent  pas 

a  «irière  ;  ils  la  fermeoL  II  n*j  a  donc  pas 

czicneorement  au  monde  un  esprit  étemel, 

MHaît*  infini.  Il  n'y  a  que  Factivilé  abso- 

i«Tie  la  Tie  universelle,  se  dévoloppaot 

(  o/c^ressi vement ,  et  perfectible  à  l'innoi; 

f-t  lui  implique  qu'elle  n'est  jamais  actuel- 

etjieot  complétée,  qu'elle  ne  possède  jamais 

ûiie  eiistenoe  définitive. 

QMô  d<»ctnne  est  la  négation  la  plus 
'OtB|flète  de  la  doctrine  chrétienne.  Dans  le 
Loaile  de  la  pensée,  nous  touchons  le  pôle 

•  ri^osé  au  pôle  chrétien.  Le  rlirtstianisme 
r  ius  enseigne  que  Dieu  est  Tèlre  infini, 
rîmiel,  personnel,  se  suffisant  pleinement 
.  îQi-mème,  et  créant  le  coude  par  un  pur 
«let  de  sa  bonté.  La  philosophie  de  l'absolu 
u-  et  ce  Dieu  distinct  du  monde,  et  cette 

•  réaiion  du  monde.  Elle  met  h  la  place  de 
I^.eu  un  principe,  une  force  indéterminée , 
sai  n*est  rien  en  elle-même,  qui  se  déve- 
•^«  nécessairement  dans  la  matière,  et  ar* 
"ive  à  la  liberté  et  à  rintelligence  par  Tes- 
[ni  humain. 

Ce  système  veut  que  l'essence  des  choses 
o^His  soit  donnée  dans  la  connaissance  de 
&>Qs-ménies,  parée  que  cette  essence  est  en 
>Mis.  liais  n'est-ce  |  as  supposer  ce  qni  est  en 
.'-e^U«jn  ?  Il  pK*senle  la  nature  comme  une 


activité  spontanée  et  absolue,  lorsque  Bolie 
expérience  personnelle  et  quotidienne  noua 
apprend  que  nous  sommes  passils  eu  mille 
larconstances  ;  lorsque  nous  ne  voyons  au* 
con  germe  se  développer,  s'il  n'est  fécondé 
par  un  agent  extérieur,  s*il  n'est  soumis  à 
une  action  du  dehors.  Cette  simrie  obser^ 
vatiim  détruit  la  théorie  de  l'absolu,  qui 
eii^  impérieusement  que  tout  germe  soit 
actif  par  lui-même,  et  ne  doive  son  déve- 
loppement qu'à  lui-même. 

Le  monde  se  développe  avec  ordre  ;  il 
manifeste  dans  toutes  ses  parties  et  «tans 
son  ensemble  une  magnifique  harmonie  ;  et 
cependant,  la  théorie  de  l'absolu  nia  un 
plan  du  m(mde,  antérieur  au  monde ,  un 
plan  conçu  et  réalisé  par  une  intelligence 
parfaite. 

Le  développement  de  la  vie  est  soumis , 
nous  dit-on,  à  une  loi  fatale;  et  cependant  on 
parle  de  liberté.  Il  est  vrai  que  par  la  li« 
lierlé  on  entend  la  pure  exemption  de  la 
contrainte.  Dans  ce  cas,  le  polype  ou  le  co* 
rail,  qoi  certes  n'éprouvent  pas  le  besoin 
de  chan^r  de  place,  jouissent  d*une  liberté 
aussi  pleine  que  celle  de  l'homme,  à  la  seule 
différence  de  rintelligence. 

Vous  pensez  sans  doute  qu'un  système, 
qui  vient  heurter  de  front  les  sentiments 
communs  de  notre  nature,  étales  croyances 
générales  de  Thumanité,  est  appuyé  sur  des 
preuves  bien  puissantes?  je   cherche  ces 

fireuves  sans  les  trouver.  Je  vois  bien  que 
'on  signale  çk  et  là  des  difficultés  dans  la 
doctrine  chrétienne,  et  qu'on  veut  leur 
échapper  par  la  théorie  de  l'absolu.  Quant 
à  6es  |>reuves  directes,  on  n'en  donne  pas  ; 
on  se  contente  de  dire  :  Vérifiez  en  vous- 
mêmes  toutes  nos  déductions,  et  si  elles  ne 
sont  pas  conformes  à  ce  qui  se  passe  en 
vous,  à  votre  expérience  intérieure,  rejetez- 
les.  J'ose  affirmer  qu'il  n'y  a  pas  un  boni- 
me,  un  seul  homme  qui  puisse  rendre  le 
témoignage  que  les  choses  se  passent  en  lui 
c^mme  le  veut  le  système.  Schelling  lui- 
même  n'a-t-il  pas  infirmé  son  propre  sys- 
tème, lorsque,  après  vingt  àus  de  silence,  il 
n'a  élevé  la  voix  aue  pour  eu  modifier  les 
assertions  principales? 

Si  Schelling  n  a  pas  cherché  à  démontrer 
scientifiquement  la  théorie  de  l'absolu,  cette 
oeuvre  a  été  entreprise  par  son  disciple,  de- 
venu maître  à  son  tour,  oar  Hé^el. 

Le  système  de  Hégei  estau  fond  celi|i 
même  de  Schelling  :  celte  identité  a  été  re- 
connue et  avouée  par  les  deux  maîtres.  Les 
principes,  îes  résultats  sont  identiques;  il 
n'y  a  de  différence  que  dans  la  méthode. 
Mais  la  méthode  nouvelle  de  H^el,  donnant 
à  son  système  un  caractère  spécial,  et  avant 
pour  but  la  démonstration  rigoureuse  Je  la 
théorie  de  l'absolu,  est  un  objet  très-impor- 
tant, et  qu'il  faut  oonnaitre.  Nous  trouve- 
rons ici  l'occasion,  en  approfondissant  le 
système  que  nous  examinons,  de  le  i^our- 
suivre  dans  ses  derniers  retranchements,  et 
de  dévoiler  tout  le  vice  qu'il  renferme. 

Je  vais  donc  essayer  de  vous  donner  une 
idée  de  cette  méta(Âiysique  qui  sert  de  base 


618 


MCnOMNAlRE  APflLOGETIQUC. 


FUI 


lU 


au  vaste  système  que  le  philosophe  de  Ber- 
lin a  conçu*  et  réalisé  dans  ses  principales 
parties.  Hegel  ne  se  place  pas  au  point  de 
Tue  réaliste  de  Schelling  ;  il  gra? it  les  som* 
mités  les  plus  ardues  de  Tahstractton  ;  et 
s*étahlit  au  sein  de  la  logique,  ou  plutôt  de 
la  métaphysique.  Par  un  procédé  d'élimi- 
nation qui  consiste  à  dépouiller  successive- 
ment la  pensée  de  tous  les  concepts  qui  « 
ayant  des  relations  mutuelles,  s'affirment 
et  se  nient  réciproquement,  il  cherche  l'i- 
dée la  plus  générale,  et  contenant  toutes  les 
autres.  Cette  idée  est  celle  de  l'être,  qui 
seule  résiste  à  sa  dissolvante  analyse.  Aussi 
ost-ce  la  seule  gu'ii  retienne,  et  dont  en- 
suite il  veuille  tirer  tout  le  système  de  la 
raison;  Voici  son  procédé  : 

Nous  ne  pouvons  pas  penser  l'être  sans 
nous  le  représenter  sous  certains  caractè- 
res ;  et  le  trait  distinctif  de  ces  caractères 
est  qu'ils  s'appellent  et  se  repoussent  réci- 
proquement. Quand  je  pense  à  l'être,  quand 
je  parle  de  Tètre,  je  mêle  représente  néces- 
sairement-comme absolu  ou  comme  relatif, 
comme  un  ou  comme  multiple,  comme  né- 
cessaire ou  comme  contingent,  comme  éter- 
nel ou  comme  temporel ,  comme  esjjirit  ou 
comme  matière,  enfin,  comme  inhni  ou 
comme  fini.  Tous  les  caractères  énumérés 
venant  se  résumer  dans  ces  deux  derniers, 
pour  abré^r,  nous  n'opérerons  que  sur  les 
deux  derniers  termes,  ceux  do  Tintini  et  du 
fini;  et  tout  ce  que  nous  dirons  d'eux  pourra 
s'appliquer  aux  autres.  Ué^^el  remarque  donc 
que  ces  deux  termes  de  la  raison,  le  fini  et 
rinfini,  s'appellent  réciproqiiement.  Essayez 
de  penser  l'un  sans  penser  Vautre  en  même 
temps  ;  essayez  de  parler  de  l'un  sans  nom- 
mer l'autre;  vous  ne  le  pouvez  pas.  Mais 
il  V?  plus  loin  ;  et  il  prétend  que  ces  termes^ 
cff  se*  supposant  et  en  s'appelant,  se  détrui- 
sent Tun  |)ar  Taulre.  £n  elTet,  poursuit-il , 
quand  je  dis  de  l'être  qu'il  est  hni,  j'affirme 
qu'il  n  est  pas  infini  ;  et  quand  je  dis  qu'il 
est  infini,  j  affirme  qu'il  n'est  pas  fini.  Ces 
deux  termes  se  nient  donc  réciproquement, 
ils  sont  en  opposition  ;  ils  luttent,  et  se  <lé- 
truisent  l'un  l'autre.  Ce  tte  opposition  m'o- 
blige à  chercher  au  delà  du  fini  et  de  l'in- 
fini un  terme  qui  les  réunisse,  où  ils  se 
•oufondent,  duquel  ils  procèdent.  Si  ce 
terme  n'existait  pas,  il  n'y  aurait  pas  d'u- 
nité dans  la  pensée. 

Ce  terme  dernier  et  suprême  ne  peut  être 
que  ridée  la  plus  générale  et  la  plus  vaste,  la 
plus  comprénensive  et  la  plus  féconde,  l'i- 
dée même  de  l'être.  J  arrive  donc  à  l'idée 
d'être,  qni  n'est  ni  fini,  ni  infini,  et  qui 
peut  devenir  l'un  et  l'autre. 

Mais  ici  se  manifeste  une  nouvelle  rela- 
tion. L'idée  de  l'être  en  appelle  et  en  sup- 
i)Osc  une  autre,  qui,  de  son  côté,  l'appelle  et 
la  suppose  elle-même.  Je  ne  puis  pas  penser 
Têtre  sans  penser  en  même  temps  le  néant  ; 
je  ne  puis  pas  penser  le  néant  sans  penser 
l'être.  Qu'est-ce  que  le  néant  ?  c'est  1^  né- 
gation de  l'être.  Qu'est-ce  que  l'être?  c'est 
la  négation  du  néant.  Toutefois,  il  n'arrive 
nas  à  la  relation  entre  le  néant  et  l'être  ce  qui 


advient  à  la  relation  existant  entre  le  fini  et 
l'infini,  et  que  nous  venons  de  voirserésoi. 
dre  dans  la  destruction  réciproque  de  on 
deux  termes.  Loin  d'être  une  relation  d'o^ 
position  et  de  lutte,  la  relation  entre  le  nW 
et  l'être  est  une  relationifMeafAeafriolMXiii 
être  auquel  nous  arrivons  par  réliiuinaiidli 
de  toute  qualité,  de  tout  monde,  de  toute  d 
termi ua  ti on;  cet  être  absol  ument  indétenot 
est  le  vide  lui-même.  Nous  ne  saisi 
nous  nedistinguonsy  nous  n'apercevons  ri 
Cet  être  dépouillé,  cet  être  na  est  donc 
néant  loi-même.  Ainsi  Hegel  arrire  à 
maxime  fondamentale,  le  néanUt  titrt 
ideniiqueê. 

Toutefois ,  cet  être-néant  n'est  im 
néant  ahsolu.  C'est  un  néant  féeoDd; 
un  milieu  entre  le  néant  absolu  et  II 
développé;  c'eal  U  devenir^  dat  leerde 
devenir  est  ce  qui  n'est  pas,  mais  ce  qui 
être  ;  ce  qui  se  fait. 

Une  fois  en  possession  de  cette  idée 
devenir,  de  ce  aevent'r,  rien  n'arrèleri 
Hegel.  Sur  cette  base,  il  va  élever  sa 
physique;  avec  ce  devenir  il  va 
monde.  Ici  nous  ne  suivrons  pas 
ne  vous  le  montrerai  fias  évoquani 
que  sorte,  du  sein  de  ce  devenir, 
lormes  de  l'intelligence,  toutes  lesldl, 
monde  métaphysique  ;  déroulant  1* 
comme  on  développe  un  germe  d 
parties  les  plus  ténues,  dans  ses  fi 
plus  délicates.  Les  transformations 
ses,  les  déterminations  multiples  de 
venir  donnent  successivement  naissi 
la  qualité,  à  la  quantité,  à  la  mesure,  à  Fi 
tence,  à  l'essence,  à  la  notion,  àlavi 
l'idée. 

Après  tous  ces  mouvements  logi 
ridée  sort  de  son  abstraction  ;  elle  se 
lise,  et  devient  la  nature,  en  passai 
plus  bas  degré  des  êtres  matériels  au 
élevé. 

Développée  pleinement  dans  cette  s\ 
l'idée  monte  plu&  haut  :  elle  devient  1* 
l'esprit  avec  conscience  de  Tidentilé 
verselle  et  de  l'infinité.  Et  alors  se  fe 
lui  le  cercle  de  l'absolu. 

Il  faut  convenir  qu'il  y  a  dans  toui 
déductions  une  étonnante  puissanea 
prit  et  de  conception.  Ce  système  "^ 
contredit  l'effort  le  plus  puissant . 
fait  pour  soutenir  la  philosophie  del 
Jamais,  pas  même  dans  Spinosa,  elle^ 
lait  montrée  avec  cet  encnatnemeot  d' 
ces  procédés  rigoureux,  ces  déduct 
vantes.  Et  cependant,  j'ose  le  dire 
elle  n'aviHt  étalé  sa  faiblesse  avec  plas 
gueill  et  nuH^  part  ailleurs  on  ne 
d'une  manière  plH^  évidente  et  fAns  \ 
ble  le  vice  radical  de  cette  théorie.  C 
que  je  vais  essayer  de  vûas  montrer 
quelques  courtes  réflexions. 

Pour  se  bien  rendre  compte  de  Tj 
de  Hegel,  il  fiiut  se  placer  a  son  poioi 
départ.  Nous  avons  vu  que  ce  point  de 
part  est  l'idée  abstraite  de  l'être,  de  l'être  4 
au  néant,  ou  du  devenir.  D'abord  onf 
demander  d'où  procède  le  mouTCoieni  K 


us 


MCTlOlCfAlRE  àPOLOGETIQUe. 


U$ 


.\àe  de  réire  ;  d*où  lai  Ticol  !a  force  de  se 
oéreiopper;  pourquoi  le  germe  obscor  et 
roTek>|«pé  ne  reste- l-il  |«as  étemellemeat 
lians  cet  éut  inertef  dans  cet  état  de  tor* 
;^r?  Invomier  ici  la  natare ,  la  nécessité 
:<s  choses  c  est  ne  rien  dire  ;  car  la  bonne, 
I  naîe  philosophie  noos  manifeste  on  tout 
l'iire  onire  de  déTeloppements  ;  et  puis- 
<;ït\  j  a  une  antre  explication  de  Tongine 
•jti  choses*  il  ne  landrait  pas  se  contenter 
>  poser  nne  assertion  gratuite  et  sans 
pctures:  il  laodraittde  bonnes  raisons  :  or 
'«  s'en  donne  pas.  Je  remarque  donc  (fu^on 
aVxpliqne  ras  ce  mouvement  de  Tétre- 
taùU  qui  le  dit  passer  au  devenir.  Mais 
(«et  n'est  €|Qe  la  moindre  des  difficultés. 

Cet  être  é^l  au  néant,  ce  devenir,  qu'est- 

f ,  sinon  une  pure  abstraction  lopque  ? 

<>j'e»l-ce  €|ae  Feiistence  sans  élre  existant? 

«^a'est-ceqiie  Tètre  sans  Teiislence?  encore 

uefoisune  pQreabstraction.Maisquepeut-il 

(-rorewr  d*ane  abstraction  ?  Comment  une 

atriinctioo  peut-elle  être  féconde?  Comment 

tr*r  iTone  abstraction,  et  le  monde  mêla- 

fLpifÊtf  et  la  nature,  et  Tesprit?  Cne  aixs- 

tncôûaaedonnequ*une  atistraction.  Jamais 

4r«ae  idée  abstraite  vous  ne  tirerez  rien  de 

rcel  H  ie  vivant.  Vous  aurez  donc  une 

ittUn  ihÉheiie,  un  monde   abstrait.  Le 

monde  réd  vins  échapjiera  toujours  ;  et  ce 

sera  perle  |itas  arbitraire  des  procédés,  ou 

p/etft  par  nne  eontradiction,  et  en  niant 

'"Cre  principe,  que  vous  pourrez  passer  à 

a  rét£rté.  On  pourra  toujours  vous  défier 

^jeler  le  pont  qui  doit  unir  vos  abstrac* 

t/'ifis  i  la  Tîe.  Toujours  vous  serez  renfer* 

ré  dans  le  cercle  d*aîrain  qu  une  pensée 

i3'2adense  aura  tracé  autour  de  vous.  Vous 

;>'Qrrez  mesurer  les  esj  aces  logiques.  Mais 

'^loe  voas  voudrez  sortir  de   ce    do- 

'Jiiie,  de  ce  labyrinthe  où  vous  vous  per- 

«-  2.  le  fil  eondurteur  se  brisera  dans  vos 

Latins,  et  TOUS  irez  vous  heurter  contre  on 

i9f indble  c4tftacle.  Certes,  c'est  un  grand 

>. ce  dans  on  svstème de  ne  pouvoir  expli- 

\-itT  la  réalité,  la  vie.  Dans  ce  fait  est  la 

rrare  éTidente  que  ce  système  n'est  pas 

v\[  ressioo  de  la  vérité,  et  qu'il  y  a,  dans 

e  svstème,  une  lacune  immense,  une  er- 

rar  capîlnle.  Le  moment  est  venu  de  lès 

i^naler. 

On  cons  dit  que  rAre-n^bnl,  ou  le  deve- 
:r,  est  le  principe  de  tontes  choses.  Dans 
^tie  proposition  ,  et  sous  les  formes  de 
ftbstractiCMi,  s^enveloppe,  se  dérobe  et  se 
Kbe  one  erreur  capilale  et  monstrueuse, 
'  ne  crains  pas  de  le  dire.  Il  laut  dédiirer 
5  voiles  qui  la  couvrent,  la  dépouiller, 
\  mettre  è  nu,  afin  que  vous  puissiez  la  voir 
vns  toote  sa  difformité.  Je  rédame  ici  une 
vere  alteniion. 

Je  dis  que  cet  être-néant,  ce  devenir  est 
iijûni  lui-même,  ou  qu'il  n'est  rien,  aliso- 
unenl  rien  ;  q[u'il  n'est  que  le  néant  alisulu. 
•os  la  première  hypothèse,  nous  avons 
nn  de  cause  contre  Hegel;  et  le  Dieu  in- 
rM,  le  Dieu  vivant  et  réel  que  nous  ado- 
tt^  e»t  Téritablement  le  priucipe  des  cho- 
-»,  *a  cause  universelle.  Dans  la  seconde 


hypothèse,  Hegel  affirme  la  plus  grossière 
des  contradictions  ;  il  établit  la  théorie  dn 
nihilisme  absolu,  et  la  vérité  triomphe  en- 
core de  lui. 

Eiaminons  la  première  hypothèse.  D'a- 
bord il  est  évident  que  pour  devenir  il  tant 
être  déjà  ;  le  devenir  est  le  développement; 
le  'développement  suppose  un  germe ,  et  le 
germe  renferme  nécessairement  tout  ce  qu'il 
manifeste  dans  son  déreloppemenULe deve- 
nir suppose  donc  l'être.  Mais  au  pointoù  nous 
nous  sommes  placés  avec  H^l,  il  n'existe 
encore  aucune  modification,  aucune  déter* 
mination,  aucune  particularisation  dans  l'ê- 
tre. L'être  ne  connaît  aucune  borne;  com- 
ment et  par  «pioi  serait-il  borné  7  Sa  forme  est 
donc  l'infinité  elle-même;  l'être  est  vérita- 
blement infini.  Or,  nous  savons  tout  ce  qui 
est  contenu  dans  l'idée  de  l'inOni  ;  nous 
savons  que  l'infini  est  toule  vérité*  toute 
beauté,  toule  bonté,  tout  être  dans  la  sim- 
plicité la  plus  absolue. 

Qu'estrce  qui  pourrait  nous  eropêdier 
d*aflirmer  ici  cette  infinilé  de  l'être  ?  serait* 
ce,  comme  le  veut  Hé^el,  à  cause  de  la  cor- 
rélation et  de  l'opposition  de  ces  deux  ter- 
mes infini  et  fini;  opposition  qui  les  détruit 
Tune  par  l'autre?  Mais  quelle  étrange  con- 
fusion 1  est-il  bien  philosophique  de  faire 
des  conditions  de  notre  intelligence  les  lois 
mêmes  de  l'être?  Quand  il  serait  vrai  que 
ridée  <lu  fini  accompagne  toujours  dans  no- 
tre esprit  l'idée  de  I  infini,  et  que  ces  deux 
idées  nous  aiiparaisseut  toujours  dans  une 
opposition  réciproque,  s'ensuivrail-il  que 
ces  deux  idées  se  détruisent  muluellement? 
Quoi,  aflSnner  le  fini,  ce  serait  nier,  détruire 
l'infini  !  et  aussitôt  que  je  concevrais  le  fini, 
l'Infini  cesserait  d'exister!  K'est-il  |>as  évi- 
dent, au  contraire,  que  la  borne  oue  je  ))Osc, 
en  affirmant  le  fini,  est  dans  ce  fini  lui-mê- 
me, et  laisse  Tinfini  dans  toute  son  infinité? 
Comment  la  réalité  des  êtres  finis,  partici- 
pant dans  un  de^  donné  à  la  force,  à  Fin- 
lelligence,  h  la  vie,  détruirait-elle  la  force , 
rintelligence,  la  vie  infinie?  Bien  loin  de 
là  ;  c'est  parce  qu'il  y  a  un  infini  réel  et  vi- 
vant que  le  fini  est  possible. 

Dans  ces  raisonnements  je  suppose  que 
les  idées  du  fini  et  de  l'infini  sont  insépara- 
bles pour  notre  esprit.  Ce|>endanl  il  est 
certain  que  nous  .concevons  Tinfini  tout 
seul  »  et  se  suflisant  pleinement  à  lui-mê- 
me ;  et  ouoique  le  terme  qui  l'exprime  soit 
n^tif,  ridée  ne  nous  représente  pas  moins 
la  suprême  réalité. 

C'est  donc  une  étrange  opinion  de  croire 

Sue  l'infini,  pour  vivre  de  sa  vie,  a  besoin 
e  se  diviser,  de  se  particulariser,  de  se  dé- 
terminer, en  un  mot,  de  passer  dans  le  finit 
Car  s'il  est  vrai  oue  le  fini  soit  la  deslruc- 
tion  de  l'infini,  il  s'ensuivrait  que  l'infini, 
|iour  vivre  et  se  développer,  a  besoin  de  sa 
détruire.  Etrauj^é  infini  1  C'est  encore  one 
grossière  illusion  de  concevoir  quelque 
chose  au  delà  du  fini  et  de  rinfini ,  un  être 
qui  ne  serait  ni  fini  ni  infini,  comme  le 
veut  Hegel.  Tout  être  est  nécessairoracnt 
fini  ou  infini  ;  au  delà  il  n'y  a  qu'une  abs- 


647 


PHI 


0ICT10N?iAIA£  APOLOGETIQUE. 


m 


(A 


traction  logique  toul  à  fait  impuissante  et 
stérile» 

Aucune  des  difficultés  que  Hegel  nous 
oppose  ne  peut  donc  nous  arrêter,  elles 
sont  vaines  ;  elles  s'évanouissent  ;  et  Tin* 
fini  Tivant,  réel  et  personnel,  reste  vérita- 
blement le  principe  des  choses.  Dans  son 
devenir^  Hegel  pose  donc  Dieu  lui-même; 
mais  alors  toute  sa  théorie  s'écroule,  et  il 
faut  rentrer  dans  Tidée  chrétienne  de  la 
création. 

Celui  oui  affirme  le  devenir  affirme  Tètre  ; 
et,  dans  la  région  où  nous  sommes,  affirmer 
Tètre  c*est  affirmer  TinOni ,  c'est  tout  dire. 
Nous  venons  de  le  prouver.  Hais  puisque 
Hégel  exclut  formellement  ce  sens ,  que  lui 
restera-t'it,  et  que  sera  son  devenir?  Ce  de- 
venir n'étant  pas  l'infini  »  n*e5t  et  ne  peut 
être  que  le  néants  C'est  la  seconde  hypo- 
thèse que  nous  avons  formée.  Ici  notre  tA- 
che  estfat^ile.  Du  néant  que  peut-il  sortir? 
rien  ;  ex  nihilOf  nihil.  Placer  le  néant  au 
principe  de  l'être,  c'est  la  plus  étrançe  des 
aberrations.  Hégel  le  sentait,  puisqu'il  cher- 
cliait  un  milieu  entre  le  néant  et  l'être,  le 
devenir;  et  nous  lui  prouvons  que  ce  mi- 
lieu est  illusoire.  Donc  si  Hégel  veut  être 
conséquent,  il  doit  partir  du  néant  absolu; 
à  lui  le  labeur  d'en  déduire  l'univers: 

La  méprise  que  nous  signalons  ici  est  la 
caus(5(?e  toutes  les  lacunes ,  de  tous  les  vi- 
ces de  la  lii4ùri6  hé$;.élienne.  De  là  l'impos- 
sibilité d*expliquer  le  ;nouvement  logique 
et  réel  dans  l'être;  de  li  l'impossibilité  de 
sortir  de  l'abstraction;  de  là  enfin  le  terme 
iatal  où  Hégel  vient  alx^utir.  N'ayant  pas 
voulu  partir  de  l'infini  vivant  et  réel,  du 
Dieu  do  la  conscience  et  de  l'humanité; 
ayant  voulu  soumettre  l'infini  h  la  loi  de  la 
progression ,  et  faisant  Dieu  perfectible,  il 
n'aboutit  qu'au  nédnt.  En  effet,  à  quelque 
moment  de  la  durée  que  vous  conceviez  le 
mouvement  de  l'absolu,  qui  se  développe 
éternellement  dans  la  nature  et  dans  1  es- 
prit, ce  mouvement  n'est  jamais  arrêté; 
l'absolu  a  toujours  devant  lui  une  infinité 
de  développements.  II  se  fait  toujours  ;  il 
n'est  jamais.  Par  conséauent  l'absolu  n'existe 
dans  aucun  moment  cfonné;  il  n'existe  pas 
véritablement;  et  il  n'y  a  de  réel  que  le 
fini,  et  sa  progression  sans  principe  et  sans 
but.  En  des  termes  plus  clairs,  I  existence 
est  une  illusion,  et  il  n'y  a  de  réel  que  le 
néant. 

Oui,  le  néant,  voilà  le  fond  de  toutes  ces 
théories  de  l'absolu.  Dépouillé  de  tous  les 
ornements  dont  on  le  charge,  l'absolu  nous 
laisse  voir  ce  vide  affreux,  ce  deuil  univer- 
sel; comme  ce  tombeau  qui  brille  de  l'é* 
clat  des  marbres  et  des  sculptures,  et  qui 
ne  recèle  qu'un  peu  de  cendre  et  quelques 
atomes  de  poussière.  Ainsi,  les  lois  univer- 
settes  se  vengent;  ainsi,  la  pensée  or^eil- 
leuse  et  téméraire  trouve  son  châtiment 
dans  se&  propres  systèmes. 

Je  crois  avoir  tenu  la  promesse  que  ie 
vous  avais  faite  de  comtuittre  la  théorie  de 
l'absolu  sans  me  servir  d'aucune  considé- 
ration morale  et  pratique,  et  par  des  prin- 


cipes purement  rationnels.  L'appr^ntioQ 
de  ces  conséquences,  je  les  abandonne  \ 
vos  consciences,  et  à  voseosars.  Sorlelmo. 
ton  du  temple  de  l'absoia  il  faut  écrif^ 
comme  Dante  au  seuil  de  reafertOvous 

?ui  entrez  ici,  laissez,  laissez  respérance.. 
lus  de  litierté  morale,  plus  d'amuur,  pliu 
d'immortalité,  plus  de  vie  et  de  bonheur! 
l'existence  n'est  qu'une  ilJasion ,  ia  rie 
n'est  qu'un'songe  cruel,  et  la  mort  n'est  mie 
le  néant  I... 

PHILOSOPHIE  PANTHÉISTIQDE  DE 
L'HISTOIRE.  —  La  philosophie  de  TbiV 
toire,  au  point  de  vue  panthéistique^iét^ 
fondée  en  Allemagne  par  Fichte  et  Scbel* 
ling.  Hégel,  venu  après  ces  deux  philoso- 
phes, a  résumé  et  complété  leurs  trams; 
et,  malgré  certaines  différences,  les  doctri- 
nes historiques  de  ces  trois  pbilosopb 
concordent  dans  leurs  principes  et  dai» 
leurs  résultats.  Les  idées  émises  par  SpI- 
nosa  sur  la  nature  et  l'origine  de  la  rela- 
tion ont  trouvé  chez  ces  écrivains  leur «lé- 
veloppement  et  leur  complément. 

Les  théories  historiques  do  MM.  (m% 
Michelet  et  Lerminier,  ont  avec  les  dacm- 
nes  allemandes  des  rapports  qui  équinleal 
à  une  identité  réelle.  Partant  du  \mm\t 
jMinthéistique  hautement  avoaé,  les  siiou 
simoniens,  lorsqu'ils  ont  voulu  iaire  m 
philosophie  de  rhistoire,  devaieol  se  ren- 
contrer avec  leurs  prédécesseun  Mpé 
des  différences  tranchées,  qui  (iffloeiKi 
des  points  de  vue  particuliers ^Ues addi- 
tions et  h  des  modifications  m  eii^ue 
écrivain  a  introduites  dans  Sà  théorie  per- 
sonnelle, il  résulte  de  cet  ensemble  ie  ira* 
vaux  une  doctrine  une .  et  identique,  qa<* 
l'on  peut  appeler  la  philosophie  paoth&li' 
que  de  Thistoire. 

Le  principe  interne,  la  force  eacbéeqoi 
réside  dans  l'humanité  et  produit  tons)» 
phénomènes  de  la  vie  humanitaire, estiJeo 
tiquement  le  même  princiiie^  la  même  to 
qui  produit  tous  les  phénomènes  da  moad? 
extérieur  et  de  la  nature.  Dieu  est  àm 
l'humanité,  il  est  l'humanité;  en  elleeipsr 
elle  il  se  développe  et  se  manifeste.  \nCf 
terminé  en  lui-même,  sans  attributs,  m 
vie  propre,  il  se  manifeste  par  le  moodf  ^ 

Ear  l'homme.  De  là  la  nature  et  i*hisl^'^ 
lais  au  milieu  des  formes  les  plusditer>e^ 
et  de  la  multiplicité  inlinie  de  ces  défckr 
pements,  ce  principe  reste  toujours  iMt- 
que  à  lui-même;  au  fond,  il  ny  ^^.^  ^^'' 
table  existence  que  la  sienne;  la  dirers)!^ 
et  la  multiplicité  ne  sont  qu'apparence  ei 
illusion. 

De  cette  base  métaphysique,  les  panthéis- 
tes concluent  et  sont  obligés  de  conciunr 
que  l'esprit  humain  se  développe  jar^ 
seule  vertu,  qu'il  n'a  nul  besoin  d*^\^^^' 
tion  extérieure.  Par  une  nécessita  m^ 
rente,  l'esprit  humain  produit  la  pen*^» 
crée  les  idées,  le  langage  ;  enfante  la  ^ 
ciété,  les  arts,  la  reti^on,  la  philosoplni*: 
Ces  manifestations  des  puissances  iiiier^ 
de  la  nature  humaine  doivent  être  tam 
pies,  diverses  et  successives  :  de  là  !«  '^*'' 


U9 


PHI 


mCTIOiNNAlRE  APOLOGETIQUE. 


PHI 


tifl)ité  de  toutes  les  formes  que  rev^t  1a 
>easée,  et  la  nécessité  de  ses  transi'orma- 
toos  successires  et  toujours  progressives. 
L'erreur,  le  vice,  le  mal  ne  sont  pas,  ou 
lesont  que  cette  diversité  et  cette  succes- 
ion,  source  de  toute  harmonie  et  de  toute 
•faute.  Il  n'existe  pas  non  plus  de  vérité- 
Jisoluc  et  immuable,  puisque  le  change- 
Aeut  est  la  loi  de  la  vie. 

Tels  sont  les  principes  et  les  fondements 
eia  philosophie  panlhéistique  de  l'histoire. 
'  A  été  prouvé  que  ces  doctrines,  basées 
iif  la  plus  fausse  métaphysique ,  n'expli- 
aent  pas  Tesprit  hum^n;  qu'admettre  cette 
Tic  interne  qui  produit  tous  les  phéno- 
^nes  de  la  vie  humaine,  c'était  au  fond  ne 
tn  admettre,  et  que,  de  la  part  de  nos  ad- 
■rsaires,  tout  se  réduisait  à  dire  :  L'homme 
sse  et  parle  i>arce  qu'il  pense  et  parle  ;  ce 
U  n  est  ni  scientifique,  ni  clair.  Il  a  été 
«Duré  aussi  que  l'homme  ne  peut  inventer 
liiées.  ni  le  langage;  qu'il  a  besoin  d'une 
ttiuiion  extérieure  pour  naître  à  la  vie 
ilrilectuelle  et  morale,  comme  à  la  vie 
[âque;  qu'il  est  passif  lorsqu'il  reçoit  les 
comme  lorsqu'il  apprend  le  langage. 
lUksse  présentent  avec  des  caractères 
vlà,  d'universalité,, d'immutabilité,  de 
tfMûii,  qui  ne  permettent  point  de  les 
""nhisriu  moi  m  au  monde.  L'admirable 
\de  là  pensée  et  de  l'expression  n'a  pu 
£>nné  par  Thomme,  qui  le  conço  t  à 
)e  (668J.  Il  existe  donc  au-'lessus  de 
irne  une  intelligence  souveraine  qui 
rVi)t  les  idées,  à  qui  elles  appartiennent, 
(ui  les  manifeste.  Cette  conclusion  est 
tiiyée  sur  toutes  les  traditions  histori- 
s  qui  ont  admis  une  révélation  primi- 
f  faite  à  rhomme.  La  tliéorie  sur  Tori* 
«  de  la  pensée,  aue  nous  avons  discutée, 
Jonc  nen  de  pniiosophique  ni  d*histo- 
ir.  La  notion  qu'elle  nous  donne  de  l'er- 
r  et  de  la  vérité,  du  bien  et  du  mal,  in- 
ùVvables  avec  les  faits  humains,  n'est  au 
\  que  la  théorie  du  scepticisme,  la  con- 
un  même  du  bien  et  du  mal,  le  chaos 
llectuel  et  moral. 

principes  généraux  une  fois  posés,  le 
1er  objet  d  une  théorie  historique  est 
;er  les  époques  de  l'histoire  et  des 
ormatious  successives  de  la  pensée 

ne.  Les  explications  que  nous  offrent 

iibéistes  rendent-elles  raison  des  faits? 
s  de  véritables  explications?  Telle 

question  que  nous  avons  à  examiner. 

ne  nions  \»as  sans  doute  qu'il  ne  se 

£e  iÏAus  ces  théories  des  aperçus  ingé- 
,  Jes  vérités  de  détail,  des  vérités  ité- 
Mes.  Mais  nous  prétendons  ({ue  tout  ce 
Ht  nous  donne  pourjes  lois  du  déve- 
"'-ment  limnain  et  de  l'histoire  est  faux 
ï  »f«05é  aux  faits  historiques.  Dans  cette 
^e,   nous  nous  occuperons  principale- 
M  des  déveiop|>emenis  religieux  et  phi- 
\ituques. 


il. 


Première  époaue  du  développemenl  relifljeoi ,  le  féU 
cbisme.  —  L hypoUièse d*uD éUl priroitusauvage  oo  de 
barbarie  est  renversée  par  l'histoire  comme  oar  la 
saine  métaphysique. 

Le  premier  degré  du  développement  hu- 
main, suivant  les  panthéistes,  est  le  féti- 
chisme ou  la  religion  de  la  nature.  L*homme 
d'abord,  nous  dit-on,  ne  se  distinguait  pas 
de  la  nature;  sa  vie  n'était  qu'un  instinct 
obscur  et  impersonnel.  Peu  h  peu  il  apprit 
à  se  connattre,  à  se  séparer  de  tout  ce  qui 
l'environnait;  le  moi  se  fit  jour  à  travers  le 
non-moi.  Mais  l'homme  naissant  devait  être 
dominé  ftav  la  grandeur  du  spectacle  qui 
s'offrait  à  ses  yeux..  La  nature  lui  apparais- 
sait comme  une  puissance  inconnue  et  ter- 
rible. Passant  tour  à  tour  des  sentiments 
de  l'admiration  à  ceux  de  la  crainte,  il  ado- 
rait la  nature  dans  ses  puissances  bienfai- 
santes, et  tremblait  devant  ses  terreurs  et 
ses  fléaux;  do  là  l'idolâtrie  et  la  magie. 
L'homme  à  cet  âge,  réduit  à  l'état  sauvage, 
h  la  barbarie  la  plus  complète,  était  sans 
lois,  sans  espoir  d'avenir,  sans  famille;  il 
errait  dans  les  forêts  et  disputait  aux  bêtes 
féroces  la  proie  qui  devait  devenir  sa  nour- 
riture. Souvent  il  engageait  une  lutte  ter- 
rible avec  son  semblable;  le  plus  faible  de- 
venait la  victime,  I  horrible  pâture  du  plut 
fort.  Le  saint-simonisme  a  vu  dans  Tan*- 
thropophagie  le  premier  de^^ré  de  l'industrie 
humaine.  Telle  est,  nous  dit-on,  la  véritable 
origine  et  la  première  forme  de  la  civilisa- 
tion. 

L'état  sauvage  est  un  fait  incontestable, 
puisqu'il  existe  encore  dans  les  forêts  de 
l'Amérique.  La  question  à  décider  est  celle 
de  savoir  si  cet  état  est  primitif,  ou  bi  n 
s*il  n'est  qu'une  dégradation.  Nous  avons 
longuement  établi  ailleurs(669)  que  l'homme 
n'a  pu  se  développer  spontanément,  qu'il 
n'a  pu  inventer  ni  \&  |)ensée  ni  la  parole,  que 
par  conséquent  il  a  commencé  par  la  science, 
ce  qui  renverse  l'absurde  hypothèse  do 
Fétat  sauvage  comme  l'état  originaire  de 
l'humanité.  B*ailleurs  si  Thomme  eût  com- 
mencé par  cet  état,  pourquoi  et  comment 
en  serait-il  sorti?  Lorsque  les  philosophes 
veulent  explic^uer  le  passage  de  l'état  sau- 
vage à  une  civilisation  commencée,  ils  prê- 
tent au  sauvage  des  idées  et  des  besoins 
empruntés  à  un  état  plus  avancé;  des  idées 
et  des  besoins  qu'il  ne  pouvait  avoir.  Cette 
remarque  se  trouve  contirmée  |>ar  l'expé- 
rience  :  jamais  on  n'a  vu  les  sauvages  s'éle- 
ver par  eux-mêmes  à  la  civilisation;  ils  y 
ont  toujours  été  initiés  par  un  peuple  déjà 
civilisé;  ceci  ne  souffre  aucune  exception. 
Des  marques  évidentes  de  dégradation  se 
font  reconnaître  chez  ces  populations  mal- 
heureuses, errantes  dans  les  forêts,  et  con- 
firment tout  ce  que  nous  apprennent  les 
taxis  et  le  raisonnement.  M.  de  Maistre,  qui 
a  jeté  un  grand  jour  sur  celte  question, 
comme  sur  toutes  celles  qu'il  a, traitées  « 


*'^'  Y(ty.  rf^icuoLOCif;. 

Vtr,r:nyyAiht  apologétique.  II. 


21 


«51 


piii 


DICTIONNAIRE  AP(M.OGCTIQUE. 


Pin 


OS) 


1 

1 


noua  fait  un  tableau  effrayant  de  la  dégra- 
dation des  sauYages  (670) 

Toutes  les  traditions  des  penples,  tous 
les  monuments  historiques,  le  haut  degré 
de  civilisation  auquel  furent  élevées,  dès 
leur  origine 9  les  plus  anciennes  nations, 
nous  fournissent  encore  des  preuves  irré- 
fragables contre  la  priorité  de  1  état  sauvage. 
En  effet,  tous  les  peuples  ont  connu  Tâge 
d*or,  tous  ont  su  que  Thomnie  avait  joui 
d*un  état  de  perfection  et  de  bonheur,  tous 
ont  conservé  un  vague  souvenir  de  l'antique 
déchéance.  Quelle  force,  quelle  valeur  peu- 
vent avoir  des  hypothèses  arbitraires  œntre 
une  tradition  universelle  et  constante?  Les 
plus  anciens  monuments  écrits  que  nous 
possédions,  sans  parler  des  livres  de  Moïse, 
soni  contraires  à  Thypothèse  de  i*état  sau- 
vage. Après  les  Hébreux,  les  Indiens  ()os* 
sèdent  incontestablement  les  plus  anciens 
livres  du  monde.  Le  code  de  Manou,  les 
Védas,  k  côté  de  déplorables  erreurs,  ren- 
ferment de  sublimes  vérités,  des  idées  très- 
hautes  de  la  Divinité  ;  Hegel  lui-même  en 
fait  Taveu.  Ces  livres  s'adressent  à  un  peu- 
ple civilisé,  et  qui  a  toujours  connu  la  ci- 
vilisation. Aucune  trace  certaine  de  cette 
barbarie  piimitivct  qu'on  nous  donne  pour 
le  berceau  de  l'humanité,  ne  s'y  fait  remar- 
quer; bien  loin  de  là,  une  tristesse  pro- 
fonde, ridée  d'une  chute  lamentable  et  d  une 
déchéance  universelle  se  trouvent  au  fond 
de  la  cosmogonie  de  Manou.  Les  monuments 
des  arts  et  des  sciences  des  peuples  primi- 
tifs nous  offrent  encore  leurs  gigantesques 
débris,  qui  semblent  porter  un  déti  a  la 
science  moderne.  Pour  expliquer  cette  civi- 
lisation avancée,  on  aurait  vainement  re- 
cours à  une  antiquité  indéfinie.  La  certi- 
tude historique  ne  remonte  guère  au  delà 
de  huit  siècles  avant  l'ère  chrétienne.  Mal- 
gré tous  les  efforts  d'une  science  ennemie, 
la  chronologie  de  Moise  n'a  point  été  ren- 
versée; au  contraire,  toutes  les  déc/>uvertes 
modernes  la  démontrent. 

L'hypothèse  fondamentale  des  panthéistes, 
pour  expliquer  le  développement  de  l'hu- 
manité, contraire  à  la  saine  métaphysique, 
l'est  donc  aussi  aux  réalités  historiques. 

jlï. 

£poquei  secondaires  du  dôvetoppemeat  religieux.  —  Ou 
nj  trouve  pas  le  Ucn  de  succession  et  de  prûgr(*8  eiigé 
par  les  théories  panthéisUques.  —  EniaJuiUou.  —  DÛa- 
lisme. 

Sont-ils  plus  heureux  en  avançant  dans 
la  carrière  de  l'histoire?  Leur  système  exige 
impérieusement  qu'il  ait  existé  un  lien  de 
succession  et  de  progrès  entre  les  formes 
diverses  qu'a  revêtues  la  pensée  humaine. 
Ils  s'efforcent  d'établir  cette  succession,  de 
liémomrer  ce  progrès.  Ils  mouirent  l'idée 
religieuse  grossière,  va^juc,  indéterminée 
dans  rindc,  se  j^pirilualisant,  se  détermi- 
nant toujours  davantage  daus  sa  route  par 

(670)  VoH.  celte  peiuiure  de  VéM  sauvage  par  le 
comte  de  Naiiire,  à  Tari.  Pstcbologic,  j  111,  où 
nuui  L-aiiousatie  qucsiioo  avec  plus  de  deuils. 


la  Perse,  TEgypte  et  la  Grèce.  Celle  idée 
arrive  à  son  plus  haut  degré  d*unilé  et  lie 
spiritualité  dans  la  Judée,  berceau  do  cliris- 
tianisme.  La  conception  de  la  destinée  ha- 
maine  est  toujours  analogue  aux  phases  de 
ridée  religieuse;  la  liberté  et  la  moratiii 
vont  toujours  en  se  dévelopfiaai  et  en  gno* 
dissant  de  l'Inde  au  cbristianisuie  clàrEar 
rope  moderne.  Que  le  lecteur  veuille  kifi 
se  rappeler  les  théories  de  Hegel,  qui  ontéii 
la  véritable  source  des  autres.  ] 

Le  système  de  l'émanation  est  au  fond  de 
toutes  les  doctrines  religieuses  dft  l'Inde;] 
se  trouve  dans  les  plus  anciens  monuine 
écrits  de  ce  peuple.  Ce  système,  cooi 
nous  l'avons  vu  (671),  n'était  qu'uDeall 
tiou  du  dogme  de  la  création;  Scblc 
l'envisage  sous  ce  point  de  vue,  lorsq 
dit  :  «i  Si  l'on  considère  le  système  indieo] 
l'émanation  comme  un  développementi 
turel  de  Tesprit,  il  est  absolument  ioei 
cable;  si,  au  contraire,  on  l'envisagecM 
une  révélation  altérée  ou  mal  couii 
tout  s'éclaircit,  le  système  devient  tr 
cile  &  explianer  (672),  h  Ce  dogme 
source  du  polythéisme  et  des  niytlul 
il  enfanta  aussi  le  panthéisme,  qui 
la  traduction  philosophique.  La  philo  , 
panthéistique  se  développa  dans  nolîL 
la  plus  haute  antiquité;  nous  la  trofliRt 
dans  les  plus  anciens  écrits  et  les  phsîf 
ciennes  écoles  philosophiques  de  ce 
L'école  védanta,  venue  la  dernière  i 
veloj)pé  cette  doctrine  avec  plus  de  se 
de  rigueur;  mais  elle  existait  déjà,d'l 
le  témoignage  de  Sehlegel,  dans  les 
anciens  systèmes  philosophiques.  Le 
théisme  indien  a  été  le  plus  rigoureaiij 
plus  conséquent  de  tous;  les  pbilosu'' 
védantistes  sont  arrivés  aux  Uuiites  de 
doctrine,  et  leur  conception  fondamei 
n'a  pas  été  dépassée»  Les  panthéistes 
dernes,  Schelling^,  Hegel  lui-mëue,  ^ 
en  réalité  rien  ajouté  au  système.  Cr 
dant  cette  doctrine  nous  est  donnée  a> 
la  science  absolue  et  le  dernier  tcrffit 
tous  les  progrès  de  l'esprit.  Quatre 
ans  de  durée,  la  multitude  des  peuple 
religions  diverses,  les  révolutions,  lesj 
res,  tous  les  événements  qui  se 
duits  sur  la  scène  historique,  n'ont 
but,  nous  dit-on,  que  l'enfanteû)! 
rieux  du  progrès  humain.  Plus 
que  nos  pères,  nous  voyons  ce  pr 
compli ,  nous  jouissons  de  sus  bii 
nous  concevons  l'identité  universel! 
l'aflirmant,  nous  savons  tout.  Pépl 
illusion  de  l'esprit  de  système!  Lati< 
qu'on  nous  donne  comme  Kapogéedel 
prit  humain  était  connue,  enseignée  i] 
I»lus  de  trois  mille  ans  au  fond  de  TOnj 
elle  a  fait  des  apparitions  successives  d 
le  monde  occidental;  quelques  philos»! 


soiHI 


iplesri 


l'ont  adoptée  ;  les  masses  'ne  Pont  j^ 
comprise  i  l'humanité  a  poursuivi  soo  <t^ 


(67!)  Voy.  EmkKkjHKi  el  Cbéatior,  {I. 
(672}  ^Mot  sur  lu  iangus  el  In  fhih}»M 
tiudottif  traduction  de  M.  Uazcrs,  p.  ïi^» 


l 


fô 


rai 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE 


Pin 


€61 


min  sans  s'arrêter  à  eiie.  Toujours  hostile 

•u  rériutle  progrès,  celle  «ioctrinc  s'est 

luonlrée  contraire  aux  intérêts  de  fliuma* 

/i;l«';  elle  a  inspiré  un  fanatisme  absurde» 

.Vrr/é  là  raison  et  jusiifié  la  corruption  mo- 

-ait*.  Ce  seul  fait  de  l'eiislence  du  pan- 

Fftéisme  aux  éiioqaes  les  plus  recalées , 

>ri>uire  donc  qa  il  n'y  a  pas  eu  sous  ce  rap* 

^rt  progrès  dans  la  connaissance  humaine, 

i  dément  toute  la  théorie  historique  des 

%nlbéis;es. 

les  panthéistes  cependant  reulent  qu  il 
ait  eu  progrès  lorsque  Tesprit  humain  est 
issé  des  anciens  syslèraes  unitaires,  Téma- 
tUm  ti  le  panthéisme,  aux  hjrpothèses 
lalisles.  L'idée  religieuse  se  serait  perfeo- 
pnée,  selon  ces  philosophes,  par  le  dua- 
toe^rsan.  Il  faudrait  dire,  au  contraire, 
h  I  idée  religieuse  s'est  égarée  dans  le 
ihsoie;  car  si  tout  est  «« ,  les  sysfômes 
ires  sont  la  yérité,  et  le  dualisme  n'est 
mensonge.  Encore  ici  la  théorie  du 
s  est  en  défaut. 

traditions  primitives  altérées,  l'éma- 

jfioo,  le  panthéisme,  le  dualisme,  des  faits 

itekiiies,  des  faits  physiques  constituent 

MM  commun  de  toutes  les  my  tholo^ies, 

piinmt  modifiées  suivant  les  temus,  les 

Hn,  W  caractère  de  chaque  peuple.  Au 

kees  diversités,  les  savants  recon- 

fidentité  de  ces  inythologîes,  et  les 

t  à  quelques  éléments  fondamen- 

|B.  Le  thème  a  reçu  bien  des  vjiriantes, 

f0«u  fond  il  est  resté  le  même.  Les  di> 

§ûlés  qui  se  trouvent  dans  ces  doctrines 

É  Jonc  plus  dans  la  forme  que  dans  le 

Ik  plus  accidentelles  qu'essentielles.  Ce* 

Maol  les  panthéistes  semblent  placer  le 

très  dàas  ces  variantes  purement  aeces- 

fts.  ToQS  ces  systèmes  d'ailleurs i  même' 

fias  contradictoires,  ont  été  conteinpo- 

la  chez  les  divers  peuples.  Ainsi,  jjen- 

I  qu'une  doctrine  unitaire  régnait  dans 
de  et  dans  l'Egypte,  le  dualisme  triom- 
It  en  Chaldée  et  en  Perse.  Que  devient 
^  la  succession  des  doctrines  exigée  par 
ttiéories  panthéistiques^ 

i  «  ML 

^Me  do  dirlstiaiitaDe  reoverae  loales  ces  Uiéories 
(ues  ;  vains  efforts  pour  Tespliqaor. 

le  fait  contre  lequel  viennent  sur- 
louer  et  se  briser  les  efforts  et  les 
Ltooa  des  [Minlhéistes,  c*est  le  fait  de 
^  lion  chrétienne.  Un  petit  peuple 
rips  obscur'et  ignoré,  séparé  des  au- 
tionis  par  les  barrières  naturelles  des 
r);nes  qui  l'environnent,   comme  par 
fs,  ses  RMBurs  et  son  génie,  poss^e, 
r  un  ique  richesse,  un  livre  incontestable- 

II  /e  plus  ancien  dn  monde.  Dans  ce  livre 
fMuve  une  doctrine  distincte  de  toutes 
i^ictrinas  professées  par  les  autres  peu- 
Celte  docirine  non-seulement  se  dis- 

^i«?  des  autres  doctrines,  mais  encore 

les  condamne,  les  anathémattse  ;  elle  se 

*  (ooinie    la   néj^ation   des   croyances 

)%5  également  parles  nations  civilisées 

^r  les  peoples  barbares.  Dan^  ce  livre 


est  enseigné,  de  la  manière  la  plus  for- 
melle et  la  plus  claire,  le  dogme  de  l'unité, 
de  la  spiritualité,  de  la  personnalité  de  Dieu. 
Dieu  a  tiré  le  monde  du  néant,  il  la  créé 
par  sa  parole  toute-puissante;  ce  monde, 
au  sortir  des  mains  de  Dieu,  était  pur  et 
parfait;  le  mal  s'y  introduisit  par  l'abus  de 
la  liberté  créée;  Dieu  permit  cet  abus  par 
des  raisons  di<^nes  de  sa  sagesse.  Ce  livre 
nous  fait  donc  connaître  Torigine  de  l'er- 
reur, du  vice,  des  dégradations^  des  souf- 
frances qui  pèsent  sur  la  nature  humaine. 
11  nous  marque  aussi  l'origine  de  tous  les 
peuples  ;  nous  donne  le  moyen  de  ramener 
a  l'unité  les  vérités  éparses  et  altérées  con* 
servées  dans  leurs  traditions,  et  nous  ex- 
plique les  f^iuses  qui  ont  amené  ces  déj^ra- 
dallons  successives  des  vérités  divines.  Mais 
s'il  nous  fait  connaître  le  mal,  il  nous  eu 
montre  le  remède;  il  conserve  les  espé- 
rances consolatrices  du  genre  humain,  il 
prophétise  le  salut.  Cette  œuvre  de  répara- 
tion s'accomplit  dans  les  temps  marqués. 
L'homme  est  régénéré,  les  vieilles  erreurs 
de  l'esprit  disparaissent  ;  les  vices  du  cœur 
sont  corrigés;  des  vertus  nouvelles  sont 
fondées;  tous  les  hommes  sont  appelés  au 
banquet  de  la  vérité  et  de  !a  chanté.  Tout 
se  lie,  s'enchaîne  dans  ce  livre,  les  dogmes, 
les  faits  et  les  institutions  ;  tout  concorde 
pour  former  une  unité  compacte  et  indivi- 
sible. L'idée  la  plus  haute  de  la  destinée 
humaine,  la  plus  pure  morale  s'allient  aux 
enseignements  dogmatiques.  Tout  se  déve- 
loppe, mais  rien  ne  change,  rien  ne  varie; 
la  vérité  esl  toujours  une. 

Voilà  les  faits  que  le  panthéisme  esl  tenu 
d'expliquer.  Comment  s'y  prend-il?  Remar- 
quons d'abord  que  si  le  panthéisme  est  la 
vérité,  le  christianisme  est  la  plus  grossièn; 
et  la  plus  impie  de  toutes  les  erreurs.  Rien 
n*est  plus  op|)Osé  que  ces  doctrines;  elles 
sont  en  contradiction  flagrante  et  palpable 
sur  tous  les  points ,  sur  la  notion  de  Dieu 
comme  sur  celle  du  monde,  surj'orijjino 
du  mal  comme  sur  la  destinée  humaine. 
Entre  des  doctrines  qui  sont  les  deux  pôles 
opposés  de  la  pensée  humaine,  tout  com- 
promis est  impossible;  toute  alliance,  une 
jirétention  absurde;  toute  identité,  un  non- 
sens.  Or,  c'est  cet  accouplement  monstrueux 
que  les  panthéistes  veulent  opérer.  Ils  sont 
forcés  de  reconnaître  que  le  christianisme 
est  la  plus  haute  manifestaiion  de  l'idée 
religieuse,  qu'il  est  la  source  de  tous  les 
véritables  progrès  de  l'humanité.  Mais  cet 
aveu  se  conçoit-il  dans  leur  bouche?  Si  ces 
(ihilosophes  ont  la  vérité  pour  eux,  le  cbris* 
tianisme  est  la  i>lus  étonnante  des  aberra- 
tions de  la  pensée  humaine.  Comment  l'er- 
reur et  le.  mensonge  ]>euvent-ils  être  si 
utiles  aux  hommes?  Comment  se  fait-il  que 
les  religions  qui  sont- parties  du  dogme 
jianthéistique  n  aient  servi  qu'à  abrutir  et  à 
dégrader  l'espèce  humaine,  et  que  le  dogme 
opposé,  quon  doit  regarder  comme  une 
déploiable  erreur,  soit  la  source  de  la  di- 
gnité, de  la  liberté  '  "  — "'-^x  ^-muaine? 
Le  chnslianismi  *uu 


C55 


PHI 


DiCTiONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


PIO 


63( 


développemeiU  des  doctrines  anciennes^ 
ses  dogmes  se  retrouYent  dans  loutes  les 
traditions  orientales.  Comment  des  doctrines 
aussi  opposées  peuvent-elles  partir  de  la 
mémo  source?  Comment  la  négation  et 
Taflirmation  peuvent-elles  être  identique- 
ment la  même  chose?  Quoil  le  christia- 
iiisiiie  n'est  que  Tancien  système  de  Téma* 
nation,  le  panthéisme ,  le  dualisme?  Qui 
pourra  soulenir,  en  face  des  faits  et  des 
enseignements  si  précis  do  la  révélation 
mosaïque  et  chrétienne,  une  assertion  |ui- 
reiile?  Quand  et  comment  s  est  opérée  cette 
fusion  impossible  7  Qu*opposerez-vous  de 
plus  ancien  au  livre  de  A* oïse  7  Direz- vous 
que  ce  législateur  a  emprunté  ses  doctrines 
aux  Egyptiens  ou  aux  Indiens?  Mais,  en- 
core une  fois,  il  y  a  contradiction  entre  son 
dogme  et  celui  de  ces  nations.  L'emprunt 
aurait-il  pu  se  faire  après  Moïse?  Mais  la 
doctrine  hébraïque  n'est-elle  pas  parfaite* 
ment  une  et  identique,  ne  se  rattacne-t-elle 
pas  tout  entière  au  Sinaï,  à  Moïse,  aux  pa- 
triarches; et  le  christianisme  n*est-il  pas  la 
conséquence  forcée  du  mosaïsme?  Quelle 
dissonnance  (ouvcz-vous  constater  dans 
celte  parfaite  unité?  D'ailleurs,  avant  toute 
discussion  doctrinale,  ne  faudrait-il  pas 
renverser  les  faits  divins  du  christianisme, 
les  bases  historiques  sur  lesquelles  s'appuie 
sa  divinité?- 

Les  interprétations  des  dogmes  chrétiens 
tentées  par  les  panthéistes  sont  le  produit 
de  ces  préoccupations  systématiques,  qui 
leur  font  chercher  lorigine  de  la  doctrine 
chrétienne  dans  les  anciennes  traditions 
orientales.  Hegel  n'a  voulu  voir  dans  les 
dogmes  de  la  trinité  et  de  Tlncarnation  que 
les  transformations  de  l'esprit.  Le  Père,  le 
Fils  et  le  Saint-Esprit  représentent,  selon 
ce  philosophe,  l'intini,  le  fmi  et  l'union  de 
tous  les  deux  ;  d'abord  l'identité,  puis  la 
distinction,  puis  ensuite  le  retour  à  i'iden* 
tité.  Or,  telle  est  la  loi  du  développement 
do  l'idée.  Le  dogme  de  Tincarnation  n'a 
point  une  signitication  moins  philosophique; 
il  repr<isente  l'apparition  de  Tidéal  dans  le 
réel,  l'union  de  ndée  avec  la  forme.  L'in- 
carnation est  donc  perpétuelle;  elle  se  con- 
tinue dans  les  siècles;  aussi  le  Saint-Esprit 
est  touiours  présent  à  l'élise.  Le  péché 
originel  n'est  que  l'imperfection  native  de 
notre  nature,  la  condition  même  do  tout  ce 
qui  est  fini.  La  rédemption  n'est  que  l'effort 
que  fait  l'esprit  pour  se  dégager  peu  à  peu 
des  liens  de  la  matière,  pour  arriver  à  la 
pleine  manifestation  de  toutes  ses  puissan- 
ces. Ces  interprétations  ont  été  reproduites 
avec  des  modilications  par  les  éclectiques. 
Les  idées  dessaint-simoniens  rentrent  aussi 
dans  ce  point  de  vue ,  quoiqu'ils  les  aient 
/exprimées  sous  d'autres  formules  (673). 

Que  le  lecteur  chrétien  nous  pardonne  de 
reproduire  ici  ces  blasphèmes;  la  foi  souffre 

(673)  Voyez  «:i  quatrième  lettre  d^Eugèoe  Roi>rigub 
dau8  le  Nouveau  chriëtianisme, 

(674)  c  l  iniiiter  ircdiiuus,  et  simpliciter  confi- 
iCiiiur,  quod  uiius  solus  e^l  irerus   l>e<i9...  Ciealor 


lorsqu'elle  voit  les  objets  les  plos  augustes 
et  les  plus  sacrés  de  ses  croyances  probo^ 
par  des  mains  sacrilèges.  Cepeodafil  les 
esprits  faibles  sont  ébranlés  par  ces  préten* 
dues  explications;  il  ne  s'agit  donc  pas  de 
dissimuler  le  mal,  mais  de  le  combattre. 

Lorsqu'un  chimiste  veut  analyser  m 
substance,  il  ne  commence  pas  par  raoéaa- 
tir  ;  lorsqu'on  veut  expliquer  un  iail,  od  k 
commence  pas  par  le  nier;  détraire  uns 
chose,  ce  n'est  pas  en  rendre  raison :ot^ 
tel  est  le  procédé  de  nos  interprètes  jiaik 
théistes.  La  bonne  foi  semblerait  euge 
lorsqu'on  veut  expliquer  les  dogmes  ell 
mystères  de  l'Eglise  chrétienne^qu'ool 
entendit  et  qu'on  les  présentât  coiome  T 

S' se  elle-même  les  entend  et  lespréseï 
justice  semblerait  exiger  qu'on  ne  o 
mençftt  pas  par  tronquer  et  mutiler 
enseignements  de  l'Eglise  pour  les  lui  ' 
tester  ensuite  avec  plus  d*avanta^e.UI^ 
s'est  exprimée  sur  tous  ces  objets  m 
clarté  la  plus  grande,  la  précision  la {' 
rig^oureuse  ;  d-immenses  controverses  ool 
agitées  sur  ces  matières  ;  à  ces  eontrow^ 
ont  pris  part  les  esprits  les  plus  éMC 
les  plus  hautes  intelligences  qui  aieUllH 
noré  l'humanité;  les  formules  letftei 
nettes  ont  été  dressées,  et  se  trouTeotM* 
que  sur  les  lèvres  des  petits  enfants.  Wi 
les  mystères,  vous  en  avez  la  triste  liiwll; 
mais,  de  grAcel  ne  nous  donoexiWMli 
interprétations  panthéistiques  poureesfl9>i 
tères  eux*m6mes«  Ne  vous  mettez  pas  4 
lieu  et  place  de  l'Eglise  ;  recevez  ou  njeiii 
ses  enseignements,  mais  ne  les  d^tfli 
pas.  Avec  un  pareil  procédé  il  est  iifli4 
sible  de  s'entendre,  et  les  discussions  " 
viendront  à  jamais  intenuinabies. 

Une  simple  observation  renverse  et 
truit  toutes  ces  prétendues  interprélati 
et  sépare  à  jamais  le  dogme  cbréiieo 
doctrines  (lanthéistiques;  cette  éternelle 
mite  est  le  dogme  de  la  création.  L'i 
a  puisé  ce  dogme  dans  les  enseignt^ 
divins  de  la  révélation»  et  la  formell 
énoncé  dans  le  quatrième  concile  géué 
Latran  (67^). 

Dieu  n'a  point  tiré  le  monde  de  sa 
tance  ni  d'une  matière  préexistante; 
créé  |)ar  sa  puissance  intinie;  il  l'a'' 
néant.  Le  monde  est  donc  radicale^ 
tinct  de  Dieu  ;  Iiieu  est  inûniment 
du  monde  ;  le  monde  devant  lui  n'est 
néant.  Cependant  les  interprètes  panll 
parlent  de  ce  principe  que  le  monda 
Dieu,  qu'il  est  une  partie  de  Dieu  ;  le  a' 
pour  eux  est  le  Verbe  de  Dieu  ;  ii  n'y 
Dieu  que  l'intini ,  le  fini  el  leur  rapjio 
Dieu  est  tout,  si  tout  est  Dieu,  ij  se 
que  Dieu  s'incarne  sans  cesse  et  di^ 
nature  et- dans  l'humanité.  Les  autres  i 
prétations  ne  sont  que  les  conséquen 
celle-ci  ;  on  ne  peut  y  voir  qu'une  tr 

omnium  invtstbilîum  el  visIliiUwi,  spiritoaii"* 
corporaiium,  qui  sua  omnipoieuii  viriuu  midJ"! 
inilio  lenipot'i«  ulramqu€  de  mhiio  cot^iài^^^^^ 
ram,  »  (Conc,  Latcranense  iv,  auuo  lit 5.) 


m 


DICf  lONNAlRC  APOLOGETIQUE. 


PHI 


65^ 


rion  du  i^anthéisme.  Le  panthéisme  n^'est 
fependant  pas   nouveau  dans  le   monde. 
L*£giise  Ta  rencontré  souvent  sur  sa  route 
i  travers  les  âg^es.  Plusieurs  grandes  et  dan- 
gereuses hérésies  n'ont  été  qu'une  transfor- 
mation de  1*esprit  panthéistique.  L'Eglise  a 
toujours  poursuivi  et  proscrit  cet  ennemi 
Kius  tontes  les  formes  dont  il  s'est  enve- 
loppé pour  se  dérober  è  ses  coups;  elle  Ta 
ferrasse  dans  ie  néoplatonisme  et  dans  le 
:;nostici.snie.  Il  y  a  uonc  une  (irodigieuse 
préoccupation  à  confondre  les  dogmes  et 
'f's  mystères  du  christianisme  avec  les  doc- 
nnes  panthéistiques.  Telle  est  cependant 
es$enr«  tie  toutes  les  interprétations  de 
H»  philosophes  :  ils  entendent  la  Trinitél, 
Incarnalion,  le  péché  originel,  la  rédemp- 
iDa  dans  un  sens  panthéistique.  Or,  TKglise 
iloujours  rejeté  et  maudit  ie  panthéisme; 
bac  il  y  a  mensonge  et  immoralité  h  nous 
Iniier  leurs  interprétations  pour  les  mys- 
Iro  chrétiens. 


1 


.  |iv. 

lèvie  du  «rmbolisroe  ;  ses  impossibilités.  —  hspport 
)liUrelisiofi  et  de  la  philosophie.  —  l<a  perfectii>ilité 
■nie  ftojgrès,  —  Uludun  des  panUii^istes. 

.  Cfftte  manière  d'envisager  la  religion  a 
'àiWittiirce  de  ces  théories  du  symbolf^ne 
ftt  M  aujourd'hui  tant  de  vogue  et  de 
Jmt»  La  religion  n'est  considérée   que 
iMoe  une  allégorie  métaphysique  et  mo- 
m/r. coninie une  poésie  populaire;  sesdo;^- 
Aesonlautue  chose  que  de  Toutologie 
tJe  la  psychologie.  Que  d'esprits  jeunes 
^/nattenlifs  se  laissent  séduire  à  ces  faci- 
explications  qui,  au  fond,  n'expliquent 
I  4  La  religion  est  une  écorce  qui  ca- 
oous  dit-on,  une  manne  délicieuse 
ir  i'esfH-iU  Brisez  cette  écorce  et  vous 
'ez  éclore  Ja  vérité  pure.  »  En  des  ler^ 
plus  clairs,  vous  en  verrez  sortir  les 
ilelligibles  systèrhcs  de   métaphysique 
juteuse  qui  ne  sont  que  le  panthéisme; 
19  en  verrez  sortir  le   moi  absolu  de 
le,    ridentité  de  Schelling,  l'idée  de 
^n  la  triplicité  phénoménale  et  la  tri- 
iié  absolue  de  M.  Cousin,  etc.. 
M  est  démontré  que  le  contenu  de  la 
ion  est  dilTérent  de  ce  que  les  philoso- 
jianlliéistes  veulent  y  voir,  qu'il  en 
léme  le  contraire  ;  si  les  dogmes  chré- 
dé(*as8ent,  par   leur   profondeur  et 
riubiimité,  l'expérience  comme  la  raison 
ftâne,  et  nous  donnent  les  plus  hautes 
^9   plus   pures   idées  de   Dieu  et  de 
nme ,    te  théorie  du  symbolisme   est 
Iversée.  Les  dogmes  sont  des  faits  divins, 
faits   réels  et  vivants  qui  deviennent 
kl  de  la  foi.  La  foi  sans  doute  veut  et 
hélerer  à  Tintelligence  ;  elle  doit  cher- 
^k  comprendre  ce  qu'elle  adore  :  Crede 
^^ttUigaê^  nous  dit  saint  Augustin.  Mais 
l^le  cooiroencepar  nier  ces  faits  divins,  si 
k  n0  ^oit  en  eux  que  de  la  poésio,  elle 
■[uît    la  liase  sur   lafiiietlc  doit  s*élcvcr 
'i^Qce  «Je  le  raison. 

'^'•^1   Vojf.  lIltlIISME. 


D'aHleurs  nos  philosophes  nous  ont-ils 
expliqué  Torigine  de  ces  prétendus  svmbo- 
les  et  leur  nécessité  ?  Sans  doute  fa  foi, 
Tamour,  Tenthousiasme  religieux  emprun- 
teront k  la  poésie  son  langage  et  se  servi- 
ront de  ses  mouvements,  de  ses  couleurs, 
de  SOS  images.  Mais  il  y  a  loin  de  là  à  ce 
système  d'allégories  qu'on  veut  voir  dans  la 
religion.  Qui  l'aurait  conçu,  qui  Taurait 
formé?  Les  inventeurs  devaient  posséder 
ridée  dans  sa  forme  absolue,  pour  être  ca- 
pables de  lui  accommoder  un  symbole  con^  . 
renable.  La  religion  étant  un  tout  parfaite- 
ment harmonique  et  un,  qui  n*a  pu  se  for- 
mer successivement  et  |)ar  parties,  a  dA 
éclore  complète  dans  la  pensée  de  ces  inven- 
teurs, avec  le  cortège  des  idées  et  des  sym- 
boles. Ces  hommes  devaient  donc  posséder 
des  facultés  extraordinaires  qui  ont  disparu 
dans  Thumanité.  Quels  étaient-ils?  Qu'on 
les  nomme,  ces  hommes  prodigieui,  philo- 
sophes avant  tout  et  capables  de  donner  à 
leurs  idées  ces  formes  indestructibles  qu'on 
appelle  les  religions.  Ces  hommes,  on  les 
place  dans  Tenfance  de  l'humanité  au  pre- 
mier degré  du  développement  de  l'esprit. 
Ils  étaient  donc  inflniment  siipérieurs  à 
leurs  contemporains.  D'où  leur  venait  cette 
supériorité?  Comment  ont-ils  pu  la  faire 
accepter?  Par  quel  moyen  ont-ils  réussi  à 
imposer  leurs  idées  et  leurst  institutions? 
Ils  ont  destiné  les  svmboles  au  peuple,  les 
idées  aux  philosophes,  aristocrates  de  la 
pensée;  Tespèce  humaine  a  été  divisée  ainsi 
en  deux  castes  éternelles,  qui  jamais  ne  se- 
ront confondues.  Tels  sont  les  mystères  que 
présente  la  théorie  du  symbolisme;  ce*^.o 
théorie  part  d'une  base  ruineuse,  le  pan- 
théisme; elle  n'a  rien  d'his*.crique  ;  elle 
renferme  d'inextricables  difficultés;  elle 
n*est  qu'une  impossibilité  (675). 

C'est  d*après  cette  manière  d'envisager  la 
religion  et  la  philosophie,  que  les  panthéis- 
tes conçoivent  et  établissent  les  rapports 
entre  elles.  On  s'expliquera  aisément,  après 
tout  ce  qui  a  été  dit,  pourquoi  la  philoso- 
phie est  pour  eux  le  plus  haut  et  le  dernier 
développement  de  la  pensée  humaine,  celui 
qui  vient  après  tous  les  autres,  celui  qui 
explique  et  fait  comprendre  tous  les  autres; 
mais  nous  savons  aussi  tout  ce  qu'il  y  a 
d'arbitraire  et.  de  faux  dans  ces  théories. 

Nous  venons  d'exposer  les  bases  méta- 
physiques et  histonques  de  la  doctrine  do 
la  perfectibilité  indétinie  et  du  progrès  hu- 
manitaire. Jamais  les  mois  de  perfectibilité 
et  de  progrès  n'avaient  autant  résonné  que 
dans  notre  siècle,  et  nulle  part  autant  que 
dans  les  écoles  panthéistiques.  Les  pan- 
théistes s'intitulent  les  hommes  du  progrès; 
ils  veulent,  disent-ils,  faire  progresser  Vïï\\r  ' 
manité.  Pouvoir  étonnant  des  mots  sur  l'i- 
magination des  hommes!  Combien  se  lais- 
sent tromper  par  ces  mots  magiques  1  Com- 
bien croient  de  lionne  foi  que  les  hommes 
qui  les  ont  toujours  à  la  bouche  sont  les  vé- 
ritables aïOlres  du  progrès!  Là  se  trouve 


m 


MCnONHAIRfi  APOLOGCTHtOC- 


m 


cependant  une  iilasion  grossière.  Si  tout 
est  an*  si  tout  est  identique,  si  toutes  les 
fiDroies  sont  équiralentes  en  réalité,  qve 
deviennent  la  perfectibilité  et  le  proj$res  ? 
ppHTent-ils  se  concevoir?  Vous  aurez  le 
changementt  mais  le  progrès,  jamais.  Poor 
affirmer  le  progrès,  pour  le  mesurer,  il  iaut 
avoir  une  idée  juste  et  6xe  de  la  nature 
humaine  et  de  së  destinée;  il  faut  admettre 
quelque  chose  d'immuable,  le  progrès  ne 
pouvant  être  qne  le  développement  de  ce 
cjui  est.  Les  pantiiéistes  ne  partent  \^s  d*une 
idée  absolue  de  la  vérité,  ne  reconnaissent 
pas  de  tvpe  de  la  nature  humaine,  ne  sa- 
vent d'eu  vient  rhomme  ni  où  il  va;  com- 
ment pourraient-ils  donc  constater  le  pro- 
grès 7  D'ailleurs,  leur  théorie  historique  du 
S*ogrès  ne  peut  se  maiuleinr  en  fiice  |des 
its;  nous  ravons  prouvé.  Tous  les  grands 
f>r0j;rès  de  l'humanité  ont  été  obtenus  sous 
'influence  chrétienne. Le  christianisme  seul 
peut  nous  donner  la  loi  du  développement 
progressif  de  la  nature  humaine. 

Après  avoir  examiné  les  applications  du 
panthéisme  h  la  philosophie  de  l'histoire, 
nous  devons  considérer  maintenant  les  théo- 
ries de  l'Etat,  de  l'art,  de  la  science.  Nous 
nous  contenterons  de  Quelques  observations 
sur  ces  matières. 

L'Eut,  rait,  I»  fdence ,  TaTenir,  au  point  de  lUt  pan- 

Uiélste. 

n  est  frès-difljciie  aux  tianthéistes d'établir 
les  rapports  de  la  liberté  el  de  l'association, 
de  rinuividu  et  de  l'Etat  :  M.  Pierre  Leroux 
ne  dissimule  pas  les  difficultés  de  ce  pro- 
blème. On  peut  dire  en  général  que»  par  la 
nature  de  leurs  doctrines,  les  panthéistes 
doivent  tendre  à  absorber  l'individu  dans 
TEtat,  à  donner  à  l'Etat  une  force  et  des 
droits  illimités.  Ces  tendances  se  sont  mani- 
festées avec  évidence  dans  tes  théories  so- 
ciales du  saint-simonisroc  ;  M.  Lerminier 
fait  le  même  reproche  aux  théories  politi- 
ques de  HégeL 

Hais  si,  d'un  cAté»  les  panthéistes  sont 
portés  à  nier  la  liberté  politique  comme  ils 
nient  la  liberté  morale,  de  l'autre,  consacrant 
toutes  les  idées,  tous  les  caprices  de  l'indi- 
vidu, puisqu'ils  en  font  un  dieu,  ils  élèvent 
en  face  de  fa  force  publique  la  force  indivi- 
duelle établissent  dans  la  société  une  anar- 
chie permanente,  ou  ne  lui  donnent  d'autre 
appui  que  la  force. 

«L'art,  cette  création  du  génie  de  Thomme 
social»  n^est  pour  les  panthéistes  que  la  ma- 
nifestation de  l'idée  par  la  forme.  Or,  l'idée, 
c'est  tout,  c'est  Dieu.  L'^art  est  donc  une  ma- 
nifestation divine;  l'arliste,  au  moment  de 
l'inspiration,  est  identifié  au  tout  :  il  lui  sert 
d'organe.  L'art  est  donc,  comme  la  nature, 
une  forme  de  développement  de  Tabsolu,  et 
ainsi  il  a  en  lui-même  sa  vérité,  sa  loi;  il 
est  au-dessus  de  toute  règle  et  de  toute  me- 
sure, il  est  transcendant.  Le  but  de  Part, 
c'est  de  représenter  la  vie  sous  telle  forme; 


et  quelle  que  soit  cette  forme,  belle  ou  hj. 
deuse»  morale  ou  immorale,  poono  aueile 
exprime  quelque  chose  de  rêtre,  <f^*m  rt- 
jirésente  une  idée  ou  éveille  ooe  idée,  elle 
est  lionne,  légitime,  en  tant  que  repr^ota- 
tion  de  ce  qui  existe  et  m«ifestation  de 
l'absolu.  De  cette  maaière,  tout  tombe  dins 
le  domaine  de  l'art.  La  reli^on  li'esimide 
l'esthétique,  de  la  symbolique;  et  si  le  a- 
tholicisme  est  la  plus  sublime  des  reKgioos, 
c'est  moins  )»ar  son  esprit,  par  sa  doctrJDc, 
par  sa  parole  grave  et  ses  mystères,  qse  |«r 
sa  forme  :  ce  sont  ses  cathédrales  avec  km 
flèches,  leurs  ogives,  leurs  rosaces;  c'estsoa 
culte  avec  ses  cérémonies,  ses  nompes,  » 
musique  et  ses  chants  qui  le  rendent  encore 
aujourd'hui  si  intéressant.  Combien  de  do6 
contem|)orains  sont  religieux  de  ceUe  façon, 
plus  eu  imagination  que  daas  rime,  plos 
IMir  un  goût  d'artiste  que  par  an  besoin  de 
Dieu  reconnu  et  avimé  I  L'art  s'irrsn(i;e mer- 
veilleusement de  celte  vague  religiosité  qui 
admet  tous  les  symboles,  pourvu  qu'flj 
trouve  du  sens  et  de  l'idée,  il  en  esideoièiDe 
de  la  société  et  do  ses  inslituliODS,  eonsidi- 
rées  sous  le  point  de  vue  panthéistique  if 
l'art.  La  société  e^t  une  scène,  un  graiii 
drame  oik  chaque  homme  joue  un  rtlet  jmI)- 
qu'il  y  tient  sa  place,  et  y  développera (ian- 
tant  plus  de  grandeur  et  de  vertu  qte  son 
rôle  sera  plus  important,  c'est^-dire  <fuj) 
aura  plus  de  part  à  Taction  génénk;  goïl 
manisfestera  plus  de  la  vie  oninmlfe.  De 
U  les  traits  principaux  qui  cmci^^^^ 
l'art  de  nos  jours  et  le  défigureit;  f d^ 
tion  du  grandiose,  qui  veut  faire  sentit  U 
tout  dans  chaque  chose,  montrer  de  la  pro- 
fondeur jusque  dans  les  moindres  détails,  ce 
qui  donne  un  sublime  grotesque,  coajç^ 
l  expression  outrée  du  trivial  el  du  m 
donne  de  Tignoble  et  de  l'horrible;  la  pn- 
tention  de  ne  suivre  aucune  règle,  pircc  que 
le  génie  n'en  connaît  pas,  parce  que  len* 
tliousiasme  ne  peut  s'y  astreindre;  la  îk)&; 
tion  des  lois  morales  et  des  conTeDanGesqoi 
entravent,  dit-on,  par  des  conventions  arl)i- 
traires,  l'expression  du  beau  et  du  subuioi 
(676).  »  . 

La  science,  telle  que  le  matérialismeâi 
dernier  siècle  l'a  faite,  ne  présente  gf^ 
qu'une  collection  de  faits  et  d'obserrU^ 
sans  unité,  sans  lien  et  sans  vie.  A  ^^^J 
mité  opposée  se  trouve  la  science  fum^' 
tique.  Celle-ci  dédaigne robservstion  Kl ei- 
périeuce,  et  ne  procède  qu'a  pri9ri  Pan*  J| 
connaissance  de  l'absolu,  elle  poss^^ j 
science  universelle;  pourquoi  irail-etjcp^ 
niblenicnt  se  traîner  sur  la  route  de  I  cij<" 
rience?  Sa  méthode  est  plus  facile;  eilep 
d'une  idée  donnée  par  Tintuitioa.  Celle  we« 
devient  le  principe  générateur  de  la  scient'^*» 
qui  consiste  à. déduire  de  cette  idée  [es  wi^ 
et  les  faits.  Telle  est  l'origine  de  laphilosa- 
phie  de  la  nature,  dont  les  panthéistes  alle- 
mands se  sont  tant  occupés.  Ecoulons  ic 
jugement  d'un  homme  dont  iiersonae  ne sef* 
tenté  de  récuser  l'autorité  dans  ces  maWrf* 


(G7W  M    Bai-tmîs,  Correspcttdance  phibêoittiquc^  tome  IF. 


m 


PHI 


DICTlOIfNAlRK  APOLOGETIQUE. 


PIE 


«52 


Si  nous  conlinnons»  dit  Tillustre  Cuvier 
ans  5on  Diicoun  sur  le  progriê  de$  êciences 
nHureUtê^  k  rapporter  toutes  nos  sciences 
iiysiiiues  k  l'expérience  généralisée»  ce  n*est 
ss  que  nous  ignorions  les  nouveaux  essais 
e  quelques  métaphysiciens  étrangers  pour 
er  les  phéoGiiièncs  naturels  aux  principes 
lâonoels,  pour  les  démontrer  a  priori ^  ou 
otome  ces  métaphysiciens  s'expriment»  pour 
•.  >nuslraire  h  la  conditionnalité....  Nous 
Awjiis  vu  dans  les  applications  de  ces  prin- 
ipcsauxiliversoniresde  phénomènes,  qa*un 
>u  trompeur  de  rcsjirit  où  Ton  ne  semble 
lire  quelques  pas  (|u*à  i*aide  d*cxpressions 
jurées,  prises  tantôt  dans  un  sens,  tantôt 
ins  un  autre»  et  où  Fincertitude  de  la  route 
e  décèle  bien  vite»  quand  ceux  qui  s*y  don- 
«nlpoursuides  ne  connaissent  pas  d'avance 
M'uloù  ils  prétendent  qu'elle  conduit.  En 
ifci,  la  plupart  de  ceux  qui  se  sont  livrés  h 
rs  rcclierches  spéculatives»  ignorant  les 
lits  positifs,  et  ne  sachant  pas  bien  ce  qu'il 
M\  démontrer»  sont  arrivés  à  des  résul- 
iis  M  éloignés  du  vrai»  qu'ils  suflTiraient 
-qr  faire  soupçonner  leur  méthode  de  dé- 
^nïiration  d  être  bien  fautive.  )» 
l!  nous  reste  à  ajouter  un  mot  sur  les 
^^'•mpanthéisiiquesde  l'avenir.  Tous  les 
PfliWi!te$  se  sont  occupés  de  l'avenir»  tous 
f  ofiTliamanité  des  promesses  et  des  pro- 
Kif/{!$ magnifiques.  Le  bonheur  doit  couler 
1 .  Wn  l)ord  sur  celte  terre  ;  l'âge  d'or»  lo 
■rr/rt  terrestre  sont  devant  nous  ;  nous  y 
i'ii'ns.  Les  panthéistes  allemands  pro- 
'*'!((nl  la  réalisation  complète  do  la  notion 
^'^roii;  une  religion  qui  sera  le  résumé  et 
i^Huplénient  de  toutes  les  autres;  uno 
encc sans  mystères;  un  art  dont  les  créa- 
■ms  seront  aux  chefs-d'œuvre  du  génie  que 
«s  i^ssétlons»  ce  que  le  soleil  dans  sou 
ein  midi  est  è  son  aurore;  il  n'y  aura  plus 
»{«ju>iices  ni  de  souffrances.  On  sait  com- 
cn  les  sainis-simoniens  et  les  fouriéristes 
H>ot  montrés  uroJi^ucs  de  promesses  et 
mfrreijles.  L  avenir  est  un  champ  libre 

•  IVuadnation  peut  à  son  gré  élever  les 
«*  brillantes  constructions.  On  n'a  pas  à 
iinire  de  voir  les  applications  démentir 

•  théories  et  les  conrajncre  de  folié.  Mais 
<^ procédé  est  facile,  est-il  bien  rationnel? 
V^s  cette  longue  discussion»  il  nous 
•We  superflu  d*Atlaqner  sérieusement  cea 
tt^tiijues  utopies,  t^ur  base  étant  ren- 
^1  comment  |>ourraient-olles  subsister? 
'V^ntliéistes,  avec  leurs  idées  fausses  des 
•*^^  et  de  l'homme»  pourront-ils  remédier 

''  niant  de  la  tic  et  la  rendre  heureuse? 
'j'blalilcs  à  ces  empiriques  qui  tuent  le 
lUiJe  pour  le  guérir»  par  l'application  de 
'f^  |»riniipes  ils  ne  feraient  qu'aggrayer 
«•aut  de  la  swiélé.  En  niant  la  vérité  et 
^ri«  alisolu,  ils  ôtent  toute  force  h  leurs 
^^'\\tvs  nouveaux,  à  leurs  nouvelles  théo- 
'^  *jHiah*s.  Que  pourront-ils  répondre  aux 
''M«*ntsTComnienl  pourront-ils  harmoni- 
r  9vec  leurs  systèmes  les  idées  et  les  teu- 
"«'♦^•î»  contraires  qui  se  produiront  infailli- 
'""lit  et  avec  les  mêmes  droits  que  les 
^f^?  L'antagonisme  sera  donc  éternel  et 


sans  remède.  Les  panthéistes  placent  le  bon- 
heur dans  la  satisfaction  des  passions  ;  maïs 
est-ce  bien  connaître  la  nature  des  passions 

3ue  de  croire  qu'on  puisse  les  satisfaire  par 
es  jouissances  restreintes?  et  cependant  la 
restriction  de  la  jouissance  n'est-elle  pas 
impliquée  dans  l'idée  même  de  la  société? 
Quelle  compensation  pour  les  sacrifices  que 
la  société  exige?  quelle  consolation  dans  les 
maladies,  les  injustices»  les  souffrances  de 
tout  senre?  quelle  consolation  devant  la 
mort  ? 

D  ailleurs»  ce  banquet  de  l'avenir  auquel 
on  nous  convie  avec  tant  de  magnificence» 
ne  ressemble-t-il  |  as  un  peu  au  supplice  de 
Tantale?  Il  fuit  toujours  devant  nous;  que 
d'obstacles  entre  cet  avenir  et  nous  !  Cc[:en- 
dant  nos  souffrances  sont  réelles;  les  maux 
de  la  vie  pèsent  sur  nous  sans  consolation; 
la  fatalité  nous  brise.  Pourquoi  sommes- 
nous  déshérités  du  bonheur?  Pourquoi  nos 
p6res,  pourquoi  toutes  les  pénérations  hu- 
maines» qui  nous  ont  précédés  dans  la  vie 
et  dans  la  mort,  sont-elles  exclues  de  cet 
avenir,  de  cette  félicité  future?  Quelle  iné- 
galité dans  la  condition  humaine  ! 

Le  panthéisme,  dans  ses  théories  de  l'ave- 
nir comme  dans  toutes  les  autres»  se  montre 
donc  ennemi  de  la  nature  humaine. 

PHILOSOPHIE  et  CATHOLICISME  en  pré- 
sence de  la  question  du  mal.  Yoy.  Mal.  — 
Impuissance  de  sa  philosophie  à  résoudre  la 
question  du  mal.  Voy.  Mal.  —  Philosophie 
spiritualisle;  la  solution  de  la  question  de 
1  origine  du  mal.  Voy.  Chute»  §  II.  —  Philo- 
iophie  positive  de  MM.  Conite  et  Littré;  son 
affreux  matérialisme.  Voy,  Démon.  —  Philo- 
sophie grecque;  comparaison  avec  la  théo- 
logie de  Moïse.  Voy.  Pentateuque,  §  XI.  — 
Impuissance  radicale  de  la  philosophie  pour 
remplacer  le  christianisme  dans  la  société. 
Yoy.  Vlntrodticiion,  |  V  et  suiv.  —  La  phi- 
losophie a  produit»  suivant  M.Jouffroy»  tous 
les  maux  ae  la  société.  Yoy.  V Iniroduciiont 
SIX. 

PHUÉNOLOGIE  au  point  de  vue  théolo- 
gique. Voy.  VÈCBÈ  ORlGIflEL»  §  III. 

PHRENOLOGISME.  Voy.  Ame»  S  L 
PHYSIOLOGIE  INTELLECTUELf-E.  Yoy. 
AiiE.  —  Difficultés  et  systèmes  de  la  physio- 
logie sur  le  principe  vital.  Voy.  Ame,  §  Vit. 
—  Physiologie  des  races  humaines.  Voy, 
Races  uumaines,  S  YI. 
PHYSIOLOGISTES  (les  médecins)  et  les 

riossessions.  Voy.  note  X  YI  k  la  fin  du  voL— 
mpuissance  des  physiologistes  pour  expli- 
quer le  principe  pensant*  Voy.  Ame,  §  III. 
PHYSIONOMIE  des  religions.  Voy.  Stn- 

IfATÙRALlSME,  $  lY. 

PHYSIQUE  des  Hébreux.   Voy.  Déluge, 

M. 
PHYSIQUE  et  MORAL;  leurrapoori.  Voy. 

Ame,  s  IX. 
riËRKE  (l'apôtre  saint) 


|î. 


'Uf  nt  judaisasaanl? 

isalem»  dit  M.Qui- 
t  entre  deux  mon- 


ce 


PIE 


DICTIOXNAIIIE  APOUIGCTIQOC. 


riR 


GGl 


des,  le  monde  juif,  considéré  comme  ortho- 
doxe, et  tout  le  reste  de  Tunivers.  Quelle 
conduite  suivre  pour  les  réunir,?  C*est  la 
question  qui  est  encore  posée  aujourd'hui 
sous  des  noms  différents.  Les  uns  pensent, 
et  saint  Pierre  est  de  ce  côté,  qu'il  ne  peut 
y  aroir  de  communion  arec  les  nations 
étrangères,  si  elles  ne  rentrent  d'abord  dans 
la  loi  judaïque,  dans  les  rites  et  la  circon- 
cision d'Abraham:  c'était  obliger  le  monde 
entier  d'entrer  par  la  porte  étroite  de  la 
Judée;  c'était  nier  le  mouTcment  de  l'esprit 
dans  tout  l'univers,  hors  de  Jérusalem;  c'é* 
tait  contraindre  le  genre  humain  de  recom- 
mencer la  migration  des  Juifs;  c'était  écrire 
sur  le  sable  ou  désert  :  Hors  de  )à  point  de 
salut. 

«  Dans  cette  première  assemblée,  il  en  est 
d'autres,  et  saint  Paul  est  avec  eui,  qui  dé- 
clarent que  la  communion  se  fait  par  l'esprit 
nouveau  (677).» 

Saint  Pierre,  au  concile  de  Jérusalem, 
n'enseigne  pas  que  les  rites  judaïques  fiis^ 
sent  nécessaires  aux  chrétiens  ;  il  soutient 
le  contraire.  On  n'a  pour  le  prouver  qu'à 
ouvrir  les  actes  mêmes  de  cette  assemblée. 
Or,  nous  y  lisons  :  Pluiieurs  de  la  ucte  des 
pharisiens^  qui  avaient  embrassé  la  foi^  se 
levèrent^  disant  qu'il  fallait  circoncire  les 
gentils  et  leur  commander  de  garder  la  loi  de 
Moïse.  Lee  empêtres  donc  et  les  prêtres  s'as^ 
semblèrent  pour  cette  question^  f/,  après  un 
grand  àébmtf  Pierre  se  leva  et  leur  dit  :  Mes 
frêreSf  vous  savez  quil  y  a  longtemps  que 
Pieu  m*a  élu  parmi  vous^  afin  que  les  gentils 
entendissent  par  mu  bouche  la  parole  de  l'E- 
tangile  et  qu  ils  crussent...  Maintenant  donc^ 
pourquoi  tentez^ous  Dieu^  en  imposant  à  ses 
disciples  un  joug  que  nos  pires  ni  nous  n^a^ 
vons  pu  porter  (678)  ? 

Ainsi,  le  chef  des  apûtres  déclarait  in- 
lolérables  les  lois  mosaJ((]ues;  M.  Quinet 
les  lui  fait  déclarer  indispensables  :  Qui 
donc,  sur  la  doctrine  de  saint  Pierre,  croi- 
rions nous  mieux  que  saint  Pierre  lui- 
même? 

L'apôtre  n  avait  pas  attendu  cette  cin- 
quante unième  année,  pour  annoncer  que 
la  nouvelle  foi  était  libre  du  joug  de  la 
Synagogue.  Lorsque  Corneille,  eentenier 
de  la  lé),;ion  italique,  lui  demanda  le  bap- 
tême, Pierre  lui  répondit  .  «  Vous  savez 
combien  il  est  odieux  à  un  Juif  de  s'unir  à 
un  étranger,  et  d'entrer  chez  lui;  mais  Dieu 
m'a  appris  à  n'appeler  ancun  homme  pro- 
fane ou  impur...  En  vérité,  je  crois  que  Dieu 
ne  fait  point  acception  des  personnes,  mais 
qu'en  toute  nation,  celui  qui  le  craint  et 
pratique  la  justice,  lui  estagréable...  Comme 
Pierre  parlait  encore,  poursuit  le  texte  sa- 
cré, le  Saint-Esprit  descendit  sur  tous  ceux 
qui  écoutaient  la  parole...  Pierre  dit  :  Peut- 


on  refuser  Teao  du  baptême  è  ceux  qoi  om 
reçu  le  Saint-Esprit  comme  nous  (679)ii 

Saint  Pierre  croyait  donc  le  gentil  aussi 
bien  préparé  à  la  foi  nouvelle  par  saram 
et  sa  conscience,  que  le  Juif  par  ses  eipii- 
tions  léçales;  il  n'était  donc  pas,  au  milleo 
des  chrétiens,  le  défenseur  arriéré  da  no- 
saîsme  qui,  bien  loin  de  se  voir  coimû^/ 
comme  orthodoxe  par  les  apôtres^  était  pro- 
clamé déchu,  pour  céder  la  place  au  chris- 
tianisme prédit  par  les  prophètes. 

T  eutrfl  aoUgoDlsme  de  doctrines  eitie  sut  Piene 

et  salot  Paul  ? 

Dans  cette  première  assemblée  de  Jéru- 
salem^ dit  M.  Quinet,  il  en  est  d'autres, 
et  saint  Paul  est  avec  eux,  qui  déclireoi 
que  la  communion  se  lait  par  Tesprit  doo- 
veau,  non  plus  par  les  rites  de  Jacob  et  des 
patriarches  ;  que  dès  lors,  sans  [tasser  \m 
le  temple  de  Jérusalem,  les  nations  élrao- 
gères  peuvent  entrer  dans  la  vie  et  riinité. 
De  ces  deux  sentiments  qui  contenaienl 
toute  la  destinée  du  monde,  lequel  a  pré- 
valu dans  ce  premier  conclave?  Lecbristii- 
nisme,  plus  vaste,  plus  universel  de  sain 
PftuI,  remporta,  ce  jour  là,  sur  lecbrislia- 
nisme  et  la  liturgie  lapidaire  de  saint  Pierre. 
Il  est  décidé,  sous  rinspirationdelafenir. 
que  l'Eglise  de  Judée  n*entravera  pas  II- 
glise  universelle,  que  les  rites  du  puséne 
sont  qu'une  chose  secondaire,  fvf  M  f"^ 
mière  et  véritablement  Tuni^oei  est  la 
vie  de  l'esprit.  Ainsi  cette  première âWm 
de  l'Eglise  naissante  se  résout  par  U  li- 
berté (680).  » 

Nous  avons  déjà  vu  qu'au  concile  oe 
Jérusalem  il  ne  s'engagea  aucune  lutle  entre 
les  deux  apôtres,  puisque  saint  Pierre  |)en* 
sait  comme  saint  Paul,  sur  la  séparation  ^^ 
l'Eglise  et  de  la  Synagogue,  et  qu'il  avii(. 
le  premier,  amené  des  gentils  à  la  foi  nou- 
velle ,  sans  les  faire  passer  par  Fancm  if^ 

pli.  , 

Ce  sera  sans  doute  le  fait  suivant,  irn^t 
à  Antioche,  que  l'imagination  poétique  ^^ 
H.  Quinet  aura  grandi  jusqu'aux  |tro[inr 
tions  d'un  combat  entre  le  passé  et  1  avenir, 
la  servitude  et  la  liberté,  dans  la  lice  d'un 
concile. 
Pierre  et  Paul  se  trouvaient  k  Anlio^^i 

auanil  il  survint  des  envoyés  de  févé'P' 
e  Jérusalem.  Pierre,  qui  jusqu'alors  n'aTtU 
pas  craint  de  manger  avec  des  païens  con- 
vertis, s'éloigna  d  eux  alors  secrèlenien|.  * 
cause  des  circoncis.  Les  autres  Juifs  M^ 
rent  cette  dissimulation  ;  Paul  s'en  indii;») 
et  la  condamna  publiquement  (681). 

Puisque  la  précaution  de  saint  Pierre  pour 
empêcher  un  tumulte,  a  été  blâmée  j^ar 
saint  Paul»  je  n'entreprendrai  |ms  de  IV^ 


(677)  Le  dirkttamimê  et  la  Révolution  françmse. 
p.  67. 

(678)  Aet.  XV,  5  et  seq. 

(679)  AcUi  des  Apôtres,  x,  v.  Î8  et  suivants.  Je 
rroif ,  dit  saint  Pierre,  que  Dieu  ne  fuit  point  accep- 
tion des  personnei  ;  c  esl-k-di*  c  qu'il  appelle  à  1  Evan- 


gile aussi  bien  le  gentil  qtle  lé  Juif.  ,. 

(680)  Le  christianisme  et  la  Révot.  [ra*(.,  j^^ 
supra.  —  Les  mots  français  souligaés,  comme  a  <) 
première  ligne  de  cet  extrait,  se  trouvent  sjjfniti 
au  leite  pour  Texpliquer. 

(681j  ùaî.  H,  il,jau. 


663 


FIE 


1HCT10N?IAIIΠ APOLOGETIQUE. 


pœ 


6G6 


caser;  mais  il  o*esl  pas  moins  rrai  uue  le 
rhef  4^  apdtres  ii*a  jamais  prêché  la  né- 
cessité du  judaïsme  ;  if  n*est  pas  moins  vrai 
que  sa  dissimulation  ne  faisait  que  bien 
indirectement  supposer  cette  nécessité  Les 
rttojens  4*Antiocne  n'élaient-ils  pas  habitués 
i  Toir  Pierre  manger  avec  eux,  et  les  chré- 
tiens de  Jérusaleiti  ne  Tavaient-ils  pas  en- 
tendu plusieurs  fois  déclarer  que  les  étran- 
gers ne  deTaient  fioint  être  astreints  aux 
cérémonies  légales  (682)? 

Sa  condescendance  pour  la  paix  ne  sau- 
rait donc  être  changée  en  un  enseignement 
f^jsilif  :  «  QuMI  ne  peut  j  avoir  de  commu- 
nion avec  les  nations  étrançères,  si  elles  ne 
rentrent  d^abord  dans  les  rites  et  la  circou- 
CLMOD  d*Abrabam.  » 

Si  M.  Quinet*  ne  voulant  point  tenir 
compte  de  ces  explications,  accuse  saint 
Pierre  d'aroir  tenté,  par  cette  conduite, 
d>nchatner  au  judaïsme  le  nouvel  esprit 
«Lrétieo,  qu'il  ▼  prenne  garde,  son  bhlme 
reUiDbe  avec  plus  de  force  encore,  sur  saint 
Paul  rémancipateur. 

Voyez  comme  ce  dernier  (toussa  bien  plus 
luin  que  saint    Pierre   les   ménagements 
iHHirseï  anciens  coreligionnaires.  Craignant 
a  Jénisa\eak  la  multitude  qui  Paccusait  de 
«iég^ger  les  Jaifs  des  prescriptions  mosaï- 
ques, i]£^it  de  faire  un  vœu,  s  adjoignit 
«/'ij(re  Israélites  ayant  aussi  des  vœux  à 
êtxomplir^  et  se  chargea  des  frais  communs 
<i6  le  cérémonie  (683).  Chose  plus  grave 
roeore:  étant  h  Ljstre,  Paul  s'attacha  Ti- 
iiiothée,  fils  d*un  païen,  et,  à  cause  des  Juifs, 
iî  le  lit  circoncire  {GSh).  Il  imposa  le  sceau 
o'iliraham  sur  la  chair  de  son  disciple.  Dans 
M  défense  devant  Félix,  il  .s'appuja  sur  ce 
■o'jI  était  venu  à  Jérusalem  pwr  adortr^  ei 
pt'on  ratait  trouvé  se  purifiant  dans  te  tem^ 
^.G85}.  Au  tribunal  de  Festus,  il  insiste 
>ar  ce  qu*il  n*a  prêché  ni  contre  la  loi  des 
laifs,  ni  contre  le  temple  (686).  Captif  à 
^Ofoe,  il  réunit  les  Juifs,  et  les  premières 
•croies  qu*il  leur  adresse,  c*est  qu*il  n'a  rien 
ait  conire  les  coutumes  paternelles  (687). 
E>t-il  donc  vrai  que  cet  apôtre  ait  plus 
'empiétement  rompu  que  saint  Pierre  avec 
I  Synag^^ue,  et  qu'il  ait  osé  rendre  TEglise 
ibré,  tandis  que  le  chefofliciel  des  cliré- 
ens  aurait  lente  de  river  Ta  venir  au  passé? 
reconnaissons  que  tous  les  deux,  l<»rsqu'ils 
uîent  assaillis  de  difficultés  sctnblables, 
fniaient  de  même  aux  circonstances,  et  res- 
eciaient  également  des  préjugés  que  le 
iruips  seul  fiouvait  détruire. 


(S 


qoe  le  cbrisUanisaie  indépendant  attribué 
\  salai  Paol  T 


«  Voulez- VOUS  savoir  comment  la  liberté 

«"^i)  A€t^  Y,  47;  SI,  4  et  laiv.;  xv,  10. 
•iPC)  JUt,  m,  24  ei  suiv. 
«atl;  Act.  XVI,  3. 
**^n  Act.  SUT,  H,  etc. 
-Mi6^  AU.  xsv,  5. 
VST)  A£t.  s  mu,  17..  * 

618)  Le  cknstiwÊismt  etla  Rétoi.  franc,  uhi  sa- 
ra. 


et  Tautorité  se  'concilient,  dit  M.  Quinet^ 
suivez  un  moment  saint  Paul.  II  se  sent  em- 
prisonné dans  Tancienne  Judée;  Tonibre  du 
vieux  temple  pèse  sur  lui  ;  il  ne  respire  à 
l'aise  qu'au  milieu  des  peuples  étrangers, 
lorsque  sur  les  deux  rivages  de  TAsie  et  de 
TEurope,  il  embrasse  le  genre  humain.  Il 
emporte  avec  lui  les  paroles  du  Maître; 
mais  quelle  indépendance,  quelle  audace 
d'interprétation  1  Vous  voirez  heure  }iar 
heure  l'Eglise  nouvelle  se  lever,  s*épanouir, 
grandir  dans  cette  âme.  Où  s  arrétera4-elle 
au  milieu  de  cet  infini?  Il  a  une  sorte  de 
jalousie  sublime;  le  voisinage  des  autres 
apôtres  l'embarrasse;  il  lui  faut,  comme  à 
un  aigle,  un  horizon  qui  soit  tout  &  lui; 
dans  son  mépris  du  passé,  il  veut  des  Ames 
neuves,  des  villes  neuves,  où  la  parole  n'ait 
pas  encore  germé.  Cette  indépendance,  cette 
spontanéité,  il  la  communique  à  ses  Égli- 
ses (688)  » 

Cela  signifie  que  l'Apôtre  des  nations 
façonna  l'Evangile  &  son  gré,  et  qu^atin  d'ê- 
tre plus  libre  dans  ce  travail,  il  s'éloigna 
soit  de  la  Judée,  soit  des  autres  apôtres  : 
trois  choses  contraires  à  l'histoire  et  aux 
paroles  mêmes  de  saint  Paul. 

Cet  ennemi  des  chrétiens,  ayant  à  sou 
tour  reçu  le  baptême,  demeura  quelque 
temps  avec  les  disciples  à  Damas,  où  il 
annonça  le  Christ  dans  les  synagogues  (689), 
puis  il  partit  |K)ur  Jérusalem,  y  vit  Jac<j*jes, 
evêquc  de  la  ville,  demeura  quinze  jours 
avec  Pierre  (690),  et  vécut  dans  la  société 
dos  disciples,  prêchant  sans  crainte  la  reli- 
gion qu'il  avait  persécutée.  On  voulut  le 
tuer,  et  il  se  retira  dans  sa  patrie.  Barnabe, 
au  nom  de  l'Eglise  d'Antioche,  le  vint  pres- 
ser de  se  rendre  dans  celte  ville,  et  nous 
Fy  voyons,  instruisant  la  multitude  pendant 
toute  une  année  (691).  11  y  reçut  l'imfKisition 
des  mains  et  l'oinlre  d'aller  remfilir  sa  mis- 
sion spéciale  au  milieu  des  païens.  Il  par- 
courut donc,  avec  Barnabe,  l'Asie  mineure 
et  l'Archipel,  puis  revint  dire  anx  6dèles 
d'Antioche  quelles  merveilles  Dieu  avait 
opérées  par  sou  ministère.  Il  séjourna  long- 
temps parmi  eux  (692).  Des  Juifs  layant 
repris  de  ce  qu'il  affranchissait  des  obser- 
vations anciennes  les  néonbytes  sortis  du 
paganisme,  il  se  rendit  a  Jérusalem,  et 
consulta  les  apôtres  (693).  Son  but  n'était 
pas  seulement  de  demander  leur  avis  sur 
ce  |K)int,  mais  encore  de  leur  faire  connattre 
TEvan^le  qu'il  prêchait,  |)Our  ne  pas  s'ex- 
poser à  travailler  en  vain.  On  l'approu- 
va (69i),  et  même  saint  Pierre,  dans  ïune 
de  SCS  ÈpUreSf  rendit  témoignage  h  la  sa* 

Pesse  i\es    écrits    de   son   très-cher  frère 
aul  (695).  Nouveau  séiour  de  cet  apôtre  à 
Antioche,  puis  nouvelle  course  en  Grèce, 

r689;  Aci.  ix,  19,  etc. 

(690)  GaL  i,  18. 

(691)  Act.  XI.  t25,  etc. 
(6St2)  AcL  xni  et  xiv. 
(693i  Act.  IV. 

(694)  iial.  n,  I,  7,  etc.  iurum  ascendi  lercscty^ 
mam^  etc. 

695)  //  Petr.  nt,  15  et  16. 


K7 


ne 


DICTIONNAIRE  APOLOGETiQUR. 


afec  Silas.  Parloof,  5nr  son  passage,  il  en- 
seignait les  dogmes  décrélés  à  Jérusalem 
(696\  et  quand  t)  écrivit  aux  Gaiatos,  il 
leur  rappela  son  union  afec  les  colonnes  de 
TEglise  (697).  Surnatiirellenient  averti  à 
Mitet  que  la  fin  de  ses  travaux  approchait* 
il  accourut  célébrer,  dans  la  capitale  de  la 
Judée,  la  fête  de  la  Pentecôte.  Les  frères 
laccueiliirent  avec  toie^  et  se  réunirent  pour 
écouter  le  ré<it  de  se5  conquêtes  sur  la 
gontiliié  (698}.  Devenu  prisonnier  de  Festus, 
et  en  ayant  ap|>elé  à  César,  il  fut  conduit  à 
Kome.  Il  V  avait  lon[;t(Miips  qu*il  souhaitait 
voir  ces  chrétiens,  dont  la  fui  était  célèbre 
dans  tout  J*univers,  et,  qnoiqu*il  ne  les  eut 
pas  enfantés  au  christianisme,  il  leur  avait 
adressé  une  do  ses  principales  Epftres.  Les 
aumônes  que,  dans  ses  missions,  saint  Paul 
recueillait  nour  Jérusalem  (699),  témoignent 
encore  de  la  fraternité  qu'il  conserva  avec 
ce  centre  de  TEgiise,  pendant  les  premières 
années  du  christianisme. 

Cet  abrégé  de  la  vie  apostolique  de  saint 
Paul  réfute  M.  Quinet.  Pour  les  sujets  de 
sa  prédication  comme  pour  le  choix  des 
lieux  où  il  exerça  son  zèle,  Paul  fut  tou- 
jours d'accord  avec  ses  frères.  Que  s'il  ne 
resta  pas  à  l'ombro  du  vieux  temple,  il  j 
vint  toutefois  s'assurer  qu'il  ne  prêchait 
pas  en  vain.  Et,  d'ailleurs,  leauel  donc 
des  autres  envoyés  y  demeura,  nors  saint 
Jacques,  évêque  de  la  cité  sainte?  Saint 
Jean  n'alla-t-il  pas  à  Ephè'çe,  saint  Thomas 
dans  les  Indes,  saint  Pierre  è  Rome? 

Sjiint  Paul  dit  dans  son  FpUre  aux  Bo- 
iitatW,  qu'il  n'a  pas  évan^élisé  les  peuples 
<diez  lesquels  d  autres  ministres  de  la  sainte 
parole  avaient  passé  avant  lui  (700).  Dois-je 
en  conclure  avec  U.  Quinet,  que  cet  aigle 
•cherchait  un  horizon  qui  fût  tout  à  lui,  et 
dans  lequel  il  pût  exercer  ses  aidons  i  un 
vol  non  moins  audacieux  que  le  sien?  Cette 
conclusion  est  chimérique,  puisque  saint 
Paul  a  soin  d'avertir  que  s'il  ne  s'arrêtait 
\m  cliez  les  nations  déjà  instruites  de  l'E- 
vangile, c'était  afin  que  les  ouvriers  du  père 
de  famille  ne  consumassent  pas  leurs  forces 
sur  les  mêmes  sillons  (701).  Il  ne  laissa 
pas  cependant  de  prêcher  de  vive  voix,  ou 
par  écrit  aux  habitants  de  Damas,  de  Jéru- 
salem, d'Antioche,  de  Rome,  convertis  par 
d'aujres  misMonnaires. 

D'où  il  suit  que  saint  Paul  ne  se  montra 
pas  plus  embarrassé  du  voisinage  des  autres 
apôtres,  qu'indépendant  lorsqu'il  inler|»ré- 
tait  la  doctrine  du  Maître.  Son  rog.ird,  je  Ta- 
TOue,  a  plongé  plus  profondément  dans  les 
ténèbrejs  saen^s  de  nos  mystères;  mais  ef- 
frayé lui-même  de  ses  révélations  comme 
d'une  témérité,  il  eut  soin  de  les  faire  sanc- 
tionner par  ses  coopéraieurs. 

Saint  Pierre  ne  prêcha  pas  un  christia- 
nisme tout  judaïf^ue,  ni  saint  Paul  un  chris- 
tianisme modifié  à  .sa  fantaisie,  et  si,  à 

(69r>)  Aet.  XVI,  i. 

<«U7)  CiiL  II.  9. 

(61)8)  Ail.  XX  et  XXI. 

(OOÎI)  /low.  XV,  25  ;  /  Cor.  xvi,  I  ;  ix,  t  ;  //  Cor. 


Antioche,  il  crut  devoir  reprendre  saiot- 
Pierre  d*un  déguisement,  il  se  vit  bien  sou- 
vent, plus  tard,  forcé  de  recourir  lui-même 
à  de  semblables  expédients.  H  n  a  doDe  ao- 
can  titre  à  devenir  le  patron  spécial  des 
sectateurs  du  progrès  religieux. 

PIERRES  MONOHENTALES.  -Nousli- 
sons  an  chapitre  ir,  ib-^  du  livre  de  Jom, 
que  ce  grand  capitaine  ordonna  à  douze 
hommes  choisis  des  donze  tribus  de  preiulre 
au  milieu  du  Jourdain  chacun  nue  pierre 
sur  ses  épaules,  pour  rappeler  aux  enfanls 
disraêl  le  passage  miraculeux  deoeflenvi. 
Ou  lit  encore  au  verset  du  même  chapitre, 
que  Josué  fit  placer  douze  autres  pierres  m 
milieu  du  Jourdain,  Or,  objecte-t-on,  ce  ré- 
cit est  évidemment  faux  dans  toutes  se$pl^ 
lies.  Et  d'abord,  comment  aurait-oo  jm 
trouver  d^ns  le  lit  du  Jourdain  douie  ^m- 
ses  pierres,  puisque ,  selon  le  ténioigDi:e 
des  voyageurs,  ce  fleuve  ne  contient  queifo 
Sdble  et  des  cailloux?  En  second  lieu,  » 
que  Ton  nous  raconte  des  douze  mm 
pierres  placées  dans  le  Jourdain  ni  \k 

Clus  du  fondement.  Car  quel  aurait  été  i( 
ut  do  Josué  en  cela  ?  Ce  ne  pouTsil  é!r« 
que  d*élever  un  second  monument  (tour  |«r* 
pétuer  le  souvenir  du  passage  de  ce  fliurr. 
Or,  un  tel  monument  ne  pouvait  alteintire 
son  but;  car,  quelle  que  soit  la  grosseur 
présumée  de  ces  douzes  pierres,  onoesno- 
rait  admettre  qu'elles  aient  pu  siir|»5$er/i 
surface  des  eaux  ou  résister  lon^p^àlâ 
raoidité  des  courants. 

Nous  sommes  loin  de  croire,  roiMBcnns 
adversaires,  que  tout  est  faux danuerêrU; 
nous  pensons,  au  contraire,  qu'on  oès&M' 
rait  en  attaquer  solidement  la  véracité.  Et 
d*abord ,  qui  pourrait  prouver  que  te  cou* 
raiit  du  Jourdain,  qui' est  très-rapide  et  tim 
se  trouvait  alors  au  moment  de  sesdM^ 
ments,  n*ait  pu  rouler  dans  son  lit  <)^ 
pierres  d'une  certaine  grosseur,  qui  \^' 
vaient  se  trouver  sur  ses  bordsT  N'en  Irou^'^ 
t-on  pas  fréquemment  dans  les  lits  des  rv- 
vières?  B'ailleurs,  le  fond  sablonneui  ^ 
rivières  re|K>sant  ordinairement  sur  dr» 
pierres,  il  était  facile  d'en  décooTrir«î 
creusant  dans  le  sable.  Or,  il  n'y  adansiw' 
cela  rien  qui  puisse,  en  l)onue  irlifl»'' 
autoriser  h  donner  un  démenti  à  Téen'*" 
sacré,  auteur  de  ce  récit. 

Quant  aux  douze  pierres  dont  il  e5t|>«^'^ 
au  verset  9,  beaucoup  d'interprètes  souiw»- 
nent  que  ce  sont  les  mémos  que  les  d"«^^ 
enfanU  d'Israël  ont  dû  prendre  dons  le  Jour- 
dain {vQrs.  S),  et  qui  étaient  destinées  jelf 
ver  du  monument  dans  le  camp  des  Israé- 
lites ;  les  raisons  sur  lesquelles  ils  se  fonw 
sont  surtout  les  suivantes.  Outre  que  '^ 
version  arabe  a  omis  le  versot9Jesjniq«' 
le  traduit  ainsi  :  Et  ils  dreêfèrent  Usàcuit 
pierres  quils  avaient  prises  au  W"'''' ?* 
Jourdain  sous  les  pieds  des  préirth  c^c  î^^" 

IX,  1  ;  GaL  il,  10. 

(700)  nom,  XV,  20. 

(701)  nom.  XV,  S(»  et  21. 


PIE 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PIE 


670 


rondement  rhistoricn  Josèphe  ne  parle  qae 
duo  seul  monuiuenf.  Troi.sièoieinent«  on  ne 
rotlnotle  part  qne  Josué  ait  reçu  Tordre  d'en 
élenr  pinsieurs. 

.Airant  de  répondre,  détruisons  ces  diflli- 

roilés  de  critique.  La  leçon  de  la  version 

arabe,  qui  a  omis  non-seulement  le  yersel  0, 

mis  encore  une  jgrande  partie  du  huitième 

ioU,  selon  les  lois  de  h  critique*  être  con- 

»iJérée  comme  fautive,  puisqu'elle  est  la 

u»ule  qui  ait  fait  cette  omission,  et  que  tous 

\t*^  autres  monuments  du  texte  sacré  n*ont 

pD  cet  endroit  aucune  lacune.  Quant  à  la 

•orsion  syriaque,  il  est  évident  qu'elle  a 

nut  à  lait  mal  rendu  Thébreu,  la  seule  com- 

«raison  des  deux  textes  suffit  pour  s*en 

«Kf aincre.  Le  silence  de  Josèpne  sur  un 

"^nd  monument  n'est  qu'un  argument  né- 

';  d'ailleurs  cet  historien  a  tellement 

uré  le  récit  de  Fauteur  $acré,  que  son 

oigaage  ne  mérite  aucune  considération. 

D,  quand  bien  même  Josué  aurait  reçu 

Ire  exprès  d'élever  un  seul  monument, 

tomifrait-ii  iro'il  n'a  pas  pu  en   ériger 

Intres?  Quoi!  il  n*auraitpas  pu  être  ins- 

^ipar  les  circonstances,  pour  laisser  un 

ftwtBir  du  prodige  que  Dieu  venait  de 

IhicQ faveur  du  peuple  hébreu  dans  le 

«latee  où  le  miracle  avait  été  opéré? 

Vais 0OUS  avons  dès  preuves  sans  répli- 
jp  yrïl  s'agit  au  verset  9,  et  d'autres 
jfcrrw  et  d'un  autre  monuments  D*abord, 
«(^pierres  étaient  les  mêmes  que  celles 
h  rerset  8,  l'auteur  aurait  déterminé  le 
m  hébreu  abanim  en  le  faisant  |)réoéder 
1 1  article  ;  car  c'est  une  loi  de  la  langue 
crée  que  les  écrivains  de  l'Ancien  Testa- 
tnt  observent  avec  la  plus  scrupuleuse 
éliié.  Au  reste,  l'auteur  lui-même  nous 
fournit  une  preuve  irrécusable;  car 
latà  reTenir,  au  verset  âO,  sur  les  douze 
^filières  pierres  dont  il  avait  en  effet  déjà. 
AJeroenI  parlé,  il  ne  manque  pas  d'em- 
grer  Tarticle  délerminatif^;  il  y  joint 
■le  on  pronom  démonstratif  pour  don- 
*  ]Aus  oe  précision  à  son  discours  ;  car 
n  ces  propres  paroles  :  <«  Et  des  douze 
rres,  de  celles-là  même  qu  ils  avaient 
tiKs  du  Jourdain,  Josué  éleva  un  monu- 
tt  à  Galgala.  »  Ce  qui  contraste  d*une 
ÎÂère  frappante  avec  la  rédaction  du 
9,  où  on  ne  trouve  absolument  aucun 
qui  rappelle  les  premières.  Qne  ces  . 
»  remarque  judicieusement  Rosen- 
(702),  soient  autres  quecellesdont  ii 
'jestioii  dans  le  verset  précédent  (  ver- 
i'.  c'est  ce  qui  ressort  clairement  du  su- 

Eême du  discours;  car  il  serait  atisurde 
Imposer  que  les  Israélites  auraientporté 
kord  les  douze  pierres  à  Galgala,  ou  ils 
aient  camper  (c'est-à-dire  à  trois  lieues, 
iron  du  Jourdain),  et  qu'ils  les  auraient 
vrtées  ensuite  dans  le  lit  de  ce  fleuve, 
ff  V  éfi^T  on  monument.  C'est  ce  qu'ont 
lafreinenl  eompris  et  fauteur  de  la  ver- 
^  grecque  d'Alexandrie  et  la  Vulgate  la- 
ifui  ont  traduit  :  Jo$ué  nrit  awui  douze 

^i.  Ro5iJ«a*ïï^»  S'hiUa  in  Jos.f  p.  57,  5§. 


auire» pierres,  etc.  Ainsi,  deux  monuments 
ont  été  élevés,  l'un  dans  le  Jourdain,  l'au- 
tre à  Galgala.  Osl  encore  ce  qu'a  très-bien 
établi  Van  Uerwenien  dans  sa  dissertation 
sur  le  livre  de  Josué.  {Disputât,  de  UbroJa- 
fii^  page  20.) 

AcesréflexionsdoRosenmûllcr,  nous  ajou- 
terons un  argument  sans  répli(|ue  pour  tout 
hébraisanfl  qui  connaît  suffisamment  la  ma- 
nière do  narrer  des  historiens  de  l'Ancien  Tes- 
tament. Au  lieu  du  futur  conversif,  que  l'au- 
teur emploie  dans  tout  ce  qui  se  rapporte  au 
récit  de  son  sujet  principal,  c'est-a-dire  au 
monument  que  Josué  devait,  d'après  Tordre 
de  Dieu  même,  éricer  à  Galgala,  il  fait  usage 
au  verset  9,  du  prétérit,  lequel,  sert  à  déta- 
cher un  fait  particulier  de  la  narration  qui 
ocf^upe  principalement  l'historien,  et  devient 
un  véritable  plus-que-parfait.  Or,  cette  con- 
sidération suffit  seule  pour  étdblir  solide- 
ment notre  thèse.  On  conçoit  aisément,  en 
effet,  que  Josué  voulant,  avant  de  s'éloignor 
du  Jourdain, 'laisser  un  souvenir  du  pro- 
dige que  Dieu  venait  d'y  opérer,  ail  dû 
avant  touly  ériger  un  monument  analogue 
à  celui  qu'il  devait  élever  quelques  instants 
plus  tard  à  Galgala.  Voilà  donc  pourquoi  il 
fit  ramasserdouze  autres  pierres,  qu'il  posa 
à  l'endroit  même  où  les  pieds  Aes  prêtres 
s'étaient  arrêtés,  et  où  les  eaux  du  fleuve 
avaient  commencé  à  se  sécher,  parce  que 
cet  endroit  était  plus  particulièrement  le 
théâtre  du  miracle.  Mais  passons  à  une  ob- 
jection de  toute  autre  nature;  voyons  si  ce 
monument  ne  pouvait  pas  atteindre  le  but 
que  Josué  s'était  proposé  en  l'érigeant,  cl  si 
parla  même  le  récit  de  ce  passage  ne  mérite 
aucune  confiance. 

Il  faut  remarquer  avant  tout  que  Josh«» 
érigea  ce  monument,  non  pas  au  milieu  du 
lit  du  fleuve,  mais  sur  une  de  ses  extrémi- 
tés, là  précisément  où  Tarche  s'était  arrêtée. 
Or,  d'après  le  texte  même,  ce  serait  sur  un 
des  bords  du  fleuve  ;  car  on  lit  au  chap.  III, 
vers.  8  :  Tu  donneras  cet  ordre  aux  prêtres 
qui  portent  Varche  f  alliance  (c'est  Dieu  qui 
parle  à  Josué)  :  Lorsque  vous  serez  renus 
jus^u*au  bord  (oiiD  qetsé)  des  eaux  du  Jour- 
<fain,  mais  en  aedans  du  Jourdain^  vous  vous 
arrêterez.  C'est  comme  si  Josué  eût  dit  aux 
prêtres  :  ^  Sans  attendre  qne  vous  so};ez  en- 
trés dans  le  lit  ordinaire  dn  Jourdain,  dès 
que  vos  pieds  seront  mouillés  de  ses  eaux , 
arrêtez-vous,  demeurez-là,  jusqu'à  ce  que 
vous  receviez  un  nouvel  ordre.  »  Celle  ex- 
plication que  nous  donnons  ici  se  tiouvc 
confirmée  par  le  texte  sacré  lui-même ,  qui 
porte  un  peu  plus  bas  (vers.  15);  Lorsque 
les  porteurs  de  Tarche  furent  arrivés  ou 
Jourdain^  et  que  les  pieds  des  prêtres  qui  la 
portaient  furent  mouillés  au  bord  de  l'eau 
(bigtsé  bavmagih) les  prêtres  oui  por- 
taient tarche  d*alliance  de  Jehovah  s'arrê- 
tèrent, (vers.  17.)  A  la  vérité,  le  texte  HÎ 
ici  :  betkoch  hayyarden  liltéralemcnl  au  mi- 
/leu  cfii  Jourdain;  mats  outi'e  que  le  terme 
hébreu  rendu  ici  par  milieu  signifie  très- 


G7t 


PIE 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


(11 


t 


souYonl  un  point  quclconçiucde  rintérîeur, 
et  que  joint  à  la  préposition  bb»  il  donne  à 
cette  particule  la  signitication  rigoureuse 
dedans^  dedans^  dam  V intérieur  même,  .si- 
gnification qu'elle  perd  quelquefois  nour  ex- 
primer le  simple  rapprochement^  la  juxta 
position:  il  est  cerlain  qu'il  ne  peut  expri- 
mer ici  fau  verset  il)  que  Tidée  d'intérieur 
puisqu'il  remplace  simplement  la  particule 
BE,  danst  qui  se  lit  dans  les  phrases  paral- 
lèles (vers.  Set  13)  et  que  la  signification  de 
milieu  se  trouverait  en  opposition  avec 
inATSE,  extrémité^  bord,  qui,  comme  nous 
venons  de  le  voir,  est  employé  en  deux  en- 
droits dilTérenls  par  Thistonen,  pour  mar- 
quer exactement  la  place  où  les  piètres  por- 
teurs de  l'arche  s  arrêtèrent^ 

Ainsi,  ce  n*est  pas  au  milieu,  mais  c'est 
sur  le  bord  du  Jourdain  que  Josué  a  dû 
élever  son  monument;  et  comme  le  passage 
de  ce  fleuve  s'ctrectua  à  Tépoque  de  ses  dé- 
bordements (m,  15),  la  place  où  s'arrêta 
l'arche,  et  |iar  conséquent  où  le  monument 
fut  érigé,  n'étant  couverte  par  les  eaux  que 
dans  le  moment  des  débordements,  le  mon- 
ceau de  pierres  pouvait  se  voir  pendant 
presque  toute  Tannée  et  résister  longtemps 
à  Taction  des  eaux,  qui  devait  être  très- 
faible  en  cet  endroit. 

Mais,  dans  le  cas  même  où  Josué  aurait 
placé  ses  douze  pierres  au  milieu  du  lit  du 
neuve,  on  ne  serait  nullement  fondé  à  pré- 
tendre qu'il  aurait  manqué  son  but.  Il  n'est 
pas  dit,  en  eiFet,  qu'il  ait  voulu  ériger  un 
monument  durable,  et  qui  laissât  des  traces 
visibles  comme  celui  de  Galgala.  Plusieurs 
autres  motifs  ont  pu  ranimer:  un  mouve- 
ment d'enthousiasme,  joint  à  un  sentiment 
de  reconnaissance  envers  le  Dieu  d'Israël, 
a  dû  tout  naturellement  lui  inspirer  l'idée 
de  marquer  par  un  signe  quelcon(|ue  l'en- 
droit signalé  par  un  si  grand  prodige.  D'un 
autre  coté,  la  vue  de  ce  spectacle  était  très- 
propre  à  frapper  les  Israélites  et  à  impri- 
mer bien  avant  dans  leur  esprit  le  souvenir 
de  ce  passage  miraculeux  du  Jourdain, 
d'autant  ni  us  qu'il  est  fort  vraisemblable 
que  Josué  leur  adressa  un  discours  analogue 
aux  circonstances.  Sans  aucun  doute  ce 
monument  a  dû  faire  sur  eux  une  impres- 
sion plus  vive  que  celui  de  Galgala.  Gomme 
ils  se  seront  plu  à  raconter  à  leurs  descen- 
dants tous  les  détails  de  cet  événement  I  Avec 
quelle  émotion  ils  se  seront  représentés  à 
leurs  yeux  occupés  aufonddufleuveàérige> 
un  monument  de  pierres  sursonlildesséchél 

Pourquoi,  enfin,  Josué  n'aurait-il  pu  faire 
ce  que  pratiquent  tous  les  jours  nos  sol- 
dats? Sans  attendre  que  la  nation  élève  un 
trophée  à  leurs  armes  victorieuses,  ils  veu- 
lent laisser  sur  le  théâtre  même  do  leur 
triomphe  quelque  marque  particulière  de 
leur  victoire,  sans  s'inquiéter  si  elle  subsis- 
tera longtemps,  et  souvent  môme  avec  la 
certitude  que  l'ennemi  la  fera  bien tftt  dispa- 
raître. Mais,  n'rmporle,  il  ont  obéi  à  un 
mouvement  spontané  que  le  bonheur  et 
\  ivresse  du  succès  ont  fait  naître  en  eux. 

PIGMENT,  existc-t-il   chez  les  blancs? 


Yoy.  Races  humaiiiks,  I III.  —  Recherches 
anatomiques.]Foy.  note  xVllI  k  la  fiR*du  toI. 

PLAN,  y  a-t-il  unité  de  plan  dans  le  rèpe 
animai.  Yoy.  Homme.  —  Variété  de  plaas. 
Yoy,  ibid, 

PLATON,  la  Trinité  chrétienne  vienklle 
de  [ce  philosophe  grec|?  Yoy.  TawiTÉ,  JIV. 
—  examen  des  divers  passa^^es  de  ses^tiu 
relatifs  à  la  Trinité,  etc.  Yoy.  nota  XXII 

Îi  IV  et  suiv.— Peinture  du  juste  par  ce  |ihi* 
osophe.  Yoy.  Mttbismb,  §  X. 

PLATONICIENS,   le  dogme  de  la  Trinil^ 
leur  a-t-il  été  empruntéîFoy.  TBisrrfc,5V. 
platoniciens  nouveaux ,  leurs  ima;;inatinti< 
au  sujet  de  la  Trinité.  Voy.  note  XXil,  |\). 

PLINE  LE  JEUNE,  ce  qu'il  dil  des  chré 
tiens.  Yoy.  Mtthisme,  |1. 

PLOTIN,  son  opinion  sur  rorigiocde  li 
Trinité;  réfutation,  Yoy.  Trinité  {Vel 
note  XXII,  §  IIL  —  Son  nanttiéisme  idfi- 
liste.  Yoy.  Panthéisme,  §  1. 

PLU1|C  est-elle  l'unique  cause  du  déiQ;;e* 
Yoy.  DÉLUGE,  1 1  et  II. 

PLUT  ARQUE,  cité  sur  les  démons  ei^or 
leur  influence.  Yoy.  Posskssio:«  Jll. -i 
quoi  il  attribue  la  cessation  des  oracles.  % 

DÉMON,  §  IV. 

POLYTHÉISME,  chaos  qu'il  nrésHnic  su 
point  de  vue  de  l'histoire  de  Vhuinaiiitr 
Yoy.  Pentateuque,  §III. 

POPULACE,  dans  les  commenctetaml^Bj 
a-t-il  eu  qu'elle  qui  ait  cru  aux  mnclfsdi 
Jésus-Christ  ?  Yoy.  note  VI  ft  la  fiodo  ni 

POPULATION  du  globe  avant  k  dilu^^ 
Yoy.  DÉLUGE. 

PORC-ÉPIC  (rHOMME).  Yoy.  noie  \Mtt 

PORPHYRE,  cité  sur  la  cause  de  lacessi 
tion  des  oracles.  Yoy.  Démon,  { IV. 

PORTRAIT  de  Jésus-Chust.  Foyièscs 
Christ.  —  Portrait  du  prêtre  ralholiqui 
par  Aimé-Martin.  Yoy.  Prétbb. 

POSSESSION.  —  C'est  Télat  d'une  per- 
sonne dont  le  démon  $*est  rendu  maître.^ 
distingue  la  possession  de  Vobsesêionii'^f^ 
prem  i  ère»  I  e  démon  agi  t  au  dedans  de  rtioofl^ 
dont  il  s*<^st  emparé;  i^at  la  secoode* ii ij» 
seulement  au  aehors.  Le  possédé  s^w 
démoniaque  ou  bien  énerguminCf  d*ufl  t»*^ 
grec  qui  signifie  agité  au  dedans. 

Les  faits  de  possession  parltdt^,^ 
leurs  ditrérents  genres,  ont-ils  existét&j'^^ 
ont  existé,  d*où  vient  qulls  n*existeo(p 
La  guérison  d'un  aveugle-né,  larésontt- 
tion  d*un  mort  sont  de  grands  miracles,  iii^| 
au  moins  n'a*t-on  h  croire  que  le  œir*'* 
en  lui-même  ;  son  sujet  existe  et  mJ^'!^ 
dans  la  nature  :  un  aveugle,  un  mort.  M»^ 
dans  les  miracles  qui  ont  pour  objet  la  !^|' 
rison  des  possédés,  tout  est  en  dehors  a<^^^ 
nature  actuelle,  et  la  guérison ,  ei  stïm^ 
au  préalahic,  la  possession.  On  confoil  (p^ 
le  mJracle  ait  cessé,  mais  T^tat  de ik^'^'^^ 
devrait  se  reproduire.  Que  s1l  n'eiiste  j<j 
c'est  qu'il   n'a  j^s  existé,  c'est  qu'"^'*; 
illusoire;  et  alors  le  miracle  de  sa  guén^^'" 
s'évanouit,  tous  les  autres  miracles  refKî<*j^ 
sur  la  même  autorité  sont  comprorDi^i^v 
doute    le  plus  légitime    envaliit  (unt« 
croyance. 


\i 


;s 


POS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


674 


Cesi  à  cela  qu'il  faut  repondre. 
Véini  de  possession»  dont  il  est  tant  parlé 
ms  l'Evangile  et  dans  Thistoire  des  temps 
^tolJques,  est  considéré  comme  un  état 
iturel  par  sa  fréquence,  ou  surnaturel  par 
s  caraclères. 

Si  on  le  considère  comme  un  état  iiatu- 
I,  OQ  oe  saurait  en  conclure  qu'il  n*a  ja- 
ùseiisiéf  de  ce  qu'il  n'existe  'plus,  pas 
os  qu  on  ne  fiourrait  dire  que  la  lèpre  n'a 
Dais  eiisté  pîarce  qu*il  n'y  a  plus  aujour- 
m  de  lépreux. 

i^i  on  le  coQdidère  comme  un  état  surna- 
rel  répété  (et  c'est  1^  en  effet,  selon  nous, 
D  rrai  caractère)*  il  échappe»  par  son  or- 
e,  \  loule  règle  et  à  toute  analogie  natu- 
lie  (J'exi>tence  et  de  durée,  et  on  ne  peut 
>n  conclure  de  sa  diminution  ni  de  sa  ces- 

De  cela  seul  qu'il  n'existe  plus  on  ne  peut 
Di-  cuoclure  qu'il  n'a  pas  dxisté;  on  ne 
ui  même  tirer  aucune  induction  qui  en 
vblisse  la  croyance  (703). 
UQ(roa?e  oiéine^  dans  son  caractère  sur- 
'M une  raison  d'analogie  avec  les  mi- 
.ie$  qui  lui  rend  applicables  toutes  les 
')«'Q$  qae  nous  ayons  données  de  la 
.*umdon  de  ces    derniers.  —  Voy.  Mi- 

CtisoQrtes  réflexions  pourraient  suffire  ; 
tti^  im  allons  donner  une  plus  ample 
it^iinn h  ceunqai  aaifeclcraient  encore 
*iiJilIiculté,  en  traitant  successivement 
ijcmiiude  de  l'état  de  possession  et  de 
Hkàim  de  ce  phénomène. 

§1. 

l^Mf  d  1  (ait  de  possession  par  le  démon. —  Preuves 
•^(Je  i'LTaogi.e,  d«s  Actes  des  apôtres,  des  Pères 
•*^>Ke  prUniUve,  Ju  silence  on  de  l'aveu  des 
ris. 

1  fait  indubitable  ressort  de  la  lecture 
évangile,  des  Actes  des  apôtres,  et  de 
jltmiquc  chrétienne  des  deux  premiers 
<s  :  c  est  que  Véiat  de  possession  par  le 
«t  tel  que  nous  l'entendons,. était  dans 
i^ps-ià  considéré  par  tout  le  monde  f 
tiens,  juifs,  païens,  comme  un  élat 
^  notoire.  On  ne  soupçonnait  même 
ilors  riucrédulité  qui  s  est  formée  à  ce 
^jV/Juis  qu'on  n'en  voit  plus  d'excm- 
On  disait  un  homme  qui  a  te  démon^ 
x«on  dirait  aujourd'hui  Uta  homme  qui 
^haduc. 

-^  exemple  est  compromettant»  dira- 
*'//e$t  probable,  en  etlct,  que  ce  qu'on 
•«H  alors  avoir  le  démon  n'était  autre 

^1  11  esi  des  crilif|ues  qui  rejeiKent  le  pliéiio- 
'  lie»  |Khtoet«îoiis«  p8ir4'e  quVii  raidmeiiaiit, 
>  ils,  ou  est  forcéiiieul  obligé  d'admelire  aussi 
^ni^ane  individu  deux  priucipet  înlenies  d*ac* 
Ci  «lipuaés^l'un  à  Taulre.  Ces  criiifiues  ou- 
'  ^uf  doute  que  le  déttiou  n^au  poiul  principe 
■0  ^  mouvcttieiits  qu*!/  csiuse  duos  le  corps 
■^^^ ,  oiab  quM  u*esl  qu*UN  simple  ageui 
^ii  extérieur,  dooi  tonio  la  puiMMice ,  se 
'  *  'giter  iiitiMbl«inenl  les  parties  du  corps  de 
!•*« .  cl  i  ticf  cer  une  certaine  siotion  sur  sou 
«^r  les  parties  les  plus  iitiiiues  ;  les  dcmuns» 


chose  que  l'état  éfileptiqùe, -frénétique  ou 
lunatique. 

—  Non  ;  car  cos  dernières  maladies,  h  l'é- 
gard desquelles,  du  reste,  l'art  médical  n'a 
fait  aucun  pas,  étaient  caractérisées  et  noq[i- 
mées  alors  comme  aujourd'hui,  et  l'état  de 
possession  en  était  distinct. 

Ainsi,  nous  lisons  dans  saint  Matthieu 
que  ir  le  bniit  des  miracles  bienfaisants  de 
Jésus-Christ  s'étant  répandu  dans  toute  la 
Syrie ,  on  lui  amenait  toutes  sortes  de  ma- 
lades, ceux  qui  avaient  des  maladies  de  lan- 
gueur, les  frénétiques^  cbcjx  qui  avaient  des 
DÉMONS,  les  lunatiques^  les  paralytiques...  » 
Yariisianguoribusj  lormentis  comprehensos^ 

ET  QUI  D^eXONlA    HAREBANT,    ei    lunùUcOSj    et 

paralylieos  (704). 

On  voit  par  ce  passage  :  1"  que  l'état  de 
possession  était  publiquement  avéré;  2*  qu'il 
était  distinct  des  autres  états  avec  lesquels 
il  nous  parait  qu'on  aurait  pu  le  confon- 
dre, lormentis  comprehensos^  —  lunaticos. 

A  chaque  pa^e  des  Evangiles  nous  trou- 
vons des  exemples  semblables  qui  témoi- 
gnent de  la  notoriété  et  de  la  distinction  de 
létat  de  possession  :  Jésus  s'arrêta  dans  un 
lieu  champêtre^  environné  de  ses  disciples  et 
d'une  multitude  énorme  de  peuples  qui  étaient 
venus  de  toute  la  Judée  ^  de  Jérusalem  et  des 
côtes  maritimes^  et  de  Tyr^,  et  de  Sidon^  pour 
r entendre  et  se  faire  guérir  de  leurs  maux.  Et 
ceux  qui  étaient  tourmentés  par  les  esprits 
immondes  étaient  guéris  (705)|  et  on  lui  ame- 
nait   BK  GRAND    NOMBRE  dcS  pOSSédés  du  dé- 

moUj  et  ils  étaient  guéris  ;  et  la  foule^  frap- 
pée de  stupeur^  se  disait  :  N'est-^e  pas  là  le 
fils  de  David  ?  Ce  que  les  pharisiens  ayant 
oui ,  ils  dirent  :  Il  ne  chasse  les  démons  que 
par  Béelzebuth ,  pritîce  des  démons  (706). 
Jésus  ayant  appelé  ses  douze  apôtres  leur 
donna  puissance  et  autorité  sur  tous  démons^ 
AVEC  le  pouvoir  de  guérir  les  maladies  (707). 
Or,  les  soixante  et  douze  s'en  retinrent  avec 
joie^  lui  disant  :  Seigneur^  les  démons  mêmes 
nous  sont  assujettis  par  votre  nom  (706). 
Qu'on  nous  dispense  de  citer  d'autres  exem- 
ples; ils  sont  communs,  et  nous  aurons  lieu 
d'en  citer  de  nouveaux  dans  un  instant. 
Mais  ceux-ci  suffisent  pour  établir  que  l'état 
de  possession  était  notoire  et  distinct  des 
maladies.  Ce  n  est  pas  seulement  sur  le  té- 
moignage |iarticulier  des  ai>dtres  que  la 
certitude  de  ce  fait  repose,  c'est  sur  le  té- 
moignage de  la  société  tout  entière  de  ce 
temps,  qui  parait  à  travers  leur  récit  ;  car 
tout  homme  de  sens,  fût-il  d'ailleurs  in- 
crédule, sera  forcé  de  reconnaître  que  les 

en  un  iiioi ,  uesonl,  suivnmin  reumrquc  jmliricnse 
de  Benoit  XIV  ,  que  de  simples  iiinteiirs  exiéricurs 
qui  out  trév-pen  de  pouvoir  sur  r&iiie ,  et  qui  ue 
peuvent  nuire  au  corps  que  selon  la  nif^ure  que 
Dieu  leur  accorde.  (Voj.  De  strvonm  Del  beatifi- 
cùt.^  I.  IV,  c.  9,  Mri.S,  5.) 
(7U4>  Uaith.  IV ,  U. 

(705)  i.tfc.  VI,  17,19. 

(706)  Mmtk.  XII ,  SI ,  24  ;  vni ,  16. 

(707)  ÈInfêk.  IX  ,  I. 
(7U8)  Ifa/lA.  x,l7. 


675 


PSO 


MCTIONNAIIIE  APOLOGETIQUE. 


POS 


6:( 


évangélistes  ne  se  seraient  (vas  exprimés 
ainsi,  si  partout  autour  il*eux.rétat  de  pos* 
session  n*eût  été  un  phénomène  constant. 

Ce  qui  fait  bien  TOird*ailleurs  que  cet  état 
ne  rentrait  dans  aucune  maladie  normale  f 
c*est  que  ses  caractères  extérieurs  n'étaient 
pas  toujours  les  mêmes:  ainsi  tel  possédé 
était  frénétique,  tel  avait  été  rendu  sourd, 
^aveugle  et  muet  tout  ft  la  fois;  'tel  autre 
était  |K>ussé  h  se  jeter  dans  feau  ou  dans  le 
feu;  un  autre  était  tenu  constamment  cour- 
l)é  avec  violence,  sans  |K>uvoir  jamais  se  re* 
dresser  (709)  ;  en  un  mot,  la  possession  ne 
ressemblait  à  aucune  maladie  particulière, 
mais  revêtait  diverses  infirmités  sans  se  con- 
fondre avec  aucune  d'elles.  Il  fallait  bien 
que  cet  état  présentât,  à  travers  ces  diver- 
ses infirmités,  un  caractère  tout  particulier, 
car  sans  cela  on  l'aurait  confondu  avec  ces 
infirmités  mêmes,  et  on  n'aurait  pas  distin* 
gué  tel  frénétique  d'un  autre  frénétique,  tel 
muet  d'un  autre  muet,  etc.,  en  disant  de  lut 
qu'il  éiait  poêsédé  du  démotiy  comme  une 
chose  quetout  le  monde  voyaitotcomprenait. 

14  y  avait  en  effet,  dans  la  |)osscssion,  des 
caractères  accidentels  et  particulier»  qui  tra- 
hissaient, |)ar  des  effets  physiques  ou  mo- 
raux, la  |>résence  d'un  agent  surnaturel  et 
satanique  (710). 

C'est  surtout  par  le  contact  des  possédés 
avec  la  toute-puissance  du  Christ  que  la 
présence  de  cet  agent,  que  toute  sa  rage  et 
toute  sa  nature  maudite  jéclataient,  s*accu- 
sant  lui-même,  avec  des  cris  et  des  hurle- 
.  ments,  comme  l'auteurdcs  misères  du  {lenre 
'  humain,  et  confessant  la  divinité  terrime  du 
Fils  do  Dieu,  qui  venait  renverser  sofi  em- 
pire. Mais  le  Sauveur  modérait  cet  (''datant 
témoignage,  et  lui  ordonnait  de  se  taire  en 
le  chassant  (711). 

Jésus-Christ  avait  solennellement  délégué 
son  pouvoir  sur  les  dé.nons  aux  apôtres;  et 
nous  voyons  ceux-ci,  dans  les  Actes ^  user 
de  ce  pouvoir.  C*est  ainsi  que,  dans  la  ville 
de  Pliilippes,  saint  Paul  guérit,  au  nom  de 
Jésus,  une  Tdle  [lossédée,  (lui  procurait  à  ses 
inattres  un  gain  considérable  en  découvrant 
les  choses  cachées  (7J2).  —Nous  lisons  aux 
mêmes  Acles^  que  dans  la  ville  d'Ephèsc,  où 
se  trouvait  Paul,  des  Juifs  de  la  race  sacer- 
dotale, a^ant  voulu  éprouver  cotte  souve- 
rain 9  puissance  du  nom  de  Jésus  sur  les  dé- 
mons, tenteront  la  guérison  de  quelques 
jms.sé.lés  par  celte  adjuration  ;  Je  vous  ml- 
jure  par  Jésus  que  Paul  prêche^  mais  Tcsprit 
immonde  ré|K>ndit  :  Je  connais  Jéscs,  el  je 
sais  qui  est  Paul;  mais  vnus^  qui  étes-vousf 

(709)  TcIk  soiil  les  ilivcr«  cxciuplos  de  |>osscs- 
sioii  C4msigtié&  Uaiis  ri«lv;iiigiic. 

(.710)  Voici  ipi«lf|iie«  uui  «les  Mgiies  reciieilli« 
par  le«  plus  habiUs  luliirulisics  cl  pliyi»i«:iciis  : 
1*  lorsque  les  possédés  dciucttreiil  sui^peiMluK  en 
l*air  peiiikiut  un  l«iii|is  considérable,  sans  que  l'ail 
puisse  y  avoir  aucune  part;  2*  rors4|u*ils parlent  dir* 
férenles  langues  sans  les  avoir  apprises,  eirépoiiileui 
jiible  aux  quenlions  (|u*on  leur  fail  iians  ces  ian- 
•  gnes;  3*  lori»iprils  révelenl  te  ipil  se  passe  aciuelle- 
nient  f\;%ns  des  lieux  éluignés ,  s9ns  que  i  on  puisse 
auriliuer  veUe  coiuiaissiincc  au  liasard  ;  4*  lors- 
qu'il;» ilccuuvrt'ul  de»  chubcs  cacbce:»  qui  ne  |ieu- 


El  un  des  possédés,  se  jetant  sur  em,  le$ 
couvrit  de  mauvais  traitements.  Cet  évéoe- 
ment  ayant  été  su  de  tous  les  iuib  et  de 
tous  les  gentils  qui  peuplaient  la  ville  di;. 
plièset  la  crainte  s'empara  des  cœurs, elle 
nom  du  Seigneur  Jésus  fut  glorifié  (713). 

Voilà  ce  que  nous  lisons  dans  les  fnmgiflfi 
et  dans  les  Actes:  et,  k  moins  que  de  se  rin 
de  ces  livres,  les  plus  authentiques,  les  (ihs 
véridiques,  les  plus  saints  de  tous  les  lirres, 
il  faut  admettre  la  certitude  de  l'eut  de  |x». 
session.  A  ne  prendre  ces  livres  inèmesqoe 
comme  des  livres  ordinaires,  on  est  forcé 
de  voir,  dans  ce  qu'ils  dis^mt  surcesojel. 
la  croyance  universelle  de  ce  temps  foodée 
sur  les  faits  les  plus  constants  et  les  mm 
équivoques.  Aussi  ne  trouvoiis>nous  Duiie 
|iart  qu  ils  aient  été  contredits  è  cet  eodroil, 
soit  par  les  Juifs,  soit  par  les  païens. 

Le  scepticisme  moderne  trouvera  peol- 
être  que  ces  faits  se  sont  passés  surun  M» 
tre  trop  étroit,  trop  reculé*  tropk  Tabride 
la  critique  par  Totiscurité  sainte  qui  Tenre* 
loppe,  et  demandera ,  puisque  les  faits  de 
ce  genre  étaient  alors  si  constants,  ijoiio 
les  lui  fasse  voir  ailleurs  que  dans  la  Jadà 

Toute  satisfaction  .peut  lui  ètredooié, 
et  ce  lliéAtre  qu'il  trouve  trop  étroit  ti  si- 
lari^ir.  Ce  n'est  pas  au  sein  du  judaïsme  seu- 
lement que  ces  phénomènes  se  soot  pro- 
duits, mais  c'est  aussi  et  surtout  en  bee  du 
monde  païen,  elaucœnrdesacivitisi/laow 
de  son  empire.  C'est  là  surtout  ^Te^pn] 
de  mensonge  a  été  confondu,  eli{irocliair 
lui-même  les  grossiers  artlflees  par  lesquels 
il  abusait  l'espèce  humaine. 

Entre  tous  les  moyens  de  propasalion^ii" 
l'Evançile,  celui-ci  a  été  pendonl  pius  «i<* 
deux  siècles,  le  plus  décisif  et  la  ptus  |)a- 
tent.  Nous  ne  concevons  rien  de  pioutMi- 
cluant  que  les  témoignages  que  nous  allons 
en  donner. 

«  C'est  de  Jésus-Christ  seul,  ditsaiodn^ 
née  en  face  des  païens,  que  ceui  qui  léser 
vent  tiennent  la  grâce,  cliacun  selon  k^m 
cju'il  a  reçu,  d'opérer  des  merveilles  pi 
1  utilité  des  hommes.  Les  uns,  en  effelfiha^' 
sent  les  démons  avec  une  autorité  si  «m* 
veraine,  si  elHcace,  que  ceux  qui  en  étiieu' 
tourmentés,  surpris  et  recoanaissanl>  >^ 
leur  délivrance,  se  convertissent  à IS^ 
se,  etc.  »  (714). 

«  Nous  chassons,  dit  un  autre  célèbre i|^ 
logiste,  les  esprits  trom|)eurs;  et  ils  aruoeDi 
que  c'est  par  l'eflicace  de  nos  prières  i^ui» 
sont  chassés  des  corps.  Saturne,  SérapiN  Ju- 
piter, s'accusent  en  fuyant,  kt  c'est,  ôfiw 

vont  être  nainrellenicnt  coMnuC'i,  comme  bF*"- 
sces ,  les  ilc»irs ,  les  senfliim*.kls  mflérîeiiri  «le  fff' 
laitues  |H;rsoiiiies.  —  Voy.  les  Lettres  de  V.  «« 
Saint-André  sur  les  possédts;  les  Lntm Mskf^ 
de  l>.  La  Tastc  wx  défêusemn  éês  esmniùHt;» 
ÙisêeriniioM  ilc  D.  Calnkt  s«r  tes  shssshn  H jn 
pQssêssiQMs  au  démon^  Bible  liUrifffM,  IM^  ^^ 
|i.  293.  Yey.  aussi  l\Nivr»ge  de  M.  u  Hiavioi. 
Des  esprits  Si  de  leurs  mutujestaJutii  fsiàij'*^* 

(7ii)  Mare,  ni,  IL 

(7l<a)  Aet.  xvt,  V.  f6. 

(7f  5)  Àct,  XIX. 

(711)  S.  iRCff.,  hb.  Il,  c.  ^« 


fl 


PUS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


678 


L>!fi1  VOTtS  PBiSENCE  QLML9  NOOS  RENDENT 

loiGXACB.  Si  TOUS  ne  croyez  pas  ce  que 
us vnus  (lisons,  pouvez- vous  ne  pas  croire 
qu'ils  disent  eux-mêmes  (715)  ? 
(>rii;ènp,  s'adressanl  h  un  des  «lus  rio- 
ns ennemis  du  cHrislianisme,  à  Celse»  lui 
ma  éi^alement  ce  fait,  que  «  iou$  tes 
iri  les  démons  sont  ciiasst'^s  par  le  seul 
(0  lie  Jésus  (716).  » 

lalius  Firmicus  Maternus,  si  connu  par 
ijcfensc  de  Ja  foi,  Tappuie  sûr  les  mdtiies 
^ewenls,  et  la  justifle  |>ar  les  mômes  pro- 
p  :  «  Votre  Sérapis,  »  dit-il  (et  h  qui 
lyûMous  qu'il  adresse  la  parole?  C'est  à 
[[)byre,  cet  autre  implacable  ennemi  de 
{luvslères),  «  voire  Sérapis  est  donc  ohli- 
ilel^omparaftre  aui  ordres  d'un  homme, 
mimiii  de  rompre  le  silence  qu'il  vou- 
ii  garder.  Vos  dieux  n'osent  faire  tout  le 
I qu'ils  méditent,  retenus  par  la  force  des 
vie5  sacrées  ;  et  ce  que  vous  adorez  est 
U  à  souffrir  les  tourments  dont  nous 
è><ms  les  im|X>5tcurs  (717).  » 
^taoce,  dans  son  admirable  livre  Des 
imoM  ditinesy  dit  encore  formellement, 
j^\\ia  ces  paroles  :  «  Les  démons  trem- 
m  ilevaiit  les  adorateurs  du  vrai  Dieu, 
fiA'kmiu  les  fait  sortir  des  corps.  Flagcl- 
«r^res  paroles  sacrées,  non-seulement 
»aiuK>^t  qu'ils  ^ont  des  démons,  mais 
>^ /i!>  dénoncent  eux  <*  mêmes  leurs 
^  ces  noms  sous  lesquels  ils  se  font 
^iim  les  temples;  et  ils  font  cela  le 
MsurfAt  en  présepice  de  leurs  adorateurs, 
Koiestent  quelquefois  avec  d'horribles 
•fiueiKs  qu'ils  sentent  qu'on  les  bft  et 
oiles  brûle,  et  qu'ils  sont  prêts  à  sprlif 
"wps  qu'ils  possèdent  (718). 
iai55e  plusieurs  autres  témoignages 
itiirectset  aussi  formels,  Arnobe,  £u- 
.  saint  Athanase,  etc.,  pour  venir  à  cc- 
u  ^rand  saint  Cyprien.  Enuméra.it  les 
%es  que  recevaient  les  nouveaux  bap- 
•  d  dit  :  tt  11  leur  est  donné  de  rendre 
II  aux  plus  furieux  et  la  douceur  aux 
tiques  ;  de  chasser  les  démons,  de  les 
^t  ^  la  confession  de  leur  misère,  de 
^fe'f/lef,  de  redoubler  l'anlvur  du  feu 
«  déiore  (719).  » 

^urs,  s'adressant  h  Démétrien,  engagé 
{<  culte  des  idoles,  et  un  des  plus  fu- 
persécuteurs  de  la  foi  chrétienne  (720), 
(«qu'il  lui  dit  :  «Ohl  si  vous  vouliez 

*lisiT.  Fr.ux .  Diatog, 

'*'ORic.,  Cont.  Celé',  \i\uu 

^  Ik  error.  prof,  relig. 

^'  Lact.  ,  Dffv.  insiU. ,  lib.  il ,  c.  15*  Voyez 

^l»IT,C.  Î7. 

'>  S.CimeM,  cpîst.  t,  sd  Donat. 
h  Deinéirieii  éuli  investi  d*uiie  charge  piio.i- 
II  lui  ilouiiaii  lieu  «fe^ercer  sa  r;ige  conir*^ 
*'eliens ,  €1  saitii  Cyprieii  p»7«i  de  sn  léle  le 
limrage  ;ivec  le<|U«l  il  coiift^ssa  la  véi'ilé. 
)  S.  tmitfi,  Episi.  ad  Dememan. 
>i  ^p^cg.  c.  23. 

•i  \<Hit  kVMis  négligé  plusieurs  autres  lëinoi- 
k;ci9cii«Uiu  Dou»  croyons  di'voîr  uieiitioiuicr 
1«*  <:e  Sidpîce  Sévère,  c  J'ai  vu ,  <lii-il ,  nu 
l(  élevé  en  Tair  les  bras  cieiidus,  ih  rapprocti*' 
^iteft  de  isiîul  Merlin  (Dtal.  5 ,  c.  t»)  ;  i 


les  entendre  vous-même  et  voir  comme  no*i8 
les  conjurons,  comme  nous  les  torturons 
avec  nos  fouets  invisibles  !  vous  les  enten- 
driez jeter  des  cris,  pousser  des  hurlements, 
des  gémissements,  avec  une  voix  humaine, 
sous  les  coups  que  la  puissance  divine  leur 
fait  sentir  par  nos  paroles...  Venez  donc,  et 
connaissez  la  vérité  des  faits  que  nous  vous 
disons;  et  puisque  vous  vous  dites  adora- 
teur des  dieux,  croyez  ce  qu'ils  nous  disent 
sur  eux-mêmes  :  que.si  vous  voulez  être  per- 
sonnellement lo  sujet  de  votre  croyance, 
vous  entendrez  (larlcr  de  vous  ce  même  es- 
prit trompeur  qui  vous  aveugle.  Vous  ver- 
rez ceux  que  vous  suppliez  nous  supplier, 
ceux  que  vous  adorez  nous  craindre.  Vous 
verrez  sous  notre  main,  tremblants  ei  en- 
chaînés, vos  maîtres.  Certes,  vous  aurez 
lieu  de  rougir  de  vos  erreurs,  lorstjue  vous 
les  verrez  lorcés,  par  nos  questions,  à  dé* 
celer,  vous  présent ,  et  leurs  prestiges  et 
feurs  impostures  (721).  » 

Qu'uu  texte  si  fort  et  si  précis,  après  tant 
d'autres,  est  fait  pour  jeter  d'inquiétude 
dans  l'Aipe  de  rincrôduiel 
£l  toutefois  en  voici  un  plus  décisif: 
«  Voici  la  démonstration  par  le  fait,  »  dit 
Tertuliien  dans  son  célèbre  Apologétique  ^ 
en  s'adressant  à  la  puissance  païenne  : 
«  Qu'on  fasse  venir  devant  vos  tribunaux 
un  possédé  notoire;  qu'un   Chrétien,  quel 

au'il  soit,  n'importe,  commande  à  cet  esprit 
e  parler;  et  que  si,  n'osant  mentir  à  un 
Chrétien,  il  ne  coiifes^^e  pas  uu'il  est  vérita- 
blement un  démon,  et  qu'ailleurs  il  se  dit 
faussement  Dieu,  répandez  sur  le  même 

lieu  le  sang  do  ce  téméraire  Chrétien 

Qu'y  a-t-il  de  plus  manifeste  et  de  plus  sûr 
qu'une  [lareille  preuve?  Voilà  la  vérité  elle- 
même  avec  sa  simplicité  et  son  énergie 
(722).  » 

Non,  il  n'y  a  rien  de  plu«  manifeste  et  de 
plus  sûr  :  c'est  la  vérité  Biime;  et  le  scepti- 
cisme n'est  plus  [K>ssible  d'àpvh  des  témoi- 
gnages aussi  imposants,  aussi  nombreux, 
aussi  unanimes,  aussi  explicites  et  aussi 
formels  que  ceux  de  tous  ces  grands  hom- 
mes  parlant  en  face  de  leurs  bourreaux,  avec 
la  double  autorité  de  leur  génie  et  de  leur 
ver.u,  et  i)osaut  leur  tête  eu  gage  de  la  vé- 
rité du  fait  dont  ils  provoquent  la  solennelle 
et  juridique  ex péri^iee  (723). 
Joignez  h  cisk  te  silence  de  leurs  adver* 

cdiit  de  sahK  Paoliii,  si  disiingué  par  sa  iia'ssaiici», 
ses  luiuières,  son  dë^intére^en  eui,  el  ta  saitiieié; 
lequel,  dans  la  Vie  île  saini  Fcll\  de  Nolo,  aUe.^te 
AVOIR  vp  un  possédé  marcher  contre  In  toute  d^uut 
égliu,  ta  tête  en  bas,  •nm  ifue  ses  habits  fussent  dé^ 
rangés  ;  «l  que  cet  homme  fut  ijuéri  au  tombeau  de 
iaint  Félix.  —  Ceries ,  iiiitis  ne  koinmcs  pas  en- 
tliH  k  la  ciédolilé,  l:«m  »'en  r»iil!  inaU  nous  ne- 
prouverîoiis  que  de  la  pitié  |»OMr  celui  qui  iwécoii- 
nalirait  les  Uires  du  léjnoignage ,  les  ciraclCfes  «le 
la  vérité,  ei  les  devoirs  iotniiie  les  droiU  de  la 
niisoti,  à  ce  poini  de  ne  pas  savoir  cioreà  des 
faits  ainsi  certiflés,  nniquenieiii  parce  qu'il*  sont 
incomprélieiidbles.  Cest  nne  singulière  imprudwee. 
aurait  dit  MentAigiie ,  et  une  hardiesu  dangereuse  et 

^tre  Vubiurde  témértté  quelle 


679 


VOS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE 


POS 


m 


sairesy  qui  ne  tes  démentent  |vis,  qui  n  osent 
pas  relever  leur  dffi,  ou  plutôt  qui  convien- 
nent, comme  Julien,  du  fait  des  [>ossédés  et 
de  leur  guérison  (724). 

L*état  de  possession  par  le  démon  h  Tori* 
gine  du  christianisme,  et  Taction  du  chris- 
tianisme sur  cet  état,  est  donr  un  fait  cerr 
tain,  quelque  préjugé  que  sa  disparition  de 
nos  temps  inoiterues  élève  contre  cette  cer- 
titude, et  quelque  inexplicable  que  paraisse 
cette  disparition. 

fn. 

ExplIcatioD  dtt  phénomène  des  pctssewions.  —  Croyance 
universelle  à  Teiistence  et  âi  linfliience  des  démons.-* 
Les  possessions  au  temps  de  Jôsus-Chrislj  servent  h 
manilèster  la  divinité  dn  Libérateur;  contribuent  après 
Je  mi-Christ  ji  rétablissement  du  christianisrae.---Pour- 
quoi  elles  ont  cessé. 

Qu'il  y  ait  dans  le  monde  un  certain  genre 
d'esprits  malfaisants  que  nous  appelons  dé- 
mons, outre  renseignement  de  la  religion, 
c'est  une  chose  qui  a  été  reconnue  par  le 
consentement  commun  de  toutes  les  nations 
et  de  tous  les  peuples.  Nous  Tavoiis  prouvé 
ailleurs.  [Voy.  Démon.) 

Ce  qui  n'est  pas  moins  positif,  c'est  que 
tous  les  peuples  du  monde,  à  travers  Tim- 
mense  diversité  de  langues,  de  mœurs  et  de 
religions  qui  les  sépare,  ont  eu  sur  lorigine 
de  ces  démons,  sur  leur  chute,  leur  caraC' 
tère,  leur  rapport  primitif  et  funeste  avec 
rhumanité,  sur  l'influence  maudite  et  per- 
nicieuse qu'ils  ont  contractée  depuis  lors  sur 
elle,  et  enfin  sur  la  répression  que  devait 
leur  faire  éprouver  le  Libérateur  attendu 
par  toutea  les  nations,  une  croyance  telle- 
ment identique  dans  la  sin^xularilé  de  ses 
détails,  qu'on  ne  saurait  absolument  Texpii- 
quer  que  par  une  révélation  primitive  etua 
grand  événement  originel.  Ce  fait  se  trouve 
assorti  de  tontes  les  justifications  désirables 
dans  les  divers  articles  de  ce  Dictionnaire 
auxquels  nous  renvoyons  le  lecteur. 

En  un  mot,  on  peut  affirmer,  avec  une 
conliance  que  la  science  justifie  d'autant  plus 
qu'elle  est  plus  profonde,  que  l'enseigne- 
ment du  christianisme  à  ce  sujet  est  la 
croyance  même  de  tout  le  genre  humain, 
conservée  dans  une  tradition  plus  pure,  et 
vérifiée  dans  son  objet. 

Or  le  christianisme  nous  enseigne,  com- 
me on  le  sait,  que  l'ange  rebelle  et  déchu, 
par  la  faute  irrémissible  qu'il  avait  commise 
dans  le  ciel,  devint  avec  ses  complices  l'ar- 
tisan du  mai  sur  la  terre.  «  Quand  Dieu  créa 
les  purs  esprits,  dit  Bossuet,  autant  il  leur 
donna  de  part  k  son  intelligence,  autant  leur 
en  donna-t-il  à  sontpouvoir;  et,  en  les  sou- 
mettant à  sa  volonté,  il  voulut,  pour  l'ordre 

(7ii)  S.  Gtkil.,  C.  Julian. 
<725)  lloséiDET  ,  Elévm,  $ar  it$  myuèrei» 
<7!26)  Entre  aiiircs  preuves  iioiiil)ieiise.s  qui  eia- 
liliSKCiil  io  rapport  île  cette  révéla tiuu  chrciiciii.e 
snr  les  démons  avec  la  croyance  de  tontes  les  iia- 
lions ,  lions  rapproclHsrons  scutenieni  ici  ces  pas- 
sages lie  Piuianiiie  :  c  Je  ne  sais  si  nous  ne  devons 
|ioîn(  a«lnM*tlre ,  lont  estrange  qu'elle  nous  paroisse, 
celle  opinion  queranHquUé  nous  a  iranêmUf  :  qu'il 
y  a  (tes  ilénions  envieux  et  méelinnts,  qui  s*atia- 
client  pur  jalousie  aux  liotntiics  vertueux,  mettent 


du  monde«  que  les  natures  corporelles  «; 
inférieures  fussent  soumises  à  la  leur,  se- 
lon les  bornes  qu'il  avait  prescrites.  Les  an- 
Ses  déserteurs  et  condamnés  n'ont  perdu 
ans  leur  chute  aucun  des  avantages  et  es 
dons  de  leur  nature,  ni  la  puissance,  ni lii 
vigueur,  ni  l'activité  ;  tout  est  entier  en  m, 
excepté  leur  justice  et  leur  sainteté,  etcon- 
séquemment  leur  béatitude.  L'intelligence 
leur  est  demeurée  aussi  perçante  et  aussi 
sublime  que  jamais,  et  la  foix^e  de  leur  vo- 
lonté à  mouvoir  les  corps  parcelle  inèaie 
raison  leur  est  restée  comme  da  débris  de 
leur  effroyable  naufrage.  Mais  Dieu  leari 
tout  changé  en  mal,  et  ce  qui  leur  serrait 
d'ornement  leur  tourne  maintenant  à  sof'- 
plice.  ils  sont  devenus  superbes,  trorapenn 
et  envieux,  et  réduits,  |>ar  leur  misère,» 
triste  et  noir  emploi  de  tenter  les  horom 
ne  leur  restant  plus ,  au  lieu  de  la  féiiciié 
dont  ils  jouissaient  dans  leur  origine,  que!^ 
plaisir  obscur  et  malin  que  peuvent  trouver 
des  coupables  è  se  faire  de$comnliceJ,ct 
des  '  malheureux  à  se  (donner  ces  coin- 
pagnons  de  leur  disgrâce  (725). «Ce- 
pendant, quelle  que  soit  la  malice  destlt* 
nions,  ils  ne  peuvent  exercer  leur  pwwir 
sans  la  permission  de  Dieu,  qui  retieDti«ar 
fureur  dans  certaines  bornes;  quiresimui 
en  eux,  comme  il  lui  platt,  la  liberté  de  nuire 
aux  hommes:  qui  la  donne  plus  oo  mm 
grande,  selon  que  sa  souveraine  $|2«^/0 
luge  convenable  aux  intérêts  desip^J 
la  punition  des  pécheurs,  ou  à  kfmtctioù 
des  justes. 

Au  commencement,  celte  puîs8iïi«çw- 
verse  fut  lâchée  contre  l'homme  dans  toulc 
la  force  native  de  sa  liberté,  pour  lui  ^n 
procurer  l'exercice,  et  lui  donner  lieu  da- 
jouteVà  la  perfection  de  sa  nature  celle df 
sa  volonté.  L'homme  faillit  à  répreuTe;S(« 
ennemi  devint  son  vainqueur.  Celui-ci pfj 
da  sur  lui  un  empire  malfaisant,  par  leqi» 
il  le  traîna  à  toutes  sortes  d'erreurs  et  de «; 
sordrcs,  jusqu'à  s'en  faire  adorer,  el  w 
faire  une  reli^jion  el  des  divinités  de  » 
crimes  mêmes.  . 

Mais  Dieu,  qui  avait  permis  cette  W« 
expérience  de  la  faiblesse  humaine  et*" 
malice  des  démons,  devait  nous  faireemfr 
ver  à  son  tour  celle  de  sa  bonté  secoonj 
et  toute-puissante,  en  abattant  notre  eaaf» 
au  plus  fort  de  son  triomphe,  selon  ceili»- 
tique  promesse  tant  de  rois  rcnutiTejee  |*f 
les  prophètes  :  Je  mettrai  une  invnitu  ««^J 

toi  et  LE  FILS  DE  LA  FEMME  ;  H  /Vrfai«B  « 

téte^  et  tu  ne  pourras  que  tenter  de  U  m*"" 
au  talon  (726). 

obstacle  à  leurs  lionnes  actions,  cl  ttarj^^f^ 
dans  regprit  «les  troubles  et  «les  fwyciirs  iini^ 
teiit  et  quelquefois  nicuuies  «'sbnitileiH  Icor  »ff' ^ 
de  peur  qu%îii  ileiueiiraiit  fermes  et  i«**"J?  j^ 
diiiis  le  bioH,  ils  ii\iy;iil  eii^  P»"*^**^' *^iV'' 
iHori ,  une  lueilleure  vie  que  n'eM  la  Iw-  Vi^-a 
Dion.,  uoniii.  II.)  —  t  Xéiiocr» le  lient  «ije  wjf 
nialeucoutrcux  où  il  se  fait  «*l  dit  q«eK|«« 
lioiiteusc  cl  vilaine,  ît  uVstime  |ionU  ^^^fl^ 

p;«rlie4iue  aux    bons  dieux;  »•*•* *l" "  V-^fi»» 
des  ualuros   granik-s  et  puissanics.a»  w«w 


M 


POS 


DICTIONNIIRE  APOkOGETiOUE. 


POS 


m 


Telle  élâii  la  graade  mission  du  libérateur 
ésQS^hrist. 

£t  maintenant  rexplicalion  que  nous  re- 
kfnhons  se  découvre: 

Jésus-Christ  venant  chasser  le  démon  du 
ioo(/e,  où  il  régnait  en  maître,  devait  ma- 
feter  sa  puissance  dans  ce  sens.  La  malice 
I  démon,  qui  n*était  parvenue  à  tromper 
s  hommes  (|u*en  les  aveuglant  sur  elie- 
èiue,  devait  être  exposée  dans  toute  sa 
mrsiféetson  impuissance.  Pour  rendre 
ijiération  de  notre  délivrance  plus  sensi- 
t  cl  plus  convaincante,  il  fallait  que  le 
iaripe  du  mal  fût  mis  à  nu  et  traîné  au 
ud  jour,  dans  toute  son  horreur  et  toute 
iiDisére;il  fallait  que  la  lutte  entre  lui 
aotre  Sauveur  fût  ouverte,  et  queTaction 
:  oriire  ennemi  devint  plus  ostensible , 
«irque  la  toute- puissance  qui  nous  en  de- 
vrait fût  plus  éclatante. 

Mr  (éloigner  qu*il  était  vraiment  le 
onurdesflmes,  Jésus^Christ  dût  paraître 
SsuYeur  des  corps  ;  et  pour  qu*il  parût 
îdurear  des  corps  de  manière  à  faire  voir 
ûieuit  le  Sauveur  des  flmes,  il  dut  per- 
^tquelaméme  puissance  malfaisante, 
Jfv»édait  les  flmes,  possédât  aussi  cer«- 
^f'^fde  manière  qu*en  la  chassant 
itrts^xj^  il  parût  clairement  qu'il  avait 
t;5Hir0Jrde  la  chasser  des  flmes,  et  qull 
tirrntablement  notre  Libérateur.  Ce  fut 
W(«!a(|ue  lorsque  Jésus-Christ  voulut 
Mi/ester,  il  permit  aux  démons  de  se 
^iii^ter  aussi,  et  qu*ils  imitassent  en  queU 
t^urle  son  incarnation,  afin  quMls  de- 
^n{  visibles  en  un  sens  et  corporels, 
«unissant  au  corps  de  l'homme  dans 
^ma  de  lui  nuire  ;  et  qu'étant  liés 
les  clialnes  que  leur  malice  avait  for*  . 
^f  ils  fussent  ainsi  amenés  devant  leur 
|et  leur  maître,  condamnés  par  lui  en 
tic  comme  des  esprits  impurs,  et  chas- 
tosuitedu  temple  intérieurqu'ils  avaient 
^  pour  lo  souiller,  et  de  tous  les  tem- 
extérieurs,  où  ils  cachaient  sous  une 
^  majesté  le  plus  honteux  al^issement 
plus  profonde  misère  dont  la  créature 
upable.  L'incrédulité  ne  comprend  rien 
|*(«sédés  de  Gérasa,  et  à  la  demande  que 
tliésus-Chriat  les  démons  qui  les  tour- 
iiient,  d'entrer  dans  un  trou()eau  de 
ws;mais  rieu  de  plus  significatii quand 

P4  ei  mil  aeoinUbles,  qui  ont  plaisir  que 
^  de  telles  cIioms  pour  elles,  i  (  floMê 
ifombattre,   dll  ftaini  Paul,  contre  in  put*" 

'<•  ténèbrtê ,  coNTai  les  esprits  de  malice 
Y^  »A!is  L*AiR«  {KpUet.  VI,  12.)  —  f  Empëdo- 
SMHs  au  qu*ils  Bout  punis  et  cliasiiés  des 
^loffeoies  qtt*ils  ont  commises...  A  cela 
>U«  oaîrvement  ee  que  Ton  récite  de  Typhon, 
^  par  son  envie  et  sa  nialignitë  Ipusieurs 
i*^  r,liosei ,  ei  qu*ayaat  mis  tout  en  combas- 
t  r«aiplil  de  maits  et  de  misères  la  mer  et  la 
>  ^i  puis  en  fui  ponl,et  la  femme  et  sœur 
^ra  fit  la  vengeance,  esteignant  et  amortis- 

r^se  et  sa  foreur....  D*antres  disent  que  ce 
^*  la  Temme ,  mais  u»  de  ses  descendants, 
<tpi  ne  tua  pas  do  tout  eiitièremeni  Typhon , 
«i  osta  la  force  et  la  pul^ance  de  pouvoir 
M  f'iire...  La  Diviaiié  ne  voulutpas  permettre 

DlCTtOHXAlAE  APOLOttiTIOVE-   U. 


6n  considère  ces  anges,  autrefois  de  lumière, 
et  qui  marchaient  les  premiers  devant  le 
Très-Haut,  ces  esprits  tJe  mensonge  deve- 
nus les  princes  du  monde  où  ils  sefaisaient 
adorer  partout  comme  des  dieux,  forcés  de 
déceler  la  noirceur  de  leur  usurpation  et  la 
bassesse  de  leur  misère,  à  ce  point  de  se 
faire  un  temple  du  c^rps  de  ces  vils  ani- 
maui,  et  de  le  demander  à  Jésus-Christ 
comme  une  grâce  :  et  deprecabantur  eum 
tpiriiuSf  dicentes  :  Mille  nos  in  porcoi  (727)  1 
Quand  on  demanda  à  Jésus-Christ  pour- 
quoi Taveuglei-né  qu'il  allait  guérir  était 
affligé  de  cette  infirmité,  Jésus-Corist  répon- 
dit :  a  Cet  homme  n*est  point  né  aveugle, 
parce  qu'il  a  péché,  ni  ceux  qui  Pont  mis  au 
monde  ;  mais  afin  que  les  ouvres  de  Dieu  pa- 
raissent en  /ut.  »  Cette  explication,  de  la 
bouche  de  Jésus-Christ,  vient  s*adapter  elle- 
même  à  notre  sujet:  et  à  la  question, pour- 
quoi V  avait-il  des  po^^^de'tf  du  temps  de  Jé- 
sus-Cnrist  ?  la  réponse  à  faire  est  celle-ci  : 
Apn  que  les  œuvres  de  Dieu  parussent  en  eux. 
Par  le  miracle  de  la  guérison  de  Taveugle- 
né  et  des  autres  infirmités  naturelles,  Jésus- 
Christ  ])araissait  bien  supérieur  à  la  nature; 
mais  ce  n'était  pas  assez  pour  caractériser 
sa  divinité,  puisque  d'autres  que  lui  avaient 
fait  autrefois  les  mêmes  prodiges.  La  qua- 
lité spéciale  surtout  en  laquelle  il  venait,  de 
Libérateur  du  monde  et  do  vainqueur  de 
Satan,  n'en  ressortait  pas  invinciblement. 
On  pouvait,  selon  l'anoienne  opinion  des 
mages,  qui  s'était  glissée  dans  toutrOrient, 
et  qui  a  re|)aru  dans  les  manichéens  et  les 
albigeois,  croire  que  la  puissance  du  démon 
était  indépendante  de  celle  de  Dieu  ;  on 

f|ouvait,  avec  les  sadducéens  et  les  matéria- 
istes,  nier  l'existence  de  ces  esprits  ou  leur 
inlluence  ;  on  pouvait,  comme  les  païens, 
reconnaître  cette  influence,  mais  se  mépren- 
dre sur  sa  nature  jusqu'à  lui  transporter 
les  honneurs  dus  h  la  Divinité  ;  on  pouvait 
enfui,  comme  les  Juirs,  connaître  la  vraie 
nature  et  la  vraie  influence  des  démons* 
mais  ne  considérer  Jésus-Christ  que  comme 
un  prophète  semblable  à  Moïse,  ou  même 
un  enchanteur  semblable  à  ceux  que  Moïse 
avait  confondus.  Toutes  ces  erreurs  devaient 
être  dissipées  par  des  faits  décisifs.  U  fal- 
lait que  le  Fils  de  Dieu  fil  des  œuvres  que 
nul  autre  n'eût  faites^  comme  il  le  dit  lui- 

qucsa  puissance  (deTjrplion)fufttdu  tout  anéjn'ic, 
mais  seulement  la  lâcha  et  la  diminua,  voulant  que 
le  combat  deuieurasl.  i  Plutarque,  De  iûs  et  Osirit^ 
11*'  XXIV,  XXXIV.  —  Les  traditions  drs  autres  peu- 

{>les  du  monde  ne  sont  pas  nioius  frappantes  p:ir 
eor  concordance  avec  la  révélation  cli retienne,  et 
de  toutes  on  peut  dire ,  comme  Plutarque  de  celle 
des  Egyptiens  :  A  ceim  ressetaèle  nailnment.  (Voy. 
Démon.) 

(727)  Mare,  v ,  H  ;  Luc.  viu ,  3I.,^  C'est  ainsi 
que,[dans  la  divine  parabole  de  PËnTant  prodigue,  ce 
malheureux  est  représenté  enoiairt  ans  pourceaux 
leur  sale  nourriture.  Mais ,  moins  coupable  que 
range  rebelle  ,  rhomme  ici-bas  peut  encore  se  re- 
lever par  la  pénitence,  et  prononcer  avec  des  lariyie^ 
ce  mot  que  l'enfer  irent^Midra  Jamais  :  Surf nm  j  et 
xbo  ad  pairem^  et  dieam  <  '     "^  -  '  '  ' 


«85 


POS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


(ÎS4 


même,  et  qu'il  commandât  non-seulement  à 
la  terre,  mais  aux  enfers.  Il  fallait  que  Ken- 
nemi  du  genre  humain  parût  sous  ses  pieds 
dans  toute  sa  fureur  et  sa  dépendance,  et 
proclamât  lui-même  le  triomphe  de  son 
vainqueur. 

Aussi,  lorsque  ces  esprits  immondes  al- 
laient d'eux-mêmes  au-devant  de  Jésus^hriit, 
se  roulant  à  ses  pieds^  et  criant.  Tu  es  le  Fils 
de  Dt eu  (728),  laisse-nous;  qu'y  a-t-il  entre 
nous  et  toU  Jésus  de  Nazareth^  Fils  du  Très^ 
Haut  ?  Nous  savons  qui  lu  es  ;  tu  es  le  Saint 
de  Dieu  (729j.  Es-tu  venu  sitôt  nous  tourmen- 
ter? Ne  nous  chasse  pas  encore^  ne  nous  re- 
jette pas  encore  dans  l'éternel  abîme,  permets- 
nous  plutôt  d'entrer  dans  te  corps  des  plus 
vils  animaux  ;  lorsque  le  Sauveur,  avec  une 
majesté  calme,  étendant  sa  main  souveraine, 
disaii:  Esprit  immonde,  tais-toi,  et  sors  de  cet 
homme,  je  te  V ordonne  ;  et  qu'à  l'instant,  à 
travers  les  convulsions  de  la  plus  épouvan- 
table rage,  l'enfer  lâchait  sa  proie,  alors  stw 
pebant  omnes  in  magnitudine  Dei  (730)!!! 

A  la  vue  de  la  résurrection  d'un  mort,  le 
peuple  avait  gloriQé  Dieu,  disant  :  Un  grand 
prophète  s'est  levé  parmi  nous,  et  Dieu  a  visité 
son  peuple  (731).  Mais  à  la  vue  des  démons 
chassés,  une  respectueuse  terreur  perçait 
plus  avant  dans  les  âmes,  et  on  se.  deman- 
dait :  Qu'est-ce  que  ceci  ?  et  quelle  est  cette 
nouvelle  doctrine,  puisque  son  pouvoir  s'é- 
tend jusque  sur  les  démons,  qu'ii  leur  com- 
mande, et  qu'il  en  est  obéi  ?  Ne  serait-ce  pas 
le  Fils  de  David  que  nous  attendons  (732)  ? 
Vainement  les  pharisiens  veulent-ils  don- 
ner le  change  à  la  multitude,  en  disant  :  Jl 
chasse  les  démons,  il  est  vrai  ;  mais  ne  voyez- 
^ous  pas  que  c'est  au  nom  de  Béelzébuth  , 
prince  des  démons,  dont  il  est  possédé?  Ils  ne 
font  par  là  que  donner  lieu  à  ce  syllogisme 
invincible  de  Jésus-Christ,  qui  confirme 
tous  nos  raisonnements  :  Tout  royaume  di- 
visé d'avec  lui-même  périrait  à  l^instant.  Et 
si  Satan  chassait  Satan,  il  serait  divisé  davec 
lui-même  et  se  détruirait.  Si  donc  je  chasse  les 
démons,  ce  ne  peut  être  au  nom  de  BéeU 
zébuth,  mais  par  la  vertu  de  Dieu.,,.  Donc 

LE  RÈGNE  DE  DiEU  EST  ARRIVÉ  PARMI  VOUS  (733). 

L'opposition  des  deux  règnes  était  en  effet 
rendue  évidente  par  l'extrême  différence 
que  la  délivrance  des  possédés  mettait  entre 
les  deux  rois,  et  l'expulsion  visible  de  Sa- 
tan mettait  en  relief  l'apparition  du  Fils  de 
Bieu  :  In  hoc  apparuit  Filius  Dei,  ut  dissol- 
jvat  opéra  diaboli  (13k). 

Ce  fut  pour  cette  raison  que  les  posses- 
sions continuèrent  d'être  fréquentes  après 
la  résurrection  de  Jésus-Christ,  afin  que  les 
apâtres  et  leurs  disciples  montrassent  à  tout 
le  monde  quel  était  sou  pouvoir.  Aussi 
voyons-nous  les  premiers  dépositaires  de  ce 
pouvoir  en  être  eux-mêmes  transportés 
d'enthousiasme  ,    lorsqu'ils  revinrent  aux 

(7Î8)  Mare,  m,  11. 
.  .X729)  Luc.  iV ,  34. 
(750)  Luc.  IX ,  43. 


(731)  Lttc.vn,i6. 


fûeds  de  leur  Maître  apr^s  en  aroir  .„,. 
'essai.  Retournant  avec  joie,  dit  l'ETangilç, 
ils  dirent  à*  Jésus-Christ  :  Seigneur^  Mi«E 
LES  DÉMONS  nous  sout  soumis  par  la  Ttrtu  dt 
votre  noml  (735)  1  Quelle  conGance  et  (joel 
courage  cette  expérience  de  Tachon  ditine, 
dont  ils  étaient  les  minisires,  ne  devalklle 
pas  en  effet  inspirer. aux  apôtres  et  à  leurs 
successeurs?  Qu'avaient  à  craindre  des hoDi> 
mes  qui  faisaient  trembler  les  démons,  e( 
quel  gage  de  la  vérité  de  celte  parole  ;  Cou- 
ndile,  ego  vici  mundum  !  C'est  là,  c'est  dao$ 
les  miracles  qu'ils  opéraient,  c'est  surtoui 
dans  leur  pouvoir  sur  les  démoDs,  manifesié 

f>ar  la  guérison  des  possédés,  que  se  \iom 
e  secret  de  leur  audace  à  s'attaquer  à  1  uni- 
vers païen,  et  de  leur  rapide  succès.  Âk>i 
nous  voyons,  dans  les  Actes  des  apôtra^ 
qu'un  des  [)lus  grands  pas  que  la  doctrine 
chrétienne  ait  fait  en  ses  commencemeûts 
fut  dû  à  l'événement  que  nous  avons  déjà 
rapporté  des  faux  exorciste5  juifsi  et  do  mal 
qui  leur  advint  d'avoir  voulu  conlrefiiire  la 
puissance  du  nom  de  Jésus,  à  l'imitation  <l« 
Faut.  Cet  événement,  disent  {esActa^tmi 
venu  à  la  connaissance  de  tous  les  hi[i(t 
gentils  qui  habitaient  Ephise,  la  <err»nV 
battit  sur  tous  (cecidit  timor  super  omo^ 
et  le  nom  du  Seigneur  Jésus  fut  txM,tt 
plusieurs  de  ceux  qui  avaient  cm  mmt 
confesser  leurs  péchés.  Il  y  en  eutûmitras' 
coup  de  ceux  qui  s'adonnaient  avj  «m^ 
occultes,  qui  apportèrent  leurs  ftftf  ^  (<* 
brûlèrent  devant  tout  le  monde,  im  croit- 
sait  la  parole  de  Dieu  puissamm^^  (t  n 
renforçait  (736). 

Cet  élément  de  conversion  devint  sorioui 
souverain  lorsque  le  christianisme,  sorinio 
la  Judée,  se  trouva  face  à  face  avec  le  pai«- 
nisme,  qui  était  plus  parliculièremenlliM- 
vre  de  l'esprit  de  mensonge.  Là,  selon  qw 
nous  l'avons  vu  par  tant  et  de  si  forts  t'^ 
moignages,  Dieu  permit  que  les  démofô 
s'accusassent  eux-mêmes  hautement,  par^^ 
bouche  des  possédés,  comme  les  auteurs  (< 
les  objets  de  ce  culte  infâme  et  exirava^' 
qui  déshonorait  l'espèce  humaine.  Qii«»^ 
impression  ne  devait  pas  faire  sur  les jtfiM^ 
ce  spectacle,  fréquent  alors,  de  la  puissiB» 
des  Chrétiens  sur  les  démons,  et  de  la  a^ 
fession  de  ces  esprits  de  ténèbres,  q^J^* 
n'étaient  autres  que  leurs  dieux I  Sj^eti*' 
auquel  les  Chrétiens  les  conviaient  m^^ 
tant  de  confiance,  ou  même  qu'ils  s  ottr^«J 
à  leur  donner  en  public  et  au  pied  m^ 
de  leurs  tribunaux.  Ce  fait  a  beau  nouM«- 
raltre  étrange,  il  ne  saurait  être  cooie^j^ 
sérieusement  lorsqu'on  considère,  v^^:! 
duite  des  Chrétiens,  si  unanime,  sio\j^JI^ 
et  si  résolue,  non-seulement  à  i*"^^; 
mais  à  l'offrir  pour  expériment  do  le'in"'; 
2'»  le  silence  de  leurs  plus  violents  ennemi»» 
qui  provoqués  sans  cesse  sur  un  V^^^ 


Marc,  1..27  ;  MaUlt.  xu ,  i3. 


(735)  ..  Igtiurpervenitinvotregum 
XII ,  25 ,  ^.) 

(734)  i  Joan,  ui ,  K. 

(735)  Luc.  X,  17. 
(73(>)  AcL  XIX ,  17 ,  20. 


Dti  (l'J 


:'X 


K 


POS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


688 


'eiN/; /)*/ répondent  pas  un  seul  mot;  3' 
nlio Je  grand  nombre  de  conversions  qui 
0 1  laicul  le  fruit,  et  tout  le  paganisme  qui 
)  (fevint  bientôt  la  conquête.  C'est  là  en 
fetuiiedes  choses  qui  servit  le  plus  au 
i^rèsda  christianisme  parmi  les  paient» 
irce  qu  elle  était  le  plus  sensiblement  dis- 
^  dans  ce  but,  selon  que  nous  Tavons 
pliquéplttshautyet  que  vient  le  confirmer 
langage  de  Tertullien.  «  Le  pouvoir  que 
MS  avons  sur  \ts  démons,  dit- il  auxpaïens^ 
us  vient  du  nom  de^  Jésus-Christ  et  des 
un*  es  que  nous  leur  faisons  de  sa  part  et 
celle  de  Dieu.  Craignant  le  Christ  en 
ett,e(Dieii  dans  le  Christ,  ils  sont  sou- 
»  aui  serviteurs  de  Dieu  et  du  Christ. 
M,  eu  notre  présence,  à  notre  comman- 
ib'^ol,  elTrayés  par  la  pensée  et  parTimago 
ftu  éternel,  vous  les  voyez  sortir  des 
:yi,  pleins  de  furuur  et  couverts  de  hon- 
;  tous  les  crorez  lorsqu'ils  vous  trom- 
il  croyez-les  de  même  lorsqu'ils  vous  di* 
(  k  vérité.,.  Les  témoignoges  de  vos 
ufonibeaucoup  deChrétiens^  parce  qu*on 
[ciii  les  croire  sans  croire  au  Christ. 
. .  1)  enflamment  la  foi  à  nos  saintes 
•W)^  ils  atTeruiissent  le  fondement  de 
'■•w?'»{)irance.,.  Toute  cette  confession  de 
■«  iimqui  avouent  qu'ils  ne  le  sont  pas, 
'I.  :iVi  point  d'autre  Dieu  que  celui  des 
'*n'(i!),sul]it  saus  doute  pour  nous  justi* 
••  tî  pour  vous  convaincre  d'adorer  le 
•''•"«je...  Je  crois  n'avoir  rien  à  ajouter  à 
'-î'Oitstration  de  la  fausseté  de  vos  dieux, 
>:Mérité  du  nôtre.  L'autorité  de  vos 
LT  mêmes  est  venue  mettre  le  sceau  à 
i^t'oce  et  à  la  force  du  raisonnement,  a 
>"i(  le  monde  comprend  maintenant 
N'joi  les  faits  de  possession  parurent 
^i  h  l'époque  de  la  venue  de  Jésus- 
M,  et  se  produisirent  pendant  tout  le 
»  que  le  christianisme  eut  à  dissiper 
sne()res  du  paganisme.  C*est  qu'il  fallait 
<%!>  ténèbres,  pour  être  dissipées,  pa* 
ntt  telles^  et  que  la  lumière  aussi  parût 
>(VIle était.  Ce  n'est  que  par  opposition 
:eij  jiouvait  avoir  lieu,  et  par  une  op- 
i<'n  sensible  comme  tout  Tétait  alors. 
tvia,  il  ne  suffisait  pas  que  la  lumière 
!i  (îans  les  téoèbres,  les  ténèbres  ne 

'•'Bien  d^autres  aperçus,  féconds  en  întéréi,  se 
¥f^!Uièi  à  nous,  mais  nous  avons  dû  nous  en 
Nr.iii  nous  auraieut  eoiralnés  trop  loin  :  c*esi 
^•^  à  j  suppléer.  Nous  lui  recommandons 
^!  k  méditer  sur  la  révolution  profonde  que  le 
>fli^ne  a  faite  dans  le  monde  moral.  Comment 
iM^me,  avec  ses  ignominies  et  ses  extrava- 
'.  »es  boucheries  humaines,  ses  prostitutions 
»*'S  &es  mystères  infimes,  sen  monstruosités 
*'  (orte,  ^-tril  pu  exister  au  sein  même  des 
^n\s  antiques,  el  y  être  passé  en  cours  de 

1  ce  point  qa*il  y  coulait  sans  bruit  comme 
>r«i3,  et  que  cVat  pour  cela  même  que  nous 
QflnAiik»ODs  qu*im parfaitement  ?  Comment  un 
l^rofood,  si  invétéré,  si  incurable  qu*on  ne  le 

^,  *-t-il  cédé  rapidement  à  Taciion  du 
liit^ne  ?  Comment  a-t-il  disparu  sans  retour  ? 
nx  rhumamié  en  a-t^lle  été  aussi  radicale* 
Nrie,  et  s*en  décage-t-elle  de  plus  en  plus  ? 
^ciit,il  y  a  là  deux  états  de  fia/«r«dbtincts; 


l'auraient  pas  comprise  ;  il  fallait  que  vss 
ténèbres  s'accusassent  elles-mêmes,  et  que 
le  môme  esprit  qui  aveuglait  les  âmes  ser- 
vit à  les  désabuser.  Averties  ainsi  par  l'au- 
torité même  de  leur  erreur,  celles-ci  n'a- 
vaient plus  alors  à  faire  qu'une  opération  de 
foi  pour  acquiescer  à  la  vérité,  en  attendant 
qu'elles  la  connussent  en  elle-même.  Par  la 
même  raison,  ce  moyen  extraordinaire  de 
révélation  a  dû  cesser  quand  l'erreur  a  été 
entièrement  refoulée  dans  les  àbtmes,  et 
que  son  empire  a  eu  fait  place  à  celui  de  la 
vérité. 

Pour  saisir  cette  explication,  et  en  géné- 
ral tout  le  mécanisme  de  la  révélation  chré- 
tienne, il  ne  faut  jamais  perdre  de  vue  ce. 
que  nous  avons  dit  si  souvent  :  Que  la  vérité 
divine,  s'adressant  à  des  intelligences  libres, 
doit  leur  ménager  sa  lumière  de  telle  sorte 
qu'elles  aient  toujours  de  quoi  la  connaître 
par  l'évidence,  mais  toujours  aussi  de  quoi 
se  l'assimiler  par  la  foi  ;  qu'elles  soient 
averties  sans  être  forcées  ;  et  que,  comme 
l'air  qui  entre  dans  les  poumons,  cet  air 
vivifiant  de  l'âme  ne  lui  fasse  jamais  dé- 
faut, maisn'y  entre  cependant  que  paraspira^ 
tion.  C'est  pour  cela  que  du  vivant  même 
de  Jésus-Christ,  et  dans  toute  sa  conduite, 
nous  le  voyons  tour  à  tour  se  montrer  et  se 
cacher,  entraîner  par  des  miracles  et  déses- 
pérer par  des  mystères,  parler  par  paraboles 
pour  qu*en  voyant  on  ne  voie  points  et  qu'en 
entenaant  on  n'entende  points  c'est-à-dire 
qu'on  ait  de  quoi  regarder  el  de  quoi  écouter 
et  de  quoi  croire^  pour  qu'on  ait  de  quoi  âé* 
couvrir^  et  de  quoi  faire^  et  de  quoi  mériter. 
C'est  pour  cela,  en  particulier,  que  nous  le 
voyons  tempérer  ie  témoignage  que  lui 
rendaient  les  démons,  pour  ne  pas  précipi- 
ter hors  de  propos  et  à  contre-temps  la  ma- 
nifestation d'une  vérité  qu'il  ne  voulait 
faire  connaître  que  par  degrés  et  selon  les 
dispositions  des  esprits;  c  est  pour  cela,  en-' 
fin,  crue  ce  témoignage  $  dû  être  retiré  du 
monde  lorsque,  victorieuse  de  l'enfer,  cette 
vérité  en  a  eu  refermé  les  portes,  ei  que 
assise  au-devant,  elle  a  vérifié  de  plus  en 
plus  cette  promesse  :  elles  ne  t^HÉvAunnoNT 
PAS  (737). 

Ainsi  s'expliquent  les  états  de  possession 

rétat  de  décbéance  et  Pétat  de  réhabilltption  ;  Tcm- 
pire  de  Satan  et  Tempire  de  Jésus^lirist.  Le  paga- 
nisme craiparé  au  chiistianisme,  c/ans  des  conditions 
de  civilisation  du  reste  parfaitement  égales^  accuse 
un  éjsarement  surnaturel,  saianique  ;  c*est,  j*ose  le 
dire,  un  état  de  possession  en  grand.  Le  monde  païen 
a  été  exorcisé  par  la  croix  de  Jésus-Clirist,  et  son 
prince  a  été  jeté  /rors,  comme  le  disait  ce  divin  Sau- 
veur :  princfps  hujus  mundi  ejicietur  foras.  La  puis- 
sance de  ce  génie  du  mal  se  fait  bien  sentir  encore, 
mais  c>st  au  fond  des  abîmes  du  cœur,  sourdement, 
et  par  le  phénomène  de  la  tentation  morale;  nubien, 
quand  elle  éclate  au  dehors  et  en  actions,  elle  y  esc 
stigmatisée  par  les  mœurs  publiquesi  et  ne  prescrit 
jamais.  Elle  n*est  pas  détruite^  mais  elle  est  surmon^ 
tée,  selon  Tantique  tradition.  Esclaves  par  nos  vices, 
nous  sommes  du  moins  libres  par  nos  remords  ;  il 
ii*y  a  pas  possession  du  mat.  mais  combat,  et  en 
somme  victoire  au  bien.  <^*  ~^*  Tétat 

iuvcrse  et  raccompliaseme  '^. 


687 


POS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


dans  leur  rappoH  avec  le  christianisiney 
leur  fréquence  à  son  origine,  et  leur  dimi- 
nution depuis  son  établissement  (738).  Nous 
avons  TU  ci-avant,  d*ailleurs,  la  preuve  his- 
torique do  leur  existence,  indépendamment 
de  cette  explication.  Il  n*y  a  donc  qu'un 
pjrrrhonisme  étroit  qui  pourrait  doutej*  de 
celte  vérité,  ^puisqu  elle  a  pour  elle  deux 
garanties  dont  Taccord  constitue  en  toutes 
choses  la  cerlilude  transcendante  :  le  fait 
et  sa  loi.  Quand  on  a  d*une  part  la  preuve 
historique  d'un  fait,  quand  d'autre  part  on  a 
une  loi  qui  l'explique,  et  que  ce  fait  et  cette 
loi  s'accordent,  se  correspondent,  jouent, 
i)Our  ainsi  parler,  l'un  dans  Tautre  avec 
justesse  tout  à  la  fois  et  avec  aisance,  alors 
on  a  la  plus  haute  certitude  i)ossible,  la  cer- 
titude complète,  la  certitude  vivante,  parce 
au'e'le  se  combine  du  physique  et  du  moral, 
u  fait  et  de  ridée,  et  cette  certitude  est  même 
d'autant  plus  forte  que  le  fait  est  plus  sin- 
gulier, parce  que  son  accord  avec  la  loi  qui 
Fexpjique  est  une  expression  d'autant  plus 
rigoureuse  de  sa  vérité. 

§111. 

Théories  explicaUves  de  quelques  tiiéologicns  proles- 
tants :  les  possessions  ne  sont  que  des  maladies  natu- 
relles; Jésus-Oiiîst  ei  les  apôtres  ont  conformé  leur 
langage  à  un  préjugé  Tulgatre.  —  Réfutalion. 


On  conviendra  sans  doute  que  ce  que 
nous  avons  dit  dans  les  paragraphes  jirécé- 
dents  suUit  bien  pour  établir  le  fait  des 
possessions  diaboliques  au  temps  de  Jésus^ 
Christ  et  des  premiers  siècles  de  r£glise 
chrétienne.  Cependant  nous  croyons  néces- 
saire d'insister  et  de  réfuter  avec  détail  les 
théories  exégétiques  que  certains  théologiens 

Srotestants  et  même  catholiques  ont  hasar- 
ées  sur  ce  sujet  et  qui  nous   paraissent 
.beaucoup  plus  spécieuses  que  solides. 

Quelques  théologiens  protestants,  tout  en 
admettant  la  véritédes  livres  duNouveau-Tes- 
lament-et  lainission  divine  de  Jésus-Christ, 

1)rétendent  néanmoins  qu'en  expliquant 
e  récit  des  possessions  évatigéliques  d'après 
]es  règles  d  une  interprétation  ré^ilinie,  on 
n'est  pas  obligé  d'admettre. la  réalité  de  ces 
possessions,  maiscju^on  |)etit  absolument  les 
entendre  de  maladies  extraordinaires  que  le 
vulgaire  attribue  au  déiuon,  et  dont  la  gué- 
risou  miraculeuse  était  une  preuve  incon- 
testable de  la  mission  de  Jésus-Christ.  Voici 
quel  est  le  fondement  do  cette  opinion,  de- 
venue très-commune  parmi  les  protestants, 
et  qui  a  même  trouvé  quelque  accès  auprès 
des  catholiques  d'Allemagne.  Les  dénions 
dit-on,  n'étaient,  selon  les  Tirées,  que  les 
Ames  des  morts  qu'ils  supi^osaient  revenir 
sur  la  terre  pour  troubler  les  vivants,  et 
causer  toutes  ces  maladies  extraordinaires 
dont  on  ne  pouvait  ni  assigner  la  cause  ni 
trouver  le  remède.^C'est  pour  cela  qu'on  ap- 

ipia  conUret  eaput  ttiuin,  tt  tu  insidiabem  calcaneo 
ejuê.  —  Dans  ce  phénomène  général  rentrent  main- 
tenant  les  phénomènes  paruculiers  de  possession 
corporelle.  Ce  sont  des  symptômes  qui  ont  suivi  le 
sort  du  principe,  et  qui  ont  eu  pour  objet  de  le  révê- 


3 


fêlait  le  mal  caduc  le  mal  sacré.  Chez  les 
atins,  on  attribuait  à  Cérès  et  aui  lams 
toutes  les  espèces  de  folie.  Voilk  pourqooi 
on  appel/lit  les  fous  cerriti  ou  larmi.  Les 
Juifs,  à  l'imitation  des  Cbaldéens  et  da 
Egyptiens,  attribuaient  aux  bons  anges  tous 
les  etfets  naturels  dont  ils  ne  comprenaient 

1>as  la  cause,  et  rapportaient  au  détûon 
es  maladies  extraordinaires,  telles  que  la 
manie.  Il  y  a  môme,  nrétend-on,  quatre  eu- 
droits  dans  l'Evangile  où  rexpressioa  df- 
monium  habet  est  synonyme  de  imanir.  Or  1^^ 
Juifs  attribuant  ainsi  au  démon  toutes  ie> 
maladies  rares  et  extraordinaires,  Mm- 
Christ  et  les  apôtres  ont  pu  conformer  loir 
langage  à  ce  préjugé  vulgaire,  de  nike 
qu'ils  s*y  coniormaient  inconlestableii<nii 
sur  bien  d'autres  points  relatifs  aux  scien- 
ces naturelles,  et  dans  lesquels  le  laD^'3:'' 
consacré  n'était  pas  plus  exact.  jy§su&-CiiriM 
a  parlé  en  effet  aux  malades  comme  sli? 
avaient  été  réellement  possédés.  Au  reste, 
il  n'a  fait  que  ce  que  font  tous  les  jour»  h 
médecins  qui,  poiir  inspirer  plus  de  ces- 
fiancé  à  leurs  malades,  et  par  ce  mojesfs- 
ciliter  leur  guérison,  affectent  un  \tm 
qui  convienne  à  leur  état  de  délire.  Ainsi 
au  lieu  de  les  contredire  et  de  les  réroller,  it^ 
entrent  dans  leurs  vues,  approuvent  tout  <^e 
-^u'ils  disent.  Content  de  soulager  ses o><l> 
es,  Jésus-Christ  s'est  peu  embarrassé  Je 
déclarer  à  la  multitude  la  vraie  cmeéecu 
maladies.  Les  évangélistes  diseRi;  il  ^ 
vrai,  qu'au  moment  de  la  guéttoaleiii^ 
mon  sortait;  mais  c'était  pour  secoBlotn^^t 
au  langage  des  Juifs  qui  ne  cûqc('(s\^^^^ 
de  guérisons  possibles  a  ces  roalatlies  f^ 
par  l'expulsion  du  démon  qu'ils  cro)ïù'"( 
en  être  l'unique  cause. 

Quelque  spécieuse  que  soit  ce^te  olf* 
tion  su  premier  aspect,  elle  peut  facileoidd 
se  résoudre.  D'abord,  tous  les  |)eupb* 
monde  ont  toujours  cru  que  des  êtres  » 
visibles  appelés  démons  venaient  quelqti^ 
fois  s'emparer  des  hommes  et  leur  causer  ^ 
férentes  maladies,  «i  Quïl  y  aitdans  le  aïo&iit 
un  certain  genre  d*esprits  malfaisants  4V 
nous  appelons  des  démons,  dit  Bossuel,ctf 
une  chose  qui  a  été  reconnue  par  le  <*• 
sentement  commun  de  toutes  les  naliov*  \ 
de  tous  les  peuples  (739).  p  Les  Chal*^ 
les  Egyptiens,  les  Juifs,  les  Grecs  et  lej!»* 
mains,  étaient  imbus  de  cette  opinion ;i;<A 
un  point  dont  conviennent  nos  advers«i*<i 
eux-mêmes.  Or,  comment  expliquer  uns» 
timent  aussi  général  et  aussi  unaniise,  )a 
n'y  a  jamais  eu  de  imssession  rée!lc'  l^ 
croyance  aussi  universelle  doit  nccvs^* 
rement  venir  ou  d'une  révélation  \mi^^ 
faite  aux  hommes  sur  le  pouvoir  du (ie»^'^' 
ou  être  le  résultat  de  quelque  pùss^'^ 
certaine;  car  tous  les  peuples,  si  opp'^JJ 
sur  tant  de  choses,  n'auraient  pu  s  être  uw 

1er  extraordinairement,  en  vue  de  guérisaol^'^ 
Hallucination  et  Démon.) 

(738)  Voir  la  note  XYI,  à  la  fin  du  volons. 

(759)  BossoBT,  Première  trniwiMfur  lesiif^' 
t.  Xil,  p.  169  ;  éait.  de  J.  A.  Letwt. 


3) 


POS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


690 


• 

«uiement  accordés  h  admeUre  des  posses- 
oasda  (léiuou,  s*ils  n*avaîcnt  pas  été  con^ 
ùum  par  quelaue  raison  qu*il  existait 
^ilénions,  et  qn  ils  pouvaient  agir  sur  les 
))imie5.  De  même  que  lo  consentement  do 
IIS  lis  iiommes  h  admettre  des  miracles 
viire,  comme  dit  Pascal,  qu*i]  y  en  a  eu 
I  rériiablcs,  de  même  aussi  le  consente- 
rrilde  tout  le  genre  humain  à  admettre 
5  f-ossessions  doit  i/rouver  qu'il  y  en  a  eu 
i(!<jues-uncs  de  réelles. 
Eii  second  lieu,  la  réalité  des  possessions 
ilmonlre  d*unc  manière  plus  efficace 
•!e  récit  des  évangélisles;  car  c'est  un 
iDiJjie  certain  que,  dans  Tinterprétalion 
s  Ecritures,  il  faut  toujours  les  expliquer 
.rèsleseiis  le  plus  simple  et  le  plus  na- 
hl,  ùi  non  d'après  les  sens  les  plus  forcés 
eb  |)lus  extraordinaires.  Or,  qui  peut 
•f'jue  le  sens  qui  suppose  des  possos- 
ciMéciies  ne  soit  le  plus  simple,le  nlus 
jh:,  celui  qui  se  préseule  d'ahord  à  l'es- 
i,  e(  qui  y  entre  facilement  et  sans  au- 
ii  t'iîori?  La  preuve  en  est  que  tous  les 
ifiiTsCbrétienSy  tous  les  anciens  Pères 
'«••»  les  interprètes,  jusqu'à  nos  jours, 
il  va  que  des  possessions  diaboliques 
»»  '«.  ttcit  des  é Yangélistes,  et  ont  con- 
.jfj'Jîjus-Chrisl  avait  prouvé  sa  mission 
Viii^ 'ilsion  des  démons,  tandis  que  le 
ti  p  L'xclut  la  réalité  des  possessions 
^.  uraordinairo  et  si  peu  naturel,  qu'on 
.•Jt  j  être  amené  que  par  des  tours  de 
'îj'e\égèse  et  par  le  préjugé  dogmati- 
•;i  commun  parmi  les  rationalistes,  qu'il 
îNie  point  de  démons,  et  que  toutes  les 
^.>ioas  sont  impossibles.  En  effet,  dans 
e  iivpothèse,  Jésus-Christ  parlerait  aux 
ou!>  qu'il  chassait  des  possédés,  un  lan- 
•  iUe  jamais  homme  de  bon  sens  ne 
•rail  employer.  Car,  les  démons  n'exis- 
I^S  le  discours  du  Sauveur  ne  peut 
'<^^er  qu'aux  maladies  ou  aux  malades 
ûitM.es.  Or,  n*csl-il  pas  contre  le  bon 
que  la  Sagesse  éternelle  ait  voulu 
^^er  ia  parole  à  des  maladies;  qu'il  leur 
■miuôvJé  de  se  taire,  leur  ait  demandé 
^  (i'»ui$,  leur  ait  défendu  de  divulguer 
"allié  de  Fils  de  Dieu,  leur  ait  permis 
^•T  dans  Je  corps  des  pourceaux  ;  per- 
-u  dont  ces  maladies  profitent,  à  l'ins- 
•e manière  que  deux  mille  de  ces  ani- 
^  >e  précipitent  dans  la  mer?  en  un 
r  ^.sus-Christ  parlait  à  ces  maladies 
''■>'  on  parle  à  des  êtres  réels  et  intol- 
')•  Or,  que!  médecin  a  jamais  ainsi 
à  des  maladies?  Qui  s'est  jamais  '  en* 
ï'ï  avec  la  fjèvre?Qui  a  jamais  com- 
i^  la  [laralysie  de  dire  quelque  chose 
hiluà  répilepsie  de  tenir  tel  ou  tel 
>Jrs?  Qui  a  ordomié  à  la  manie  de  sortir 
•rps  dun  Ijonime  pour  entrer  dans  ce« 
uii  iK)urceau?  Si  Ton  dit  que  Jésus- 
I  ^'adressait  non  à  la  maladie,  mais  au 
le  lui-même,  son  discours  devient  en- 
plus  inexplicable,  puisqu'il  commande 
mon  de  sortir  du  corps  des  deux  .pos- 
ilc  (léra^a  pour  entrer  dans  les  corps 
U4  uuUe  pourceaux,  et  que  sou  com- 


mandement est  exécuté  h  l'instant.  Or,  les 
possédés  pourraient-ils  sortir  de  leurs  pro- 
pres corps  et  entrer  dans  ceux  de  deux  mille 
pourceaux?  Ainsi,  dans  le  sentiment  de  nos 
adversaires,  le  discours  de  Jésus-Christ  de- 
vient tout  à  fait  inexplicable  et  même  d'une 
al)surdilé  qui  passe  toute  croyance. 

On  a  voulu  expliquer  les  paroles  du  Sau«> 
veur  en  cette  occasion,  comme  celles  des  co- 

1>erniciens,  qui,  tout  en  se  conformant  au 
angage  vulgaire  sur  le  mouvement  du  so- 
leil, sont  loin  d'adopter  les  fausses  idées 
qu'il  suppose.Cet  argumentestbeaucoupplus 
spécieux  que  solide.  Premièrement,  quoique 
Copernic  se  conformât  dans  les  occasions 
ordinaires  au  langage  reçu,  il  ne  le  faisait 
cependant  pas  toujours  i  quand  il  était  avec 
ses  disciples  et  dans  la  société  des  savants, 
il  savait  bien  produire  .ses  véritables  pensées; 
tandis  que  Jesus-Christ  et  ses  apôtres,  dans 
toutt^s  les  circonstances,  dans  le  commerco 
intime  comme  dans  tontes  les  relations  ex- 
térieures et  publiques,  dans  les  conversa- 
tions les  plus  sérieuses  et  dans  les  écrits 
qu'ils  ont  composés  pour  nous  servir  d'ins- 
tructions, ont  toujours  employé  le  même 
langage.  Or,  si,  comme  le  veulent  nos  adver- 
saires, ce  langage  eût  été  contraire  aux 
idées  çiuils  avaient  dans  l'esprit,  commeni 
n'auraient-ils  jamais  laissé  échapper  le  moin- 
dre éclaircissement,  surtout  ayant  eu  ()lus  do 
mille  occasions  de  déclarer  leurs  véritables 
sentiments?  Celte  hypothèse,  il  faut  en  con- 
venir, établirait  un  phénomène  bien  plus 
extraordinaire  et  bien  plus  incroyable  pour 
la  raison  humaine  que  celui  des  posses- 
sions. 

Secondement,  personne  s'avise-t-il  jamais 
de  parler  un  langage  contraire  aux  idées 
qu'il  a  dans  l'esprit,  s'il   n'y  est  forcé  par 

Quelque  motif  puissant?  C'est  ou  la  crainte 
e  ne  pas  être  compris  ou  les  ménagements 
qu'on  a  à  {^rderavec  les  personnes  h  qui  on 
parlo,  ou  bien  entin  la  persuasion  où  l'on  est, 
qu'il  n'importe  en  rien  a  la  vérité  qu'on  se  con- 
forme au  langage  ordinaire.  Or,  aucune  do 
ces  raisons  n'a  pu  porter  le  Sauveur  à  parler 
invariablement  des  démoniaques  comme  s  il 
leseûl  crus  réellement  possédés.  Ce  n'était  pas 
assurément  la  crainte  de  ne  pas  être  compris 
des  Juifs;  car  quoi  de  plus  simple  et  de  plus 
aisé  que  de  dire  que  les  {Personnes  qu'il 
guérissait  n'étaient  pas  réellement  possé- 
dées, mais  seulement  maniaaues?  11  ne  fal- 
lait point  inventer  de  nouvelles  idées  et  des 
moti  différents,  puisque,  selon  nos  adver- 
saires, être  possédé  du  démon  ou  être  ma- 
niaque sont  des  expressions  absolument 
synonymes.  Ce  n'était  point  non  plus  par 
ménagement  pour  les  Juifs  :  Jésus-Christ  a 
montré  plus  d'une  fois  qu'il  ne  craignait 
point  d'attaquer  les  préjugés  des  hommes  ; 
il  n'a  pas  épargné  les  pharisiens  et  les  prê- 
tres eux-mêmes.  Enfin  ce  n'était  point  parce 
Sue  cette  erreur  était  indifférente  à  la  saino 
octrine.  Nos  adversaires,  du  moins,  ne  sau- 
raient le  prétendre  sans  se  mettre  en  con- 
tradiction avec  eux-mêmes,  puisqu'ils  ne 
cessent  de  se  plaindre  qu'on  nourrit  ia  su- 


9sn 


POS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


m 


perstition  en  soiilenaDt  la  rénliU^  des  pos- 
sessions, et  qu'il  faut  absolument  effacer 
cette  tache  des  actions  du  Sauveur,  pour 
qu*eIlessoientassortieshsondivin  caractère. 
'Joute  cette  démonologie  n*est,  selon  eux, 
qu'un  reflet  de  l'idolâtrie  qui  nous  représen- 
taitleDieudu  ciel  abandonnant  le  gouverne- 
meut  decetuniversà  des  génies  subalternes, 
ce  qui,  disent-ils,  est  contraire  au  dogme  de 
la  Providence  et  à  la  doctrine  de  l'Evangile 
sur  l'état  des  démons  et  des  Ames  des  morts. 
Mais  JésusrChrist,  qui  était  venu  sur  la 
terre  pour  flétrir  la  superstition,  et  montrer 
la  faiblesse  de  Tempire  du  démon,  devait^ 
ily  par  son  langage,  favoriser  des  idées  aussi 
fausses?  N'était-il  pas  obligé  de  déclarer  à 
toute  la  terre  que  Satan  n'avait  aucun  pou- 
voir sur  les  hommes  ;  que  tous  les  démons 
n'élaient  que  des  êtres  chimériques,  créés 

λar  la  superstition  et  l'ignorance  ;  que  tous 
es  démoniaques  n'étaient  que  des  cerveaux 
malades,  et  les  exorcistes  juifs  et  païens  que 
des  dupes  ou  des  imposteurs. 

Troisièmement.  Si  Jésus-Christ  n'était  pas 
obligé  de  délivrer  les  hommes  de  cet  absurde 
préjugé,  il  était  au  moins  de  sa  véracité 
divine  de  ne  ])as  le  confirmer  ni  de  l'enra- 
ciner encore  plus  fortement  dans  les  esprits. 
Or,  c'est  cependant  ce  qu'il  aurait  fait,  si 
les  possessions  n'étaient  point  réelles.  Car, 
lorsque  les  scribes  et  les  pharisiens  l'accu- 
sent de  chasser  les  démons  par  Bécizébub, 
il  ne  nie  point  qu'il  exerce  un  pareil  nou- 
voir;  mais  après  leur  avoir  fait  sentir  l'ab- 
surdité d'une  hj'pothèse  où  Salan  se  com- 
battrait lui-même,  et  avoir  conclu  gue  ce 
n'est  pas  \)ar  Béelzébub,  mais  par  la  iniissance 
de  Dieu  qu'il  chasse  les  démons,  il  tire  im- 
médiatement de  ce  pouvoir  divin  une  preuve 
convaincante  de  la  vérité  de  sa  mission  : 
Porro  si  in  digilo  Dei  ejicio  dœmonia,  pro- 
feclo  pervertie  in  vosregnum  Dei,  {Luc.  xi,  20.) 
Or,  Jésus -Christ  pouvait -il  appuver  sa 
mission  surune  |)reuve  entièrement  lausse? 
Pouvait  -il,  pour  s'accréditer  ,  confirmer 
Terreur  et  la  superstition  ?  Devait-il  donner 
du  relief  aux  œuvres  prétendues  du  démon, 
et  nourrir  ces  faux  préjugés  que  son  mi- 
nistère Tobligeait  à  déraciner?  donne-t-il 
le  moins  du  monde  h  entendre  qu'il  ne  fait 
en  cette  occasion  qu'un  simple  argument 
ad  hominem  f 

Mais  pour  faire  toucher  au  doigt  toute  la 
fausseté  de  la  supposition  de  nos  adversaires, 
citons  un  autre  exemple  où  Jésus-Christ,  de 
lui-même,  et  sans  y  être  amené  par  aucun 
raisonnement  antérieur  des  Juifs,  donne 
encore  l'expulsion  des  démons  comme  une 
preuve  authentique  de  sa  mission  divine. 
Quehjues  pharisiens  ayant  essayé  de  l'inti- 
mider, en  lui  disant  qu'Hérode  le  cherchait 
pour  le  mettre  à  mort,  Jésus-Christ  leur 
répondit  :  Allez  dire  à  ce  renard  :  Voici  que 
je  chasse  les  démons^  et  gue  je  rends  la  santé 
aux  malades^  aujourd'hui  et  demain  ;  et  dans 
troiA  jours  je  serai  mis  à  mort,  (Luc,  xiii,  32.) 
On  voit,  en  effet,  par  ces  paroles  que  Jésus- 
Christ  compte  évidemment  parmi  les  fonc- 
tions de  son  ministère,  non-seulement  la 


guérison  des  maladies,  mais  encoro  reijia). 
sion  des  démons.  Ainsi,  c'est  par  ces  oeut 
marques  que  les  hommes  doivent  connatire 
qu'il  est  l'envoyé  de  Dieu,  Or,  rien  ne  l'o- 
bligeait en  cette  occasion  à  distinguer  m 
deux  opérations  merveilleuses ,  et  à  les 
donner  l'une  et  l'autre  comme  les  caraclèn^s 
de  sa  mission.  La  guérison  des  maladits 
suffisait  abondamment  pour  la  prouTer; 
l'expulsion  des  démons  ne  pouvait  ser-ir 
qu'à  autoriser  l'erreur,  si  les  possessicns 
en  étaient  une.  Ainsi,  il  faut  nécessairemeiil 
dire  que  le  Sauveur  a  autorisé  Terreur 
volontairement,  sans  nécessité ,  sans  y  éire 
forcé  par  aucun  raisonement  de  ses  adrer- 
saires. 

Quatrièmement.  Jésus-Christ  n'aurailjas 
dû  au  moins  confirmer  dans  celle  errenr 
ses  apôtres  et  ses  disciples,  pour  qui  il 
n'avait  rien  de  caché,  et  à  qui  il  ne  ûmi 
pas  les  mêmes  ménagements  qu'à  la  nio!(.* 
tude.  Or,  cependant  la  manière  donl  il  kr 
a  parlé,  quand  ii  leur  a  donné  sa  mm. 
a  dû  nécessairement  les  y  confirmer,  luii- 

a  ne,  quand  il  envoya  ses  soixanlew 
isciples,  ii   leur  donna  non-seuleffie.ii{f 
pouvoir  de  guérir  les  maladies,  maispr^e 
celui  de  chasser  les  démons:  inprmosmf. 
dœmones  ejicite,  {Matth.  x,  8.)  El  lorspi'ja 
moment  de  monter  au  ciel,  il  enToic'K^ 
apôtres,  il   donne  encore  comme  oiirp 
do  leur  mission  et  comme  l'effet  œ^rf"- 
leux  de  leur  ministère,  non-sculcffl«t^<'^ 
guérisons  dos  maladies,  mais  ewnK  l'et* 
pulsion  des  démons  :  In  nomine  ww  ^^ 
nia  ejicientf  super  œgros  manus  iwponwl  a 
benehabebunt,  (Mare^   xvi,  18.)  Mais  déve- 
loppons un  peu  la  belle  preuve  que  foumi^ 
sent  ces  paroles:  distinguer soigncmera^îit 
le  pouvoir  de  chasser  les  démons  de  i^^jn 
de  guérir  les  maladies;  après  avoir  coofnî 
ce  dernier   pouvoir,    conférer  encore  > 
premier;   donner   l'un  et  Taulre  poui'«f 
comme  la    marque  de  la  mission  de  ^ 
apôtres  et  de  ses  disciples,  et  coromedeTJûî 
êlre  l'un  et  l'autre  J'efTet  merveilleuî  «J« 
leur  ministère,  suppose  éviderameni  tj»* 
l'expulsion  des  démons  n'est  pas  un  pouy-'f 
purement   imaginaire  ,  et  qui  doive  êff^ 
confondu  avec  la  guérison  des  maladies,  it 
c'est  ce  qu'a  fait  Jésus-Christ;  il  a  i\^ 
visiblement  à  entendre  à  ses  apôlres  iju'- «? 
pouvoir  de  chasser   les  démous  étaii  w 
pouvoir  réel.  Donc  il  les  aurait  conlint;^ 
dans  l'erreur,  si  les  possessions  ellesD'* 
mes  n'étaient  pas  réelles.  Telle  csl  «u^j'i 
l'idée  qu'ont  eue  les  apôtres  de  ce  merTril- 
leux  pouvoir;  ils  en  ont  narlé  de  la  vn^^ 
manière,  et  l'ont  exercé  après  lui.  Saj"i 
Paul  à  Phi  lippes  et  à  Ephèse  a  chassé  i<?^ 
démons.  Comment  peut-on  regarder comj»'* 
naturelle  la  connaissance  qu'avait  des  chf^ 
cachées  celle  fille  de  Philipj)es  dont  il  r^; 
parlé  dans  les  Actes  des  apôtres?  (m  16  '• 
suiv.  )  puisqu'un   exorcisme  praliqoH^^ 
saint  Paul  la  lui  fit  perdre,  au  point  «p' 
ses  maîtres,  se  voyant  privés  du  f:ain  f"''- 
sidérablo  qu'elle  leur  procurait,  cn|'rir*«?* 
occasion  de  persécuter  le  saint  apOir^- 


( 


■ 

I 


05 


POS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


€9^ 


Si  (les  aptMros  nous  passons  aux  premiers 
*^p5  de  I Eglise,  nous  verrons  tous  les. 
lionumcnts  les  plus  anciens  déposer  en 
iKurdela  réalité  des  possessions, 
D'al)Or(i,  TEglrse,  dès  les  temps  apostoli- 
QC5,  a  établi  un  ordre  ecclésiastique,  celui 
>iorcislc,  dont  la  fonction  propre  est  de 
►.3«ser  les  démons  du  corps  des  possédés  ; 
irclordrea  persévéré  jusqu'à  nos  jours. 
m,  TEglise  a  cru  dans  tous  les  temps 
B*ilyavaildes  possédés,  et  que  ses  mi- 
gres avaient  le  pouvoir  de  les  exorciser 
llea  chasser  les  démons. 
En  second  lieu,  ce  pouvoir  était  regardé 
«mue  si  certain,  que  les  apologistes  do  la 
<ijion,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  n'ont 
Horainlderolyocter  aux  païens  comme  une 
•«.•uve  irrécusahle  de  1  impuissance  des 
jBionselde  la  vertu  toute-puissante  du 
mille  Dieu.  C'est  ce  qu'on  peut  voir  dans 
i[K)lu^'ie  de  saint  Justin  au  sénat  romain, 
iteson  dialojjue  contre  Triphon  ;  dans 
int  Irénée,  nui  assure  que  les  démons 
iiMinfâillibleracnt  chassés  du  corps  des 
-Tçiimèncs  par  la  puissance  de  l'Eglise, 
i^mi  qui  en  sont  délivrés  se  convertis- 
f^Uafoi;  dans  Terlullien,  qui  n'est  pas 
«l'n^kmcl  en  plusieurs  endroits  de  ses 
^"^tse(  surtout  dans  son  Apologétique. 

■ 

inû],  ces  délivrances  miraculeuses  sont 
^it*-spar  Minu  lius  Félix,  Origène,  Eu« 
(^  Lactance,  sa  int  Alhanase,  saint  Gré- 
rMl»î  Naiianze,  saint  Jérôme,  saint  Au- 
^%  en  un  mol  par  tous  les  Pères, 
rn^isièmement,  ces  faits  étaient  si  in- 
ilestabies  qu'ils  ont  été  avoués  par  les 
<K'rands  ennemis  du  christianistne,  par 
ien  l'Apostat,  qui  dit  que  Jésus  n'a  nen 
d^  mémorable,  à  moins  qu'on  ne  veuille 
îrder  comme  de  grands  exploits  d'avoir 
pi  les  malades  et  chassé  les  démons. 
t«e  au  avouait  aussi  le  célèbre  Volusien 
Ha  lettre  à  saint  Augustin  :  u  Les  dé- 
15  chassés,  disait-il,  les  malades  guéris, 
îiorLs  ressuscites  étaient  peu  de  chose 
'un  Dieu  ,  puisque  des  hommes  en  ont 
valant.»  Celse  avouait  lui-même  que 
^  avait  chassé  les  démons  ;  mais  il 
endait,  comme  les  Juifs  du  temps  du 
»«ur-el  les  Juifs  d'aujourd'hui,  que  c'é- 
[ar  Béelzébub  qu'il  opérait  cette  expul- 
«dierveilleuse. 

httrièmement,  la  réalité  des  possessions 
*»"mve  encore  par  une  multitude  de  faits 
'^Ms  dans  les  monudients  ecclésias- 
f'^set  dans  les  histoires  modernes,  dont 
-riain  nombre  au  moins  est  tellement 
^t-Mé  qu'on  ne  peut  fes  nier  sans  tomber 
'•eplus  impudent  pyrrhonisme.  Ajou- 
qae  les  phénomènes  de  ces  possessions 
*  rien  de  commun  avec  ceux  de  la  ma- 
•1^  IVpilepsie,  et  autres  affections  ex- 
f^linaires.  Il    est  vrai  que   les  adver- 

^^!  <  Edator  bic  aliquis  sub  triounadbus  ve- 
»  'luem  d<enione  agi  constei  ;  jusstfs  a  quolibet 
>^'2Q<i  spiritus  îlle,  tim  se  daeaiotiem  conlliebilur 
■^•Of  qnaoi  alibi  Deum  de  falso.  i  {Apotoget,, 


saires.  que  nous  combattons  n'admettent 
généralement  pas  l'autorité  de  ces  monu- 
ments; mais  il  en  est  d'autres,  dont  le  té- 
moignage ne  devrait  pas  leur  paraître  sus- 
pect. Ainsi,  Cudworth  cite,  entre  plusieurs 
autres  exemples  de  faits  analogues,  celui 
d'un  possédé  qui,  au  témoignage  deFernel,. 
médecin  de  Hen ri  II,  et  d'A  mbroise  Paré,  pro- 
testant, parlait  grecet  latin  sans  jamais  avoir 
appris  ces  deux  langues.Xe  célèbre  critique 
.  Leclerc,  qu'on  ne  prendra  jamais,  sansdoute, 
pour  un  esprit  crédule,  rapporte  aussi  plu- 
sieurs faits  d(i  ce  genre  dans  sa  Bibliothè^ 
que  choisie  (t.  XIII).  De  là,  Mosheim  avouo 
qu'il  ne  saurait  partager  l'opinion  de  ceux 
qui  prétendent  que  tous  les  monuments 
ecclésiastiques  qui  rapportent  des  histoires-  , 
de  démoniaques  délivrés  par  les  exorcis- 
mes  des  anciens  Chrétiens,  sont  controuvés 
et  nullement  authentiques.  Le  savant  pro- 
testant ajoute  que  si  cette  opinion  était  une 
fois  admise,  on  devrait  craindre  de  voir  non- 
seulement  toute  l'autorité  de  ces  homme» 
vénérables  qui  ont  vécu  dans  les  premiers 
siècles  du  christianisme  entièrement  dé- 
truite, mais  encore  l'histoire  de  notre  Sau- 
veur lui-même  tout  à  fait  dénaturée,  et 
souillée  par  des  esprits  profanes  et  corrup- 
teurs :  Verum  etiam  ad  ipsam  Salvaioris 
nostri  historiam  plane  pervertendam  et  eon-- 
taminandam  profanis  mentibus  patefiat  adi'^ 
tus.  (741) 

|IV, 

Examen  criUqoe  de  la  théorie  de  labn  et  réfutation  de 

ses  arguments. 

Les  preuves  qui  établissent  la  croyance  en 
ia  réalité  des  possessions  ont  toujours  paru 
si  fortes  et  si  évidentes,  qu'il  ne  s  est  jamais 
élevé  un  doute  sur  ce  sujet,  au  point  qu'il 
serait  peut-être  impossibicde  citer,jusqu'att 
moment  de  la  réforme  protestante,  un  seul 
interprète  chrétien  qui  ait  expliqué  autre- 
ment le  texte  évangélique;  et  encore  est-i( 
vrai  de  dire,  que,  môme  depuis  cette  épo- 
que, la  plupart  des  exégètes  s'en  tenaient 
toujours  au  sentiment  des  anciens.  Ce  n'est 
donc  que  depuis  la  naissance  de  la  nouvelle 
exégèse  que  le  rationalisme  s'étantjinlroduit 
dans  le  domaine  de  l'Ecriture  sainte»  et 
ayant  fait  tous  ses  efforts  pour  en  bannir 
jusqu'aux  plus  légères  traces  du  surnatu- 
ralisme qui  y  domine  dans  toutes  les  parties, 
on  n'a  plus  vu  dans  les  démoniaques  do 
l'Evangile  que  des  hommes  atteints  de  ma- 
nie, d'épilepsie,  d'hypocondrie  et,  autres 
maladies  extraordinaires.  Le  mal,  comme 
nous  l'avons  déjà  remarqué,  n'a  pas  répandu 
seulement  ses  ravages  parmi{les  protestants, 
dont  tes  principes  dogmatiques  laissent  aux 
croyances  une  grande  latitude  ;  il  a  même 
gasné  plusieurs  catholiques,  /lont  le  princi- 
pal est  le  célèbre  lahn,  un  des  critiques  les 
plus  remarquables  qui  aient  écrit  sur  la 
Bible,  mais  dont  la  hardiesse  et  la  témérité 

c.  25.)  Voyez  plus  haut,  §. 

(7il)  J.  L.  MosiiKMiL's,  apud.  R.  Gubwobtui  Sj^s- 
tcma  mtd'eciuate^  \,  H,  p.  158,  iiot.  t;  ciiit.  socuoda. 


C95 


POS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


m 


égalent  le  profond  savoir.  Il  faut  dire  qu*il 
sesld*autant  |)Iusc{rorcé  d'étabi'lr  son  son- 
timontf  qu'il  ne  le  recardait  comme  opposé 
ni  &  l'Evangile  ni  à  la  doctrine  de  TE^lise 
catholique.  Ses  talents  et  son  érudition 
Tont  mts  h  même  de  faire  valoir  tout  ce  qui 
peut  se  dire  en  faveur  de  celte  opinion; 
comme  il  n'a  négligé  aucun  des  arguments 
de  ses  devaDciers*  et  que  les  critiques  qui 
ont  écrit  après  lui  n'ont  rien  ajouté  de  nou- 
veau, nous  n'avons  pas  cru  pouvoir  mieux 
faire  que  de  présenter  un  exposé  de  la 
théorie  qu'il  a  dévelopj>ée  dans  son  Arcliéo^ 
logie  biblique^  et  d'essayer  de  la  réfuter,  en 
prenant  un  à  un  ses  divers  arguments. 

«  1.  Jésus-Christ  et  les  apôtres^  dit  notre 
antagonistet  ont  dû  attacher  au  mot  démon 
le  même  sens  qu  y  attachaient  les  Juifs,  les 
Grecs  et  les  Romains;  autrement  ils  n^eus- 
sent  pas  été  compris  de  ces  peuples  auxquels 
ils  s'adressaient.  Or,  ce  mot  signifiait  chez 
les  Juifs,  les  Grecs  et  les  Romains,  non  le 
démon  proprement  dit  et  tel  que  nous  Ten- 
tendons  dans  le  langage  ordinaire,  mais  les 
âmes  des  morts  qui,  après  avoir  mené  une 
vie  criminelle  qu'ils  avaient  finie  d  une  ma- 
nière violente,  étaient  supposées  venir  sur 
la  terre  tourmenter  les  vivants.  Celte 
croyance  était  évidemment  une  vérilable 
erreur  que  Jésus-Christ  et  les  apôtres  n*ont 
jamais  pu  autoriser.  Donc,  ils  n  ont  pas  cru 
que  toutes  ces  possessions  dont  ils  parlent 
lussent  réelles,  et  on  doit  expliquer  aulre- 
luent  leurs  paroles.  )> 

lahn  et  tous  ceux  qui  partagent  son  opi- 
nion insistent  beaucoup  sur  cet  argument; 
cependant,  quoiqu'ils  puissent  dire,  il  s'en 
faut  beaucoup  qu'il  soit  péremploire.  D*a- 
bord,  il  est  faux  de  dire  que  les  Juifs,  les 
Grecs  et  les  Romains  aient  restreint  le  sens 
du  mot  de  démon  aux  seules  âmes  des 
niorls.  Ce  mot  signifiait  en  général  parmi 
eux  un  génie  soit  bon  soit  malfaisant.  La 
chose  est  si  claire,  que  nous  pourrions  nous 
.dispenser  d'en  fournir  la  preuve.  Nous  nous 
bornerons  donc  h  rapporter  les  témoignages 
de  deux  lexicographes  dont  Tautoriié  est 
généralement  reconnue,  surtout  parmi  nos 
adversaires.  Schleusner,  dans  son  Diction- 
naire  du  Nouveau  Testament^  dit  que  dalmùn 
(daifiv)v)siguifiechez  les  auteurs  profanes  tan- 
tôt un  dieu  on  une  déesse,  et  tantôt  un  génie 
puissant  envoyé  par  les  dieux.  Ce  savant 
appuie  son  assertion  sur  Tautorité  d'Ho- 
mère et  de  Pindare  (7<V2).  Il  en  est  de  même 
ûe  dalmonium  (Sm^ioviov);  il  signifie,  selon 
lui,  ou  un  être  divin,  ou  un  génie  puissant, 
inférieur  aux  dieux,  mais  supérieur  aux 
héros,  et  qui  aiiproche  beaucoup  de  la  di- 
vinité.; et  encore  ici  Schleusner  indique 
})lusieurs  passades  des  auteurs  profanes  en 
àveur  de  ce  qu'il  avance  ('7^3).  firetschnci- 
der  n'est  ni  moins  positif  ni  moins  formel 
dans  son  Lexkon  manuale  N.  T.  Or,  son 
témoignage  est  d'autant  plus  précieux,  qu'il 

(7il)  IloifKii.. //îa</. ,  XIX,  188    Pwdar.,  olymp. 
XIX,  p.  5« 


considère  la  croyance  aux  démoniaques  de 
TEvangile  commeune  s  unersli  lion  des  Juifs. 
On  a  pu  donner  auelqueiois  le  nom  i^ài- 
mon  aux  âmes  aes  morts,  qu'on  vt^Mi 
commodes  génies  malfaisants;  mais  c est 
une  erreur  historique  que  de  prétendre  que, 
surtout  chez  les  Juifs,  il  ait  été  restreint  i 
cet  unique  sens.  Le  diable  étant  un  esitrit 
puissant  et  malfaisant,  on  conçoit  coiiioiem 
les  Juifs  hellénistes  ont  pu  lui  donner  le 
nom  de  démon. 

En  second  lieu,  il  est  très-certain  que !ei 
auteurs  sacrés  n'ont  point  restreint  le  mot 
démon  aux  seules  âmes  des  morts;  il  o'j  a 
dans  le  Nouveau  Testament  aucun  passage 
d'où  on  puisse  le  conclure.  Aussi,  ni 
Schleusner,  ni  Rrelschneider,  que  noasve- 
lions  de  citer,  n'ont-ils  donné  ce  sens  ï  m 
seul  des  endroits  où  il  s*y  trouve  employé. 
fiien  plus,  il  y  a  dans  les  Evangiles  h 
passages  qui  supposent  évidemment  qu'il 
s'agit  de  démons  proprement  dits,  puisquoa 
sup()Ose  que  Bécizébub  était  le  prince  de^ 
démons  uue  Jésus-Christ  chassait  (Lw.ii 
15),  que  Satan  tombait  du  ciel  lorsque  le< 
soixante-douzcdisciplcs  chassaient  ces  eqii!* 
vais  esprits  {Luc,  x,  17,  18);  puisque  b 
Sauveur  dit  de  la  femme  courbée  qoVik 
était  liée  par  Satan  (Luc.  xiu,  16); et  w. 
saint  Luc,  dans  lesÀctes  des  apôtru  [i.«;. 
assure,  en  parlant  de  ces  possédés,  fi'^ 
étaient  tourmentés  par  le  diable  jvs»  r^> 
itetf^okoM).  Or,  nous  avons  montré  pltfiif"' 
que  le  mot  grec dm&o/ojr.lorsqu'ilelp'of- 
dé  de  farticle  déterminatif,  signiilel(»lv:i9. 
aussi  bien  que  Salan^  le  démon  propRUieiA 
dit. 

Troisièmement,  on  ne  peut  nïieuxiii;«f 
du  sens  que  les  écrivains  du  Nouveau Tiv 
lament  ont  attaché  au  mot  d/mon  que  i^ar  is 
sentiment  de  l'Eglise  primitive  el  la  tnJi- 
lion.  Or,  l'Eglise  primitive  et  la  tratoa 
n'ont  jamais  cru  que  les  démoniaques 
de  l'Evangile  fussent  possédés  par  les  &»)q 
des  morts,  mais  uniquement  par  Icsdénioii^ 
propretnentdits.  On  a  bien  prétendu  qu<* 
quelques  Pères  de  l'Eglise  avaient  eu  ctil« 
opinion,  mais  c'est  à  tort;  ils  ont  pu  d-^ 
avec  saint.  Justin,  que  tel  était  le  senlimtii 
des  païens,'mais  ils  ne  l'ont  janaais  dooiie 
comme  leur  appartenant  ;  car,  dans  une  [uuF 
tilude  d'endroits  de  leurs  ouvrages,'iU  {>'«• 
priment  trop  clairement  en  faveur  des  da- 
mons proprement  dits,  pour  qu'il  soit pos>i* 
ble  de  leur  attribuer  celte  opinion  absurJ?. 

2.  Il  n'y  a  rien  dans  les  ailectidns  des  d^ 
moniaquesqui  indique  nécessairement  une 
possession  diabolique  réelle;  tous  leaj^ 
symptômes  peuvent,  au  contraire,  s'eipli* 
quer  aisément  par  des  maladies  pureuieM 
naturelles,  telles  que  la  manie,  répiiepsu'. 
l'hypocondrie  et  autres  alTections  de  '^' 
geui*e.  Les  possédés  de  Gérasa  {Stalth.  vuu 
28  el  suiv.  ;  Marc,  v,  1-20  ;  Lue.  vm.  27 il 
suiv.)  avaient  tous  les  symptômes  de  la  tiii- 

(743)  Jambl.,  vu.  Pyîhagor.,  c.îl,S4,  éditiûs- 
leri.  Ou  peut  \oir  encore  d'auires  CénioigMges  ^ 
CtJDWORTH,  Sy$(ema  inieUcclutiU^  t  1,  c.  4,  b«  ''^i. 


» 


POS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


6W 


r. 


oio  mtsaRliiropîquc  ;  ils  fuyaient  ]a  compa- 
:nio  des  hommes,  habitaient  dans  les  tom- 
i!edut,  brisaient  les  chaînes  dont  on  voulait 
liS  lier;  ils  poussaient  des  cris  effrayants; 
«qui,  selon  les  médecins,  convient  parfai- 
fweni  aux  maniaques  de  cette  espèce.  Le 
mulique  dont  parle  saint  Matthieu  (xviiy 
3;  cl  sainl  Luc  (ix,  36}  avait  toutes  les  af- 
piMs  de  l'épi ie(^ie.  11  éprouvaitdes  con- 
«liiuiis  de  tout  le  corps»  criait  tout  è 
t»uf),  ré))andait  de  i*écume,  tombait  daus 
{«u(!tdAnsle  feu,  se  sentait  tourmenté 
ni fliangcments  delà  lune,  puisc]u*on  lui 
onijcleooffl  de  lunatique.  Or,  disent  nos 
iîFr^aires,  toutes  cesauections  sont,  selon 
s  u^édecins,  celles  de  Tépilepsie  natu- 
•lie.  l4  jeune  fille  possédée  d'un  esprit  de 
«"jion.Jonl  il  est  parlé  dans  les  Actes  des 
Mim  (xvi,  10),  était  atteinte  d'une  bal- 
u'Hialio:]  pieuse  qui  la  faisait  prophétiser. 
rémn  Dous  assure  que  les  insensés  étaient 
la^  Tusagc  de  prophétiser  et  de  gagner 
••;ie  beaucoup  d'argent  par  ce  nïoyen..Les 
^M^>  s  sourds  et  aveugles,  dont  il  est  parlé 
«1^ l'Evangile,  peuvent  n'avoir  été  que  des 
wf;.ij]ues,  puisque,  selon  le  docteur  Es-, 
** '».  l'épilepsie  produit  quelquefois  le 
>^v<K'ei  Ja  surdité.  De  même,  la  femme 
'"-î'tçcut  aussi  n'avoir  été  qu'une  épi- 
Mii'.j«rce  que  c'est  le  propre  de  Tépi- 
-«ï*/"? courber  le  corps  et  d  amener  avec 
*»  psieurs  dérangemenls  physiques. 
(^•^^•iu'ya  dans  les  démoniaques  aucun 
V-  t''ie  qu'on  ne  puisse  expliquer  d'une 
îW'U'ualureUe  et  d'après  les  principes 
faiiudccine;  et,  par  conséquent,  on  ne 
'i^illeaienl  recourir  pour  les  expliquer 
t}>«Tfliion  du  démon. 

'»'u^  avons  plusieurs  réjionses  è  opposer 
îipuhjuciion.  D'abord,  quand  nous  ac- 
linons  que  les  symptômes  qui  se  mani- 
kitni  «Jans  les  démoniaques  de  l'Evan- 
5<  ni  absolument  les  mêmes  que  ceux 
ttjania(|ues  et  des  épilepliques,  nos  ad- 
*ir<;s  ne  gagneraient  rien  è  cette  espèce 
«•mce.>sion;  car  ils  n'auraient  aucun 
*  den  conclure  que  ces  maladies  ne 
w?ûi  rpfiir  du  démon;  puisque  ce  malia 
'•Il  ayant  le  pouvoir  d'agir  sur  la  ma- 
'«  l'eut  absolument  en  avoir  été  la  cause. 
'  "savons  de  plus,  par  le  témoignage 
iiJiMc  de  Jésus-Christ  et  des  évangélis- 
\iff  ces  symptômes,  quelque  naturels 
*'ts  suppose,  Tenaient  de  l'opération 
<^on  ;  puisque ,  comme  nous  l'avons 
'  'viDtré,  les  paroles  des  démoniaques 
"OxpUcables  dans  toute  autre  hypo- 
' .  e(  ({ue  reiomple  des  coperniciens  ne 
'(i  être  allégué  pour  en  donner  une  ex- 
^*i'>n  convenable. 

>«i  ré^nduns  encore  qu'il  n'est  pas 
'>n  qu'on  puisse  expliquer  nalurelle- 
t  tmt  ce  aue  r£vangile  nous  dit  des  dé- 
ia')ues.  Il  est  dit,  par  exemple,  que 
iU(!Jé;b us  aborda  au  pays  des  Gérasé- 
%«lfiu\  possédés  sortirent  des  caver- 
it  vinrent  à  sa  rencontre,  en  criant  : 

>'.  ^'tjf.  MB  Dklionnaire  de  la  fiblCf  àrarlicle  BeseMcne^  c'est-à-dire  possédât. 


Jésus^  Fils  de  Diru^  éUs-vous  venu  ici  pour 
nous  tourmenter  avant  le  temps  ?  {Matth.  viii, 
28,  29.)  Nous  le  demandons  à  nos  adversai« 
res  :  comment  ces  hommes,  qui  habitaient 
un  pays  où  Jésus  n'était  jamais  allé,  ont-ils 
pu  le  reconnaître  aussitôt  pour  le  Fils  de 
Dieu?  Assurément  ce  n'a  été  par  aucune 
voie  naturelle;  car  autrement  ils  auraient  eu 
lus  de  pénétration  que  les  prètrres  et  toute 
a  Synagogue.  Remarquons  que  ces  démo- 
niaques se  plaignent  à  Jésus-Christ  de  eo 
qu'il  vient  les  tourmenter  avant  le  temps; 
plainte  qui  ne  peut  venir  de  ces  malheu- 
reux eux-mêmes  qui  réclamaient  son  se- 
cours, mais  oui  venait,  sans  contredit,  des 
démons  qui  les  possédaient  et  qui  redou- 
taient la  divine  puissance  de  Jésus-Christ. 
Ajoutons  que  les  démons  qui  possédaient 
ces  malheureux  démoniaques  demandent  à 
Jésus-Christ  qu'il  leur  permette  d'entrer 
dans  le  corps  de  deux  mille  pourceaux  qui 

f)assaient  aux  environs;  et  que  le  Sauveur 
è  leur  ayant  permis,  ils  sortent  aussitôt  du 
corps  de  ces  deux  hommospour  entrerdans 
celui  de  ces  animaux,  et  sur-le'>champ 
tout  le  troupeau  se  précipite  dans  la  mer. 
Voilà  certainement  un  phénomène  qu'il  est 
impossible  d'expliquer  naturellement ,  et 
contre  lequel  tous  les  efforts  des  rationa- 
listes viendront  infailliblement  échouer. 
Car,  si  ce  n'est  pas  le  démon  qui  sort,  ce 
doit  être  ou  la  manie  ou  les  maniaques 
eux-mômes  Si  c'est  la  manie,  comment  peut- 
elle  se  communiquer  h  deux  mille  pour- 
ceaux? Quant  ù  la  seconde  hypothèse,  elle 
est  d'une  absurdité  qui  révolte  le  bon  sens. 
En  effet,  les  maniaques  peuvent-ils  sortir 
de  leur  propre  corps,  et  entrer  dans  celui 
des  pourceaux?  Pour  se  débarrasser  de  ce 
passage,  lahn  dit  que  ce  sont  les  deux 
possédés  qui,  s'élant^jetéssur  les  pourceaux 
par  l'effet  de  leur  manie,  les  précipitèrent 
dans  l'eau  ;  mais,  alors,  que  deviennent  les 
paroles  de  l'Evançile:  At  illi  (dœmones) 
exeuntes^  abierunt  m  porcos^  et  ecce  impetu 
abiit  totus  grexper  prœceps  in  mare ,  et  mor- 
tuisuntinaquts?  {Matth.  vni,  32)  paroles 
qui  indiquent  clairement  que  ce  ne  sont  pas 
les  maniaques,  mais  les  démons  dont  ils 
étaient  possédés,  qui  entrèrent  dans  les 
pourceaux.  De  plus,  entrer  dans  les  pour* 
ceaux  et  se  jeter  extérieurement  sur  eux^ 
sont  des  expressions  bien  différentes.  Si 
nous  soutenions,  nous,  que  deux  hommes; 
ont  précipité  deux  mille  pourceaux  dans  la 
mer,  les  mythologues  no  manqueraient 
point  de  s'écnier  que  c'est  une  fiction  poé- 
tique, vu  que  la  chose  est  en  dehors  do 
toute  vraisemblance.  Winerdit,  à  la  vérité» 
qu'il  n'jra  eu  qu'une  partie  du  troupeau  qui 
fut  précipitée  dans  les  eaux  (7W);  mais  son 
assertion  est  contraire  à  l'Evangile,  qui  dit 
expressément  que  tout  le  troupeau,qui  con- 
tenait deux  mille  pourceaux,  fut  précipite. 
Ajoutons  que  c'est  sans  fondement  qu'on 
prétend  expliquer  toutes  les  affections  des 
démoniaques  de  l'Evangile  par  la  nâanie  ou 


609 


POS 


DICTIONiXAÏRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


rOO 


par  ré|>îlepsie;  car  on  nous  parle  de  qnel- 
quos-uns'  qui  étaient  sourds  el  muets  ;^or, 
le  mutisme  et  la  surdité  ne  sont  point  les 
effets  ordinaires  de  la  raanie  et  de  Tépi- 
lepsie;  nous  trouvons,  au  contraire,  des 
hommes  très-intelIigcnts  parmi  les  sourds 
et  les  muets,  et  capables  d'acquérir  des  con- 
naissances dans  les  hautes  sciences.  Parmi 
les  nomJ)reux  sourds  et  munis  qu'on  voit 
dans  les  maisons  où  on  les  instruit,  nous 
ne  trouvons  ni  nianiarpies  ni  épileptiques. 
L'énilepsie  peut,  sans  doute,  dans  ses  pins 
violents  accès,  priver  de  l'usage  de  la  parole 
et  occasionner  quehjues  désordres  dans  le 
corps  ;  mais  il  j  a  loin  de  là  à  un  état  fixe  et 
))ermanent  de  mutisme  et  de  surdité,  tel 
qu'était  celui  des  sourds  et  muets  dont 
parle  l'Evangile.  La  femme  courbée  dont  il 
est  fait  mention  dans  saint  Luc,  ne  l'était 
point  devenue  par  un  paroxysme  épilepti- 
que,  qui  ne  dure  que  pendant  l'accès,  puis- 
que cet  état  persévérait  depuis  dix-huit 
ans.  Ainsi,  c'est  sans  raison  qu'on  prétend 
que  tous  lesdémoniaquesdeTEvangileétaient 
maniaques  ou  épileptiques. 

3.  Au  temps  de  Jésus-Christ  et  des  apô- 
tres, poursuivent  nos  adversaires,  les  ex- 
pressions, ^frepo*5^(/^  du  démony  être  délivré 
du  déinon^  n'avaient  d'autre  sens  que  celui 
d'être  atteint  de  manie  et  en  être  çuéri  ;  les 
médecins,  qui  re^ardaientcetle  manie  comme 
naturelle,  se  conformaient  à  ce  langage; 
donc,  Jésus-Chri<t  et  ses  apôtres,  en  guéris- 
sant cette  maladie,  ont  pu  aussi  s'y  confor- 
mer, quoiqu'ils  ne  pensassent  pas  qu'elle 
vint  de  la  possession  du  démon  ;  par  consé- 
cjuent,  on  ne  peut  pas  inférer  de  leurs  pa- 
roles la  réalité  des  possessions. 

Nos  adversaires  sont  entièrement  dans  le 
faux.  D'abord,  prétendre  que  ces  expressions 
n'indiauent  qu'une  maladie  f)uremcnt  natu- 
relle, c  est  aller  contre  toute  vérité.  Il  est  cer- 
tain, au  contraire,  qu'ons  enservaitexclasive- 
mentpourexprimerqu'un  mauvais  génieétait 
l'auteur  de  la  maladie.  L'objection  suppose 
que,  d'après  l'usagecomraun  du  discours,  ces 
expressions  n'emportaient  pas  plus  l'exis- 
tence du  démon,  que  ces  paroles  Bacchwn 
bibere^  Cererem  manducare,  dont  oti  se  sert 
quelquefois,  n'expriment  la  présence  de 
Bacchus  el  de  Cérès;  car  ce  sont  les  exem- 

Îdes  qu'apporte  lahn.  Or,  il  est  absolument 
aux  de  dire  que  les  Juifs  et  les  païens,  en 
disant  qu'un  nomme  était  possédé  du  dé- 
mon, ne  voulussent  pas  exprimer  la  pré- 
sence réelle  du  démon  sur  le  corps  de  cet 
homme;  puisque,  selon  nos  adversaires, 
c'était  alors  l'oiJinion  commune.  Donc,  ces 
paroles,  selon  l'acception  générale,  expri- 
maient la  présence  réelle  des  démons;  donc, 
Jésus-Christ  et  ses  apôtres,  qui  s'en  sont 
servis  sans  aucun  correctif,  ont  voulu  ex- 
primer une  possession  réelle.  On  ne  peut 
rien  conclure  de  l'exemple  des  médecins, 
qui  regardaient  ces  maladies  comme  natu- 
relles, puisqu'on  ne  sait  ni  les  expressions 
dont  ils  se  servaient  en  en  parlant,  ni  les  idées 
qu'ils  y  attachaient.  S'ils  regardaient  effec- 
tivement ces  maladies    comme   purement 


naturelles,  ils  avaient  Icrtde  dire  qu'elles 
venaient  du  démon,  et  ils  ne  dev&iem  sur- 
tout rien  ajouter  qui  conlirmâtles  hommes 
dans  cette  erreur.  Mais,  quoi  qu'il  on  soii 
de  leur  langage  en  ces  occasions,  il  est  du 
moins  bien  certain  que  Jésus-Christ  ne  de- 
vait point  se  conformera  un  langage  qui  j 
exprimait  une  croyance  superstitieuse  qu'il 
était  oblij^é  de  corriger.  Il  devait  surtout 
ne  rien  ajouter  qui  pjlt  contipraer  les  boni- 
ni'^s  dans  cett«  erreur.  Or,  c'est  cependant 
ce  qu'il  aurait  fait,  si  les  possessions  n'é- 
taient pas  réelles,  puîsqu'd  parlait  au  dé- 
mon, conjurait  le  démon,  lui  commandait 
de  sortir  du  corps  du  possédé;  et  les  évan- 
gélistes  ajoutent  de  leur  côté  que  le  dé- 
mon, obéissante  sa  voix,  sortait  du coFjt) 
du  possédé,  il  suit  évidemment  de  ces  con- 
sidérations ({ue  Jésus-Christ  et  les  apôtre^ 
ont  confirmé  par  leurs  paroles  et  leur  rfuc- 
Irine  cette  démonologie,  qui,  selon  laiifi, 
était  une  branche  de  1  idol&trie. 
4.  On  ne  doit  pas  prendre  à  la  lettre  h 

riarolcs  de  Jésus-Christ  et  des  apôtres  SDr 
es  possessions,  s'ils  indiquent  claireniwi 
ipj'ils  ne  les  considèrent  que  comme rfe> 
maladies.  Or  c'est  ,ce  qu'on  peut  mnnlw 
par  plusieurs  passages  du  NouveauTcsta- 
ment  :  l*ils  mettent  toutes  les  maladies  aa 
rang  des  possessions  :  Sanando  orna  op- 

t}res808  a  diabolo,  (Act,  x,  38.)  2*  Ils  «"p*^!- 
ent  guérison  la  aélivrance  des  po5s&i(?>. 
3'  Ce  pue  saint  Marc  appelle  ûèm,s»int 
Matthieu  l'appelle  maladie.  4"  M  to^ 
quoiqu'il  parle  souvent  des  personnes soê- 
ries  par  le  Sauveur,  ne  parle  jamais  des  Av- 
moniaques  :  preuve  qu'il  les  ranime  daas  h 
classa  des  malades.  5"  Lorsque  l'apôlre saint 
Paul  fait  l'exposé  des  dons  sumaiureis  v- 
cordés  aux  premiers  fldèles,  il  ne  parle  bbI- 
lemenl  du  pouvoir  de  chasser  lesdénmr.<; 
preuve  évidente  qu'il  range  aussi  les  i^ft^- 
sessions  dans  la  classe  des  maladies  naïu- 
relies.  D'après  ces  passages,  on  voilciairenieiii 
que  dans  le  langage  des  écrivains  sacrc>, 
les  possessions  ne  sont  que  des  mala^it^^* 
par  conséquent,  quand  ils  disent  que  JfcflJ 
chassait   les    démons,   ils  ne  veulent /itrt 
autre  chose,  sinon  qu'il  les  guérissaiH« 
leurs    maladies  ;  et  eu  cela  ils  ne  faisaleo» 
que  se  conformer  au  langage  reçu. 

Nous  avouons  sans  peine  que  les  possr^ 
sions  diaboliques  accompagnées  de  dés»^- 
dres  qui  troublent  Tâme  el  le  corps  "sont  Jt^ 
espèces  de  maladies,  et  qu'elles  pett^fli 
être  rangées  dans  leur  catégorie.  l'E?"^' 
elle«même,  qui  croit  sans  aucun  dooteam 
possessions,  appelle  dans  les  prières  de  l  or- 
dination les  exorcistes  des  médecins  " 
suppose  qu'ils  opèrent  des  guérisons.  w^^ 
effet  plusieurs  des  symptdroes  extérieursoi^ 
démoniaques  ressemblant  beaucoup  à  j^^^ 
de  quelques  maladies,  on  peut  conswéf^» 
ces  possédés  comme  atteints  do  maftdie^ 
dont  le  principe  est  le  démon.  Ainsi  trHi* 
les  passages  dans  lesquels  on  range  lesd* 
moniaques  parmi  les  malades,  oùIûd/' 
que  les  démoniaques  sont  guéris,  <•«'" 
parlant  d'un  possédé,  on  dit  qu'il  est  n^*= 


r<M  roS  DICT;ONNxURE  ArOLOCETIQUE. 

1.-»^»%  ne  prouvent  ahsouliimenl  i  ien  contre 
[,«  tlièse  que  nous  soutenons,  ni  absolument 
\\en  en  fWveur  de  celle  de  nos  adversaires, 
on  peut  direqu*6tre  possédé,  c'est  être  ma- 
|»Je;  mais  nullement  qu'être  simplement 
©fllade,  c'est  être  possédé  du  démon.  Il 
t4  certain  du  moins  qu'on  ne  trouve  celle 

Ê»>f>ositiondans  aucun  écrivain  sacré,et  que 
rnii  les  textes  allégués  par  Jahn,  il  n  en 
1  pas  un  seul  qui  puisse  légitimement  la 
^u»er.   Quanl  au  passage  des  Actes  de$ 
'^^treê  (x,  38)  où  on  jit  que  Jésus  est  venu 
unt  du  bien,  et  guérissant  lous  ceux  qui 
ieot  tourmentés  par  le  diable,  il   ne  la 
uve   point  efficacement,  puisque  saint 
rn»,  auteur  de  cette  réflexion,  ne  com- 
nd  pas  nécessairement  tous  les  malades 
ris  par  Jésus-Christ,   mais  simplement 
s  les  possédés.  Nous  pouvons,  nous,  au 
traire,  prouver  jusqu'à  l'évidence,   \\nt 
*ieurs  textes,  que  les  évangélisles  dis- 
uaient  positivement  et  clairement  les 
\  es  des  sim|)les  malades  :  «  //  leur  don- 
dit  saint  Matthieu,  puissance  sur  les  esprits 
mrspour  les  chasser ^  et  pour  guérir  toutes 
»  de  langueurs  et  dHnfir mités,  (x,  1.) 
Marc  n  Vst  pas  moins  précis  :  //  guérit^ 
^^usieurs  personnes  de  diverses  mala- 
eL  il  chassa  plusieurs  démons,  mais  il  ne 
permettait  pas  de  parler ,  parce  qu'ils  sa* 
fui  il  était,  (i,  3ï.)  Enfin,  pour  nous 
dans  nos  citations,  nous  n  en  rappor- 
5 plus  qu'une:  Ils  étaient  venus,  dit 
iLoc,  pour  r entendre  et  pour  être  guéris 
urs  fnaladies,  parmi  lesquels  il  y  en  avait 
qui  liaient  possédés  d'esprits  impurs,  et 
lém'rni  guéris,  (vi,  18.)  L  autorité  de  ces 
m  est  irrécusable.  lann  lui-même  a  été 
♦é  de  convenir  que  les  deux  pouvoirs, 
Inde  guérir  des  maladies  ordinaires  et 
ki  de  chasser  les  démons  des   possédés, 


POS 


703 


lincontestablemenl  distingués  par  Jésus- 

jiu  et  ses  apôtres;  mais  s'il  a  bien  senti 

dtfliculté,  il  n'y  a  guère  satisfait,  puis- 

s'esl  contenté  de  répondre  que  les  ma- 

«   des  démoniai^ucs  étaient  seulement 

mie  el  Tépilepsie.  Notre-Seiçneur  a  dû 

(Itslînguer  des  autres   maladies  ;  mais 

to  être  simplement  malade  n'est  plus  Té- 

falent  d*élre  fiossédé  du  démon,  ce  que 

]lr[;ucnents  de  lahn  tendaient  à  établir; 

plus,  s*il|)rétend  qu'il  n'y  a  que  la  ma- 

t  répilepsie  qui  soient  synonymes  des 

sîons  évangéliques,  il  se  jette  dans 

re  inconvénient,  puisqu'il  lui  faudra 

nir  que  tous  les  démoniaques  de  TE- 

le  étaient  des  maniaques  ou  des  épi- 

Itiques;   supposition  d'autant   plus  im- 

tfêibie,  que  les  évangélistes  nous  parlent 

iéémoniaquessimplement  sourds  et  muets, 

4/  rinûrmiié  est  difl'érente  de  la  manie  et 

/e'f>ilepsie.  Pour   se  tirer  d'embarras, 

'  *i    prétend  que  les  sourds  et  muets  sont 

Snairement  maniaques;  réponse  ridicule 

i^DcJamment  réfutée  par  l'exemple  de 

^  v\e  sourds  et  muets  qui  sont  su.scepti- 

^  A'uDC  éducation  complète,  et  qui  ren- 

^Ujhfès  de  longues  études  dans  la  société 

-cdes   facultés  intellectuelles  qui  ne  le 


cèdent  pas  à  celles  des  autres  hommes.  De 
son  côté,  Wincr  répond  que  les  possédés 
sourds  et  muets  pouvaient  être  épileptiques, 
]>arce  que  l'épilepsie  produit  parfois  le  mu- 
tisme et  la  surdité;  sans*  doute,  Tépilepsie 
dans  le  temps  des  accès  peut  ôler  pour  quel- 
ques moments  Tusaj^e  de  Touïe  et  de  la  pa- 
role, mais  elle  ne  produit  pas  un  état  de 
surdité  et  de  mutisme  permanent,  comme 
c'est  le  cas  des  sourds  el  muets  de  l'Evan- 
gile. Enfm,  quand  il  serait  vrai  que  les  dé- 
moniaques de  l'Evangile  ne  sont  que  des 
maniaques  et  des  épileptiques,  il  faudrait 
toujours  dire  que  cette  manie  et  cette  épi- 
lepsie  viennent  de  la  possession  du  démon, 
puisque  Jésus-Christ  admet  si  clairement 
cette  possession  diabolique,  qu'il  donne 
l'expulsion  des  démons  comme  un  caractère 
de  son  divin  ministère;  et  aue  son  langage 
en  ces  occasions  est  tout  à  lait  inexplicable 
et  indigne  de  lui,  s'il  n'y  a  pas  de  possession 
réelle.  Le  seul  fait  du  renvoi  des  démons 
dans  les  corps  do  deux  mille  pourceaux,  suf- 
fit seul  pour  renverser  toute  la  théorie  do 
lahn  el  de  ses  partisans. 

5.  Pour  prouver  la  réalité  des  possessions 
évangéliaues,  disent  nos  adversaires,  on 
allègue  le  témoignage  des  Pères  de  l'E- 
glise et  l'ordination  des  exorcistes;  mais 
ces  deux  autorités  ne  sauraient  être  de 
quelque  poids  dans  cette  question.  D'abord 
le  témoignage  des  docteurs  de  l'Eglise  n'est 
nullement  unanime;  et  de  plus,  il  n'a  pas 

f)our  objet  un  point  oui  concerne  la  foi  ou 
es  mœurs.  Quant  k  l'ordination  des  exor- 
cistes, ce  n'est  qu'une  pratique  de  l'Eglise 
qui,  selon  le  Père  Véron  dnns  sa  Règle  de 
la  foi,  peut  être  appuyée  sur  une  opinion 
simplement  probable,  et  n'est  point  immua- 
ble comme  la  foi. 

Cette  objection  porte  è  faux  dans  toutes 
ses  parties.  D'abord  il  n'est  pas  vrai  de  dire 
que  le  témoignage  des  Pères  n'est  pas  una- 
nime ;  car  pourrait-on  en  citer  un  seul  qui 
ait  enseigné  que  les  possessions  de  l'Evan- 
gile ne  furent  que  des  maladies  purement 
naturelles,  auxquelles  le  démon  n  eut  point 
de  part?  De  plus,  l'objet  de  ce  témoigna^^e 
n'est  point  étranger  à  fa  foi,  puisqu'il  a  rap- 
port à  un  miracle  que  Jésus-Christ  a  donné 
comme  un  des  caractères  de  sa  mission,  et 
que  les  anciens  apologistes  de  la  religion 
cnrélienne  l'ont  allégué  aux  païens  comme 
une  des  preuves  du  christianisme.  Enfin, 
si  ces  saints  docteurs  avaient  eu  sur  les  dé- 
moniaaues  de  l'Evangile  les  sentiments  que 
nos  adversaires  leur  prélent,  ils  se  trouve- 
raient opposés  à  la  aoctrine  de  la  Provi- 
dence, telle  que  l'Eglise  nous  l'enseigne. 

Il  n'est  pas  plus  vrai  de  dire  que  l'ordina- 
tion des  exorcistes  n'est  qu'une  simple  pra- 
tique de  discipline  qui  peut  n'être  basée 
que  sur  une  opinion  simplement  probable, 
et  qui  dans  tous  les  cas  n  est  point  invaria- 
ble comnie  la  foi  elle-mô:îje.  Celte  ordina- 
tion esi  un  rite  sacré,  un  ordre  saint,  par 
lequel  l'Eglise  universelle  fait  profession 
de  conférer  à  ses  ministres  un  pouvoir  sur- 
nalurcl.  Or  un  pareil  rilc  ne  peut  être  fondé 


705 


POS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


% 


sur  Terreur;  car  i^*est-ce  pas  ))rofesser  Ter- 
reur que  de  déclarer  par  le  rite  le  plus  so- 
lennel qu'on  donne  un  pouvoir  tout  à  ftiît 
chimérique  et  opposé  même,  selon  lahn,  h 
la  saine  doctrine  de  la  Providence?  L'Eglise 
déclare  son  sentiment,  non*seuIement  par 
ses  décisions,  mais  encore  par  ses  pratiques. 
Ainsi  TEglise  a  de  tous  temps  baptise  les 
petits  enfants,  et  saint  Augustin  concluait 
de  cette  pratique,  contre  Pelage,  Texistence 
du  péché  originel  ;  l*Eglise  était  encore  dans 
Vusage  de  demander  Je  secours  de  Dieu 
pour  toutes  les  actions  chrétiennes,  d*où 
saint  Augustin  concluait  encore,  contre  les 
.  pélagiens  et  les  semipélagiens,  que  la  çrâcc 
était  nécessaire  pour  toutes  les  actions. 
L'Eglise  était  aussi  dans  Tusa^e  de  ncja- 
inais  rchaptiser  ceux  qui  l'avaient  été  par 
les  hérétiques,  et  c'est  de  là  que  les  Pères 
ont  conclu  la  validité  de  leur  baptême.  De 
même,  puisque  l'Eglise,  depuis  les  premiers 
temps,  est  dans  Tusagede  donner  à  sesexor- 
(isles  le  -pouvoir  de  chasser  les  démons, 
nous  devons  conclure  que  ce  pouvoir  existe 
réellement.  Il  n'y  a  que  Tesprit  du  protes- 
tantisme, ou  plutôt  du  rationalisme,  qui 
puisse  faire  hésiter  sur  des  principes  aussi 
incontestables. 

6.  Un  sixième  argument  que  Ton  fait  va- 
loir contre  les  possessions,  c'est  que  si  Jé- 
sus-Christ et  les  apôtres  en  avaient  admis  la 
réalité,  ils  auraient  contredit  leur  propre 
doctrine,  puisque  toute  cette  démnnologie 
est  contraire  aux  idées  qu'ils  nous  donnent 
de  la  Providence;  qu'elle  est  comme  une 
branche  de  l'idolâtrie  païenne,  qui  abandon- 
nait à  des  génies  subalternes  le  gouverne- 
ment de  cet  univers.  En  outre,  tous  ces  dé- 
mons n'étant  que  les  âmes  des  morts,  qui, 
d'après  l'opinion  commune,  revenaient  obsé- 
der les  vivants,  étaient  iiar  conséquent  des 
êtres  chimériques,  dont  les  écrivains  sacrés 
n'ont  jamais  pu  admettre  l'existence;  d'au- 
tant plus  que  les  âmes  des  méchants,  étant 
retenues  (Uns  les  enfers,  ne  peuvent  point 
revenir  sur  la  terre  pour  tourmenter  les  vi- 
vants. Si  donc  ils  n'ont  pas  expressément 
condamné  cette  superstition,  s  ils  se  sont 
conformés  en  ce  point  au  langage  vulgaire, 
c'est  que  celte  superstition  se  trouvait  sut- 
fisammcnt  réfutée  par  leur  doctrine  et  par 
les  cures  naturelles  que  les  médecins  fai- 
saient tous  les  jours  de  ces  prétendues  pos- 
sessions. Une  réfutation  plus  expresse  eût 
été  inutile  dans  un  temps  où  ce  préjugé, 
profondément  enraciné,  dominait  tous  les 
esprits;  et  elle  eût  inévitablement  entraîné 
les  apôtres  dans  des  disputes  interminables, 

3ui  les  auraient  détournés  de  la  prédication 
e  l'Evangile,  objet  et  but  principal  de  leur 
mission. 

Mais  Tintervention  des  démons  dans  le 
monde  n'est  point  opposée  à  la  doctrine  de 
la  Providence,  puisque  ces  esprits  impurs 
ne  peuvent  rien  opérer  sans  la  permission 
de  Dieu,  qui  sait  faire  servir  leur  malice  à 
1  accomplissement  de  ses  desseins,  comme 
nous  l'avons  déjà  montré.  En  second  lieu, 
cette  croyance  ne  tire  n  lUement  son  origine 


des  idées  païennes  de  l'idoUtrie,  qui  donnait 
à  ses  dieux  subalternes  une  puissance  bien 
plus  indépendante  que  celle  que  nous  ac- 
cordons au  démon.  Elle  vient  plot6t  de  la 
révélation,  qui  nous  apprend  reiistencede 
cet  esprit  de  malice  qui  a  séduit  dos  pre- 
miers parents,  qui  tente coDtiQttellemeDl  les 
hommes,  qui,  selon  Texpressioa  de  raptire 
saint  Pierre,  rôde  auiour  de  «oui  rommi  ira 
lion  rugissant f  pour  nous  dévorer  (/  Peir,  i , 
8),  qui  a  affligé  le  saint  homme  Job  de  iinl 
de  maux,  qui  a  osé  tenter  le  Fils  de  Dieu 
lui-même,  enfin  qui,  selon  saint  Jean 
(Apocat.  XII,  &},  est  1  auteur  de  ndoiâtrie.  II 
laut  nier  tout  l'Ancien  Testament  etsuM 
le  Nouveau,  pour  prétendre  que  l*î  dta 
n'a  aucune  action  dans  le  monde.  ÂjouloBs 
qu'il  n'est  {toint  vrai  dedirequelesdéiuoes 
admis  par  les  Juifs  et  les  apAtresnesonl 

Î[ue  lésâmes  des  morts  ;  nousatons  déjà  re- 
nte cet  absurde  paradoxç  de  lahn;  ilsenii 
inutile  et  entièrement  superflu  d'y  reTenir. 
Enfin,  si  l'intervention  des  démons  dan»  (e» 
choses  de  ce  monde  était  contraire  à  iadt^ 
trine  de  la  Providence ,  et  entachée  du  w 
de  TidolAtrie,  Jésus-Christ  et  les  aiiôtressih 
raient-ils  jamais  pu  la  supposer,  et  soU'iti 
la  confirmer  positivement  dans  leurs  dis- 
cours  ?  Ils  auraient  dû  au  contraire  ia  cofr 
damner  ouvertement,  et  purger  aiosikrr- 
ligion  d'une  superstition  aussi  crioiiaelif.f^ 
Sauveur  a  reproché  aux  Juifs  itimvrs 
bien  moins  considérables,  et  coviK/D  dts 
préjugés  bien  plus  enracinés.  La  dûatt  des 
Oi)])OSitions  ne  lui  a  fait  jamais  saoîtet  n 
respect  humain  les  intérêts  de  la  iki^^"^^ 
était  venu  enseigner  aux  hommes. 

On  voit  par  cette  discussion  oomLicn  M 
les   arguments  de  lahn  sont  peusolibtt 

f)eu  concluants;  il  en  est  encore deuiw 
esquels  le  savant  critique  n'a  f«s  fort  in- 
sisté; mais  comme  pourtant  la  plupart de^ 
adversaires  des  possessions  évangéiiquesr^ 
ccssentdeles  reproduire,  nous  allons  essaw 
d'y  répondre. 

7.  Si  les  possessions  étaient  réelles»  now 
dit-on,  on  devrait  trouver  des  traces  de  levr 
existence  dans  tous  les  temps,  dans  tou^i() 
lieux,  et  par  rapport  à  toutes  sortes  de  |«r* 
sonnes.  Or,  il  est  facile  de  remaniuerqaf 
ces  prétendues  possessions  n'ont  lieu  ^ 
dans  les  temps  d'ignorance,  où  la  ^ 
l)erstition  domine,  et  que  sur  des  |fersoDi« 
d'un  esprit  faible  qui  éprouvent  quelqtia 
atteintes  de  mélancolie  ou  d'autres  malai'** 
qui  affectent  le  cerveau,  les  entrailles  et  b 
parties  nobles;  ce  qui  est  assuréfflenlunc 
preuve  évidente  que  ces  [possessions  inco- 
nent  plutôt  du  tempérament  que  de  lA'*^ 
ration  du  démon. 

Il  y  a  dans  cette  olqeclion  un  fice  dcr«j 
sonnement  qui  eu  détruit  toute  la  wleur  e. 
toute  la  force  quenos  ad  versairesy  suppos^'J^^ 
En  effet,  les  i)ossessions  pourraient  ii^' 
réelles,  sans  pour  cela  qu'elles  dussent  a^ojf 
lieu  dans  tous  les  temps  et  dans  tou^  if* 
lieux  ;  car  elles  ne  sont  pas  des  résultais  nt- 
cessaires  des  lois  générales;  elles  «c^^; 
pendent   que  des   règlements  particuli^f' 


f 


1>08 


D:CTiœ<NAlRE  APOIXMSETIOUE. 


PRE 


706 


fait 


u'on  nous  nasse  ce  mol)  de  la  divine  Pro- 
lienco;  elles  ne  sont  soumises  finalement 
j*à  la  volonté  particulière  de  Dieu,  qui, 
ion  les  desseins  de  st  sagesse,  permet  à 
i  esprit  malfaisant  de  îuurrnenter  les  hom- 
aSf  soit  pour  punir  leurs  crimes,  soit  pour 
ruuvcr  leurs  vertus,  soit  enfin  pour  (riom- 
er  avec  plus  d'éclat  de  cet  ange  apostat 
li  a  voulu  disputer  au  ciel  et  sur  la  terre 
iionneur  de  la  divinité.  Nous  nMgnorons  |)as 
^e  fincrédulité  sourit  de  pitié  à  ces  re- 
lions, mais  elles  n'en  sont  ni  moins  cer- 
nes ni  moins  justes,  puisqu'elles  font  la 
e  de  Téconomie  générale  de  la  religion 
élée  ;  et  que  sans  cette  doctrine  le  clu-is- 
isme  aussi  bien  que  le  judaïsme  devient 
lit  le  plus  inconcevable  pour  l'esprit  de 
mme,  et  le  problème  le  plus  insoluble 
or  la  raison  bumaine;  fait  et  phénomène 
Mm  ne  saurait  nier;  ils  sont  lun  et  Tau- 
sous  nos  y  eux. 

Yrélendrc  que  les  possessions  véritables 

Doltiplient  h  proportion  de  l'ignorance 

de  ta  superstition  des  hommes,  et  que 

4éaioniaques  sont   tobs  des  personnes 

^f»iffii  faible  ou  qui  ont  le  cerveau  îlé- 

c'esl  une  assertion  gratuite,  et  que 

mrs  seraient  bien  en  peine  de  prou- 

Cekest  vrai  sans  doute  des  possessions 

»,  puisque  plus  on  est  ignorant  et  su- 

^âreux,  plus  on  est  disposé  h  attribuer 

démon  ce  qui  n'est  (]ue  reffet  d'une  ma- 

0 naturelle  dont  on  ignore  la  cause;  et 

f^rieace  montre  en  elfel  alors  que  ces 

indues  possessions,  qui  au  fond  ne  sont 

de  simples  maladies,   ne  se  trouvent 

virement  que  chez  des  cerveaux  faibles 

dérangés.  Mais  quant  aux  possessions 

Iles»  eile^  sont  indépendantes  des  siècles 

lorance  et  de  superstition.  Elles  avaient 

au  siécio  d'Auguste,  au  temps  des  apô- 

éclairés    par  l'Esprit-Sainl   et  Jésus- 

t  :  la  Sagesse  éternelle  les  a  regardées 

le    réelles.  Elles  ont  continué  Jans  les 

e  [iremiers  siècles  de  l'Eglîse,  dans  le 

des  Basile,  des  Jean  Chrysostoroe,  des 

e  eides  Augustin,  qui  n'ont  pas  fait 

ité  de  les  admettre.  Enfin  1  histoire 

en  offre  des  exemples  même  dans  ces 

rs  temps;  il  est  vrai  que  nos  adver- 

eii  contestent  l'authenticité,  mais  où 

les  preuves  qui  justifient  leurs  dénéga- 

1t  Ils  refusent  de  croire  au  témoignage 

Meurs  les  plus  respectables,  et  0  faut 

nous  les  croyons,  nous,  sur  leur  simple 

ie. 

ideiDOientil  n'y  a  le  ni  justice  ni  équité, 
faut  qu'une  cause  soit  bien  mauvaise 
aaïkd,  pour  la  soutenir,  on  est  obligé  de 
^urir  à  de  pareils  moyens  de  défense. 

iCj  liuitîème  et  dernière  objection  porte 
^  la  difficulté  d'expliquer  comment  il  se 
'  qoe  la  Judée  ait  été  pleine  de  dénionia- 
^s  AU  teoips  de  Jésus-Christ  et  que  dans 
"^  T«  siècle  ils  aient  disparu...  Nous  en 
<  ^ns donné  la  raison  à  la  £n  du  §  Il  ;  nous 

v-^nia/ons  le  lecteur.  [Voy.  Démon,  Hal- 

<«irJo3i.j 


POSSESSIONS  et  médecins  physiologis- 
tes. Voy.  note  XVI^  à  la  fin  du  volume. 
POU  des  Nègres.   Voy.  Rages  humaines, 

POURANAS.  livres  indiens,  examen  cri- 
^  tique.  Voy.  Indianisme,  §  H. 

POUVOIR  DOGMATIQUE  dans  rjBgliso 
Foy.  Pape,  §111. 

PREDESTINATION.  —  Ce  mot  signifie  à 
la  lettre  une  destination  antérieure  ;  mais 
dans  le  langage  tbéologique  il  exprime  le 
dessein  que  Dieu  a  formé  de  toute  éternité 
de  conduire  par  sa  grâce  certains  bommes 
au  salut  éternel. 

a  Si  Dieu,  disent  les  philosophes,  a  pré- 
destiné ses  élus  non-seulement  à  la  gloire, 
mais  à  tel  degré  de  gloire;  par  conséquent 
à  telle  mesure  correspondnnte  de  mérites,  il 
doit  employer  des  moyens  infaillibles,  n'im- 
porte lesquels,  pour  les  leur  faire  acquérir. 
Toutes  les  circonstances  de  leor  vie,  la  paix 
et  la  guerre,  le  vice  et  la  vertu,  la  liberté  et 
la  grâce  entrent  dans  le  décret  divin;  il  ne 
tombe  pas  un  seul  cheveu  de  la  tête  de  ces 
favoris  du  Très-Haut  sans  un  ordre  particu- 
lier de  sa  providence;  tontes  leurs  bonnes 
œuvres  sont  comptées,  leurs  fragilités,  leurs 
crimes  mômes  sont  l'objet  d'une  permission 
spéciale;  en  un  mot,   tout  sert  h  leur  salut, 
et  rien  au  monde  ne  peut  les  faire  déchoir 
de  leur  trop  heureuse  destinée.  Mais  rien 
aussi  ne  peut  dérober  à  la  sienne  Tirifur- 
tuné  dont  la  place  est  marquée  dans  l'enfer; 
fAt-il  orné  de  toutes  les  vertus,  sa  réproba- 
tion est  certaine,  tandis  que  l'élu,  souillé  de 
tous  les  crimes,  n'en  sera  pas  moins  infail- 
liblement sauvé.  Ledécret  est  tout,  la  natur:) 
des  moyens  d  exécution  ne  mérite  pas  d'at- 
tention. Dieu  atteij^nant  son  but  par  la  li- 
berté et  par  des  lois  infaillibles  avec  une 
égale  facilité.  S'il.ravait  voulu,  tous  les  hom- 
mes seraient  sauvés;  mais  il  prend  les  uns, 
il  laisse  les  autres  sans  nécessité,  arbitrai- 
rement ou  par  des  motifs  étrangers  aux  in- 
téressés. Et  ne  dites  pas  que  le  mérite  em- 
porte l'élection;  car  le  mérite,  étant  surna- 
turel, ne  jpeut  venir  que  de  Dieu  qui  le 
donne  ou  le  refuse  à  son  gré,  de  telle  sorte 
qu'il  couronne  ses  largesses  dans  les  élus, 
et  punit  ses  rigueurs  dans  les  réprouvés.  La 
doctrine  de  la  prédestination  est  donc  impie» 
immorale,  désespérante,  propre  seulement 
h  inspirer  la  haine  de  Dieu ,  à  décourager 
l'homme  de  bien ,  à  faire  considérer  le  vice 
et  la  vertu  comme  des  mots  vides  de  sens, 
puisque  l'un  ne  nous  exclut  point  du  ciel  et 
que  1  autre  ne  nous  garantit  point  de  l'en- 
fer. » 
Ce  raisonnement  fiaratt  d*abord  sans  ré- 

{(tique,  et  il  n'est  au  fond  qu'un  sophisme. 
LUtre  l'élection  et  la  réprobation,  pas  de 
milieu,  il  est  vrai;  c'est  un  point  décidé 
depuis  longtemps  contre  d'anciens  héréti- 
ques qui  avaient  imaginé  un  étal  mojren 
entre  celui  des  bienheureux  et  la  privation 
do  la  vision  béatifique.  Tous  ceux  que  ne 
renferme  point  le  décret  de  la  prédestination 
sont  également  réprouvés,  en  ce  sens  qua 
leur  exclusion  de  la  gloire  est  absolue» 


707 


PRE 


DICTIOriNAIRE  APOLOGETIQDE. 


PR& 


71» 


Mais  de  même  qu*il  y  a  plusieurs  demeures 
(7ii^5)  dans  la  maison  de  notre  Père  céleste 
à  cause  de  r-inégalilé  des  mérites  des  élus: 
ainsi,  ies  divers  ordres  des  réprouvés  ont- 
iis  des  sorts  ditrérents.  L*hérésîarque  n*est 
assurément  pas  plus  privé  de  voir  Dieu,  que 
i^eiifant  mort  dans  le  sein  de  sa  mère;  s'en- 
suit-il  que  leur  destinée  est  la  môme,  uu*il$ 
doivent  éternellement  rester  placés  1  un  à 
côté  de  l'autre?  Jamais  TEglise  n'enseigna 
une  pareille  doctrine.  Or,  Tiiomme  qui, 
sans  être  associé  aui  mérites  de  Jésus- 
Christ  par  ia  fiarticipalion  à  Ja  foi  et  aux  sa- 
crements de  rEj^lise,  serait  resté  jusqu'à  la 
lin  de  sa  vie,  exempt  de  toute  faute  grave, 
à  l'aide  des  secours  que  Dieu  ne  refuse  pas 
à  Tinlidèle,  eot  homme  aurait  cent  fois  plus 
de  droits  à  la  bienveillnnce  divine  que  ren- 
iant retiré  de  ce  monde  avant  d'avoir  pu  y 
courir  le  moindre  danger.  Si  Dieu  ne  juge 
pas  à  propos  de  le  sauver  pan  des  voies  ex- 
traordinaires, qu'en  fera- t-il?  Le  condam- 
nera-t-il  à  des  lourments  éternels  pour 
(|uelques  légères  violations  de  la  loi?  C'est 
impossible,  puisque  ces  violations  de  ia  loi 
en  matière  de  peu  d'importance,  ne  sont  pu- 
nies dans  les  chrétiens,  bien  moins  excu- 
,  fiables  sans  doute,  que  d'un  châtiment  pas- 
sager. Le  recevra-t-il  dans  le  ciel?  impossi- 
ble encore;  puisque  nous  supposons  que  la 
faute  d'Adam  subsiste  toujours  en  lui.  Un 
parti  reste  à  la  Providence,  c'est  de  réunir 
J  iuOdèle  exempt  du  crime,  après  une  ex- 
piation suffisante  des  fragilités  inséparables 
de  notre  nature,  aux  enfants  morts  dans  la 
souillure  originelle,  et  de  l'associer  à  leur 
destinée  ;  c>n  est  assez  pour  mettre  à  cou- 
vert sa  iusiice. 

La  plupart  des  objections  de  nos  adver- 
saires viennent  de  la  confusion  des  idées  et 
des  te.-mes,  il  sufiTil  souvent  de  les  éclaircir 
pour  répondre  à  tout.  Ainsi,  nous  n'en  dis- 
convenons f)as,  il  y  aura  un  nombre  im- 
mense de  réprouvés,  c'est-à-dire,  d'hommes 
exclus  ae  la  gloire  du  ciel,  sans  la  moindre 
faute  de  leur  part  (746)  ;  car,  il  faut  [>our  la 
posséder,  être  appelé  de  Dieu,  nul  ne  pou- 
vant s'appeler  soi-même  ;  mais  nous  n'a- 
vons garde  de  dire  qu'en  donnant  l'existence 
à  ces  hommes.  Dieu  leur  a  fait  un  présent 
funeste;  les  plus  rigoureux  de  nos  docteurs 
ne  vont  pas  jusque4à.  Les  réprouvés  dont  il 
est  dit  :  Il  vaudrait  mieux  pour  eux  qu'ils  ne 
fussent  jamais  nés  (7/i.7),  sont  ceux  qui, 
comn)e  Judas,  se  sont  rendus  personnelle- 
ment coupables  de  quelque  crime  énorme. 
Or,  on  ne  devient  pas  coupable  sans  le  vou- 
loir librement. 

Mais  Dieq  ne  se  montre-t-il  pas  injuste 
en  préférant  à  un  idolâtre,  homme  de  bien, 
orné  do  toutes  les  vertus  morales,  un  meur- 
trier, par  exemple,  un  parricide,  dont  tout 
le  mérite  se  réduit  à  avoir  touché  l'eau  bap- 
tismale à  son  entrée  dans  la  vie,  et,  avant 
de  monter  sur  léchafaud,  à  s'être  rendu  en- 
fiu,  de  guerre  lasse  peut-être,  aux  instances 

(745)  Joan.  iv,  2. 

(746)  Tels  sont  ks  enfants  des  infidèles. 


d'un  prêtre  dont  la  palienoe,  la  charité,  le 
zèle  ont  été  plus  forts  que  son  obslioalion? 
—  Non,  car  la  possession  du  bien  infini  n'é^ 
tant  due  à  personne.  Dieu  peut  la  refti$er«t 
la  donner  à  qui  il  veut,  et  à  telles  condiiious 
qu'il  lui  plait.  —  Mais  du  moins  iaSftf^esse 
n'est-elle  pas  ici  en  défaut?  — Nullemenl; 
la  gloire  des  élus  est  surnaturelle,  un  mérite 
surnaturel  peut  seul  donner  le  droit  d  y  pré- 
tendre. Supposez  un  architecte  qui\eul 
construire  un  palais  de  marbre,  et  préseniez- 
lui  des  pierres  d'une  autre  espèce,  maisartis- 
tement  travaillées,  d'un  grain merveillm, 
d'une  dimension  monumentale,  il  les  refu- 
sera sans  examen;  elles  ne  sont  point  pro- 
pres à  entrer  dans  son  édiSce.  Ainsi  Dieu 
repousse  loin  de  sa  face  toutes  les  &roes  qui 
n'ont  point  été  transfigurées  par  lavertaiia 
sang  de  Jésus-Christ.  11  les  a  laissées  (lad» 
leur  forme  originelle  pour  des  raisons  dooi 
l'explication  a  été  donnée  ailleurs  ;  dès  iors 
il  a  dû  les  rejeter  comme  incapables  de  re- 
cevoir une  gloire  dont  la  privation  est  leur 
seule  peine,  lorsque  des  prévarications  li- 
brement consommées  ne  leur  ont  point  mé- 
rité d'autre  châtiments 

Loin  de  décourager  la  bonne  volonté^Dieti 
s'applique  à  ne  pas  désespérer  la  mhwm. 
Lorsqu'un  homme  refu«e  d'étudier  la  (béorie 
et  de  s'exercer  à  la  pratique  d'un  arl  on  don 
métier,  on  peut  le  prédire  avec  nmmctf, 
il  n'y  deviendra  jamais  habile.  îiïouM 
concurrents  qui  se  disputent  Infini  de /< 
course  reste  immobile  à  sa  p!acefMi^|l9« 
ses  rivaux  concourent,  parcourenl  raçvi'î- 
ment  la  carrière,  indubitablement  H  ne seft 
pas  couronné;  mais  quand  je  voisuûhouiiQô 
se  livrer  h  tous  les  crimes,  éviter  Icsgens 
de  bien  ou  les  persécuter,  blasphémer  ia  re- 
ligion, scandaliser  ses  frères,  puis-jc  assarw 
que  cet  homme  sera  réprouvé?  Non; peoi- 
être  la  Providence  rallend-ello  à  quelijw 
catastrophe  ou  à  la  mort.  Puis-je  dire  qinl 
sera  sauvé?  encore  moins;  carsiDIeaD-î 
doit  pas  une  pleine  sécurité  h.  la  verlu.i 
plus  forte  raison  ne  doit-il  pas  auviceii 
certitude  de  l'impunité.  En  un  mot,  louw 
les  mesures  sont  prises  pour  faciliter  là  pe^ 
sévérance  du  juste  et  la  conversion  du  (^ 
cheur;  et  voilà  la  réponse  que  Dieuai-ff» 
parée  au  trop  fameux  dilemme  que  n* 
entendons  repéter  si  souvent. 

Si  je  suis  prédestiné,  dites-vous,  quelqnç* 
crimes  que  je  commette,  je  serai  saa^^*1 
je  ne  le  suis  pas,  j'aurai  beau  faire,  je  5ef« 
damné.  Et  moi  je  réponds  :  Si  Dieu  aT«'^ 
ordonné  les  choses  de  telle  manière  f  ^ 
votre  argument  eût  le  sens  coranjuneifit 
servir  de  règle  à  ia  conduite  d*un  liom'»[: 
raisonnable,  il  ne  mériterait  pas u*ôlrea|'j«e«i' 
le  roi  des  intelligences,  il  se  serait  visill'** 
ment4Sloigné  de  son  but,  il  aurait  conipf'* 
mis  sa  gloire  par  un  défaut  de  privoyancy 
incomprébonsible  dans  le  Jùgislaleor  r- 
plus  incapable.  Mais  il  n'en  est  pas  aion' 
meurt-on  dans  le  péché  mortel,  on  eslpen.". 

(747)  Mann,  xxvi,  24. 


?5 


PUE 


il 

IaDS  la  justice*  on  est  sauvé.  Cette  loi  n'ad- 

Qi-t  pas  (rexc;eption«  ne  laisse  aucune  place 

]  arUitraire.  La  yertu  est  un  art  dont  le 

irisiianisme  enseigne  les  règles  ;  suivez- 

>  inviolablement  jusqu'à  la  fin,  votre  pré- 

idUnalion  est  certaine.  Mais  lorsque  vous 

t  •  rrhez  au  rebours  de  ces  règles,  que  vous 

iMlez  aux  pieds  tous  vos  'devoirs,  dirai-je 

141  vous  êtes  réprouvé?  Encore  une  fois, 

^e  le  puis  ;  qui  connaît  les  secrets  de  la 

,  >éricorde  inluiie?  Je  dirai  que  vous  avez 

vUe  chances  mauvaises  coutre  une  bonne, 

V  oela  suffit  pour  rendre  votre  conduite 

lexcusable.  Une  preuve,  d'ailleurs,  que 

Mre  raisonnement  prétendu   n'est  gu'iin 

»!ii$me  misérable,  c'est  que  celui  qui  l'a))- 

fquerait  au  gouvernement  de  ses  affaires. 

Ï serait  h  bon  droit  pour  un  insensé. 
i\  ne  dites  pas  que  cette  objection  n'en 
Il  une  que  pour  le  christianisme  ;  elle 
pi»te  pour  tout  le  monde,  et  elle  est  plus 
■ilwirrassante  pour  les  autres  nue   pour 

Ci.<;  les  athées,  les  panthéistes,  dont  nous 
TOUS  pas  à  nous  occuper  ici,  sont  seuls 
Impenses  d*y  répondre.  En  effet,  ceui  qui 
Iteettcnt  une  vie  future,  où  le  vice  et  La 
Ipla  reçoivent  chacun  leur  salaire,  ne  sont- 
pv^Oblîgés  d'expliquer,  aussi  bien  que 
•  vooniuoi  les  uns  naissent  dans  des 
Sks  ils  vivront  environnés  de  séduc- 
tandis  que  d'autres  sont  placés  dans 
tuâiion  la  plus  heureuse  pour  la  vertu? 
r/ijoi  des  âmes  ardentes,  passionnées, 
iUimewii  portées  à  tous  les  vices,  et  des 
tères  doux,  paisibles,  à  qui  la  vertu 
(•irait  coûter  aucun  effort?  Pourquoi  les 
Kmi  enlevés  de  ce  monde  avant  tfavoir 
^é  Dieu»  tandis  que  la  mort  semble  at- 
tire, |>our  frapper  les  autres,  qu'ils  aient 
Ile  comble  à  leurs  crimes?  Evidemment 
$  ceux   qui  croient  à  Timmortalité  de 

esont  sous  le  coup  de  ces  diflicullés, 
lenl  insolubles  pour  eux,  parce  qu'ils 
Auraient  comme  nous  expliquer  le  mal, 
iDriout  le  prévenir,  le  réparer  ou  le  com- 
fer  par  un  plus  grand  bien. 
iux  mémo  qui,  croyant  en  Dieu,  veulent 

£"  îJanl  que  tout  en  l'homme  meure  avec 
t\\^y  ne  sont  pas  plus  avancés  pour  cela. 
six  n*ya  rieu  à  attendre  audelà  de  cotte 
lu  moins  dans  celle-ci  les  parts  devraient 
laites  avec  équité.  Mais  comment  ex[>li- 
t^ils  tant  de  destinées  si  différentes, 
uiement  pour  les  individu^,  mais  pour 
îlles,  les  nations  et  le  genre  humain 
éme  aux  diverses  époques  de  son  exis- 
?  La  domination  et  la  servitude,  la  ri- 
e  et  la  misère,  la  santé  et  la  maladie, 
uitc  et  la  gloire,  la  sagesse  et  la  folie 
Binent -cl  les  donc  de  la  môme   main  ? 
lUtènt  qui  vient  de  natlre  dans  un  palais 
^'Lui^il  mieux  la  faveur  du  ciel  que  celui 
'  •}  ¥U  le  jour  dans  une  chaumière?  Aux 
'  \  de  Dieu,  la  femme  a-t-elle  moins  de 
'  %que  i*iiomme;  les  blancs  sont-ils  d'une 
^  i:i»ture  que  les  noirs,  les  Européens 
"  ]^«^  condition  supérieure  à  celle  des  autres 
Nvons  de   la   terre?  Que  nos  adversaires 
r  Jeot  d*abord  raison  de  ces  différences^ 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE:. 


PRE 


710 


puis  ils  viendront  s'attaquer  à  nous  ;  mais, 
sans  leur  demander  une  explication  impos- 
sible, répondons-leur  jusqu'au  bout. 

On  conçoit  la  création  des  élus,  c'est  une 
faveur  pour  eux  qui  ne  Ivse  les  ^droits  do 
personne  ;  Dieu  les  a  préférés,  il  était  lo 
maître  de  ses  dons;  mais  comment  lui,  qui 
est  si  bon,  a-l-il  eu  le  courage  de  faire  un 
choix  parmi  les  êtres  encore  cachés  dans  le 
néant  pour  en  faire  sortir  les  réprouvés? 
quel  présent  funeste  il  leur  a  fait?  osera- 
t-on  dire  encore  qu'il  les  aiuïe,  qu'il  leur 
veut  du  bien, qu'il  a  livré  son  Fils  à  la  mort 

fjour  leur  salut?  Cu  ennemi  aurait-il  pu  leur 
aire  plus  de  mal  qu'en  leur  donnant  l'exis- 
tence? Ainsi  parlent  les  philosophes.  Voici 
notre  réponse. 

Dieu  n'a  pas  créé  notre  monde  pour  le 
mal,  mais  pour  le  bien  ;  il  n'a  pas  été  déter- 
miné à  le  choisir  entre  tous  les  autres  par 
une  préférence  de  haine  pour  les  réprouvés, 
mais  par  un  sentiment  de  prédilection  pour 
les  élus.  En  parcourant  la  série  infinie  des 
combinaisons  proi)rcs  h  réaliser  son  dessein, 
la  pensée  de  Dieu  a  rencontré  notre  monde  ; 
il  y  a  vu  tous  ses  tlus  sans  exception  depuis 
le  premier  jusqu'au  dernier,  et  chacun  d  eux 
avec  le  degré  précis  de  mérites  qu'il  lui 
voulait,  il  a  donc  créé  le  monde  avec  ses 
lois  et  ses  habitants,  ;  parmi  eux  sont  des 
infortunés  qui  se  perdront  [lar  leur  faute; 
Dieu  voudrait  les  sauver  ou  les  laisser  dans 
le  néant;  mais  il  ne  le  p('ut  sans  compro- 
mettre le  succès  de  son  entreprise,  ou  sans 
donner  atteinte  h  ses  atlriliuts.  Ainsi  les  ré- 
prouvés reçoivent  la  vie,  parce  qu'ils  font 
partie  de  la  création  où  les  élus  sont  renfer- 
més. Dieu  aime  plus  les  élus  que  les  ré- 
prouvés, cela  est  vrai,  et  pour  cette  raison 
il  ne  renonce  pas  à  la  création  du  monde, 
malgré  l'intérêt  contraire  des  derniers:  tou- 
tefois il  montre  son  affection  à  ceux-ci  par 
l'emploi  de  moyens  qui  servent  à  diminuer 
leur  mal  autant  que  possible,  comme  nous 
rex})liquons  ailleurs.  (  Voy.  Eteumté  des 

PEINES.) 

Mais  si  Texistencc,  les  crimes  et  le  sup- 
plice des  réprouvés  appartiennent  essentiel- 
lement à  la  combinaison  qui  assure  la  glo- 
rification des  élus; s'il  estné^'essaire,  coma)e 
le  disent  saint  Paul  et  Jésus-Christ  même, 
qu'il  y  ait  des  hérésies  et  des  scandales, 
apparemment  telles  hérésies  et  tels  scanda- 
les, par  conséquent  tels  hérétiques,  tels  per- 
sécuteurs ,  etc.  Donc  Dieu  prédestine  quel- 
ques hommes  au  mal,  ou  il  les  fait  naître 
sous  l'empire  d'une  nécessité  fatale  qui  les 
entraîne.  Un  mot  suffira  pour  éclaircir  cette 
difficulté. 

Sans  doute  le  péché,  le  scandale,  les  hé- 
résies sont  nécessaires ,  mais  pourauoi  ? 
parce  que  l'homme  est  libre  ;  si  nous  étions 
dominés  par  une  fatalité  invincible,  non- 
seulement  le  péché  ne  serait  pas  nécessaire, 
il  serait  impossible.  Le  rôle  de  la  Provi- 
dence n'est  pas  de  nous  pousser  au  mal  : 
mais  plutôt  de  nous  en  détourner  et  de  faire 
servir  à  notre  avantage  celui  qui  est  inévi- 
table. Il  n'y  a  pas  cu  un  Luther  et  un  Vol- 


711 


PRE 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PRE 


71Î 


tiirc  k  cause  (l*un  décret  qui  aurait  pré- 
destiné ees  hommes  funestes  h  scandaliser 
i*E^iise  de  Dieu;  il  y  en  aurait  eu  cent,  si 
la  Providence  ne  l'eût  empêché;  le  scandale 
se  serait  montré  en  pure  perte»  si  elle  n'avait 
su  le  faire  contribuer  à  la  gloire  de  la  reli- 
gion. 

Les  hommes  sont,  en  vérité  bien  inconsé- 
quents; la  prédestination  est  cent  fois  plus 
étroite,  plus  inflexible  dans  l'ordre  naturel, 
dont  personne  ne  se  plaint;  que  dans  Tordre 
surnaturel  contre  lequel  tout  le  monde  ré- 
clame. Le  christianisme  n'existe  que  pour 
combattre  le  mai,  seul  il  en  a  trouvé  la  rai- 
son et  le  remède  ;  le  genre  humain  périssait, 
il  est  venu  lui  rouvrir  la  porte  de  la  vie;  et 
un  l'accusera  d'enseigner  une  doctrine  im- 
(Htoyable,  on  se  fera  contre  lui  une  arme  de 
celte  même  question  du  mat  qu'il  a  si  pé- 
remptoirement résolue!  £h  bien!  quoique 
nous  l'ayons  déjà  fait,  montrons  encore  une 
fois  par  quel  inexplicable  aveuglement  la 
jihilosophie  veut  faire  retomber  sur  le  chris- 
tianisme des  reproches  qui  ne  peuvent  s'a- 
dresser qu'à  elle. 

La  prédestination  divine  n'est  pour  rien 
dans  le  mal  moral,  si  ce  n'est  afin  de  le 
guérir  ou  de  le  rendre  profitable;  elle  a  or- 
donné le  mal  physique  comme  préservatif 
ou  comme  remède  du  mal  moral,  elle  est  le 
principe  de  tout  le  bien  qui  se  fait  sur  la 
terre.  En  toutes  clioses  le  Chrétien  verra  la 
main  d'un  Dieu  toujours  attenliTà  prévenir 
ou  à  réprimer  le  désordre,  hexciteri  homme 
de  bien,  h  intimider  le  méchant.  Ëst-il  té- 
moin du  triomphe  passager  de  l'erreur,  des 
prospérités  de  fimpie,  des  souffrances  du 
juste?  il  ne  se  scandalise  point,  il  sait  que 
Dieu  tirera  sa  gloire  de.  tout  et  que  l'ordre 
sera  rétabli  pour  toujours  dans  un  monde 
meilleur. 

Interrogez,  au  contraire,  les  incrédules  ;  ils 
ne  sont  sûrs  de  rien  pour  l'avenir,  et  quant 
au  présent,  il  faudra  bien  qu'ils  avouent 
que  les  excès  les  plus  monstrueux  d'injus- 
tice, de  débauche,  de  cruauté  appartiennent 
essentiellement  à  la  nature  humaine  telle 
que  Dieu  Ta  faite  primitivement,  telle  qu'il 
a  bien  réellement  voulu  la  faire.  Oui,  Dieu 
est  sorti  de  son  éternel  repos  t)our  créer  un 
monde,  où  selon  les  incrédules,  l'erreur,  a 
toujours  dominé;  le  christianisme,  auquel 
se  sont  soumises  les  nations  les  plus  éclai- 
rées de  l'univers,  est  une  imposture  gros- 
sière et  criminelle  par-dessus  toutes  les  au- 
tres. Le  païen  se  contentait  d'honorer 
Jupiter,  Mars,  Apollon,  comme  des  dieux  ; 
les  Chrétiens  adorent  Jésus  comme  Dieu,  le 
Dieu  unique,  le  Dieu  éternel  et  inflni. 
Chose  incroyable,  ce  monstrueux  mensonge 
s'est  trouvé  environné  d  assez  d'apparences 
de  vérité  pour  séduire  les  Ames  les  plus 
saintes,  les  plus  grandes,  les  plus  généreu- 
ses, subjuguer  les  plus  beaux  génies,  pous- 
ser des  huilions  d'hommes  a  lui  rendre 
témoignage  par  le  sacrifice  de  leur  vie.  Ce 
n'est  pas  assez,  cette  doctrine  usurpatrice  a 
sauvé  le  monde  de  la  corruption  païenne, 
de  la  barbarie  du  nord  et  du  midi  ;  elle  a 


affranchi  la  femme,  consacré  rcnbnt,  Itsé 
les  fers  de  l'esclave,  consolé  les  raailieureux, 
mis  en  honneur  le  dévouement  etltîsacri^ 
fice,  (jue  sais-je?  Je  ferais  une  énuraéraiiofi 
infinie,  si  je  voulais  tout  dire.  Comme 
pour  rendre  son  règne  éternel,  ceUo  mêue 
doctrine  est  devenue,  par  la  permission  t]i! 
Dieu,  nécessaire  à  tous;  les  peuples  infidèles 
périssent  semblablemenl  s'ils  cessent  del'é- 
tre.  Après  une  si  complète  abnégation  doses 

})ropres  intérêts,  ou  plutôt  avec  une  si|>r(i- 
bnde  insouciance,  un  si  parfait  mépris  de  a 
que  nous  pourrions  dire  ou  penser  de  lui, 
n*est-il  pas  naturel  que  Dieu  ait  laissé  les  iiour 
mes  se  débattre  avec  leur  destinée,  les  fort) 
écraser  les  faibles,  les  pervers  corromiirç 
les  innocents,  les  doctes  abuser  les  simpipi. 
les  puissants  préconiser  te  vice  el  persécud 
la  vertu.  Dieu  a  voulu  ces  résultais, car )l 
n*a  rien  fait  pour  les  prévenir; il  lesaTOih 
lus  pour  eux-mêmes,  e-ar  il  n*en  lire  aucun 
profit  pour  sa  gloire  ni  pour  le  bonlieur d' 
ses  créatures;  il  faut  en  venir  là;  c'eitlj 
conséquence  nécessaire  (te  Tincréilulité. 

Supposons  maintenant,  s'il  est  poisili? 
d'en  trouver  de  ce  caractère,  un  cocla(i- 
leur  de  la  révélation,  s'exerçant  à  la  jaii- 
que  de  toutes  les  vertus,  veillant  de |rb 
sur  ses  passions  pour  les  tenir  en  bride,  o»' 
se  permettant  jamais  rien  de  contraire  à  ij 
raison  ni  h  la  conscience;  sup|)0soo$ce5f^e 
arrivé  à  sa  dernière  heure,  eisnogMal^ 
sou  sort  éternel.  11  ne  trouve  pisiiiBSM 
sa  vie,  je  le  suppose,  une  seule atfioaiioiil 
il  ait  à  rougir;  il  voit  au  eontraircd^^- 
gés  consolés,  des  orphelins  proléjfe,  i»e^ 
pauvres  nourris  et  vêtus;  en  esl-re  asseï 
j»our  attirer  sur  lui,  pendant  rélernil'ito 
laquelle  il  va  entrer,  un  regard  faTorablcili] 
ce  dieu- bizarre  qui,  n'ayant  riendemacuï 
à    l'homme,   ne  lui  doit  rien,  el  regar- 
dera peut-être  comrao  une  offense  qw, 
sans  son  aveu,  on  ait  osé  prétendre  ^if^ 
bonnes  grâces  ?  Dieu  sourd  ot  inûcïibhi 
qui,  pendant  six  mille  ans,  ti  fermé  Toreill' 
aux  cris  de  l'humanité  gémissante,  coiih 
ment  pourrait-il  ne  pas  rejwusser  la  dej 
mande  d'un  salaire  qu'il  n'a  point  prouiw. 
Puisqu'il  a  donné  le  succès  aux  uiécbatiu, 
aux   fourbes,  aux  imposteurs,  aux  Ivjans, 
ne  sont-ce  pas  là  ses  vrais  amis!  Si!  ^ 
quelque  vertu  ignorée  qui  ait  échappé  H 
séductioq  ou  à  l'oppressiou,  n'est-ce  p* 
malgré  lui  el  aux  dépens  des  précauW 
qu'il  a  prises  pour  l'empêcher  de  naître  oa 
pour  l'étouffer  après  sa  naissance?  Encort 
une  fois,  que  doit  attendre  rhomme  de  et 
maître  farouche  et  impitoyable? 

Prenez  au  contraire  le  Chrétien  le  p^ 
coupable,  tout  noir  de  crimes,  condaw»' 
môme  par  la  justice  humaine  à  portcr>3 
tête  sur  l'échafaud.  Si  dans  ses  dermers 
jours  la  foi  de  ses  premières  années  se  r^ 
veille,  s'il  prête  une  oreille  docile auif^ 
rôles  du  ministre  sacré;  il  sentira  sonlo^f 
s'attendrir  et  la  douce  espérance  couIer»l3i^ 
son  cœur  flétri.  Il  sesouviendraafec«Dioor 
du  Dieu  cruciûé  pour  lui,  do  la  cléiaeo' 
Vierge  Marie,  l'avocate  des  pécheurs,  « 


! 


■1 

I 


7i3 


PRE 


DlCTiONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PRE 


7i4 


consolatrice  des  infortunés.   Il  confessera 

.;r»$  crimes  avec  une  confusion»  une  dou- 

h*ur  qui  auront  plus  de  charmes  qu'il  n'en 

frimva  jamais  dans  ses  coupables  plaisirs. 

|.4jr$que  le  prétre«  étendant  ta  main  sur  sa 

\t  le  humiliée»  lui  dira  :  Je  vous  absous  de 

f^jb  crimes  ;  il  sentira  au  calme  de  sa  cons- 

[}  ence»  à  l'apaisement  de  ses  remords,  à 

jfje  {loix  de  1  Ame  inconnue  pour  lui»  qu'il 

..t  justifié  1  Alors  il  se  lèvera  avec  courage, 

\r^  livrera  au  bourreau  sans  résistance»  at- 

>fi(lnra  la  foule  assemblée  par  son  recueil- 

V^nent  et  son  air  serein»  et  après  avoir  une 

fM'uière  fois  embrassé»  comme  un  frère» 

pHX   aux  pieds  duquel  il   était  naguère 

liistcrné,  il    montera»  lui»  le  criminel»  le 

■«urtrier»  l'horreur  du  genre  humain»  il 

C notera  sur  l'échafaud  avec  la  ferme  espé* 
nce  d*ètre  bientôt  reçu  dans  l'immortelle 
ciélé  des  héros  de  la  foi  et  de  la  vertu. 

^•y.  LfBBRtfi  ET  BÉPARATION,  §  II.) 

ikËDIGTlON  d'événements  futurs»  etc. 

Fïfli*  PBOPHéTIES* 

nSSËNCfi  RÉELLE  de  Jésus-Christ  en 


neurs  lieux»   phénomène  naturel  qui 

i^   à  le  faire  comprendre.  Voy.  Eucua- 

s»  {  1  et  UI»  et  Dogmes»  §  III.  —  Exa^ 

;4es  textes  de  l'Evangile  relatifs  à  Tins- 

jeocbaristique  et  réponse  aux  objec- 

Ây.    DoâMES»  §  III.  —  Démontrée 

^'Af>aditioo. /frid.ȤIII. 

»IK£rRE.  Le  prêtre  qui  croit  à  sa  religion 

^nécessairement  ennemi  des  hommes  ? 

Aimé  Martin  a  osé  l'affirmer.  Ecoutez  ; 

Le  prêtre  romain  qui  croit  toute  sa  reti- 

„x  cl  ceci  est  de  grande  conséquence»  est 

fbessaircment  ennemi  des  hommes»  puis- 

fsJe  genre  humain»  et  ceci  est  article  de 

i  est  ennemi  de  Dieu»  né  dans  le  péché 

prédestiné  au  feu  éternel.  Au  milieu  des 

•èlircs   qui  Tenvironnent»  il  n'entrevoit 

hae  sinislro  lueur  :  c'est  la  puissance  de 

tm,  inscrite  en  traits  de  flamme  sur  la  fi- 

«ciiu  monde.  Tousleshommes  lui  apparais- 

hcominedes  damnés»  et  son  âme,  ravagée 

tl.i  peur,  s'abtmedans  ses  contemplations 

Idyables  qui  ont  fait  dire  h  saint  Grégoire 

(Xazianze  ^ue  ses  craintes  du  jugement 

^iipr  ne  lui  permettaient  pas  de  respirer. 

C*est  peu  de   dessécher  le  cœur»  ces 

ines  rompent  les  liens  fraternels  qui 

leot  les  hommes  entre  eux  ;  elles  dé- 

t  jusqu'i  la  charité  évangélique»  en 

treignant  d'abord  aux  seuls  catholi- 

rooiains,  puis  au  petit  nombre   des 

puis»  d'exception  en  exception»  à  l'u- 

qui  est  le  prêtre  lui-même»  si  seul  il 

avoir  la (01.  Égoïste  par  conviction»  il 

fanatique  par  9mour  de  Dieu  et  pcrsé- 

-  jr  par  amour  des  hommes.  Les  crimes 

la  foi  sont  les  plus  effroyables  de  tous» 

ils  se  commettent  saintement  et  avec  la 

-^riirlion  de  la  vertu  (748)»  » 

^  *  De  ces  deux  alinéas,  l'un  nous  montre 

^  jTèire  abtiné  sans  relâche  dans  d'effroya- 

!sroTitcmpIations;  l'autre  le  fait  reparaître» 

^%M}  KdmcaêioH  des  mères  de  famille,  liv.  iv,  c.  9. 
l'^lUr.  n,  ch.  «4.  p.  .77  :  •  Toul  palpttaal  de 

DlCTIO^N^IRC   APOLOr.f-TIOlC.    11. 


mais  comme  un  égoïste  qui  s'absorbe  dans 
son  propre  amour.  Quelle  est  par  hasard  la 
moins  ridicule  des  deux  idées? 

2*  Saint  Grégoire  s'épouvantait  è  la  pen- 
sée du  tribunaf. suprême  ;  mais  le  disciple 
de  M.  Aimé  Martin  ne  peut  pas  non  plus 
songera  la  mort  sans  frisson  ;  car,  si  notre 
moraliste  cherche  parfois  à  nous  guérir  de 
la  peur  des  sévéntés  divines»  il  annonce 
aussi  parfois  que  l'âme  rencontrera  un  juge 
au  delà  du  tombeau  (7^9).  Esl-ce  que»  parce 
qu'ils  ne  sont  pas  éternels»  les  châtiments  du 
Dieu  de  M.  Aimé  Martin  ne  sont  pas  à  re- 
douter? 

S""  La  foi  nous  apprenant  que  Jésus  est 
mort  bour  le  salut  du  monde»  tous  les  hom- 
mes  n  apparaissent  pas  au  prêtre  comme  des 
damnés  »  prédestinés  au  feu  éternel. 

4'  0^'est-ce  gu*on  nous  veai  avec  cette 
absurde  supposition  d'une  charité  se  res- 
serrant du  genre  humain  au  catholique»  du 
catholique  aux  élus»  et  de  ceux^^ci  au  prêtre 
seul  ?  Ecoutons,  pour  toute  réfutation,  l'a- 
mende honorable  que  M.  Aimé  Martin  a 
faite  de  ces  grotesques  injures  à  la  charité 
du  prêtre  croyant  : 

«  Les  missionnaires...»  le  monde  s'éclaire 
devant  eux»  et  le  recueil  de  leurs  relations 
compose  bientôt,  sous  le  titre  de  Lettres 
édifiantes,  un  ouvrage  sans  modèle  parmi 
les  anciens»  unique  parmi  les  modernes» 
où  se  trouvent  i^éunis  les  prodiges  de  la  foi» 
les  actes  des  martyrs»  la  science  des  rlatu^ 
ralistes»  la  majesté  des  idées  religieuses 
aux  tableaux  les  plus  sublimes  et  les  plus 
frais  de  la  nature. 

«  Les  Lettres  édifiantes  et  curieuses  ont 
mérité  les  éloges  de  Montesquieu»  de  Buf* 
fon»  de  Bernardin  de  Saint-Pierre  et  de  Cha- 
teaubriand ;  Voltaire  s'est  appuyé  de  leur 
autorité»  et  le  plus  grand  des  géographes 
modernes,  le  savant  Danville  les  cile  souvent 
avec  admiration  dans  ses  précieux  mémoi- 
res. En  elfet»  il  n'y  a  pas  un  coin  du  monde» 
une  solitude  reculée  où  nos  missionnaires 
n'aient  porté  la  parole  évangélique.  Leurs 
lettres  nous  arrivent  de  toutes  les  latitudes: 
il  y  en  a  de  datées  du  pied  d'un  arbre  au 
milieu  d'une  forêt  vierge  de  l'Amérique»  du 
palais  des  empereurs  barbares  de  l'Asie,  et 
de  la  hutte  des  sauvages.  La  fatigue  et  les 
périls  excitent  leur  zôle»  et  partout  où  il  y  a 
des  Ames  à  conquérir»  des  cœurs  à  émou- 
voir» des  misères  à  soulager»  vous  êtes  sûr 
de  les  rencontrer  actifs»  humbles»  mais  iu- 
domptables,  et  poursuivant  leurs  œuvres  Je 
chanté  jusqu'au  martyre  I... 
•  «  Telles  sont  encore  les  admirables  his- 
toires de  Charlevuix»  Dutertre»  Duhalde» 
Labat,  LaQteau»  Osârius  et  Lopez  de  Casta- 
gne ;  relations  pleines  de  charmes,  où  l'his- 
toire de  la  nature  se  trouve  divinement 
mêlée  à  l'histoire  des  hommes,  tableaux  su- 
Mimes  des  forêts  vierges  de  l'Amérique»  des 
steppes,  des  savanes»  des  llanos  »  des  pam- 
pas^ ces  vastes  déserts  de  sable»  d'eau  et  de 

crUc  longiic  luUc,  il  {Vhomme)st  trouve  en  préseoce 
du  niaUic  qui  doit  le  récompenser  oa  le  punir,  p 

33 


ÎI5 


VIXE 


UICIIONNAIUE 


Verdure  qui  aj>paraissen(  cuminc  sorl«iiU  tic 
la  main  do  Dieu,  cl  qui  aUcndent  la  main 
de  riiommo  pour  recevoir  leur  seconde 
création. 

V  Le  caractère  saillant  de  toutes  ces  his- 
toires» c'est  la  foi  et  Tamour  qui  se  résu- 
ment dans  la  charité,  sœur  nouvelle  des 
muses  anli(|ues.  Plus  vous  les  lisez,  plus 
vous  êtes  touché  de  riiumilité  de  l'histo- 
rien,  et  de  la  grandeur  de  son  œuvre.  Le 
livre  qu'il  écrit  n'est  que  Taccident  d'une 
mission  plus  haute  qu'il  s'impose.  La  cha- 
rité le  fait  voyageur,  législateur,  historien, 
naturaliste,  astronome,  géographe.  Il  court 
d'un  monde  à  l'autre  pour  instruire  et  pour 
bénir,  et  c'est  en  accomplissant  l'Evangile, 
qu'il  recueille  sur  sa  route  les  mœurs,  les 
usages,  les  histoires,  et  surtout  les  super- 
stitions et  les  théologies  harhares,  c'est-à- 
dire  toutes  les  formes  diverses  par  lesquel- 
les l'âme  humaine  s'est  fait  jour  jusqu'à 
Dieu  (750).  » 

C'est  dans  ces  admirables  pages,  dignes 
<lu  Génie  du  christianisme^  que  je  reconnais 
le  prêtre  trop  déGguré  tout  à  l'heure  par  celle 
caricature  où  on  nous  le  présentait  comme 
doublement  malheureux  de  sa  croyance: 
malheureux  dans  ses  rapports  avec  le  genre 
humain,  où  il  ne  trouve  guère  que  sa  per- 
sonne à  aimer,  et  malheureux  encore  en 
lui-môme,  où  ne  vil  que  la  peur  sans  espoir, 
sans  souvenir  du  Christ  rétleraptcur.  Aussi, 
remarquez  que  l'éloge  du  sacerdoce  est  tout 
fondé  sur  des  faits,  au  lieu  que  la  satire  qui 
vn  avait  été  faite  n'était  que  la  bizarre  ex- 
l)losion  d'un  accès  de  mauvaise  humeur. 

Suivant  M.  Aimé  Martin,  le  prêtre  ne  doit 
ni  croire  au  symbole  catholique,  ni  obéir 
au  pape,  ni  pratiquer  la  pénitence,  ni  se 
vouer  au  célibat,  ni.  aspirer  sur  la  terre  à  la 
;^ainteié  (751).  Que  doit-il  donc  faire  pour 
remplir  dignement  sa  mission  ?  Quelle  règle 
lui  trace  le  nouveau  révélateur  de  l'Evan- 
gile et  de  la  nature?  Quel  type  de  perfection 
lui  met-il  devant  les  yeux?  Le  mariagel  Le 
mariage  I  c'est  la  grande  réponse  de  M.  Aimé 
Martin;  le  mariage  c'est  l'infaillible  pana- 
cée morale,  c'est  tout  l'homme,  c'est  tout  le 
prêtre. 

—  «Pourquoi,  dit  le  Mentor  des  dames, 
si  elle  {r Église)  porte  un  cœur  de  mère,  né 
dirait-elle  pas  à  ses  fils  :...  Allez  ;  faites- 
vous  des  cœurs  chastes ,  et  choisissez  vos 
épouses  sous  le  chaume  du  laboureur,  par- 
mi les  dernières  de  vos  brebis,  dans  celle 
classe  utile  et  laborieuse,  ((ui  a  aussi  son 
sacerdoce,  car  elle  nourrit  le  geare  hu- 
main. 

«  S'il  abritait  d'heureux  époux,  loin  du 
monde,  et  cependant  au  milieu  des  hom- 
mes, le  loit  du  presbytère  s'élèverait  dans 
nos  campagnes  comme  le  temple  de  l'amour 
conjugal. 

(750)  IiUroduciion  nu  PanUiéon  littéraire^  seetlon 
TUS  Voyages,  p.  445. 

(7ol)  I  En  se  séparant  du  monde,  'c  saint  veut 
s'élever  au  ciel,  mais  son  corps  rembarrasse  ;  p<iiir 
se  faire  ansp,  il  se  ïmi  brulc.  >  Il  a  failli  c  lier  ccue 


APOI-OCETIQLi:.  W(L  ^ 

«  Mais,  d ira- t^on,  quel  clmrme une rimiiw 
grossière  et  sans  lettres  réjMiridra-i-cllo  sur 
la  maison  du  pasteur  ?  L  ij^norancc  de  la 
îille  des  champs  n'est  iioinl  aussi  profwKJe 
qu^on  le  suppose  La  femme  tlu  hbouroHi 
a  plus  d'idées,  iilus  de  prévoyance,  pli» 
d'autorité  que  celle  de  l'arlisan.  Souvcni, 
il  est  vrai,  son  langage  manque  de  poliies5c 
et  ses  manières  de  aouceur  ;  mais  imu 
ce  voile,  rassurez  ce  cœur  liraide,  mmi 
avec  elle  dans  la  faranagnc,  et  ses  conn.iK- 
sances  toutes  naturelles  dcvicndronl  [Kiur 
le  savant  lui-même  une  source  de  savoir. 
Elle  vous  dira  le  nom  des  planlct  uiik 
leur  usage  et  leur  culture;  vous  apprendrei 
d*elle  quels  sont  les  signes  qui  font  pres- 
sentir les  tempêtes  ou  espérer  un  beau i()iir. 
la  saison  prescrite  au  retour  des  omn. 
la  fleur  qui  parait  la  [)renrière»  celle  quitiiofr 
ire  les  lieuresouqui  se  ferme  k  rappmck 
de  la  pluie  :  sa  science  comprend  I>x|k^' 
rience  du  village,  les  souvenirs  des  vieil- 
lards, les  exemples  de  sa  mère  et  les  (rara'n 
de  ses  compagnes  :  car  toutes  ces  \mt 
filles  ont  appris  à  élever  les  lrou|ipam,ii 
préparer  le  iaitage,  h  blanchir  le  iiOpXà 
tiler  le'lin,  à  aimer  et  à  soigner  les  |«iii5 
enfants. 

«  L'ordre  et  l'exquise  propretéréçncraier; 
donc  sous  le  toit  du  pasteur.  Sa  tahk  k<' 
pitalière  serait  toujours  couverte  d'un  %^ 
blanc,  filé  dans  sa  propre  maison;  oc  j^^r- 
rail,  avec  tous  les  biens  que  tlomltal^'Oi 
des  légumes  et  des  fruits  conserréspar  l« 
soins  de  sa  compagne.  Des  flea«m\* 
raient  ses  jardins,  une  vache  et  dcjàanis 
animeraient  sa  prairie. 

«  Rapprochée  des  paysans  par  sa  bajillr, 
oe  la  bourgeoisie  par  son  mari,  la  {eiû\û<i«l'« 
pasteur  deviendrait  le  lien  gracieux  de  K^'t 
Téchclle  sociale.  Un  chapeau  de  pail'c  alifi- 
terait  son  visage,  et  ses  adroites  mains  tr 
prendraient  à  relever  avec  grâce  sa  bclledw 
velure.  Modèle  de  ses  compagnes,  elte  iJf- 
merail  leur  goût,  dégrossirait  leur  parirtv 
épurerait  leur  langage.  i 

«  Le  mariage  des  prêtres,  c*csl,  en  oj> 
très  termes,  la  réforme  du  clei^gé  cl  la  nT.-^ 
lisation  du  monde. 

«  Sans  doute  la  vie  du  prêtre  6 vangéii'l» 
a  ses  privations  comme  toute  vie  liumiwS 
elle  a  ses  devoirs  et  [ses  combats,  pl«^  '^ 
mission  du  pasteur,  qui  est  toute  de  bKj^ 
vaillance  et  d*indulgence.  Celui-là  ne  ?«• 
che  pas  les  austérités,  naais  la  règle;  il *^ 
ctifie  par  sa  présence  jusqu'à  îa  joie  — 
festins,  et,  chaque  dimanche,  sa  douce  o 
pagne  conduit  les  choeurs  dans  le  temple' 
la  danse  sous  la  feuillée  :  car,  au  villa-^ 
toutes  les  fêtes  sont  religicuseSr  cl  scct^' 
brent  à  l'église  et  aux  champs  (753).  * 

De  si  ridicules  imaginations  sur  le  "^ 
riage  des  prêtres  sont   un  cliâliuicnt  ik'^ 


aflligeante  parodie  (]*un  moi  de  Pasal  pour  (p  < 
lecteur  la  crût  possible. 

("32)  Liv.  IV,  ch.  i  I,  passiin.  —  Cf.  Doit  e«  •^ 
ir.  de  r'LoniAM,  i  *  partie,  c.  31  • 


fA 


ri7 


PUO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQLE. 


PRO 


m 


f:raaifes(cau'irifligc  la  Providence  h  l'en- 
luMiii  «lu  célilial  religieux.  Faut-il  après  cela 
r^'ihercher  les  inconvénients  qui  attriste- 
.iient  de  telles  unions?  Faul-il  |  prouver 
/lie  la  moitié  au  moins  du  savoir  attribué 
MI  filles  des  champs  leur  est  complètement 
'  rânL^ère-,  et  que  Tautre  moitié  se  trouvera 
•ns  le  moindre  petit  livre  à  dix  centimes  ? 
f.»î  non.  Je  me  contente  de  présenter  celte 
:  «ipie  du  mariage  dos  prêtres,  comme  les 
:  ».irtiates,  afin  de  détourner  leurs  enfants 
',j  rivresse,  plaçaient  sous  leurs  yeux  des. 
^tes  ivres.  Pour  moi,  je  vais  relire  le  récit 

ti  tribulations  du  pauvre  vicaife  marié  de 
akefield. 

iPRICHARD,  cité  sur  les  caraclèros  des 
|ces  huDQaines,  Foy.  Races  humaines,  §  III. 
iPRIMAUTË  du  pape.  Voy.  Pape. 
jPRlNCES;  la  justice  prèchée  aux  princes 
prHincmar  était-elle  moins  humaine  crue 
iUede  Bossuet?  Appréciations  de  M.  Ampère 
?it  sujet  réfutées.  Voy.  Hincmar,  §  XVIII. 
i;  nUORITË  des  races.  Voy.  Rages  hlmai- 

;WOBLÈMES  INSOLUBLES  dans  !e  poiy- 
tmsme.Voy.  Pentateuque,  §  III.  —  Aucun 
Il  «eux  qui  tourmentent  Tesprit   humain 
^'' <ié  résolu  par  la  philosophie.  Voy.  Vin- 
^§V1IL 
IKKIÈS  CONTINU.  —  <rest  le  nom  que 
?.  Leroux  a  donné  à  un  nouveau  sys- 
Jf*  philosophie  que  ce  libre  penseur  a 
pné.  Ce  système  se  rattache  au  mouve- 
(  philosophique  du  siècle  par  le  prin- 
Je  la  perfectibilité  indéfinie;  il  s'endis- 
e  en  reconnaissant  la  nécessité  d'une 
ffion.  M.  Leroux  lait  d'abord  observer 
ilc  ralionaliste,  au  moyen  de  ses  induc« 
h  et  «Je  ses  déductions,  ne  peut  arriver 
îdes  Téritésdu  genre  des  vérités  mathé- 
liqucs.  La  vie,  hors  de  laquelle  II  se  place 
4>n  p.  fiai  de  départ,  lui  échappe  entière- 
ni;  il  est  impuissant  à  la  modifier.  L'in- 
ifltialisme    n*oQ're  aucune   certitude   et 
li^encire    que    Tanarchie   intellectuelle. 
Kathôliques  ont  donc  raison  de  procla-* 
îla  nécessité  d*une  tradition;  mais  leur 
ttion  est  vieillie  et  sans  influence.  M.  Le- 
Il  ne   reconnaît  d'autre  tradition  que  la 
Ktton  actuelle  et  vivante  de  Thumanité. 
icroyances,  nos  idées  actuelles  ne  sont 
nées  avec  nous.  La  vie  se  transmet  de 
[lions  en  générations  suivant  certaines 
Uliumanité  n'est  point  une  série  rom- 
;f anneaux  fragmentaires;  elle  est  bien 
une  succession  continue  de  forces 
omises  pour  produire  un  effet.  Où  est 
tro  vie,  où  peut  Atre  notre  force,  sinon 
•»  les  sentiments  que  nous  ont  transmis 
mviu*  siècle  et  la  révolution?  Ces  senli- 
-»t$  forment  donc  une  tradition  vivante  : 
-«e  résument  dans  les  grands  principes 
iiberié^  iïégatité  et  de  perfectibilité,  La 
\\\.\oii  nous  mène  à  un  principe  supé- 
^\t;ce  principe  supérieur,  c'est  le  dogme 
vrojrès.  La  dortrine  du  progrès  et  de  la 
r-iec(jl»iHté  apour  appui  et  pour  fonde- 
nt la  tradition  tout  entière  de  Tère  rao- 
^oe;  car  fère  moderne  n'a  été  qu'un  lon^ 


travail  pour  arriver  à  Tenfantement  de  cette 
vérité.  Cette  doctrine  a  par  elle-même  quel- 
que chose  de  vague  et  d'indécis ,  elle  doit 
être  précisée.  M.  Leroux  définit  donc  le 
progrès  une  série  incessante  et  continue  de 
perfectionnements;  de  là  le  progrès  con- 
tinu. Ainsi  tradition,  progrès  et  prou:rès 
continu  :  telles  sont  les  bases  du  système 
de  M.  Leroux.  Cette  conception  le  conduit  à 
une  conception  plus  générale  encore,  à  celle 
do  la  philosophie  même»  qu'il  définit  la 
science  de  la  vie  sous  tous  ses  aspects.  Or, 
la  vie  n'est  gu'un  changement  continuel, 
une  création  incessante,  une  série  continua 
de  progrès.  Ce  développement  progressif  so 
montre  partout  dans  1  univers,  dans  Tordre 
des  constructions  successives  de  la  terre, 
comme  dans  la  formation  de  la  matière  des 
astres;  dans  la  série  des  degrés  successifs 
par  lesquels  a  jmssé.  l'animalité  «  comme 
dans  celle  des  changements  quont  subis, 
harmoniquement  à  elle,  les  milieux  qui 
Tentourent  et  par  lesquels  elle  vit.  L'huma- 
nité est  soumise  à  la  loi  générale;  elle  su- 
bit des  transformations  successives  qui  la 
poussent  toujours  vers  un  état  indéfiniment 
t)lus  parfait.  Mais  le  terme  extrême  de  ses 
destinées  nous  est  aussi  inconnu  que  le 
point  initial.  Les  questions  d'origine  et  de 
tin,  non-seulement  en  ce  qui  regarde  l'hu- 
manité, mais  aussi  pour  tous  les  êtres,  sont 
enveloppées  de  ténèbres  ;  nous  sommes  en- 
tre deux  mystères...  Malgré  ces  obscurités, 
la  science  de  la  vie  constitue  proprement  la 
philosophie  qui  n'est  pas  distincte  de  la  re- 
ligion. Ces  deux  termes  synonymes  expri- 
ment les  degrés  difl'érents  dune  même  chose. 
Toute  religion  commence  d'abord  par  êtro 
une  philosophie.  Le  christianisme  a  été  une 
philosophie  avant  d'être  une  religion.  Le  siè- 
cle appelle  de  tous  ses  vœux  une  religion  : 
il  la  demande  sans  cesse,  il  la  demande  à 
tout  :  qu'il  ne  se  décourage  et  ne  se  déses- 
père pas;  nous  aurons  une  religion  lorsque 
nous  aurons  une  science  complète  de  la 
vie.  Sachons  que  les  travaux  actuels  des 
géologues,  des  anatomistes,  des  historieus, 
les  travaux  de  la  science,  en  un  mot,  sont 
sur  la  route  de  la  religion.  Que  la  philoso- 
phie s'emparantde  ces  travaux,  édifie  soli- 
dement la  tradition  du  genre  humain  et  le 
progrès  divin  du  monde,  et  nous  serons  re- 
ligieux, et  nous  aurons  une  religion.  Pour 
arriver  à  cet  important  résultat,  trois  gen- 
res de  travaux  se  présentent  à  faire  :  r  II 
iaut  perfectionner  la  tradition;  S"*  constater 
le  progrès  dans  le  passé;  3''  du  progrès  con- 
tinu déduire  l'avenir. 

Perfectionner  la  tradition,  c*est  marcher 
vers  la  tradition  universelle  du  genre  hu- 
main; c'est  expliquer  le  passé.  Mais  s'élever 
à  la  tradition  universelle,  ce  n'est  pas  ab- 
sorber et  perdre  le  sentiment  philosophique 
moderne  dans  les  idées  du  passé.  Dans  ce 
sentiment  se  trouve  le  foyer  de  notre  vie  ; 
de  là  partent  pour  nous  le  passé  et  Tavenir. 
Le  passé  peut  et  doit  nous  servir  d'aliment 
pour  l'entretenir,  le  fortifier,  le  purifier* 
D'après  notre  sentiment  et  notre  vie  ac* 


719 


PRO 


DICTIONNAIRE 


tuollc,  ou  d'après  le  principe  d  égalité  et  de 
liberté,  nous  jugeons  les  institutions  anté- 
rieures cl  les  diverses  philosophies  qui  ont 
été  élevées  au  rang  de  religion,  nous  voyons 
en  quoi  elles  ont  servi  le  progrès  et  la  cause 
de  i  humanité. 

Constater  l6  progrès  dans  le  passé,  c'est 
constater  la  suite,  renchatnement,  la  vie; 
ce  n'est  pas  établir  de  chimériques  rapports 
de  supériorité  d'une  époque  sur  une  autre. 
Car  si  les  formes  successives  qu'a  déjà  re- 
vêtues l'humanité  sont,  aux  yeux  de  Dieu, 
qui  connaît  son  ouvrage  et  le  but  où  l'hu- 
manité marche,  de  plus  en  plus  parfaites, 
elles  peuvent  fort  bien  n'avoir  pas  ce  carac- 
tère pour  nous,  ignorants  que  nous  sommes 
du  but  où  elles  s  acheminent.  Ainsi,  dans  la 
marche  de  l'humanité,  nous  trouvons  la 
suite  et  Tenchaînement,  mais  nous  ne  trou- 
vons pas  toujours  amélioration  et  pro- 
grès (753). 

Ce  progrès  continu,  que  nous  ne  pouvons 
pas  constater  d'une  manière  certaine,  doit 
nous  guider  cependant  dans  nos  prévisions 
de  l'avenir.  Ce  qui  a  été  ne  sera  plus;  le 
passé  doit  Être  transformé.  Quel  sera  cet 
avenir?  nous  l'ignorons.  Pour  nous  ache- 
miner vers  lui,  nous  n'avons  que  notre  vie 
actuelle.  Nous  devons  donc  nous  inspirer  de 
la  tradition  actuelle  de  la  France  et  de  VEu- 
rope  ;  prendre  les  questions  comme  les  ont 
posées  la  philosophie  et  la  révolution,  et  en 
chercher  la  solution  avec  la  vie  qui  est  en 
nous,  avec  originalité,  avec  spontanéité, 
sans  nous  incliner  comme  des  vaincus  sous 
les  fourches  eaudines  du  passé. 

Nous  ne  croyons  pas  qu'on  nous  accuse' 
d'avoir  expose  peu  fidèlement,  ni  même 
d'avoir  affaibli  la  doctrine  de  M.  Pierre  Le- 
roux. Cette  doctrine  se  réduit  en  résultat 
aux  principes  de  liberté  et  d'égalité  politi- 
que. Ces  principes  ne  sont  certainement  pas 
des  principes  faux  ;  mais  nous  croyons  que 
M.  Leroux  les  appuie  sur  une  base  ruineuse; 
nous  croyons  que  le  simple  eiposé  des  faits 
renverse  sa  théorie  de  la  certitude,  et  que 
le  fond  de  sa  doctrine  n'est  que  le  pan- 
théisme. 

Est-il  bien  vrai  que  les  principes  de  li- 
berté, d'égalité,  de  perfectibilité  obtiennent 
ce  consentement  universel  et  actuel  qui  est, 
suivant  le  philosophe  que  nous  combattons, 
l'unique  sceau  de  la  certitude?  Ces  princi- 
pes ne  trouvent-ils  pas  des  contradicteurs? 
Sont-ils  entendus  partout  de  la  même  ma- 
nière? Les  hommes  qui  les  nient  ou  qui 
les  tronquent  sont-ils  en  dehors  de  la  na- 
ture humaine,  ou  bien  la  vie  actuelle  de 
Thumanité  se  produit-elle  par  des  manifes- 
tations contradictoires? 
'  Si  ces  principes  sont  controversés,  s'ils 
doivent  être  discutés,  comment  peuvent-ils 
rallier  et  unir  les  hommes?  comment  peu- 
vent ils  servir  de  base  à  la  certitude  hu- 
Hjaine?Au  milieu  de  ce  conllit  des  opi- 
nions, par  quel  moyen  parviendrait-on  à 
constater  le  consentement?  Ce   consente- 


Al  OLOGHTIQl'E.  PRO  :4i 

ment  doit-il  être  absolu  et  sans  confradii. 
leurs?  Dans  ce  cas,  le  consentement  n'exisi»» 
sur  aucune  vérité  ;  il  n'y  a  plus  de  consen- 
tement. Si  on  ne  parle  que  d'un  consenle- 
ment  général,  comment  pourra-t-on  déter- 
miner le  degré  de  généralité  suflisanl  pour 
engendrer  la  certitude?  Vous  voulez  qu'on 
reconnaisse  et  qu'on  vous  accorde  que  k 
tradition  vivante  et  actuelle  de  rhuraafiiii^, 
la  seule  chose  certaine,  la  seule  Tériléq^i 
subsiste,  se  trouve  dans  les  principes  de  li- 
berté, d'égalité,  de  perfectibilité.  Nousrt- 
pondons  :  Vous  demandez  trop  ou  troppcù. 
Vous  demandez  trop;  car  ces  principes  ns 
posent  évidemment  sur  une  certaine  noliori 
tle  la  nature  et  de  la  destinée  humaine,  air 
certaines  notions  d'ordre  et  de  justice;  ci« 
notions  elles-mômcs  impliquent  celles  (, 
loi,  de  législateur,  de  devoir;  elles  se  rj!- 
tachent  à  quelque  chose  de  Qxeet  d'imoiu}- 
bic  dans  la  pensée  humaine.  Vous  deirjjo- 
dcz  donc  trop,  vous  qui  répudiez  (oui  s 
passé,  vous  qui  n'admett<5zrien  dunraaii;li 
et  d'absolu  dans  l'es  idées  humaines,  cotui' 
nous  l'établirons  bientôt.  Mais  d'un  sot'. 
côté,  si  vous  dépouillez  ces  principcu^ 
idées  nécessaires  qui  les  rendent  inleiJ.:'- 
blés,  quel  sera  leur  sens?  comment r'"-* 
ront-ils  servir  à  unir  le»  hommes,  à amii'- 
rer   leur  condition?  Comment  ferw-vn^ 
sortir  de  ces  principes  toutes  te  ùnic^ 
nécessaires  aux  noranaes  ?  Toutes  lesfnniv 
ces  sont  à  reftfiro,  dites-vous; j»«s</uc(/<' 
viendra  l'humanité  dans  cctiutteole  u^ 
croyances  nécessaires  à  sa  vie?  Eu  ^^'ï^*^''" 
dant  donc  qu'on  reconnaisse  les  pw|'.^ 
de  perfectibilité,  de  liberté,  d'*égaliic,eïiUi.- 
dus  dans  le  sens  le  plus  indéteraiioé  ci  '^ 
jdus  arbitraire,  comme  les  seules  souri- ^ 
de  la  certitude   humaine,   vous  demaiv-fi 
tro[)  peu. 

D'ailleurs,  sur  quelle  base  fait-on  rci-o^' 
en  délinitive,  la  certitude  de  ce  cod>cd;i 
ment  actuel  et  vivant  de  rhumaniié:?>i 
Tinfaillibilité    même    du   genre  buQi<'i 
Voici,  selon  cette  doctrine,  en  quoiconsi; 
cette  infaillilnlité  :  l'esprit  humain  pos^ 
certaines  notions,  certains  principe 
sont  la  vérité  môme;  cette  vérité  nesl'i' 
la  manifestation  de  la  vie;  mais  celte  Ter 
ne  se  développe  qu'à  la  condition  de  ^ 
taines  formes  qu  elle  doit  revêtir,  el  C 
sont  proportionnées  aux  Ages  divers  el  " 
divers  besoins  de  rhumanité.  Ces  for 
sont  passagères  et  périssables;  /»insi  ^1 
cien  polythéisme  a  été  remplacé |ar le cH 
tianisme.  Telle  est  la  condition  de  W 
humain,  qu'il  croit  fermement  possWci 
vérité  absolue,  complète,  la  vérité  en(t| 
même,  lorsqu'il  obéit  à  ces  croyances  jtJ 
raies  et  nécessaires.  Ces  croyances  iv;*' 
dant,  suivant  l'auteur,  étaient  des  erf*?' 
grossières  que  le  progrès  de  la  raisondt^| 
dépasser  un  jour.  A  ces  époques  de  crov' 
ces  erronées,  le  consentement,  M  trS'i» 
vivante  de  l'humanité  étaient  donc 
sur  l'erreur  et  orodamaient  J'erreurjcU 


(753)  Pourquoi  alors  la  doclrfr.c  du  progrès  conlimi? 


:i\ 


KO 


DICTIONNAIRE  APOLOCETIQL'E 


PRO 


i  ^2 


<]nï  Père  de  la  perfeciibili^é  moderne, J'es- 
iril  humain  a  été  constamment  le  jouet  de 
l'erreur.  Il  s'est  trompé  lorsqu'il  a  adoré 
Brabma,   Vicbnou  et  Siva  dans  l'Inde;   il 
<'est  trompé  lorsqu'il  a  adoré  Bouddha  en 
Ciineet  au  Thibet,  Isiset  Osiris  en  Egypte, 
Urujudz  en  PersCi  Jupiter  et  tout  l'Olympe 
en  Grèce  et  en  Italie.  Il  s^est  trompé  surtout 
lorsqu'il  a  incarné  le  Verbe  dans  Jésus,  lors- 
qu'il a  adoré  Jésus.  Ainsi  l'histoire  humaine 
u'est  qu'une  suite  et  un  enchaînement  d'er- 
reurs, erreurs  nécessaires,  erreurs  bienfai- 
santes. Pour  nous,  par  le  progrès  de  la  rai- 
S'}n  moderne,  plus  heureux  que  nos  pères, 
mus  j^QTons  connaître  la  vérité  absolue, 
la  Tenté  dans  sa  forme  pure,  la  vérité  ca- 
4  liée  ou  défigurée  sous  les  anciens  mythes  ; 
rioas  possédons   la  rentable   science,   la 
.vience  de  la  vie.  Toute  l'Europe  au  moyen 
!^e fat  Tîctime  d'une  fatale  illusion;  elle 
^ora  un  homme  qu'elle  prit  pour  un  Dieu; 
Itses{»rils  les  plus  distingués  participèrent 
ï  celte  erreur,  comme  le  vulgaire.  Le  même 
rgarement  se  retrouve  à  l'époque  de  la  nais- 
sance du  christianisme,  époque  cependant 
(lelomièreet  même  de  scejiHticisme.  L'es- 
)  riiliaiDain  n*échappe  à  l'ancien  polythéisme 
^ut  \mt  tomber  dans  un  nouvel  anthropo- 
morptâsiBe,  inférieur  au  premier,  sous  plu- 
sieurs ranports.  Avant  le  christianisme,  nous 
vjjoDsduis  le  monde  entier  les  supersti- 
tioQS  tes  plus  folles,  les  cultes  les  plus  ab- 
fanies,  qui  se  maintiennent  encore  chez 
/«res'jiie  toutes  les  nations  orientales.  Eh 
iiierr/en  lace  de  cette  masse  d'erreurs  que 
D'^as  déclarons  inévitables  et  saintes ,  nous 
;ro^lafflons   la  raison  humaine  infaillible. 
Sooâ  nous  attribuons  la  mission  d'interpré- 
trr  ces  croyances  ou  plutôt  ces  erreurs  au 
Kojen  de  la  raison  même  qui  les  a  engen- 
drées; et  nous  avons  la  conviction  profonde 
]ye  nous  ne  nous  tromperons  pas  dans  nos 
if'ipréciations.  Nous  avons  la  conviction  pro- 
fonde  que  ta  raison  qui  s'est  égarée  jusqu'à 
lotre  époque  nous  manifestera   la  vérité 
lure,  et  que  le  consentement  qui  a  sanc- 
iODDé  Terreur  Jusqu'à  nous,  sera  désormais 
^  garant  de  la  vérité  infaillible.  Nous  avons 
1  certitude  que  nos  neveui  ne  raisonneront 
15  sur>  notre  compte  comme  nous  raison- 
nas sur  nos  pères...  Est-ce  assez  de  décop- 
'jtïs?  Comment  ne  voit-on  pas  que  le  con- 
ïotcment  ayant  sanctionné  l'erreur  jusqu*à 
o>  jours  est  infirmé  par  cela  même,  et  de- 
lenl    incai)able  d'appuyer   les   principes 
Qe  i  on  présente  comme  la  vérité?  Com- 
leot  ne  Toit-on  î>as  au'on  creuse  l'abtme  du 
rpiicisme  universel,  où  vient  s'engloutir 
:  se  perdre  toute  vérité? 

iT.>i)    Voff»  le  dernier  naméro  de  la  Revue  ency- 

{17^)  Vatf»  VEuafctopédU  nouvelle,  art.  Christian 

(73C)  L*arC  ThMogie,  par  le  méine  auteur,  modi- 
t  tes  principes  énis  daos  Tarticle  Ciet,  ou.  plutôt 
nr  en  sulisftitne  de  contraires.  Dans  farticle  Ciei, 
I  |«artaai  de  la  production  de  Tunivers,.  H.  Rcy- 
hud  s*écrie  :  i  Comment  concevoir  que  Dieu  ait 
«liais  p«  s'abstenir  d^une  émanation  qui  lui  était 


Avec  cette  théorie  de  la  cerliludo,  on  ne 
peut  admettre  au 'une  vérilé  mobile  et  chah- 
geante,  c'est-à-aire  une  vérité  qui  n'est  pas 
une  vérité.  Que  nous  importe  qu'il  y  ait 
toujours  quelque  chose  d'identique  et  de 
vrai  au  fond  des  croyances  humaines,  si 
nous  ne  sommes  jamais  assurés  de  le  con- 
naître ?  si  nous  devons  toujours  passer  par 
des  formes  toujours  illusoires?  Les  vérités 
mathématiques,  dans  ce  système,  deviennent 
tout  h  fait  inexplicables,*^  une  anomalie  vé- 
ritable. Seraient-elles  aussi  des  formes  pas- 
sagères de  la  pensée  humaine?  Quel  droit 
aurait-on  de  le  nier?  La  théorie  de  la  cer- 
titude que  nous  présente  M.  Pierre  Leroux 
ne  serait  donc  que  celle  du  scepticisme  lui- 
même,  si  elle  n'était  pas  un  vrai  panthéisme. 

En  effet,  la  manière  dont  M,  Pierre  Le- 
roux conçoit  la  vie  et  ses  développemenis 
est  certainement  une  concoplion  panthéis- 
tique.  C'est  ce  qui  ressort  avec  évidence 
des  idées  qu'il  a  soutenues  dans  |;ia- 
sieurs  articles  de  la  Revue  encyclopcdi- 
que  et  de  VEncyclopédie  nouvelle,  et  par- 
ticulièrement dans  son  livre  De  Vhumauité, 
de  son  principe  et  de  son  avenir.  Il  nous 
suffirait  d'avoir  constaté  que  M.  Pierre  Le- 
roux admet  rinfaillibilité  du  genre  humain 
et  la  notion  d'une  vérité  mobile  et  variable, 
pour  être  certains  de  ses  tendances  paolhéis- 
tiques  ;  mais  nous  ne  sommes-point  réduits 
à  ces  inductions.  Dans  un  célèbre  article 
sur  les  mystères  du  christianisme  (754),  M. 
Leroux  rejette  la  Trinité  chrétienne  comme 
un  dogme  incomplet  et  une  explication  in- 
suffisante de  Dieu ,  parce  que,  dit-il,  le 
dogme  chrétien  de  la  Trinité  n'explique  pas 
le  changement  en  Dieu.  M.  Leroux  admet 
donc  en  Dieu  un  changement  ;  or,  le  chan- 
gement en  Dieu  n'est  concevable  qu'autant 
qu'on,  identifie  Dieu  avec  le  monde,  qu'au- 
tant qu'on  ne  fait  du  monde  et  de  Dieu  qu'une 
seule  vie.  Dans  sou  article  sur  le  christia- 
nisme (755),  M.  Leroux  prétend  que  le  chris- 
tianisme n'est  qu'une  secte  de  la  religion 
universelle.  La  religion  universelle,  suivant 
ce  phiIosopbe,commencerait  dans  l'Inde  avec 
le  Brahmanisme.  Or  il  est  incontestable  et 
reconnu  par  M.  Leroux  lui-même,  que  l'éma- 
nation et  le  panthéisme  étaient  le  fond  des 
doctrines  indiennes  ;  donc  le  panthéisme 
est  un  dogme  de  la  religion  universelle. 

Mais  c'est  surtout  dans  l'article  Ciel  de 
VEncyclopédie  nouvelle  que  les  doctrines  de 
l'école  progressiste  se  dessinent  nettement. 
Là  M.  J.  Reynaud  (756),  directeur  de  VEn- 
cyclopédie avec  M.  P.  Leroux,  enseigne  la 
nécessité,  l'éternité,  l'infinité  du  monde. 
«  On  ne  saurait  admettre  qu'il  puisse  y  avoir 

aussi  esuniidle,  et  qoe  les  trots  pnncipes  aieai  pu 
demeurer  un  seul  in&iaDi  en  présence  sans  entrer 
dans  cette  sublime  conTersation  qui  les  unit,  et 
dont  U  rétuUat  est  Vunivers?  AuUnt  vaudrait  con- 
cevoir que  le  premier  principe,  avant  d^engendrcr 
les  deux  antres  principes  qui  dérivent  de  lui,  avait 
pu  subsister  pendant  toute  son  éternité  dans  son 
isolement.  Ces  deux  questions  sont  du  même  ordre  : 
la  oréaiion  est  le  développement  extérieur,  comme 
ia  Trinité  est  le  développement  uilaieur.  >  .Mais 


tt3 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE 


PRO 


?J 


deux  souverains-bieus  différents.  Le  sou- 
verain-bien est  unique.  Or,  il  nous  est  cer- 
tain que  Dieu  et  l'u'nirers  coexistent  ;  donc, 
c'est  dans  cette  coexistence  que  le  souverain- 
bien  réside.  L'univers  n*a  pas  d'autre  com- 
mencement que  le  commencement  de  Dieu 
même...  La  création  est  un  phénomène  d'une 
signification  purement  théologique,  »  c'est- 
?i-dirc,  dans  le  langage  de  M.  Reynaud, 
d*nnc  signification  mythique,  «t  La  création 
n'est  autre  chose  que  le  produit  instantané 
de  la  puissance,  de  la  sagesse  et  de  Tamour 
de  Dieu;  elle  est la.conséquouce  immédiate 
de  l'existence  du  Créateur,  et  il  n*y  a  point 
de  suspension  entre  l'achèvement  de  la  gé- 
nération divine  et  le  commencement  des 
émanations  de  TEtre  créateur.  C'est  ce 
qu'ont  bien  entendu  les  brahmes,  qui,  dans 
leur  cosmogonie,  lors  du  réveil  de  Brahma, 

f placent  sans  interruption  la  création  de 
'univers  à  la  suite  de  la  production  des 
personnes  secrètement  contenues  dans  le 
Tout-Puissant  endormi.  » 

M.  Reynaud  s'efforce  ensuite  de  prouver 
l'infinité  du  monde,  et  voit  dans  cette  qua- 
iité  une  preuve  nouvelle  de  son  éternité  et 
de  sa  nécessité.  Si  le  monde  est  infini,  éter- 
nel et  nécessaire,  le  monde  est  indispen- 
sable à  la  vie  de  Dieu.  L'existence  de  Dieu 
n'était  pas  bonne^  dit  M.  Reynaud,  avant 
l'émanation  de  Vunivers.  Mais  dès  lors  le 
monde  est  partie  de  Dieu  ;  le  monde  est  Dieu 
même.  Dieu  et  le  monde  sont  donc  identi- 
fiés, puisqu'ils  sont  nécessaires  l'un  à  l'au- 
tre. Or  telle  est  l'erreur  du  panthéisme. 
MM.  Leroux  et  Reynaud,  pour  corriger  le 

Eanthéisme  de  leurs  prédécesseurs,  sem- 
lent  admettre  en  Dieu  une  vie  personnelle 
et  distincte  de  l'existence  du  monde.  Mais 
cette  vie  que  Dieu  trouve  en  lui  est  infinie, 

3iiel  est,  suivant  M.  Reynaud,  dans  Tarticle  Ciel,  ce 
éveloppement  intérieur,  quelle  est  cette  vie  de  Dit  u 
en  lui-même?  c  Dieu  présidant  au  mouvement  infini 
de  Tunivers,  voilà  la  vie  active  ;  Dieu  en  face  de 
lui^même^  et  sans  autre  objectivité  que  te  néant ^ 
voilà  ia  vie  contemplative.  >  Si  Dieu  en  face  de  lui- 
même  est  en  face  du  néant,  sa  vie  intérieure  est 
nulle  :  la  vie  divine  ne  peut  être  que  Tactivité  créa- 
trice. En  uo  mot,  toute  la  doctrine  de  Tarticle  Ciel 
se  résume  dans  cette  proposition,  textuellement  de 
M.  Reynaud  :  i  Vexistenee  de  Dieu  n^était  pas  bonne 
avant  la  création  de  t^unirers.  i  II  est  impossible, 
nous  ne  craignons  pas  de  le  répéter,  de  ne  pas  voir 
le  panthéisme  dans  celte  doctrine. 
^  Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  signaler  dans 
Tarticle  Théologie  une  doctrine  qui  se  sépare  des 
irincipes  que  nous  venons  d*exposer.  Quoi  de  plus 
oppose  à  ces  principes,  quoi  de  plus  formel' que  ces 
paroles  que  nous  lisons  dans  Farticle  Théologie  : 
•  U  implique  contradiction  que  Dieu  ait  besoin  de 
rien  d^ extérieur  à  ia  personne,..  Dieu  connaît  par- 
faitement sa  propre  vie.  C*est  à  cette  connaissance 
parfaite  qu*il  a  de  lui-même,  indépendamment  de 
toute  existence  extérieure,  que  se  rapporte  essentiel- 
lement le  Yeriie  catholique,  différent  surtout,  à  ce 
qu'il  semble,  de  celui  des  fiatoniciens,  en  ce  que 
ce  dernier,  qui  se  réduit  au  modèle  idéal  de  Puni- 
vers  dans  Pesprit  de  Dieu,  ne  se  détache  pas  avec 
autant  d^indépeiidancequerauiredelacliose  créée... 
Le  Verbe  considéré  dans  la  création  n'c&t  qu*une  face 
Secondaire  du  Verbe  envisagé  dans  son  principe 
KUmiCj  c'est  àdire  du  Verbe  v  ^"cssaire,  coububslan- 


ou  non.  Dans  le  premier  cas,  ïi  esiimpos. 
sible  que  Dieu  ait  besoin  d'une  manihu. 
tion  extérieure,  ou  de  se  produire  ao  dehors. 
La  création  alors,  quelque  prodigieuse, 
quelque  indéfinie  qu'on  la  suppose,  nepent 
rien  ajouter  à. la  félicité  divine.  La créatioa 
par  conséquent  ne  peut  être  nécessaire,  el 
partant  elle  n*est  point  infinie  ni  éternelle. 
Dans  la  seconde  hypothèse,  qui  est  celle  de 
y  Encyclopédie  j  la  vie  divine  ne  serailp 
infinie,  elle  aurait  besoin  de  se  compiéler 
par  la  production  du  monde.  Mais  celle  tIc 
divine  mériterait-elle  le  nom  de  vie?  qu  est- 
ce  qu'une  vie  incomplète,  qu'est-ce  quuue 
vie  inachevée?  et  cette  vie  serait  celle  de 
Dieu  I  Les  écrivains  de  VEncyclopéik  se 
font  donc  illusion  lorsqu  ils  Jislingucnl  eu 
Dieu  une  vie  intérieure  et  une  vie  eilé- 
rieure,  lorsqu'ils  lui  accordent  une  vie  pro- 
pre. La  vie  de  Dieu,  dans  leurs  princi(>e'. 
ne  peut  être  que  sa  maaifeslation  dans  le 
monde  et  le  fini.  U  faut  donc  tecoonaiin 
que  les  panthéistes,  en  refusant  à  Dieu  art 
vie  propre,  la  personnalité,  Tinlelligeiu, 
la  liberté  ;  en  réduisant  Dieuà  irélrcqw* 
principe  ^indéterminé  du  mouJe,  la  U^ 
aveugle  qui  produit  tout  ce  qui  existe,  i:l 
été  beaucoup  plus  conséquents  que  M. 
Leroux  et  Reynaud  qui,  pour  échap|)cr3ai 
inconvénients  de  ce  système,  font  viole^rc 
à  la  logique.  Ce  n'est  point  ici  lel/efl(/« 
nous  occuper  de  la  réfutation  AMmlbém 
Il  nous  suffit  d'avoir  constaté  ndcDiiiNe 
la  doctrine  de  VEncyclopédie  nowtlU  m 
cette  doctrine.  (Voy.  Patithéisme.) 

PROGRÈS  impossible  dans  les  sjs» 
de  palingénésie.  Voy.  PALisGÉxéstt.-Fn^ 
grès,  matériel  et  moral  ;  ce  qu'il  t^uUû 
penser.  Voy,  Races  humaines,  §  llll.  -^^^ 
grès  et  succession  dans  le  dévelappe"'«^^ 

tiel,  éternel,  i  On  ne  peut  mieux  dire.  «  U  cm- 
déraiion  de  la  création  en  Dieu  ne  prend  dûBCp» 
dans  la  théologie  qu'après  la  conridéraiion  p^ 
diale  de  Dieu  en  Dieu,  Bien  que  U*un  cartdcre  pus  j 
simple,  puisqu'il  s'agit  de  ce  qui  est  voulu  ^tvv% 
el  non  de  c*  qui  est  nécessaire  en  Dieu,  crtteo** 
sidération  nécessaire  est  infinie  aussi,  i  ^•^^^''t. 
s'eiplique  de  la  manière  la  plus  nette  toucbiouâK 
qualité  (Tin/ini  qu'il  att  ibue  au  monde,  c  u  * 
é.idenl  qu'il  y  a  un  infini  d'un  ordre  infimmenir 
périeur  aux  infinis  créés,  puisque  le  Crealeor  » 
nécessairement  à  Tinfinî  au-dessus  des  prodHd'"^ 
qui  émanent  de  loi;  la  connaissance  ^^,f^'' 
peut  donc  s'exprimer  que  par  l'infini  élevé  s  »  P" 
sauce  infinie.  »  Ajoutons  que  c'est  là  le  venu* 
infini,  dont  l'infinité  du  monde  n'approcbe  pas 

La  manière  dont  M.  Reynaud  envisage  Yot^l^^^ 
la  théologie  est  pleine  d'erreurs.  Il  reconnaîi  la»^ 
ccssilédela  foi;  mais  la  révélation  n est  potit » 
qu'un  vague  et  obscur  pressentiment,  une  wnî^ 
ture  tout  bumaine.  Au  lieu  de  conclure  deiwtv* 
de  la  raison,  el  de  IHmmense  besoin  de  ^^^^^^ 
est  en  nous,  la  nécessité  d'une  réfélalion  e*  Jw 
autorité  divine,  il  admet  une  sorte  <J'inspirat^«»  "J 
dividuelle  aux  formes  variables,  coulraircj,  pf^'y^ 
sives,  ei  ne  s'aperçoit  pas  qu'il  He  iravailleqo^n 
le  scepticisme.  Toutes  ces  formes,  nous  Jj'j'*''^ 
d'accord  avec  la  forme  absolue  qui  est  en  niei». 
celte  forme  ne  nous  étant  pas  connue  est  p«'ur  » 
comme  si  elle  n'était  pas.  La  vévilé  et  la  ttrui 
sont  ruinées  par  leur  base.  (  Vvy,  Ciei-  et  Tiw* 


lilO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETlQliE. 


PRO 


7S$ 


religieoi  de  lliamiiiiiCë  ;  existent-ils  t  Voy. 

PntLOSOraiK    PAXTBéiSTIQtE    DE     LHISTOIBE, 

SU-  —  Progrès'  indéfini,  sa  loi  dans  le  sjs- 
Utme  de  Schelliog.    Voy,  Philosophie   de 

L*JLBSOLUt  S  11. 

PROMÉTHJËE,  DiTtfae.  Toy.  Mythisme, 
\  II.  —  Doiinées  philosophiques  gue  ce  my- 
the présente  sur  la  chute  primitive.  Voy. 
IIÉif03r,  {1.     • 

PROPAGATION  DD  CHRISTIANISME. 

ÂccipietU  virtKtem  Sfnritus  sancH 
mpenemetiUsmvos,  ef  erith  mhi 
ieHeM  m  Jerusaiem,  ei  m  ommJudaa 
€f  Samaria,  ei  usqiœ  ad  ultimum 
Urrm. 

(Act,  apasUd,  i,  8.) 

Lorsque  Jésus-Christ  parut  sur  la  terre,  il 
5  a  dix-but t  siècles,  toutes  les  nations,  soit 
\^\i  ées,  soit  barbares,  à  l'exception  d*une 
>^!e,  relié  des  Juifs,  étaient  plongées  dans 
ke^téoèbresderidolâtrie.  Irréligion  païenne, 
il  est  TFHi,  n*était  qu'un  amas  de  grossières 
erreurs  qui  ne  pouTalent  soutenir  les  regards 
O'une  raison  éclairée;  mais  néanmoins  elle 
liait  pour  elle  tout  ce  qui  était  capable  de 
!'iî  assurer,  ce  semble,  à  jamais  les  affections 
H  \es  booiinages  des  peuples.  Profondément 
^ar%cîikée  par  Thabitode,  soutenue  de  tout 
le  poiAs  de  l'antiquité,  appuyée  de  toute 
TautorilédM  lois,  embellie  de  toute  la  pompe 
«Jes  iUes;  des  charmes  de  la  poésie,  des  jeux 
et  des  plaisirs  du  théAtre,  défendue  par  le 
zèie  intéressé  des  pontifes  et  des  prêtres  des 
faux  dieux,  combien  l'idolâtrie  était-elle  en- 
core agréable  et  ch^re  à  cette  nature  faible 
cf  contMupue,  dont  elle  flattait  tous  les  pen- 
rbants  l  if  est  pourtant  au  milieu  de  ce  chaos 
de  superstitions  et  de  vices  que  JésuMIhrist 
eQToie  ses  disciples  porter  la  lumière  ;  c'est 
Oeraot  ees  nations  égarées  dans  les  voies  du 
n-eoâonge  et  de  l'iniquité  que  les  apôtres 
«loi vent  rendre  témoignage  à  la  sainteté,  à 
la  doctrine,  aux  merveilles  de  leur  divin 
yaltre  :  Eriiis  mihi  testes  usque  ad  ultimum 
urrœ.  Quel  dessein  que  celui  de  changer  la 
religion,  les  mœurs,  les  habitudes,  les  usages 
•la  monde  païen;  et  cela  par  la  prédication 
«:e  quelques  hommes  obscurs  qui  n*ont  reçu 
<rn  |>ar(age  que  l'ignorance  et  la  grossièreté  ! 
<Juelle  force  dans  les  obstacles  1  quelle  fai- 
tV^esse  dans  les  moyens!  quelle  apparente 
aiûpossibilité  de  tout  succès  1  et  si  Tentre- 
^itise  réussit,  quelle  merveille  1 

En  consultant  l'histoire,  l'expérience  et 
le  cœur  humain,  on  découvre  aisément  par 
'juels  moyens  les  personnages  célèbres  qui 
«  nt  paru  sur  la  terre  ont  pu  réussir  dans 
/eurs  desseins.  11  est  des  ressorts  qui,  mis 
t-o  jeu  par  des  mains  habiles,  ont  une  action 
-,«ui55^ante  sur  l'espèce  humaine;  on  la  sub- 
j'j^ue  par  la  force,  on  la  dirige  par  la  poli- 
niiïe,  on  reniraîne  au. cri  de  la  liberté,  on 
Tsuîre  par  l'appât  des  plaisirs  et  des  biens 
Nt  ia  terre,  ou  l'éblouit  par  Téclat  du  talent 
et  du  savoir  :  tels  sont  les  moyens  humains 
'ie  succès.  C'est  par  eux  que  les  philosophes 
^rirîens  ont  formé  des  écoles,  que  les  légis- 
'\tf*urs  ont  maîtrisé  l'esprit  des  peuples,  que 
•es  conquérants  les  ont  vaincus,  que  Maho- 


met, en  particulier,  a  fondé  sa  religion  et 
son  empire.  Hais,  si  aucune  de  ces  ressour- 
ces humaines  n'avait  contribué  à  l'établisse- 
ment du  christianisme,  ne  serait-il  pas  rai- 
sonnable de  penser  qu*il  y  a  eu  ici  quelque 
chose  de  surnaturel  et  de  divin  ? 

Pour  mettre  cette  vérité  dans  tout  son 
jour,  je  vais  faire  une  supposition  qui  vous 
frappera  peut-être,  si  c'est  pour  la  [)remière 
fois  qu'elle  vient  se  présenter  à  votre  esprit. 
J'oserai  prêter  è  Jésus-Christ  des  paroles 
qui  ne  sont  jamais  sorties  de  sa  bouche  sa- 
crée ;  mais  on  sait  avec  quelle  aimable  con- 
descendance il  conversait  avec  les  hommes, 
il  répondait  à  leurs  questions,  il  entrait  dans 
une  sorte  de  discussion  avec  eux  sur  Tes 
titres  de  sa  mission  divine;  et  si  la  supposi- 
tion que  ie  vais  hasarder  fait  ressortir  davan- 
tage sa  gloire  et  sa  puissance,  j'es['èrc  qu'on 
voudra  bien  me  la  pardonner. 

Me  transportant  par  la  pensée  aux  (enijis 
anciens  où  toutes  les  nations  étaient  ifJoià- 
tres,  je  suppose  qu'au  moment  où  Jésus 
commence  de  parcourir  la  Judée  pour  >  an- 
noncer sa  religion,  il  est  rencontré  pnr  un 
philosophe  très-versé  dans  toutes  ces  cou- 
naissances  que  le  monde  estime  ;  je  supfiose 
que  Jésus  ait  avec  ce  philosophe  la  conver- 
sation suivante  :  —  Quel  est,  demande  ie  phi- 
losophe à  Jésus,  quel  est  votre  dessein  en 
parcourant  ainsi  les  villes  et  les  bourgs  de 
la  Judée,  pour  enseigner  aux  peuples  une 
doctrine  nouvelle?  —  Mon  dessein,  répond 
Jésus,  est  de  réformer  les  mœurs  de  toute  la 
terre,  de  changer  la  relieion  de  tous  les  peu- 
ples, de  détruire  le  culte  des  dieux  qu'ils 
adorent,  pour  faire  adorer  le  seul  Dieu  véri- 
table; et,  quelque  étonnante  que  paraisse 
mon  entreprise,  j'affirme  qu'elle  réussira. 

—  Mais  ètes-vous  plus  sage  que  Socrate, 
plus  éloquent  que  Platon,  plus  habile  que 
tous  les  beaux  génies  qui  ont  illustré  Rome 
et  la  Grèce?  — *Je  ne  me  pique  pas  d'ensei- 

§ner  la  sagesse  humaine;  je  veux  convaincre 
e  folie  la  sagesse  de  ces  sages  si  vantés,  et 
la  réforme  qu'aucun  d'eux  n'eût  osé  tenter 
dans  une  seule  ville,  je  veux  l'opérer  dans 
le  monde  entier  par  moi  ou  par  mes  disci- 

Ïiles.  —  Mais  du  moins  vos  disciples,  par 
eurs  talents,  leur  crédit,  leurs  dignités, 
leurs  richesses,  jetteront  un  si  çrand  éclat, 
qu'ils  efiTaceront  le  portique  et  Te  lycée,  et 
qu'ils  pourront  aisément  entraîner  après  eux 
la  multitude.  —  Non,  mes  envoyés  seront 
des  hommes  ignorants  et  pauvres,  tirés  do 
la  classe  du  peuple,  issus  de  la  nation  juive, 
qu'on  sait  être  méprisée  de  toutes  les  autres  ; 
et  cependant  c'est  par  eux  que  je  veux  triom- 
pher des  philosophes  et  des  puissances  de  la 
terre,  ainsi  aue  de  la  multitude. 

—  Mais  il  faudrait  du  moins  que  vous 
pussiez  compter  sur  des  légions  plus  invin- 
cibles que  celles  d'Alexandre  ou  do  César, 
qui  portassent  devant  elles  la  terreur  et  l'é- 
pouvante, et  disposassent  les  nations  en- 
tières à  tomber  à  vos  pieds,  i—  Non.  rien  de 
tout  cela  n'entre  dans  ma  pensée.  J'entends 
que  mes  envoyés  soient  doux  comme  des 
agneaux,  qu'ils  se  laissent  égorger  par  leurs 


703 


POS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POS 


m 


sur  Terreur;  car  n'est-ce  pas  i)rofesser  Ter- 
reur aue  de  déclarer  par  le  rite  le  plus  so- 
lennel qu'on  donne  un  pouvoir  tout  h  îaM 
chimérique  et  opposé  même,  selon  lahn,  h 
la  saine  doctrine  de  la  Providence?  L'Eglise 
déclare  son  sentiment,  non-seulement  par 
ses  décisions,  mais  encore  par  ses  pratioues. 
Ainsi  TEglise  a  de  tous  temps  baptise  les 
petits  enfants,  et  saint  Augustin  concluait 
de  celle  pratique,  contre  Pelage,  Texistence 
du  péché  originel  ;  l*EgIise  était  encore  dans 
l'usage  de  demander  Je  secours  de  Dieu 
pour  toutes  les  actions  chrétiennes,  d'où 
saint  Augustin  concluait  encore,  contre  les 
.  pélagiens  et  les  semipélagiens,  aue  la  çrâcc 
était  nécessaire  pour  toutes  les  actions. 
L*Eglise  était  aussi  dans  l'usage  de  noja- 
mais  rchapliser  ceux  qui  Tavaient  été  par 
les  hérétiques,  et  c'est  de  là  que  les  Pères 
ont  conclu  la  validité  de  leur  baptême.  De 
même,  puisque  l'Eglise,  depuis  les  premiers 
temps,  est  dans  Tusage  de  donner  à  sesexor- 
dstes  le  -pouvoir  de  chasser  les  démons, 
nous  devons  conclure  que  ce  pouvoir  existe 
réellement.  Il  n'y  a  que  Tespril  du  protes- 
tantisme, ou  plutôt  du  rationalisme,  qui 
puisse  faire  hésiter  sur  des  principes  aussi 
incontestables. 

6.  Un  sixième  argument  que  Ton  fait  va- 
loir contre  les  possessions,  c'est  que  si  Jé- 
sus-Christ et  les  apôtres  en  avaient  admis  la 
réalité,  ils  auraient  contredit  leur  propre 
doctrine,  puisque  toute  celle  démonologie 
est  contraire  aux  idées  qu'ils  nous  donnent 
de  la  Providence;  qu'elle  est  comme  une 
branche  de  i'idolÂlrie  païenne,  qui  abandon- 
nait à  des  génies  subalternes  le  gouverne- 
ment de  cet  univers.  En  outre,  tous  ces  dé- 
mons n'étant  que  les  Ames  des  morts,  qui, 
d'après  l'opinion  commune,  revenaient  obsé- 
der les  vivants,  étaient  nar  conséquent  des 
êtres  chimériques,  dont  les  écrivains  sacrés 
n'ont  jamais  pu  admettre  Texistence;  d'au- 
tant plus  que  les  âmes  des  méchants,  étant 
retenues  dans  les  enfers,  ne-  peuvent  point 
revenir  5ur  la  terre  pour  tourmenter  les  vi- 
vants. Si  donc  ils  n'ont  pas  expressément 
condamné  cette  superstition,  s  ils  se  sont 
conformés  en  ce  point  au  langage  vulgaire, 
c'est  que  cette  superstition  se  trouvait  sut- 
fisamment  réfutée  par  leur  doctrine  et  par 
les  cures  naturelles  que  les  médecins  fai- 
saient tous  les  jours  de  ces  prétendues  pos- 
sessions. Une  réfutation  plus  expresse  eût 
été  inutile  dans  un  temps  où  ce  préjugé, 
profondément  enraerné,  dominait  tous  les 
esprits  ;  et  elle  eût  inévitablement  entraîné 
les  apôtres  dans  des  disputes  interminables, 

3ui  les  auraient  détournés  de  la  prédication 
e  TEvangile,  objet  et  but  principal  de  leur 
mission. 

Mais  Tintervention  des  démons  dans  le 
inonde  n'est  point  opposée  à  la  doctrine  de 
la  Providence,  puisque  ces  esprits  impurs 
ne  peuvent  rien  opérer  sans  la  permission 
de  Dieu,  qui  sait  faire  servir  leur  malice  à 
l'accomplissement  de  ses  desseins,  comme 
nous  l'avons  déjà  montré.  En  second  lieu, 
octte  croyance  ne  tire  n  illement  son  origine 


des  idées  païennes  de  l'idolâtrie,  qui  donnait 
à  ses  dieux  subalternes  une  paissanre bien 
plus  indépendante  que  celle  que  nous  ac» 
cordons  au  démon.  Elle  vient  plot6t  de  li 
révélation,  qui  nous  apprend  reiislenceda 
cet  esprit  de  malice  qui  a  séduit  nos  ^ 
miers  parentSt  qui  tente  contiauelleineniifli, 
hommes,  qui,  selon  l'expression  de  l'ap^f*^ 
saint  Pierre,  rôde  autour  de  noui  commt 
lion  rugissant f  pour  nous  dévorer  (/  Peir, 
8),  qui  a  affligé  le  saint  homme  Job  det 
de  maux,  qui  a  osé  tenter  le  Fils  de  Di 
lui-même,  enfin  aui,  selon  saint  ]e( 
(ApocaL  XII,  &),  est  1  auteur  de  l'idolâtrie. 
iaut  nier  tout  l'Ancien  Testament  et  suri 
le  Nouveau,  pour  prétendre  que  le  dé 
n'a  aucune  action  dans  le  monde.  Âjou 
qu'il  n'est  point  vrai  de  dire  que  les  dé 
admis  par  les  Juifs  et  les  apôtres  ne 

S[ue  lésâmes  des  morts  ;  nous  avons  déji 
uté  cet  absurde  paradoxç  de  lahn;  il 
inutile  et  entièrement  superQu  d  y  m 
Enfin,  si  Tintervention  des  dénions  daof 
choses  de  ce  monde  était  contraire i il 
trine  de  la  Providence ,  et  entachée  Ai 
de  Tidolâtrie,  Jésus-Christ  et  Jes  a|4lni 
raient-ils  jamais  pu  la  supposer,  d 
la  confirmer  positivement  dans  leois 
cours  ?  Ils  auraient  dû  au  contraire  It  M 
damner  ouvertement,  et  purger  ainsi  II 
iigion  d'une  superstition  aussi  crimineV 
Sauveur  a  reproché  aux  Juifs  de»  er 
bien  moins  considérables,  et  combatln 
préjugés  bien  plus  enracinés.  La  crainte 
oppositions  ne  lui  a  fait  jamais  sacritir 
respect  humain  les  intérêts  de  h  yérité 
était  venu  enseigner  aux  borotûes. 

On  voit  par  cette  discussion  combien 
les  arguments  de  lahn  sont  peu  soli^ 

f)eu  concluants  ;  il  en  est  encore  deun 
esquels  le  savant  critique  n'a  pas  fort 
sisté;  mais  comme  pourtant  laplapa" 
adversaires  des  possessions  évangéliqo 
cessent  de  les  reproduire,  nousalloQse 
d'y  répondre. 

7.  Si  les  possessions  étaient  réelles, 
dit-on,  on  devrait  trouver  des  traces  dej 
existence  dans  tous  les  temps,  dans 
lieux,  et  par  rapport  à  toutes  sortes 
sonnes.  Or,  il  est  facile  de  remar 
ces  prétendues  possessions  n'ont 
dans    les    temps   d'ignorance,   oi^ 
perstition  domine,  et  ({ue  sur  des  i^ei 
d'un  esprit  faible  qui  éprouvent  qo 
atteintes  de  mélancolie  ou  d'autres  mi 
qui  affectent  le  cerveau,  les  entrailles 
parties  nobles;  ce  qui  est  assurémeot 
preuve  évidente  que  ces  possessions  r 
nent  plutôt  du  tempérament  que  de  I 
ration  du  démon. 

Il  y  a  dans  cette  oligection  un  ?ice  de 
sonnement  qui  en  détruit  toute  la  valeti 
toute  la  force  que  nos  adversairesysup 
En  effet,  les  possessions  pourraient 
réelles,  sans  pour  cela  qu'elles  dussent  at 
lieu  dans  tous  les  temps  et  dans  tous 
lieux  ;  car  elles  ne  sont  pas  des  rfculiats 
cessaires  des  lois  générales  ;  elles  ne 
pendent   que  des   règlements  particuh 


w 


M8 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PRE 


708 


fqu'on  nous  nasse  ce  mol)  de  la  divine  Pro- 
Tidencc;  elles  ne  sont  soumises  finalement 
qu'à  la  Toionté  particulière  de  Dieu,  qui, 
5(ioo  les  desseins  de  si  sagesse ,  permet  à 
r^ic<[)rit  malfaisant  de  tourmenter  les  hom- 
:ife$,  soil  ooar  punir  leurs  crimes,  soit  pour 
^.rouvcr  leurs  vertus,  soit  enfin  pour  Inom- 
jéer  arec  plus  d*éclat  de  cet  ange  apostat 
pi  a  voulu  disputer  au  ciel  et  sur  la  terre 
lionneurde  la  divinité.  Nous  n'ignorons  |)as 
ne  l'iacrédulilé  sourit  de  pitié  à  ces  ré- 
Iffions,  mais  elles  n'en  sont  ni  moins  cér- 
ames ni  moins  justes,  puisqu'elles  font  la 
use  de  Téconomie  générale  de  la  religion 
Mléc;  et  que  sans  cette  doctrine  le  chris- 
jiniSme  aussi  bien  que  le  judaïsme  devient 
ebiiie  plus  inconcevable  pour  Tesprit  de 
krnme,  et  le  problème  le  plus  insoluble 
«tir  la  raison  humaine;  fait  et  phénomène 
ton  ne  saurait  nier;  ils  sont  l'un  et  Tau- 

KMiUillOSjeUX. 

frclendrc  que  les  possessions  véritables 
tuulllplient  à  proportion  de  Tignorance 
t>  la  superstition  des  hommes,  et  que 
eiûéuoniaqucs  sont  tous  des  personnes 
Siaesprit  i'aibie  ou  qui  ont  le  cerveau  dé- 
insf, c'est  une  assertion  gratuite,  et  que 
^HHts  seraient  bien  en  peine  de  prou- 
Hr.Crliest  vrai  sans  doute  des  possessions 
ikUfi, puisque  plus  on  est  ignorant  et  su- 
pniiimif  plus  on  est  disposé  à  attribuer 
Ji  (!éajon  i:e  qui  n*est  que  Veffet  d*une  ma- 
Kîeitaiureile  dont  on  ignore  la  cause;  et 
h^rience  montre  en  effet  alors  que  ces 
ttiiOilaes  possessions,  qui  au  fond  ne  sont 
n  de  simples  aialadies,  ne  se  trouvent 
ktJTement  que  chez  des  cerveaux  faibles 
1  dérangés.  Mais  quant  aux  possessions 
illes,  elles  sont  indépendantes  des  siècles 
iporance  et  de  superstition.  Elles  avaient 
!B au  siècle  d^Aujsuste,  au  temps  des  apA- 
a  éclairés  par  TEsprit-Saiul  et  Jésus- 
isi  :  la  Sagesse  éternelle  les  a  regardées 
ibue  réelles.  Elles  ont  continué  dans  tes 
Mire  premiers  siècles  de  l'Eglise,  dans  le 
^e  des  Basile,  des  Jean  Chrysostome»  des 
finie etdes  Augustin,  qui  n*ont  pas  fait 
liiité  de  les  admettre.  Enfin  1  histoire 
vb  en  offre  des  exemples  même  dans  ces 
vtkiers  temps;  il  est  vrai  q^uc  nos  adver- 
htien  œntestent  Tauthenticité,  mais  où 
N<es  preuves  qui  justifient  leurs  dénéga- 
wUs  refusent  de  croire  au  témoignage 
^idieurs  les  plus  respectables,  et  il  faut 
"r  nous  les  croyonsy  noust  sur  leur  simple 

Evidemment  il  n'y  a  là  ni  justice  ni  équité, 
rt  (sut  qu'une  cause  soit  bien  mauvaise 
fnd,  pour  la  soutenir,  ou  est  obligé  de 
x>urir  à  de  pareils  moyens  de  défense. 

^  huitième  et  dernière  objection  porte 
'  la  dilBculté  d'expliquer  comment  il  se 
^)ue  la  Judée  ait  été  pleine  de  démonia- 
K>  au  temps  de  Jésus-Christ  et  que  dans 
^  siècle  ils  aient  disparu...  Nous  en 
'lu  doooé  la  raison  à  la  £n  du  §  II  ;  nous 
cnto/ons  le  lecteur.  {Yoy.  Démon  ,  Hal- 


POSSESSIONS  et  médecins  physiologis- 
tes. Voy.  note  XVI^  à  la  fin  du  volume. 

POU  des  Nègres.  Voy.  Rages  humaines, 
§V. 

POUHANAS.  Livres  indiens,  examen  cri- 
«  tique.  Voy.  Imdianismb,  §  II. 

POUVOIR  DOUMATIOUE  dans  TEgliso 
Yoy.  Pape,  §  III. 

PREDESTINATION.  —  Ce  mot  signifie  à 
la  lettre  une  destination  antérieure  ;  mais 
dans  le  langage  théologique  il  exprime  le 
'  dessein  que  Dieu  a  formé  de  toute  éternité 
de  conduire  par  sa  grAce  certains  hommes 
au  salut  éternel. 

a  Si  Dieu,  disent  les  philosophes,  a  pré- 
destiné ses  élus  non-seulement  à  la  gloire, 
mais  à  tel  degré  de  gloire;  par  conséquent 
à  telle  mesure  correspondante  de  mérites,  il 
doit  employer  des  moyens  infaillibles,  n*im- 
|jorte  lesquels,  pour  les  leur  faire  acquérir. 
Toutes  les  circonstances  de  leor  vie,  la  paix 
et  la  guerre,  le  vice  et  la  vertu,  la  liberté  et 
la  grâce  entrent  dans  le  décret  divin;  il  ne 
tombe  pas  un  seul  cheveu  de  la  I6lc  de  ces 
favoris  du  Très-Haut  sans  un  ordre  particu- 
lier de  sa  providence  ;  tontes  leurs  bonnes 
oeuvres  sont  comptées,  leurs  fragilités,  leurs 
crimes  mômes  sont  l'objet  d'une  permission 
spéciale;  en  un  mot,  tout  sert  h  leur  salut, 
et  rien  au  monde  ne  peut  les  faire  déchoir 
de  leur  trop  heureuse  destinée.  Mais  rien 
aussi  ne  peut  dérober  à  la  sienne  l'iiifur- 
tuné  dont  la  place  est  marquée  dans  l'enfer; 
fût-il  orné  de  toutes  les  vertus,  sa  réprol)a- 
tion  est  certaine,  tandis  que  Télu,  souillé  de 
tous  les  crimes,  n'en  sera  pas  moins  infail- 
liblement sauvé.  Ledécret  est  tout,  la  nature 
des  moyens  d  exécution  ne  mérite  pas  d'at- 
tention. Dieu  atteignant  son  but  par  la  li- 
berté et  par  des  lois  infaillibles  avec  une 
égale  facilité.  S*il.ravait  voulu,  tous  les  hom- 
mes seraient  sauvés;  mais  il  prend  les  uns, 
il  laisse  les  autres  sans  nécessité,  arbitrai- 
rement ou  par  des  motifs  étrangers  aux  in- 
téressés. El  ne  dites  pas  que  le  mérite  em- 
porte Télection;  car  le  mérite,  étant  surna- 
turel, ne  peut  venir  que  de  Dieu  qui  le 
donne  ou  le  refuse  à  sou  gré,  de  telle  sorte 
qu*il  couronne  ses  largesses  dans  les  élus» 
et  punit  ses  rigueurs  dans  les  réprouvés.  La 
doctrine  de  la  prédestination  est  donc  impie, 
immorale,  désespérante ,  propre  seulement 
è  inspirer  la  haine  de  Dieu,  à  décourager 
rhomme  de  bien ,  à  faire  considérer  le  vice 
et  la  vertu  comme  des  mots  vides  de  sens, 
puisque  l'un  ne  nous  exclut  point,  du  ciel  et 
que  l'autre  ne  nous  garantit  point  de  Ten- 

fer.  » 

Ce  raisonnement  |iaratt  d*dbord  sans  ré- 
plique, et  il  n*esl  au  fond  qu*un  sophisme. 
Entre  l'élection  et  la  réprobation,  pas  de 
milieu,  il  est  vrai;  c'est  un  point  décidé 
depuis  longtemps  contre  d'anciens  héréti- 
ques qui  avaient  imaginé  un  état  mojren 
entre  celui  des  bienheureux  et  la  privation 
do  la  vision  béatifique.  Tous  ceux  que  ne 
renferme  point  le  décret  de  la  prédestination 
sont  également  réprouvés,  en  ce  sens  que 
leur  exclusion  de  la  gloire  est  absolue. 


1SI 


PRO 


DfCTIOmAlHE  AimOGETIQOK 


PRO 


CcsC  ce  qu'on  deses(>rit5  les  plus  cons- 
rtencieni  et  les  plus  éclairés  de  notre  temps, 
M.  Troplong,  a  noblement  exprimé  dans 
s  >n  fooao  racmoire,  lu  à  rinstitul.  De  Vin- 
fluente  du  chrisiiani$me  sur  le  droit  romain. 
Tout  en  ménageant  les  prétentions  et  les 
susceptibilités  pbilosophiijnes  qui  l*écou- 
taient,  l'éloquent  juriste  vient  è  s'expliquer 
comme  il  suit  : 

«  La  croix  snr  laquelle  Jésus-Christ 

avait  été  immolé  était  devenue  l'étendard 
d'une  religion  qui  allait  ré^^énérer  le  monde* 
et  les  apôtres  étaient  partis  de  la  Judée 
pour  apporter  aux  nations  la  parole  évan- 
géllque.  Tout  ce  qu'il  y  avait  de  principes 
f'iviiisateurs  disséminés  dans  les  diverses 
écoles  philosophiques  qui  partageaient  les 
hautes  intelligences  de  la  société  païenne, 
le  christianisme  le  possédait  avec  plus  de 
richesse,  et  surtout  avec  l'avantage  d'un 
système  homogène,  où  toutes  les  grandes 
vérités  étaient  coordonnées  avec  un  atlnû- 
rable  ensemble ,  et  placées  sous  la  sau- 
vegarde d'une  foi  ardente.  Mais,  en  outre, 
de  ce  ydise  de  terre  qui,  comme  le  disait 
^aint  Paul,  renfermait  les  trésors  de  Jésus- 
Christ,  s'échappaient  des  notions  de  n. orale 
qui  allaient  trouver  les  masses  délaissées 
par  la  jihilosophie,  et  leur  révélaient  la  vraie 
destinée  de  l'humanité  sur  cette  terre  et 
après  la  vie.  —  Le  christianisme,  en  effet, 
n  a  pas  été  seulement  un  progrès  sur  les 
vérités  reçues  avant  lui,  qu'il  a  élargies, 
complétées,  et  revêtues  d'un  caractère  plus 
sublime  et  d'une  force  plus  sympathique; 
niais  il  a  été  encore  (et  ceci  est  au  pied  de 
la  lettre,  même  pour  les  incrédules)  une 
descente  de  V Esprit  d'en  haut. 

§11. 

Seconde  merveille,  la  résdution  de  prêcher  le  cbrisUa- 

oisme  à  l'univers. 

Après  la  conception  du  christianisme  par 
les  apôtrCsS  une  seconde  chose  nous  frappe, 
et  découvre  encore  à  nos  yeux  sa  divinité  : 
c  est  leur  résolution  de  le  prêcher  à  l'uni- 
vers. 

Comment  ces  pauvres  srensont  ils  espéré, 
comment  ont-ils  osé  se  lancer  dans  une  si 
folle  entreprise;  alors  c|ue  tous  les  moyens 
humains  leur  manquaient,  que  toutes  les 
puissances  humaines  leur  barraient  le  pas- 
sage? 

La  plus  petite  action  a  son  stimulant  :  ce 
stimulant  est  en  raison  des  difficultés  et  des 
ressources.  Telle  est  la  loi  invariable  do 
notre  nature  ;  elle  est  ainsi  faite  ;  et  cette  loi 
est  aussi  nécessaire  dans  l'ordre  moral  que 
colles  de  Téquilibro  et  de  la  mécanique  dans 
Tordre  physiuue  ;  ajoutons,  enfin,  qu'elle 
estd*autant  plus  exacte  que  l'absence  do 
culture  et  de  développement  moral  et  intel- 
lectuel laisse  ^à  la  nature  de  l'individu,  en 
qui  elle  agit,  olus  do  soumission  à  s'v  con- 

éhloulssanies  qui  lui  valurent  le  surnom  A*aigie  de 
Patmof?Las  cuurlcs  épUrcs  clle-uièmes  de  saint 
Jacques,  de  saint  Pierre,  et  de  saint  JuJe,  ne  rcn- 
(crisentellos  pas  toute  ia  substance  du  chriâtia* 


13! 


former  :  chez  d'autres,  l'obsentnce  de  cello 
loi  a  pour  garantie  le  poids  de  la  raison- 
chez  celui-ci,  elle  a  toute  la  paissanr«  dé 
J 'instinct.  Cela  posé,  figurez-vous  d*un  côié 
une  entreprise  aussi  colossale  que  celle  de 
changer  le  monde,  de  le  coafertir,  de  le 
retourner,  si  je  peux  ainsi  dire,  de  fond  ea 
comble  ;  figurez-vous  de  l'autre  cAlé  le  plus 
entier  dénument  de  ressources  qui  se  puisse 
concevoir  :  ai  fortune,  ni  habileté,  ni  séiuc- 
tion,  ni  force,  ni  rien,  rien  de  ce  qu'il  but 
pour  entraîner  mftme  un  enfant  ;  et  entre 
ce  néant  de  ressources  et  cet  amas  infinide 
difficultés,  placez  un  homme  d'une  inture 
simple,  mais  saine,  à  (yii  la  proDOsilionsoit 
faite  d'aller  à  l'entreprise  ;  et  entin  supposez 
qu'il  y  aille,  qu'il  s  y  jette,  qu'il  s*j  pr^i- 
pite  avec  une  confiance  que  rien  u'arrèie, 
bien  qu'elle  ait  prévu  toutes  les  difficultés, 
et  que  ces  difficultés  se  soulèTent  smm 
passage  :  ou  la  raison  n'est  plus  rien,  et  ia 
nature  humaine  n'a  plus  de  règle  ;  ou  bito 
il  y  aura  dans  cet  homme  un  stimulanld'oQe 
force  incalculable,  que  je  peux  ignorer, 
mais  que  j'affirme.  Je  suis  disposé  àloiii 
croire,  plutôt  que  de  croire  qu'il  agisse  abi 
sans  impulsion,  et  sans  une  impulsion  (fue 
je  m'attends  à  trouver  extraordinaire ccœiiie 
sa  confiance.  Or  tels  se  présentent  à  nooslc^ 
douze  apôtres,  c'est-à-dire  aue  nous  avcij 
douze  sujets  d'expérience  de  notre  mson- 
nement,  dont  aucun  ne  fléchit.  Anssujors- 
que  je  les  entends  dire  et  pubUeri»ftiii0t;oi 
qu'ils  ont  vu  Jésus-Christ  ressasàlé^(piy^ 
ont  reçu  l'esprit  de -Dieu,  je  hwâssans 
peine,  je  suis  obligé  de  le  cfoireipa^e^lttîî 
cet  événement  surnaturel  n'est  pasiffiÇOî^^* 
ble  à  la  Divinité,  qu'il  se  trouve  dans  m 
harmonie  parfaite  avec  tout  ce  que  je  sab  , 
déjà  de  Jésus-Christ,  et  que,  si  je  Vèurt«»  j 
ie  suis  obligé  d'embrasser  à  la  place,  daj»  • 
l'action  des  apôtres,  une  chose  contre  nature 
qui  ne  se  conçoit  pas,  qui  ne  peut  pas  s'a- . 
pliquer,  une  impossibilité  monstrueuse,; 
comme  serait  dans  l'ordre  physique  \a. 
homme  qui  marcherait  sansjamoeSf  cemiraufej 
de  prédilection  de  Rousseau.  : 

Pour  sortir  du  cercle  de  ce  raisonnemni^ 
il  faudrait  pouvoir  trouver  une  cause  li»-i 


maine  Quelconque  qui  expliquât  la  déle 
nation  des  apôtres  a  l'entreprise  de  la  c^' 


i 


version  de  l'univers.  Or  c'est  ce  quon 
pourra  jamais.  Ici  se  présente  la  discus^ù^ 
si  souvent  faite  parles  apologistes,  des  <fis 
vers  motifs  humains  qui  auraient  pu  |»<w 
ser  les  apôtres  à  cette  gigantesque  enwj 
prise.  Nous  allons  laisser  Bossue!  \n\m 
cette  partie  avec  cette  pleine  vigueur  de  bjj 
sens  qui  fait  comme  le  ten[i|>érameat«t^'^ 
génie.  C'est  une  page  peu  connue,  et  qui« 
extraite  de  son  panégyrique  de  saint  A»* 
dré(758):  .     j 

«  Dans  une  si  étrange  entreprise,  je  * 
dis  pas  avoir  réussi  comme  ils  oui  fait,  t» 

nisme?  n^eii  accusent-elles  pas  Umie  ïk  proton^ 

^758)  Nous  engageons  à  lire  avec  auetiioa  rfl 

relire  celte  page»  vrai  cbef-d*Qeu%'re  de  nisostitt^ 

échappé  d*unc  main  qui  scnaail  des  dsels*^<r<>^ 


nO 


MS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PRE 


708 


((|(j'on  nous  passe  ce  mot)  de  la  divine  Pro- 
Thienco;  elles  ne  sont  soumises  finalement 
qu'à  la  TOlonté  particulière  de  Dieu,  qui, 
5doD  les  desseins  de  si  sagesse ,  permet  à 
r^(e5|)rit  malfaisant  de  iourmenter  les  iiom- 
ries  soit  pour  punir  leurs  crimes,  soit  pour 
«•jirouvcr  leurs  vertus,  soit  enfin  pour  (riom* 
|iier  a?ec  plus  d*éclat  de  cet  ange  apostat 
«nia  Toulu  disputer  au  ciel  ef  sur  la  terre 
lltonncurde  la  divinité.  Nous  n*i^norons  pas 
due  rincrédulité  sourit  de  pitié  à  ces  re- 
levions, mais  elles  n'en  sont  ni  moins  cer- 
taines ni  moins  justes,  pnisqu*elles  font  la 
Mse  de  l'économie  générale  de  la  religion 
rj-rélée;  et  que  sans  cette  doctrine  le  chris- 
itaiii<me  aussi  bien  que  le  judaïsme  devient 
le  fait  le  plus  inconcevable  pour  Tesprit  de 
l'homme,  et  le  problème  le  plus  insoluble 
[iinr  la  raison  humaine;  fait  et  phénomène 
luVn  ne  saurait  nier;  ils  sont  l'un  et  Tau- 
.ftious  nos  yeux, 

Prétendre  que  les  possessions  véritables 
.<"  iflultiplient  à  proportion  de  Tignorance 
:k  la  superstition  des  hommes,  et  que 
i-^ 'léiuoniaques  sont    lobs  des  personnes 
^jn esprit  faible  ou  qui  ont  le  cerveau  dé- 
m^f, c'est  une  assertion  gratuite,  cl  que 
xx^a'tfiurs  seraient  bien  en  peine  de  prou- 
w.ùbest  vrai  sans  doute  des  possessions 
i((?<»'''5, puisque  plus  on  est  ignorant  et  su- 
^i^^'tieux,  plus  on  est  disposé  à  attribuer 
i4  léfflon  i:e  qui  n'est  yue  refTel  d'une  ma- 
stic naturelle  dont  on  ignore  la  cause;  et 
rri{<'rienc6  montre  en  elfel  alors  que  ces 
ftiendues  possessions,  qui  au  fond  ne  sont 
ftie  (le  simples  maladies,   ne  se  trouvent 
ileclivemeDl  que  chez  des  cerveaux  faibles 
«  dérangés.  Mais  quant  aux  possessions 
relies,  ellas  sont  indépendantes  des  siècles 
'i^orance  et  de  superstition.  Elles  avaient 
»eu  au  siècle  d'Auguste,  au  temps  des  apA- 
!^  éclairés  par  l'Esprit-Saint   et  Jésus- 
J^iM  :  la  Sagesse  éternelle  les  a  regardées 
nftiQie  réelles.  Elles  ont  continué  dans  les 
Nre  premiers  siècles  de  l'Eglise,  dans  le 
^k  des  Basile,  des  Jean  Chrysoslome,  des 
^ùffleetdes  Augustin,  qui  n'ont  pas  fait 
>i!i>iilté  de  les  admettre.  Enfin  riiisloire 
M>»s  en  oITre  des  exemples  même  dans  ces 
^iers  temps;  il  est  vrai  quo  nos  adver- 
sités en  contestent  l'authen licite,  mais  où 
jolies  preuves  qui  justifient  leurs  dénéga- 
-'«>?  Ils  refusent  de  croire  au  témoignage 
^Uûteurs  les  plus  respectables,  et  il  faut 

»^  nous  les  croyons,  noust  sur  leur  simple 

«Mie. 

Kndemmentil  n'y  a  là  ni  justice  ni  équité, 
t  il  but  qu'une  cause  soit  bien  mauvaise 
^4od,  pour  la  soutenir,  on  est  obligé  de 
tcourir  à  de  pareils  moyens  de  défense. 

Ij  huitième  et  dernière  objection  porte 
ir  la  difficulté  d'expliquer  comment  il  se 
91  que  la  Judée  ait  été  pleine  de  démonia- 
^  au  temps  de  Jésus*Christ  et  que  dans 
^(re  siècle  ils  aient  disparu...  Nous  en 
^^ns  donné  la  raison  à  la  An  du  §  II  ;  nous 
renvoyons  le  lecteur.  (Foy.  Démon,  Hal- 
^auTiox,} 


POSSESSIONS  et  médecins  physiologis- 
tes. Vojf.  note  XV1«  à  la  fin  du  volume. 

POU  des  Nègres.  Voy,  Rages  humaines  , 
§V. 

POUKANAS.  Livres  indiens,  examen  cii- 
^  tique.  Voy.  Indianisme,  §  II. 

POUVOIR  DOGMATIQUE  dans  TEgliso 
Foy.  Pape,  §111. 

PREDESTINATION.  —  Ce  mot  signifie  à 
la  lettre  une  destination  antérieure  ;  mais 
dans  le  langage  théologique  il  exprime  le 
*  dessein  que  Dieu  a  formé  de  luute  éternité 
de  conduire  par  sa  grflce  certains  hommes 
au  salut  éternel. 

«  Si  Dieu,  disent  les  philosophes,  a  pré- 
destiné ses  élus  non-seulement  h  la  gloire, 
mais  à  tel  degré  de  gloire;  par  conséquent 
à  telle  mesure  corres()ondante  de  mériles,  il 
doit  employer  des  moyens  infaillibles,  n'im- 
porte lesquels,  pour  les  leur  faire  acquérir. 
Toutes  les  circonstances  de  leor  vie,  la  paix 
et  la  guerre,  le  vice  et  la  vertu,  la  liberté  et 
la  grâce  entrent  dans  le  décret  divin;  il  ne 
tombe  pas  un  seul  cheveu  de  la  tôle  de  ces 
favoris  du  Très-Haut  sans  un  ordre  particu- 
lier de  sa  providence;  tontes  leurs  bonnes 
oeuvres  sont  comptées,  leurs  fragilités,  leurs 
crimes  mômes  sont  l'objet  d'une  permission 
spéciale;  en  un  mot,  tout  sert  h  leur  salut, 
et  rien  au  monde  ne  peut  les  faire  déchoir 
de  leur  trop  heureuse  destinée.  Mais  rien 
aussi  ne  peut  dérober  è  la  sienne  Tinfor- 
tuné  dont  la  place  est  marquée  dans  l'enfer; 
fûl-il  orné  de  toutes  les  vertus,  sa  réproba- 
tion est  certaine,  tandis  que  l'élu,  souillé  de 
tous  les  crimes,  n'en  sera  pas  moins  infail- 
liblement sauvé.  Ledécrel  est  tout,  la  nature 
des  moyens  d  exécution  ne  mérite  pas  d'at- 
tention. Dieu  atteignant  son  but  par  la  li- 
berté et  par  des  lois  infaillibles  avec  une 
égale facihlé.  S'il  l'avait  voulu,  tous  les  hom- 
mes seraient  sauvés;  mais  il  prend  les  uns, 
il  laisse  les  autres  sans  nécessité,  arbitrai- 
rement ou  par  des  motifs  étrangers  aux  in- 
téressés. El  ne  dites  pas  que  le  mérite  em- 
porte l'élection;  car  le  mérite,  étant  surna- 
turel, ne  peut  venir  que  de  Dieu  qui  le 
donne  ou  le  refuse  à  son  gré,  de  telle  sorte 
qu'il  couronne  ses  largesses  dans  les  élus» 
et  punit  ses  rigueurs  dans  les  réprouvés.  La 
doctrine  de  la  prédestination  est  donc  impie, 
immorale,  désespérante,  propre  seulement 
è  inspirer  la  haine  de  Dieu,  à  décourager 
l'homme  de  bien ,  à  faire  considérer  le  vice 
et  la  vertu  comme  des  mots  vides  de  sens, 
puisque  l'un  ne  nous  exclut  point  du  ciel  et 
que  rautre  ne  nous  garantit  point  de  l'en- 
fer. » 

Ce  raisonnement  fiaratt  d'abord  sans  ré- 
plique, et  il  n'est  au  fond  qu'un  sophisme. 
Entre  l'élection  et  la  réprobation,  pas  de 
milieu,  il  est  vrai;  c'est  un  point  décidé 
depuis  longtemps  contre  d'anciens  héréti- 
ques qui  avaient  imaginé  un  état  mojren 
entre  celui  des  bienheureux  et  la  privation 
do  la  vision  béatifique.  Tous  ceux  que  ne 
renferme  point  le  décret  de  la  prédestination 
sont  également  réprouvés,  en  ce  sens  que 
leur  exclusion  de  la  gloire  est  absolue. 


1 


:^ 


PRO 


DlCTIONNAmE  APOLOGETIOUE. 


Re 


dans  un  dernier  banquet*  les  témoignages 
«es  plus  touchants  de  son  amour,  et  les  as- 
surances les  plus  réitérées  du  prochain  ac- 
complissement de  ses  promesses.  11  ne  leur 
dissimula  pas  les  ignominies*  les  souffrances 
et  la  mort  qu'il  avait  à  traverser;  mais  il  fir 
briller  au  travers  Tespérance  de  sa  résurrec- 
tion, et  Teffusion  de  cet  esprit  oui  devait 
leur  apprendre  toutes  choses,  et  réaliser  par 
eux  celte  dominalion  universelle»  ce  règne 
éternel  du  Christ,  qui  était  la  grande  allento 
héréditaire  de  leur  nation.  Eblouis  de  cette 
espérance,  et  sans  doute  aussi  touchés  de 
tant  d'amour,  ils  promirent  d'être  fidèles. 
Pierre  surtout,  leur  chef;  jura  de  rester  iné- 
branlable, quand  même  tous  les  autres  flé- 
chiraient. Mais  vaincs  promesses!  chiméri- 
que ardeur  que  la  confidence  sympathique 
de  Jésus-Christ  allumait  dans  ces  âmes  sim- 
ples, mais  que  laffreuse  réalité  de  sa  passion 
et  de  sa  mort  ignominieuses  allait  abattre, 
en  s'interposant  entre  eux  et  iuil  Bientôt, 
en  effet,  il  ne  nous  apparaît  plus  que  seul 
dans  les  mains  de  ses  bourreaux.  Dans  le 
commencement,  Pierre  le  suit  encore,  mais 
de  loiftj  et  pour  voir  ce  ijtie  tout  cela  devien- 
dra. Un  instant  après,  il  le  renié  à  la  voix 
d'une  simple  servante,  et,  par  trdis  fois,  il 
proteste  qu'il  ne  l'a  jamais  connu.  Enfin, 
cette  troupe  timide,  digne  d'un  tel  chef,  se 
dissipe  si  bien  qu'on  n'en  rencontre  plus  un 
seul  dans  la  suite,  si  ce  u'est  l'apôtre  saint 
Jean,  dont  la  compatissante  amitié  reparaît 
parmi  des  femmes  au  pied  de  la  croix,  alors 
que  ia  mort  de  la  victime  désarme  ses  bour- 
reaux, et  qu'il  n'y  a  plus  à  lui  donner  que 
la  sépulture.  « 

Toutefois,  dans  ce  profond  naufrage  de  la 
fidélité  apostolique ,  où,  nos  pécheurs  se 
montrèrent  si  parfaitement  hommes,  tout 
espoir  n'aurait  pas  dû,  ce  semble,  les  aban- 
donner, puisqu'il  n*était  rien  arrivé  que  ' 
leur  Mattre  ne  leur  eût  annoncé,  et  que  c'é- 
tait après  sa  mort  qu'il  avait  aiourné  la  ma- 
nifestation de  sa  puissance.  11  pouvait  res- 
susciter le  troisième  jour,  comme  il  l'avait 
j)romis.  N'importe,  cet  espoir  avait  été  im- 
puissant pour  les  tenir  ralliés.  Qu'eût-ce 
donc  été  si  le  Christ  n'eût  pas  en  effet  res- 
suscité? Non-seulement  ce  faible  sentiment 
d'espoir  eût  achevé  de  les  abandonner,  mais 
encore  il  se  fût  nécessairement  tourné  en 
un  juste  dépit  d'avoir  été  ses  dupes. 

Quelques  circonstances  viennent  justifier 
cette  interprétation  naturelle  des  disposi- 
tions des  apôtres.  Nous  ne  les  voyons  pas 
d'abord  bien  empressés  du  soin  de  surveil- 
ler l'événement  de  la  résurrection  de  Jé- 
sus-Christ, et  ce  ne  sont  pas  eux,  mais  des 
femmes,  qui  font  le  pèlerinage  du  saint  tom- 
beau. La  curiosité  môme  ne  leur  fait  pas 
faire  un  pas.  Scandalisés  par  la  mort  igno- 
minieuse de  Jésus-Christ,  ils  sont  trop  bien 

« 

(759)  Ce  voyageur  était  Jésus-Cbrist,  TEvangilc  le 
dit  ;  mais  comme  nous  nous  plaçons  pour  le  moment 
$iu  point  de  vue  de  rincrédulilé,  nous  devons  sup- 
poser, à  cause  dVIte,  ce  que  TEvangile  dit  de  nos 
doux  disciples,  cl  ce  qui  n*cst  que  trop  vr»i  pnu^  la 
plupart  :  Lcur$  yetu  étaient  (iés^  en  sorte  qu'Us  ne  le 


persuadés  que  celui  qui  vient  de  se  laii 
traiter  de  cette  sorte  ne  saurait  être  un  Dit 
aussi  laissent-ils  passer  le  troisième 
sans  faire  aucune  démarche.  Nous  en 
vous  seulement  deux  voyageant  sur  le 
min  d'Ëmmaûs,  et  qui,  dans  le  tabler 
vrai  que  l'Ëvangile  nous  fait  do  leur 
sonne,  reflètent  très-bien  les  disposii 
que  nous  venons  de  concevoir  :  Et  toicÇi 
1  Evangile,  que  deux  d'entre  eux  allait 
jour-là  même  (  le  troisième  jour  et  su 
soir)  en  une  bourgade  distante  de  tov 
itades  de  Jérusalem^  nommée  Emmaiis, 
causaient  entre  eux  des  choses  q^ti  rem 
de  se  passer.  Et  il  arriva  que,  pendant  ^ 
devisaient  et  discutaient  ensemble  sur 
un  voyageur  (759)  s^ approchant  chi 
avec  eux,  et  leur  dit  :  De  quoi  vom  ei 
tenez-vous  ainsi  tous  deux  en  marchoi 
quateS'VouSf  que  vous  êtes  si  triste»  f-l 
vous  seul  si  étranger  dans  JérusalerHy  h 
pondit  Fun  d'eux,  que  vous  ne  sackù 
choses  qui  viennent  de  s'y  passer  cesjfna 
—  Lesquelles?  repartit-il.  —  Tonchml 
de  Nazareth,  dirent-ils,  qui  fut  wpit^ 
puissant  en  œuvres  et  en  paroles  ixmll 
et  devant  tout  le  peuple;  et  commt 
souverains  prêtres  et   nos  magistrau 
condamné  à  mort,  et  Font  crucifié.  Or 
espérions  que  ce  serait  lui  qui  serait  t( 
dempteur  a  Israël;  néanmoins^  avec  Iqu( 
c*est  le  troisième  jour  aujourd'hui 
choses  se  sont  passées.  Il  est  vrai  qut 
ques-unes  de  nos  femmes  nous  ont  éponxi 
ayant  été  de  grand  matin  à  son  tomhml 
rayant  pas  trouvé,   elles  sont  accoutt 
nous,  disant  avoir  eu  une  vision  danfl 
leur  ont  dit  qu'il  vivait.  Quelques-um  S 
nous  sont  bien  allés  vérifier  te  tait  :U 
beau  est  vide,  mais,  pour  lui,  ils  ne  ht 
Vtt{760). 

Telles  étaient  les  dis[)Ositions  des  aji 
dispositions  qui  méritaient  bien  quelj 
Christ  leur  dit  soudain  :  O  stupides^  ei\ 
tardifs  à  croire  l 

Enfin ,  un  dernier  trait  vient  acbci 
tableau  de  l'incrédulité  et  du  décourofC 
apostolique:  il  est  simple,  mais  signif 
et  c'est  Pierre,  le  chei  do  la  troui'c, 
nous  le  fournir  :  Je  m'en  retourna 
dit-il  dans  le  mémo  temps  h  Thoi 
quelques  autres  disciples.  Et  novt 
nous  y  allons  avec  toi,  lui  répondircfl\| 
ci  (761).  , 

Voila  les  apôtres  redevenus  M 
Jusque-là  ils  avaient  espéré,  quoique  I 
meni ,  sperabamus  i  mais  maintenanl^t 
chef  lui-mômc  qui  donne  le  signal  et  I' 
pie  de  l'abandon ,  vado  piscari,  el  ff 
reprendre  son  premier  métier. 

Tels  étaient  les  apôtres ,  alors  môi 
la  présence   de  Jésus-Christ,  ou  son i 
venir  récent,  ou  enfin  l'espoir  de  ses 

connaissaient  point, 

(760)  Lue.  XXIV,  13, 14.  —  Qad  ion  de 
3Ion  ami!  ce  n^est  pas  ainsi  qu'on  inteste, 

{lii\)  Vado  piscari,  ventnms  et  nos  lfC«w 
\M,  5.) 


PKO 


INCTiaNNAiRe  APOLOGETIQUE. 


PRO 


7S3 


itesH'S  pouYaîcnl  encore  les  émoGYoir  : 
t^os  simples,  niais  grossiers,  incapables  de 
IcToa^ment,  de  courage ♦  de  foi,  de  rien 
!a  irénéreox  et  d'citraordinaire,  et  retom- 
t;in(  pesamment  dans  leur  naturelle  condi- 

El  cependant  voici  qu'à  qaeUines  joors  de 
-  nous  retrooTons  ces  mêmes  hommes  rén- 
•s  tous  en  un  seul  projet,  qui  est  de  mou- 
r  {lour  Jésus^hrist,  de  prendre  sa  croix  , 
'.  'io  la  faire  adorer  dans  cette  même  yilie 
•1  elle  fume  encore  de  son  sang,  au  milieu 

•  rc  même  peuple  qui  a  crié  naguère  : 
hi''*n  le  crucifie:- et  que  $on  sang  retombe 
>fr  nouM  et  sur  nos  enfants!  ei  en  face  de 

«  mêmes  docteurs,  de  ces  mêmes  ma^s- 
i')>,'{ui  ont  soulevé  ce  peuple  et  légitimé 

•  Tizf:  sanguinaire.  C'est  dans  cette  même 
V  '>rdis-je,  au  milieu  de  ce  même  peuple, 
'  '  ^i^e  de  ces  mêmes  magistrats ,  que  les 
^  'UfK.    si  lAches  à  défendre  Jésus-Christ 

.)&  i  il  rivait,  sont  résolus  à  le  faire  adorer 

]  ^D'I  il  est  mort.  Leur  zèle  pour  la  eloire 

.  c*"  supplicié,  de  ce  maudit,  ne  se  borne 

iî>.iï:  c*est  toute  la  Judée,  toute  la  Sa- 

.  :r>,  toute  TAsie,  la  Grèce,  Rome  même, 

V;'s  reolent  faire  tombera  genoux ,  au 

:  '-\  4e  nnstrumeni  de  son  supplice.  Ce 

i  '>^i  f«s  WÊsez  pour  leurs  âmes  dévouées , 

<  i'S  (fiototent  encore  davantage ,  et  Tuni- 

urs  toat  entier  est  saisi  dans  les  étreintes 

'  tr  it-ar  prosélytisme.  Eux ,  si  circonspects 

' .'  51  Uriib  à  croire,  si  fugitifs  et  si  disper- 

'<:eax,  redeveniis  pêcheurs,  les  voilà  tout 

•  ''^p  redevenus  apôtres ,  ils  se  raffermis- 
'^nt  poor  ne  pins  broncher;  ils  avancent 

I  ur  ne  pi  fis  reculer  :  pas  un  traître,  et  les 
'  lueries ,  et  les  menaces,  et  les  tourments, 

i  !a  mort  pleuvent  de  tous  côtés  ;  et  Jésus- 
[".rist  n  est  plus  là,  et  il  est  mort,  et  il  n*a 
as  tenu  sa  parole  de  ressusciter,  et  il  les  a 
"«mpés,  et  tout  est  perdu  jusqu'à  cette 
■^'e  espérance  I...  Qui  que  vous  soyez,  con- 
u'iez  voire  nature  humaine,  et  demandez- 
n  S!  t«iut  ceci  n*en  est  pas  le  renversement? 
'/ù  a  pu  venir  tout  a  coup,  dans  de  tels 
'.i^ies  et  dans  de  telles  circonstances, 
:t  :  confiance?  d*Où  cette  opiniâtre  énergie  ? 
'  'J  ce  zèle  et  cette  assurance  qui  se  rient  de 

II  <rt  ne  craignent  pas  la  mort,  non-seule- 
'.nt  pour  elle-même,  mais  pour  le  ren- 
r^cTuent  de  leur  entreprise? S'ils  ont  revu 
(^Wrist  ressuscité,  s*ils  Tout  bien  vu,  s'ils 

s'ji  tous  TU,  sMIsont  reçu  la  force  invin- 
!•!*.•  (Je  Tesprit  de  Dieu,  s*ils  font  eux- 
>*:i'ies,  à  oha!{uc  instant,  Texpéricnce  de 
l'y-  assistance  surnaturelle  en  opérant  des 
tracles,  s*ils  cuérisscnt  des  boiteux  de 
ir  ombre  seule,  s*ils  font  trembler  les 

H  *ns ,  je  conçois  qu'ils  ne  tremblent  pas, 

n^ns  que  le  zèle  et  Tamour  de  la  vérité, 

n(  ils  |K>rtcnt  en  eux  tant  de  gages,  les 

.{'vrtent,  et  qu'ils  déQent  l'univers ,  sûrs 

ic  régénérer  avec  le  secours  de  celui  qui 
t  créé  ;  je  conçois  toute  leur  vie  sainte  et 
'j^tolû]ue,  je  conçois  leur  mort  héroïque 

généreuse,  je  conçois  tout,  et  j'admire!... 
.IIS  si  tout  cela  n  est  pas ,  si  le  Christ  est 
M*':  dans  le  tombeau ,  s'il  ne  leur  est  pas 


apiparu  comme  ils  le  disent,  si  Ja  pusillani- 
mité et  la  déCance,  dont  ils  n*avaient  pu  so 
défendre,  lui  vivant,  sont  justifiées  par  une 
mort  sans  retour;  si  rien  de  nouveau  ne 
s'est  passé  en  eux  et  autour  d'eux  depuis 
que  nous  les  avons  laissés  tremblants  et  fu- 
gitifs, n'espérant  plus,  et  rentrant  dans leura 

bateaux  de  pêcheurs ,  ohl  alors,  je  n'y 

conçois  plus  rien ,  toute  ma  raison  se  perd 
dans  un  chaos  d'impossibilités  sans  issues  ; 
et  au  lien  d'un  événement  que  je  comprends 
très*bien  pouvoir  être  dans  Tordre  surnatu- 
rel ,  qui  dépasse  la  coutume  sans  choguer 
la  raison,  qui  même  l'élève  et  la  ravit  en 
se  nouant  à  un  ordre  de  faits  et  de  vérités 
qui  précèdent  et  qui  suivent,  et  dont  Ten- 
cliatnement  compose  le  tout  le  plus  barmo^ 
nieux ,  je  me  trouve  avoir  un  événement 
qui  devrait  être  parfaitement  clairet  intelli- 
gible, puisqu'on  le  dit  naturel  •  et  qui  ce- 
pendant est  le  renversement  de  la  nature  et 
le  désespoir  de  la  raison....  Je  ne  saurais 
hésiter  :  incrédulité  et  absurdité  I  c'est  trop  I 
Je  me  jette  du  côté  où  m'apoaraissent  la 
raison  et  la  foi. 

im. 

TniMène  nenreHIe,  le  SÊeeis  qai  accompiaDe  ea  leoi 
lieox  U  prédicaUoo  des  ap6(res. 


C'est  ici  le  prodige  du  prodige  :  les  douze 
pêcheurs  de  la  Galilée  ont  réussi  1  Le  plus 
étonnant  succès  a  couronné  l'entreprise  la 
plus  colossale,  et  en  apprence  la  plus  in- 
sensée I  Oui ,  c'est  de  1  orient  à  Foccident, 
c'est  de  fond  en  comble  que  le  christianisme 
a  envahi  le  monde  païen  et  l'a  dissout  en  le 
pénétrant  :  c'est  là  l'histoire,  la  grande  his- 
toire, toute  l'histoire,  à  partir  du  premier 
siècle.  Alors  s'élevèrent  du  pied  des  trônes 
des  Césars ,  et  face  à  face  avec  leur  puis-- 
sance,  ces  grandes  voix  des  apologistes 
chrétiens,  si  pleines  de  raison,  de  calme,  de 
dignité,  de  conscience,  de  liberté.  Surpris 
d'une  résistance  ({u'il  n'avait  encore  jamais 
rencontrée,  jamais  ima^née,  et  ne  ojnce-- 
vaut  rien  au  principe  qui  la  nourrissait,  le 
colosse  romain  devint  furieux.  Il  souleva 
toutes  ses  forces,  ces  mêmes  forces. par  les^ 
quelles  il  avait  conquis  le  monde  et  se  lo 
tenait  asservi,  et  enveloppa  le  christianisme 
d'appareils  de  mort.  Il  avait  tout  ce  qui  as- 
sure le  triomphe  dans  Tordre  des  choses 
humaines  :  la  force,  la  séduction,  l'opinion, 
la  vraisemblance,  tout,  si  ce  n'est  la  vérité 
Pendant  oue  les  magistrats  décrétaient  la 
mort  des  Chrétiens,  ceux-ci  n'avaient  d'en- 
couragement et  de  refuge  nulle  part  sur  la 
terre  :  ni  dans  la  pitié  du  peuple,  qui,  avide 
de  spectacles  de  sang,  applaudissait  à  leur 
supplice  et  les  y  poussait;  ni  dans  l'opinion 
des  sages  et  des  philosophes,  qui,  jaloux  de 
leur  vertu  et  offusqués  de  leur  doctrine,  les 
raillaient;  ni  dans  la  révolte  et  la  défense 
naturelle,  à  laquelle,  par  principe  d'ordre, 
ils  n'eurent  jamais  recours  ;  ni  enfin  dans  la 
nécessité  et  le  désespoir,  ces  derniers  slimu* 
lants  du  courage,  puisfjue  toutes  les  |)ortes 
de  la  vie  et  de  la  société,  avec  ses  honneurs 
et  ses  plaisirs,  leur  étaient  ouvertes^  et  que 


%ô 


tnO 


jusqu'à  leur  dernier  sou^Jir  il  ne  tenait  qu'à 
eux  «i'y  rentrer. Néanmoins,  calomniés,  mé- 
jK-isés,  abandonnés,  repoussés  de  la  terre 
ent4ère,  subissant  niilfe  morts  dans  une 
seule  mort,  et,  jusque  dans  le  fort  des  plus 
affreux  supplices,  libres  de  vivre,  sollicités 
de  vivre,  les  Chrétiens  dé  tout  rang,  de  tout 
âge,  de  tout  sexe,  mouraient...  Et  c'est 
ainsi  que  le  christianisme  acheva  de  vaincre, 
et  qu  afirès  trois  siècles  de  celte  affreuse 
lul^e  il  n'y  eut  plus  que  des  Chréliens  (702). 

Mais  entrons  dans  le  détail  des  preuves 
de  celle  merveilleuse  propagation  du  chris- 
tianisme envahissant  l'univers  par  la  plus 
rapide  diffusion. 

La  vérité  de  la  propagation  rapide  du 
christianisme  est  un  fait  facile  à  prouver. 
D  alx)rd,  lorsque  Jésus-Christ  remonta  dans 
les  cioux,  indépendamment  des  troupes 
nombreuses  de  peuples  qui  l'avaient  suivi 
dans  le  cours  de  sa  carrière,  et  dont  une 
grande  partie  l'avait  abandonné,  indépen- 
damment de  ceux  que  la  crainte  avait  em- 
pêchés de  se  déclarer  pour  lui ,  il  comnlail 
pUi3  de  cinq  cents  disciples,  auxquels  il 
s'était  montré  après  sa  résurrection.  C'était 
beaucoup,  quand  on  les  considère  comme 
les  témoins  de  ce  grand  nnracle  ;  mais  c'était 
bien  peu,  si  on  veut  voir  en  eux  la  semence 
de  cette  multitude  de  Chrétiens  qui  devait 
peu  à  peu  couvrir  la  face  de  la  terre. 

C'est  après  le  retour  du  divin  Sauveur 
dans  les  cieux,  et  au  moment  où  ses  disci- 
ples vieun(*nt  de  recevoir  le  Saint-Esprit, 
que  commence,  pour  durer  pendant  près  de 
trois  cents  ans,  ce  grand  miracle  de  ta  pro- 
mulgation de  l'Evangile.  Dès  le  premier  jour 
où  les  apôtres  ouvrent  leur  prédication,  trois 
mille  personnes  sont  converties.  lAcl.  xi, 
41.)  Peu  de  jours  après,  un  second  discours 
de  saint  Pierre  fait  cinq  mille  prosélytes. 
{Act.  IV,  k,)  A  peine  la  foi  a  franchi  les  limi- 
tes de  la  Judée,  et  voilà  une  multitude  d'é- 
glises fondées  de  tous  côtés.  (Théodoret, 
Jnlerp,  in  1$,^  ii,  ih.)  Environ  dix  ans  après 
la  mort  de  son  maître,  saint  Pierre  adresse 
sa  première  EpHre  aux  fidèles  dispersés 
dans  le  Pont,  dans  la  Galalie,  dans  la  Cap- 
])adoce,  dans  l'Asie,  dans  la  Bithynie.  (JPelr. 
1, 1.)  Nous  avons  des  Epitres  de  saint  Paul 
aux  fidèles  de  Rome,  de  Corinthe,  de  Galalie, 
d'Ephèse,  de  Colosses,  de  Philippes,  de  Thes- 
salonique^  de  Crète.  Les  Actes  des  apôtres 
font  mention  de  beaucoup  d'autres  endroits 
où  TEvangile  avait  déjà  des  disciples,  d'An- 
tioche,  d'Athènes,  de  Damas,  de  Césarée,  de 
Milet,  de  plusieurs  autres  villes.  Et  il  ne 
faut  pas  croire  que  ce  fussent  les  seuls  pavs 

(762)  c  Après  la  mort  de  Jésus-Christ,  dit  Jean- 
Jacques  Rousseau  lui-même,  douze  pauvres  pécheurs 
et  artisans  entreprirent  d'instruire  et  de  convertir  le 
monde.  Leur  métliode  était  simple  :  ils  prêchaient 
sans  art,  mais  avec  un  cœur  pénétré  ;  et  de  tous  les 
miracles  dont  Dieu  honorait  leur  foi,  le  plut  frap- 
pant éiaii  la  sainteté  de  leur  vie  :  leurs  disciptei 
Buivirenc  cet  exemple,  et  le  succèp  fut  prodigieux. 
Les  prêtn  H  païens  alarmés  tirent  entendre  aux  prin- 
ces i)ue  TElai  étaii  perdu  parce  que  les  offrandes 
diminuaient;  les philosophei,  qni.ne  Ir.iuvaient  pas 


ACTIONNAIRE  APOLOGETIQUE.  PRO  ^ 

où  la  fui  eût  été  plantée.  Saint  Paul,  da 
VEpitre  aux  Romains,  leur  dit  qu*il  av 
rempli  de  TEvangile  toutes  les  ré^^ions, 
tournant  depuis  Jérusalem  jusque  riilyri 
{Rom.  XV,  19.)  11  leur  annonce  Que  leur { 
est  célèbre  dans  tout  le  monde.  [Rom,  i 


Cette  assertion  ne  doit  pas  nous  éloon 
quand  nous  voyons  les  autres  apôlres  ^ 
perses  sur  toute  la  terre,  portant  lareligi 
de  Jésus-Christ  dans  rËlhiopief  dan? 
Scytbie,  dans  la  Perse  et  jusque  dans  l'bi 
Tel  était  déjà,  lorsque  les  apôlres  aller 
recevoir  le  prix  de  leurs  travaui,  c'esl^ 
dire  environ  trente  ans  après  qu'ils 
avaient  commencés,  Tétat  où  ils  laissai 
la  relidon.  Saint  Clément,  qui  occupa 
siège  de  Rome  très-peu  d'années  après 
Pierre  )  atteste  que  de  son  temps  le  noi 
des  chrétiens  surpassait  déjà  celui  des  Ji 
(Epist.  2,  n.  2.) 

Nous  pouvons  citer  un  témoin  assuré 
non  suspect,  du  grand  nombre  de  chré 
formés  par  les  apôtres  dans  le  cours  de 
ministère.  C'est  Tacite  qui  paile  '"^ 
(ianisme  de  la  manière  la  plus  m 
En  rapportant  Tincendie  de  RonKam 
dixième  année  du  règnedeNéroQ^ii 
vient  qu'il  y  avait  alors  dans  la  seà 
de  Uome  une  multitude  immense  dt 
tiens,   multitudo  ingens.  (Annal  lllw 
c.  lA.)  Voy.  Mtthisme,  §  1. 

A  répoque  dont  parie  Tacilet 
vivait.  Saint  Augustin  en  rapporte  un 
dans  lequel  ce  philosophe  s  expritoe 
sur  les  Juifs  :«  Les  coutumes  de  celte' 
scélérate  ont  fait  de  si  énormes 
qu'elles  sont  déjà  reçues  dans  toute  la 
Les  vaincus  ont  donné  des  lois  à  leurs 
queurs.  ^  (S.  Ai^o.  De  ctr.DeiJib.  Tif 
oaint  Augustin  dit  qu'en  nommaDtles 
Sénèque  a  en  vue  les  Chrétieus 
confondait  alors  avec  les  Juifs,  parce 
tiraient  leur  origine  du  judaïsme. 

Au  commencement  du  second  sièc 
autre  païen  de  haute  considération, 
seule  la  propajjation  de  celte  religion 
éiant  encore  bien  plus  étendue.  C'esl 
le  Jeune,  gouverneur  de  la  Bithynij" 
consulte    1  empereur  Trajan  sur  di 
ditTicultés  relativement  à  sa  conduite' 
les  Chréliens.  Son  plus  grand  em 
le  grand  nombre  de  ceux  que  la  pe 
met  en  danger.  Il  y  en  a  de  tout  âgeJ 
ordre,  de  1  un  et  de  l'autre  sexe.  C 
pas  seulement  dans  les  villes,  cestd 
bourgs  et  jusque  dans  les  campag^ 
pénétré  la  contagion  de  cette  super 
Il  ajoute  qu'avant  les  moyens  qu'il 

leur  compte  dans  une  religion  qui  prècheTti 
se  joignirent  à  leors  prêtres.  L.es  railleriei  rt 
jures  pleuvaient  de  toutes  paris  sar  la  noaveiKj 
les  persécutions  s'élevèrent,  et  les  pfr$<^;ii^ 
firent  qu*accélérer  le  progrès  de  celle  relipi^ 
voulaient  étouffer.  Tous  les  Chréliens  m^^ 
martyre,  tous  lés  peuples  ejunieiit  au  i^W^ 
riiisioîre  de  ces  preniil^a  temps  est  on  proJ'l*| 
tînuel.  >  (Réponse  au  roi  de  l*oiog»€,  t.  XIV  P*^ 


que 


(A 


il 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PRO 


m 


rnpiojés,  et  dont  il  espérait  le  succès,  les 
-liiples  commençaient  à  être  abandonnés; 
ae  les  solennités  avaient  été  longtemps 
}  fcrrompues ,  et  que  les  victimes  étaient 
•tenues  très-rares.  (Pun.  II  ad  Traj.  ep,, 
>.  T,  epist.  97.) 

Tihériaous  rend  compte  à  Trajan  que, 
Ion  ses  ordres,  il  s'est  lassé  à  punir  et  à 
^rer  à  la  mort  les  Galilécns  qui  viennent 
lui  sous  le  nom  de  chrétiens;  qu'ils  ne 
*Mnt  de  s'offrir  d'eux-mêmes  à  la  mort; 
ce  quel'Tues  exhortations,  quelques  me- 
aces  qu'il  ait  employées  pour  les  détourner 
•s«  déclarer  de  cette  religion,  la  persécu- 
iDt  les  soutTrances  ne  Tes  arrêtent  pas. 
ll£RU!f  1  ad  Trai.  de  christ.  Relatio ,  PP. 
)/.,  t.ll,  pa^.  181.) 

i  même  siècle,  deux  auteurs  païens, 
rais  très-déclarés  du  christianisme,  sont 
témoins  non  suspects  de  sa  grande  dif- 
n. 

premier  est  Lucien,  qui  introduit  l'im- 

ur  Alexandre ,  disant  que  la  province 

i>ùl  est  pleine  d'athées  et  de  Cnrétiens, 

e  si  on  veut  se  rendre  Dieu  favorable, 

les   chasser   à  coups   de   pierres. 

.TCs,  AlexandeTf  seu  Pseudomanlis . 

rmgQd  estCelse,  qui  tantôt  reproche 

laib  ^Tabandonner  la  loi  de  leurs  pères 

'un  homme  puni  du  dernier  supplice 

.,  coni.  Cets.^  t.  II,  n.  4);  tantôt  regarde 

e  une  absurdité  que,  tandis  que  Jésus* 

i  riwani  n'a  pu  persuader  personne, 

sa  mort  ses  disciples  persuadent  tant 

oses  à  tous  ceux  qu'ils  veulent.  (/6id., 

lîc  Justin,  qui  florissait  vers  le  milieu 
ce  siècle,  déclare  qu'il  n'y  a  aucune 
kfj'hoinnies,  Grecs  ou  Barbares,  de  quel* 
iaoru  qu'ils  soient  ai)pelés,  soit  hamaxa- 
l>,  qui  liabitent  sur  des  chariots,  soit 
fta  leSy  qui  n'ont  point  de  maisons,  soit 
pites»  qui  vivent  sous  des  tentes,  parmi 

Ïicîs  il  ne  soit  offert  des  prières  et  des 
os  de  g;râces  à  Dieu  le  Père,  au  nom  de 
hs-Christ  crucifié.  (S.  Justin,   DiaL  cum 
H.,  c.  117.) 
ni  Irénée,  postérieur  à  saint  Justin  de 
ue  temps,  pour  montrer  que  la  foi  est 
me  dans  toute  l'Eglise,  fôit  mention 
lises  qoi  sont  dans  la  Germanie,  dans 
~e,  clans  les  Gaules,  dans  l'Orient, 
^ypte,  dans  l'Afrique,  dans  les  ré- 
qai  sont  au  milieu  des  terres.  (Contra 
,  lil>.  I,  c.  10,  n.  2.) 

nt  Clément  d'Alexandrie  observe  que 

piiosophes  n'ont  pu  communiquer  leurs 

urines  qu'à  leurs  com()atriotes,  parmi 

jaels  encore  ils  n'ont  eu  qu  un   petit 

lire  de  disciples.  Mais^  ajoute-t*il,  la 

le  de  notre  Maître  n'est  pas  restée  res- 

ic  dans  la  Judée,  comme  celle  des  phi- 

p!jcs  de  la  Grèce;  elle  s'est  répandue  par 

!c  la  terre;  parmi  les  Barbares  comme 

ui\  lt*$  Grecs,  elle  a  porté  la  persuasion 

^^  V.S  nations,  dans  les  bourgs,  dans  des 

^^'^cmièrcs  ;  elle  a  amené  à  la  vérité  un 

Mn*,tnUTc  de  ceux  qui  l'ont  entendue, 


' 


et  même  plusieurs  philosophes.  {Stromat.f 
lib.  VI,  c.  18.) 

Tertullien  écrivait  à  la  fin  du  second  siècle 
et  au  commencement  du  troisième.  On  peut 
juger  avec  sûreté  de  l'état  où  était  le  chris- 
tianisme à  cette  époque  I  par  ce  qu'il  en  dit 
en  plusieurs  endroits.  Dans  son  ouvrage 
aux  nations  (I.  i,  c.  1)  :  «  Vous  gémissez, 
leur  dit-il,  de  voir  croître  tous  les  jours  le 
nombre  des  Chrétiens.  Vous  criez  que  la 
cité  en  est  obsédée.  Vous  déplorez  les  pertes 

Sue  vous  faites  de  chrétiens  de  tout  sexe, 
e  tout  âge,  de  toute  dignité,  qui  vous 
abandonnent  dans  les  châteaux,  dans  les 
campagnes,  dans  les  îles.  »  Ecrivant  à  Sca- 
imla,  gouverneur  d'Afrique,  qui  était  porté 
a  la  periiéi^ulion^  :  «  Que  ferez-vous,  lui  dit-il, 
de  tant  de  milliers  d'hommes  et  de  femmes 
de  tout  âge,  de  toute  dignité,  qui  viennent 
s'offrir  à  vous?  De  combien  de  bûchers,  de 
combien  de  glaives  n  aurez-vous  pas  besoin? 
Que  ne  souffrira  pas  Carthage  qu'il  vous 
faudra  décimer,  quand  chacun  aura  reconnu 
ses  parents,  ses  commensaux;  quand  elle  y 
aura  vu  peut-^ôtre  des  hommes  et  des  dames 
du  plus  haut  rang,  et  jusque  dans  votre  or- 
dre, des  proches  et  des  amis  de  vos  amis  ? 
Ayez  pitié,  sinon  de  nous,  au  moins  de  vous- 
même.  Ayez  pitié,  sinon  de  vous,  au  moins 
de  Carthage.  Ayez  pitié  de  cette  province 
qui,  dès  que  votre  intention  sera  connue, 
se  trouvera  exposée  aux  vexali«)ns  des  sol- 
dats et  des  ennemis  de  chacun.  >»  {Ad  Scapu" 
lam^  c.  6,  versus  finem.) 

Mais  il  ne  parle  nulle  part  avec  plus  d'é- 
nergie que  dans  son  Apologétique.  «  Nous  ne 
sommes  que  d'hier,  et  nous  rein  plissons 
tout  votre  empire,  les  lies,  les  villes,  les 
châteaux,  les  compagnies,  les  camps,  les 
tribus,  los  décuries,  les  palais,  le  sénat,  le 
barreau;  nous  ne  vous  laissons  que  vos 
temples.  Nous  pourrions  même,  sans  arme 
et  sans  révolte,  mais  par  notre  seule  sé|»a- 
ralion;,  vous  combattre.  Si,  étant  une  mul- 
titude aussi  nombreuse,  nous  allions  nous 
retirer  dans  quelque  partie  éloignée  de  l'u- 
nivers, votre  domination  serait  confondue 
de  la  perte  d'un  si  grand  nombrede  citoyens. 
Leur  seul  éloignement  vous  punirait.  Vous 
frémiriez  de  la  soiitude  où  ils  vous  laisse- 
raient, de  ce  silence  universel,  et  de  la  stu- 
l)eur  où  resterait  votre  univers  comme 
mort.  Vous  chercheriez  à  qui  commander.  » 
{Apol.9  c.  3.) 

Origène,  qui  vivait  au  lu'  siècle,  alttîste 
la  connaissance  qu'a  tout  le  monde  de  cette 
vérité,  que  la  prédication  de  l'Evangile  s'est 
propagée  d'une  extrémité  de  la  terre  jus- 
qu'à I  autre,  et  que  déjà  il  n'y  a  presque  au- 
cun lieu  qui  n'ait  reçu  la  semence  de  la 
parole  divine.  (In  Genes.^  homil.  9,  n.  2.)  | 
•  Un  fait  important  nous  montre  quelle 
crainte  la  grande  multiplication  des  chré- 
tiens inspirait  à  cette  époque  aux  païens,' 
de  voir  le  christianisme  devenir  la  religion 
universelle.  L'empereur  Alexandre  Sévère 
avait  envie  d'élever  un  temple  à  Jésus- 
Christ  et  de  le  placer  au  rang  des  .dieux  ; 
mais  il  en  fut  détourné,  parce  qu'on  l'assura 


i45 


!»R0 


DlCtlONNAlUE  APOLOGETIQUE. 


PRO 


îi 


qu'après  avoir  consulté  los  choses  sacrées, 
il  avait  été  trouvé  que,  si  son  projet  s'effec- 
tuait, tout  1o  monde  se  ferait  chrétien,  et 
ose  les  autres  temples  seraient  abandonnés. 
Si  c'était  un  écrivain  chrétien  qui  rapportait 
ce  trait,  on  pourrait  en  contester  la  vérité; 
mais  il  n*est  pas  possible  de  le  révoquer  en 
doute,  quand  on  le  lit  dans  Lampride,  his- 
torien païen  et  contemporain.  [VUaAlex. 
Sev.f  c.  43.] 

Nous  avons  la  preuve  que  le  christia- 
nisme avait  pénétré  jusque  dans  la  famille 
impériale,  et  y  avait  beaucoup  de  partisans, 
dans  ce  que  rapporte  Eusèbe,  que  la  persé- 
cution excitée  contre  le  christianisme  par 
Maximin,  meurtrier  et  successeur  dA- 
lexandre  Sévère,  eut  pour  motif  la  haine 
que  portait  cet  usurpateur  à  la  famille  de 
.son  prédécesseur,  dans  laquelle  il  y  avait  un 
grand  nombre  de  Chrétiens.  [UisL  ecclés.y 
fib,  Yi,  c.  28.) 

Saint  Cyprien  compare  l'Eglise  de  son 
temps  au  soleil  dont  les  rayons  éclairent  le 
monde ,  à  un  arbre  dont  les  rameaux  cou- 
vrent toute  la  terre,  à  un  ruisseau  qui  ré- 
pand partout  SCS  eaux.  (De  unit.  Eccles.) 

Nous  voyons  dans  Tapologie  de  Minutius- 
Félix,  que  dans  ce  siècle  les  païens  repro- 
diaient  aux  chrétiens  les  rapides  accroisse- 
ments de  ce  qu'ils  appelaient  leur  exécrable 
superstition.  11  leur  répond  en  convenant 
de  cette  prodigieuse  multiplication  des 
Chrétiens  :  a  Nous  ne  nous  en  glorifions 
pas,  dit-il.  A  nos  yeux  nous  sommes  très- 
nombreux;  devant  Dieu  nous  ne  le  sommes 
pas  assez.»  (Minutius  Félix,  Octavius^  n.  9 
et  33.) 

Arnobe  écrivait,  vers  la  fin  du  m*  siècle, 
son  ouvrage  Contre  les  nations.  11  faisait 
aux  païens  d'alors  le  même  raisonnement 
c[ue  nous  adressons  aux  incrédules  d'au- 
jourd'hui. 11  leur  donnait  de  môme,  comme 
une  preuve  de  la  religion ,  sa  diffusion  ra- 
pide et  universelle. 

Il  presse  celte  preuve  en  divers  endroits. 
«  Si,  comme  vous  le  croyez,  dit-il,  l'histoire 
de  ces  faits  n'est  pas  vérilable,  comment 
a-t-il  pu  se  faire  qu'en  aussi  peu  de  temps 
le  monde  entier  se  soit  trouvé  rempli  de 
cette  religion?  Comment  des  nations  de 
pays  si  éloignés,  de  climats  si  différents , 
ont-elles  pu  se  réunir  d^nsunseul  esprit  ?  » 
(Adv.  gcntesj  lib.  i,  c. 55.)  «N'est-ce  pas,  re- 
prend-il ailleurs,  à  vos  yeux,  un  motif  suffi- 
sant pour  croire,  de  voir  dans  un  temps 
aussi  court  nos  dogmes  répandus  sur  toute 
la  terre;  de  voir  qu'il  n'y  a  aucune  nation 
de  mœurs  si  barbares  et  si  éloignées  de 
toute  douceur,  qui,  convertie  par  l'amour 
de  Jésus-Christ,  n'ait  adouci  sa  rudesse,  et, 
reprenant  des  sentiments  plus  humains  i 
n'ait  recouvré  sa  tranquillité?  »  {/ftid.,  lib.  ii, 
c.  5.)  Dans  un  autre  endroit,  il  attribue  aux 
miracles  du  Sauveur  et  des  prédicateurs  de 
sa  loi  cette  réunion  de  tant  de  nations  et  de 
peuples,  si  ditférenls  de  coutumes,  dans 
une  seule  foi  et  dans  un  même  esprit;  il 
pafie  des  choses  merveilleuses  qui  ont  été 
opérées  dans  l'Inde,  chez  les  Sûres,  chez 


los  Perses,  chez  les  Mèdes,  dans  TArMije 
dans  l'Egypte,  dans  TAsic,  dans  la  Svrk 
parmi  les  Calâtes,  les  ParlheSjlesPhry^ou 
dans  l'Achaïe,  la  Macédoine,  rE[.ire,  ili 
los  îles,  dans  toutes  les  provinces  qucp 
court  le  soleil  levant  et  le  soleil  coucha 
enfin  dans  Rome  la  dominatrice  «  dans 
Quelle  les  hommes  attachés  aux  instiiuiMif 
(le  Numa  et  aux  antiques  soperslitiâv 
n  ont  pas  laissé  cependant  d'abandonnari 
préjugés  paternels,  et  de  venir  se  réuaii 
la  vérité  chrétienne.  (/6td., c.li)  \\M 
qu'à  cette  époque  la  diirusion  unive 
du  christianisme  fût  une  vérité  bienr 
nue,  pour  que  les  défenseurs  de  cetie 
gion  on  fissent,  contre  leurs  advcrsâi 
base  d'une  de  leurs  preuves,  ne  s'occa 
sent  pas  même  à  la  prouver,  mais  ra 
nassent  d'après  ce  fait,  comme  d'ap 
principe  certain  et  avoué  de  tout  leioâi 

Tout  cette  chaîne  de  témoignagci 
l'accroissement  progressif  et  rajâde  dij 
religion  chrétienne  nous  conduit  aui  Ai 
nières  années  du  iii*  siècle  et  auioiofflÉ 
cernent  du  iv%  et  doit  préparer  à  «W 
religion  chrétienne  devenue  diDs  reiii|MI 
romain  celle  du  plus  grand  m\x^é 
attendant  que  nous  la  voyions  irès-v»»* 
temps  après  devenir  la  religion  domisH 
par  la  conversion  de  Constantin 

Nous  apprenons  do  Lactance  que  D* 
tien,  porté  par  son  propre  flllacheiDÇjl 
paganisme,  et  de  plus ,  excité  par  ia 
sa  mère  à  persécuter  les  Chrétiens, 
pendant  arrêté  pendant  longtemps,  et 
béra  pendant  tout  un  hiver  avant 
déterminer.  Ce  qui  le  retenait,  était 
sidération  de  la  grande  abondance  de 

3u'il  lui  faudrait  répandre,  ellacraiw 
anger  de  troubler  tout  l'univers.  (L| 
De  mort,  per^ec,  c.  11.) 

Mais  voici  des  faits  qui  établissent,) 
plus  clairement  encore,  qu'à  celle  (f 
notre  religion  l'emportait  de  beaucoï 
l'idolâtrie  [>ar  le  nombre  de  ses  par* 

Maxence,  fils  du  persécuteur  Mî 
aussi  cruel  que  son  père,  et  depuis  1 
cuteur  comme  lui,  ayant  usurpe  Ut 
fit  semblant,  dans  le  commencetnenl 
domination,  de  professer  la  reli5i<3j 
tienne,  et  cela  dans  la  vue  de  se 
au  peuple  romain  et  de  lui  plaireJ 
Ilist.    ecclés.^    lib.   viii,    c.  Il))' 
croyait  donc  que  le  parti  des  Cbréti< 
le  plus  nombreux  et  le  plus  fort,  p^ 
malgré  ses  préjugés,  il  croyait  ulilc 
ranger. 

Eusèbe  nous  a  conservé  deux  a^^w 
then tiques  de  l'empereur  Maximin 
établissent  incontestablement  la  n^^| 
rite.  Le  premier  est  un  édit.de  pcr 
qu'il  avait  lu  sur  une  colonne,  etdans 
Maximin  disait  que  les  maux  de  i' 
étaient  arrivés  à  cause  de  l'erreur  f 
cieusedes  Chrétiens,  laquelle  entrai" 
leurs  esprits,  avait  répandu  ses  M 
sur  l'univers  presque  entier.  (^''f'I 
l.  IX,  c.  6.)  Le  second  est  une  loH 
même  prince  aux  gouverneurs  de  i»n» 


;s 


PRO 


IHCnONNAlRE  APOLOGETIQDE. 


PRO 


74S 


ans  laquelle  il  dit  que  les  empereurs  Dîo- 
iêliea  el  Maximin  s'étaient  déterminés  à 
eriéculer  le  eliristianisme ,  parce  que 
r«sqae  lotis  les  hommes,  abandonnant  le 
dite  des  dieux,  allaient  se  mêler  et  s*unir 
la  geni  cbrétieuae.  (/7i>/.ecc/â.,l.ix,c.8.) 
I  est  impossible  de  produire  un  témoignage 
:ii5  positif  et  une  autorité  plus  trancîiante. 
Mais  nous  avons  encore  Tareu  de  nos 
Jrersaires  eux-mêmes.  La  plupart  des  in- 
rédales  assurent  goe  ce  oe  furent  ni  la 
ne  d^une  croix  miraculeuse,  ni  lexamea 
M  preuves  du  christianisme,  qui  détermi- 
èreat  Constantin  à  lembrasser.  Ce  fut, 
is^'nl-ils,  la  politique  de  ce  |)rince  qui  lui 
>Q«eilla  de  mettre  les  ciiréliens  dans  son 
irii.  N<JttS sommes  bien  éloignés  d'admettre 
I  vérité  de  cette  inculpation  à  la  mémoire 
'ua  empereur  aussi  religieux;  mais»  de 
^tie  assertion  de  ses  ennemis,  il  résulte 
ri «ieiameat  qu'ils  reconnaissent  la  vérité, 
•fus  nous  forcent  à  prouver  contre  eui, 
êToir,  qu'avant  Tavéncment  de  Constantin 
\^  ir&oe,  le  christianisme  était  déjà  la  reli- 
roaU  plus  nombreuse.  S'il  ne  Tavait  pas 
ké,  •  U  politique  de  Coustaiitin  eût  été  la 
\  :  us  maladroite  et  la  plus  fausse  du  monde* 
H  reste  démontré  par  cette  suite  d  auto- 
r\iès,iulde  chrétiens  que  de  païens,  les- 
«iiueis,  malgié  leur  inimitié,  s'accordent 
I iCMir lUesIcr  le  môme  fait,  que  le  christia- 
Aitsffif,  (bus  ses  commencements,  s'est  pro- 
-rr«$fireiDeot  et  rapidement  accru  dans  1  em- 
,  -ine  ANDain,  qui  formait  alors  la  plus  grande 
^srtif  da  nioade  connu.  (EtTsis.,  Orai.  de 
^^^Comsuuu.)  Tellement  qu'en  moins  de 
r^is  siècles  il  est  devenu  la  religion  la  plus 
^•|iiadiie,  et  qu'au  commencement  du 
['jairiéme  le  nombre  des  chrétiens  excédait 
c-i  ui  des  païens.  Nous  n'avons  |)a^  autant 
^  mcoanienis  des  pays  qui  ne  feisdient 
3^  partie  de  l'empire,  parce  que  nous  ne 
>Ufiais!NMis  pas  d'historiens  de  ces  nattons  ; 
~*is  nous  sommes  assurés  que  la  religion 
r  était  aussi  établie.  Nous  venons  de  rap- 
orttc  les  textes  de  saint  Justin,  de  saint 
'ément  d'Alexandrie,  d'Arnobe,  qui  le 
iseot  positiremenL  Êusèbe  et  Théodoret 
i*'{jortenl  de  mime  que  la  prédication 
»5lolique  s'étendit  bien  loin  au-delà  des 
mites  de  l'empire.  (Eusèb.  ,  Démonstr. 
ntuf.^  lib.  m,  c.  7.)  On  voit,  du  temps 
Origène,  se  tenir  en  Arabie  des  conciles 
ixquels  ce  grand  docteur  est  appelé.  On 
it  qu'il  y  a  eu  en  Perse  de  grandes  persé- 
laons.  (THion.,  Uisi.  eccUi.^  I.  v,  c.  38.) 

§1V. 

proptgalioo  du  dirisUaoisaie  ne  y  eut 
ee  Que  cooune  roavnge  de  Dâeii. 


Ile  èiaBsanle 


fixe  rcganlee  que 


Li  conversion  du  monde  avait  été  an- 
jiicée  par  les  prophètes  jUusieurs  siècles, 
rant  la  venue  de  Notre-Seigneur.  Les  Juifs 
\  étaient  persuadés  ;  ils  l'attendent  encore 
I  arrivée  de  leur  Messie  futur,  sur  la  foi 
Èsandeiis  oracles.  Nous  n'en  citerons  qu'un 
Kit  nombre;  on  peut  voir  les  autres  dans 
aet.  (DÙÊunutr.  étang.^  prop.  9,  c.  58.) 
Uieu  avait  prédit  à  Abraham  que  toutes 

Di(mo:iSÀUiE  apologétique   U. 


les  natîofis  de  la  terre  seraient  bénies  en  son 
nom  :  dans  la  prophétie  de  Jacob,  le  Mes- 
sie est  annoncé  comme  un  chef  qui  doit  rzs^ 
sembler  les  peuples  sous  ses  lois.  {Gen.  xxji, 
18;  xLix,  10  ) 

Dans  le  psaume  ii,  le  Seigneur  dît  au  Mes- 
sie :  Demandex^je  tous  donnerai  les  nations 
pour  héritage^  et  vous  mettrai  en  possession 
de  toutes  les  contrées  de  la  terre.  Ilans  le 

i)5aume  xxi,  v  28,  29  :  Toutes  lee  contrées  de 
a  terre  se  souviendront  du  Seigneur  et  se 
tourneront  vers  lui;  toutes  les  nations  vien^ 
dront  Fadorer^  parce  que  l'empire  defunivers 
lui  appartient;  ilrègnera  sur toueîes peuples^ 
Dans  les  derniers  temps^  dit  le  prophète 
Isaïe,  la  colline  sur  laquelle  est  phicée  la  mai- 
son  du  Seigneur^  s'élèvera uu^déssus  des  plus 
hautes  montagnes  ;  toutes  les  nations  y  vien- 
dront en  foule  t  et  diront  :  Venex^  aUons  à  la 
montagne  du  Seigneur ^  à  la  maison  du  ^Dieu 
de  Jacob;  il  nous  enseignera  ses  volontés  et 
nous  fera  marcher  dans  ses  voies  :  car  la  loi 
.  viendra  de  Sion^  el  la  parole  du  Seigneur  sor^ 
tira  de  Jérusalem  ;  il  jugera  les  peuples  et  en 
corrigera  un  grand  nombre.  [Isa.  ii,  2.  — 
Traité  de  la  vraie  religion^  f .  \  III.) 

Jésus-Christ  lui-même  avait  prédit  les 
progrès  de  sa  doctrine.  Dès  le  commence- 
ment de  son  ministère,  il  déclare  que  son 
£vangile  s'étendra  jusqu'aux  extrémités  de 
la  terre;  il  le  compare  à  un  |)eu  de  levain 
qui  se  mêle  avec  toute  la  pâte,  et  la  fait  en- 
trer en  fermentation  ;  au  grain  de  séneré, 
une  des  plus  petites  semences,  et  dont  la 
tige  s'élève  à  la  hauteur  d'un  arbre;  au  bon 
grain  que  le  père  de  famille  sème  dans  son 
ciiamp,  et  qui  produit  une  abondante  moiv 
son,  malgré  l'ivraie  que  l'ennemi  y  a  semée 
pendant  Ta  nuit.  Il  prédit  en  termes  formels 
que  les  Juifs  le  feront  mourir.  Rien  assuré- 
ment, dans  le  cours  ordinaire  des  choses , 
n'était  plus  propre  que  cette  mort  prématu- 
rée à  déconcerter  ses  mesures  et  à  iaire 
avorter  son  entreprise.  Mais  c'est  de  là  mô- 
me qu'il  en  fait  dépendre  tout  le  succès. 
«  L'heure  est  venue  que  Je  Fils  de  l'homme 
doit  être  glorifié.  En  vérité^  en  vérité^je  vous 
le  dis  :  Si  le  grain  de  froment^  en  tombant 
dans  la  terre^  ne  meurt  pas^  U  demeure  sté" 
rite;  mais  après  quUl  est  mori  il  parte  beau- 
coup de  fruit...  Le  monde  va  être  tugé,  U 
prince  du  monde  ta  être  chassé  dehors.  Et 
quand  on  ni'aura  élecé  de  la  terre^  f  attirerai 
tout  à  moi  :  ce  qu'il  disait^  ajoute  Tévangé- 
liste,  pour  marquer  de  quelle  mort  il  devait 
mourir.  » 

Pendant  tout  le  cours  de  sa  prédication, 
Jésus  avait  déclaré  qu'il  était  envoyé  vers 
les  Juifs,  et  non  vers  les  gentils;  et  cepen- 
dant il  prédit,  tantôt  sous  des  paraboles  dont 
le  sens  n'était  pas  équivoque,  tantôt  de  la 
manière  la  plus  expresse,  que  les  étrangers 
viendraient  de  l'orient  et  de  l'occident,  du 
septentrion  et  du  midi,  s'asseoir  avec  Abra 
ham,  Isaac,  Jacob  et  tous  les  prophètes  ;  tan- 
dis que  les  enfants,  c'est-à-dire  les  Juifs  se- 
raient exclus  du  roj^aume  qui  leur  avait  été 
préparé. 
L  univers  est  témoin  deraccomplisscmcat 

2k 


^n 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQrC 


FttO 


'W 


littéral  de  cette  prédiction  si  peu  Traisem- 
bfflble.  Mais  combien  d'aillenrs  elle  parait 
ificonséqucnte  dans  la  l)Ouche  de  Jésus- 
Cliristl  Si  les  Juils  ne  devaient  i^as  croire 
en  lui ,  eux  qui  voyaient  les  miracles,  qui 
attendaient  le  Messie  f  et  qui  savaient  que 
les  temps  marqués  pour  son  avènement 
étaient  eooolés»  quelle  apparence  qu*ii  trou- 
vât plus  de  foi  parmi  des  peuples  à  qui  le 
Messie  et  les  prophètes  étaient  également 
inconnus,  qui  n'auraient  ni  vu  ses  miracles, 
ni  entendu  ses  instructions,  et  qui  de  plus 
n'auraient  besoin,  |K)ur  justifier  leur  incré- 
dulité, que  de  l'exemple  de  sa  propre  ua« 
tîoni 

Avant  la  publication  de  I*Evan{jile> on  n vi- 
vait pas  encore  vu  de  religion  qui  se  f(U  éta- 
blie au  milieu  des  persécutions,  et  malgré 
tous  les  elforts  de  la  puissance  publique.  A 
ne  consulter  que  J'expéiience  du  passé  et 
les  -conjectures  les  plus  raisonnables  sur 
l'avenir,  le  fondateur  dn  christianisme  de- 
vait-il prévoir  que  sa  doctrine,  si  favorable 
aux  bonnes  mœurs  et  &  Tordre  public,  se- 
rait persécutée  à  outrance  dans  des  {lavs  où 
Ton  professait  impunément  Tépicur^isme 
et  le  sadducéisme?  Devait^il  compter  sur 
rattachement  et  sur  le  courage  de  ses  a|>ô- 
tres,  jusqu'à  se  persuader  qu'ils  lui  ftHraient 
tous  le  sacrifice  de  leur  vie?  £tail-il  naturel 
de  croire  que,  cet  enthousiasme  insensé  jias- 
sant  des  apôtres  à  leurs  auditeurs,  on  ver- 
rait les  Juiis  et  les  païens  courir  en  foule 
au  baptême  et  au  martyre?  Enfm.  puisque 
Jésus  prévoyait  la  guerre  cruelle  que  sa  re- 
ligion aurait  à  soutenir,  ne  devait-il  pas  au- 
toriser, inviter  même  ses  sectateurs  à  se 
mettre  en  défense  et  à  repousser  la  tovce 
par  la  force? 

Je  relis  ses  dernières  instructions  aux 
apôtres,  et  j'y  reconnais  autant  de  prophé- 
ties, toutes  justifiées  par  une  suite  d'événe- 
ments que  la  sagesse  humaine  ne  pouvait 
ni  [>réydir,  ni  sou|)çonner,  ni  juger  possi- 
bles. 

Voilàj  dit*-il  à  ces  hommes  pusillanimes 
qui  devaient  l'abandonner  lâchement  la 
veille  de  sa  mort,  voilà  que  je  vous  envoie 
comme  des  brebis  au  milieu  des  loups.  Défiez- 
vous  des  hommesy  ils  vous  livreront  dans  leurs 
assemblées:  ils  roiM  battront  de  verges  dans 
leurs  synagogues.  Vous  serez  traînés  à  cause 
de  moi  devant  les  gouverneurs  et  les  rois , 
pour  me  rendre  témoignage.  Le  frère  livrera 
son  frire^  le  pire  livrera  son  fils  à  la  mort  ; 
les  enfants  s'élèveront  contre  leurs  parents  et 
les  feront  mourir^  et  vous  serez  hais  de  tous  à 
cause  de  moi,  Lheure  approche  que  celui  qui 
vous  tuera  croira  honorer  Dieu,  Lorsquils 
vous  traîneront  dans  les  synagogues^  devant 
les  magistrats  et  les  puissances^  ne  vous  met- 
iex  pas  en  peine  de  ce  que  vous  direz  pour 
potre  défense;  car  à  l'heure  même  le  Saint- 
Esprit  vous  enseignera  ce  quil  faudra  dire. 
Vous  aurez  des  afflictions  dans  le  monde  ; 
maiSf  prenez  confiance^  j'ai  vaincu  le  mondei 
T enverrai  sur  vous  le  don  de  mon  PèrCj  qu. 
vous  a  été  promis^  et  vous  serez  revêtus  delà 
(orce  d^en  haut.  Vous  recevrez  la  vertu  du 


Saint-Esprit  qm  descendra  sur  tùus^  tttous 
me  rendrez  témoignage  dans  Jérutalem.^tm 
toute  la  Judée  et  la  Samarie^  et  jtiifuW 
extrémités  de  la  terre.  Allez  donc,  iii«(r«iin 
toutes  les  nations.  Voilà  que  je  suîè  ûm  tow 
j^isqu^à  la  consommation  des  siiclei, 

^  ous  le  voyez,  l'établissement  du  cbri5- 
tianisme  n'est  pas  l'ouvrage  da  hasard  etdf 
quelques  circonstances  heureuses.  Lts  op- 
positions qu'il  devait  rcnconlrerdelapirt 
des  puissances,  les  violentes  persécutions 
que  les  apôtres  allaient  es:»uyer,  leur  intré- 
pidité, leurpatienoe  héroïque  dans  lesloar- 
menis,  la  sagesse  de  leurs  discours  en  pré- 
sence des  ma^sCrats,  les  succès  rapides  de 
leur  prédication  dans  la  Judée  el  jo^ne 
dans  les  provinces  les  plus  reculées  de  rein- 
pire  romain,  Jésus  a  tout  prévu,  toolprédil 
tout  dirigé. 

Consiuéré  en  lui-même  et  sans  rapport 
aux  prédictions,  soit  de  rÂncien,soiNii 
Nouveau  Test)iment,  l'établissement  dttchri* 
stianîsme  est  un  phénenièoe  qu'on  ne  peut 
expliquer  sans  les  miracles  de  l'Erinijilei 
ou  sans  recourir  à  la  puissance  deeeluKioi 
dispose  de  l'esprit  et  du  cœur  de  rbOBiaif 
comme  il  veut  :  chercherons-nous  les  «fi- 
scs naturelles  de  cette  révolution,  eadm^ 
la  nature  même  de  ta  doctrine  ohrétieooeiOa 
dans  les  qualités  personnelhrs  de  ceut  (|tii 
renseignaient,  ou  dans  les  disposrteci 
les  préjugés  des  peuples  à  qui  elieéiaK»' 
noncée,  ou  dans  l'ignorance,  lacrMuiitcei 
les  besoins  des  premiers  chrétioiu»0o^tfA'' 
dans  l'influence  du  gouvernement 

V  La  doctrine  chrétienne  n  aTttlmip^ 
pût  lui  promettre  un  pareil  suceè5.\\t5i 
vrai  que»  par  la  sublimité  descsdOrTR^*'^ 

Kr  la  pureté  de  sa  morale,  le  Christian» 
mportait  infiniment  sur  tes  retigionsit»* 
minantes.  Hais  ces  dogmes  sublimes  tie- 
taient  nullement  à  la  portée  du  peuple;  n 
les  philoso(>hcs  ne  pouvaient  qu'être  reTO" 
tés  de  ces  mystères  qui  confondaienl  M 
leur  savoir,  et  ne  s'accordaient  arec  la  l»"^ 
cipes  d'aucune  secte.  Parce  qu'ils  bwcbi 
pas  idolâtres»  les  chrétiens ^'urent  longtewr 
regardés  comme  des  athées.  On  porU  i* 
hame  et  la  prévention  jusqu'à  les  accuser  iic 
commettre  dans  leurs  assemblées  Icscrmi^ 
les  plus  abominables.  . 

La  morale  évangélique  était  trop  serw? 
pour  un  siècle  où  régnait  la  corruplion  » 
plus  elTrénée.  Elle  ne  devait,  tout  au  plus 
être  goûtée  que  du  petit  nombre  dliOiBœ«» 
raisonnables  et  vertueux  qui  ne  (bot  sert? 
nulle  part.  Le  gouvernement  ne  vit  pis»** 
vantage  qu'il  pouvait  en  retirer  pouf  w 
mœurs  publiques.  Jamais  il  ne  se  donna'* 
peine  de  l'exauiiner.  Les  princes,  lesmab*»** 
trats,  les  philosophes,  ne  la  connurent  |<» 
mieux  que  le  vulgaire.  Marc-Aurèle  lo*- 
même,  stoïcien  inconséquent,  i»ersécuu«t 
christianisme;  et  dans  &es  Réflexion*  »*'*' 
les,  il  lui  fait  un  crime  de  lacoûstancc  qo« 
inspire  au  milieu  des  tourments.  Têus'«* 
préjujp'és  de  l'éducation,  de  l'habilude  cl  «« 
la  politique,  conspiraient  contre  la  dW^'' 
religion  ;  et  si,  aujourd'hui  que  ces  fr^i^:!^ 


•ïw 


PM 


ACTIONNAIRE  APOLOGEtKH^E. 


I*U0 


^^ 


«'existent  plus^  o«i  (Uulôt  quUls  existent  en 
^areur  du  cbristianisuie  »  nous  voyons  au 
cniUeu  de«fi«us  un  si  grand  nombre  d*mcré- 
>  Jules,  pourquoi  sup|)Oseriez-YOus  qoe  les 
««l>ùtres«*oiileii  besoin  que depropaser loin* 
JfM*inne  iiour  s  aliacher  une  luuUi^ude  in- 
«^«ifubrable  de  prosélytes  ? 

2*  Noublions  pas  une  autre  cotisidéraliou 

r;iea  importante,  parce  qu'elle  «prouve  que 

I  on  ne  doic  établir  aucune  parité  -entre  le 

christianisme  et  tesfausses  relij^ions.  Toutes 

es  religions,  excepté  celle  de  Moïse  qui  iak 

^rtie  du  christianisme,  sont  fondées  ou 

mrdes  miracles  clandestins,  ou  sur  de  vieil- 

i(  traditions  également  inaccessibles  à  la 

'-itique,  également  propres  à  nourrir  Ten- 

HLviasme  et  la  crédultté.  Hlais  le  christia- 

nie,  au  moment  de  son  origine,  n^était 

(3  riiistoire  de  ce  qui  venait  de  se  passer 

Judée,  sous  les  yeux  de  toute  la  nation, 

fan  voie  d'abord  que  Texamen  d'une  his* 

ai  pohitque  et  si  récente  donnait  moins 

(triscA  terreur  que  les  opinions  spécu- 

lives  ou  traditionnelles  des  fausses  reli* 


ut  Par  qui  la  religion  chrétienne  a-t-elle 
pi  énoncée?  Jésus  venait  d*cxpircr  sur 
'ftwcffùx,  et  il  semblait  que  sa  religion  dût 
lair  afec  lui.  Mais  il  avait  ordonné  à  douze 
^jtfi&ciplos  de  la  préclK^rdaus  la  Judée 
^  cillas  tout  Tunlveps.  Comment  osait-il 
uuer  sur  -leur  obéissance  posthume  ? 
/  eai|»irè  e$pérait-il  conserver  sur  des 
Is  découragés  et  désabusés  |>arsa  mort? 
îsv  vit-on  jamais  un  chef  départi  choi- 
plus  mai  ses  coopérateurs? 
jle  n'était  pas  trop  pour  une  pareille  en- 
Ikftrise,  que  la  réunion  de  toutes  les  qua^ 
la  qui  |>euvent  im()0ser  aux  hommes,  les 
luuir  oa  lea  sut^uguer^  La  con(|uôte  du 
mde, -la  création  aune  monarchie  univer- 
îl?  sur  les  esprits,  n'était  [tas  quelque 
Iftse  fie  $î  facile,  que  l'on  dût  en  ahandon- 
t  le  soin^  des  hommes  vulgaires.  Cepen- 
lat,  c*est  àdouze  misérables  pécheurs,  sans 
i^itees,  sans  courage,  sans  élévation,  que 
tt^s  coolie  Texéoution  de  ses  vastes  des- 
ps.  AJIez,  leur  ditril,  instruisez  toutes  les 
0115,  et  soumeltez-les  à  ma  loi.  Quoi!  les 
qui  root  crucirié  1  les  Grecs,  si  fiers  de 
philosophie  1  les  Romains,  qui  croient 
ir k  leurs  dieux  T-empire  du  monde! 
ces  peuples  dont  ils  ne  connaissent  ni 
s,  ni  les  mœurs,  ni  la  languel  quel 
:e  commandement!  quelle  mission! 
ministres  I  Cependant  les  apôtres  ont 
et  ils  ont  vu  la  doctrine  de  leur  maître 
ie  dans  toutes  les  .provinces  de  Tempire 

^- in* 

"1*  AUribues^vous  le  suc(«è8  des  apôtres 
*  X  dispositions  fovoraMes  qu'ils  trouvèrent 
>^5  les  esprits?  Direz-vous  que  les  Juifs  et 
N  (>aiens  étaient  préparés  à  recevoir  la  déc- 
rue chrétienne  î 
C«  serait  une  erreur  manifeste.  Pour  ce 


Sui  est  des  Juifs,  il  est  certain  <fne  jamais 
s  ne  se  montrèrent  plus  attachés  à  la  reli- 
gion de  Moïse,  qu*à  1  époque  de  la  prédica- 
tion des  apôtres.  Dn  en  trouvera  la  preuve 
dans  tous  les  livres  du  Nouveau  TestamcDC, 
et  dans  Thistoire  de  Josëphe.  Il  est  encore 
certain  queues luiîsregaraaient  le  christia- 
nisme comme  un  culte  incompatible  avec 
celui  de  Moïse.   Ce  fut  le  zèle  du  peuple 

fH}\K  la  loi  qui  fournil  aux  ennemis  de  Jésus 
e  prétexte  ae  sa  condamnation.  Les  apôtres 
eux-mêmes  «ne  furent  Jamais  accusés  d^au- 
tre  crime  que  de  blaspTiéraer  contre  le  tem- 
ple, et  do  vouloir  détruire  l'ancienne  reli- 
gion. Ijùs  préjugés  superstitieux  du  peuplri, 
la  politique  des  magistrats,  finléPStdos  prê- 
tres, l'honneur  de  la  nation,  tout  s'élevait 
contre  la  nouvelle  doctrine. 

Les  Juifs  devaient  haïr  le  christianisme^ 
les  [>âiens  devaient  le  mépriser.  Une  rcli- 

:;ion  née  dans  un  nays  d^icrié  parmi  toutes 
es  nations  éclairées,  comme  le  berceau 
d'une  superstition  triste,  absurde  et  odieuse 
au  genre  humain  (763);  une  religion  pros- 
crite dans  le  lieu  triême  de  son  origine,  dés- 
honorée par  le  siu)plice  de  son  auteur, 
annoncée  jiar  des  hommes  dépourvus  de 
tout  ce  qui  peut  inspirer  la  confiance; 
une  religion  austère  dans  ses  4iréceples,  in- 
compréhensible dans  ses  dogmes^  et  qui 
otTrait  à  ses  sectateurs  un  Ifieu  crucifié  pour 
objet  de  culte  et  pour  modèle-  le  clirislia- 
nismo,  en  un  mot,  était  peu  propre  à  s'atti- 
rer l'attention  des  Grecs  dt  des  Romains. 
Ces  peuples  dédaigneux  et  corrompus  n'é- 
taient ])as  disposés  à  quitter  des  supersti- 
tions anciennes  et  domestiques,  qui  flattaient 
rimagination,  les  sens,  les  passions,  la  Vi*i- 
nitc  nationale,  pour  un  culte  étranger  qui 
ne  respirait  que  la  pauvreté,  les  humiliations 
et  la  fuite  des  plaisirs. 

Mais,  disent  les  incrédules,  lorsqno  lo 
christianisme  s'annonça  dans  le  monde,  fi- 
dolâtrie  était  tombée  dans  leplus  grand  dis- 
crédit. Les  philosophes,  les  orateurs,  les 
poètes,  s'en  moquaient  ouvertement.  Il  nn 
liiut  donc  pas  s'étonner  que  ces  esprits 
faibles ,  qui  ne  peuvent  se  |>asser  d'une  re- 
ligioiv,  aient  accueilli  le  christianisme,  a 
qui  d'ailleurs  la  pureté  de  sa  morale ,  et  la 
régularité  exemplaire  de  ses  premiers  secta- 
teurs, donnaienl  tant  d'avantage  sur  le  culte 
idoUtre. 

Au  temps  de  Jésus-Christ  et  des  apôtres, 
ridolÂtrie  était  la  religion  de  Temiure  ro- 
main. Ses  fêtes,  ses  pontifes ,  ses  augures, 
toutes  les  observances  de  son  culte  faisaient 
partie  de  Tordre  public.  Les  anciennes  lois, 
qui  défendaient  sous  les  peines  les  plus  sé- 
vères l'introduction  des  cultes  étran^Acrs, 
étaient  en  pleine  vigueur;  Tibère  venait  de 
les  renouveler  contre  les  Juifs.  Quelle  que 
fût  l'opinion  des  philosophes  et  des  gens  de 
lettres,  le  peuple  n'était  point  désabusé.  S'il 
y  avait  des  esprits  qOi  aflfectassent  de  se 
mettre  au-dessus  des  préjugés  populaires  « 


<'t5|  «  Csten  instîiuta  liaistra,  fœda,  pravitate  vatuere  ..•  Judmnua  mos  atnurdos  sarJiJuiiqae.  t 


751 


pno 


DlCTIONNAmE  APOLOGETIQUE. 


PRO 


leur  iK*étea(lue  sagesse  ne  les  menait  guère 
qu*à  rathéisme  où  à  une  indifTérence  totale 
en  matière  de  religion.  Rien  n'annonçait 
que  Tidolâtrie  dût  tomber  d'elle-même.  Elle 
se  soutint  encore  quelque  temps  sous  les 
empereurs  chrétiens,  malgré  la  rigueur  de 
leurs  édits.  Les  progrès  de  la  phîiosonhie 
et  des  lumières  n'ont  eu  aucune  part  à  la 
chute  du  paganisme  :  an  contraire,  ce  sont 
les  philosophes,  c'est  un  Porphyre,  un  Jam- 
blique,  un  Lihanius,  un  Julien,  qui  s'en  dé- 
clarent les  défenseurs,  lorsqu'il  est  près  do 
succomber  aux  attaques  du  christianisme. 

Mais  quand  vous  supposeriez,  contre 
toute  raison,  que  dans  les  circonstances  où 
se  trouvaient  les  apôlres,  il  ne  devait  pas 
leur  paraître  itnpossible  de  renverser  Fido- 
latrie,  il  reste  à  expliquer  ce  qu'il  y  avait 
de  plus  diflTicile  dans  leur  entreprise,  l'éta  • 
blissementde  \euf  propre  religion.  Le  culte 
populaire  aboli,  il  devait  arriver  naturelle- 
ment que  les  gens  éclairés  et  vertueu;c  se 
tissent  une  religion  philosophique  et  raison- 
nable, tandis  que  la  foule  se  serait  précipi- 
tée dans  rimpiété  ou  dans  de  nouvelles  su- 
perstitions. L'abjuration  de  l'idolâtrie  ne 
conduisait  pas  nécessairement  à  la  profes- 
sion du  christianisme  :  elle  en  éloignait  bien 
plutôt  tous  ceux  qui  voulaient  secouer  le 
joug  de  la  religion  ;  et  j:Our  ceux  qui  étaient 
du  petit  nombre  des  bons  esprits  capables 
de  goûter  l'excellence  de  la  morale  chré- 
tienne, il  leur  était  facile  de  se  l'approprier, 
en  la  transportant  dans  leur  philosophie  ^ 
«  comme  ont  fait  Epictète  et  les  empereurs 
Marc-Âurèle  et  Julien. 

Le  christianisme  était  prêché  en  même 
temps  aux  Juifs  et  aux  gentils.  S'il  n'eût 
trouvé  de  sectateurs  que  parmi  les  Juifs,  on 
ne  manquerait  pas  de  rejeter  ce  succès  sur 
l'ignorance,  la  crédulité,  la  superstition,  si 
souvent  reprochées  à  cette  nation  par  les 
écrivains  profanes.  S'il  n*eût  été  embrassé 
que  par  des  Grecs  et  des  Humains,  on  pour- 
rait se  défler  d'une  opinion  qui  se  serait 
formée  loin  du  théâtre  des  événements.  Mais 
que  répondre  au  suflrage  réuni  des  comjia- 
triotes  et  des  étrangers? 

L'opinion  des  premiers  fidèles ,  dit  l'in- 
crédule, mérite  peu  de  considération.  Le 
christianisme ,  dans  son  origine,  n'a  trouvé 
de  sectateurs  que  dans  le  petit  peuple  pré- 
paré à  la  séduction,  non-seulement  par  son 
Ignorance  et  sa  crédulité,  mais  encore  par 
son  infortune  et  par  les  espérances,  les  con- 
solations, les  aumônes  que  lui  oUrait  une 
religion  bienfaisante,  amie  des  pauvres  et, 
des  malheureux. 

]1  est  vrai  que  les  apôtres  comptaient  un 
plus  grand  nombre  cle  prosélytes  dans  la 
classe  du  peuple  que  |)armi  tes  riches  et  les 
savants.  Saint  Paul  lui-même  en  fait  la  re- 
marque dans  plusieurs  de  ses  épîtres.  Mais, 
loin  de  former  un  préjugé  contre  le  chris- 
tianisme, la  facilité  et  l'empressement  avec 
lequel  ce  ffrand  nombre  de  pauvres  et  d'i- 
gnorants 1  ont  embrassé,  prouveront  plutôt 
que,  {)Our  y  croire,  il  ne  fallait  que  de  la 
simplicité  et  de  la  bonne  foi.  S*il  s'agissait 


:5i 


d'une  doctrine  fondée  sur  le  raisoDnemem 
on  sur  des  recherches  savantes  et  difficiles 
Popinion  du  peuple  ne  serait  d'aacan  poids' 
Mais  lorsqu'il  est  question  de  faits  éciattoti 
et  notoires  qui  ne  demandent  qae  desym 
et  des  oreilles,  l'homme  simple  et  ignorant 
peut  juger  aussi  bien  que  le  philosophe: 
et  s'il  se  montre  plus  disposé  h  croire, 
c'est  qu'il  ne  s*étuaie  pas  &  combattre,  par 
de  vaines  subtilités,  rimpression  Dsta- 
relie  que  fait  sur  son  esprit  le  rapportde 
ses  sens. 
Cependant  il  ne  faut  pas  s'imaginer  qoe 

l'Eglise  ch  rétienne,  dans  ces  premiers  leD)()s 
ne  lût  composée  que  d'ignorants  et  de  i»i« 
sérables  de  la  lie  du  peuple.  Le  conlraire 
est  prouvé  par  les  épîtres  mêmes  de  saiiH 
Paul,  où  nous  trouvons  des  préceptes d 
des  conseils  pour  toutes  les  condiliom, 
pour  les  maîtres  comme  pour  les  esclaves, 
pour  les  riches  comme  pour  les  paurrf5, 
pour  ceux  qui  s'adonnaient  à  l'étude  deia 
loi  ou  de  la  philosophie ,  aussi  bien  que 
pour  ceux  qui  vivaient  du  travail  de  leurs 
mains. 

Parmi  les  disciples  de  Jésus,  ï%h\tm 
évan^élique  nomme  un  Nico(ièffle,prt 
des  Juifs^  un  Joseph  d'Arimalliie,  nohlt^- 
curiouj  ou,  comme  porte  le  texte  urecn^ 
Ole  sénateur^  un  Zachée,  homme  rimtiél 
des  publicains ,  un  Jaïre,  prince  deksfW" 
goguej  et  plusieurs  autres  d'un  rangéliV 
gué.  Nous  lisons  dans  le  livre  igsÀctrs, 
que  dès  le  commencement  delaRédicidi^n 
des  apôtres,  un  grand  nombre oefti^^^ 
tnuUa  turba  sacerdotum^  et  mémeplm» 
phari5iens  obéissaient  à  la  foi.  Lecenim 
Corneille,  Teunuque  de  la  reine  Caodate, 
leproconsul  Paul,  Denis  l'Aréopagite,étaieui 
des  personnes  considérables.  A  Thessalouw 
que,  les  premiers  qui  embrassèrent  la  f<ji 
tenaient  un  rang  distingué  dans  la  ville, (A 
ils  ne  se  rendirent  qu'après  avoir  comparé 
l'enseignement  des  apôtres  avec  la  doctnoe 
des  Ecritures.  (Ac/.,  17.)  Parmi  lesEplié* 
siens  qui  crurent  à  la  prédication  de  saioi 
Paul,  il  y  avait  des  hommes  lettrés,  puisqua 
plusieurs  apportèrent  des  livres  impies  ou 
superstitieux,  et  en  brûlèrent  pour  imo 
somme  considérable. 

Le  consul  Flavius-Clément  et  Doini|il« 
son  épouse,  tous  deux  (mrents  de  DomilieOf 
périrent  dans  la  persécution  alluûiéeparM 
empereur.  Pline  atteste  qu'il  y  avait  en  Bi- 
thynie  des  chrétiens  de  tout  rang  et  de  toule 
condition,  omnts  ordinis.  Tertullien  aver- 
tit Scapula,  proconsul  d'Afrique,  que  pana 
les  chrétiens  qu'il  veut  immoler,  il  tnw- 
ver«  des  sénateurs,  des. femmes  de  la  pi;^^ 
haute  naissance,  les  parents  de  sbs  ami* 
Dans  un  de  ses  rescrits,  lempereur  U'^'* 
rien  reconnaît  que  des  sénateurs  et  u^* 
femmes  du  premier  rang  ont  embrasse  ■'• 
christianisme. 

J^es  monuments  qui  nous  restent  desdiu 
premiers  siècles  de  r£glise>  les  lettres  u^* 
saint  Clément  de  Rome,  de  saint  Ignace,  (l*; 
saint  Polycarpe;  les  écrits  d'Hermas,dc5^ii  - 
Justin,  d  Alhénagore,  sans  parler  de  Q«w^* 


■ 

I 


'^ 


MO 


DÎCTIONNAIRE  AP0L0G£1IQCE. 


PRO 


75li 


tas  d'Aristide,  de  Méiilon  et  d*ane  înQnité 
d^aoifes  dont  les  ooTrages  ont  péri,  font  as- 
iK'i  Toir  que  ie  ebrisUanisine  dans  son  ori- 
gioe  n'était  pas  réduit  à  une  multitude  igno- 
rtote  et  imbécile. 

Dans  le  treisième  siècle,  lorsque  la  preuve 
des  bits  étangéliques  conservait  encore 
loat  son  éclat,  et  que  les  monuments  ori- 
pMQi  étaient  entre  les  mains  de  tout  le 
Donde,  les  hommes  les  plus  savants,  les  plus 
bcaoi  génies,  un  Tertullicn,  un  Origène, 

00  Bammonins  d*Alexandrie,  Jules  Africain, 
siiol  Cjrprien,  Lactance,  Eusèbe  de  Césarée, 
rooâao'enl  luurs  veilles  à  Télude  et  à  la  dé- 
fense du  christianisme*  Depuis  sa  naissance 
pi5qii*à  nos  jours,  la  relii^on  de  TEvangile, 
Jéiaigeée  pai  le  bel  esprit,  le  demi-savoir 
el  ie  iib^iinage ,  a  constamment  obtenu 
Ibommage  de  tout  ce  qu*il  y  a  eu  de  plus 
célèbre  par  le  génie,  leslumiéres  el  les  ver- 
tas. 

>Comaiieot  rincrédule  -ose-t-il  compter, 
lemi  les  moyens  de  séduction,  les  espé- 
rances, les  consolations,  et  jusqu'aux  au- 
luôoes  que  le  christianisme  ourait  à  ses 

Les  esipésanccs  et  les  consolations  de  la 

La  diféUeone  n'étaient  pas  de  nature  à 

^tUrairkmiiltitude  ;  elles  ne  pouvaient  faire 

qaekpie  îapression  que  sur  des  âmes  ver- 

toeoseï;  «fement  déterminées  à  sacrifier 

Imos /es  intérêts  du  monde  et  des  passions, 

io  désir  du  salut  étemel.  Que  le  peuple  se 

itiise fireodré  à  lappÂt  de  la  licence  ei  de 

^'iiQpQjiité,  c'est  une  chose  naturelle  et  trop 

<rûiaaire  :  mais  que,  sans  motif,  sans  exa- 

Licfl,  malgré  tons  ses  préjugés,  il  embrasse 

Elle  doctnoe  qui  Toblige  à  la  vertu*  la  plus 

usière,  qui  ne  lui  présente  aucun  avantage 

i^^porel,  el  Teipose  à  de  nouvelles  peines 

ri  à  de  nouveaux  dangers,  c'est  un  genre  de 

knioction  <lont  il  n'y  avait  pas  encore  eu 

w'ciemple. 

Ces  aumônes,  si  souvent  recommandées 
iaos  les  Efitlrcs  de  saint  Paul,  étaient  un 
>2t*D  faible  dédommagement  pour  la  gêne  et 
es  périls  inséparables  alors  de  la  profes- 
sa du  christianisme.  11  s'en  fallait  de 
leaoooup  qu'elles  pussent  suffire  aux  be- 
oios  de  tous  les  convertis,  et  certainement 
^^ies  n'étaient  pas  destinées  à  nourrir  Toi- 
lîeté.  Car  saint  Paul  lait  une  loi  rigoureuse 
a  travail,  eo  disant  que  celui  qui  ne  tra- 
aille  pas,  ne  mérité  pas  de  manger.  Quelle 
justice,  quel  travers  d'esprit,  de  chercher 
Ji  argument  contre  le  christianisme  dans 
ne  institution  où  l'on  ne  devrait  qu'admirer 
^  désintéressement  et  la  charité  qu'il  ins- 
ire !  Quelle  inconséquence,  de  ranger  les 
imùnes  parmi  les  moyens  de  séduction, 
Aund  on  prétend  que  l'Ëglise  n'était  alors 
>»mposée  que  de  misérables  I  Etaient  -  ce 
^  Juifs  ou  les  païens  qui  en  faisaient  les 
r^nds  ?  et  si  c'étaient  les  chrétiens,  comme 

1  faut  bien  le  supposer,  par  quel  motif  ces^ 
'^mmes  opulents  avaient-ils  été  gagnés  à  la 
eiigion  ?  i 

5'  Kntin  attribuera- t-on  les  progrès  du 
-jistianisme  h   TinQuence  du  gouverne- 


ment, h  !a  prolecticn  des  empereurs?  Mais^ 
au  contraire,  le  christianisme  s*est  établi 
dans  toutes  les  parties  du  monde  connu, 
sans  aucun  secours  humain,  et  malgré  tous 
les  efforts  de  la  puissance  civile.  En  effet, 
depuis  sa  naissance  jusqu'au  temps  de  Cons- 
tantin, le  christianisme  n'a  presque  jamais 
cessé  d*être  en  butte  aux  plus  violentes  per- 
sécutions. A  Jérusalem ,  les  apêtres  sont 
emprisonnés,  battus  de  verces  on  misa 
mort.  Partout  où  ils  portent  leurs  pas,  les 
Juifs  les  poursuivent,  les  accusent  devant 
les  tribunaux,  ou  soulèvent  le  peuple  cootre 
eux.  Néron  rejette  sur  les  chrétiens  l'incen- 
die de  Rome,  et  les  fait  expirer  dans  des 
supplices  affreux.  Domitien,  Trajan,  Sévère, 
Décins,  Valérien,  Aurélien ,  Dioclétien  et 
ses  collègues,  publient  des  édits  sanguinai* 
res  contrôle  christianisme.  Les  gouverneurs 
des  provinces  ajoutent  h  la  cruauté  des  lois 
impériales.  Dans  toute  l'étendue  de  l'empire,, 
une  populace  su|)erstitieuse  et  féroce  de- 
mande à  grands  cris  le  sang  des  chrétiens. 
Leurs  tourments  font  partie  des  spectacles 
et  des  jeux. publics.  Thistoire  ecclésiastique 
compte  dix  persécutions  générales  ordon- 
nées par  des  édits  ;  mais  lors  même  que  les 
empereurs  semblaient  accorder  quelque 
répit  aux  chrétiens,  il  s'élevait  des  pprsécu- 
tiODS  locales,  autorisées  en  quelque  sorte- 
par  les  anciennes  lois  qui  défendaient  d'in- 
troduire de  nouvelles  religions. 

Que  dans  les  légendes  apocryphes  du 
moyen-âge,  on  ait  exagéré  le  nombre  des 
martyrs,  je  le  veux  bien  ;  mais  à  s'en  tenir 
aux  monuments  originaux»  aux  écrits  con- 
temporains d'un  Tertullien,  d'un  saint  Cy- 
prien,  d*un  Lactance,  d'un  Eusèbe  de  Césa^- 
rée,  aux  actes  authentiques  ({ui  sont  parve- 
nus jusqu*à  nous,  aux  témoignages  mêmes 
des  auteurs  profanes,  de  Tacile,  de  Pline, 
de  Dion,  du  jurisconsulte  Ulpien,  de  l'em- 
pereur Marc-Aurèle  :  on  ne  peut  calculer 
combien  de  milliers  de  victimes  ont  péri 
dans  cette  guerre  de  trois  cents  ans,  où  les 
chrétiens  ne  montrèrent  de  courage  que  pour 
aller  au  devant  de  la  mort  ou  i>our  la  re- 
cevoir. Tel  était  le  danger  qui  menaçait 
continuellement  les  sectateurs  de  la  nou- 
velle religion,  que  les  païens,  par  une  dé- 
rision barbare ,  les  appelaient  nommes  de 
roue,,  hommes  de  bûcher,  semaxiif  tarmen^ 
tkiL 

C  est  donc  un  fait  incontestable  que  la  foi 
s'est  étendue  et  affermie  au  milieu  des  per- 
sécutions, et  que  le  sang  des  martyrs, 
comme  dit  Tertullicn ,  est  devenu  une 
semence  féconde  :  Semen  eU  sanguis  chri- 
Miianorum. 

Concluons  donc  que  le  christianisme  n'a: 
dû  ses  premiers  succès  ni  à  la  nature  de  sa 
doctrine,  ni  aux  qualités  personnelles  de 
ceux  qui  l'enseignaient,  ni  aux  dispositions 
et  aux  préjugés  de  ceux  qui  l'ont  reçu,  ni 
enfin  à  rinfluenc3  du  souvernement.  Si  rai- 
sonnant dans  rhyrolhèse  do  la  fausseté  du 
christianisme,  je  cherche  à  m'exp.iquer  le 
phénomène  singulier  de  son  établissement 
ci  de  ses  progrès  avant  le  règne  de  ConstaïF 


78S 


PRa 


DfUTIOX.MIRE  APOt<H:CTiQOE. 


rm 


•.a 


tfn,  je  ne  découvre  aucune  proportion  entre 
les  moyens  et  la  fin,  entre  la  fiiiblesse  des 
causes  et  Ta  grandeur  de  reflet.  Tout  ce  qni 
^  se  passe^  dans  cette  hypothèse,  me  paraît  en 
*  contradiction  arec  Tes  princrpes  connus  de 
Fordre  moraf.  Je  ne  conçois  ni  Ta  conduite 
des  premiers  docteurs  de  tTvangrre,  nt  celle 
de  leurs  psosélytcs,  ni  celle  de  feurs  ad- 
rersaires».  Tous  agissent  constamment  con- 
Ire  la  pente  de  toutes  Tes  affections  humai- 
nes; et  la  conrcrsioB  du  monde  devient 
Îour  moi  une  sorte  de  prodige  pfusinccoy»- 
le  que  tous  les  pcod^es  derhistoire  évan^ 
gélique. 

Mais  dans  Fhypotfièse  de  la  vérité  du  chris- 
tianisme, tontes  les  difficultés  s'aplanissent,, 
loules  les  invraisemblances  disparaissent. 
Sans  parler  de  raclion  toute-puissante  de 
celui  qui  plie  à  son  gré  les  co^rs  et  les  es- 
prits,, et  dont  la  grâce  fécondait  la.  parole 
de  ses  envoyés,  le  christianisme  renfermaft 
m  Iui-m6me  les  causes  et  1»  rafisoii  suffi- 
««inte  de  ses  conquêtes  sur  le  judaïsme  et 
Fidojatrie.  La  conversion  du  monde  serait 
un  prodiçt:  iacxplîcable^  si  elfe  n'avait  eu 
youir  motifs  les  prodiges  consignés  dans  les 
annales  de  l'Eglise. 

«  Ici  se  (Mrésootent  tpois  choses  incroya- 
bles, dit  saint  Augustin.  Il  est  incroyable 
«lAJe  le  Chcist  soil  ressuscité.  Il  est  incroyar 
ble  que  Te  monde  art  pu  le  croire.  Il  est 
incroyable  que  ce  soit  un  petit  nombre 
«niommes  ignorants  et  de  la  lie  du  peuple, 
«|ni  aient  persuadé  ce  fuit»  mfime  aux  sa- 
vants. De  ces  trois  cluoscs  incroyables,,  ceux 
4ui  disputent  contre  nous  refusent  de  croire 
la.  première.  Ils  voient  la  seconde  de 
leucs  yeux,  et  ils  ne  peuvent  dire  comment 
elle  s'est  faite,  à  moins  d'admettre  la  troi- 
sième. 

«(.  La  résurrection  du  Christ  est  publiée, 
cpiie  dans  le  monde  entier.  Si  oflc  n'est  pas 
croyable,,  pourquoi  tout  Tunivers  la  croit- 
il  ?.  Si  un  grand  nombre  de  savants  et  d'hom- 
mes distingués  s*é(aient  donnés  pour  té- 
moins de  ce  prodige,  il  serait  moins  élon- 
Bant  que  le  monde  les  en  edt  crus,  et  je 
Ae  VOIS  pas  pourquoi  Ton  refuserait  au- 
jourd'hui de  tes  croire.  Mais  si,  comme  il 
est  vrai,  le  monde  a  cru  sur  le  témoignage 
d'un  petit  nombre  d'hommes  obscurs  et 
ignorants,  comment  se  trouve-i-il  encore 
des  entêtés  qui  ne  veulent  pas  croire  ce 
qu'a  cru  le  monde  entier?  Celui  qui,  pour 
«Toire»  demande  de  nouveaux  procliges,  est 
lui-même  un  prodige  monstrueux,  puis- 
ifu'il  résiste  seul  à  la  foi  de  Tunivers*..  Si 
1  on  ne  veut  pas  croire  que  les  apôtres  eux-, 
mêmes  aient  opéré  des  miracles  en  preuve 
de  la  résurrection  du  Christ,  ce  sera  pour 
iftous  un  assers  grand  miracle  que  toute  la 
terre  ait  cru  sans  miracle.  »  (Zà  civU.Dei^ 
lib.  3^\,  c.  0. 

§v. 

JDcmtèrcs  eonsiderqlioiis  sur  rctablisseincnt  du  clirislia-> 

uisiue. 

L*argumcnl  qui  résulte  de  l'établissement 
*U  christiAnismc  est  le  plus  fort ,   parce 


quMl  est  Te  plus  immédiat  4e  tous  lis  ar*v 
ments  :  O^t  celaî  que  Toh  appelle  aif  L 
fiifitfm.  Sa  force  eai  en  ratsoi  de  la  x^xk> 
tance  de  eeitti  auqiie)  oa  l'oppose.  Il  s  «u. 
puie  sur  l'incrédulité  elle-même  peur  la 
convaiiicre* 

Vow  ne  croyez  pas,  dites-voHs,  i  la  di. 
vhiité  de  Jésus-Christ,  et  vous  Mpouvr^ 
prendre  I»  doctrine  de  la  creii  au  ^u 
absohr.  U  y  a  des  choses  dam  eettedoc- 
trîpe  qui,  malgré  tons  les  raisoniemcDis 
tous  les  faits,  tons  les  principes  et  Ions  b 
résultais,  qu'o»  peut  rassenUer  pour  es- 
sayer de  voos  la  persuader,  vous  choquent, 
e^Tempêchent  d  entrer  dans  votre  esprit; 
on  a  beau  faire»  vous  aves  beau  faire  tous- 
méme,  dîtes-veus,  vons  ne  |)0HYe2  iroir  la  y 
foi...  la*  ioî  rédie,  )» fof  enhère,  Iifeiqui  \ 
adore,  qui  quitta  tout,  s'il  le  faut,  c(()ai  i 
menrt  pour  soir  ol)jel.ie  n'ai  pas  \  rocher-  < 
cher  la  cause  de  cette  incrédulité  omniétn.' 
el  invincible.  Bien  certainemest,  mi^sA 
pas  dans  )a  pure  raison  et  la  droite  toM 
et  vous  en  êtes  bien  moins  ianoc^^iu  fi 
voos  ne  vous  le  persuadez.  Htis  eolui, 
quelle  qu'en  soit  la  cause,  le  fait  eiiste;  «i 
cette  cause  vous  paraît  naturelle  etlégitint: 
vous  ne  pouvez  pas  croire,  et  il  tous  lia* 
drait  des  miracles  peur  vous  coaierlir. 

Soit  ;  mai^  convenez  cependant  (f^  ^ 
r^hristianisme  auquel  vou»  ne  poum  /v$ 
croire  est  bien  pfus  croyable  mi|wfl<'iiH> 

3ue  lorsqu'il  parut- peur  la  prea*f*'^ 
ans  le  monde.  Vous  êtes  nédas^^"' 
vous  l'avez  troirvé  toui  étebiif  çWttiAft 
ses  influences,  yous  avez  été  chreto  l'iiQ^ 
d'être  homme,  et  il  vous  a  Uluse»^^ 
tous  vos  préjugés  d'enfance  pour  cesserjle 
Tétre.  Assurément  votre  disposition  à  lift- 
crédulité  em  été  bien  plus  franche  cl bieu 
pfus  entière,  si  vous  n'aviez  pas  été  életé 
dans  ûts  idées  chrétiennes  :  qu'eftl-ce  doBo 
été,  si  vous  aviez  été  nourri  dans  un  \sAm 
tout  à  fait  opposé?  Ce  n'est  pas  tout  :  toiR 
incrédulité  d  homme  a  encore  Asunaonler 
d'autres  obstacles,  à  balancer  d'aulrescofl- 
sidérations;  car,  enfin,  si  le  chrisiiam^ra* 
ne  vous  parait  pas  littéralement  dirin,  a«  j 
moins  est-il  imposant  par  sa  durée,  v«f^ 
bienfaits,  par  ses  rapports,  par  scsgloiï^*^' , 
Il  existe,  et  il  existe  seul  ;  aucune  rtlip^» 
ne  lui  est  ouposée.  C^est  te  cuhe  de  la  pa- 
trie, c'est  le  cuhe  àts  ancêtres,  c'mi  \^ 
culte  du  monde  civilisé.  H  a  pourhiil»'"' 
ce  qu'il  y  eut  jamais  de  grand,  de  b^o- 
d'iïluslro  dans  le  monde,  el  nous  ne  pa- 
vons nomnrer  rien  de  ce  qui  a  leplw?'!"* 
noré  fesprit  linmain  sans  en  réveiller  Hiiff- 
Vous  êtes  incréduhe  malgré  tout  cela;  q^«*^ 
serait  donc  votre  incréduHté sans  cela H>«* 
seraîl-elle  dans  un  état  de  choses  ^\m^^ 
lement  inverse,  si  jamais  fe  mot  dcchnv 
tîanismc  n'avait  sonné  à  vos  oreilles,  el  >i' 
nourri,  éicvé,  formé  dans  des  idées,  «'^ 
coutumes,  et  des  mœurs  toutes  païeftDfN 
vous  entendiez  dire  pour  la  première  v^^"*^ 
qu'un  supplicié  veut  être  adoré,  Donp»*^'! 
côté,  mais  à  la  place  de  tous  les  dieui,  ^W^ 
le  culte  brillant  s'identifie  aviîc  tousJe>rM 


AT 


mo 


DICTIONS A1RK  APOLOCeTlQLC;. 


no 


liig^<,  toos  les  souvenirs,  tous  les  intérêts, 
fTHjtes  les  passions,  de  la  pairie,  de  la  m>- 
-iéîé  et  de  la  nature  ?  que  rinstniment  des 
riérutlons,  qui  se  dresse  sur  les  places 
;uMiques,  doit  désormais  être  préféré  à 
nul,  et  dereuir,  dans  les  idées  abjectes, 
lornUes  et  repoussantes,  qu'il  réreille, 
'unique  sujet  d  étude,  de  gloire  et  d*affec*- 
ioo,  qui  doiveTOus  occuper,  tous  absorber 
u.<quA  renier  tout  ce  qui  n'y  serait  pas 
>*nfV>raie9  et  a  mourir  au-  besoin  |H>ur  le 
roBfesser  ?  Pourrait-il  se  présenter  à  votre 
h(prit  et  i  votre  bouche  aaulrcs  qualirica^ 
lions  à  appliquer  k  cette  doctrine  que  celles 
fiif  lui  prodiguait  le  plus  grave,  le  plus 
rievé  de  Unis  les  e$|»rits.  Tacite  :  dabomi-* 
wdbU  imfamit^  dexécrahle  supersiition^  d* o- 
imutH  apiniàire  romjuraiion  contre  le  genre 
knmam ,  dîgme^  Sétfe'  éiouffée  par  loue  les 
fmppUrmT 

Vous  êtes  incrédules^  dites-vous  aujour- 
d'hui ,  et  il  vous  faudrait  des  miracles  pour 
^•»Qs  convertir,  et  votre  conversion  elle* 
nièiDe  serait  un    miracle  :  quels  miracles 
b'»4-U  donc  |ias  fallu  |iour  -convertir  le 
monde  païen  ?  et  quel  prodige  n*a  pas  été 
mit  coaversion  ? 
Car  votre  nature  n'est  {las  difforenle  de 
ttWt  4es  autres  hommes;  et  c*est  dans  le 
c)ènie  IbuA  d'idées,  de  jugements  et  d*in- 
«îDets  que  vous  puisez  votre  incrédulité* 
t>ileHO  aepent  même  faire  quelque  illusion 
^aVff  paraissant  s'inspirer  de  ce  sens  Aicmotii, 
Ht  et  iois  commun.  Ce  que  vous  éprouvez, 
«Y  ^e  vous  auriez  éprouvé,  si  la  Provi- 
d^ore  TOUS  avait  fait  naître  dans  le  paga- 
•isole,  tous  les  antres  hommes  de  ce  temps 
oot  dû  natnrellemept  l'éprouver.  Vous  êtes 
■0  petit  aM>9de  qui  pouvez  vous  donner  h 
i'»a5-mênse  l'idée  de  ce  qu*élail  et  devait 
erre  ie  BKMide  entier  k  Tégard  du  christia- 
nisme; et  si  ce  christianisme  est  pour  vous 
^njourdlioi  incroyable,  il  devait  Tétre,  et 
(  é(re  cent  fois  plus,  à  la  société  païenne. 

De  là  je  conclus  que  si  le  christianisme 
e<^t  incroyable,  il  est  incroyable  que  le 
■uuode  eotier  lait  cru  naturellement.  Il  Ta 
^ni,  donc  il  est  croyable,  ou  bien  il  a  été 
Todtt  croyable  par  des  caractères  visible- 
ment surnaturels  :  par  des  miracles. 

Vous  n'admettez  pas  les  miracles  :  ^  D*où 
^tentdonc,  vous  dirai-je  avec  saint  Augus- 
iio,  qu*en  des  siècles  si  polis,  le  monde  a 
iru  sans  miracles  des  choses  tout  i  fait  in- 
croyables? Direz-vous  qu'elles  onl  été  crues 
l'iarî-e  qu'elles  étaient  croyables?  i^ue  ne  les 
>rr>yez-voos  do^c  vous-même?...  Voici  à 
>{aoi  se  réd^iit  notre  i:aisonnenient  :  Ou  des 
•"lioses  incroyables  qui  se  voyaient  ont  per- 
suadé une  chose  incroyable  qui  ne  se  voyait 
[as;  ou  cette  chose  était  tellement  croyable 
qu'elle  n*avait  p^s  besoii^de  miracles  pour 
être  crue  ;  et  en  ce  cas,  comme  dans  Fautre, 
vit-on  iauiais  une  plus  grande  opiniâtreté 
que  celle  de  nos  adversaires  ÇJGk)  ?  » 
Cet  ar^piment  est  sans  réplique. 
'ce  qui  achève  de  fermer  le  cercle  de 


la  flémoii!^tration  qui  en  résulte,  ce  qui  ne 
laisse  aucune  issue,  je  ne  dis  pas  k  la  sub-. 
tililé,  mais  au  bon  sens,  c*est  la  manière 
dont  tout  le  monde  a  cru  cette  chose  in- 
croyable. 

Nous  favons  vu  :  rien  n*a  porté  le  monde 
h  croire  cette  chose  qu'un  petit  nombre 
d*hommes  grossiers  et  ignorants,  qui  n'a- 
vaient aucune  teinture  des  t>elles-lettres 
point  de  grammaire,  point  de  dialectique, 
point  de  rhétorique,  en  un  mot  de  pauvres 
pêcheurs.  Le  fait  est  là  ;  et  s'il  pouvait  être, 
le  moins  du  monde  ébranlé,  il  y  a  longtemps, 
que  l'incrédulité  se  serait  attaquée  à  loi, 
tant  il  est  accablant  jiour  elle.  Mais,  aussi 
certain  que  pertinent,  jamais  il  n'a  été  con- 
tredit; et,  dans  ses  eitrémités,  l'incrédulité 
a  été  assez  malavisée  pour  s'en  faire  une 
arme  de  ridicule  et  de  discrédit  contre  les 
chrétiens. 

Nous  acceptons  ce  ridicule  et  ce  discrédit, 
et  nous  nous  glorifions  d'un  Pierre,  d*un 
Jacques,  d*un  Jean,  plus  que  d'un  Augus- 
tin, d*un  Bossuct  e^  d'un  Pascal,  parce  que 
nous  nous  glorifions  de  î%  vertu  même  d^ 
Dieu,  beaucoup  plus  visible  dans  ceux-là 
que  dans  ceux-ci. 

Elle  y  éclate,  en  effet,  k  éblouir  les  yeux 
dans  rétablissement  du  christianisme  par  do 
tels  hommes;  et,  pour  nous  resserrer  dans 
le  simple  raisonnement,  nous  dirons  seulc-^ 
ment  ceci  : 

Une  chose  n>st  crue  par  la  généralité  des 
hommes  que  parce  qu'elle  est  vraio^ou  paiyre 
qu'elle  est  vraisemblable.  On  ne  peut  cen- 
tester  cette  profiosition,  car  elle  ne  pourrait 
l'être  que  iiar  celle-ci  :  Les  hommes  f>eu- 
vent  croire  vrai  ce  qu^ls  savent  en  même 
tempe  être  faux  :  ce  qui  est  une  pure  absur- 
dité. Il  faut  donc,  pour  être  crue,  qu'une 
chose  soii  croyable,  ou  iiaraisse  l'être,  ou 
soit  vraie  ou  soit  vraisemulable. 

Or,  Ifr  vraisemblance  d*une  chose  ne  peut 
venir  que  de  deux  sources  :  de  la  chose  en 
elle-même,  ou  des  moyens  qui  sont  employés 
pour  la.persuadcr.  Cela  est  évident 

La  chose  en  elle-même,  ici,  le  cbristi^i'^ 
nisiiie,  était  pour  le  monde  |Miîen  le  coiiib|e 
de  l'invraisemblance;  nous  qpus  le  sommes 
représenté  assez,  souvent  pouc  qu'il  soit  inu- 
tile d'y  revenir.  C'était  le  plus  partait  con- 
tre-pièd  de  la  raison  d'alors,  du  sens  fiaîen, 
populaire  comme  philosophique;  scandale 
aux  Juifs,  folie  aux  gentils,  une  vraie  extra* 
vagance,  stultitia  :  plus  on  y  réfléchira, 
plus  on  en  restera  convaincu. 

Les  moyens  employés  pour  la  persuader, 
si  vous  faites  abstraction  des  miracles,  sont 
è  l'avenant.  D'où  vient  cette  abominable  in- 
famie, celte  exécrable  superstitionf  devait* 
on  se  demander.  Par  quelle  autorité  se  re- 
commande-t-elle?  Quels  en  sont  les  prédi- 
cateurs et  les  garants?  Sont-ce  des  chefs  de 
partis,  ou  des  philosophes,  ou  de  Ijeaux  di- 
seurs ?  D'où  sortent-ils?  quelles  sont  leurs 
ressources?  et  qu'y  a-t-il  à  gaener  avec  eux? 
Us  sortent  de  U  Judée  et  du  limon  w  14 


\M^  La  clU  àe  DieUf  Ûv.  xxu,  c.  8. 


Tt» 


PW> 


Jlldée)  lis  ne  savefit  riei^  et  ils  se  tanlcnt 
4le  àe'  rien  saroir;  ce  sont  des  pécheurs  qui 
^mt  laissé  leurs  bateaui  pour  courir  le 
ineldde,  et  qui  ne  disent  autre  chose  sinon 
qu'un  nomfné  Christ,  supplicié  à  JérusAlem, 
est  ressuscité  ;  qu'il  faut  les  en  croire,  et  en 
conséduencoy  Juifs^  qu*il  faut  abandonner  le 
culte  ae  nos  pères  ;  prêtres  des  dieux^  au'il 
iiut  renrerser  leurs  autels;  phllosopnes, 
qu'il  faut  lious  ranger  parmi  les  ignorants  ; 
maîtres,  qu'il  faut  fraterniser  avec  nos  es- 
^'aves^^esclaves^  qu'il  fau^  rester  plus  que 
jamais  soumis  à  nos  maîtres;  tous,  qu'il 
laui  souffrir...  Je  le  demande^  l'invratsem- 
bfance  d'une  telle  prédication  eut-elle  ja- 
Inais  rien  do  comparable  que  Tinvraîsem- 
blancede  la  doctrine? 

Si  cette  doctrine  avait  été  prèchée  par  des 
Itommes  éclairés  et  illustres^  on  concevrait 
à  peine  qu'ils  eussent  pu  naturellement  la 

tie^suader;  et  si  des  gens  grossiers  comme 
es  apôtres  avaient  prêché  une  doctrine  dans 
le  ^àùi  du  jour,  sensuelle  et  commode,  il 
est  pareillement  à  croire  qu'ils  n'auraient 

Iias  produit  grand  effet.  Dans  le  premier  cas, 
a  doctrine  eât  tué  la  prédication;  dans  le 
Second  cas,  la  prédication  eût  tué  la  doc- 
trine. Que  devait  donc  produire  la  réunion 
de  la  doctrine  de  la  croix  avec  la  prédication 
ÉpoStc^lique? 

Sans  doute,  pour  nous  qui  avons  tu  mar* 
êher  à  la  suite  des  apOlres  les  Chrysostome, 
les  Bdssuet,  et  à  qui  dix-huit  siècles  de  ré- 
flexion ont  appris  à  saisir  le  rapport  admira- 
ble de  la  doctrine  chrétienue  avec  le  mode 
de  sa  prédication,  nous  n'en  sommes  pas 
oiTù^qués  ;  mais  avant  qu'elle  se  fût  établie, 
tout  enveloppée  gu  elle  était  de  ses  propres 
ttivstèrea  inexpliqués,  et  plus  encore  des 
tsalomnies  et  des  faux  jugements  qu'elle 
soulevait  dans  le  paganisme,  n'ayant,  pour 
sauver  le  scandale  et  la  folie  de  sa  croix, 
que  des  apôtres  qui  en  étaient  la  vivante 
image,  et  qui  auraient  com[)romis  la  plus 
traisemblable  et  la  plus  séduisante  des  doc- 
trines, il  est  impossible  d'imaginer  rien  de 
Elus  impropre  à  se  faire  jour.  L'invraisem- 
lance  de  la  doctrine  et  l^invraisemblance 
dé  la  prédication  se  confirmaient,  s'accrois- 
saient réciproquement  pour  produire  le  plus 
parfait  chef-d'œuvre  d'invraisemblance. 

Puis  donc  que  ce  n'est  pas  la  vraisem- 
blance qui  a  ouvert  les  voies  au  christia- 
nisme, et  qu'au  contraire  elle  les  lui  fer- 
mait, qui  a  pvL  le  faire  percer  et  pénétrer  si 
largement,  si  ce  n'est  la  vérité,  sa  propre 
tenté,  c'est-à^ire  sa  divinité,  plus  forte  que 
tout,  et  se  créant  elle-même  des  moyens  mi- 
raculeux pour  arriver  à  sa  un,  ou  créant  di- 
rectement cette  fin  sans  miracles,  par  un 
seul  plus  grand  miracle? 

Où  trouver  ailleurs  que  dans  l'essence  du 
christianisme  lui-même,  et  dans  une  action 
-extra-humaine»  le  secret  d'un  triomphe  aussi 
dépourvu  de  moyens  humains,  aussi  en  dé- 
pit de  tons  les  obstacles  humains,  et  d'un 
triomphe  aussi  complet,  aussi  rapide,  aussi 
durable  ? 

Avez-tous  remarqué  parfois,  dans  une 


MCTIONNAIRE  AP6L0GET1QCE.  rmi  :^ 

matinée  d>utomne,  le  soleil  se  levant  dans 


i&leroedoDl 
il  est  le  foyer  dissipe  ta  coacbe  nuageuse 
qui  l'enteloppe  :  il  parait,  mais  privé  de 
rayons  et  semblable  k  m  spectre  delà- 
mière.  Encore  celte  première  apparitioD 
ta-t-el)e  lui  être  disputée  et  devenir  poor 
lui  la  cause  de  nouveaux  combats,  de  noo- 
yeaux  triomphes.  Voici,  en  effet,  que  la 
même  chaleur  qui  Ta  dégagé  des  Tapean 
qui  Tentouraienf  va  frapper  au  loin  ta  terre 
humide  et  soulever  des  va^ieurs  nouTeiles, 
qui  montent  remplacer  les  premières  et  en- 
sevelir de  nouveau  l'astre  qui  se  les  est  «(• 
tirées.  Mais  sa  chaleur,  incessammentactm, 
dtssi{>e  encore  celles-ci,  et  eo  te  dissipaDi 
en  fait  naître  d'autres  oui  ne  laissent  p» 
de  trêve  à  cette  lutte,  ouïe  vainqveur lii' 
sorbe  les  obstacles  &  mesure  qu'il  les  m- 
lève,  et  les  soulève  à  mesure  qa*il  iesih- 
sorbe,  jusqu'à  ce  qu'ayant  achevé  dépurer 
la  terre  et  de  pomper  l'humidité  des ik 
l'astre  géant  déchire  une  dernière  fois  le  ri- 
deau qui  TOilait  les  cieui,  et,  dans  \m 
azur  profond  et  épuré,  se  fait  saluer  pirii 
nature  ranimée  comme  son  libérateorets» 
roi. 

C'est  ainsi  que  s^est  fait  rélaltlissenieot 
du  christianisme,  h  travers  trois  siècles  Je 

Eersécutions  soulevées  par  son  iflr<abfiii« 
lance  et  vaincues  par  sa  vérité. 
Cest  une  création.  Le  chrisliiaisoxs^té 
fait  dans  le  monde,  comme  levMfit^^' 
m^me,  de  rien  ;il  a  été  tiré  du  néaalAom 
la  structure,  rien  de  nlus  jjrand-.tttl^^ 
monde  moderne.  Voyez  le fonderrionl,  c  wlw 
néant  même  :  douze  hommes  df  n>n.  to- 
Christ,  voulant  prouver  qu'il  élail  ttc«» 
a  fait  ce  qui  caractérise  Dieu,  ce  à  quoi 
seul  nous  connaissons  Bleu;  de  marnera 
que  nous  fussions   obligés  de  croire  m 
Fils  au  même  titre  que  nous  croyoosw 
Père,   et  qu'il  n'y   eût  que  les  athées  q«ï 

fuissent  ne  pas  être  chrétiens.  11  a  reut( 
'œuvre  de  Dieu  en  nous.  El  pour  quenou* 
fussions  forcés  de  le  reconnaître,  iV  ««»»*' 
les  choses  qui  ne  sont  pas^  pour  aboUr  cm 
qui  sont:  il  a  écarté  avec  soin  de  son  u|«j 
ration  tous  les  éiémcnls  naturels  qui  anraiw 
pu  nous  la  cacher,  et  non-seulemenl  in^| 
écartés,  mais  il  a  permis  qu'ils  se  loorDasst» 
contré.  Il  a  agi  seul  avec  rien,  contre  » 
Et  ce  n'est  que  lorsqu'il  a  eu  bien  fait  wtj 
distinctement  son  action  créatrice,  lors^m» 
a  eu  achevé  de  convertir  le  monde  pw  i* 
seule  vertu  de  sa  croix  méprisée,  quii* 
permis  aux  puissances  humaines  Taincu» 
d  y  mettre  la  main  et  de  s'en  glorifier. 

On  peut  même  dire  qu'il  a  faiti'l^Hû^ 
de  créer;  car,  comme  l'observe  très-biï» 
un  vieil  auteur,  «  c'est  plus  de  refanmr 
que  de  créer  :  car,  en  la  création,  ncn  \ 
résiste  au  créateur,  et  rien  n'erapescliequîj 
ne  manie  et  façonne  sa  créature  comme  i» 
veut;  mais  en  la  restauration  et  rdr 
mation  on  a  è  combattre  et  à  forcer  (i 


M 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PRO 


^Gi 


eoalpe,  li  peine»  et  encore  la  Tolonté  cor- 
rompue (7€5).  » 

Si  Doas  ne  sommes  pas  frappés  de  foule 
1a  pandenr  de  ce  prodige^  cela  tient  h  ce 
qu  il  s*est  passé  dans  Tordre  moraU  et  qu'en 
général  noos  en  sommes  moins  affectés  que 
lie  Tordre  pbjsique.  Mais  un  peu  de  ré- 
fleiion  nous  dira  que  Tordre  moral  a  ses 
Uiii  aussi  constantes  et  aussi  nécessaires  que 
r  Iles  de  Tordre  plij'siquCt  et  que  lorsque  le 
}4)éoomène  se  produit  aussi  en  grand  que  la 
rrforme  do  genre  humain  |»ar  le  cbristia- 
rtsme,  son  auteur  a  aussi  liien  fait  preuve 
iedmnitéque  si,  comme  le  suppose  Rous- 
vao,  il  eût  tenu  ce  langage  :  i  Mortels*  je 
rvos  annonce  la  Tolonté  du  Très-Haut;  re- 
•'•noaissez  k  ma  roix  celui  qui  m'envoie. 
i'«nionne  au  soleil  de  changer  sa  course, 
-SI  étoiles  de  former  un  autre  arrangement* 
-ut  moniagnes  de  s'aplanir»  aux  flots  de 
«\-SeTer,  h  la  terre  de  prendre  un  autre  as- 

'•rt.  » 

La  révolution  opérée  par  la  seule  croix 
.*:  iésus^hrist  dans  le  monde  u*est  ims 
CiOiBsmerreilleuseyn'est  pas  moinsdivine; 
it^  comme  dit  le  poète,  tin  mystère  à  donr 
^rrétifrÛMWUj  à  briser  notre  corps  et  notre 
iat, 

iaTcAe^le  problème  a  été  posé  admira* 

l'ïfiBtst,  anec  Tindication  de  sa  solution, 

jar  Bv  ji|ge  bien  impartial,  et  alors  que 

t'  9les  cèoses  étaient  encore  entières. 

Jésas4!Xms^i  venait  de  mourir,  et  la  folie 

(>  /j  prédication  de  sa  croix  en  était  à  son 

jéïfQU  lorsque  les  apôtres,  repris  de  justice 

pouree  fait,  comparurent  devant  les  magis- 

î^at^de  Jérusalem.  Le  grand  prêtre  leur 

.(I  :  —  Se  TOUS  avions-nous  pas  expresse^ 

nn^i  défendu  Renseigner  en  ce  nom- là  ?  ce- 

^^tukmi  vous  avez  rempli  Jérusatem  de  voire 

i^'irime^  ei  vous  roulez  nous  charger  du  sang 

k  cet  komsme.  —  Lors  Pierre  et  les  apôtres, 

Codant,  dirent  :  Il  faut  plutôt  obéir  à 

^eu  quentjr  hommes.  Le  Dieu  de  nos  pères  a 

asusciié  Jésus^-ce  Jésus  que  vous  avez  mis  à 

frt  en  le  clouant  à  la  croix.  (Test  lui  que 

^eu  a  élevé  à  sa  droite  pour  être  Prince  et 

i  vrm r,  e£  donner  à  Israël  la  rémission  des 

ttkés,  XowLS  sommes  ses  témoins  dans  tout 

f  que  nous  tous  disons^  et  le  Saint-Esprit 

if  Dieu  fums  a  donné  Vest  avec  nous  —  Les 

tf^istrats  ayant  oui  ceci  crevaient  de  dépit, 

rJéli lieraient  de  les  faire  mourir. 

Lors  ^  continue  Thistoire,  un  pharisien 

fotmé  Gamalielf  docteur  de  la  loi^  homme 

imoré  de  tout  le  peuple^  se  levant  dans  le 

^nseil^  commanda  qu  on  pt  retirer  les  apô- 

et  un  tnoment.  Pms ,  s  adressant  à  ces  col' 

7ve«,  il  leur  dit  ceci  : 

Israélites!  prenez  garde  à  ce  que  vous  allez 

'reâ  regard  de  ces  gens-là.  Dernièrement ,  un 

rtain   Théodas  parut,  se  prétendant  être 

iT€.*#i  lârre  des  créatures^  de  Riymond  Sccoxd, 
ktait  an  Utio  pir  Michel  de  Montaigne,  p.  5:21^ 

fT««)  Aci,  V. 

\'C7)  Bâ.vuB,  Dicttonn,  eril.^  an.  Uakomet^  rem.  0. 
"imt  rétablisieaieni  du  chrisUanisnie,  cfr.  tous  les 
tt<zisfcs  Ci  lNirliuil(è:eaiCDt  ttndes  vkiles,  sur 


^  qudquechose.  Quatre  cents  hommes  environ  sê 
joignirent  à  lui;  mais  il  fut  tué  :  tous  ceux 
qifil  avait  séduits  se  débandèrent,  et  il  n'en 
resta  rien .  —  Après  lui,  un  second  prétendant 
surgit  f  Judas  de  Galilée;  à  t époque  du  dé- 
nombrement  du  peuple.  Use  fit  suivre  d'un 
gros  rassemblement:  mais  il  ne  tarda  pas  à 
périr  à  son  tour,  et  totts  ceux  qn'il  avait  ga^ 
gnés  furent  pareillement  dissipés. 

Et  maintenant  voici  ce  que  f  ai  à  vous  dire: 
Départez^ous  de  ces  gensnà,  et  laissez-les. 
Car  si  ce  dessein  vient  des  hommes ,  de  lui- 
même  il  se  détruira:  mais  s^il  est  de  Dieu, 
TOUS  si*v  pouvez  rien.  Prenez  garde  que 
Févénement  vous  ne  tous  trouviez  avoir  lutté 
contre  Dieu  lui-fnéme! 

Ils  se  rendirent  à  son  avis  (766). 

Si  cet  homme  judicieux  et  sage'  reparais- 
sait aujourdituiy  s*il  achevait  de  lire  This- 
toire incroyable  de  Télaldissement  do  chris- 
tianisme, dont  il  vit  le  début,  s'il  voyait  la 
croix  dominer  encore  nos  cités  du  haut  des 
grandes  basiliques,  et  sur  le  siège  de  Rome 
encore  assis,  après  dix-huit  cents  ans,  le 
successeur  de  ce  même  Pierre  qui  comjiarut 
devant  lui ,  que  pensez-vous  qu  il  di- 
rait? 

Il  dirait  ce  que  le  môme  lion  sens  qui  le 
lui  avait  fait  pressentir  a  fait  dire  à  Bayle, 
en  dépit  de  tous  les  sophismes  : 

«  L Evangile,  prêchée  par  des  gens  sans 
nom,  sans  étude,  sans  éloquence,  cruelle- 
ment persécutés  et  dcstiîués  de  tous  les  ap- 
puis humains,  ne  laissa  pas  de  s'établir  en 
peu  de  temps  par  toute  la  terre.  Cest  un  fait 
que  personne  ne  peut  nier,  et  qui  prouve 
que  c'est  Touvrage  de  Dieu  (767).  » 

PROPHÈTES  (facx),  Thumanilé  a-t-elle 
été  trompée  i)ar  eux  en  matière  de  religion? 
Voy.  SLR?(ATt*RALisiiE,  $  II.  — Prophètcs  as- 
similés à  des  malades  et  à  des  somnambules; 
réfutation  du  docteur  Leuret.  Yoy.  ualll- 

CI!«ATIO?(,  S  II. 

PROPHETIE  (768).  —  Au  mot  Slbxati- 
RALisuE  nous  ferons  voir  que  Tordre  surna- 
turel se  décompose  en  deux  actes:  Tun  cor- 
respondant à  notre  faculté  de  connaître, 
c'est  la  prophétie;  Tautre,  à  notre  faculté 
opérative,  c  est  le  sacrement.  (Voy.  ce  mot.) 
Ici  nous  n'avons  à  nous  occuper  que  de  la 
prophétie. 

La  prophétie  est  une  parole  de  Dieu  ma- 
nifestant à  Thomme  des  vérités  que  sà  rai- 
son ne  saurait  atteindre  par  elle-même,  et 
qui,  cependant,  sont  nécessaires  à  Taccom- 
plissement  de  sa  destinée. 

Ce  qui  domine  dans  cette  définition,  c'est 
la  parole;  la  parole  est  le  premier  élément 
prophétique.  Mais  qu'est-ce  que  la  parole? 

Un  homme  vient  au  monde.  Ses  jeux,  ses 
oreilles,  ses  lèvres,  tous  ses  sens  sont  fer- 
més, n  n'a  aucune  idée  du  néant  qui  le 

U  Christian,^  U  IV,  par  Anf^.  Nicolas:  —  De  Là  Lo- 
ZEBXE,  Dissert,  sur  la  rérié  de  la  reii^on;  —  Do- 
voisi!f,  Démomt.  étang. ^  etc.,  tîc. 

(708)  Ce  mol  ici,  comme  on  va  le  voir  |iar  ta  dé- 
liniUon,  ii*a  aoc«n  rapp  tI  avec  propkéiie  dans  ib 
scBS  de  prédiction,  (loy.  Tart.  suirant.X 


T65 


PRO 


DlCTtONNAlRE  APOLOGETIQUE; 


PRa 


m 


rc|QUe,  ni  de  Tôlre  où  il  arrive;  il  s'ignore 
Itv.-^iièiiitt  et  tout  le  l*cste  avec  lui.  I^issez-le 
tel  qae  la  nature  vient  de  l*ébauchert  lais- 
sez-le Ih  nu  et  muet,  plutôt  mort  que  vi- 
vant :  il  vivra  ][)eut-étrev  mais  il  vivra  sans 
Je  savoir,  hôte  informe  de  la  création,  Ame 
perdue  dans  l'impuissance  de  se  trouver 
elle-même.  Ses  yeux  s^ouvriront  sans  qu'on 
y  lise  une  pensée,  et  son  cœur  battra  sans 
qu'on  y  sente  une  vertu.  Heureusement 
qiikelquie  cliose  veille  sur  lui.  La  providence 
de  la  parole  le  couvre  de  ses  fécondes  ailes  ; 
la  paiTOle  se  penche  incessamment  vers  lui , 
lo  regarde,  le  touche,  le  retourne,  essaie  par 
ses  frémissements  d'éveiller  cette  flme  en- 
dormie. £t  enfin,  après  des  jours  qui  ont  été 
des  siècles,  tout  à  coup,  de  cet  abîme  sourd 
et  insepsiblo,  de  cet  enfant  qui  à  peine  a 
fait  croire  par  un  sourire  qu'il  entendait  Ta- 
|nour  qui  Ta  mis  au  monde,  la  parole  s*é- 
ehappe  et  répond.  L'homme  vit  cette  fois: 
il  pense,  il  aime,  il  nomme  ceux  qu'il  aime, 
il  leur  rend  en  une  .parole  tout  l'amour  qu'il 
en  a  reçu. 

Mais  ce  n'est  là  que  le  commencement  de 
l'homme.  Lui,  le  prédestiné  de  l'infuii,  no 
connaît  encore  que  le  sein  de  sa  mère,  son 
berceau,  sa  chambre,  quelques  images  pen- 
dues aux  murs,  tout  1  espace  que  l'œil  em- 
brasse d'une  feoétre  ;  une  heure  est  pour 
lui  rhi$(oire,.UQe  maison  l'univers,  une  ca* 
resse  la  fin  dernière  des  choses.  Il  faut  qu*il 
sorte  de  cet  étroit  horizon  et  se  prépare  à 
marquer  sa  place  dans  cette  société  hale- 
tante, où  tous,  ayant  les  mêmes  droits  dans 
les  mêmes  devoirs,  vont  lut  disputer  la 

{(!oire  de  vivre.  Tout  à  l'heure  il  descendra 
'escalier  paternel,  il  paraîtra  dans  la  place 
publique  ;  son  oreille  entendra  le  froissement 
douloureux  des  ambitions  qui  se  heurtent 
et  des  idées  qui  se  repoussent,  et,  conime 
une  feuille  tombée  dans  les  Ilots  d'une  mer 
émue,  il  s'étonnera  pour  la  première  fois  du 
lifix  que  coûte  la  vie  et  des  mystères  qu'elle 
contient.  Qui  les  lui  expliquera?  Qui  l'in- 
troduira bien  ou  mal  dans  la  science  de 
Hiomme,  cette  science  dont  les  éléments 
sont  le  passé,  le  prisent,  l'avenir,  la  terre 
et  le  ciel,  qui  touche  au  néant  par  un  de 
ses  pôles,  à  l'infini  parTautreTCe  sera  la 
{larole  encore;  non  plus  la  parole  de  son 
]'ère  et  de  sa  mère,  mais  une  [)arole  hasar- 
cieuse,  qui  étouffera  peut-être  en  lui  les 

Sermes  de  la  vérité,  qui,  peut-être,  les  y 
éveloppera,  selon  l'esiirit  des  maîtres  qui 
Uirigeront  le  sien,  car  il  aura  des  maîtres; 
il  ue  peut  se  soustraire  à  ce  second  règne 
4e  let  parole  sur  lui.  La  parole  l'a  mis  au 
monde  ;  la  parole  a  donné  l'éveil  et  le  pre- 
mier cours  à  sa  peftsée  ;  quoi  qu'il  veuille, 
quoi  qu'il  façse  pour *$oo  bonheur  ou  son 
malheur,  la  parole  achèvera  son  œuvre  ;  elle 
en  fer»  un  vase  de  foi  ou  d'iixcroj  ance,  une 
victime  de  l'orgueil  ou  de  la  charité,  un 
esclave  des  sens  ou  du  devoir;  et  si  la  li- 
berté lui  demeure  toujours  contre  le  mal, 
ce  sert  pourtant  à  la  condition  d'appeler  à 
son  aide  une  meilleure  parole  que  la  parole 
.  ilùi  1  aura  tromui. 


Voilîli  l'histoire  de  l'horomc;  éiwjlei cell». 
du  peuple.  Un  peuple  est  assoupi  dans  Im 
mœurs  de  la  barbarie  ;  il  ne  connaît  pas  roème 
le  premier  des  arts,  qui  est  d'assujcllir  la. 
terre  à  ses  besoins.  Comme  ranimai,  il  rit 
d'une  proie.  L'a-t-il  rencontrée,  il  dort  au- 

t»rès  du  feu  qui  le  chauffe  ou  de  l'arbre  qui 
e  couvre,  jusqu'à  ce  que  la  faim  lui  com- 
mande de  disputer  aux  forêts  et  au  hasard 
son  incertaine  subsistance.  Il  n'a  (toint  de 
patrie.  Le  sol  même  où  il  est  errant  a*a  reyu 
de  son  travail  aucune  coRsécralion,  de  sa 
puissance  aucune  limite,  et  eacoie  qu'il  ^ 
garde  les  os  de  ses  ancêtres,  it  y  luarche 
sans  passé  et  sans  avenir.  Vient-on  Ty  trou- 
bler, il  s'y  défendra  comme  une  bète  ÛD^e 
dans  sa  tanière,  mais  sans  pouvoir  faire  d» 
morceau  de  bois  qui  lui  servira  de  défense 
ni  une  épéc  ni  un  drapeau.  L'idce  lui  mu- 
que,  et  avec  elle  la  vertu,  le  progrès,  This* 
toire,  la  stabilité. 

Mais  voici  que  tout  change.  Ce  i^euple 
s'assied:  il  dresse  ^a  tente,  il  creuse dr> 
fossés,  il  pose  des  gardes,  il  a  quelque Gbose 
de  durable  et  de  saiot  è  garder.  Untenplc 
lui  offre,  sous  une  image  sensible,  le  Aei 
qui  a  fait  le  monde,  le  père  de  la  justittft 
1  habitant  des  Ames.  Il  l'adore  en  esprit, il 
le  prie  avec  foi.  Le  soleil  ne  passe  plus  Mir 
sa  tête  comme  un  feu  qui  s'éteinl  le  soir  il 
se  rallume  au  matin,  mais  tommkgmc 
mesure  des  Ages,  apportant  à  àmtjoifr 
son  devoir,  à  chaque  siècle  sa  imc.l^cD 
comnte  les  révolutions,  et  distritaesaiifo* 
pre  liistoire  dans  le  cycle  où  toutes  V-sm* 
tions  ont  renfermé  la  leur.  Ce  neuj^t'^^ 
enfin  ;  il  révèle  sa  présence  pariles  kooa^ 
qui  ont  un  nom,  par  di^s  ai:tes  qui  uni  oïl 
empire.  Mais  qui  l'a  tiré  de  sa  mortaQlé- 
rieure?  Qui  a  fait  d'une  peuplade  barli«re 
une  société  régulière  et  civili$ée?Qui?liiti 
la  même  puissance  qui  a  fait  rboiuuieM^ 
parole.  Orphée  est  descendu  des  luonlagnei 
de  la  Thrace  \  il  a  chanté,  et  la  Grfct  i^^i 
sortie  toute  vivante  des  accents  desa  iyfc 
Un  missionnaire  a  paru  dans  des  soiiiudci 
avec  un  crucifix  pour  harpe;  il  anoj|»n]^ 
Dieu,  et  des  sauvages  simples  jubt]»'^  *^ 
nudité  ont  couvert  de^  feuilles  leur  pudeur 
naissante.  Les  enfants  ont  souri  à  ri»«'< 
de  la  parole,  et  les  mères  ont  cru  auxièvie* 
qui  apportaient  à  leur  lils  la  béDWicii'û 
du  grand  esifHt.. 

Voulez'vous  d'autres  seèncs  prises  9^y 
sociétés  vieillies  î-  Ua  |)euple,  a|»rài  «»i|]f 
tenu  longtemps  avec  hoiuieur  le  sceplred^ 
sa  destinée,  a.  perdu  peu  è  peu  le  seib"*^^ 
grandes  choses;  il  n'a  plus  su  croire,  w d«î- 
libérer,  ni  se  dévouer;  on  Ta  lu  mwvuj'^ 
à  un  comptoir,  pesant  des  écus  danseoej 
balance  au  lieu  ivy  peser  le  sort  du  uio^J^' 
et  n'ayant  plus  d'entrailles  que  pour  le  w* 
monotone  et  sot  de  l'argcnl.  Avec  faUi^^^ 
ment  du  caractère  est  venue  la  serviiiHif». 
les  tyrans  se  sont  joués  de  ce  peuple  en  m 
imposant  des  lois  dignes  de  ses  mœurs.  ^' 
ont  trouvé  des  complices  jusque  daii> ''"'' 
traditions  de  la  liberté,  et  le  foruuu  w  u^ 
bune,  le  sénat,  ont  été  les  noms  dcjii  ii>'^ 


J 


SJ 


rno 


DICTlONNiURE  ArôLOGETiQt  E 


vm 


766 


JurerC  raYilisscment  des  Ames  et  Topr 
roWe  (le  leur  tyrannie.  Mais  pendant  que 
re'DMf  nt  la  corruption  et  la  peur  sur  cette 
l'urbe  dégénérée  ;  pendant  que  tout  se  tai- 
t\i,  excepté  te  mensonge,  la  caloumie,  la 
iMotij  la  bassesse  de  cœur  et  d*es()rit,  à 
i]  iDoment  qu*on  n^attendait  plus,  il  sVst 
iKun  réveil  et  un  retour;  Domitien  a  di&- 
ara^Nerva  a  succédé.  Qui  a  ainsi  suspendu 
•cours  des  ruines  ?  Qui  a  ramené,  ne  fût-ce 
o'tia  jour,  des  noms  et  des  souvenirs  lion- 
êtes?  Ne  le  demandez  pas  :  la  |:arule  s*est 
Ii55éc  dans  les  interstices  de  la  tyrannie; 
le  a  rencontré  çà  et  là,  comme  dans  un 
lanip  moissonné,  des  Ames  demeurées 
vts  de  leur  siècle;  et  semant  par  elles  le 
laii)  de  la  force  antique,  elle  a  ranimé  le 
Ml,  le  r>euple,  le  forum,  les  dieux  éteints, 
ûuijeslc  tombée,  et  tous  ensemble,  ressus- 
luiten  un  môme  jour,  ils  ont  donné  aux 
Mills  et  aux  morts  une  sainte  et  dernière 
firilion  de  la  patrie. 

iu  delà  du  peuple,  il  n'y  a  plus  que  lu 
«re  huniarn,  et  lui  peut-être  aussi  aura- 
l(l>rouvé  la  puissance  magique  de  la  pa- 
tk.Lui  |)eut-èlre  aussi,  plongé  dans  la  cor- 
^Aioa  et  la  servitude,  aura-l-il  une  fois, 
«Bk cours  de  sa  longue  histoire,  connu 
kIrasaUlement  divin  de  la  résurredion. 
i  Tucri  Taviez  oublié,  rappelez-vous  eo 

t'a»/ le  monde  à  Taurore  des  temps  que 
y  disons  les  nôtres.  Assistez  par  la  pen- 
#i  fune  des  fêtes  où  il  apportait  h  la  fois 
liiteux  et  ses  mœurs,  ses  idées  et  ses 
b.  Choisissez  le  cirque  ou  lampliitiiéa- 
t  les  jeux  ou  les  mystères,  telle  scène 
ique  qu'il  vous  plaira.  Regardez  :  tel  était 
Ëïnuili:.  Ce  monde-là  n*est  [dus.  Des  au- 
t chastes  convient  les  générations  au  re- 
Memont  laiiorieux  de  leurs  sens  ;  et  la 
ts,  signe  de  mortification  et  d'humilité, 
lieu  de  donner  Tesclavo  en  spectacle  à 
î  maîtres  cruels  et  dissolus,  marche  de- 
\i  les  princes  pour  leur  enseigner  la  dou- 
ir«  devant  les  peuples  pour  reur  donner 
euurage  d'une  vie  grave  et  pauvre.  Le 
g   versé   n'appelle   plus   d'applaudisse- 
iits,  si  ce  n'est  quand  on  le  donne  dans 
Srand  et  volontaire  sacrilke;  la  chair 
Sonurée  |iar  Timpudeur  de  Tâme  ne  s'ot- 
"lus  à  l'adoration  publique,  et  la  pureté 
tache  a  su  se  bâtir,  au  milieu  des 
les  villes,  des  retraites  qui  ne  sont  pas 
illustres,  tant  le  cœur  de  Thomme 
élevé  dans  rintelligcnce  de  la  vertu, 
ne  rencontre  plus  sur  le  fmnt  des 
ais  des  traces  de  mutilations;  Toreille 
plus  frappée  du  bruit  abject  des  sup- 
privés,  et  la  justice  publique  elie- 
e  u'aïqiaratt  que  rarement  aux  regards 
•ectés  ùes  citoyens.  Une  rue  est  un  asile 
>c  rencontrent  des  créatures  qui  ont 
itc^  en   elles- mêmes  le  signe  de  leurs 
i\u,  et   l'inégalité  visible  des  conditions 
*  vuiève  iK>int  aux  pauvres  leur  plate  et 
^rdiguite.  Que  dirai-je  de  plus?  le  cœur 


de  riionmie  est  ent'ore  faible  et  dévoté  de 
passions,  et  cependant  l'humanité  est  ti;an>-« 
ligurée;  elle  porte  au  plus  profond  de  se& 
entrailles  une  semence  de  bien  contre  la^» 
quelle  aucuu  crime  ne  peut  prévaloir,  et 
qui  condamne  an  mépris  de  tous  les  mê- 
mes choses  qui  avaient  usurpé  dans  Tancieu 
monde  les  hommages  de  tous.  Qui  a*  fait 
cela?  Encore  une  fois»  et  je  me  lasse  de  lu 
répéter,  c'est  la  parole.  Un  homme  est  venu» 
qui  s'est  dit  Dieu,  et  qui  a  dit  au  nom  do 
Dieu  :  Bienheureux  les  pauvret  I  Bienheureux 
les  doux!  Bienheureux  ceux  qui  pleurent  t 
Bienheureux  ceux  qui  ont  faim  et  $oif  de  ta 
Justice!  Bienheureux  les  purs  de  cœur!  Bien^ 
heureux  ceux  qui  souffrent  persécution  pour 
la  justice  (7G9).  Il  a  dit  cela,  et  la  parole  c|ui 
fait  l'homme,  qui  fonde  la  civilisation,  qui 
affranchit  les  peuples,  cette  méiue  parolo 
sur  les  lèvres  du  Christ  a  donné  une  nou- 
velle force  ou  plutôt  une  nouvelle  naisbanco 
à  l'humanité. 

Il  est  manifeste  |)ar  Hk  que  la  parole  est 
la  première  puissance  du  monde,  qu'elle 
est  la  C4use  de  toutes  les  révolutions  heu- 
reuses et  malheureuses  dont  ronchaluemcnt 
compose  rhistoire,  et  qu'ainsi  vous  ne  de- 
vez pas  vous  étonner  qu'elle  soit  un  élé« 
ment  de  l'ordre  surnaturel,  et  que  projihé- 
tiser  ce  seit  parler. 

J'ai  dit  de  plus,  que  la  prophétie  est  uno 
parole  de  Dieu.  £t  ici,  le  rationalisme,  qui 
a  consenti  jusipi'à  jirésent  à  mon  discours, 
ne  me  permet  pas  d  aller  plus  loin.  11  estime 

3ue  l'idée  de  Dieu  et  celle  de  la  parole  sont 
eux  idées  incompatibles  ;  que  Dieu  étant 
un  être  purement  spirituel  et  la  parole  un 
simple  mouvement  de  l'air  produit  par  les 
organes  physiques  de  la  voix,  on  ne  peut 
sans  dégrader  la  majesté  divine  lui  attribuer 
une  si  vile  opération. 

Faut-il  répondre  h  cela?  Faut-il  vous  faîro 
remarquer  qu'on  dégrade  la  notion  de  la 
parole  pour  (a  refuser  à  Dieu?  Quoi  !  vous 
Ggureriez-vous  que  de  l'air  agité,  en  quel- 
que manière  que  ce  fût,  eût  la  puissance 
d'obtenir  les  effets  prodigieux  que  jo  vous 
ai  décrits?  Sans  doute  h  cause  de  notre  état 
présent  où  TAine  est  unie  h  un  corps,  la  pa- 
role aussi  a  un  corps;  elle  entraine  une 
action  extérieure  qui  met  de  l'air  en  mou- 
vement. Mais  ce  n'est  là  que  le  fantôme  de 
la  parole.  Fermez  vos  lèvres,  recueillez- 
vous,  renfermez  votre  Ame  en  elle-même  ^ 
n'entendez- vous  pas  qu'elle  vous  parle? 
N'entendez-vous  pas  que  sans  l'ébranlé-^ 
ment  d'aucun  organe  physique,  elle  arti- 
cule intérieurement  des  mots  ,  prononce 
des  phrases,  enchaîne  un  discours?  M'cii- 
tende/-vons  pas  qu'elle  s'anime,  s'échauffe, 
qu'elle  devient  éloquente ,  qu'elle  vous 
persuade ,  et  que  cependant  tout  est 
immobile  au  centre  et  aux  extrémités  de 
votre  corps  ?  La  parole  extérieure  n'est 
que  Iq  pAlc  et  mourante  es  pression  de  la 


'^)  Muiih.  V,  3  wq. 


faf 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE.. 


PRO 


7CÎ 


parole  intérieure,  et  la  parole  intérieure, 
c'est  la  pensée  elle-même  sVn^endrant  au 
fond  de  Pâme  par  une  immatérielle  fécon- 
dité. S'il  en  était  autrement,  si  parler  n'é- 
tait flue  remuer  de  l'air,  concevriez- vous 
que  Pair  fût  le  véhicule  des  idées  et  des 
sentiments,  qu'il  allât  saisir  votre  intelli- 
gence dans  ses  impénétrables  réduits  et 
renlever  h  ses  propres  conceptions  ?  La  pa- 
role est  une  puissance  spirituelle,  unie  dans 
riîomme  à  un  organe  sensible  et  lui  don- 
nnnt  Timpulsion,  comme  Tftme,  dans  la  to- 
talité de  ses  forces,  donne  l'impulsion  à 
tout  le  corps.  Dieu,  qui  est  esprit,  peut  donc 
^Ire  parole;  il  peut  nous  parier  intérieure- 
ment sans  rémission  d'aucune  voix  enten- 
due des  sens,  et  nous  parler  extérieurement, 
s'il  lui  platt  de  donner  à  ses  communica- 
tions un  caractère  de  publicité  et  d'authen- 
ticité. Il  est  vrai  qu'en  soi-même  Dieu  n'est 
pas  uni  à  un  corps,  et  qu'ainsi  sa  parole 
n'a  pas  un  organe  qui  lui  soit  naturellement 
ri  personnellement  soumis;  mais  ta  nature 
tout  entière  est  à  son  é^ard  plus  obéissante 
que  notre  corps  à  nous-mêmes;  il  a  sur 
elle  le  droit  de  toute  la  puissance  créatrice, 
et  il  lui  est  aussi  simple  d'en  user,  qu'à  nous 
d'user  de  la  portion  de  matière  organisée 
qui  nous  est  assujettie. 

En  tant  que  puissance  spirituelle,  la  pa- 
role appartient  donc  h  Dieu,  mais  elle  lui 
appartient  plus  notoirement  encore  sous  un 
autre  point  de  vue.  En  effet,  si,  considérée 
dans  sa  racine  première,  la  parole  n'est  au- 
tre chose  que  la  pensée  faisantson  apparition 
au  dedans  et  en  face  de  l'âme;  si  elle  est 
l'entretien  de  Tâme  avec  elle-même,  elle 
est  aussi  la  faculté  de  l'âme  d'entrer  en 
rapport  avec  une  autre  âme,  de  l'initier  à 
ses  vues,  à  ses  t^oûts,  à  ses  volontés,  de  se 
verser  en  elle,  s'il  est  permis  de  parler  ainsi, 
et  de  recevoir  h  son  tour,  par  un  échange 
sympathique,  la  plénitude  de  l'âme  étran- 
l^ère.  La  parole  est  le  lien  des  es[)rits,  non 
pas  seulement  des  esprits  associés  à  un 
corps,  mais  des  esprits  purs,  et  qui  se  sont 
récinroquemont  visibles  dans  la  splendeur 
(le  leur  essence  ;  car,  cette  clarté  ou  ils  sont 
ne  les  livre  pas  à  la  merci  les  uns  des  autres. 
Ils  ont  leur  sanctuaire  fermé,  le  lieu  libre 
oà  ils  pensent  en  face  d'eux-mêmes,  et 
c'est  par  une  parole  volontaire,  parole 
abstraite  et  sublime,  qu'ils  s'épanchent 
cœur  à  cœur  pour  se  donner  dans  une 
plus  grande  et  plus  parf;fite  effusion.  La 
parole  est  h  la  fois  l'entretien  des  esprits 
avec  eux-mêmes  et  avec  les  autres  esprits; 
elle  est  une  faculté  du  dehors  ainsi  qu'une 
faculté  du  dedans  :  elle  est  le  moyen  d'ini- 
liation  et  de  communion  par  excellence. 
Or,  dites-moi,  refuserons-nous  à  Dieu  la 
puissance  d'initier  et  de  communier?  Refu- 
serons-nous à  celui  qui  a  établi  tous  les 
rapportsdes  êtres  entre  eux,  depuis  le  grain 
de  sable  jusqu'au  séraphin,  lui  refuserons- 
nous  le  pouvoir  d'entretenir  des   rapports 

(770)  I  Cor.,  XIV,  li). 

(771)  Sap.  1,  7. 


avec  les  intelligences,  de  leurcommuniquer 
ses  pensées  et  ses  volontés ,  de  leur  par- 
1er  enfin  ?  Rien  n'e$t  sam  voix  dm  k 
monde  (TiO),  dit  l'apôtre  saint  Paul;  rien 
n'est  jsans  voix,  parce  que  rien  n'est san)< 
communication,  et  Dieu  seul  serait  è  la  foii 
le  silence  et  l'isolement  1  Dieu  seul  se  lair«i|||i 
et  se  tiendrait  h  part  dans  un  eiil  mmmi 
comme  sa  nature  I  Non,  ma  raison  ne  le  com 
çoit  pas  plus  que  mon  cœar,etc'e$UYecM 
transportde  revidence  que  je  réjièteces  mi 
du  livre  de  la  Sagesse  :  L'esprit  duSti^ni^ 
a  rempli  toute  la  terre^  et  celui  qui  renftn 
toutes  choses  a  la  science  de  la  toix  (771 
Vous  entendez  :  Celui  qui  renferme  to 
choses.  En  effet,  Dieu  étant  Te  type  prioi 
dial  des  êtres,  ils  ne  possèdent  rieu  q 
Dieu  ne  le  possède  plus  parfaitemenu 
puisque  la  parole  est  en  nous,  il  est  née 
saire  Qu'elle  soit  en  Dieu  dune  manii 
ineffable  et  infinie.  C'est  aussi  ce  qa'i 
scigne  la  doctrine  catholique,  et  ee 
Tapôtre  saint  Jean  nous  dit  avec  une  si 
fonde  élévation  h  l'entrée  de  sonETtoj 
Au  commencement  était  Dieu,  et  leftfii 
en  Dieu,  et  le  Verbe  était  Dieu  (77i).hBi«- 
que  votre  parole  est  le  fruit  de  lott^tflli' 
1  expression  et  répanchementdeT(Anta^ 
il  y  â  aussi  en  Dieu  quelque  chose qoieAk 
fruit,  l'expression  et  l'épauchemcnt  de 
flmo,  qui  est  Dieu  de  Dieu,  lumière  de  Im 

Sour  me  servir  des  termes  do  cooci 
icée.  Et  de  même  que  toute  la  fon 
votre  parole  est  dans  votre  âme,  loa 
force  ae  la  parole  divine  est  aussi  dai 
source  d*où  elle  iaillit.  L'avez-vous  w 
que,  qu'il  y  a  des  paroles  mortes  ei 
paroles  vivantes,  des  paroles  qui  tomH 
terre  comme  une  fï^clie  sans  viçur 
d'autres  qui  tombent  dans  l'esprit 
une  flamme  qui  dévore?  Et  certes 
n'avez  pas  cru  que  leur  différence  ven 
l'air  plus  ou  moins  ébranlé  par  la  fore 
canique  dos  poumons.  Leur  différcuce 
de  Tâme,  qui  est  le  principe  de  la  [iai 
Une  parole  morte  est  celle  qui  sort  i 
âme  morte;  une  parole  vivante  estcell 
sort  d'une  âme  vivante.  Lorsqu'un  oral 
dans  une  matière  capable  d'éloquenc<*i 
prie  sans  vous  émouvoir;  lorsqu'il 
laisse  maîtres  de  vos  résolutions,  rt 
blés  à  l'erreur  ou  à  la  vérité,  croyez-k 
c'est  qu'une  Ame  ne  vous  a  point  pan 
il  est  impossible,  si  une  âme  vous  eût 
que  la  vôtre  lui  fût  demeurée  étrangei 
est  impossible  à  une  âme  de  suinr 
tressaillement  le  souffle  d'une  autre  dn 
Et  vous  voudriez  ôter  à  Dieu  ce  soûl 
l'âme  1  Lui  qui  est  l'âm«  éternelleniei 
infiniment  vivante;  lui  qui  est  loole 
tout  épancheraent,  toute  effusion,  vou;^ 
driez  lui  ôter  ce  qui  nous  reste  à  nous 
les  murailles  glacées  de  la  chair  ipy.; 
Dieu  a  horreur  de  celte  prison  où  1" 
cherche  à  l'enfermer,  et  qu'il  nops  dit 
quemment  dans  son  Evar^jçile  :  TAow" 

(77ij  Joan.  i,  t. 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PUO 


7:a 


pù$  seutemeni  de  pmn^  mais  de  toute  pa^ 

t  fMi  procède  de  la  bouche  de  Dieu  (T73]  1 

CueiTet,  tandis  ^\xe  la  parole  de  l'hoimne, 

me  la  pJus  éclairée  et  la  pins  éloquente, 

coatient  par  elle-même  .que  des  vérités 

uffisantes  à  la  vie  du  genre  humain,  la 

Tile  de  Dieu  nous  rerse  en  abondance  les 

sors  d*Qne  sagesse  à  laquelle  la  nôtre  ne 

.1  atteindre  qu'en  Tacccptant.  Elle  est  la 

aiére  médiatrice  par  où  Vintelligence  in- 

[0  élève  yers  soi  les  intelligences  créées, 

lear  cooiDQunique  des  notions  qui,  tout 

surclassant  leur  nature,  les   approche 

irLmt  de  leur  8n.  Cette  oi)ération  n  a  rien 

»  de   très-concevable  et  do  très-siraplo. 

iW  parole  est  nécessairement  en  équation 

!c  la  pensée  dont  elle  est  le  jet  et  Tex- 

«Moo;  autant  vaut  la  pensée  d'un  être, 

^l  vaat  sa  pétrole.  Or,  la  pensée  de  Dieu 

aussi  grande  que  lui-même,  c'est-à-dire 

^  mesure;  et  par  conséquent  sa  parole, 

i  qu'il  la  garde  au  dedans,  soit  qu'il  la 

Aiixse  au  dehors,  contient  nécessairement 

f  mérités  inaccessibles  à  notre  esprit  par 

je  d'évidence  et  de  démonstration.  Mais 

ji%Uent  et  l'indémontrable  ne  sont  pas 

ittdlijibles;  et  énoncés  par  Dieu,  afiir- 

ÉÊ  |ir  lui,  ils  deviennent  pour  l'intelli-* 

MDi(|ûles  reçoit  un  incomparable  foyer 

#ttrlU]de  et  de  lumière.  L*inlclligcnce  ne 

?}fÊsrin&nu  mais  elle  le  sait, 
p/iifténomène,  toute  proportion  gardée , 
ofitre  à  nous  dans  l'ordre  purement 
m.  Quelle  est,  en  effet,  I  action  de  là 
De  bumaine  sur  l'homme  à  Tétat  d'en- 


bnt  croit  à  son  père,  qui  lui  communi- 

ëans  un  langage  simple,  mais  aflirmatif, 

lérités  que  cette  frêle  intelligence  n'est 

falpable  encore  de  se  démontrer,  et  qui 

Bdaot  tirent  peu  h  peu  Thomme  de 

Oraoce  native  où  il  est  enseveli,  for- 

t  sa  pensée,  élèvent  son  cœur,  et  font 

tre  mû  par  la  connaissance  et  l'amour. 

rai  plus  loin  :  je  dirai  que  dans  toute 

'   qui  enseîene  il  y  a  un  mystère  d'au- 

et  d^initiation.  Je  dirai  que  vous,  mes 

porains,  è  quelque  degré  de  l'âge 

ae  vous  soyez  parvenus,  vous  n'êtes 

Ire  chose  que  les  initiés  de  la  parole 

-neuvième  siècle.  Vous  croyez  peut- 

vous  vous  êtes  faits  vous-mêmes; 

tous  trompez,  c'est  le  dix-neuvième 

qui  vous  a  faits.  Et  qu'csl-ce  tjue  le 

avième  siècle?  Une  &me  qui  s'exprime 

e  (larole,  laquelle  parole  s'est  irans- 

en  opinion  publique,  vit  dans  l'air 

vous  habitez,  s'insinue  jusqu'à  vos  os,  et 

I  gouverne  à  votre  insu,  à  moins  qu'une 

Me  plus  puissante  ne  vous  ait  alfrancliis 

II1J6-I&  en  vous  faisant  respirer  une  autre 

•dJIeurc  vérité.  Telle  force  d'esjjrit  que 

%  roos  croyiez,  telle  grandeur  de  earac- 

^  ou  de  génie  dont  la  nature  vous  ait 

%c»  au  fond,  nul  de  vous  n'est  par  lui- 


même  indépendant  de  son  siècle;  nul  de 
vous,  par  son  propre  timbre,  ne  rend  une 
parole  plus  élevée  que  la  parole  de  son 
temps.  Même  quand  vous  le  devancez,  vous 
n'en  êtes  que  les  échos  et  les  serviteurs. 
Tant  l'homme  a  besoin  d'être  instruit  par 
une  pensée  supérieure  h  la  sienne!  tant  il 
est  dans  sa  destinée  d'écouter,  de  recevoir 
et  d'obéir!  Or,  à  qui  doit-il  plus  qu'à  Dieu 
cette  obéissance?  La  parole  d*un  siècle  est 
sans  doute  une  autorité  digne  de  respect  : 
elle  est  le  résultat  d'un  grand  mouvement 
de  l'esprit  humain,  cause  par  une  lonçuo 
suite  d'événements  qui  ont  fait  pencner 
d'un  côté  la  balance  des  choses  et  des  idées; 
mais  ce  n'est  là  qu'une  station  dans  la  vicis* 
situde.  Le  vent  de  l'avenir  portera  bientôt 
sur  d'autres  ancres  la  mobilité  du  monde; 
et,  bien  qu'une  certaine  logique  subsiste 
dans  cette  inconsistance,  il  n'y  a  rien,  même 
dans  tous  les  siècles  pris  ensemble,  qui  ait  . 
un  caractère  à  mériter  notre  foi.  Nous  la 
leur  donnons  pourtant,  parce  que"  l'ordre 
naturel  lui-même,  guoioue  nous  pressant 
de  toutes  parts,  est  si  proiondément  compli-* 

3ué,  qu'il  nous  faut  un  maître  pour  nous 
ire  le  secret  d'un  seul  jour. 
Et  nous  ne  voulons  pas  que  Dieu  nous 
dise  le  secret  de  l'éternité!  Mais  c'est  en 
vain  que  nous  nous  y  opposons  :  il  y  a 
dans  le  monde  un  autre  enseignement  que 
celui  des  siècles,  une  autre  parole  que  la 

Kirole  de  l'homme.  Celle-ci  change  et  passe, 
algré  tant  de  lèvres  ingénieuses  qui  en 
ont  été  l'organe  éloquent;  malgré  IVcriture, 
qui  a  prête  son  airain  à  l'immortalité  des 
choses  bien  dites,  la  langue  humaine  n'a  pu 
fonder  le  temple  de  la  vérité.  Les  colonnes 
en  sont  par  terre,  remuées  d*Age  en  Age  par 
des  constructions  où  l'on  grave  la  prophétie 
de  leur  durée,  et  oui  tournent  en  ruines 
sous  la  main  des  édiûcateurs  qui  viennent 
après.  L'homme  détruit  l'homme,  et  le  temps 
moissonne  le  temps.  Un  seul  édifice  est 
debout  entre  les  décombres  où  gisent  pêle- 
mêle  les  œuvres  contradictoires  de  la  parole 
humaine.  Celui-là  porte  pour  inscription  : 
La  parole  de  Dieu.  C'est  cette  parole  qui, 
après  avoir  créé  le  monde  et  l^omme,  no 
ne  les  a  pas  abandonnés  à  la  merci  de  leurs 
propres  pensées,  trop  faibles  devant  un  tel 
ouvrage,  mais  les  a  initiés  au  mystère  do 
leur  principe  et  do  leur  fin.  C'est  cette  parole 
qui,  ayant  une  fois  dit  son  secret.  Qu'elle 
seule  connaissait,  n'a  plus  cessé  de  le  re- 
dire au  ciel  et  à  la  terre,  appelant  par  leurs 
noms  les  âges  et  les  races,  suscitant  des  . 
prophètes  contre  tous  les  oublis,  des  apôlroa 
contre  tous  les  mensonges,  circulant  dans 
l'esprit  du  genre  humain  comme  son  sang, 
souvent  altérée,  jamais  éteinte,  tirant  des 
éclairs  de  l'erreur  et  la  vie  de  la  mort.  C'est 
celte  parole  qui  est  le  christ-ianisme,  qui  est 
l'Eglise,  qui  est  l'unité  et  la  stabilité,  qui 
est  tout  ce  qui  demeure  au  milieu  de  tout 
ce  qui  s'en  va.  Otez-la  du  monde,  si  vous 
pouvez,  au'y  restera -t -il?  Le  temps    Qt 


TZ)  Maith\  IV,  4. 


m 


mo 


DtCTIONNAlUf: 


Vhomme  :  lo  temps,  qui  passif  cirhommn» 
*()iii  (loijtc«  iVcst  trop  peu  pour  une  âme. 

J'ai  analysé' la  prophétie  en  tant  que  la 
parole  est  son  premier  élément.  Mon  inten- 
tion est  ite  rechercher  si  eWe  n'ai  contient 
pas  U4I  aiiH*e,  et  quel  semftt  ce  second  éit'*** 
mont.  Afin  d'y  parvenir,  j'étudiefiai  imnié- 
dîntement  avec  vous  le  mécanisme  de  la 
parole,  comme  étant  la  racine  |>rophé(i(]ue 
<iii  nous  pourrons  découvrit  ce  que  nous  ne 
connaissons  pas  encore. 

L*otret  de  la  parole  est  TiHumination  de 
IVntendcment  et  la  drrection  de  la  volonté 
Comment  se  produit  ce  miraculeux  phéno- 
mène? Par  quel  proct^é  la  parole  illumine- 
t-«dle  l'esprit  et  meut-elle  le  vouloir?  II  faut 
d'abord  supposer  qu'elle  s'adresse  à  une  iu-» 
telligence,  c'est-à-dire  à  une  (acuité  capable 
de  connaître;  car  si  elle  s'adressait  h  mi 
*ô(re,quel  qu'il  f^t,  incapable  de  connais- 
sance, elle  n'y  déternÛRerait  tout  au  plus 
qu'une  sensation.  A  vnsi  l'animal -entend  ma^ 
«tériellement  la  parole,  quelgues-uiis  même 
la  reproduisent  avec  fidélité;  mais  elle  ne 
rause  en  eux  due  des  mouvements  instinc- 
tifs liés  à  l'ordre  sensible  dont  ils  font  par- 
tic.  Cette  première  condition  iiécessairc  h 
4'eflicacité  de  la  iiarole  étant  \Hisé(S  que  se 
.passc-t-il  entre  l'intelligonce  qui  perle  et 
rinlelligencc  qui  écoute?  Evidemment  la 
))remiëre  présente  à  la  seconde  un  objet  in- 
4olligibte,  c'est-à-dhre  une  vérité.  Car  toute 
▼érité,  si  profonde  qu'elle  soit,  est  intellii^i- 
♦>le  et  peut  s'énoncer  au  moyen  dç  la  parole, 
qui  est  le  moule  et  la  re|>résentatioh  du 
vrai.  Je  suppose,  par  exemple,  que  vous 
ignoriez  les  matliématiques ,  et  que  j'aie 
mission  de  Vous  les  apprendre,  voici  une 
vérité  de  cet  ordre  que  je  devrais  quelque 
jour  vous  présenter.  Si  l'on  construit  un 
rarré  sur  I  hypothénuse  d'un  triangle  rec- 
tangle, la  surface  de  ce  carré  sera  égale  à  la 
surface  des  carrés  que  l'on  construir-ait  sur 
ies  deux  autres  côtes  du  niAme  triangle. 

€*«est  là  une  proposition  de  géométrie  élé- 
«acntarre  qui  estîncontestable  et  démontrée. 
Cependant  ceux  d'entre  vous  qui  n'ont  pas 
étudié  ks  éléments  de  cette  science  œ 
m'ont  pas  m6iiie  entendu;  ils  ont  eu  la  sen- 
sation des  -mots  que  j'ai  prononcés,  et  pas 
rtovanta^e.  Pourquoi  cela?  EsIkîc  aue  cet'3 
|>roposition  ne  serait  pas  une  vérité?  Eilo 
•est  une  vérité.  Est-ce  que  celle  vérilé  ne 
«erait  pas  à  la  portée  de  Vintelligcnce 
fiumaine?  Elle  est  à  la  portée  de  rintelli- 
4;ence  iHinuiiiie,  et  n>éme  h  la  portée  d'un 
«impie  écolier  de  mathémaUques.  Pourquoi 
•donc  ne  {'entende  z*- vous  |>asî  Manilestc- 
*nent  parce  qu'il  ne  suffit  pas,  pour  que  la 
fiarole  ait  son  effet  c'illuminalion,  qu'elle 
jirésente  à  l'esprit  un  objet  intelligible.  Il 
ifâut,  de  plus,  que  les  termes  dont  l'enchaf- 
nement  logique  constitue  la  parole  aient 
leur  évidence  individuelle,  afin  que  l'esprit 
en  saisisse  le  sens,  c'est-à-dire  découvre 
sous  clwque  mot  l'idée  qui  s*y  trouve,  et 
par  suite  lidée  générale  que  renferme  le 
discours.  C'est  ce  qui  a  lieu  par  la  défini- 
tion. Au  moyen  do  U  définition,  la  parole 


en 


ArOLOGËTlQUE;.  PAO  -) 

illumine  la  parole  en  la  décomposam  ilan^ 
des  éléments  si  simples,  que  ihaque  mui 
devient  un  éclair,  ou,  si  vous  rainiez  mieux 

un  rayon  de  la  lumière  totale  qui  fera réri- 
dence  de  l'esçrit. 

Laissez  moi  vous  en  donner  la  preuve 
définissant  lÀ  propositiofi  ()ue  jal  chu 
pour  exemple. 

Un  triangle  est  une  figure  (lêterrainée  par 
trois  lignes  qui  se  renconlrent  cîe  niaoièit 
h  produire  trois  angles.  iLorsqu'un  des  angles 
est  droit,  c'est-à-dire  formé  par  deux  ligne? 
qui  tombent  perpendicafeinemcni  Tune  sur 
I  autre,  le  triangle  s'appelle  reclangle ,  daw 
ce  cas-là,  le  côte  du  triangle  opposé  à  l'angle 
droit  est  le  plus  g1*and  des  trois,  étant  niaW 
feste  qu'à  mesure  que  les  angles  sékp^^ 
sent>  le  côté  qui  leur  correspond  s'agranM 
en  proportion.  Ce  grand  côté  du  triangh 
rectangle  est  l'hypothénuse.  Si  on  lepreil 
|»our  base  d*un  carré,  et  que  l'on  en  con* 
stfuise  deux  autres  sur  les  petits  côiés  dx 
môme  triangle,  te  carré  de  rhy^tothénu» 
aura  une  surlace  égale  à  Iti  surface  desiim 
autres  carrés. 

Vous  entendez  maintenait  la  propi* 
lion.  Elle  li'est  plus  pour  vous  une  suxe 
de  mots,  mais  une  suite  d'idées  qui  fonirtit 
par  leur  liaison  une  idée  nouTelle.  U 
parole  s'est  éclairée  elle-nrètne  3.\  se 
définissant. 

Mms  est-ce  là  tout  ?  Le  mysière  rfe  H/h- 
tialioti  est-il  accou^pli,  la  lunaièrt  î'w^-p^'* 
faite  dans  votre  entendemeuff  lfoo,»o5 
doute;  vous  voyez  clairetne* « <!««  ^* 
parole  veut  vous  dire ,  mais  vooswwi 

tias  encore  si  ce  qu'elle  vousditesimu 
tien  ne  vous  assure   qu'en  eflel  \e  «ni 
de  l'hypothénuse  soit  égal  en  surface  m 
deux  autres  carrés    du  triangle  recUnglt» 
vous  n'en  avez  ni  l'évidence,  ni  lacerliloA 
C'est  à  la  parole  à  vous  les  donner,  eldi 
le  fera  parla  démonstration,  c'esl4-*ljjl 
et!  vous  montrant  que  celte  idée  houw 
pour    vous  est  cependant  cotileouo  (Wl 
d^'aulres  idées,  qui  forment  par  leur  iiinjjj 
cible  et  primordiale  clarté  îe  fends  «w 
de   votre  raison.  La   parole  prendra  t^ 
déc  obscure,  la  conduira  pas  à  («s  j# 
qu^au   foyer  intelligible  qui  est  le  rttttt 
e^    le  flambeau   de    votre  -ânae ,  I*  W 
senlera  là  au  principe   d'où  elle  i^sm 
et  vous  donnera  dans  le  sentiment  de  W 
unité  ce  trait  de  lumière  qui  est  révideofll 
ce  repos  de  l'esprit  qui  est  la  cerlilude;  * 
bien,  si  la  démonstration  n'est  pas  po5>îW| 
soit  parce  que  la  vérilé  proposée  esld* 
ordre  qui  n'a  pas  son  principe  itan*  '* 
tendement  humain,  soit  parce  quelle 
partientaux  profondeurs,  d'une  science 
vous  n'avez  pas  le  temps  ou  la  volofllé  d 
quérir,  alors  la.  parole},  vous  iniwnl 
une  voie  plus  courte,   vous  |irésentera 
caractères  d^anlorité    qui    revèlenl  ii 
d'une  suffisante  et  légitime  sanction. 

Telle  est  la  stratégie  naturelle  de  la[«f« 
El  cependant  malgré  cette  triple  pui$«tt= 
do  la  proposition ,  de  la  définilioneti^r) 
démonstratioui  la  parole  n'est  pas  as^^^^ 


iiJ 


PRO 


DICTIONNAIIIK  APOLOGETIQUE. 


pno 


774 


,|usu<vèSt?ou$  pouvez  lui  résister;  vous 
iinuvez  lui  refuser  votre  assenttuient,  braver 
S.1  lumière,  et*  retranchés  dans  le  fort  de 
ros  convictions  prf3|)reSt  ne  pas  même  sen» 
iir,  au  remords  lointain  de  votre  cons- 
nencet  que  la  vérité  vous  a  parlé.  Vous 
Hes faibles  et  libres;  Ja  faiblesse  el  la  li- 
«f(é  vous  protègent  toutes  deux  contre 
ascendant  de  la  parole.  I^  faiblesse  vous 
fr^lie  Téclat  du  vrai  qu  elle  contient,  la 
inerte  vous  permet  de  n*cn  {KIS  subir  le 
m^.  Il  faut  donc  plus  que  vous  proposer 
lirai,  plus  que  vous  le  définir»  plus  que 
ms  le  démontrer  :  il  faut  vous  le  per- 
iiilor.  Persuader,  voilà  Téternel  honneur 
lia  parole  humaine  et  divine,  voilà  la 
boire  dont  Montaigne  devait  dire,  et  non 

{lie  Marathon  ou  de  Platée,  quelle  est  la  plus 
]tque  le  soleil  ait  rue  de  ses  yeux  ,  puis- 
Mie  est  la  victoire  de  la  pensée  sur 
}ileus  plus  grandes  puissances  du  monde, 
:bililesse  et  la  libcrié. 
inxs  comment  et  par  quoi  persuader  7 
ftutcz-cn  rexemplç. 

lo   17.38,    TAngleterre   était  gouvernée 

Vun  ministre  qui  voulait  la  paix,  et  qui 

cvoulaità  tout  prix.  Or,  en  ce  temps  là 

un  matelot  anglais  fut  pris  sur  mer, 

et  mutilé  par  des  Espagnols,  événe- 

<{iii  produisit  dans  toute  TAngleterre 

çniiJ  mouvement  d*indignation  publi- 

'  «V$iinmoins    le  ministère    entendait 

er  la  paix  et  le  parlement  britan- 

V  était  décidé  comme  lui.  Le  matelot 

idans  les   rues  de  Londres,  y  montra 

races  sanglantes  des  injures   qu'il  avait 

5,  et  remua  si  bien  par  ce  spectacle 

kueil  populaire,  que  le   parlement   ne 

révilcf  de  le  voir  et  d'écouter  sa  plainlc. 

utta  donc  à  la  chambre  des  communes i 

|irès  avoir  raconté  avec  une    brièveté 

oa  et  simple  TaUentat  dont  il  avait  été 

kiiitie,  il  termina  par  ces  mots  :  «  Quand 

£>{kagnols  m*eurcnt  ainsi  mutilé,  ils 

lurent  me  faire  peur  de  la   mort,  mais 

replat    la  mort  comme  j'avais    accepté 

Ira^e,   en    recommandant    mon  âme  à 

i>   et  ma  vengeance  à  ma  patrie.  »  La 

rre  fut  déclarée.  Cet  homme  sans  lettres 

•)t  eu  besoin  que  d*un  auart  d'heure 

r  changer  les  conseils    de  son  pays, 

'  '  le  ministère  à  tirer  Tépée,  le  parle- 

à  roter  les  subsides,  la  nation  à  applau- 

el  le  sang  humain  à  ^tasaev  par-dessus 

rt^e.  Il  avait  persuade.  | 

i>U5  les  jours  vous  assistez  àcestriom-^ 

,de  îa  parole  ;  ou  du  moins ,  s'ils  sont 

rares  que  je^  ne  dis,  tous  y  assistez 

luefuis^  ne  fût-ce  qu'en  souvenir,  eii 

t  re|iortant  aux  scènes  fameuses  de   Vé- 

Èetuc.  Vous  entendez  Démosthènesobte- 

t  la    condamnation   d'£schine,   Cicéron 

int  tomber  des  mains  de  César  Tarrèt 

Li|çarius,  et  vous  vous  demandez    en 

i  coni^tsie  cet  art  souverain  sans  lequel 

tivun  ei  la  justice  ne  sont  pas  sûres  de 

f  m,    par  qui  Terreur  et  la  passion  l'em- 

•.  f  t  iropsouvcnLOui,  la  parole  éloquente 

.MIC  dominatrice  qui  se  fait  obéir  ;  mais 


qu*est-ce  que  Téloquenco?  que  peut-elle 
mettre  dans  la  parole  déplus  que  la  lumière 
et  la  vérité?  y  a-t-il  quelquechose  an  mondo 
déplus  persuasif  que  la  lumière,  de  plus 
fort  que  la  vérité?  Oui,  ce  qui  est  plus  fort 
que  la  vérité  est  le  principe  d'où  elle  émane; 
ce  qui  est  plus  persuasif  que  la  lumière^ 
c'est  le  foyer  d*où  elle  jaillit;  ce  qui  est 
plus  grand  que  la  parole^  c'est  l'âme  où  elle 
vit  et  d'où  elle  sort,  L'éloquence  est  l'âme 
même;  l'éloquence  est  l'âme  rompant  toutes 
les  digues  de  la  chair,  quittant  le  sein  qui  la 
porte  et  sejettant  à  corps  perdu  dans  l'âme 
d'autrui,  Après  cela  ,  étonnez  vous  qu'elle 
commande»  qu'elle  règne  ;  je  le  crois  bien> 
c'est  une  âme  mise  à  la  {.lace  de  la  vôtre* 
.N'est-il  pas  simple  que  cette  âme  qui  est 
cliez  vous,  en  vousi  qui  est  vous-même  plu» 
que  vous-mèmo)  vous  dise:  val  et  vous  allez; 
viens!  et  vous  venez;  ploie  le  genou!  et 
vous    ployez  le  genou. 

Bref,  le  mystère  de  la  parole  à  l'état  d'é- 
loquence, c'est  la  substitution  de  l'âme  qui 
parle  à  l'âme  qui  écoule;  ou,  pour  parler 
avec  une  justesse  qui  ne  laisse  rien  à  re» 
prendre  :  c'est  la  fusion  dé  fâme  qui  parle 
avec  l'âme  qui  écoute.  L'éloquence  n'a  qu'un 
rival,  et  encore  ce  rival  ne  1  est -il  que  parce 
qu'il  est  éloquent  :  c'est  l'amour.  L'amoufi 
comme  l'éloquence,  fond  les  cœurs,  et  leur 
pouvoT,  si  dissemblable  en  apparence,  a  la 
même  cause  et  le  même  eiïet. 

Or,  pas  plus  à  Dieu  qu'à  l'homme,  il  ne 
suflit  de  proposer,  de  définir  et  de  démon"* 
trer  le  vrai.  Car  Dieu  rencontre  à  sa  parole 
les  mêmes  obstacles  que .  l'homme  à  la 
sienne,  et  de  plus  grands  encore.  Au  lieu 
que  la  parole  humaine  n'est  que  Torganc 
de  pensées  accessibles  aux  intelligences  fi« 
nies  et  qui  ont  leur  racine  avec  leur  preuve 
dans  rorbi(«»  naturel  de  la  raison,  la  parole 
divine,  essentiellement  révélatrice,  apporte 
avec  elle  des  vérités*  dont  l'univers  est  à 
peine  rombre«  dont  la  raison  n'est  qu*uu 
reflet,  et  auxquelles  nulle  mesure  n'est  ap- 
plirable  que  l'infini.  Si  donc  l'homme  est 
faible  devant  les  choses  qu'il  voit  et  qu'il 
louche,  si  sa  propre  histoire  lui  est  un  la* 
byiinthe  et  son  propre  esprit  un  abîme,  que 
sera-t-il  devant  I  infini  dévoilé  par  une 
simple  aflirmation?  S'il  est  libre  contre 
l'homme;  combien  le  sera-l-il  plus  contre 
Dieu,  être  pla*  é  si  loin  de  lui,  et  d'autant 
moins  violent  dans  ses  opérations  qu'il  est 
le  maître  absolu  de  tout?  Sans  ]doute,  pour 
donner  créance  à  sa  parole^  Dieu  l'appuiera 
de  signes  éclatants;  mais  ces  signes  eux* 
mêmes  seront  sujets  à  discussion,  et  encore 
que  l'esprit,  Jmuet  en  leur  présence,  ne  srtt 
qu'opposer  à  la  splendeur  de  leur  témoin 

Kiage,  il  trouvera  toujours  au  dedans  de 
i-même,  soit  par  l'obscurité  de  la  chose 
révélée,  soit  par  le  seul  effort  de  la  liberté, 
un  principe  de  résistance  et  d'illusion.  Les 
Juifs  ont  vu  trois  ans  Jésus-Christ  agir  au 
milieu  d'eux  en  souverain  arbitre  de  la 
nature  ;  ils  lui  ont  amené  trois  ans  toutes 
les  infirmités  du  ûorps  pour  qu'elles  fus* 
sent  guério«  r,nr  un  siouiue  de  sa  bouche  ou 


77»: 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE 


PRO 


nô 


par  le  conloct  de  ses  vêtements;  ils  ont  as- 
sisté aux  miracles  de  sa  mort  après  avoir 
été  spectateurs  des  miracles  de  sa  vie  :  et 
:Copendant,  malgré  tant  de  signes  dont  ils 
'étaient  les  témoins,  malgré  les  prophéties 
antérieures  dont  ils  étaient  dépositaires  et 
dont  ils  attendaient  raccompiissementt  un 
voile  est  demeuré  sur  leurs  yeux.  Ils  n'ont 
pu  croire  à  Thumilité  de  Dieu  ;  la  foudre 
les  eût  convertis  peut-être,  la  bonté  en  a 
fait  des  aveugles  et  des  ingrats.  Dieu  s*est 
trouvé  trop  petit  pour  eux,  et  les  majestés 
terribles  du  Sinaï  leur  ont  caché  la  miséri- 
corde qui  les  visitait.  Il  en  est  ainsi  de  cette 
foule  a  âmes  (\\n  languissent  ou  s'irritent 
dans  l'incrédulité.  Les  miracles  de  soixante 
siècles  passent  devant  eux  comme  un  ha- 
sard sans  cause,  ils  confessent  que  cela  est 
grand  et  étonnant,  mais  sans  abaisser  leur 
cœur  au  pied  du  mystère  que  couvrent  ces 
magnilicences  perdues  pour  eux.  Selon 
l'expression  de  lEjriture,  ils  voient  et  ne 
voient  pas  ,  ils  entendent  et  n'entendent 
pas  (774j.  Le  Livre  de  vie  est  sous  leurs 
mains,  avec  Tinimitable  sceau  de  la  toute- 
puissance  divine;  ils  le  regardent,  le  tou- 
chent, y  pensent  un  instant,  et  passent 
outre. 

Il  ne  suffit  donc  pas  h  la  parole  de  Dieu, 
pour  s'établir  dans  les  âmes,  de  s'autoriser 
de  miracles  certains,. il  lui  faut  vaincre  en- 
core la  résistance  de  l'homme  à  la  vérité 
divine;  il  lui  faut  ébranler,  toucher,  per- 
suader enfin.  Il  faut  q^ie  l'esprit  de  Dieu, 
seul  capable  de  contenir  l'intini,  descende 
l^ar  une  influence  immédiate  dans  le  vase 
étroit  de  notre  cœur,  réchauffe,  l'inspire,  le 
transtigure,  y  produise,  mieux  que  J*éIo- 
(juence  humaine,  l'assimilation  de  Tâme 
inférieure  h  l'âme  supérieure.  C'est  Ih  que 
gît  tout  entier  le  commerce  de  Dieu  avec 
l'homme  et  de  l'homme  avec  Dieu.  Si  l'âme 
éternelle  ne  s'anproche  point  réellement  de 
l'âme  créée,  même  ici-bas,  la  religion  n'est 
qu*ua  rêve  sur  leauel  nous  devons  pleurer. 
11  faut  écrire  à  la  porte  de  ses  temples, 
comme  à  la  porte  de  l'enfer  :  Voias^  qui  en- 
treXf  laissez  respérance.  C'est  ros[irit  de  Dieu 
qui  donne  la  vie  à  la  parole  divine,  comme 
c'est  Tesprit  de  l'homme  qui  donne  la  vie  à 
la  parole  humaine.  La  parole  séparée  de  son 
esprit  n'est  plus  qu'un  mort  dans  un  tonj- 
beau.  Or,  Dieu  étant  toujours  vivant,  sa 
parole  aussi  l'est  toujours.  Une  fois  envoyée 
ii^  i>oxi  sein,  quelque  part  qu'elle  aille,  et 
en  quelqae  forme  qu'elle  subsiste,  elle  est 
jQSsistée  de  son  père  qui  vit  en  elle  et  elle 
par  lui.  Tandis  que  la  parole  humaine  s'en 
va  giourir  au  premier  sillon  que  creuse  le 
lemps,  et  ne  rend  plus  à  l'oreille  des  géné- 
i^dtions  qu*un  écho  dédaigné  de  ceux  gui 
croient  lentendre  encore,  la  parole  divine* 
sème  son  immortalité  dans  les  racines  du 
monde.  Elle  est  féconde  après  mille  ans 
comme  au  jour  où  elle  fut  dite  ;  elle  inspire 

(774)  Luc.  \ui,  10. 

(775)  P«.L,  45. 
(770)  Sap.  IX,  17. 
t77Jj  IsQ.  il,  2. 


:^ 


la  même  foi,  suscite  les  mêmes  œuvres,  se 
reconnaît  aux  mêmes  signes  cl  les  ctbie 
tous  par  celui  de  sa  vie. 
^  Cette  vie  a  un  nom  célèbre  dansThisloiN 
des  rapports  de  l'homme  avec  Dieu;  die 
s'a|)pelle  la  grâce,  c'est-à-dire  ledoniraoït. 
rite,  le  don  par  excellence.  Etquel  iloD,efi 
effet,  plus  grand  que  l'esprit  de  Dieu  lui*' 
môme  mis  en  contact  intime  avec  lesprit' 
de  l'homme  I  Voilà  la  merveille  comroeQcét; 
avec  le  monde,  et  dont  les  prophètes  auooo- 
çaient  d'heure  en  heure  la  consointualioi^ 
par  le  Christ.  David  disait  :  Seigneur^nt 
rejetez  pas  de  votre  face,  et  nenUvtz  pas 
moi  votre  Esprit-Saint  (775).  Salomon 
sait  :  Seigneur,  qui  saura  votre  pensét 
vous  ne  donnez  la  sagesse,  etsivoutntnw 
du  ciel  votre  Esprit-Saint  (llH),  isaîedis 
V Esprit  du  Seigneur  se  reposera  tur 
l'Esprit  de  sagesse  et  d'intelligeiuf^  l'Eti 
de  conseil  et  de  force,  VEsprit  de  scimt 
de  piété (111).  Joël  disait  au  nom  de  Di 
Je  répandrai  mon  Esprit  sur  toute  ckair; 
fils  et  vos  filles  prophétiseront  ;  voi  m 
songeront  des  songes^  et  vos  adolesctUi 
ront  des  visions  (778).  Le  précunwf 
Je  vous  baptise  dans  Veau,  mais  iù 
un  plus  fort  que  moi.  dont  je  ne  smftÊf 
gne  de  délier  la  chausswe;  cf/ui-làir* 
baptisera  dans  C Esprit -.Saint  et  éuà 
feu  (779),  Et  Jésus-Christ  disait:  Qmi 
serez  livrés  pour  moi,  ne  pensez  pas  i 
au  langage  que  vous  tiendrez,  cjr  la 
vous  sera  donnée  en  cette  heure-ià;  tt 
pas  vous  qui  parlerez,  mais  V Esprit  it 
Père  qui  2)artera  en  vous  (1^),  Il  disait 
core  :  Je  prierai  mon  Pire,  et  il  toui 
nera,  pour  demeurer  étemellemeni  arec 
un  autre  Paraclet,  VEsprit  dt  véritéy 
monde  ne  peut  pas  recevoir  ^  parce  qui 
voit  pas  et  ne  le  sait  pas;  mais,  tou^^toi 
connaîtrez  f  parce  qu'il  demeurera  en  n 
vous  en  lui  (781).  Non  pas  que  Jésus-C 
Fils  de  Dieu  et  vrai  Dieu,  n'eût  cooiiu 
que  à  ses  disciples  la  grftce  et  h  vérité 
il  était  rempli,  mais  parce  qu'étant  leV 
éternel,  il  avait  été  chargé  plus  pariici 
rement  de  semer  la  parole,  qui  esl  ie 
mier  élément  prophétique,  tandis  q"0 
fusion  de  la  prâce,  sOi^ond  élémeul 
prophétie»  avait  été  réservée  dans  toi 
plénitude  à  la  troisième  personne 
Sainte-Trinité  ,  coéternellement  iss 
Père  et  du  Fils,  fruit  et  lien  de  leur  ai 
terme  dernier  de  liiur  fé<^ondité  divine, 
cause  de  cela,,  devant  mettre  le  sceaa 
de  la  vie  à  l'œuvre  do  Dieu  dans  le  t 
Il  convenait  aussi  que  les  deuxélé 
prophétiques,  la  parole  et  la  grâce, 
qu'inséparables  l'un  de  l'autre,  eusse 
pendant  une  émission  distincte,  aûn 
l'humanité,  avertie  par  la  grandeur 
double  avènement,  ne  se  crût  pas  cai 
de  communiquer  avec  Dieu,  même  au  m< 
de  sa  parole,  sans  Tassistauee  perpéiucl 

(778)  JoeL  u,  28. 

(779)  Luc.  m,  i6. 

(780)  Jdatt.  X,  49,  âO 
(78lj  Joan.  Xiv,  17. 


n 


PRO 


778 


inlime  de  I*Esprit  divin.  Tel  fui  le  but  et 
iel  csi  Je  sens  de  cette  fameuse  journée  où 
e  Paraclet  annoncé  par  Jésus-Christ  des- 
mdxi  Tîsfblement  sur  les  apôtres,  et,  leur 
miHjanI  les  restes  de  fiiiblesse  et  d'obscu- 
i\é  qu'ils  ctonservaient  encore,  en  fil  ces 
nninies  dont  le  sang,  après  celui  de  iésus- 
lirist,  h  fondé  sur  Ta  lerre  le  rèirne  de  la 
îrit^. 

Oui  de  nous  n'a  connu  par  une  expé- 
rnre  personnelle  la  réalité  du  niyslère 
opliélique?  Tous,  nous  avons  reçu  la  se- 
riice  de  celte  parole  qui  ne  ressemble  à 
vtone  autre;  tous, un  jour  ou  laulre,  en- 
[\$  ou  jeunes  hommes,  nous  avons  senti 
notre  Ame  une  onction  qui  la  rem- 
it de  lumière  et  nous  apportait  dans  de 
s  larmes  le  goût  du  bien,  Toubli  des 
la  paix  et  la  présence  de  Dieu.  Ce 
vfd,  tout  nous  fut  dit.  Aucun  homme  ne 
en  rendra  la  ioie;  aucun  amour  ne 
en  ramènera  le  uarfum,  si  ce  n*est 
r  qui  nous  fut  donné  clors^  et  quii 
la  bouté  divine  elle-même,  n*attendi 
nous  aimer  de  nouveau,  qu'un  regret 
^n  désir  de  nous.  Puissions-nous  tirer 
cœur  ce  désir  et  ce  regret,  et,  par 
IKMde  expérience  de  la  grâce,  rede- 
m  touîours  les  enfants  et  les  ap6- 
Il  seule  parole  aui  ne  trompe  ja^ 

^HÉTIE,  essence  durulte.  Voy.  Slr- 

I.BXB,  I  I.  --  Son  unité,  Ibid.j  §  III. 

\ieeiion  du  rationalisme  réfutée.  i6td.. 

Est  le  complément  de  notre  lumière 

Ile.  Jbid. 

PHÊTIES  (  Prédiction  D*ÊvéNBUENT8 
sous  l'inspiration  divine).  —  Dans 
^hole  du  mauvaiê  riche  {Luc.   xvi) , 
I  lisons  que,    ce  réprouvé  demandant 
IdBzare  resauscitflt  pour  aller  attester  aux 
[frères  qu'il  avait  laissés  sur  la  terre  la 
If  de  Taatre  vie  et  leur  en  faire  éviter 
IDumaenU,  il  lui  fut  répondu  :  Ils  ont 
et  les  prophètes  ;  qu'ils  les  écoutent... 
Ut  n'écoutent  Moïse  ni  les  prophètes, 
croiront  pas  non  plus^  ^[uand  même 
*un  des  morts  ressusciterait. 
e  est,  en  effet,  la  force  des  pro()bé- 
ur  celui  qui  en  examine  attentive- 
'antiquité,  le  nombre,  la  répétition, 
on,  l'antériorité  certaine  et  radmira- 
rd  avec  l'accomplissement,   qu'on 
que  le  miracle  qu'elles  étalent  est 
nd  que  la  résurrection  d'un  mort. 
,  la  vie  à  ce  qui  n'est  pas,  ne  suppose 
us  de  puissance  que  fa  prédire  en  ce 
«t  pas,  lorsque*  la  prédiction  est  tel- 
éloignée,  tellement  circonstanciée 
ctaclTe,  (pi'il  n'y  a  que  l'auteur  de 
qui  peut  avoir  confié  le  secret  de  son 
Inienl.  La  puissance  de  prédire  se  con* 
alors  avec  celte  de  produire^  et  n'en 
o*nne  dérivation.  Le  temps  n'oppose 
n  voile  moins  épais,  un  silence  moins 
que   la  mort  aux  investigations  de 
me  ;   ce  sont  deux  abîmes  également 


blCtlON^AlRE  APOLOGETIQUE.  PRO 

fermés  ;  ce  sont  comme  les  deux  mains  de 
Dieu,  par  lesquelles  il  donne  l'être  ou  le 
relire  :  lui  seul  peut  les  ouvriv  et  faire  voir 
ce  que  lui  seul  peut  faire. 


§1. 

Caractères  el  défini  lion  de  la  propliélie.  —  Elle  est  po»- 
sîble.  —Elle  est  suriialureile.  —  Conséquences.-^ 
Vraies  et  fausses  j»ronhéties,  leurs  caractères  dislinc- 
lifs.  —  Diflicull*'f  et  objeclion'i  résolues. 

Toute  prophétie  est  une  prédiction,  mais 
toute  predfction  n'est  pas  une  prophétie. 

D'abord,  nous  disons  que  la  prophétie 
est  une  prédicliun  :  elle  a  pour  objet  Tan- 
nonce  des  choses  futures.  La  déclaration 
faite  au  nom  de  Dieu  des  choses  passées 
ou  présentes  qui  sont  secrètes  s'appelle  ré- 
vélation, mais  ce  n'est  pas  une  vraie  prophé- 
tie, et  ce  n'est  qu'improprement  que  plu- 
sieurs saints  Pères  lui  ont  donné  ce  nom. 
Nous  disons  ensuite  que  toute  prédiction 
n'est  pas  une  prophétie,  ce  qui  exclut  deux 
sortes  de  prédictions. 

En  premier  lieu,  on  ne  peut  pas  mettre 
au  rang  des  prophéties  les  prédictions  qii 
se  font  d'après  la  connaissance  que  Ton  a 
des  causes  naturelles.  L'astronomie  prédit 
des  éclipses;  le  médecin,  les  crises  des  ma- 
ladies; le  physicien,  les  phénomènes  de  la 
nature  ;  toutes  ces  conjectures  ,  plus  ou 
moins  vraisemblables,  quelquefois  même 
certaines,  ne  placent  pas  celui  qui  les  pro 
duit  parmi  les  prophètes  t  les  païens  eux- 
mêmes  ne  les  regardaient  pas  comme  ap- 
partenant à  leur  divination. 

En  second  lieu,  elles  ne  sont  pas  non 
plus  des  prophéties,  les  prédictions  faites 
en  l'air  et  au  hasard,  qui  cependant  se  réa- 
lisent quelquefois,  parce  que  les  événe*- 
ments  qu'elles  annoncent  étaient  dans  l'or- 
dre de  la  possibilité,  peut-être  même  de  la 
probabilité.  Il  faut  de  plus,  pour  constituer 
une  vraie  prophétie,  que  la  chose  prédite 
ait  été  prévue  avec  certitude. 

D'après  ces  observations,  nous  déGnis* 
sons  la  prophétie,  la  prévision  cerUiine  et 
la  prédiction  des  choses  futures  dont  la  con- 
naissance ne  peut  pas  être  acquise  par  les 
causes  naturelles. 

La  première  question  qui  se  présente  est 
de  savoir  si  la  prophétie,  telle  que  nous  ve- 
nons de  la  définir,  est  possible.  Nous  répon- 
dons deux  choses  :  la  première,  gu  elle  est 
possible  à  Dieu  ;  la  seconde ,  qu  elle  n'est 
possible  qu'à  Dieu. 

1*  Comme  nous  avons  démontré  la  possi- 
bilité du  miracle  par  la  toute -puissance  de 
Dieu,  de  même  par  sa  presc  ience  noui(  prou- 
vons la  possibilité  de  la  prophétie.  Pour 
contester  cette  vérité,  il  faudrait  soutenir 
que  Dieu,  ou  ne  prévoit  pas  tous  les  événe- 
ments, ou  ne  peut  pas  en  donner  &  Thom- 
me  la  connaissance,  deux  absurdités  ;  car^ 
d'une  part,  comment  imaginer  que  celui 
oui,  de  toute  éternité,  a  ordonne  tous  les 
évém^enls futurs ,  les  ignore?  De  l'autre, 
(pnçlm  iiÉ<«»tBFnance  peut-on  apercevoir  à  ce 


Cf.  Sf .  LACimpàiBE,  Conférence  56* 

DltTIO!f!«AlRE  APOLOGÉTIQU 


25 


PRO 


DICTIONNAIRE  ArOLOCETIQUE. 


PRO 


'n 


«que  Dieu  communique  h  Thorame  cotte  con- 
naissance? Est-ce  la  révélation  en  elle  mô- 
me qui  répugnerait?  nousavons  prouvé  le 
contraire  ;  est-ce  la  révélation  seulement 
des  choses  futures?  qu*y  a-t-il  là  qui  im- 

{clique  contradiction?  Dieu  a  pu  rendre 
'homme  capable  de  prévoir  certaines  cho- 
-ses  pftr  la  lumière  naturelle;  qu'y  a-t-il  donc 
de  répugnant  à  ce  qu'il  lui  découvre  dans 
Tavenirdes  événements  que  la  seule  lumière 
naturelle  ne  peut  faire  apercevoir?  la  pro- 

i)hétie n'implique  contradiction  ni  du  coté  de 
)ieu9  ni  du  c6(é  de  Thomme;  elle  est  donc 
évidemment  possible. 

On  comprend  difficilement  qu'un  écrivain 
célèbre  ait  cru  attaquer  la  possibilité  de  la 
prophétie  par  le  raisonnement  suivant  :  Il 
«st  évident  qu'on  ne  peut  savoir  Tavenir, 
parce  qu*on  ne  peut  savoir  ce  qui  n'est  pas. 
(Voltaire»  Philosophie  deThistoirey  ch.  21, 
Des  oracles.)  Avec  ce  bel  argument,  on  éta- 
Idira  de  même  qu'un  astronome  ne  peut  pas 
prévoir  avec  certitude  les  éclipses  qui  ne 
scmt  pas  encore  :  c'est  précisément  ce  qui 
n*6iiste  pas  encore  qui  peut  eue  l'objet  de 
la  prévision  et  de  la  prédiction.  La  parité 
est  exacte  ;  il  n  y  a  qu'une  différence;  l  hom- 
me prédit  ce  qui  n  est  pas»  mais  ce  qui  ne 
«urpasse  point  ses  lumières;  Dieu  seul  pré- 
dit ou  fait  prédire  ce  dont  Texistence  future 
excède  toutes  les  connaissances  humaines. 

2"  Puisque  la  vraie  prophétie  exclut  les 
-connaissances  naturelles ,  i)  est  évident 
-qu'elle  est  de  l'ordre  surnaturel,  et.  par  une 
conséquence  ultérieure,  qu'elle  ne  peut 
venir  que  de  Dieu.  Elle  est  un  genre  de 
miracle  que  Dieu  seul  peut  opérer^  soit  par 
lui-m/jrae,  soit  par  ceux  à  qui  il  en  donne 
le  pouvoir.  Cclui-lh  seul  peut  donner  une 
connaissance  certaine  des  événements  pro- 
fondément cachés  dans  l'obscurité  de  l'ave- 
nir, qui  est  le  maître  de  les  déterminer»  et 
qui,  étant  la  cause  première  de  tout  ce  qui 
existera,  peut  donner  à  ses  prédictions  Tac- 
€omplissement,  sans  dérober  aux  causes  se- 
condes qu'il  dispose  à  son  gré»  sans  faire 
violence  aux  causes  libres,  et  sans  rien  re- 
trancher aux  causes  nécessaires.  II  est  évi- 
dent d'ailleurs,  qu'il  est  au-dessus  de  tout 
pouvoir  humain  non-seulement  de  diriger 
les  événements  lointains  »  mais  même  de 
pi'é voir  les  causes  soit  nécessaires,  soit  acci- 
dentelles» qui»  dans  le  cours  des  siècles» 
pourront  influer  en  différents  sens  sur  les 
futurs  contingents»  sur  ceux  spécialement 
qui  dépendront  de  la  volonté  d'hommes 
qui  n'existent  pas  encore. 

Dts  deux  principes  que  nous  venons  d'é- 
tablir» que  la  prophétie  est  en  soi  possible» 
mais  qu  elle  n  est  possible  qu'à  Dieu»  résul- 
tent deux  conséquences  évidentes. 

La  première,  que  la  prophétie  (nous  ne 
parlons  que  de  celle  qui  est  véritable  et 
conforme  h  la  notion  que  nous  en  avons 
donnée)  est  la  parole  de  Dieu»  comme  le  roi- 
raclB  est  son  œuvre.  La  seconde  »  qu'elle 
doit  captiver  notre  assentiment,  et  qu  il  se- 
rait déraisonnable  autant  qu'injuste  de  n'y 
pas  ajouter  une  foi  entière.  Si  par  sa  pre- 


science» Dieu  connaît  toutes  les  choses  3111- 
quelles  il  donnera  l'être  par  sa  véraciié,  i:  ^ 
rend  certaines  celles  qu'il  daigne  maDlfeslr    ' 
Lors  donc  que  nous  voyons  une  religion 
prédite  de  cette  manière,  longtemps  avani 
son  établissement,  nous  sommes  obligéMji 
la  regarder  comme  véritable,  et  de  doq>  \ 
soumettre.  C'est  ainsi  qu'ont  raisonné  lou* 
les  anciens  apologistes  du  christianisoie;!^ 
ont  constamment  opposé  aux  jnit's  el  wa 
l>aïen$  qui  Tatlaquaient,  l'autorité  su[irê!i: 
des   prophéties  ;   ils  faisaient  valoir  celH  ' 
preuve  victorieuse  :  les  Justin  (apol.  I.  j 
cap.  53);  les  Théophile  {ad  Autolicuoi,  lid.  i 
I.  c.  14);  les  Alhénagore  (ilegat.  proCli}v  I 
Hiani$^  n.   9);    les   Clément  d'Alexâiii:.  ' 
(Stroniat.  I.  vu,  c.  2);  les  Origène.  (ronU 
CeUumy   I.  1»  n.  35);  les  Laclance  ;/^'r'>  j 
instiLf  I.  IV,  c.  10);  les  Jérôme  [Coma  \ 
in  Iscc/e^ias/.);  les  Augustin  (De /iderofi' 
quœ  non  videntur^  c.  3,  n.  5).  Saint  irib 
déclare  que  les  instructions  des  pro;ii''> 
ont  dû  rendre  facile  la  foi  en  Jé^us-Orb' 
{Contra  hœres,^  1.  iv,  c.  23.)  Orijfbé. 
que  Celse   a  omis  à  dessein  la  ))rei:r' .. 
plus  forte  au  sujet  de  Jé$uS'Ciiri>U' 
des  prophéties»  parce  qu*il  scnlaiiri.D.  ^ 
sihilité  d'y  répondre.  {Contra  Celsm^lï^^ 
n.  13.)  Ne  croyez  pas  seuleraenlàcji>r.- 
sonnemeuts,  dit  saint  Cyrille  de  Jéru>îii«. 
vous  pourriez  croire  qu'on  vou5fa^/i/la^'- 
par  des  sophismes  :  ne  croyez  go iui'l'- 
ses  qui  avaient  été  prédites  pirlfispn'F*' 
tes.  Vous  pouvez  soupçonner  Otto  (\u^^^^ 
présent;  mais  quel  soupçon  pettl-oûuv'r- 
voir  sur  celui  qui  a  prophétisé  pliisdctt»\V 
ans  avant  l'événement?  (Ca/erAM^^^^^^ 
Avant  ces  grands  docteurs»  Tapùire  htm, . 
après  avoir  rapporté  qu'étant  sur  la  m^'"' 3 
gne  sainte  il  a  entendu  la  voixcébiv*}' 
proclamait  Jésus*Christ  Fils  de  Diea,  aiiK 
ajouté  :  Mais  nous  avons  le  discours  («th 
phétique»  qui  est  encore  plus  cerlaiD.v". 
Petr.   1»  18,  19.)  Saint  Augustin,  coniicts/ 
tant  ce  texte»  dit  qu'en  effet  lavoii|<» 
phétiq»?'^  a»  pour  convaincre  les  incr.Miûi<J 
quelqui^  chose  de  plus  fort  que  la  ^^}^j^ 
me  descendue  du  ciel.  On  attribuait  i  ■ 
ma^ie  les  miracles  de  Jésus-CbrisU  on  atp 
rait  pu  attribuer  à  la  même  cause  la  ^ 
céleste  :  mais  dira4-on  qu'un  homme  tW 
magicien  avant  de  naître,  (seroo.  U>  Dt^ 
bi$  Jsaiœ  ac  de  verbis  apostoli^  cap.  26, Q.  ^ 
La  prophétie  étant,  jiar  sa  oatare.  4 
chose  surnaturelle»  fait  partie  de  ï^ 
surnaturel  de  la  Providence  :  or  tootc^^^ 
dre»  et  par  conséquent  la  prophétie,  s^; if 
porte  au  salut  de  l'homme»  et  à  la  vrai«i 
ligion  qui  en  est  le  moyen.  La  prophétïM 
peut  donc  pas  avoir  un  autre  but,  soit  ilirn 
soil  indirect.  Nous  voyons»  en  effet,  «i^ 
nos  livres  saints»  toutes  les  propWt»«J 
rapporter  comme  à  leur  Gn,  soit  imméôw 
soit  médiate»   à  l'objet  spirituel.  Le  |« 
grand  nombre,  à  partir  de  la  prédiclioDM 
a  Adam  »  annoncent  la  venue  du  Mes>i<**J 
conversion  des  gentils,  le  jugement  ^éneji 
et  d'autres  objets  également  spiriluei>.  -* 
nous  en  lisons  d'autres  qui  se  raj^j^rUri" 


« 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PRO 


73Ï 


es  évëDements  temporels,  tels  que  la  suc- 
(^iMOD  des  empires  et  les  révolutions  des 
la(s.  Mai5  outre  cotte  Gn  prochaine,  immé- 
iate  et  directe,  elles  en  ont  une  autre  plus 
oignée,  médiate  etindirecld  :  c'est  de  prôn- 
er, par  leur  accomplissement  plus  pro- 
jairi,  la  vérité  dcsaulrcis  proj/heties  rela- 
res à  la  religion,  et  de  confirmer  la  foi 
j'on  doit  y  avoir.  Elles  rentrent  par  là  dans 
)rdte  surnaturel  de  la  Providence,  et  con- 
urent  de  même  que  les  autres  à  établir  la 
rite  de  la  religion. 

Oc  n'est  point  par  le  cours  des  astres,  par 
s  entrailles  des  animaux,  par  des  augures, 
it  Ws  autres  moyens  dont  se. vantait  le  pa- 
lùsme,  que  Dieu  publie  ses  |)rophéties. 
m  voyons  que  les  personnes  sensées , 
\piiï  les  païens,  h'y  croyaient  pas.  Les  au- 
tres eux-mêmes  connaissaient  la  vanité 
i  leur  fausse  science,  et  en  convenaient 
Ii9  le   particulier ,   quoiqu'ils  crussent 
Intr^cui  de  maintenir  Topinion  de  leur 
fetté,  pour  contenir  le  peuple  dans  la  re- 
ptm  nationale.  (Cicer.,  de  Divin.,  1.  ii, 
S3.]  Dieu  annonce  quelquefois  par  lui- 
Aise  les  choses  futures,  mais  plus  ordi- 
linnent  il  emploie,  pour  ce  miracle  com- 
Al  (our  les  autres,  le  ministère  d'hommes 
ffitt  lainteté  érainente  qu'il  inspire,  et 
b  touche  desquels  il  place  sa  pa- 
(IfReg.  21, 10.)  Mais  des  imposteurs 
/  prétendre  que  Dieu  les  a  revêtus 
mic  importante  mission;   et  on  a  vu 
souvent  de  tels  hommes,  soit  dans  les 
e5  religions,  soit  même  jusque  dans  la 
hle.  Les  livres  saints  nous  présentent 
'gr^n<l  nombre  de  faux  prophètes  qui 
h}  aient  le  peuple  de  Dieu  et  qui  Tindui- 
fnl  en  erreur.  Ainsi,  lorsque  Dieu  dai- 
»annoncer aux  hommes  des  choses  fulu- 
,  il  est  de  sa  justice,  de  sa  bonté,  de  sa 
•cité,  de  donner  des  moyens  certains  au x- 
b  nous  puissions  reconnaître  que  c*est 
Sablemcnt  de  lui  que  vient  la  prophétie. 
€5  camctëres  distinctifs  de  la  vraie  et  de  la 
^  prophétie,  peuvent  être  de  deux  espè* 
9Î0US  appellerons  les  uns  positifs  et  les 
^^  n  éga  i  ifs.  Nous  entendons  par  caractères 
fe  ecux  qui  prouvent  qu'une  prophétie 
crttableet  vient  effectivement  de  Dieu, 
appelons  négatifs  ceux  qui  montrent 
€  est  fausse  et  Touvrage  de  l'impos- 
Lcs   premiers  engagent  à  y  donner 
•X?,  les  seconds  è  la  refuser.  Je  vais 

cer  par  examiner  ceux-ci, 

>rcinier   caractère  nécessaire,   pour 

regarde  une  prédiction  comme  ve- 

Je  Dieu,  est  que  celui  qui  l'énonce, 

re  que  c'est  de  la  part  de  Dieu  qu'il  la 

He,  el  qu'il  est  son  envoyé.  On  sent  que 

9t  peut  être  là  qu'une  note  négative,  car 

Il  très-possible  qu'on  se  dise  iaussement 

ttnistre  de  la  Divinité;,  et  dans  le  fait, 

but  prophètes  qui  1  rompaient  le  peuple 

U  ceux  qui  abusaient  de  la  crédulité  des 

Wv,  prétendaient  que  c'était  au  nom  do 

.•0  qu'ils  parlaient.  Mais  ceux  qui  con- 

«tnrnt  eux-mêmes  que  ce  n'est  pas  au 

i*i  de  Dieu  qu'ils  prédisent,  déclarent. 


P 


par  cela  même,  qu'ils  ne  font  pas  le  pro- 
|)héties.  Telles  étaient  ces  personnes  dont 
il  est  dit,  en  plusieurs  endroits  de  l'Ecriture, 
qu'elles  avaient  un  esprit  de  Python,  (/flcg^. 
xxviii,  7;  Act.  XVI,  16.)  tels  sont  en- 
core parmi  nous  ceux  qui  se  disent  sor- 
ciers^  et  qui  prétendent  annoncer  l'avenir 
d'après  les  révélations  du  démon. 

On  présente  comme  un  sigtie  de  la  pro^ 
phétie,  la  sainteté  du  prophète.  Mais  il  faut 
convenir  que  ce  ne  peut  pas  être  un  signe 
positif.  Le  caractère  moral  d'un  homme  ne 
peut  pas  être  assez  parfaitement  connu,  pour 
former  une  preuve  démonstrative  de  sa  vé- 
racité. Un  hypocrite  peut  très-bien  venir, 
au  nom  de  Dieu,  apporter  de  fausses  pro- 
phéties. On  pourrait  même  prétendre  que 
ce  n'est  pas  absolument  une  note  négative  ; 
qu'à  parler  strictement,  le  défaut  de  sainteté 
ne  prouve  pas  la  fausseté  du  prophète.  Par 
exemple  le  fait  de  Balaam,  personnage  très- 
élorgné  de  la  sainteté,  et  cependant  lionoré 
du  don  de  prophétie,  montre  que  Dieu  «c 
sert  quelquefois  de  pareils  ministres.  Ma»s 
un  exemple,  et  peut-être  encore  un  petit 
nombre  ({'autres,  ne  doivent  pas  former  un 
principe^  et  quand  on  connaît  celui  qui  se 
donne  pour  prophète  comme  un  homme 
vicieux^  on  est  légitimement  fondé  à  croire 
que  Dieu  n'en  a  pas  fait  son  organe. 

Un  autre  signe  distinctif  de  la  vraie  et  de 
la  fausse  prophétie  est,  dit-on,  la  pureté 
de  la  doctrine  en  faveur  de  laquelle  elle  est 
faite.  Cette  note  n'est  pas  plus  positive  que 
les  précédentes.  Il  est  possible  gu'un  homme, 
pour  s'attirer  de  la  considération,  se  donne 
faussement  pour  prophète,  annonce  des 
événements  éloignés  qui  ne  se  réaliseront 
pas,  et  qu'eu  même  temps  pour  ne  pas  se 
décréditer,  il  prêche  la  doctrine  la  plus  pure. 
Ce  sont  des  choses  très-conciliabks  que  la 
saine  doctrine  et  les  mauvaises  mœurs; 
que  la  vérité  sur  un  point  et  l'imposture 
sur  un  autre.  Mais  la  fausseté  de  la  doctrine 
pour  laquelle  est  faite  la  prophétie  est  une 
marque  certaine  de  la  fausseté  de  la  pro* 
phétie,  et  est  véritablement  une  note  néga- 
tive. Il  ne  peut  pas  être  l'organe  de  la  Divi< 
nité,  celui  qui  prêche  des  dogmes  évidem- 
ment contraires  à  la  croyance  générale  et 
constante  du  genre  humain,  ou  une  autre 
morale  notoirement  perverse.  Dieu  se  con- 
tredirait, lui-même,  si  .«a  prophétie  était  en 
opposition  avec  ce  qu'il  nous  enseigne. 
L  exemple  de  Balaam  ne  peut  être  objecté  sur 
ce  point.  11  n'avait  pas  sans  doute  une  saine 
doctrine,  mais  ce  n  'était  pas  pour  accréditer 
ses  erreurs  qu'il  prononçait  sa  prédiction. 

Passons  maintenant  des  notes  négatives 
aux  positives,  et  des  caractères  qui  font 
discerner  les  fausses  prophéties  à  ceux  qui 
font  connaître  les  véritables.  J'en  remarque 
d*abord  deux;  les  miracles  opérés  par  les 
prophètes  et  les  prophéties  d'événements 
prochains  exactement  réalisées. 

Le  miracle  est,  comme  nous  TaTons  mon- 
tré, le  sceau  de  la  Divinité,  la  lettre  de 
créance  qiie  le  TOBl^iiijSsant  donne  h  ses 
envoyés.  Le  "*^  s'annon- 


783  PUO  DICTIONNAinE  APOLOGETIQUE. 

çant  comme  un  proî^hôle  du  Seiçneur  opère 
lie  vrais  miracles,  il  prouve  qu'il  est  en  effet 
le  ministre  du  Très-Haut,  et  que  foi  doit 
^Ire  ajoutée  h  ses  paroles,  comme  émanées 
de  la  véracilé  divine.  Si  ces  paroles  sont 
des  prédictions,  il  est  évident  à  tous  ceux 
qui  ont  la  certitude  des  miracles  que  ce  sont 
do  vraies  prophéties,  et  que  refuser  d'y 
croire,  est  refuser  croyance  h  Dieu  lui- 
ro(^me.  Nous  voyons  souvent,  dans  l'Ancien 
Testament,  les  prophètes  accréditer  leur 
mission  en  faisant  dos  miracles,  et,  dans  le 
Nouveau,  Jésus-Christ  confirmer  ses  oracles 
par  les  prodiges  qu'il  opère.  Souvent  le  peu- 
ple, frappé  d'élonncment  à  la  vue  de  ces 
.merveilles,  à  cette  marque  le  reconnaissait 
hautement  pour  un  prophète. 

Un  autre  moyen  par  lequel  Dieu  confirme 
la  vérité  des  prophéties,  qui  ne  doivent  se 
réaliser  que  dans  des  temps  reculés,  est  de 
produire  d'autres  propb^uies  dont  le  terme 
est  Irès-rapproché.  Ceux  qui  voient  l'accom- 
plissement actuel  de  celles  ci  ne  peuvent 
lias  douter  de  l'accomplissement  futur  de 
celles-là.  Ils  sont  assurés  que  Dieu,  qui  a 
iait  cadrer  l'événement  avec  les  unes,  ne  se 
démentira  pas,  et  saura  de  même  effectuer 
les  autres.  C'est  ainsi  que,  dans  l'ancienne 
loi,  les  prophètes  annoncent  souvent  des 
fiiits  de  rorare  lem[)orel  qui  doivent  arriver 
dans  des  temps  plus  ou  moins  prochains. 
Ils  confirment  par  ce  mojen,  et  rendent 
certaines,  toutes  leurs  prédictions  lointaines 
sur  le  Messie  et  sur  sa  religion.  «  Les  pro- 
phètes, dit  Pascal,  sont  mêlés  de  prophéties 
particulières  et  de  celle  du  Messie,  afin  que 
.es  prophéties  du  Messie  ne  fussent  pas 
sans  preuves,  et  que  les  prophéties  parti- 
culières Bo  fussent  pas  sans  fruit.  »  {Pensées 
ûe  Pascal^  ch.  25,  n.  18.)  De  même  Jésus- 
Christ  prédisant  ce  qui  doit  arriver  inces- 
samment à  lui-même,  à  ses  disciples,  au 
peuple  juif,  donnait  à  la  génération  mémo 
qui  vovait  se  réaliser  ces  prophéties  la 
certitude  de  raccomplisssement  oc  ses  pro- 
phéties plus  éloignées  sur  l'étendue  et;la 
perpétuité  de  sa  religion  et  sur  son  second 
tvénemenl. 

Une  dernière  note  do  la  prophétie,  et 
celle-là  est  la  plus  décisive,  celle  qui  captive 
le  Iplus  communément  l'assentiment,  c^est 
son  accomplissement  ;  mais  il  faut  que  cet 
accomplîssemeBt  n'ait  pu,  ni  avoir  lieu  par 
hasanf,  ni  être  naturellement  prévu.  Ce 
caractère  est  à  la  fois  positif  et  négatif.  11 
est  évident  d'une  part  qu'un  événement 

2ui  n*a  pu  6tre  prévu  que  par  Dieu,  n'a  pu 
tre  préditque  par  lui;  et  deVautrepart,  ilest 
égalementévident  qu'une  prédictiouquiuese 
réalise  point  ne  vient  point  de  Dieu,  qui 
n'a  pu  ni  se  tromper  m  vouloir  tromper. 
Ici,  quelques  incrédules  nous  font  une 
difficulté.  La  prophétie  dépend  de  l'événe- 
ment, et  l'événement  dépend  de  la  prophé- 
tie.La  prédiction  ne  prouve  que  parce  qu  elle 
est  réalisée,  et  la  réalisation  ne  prouve  que 
parce  qu'elle  a  été  prédite.  N'est-ce  pas  là 
évidemment  un  cercle  vicieui  ?  Non,  il  est 
au  contraire  évident  que  ce  n'en  est  pas  un. 


PRO 


ÎS'. 


Le  cercle  vicieux  consiste  en  ce  que  (ieo\ 
propositions  se  servent  récippoquemonUi' 
preuve,  et  c'est  ce  qu'on  ne  voit  pas  ici  La 
prédiction  n'est  pas  la  preuve  de  ^évén^ 
ment,  ni  l'événement  la  preuve  de  la  pré- 
diction  ;  mais  ta  prédiction  revêtue  des  qiw- 
lités  requises,  et  révéïiement  qui  y  cadre 
exactement,  sont  deux  choses  qui  cnnron- 
rent  ensemble  à  une  seule  et  même  d(. 
monstralion  ;  ce  sont  deu\  narlics  de  b 
preuve  d'une  vérité,  ou  plutôt  de  deoi  vé- 
rités, savoir  :  d'abord  de  la  divine  missinn 
de  celui  qui  fait  la  prophétie,  ei  ultérieure- 
ment et  conséquemmenl  de  la  cerliluile  di 
ce  qu'il  déclare  de  la  part  de  Dieu.  Toub 
cette  objection  est  fondée  sur  l'équivoqoo 
des  mots  dépendre  ^X  prouver,  \a  prophciie 
et  sa  réalisation  dépendent  Tune  aeiauin», 
non  pour  exister,  non  pour  être  coDnu>\ 
mais  pour  former  conjointement  une  df- 
monstration,  laquelle,  par  Tabseace  de IW 
ou  de  l'autre,  serait  incomplète.  Laproitei; 
prouve  par  son  accomplissement,  ei  h- 
complisscment  prouve  par  la  prophélicu.; 
en  avait  été  faite,  une  troisième  chose, u^t 
elles  ne  se  prouvent  pas  réciproqueoiéfi/: 
la  conformité  de  l'événement  à  laprèiida 
est  bien  pour  nous  un  signe  que  la  piitin* 
tiou  est  venue  de  Dieu;  mais  la prédirlion 
antérieure  n'est  pas  ce  qui  nous  nioaireqm 
l'événement  est  l'œuvre  divine.  Nou.«  ^'C- 
m es  assurés  d'ailleurs  que  tousteéu^ik^- 
nements  sont  réglés  par  la  sourenûierrc- 
videuce. 

De  tout  ce  que  nous-  venons  tfeiiio>eT,\\ 
résulte  que  la  prophétie  forme  une  ptçuxc 
solide  de  la  religion,  quand  on  esi  i^^î^^'a 
d«  quatre  choses  :  que  la  prédiction  a  éVJ 
faite  avant  l'événement,  que  révénemerA  ; 
a  exactement  correspondu,  queceiévôfl^, 
ment  n'avait  pas  dû,  du  temi<s  de  lafw- 
diction,  èlre  prévu  d'après  des  causes  D^ 
turellcs;  et  enfin  que  fe  concours  de  Rîe- 
nement  avec  sa  prédiction  ne  peuipasèirt 
un  effet  du  simple  hasard. 

l  es  incrédules  font  plusieurs  objeriiMiis 
sur  la  prophétie  en  général  ;  nous  û)ii 
bornerons  à  rapporter  les  principales. 

«  C'est  un  fait,  disent-ils,  qui  ne  peul-^ira 
contesté,  que  les  peuples  de  tous  les  icaij» 
ont  cru  aux  prédictions,  elles  ontaUnbiic*^ 
à  leurs  'divinités.  Si  on  en  doutait,  il  mi^« 
rait,  pour  s'en  convaincre,  de  parcourir 
traité  de  Cicéron  sur  la  divination.  Dai*^ 

Êremier  livre,  sous  le  nom  de  sota  ^ 
luintus,  il  rapporte  toutes  les  manièn^i' 
[)révoir  Favenir,  et  s'efforce  de  prouTcr^î*^ 
on  la  doctrine  des  stoïciens,  que  lesôl^* 
peuvent  et  doivent  communiquer  aui  ho: 
mes  la  connaissance  de  Ta  venir  (Cicek 
divinaiione^  lib.  i,  c.  38.)  Dans  le  ^^^'^^ 
livre,  parlant  en  son  propre  nom,  il  ^^'^^ 
tout  ce  qu'a  avancé  son  frère,  et  préleudl» 
toutes  les  nations  sont  dans  I  erreur  icr<^ 
jet.  Que  peut-on  donc,  ajoutent  les  incrè»» 


es,  conclure  des  prophéties  en  faveur  d  et 
religion  qu'on  ne  puisse  de  même  ea  c^ 
dure  pour  les  autres?  Cest  unepreuvtT*' 
est  commune  à  toutes»  puisque  toutes  ^ 


;S5 


PRO 


DICTIONNAIRE  ÀPOLOGEllQUE. 


PAO 


78e 


Vur»  oracles.  Les  aruspicos,  les  augures, 
k<  /'(opliètesy  tout  cola  se  ressemble.  Entre 
V  'âlrasde  prédiciioiis,  on  ne  doit  pas  faire 
•liK  de  cas  des  unes  gue  des  autres.  » 
Cesi  un  absurde  raisonnement,  et  tout  !e 
\otnlo  en   conviendra  sans  difficulté,  de 
ire  :  11  a  été  publié  de  faui  principes  mo- 
ju  Xy  de  faux  arguments,  de  fausses  histoi- 
1^5  ;  donc  il  n'y  a  pas  de  vrais  principes, 
V   vrais  arguments,  de  vraies  histoires.  Ce 
u»jf   Ton  propose  ici    est  précisément  le 
iHiie  raisonnement.  On  a  vu  de  fausses 
n^phéties;  |)ar  conséquent  il  n^>  en  a  pas 
e  >'êrîialiles.  C'est,  au  contraire,  parce  qu^ii 
eti:>lé  de  vraies  prophéties,  qu'il  en  a  été 
rt^enté  de  fausses.  La  manière  ordinaire 
V)Ul  se  produit  l'imposture  est  de  contré- 
es la  vérité  ;  ainsi  cette  objection,  loin  de 
ver  contre  nous,  prouve  au  contraire 
tous  les  peuples  et  tous  les  hommes  ont 
nnu  la  possibilité,  l'efficacité  et  même 
réalité  des  oracles  de  la  religioa  primi- 
de  la  vraie  religion, 
question  n'est  pas  de  savoir  si  les  po- 
tes ont  eu  leurs  prédictions  ;  il  s'aKÎl 
iner  si  les  prédictions  de  ces  idoiA- 
trevétues  des  mêmes  caractères  que 
4o  christianisme.  Il  ne  suffit  pas  de 
les  aruspices  et  les  augures  res- 
aux   prophètes;  il    faudrait    le 
.Dans  le  fait,  entre  les  uns  et  les 
if  n*j  d  qu'un  trait  de  ressemblance, 

Îu'ils  préifisaient  des  choses  futures  : 
èreot  sur  tout  le  reste, 
abord  ce  qu'annonçaient  les  i)rétendus 
liseurs  de  l'avenir,  parmi  les  idolâtres, 
réalisait  pas,  et  les  plus  superstitieux 
fco&eurs  de  la  divination  en  convenaient. 
^A.,  De  divinaiioney  lib.  i,  c.  38.)  Une 
me  prédiction  non  effectuée  démontre  que 
jki  <|ui   l'a  faite  n'est  pas  l'organe  de  la 

Ê'nité.  Que  l'on  cherche,  dans  tous  nos 
^  sairts,  une  seule  prophétie  qui  n'ait 
fi-ii  son  accomplissement. 
U'^  au^uresjesaruspices,  uavaientrien  à 
lii'ifc  ilumauvais  succès  de  leurs  prédic- 
W^.  Parmi  les  Juifs,  le  faux  prophète  de- 
létrc  mis  à  mort.  (Deuler,  xviii,  20.)  Le 
j>rop}iète  était  celui  dont  la  prédiction 
"  po:>  vérifiée  par  l'événement. 
oriirJes,  de  quelque  genre  qu'ils  fus- 
aralerit  pourol)jetloujoursde  satisfaire 
icsilé  (Je  ceux  qui  les  consultaient, 
|ue  toujours  de  flatter  Icnr  vanité, 
utâtion,  leurs  (>assions.  Les  prophètes 
ne  <}onnent  rien  à  la  curiosité  du  peu- 
k  i|ui  ils  parlent;  ils  ne  le  flattent  pas, 
mirai re  ils  le  reprennent  avec  sévérité 
cassions  et  de  ses  crimes  ;  ils  lui  an- 
nt  souvent  des  fléaux  et  des  misères  ; 
.int)  ils  lui  promettent  des  prospérités, 
a  condition  qu'il   les  méritera  par  sa 

• 

y  a  une  autre  différence  importante 
l<«s  oracles  du  paganisme  et  les  pro- 
ies de  l'Ancien  Testament.  C'est  que 
iii'lè  sont  en  petit  nombre,  relatifs  cna* 
in  d  un  seul  point,  n'ayant  aucune  suite 
n   icnant  à  rien.  Celles-ci  sont  extrême- 


ment  multipliées,  c'est  une  quantité  de 
prédictions  toutes  relatives  au  même  objet* 
au  Messie  et  à  sa  religion,  et  qui  sont  inti- 
mement liées  à  toute  rhistoire  judaïque. 

«  Mais,  c'est  la  seconde  objection,  le  dé  - 
mon  peut  faire  des  prophéties  :  les  Pères 
de  l'Eglise  en  conviennent;  ils  lui  attribuent 
la  plupart  des  oracles  du  paganisme.  Si  la 
prophétie  peut-être  le  langage  du  démon, 
comment  peut-on  y  reconnaître  avec  certi-  * 
tude  la  parole  divine?  x 

C'est  une  question  r^ui  partage  les  savants, 
de  décider  si  les  anciens  oracles  du  paga- 
nisme que  Ton  rapporte  étaient  tous  des 
impostures  humaines,  ou  si  quelques-uns 
étaient  des  œuvres  diaboliques.  Vandale  et 
Fontenelle,  d'un  côté,  ont  soutenu  qu'il  n'y 
avait,  dans  toutes  ces  prédictions  que  des 
fourberies  de  prêtres  intéressés.  Le  P.  Bal- 
ihus  et  Soigneux  de  Correvon  ont  prétendit 
au  contraire  que,  parmi  les  oracles,  il  y  en 
avait  dont  le  démon  était  l'auteur.  Nous 
ignorons  la  mesure  de  connaissances  que 
Dieu  a  données  au  démon  sur  les  choses  de 
ce  monde.  On  neut  admettre  que  par  ces 
lumières  naturelles  il  peut  prévoir  des  évé- 
nements futurs  auxquels  les  nôtres  ne  peu- 
vent atteindre.  Toutefois  nous  ne  pouvons 
lui  accorder  la  prévoyance  des  choses  oui-, 
dépendent  de  volontés  libres  sur  lesquelles- 
il  n'a  point  de  puissance  et  qu'il  ne  peut  pas 
connaître.  Au  reste,  quelles  que  soient  les 
choses  que  ses  lumières  naturelles  lui  font  ■ 
prédire,  ce  ne  sont  pas  Ih  de&  prophéties  : 
nous  dirons  de  celles-ci  ce  que  nous  avons 
dit  des  miracles.  Si  le  démon  peut  en  faire 
de  l'ordre  surnaturel,. ce  n'est  que  par  une- 
permission  particulière  de  Dieu  ;  mais  on 
peut  être  certain  que  Dieu  ne  lui  permettra 
pas  d'en  faire  de  telles  f  sans  donner  un 
moyen  de  découvrir  leur  auteur.  Dieu  n'au- 
torise point  de  prodige  pour  accréditer  le 
mensonge  :  il  doit  à  lui-même,  à  ses  divins 
attributs,  à  sa  véradté,  à  sa  bontéi  à'  sa 
justice,  de  prévenir  l'erreur  funeste  où  ils 
entraîneraient.  (F.  Déuoii,  Possession.) 

Ces  principes  et  ses  distinctions  établis» 
nous  allons  constater  dans  les  livres  de  l'An- 
cien Testament  la  magnifique  suite  des  pro- 
phéties qui  annoncent  la  venue  d'un  Libé- 
rateur promis  à  la  terre. 

§11. 

Progrès  el  caraclère  de  Tiilée  messianique  chei  le  peu- 
ple juif.  —  ProphéUes  el  IradUious  uniyereclles  sur 
la  venue  d*un  Médiateur,  le  Messie,  le  Désiré  des  na« 
lions.  —  Accomplissement  des  proyhéUes  en  Jésus* 
ChrisU  rime  des  âges  qui  i*ont  précédé  aussi  bien  que 
des  lemps  qui  l'ont  suivi. 

L'idée  messianique circulaitdans  les  Yeioes 
du  peuple  Juif  comme  son  sans  le  plus  pur» 
et  sans  elle  il  est  impossible  d  eipliquer  oi 
sa  foi  ni  ses  destinées.  L*idée  messianique 
se  composait  de  quatre  éléments.  Sous  son 
influence,  ce  peuple  juif  croyait  en  premier 
lieu  qu'un  jour  le  Dieu  un  et  Ccéateur  adoré 
par  lui  deviendrait  le  Dieu  de  toute  la  terre, 
il  croyait  de  plus  que  cette  rérolution. 
s'accomplirait  par  un  seul  homme  appelé  le 
Messie,  le  Saint,  le  Juste,  le  Sauveur,  lo- 
Désiré  des  nations.  Il  croyait  que  cethotmn^ 


787 


PRO 


DICTIONNAIIIE  APOLOGETIQUE. 


PRO 


«ierail  jnif,  <Jc  la  tribu  de  Juda  et  de  la 
maison  de  David.  11  croyait  enfin  que  cet 
homme  prédestiné  souffrirait  et  mourrait 
pour  accomplir  TqpuYre  de  transformation 
dont  la  Providence  l'avait  chargé. 

Que  telle  fût  la  loi  du  peuple  juif,  il  est 
aisé  de  s'en  assurer  près  de  lui-même,  puis- 
qu'il est  vivant, eit  que,  malgré  quatre  mille 
,  ans  d'une  attente  qui,  à  ses  yeiix,  ne  s'est 
pas  encore  réalisée,  il  n*a  pas  cessé  de  rendre 
un  imperturbable  témoignage  à  l'espérance 
de  ses  aïeux.  Mais  ne  nous  contentons  pas 
de  sa  parole  présente  ;  ouvrons  lés  monu- 
nieals  de  son  liistoîre,  et  suivons-y  les  pro- 
grès de  l'idée  messianique  à  travers  lesprin- 
ci{)aies  phases  qui  marquent  le  développer 
mont  de  la  nation  elle-même,  telles  que  sa 
n-iissance.  sa  formation  en  corps  de  peuple, 
le  point  de  sa,  maturité,  sa  décadence,  sa 
c'i|)ti  vite,  et  sa  renaissance  au  pied  du  second 
tcHi|)le  édifié  par  Zorobabel. 

Nous  voici  dans  les  champs  de  la  Chaldée 
avec  Abraham,  et  nous  allons  entendre  la 
première  parole  qui  fut  comme  la  semence 
de  la  race  hébraïque.  Remarquez  qu'il  ne 
s'agit  pas  desavoù:  si  cette  parole  est  vraie, 
si  elle  a  été  dite  par  Dieu  ;  il  s'agit  seule- 
ment de  constater  Tidée  que  le  peuple  juif 
avait  de  lui-môme  et  de  sa  npission  ici-bas. 
Qu'il  se  trompât  dans  cette  idée ,  c'est  une 
autre  question)  à  juger  plus  tard. 

Dieu  donc,  selon  les  monuments  hébraï- 
ques, dit  à  Abraham  :  Sors  de  ta  terrcy  et  d^ 
ta  parenté^  et  de  la  maison  de  ion  père^  et 
viens  dans  ta  terre  que  je  te  montrerai  ;  et  je 
ferai  de  toi  une  grande  nation^  et  jç  te  bffniraif 
et  je  rendrai  ton  nom  magnifique  et  tu  seras 
béni.  Je  bénirai  ceux  qui  te  béniront^  je  mau- 
dirai ceux  qui  te  maudiront^  et  en  toi  seront 
bénies  toute^s  les  nations  de  la  terre  (783). 
Ainsi,  dii  même  coup,  et  d'une  manière  in- 
séparable, deux  mille  ans  avant  Jésus-Christ, 
le  peuple  juif  vient  au  moudei(  et  avec  lui 
l'idée  me.ssianiqùe,  l'idée  qu'il  porte  dans 
son  sein  une  bénédiction  qui  se  répandra 
surtout  l'univers. 

Abraham  sort  de  la  Chaldée  et  vient  s'éta- 
blir dans  la  terre  promise  à  sa  postérité.  Il 
y  attend  jusqu'à  un  fige  centenaire  le  (ils 
auquel  il  doit  transmettre  l'héritage  mes- 
sianique ;  ce  fils  lui  est  donné  ;  et  lorsque 
reafant  est  parvenu  à  toute  la  grâce  d'une 
heureuse  jeunesse,  Dieu  demande  au  patri- 
arche de  lui  en  faire  un  holocauste  sur  une 
montagne  mystérieuse.  Le  vieillard,  avec 
une  foi  inébranlable  en  la  sagesse  et  la 
bonté  de  Dieu,  lève  la  main  sur  son  fils 
unique  et  bien-aimé,  et  il  entend  cette 
seconde  parole  plus  forte  et  pjus  distincte 
que  la  première  :  Je  rai  juré  par  moi-mêmey 
parce  que  tu  as  fait  cette  chose  et  que  tu  n'as 
pas  épargné  ton  fits  unique  à  cause  de  moi^je 
te  bénirai  et  je  multiplierai  ta  semence  comme 
les  étoiles  du  ciel  et  comme  le  sable  qui  est  sur 
le  rivage  de  la  mer.  Ta  semence  possédera  les 
portes  deses  ennemis^  et  en  ta  semence  seront 

«783)  Ctn.  XII,  1-3. 
{lU)  ikn.  xMi,  lC-18. 


bénies  toutes  tes  nations  de  la  («•re[76i).  U 
serment  est  aiouté  à  la  force  de  la  proiuesse, 
et  il  est  indique  plus  clairement  que  1a 
bénédiction  messianique  se  répandra  sur  le 

f;cnre  humain  tout  e(ilier,  non  par  Abratiaiu 
ui-mème,  mais  par  sa  postérité. 

Isaac,  âls  d'Abraham,  entend  la  mèoiç 
promesse  et  la  même  prophétie  ;  elles  sont 
redites  à  Jacob,;  fils  d'isaac.  Les  trois  frr^ 
mières  générations  hébraïques,  ainsi  coti 
firmée$  dans  l'espérance  du  Messie,  s*é|t8; 
nouissent  ep  douze  patriarches,  pères  euv 
mêmes  de  douze  tribus,  et  iacoo,  près  j 
mourir,  les  rassemble  aiutourdesonm|)oii| 
clore  le  premier  âge  messianique  par  i 
))rophétie  solennelle  qui  résumé  les  pr^ 
dentés,  en  leur  donnant  uneDOuvellc  ;d 
sion.  Ayant  donc  autour  de  lui  ses  dut 
enfants,  il  annonce  à  chacun  d'eut, 
quelques  traits  caractéristiques,  quel 
Içur  rôle  dans  l'avenir.  ArrivéàJuJa^ill . 
dit  ces  mémorables  paroles  :  Juia^talHà 
te  loueront  :  tf  main  sera  sur  la  tête  de  le 
ennemis,'  et  les  fils  de  ton  père  tïdoraM 
Juda  est  le  petit  (fun  lion  ;  tu  esmii^i 


filsy  pour  saisir  ta  proie^  tu  fes  ewMlf^ 
te  rq)os  comme  un  lion  et  une  im 
réveillera  ?  Le  sceptre  ne  sera  poiM 


Juda^  ni  un  chef  dt  sa  race^  jusqu'à  cr| 
tienne  celui  qui  doit  être  envoyé  tt  guî 
Vatttnte  des  na^'ons  (785).  Ainsi,  au  (ûC 
où  l'hérédité  patriarcale  se  subdivise eni 
branches,  la  branche  où  naîtra  le  Mes 
désignée,  ce  sera  celle  de  Juda,  el  le 
préotîsliné  de  l'apiiarition  messianique 
marqué  d'un  si^^ue  que  la  postérité 
naîtra  facilement. 
Le  sangd'Abraham,  d'isaac 


ac  et  de  Jacokj 
ultipiiedaûsf 


désormais  fécond  ;  i)  se  multi|i! 
ter^e  qui  lui  a  doimé  rhospitaiilétCtdetî 
biqnlôtun  objet  de  crainte  etdejaîoosj 
passe  de  l'exil  à  la  servitude,  afin  de|| 
dans  la  tribulation  un  a[)prenlissage  a^ 
saire  h  se$  hautes  destinées.  Ou  cn4 

1  mordre,  on  le  forlilîe  ;  Israçl  est  un  poï 
iloïse  Iq.  tire  de  TEgj'pte  el  le  niène.àlr 
le  désert,  au  pied  du  Sinaï,  d'où  doMei 
les  lois  qui  doivent  le  gouverner.  Sir 
suivez  cette  marche  prolonde  d'un  si 
peuple  ;  vos  ^eux  d'enfant  en  ont  a( 
vu  les  merveilles  ;  regardez-les  de  ne 
avec  la  pensée  de  l'homme  fait.  De 
ments  en  campements,  Israël  arrive  ei 
du  Jourdain,  aux  frontières  de  ce  lerr 
habité  par  ses  premiers  ancêtres,  elil« 
possession  est  promise  à  leur  poslériléjj 
rencontre  tout  un  peuple  en  armes  allct» 
ces  aventuriers  qui  ont  s[)Olié  TEg}}^ 
dont  la  marche  a  retenti  dudéierlju>qul 
collines  de  la  Judée.  Moab  a  ranimé  >ch 
taillons  ;  il  a  dressé  ses  autels  conîof 
ses  chefs  ;  Israël  est  debout  avec  ses  fetDta 
ses  enfant^s  ses  soldats,  ses  lévites,  \m 
caché  sous  des  peaux  d'animaux  le  tat)crt 
de  du  Dieu  qui  vient  de  lui  parler  au  Nfl^ 
un  homme  de  l'Orient  s'avance  cuire 

(785)  Cou  xnx,  8-10. 


T«9 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PRO 


190 


ficux  (tcupies.  Aa//ir,  Jil-il,  Balac^  le  roi  des 

Mcabiies,  m'a  fait  venir  dAram^  des  monta- 

rjn(f  de  VOrient^  it  rna  dit  :  Viens  et  maudis 

Jocob  :  hâte-toi  de  rmir,  et  déteste  Israël. 

Cojnmpnr  maudirais-je  celui  que  Dieu  ne  mau- 

iti  j[Ms  ï  Comment  déttsterais*je  celui  que  le 

"^tigneur  ne  déteste  pas  ?  Je  le  verrai  du  haut 

1rs  rochtrs^je  le  considérerai  du  haut  des 

'Mines  ;  ce  peuple  habitera  solitaire  et  ne 

tfa  point   compté  parmi  les    nations.  Et 

i*fHrlant  qui  pourra  compter  la  poussière  de 

^ncob  et  connaîtra  le  nombre  de  la  descendance 

^ItraH  (786)  ?  Ces  bénédielions  imprévues 

P'jîivanlent  Moab  ;  on  conjure  le  prophète, 

e  changer  de  langage  ;  s'il  ne  veut  pas  mau- 

ire,  on  le  conjure  au  moins  de  ne  pas  bénir. 

*f^>\s  fois  Balaam  ouvre  la  bouche,  trois  fois 

bcnit  le  peuple  conquérant  qu'il  a  sous 

^^euxy  et  enfin  la  prophétie  messianique 

échappe  de  son  sein  comme  malgré  lui  :/€ 

•rerra/,  mais  non  pas  maintenant  ;ie  le  con^ 

lapitrai^mais  non  pas  de  près.  Une  /toile  se  le- 

fradf  Jacob ^  et  une  tige  surgira  d'Israël  ;  elle 

i;i,'era  hs  chefs  de  Moab  et  soumettra  tous  Us 

£F.'i deStéh...  Hélas  !  qui  sera  en  vie  quand 
[tfG  ces  choses! Ils  viendront  delltaiiesur 
IrirmeSf  ils  subjugueront  les  Assyriens , 
'uniront  leur  domination  sur  les  Hébreux^ 
li^  ils  périront  eux-mêmes  (787) . 
Inwquez-Ie  encore  une  fois,  il  ne  s'agit 
A  savoir  si  Balaam  était  ou  non  prophè- 
ms  seulement  de  consiater  le  cours  de 
messianique  dans  \ix  vie  monumentale 
'^uple  Juif.  Vous  voyez  cette  idée  pren- 
/iJ  un  développement  nouveau;  ce  n'est 
un  patriarche  israélite  qui  annonce  la 
lue  du  Messie  et  rétablissement  de  son 
jme  sur  tous  les  enfants  de  Seth,  c'est-à- 
n  (l'Adaro,  c'est  un  étranger.  Et  il  désigne 
teireojislances  de  son  avènement  avec  une 
Çspicacite  bien  étrange,  puisqu'il  va  jus-' 
h  Jésigiier  la  domination  des  Romains  sur 
fricnlet  sur  le  peuple  Juif  comme  le  signe 
fcorseur  de  Tapparition  du  Messie. 
BaM.I  et  Salomon  marquent  le  point  le 
is  élevé  de  la  monarchie  hébraïque,  et 
Keux  commencent  ces  hymnes  nationaux 
religieux  connus  sous  le  nom  de  psaumes. 
iDtés  dans  le  temple  de  Jérusalem  aux 
des  grandes  solennités,  ils  exprimaient 
e  manière  publique  le  sentiment  inté- 
r«  les  espérances  et  les  vomx  de  toute 
tion.  Or  il  est  facile  d'y  reconnaitre 
messianique,  se  faisant  jour  è  tout 
js  dans  râtne  du  poëte  et  du  peuple.  En 

t lisant,  vous  y  remarquerez  des  passages 
que  c^tui-ci  :  Toutes  les  nations  de  la 
tr  se.  ressouviendront  du  Seigneur  et  se  con^ 
fitront  à  lui  ;  to.ites  les  familles  des;?efi- 
^'  adoreront  en  sa  présence^  parce  que  le 
ytume  sera  au  Seigmur  et  que  lui-même 
l'tfrnern  les  nations.  Tous  les  grands  de 
î^rre  mangeront  et  adoreront  ;  tout  ce  qui 
^rcnd  dans  la  tombe  s^abaissera  devant 
788). 

'ifj)  :Vififi.  sxiii,  7-10. 
T87)  iV««.  xjiiv,  17,  23,  24, 
-rwo  Psai.  1X1.28-30. 
>?>;  ha.  LU,  i. 


Plus  tard  encore  aux  approcnesdc  ladéca* 
dence  et  de  la  captivité,  sopt  cents  ans  tou* 
tefois  avant  Jésus-Christ,  l'idée  messianique 
prend  dans  Isaïe  une  clarté  et  uneabondance 
d^expressions  qu'il  est  impossii)le  de  vous 
rendre  parce  qu'il  faudrait  vous  citer  des 
pa^^es  qui  vous  fatigueraient  par  leur  nom- 
bre et  leur  longueur.  C'est  lui  qui  voit  1^ 
Messie  sortir  de  la  race  de  Jesse,  pèr-e  de 
David,  et  qui  décrit  à  la  fois;  comme  si  on 
était  au  Calvaire  et  au  Vatican,  la  splendeur 
des  souffrances  et  des  triomphes  de  Jésus- 
Christ.  lAve-toiy  lève-toi^  revêtS'^toidetaforce, 
Ston,  prends  tes  vêtements  de  gloire^  Jérusa- 
lem^ cité  du  Saint  y  parce  que  V immonde  et 
Vincirconcis  ne  passent  plus  dans  tes  murs 
(789).  Quils  sont  beaur^  sur  tes  monts^  les  pieds 
de  celui  qui  annonce  et  qui  prêche  ta  paix^^ 
qui  annonce  le  bien,  qui  prêche  le  saluty ,  qui 
dit  à  Sion  :  Ton  Dieu  régnera  (790)...  Le  Sei- 
gneur a  préparé  son  bras  saint  sous  les  yeux 
de  toutes  les  nations,  et  toutes  les  parties  de 
ta  terre  verront  le  salut  de  notre  i>teu(791)..... 
Mon  serviteur  aura  Inintelligence,  il  sera  ex- 
alté, il  sera  élevé,  il  sera  sublime  outre  mesure. 
Cependant,  comme  plusieurs  se  sont  étonnés 
de  tes  misères,  Jérusalem,  ainsi  son  visage 
sera-t-Usans  gloire  parmi  les  hommes,  et  sa 
figure  parmi  le»,  enfants  des  hommes.  Il  arro- 
sera la  multitude  des  nations  ;  les  rois  tieur 
dront  leur  bouche  fermée  devant  la  sienne 
parce  que  ceux  auxquels  il  n  avait  point  été 
annoncé  le  verront,  et  ceux  qui  n'en  avaient 
point  entendu  parler  le  contempleront  (792). 
Et  immédiatement  après,  Isaïe  commence  la 
description  des  douleurs  et  des  ignominies, 
du  Calvaire,  et  il  l'achève  en  douze  versets 
consécutifs.  Puis  il  reprend  sans  s'arrêter 
ses  chants  de  triomphe  :  Celui  qui  t'a  fait, 
dont  le  nom  est  le  Seigneur  des  années,  celui" 
là  régnera  sur  toi^etton  Rédempteur,  le  Saint 
d'Israël,  sera  appelé  le  Dieu  dé  loulei  la  terre 
(793). 

Mais  c'est  à  Babylone,  pendant  la  captivité, 
six  cents  ans  avant  Jésus-Christ,  que  Tidée 
messianique  a  revêtu  une  forme  qui  va  jus- 
qu'à la  clarté  et  la  précision  mathématiques. 
Faut -il  vous  rappeler  la  prophétie  de 
Daniel  ?  Ecoutez-la  donc  :  Sotxante-dix  se- 
maines ont  été  abrégées,  sur  ton  peuple  et  sur 
ta  sainte  ville,  pour  que  la  prévarication 
soit  consommée,  et  ^ue  te  péché  prenne  fin^ 
et  que  l'iniquité  soit  détruite,  et  qu*arrive  la 
Justice  étemelle,  et  que  la  vision  s'accomplisse 
avec  la  prophétie,  et  que  le  Saint  des  saints 
soit  oint.  Sache  donc  et  fais  attention  :  à 
partir  du  décret  pour  le  rétablissement  de 
Jérusalem  jusqu'au  Christ -Roi,  il  s'écoulera 
sept  semaines  et  soixante-^deux  semaineSf  le 
Christ  sera  mis  à  mort,  et  il  n'aura  plus 
pour  peuple  celui  gui  doit  le  renier.  Et  un 
peuplequi  doit  vemr  avec  un  chef  renversera 
la  ville  et  le  sanctuaire,  et  la  fin  sera  la  dé- 
vastation, et  après  la  fin  de  laauerre^une 
désolation  fixe,    Cevendant  ralliance  sera 

(7S0)  Ibid.,  7. 
(791)  Ibid.,  10. 
(792)/frtd.,  1515. 
(793)  ha.  uv,  5 


79Ï 


rao 


D1CT10NNAIR£  APOLOGETIQUE. 


PRO 


m 


eanfirmée  pour  la  muliitude  dans  une  se- 
maine^  et  au  milieu  de  /a  semaine»  Vhostie  et 
le  sacrifice  cesseront  f  et  rabomintUionde  la  de- 
sokuion  seira  dans  le  temple^  et  la  désolation 
persévérera  jusqWà  la  consommation  et  à  la 
fin  (794). 

Je  ne  BQ*arr6te  pas  à  faire  ressortir  les 
traits  de  ce  discours  qui  ressembla  moins  à 
une  Yue  de  l^arenir  qu'à  une  narration  du 
passé.  Le  cours  des  choses  m'emporte  et  oie 
conduit  pour  entendre  au  pi^  du  second 
temple,  cinq  cents  ans  aYanl  Jésus-Christ, 
ce  dernier  mot  du  prophète  A^ée  :  Encore 
un  peu  de  tempsy  dit  l^Sfigneur  des  armées, 
etj  ébranlerai  U  ciel  et  la  terre^  et  la  mer  et 
le  désert^  et  j  ébranlerai  toutes  les  nation^^ 
et  te  désiré  de  toutes  les  nations  viendra^  et 
je  remplirai  cette  maison  de  gloire^  dit  le 

Seigneur  des  armées La  gloire  de  cette 

seconde  maison  sera  plus  grande  que  la  gloire 
de  la  première^  et  dans  ce  Ueu-ciie  donnp'ai 
la  paix  (795). 

Quelle  suite  à  travers  tant  de  siècles  et 
d'événements  l  Quelle  fidélité  k  une  même 
idée  de  la  part  de  tant  d'hommçs  que  les 
Ages  séparaient  1  Mais  Tidéa  messianique 
ne  s'est  pas  même  renfermée  dans  la  tradi* 
tion  particulière  du  peuple  juif;  elle  a  ymssé 
le  Jourdain,  TEuphrate,  l'Indus,  la  Médi- 
terranée, tous  les  océans,  et,  portée  sur  les 
ailes  invisibles  de  la  Providence,  elle  a  pé- 
nétré chez  les  peuples  les  plus  divers  et  les 
\Aus  lointains,  pour  y  créer  une  espérance 
uniformeet  un  universel  souvenir.Confucius, 
k  l'exti^éroité  orientale  de  l'Asie,  parlait 
d'un  saint  qui  était^  disait-il,  le  véritable 
sainte  et  qui  devait  venir  de  TOccident. 
Virgile,  traduisant  en  vers  les  oracles  de  la 
sybille  de  Cumes,  annonçait  au  siècle  d'Au- 
guste la  veuue  d*ùn  enfant  mystérieux,  fils 
de  Jupiter,  destiné  h  bannir  du  inonde  les 
vestiges  de  l'antiauité;  et  à  commencer  un 
ordre  aussi  granci  que  nouveau.  Tacite,  à 
propos  du  rèf^ne  de  Vespasien,  s'exprimait 
ainsi  :  «  C'était  une  persuasion  répandue, 
que,  suivant  d'antiques  écrits  sacerdotaux,  à 
cette  époque-là  môme,  l'Orient  devait  préva- 
loir, et  des  hommes  sortis  de  ^  Judée  s'em- 
fïarer  du  gouvernement  des  choses,  »  Les 
rationalistes  du  xviu'  siècle,  contraints  par. 
l'évidence,  ont  avoue  souvent  cette  unani- 
mité de  l'attente  messianique.  Voltaire  a 
(iit  :  «  C'était,  de  temps  immémorial,  une 
maxime  chez  les  Indiens  et  les  Chinois, 
que  le  Sage  viendrait  de  l'Occident.  L'Eu- 
rope, au  contraire,  disait  que  le  Sage  vien- 
drait de  l'Orient  (7%).  »  Volney  a  dit  : 
«  Les  traditions  sacrées  ft  mythologiques 
des  temps  antérieurs  avaient  réjancludans 
toute  l'Asie  la  croyance  -d'ua  grand  média- 
teur qui  devait  venir,  d'un  juge  final,  d'uu 
sauveur  futur,  roi,  Ôieu,  conquérant  et  lé- 
gislateur, oui  ramènerait  l'Age  d'or  sur  la 
terre,  et  délivrerait  les  hommes  de  l'empire 
du  mal  (797).  »  Boulanger,  sous  une  forme 


(794)  Daniel,  ix,  24-27. 

(795)  Agg.  ii,7.8,iO. 
["^Oi})  AdftUiom  à  rhhtoi 


re  générale,  p.  115. 


encore  plus  générale,  a  confessé  que  tous 
les  peuples  avaient  eu  tme  cjpecicutte  de 
cette  espèce^  et  il  ajoute  cette  étonnante  [4. 
rôle,  qu'on  pourrait  appeler  l'Orieni,  \ 
pôle  de  l'espérance  de  toutes  les  na/(oni(79(). 
C'est  le  mot  même  de  J^cob  à  son  lit  ij^ 
mort. 

U  est  donc  certain,  l'idée  messianique  1 
été  l'Ame  du  peuple  juif,  peadantlecouni 
des  deux  mille  ans  qui  ont  précédé  Jésu^i 
Christ,  et  cette  idée  s'était  ré|)andue  rbci 
tous  les  peuples  du  monde  avec  une  teili 
unanimité,  qu'il  n'est  p^s  mÊine  possible  dj 
s^en  rendre  comple  par  les  communitalioQi 
de  l'hébraïsme  avec  la  geolililé,  maisijul 
faut  supposer  uiie  diffusion  de  celle  i" 
antérieure  mème^  Abraham.  El  celle 
messianique,  si  extraordinaire  dans 
universalité,  son  progrès,  sa  persévérai 
sa,  précision,  s'esl-elle  enfin accompliet 
elle  s'est  accomplie  :  le  Dieu,  un  et  créai 
de  la  Bible  hébraïque  est  devenu  le  Dici 
presque  toute  la  terre,  et  les  nationioir 
qui  ne  l'ont  pas  encore  accepté  lui 
nommage  par  un  certain  nombre  J) 
teurs  que  la  Providence  élit  danslnr 
Et  cette  incroyable  révolution,  qûTiil 
accomplie?  Un  seul  homme,  leChnl' 
d'où  était-il,  le  Christ?  Il  était  Juit,> 
tribu  de  Juda,  de  la  maison  de  BariL' 
comment  l'a-t-il  accomplie,  retle  p\ 
gieuse  révolution  sociale  et  religieuse^ 
souffrant  et  mourant,  comme  David, 
Daniel,  l'avaient  annoncé 

Maintenant  je  vous  prie^  qu^en 
vous  ?  Voici  deux  faits  parallèles  et 
respondants,  tous  les  deux  certains, 
les   deux  d'une  proportion  colossale, 

2ui  a  d!U*é  deux  mille  ans  avaol  i^ 
hrist>  l'autre  qui  dure  depuis  dii«l| 
cents  ans  après  Jésus  «  Christ  ;  Vunl 
annonce  une  révolution  considérable ell 
possible  à  prévoir,  l'autre  qui  en  esiW 
corn  plissement,  tous  les  deui  ayant  I'^ 
Christ  pour  principe,  pour  terme,  pourc 
d'union.  Encore  une  fois,  qu'en  pensez-voi 
Prendrez-vous  le  parti  de  nier? Mais qu 
ce  que  vous  nierez  ?  Sera-ce  reiisW 
ridée  messianique  ?  Mais  elle  est  da 
peuple  juif,  qui  est  vivant,  dans  lot 
suite  des  monuments  de  son  histoire. 
les  traditions  universelles  du  genre  h 
dans  les  aveux  les  plus  exprès  de  la  jW 
fonde  incrédulité.  Sera-ce  l'antérioriie 
détails  prophétiques  ?  Mais  le  peuple 
qui  a  crucifié  Jésus-Christ  et  quiauflin 
national  et  séculaire  à  lui  ravir  les  prei 
de  sa  divinité,  vous  affirme  que  ses  Ecn|i 
étaient  aulrefoisce  qu'elles  sontaujouw 
et  pour  plus  de  sûreté,  deux  cents  cinqu 
ans  avant  Jésus-Christ,  sous  le  roi  uEal 
Ptolémée-Philadelphe,  et  par  ses  owjj 
tout  l'Ancien  Testament,  traduit  en  gfl 
est  tombé  en  la  possession  du  monde  gw 
du  monde  romain,  de  tout  le  mondemi"' 

(797)  Les  Ruines,  p.  228, 

(798)  Recherches  sur  l'origine  du  desTOi'^^'  *''* 
lai,  section  x. 


:rj 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PRO 


oiis  retoumerez-vous  vers  l'autre  pôle  de 
m;  uestioD,  et  nierez-vous  l'accomplisse- 
iL-m  de  ridée  ûiessiaui(jue  ?  Mais  I  Eglise 
!f/coliaue,  fille  de  cette  idée,  est  sous  vos 
*u  \t  elle  vous  a  baptisés.  Sera-ce  au  point 
î  r  encontre  de  ces  deux  formidables  événe- 
umis  que  vous  chercherez  votre  point  d'ap*- 
11  lî  Nierez-vous  que  Jésus-Christ  ait  vériné 
urB  sa  |)ersonne  Tidée  messianique,  qu*il 
(  juif,  de  la  tribu  de  Juda;  de  la  maison 
1  ^avid,  et  le  fondateur  de  l'Eglise  catbo- 
^\  e  sur  la  double  ruine  de  la  Synagogue 
a  41  l'idolAtrie  ?  Mais  les  deux  parties  m* 
>^  ssées,  et  irréconciliables  ennemies,  con- 
^\#nenl  de  tout  cela.  Le  Juif  dit  :  oui,  et  le 
\é\\en  dit:  oui.Direz-vous  que  cette  ren- 

Êre  d'événements  colossaux,  au  point 
is  de  Jésus-Christ,  est  Teffôt  du  hasard? 
U\e  hasard,  s'il  y  en  a,  n'est  qu'un  accî- 
U  bref  et  fortuit,  sa  définition  exclut  l'idée 
buite  ;  il  n'y  a  nas  de  hasard  de  deux 
l«  ans,  et  de  dix-huit  cents  ans  par-dessus 
famille  ans.  Direz-vous  enfin  que  c*est  le 
ilit  d'uue  longue  conspiration,  par  la- 
ie le  peuple  juif,   ambitieux  et  tbéolo- 
a  cherché  h  se  créer  dans  le  monde 
nJe  existence  ?  Quoi  I  une  conspira- 
làiicux  mille  ans,  iondée  sur  un  chef 
««santé  générations  devront  attendre, 
"ÙBdra  créer  Après  l'avoir  si  patiem- 
42/i'iidu  ?  Héias  I  ou  a  bien  de  la  peine 
'irvr  en  faveur  d'un  homme  vivant  ; 
iera-ee   eq   faveur  d'un  homme    qui 
tci)QS9  et  qu'on  suppose  devoir  naître 
éiAh\ue  indéterminée  I  Et  ;'emarquez 
tet  homme  venu,  Jes  Juifs  l'ont  cruci- 
ns  doute  parce  que  le  supplice  faisait 
de  la  conspiration.  Remarquez  de 
fiju'ils  Tout  nié  après  comme  avant  le 
4icc,  sans  doute  pour  assurer  le  succès 
de  la   c4>nspiration   et  tout  le  succès 
d^ition  et  de  théologie  qu'ils  s'en  pro- 

land  Dieu  travaille,  il  n'y  a  rien  à  faire 
re  lui.  Les  proportions  de  Jésus-Christ 

le<5  temps  qui  l'ont  précédé  sont  plus 
Mnles  encore  que  les  proportions  toutes 
ie:>  de  sû  vie  et  de  sa  survie.  Car  enfin, 
id  on  vit,  on  est  une  puissance,  on  a 
i::(îon,  il  est  possible  de  concevoir  que 
jnes  circonstances  ont  favorisé  un 
lue  d*uu  rare  génie  et  lui  ont  donné  sur 
llulemporains  un  immense  asccndcnt.. 
jk  opres  la,  mort,  il  reste  de^  auiis,  des 
Pie5,  le  souvenir  d'une  vie  qui  a  été 
S,  et  par  conséquent  un  moyen  suryi- 
..^^action.  Mais  sur  ce  qui  nous  a  précé- 
»ur  le  passé,  que  peut-on  ?  Qui  (^e  nous, 
ftinent  qu'il  soit,  peut  se  fa^re  un  ancô- 
Qui  de  nous,  voulant  établir  une  doctri- 
ne créera  un  avant-garde  de  générations 

tiièles  à  une  parole  qui  n'était  pas 

)ru  ?  Qui  de  nous  présentera  au  monde 

di'ux  doctrinaux,  s'il  nest  pas  vérila- 

ïeni  fils  d'une  doctrine  antérieure  à  lui? 

I«.*  passé  est  une  terre  close  ;  le  passé 


n'est  pas  même  un  lieu  où  Dieu  pui. 
agir,  à  moins  qu'il  n'y  agisse  d'avance  en  v 
préparant.  Si  Jésus-Christ  avait  été  comme 
l'un  de  nous,  tombé  sans  une  préexistence 
providentielle  entre  le  passé  et  Pavenir,  it 
eût  vainement  demandé  à  l'histoire  accom- 
plie et  fermée  un  piédestal  qui  le  reportât 
de  vingt  siècles  en  arrière  de  son  propre 
berceau.  Au  lieu  de  cela,  Abraham,  Isaac, 
Jacob,  David,  Isaïe,  Jérémie,  Ezéchiel,  Da- 
niel, un  peuple  tout  entier,  le  genre  humain 
lui-même,  viennent  le  reconnaître  et  le 
saluer  dans  les  bras  du  vieillard  Siméon, 
s'écriant  au  nom  de  tout  le  passé,  dont  il  est 
le  dernier  représentant  :  Maintenant^  Sei- 
gneuTj  vous  laisserez  mourir  votre  serviteur 
en  paix,  selon  votre  parole^  parce  que  mes 
yeux  ont  vu  Vauteur  de  votre  salut  que  vous 
avez  préparé  à  la  face  de  tous  les  peuples  pour 
être  la  lumière  révélatrice  des  nations^  et  la 
gloire  de  votre  peuple  Israël  (799). 

C'est  ici  le  comble  :  Jésus-Christ  nous 
apparaît  le  mobile  du  passé  autant  que  le 
mobile  de  l'avenir,  l'âme  des  temps  anté- 
rieurs à  lui  aussi  bien  que  l'âme  des  temps 
postérieurs  h  lui.  Il  nous  apparaît  dans  c.3S 
ancêtres,  appuyé  sur  le  peuple  juif,  qui  est 
le  plus  grand  monument  social  et  religieux 
des  temps  anciens,  et  dans  sa  postérité,  ap- 
puyé sur  l'Eglise  catholique,  qui  est  la  plus 
grande  œuvre  sociale  et  religieuse  des  temps 
nouveaux.  Il  nous  apparaît,  tenant  dans  sa 
main  t^auche  l'Ancien  Testament,  le  plus 
grand  livre  des  temps  qui  l'ont  précédé,  et 
tenant  dans  sa  main  droite  l'Evangile,  le 

Ï)Ius  grand  livre  des  temps  qui  l'ont  suivi. 
li  cependant,  ainsi  précédé  et  suivi,  il  est 
plus  grand  en  lui-même  que  ces  ancêtres  et 
que  sa  postérité,  que  les  patriarches  et  les 
prophètes,  que  les  apôtres  et  les  martyrs. 
Porté  par  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  illustre  en 
arrière  et  en  avant  de  lui,  sa  physionomie 
personnelle  se  détache  encore  sur  ce  fond 
sublime,  et  nous  révèle,  en  sur|)assant  ce 
qui  semblait  au-dossus  de  tout,  le  Dieu  q\\} 
n'a  point  de  modèle  et  qui  n'a  |»oinl  d'égal. 
C'est  pourouoi,  h  la  vue  de  celle  triple  mar-. 
cjue  de  la  dfivinité,  avant,  pendant  et  après, 
dans  les  ancêtres,  dans  la  postérité,  et  dans 
le  temps  même  de  la  vie,  levons-nous,  le- 
vons-nous tons  ensemble,  qui  que  nous 
soyons,  croyants  et  non  croyants.  Levons- 
nous,  croyants,  avec  le  respect,  l'admira- 
tion, la  foi,  l'amour  pour  un  Dieu  qui  s'es^ 
montré  à  nous  avec  tant  d'évidence,  et  qui^ 
nous  a  choisis  entre  les  hommes  pour  nou£^ 
faire  les  dépositaires  de  cet  éclat  splendide, 
de  sa  vérité  !  Et  nous  qui  ne  croyons  pas, 
levons^nous  aussi,  mais  avec  crainte,  avec, 
anxiété,  comme  des  hommes  qui  sont  bien, 
petits ,  avec  leur  puissance  et  leur  rai- 
sonnement,  devant  des  faits  qui  remplis* 
sent  tous,  les  siècles  et  qui  sont  si  pleins 
eux-ro^mes  de  l'empire  et  diS  la  majesté  do 
Dieu  (800)  I 


Inc.  Il,  29,  30,31,  3Î. 


{F 


volume. 


'^t 


rao 


DICTIOHNÂIRË  APOLOGETIQUE. 


PRO 


1» 


confirmée  pour  la  muliitude  dans  une  se- 
maine^ et  au  milieu  de  ïasemaine^  f  hostie  et 
le  sacrifice  cesseront^  et  Vabominaiionde  la  dé- 
solation sera  dans  le  temple^  et  la  désolation 
persévérera  jusqu'à  la  consommation  et  à  la 
fin  (7M.). 

Je  ne  m^arréte  pas  à  faire  ressortir  les 
traits  de  ce  discours  qui  ressembla  moins  à 
une  Yue  de  Tavenlrqu'à  une  narration  du 
passé.  Le  cours  des  cho.^es  m'emporte  et  me 
conduit  pour  entendre  au  pied  du  second 
temple,  cinq  cents  ans  avant  Jésus-Christ, 
ce  dernier  mot  du  prophète  Aggée  :  Encore 
un  peu  de  tempSy  dit  l^  Sfigneur  des  armées, 
et  j'ébranlerai  U  ciel  et  la  terrcy  et  la  mer  et 
le  désert^  et  j  ébranlerai  toutes  les  nations.^ 
et  le  désiré  de  toutes  ks  nations  viendra^  et 
je  remplirai  c^tte  maison  de  gloire^  dit  le 

Seigneur  des  armées La  gloire  de  cette 

seconde  maison  sera  plus  grande  que  la  gloire 
de  la  première^  et  d^us  ce  Ueu-dje  donn^ai 
la  paix  (795). 

Quelle  suite  à  travers  tant  de  siècles  et 
d*événements  1  Quelle  fidélité  k  une  même 
idée  de  la  |:)art  de  tant  d'hommçs  que  les 
âges  séparaient!  Ms^is  Tidéa  messianique 
ne  s*e$t  |ias  même  renfermée  dans  la  tradi* 
tion  particulière  du  peuple  juif;  elle  a  passé 
le  Jourdain,  TEuphrate,  Tlndus,  la  Médi- 
terranée, tous  les  océans,  et,  portée  sur  les 
ailes  invisibles  de  la  Providence,  elle  a  pé- 
nétré chez  les  peuples  le^  plus  divers  et  les 
plus  lointains,  pour  y  créer  une  espérance 
uniformaet  un  universel  souvenir.Confucius, 
h  l'extrémité  orientale  de  l'Asie,  parlait 
d*un  saint  qui  était^  disait-il,  le  véritable 
sainte  et  qui  devait  venir  de  l'Occident. 
Virgile,  traduisant  en  vers  les  oracles  de  la 
sybille  de  Cumes,  annonçait  au  siècle  d'Au- 
guste la  vei^ue  d  un  enfant  mystérieux,  fils 
de  Jupiter,  destiné  à  bannir  du  monde  les 
vestiges  de  l'aniiauité;  et  à  commenter  un 
ordre  aussi  grancl  que  nouveau.  Tacite,  à 
profios  du  rèf^ne'de  Vespasien,  s'exprimait 
ainsi  :  «(,  C'était  une  persuasion  répandue, 
que,  suivant  d'antiques  écrits  sacerdotaux,  à 
cette  époque-là  mènie,  l'Orient  devait  préva- 
loir, et  des  hommiçs  sortis  de  la  Judée  s'em- 
r^arer  du  gouvernoment  des  choses,  i»  Les 
rationalistes  du  xviir  siècle,  contraints  par. 
Tévidence,  ont  avoué  souvent  celte  unani- 
mité de  l'attente  messianique.  Voltaire  a 
(lit  :  «  C'était,  de  temps  immémorial,  une 
maxime  chez  les  Indiens  et  les  Chinois, 
que  le  Sage  viendirait  de  l'Occident.  L'Eur 
l'ope,  au  contraire,  disait  que  le  Saige  vien- 
drait de  l'Orient  (796).  )>  Volney  a  dit  : 
«I  Les  traditions  sacrées  et  mythologiques 
des  temps  antérieurs  avaient  répandu  dans 
toute  l'Asie  la  croyajice  -d'uni  grand  média- 
teur qui  devait  venir,  d*un  juge  final,  d'uu 
sauveur  futur,  roi,  Ûieu,  conquérant  et  lé- 
gislateur, qui  ramènerait  l'&ge  d'or  sur  la 
terre,  et  délivrerait  les  hommes  de  l'empire 
du  mal  (797).  »  Boulanger,  sous  une  forme. 

(794)  DanieL  ix,  24-27. 

(795)  Agg.  ii,7,S,10. 

(•790)  Additions  à  C histoire  générale,  p.  15. 


encore  plus  générale,  a  confessé  que  tous 
les  peuples  avaient  eu  une  ejpecioem  de 
cette  espèce^  et  il  ajoute  cette  étonnante  pi- 
rôle,  qu'on  pourrait  appeler  l'Orienl,  le 
pMe  de  P espérance  de  toutes  les  nalion9{Mj, 
C'est  le  mot  m^e  de  J^^cob  à  son  lit  do 
mort. 

Il  est  donc  certain,  l'idée  messianique  a 
été  l'Ame  du  peuple  juif,  peodam  le  court 
des  deux  mille  ans  qui  ont  précédé  Jé$u&. 
Christ,  et  cette  idée  s'était  ré))aDdQe  ebei 
tous  les  peuples  du  monde  avec  une  tell» 
unanimité,  qu'il  n^est  pias  m&me  possible  d^ 
s^en  rendre  compte  par  les  communiialioni 
de  l'hébraisme  avec  la  gentilité,  mais(}tti 
faut  supposer  une  diffusion  d^  celle  ir"^ 
antérieure  même  a  Abraham.  El  celte  i 
messianique,  si  extraordinaire  dans 
universalité,  son  progrès,  sa  persévérance 
sa  précision,  s'esl^elle  enfin  accomplie ?0t, 
elle  s'est  accbin plie  :  le  Dieu,  un  et  créaleuî 
de  la  Bible  hébraïque  est  devenu  le  Bicttdl 
presque  toute  la  terre,  et  les  nationsmiM 
qui  ne  l'ont  pas  encore  accepté  luireoiM. 
nommage  par  un  certain  nombre  ùéùSi^ 
teursque  la  Providence  élit  danskvsei('. 
Et  celte  incroyable  révolution,  qùïito 
accomplie?  Un  seul  homme,  le Chrâll 
d'où  était-il,  le  Christ?  Il  àait  Juil,il1l 
tribu  de  Juda,  de  la  maison  de  DaTill 
comment  l'a-t-il  accomplie,  cette  p 
gieuse  révolution  sociale  et  religieuset 
souffrant  et  mourant,  comme  David/ 
Daniel,  Tavaient  annoncé 

Maintenant  ie  vous  prie^  qu*en  pe 
vous  ?  Voici  deux  faits  parallèles  et 
respondants,  tous  les  deux  certains, 
les  deux  d'une  proportion  colossale,  î^ 
qui  a  d!U*é  deux  mille  ans  avant  lé^ 
Christ  >  Taulre  qui  dure  depuis  dii-N 
cents  ans  après  Jésus  r  Clirist  ;  VtiQ  % 
annonce  une  révolution  considérable  et  i| 
possible  à  prévoir,  l'autre  qui  en  est  II 
corn  plissement,  tous  les  deux  ayant  Wsj 
Christ  pour  principe,  pqur  terme»  pourfl 
d'union.  Encore  une  fois,  qu'en  pensez-voi 
Prendrez-vous  le  parti  de  nier? Mais qof 
ce  que  vous  nierez  ?  Sera-ce  TexisleocÉ 
l'idée  messianique  ?  Mais  elle  est  dans^ 
peuple  juif,  qui  est  vivant,  dans  ton'" 
suite  des  monuments  de  son  histoire, 
les  traditions  universelles  du  genre  hu 
dans  les  aveux  les  plus  exprès  de  la  plus 
fonde  incrédulité.  Sera-ce  i'antériorilé 
détails  prophétiques  ?  Mais  le  peuple  i 
qui  a  crucifié  Jésus-Christ  et  qutauainti 
national  et  séculaire  à  lui  ravir  les  preo 
de  sa  divinité,  vous  affirme  que  ses  Ecril^ 
étaient  autrefoisce  qu'elles  sont aujounJ » 
çt  pour  plus  de  sûreté,  deux  cents  cinquai 
ans  avant  Jésus-Christ,  sous  le  roi  d'EgJI 
Ptolémée-Philadçlphe ,  et  par  ses  ordri 
tout  l'Ancien  Testament,  traduit  en  gri 
est  tombé  en  la  possession  du  monde  jî|* 
du  monde  romain,  de  tout  le  mondecîTilt- 

(797)  Les  Ruines,  p.  2â8. 

(798)  Recherches  sur  forighie  dn  rff jpnffswc  or»- 
tal,  section  x. 


!G 


PRO 


DICTIONNAlIiL  APOLOGETIQUE. 


PRO 


yus  retournerez-vous  vers  l'autre  pôle  de 
I  question,  et  nierez-vous  J'accomnlisse- 
icnl  de  ridée  niessiaiii<jue  ?  Mais  1  Eglise 
iiliulique,  fille  de  cette  idée,  est  sous  vos 
eux,  elle  vous  a  baptisés.  Sera-ce  au  point 
e  rencontre  de  ces  deux  formidables  événe- 
ments que  vous  chercherez  votre  point  d'ap- 
ui?  Nierez- vous  que  Jésus-Christ  ait  vérifié 
)iis  sa  personne  Tidée  messianique,  qu*il 
lit  juif,  de  la  tribu  de  Juda;  de  la  maison 
}  David,  et  le  fondateur  de  l'Eglise  catho- 
i):ie  sur  la  double  ruine  de  laSynagoçue 
Je  PidolAtrie  ?  Mais  les  deux  parties  in* 
le^sées,  et  irréconciliables  ennemies,  con- 
i-nnent  de  lout  cela.  Le  Juif  dit  :  oui,  et  le 
^iréiien  dit:  oui.  Direz -vous  que  cette  ren- 
mire  d'événements  colossaux,  au  point 
'c^is  de  Jésus-Christ,  est  Teffet  du  hasard? 
aU  le  hasard,  s'il  y  en  a,  n'est  qu'un  acci- 
»iitbref  et  fortuit,  sa  définition  exclut  l'idée 
:  suite  ;  il  n  y  a  pas  de  hasard  de  deux 
i:l€  ans,  et  de  dix-huit  cents  ans  par-dessus 
M% mille  ans.  Dire?-vous  enfin  que  c'est  le 
MA  liai  d'une  longue  conspiration,  par  la- 
*irkle  le  peuple  juif,  ambitieux  et  théolo- 
ttiAn  a  cherché  h  se  créer  dans  le  monde 
îinr  gmnJe  existence  ?  Quoi  t  une  conspira- 
4: deux  mille  ans,  fondée  sur  un  chef 


u-WfÀsanle  générations  devront  attendre, 
tl  fi'iltttdra  créer  Après  l'avoir  si  patiem- 
««ifi'/cudu  ?  Hélas  I  on  a  bien  de  la  peine 
•É»i/'irer  en  faveur  d'un  homme  vivant } 
■*.*tra-ce  ep  faveur  d'un  homme  qui 
ni>iepas,  et  qu'on  suppose  devoir  naître 
i&e  é|xi.{ue  indéterminée  I  Et  remarquez 
e.  *  et  homme  venu,  les  Juifs  l'ont  cruci- 
vQs  doute  parce  que  le  supplice  faisait 
De  de  la  conspiration.  Remarquez  de 
i<iu'ils  l'ont  nié  après  comme  avant  le 
vhce,  sans  doute  pour  assurer  le  succès 
i  iJe  la  conspiration  et  lout  le  succès 
•liilion  et  de  théologie  qu'ils  s'en  pro- 
lâient. 

llrADd  Dieu  travaille,  il  n'y  a  rien  è  faire 

Ire  lui.  Les  proportions  de  Jésus-Christ 

lies  temps  qui  l'ont  précédé  sont  plus 

•p/intes  encore  que  les  proportions  toutes 

nés  de  sa  vie  et  de  sa  survie.  Car  enfin, 

Wl  on  vit,  on  est  une  puissance,  on  a 

'"lion,  il  est  possible  de  concevoir  que 

oes    circonstances    ont   favorisé    un 

te  d'un  rare  génie  et  lui  ont  donné  sur 

(emporains  un  immense  ascendant.. 

dpre3  la,  mort,  il  reste  des  amis,  des 

e«?,  le  souvenir  d'une  vie  qui  a  été 

«  et  par  conséquent  un  moyen  survi- 

Inaction.  Hais  sur  ce  qui  nous  a  précé- 

îfur  le  passé,  que  peut-on?Qui(^enous, 

iiinent  qu'il  suit,  peut  se  fa^re  un  ancô- 

'(juide  nous,  voulant  établir  uncdoctri- 

fe  créera  un  avant-garde  degénérationsi 

i  11  ièles  è  une  parole  qui  n'était  pas 

IDre  ?  Qui  Je  nous  présentera  au  monde 

•feux  doctrinaux,  s'il  n'est  pas  vérila- 

iiient  fils  d'une  doctrine  antérieure  à  lui? 

*.Vv  (Misse  est  une  terre  close  ;  le  passé 


n'est  pas  même  un  lieu  où  Dieu  pui. 
agir,  à  moins  qu'il  n'y  agisse  d'avance  en  k 
préparant.  Si  Jésus-Christ  avait  été  comme 
l'un  de  nous,  tombé  sans  une  préexistence 
providentielle  entre  le  passé  et  l'avenir,  il 
eût  vainement  demandé  à  l'histoire  accom- 
plie et  fermée  un  piédestal  qui  le  reportât 
de  vingt  siècles  en  arrière  de  son  propre 
berceau.  Au  lieu  de  cela,  Abraham,  Isaac, 
Jacob,  David,  Isaïe,  Jérémie,  Ezéchiel,  Da- 
niel, un  peuple  tout  entier,  te  genre  humain 
lui-même,  viennent  le  reconnaître  et  le 
saluer  dans  les  bras  du  vieillard  Siméon, 
s'écriant  au  nom  de  tout  le  passé,  dont  il  est 
le  dernier  représentant  :  Maintenant^  Sei^ 
gneur^  vaut  laisserez  mourir  votre  serviteur 
en  paix^  selon  votre  parole^  parce  que  mes 
yeux  ont  vu  Fauteur  de  votre  salut  que  vous 
avez  préparée  la  face  de  tous  les  peuples  pour 
être  la  lumière  révélatrice  des  nations^  et  la 
gloire  de  votre  peuple  Israël  (799). 

C'est  ici  le  comble  :  Jésus-Christ  nous 
apparaît  le  mobile  du  passé  autant  que  le 
mobile  de  l'avenir,  l'âme  des  temps  anté- 
rieurs à  lui  aussi  bien  que  l'âme  des  temps 
postérieurs  h  lui.  Il  nous  apparaît  dans  c.;s 
ancêtres,  appuyé  sur  le  i)euple  juif,  qui  est 
le  pins  grand  monument  social  et  religieux 
des  temps  anciens,  et  dans  sa  postérité,  ap- 
puyé sur  l'Eglise  catholique,  qui  est  la  plus 
grande  œuvre  sociale  et  religieuse  des  temps 
nouveaux.  Il  nous  apparaît,  tenant  dans  sa 
main  t^auche  l'Ancien  Testament,  le  plus 
grand  livre  des  temps  qui  l'ont  précédé,  et 
tenant  dans  sa  main  droite  l'Evangile,  le 
plus  grand  livre  des  temps  qui  l'ont  suivi. 
Et  cependant,  ainsi  précédé  et  suivi,  il  est 
plus  grand  en  lui-même  que  ces  ancêtres  et 
que  sa  postérité,  que  les  patriarches  et  les 
prophètes,  que  les  apôtres  et  les  martyrs. 
Porté  par  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  illustre  en 
arrière  et  en  avant  de  lui,  sa  physionomie 
personnelle  se  détache  encore  sur  ce  fond 
sublime,  et  nous  révèle,  en  surpassant  ce 
qui  semblait  au-dossus  de  tout,  le  Dieu  q\\\ 
n'a  point  de  modèle  et  qui  n'a  |)oint  d'égal. 
C'est  pourouoi,  h  la  vue  de  cette  triple  mar- 
aue  de  la  dfivinité,  avant,  pendant  et  après, 
dans  les  ancêtres,  dans  la  postérité,  et  dans. 
}q  temps  même  de  la  vie,  levons-nous,  le- 
vons-nous tous  ensemble ,  qui  que  nous 
soyons,  croyants  et  non  croyants.  Levons- 
nous,  croyants,  avec  le  respect,  l'admira- 
tion, la  fof,  l'amour  pour  un  Dieu  quji  s'es| 
montré  à  nous  avec  tant  d'évidence,  et  qui^ 
nous  a  choisis  entre  les  hommes  pour  nous^ 
faire  les  dépositaires  de  cet  éclat  splendide. 
de  sa  vérité  !  Et  nous  qui  ne  croyons  pas, 
levons-nous  aussi,  mais  avec  crainte,  aved 
anxiété,  comme  des  h^immes  qui  sont  bien, 
petits  t  avec  leur  puissance  et  leur  rai- 
sonnçmenl,  devant  des  faits  qui  remplis* 
sent  tous,  les  siècles  et  qui  sont  si  pleins 
eux-mêmes  de  rempire  et  de  la  majesté  da 
Dieu  (800)  I 


Uwr.  n,  29,  30,31,  32. 


(800j  Voij.  h  note  XV,  à  la  ^n  du  volume. 


m 


rao 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQDE. 


PRO 


m 


confirmée  pour  la  muliitt^e  dans  une  se- 
maine,  et  au  milieu  de  la  semaine^  V hostie  et 
lesacrificecesseront^  et  Vahominaiionde  la  dé- 
solution  sera  dans  le  temple^  et  la  désolation 
persévérera  jusqu'à  la  consommation  et  à  la 
fin  (794). 

Je  ne  m'arrête  pas  à  £sûre  ressortir  les 
traits  de  ce  discours  qui  ressembla  moins  à 
une  vue  de  Tavenlr  qu'à  une  narration  du 
passé.  Le  cours  des  choses  m'emporte  et  me 
conduit  pour  entendre  au  pied  du  second 
temple,  cimi  cents  ans  ayant  Jésus-Christ, 
ce  dernier  mot  du  proph&te  Aggée  :  Encore 
un  peu  de  tempsy  dit  IfSfigneur  des  armées, 
et  j  ébranlerai  U  ciel  et  la  terre^  et  la  mer  et 
le  désert^  et  f  ébranlerai  toutes  les  nations.^ 
et  le  désiré  de  toutes  les  nations  viendra^  et 
je  remplirai  cette  maison  de  gloire^  dit  le 

Seigneur  des  armées La  gloire  de  cette 

seconde  maison  sera  plus  grande  que  la  gloire 
de  la  première f  et  dans  ce  Ueu-cijt  donnerai 
la  paix  (796) . 

Quelle  suite  &  travers  tant  de  siècles  et 
d*événements  l  Quelle  fidélité  èi  une  même 
idée  de  la  pari  de  tant  d'hommçs  que  les 
âges  séparaient  1  Mais  Tidéa  messianique 
no  s'est  cas  même  renfermée  dans  la  tradi* 
tion  particulière  du  peuple  |uif;  elle  a  [)assé 
le  Jourdain,  l'Euphrate,  Tlndus,  la  Médi- 
terranée, tou5  les  océans,  et,  portée  sur  les 
ailes  invisibles  de  la  Providence,  elle  a  pé- 
nétré chez  les  peuples  les  plus  divers  et  les 
plus  lointains,  pour  y  créer  une  espérance 
uniformeet  un  universel  souvenir.Confucius, 
k  l'extrémité  orientale  de  l'Asie,  parlait 
d*un  saint  qui  était,  disait-il,  le  véritable 
sainte  et  qui  devait  venir  de  IH3ccident. 
Virgile,  traduisant  en  vers  les  oracles  de  la 
sjrbille  de  Cumes,  annonçait  au  siècle  d'Au- 
guste la  veuue  d  un  enfant  myslérieui,  fils 
de  Jupiter,  destiné  à  bannir  du  monde  les 
vestiges  de  l'antiauité;  et  à  commencer  un 
ordre  aussi  grancl  que  nouveau.  Tacite,  à 
profios  du  rèf^ne  de  Vespasien,  s'exprimait 
ainsi  :  «  C'était  une  persuasion  répandue, 
que,  suivant  d'antiques  écrits  sacerdotaux,  à 
cette  époque*lè  même,  l'Orient  devait  préva- 
loir, et  dçs  hommes  sortis  de  la  Judée  s'em. 
fiarer  du  gouvernement  des  choses,  v  Les 
rationalistes  du  %\i\i'  siècle,  contraints  par. 
Tévidence,  ont  avoué  souvent  cette  unani- 
mité de  l'attente  messianique.  Voltaire  a 
liit  :  «  C'était,  de  temps  immémorial,  une 
maxime  chez  les  Indiens  et  les  Chinois, 
que  le  Sage  viendirait  de  TOccident.  L'Eur 
rope,  au  contraire,  disait  que  le  Sage  vien- 
drait de  l'Orient  (796).  »  Volney  a  dit  : 
<«  Les  traditions  sacrées  et  mythologiques 
des  temps  antérieurs  avaient  ré|  andu  dans 
toute  l'Asie  la  croyance  -d'u^  grand  média- 
teur qui  devait  venir,  d*un  juge  final,  d'uu 
sauveur  futur,  roi,  Dieu,  conquérant  et  lé- 
gislateur, oui  ramènerait  TAgo  d'or  sur  la 
terre,  et  délivrerait  les  hommes  de  l'empire 
du  mal  (797).  x  Boulanger,  sous  une  forme 

(794)  Daniel,  ix,  24-27. 

(795)  Agg.  u,  7,  S,  10. 

(7%)  A(((tUton5  à  r histoire  générale,  p.  13. 


encore  plus  générale,  a  confessé  que  tous 
les  peuples  avaient  eu  une  txpectaiitt  dt 
cette  espèce^  et  il  ajoute  cette  étonnante  pi- 
rôle,  qu'on  pourrait  appeler  rOrlent,  le 
pôle  de  r  espérance  de  toutes  les  fia/ioni(798). 
C'est  le  mot  mfime  de  Jacob  à  son  lit  do 
mort. 

Il  est  donc  certain,  l'idée  messianique  a 
été  l'Ame  du  peuple  juif,  peodant  le  cours 
des  deux  mille  ans  qui  ont  précédé  Jésus. 
Christ,  et  cette  idée  s'était  ré|)andue  rhei 
tous  les  peuples  du  .monde  avec  une  telle 
unanimité,  qu'il  n*est  pas  même  possible  de 
s^en  rendre  compte  par  les  communirate 
de  l'hébraïsme  avec  la  genlililé,  mais  qu il 
faut  supposer  une  diffusion  d(^  celte  idée 
antérieure  mème^  Abraham.  K(  celte  idée 
messianique,  si  extraordinaire  dans  m 
universalité,  son  progrès,  sa  persévéranreei 
sa  précision,  s'est-elle  enfin  accomplie?  Oui, 
elle  s'est  accoaipliô  :  le  Dieu^  un  et  créateur, 
de  la  Bible  hébraïque  e^t  devenu  k  Dieu  du 
presque  toute  la  terre»  et  les  nations  m^ioe^ 
qui  ne  l'ont  pas  encore  accepté  luireoinii 
nommage  par  un  certain  nombre  d'adon- 
teurs  que  la  Providence  élit  dans  leur  m 
Et  cette  incroyable  révolution,  qui  Tato 
accomplie?  Un  seul  homme,  le  Christ  El 
d'où  était-il,  le  Christ?  11  était  iuU;  de  la 
tribu  de  Juda,  de  la  maison  de  Darid.Et 
comment  Ta-t-il  accomplie,  celte  proJ^- 
gieuse  révolution  sociale  et  religiense^Eu 
souffrant  et  mourant,  comme  Dan^M^f 
Daniel,  l'avaient  annoncé 

Maintenant  ie  vous  prie^  gueaîet«i- 
vous  ?  Voici  deux  faits  parallèles  t\  cm- 
respondants,  tous  les  deux  certains t  ^^ 
les  deux  d'une  proportion  colossale,  Un 
qui  a  d!U*é  deux  mille  ans  avant  lim 
Christ,  l'autre  qui  dure  depuis  (liï-iiu> 
cents  ans  après  Jésus  *  Christ  ;  Tun  qui 
annonce  une  révolution  considérable  et  nu- 
possible  à  prévoir,  l'autre  qui  en  eslUc- 
complissement,  tous  les  deux  ayant  Ite- 
Christ  pour  principe,  pqur  terme,  pour  W 
d'union.  Encore  une  fois,  qu'en  pensez-Tous 
Prendrez-vous  le  parti  de  nier  ?  Mais  quesl* 
ce  que  vous  nierez  ?  Sera-ce  reiislencetj? 
l'idée  messianique  ?  Mais  elle  est  daiis  « 
peuple  juif,  qui  est  vivant,  dans  io"te '» 
suite  des  monuments  de  son  histoire,  m^ 
les  traditions  universelles  du  genre  huuûaiOi 
dans  les  aveux  les  plus  exprès  de  la  pljïs  P^*^ 
fonde  incrédulité.  Sera-ce  rantérionlé  «Iî^î 
détails  prophétiques  ?  Mais  le  peuple  m 
qui  a  oruciQé  Jésus-Christ  et  qmauninicfOi 
national  et  séculaire  à  lui  ravir  les  prcutt^ 
de  sa  divinité,  vous  affirme  que  ses  Ecriljrp-' 
étaient  autrefois  ce  qu'elles  sont  aujourd  t»"'- 
et  pour  plus  de  sûreté,  deux  cents  cinquane 
ans  avant  Jésus-Christ,  sous  le  roi  dEgvi'i 
Plolémée-Philadelphe ,  et  par  ses  urdro-s 
tout  l'Ancien  Testament,  traduit  en  grc|^. 
est  tombé  en  la  possession  du  monde  p»' 
du  monde  romain,  de  tout  le  mondeciri"^^' 

(797)  Les  Ruines,  ji,  228. 

(798)  Recherches  sur  t'originedH  de$rf*ti$m(  Q^ 

lai,  section  x. 


il 


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PRO 


DICTIONNAIIUl  APOLOGETIQUE. 


PRO 


Vuus  retournerez*  vous  vers  Tau  Ire  pôle  de 
;)  question,  et  nierez-vous  J'accomplisse- 
iQtfDl  <ie  ridée  n]e$siani<}ue  ?  Mais  I  Eglise 
attioliaue,  fille  de  celte  idée,  est  sous  vos 
Teust  elle  vous  a  baptisés.  Sera-ce  au  point 
iie  rencontre  de  ces  Jeux  formidables  événe- 
luenls  ()ae  vous  chercherez  votre  point  d'ap- 
,  uj?  Nierez-vous  que  Jésus-Christ  ait  vériné 
.ons  sà  personne  Tidée  messianique,  qu'il 
«Oit  juif,  de  la  tribu  de  Jnda;  de  la  maison 
lie  IMvid,  et  le  fondateur  de  l'Ecluse  catho- 
.i'iae  sur  la  double  ruine  de  la  Synago^e 
vi  Je  TidoLItrle  ?  Mais  les  deux  parties  in« 
{•re^sées,  et  irréconciliables  ennemies, con- 
viennent de  lout  cela.  Le  Juif  dit  :  oui,  et  le 
Chrétien  dit  :  oui.  Direz-vous  que  cette  ren- 
'•ntre  d'événements  colossaux,  au  point 
.  rtus  de  Jésus-Christ,  est  refltet  du  hasard? 
H3isle  hasard,  s*il  y  en  a,  n*est  qu'un  acci- 
.enl  bref  et  fortuit,  sa  définition  exclut  Tidée 
e  suite  ;  il  n"y  a  pas  de  hasard  de  deux 
..ilie  aos^et  de  dix-nuit  cents  ans  par-dessus 
f.'ui  mille  ans.  Direz-vous  enfin  que  c'est  le 
''^:>uUat  d*une  longue  conspiration,  par  la- 
quelle le  peuple  juif,   ambitieux  et  théolo- 
^;t;Q,  a  cherché  à  se  créer  dans  le  monde 
i-ni-  ^oJe  existence  ?  Quoi  1  une  conspira- 
vi'iu  ae  teai  mille  ans,  fondée  sur  un  chef 
•rir^vjisaale  générations  devront  attendre, 
1- 1  qull  baéfa  créer  «près  Tavoir  si  patiem- 
imuiaUeoJa  ?  Héias  I  on  a  bien  de  la  peine 
a  an$inm  en  faveur  d'un  homme  vivant  ; 
•;fle  5era-€c  en   faveur  d'un  homme    qui 
p  •fiiste |ias,  et  qu'on  suppose  devoir  nattre 
^   Que  épOt{ue  indéterminée  1  Et  remarquez 
•  'J^,  rei  homme  venu,  les  Juifs  l'ont  cruci- 
.  -  *.  vos  doute  parce  que  le  supplice  fiiisait 
'  rtie  de  la  conspiration.  Remarquez  de 
"'  *ï^'ju'iis  Tout  nié  après  comme  avant  le 
-^  i'I'iice,  sans  doute  pour  assurer  le  succès 
à\  de  la  conspiration   et  tout  le  succès 
'--aibliiiion  et  de  théologie  qu'ils  s'en  pro- 
.  •eïUient. 

Qaaod  Dieu  travaille,  il  n'y  a  rien  h  faire 

^Dire  lui.  Les  pro[K)rlions  de  Jésus-Christ 

"aa^  les  temps  qui  l'ont  précédé  sont  plus 

.ijipantes  encore  que  les  proportions  toutes 

vi/ies  de  sa  vie  et  de  sa  survie.  Car  enfin, 

i4/)'J  on  vit,  on  est  une  puissance,  ou  a 

rjf  a:tion,  il  est  possible  de  concevoir  que 

ridines    circonstances   ont   favorisé    un 

iiuie  d*un  rare  génie  et  lui  ont  donné  sur 

>roniemporains  un  immense  ascendant.. 

?(:e  après  la,  mort,  il  reste  des  amis,  des 

'  if>lcs,  le  souvenir  d'une  vie  qui  a  élé 

le,  et  par  conséquent  un  moyen  survi- 

Di  li* action.  Mais  sur  ce  qui  nous  a  précé- 

<,  sur  le  passé,  que  peut-on?  Qui  de  nous, 

éinineot  qu'il  soit,  peut  se  fa^re  un  ancé- 

.'.^ Qui  de  nous,  voulant  établir  uncdoctri- 

,  se  créera  un  avant-garde  de  générations 

[à   fidèles  à  une  parole  qui  n'était  pas 

>:ore  ?  Qui  de  nous  présentera  au  monde 

»  aïeux  doctrinaux,  s'il  n'est  pas  vérila- 

^.icierit  fils  d'une  doctrine  antérieure  à  lui  ? 

H  Ile  passé  est  une  terre  close  ;  le  liasse 


n'est  pas  même  un  lieu  où  Dieu  pui. 
agir,  à  moins  qu'il  n'y  agisse  d'avance  en  > 
préparant.  Si  Jésus-Christ  avait  été  comme 
l'un  de  nous,  tomlié  sans  une  préexistence 
providentielle  entre  le  passé  et  l'avenir,  it 
eût  vainement  demandé  à  l'histoire  accom- 
plie et  fermée  un  piédestal  qui  le  reportât 
de  vingt  siècles  en  arrière  de  son  propre 
berceau.  Au  lien  de  cela,  Abraham,  Isaac, 
Jacob,  David,  Isaïe,  Jérémie,  Ezéchiel,  Da- 
niel, un  peuple  tout  entier,  le  genre  humain 
lui-même,  viennent  le  reconnaître  et  le 
saluer  dans  les  bras  du  vieillard  Siméoo, 
s'écriant  au  nom  de  tout  le  passé,  dont  il  est 
le  dernier  représentant  :  Maintenant^  Sei- 
gneur^ vous  taisserez  mourir  votre  serviteur 
en  paix^  selon  votre  parole^  parce  que  mes 
yeux  ont  vu  Fauteur  de  votre  salut  que  tous 
avez  préparée  la  face  de  tous  les  peuples  pour 
être  la  lumière  révélatrice  des  nations^  et  la 
gloire  de  votre  peuple  Israël  (799). 

C'est  ici  le  comble  :  Jésus-Christ  nous 
apparaît  le  mobile  du  passé  autant  que  le 
mobile  de  l'avenir,  l'âme  des  temps  anté- 
rieurs à  lui  aussi  bien  que  l'âme  des  temps 
postérieurs  à  lui.  Il  nous  apparaît  dans  c.3S 
ancêtres,  appuyé  sur  le  peuple  juif,  qui  est 
le  plus  grand  monument  social  et  relieieux 
des  temps  anciens,  et  dans  sa  postérité,  ap- 
puyé sur  l'Eglise  catholique,  qui  est  la  plus 
grande  œuvre  sociale  et  religieuse  des  temps 
nouveaux.  Il  nous  apparaît,  tenant  dans  sa 
main  gauche  l'Ancien  Testament,  le  plus 
grand  livre  des  temps  qui  l'ont  précède,  et 
tenant  dans  sa  main  droite  l'Evangile,  le 
plus  grand  livre  des  temps  qui  l'ont  suivi. 
Et  cependant,  ainsi  précédé  et  suivi,  il  est 
plus  grand  en  lui-même  que  ces  ancêtres  et 
que  sa  postérité,  que  les  patriarches  et  les 
prophètes,  que  les  apôtres  et  les  martyrs. 
Porté  par  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  illustre  en 
arrière  et  en  avant  de  lui,  sa  phybionomie 
personnelle  se  détache  encore  sur  ce  fond 
sublime,  et  nous  révèle,  en  suritassant  ce 
qui  semblait  au-dessus  de  tout,  le  Dieu  qui 
n'a  point  de  modèle  et  qui  n'a  point  d'égal. 
C'est  pourauoi,  à  la  vue  de  cette  triple  mar- 
que de  la  aivinité,  avant,  pendant  et  après, 
dans  les  ancêtres,  dans  la  postérité,  et  dans 
le  temps  même  de  la  vie,  levons-nous,  le* 
vons-nous  tous  ensemble ,  qui  que  nous 
soyons,  croyants  et  non  croyants.  JLevons- 
nous,  croyants,  avec  le  respect,  l'admira- 
tion, la  foi,  l'amour  pour  un  Dieu  quj  s'es^ 
montré  à  nous  avec  tant  d'évidence,  et  qu^ 
nous  a  choisis  entre  les  hommes  pour  uous^^ 
faire  les  dépositaires  de  cet  éclat  splendide. 
de  sa  vérité  !  Et  nous  qui  ne  croyons  pas, 
levons-nous  aussi,  mais  avec  crainte,  a veâ 
anxiété,  comme  des  hrimmes  qui  sont  bien, 
petits ,  avec  leur  puissance  et  leur  rai* 
sonnemenl,  devant  des  faits  qui  remplis* 
sent  tous  les  siècles  et  qui  sont  si  pleins 
eux-mêmes  de  l'onipire  et  de  la  majesté  de 
Dieu  (800)  ! 


0)  Lmc.  Il,  29,  30,  31,  3i. 


(800;  Voy.  h  itoio  XV,  à  b  lui  du  volume. 


705 


PUO 


DICTIONNAIPE 


8V 


Aiconiplissempiil  ïill  Tal des  prnpliélics de  l'Ancien  Tes- 
Limcrit  concernant  Ninlve,  Bjbylone,  Tyr,  TEgyple  ; 
leur  véracité  confirmée  par  les  découvertes  des  voya- 
geurs modernes. 

NiîiivE.  —  A  l'histoire  al>régée  de  la  créa- 
tion, du  inonde  anté-cJiluviea,  Je  la  disper- 
sion du  genre  humain  après  le  d&luge  et 
des  divers  établissements  qu'il  a  formés^ 
l'Ancien  Testament  ajoute  une  histoire  des 
Hébreux  depuis  le  temps  d'Abraham  ju$(pj*à 
l'époque  du  dernier  des  prophètes,  pendant 
une  durée  de  quinze  cents  ans.  Tandis  (]ue 
la  partie  histori(|ue  de  l'Ecriture  trace  ainsi 
depuis  son  origine  l'histoire  du  monde»  les 
propliéties  nous  présentent  une  perspective 
qui  atteint  jusqu'à  sa  fln.  C'est  une  chose 
digne  do  remarque  que  l'histoire  profane, 
cessant  d'être  fabuleuse,  commence  à  deve- 
nir claire  et  authentique  à  l'époque  même 
h  peu  près  oii  Unit  l'Iiisloire  sacrée,  et  où 
commence  raccomplissemedtdes  prophéties 
qui  ont  rapport  à  d'autres  nations  que  celle 
(les  Juifs. 

Ninive,  la  rapitaie  de  l'empire  d'Assyrie, 
a  été  pendant  bien  des  siècles  une  ville  très- 
vaste  et  très-peijplée.  Ses  murailles,  si  l'on 
en  croit  les  descriptions  données  par  les  his- 
toriens païens,  avaient  cent  pieds  de  haut, 
et  GO  milles  de  circuit  ;  elles  étiiient  flan- 
quées de  quinze  cents  tours,  de  deux  cents 
pieds  de  hauteur  chacune.  Celte  immense 
cité,  ayant  fait  pénitence  à  la  prédication  de 
Jonas,  sa  destruction  avait  été  écartée  pour 
un  temps;  mais  étant  retombée  dans  ses  ini- 
quités, elle  a  été  frappée  d'une  ruine  coni- 
l»lète.  Les  Assyriens  avaient  cruellement 
oj)primé  les  Israélites,  pris  Samarie,  et  em- 
mené les  dix  tribus  en  captivité.  (JV  licg. 
XVII,  5,  6;  xviii,  10-13,  34;  fcWr.,  iv, 
2.)  Ils  s'emparèrent  aussi  de  toutes  les  villes 
forliiiées  de  Juda,  et  levèrent  d'énormes 
tributs  sur  les  Juifs.  Mais  la  gloire  et  la 
puissance  do  l'Assyrie  et  de  sa  ville  capitale 
ont  disparu,  comuie  la  nombreuse  armée  de 
Sennachérii),  son  roi,  mise  en  déroute  en  une 
nuit  par  l'ange  du  Seigneur. 

Un  historien  grec,  qui  fait  souvent  al- 
lusion à  une  ancienne  prophétie  concer- 
nant cette  ville,  et  en  parle  comme  d'une 
chose  connue  des  Ninivites,  cet  historien, 
décrivant  la  manière  dont  elle  fut  détruite  ; 
dit  que  rarméo  des  Assyriens  fut  assaillie  à 
l'improviste  par  les  Mèdes,  au  moment  d'un 
festin  et  lorsqu'ils  s'étaient  gorgés  de  vin; 
qu'incapables  alors  de  résister  à  l'ennemi, 
ils  périrent  pour  la  |)lupart;  que  le  fleuve 
étant  monté  à  une  hauteur  excessive  et  sans 
exemple,  par  suite  des  pluies  longues  et 
abondantes,  abattit  un  grand  pan  de  mu- 
raille, ouvrant  ainsi  un  passade  à  l'ennemi, 
et  inonda  la  plus  basse  partie  de  la  ville  ; 
que  le  roi,  perdant  tout  espoir  et  pensant 
que  la  prédiction  allait  s'accomplir,  fit  éle- 
ver un  immense  l)ûcher,  et,  y  ayant  mis  le 
feu  ainsi  qu'au  palais,  fut  consumé  par  les 


APOLOGETIQUE.  PRO  -^^ 

flammes,  lui,  sa  maison  et  ses  trésors  ;  que 
les  Mèdes  enfln,  s'étant  emparés  de  la  ville, 
après  un  siège  de  trois  ans,  en  emportèrenl 
un  grand  nombre  de  talents  d'or  et dargeot 
à  Ecbatane. 

Comme  de  vastes  eaux  qut  pssient,  Jfhm 
déracinera  cette  contrée^  et  les  ténèbrtifm* 
suivront  ses  ennemis. 

Que  sont  vos  pensées  contre  Dieuf  Ui- 
même  consommera  votre  ruine,  et  jamaû  ne 
s'élèvera  sur  vous  une  seconde  trihuiatm. 

Comme  les  épines  s'entrelacent^  ainsi  rovi 
vous  unissez  dans  Vivresse  dei  festins:  kt^ 
1ère  de  Dieu  vous  dévorera  comme  le  (kum 
aride,  {Nahum  i,  8-10.} 

.  Les  portes  des  fleuves  se  sont  ouvertes,  da 
flots  de  guerriers  s'élancent  et  le  temfleaéti 
renversé... 

Ninive  était  aux  anciens  jours  comme  u 
tac  plein  d'eau  ;  les  flots  de  ses  hbltanu  n 
sont  écoulés.  Arrêtez!  arrêtez I et  i7 n'en «( 
pas  un  qui  revienne. 

Enlevez  Vargent^  enlevez  For  :  ses  rirktm 
sont  immenses,  ses  trésors  sont  innomkulk. 

Ninive  est  désolée,  déchirée/,  elîe^ntstfki 
qnune  ruine  :  tous  les  c^urs  tombent  aàr 
faillanccy  tous  les  genoux  tremblent,  (mk 
reins  chancellent,  tous  les  visages  sontnt.mii 
par  la  douleur.  (Nahum  u,  6,  7,  9,  10.; 

Voilà  que  tes  soldats  sont  des  fe^nmiû'i 
milieu  de  toi  :  les  portes  de  tes  vHlasmrfut 
d'ellfs-mêmes  à  tes  ennemis  ;  lefeueniém"i 
les  barres  et  les  verroux. 

Le  feu  de  l'ennemi  consumera  tHirm\ii 
tu  périras  par  le  glaive;  il  te  démmmv^t 
l'insecte  consume  l'herbe  des  chamfi.\'^à'^ 
III,  13,  15.) 

Que  tes  marchands  égalent  en  noDi6w  In 
étoiles  du  ciel  :  ils  seront  comme  cetnmms 
qui  ont  couvert  la  terre  et  qui  ont  dhpon. 

Tes  princes  et  tes  grands  sont  comme* 
essaims  nombreux qui^  dansl'hiter^  àeuW 
un  abri  sous  les  haies;  le  soleil  a  foru^f^l 
s'envolent  ;  on  ne  connaît  plus  la  place  ({^^^^ 
occupaient.  (Nahum  m,  16,  17.) 

Jéhova  étendra  sa  wain  vers  raquim  » 
perdra  le  peuple  d'Assyrie:  il  désolera Mf^^^^» 
elle  sera  aride  comme  le  désert. 

Les  troupeaux  reposeront  dans  son  «• 
ceinte,  avec  tous  les  animaux  sauvages:  '' 
pélican  et  le  hérisson  habiteront  dans  ta 
ruines  ;  les  oiseaux  crieront  sur  ses  (entirti. 
le  corbeau  se  fera  entendre  au-dessus  </<«*; 
portes,  ses  palais  de  cèdre  seront  renterif^- 

Et  l'on  dira:  Voilà  cette  cité  superbe,  ((^ 
se 
cœur 

point  ^.,...,^.  ^ .,.  -  -  —-  ^ 

en  un  désert,  en  un  repaire  de  be'tes  samiJf^ 
Tous  ceux  qui  passent  près  d'elle  «/J^  " 
frappent  des  mains.  (Sophon.  n,  13-15.) 

Le  lieu  où  Ninive  avait  été  bâtie  est  <Jt- 
meure  longtemps  inconnu  (801).  Ilaélédaitf 
ces  derniers  temps  visité  pardifférents  voj»* 
geurs.  C'est  maintenant  un  vaste  désert,  ^^i 
l'on  rencontre  des  monceaui  de  décoffil»^^ 
dont  les  principaux  sont  en  partie  recoc- 


(S(\)  i  Où  sont-ils   CMS  remparts  de  Ninive?    dit 
(liuiHeSf  c.  ^  cl  5.) 


Volnoy  ;  Nuiivc  dont  le  bow  à  f^ 


m0 


.wv!» 


PBO 


DICTIONNBIAE  APOLOGETIQUE. 


PRO 


798 


verUu*e  gazon,  et  ressemblenl  aax  restes  tics 
rdoules  et  des  relranchements  des  anciens 
ijmps  romains. 

Ces  raines  viennent  d*apparpttre  de  nou- 
reaa  au  grand  jour;  il  en  existe  des  frag- 
ments magnifiques  aux  musées  de  Paris  et 
je  Londres. 

Tandis  que  la  plupart  des  savants  ont  con- 
>i'Jéré  cette  découverte  comme  donnant  en- 
îia  les  moyens  d'écrire  l'histoire  de  TarrAi- 
(tKiure  assyrienne^  pour  nous,  ce  qui  seul 
Lous  a  intéressés,  c'est  de  rechercher  les 
îreuves  nouvelles  qui  devaient  en  ressortir, 
.j.'Nms  les  faits  racontés  dans  notre  Bible. 
C*rilj  nous  n*en  doutons  aucunement,  le  but 
•"i^vîdentiel  de  cette  découverte  ;  on  va  voir 
V  Ji.»nas,  si  nos  autres  prophètes  ont  dit 
•raf,  quand  ils  ont  raconté  les  merveilles  des 
•*. :'i»5se$  et  delà  puissance  assvrienne  ;  s'ils 
■  r-l  dit  vrai  quand  ils  ont  pr^it  Tabaisse- 
•  .ent  el  la  destruction  de  cette  colossale 
;  ui^saoce.  Chose  admirable  I   naguère  on 
traitait  I*hisloire  de   notre  Bible  de  fables, 
!^3  ntenanS  encore  Strauss  et  TAIIemaf^ue 
^•.u!cnt  faire  passer  pour  des  mythes  This- 
^•\re  de  Jésus  et  les  apôtres  ;  les  personna- 
ges >iQl  placés  si  loin,  disent-ils,  que  Ton 
U'  \^jA  lire  assuré  de  leur  existence...  £t 
v-iîb  que  BOUS  retrouvons  les  ponrails,  les 
Livroiseffls  contemporains  de  personnages 
•;  11  {>o(  existé  au  viir  et  ix*  siècle  avant  Je - 
«as  et  les  apôtres.  L'Ëgrpte  nous  a  donné 
iefhjTiraîi  du  roi  Roboam^  les  Juifs  fabriquant 
hs  briques 9  peut-être  même  le  tombeau  de 
T inspecteur  qui  les  présidait  (802]  ;  voilà  que 
Xîoive  nous  rend  probablement  les  portraits 
ii  Tobie,  d'Osias,  d'Ezéchias,  de  Nabucho- 
ùoaosor,  d*Ho1ophernp,  etc.,  que  la  terre 
cascrvait  depuis  pi  us  de  deux  mille  ans.  Qui 
fieat  calculer  les  témoignages  que  Dieu  se 
maserve  encore  cachés  dans  ces  immenses 
rrr|»(es,  vrais  musées,  qui  contiennent  les 
ûir^.s  de  la  fidélité  et  de  la  véracité  de  ses 
vcits?  Qui  sait  ce  que  l'on  lira  sur  ces  ins- 
rnptions  ninivites  et  égyptiennes  conservées 
)rec  tantde  soin  et  d^exactitudeîOnne  dira 
ja<  ici  gue  Thistoirça  été  altérée  et  conver- 
i>  en  légendes,  que  chaque  copiste,  chaque 
iècle  j  a  ajouté  quelque  chose  ;  voici  des 
mlograpbes  de  deux  mille,  trois  mrlle,  qua- 
re  oiille  ans;  ils  sortent  de  la  main  de  Té* 
Tivdîn,  ils  ont  été  conservés»  el  sont  plus 
urhentîques  c(uc  tous  les  titres  conservés 
}.ez    les  notaires  et  dans,  les  archives  pu- 
AÏ-iaes.    Vous    n'avez    qv'à   yous    appro- 
her  et  à  les  lire,  car,  que  pas  un  chrétien 
tVn  doate,  la  science  moderne  lira  ces  ins- 
r:|«t ions.  Elle  les  lira  comme  elle  a  tu   le 
end^    le  sanscrit,  le  chinois,  c'çst-à-dire, 
-.vricoup  mieux  qqe  ne  les  fisent  les  peu- 
^--^  <jui  on  conservé  ces  écritures.  Atten- 
•ns*  seulement,  attendons.  Dieu  ne  manque 
. .   h    1  ui  même,  ni  à  ceux  qui  croient  à  sa 
.irole. 

!tf  ^  Flandin  termine  ainsi  son  savant  Rap- 
^  vr/  sur  CCS  ruines  el  leur  découverte  :  i  Je 

.^ti.    Voir  c«  Uomuncnu,  lorac  VIII,  p.'.g.^  113  (l"   sc^ie;.  d  t.  VI,  p.  1.10  Cy  .crie)  lîçs  Aun^Us  4ê 
\^^^^^û  chfét» 


laisse  à  la  science  des  philologues  et  à  rba- 
bileté  des  archéologues  le  soin  de  décider 
toutes  les  questions  graves  que  la  pioche  a 
fait  surgir  de  terre,  en  lui  dérotiant  les  pré- 
cieux restes  de  cette  grande  capitale  de  l'A- 
sie occidentale,  que  Dieu  frappa  si  violem- 
ment de  sa  colère.  Jamais,  à  aucune  épogue, 
on  n*a  fait  une  découverte  archéoloj^ique 
aussi  importante  que  celle  des  palais  re- 
trouvés sous  le  village  -arabe  de  Knorsaijad; 
car  les  idées  que  Ton  a  eues  jusqu*à  ce  jour 
sur  Ninive  étaient  très -confuses,  très-con- 
tradictoires ;  eu  faisant  la  part  trop  large  aux 
récits  figurés  et  éminemment  poétiques  de 
l'Orient,  on  était  tout  près  de  croire  fabu^ 
leuses  les  traditions  de  la  Bible  el  d'Héro- 
dote. La  découverte  de  H.  Botta  aura  un 
double  résultat  :  elle  justifiera  Hérodote  et  la 
Bible  aux  yeux  de  ceux  qui  les  accusaient 
d  exagération^  et  elle  révélera  dans  toute  sa 
majesté  et  toute  son  élégance  un  art  qui  fait 
comprendre  à  quel  degré  de  civilisation  était 
déjà  arrivé  cet  empire,  qui  n'avait  i»aru 
{;ran(i  que  par  ses  conquêtes. 

Babylo.ne.  —  Ce  nom  rappelle  à  rimaçî- 
nalion  étonnée  el  l'immensité  de  celte  ville 
superbe,  la  plus  vaste  peut-être, après  Ninive, 
de  toutes  celles  dont  les  annales  d'aucun 
peuple  ont  jamais  fait  mention,  et  sa  prodi- 
gieuse antiquité,  et  la  puissance  de  ses  rois, 
cl  la  magnificence  de  ses  monuments  placés 
au  nombre  des  merveilles  du  monde,  el  les 
malheurs  dlsraël,  opprimé  cl  arraché  da  sa 
patrie  par  les  souverains  de  Babylone,  el  les 
oracles  des  prophètes, qui  annonçaient,  avec 
tant  d'énergie  et  des  couleurs  si  brillantes, 
la  ruine  future  de  celte  orgueilleuse  cité. 
Les  débris  gigantesques ,  qui  ont  bravé  de* 
puis  tant  de  siècles  les  efforts  du  temps  et 
fa  main  destructive  des  hommes,  sont  encore 
là  pour  attester  l'emplacement  oîi 'fut  Baby- 
loj.e,  et  pour  certifier  l'accomplissement 
des  prophéties.  Le  silence  et  la  désolation 
régnent  dans  ces  lieux  qui  retentissaient 
autrefois  des  acclamations  et  des  chants  d'un© 

immense  population.  Le  lion  et  le  chacal  on.| 
établi  leur  retraite  solitaire  dans  les  souter- 
rains de  ces  mêmes  palais  qui  furent  té- 
moins des  fêtes  brillantes  et  des  pompeuses 
orgies  de  Nabuchorlonosor  et  de  Balthazar. 
Ces  champs  si  fertiles  de  l'antique  Baby- 
lone sont  voués  aujourd'hui  à  la  stérilité  la 
plusaffreuse.Desmaraîsînfects,  des  bruyères 

épaisses  ont  succédé  à  de  magnifiques  cul- 
tures, arrosées  par  deux  beaux  fleuves,  le 
Tigre  et  l'Euphrale.  Tout  le  pays  présente 
Pimage  d'un  vaste  désert,  où  l'on  voit  à 
peine  errer  quelques  tribus  arabes ,  qui  do- 
minent sans  opposition  sur  ces  tristes  soli- 
tudes. Partout  règne  le  silence  de  la  morl; 
et  les  lions  qui  peuplent  Us  marécages  de 
cette  contrée  et  partagent  avec  les  Arabes 
l'empire  de  ces  plaines,  troublent  seuls, 
i)ar  leurs  rugissements ,  le  calme  lugubre 
tles  nuits,  et  portent  ia  terreur  dans  1  âuie 
du  voyageur,  que  fatigue  duraul  le  joui  m 


799 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PRO 


continuité  d'un  spectacle  aussi  affligeant  que 
monotone. 

Depuis  deux  siècles,  des  voyageurs  éclai* 
rés  et  courageux  se  sont  plu  à  fouiller  le 
sol  qui  fut  le  théâtre  de  la  puissance  de  Se- 
niiraniis  et <le  Nabuchodonosor,  è  interroger, 
d'un  œil  curieux  ces  ruines  majestueuses; 
et  de  savants  géographes  ont  consacré  leurs 
veillos  à  éclaircir  les  diflicultés  que  présen- 
tent les  récits  des  écrivains  de  l'antiquité 
sur  la  topographie  de  la  ville  de  Bahylone. 
Ce  sujet  a  été  envisagé  sous  toutes  les  faces 
et  discuté  avec  autant  d'érudition  que  de 
sagacité  et  de  critique. 

L'un  des  meilleurs  ouvrages  qui  aient  été 
publiés  sur  les  ruines  de  Babylone  est  celui 
de  Rich,  résident  d'Angleterre  h  Bagdad, 
dont  l'ouvrage  a  été  traduit  en  fran(;Vis  par 
M.  Raimond,  ancien  consul  à  Bassora,  qui 
a  résidé  pendant  quinze  ans  dans  le  pacha- 
lick  de  Bagdad.  L'exactitude  des  descriptions 
de  l'auteur  anglais,  confirmée  par  son  tra- 
ducteur, nous  a  déterminé  à  lui  empruiiter 
les  passages  les  plus  intéressants. 

C'est  à  Mahavil  que  commencent  les  ruines 
de  Babylone;  l'Euphrate  les  traverse  du 
nord  au  sud.  Ce  fleuve  croit  quelquefois 
l'hiver  au  point  d'inonder  tout  le  pays  d'a- 
lentour :  les  ruines  alors  se  trouvent  telle- 
ment submergées  que  les  vallées  qui  les 
coupent,  se  changeant  en  marécages,  il  y 
en  a  une  grande  partie  dont  on  ne  peut 
approcher.  On  s'est  beaucoup  récrié  sur 
riromense  étendue  qu'Horpdote  attribue  à 
Babylone;  d'ajïrès  l'inspection  des  lieux  et 
!f:s  morceaux  de  briques  répandus  çà  et  là 
daiis  les  environs  (803),  et  le  voyageur 
anglais  et  son  traducteur  ne  balancent  pas 
à  admettre  les  dimensions  que  les  auteurs 
profanes  assignent  à  cette  ville  célèbre,  et 
les  calculant  à  quatre-vingt-quatorze  toises 
et  demie,  ils  trouvent  que  l'enceinte  de 
Babylone  est  de  Jix-huit  lieues.  C'est  le 
sentiment  de  Beauchamps,  oui,  après  en 
avoir  examiné  attentivement  les  restes,  leur 
reconnaît  un  diamètre  de  six  lieues.  Nous 
allons  laisser  parler  maintenant  notre  voya- 
geur. 

«  C'est  à  neuf  milles  d'Hillah,  sur  la  route 
de  Bagdad,  que  commencent  les  ruines  de 
Babylone  ;  tout  le  pays  offre  par  intervalle 
di^s  vestiges  de  bâtiments  où  l'on  découvre 
des  briques  cuites  au  feu  et  durciesau  soleil, 
«•idu  bitume.  Trois  éminences  surtout  fixent 
rallcution  par  leur  grandeur  :  la  première 
consiste  en  une  masse  de  ruines  de  onze 
cent  verges  de  longueur;  elle  peut  être, 
dans  la  partie  la  plus  élevée ,  de  cinquante  à 
soixante  verges  environ  au-dessus  du  n'veau 
de  la  pleine.  On  n'y  a  trouvé  que  peu  de 
belles  briques  entières....;  il  y  a  près  de  là  un 

(803)  Un  voyageur  éclairé,  M.  Olivii^r,  qui  a  vi- 
ftiic  lui* môme,  à  la  fin  du  xvui'  siècle,  le  \asi6  ler- 
riiin  qu'occupait  Babylone,  faii  la  rt*marque  sui- 
vante :  I  Le  sot  sur  If'quel  Babylone  fut  assise,  à 
vingt  lieues  au  sud  de  Bagdad,  ne  présente,  au  pre- 
mier aspect,  aucune  trace  de  ville  ;  il  faut  le  par- 
CfMirir  en  entier  pour  remarquer  quelques  buttes  et 
«lU.biues  dévuiions,  et  pour  voir  que  la  tcnc  a  été 


petit  dôme  entouré  d'une  enceinte  ohlon^ue 
qui  renferme ,  à  ce  qu'on  prétend,  la  dé. 
pouille  mrortelle  d'un  des  fils  d'Ali,  nommé 
Amran,  et  de  sept  de  ses  compa|;nons,qiii 
furent  tués  à  la  bataille  de  Hillah. 

ff  La  seconde  grande  masse  est  d'une  figure 
presque  carrée  de  sept  cents  verges  de  iuoj 
et  de  large.  Son  angle  sud-ouest  commcoct 
à  l'angle  nord-ouest  de  l'émincnce  dWmrai 
par  un  rideau  fort  étevé,  qui  a  près  de ''^m 
verges  de  largeur.  Beauchamp  6t  ici  sei 
observations.  C'est ,  h  n'en  pas  douter,  l| 
partie  la  plus  intéressante  des  ruines  j 
babylone.  Chaque  vestige  qu'on  y  déroovflf 
annonce  un  assemblage  ds  bâtimens 
beaucoup  supérieurs  à  tous  ceux  dont 
reste  des  marques  au  côté  oriental. 
briques  en  sont  du  plus  beau  type.  Cet 
droit  en  est  le  plus  grand  magasin,  et  nial^ 

3u'on  en  ait  tiré  et  qu'on  en  tire  sans  ct^ 
e  grandes  provisions,  il  semble  qu'il jd 
a  toujours  en  abondance.  Il  est  résulta  A 
ces  fouilles  de  grandes  excavations  ém 
lesquelles  on  voitdcs  murs  de briquesroiHl 
bâtis  aveo  une  liaison  de  roorlierlctoa. 
de  très-bonne  qualité,  et  de  phs,|iari 
les  objets  épars  en  général  sur  lasumfc 
ces  éminences,  des  morceaux  de  vasesifi* 
bûlre,  de  belles  poteries, de  marbre, clBi 
grande  quantité  de  tuiles  vernies,  (ionll 
couleur  et  l'éclat  sont  étonnemmenl  ir 
Dans  un  creux,  près  du  cdté  méridional 
découvris  une  urne  sépulcrale  depo 
qui  avait  été  cassée  en  creusant.  Toutp 
on  a  trouvé  des  os  humains  qui  se  sont 
vérisés  aussitôt  qu'on  les  a  touchés. 

«  AFin  de  faire  plus  en  détail  ladescriplll 
de  cette  éminence,  j'ajouterai  au'àphiM 
deux  cents  verges  de  Textrémité  seplenw 
nale  se  présente  un  ravin  de  près  de  oi 
verges  de  long  et  de  trente  de  lar^e,  l 
quarante  et  cinquante  de  profondeur,  irejj 
par  ceux  qui  cherchent  des  lyriques: ili 
côté,  on  voit  encore  debout  un  pandei^ 
railles  de  quelques  verges,  dont  la  M 
aussi  nette  que  parfaite,  semble  avj)if| 
la  façade  de  quelque  bâtiment;  de  W 
un  amas  de  décombres  si  confus  que 
dirait  que  le  ravin  a  été  pratiqué  dan 
bâtiment  solide.  Sous  les  fondcuiet^ 
bout  méridional ,  on  a  percé  une  uuv 
d'où  se  découvre  un  passage  souterrain 
le  plancher  est  carrelé,  et  le  mur,  de  à 
côté  bâti  de  larges  briques  cl  de  bilmnei 
couvert  de  pierres  de  sable ,  de  pl"^^ 
verges  de  longueur  et  d'une  d'cpai>seur 
fardeau  que  portent  ces  pierres  est  s\f 
cjue  les  murs  sur  lesquels  elles  reposent 
IJcncbé  considérablement.  Le  dessus  df 
jwssage  est  cimenté  de  bitume;  l'autre  pi^^ 
du  ravin  l'est  de  mortier,  et  toutes  les  u 

presque  partout  remuée.  L&,  des  AralH^s  Mni  « 
pés«  depuis  plus  de  douze  siècles,  i  fouiller  la  (< 
et  k  rairer  Its  briques  dont  ils  ont  bàli  en  RW 
partie  Cufa,  Bagd;id,  Mesclied-Ali,  Mesched-Hf^ 
ilillah  cl  presque  toutes  les  ville?  qui  se  \rm 
dans  ces  couirées.  •  {Voyaqe  dan$  rrniï'ir^ <>"n 
rt:gtjpie  et  la  Syrie,  !80i,  1  >ol.  in-8*.) 


M 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PRO 


802 


lies  soni  chargées  de  caractères.  Le  bout 
fptenlrional  du  ra? in  paraît  avoir  élé  Ira* 
er«é  par  one  muraille  très-épaisse  de  bri- 
a^s  jaanes  cimentées  de  mortier  d'une 
Idjicheor  éclaianle,  et  qu'on  a  enfoncé  en 
reo^dnt  pour  v  chercher  des  briques.  Un 
eu  au  nord  de  I& ,  je  découvris  ce  que 
eanrbamps  n  avait  vu  qu'iœfiarfaitement^ 
t  qu'il  avait  pris  pour  une  idole»  sur  la  foi 
K  gens  du  pajs  (80b).  On  me  fit  le  même 
ipporl;  on  vieillard  arabe  avait  trouvé  cet 
iole  en  fouillant;  mais  ne  sachant  qu'en 
lire,  il  I  avait  enfoncée  de  nouveau  (805).  Je 
^  Tenir  ce  vieillard,  qui  indiqua  l'endroit, 
(je  mis  un  certain  nombre  d'hommes  h 
outrage.  Au  bout  d'une  pénible  journée  de 
iiuue,  ils  déblayèrent  assez  de  terre  pour 
Delaisserapcrcevoir,  placé  sur  un  piédestal, 
in  liun  de  granit  gris  commun  ;  il  avait  une 
itiie  colossale  et  une  ouverture  circulaire 
t  la  gueule  où  Ton  pouvait  introduire  lé 
i-'in;. 

•  Co  f>eu  à  Toccident,  le  premier  objet 
V;^  l'on  remarque  est  appelé  par  les  natu- 
rs  ;«(es  du  {tnySf  Kassr^  ou  palais  ;  c'est  une 
.•^:'- raine  à  découvert,  en  partie  détachée 
"^ '*H^mbrcs.  Celte  ruine  consiste  en  plu- 
y^.Ki&arailles  et  en  plusieurs  piliers  de 
h:\  {tckb  d'épaisseur,  tournés  vers  les 
•VisL'tpots  cardinaux,  en  quelques  en- 
r<i$*jnïés  de  niches...  Dn  peu  au  nord- 
^v.>e}vrésente  Tarbro  célèbre  que  les  na- 
urrlidopajs  appellent  Athètu  qui,  selon 
'i\.  {tassait  des  fleurs  du  temps  de  l'an- 
lioeBabvIone.  Ils  prétendent  que  Dieu 
i  rréserré  exprès  de  fa  destruction  de  cette 
^'e, afin  d'offrir  à  AHxïxï  lieu  convenable 
''sr  attacher  son  cheval  après  la  bataille  de 
l''ah.  Cet  arbre  est  un  espèce  de  rideau  ; 
t  c'en  reste  plus  que  la  moitié  du  tronc, 
■jj  annonce  qu'il  a  été  d'une  grosseur  con- 
l'iêrable.  Le  bout  de  ses  branches  est  en- 
cre f*arbitement  verdoyant  ;  quand  le  vent 
is^ite,  elles  rendent' un  bruit  sourd  et 
^éiaaoolique.  Cet  arbre  est  toujours  vert, 
^i>eif.blant  en  quelque  sorte  au   lignum 
'^9,  et  d'une  espèce,  à  ce  que  je  crois,  très- 
ire  dans  le  pays  (806).  Les  habitants  affir- 
ment qu'à  l'entrée  de  la  nuit   il  est  très- 
ingereiix  de  s'approcher  de  cette  éminence, 
>nre quelle  est  hantée  par  une  multitude 
t  mahns  esprits* 

•  A  un  mille  au  nord  du  Kassr^  oh  à  cinq 
^  RiJiah,  et  i  neuf  cents  verges  de  I'ëu- 
^rate,  se  voit  la  dernière  éminence  qui 

'^»l>  neuHell.  p.  509. 

*^*5'  It  est  vnisnubhble  qae  plusieurs  morceaux 
■^oessesoot  perdus  de  celle  manière.  Les  habi- 
nu  du  pajs  donnent  le  nom  d^idoles  k  tuules  les 
rms  chariiées  dMnscripiions  ou  de  6gores. 
^^}  U  traducteur  qui  a  enrichi  le  mémoire  de 
nidi  de  notes  et  d^obsenrations  très-intéressantes, 
'  iâ  la  remarque  suh-ante  :  <  Les  restes  do  Kaur^ 
^le  nom  a  passé  jnsqn*i  nous,  attestent  qu'un 
^  a  existé  dans  cet  endroit,  el  qu*îl  a  été  beau- 
^  plos  haot  ;  et  à  voir  leur  poisilion  fort  au- 
^^  <ta  niveau  de  la  i^ine,  on  dirait  que  le  Kassr 
^  >iiiié  «iriine  montagne  ou  sur  d'autres  b&iisses 
|n  élevées.  La  concordance  de  la  descripUon  de 
'•  Kck  auc  celle  de  Diodore  est  si  remarquable  sur 


termine  celte  chaîne  de  ruines.  Piétro  dej* 
la-Val  le,  qui  Ta  décrite,  décide  que  c'était 
la  tour  de  Bélus.  Reunell  a  adopté  celte 
opinion.  Les  habitants  du  pays  appellent 
c^tle  mine  Mudjéiibé^  c'est-à-dire,  renversé 
sens  dessus-dessous.  Le  Mudiélitié  a  une 
forme  allongée,  la  hauteur  et  les  côtés  qui 
regardent  les  points  cardinaux*  sont  irrégn- 
liers.  Le  côté  du  nord  a  deux  cents  verges 
de  long  ;  celui  du  sud  deux  cents  dix-neuf; 
celui  de  Test  cent  quatre-vinçt-deux  ;  celui 
de  l'ouest  cent  trente-six.  L'élévation  de  l'an- 
gle le  pi  us  haut  est  de  centquarante-un  pieds. 
La  face  occidentale,  qui  est  la  base,  est  aussi 
la  pitis  intéressante  par  rapport  h  la  vue 
qu  elle  offre  du  bâtimenL  On  voit  près  du 
sommet,  un  mur  un  peu  élevé  avec  des  inter- 
ruptions, bâti  de  briques  crues  mêlées  avec 
de  la  paille,  ou  des  roseaux  hachés  menus, 
et  cimentés  de  mortier  de  terre  grasse  qu'on 
n'a  pas  épargnée  :  il  y  a,  entre  chaque  cou- 
che de  brique,  une  couche  de  roseaux. 
L'angle  sud-ouest  est  surmonté  d'une  es- 
pèce de  tour  et  de  lanterne  ;  le  sommet  est 
couvert  de  décombres  ;  en  creusant  on  dé- 
couvre dans  quelques-unes  des  couches  de 
briques  cuites  cassées,  qui  ont  été  cimen- 
tées de  mortier,  et  jiar  ci  par  là  des  briques 
entières  chargées  d  inscriptions.  Le  tout  est 
couvert  de  morceaux  de  poteries,  de  briques 
vitrifiées,  et  même  de  coquilles,  de  pièces 
de  verre  el  de  mère-perle.  Comme  je  de- 
mandais à  un  Turc  comment  il  s'imaginait 
que  ces  dernières  substances  avaient  été 
apportées  là,  il  me  répondit  sans  balancer  : 
Par  le  déluge.  On  aperçoit  dans  divers  en- 
droits des  tannièrcs  de  bêles  féroces  ;  j  y 
trouvai  une  grande  quantité  de  piquants  de 
porc-épic,  et,  dans  la  plupart  des  cavités, 
une  multitude  de  chauve-souris  et  de  hi- 
boux. 

«  Au  côté  septentrional  du  Mudjélibé, 
près  du  sommet,  est  une  niche  ou  retraite 
assez  élevée  pour  y  admettre  un  homme 
debout.  Derrière,  il  y  a  une  ouverture  basse 
qui  mène  à  une  petite  cavité  d'oti  sort  un 
passage  à  droite,  qui  se  perd  dans  les  dé* 
combres.Les  naturels  l'appellent  leSerdaup 
on  le  Cellier;  un  homme  resriectable  m'in- 
forma qu'en  y  cherchant  des  briques,  il  y  a 
quelques  années,  on  en  retira  beaucoup  de 
marbre,  et  ensuite  une  bière  de  bois  de 
mûrier  dont  une  partie  paraissait  couverte 
de  bitume.  Cette  bière  renfermait  un  corps 
humaiu,  enveloppé  étroitement  dans  un  liu- 

ce  point,  qiril  est  bien  clair  que  le  pnîaîs  dont  il  e^t 
ici  pnrié  ne  peut  éire  que  celui  des  fameux  jardiuh 
su$pendu$.  Pour  moi,  je  la  regarde  comme  une  preive 
qui  est  au  ticlà  de  toute  di  pute  ;  Tarbr^  qui  e.>t  uii 
peu  au  nord-est  en  offre  une  autre  qui  ne  Test  pas 
moins.  Mais  ce  n*est  pas  ce  qu*en  dit  la  t  adîliim, 
qui  m'a  porté  à  y  avoir  rfcnuf8;fy  ai  éîé  déîermiiié 
p:ir  les  quatre  conàidcrattons  suivantes  de  locjlité, 
rexistenoe  de  cet  arbre  sur  le  sommet  de  ces  raines 
prés  du  Kassr  et  dans  Penceinte  du  jardin  suspendu, 
son  espèce  qui  est  très-rare  et  inconnue  d»ns  le 
pays,  son  air  de  vétusté  s*accordant  avec  le  p'and 
àgê  qu^on  lui  suppose,  et  la  considération  qu*il  j  a 
des  arbres  qui  vivent  au  delà  de  deux  mille  ans.  » 


805 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


POO 


m 


ceui  qui  tomba  en  poussière  aussitôt  qn'il» 
fut  c\|)Osé  à  Tair.  Ce  récit,  joint  à  la  consi- 
dération que  c'est  le  lieu  le  nlus  favorable 
à  délerminer  quelque  chose  du  plan  origi- 
naire de  celle  ruine,  m'engagea  à  mctlre 
douze  hommes  à  l'ouvrage,  afin  d'ouvrir 
d'en  haut  un  passage  dans  le  Scrdaup,  Ils 
creusèrent  dans  un  fût  ou  dans  un  pied- 
droit  creux  de  soixanle  pieds  carrés,  revêtu 
de  belles  briques  et  de  bitume,  et  tout  rem- 
pli de  terre.  Ils  y  trouvèrent  une  poulrede 
iiois  de  daltier,  une  lance  de  cuivre,  et 
quelques  vases  de  terre  ;  il  y  en  avait  un 
cj^ui  était  très-mince,  et  qni  avait  à  Tcxlé- 
rieur  quelque  restes  d*un  beau  vernis 
blanc.  Après  trois  jours  de  travail,  ils  péné- 
trèrent jusqu'à  l'ouverture,  et  découvrirent 
un  passage  étroit  de  près  de  dix  pieds  de 
hauteur,  à  moitié  plein  de  décombres,  con- 
tenant des  briques  cuiles  cl  des.  brlcjucs 
crues  :  les  unes  avec  des  inscriptions,  et  L»s 
autres  comme  à  l'ordinaire,  avec  une  cou- 
che de  roseaux  entre  chaque  rang  (807),  ex- 
cepté dans  une  ou  deux  assises,  près  du 
bas,  où  elles  étaient  cimentées  de  bitume  ; 
singulière  circonstance  dont  on  no  saurait 
rendre  compte. 

«  Ce  passage  paraissait  comme  s'il  avait 
originairement  eu  un  revêtement  de  belles 
Lriq  tes  cuiles  et  de  bitume  pour  cacher 
celles  qui  n'étaient  que  durcies  au  soleil, 
dont  le  corps  de  bAtiment  était  principale- 
ment composé.  Kn  face  de  ce  passage  il  s'en 
f)réscnleun  autre  rempli  de  terre  jusqu'au 
)aul,  ou  mieux  le  môme  continue  vers  l'est, 
où  il  s'étend  probablement  À  une  distance 
considéiaLle,  peut-être  même  tout  le  lon^ 
du  côté  du  Wudjélibé  :  en  le  creusant  j*ai 
découvert  près  du  sommet  une  bière  de  bois 
«vec  un  squeletle  bien  conservé.  Sous  la 
lêle  de  la  bière  il  y  avait  un  cailloux  rond  ; 
au  dehors  un  oiseau  de  cuivre  y  était  atta- 
ché, et  au  dedans  se  voyait  un  ornement  de 
la  même  nature,  qui  semblait  avoir  été  sus- 
pendu à  quelque  partie  du  squelette.  Cet 
incident,  s'il  y  avait  le  moindre  doute,  place 
l'en ciennelé  du  squeletle  au  delà  de  toute 
dispute.  Après  l'extraction  de  cette  bière, 
on  déterra  un  peu  plus  loin  dans  les  décom- 
bres le  squelette  d'un  enfant.  Il  est  vraisem- 
blable que  tout  ce  passase,  quelque  grand 
qu'il  fût,  était  occupé  de  la  même  manière. 

«  Je  vais  examiner  maintenant  tout  ce 
qui  resle  de  Babylone  sur  le  côté  occiden- 
tal du  fleuve.  La  masse,  qui  est  de  beaucoup 
la  plus  remarquable  et  la  plus  frappante  de 
toutes  les  ruines  de  Babylone,  est  située  à 
six  mille  environ  au  sud-ouest  de  Hillah. 
Appelée  par  les  Arabes  Birs-Nemrod  (808^, 

(807)  Ce  bilunie  el  c^s  roseaux  qui  se  trouvent 
iDôlés  à  ces  ruiner  s'acoident  parfailenient  avec 
rhistoire  sacrée  el  profane,  licrolote  el  Diudore 
parlent  dest  roseaux  dont  se  servaient  le3  Babyloniens 
pour  la  construction  de  leurs  édifices  ;  et  Muhe  iMt 
dans  la  Geit^te  (xi,  5)  :  c  Kt  ilssedînuirun  àTautre  : 
A//011S,  fahons  «^s  briqua^  et  cuisons-les  au  feu. 
Ils  se  servirent  donc  de  briques  comme  de  pierres,  et 
de  l/itume  comme  de  ciment,  1 

(808;  L*éiymolugie  du  mot  birs  fournit  un  sujet 


et  par  les  Juifs  la  prison  de  Nalmclioloti". 
sor.  Klle  a  été  décrite  par  Eramanael  Mail!.; 
et  Niebhur,  à  qui  la  craitlc  des  Arabes qu 
permit  point  de  la  voir  de  près. 

«  J'ai  visité  le  Birs-Nemrod  dans  un  nu. 
ment  qui  répondait  tout  à  fait  à  la  grandeur 
de  son  effet.  La  matinée  était  dWord  m* 

§euse,  et  nous  menaçait  d*une  grande  clmie 
e  pluie.  Mais  comme  nous  nous  appriv 
chions  du  but  de  notre  voyage,  lesnoa;?! 
qui  s'étaient  accuinulés  se  séparèrenCfl 
nous  laissèrent  entrevoir  le  Birs,  dominanl 
sur  la  plaine,  présentant  Tapparence  d'um 
montagne  ronde  couronnée  d'une  lour,aTe[ 
un  rideau  élevé  qui  s'étend  le  long  doi  " 
pied.  Comme  pendant  la  première  (iarii«» 
notre  promenade  nous  fûmes  enlièreni 
privés  de  la  vue  de  celte  ruine,  cela  ri 
empêcha  d'en  acquérir  par  gradalion  h 
en  général  si  nuisible  à  reffet,  cl  si  pa 
culièrement  regrettée  de  tous  ceux  qui  r 
lent  les  pjTamides  d'Egypte.  A  pcmofûra 
nous  parvenus  à  une  distance  conveni 
qu'elle  s*offril  tout  d'un  coup  à  la  yw» 
milieu  des  masses  roulantes  do  nua;;fi5fl 
et  épais,  obscurcis  en  quelques  ami^ 
celle  espèce  de  brouillard  dont  lawûli 
produit  quelque  chose  de  sublime,! 
cjue  des  traits  d'une  couleur  vive,  présa^ 
1  orage,  étaient  répandus  dans  kûh^Ai 
delà,  et  servaient  à  donner  quelque  iJèaf 
la  solitude  du  pays  désolé  oi!l  se  trouve 
tuée  celte  respectable  ruine. 

«  Le  Birs-Nemrod  est  une  énini 
d'une  figure  oblongue  de  762  vergei.  dd 
conférence,  coupée  à  l'orient  par  un  f 
profond;  elle  n'a  que  50  à  CO  pieJs  d'él 
lion,  mais  à  l'occident,  elle  s'élève  on  (^ 
à  190  pieds  do  hauteur,  et  son  sominetj 
termine  par  une  muraille  soHde  de  briq^ 
de  36  pieds  de  hauteur  sur  28  de  lar:e, 
minuant  de  grosseur  vers  le  ftîle ,  qui, 
rompu,  irréçulier  et  fendu  par  une  p 
crevasse  qui  se  prolonge  jusnu'à  un 
de  la  hauteur.  Cette  muraille  est  p 
d'outre  en  outre  par  de  petits  trous  ca 
qui  sont  disposés  en  losange.  Les 
briques  cuiles  dont  elle  est  bâtie 
chargées  d'inscriptions,  el  le  cimenl, 
semble  être  du  cimenl  de  chaux,  qut^ 
soit  difficile  de  distinguer  la  nature 
liaison  des  couches,  tant  elles  sont  s 
ensemble,  est  si  admirablo  qu  il  est  rt 
irapossibbî  de  détacher  une  de  ces  i>r 
sans  la  casser.  Le  reste  du  sommclde 
éminence  est  couvert  d'énormes  nio) 
d'ouvrages  de  briques  d'une  forme  im 
minée,  tombés  ensemble,  et  changés! 
solides  masses  vitrifiées,  comme  si 

curieux  ^  ceux  qui  prennent  plaisir  à  de  p 
discussions.  Il  sendiie  que  ce  ue  soii  (»a>  us 
aral)e  ;  car  il  ne  se  tro.uve  dans  celle  langue  tii 
expression  qui  y  ail  rjpport,  et  les  pe/>oiiB4 
mieux  insl.u.U-s  du  pays  ne  pureiilni  direpntfi 
il  est  appliqué  à  celte  raii.e.  Un  luoi  cbaUe.a' 
beaucoup  de  res!»eroblance  avec  celui  de ^irJ.si| 
habitations  des  démons  ou  dénert  sablQiiHcvs.v 
de  l* auteur.) 


15 


PIIO 


iraient  subi  TacUoD  du  feu  ic  plus  vio- 
»nl(809),  ou  qu*oa  Jcs  eût  fait  sauter  avec 
e  la  ()OU(lre  à  canon.  Ce[>cndant  on  peut 
^i-|jien  distinguer  les  couches  de  briques, 
3  qui  est  un  iait  sinçulier  que  je  no  suis 
ts  en  état  d*expliquer. 
c  Ces  ruines  extraordinaires  sont  les  mè- 
les  dont  parle  le  P.  Emmanuel  qui  ne 
a  aucune  attention  à  la  hauteur  prodi- 
leose  sur  laquelle  elles  sont  élevées.  Cette 
Dinence  est  elle-même  une  ruine,  creusée 
ï  ravines  par  le  temps,  couvorle  de  débris, 
Hiimo  partout  ailleurs,  et  de  morceaux  de 
erres  noires,  de  pierres  de  sable  et  de  mar- 
V.  Dans  la  partie  orientale,  on  distingue 
sèment  lïos  couches  de  briques  durcies  au 
M,  mais  sans  aucun  roseau  quelconijue, 
rroiislancc  qui  nous  semble  attester  la 
luifi  antiquité  de  cette  ruine,  parce  qu'on 
MU ve  toujours  ordinairement  des  roseaux 
îi  il  y  a  des  briques  crues. 
«  Dans  le  côté  du  nord  on  aperçoit  des 
mues  de  bâtiment  qui  portent  une  grande 
Sïeinblanco  au  monceau  de  briques.  Au 
leiderétuinencc,  on  découvre  un  escalier 
peine  élevé  au-dessus  de  la  plaine  dont 
rvssilue  excède  de  plusieurs  pieds  la  base 
^ubîeou  mesurée.  Toute  cette  ruine  est 
KtbRhd*une  enceinte  carrée  comme  au 
^n^lM^  mais  en  beaucoup  meilleur  état 
tf^'ifle  plus  grande  dimension.  A  une 
Wf  distance  de  Birs,  et  sur  la  même 
îflc'iue  le  côté  oriental,  il  j  a  une  autre 
SM^e  beaucoup  plus  longue  que  large, 
<[Qi  n'est  pas  inférieure  h  celle  du  Kassr 
I  ê'éîation  :  sur   le  sommet  sont  deux 

tiljbé  ou  oratoires 

I  Le  fiirs-Nemrod  tire  un  nouvel  inlérôt 
la  possibilité  qu  il  y  a  que  c'est  la  même 
^■f  que  les  descendants  de  Noé,  sous  la 
Huite  de  Nemrod,  élevèrent  dans  la 
ittc  de  Sennaar  et  dont  l'achèvement  fut 
frrompu  d'une    manière    si   mémora- 

;8io).  M 

^ons  n'avons  pas  rapporté  à  beaucoup 
Houl  ce  qu'il  y  a  d'intéressant  dans  le 
moire  de  M.  llich,  mais  ce  que  nous  en 

^)  Iq  coinpalrîoti  de  M.  Rich,  qui  vient  de 
tirfiibyloi.c,  fait  la  même  observation  :  i  Ce  qui 
«de  la  loar  de  Babel,  qui  fut  conslruiie  en  bri- 
ii  préseuie,  dit-il,  Taspecl  d'une  montagne  bnïlée, 
tV^t  les  saintes  Ëcrilures  Tavaieiit  prédit.  Du 
|i^  de  la  tour  la  vue  s^arrèle  sur  les  amas  éuor- 
ififormenl  les  ruines  delà  Babylone  ancienne. 
'  ''f^gear,  en  contemplant  cette  scène ,  n'a  pu 
^iKf  de  reconnaître  avec  quelle  exactitude  k s 
étions  d*l8aie  et  de  Jéréinie  se  trouvent  accom** 
'■^lîabyloiie  n*est  plus  habitée  ;  rArabelui-n«éme 
^le  plus  sa  lente  ;  ces  lieux  désoléi  ne  sont  plus 
uo affreux  désert.  >  (Voyaae  du  capilaine  Kepvel 
^<oiie,  publié  en  1829.) 
^lU)  Void,  sur  ces  fameuses  mines  les  réflexions 
ta  foyageur  qui  visitait,  il  y  a  quelques  aanëes, 
H^ue  de  Babyloue  :  c  Une  heure  et  un  quart  de 
^  de  plus  nom  [conduisit  à  la  rive  N.-E.  de 
"Cvaie,  jttsqae-là  dérobée  k  notre  vue  par  Us 
tei  loQfaes  et  variées  des  ruines  qui  proclamaient 
^rout  ei.ons  au  mil  eu  de  ce  qui  fut  jadis  Baby- 
K  :  Sar  notre  droite  étaient  des  masses  colossales 
wcicouet  constructions  qui  ressemblaient  plutôt 
^  eaicenœs  naturelles,  qu*à  des  terres  cou- 


DICTIOiNNAIRE  APOLOGETIQUE.  PRO  806 

avons  cité  suffit  pour  faire  connaître  létat 
actuel  des  ruines. 
Ecoutons  Isaïe  : 


Ruine  de  Babylonc^  révélée  à  IsaiCf  fils 
d'Amos, 

Dressez  V étendard  sur  la  plus  haute  mon- 
iagne^  poussez  des  crîs^  armez  vos  bras^  et 
que  les  guerriers  se  hâtent  d'arriver. 

J'ai  donné  mes  ordres  aux  soldats  que  j'ai 
choisis:  fai  appelé  mes  braves  dans  ma  colcre . 
ma  gloire  les  anime. 

Voix  de  la  multitude  sur  les  montagnes, 
voix  comme  d'un  grand  peuple;  c'est  h 
bruit  du  tumulte  des  rois  et  des  nations  réu- 
nis. 

Ils  accourent  des  régions  éloignées^  des 
extrémités  du  ciel.  Reconnaissez  le  Seigneur  : 
t;ot7d  les  instruments  de  sa  colcre. 

Poussez  des  hurlements  ;  le  jour  du  Seigneur 
approche...  Jour  crueU  plein  d'indignation^ 
et  de  fureury  qui  fera  de  la  terre  un  désen, 
jour  qui  exterminera  les  impies. 

Je  violerai  les  crimes  de  celte  contrée  et 
l'iniquité  des  impies;  j'abattrai  l'orgueil  des 
supcrbesy  jliumilierai  l'insolence  des  tyrans. 

Le  juste  malheureux  est  plus  précieux  pour 
moi  que  l'or  le  plus  pur. 

Voilà  que  je  susciterai  contre  eux  les 
Mèdes^  que  leur  or  ne  pourra  éblouir. 

Cette  superbe  Babijloue,  la  gloire  des  royau- 
mes, l  orgueil  des  Chaldcens^  sera  détruite 
comme  Sodome  a  Gomorrhe. 

iAle  sera  déserte  jusqu'à  lu  fin  des  siciles; 
les  générations  ne  la  verront  pas  rétablie; 
l'arabe  n'osera  y  planter  sa  tente;  et  les 
pâtres  n'y  laisseront  pas  reposer  leurs  trou- 
peaux. 

Elle  deviendra  le  repaire  des  bétes  féroces; 
ses  palais  seront  remplis  de  serpents ,  des 
oiseaux  sinistres  s'y  feront  entendre  ;  des 
boucs  sauvages  y  bondiront. 

Des  hiboux  se  répondront  l'un  à  l'autre 
dans  les  palais ^  et  des  reptiles  se  traîneront 
dans  ces  édifices  consacrés  à  la  volupté.  (C. 

XUI.) 

Je  m'armerai  contre  eux^  dit  le  Seigneur 

vrant  les  restes  d*anciens  et  magnifiques  édifices. 
A  TEst  s*offraient  aussi  des  chaînes  de  ces  tas 
ondes,  mais  dont  plusieurs  n'avaient  que  la  hauteur 
des  allérissemenls  des  canaux  que  nous  avions  p-ti^ 
sé>.  L*ensenible  de  la  scène  était  singiiiièr.  ment 
imposant.  L^Euplirsi le  errant  dans  la  soliiude,  comme 
un  monarque  pensif  parmi  les  rtiines  silencieuses  de 
son  royaume  dévaslo,  paraissait  encore  un  noble 
fleuve,  malgré  les  chargemcnis  si  di'plorables  surve- 
nus dans  rétendue  de  son  cours.  Sur  ces  rives  étaient 
encore  ces  roseaux  chenus,  ces  saules  grisâtres  aux- 
quels les  captifs  dMsiaêl  suspendaient  leurs  harpe-, 
refusant  toute  consolation,  tout  amusement  parce 
que  Jérusalem  n'éiait  plus.  Mais  que  h  reste  de  la 
scène  était  différent  d'autre  fois,  du  temps  où  s  s 
collmes  hachées  étaient  des  palais  ;  ces  lotigs  ter- 
tres serpentant,  des  rues  ;  ceite  vabte  solitude  rem- 
plie de  sujets  alTairés,  sans  cesse  rn  mouvement,  do 
rorgueilleuse  Aile  de  I  Orieni  !  Maintenant  sa  «les- 
truction  est  telle  que  Ton  ne  trouve  même  plus  la 
trace  de  ses  somptueusis  demeures.  Le  ter  deKnUi" 
iruclion  ê^est  étendu  sur  elle.  >  {Voyages  faits  eu 
Géorgie^  fl en  Perse,  etc.,  eu  1830,  par  sir  ItgbeitKLa 

FORTEB. 


8€7 


PRO 


DlCTIOiNNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PRO 


m 


des  armées:  j'éteindrai  le  nom  de  Babylone, 
je  perdrai  les  restes,  les  rejetonSy  la  race  dit 
te  Seigneur. 

Je  nen  ferai  qu'un  mnrais  ,  repaire  des 
animaux  immondes  :  je  promènerai  sur  elle 
la  verge  de  la  destruction.  (C.  xiv.) 

Descends,  assieds-toi  dans  la  poussière, 
vierge,  fille  de  Babylone;  assieds-toi  sur  la 
terre:  il  n'y  a  plus  de  trône  pour  la  fille 
des  Chaldéens, 

Assieds-toi  en  silence,  entre  dans  les  ténè-^ 
bres,  fille  des  Chaldéens  :  on  ne  Cappellera 
plus  la  reine  des  nations. 

Tu  disais  :  Je  serai  toujours  la  reine  des 
peuples  ;  et  tu  n'as  pas  songé  à  ton  dernier 
jour. 

Et  maintenant  écoute,  cité  voluptueuse,  qui 
reposes  en  assurance  et  qui  dis  en  ton  cœur  : 
Je  suis,  et  il  n'y  a  que  moi;  je  ne  serai 
jamais  veuve,  et  f ignorerai  la  stérilité. 

Ces  deux  maux  viendront  soudain  en  un 
jour  sur  toi,  la  stérilité  et  la  viduité  :  tes 
prestiges,  tes  enchantements,  ne  pourront  t'en 
garantir. 

Le  mal  viendra  sur  toi,  et  tu  ne'sauras  pas 
son  lever:  et  une  calamité  fondra  sur  toi  et  tu 
ne  pourras  la  détourner  :  des  angoises  s'ap^ 
pesantiront  sur  toi,  et  tu  ne  les  auras  pas  con- 
nues. 

Parais  avec  tes  enchanteurs  et  ces  artifices 
que  tu  appris  dés  ta  jeunesse,  tu  verras 
s'ils  ajoutent  à  ta  force.  (C.  îlvii.) 

Nous  ne  pouvons  tout  citer.  Cependant 
écoutez  encore  Jérémie  : 

Babylone  sera  un  monceau  de  pierres,  la 
demeure  des  bétes  sauvages^  stupeur,  siffle^ 
ment,  nul  n^y  habitera  jamais,,. 

Comment  a  été  emportée  la  plus  belle  ville 
de  la  terre?  comment  Babylone  est-elle  de- 
venue  un  objet  de  stupeur  parmi  les  nations  ? 

Ses  cités  sont  devenues  un  objet  de  stu-- 
peur,  sa  terre  déserte  et  inhabitable:  terre  où 
personne  ne  demeure,  où  ne  passe  pas  le  fils 
de  Vhomme,  (C.  li.) 

Lisez  tout  ce  chapitre  où  le  siège  et  la 
prise  de  Babylone  par  Cyrus  sont  décrits 
avec  une  précision  si  admirable  avant  la 
naissance  du  conquérant  (811j. 

(811)  c  Au  sujet  du  siège  de  Babylone,  Hérodote  et 
Xéiiophon  rapporlei  t,  par  une  coïncidence  parfaite 
avec  ce  qu^avaieni  préd  i  isaïe  et  Jéiémie,  que  les 
Mèdes  et  les  Perses,  réunis  sous  Cyrus  (qui  avait  été 
annoncé  par  haie  |>lus  de  cent  ans  avant  sa  nais- 
sance, comnie  élevé  par  Dieu  lui-même  pour  subju- 
guer les  nations  en  sa  ptésence,  lui  servir  d^inslru- 
ment  dans  la  punition  de  ses  e  nemi8,ei  délivrerson 
peuple),  marchèrent  sur  Babylone  et  Tassiégéreni  ; 
que  U'S  Babyloniens,  enfermés  dans  leurs  murailles 
inexpusnables,  ne  pouvaient  en  aucune  nian  ère  être 
a  tirés  à  un  combat  en  pleine  campagne,  mais  res- 
iMif  nt  an  contraire  dans  leurs  positions,  et  craignaient 
d'en  venir  aux  mains  ;  que  Cyrus  forma  le  projet  de 
détourner  le  cours  de  l'Euphrate  qui  traversait  la 
Ville,  et  d'eu  conduire  les  eaux  dans  le  fameux  lac, 
tendant  ainsi  un  piège  à  Babylone  ;  que  le  lit  du 
fleuve  ayant  éié  desséché,  de  manière  à  ce  qu'on 
pût  !e  ti  averser  à  pied  St  c,  Tennemi  entra  daus  le 
canal  ;  que  par  la  négligence  des  gardes,  les  portes 
qui  conduisaient  du  fleure  k  la  ville  n'étaient  pas 
femiées;  que  Tarrnée  réunie  des  Perses  et  des  Mèdes 
péuéirant  ainsi  par  stratagème  et  comme  furtive- 


Ces  prophéties  se  sont  accomplies  par  de- 
grés. C)  rus  n'oublia  rien  pour  rendre  miié- 
râbles  les  habitants  de  Babylone  (812);  il  t 
passait  pourtant  une  partie  de  Tannée  ;mai^ 
ses  successeurs  lui  préférèrent  Suse,  K»r5c. 
polis  et  Ëebatane.  Babylone  voulut  mi  ven- 
ger de  ce  mépris  en  se  révoltant  au  commen- 
cement du  règne  de  Darius,  nisd'Hysiapc; 
mais  ce  prince  ne  Tcut  pas  tlulôt  pn<<, 
qu'il  fit  abattre  ses  hautes  nniraiiles  et  aliin- 
donna  ses  habitants  à  la  discrétion  du  so!- 
dat  victorieux  (813). 

Sous  les  princes  macédoniens,  la  coii^ 
truction  de  Séleucie,  sur  le  Tiiire,  |.orta  I. 
dernier  coup  à  Babylone.  Séïeucus  en  lit 
passer  les  habitants  dans  la  nouTclle  viilf 
il  n*y  laissa  que  les  murs ,  le  temple  de  h^ 
lus,  et  quelques  Chaldéens  à  qui  il  peruiii 
d*habiter  auprès  de  cet  édlGce  (81^). 

Au  temps  de  Pline,  on  n'y  voyait  piusp 
ce  fameux  temple.  Lorsque  Pausaoias écri- 
vait, vers  le  milieu  du  ir  siècle,  il  o» 
restait  plus  que  Tenceinte  des  murailles  Jr 
Babylone  y  où  du  temps  de  saint  Jérôuf, 
les  rois  de  Perse  tenaient  enfermées  è 
bètes  de  toute  espèce  qu'ils  y  entreteoini 
pour  le  plaisir  de  la  chasse.  Ces  mumi:.^ 
lurent  entièrement  rasées  en  1037,  eia:- 
jourd*bui  ou  en  trouve  à  peine  la  trace. 

Tyr. —  La  superbe  Tyr,  qui  couvraiiv 
mers  de  ses  flottes,  et  dont  Torgueil  m 
que  les  désordres  égalaient  la  riebessee/'j 
puissance,  Jéhovah  l'avait  é%h\wB\m' 
damnée  par   la    bouche  d'EzéckW.  îi«i«! 
allons  montrer  que  les  prophéties  wA  iv 
aussi  littéralement  acom plies  sur  celte  Yt>< 
célèbre  qu'elles  l'ont  été  sur  Babjionc.>oii> 
nous  servirons  pour  cela  du  téraoignagi'  ôc* 
voyageurs;  nous  invoquerons  surlooi «tu 
d'un  auteur  qu'on  ne  soupçonnera  pas  ^c 
vouloir  favoriser  la  cause  de  la  religion,  i^ï 
elle  a  la  douleur  de  le  compter  au  nombrt 
de  ses  plus  ardenls  adversaires,  Volne;. 
en  qui  nousuous  plaisons,  malgré  ses  W. 
à  reconnaître  une  érudition  peu  eomuiuM 
jointe  au  talent  d'observer  et  d'écrire,  a  en- 
richi son   Voyage  en  Syrie  d'un  fragiûeal 
précieux  sur  le  commerce  de  rancieoneTvr. 

ment  nu  milieu  de  la   cité,  avant  choisi  à  J*  «*' 
pour  cela  la  nuit  d*unefjte  annuelle  des  Bab}loiu6ii 
O^bylone  fut  prise  sans  le  savoir;  que  stspri*.ftV 
ses  capitaines  el  sts  guerriets  qui  se  nTwsai'oi'Mj 
avoir  célébré  des  leslîns  el  s'éirc  eaivrés,  i«jw 
égorgés  à  rimprovisie  et  dormirent  du  sommei!  * 
la  mort  ;  que  Babylone  euOn,  qui  n>ali  jw»»"*  ^ 
prite  auparavant,  lut  ainst  p.ise  sans  r&jslance.» 
un  moment  et  p^r  un  moyen  qui,  avanl  d'ôrt^î*' 
rement  exécuté,  éiait  demeni'é  inconnu  a»  rw  fi  ^* 
habitants,  qui  ignoraient  le  danger  qui  i«  m^i0^ 
(la  ville  éunt  dune  si  gran.lc  étendue !)  i»si"'' 
montent  où  les  courriers  et  ceux  qui  c**'*"^  '^"*'^ 
de  transmeure  les  nouvelles,  se  rcnconirere»  "» 
uns  les  autres,  apportant  en  même  iemps  »  b^*J 
velle  quePennemi  éuii  entré  dans  la  vilw.  «  ^^ 
Babylone  était  prise.  »  {ha.  xn.  î;  t^^«  »î/V. 
«7  ;  Jer.  l,  38 ;  li,  il,  27,  50,  36,  57.)  -  k«^"' 
Accompl.  des  prophéi. 

(812)  Cyrop.,  Iiv.  vu. 

(815)  Htaoo.,  Ilist.  \\u 

'8U)  Strab.,  Géogr,,  xv. 


09 


PRO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUC. 


PRO 


«10 


!&4 


[  est  tiré  de  Tun  de  ces  écrivains  hébreux 
ans  lesquels  le  Tuli^aire  des  iocrédiiles 
!>uipraît  sans  doute  de  reco&oallre  dei  pro- 
(télés,  mais  auxquels  oo  ne  lient  refuser 
1  moins  le  titre  de  poètes  pleins  de  verre 
i  de  génie.  Voici  ee  fragment  que  M.  de 
olnejr  n*a  pomt  dédaigné  de  traduire. 
Viik  êuperbe^  oui  reposa  au  bord  de$  merê, 
;  quidiê  :  Mon  empire  êéiemdau  sein  de 
/an,  /eouie  F  oracle  prononcé  contre  ioi! 
k  pariée  ion  commerce  doua  le$  Ue$  /•  jnlo*- 
n,  chez  le$  kabiianiê  des  ierree  inconmuee: 
fus  ta  main  les  sapins  deSanir  deviensuui  des 
lisieoMJCf  tes  cidres  du  Liban  des  métSj  les 
împliers  de  Bjfsan  des  rames:  tes  matelots 
siscjf^mi  sur  le  buis  de  Chjmre^  orné  d'une 
arqueierie  d'ivoire:  tes  pacillons  soiU  tissus 
e  plus  beasÊ  lin  tEg^e:  tes  vêtements  sont 
»«a  de  fkpackuhe  et  de  la  pourpre  de  FAr^ 
HpH:  Siéon  et  Arouad  t'envoient  leurs 
smemrs^  Djabal  ses  habiles  constructeurs: 
M  §éomitres  et  tes  sages  guident  eux-mêmes 
ff  proues  ;  tous  les  taisseauz  de  la  mer  sont 
uMogés  à  ton  commerce:  tu  tiens  à  ta  solde 
f  f  CTM,  le  Ludien  et  CEgmtien  ;  tes  murailles 
1-^  parées  de  leurs  bouctters  et  de  leurs  cui* 
ruscf.  Les  enfants  éT Arouad  bordent  tes  pa^ 
rspcu  :  €tte$  tours  f  gardées  par  des  Phéniciens f 
ifnUmt  de  leurs  carquoîs.  Tous  les  pays 
9  empressent  de  négocier  avec  toi  :  Tarse 
^^oif  à  tes  nuirchés  de  Forgent  t  du  fer^ 
dt  féiëin ,  du  r^omb  ;  rionie ,  le  page  des 
M^ifuee  et  de  tefflis^  Rapprovisionnent  d*rf> 
/orcr  et  de  vases  é^airam  ;  F  Arménie  fen^ 
>'V  ite  mules  f  des  chevaux  f  des  cavaliers: 
1 1les  nomsbreuses  échangent  avec  toi  Fivoire 
f  féhène:  le  Syrien  F  apporte  le  rubis^  la 
vurpre^  les  riches  étoffes^  le  corail  et  le  jaspe, 
a  enfants  d'Israël  et  de  Juda  te  vendent  le 
Qmemt^  le  baume  ^  la  murrhe  et  FhuUe:  et 
2mas  f  envoie  le  vin  de  Hatbon  et  les  laines 
les.  Les  Arabes  d'Oman  offrent  à  tes  mar- 
ohds  le  fer  polit  la  caneltCf  le  roseau  aro^ 
Uique  :  et  F  Arabe  de  Dédan ,  des  tapis  pour 
isieoir:  Its  habitants  du  désert  et  Ces  chênes 
Kédar  payent  de  leurs  chevaux  et  de  leurs 
neaux  tes  riches  marchandises:  les  Arabes 
Saba  (dans  FTémen)  Fenrichissent  par  le 
mmerce  des  aromates  f  des  pierres  précieuses 
de  For:  les  facteurs  de  F  Assyrien  et  du 
aldéen  commercent  eusssi  avec  loi,  el  te 
tdent  des  manteaux  artistement  brodés^  de 
rgent ,  des  mâtures ,  des  cordages  et  des 
très  :  enfin  les  fameux  vaisseaux  de  Tarse 
Uàtes  gages.  O  Tyr^  fiire  de  tant  de  gloire 
de  richesses!  bientôt  tes  flots  de  la  mer 
téteront  contre  toi^  et  la  tempête  te  préci- 
sera am  fond  des  eaux.  Alors  s'engtouti^ 
kt  tes  trésors  :  avec  toi  périront  en  un  jour 
I  cowusurce^  tes  négociants  ^  tes  carres* 
adonis  »  tes  matelots ,  tes  pilotes  ,  tes 
listes^  tes  soldats^  et  le  peuple  immense  qui 
nplit  tes  murailles  :  tes  rameurs  déserteront 

A 16)  Essch.  xivi  K  xivii. 

917)  Eseeh.  xyvi. 

^18)  ypfny  en  Syrie  et  en  tggpu  ;  looi.  H,  p. 

,K19)  foyagten  Syrie,  t.  H,  p.  908. 

lAlEE   APOLOGÉTtOCE.     II. 


tes  vaisseaux:  tes  pilotes  s'assiéront  sur  le 
rivage,  F  œil  mome  et  fixé  contre  terre  ;  tes 
peuples  gue  tu  enrichissais,  les  rois  que  tu 
rassasiaîSf  consternés  de  ta  rviiir,  jHteront 
des  cris  de  désespoir:  dans  le  deuil,  ils  ron- 
peront  leurs  cheveux,  ils  jetteront  de  la 
cendre  sur  leur  Iront  dépouillé,  ils  se  rouleront 
dans  la  poussière  f  et  tls  diront  :  Qui  jamais 
égala  Tyr,  cette  reine  de  la  mer  (816)  ? 
Voici  ee  que  dit  le  Seigneur  :  Les  pierres 

Îrécieuses  formaient  ton  ornement  :  les  rubis^ 
I  topaze,  le  Jospe,  la  chrysolite,  Fonix,  le 
béryl,  le  saphir,  Fescarboucle,  For,  brillaient 
sur  toi.  Semblable  au  chérubin,  tu  étais  établie 
sur  la  montagne  sainte  du  Seigneur:  — ton 
cœur  s'est  enflé  de  ta  beauté:  tu  as  perdu 
ta  sagesse  et  ta  gloire.  Je  veux  te  renverser 
sur  ta  terre:  je  veux  te  mettre  aux  pieds  des 
roiSf  pour  quils  contemplent  ta  ruine.  — 
Dans  ta  multitude  de  tes  crimes,  et  dans  Fini^ 
quité  de  tes  traflcs,  tu  as  souillé  ta  pureté^ 
c'est  pourquoi  je  te  renverserai,  je  bouteterse^ 
rai  tes  édifices  qui  s'écrouleront^  en  débris 
enflammés,  —  Je  te  rendrai  à  la  pierre^  et  tu 
serviras  à  sécher  tes  fllets,  et  tune  seras  plue 
rdfàtie:  car,  moi,  Jéhovaht  fai  parlée  ait  le 
Seigneur  Dieu  (817). 

M.  de  Volnej,  en  comparant  Tétai  actuel 
de  Tvr  avec  la  prophétie,  Ait,  malgré  son 
incrédulité  connue,  celle  réflexion  rcroar«> 
qnable  :  «  Les  révolutions  du  sort  ont  ac» 
eompli  cet  oracle.  Au  lieu  de  celte  ancienne 
circulation  si  active  el  si  vaste,  Tyr,  réduil 
à  Tétai  d'un  misérable  village,  n*a  plus» 
pour  tout  oommeroe,  qu'une  exportation  de 
quelques  sacs  de  g[rain8  el  d»  colon  on  de 
laine,  et  pour  négociant,  qu  un  facteur  grec 
au  service  des  Français  de  Sa'ide,  qui  aune 
h  peine  de  quoi  soutenir  sa  famille  (8i8).  m 
«  Le  sort  a  frappé  Tyr,  la  reine  des  mers, 
le  berceau  du  commerce  qui  civilise  le 
monde  (819;;  ses  palais  ont  fait  place  à  queK 
ques  cabanes  chétires  ;  le  pécheur  indi^nl 
habile  les  caves  voAtées  où  jadis  sVnlassaieni 
les  trésors  du  monde  ;  une  colonne  delioutt 
au  milieu  des  ruines,  marque  la  place  où 
était  le  cosur  de  la  cathédrale  consacrée  |Mir 
Eusèbe  (ffîO).  »  Le  voyageur  anglais  Maun- 
drel  dit  qu'on  ne  voit  plus  dans  Tyr  que  des 
débris  de  murailles,  de  voûtes  el  de  colonnes 
brisées,  et  qu'il  ne  s'y  trouve  pas  une  seule 
maison  entière.  «  Il  semble,  dtl  cet  anieor, 

Sie  cette  ville  ail  été  conservée  co  ce  lien 
comme  une  preuve  visible  de  l'accomplît» 
sèment  de  la  parole  divine  :  Elle  sera  coaune 
le  sommet  d^un  rocher,  et  elle  servira  à  sé- 
cher les  fllets  des  pécheurs  (Kl).  > 

«  La  seule  curiosité,  dit  J.  Bruce,  m'enj^a* 
gea  è  passer  par  Tyr,  el  je  devins  le  tnste 
témoin  de  la  vérité  des  prophéties...  Deux 
misérables  pécheurs,  après  avoir  attrapé  un 
peu  de  poisson,  venaient  d'étendre  leurs  fi- 
lets sur  ces  rochers  de  Tyr  (822).  « 


(820)  MALToaoïi,  Précis  ie  le  yhyrepk 
l82ii  Foyflfe  étAlep  à  JénueUm. 
(82S)  Vogege  eux  tonrce*  eu  Nil^  en 
Aèifuime,  * 


ketem 


m 


PilO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAO 


l\\ 


i.*EGifPTE.  —  Ce  fut  un  des  plus  anciens  et 
des  plus  puissants  royaume  de  la  terre.  Les 
impérissables  pyramides,  les  ruines  de  ses 
villes  et  de  ses  temples,  les  superiies  sépui* 
turcs  do  ses  rois,  dont  plusieurs  ont  6iè. 
ouvertes  par  Be!zoni  {Voyage  en  Egypte  et 
en  Nubie)y  sont  aujourd'hui  autant  de  mo- 
numents de  son  antique  splendeur  :  leur 
Tnagniflccnce  est  au-dessus  detouledescrip- 
tion,  et  le  nombre  des  villes  et  des  bourgs 
qu'elle  renfermait  et  qu'Hérodote  norte  à 
Tingi  millCf  est  à  i)cinn  croyable,  btins  la 
description  qu'il  fait  de  TEgj'pte,  cet  auteur, 
appelé  le  père  de  l'histoire ,  en  parle  comme 
delà  contrée  la  plus  fertile,  avantage  qu'elle 
devait  tout  à  la  fois  h  la  nature  et  h  Fart, 
et  comme  réunissant  à  elle  seule  plus  de 
merveilles  que  toutes  les  autres  ensemble. 
Encore  aujourd'hui,  quoique  ses  anciennes 
villes  et  ses  temples  soient  en  ruines,  l'E- 
gypte excite  èi  chaque  pas  Tadmiralion  du 
voj'ageur,  ainsi  quon  peut  le  voir  dans  les 
ouvrages  de  Norden,  deDenon,  d'Hamilton, 
de  Burckhardt,  de  Beizoni  et  autres.  Des 
temples  dont  la  grandeur  étonne,  et  leurs 
énormes  colonnes  couvertes  d'hiéroglyphes, 
semblent  dcstiués  à  rendre  i)onn)>age  au 
seul  vrai  Dieu,  au  Dieu  vivant,  au  Dieu 
dlsraël,-en  mettant  dans  tout  son  jour  la 
))artie  historique  et  prophétique  de  sa  pa- 
role. 

L'Egypte  fut  le  sujet  d'un  grand  nombre 
de  prophéties  qui  ont  reçu  autrefois  leur 
accomplissement,  ainsi  que  Newton  Ta  dé- 
montré dans  ses  dissertations  sur  les  pro- 
1>héties,  et  le  temps  n'a  pu  efiTacer  encore 
es 'marques  par  lesciuelles  les  prophéties 
ont  caractérisé  ladestinéequi  l'attendait(8â3). 

L'Egypte  pouTait  se  glorifier  d'une  longue 
suite  de  rois;  et  elle  avait  conservé  sa  puis- 
sance sans  aucune  interruption,  depuis  les 
premiers  Ages  du  monde.  Sous  ce^  rapport, 
comime  sous  tous  les  autres,  il  s'est  opéré 
une  révolution  complète  dans  sa  situation, 
depuis  lé  temps  des  prophètes ,  révolution 
qu'ils  avaient  formellement  et  clairement 
prédite. 

Envahie  et  subjuguée  parNabucIiodonosor, 
roi  àù  Babylone,  selon  la  parole  de  l'Eter- 
nel (824);  subjuguée  ensuite  parles  Perses, 
sous  Cambyse,  et  par  les  Afacédoniens  sous 
Alexandre  le  Grand  (^5),  FEgypte,  après  la 
mort  de  ce  dernier  conquérant,  fut  gouver- 
née pendant  près  de  trois  siècles  par  les 
Ptolémées,  descendants  d'un  de  ses  géné- 
raux, jusqu'à  ce  que,  vers  l'an  30  avant  l'ère 
chrétienne,  elle  subit  le  joug  des  Romains; 
depuis  elle  a  été  successivement  au  pouvoir 

(«23)  Yofet  Ezech.  xxis,  44,  i5;  xxx,  7, 12,  13; 
.aux»,  15. 

(S24)  Jerenu  xli,  13;  Ezech.  xxx,  iO. 

(8i5) /la.  lu,  i ,  i3. 

(826)  Ezech.  i&ix,  15;  xxx,  12,  15.  Il  y  a  aujour- 
d  hui  plus  do  deux  n)i!le  aus  que  ceue  prophélie  tTE" 
zéchtel  a  élé  prononcée.  Quelle  vraisemblance  y 
avaii-il  aliira  (pie  TEgypte,  ce  royattoe  s!  vasie,  ^i 
l'iclie,  bl  fei  lile,  subirait,  pendant  tant  de  siècles,  un 
joug  étrtngei*,  sans  pouvoir  Jamais  recouvrer  sa  !i- 
LC.ié,  ni  avoir  un  souveralo  nalurelT 


des  Sarrasins,  des  Mamelouks  et  des  Tun^ 
Toute  son  histoire  est  celle  de  l'accomplii^ 
sèment  des  prophéties. 

Voici  œ  que  Dieu  avait  décifiréfjar  Eié- 
chiel  :  //  sera  petit  entre  tous  ks  royaumti^ 
it  ne  s'élèvera  plus  à  ratenir  au'dfsm  d($ 
peuples^  et  je  [affaiblirai  afin  çu  il  ne  (on- 
mande  plus  aux  nations.  Je  lirmai  m 
champs  entre  les  mains  des  plut  méckanuk 
hommes  ;  je  détruirai  cette  terre^  atec  tout  tt 
qu^elie  contient ^  par  la  main  des  élran^, 
Moi^  le   Seigneur^  fai  parlé..,  H  n'y  cur* 


depuir  vmgMrois  siècles  h  ses  |ir(H 
priétaires  naturels,  elle  a  vu  s'établir  satii 
cessivement  dans  son  sein  des  Perses,  Ms 
Macédoniens,  des  Romains,  des  Grecs  M 
Arabes,  des  Géorgiens,  et  enfin  celle  rficej 
Tartares,  connus  sous  le  nom  de  TurM 
Ottomans  (8â7),»  i 

«  Les  grands  ofliciers,  dit  le  mèQieM| 
vain,  se  font  de  gros  revenus  en  Teoda 
aux  rebelles  leur  prote<:tion  et  levi( 
iluence.-  -  Nulle  sûreté  pour  la  vie  ookfM^ 
priété.  On  verse  le  sang  d'un  homneewig 
celui  d*un  bœuf.  La  justice  mèmeWiOTi 
sans  formalité.  Les  Mamelouki,  ^àm. 
comme  esclaves  et  introduits  comme  sM 
usurpèrent  bientôt  le  pouvoir  el  s'éloi 
un  chef.  Si  leur  premier  établissemcol 
un  fait  singulier,  leur  per^)étualion  eo 
un  autre  qui  n'est  pas  moins  bizarre  ** 
Ils  se  sont  régénérés  par  des  cst'JAvcs 
portés  de  leur  pays  originel.  Le  sv 
d'oppression  est  méthodique.  Toul  ce 
le  voyageur  voit  ou  entend  lui  ra"" 
qu'il  est  dans  une  terre  d'esclavage 
tyrannie.  En  Egypte,  il  n'y  a  point  de 
moyenne,  ni  noblesse,  m  clergé,  ni 
cJants,  ni  pro))riétaires  de  terres,  l 
rance»  répandue  dans  toutes  les  cla 
étend  ses  etTets  sur  tous  les  genres  do 
naissances  morales  et  physiques  (S^)- 

«  On  ne  saurait  imaginer,  dit  Gibbon. 
constitution  plus  absurde  que  celle  qui 
damne  les  naturels  d'un  pays  è  une 
vitude   [)erpéluelle»  sous  une  domi 
arbitraire  d'étrangers  et  d'esclaves.  X 
cependant  l'état  de  l'Egypte  depuis  ^ 
cinq  cents  ans.  Les  plus  illustres  sulUi 
dynasties  Baharite  et  Bor^hite  fureui 
eu  !^- mêmes  des  hordes  tartares  et 
siennes ,  et  les  vingt-quatre  beys  ou 
militaires  ont  toujours  eu  pour  sucres: 
non  leurs  fils,  mais  leurs  domeslispic^ji' 
Jl  ny  a  plus  eu  de  prince  du  pays  (ft^ii 
cette  terre  a  été  détruite  et  toul  ce  q<»'f^^^ 

(827)  \0LN£Y,  Vojfnge  en  Syrie  et  en  Bgur^i 
c.  U. 

(828)  Il  n'y  a  plus  de  Mamelo-jcks  en  E^rv^ 
ont  lous  élé  déiriiits  par  les  orJies  du  v{oh« 
hémel-Aîr-Pacba,  qui  (es  flt  eilenniner  par» 
banals,  qui  les  auaquèrenl  à  I* improviste,  1û- 
lèrent  à  bout  |ionaiil,  ei  les  aciievéreiii  ^  ^ 
sabre.  Aucun  d-eui  n^échappa  à  cei  liornb:^ 
nage. 

(«29)  VoLREV,  Voyage  en  Syrie  ei  en  figyr" 
(830)  Hisl,  de  la  décad.  de  Cemp.  rom  »  i  ' 


NS 


PRO 


WCTlONNAmE  APOLOCETiftllE. 


PRO 


814 


lient,  par  ta  main  ^es  éirangers.  Elle  aéléaf- 
faiÙU  el  rendue  petite  entre  tous  les  royau^ 


««. 


Us  pachas  sont  des  tyrans  et  des  étran- 
j^rs;  chaque  nouveau  pacha  fixant  lui* 
uéraet  i  son  avéncmpnt,  le  prix  au*il  doit 
Mjer  à  la  Porte  pour  son  autorite  et  pour 
4  ):ropriéié  absolue  du  pays ,  la  prophétie 
t  (roure  littéralement  accomplie.  L'Egypte 
I  été  livrée  aux  plus  méchants  des  hommes. 
Yoy.  JcD^.) 

PROPHETIES  concernant  le  Messie,  com- 
Bcnl  interprétées  |V»r  Salvador.  Voy.  Ju- 
iibVB  et  Christianisme.  —  Prophéties  sur 
)  ilestructioo  du  temple  de  Jérusalem  véri- 
(éos.  Voy.  Temple  de  Jérusalem. 

PROSPER  (Saist).  —  On  ne  sait  rien  du 
ieu  ()c  sa  naissance  ;  on  sait  seulement  qu1I 
W]\ni  en  Gaule  vers  te  commencement  du 
r  siècle.  II  Tut  à  la  fois  historien»  contro- 
m\sio  et  versificateur.  Son  poëme  contre 
esennomis  de  la  grAce  semble  à  M.  Guizot 
il  un  des  plus  heureux  essais  de  poésie 
lUlosopbique  qui  aient  été  tentés  au  sein  du 
trislianisme  (ilisl,  de  la  civil,  en  France^  t. 
U.118.)»  La  polémique  religieuse  de  saint 
M>er  fut  engagée  contre  les  pélagiens  et 
pieo.i-pélagiens. 

fpraniicipalion  que  saint  Prosper  célébra,  au  t* 
siècle,  la  suprémaUe  de  Rome? 

HS^inl  Prosper,  dit  M.  Ampère,  raconte 
iicraenl  l'histoire  de  la  défaite  des  pela- 
is. U  sont  quclaues  vers  remarquables; 
nprématie  du  siège  de  Rome  n*avait  pas 
Mue  je  sache,  proclamée  d'une  manière 
«plicite  et  avec  une  emphase  si  solen- 

«Rome,  le  siège  de  Pierre,  oui,  devenue 
h  têle  du  monde  à  cause  (le  l'honneur 
(ûoii  rend  h  Tapôlre,  lient  par  la  religion 
Ni  ce  qu'elle  ne  possède  plus  par  les 

S^ifci  Uonia  Pelri  quœ  pastoram  honoris 

fndfi  capul  mundo^  quidquid  non  poêsidetlarmis 

»:lujiçne  Unet,.,  :  * 

^Od  ne  pourra  guère  en  dire  plus  dans  la 
k  :  c  est  déjh  la  Rome  moderne,  la  Romo 
ptp.  qui  domine  par  la  religion  le  monde 
f  rancienne  Rome  possédait  par  les  ar- 
*».  L  assertion  est  un  peu  anticipée,  mais 
|M'iicou  piututelle  annonce  un  Rrand 
[•c'est  que  Kome  va  se  placer  réelle- 
*ï  la  tète  du  monde,  au  moins  du  monde 
icntal  :  Fada  capul  mundo  (831).  » 
!  iraduction  de  M.  Ampère  mutile  une 
w»e(Ju  passage  de  saint  Prosper,  son  cora- 
|Dtairo  mutile  le  reste  ;  de  sorte  qu'il  ne 
w  reste  sous  les  yeux,  selon  les  exprès- 
^>  (iu  traducteur,  qu'une  emphase  solen^ 

^^i\i  Prosper  n'a  pas  dit  que  Rome  fût  U 

J^rl)  Wmi.  /t(f.,eic.,  t.  n,  p.  4a.  —  La  prosodie 
,  **.  !?«*"  qwc,  dans  la  ciiaiion  de  saint  Prosper. 
«««eme  Ivtire  du  mot  reH§hM  fûl  doublée  ;  j'ai 
•*<  *  faute  d'iropretsioD  qui  se  trouve  dani  le 
'^'^M.Ainpère. 


capitale  de  l'univers  chrétien  «  a  cause  do 
l'honneur  qu'on  rend  à  Tapôlre  ;  »  esl-:^e  que 
les  mots  latins  :  quœ  pasloralis  honoris  facia 
caput  mundOf  ont  le  moindre  rapport  avec 
cette  interprétation?  De  toute  évidence  ils 
signifient  que  n  Rome  est  devenue,  pOur  le 
monde,  la  télé  de  la  dignité  pastorale.  » 

Selon  te  poëte,  les  successeurs  de  saint 
Pierre  sont  donc  les  ehefs  de  la  hiérarchie 
ecclésiastique;  éminente  prérogative,  sur  la- 
.quelleM.  Ampère  a  gardé  un  profond  silence) 
Sa  traductioù  reconnaît  pourtant  que  saint 
Prosper  accorde  à  Rome  un  empire  spirituel 
plus  étendu  que  son  empire  politique.  Oui, 
elle  le  reconnaît  ;  mais«  prenez  donc  garde, 
voici  l'adroit  coramcnlaîre  qui  vient^  faire 
justice  des  ménagements  de  la  traduction. 

M.  Ampère  déclare  l'assertion  de  saint 
Prosper  un  peu  anticipée^  parce  que  la  su- 
prématie pontificale  n'h  j.nm«nis  été  si  expli- 
citement proclamée,  et  ne  le  sera  jamais 
davantage. 

Si  Tavenir  ne  doit  pas  avoir  de  plus  écla- 
tant horomage  à  la  primauté  des  Papes,  je 
n'en  suis  point  surpris  :  c'est  quenfln  les 
Papes  ne  seront  jamais  plus  élevés,  dans 
l*ordrespirituel,  qu'ilsne  lesont  au  v*  siècle. 
D*aiitre  part  si  M.  Ampère  n*a  rien  entendu 
avant  cette  époque,  de  si  explicite,  c'est 
sa  faute;  au  lieu  de  bien  des  minuties  fort 
inutiles  qu'il  a  notées  en  lisant  saint  Irénée, 
que  n'a-t*il  plus  sérieusement  étudié  la  doe- 
trine  de  i'évéqnede  Lyon  sur  la  papauté? 
Il  aurait  compris  ce  que  les  chrétiens,  au 
II'  siècle,  pensaient  déjà  de  la  plus  puissante 
primatie  du  successeur  de  saint  Pierre,  de 
l'union  que  doivent  conserver  avec  Rome 
toutcfs  les  Eglises  et  ehaffue  fidèle,  de  la 
source  toujours  pure  de  ses  traditions  reli* 
gieuses,  qui  peuvent  remplacer  celles  de 
tous  les  autres  sièges  épiscor>aux  (832). 

Les  paroles  de  saint  Prosper  n*étaient  donc 
|>as,  au  v*  siècle,  une  nouveauté  si  inouio 
qu'on  doive  les  soupçonner  d'avoir  été  pré- 
maturées. 

Saint  Prosper  n'entendait  certes  pas  pro- 
clamer une  chose  inconnue,  moins  encore 
une  chose  future  :  il  ne  tirait  pas  l'honis- 
cope  de  la  papauté  !  Ce  qu'il  disait,  il  Taflir^ 
mait  comme  un  fait  positif,  incontestable  : 
Faeta  caput  mundo.  Ce  qu'il  attestait  en  vers, 
et  que  l'on  prend  pour  un  poétique  pres- 
sentimeut,  il  le  répétait  en  prose  fort  calme, 
à  l'occasion  «  du  pontife  Célestin,  de  véné- 
rable mémoire,  h  oui  le  Seigneur  prodigua 
les  dons  de  la  grâce  pour  qu'il  'présidiH  à 
l'Rglise  catholique  (83:)). 

Quoique  poète,  saint  Prosper  était  thér- 
logièn  ;  théologien  si  pou  courtisan  de  Po-^ 
pinion  et  si  inllexible  dans  ce  qui  lui  pa- 
raissait vrai,  qu'il  Iç  publiait,  dût  M.  Ampfre 
y  remarquer  «  parfois,  comme  il  le  dit,  un 
reflet  livide  de  l'enfer  (83^).»  Or,  un  tel 

(832)  Contra  liwreses.,  I.  m,  c.  5.  •—  FoirTatt. 
IsLtnttL  (Saiht). 
(855)  Contra  cotlatorem,  n*  58. 
^83i)  Hiil,  Utt,   ftc  ,  I.  n,  p.  TiH. 


PAO 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PAO 


l\\ 


écrivain  a  nécessairement  pesé  la  vaiciir  de 
ses  expressions  en  parlant  des  prérogatives 
du  Saint-Siège;  nécessairement  il  s*est  carié 
de  prendre  le  présent  i»our  Tavenir  et  runi- 
vers  pour  VOccident^  malgré  ce  qu'il  a  plu  à 
M.  Ampère  d*imaginer. 

Oui,  c*esi  encore  Ik  une  transformation 
que  M.  Ampère  a  fait  subir  è  la  pensée  de 
saint  Prosper;  Tempire  spirituel  de  Rome, 
qui,  selon  le  )>oëte,  s*étcndait  par  delà  les 
conquêtes  des  Césars,  Tunivers  dont  il  a 

Carié,  tout  cela,  dans  la  traduction  de  notre 
istorien,  est  rapetissé  aui  limites  de  l'Oc- 
cident. 

Mais  non;  c'étaient  bien  réellement  l'O- 
rient et  l'Occident  que  le  poêle  voyait  ré- 
unis par  une  même  foi  au  pied  de  la  chaire 
do  saint  Pierre. 

I  II. 

Le  témoignage  de  saint  Prosper  sur  la  suprématie  ro- 
maine est-ii  contredit  par  l'histoire  de  la  lormalion  de 
la  hiérarchie  ecclésiastique? 

«  Au  v  siècle^  dit  M.  Ampère,  le  temps  de 
Tempire  n'est  pas  encore  venu  pour  Rome, 
mais  cet  empire  se  prépare.  Dans  ce  siècle, 
les  prétentions  rivales  des  sièges  éoiscopauï 
furent  définitivement  subordonnées  pur  le 
concile  de  Cbalcédoine  à  celles  des  quatre 
grands  métropolitains  de  Rome,  de  Constan«> 
tinople,  d'Antioche  et  d*Aleiandrie,  qui  re- 

Jurent  eiclusivement  le  titre  de  patriarches, 
^ès  ce  moment,  l'ambition  de  la  suprématie 
épiscopaîe  ne  fut  plus  possible  que  pour  ces 
quatre  grands  sièges,  placés  au-dessus  des 
autres.  On  sait  leurs  destinées  ultérieures  : 
Antioche  et  Alexandrie  se  perdirent  dans  le 
naufrage  de  la  civilisation  orientale;  Cons* 
tantinople  lutta  longtemps,  pour  mieux  dire, 
ne  céda  jamais,  et  finit  par  se  séparer  au 
IX'  siècle.  Rome  était  seule  en  Occident,  et 
rOccideot  devait  être  le  théAtre  de  la  civi- 
lisation moderne  ;  Rome  se  trouva  naturel- 
lement à  la  tète  de  cette  civilisation,  au 
destin  de  laquelle  son  ascendant  a  longtemps 
présidé.  Ou  v*  siècle  au  xvr,  Rome  a  eu  son 
miUtHtum^  ses  mille  ans  de  puissance  incon- 
testée ;  répoque  où  nous  sommes  parvenus 
dans  cette  histoire  est  le  point  de  départ  de 
ce  règne  de  mille  ans,  et  les  vers  de  saint 
Prosper  peuvent  en  être  considérés  comme 
la  |)oétique  inauguration  (835).  », 

Tout  ce  luxe  aérudition  tend  à  montrer 
que  saint  Prosper  poétise  quand  il  donne 
pour  capitale  au  monde  chrétien  cette  Rome 
qui,  au  v  siècle,  ne  réussissait  encore,  .selon 
M.  Ampère,  qu'à  se  ranger  au  nombre  des 
quatre  grands  patriarcats.  Pour  arriver  à  sa 
conclusion,  rnislorien  considère  Tétat  de 
l'Eglise  avant  pendant  et  après  le  concile  de 
Cbalcédoine  en  451. 

Avant  ce  concile,  il  ne  voit  que  préten- 
tions rivales  à  la  supériorité.  C'est  faux.  11 

i835)  1761  aitpra,  p.  43. 
836)  Oiic.  Nuœnum^  can.  6.  —  Cône,  Comttai^ 
iinopoUtanum,  ann.  386,  c^n.  2. 

(837)  Nous  anrtfDB  occasion  de  raeoDter  ailleurs 
roppo&liion  que  fit  saint  Léon  à  ce  décret,  opposl- 


existait  alors  de  grande^  métropoles,  counne 
nous  le  lisons  dans  les  canons  do  concilede 
Nicée,  en  325  ;  c'étaient  Rome,  Aleundrie, 
Antioche  et  quelaues  autres  Eglises,  mi* 
semblablement  celles  d*Asie,  do  PoDtetde 
Thrace  (836).  Excepté  Tévèque  de  Jérusa* 
lem,  et,  en  quelque  point,  celui  de  ConsUn* 
tinople,  personne  n  aspire,  re  semble,  à  se 
mêler  aux  grands  métropolitains.  II  n'y  eul 
donc  pas,  avant  451,  ces  interminables  guer* 
res  de  prétentions,  supposées  par  M.  Àm* 
père. 

Au  concile  de  Chalcédoine,  on  éri;;ea  eo 
patriarcats  Jérusalem  et  Constanlinople,qtti| 
joints  aux  trois  autres  cités  patriarcales,  es 
portèrent  le  nombre  h  cinq ,  quoique  M.  Am* 

[\ère  n*en  compte  que  quatre  (8^].iérusa»' 
cm  eut  pour  territoire  les  trois  Paleslines, 
cédées  par  l'Eglise  d* Antioche;  onsouniilij 
Constantinople  les  exarchats  d'Asie,  dePov 
et  de  Thrace,  sources  continuelles  de  [m>^ 
bics  en  Orient  par  leurs  dissensions  ioli^ 
rieures.  M.  Ampère,  au  contraire,  mOfê 
les  principaux  patriarches  cherchèmtf  ( 
diminuer  la  foule  de  leurs  rivaati^tt 
auraient  été  maladroits,  dans  ce  ca^lll^ 
truire  d'insignitiants  exarchats  pourlaitft 
placer  par  les  patriarcats  de  JérusaleoAlk 
Constantinople,  s&ns  compter  qu'on  préiaK 
dît  donner  à  celui-ci  le  premier  rang tfÉ 
révèque  de  Rome  I  Rien  loin  donc  d^éei*^ 
des  concurrents,  les  principaux  méiro| 
tains  se  donnèrent  des  égaux;  ensuite, 
eun  décret  ne  règle  que  les  cina  grands 
tropolitains  porteraient  ce  nom  oepatrian 
dont  cependant  on  les  honorait  déjà  q« 
quefois  (838).  11  est  bon  de  remarquer 
quelle  manière  il  fut  adressé  au  Pape.  Q 
lut  en  plein  concile  et  sans  réclamation, tf 
commencement  de  quelques  requêtes,  ei 
paroles:  «  A  l'universel  archevêque  etpalri 
che  de  la  grande  Romel...  A  Léon,  palritr^ 
universel  de  la  grande  Rome  (839)1  )»  Ce 
n'empêiïhe  pas  M.  Ampère.d*effacerlant({ 
peut  révêque  de  Rome  au  milieu  des 
très  pontifes  de  TEglise.  Quoi  qu*il  en' 
cet  historien  s'est  trompé,  on  l'a  tu,  i 
son  tableau  des  entreprises  du  concile^ 
Chalcédoine  contre  les  plus  faibles  pr' 
dants  au  titre  de  patriarche. 

Après  le  concile  oecuménique  de  I 
A miière  aperçoit  les  patriarcats  d'Orient 
s'affaissent  sous  la  barbarie  de  leurs  cor 
rants,  puis  la  papauté  qui  se  place  ^tt 
de  la  civilisation  de  TOccident  :  de  l^i^ 
lui ,  tout  le  merveilleux  de  l'origine  dl 
puissante  monarchie  du  Saint-Siése. 

Notre  historien  pense  donc  qu  AolK 
Alexandrie  et  Jérusalem  tombèrent  tropi 
sous  le  joug  arabe  jiour  pouvoir  dispiiW 
suprématie  à  Rome.  —  Mais  elles  ne  fut 
prises  qu'au  milieu  du  vu*  siècle;  leief 
n'aurait  donc  pas  manqué  à  leur  ambKt^ 

tion  qni  en  suspendii  quelque  temps  Tellèt.  Voif. 

LAtRE  (Saint).  I 

(858)  ConeiL  Chatcedonente,  art.  2.  ,  J 

(839)  Act.  3,  Lilieiius  Theodori...  LîkUttl»^ 

rionis.  I 


tfl 


rao 


OICTiONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


PSI 


8tS 


SI  elles  n*aTaieDlpas  reconnu  la  préémiaenee 
du  successeur  de  saiot  Pierre. 

CoDStantinople,  dit-on  encore,  lutta  long^ 
ttmpi^  puis  rompitau  ix'  tiicU.  Il  y  eut  sou- 
fentf  k  Coostantinople,  des  évèqoes  qui  lut- 
tèrent contre  Tortuodoxie,  mais  il  faut  des- 
cendre jusqu'à  Pbotius,  en  858  si.  Ton  Teut 
reDcontrer  un  ambitieux  luttant  coutre  la 
suprématie  ;  è  sa  mort,  d^ailleurs,  on  se  rat- 
tache an  Saint-Siège.  Le  schisme  actuel  dale 
(je  Michel  Cérulaire,  au  xi'  siècle.  Constanti* 
nople  a  donc  aussi  bien  eu  le.  temps  de  dis- 
puter k  Rome  la  primauté,  et  pen«lant  huit 
siècles,  cependant,  elle  ne  Ta  pas  osé.  Ce  n  est 
(iooc  pas  de  la  disparition  trop  prompte 
des  grandes  métropoles  orientales  qu'est  ve- 
nue la  supériorité  de  celle  de  loccident. 

Qnand   on  prétend  que  Rome  se  trouva 
mÊimreUtmeat  m  occident  à  la  tête  de  la  civi- 
lisêiion  moderne,  et  que  Ton  parait  recoii- 
joaitredans  celte  action  ciTilisatricerorîKine 
^ie  son  autorité   spirituelle  ,  on  confond 
V%^torité  spirituelle  des  Papes  et  Theureuse 
\Blaeoce  qu'ils   excercent  sur  le  monde. 
Lear  pouvoir  eeclésiastique  date  du  Christ, 
ft  cefiit  parce  que  déjà  ils  se  trouvaient  à 
htèledeia  société-religieuse,  qu*ils  mar- 
thfercslà  la  tète  de  la  société  civile.   M. 
Anpèft  m  donc  fort  mal  exposé  les  vicissi- 
tudes de  riiisloire  de   la  papauté  avant , 
imdtÊi  e€  après  le  concile  de  Chalcédoine, 
tiQm'mami  pu  recevoir  des  faits  réels,  s*il 
bavait  attentivement  consultés,  une  ré- 
pNise  différente  de  celle  de  saint   Prosper 
sur  le  pouvoir  des  papes  au  t'  siècle  et  sur 
rori^ne  de  oe  pouvoir. 

t  m. 

t'eiacUtade  htstorique  de  saiat  Ptusper  esi-€lle  éon^* 

tense? 

•  Après  avoir  salué  l'Eglise  romaine,  dit 
M.  Ampère,  il  {eaint  Prosper)  raounte  com- 
mtni  les  Eglises  d'Orient  ont  condamné 
Mage.  Ici,  Prosper  oublie  que  le  concile 
1ê  Jérusalem  et  le  concile  de  Diospolis 
nraienl  absous  Phérésiarque  (840).  » 

Les  deux  conciles  rappelés  par  M.  Ampère 
esonl  occupés  de  Pelage,  qui  voyageait 
Jors  en  Asie.  Mais  ont-ils  absous  le  nova- 
air? 

La  preiDière  de  ces  deux  assemblées  nous 

M  principalement  connue  par  Thistorien 

Irose»   disciple  de  saint  Augustin,  et  qui, 

•vojé  à  cette  époque  par  son  illustre  mat- 

to  auprdsde  saint  Jérôme,  en  Palestine,  fut 

avilé  au  sjnode.  Découvrant  d*assez  nau- 

aîses  di^poùiioas  dans  le  président,  il  pro- 

,otê  de  laisser  juger  par  les  Latins,  qui  la 

aanaissaient  mieux,  la  doctrine  du  Breton 

^■tolpé.  Il  fut  donc  décidé  qu'on  enterrait 

Upapelnnocenl  des  frères  et  des  lettres  pour 

Mêf>nm€ttre  la  cause  de  Pelage^  et  que  tous 

*f»  tiendraient  à  sa  décision  (841).  Ce  ne  fut 

iifttnt  là  «  je  l'avoue ,  une  condamnation  ; 

Ms  ce  fut  bien  moins  encore  une  al>solu- 

yOf  quand  on  se  souvient  qulunocenl  1" 

rSM)  VH  supra. 

[S4I  î  Osesa,  Apotopa  pro  UhertaU  n^kUriî^  dans 

n.  XILXÎ  4e  b  Pairolope  tmiéne  de  M.  Migue.  — 

A.,  Comâl,,  ad.  aan.  415  ConTcnuu  Hicrbo'ymi- 


anathématisa  Pelage  et  son  erreur. 

Je  dois  convenir  que  cet  hérésiarque  fut 
absous  à  Diospoiis.  Mais,  pour  Dieu  1  dites 
donc  à  quel  prix  I  dites  donc  que,  grâce  à 
ses  restrictions  mentales,  il  n'évita  la  sen- 
tence dont  on  le  menaçait  qu'en  se  joignant 
aux  évèques  |K>ur  condamner  tout  ce  qu'on 
voulut,  et  principalement  sa  propre  doc- 
trine 1  Are  ornnia  Pdagiusêie  anatkemati- 
xavii  ui  nihil  ad  ea  quoquomodo  defendenda 
disputationis  attuterit  (Ski). 

Saint  Prosper  a  donc  été  très-exact  lors- 
qu'il a  dit  des  prélats  orientaux  «  qu*ils 
forcèrent,  par  une  loi  toute  partemelle, 
l'auteur  de  ce  dogme  impie  à  condamner 
son  erreur.  Or,  cette  exactitude  du  poète 
en  parlant  de  Pelage  nous  est  un  garant 
qu*il  ne  nous  a  point  non  plus  trompes  sur 
la  puissance  des  papes  à  son  époque. 

PROTESTANTISME,  réfutaUon.  Fey.  Rà- 
aLE  DU  roi.  Foy.  aussi  Salut,  S  11. 

PROTESTANTS,  pourquoi  ne  peuvent 
avoir  le  caractère  de  la  catholicité.  Yoy. 
CATHouciTé.  —  Objections  qu^ils  font  contre 
l'Eucharistie.  Voy.  Ecxhabistik  f  II  et  111, 
et  DoGMBs,  i  111.  —  Aveux  de  quelques  doc* 
leurs  iirotestants  sur  l'utilité  de  la  confes- 
sion.  Voy,  COIIFBSSIOH. 

PSYCHOLOGIE,  ou  L'HOMME  INTEL* 
LECTUEL  ET  MORAL. 


Qoi«  imruU  les 
«vont  proavé  que  tool  hoouM  «  hmoim 
(feuseignemeoU  Aucim  bomme  n  a  pu 
les  insuiiire,  poismi'oii  parle  des  pre- 
nieis  iHMiaes.  il  aut  &imc  qu'ils  aieni 
été  iestniiU  parquelqae  éUeiDlelli-' 
geol  qui  n*éuil  DM  bomme. 

(FicuTB,  Droit  de  îa  nature.) 

Danslesjstëmepanthéisteet  la  philosophie 
éc!ectic]ue,  rhomme  arrivé  sur  la  terre  on 
ne  sait  trop  ni  comment  ni  pourquoi  9 
rhomme  ,  sous  Tinfluence  de  toutes  les 
causes  naturelles,  s'éveilleàla  vie  intellec- 
tuelle et  morale.  Qu*on  ne  nous  parle  pas 
d*une  Providence  qui ,  réglant  toutavecor- 
dre  et  sagesse,  et  proportionnant  les  moj^ei2S 
aux  fins,  appelle  Thomme  à  la  vie  ration- 
nelle et  morale.  Qu*on  ne  nous  parle  pas 
d'une  raison  divine  éclairant  Thomme  par 
les  idées  qM*elIe  lui  communique,  comme 
la  lumière  physique  éclaire  I  organe  cor- 
porel, fécondant  la  pensée,  et  sollicitant  la 
réaction  viule  d'une  adhésion  libre  et  de 
l*amour  ;  ces  choses  n*onl  aucun  sens  dans 
les  doctrines  udothéistiques.  Li,  on  n*admet 
que  Taction  aune  force  nécessitée,  indé- 
terminée et  aveugle.  L*homme  est  donc  in- 
telligent, parce  qull  est  intelligent;  il  pense 
et  il  parle  parce  aue  penser  et  parler  sont 
dans  sa  nature.  Il  faudrait  être  bien  diifi- 
cile  pour  ne  pas  se  contenter  d*une  explica* 
tion  aussi  lumineuse. 

Citons  d*ahd)*d  les  textes  : 

M.  Cousiif.  —  «  La  philo.sophie  est  ai  nu- 
manité  ce  que  Thumanité  est  à  la  nature; 
de  même  ce  que  Thistoire  de  Thumanilé  eu 

taniiK. 
(8li)  Labsf.  ,   CoHcit.^ 


Diojtpotis.,  aan. 


I 


8f9 


PST 


OICTIONNAIBE  APOLOGETIQUE. 


rsY 


S^D 


^  rh!stoire  de  la  namre,  Thistoire  de  la 
philosophie  Test  à  Tbistoire  de  rhumanilé. 
Une  grande  pensée  aussi ,  tmepeni /e  divine  est 
dans  le  monde  ph^siqne^  mais  elle  y  est  sans  se 
connaître  elle^mêffle  ;  ce  n*est  qu'à  travers 
les  différents  règnes  de  la  nature,  et  par  un 
travail  progressif  qu'elle  arrive  à  la  cons-- 
eience  d  elêe-méme  dans  Vhomme;  1è,  elle  ne 
se  connaltd'abord  que  bien  imparfaitement» 
et  c'est  encore  de  degrés  en  degrés,  et  fiour 
ainsi  dire  de  règne  en  règne,  et  par  le  tra* 
vaîl  progressif  de  fhistoire,  qu'elle  parvient, 
non  plus  seulement  à  la  conscience,  mais  à 
J'inlenigcnce  pleine  et  entière  d'elle-même. 
Cette  intelligence  absolue  (t  adéquate  de  la 
pensée  par  elle-même^  e*est  l'histoire  de  la 
philosophie  {9h3).  » 

«  Il  en  est  du  genre  humain  comme  de 
l'individu.  Une  révélation  primitive  éclaire 
}e berceau  delà  civilisation  numaine.  Toutes 
les  traditions  antiques  remontent  h  un  âge 
où  l'homme,  au  ^o^tir  des  mains  de  Dieu, 
en  reçoit  immédiatement  toutes  les  lumières 
et  toutes  Tes  vérités,  bientôt  obscurcies  et 
Gorromphes  par  le  temps  et  par  la  science 
incomplète  des  hommes.  C'est  l'a^^e  d*or, 
c'est  r£den  que  la  poésie  et  la  religion  pla- 
cent au  début  de  1  histoire,  image  vive  et 
sacrée  du  développement  spontané  delà  raison 
dans  son  énergie  native,  antérieurement  à 
son  développement  réfléchi  {WA).  » 

Becherchant  les  origines  des  droits  de 
l*i)omme  :  «  comment,  dit-il,  et  sous  quelle 
forme  s'en  est  faite  la  .révélation  ?  il  n'y  a 
rîcD  de  plus  simple  à  comprendre.  Dieu  a 
fait  mieux  que  de  descendre  sur  la  lerre  pour 
proclamer  lui-même  ces  droits  devant  l'hu- 
manité attentive.  Il  les  a  gravés  de  sa  main 
au  fond  de  toute  conscience.  Il  a  illuminé 
tout  homme  venant  en  ce  monde  d'une  lu- 
mière h  la  clarté  de  laquelle  chacun  peut  les 
reconnaître,  quand  le  temps  est  venu  ;  et 
cela,  sans  le  secours  de  l'expérience  ni  des 
livres  (8W).  v 

a  Quand  je  parle  de  la  raison  il  est  bien 
entendu  que  c*est  la  raison  humaine  que  je 
veui  dire,  et  non  point  la  raison  divine^ qui 
ne  se  révile  jamais  directement  à  Vhumanite 
(846). 

«  La  raison  absolue  est  invisible  et  im- 
palpable; comme  elle  ne  descend  point  en 
personne  sur  la  lerre^  et  que  d'ailleurs  nul 
effort  ne  peut  élever  l'homme  jusqu'à  elle, 
elle  reste  inaccessible  à  l'humanité  (8i7).  » 

M.  Daiuiron,  —  Pour  instruire  l'homme^ 
Dieu  n'a  pris  ni  visage  ni  corps,  ni  alfecté 
telle  ou  telle  forme  :  tout  (ce  qui  s'est  dit 
de  semblable  sur  celte  matière  est,  à  notre 
sens,  figure  sainte  cl  poésie;  il  n"a  pointeu 
Toix  cl  langage,  il  n  a  enseigné  nue  sous 
voile  et  n'a  révélé  que  par  symbole  :  c'est 
comme  père  des  lumières,  comme  auteur 
(le  tout  ce  qui  est  et  paraît,  que,  se  mani- 
festant par  toutes  les  puissances  lîc  la  na- 

(8i3)  Intfod.  à  PHisl.  de  la  phil,,  4*  Icron,  p.  54. 
(8U)  JM.,  V  leçon,  p.  iO  et  il. 

(846)  /M.,p.sao. 

(»17)  /6ff/  ,  p.  30?. 


ture  et  tous  les  pliénomèoes  de  Tunircrs, 
il  s'est  fait  scntirauiAmesellesainspim^s: 
ainsi  s'est  passée  I»  révélation ,  ainsi  dâ 
moins  l'enlendons-nous. 

»  Les  écrivains  dont  nous  {tarions  [de 
l'école  théolo^ique)  n'ont  pas  sans  doute 
entendu  exactement,  comme  nous  renteo- 

dons,  le  fait  qui  vient  d'être expli«)ué 

Ils  l'ont  reganiée  (la  révélation)  comme  un 
événement  sur  la  natnre  duquel  ilnyaraii 
à  suivre  que  la  foi  commune  et  la  leitrs 
vulgaire  :  ainsi,  ils  ont  persounifié  ctl  en- 
seignement des  anciens  jours,  dont  il  est 
impossible  do  ne  pas  reconnaître  Is  meN 
veilleuse  intervention  à  l'origine  de  la  so- 
ciété ;   ils  Tout  placé  sous  des  traits,  qq 
extérieur  et  un  habitue  analogues  à  ceui 
du  maître  humain;    ils  l'ont  fait  Tenir i 
l'homme  par  voie  humaine,  |)ar  une  parole 
et  une  action  humaines,  au  lieu  deleroir 
dans  l'ordre  des  choses,  dans  la  manife!i< 
tion  de  cet  ordre,  dans  riuipression  mer- 
veilleuse et  vraiment  divine  qu'il  a  dû  pro- 
duire aux  pi*emiers  jours  sur  des  intflli* 
genoes  neuves  et  naïves.  Ils  ont  a:lfflis(}iï/ 
n'était  venu  que  par  une  expression  vh 
nature,  celle  du  son  et  de  la  voiz,  m!» 
qu'il  a  dû  être  communi'iué  par  toutf  ei- 
pression,  par  tous  signes  capobles  Je  Dure 
naître  une  idée  dans  I  âme. 

k  Nous  avons  essfkvéj  en  le  reoniwiUJ't 
(le  fait  de  la  révélation),  de  l'éclaimrercfe 
le  démontrer;  loin  de  l'avoir  i/4»mj 
avons  cherché  5  l'établir  plus  Hfiteainl^ 
en  faisant  voir  qu'il  peut  être  niD«ftUtt\ 
lois  naturelles  de  l'intelligence  (8tô).i 

M,  Leroux.  —  «  Dieu,  dit  ce  cuDlinuâUnr 
audacieux  de  M.  Cousin,  Dieudonoe^ 
l'homme  pour  demeure  un  lieu  parliculW'. 
TEden.  L homme  est  alors  heureux,  woii/i»; 
reux  comme  peuvent  Vétre  les  anijnaKXi  A( 
reux  cTune  vie  qui  n^est  pas  réfléchie,\ 
émane  directement  et  uniquement  dt  k\ 
universelle,..  C'était  le  bonheur,  maisc'él 
le  bonheur  sans  la  connaissance,  le  boni 
heur  qui  ne  sait  pas  et  ne  se  pense  pas  luf 
même.  Tel  est  le  paradis  ou  i'EJeo  m 
tif,  le  paradis  terrestre,  l'âge  dV  i»!»^ 
derrière  nous.  C'est  la  vie  naturels 
l'homme,  déjà  créé,  mais  non  achevé. 
{De  Vhumanité,  pag.  5^6-527.)  ^  . 

M.  J.  ItETNAUD.  —  «  Si  je  ne  fais  ^f\ 
demeure  du  premier  couple  ce  janhnuAj 
mide  si  cher  aux  imaginations  enfaotii^ 
je  crois  me  montrer  par  là  plus  GdèlCt  ^ 
seulement  aux  lois  de  la  nature*  et  de  I 
philosophie,  mais  au  fond  même  de 
antique  mythologie^  devant  la  profon: 
de  laquelle  je  m'indine,  et  qui,  sous 
symbole  de  l'Ëden,  nous  montre  au  m 
de  l'histoire,  une  riante  forêt  sous  un  ^ 
favorable,  des  hommes  nus,  sans  indusin 
sans  connaissancesj  sans  méchanccléi  vivij 
au  jour  le  jour  des  fruits  s{x>nlané5  «le 

(848)  Essai  sur  CHistoire  de  la  pAi/wp^J' 
Francs  au  xi\*  siècle,  par  Damiioii.  i.  "t M, 
«3,  3*  édit.  —  Voy.  aussi  H.  de  BROTOsrt.  t  «^ 
satioj  primitive,  passim. 


PSÎ 


DICTIONXAIUE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


821 


rre,  aussi  ignorants  de  la  mort  que  de 
mmortalicé. 

«  C  est  également  de  la  position  da  pre- 
ier  bomme  sur  Técheile  des  Ages,  que  dé* 
ule  sa  condition  morale.  H  émerge  du 
Hieu  de  TanimalUé;  et  encore  tout  impré- 
lé  des  lois  de  rinsliuct,  il  tend  à  se  déga- 
r  du  monde  de  la  nature  par  le  libre  arbi- 
ï  et  la  raisen,  qui  le  fout  homme,  pour 
^!ever  dMiis  le  monde  de  la  grâce,  où, 
:i:re  de  Ini-méme,  il  altcint  Gnalemcnt 
ijj(«eccabiiité.  »  [Ciel  et  ierre^  p.  202  et 
s<im,]. 

On  formerait  des  volumes  de  citations 
oiidablcs. 

Tout  développement  spontané  de  Tcsprit 
iOidiii  est  une  erreur  de  logique  et  de  fait, 
^que  chose  doit  avoir  sa  raison  sullisan te, 
qui  fait  qu'elle  est  elle-même  plutôt 
*i.De  autre.  Or,  dans  le  monde,  tel  que  le 
..;iveot  les  panthéistes,  nous  ne  trou- 
as l'^s  une  raison  suffisante  de  Te.^prit 
;>j.3iu.  S*il  est  quelque  chose  de  clair  en 
;  k  no.^ie,  cVst  l'impossibilité  absolue  de 
rtrranité  de  la  pluralité,  le  nécessaire  du 
•rtHo^ent,  FinGni  du  Gni.  Ces  idées  coesis- 
::iklda.^  noire  esprit  sans  pouvoir  jamais 
•!  ttsiwe  les  unes  dans  les  autres,  et  se 
.1  ueaer  ks  unes  aux  autres.  Or,  le  pan- 
.  riioie  fioosiste  précisément  à  absorber  ces 
rfà»  les  ânes  dans  les  autres,  à  nier  leur 
lêrrDce  radicale,  en  un  mot  à  affirmer 
.'cotilé  absolue.  Dès  lors  Tesprit  humain 
:  un  lait  inexplicable;  il  n'a  point  sa  rai- 
^  ^Lillisaote  clans  le  monde,  puisque  ses 
'.'('(ions  le  dépassent;  ni  dans  TinGui 
i.  suivani  Tb/pothèse  que  nous  combat- 
5,  n'a  {^as  d'existence  propre,  n'est  pas  au 
j  •Ji>tinc;ué  du  uni.  De  plus,  le  dévelop- 
L^nt  spontané  de  Tesprit  humain  se  fe- 
u'uue  manière  instantanée  ou  sueccs- 
r.  La  première  hypoth'èse  est  une  asser- 
i  arbitraire,  dénuée  de  preuves,  inconci- 
ÎM  avec  les  faits;  la  seconde  fourmille 
t{^ssibililés  de  tout  genre, 
au:»  La  première  sunposition  l'esprit 
kdîa  serait  arrivé  tout  a  coup  et  par  une 
iiiuatîon  soudaine  à  la  vie  intellectuelle 
i'*raîe;  il  se  serait  connu  etdislin^éde 
ce  qui  n*élait  {^as  lui;  il  serait  entré 
\à'iueiiieni  en  possession  de  l'idée  de 
LTii,  du  fini,  de  leurs  rapports;  il  aurait 
cnicni  connu  la  Gn  de  Thomme  et  ses 
lu  f-s.  Toutes  ces  perceptions  se  seraient 
if'.'^téçs  en  un  langa^^e  harmonieux  et 
lulruir  vivant  de  son  Ame.  L'homme 
inj  serait  devenu  pour  les  autres  hom- 
un  uiallre  et  un  prophète. 
'.Ui  première  hypothèse  u'est  qu'une 
aiiou  panthé'îstique  de  la  notion  de  la 
a.ioa  ;  dans  les  doctrines  des  panthéistes 
n'a  pas  de  sens.  Ce  que  nous  avons  dit 
tui possibilité  de  rendre  raison  dés  idées 
L'^i  rit,  au  point  de  vue  panthéistique, 
L'iit  ici  dans  toute  sa  force.  De  plus,  il 
atlcncUre  dans  les  hommes  pontifes  et 
rfirtcs  des  facultés  surnaturelles  et  mi- 
neuses* qui  n*ont  jamais  reparu  dans 
•  la  série  des  développements  humains. 


et  qui  sont  une  choquante  anomalie  dans  la 
théorie  que  nous  discutons.  Le  mystère  se- 
rait la  point  de  départ  d*une  théorie  qui  veu^ 
les  bannir  tous.  Ces  facultés  si  brillantes  no 

t>euvent  se  concilier  avec  les  misères  que 
Miistoire  raconte  du  berceau  d*un  gmiki 
nombre  de  peuples.  Ces  facultés,  étant  né- 
cessairement unes,  ne  peuvent  non  plusse 
concilier  avec  la  diversité  auc  nous  trouvons 
dans  les  développements  humains  et  dans 
Thistoire.  Chaque  peuple,  en  effet,  a  sa  re- 
ligion, sa  poésie,  ^a  philosophie.  Ici  nous 
rencontrons  Témanation  et  le  polythéisme, 
là  le  dualisme  ;  ailleurs,  dans  les  écoles  des 
philosophes,  l'athéisme.  Chez  un  peuple 
providentiel,  nous  admirons  une  doctnne 
qui  se  montre  inGniment  supérieure  aux 
conceptions  humaines.  En  partant  de  ces 
facultés  héroïques  nécessairement  unes, 
attribuées  aux  premiers  hommes  et  aux 
pères  des  peu{iles,  on  n'expliquera  jamais 
ni  les  dégradations  dont  rhistoire  témoigne, 
ni  les  phénomènes  divers  qu'elle  présente. 
On  omecterait  en  vain  la  prédominance 
d'un  élément  sor  un  autre  ctiez  les  divers 
peuples,  pour  rendre  raison  de  la  différence 
de  leurs  développements;  car  il  ne  s*agil 
pas  seulement  de  la  {irédomînance  d*un  élé- 
ment sur  un  autre,  mais  il  s'agit  d'une  op- 
position constante  et  d*une  contradiction 
manifeste  entre  les  divers  systèmes  religieux 
et  phi]osophi(|ues  des  peuples. 

La  seconde  hypothèse,  celle  d*un  déve- 
loppement progressif  et  successif,  est  la 
plus  généralement  admise.  Il  est  de  maxime- 
reçue  dans  cette  théorie,  que  l'Age  d*or  et 
le  paradis  terrestre  ne  se  trouvent  poict  à 
l'origine  de  l'humanité,  mais  au  bout  de  sa 
carrière.  C'est  le  but  où  elle  tend,  et  qu'elle 
atteindra  un  jour.  L'humanité  a  commencé 
par  le  plus  misérable  des  états  :  lo  miiuve- 
ment  de  la  civilisation  consiste  à  s'en  déga- 
ger peu  h  peu,  pour  arriver  à  un  état  tou* 
jours  meilleur. 

Dans  cette  hypothèse,  le  monde  seul  esl 
donné  ;  l'homme  est  placé  en  faee  du  monde; 
c'est  à  l'homme  à  tirer  de  lui-même  et  dea 
faits  extérieurs  qui  le  frappent  et  le  modi- 
fient, tout  le  système  de  sa  raison.  Il  n'y  a 
pas  d  autre  médiateur  que  l'esprit  buoiaia: 
la  vérité  est  un  produit,  une  élalioratioii 
progressive  de  ses  facultés.  L'esprit  hu- 
main recèle .  dans  ses  profondeurs  toutes 
choses,  et  les  manifeste  au  dehors  ;  il  est  le 
miroir  des  choses;  il  est  la  conscience  et  le 
verl>ede  Dieu.  Mai^',  pour  qu'il  se  développe» 
une  condition  est  nécessaire,  c'est  la  suc- 
cession et  le  proj^rès.  En  effet,  entre  l'idée 
de  l'esprit  humain  que  le  panthéisme  nous 
donne,  et  les  réalités  historiques  qui  nous 
montrent  les  misères  infinies  de  la  raison 
et  de  la  vie  humaine,  il  y  a  un  immense  in- 
tervalle; et  c'est  cet  intervalle  qu'on  a  voulu 
combler  par  la  théorie  du  développement 

f>rogressif.  Ainsi  toutes  les  aberrations  de 
a  raison,  tous  les  vices  du  cœur,  toutes  les 
misères  qui  ont  flétri  et  souillé  la  triste 
humanité,  ne  sont  point  aux  yeux  des  pan- 
théistes des  dé;:radations  cl  des  corruptions; 


K25 


P5Y 


DICTIONNAIRE  APOLOCETÎQUE. 


PSI 


«il 


ce  sont»  aa  contraire,  des  étals  normaux, 
divins;  ce  sont  les  moyens  de  tout  déve- 
Joppcment»  de  tout  progrès.  Nous  entendons 
fei  le  langage  de  Spinosa,  de  Fichte,  de 
SeliclHng,  de  Hegel,  des  Saint-Sirooniens  ; 
nous  entendons  les  éclectiques  eux*roème$» 
qui  ont  adopté  en  partie  ces  théories. 

Le  principe  du  développement  progressif, 
entendu  dans  !e  sens  des  panthéistes,  noUs 
paraît  entièrement  arbitraire  ;  quand  on  ad- 
met raction  d'une  Providence,  et  le  retour 
de  l'homme  déchu  à  un  état  de  perfection 
où  il  fut  créé,  le  (progrès  est  intelligible; 
ma:*s  de  quel  principe  rationnel  les  philo- 
£0|thes  que  nous  combattons  peuvent^ils 
tirer  la  nécessité  de  leur  déveIop()emeut 
progressif?  Pourquoi  Tliomme  n*est-il  tenu 


il 


qu'au  Doui  ne  sa  carrière  7  Pourquoi 
n'est-eile  pas  aussi  au  point  de  départ? 
Quelle  choquante  inégalité  entre  les  desti- 
nées des  divers  Ages  de  Thumanité  I  qu'on 
ne  se  rejette  pas  sur  les  nécessités  des 
fiiiis;  car  ces  faits  sont  expliqués  dans  un 
sens  bien  différent  par  le  catholicisme. 
Nous  demandons  une  preuve  a  priori  de  la 
nécessité  du  développement  progressif,  on 
ne  l'a  pas  donnée;  on  ne  peut  pas  la  don- 
ner. Des  analogies  tirées  des  divers  Ages 
de  Thomme  et  de  l'ordre  physique  ne  sont 
pas  des  preuves.  Nous  demandons,  nous  le 
répétons,  la  raison  pour  laquelle  l'homme 
est  tenu  de  ne  montrer  ses  puissances  que 
Tune  après  l'autre  ;  pourquoi  il  n'est  d'a- 
bord qu  un  sin^e  perfectionné,  en  attendant 
de  devenir  philosoohe  de  Tidentité  ab- 
solue. 

Dana  l'hypothèse  qfxe  nous  examinons, 
comme  dans  la  première,  l'homme  a  tout 
créé,  toot  inventé  :  ks  sciences,  les  arts, 
la  société^  la  '  parole,  la  pensée,  JNea  lui* 
uième...  Or,  nous  disons  que  l'homme 
nlnrente  pas  la  pensée,  ni  la  parole  ; 
qo*il  oe  crée  pas  les  conditions  de  sa  vie»  ni 
lea  lois  de  sa  raison,  ni  les  croyances  de  sa 
nature. 

Noits  avons  fait  voir  les  impossibilités 
physiologiques  de  la  transmutation  d'une 
espèce  animale  quelconque  en  un  homme, 
en  démontrant  la  permanence,  l'immutabi- 
lité des  espèces  dans  les  deux  règnes  orga- 
niques, aussi  bien  aux  Ages  géologiques 
quà  l'époque  actuelle  (8i9);  il  ne  nous  sera 

SIS  plus  difficile  de  montrer  les  impossibi- 
tés  psychologiques  qu  il  yak  supposer  que 
l'homme  ait  pu  tout  inventer,  tout  créer 
dans  l'ordre  intellectuel  et  moral. 

Comme  les  philosophes  que  nous  com- 
battons partent  nécessairement  de  Vétat  de 
fio/ure,  voyons  d'abord  ce  que  nous  devons 
penser  de  ce  point  de  départ  de  toutes  les 
doctrines  erronées  sur  l'orisdne  tie  l'huma- 
nité. 

(8i0)   Vof.  IIOIIMS  niYSIQL'C* 

(860)  c  0  ingénia  houilnUiiis  iiMli^na,  quac  bas 
lucjH  a»  p.uiul<;v«ut!  Miscro»  aiquc  miscrakles,  qui 


Vkomme  de  (s  Hoaire,  sofvast  J.4  Btuoeicreiim 

CfiUqne  et'réfaUtkNi. 

La  Gmêse  du  xviu*  siècle  et  du  nAire  se 
trouve  formulée  très-hardiment  dans  un  des 
ouvrages  de  J.-J.  Rousseau.  C'est  à  Técotcde 
ce  génie  paradoial  qu'appartiennenlUM.Goa- 
sin,  Damiron,  P.  Leroux,  I.Reynaud^laplu* 
{lart  des  zoologues,  anthroiiologues^  eilino- 
graphes  et  philosophes  de  la  France  et  de 
I  Allemagne.  Toub  partent  de  rAoïmnt  de  l« 
nature^  idéal  éternel  des  doctrines  philoso- 
phiques et  sociales  modernes  (8S0).  Nous 
allons  donc  reproduire  les  textes  priDci{iaui, 
les  assertions  les  plus  curieuses  du  îmm 
discours  sur  Vorigtne  et  lei[oniîmmt%itV\^ 
galiîi  parmi  les  hommes.  Nous  transcriroos^ 
tout  en  l'abrégeant,  le  texte  même. 

<K  L'Aomtne  de  la  nature^  CD  supposaotqQli 
ait  été  rencontré  par  les  voyageurs,  n'aji- 
mais  été  exactement  reconnu  ou  décrit.  0 
ne  peut  être  évidemment  ni  un  ciriHiii 
même  un  barbare,  c'est  tout  au  pins  udm* 
rage.  Mais  les  sauvages  décrits  par  les  nn» 
geurs  sont  pour  la  plupart  déjà  f&^t^H 
méchants,  et  tout  au  plus  juste  milieaoft 
le  civilisé  et  l'homme  de  la  nature.  Càrâ 
est  à  égale  distance  de  la  stupidité  des  Mts 
et  des  lumières  funestes  de  rhomniecirilisé; 
à  défaut  d'observation  directe,  cet  kmi 
primitif  doit  être  reconstruit  par  te  w/» 
lumières  de  la  raison,  étudiant  \'bMflo\' 
même  en  rapport  avec  les  êtres  «oje»"- 
ronnent.  Voici  donc  son  histoiit, mt^ 
des  livres,  qui  sont  menteurs,  m^^ 
nature^  qui  ne  ment  jamais.  Tout  ce  qt»»»* 
d'elle  sera  vrai;  il  n'y  aura  defaunpt^^ 
qu'un  pauvre  civilisé  y  aura  inTolonturc- 
ment  mêlé  de  ses  propres  préjugés. 

«  L'homme  est  le  mieux  orianisé  de$  «j- 
maux;  se  rassasiant  sous  un  cTiêne,  se  dé* 
lérantau  premier  ruisseau,  troutanl  sod  i» 
au  pied  de  l'arbre  qui  lui  a  fourni  son  repts, 
s'appropriant  Tinstinct  de  tous  les  aumiattfi 
parce  qu'il  n'a  pas  d'instinct  propre;  ne 5* 
vivant  que  dans  les  individus  les  plus  ro- 
bustes; maintenant  et  développant  son  ij 
lité  par  l'exercice,  sa  force  par  \mm 
d'outils;  balançant  les  animaui,  ses  ntjoj 
ou  ses  ennemis,  par  la  force  ou  I  adressej 
lancer  des  pierres  ou  à  manier  un  MIod. 
plus  grands  périls  viennent  des  inCrmi 
naturelles  :  reufauce,  la  vieillesse,  les  dwi 
dies  ;  mais,  somme  toute,  la  vie  move» 
est  plus  longue  avec  les  instincts  et  le  ré^'J 
de  la  nature,  qu'avec  les  ressources  de  J 
civilisation  et  de  la  médecine.  Lhomme(^«^ 
nature  EST  fort  et  robuste  comme  tous  p 
types  libres  et  primitifs  d'animaux  doin^ 
tioues,  car  ta  domesticité  énerve  et  m^ 
La  civilisation  étant  une  dotteâli  "J 


tiq 
drit. 


portée  au  plus  haut  degré,  ybommecv'm 
est  encore  plus  dégénéré  que  ÎM,""'^'" 
maux  domestiques.  Le  premier  lioœœej" 
se  m  (les  habits  et  des  œaisoBS  cominii** 

slttlUtiam  snara  llUerU  memorisew*  w»*™*' 
(LàCTASCE,  Div.  ms»il.,lib.  vi,  c.  W.) 


^ 


PSI 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PST 


(v^e  aussi  grande  faole  que  celui  qui^  ayant 
Q^os  un  terrain»  s*aYisa  de  dire  :  Ceci  est  à 
I»  i!  Mais  Tindustrie  et  la  propriété  suppo- 
ecat  tieabcoup  d*idées  antérieures. 
m  Le  premier  êemtimemi  de  lliomme  fui 
tl  m  de  son  existence  ;  son  premier  soin» 
ip0ii  b  roRserro/ioii  de  son  individu^  fut  la 
•odser? alion  de  l'espèce.  L*amour,  acte  pu- 
ttDeol  anima),  une  fois  salisfoil,  les  deux 
«les  ne  se  reconnaissaient  plus,  et  TenÂnt 
Défoe  n'était  plus  rien  à  la  mère»  $Uôi  quit 
>ùvtûU  $e  pauer  d^elle.  Pour  la  conservation 
le  riodifidu,  il  fallait  lutter  contre  les  élé- 
uents,  contre  les  animaux...  Les  rapports 
le  HoiJiYidu  aux  circonstances  extérieures 
ir^iuUiretu  ia  réâexion  après  la  prudence 
ostinctiYe  et  machinale.  Il  connut  sa  supé- 
ntarité  sur  les  animaux  ;  dès  lors,  un  reiçard 
icrté  sur  lui-même  prodrisit  le  premier 
£  purement  d'oKueil.  Posé  lu  premier  rang 
par  son  espète,  il  se  prépara  de  loin  à  y  pre- 
teodre  par  son  indindu.  Ceci  fortifia  le  goût 
téiêêciaiiùm  avec  ses  semblables,  associa- 
tion eorore  êssez  bornée  et  n  exigeant  pas 
■0  faafofe  plus  raf&né  que  celui  des  cor- 
netUes  ou  des  singes.  Des  cris  inarliculés, 
Uanuwp  de  gestes  et  quelques  bruits  imi- 
latiis  dàrcnlt  pendant,  longtemps  composer 
la  taapavnJTerselle,  principalement  créée 
pw  TmàtÈt  à  qui  la  curiosité  et  l'interro- 
06oÊ$M  le  plus  utiles.  A  cela  se  joignaient, 
-  Jftf  dkaque  contrée,  quelques  sons  inarti- 
atU$  et  conventionnels  :  on  eut  des  langues 
^^rticiilières,  grossières,  imparfaites,  et  tel- 
its  i  peu  près  qu'en  ont  encore  aiyourd'hui 
urenes  nations  sauvases. 

•  là  parole  et  même  la  pais/e  étaient  donc 

nrammmes  à  l'état  primitif  de  l'homme  ;  l'une 

:  faotre  ont  été  le  commencement  du  pro- 

rès  :  privilège  assez  triste,  car  si  l'homme 

Il  doit  le  soulagement  de  quelques  misères, 

lui  a  dû  la  création  de  toutes. 

«  Mais  puisque  parole,  pensée,  sollicitude, 

e  SOSTjHu  naturelles  à  l'homme,  l'incapa- 

ié  de  taire  ou  d'entretenir  le  feu,  labsence 

t  parole  chez  les  singes,  et  l'orang-outang 

I  piartimilier,  ne  sont  pas  des  raisons  suffi- 

lates  pour  séparer  ces  animaux  d'avec  Tes- 

\ce  buDDaine,  dont  ils  pourraient  bien  être 

touche  première.  La  perfectibilité  ou  pro- 

ès  peai  avoir  élevé  l'homme  au-dessus  de 

a  état  originel.  Les  voyageurs  ont  tort 

sppeler  les  singes  des  monstres,  car  ces 

oDStres  engendrent,  et  il  n'est  pas  certain 

rUs  De  donneraient  pas  de  produits  par 

or  eroisement  avec  l'espèce  humaine.  Cette 

rpothèse  probable  garantit  d'avance  la  aïo- 

lué  ei  FuiUUé  d*nn  pareil  essai. 

•  Tout  animal  a  des  idées  et  les  combine; 

lomme  ne  diflère,  à  cet  égard,  de  la  bête 

le  du  plus  au  moins  :  ce  n'est  donc  pas 

ot  retUmdement  de  r homme  qui  fait  la  dif- 

reaoe  que  sa  qualité  d'agent  libre.  La  bête 

létt  i  la  nature;  l'homme,  éprouvant  la 

éoie  impression,  se  reconnaît  libre  d*ac- 

jîescer  ou  de  résister  ;  et  c'est  surtout  dans 

consrieooe  de  cette  liberté  que  se  montre 

spiritualité  de  son  âme.  Celte  liberté  est 

Itrcooier  sympl6me,  le  premier  instrument 


de  la  perfectibilité  fou  proj;rès);  mais  la  per- 
fectibilité, faculté  distinctive  et  presque  illi* 
mitée,  est  la  source  de  tous  nos  malheurs  ; 
et  le  sauvage  de  rOrénoque  a  raison  de  stu- 
péfier son  enfant  en  lui  aulatissant  le  front  : 
Ear  là,  il  diminue  avec  I  entendement  ia  li« 
erlé  et  le  goût  du  progrès,  et  Tenfant  re- 
trouve la  simplicité  [resque  animale  et  le 
bonheur  originel. 

•  Quoi  qu'en  disent  les  moralistes,  Ten- 
tendemert  humain  doit  beaucoup  aux  pas- 
sions, lesquelles,  d'un  commun  aveu,  lui 
doivent  beaucoup  aussi;  c'est  par  leur  acti- 
vité que  notre  raison  se  perfectionne  :  nous 
ne  cherchons  à  connaître  que  parce  que  nous 
désirons  jouir.  Chez  l'homme  sauvage,  les 
désirs  ne  passent  pas  les  besoins  physiques  : 
la  nourriture,  une  femelle,  le  repos.  Les 
seuls  maux  qu'il  reconnaisse  sont  la  dou- 
leur et  la  faim;  il  ne  comprend  pas  et  ne 
redfiute  pas  la  mort  ;  l'animal  homme  ne  sait 
ce  que  c  est  que  mourir  :  les  angoisses  de  la 
mort  sont  une  des  plus  tristes  acquisitions 
de  l'homme  sorti  de  la  condition  animale, 
ou  état  naturel  primitif. 

«  Hobbes  a  eu  tort  de  faire  l'homme  mé- 
chant, et  de  lui  attribuer  des  passions  qui 
sont  l'oeuvre  de  la  société.  Le  calme  des  pas- 
sions et  l'ignorance  du  vice  empêchent  les 
sauvages  de  mal  Caire.  L'amour  de  soi  et  la 

iûtié  pour  les  souffrances  d'autrui,  voilà  la 
bnds  principal  de  l'homme  naturel  :  chez 
lui ,  l'identincation  à  antnii  est  infiniment 
plus  étroite  que  chez  l'homme  sachant  bien 
raisonner.  C'est  la  raison  qui  engendre  l'a- 
mour-propre, qui  replie  1  homme  sur  lui- 
même,  qui  le  sépare  de  tout  ce  qui  le  gène 
et  Tafflige  ;  c'^t  la  philosophie  qui  l'isole, 
qui  lui  lait  dire  en  secret,  à  l'aspect  d'un 
homme  souffrant  :  Péris  si  tu  veux,  je  suis 
en  sûreté.  L'homme  sauvage  n'a  point  cet 
admirable  talent.  Dans  les  émeutes,  les  que- 
relles des  rues,  la  populace  s'assemble, 
l'homme  prudent  et  rafnné  s'éloigne  ;  c'est 
la  canaille  qui  sé[iare  les  cr»mbattauts;  c'est 
elle  qui  empêche  les  honnêtes  gens  de  s'é- 
gorger. La  populace  et  la  eanaitle  ont  con- 
servé les  bons  sentiments  du  sauvage  et  de 
rhomme  de  la  nature. 

«  Avec  des  passions  si  peu  actives,  les 
hommes,  plutôt  farouches  que  méchants, 
n'avaient  entre  eux  aucune  espèce  de  com- 
merce; ne  connaissaient  ni  la  vanité,  ni  la 
considération,  ni  l'estime,  ni  le  mépris  ;  n*e- 
vaient  pas  la  moindre  notion  du  tien  et  du 
mien,  aucune  véritable  idée  de  justice,  mais 
aussi  aucun  goût  de  vengeance.  Une  occa- 
sion fréquente  d'association  et  de  lutte  a  pu 
être  fournie  par  l'amour  :  cette  passion , 
cause  de  tant  de  désordres  chez  les  civili- 
sés, a  motivé  des  lois  nombreuses  et  sévè- 
res ,  mais  hélas!  insuffisantes.  Qui  sait  mê- 
me si  les  désordres  ne  sont  point  aggravés , 
engendrés  même  par  ces  lois?  Le  moral  de 
l'amour  est  un  sentiment  factice,  habilement 
exploité  par  les  femmes  civilisées  pour  éta- 
blir leur  empire;  ce  sentiment  moral  est 
nul  chez  le  sauvage,  pour  qui  toute  femme 
esi  bonne  :  ce  besoin  une  fois  salisfaiti  tout 


817 


rsY 


DICTIONNAIRE  APOLOCCTIQUE. 


ni 


^ 


iWsh  est  éteint,  car  Haiagination ,  qui  fait 
tant  de  ravages  i)armi  nous,  ne  parle  point 
à  des  cœurs  sauvages. 

«  Sans  doute  cet  isolement,  cette  simpli- 
cité farouche,  avaient  leurs  inconvénients  ; 
une  observation  ,  un  rudiment  d'invention 
quelconque,  périssaient  avec  Pinventeur;  il 
n'y  avait  ni  éducation  ni  progrès;  l'espèce 
était  vieille,  et  V homme  restait  toujours  en- 
fant;  car  il  errait  dans  les  forêts,  sans  in- 
dustrie, sans  domicile,  sans  guerre  et  sans 
liaison,  sans  parole^  sans  nul  besoin  de  ses 
semblables,  comme  sans  nul  désir  de  leur 
nuire;  peut-être  sans  en  connaître  aucun 
individuellement.  Mais  aussi,  dans  le  véri- 
table élat  de  nature,  l'égalité  est  plus  facile 
et  plus  commune.  Quand  il  y  aurait  de  vraies 
.différences  individuelles,  quel  avantage  les 
plus  favorisés  en  lireraient-ils  au  préjudice 
des  autres?  Là  où  il  n'y  a  noint  d'amour,  de 
quoi  servirait  la  beauté?  Que  sert  l'esprit  à 
des  gens  qui  ne  parlent  jms,  et  la  ruse  à  des 
gens  qui  n'ont  point  d'affaires?  Comment 
les  forts  apprécieraient-ils  les  faibles  chez 
des  sauvages  isolés?  Due  foule  de  différen- 
ces passent  pour  naturelles  chez  les  hom- 
mes civilisés,  tandis  qu'elles  sont  unique- 
ment l'ouvrage  de  l'habitude,  et  des  diffé- 
rents genres  de  vie  que  les  hommes  adop- 
tent en  société.  Les  états  divers  développent 
inégalement  les  forces  de  l'esprit  ou  du 
corps;  l'inégalité  naturelle  doit  augmenter 
boaucoup  (îar  l'inégalité  d'institution,  et 
une  éducation  commune  serait  le  premier  et 
lo  plus  solide  fondement  de  l'égalité  :  cela 
rappellerait  Tuniformilé,  sinon  la  simplicité 
du  monde  pricpitif. 

«  Un  temps  immense  a  pu  s'écouler  avant 
le  développement  des  vertus  sociales  et  per- 
fectibles que  l'homme  avait  reçues  en  puis- 
sance. Pour  cela,  il  a  fallu  le  concours  /br- 
tuit  de  plusieurs  causes  étrangères  qui  pou- 
vaient ne  janiais  naître.  On  peut  découvrir 
ces  causes  par  les  seules  lumières  de  la  rai- 
son: peut-être  aussi  a-t-il  plu  à  Dieu  de  tirer 
un  certain  jour  les  hommes  de  l'état  où  ils 
avaient  si  longtemps  et  si  heureusement 
vécu.  Peut-être  Dieu  donna-t-il  la  parole  et 
l'esprit  d'association,  puissants  instruments 
de  perfection,  d'où  l'homme  libre  et  actif  a 
lire,  au  total ,  bien  plus  de  misère  que  de 
bonheur  ;  la  preuve,  c'est  qu'on  trouve  beau- 
coup de  civilisés  qui  S'éprennent  de  la  li- 
berté des  sauvages  en  abandonnant  les  raffi- 
nements des  villes,  et  que  jamais  un  sauva- 
ge n'abandonna  ses  forêts  sans  regrets.  Il 
éprouva  de  pareils  regrets  quand  les  insti- 
tutions humaines  commencèrent  leurs  effets 
désolants;  mais  il  était  trop  tard  pour  fuir; 
Vétat  dénature^  éminemment  favorable  à  la 
population,  avait  déjà  rempli  la  terre  en* 
lière. 

«  Rien  n'est  si  doux  qu'un  sauvage  dans 
son  état  primitif.  Cet  état  fut  la  véritable 
jeunesse  du  monde;  et  tous  les  i)rogrè$  ulté- 
rieurs, degrés  apparents  vers  la  perfection 
de  l'individu,  furent  des  pas  réels  vers  la 
décrépitude  du  mondé.  Dès  qu'unborame 
eut  besoin  du  secours  d'un  autre,  dès  qu'on 


s'aperçut  qu'il  était  utile  i  Tin  seuld'aToir 
des  provisions  pour  neui,  YégalUédi$j)mt: 
la  propriété  s'introduisit,  le  travail  deT.ni 
nécessaire,  l'esclavage  et  la  misère  germè- 
rent avec  les  moissons;  le  fer  et  le  hlé  ont 
cîvilist'' les  hommes  et  perdu  le  genre  lm« 
main.  Il  y  eut  lutte  entre  les  droits  du  plu« 
fort  et  (lu  premier  occupant,  les  puissants  «I 
les  misérables  se  faisant  de  leur  force  ou  da  I 
leurs  besoins  une  sorte  de  droit  au  bieul 
d'aulrui  équivalant  selon  eux  à  celui  df»*, 
propriété.  En  réalité,  ce  droit  de  propriété  » 
n'est  valable  que  comme  représentatif  dntr^' 
vail,  création  nouvelle  et  immi^diateduiraj 
vaif.  Dès  lors,  les  riches  qui  n'ont  pas  acqu 
ce  droit  de  cette  façon  sont  exposés  \  ui 
guerre  perpétuelle.  Bien  plus  rinduslrii 
lui-môme,  en  disant  :  j'ai  bûti  co  mur;  j' 
gagné  ce  terrain  par  mon  travail,  s'enteuili 
répondre  :  Qui  vous  a  donné  les  aligr 
nîonts?  En  vertu  de  quoi  prélemlez-v 
être  payé  à  nos  dépens  d'un  tratail 
nous  ne  vous  avons  pas  im^oséll 
vous  qu'une  multitude  de  vos  frères 
ou  périt  de  besoin  de  ce  que  votfM 
trop ,  et  qu'il  vous  fallait  un  consoU 
exprès  et  unanime  du  genre  humrift 
vous  approprier  yur  la  substance  comi 
tout  ce  qui  allait  an  delà  de  la  vô(r«) 
fruits  sont  h  tous  et  la  terre  n'esté  per$or 

9  Le  riche  conçut  enfin  le  projet  le 
réfléchi  qui  soit  entré  dans  l'esprit  hw 
co  fut  d  employer  en  sa  laveur  les  1 
mêmes  de  ceux  qui  l'attaquaient)  de 
ses  défenseurs  de  ses  adversaires,  de 
inspirer  d*autres  maximes,  de  leur  dai 
d'autres  institutions  qui  lui  fussent 
favorables  que  le  droit  naturel  lui 
contraire  :  «Unissons-nous,  dit-il, 
«t  garantir  de  l'oppression  les  faibles. 
«  tenir  Its  ambitieux  et  assurer  è  <<li^< 
«  la  possession  de  ce  qui  lui  ap|Kirlienl. 
«  lieu  de  tourner  nos  forces  contre  m 
«  mêmes,   rassemblons-les  en  un  [n»u 
«  suprême  qui  nous  gouverne  selon  drs 
«  sages,  protège  tous  les  niembresde  U 
a  cialion  et  re()ousse  les  ennemis  eoniind 

«  Tous  les  hommes  coururent  au-de 
de  leurs  fers;  ils  étaient  grossiers  et  fi 
h  séduire.  Ces  lois,  cette  association 
nèrent  de  nouvelles  entraves  au  laiM 
nouvelles  forces  au  riche,  détruisireo 
retour  la  liberté  naturelle^  fixèrent  |h) 
mais  la  loi  de  la  propriété  et  de  l'in 
et  d'une  adroite  usurpation  firent  un 
irrévocable;  et  pour  le  profit  de  quel 
ambitieux  assujettirent  désormais  toal 
genre  humain  au  travaili  h  la  servitude, 
misère.  Car  une  seule  société  établie« 
voisines  durent  suivre  l'exemple  :  il* 
s*unir  pour  faire  tête  à  des  forces  unies 
commisération  ou  la  pitié  pour  le  pnul 
a  snbsisté  un  peu  plus  longtemps  <iAC^ 
droit  international  sous  le  nom  dedroii^ 
gens.  Mais  laconqoôle  et  la  guerre,  lepûi 
d'honneur  national  fanéantirent  bieaj^ 
et  ce  beau  sentiment  ne  subsiste  que  <W 
quelques  grandes  Ames  cosmopolites. 

«  A  force  de  voir  les  lois  éludées, on  ?oi 


r 


M 


PSÎ 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


fon 


g?a  à  confier  à  des  particuliers  le  dange- 
reux dépAt  de  l'autorité  publique  et  Texé- 
Ciiiiondes  délibérations  du  peuple.  Dire  que 
leschefs  furent  choisis  arant  gue  leur  con^ 
êidêration  fut  fuite .  que  les  ministres  des 
lois  existaient oranr  U$  loismémes^  c*est  une 
supposition  erronée  qu'on  ne  doit  pas  com- 
ftjUre  sérieusement.  Les  hommes  n'ont  pu 
Bn^cr  è  se  donner  des  chefs  que  pour  dé- 
ItrDJre  leurs  libertés,  et  comme  le  dit  Pline 
p  Trajan,  «  n*ont  cherché  un  prince  une 

•  ,'oorn*avoir|)as  un  maître.»  Les  trois  ior- 
(5,  démocratie»  aristocratie,  monarchie» 
uTiennent  des  différences  plus  ou  moins 

ndesqui  se  trouvaient  entre  particuliers 
moment  de  Vinstitution,  La  démocratie 
."Daiença  certainement»  car  la  fortune»  les 
nts  étaient  moins  disproportionnés  chez 
hommes  les  moins  éloignés  de  )*état  de 
l'.'jre.  Plus  tard»  l'ambition  des  chefs  per^ 
'i  ua  les  charges  dans  leur  famille.  Le 
-  ^V  délaissa  augmenter  sa  tranquillité  arec 

•  \  >enrttoJe;  les  rois  s*égalèrent  auxdieux  et 
< 'imitèrent  leurs  esclaves  eomme  du  bétail. 
l3;4ys  oà  personne  n'abuserait  des  lois  et 
>  a'magistrature  n'aurait  besoin  ni  de 
nnsiMts  ni  de  lois!  Hais  comment  espé- 
M'ccfaïqMndf  sur  presque  toute  la  terre 
fritsée  depuis  longtemps»  rillustration 
Lo»  CuDâfas  se  mesure  au  nombre  de  gêné- 
rn;<>35lktnéantes  qu'on  y  peut  compter!  Si 
\'i  rott  une  poignée  de  puissants  ou  de 
'.  tes  au  latte  des  grandeurs,  tandis  que  la 

:  u'^  rampe  dans  l'obscurité  et  la  misère, 
Vstque  les  premiers  n'estiment  les  choses 

ùi  ils  jouissent  qu'autant  aue  les  autres 
s  sont  privés»  et  que  sans  changer  d'état, 
{cesseraient  d'être  heureux  si  le  peuple 
i^ait  d'être  misérable, 
f  Par  fesclatage^  le  dernier  terme  de  l'iné- 
lité«  le  cerde  du  progrès  et  décadence 
3chent  au  point  de  départ,  une  sorte  d'é- 
!ité  recommence  ;  il  ne  reste  que  la  loi 
plus  fort  ;  c'est  un  nouvel  état  de  nature 
(S  responsabilité  et  presque  sans  souci, 
Tesclave  finit  par  se  complaire  dans  son 
•clion.  Hais  pourtant»  le  despote  n'est  le 
Itre  qa*aussi  longtemps  qu'il  est  le  plus 
:  !  la  force  maintenait  le  sultan  :  la  force 
eoTerse  ou  l'étrangle.  Rsclave  ou  peuple 
rimé,  tant  qu'on  est  contraint  d'obéir  et 
.nobéit^  onfait  bien.  Sitôt  qu'on  peut  se* 
"T  le  joog,  et  qu'on  le  secoue»  on  fait 
f>re  mieux  ;  car  ou  nous  sommes  fondés  à 
rendre  notre  lil>erté,  ou  on  ne  l'était  pas 
*us  i'dterl 

Le  gonrei  nement  d'un  seul»  et  par  suite 

lonarcbie  a  été  souvent  regarde  comme 

oDtinaation  de  la  société  d'une  famille 

larcale  oMtssant  à  un  nère.  Cela  sup- 

^,  comme  fait  primitif  ^  rassociation  du 

?  et  de  la  mère  d'abord»  ensuite  des  en- 

s  arec  les  parents.  Nous  avons  déjà  dit 

,  iians  Tétat  de  nature,  le  père 'et  la  mère 

e  choisissent  pas,  ils  se  rencontrent  mo- 

itaiiécDcnt  sans  s'aimer,  et  se  quittent 

s  se  connaître.  L'cnfanl  est  donc  indif- 

ft  et  inconnu  au  père,  il  le  détient  à  ta 

a'is^Uôt  après  son  rw/Viri/r.  Lockc  on  ac-  . 


cepfant  l'association  primitive»  par  ta  fa- 
mille, a  donc  rejeté  sans  preuve  i  erreur  do 
Hobbes,  prêtant  aux  hommes  primitifis  des 
raisons  de  demeurer  les  uns  près  des  autres 
et  près  de  telle  femme,  comme  les  hommes 
tfaujourd'hni.  Autrefois  comme  aujourd'hui, 
il  a  pu  7  avoir  utilité  à  l'association  età 
la  famille,  mais  la  fin  morale  d'une  chose  nesi 
pas  suffisante  pour  rétablir  comme  un  fait.  Le 
profit  de  l'union  des  parents  ne  prouve  dr^ll»* 
ment  que  cette  union  ait  été  établie  parla 
nature  ;  on  pourrait  aussi  bien  dire  que  la 
nature  a  institué  les  arts,  lei^mmerce  et  tout 
ce  qu'on  prétend  être  utile  aux  hommes  I     i 

«  Qn.ind  la  famille  s'établit,  le  père  n'est 
le  maître  de  l'enfant  qu'aussi  longtemps  que 
le  secours  du  père  est  nécessaire  à  cet  en* 
faut.  Au  delà  de  ce  terme  ils  deviennent 
égaux.  Le  fils  indépendant,  ne  doit  que  re»» 
pect  et  reconnaissance»  mais  non  |jas  obéiê* 
sanee!  La  reconnaissance  est  bien  un  devoir 
qu*il  faut  rendre,  mais  non  un  droit  qu'on 
puisse  exiger.  Bans  la  civilisation  très« 
avancée  les  biens  du  père  sont  les  liens  vé- 
ritables qui  retiennent  les  enfants  dans  la 
dépendance.  » 

La  voilàen  esfiriî  et  en  lettres  cette  Genèse: 
le  voilk  ce  catéchisme  qui  depuis  1753  rem- 
placerait la  Bible  et  VEtangile^  au  moins 
chez  les  philosophes  de  notre  pays. 

Un  siècle  tout  entier  a  été  en  travail  pour 
obéir^  Rousseau  :  le  Discours  de  l'inégalité 
et  la  première  page  du  Contrat  social  con- 
tiennent toutes  les  thèses  de  la  révolution 
de  89  et  Idu  socialisme  pour  la  moitié  déjà 
réalisé.  On  a  démoli  presque  tout  ce  que 
l'ancien  temps  avait  laissé  debout.  Le  brait 
au  milieu  duquel  nous  vivons  annonce  peut- 
être  la  chute  de  tout  le  reste.  Placés  en  lace 
de  Vidéaly  si  voisin  de  Tépreuve  pratique, 
nous  sommes  en  demeure  de  l'examiner 
sans  ménagement»  comme  sans  délai. 

La  popularité  toujours  croissante  de 
J.-J.  Rousseau  montre  assez  sa  grande  in* 
fluencesur  les  théories  sociales  les  plus  en 
laveur,  le  sommaire  tel  que  uous  le  donnons 
ici  pr^ise  la  parenté  directe  avec  les  sys- 
tèmes suivants  : 

Culte  de  la  raison»  de  l'être  suprême» 
théophilanthropie.  Droit  imprescriptible  de 
l'insurrection.  La  démocratie,  état  le  plus 
naturel  et  le  plus  ancien  de  l'humanité;  droit 
divin  de  la  république.  Loi  agraire  de  Ba- 
IxBuf.  —  Saint-Siroonisroe  avec  progrès,  re* 
ligion  naturelle»  hérédité  contestée.  — 
Fouriérisme  avec  rimpeixabilité  des  pas- 
sions et  leurs  libres  attractions.  —  L'huma- 
nitarismc  ennemi  des  nationalités  »  la  paix 

Eerpétuelle»  le  respectdes  animaux. —  Louis 
lanc.  A  chacun  selon  ses  besoins ,  r£tat 
serviteur»  l'éducation  uniforme.  —  Commu- 
nisme Spartiate  de  Cabet.  —  Eug.  Sue  :  Nui 
n'a  droit  au  superflu,  tant  que  quelques-ucs 
manquent  du  nécessaire.  —  Lamennais,  la 
raison  universelle.  —  Souveraineté  de  la 
raison,  rationalisme»  adoration  du  fait  et 
de  la  fatalité  ou  nécessité.  —  La  religion 
naturelle  du  Vicaire  savoyard  renouvelle 
par  H.  Cousin,  adorateur  de  la  nature  et 


(31 


PSY 


IHCTIONNAIRË  APOLOGETIQUE. 


PSï 


a 


du  style  enOaromé.  L*anarchie  de  M.  Proud- 
hon.  —  La  plupart  de»  zoologues.  —  An- 
thropologues et  ethnographes  avec  riiomme 
singe  (851). 

Rousseau,  qui  s*est  moqué  d*Adam,  pre- 
mier roi  légitime  et  seul  au  monde  comme 
Rohinson  dans  son  lie»  repousse  définitive- 
ment l*ori^ine  divine  de  notre  espèce,  pour 
admettre  Tidée  |>anthéistiquede  la  /roni/br- 
mation  des  êtres  ^  dans  une  chaîne  perfec- 
tionnée. Le  singe  représente  encore  l*an- 
cienne  population  de  la  terre;  le  singe  est 
notre  aïeul;  il  est  certainement  plus  heu- 
reux et  peut-être  plus  digne  que  son  des- 
cendant. Pourtant  ridéal  homme  de  la  nature 
est  quelque  chose  d'un  peu  différent  :  c'est 
nn  sauvage  sans  malice,  le  plus  bénin  des 
Caraïbes,  le  plus  imprévovantdes  riverains 
de  rOrénoque,  ceux-là  mêmes  qui  abattent 
un  arbre  pour  en  manger  le  fruit. 

Si  Rousseau  avait  connu  les  découvertes 
des  derniers  voyageurs,  il  aurait  peut-être 
reculé  son  idéal  vers  TAustralie  où  végètent 
des  races  encore  plus  dégradées  et  plus  mi- 
sérables :  nègres  à  cheveux  plats ,  ignorant 
Tare  et  les  flèches,  ayant  les  membres  grêles 
et  affamés,  réduits  à  se  nourrir  d'insectes  et 
de  reptiles.  Rousseau  ayant  complété  son 
éducation  si  superficielle,  et  devenu,  je  sup- 
pose, bon  naturaliste  ;  Rousseau  abandon* 
nant  Tabsurde  prétention  de  tout  deviner, 
par  la  seule  force  de  son  imagination;  Rous- 
seau aurait  éprouvé  un  grand  mécompte  au 
jour  qui  a  vu  clore  l'inventaire  des  races 
humaines  et  des  habitants  humains  de  notre 
globe.  Le  sauvage  le  plus  sauvage  vit  par- 
tout en  société;  il  a  partout  quelque  chose 
comme  une  famille;  il  aime  et  connaît  une 
femme  et  des  enfants;  il  obéit  à  un  chef;  il 
parle  une  langue  aussi  compliquée  et  i]on 
moins  savante  que  les  idiomes  des  civilisés. 
Tout  cela  s*est  retrouvé,  non  pas  seulement 
chez  les  sauvages  chasseurs ,  mais  chez  les 
pêcheurs,  chez  les  insectivores. 

La  science  précise  aurait  mis  fin  aux  dé- 
clamations sur  notre  régime  végétal,  aux 
niaiseries  sur  la  marche  à  quatre  (Uittes,  sur 
le  nombre  des  mamelles.  La  science  aurait 
montré  à  Rousseau  l'homme  bipède  de  par 
ses  pieds  et  ses  mains,  omnivore  et  Carnivore 
de  par  ses  dents  et  ses  intestins,  sans  compter 
la  preuve  expérimentale  de  tous  les  siècles 
et  (ie  tous  les  f  ays.  L'agronomie  lui'  aurait 
montré  cent  es|  èces  végétales  grandies  par 
la  cuUure,  et  autant  de  races  d'animaux 
embellis  et  fortifiés  par  la  domesticité.  Le 
dynamomètre  qui  a  mesuré  les  forces  des 
lutteurs  anglais  et  des  sauvages  les  plus 
robustes  aurait  montré  à  Rousseau  l'avan- 
tage éternel  du  civilisé  sur  l'homme  de  la 
nature.  Les  tontines  et  les  statistiques  lui 
auraient  prouvé  combien  la  vie  moyenne 
croit  avec  le  bien-être  et  la  prévoyance. 

($51)  M.  Pelletan  nous  fait  ce  portrait  de  rbomme 
p  îiniuf  : 

c  Successeor  imméilitt  de  ranimai,  quHl  coiui- 
nnatt  dans  la  pragression  des  eiistences,  il  accom- 
pi  ssait  comme  lui  sa  dcitinde  aa  kasard  ;  sa  nourri* 


L'hyeiène  et  la  médecine  lui  auraient «ppru 
que  dans  nos  cités  et  dans  nos  campagnes  (>& 
arrache  à  une  mort  i)récoce  et  même  aux  b. 
firmités,  une  foule  d  enfants  nés  très  «faibles, 
une  foule  de  malades  et  de  blessés  qni  rkl 
les  sauvages  seraient  voués  et  sont  effecti- 
vement voués  à  la  mort.  Lhistuire  el  li 
Séographie,  mieux  étudiées,  lui  a{)|re:>. 
raient  qu'on  n'a  trouvé  nulle  part  rti 
populations  immenses  d^homoies  priroiiili 
vivant  selon  le  régime  de  la  nature.  U 
grande  fabrique  du  genre  humain  $up|<(>e 
toujours  une  société  plus  prévoyante  eulus 
avancée,  l'état  pastoral  au  moins.  Unique 
du  sens  commun  trouvera  toujours  hm 
peu  compréhensible  cet  état  denaturt^mi 
faisant  le  vide  autour  de  l'individuparla^ 
sence  de  la  famille  et  de  rassocialioo  cod* 
tinue,  et  tantôt  accumulant  dans  quelques 
forêts,  <}ue  dis-je  1  sur  la  terre  entière  oa 
population  plus  drue  que  k*  prolélarlat  k 
nos  plus  vastes  cités. 

La  perfectibilité,  capable  à  un  jourM 
de  sur^uisser  la  langue  des  corneilles etder 
singes,  dut  nécessairement  être  prioMr 
d'un  état  moins  parfait.  PerfectibiliiéoiftO' 
grès  est  un  plan  incliné  qui  d'un  cMéts- 
cend  toujours  .comme  de  l'autre  côté  il  oBOnit 
sans  cesse.  Cabanis  et  Gall  n'ont  eo  rieo  i 
changer  à  la  formule  de  Rousseau:  tel* 
licence  de  Thomme  et  celle  de  la  Un  m 
diffèrent  que  du  plus  au  momMIibtrU 
et  la  spiritualité  de  l'Ame  sosfdtnioes 
précautions  oratoires,  quand  tetwMé 
comme  la  parole  et  la  pensée  peutbittt^^^ 
de  toutes  pièces  par  le  progrès,  et  quaniV^*^ 
manitéa  végété  pendant  des  siècless&osMciu 
parole,  pensée  ou  liberté ,  bien  plus  4^"^ 
l'espèce  humaine  fut  identique  i  ïts,\èâ 
singe  dans  les  temps  encore  plus  aoneos. 

Alors  au  moins  les  passions  huni/>is|l 
avaient  cette  irresponsabilité,  cette  iofatlii» 
bilité  que  les  élèves  les  plus  sagacêd^ 
Rousseau  ont  revendiquées  pour  toutes  I 
époques  sociales,  et  qu'ils  ont  appelées  tr 
vail  attrayant,  légitimité  de  la  jouissan 
réhabilitation  de  la  chair.  AveccecasuisJ 
commode,  il  est  bien  facile  d'accepter 
bonté  absolue  de  l'homme  ;  facile  de  nier 
mal,  la  chute  et  l'expiation. Seuieuiei 
comme  partout  l'homme  souffre,  se  \m 
et  meurt;  comme  partout  il  prie  cl  aspire 
un  état  meilleur ,  mftme  dans  ces  m 
sauvages  où  des  observateurs  distraits  d  ( 
vu  que  la  béatitude  stupide  ou  Tinui^ 
rence  bestiale,  il  faut  recourir  à  daui 
explications  plus  d'accord  avec  les  faits- 
meilleure  de  toutes  est  fournie  par  ià 
des  langues  sauvages  montrant,  daosces  rai 
déchues,  les  enfants  déshérités  de  nalj' 
grandes  et  illustres  du  vieux  monde;  «t» 
abrutissement  expiant  la  bute  de  \^ 
aïeux,  coupables  sans  doute  de  qm^' 

ture  était  la  proie,  aa  aodélé  ra;iroapenent.  9^^ 
roicile  un  abri,  son  mariage  l'*cc^P^?î;^  « 
le  tatouage,  son  culie  ua  effroi,  son  luip»" 
écho.  I  {Profe$si(m  de  /bi,  etc.,  p.  'w 


PST 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQVE. 


P8t 


851 


ran«1  crime  ;  oonpables  aa  moins  d'avoir 
iqligé  la  pratique  et  ooblié  les  traditions 
e  la  dignité  humaine  et  des  industriel  ca- 
ables  de  la  maintenir. 
Rousseau  glisse  cauteleusement  sur  les 
rati4|iies  induslrielles  sans  lesquelles  pour- 
int  1  individu  et  l'espèce  ne  peuvent  vivre 
t  durer.  II  a  fallu  cependant  confesser  que 
mtes  les  industries  Gxécs  sout  principale- 
lenl  iradiiianneUes  :  les  élémeilts  en  furent 
iitle  fois  découverts  et  perdus  par  les  tA- 
innetnents  individuels,  liais  entin  «  il  y  a 
3  société,  dès  qu*un  inventeur  a  transmis 
>Q  œavre  ou  son  exemple  à  un  frère,  h  un 
U.  Cela  doit  avoir  eu  lieu  de  très-honne 
etire,  car  le  chêne,  notre  prétendu  premier 
ère  nourricier,  ne  vient  pas  partout,  et  en 
>at  cjis  ne  donne  pas  ses  glands  en  toute 
ii«^n.  Si  Ton  en  réservait  de  Fautomoejus- 
3*1  la  prochaine  récolte,  la  provision,  la 
rérovaoce,  Temmagasinemenl,  la  richesse 
s  <t3ienCdéjà!  Comment  fit  donc  Thomme 
l'^I/,  avant  ejpoisé  les  glands?  comment  fit 
tv>miire  isoÙf  réduit  à  attaquer  les  daims, 
"S  iMioos  les  bœufs  sauvages?  Que  dis-jc  1 
«^Virtos,  les  tigres,  les  jaguars?  Comment 
Ji!V>mme,  réduit  à  poursuivre   les  pois- 
vm  dans  Feau,  les  oiseaux  dans  l'air?  If  se 
fit  iidcf  pK  la  force  d'un  autre  homme  ou 
pirriodoilrie  d'un  frère  ou  d'un  père  édu- 
or^or.  iGrr  l'industrie  pour  nier  l'associa- 
&o,  nier  Fassociation  pour  nier  l'industrie, 
7*N  tourner  dans  un  cercle  vicieux.  L'in- 
*hirie  est  un  Ciit  aussi  large  et  aussi  vieux 
K /association.  Si  Rousseau  n'eût  fermé 
s  T^ax  pour  rêver  plus  à  son  aise,  il  l'eût 
%fru  dès  le  commencement  du  monde  et 
m  manifestement  encore  au  nord  qu*au 
ttî.  La  famille  humaine  a  commencé  vers 
ftotre  de  l'Asie,  pays  comparativement 
id.  Elle  était  appelée  vers  le  sud  par  la 
l^ur  du  climat;  mais  elle  se  jeta  vers 
iTégions  fraîches  ;  c'est  là  du  moins  qu'elle 
It^péré  davantage.  Car  au  midi  la  cha- 
ir énerva  le  corps  et  l'esprit,  dégrada  la 
)bté  physique,  après  la  beauté  morale. 
8  pays  des  longs  hivers,  la  lutte  contre 
éléinents  est  plus  longue  et  plus  achar- 
t;  triomphes  nouveaux  et  mus  beaux 
Ir  ractivité,  pour  là  dignité  humaine! 
conabien  d'admiration,  de  quel  orgueil- 
ei  optimisme  Rousseau  s'est  donc  privé 
disputant  l'industrie  à  l'homme  primitif! 
b    Toici    bien   d*autres  injustices  plus 
aites  ;  voici  des  larcins  plus  scandaleux  ! 
Tn  seul  homme  a  pu  subsister  adulte  et 
lé  :  c'est  Adam  sortant  parfait  des  mains 
bîeu  ;  tout  autre  humain  ayant  commen- 
far  i*enfance  a  eu  certainement  des  édu- 
fnrs  dans  la  personne  de  ses  parents. 
Koorcissez  tant  qu'il  vous  plaira  la  pé- 
ile  où  l'enfant  ne  peut  se  défendre  ni 
[imenler  :  dix  ans,  six  ans,  c*est  assez 
gr  avoir  reçu  et  échangé  beaucoup  d*i- 
.*5.  Vous  trouvez  la  période  assez  longue, 
^jsittoa  assez  expansive  pour  v  avoir  rat- 
ié  Torigine  première  H'*ine  langue  par- 


lée. L'enfant  et  la  mère,  l'enfant  et  le  père, 
la  mère  et  le  père  auront  échangé  beaucoup 
de  sentiments  au  bout  desquels  il  y  a,  de 
toute  nécessité,  beaucoup  de  droits  et  de  de- 
voirs réciproques.  Le  travail  est  trop  dur 
pour  une  mère  toute  seule;  elle  se  sera  ad- 
joint pour  l'adoucir,  l'homme  qui  fut  de 
moitié  dans  la  conception,  prime  irrésisti- 
ble, condition  indispensable  de  la  durée  de 
l'espèce.  Cette  association  au  profit  de  la 
progéniture  se  voit  chez  tant  d'animaux 
moins  forfaits  que  nous,  et  vous  la  contes- 
teriez à  l'homme?  et  vous  ne  voudriez  pa.« 
que  Vinielligence  eût  rapidement  discipliné  et 
anobli  F  instinct  ^  quand  le  but  de  la  nature 
y  trouvait  tant  de  profits!  quand  le  cœur 
des  parents  y  puisait  tant  de  joies  !  O  Rous- 
seau, père  dénaturé,  vous  deviez  donc  trou- 
ver une  épouse  digne  de  vous.  Mais,  en  sup- 
posant que  vous  ayez  jugé  l'ancien  monde 
sur  vos  plus  tristes  sentiments,  d'après  les 
plus  tristes  exemples  de  voire  ménage, 
aviez-vous  donc  oublié  votre  enfance?  que 
vous  avaient  donc  fait  vos  parents  pour  éri- 
ger en  type  éternel  et  légitime  la  rancune 
et  l'ingratitude  des  fils? 

Dans  le  second  chapitre  du  Contrat  social^ 
Rousseau  admet  la  fainille  comme  la  plus 
ancienne  et  la  seule  naturelle  de  toutes  les 
sociétés.  Cette  concession  tardive  a  plusieurs 
restrictions  fort  graves.  D'abord  celte  so- 
ciété est  ancienne,  mais  |)as  primitive  et 
contemporaine  de  notre  première  ap|Niri- 
tion  sur  la  terre.  Ensuite,  selon  Rousseau, 
le  lien  naturel  cesse  aussitôt  aue  les  enfants 
n'ont  plus  besoin  du  père.  S  ils  continuent 
à  rester  unis,  ce  n'est  plus  natureliemtni^ 
c'est  volontairement  et  par  convention»  Le 
fils  adulte  est  devenu  l'égal  de  son  père  au- 
quel il  doit  tout  au  plus  respect  et  recon* 
naissance.  Ici  arrive  une  atroce  définition: 
la  reconnaissance  est  bien  un  devoir  qu'il 
faut  rendre,  mais  non  un  droit  qu*on  puisse 
exiger. 

Le  code  pratique  universel  a  dégagé  un 
autre  droit  que  toutes  les  subtilités  physi- 
ques ne  sauraient  occulter  :  à  la  place  des 
mois  va^es  reconnaissance  et  respect,  il  a 
dit  :  obéissance  !  et  ce  droit  le  se  peut  exi- 
ger. 

Les  temps  naïfs  et  sévères  virent  l'auto- 
rité paternelle  élargie  jusqu'au  droit  de  vie 
et  de  mort  comme  Tes  droits  que  le  despote 
et  le  maître  s'arrogeaient  sur  l'esclave.  Les 
temps  plus  doux  traitent  les  enfants  comme 
les  sujets  d'un  bon  roi.  L.aspiration  à  l'éga- 
lité, la  révolte  du  fils,  préliminaire  de  l'in- 
surrection égalitaire  des  sujets,  est  un  des 
progrès  semés  par  le  xvi*  siècle,  et  c'est  le 
quaxer  pacifique  (8^)  qui  s'en  fit  le  premier 
propagateur.  L'anabaptiste  avait  déjà  éman- 
cipe le  fils  par  le  baptême  tardif.  Le  baptême 
reçu  en  naissant  impose  effectivement  une 
langue,  une  patrie,  une  religion  surtout» 
entraves  que  le  père  avait  tort  sans  doute 
de  croire  suffisamment  compensées,  et  le 
tort  plus  grand  d'imooser  ai|  bis  pour  la  vie 


<^i  ^mr  Bist,  é€s  fuoUrs^  par  lliLiu!<i»,  Reme  des  beux  Mondes. 


SS5 


Pi>Y 


DICTlONiNAiRE  APOLOGtTIÛLE. 


PSY 


entière.  Des  codes  atlardés  concèdent  en- 
core eu  père  infirme  on  vieilli  le  droit  d'exi- 
ger des  aliments.  Si  le  Qls  est  ruiné  ou  vaga- 
bond, il  trouvera  dans  ses  vices  une  nou- 
velle garantie  de  son  émancipation  entière. 
Le  j)ère  qui  n'a  rien  à  léguer  ne  doit  rien 
attendre  de  son  fils.  Rousseau  a  lâché  le 
grand  mot  :  «  Les  biens  du  père  sont  lesliens 
véritables  qui  retiennent  ses  enfants  dans  la 
dépendance.  » 

Il  y  avait  jadis  un  autre  bien  qu'un  père 
mourant  même  sans  fortune  léguait  d'ordi- 
naire à  ses  enfants  honnêtes  et  respectueux, 
sa  bénédiction  !  Un  legs  redoutable  dont  il 
pouvait  frapper  un  fils  ingrat  et  rebelle,  sa 
malédiction!  Molière,  digne  précurseur  de 
Rousseau,  nous  a  montré  le  Gis  débauché 
raillant  et  répudiant  d'avance  un  tel  héri- 
tage! 

11  fait  bon  croire  cependant  que  sur  le 
reste  de  notre  planète  et  même  de  notre 
pays,  les  parents  infirmes  ou  ap[>auvris 
trouveront  encore  la  consolation  et  les  se- 
cours de  la  tendresse  liliale.  Sans  cela,  nous 
partagerions  un  moment  Télran^e  admira- 
tion de  Uousseau  pour  les  forêts  américai- 
nes et  pour  leurs  sauvages  habitants.  Ceux- 
là  du  moins  vénèrent  leurs  pères  à  I  égal  des 
caciijuos  et  des  sachems  qui  eux-mêmes  re- 
présentent l'autorité  traditionnelle  du  pre- 
mier père  de  la  tribu  I  Quand  la  mort  a 
moissonné  j)lusieurs  générations  de  ces 
vieillards  pieusement  ensevelis  à  Tombre 
des  chênes  et  des  pins  solitaires,  le  sauvage 
expulsé  de  sa  patrie  par  le  quaker  alTrancTii 
des  préiugés  du  vieux  monde,  le  sauvage 
dit  en  pleurant  :  «  OssemenLs  de  mes  pères, 
levez-vous  et  suivez-moi  dans  I  exil.  » 

MaisJ.-J.  Rousseau  ne  faisait  que  déduire 
les  conséquences  d'une  doctrine  dont  il 
n'était  pas  Tinvcnteur.  D'où  cette  doctrine 
lirait-elle  donc  sou  origine?  C'est  ce  qu'il 
faut  maintenant  chercher. 

§n. 

Origine,  progrès  et  coo^c^iuences  ftiorstes  de  la  croyance 

en  rétai  de  luture. 

Tous  les  philosophes,  tant  anciens  que 
modernes ,  sont  forcés  de  l'avouer,  il  nesl 
pas  de  monument  authentique  et  coexistant 
de  l'état  de  nature  :  ce  n'est  donc  que  sur 
des  conjectures  que  les  anciens  en  ont  par- 
lé, et  sur  des  ouï-dire  que  les  modernes  y 
ont  cru.  Ainsi  c'est  sur  des  préjugés  que 
les  premiers  ont  assis  leur  croyance,  et  les 
seconds  sur  leur  ignorance  et  leur  crédulité 
tout  ensemble. 

Les  plus  anciens  peuples,  les  Babyloniens, 
les  Assyriens,  les  Egyptiens,  n'ont  p^as  con- 
nu la  ci*oyance  en  l'état  de  nature  ;  bien  loin 
do  se  dégrader  par  des  ancêtres  ignobles 
iiiTérant  peu  des  animaux,  ils  exagéraient 
les  connaissances  de  leurs  pères;  et  les 
sciences  ou'ils  avaient  acquises  eux-mêmes 
par  Texpûrience,  ils  les  donnaient  à  leurs 
prédécesseurs  de  temps  immémorial;  en 
sorte  que,  bien  loin  de  se  perdre  dans  l'i- 
gnorance des  temps,  c'était  dans  la  science 
Ues  temps  qu'ils  «e  perdaient,  faisant  recu- 


ler les  annales  de  leur  civiiisallc^  i^jçqj^ 
delà  de  la  vérité.  Car  nous  connaiss^ni 
maintenant  leurs  fondateurs;  nous  savoy 
quand  Nembrod ,  Assur  commeu^reoi  ♦ 
régner  sur  eux. 

Cependant  ces  peuples  ne  nous  sontcos- 
nus  par  aucune  nistoins  suivie.  Lelcniji, 
qui  a  effacé  leur  nom  de  dessus  la  terrai 
dévoré  pareillement  les  monumenlsfrajilei 
sur  lesquels  ils  avaient  sans  doulcconsucî 
leur  origine,  leurs  actions,  la  durée  de  fer 
puissance  ;  de  telle  sorte  qu'environ  riii:i 
siècles  avant  notre  ère,  d'épaisses  lénùifâ 
se  trouvent  répandues  sur  tous  ccsgranb 
empires,  et  dérobent  à  nos  jeui,  nooleur 
existence,  mais  les  faits  qui  l'ont  remplit 
Car  si  nous  ne  connaissons  plus  la  suite 
leurs  rois,  de  leurs  guerres,  de  leurs ei 
ditions,  de  loin  en  loin  quelque  roi.q 
que  homme,  fameux  par  ses  vertus  ou 
ses  vices,  est  nommé  daos  Id  seule Imtoli 
contemporaine  que  Ton  connaisse;  H'i 
paraît  là  avec  tout  son  peuple  et  loiile 
civilisation,  comme  pour  téuioiguerdeli 
continuation  de  leur  existence.  En  sont 
donc  que  ce  ne  sont  pas  les  peuples^dù 
(es  historiens  des  peuples  qui  uianqni 

Mais  peu  à  peu  les  monuments  im- 
nent  plus  fréquents  et  plus  suivis,  te tr4& 
se  succèdent  régulièrement  les  uosioiaD* 
très  :  les  révolutions  déplacent  le  pooroir, 
et,  chose  remarquable,  avec  ces prwiéreî 
histoires,  nous  apparaissent  leseiB/iim/tf 
plus  grands,  les  plus  vastes lOVUDepoof 
urouver  que  toutes  les  famillsdti^QlTtQ- 
rermées  dans  leur  sein,  et  quelewciiM- 
tion  était  continuée  de  fort  loin.  Ce  n^ 
doncnoint  chez  ces  premiers  peaplesquil 
faut  cnercher  l'origine  de  la  crojance  « 
l'état  de  nature. 

Dans  un  petit  coin  de  TKurope  (al 
peuple  dont  Jes  destinées  ont  été  remai 
Lies,  Son  origine  est  h  peu  près  incarne 
comme  peu])le ,  son  influence  est  de] 
longtemps  nulle,  mais  ses  législateurs  el 
philosophes,  ses  opinions  et  ses  scie 
dominent  encore  dans  teut  l'univers.  U 
ble  et  le  mensonge,  au  rapport  ujôuie  de 
historiens,  président  à  son  herteau. 

f)lus  savantes  recherches  n'ont  pu  débro 
er  les  rapports  incohérents  que  nous 
laissés  ses  poètes,  ses  historiens  eises 
losophes.  Ce  que  Ton  sait,  c'est  (jue  d 
ou  trois  fois  des  étrangers,  venus  d£g 
et  dePhénicie,  allèrent  ranimer  ion  e 
tence,  et  lui  portèrent  le  flambeau  a 
civilisation  plus  avancée.  Par  des  cauJ 
nous  inconnues,  et  que  l'éloigneineDl  < 
temps  rend  faciles  à  concevoir,  lesOrv^fs 
purent  conserver  un  souvenir  exact  del 
oriffine.  La  plupart  des  traditions  éiaitni 
térees  ou  perdues,  lorsque  les  villes  d  Aii 
nés,  d'Argos,  et  plus  tard  celles  de  N'« 
et  de  Thèbes  furent  fondées.  Ils  vnaii 
ainsi  sans  documents  certains  sur  leur»/ _ 
gine  et  sur  leurs  ancêtres,  lorsque, leurs'^ 
laiions  s'élanl  étendues,  leurs  gou»efœ 
ments  avant  pris  de  la  consistance,  le*  ^'' 
commençant  ^  ftire  4:ultivés,  il  ^eu^*' 


PSY 


DlCTIOiVNAlRE  APOLOGlilTiQUK. 


r£\ 


«59 


ilit  u  /eux  des  hommes  curieux  de  faire 
ir  histoire.  Malheureusement  ils  étaient 
parés  des  autres  peuples  par  des  guerres, 
r  h  metf  par  des  montagnes»  et  par  des 
êjugés,  obstacles  plus  grands  que  tout  le 
sic.  Ne  pouvant  donc  avoir  connaissance 
>  iraJiiioas  des  autres  peuples,  el  fjeut- 
f  ne  le  voulant  nas,  les  poètes,  qui  fu- 
li  d'abord  les  seuls  historiens ,  s'empare- 
it  des  vagues  notions  qui  restaient  en- 
re,  les  entourèrent  de  fables,  s*enfoncè- 
udaiis  la  nuit  des  temps,  et  composèrent 
lrlli^loi^e  primitive,  par  inspiration.  Les 
iraios  gui  les  suivirent  reçurent  ces  no- 
us auiquclles  ils  ajoutèrent  encore,  sui- 
ai  que  U  dieu  les  Possédait.  C'est  ainsi 
K  fieu  à  peu  les  fables  d'Orphée,  attirant 
I  U;es  farouches  par  la  douceur  de  ses 
lots  rt  civilisant  les  hommes  par  les  at- 
ilide  niannonie,  celles  d'Ampbion,  b&- 
puil  une  ville  au  son  de  sa  lyre,  et  autres, 

fouvèrent  a?oir  une  aussi  grande  auto- 
quedc  véritables  histoires,  plus  grande 
Blaire;  car  quelque  divinité  favorisait 
ijwrs  cps  croyances,  qui  passèrent  bien- 
ibcur  sacrées. 

kheude  rejeter  toutes  ces  fables,  et  do 
un  silenco  |)rudeut  sur  les  époques 
les  philosophes,  qui  vinrent 
lioiitèreut  la  plupart  de  ces  idées,  et 
Jbol  le  fondement  do  leur  science, 
e  sauvage,  sortant  de  cet  état  par 
de  ses  facultés,  se  créant  &  lui-môme 
i5,$a  religion,  ce  sont  des  principes 
es  dans  toute  la  philosophie  grecque. 
?oii  percer  plus  ou  moins  dans  Pia- 
Euripide,  fiérose,  Diodore,  Strabon,  et 
«leinent  chez  tous  les  écrivains  grecs 
.  Aristûte  aussi,  faisant  une  histoire  des 
Baui,  ne  Gt  nos  difTicultéde  faire  entrer 
lORje  dans  leur  catégorie,  sauf  la  pre- 
rc'  |>lace  qu'il  lui  assigna  de  son  chef. 
pure  fut  encore  un  de  ceux  qui  contri- 
rt-ni  à  mettre  ces  idées  en  système, 
k  avoir  décrit,  avec  la  véracité  et  la  cer- 
iequn  Ion  sait,  comment  cet  univers 
Formé  par  le  concours  des  atomes,  il  a 
ide  nous  dire  comment  Thomme  sortit 
^ude  la  terre,  comment  il  abandonna 
mia  el  arriva  à  la  civilisation. 
^  les  Grecs,  viennent  leurs  fidèles 
en  i)cience,  et  leurs  serviies  copistes 
urs,  les  Romains.  Au  temps  oi^  Uoiue 
]i^s  de  phitosoplies,  au  temps  où  le 
^iVlle  adorait,  n*avait  ni  temples,  ni 
s,  uuiis  où  Tcncens  fumait  en  plein  air 
It^'auiels  de  gazun  (651),  elle  n*admet- 
Ns  l'état  de  nature.  Mais,  lorsque  par 
on')uètes,  elle  eut  étendu  sa  domination 
»  •riiiieb,  toutes  les  erreurs  de  la  Gièco 

*;  Voir  Platoîi  dans  le  Prolagoras,  infulio, 
*.ri/«  Lois,  lîT.  m,  p.  804.  —  Euripide,  cilé 
^tTiRoiB»  ^  jlacUh  philos,^  lib.  i,  c.  7.  — 
^«  <ldD&  le  Syncdl,  p.  18.  —  Diodorr,  1. 1,  p. 
<>  ^  ;  L  V,  p.  587.  —  Stsâbon,  I.  iv,  p.  506  ; 
f  W  ;  I.  XIII,  p.  885. 
y  Vtftr  TcaTULfciBM,  Apotêgétique,  C.  xxiv. 
•")  Voir  De  natura  reruiif,  liv,  v   ver?.  9i5  cl 


pénétrèrent  dans  son  sein,  avec  ses  dieux, 
sa  politique  et  ses  philosophes.  Lucrèce, 
nourri  dans  les  écoles  d^Atliènes,  y  puisa 
les  principes  d'Epicure,  et  fut  probablement 
le  premier  qui  les  fit  connaître  à  Home, 
cinquante  ans  à  peu  près  avant  noire  ère 
(8«^;.  Alors  Tétude  de  la  philosophie  ayant 
prévalu,  les  idées  grecques  sur  Télntde  na- 
ture et  Toriginc  de  Thomme,  furent  encore 
accueillies  par  la  plupart  des  écrivains  la«» 
tins  (856).  Or,  il  est  curieux  de  voir  avec 
quelle  assurance  et  quel  ton  d*hi$torien,  avec 
quelle  satisfaction  même,  ces  fiers  Romains, 
qui  se  croyaient  tous  un  peu  plus  que  des 
rois,  parlent  des  ancêtres  primitifs  du  genre 
humain.  On  dirait  qu*ils  voulaient  faire  ou- 
blier que  leurs  fondateurs  étaient  des  vo- 
leurs, en  prouvant  que  les  ancêtres  de  tous 
les  hommes  avaient  été  de  vils  animaux. 

«  Quand  les  hommes  sortirent  du  sein  de 
la  terre,  au  commencement  du  monde,  nous 
dit  Tun  d'eux  (857),  ils  étaient  peu  diffé- 
rents du  reste  des  animaux  :  c'était  uu 
troupeau  hideux,  privé  de  la  parole,  mutwn 
et  turpe  pecus.  Ils  se  dispulaient  les  glands 
et  les  abris  à  coups  d*ongles  et  de  poings, 
ensuite  avec  des  butons,  puis  avec  des  ar- 
mes, que  la  nécessité  leur  ajiprit  à  fabri- 
quer  Ils  n*avaient  point  encore  Tinven 

tion  du  feu  pour  apprêter  leur  nourriture* 
dit  un  autre  (858)....  Il  n'y  avait  ni  lois,  ni 
coutumes;  chacun  s'emparait  du  premier 
butin  que  la  fortune  lui  otl'rait Indépen- 
dant, chacun  ne  travaillait  et  ne  vivait  que 
{)our  lui  seul.  L'union  do  Thomme  et  de  la 
ennno  av«iit  lieu  dans  les  forêts,  selon  leur 
penchant  mutuel,  souvent  aussi  selon  que  la 
))assion  violente  des  hommes  les  y  portait. 
Quelquefois  ils  s'attiraient  les  uns  les  au- 
tres par  Tappât  de  quelques  glands,  d'une 

pomme  sauvage,  ou  d'une  poire  choisie 

La  nature  leur  apprit  ensuite  à  varier  el  h. 
combiner  en  plusieurs  manières  les  in- 
flexions de  la  voix;  alors  on  donna  un  nom 
à  chaque  chose,  selon  le  besoin  qu'on  eut 
de  l'exprimer.  » 

Telles  étaient  les  croyances  philosophiques 
des  Romains  sur  l'origine  de  l'homme  et  la 
formation  des  premières  sociétés.  Ces  prin- 
cipes pénétrèrent  jusque  dans  leurs  lois,  non 
point  les  lois  premières  de  la  république, 
mais  les  Codes  subséquents  composés  par 
des  sophistes  et  des  philosophes.  «  Le  droit 
naturel,  disent-elles  en  propres  termes,  est 
ce  que  la  nature  apprend  h  tous  les  animaux. 
Car  ce  droit  n'est  i>as  seulement  propre  à 
Vhomme^  mais  encore  il  est  commun  a  tous 
les  animaux  qui  sont  sur  la  lerrc,  dans  la 
mer  ou  dans  les  airs  (fôo),  »  Ainsi  nous 
voyons  l'houime,  qui  à  perdu  ses  véritables 

(S5G)  Voir  Sallcstc,  De  betlo  Jugurthino,  n.  xxi. 
—  OicÉRON,  Pro  P,  SeàliOt  n.  n;  tl  De  inventionc^ 
lib.  I.  —  IhcLi.  fah.  145.  —  Jvvcnal,  salyr.  xv, 
vern.  151,  —  Macrode,  /n  somnio  5rtpiont«,  liv.  n, 
c.  10. 

(857|  Horace,  i,  Sai.  m,  vers  99  cl  seq. 

(858)  LccuÊCR,  déjà  cité. 

(859)  Digeste^  1.  j,  lit.  1,  Dejustitia  etjun*  Vcyez 
ausïl  ImtUutct  *   i,  (il.  i. 


psir 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


M\ 


M 


bles  titres  nui  le  mettent  en  société  avec 
Dieu,  obligé  de  s*abaisser  vers  la  terre,  d'en- 
tier en  comparaison  avec  les  animaux,  et 
d'établir  société  avec  eux.  Voilà  ce  que  nous 
apprend  l'histoire. 

Mais  elle  nous  apprend  encore  que  ce  fut 
vers  ce  même  temps  queFemjpire  romain  se 
précipita  vers  sa  ruine.  Jamais  les  droits  de 
rbomme,  les  lois  naturelles,  les  peuples,  ne 
furent  plus  méprisés  et  plus  foulés  aux 
pieds,  que  vers  le  temps  ou  les  philosoplics 
établirent  les  droits  et  la  morale,  les  sujets 
et  le  pouvoir,  d*après  leurs  systèmes  et  leurs 
raisonnements.  Chacun  le  sait;  il  n'y  eut 
bientôt  ni  droits,  ni  morale,  ni  pouvoir,  ni 
sujets,  et  la  société  romaine  fut  dissoute  en 
entier.  Tandis  que  quelques  sophistes,  tris- 
tes et  lointains  échos  des  philosophes  gui 
les  avaient  précédés,  disputaient  avec  passion 
sur  les  commencements  de  la  société,  iis  ne 
s'apercevaient  pas  qu'elle  disparaissait  du  mi- 
lieu d'eux,  ou  au  moins  ils  ne  le  crurent 
Sue  lorsqu'ils  se  virent  écrasés  par  la  chute 
e  l'édifice  dont  ils  cherchaient  h  établir  les 
fondements. 

Mais,  pendant  que  cette  société  philoso- 
phique s  écroulait,  dans  une  nation  où  les 
traditions  historiques  sur  le  commence* 
ment  de  l'homme  et  des  sociétés  s'étaient 
conservées  par  des  monuments  séparés  de 
tout  mensonge,  il  se  formait  une  société 
nouvelle.  Tandis  que  les  philosophes  per- 
daient les  peuples  et  se  perdaient  eux-mêmes 
dans  les  forêts,  le  fondateur  de  celle-ci  rap- 
pela un  simple  fait,  dont  il  fit  le  fondement 
de  la  sienne  :  à  savoir,  que  l'homme  était 
sorti  tout  sociable  des  mains  de  Dieu;  qu'ainsi 
c'était  avec  Dieu  lui-même  qu'il  avait  d'a- 
bord été  en  société  pour  continuer  à  Têtre 
avec  ses  semblables. 

Les  hommes  se  précipitèrent  en  foule  dans 
cette  société,  et  voulurent  appartenir  à  ce 
])euple,  dont  l'origine  était  pure,  noble  et 
assurée,  bien  différente  de  celle  des  philo- 
sophes, dont  l'origine  était  ignoble,  avilis- 
sante, et,  pour  comble  de  pitié,  fausse  et 
trompeuse.  Les  hommes  de  cette  société  ne 
se  perdirent  plus  dans  des  systèmes  chimé- 
riques :  connaissant  avec  certitude  que  Dieu 
les  avait  créés,  que  Dieu  avait  créé  leur  so- 
ciété, ils  ne  disputaient  plus  sur  leur  état 
primitif,  ils  n'en  faisaient  pas  découler  leurs 
droits  ni  leurs  devoirs;  orfueilleui  de  leur 
origine,  ils  étaient  orgueilleux  encore  de 
leur  état  présent.  Ainsi  ils  vivaient  tran- 
quillesi  et  avaient  relégué  les  livres  et  les 
dissertations  des  philosophes  çrecs  et  ro- 
mains dans  la  poussière  des  bibliothèques 
et  des  couvents,  ou  au  moins  ils  ne  les  re- 
gardaient que  comme  de  brillantes  chimè- 
res, dont  s'étaient  al)usés  ceux  oui  ne  con- 
naissaient pas  la  vérité. 

Cependant  peu  à  peu  le  goût  des  études 
reprit  eu  Europe  :  de  tous  côtés  l'esprit  bu- 
main,  longtemps  stationnaire  et  rétrograde 
au  milieu  des  révolutions  des  empires  et 
des  invasions  des  barbares,  se  réveilla.  Mal- 
heureusement n'étant  pas  assez  fort  pour 
asirpar  lui-même,  pour  juger  par  lui-même, 


trop  faible  encore  |K)ur  séparer  seul  Terr^uf 
de  la  vérité,  il  ne  chercha  qui  coutialirob 
i>ensées  des  autres,  et  s'y  attacha,  comiii 
l'enfant  dont  l'intelligence  se  débarrasse  l 
peine  des  langes  du  berceau  croit  à  la  pi^ 
mière  parole  qui!  entend  prononcer.  Toi 
les  savants  de  ce  temps  se  proslemèni 
avec  gratitude  devant  les  opinions  des  li 
leurs  au'ils  avaient  découverts.  Il  n\v  «dl 
de  si  ODSCur  philosophe  grec  qui  n*ait*eu  s) 
admirateur  et  son  bdèle  disciple. Quandf 
parcourt  l'histoire  de  la  renaissance  des " 
très  et  de  la  philosophie,  on  ne  sait  sil 
admirer  ou  sourire,  lorsqu'on  rencontre 
même  temps  et  dans  la  mênr^e  person 
si  vastes  travaux,  de»  connaissances  si 
verselles,  une  pointe  d'esprit  si  pénéiri 
une  discussion  des  questions  si  mino(N 
et  puis  une  bonhomie  de  croyance,  une 
fiance  de  créduliié,  un  respect  pour  les 
nions  du  maître,  une  sincérité  d'ad 

Sue  l'on  ne  peut  expliquer.  Le  non 
'un  auteur  grec  ou  latin  exaltait  iT 
tion  des  savants  scolastiques ;  os 
pendant  combien  de  temps  l'aulorW/i 
tote  décida  de  presque  toutes  ta 
tiens. 

Une  autre  cause  qui  contribua 
ment  à  introduire  parmi  nous  la 
à  l'état  de  nature  fut  l'étude  do  àrà 
main.  Dès  que  le  Code  des  loisromai 
été  découvert,  vers  le  xu*  siècle,  la  pi 
des  clercs  et  des  lettrés  de  cette  é 
reçurent  avec  enthousiasme,  Tétudièi 
commentèrent,  et  ne  considérèrent  I* 
sèment  des  sociétés,  les  droits  des  citu] 
les  devoirs  des  sujets,  que  d  après  lesl 
tiens  exprimées  dans  ces  lois.  Ce  fut 
que  commença  à  revivredans  la  société 
tienne  la  croyance  étrangère  et  hété~ 
de  Véiat  de  nature. 

Je  ne  suivrai  pas  le  développemei 
cette  opinion  dans  tous  ses  deuils.  Il 
d'avoir  noté  comme  un  fait  inconte 
qu'à  mesure  que  Télude  des  auteurs 
et  romains  s'étendit  et  que  les  lois  roQ 
prirent  plus  d'autorité,  la  croyance  en 
de  nature  se  glissa  sans  opposition,  el 
que,  sans  que  l'on  en  prévit  les  consé 
ces,  dans  toutes  les  écoles  de  droit 
philosophie.  Aussi  la  voit-on  reparai 
tous  les  ouvrages  des  savants  qui 
de  ces  matières.  On  était  en  même 
chrétien  et  platonicien  ;  on  respectait 
ment  les  pères  et  les  philosophes;  ilj 
lautorité  de  l'Evangilê  et  celle  des 
romains;  l'on  admettait  l'origine  de  la 
nèse  et  celle  que  les  poètes  grecs  avr 
donnée  au  monde,  et  le  tour  était  accooir 
d'un  grand  désir  de  faire  advenir  le  r^i 
Christ  sur  la  terre,  aux  moyens  de  la  pi 
Sophie  grecque  et  païenne. 

Mais  c'est  en  vain  que  l'on  veut  roall 
ou  détourner  une  doctrine.  Le  grain  de 
ment  n'est  pas  plus  sûrement  renferojéi 
une  terre  lertile,  qu'un  mauvais  priflc! 
dans  renseignement.  On  peut-être  ^f 
que  toutes  les  conséquences  en  soriiroj 
D  abord  ce  ne  furent  que  quelques  éctv" 


w 


PSY 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


8ia 


Mes  quif  de  loin  en  loin,  poussés  par  un 
ispril  bardi  et  entreprenant,  commencèrent 
I  mettre  en  avant,  souvent  sous  Fa  simple 
me  de  théorie,  les  résultats  pratiques  des 
irincipes  de  Tétat  de  nature.  Alors  une  cla- 
Heur  générale  s*ëlevait  contre  eux  ;  mais 
pme  il  arrive  toujours,  ni  les  clameurs, 
i les  explications,  mies  demi-réfutations, 
j|e5demi*coocessions,  ne  firent  disparatlro 
n  (aui  principe,  et  cette  croyance  prit  de 
b  en  plus  de  la  faveur. 
EoOn  parurent  Hobbes  et  Spinosa,  qui, 
rec  audace  et  avec  une  sorte  de  talent, 
ms<èront  à  bout  toutes  les  conséquences, 
retendirent  que  les  droits  que  i  homme 
tni  de  la  nature  ne  peuvent  prescrire; 
imsi  il  était  encore  libre,  indépendant 
)  (out  lien  politique,  moral  ou  social, 
miecela  était  dans  l'état  primitif;  et  en 
maniièrent  l'application  et  l'exercice.  Jus* 
Bf'nt  effrayés  de  ces  terribles  conséquen- 
s*]ui  se  [jfésentaicnt  pour  entrer  dans  la 
^uque,  les  auteurs  orthodoxes  jugèrent 
/:  était  urgent  de  s'opposer  à  ces  nou- 
liii  défenseurs  des  droits  des  peuples  : 
Ml 5e  levèrent-ils  en  foule  pour  combat- 
-  entraînant  à  leur  suite,  dans  l'arène, 
"'^férodition  sacrée  et  profane  pour  en 
'«Twciears  adversaires.  C  est  à  cette  biwi- 
^*i''«i}|« intention  que  nous  devons  le  plus 
^tiJe  ces  ouvrages.  Le  droit  de  la  na^ 
^fiéetgenSf  de  Puffendorff. 
C'iiinie  dans  cet  ouvra^fe  l'auteur  s'ef* 
^  d'établir  partout  aes  conséquences 
Nonables  et  vraies,  comme  c'est  lui  que 
'^^Nrtdcs  pfjilosopbes  et  des  légistes  ont 
i  i>«jur  modèle,  et  que  Ton  cile  encore 
))t^s  jours  son  autorité  dans  les  écoles, 
5  HDuf  y  arrêterons  un  moment,  non  pas 
f  ie  réfuter,  mais  pour  prendre  note  de 
Ȏ(/io.Jo  qu'il  a  suivie,  et  que  nous 
ons  erronnée. 

^  nVst  jas  l'histoire  qu'il  prend  pour 
I  ni  aux  monuments  qu'il  demande  une 
»i"n;  comme  Hobbes  et  Spinosa,  il  isole, 
uiue  Je  SCS  semblables,  et  le  place  ainsi 
l'éiat  de  nature;  puis,  après  avoir  adopté 
ï'Vi](»5  principes,  il  veut  prouver  qu  ils 
*jis(>nt  è  des  conséquences  tout  oppo* 
Ainsi,  tandis  que  ses  adversaires  ra- 
ti»*nr  les  hommes  de  la  société  vers  les 
^-ïi  ribdépendance ,  état  que  l'on  re- 
•i.*>ait  pour  primitif,  ce  qui,  à  notre 
i-i&it  assez  conséquent,.lui,  il  veut  les 
^  de  l'état  de  nature ,  avec  les  seules 
!  et  les  seules  lumières  que  l'homme 
^  eues  dans  cet  état,  et  sans  aucun  sa* 
de  la  révélation  (860),  vers  la  société, 
^oi.iélé  chrétienne  elle-même  :  chose 
ardue  ;  car  il  faut  convenir  qu'il  n*est 
^>t(*  de  tirer  un  animal  des  forêts,  puis 
aire  un  homme  et  un  Chrétien, 
voit  donc  qu'au  lieu  de  prendre  la 

I  •  j*aT0ue  qna  les  écrivains  s  (crét,  dit-il 
*'mcnt,  n4.iis  foorn^sseiit  de  grandes  luniières 
■Hinaltre  plut  oertainemeiit  et  plus  dislincie- 
'»  principes  du  droit  naturel.  Mais  cela  nVin- 
p  s  qn  on  ne  puisse  découvrir  et  démontrer 

CiCTIOîÇJfAlBE    A^OI^OGÉTIQUE, 


croyance  et  les  traditions  chrétiennes  pour 
point  de  départ,  Puffendorff  les  prend  pour 
le  but  où  il  veut  arriver.  Il  se  croit  la  force 
non-seulement  d'y  venir  lui-même,  mais 
encore  d'y  conduire  les  autres.  Uqe  seule 
considération  sufQra  pour  faire  envisager  la 
méthode,  et,  nous  osons  le  dire,  Terreur  ca- 
pitale  de  Puffendorff  et  de  tous  les  savants 
qui  l'ont  suivi. 

Vhomme  a-t^il  reçu  une  loi,  et  Dieu  lui 
a*t'%l  donné  quelques  facultés  et  quelques 
droits? 

Telle  était  la  question,  et  toute  !a  société 
chrétienne,  toute  la  terre  même  répondait 
uniformément  que  oui.  Il  ne  s'iigissait  que 
de  consulter  l'histoire,  qui  n'avait  pas  un 
langage  douteux  ou  énigmaiique  :  Puffcn^ 
dorf,  au  contraire,  a  dit  dans  son  ouvrage  : 

//  nest  pas  convenable  à  la  nature  d$ 
r homme  de  vivre  sans  quelque  loi  (861). 
.  Ainsi,  par  le  seul  changement  de  la  posi* 
tion  de  la  question,  toute  la  religion,  les 
droits  de  l'homme,  ses  facultés,  ses  devoirs 
se  trouvent  réduits  en  une  thèse  philosophie 
que,  où  chacun  peut  répondre  suivant  ses 
erreurs  et  ses  préjugés  ;  et  l'homme  e» 
entier  fut  livré  aux  disputes  des  savants. 

Malheureusement  ce  -système  prévalut» 
Dans  tous  ces  longs  combats  qui  ont  eu  lieu 
entre  les  philoso[)nes  et  les  Chrétiens,  nous 
voyons  régner  la  même  erreur  capitale  ; 
dans  ce  grand  procès  qui  se  poursuit  encorot 
les  uns  ont  soutenu  que  l'homme  est  né 
libre,  indépendant,  sans  loi  et  sans  pouvoir 
au->c!^.5sus  de  lui;  que  les  peuples  se  sont 
eux-mêmes  et  de  leur  pleine  volonté  réunis 
eo  société;  conséqucmment  qu'ils  sont  les 
maîtres  de  rester  en  société  et  de  régler  les 
conditions  de  leur  obéissance,  qui  ne  peut 
jamais  être  due,  mais  seulement  accordée 
et  concédée,  parce  qu'ils  n'ont  jamais  perdu, 
ni  pu  perdre  aucun  des  droits  qu'ils  avaient 
dans  l'état  de  nature.  Les  autres  assuraient 
que  l'homme  est  obligé  de  vivre  en  société, 
qu'il  n'y  a  jamais  eu  de  contrat  social,  que 
le  peuple  n'a  pas  le  droit  de  se  choisir  un 
maître,  ni  de  se  soustraire  à  l'autorité  do 
celui  qui  le  régit,  parce  que,  quel  qu'il  soit» 
il  tient  son  autorité  directement  et  immé* 
diatement  de  Dieu  lui-même;  que  soit  que 
l'état  de  nature  ail  existé,  ou  non,  l'homme 
aurait  pu  en  sortir,  s'il  s'y  fût  trouvé,  par 
le  bon  usage  de  ses  facultés  naturelles. 

On  le  voit,  les  uns  v  croyaient  fermement, 
et  en  demandaient  les  conséquences  ;  les 
autres  les  supposaient  par  leurs  principes, 
et  refusaient  seulement  de  tirer  les  in- 
ductions qui  en  découlaient  nécessairement, 
Ainsi  peu  à  peu,  et  même  par  des  efforts 
contraires,  se  trouva  établie  l'opinion  de 
l'état  de  nature. 

Ici  je  ne  citerai,  ni  les  auteurs,  ni  les 
ouvrages  ;  car  ce  furent  ie»  principes  d^ 

solidement  ces  principes  sans  la  secourt  de  la  révëir 
latjoR,  par  les  seules  forces  de  la  raison  naturelle,  i 
(  Voyez  Droit  de  la  nature  et  des  gens,  par  Purrua* 
DORF,  édit.  in-i*,  I.  ii,  c.  3,  p.  189.) 
'8(il)  C*ei»t  le  litre  du  1"  chapitre  du  livr»  lU 

27 


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PSY 


DICtlONNAlKE  APOLOGETiaUE 


PCT 


8U 


lous  los  auteurs  et  de  tous  les  ouvrages, 
témoin  cette  académie  de  savants,  qui  avait 
tellement  perdu  toute  connaissance  du 
commencement  des  sociétés,  qu'elle  crut 
nécessaire,  pour  son  instruction,  de  mettre 
au  concours  :  Quelle  était  l'origine  de  Viné-- 
galité  des  conditions  parmi  les  hommes  ?  de- 
mande qui  reçut  pour  réponse  le  fameux 
discours  de  Rousseau,  où  il  était  établi  que 
Tétat  de  nature  était  Tétat  primitif,  et  que 
l'homme  qui  pense  est  un  animal  dépravé; 
doctrine  qu'il  n'avait  pas  inventée,  comme 
il  en  fait  la  remarque  lui-même  (862),  mais 
dont  il  tirait  les  conséquences  airectes  et 
nénessaires. 

De  tous  cAtés,  on  s'éleva  contre  ces  con- 
séquences, et  l'auteur  fut  traité  d'insensé, 
même  par  plus  d'un  philosophe.  Cependanty 
ceux  qui  le  trouvaient  trop  absolu  et  trop 
paradoxal,  adoptèrent  &es  principes  politi- 
ques, qui  n'avaient  que  les  paradoxes  de 
1  état  de  nature  pour  fondement.  Bientôt 
ce;s  principes  sortirent  des  académies  et  des 
écoles,  et  passèrent  dans  la  tète  des  hom- 
mes à  gouvernement.  Toute  la  tourbe  des 
économistes,  des  légistes,  des  méthodistes 
les  exploita.  Us  pénétrèrent  dan^  le  conseil 
des  rois,  et  s'assirent  sur  le  fauteuil  de  la 
magistrature.  En  vain  le  pouvoir  voulut 
llitter  contre  cet  ennemi  nouveau  ;  la  lutte 
n'était  plus  possible,  les  forces  étaient  iné- 

?;ales.  Aussi,  l'ancien  pouvoir  tomba  avec 
racas,  et  avec  lui  l'ancien  ordre  de  choses  : 
car  on  avait  touché  au  fondement  môme  de 
la  société. 

Les  législateurs  qui  suivirent  se  donnè- 
rent pour  vouloir  reconstruire  à  neuf  tout 
l'état  social.  Ils  réglèrent,  établirent,  ren- 
versèrent, fondèrent  comme  s'ils  venaient 
de  sortir  des  forêts,  et  qu'ils  eussent  à  en- 
trer tout  nouveaux  dans  la  société.  Comme 
si  nous  fussions  descendus  directement  des 
Grecs  et  des  Romains ,  et  que  nous  n'eus- 

(8G2)  c  Toas  les  philosophes,  dit-il,  qui  ont  exa- 
roiné  le  fondemeiil  des  sociétés  ont  senti  la  «lécessiié 
de  remoDier  jusqu'à  Fétat  de  nature  ;  mais  aucun 
dVos  n*7  est  arrivé,  i  Eti  eflVt,  le  vérifabte  état  de 
nature  est  celui  où  il  n'y  aurait  ni  société,  ni  lien, 
ni  religion,  ni  parole*  conséquemment  ni  pensée  : 
c'est  ee  qui  faisait  dire  à  Rousseau  que  Vhomme  qui 
penu  e$t  un  animal  dépravé. 

(865)  Cf.  M.  Boii?iETTT,  Annales  de  philos,  chrét.^ 
1. 1". 

(S64)  Les  ruines  gigantesques  de  TEgypte,  de 
rinde,  de  TAsie  Mineure  et  de  la  Grèce  antique,  les 
constructions  cyciopéennes,  les  pyramides,  etc.,  se 
dressent  encore  sur  le  sol  pour  attester  la  puissance 
de  la  civilisation  et  des  arts  à  une  époque  voisine  du 
déluge.  Les  découvertes  de  Tarcheologie  dans  les 
forêts  vierges  de  TAmérique  montrent  que  là,  comme 
partout,  c*est  la  civilisation  qui  est  ancienne  et  la 
barbarie  qni  est  nouvelle.  Les  traditions  et  les  lan- 
gues mêmes  des  sauvages  sont  aussi  des  ruines  qui 
révèlent  h  grandeur  primitive  de  ces  races  déchues» 
ou  les  rattachent  à  des  nations  civilisées.  Et  c'est 
en  vain  que  rincrédulité  appellerait  les  siècles  à  son 
secottis;  car  la  géologie,  venant  à  Tappui  derbis- 
loire,  nous  démontre  rorigine  réceute  de  Thomme, 
et  oppose  une  barrière  infranchissable  aux  fabuleu- 
ses cnronoloffles  qui  voudraient  reculer  indéfiniment 
dans  le  passé.  Liiypothése  de  Tétat  de  nature  est 


sions  |K)int  d'autre  origine,  point  d'anlre 
généalogie  que  celle  que  nous  donne  Enw 
cure  et  Lucrèce,  l'on  adopta  leurs  théorie^, 
et  l'on  chercha  h  les  mettre  en  pratique.  i*\ 
la  scène  n'avait  pas  été  déplorablemeul  en. 
sanglantée^  il  y  aurait  de  quoi  sourire  uf 
pitié,  de  voir  ainsi  une  grande  nation  (le>- 
cendre  à  copier  un  peuple  mort  sur  la  terre, 
et  à  vouloir  mettre  en  scène  les  mui^i 
théories  rêvées  par  les  philosophes  grer* 
romains.  Les  Français  avaient  abjuré  aloi 
toute  idée  nationale  et  chrétienne.  Cerle 
non-seulement  nos  pères  dans  la  loi,  ma 
nos  ancêtres  les  Gaulois  et  lesFranbao- 
raient  frémi  d*un  tel  degré  d'avilissemenlj 
et  de  bassesse.  Car,  quand  ils  repdussaii 
le  christianisme,  c'était  pour  rester  fidèli 
aux  rites  et  aux  croyances  de  leurs  pèi 
mais  cesser  d'être  Chrétien,  même  Fraoc 
Gaulois,  pour  se  faire  Grec  ou  RomaiDjt 
aurait  de  quoi  faire  douter  de  la  perfecl^ 
licé  humaine  (863). 

Telle  est  l'histoire  abrégée  de  rorigii 
des  accroissements  et  des  conséquences 
la  théorie  de  l'état  de  nature.  Ce  que 
venons  de  dire  suffirait  pour  faire  conin» 
dre  la  nécessité  d'abandonner  ce  sysm 
qui  H*est  appuyé  sur  aucun  monuœefiU 
qui  restreint  notre  science  historique ifé* 
poque  de  la  renaissance  de  la  ciTilisiti<o 
grecque.  Mais  nous  avons  des  argooeott 
d'une  nouvelle  force  sur  lesquels  il  cooneil 
d'insister. 

§  IIL 

Les  monaments  historiques  sur  l'origine  étVsjHfA' 
pies  prouvent  que,  par  le  £iit,  Vélatde  nOBii^f^» 
existe. 

Pour  démontrer  cette  vérité,  il  nous 
fira  de  remonter  aussi  haut  qu'il  est  i^s 
ble  dans  l'histoire  de  chacun  des  p!us 
ciens  peuples,  et  de  faire  voir  que,  ddusi 
commencement  qui  nous  est  connu,  lei"~ 
pie  était  déjà  civilisé  (864). 

encore  complètement  démentie  par  le  resperijj 
anciens  poar  la  haute  antiquité  et  par  les  sou^r^ 
de  rage  d'or,  du  paradis  terrestre,  etcsoun 
qui  se  retrouvent  chez  tous  les  peuples  de  U 
et  du  nouveau  monde. 

Si  rhomme  n'eût  été  d'abord  qu'un  singe  od] 
mieux  conformé  que  les  autres,  ce  respect  pourli 
tiquité  serait  inexplicable  ;  le  genre  hoifiaiu,  M 
marche  ascendante  et  progressive,  n  suraii  dû; 
sur  son  passé  qu*un  ringard  dedaigneui  ;  fier  de  ( 
dir  chaque  jour,  d'élargir  sans  cease  les  Itox^^ 
son  être,  il  n*eût  dâ  se  souvenir  de  son  enhatt^ 
pour  la  mépriser.  Quel  plaisir  pour  son  orguco* 
comparer  sans  cesse  ce  qu'il  serait  deveuv  fl  ^ 
propres  eflbftsà  ce  que  Dieu  l'aurait  faitpnm't' 
ment  !  £t  néanmoins,  nulle  part  dans  rantiqu  it^ 
ne  trouverez  cette  vaniteuse  doctrine  du  ^^^^ 
ment  progressif,  surtout  en  matière  religieuse; 
tout,  au  contraire,  se  reiic'.ntrc  le  dogme  de  u_ 
chéance  et  de  la  corruption  croissante  da  cm 
humain  :  Thistoire  qui  s'ouvre  parrâgc  dor.PJf; 
Satya-youga  aboutit  à  l'âge  de  fer,  au  Kéi-m 
la  vie  qui  était  primitivement  de  80,000  an?  *" 
nuera  jusqu'à  10  ans.  La  vraie  religion,  e  wl^ 
des  ancêtres  ;  car,  dit  Cicéron  résumant  loow 
croyances  anciennes,  Antiquitas  proàmi  eccca'i 
deos^  {De  legibus^  1.  n,  n«  il.) 


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DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


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[^  genre  homaio,  à  Tépoque  de  la  sépa- 
lon  des  peuples  dans  la  plaine  de  Sen- 
sr  (Ters  I  an  du  monde  1800),  se  divise  en 
•1  grandes  histoires  :  celle  des  Hébreux, 
Egyptiens,  des  Babyloniens,  des  Assy- 
rî  s  ei  des  Mètles. 

.'histoire  des  Hébreux  est  la  seule  qui  ne 
r^nte  pas  d'interruption.  Nous  sommes 
ï  •!  avoir  des  notions  aussi  certaines  sur 
autres  peu[iles,  parce  qu'ils  n'ont  pas 
L  ^ervé  leurs  monuments,  mais  leurs  ffis- 
res  ne  remontent  précisément  qu'au 
x\'S  où  les  enfants  de  Noé  se  dispersè- 

•Jiara  va  commencer  l'empire  de  l'Egypte, 

RD  n  »m  est  encore  répété  dans  les  Iradi- 

ft>  des  peuples  d'Orient  ;  Nembrod  jette 

fondements  de  l'empire  de  Babylone; 

wr  fonde  celui  d'Assyrie,  et  un  troisième 

,  de  Japhet  établit  celui  des  MèJcs. 

le  rai  déjà  dit  (865),  on  n'a  que  peu  de 

&5ei^nements  sur  les  commenceitents  de 

f  anciens  peuples;  on  sait  seulement  que 

■i;»îre  d^Egypte  continua  d'être  indépen- 

ttU  tandis  que,  vers  l'an  2240  du  monde, 

■as  roi  des  Assyriens,  ayant  vaincu  Na- 

iDizar,  roi  des  Babyloniens,  et  battu  l'ar- 

j*e  d«  MèdeSf  réunit  ces  deux  peuples 

'•«ssoft  oléissance,  et  forma  de  ces  trois 

-•Taaaiesceque  l'on  appelle  l'empire  d'As- 

rne.  Peu  de  choses  sont  connues  sur  cet 

V^e,  mm  plus  que  sur  celui  des  Kgyp- 

•ns  Jepois  celte  époque  jusque  vers  l'an 

!^,  où  d'un  côté  l'on  voit  régner  Boccbo- 

>'jr  l'Egypte,  et  Sardanapale  sur  l'Assy- 

.  Soos  le  règne  de  ce  dernier  cet  empire 

démeiûbré,  et  les  royaumes  des  Baby- 

kas  et  des  Mèdes  recommencèrent. 

e  nj*arrête  un  moment  à  cette  é|)oque, 

a  que  ce  sont  là  jirécisément  les  temps 

lesquels  les  plus  épaisses  ténèbres  sont 

ifliJues  :  je  n  essayerai  pas  de  les  dissi- 

Ajà  chose  nous  est  impossible,  à  moins 

.  quelque  jour,  l'avare  Mort,  qui  partout 

îurs  a  dévoré  les  peuples,  mais  qui,  en 

pte,  a  été  chargée  pour  ainsi  dire  de  les 

*rver,  ne  vienne  révéler  quelqu'un  des 

iOibraliles   secrets  qu'elle  garde  à  ces 

unes  extraordinaires  qui,  |>ar  une  puis 

«  que  dans  un  certain  temf)s  on  aurait 

^îée  diabolique,  mais  qu'à  présent  nous 

imons  divine,  se  sont  mis  en  communi- 

iU  avec  les  hommes  des  premiers  temps, 

ivers  les  siècles  et  la  poussière  des  tom- 

II.   En  attendant  ces    renseignements, 

la  Providence  a  [ieut-ètre  destinés  à 

T  siècle,  où  un  mouvement  si  grand  et 

r-9a  a  été  donné  |>ar  quelques  bornages, 

C*    Voir  le  paragraphe  précédent. 

Ow  •  Voir  la  iienè$€j  c.  ii,  vers.  6  el  suiv. 

iiT>    Le  lac  Mœris,  creufé    pour  conlenir  les 

t*  ci.lnio«'diiiaire6  du  Nil.  (Voir  dans  la  Detcrip- 
j  rkg^e,  t.  I.  un  Mémoire  sur  U  lac  Mœrh^ 
H  JottAKi».  —   Voir  aussi  Pococke,  D'A^viLti:, 

K-5i  Lrs  pyramides  d'Egypte  étaient  drsli^ll^*s  à 

-  Mf  les  criidies «le  qufli|ues  souverjins,  s^lon 

•m  de  la  filufuin  des  savant*».  Celle  de  Gliizeti 

'.^iri*bai  474  piei**  i|^  i^éiéviiioit  perpeudlcu- 


à  la  recherche  des  vieilles  traditions  et  des 
vieilles  croyances,  aGn  de  se  remettre  en 
communion  avec  tous  les  peuples,  tous  les 
temps  et  tous  les  âçes,  nous  émettrons  quel- 
ques assertions  qui,  nous  l'espérons,  ne  se- 
ront pas  démenties  par  ces  vieux  témoins, 
SI  jamais  ils  se  lèvent  de  leur  oubli  et  de 
leurs  sépulcres.  Or,  ces  assertions  contre- 
disent précisément  tous  les  systèmes  de 
1  état  de  nature,  suivant  lequel  Thomme  au- 
rait commencé  par  ne  rien  savoir,  et  serait 
arrivé  à  la  civilisation  actuelle  par  la  per- 
fectibilité progressive  de  son  esprit  et  de  ses 
lumières. 

En  effet,  c'est  pendant  ces  derniers  temps 
que  nous  voyons  exécuter  les  plus  grands 
travaux,  réunir  les  plus  grandes  armées, 
exister  les  plus  vastes,  les  plus  puissants 
empires.  £taient-ce  des  hommes  d  une  civi- 
lisation peu  avancée  et  d'une  science  peu 
perfectionnée,  que  ces  enfants  de  Noé  qui 
entreprennent  de  bâtir  une  tour  qui  tou- 
che le  ciel,  et  qui  poussent  l'ouvrage  jus- 
qu'au point  que  Dieu  crut  nécessaire  de 
descendre  lui-uiéme  pour  venir  arrêter  leur 
entreprise  (866)  ?  £taient-ce  des  {)euples  peu 
capables  que  ces  Egyptiens  qui  creusaient 
un  bassin  pour  contenir  toute  la  pluie  que 
Dieu  leur  jetait  du  haut  du  ciel  et  des  mon- 
tagnes (867)  ?  Et  ce  roi  qui  bâtit  un  tom- 
beau, comme  Dieu  fait  des  montagnes,  seu- 
lement |>our  annoncer  sa  puisbance  (868)  ? 
Etaient-ils  peu  avancés  dans  les  arts,  ces 
peintres  qui  faisaient  des  couleurs  capables 
de  résister  à  l'action  libre  de  l'air  après 
trente  siècles,  et  ces  mécaniciens  qui  soule- 
vaient à  la  hauteur  de  six  cents  pieds  des 
masses  qui  braveraient  toute  notre  mécani- 
que? et  ces  sculpteurs  qui  gravaient  sur  le 
granit  des  oiseaux,  dent  un  voyageur  mo- 
derne a  pu  reconnaître  toutes  les  espèces 
(869)  ?  Voilà  ce  qiioïki  fait  ces  peuples  dans 
ces  temps  que  1  on  ne  connaît  par  aucune 
histoire.  «  Où  place-t-on  donc  les  prétendus 
temps  de  barbarie  et  d  ignorance?  Déplai- 
sants philosophes  ont  dit  :  Les  siècles  ne 
nous  manquent  pas  :  ils  vous  manquent 
très-fort,  car  Tépoque  du  déluge  est  là  pour 
étouffer  tous  les  romans  de  l'imagina- 
tion (870).  ^ 

Ainsi  ce  n'est  point  chez  c«s  peuples  qu'il 
faut  aller  chercher  des  preuves  de  l'exis- 
tence de  l'état  de  nature. 

Mais  il  est  un  autre  peuple  chez  lequel 
nous  avons  vu  qu'a  pris  naissance  Topinion 
de  l'état  de  nature.  Interrogeons  ses  monu- 
ments et  ses  traditions  historiques,  el  sa- 


laire; la  base  est  de  716  pieds  6  pouces  ;  mai« 
ou  croit  (|n*avec  l'ancien  revêtement  râévation  étaii 
de  505  pieds  ||f  et  la  base  de  73i  pieds  6  ponces. 
(  Yotr^  pour  les  détads,  la  Description  des  fnframides 
de  Ghiieh,  par  le  colonel  Geobert.) 

(869)  Voir  la  description  des  peintores  el  des 
bas^eliefs  de  Thébev,  etc.,  dans  le  grand  ouvrage 
sur  TEgypte  ;  ainsi  que  le  dernier  voyage  da 
M.  QiampoUioa  le  jeune. 

(870)  Le  comte  Joseph  de  Haistre. 


;^^. 


847  PSI  DICTIONiNAIRE  APOLOGbTlQUE 

•*hons  sur  quel  fondement  il  appuyait  sa 
croyance. 

Voyons  d'abord  ce  que  Ton  connaît  de 
probable  sur  les  époques  historiques  de  ses 
annales  (871). 

Jusqu'à  l'an  2087,  les  Grecs  nomment  eux- 
mêmes  ces  temps  inconnus.  Cest  à  cette 
époque  que  Ton  place  Fexisience  de  Sa- 
turne, Jupiter,  Neptune  et  Plulon,  autre- 
ment appelés  Tilans  :  il  est  dit  qu*ils  for- 
mèrent un  vaste  empire  dans  l'Europe,  qui 
était  alors  déserte  :  événements  que  1  on 

Eeut  placer  du  temps  de  Tharé  et  d*Abra- 
am. 

Quels  étaient  ces  Titans?  on  n'en  sait 
rien  ;  on  croit  cependant  qu'ils  sortaient  de 
l'Egypte.  La  monarchie  fondée  par  ces  prin- 
ces étrangers  ne  subsista  pas  longtemps. 
Après  la  mort  de  la  famille  des  Titans,  ce 
vaste  empire  fut  dissous. 

Quelque  temps  après,  vers  Tan  du  monde 
20^,  de  nouvelles  colonies  sorties  de  l'E- 
gypte et  de  la  Phénicie,  passèrent  dans  la 
Grèce  et  fondèrent  de  nouveaux  royaumes  : 
parmi  ces  royaumes  furent  ceux*  d'Athènes 
et  d'Argos. 

Les  traditions  des  Athéniens  citent  Ogy- 
gès,  vivant  vers  l'an  2173,  en  même  temps 
qu'Inacbus  vivait  à  Argos.  Après  Ogjrgès, 
on  ne  sait  plus  rien  jusqu'à  Actée,  qui  vi- 
vait vers  Tan  2250,  lequel  fut  remplacé  par 
Cécrops,  venu  encore  de  l'Egypte,  et  qui 
bâtit,  vers  Tan  2M)0  (872),  Athènes,  qu'il  ap- 
pela alors  Cécropia. 

A  cette  époque  commencent  les  temps 
historiques.  Un  monument  des  plus  impor- 
tants et  des  plus  authentiques  nous  sert  de 
guide,  ce  sont  les  marbres  de  Paros,  qui 
nous  donnent  la  chronologie  des  principales 
époques  de  la  ville  d'Athènes  (873). 

Tels  sont  les  nuages  qui  couvrent  les 
commencements  de  l'histoire  des  Grecs. 

Maigre  ces  nuages,  nous  pouvons  encore 
assurer  que  les  arts  et  les  sciences  j[  avaient 
été  cultivés  avant  les  temps  historiques,  et 
que  par  conséquent  la  civilisation  avait 
passé  chez  eux  avriitla  barbarie.  De  grands 
travaux  et  d'anciens  monuments,  existant 
encore,  prouveront  ce  que  nous  avançons. 

Au  centre  de  la  Béotie,  tout  près  de  celte 
Athènes  que  l'on  voudrait  nous  f^L'e  regar- 
der comme  le  berceau  de  la  première  civili- 
sation de  ce  pays  et  du  monde,  se  trouve  un 
lac  d'une  grande  étendue,  le  lac  Copaïs.  Il 
reçoit  dans  son  sein  une  douzaine  de  petites 


PSY 


SU 


rivières,  entre  autres  le  Cépliise,  non 
connu  des  |)oëtes,  !esc|uellesdcscen(iemdej 
hautes  montagnes  qui  l'environnent  de  tout 
côtés...  Mais  en  préparant  ce  lac  \mr  rhn 
voir  aux  eaux  de  ces  rivières,  Dieu  sea^ 
blait  avoir  oublié  de  leur  donner  une  issai 
en  sorte  que  les  eaux,  moDlant  inseosiblj 
ment,  menaçaient  de  tout  engloiUir,  ji 
qu'au  sommet  des  montagnes,  pour  se  |i 
cipiter  de  là  dans  les  plaines  environnaol 
et  les  dévaster.  Alors  il  se  trouva  des  hoi 
mes  qui,  suppléant  pour  ainsi  direMc 
bli  de  Dieu,  ouvrirent  des  canaux  sont 
rains  à  travers  les  flancs  d'une  omnla 
d'une  largeur  de  plus  de  deui  lieues,  \i 
faire  écouler  ces  eaux  dans  la  mer  M 
Quels  sont  ces  hommes?  on  ne  Ta  jauiai^ 
Dans  quel  temps  ont-ils  fait  ces  iraviri 
on  Tignore  encore  :  les  historiens,  qui] 
sont  venus  que  quelques  cenls  ans  al 
Jésus-Christ,  ne  peuvent  rien  nous  en  " 
mais  ces  ouvrages  existent  :  cescanaui. 
au  nombre  de  plus  de  cinquante.  BieOj 
des  puits  ont  été  ouverts  du  soniniel  < 
montagne  à  une  profondeur  étoaoïotei 
pouvoir  l^s  visiter;  et  en  effet,  SMtoar 
dit  qu'Alexandre  le  Grand  les  fil 
le  nom  de  l'homme  qui  se  cbargetiM 
entreprise  nous  a  été  conservé;  il  Ai 
niait  Chahis  (87&).  Certes,  on  ne  dit 
que  ces  hommes  ont  creusé  ces  souie 
comme  des  taupes  font  leur  terrier?! 
ici  de  l'art,  du  courage  et  de  la  perséT<' 
il  a  fallu  des  ingénieurs  habiles  el  ' 
vriers  endurcis  aux  fatigues  ;  il  a 
un  mot  urîe  civilisation  perfectiont 
certes  on  croira  difficilement  q^uedesj 
qui  sondaient  les  montagnes  jusque 
leurs  racines  et  les  perçaient  de  chl 
nombreux  eussent  besoin  d'apprenJrei 
Cérès  l'usage  du  pain,  d'un  Triptof 

êremier  *  emi)loi  de  la   charrue,  ou 
acchus  le  secret  d'oublier  les  falif 
de  chercher  de  nouvelles  forces  danj 
S'ils  ont  reçu  quelque  nouvelle  mi 
d'employer  ces  différentes  connaissaw 
faut  au  moins  avouer  qu'ils  [)ouvaicnl 
lement  s'en  passer,  et  que  ni  eux  ail 
pères  n'étaient  dans  l'état  de  nature; 
toute  cette  mythologie  des  poêles  mc^ 
se  perd  dans  1  imagination  (875]. 
De  tout  cela  on  peut  conclure 
faux  qu'il  ait  jamais  existé,  même  eo 

3uelques-uns  de  ces  peuples,  rooit 
écrivent  les  partisans  de  l'état  de 


2871)  Quelques-unes  de  ces  époques  diffèrent  un 
peu  de  ccMes  que  M.  Guvier  a  données  dans  son  Ira- 
vail.  On  sait  aue  ce  désaccord  provient  des  différents 
SYSlèmes  de  cbronologte.  Nous  suivons  le  ubleau  de 
Goguot. 

(872)  C'était  environ  mille  cinq  ceurquatre-vingt- 
deux  ans  avant  Jésus-Cbrist. 

(873)  Ces  marbres  furent  trouvés  à  Paros  par  le 
lord  Arondel  ;  ils  ont  été  transportés  à  Oxford  :  c'est 

gour  cela  qu*on  les  nomme  indifleremment  les  mar- 
res de  Paros,  d* Arondel  ou  û'Oxford. 
(87i)  Voir  Strabon,  I.  iv;  —  nARTBÉLEMv,  Voyage 
du  jeune  Anacharsis  ;  —  Maltebrl'n,  Précis  de  géo- 
graphie^ etc.,  liv.  cxvii,  loiue  VI,  p.  135,  —  et  Dep- 
^WG^DescripL  topogrùphiquede  lu  Grèce,  1. 1,  p.  150. 


Les  monuments  cyclopéens  ou  pélasgiqiui 
aussi  qu'une  civilisation  dont  rbisioire  n^ 
pas  conservé  le  souvenir  a  passé  dès  le  coi 
ment  sur  la  Grèce. 

(875)  La  Chronique  des  marbres  d*A 
sous  la  rubrique  de i398 :  c  Depuis oue.- < 
selon  Gbandlêrj...  publia  ses  \ers,  coaoi»  J 
ment  de  Proserpine,  la  rechercbe  qu*cfl  fit' 
les  fables  qui  concernent  ceux  qui  en  rfçu 
grains  sous  le  régne  d'Erichtée^  li  s'esi  écou 
ans.  >  Voilà  ce  que  croyaient  les  Grecs.  li> 
daient  comme  ttcs  fables  toutes  ces  arefli 
leurs  dieux,  que  i'ou  voudra  l  pre^q^e  r 
croire  à  D0us-racm(;s  comme  d«s  véraes. 


ool 


i 


IB 


PSY 


DICTIONNAIRE  APOLOGEÎlQtJe. 


PSY 


«Mh: 


*e^t-à'dire  sans  lois,  sans  chef,  sans  morale, 
aius  cÎTilisaiion  quelconque  :  peuples  qui 
{««iraient  eonau,  ni   Tusage  du  pain,  ni 

usage  da  feu.  Et  quand  les  poêles,  dans  les 
ges  (Je  U  ciTÎIisalion,  viennent  nous  parler 

Orpb^,  aliirant  par  la  douceur  de  ses 
hanis  les  hommes  errants  dans  les  forêts,  ou 

Afflpbion,  engageant  au  son  de  sa  Ivre 
»  Grecs  de  Béotie  à  hâtir  la  ville  do  Tbè- 
es,  ils  ne  font  que  nous  donner  des  fables, 
u  confirment  ce  que  j'ai  avancé,  c*esl 
a'avant  cette  civilisation,  il  y  en  avait  une 
itre,  qui  n*élait  pas  Tétat  de  nature.  Tout 
^t]ae  Ton  peut  accorder,  c'est  qu*avant 
arrirée  des  colonies  «^^^yptiennes,  ces  peu* 
"^  par  leur  position  géographique,  en- 
durés «run  côté  f>ar  la  mer,  et  deTautrepar 
t  iiaaies  naontagnes,  de  vastes  (orèts  et  des 
éûlés  étroits,  qui  leur  servaient  comme  do 
arrières,  furent  un  peu  plus  isolés  que  les 
aires  peuples,  un  peu  moins  qu'eux  con- 
errèrent  les  traditions  primitives,  un  peu 
yjtos furent  civilisés  :  ce  oui  explique  le 
joovement  rapide  de  civilisation  qui  se 
lanifesta  chez  eux,  lorsqu'ils  furent  mis 
a  CQQtict  avec  les  autres  peufiies. 

Sa  dbl,  vers  la  guerre  de  Troie,  1217 
ans  amiiotre  ère,  les  usages,  les  coutu- 
mes, klamac,  tout  annonce  que  les  arts 
êViiaol  trér-perfectionnés  ;  le  seul  poème 
i'Baàèn  eo  est  une  preuve  ;  et  nul  doute 
"•*'■'*•' lui  Un  y  ait  tu  d  autres  écrivains  qui 


r^im  ekanté  aautres  guerres^  comme   le 

t  Horace. 

Que  si  nous  voulons  savoir  d  où  leur  était 
ttoe  cette  civilisation,  nous  n'irons  pas 
crcher  une  succession  indéGnie  de  siècles, 
lis  nous  laisserons  parler  les  Grecs  an- 
ifts  eax-mëmes,  et  nous  écouterons  Pla- 
I,  qui  nous  dit  :  «  Ce  qu'il  importe  le  plus 
\  mine  de  savoir,  s'apprend  aisément  et 
ftèttemenisi  quelqu'un  nous  l'eùseigne.  » 
tqui  avait  appris  aux  hommes  cette  civi- 
ittaio  ?  nous  le  saurons  encore  d'un  Grec, 
.nous  dît:  •  Je  ne  doute  pas  que  les  arts 
ient  été  primitivement  des  grâces  accor- 
s  aux  hommes  par  les  dieux  (876).  » 
I  est  aussi  un  autre  pays  dont  on  a  beau- 
ip  parlé  dans  le  dernier  siècle,  comme 
issant,  non  pas  l'ignorance,  mais  la  ci  vi- 
sion fort  au  delà  des  époques  assignées 

Thistuire  sacrée.  Sur  celait  nous  lais- 
sas parler  un  savant  géographe,  M.  Hal- 
raa. 

Les  ennemis  de  la  religion  chrétienne 
icbeut«  comme  on  sait,  une  grande  im- 
taace  à  déterrer  quelque  peuple  dont  les 
ules  remontent  au  delà  du  déluge  de 
.%oa  même  au  delà  de  l'époque  de  la 
•tion  du  monde,  telle  que  Moïse  l'indi- 
K  ïjes  prétendues  antiquités  é^ptiennes 
iMibyloniaones  ayant  été  ramenées  par  la 
u  fue  à  leur  juste  valeur,  on  se  rejeta  sur 
vie  et  la  Chine.  Les  merveilles  lointaines 
pireni  plus  de  vénération.  La  Chine  fut 
césentee  comme  ayant  formé  un  empire 


très-civilisé  et   très-norissantqua'œ  mille 
cinq  cents  ans  avant  Jésus^hrist. .  ^ . 

«  Malheureusement,  la  Chine  elft-mème 
a  vu  naître  des  historiens  assez  sincères 
pour  rejeter  toutes  les  fables  que  Hôn.  ra- 
conte sur /^o-At  et  Hoang-ti.  Ils  n'osent  pas 
même  garantir  les  tradilions  qui  veeardent 
le  règne  d'/ao«  être  probablement  ailéfforî- 
que,  et  qu  on  place  à  vinçt-trcris  siècles 
(2357)  avant  Jésus-Christ.  Mais  en  quoi  co&- 
sistèreut  les  travaux  d'Iao  7  il  dessèche  des 
marais,  il  chasse  les  bêtes  sauvages,  il  cul« 
tive  une  terre  déserte;  et  ses  domaines 
avaient  si  peu  d'étendue  qu'il  les  parcoa- 
rait  qualre  fois  dans  Tannée.  Dix  siècles  plus 
tard  (en  IMl  avant  Jésus-Christ)  nous  voyons 
les  princes  de  la  Chind  se  transfiorter  d'une 
province  à  l'autre  avec  tout  leur  peuple, 
nomade  comme  eux,  et  c6mrae  eux  logé, 
tantôt  dans  le  creux  des  rochers,  tant  Al  dans 
des  cabanes  de  terre.  A  répo(|ue  où  floris- 
sail  Confunius,  cinci  cent  cinquante- un 
ans  avant  Jésus-Christ,  toute  la  Chine  au 
midi  du  fleuve  bleu  était  encore  déserte. 

«  Rien,  dans  les  annales  de  la  Chine,  n'an- 
nonce à  cette  époque  une  grande  nation; 
aucun  monument  authentique  n'atteste  La 
puissance  de  ceux  qui  relevèrent;  les  li- 
vres, écrits  sur  un  papier  très-fragile,  con- 
tinuellement recopiés,  ne  peuvent  pas  of- 
frir de  lumièresbien  sûres;  d'ailleurs,  on 
assure  que,  deux  siècles  avant  Jésus-Christ 
(en  213),  un  monarque  barbare  fil  détruire 
tous  les  écrits  qui  existaient  alors.  Il  faut 
donc  se  résigner,  avec  les  savants  Chinois,  à 
ne  faire  remonter  l'histoire  de  la  Chine  qu'à 
huit  ou  neuf  siècles  tout  au  plus  avant  no- 
tre ère  actuelle.  Le  système  qui  vise  à  une 
plus  haute  antiquité  doit  son  origine  à  des 
caprices  modernes  de  quelques  lettrés,  et  à 
la  vanité  des  empereurs. 

«  Mais,  nous  dira-t-on,  des  observations 
astronomiques,  reconnues  exactes  par  un 
grand  géomètre  (877),  remontent  à  onze 
cents  ans  avant  Jésus-Christ.  En  laissant 
de  côté  les  objections  qu*OB  pourrait  -faire 
sur  rauthenlicité  de  ces  observations,  en 
admettant  qu'elles  n'ont  pas  été  imaginées 
par  les  Chinois  modernes,  elles  prouvent 
seulement  qu'en  1100  avant  Jésus-Christ,  il 
existait  en  Chine  une  tribu,  une  ville  civi- 
lisée, et  qui  avait  produit  des  savants. 
L'Asie  orientale  a  pu  avoir,  comme  en  Eu- 
rope, ses  Grecs  et  son  Athènes.  11  y  a  loin 
de  là  à  la  formation  d'un  immense  empire. 
Il  y  a  aussi  loin  de  1100  ans  à  2300  ans.  La 
civilisation  grecque  et  romaine  naquit  et 
s'éteignit  dans  un  moindre  espace  de  temps 
(878).  » 

Il  ne  reste  plus  qu'un  seul  pays  sur  la 
civilisation  duquel  peut  exister  encore  quel- 
que doute,  et  ce  pays  est  un  monde.  L'an 
1477  de  notre  ère,  un  de  ces  hommes  dont 
le  sein  est  entouré  d'un  triple  airain,  comme 
le  dit  un  poêle,  se  confia  sur  un  frêle  vais- 
seau et  découvrit  un  continent  nouveau.  Là 


f^  HimCKATE. 

^77)  De  Lavlace,  Système  du  monde. 


^878)  Précis  de  tfi  géograjpfâe-nnherseHe^  etc.,  par 
MaLIEBRV!!   1.  Lx  t.  111   p.  556. 


mi 


PSY 


DICTIONNAIRE 


se  trouvaient  des  peuples  errant  dans  les 
forêts,  n'ayant  presque  d'humain  que  le 
visage,  se  nourrissant,  non-seulement  du 
fruit  des  arbres  »  mais  encore  de  la  chair  de 
leurs  semblables ,  ne  possédant  aucun  des 
arts,  aucune  des  sciences  des  peuples  civi- 
lisés. Aussi,  plus  tard,  lorsque  les  philoso- 
phes du  xviii*  siècle  parcoururent  le  monde 
pour  chercher  des  précepteurs  aux  hommes 
et  aux  gouvernements,  ils  s'arrêtèrent  à 
ces  humains  qu'ils  appelèrent  les  enfants  de 
la  nature >  Les  considérant  comme  libres, 
indépendants,  faisant  le  mal  sans  malice, 
et  dégradés  sans  vice,  ils  les  établirent  les 
modèles  de  toutes  les  sociétés.  On  les  vit 
tressaillir  de  joie,  comme  ayant  trouvé  leurs 
amis ,  leurs  frères ,  les  types  vivants  de  l'hu- 
manité. Qui  ne  connaît ,  et  les  éloges  que 
leur  donne  Montaigne ,  et  la  défense  qu  en 
'  a  prise  Rainai,  et  le  respect  et  l'envie  que 
leur  portait  la  tourbe  des  philosoohes? Chose 
étonnante  1  ils  avaient  retrouvé  l'état  de  na- 
ture, et  le  chemin  était  ouvert  devant  eux; 
jamais  plus  belle  occasion  ne  pouvait  leur 
être  offerte  de  rentrer  dans  leurs  droits  et 
dans  leurs  jouissances;  le  même  vaisseau 
qui  avait  apporté  des  singes  et  des  perro- 
quets ,  aurait,  pu  reporter  en  échange  ces 
moralistes  et  ces  philosophes  ;  mais  non ,  il 
ne  tomba  jamais  dans  la  pensée  d'aucun 
d'eux  ae  rentrer  dans  cet  état  qu'ils  préco- 
nisaient tant,  et  dont  ils  parlaient  avec  tant 
de  tendresse. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  conduite  des  phi- 
losophes, on  trouva  dans  ce  pays  deux  sortes 
do  peuples,  les  uns  civilisés  comme  les  habi- 
tants du  Mexique  et  du. Pérou,  et  les  autres 
sauvages.  Or  voyons  dans  les  uns  si  l'état 
sauvage  était  leur  état  primitif;  et  dans  les 
autres ,  si  c'est  de  leurs  propres  forces  qu'ils 
étaient  arrivés  à  la  civilisation. 

Je  ne  m'arrêterai  pas  à  discuter  les  pro- 
babilités plus  ou  meins  grandes  sur  la 
manière  dont  l'Amérique  à  été  peuplée;  quel 
gue  soit  le  système  que  l'on  embrasse,  tou- 
jours est-il  certain  que  ses  premiers  habi- 
tants sont  venus  d'ailleurs,  et  que  ce  sont 
quelques  individus  qui,  ou  de  l'Afrique, 
ou  de  la  Chine,  ou  de  la  Russie,  ou  à  la 
suite  d'un  naufrage,  ou  à  cause  d'une  guerre 
et  d'une  transmigration  sont  venus  peupler 
ce  pays.  Cela  est  mis  hors  de  doute,  dans 
ce  moment ,  par  les  recherches  et  les  décou- 
v«;rtes  des  savants  américains;  ils  ont 
trouvé  dans  ce  pays  des  mœurs,  des  usa^ces, 
des  connaissances,  des  erreurs,  qui  n'ont 
pu  venir  que  de  l'Asie  ou  de  l'Afrique,  où 
on  les  retrouve  encore.  Outre  ces  analogies 
si  frappantes  et  qu'on  ne  peut  plus  expliquer 
par  des  idées  innées^  un  fait  incontestable 
nous  assure  de  la  présence  d'anciens  peu- 
ples civilisés,  fait  contre  lequel  ne  peuvent 
s'inscrire  les  contradicteurs,  puisqu'il  est 
encore  permanent.  En  effet,  le  voyageur 

(879)  Voy.  Ânn.  de  philoi.  chréi,,  tom.  I,  p.  153, 
255  et  505;  t.  Il,  p.  295  el  558;  t.  lU,  p.  179,  502 
61407;  t  IV,  p.  19,  et  t.  VU,  p.  248  el  587.    • 

(880>  Annales  de  la  littérature  et  des  arts.iom.  X, 


APOLOGETIQUE.  PSY  u 

rencontre  encore  aujourd'lini  de  nmmw* 
ses  ruines  de  palais,  de  temples,  de  liaioi 
d'hôtelleries  publiques;  on  y  voililosjijn 
ramides  entourées  d  autres  pyramitiesàl 
façon  de  celles  des  Indes  el*de  Siam.  M 
figures  hiéroglyphiques  d*animajii  eU'm 
truments  sont  gravées  sur  les  rochers  | 
Syonite,  voisins  de  Casiquiari;  surlesbiti^ 
de  rOhio,  on  voit  encore  les  vestiges  j 
camps  et  de  forts  carrés  (879). Il  y\^ 
d'années,  un  violent  orage,  ayant  écldté|iil 
de  Brownsvelle,  dans  Ja  partie  occidenti 
delaPensylvanic,déracinaunchèDcéno(fl 
dont  la  chute  laissa  voir  une  surfaeel 
pierre  d'environ  seize  pieds  carrés, 
laquelle  était  gravées  plusieurs  figures, 
tre  autres,  deux  de  forme  humaine, 
sentant  un  homme  et  une  femmCf  s 
par  un  arbre.  La  dernière  lient  des  fi 
la  main.  Des  cerfs,  des  ours  et  des  oi 
sont  sculptés  sur  le  reste  de  la  pie 
chêne  avait  au  moins  cinq  à  six  eei 
d^existence  ;  ainsi  ces  figures  ont  ét« 
tées  long-temps  avant  la  découvertedl 
mérique  par  Colomb  (880). 

Ainsi,  l'état  de  civilisation  aétéle 
état  de  l'Amérique  ;  or,  si  cela  est, 
vaues  ne  sont  plus  que  des  êtres 
et  leur  état,  qui  encore  n'est  pas 
simple  nature,  est  un  véritable  étal 
gradation;  c'est  de  la |civilisalioD 
sortis  les  sauvages,  et  là,  comme  \ 
la  civilisation  est  le  seul  état  prii 
naturel. 

La  découverte  des  peuplades  am 
prouve  donc  le  contraire  de  ce  qui 
draient  lui  faire  prouver  nos  adre 
Or  qui  pourrait  nier  leur  état  de 
dation?  _  , 

«  On  ne  saurait  fixer' un  instant  $1 
gards  sur  le  sauvage,  dit  un  écrivain  I 
porté  sur  tous  les  objets  un  œil  qui  ! 
vancé  les  découvertes  (881),  sans  lirel 
thème  écrit,  je  ne  dis  pas  dans  son! 
mais  jusque  sur  la  forme  extérieure dj 
eorps/C'est  un  enfant  difforme,  rob 
féroce,  en  qui  la  flamme  de  riatel' 
ne  jette  plus  qu'une  lueur  pâle  et  i 
tente.  Une  main  redoutable,  appesao 
ces  races  dévouées,  efface  en  elles 
caractères  distinctifs  de  notre 
la  prévoyance  et  Ja  perfectibilité, 
vage  coupe  l'arbre  pour  recueillir  1 
il  dételle  le  bœuf  que  les  missioi 
viennent  de  lui  confier,  et  le  fait  cuire 
bois  de  la  charrue.  Depuis  plus  de  t 
des,  il  nous  contemple,  sans  avoir 
voulu  recevoir  de  nous,  excepté  la 
pour  tuer  son  semblable ,  et  Tcau 
pour  se  tuer  Jui-mème;  encore  Q^ 
jamais  imaginé  de  fabriquer  ces  en 
il  s'en  repose  sur  notre  avarice  qui  ^ 
manquera  jamais.  Comme  les  sabsti 
les  plus  abjectes  et ,  les  plus  révoH 

p.  286,  287. 

(881)  M.  le  comte  de  Naistrx,  Soirées  ^( 
Pétenbourg. 


153 


PSfY 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


84a 


^nt  cependant  susceptibles  d'une  certaine 
Régénération,  de  même  les  vices  naturels 
•le  l'humaiMté  sont  encore  viciés  par  lessau- 
ri;'es.  Il  est  voleur»  il  est  cruel»  il  est  dis- 
M,iu  ;  mais  il  Test  autrement  que  nous. 
h\ir  être  criminels,  nous  surmontons  no- 
ire nature,  le  sauvage  la  suit  :  il  a  Tappétit 
arrime,  il  n*en  a  point  le  remords.  Pen- 
diirii  qae  le  fils  tue  son  père  pour  le  sous- 
traire aai  enuuis  de  la  vieillesse,  sa  femme 
détruit  dans  son  sein  le  fruit  de  ses  bruta- 
bamottfs  pour  échapper  aux  fatigues  de  Tal- 
liuoment.  Il  arrache  la  chevelure  sanglante 
ùi  son  ennemi  vivant;  il  le  déchire,  il  le 
"ùtit  et  le  dévore,  en  chantant.  S'il  tombe 
iur  nos  liqueurs  fortes,  il  boiti'usqu*à  Ti- 
rrf'sse,  jusau'à  la  fièvre,  iusquà  la  mort  : 
i^aiiment  dépourvu  et  de  la  raison  qui  com- 
Dinde  à  rhomme  par  la  crainte,  et  de  Tins- 
indqui  écarte  l'animal  par  le  dégôut,  il 
lit  trembler  l'observateur  qui  sait  voir... 
4ï  barbare  a  pu  et  peut  encore  être  civilisé 
lar  une  religion  quelconque,  mais  le  sau- 
'4;e  proprement  dit  ne  I  a  jamais  été  que 
<r  ie  christianisme.  C'est  un  prodige  du 
kmier  ordre,  une  espèce  dé  rédemption 
iHusifement  réservée  au  véritable  sacer- 
^t.  Comme  un  criminel  frappé  de  mort 
uiiulnepeut  rentrer  dans  ses  droits  que 
prilrt  lettres  de  çrAce  du  souverain,  et  si 
mil  se  lui  dit  r  Vous  êtes  mon  peuple^  ja- 
ViMi  ne  pourra  répondre  :  Vous  êtes  mon 
fca  i882).  » 

ic  crois  avoir  prouvé  que  la  civilisation 
Hel'étatprimitif  des  sauvages  de  l'Améri- 
ofietque  le  peu  qui  s'y  trouve  encore 
'ar  vient  de  cette  civilisation  prinaitive,  ou 
»  «elle  des  peuples  dont  ils  tirent  leur 
^cine.  Avant  de  quitter  cette  matière, 
i>ons  encore  une  remarque  sur  la  profou- 
.iir  (les  vues  et  la  justesse  des  raisonne- 
cji(s  des  écrivains  qui  défendent  le  syS' 
lue  de  l'état  de  nature.  Puisque  c  est 
•«M'^i  portons  aux  sauvages  lacivilisa- 
'>n,ntqu  ils  ne  peuvent  la  recevoir  qu'avec 
'^ne,  il  semble  que  i'on  devrait  en  con- 
ore  qu'on  ne  peut  pas  se  civiliser  soi- 
*n)p,  que  la  civilisation  a  été  apprise  et 
i'ellc  estdonnée  par  des  personnes  qui 
avaient  auparavant.  Mais  non,  les  défen- 
iirn  de  Vétal  de  nature  disent  :  le  sauvage 
bt-^oin  des  gens  civilisés  pour  sortir  de 
10  état  de  dégradation,  donc  les  hommes  se 
tt  civilisés  eux-mêmes  et  de  leurs  seules 
ptes;  comme  d'autres  philosophes  disent  : 
f&iaiit  n'a  jamais  que  les  idées  que  lui 

(%i)  Noos  eonsîff  ocrons  ici  une  observa  lion  pro- 
nkd'oD  savant  pbvsiologiste,  M.  ledocicur  Pros- 
'  t'Qtas.  Voir  son  traité  philosophique  et  physiolo- 
f^dtl'hérédiié  naturelle,  etc.  (1850).  c  Pour  moi, 
t 'i.  je  roj^arde  comrae  une  des  grandes  preuves 
I  hérédité  meoUle  un  fait  que  le  contact  entre  les 
vpli^s  civilisés  et  1^  peuples  barbares  a  mis  en 
^n  :  c*est  rimpossîbiliiéoùsoni  les  peuples  liar- 
f^  d'arriver  au  niveau  des  peuples  civilisés  de 
^io  ttttt  et  saoa  passer  par  rbéi édité.  Quehiue 
'••rt  que  Ton  fasse,  deux  étalé  inégaux  de  civillsi- 
»«  lie  peQvcnt  s*assimiler  tout  d*un  coup  ;  toujours 
uiji  du  temps  el  plusieurs  générations  pour  que 
k  bonnes  moins  ciûtivés  puissent  recevoir  et  coin- 


donnent  ceux  qui  l'entourent,  donc  les  idées 
sont  innées,  et  la  science  vient  naturelle 
ment  à  l'enfant. 

Terminons  nos  considérations  sur  ce  su- 
jet par  une  observation  que  nous  croyons 
essentielle.  On  trouve  assez  souvent  dans 
les  anciens  historiens  grecs  et  latins,  des 
expressions  qui  feraient  croire  que  les  peu- 
ples étaient  nés,  et  étaient,  pour  ainsi  aire, 
sortis  du  sein  de  la  terre  qu'ils  habitaient, 
comme  les  plantes  de  leurs  campagnes.  Les 
Grecs  emploient  le  mot  d'avrôx^oviff  el  les 
latins  celui  d'aborigines.  Je  me  rappelle  eo 
ce  moment  aue  les  Athéniens,  les  Latins, 
les  Gaulois,  les  Bretons  sont  qualifiés  de  ce 
nom.  Mais  il  est  facile  de  voir  (jue  les  au- 
teurs, ou  les  peuples  n'employaient  ces  ex- 
pressions que  parce  qu'ils  ne  connaissaient 
pas  leur  origine.  Pausanias  le  dit  des  Athé- 
niens, mais  on  sait  qu'ils  venaient  de  l'E- 
gypte ou  de  la  Phénicie  ;  Denis  d'Halicar- 
nasse  l'applique  aux  Latins,  mais,  dans  le 
même  chapitre  (883},  il  assure  que  avant  ces 
aboriginesy  il  y  avait  les  Siculiens,  qui  eux- 
mêmes  avaient  chassé  d'anciens  habitants. 
César  le  suppose  des  Gaulois,  parce  qu'ils  lui 
dirent  qu'ils  étaient  enfants  de  la  terre:  mais 
on  sait  qu'il  s'est  trompé  dans  ce  qu'il  a  écrit 
des  croyances  de  ce  peuple.  Tacite  le  dit  des 
Bretons,  que  nous  savons  être,  ainsi  que  les 
Gaulois,  d'orisine  scythe.  Ces  historiens  et 
ces  peuples  n  ont  donc  voulu  dire  que  le 
long  espace  de  temps  qu'ils  habitaient  dans 
leur  pays,  si  toutefois  comme  je  le  i)ense,  et 
comme  je  pourrais  le  constater  mieux  un 
jour,  ils  n  ont  pas  prouvé  par  là  qu'ils 
avaient  conservé  une  tradition  bien  précieuse 
el  le  souvenir  de  leur  véritable  origine,  en 
disant  ainsi  en  Orient  comme  en  Occident  : 
nous  avons  été  tirés  du  sein  de  la  terre  (884j. 

I IV. 

Le  merveilleux  accord  de  Moise  et  des  plus  anciens  his* 
loricus  surroriiiiue  des  peuples  ne^rmeipas  d'ad- 
mettre la  barbarie  comme  poiqt  de  départ  de  la  société 
à  l'époque  du  déluge. 

Un  matérialisme  glacé  voue  son  culte  et 
son  encens  à  la  nature  seule,  à  l'humanité 
pauvre,  dégradée,  infirme ,  chancelante  qu*il 
sépare  violemment  de  toute  alliance/  de 
tout  appui  divins.  Enfermé  dans  la  raison  et 
rejetant  toute  révélation  surnaturelle ,  il 
prétend  anéantir  tout  un  monde,  le  monde 
régénéré.  Il  veut  repousser  le  monde  entier 
vers  je  ne  sais  quelle  religion  naturelle  qui 
n'avait  pu  sauver  l'homme  de  la  dégradar. 

E rendre  les  notions  des  hommes  plus  civilisés, 
>*béréiiité  qui  agit  activement  pour  maintenir  Icji 
nations  civilisées  4  leur  point  et  pour  leur  permettre 
des^avanctT'au  delà,  rfaérédité  s'oppose  d*aborcl,à 
Tinrusion  des  nouvelles  idées  dans  une  population 
sauvage  et  puis  concourt  à  la  modification  des  es- 
prits. Mais  cVst  ce  rôle  nécessaire  de  riiérédité  qui 
exige  tantdet*'mps  p'>ur  que  les  hommes  sauvages 
se  transforment.  >  (  Voy.  notre  Dicl,  d* anthropologie, 
art.  Hérédité.) 
(885)  Anliquitéê  romaines^  ch«  1; 
f  (884)  Cf.  M.  Bo«NETTY,  tbid.—M.  de  Yalrog£11, 
Ann.  de  f>/ii/.  chrét,  ({'  série),  t.  lll 


èS3 


tsï 


biCtIONNAlRË  ÂPOLOGËtiQUE. 


PSY 


Sl4 


ilôh  ta  plus  honteuse»  ni  Tarracheraux  plus 
cruelles  ignominies.  Il  voit  avec  une  joie 
féroce,  des  générations  prêtes  à  retomber 
dans  le  fïttal  abrutissement  auquel  le  chris- 
tianisme les  avait  enlevées.  Ennemis  et  flat- 
teurs acharnés  de  l'humanité,  ces  esprits 
téméraires  ne  craignent  pas  d'amonceler 
sur  elle,  non  plus  les  eaux  du  déluge  qui 
Tinonda,  mais  ces  flammes  qui -dévoreront 
la  terre  quand  la  foi  aura  disparu. 

Dans  ces  honteux  efforts  du  naturalisme, 
il  y  a  un  crime  immense  que  la  langue  fran- 
çaise n'a  pas  encore  nommé  ;  c'est  plus  que 
rbomicide»  plus  que  le  parricide. 

Quand  Sarason ,  saisissant  les  colonnes 
de  TédiQce  qui  le  couvrait,  les  renversait, 
sûr  de  périr  dans  leursdébris  avec  un  grand 
nombre,  c*étaient  du  moins  les  ennemis  de 
sa  patrie  qu'il  accablait.  11  vengeait,  il  sau- 
vait Israël. Mais  vous,  philosophes  audacieux, 
quand,  par  une  inspiration  qui  n'est  plus 
certes,  ni  divine,  ni  humaine  ,  vous  rejetez 
la  pierre  angulaire,  quand  vous  sapez  les  ba- 
ses, oue  vous  ébranlez  toutes  les  colonnes 
d9  l'éaiQce  bâti  par  la  foi  chrétienne,  ce  sont 
des  frères,  des  amis,  c'est  la  patrie  que  vous 
entraînez  avec  vous  sous  d'affreuses  mines. 
C'est  le  monde  entier  que  vous  précipitez 
de  nouveau  dans  l'abîme  de  la  corruption  do 
l'esprit  etoie  la  corruption  du  cœur.  Dans 
votrç  funeste  délire,  vous  voulez  l'homme 
sans  la  révélation  divine.  C'est  l'homme  dé- 
gradé, abruti,  l'homme  idolâtre,  souillé  et 
sanguinaire.  Osez  donc  saluer  encore  l'ave- 
nir et.  chanter  le  progrès  I 

Cependant  on  ne  cesse  de  répéter  sous 
toutes  les  formules  :  «  Le  point  de  départ 
de  l'homme  et  de  la  société  est  la  barba- 
rie (886).  » 

«  «ous  n'avons  aucun  scrupule  quand 
nous  proclamons,  non  comme  une  chose  de 
foi,  mais  comme  un  fait  démontré,  la  bar- 
barie universelle)  primitive»  la  domination 
de  la  matière  comme  point  de  départ  (886).)» 

M.  de  Brotonne,  que  nous  citons,  conçoit 
les  races  humaines,  «  réunies  sur  le  môme 
sol,  vouées  à  la  même  barbarie,  s'unissant 
entre  elles  comme  les  animaux  et  au  milieu 
des  animaux  dont  elles  avaient  la  brutalité. 
L'homme,  à  cette  époque,  n'avait  d'autre 
mobile  que  son  instinct,  manifestation  gros- 
sière de  la  sensation  la  plus  directe  et  (la 
moins  féconde,  énergie  matérielle  et  méca- 
nique mise  en  mouvement  par  l'attrait  ou  la 
crainte  (887).  » 

«(  L'espèce  existait  à  l'état  brute»  à  l'état 

(885)  Titre  du  ch.  2  du  livre  iv  de  la  CitilUation 
primitive  de  M.  de  Brotonne,  conservateur  à  la  l)ibl. 
de  Sainie^Geneviève.  Ce  livre  n'a  pas  d'autre  buf  que 
de  prouver  la  brutalité  primitive  de  l*espèce  hu' 
maine. 

(880)  M.  DE  Brotoni>ie,  loc  d^.p.âli. 

?887i  Ibid.,  p.  274. 

(888)  Ibid.^  p.  493.  M.  dj  Brotonne  s'appuie  sur 
un  passage  de  YEsquiêse  d'une  philosophie  qui  se  ter- 
mine par  ces  paroles  :  c  11  a  fallu  gue  le  genre  hu- 
main eût  son  enfance,  comme  il  faut  que  chaque 
Aomme  ait  la  sienne  ;  et  ce  que  Teufance  est  pour 
chaque  homme  elle  Ta  été  pour  le  genre  humam.  » 
(T.  0,  p.  t1},) 


de  véritable  bimane,  privée  de  pensée  et  de 
langage  et  bornée  à  l'instinct  de  cooserTi* 
tion.  Il  n'y  avait  ni  distinctions  ni  orcani^^ 
tion,  même  la  plus  simple,  mais  agrégation 
grossière  comme  celle  des  animaui  qui  md 
chent  en  troupes,  et  possèdent  cet  iastiocl 
commun  qui  n'admet  ni  changemenl  ni [iro- 
grès  (888). • 

«  L^homme  primitif  ne  peut  être  conçu 
que  dahs  l'état  errant  et  sauvage,  saai 
arts,  sans  police,  sans  lois.  C'est  sous  ce 
aspect  qu'on  est  contraint  de  TenTisager 
d'après  les  cosmogonies  anciennes,  sans^  ei 
excepter  la  Bible.  Donner  aux  enfants  di 
Caïn  l'invention  des  arts,  c'est  assez  lji^ 
qu*avant  eux  il  ne  pouvait  exister  que  Féu 
sauvage,  ou  un  fabuleux  â^e  d'or,  quiu.a^^ 
quait  de  tout  et  surtout  d'idées  [889j.  » 

L'état  sauvage  ou  barbare  est  saus  don 
un  fait  incontestable,  puisqu*il  eiisleeiK 
dans  les  forêts  de  l'Amérique,  dans  lest 
de  rOcéanie,  etc.  La  question  t  décider  i 
celle  de  savoir  si  cet  état  est  primitif,  ou  hifS 
s'il  n'est  qu'une  dégradation.  Quoique  um 
ayons  déjà  démontré  dans  les  jimpjèa 
précédents  que  l'hypothèse  d'un  élâtonm* 
tif  de  barbarie  ne  repose  sur  aucinml<^ 
se  trouve  au  contraire  en  onposiùou  wtt 
riiisloire  de  tous   les  peuples,  cm\M 
cette  thèse  est  soutenue  avec  taiiluo|àDii' 
trelé  par  la  philosophie  moderne  ;  on  H 
présente  avec  une  érudition  apparenled 
des  raisonnements  si  spécieux,  que  14 
croyons  devoir  insister  sur  sa  réfutalioj^ 
multiplier  les  preuves  qui  en  font  vuifj 
peu  de  fondement.  ; 

A  moins  de  se  jeter  aveugléraonltell 
conceptions  o  prton  ot  sans  portée,  à  uid 
de  nier  les  faits  les  plus  incontestables  H 
est  obligé  de  reconnaître  qu'il  n'y  a  tn| 
deux  épogues  où  l'on  puisse  placer  cet  é(l| 
de  barbarie  originelle  du  genre  humain  :fl 
à  l'époQue  qui  suivit  immédiatement  le  il 
luge,  c  est-a-dlre  dans  la  famille  même^wi 
vée  des  eaux,  ou  à  l'époque  de  la  preimèfi 
apparition  de  l'homme  sur  la  terre.        1 

Nous  n'avons  pas  à  démontrer  ici  le  fi 
du  déluge,  dont  le  souvenir,  comme  n^ 
Tavons  vu  (art.  Déluge),  a  été  c^im  " 
dans  les  traditions  de  tous  les  peuples  [i^ 
Mais  Moïse  ne  s'est  pas  borne  à  noua 
crire  cet  événement  si  mémorable;  il  1 
trace  encore,,  comme  une  suite  nalurelli 
son  récit,  le  tableau  de  l'origine  des  [»ea|^l 
issus  de  la  famille  unique  écbapp^^ii 
naufrage  universel.  Or,  dans  nos  temi^u^ 

(889)  Ibid.,  p.  i85. 

(890)  t  Leschronologtstes,1e8  historiens,  les 

losophes  6*accord«ntence  point  qu'ils  font  refp(« 
leurs  recliercbes  ou  leurs  récils  jusqu'à  une  é^^ 
à  laquelle  tous  seraUachent  sans  être  d'accord 
la  nature,  l'étendue,  le  moment  précis,  qnelqv»^ 
même  sur  la  vérité  de  Télément  auquel  pouruni 
soot  tous  contraints  de  s'arrêter.  Mais  guelb'" 
soient  les  opinions  qu'ils  adoptent,  le  probléaK'  ur 
expliqué  de  la  dispersion  des  peuples,  après  n" 
catastrophe  dont  l'universalité  et  les  rioses  sont  «» 
autre  problème  aussi  peu  résolu  que  le  preiSKr^ 
place  comme  la  limite  extrême  de  rhisioirc  no)H>* 
selle.  I  (M.  DE  BaoTONKE,  Cte.  prîw.  p. 280) 


157 


KV 


MGTIONNAUUe  AMLOGETIQUE. 


tST 


8S8 


iemesi  les  énidils  et  les  TOjageurs^  animés 
i*aD  immense  désir  de  connaître  les  peu- 
ples sur  lesquels  on  n'avait  que  des  dén- 
iées Tasnes  et  incertaines,  se  sont  lÎTrés  à 
les  recherches  infatiga^iles  sur  les  plus  an- 
iens  emfiîres*  qui  ont  étét  pour  ainsi  dire, 
eiaits  ;  leur  étendue,  leurs  limites  ont  été 
'>ui liées,  examinées,  fixées  de  nouveau  sur 
Ks  C4irtes.  Il  était  impossible  que,  dans  ces 
ecberches,  on  ne  revint  pas  à  examiner  ce 
|ue  le  plus  ancien  des  livres  ,  la  Bible, 
OU5  a  conservé  sur  les  anciens  peuples  et 
^s  anciens  royaumes.  On  y  est  revenu 
onc,  et  tons  les  séographes  sont  tombés 
'accord  qu*aucun  livre  ne  donne  des  ren- 
«^ignenients  (.lus  clairs,  plus  certains,  plus 
fiaillés,  sur  le  commencement  des  peu- 
^'«»  e:  leurs  différentes  transformations  ou 
r^nsuiigrations.  Pour  mettre  cette   vérité 
*<Qs  tout  son  joui',  nous  allons  citer  le  pas* 
^<e  suivant,   où  un  maître  de  la  science 
T^j^raphique,  M.  Maltebrun,  rend  un  magni- 
Mue  bomroageaux  connaissances  que  Moïse 
'•^us  a  conservées  sur  l'origine  des  plus  an 
■•Mi*  peuples. 
«  ^OQS  n^avons  point  d*aperçus  géographi*- 
1  roes dignes  d'attention  qui  soient  antérieurs 
-  '«IX  de  Moïse  (an  du  monde  2460).  Les 
ftvret  4e  cet  historien,  et  ceux  de  ses  suc- 
'  «r>se«n»eDntiennent  les  notions  des  Hé- 
c.reas,  ite  Phéniciens   des  Arabes,  et  des 
safres pniples  de  l'Asie  occidentale  (8^). 
.4  près  Moïse»  le  plus  ancien  auteur  oui  nous 
r:»ami5se  Fidée  u*une  géographie,  c  est  Ho- 
^n  (an  du  monde  3000)  ;  il  nous  faitpar- 
'^•urir  toute  la  sphère  des  connaissances,  des 
r  «-iitions  et  des  fables  répandues  en  Grèce 
:  dans  FAsie  Mineure  (892). 
<  11  ne  faut  chercher  dans  les  livres  de 
'4>lse  et  dans  les  autres  anciens  écrits  des 
ftreuz,  que  ce  que  l'ensemble  du  texte 
^ge  à  y  chercher,  savoir  :  des  indications 
ir  le  siège  primitif  des  nations  de  l'Asie 
ddentale.  Chargé  d'une  mission  plus  su- 
ime,  l'auteur  de  la  Genèse  n'a  pas  voulu 
ire  une  géographie;  il  ne  s'explique  point 
r  la  structure  générale  de  la  terre  ;  il 
Indique,  d'une  manière  reconnaissable, 
tntres   grands  fleuves  que  le  Phral  ou 
Tuphraie^  et  le  Nil^  qu'il  appelle   fleuve 
Mizraîm  ou  6'Egvpte  :  Une  chaîne  de 
.^ntagnes  est  nommée  Ararat  ;  et,  si  Ton 
cDpare  tous  les  passages  où  il  en  est  parlé 

Ml)  BoauBT,  Ceogr»  sacra,  ;  —  Spicileg,  geo» 

rA.  Beàrmomm, 

&±l  VoM,  Coêmographk  de$  ancUru^  en  aîle- 

•4  ;  —  Sca4K!iEiiA5i?i,  Ceographia  Uom. —  Schlë- 

•  A^  ^etfgraph,  Bom. 

«93)  C^n,  vin,  4.  —  Il  Reg.  xix,  57.  —  /««. 

»«,  58-  — Jerem.  u,  27.  —  Tob,  i,24. 
t9i;  9ocBAKT,  PhaUg.  i,  3. 
9^39  CjcUô  question  aujourd'hui  n*est  pins  dou* 
se.  Les  saviou  de  Caloiua  ont  monu-e  ^ue  Tbis- 
%  des  Baiioos,  les  progrès  de  leurs  ëmigratîocs 
^ptalstioiw,  BOUS  raiDéaent  au  point  central  dé- 
Biaé  psr  Hoîse. 

^  céAbre.  William  Jones,  président  de  la  Société 
itiq«e«  a  piouvé  dans  une  dissertation,  que  tous 
4t  la  ferre  descendaient  d*une  souche 
i  avaient  eu  autrefois  le  méiiie  berceau  ; 


(893),  on  reste  persuadé  que  c'est  dans  les 
branchesdu  Taurus,  répandues  en  Arménie 
et  en  CburdisCan,  qu'il  faut  chercher  ces  fa- 
meuses montagnes,  près  desquelles  l'hislo- 
rien  hébreux  place  le  second  berceau  du 
genre  humain  (89i).  Il  est  certainement  re- 
marquable que  le  point  de  départ  d'où  Moïse 
dit  commencer  la  dispersion  des  peuples, 
est  placé  par  lui  à  peu  près  dans  le  pays  le 
plus  central  de  toutes  les  contrées  ancien- 
nement peuplées  ;  car  les  Indiens  à  Test, 
les  Scandinaves  ou  Golhs  au  nord,  et  les  Nè- 
gres ou  Elhyopiens  occidentaux,  trois  racés 
très-anciennement  établies  dans  les  con- 
trées qui  portent  leur  nom,  se  trouvent  à 
peu  près  a  des  distances  égales  de  la  Méso- 
potamie ou  de  TArménie.  D*un  autre  côté 
on  est  frappé  de  Textrème  faiblesse  de  la 
population  de  l'Amérique,  des  terres  du 
grand  Océan  et  de  l'Afrique  méridionale, 
malgré  la  beauté  et  la  fertilité  de  ces  ré- 
gions. Ces  deux  circonstances  pourraient 
bien  engager  un  historien  judicieux  à  pla- 
cer en  Asie  occidentale  le  poii-.l  où  a  dû 
commencer  la  population  du  globe,  $*il  fal- 
lait absolument  prendre  un  parti  [895).  Bor- 
nons-nous à  exposer  ce  qu'il  y  a  de  plus  ^k)- 
sitif  dans  le  texte  de  Moïse.  Nous  y  voyons 
toutes  les  Dations  de  l'Asie  oci:identale,  que 
cet  historien  a  connues ,  ramenées  à  trois 
familles  :  l'une,  celle  de  Sem  comprend  dos 

f>euples  pasteurs,  habitant  sous  des  tentes  ; 
'autre  se  compose  des  nations  industrieu- 
ses et  commerçantes,  dont  Cham  est  la  sou- 
ciée ;  eniln,  au  nord  des  deux  autres,  la  race 
de  Japhet  établit  ses  belliqueux  empires. 
«(  Sur  un  de  ces  points,  l'antique  tradi- 
tion iïes  nations  les  plus  éclairées  coïncide 
d'une  manière  frappante  avec  les  récits 
de  Moïse.  Cet  auteur,  et  plusieurs  autres 
écrivains  hébreux,  disent  positivement  que 
les  contrées  riveraines  de  la  Méditerranée, 
les  Iles  des  gentils^  furent  peuplées  par  les 
descendants  de  Japhet.  Or  les  Grecs  et  les 
Romains  font  descendre  le  genre  humain, 
c'est-à-dire  toutes  les  nations  à  eux  con- 
nues, de  Japeiusj  dont  le  nom  ne  diffère 
pas  essentiellement  de  Japhet  (8%). 

«  Encouragés  par  cet  accord  vraiment  sur* 
prenant,  des  hommes  d'une  vaste  érudition 
ont  cherché  à  flxer  le  nom  et  le  siège  pri* 
mitif  de  chaque  peuple  descendant  de  Ja- 
phet, de  Sem  et  de  Cnara  (897).  Mais,com- 

d^après  cela,  il  se  propose  cet  inléressant  problème  : 
quel  doit  ètns  le  lieu  d*où  les  diSerentes  peuplattes 
sont  parties,  comme  d'un  point  eentral,  pour  aller 
liabiler  les  diverses  contrées  de  la  terre  ?  et  il  mon- 
tre quil  n*y  a  d'autre  point  propre  à  satisfaire  ^  ce 
problème,  que  celui  qui  nous  est  assigné  par  Moibc. 
(Yovez  les  Recherches  asiaiiqiies.) 

(896)  IlEsioos,  Op.  dier.,  v.  50.  —  Oyid.,  Me- 
iam.^  i,  82.  —  Abistopb.,  Nub.^  v,  994.  —  Bob., 
],  od.  3. 

(897)  Parmi  ces  savants,  on  distingue  Docbarl, 
Cumberlaiid,  Fourmout,  Court  de  Gebelin,  etc.  Ce 
dernier,  dans  le  discours  préliminaire  sur  les  origi- 
nes grecques,  parle  des  connaissances  historiques 
de  Moïse  d*une  manière  bien  remarquable.  «  Mais 
qu*a  de  commun  Moî>e  av^c  les  Grecs,  diront  ceux 
qui  affectent  de  ne  faire  aucun  usage  des  connab- 


859 


PSY 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


ment  supposer  que  de  simples  noms  de  fa- 
mille aien«t  été  conservés  à  travers  les  vicis- 
situdes des  siècles  ?  Comment  reconnaître 
les  demeures  ou  les  traces  des  tribus  erran- 
tes, qui  n'élevaient  aucun  monument?  D*ail« 
leurs  ces  recherches  n'appartiennent  pas» 
dans  toute  leur  étendue,  au  plan  de  ce  traité  ; 
nous  nous  bornerons  aux  résultats  géogra- 
phiques les  moins  sujets  à  contestation. 

«  Descendants  de  JapheL  —  On  reconnaît 
Vfon  ou  Jelon  des  G.recs ,  père  des  Ioniens^ 
dans  lavan;  et  ilfa^ai  désigne  vraisembla- 
blement les  Mèdes,  Il  y  a  d'autres  noms 
d'une  interprétation  plus  diOicile:  tels  sont 
ceux  de  Gomer^  de  Magog  et  autres.  Ils  pa- 
raissent désigner  des  peuples  voisins  du 
Pont  Euxin  et  du  Caucase.  Celte  mer  inhos- 

Eitalière,  ces  montagnes  redoutables,  sera- 
ient être  les  limites  de  la  géographie  mo- 
saïque du  côté  du  nord  ;du  moins  les  prin- 
ces mêmes  de  l'érudition  ne  nous  ont  rien 
appris  de  positif,  dès  qu'ils  ont  voulu  con- 
duire les  nls  de  Japhet  plus  loin  (898)  ;  ce- 
pendant Théras  pourrait  bien  avoir  du 
rapport  avec  les  JAraces,  si  voisins  de 
l'Asie. 

«Un  des  descendants  de  Japhet,  par  lavan, 
est  nommé  Tharschich^  et  serait,  selon  Jo- 
sèphe,  la  souche  des  Ciliciens^  dont  Tarsus 
était  la  ville  principale.  Cette  opinion  n'a 
rien  d'invraisemblable;  elle  se  rattache  à 
Texplication  du  nom  d'Iavan  qu'on  vient  de 
donner,  ainsi  qu'à  celle  !dcs  noms  Dodanim 
ou  plutôt  Rodaninty  les  habitants  de  Rhodes 
et  (lElisa^  VEolide  ou  bien  VElide.  Mais  il 
est  difficile,  malgré  les  efforts  de  quelques 
savants  modernes  (899),  de  voir  dans  ce 
Tharsis  de  la  Genèse^  le  pays  lointain  dont 
les  richesses  furent  l'objet  des  voyages  en- 
trepris en  société  par  les  Hébreux  et  les 
Phéniciens,  du  temps  de  Salomon.  Saint  Je- 

sances  historiques  de  Moïse,  sous  prétexte  quM  ne 
faut  pas  mêler  le  sacré  avec  le  profane  ?  Ce  qu'il  a 
de  commun  avec  les  Grecs,  poursuit  Gebelin,  levoicî  : 
C*est  de  nous  2\oir  conservé  le  vrai  tableau  de  leur 
origine,  c'est  de  nous  avoir  transmis  une  tradition 
inflniment  précieuse,  dont  les  Grecs  eux-mêmes  ont 
laissé  fiétrir  la  pureté  :  c'est  en  apprenant  aux 
Israélites  leur  propre  origine,  d'avoir  tracé  de  main 
de  maître  la  première  carte  géographique  qui  ait 
existé,  restes  précieux  des  antiques  connaissances 
qu'on  irait  acheter  au  poids  de  l'or  chez  les  Indiens, 
les  Chinois  ou  les  Mexicains,  et  qu'on  dédaigne, 
parce  qu'on  les  trouve  dans  Pouvrage  d'un  législa- 
teur qui,  u'eût-il  élé  qu'un  homme  ordinaire,  aurait 
droit  de  nous  étonner  par  ses  profondes  connais- 
sances dans  les  arts  et  dans  les  sciences,  et  qui  joi- 
gnait à  l'avantage  d'être  historien,  celui  de  poète 
sublime,  i  (Honde  primitif,  t.  IX,  p.  46.) 

<  La  géographie  de  TEcrllure,  dit  le  savant  Plu- 
che,  est  d'un  prix  inestimable.  Prenons  le  Pcntaieii- 
que  ou  la  Genèse  seule  ;  voyons  Torigine  et  les  pre- 
miers progrés  des  n.itions.  Dans  le  récit  de  Mi>îse, 
on  trouve,  je  l'avoue,' des  lieux  et  des  peuples  que 
l'éloignement  des  temps  obscurcit  :  mais  de  lout  ce 

au*il  nomme,  ce  qui  est  encore  reconnaissable  dans 
9s  temps  postérieurs  justifie  sa  narration  par  une 
étendue  de  coniiaissanc<*s  qui  prouvent  ou  riiiFpira- 
tion,  ou  le  secours  d'une  tradition  lldcle.  Vous  ne 
trouverez  nulle  part  chez  les  profanes  une  pareille 
exactitude,  i  {Concorde  de  In  fjéografih.  et  Prépar, 


§ 


v6me  a  observé  et  M.  Gosselin  (900)  a  prouvé 
que  le  mot  Tharschichj  dans  les  passages 
où  il  est  question  des  voyages  que  les  Phé- 
niciens et  les  Hébreux  faisaient  en  parlsnl 
du  port  d'Ëziongeber^  sur  la  mer  Rouge,  n^; 
dénoteaulrechoseque«lagrandemer(dOl)  i 
«  Jamais  un  mot  n'a  produit  des  rechercht-j 
plus  savantes,  ni  un  plus  grand  nombre  dé< 
crits.  Le  seul  Ophir  peut  lui  être  comparu 
à  cet  égard.  11  parait  que  YOphir  [m]  M 
les  flottes  de  Salomon  rapportaient  Icstr/^ 
sors  de  Tlndoustan,  et  lOphir  dont  parV 
Moïse  (903)  étaient  deux  contrées  ab^^olu* 
ment  différentes,  comme  la  différenceorltn»- 
raphique  des  deux  noms  hébraïques  aurai 
û  le  faire  voir  aux  savants  qui  onldinuit 
cette  question,  d'autant  plus  que,  danfli 
version  des  Septante,  VOphir  de  Moisp 
rendu  par  Oupheir^  et  celui  des  temps 
Salomon,  par  Soophira  (904).  Le  prei 
était  sans  doute  une  contrée  de  FAra 
Heureuse;  mais  l'autre,  la  patrie  des  pieri 
gemmes,  des  bois  odoriférants,  de  Ford 
l'étain,  semble  devoir  être  cherché  dans 
Indes  orientales.  Les  Phéniciens,  ii(n»jr« 
prol>ablement  la  nature  des  moosim^oi 
vents  périodiques,  pouvaient  bienww 
soin  de  trois  ans  pour  aller  à  la  côlÊdelli 
doustan  méridional,  pour  y  faire  ^j 
achats  et  pour  revenir  aux  |)ortsder 
mée.  .Les  successeurs  de  Salomon  i 
perdu  la  souveraineté  de  ces  porls^  on 
çoit  que  les  navigations  des  Phénicici 
des  Hébreux  durent  cesser,  et  celle 
mière  découverte  de  l'Inde  n*eui  am 
suite. 

«  Descendants  de  Sem.  — Mais,  après* 
suivi    les   indications    géographiques! 
écrivains  hébreux  jusq.u'aui  dernières Ir 
tes  de  leur  mappemonde,  vers  rorienl 
nord  (ce  qui  déjà  nous  a  obligé  de  descd 

évangét,  i"  partie,  page  105.)  Voyez  aussi  laG^ 
phie  ancienne  de  D*Anville. 

Terminons  cette  noie  par  le  témoignage 
d*un  orientaliste  moderne,  qui  se  disiingoe 
variété  et  retendue  de  ses  connaissances  : 

c  De  tous  tes  vovages  que  oous  cachent  i««i 
dit  cet  écrivain,  le  plus  imposant,  sans  dou 
celui  de  ce  solitaire  qui,  s^échappant  de  }k 
conduisait  une  nation  dans  le  désert,  pariaii 
face  avec  Dieu,  et  donnait  une  croyance  au 

législateur Le  Peniateuque  est  le  ma 

écrit  de  ce  grand  voyage,  et  cnose  étrange  I  â 
nous  en  rapportons  à  riiisiorien  qui,  deno$ 
a  cherché  le  plus  laborieusement  les  orig» 
livre  a  reconquis  historiquement  TimporOQ 
lui  attribuaient  les  croyances  religieuses  ;  Sri 
y  trouve  la  première  origine  certaine  des  cbr 

§ies.  »  (Ferdinand  Denis;  la  PhUosttptiiednt 
ans  la  Re^iue  de  Paris  de  déeentbre  I8.'i) 

(898)  BOCHART,  P/lfl/eflf^— CUIIBERLA5I»,<M 

Imm  ;  Leibnitz,  SuHU.  etc. 

(899)  H\RTfi\îiS,  Recherches  sur  TAsicM^^^^ 
—  Bredow,  Recherches  géograph.^  Il,  âi>.>. 

(900)  Gosselin,  Recherches  sur  ta  géiigrapi^' 
cicnne,\l  120-185. 

(901)  Wahl.,  Indostan,  1, 205,  noi. 

(902)  //  Chron.  vui,  18. 

(903)  Gen.  x,  29. 

(901)  Consultez  Michael,  SpkUcg*  g^ojf. 


m 


PSf 


mCTIONÎ^ÂlRE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


86i 


è  des  siècles  postérieurs  k  Hoisc),  il  est 
temps  de  revenir  à  Texamen  des  pays  dési- 
gnés comme  le  séjour  des  Sémites  oa  des- 
cendants de  Sera.  Les  Hébreux  étaient  à 
mèmedebienles  connaître,  puisque  c*é(aient 
leurs  frères  et  leurs  voisins.  Aussi,  cette 
partie  de  la  géographie  hébraïque  est  bien 
précieuse;  elle  indique  Tidentité  d*origine 
de  presaue  Ions  les  anciens  peuples  des 
bords  de V Euchrale,  d'une  partie  de  l'Asie 
Mineure,  de  la  Syrie  et  de  l'Arabie  :  iden- 
tité parfaitement  constatée  par  la  ressem- 
blance de  leurs  langues ,  car  l'arabe,  l'hé- 
breu, Taraméen  ou  l'ancien  sjria(|ue«  ont 
autant  de  rapport  entre  eux  que  I  italien, 
Tespa^nol  et  le  français  (905). 

•  L  Elanif  i'Elyniaïs  des  Grecs,  longtemps 
nn  royaume  indépend<int,  VAssur  ou  VAs- 
tfrie^  et  YAram^  qui  est  la  Syrie,  rappellent 
incontestablement  trois  noms   des  tils  de 
Sem;  le  dernier  semble  connu  d'Homère 
qui  en  aura  fait  ses  Arimi.  Mais  on  ne  s'ac- 
corJe  fias  aussi  bien  sur  LteJ,  qui  nous  pa- 
rait pourtant  être  la  nation  des  Lydiens^  si 
puissante  dans  l'Asie  Mineure.  On  dispute 
STissi  pour  savoir  si  les  Chaldéens^  si  triste- 
taenl  célèbres  dans  l'histoire  juive,  descen- 
deûl  â^Arphacsadj  qui  est  la  souche  des  Hé- 
Irciiiet  de  tant  d  autres  peuples  sémiti- 
(joes,  et  qui  paraît  s'être  d'abord  établi  dans 
lAnBéaie  et  dans  la  Haute  Assyrie,  où  l'on 
if^ure   une   province   Arrapachitis.  On  a 
biéxe  cherché  à  retrouver  les  Chaldéens, 
Untùt  dans  les  Chalybee  des  Grecs,  tantôt 
(Jaos  les  5cyfAf«  qui  firent  une  invasion  dans 
l'Asie;  on  en  a  voulu  faire  une  race  indi- 
gène qui  serait  la  souche  des  Arméniens  et 
desiftfrifff  (906].  Mais  toutes  ces  discussions 
des  savants  modernes  n'ont  pu  fixer  les  sens 
(les  indications  vagues  que  les  écrivains  hé- 
breux»   postérieurs  à  Moïse,   donnent  en 
passant  sur  ce  peuple  d'abord  féroce  et  con- 
qoérantf  bientôt  riche,  civilisé  et  adonné 
aax  scî<^nces. 

t  C'est  dans  l'Asie  occidentale  quola  géo- 
graphie hébraïque,  d'accord  avec  tous  les 
auteurs  profanes,  indique  les  plus  anciens 
empires  que  nous  connaissons.  Leurs  im- 
menses capitales,  Babel  ou  Babylene,  et  Ni- 
nite  ou  Ninus,  ont  disparu.  Nous  cherchons 
en  vain  leurs  décombres  (907),  mais  le  sou- 
venir des  Assyriens  et  des  Chaldéens  est 
consetTé  par  Thistoire  des  peuples  qu'ils 
ont  soumis.  Alors,  plus  encore  qu'aujour- 
d'hui, les  ravages  de  la  guerre  changeaient 
l'état  et  les  liinites  des  pays  qui  devenaient 
la  proie  d*un  conquérant.  On  amenait  en 

(905)  Vofez  tes  aoteurs  cités  par  Adeliiig,  i/t- 
tkridaie^  I,  300  et  soiv. 

(906)  MiCHAEL.,  SpicUeg.  geog. ,  II,  77  ;  I0&.  ^ 
SaujOCZEa*  dans  Eichbobh,  Répertoire  oriental^  VIII, 
115.  —  FatCDBiCB,  dans  EicBHOR!« ,  Bibliothèque 
oriemt.,  IL,  425. 

(907)'Dé|mis  le  moment  où  écrivait  Malieorno, 
1810,  idosieurs  vovagears  ont  découvert  les  immen- 
les  raines  de  Babylone  et  de  Msive,  et  les  ont  dé- 
crites 9cw€C  beaucoup  de  détail  ;  voir  le  n«  5,  tom.  I, 
p.  516,  et  te  n*  23,  lom.  IV,  p.  359,  des  Annales.  — 
lu  ce  Qumient  d*immeuses  fouilles  ont  eu  lieu  par 


captivité  des  nations  entières;  on  leurassi- 

(;nait  de  nouvelles  demeures  (906j.  Dans 
es  superbes  capitales  de  Ninive  ou  de  Ba- 
bylone, les  princes  captifs  et  les  hommes 
les  plus  distingués  parmi  les  nations  con- 
quises, apprenaient  à  se  connaître;  des 
caravanes  y  apportaient  tout  ce  qui  était 
nécessaire  au  luxe  barbare  de  ces  temps. 
De  semblables  communications  ont  dû  faire 
nattre  les  idées  élémentaires  de  la  géogra- 
phie. Toutes  les  grandes  armées  qui,  dans 
ces  siècles,  inondaient  TAsie  occidentale, 
tiraient  leur  force  principale  de  la  cavale- 
rie. Un  écrivain  hébraïque  dit  en  parlant 
des  Chaldéens  :  a  Leurs  chevaux  surpassent 
eh  vitesse  les  panthères;  leur  cavalerie 
arrive  comme  un  essaim  d'aigles,  plus  rapi- 
des que  le  vent  (909).  »  Ces  circonstances 
expliquent  à  la  fois  la  rapidité  des  conouétes 
dont  parle  Thistoire  de  ces  siècles,  et  1  éten*» 
due  des  connaissances  géographiques  répan- 
dues parmi  les  peuples  dfe  rAsie  occiden- 
.taie,  mais  qui  semblent  cependant  se  borner 
à  ce  qu'on  pouvait  connaître  au  moyen  des 
voyages  par  terre. 

1  Au  midi  des  empires  de  Ninive  et  de 
Babylone,  plusieurs  peuples,  amis  de  la 
liberté,  changeaient  de  domicile  au  çré  de 
leur  humeur  inquiète.  La  géographie  des 
siècles  les  plus  reculés  distingue  déjà  les 
Edomites^  connus  des  Grecs  sous  le  nom 
(ÏJduméens;  les  Madianites^  très-ancienne- 
ment adonnés  au  commerce ,  mais  dont  le 
nom  disparaît  bientôt;  les  Nabàioths^  ou 
Nabathéens  des  Grecs  et  des  Romains,  tribu 

[principale  parmi  celles  du  nord -ouest  de 
*Arabie,  qui  font  remonter  leur  origine  à 
Ismaël  ;  beaucoup  d'autres  tribus  arabes  du 
centre  et  du  midi,  qui  regardent  comme 
leur  souche  Joclan  {jectan)j  et  parmi  les- 
quelles les  Homérites  établirent,  dans  IT^ 
men,  un  empire  longtemps  heureux  et  puis- 
sant (910);  enGn,  les  célèbres  Hébreux^  qui, 
d*apres  leurs  propres  livres,  sont  en  parenté 
avec  tous  ces  peuples,  et  se  disent  comme 
eux  descendants  de  Sem  par  Arphacsadf 
assertion  confirmée  par  la  ressemblance  des 
langues  (911).  Moïse  connaissait  même  le 
nom  de  Hadramauih  ou  Hazarmaveth^  con- 
trée d'Arabie,  encore  ainsi  nommée  de  nos 
jours  (912).  De  môme  que  nos  voyageurs 
modernes,  il  distingue  deux  cantons  dii 
nom  de  Chavilah  ou  Chaulan.  11  désigne 
Sana  sous  le  nom  d'Uzal,  encore  usité  (913). 
Semblables  aux  Bédouins  modernes,  la  plu- 
part des  anciens  Arabes,  et  les  Hébreux  eux- 
mêmes,  menaient  une  vie  errante;  rois  de 

ordre  du  gonvrniement  français  ;  on  possède  Ik^  Paris 
ttiot  un  musée  de  débris  de  NiniTe,el  plus  de  50,000 
pieds  d*iuscriptîons  ont  été  copiées  sur  les  seuls 
murs  d*un  palais.  Voy.  PaoraÉTics,  §  V. 

(908)  Jerem,  xiix.  —  Ezech.  xxx,  etc.,  etc. 

(909)  Bahaeuc,  i,  6,  9. 

(910)  SciiiLTE^s,    lltitoria   imp,   Joctanid,,    11, 

39  f le. 

(911)  Gfn.x,  21-^.  ^     .,       „ 

(9l2)G>ii.  X,  7,  29;  —  MirHAEUS,  Spicflfg,,\\, 
202  ;  —  Hartma^îi,  Hedterchei,  II,  2îi. 
(λI5)  NuiBCHB,  DescripL,  f,  201  (en  ail.). 


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DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


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m 


leurs  déserts,  aa  milieu  de  leur  heureuse 
famille  et  de  leurs  troupeaux  innorabrables, 
ces  patriarches  n^avaient  rien  à  envier  aux 
monarques  de  la  terre;  ils  ne  demandaient 
au  ciel  qu*un  peu  d'ombrage»  du  gazon  et 
une  fontaine.  Il  y  avait  aussi  des  tribus  agri* 
coles  ;  les  Homérites  élevèrent  des  digues 
pour  retenir  les  torrents  des  montagnes,  et 
des  aqueJucs  pour  en  distribuer  les  eaux 
dans  les  champs  (9U).  D'autres  tribus,  ayant 
dompté  le  chameau,  employèrent  ce  navire 
du  désert  à  transporter  en  Syrie,  h  Babylone 
et  en  Egypte,  les  parfums  et  les  |)ierres" fines 
de  rArabic  Heureuse,  et  plus  tard  les  pro- 
duits de  l'Inde,  que  le  commerce  maritime 
amenait  sur  les  côtes  de  TArabie  ^915j.  Il  est 
impossible  de  déterminer  à  quelle  époque 
ont  commencé  les  liaisons  des  Arabes  méri- 
dionaux avec  l'Inde,  et  leurs  établissements 
sur  la  c5te  orientale  d'Afrique.  Ils  connu- 
rent l'art  d'écrire  (916);  mais  il  n'est  resté 
de  leurs  plus  anciens  ouvrages  que  des  poé- 
sies admirables,  qui  ne  fournissent  aucun 
renseignement  géographique. 

«  Descendants  de  Ham  ou  Cham.^  La  troi- 
sième race  d'hommes  connue  à  Moïse  et 
aux  Hi»brenx  est  représentée  comme  la  pos- 
térité de  Cham  ou  Ham^  troisième  fils  de 
Noé;  et  les  malédictions  dont  tous  les  écri- 
vains hébreux  la  chargent  semblent  prouvi^r 
qu'elle  a  dû  différer  des  peuples  sémitiques, 
soit  pour  la  constitution  physique,  soit  pour 
la  langue  et  les  mœurs.  Le  nom  môme  diê 
Ham  ou  Cham  signifie,  en  hébreu,  ou  la  cou- 
leur foncée  de  ces  peuples,  ou  la  chaleur  du 
climat  sous  lequel  ils  habitent  (9I7j.  Ce  nom 
se  retrouve  évidemment  dans  celui  de  Cham 
ou  Chamia,  donné  à  l'Egypte  par  les  indi- 
gènes, dans  les  temps  anciens  et  moder- 
nes (918).  Il  est  également  incontestable  que 
le  nom  u'un  des  uls  de  //am,  3ïizr  (au  [ilu- 
riel  Mizratm)^  est  le  môme  qui,  chez  les 
A^rabes  et  les  Turcs,  désigne  enrore  aujour- 
d  hui  l'Egypte,  principalement  le.Delta  (919). 
Ce  point  de  la  géographie  mosaïque  semble 
donc  très-clair;  el,  s'il  nous  est  im|)ossible  de 
retrouver  d'une  manière  certaine  tous  les 

S  peuples  indiqués  comme  descendants  de 
fizraïm,  il  nous  est  pourtant  permis  de 
croire  que  les  Hébreux  connaissaient  toute 
1  Egypte  et  une  partie  des  côtes  africaines 
du  golfe  arabique. 

«On  ne  peut  guère  non  plus  douter  que  le 
nom  de  Kusch,  donné  à  un  des  fils  de  Ham, 
ne  désigne  les  peuples  de  l'Arabie  méridio- 
nale et  orientale,  où  les  géographes  grecs  et 
romains  connurent  les  villes  ou  peuples  de 
Saba^  do  Sabbalha^  de  Reghma,  et  autres, 
dont  les  noms,  selon  les  auteurs  hébreux, 
appartiennent  à  des  descendants  de  Kusch: 
mais  que,  d'un  côté,  ces  mêmes  peuples  se 

(9U)  Reiske,  De  Arabum  epocha  velustissima  : 
tapt.,  i7i8. 

(915)  Me&sddi,  Hi$t.  Jocianid.,  p.  181. 
(91«)  Job  x\x,  24. 

(917)  FoRSTER,  Efnst. 

(918)  Plut.,  fii  Iside  ;  —  Hartmann,  Etjypieti,  p. 

4  \  ci  ISlIDOR. 

(919)  fiDRisi,  Airka,  cd.  Hartmann,  p.  32i. 


soient  répandus  autour  du  golfe  persique,  et 
que  de  I  autre  ils  aient  envoyé  une  colonie 
en  Abyssinie,  ce  sont  des  Questions  pour  la 
résolution  desquelles,  ni  les  écrits  des  Hé- 
breux, ni  les  autres  monuments  ne  dous 
fournissent  des  détails  assez  étendus  et  as>ez 
authentiques  (920j. 

K  La  géographie  des  Hébreux  présente  des 
lumières  bien  plus  pures,  quand  elle  nous 
retrace  l'ancien  état  de  la  Palestine.  Celle 
contrée,,  théâtre  d'une  des  plus  anciennes 
révolutions  physiques  consacrées  par  l'his- 
toire, de  celle  qui  fit  écrouler  Sodome  el 
(iomorrhe  dans  les  abimcs  de  la  mer  Morte 
(921),  devait  le  nom  sous  lequel  les  Grées  la 
ronnurent,  aux  Philistins,  peuple  sorti  de 
l'Egypte,  et  qui  avait  d'abord  cherché  un 
a^ile  en  Chypre  (922).  La  Palestine  était  ha- 
bitée par  une  foule  d'autres  tribus  qui  lou* 
tes  descendaient  de  Chanaan  fils  de  Aam.Ceiie 
circonstance   pourrait    servir  à  eipliquer 
pourquoi  les  Phéniciens,  qui  parlaient  la 
langue  chananéenne,  trouvèrent  tant  de  faci- 
lité à  se  répandre  en  Afrique.  Lecouioierfe 
florissant  de  Tyr  et  de  Sidon  nous  étonnera 
moins,  lorsque  nous  nous  rappellerons  coKh 
bien  les  auteurs  hébreux  nomment  de  ni- 
les  murées  dans  la  Palestine  et  dans  laSr* 
rie.  Damas,  Hémath^  Hébron,  Jéricho,  exis- 
taient longtemps  avant  Athènes  ;  Sidon  e>l 
déjà  célébrée  par  Homère  ;  et  la  $uj)£rl/tr 
Tyr,  la  reine  des   mers,  nommée  p«f  kf 
écrivains  hébreux  du  temps  de  Dariti.ai'd 
préparer    pendant    plusieurs  siècles  itlîe 
grandeur  commerciale  dont  le  prophèltïi^i- 
chiel  traça  le  brillant  tableau  a  une  époque 
où  Rome,  sous  le  premier  des  Tarquins, 
commençait  à  changer  ses   chaumières  eu 
des  maisons.  Les  cèdres  du  Liban,  les  clièoes 
de  la  Bôzanée,  les  bois  les  plus  précieui  du 
Chittim  [Citium,  en  Chypre),  servaient  à  U 
construction  des  flottes  de  Tyr;  son  port 
était  le  marché  de  l'Asie,  de  I  Egypte  et  du 
la  Grècej   les  caravanes  de  TArabie  Heu- 
reuse, venues  d'/irfefi,de  Caneei  d  autres  vil- 
les, y  apportaient  les  pierres  gemmes,  te 
épiceries  et  les  étofi'es  de  l'Inde;  TEgyptico 
y  vendait  les  toiles  fines  ;  Damas  y  envoyait 
ses   laines  d'une   blancheur   éblouissante; 
l'argent,  l'étain,  le  plomb,  tous  les  métaux  de 
l'Asie  Mineure  y  arrivaient  par  les  vaisseaui 
de  Tarschisch  qui  peut-être  ici  désigne  Tar- 
sus  en  Cilicie;  les  Ioniens  y  achetaient  des 
esclaves,  ,et  probablement  toute  sorte  d'ou- 
vrages de  manufacturé  (923).  » 

Les  partisans  de  l'état  de  barbarie  origi- 
nelle n'ont  rien  à  opposer  à  res  téuaoignaifei 
des  maîtres  de  la  science,  dont  les  recher- 
ches approfondies  concordent  si  merveil- 
leusement avec  le  livre  sacré.  Etaient-ce 
des  barbares  que  Noé  et  ses  entants  et  les 

^  (920)  MicHAEL.,  SpicUeg.geog.,  I,  «43  ;  -  £«»• 
HOiUf,  Prog.  de  Kuschan*:  AmsUdl,  i774;LPMU, 

6lC. 

(921)  BcscBiNG,  dans  les  Annates  des  non^g^^  ^ 

\dh)  MiCHkZL.,  SpkiUg.,U  278,  308. 
(925)  Ezechiel,  xxvn,  5,  20. 


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mCTIONNÂIRE  APmjOGETIQUE. 


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fils  de  ses  enfants,  qui  s*cnTont  fonder  des 
Tilles  et  des  peuples  aux  quaire  Tenls  du 
ciel?  II  nous  semble  que  dans  le  récit  l>i« 
blique»  cette  famille  patriantale  se  présente 
a^rec  des  conditions  de  développement  in- 
tellectuel et  moral  qui  ne  permettent  pas  de 
mettre  en  doute  un  degré  très-remarquable 
de  ciTîlisation.  On  y  trouve  la  religion  ei  le 
culte  d'un  seul  Dieu,  Tautorité  |>aternclle« 
les  deToirs  des  enfants.  la  vertu  récom- 
pensée à  r^té  du  vice  puni»  la  science  et 
les  arts  nécessaires  dans  la  construction  de 
/arche,  le  soin  des  troupeaux,  lagricul- 
tare^  etc.  Ce  ne  sont  pas  là,  sans  doute,  d(  s 
iniiif*i»s  de  l>arbarie.  Si  donc,  en  deçà  de 
•-eue  date,  on  a  trouvé  des  nations  sauvages, 
f'est  une  chute,  une  dégradation,  mais  nul- 
lement un  état  originel. 

Ce  serait  une  ressource  désespérée  d'à* 
voir  recours  à  la  pluralité  des  espèces  hu- 
waines.  Sur  ce  point  aussi  on  trouve  toutes 
les  sciences,  Tarchéologie,  la  philosophie, 
là  psychologie,   la  linguistique,  l'éthuolo- 
iie^  ete.y  s'unissanl  de  concert  pour  démon- 
trer Tunîté  des  races  (1  ojf.  Races  hcmaixks.) 
C^  n*est  donc  pas  à  l'époque  du  déluge  et 
«Un»  la  Cunille  patriarcale  de  Noé,  d*où  sont 
vjtùs  tous  les  peuples,  qu*il  faut  chercher 
^ctt«  hmtarie  des  races  humaines  dont  on 
noos  pale,  s* unissant  entre  elles  comme  les 
mmêmmtrei  au  milieu  des  animaux ^  dont  elles 
^rmitmi  la  brutalité.  {Voy.  plus  haut  H.  db 
fiaoros^iB.j 

§Y- 

Ctt^SOMms  oacdeTaUréoDÎr  le  premSer  séjour  de  llKMDme, 
— GonsideratHiiis  générales.  —  Espèces  animales. — 
iipèees  végétales.  —  Fansse  interptréution  deqœl- 
fies  paflMgcs  de  la  Genèse  donnée  par  M.  de  Brolonne; 
ffâiiaiion. 

H  nous  reste  à  examiner  si  l'état  de  gros- 
sière bartMrie  qui  rabaissait  notre  espèce  au 
fiiveau  de  la  brute,  a  été  celui  des  premiers 
rommes.  Cette  théorie  a  contre  elle  les  tra- 
hi :i:ons  des  peuples  qui,  de  Taveu  de  Vol- 
f^ire  (llâij,  ont  lc;is  eu  pour  devise  ce  vers 
J  u  poète: 

Aurea  frima  sala  est  œias  .. 

L*&ge  d*or  le  premier  apparat  sur  la  terre. 

Les  preuves  en  sont  partout  dans  les  au- 
teurs latins,  grecs,  persans,  indiens,  chi- 
Mt^  etc.,  et  il  y  aurait  peu  de  mérite  à  les 
ir^rumuler  ici.  Nous  aimons  mieux  montrer 
ralKird  que  Tabjecte  hypothèse  du  natura* 
i^me  s*accorde  mal  avec  les  conditions  du 
«-jour  on  des  lieux  dans  lesquels,  de  Taveii 

e  \m  philosophie  (9â3),  en  cela  d'accord 

vec  les  monuments  les  plus  authentiques, 

bmame  fut  placé  à  son  origine. 

Jî  est  incontestable  que  toute  chose  occupe 

^rla  lerre  la  place  que  i  ui  assigne  sa  cond  i  tion 

'%siqne  et  la  dépendance  nécessaire  où  elle 

H  des  caoses  qui  la  consti tnen t,  la  conservent 

U.  la   modifient  d'après  les  lois  qui  lui  sont 

^rticulières.  Des  cas  d'anomalie  ne  délrui- 

^(  pas  la  proposition  dans  sa  généralité. 


Nous  pouvons  dire  oue,  s'il  est  vrai  que  cer* 
taines  espèces  de  plantes  et  d'animaux  sont 
particulières  i  certains  climats,  il  ne  l'est 
pas  moins  que  la  majorité  des  régétaux 
utiles,  des  animaux  qui  ont  été  appropriés 
aux  besoins  de  l'homme,  doit  se  retrouTer 
au  point  central  où  l'homme  a  eu  sa  pre- 
mière patrie. 

La  science  constate  que  la  terre  ou  le 
séjour  qui  allait  devenir  celui  de  l'homme 
était  préparé  pour  le  recevoir.  Chacune  des 
formations  successives  était  venue  en  son 
temps  et  lorsque  les  conditions  en  harmonie 
avec  son  existence  étaient  réalisées.  La  créa- 
tion animale,  par  exemple,  n'avait  pu  \a 
conserver  sur  le  sol  qu'après  que  la  crâ« 
tion  végétale  lui  avait  préparé  l'asile  et  la 
nourriture.  Ainsi  l'homme,  dernier  terme  de 
la  création  animale,  pour  ne  le  considérer 
que  sous  ce  rapport,  ne  pouvait  se  conserver 
qu'après  que  les  animaux  inférieurs  desti- 
nés à  i'aidec  ou  à  le  nourrir  se  seraient 
multipliés  sur  la  terre.  Tout  endroit  sur  la 
terre  ne  peut  donc  pas  être  choisi  indiffé- 
remment pour  y  reconnaître  le  séjour  pri- 
mitif de  I  humanité.  Il  résulte  du  rapport 
entre  les  êtres,  les  conditions  de  leur  exi^ 
tence  et  le  lieu  qu'ils  habitent,  que  l'homme, 
au  moment  où  il  prit  place  sur  cette  terre, 
qu'il  devait  moditier  de  tant  de  manières, 
mais  oui  n'obéissait  encore  qu'à  s^s  propres 
lois,  dut  trouver  son  séjour  disposé  non« 
seulement  pour  le  recevoir,  mais  pour  lui 
fournir  tout  ce  qui  devait  satisfaire  à  ses 
besoins  plus  nombreux,  soutenir  sa  faiblesse 
plus  grande,  faciliter  son  avenir,  si  différent 
de  celui  de  tous  les  autres  êtres  animés. 
Cela  fut  ainsi  incontestablement,  puisque 
l'homme  existe  et  qu'il  est  chargé  de  pour* 
voir,  par  lui-même  et  à  l'aide  des  prodnc* 
lions  naturelles,  à  sa  conservation. 

Ce  premier  lieu  fut  donc  celui  où  un  cli- 
mat moins  hostile  et  des  secours  plus  nom- 
breux réunissaient  les  avantages  divers  et 
nécessaires  au  développement  et  d'abord  au 
maintien  de  l'espèce.  Cela  ne  veut  pas  dioa 
que  tout  s'offrit  à  l'homme  sans  travail.  Ricki 
alors  n'eût  stimulé  son  activité;  et  l'activité, 
c'est  la  vie  même.  Cela  signifie  seulement 

3 ne  l'homme  prit  nais^ance  en  un  lieu  où  son 
éveloppement  et  sa  conservation  étaient 
possibles,  où  une  nature  féconde  et  facile 
laissait  recueillir  ses  dons  sans  un  travail 
impossible  à  l'être  qui  en  prenait  pos- 
session. 

Voilà  ce  que  l'observation  nous  apprend, 
et  ce  qui  explique  à  la  fois  et  la  nécessité 
d'un  premier  séjour  approprié  à  l'impuis- 
sance de  l'homme,  et  la  facilité  au'il  a  eue  à 
se  conserver,  à  se  multiplier  plus  tard  sur 
d'autres  points  où  il  aurait  péri  s*il  avait  pu 
y  naître. 

Fondés  sur  ces  considérations  et  sur  les 
données  historiques  et  les  traditions  qui 
nous  y  autorisent,  nous  ramenons  donc  la 
création  ou  le  premier  séjour  de  Thomme  à 


•«>r^)  Essai  sur  les  metmn,  ch.  4. 
N*jiJ;  Vof.  par  exemple,  M.  pic  Baotoioie,  Civil.  pHauliaf ,  liv.  iv. 


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DICTIONNAIKE  APOLOGETIQUE 


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861 


un  point  central,  dont  la  détermination  ré- 
sulte de  recherches  de  différente  nature.  Ces 
recherches  nous  conduisent  invinciblement 
î  reconnaître,  non  pas  rigoureusement,  mais 

f\ar  approximation,  cette  première  patrie  de 
'humanité  entre  les  30*  et  40'  degrés  de  lati- 
tude nord,  et  les  40*  et  70*  degrés  de  lon^ji- 
tude  à  l'orient  du  méridien  de  Paris  (^6). 

Mais  il  ne  suffit  pas,  pour  établir  le  séjour 
primitif  de  Thumanité  aux  lieux  que  nous 
venons  de  désigner,  que  les  recherches  his- 
toriques nous  }r  conduisent;  il  faut  encore 
que  la  population  primitive  ait  pu  trouver 
la  les  moyens  matériels  qui  devaient  assu- 
rer son  existence,  et  cette  dernière  démons- 
tration ne  fait  pas  défaut  plus  que  les  autres 
à  l'assertion  que  nous  nous  sommes  cru  en 
droit  d*émcttre  et  de  soutenir  jusqu'ici. 
L'homme  est  partout  également  fait  pour  la 
société,  mais  il  ne  peut  la  constituer  et 
Faméliorer  que  par  le  développement  de  ses 
facultés  et  à  l'aide  d*instrumenls  et  d'agents 
qui  multiplient  ses  forces  et  facilitent  Tex- 
tension  et  l'application  de  ses  idées.  Pour- 
(juoi  ne  parvient-il  pas  à  sortir  de  Tétat  sau- 
vage dans  un  lieu,  tandis  que  dans  un  autre 
il  entre  dans  les  voie$  de  la  civilisation? 
Pourquoi  reste- t-^il  immobile  ici,  tandis 
qu'ailleurs  il  étend  son  être?  c'est  que  son 
action  s'exerce  en  vertu  des  secours  qu*il 
rencontre.,  c'est  qu'il  trouve  ici  les  instru- 
ments de  civilisation  qui  lui  manquent  ail- 
leurs. L'Indien  de  l'Amérique  du  sud,  de|aiis 
qu'il  est  en  possession  du  cheva!,  commence 
un  état  social  analogue  à  celui  des  Tartares. 
Privé  de  ce  puissant  moyen  et  de  tous  ceux 
qui  sont  l'aiguillon  d'une  civilisation,  il 
avait  vécu  jusque-là  dans  une  tout  autre 
direction. 

Les  chances  de  civilisation  et  l'étendue 
de  cette  civilisation,  partout  où  elle  a  pu  se 
faire  jour  et  se  propager,  sont  subordonnées 
aux  instruments  que  l'homme  trouve  à  sa 
portée.  Il  fallut  qu*il  s'en  lit  des  auxiliaires 
et  que  ta  nature  elle-même  lui  fournît  les 
moyens  sans  lesquels  il  serait  resté  enseveli 
dans  son  impuissance.  11  résulte  de  ce  que 
la  sociabilité  était  une  condition  nécessaire 

(9i6)  On  trouvera  dans  les  Annales  de  phylosophU 
chrét,,  t.  XV,  2*  série,  p.  245,  un  article  curieux  de 
M.  le  ckev.  d«*.  Paravey  sur  le  premier  séjour  d»; 
Thomme.  C<*t  article  est  intitulé  :  bu  pialeau  cufmi" 
nant  du  mondt,  ou  du  plateau  de  Pâmer  et  de  ses 
quatre  fleuves^  considéré  comme  étant  le  lieu  de  rEden 
et  du  moiu  Mérou  des  Indiens.  Ce  plateau  de  Pâmer 
eat  terminé  vers  l'ouest  par  la  chaîne  du  Bélour  et 
fait  partie  du  Turckestan  (ancienne  Bactriane)  sous 
le  70*  degré  de  longitude  et  le  40*  de  latitude  nord. 

D*aprèi  Topinion  la  plus  commune,  le  pays  d'Eden, 
rcnlermaDt  le  paradis  terreiti*e,  aurait  été  situé  en 
Arménie.  On  lira  avec  un  vif  intérêt  sur  cette  ques- 
tion, les  recherches  de  M.  Eugène  Duré  et  de 
M^Fabbé  Grégoire  Kabaragy,  garabed,  collègue  de 
M.  Bore  à  PAcadéuiie  arménienne  de  Venise.  (Voir 
Correspondances  et  Mémoires  dà  M.  E.  Boré,  2 
vol.) 

Voici  ce  que  nous  donnent  les  étymologies  d<*s 
noms  employés  da.is  la  Genèse  pour  la  descTipti'U 
du  paradis  tenestre. 

L'Ëttruel   planta  Ghin  -  h  -  aden^  un  jardin  dans 


attachée  à  son  développement,  et  la  raose  la 
plus  active  de  ce  développeioeot  ultériettr^ 
que  la  Providence  a  pu  et  dû  placer  le  ber- 
ceau de  l'homme  au  lieu  où  les  instruments 
de  conservation  et  de  sociabilité  se  trou- 
vaient en   plus  grand  nombre.  Nous  oe 
disons  pas  tous;  nous  nous  boraons  à  pen- 
ser que  là  se  trou  vait  tout  ce  qui  était  iffl- 
médiatement  nécessaire.  De  proche  en  pro- 
clie,  comme  pour  appeler  reitensioo  de  la 
famille  humaine  et  entretenirractiviléaveo- 
tureuse  qui  devait  la  propager  sur  la  terre, 
s'otfraient  de  nouvelles  ressources, de» fruits 
plus  variés,  des  animaux  plus  numbreuiou 
plus  dociles.  11  fallait,  pour  que  Tactiviié 
de  l'homme  ne  s*endormit  pas  au  sein  d'une 
existence  trop  facile  et  trop  assurée, que  l'ai- 
guillondu  besoin  se  fit  sentir  à  lui.  La  double 
condition  à  la(|ueHe  les  localités  deTaieni 
satisfaire,  c'était  donc  de  réunir  les  moyens 
de  vivre  avant  toute  industrie,  et  une  éco- 
nomie pour  ainsi  dire  providentielle  daus 
la  répartition  des  moyens  qui  laissent  m 
place  aux  besoins  et  une  source  à  racliviie 
dans  l'utilité  et  l'agrément  des  découverlev 
Il  est  d'évidence  palpable  qu*au  nomlnv 
des  éléments  de  civilisation  Q^ureDt,aTai 
tout,  les  mo)[ens  d'alimentation  et  de  con- 
servation. Si  l'homme    ne  possédait  qse 
rinstinct  des  animaux,  l'instinct  satis£»i, 
nul  besoin  nouveau  ne  viendrait  stiortf/er 
son  activité,  et  la  prévoyance  lui  serait  in- 
connue.  Mais,  il  n'en  est    poioT  m  : 
l'homme  pense  et  combine  ;  la  satisbction^le 
l'instinct  est  pour  lui  le  commenceo^ttiUc 
laction  de  l'intelligence, et  là  est lasoure 
de  cette  ardeur  incessante  qui  ren\rsl&^ 
vers  le  nouveau»  par   Tesprit  du  mieui. 
C'est  lace  qui,  à  l'origine,  ne  lui  permit paî 
de  s'arrêter  à  la  première  et  incertaine  saiib- 
faction  du  besoin  et  le  conduisit  à  cberckr 
un  état  meilleur,  comme  il  le  fait  encuit 
aujourd'hui.  Le  domaine  de  rintelligema 
rationnellement  ses  bornes  dans  le  clianiP 
limité  concédé  à  notre  nature,  mais  il  nui 
a  pas  d'autres,  et  ces  limites  nous  lesi^arf 
rons.  Par  rapport  à  nous  l'intellii^enee  e>l 
infinie,  et  chaque  jour  elle  étend  et  perK* 

Ëden.  Los  Septanie  ont  ren.ln  oe  niotptrrK^«^<ri 
pris  du  chatdeen.  La  racine  de  ce  mot  uotb  dvuft 
ombrage  de  vofupté. 

Les  noms  de  guatie  principales  branches  à»  f{«* 
qui  sortait  d'Eden  sont  : 

i*  Le  Pichon  ou  Picon;  ce  serait  le  ?lzsft^^ 
la  Colchide  (Havila);  u*après  Slrabon  (L  tu)  ii'b''* 
riait  des  jpailleitf  s  d*or,  ainsi  que  le  du  ans^iBl'i^ 

2*  Le  Gihofi  ou  Guichon^  qui  signifie  imrétnatir 
rapide.  On  croit  que  c'Cii  VAraxe^  très-rapide  enw* 
(  t  prenant  sa  source  eu  Artitéai**. 

3*  Le  Tigre,  Tiypi:  d«s  Septante,  en  bébr«i  Ihif* 
K'  /,  qui  signifii*  rapide  comme  une  flèche  ;  c'cS'i  >»>** 
ce  que  signifie  Tigre  ei.  p  :rsan  et  en  médiquciO*'^^'* 
Cl'rce,  !.  IV,  cb.  9.  —  Maussac,  îm  not.  ad  PUi-  ^ 
fia  min.) 

4»  VEuphrate,  de  Ibébreu  Phrat,  qui  croit,  V^ 
fructifie. 

Voir  Panalyse  d'un  ouvrage  înédîl  do  P.  Préns^ 
sur  les  vestiges  des  principaux  dogmes €bréiîeii«)i* 
r«:i  retrouve  dans  les  hvrcs  cbiiiois;  àmsL%  ^ 
phil.  chrét.,  t.  XYI,  2*  série,  p.  «W. 


2 

i 


i9 


PSY 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


870 


ionne  sod  domaine.  Dès  le  début,  l'intelli- 
ence  Tint  donc  féconder  rapidement  les 
remières  ressources  acquises»  les  combl- 
er, les  conserver  et  constituer  ce  premier 
>nds  d*où  devait  sortir  une  si  merveilleuse 
uissance. 
Cestàcette  faculté  précieuse  que  lliomme 

dû   de  ne  s'arrêter  que  peu  de  temps 

la  ressource  unique  puisée  dans  les  fruits 

pontanés  de  la  terre.  Nous  disons  peu  de 

ï'mps,  parce  qu'en  effet  la  persislance  dans 

ette  nourriture,  insuflSsante  quand  elle  est 

eole,  n'aurait  pas  répondu  à  Fétonnantc 

ctivité  que  supposent  les  premières  décou» 

ertes.  Que  Ton  envisage  le  travail  vérita- 

lemeot  prodigieux  qui  s'opère  dans  la  tète 

e  1  eofiint  gui  a  tout  à  apprendre,  et  tout 

«qu'il  doit  savoir  pour  donner  un  sens  à 

es  premières  paroles,  et  Ton  se  fera  une 

née  de  la  promptitude  avec  laquelle  cette 

'remière  éducation   s'opère  dans  des  cer- 

*'èu\  neafs  et  continuellement  en  exercice. 

^  premières  découvertes,  l'invention  des 

/•>miers  arts,  nous  frappent  d'élonnement, 

'jrtoul  i>ar   la  succession  rapide  qui  dut 

''t-iialer  leur  développement. 

Il  semble  que  tout  dut   être  simultané 

*.^us  les  premiers  essais  de  l'homme.  Un 

r^ile,  àt%  instruments  de  chasse,  paraissent 

au«M  «ifles,  et  utiles  au  même  moment  que 

/a  DoerriCure  et  le  vêtement.  Le  besoin,  et 

;«•  tte^An  présent,  impérieux,  stimula  i'in- 

ri?:îi^nee  et  produisit  ces  prodiges  de  l'in- 

l:i^'/ne  naissante. 

O  fut  donc  avec  rapidité,  qu'aux  fruits 

;^'^»ntanés  de  la  terre,  Tbomme  joignit  une 

'/>urritnre  plus  substantielle.  Il  la  trouva 

ans  \es  animaux  sauvages  ou  domestiques, 

\  dans  la  culture  des  végétaux  nourris- 

%ûls. 

La  question  des  végétaux  et  des  animaux 

fvenus  utiles  h  l'homme,  se  divise.  C'est 

'ii>ord  le  lieu  où  ils  prirent  naissance, 

ais  Tasser vissem eut  des  espèces  animales 

:  ta  culture  des  espèces  végétales.  Ce  qui 

>us  occupe  ici,  c'est  la  première  question; 

le  se  borne  à  la  reconnaissance  de  leur 

'emtère  patrie.  Si  elle  ne  peut  être  établie 

#>ili¥ement  dans  tous  les  cas,  au  moins 

ftit-on   assigner  d'une  manière  approxl- 

Btîre  et  plausible  la  patrie  des  auimaux 

des  ▼égétaux  les  plus  utiles.  Une  géo- 
*aphie  zoologique  et  botanique  comporte 
autres  détails  que  ceux  dans  lesquels  nous 
>uvons  entrer,  elle  se  propose  un  but  tout 
itre  que  celui  que  nous  poursuivons.  De 
tte  question  si  vaste,  et  que  le  savoir 
is^i  positif  qu'il  est  immense,  d'un  Hum» 
>' Jt,  pourrait  seul  aborder,  nous  n'envisa- 
rons  rapidement  que  la  moindre  partie. 
o*étaît  pas  nécessaire  que  la  création  tout 
itîère  se  trouvât  représentée  aux  lieux  où 
lOmme  prit  naissance,  mais  seulement  la 
^ioa  des  êtres  créés,  végétaux  ou  ani- 
èuXf  sans  lesquels  la  conservation  de 
'i^'Oime  aurait  été  impossible.  Nulle  part 
^ae  rencontre  d'une  manière  complète  la 
Union  des  êtres  des  deux  règnes.  C'est 
^ùc  seulement  là,  où  se  trouvent  en  plus 


grand  nombre  ceux  qui  sont  indispensables 
ou  utiles,  que  la  probabilité  du  séjour  pri- 
mitif est  la  plus  grande,  autant  pour  eux 
que  pour  Thomme  lui-même. 

Les  migrations  qu'auraient  pu  subir  les 
végétaux  et  tes  animaux,  sont  plus  difficiles 
encore  h  discerner  que  celles  de  rhomme. 
Ici  du  moins,  la  volonté,  libre  ou  contrainte, 
préside,  et  on  comprend  des  masses  aven- 
tureuses ou  exilées  qui  se  transportent  à  de 
grandes  dislances.  Avec  une  industrie  en- 
core bien  peu  perfectionnée,  l'homme  peut 
s'accommoder  à  d'autres  climats,  et,  par  la 
variété  de  ses  ressources,  subir  sans  danger 
des  influences  non  moins  diverses.  Il  n'en 
est  plus  de  même  pour  les  êtres  desquels  la 
pensée  est  absente,  ou  dans  lesquels  elle 
est  renfermée  dans  les  bornes  de  la  vie  ani- 
male. A  la  rigueur,  on  comprend  lesanimaux 
iK)ursuivis,  et  fuyant  devant  les  attaques  de 
l'homme  ;  les  semences  conQées  au  veiit,  et 
portant  de  proche  en  proche  les  fruits  variés 
que  modifieront  les  climats;  mats  cela  ne 
suffit  pas  pour  nous  expliquer  toutes  les 
productions;  des  animaux  semblables  ou 
analogues,  se  retrouvent  à  de  grandes  dis- 
tances, sans  que  les  intervalles  qui  les  sé- 
parent aient  conservé  le  témoignage  d'un 
passage  antérieur,  ou  d'un  séjour  intermé- 
diaire. La  même  observation  s'appliaue  aux 
végétaux,  et  il  est  difficile  pour  les  uns 
comme  pour  les  autres,  de  les  retrouver  à 
l'état  sauvage  ou  primitif.  La  culture,  le 
croisement,  la  domesticité,  ont  altéré  beau- 
coup de  types.  Dans  sa  lutte  contre  la  nature, 
lutte  sans  repos  comme  sans  terme,  l'homme 
ne  s'est  pas  borné  uniquement  au  soin  de 
sa  défense  ;  il  a  bientôt  reconnu  que,  parmi 
ces  animaux  qui  le  menaçaient,  quelques- 
uns,  plus  doux  que  les  autres,  pouvaient 
être  réduits  en  esclavage.  La  modification 

3ui  suivit  le  passage  de  l'état  sauvage  à  l'é*aK 
omestique,  la  perpétuité  imprimée  à  cette 
race  domestique,  altéra  profondément,  et 
souvent  d'une  manière  irrévocable,  l'espèce 
originelle. 

La  recherche  des. types  sauvages  et  de  leur 
séjour  primitif,  n'est  donc  pas  toujours  pos- 
sible, et  les  lumières  que  l'on  peut  tirer  de 
ce  mode  d'investigation  ne  s'appliaueraient 
pas  à  tous  les  cas.  Mais,  à  leur  défaut,  et 
quand  on  est  privé  de  la  ressource  de  l'ob- 
servation directe,  d  autres  renseignements 
{)euvent,  jusqu'à  un  certain  point,  nous 
aire  asseoir  un  jugement  probable.  Par 
exemple,  on  ne  retrouve  pas  l'espèce  sau* 
vage  du  mouton,  ou  plutôt  une  espèce  dans 
laquelle,  à  la  suite  de  modifications  pro- 
fondes, on  pourrait  se  croire  fondé  à  placer 
son  origine  ;  il  est  devenu  tellement  do- 
mestique, qu'il  n'est  guère  possible  de  le 
concevoir  dans  un  autre  état,  et  peut-être, 
en  effet,  la  domesticité  ne  l'a-t-elle  pas  mo- 
difié essentiellement. 

Les  animaux  domestiques  se  sont  en  gé- 
néral tellement  écartés  de  leur  type  origi- 
nel, que  ce'n'est  plus  qu'à  l'aide  de  l'inves- 
tigation scientifique  que  l'on  peut  resaisir 
leur  souche  sauvage;  on  n'y  rattache  même 


87} 


PSY 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


S7! 


quelques-uns  d'tDlre  eux  que  systémati* 
quement,  et  des  doutes  très-légitimes  conti- 
nuent d*exercer  la  sagacité  des  naturalistes. 
Plusieurs  espèces  animales,  aujourd'hui 
nettement  séparées  par  les  distinctions  que 
rhabitude  a  introduites,  peuvent  n*étre  que 
des  races  factices  auxquelles  on  ne  peut 
assigner  aucune  espèce  pour  tige  C'est  dans 
celte  catégorie  que  Pal  las  (927)  range  le 
mouton,  la  chèvre,  le  chien  et  la  plupart 
des  volatiles.  Mais  le  chevaji  Tâne,  le  tau- 
reau, le  chameau,  le  dromadaire,  ces  véri'- 
tables  auxiliaires  de  l'homme,  se  sont  peu 
écartés  des  espèces  sauvages.  C'est  toujours 
à  l'Asie  centrale  que  Pallas,  et  après  lui  les 
autres  naturalistes,  les  rapportent. 

Or,  si  l'homme,  pour  se  développer  et 
pour  arriver  h  ce  développement  avec  la 
rapidité  qui  semble  y  avoir  présidé,  avait 
besoin  de  ces  puissants  auxiliaires,  c'est 
dans  leur  patrie  qu'il  a  dû  prendre  nais- 
sance, Duisque»  pour  les  posséder  réunis, 
ou  les  aller  chercher,  et  les  transporter  sous 
toute  autre  latitqde,il  aurait  dû  jouir  d'une 
civilisalion  oui  ne  pouvait  se  produire  sans 
eux.  Leur  (ait,  leur  toison,  leur  chair 
môme,  lui  ont  fourni  la  nourriture  et  le 
vêtement  ;  leur  secours  a  rendu  sa  chasse 
plus  productive;  enfin,  le  perfectionnement 
qui  a  surpassé  tous  les  autres,  oui  a  été  le 
fondement  véritable  de  la  société,  l'agricul- 
ture, ne  serait  sans  eux  qu'un  travail  aussi 
peu  productif  qu'il  serait  pénible. 

C'est  aux  merveilles  produites  par  le  se- 
cours des  animaux,  et  en  particulier  du 
plus  utile  de  tous,  le  bœuf,  que  la  société  a 
dû  sa  richesse  agricole,  et  par  conséauent 
sa  fixité.  La  reconnaissance  des  peuples  a 
perpétué,  par  des  honneurs  qui  trouvent 
du  moins  leur  excuse  dans  l'immensité  du 
service,  l'assistance  Qu'ils  lui  ont  due.  La 
race  bovine  a  été  déifiée  dans  l'Inde  ;  en 
Perse  elle  était  le  symbole  du  soleil;  tout 
le  monde  sait  le  rûle  qu'elle  joua  en  Egypte. 
Le  cheval  sauvage  se  retrouve  encore  oe  nos 
jours  sur  les  bords  do  la  mer  Caspienne, 
dans  les  mêmes  contrées  où  la  mer  Scy- 
thiquc  septentrionale  a  multiplié  des  hordes 
auxauelles  ont  succédé  les  Tartares.  Les 
Scythes  trouvèrent  à  la  fois  dans  le  cheval, 
le  lait  et  la  chair  qui  les  nourrissaient, 
rinstrument  et  le  compagnon  docile  de  leur 
vie  errante.  Son  existence  dans  l'Asie,  et 
l'emploi  que  l'homme  en  a  su  faire,  se 
trouvent  aussi  constatés  par  le  signe  pri- 
mitif qui  le  désigne  dans  1  écriture  chinoise. 
Le  dromadaire  et  le  chameau,  aue  nous 
sommes  habitués  à  voir  en  Arabie  et  en 
quelques  parties  de  l'Afrique,  vit  aussi  dans 
le  nord-est  de  la  Perse.  L'âne  a  été,  <lit-on, 
retrouvé  à  l'état  sauvage  dans  la  même  con- 
trée. Le  chien  est  partout.  Partout  il  dut 
£tre  l'ami  de  l'homme,  son  compagnon  de 
ebasse,  son  serviteur  utile  pour  la  garde  et 
la  surveillance  des  troupeaux. 

Les  diverses  zones  du  globe  paraissent 

(9i7)  Acad,  de  Saint-Pétersbourg,  I780,n«  partie. 

(9^S)  STHiDON,  lîv.  XV 


avoir  leurs  céréales  particulières;  les  plus 
utiles  de  toutes,  le  blé  et  le  riz,  ippartien* 
nent  à  l'Asie  :  le  blé  est  un  proiluit  du  nord 
de  cette  contrée,  tandis  que  le  riz  croît  sur* 
tout  dans  la  partie  mériclionale.  Le  fromeot, 
suivant  quelques  naturalistes  modernes,  a 
été  retrouvé  dans  TArménie  et  la  Perse  sep- 
tentrionale, à  sou  état  naturel  primitif.  U 
culture  s'en  est  emparée  et  semble  \mr 
rendu  propre  à  l'Europe,  particulièremeDi 
à  la  France  et  à  l'Angleterre.  Les  mm\ 
auteurs  donnaient  la  Babylonie  pour  pa(ri<» 
aux  céréales  de  l'Asie,  Le  blé  nuir,  ou  sar- 
rasin, est  venu  dans  l'Occidenl,  avec  plu- 
sieurs  autres  végétaux,  à  la  suite  des  [peu- 
plades émigrantes.  L'avoine  se  rattache k. a 
race  celtique.  Les  végétaux  nourrissants  «e 
trouvent  ainsi  répartis  entre  les  différent 
zones.  La  zone  torride,  entre  toutes^  ûm 
sa  partie  asiatique,  où  le  riz  dotoioe,  parli« 
culièrement  dans  l'Inde,  semble  contecir 
le  plus  grand  nombre  de  céréales;  le  (pi- 
ment se  montre  prihcipalement  ms  \i- 
tropiques.  La  Syrie  était,  au  temps  do  S(rs- 
bon  (928),  la  limite  de  la  culture  du  m 
La  fève  commune,  attribuée  par  les  uo^i 
l'Egypte,  est  placée  par  les  autres  eolrt; 
mer  Caspienne  et  la  Chine. 

Mais,  nous  l'avons  déjà  remarqué, ita- 
me,  avant  de  chercher  dans  les  céréateun 
aliment  solide  et  fortifiant,  dutaroirre* 
cours  aux  fruits  qui  s'otfraieat  i  Ioj  51^5 
culture,  et  sans  exiger  les  soins  <<aoe/o« 
dustrie  que  le  temps  seul  pouviil  loKaire 
découvrir.  C'est  donc  principaleaiwt,(lii\s 
la  question  qui  nous  occupe,  la  pairie  àh 
fruits  qu'il  nous  importe  de  signaler. 

Slrabon  (929)  et  Tournefort,  à  bien  d^ 
siècles  de  distance,  sont  d'accord  pour  pla* 
çer  en  Géorgie,  sur  les  cèles  de  la  nier 
Noire  et  les  environs  du  Caucase,  les  |>oni« 
mes,  les  poires,  les  pèches  et  d'autres  fruib 
à  noyau,  aussi  bons  sans  culture  que  n^^ 
produits  de  la  crefTe.  Le  fijjuier,  aussi  sou- 
vent mentionné  dans  les  livres  sacrés  ipe 
dans  les  auteurs  profanes,  faurnissait  uito 
nourriture  habituelle  aux  peuples  de  TA^e. 
La  culture  de  la  vigne  est  tout  à  fait  |tarti 
tiiulière  à  l'a  race  caucasienne;  et  pour  su 
origine  ce  ne  serait  qu'entre  le  iniili  ^^ 
l'Europe  et  J'Asio  que  I  on  pourrait  bô^iltf' 
Moïse  tranche  la  question  |>ar  ce  qu'il  rajC 
porte  de  Noé,  par  les  raisins  de  la  lerf' 
[)romise;  ce  qui  prouve  assez  que  l3  vijiii* 
était  cultivée  et  appréciée  dans  toute  rA>MV 
longtemps  avant  que  TOccident  connût  la 
première  lueur  de  la  civilisalion.  L'oraft:? 
appartient  à  l'Inde  orientale  et  àbChinr; 
les  citrons  ont  été  ap[)orté$  de  la  Médieaui 
Romains;  tout  le  monde  sait  Thistoire  J''' 
.  cerises,  conquête  célèbre  dont  Lucullu^^  «^'^ 
richit  l'Italie. 

Maintenant,  nous  le  demandons, est-il  utte 
contrée  sur  la  terre  où  les  espèces  animai 
et  végétales  se  rencontrent,  nous  ne  dis<)Di 
I»as  en  aussi  grand  nombre,  mais  eu  à^^ 

(9^9)  Strabojï,  !iv.  m. 


ra 


PSt 


mCTK»fNAllt£  AP0U)GET1QI]E. 


PS¥ 


«74 


aand  aumbre,  pour  aroir  pu  fournir  h 
^oaime  les  secours  sans  lesquels,  pour  lui, 
rirre  aurait  éié  impossible.  L'orgueil  des 
peuples  les  a  engagés  à  peu  près  tous  à 
> lacer  le  berceau  de  rhumanite  dans  leur 
'Topre  patrie  ;  mais  œs  prétendus  autocb* 
houes  fi*ont  h  nous  offrir,  à  côté  de  leurs 
^rélenlions,  <|u*une  misère  qui  les  surpasse 
i  les  an^tiL  La  première  bmille  aurait- 
Ile  vécu  dans  ces  montagnes  de  TAfrique 
rui,  i  défaut  des  fruits  de  la  terre,  ne  pro- 
uitde  temps  immémorial  oue  des  esclaves? 
Ikaoaafl  «era  le  serviteur  de  ses  frères,  dit 
»'oé  (990)  dans  la  malédiction  dont  il  frappa 
on  fils.  La  placerons-nous  À  rAltaï,  où  la 
opalation  n  a  pu  s*étendre  et  se  maintenir 
[ne  par  ta  domesticité  des  animaux  et  pos- 
j|neurement  aux  premières  conquêtes  de 
industrïa  naissante?  Si  des  races  nous  pas- 
flos  «ax  peuples,  nous  arrêterons-nous  à 
t^p&e,  où  toute  Tie  est  une  conquête  de 
tcirillsatioo?  En  Grèce,  où,  de  Taveu  de 
«s  historiens,  le  gland  fut  la  nourriture  des 
Premiers  habitants,  où  l'art  de  l'agriculture 
u(  la  leole  oooquéte  des  ^ècles  et  le  fruit 
4rdiff  des  legons  des  dieux?  Dans  la  Celtique, 
v>nt  te  civifisafion,  plus  tardive  encore,  a 
ttaiempronléè  l'Asie,  et  que  nous  classons 
«laitt  \t  Int  successif  des  populations  ?  Nous 
ne  pukHip^  des  prétentions  moins  écla- 
Laoïes  at  aHiins  fonaées  encore^  s^il  est  pos- 

CeM  danc  au  nord  de  l'Inde,  à  l'orient  de 
ta  Ferse  om  dans  l'Arménie,  que  nous  rap- 
«Heat  Fane  et  Fautre  méthode.  C'est  là  «eu-> 
emeoi  qae  se  trouvent  en  plus  grande  quan- 
\té  les  animaux  et  les  végétaux  en  général, 
(  en  particulier  les  auxiliaires  de  la  civili^ 
itàfm.  Caat  sur  cette  terre  féconde  que 
\ftrissent  les  fruits  les  plus  savoureux, 
Hu  ce  ciel  Inmiaenx  et  puissant  que  les 
Maies  se  propagent  en  abondantes  mois- 
MIS.  Cest  là  aussi  que  l'homme  a  dû  naître. 
Dl'e  part  ailleurs  il  n'aurait  trouvé  avec  la 
ême  abondance  le  soutien  et  déjà  Fembel- 
tsement  de  sa  vie.  C'est  de  là  qu'il  est 
trti  pour  s'élancer  dans  les  voies  du  pro- 
ès  terrestre.  De  là  date  son  premier  pas 
srs  la  limite  inconnue  qu'il  poursuit  par 
igrandissement  de  ses  fiicuués^  par  ses 
oqnéles  dans  l'ordre  moral  et  intellectuel, 
son  capprochement  vers  le  modèle  idéal 
B  beaa,  du  bien,  du  vrai,  dont  le  tjrpe  est 
e  Diea  et  le  besoin  dans  tous  les  cœurs 
«ils,  dans  tous  les  esprits  sincères, 
if  aoo5  semble  donc  que  l'étude  des  lieux 
;  d  affres  Moise,  fut  placé  le  i>erceau  des 
emiers  hommes,  loin  de  fiivoriser  la  sup- 
aîlioa  d'un  grossier  état  de  nature,  le  re- 
fisse at  contraire  invinciblement*  Si  les 
^sources  matérielles  doivent  être  comptées 
rmî  les  conditions  et  les  moyens  de  civi- 
atiofiy  oà  pourrait-on  en  rencontrer  de 
os  importantes  et  en  iilus  grand  nombre 
le  dnôa  la  contrée  occupée  par  Adam  et 
s  (lesceiHiaBts T  M.  de  Brotonne,  qui  re- 
^hsÊl   tant  cela,  n'en  affirme  pas  moins 


que  «  l'homme  primitif  ne  peut  éire  conçii 
que  dans  l'état  errant  et  sauvage,  sans  artf, 
sans  police,  sans  lois.  C'est  sous  cet  aspect 
qu'on  est  contraint  de  l'envisager,  d'après 
les  cosmogonies  anciennes,  sans  en  excepter 
la  Bible.  Donner  aux  enfants  de  Caïn  Tin- 
vention  des  arts,  c'est  assez  dire  qu*avant 
eux  il  ne  pouvait  exister  que  fétat  sauvage, 
ou  un  fabuleux  flse  d'or  qui  manquait  de 
tout  et  surtout  d'ioées. 

«  Dans  l'bjpothèse  qui  nous  présente 
rhonime  formé  complet  au  physique  et  au 
moral,  nous  nous  heurtons  contre  des  ira- 
|)Ossîbilités  de  toutes  sortes.  Nous  sommes 
forcés  de  reconnaître  dans  Tétre,  tout  à 
l'heure  confondu  dans  le  néaut  et  qui  vient 
d'être  produit  à  U  lumière,  non-seulement 
toutes  les  facultés  en  germe  et  en  manifes- 
tation, mais  de  le  supposer  armé  de  tous  les 
instruments  qui  assurent  son  empire  et  ser- 
vent à  l'exercer.  De  cet  état  complet,  par  un 
inexplicable  changement,  i»ar  un  oubli  plus 
inconcevable  encore,  il  aurait  passé  appa- 
remment à  l'ignorance  la  plus  absolue,  car 
entre  la  première  eénération  heureuse  et 
éclairée,  et  la  seconde  ignorante  et  maudite, 
où  placer  la  dégénérescence?  11  faudrait 
donc  l'accepter  comme  possible,  en  la  tai- 
sant commencer  dès  l'apparition  du  premier 
homme,  et  même  dans  une  partie  de  ta  vie 
d'an  seul  homme  ;  car,  dès  la  seconde  gé- 
nération et  successivement  dans  celles  qui 
s'y  lientt  nous  voyons  les  hommes  inventer 
les  premiers  arts  encore  grossiers,  et  cela 
aussi  bien  dans  la  Genèse  mosaïque  que  dana 
toutes  les  Genèses  profanes  (d31}.  » 

Ce  n't!St  pas  sans  étonnement  qu'on  voit 
an  auteur  aussi  grave  que  M.  de  Brotonne 
s'embarrasser  dans  des  raisonnements  qui 
supposent  une  inconcevable  ignorance  du 
sens  que  présente  le  texte  sacré.  «  Donner 
aux  enfaats  de  Caïn  l'invention  des  arts, 
c'est  assez  dire  qu'avant  eux  il  ne  (touvait 
exister  que  l'état  sauvage  ou  un  fabuleux 
âge  d'or  qui  manquait  Ue  tout  et  surtout 
d  idées.  » 

Caïn  et  Abel,  les  premiers  enlants  d'Adam^ 
étaient  l'un  laboureur,  l'autre  pasteur  de 
brebis.  Or,  ces  deux  professions  ne  peuvent 
s*exercer  sans  industrie,  sans  arts,  sans  ins- 
truments, au  moins  ceux  de  première  né- 
cessité. Peutron  supposer  sans  absurdité  que 
ceux  qui  leur  avaient  donné  le  jour,  qu\i- 
dam  et  Eve,  les  premiers  membres  ou  plutôt 
les  chefs  de  cette  iamille  primitive,  fussent 
à  Féiai  iauvage  et  moins  civilisés  que  leurs 
enfants?  Où  donc  M.  de  Brotonne  a-l-il  vu 
que  les  arts,  surtout  ceux  de  première  né- 
cessité, n'ont  été  inventés  que  par  les  enfants 
de  Caïn  ?  Moïse  nous  dit  que  label  fut  père 
de  ceux  qui  liabitaient  sous  des  tentes;  cela 
ne  signiGe  pas  qu'il  ait  inventé  ou  les  tentes, 
ou  les  peaux  e't  les  étoffes  qui  servaient  à 
les  construire.  Moise  nous  dit  aussi  que 
Jubai  fut  le  père  d'une  (amiHe  où  Ton  savait 
jouer  des  instruments  à  corde;  ces  arts  de 
luxe  supposent  une  civilisation  assez  avaa* 


'^<^0)  Cemèse^  cap.  ix,  25  :  Maiedictus  Chanaan^  unms  urtonm  erit  fratribut  saU. 
^^31  >  CimL  prim.,  p.  149. 

DUcn05HAlAfi  APOLOGÉTIQLE.  IL 


as 


875 


PSY 


DICTlONiNAIRIi:  APOLOGETIQUE. 


PSY 


re 


céc;  mais  rien  ne  nou^  autorise  à  croire 
qu  avant  Juhal  on  ne  connût  ni  la  musique 
ni  la  harpe  ou  la  cithare.  Il  en  est  de  même 
encore  de  Tubaleaïn»  qni  savait  polir  et  per- 
fectionner toute  espèce  d*ouTrages  en  fer  et 
en  airain  :  Acuentem  omne  opiâcium  mri$  et 
ferrie  dit  Thébreu  ;  qui  fuii  malleator  et  faber 
ni  cuHcta  operarœris  et  ferrii  dit  la  Vulgate. 
Ces  textes  ne  disent  nullement  que  Tubal- 
caïn  fut  rinvenleur  dos  ouvrages  en  fer  et 
en  airain,  mais  simplement  qu*il  était  ou- 
vrier. 

Où  M.  de  Brotonne  a-t-il  appris  qu'Adam, 
après  sa  chute»  passa  de  Fétat  complet  au 
phutique  et  au  morale  dans  lequel  il  avait 
été  <;reé,  à  Fignoranc'e  la  plus  aoêolue  f  Dieu 
ne  cessa  de  s*occuper  des  deux  coupables  ; 
il  leur  fit  dei  tuniques  de  peaux  et  les  en  re.- 
vétit  (Gen.  u,  21);  voilà  pour  le  vêtement  ; 
et  s'il  les  bannit  du  jardin  de  délices^  c'était 
pour  qu'Adam  labourât  la  terfe  d!'où  il  avait 
été  tiré  {Ibid,,  v,  23);  voilà  pour  la  nourri- 
ture; Adam  la  tirera  du  sein  de  la  terre 
par  ragricttllure.  Notre  premier  père,  d'ail- 
leurs, ne  faisait  que  continuer  l'exercice 

•d'un  art  (]ui  ne  lui  était  pas  inconnu,  puis- 
qu'tï  avait  été  ptacé  dans  le  jardin  d'Eden  pour 
le  cultiver  et  U  garder^  dit  la  Genèse  (932). 

•    Au  point  de  vue  où  nous  nous  sommes 

Elacé  dans  ce  paragraphe,  c'est-à-dire  au 
.  arceau  des  premiers  hommes,  il  n'y  a  donc 
rien  encore  en  faveur  d'un  état  de  nature^ 
et,  s'il  y  a  eu  dégénérescence,  elle  est  évi- 
demment postérieure  à  ce  point  de  départ 
de  l'humanité. 

§  vr. 

La  nature  et  les  fiieultét  de  rbomme  prouvent  que  l*état 
de  nature  n'a  pu  exister. 

La  philosophie  moderne,  en  publiant  que 
riiomme  a:  trouvé;  les. idées  sans  idées,  les 

(irincipes  sans  principes  «  le  langage  sans 
angage,  admet  aussi  qu'il  a  trouvé  la .  v^ 
rite,  qu'il  a  trouvé  la  société,  qu'il  a  trouvé 
Dieu.  Donc,  premièrement,  l'esprit  humain 
reconnu  comme  première  cause  et  premier 
principe  duiout,  est  aussi  le  souverain  iuge 
qui  décide  en  dernier  ressort  du  vrai  ou 
du  faux,  du  bien  ;0u  du  mal.  —  Donc  aussi 
il  peut  changer  le  rapport,  entre  les  élres, 
détruire  ceux  qui  existent,  en  établir  de 
contraires,  décomi>oser  à  son  gré  Tordre 
social,  Je  bouleverser,  le  renverser;  car  ce 
qu'il  a  (aUi  il  peut  le  défaire...  et  qui  l'en 
empêcherait?  —  La  crainte  des  hommes? — 
L'histoire  est  là  pour  ré|)ondre.  —  Celle 
de  Dieu?  Mais  qu'est-ce  que  Dieu  dans  notre 
bvDOthèse?  Dieu...  c'est  une  notion,  une 
idée  que  l'esprit  humain  a  trouvée  par  sa 
seule  puissance.  Dieu ,  vous  répondent  nos 
adversaires ,  est  la  conquête^  —  ils  diront 
même,  si  vous  voulez,  —  la  plus  noble  con" 
quête  de  l'homme  :  la  concession  n'est  pas 
trop  forte...  Buffon  en  a  dit  autant  du  che- 
val. —  Mais,  que  fera  donc  l'homme  de  cette 
oonquéte  d'une  nouvelle  espèce?  Sans  doute 
il  pourra  traiter  comme  les  autres  cet  étrange 

(932)  Cà.  n,  15. 


captif;  le  vendre,  lencKalner,  l'enroyerea 
exil,  aux  carrièr<*s,  au  gibet...  ou,  si  rom 
le  bonheur  de  vivre  sous  ce  qu'on  appeiiç 
un  réi^ime  modéré,  on  l'âdmeltra  peut-êire 
dans  I  état  en  qualité  de  mefcenaire;qi}i> 
sais-je?  il  pourra  même  prétendre  à  tipro. 
tection,  k  la  bienveillance,  aoifareDrs,tt 
s'élever  à  la  condition  d'an  élranser  qu'on 
surveille  ou  d'un  employé  quon  sala- 
rie. 

Mais  si  un  pareil  désordre  peut  min 
dans  la  société,  il  A'en  est  pas  de  même (k 
l'intelligence  qui  est,  tôt  oa  tard,  forcée ds 
tirer  les  dernières  conséquences  des  prin- 
cipes qu'elle  a  posés.  Une  fois  qu'elle  i 
chassé  Dieu  du  trône,  un  vide  immeose  >« 
fait  autour  d'elle;  car  si  Dieu  n'occupe ii 
première  place,  à  laquelle  lemettra-t^!.. 
En  vain,  pour  combler  Tabime,  elledhm 
créatures  :  DieUf  c'est  moi,  c'est  toiii»cVi 
toute  la  création;  la  création  estmueU(M< 
le  mystèredemeure  toujours.  VaioemenUa- 
core  s'enivrant  de  son  orgueil,  ellesérne. 
J>ieu  n'est  au  un  mot ^  c*estmoiquihiirm' 
c'est  une  idole  que  je  me  suis  faiu  H  fitf 
brise:  les  ténèbres  s'épaississent,  awii 
terrible  apparition  ne  cesse  de  la  poi- 
vre, et  c'est  alors  que,  fatiguée  de  tint  (K 
mécomptes,  épuisée  de  tant  d'effor(5,d^G» 
de  toutes  sea  recherches,  et  josqqe  ûm 
Thorrible   tentative  de  s^anéantir  (/ja5  jV 
doute,  elle  laisse* échapper,  commeMer^ 
explication  de  l'énigme,  le  mléérûm 
providentielle  ;  assemblage  iMoœi^çn- 
sihie  de  paroles  qui,  sérieusemenl  \)C(^n(t^)* 
cées,  ne  sont  que  le  monstrueuiacim\)\>v 
sèment  de  l'absurdité  et  du  blasphèmcU 
c'est  là  pourtant  le  mot,  le  dernier  luatùc 
toutes  les  doctrines,de  tous  les  syslèmes,ii? 
toutes  les  philosophies  modernes! 

C'est  là  que  sont  fatalement  coaduiis  \m 
les  philosophes  qui,  dans  rhisloiredelW 
inianité,  prennent  |»our  base  la  croyance  « 
l'état  de  nature.  Après  avoir  mcoiré  (|«f 
cette  théorie  n'a  de  fondetiieni dansautui 
fait,  est  en  contradiction  avec  rhislûire«kj 
tous  les  peuples,  prouvons  encore  ^^^tm^ 
n'est  plus  inconciliable  avec.la  oalureelto; 
facultés  de  fhomme. 

S'il  n'est. point  de  monument  surreJ*^ 
tence  de  l'état  de  nature,  il  semble  quêtas 
devrait  renoncer  à.  vouloir  J'élablir;  ^ 
les  philosophes  ont  une  ressource  per|*i 
tuelle  pour  suppléer  aux  histoires  el  an 
témoins  qui  leur  manquent.  Ceux  donc  P^ 
Ont  commencé  à  soutenirce  système,  comfli 
ceux  qui  en  ont  parlé  après  eux,  onteur^ 
cours  à  la  méthode  ordinaire  philoso|ibiq«^ 
c'est-à-dire  qu'ils  ont  prouvé  leurs  hsi^^ 
tions  par  leurs  pensées  et  leurs  réflexions 
sur  ce  qu'ils  ont  appelé  la  nature  de  Tbo^Mf 
et  ses  facultés;  ils  sont  descendus ^n <^^ 
dans  d'eux-mêmes,  ont  consulté  leuresp"^ 
el  c'est  là  qu'ils  ont  vu  \efait  de  l'étal  de  m- 
ture.  Ainsi  c'est  surunefolliculedeqoelqoj* 
printemps  qu'ils  ont  prétendu  trouTerécfl» 
l'histoire  des  commencements. 


m 


MT 


B!£TI0?i3IAIRE  APOLOGETIQUE. 


PS^ 


S7.^ 


SoiT<Nis-Ies  dans  cet  étrange  eiamen. 
La  iiremière  chose  qui  entre  dans  Ja  na- 
ture Je  riiomme  est  sans  doute  son  exis- 
lenre  ;  or,  dans  son  existence  sont  compris 
(ieui  èires  de  nature  direrse,  son  corps  et 
50Q  âuic.  Voyons  si  Tun  et  Tautre  pour- 
raient exister  dans  l'état  de  nature  :  parions 
(fabord  du  corps. 

Arriré  dans  ce  monde  ehétif,  privé  de 
force  et  peut-être  de  sentiment,  ainsi  qu'un 
Torageur  éj^aré  qu'une  vague  incertaine  a 
jeté  sur  une  Ile  inconnue,  meurtri,  déchi- 
ré fvar  de  nombreux  écueils,  l'homme,  à 
5oa  arrivée  à  la  vie,  est  le  plus  faible  de 
t^'os  les  êtres  vivants.  Impuissant  pour  se 
«timserve^  lui-même ,  pour  se  dâTendre , 
|w»itr  se  nourrir,  il  sera  la  propriété  ou  la 
|TOf  c  de  quiconque  se  présentera  pour  le 
conserver  ou  le  détruire.  Son  ira^missance* 
e»t  telle  que  s'il  reste  seul,  sans  offense  et 
«QS  violence,  il  meurt  comme  un  de  ces 
itm-n.  hrillants,  mais  mensongers,  dont  on 
il*  cottoati  l'existence  que  par  la  lueur  ap- 
IMTCOte  mi  Ja  termine. 

9ios  adversaires  ne  peuvent  disconvenir 
ée  ce  frit;  or,  remarquons  qu'il  commence 
è^l  détruire  Téut  de  nature  et  d'indé- 
pvaÉM  absolue.  L*état  d*isolement  n*est 
dOKMéans  la  nature  de  l'homme,  il  faut 
dÊ^iwtre  à  l'enfant.  Mais  celle-ci  même 
«'aMMfe,  et  souvent  blessée  à  mort,  ne 
l^mték  fès  encore.  Si  le  père  ne  donne 
irini  ?t  il  Taulre  ses  soins,  et  ne  de- 
ainsi  le  représentant  d*une  société, 
nourriture  et  sans  force  pour  s*en  pro- 
f,  ils  mourraient  tous  les  deux ,  comme 
Il  Iraoclie  et  son  fruit  séparés  du  tronc 
iK^carricier  qui  leur  donnait  la  vie. 

CJepeodant,  grêce  è  la  nourriture  que  sa 

tt^re  lui  donne,  l'enfiint  continue  son  exis- 

|ir»ce.  Mais  voyez  encore  combien  son  corps 

ne  peu  lait  pour  être  seul. Il  lui  sert  si  peu, 

|D  "oD  dirait  en  quelque  sorte  qu'il  n'en  a 

loinl.  Comme  un  de  ces  fiiux  dieux  auxquels 

i  paganisme  ignorant  rendait  hommage,  il 

ï  des  pieds  qui  ne  marchent  pas,  des  mains 

|Bi  ne  f leuvent  rien  saisir,  une  langue  inca- 

«ble  de  orononcer  une  parole  :  c'est  sa 

«ère,  oa  la  société  qu'elle  représente,  qui 

n  tient  lieu  de  tous  ses  membres,  et  semble 

Ire  en   quelque  sorte  son  corps,  en  sup- 

léint  à  ceux  dont  il  ne  peut  faire  usage.  En 

Ret,  pendant  assez  longtemps,  elle  est  les 

hds  qui  le  portent,  les  mains  qui  le  servent, 

I  langue  qui  exprime  ses  besoins^  comme 

le  est  le  pain  qui  le  nourrit,  et  le  breuvag;e 

ni  ledésaltère.  C'est  ainsi  que  l'homme  vit 

\  Kmndît  par  le  secours  d  autrui;  sans  ce 

xours  son  eorps  ne  pourrait  exister,  il  n'a 

me  pas  été  fait  pour  l'état  de  nature. 

Vojons  ee  qu'il  en  est  de  son  âme. 

Lame  ne  prouve  sa  nature  que  |iar  st:s 

eaitéêt  et  ses  facultés  par  ses  actes.  Car  il 

imoum  est  pas  donné  de  la  voir  en  elle- 

looe  et  dan^  son  essence.  Notre  orgueil  a 

ta  oBamiorer,notre  connaissance  ne  ()eut 

'oindre  à  cette  substance ,  qui  cependant 

t    nousHnèmes.  Qn  dit  qu  elle  est  faite 

^ur  rétat  de  nature,  parce  que,  par  sa 


nature,  elle  se  suffit  à  elle-même ,  et  fieut 
tirer  toute  la  civilisation  du  bon  usage  do 
ses  facultés.  Nous  voyons  pourtant  que  le 
même  service  que  la  mère  rend  au  corps , 
elle  est  obligée  de  le  rendre  également  à 
Tâiue.  Dans  cette  première  enfance,  IVnfant 
n'a  ni  volonté,  ni  désir,  uu  du  moins  il  n'a 
pas  les  moyens  de  les  manifester.  Ce  qu'on 
Ini  donne,  il  le  reçoit;  ce  qu'on  lui  im|)ose, 
il  l'acce|)te  :  sans  volonté,  sans  examen,  la 
soumission  fait  sa  force,  et  robéissame  sa 
•x>nservation. 

C'est  ainsi  que  Tenlance  passe  quelque 
temps  dans  une  dépendance  si  absolue  et  si 
(*ntière,  qu'il  semble  douteux  s'il  est  plus 
attaché^  à  la  vie  qu'à  la  mort;  au  moins, 
puisqu'il  faut  rec^»nnaltre  que  c'est  un  être 
vivant,  n'est-il  pas  encore  un  homme  ;  car 
il  n'entend  ni  la  voix  qui  lui  parle,  ni  ne 
connaît  la  vie  dont  il  est  animé. 

La  philosophie  passe  sons  silence  ce  temps 
de  nullité  et  de  dépendance  absolue  de  la 
vie  de  iliomme.  Cepen.lant,  c*est  au  mo- 
ment où  ce  roi  de  la  création  prend  iiosses- 
sion  de  son  empire,  qu'il  convient  d  exa- 
miner quels  sont  ses  droits  au  commande- 
ment. Appelons  donc  la  philosophie  i  notre 
tribunal,  et  demandons-lui  raison  de  ses 
doctrines. 

Ici,  nous  ne  suivrons  point  les  philosophes 
dans  les  raisonnements  diffus  et  incohérents 
dont  ils  ont  embrouillé  leurs  pensées  et 
leurs  doctrines.  Cette  méthode  doit  être 
abandonnée;  c'est  un  dédate  de  faits  erronés, 
de  suppositions  gratuites,  de  paralogismes , 
de  pensées,  de  paroles,  d'arguments,  dans 
lesquels  se  perd  nécessairement  quiconque 
veut  y  pénétrer. 

Au  lieu  de  nous  égarer  dans  les  théories 
de  la  métaphysique,  rappelons  nos  adver- 
saires aux  laits  et  à  l'observation.  Reportant 
donc  leur  souvenir  au  moment  où  ils  étaient 
nus ,  sanglants ,  sans  force  et  sans  puissance, 
aux  pieds  de  celle  qui  leur  avait  donné  te  jour, 
nous  leur  demandons  si  l'état  de  société  était 
nécessaire  àleur  existence,  ou  s'ils  pouvaient 
se  suffire  è  eux-mêmes.  Il  faut  qu'ils  parlent, 
car  c'est  le  qu'il  leur  faut  établir  leurs  droits, 
user  de  leurs  forces,  prouver  leur  indé- 
pendance ,  et  rejeter  ce  joug  de  puissance 
absolue  que  la  société  lait  peser  sur  leur 
âme  et  sur  leur  corps....  Mats  non,  chaque 
philosophe  n*a  fait  d'autre  usage  de  toutes 
ses  facultés  que  celui  de  se  jeter  avidement 
sur  le  sein  de  sa  nourrice ,  qui  voulait  bien 
le  lui  offrir;  ainsi  il  s'est  servi  de  tous  les 
bienfaits  de  la  société ,  se  réservant  de  dé- 
clarer solennellement  dans  la  suite  qu'il 
n'eu  avait  pat  besoin. 

En  eUM ,  la  philosophie  ne  répond  rien  à 
toutes  ces  questions;  elle  se  déclare  inha- 
bile auprès  d'un  lierceau,  et  se  contente  de 
citer  l'enrant  à  comparaître  dans  son  école 
lorsqu'il  aura  dix-huit  ou  vingt  ans,  pro- 
mettant de  lui  prouver  clairement  alors  que 
le  secours  de  la  société  ne  lui  était  pas  né- 
cessaire; bien  plus,  qu'il  lui  a  été  nuisible 
)iar  les  préjugés  qu'elle  lui  a  inspirés,  et 
ga*tl{)eui|  par  lui-même  et  de  lui-même,  se 


879 


PSY 


DfCTlONNAiliE 


conserver»  se  guider,  b^insCruire,  et  qu'ainsi 
il  est  indépendant  »  il  est  Irbre;  et  il  n*est 
sur  cette  (erre  aucune  loi ,  aucune  autorité 

3ui  aient  le  droit  d*eviger  la  soumission 
e  son  esprit  ou  de  son  corps. 
Pour  nous^  continuons  k  suivre  les  déve- 
loppements successifs  de  Tenfant.  Sou  corps 
prend  tous  les  jours  de  nouveaux  accroisse- 
ments y  et  presque  sans  sa  ()articipation ,  et 
sans  autre  bienraitde  la  société  que  celui  de 
lui  offrir  de  la  nourriture,  de  la  lui  faire 
prendre,  il  se  forme;  mais  il  n*en  est  pas 
de  même  de  son  âme.  Après  être  resté  quel- 
que temps  dans  une  nullité  absolue,  comme 
être  intelligent,  Tenfant  commence  adonner 

Suelque  signe  de  connaissance.  Tandis  que 
eux  de  ses  sens ,  la  vue  et  Touïe ,  le  ser- 
vent les  premiers,  deux  actes  humains,  les 
Premiers  qui  soient  adressés  è  ses  sembla- 
les,  des  gestes  et  des  cris  se  manifestent. 
En  naissant  il  poussait  des  son5  plaintifs  et 
faisait  des  mouvements,  mais  ce  n'est  que 
depuis  que  sa  vue  et  son  ouïe  ont  pris  quel- 

3ue  perfection,  qu*il  fait  des  gestes  et  pousse 
es  cris.  On  répond  aux  uns  et  aux  autres, 
«t  bientôt  reniant  comprend  la  mère,  et  la 
mère  l'enfant.  Les  signes  qu'elle  lui  fait, 
il  les  lui  rend,  et  ils  ne  retournent  pas  vides 
de  sens.  Les  accents  qu  elle  lui  enseigne,  il 
les  répète  ;  et  cet  écho  n'est  pas  dénué  d'in- 
telligence. Insensiblement,  ses  yeux,  ses 
mains,  les  traits  de  son  visage,  sa  bouche 

Eofèrent  tous  ensemble  un  langage  qui  se 
it  comprendre,  et  comme  si  Dieu  v«>ulait 
confondre  les  facultés  hautaines  dont  nous 
nous  glorifions  dans  un  âge  plus  avancé, 
cet  être  qui  ne  sait  ni  comparer,  ni  exaoïi- 
ner,  ni  approfondir,  apprend,  comme  en  se 

i'ouant,  quoique  langue  que  ce  soit,  c'est- 
i-dire,  ce  qui  fera  dans  la  suite  le  désespoir 
de  plus  d'un  savant  arrivé  k  toutie  la  hauteur 
de  sa  scien(*.e.  Il  reçoit,  il  essaye,  il  répète; 
quand  il  s'égare,  on  le  redresse  ;  il  est  sou- 

(953)  c  L'Eiat  de  pure  nature  où  Voa  suppose 
rhomme  sans  pensée,  sans  parole,  est  un  éiat  idéal, 
imaginaire,  qui  n*a  jamais  exisié  ;  la  nécessité  de 
la  loii|(ue  habitude  des  parents  à  renlaut  produit  la 
société  au  milieu  du  désert.  >  (Bupfon,  Histoire  nai, 
de$  Quadrup  ;  nomenclature  des  singes,  i,  VIII,  édit. 
de  U^pet,  1818.) 

c  Uo  empire,  un  monarque, dit-il  encore,  uhe  fa- 
mille, un  père, voilà  les  deux  extrêmes  de  la  société! 
Ces  extrêmes  sont  aussi  les  limites  de  la  nature  ; 
si  elles  s^étendaient  au  delà,u*aiirait-on  pas  trouvé, 
en  parcourant  toutes  les  solitudes  du  gIob«;,  des  anU 
maux  humains,  privés  de  la  parole,  sourds  à  la  voix 
comme  aux  signes,  les  mâles  et  les  femelles  disper- 
sés, les  petits  abandonnés,  ete  ?  i  {Discours  wr  ies 
animaux  camoêsien.) 

(954)  Peut-être  que  ces  varialions,  jlans  leurs  dif- 
férànces  les  plus  marquées,  ont  eu  encore  Dieu  pour 
auteur,  lorsqu'il  confondit  le  laiicage  au  pied  de  la 
tour  de  Babel.  Ce  qui  répond  sumsamment  aux  ob- 
{ections  prises  de  la  différence  dite  radicale  de  cer- 
taines langues.  Au  reste,  plus  d*un  savant  a  soutenu 
rhypotliése  que  toutes  les  langues  remontaient  à  une 
source  unique,  système  appuyé  d*assez  bonnes  preu- 
ves. Mais  ceci  n^eutre  pas  dans  le  fond  de  la  présenie 
discussion.  N(»us  croyons  pourtant  devoir  citer  un 
pass.^-:  d  un  de  no!»  plus  anciens  Pércs  de  TËglise, 
qui  t  «.mriine,  au  sujeide  la  p;irol«s  à  peu  |»rés  uans 


APOLOGETIQUE.  m  (« 

mis,  et  b:ent6t  il  vit  une  seconde  fois,  I 
parle  (933). 

Or,  avant  d*examiner  de  quel  usage  lu 
est  la  parole,  voyons  s'il  aurait  pu  rioTeu 
ter  sans  le  secours  de  la  société.  En  graol 
nombre  d'écrivains  ont  prétendu  etpréie 
dent  en/u>re  que  le  lant^age  est  rouvrige 
rhomme,  et  que  ce  fut  là  une  de  ses  prem 
res  conquêtes  au  sortir  de  Télat  de  oaio 
Plusieurs  philosophes  chrétiens ,  snrtoi 
dans  ces  derniers  temps,  ontsoutenu  le  om 
traire,  et  pensent  que  la  parole  est  uu  ti 
présent  de  Dieu,  que  c'est  là  une  image  < 
une  émanation  de  ce  Verbe^  qui  est  en  lui 
dont  il  est  le  P^e;  que  c'est  par  ce  Terbe 
cette  parole  révélée  sensiblement  et  e^ 
rieurement  à  rhomme  dès  le  commencer  '^ 
que  IHeu  s'est  mis  en  communication 
sa  créature;  que  c*est  par  cette  pamie 
l'homme  a  eu  ses  pensées  qui  ne  sont 
la  parole  intérieure,  tandis  que  la 
n'est  que  la  .pensée  manifestée  au  d 
que  c'est  encore  par  la  parole  que  les 
sées  se  communiquent  et  se  traoso 
qu'ainsi  la  parole  ne  peut  pas  être iifa$ri 
vrage  de  rhomme  que  ses  penstti; 
que  le  seul  ouvrage  de  l'homroetei 
rôle,  c'est  la  variété  des  formes  qnik 
sentent  (934).  Certes,  nous  appiaudifiôlj 
cette  doctrine  ;  car  elle  rapproche  rhâr 
de  Dieu,  elle  le  met  en  commuaicatioo 
directe,  plus  sensible,  plus  naturelle 
lui.  11  est  temps  de  le  reconnaître,  Di 
a  été  trop  éloigné,  trop  séparé  de 
Dans  le  pauvre  étalage  de  sa  science  on 
pas  assez  souvent  fait  apparaître  ce 
nom,  pour  consolider  ses  connaissanc 
lier  entre  elles,  en  montrer  la  raison» it 
l'origine.  Honneur  donc  à  eesphil 
sincères  qui  ramènent  souvent  Dieu 
leurs  méditations,  dans  leurs  leçons  et 
leurs  livres  (935)  I 

Cependant  ce  n'est  point  de  rautoritéi 

i 

les  mêmes  termes  que  M.  de  Bonald.  i 

ff  Noire  p/nsée  pousse  la  parole  de  loa  f< 
vaut  cette  expression  du  prophète:  monemra 
une  tfonne  parole  ;  et  chacune  est  dislinfo^  d^ 
tre,  ayant  un  lien  propre  et  sépiré^  I'm^  '' 
coeur,  Tautre  sur  la  langue  :  tonU^fois  elte 
pas  Soignées,  et  ne  peuvent  être  Tune  sa» 
car  la  pensée  n^est  point  satu  la  parole,  ni  I» 
ians  la  pensée  ;  mais  la  pensée  fait  la  parol<^ 
quelle  elle  parait,  et  la  parole  montre  la  pan 
laquelle  elle  est.  La  pensée  est  comme  une 
cachée  au  dedans,  et  iz  parole  une  peuve 
produit  au  dehors  ;  la  pensée  passe  dan*  ii 
et  la  parole  communique  la  «peiiséa  aui  )• 
L*une  est  comme  le  père,  savoir,  la  peiisee, 
d'elle-même;  TautreoiNiime  le  fil»,  savoir,  li 
pnisqu'd  est  impossible  qu'elle  soit  afajii  u 
sée,  ni  qu*élant  avec  elle,  elle  vienoe  debots. 
le  Père  étact  la  {[rande  pensée,  la  pensée  uoit 
a  pour  premier  imerprète  et  piemier  orpuc* 
fils,  le  Verbe,  i  (Saint  Deius  iTiUeMwfn^  oiet 
saint  Atbanase.) 

<955;  I  L*bomme  a  aussi  peu  iaveoiélebij 
qu*il  s'est  inventé  bil-mème  ;  car  umie  in^caj 
suppose  un  dessein,  une  volu!nté»uH  choîf  deD"!^ 
Mais  la  peusée  a  aussi  |peu  précédé  te  stgi^*  4* 
silène  a  précédé  la  peusee.  L'une  ne  pe»(  P^,f: 
ter  sans  laui  e  1-cs  rcDréscnUtionsiftdiw*^''^ 


81 


PSY 


DICTiaNNAlKE  APOLOGETIQUE. 


PSt 


SSi 


PS  rtisons  de  ces  écri Tains  que  nous  oous 
>rTiroiisJci  pour  pt*ourcr  que  la  r>arole  n'a 
n  ^ire  inventée  par  l'homme;  chacun  peut 
OIT  leurs  aripjments  dans  leurs  ouvrages  ; 
f>fj5  préférons  citer  Rousseau  et  son  fameux 
isrourê  surf  origine  et  les  fondements  de  Fin^ 
mlité  parmi  les  hommes:  et  nous  le  citons 
)n-seulojiienl  |iaree  c|u*ii  est  notre  adver- 
ire  dans  celte  question,  mais  encore  parce 
le  nous  croj'ous  ses  raisonnements  sans 
plique. 

•  QQ*il  me  soit  permis,  dit^il,  de  considé- 
r  un  instant  le»  emt>arras  de  Forigine  des 
D^es....  La  première  réflexion  qui  se 
ésente  est  d'imaginer  comment  elles  pu- 
ât devenir  nécessaires.  Car  les  hommes 
avant  nulle  correspondance  entre  eux,  ni 
i-un  besoin  d'en  avoir,  on  ne  conçoit  ni  la 
•«  ^^rssité  de  cette  invention,  ni  sa  possibi- 
^,  si  elle  ne  fut  pas  indispensable.  Je  di- 
:  t/ieo  comme  beaucoup  d  autres,  que  les 
ngues  sont  nées  dans  le  commerce  dômes- 
)ne  des  pères,  des  mères  et  des  enfants  ; 
»is  outre  que  cela  ne  résoudrait  point  les 
lijectiops,  ce  serait  commettre  la  faute  de 
eux  qoit  raisonnant  sur  l'état  de  nature,  v 
mapocteot  les  idées  prises  de  la  société, 
r oient  iBopars  la  famille  rassemblée  dans 
ioe Biaaiabttation  et  ses  membres  gar- 
das! «Dlreeux  une  union  aussi  intime,  aussi 
^-rmaaente  que  parmi  nous,  où  tant  d*inié- 
'^^^  comiDuns  les  réunissent  ;  au  lieu  que 
ïr-.5  cet  état  primitif,  n'ayant  ni  maisons, 

caUoes,  ni  propriété  d'aucune  espèce, 
acofl  se  loçeaitau  hasard,  et  souvent  pour 
>«-  seule  nuit  ;  les  mâles  et  les  femelles 
int<^ent  fortuitement,  selon  la  rencon- 
,  l'occasion  et  le  désir,  sans  que  la  parole 

OH  interprèle  nécessaire  des  choses  qu'ils 
lient  à  se  dire  :  ils  se  quittaient  avec  la 
^e  facilité.  La  mère  allaitait  d'abord  ses 
^^tns  pour  son  propre  besoin  ;  puis  Tba* 
[ide  les  lui  a^aut  rendus  cbers,  elle  les 
irrîssait  ensuite  pour  le  leur  :  sitôt  qu'ils 
ient  la  force  de  chercher  leur  pâture,  ils 
ardaient  pas  à  quitter  la  mère  elle-même, 
rooame  il  n'y  avait  presque  pas  d*autre 
rea  de  se  retrouver  que  de  ne  se  pas  per 
de  vue,  Vs  en  étaient  bientôt  au  point  de 
(jas  même  se  reconnaître  les  uns  les  au- 

Remarquez  encore  que  l'enfant  ayant 
s  ses  besoins  à  expliquer,  et  par  couse- 
nt plus  à  dire  à  sa  mère,  qje  la  mère  à 
fant,c'estluigui  doit  faire  les  plus  grands 
s  de  l'invention,  et  que  la  langue  qu'il 
"Soie  doit  être  en  ^ande  partie  son  pro- 

oavrage;  ce  qui  multiplie  autant  les 
;ue$  qu  il  y  a  d'individus  pour  les  par- 
:  à  auoi  contribue  encore  la  vie  errante 

iisliér  *«  praveiit  avoir  lieu  indépendamiiieiit  des 
)t%  qui  k^  expriment  ;  nais  le»  idées  générales 
imprHiSiblrs  à  concevoir  et  i  former  b»us  les 
>s  q«i  seale  réonhs^ni  leurs  fraiis  épar^ ,  fixent 

H  Itsor  donnent  d«-  la  réalité.  • 


l«r 


1 1  a%p  Eêsmis  de  phiios.^  de  polit,  el  de  lit.^  U  V 

C.  SaUms   cette  icfloiîmi  d'?  RtML^scan.  qui 
\^  BDC  pcaséc  de  H.  de  Bt>ualJ  eu  de  M.  de 


et  vagabonde  qui  ne  laisse  h  aucun  idiome 
le^t^mps  de  prendre  de  la  consistance  :  car 
de  dire  aue  ta  mère  dicte  à  Tenfant  des  mots 
dont  il  devra  se  servir  pour  lui  demander 
telle  ou  telle  chose,  cela  montre  bien  com- 
ment on  enseigne  des  langues  déjà  formées, 
mais  cela  n'apprend  pas  comment  elles  se 
forment. 

1  Supposons  cette  première  difficulté  vain- 
cue, franchissons  pour  un  moment  l'espace 
immense  qui  dut  se  trouver  entre  le  pur 
état  de  nature  et  le  besoin  des  langues,  et 
cherchons ,  en  les  supposant  nécessaires, 
comment  elles  purenlcommenceràs'établir. 
Nouvelle  difficulté  pire  encore  qu^la  précé- 
dente; car  si  les  hommes  ont  eu  besoin  de  la 
Îarole  povr  apprendre  à  penser^  Us  ont  eu 
ien  plus  besoin  encore  de  savoir  penser  pour 
trouver  Fart  de  la  parole  (936)  ;  et  quand  on 
comprendrait  comment  les  sons  de  la  voix 
ont  été  pris  pour  interprètes  conventionnels 
de  nos  idées,  il  resterait  toujours  è  savoir 
quels  ont  pu  être  les  interprètes  même  de 
cette  convention,  pour  les  idées  qui,  n'ayant 
point  un  objet  sensible,  ne  pouvaient  s'in- 
diquer ni  par  le  geste,  ni  par  la  voix  ;  de 
sorte  qu'à  peine  peut-on  former  des  conjeo 
tures  supportables  sur  la  naissance  de  eet 
art  de  communiquer  ses  pensées  et  d'établir 
un  commerce  entre  les  esprits  (937)-  * 

Ici  Rousseau  se  hasarde  à  donner  lui- 
même  ses  idées  sur  la  manière  dont  les  lan- 
gues commencèrent  ;  mais,  rencontrant  à 
chaque  instant  de  nouvelles  difficultés,  il 
finit  par  ces  paroles  remarquables  : 

«  Je  m'arrête  à  ces  premiers  jmis,  et  je 
supplie  mes  juges  de  suspendre  ici  leur  lec- 
ture pour  considérer  sur  l'invention  des 
seuls  substantifs  physiques,  c'est-à-dire,  mit 
la  partie  de  la  langue  la  plus  facile  à  trouver, 
le  chemin  qui  lui  reste  à  faire  pour  exprimer 
toutes  les  pensées  des  hommes,  pour  pren- 
dre une  forme  constante,  pouvoir  être  par- 
lée en  publie,  et  infiuersur  la  société  :  je  les 
supplie  de  réOé<*.hir  àce  qu*ila  fallu  de  temps^ 
et  de  connaissances  pour  trouver  les  nom- 
bres, les  mots  abstraits,  les  aoristes  et  tous 
les  temps  des  verbes,  les  particules,  la  syn- 
taxe; lier  les  propositions,  lesraisonnements, 
et  former  toute  la  Iq^quedu  discours.  Quant 
à  moi ,  effrayé  des  difficultés  qui  se  multiplient^ 
et  convaincu  de  Fimpossibilité  presque  démon- 
trée que  les  langues  aient  pu  naître  et  s'éta- 
blir par  des  moyens  |mremeiif  humains^  je 
laisse  à  qui  voudra  Tentreprendre  la  discus- 
sion de  ce  difficile  problème,  lequel  a  été  le 
F  lus  nécessaire  de  la  société  déjà  liée  à 
institution  des  langues,  on  des  langues 
déjà  inventées  à  réiablissement  de  la  so- 
ciété (938).  » 

Ifaislre. 

(937)  CEurres  eomplèus  de  J.-J.  Roosseaa,!.  1,^ 
Si,  in-8*.  Lyon,  1 796. 

(958)  /fr.,'  p.  93.  —  Noos  répondons  la  par  Tor- 
pane  de  Roussean  i  oeui  qû  croient  le  langage  une 
invention  rcflécliie;  nous  répondons  plus  loin  à  ceux 
qui  le  regardent  comme  un  produit  spoftsané  des  fa- 
nitltcs  humaines. 


VSÏ 


DICTIONNAIRE 


Je  ii*iii  rien  h  ajouter  )  ces  preuve»  :  l'im- 
possibilité de  rinrention  de  la  parole  me 
paraît  démontrée,  même  aux  yeux  de  Rous- 
seau. Tirons  maintenant  les  conclusions 
do.  cette  démonj^lration,  ei  appliquons -les  à 
Texistenee  de  Tâme. 

Si  lliorome  n^arait  pu  parler,  dans  Télat 
de  nature,  que  serait  devenue  son  Ame? 
qu'aurait-elle  été?  Ici  nous  le  demandons 
à  tous  les  filiilosophes  :  quelles  que  soient 
leurs  opinions  sur  la  nature,  oUf  comme  ils 
le  disent,  sur  l'essence  de  Tâme,  ils  avouent 
tous  que  la  pensée  est  une  de  ses  facultés 
essentielles  ;  or ,  s*il  faut  la  parole  pour 
penser,  que  serait  doncTâme  dans  un  état 
où  il  n'y  aurait  pas  de  parole  ?  nous  ne 
voulons  pas  ici  exposer  les  différents  systè- 
mes sur  iWiçine  des  idées  ;  quels  qu'ils 
soient,  les  philosophes  ne  peuvent  s'empé-> 
cher  de  convenir  qne  c'est  par  la  parole,  et 
par  la  parole  reçue  de  la  société  que  Thomme 

exprime  ses  pensées ,  et  par  parole  nous 

entendons  tout  geste,  toute  expression  qui 
est  le  signe  d^une  idée.  Ils  ne  peuvent  s'em- 
pêcher de  convenir  encore  que  ces  pensées, 
dans  l'enfant,  ne  sont  jamais  différentes  de 
celles  que  la  société  au  milieu  de  laquelle  il 
vit  possède,  et  que  jamais  on  n'en  a  vu  un 
seul  manifester  une  idée  dont  il  n'eût  pas 
déjà  reçu  une  expression  ou  une  image,  ou 
une  indication  quelconque  au  dehors  de 
lui.  D'où  il  suitque  la  société,  en  lui  donnant 
la  parole,  lui  donne  les  idées  et  les  connais- 
sances qu'il  manifeste  d'abord.  Or.  si  l'âme 
était  dans  l'impossibilité  d'à  voir  aucune  de 
ces  idées,  je  demande  encore  ce  que  serait 
cette  Ame  ?  J'ose  même  demander  siée  serait 
même  une  Arne  ?  Nous^avons  démontré  que 
le  corps  se  dissoudrait  et  tomberait  en  pous- 
sière, s'il,  ne  recevait  pas  de  la  so(!iélé  un 
secours  que  le  Créateur  a  établi  nécessaire 
h  son  existence  :  je  ne  dirai  pas  ici  que 
Tâme  tomberait  en  poussière,  mais  à  coup 
sûr  elle  tomberait  dans  un  état  analogue  A 
relui  du  cor)  s.  Car  nous  savons  que  s'il  est 
dosâmes  belles  et  brillantes,  il  eu  est  de 
laides  et  de  difformes;  nous  savons  que 
s'il  faut  au  corps  une  nourriture,  il  en  faut 
aussi  une  h  Tâme  :  que  si  le  pain  est  la  vie 
du  corps,  la  parole  e.«t  la  vie  de  Tâme  ;  con- 
séquemmenl,  s'il  n'y  avait  pas  de  parolo, 
l'âme  Ferait  privée  de  la  vie,  elle  serait 
morte,  en  sorte  que  nous  po^irrions  l'appe- 
ler en  quelque  sorte  une  âme  cadavéreuse, 
une  âme  de  pourriture,  de  poussière  et  de 
boue. 

Ces  raisonnements  nous  i>araissent  al)so- 
lus  pour  démontrer  que  ni  le.corps  ni  l'âme 
n'auraient  pu  exister  dans  l'état  de  nature; 
ainsi  ceux  qui  ont  voulu  établir  cet  état  par 
les  preuves  métaphysiques  de  la  nature  de 
l'âme  et  du  corps,  ont  méconnu  l'essence 
môme  (ie  ces  deux  substances,  sont  tombés 
dans  le  paralogisme  continuel  que  leur 
reprochait  Rousseau,  lequel  consiste  en  ce 
que,  en  admettant  la  néçeaMté  de  remonter  à 


APOLOCCTiQO^  PSt  ini 

cet  e'tfit^,  ils  n'y  arrirûient  /amoii,  Nous 
pourrions  4oncl>QrRer  ici  nos  remarques; 
cependant,  puisque  nous  avons  cité  Rooi^ 
seau,  et.  que  nous  l'avons  trooré  faroris»it 
nosdoctrines,  nouscroyousutiledelesonrc 
encore  quelques  instants  :  nous  compreo- 
drons  mieux, son  système,  etnouspourroos 
mieux  distinguer  ce  qu'il  y  a  de  vraietee 
qu'il  y  a  de  faux  dans  son D/icouri  m  r^ 
rigine  et  le*  fondements  de  Fmégalité  pm 
les  hommeSf  et  dans  son  Contrat  social.  Biea 
plus,  nous  nous  servirons  de  ces  dcui  ni}- 
V  rages  pour  défendre  la  vérité  ;  car  loujoiih 
elle  peut  chanter  c^mme  le  vieux  sacrift'»- 
teur  juif  ;  jLe  salui,fious  vient  de  noi  mm, 
et  de  ta  main  dexeux  qmnamhaxutnl  {^|. 

Nous  remarquerons  d*abord,  comme  Qci^ 
Ta  vous  déjà  dit,  que  ce.  n'est  pas  Roussetu 
qui  a  établi  la  croyance  en  Tétai  de  naturr, 
elle  était  déjà  dans  l'esprit  de  tous  Its  » 
vants.  «  Les  philosophes,  dit-il  ini-fiiéflie, 
qui  ont  examiné  le  fondement  de  la  sodiii. 
ont  tous  senti  la  nécessité  de  remonter  jii«> 
qu'à  l'état  de  nature,  mais  aucun  d'eux  or 
est  arrivé  (%0).  »  Or  cela  était  eiadem' 
vrai.  Ils  supposaient  d'abord  IliomoK^ 
réfat  de  nature,  et  de  suite  le  fais^i^ottaÉ^ 
dos  forêts,  et  le  poussaient  au  milfeuée'a 
société,  qu'ils  déclaraient  être  le  bnloô  li 
devait  tendre.  Rousseau  trouva qu'ilsalM 
un  peu  trop  vile,   et  voulut  leur  wnow 
que,  dans  cet  étatcju'ilsadmettaiM  'wif 
n'avait  le  droit  ni  de  parler  ni  de  pen.vr.  J* 
par  conséquent,  que  ni  la  ptoweni  <* 
parole,  et  à  plus  fucte  raison  autttw^iî* 
distinctions  de,  la  société,  ni  lasociéiej^^'^' 
même,  ne  lui  étaient  naturelles;  q«»»'i*' 
l'homme  qui  pense  est  un  aoiuial  ilépraTè; 
que  la  nature  avant  fait  les  hommes  potf 
vivre  dans  les  forêts    la  société  leur  «* 
nuisible,  et  est  la  cause  de  tous  lesmaw'ij 
nous  voyons.  Telle    est  la.  suite  et  WW 
renchalnement.des.  idées  de  Rousseau- 

Ses  adversaires  et  même  ses  amis  lu 
effrayés  do  ces  conséquences,  et  de 
c6lés  on  s'éleva  contre  lui  ;  pour  n 
suivant  la  manière  dont  nous  avons  c^ 
déré  la  question,  nous  souliçnJrons  M 
si  Ton  adfmet  une  fois  l'état  de  nature,  loj 
ce3  conséquences  sont  vraies,  sont  p^ 
sont  raisonnables;  nous  soutiendroii'^  1"! 
lors  riiomme  n'est,  et  ne  doit  être  mm 
personne  ;  qu'il  est  libre,  qu'il  e^^^/""f3' 
dant;  que  toute  inégalité. daivs.  ic«.  «*^i 
dans  les  rangs,  dan$  la  ft^rtune,  est  m 
que  le  peuple  est  la  source  de  louip'>'Y 
et  qu'enfin  le  Contrat  social  est  Tévwg»^ 
1(5  code  des  nations.  Bieq  pl"*'»/?!'?^ 
Rousseau  de  pusillanimité  et  de  w»»»'^^ 
nous  soutiendrons  qu'il  n'est  P«s«;t,*"J^' 
assez  loin;  qu'il  aurait  dû  plus  fortewp 
encore  blâmer  rétablissement  des  ^^ 
et  rechasscr  les  hommes  dans  les  forwî 
il  sera  toujours  vrai  de  dire  que  »  f"^ 
doit  rester  dans  Pétat  où  il  a  été  rréi^P 
doit  y  retourner,  s'il  en  est  sorti,  eiqo 


(959)  Satuîem  ex  inimich  nostris^  et  de  manu  omniam  qui  odcrunt  noa.  (Lifr«  f,  V»  71.) 
(940)  Œuvra  complète»,  1. 1,  p«  9^. 


rsT 


pICTIONNAlIiC 


P 

r  0 


MtTiTrtqoedans^ceiui  OÙ  Dieu  la  placé 
ts  le  eemmencenieiit.  -    ^    ^ 
jkinsiv  si  Tëlat  de  oalure  a  existé,  foute  la 
>clriiiede  Rouseau  est  )a  nôtre,  rar  elle 
I  conséquente  ;  mais  lorsque,  sortant  des 
polhèses  et  des  théories,  il  descend  à  la 
atkioe  el  à  l'établissement  des  sociétés 
tuellesv  lorsqu'il  trouve  le  fondement  des 
ciélés  dans  la  détermination  libre  des  in- 
▼idus  qui  la  composent,  qu'il  constitue 
s  états  sur  un   contrat  social    primitif, 
qa*U   éUbiit  la  liberté  et  l'égalité  de 
loaiiBe  sur  son  état  naturel  et  primitif,. 
ors  nous  lui  rappellerons  ^ue  cet  état  est 
le  chimère  ;  alors  nous  lui  rappellerons 
aies  les  diflicultés^u'il  reconnaît  lui-mé- 
e  insormontables,  et  surtout  nous  lui  op- 
»etons  œ  qu'il  dit  lui-même  de  son  pro- 
*«  eunage  :  «  11  ne  faut  pas  prendre,  nous 
il  «il,  les  recherches  dans  lesquelles  on  peut 
liU^ersurxe  sujet,  pour  des  vtriiéê  hiiiO" 
>^as«f,  mais  pour  des  rahonnemenU  hifpo- 
^   t$  €i  €ondiiionn€iSf  plus  propres  à 
ir  la  nature  des  choses  qu'a  en  mou- 
la Téritable  origine,  et  semblables  à 
que  iont  tous  les  jours  nos  physiciens 
kformation  du  monde.  La  religion  nous 
de  croire  que  Dieu  luirméme  ayant 
mes  de  l'état  de  nature  immé- 
t^ris  la  création^  ils  sont  inégaux, 
41^  a  voulu  qu'ils  le  fussent  (9^1).  •- 
•fouerons  ensuite  avec  lut,  «que  le 
/■^ioo  De  nous  défend  pas  de  former  des 
iqertores  tirées,  de  la  seule  nature  de 
'La«3ainieet  des  élres  qui  l'environnent,  sur 
p   ^D'aorait  pu  devenir  le  genre  humain, 
i£  lot  resté  at>andonné  è  lui-uièine  (942).  ». 
\mhquelebon  sens  nous  défend  de  tirer 

•  eeC  état  hypothétique  les  mêmes  conclu- 
t^as  pratiques  que  s  il  était  réel. 

yous  finirons  par  cet  aveu  remarquable 
1  même  jihilosophe  :  «  Il  n'est  |*as  venu 
ms  Tesprif  de  la  plupart  des  nôtres  de 
lufer  f |ue  Tétat  de  nature  ait  existé,  tandis 
ni  est  évident,  par. la  lecture  des  livres 
très,  que  le  premier  homme,  ayant  reçu 
UDédîateaient  de  Dieu  des  lumières  et  des 
iCceptes,  n'était  |joint  lui-même  dans  cet 
M ,  et  qu'en  ajoutant  aux  écrits  de  Moïse 
foi  que  leur  doit  tout  philosophe  chrétien, 
bot  nier  que,  même  avant  le  déluge,  les 
Mtmes  se  soient  jamais  trouvés  dans  le 
If  état  de  nature,  à  moins  qu'ils  n'y  soient 
louibés  par  quelque  événement  extraor- 
ioatre  ;  fiaradoxe  fort  embarrassant ,  et 
«t  è  fait  impossible  à  prouver  (9U).» 

i  VIII 

Ms^tr  d*aoe  rérélatioo  prioiitive  potir  lV;rolotioD  in- 
telleruiene  el  norale  de  I  homine. 

Dans  réiat  d'abrutissement  originel  où 
BQ  suppose  l'homme,  avec  ce  mélange  in- 
lièrent  d'atiori^ênes,  d'autochthones,éclos 
eia  vase  ou  engendrés  du  singe^  on  n'ex- 
'i<]ijerait  jamais  cette   unilé  profonde  de 

Oil;  (JEmttres  complètes^  t.  J,  p.  51. 

•  '•iiv  làf  J.«  1. 1,  p  5-1. 

•  «jr»;  (f.mrreê  complètes  ^  l.  I,  p.  ^4*  —  Cf.  Bo>- 


APOLOGETIQCË.  PST  SS6 

'langage,  de  mœurs,  de  traditions  surtout, 

3tti  fait  de  l'humanité  un  seul  corps.  Hais 
épourvu  de  la  force  et  de  l'instinct  naturel 
aux  animaux,  l'homme  eût  bientdt  disparu 
de  la  surface  du  globe  ;  la-brute,  en  effet, 
arrive  au  monde  armée  pour  ainsi  dire  de 
toutes  pièces}*  elle  .naît  parfaite.  L'homme 
natt  seulement  perfectible  par  l'éducation  et 
la  société.  En  supposant  qu'41  eût  survécu  et 
se  fût  habitué  è  la  vie  animale,  jamais  il 
n'eût  cherché  à  en  sortir.        .     - 

4  Si  les  hommes,  dit  un  éloquent  philoso-- 
phe,  dispersés  sur  la  terre  non^me  les  ani- 
maux, «avaient  dû  établir  d'eux-mêmes  et 
sans  secours  la  forme  intéiueure  de  l'huma 
nité,  nous  trouverions  encore  des  nations 
sans  langage,  sans  raison,  sans  religion, 
sans  morale,  car  ce  que  l'homme  a  été, 
l'homme  l'est  encore  ;  mais  aucune  histoire^ 
aucune  expérieneene  nous  permetde  croire  * 
que  Thomme  vive  nulle  part  comme  l'oran^ 
outang.  Les  fables  antiques  que  Diodore  et 
Pline  racontent  de  ces  monstres  humains 
privés  de  tous  sentiments  portent  avec  elles 
un  caractère  évident  de  fausseté.  Il  en  est 
de  même  des  récits  des  poètes  qui ,  jaloux 
de  relever  la  gloire  de.  leurs  Orphées  et  de 
leurs  GadmuSy  exagèrent  la  (grossièreté,  des 
empires  naissants  do  l'antiquité;  les  temps 
oh  ils. ont  vécu  et  le  but  de  leurs  ouvrages* 
diminuent  également  l'autorité  de  leur  té- 
moignage. En  suivant  les  analogies  du  cli- 
mat, il  parait  évident  qu'aucune  nation  eu-, 
ropéenne,  surtout  aucune  tribu  de  la^rècey 
n'a  élé  dans  un  état  si  abject  que  les  Nou- 
veaux-Zélandais  ou  que  les  Pécherais  de  la 
Terre  de  Feu  ;  encore ,  dans  la  dégradation 
même  de  ces  peuplades ,  retniuve-t-on  des 
traces  d'humanité,  de  raison  el  du  langage 

c  Siy  comme  nous  l'avons  vu,  les  qualités 
les  plus  distinguées  de  l'homme,  heureuses 
capiacités  qu'il  apporte  en  naissant,  ne  s'ac- 
quièrent et  ne  seiransmettent,  à  propre- 
ment parler,  que  par  la  puissance  de  l'é-  • 
duration ,    du  langage ,  dé  la  tradition  et- 
de    l'art ,    non  -  seulement  les    premiers* 
germes  de  celte  humanité  devaient  sortir^ 
d'une  même  origine,  mais  il  fallait  encore 
qu'elles     fussent    artificiellement    combi- 
nées dès  le  principe  pour  que  le  genre  hu- 
main fût  ce  gu'il  est.  Un  enfiint  abandonné 
et  laissé  à  lui-même  pendant  des  années  no 
peut  manauer  de  périr  ou  de  dégénérer- 
Comment  donc  l'espèce  humaine  aurait-elle 
pu  se  suffire  à  elle-même  dans  ses  premiers, 
débuts?  Une  fois  accoutumé  i  vivre  de  la 
même  manière  que  l'orang-outang ,  jamais 
l'homme  n'aurait  travaillé  à  se  vaincre ,  ni 
appris  à  s'élever  de  la  condition  muette  et 
dégradée  de  l'animal  aux  prodiges  de  la  rai- 
son et  de  la  parole  humaine.  Si  la  Divinité 
voulait  que  l'homme  exerçât  son  intelli- 
gence et  son  cœur,  il  fallait  qu'elle  lui  don- 
nât l'une  el  l'autre;  dès  le  premier  moment 

iv^'TiY.  Ann.  dephit,^  1. 1.  ^ 

(014)  licBDCR,  Idées  sur  la  philesoplûe  de  Ckur 
tohe^  t.  Il,  I.  Il,  c.  5,  p.  210. 


S87 


PST 


MGTlOiVNAlHE  AftlLOGETIQUE. 


PSt 


de  son  exiM^nce,  réducation,  Tart,  la  cul- 
ture ]ui  étaient  indispensables;  ainsi,  le  ca- 
ractère intime  de  rhumanité  {>orte  témoi- 
gna.:^e  de  la  Térité  de  cette  ancienne  philo^ 
Sophie  de  notre  histoire  (945). 

«  £i  ranima)  humain^  s*il  eût  été  pendant 
des  siècles  de  siècles  dans  Tétat  abject  qu*on 
lui  proie,  et  que,  par  des  proportions  entiè- 
reojenl  difTércntes,  il  eât  reçu  la  forme  qua- 
druf)ède  dans  le  sein  de  sa  mère,  comment 
eût-ii  abandonné  cet  état  de  son  pronre  mou- 
Tement  et  se  fAt-il  élevé  à  Tattituoe  droite 
de  la  condition  de  ranimai  gui  le  courbait 
vers  la  terre?  Comment  eât-il  pu  s'élever  à 
Tétat  d'homme,  et,  avant  qu'il  ne  fût  homme 
inventer  la  par&Ie  humaine?  Si  Tbomme  eût 
commencé  par  marcher  sur  les  pieds  et  sur 
les  mains  ,  assurément  il  n'aurait  point 
ciiangé;  et  il  n'j  »  que  le  prodige  d'une  se- 
conde création  qui  eût  fait  de  lui  ce  qu'il 
est  maintenant»  et  ce  que  son  histoire  et 
Texpérience  nous  attestent  à  chaque  pas. 

«  Pourquoi  donc  embrasserions-nous  des 
paradoxes  dénués  de  preuves,  et  même  en- 
tièrement contradictoires,  quand  lir  consti-^ 
tution  de  Thommo,  l'histoire  de  son  espèce, 
et  toute  l'analogie  de  l'organisation  terrestre 
nous  conduisent  à  d'autres  résultats  (9M).» 

Pénétrons  de  plus  en  plus  avant  aans  1» 
nature  intel Noctuelle  de  l'homme,  et  voyons 
quelles  sont  les  conditions  de  son  évolution 
rationnelle,  comment  il  arrive  è  la  connais- 
sauce,  è  la  vérité,  aux  principes,  qui  le 
constituent  être  raisonnable  et  i  loral. 

Nous  n'apportons  en  venant  au  monne 
aucune  notion  de  vérité  dans  notre  esprit, 
mais  seulement  des  facultés  peur  recevoir 
et  cultiver  toutes  les  vérités  qui  nous  se^ 
Tont  offertes. 

La  société  du  genre  humain,  à  laquelle 
nous  nous  mêlons  bientôt,  nous  offre  de 
toute  part  le  trésor  des  vérités,  des  idées, 
des  connaissances  qu'elle  recèle.  Nous  les 
aspirons  avec  une  merveilleuse  facilité; 
nous  les  assimilons  à  notre  intelligence 
toute  prédisposée  à  les  recevoir;  et^  par  le 
travail  que  nous  leur  faisons  subir  à  notre 
tour,  nous  l'es  fécondons,  et  nous  en  ver- 
sons les  nouveaux  fruits  autour  de  nous 
avec  p)us  ou  moins  d'abondance. 

Mais  ce  travail  de  fécondation  n'aurait 
pas  lieu  si,  préalablement,  la. société  ne 
nous  avait  fourni  l'élément  premier  de  la 
vérité  que  nous  n'aurions  jamais  pu  trouver 
nous-mêmes.  Nous  n'avons  pas  la  puissance 
de  produire  de  notre  propre  fonds  la  vérité  ; 
mais  seulement,  si  j'ose  ainsi  dire,  de  la  faire 
provigner  dans  notre  esprit.  Les  plus  grands 

f;énies,  ceux  qui  ont  enrichi  )e  cjomaine  de 
a  vérité  sur  la  terre,  —  Newton ,— Bossuel, 
— Pascal ,  — n'avaient  pas  une  seule  idée 
dans  leur  vaste  esprit  qui,  de  près  ou  de 
loin,  ne  provint  de  leur  association  an 
genre  humain  ;  je  dis  plus  :  leur  vigoureuse 
fécondité  tenait  beaucoup,  peut-être,  è  mille 

(91.S)  llentER,  Idées,  ele.,  tain.  Il,  liv.  x,  rb.  8, 
p.  i78. 

(9i0)  HcRDcn,  Idé.'s,  etc.,  t.  I,  ï.  m,  c.  6. 


circonstances  du  temps  et  de  la  position  où 
ils  ont  vécu;  si  bien  qo'isolés  decescir* 
constances,  ils  n'aurairat  pas  produit  des 
œuvres  aussi  marauantes,  comme,  privés  de 
tout  contact  avec  le  ^enre  humain,  ils  nau- 
raient  rien  produit  et  fussent  restés  arec  le 
vide  naturel  de  leurs  grandes  facolMstlerges, 

Concluons  donc  qu'il  se  liit  déjè  de  la 
société  il  nous  une  révélation  de  la  rérilé, 
au  fur  et  à  luesure  que  nous  péoétroDs 
dans  son  sein. 

Maintenant  eelte  société  des  boœrnes,  i 
son  tour,  commiHif  se  tronve-t-el)e  aroir  la 
vérité?  —  Ici  il  ne  faut  pas  se  payer  d'é- 
quivoques ,  et  perdre  le  fil  do  raisonoe- 
mont  où  nous  sommes  entrés.  —Si^eoniuif 
nous  Tavons  constaté ,  chaque  homtpe  tu 
particulier  n'apporte  aucune  notion  de  vé- 
rité en  venant  au  monde,  et  ne  bitqaeS* 
couder  le  fonds  qu'il  t  trouve  d^à,  ii  «l 
radicalement  impossiole  de  comprendre 
comment  la  société,  gui  n'est  qu'une  s{rf 
galion  de  ces  mômes  individus  qui  D'apfur* 
tent  aucune  mise  sociale,  se  trouTe  fiépfi- 
dant  avoir  nn  fonds  ;  et  on  est  forcé  At» 
dure  que  «quelque  intelligence  sup^nre 
lui  en  a  fait  l'avavce»  commeelte-iDèiDea 
fait  ravance&  chacun  de  nous. 

Que  le  génie  d'un  seul  ou  de  plusieur? 
hommes,  d'un  peuple  ou  d'un  siècle,  to 
faire  des  pas  de  géant  à  la  vérité;  {se  foo 
domaine  s'étende  ou  sr  resserre iv  ^  ('c 
mouvement  deTesprit  humafin,àli»anl(ic 
ses  découvertes,  ou  des  révolution  dt  ses 
destinées,  tout  cela  n'explique  que \eile^; 
loppement,  que  le  cours  de  la  Yérilé,ts^t^^ 
nullement  son  origine  et  sa  source;  eli  rt^* 
sonnant   sur  un   peuple  comme  m  un 
homme,  nous  pouvons  dire  hardimcniqw 
ce  peuple  ne  s'est  pas  donné  en  principe  1* 
vérité,  qu'il  Ta  reçue  de  ses  defanciersM 
de  ses  voisins  par  quelque  canal,  par  qu^ 
que innitration,  comaoe  ceux-^^i  lontre^*^ 
è  leur  tour;  tellement  que  si  on  poutflil 
supposer  une  solution  de  continuité  coio* 
plete  et  infranchissable  entre  une  génératid 
dlïorumes  et  celles  qui  Tout  précédée,  «tw 
génération,  quelque  travail  qu'elle  fil  5>^ 
elle-même,  resterait  éterBellemcnlassisfi 
l'ombre  de  la  mort  intellectuelle,  à  jamais 
dépourvue  de  tout  élément  de  civilisaiioûf 
ne  vivant  que  par  Tinstinct  et  parlcssen*. 
et  s'éteignant  bientôt  d'inanition  mont^ 
dans  les  désordres  de  sa  brutalité.      . 

L'observation  des  faits  vient  à  rapptu  '^ 
ce  raisonnement;  car,  bien  que  rby|iouM*^ 
que  nous  venons  de  faire  ne  se  son  ja»Ji^[^ 
complètement  réalisée,  cependant  les  "^f* 
(\es  sauvages  qui  ont  élé  uécoufertes  dauJ 
rintérieur  de  TAfrique  et  de  TAménque. 
et  l'état  stationnaire  d'abrulissemenl  ^ 
elles  ont  vécu  pendant  des  siècles,  par  suu? 
de  leur  isolement,  suffisent  |iour  dénicD- 
trer  que  la  société,  pas  plus  qae  riBd»y ; 
ne  peut  se  donner  la  vérité  (»7),et.  A^ 

(947)  Le  besoin  <*«  progrés  diminue  à  v^!^^ 
l'on  dcscn  d  rcebcllc  de  la  cJVÎlisatiOD  :  t^«  J; 
que  démontre  rhistoire.  Le  sauvafB  est  es.^«^^^ 


PST 


mcnaNNAlU  APOLOGETIQCE. 


PST 


itre  cAlé,  la  marche  des  lumières  dans  le 
toode  cÎTÎIisé  nous  fait  Toir  comment,  de 
•aération  en  génération,  de  peuple  h  pen- 
te, de  siècle  k  siècle,  dti  a  tu  le  flambeau 
ï  la  ciTiliMlîon,  de!<  arts  et  des  sciences, 
i  communiquer  de  prodhe  en  pnicbe  de  la 
lute   Asie,  qui   parut  être  son   premier 
»yer,  dans  TÈgypte,  dans  TAsie-Mintiure, 
iQs  la  Grèce  et  ses  colonies,  dans  Rome  et 
s  Etala  actuels  de  TEurope  occidentale, 
où  les  lumières  se  sont  projetées  sur  le 
tonde  ;  de  telle  sorte  que,  par  cette  succès- 
on  et  cette  régularité  de  mardie,  la  rérité 
0  is  apparaît  comme  une  céleste  voyageuse 
ai  se  eommunique  à  la  terre,  qui  se  rerèle 
AI  peuples  comme  aux  individus,  mais 
vi  ne  prend  pas  naissance  dans  leur  sein  ; 
oiremeot  nous  l'aurions  vue  paraître  à  la 
4s  sm  divers  points  isolés,  et  sans  eom- 
•unicatîon  les  uns  avec  les  autres  (M8). 
Pressant  maintenant  le  dernier  résultat 
e  notre  investigation ,  et  fiiisant  Tapplica- 
on  immédiate  de  nos  raisonnements  et  de 
ios  etiservations  à  la  première  génération 
llKNomes  qui  parut  sur  la  terre*  nou.s  nous 
lemandons  comment  cette  première  société, 
^~^«ii  a  transmis,  révélé  la  lumière  de  la  vé- 
h\é4tootcs  celles  qui  Tont  sui^i^f  >  pu  la 
'    elle-même.  Ici  la  difllicuUé  est  re- 


culée jusque  ses  dernières  limites  :  il  faut 
tOBdfin.  Or,  il  ne  jieut  y  avoir  deux  senti- 


il  repoasse  néiiia  la  dvilifation 

aa  h  lai  piésenle,  et  il  ne  foot  ries  moins 

^m  IcdétaaeaieBt  béruH|iie  fl  la  fi  ree  »unialoreUa 

^•et  Mttsioanairet  pour  l'arracber  à  son  apaibie. 

1  Les  bfJes  errantes  que  nous  avons  décoavertes 

JMf-»wécs  nax  exuteiiéi  dn  monde  eonnn  n*oni 

m  Ijit  ■■  seal  pas  ven  la  civilisation.  Les  babi- 

ma  to  eélas  qne  Néarqoe  a  visitera  sont  encore 

t  p*ili  éiaîeni  il  y  a  deux  raille  ans.  A  présent 

iaïae  alor»,  leors  riebesses  se  composent  d*osse- 

■CMS  aqnalii|oes  ieiéa  par  les  Ilots  sur  le  rivage.  Le 

mém  ne  les  a  pas  lasinnu,  la  misère  ne  les  a  pns 

daréi.  D  en  est  de  nérae  dés  sauvages  décriis  daoa 

iHiqniié  par  Afatarebide  et  de  noa  jours  par  le 

hefalier  nraee.  Ealearées  de  nations  civilisées 

■îMes  tfe  ce  nijanme  de  Méreé,  si  conna  par  soii 

icevdoee,  ^gal  ea  pouvoir  coorme  en  science  au 

attfdoee égyptien,  ces  bordes  sont  resléi^  dans  leur 

bmiisfieiBenl.  Lrs  ânes  se  logent  sous  les  arbres 

a  se  cantcataat  de  plier  leurs  nimeanx  et  de  les 

)Mer  en  terre...  D*autres  recueillent  les  essaims  de 

ameieiks  poussées  par  les  vents  dans  leurs  déserts, 

■  I  s  testas  des  crocod  les  et  des  cbevaux  marins 

pf.  fa  BMWt  leur  I  vue  ;  et  les  maladies  que  Dindora 

se  produites  par  ces  aliments  impurs, 

icore  aujc»uffd*bui  les  deicendants  de  ces 

■lalbeareases,  sar  la  tête  desi|nelles  les  stédes 

mt  pansé  sans  amener  poar  elles  m  améUoratioiiS, 

lé  nr-*fvés,  ai  déconcertes  (a).  > 

C4  orpraûabt  toutes  ces  tribus  sauvages  sont  bien 
tn-4esMta  de  létat  de  nature;  elles  oui  toutt^  le 
\^  prîiicitie  et  moyen  de  la  civilîtalion  ;  louica 
ées  iraditioBS  industrielles  et  même  rels-* 


C 


incrojable!  quand  an  dé'.sce,  ou  même  un 
décoavredatts  wseatraiiles  de  la  lern%  i:ai»s 
solides  du  globe  des  débris  fossiles  de 
terlAcées,  de  polypes,  d*étodes  de  nier«  île 
d^bulires,  etc.,  il  ne  h*«&vise  jaiuiii»  de 


ments  sur  le  point  ainsi  précisé  ;  car  il  est 
évident  que  ces  premiers  hommes,  n'ayant 
pu  recevoir  la  vérité  d'autres  hommes  ainsi* 
qu'eux-mêmes  Tout  transmise,  et  d*un  au- 
tre côté  étant  comme  nous  incapables  de  se 
la  donner  à  eux-mêmes,  ont  dû  la  recevoir 
du  seul  être  de  qui  ils  tenaient  déjb  la  vie  et 
rintelligence;  qu'il  a  dû  y  avoir  originaire- 
ment une  société  entre  les  premiers  hommes 
et  DieUf  comme  il  y  en  a  eu  depuis  entre 
les  hommes,  en  un  mot  une  première  révé- 
lation. 

Le  raisonnement  qui  nous  a  conduit  \  ce 
résultat  peut,  du  reste,  se  ramener  à  des 
termes  bien  simples. 

Toute  la  question  est  de  savoir  si  les  r/- 
riUi  néetêsaireSf  les  idées  univer$eUe$  sont 
rnnées  dans  chacun  de  nous;  car  si  elles  ne 
sont  pas  innées^  elles  sont  importées^  socia- 
lement d'abord  aux  individus,  et  divinement 
en  principe  h  la  socitéé. 

Or  le  système  des  idées  innées,  générale- 
ment abandonné,  n'a  consisté,  d'après  ses 
premiers  partisans,  dont  les  plus  éminents 
sont  Descaries  et  L-eibnitz,  que  dans  quel- 
ques prénotions  si  confuses  qu'elles  se  con- 
fondent presque  nvec  nos  (acuités,  sans 
avoir  assez  de  virtualité  pour  s*en  détaeher, 
en  s'élevant  k  la  hauteur  et  k  la  spécialité 
éTune  idée  (M9). 

Les  vérités  nécessaires,  qui  portent  tout 

penser  que  ces  plantes  oa  ers  amnia*'i  olismrs  ont 
été  prniluits  dans  œtte  posîti'tn.  1>>  b'in  s«*im,  plnn 
fort  que  son  système  drs^niciîr  de  la  rm%id«*mT,  lui 
persuade  que  ces  débris  onl  été  jetés  dans  celle  po- 
sition par  quelque  caia»trnphe. 

Mais  s'il  reacontre  des  tiibus  sanvages  vivant  de 
la  vie  i!es  brutes,  et  lomliérs,  pou  *  ain-i  dire,  à  l'é- 
tat fossile,  il  n'hésitera  pas  à  prorlamrr  que  ces 
êtres  déchus  ont  été  pro^niis  d»ns  ci  t  ét«l,  et  que 
c*e*t  là  lliomme  primitif.  Il  se  gar.1<raii  bien  d*«. 
Buppiner  qneles  plus  bnmfrfe*,  les  plus  chéiifs  d>n* 
tre  tous  M  êtres  organisés  mil  manqué  |:rimi  iv  '- 
aM*nt  des  conditions  iMopres  i  Senr  développement, 
et  il  n«  reculera  pa«  devant  une  ass^iiion  st-mldabie 
q.*aud  il  s'agira  de  I  bomme,  la  plus  su^iîmc  de  luo- 
tes  les  c  éaiures  let  re»tres  ! 

(918)  Tout  démontre  hisloriquement  que  l'Orient 
fut  Ke  ofre-aa  do  genre  humain.  D.:s  colunirs,  plus 
on  moin»  brurquemeiil  détairbé*  s  d  •  la  premi^e  fa- 
mille ON  nation,  se  répaitilîreni  ^Nr  b  terre,  n^em- 
portant  a%ec  elles  que  de  faildes  provii»itins  de  civi- 
liaiioii  et  de  vérité  qui  s*épuiséient  bieuiôt  dai»a 
Fi^iolemem,  tandis  que  I*  giaiid  ié>enroir  se  main- 
tint et  h  épancha  r^uliéreuMit  du  haut  île  TAsie,. 
d*ott  la  civilisation  viiit,  après  plusicu*s  siérles^ 
éclairer  ks  dissanJants  des  pri'mi  rs  émigrés.  — 
Ou  n*st s  lorigine  récente  de  U  rare  huii.aiiie  sur 
lei;lobe,  son  uniié  primitive  de  fiuiille  it  de  lan- 
gage bO  t  drs  faits  conquis  et  tSéfendus  aujourd'hui 
par  la  seif  nce  non  mui.i»  que  |-ar  U  fui. 

(9t9)  Ifiirllectus  buiiiaiius,  qui  rsl  infîmus  in  or- 
diiie  iiiU  Kectuum,  et  maiiuieiemuiiis  a  pfifeiiiH<e 
iliviiii  inleleilns.  est  in  pounîia  r«'sp*clu  i  le  ligi- 
Liliutti  ;  rt  iu  priuciph  «si  sicut  tahuU  raia^  in  qua 
ttihilesi  iCfipiniH^  ni  TbiluMiphus  iii<  il.  in  lu  de  un'h' 
nui,  c.  5,  II*  14.  QuoJ  uiai.iftfsie  a;paiet  ei  lioe 
qu*»d  i.)  pri  iipio  sunius  inteUi4;ei.lr»  s«Juui  in  p^^ 
ifutia,  poMnioduia  auiem  rfliciuinr  iiiicUigcnlC!»  n. 
acm.  SiG  igiiur  patct  quod  iniclligi  re  uuktrnio  Cbl 


M 


CoasTurr,  De  la  retigkm  eoiulriérée  d$M  m  womct,  etc.,  1. 1,  p.  155-1^. 


S'^l 


P8Y 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


^ 


iVtificfiHie  nos -connaissances,  |Tovîenn«nt 
(«mes  en  principe  de  notre  contact  avec  la 
so  iété,  où  elles  sonl  infuses,  où  elles  exis* 
tont  par  le  fait,  et  où  «tout  se  transmet  et 
s*appren>i,  m^mi>  la  vertu.  Voilà  qui  est  fondé 
en  observation,  et  que  tout  ce  que  nous 
ayons  dit  précédemment  sur  la  marche  des 
lumières  dans  le  mixide  élève  à  la  hauteur 
d'une  démonstration. 

Il  en  résulte  que  ce  patrimoine  de  vérités 
que  possèJe  la  société  no  lui  vient  pas  fon- 
iiainentalement  des  hommes,  puisque  oeux-p 
ci  ne  font  qu'y  puiser;—  et  que,  m  venant 
pas  des  hommes,  il  no  peut  lui  venir  que 
dfi  Dieu,  —  Ainsi  ce  programme  de  princi- 
pes que  nous  appelons  la  RAISON,  ce  code  de 
morale  que  nous  appelons  la  conscience,  -— 
la  loi  NATURELLE  cn  uu  mot,  —  n'est  telle 
que  par  ripport  h  une  révélation  pos- 
térieure, et  aux  applications  positives  que 
iious  eu  faisons;  mais  en  elle«m£me,  et 
plar  rapport  h  notre  nature  propre  et  indi- 
vi(fuo!io,  cette  loi  naturelle  n'est  aussi 
qu'une  loi  rév^^lée,  une  loi  apprise,  une  loi 
transmise;  et  ce  n'est  que  par  réaction  que 
nos  far^ultés,  prédisposées  à  la  recevoir,  se  la 

font  NATURELLE  (950). 

?  Cette  importante  vérité  d'une  révélation 
rRfMmvB,  quel.|ue  solidement  établiequ'elle 
soit  |Vir  les  réflexions  que  nous  venons  de 
déduire  de  la  génération  dt  la  vérié  sur  la 
terre,  est  susceptible  d'être  corroborée  par 
des  «onsitîérations  et  des  iTenvesd'un  au- 
tre or  Iro.  De  nouveaux  aperçus  et  des  plus 
r  th(»s  vont  lui  servir  de  cnnlre-épreuve  et 
élargir  la  base  de  notre  conviction. 

I  vni. 

Ftai  <ln  la  qiipsiiun  sur  i*or{gine  de  U  pensée  et  do  lan- 
/nge—Esumi'ii  critique  de  la  théorie  de  M.  £.  Renan. 

Ici  se  présente  naturellement  la  grande 
question  de  Torii^ine  de  nos  connaissances, 
une  de  celles  qui,  depuis  plus  de  deux  siè- 
<:irs,  ont  le  plus  exercé  l'esprit  des  philoso- 
phes et  qui  méritent  au  plus  haut  degré 
toute  leur  attention.  Cette  question  est  en 
eirA.'t  fondamentale  et  le  point  de  départ  de 
toute  philosophie  comme  de  toute  apologétii- 
que.  Elle  est  décisive  dans  la  grande  lutte 

q:iO'Ulam  pati,  Mcuniliun  loiiiiitn  nioibtm  passiotits; 
et  pcr  coiisequens  iiUrlliH^ius  i*sl  potenîia  pasiha. 
(Sitmma,  i«  p.,  quîcsi.  79,  ail.  2,  L  I,  p.  il  10,  éd. 

M 12  e.) 

Lst  autem  nauirale  horoiiii,  ut  per  sensibilia  ad 
iHicUigihitia  veniai  ;  quia  oinnî^  iiuslra  cogitilio  a 
sennit  iiiiiium  liahei.  (Siimma,  i,  q.  1,  art.  9;  ib., 
p.  4G8.) 

T»-!  chi,  birr  t'itridne  de  nos  connaissances,  le 
s^'iitiiueni  de  suiiii  Thomas. 

i\oiis  diseuiei  DUS  plus  loin  IVpînion  de  Descartes 
ri  do  LeitMiiu  stir  les  Idées  innées. 

<  Snbtil«>s  qu;L-dani  seclae  llieologiea»  in  oa  sunt 
ft' nkiitin,  quinl  in  horainibus  nunquam  dari  pos^^it 
li^noraniiaînvincibirsjurisnaturalis  prîmilivi.  Ad- 
iHiuuii»  ttli.'|iie  ideas  iiiR  itas,  qua:  se  cnni  hoinine 
cii^^ceiHe  lam  luroinose  evolvaiit,  ut  illas  ali  inlel- 
l'Mu  c  gnosci  in  sociilatc  ncrcssum  sil.  Si  lalrs 
I  Um»  unia  as  se  paulaiim  evolvcntes  dannnns,  cisi 
neu  iqtiain  piobari  possiiit,  ccrte  (ïj!  ritiitia  ri  ra- 


de la  révélation  chrélienue  contre  le  ratio 
nalisme  incrédnln. 

Le  problème  de  i-origine  de  nos  ronniti^ 
sauces  est  inséparable  de  celui  de  rorij^im 
du  langage.  Où  en' est  donc  aujourd'hui  c«{t« 
dernière  question  7  Elle  a  liasse  m  troi 
phases  successives. 

On  a  dal>ord  commencé  [Mir  eovisagtir) 
question  comme*  celle  d*une  invenlioDordi 
naire,  comme  celle  de  la  peinture,  parexem 
pie,,  de  récriture,  de  1  imprimene ,  ou d 
toute  autre  invention. 

En  limitant  ainsi  la  question,  on  ne  s'oc 
cupait  que  des  diflScullés  rootérielles  qo 
auraient  pu  s*opposer  h  Tinvention  du  lao 
gage;  on  considérait  la  parole  à  part,al4 
traction  faite  du  lien  naturel  qni  peut  | 
rattacher  à  la  pensée  ;  on  supposait  âid 
hommes  auxauels  on  confiait  le  soimli 
venter  laj)arole  le  plein  usage  de  toutes  letHJ 
facultés  intellectuelles,  tel  iquerhooiiDeh 
possède  dans  son  état,  naturel,  c*e5t-à-«iJN 
l'homme  entendant  et  parlant,  rtioflifoe  r^ 
vaut  au  milieu  de.sesse*nblablese(jooiv 
sant  de  tous  les  avantages  qui  iMmà 
commerce  social i  On  se  demandait 4oDe» 
rhomme,  en  le  supposant  dans  le  plmna 
de  la  raison  et  de  la  pensée,  serait  ^\m 
d*inventer  le  langage.  En  (Fautrei  tenon^ 
on  prenait,  pour  résoudre  la  question,  il 
point  de  <léf)art  que  Texpérience  adep4 
démontré  être  radicalement  faux,  et  qui  (^ 
conséquent  rend  désormais  inutiles  lesil 
guuients  employés  à  ce  point  de  vue,  m 
prouver  rim|K)ssibilité  de  1  inventioD  iii 
mal  ne  de  la  parole. 

Cependant,  malgré  cette  hypothèse,  oi 
ne  s'agissait  que  des  difficultés  matériell 
h  vaincre  |>our  instituer  la  parole,  q"cl 
été  le  résiiltat  des  réflexions  de»  phir 
phes  les  plus  sensés  sur  la  question  lu 
ainsi  posée?  Avant  et  pendant  que  Condill 
fiour  expliquer  comment  la  chose  aurait 
se  faire  par  des  moyens  naturels,  faisait  f 
1er  et  raisonner  en  philoiophe  safatoei 
staiue  (951)»  les  hommes  les  plus  réO^c' 
depuis  Lessius  (9S2)  jusqu'à  Do  Felier-I 
virent  la  solution  du  problème  hérissa 
tant  de  difficultés ,  trouvèrent  Tinstitir'' 
de  la  parole  par  Thomme  environnée  de 
Il       • . 

lîo  leslantiir,  qno  1  in  honiinîbus  )nter  nrsos 
h's,  in  ^tttdi^  «U  iiiiilisa  natîviiale,  cum  u»u^ 
nia  in  iili.s  mm  sit,  s**  nunqu:un  cvulvant,  boa» 
fam  pautni  nrosint,  quain  îpsa  noda  lalur'^ 
cuUas.  (De  l  origine  de  la  (oi  nalureite,  pirltA^ 
cliano  ne  deClôves,  mon  en  1781.) 

((I50|  Ce  raiKonneineiti  a  pour  lui  VitiH^^' 
IVxpérienc^.  Conibii-n  cridéfs  (|id  nous  sont  «i 
ntfcii  natureitéi^  qui  le  de^ivnAent  deptuif") 
rt  qui  Ci  pendant  ne  relaient  pas,  Irnt  y^*  ^^ 
}'  a  dix  -buil  cents  an^  *  Je  pane  <le  louics  ^^  • 
importées  dans- le  nitinde  par  le  chiisOâiii^i^' 
qui,  repoussëes  d'aboi d  comme  aQlin.i:u:o'<e 
anlisociale»  par  la  toriëië  |>aîenne.  sont  d^'t^' 
les  bases  nièiii»  s  de  la  raÎFon  pul.liqoe  et  \ey  " 
riiiversellcj» <lu  sens  moral;  si  liie»  qiif. nou><K 
diKlîni;non!$  plus  anjourd'hiii  de  U  loi  fu/irrt/tr* 

(!KM)  Trait  nieê  semntions. 

(ÎKSi)  Lovo  infrR  cîL 

{V,l>7i)  Cnt^ihismc  pitUo$op-ùque^  n.  l5-« 


PST 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUe. 


PST 


t94 


*obslaeleSy  qolls  la  regardaient  romme  dé- 
a<5«atles  forées  naturelles  de  Thomme»  eC 
u*il$  croyaient  ne  poaroir  I  expliquer  au- 
ctneiit  que  jiar  une  invention  directe  de  la 
iviaité. 

Il  r  a  pliis  de  deus  cents  ans  que  le  sa- 
int et  pieux  Lessins  a  résumé  ces  difB-. 
11! tés  ATec  tant  de  clarté  et  de  précision  , 
ue  nous  ne  [)Oiivons  nous  d^f**ndre  de  rap- 
*>rterîci  lextuellensent  s^s  paroles  : 

Son  tnim  prima  nontinum  inuitntio  et  Un-' 

marum  farmatio  eâi  ex  hominum  industria 

^  eonrentiane ,  ut  facile  coUigere  eet  tum  ex 

ûro  ariifieio  quodsingutis  in  linguii  cerni" 

»*,  ium  ex  ipea  êacrœ  Scripturœ  [Gen.  n) 

ftrta  mmratiome^  tum  ex  eo  quod  non  ap- 

^eat  modus  proponendif  detiberandi  et  can-' 

mtiendi  m  idem  nùmen^  inter  homines  nul^ 

w  tinguœ.  Pane  mille  tiroe  expertes  omnie 

dîomaiis  m  ineula  remoia  ab  omni  commère 

io  aliorum.  Quomodo  hi  eanvenient  ut  de 

ingwLiig  nominibuM  êtatuant?  Quomodo  hoc 

^nsttium  communicabunt  êociis  ?  Quomodo 

^^«    smgmlas  in   deliberationem   inducent  ? 

^«a«iimIo  res  spirituales^  ut  funetionei  po^ 

i^fmimrum  animœ  f  Quomodo   distinclioneê 

Va^omiN,  prœsentiê^  prœteriti^  fnturi^  mo^ 

in  mperandi ,  oplandi  et  alia  innumera  ? 

(N  Mcii  inflexione  hœc  êinguia  eint  signi^ 

ftmJÊf'Hino  manifestum  est^  linguas  esse 

imftimm  divinum^  non  inventum  humamun^ 

FuifiÊam  tamen  jam  semel  constitiitœ  sunt, 
pnsmni  rario  modo  misceri^  novart^  for^ 
msri  [93k), 

Toutefois,  il  faut  en  convenir,  cette  solu- 
Kioa  ne  pouvait  être  définitive,  elle  ne  puur 
mit  être  regardée  comme  incontestablement 
prODvée,  parce  qu'en  prenant  un  point  de 
départ  fautif  on  peut  arriver  au  vrai  comme 
BD  peut  arriver  au  faut,  mais  sans  qu*il  soit 
possible  de  constater  d'une  manière  péremp- 
iDire  la  valeur  des  résultats  obtenus. 

La  question  resta  donc  indécise.  Mais  bien- 
Ut  en  réfléchissant  Mir  les  raip^rts  qui 
existent  entre  la  parole  cl  In  pensée,  on 
roromençaà  entrevoir  la  fausseté  de  Thypo- 
Ibèse  d'où  l'on  était  parti,  et  par  conséifueiit 
la  nécessité  de  revenir  5ur  tout  ce  qui  se 
rallacbait  k  -la  solution  du  problème.  C'est 
ilors  que  la  question  se  In  m  va  placi^  sur 
an  terrain  nouveau.  Voici  les  donuées  que 
(^iimit  ce  nouTcau  point  de  vue. 

Les  pliilosophes  qûelc]ue  peu  distingués 
do  t  utesles  écoles  parvinrent  à  reconnaître 
aue  la  parole  est  indispensable  toutes  les 
rûs  qu'il  s'agit  d'objets  qui  sont  du  ressort 
<i«  la  raison  et  de  la  peuséOf  ou,  en  d'autres 
teones,  que^  si  l'homme  peut  s'occuper 
nieotalement  de  choses  sensibles  à  l'aide 
u'images,  les  lools  lui  sont  nécessaires  pour 
penser  ai»x  vérités  abstraites,  métaphysiques 
ou  morales,  aux  objets  qui  ne  tombent  pas 
tous  les  sens.  De  là  ils  furent  naturellement 
eonduits  à  cette  conclusion ,  q^ïi\  ne  peut 
plus  être  question  de  finvetuion  humaine 
de  la  parole,  puisqu'il  serait  absurde  de  sup- 
poser l'homme  capable  dMnventnr  par  lef- 


fortde  sa  |iepsée  ce  qui  lui  est  indispensable 
pour  fienser. 

.Nous  n'avons  pas  liesoîn  de  rap^ieler  ici 
la  force  de  raisonnement  déplovéo,  pour 
démontrer  cette  thèse ,  par  M.  De  Bonald 
dans  SOS  Recherches  philosophiques  et  dans 
Sà  Ugislation  primitirt. 

Sons  re  rap{)ort  et  de  la  manière  dont  la 
question  a  été  présentée  dans  cette  seconda 
|;ériode,  elle  p^ralt.irrévocablement  décidée. 

Mais  alin  qu'elle  eût  une  solution  com- 
plète, une  solution  qui  condutstt  à  des  con-. 
séquences  pratiques  et  importantes,  il  était 
nécessaire  de  l'envisager  sous  un  nouveau 
|)oint  de  Tue,  préparé  naturellement  par 
celui  où  l'un  s'ctait  placé  en  second  lieu. 

Ce  point  de  vue  nouveau  se  trouve  dans 
la  question  de  la  spontanéité  on  de  la  non*, 
spontanéité  de  la  pensée.  En  effet ,  quand 
bien  même  on  reconnaîtrait  comme  una 
vérité  prouvée  pour  tous  que  l'homme  ne 
peut  avoir  inventé  la  parole,  il  serait  im- 
possible de  résoudre  d'une  manière  défi- 
nitive la  question  de  la  véritable  origine  de. 
la  parole,  aussi  longtemps  que  l'on  .n'aurait 
pas  résolu  d*une  manière  également  défini- 
tive la  question  de  l'origine  spontanée  ou  non- 
spontanée  de  la  pnrole  elle-même.Toujours  il 
se  présenterait  deux  alternatives  également 
admissibles,  savoir,  l'institution  divine  ou  la 
formation  spontanée  du  langage.  Car  tout 
en  admettant  l'impossiblilité  de  l'invention 
de  la  parole,  il  est  facile  de  dire  que,  la  pen- 
sée étant  le  produit  spontané  de  la  raison, 
la  parole  a  été  formée  d'une  manière  égaler 
ment  spontanée,  et  par  conséquent  toute 
intervention  de  la  part  de  Dieu  se  trouve 
de  nouveau  exclue  pour  l'origine  de  l'une 
comme  de  l'autre. 

Or  c'est  Ih  le  point  capî  al  auquel  vise 
toujours  le  rationalisme,  quand  il  s'agit  de 
l'origine  de  nos  connaissances. 

Aussi  Ancillon  lui-même,  tout  en  niant 
l'invention  humaine  du  langage,  se  déclare- 
l-il  nettement  pour  l'origine  siKintanée  de 
la  fiarole  :.  «  La  faculté  de  former  des  idées 
générales,  dit-il ,  c'est-k-dlre  de j>enser,  en 
inspire  le  besoin  .{le  besoin  de  former  dos 
signes)  ;  ce  bes«nn  du  signe,  est  un  instinct 
de  rii.telligence:  la  .création  du  signe  le  sa- 
tisfait, et  cette  création  est  l'etiet  de  la 
liaison  étroite  qui  règne  entre  l'oi^ane  de 
l'ou'ie  et  celui  de  la  parole.  Ces  facultés,  ces 
organes,  ces  bes<iins,  ont  coexisté,  et  co- 
existent encore  tous  les  jours.  Comme  toute 
faculté  tend  à  produire  les  actes  qui  lui  sont 
analogues,  leur  concours  s|)ontané,  naturel, 
involontaire  de  notre  part,  a  produit  les  élé- 
ments du  langage  ....  La  grande  diOlculté 
dans  cette  matière,  continue-t-il,  est  celle- 
ci  :  Il  but  penser  pour  inventer  et  créer  les 
langues,  et  sans  les  langues  il  n'est  pas  pos- 
sible do  penser  ;  car  on  ne  pense  pas  sans 
notions,  et  les  notions  ne  (leuvent  être  fixées 
que  par  les  mots.  Le  seul  moyen  de  se  tirer 
tic  cette  difiiculté  est  de  dire«  comme  nous 
l'avons  fait,  que  l'attractiitn  naturelle  entre 


(951)  De  perffct.dir.j  lib.  vi,  r.  I,  r.  31  :  Anliierpli*,  1026. 


«IK 


PST 


DICTIONNAIRE  APOLOfiKTlQUE. 


PST 


In  pensée  et  \n  parole,  et  leurs  affinités  se- 
crètes sont  telles,  qu'elles  se  sont  récipro- 
quement appelées,  et  qu'elles  ont  paru  en 
même  temps  (955).  » 

La  première  question  qu'il  faut  donc  exami- 
ner ici»  la  question  actuelle Ja  auestion  fon- 
damentale et  décisive,  est  celle  ue  savoir  si  en 
effet  la  pensée  se  développe  spontanément 
en  nous,  ou  bien  si  elle  ne  se  forme  que 
j>ar  le  moyen  de  l'éducation  ou  de  l'instruc- 
lion  reçue.  L'importance  de  cette  question 
est  telle,  que  nous  regrettons  vivement  que 
M.  de  Bonald  ne  Pâit  pas  traitée  comme  une 
question  préalable  à  celle  de  l'origine  de  la 
jiarole.  Par  là  il  aurait  donné  è  sa  doctrine 
une  force  irrésistible,  il  l'aurait  démontrée 
sans  réplique,  i!  l'aurait  mise  k  Tabri  des 
attaques  auxquelles  elle  e$t  maintenant  en- 
core en  butte  de  la  part  des  personnes  qui 
ne  considèrent  dans  la  parole  mie  son  côté 
matériel  et  extérieur,  ou  qui  n  ont  pas  en- 
core pu  se  défaire  de  la  supposition  carté- 
sienne et  rationaliste  de  la  spontanéité  de  la 
raison. 

Il  est  vrai  que  cet  illustre  écrivain  n'a  pas 
entièrement  négligé  le  côté  de  la  question 
dont  nous  parlons  ici  ;  on  trouve  même  dans 
ses  écrits  toutes  les  données  qui  auraient 
dû  naturellement  le  conduire  à  ce  point  de 
vue  nouveau,  et  par  lesriuelles  on  peut  don- 
ner à  la  question  ainsi  envisagée,  comme 
elle  doit  réellement  l'être,  sa  solution  pé- 
remptoire.  Mais  jamais  il  n'a  fait  de  ce|K)int 
de  vue  la  question  principale,  jamais  il  ne 
lui  a  assigné  le  premier  rang.  Au  lieu  de 
traiter  principalement  \à  question  de  l'ori- 
gjne  de  nos  connaissances ,  il  a  pris  pour 
objet  principal  de  ses  études  la  question  de 
l'origine  de  la  parole.  Bien  que  ces  deux 
questions  soient  identiques  au  fond,  il  n'est 
I>as  du  tout  indifférent  de  présenter  en  pre- 
mier lieu  l'une  ou  Vautre  des  deux  faces.  Car, 
d'une  part,  s'il  est  prouvé  que  la  pensée  ne 
se  forme  en  nous  que  par  suite  de  l'éduca- 
tion, la  question  de  l'origine  de  la  parole 
perd  à  la  fois  son  importance  et  sa  difficulté  ; 
d'autre  part,  en  présentant  cette  grave  ques- 
tion sous  sa  forme  purement  extérieure  et 
accidentelle,  on  s'expose  k  devoir  répondre 
h  une  ioule  d'objections  que  des  personnes 
peu  réfléchies  ou  prévenues  ne  cessent  d*ac- 
cumuler  sans  toucher  iamais  le  point  princi- 
pal, comme  le  prouve  a  l'évidence  la  manière 
légère  dont  l'école  éclectique  de  Paris,  et 
en  particulier  MM.  Damiron  et  Jules  Simon, 
ont  attaqué  et  cru  avoir  réfuté  la  doctrine 
de  M.  de  Bonald  (956). 

Ainsi,  pour  nous  résumer,  la  première 
plia<^e  qu  a  présentée  le  problème  de  J  ori- 
gine de  la  parole,  est  celle  des  difficultés  ma- 
iérietUi  pour  l'institution  humaine  du  lan- 

(955)  E^ttaii  de  philoi.,  de  poiiL  et  de  /II/.,  t.  I, 
p.  75-75.  —  M.  Daiiiiro«i  8*arré  a  à  la  roéoie  solu- 
lioN  ;  mais  il  y  est  arrivé  à  VMt  d^une  description 
bieii  pins  légère  et  pins  poétique.  £ssaî,6ic.,  art. 
De  Bonald*  (Voir  G.-€*  Ubaghs,  Logicœ  seu  philoso^ 
phiœ  rntwnaiiê  eUmenîa,  4'  éilit.  p.  iG8.) 

(IK%i  M.  Daiiiro.v,  E$$ai  $ur  rhiaL  de  ta  phil,  etc., 
art*  DeBonaid;  M.  Ji'les  Si MO?f,  Kenie  de$  deux 


gage,  même  en  supposant  l'homoieiOQissaQt 
du  plein  usage  de  ses  facultés  intelfecloellei 
indépendamment  de  la  f>arole;  la  deux-ièm^ 
est  celle  du  rapport  intime  qui  existe  enin 
la  parole  et  la  pensée:  la  troisième  eniio, 
dans  laquelleelle  est  entrée  aujourd'hui, est 
celle  où  tout  se  réduit  è  la  seule  question  de 
la  spontanéité  ou  de  la  non-sponianéité  it  h 
pensée. 

Or,  cette  dernière  question  n'en  est  pus 
une  pour  tous  ceux  qui,  au  lieu  de  s'arrêter 
è  des  préjugés  ou  à  des  hjpothès»es  conçues 
a  friorif  ont  examiné  avec  impartialité  les 
faits,  les  observations  et  les  expériences  qui 
prouvent  la  nécessité  de  rinstrociion  pour 
expliquer  l'origine  de  la  pensée.  Car,  paij- 
que  des  faits  nombreux,  cerlaitis,  incontes- 
tables, nullement  démentis  par  aucun  fait 
contraire,  prouvent  que  là  où  l'instructiofl 
a  manqué  l'intelligence  humaine  ne  s'est 
jamais  développée,  et  que  partout  au  m- 
traire  où  la  raison  s'est  formée,  elle  s'est 
formée  sous  l'influeneede  rinstruGtioD(fi7,\ 
force  nous  est  d'admettre,  avec  toutes  srs 
conséquences,  cette  vérité  désormais iaav- 
tcstable,  que  la  paroie  exprimée,  soituab* 
ment,  soit  par  écrit  ou  par  geste8,eik 
eonditio  sine  qua  non  de  la  formation  kW 
pensée,  comme  à  son  tour  la  pensée  forah 
est  nécessaire  pour  la  former  o^igiQait^ 
ment  ou  la  faire  naître  dans  les  autres, et 
que  par  conséquent  la  parole  et  la  pensée 
ne  sont  pas  le  produit  spontané  de  nos  It 
cultes,  mais  qu  elles  ont  dû  primilivemeot 
être  données  en  même  temps  à  rhomme  ^t 
la  part  de  la  Divinité. 

Cesi  à  ce  dernier  et  si  important  résulut 
que  nous  nous  proposons  d'arriver  par  une 
série  d'arguments  que  nous  allons  sucées 
sivement  uévelopper  dans  ce  paragraphe  et 
drns  les  suivants. 

Pour  mieux  faire  saisir  encore  quel  en 
l'état  de  la  question  et  faire  bien  connaîtn 
à  quels  antagonistes  nous  avons  affairt 
nous  allons  extraire  quelques  passages  d*ut 
ouvrage  dont  l'auteur  a  parfaitement  résumé 
la  thér>rie  actuelle  du  rationalisme  écl^ii- 
que  sur  cette  haute  question;  nous  ▼oulon'^ 

Karlcr  de  la  thèse  sur  le  langage  pabliée  i«r 
[.  Ernest  Renan  dans  la  Liberté  de  penser. 
Au  xvin*  siècle,  selon  M.  Renan,  «  i  erreur 
était  d'attribuer  aux  facultés  ré&échies,  i 
une  combinaison  voulue  et  arbitraire,  un 
produit  spontané  des  forcer  humaines,  a^t^ 
sant  sans  conscience  d'elles-mêmes.  » 

Dans  le  premier  quart  du  xix*  siècle,  in 
question  lit  un  pas  par  la  théorie  de  la  rv- 
vélation  du  langa^^e  soutenue  principalement 
par  M.  de  Bonald.  «  Il  y  avait  dans  cette 
théorie,  dit  M.  Renan,  un  progrès  réel  et  un 
acheniineinenl  è  la  véritable  by|M>tbèse.  • 

mondêi^  août   1844.   (Voir  Tuuvrage  dlé  de  M. 
UbashStU.  I65-IB9.) 

(957)  Voir  Texposé  et  la  discussioa  de  ces  (su*, 
eiiire  autres,  daas  Touvrage  cité  ilc  II.  te  pryf. 
Ud\chs,  p.  UM81,  ei  dans  les  ëcrîu  qitî  s>tnM»- 
vent  indiquée.  Voir  aussi  notre  ouvraM  Du  larfÊ/r 
et  de  $on  rèie  dans  (a  coHtniuîisH  de  h  rvûon. 


1-/ 


pm 


DICTiOMiAlRE  APOLOGETIQIIE- 


PST 


fje  xTm*  riède»  8Joote*l-il,  avait  toutdouné 
la  liberté,  je  dirai  presque  au  caprice  de 
Itomioe.  Due  des  écoles  qui  séJevaienl 
ootre  lui  donna  tout  à  Dieu.  Le  langage 
fait  d*abord  été  une  ioTention  humaine  ;  ii 
«Tint  maintenant  une  réTélation  divine.  » 
>d,  aux  yeux  de  M.  Rnan,  est  un  tort 
jife.  «  Les  auteurs  de  cette  tlièse,  dit-il, 
I  soutenaient  au  profit  d'un  système  de  fi- 
ëisme.  •  Vous  comprenez,  «m  système  de  /t- 
HMme!  Cela  dit  tout.  Osez  donc  argumenter 
l  avoir  raison  avec  un  sysiime  de  âdéismel 
Enfin  voici  venir  M.  Cousin.  «  Celui-ci , 
I  développant  sous  un  jour  nouveau  la 
srcbologie  du  spontané  (Cours  del818,|MM- 
m;  Cours  de  IffiS,  6*  et  7*  leçon,  etc.),  mit 
s  esprits  sur  la  voie  de  la  solution.  A  ce 
»QTeau  point  de  vue,  le  langage  n*est  plus 
9  don  du  dehors  ni  une  invention  tardive 
mëcanique  Ce  sont  les  ficui tés  humaines 
lai,  pir  leur  force  interne,  agissant  sponta- 
é=maii  et  dans  leur  ensemble.  Font  produit 
Hunae  leur  expression  adéquate.  La  faculté 
m  signe  ou  de  l'expression  est  naturelle  à 
i-^ionme.  Tout  ce  qu'il  pense,  il  l'exprime 
[«(Meurement  et  extérieurement.  Sans 
j:^oMb^  comme  on  Ta  dit  avec  justesse  :  <  Ce 
&  est  pis  le  signe  qui  fait  la  pensée,  mais  la 
pcHèèfd  fail  le  signe  (958).  »  L'initiative, 
:«  foffsdEcace  et  causante  viennent  de  1  es- 
pnf;  mis  aussi  ce  n'est  pas  par  un  choix 
irtitnife  que  l'expression  vient  se  joindre 
\  ch^oÊû  des  actes  de  l'intelligence  ;  c  est  par 
«  fait  même  de  notre  constitution  psycholo- 
sque  Rien  non  plus  d*arbitraire  dans  j'em- 
Moi  de  rarticulabon  comme  signe  des  idées. 
le  n'est  ni  par  une  Tue  de  convenance  ou 
<c  oofomodité,  ni  par  imitation  des  ani- 
uax,  que  l'homme  a  choisi  la  parole  pour 
annuler  et  communiquer  sa  pensée,  o\ais 
•fte  que  la  parole  est  chez  lui  naturelle  et 
sant  a  sa  production  organique  et  (|uant  à 
>n  inlerpc«tatîon  psycholo^que.  Si  on  ac- 
>rrfe  en  efltot  k  l'animal  l'originalité  du  en, 
jurqnoi  refuser  à  l'homme  l'ori^linalité  de 
I  parole  (MM?  pourquoi  s'obstiner  à  ne 
>ir  en  celle-ci  qu'une  imitation  de  celui-li? 
serait  sans  doute  trop  ridicule  de  regar- 
K-r  comme  une  découverte  l'application  <^ue 
fK>mme  a  laite  de  l'œil  à  la  vision,  de  I  o- 
rilie  à  TauditioQ  :  il  ne  l'est  guère  moins 
appeler  invention  l'emploi  de  la  parole 
»nim€  moyen  d'expression.  L'homme  a  la 
cuMédu  signeondeTinterprétation  comme 
a  celle  delà  vue  ou  de  Touîe  (960)  ;  la  pa- 
^e  est  le  moyû  de  la  première,  comme 

i^SS)  Cocsn,  Fr«f«.  pWL.  1. 1,  p.  «lî.  (3*  édiL) 
^9d9|  La  oonsëqueiice  de  ce  beaa  rsisouieaieiil 
ft  ««e  les  aiitmauz  de  b  même  ei|;èce,  aysai  les 
«mes  cris,  res-pcee  ktmme  derratt  earUMl  snssi 
koir  k  oiéme  langage,  puisque  le  cri  de  faBimal  ne 
ii  est  pas  pies  aaiarel  que  la  parole  à  rbomme. 
sMr^  ce  que  mms  voyoas  ?  un  autre  tenant  deréo>4e  ^ 
fikariennea  dil  aut9.i  :  t  L'homme  a  fatl  sa  langue 
ommr  les  obeanx  font  leur  chaoL  II  n*y  s  que  b 
ftflèrenee  du  simple  au  composé.  >  (DenocLua.) 
i)»)  One  dnctrine  réduite  à  cet  excès  de  para- 

mic  cslînflée. 

{%ï}  hkl  puîsqu'H   était  enfant,  on  eompreod 
MRde  saiie  que  ceb  a  dû  lui  être  très-aisé.  Quel- 


l'œil  et  l'oreiMe  sont  !es  or^xanes  des  deux 
autres.  L'usage  de  larticulalion  n'est  donc 
pas  plus  le  fruit  de  la  réflexion  que  Tusa^e 
des  autres  organes  de  nos  facultés.  Il  n'y  a 
pas  un  langage  natnrel  et  un  langage  artifi- 
ciel ;  mais  la  nature,  en  même  temps  qu'elle 
nous  révèle  nos  forces,  nous  révèle  les 
moyens  qui  doivent  servir  d'instruments  à 
leur  exercice. 

«  C'est  donc  un  rêve  d'imaginer  un  pre- 
mier état  oii  l'homme  ne  parla  pas,  suivi 
d'un  autre  oii  il  conquit  l'usage  de  la  parole. 
L'homme  est  naturellement  parlant  comme 
il  est  naturellement  pensant,  et  il  est  aussi 
peu  philosophique aiinaginer  un  commen- 
cement au  langage  qu'à  la  pensée...  Le  lan- 
gage étant  la  lorme  expressive,  le  vêtement 
extérieur  de  la  pensée,  Tun  et  l'entre  doi- 
vent être  tenus  pour  oontem|)orains. 

<  Ainsi  donc,  d'une  part,  la  parole  est 
dans  son  tout  l'œuvre  de  l'homme  et  de|s 
forces  qui  résident  en  lui.  De  I autre,  rien 
de  réfléchi,  rien  de  combiné  artificiellement 
dans  le  langage,  non  plus  que  dans  TespriL 
Tout  est  i  œuvre  de  la  nature  humaine» 
agissant  spontanément  et  sans  réflexion  sur 
son  effort. 

«  L*homme  primitif  put,  dans  ses  pre- 
mières années,  construire  cet  édifice  qui 
nous  étonne,  et  dont  la  création  nous  parait 
si  prodigieusement  difficile,  et  il  le  put 
MRS  travail,  parce  qu'il  était  enfiuit  (961). 
Maintenant  que  Ja  raison  réfléchie  a  rem- 
placé cet  instinct  primitif,  à  peine  le  génie 
peut -il  suffire  i  analyser  ce  que  l'esprit 
d'alors  créa  de  tontes  pièces  et  sans  r  son- 
ger (9G2).  L'humanité  qui  crée  sa  langue 
n'éprouve  pas  plus  de  difficulté  que  la  plante 
qui  germe  (96âj. 

«  La  réflexion  n'y  peut  rien,  les  langues 
sont  nées  toutes  faites  du  moule  même  de 
l'esprit  humain,  comme  Minerve  sortant 
tout  année  du  cerveau  de  Jupiter.  » 

Toutefois  nous  aurions  tort  de  nous  lai^ 
ser  éblouir  par  ces  comparaisons  et  ces 
images  vives  et  brillantes.  Il  nous  faut  beau- 
coup retrancher  de  l'idée  que  les  affirma- 
tions intrépides  de  notre  systématique  au- 
teur nous  ont  donnée  d*abord  des  merveil- 
leuses créations  de  la  spontanéité.  €  Las 
premiers  essais  ne  furent  que  rudimen- 
taires...  Ce  n'était  qu'une  expression  syn- 
thétique et  obscure...  Tout  j  était,  mais 
confusément  et  sans  distinction...  11  est 
difficile,  dans  l'état  présent  de  nos  connais- 
sances, de  déterminer  davantage  et  de  tracer 


que  Indiscret  demanden  peut-être  pourquoi  maiTe- 
moisdle  Lebbnc  et  la  cuoip^gne,  eiifamt,  po«r«|uoi 
Gaspar  Hanse  r,  i  nfani,  etc.  etc.,  ne  cotutrmuiremt 
pas  anss^i  cel  édifice.  M.  Renan  irmiTo  pins  simple 
éc  ne  pas  prévoir  les  objections,  cela  pouirait  irmi- 
bier  ses  ibéories  m  fnmti,  il  va  droit  à  Tafarmation 
oomme  le  bloe,  déucbé  du  rocher,  va  dniii  i  rablme 
an-dessus  du*|uel  il  éiaii  ausfieiMla. 

(9ei)  Oeelle  admliaUe  lacullé  nous  avons  per- 
due là! 

(MS)  La  métaphysique  du  Inagafe  ponsaaîtalofs 
dans  les  léies  huuuiines  cuwe  les    ' 
dans  les  bois. 


899 


rs\ 


DICTIONNAIRE  AROLOGETIQIE. 


rsY 


m 


{es  caractères  de  la  langue  qae  parla  rhonimc 
lors  du  réveil  de  sa  conscience,  »  On  conçoit 
oes  embarras.  La  oiir  tout  était,  mais  von  fa- 
séneni  H  sanê  distinction ^  (fans  un  pareil 
chaos,  il  est  dilHcile  de  rien  voir,  de  rien 
débrouiller.  C'est  ce  qui  fait  que  tout  ce 
que  vous  affirmez  sur  ce  sujet  est  sans  |ior- 
téc  aucune ,  et  que  votre  théorie  est  un 
édiGee  en  l'air. 

«f  11  semble  que  Pliomme  primitif  ne  vécut 
point  avec  lui-mémo  ni  dans  sa  ronscience, 
mais  répandu  sur  le  monde  dontilsedis- 
tinguaitè  peine...  L'homme  primitif,  comme 
lenfant,  vivait  tout  par  les  sens.»  Voilà  la 
noble  idée  que  Fauteur  nous  donne  de  ce  roi 
de  la  nature. 

Conformément  h  Tidée  qu'il  se  forme  de 
l'homme  primitif,  M.  Renan  affirme  que  «  la 
langue  des  {Temiers  hommes  ne  fut  que 
Fécno  de  la  nature  dans  la  conscience  hu- 
maine, et  que  Tonomatopée  fut  le  procédé 
ordinaire  par  lequel  ils  formèrent  leurs 
appellations.  »  Ainsi  le  premier  langage  fut 
Timitation  des  bruits  de  la  natu.'*e  (i)6'*). 

ft  II  faut  admettre,  ajoute-t-il,  dans  les 
premiers  hommes  un  tact  d'une  délicatesse 
infinie  qui  leur  faisait  saisir  avec  une  finesse 
dont  nous  n'avons  plus  d'idée  les  qualités 
sensibles  qui  devaient  servir  de  base  à  l'a;»- 
pellation  des  choses...  Ils  voyaient  mille 
choses  à  la  fois...  » 

On  peut  citer  h  l'appui  de  ceci  le  Boshis- 
man  et  le  Pescherai,  par  exemple,  hommes 
primitifs  s'il  en  fut,  n  lesquels, suivant  Sjiar- 
mann  (t.  1,  p.  212-236),  et  d*Acosta  {tiist. 
natur.  y  moral  de  las  Indias^  lib.  vu,  c.  ^), 
n'ont  pour  asiles  que  les  buissons  et  lo 
creux  des  rochers,  et  pour  nourriture  que 
des  racines  sauvages  et  des  plantes  c|u  ils 
mangent  crues,  certaines  espèces  d'arai- 
ignées,  des  serpents,  des  lézards  et  autres 
reptiles,  Técureuil  volant,  etc.  (965)  «.  Que 
le  tact  de  ces  gens-là  doit  avoir  de  délica- 
itêstj  et  comme  ils  doivent  être  occupés 
d'appellations  onomatopéiques  (966),  et  s  ils 
rotent  mille  choses  à  la  fois^  comme  cela  leur 
a  été  jusqu'ici  d'une  grande  ressource! 

Après  cela  je  suis  bien  de  favis  de  Tau- 
tenr  qui  conclut  là-dessus  en  ces  termes  : 
«  Nous  devons  renoncer  à  jamais  à  retrou- 
ver les  sentiers  ca^iricieuz  qu'ils  parcouru- 
rent et  les  associations  d'idées  qui  les  gui- 
dèrent dans  cette  œuvre  de  production 
spontanée.  » 

Cependant,  quoiqu'il  ne  soit  rien  moins 
que  sûr  de  la  manière  dont  les  choses  se 
]>assèrent,  notre  auteur  se  prononce  œntre 
l'unité  de  langage  à  l'origine.  «  Peut-on 

(964)  Desmoulins  dil  aussi  :  i  L'oreille  recueillît 
las  bruits  extérieurs  et  en  fit  les  viiomaiopées  ;  elle 
enregistra  \té  ezclamatioiis  «|ionianéeit  des  pas- 
siutis.  Ce  fonds  modifié  |Nir  le  capiice«  par  la  tradi- 
tion, donna  des  couibinaiions  iottiiies  coamie  le  ba-  * 
sard.  >  Si  rarrangoineul  de  la  matière  homme  est 
un  accident  récent,  une  transformation  dernière  du 
ver  perfectionné,  la  parole  M*est  qu'une  fonction  fa- 
taie  comme  le  cliani  des  oûieaux.  11  y  a  pnidigieu^ 
8**inent  de  naiveté  dans  les  prétentions  de  cette 
écute. 


croire,  dit-il,  que  les  premiers  hommes,  qui 
se  {possédaient  à  peine  eux-mêmes  eUuot 
la  raiiion  était  enct>re  c/miuic  un  s^mu^f, 
eussent  réalisé  cette  unité  è  laquelle  les 
siècles  les  plus  polis  ont  eu  peine  à  atteio* 
dre?...  Au  commencemeQt  il  j  aYailsu'aQt 
de  dialectes  que  de  familles  :  je  dirai  prtK- 
que  d'individus.  »  C'était  ua  peu  cotuit  e  !a 
tour  de  BabeJ,.  On  n'en  doit  point  èirc  sur 
pris ,  les  premiers  hommes  te  potudaim 
peine  et  leur  raison  Hait  comme  ua  totige. 

«  Une  richesse  sans  bornes  ou  plulîi  sai 
règle,  ajoute-t-il,  une  synthèse  ol»cure 
tous  Iqs  élétnents  entassés  et  indistii 
tels  étaient  donc  les  caractères  de  la  pe 
e(  de  la  langue  des  premiers  lioiume^.  i 
oiiservations  peuvent  nous  consoler  de 
perte  à  tout  jamais  de  cette  merveilleM 
spontanéité  dontrimmanit'^  fuldouéeiiii 
origine  et  dont  H.  Heoan  racontait  tantôt! 
prodiges. 

En  terminant,  lauteur  fait  quelques  ri* 
flexions  qui  méritent  d*étre  rapproriite 
(les  considérations  auxquelles  il  &e$t  liné 
si  dogmatiquement  dans  ce  qui  pré(^. 

a  Quelles  que  soient,  dit-il,  les  iulKiiiil 
que  dans  l'état  actuel  nous  poovwslint 
sur  le  passé,  il  faut  avouer  (jne  bien  te 
choses  resteront  toujours  inexpliauéesi'^ 
les  procédés  primitifs  de  Tesprit  huioi 
cause  de  l'impossibilité  absolue  où  \ 
sommes  de  les  concevoir  et  Ue  icsforoitti 
«  Comment  exprimer  un  point  de  vuesj 
tané  dans  des  langues  dont  les  terme:» 
fortement  réflexifs  (GG7}  ?  » 

Cette  impossibilité  absolue,  on  la 
prend;  c'est  pour  cela  que  toutes  tus  ai 
mations  restent  sans  valeur  et  quei 
vous  jperdez  dans  des  hypothèses  a  pri 
qui  n  ont  pas  plus  de  portée  que  n'ool 
songes  du  malade  dont  parle  le  poi 
cTi^rt  somnia. 

«  Il  faut  dire  que  rbumanité,àcesé 
reculées,  était  dominée  par  des  inOiieD 
qui  n'ont  plus  maintenant  d'analogues 
qui  ne  sauraient  plus  amener  les  mi 
effets.  A  la  vue  de  ces  produits  é(ra 
des  premiers  ftges,  de  ces  faits  qui  ' 
blent  en  dehors  de  Tordre  accoutu 
l'univers,  nous  serions  tentés  d'j 
ser  des  lois  particulières,  maintenani 
d'exercices,  » 

Eh  I  oui ,  vous  auriez  grand  Ik^ 
ces  moyens  extraordinaires,  de  ces  r 
ces  placées,  comme  vous  le  dites,  en 
de  l  ordre  accoutumé  de  l'univers  :  vous 
tezja  nécessité  de  l'ordre  surnaturel* 
ce  mot  vous  effraye,  vous  ne  l'écrirei 

(905)  Voy.  aussi  CooK^prem.  toy.^  t  II  e(  lil> 

(966)  M.  Renan,  vu  supposaoc  que  Tuiiaoi 
pëe  fut  le  procédé  ordinaire  par  Icqtiel  ks  prri» 
homoics  rornicient  leurs  appellaUuiis,  ne  prw 
garde  que  ronoioatopée  est  tnujour»  uu  tertnt;  ( 
pwé  qui  implique  comparaison  et  Jugeioei-i:^ 
donc  un  vériuble  progrès,  un  développesMini  <v 
langue  et  non  un  mot  primitif.  (Voy.  hooieAVi 
à  la  fln  du  volume.)  .  .„ 

(967)  Cousin,  Fruffm.  phUos.,  i.  I,p.36l.(^*al» 


PSY 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


loi 


INre»  eomine  Ja  logique  et  le  sens  commnn, 
que  le  oalurel  a  sa  base  nécessaire  dans  le 
surnatorel,  ce  serait  tous  faire  soupçon- 
ner de  lUféisme.  Vous  6les  donc  condamné 
è  Toas  tirer  de  la  question  comme  tous 
P'iurrexT  ^ous  ferez  toutes  sortes  de  rai- 
Mioucnients  à  perte  de*  Tue  ;  puis  eulln , 
tiowiné  par  la  force  de  la  Tértté,  tous  con- 
tlurez  par  l'aTeu  de  Totre  radicale  im- 
poissanee. 

•  liais  il  n*y  a  pas  dans  la  nature  de 
goufemement  temporaire  ;  ce  sont  les  mê- 
mes lois  qui  régissent  aujourd'hui  le  monde, 
et  qui  ont  présidé  à  sa  constitution.  » 

Vraiment,  Monsieur?  En  étes-TOus  bien 
strî   L*bomme^  ^r  exemple,  naît  d*une 
ftamie  aojourd*bni  ;  direz-TOus  que  le  pre- 
mier homme  est  Tenu  au  monde   de  la 
céme  manière  7  Non   sans  doute  ;   tous 
^les  incapable  de  descendre  à  cette  aiv^^nr- 
vué.  il  y  eut  donc  à  la    première  ap{iari- 
ton  de  Vhomme  sur  la  terre  des  lois  ditré- 
r*^fltes  de  celles  qui  régissent  aujourd'hui 
:  ^  monde;  au  n.oms,  tous  en  couTiendrez, 
l'Our  ce  qui  concerne  la  naissance  du  pre- 
^\«^  iodiTidu  de  l'espèce  humaine.  Quand 
^«ts  le  feriez  sortir  par  transformation  de 
fwkpie  quadrumane  ou   de  toute  autre 
tenie,  m  serait  encore  un  fait  en  dehors  de 
r«df»  «riinaire  de  la  nature  et  de  toutes 
bl(»f  actuelles  connues.  Pourquoi  Toulez- 
loss  gu*il  n'en  ait  pas  été  de  sa  raison 
CDomedeson  corps?  Pourquoi,  lorsque,  de 
Mlle  âTeOy  TOUS  raisonnez  là-dessus  d*une 
oisière  si  peu  satisfaisante,  ne  reconnal- 
Iriez-Tous  pas  une  loi  en  dehors  des  lois 
actoelles  pour   TéTOlution  rationnelle  de 
JlKNnme  primitif?  Aucune  question  d'ori- 
ipjie  ne  peut  se  résoudre  que  par  l'admis- 
jion  d*one  cause  ou  d*un  principe  surnatu- 
tris  Vous  aurez  l>eau  faire,  c'est  toujours 
B  qu*il  TOUS  en  faudra  rcTenir.  Aucune  loi 
fctoelle  connue  ne  rend  compte  d'une  quës- 
Hem  d*origine.  L'homme  qui  na  |«s  été 
iBseigné  9  à  qui  on  n'a  pas  parlét  ne  pense 
|Ms,  ne  parle  pas;  c'est  un  fait  constant, 
■fiirerselt  sans  exception  ;  donc  si  li?  premi  r 
homme  n'eût  été  enseigné,  si  on  ne  lui  eût 
pirlé,  jamais  il  n'eût  |)ensé  ni  parlé  ;  comme 
jamais  il  n'eût  eu  d'yeui,  d'oreilles,  de  cer^ 
reaa,  ete»,  si  Tauteur  de  son  être  ne  les  lui 
f^(  donnés. 

■  li4is  pourquoi,  dites-TOUS  encore»  ces 
hais  étranges  qui  sisnalèrent  les  ori|fines , 
M  se  reproduisent-ils  plus,  si  les  lois  qui 
les  amenèrent  subsistent  encore?  » 

Ce  n'est  pas  en  Térité  sans  raison  iiue  tous 

reus  biles  une  pareille  objection.  Il  est  en 

.fiet  bien  surprenant  qu'une  faculté  qui  est 

iinée  en  nous  et  nécessaire  comme  la  fa- 

nlté  de  Toir  et  d'entendre,  ainsi  que  tous 


<968)  C'est  a«sl  te  iMorle  de  M.  PclleUii.  V. 

•^Itrcaa  envoie  Adam  eocom  muet  à  la  «chasse  avec 

■ieifvcs  ccMH|Mf(iiOfia,  puif  il  faii  celle  réùexUm  : 

Le  cbassear  en  euniuuii  a  baiioiii  de  dénoocer  de 

*yc  «ois,  d*na  posie  à  Taalre,  le  passace  du  giUer. 

eejoor-U,  ea  coarant  stir  les  traces  du  ebcf  reuil, 

~  a  irouTa-  b  |Min»le.  •  VoiU  justement  poiin|noi 

ne  soBUDCi  pas  iit«rrs,  disent  tous  ces  Sgaoa- 


le  disiez  plus  haut,  ne  s*exerce  plus  jamais? 
Les  lois  eiistent  les  mêmes,  tous  le  recon- 
naissez, et  les  faits  ne  se  reproduisent  plus  ! 
Cela  est  d'autant  plus  anormal,  qu'on  ne 
saurait  citer  rien  de  semblable  dans  aucun 
ordre  de  faits.  Toute  cause  produit  son  effet, 
toute  loi  engendre  son  phénomène  ;  et  une 
fiiculté  que  tous  dites  naturelle  à  l'homme 
comme  cellede  TOir  et  d'entendre,  estanjonr- 
d*hui  sans  objet.  C'est,  dites-TOus,  parce 
que  les  circonstances  ne  sont  plus  les-mè- 
mes.  Il  est  Trai  qu'aujourd'hui  rhoœihe 
parle,  parce  qu'on  lui  a  parlé,  et  point  du 
tout  spontanément.  Mais  pourquoi  les  indi- 
Tidus  séquestrés  de  la  société  ne  font-ils 
aucun  usage  de  leur  spon!anéité,  et  restent- 
ils  aussi  dé|iourTus  de  la  pensée  que  de  la  pa- 
role? Si,  comme  tous  Tavancez,  «  le  besoin 
est  la  vraie  cause  occasionnere  de  l'exorcin» 
de  toute  puissance  (968)  » ,  mademoiselle 
Leblanc  et  sa  compagne  n'éprouvèrent  donc 
aucun  besoin  de  ce  genre?  Pourauoi  le|  re- 
mier  homiue,  ou  le  premier  couple  buti  a  n^ 
eût-il  été  plu.<«  stimulé  par  un  tel  besoin? 
Pensez-Tous  sérieusement  et  à  part  les  né- 
cessités de  votre  théorie,  qu'il  dût  être  bien 
touniienté  du  besoin  de  créer  ie  Terbe  et 
lie  travailler  à  la  disposition  syntaxique 
des  parties  du  discours?  Biais  d*ailleursque 
fait  le  besoin  ici  ?  N  avez-vous  pas  dit  que 
riiomme  i^ar/e  nalurtUemenl  comme  itvoiit 
comme  il  entend?  Il  ne  dépend  donc  pas 
plus  de  sa  volonté  de  parler  qu'il  n'^n  dé- 
fteiiJ  du  voir  ou  iïentendre.  Est-ce  b  en  ce 
que  l'cipiVience  confirme  ? 

«  Ces  facultés  proiluctriccs  sont  restées 
rouime  acculées  dans  un  recoin  de  la  na« 
ture.  »  Il  est  diflicile  de  croire  que  tous 
ayez  pu,  sans  rire ,  tracer  cette  li^^ne.  Mais 
Tqps  n'ignoroz  point,  sans  doute ,  le  pou* 
Toir  des  mots  sur  certaines  imaginations. 

Comme  i>our  achcTor  de  compromettre 
Totre  théorie ,  tous  ajoutez  :  <i  Ainsi ,  l'or- 
ganisation spontanée,  qui,  à  l'origine,  Gt 
apparaître  tout  ce  qui  Tit  (  tout  ce  qui  Tit  1  ), 
se  conserTe  encore  sur  une  échelle  imper* 
ceptible  aux  derniers  degrés  de  l'échelle 
animale.  »  Votre  rapprochement  n'est  |)as 
heureux,  n'est  pas  adroit;  il  nous  donne 
une  bien  (lauTre  idée  de  tos  connaissances  en 
physiologie  et  en  histoire  naturelle.  Quoi  1 
Monsieur,  TOUS  en  êtes  encore  à  la  génération 
spontanée  des  corps  organisés  ?  la  science 
marche  donc  inutilement  pour  vous?  Sou 
flambeau  ne  peut  donc  tous  dessiller  les 
yeux?  Le  mot  si  dur  de  Linné  tous  est  donc 
toujours  applicable  (969)  ?  Votre  génération 
spontanée  ue  la  pensée  et  de  la  parole  dans 
1  homme  primitif  ne  Tant  ni  plus  ni  moins 

Sue  TOtre  prétendue  génération  spontanée 
es  êtres  organisés;  ce  sont  deux  produit^ 

relie  de  la  pbiloâopbie.  (Voy.  Proftmon  de  foi  dm 
Kix'  siècle^  p.  7i.)  CeU  là  eiieerc  Uii  de  ops  livrts 
qui  font  hoirie  à  Tespril  bumaiii  ei  à  noue  épuqai-. 
(969)  Punrxfinre  aux  §éniraiwnê  epoulanéeé^  U 
faut  avoir  une  éponge  au  lieu  d'une  cerwelle  dont  im 
Uêe.  (  V09.  dans  ce  IHciimmmre  Tart.  GÉnÉaixioii 
sHMCTAïite,  «I  le  ofHnittenceaient  de  Fart.  Hoiiss. 


M5 


PSY 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE;. 


PSÏ 


Mi 


des  mêmes  sooge-creuxt  deux  misérables 
chimères  dont  la  science  a  fait  justice. 

Nous  allons  achever  de  le  démontrer  dans 
les  paragraphes  suivants  pour  ce  qui  con- 
cerne la  snonlanéité  de  la  pensée  et  de  la 
parole  (970). 

En  lace  de  rêves  si  stériles  et  si  pénible- 
ment élaborés,  plaçons  le  sentiment  d*un 
homme  de  génie  bien  autrement  compétent 
en  cette  matière  :  «  Plutdt  qixe  de  renoncer, 
dans  Texplication  de  Toriginedes  tangues, 
dit  H.  G.  de  Uumboldt,  à  Tinfluence  d*une 
cause  puissante  et  preuiière,  et  de  leurassi^ 
gner  à  toutes  une  marche  uniforme  et  mé- 
canique qui  les  traînerait  pas  à  pas  depuis 
le  commencement  le  plus  grossier  jusiiu*à 
leur  perfectionnement,  j'embrasserais  1  o- 

Einion  de  ceux  qui  rapportent  1  origine  des 
mgues  à  une  révélation  immédiate  de  la 
DIVINITÉ.  Ils  reconnaissent  au  moins  Tétiu- 
tincelle  divine  qui  luit  à  travers  tous  les 
idiomes,  même  les  pins  imparfaits  et  les 
moins  cultivés  (971).  » 

§«• 

Im  paît  imiTBMiL  m  l'kwskigkeiibht  Ksr  l*oiiicii(s  ok  la 

C0MIAI8BANCB  KT  LA  CONDITIO?!  PR£IUB|lB ,  KÉCCSSAlnK  KT 
SANS  BXCBPTIOII,  DK  L*BVOLUTIOR  KATIOIfKBLLB  DAKS  L*l!CDl- 
non  HUMAllf. 

Principes  géoénax  qui  domioetit  loote  recherche  sur  la 
oilure  des  êtres  et  sur  les  lois  de  leur  développement. 
—  ApplicaUou  de  ces  pr incioes,  1*  k  la  vie  organique 
dans  i  homme,  2*  à  sa  faculté  de  scnUr. 

Formulons  d*abord  les  principes  qui  nous 
paraissent  devoir  dominer  toute  recherche 
sur  les  lois  de  la  raison  et  sur  l'origine 
de  nos  connaissances. 

Premier  principe.  —  Dans  le  monde  de 
Texpérience,  ^rtout  où  il  y  a  action  et  vie 
il  y  a  un  principe  actif  intérieur  et  inné.  Un 
principe  d'action  ne  s*aquiert  point-  C'est  le 
fond  même  de  la  nature  d*un  être.  Dès  (Jue 
Têtre  est,  il  le  possède,  et  il  n'est  ce  qu*il 
est  que  (larce  qu'il  le  possè<ie. 

Second  principe.  —  Tout  principe  actif 
est  fait  |)Our  se  développer,  s  exercer,  agir 
et,  h  moins  que  les  desseins  de  la  nature  ne 
soient  contrariés,  il  se  dévelopf)e  effective- 

(970)  Une  loi  générale  est  constatée  ]usqu*è  Tévl- 
deiice  dans  le  inonde  des  réaUiés  ourporell^  :  c*est 
b  toi  de  génération,  sans  laquelle  an«  un  élrc  orga- 
nii|iieet  vivant  ne  péot  r«*ce\oir  rexisteiict-.  Le  con- 
cours de  deux  èlna  est  reconnu  indispensable  4 
b  prodttC'ion  iI*hm  troisième* 

Il  exiiite  dans  le  inonde  des  inlellii^ences,  «ne  loi 
«on  N»oii«B  oeriaiiie  :  c*€St  la  loi  de  géi|ér»4Mi«  iiiiei- 
lectoelte,  en  dehors  de  Uquelle  nulle  sulwtance 
pensante  ne  parvient  4  la  vie  intelligente  qui  con- 
vient h  sa  iiature.  On  n*a  découv^^rt  i.ulle  pari,  en 
dehors  de  riiunianUé,  un  être  scmblabi.»  à  rbonime 
qni  pât  dire  :  t  Je  tiens  mon  existence  de  moi- 
même,  Je  ne  Tat  pas  reçue  selon  la  loi  C(»ininuiie. 
Deux  bonHMes  ooncoureiit  vuliiaircinenl  k  la  prc^- 
rrëatlon  d*un  troisième,  voilà  la  loi  de  tous  ;  mats  je 
Mis  à  moi-même  ma  loi,  nul  auirc  que  moi  u  a 
contribué  au  phéi«omèiie  de  nia  producltou.  • 

Or,  depuis  six  mille  ans  qne  le  monde  existi*,  on 
ne  vit  aucun  bomroe  en  debors  de  rbumauîié  qui 
pûl  dire  t  c  La  parole  e^i  une  iradUioti^  telle  ei»i  bi 
loi  commune  ;  les  bomoies  ne  parlent  que  p^iroe 
qu*o«  k»ttr  a  parlé;  moi  seul,  je  uie  sais  soustrait  à 
ia  loi  universelle;  seul  et  par  moi-même,  je  me  suis 


ment.  S'il  arrive  au*il  ne  puisse  se  déveloti. 
per,  il  manque  le  but  de  sa  nature;  il  resi» 
incomplet  et  imparlait.  Eu  effet,  c'est  Teier- 
cice,  c  est  faction  qui  comiilèle  sa  naïuie. 
Sans  développement  le  principe  existe,  saos 
doute,  car  ce  n*est  pas  le  développement 
qui  le  iaitêt-re;  mais  il  reste  stérile;  ci 
n*cst  ((ue  (e  dé^'C^.oppement  qui  lui  fût 
remplir  sa  destination ,  et  qui  le  conduit  i 
ce  qui  est  le  but  même  de  soq  existeace. 

Troisième  principe.  —  Tout  ce  qui  n' 
pas  Dieu,  ou  l'être  par  soi,  dépeitd,  n 
seulement  pour  être,  mais  encûre  elsurt 
pour  se  développer,  de  conditions exiéri 
res  et  nécessaires;  le  monde  accessible  î 
raison  n'otTre  aucune  exception  à  re  pfi 
cipe.  Ces  conditions  ne  sont  pas  Tèlre  intr 
ni  la  cause  de  son  action,  ni  la  raison  de 
développements  :  cette  cause  d  action  ot 
trouve  que  dans  le  principe  actif  eldaoi 
spontanéité  naturelle;  mais  les  cooditi 
extérieures  n'en  sont  pas  moins  iodi 
sables  à  Taction  du  principe*  Sans 
n*y  e  pas  nécessairement  absence  de, 
cipe,  i\  y  9i  inévitablement  absence  deéfifi 
lopnement  ;  il  ^  a  imperfertioDi  Mii 

Quatrième  principe.  —  Le  priociot''^ 
rieur  d'action  ne  constitue  pas  seul  m 
d*un  être.  La  vraie  nature  d*ua 
nature  complète  comprend  les  co 
extérieures,  et  en  outre  les  dévelnp[ 
çiui  se  font,  sous  leur  influence,  par  li 
inhérente  à  l'être.  Un  être  placé  en  di 
de  ces   conditions»  |)ar  conséquent 
damné  fc  rester  stérile,  serait  donc 
en  dehors  de  sa  nature. 

Cinquième  principe.    La   dépendance 
se  trouve  tout  (principe  d'action,  à  ré| 
des  conditions  extérieures  pour  pouTOit 
développer,  en  d'autres  termes,  ta  iiéci 
des  influences  extérieures  pour  les 
loppements  d'un  être,  est  ce  qui  coo 
là  toi  de  sa  nature.  Une  loi  naturelle  d'( 
effet  qu'une  liaison  nécessaire  entre  une 
tion  et  une  chose  extérieure  qui  la  prov'^ 
et  la  dirige.  Tout  développement  a  don 
loi,  qui  n'est  ni  l'être,  ni  le  principe  dV 

fait  un«t  parole  traditionnelle.  >  Aussi  loi 
que  cet  hooime  eKoeptioniiel  sera  inUDuu 
aura  le  droit  de  conclure,  avee  le  pJus  bauii' 
cfri.itide,  que  la  iiarole  ne  fut  janaait  in^ 
qu*eUc  fut  transmise. 

Tel  «  at  en  effet  le  premier  et  prlacipal^ 
de  la  parole,  celui  aiM|Bal  oo  oe  laît  ni  * 
teniien,  celui  Béanmoins  qui  aurait  A  M\ 
ffardsde  la  vraie  science  :  eVsique  lapm 
emiiieinuient  et  avant  tout  tradUionnelU.Twu 
qu*on  y  prenne  garje!  oui,  c*est  le  iVi^M 
tradition  qu*ii  faui  surtout  envisager  dans  |ap 
et  en  |iai  tant  d*one  parole  donnée  on  arri^ 
logiquement  à  un  premier  révélateur,  que  d'w 
vement  donné  o»  Muenie  à  ia  peoe»sité  d'im 
miermoteur.  .  .  J 

Ungraad  écrivain  de  Ma  jo«rst*e6(  eapnwjj 
en  pariant  de  U  dépendance  de  l'l>oo^^,7^*^ 
ment  aux  autresàures  :  — Tout  cequit  d>u^  1  **"n 
a  u»  mode  de  vie  pai  ticutier.  Te^prit,  le  c«iir< 
corps,  est  soumis  4  uue  loi  d'uulou  etd«^f 
dam*e.  , ,. 

(971)  Lettre  à  Abet  de  RimustU,  pt  55-51. 


FSY 


DICTKKINAmfi  APOljOGETIQUe. 


PSY 


Wt 


tais  qtfi  est  11116  nécessite  oaturelle  imposée 
n  jetions,  at»  développements  de  létre. 
rincipe  d'action,  lois  d*ac(ions,  actions 
triiat  do  principe  et  régies  par  la  toi  : 
H\à  ce  f|tti  fermé  la  vraie  nature  d'un  être. 
Sixième  prineipe.  l\  est  des  lois  générales 
itqbeltes  tous  les  êtres  et  toutes  leurs 
tiuassont  ^gaiement  soumises  et  il  est 
«lois  spéciales  à  cliaque  genre  d*êtres. 
•  sont  les  dernières  qui  constituent  la 
itttfc  pwriieuliire  de  clia<|ue  être  et  de  cha- 
ise de  ses  actions. 

Siftiime  principe.  Les  ]o\Sipéciale$  de  tous 
léires  créés  se  connaissent  par  Tobser- 
lioo  et  ne  peuvent  élre  connues  que  par 
L'observation 9  voilk  le  seul  moyen  de 
ter  les  lois  naturelles,  les  lois  spé* 
des  êtres.  On  observe  les  faits,  on  en 
la  liaison,  la  dépendance,  TinQuence 

Celle  et  nécessaire,  on  en  déduit  les 
qa'on  proclame  telles.  Les  hypothèses 
•soupçonner  les  lois,  Tobservation  seule 
flél  connaître.  Ce  qui  est' connu  est  ce 
observé  :  ce  qui  n*est  pas  observé 
|ieut  Tétre,  reste  nécessairement 
II,  plus  ou  moins  probable,  mais 
«onnu  avec  certitude.  Quand  il  s'agit 
Sfiécialesqui  régissent  la  nature  des 
ience  ree //eest  tout  entière  appuyée 
vation  :  les  byjjothèses forment  le 
ntt  problématique  de  la  science» 
maintenant  comment  ces  princi*^ 
vérifient  lorsqu'on  les  applique  à 
envisagé   sous  le   rapport  phy* 

Coasîdérons  donc  Thomme  au  mo* 
(ju*]!  vient  de  naître.  11  est  vivant» 
ie  se  manifeste  par  une  foule  d'actes. 

B'  Incîpe  de  sa  vie,  des  actions  qui  cons*^ 
l   et  nMnifestent   sa  vie»  est   inbé-^ 
Ifc  son  être,  en  partie  fait  le  fond  de 
^èlre.  Le  principe  vital  ne  peut  s'ac* 
Hr  :  c'est  une  force  active,  contempo- 
i  de  cet  acte  mystérieux  par  lequel  le 
ncir  a  fait  rhônime;  et  c'est  par  ce 
i^  qae  l'homme  apf^artientessentielle- 
{  à  la  nature  humaine.  Comme  il  Ta 
en  recevant  Tétre,  il  ne  le  perdra 
cessant  d*élre.  Dire  que  le  principe 
^tit  s'acquérir,  c*esl  dire  qu  on  pour- 
e  vivre  le  fer,  le  marbre,  etc. 
is  que  deviendrait  Tenfaot  faible  et 
si  le  principe  intérieur  de  vie  qu'il 
ne  se  développait  point?  Nous  qui 
s  rbomme,  ne  voyons -nous  pas 
la  perfection  d'une  nature  qui  n  est 
aebée  dans  l'enfant?  L'homme  a  été 
;  mais  il  ne  l'est  plus  :  sa  vie  s'est 
;»pée  par  en  continuel  exercice;  elle  a 
en  plus  complété,  affermi  ses  forces  ; 
%  grandi  sans  cesse  en  puissance  et  en 
sur;  elle  est,  en  un  mot,  devenue  par- 
h  de  la  perfection  qui  couvienl  à  la  na- 
ilr(/maine.  C'est  la  même  vie;  c'est  le 
iefirincipede  vie;  mais  il  y  a  la  diffé- 
|t  ijut  se  trouve  entre  cette  graine  sècho 
rike  que  je  confie  à  la  terre,  et  cette 
ho  rose  qui  épanouit  au  soleil  se^  fleurs 
Lll^5antes.  L'enfant  deviendra  homme; 

PICTI055AIIUC  APOLOGÉTIQCE.   IL 


mais  s'il  se  ilévcloppe,  si  sa  vie  n^est  pas  ar- 
rêtée, contrariée,  étouffée.  En  devenant 
homme,  il  n'aura  pas  une  vio  nouvelle,  il 
n'acquerra  pas  un  nouveau  principe  de  vie; 
seulement  sà  vie  sera  parfaite,  achevée,  rom* 
plèteparlcsdéveloopementsqu'elleaurapris. 

3*  Sa  vie  so  développera,  pourvu  toute- 
fois que  l'enfant  se  trouve  dans  les  condi- 
tions que  la  nature  lui  a  rendues  nécessaires» 
indispensables.  Il  faut  qu'il  respire  Tair 
extérieur,  il  fnut  qu'il  jouisse  de  ta  lumière 
et  qu'il  ressente  la  chaleur  vivifiante  du 
soleil.  Il  fautqu'itse  nourrisse,  et  qu'il  s'as- 
simile une  foule  de  corps  et  de  fluides 
difiérents  de  lui-même  et  extérieurs  à  lui. 
Otezces  conditions  extérieures;  isolez  Thom- 
me  :  vous  ne  lui  enlevez  pas  son  principe 
intérieur  de  vie,  mais  vous  gênez  ce  principe 
dans  ses  développements,  même  vous  en  ren- 
dez les  dévelopijements  impossibles;  et  vous 
finissez  par  détruire  le  principe  même»  en 
amenant  la  destruction  de  rêlre,  c'est-à-dire 
la  mort  :  la  mort,  qui  a  sa  cause  moins  dans 
la  destruction  du  principe  intérieur,  que 
dans  la  suspension  des  influecces  extérieu- 
res à  l'être. 

4*  C'est  dans  tout  cet  eneemble  qu'il  faut 
chercher  l'homme,  tel  que  nous  l'envisa- 
geons ici  ;  c'est  dans  son  principe  de  vie, 
dans  les  actions  que  produit  ce  {>rincipe,  et 
enfin  dans  les  conditions  extérieures  qui 
gouvernent  ces  actions  qu'il  faut  étudier  la 
nature  de  l'homme.  En  effet,  isolez-vous  le 

f  rincipe  vital  des  influences  qui  président 
ses  développements,  ou  ne  considérez- 
vous  que  ces  influences  extérieures,  vous 
n'avez  pas  l'homme^  vous  ne  saisissez  pas 
sa  véritable  nature.  Sans  le  principe  itité- 
rieur,  sans  la  force  innée'  qui  1  anime, 
Thomme  ne  saurait  vivre,  pas  plus  qu'une 
statue  de  marbre  ne  saurait  s'animer  sous 
l'influence  des  agents  extérieurs,  si  puis- 
sants sur  nos  organes.  Mais  aussi,  sans  l'ac- 
tion de  l'air,  sans  la  nourriture  q;se  la  na- 
ture lui  assigne,  sans  la  vivifiante  influence 
de  la  lumi/.re«  de  la  chaleur  et  de  tous  les 
fluides  nui  nous  pénètrent,  notre  principe 
vital  resle  stérile,  languit,  et,  à  un  certain 
degré  de  privation  et  d'isolement,  périt  et 
meurt  sans  ressource.  Ainsi  donc  laissez  à 
l'homme  son  principe  de  vie,  dont  vous  ne 
pouvez  le  dé|>ouiller  sans  détruire  son  être 
même,  mais  isolez-le  des  conditions  exté- 
rieures imposées  \  son  exercice,  vous  le  pla- 
cez en  dehors  de  sa  nature^  et  vous  le  con- 
damnez inévitablement  à  la  mort,  parce 
Ju'aucun  être  ne  peut  vivre  dans  des  con- 
itions  opposées  h  sa  nature,  et  que  l'isole- 
ment complet,  c'est  la  mort. 

&"  C'est  dire  que  la  vie  physique  de  l'hom  - 
me  a  ses  lois  naturelles ,  ou  ses  nécessités , 
auxquelles  elle  est  immuablement  soumise. 
C'est  pour  l'homme  une  nécessité  de  respi- 
rer l'air,  de  se  nourrir,  de  se  pénétrer  des 
secrètes  influences  de  tous  les  êtres  qui  !'en- 
vironnenL  Cette  nécessité,  il  ne  peut  s'v 
soustraire  en  partie  qu'aux  dépens  des  de- 
veioppemcnls  parfaits  de  sa  vie;  il  no 
peut  s'y  soustraire  entièrement  que  sous 

29 


907 


PSY 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PS\ 


M 


peine  de  mort.  Les  lois  naturelles  de  sa 
vie,  les  nécessités  de  sa  vie ,  les  influences 
indispensables  à  sa  vie,  entrent  donc  dans 
sa  nature^  tout  autant  que  le  principe  vi- 
tal qu'elles  régissent.  Elles  ne  sont  pas  l'être 
vivant,  elles  ne  sont  j^as  le  principe  de 
vie  ;  mais  sans  elles  il  n*y  a,  à  j^roprement 
parler,  ni  homme,  ni  vie  humaine,  ni  ma- 
nifestation du  principe  vital,  parce  qu'elles 
sont  les  conditions  nécessaires  de  tout  cela. 

6'  Tous  les  êtres  vivants  sont,  comme  tels, 
soumis  à  des  lois  spéciales^  qui  sont  les  lois 
de  la  vie.  Ainsi  tout  ce  qui  vit  est  en  con- 
tact avec  l'air,  et  alimente  sa  vie  en  s'assi- 
milant  des  corps  étrangers  :  telle  est  la 
loi  propre  de  la  vie,  à  laquelle  l'homme  est 
soumis  précisément  comme  le  moucheron. 
Il  est  d'autres  lois  encore  particulières  à  la 
vie,  sans  doute;  mais,  pour  éviter  les  lon- 
gueurs ,  nous  nous  bornons  h  rappeler  ce 
principe,  que  c'est  dans  ces  lois  spéciales 
de  la  vie  qu'il  faut  chercher  la  vraie  nature 
de  tout  être  vivant,  et  par  conséquent  de 
la  vie  humaine. 

7**  Mais  aussi  jamais  vous  ne  connaîtrez 
les  lois  de  la  vie  organique ,  si  vous  ne  les 
observez^  si  vous  ne  les  constatez  par  un 
examen  long  et  attentif  des  faits  qui  tom- 
bent sous  les  yeux.  Je  sais  que  la  respira- 
tion implique  une  loi  nécessaire,  parce  que 
je  vois  que  tous  les  hommes  respirent  l'air, 
qu*ils  souffrent  quand  la  respiration  est  gê- 
née, qu*ils  meurent  quand  elle  est  interrom- 
Fue;  je  le  sais,  parce  que  l'observation  me 
a  démontré.  Je  sais  que  c*est  là  une  néces- 
sité, une  loi  de  la  natnre  de  l'homme,  com- 
me je  sais  que  c'est  pour  lui  une  loi  et  une 
nécessité  de  mourir.  Nous  connaissons  donc 
les  lois  de  la  vie  humaine,  parce  que  ces 
lois  sont  manifestées  dans  des  faits  connus 
par  l'observation,  et  que  l'expérience  mon- 
tre toujours  les  mêmes.  Cette  connaissance 
n'est  pas  le  résultat  d'un  raisonnement  abs- 
trait, nous  le  savons  parfaitement  bien  ;  elle 
exprime  les  nécessités  auxquelles  les  faits 
nous  montrent  la  vie  humaine  immuable- 
ment soumise.  Et  que  dirions-nous,  gue  di- 
rait h)  genre  humain  d'une  philosophie  qui, 
écartant  tous  les  faits  et  fermant  les  yeux 
aux  résultats  positifs  de  l'expérience,  vien- 
drait nous  présenter  une  théorie  de  la  vie 
humaine  ou  serait  niée  la  nécessité,  c'est-à- 
dire  la  loi  de  la  respiration  et  de  la  nutri- 
tion, ou  bien  dans  laquelle  l'homme  vivrait 
et  se  reproduirait  comme  la  plante?  Ne  di- 
rait-on pas  que  ce  prétendu  philosophe 
substitue  ses  visions  a  la  nature,  et  rem- 
place les  lois  nécessaires  à  la  vie  par  des 
liypothèses  sans  réalité? 

Considérons  maintenant  l'homme  dans  ses 
facultés  plus  relevées,  et,  pour  plus  do  clar- 
té, attachons-nous  à  une  seule  de  ces  facul- 
tés, la  faculté  de  sentir.  Cet  examen  prou- 
vera combien  il  est  vrai  que  les  principes 
établis  )>lus  haut  sont  d'une  application  gé- 
nérale. Il  est  évident  que  la  faculté  de  sen- 
tir est  intérieure  et  innée  :  aussi  tous  les 
J)hilosophes  sont  unanimes  sur  cette  vérité. 
i«a  faculté  de  sentir  n'est  pas  acquise,  ne 


vient  pas  du  dehors;  elle  est inhércnlel 
l'Âme  humaine,  elle  tient  au  fond  même  de 
l'intelligence,  où  elle  a  ses  racines.  Pourea 
trouver  la  première  oriêine,  il  îam  wmon. 
ter  par  la  pensée  jusquà  cemoraenlniTs. 
térieux  où  Dieu  créa  l'flme  humaine  ^  ei, 
avec  l'être,  lui  communiqua  tontes  les  poiù 
sances  qui  la  constituent  et  la  dislingaeul 
La  volonté  de  Dieu,  Tacte  créateur  de  ^ 
toute-puissance,  voilà  la  seule  raison  et  ii 
première  origine  de  la  faculté  de  seDtir. 

En  sortant  des  mains  de  Dieu,  en  arrivant 
à  l'existence,  l'Ame  humaine  possède  tOQi» 
les  puissances,  toutes  les  forces  qu'elle  ]ko 
jamais  avoir;  elle  est  parfaite,  en  ce  m 
qu'elle  porte  en  elle  les  principes  de  look 
les  actions  futures.  Ma  faculté  deseolir  ^ 
donc  pas  commencé  d'être  à  moi  à  teiiei 
telle  époque  de  ma  vie,  elle  n'est  pas illii 
ou  d'aujourd'hui  ;  elle  a  commencé  Icr^ 
moi-m(^me  j'ai  commencé  d'être.  Mais  « 
développements  ont  commencé  :i  une cfr 
taine  époque  de  ma  vie,  il  y  a  eu  uo  mm 
où  mes  yeux  se  sont  ouverts  ï  la  \m\Hi 
du  jour,  et  où  tous  mes  sens  stsoiHm» 
éveillés  et  épanouis  pour  reeoâWiTlKi»* 
pressions  des  innombrables  obieU(|&c\i 
nature  étale  devant  eux.  Et,  je  le  sust» 
pouvoir  me  tromper,  si  je  tfaTaiswftt 
ces  diverses  sensations,  si  mafacnltéiitf 
relie  de  sentir  n'était  pas  entrée  eneiet« 
si  elle  ne  s'était  pas  développée,  cjie  s* 
restée  imparfaite,  incomplète,  eieilciD* 
manqué  le  but  de  sa  nature,  la  fin  lîOQri 
quelle  elle  a  été  créée.  Elle  existerai!  i 
doute,  quand  bien  même  je  n'aurais  jafi 
eu  aucune  sensation,  quand  jamais  elli 
se  serait  manifestée  par  aucun  acteil 
elle  serait  stérile,  semblable  à  une  forif^ 
dort  dans  le  sein  de  }a  nature,  ou  à  unetf 
infécond  dans  lequel  la  vieneserévèlr 
aucun  signe  apparent. 

C'est  pour  agir  que  la  faculté  de  îI 
nous  a  été  donnée,  c'est  pour  sedérel* 
qu'elle  existe  :  agir  et  se  développer,  • 
est  sa  nature.  Mais  ces  déYeloiw 
sont-ils  possibles  sans  conditions  exiw 
res  tl  ditférentes  de  la  force  sponiao<»j 
est  en  nous  ?  Voyez  cet  admirable 
d'organes  qui  entourent  notre  âififj 
servent  d*instrument$;  pénétrez  ati^ 
que  possible  dans  leur  mystérico» 
ture.  Considérez  la  délicatesse  ia^ 
l'ordre  prodigieux  des  éléments 
composent.  De  ces  merveilles,  porttf 
regards  vers  d'autres  naerveilles.  Coo 
rez  cette  lumière  répandue  dans  IhW' 
ces  fluides  subtils  qui  pénètrent no^* 
nés  et  les  êtres  dont  noas  sommes  cnr 
nés;  saisissez  par  la  pensée  lesrapi^^^ 
times  qui  unissent  toutes  ces  cJk>s}'S 
nos  organes,  et  nos  organes  arec  Hi»^ 
même;  et  alors  vous  aurez  une  id» 
conditions  dont  dépend  rcxcrcicc  d« 
sens.  Retranchez  la  moindre  de  ces* 
tions  etde  ces  influences  extérieures, ei 
aussitôt  est  gênée  dans  l'exercice  J< 
sens  :  retranchez  les  princi{»l«>s,  et 
action  des  sens  est  suspendue.  Vous  o 


«e) 


PST 


mCTIONNAlRL  APULOGET.Ql'E. 


PS\ 


9t3 


imisez  pas  le  prîacipet  il  esl  là  toujours  le 
luéiney  alors  que  toute  action»  toute  sensa- 
Lioo  a  cessé,  est  devenue  impossible;  mais 
il  est  stérile,  iofécond  :   c'est  uue  faculté 
gai  existe*  mais  qui  u*agit  plus.  Ainsi  uu 
ifeu;;le-né  n*a  jamais  vu  la  lumière  et  ses 
•nllaoLs  phénomènes.  Pourauoi?  parce  qu*il 
(i;anque  peut-être  du  sens  de  la  vue?  Non» 
dr  par  là  même  qu*il  a  une  âme»  qu'il  est 
•uojme»  il  possède  ce  sens.  Mais  ses  orga- 
nes soot  viciés;  ils  ne  peuvent  ai  recevoir 
u  iraosniettre  à  l'âme  les  influences  sous 
csquelies  la  facuUé  de  sentir  agirait  et  se 
'manifesterait  :  là  est  tout  le  mjslère.  Faites 
;  iml«r  le  voile  qui  couvre  ses  yeux»  eplevei 
i'oU&taele  qui  Tisole  des  êtres  pour  lesquels 
i   e^t  fait»  et  aussitôt  son  âme,  secondée 
ir  les  organes»  saisira  les  innombrables 
uferveîlles  de  la  lumière.  Et  pourtant  cet 
'.rengle  n*aura  \)as  acquis  une  faculté  iiou- 
r^  I  le»  seulement  il  sera  rentré  dans  les  con- 
•LBoos naturelles  de  son  être;  sa  force  in- 
:"r^iire»  innée  »  aura  pu  se  développer  eu 
:   3ite  liberté. 

a  donc  des  lois  indispensables  aux- 

les  sens  sont  naturellement  soumis 

kar  exercice.  Nous  D*insistons  pas» 

ftt  la  chose  est  trou  évidente»  et  n'est 

lemiar  personne,  tes  lois  sont  aussi 

nwnes  que  le  principe  intérieur   qui 

Md  capables  de  sentir»  puisque  la 

>  ^i^nuioii  de  ces  lois  entraîne  inévitable* 

u  -^Bl  là  suspension  de  la  sensation  même. 

C:    comme  c*est  Taction  et  le  développe- 

1^^  qui  perfectionne  les  sens»  comme  c  est 

tmr  nature  d'avoir  des  sensations»  il  est 

brident  que  les  lois  qui  régissent  la  sensa- 

ioo»ei  sans  lesquelles  la  sensation  n'est  pas 

^ible^  sont  aussi  naturelles  que  le  prin- 

E&  méine  de  toute  sensation.  En  un  mot»  la 
Kable  nature»  la  nature  complète  des  sens 
ipiiqae  nécessairement»  et  une  force  inlé- 
eare  capable  d'a^r»  et  une  loi  extérieure 
acijon,  et  une  action  conforme  à  ces  deux 
rujes,  et  produite  par  leur  mutuel  rapport. 
MrjDchez»ou  la  faculté  de  sentir»  ou  la  loi 
iprès  laquelle  elle  doit  agir»  ou  enGn  la 
asatioDt  qui  dépend  de  Tune  et  de  lautre» 
«$  irooquez  la  nature  de  nos  sens»  et  vous 
ojamnez  l'âme  humaine  à  n'atteindre  ja- 
lis  le  bot  naturel  pour  lequel  Dieu  lui  a 
tné  ses  admirables  puissances. 
Orts  lois»  ces  nécessités  naturelles»  com- 
(nt  les  connaissons-ncus  7  Comment  les 
ttlosopbes  sont-ils  parvenus  à  la  connais* 
ike  certaine  et  exacte  des  lois  qui  ré^is- 
m  la  sensation? Il  eslimjpossible  d'hésiter 
iiostant  sur  la  réponse  :  ils  y  sont  parve- 
is  par  Tobservation  uniquement»  et  uoique- 
Uii  ^r  ce  moyen.  Voici  comment  ils  ont 
«ijéJé.  ils  se  sont  aperçus»  par  exemple  » 
pour  avoir  la  sensation  de  la  vue»  pour 


»*: 


«Mr  lo5  images  des  objets  sensibles,  Tbom- 
^  te  sert  de  ses  yeux  et  d'aucun  autre 
::.3ae.  Toujours  guidés  par  l'observation» 
"  oBt  vu  que  ces  organes  devaient  être 
:  sa  tués  d'une  certaine  façon,  et  que»  sans 


certaines  conditions  essentielles»  ils  étaient 
inutiles  et  la  vue  impossible,  lis  ont  en- 
core remarqué  qu'en  vain  les  yeux  seraient 
parfaitement  disposés,  si  follet  à  percevoir 
n'était  placé  dans  un  certain  milieu  et  à 
une  certainedistauce.  Et  comme  les  mêmes 
faits  se  renouvelaient  toujours,  soit  lorsque 
la  vision  s'accomplissait  régulièrement»  soit 
lorsau'elle  était  gênée  eu  entièrement  sus- 
penuue»  ils  ont  dit  que  ces  faits  impliquaient 
et  manifestaient  des  nécessités  auxquelles 
le  sens  de  la  vue  est  soumis.  Ils  ont  dit  que 
c«s  nécessités  étaient  les  lois  naturelles  de 
la  vision.  De  là,  dans  toutes  les  pbiiosophies 
du  monde,  ces  axiomes  qui  expriment  si 
bien  la  nature  de  la  vision  :  que  U$  oraaneê 
ioieni  bien  constitués;  que  fotitt  soit  à  une 
juste  distance:  qu'il  soit  place  dans  un  mi^ 
lieu  naturel.  Personne  ne  le  contestera»  ce 
sont  les  véritables  lois  qui  régissent  les  ac- 
tes de  notre  faculté  de  voir;  et  comme  la 
connaissance  de  ces  lois  est  uniquement  le 
résultat  de  l'observation  et  de  l'expériencet 
on  est  sûr  qu'elle  renferme  la  science  réelle 
et  positive  du  sens  de  la  vue  (972j. 

§x. 

Saite  des  développements  de  la  Uièse  posée  en  lêle  da 
pangnpbe  prècédeiH.  ^  Applicalioa  des  priocipcs 
àè}k  énoncés  il  la  raison  on  à  Toiigioe  de  nos  idées.  — 
Que  but-il  entendre  par  idéef.  innées  T  —  £sl-ce  dans 
l'obserration  interne  on  d  ns  les  faits  eitérienrs  qu*il 
Ciut  eherdier  l'origine  de  nos  ooiinaissaDces?  Erreur  de 
récole  éco  saise.  >-  Loi  do  développenent  de  l'intellH 
gence  dans  l*enlanL  —  Kxemples  d'individus  hunbuus 
séquestrés  de  la  société  avant  Tosage  de  la  raison.  — 
Sourds-muets.  —  Impuissance  du  rationalisme  qui  place 
l'origine  de  nos  connaissances  dans  la  qiootanéité  et 
rindependance  absolue  de  la  raison. 

Occupons-nous  maintenant  de  la  raison^ 
cette  reine  de  nos  facultés,  par  laquelle 
l*homme  est  vraiment  homme  ;  et  voyons  si 
les  principes  qui  nous  ont  guidés  jusqu'ici» 
ne  peuvent  pas  aider  à  résoudre  une  ques* 
tion  qui,  après  tant  de  recherches,  semble 
encore  aujord'hui  indécfse. 

Quelle  est  V origine  des  idées  de  la  raison  ? 
—  Homme  fait  et  capable  de  réflexion»  Je 
me  reolie  sur  moi-même,  je  trouve  en  moi 
les  idées  d'être»  de  substance,  d'infini,  l'idée 
d'un  Dieji  créateur  et  conservateur  de  l'u- 
nivers» celle  de  bien  et  de  mal  moral,  de 
dftvoir,  de  justice»  d'ordre,  etc.  D'où  me 
Tiennent  ces  idées  qui  font  la  base  et  la 
vie  de  mon  intelligence  7  Je  ne  les  ai  pas 
eues  toujours»  du  moins  je  suis  sûr  qu'elles 
ne  se  sont  pas  manifestées  toujours;  et 
pour  m'en  convaincre,  je  n'ai  qu'à  jeter  les 
yeux  sur  l'enfant,  où  je  n'en  aperçois  au- 
cune trace  ;  comment  donc  ont-elles  apparu 
en  moi»  et  par  quels  moyens  se  sont-elles 
une  première  fois  manifestées  dans  mon 
intelligence? 

Elles  sont  innées»  répondront  quelc^iies- 
uns,  elles  sont  contem|ioraines  de  lAme 
elle-même.  En  créant  l'âme,  Dieu  y  a  im- 

f)rimé  ces  idées  comme  un  caractère  indé* 
ébile,  et  comme  l'image  de  sa  propre  intel- 
ligence: ce  sont  des  prouriétés  essentielles  à 


07f  )  CL  M.  Fable  Lo5it,  txameii  de  ta  question  ûe  rongiue  de  nos  cûnn*sis$a;:ce$ 


9H 


PSY 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE.  PSY 


rAm%  des  propriétés  qu*elle  ne  peut  ni 
perdre  ni  acquérir.  Elles  sont  innées  ;  nous 
te  Toulons  bien  ;  mois  qu'entend-on  quand 
on  dit  que  les  idées  sont  innées  ?  Car  enOn, 
il  ne  faut  pjis  se  contenter  d*un  mot  dans 
uine  question  de  cette  importance;  et  quand 
on  Yoit  Descartes  hésiter  et  se  contredire 
peut-fitre  dans  ses  définitions  des  idées  in- 
nées,  quand  on  yoit  ses  propres  disciplesy 
si  peu  d'accord  avec  lui,  et  entre  eu\  sur  ce 
sujet,  il  faut  savoir  se  former,  ou  se  résou- 
dre à  adopter  une  opinion  précise  sur  le  sens 
de  ces  mots,  si  peu  définis  encore.  Exami- 
nons donc,  je  ne  dirai  pas  toutes  ,  mais 
les  principales  opinions  nue  nous  présente 
sur  cet  objet  riiistoire  de  la  philosophie. 

Quelques-uns  ont  cru  que  les  idées  innées 
étaient  de  véritables  connais^ances,  des  per- 
ceptions actuelles  et  déterminées,  des  rc« 
présentations  dans  toute  la  force  du  terme. 
Ainsi,  dans  ce  point  de  vue,  Thomme  du 
premier  mompnt  de  son  existence  connaî- 
trait pieu,  penserait  à  Dieu,  précisément 
comme  nous.  La  connaissance  de  Dieu  serait 
la  même  dans  fenfant  d*un  jour  et  dans 
1  homme  dont  la  raison  est  parfaite.  II  n*y 
aurait  qu'une  différence,  c'est  que  Tenfant 
n'aurait  qu'une  connaissance  obs>cure,  tan* 
dis  que  la  nôtre  serait  claire  et  distincte. 
Peut-être  celte  opinion  a-t-clle  ses  racines 
<ians  l'hypothèse  de  Platon,  qui  attribuant  à 
notre  âme  une  vie  antérieure  et  parfaite, 
avant  son  union  avec  notre  corps,  croyait 
que  Tâme,  en  tombant  dans  le  corps,  y  ap- 
portait des  connaissances  toutes  formées. 
C'est  pour  cela  que,  d'après  Platon,  nous 
n'apprenons  jamais  rien  ;  lorsque  nous  sem- 
blons  apprendre,  nous  ne  faisons  que  nqus 
ressouvenir  de  ce  que  nous  avons  su  déj^ 
réellement,  et  rappeler  à  notre  mémoire 
des  connaissances  qui  sonteirvctivement  dé- 
posées dans  notre  intelligence.  Ainsi,  lors- 
que nous  croyons  quq  dans  Tenfaiit  la  rai- 
son pour  la  première  fois  acquiert  la  connais- 
sance de  Dieu,  du  bien  et  du  mal  moral,  etc., 
nous  nous  trompons  ;  l'enfant  ne  fait  que 
se  ressouvenird  une  connaissanc<e  qu'il  avait 
déjà  plus  obscurément,  mais  aussi  réelle- 
sient,  avant  qu'après  ce  souvenir 

Quoiqu'il  en  soit,  cqtte  opinion,  qui  en- 
traîne après  elle  do  graves  i|iconvéniei)ts, 
parait  être  aujourd'hui  généralement  aban- 
donnée. Quelques-uns  n'y  voient  qq^uu  pur 
roman,  fruit  de  l'imagination,  et  même  une 
espèce  de  mythe,  qu'aueqne  raison  philoso- 
phiquenelégitime,etquetous|csfAit^commç 
Je  raisonnement  ont  complètement  démenti. 
Descartes  même  la  re|>ousse  quelquefois 
avec  beaucoup  de  force  ;  LeibnUz  s  impa- 
tiente contre  ceux  qui  la  lui  attribuent,  et 
n'est  pas  éloigné  de  la  traiter  d'absurde. 
Enfin,  H.  Bordas-Demoulin ,  qui  de  nos 
jours  s'est  efforcé  de  réhabiliter  le  carté- 
sianisme dans  sa  partie  la  plus  relevée  et 
la  plus  pure,  n'a  pas  d'expression  assez 
sévère  pour  caractériser  cette  opinion.  Ainsi 
on  peut  considérer  cette  hypothèse  comme 
vroscrile  en  bonne  philosophie  ;  et  nous 
I  avouons,  nous  ne  connaissons  pas  uu  seul 


philosophe  de  quelque  renom  qui  U  sou- 
tienne aujourd*nui. 

Les  autres  philosophes  qai  admettent  1^ 
idées  innées  aistinguent  avec  soin  ces  idéet 
de  la  perception  actuelle.  Pour  eux,  h 
idées  innées  ne  sont  pas  une  conoaissanee, 
une  représentation  actuelle,  une  perceptioo 
enfin  telle  que  l'homme  fait  peut  en  avoir; 
mais  elles  sont  la  base  première  dt ta raisnn 
intérieure  de  toute  connaissance  et  de  toute 
perception.  D'après  eux,  Thoinnie  au  m 
ment  de  sa  création,  l'enfant  d'un  jour  o't 
pas  la  connaissance,  la  perception  de  Dieu, 
du  bfcn  et  du  mai,  etc.  ;  mais  il  y  a  dans  son 
âme  une  propriété,  une  disposition  par)]- 
quelle  elle  est  capable  de  connaître  Dies. 
et  par  laquelle  elle  le  connaîtra  eSectireDenl 
un  jour,  en  ayant  de  Dieu  et  de  ses  attrto 
des  perceptions  déterminées.  Sur  cepoiol 
Descartes ,  dans  plusieurs  endroits  de  îet 
écrits,  est  d'accord  avecLeibnitz,elM.lk>r> 
das-Demoulin^  en  résumant  les  passages 00 
ces  deux  philosophes  établissent  cette  &• 
tinction,  et  en  les  présentant  avec  tOBteii 
clarté  désirable,  a  misée  point  horsdeliÉ 
contestation. 

Les  cartésiens  les  plus  éminentsiibp 
guenl  donc  Vidée  de  la  perception :(ti^ 

f»as  la  perception,  la  connaissance  qui  a^ 
nnée,  c'est  ridée.  Nous  ne  connaissons;» 
Dieu  au  sein  de  notre  mère;  st^tml 
sans  avoir  jainais  eu  aucune  perron  ic* 
tuellede  Dieu,  nous  en  avons  Im  VtiSt 
dira-t-on,  qu'est-ce  enfin  que  celle  chose 
qui  n'est  pas  la  perception,  quiiiesips^a 
connaissance,  qui  n'est  pas  lareptfcetiU- 
tîon,  et  qui  pourtant  reçoit  le  nom  tfidêe. 
et  d'idée  innée?  Ici  encore  l'on  reitcontie 
deux  opinions  qui  paraissent  aa  moiosv 
pas  s'identifier  entre  elles. 

La  première  opinion  tist  celle  i^  ^ 
carteSf  qui  incline  à  ne  voir  dans  les  r* 
innées  que  de  simples  dispositions  i 
tains  actes,  et  une  faculté  qui  nous 
capables  de  connaître  un  jour.  Répondi 
Tun  dp  ses  nombreux  adversaires,  Des« 
s'exprim0  de  la  manière  suivante  :  «  Il 
semble  que  nous  ne  différons  que  sur 
ippts.  En  e^et,  lorsque  mon  adveijsaire 
Qrme  que  I  ânae  rÇn  nul  besoip  d'idées, 
notions  ovi  cfè  principes  innés,  et  que  d 
autre  côté  \ï  lui  accorde  la  facullt^  depe^ 
(bien  eplendu  une  faculté  naturelle  od 
née),  il  dit  ^u  ibnd  précisément  la  '^ 
chos^  que  moi  :  les  mots  seuls  sont  u 
rents.  Car  jamais  je  n'ai  écrit  ou  p^'nse 
notre  Ame  eût  besoin  d*idées  innées  ^i 
raient  quelque  chose  dé  distinct  dekp 
même  ^e  connaître;  mais,  ayant  rcn»! 
en  moi  certaines  pensées  qui  nedtViîffl^ 
des  objets  extérieurs,  ni  de  ma  volonté,  » 
bien  de  ta  smile  faculté  de  penser  qui  c** 
moi,  je  leur  ai  donné  le  noria  d'idées  mof 
pour  les  distinguer  des  autres.  C'est  danJ 
sens  qu'on  dit  que  la  générosité  est  djw 
relie  à  certaines  familles,  ou  que  ccriaiwj 
maladies,  comme  la  goutte,  la  pi<?rr^'  ^ 
naturelles  à  d'autres  j  non  i>a$  que  10  ' 
fanis  qui  prennent  naissance  dans  cei  » 


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DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


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^i\^es  soient  fravailU^s  Je  ces  mafadies  au 

rentre  de  leurs  mères,  mais  parce  qu'ils 

i^ai^^ent  avec  Ut  disposition  ou  la  faculté  do 

Its  contracter  (973).  »  —  «  Ces  idées,  dit-il 

!Ucore  (97k),  uonl  d*autre  source  que  notre 

faciiKé  de  pcRser,  et  par  conséqiient  elles 

mi  innées,  c'est-à-dire  qu*elles^  sont  ton- 

durs  en  puissance  dans  notre  Àme>  En  elTet^ 

t  qui  est  daiBS  une  faculté  u'esl  pas  en 

Kte,  mais  seulement  ea  puissance  ;  car  le 

3oi  même  de  ftcnlté  ne  crésigne  rien  autre 

pane  simple  puissance.  »  Enfin,  comme 

i^r  ne  laisser  aucun  doute  sur  sa  pensée, 

•joute  (975)  :  «  Je  déclare  ici  que  pas  les 

''    innées  je  n*ai  jamais  entendu  que  la 

nce  de  connaître.  Que  ces  idées  soient 

elles OUL qu'elles  soienije^ne  sais  quelles 

M  dtiflPérenles de  la  faculté  deconnattre, 

(  fe  que  je  n'ai  jamais  écrit  ni  pensé... 

«  n'ai-je  pu  m'empôcher  de  rire  lorsque 

TU  Tanias  de  choses  que  cet  homme,  sans 

meare  de  malice  peut-être,  a  entassées 

tsT  me  prouver  ont  le$  enfànlsn^ùnl  pas  la 

^Miisante  acluttte  de  IHtiu\  ûiufisi  longumpn 

\U  iont  tûnfirméé  d^ns  U  sein  de  leurs 

,  croyant  ainsi  m'avoir  complètement 

I  If  est  donc  évidei^t,  ce  nous  semble, 

Éns  les  passages  où  Descartes  s'expli- 

Mêle  plus  de  clarté  et  sans  laisser  place 

mndre  équivoque,  il  ne  voit  dans  les 

iaoées  que  des  dispositions,  qu'une 

ace»  (pi'une  faculté  oaturelle  de  con- 

paraîtrait  que  Letbnitz  ne  trouvait  pas 
opiaioB  entièrement  satisfaisante  ;  car 
pruj)Ose  avec  certaines  modjlications 
[aembtent  en  faire  une  opinion  nouvelle, 
ioilz,  nous  Pavons  dit,  s*accorde  avec 
cartes  pour  distinguer  les  idées  innées 
k  |>erceplioit  actuelle  ;  mais  on  dirait  que 
rlut  les  idées  soient  plus  qu'une  faculté  : 
Il  considère  comme  des  inclinations,  des 
lôsitioas,  des  habitudes,  ou  virtualités 
irclles,  et  enfin  comme  des  anticipations 
lées  au  fond  de  Tâme.  «  Il  s'agit,  dit-il, 
iaroir  aï  Cdme  contient  originairement 
fnmctpeê  de  plusieurs  notions  et  doctrines 
teê  oùjeis  externes  réveiltent  seulement 
lits  occasions^  comme  je  le  crois  avec 
Hi  et  même  avec  l'écple,  et  avec  tous  ceux 
aireon«iit  «ians  celle  signilication  te  pas- 
\tfi  saiiii  PattI  {Rom.  ii^  15)t  où  il  marque 
■I  loi  de  Dieu  est  écrite  dans  nos  cœurs. 
faihteieas  appelaient  ces  principes  no  - 
a  cnsnmunes^  prolepses^  c'est-à-dire  des 
Impûons  fondamentales,  ou  ce  qu'on 
M  poar  accordé  |>ar  avance.  Les  malhé- 
fcn^QS  les  appellent  notions  communes. 
(^ilosophes  modernes  leur  donnent 
lires  beaui  noms,  et  Jules  Scaliger  par- 
lêèrometMl  les  nomme  semina  œtemitatis, 
isopi^rs^  comme  voulant  dire  des  feux 
/nU,  des  traits  lumineux,  cachés  au  dedans 
OMS^  que  la  rencontre  des  sens  et  des  ob^ 

r%\  5rscJU(Tet,  LeiiTti^  1. 1,  lettre  00.    - 

7T*t  ièidm 

Th|.  •>9«r/a«JP  ê$$aii  sur  Ccnltndemcni  ;  avaiilr 


jets  externes  fait  paraître  comme  des  étin- 
celles que  le  choc  fait  sortir  du  fusil;  et  ce 
n*est  |)as  sans  raison  qu'on  croit  que  ces 
éclats  marquent  quelque  chose  de  divin  et 
d'éternel,  qui  ;>nrait  surtout  dans  les  vérités 
nécessaires  (97C).  »  —  ii  II  est  vrai  qu'il  ne 
faut  point  s^imasiner  qu*on  i)uisse  lire  dans 
finie  ces  éternelles  lois  de  la  raison  à  livre 
Ouvert,  comme  Tédit  du  préteur  se  lit  sur 
son  album,  sans  peineetsans  recherche;  mais 
c'est  assez  qu'on  les  puisse  découvrir  en 
nous  à  force  d'attention,  à  quoi  les  occasions 
sont  fournies  par  les  sens  (977).  )»  —  «  Je  nio 
suis  servi  de  la.  comparaison  d'une  pierre 
de  marbre  qui  ftdes  veines^  plutôt  que  d'une 
pierre  de  marbre  toute  unie  ou  de  tabletles 
itides^  c'est-à-dire  de  ce  qui  s'appelle  tabula 
rasa  chez  les  philosophes  ;  car,  si  l'âme  res* 
semblait  à  ces  tablettes  vides,  les  vérités  se- 
raient en  nous  comme  la  figure  d'Hercule 
est  dans  un  marbre,  quand  le  marbre  est 
tout  à  fait  indifférent  à  recevoir  ou  cette 
figure  ou  quelque  autre.  Mais,  s'il  y  avait 
des  veines  dans  la  pierre  oui  marquassent 
la  ligure  d'Hercule  préférablement  à  d'au- 
tres figures,  ccUe  pierre  y  serait  plus  déter- 
minée, et  l'Hercule  y  serait  comme  inné  en 
quelque  façon ,  quoiqu'il  fallût  du  travail 
pour  découvrir  ces  veines  et  pour  les  net- 
toyer par  la  polissuro,  en  retranchant  ce  qni 
les  empêche  de  paraître.  Cest  ainsi  que  hs 
idées  et  les  vérités  nous  sont  innées^  comme  aes 
inclinations^  des  dispositions^  des  habitudes 
eu  virtualités  naturelles^  et  non  pas  comme 
des  actions^  quoique  ces  virtualités  soient 
toujours  accompagnées  de  quelques  actions 
souvent  insensibles  qui  y  répondent  (978).» 
Ce  sont  là  les  deux  opinions  à  l'une  ou 
l'autre  desquelles  s^attachent  aujourd'hui 
tous  les  philosophes  qui  admettent  les  idées 
innées.  Pour  nous,  s*il  nous  est  permis  d'ex- 
primer notre  manière  de  voir,  nous  croyons 
qu'elles  ne  ditTèrent  pas  réellement  ;  du 
moins  nous  adoptons  et  les  idées  de  Des- 
cartes et  celles  de  Leibnitz,  sans  éprouver 
la  moindre  peine  à  les  concilier,  et  sans 
pouvoir  soupf;x)nner  en  quoi  elles  diffèrent 
ou  s'excluent.  Nous  admettons  donc  avec 
Descartes  les  idées  innées  comme  dos  dis- 
positions et  des  facultés  naturelles  9ui  nous 
pendent  capables  de  certaines  connaissances, 
et  qui  aideront  à  nous  y  conduire.  Nous  les 
admettons,  non  pas  comme  une  chose  diffé- 
rente de  la  faculté  de  connaHre^  mais  comme 
étant  cette  faculté  même.  En  même  temps, 
nous  reconnaissons  avec  Leibnitz  nue  les 
idées  innées  sont  des  inclinations^  des  dis- 
positions ou.  virtualités  naturelles  placées 
dans  la  constitution  même  de  Tintelli^once. 
En  un  mot,  pourvu  qu'on  ne  fasse  pas  des 
idées  innées  des  actions^  des  connaissances^ 
iies perceptions^  opinion  d'ailleurs  également 
repousséc  par  Descaries  et  par  Leibnitz, 
nous  admettons  les  idées  innées  dans  le  sens 

propos,  p.  2,  éd.  Cliarpenilcr 

(977)  Ï6frf.,  p.  4. 

(978)  !bid.^ 


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DIGTIONNAIIIE  APOLOGETIQUE. 


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le  plus  rigoureux,  avec  ces  deux  philoso- 
phes, el  comme  ils  les  entendaient. 

Cependant  nous  croyons  devoir  présenter 
ici  une  observation  qui  nous  parait  ne  pas 
manquer  d'importance,  et  qui  nous  semble 
de  nature  à  prévenir  bien  des  équivoques 
et  les  plus  tristes  malentendus.  Qui  de  nous 
n*a  pas  éprouvé  bien  des  fois  dans  sa  vie, 
même  après  de  sérieuses  études  philosophi- 
ques, que  quand  il  lisait  ou  entendait  le  mot 
tdée^  la  première  pensée  qui  se  présentait  à 
son  esprit  était  celle  de  connaisisance  et  de 
perception?  En  d'autres  mots,  qui  ne  s*est 

{)as  trouvé  entraîné  à  confondre  souvent 
'idée  et  la  connaissance?  C'est  qu'en  effet, 
dans  le  langage  philosophique,  le  mot  idée 
implique  ordinairement  la  notion  de  repré- 
sentation, de  connaissance,  de  perception 
actuelle.  Môme  ce  n'est  que  quand  il  s'agit 
des  idées  innées  que  ce  mot,  perdant  sa 
signification  ordinaire,  exprime  simplement 
une  inclination  ou  une  virtualité.  Ky  au- 
rait-il donc  pas  moyen  de  faire  cesser  cette 
é(]uivoque  en  donnant  aux  idées  innées  un 
nom  qui  les  distinguât  des  perceptions  ac- 
tuelles, qui  ne  permit  plus  do  les  confondre 
avec  elles,  et  qui  en  même  temps  désignât 
parfaitement  la  nature  des  idées  innées? 
Pour  nous,  nous  croyons  qu'on  arriverait  à 
ce  résultat  en  donnant  aux  idées  innées  le 
nom  de  faculté  innée. 

En  consultant  l'analogie,  eu  nous  tenant 
à  la  doctrine  commune  des  philosophes  les 
plus  émincnts,  nous  savons  à  n'en  pouvoir 
douter  que  la  raison,  pour  se  développer, 
dépend  de  certaines  lois  extérieures.  Nous 
n'avons  pas  dit  encore  quelles  $ont  ces  lois  ; 
mais  nous  savons  qu'elles  existent.  II  s'agi- 
rait maintenant  de  rechercher  quelles  sont 
les  ]q\s  spéciales  qui  président  à  la  formation 
de  la  raison ,  et  d'indiquer  la  méthode  à 
suivre  pour  les  constater  d'une  manière 
sûre.  Alors  nous  parviendrions  à  connaître 
la  véritable  nature  de  la  raison,  puisque 
nous  connaîtrions  les  lois  particulières  qui 
gouvernent  ses  actes  et  son  existence. 

D'abord,  en  ce  qui  regarde  la  méthode  à 
suivre  pour  découvrir  et  constater  sûrement 
les  lois  qui  président  aux  développements 
delà  raison,  il  est  inutile,  pensons-nous, 
de  prouver  qu'on  ne  saurait  faire  une  science 
sérieuse  et  positive  en  se  contentant  de  sim- 
ples hypothèses.  Qu'un  philosophe,  par  un 
etfort  de  la  pensée,  conçoive  un  système  où 
les  développements  de  la  raison  se  trouvent 
expliqués  et  enchaînés  d'une  manière  t>lau- 
sible,  qu'il  construise  la  nature  de  l'intelli- 
gence d'après  un  certain  modèle  qu'il  a  dans 
1  esprit,  et  qu'il  le  fasse  sans  choquer  ouver* 
tement  les  lois  de  la  logique,  a  peu  près 
comme  en  Allemagne  chaque  philosophe, 
va  nos  jours,  construit  et  explique  l'univers; 
rien  n'est  fait  encore.  L'accord  logique  et 
l'enchaînement  des  idées  prouve  une  con- 
ception ingénieuse,  il  ne  prouve  pas  la  réa- 
lité. La  seule  chose  qui  prouve  la  vérité,  la 
réalité  d'une  théorie  sur  les  lois  de  la  rai- 
•00,  c'est  la  conformité  de  cette  théorie  avec 
les  faits  :  les  faits,  voilà  la  base  et  la  mesure 


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de  tout  système  vrai  sur  les  lois  de  la  ni. 
son,  La  raison  telle  qu'elle  pourrait  eiister 
sans  contradiction,  la  raison  ï  YM  de  pure 
possibilité  logique^'  la  raison  dans  un  éùt 
abstrait  et  dans  une  nature  autre  que  II 
sienne,  n'est  pas  l'objet  de  nos  recherM 
car  rien  de  plus  stérile  que  ces  laborieuse 
hypothèses.  Mais  ce  que  nous  voulons  «of 
naître,  c'est  la  raison  telle  qu'elle  ostéite 
tivement,  dans  son  état  réel,  en  ub  m 
dans  sa  nature,  sa  nature  actuelle.  Or  ici 
réalités  ne  se  révèlent  que  dans  les  bits 
par  les  faits.  Si  nous  voulons  savoir 
qu'est  la  raison,  il  faut  l'étudier  diios 
actes  ;  si  nous  désirons  connaître  les 
qui  la  gouvernent,  il  faut  nous  adresser 
faits,  et  pour  constater  sa  nature  réel! 
faut  recourir  aux  enseignements  de  1' 
rience.  En  un  mol,  la  méthode,  el  la 
méthode  à  suivre  ici,  c'est  la  méihodi 
servation. 

Frappée  des  divisions  qui  désoleat 
camp  de  la  philosophie,  et  surioiil 
stérilité  de  tant  d'ardentes  reche 
cole  écossaise  se  demanda  s'il  ne 
lossible  de  mettre  fin  à  ces  inl 
uttes,  et  d'asseoir  enfin  la  philoso] 
des  principes  certains.  Kt,  comme 
Bacon,  la  méthode  d'observation  a 
faire   aux  sciences  naturelles  des 
merveilleux,  elle  se  demanda  encore 
ne  pourrait  donc  pas  appliquer  aoi 
ces  philosophiques  le   procédé  au 
physique  était  redevable  de  (an( 
cieuses  découvertes.  Elle  crut  à  iaï 
lité  et  à  l'indubitable  succès  de  cet 
treprise;  et  ce  fut  pour  la  réaliser  q 
formula   ce  principe  fécond  :  que, 
connaître  les  lois  de  la  rai.<ion,  il 
s'adresser  aux  faits  et  les  observera' 
plus  scrupuleuse  attention. 

C'était  là,  ce  nous  semble,  une  sage 
sée,  et  quif  à  notre  avis,  restera  dans 
philosophie  qui  aspire ,  non  pas  à  d' 
nieuses  hypothèses,  mais  à  la  vérité 
pie  et  positive,  comme  Va  faite  la  iM 
Mais  les  Ecossais  restreignirent  trop 
méthode  ;  ils  crurent  que  la  seule  or^ 
tion  légitime  était  l'observation  intf 
de  sorte  que  tout  philosophe  qui 
être  fidèle  à  leurs  préceptes  deva 
arriver  h  la  connaissance  réelle,  se 
à  examiner  les  phénomènes  de  son 
esprit.  Toute  autre  observation  était 
rée  illégitime,  ou  du  moins  ne  poun 
duire  qu'àelos  résultats  hypotheiiqu» 
certains.  Par  là  même  les  Ecossais 
obligés  de  proclamer  que  toute  qQ 
d'ortgfîne  échappait  à  la  science; /î^ 
qui  concerne  notre  sujet,  ils  diicla 
sans  détour  que  le  problème  de  I«l 
tion  de  la  raison  était  scientifiquement 
soluble,  cl  que  la  philosophie  ne  saa 
jamais  avoir  li-dessus  que  des  hj{^^ 
plus  ou  moins  probables,  mais  néce^^j 
ment  problématiques.  En  effet,  comme» 
pourrait-il  qu'un  philosophe,  fùtH^^ei»"! 
pénétrant  et  le  plus  paiient  des  ûmaa 
arrivât,  en  étudiant  les  phénomènw'/i 


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DICTIONNAIRE  APOLOGETIOUE. 


PST 


9t8 


tipre  csprili  à  ce  premier  iboment  où  il  a 
I  rusage  de  sa  raisi^n,  c(  qu'il  saisit  par 
>b$erTàtion  sa  raison  même  se  formant 
tr  k  connaissance  explicite  des  grandes 
trités  moraies?  En  remontant  le  céurs  de 
lire  fie,  noas  |)Ouvons,  h  Taide  de  la  mé- 
oiret  arriver  h  ressaisir  queh|ues-uns  des 
éoeiuenls  les  plus  saillants  de  notre  pre- 
ière enfance;  nous  souvenir  cki  moment 
I,  pour  la  première  fois,  nous  avons  eu  la 
QoaisMuce  de  Dieu,  de  la  loi  morale;  mais 
105  voir,  et  nous  obseiver  dans  ce  mo- 
enl,  jamais.  Cest  pour  cela  que  les  Ecos- 
i>uQ(  rangé  cette  question  d'origine  |>arm.i 
\  problèoies  insolubles.  Ils  l'ont  fait,  et 
il  mérite  notre  attonlion,  parce  qu'il  au* 
ilfalludes  faits  pour  la  résoudre,  et  que, 
m  leur  opinion ,  ces  faits  nous  man* 
idient. 

V.  Ancillon  adopte  en  partiales  doctrines 
os5.ij$e$.  c  La  première  partie  de  notre 
.,(iil*ii,  s'écoule  sans  que  nous  sachions 
us  observer,  faute  d'attention  réfléchie... 
<r|K)qae  où  le   goût  et  le  besoin  de  la 
laion  se  font  sentir  et  deviennent  do- 
'Joi^,  nous  nous  •  trouvons  en  quelque 
•^loat  faits,  et  il  nous  est  impossible  de 
''«dre  notre   rie  par  ses  commence* 
"'\H  de  découvrir  comnien^ nous  som- 
^>îenus  ce  que  nous  sommes  (979).  » 
^  '  les  modifie    heureusement  et  nous 
'*i  <mplétfr  la  méthode  écossaise,  en 
:!aDt  ï  TobserTation  purement  intérieure 
i»^rTaiion   extérieure  dont,  on  ne  sait 
>|H)urquoi,  les  Ecossais  faisaient  si  peu 
<âs.  «  Nous  tâchons  donc,  dit-il,  de  sup- 
f^^  ce  qui  nous  manque  toujours,  même 
'•{"'ilîaitde  notre  faute,  pour  possé- 
l'juie  I  histoire  de  notre  vie,  en  obser^ 
^  otec  la  plus  grande  attention  possible  le 
iioppement  des   enfants  (960).  »  Là  est  la 
il^ictlà  est  la  véritable  méthode  psycho- 
<{ue,  non  pas  tronquée  comme  chez  les 
»»i$,  mais  complète  et  telle  que  la  na- 
Hious  Tindique  elle-même.  Il  faut  donc 
'fverles  faits  et  voir  comment  la  raison 
tévcloppo  dans  les  enfants.  Si,  par  le 
*î"  de  loijservatiun,  nous  parvenons  à 
^^«lerdes  faits  généraux  et  toujours  les 
s^S  nous  serons  conduits  à  ta  connais* 
'-  des  lois  véritables  de  la  raison,  et, 
(>)nséquent,  nous  saurons  quelle  est  sa 
^  réelle.   Or  que     trouvons-nous  si 
^interrogeons  les  faits  et  si  nous  nous 
'nons  à  une  sévère  observation  ?  Là  est 
i'^estion   déci^ve,  à  laçiuelle  nous  ne 
"R^  qu'une  réponse  sérieuse  que  nous 
aulons  en  peu  de  mots .:  Lenseignement 
^'  ut  la  loi  naturelle  qui  préside  aux 
^ifti  dételoppements  de  la  raison. 
*nl  nous  soit  permis,  avant  de  prouver 
t  thèse,  de  nous  bien  expliquer  sur  Ti- 
de  loi  :  les  faits  prouvent  que  cette 
»><ation  est  nécessaire.  Nous  ne  cher- 
^i>  pas  Torigine  première  des  lois  qui 
*eruent    notre   intelligence;   nous  ne 

•0«  /Vi  dételoppements  du  moi  humain,  ch.  I. 


prétendons  pas  expli(|uer  leur  mooe  d'ac- 
tion. Toutes  les  lois  ont  leur  raison  der- 
nière dans  la  volonté  de  Dieu,  où  se  trouve 
aussi  leur  explication  déflnitive.  Ici  nous 
nous  bornons  à  considérer  ce  que  sont  tes 
lois  en  tant  qu'elles  se  manifestent.  Or  une 
loi  est  une  nécessité  imposée  aux  êtres.  La 
respiration  est  une  loi  de  notre  vie  physi- 

aue  pan'.e  que  c*est  une  nécessité  naturelle 
e  cette  vie.  L'action  des  olyets  extérieurs 
sur  nos  organes  est  une  loi  de  la  sensation, 
parce  que  c'est  une  nécessité  imposée  à  no- 
tre faculté  de  sentir.  Le  principe  de  causa- 
lité est  une  loi  do  notre  intelligence,  parcu 
que  c'est  une  nécessité  qui  s'impose  à  tous 
ses  actes.  Ajoutons  que  cette  nécessité  pré- 
sente deux  caractères  différents  :  d'un  côté, 
lorsque  les  conditions  voulues  par  la  na- 
ture se  trouvent  réunies,  l'efTet  est  inévita- 
blement produit;  de  l'autre,  lorsque  les 
conditions  manquent,  rcITet  no  saurait  su 
produire.  Cest-a-dire  qu'une  loi  se  mani- 
feste de  deux  manières  différentes,  tantôt 
par  une  influence  et  des  eifcls  positifs,  tan- 
'lôt,  s'il  est  permis  de  le  dire,  par  une  in- 
fluence et  des  effets  négatifs.  Lors([u'elle 
s'applique  à  un  être,  Teffet  qu'elle  doit  na- 
turellement amener  est  nécessairement  pro- 
duit; et  lursqu*elle  ne  peut  s'appliquer, 
l'efl'et  ne  se  produit  |>as  et  ne  saurait  so 
produire.  Il  sera  facile  au  lecteur  de  véri- 
fier ces  principes  dans  les  exemples  qui  pré- 
cèdent, ou  dans  tout  autre  exemple  em- 
prunté à  une  partie  quclcont^ue  de  l'ordre 
universel. 

Or  comment  se  fait  le  développement  de 
la  raison  dans  les  enfants  ?  Comment  arri- 
vent-ils à  l'usage  de  la  raison?  Que  nous 
apprend  l'obsèrvaiion  sur  la  loi  première 
de  nos  connaissances  rationnelles? 

L'homme  naît  dans  la  société;  au  moment 
qu'il  ouvre  les  yeux  à  la  lumière,  Tenfânt 
trouve  à  côté  do  lut  un  être  de  môme  na- 
ture que  lui,  mais  dont  la  raison  est  for- 
mée ,  et  qui  va  lui  donner  les  premiers 
soins  que  la  nature  lui  a  rendus  indispen- 
sables. Ainsi  placé  sous  l'influence  et  l'ac- 
tion non  interrompue  d'une  intelligence  en 
plein  exercice,  il  y  restera  pendant  les  pre- 
mières années  de  sa  vie.  La  voix  de  sa  mère 
frappera  à  tout  instant  son  oreille  ;  la  lan- 
gue qu'elle  lui  parle  deviendra  la  sienne; 
insensiblement  ses  facultés  intellectuelles 
se  développeront  sous  l'action  do  la  société 
au  sein  de  laquelle  il  grandit;  un  jour  il 
aura  ru:>age  de  sa  raison;  il  deviendra  un 
être  moral,  responsable  do  ses  actes;  et 
jouissant  de  la  raison  et  de  la  parole,  il  en- 
trera plus  profondément  dans  la  société  ora- 
geuse de  ta  vie  humaine^  selon  l'expression 
de  saint  Auçustin  (981).  Ce  n'est  pas  tout  :  à 
son  début,  la  raison  de  l'enfant  sera  la  tra- 
duction et  comme  l'image  de  la  raison  de 
ceux  qui  l'entourent;  elle  représentera  à 
leu  près  trait  pour  trait  les  connaissances, 
es  erreurs,  les  préjugés  de  la  société  où  il 


ï. 


(981)  «  Viise  hunianrc^  procdiosam  soclctatem  tl< 
tius  ingrcssus  sum.  i  (fJonfes».  !.  i,  c.  t.) 


m 


PSV 


NGTK»<NAIflB  APOLOGETIQUE. 


PSI 


$» 


commence  h  vivre.  C'est  ainsi  que  les  cho- 
ses se  sont  passées  pour  nous  tous  ;  c*csl 
ainsi  qu'elles  se  passent  aujourd'hui  sous 
nos  yeux  et  dans  tout  Tunivers;  n'est  ainsi, 
pour  tout  dire,  Qu'elles  se  sont  passées 
toujours  dans  tous  les  lieux  et  dans  tous  les 
temps.  Tout  bomuie  qui  a  Tusage  de  la  rai* 
son»  y  est  parvenu  sous  rioduence  d'une 
raison  déjà  formée»  sous  i'aelion  d'un  en-> 
seignement  social.  Voilé  le  fait  ;  rien  au 
monde  de  plus  positif»  de  plus  universel»  de 
plus  constant  que  ce  fait.,  Est -il  possible 
de  n'y  pas  reconnaître  une  loi  de  la  raison» 
une  nécessité  nalurelle  imposée  à  ses  dé* 
veloppements 7  Se  |)Ourrait-il  qu^un  fait 
qui  jamais  ne  se  dément,  n'impliquât  au- 
cune nécessité»  aucune  loi  naturelle?  C'est- 
i-dire  »  peut-on  croire  que  Tbomme  ne  soit 
pas  dans  sa  véritable  nature,  lorsqu'il  naît 
dans  la  société»  lorsqu'il  est  élevé»  instruit 
par  la  société  et  conduit  par  ses  enseigne* 
jnents  h  l'usage  de  la  raison  ? 

Ce  que  nous  venons  de  dire  n'exprime 
que  l'influence  positive  de  la  loi  de  la  rai«- 
son;  mais  cetie  loi  se  manifeste  encore  par 
son  influence  négative.  £n  effet»  une  cons- 
tante expérience  que  n*a  jamais  démentie  uu 
seul  faiif  prouve  que  tous  les  infortunés  qui» 
avant  Tasage  de  leur  raison»  ont  été  séques- 
trés de  la  société»  sont  restés  de  grands  e»i- 
fanls  jusqu'au  moment  où,  la  société»  les 
recueillant  dans  son  sein»  les  a  initiés  à  la 
vie  morale.  Ici  nous  pourrions  citer  une 
foule  de  faits,  surtout  un  lait  qui  s'est  passé 
de  nos  jours»  et  qui  a  ému  toute  rAlIemagne  : 
nous  voulons  parler  de  Tbistoire  de  Gaspard 
Hauser»  Teufant  Je  Nuremberg.  A  peine 
entré  dans  la  société»  b  peine  initié  a  ses 
premiers  enseignements»  Gaspard  Hauser 
manifesta  les  plus  heureuses  dispositions  et 
montra  même  un  esprit  distingué.  Et  pour- 
tant» avant  toute  instruction»  sa  raison  était 
tellement  endormie»  son  intelligence  telle- 
ment morte»  que  pour  qualifier  le  crime  qui 
Savait  isolé  de  la  société  de  ses  semblables, 
un  écrivain  allemand  inventa  le  mot  d*as^ 
stifssinal  de  l'âme  (9l^j.  Nous  croyons  devoir 
renvoyer  aux  auteurs  qui  ont  recueilli  la 
plupart  de  ces  faits»  en  indiqnant  les  sour- 
ces et  les  autorités.  Seulement  nous  dirons 
un  mot  de  la  célèbre  mademoiselle  Leblanc. 
Lorsqu'elle  fut  trouvée  en  1731  dans  la  fo- 
r6t  de  Soigny»  près  de  CbAlons,  elle  était 
dans  toute  la  force  de  la  jeunesse  et  parais^ 
sait  â^ée  de  quatorze  à  dix-huit  ans;  pour- 
tant c  était  une  vraiesauvage^  non  pas  comme 
ces  sauvages  de  l'Amérique  qui»  malgré  leur 
dégradation»  ont  un  langage  articulé  et  l'u- 
cage  de  la  raison;  mais  elle  était  dans  cet 
état  que  Hobbes  et  Rousseau  dans  leurs  r6- 
T6S  extravagants  ont  appelé  Vétat  de  nature, 
sans  langage  et  sans  aucun  usage  de  sa  rai- 
son. «  Ne  connaissant  aucune  langue»  dit  L* 

98^  CL  Gaipar  Hanur^  ou  Exemple  d^un  aum^ 
tûi  êur  la  tie  de  Pâme  humaine^  par  la  chevalier  tt 
Fedcrbâch  (allem.). 

(98^)  Eclaircissement  sur  la  fille  sauva^  ordinai- 
rement à  la  suite  de  lEpitre  sur  t homme. 


Racine,  qui  lavait  interrogée  après  son  iiiy 
truction,  elle  n'articulait  aucun  son,  eik- 
niait  seulement  un  cri  de  la  gorge,  (;i)i 
était  etfrayant.  Elle  savait  imiter  le  cri  k 
quelques  animaux  et  de  quelques  mm 
(S^)...  »Ce  qu'il  y  avaitdephis  élonnanUf 
ceci»  e'est  que  mademoiselle  Leblanc  arftitn 
une  rompagne,  avec  laquelle  elleafail  f«t 
jus<]ae-la,  et  qu  elle  n^avait  perdue  (}oe  de 
puis  trois  jours.  Les  idées  qu'elle  poiui 
dans  ssi  raison»  le  spectacle  de  Tuoims  1 
présence  même  d'une  compa^oe,  nmia 
pu  faii'O  sortir  mademoiselle  Leblanc  d 
lVn£ance;  renseignement  opéra  cet  e&ii 
très-])eu  de  temp^;  et  après  son  io^it» 
tion»  cette  fille  intéressante  se  montra ra;i{ 
ble  de  comprendre  et  de  pratiquer  le$j 
belles  vertus  du  christianisme.  «  Voici  â 
une  fille»  dit  Racine,  qui»  élevée  panoj 
animaux»  et  longtemps  privée  comine  ti 
de  la  parole»,  n'a  eu  d'autre  objet  ijur  4 
chercher  la  nourriture  de  soo  (^^ 
sitôt  qu*elle  entend  les  hommes  pNk,i^ 
a  bienl6t  appris  la  manière  iapn^ 
comme  eux  ses  pensées;  siiOt  qu'on  .•:> 
parle  de  choses  spirituelles»  elle  les  mm -: 

(984).  »  I 

Le  triste  état  des  souras-niueis  iwi 
ajouter  un  nouveau  poids  à  Japreuter 
nous  proposons  ici.  En  effsl»  quoiqu«wfi 
au  milieu  de  leurs  semblables,  et  pu 
communiquer  avec  eux  par  le  moyeul 
gestes,  ils  arrivent  à  Tâge  mûr  sans  ami 
a  TusagQ  de  la  raison  »  à  moins  qu'une  st 
truction  intelligente  n'ait  éveillé  eneuifl 
précieuses  facultés  (jui»  dans  quelquenrl 
grâce  à  l'enseignement  social»  se  sont  bm 
Irées  si  puissantes.  II  est  vrai»  les  soitf 
muets»  même  avant  toute  instruction  f 

£  rement  dite»  se  conduisent  ext^rieurciw 
peu  près  comme  ceux  oui  les  entouf« 
plusieurs  montrent  dans  leurs  actions  *i 
posture»  leurs  gestes»  une  piété  qu'on  ff 
rait  appuj^ée  sur  la  connaissance  ctlaii 
de  la  religion.  Mais  qu'on  ne  s'y  imf^f 
car  après  leur  instruction,  alors  qu'on  oj 
que  leur  intelligence  s'est  éveillée  soosj 
tion  sociale»  ils  avouent  qu'ils  ont  lou^ 
agi  machinalomcnl,  sans  comprendre 
de  ce  qu'ils  faisaient»  obéissant  en 
une  pure  habitude  d'imitation,  'ci» 
citerons  pas  des  faits»  il  faudrait  iropjl 
Qu'il  nous  suffise  de  dire  que  les  mam 
témoignages  des  instituteurs  de  .^ow 
muets»  réunis  aux  témoignages  de  m 
fortunés  eux-mêmes,  ne  laissent aucuoJij 
raisonnable  sur  la  nroiK)sitioû  que  w 
venons  d'énoneer  (985).  . 

Nous  croyons  donc  pouvoir  concliîrn 
renseignement  social  est  nécessairo  «in 
veloppemeni  primitif  de  notre  inteJliè^j* 
il  est  nécessaire»  puisqu'en  preflJ'^J  i 
partout  où  l'enfant  est  soumis  à  lin«"^ 

{9U)  Loeù  àt. 

(985)   Foy.  les  Bêekerches  w  l^J^l 
iniellectuellei  des  sourds'mueu,  par  tf>  '  «i^ 
7A10KE  ;  Louvain,  i8i7. 


PST 


BKTNNIMAIRE  APOLOGEflQI». 


P8Y 


9il 


socMie,  il  arriTe  inévitablement  à  Fosage 
de  la  raiaeo»  aa  moment  marqué  par  la  na- 
ture, et  pourra  qa*il  n'y  ait  pas  dans  ses 
drgaoes  un  vice  que  Ton  ne  saurait  ni  gué- 
rir ni  espliquer  eomplétement  dans  aucun 
$r$tème;  il  est  nécessaire,  r^isque,  en  se- 
nund  lie«,  jamais  l*homme  soastrait  à  toute 
oflaenee  sociale  n'arrive  à  Tusage  de  sa 
raison.  11  est  impossible  de  constater  par 
otoervation  ou  par  rtiistoire  Teiistence 
fun  seul  homme,  qui,  sans  le  secours  d*au- 
m  enseignement,  soit  eflectivcment  par- 
reno  à  la  connaissance  des  grandes  vérités 
le  Tordre  îolellectnei  ou  moral.  Là  est 
toae  la  loi  première  du  développement  des 
iMes  :  et  ainsi  il  est  démontré  que  cette 
Uesl  aussi  oataretlegue  les  idées  mêmes, 
iaisqa*elle  est  nécessaire  à  leur  développe- 
■eoL 

Ceue  doetrino  ne  platt  guère  au  rationa- 

ime  moderne^  et  certes,  il  est  facile  de 

somprendre  les  metife  de  ses  répiignanees. 

Ei  eCet»  le  rationalisme  a  pour  principe,  et 

lie  piorJame  bien  haut,  que  dans  toutes  se$ 

'  oances,  la  raison  est  indépendante, 

dans  ses  déterminations  elle  est  an* 

:  c'est-è-dire  que,  dans  Tordre  spé- 

comne  dans  Tordre  moral,  la  raison 

iMkelle-mème,et  ne  relève  que  d'elle- 

finment  pourrait-il  donc,  en  res- 

■i^uent  avec  soi-même,  et  sans  ro- 

\  pnncipes,  ne  pas  soutenir  la  spon- 

absohie  delà  raison,  et  comment 

Mffvait-îl  admettre  sà  dépendance  à  Tégard 

«  1m  société  pour  ses  dé? eloppements  pri- 

Mîfir  Aussi  les  philosophes  qui  appartien- 

Ml  4  i*école  rationaliste,  tout  en  se  divi- 

M  sur  la  manière  d*expliquer  Torigine  de 

is  eoanaissances  rationnelles,  sont  pres- 

le  tons  d*aecord  pour  admettre  Tabsolue 

encanéité  de  la  raison  dans  l'acquisition 

^  tes  oonoaissances.  Les  uns  diront,  avec 

«Le ,  qoe  toutes  les  idées  viennent  de  la 

■satioo  comme  de  leur  source  première. 

m  antres,  avec  Platon ,  qu  elles  sont  dans 

«le  ao  moins  du  moment  de  son  union 

Ac  le  corps.  Les  autres,  avec  Descartes  et 

rtotit  avec  Cousin,  assureront  que  la  rair 

i«  fiacollé  primordiale,  se  développe  à  un 

ikitfiU  mcewiii  et  arrive  à  la  perception 

i^elle  des  vérités  de  principe.  Mais  tous 

^leiKlrcHit  h   dire  que,  dans   tous  les 

,  ce  développement  se  fait  sans  le  se- 

w  rs  de  renseignement  social  ;  et,  s'ils  ne 

I  iseni  pas,  du  moins  toujours  ils  le  snp- 

;2ue  le  rationalisme  affirmA  ou  suppose 
.jsolue  indépendance  de  la  raison  a  Té- 
->!  de  renseignement  social,  c'est  un  point 
"on  ne  saurait  contester.  Mais  ce  qui  ne 
«s  parait  pas  moins  incontestable ,  c*est 
&les   philosophes  qui  l'affirment  ou  la 
(posent  sont  réduits^  k  Tafflrmer  ou  à  la 
»poser  gratuitement,  sans  pouvoir  jamais 
yr  un  fait,  un  seul  lait  positif  et  bien  avéré 
serre  d'appui  à  leur  doctrine.  Qu'on  ou- 
'  les  écrits  des  rationalistes  les  plus  dis- 
gcés*  qa*on  y  cherche  avec  une  scrupu- 
le attention  un  fait  quelconque  qui  légi- 


time leur  principe,  on  n'en  trouvera  pas 
un  seul.  Et  sans  doute,  tout  le  monde  voit  la 
portée  de  cette  observation»  mais  voici  ce 
que  plusieurs  font  dans  leurs  brillantes  hy- 
pothèses. Ils  prennent  un  homme  né  et  élevé 
dans  la  société,  formé  par  Tenscignement  de 
la  société,  jouissant  du  plein  usage  de  sa 
raison,  grAce  à  l'action  de  la  société  ;  un 
homme,  en  un  mot,  oui,  depuis  sa  tendre 
enfance,  n'a  pas  cesse  de  puiser  abonilam* 
ment  dans  le  trésor  des  connaissances  so- 
ciales; et  puis  ils  disent  que  cet  homme  est 
abandonné  â  lui-même^  aux  seules  lumières 
de  sa  propre  raison  fui  ne  s^appuie  que 
sur  eUe^meme^  et  ils  appellent  cela  n'avoir 
pour  guide  que  sa  raison  sMiire.  De  cette  me^^ 
nière,  il  leur  est  fiicile  de  montrer  que  la 
raison  est  capable  de  grandes  choses,  et  que 
c'est  uniquement  d'elle-même  qu'elle  tire 
ses  connaissances  les  plus  relevées.  C*est 
ainsi  que  bien  des  fois  nous  avons  lu,  dans 
les  écrits  les  plus  sérieux ,  que  Socrate  et 
Platon  ont  été  laissés  à  eux-mêmes,  que  leur 
raison  a  été  abandonnée  à  ses  propres  for- 
ces, et  que  c'est  uniquement  par  sa  puissance 
native  qu'elle  s'est  élevée  à  la  hauteur  où  se 
sont  placés  ces  grands  hommes.  Platon  lais- 
sé à  lui-même  et  aux  seules  forces  de  sa 
propre  raison!  C'est  à  n'en  [las  croire  srs 
yeux.  Eh  quoi  !  est-ce  donc  que  Platon  a  été 
élevé  loin  des  hommes ,  dans    un  désert, 
parmi  les  animaux  et  dans  la  société   des 
ours?  N'est-il  pas  né  dans  une  société  floris- 
sante? Sa  raison   ne  s'est-elle  pas  éveillée 
sous  Tinfluence  de  la  plus  brillante  civilisa- 
tion? N'a-t-elle  pas  été  cultivée  pardes  maî- 
tres habiles?  If  a-t-elle  ras  été  plus  tard  s'en- 
richir des  trésors  de  TÉgypte  et  des  antiques 
doctrines  de  TAsie?  Comment  donc  le  ratio- 
nalisme peut-il    penser  et  dire  que  Platon 
a  été   laissé  à  ses  seules  forces  natives? 
que  Télévation  de  son  génie  prouve  Tindé- 
pendance  originaire  de  sa  raison?  qu'elle 
s'est  formée  par  elle-même,  pu  isfjue,  arrivée 
k  sa  maturité,  elle  s'est  montrées!  puissante? 
Nous  le  comprendrions^  si  Platon  était  né 
dans  un  déserl,  et  avait  grandi  dans  un 
complet  isolement  :  nous  n'y  trouvons  ipfune 
absurdité,  quand  nous  le  voyons  naître  et 
grandir  dans  cette  Athènes,  déjà  alors  le  cen- 
tre des  lumières  et  i-omme  Toracle  de  la 
Grèce. 

Dans  tontes  les  considérations  que  nous 
venons  de  présenter,  nous  n'avons  pas  même 
indiqué  le  nécessité  de  la  parole  |K>ur  la 
formation  de  la  raison.  C'est  avec  réflexion 
et  à  dessein  que  nous  avons  agi  ainsi.  En 
effet,  ce  sont  là  deux  questions  toutes  diffé- 
rentes, et  même  au  fond  indépendantes  Tune 
de  l'autre.  Que  la  parole  soit  ou  non  néces- 
saire pour  que  la  société  puisse  pro|)Oser 
son  enseignement  à  Tintellijçence  de  Ten- 
ftnt,  toujours  est-il  vraiquelenseignemeni, 
fût-ce  |)ar  le  moyen  du  geste,  est  naturelle- 
ment nécessaire*  Il  est  même  à  regretter  que 
trop  souvent  on  ait  confondu  ces  deux  ques- 
tions, qui  sont  aujourd'hui  si  bien  distin- 
guées dans  les  ouvrages  de  nos  princi|iaux 
ocrivains.  Nous  croyons  sans  doute  que  la 


^3 


PST 


DICTIONNAinE  ArOLOGI?:TIUUK. 


PSY 


parole  (996)  est  le  moyen  naturel  par  lequel 
la  soci^'té  communique  avec  l'enfant  :  nous 
tâcherons  même  de  le  prouver  dans  les  pa- 
ragraphes suivants.  Mais  ces  rechercnes  à 
nos  yeux  ne  sont  qu'accessoires  :  la  ques- 
tion fondamentale  est  bien  celle-ci  ;  l'ensei- 
gnement social,  quels  que  soient  du  reste 
ses  moyens,  est-il  ou  n'est-il  pas  nécessaire 
au  développement  primitif  des  idées T  On 
prouverait  à  l'évidence  que  la  parole  n'est 
pas  nécessaire  à  cet  effet,  qu'on  n'aurait  pas 
même  louché  à  notre  thèse  ;  on  ne  peut  la 
renverser  qu'en  démontrant  que  J'iiorame  , 
pour  arriver  à  l'usage  de  sa  raison,  n'a  au- 
cun besoin  d'imtruclion ,  et  ne  dépend  en 
aucune  façon  de  la  société  (986*). 

§  XI. 

Suite  de  la  Uièse  sur  rorigine  de  nos  connaissances.  — 
De  la  parole  dans  ses  rapports  avec  la  raison.  —  Est-ce 
la  raison  qui  formé  le  langage  ou  le  langage  qui  fbrme 
la  raison? 

Partant  do  la  raison,  le  rationalisme  se 
renferme  dans  la  raison,  IVapr es  lui,  chaque 
homme  trouve  en  lui-même,  dans  son  propre 
fonds,  tout  ce  qui  lui  est  nécessaire  pour  at- 
teindre le  but  de  sa  nature  morale.  Éveillées 
[)ar  le  spectacle  de  l'univers ,  irises  en  jeu 
par  une  énergie  purement  intérieure  et  in- 
dépendante de  toute  action  sociale,  ses  fa- 
cultés natives  se  développent  d'elles  mêmes; 
elles  s'élèvent  par  un  progrès  spontané  et 
continu  à  la  connaissance  de  toutes  les  vé- 
rités qui  sont  faites  pour  fhomme.  Aucun 
homme  ne  peut  noùs  apprendre  que  ce  que 
nous  aurions  pu  connaître  sans  lui  et  par 
nous-mêmes;  nous  n'avons  pas  besoin  de 
maîtres,  chacun  de  nous  est  son  maître  à 
lai-même  ;  chacm  de  nous  commence  sa 
propre  éducation  intellectuelle,  préside  à 
ses  développements ,  et  la  conduit  à  sa  per- 
fection naturelle,  sans  dépendre  à  cet  effet 
d'aucune  instruction  extérieure.  Les secaurs 
de  la  société  peuvent  être  utiles  en  ce  qu'ils 
bAtent  ou  étendent  l'exercice  de  nos  facultés 
natives,  mais  ils  ne  sont  pas  indispensables; 
l'enseignement  n'est  pas  une  nécessité,  uqe 
loi  de  notre  nature  morale  ;  à  cet  é^ard 
notre  raison  jouit  d'une  indépendance  illi- 
mitée, a  Quand  je  serais  né  dans  une  lie 
déserte,  dit  J.-J.  Rou.sseau,  quand  je  n'au- 
rais point  vu  d'autre  homme  que  moi,....  si 
j'exerce  ma  raison,  si  ie  la  cultive,  si  j*use 
bien  des  facultés  immédiates  que  Dieu  me 
donne,  j'apprendrai  de  moi-même  à  le  con* 
naître,  h  1  aimer,  h  aimer  ses  œuvres,  à 
Touloir  le  bien  qu'il  veut,  et  à  remplir,  pour 
lui  plaire,  tons  mes  devoirs  sur  la  terre. 
QttVst  -ce  que  tout  le  savoir  des  hommes 
m'apprendra  de  plus  (987)  ?  »  Pourrait-on  for- 
muler avec  plus  de  netteté  Tesprit  général 
et  les  principes  du  rationalisme?  Et  ne  com- 
prend-on pas  à  l'instant  M.  Cousin,  résu- 

(986)  Il  n*esc  peut-être  pas  inutile  d'avertir  que, 
quand  nous  disons  la  parole^  nous  entendons  CeX" 
pnMton  de  la  pemée^  même  par  gestes. 

(986  *)  Cf.  M.  rabbé  Lo.^ay,  vp.  cit.,  pag.  9  et 
sttiv. 


mant  les  idées  de  loute  Técole  dans  cesmit 
si-significatifs  :  «  La  philosophie  est  lait 
mière  de  toutes  les  lumières^  rauiurilédi 
autorités  (987*)  ?  » 

Or  comment  renverser  ce  syslèrae?To| 
est  la  question  que  nous  nous  sommes  {i 
posée.  Est' ce  que  la  raison  de  chaque  boiiii 
est  réellement  et  i^ar  nature  iodépendal 
de  toute  instruction  sociale, comme Tallir 
le  rationalisme;  ou  bien  l'enseignement 
cial  entre-t-il  pour  quelque  chose  dansv 
formation  do  la  raison,  esl-il  la  condiil 
nc^cessaire  de  son  développement  priuiiÇ 
Avons-nous  besoin  d'un  inatlre  qui  ûj 
conduise  &  l'usage  de  la  raison,  ou  bu 
nature  nous  a-t-elle  affranchis  de  toute  1 
telle,  et  comme  l'assure  Rousseau.  e^i| 
de  nous-mêmes  que  nous  apprenons  lot 
que  nous  devons  savoir?  Voilà  ce  que  i 
nous  sommes  demandé  avant  tout  :  €'es| 

f problème  que  nous  avons  posa  en  ym 
ieu ,  et  que  nous  avons  tftcné  de  rte 
à  l'aide ,  pensons-nous  «  des  seuls  pror«| 
véritablement  philosophiques.  j 

Appuyés  sur  Tanalogie  la  plusm 
et  sur  des  faits  généraux  et  mm 
nous  affirmons  que  la  raison  quiçwtel 
elle  le  principe  et  la  cause  de  tous  sestij 
dans  les  idées  et  Ténergie  qu'elle  a  rej 
du  Créateur,  ne  porte  pas  dans  sonlj 
toutes  les  conditions  de  son  développed 
Nous  disons  que  dans  son  eicrcice  elle 
comme  toutes  les  forces ,  soumise  ï  m 
différente  d'elle-même ,  et  que  «  pour  arj 
à  la  i>erfectiou  qui  est  le  but  de  sa  oar 
elle  dépend  de  l'instruction  sociale.  L' 
cessité  de  renseignement  social  coim 
dilion  du  développement  de  la  rais^i 
l'impossibilité  naturelle  ()our  toute  ii 
gence  humaine,  de  mettre  enjeu  etd'ei 
ses  facultés  natives  sans  être  ).»lacée, 
l'influence  d'une  intelligence  déjà  fut 
voilà  la  doctrine  k  laquelle  noustcnonsi 
tout,  nous  pourrions  dire  uniquement, 
attachons  à  cette  doctrine  une  sout( 
importance,  et  comme  philosopiiet 
qu  elle  nous  parait  jeter  un  granl  joi 
la  nature  et  la  science  de  la  raison; et c| 
Chrétien,  parce  qu  elle  fera  à  jamais 
raltre  les  sj'slèmes  aussi  arbitraires 
dacieux  du  rationalisme ,  et  qu'elle  ai 
inévitablement  la  ruine  du  rationali5:i| 
môme,  du  moins  tel  qu'il  se  formul 
jourd'bui  dans  la  scieuC'C. 

Nous  croyons  donc  que  tout  liomiî) 
arrive  à  l'usage  de  la  raison.doit  ce  ni 
non  pas  à  sa  raison  seule,  mais  au5i 
rapports  que  la  société  établit  entre  ^< 
telligenco  native  et  d'autres  iiilell',4 
d'éjà  formées  par  le  plein  exercice  <1^ 
facultés;  et  tous  les  faits  nous  fTcr 
que  l'impossibilité  d'être  mise  en  (\ 
avec  d'autres  intelligences  parle  mo>i 

(987)  EmiU,  liv.  w;  Œuvres,  t  IX.pH^ 

de  Genève.  ,   ..^ 

(987-)  Cours  <rhht  dt  h  phU.,  iutrodiKtioo, 

kvon. 


PST 


MCTIONNAIRE  APOLOGETlQtE. 


IPSY 


enseignemenCt  retient  rindÎTidu  dans  une 
«r^«é(uelle  enbnce. 

Mais  à  ee  propos  on  peut  soulever  cette 
ccoode  question  :  par  quels  moyens  natu- 
^Is  II  raison  de  I  enfant  est-elle  mise  en 
:ipporKaTec  la  société?  Comment  la  société 
ommuniqne-t-elle  arec  rindiridu?  Est-ce 
ar  le  moyen  des  cris  inarticulés,  ou  bien 
ar  le  moyen  du  geste  »  ou  bien  par  la  pa- 
ole  proprement  dite,  ou  bien  par  tous  ces 

nyens  réunis? 

Endemment  ceci  est  une  nourelle  qnes- 

>n ,  distincte  au  moins  de  cette  autre  : 
«^oseigneroent  social  lui-mAme  est-il  né- 

^saire  à  la  raison  de  Tindiridu  ?  Demander 
:  Hnstniction  sociale  est  nécessaire,  ou 

r»n,  quels  sont  les  moyens  nécessaires, 

*  *(-à-dire  naturels  de  l'instruction  sociale, 
>  sont  assurément  des  questions  dilTé- 
r.■:^?>.  Quant  à  nous,  la  question  une  fois 

M*-e  Recette  manière,  nous  croirions  avoir 
j(ki3pné  contre  le  rationalisme,  si  nous 
TTcnions  à  bien  élalilir  la  nécessité  de 
'fi^cï cernent  social  pour  la  première  for- 
-»*i'~»adela  raison,  et  nous  serions  assez 
'  l^ff^rent  sur  la  nature  et  la  valeur  rela- 

•  ^r«l«  moyens  que  la  société  emploie  i#our 
«mWrU  raison  naissante  de  Penfant.  C*est 
à  tel  pthl  que,  si  cette  dernière  question 
i  ^^wrmas  quelque  inlérér,  ce  n  est  que 
f^ur  jsltnt  qu'elle  se  rattache  à  la  première 
>.  1  f  a'elle  se  confond  ârec  elle. 

y r^id  donc  comme  nous  croyons  pouvoir 
'fer  la  aoestion  :  En  principe,  la  raison 
rm^'i-^Ue  le  langage,  ou  le  langage  forme-- 
•tl  l^M  raison  ? 

^*^'^^}f  comme  on  le  voit,  une  question 
''•Djbrioe  c|ue  nous  proposons;  c*est  une 
jfsrion  rigoureusement  générale;  c'est,  en 
n  QB^t,  une  question  de  principe.  Otez  tout 
ti^rrge  articulé,  prenez  Tbomme  au  mo- 
eui  où  iamais  il  n'a  entendu  la  parole, 
unt qu'il  en  soupçonne  même  l'existence: 
1-ce  que  sa  raison  créera  la  langue?  £st-ce 
2e  sa  raison  sera  formée  indépendamment 
i  tuut  langage  préalablement  entendu,  et, 
•ns  cette  bypolbèse,  créera-t-elle  sponta- 
•ment  la  langue,  expression  naturelle  de 
raison? 

n  y  a  deux  solutions  possibles  à  ce  pro* 
èioe,  et,  ce  nous  semble,  il  n'y  en  a  oue 
fux.  On  peut  dire  qu'en  principe  général 
!st  la  raison,  la  raison  formée,  en  plein, 
ercice,  qui  précède  la  parole,  et  que,  par 
os/N|uent,  cest  la  raison  que  crée  la  lau- 
1^;  on  bien  Ton  peut  soutenir  qu'avant 
iToîr  entendu  parler,  l'homme  n'a  |;as 
Lsage  de  sa  raison,  et  qu'ainsi,  bien  loin 
te  ta  raison  crée  la  langue,  la  raison  ne  se 
rme,  ne  se  développe  que  sous  Tinfluence 
I  la  langue.  En  un  mot,  la  raison  crée  la 
trole,  la  parole  forme  la  raison  ;  telles  sont, 
rsqu'on  se  place  au  point  de  vue  général, 
s  deux  seulAS  réponses  à  donner  au  pro- 
ème  proposé  plus  haut. 
Si  la  raison  crée  la  parole,  qu'est-ce  qui 
ttme  la  raison?  Voilà  ce  qu'il  faut  se  ae* 
under  avant  tout.  Et  ici  encore  on  ne  peut 
oniier  qae  deux  réponses  contraires.  On 


doit  reconnaître  que  la  raison  ne  sa  forme 
que  sous  l'influence  de  l'enseignement  so- 
cial :  c'est  la  thèse  que  nous  avons  soutenue; 
ou  bien  il  faut  affirmer  que  la  raison  se 
forme  elle-même  par  une  impulsion  pure- 
ment intérieure  jet  spontanée,  sans  qu'elle 
dépende  en  aucune  manière  de  l'instruction 
sociale  :  c'est  la  thèse  de  Rousseau  et  de  la 
plupart  des  rationalistes.  Mais  quant  à  ceux 
qui  défendent  cette* dernière  opinion,  nous 
les  en^gerons,  au  nom  de  la  science  et  de 
la  vérité,  à  sortir  enfin  de  la  voie  des  hypo- 
thèses et  des  affirmations  gratuites.  Nous 
leur  demanderons  des  preuves,  des  preuves 
de  fait;  nous  leur  demanderons  surtout 
qu'ils  expliquent  clairement  les  faits  nom- 
breux et  constanlsqui  prou  vent  que  l'homme, 
avant  toute  éducation  sociale ,  n'est  jamais 
qu'un  grand  enfant. 

Si,  contrairement  à  celte  dernière  hy|)o* 
thèse,  Ton  soutient  qu'en  principe  général 
le  langage  forme  la  raison,  n'est-il  pas  évi- 
dent que  l'on  se  place  toujours  hors  de  la 
thèse,  lorsque,  pour  combattre  cette  opi- 
nion, qui  est  la  nôtre,  on  nous  oppose  un 
bomme  sauvage,  qui,  quoique  sauvage,  vit 
pourtant  en  société,  et  qui  parle  une  lan- 
gue, celle  de  la  société  où  il  vit,  et  qu'il 
a  apprise  au  berceau?  C'est  précisément 
comme  quand  il  s'agit  de  Torigine  de  nos 
connaissances  :  pour  prouver  que  la  raison 
ne  dépend  en  aucune  façon  de  l'enseigne- 
ment social,  on  nous  cite  Socrate,  Platon  et 
d'autres,  comme  si  la  voix  de  leur  mère 
n'avait  pas  retenti  à  leurs  oreilles  dès  leur 
plus  tendre  enfance,  et  comme  si  la  société 
n'avait  pas,  par  une  instruction  de  tous  les 
instants,  fécondé  les  germes  natifs  déposés 
dans  leur  intelliffence.  N'est-ce  pas  cette 
manière  de  procâler  qai  éternise  les  dis* 
eussions,  parce  que,  détournant  toujours 
l'esprit  de  l'objet  même  qu*il  s'agit  de  con* 
sidérer,  elle  l'empêche  de  jamais  voir  clair 
dans  la  question ,  et  l'égaré  dans  le  champ 
sans  limites  des  hypothèses?  Ce  qu'il  fau- 
drait prouver  d'abord,  c'est  que  le  sauvage, 
qu'on  prend  pour  exemple,  a  dévelopfié 
s|K)ntanément  sa  raison,  sans  aucun  secours 
de  l'enseignement  social.  Ce  qn*i(  faudrait 
prouver  ensuite,  c'est  que  ce  sauvage,  avec 
sa  raison  ainsi  formée  spontanément,  a  créé 
la  langue  dont  il  se  sert,  sans  l'avoir  en- 
tendue d'avance,  sans  lavoir  apprise,  et 
sans  avoir  jamais  entendu  les  hommes  par- 
ler. Or  ici  nous  ne  craignons  pas  d'affirmer 
que  jamais  on  n'entreprendra  de  prouver 
celle  thèse,  {larce  qu'elle  ne  peut  se  prou- 
ver, et  que  ceci  est  évident. 

On  nous  dira  que  le  sauvage  ou  tout 
autre  homme  peut  pourtant  inventer  et 
invente  en  elTet  des  mots  nouveaux ,  des 
expressions  inconnues  et  inusitées  jusque- 
là.  Soit  :  nous  ne  voulons  nullement  le  con- 
tester. Cependant,  disons-le,  le  sauvage 
n'invente  pas,  il  oublie.  Mais  enfin  celui 
qui  invente  un  mot,  que  ce  soit  un  sauvage 
ou  un  bomme  civilisé,  a-t-il  ou  n'a-t-il  pas, 
au  moment  qu'il  invente  des  mots,  une  lan- 
gue qu'il  parle  depuis  son  enfance?  A-(-il 


1 


917 


PSI 


MCnONNAHIE  APOLOGETI06E!. 


PSY 


oa  n*a-t-i>  pas  une  raison  formée,  assez  du 
moins  pour  qu'il  soit  homme,  pour  qu'il 
soit  un  être  moral?  Voilà  la  question.  Et 
d'où  a-t-il  Tusage  de  sa  raison  ?  Et  d'où  a-t-iï 
sa  langue?  C'est  h  cela  qu'il  faut  répondre. 
Car  personne  ne  conteste  qu'un  homme  qui 
jouit  de  la  raison  et  qui  parle  peut  inrenter 
des  mots  noureaui,  dont  au  reste  il  trouve 
le  type  et  le  modèle  dans  la  langue  même 
qui  lui  est  familière.  Noos  voyons  que  cela 
se  fait  tous  les  jours,  saus  qu'auctin  de  nous 
songe  à  dire  que  ceux  qui  inventent  ces 
mots  ont  inventé  leur  langue.  Si  donc,  pour 
résoudre  la  question  de  I  origine  première 
de  la  raison  et  de  la  parole,  on  s*obst1ne  h 
prendre  pour  exemple  un  homme  aui  déjà 
]ouit  de  la  raison  et  qui  parle  une  langue, 
sans  vouloir  s'enquérir  comment  il  est  par- 
venu au  premier  usage  de  la  raison  et  de 
la  parole,  on  se  condamne  à  ne  jamais  ftire 
un  seul  pas  dans  la  qjiestfon.  Et  si ,  pour 
démontrer  que  l'instruction  sociale  B'est 
nullement  indispensable,  pour  le  développe- 
ment primitif  de  la  raison  et  de  la  faculté 
de  parler,  on  choisit  un  homme  élevé  dans 
la  société,  et  parlant  la  langue  do  la  société 
où  il  est  né,  on  renverse  toutes  les  lois 
d^une  discussion  scientifique,  et  l'on  abuse 
étrangement  de  la  logique  et  du  raisonne^ 
ment. 

Tout  le  monde  voit  du  premier  coi»p 
d'csil  que  la  question  de  la  formation  de  la 
raison,  présentée  de  cette  manière,  se  con- 
fondrait, pour  ainsi  dire,  avec  la  (|uestion 
de  i*origine  de  nos  connaissances.  C'est 
môme  pour  cela  que  H.  de  Bonald-  s'est 
tant  occupé  du  langage  et  de  son  origine. 
Son  but  constant  a  été  toujours  de  démon- 
trer contre  le  rationalisme  la  dépendaneo 
de  la  raison  à  l'égard  de  l'enseignement  so* 
oial  dans  l'm^quisition  de  ses  premières 
eoiinaissances  morales.  Or,  remarquant  que 
)a  société  parle  surtout  pour  enseigner,  il 
s'est  attaché  à  prouver  la  nécessité  de  la  pa- 
role pour  penser.  En  efiet,  on  ne  saurait  le 
dire  trop  clairement ,  il  est  impossible  de 
résoudre  pbilosophi4|uemeiU  le  problème  de 
la  formation  originaire  du  langage  sans 
résoudre  en  même  temps  celui  de  la  forma- 
tion de  la  raison;  puisque,  comme  nous 
l'avons  prouvé,  si  en  principe  la  raison 
crée  la  langue,  il  faut  de  toute  nécessité 
soutenir  que  la  raison  se  forme  elle-même 
spontanément,  et  qu'au  contraire,  si  la  rai- 
son pour  entrer  en  exercice  dépend  de  ren- 
seignement social,  il  est  démontré  que  la 
raison  ne  crée  pas  la  langue  ;  car  la  société 
parle  à  l'individu  avant  que  l'individu  ait 
aucun  usage  de  sa  raison»  ni  aucune  idée  du 
langage. 

Nous  sommes  ainsi  amenés  lout  naturel- 
lement à  cette  dernière  question  :  Si  le  lan- 
Bage  forme  la  raison,  qui  est-ce  qui  crée  la 
mgue?  Si  les  ftiits  prouvent  qu'il  n'y  a  au- 
cun usage  de  la  raison  là  où  il  n'y  a  pas  de 
langage  articulé,  nucl  est  l'auteur  de  la  pre- 
mière parole  \^r  laquelle  a  été  formée  la 
première  raison?  Quel  est  le  véritable  créa- 


teur de  la  nrcnvièrc  langue?  Dieu,  D^ 
seul  :  voilà  I  unique  réponse  possible ^ce( 
question.  Et  faut-il  s'en  étonner?  N'est- 
pas  iei  une  question  d*ôrtginet  elquandl 
s'agit  d^origine  est-il  possîble  de  rien  « 
pliquer  sans  Dieu?  Est-Kse  que  Dieuu'j 
pas  en  tête  de  tout?  Les  ratiooalisles ei 
mêmes  ont -ils  le  mojcn  d  expliquer 
monde,  son  existeace  et  ses  lois  mds 
monter  jusqu'au  suprême  Auteur  de  ru] 
vers?  Connaissent-ils  le  secret  (i'eiphqj 
ïhomme  physique  et  moral  sansTinienl 
lion  du  Créateur  ?' 

Jusqu'à  présent  nous  n'avôss  guère] 
que  préparer  le  terrain;  il  nous  restes 
ieuant  à  bfttir;:  c'est-à-dire»  il  nous 

{trouver  qu'en  principe  c'est  lelanga^d 
brme  la  raison,  et  par  censéouent  iifl 
pas  d'usage  de^  I»  raison  là  ou  Ton  o*f| 
pu  apprendre  la  langue.  Ici  noosd 
fidèle  à  la  méthode  que  nous  avons  sii^ 
parce  que  c'est  la  seule  fertile  enrési' 
nous  avons  presque  dit,  palpables 
citerons  des  faits,  des  faits  avérés, f*" 
tables,  et  nous  en  tirerons  les  coi 
qui  s'en  suivent  rigoureusement. 

Nous  [lOttrrions  d'abord  rappelerm] 
le  plus  constant  et  le  plus  générai  daf 
celui  que  nous  avons  déjà  exposé 
loaguement,  et  qui  suffirait  pour  eoi 
cre  les  hommes  réfléchis;  nous  poui 
montrer  l'homme,  naissant  dans  la 
de  ses  semblables,  et  dès  son  berceaj 
tendant  retentir  à  ses  oreilles  la  yoI 
sa  mèrc^  qui  lui  apprend  cette  langui 
le  bon  seu»  du  genre  hnmain  a  a(f 
tangue  maternelle.  Biais  nous  laissons 
preuve  assez  claire  d*ellc-mêaaet  ei 
nous  bornons  aux  seuls  faits  qui  pt 
que  lout  homme  qui   u*enteua  pas 
ne  parle  point. 

•c  Le  P.  Jérôme  Xavier,  neveu  de 
tre  des  Indes  (c'était  le  flis  de  son  fret 
en  1594  se  trouvait  en  qualité  de  ml 
naiiHî  dans  Terapire  du  grand  Mogo!, 
contracté  des  rapports  assez  intimes 
8or  empereur  Akebar  :  c'est  ainsi 
prince  se  faisait  nommer  lui-roêmei 
nom  signifie  qui  n^est  inférieur  à  pi 
Le  missionnaire  rapporte  que,  dans 
conversations  familières  qu'il  eut 
monarque,  et  où  il  ne  manquait  (^ 
porter  à  embrasser  la  vraie  reli^'i^ 
prince  pour  s'excuser  en  quelque  su 
lui  prouver  qu'il  n'était  i>oint  indi 
pour  une  démarche  de  cette  imporlar 
raconta  de  sa  propre  bouche  cette  ai 
remarquable  et  curieuse  :  Il  jr  avait  ( 
certain  nombre  d'années  qu'il  fil  réol 
enflants  qui  étaient  encore  à  la  maiïï 
dans  le  plus  tendre  âge  au  n<nnbrf  tff 
il  les  confia  à  des  nourrices,  à  qui  »' 
fense,  sous  peine  de  la  vie,  <1'*'^';,  L 
mais  en  leur  présence  une  seule  syllaWi 
les  fit  confiner  dans  un  appartenaen  ii« 
Pour  s'aswirer  davanuge  de  l'e«^"*J^, 
ses  ordres,  et  prendre  encorede  plu^SfJ", 
précautions,  le  de.spote  confia  la  surrcinai 


m 


PSI 


DICTiMNAIliE  AHMjOGfrriOL'e- 


PS¥ 


Kù 


t  Jésus, 


les  ooarriioes  méffles  à  dos  gardes  aflBdées, 
|ii*il  obligea  aa  méioe  sUencù  et  sous  la 
Déme  |>eiae|  son  inteotioB  et  son  but  étaient 
le  choisir  et  de  regarder  comme  véritable 
i  religion  du  peuple  dont  ces  enfants  par- 
eraient le  langage.  Ils  étaient  déjà  parve- 
lus  à  rage  où  1  entance  touche  à  la  jeunesse, 
1  où  les  facultés  et  les  organes  de  Thorame 
•ot  acquis  pour  Tordinaire  leur  parfait 
léfeloppement  :  quelle  fut  la  surprise  du 
Dtioarqiie  I  il  questionne  ces  enfants,  \\as 
me  syllabe  de  réponse.  Il  renouvelle  U-s 
olcrro^tions  k  plusieurs  reprises;  il  s'a^ 
wrcoit  à  leur  air  siupide  quiU  n'oni  pa$ 
itef  Fiéég  de  ht  puroUy  bien  loin  de  comr 
ptMdre  ou  de  parier  un  langage.  Toute  Tex- 
Mif  son  de  leur  pensée,  pour  ainei  dire  toute 
WÊérieiUt  se  réduit  â  quelques  gestes  informes^ 
pB   m'éimieni  quune  imitation  grossière  de 

de  Iturs  nourrices^  et  qui  se  bornaient  à 

^er  les  besoins  de  la  rie  animale,  • 

le  judicieux   et  savant  P.  Jouvency 

rsHiorte  cette  anecdote  dans  la  cin- 
partie  de  lUistoire  de  la  Comiiagnie 
liv.  xviUy  n*  ik  :  c'est  seulement 
•celle  cinquième  partie  qu'il  est  Tauteur; 
««H  écrite  avec  une  clarté,  une  élégance, 
pafc  WH^  d^esprit  rares  parmi  les  moder- 

BmÛÊes^  et  surtout  avec  les  précautions 
bmine  la  plus  sévère  et  la  plus  éclai- 
dir  «f  4V  les  documents  les  plus  indubi- 

OBenanque-l-il  k  ce  fait?  Est-il  controuvé? 
exagéré  dans  ses  circonstances  par 
philosophe  ami  des  doctrines  que 
défendons?  Est-il  peu  concluant?  Ou 
~  par  ce  seul  fait  la  question  n*est-elle 
déridée?  Ici  en  effet,  se  trouvent  réunies 
les  circonstances  voulues  pour  dé- 
er  la  nécessité  de  Téducation  d*abord| 
uite  l'impossibilité  d'avoir  une  langue 
t  d'avoir  entendu  parler.  Ces  enfanis 
nt  au  nombre  de  trente,  bien  constitués, 
vaut  en  société,  si  la  société  était  une 
è Jo^laposition  d'individus  humains  et 
^^lês  une  réunion  d'intelligences:  il  j  avait 
^los  doute  assez  de  faces  humaines  pour 
oqoer  dans  ces  individus  le  développe- 
C  de  leur  raison  et  l'exercice  de  leur 
é  de  parler,  si  la  vue  seule  d'un  visage 
io  sutiisait  à  cet  eflét.  Et  pourtant  m 
rl^eot  pas,  ils  n^aeaient  pas  Vidée  du 
ge^  et  toute  F  expression  de  leur  pensée^ 
ainsi  dire  toute  nuUérieUe^  se  réduisait 
Iques  gestes  informes,  qui  n  étaient  que 
ad  ion  grossière  de  ceux  de  leurs  nourri^ 
ei  se  bomaieni  à  demander  les  besoins  de 
ie  animate.  Aussi,  nous  le  demandons  à 
homme  de  bonne  foi,  nn  philosophe 
ftorait  connaissance  de  ce  fait,  pourrait- 
résoudre  à  n'en  tenir  aucun  compte 
^  ses  recherches  sur  la  formation  de 
^raison  et  de  la  parole  ?  Et  s'il  se  hasar- 
li  (tasser  outre,  ne  s'exposerait-il  pas  à 
treJire  U  ^nature ,    dont  les  faits  sont 

ftlS»  YusBTS,  NoMtel  essai  sur  la  eeriUuae,  c  6, 
M  fUône  ici  ne  fait  qa*obéir  au  boa  sens  aa- 


la  voie  la  plus  claire  et  la  moins  suspecte. 
Un  second  fait  non  moins  décisif  est  celai 

2ue  nous  fournit  Thistoire  de  Mademoiselle 
eblanc.  Comme  nous  avons  rapporté  les 
principales  circonstances  de  ce  Htit>  nous 
nous  bornerons  à  quelques  observations 
qu'il  est  im|)orlant  de  ne  pas  penlre  de  vue. 
Remarauons  d'abord  que  Uademoiselle  Le- 
blanc éiait  dans  toute  la  force  de  l'âge,  par* 
bilement  constituée,  et  que  tous  les  organes 
des  sens  avaient  chez  elle  cette  vigueur  et 
cette  subtilité  que  l'on  retrouve  tnet  tous 
tes  sauvages.  Du  c6té  des  organes  rien  ne 
lui  manouait  donc  de  ce  qu*il  faut  pour  ar* 
ticaler  des  paroles.  En  second  lieu,  elle 
avait  naturellement  de  l'esprit  ;  car  a}>rès 
son  instruction,  qui  fut  conduite  assez  ra- 
pidement, elle  montra  une  inlelli:|ence  plus 
qu'ordinaire.  Rien  ne  lui  manquait  donc  du 
oftté  de  ses  facultés  intellectuelles.  En  troi- 
sième lieu,  elle  avait  une  compagne;  rien 
ne  s^opposait  donc  à  ce  qu'il  s'établit  entre 
ees  deux  sauvages  une  communication  à 
l'aide  du  langage  articulé  :  même  si  la  vue 
d'un  visaze  humnin  suffit  pour  inspirer 
l'idée  du  Tangage  et  conduire  à  l'exercice 
de  la  fiiculté  natnrelle  de  parler,  il  semble 
que  nos  deux  sauvages  auraient  dA  néces- 
sairement avoir  l'usage  de  la  parole.  Enfin, 
et  c'est  ce  qui  doit  |ieut-étre  frapper  le  plus 
les  hommes  réfléchis,  elle  formait  un  cri 
effrayant  de  la  gorge,  et  elle  savait  imiter  le 
cri  de  quelques  animaux;  elle  connaissait 
donc  la  valeur  et  les  combinaisons  des  sons. 
Cependant  elle  ne  savait  pas  en  articuler  un 
seul,  elle  ne  parlait  pas.  Mais,  siiôi  quelle 
entend  les  hommes  se  parler,  elle  a  bieniéi 
appris  lu  manière  t  exprimer  eomme  eux  ses 

{censées,  N*est«-il  donc  pas  évident,  comme 
e  dit  encore  L.  Racine ,  que  l'histoire  de 
Mademoiselle  Leblanc  nena  [ait  eonsksMre 
Fétat  où  nous  serions  tome  tasU  aue  noue 
sommes,  si  nous  aeions  été  eomme  Me  prêtée 
en  naissant  de  toute  société  (069)? 

Encore  nn  mot  sur  Gaspar  Uauser,  l'en- 
fant deNnremberg.  Il  parait  qu'il  avait  quatre 
ans  lorsqu'il  fu  t  renfermé  dans  son  eachot,  il  en 
avait  seize  lorsqu'il  fut  rendu  k  la  société  de 
ses  semblables.  Cn  homme  le  servait  dans  fu 
prison;  maïs  toujours  il  gardait  un  profond 
silence.  Ce  n'est  que  quand  ses  bourreaux 
furent  décidés  à  mettre  fin  à  sa  captivité, 
que  cet  bonnne  commença  k  parler  à  son 
prisonnier.  Cette  parole  humaine  fût  pour 
le  pauvre  enfant  une  espèce  de  révélation 
d'un  mcnde  inconnu.  Le  son  de  cette  voix 
s'imprima  avec  tant  de  force  dans  son  oreille, 
qu'il  aurait  reconnu  la  voix  de  son  gardien  ^ 
entre  mille  autres;  ainsi  l'assurait-il  lui- 
même  plus  tard.  Comme  probablement  on 
avait  hâte  de  se  débarrasser  du  malheureux 
prisonnier,  il  était  resté  à  peu  près  muet. 
Aussi,  lorsqu'il  fut  interrogé  les  premiers 
jours  de  sa  délivrance,  |K)ur  toute  réponse, 
.il  pleurait;  seulement  il  prononçait  quel- 

tarel  en  refusant  de  voir  one  société  kumaime  dana 
Fespcce  de  eeoiDiunauté  de  vie  qui  avait  uni  Mlle 
Leblanc  et  sa  compagne 


951 


PSY 


DlCTlONxNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PS\ 


ques  mois  isolés  qu'il  avait  appris  depuis 

Eeu  de  sou  gardien,  et  qu'il  répétait  au 
asard  è  tontes  les  questions  qui  lui  étaient 
adressées.  Tel  était  G.  Hauser  à  l'âge  de 
seize  ans.  Mais  n'oublions  pas  qu'à  peine 
entré  dans  la  société,  il  en  apprit  la  langue 
avec  une  facilité  extraordinaire,  et  qu'il 
donna  les  preuves  les  moins  équivoques 
d*un  esprit  distingué  et  d'une  intelligence 
peu  commune. 

Nous  pourrions  multiplier  nos  citations, 
mais  il  nous  paraît  que  ces  faits  sont  plus 
que  suffisants.  Appuyé  sur  une  expérience 
qui  n'a  jamais  été  démentie,  nous  croyons 
être  autorisé  à  conclure  que  l'homme  ne 
parle  que  parce  qu'il  a  entendu  parler,  et 
que  tout  individu  qui  n'a  pas  entendu  ^)ar- 
1er  ne  parle  pas;  ou  bien,  en  principe^  ce 
n'est  pas  la  raison  qui  crée  la  langue^  mais 
c'est  la  langue  qui  forme  la  raison.  Après 
cela,  qu'on  nous  oppose  une  foule  d'argu- 
msnls  spécieux  qui  semblent  prouver  la 
possibilité  logique  de  créer  la  langue  ;  que, 
se  plaçant  en  dehors  de  tous  les  faits  et  de 
toute  observation  possible,  l'on  construise 
des  hypothèses  plus  ou  moins  ingénieuses 
SLr  l'origine  du  langage;  que  l'on  se  ratta- 
che aux  opinions  également  hypothétiques 
de  Condillac  ou  de  Rousseau, "ou  de  Dami- 
ron,  ou  de  Degérando,  ou  de  tout  autre, 
nous  nous  bornerons  toujours  à  dire  :  Ré- 
pondez d'abord  aux  faits;  expliquez-nous 
les  faits;  surtout,  montrez^ious  un  homme, 
un  seul,  ce  n  est  pas  irop,  qui,  sans  avoir 
jamais  entendu  parler,  ait  un  langage  arti- 
culé; un  homme  oui  ait  une  lançue  qu'il  n'a 
pas  apprise  ;  et  aXors  nous  modifierons  nos 
raisonnements  et  nous  reviendrons  sur  nos 
pas  pour  soumettre  nos  preuves  à  un  nou- 
vel examen  plus  rigoureux  que  jamais.  Mais 
s'il  vous  est  absolument  impossible  de  nous 
montrer  un  tel  homme,  parce  (^u'il  n'existe 
pas  et  n'a  jamais  existé;  et  si,  pour  prou- 
ver que  l'homme  n'apprend  pourtant  pas  à 
parler,  vous  nous  opposez  un  sauvage  qui, 
dès  5on  berceau,  a  appris  la  langue  de  sa 
mère,  cette  langue  qu'elle-même  a  apprise 
de  ses  pères,  comme  ceux-ci  l'ont  apprise 
de  leurs  ancêtres,  nous  répondrons  toujours, 
et  évidemment  avec  justice,  que  vous  no 
touchez  pas  à  la  question,  et  que,  contre 
toutes  les  lois  de,  la  logique,  vous  commen- 
cez par  supposer  l'existence  du  fait  mémo 
dont  vous  voulez  avec  nous  rechercher  la 
cause  et  l'explication. 


C*est  donc  la  société  qui  préside  aux  pre- 
miers développements  de  la  raison  dans 
l'individu;  c'estréducalion  sociale  qui  éveille 
rintelligeucc,  et  c'est  elle  encore  ciui  nous 
conduit  tous  à  l'usage  de  la  parole.  Pour 
pouvoir  parler  et  jouir  do  sa  raison  les  fa- 
cultés natives  ne  suffisent  pas,  il  faut  do 
plus  un  maître;  et  ce  maître  qui  nous  ins- 
truit, ce  moniteur  qui  nous  guide,  c'est  la 
société.  A  peine  entré  dans  la  vie,  l'enfant 
passe  dans  les  bras  de  sa  mère,  qui  le  cou- 

(990)  Rc;c/icrc/ic<  p/n7o».,  c.  2,  p.  Il5,él.de  Gand.  —Cf.  M.  r.ibbé  Loïat,  op.  «<.,  p.  «7ct'seq. 


vre  de  caresses,  qui  Ini  parle  sa  langue 
qui  cherche  à  communiquer  avec  lui 
tous  les  moyens  qu'inspirent  la  lendress. 
l'industrie  d'une  mère.  L'enfant  toit,  il 
tend,  il  sent,  comme  le  comporte  sa  iaj 
et  délicate  nature.  InsensibleDiênl  tdul 
développe  eu  lui  ;  il  devient  pins  câ[ 
d'attention;  il   voit  mieux,  il  entend 
distinctement,  il  sent  d'une  manière 
vague  et  moins  confuse,  et  alors  aoss] 
rai)ports  avec  ceux  qui  renlourenl  se 
tiplient  et  deviennent  plus  intciligenl^l 
en  état  de  profiter  de  tout  ce  c[a  il  sent 
intelligence,  qu'il  lient  de  Dieu  et  qq^ 
Teille  de  plus  en  plus,  lui  permet  de  re 
quer   bientôt  comment  les  persono< 
milieu  desquelles  il  grandit  désignée 
des  mots  les  objets  qui  frappent  ses  ye 
lui-même  s'exerce  à  bégayer  d*al}onlJ 

[prononcer  ensuite  d'une  manière  ploif 
es  expressions  qu'a  conservées  saiséa 
C'est  fe  grand  pas  qui  déjà  l'introdoitl 
la  société  humaine.  Excitée  et  soole 
les  mêmes  moyens  extérieurs,  m 
gence  native  s'élève  plus  baul 
voit,  par  exemple,  il  entend  prier,}! 
que  sur  les  traits  de  sa  mère  une 
sion  inaccoutumée;  jil  pense  i  ce 
frappe,  car  sa  pensée  s'étend  cbaqt 
il  interroge  avec  toute  la  curiosité  d| 
fance,  et  insensiblement  il  apprend 
naître,  comme  le  peut  sa  raisonnai] 
un  maître  placé  au-dessus  des  hoi 
de  tous  les  objets  qui  l'entoorenti 
ainsi  que  nous  avons  appris  è  parle! 
doits  par  notre  raison  et  les  lois  nal 
qui  la  gouvernent.  Sans  le  vouloir 
le  savoir,  nous  avons  appris  la  lat 
notre  mère,  qui  nous  ra  enseigni 
réflexion  et  sans  dessein,  comme  ell( 
apprise  elle-même.  C*est  ainsi  que  pt 
et  par  degrés  nous  avons  appris  à 
Dieu,  è  nous  connaître  uous-mêmeil 
devoirs  de  notre  nature  morale,  pî 
nous  avoua  vécu  au  milieu  de 
connaissaient  tout  cela,  et  que  lenrs^ 
leurs  actions,  toute  leur  conduite 
et  excitant  notre  intelligence,  l'onj 
mettre  en  jeu  les  admirables  {)i 
qu'elle  a  reçues  du  Créateur.  Et  si 
remonter  jusqu'au  premier  père 
humain,  dans  rintcnlion  de  recln 
ce  que  nous  appelons  la  loi  de  la 
retrouve  au  berceau  do  la  raisoni 
rons  avec  M.  de^fionald,  et  cro}'0| 
conformément  à  nos  livres  sainte 
que  rhomme  ait  été  créé  parlant, 
la  connaissance  du  langage  lui  aiCI 
pirée  j»ostérieureroent  à  sa  naissar 
eu  des  paroles  aussitôt  que  des  })ei 
des  pensées  aussitôt  que  des  paroles; 
pensées,  émanées  de  l'intelligence  ^upi 
avec  la  parole,  n'ont  pu  être  qu6  àts 
sées  d'ordre,  de  vérité,  de  raison  et  de 
tes  les  connaissances  nécessaires  à  1  b<x 
et  à  la  société  (990).  > 


B 


PSY 


DlCTiOMNAlRE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


9Ô4 


ixir. 


iler  du  la^ige  dans  Ii  constllution  de  la  raison.  —  Sans 
ie  «i^ne,  le  mode  ne  peut  être  dégagé  de  la  substance. 
—  Far  cottit^ucut,  sans  Je  signe,  pas  d'abslraclion,  — 
fa^  de  géi^éralisaUon, —  pas  de  jugement,  —  pas  de 
raa:soiuiemejit, —  et  iinaleuent  pas  de  raison. 

NOUS  venons  de  constater  deux  faits  d^unc 

utionse  |K)r(ée,  faits  évidents  comme  le 

leii  ;  Ui  premier,  c*est  celui  de  la  nécessité 

*o\ue  de  renseignement  pour  l'évolution 

l«\^e<'tuelle  ou  rationnelle  de  Thomme;  le 

condc^est  le  fait  de  la  parole  orale,  écrite 

t{:esticu]ée  comme  moyen  d'enseignement 

de  développement  de  Yintelligence  ou  de 

lâjson  humaine.  Devant  ce  résultat  de 
H  recherches  sur  l'origine  de  nos  connais- 
icest  rtiypothèse  rationaliste  ne  peut  plus 
soutenir.  L'homme,  tout  homme  est  en- 
|pi^,et  enseigné  au  moyen  de  la  parole,  et 
^ividu  isolé,  séquestre  de  là  société  de 
I  semblables,  ou  à  qui  on  n'a  jamais  parlé, 
fie  enfant  et  ne  parvient  jamais  à  Tusage 
la  raison  ;  le  monde  rationnel  demeure 
nr  lui  h  jamais  fermé. 
hjur  donner  à  ces  faits  une  nouvelle  force, 
•  palpable  évidence,  nous  allons  pénétrer 
to  riotime  constitution  do  la  raison  hu- 
;  nous  allons  la  décomposer  pour  en 
les  éléments.  Cette  analyse  des  élé- 
ie  notre  raison  nous  fera  parfaite- 
comprendre  le  rôle  du  langafje  dans 

>luiioïi  rationnelle  de  notre  intelligence, 

r^sipera  jusau*au  moindre  nuage  sur  la 

Edoa  capitale  de  l'origine  de  nos  con- 
fesances. 

hï*y  a-i-il  et  que  peut*il  y  avoir  dans 
l^lligence  humaine  développée?  Des  idées 
substances  {maiér telles^  spirituelles^  in* 
\aible9  ou  êtres  de  raison },  des  idées  de 
■les  et  des  idées  de   rapports  des  modes 

substances.  Les  idées  de  substances 
érielles  ou  les  idées  sensibles  sont  les 
les  que  nos  sens  puissent  atteindre  sans 
fi:ours  des  signes.  Aussi  est-ce  les  seules 

nous  trouvions  dans  Vhomme  de  la  na* 

\  nous  voulons  dire  dans  l'individu  hu- 

i  qui  n*a  jamais  reçu  les  enseignements 

a  parole.  Toutes  ses  idées  ne  sont  que 

iages  et  il  ne  peut  saisir  que  des  en- 

;es. 

aller  au  delà  d'un  sentiment  général 

queliiue  sorte  synthétique  de  diQ'é- 

entre  les  cbo.ses  (991),  il  faut  étudier 

ent  les  qualités  qui  leur  apparticn- 

cC  comparer  ces  qualités  entre  elles. 

comparaison  des  qualités  ne  produit 

m  résultat  net  et  précis,  tant  que  l'on 
•t  pas  parvenu  à  les  détacher  de  leurs 
tis.  Nous  ne  pouvons  donc  apprécier 
Itle  serait,  sans  le  secours  du  langage, 
JBtidue   possible  de  ^notre  connaissance, 

9^1)  I  Toutes  DOS  impressions  portent  le  nom  de 
Jkm/Hrs  tant  qa*elles  demeurent  obscures  et  con- 
H'  elles  prennent  le  nom  d'idées  des  qu*elles 
Émcocnt  i  devenir  distinctes. 
'  L^tnimal  ne  réfléchit  point  sur  les  phénomènes 
t^irnrs  ;  îl  sent  :  voilà  tout.  Les  sensations  se 
cjeJcot  en  lai  sans  autre  lien  que  Tunlié  de  Tétre 


fur 


qu'en  déterminant  jusau'à  quel  point  l'homme 
serait  encore  capable  d  opérer  dans  les 
substances  Tabstraction  des  modes. 

Il  y  a  deux  espèces  de  noms  nour  eipri- 
mer  les  modes.  Les  uns ,  que  l'on  nomme 
adjectifs  en  grammaire,  nous  les  font  voir 
dans  une  relation  de  dépendance  h  quelque 
sujet  exprimé  ou  sous-entendu.  Tels  sont, 
par  exemple,  les  mots  solide^  mobilt^  so- 
nore, etc.  Les  autres,  tels  que  les  substantifs 
abstraits «o/idi//,  mobilité^  son,  etc.,  nous 
les  montrent  en  enx-mémes,  inJépendam- 
ment  de  tout  sujet,  et  les  élèvent  au  rang  des 
sul)stances.  Nous  concevons  donc  les  modes 
sous  deux  points  de  vue  opposés;  et  cepen- 
dant un  seul  de  ces  points  de  vue  nous  est 
donné  par  la  nature.  Car  toujours  la  nature 
nous  fait  voir  les  modes  engagés  dans  la 
substance.  Le  vert  est  dans  la  feuille,  la  blan- 
cheur dans  le  lait,  la  rondeur  dans  le  i^lobe, 
la  pesanteur  dans  le  eorps,  etc.  Le  sujet  et 
les  qualités  sont  partout  inséparables.  Par 

3uel  effort  d'analyse  l'esprit  a-t-il  pu  séparer 
eux  conceptions  qui  fui  arrivent  toujours 
unies  et  qui  font  partie  d'un  seul  et  même 
fout?  Pour  abstraire  lemodede  la  substance, 
il  n'a  pu  se  prendre  aux  objuts.  Les  objets 
n'auraient  été  qu'un  obstacle,  puisqu'ils  nous 
présentent  toujours  le  mode  dans  un  état  de 
dépendance  nécessaire.  Quand  mon  attention 
se  porte  sur  la  blancheur  du  lait  jedistingue 
sans  aucun  doute  cette  modification,  mais  je 
ne  la  déplace  pas  ;  elle  demeure  liée  à  la  subs* 
tance ,  et  je  ne  l'aperçois  que  comme  partie 
dans  un  tout.  Pouvions-nous  espérer  plus 
de  succès  en  agissant  sur  nos  idées  ?  Mais  en 
réalité  notre  intelligence  ne  peut  concevoir 
ni  mode  sans  substance,  ni  substance  sans 
mode.  Une  substance  sarjs  mode  et  un  mode 
sans  substance  impliquent  contradiction.  Or 
notre  esnrit  affirme  quelquefois,  jamais  il  ne 
conçoit  l'impossible.  Le  mode  et  le  sujet  ne 
sont  réels,  ne  sont  même  possibles  qu  en- 
semble; ils  se  servent  de  complément  Vuu  à 
Tautre.  Ce  n'est  pas  assez  de  dire  que  l'on  ne 
peut  penser  au  premier  sans  pçnser  au  se- 
cond. Ce  serait  supposer  qu'ils  sont  deux, 
tandis  qu'en  réalité  ils  ne  font  au'unel  cons- 
tituent comme  deux  faces  corrélatives  d'une 
indivisible  unité.  Si  toute  séparation  n'elle 
du  mode  et  de  la  substance  est  absolument 
impossible  dans  la  pensée  comme  dans  la 
nature,  les  substantifs  abstraits  n'expriment 
qu'une  apparence,  et  l'abstraction  des  modes 
ne  doit  être  considérée  par  le  philosophe 
que  comme  un  phénomène  artificiel  produit 
par  remploi  successif  et  distinct  des  signes 
du  langage. 

Examinons  maintenant  les  jugements  bu- 
mains  qui  ont  tous  pour  objet  d'unir  un 
mode  à  une  substance,  ou  de  l'en  séparer. 

qui  les  éprouve.  Elles  ne  deviennent  point  objet  ; 
c'est  pourquoi  il  ne  les  combine  ni.  ne  les  tnaiis- 
forme,  les  laissant  ce  qu'e>lt^  sont,  de  simplet  (ék*, 
N*en  serait-il  pas  ainsi,  dans  le  mot  humain^  d<  s 
faits  de  conscience,  lorsqu'ils  sont  encore  isolés 
et  qu'ils  n'ont  poinlété  soumis  à  Taetivité  réfléehiet  1 
(Jacques  Balmes^  PhHosophiefffnd^,^  1. 1" ,  p.  ii.6.) 


951 


PSY 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PSÏ 


ques  mots  isolés  qifil  av3il  appris  depuis 

Eeu  de  sou  gardien,  et  qu1l  répétait  au 
asard  h  toutes  les  questions  qui  lui  étaient 
adressées.  Tel  était  G.  Hauser  à  T&ge  de 
seize  ans.  ^lais  n'oublions  pas  qu*à  peine 
entré  dans  la  société,  il  en  apprit  la  langue 
avec  une  facilité  extraordinaire,  et  qu'il 
donna  les  pre\ives  les  moins  équivoques 
d*un  esprit  distingué  et  d'une  intelligence 
peu  commune. 

Nous  pourrions  multi])lier  nos  citations, 
mais  il  nous  parait  que  ces  faits  sont  plus 
que  suffisants.  Appuyé  sur  une  expérience 
qui  n*a  jamais  été  démentie,  nous  croyons 
être  autorisé  à  conclure  que  l'homme  ne 
parle  que  parce  qu'il  a  entendu  parier,  et 
que  tout  individu  qui  n'a  pas  entendu  ^tar- 
1er  ne  parle  pas;  ou  bien,  en  principe^  ce 
n'est  pas  la  raison  qui  crée  la  langue^  mais 
c'est  la  langue  qui  forme  la  raison.  Après 
cola,  qu'on  nous  oppose  une  foule  d'argu- 
ments spécieux  qui  semblent  prouver  la 
possibilité  logique  de  créer  la  langue  ;  que, 
2»e  plaçant  en  dehors  de  tous  les  faits  et  de 
toute  observation  possible,  l'on  construise 
des  hypothèses  plus  ou  moins  ingénieuses 
sur  l'origine  du  langage;  que  l'on  se  ratta- 
che aux  opinions  également  hypothétiques 
de  Condillac  ou  de  Rousseau,  ou  de  Dami- 
ron,  ou  de  Degérando,  ou  de  tout  autre, 
nous  nous  bornerons  toujours  à  dire  :  Ré- 
|)ondez  d'abord  aux  faits  ;  expliquez-nous 
les  faits;  surtout,  montrez^nous  un  homme, 
un  seul,  ce  n  est  pas  irop,  qui,  sans  avoir 
jamais  entendu  parler,  ait  un  langage  arti- 
culé; un  homme  oui  ait  une  langue  qu  il  n'a 
pas  apprise  ;  et  alors  nous  modifierons  nos 
raisonnements  et  nous  reviendrons  sur  nos 
pas  pour  soumettre  nos  preuves  à  un  nou- 
Tel  examen  plus  rigoureux  que  jamais.  Mats 
s'il  vous  est  absolument  impossible  de  nous 
montrer  un  tel  homme,  parce  qu'il  n'existe 
pas  et  n'a  jamais  existé  ;  et  si,  pour  prou- 
ver que  l'homme  n'apprend  pourtant  pas  à 
parler,  vous  nous  opposez  un  sauvage  qui, 
dès  s»on  berceau,  a  appris  la  langue  de  sa 
mère,  cette  langue  qu'elle-même  a  apprise 
de  ses  pères,  comme  ceux-ci  l'ont  apprise 
de  leurs  ancêtres,  nous  répondrons  toujours, 
et  évidemment  avec  justice,  que  vous  no 
touchez  pas  à  la  question,  et  que,  contre 
toutes  les  lois  de,  la  logique,  vous  commen- 
cez par  supposer  l'existence  du  fait  même 
dont  vous  voulez  avec  nous  rechercher  la 
cause  et  l'explication. 

C'est  donc  la  société  qui  préside  aux  pre- 
miers développements  de  la  raison  dans 
riudi  vidu;  c'est  l'éducation  sociale  qui  éveille 
rintclligence,  et  c'est  elle  encore  qui  nous 
conduit  tous  à  l'usage  de  la  parole.  Pour 
pouvoir  parler  et  jouir  do  sa  raison  les  fa- 
cultés natives  ne  suQisent  pas,  il  faut  de 
plus  un  niatlre;  et  ce  maître  qui  nous  ins- 
truit, ce  moniteur  qui  nous  guide,  c'est  la 
société.  A  peine  entré  dans  la  vie,  l'enfant 
passe  dans  les  bras  de  sa  mère,  qui  le  cou- 


vre de  caresses,  qui  lui  parle  sa  langue  h 
qui  cherche  à  communiquer  arec  lui  par 
tous  les  moyens  qu'inspirentla  tendresse  et 
l'industrie  d'une  mère.  L'enfant  roit,  il  en- 
tend,  il  sent,  comme  le  comporle  sa  faible 
et  délicate  nature.  Insensiblement  (eut  se 
développe  eu  lui  ;  il  devient  plus  capable 
d'attention;  il  voit  mieux,  il  entend  pjos 
distinctement,  il  sent  d'une  manière  moîm 
vague  et  moins  confuse,  et  alors  aussi  ses 
rapports  avec  ceux  qui  l'entourenl  seœul. 
tiplient  et  deviennent  plus  intelligents. Fias 
en  étal  de  profiter  de  tout  ce  qu'il  sent,  sou 
intelligence,  qu'il  lient  de  Dieu  et  qoi  s*é- 
Teille  de  plus  en  plus,  lui  pennet de  reaiir. 
quer  bientôt  comment  les  personnes  n 
milieu  desquelles  il  grandit  désigneot  par 
des  mots  les  objets  qui  frappent  ses  yeui,ei 
lui-même  s'exerce  à  bégayer  d'abonj  rt  j 

f)rononcer  ensuite  d'une  manière  plasf?nD- 
es  expressions  qu'a  conservées  saménioiri. 
C'est  fe  grand  pas  qui  déjà  rintroduiijj^ 
la  société  humaine.  £xcitéeet$outeD(ui/)»r 
les  mêmes  moyens  extérieurs,  soDiaiel/h 
gence  native  s'élève  plus  haut  nv./i 
voit,  par  exemple,  il  entend  prier, ît«ttr- 
que  sur  les  traits  de  sa  mère  unenfns- 
sion  inaccoutumée;  {il  pense  i  ce  i)iâ «t 
frappe,  car  sa  pensée  s'étend  chaque  joûr; 
'  il  interroge  avec  toute  la  curiosité  de  l'en- 
fance, et  insensiblement  il  appreiHl  à  con- 
naître, comme  le  peut  sa  raison  naissante, 
un  maître  placé  au-dessus  des  bommcs  et 
de   tous   les  objets  qui  renlourenl.  CeU 
ainsi  que  nous  avons  appris  à  parler,  coq* 
duits  par  notre  raison  et  les  lois  naturelb 
qui  la  gouvernent.  Sans  le  Touloir  et  su 
le  savoir,  nous  avons  appris  la  langue  de 
notre  mère,  qui  nous  ra  enseignée  m\ 
réflexion  et  sans  dessein,  conome  elle  \'m 
ap[)rise  elle-même.  C'est  ainsi  que  peu  à  i& 
et  par  degrés  nous  avons  appris  à  coonaiut 
Dieu,  è  nous  connaître  nous-mêmes  et  1^ 
devoirs  de  notre  nature  morale,  parce fl 
nous  avons  vécu  au  milieu  de  ceaiffl 
connaissaient  tout  cela,  et  que  leurs  parole 
leurs  actions,  toute  leur  conduite  éveilfi 
et  excitant  notre  intelligence,  l'ont aidît 
mettre  en  jeu   les   admirables  fumn 
qu'elle  a  reçues  du  Créateur.  Et  si  l'oot 
remonter  jusqu'au  premier  père  du  ge 
humain,  dans  l'intention  de  rechercher 
ce  que  nous  appelons  la  loi  de  la  raison 
retrouve  au  berceau  do  la  raison,  nous 
rons  avec  M.dCiBonald,  et  crojons-ooi 
conformément  à  nos  livres  saints:  ti 
que  rhomrae  ait  été  créé  parlant,  soitq 
la  connaissance  du  langage  lui  ait  éléioi 
pirée  postérieurement  à  sa  naissance,  li 
eu  des  paroles  aussitôt  que  des  penséest 
des  [censées  aussfitêt  que  iies  paroles;  eti 
pensées,  émanées  de  rintelligencesupréi^ 
avec  la  parole,  n'ont  pu  être  que  de^M^' 
sées  d*ordre,  de  vérité,  de  raison  etdetw 
tes  les  connaissances  nécessaires  i  TboC 
et  à  la  société  (990).» 


(990)  Reclècrches  philos.,  c.  2,  p.  1 15,  é  I.  de  Gand.  —  Cf.  Bl.  Tabbë  Loat,  op.  cit.,  p,  Î7et*seg. 


«si 


PSY 


MCTiOraiAlRE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


9Ô4 


ixn. 


Ule  à»  iaaf>€^  ^^"^  ^  eoostitulioo  de  b  raiaoo.  —  Sans 
lesiEBe»  le  Mode  ne  peot  être  dégagé  de  li  sobsuace. 
—  I^r  nns&qaeul,  saos.le  signe,  pas  d'abstraction,  — 
ftti  de  géi|éralisatJoB, —  pas  de  jogement,  —  pas  de 
II, —  ei  finaleioent  pas  de  raison. 


rai 


Nous  Tenons  de  constater  deux  faits  d*une 

loimense  |K>rtée,  faits  évidents  comme  Je 

soleil  ;  Itt  premier,  c*esl  celui  de  la  nécessité 

absolue  de  renseignement  pour  l'évolution 

iatelle^4ueile  ou  rationnelle  de  Thomme;  le 

second  c'est  le  fait  de  la  parole  orale,  écrite 

ou  cesticulée  comme  mojen  d'enseignement 

H  de  développement  de  Vintelligence  ou  de 

ij   raison  humaine.  Devant  ce  résultat  de 

iu>s  recherches  sur  Torigine  de  nos  connais- 

«aaces,  Hijpothèse  rationaliste  ne  peut  plus 

«e  soutenir.  LMiomme,  tout  homme  est  en- 

«n^oé^et  enseigné  au  moven  de  la  parole,  et 

'  iCMiivida  isolé,  séquestré  de  la  société  de 

^«'   semblables,  ou  h  qui  on  n*a  jamais  parlé, 

r«£  te  eobnt  et  ne  parvient  jamais  à  Tusage 

'^    Il  raison  ;  le  monde  rationnel  demeure 

pfr»tflui  è  jamais  fermé. 

ir  donner  à  ces  faits  une  nouvelle  force, 
pilpable  évidence,  nous  allons  pénétrer 
I  nolime  constitution  de  la  raison  hu* 
t  m  «t;  noos  allons  la  décomposer  pour  en 
A  ^nèiarles  éléments.  Cette  analyse  des  élé- 
m  El  notre  raison  nous  fera  parfaite- 
comprendre  le  r6le  du  langage  dans 
j— ^^rtition  rationnelle  de  notre  intelligence, 
•  i  Ripera  jusau'an  moindre  nuage  sur  la 
;u  t^ioD  capitale  de  Torigine  de  nos  con- 
&ar45»oces. 

ç^tt'jra-t-iJ  et  que  peut-il  y  avoir  dans 
fioti^liigencehumaînedéveloppée?  Des  idées 
de  substances  {matérielles^  spirituelles^  in- 
UUigMes  ou  êtres  de  raison  ),  des  idées  de 
&4jdes  et  des  idées  de  rapports  des  modes 
lux  substances.  Les  idées  de  substances 
Miérielles  ou  les  idées  sensibles  sont  les 
taies  que  nos  sens  puissent  atteindre  sans 
t  secours  des  signes.  Aussi  est-ce  les  seules 
jtte  nous  trouvions  dans  Vkomme  de  la  no- 
iKTf^  nous  voulons  dire  dans  findividu  hu- 
uin  qai  n*a  jamais  reçu  les  enseignements 
e  la  parole.  Toutes  ses  idées'  ne  sont  que 
es  images  et  il  ne  peu!  saisir  que  des  en- 
nubles* 

Pour  aller  au  delà  d*un  sentiment  général 
I  en  queluue  sorte  synthétique  de  diffé- 
mue  entre  les  cbo.ses  (991),  il  faut  étudier 
■parement  les  qualités  qui  leur  apparticn- 
tnt^  et  comparer  ces  qualités  entre  elles. 
W  la  comparaison  des  qualités  ne  produit 
icun  résultat  net  et  précis,  tant  que  Ton 
est  pas  parvenu  è  les  détacher  de  leurs 
ijets.  Nous  ne  pouvons  donc  apprécier 
jHIe  serait,  sans  le  secours  du  langage, 
rteadue   possible  de  ^notre  connaissance, 


)  c  Timies  DOS  impressions  portent  le  nom  de 
Atiaumts  tant  qa^elles  demeurent  obscives  et  con- 
^^ft  ;  files  i^reunent  le  nom  d*idées  dés  qu'elles 
uamescrnt  a  devenir  distinctes. 
«  L*animal  ne  réfléchit  point  snr  les  phénomènes 
Leriesrs  ;  Il  sent  :  voili  tout.  Les  sensations  se 
.ecéJent  co  loi  sans  aatre  lien  que  Tanité  de  Pétre 


qu*endéterminantjus(ra*àquel  point  Tbomme 
serait  encore  capable  d  opérer  dans  les 
substances  Fabstraction  des  modes. 

Il  y  a  deux  espèces  de  noms  pour  expri- 
mer les  modes.  Les  uns ,  que  i  on  nomme 
adjectifs  en  grammaire,  nous  les  font  voir 
dans  une  relation  de  dépendance  à  quelque 
sujet  exprimé  ou  sous-^ntendu.  Tels  sont, 
par  exemple,  les   moU  solide^  mobllt^  so- 
nore,  etc.  Les  autres,  tels  que  les  substantifs 
abstraits jo/idi//,  mobilité ^  son^  etc.,  nous 
les  montrent  en  eux-mêmes,  indépendam- 
ment de  tout  sujet,  et  les  élèvent  au  rang  des 
substances.  Nous  concevons  donc  les  modes 
sous  deux  points  de  vue  opposés;  et  cepen- 
dant un  seul  de  ces  points  de  vue  nous  est 
donné  par  la  nature.  Car  toujours  la  nature 
nous  fait  voir  les  modes  engagés  dans  la 
substance.  Le  vert  est  dans  la  feuille,  la  blan- 
cheur dans  le  lait,  la  rondeur  dans  le  ^lol>e, 
la  pesanteur  dans  le  corps,  etc.  Le  sujet  et 
les  qualités  sont  partout  inséparables.  Par 
quel  effort  d'analyse  l'esprit  a-t-il  pu  séparer 
deux  conceptions  qui  fui  arrivent  toujours 
unies  et  qui  font  partie  d*un  seul  et  même 
tout?  Pour  abstraire  le  mode  de  la  substance, 
il  n'a  pu  se  prendre  aux  objets.  Les  objets 
n'auraient  été  qu'un  obstacle,  puisqu'ils  nous 
présentent  toujours  le  mode  dans  un  état  de 
dépendance  nécessaire.  Quand  mon  attention 
se  porte  sur  la  blancheur  du  lait  jedistingue 
sans  aucun  doute  cette  modification,  mais  je 
ne  la  déplace  pas  ;  elle  demeure  liée k  la  sub£« 
tance ,  et  je  ne  l'aperçois  que  comme  partie 
dans  un  tout.  Pouvions-nous  espérer  plus 
de  succès  en  agissant  sur  nos  idées  ?  Mais  en 
réalité  notre  intelligence  ne  peut  concevoir 
ni  mode  sans  substance,  ni  substance  sans 
mode.  Une  substance  sans  mode  et  un  mode 
sans  substance  impliquent  contradiction.  Or 
notre  esprit  affirme  quelquefois,  jamais  il  ne 
conçoit  rimpossible.  Le  mode  et  le  sujet  ne 
sont  réels,  ne  sont  même  possibles  qu'en- 
semble; ils  se  servent  de  complément  l'un  à 
l'autre.  Ce  n'est  pas  assez  de  dire  que  l'on  ne 
peut  penser  au  premier  sans  pçnser  au  se- 
cond. Ce  serait  snpposer  qu'ils  sont  deux, 
tandis  qu'en  réalité  ils  ne  font  qu'unel  cons- 
tituent comme  deux  faces  corrélatives  d'une 
indivisible  unité.  Si  toute  séparation  n'elle 
du  mode  et  de  la  substance  est  absolument 
impossible  dans  la  jpensée  comme  dans  la 
nature,  les  substantiis  abstraits  n'expriment 
qu*une  apparence,  et  l'abstraction  des  modes 
ne  doit  être  considérée  par  le  philosophe 
que  comme  un  phénomène  artificiel  produit 
|iar  remploi  successif  et  distinct  des  signes 
du  langage. 

Examinons  maintenant  les  jugements  bu- 
mains  qui  ont  tous  pour  objet  d'unir  un 
moile  à  une  substance,  ou  de  l'en  séparer. 

qni  les  éproove.  Elles  ne  deviennent  point  ohjet  ; 
c'est  pourquoi  il  ne  les  combine  ni, ne  les  mus- 
forme,  les  laissant  ce  qu'e>les  sont,  de  simple  faî(<. 
ITen  serait-il  pas  ainsi,  dans  le  mot  homaÎD,  d«  s 
faits  de  conscience,  lorsqti^ils  sont  encore  isolés 
et  qa*ils  D*ont  point  été  soumis  à  ractiviié  rélléeliie?  » 
(Jacques  BxLuts^PhHosopkiefond^.^  1. 1" ,  p.  iijt.) 


ÏÏX 


PSt 


DICTIONNAIRE 


Suivant  la  pluport  des  philosophes,  avant 
d'affirmer  qu*uu  mode  appartit^nt  ou  n'ap- 

f)artient  pas  bun  sujet,  il  faut  avoir  discerné 
e  rapport  de  Tun  à  Tautre  (992).  On  ne 
perçoit  ce  rapport  qii^après  avoir  comparé 
ses  liimx  termes.  Pour  comparer  les  deux 
termes  dont  le  premier  est  une  id<^e  do 
substance,  le  second  une  idée  de  mode,  il 
faut,  avant  tout,  que  chacune  de  ces  idées 
soit  isolée  dans  notre  Ame.  soit  posée  h  part 
et  en  face  de  Tautre.  Mais  puisque  l'homme, 
privé  du  langage,  voit  toujours  le  mode  en- 
gagé dans  la  substance,  et  que  les  concep- 
tions de  ces  deux  éléments  corrélatifs  for- 
ment dans  la  conscience  un  tout  indivisible, 
sans  l'usage  des  signes  institués  aucune 
comparaison  ne  peut  avoir  lieu  :  les  trois 
parties  que  Ton  distingue  dans  le  jugement 
sous  les  noms  de  sujets  d'attribut  et  de  rap- 
port^ n'apparaissent  plus  isolées;  elles  for- 
ment dans  la  i^nsée  une  senle  et  unique 
conception  ;  et,  si  dans  c^tte  conception  ou 
peut  apercevoir  trois  faces  ou  trois  points 
de  vue  distincts,  il  est  impossible  d'en  con- 
sidérer un  seul  ailleurs  que  dans  le  tout  in- 
divisible, où  il  est  compris.  Enfin,  sans  le 
langage,  les  parties  du  jugement  ne  se  pré* 
senteraient  pas  non  plus  dans  un  ordre 
successif  ;  car  ici  la  succession  n*c*it  pas  dans 
la  pensée  dont  (os  éléments  sont  corrélatifs, 
et  par  conséquent  simultanés;  elle  est  uni- 
quement dans  les  termes  de  la  proposition 
qui  exprime  les  parties  du  jugement,  non 
dans  Tordre  où  l'esprit  les  forme,  mais  dans 
Tordre  où  il  les  dislingue 

On  aurait  tort  do  s'imaginer  que  ce  raison*- 
nement  n'a  qu'une  valeur  liypothétique 
parce  que,  pour  en  déterminer  l'objet,  nous 
avons  supposé  que  tous  nos  jugements  déri- 
vent do  la  comparaison.  Les  dernières  ré- 
flexions que  nous  avons  faites  sur  la  simul- 
tanéité et  l'indivisibilité  des  éléments  qui 
constituent  le  jugement  dans  l'esprit  humain 
sont  des  corollaires  généraux  do  Targument 

I)ar  lequel  nous  avions  déjà  prouvé  que  sans 
e  langage  il  est  impossible  d'abstraire  le 
mode  de  la  substance  ;  elles  sont  donc  appli- 
cables à  toutes  les  hypothèses  que  le  lecteur 
pourrait  adopter  sur  la  formation  de  nos  ju- 
gements. Si  Ton  admet  que  les  logiciens  se 
soient  mépris  sur  la  nature  du  jugement,  et 
qu'il  ne  soit  pas  un  résultat  de  la  comparai- 
son, il  faudra  le  considérer  ou  comme  une 
perception  analytique  des  qualités  contenues 
dans  un  sujet  soumis  à  l'observation,  ou 
comme  une  conception  immédiate  et  synthé- 
tique du  rapport,  suggérée  par  Tins  ti net  ra- 

(992)  Toute  idée  de  mode  Implique  un  rappon  ; 
et,  dans  la  réalité  intellectuelle,  on  ue  pourrait  dé- 
gager le  rappari  de  Tidée  m. 'me  sans  détruire  celliv 
ci.  11  y  a,  dans  toute  idée  de  mode  même  le  plus 
simple,  deux  éléments  inséparablrs,  Timpressioii 
protluiie  par  âou  objet  et  la  couctpliou  d'un  rapport 
qu«!coNque  qui  la  détermine. 

(993)  c  Mous  ferons  remarquer  que  si  tous  nos 
raisonaeroenis  rouieui,  dans  ce  pai  agraphe,  sur  la 
substance  el  le  mode,  cVst  que  tous  les  objets  de 
noire  pensée  ^ont  conçus  sous  le  double  point  de 
vue  du  sujet  et  di^l*atiribot,  el  par  consàiueut  de 


fit 


APOLOGfiTlQUÊ.  Kï 

tionnel.  Or,  quand  le  jugement  se  forme  wr 
1  analyse  des  qualités  que  Ton  obserTe  dans 
un  sujet  donné,  d*après  la  nature  même  de 
Topération,  les  modes  demeurent  engajA 
dans  la  substance  et  Tiudivisibiliié desur* 
ties  du  jugement  est  un  bit  né.essiire 
Quand  il  est  un  pro<tuit  immédiat  de  Tin^i 
tinci,  Tidentiûcation  et  la  simultaaéiié  des 
parties  qui  le  constituent  sont  nécessai^^ 
ment  impliquées  dans  -Torigine  même  qu'oc 
lui  assii^iîe.  Je  dis  plus:  Tactedu  jugemeot 
instinctif  semble  ne  subir  qu*à  regret  les 
moditlcalions  que  le  langaiçe  a  coutume 
d'introduire  dans  la  |>ensée.  il  est  rare  que 
dcins  la  pratique,  les  inspirations  du  m 
commun  nous  |  résentent  dislinf^temeot  uq 
sujet,  un  attribut  et  un  rapiiort;  elles  oni 
peine  k  se  laisser  traduire  en  propositioas, 
et  une  tendance  naturelle  les  ramèoe  ioq- 
jours  k  la  forme  du  sentiment.  Ainsi,  dut 
quelque  hy()ol(jèse  que  Ton  raisonoe,  ûb 
que  Ton  fait  abstraction  du  langigt^oi] 
trouYe  toujours  dans  le  jugement  m  n»* 
ception  simple,  dont  les  faces  sooi /ifeli^ 
ment  inséparables  et  se  Biontrenunaltt 
nément.  Le  lion  n  a  jamais  posé  idfldée^ 
moi,  là  Tidée  de  la  force,  et  entrewte^i 
idées  la  notion  du  rapport  qui  les  aoil;  p* 
mais  ii  n*a  dit  en  Iui*tuéme  suocessifenni 
et  en  séparant  ces  trois  choses .  Ji  miifori 
il  les  a  senties  dans  ube. conception  m\k 
qui  est  une  dans  sa  nature  et  triple  dans  ^ 
aspects  (993). 

Pour  eontirmer  ces  vérités,  faisons reair* 
quer  d*ai  Heurs  que,   en   supposant  que  le 
mode  pût   en  réalité  ^tre  conçu  iodépeD- 
damment  de  la  substance»  il  serait  impi^^^ 
ble  de  Tabstraire  sans  le  généraliser.  Tut 
que  je  représente,  par  exemple»  leterUé* 
terminé  d'une  feuille,  la  blancheur  partit»' 
Hère  â*un  mur,  il  doit  paraître  évident  qu 
la  feuille  et  sa  couleur,  le  mur  et  sa  M» 
cbeur  demeurent  unis  dans  mon  esprit.  I( 
les  idées  de  mode  sont  tellement  eo^^aJ 
dans  celles  de  sul>stance,  qu'il  y  aurait fà 
&  vouloir  se  rappeler  les  unes  sans  lesu- 
très.  Qui  serait  assez  insensé  pour  essi^tf 
de  se  représenter  les  traits  particuliers  dm 
ami  absent  sans  éveiller  aucune  des  auim 
idées  comprises  dans  la  notion  qu^îl  a  de  «i 
personne?  Tant  que  les  modes  restent  ifr!** 
viduels  dana  notre  pensée,  nous  lesconceioc  i 
donc. nécessairement  dans  les  subsunra 
qu'ils  déteriuinent  ;  mais,  de  bonne  ua« 
quand  la  nature  n  offre  k  dos  yeai  que  de 
modes  particuliers ,  diversement  %^W^ 
entre  eui  et  toujours  attachés  à  qoe)(F 

la  substance  et  du  mode.  Celle  corréhtioo  enirf  itf 
tons  no»  jug^menls  et  en  détermine  universeilcB»* 
U  forme. 

c  Aucun  ju^meni  ue  peut  subsister  dans  yt»V^ 
s*il  n*est  e^i^runé.  En  sorte  <|ue,  sans  le  Iw^t^^ 
raison  serait  une  furce  ré«luite  à  nuaciloy, 

c  La  perception  extérieure,  dans  ranimât,  œ  »{ 
compléiant  par  aucunt:  idée  rationovlle,  m  ^>  f* 
au  delà  de  U  simple  p«rceplioo.  Dans  rhoowr  ^^ 
elle  existe  à  Téiat  de  jugement»  Aussi  TboiDi»:  »- 
peut  dire  ce  quil  voit,  i  (H.  Goruo,  «P*  ^ 
p.  151.) 


P5T 


DlCTiONNAlAE  JUH>LOG£TIQUE. 


PSf 


ojef,  croil-on  qoe,  sans  le  secours  de  la 
^role,  il  fût  possible  de  leur  Aier  ce  qu'ils 
ni  de  déterminé  dans  chaque  être,  et  de 
e  plus  Toir  que  ce  qu'ils  ont  de  commun, 
oorformer  la  notion  générale  de  biaiukeur^ 
faudrait  les  idées  de  papier,  de  lait,  de 
Mie,  ete.,  étant  données,  isoler  chaque  cou* 
!orparticc:lière  du  sujet  auquel  elle  appar- 
ient, et  des  autres  quîdités  qui  sont  unies 
rec  elle  dans  le  même  sujet  ;  après  cette 
reroîère  abstraction,  contrariée  à  la  fois 
.ir  les  objets  et  |iar  la  nature  de  la  pensée, 
1  ûudrait  comparer  entre  elles  les  diTcrses 
^>uleurs,  pour  saisir  ce  qu'elles  ont  de 
^tnblable  et  de,diflerent,  enfin  concentrer 
idosirement  sa  réflexion  sur  les  ressem- 
.inees  qui  les  unissent.  Je  le  dis  avec  la 
l'js  profonde  cou Tict ion,  cette  suite  d'efforts 
k!rnil))es  I  combattus  par  un  concours  de 
loses  intérieures  et  extérieures,  est  an* 
'essosde  l'homme,  dont  la  faiblesse  ne  serait 
4s  secondée  parla  paissance  de  la  parole. 
iv'ffaUms  que,  sans  le  langaze,  la  mémoire 
aarat  aucune  prise  sur  1  idée  générale  : 
T.  dans  cette  hypothèse,  l'idée  générale 
^'existe  qu'à  la  condition  d'être  réellement 
^  ^radte.  Or,  une  idée  abstraite  ne  peut  se 
«  *r   ^  nos  autres  connaissances  sans  perdre 
^-^«^«îMion  caractère;  elle  n'est  abstraite 
t; .  'jotnlque  l'effort  qui  l'a  créée  la  retient 
is>  risolement.  Par  conséquent,  dès  que 
.' is-.vnl  cesserait  d'agir  pour  la  conserver 
:Kr*eù\Oj  elle  disfiarattrait  sans  retour,  ou 
M.  n  irait  de  nouveau  se  fondre  dans  les 
.*-  es  individuelles  d'oii  elle  aurait  été  tirée. 
^  Isn^êgd  est  donc  un  support  nécessaire 
Il  notions  générales;  sans  lui,  elles  n'au- 
i>T}t  dans  I  esprit  ni  consistance  ni  fixité, 
i  '  'bomme  renoncerait  bientôt  à  créer  péni- 
•«-méat  des  idées  qu'il  se  sentirait  incaîtable 
^  conserver  (99k). 

A  iosi  Fkamme  de  la  nature  verrait  des 
ttb52dnces  matérielles,  pierres,  plantes» 
nioiaux,  ete.»  mais,  dépourvu  du  signe,  11 
e  [pourrait  jamais  dégager  de  ces  substances 
Dcon  mode.  Far  conspuent,  il  ne  pourrait 
iBoais  s'élever  ni  à  fabstraction  ni  à  la  gé- 
ralraition.  L'abstraction,  en  effet,  est  un 
rwédé  de  l'esprit  qui  considère  la  qualité 
wlépendamment  et  hors  de  la  substance  à 
K^aelie  elle  appartient  Or,  lesiçne,  nous 
»ODS  de  le  voir,  est  absolument  indispon- 
ible à  la  formation  de  l'idée  abstraite,  et 
3pprimer  les  noms  qui  expriment  les  qua- 
lés  des  objets  et  les  fixent  dans  notre  esprit» 
est  anéantir  l'idée  abstraite.  Ainsi,  soppri>- 
îer  les  mots  contoir,  san^  forme^  fig^^^f 
Kr/e,  iiemduet  setuaiian^  idée^  jugement^  fth 
nUé^  ete.,etr.,c'estsupprimerautantd*idées 
^straites,  e*est  supprimer  presque  tout  le 

\9!U>  On  sait  i|Bd  WUe  imnense  raffirmaUcaJoua 
kns  b  stfBCtare  de  la  rals<m  et  da  lanaage.  Cette 
;itntion  CA  csseateUement  liée  à  ridée  de  Télre, 
•  pbMi  eito  n*ea  ^e  cette  IJée  eiprimée  par  an 
KH,  le  «rrie»  oa  parole  par  exeeilcnee.  Le  verbe 
4  ee  qa*il  y  a  de  idas  metapbyûqee  daas  renten 
'^•'•1  kamain;  sans  lai«  la  raison  serais  împos* 

\*V  :  tes  perceptions,  jaxtapo^éas,  ne  se  lieraieitt 
Ainais  caseoiirte  et  oe  formeraieot  qa*nn  amas  cou- 

DiCTIO!lSSAmB  APOLOGÉTIQUE.   IL 


dictionnaire,  c'cst*À-dire  à  peu  près  toute  la 
langue.  Tous  les  mots  d'une  lan^e»  à  l'ex- 
ception des  noms  propres,  désignent  des 
points  de  vue  considérés  d'une  manière 
abstraite.  La  diversité  des^^points  de  vue 
produit  la  diversité  des  espèces  de  mots. 

Les  langues  ne  seraient  même  possibles  à 
aucun  degré  sans  l'abstraction.  Le  langage, 
en  effet»  se  compose  de  propositions,  et  toute 
proposition  exprime  au  moins  trois  choses 
séparément  :  le  sujet  dont  on  parle,  sa  ma- 
nière d'être  et  le  lien  de  l'un  à  I  autre  ;  toute 
proposition  repose  donc  sur  trois  abstrac- 
tions au  moins. 

A  la  suppression  des  mots  qui  expriment 
rabstraclion,  il  fout  joindre  celle  de  tous  les 
mois  qui  expriment  les  idées  générales.  Car 
qu'est-ce  qu'une  idée  générale?  Pas  autre 
chose  que  la  connaissance  d'une  classe 
d'êtres  réunis  ensemble  par  un  attribut 
commun.  Or,  les  êtres  ne  nous  sont  connus 
que  par  leurs  qualités;  les  idées  que  nous 
en  avons  ne  sont  autre  chose  que  la  réunion 
des  idées  représentatives  de  leurs  qualités. 
LMdée  générale  se  compose  donc  de  percep- 
tions ou  d'idées  représentatives  de  qualités 
communes  à  tous  les  individus  de  la  même 
classe,  de  la  même  famille»  du  même  genre, 
sans  en  renfermer  aucune  de  celles  qui  leur 
sont  personnelles  ou  propres.  Or,  classer 
des  substances»  classer  des  modes,  ne  peut 
se  ftiîre  qu^aû  moyen  de  noms  communs. 

Tous  les  noms  communs,  homme^  cultiva- 
teur^  mécanicien^  animal^  arbre^  pierre^  et 
mille  autres,  expriment  des  idées  générales. 
Mais  rhomme  de  ia  nature  n'a  pas  de  noms 
communs,  n'a  pas  de  signes  ou  de  langage  à 
sa  disposition  :  il  ne  peut  donc  avoir  aidées 
générales.  D^un  autre  cèté,  nous  Tavons  vu» 
il  n*a  pas  d'idées  abstraites.  Donc  il  n^a  pas 
la  raison,  qui  ne  se  constitue,  qui  ne  peut  se 
constituer  qu'au  moyen  de  ces  deux  classes 
d*idées. 

£n  effet,  qu'est-ce  que  la  raison t  C^est  la 
propriété  dont  est  doué  l'être  intelligent  de 
voir,  de  reconnaître,  pour  se  ^approprier 
par  l'affirmation,  la  vérité  générale,  contenue 
dans  les  faits  individuels  et  manifestée  par 
eux  (Jugement);  de  voir,  en  outre,  dans  les 
vérit&  générales  diint  il  est  entré  en  posses- 
sion, les  vérités  particulières,  moins  géné- 
rales et  même  individuelles,  qui  en  font 
partie,  et  de  les  affirmer  (raisonnement).  Or, 
pour  l'esprit  humain,  il  n*y  a,  à  proprement 
parler,  vérité  que  dans  les  généralités;  les 
individus,  comme  les  faits  individuels,  ne 
l'intéressent  qu'autant  qu'ils  sont  l'objet  ou 
la  matière  d'observations»  afin  d'v  découvrir 
les  vérités  générales  qu^ils  renferment,  ou 
bien  les  termes  d'application  des  vérités 

fas,  sembbUe  à  des  raines  sar  lesquelles  régoa  le 
sileDce  et  la  mort.  Mais»  manie  de  cet  iastnnaeni,  la 
raisoo  réagit  sor  les  pcroepiioaa  qa*alle  a  reçaea, 
poor  les  eoehaiiier  les  Bn«5s  aax  antres,  chacaoe 
sdon  son  afBoiié,  rattachant  ao  même  centre  d*vBité 
infeUectaelle  celles  qai  sont  idenilqnes*  oa  décam^ 
Risant  par  Tanalyse  re  qne  le  iangafe  lui  apporta 
de  rompliqaé  pî»ar  le  réJoire  à  ses  notions  élenien- 
Liirrs. 

30 


950 


PSY 


DICTIONNAIIIE  APOLOtiETiQUE. 


PSt 


m 


générales  donl  ils  font  partie.  Toutes  les 
sciences  se  coroposeni  do  vérités  générales 
et  des  rapports  que  ces  vérités  ont  entre 
elles;  et  rintnlligence  ne  se  nourrit  que  de 
vérités  générales,  dont  la  possession  donne 
à  Tbomme  un  ran^  si  distingué  dans  la 
création.  Ainsi  on  doit  coioprefidre  que  tous 
les  travaux  de  la  raison  se  bornent*à  cette 
dout)le  opération  :  tirer  des  faits  individuels 
les  vérités  générales  qu'ils  contiennent,  et 
trouver,  dans  ces  vérités,  les  vérités  moins 
générales  qui  en  font  partie.  C'est  dans  ce 
cercle  étroit,  dont  la  raison  ne  peut  sortir, 
et  par  cette  double  opération  sans  cesse 
répétée,  qu'elle  donne  a  l'intelligence  tout 
Je  développenient  que  celle-L'i  peut  recevoir. 
Ces  deux  opérations  sont  le  jugement  et  le 
raisonnement,  ce  qui  suppose  que  rofFice  de 
Ja  raison  se  borne  à  juger  et  à  raisonner. 
Mais,  sans  abstraction  et  sans  généralisation» 
il  n'y  a  ni  jugement  ni  raisonnement  possi- 
bles (995).  Donc,  faute  du  signe  ou  du  lan* 
gage,  Vhomme  de  la  nature^  ne  pouvant  s'éle- 
ver à  l'abstraction  et  à  la  généralisation,  ne 
pout  non  plus  former  aucun  jugement,  aucun 
raisonnement,  et  ne  peut  par  conséquent 
constituer  sa  raison. 

S^i. 

Nature  da  lien  qui  unit  la  parule  à  la  pensée;  belles 

harmuoies. 

De  tous  les  rapports  qui  peuvent  unir  en- 
semble deux  choses  distinctes  et  différentes, 
il  n'en  est  pas  de  plus  familier  à  tout  le 
DiondOf  que  celui  qui  unit  la  parole  à  la 
pensée.  Il  s'établit  dès  l'enfance,  et  nous  en 
faisons  un  usage  continuel.  Ce  rapport  sort 
non-seulement  à  manifester  la  pensée,  mais 
encore  à  toutes  les  opérations  ue  resp»'it;et 
il  entre  tellementdans  nos  habitudes,  qu'on 
s'attache  peu  à  s'en  rendre  compte  ;  aussi 
est-il,  en  général,  un  do  ceux  qui  sont  le 
moins  bien  exactement  appréciés.  Ce  qu'en 
ont  dit  la  })lupart  des  métaphysiciens,  est  ou 
erroné  ou  incomplet. 

Les  uns  se  bornent  à  présenter  la  parole 
comme  sicne  de  la  pensée,  fonction  qu'elle 
remplit  eiieclivemenl;  mais  toute  théorie 
qui  s'arrête  là,  est  nécessairement  incom- 
plète :  car  les  rapports  de  la  parole  à  la  pen- 
sée, sont  bien  plus  étendus,  plus  importants 
et  surtout  plus  intimes  que  ceux  du  signe 
en  général  a  la  chose  signifiée. 

Les  autres,  et  notamment  Condillac  [Lan- 
gue des  calculs)  f  Youlent  que  tous  les  mots 
exprimant  des  idées  générales,  ne  soient  que 
de  pures  dénominations ,  sous  lesquelles  il 

(995)  ff  Les  idées  ffénérales  de  toute  espèce,  les 
idées  abslrai les,  les  idées  composées,  les  opinions, 
les  croyances,  les  vérités  intellecluellos  et  morales 
de  loui  ordre  ne  peuvent  se  former,  s^établir  et  %e 
conserver  qu*au  moyen  des  mois  auxquels  el  es  sont 
aliacliéet.  »  (De  CKtiDhiLLkC^  Etudes  iiénu  de  philos., 
1. 11,  p.  274  el  passim  [18501.) 

c  B.  Hoc  unum  me  maie  habet,  quod  nunquam  a 
me  ultam  veriiaUm  agnosci,  invenîri ,  probari  ani- 
ma«lveria,  nisi  vocabulis  vel  aliis  sigok»  in  auimo 
ikihibiiis. 

4  A.  Imo  si  charactor£8  abessent,  nunquam  quid 
quani  disiinclccogitareniu<i,  neque  ratiocinaremur.  » 
(Lkhimtz,    Dial.  de   couuex,  inter   res    et   vtrba. 


ne  se  trouverait  point  d'idées  pro|iremeni 
dites;  ce  qui  réduirait  tout  le  travail  de  l'es- 
prit h  n'opérer  que  sur  des  mots,  à  peu  près 
comme  1  algébriste  n'opère  que  sur  des  si- 
mes  dont  if  néglige  ta  valeur;  car  louies 
les  opérations  de  l'esprit,  roulant  sur  des 
idées  générales,  ne  peuvent  se  faire  quia 
moyen  do  dénominations  générales;  et  dès 
lors  toute  vérité  deviendra  purement  nonii- 
nale,  puisqu'elle  se  trouve  réduite  ï  dw 
rapports  de  signes,  et  non  d'Idées;  ilovs 
de  vérité  proprement  dite,  pour  l'esprit  fm. 
main,  que  les  yérités  générales.  D'aulre<, 
enfin,  appréciant  mieux  le  caractère  de  lu 
parole,  paraissent  lui  accorder ,  et  à  elle 
seule,  le  pouvoir  de  créer,  pour  ainsi  dire, 
les  i(Jlées,  du  moins  les  idées  intellectuciki, 
et  de  les  introduire  dans  l'esprit. 

La  [larole  est*elle  bien  un  signe  artilViei 
de  la  pensée  ?  n'en  est-elle  pas,  au  conlrAirr. 
Je  signe  naturel,  comme  le  cri  est  lesi^iif 
de  la  douleur,  et  le  rire ,  de  la  joie;to  m 
mot,  comme  tout  ce  que  les  métaphjsiric!:> 
appellent  signes  naturels?  Mais, afin dér> 
ter  toute  équivoque,  tâchons  de  nous  eii}^ 
dre  sur  le  mot  naturel^  Que  nous  opfici^ 
à  artificiel. 

Par  naturel,  ou  nature  d?un  être,  onr- 
tend  la  manière  dont  il  est  formé,  la  m» 
dont  il  est  né,  natus^  car  c'est  là réirnio)))- 
gie  du  mot.  Mais  il  est  un  çrand  mbr^ 
d'êtres,  tous  ceux  dont  la  destinée  est  Je  rs'- 
cevoir  un  plus  ou  moins  grand  rféwlnffH"- 
ment,  qui  ne  portent,  en  naissaBl,l"«iw 

[»artie  de  ce  qui,  dans  la  suite,  doilcofi^^i^^^f 
cur  nature.  Le  reste  j  eslengerflicpoone 
développer,  dans  les  cîrconslancespanjùil 
doit  passer.  Mais  si,  parmi  ces circonslauce^ 
il  s'en  trouve  qui  contrarient  plus  ou  m'iio? 
le  développement,  rêlreseraprivéd'unep 
tion  de  ce  qui  devrait  constituer  sa  Daiur<^ 
Ainsi,  dès  sa  naissance,  un  arbre  porleen 
lui  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  la  piodtiç* 
lion  d'un  fruit,  c'est  là  sa  nature;  mais  si» 
sol,  la  température  de  l'atmosphère,  conif> 
rient  cette  nature  ;J  si  le  caprice  luireira* 
che  conslamraenl  les  branches  à  fruit,  |n«tf 
ne  laisser  pousser  que  le  bois,  il  manqu<?rt 
nécessairement  d'une  partie  de  ce  qui  c^'^" 
siilue  un  arbre  de  son  espèce.  De  mte» 
la  nature  de  l'homme  appartient,  non•seûl^ 
ment  tout  ce  qui  résulterait  en  luidudéf^ 
loppemenldeson  corps,  tel  qu'il  aurait  « 
lieu  s'il  eût  vécu  isolément,  mais  eiwoa 
tout  ce  qui  résulte  du  développeawi  * 
son    intelligence ,    tel   qu'il  s  opère  i^ 

—  €Envr.  philos.,  édiu  Raspe,  p.  509.) 

t  Nous  ftoinro^ts  aiiloriMS  à  établir  coane 
principe  que,  s«\ns  l'uëage  des  sî^n^,^  lou^  | 
pensées  se  seraient  bornées  aux  mdlTÎdiis.  »y 
«ald-Strwart,  Eléments  de  la  philos,  de  rtfpm 
tiuiin,  l.  I.)  r  *    I 

«  Le  langage  est  ceriainement  la  eoDditin&j 
louif  s  les  opérations  complexes  et  peut-être  p  ^ 
les  les  opéraiions  simples  de  la  pensée.  >  (>•  ^^H 
Cours  de  1819,  r*  parle,  p.  iOît.)  , ^ 

Voir  noli  c  ouvrage  Du  langage  et  de  w»  »*»  "'^ 
la  conititulioii  de  la  raison^  ou  ru**  pAi/wP*"' 
sur  rorigine  des  connaiisauces  humotna. 


Ml 


PST 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PSÏ 


911 


la  société  de  ses  seniLlables,  où  il  doit 
remplir  sa  destination.  Supposez  rboni'- 
me  prîTé  de  cette  société  et  de  tout  ce  qui 
en  dérive  nécessairement,  il  manquera  d'une 
portion  de  ce  qui  constitue  sa  nature;  ce  ne 
sera  plus  Thomme;  Tanimal  raisonnable» 
rintefligenoe  servie  par  des  organc!i»  de 


»*ii  en  était  privé;  et  comme  Inintelligence 

ne  se  développe  aoe  dans  la  société ,  et  au 

mnyen  de  la  parole,  il  s'ensait  que  l'état  so- 

riil  est  Fétat  naturel  de  Thomme ,  et  que  la 

psrole,  lien  indispensable  de  Tordre  sociaU 

l'irs  duqoel  Tindividu  ne  peut  se  dévelop* 

œr  et  devenir  homme,  lui  est  également  na- 

:arelle,  non  qull  la  possède  ou  qu'il  puisse 

a   po^ëder  sans  l'apprendre,  mais  parce 

7-3e,  doaé  des  moyens  de  l'apprendre  avec 

Vil  lié,  |>rédispose  à  s'en  servir  pour  for* 

(k-.r  son  intelligence,  qui  ne  peut  se  déve- 

>f  per  que  par  ce  moyen,  s'il  n'en  fait  le  si*- 

ine  de  la  pensée,  il  est  privé  d'une  partie  de 

'-  <iui  constitue  l'homme»  et  sa  nature  est 

«'■tente. 

La  parole,  signe,  expression  et  corps  de 

A  pensée,  est  une  d&i  lois  fondamentales 

'ie  la  nHnrc  de  l'homme.  Comment  confon- 

drr  on  srgne  de  cette  importance  avec  ce 

-)îi  OQ  appelle  signe  artificiel?  Entre  la  pa« 

r<»>  el  tous  les  autres  signes  possibles  de  la 

.«^nçée,  il  7  a  l'infini,  parce  qu'il  y  a  une 

■'ifféresce  réelle  de  nature.  Comme  signe, 

1  parole,  et  la  parole  seule  lait  tellement 

«rde  de  lanature  de  l'homme,  qu'on  pour* 

lil  tout  aussi  bien  rappeler  animal  parlant 

uaniiral  raisonnable;  car  nous  verrons 

if>ni6t  qac  la  parole  manifeste  la  raisoui 

>n3me  le  corps  manifeste  l'Ame.  Nous  n'a- 

«ns  |>as  besoin  d'avertir,  je  pense,  que  par 

mot  parole^  nous  n'entencfons  pas  seule* 

ent  I  articulation  »  mais  l'articulation  ex- 

vssion  de  la  |)ensée. 

Noos  de  vous  ajouter  que  la  parole,  comme 

me  de  la  pensée,  se  distingue  des  autres 

.nés  appelés  naturels,  eu  ce  qu'il  ne  peut 

re  contredit.  Suivant  la  manière  dont  on 

Qt  paraître  aOécté,  on  pent  contrefaire  le 

nie  de  la  ioie  et  de  la  douleur  ;  mais  si  on 

(«rime     des   opinions  et   des  croyances 

l'on  n'a  pas,  on  ne  peut  au  moins  expri* 

?r  des  idées    de  quelque  nature  qu'elles 

sent,  qu'autant  quelles  sont actuenement 

ésentcs  à  l'esprit.  La  parole  est  un  signe 

ruiin  d*intelligence,   et  de  l'intelligence 

luelle  de  ce  qu'on  dit.  Si  elle  ne  remplit 

tte  condition,  elle  cesse  d'avoir  un  sens, 

n*est  plus  la  parole  expression  de  la  peu* 

p,  et  moyen  de  communication  entre  les 

uimcs.  La  parole  est  plus  que  le  signe  de 

^*ensée,  elle  en  est  l'expression  et  le  corps. 

L'expression  :  Qu'un  orateur  nous  attacne, 

us  cbarme,  nous  éclaire,   nous  entraîne 

r  Ses  discours,  on  dit  qu'il  s'exprime  avec 

i'ité,  avec  clarté,    avec  précision,  avec 

V^'ince,  etc.,  etc.  On  dit  :  une  expression 

'^   choisie,  une  expression  heureuse»  une 

'^     bien  exprimée.  Dans  cette  façon  de 


parler,  la  parole  est-elle  seulement  consi^ 
aérée  comme  signe  de  la  pensée? 

Cn  signe»  proprement  dit,  indique  lA 
chose  signifiée,  mais  il  ne  la  porte  pas  avec 
lai,  il  ne  la  montre  pas.  La  fumée  est  signe 
de  feu,  elle  en  indique  l'existence.  L'odeur 
est  sîsne  de  la  proximité  d'un  cor|)s  odo* 
rant  ;  Te  son»  d'un  corps  sonore  ;  mais  ni  la 
fumée,  ni  l'odeur,  ni  le  son»  ne  montrent  les 
corps  dont  ils  sont  une  émanation.  La  m* 
rôle,  non-seulement  indique  la  pensée, 
mais  elle  la  tire,  pour  ainsi  dire»  de  rin(é« 
rieur  de  celui  qui  parle,  pour  la  manifester 
au  dehors,  la  montreret  nous  en  rendre  par* 
ticipants.  C^est  ce  qu'indique  le  mot  expri^ 
«er»  tirtr  de,  en  pressant^  mettre  au  deborsi 
produire. 

Il  semble  que  la  parole  est  en  nous»  oii 
elle  s'imprègne  de  la  pensée»  el  en  sort, 
l'emportant  tout  entière  avec  elle,  aOn 
qu'elle  soit  saisie  par  tous  ceux  qui  l'en* 
tendent.  Effet  admirable  que  la  parole  seule 
peut  produire,  parce  qu'elle  est  le  corps  de 
la  pensée;  quoiqu'elle  soit  de  nature  diffé* 
rente,  elle  devient,  par  l'union  qu'elle  cou*» 
tracte  avec  elle,  ce  qu'est  dans  Thomme,  le 
corps  et  l'âme.  C'est  l'union  de  la  pensée  à 
la  parole,  modification  d'une  nature  diffé- 
rente, qui  constitue  l'intelligence,  comme 
l'union  de  l'âme  avec  le  corps,  substance 
(paiement  de  nature  différente,  constitue 
l'homme.  C'est  sous  ce  dernier  point  de 
vue  que  nous  examinerons  la  parole.  De  tous 
ceux  qu'elle  présente  à  l'observation,  c*est 
sans  doute  le  plus  mvstérieux  ;  mais  c*eat 
aussi  le  plus  admirable»  le  plus  propre  à 
nous  dévoiler  la  nature  du  langage,  ses 
caractères  spécifiques,  surtout  le  r6le  im- 
portant qu'il  joue,  et  les  fonctions  diverses 
qu'il  remplit  dans  l'intelligence  humainCâ 

L'homme  est  un  composé  de  deux  subs-* 
tances  de  nature  différente,  l'âme  et  le  corps» 
£i  cette  différence  est  telle»  que  nous  ne 
pouvons  saisir  aucune  analogie»  aucun  rap- 
port de  nature  entre  les  modifications  de 
l'une  et  les  modifications  de  l'autre.  Cepen- 
dant elles  sont  unies,  par  un  lien»  à  la  vérité 
incompréhensible»  mais  de  la  réalité  duquel 
il  ne  nous  est  pas  possible  de  douter.  81 
d'une  part  la  raison  nous  démontre  la  di- 
versité et  l'opposition  de  leur  nature»  de 
l'autre  le  sentiment  nous  prouve  l'intimité 
de  leur  union.  L^effet  principal  de  cette 
union,  dont  tous  les  autres  eaets  ne  sont 
que  des  conséquences,  est  dé  fondre  ces  deux 
substances  dans  une  existence  tellement 
commune»  que  nous  ne  saurions,  non-seu- 
lement les  diviser,  mais  même  les  distin* 
giier. 

Or,  en  y  fiiisant  attention,  noua  trouve- 
rons qu'il  en  est  de  l'intelligence  de  l'homme 
comme  de  l'homme  lui-même»  L'intelli- 
gence se  compose  de  deux  modifications  de 
nature  opposée»  entre  lesquelles  nous  ne 
trouvons  rien  de  commun»  qui  ne  nous  pré- 
sente aucune  analogie;  et  cependant  une 
fois  que  l'habitude  Ws  a  unies»  le  lien 
qui  les  attache  l'une  à  l'autre,  devient  eu 
tout  semblable  à  celui  qui  unit  Tâme  et  le 


9n 


PSÏ 


niCTlONNAlRK  APOLOCKTIQUÉ. 


PST 


U\ 


ror|)S»  ei  produit  éiacleracat  les  mêmes  ef- 
fets. 

Par  Tunionde  \û  pensée  à  la  parole,  deux 
modifications  de  nature  différente  sont  fon- 
dues en  une  seule  et  même  modification. 
La  pensée  se  fond  dans  la  parole,  la  parole 
s'imprègne  de  la  pensée,  et  le  résultat  de 
celte  fusion  les  prive  Tune  et  Tautre  d'une 
existence  propre  et  indépendante,  pour  les 
fâirejouir  d'une  existence  commune.  Elles 
ne  font  plus  alors  qu'une  seule  modifica- 
tion, composée  de  deux  parties  insépara- 
bles, que  nous  ne  pouvons  même  plus  dis* 
tînguer  l'une  de  l'autre.  Cette  union  donne 
la  vie  à  une^moditicaiion  matérielle  et  inerte 
de  sa  nature,  et  un  corps  sensible  et  pour 
ainsi  dire  patuable  à  une  modification  pu- 
rement intellectuelle;  car,  privée  de  ce 
cc^rps  dont  elle  se  rev6t,  la  pensée,  non- 
seulement  ne  pourrait  être  saisie  par  les 
sens,  mais  elle  échapperait  au  sentiment 
lui-même. 

Si  nous  comparons  l'union  de  la  pensée 
h  la  parole,  à  l'union  de  l'âme  avec  te  corps, 
phénomènes  aussi  mystérieux  et  aussi  ad- 
mirables l'un  que  l'aulre^  nous  serons  frap- 
pés de  la  parfaite  analogie,  de  la  ressem- 
blance absolue  qiri  se  trouve  entre  eux  ;  et| 
si  nous  écoutons  le  sentiment  qui  accom- 
pagne toujours,  soit  rémission,  suit  l'audi- 
tion de  la  parole,  il  nous  sera  facile  d'y 
trouver  une  notion  exacte  et  précise  du  ca- 
ractère propre  de  la  parole,  et  le  moyen  de 
nous  rendre  compte  de  tous  les  phénomènes 
de  riutelligence  : 

1*  L'essence  constitutive  de  l'homme  con- 
siste dans  l'union  de  l'Ame  avec  le  corps  ; 
l'essence  constitutive  de  l'intelligence  con- 
siste dans  Tunion  de  la  pensée  avec  la  pa- 
role. La  vérité  de  cette  assertion  sera  mieux 
sentie,  lorsqu'en  étudiant  les  effets  de  cette 
union,  nous  verrons  que  l'intelligence  sana 
parole  serait  et  demeurerait  nulle. 

â"  L'union  de  l'Ame  avec  le  corns  est  in- 
dissoluble tant  que  dure  la  vie.  L  union  de 
la  pensée  avec  la  parole  est  aussi  indisso- 
luble, car  la  parole  ne  peut  se  présenter 
qu'accompagnée  de  la  pensée,  et  la  pensée 
no  peut  nous  être  sensible  sans  la  parole  à 
laquelle  elle  est  attachée. 

3*  C'est  l'union  de  l'Ame  avec  le  eorps 
qui  fait  la  vie  de  ce  dernier ,  c'est  la  pensée 
qui  donne  la  vie  k  la  parole  ;  la  séparation 
de  l'Ame  entraîne  la  mort  du  eorps  ;  la  pa- 
role, séparée  do  la  pensée,  n'est  plus  qu  un 
son,  une  sensation  pure,  une  modification 
morte,  c'est-à-dire  sans  vie  intellectuelle. 

&•*  L'Ame  participe  à  tout  ce  qui  est  du 
corps,  le  corps  à  tout  ce  qui  est  de  l'Ame  ; 
de  même  la  pensée  participe  à  tout  ce  qui 
est  de  la  parole  qui  1  exprime,  et  la  parole 
à  tout  ce  qui  est  de  la  pensée  qui  l'anime. 

5"  Les  modifications  de  l'Ame  ont  leur 
principe  dans  les  modifications  du  corps^  et 
les  mouvements  du  corps  dans  la  volonté 
4:e l'Ame;  de  même  les  modilicaiions  du  la 
pensée  ont  leur  principe  dans  l'emploi  de 


la  parole  ;  et  les  mouvements  de  la  pamle 
dans  les  mouvements  de  la  pensée.  Toute 
modification  de  la  parole  en  apporte  néces- 
sairement dans  la  pensée,  et  toole  moditi- 
cation  de  la  pensée  en  néeessile  une  dans  la 
parole. 

6"  Le  corps  est  la  sente  manifestation 
possible  de  I  Ame,  et  la  parole  est  la  sente 
manifestatton  possible  de  la  pensée. 

L'Ame  et  la  pensée  n'ont  rien  de  sensible; 
ni  l'une  ni  l'autre  ne  peuvent  agir  sur  ies 
organes  de  nos  semblables,  ni  par  eoii5<f* 
quent  leur  être  manifestées  qu'autant  qu'ei^ 
les  sont  réunies  à  quelque  chose  de  matériel, 
que  ies  organes  puissent  saisir. 

7*  C'est  par  le  corps  que  l'Ame  se  mani' 
feste  k  elle-même,  et  elle  ne  se  sent  qnepsr 
les  divers  sentiments  oui  lui  Tiennent  do 
corps  ;  c'est  par  la  parole  qoe  la  pensée  « 
manifeste  à  l'intelligence,  et  c'est  do  seoli- 
ment  de  la  parole  que  le  sentiment  de  là 

Eensée  vient  k  l'Ame.  Ceci  parait  nn  dno* 
le  paradoxe ,  mais  ee  n'en  est  pas  tmi» 
une  vérité,  que  nous  reconnaîtrons  si  nobf 
nous  examinons  avec  attentioB. 

L'Ame  se  sent  par  le  corps  et   àas  h 
corps  ;  c'est  au  corps  qu'elle  rapporte  ta 
les  sentiments  qu  elle  éprouve  «  el  e'eMn 
corps  tOQt  entier  qu'est  rappcnrté  Je  senti- 
ment d'existence  lui«>même«  Il  est  td/em^ni 
fondu  dans   le  sentiment   d'existence  <la 
corps,  que  ces  deux  sentiments  n'en  fooi 
qu  un,  que  nous  ne  saurions  di  viier*  et  dans 
lequel  il  nous  est  impossible  de  distinguer 
deux  éléments  différents.    Si  la  tûsoû  V« 
reconnaît  comme  double,  c'est  parce  quU 
nous  avertit  de  deux  existences  distincte» 
en  soif  mais  fondues  en  une  senlot  comme 
nous  l'avons  reconnu  et  constaté,  en  parlant 
de  l'union  de  TAme  avec  le  corps,  de  U 
nature  et  des  effets  de  cette  union«  (Toy. 
Ahb.) 

De  même  c'est  par  la  parole,  et  dans  la  pa- 
role que  nous  sentons  la  pensée.  Le  sentiuitfut  ; 
de  la  pensée  et  celui  de  la  parole  sont  telle- 
ment fondus  l'un  dans  l'autre,  que  le  seutf 
ment  de  la  pensée  est^  en  même  tempsT  ^ 
sentiment  de  la  parole  et  réciproquemeal 
l'un  et  l'autre  ne  soutau'un  sentiment  uni* 
que.  Et  si  dans  ce  sentiment  unique  noea 
en  reconnaissons  deux,  <;e  n'est  pas  i^arce 
que  nous  pouvons  les  distinguer,  €*est  (pi  ' 
nous  le  trouvons,  quoique  unique,  destiné  ' 
à  nous  avertir  de  deux   modiOcations  de  ! 
nature  différente.  Doii  il  résulte  que  co 
deux  modifications,  unies  en  nous  par  un 
sentiment  commun,  ne  sont  qu'une  seule  r( 
même  modification,  que  la  pensée  est  réel- 
lement dans  la  parole,  et  que  la  parole  tM  [ 
proprement  pensée. 

C  est  sans  doute  Tanalogie  de  cette  dooMt 
union  qui  se  trouve  dans  l'bomaae  entre 
l'Ame  et  le  corps  d'une  part ,  et  la  pensée  k 
la  parole  de  l'autre,  qui  a  inspiré  A  un  écn« 
vain  de  notre  époque  (996),  l'exiiressi*.!» 
ingénieuse  par  laquelle  il  caractérise  si  i»((<i 
ia  parole,  lorsqu'il  dit  qu'elle  est  une  vc.r- 


(096)  Port  ALI»,  De  Ctuage  et  de  rabus  de  IViprii  pliilosophique. 


MT 


WY 


DICTIONNAIRE  APOLOGLTIQUE. 


PSY 


9iG 


4able  îiicani0«ioii  de  la  pemée.  La  parole,  en 
effet,  c'est  la  partie  matérielle,  et  pour  ainsi 
ilire  ebamelie,  de  rintelligence,  cooime  le 
corps  est  la  {Mirtie  matérielle  et  charnelle 
de  riiomme.  Aa  moment  de  sa  création 
Time  est  incarnée  par  son  union  avec  le 
corps,  et  la  pensée,  à  6à  formation,  est  en 
«luelqae  sorte  iocamée  par  sa  fosion  dans  la 
fia  rôle. 

Nous  voyons  là  ane  dernière  analogie  qui 
B*est  pas  moins  réelle,  quoique  nous  ne 
puissions  pas  rigoureusement  la  démontrer 
puisque  nous  ne  savons  rien  de  Tétat  de 
rime  avant  son  union  avec  le  corps.  Mais 
eo  admettant  ce  qu'il  y  a  de  plus  probable, 
H  qu'une  saine  philosophie  ne  peut  s*em|)è* 
(i:er  de  regarder  comme  certain,  c'est-è-dire, 
que  Pâme  est  créée  au  moment  où  les  or* 
frines  sont  assez  développés  pour  remplir  les 
fonctions  qui  doivent  lui  donner  le  sentiment 
de  son  existence,  et  qu'elle  est  unie  au  corps 
au  moment  de  sa  création,  creando  infundi- 
'«r,  infundeudo  ereaiur^  comme  a  dit  saint 
Tlmmas,  parlant  alors  en  pliilosojibe  et  non 
tn  théologien,  pour  peu  qu'on  y  wsse  attcn* 
•  t«^o,OQ  reconnaîtra  qu'il  en  est  absolument 
\c  même  de  la  pensée  s'unissanl  à  la  fiarole. 
V  csi  vrai  de  dire  que   toutes  les  idées 
luteiledBelles,  toutes  les  opinions,  toutes 
Id  crovaoces,  dont  la  réunion  constitue 
"iotef/^nce,  et  en  détermine  le  dévelop- 
pfmeiit,  s*attachent  à  la  parole  qui  les  ei- 
ifime  dès  le  moment  où  elles  sont  formées» 
et  (Hj  les  mots  eux-mêmes,  élaborés  par  le 
(nrail  qui  les  a  formées,  sont  prêts  à  les 
rev«!TOir,  i  s'en  |)énélrer,  et  à  en  devenir 
>i|iressîon  et  le  corps  ;  en  telle  sorte  que 
«ifl  peut  également  dire  d'elles  :   formando 
t'ftimdumiurf  infundândo  formantur. 
Cette  union  ae  deux  modifications  de  na- 
jre  différente,  et  par  laquelle  chacune  par- 
*\pe^  la  nature  de  l'autre,  est  sans  doute  un 
'iéaoaiène  inexplicable  ;  maisia réalité  en 
iibï  clairement  démontrée  par  le  sentiment, 
lû  est  impossible  de  la  contester.  Nous 
marquons  cependant  qu'il  ne   faut  pas 
eiooner  que  la  modification  principale  de 
looime^  que  la  propriété  qui  fait  le  fonds 
.'  son  essence,  et  qui  à  elle  seule  le  distin- 
<e  de  tons  les  êtres  qui  nous  sont  connus, 
nicî^  à  la  nature  de  l'être  auquel  elle 
pariient,  et  nous  présente  le  même  mys- 
e. 

Ce  n*est  que  par  l'anioc  des  deu  x  sub** 
inceSy  fondues  en  nne  existence  commune, 
I  constituent  Tbomme,  que  nous  pouvons 
j  cliquer  et  rendre  raison  de  tous  les  phé- 


il  c  V^hammt  prinltif  ne  pevt  être  coDçn  que 
s  r«iaft  mtnmi  et  tainrage,  sans  arts,  saos  police, 
A  Ms,  en  n  not  dans  on  éiat  qui  rappelle  la  vie 


ycspéce  hnaaine  eiisuît  à  Téut  brat,  à  Féut 
téfitable  bimane,  privée  de  pensée  et  de  langage, 
^riiée  à  FiDSiInct  de  conservation.  Il  n*y  avaii  ni 
•ntiîoos  ai  organisation,  même  la  plus  simple, 

»  «l^^jpiiion  grotsîère  comme  celle  des  animaui 

'o^rcbent  ea  iroupe  el  pos'édeul  cet  instinct 
*A<in  qvji  n*admet  ni  diaiigement  ni  progrés,  i 

*i-  BftOiv9Lic,  Chit.  vrim,,  0.  119  105.  —  Vof^ 


produit,  rinûuence  que  Torsanisation  exerce 
sur  TAme,  et  celle  que  lame  à  son  tour 
exerce  sur  roi^anisalion. 

De  même  cette  union  de  la  pensée  à  .a 
parole,  fondue  par  là  en  une  seule  modifi- 
cation, nous  fournit  le  moyen  d'expliquer 
rintelligence,  et  de  rendre  raison  de  tous 
les  phénomènes  qu*on  observe  en  elle. 

Nous  remplirions  un  volume  de  ces  admi- 
rables harmonies  du  langage.  Et  cette  mer- 
veille des  merveilles,  que  tout  le  génie  des 
plus  profonds  métaphysiciens  ne  peut  par« 
venir  à  comprendre,  serait  éclose  un  jour 
du  cerveau  de  quelque  quadrumane  eon* 
templatif,  préoccupé  au  fond  des  forêts 
primitives  de  Tinvention  des  conjugaisons 
et  de  la  constitution  de  la  syntaxe  (997)  ! 

On  n*acceptera  jamais  ce  système  d'igno- 
minie que  la  nature,  le  bon  sens,  Tbistoire, 
la  science  et  les  faits  repoussent  invinci- 
blement. 

IXIV. 

Le  seol  Cdt  de  sordi-matisme  anéantit  llirpoUièse  da 
Téfol  de  noftirf.— Témoignages  des  écoles  des  Sourd». 
Muets  de  Paris, de  Bocdeani,  de  Dublin,  de  Gronlngno, 
de  Berlin,  de  Leipskk,  etc.,  —  dn  R.  P.  Lacoidaire. 

Le  système  avilissant,  qui  suppose  que 
les  hommes,  d*abord  grossiers  et  ignorants, 
vivaient  épars  dans  l'es  bois  à  la  manière 
des  bêtes,  et  que  ce  n*est  qu*à  force  de  temps 
qu'ils  ont  acquis  des  connaissances  et 
trouvé  le  moyen  de  les  combiner  et  de  les 
exprimer,  peut  être  réfuté  par  une  preuve 
}ial[)ab!c,  visible  et  à  la  portée  de  tout  le 
monde;  je  veux  dire  par  Tignorance  reii* 
gieuse  et  morale  des  sourds-muets,  et  Pîm- 
|K>ssîbilité  où  il  se  trouvent  d*en  triompher, 
sans  Taide  et  le  secours  d*au(rui.  Le  voilà» 

Kuvons-nous  dire  aux  philosoplies,  cet 
mmede  la  nature,  dont  vous  nous  avez 
tant  parlé  ;  il  n'est  pas  né<7essaire  d'ialler  le 
chercher  au  fond  des  forêts  dans  un  état 
imaginaire;  les  sourds-muets  sontanmiiieu 
de  nous,  au  sein  de  nos  campagnes  et  de  nos 
cités  ;  il  y  en  a  vingt  cinq  mille  en  France, 
et,  si  la  proportion  est  partout  la  même,  six 
cent  mille  dans  Tunivers.  Cependant  tous 
ces  nombreux  sourds -muets,  au  témoignage 
de  ceux  qui  les  ont  observés,  examinés  at- 
tentivement, et,  pour  ainsi  dire,  analysés  à 
force d^expérience,  n^nventent  rien,  u*ima* 
(binent  rien  ;  ils  ignorent  entièrement  les  vé- 
liiés  religieuses  et  morales,  et,  abandonnés  h 
eux-mêmes,  ils  doivent  les  ignorer  toujours. 

nnssi  Lam  \p.ck.  déji  cité,  et  la  plupart  des  anibro^K)- 
lognes  f-t  dos  naiuralisles.) 

M.  Pelleun  ne  sait  que  dire  do  mode  d*appariiion 
do  premier  bomme  sur  la  lene.  t  Comment,  se  de- 
minde-l-il,  rhomme  est-Il  né  une  première  fois  à  la 
vie?  par  quelle  génération  spontanée?  par  quelle 
mystérieuse  incutKiiîon?  dans  quelle  larte,  sons 
quelle  chrysalide  a  t-il  végété,  silenrit  useraent  en- 
veloppé, jus4|u*au  jour  où  il  a  pu  marcher  au  so- 
leil? I  {Profeuiom  dt  foi,  etc.,  p.  50.)  Toujours  la 
pl*js  grossière  animalité  originelle  ;  nous  ne  sortons 
pas  de  là  eu  philosophie. 


$47 


PSI 


OICTIONiNAlRE  APOLOGETIQUE* 


P8T 


m 


Donc  voire  homme  de  la  nature  serait  en- 
core  dans  l'ignorance  du  monde  intellec- 
tuel, s'il  n'avait  pas  eu  le  secours  d'un 
uiattre;  et  comme  ce  maître  a  toujours  été 
nécessaire»  il  s'ensuit  que  le  premier  homme 
a  été  créé  instruit  et  parlant;  que  Thomme 
de  la  nature,  tel  que  le  conçoit  la  raison 
menteuse  des  philosophes,  n'a  jamais  existé; 
que  l'état  de  société  et  de  science,  dans  un 
cerlain  sens,  est  Tétat  naturel  et  primitif  de 
l'homme;  que  les  vérités  intellectuelles 
sont  descendues  du  ciel,  et  que  c'est  de 
pieu  même  que  l'homme  a  reçu,  avec  le 
don  et  la  connaissance  du  langage,  les  no- 
tions d'ordre,  de  religion,  de  bien  et  de 
mal,  et  les  rapports  fondamentaux  qui  lient 
le  ciel  et  la  terre,  et  les  hommes  entre 
eux.  Par  conséauent  toutes  ces  choses  sont 
vraies»  comme  la  source  dont  elles  émanent. 

On  ne  raisonne  pas  contre  les  faits  :  ils 
sont  éclatants  .de  lumière ,  ils  éclaircissent 
les  plus  grandes  difficultés,  chassent  la  pré» 
veiuion  ,et  l'erreur;  et  une  question  est 
toujours  résolue  d'une  manière  complète  et 
décisive,  lorsqu'elle  repose  sur  des  faits 
constants  et  sur  des  observations  uniformes. 
Telle  est  la  question  sur  les  connaissances 
intellectuelles  des  sourds^muets,  privés 
d*instraction, 

Depuis  la  propazalion  de  la  méthode  du 
célèbre  abbé  de  1  Epée,  les  sourds-muets 
ont  été  soumis  k  des  expériences  multi- 
pliées, à  des  observations  infaligables,  de 
tous  les  jours  et  de.tous  les  instants.  Des 
maîtres  habiles  se  sont  constamment  occu- 
pés à  les  instruire  et  à  les  former.  Qui  peut 
mieux  dire,  que  les  instituteurs  des  sourds* 
inucts,  quelles  sont  les  connaissances  des 
sourds-muets.  Qui  peut  mieux  juger  de 
leur  savoir  ou  de  leur  ignorance,  que  ceux 
i^ui,  par  devoir  et  par  nécessité,  onl  étudié 
1  état  de  leur  intelligence  livrée  à  elle-pméme, 
et  .examiné  avec  le  plus  grand  soin  quelle 
était  sa  richesse  ou  son  indigence?  Les 
instituteurs  des  sourds-onuels  ont  assisté, 
pour  ainsi  dire,  au  réveil  de  l'Ame  de  leurs 
élèves,  épié  d'un  regard  pénétrant  la  pre- 
niièronianifestatien  de  leurs  pensées  et  de 
leurs  sentiments.  Ils  les  ont  interrogés  avec 
anxiété  pour  découvrir  s'ils  avaient  que}- 

aue  notion  de  Dieu,  de  TAme,  du  bien  et 
u  mal.,.  Ils  savent  tout  ce  qu'il  faut  de 
temps  et  de  zèle,  de  patience  et  d'industrie, 
pour  annoncer  k  ces  infortunés  les  vérités 
religieuses  et  morales,  et  pour  leur  com- 
muniquer un  certain  nomLre  de  connais* 
sances,  Obligés  de  les  conduire  pas  à  pas 
dans  le  monde  moriil,  qui  s*est  ouvert  de- 
vant eux,  ils  ont  remarqué  leur  surprise, 
constaté  leur  ignorance,  recueilli  avec  soin 
tous  les  faits,  les  mtûndres  faits,  pour  enri-r 
chir  d'autant  leur  ei^périence  et  leur  mé- 
thode 

(998)  Né  à  Versailles  en  1712  et  mon  à  Paris  en 
1789. 

(999)  L«  véritable  manière  d  iiutruire  ies.  $Qur4i 
ei  m«£-H;  Paris,  1784  ;  Averlisscment,  p.  i. 

(liHH))  Lavéritable  manière  din$truire  ie$  sourde 
ei  thue^$;  PaiU,  1781;  ÀveriissemcDt,  pages  119 


C'est  sans  contredit  à  ces  hommes  obser^ 
valeurs,  expérimentés,  ou*ll  appartient  de 
nous  dire  quelles  [sont  les  coDnaisstDces 
intellectuelles  des  sourds  •  maels  privés 
dlnstruction. . .  Nous  allons  donc  consulter 
leurs  écrits  et  'citer  les  passages  les  plus 
remarquables.  Ces  citations  paraîtront  loi* 
ffues  peut-être;  mais,  encore  une  fois,  toute 
la  question  reposant  sur  des  faits,  et  ee$ 
faits  ne  pouvant  être  connus  que  pr  des 
cltations,^il  est  nécessaire  de  les  mmtiplier. 

<  Les  sourds-muets,  dit  Tabbé  de  TEpie, 
(998),  sont  réduits. en  quelque  sorte  à  la 
condition  des  bêtes,  tant  qu'on  ne  travaille 

I)as  à  les  retirer  des  ténèbres  épaisses  dans 
esquelles  ils  sont  ensevelis  (999).  »  Eioli- 
qnant  ensuite  comment  il  parvint  à  leur 
faire  connaître  Texistence  de  Dieu,  il  ajoute: 
«  Jusau'alors,  si  l'on  écri?aii  le  nom  de 
Dieu,  les  sourds-muets  levaient  la  maio  ci 
montraient  le  ciel  (c'était  le  signe  coirreauj 
mais  ce  signe  était  pour  eux  vide  de  m. 
Ils  en  conviennent,  et  ne  cessent  de  le  r^ 

1)éter...  Maintenant  ils  comprenneolqueli 
ouange,  Tadoration  et  ractiondepi^ 
lui  sont  dues.  Ce  que  nous  bisou ito 
nos  temples  n'est  pins  'à  leurs  veo;  % 
simple  spectacle,  tel  qu'ils  se  hf^uréal 
(1000).  ».  Ténèbres  épaisses,  absence  de 
notions  intellectuelles,  voilà  donc  i'élal  ^ 
sourd-muet  privé  d'instruction,  au  jog^ffleoi 
d'un  homme  dont  le  témoignage  ne  peut 
être  suspect  ;  car  l'abbé  de  rKpée  anil 
pour  ses  élèves  l'amour  et  la  tendresse i'^ 
père. 

H.  l'abbé  Sicard  (1001),  oui  a  soBleoaii 

Slorieusement  l'œuvre  de  Vabbédellr^t 
éclare  à  son  tour  que  c'est  une  grande  er* 
reur  de  confondre  le  sourd-muet  avec  w 
enfant  ordinaire...  Borné  aux  seul:»  mouve- 
ments physiques,  il  n'a  pas  même,  avaui 
qu'on  ait  déchiré  l'enveloppe  sous  laquelle 
sa  raison  demeure  ensefelie,  cet  insiiQ'l 
sûr  qui  dirige  les  animaux...  Le  sourd-œue^ 
est  seul  dans  la  nature,  sans  aucun  eieroti 
possible  de  ses  facultés  intelUctueUa,  f> 
demeurent  sans  action,  sans  vie...,à  moia? 
qu'une  main  bienfaisante  ne  parvienne  i  le 
tirer  de  ce  sommeil  de  mort...  Quan^  au  Rf^ 
ra/,  il  n'en  soupçonne  pas  même  Texisleûit. 
Rapporter  tout  à  lui»  obéir  avec  impétuorw 
à  tous  les  besoins  naturels,  satisfaire  tous 
sesappétits...,  s'irriter  contre  les  obstacles  v» 
voilà  tout  le  moral  de  cet  infortuné...  H  d  * 
des  yeux  que  pour  le  monde  pbjsiqae,  « 
encore  quels  yeux  l  II  voit  tout  sans  intérêt .. 
Le  monae  moral  n* existe  pas  pour  luù  'y'- 
vertus  comme  les  vices  tofU  aafur&ttf^*T^>^| 
le  sourd-muet  dans  son  état  naturel,  le  toi>^ 
tel  que  l'habitude  de  l'observation,  en  nm 
avec  lui,  m'a  mis  à  même  de  le  dépeiw'^' 
(1002).  9  Certes  ce  Jugement  est  sévère  î  ©aii 

et  120. 

(1001)  Né  en  1742  et  mort  en  1833, 

(1002)  Cours  d'instructio»  d'un  souré-u*!^, '^ 
naissance,  par  M.  Tabbé  Sicard;  seconde  W'UJ' 
Paris,  1803:  Discours  préliminaire,  m-  9*  ^^t^*' 

â  f 


949 


PSY 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


PSY 


950 


l'aulcor  déclare  qu^il  est  le  résuHat  de  ses 
luo.^es  observations. 

OonimeM.  Sicard,  son  modeste  et  savant  coU 
]tvue,M.  Tabbé  Saivan  (1003),dont  la  vie  en- 
(ière  aété consacrée  à Téducationdes  sonrds- 
luoels,  s'est  convaincu,  par  une  longue  expé- 
ri«*n€e,  que  le  sourd-muet  ne  se  doutait  ni  de 
Tesistence  de  la  Divinité,  ni  de  la  différence 
liioraiedn  bien  etdu  maL«  Le  passage  de  la  ré- 
iiion  matérielle  à  la  raison  intellectuelle  est 
très-pénible,  dit-ily  et  demande beaucoupd*ap- 
l'iicaiion,  tant  de  la  part  du  mattre  que  de 
celle  du  disciple  ;  mais  aussi  quel  plaisir  et 
<;uelle  satisfaction  pour  tous  les  deui,  lors- 
(]ue  la  difficulté  est  vaincue!...  Ce  principe 
une  fois  connu,  au*il  existe  un  esprit  crea- 
t:ar  de  toutes  choses,  bon,  juste,  étemel, 
ies  vérités  de  la  religion  et  de  la  morale  ont 
roulé  de  source.  L/intelligence  du  sourd- 
muet  s*esf  agrandie...  Son  exiilence  n'aplus 
t,e   celle  d*un  êimple   automate  imitateur, 
c^'Wune  elle  était  auparavant.  » 

M.  Paulmier,  instituteur  renommé  de  Té- 

r<  le  de  Paris  :  c  Le  sourd-muet  tant  instruo- 

t-.«>a  est  doublement  sourd  :  il  est  sourd 

u'auflitioa»  puisque,  privé  de  Kouïe,  il  est 

I*  i^ngé  dans  un  silence  éternel  ;  i7  ett  $ourd 

d  fmiendementf  si  Ton  peut  parler  ainsi,  puis- 

«i^i'aanioe  main  secourable  ne  Ta  tire  des 

1  r.r:.res  de  Tignorance,  où  il  est  resté  pro- 

fooJémenl  enseveli  (lOOi^).  » 

L'intéressant  sourd-muet  £erthicr(f005), 
an  des  meilleurs  élèves  de  la  maison  de 
Vms  nous  dit  dans  une  de  ses  lettres  : 
In  âourd'-muet  privé  éTinsiruction  n^aura 
jjmais  la  eonnaiseance,  même  vague  et  con- 
Lie,  d'un  Etre  supérieur  auquel  il  doiie 
ùbftssance^  respect  et  amour^  auquel  il  doive 
<ompte  de  sa  conduite,  de  ses  pensées  et  de 
ses  actions. 

.1  récolc  de  Bordeaux,  l'on  ne  pense  pas 

autrement,  ainsi  au'il  parait  par  celte  lettre 

de  M.  Tabbé  Gouoelin,  ancien  instituteur  et 

j'iniunier  do  cette  école.  «  Je  ne  crois  jvis,  y 

•'St-il  dît,  avoir  rencontré  de  sourds-muets 

*;iji  eussent  !a  connaissance  de  Dieu,  avant 

•;'ôire  venu  dans  les  écoles.  Sur  ce  point, 

■Vurs  réponses  ont  été  uniformes,  et  je  n'ai 

^:<tiiiai5   manqué  de  les  interroger,  lorsque 

j  '  les  préparais  à  la   première  couimunion. 

•J*"*  qu*iJâ  avaient  vu  pratiquer  de  la  religion. 

•  e  qu'ils  en  avaient  pratiqué  eux-mêmes  par 

.'TiiiatioD,  ou  pour  obéir  &  leurs  parents, 

r/avait  point  élevé  leur  esprit  à  la  connais- 

:A/ice  de  Dieu.  » 

Un  des   instituteurs  de  Claremont,  près 

Dublin,  après  avoir  déploré  la  malheureuse 

'  "Il  iilicn  dos  sourds-muets,  de  vivre  au  mi- 

*-'U  .Je  huvb  i^arcnls,  sans  pouvoir  commu- 

•  lOO:^j  On  lil  dans  VUnitert  on  28  octobre  1838  : 
^  31.  Salvao,  cbanoiite  bonorairc  de  la  cathédrale  de 
^  jînt-Floor  (Cantal),  inslitoteor  énicrile des  snords- 
Ai«jeis,  e»l  décédé  le  12  octobre,  à  T^e  de  qoatre- 

'>»t-u^ois  ans,  dans  sa  terre  d*Auz«ite,  prés  Marat. 
-**  ^'igue  ecdéstastiqne  fut  ravant-dernier  élève  de 
^lA^^  •!«  r£pée,  et  mérite  de  partager  la  reconnais^ 
'^*  ^e  publique  qui  ebt  acquife  si  jusiement  à  son  il- 
"^^*-^^  malins   » 

"^^^U;  Lettre  de  M,  Paulmier^  inscièo  daus  la  C'a- 


niquer  avec  eux,  continue  ainsi  :  a  Le  sourd- 
muet  marche  sur  la  terre,  avant  à  la  vérité 
Je  maintien  et  l'apparence  extérieure  de 
rhomme,  mais  privé  de  tout  ce  qui  constitut 
essentiellement  un  agent  moral;  ignorant  éga- 
lement sa  nature,  sa  destination  et  son  Dieu. 
Toutefois,  eiclu  par  son  état,  de  la  connais- 
sance du  bien,  malheureusement  il  n*est  pas 
à  Tabri  de  commettre  le  mal.S*il  est  banni  du 
monde  intellectuel^  il  ne  Test  pas  du  monde 
matériel,  qui  se  présente  à  sa  vue,  et  exerce 
sur  ses  sens  sa  pernicieuse  influence  (1006).  » 

Amman,  instituteur,  danslesièoleuernicr, 
de  quelques  sourds-muets  à  Amsterdam , 
s'écrie  en  parlant  de  ces  infortunés .  «  Quel!» 
stupidité  dans  la  plupart  de  ces  êtres  dis- 
graciés! Combien  pou  ils  diffèrent  des  ani- 
maux (1007)!  i> 

L'école  de  Groningue,  dirigée  par  MM. 
Guyot,  tient  le  même  langage;  elle  assure, 
«que  le  sourd-muet  est  naturellement  privé 
de  l'usage  de  la  raison  ;  qu'il  est  en  tout  sem- 
blable à  un  enfant,  et  qu'abandonné  à  lui- 
même,  il  le  sera  toujours:  que  seulement 
il  a  plus  de  force,  et  que  ses  affections,  sans 
rè^le  et  sans  loi  sont  plus  violentes  :  ce 
qui  l'assimile  plus  à  la  bête  qu'à  l'hom- 
me (1008).  n 

M.  Eschke,  fondateur  et  professeur  de 
l'école  de  Berlin,  a  jugé  les  sourds-muets 
de  la  même  manière,  comme  on  le  voit  dans 
ses  Observations  sur  les  sourds-muets^  ou- 
Yca^^^e  publié  par  M.  Amemann,  et  enrichi 
de  notes  par  MM.  Bîester  et  Reimarus,  de 
sorte  qu'il  renferme  quatre  témoignages  en 
un.  «  Le  sourd-muet  y  est-il  dit,  ne  vit  que 
jK)ur  lui;  il  ne  connaît  aucun  lien  social, 
et  n'a  aucune  notion  de  la  vertu.  L'éducation 
seule  peut  l'élever  au-dessus  de  la  léle, 
et  ennoblir  son  être;...  il  ne  saurit  être 

Suelque  chose,  tiint  qu'il  ne  se  trouvera  pas 
ans  une  école  où  il  soit  instruit.  » 
M  César  a  faithLî^ipsick  les  mêmes  obser- 
vations qui  ont  été  faites  partout  ailleurs.  Son 
témoignq<;e  se  trouve  consigné  dans  une  in- 
troduction à  l'ouvra  xe  de  Raphaël  et  de 
Pctschke,  sur  la  manière  d'apprendre  d  P«r- 
ler  aux  sourds-muets.  Voici  conîmcnt  il  Ci^l 
conçu:  «  L<fS  sourds-muets  ont,  h  !a  vérité, 
la  forme  humaine,  mais  c'est  à  peu  près 
tout  ce  qu'ils  ont  de  rommun  avec  les  au- 
tres hommes  .  Privés  de  la  parole,  ils  sout 
également  privés  d'entrer  avec  eux  en  com- 
merce d'intelligence...  de  pratiquer  aucune 
vertu  sociale,  et  de  s'élever  de  la  grossièreté 
dos  sens,  à  la  spiritualité  de  rintelligcnce... 
Jamais  ils  ne  parviendront  à  développer, 
à  former  et  à  fortifier  par  l'usage  les  puis- 
sances spirituelles  de  leur  âme;  par  leur 

xetle  des  Tribunaux,  18  mai  1836. 

(I(H)5)  Il  est  doyen  des  professeurs  de  lliisthut 
ini):crtal  des  soiirds-mocts  à  Paris. 

(i(MK>)  lurêillgalion  htto  tlie  principie*  of  the  lut- 
îîtution  al  Claremont  for  the  éducation  o]  the  deaf 
and  dnmtf;  Doblifi,  I8ii;  petite  brochure,  p.  4. 

(1007)  Dissertation  sur  la  parole  traducUou  de 
Bai  v%is  DE  Pré4i;  ;  p.  iiO. 

(UtOS)  Dissertât vt  jniidiea  de  jure  surdo^muto- 
rum,  par  M.  Cii^of  ;  G.ouiiigut»,  I8il,  p.  100. 


Kl 


PSY 


IHCTIONNAIRE  APOLOGETlQflE. 


PSI 


K3 


inactioiif  elles  deviennent  même  de  jour  en 
jour  plus  incapables  de  s'appliquer.  Jouel 
perpétuel  des  sensations  que  font  sur  eux  les 
objets  et  des  passions  qui  s'élèvent  dans  leur 
$me,  ih  n$  connaisêent  ni  lois  ni  devoirs^  ni 
fuêtict  ni  injuêiicef  ni  bien  ni  mal:  la  vertu 
et  le  vice  eont  pour  eux  comme  ê'iU  n^éiaient 
pa$...  Ils  rapportent  tout  à  eux-mêmes, 
comme  à  leur  dernière  Qn»  n'en  connaissant 
point  d'autre  (1009)....  »  • 

Nous  terminerons  ces  citations  par  le 
récit  d'un  événement  singulier  arrivé  à 
Chartres,  au  commencement  dq  siècle  passé. 
Le  voii*i  tel  qu'il  est  rapporté  dans  les  Mé^ 
moires  de  F  Académie  des  sciences,  c  Un  jeune 
homme  de  vingt-trois  à  vingt-quatre  ans, 
fils  d'un  artisan,  sourd  et' muet  de  naissance, 
commença  tout  d'un  coup  k  parler,  au  grand 
étonnement  de  toute  la  ville.  On  sut  de  lui 
que  quelques  trois  ou  Quatre  mois  aupa- 
ravant, il  avait  entendu  te  son  des  cloches, 
et  avait  été  extrêmement  surpris  de  celte 
sensation  nouvelle  et  inconnue.  Ensuite,  il 
lui  était  sorti  une  espèce  d'eau  de  l'oreille 
gauche,  et  il  avait  entendu  parfaitement  des 
deux  oreilles.  Il  fut  ces  trois  ou  quatre  mois 
(i  écouter  saps  rien  dire,  s'accoutumant  à 
répéter  tout  bas  les  paroles  qu'il  entendait, 
et  s'affermîssant  dans  la  prononciation  et 
dans  les  idées  attachées  aux  mots.  Enfln,  il 
se  crut  en  état  de  rompre  le  silence,  et  11 
déclara  qu'il  parlait,  quoique  ce  ne  fut 
encore  qu'imparfaitement.  Aussitôt  des  théo- 
logiens habiles  l'interrogèrent  sur  son  état 
passé,  et  leurs  principales  questions  rou^ 
ièrent  sur  Dieu,  sur  rame^  sur  la  bonté  et 
la  malice  morale  des  actions.  Une  parut  pas 
avoir  poussé  ses  pensées  jusque-là.  Quoiqu'il 
fût  né  de  parents  catholiques^  qu'il  assistât 
\  la  messe,  qu'il  fût  instruit  k  faire  le  signe 
(le  la  croix,  et  k  se  mettre  à  genoux  dans  la 
contenance  d*un  homme  qui  prie,  t7  n'avait 
yunais  joint  à  tout  cela  aucune  intention^  ni 
caniffrts  celle  que  les  autres  y  joignent.  Il  ne 
savait  pas  bieii  distinguer  ce  que  c'est  que 
la  mort,  et  il  n'y  pensait  jamais.  //  menait 
une  vie  purement  antmofe,  tout  occupé  des 
objets  sensibles  et  présents,  et  du  peu  d*i- 
dées  qu'il  recevait  par  les  ^eux.  Il  ne  tirait 
pas  même  de  la  comparaison  de  ses  idées 
tout  ce  qu'il  semble  qu'il  eu  aurait  pu  tirer. 
Ce  n'pst  pas  ou'il  n  eût  naturellement  de 
l'esprit;  mais  1  esprit  d'un  homme  privé  du 
commerce  des  autres,  est  si  peu  exercé  et 
si  peu  cultivé,  qu'il  ne  pense  qu'autant 
qu'il  y  est  indispensablement  forcé  pur  les 
objets  extérieurs.  Le  plus  grand  fonds  des 

(1009)  Rapbacls*Kih«st,  Tauhe  und  ttumme  reden 
tu  lehren,  mit  einer  Vorrede  des  U.  Ceiarit  etc., 
8.  20,  N.  Tolg.  ;  Leipzig,  4821. 

(iOiO)  MUtoire  de  l'Académie  roya(ft  des  sciences, 
finiiée  1705. 

(tOtl)  M.  rabbé  Carton,  directeur  de  riDitiiulion 
des  sourds-muets  k  Bruges,  dan3  son  Mémoire 
couronné  par  l  Académie  de  Bruxelles  {yoir  tom.  X,IX 
des  Mémçires  couronnés^  etc.)  8*ex prune  aint»i  à  la 
page  4  :  c  Lorsque  uous  nous  examinons  et  que 
num  essayons  de  donner  une  date  à  lacquisiiioti 
de  hps  itolioni  moraks  et  intellectuelles^  aotre  nié* 


idées  dea  hommes  est  dans  lear  commerd) 
réciproque  (1010).  »  Ce  récit  est  digne  de 
remarque,  surtout  à  cause  de  sa  confermilé 
avec  les  observations  Ciites  par  les  institu- 
teurs des  sourds*muets  (lOli). 

Il  est  donc  vrai  que  les  sonrds-mnels, 
privés  d'instruction,  abandonnés  k  eux- 
mêmes,  sont  dépourvus  de  notions  morales 
et  religieuses.  Cette  conclusion  est  une  suite 
nécessaire  des  témoignages  divers  que  nous 
avons  rap^rtés.  Comment,  en  effet,  récuser 
des  dépositions  unanimes,  fondées  sur  lao- 
torité  de  Texpérience?  Partout  on  a  recoonu 

?ue  le  sourd-muet  ne  se  doutaii  pas  is 
existence  de  la  Divinité;  que  les  vertus  et  le$ 
vices  étaient  jpour  lui  sans  réalité;  quilnt 
connaissait  ni  Dieu^  ni  bien^  ni  snal^  et  fs'ii 
n'avait  aucune  notion  de  la  vertu  ni  du  moiule 
moral.  Tarmi  les  maîtres  les  j[>Ius  expert 
mentes,  il  ne  ^ratt  pas  y  avoir  de  contra* 
diction  à  ce  sujet. 

A  cette  série  de  témoignages  dont  Tioto- 
rité  est   irréfragable,  ajoutons  celui  tm 
grand  orateur, d  un  illustre  et  profond  i^)o 
qui  a  jeté  tant  de  elarlé  sur  les  plniîatr 
problèmes  du  monde  moral.  «  C*est«ifflia( 
fondamental  de  la  doctrine  cathofim  fit 
le  R.  P.  Lacordaire,  qu'une  parole  oe  Im 
fut,  dès  Torigine,  versée  dans  rfanmaniié, 
et  qu'elle  n'a  cessé  d'v  vivre  el  de  s*y  répio- 
dre,  soit  pure,  soit  altérée,  comme  un  écim 
immortel  de  la  vérité;  écho  souvent  affaibli, 
souvent  corrompu,  mais  renaissant  de  >tô 
ruines  à  travers  les  générations,  ef  nou$ 
rappelant  avec  Téloquence  de  la  perpétviiié 
Texistence  de  Dieu,  sa  nature,  ses  actes  ; 
comment  il  est  le  principe,  la  fin«  le  moyen, 
la  clef  de  nos  destinées.  Des  traditions  cntn- 
rounes  h  tous  les  peuples  et  à  tous  les  sîHes 
attestaient  de  tout  temps  cette  révélation 
orale  faite  primitivement  au  genre  humain; 
la  parole  humaine  elle*même,  ronstammeui 
transmise  par  voie  héréditaire,  el  ne  laissjini 
entrevoir  ni  historiquement  ni  logiquement 
la  possibilité  d'une  origine  par  voiedMnveii- 
tion,  rendait  aussi  témoignage  à  }a  réalité 
d'une  parole  antérieure  et  divine  donl  Is 
nôtre  était  issue.  On  avait  découvert  dans 
les  forêts  rbomme  descendu  k  Télat  d'anima- 
lité par  suite  d'un  abandon  précoce  qui 
l'avait  soustrait  à  tout  enseignement.  La  pa- 
role n'était  plus  sur  ses  lèvres  qu'un  son 
vague  et  inarticulé,  qu'un  cri  barbare  indi- 

auantla  présence  des  sensations  etincapal*)^ 
ti  transmettre  des  idées.  Tous  ces  faits  c^tiv 
firmaient  la  page  de  l'Ecriture  qui  nous 
montre  Dieu  parlant  avec  l'homme,  et  ache- 


rooîre  est  impuissante  h  en  fiier  une  :  elltts  se  Irwi- 
valent  en  nous  au  moment  où  la  mémoire  a  cnm- 
mencé  son  action  ;  il  semble  que  ces  netions  bov^ 
aicnl  aecoropagnés  k  notre  entrée  dans  là  vîi»,  o^ 

a u*elles soient  innées  en  nous;  mais  on  a  rait  jiisin-^ 
e  cette  opinion.  Un  seul  fait  d'ailleurs  avraît  sn(k 
pour  renverser  complètement  celte  théorie:  c*'^ 
rignorance  des  sourds-muets  de  naissance  ;  c\*&i  i« 
vide  que  Ton  peut  constater  dans  leur  iDleiii^nr* 
avant  qu*il8  aient  été  mis  en  rapport  avec  les  i<* 
tiens  ou  les  tra^iUtions  sociales,  i 


» 


PSY 


mcnoNNAïae  apologétique. 


PSY 


ranl  par  Teffosion  de  la  lumière  orale  ce 
[a^avait  eoimnencé  en  lui  le  doQ  de  la  la- 
nière intelligible  et  de  la  hiiaière  sensible, 
fais  il  était  résenré  à  notre  époque  d'ac- 
juérir  de  eette  Térîté  nne  démonstration 
Qssi  roenreillense  aa*inattendue. 
«  Vers  la  fin  du  dernier  siècle,  un  prêtre 
inçais,  touché  du  malheur  de  ces  pauTres 
réatares  qui  naissent  prirées  de  la  parole 
arce  qu'elles  naissent  prirées  de  Touîe,  cir- 
onstance  qui  atteste  encore  Tétroite  liaison 
Q  mystère  delà  parole  avec  le  mystère  d'un 
Dseignement  préalable  ;  un  prêtre,  dis-je, 
>DebédQ  sort  des  sourds-muets,  consacra  sa 
m  à  les  tirer  de  leur  douloureuse  solitude. 


fcretdc  leur  état  intérieur.  Il  y  parvint.  La 

ijjrîfé,  plus  ingénieuse  que  l'infortune,  eut 

L*  U.tnbear  d'ouTrir  les  issues  que  la  nature 

•cait  fermées,  et  de  verser  en  des  âmes 

f  *<ures  el  captives  la  lumière  ineffable, 

^i«.»t<|iie  imparnlile,  de  la  parole.  Le  bien- 

i  était  grand,  laf  récompense  le  fut  davan* 

^  -«.  Dès  qu'on  put  pénétrer  dans  ces  intel- 

^.vroccs  inconnues,  l'investigation  n'y  dé- 

itht  rien  qui  ressemblât  à  une  idée, 

r  te  dîs  pas  seulement  à  une  idée  morale 

ei  reripeise,  mais  à  une  idée  métaphysique. 

tvQi  y  était  image  de  ce  qui  tombe  sous  les 

^r.s  n'en  de  ce  qui  tombe  de  plus  haut  dans 

f<prïL  La  sensation  y  était  prise  en  flagrant 

cil  dMmpuissance  ;  que  dis-je,  la  sensa- 

>Q  ?  L'intelligence  elle  -  même,  quoique 

.Qée  de  la  semence  idéale  de  la  vérité,  quoi- 

Je  assistée  de  la  révélation  du   monde 

-osible,  l'intelligence  apparaissait  dans  les 

•ords-aiaets  à  l^tat  do  stérilité.  Des  hom- 

«déjà  mûrs  d'âge,  nés  dans  notre  civili- 

tioBt  qui  ne  l'avaient  jamais  quittée,  qui 

aient  assisté  à  toutes  les  scènes  de  la  vie 

I  famille  et  de  la  vie  publique,  qui  avaient 

(  oos  temples,  nos  prêtres,  nos  cérémonies, 

«  hommes  interrogés  sur  le  travail  intime 

leurs  convictions,  ne  savaient  rien  de 

eu,  rien  de  Tâme,  rien  de  la  loi  morale, 

fn  «le  Tordre  métaphysique,  rien  d*aucun 

i  l*rincipes  généraux  de  l'esprit  humain. 

étaient  à  1  état  purement  instinctif.  L'ex* 

rieoce  a  été  répétée  cent  fois,  cent  fois 

c  a  donné  les  mêmes  résultats  ;  c'est  à 

me  si,  dans  la  multitude  des  documents 

liiiés  jusque  ce  jour,  oq  aperçoit  quelques 

uies  ou  quelques  dissidences  sur  un  fait 

ssi  capital,  qui  est  la  plus  grande  décou- 

rie   |isycbolo^que  dont  puisse  se  vanter 

j^toire  de  la  philosophie.  Quoi  donc  1  la 

:i>éc  avait-elle  reçu  dans  la  parole  un 

xiliaire  si  indispensable,  que,  sans  son 

ours,  l'homme  était  condamné  à  ne  pou- 

■r  sortir  du  règne  des  sensations?  La  pa- 

e  était-elle  pour  toutes  les  opérations  de 

itelligence  •  le  point  ou   le   moyen  de 

lotion  entre  l'âme  et  le  corps  ?  Notre  dou- 

^  nature  exigeait-elle  cQtIo  sorte  d*incar- 

t'Mti  de  ce  qu'il  jr  a  de  plus  immatériel  au 

rWe,  ou  bien  Dieu   avail-il   voulu   nous 

ï*  touiiTendre  ia  dépenlauce  de  notiecs» 


9» 


pri  t  en  le  rendant  incapable  de  se  fëeonoer  sans 
1  action  extérieure  de  l'enseignement  oral  ? 

«  Quelle  qu'en  soit  l'explication,  il  était 
constant  que  l'homme  ne  parle  qu'après 
avoir  entendu  parler,  et  qu'il  ne  pense  qu'ar 
près  que  les  idées  contenues  dans  la  parole 
ont  éveillé  le  germe  intelligible  déposé  au 
fond  de  son  entendement.  S^il  ne  possédait 
pas  ce  germe  intelligible,  c'est  en  vain  que 
la  parole,  passant  à  trarers  l'ouïe,  irait  sollici- 
ter son  intelligence,  il  ne  l'entendrait  que 
comme  un  son  et  non  comme  une  exprès* 
sion,  comme  un  son  vide  et  non  comme  une 
expression  vivante  de  ia  vérité.  Hais  la  vé* 
rite  préexiste  en  lui,  à  la  manière  dont  l'ar- 
bre préexiste  dans  sa  semence,  et  dont  la 
conséquence  préexiste  dans  son  principe. 
De  même  que  l'enseignement  postérieur  fait 
éi:lore  en  chacun  de  nous  une  multitude  in- 
nombrable de  déductions  renfermées  dans 
les  idées  premières,  mais  dont  notre  esprit 
n'avait  pas  conscience  ;  de  même,  l'ensei* 
(^ement  Initial  fait  apparaître  à  notre  œil 
intérieur  les  idées  premières  elles-mêmes. 
Vous  trouverez  naturel  que  la  parole  vous 
révèle  les  mathématiques,  bien  que  vous  les 
possédiez  tout  entières  dans  les  notions  pri* 
mordiales  d'unité,  de  nombre,  d'étemlue, 
de  pesanteur  :  pourquoi  vous  semblerait-il 
étrange  que  la  parole  vous  fit  apercevoir 
aussi  les  notions  d'unité,  de  nombre,  d'éten* 
due,  de  pesanteur,  qui  sont  la  base  des  ma- 
thématiques ?  L'un  des  phénomènes  n'est 
pas  plus  singulier  que  Tautre;  peut-être 
même  est-il  plus  aisé  d'entendre  le  sommeil 
intégral  et  profond  d'une  faculté  que  rien 
d'analogue  à  elle  n'a  encore  remuée,  gue 
d'entendre  pourquoi  cette  faculté,  une  fois 
mise  en  exercice,  s'arrête  dans  sa  voie,  et 
attend  que  la  parole  lui  manifeste  de  snnpiea 
conséquences  de  ce  qu'elle  voit  clairement. 
Toujours  est-il  que  le  fait  est  incontestable, 
et  que  la  parole  est  le  moteur  primitif  et 
nécessaire  de  nos  idées,  comme  le  soleil,  en 
agitant  par  son  action  la  vaste  étendue  de 
l'air,  y  produit  la  scintillation  brillante  qui 
éclaire  nos  yeux. 

c  11  suit  de  là  que  la  doctrine  catholique 
est  dans  le  vrai  lorsqu'elle  nous  montre 
Dieu  enseignant  le  premier  homme,  soit  en 
faisant  jaillir  la  vérité  de  son  intelligence 
par  la  percussion  du  Verbe,  soit  en  lui  an^ 
nonçant  des  mystères  qui  surpassaient  les 
forces  de  l'ordre  purement  idéal.  En  efiet, 
puisque  l'homme  ne  pense  et  ne  parle  qu'a* 
près  avoir  entendu  parler,  et  que,  d'une  autre 
ftart,  les  çénérations  humaines  viennent 
aboutir  è  Dieu,  leur  Créateur,  il  s'ensuit  que 
le  branle  premier  de  la  parole  et  delà  pensée 
remonte  è  l'heure  de  lacréation  etaété  donné 
è  l'homme,  ifui  ne  possédait  rien,  par  celui 
qui  possédait  tout  et  qui  voulait  lui  tout 
communiquer.  Une  fois  ce  mouvement  inn 

Iirimé,  la  vie  intellectueUe  a  commencé  pour 
e  genre  humain,  et  ne  s'est  plus  arrêtée  de* 
fmis.  La  parole  divine,  immortalisée  sur  les 
èvres  de  l'homme,  s'est  r<^pandue  comme 
un  fleuve  intarissable  et  divisé  en  mille  la- 
mcaux  à  travers  les  vicissitudes  des  natious, 


955 


QfJl 


DICTIONNAIRE 


et  conservant  sa  force  aussi  bien  que  son 
unité  dans  le  mélange  infini  des  idiomes  et 
des  dialectes,  elle  perpétue  au  sein  même  do 
Terreur  les  idées  génératrices  qui  consti- 
tuent le  fond  populaire  de  la  raison  et  de  la 
religion.  Si  la  liberté  humaine  en  vicie  ren- 
seignement, ce  n'est  que  d'une  manière  li- 
mitée; ses  efforts  n'atteignent  pas  jusqu'aux 
dernières  profondeurs  de  la  vérité.  La  parole, 
par  cela  seul  qu'elle  est  prononcée,  porte 
dans  son  essence  une  lumière  qui  saisit 
l'âme  et  se  la  rend  complice,  sinon  pour 
tout,  du  moins  pour  les  principes  fonda- 
mentaux sans  lesguels  l'homme  s'évanouit 
tout  entier.  Ainsi,  Dieu,  par  l'effusion  de 
son  Verbe  continué  dans  le  nôtre,  ne  cesse 
de  promulguer  l'évangile  de  la  raison,  et 
tout  homme,  quoi  qu'il  fasse,  est  l'organe  et 
le  missionnaire  de  cet  évangile.  Dieu  parle 
en  nous  malgré  nous  ;  la  bouche  qui  le 
.blasphème  contient  encore  la  vérité,  1  af>os- 
tat  qui  le  renie  fait  encore  un  acte  de  fui,  le 
sceptique  qui  se  rit  de  tout  se  sert  de  mots 
qui  affirment  tout  (1012).  » 

Oui,  la  parole  de  Dieu  a  commencé.  De- 
puis le  jour  glorieux  oii  l'homme  fut  créé 
et  couronné  d  honneur,  un  mouvement  d'in- 
telligence religieuse  a  été  imprimé  au  mon- 
de, une  grande  lumière  a  été  mise  sur  la 
tète  de  Tnomme  ;  malheur  à  celui  qui  ne  le 
reconnaît  pas,  parce  que  toutes  les  tradi- 
tions, les  lois  de  Tesprit,  les  données  et 
jusqu'à  la  faiblesse  de  la  raison  (1013)  con- 
Jessentle  dogme  d'une  révélation  primitive  ; 
malheur,  dis-je  avec  le  livre  des  traditions 
sacrées,  à  celui  gui  le  nie?  parce  qu'il  se  ré- 
duit à  l'état  bestial,  il  necomprendplus,  il  se 
compare  et  se  fait  semblable  à  l'anima!  (lOU). 

Catholiques,  gardons  noire  couronne.,  notre 


APOLOGETIQUE.  QUI  n 

• 

foi,  notre  espérance  et  notre  amoar^teDons- 
nous  debout  sur  notre  haute  citadelle  ;Dihi 
la  garde,  elle  est  bâtie  sur  sa  vérité.  Plà(< 
dans  les  profondeurs  d'une  vallée,  Thomiik 
voit  à  peine  le  brin  d'herbe  qa*il  foule, et 
la  haie  qui  borne  son  champ;  tout  le  r^^te 
se  perd  ou  se  cache.  Qu'il  gravisse  la  iijoq« 
tagne,  le  ciel  devient  immense  ;If'^8stresse 
lèvent  et  se  couchent  devant  lui;  son  (ri 
embrasse  bois,  montagnes,  fleuves,  vllie$cl 
villages;  c'est  un  aigle  qui  plane  sur  an 
contrée.  Que  l'homme  redescende,  loij 
s'éclipse  de  nouveau  ;  à  mesure  quiisâo^ 
gne  du  sommet,  le  ciel  se  tait  petit  sur 
iéte,  le  jour  diminue,  les  ténèbres  se  fi 
l'aigle  est  redescendu  à  cùté  de  Tini 
Laissons-nous  donc  emporter  sur  les 
de  la  révélation  ;  les  paroles  de  Dieu,  r^ 
tées  par  les  traditions  générales,  valent 
ce  me  semble,  celle  d  un  homme  reoipiii 
misères  et  de  tremblements.  Croyons 
disent  de  jeunes  voyageurs  oui  onlso 
les- douleurs  de  l'égarement  dausTiotli 
dance  de  la  raison,  croyons,  et  lediMC 
doctrines  humaines  se  dissipera, la /wr' 
notre  partage,  nous  marcherons  me 
rance  ;  à  la  hauteur  de  la  révéJaM 
est  plus  léelle,  comniola  portée  de  Td 
vaste  (1015). 

PSYCHOLOGIE  dts  races  indi^iaet 
l'Amérique.   Voy.  Races  humaines,  i 
—  Des  nations  africaines,  hotlenloK^s, 
Ibid.  §IX.— Des  nègres  africains.Mt 

PUFFENDORF,  erreur  sur  l'éUl  de 
ture.  Vqy.  Psychologie,  §  IL 

PYÏELVGORE,  son  panthéisme  idéal! 
Yoy.  Panthéisme,  §  I. 

PYTHON,  le  même  que  Typfaon,Dier 
mal.  Voy,  Démon,  §  IV.  \ 


Q 


ODESNEL.  Voy.  CLÉMETf  XL 

QUJNET  (M.  Edgar)  prétend  qne  saint 
Pierre  voulait  que  les  Chrétiens  Judaïrassenl; 
réfutation.  Voy,  Pierre  (l'apôtre  sftint),  §  I  ; 
—  admet  un  antagonisme  de  doctrine  en- 
tre saint  Pierre  et  saint  Paul.  Ibid.,  §  II  ;  — 
attribue  un  christianisme  indépendant  à 
wint  Paul.  Ibid.j  §  IIL  —  Ses  erreurs  sur 
saint  Grégoire  VII  refutées.  Voy.  Gré- 
goire VIL  —  Origine  de  l'Eucharistie;  ré- 

(1012)  Voy.  49'  conférence  de  Notre-Dame  (an- 

(115)  Bayle,  art.  Manichéens^  noie  D,  lom.  II. — 
D'Alembert,  Kioge  de  BerncuiUy. 

(HHi)  Davib,  E€rU,Êaintey  passif». 

(1015)  On  trouver  a.  réunis  dans  noire  ouvrage  du 
Langage,  d^à  cilé,  un  nombre  considérable  de  témoi- 
gnages à  Tappui  du  sentiment  qui  admet  la  nécessité 
<Ju  langage  et  de  reusaiguement  pour  la  constitu- 
tion de  la  raison  humaine.  On  y  trouvera  également 
la  rcruutioD  des  systèmes  rationalistes  sur  cette 
même  question. 

It  vitnt  de  paraître  sur  cet  important  snjei  denx 
ouvrages  nouveaux.  L'un  a  |»our  trtte  ;  Essai  sur 


futolion.  Voy.  Eucharistie,  $  IV.  —  S*' 

tredit  et  contredit  J.  Reynaud  sur  la  tli 
gie  des  mages.  Voy.  Mazdéisme,  §11. 
erreurs  sur  Clément  XI  et  la  bulle  In 
/!«;  réfutation.  Voy.  ClémextXI. - 
sur  la  filiation  dos  langues.  Voy.  Btfll 
BiAi!VEs,  §  V.  —  Réfute   Strauss,  l'tfj 

TUISME,  §  III  etX. 

QDIRINUS,  gouverneur  de  Syrie;  di 
tés.  Voy,  hvc  (Saint)  évangéliste. 

Vaclimlé  du  principe  pensant^  par  M.  P.  fej 
rédacteur  du  Journal  historique  de  Lié^:  \ 
est  intitulé  :  Dé  h  valeur  de  la  raison,  p»r  ^ 
Chast«^l.  On  r..^grette  de  voir  ces  deux  iote)i>^ 
d^ailleurs  si  distineuëes,  épaiser  leurs  f^^^^ 
faire  valoir  une  série  de  prétendues  àltècwti 
puis  longtemps  résolues  et  la  plupart  tres^ 
tiques,  sans  avoir  pu  ou  osé  abordfr  ce  qui  j 
fond  même  de  la  question  :  Le  rôle  pty^^^"* 
du  langage  dans  la  consiilutian  de  la  rahon.  [ 
sur  ce  terrain  que  nous  avons  appelé  raiiofl-i*^ 
et  ir^iditionalisles.  En  dehors  du  proWewf  >] 
l'Osé,  on  fera  de  la  controverse  saus  alioaur, 
avancer  d'un  pas 


M 


RAC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


R 


RACES  HUMAINES. 

Dieu  9  fait  naître  d'an  seot  tmlle 
laraee  InraiaiBe  pour  habiter  saivloote 
•a  faee  de  la  terre,  détenoinaol  let 
temps  de  la  dorée  des  peuples  et  les 
Ufliites  de  leor  demeure. 
(S.  Pacl,  Actes  des  apàûres,  xim,  Î6.) 

M.lioioiDe,  soomis  par  son  organisalîon  a 
iKre,  k  crottre  et  à  moorirt  subit  des  lois 
>7DmoDesk  tous  les  élres  animés:  mais  un 
tc-actère  si  parlicalier  et  si  sublime  le  dis- 
n.  sue,  qn*il  est  impossible  de  supposer  le 
i^port  même  le  plus  éloigné»  entre  lui, 
e  pour  le  commandement,  et  les  brutes 
>  Toées  uniquement  sur  la  terre  au  soin  de 
:  OAorrir  et  de  se  propager.  Son  altitude 
rriite  et  élerée,  qui  indiaue  le  conrage  en 
lème  temps  que  la  dignité;  ses  mains,  ins* 
rninenls  dociles  de  sa  volonté,  qui  eiécu» 
;nt  les  plus  ma^ifiques  et  les  plus  utiles 
'jTra^;  ses  yeus,  qui  s'éloignent  de  la 
'•nssière,  et  dont  le  regard  intelligent  peut 
ion4n  rimmensité  des  cieui  ;  ses  orôines 
q>j%  lii  permettent  d'exprimer  sa  pensée  par 
Ues  sons  articulés  d'une  variété  infinie; 
f  unioo  admirable  de  la  force  et  de  l'agilité 
'J05  fous  ses  membres  ;  enfin  l'harmonie  et 
1  perfection  de  tous  ses  sens,  lui  assignent 
-  preiDier  ranj;  parmi  les  êtres  créés  et  lui 
'>&neot  le  droH  de  réclamer,  aussi  bien  que 
fK/OToir  de  retenir  l'empire  de  la  terre. 

La  parole  de  Dieu  a  toujours  considéré 
liumanité  comme  descendant  d'un  père 
Gii.fue  et  le  grand  mystère  de  la  rédemption 
pckse  snr  la  croyance  que  tous  les  hommes 
\l  {léché  dans  leur  père  commun.  Suppo- 
z  différentes  créations  d'hommes  sans 
;>f<ort  entre  elles,  et  le  profond  mystère 
I  péché  originel  et  celui  Je  la  rédemption 
ot  eflacés  de  nos  livres  saints.  On  corn- 
trnd  dès  lors  de  quelle  importance  ri  est 
'  répondre  aux  raisonnements  de  ceux  qui 
étendent  qu'il  est  impossible  de  réduire 
i  variétés  des  familles  humaines  k  une  seule 
pèce  on  de  les  ramener  à  un  premier  père, 
'  devons^nous  pas  répondre  k  ceux  qui 
iriuent  que  l'histoire  naturelle  a  montré 
s  divisions  si  profondément  tranchées 
tre  les  caractères  physiques  des  différen- 
s  nations,  que  jamais  Tune  n'a  pu  sortir 
l'autre,  et  que  l'action  d'aucune  cause 
.'iztnable,  instantanée  ou  progressive,  n'a 
nais  pu  convertir  la  forme  et  la  couleur 
jn  Européen  en  celle  d'un  nègre,  ou  chan- 

I  lOIG)  AtfXêanpoc  xaxà  jà  f  9vq,  ocra  idftpt  ta;  Z^^ttc, 
L  7K  «Oq,  oet»  Af/uiTTiOf,  xoi  Opôxcc,  xac  Zxu9»c, 

hmignomûmef  cap.  1  ;  0pp. ^  Paris,  1619,  t.  I, 
iltpy.) 

liOlT)  Ol  Symt  fUXaiftç  9tiXot*  cêvc^cpcrflu  ini  toù^ 
r-f'xwan^ç^  nd  AfOioirof.  {Pkysiognom.,  cap.  6,  page 
S9.  )  Aak  Tt  o2  AcOioiTf;  nal  oé  AcyvirTiot  ^Olâcaot 
'o;...  Zr^imf^t  a  3qû  ed  T/n^ri;*  orAvrépaç  yip  <xo*j' 
'-  l*»obinH,^  secL  il,  I.  Il,  p.  750,j 


Ser  *a  peau  de  l'Ethiopien  an  point  de  pro* 
uire  la  race  asiatique? 

II. 

Coup  o'œfl  sm  l'histoire  oe  h  race  bouuine  oans  l'anlir 
quité  et  dans  les  temps  modeniea.  —  Cbssificatloo  éu% 

,  biie  par  let  Greei,  —  par  lef  Egyptien.  —  Ecriviiiis 
réeenu:  ^yatèae  de  Campet ;  qrstène  de  Maneobadi. 
Distribatioo  géograpliiaoe  des  funilles  bomaioes.  — 
KcriTains  qai  nieot  Vauté  de  la  raee  hamaiDe:  Virejr, 
DesaNmlins,  Bory  de  St-ViaeeDl,  Lamar^  P.  Bérvd, 
de  ne&BDcat. 


Jetons  d*abord  un  coup  d'œil  historique 
sur  la  question.  Aristote  paraît  avoir  cens* 
taté  la  classification  des  races  humaines 
qui  prévalait  de  son  temps,-  lorsqu'il  dit 
quec  les  anciens  physionomistesdéciuaientclu 
caractère  d*une  personne  par  la  resseiq* 
blance  de  ses  traits  avec  ceux  des  nations, 
qui  différaient  par  l'aspect  des  manières, 
comme  les  Egyptiens^  les  Thraces^  les  Sey^ 
ihes  (1016}?  »  Ces  trois  peuples,  avec  les 
Grecs  ^  qui  sans  aucun  doute  servaient  de 
premier  terme  de  comparaison,  formaient 
alors  les  quatre  races  d  nommes  ;  mais  il  est 
encore  assez  difficile  de  déterminer  ce  que 
l'on  doit  entendre  par  les  trois  races  dont 
parle  Aristote. 

Et  d'abord  il  est  très-probable  aue  par  la 
race  égyptienne  f  Aristote  entend  la  race 
nègre;  et  on  en  a  la  preuve  en  ce  qu'en 
plusieurs  autresendroits,  il  joint  ensemble  les 
races  égyptienne  et  éthiopienne,  leur  attri- 
bue les  îuèmes  qualités,  comme  la  timidité, 
des  jambes  crocnues,  des  pieds  difformes, 
des  cheveux  laineux,  et  donne  pour  cause  h 
tous  ces  effets  la  chaleur  du  climat  (1017), 
Hérodote  est  encore  plus  précis  sur  ce  point; 
car  en  parlant  des  habitants  de  la  Colchide, 
il  dit  cpi'il  est  prouvé  qu'ils  descendent  des 
Egyptiens,  parce  qu'ils  sont  noirs  et  ont  la 
tête  laineuse  (1018). 

Pour  expliquer  cette  opinion  des  anciens 
auteurs ,  Biumenbach  a  supposé  que  la 
race  égyptienne  avait  dégénéré  dans  la  suite 
des  siècles,  et  a  essayé  de  prouver  par  des 
monuments  qu'il  y  avait  eu  trois  tvpes  dans 
ce  peuple,  le  premier  qui  s'approcne  du  mo« 
dèle  du  nêgrCf  le  deuxième  de  IVndoii,  et  le 
troisième  du  Berber  ou  Egyptien  ordinairt» 
(1019)  ;  mais  cette  opinion  est  insoutenable^ 
En  effet ,  les  monuments  nous  montrent 
constamment  le  corps  des  Egyptiens  pein| 
en  rouge  ou  basané^  avec  de  longs  cheveuJi^ 
flottants^  et  parfaitement  distingué  de  celui 
des  nègres  qui  sont  toujours  peints  d'une 

11018}  *Oti  tuïônypois  Uat  xax  crjXQXM^iç.  (Lib.  U« 
04, 1, 1,  p.  157.  éd.  LondoD,  1824.) 
*  (1019)  Decjls,  ColUcttonit,  craniorutn  diversontm 
gftttiumiliustraia;G(BUin%.^  1790,  p.  il. -^Spéci- 
men historiœ  naturalis  antiquœ  artis  operibus  illu- 
siratœ.  Ibid^  1808,  paije  \\.  —  Beitr(ege  iur  naïur^ 
qesch'ichle;  2  ter.,  Ib.  io  1811  ;  Dueieblct,  Katicnat 
physioqttomonie  unter  den  alUn  j^^pUru^  p,  130» 


959 


RAG 


DiCTlOUNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RÂC 


couleur  noire  arec  des  cheveux  crépuê^  c'est- 
à-dire  avec  les  caractères  que  présentent 
encore  les  nègres  (1020).  D'ailleurs,  les  mo- 
mies, dont  on  a  ourert  un  si  grand  nombre 
de  nos  jours,  offrent  toujours  dans  leur 
crâne  la  forme  europe'enne  ou  cmucasienne^ 
et  leurs  cheveux  sont  moins  noirs,  bien 
plantés,  longs,  et  divisés  en  nattes  retrous- 
sées sur  la  ti&te  fl021}. 

Il  faut  donc  absolumen»  conclure  que  les 
Grecs  qui  visitèrent  l'Egypte ,  voyant  au 
milieu  de  ces  peuples,  dans  leurs  villes  et 
dans  leurs  armées  un  srand  nombre  de  nè- 
gres éthiopiens  ou  africains,  les  ont  pris 
pour  la  race  indigène.  Quant  aux  divisions 
établies  par  les  égyptiens  eux-mêmes  les 
découvertes  modernes  nous  prouvent  qu'ils 
en  reconnaissent  quatre  comme  les  Grecs, 
et  qui  sont,  selon  M.  Chamnollion,  les  Egyp* 
tient^  les  Aiiatiqueê^  les  negreê  et  les  Euro'- 
péem.  Nous  y  reviendrons  tout  à  l'iieure. 

Le  second  peuple  mentionné  par  Aristote 
sont  les  Scyihet;  or  par  Scyiket  il  faut  en- 
tendre sans  aucun  doute  les  tribut  germa* 
niques  éparses  alors  dans  la  totalité  de  la 
Scy  thie.  Ovide  en  offre  les  traits  caractéristi- 
ques, quand  il  nous  les  représente  avec  une 
chevelure  jaune  ou  blonde^  et  n'étant  jamais 
coupée  (1022).  Hérode  les  dépeint  sous  le 
nom  de  Boudini^  qu'il  appelle  une  nation 
grande  et  nombreuse,  avec  des  yeux  extrê- 
mement bleus  et  les  cheveux  rouges  (1023); 
d*ailleurs,  ce  fait  de  la  dispersion  de  la  race 
germanique  dans  une  partie  de  l'ancienne 
Scythie,  a  été  confirme  par  Abel  Rémusat 

Ainsi  Aristote,  par  les  Ethiopiens  et  les 
Scythes,  a  voulu  caractériser  les  deux  plus 
grands  contrastes  de  la  couleur  des  races  hu» 
raaines,  la  noire  des  Éthiopiens,  et  la  blanche 
i\^i  Germains  . 

Quant  aux  Thraces^  qu'il  donne  comme  la 
troisième  race,  différente  des  autres,  il  est 
très-probable  qu'il  a  voulu  parler  de  la  race 
couleur  olive  ou  mongole. 

Passons  Maintenant  i  la  classification  éta- 
blie par  les  Egypiieus.  C'est  aux  découvertes 
de  notre  illustre  Champollion  que  nous 
devons  ce  curieux  document.  Suivons- le 
dans  les  catacombes  de  Biban-el-Molouck. 

«  Dans  la  vallée  proprement  dite  de  Biban- 
el-Molouck,  nous  avons  admiré,  comme 
tous  les  voyageurs  qui  nous  ont  précédés, 
l'étonnante  fraîcheur  des  peintures  et  la  fi- 
nesse des  sculptures  du  tombeau  d'Ousiréi 
l",  qui,  dans  ses  lé^çendes,  prend  les  divers 
surnoms  de  Noubéi,  d'Athothi  et  (ÏAmonéi^ 

(1020)  Voyez  les  figures  coloriées  dans  les  Vojaaes 
de  HosKiNs  en  Ethiopie, 

(1091)  Ap.  DB  Sacy,  BelatioH  de  CEwpie.  par 
AlHl-Allaiir;  Paris,  1810,  page  269.  [rallié^ 

(10z2j  Hie  mea  eut  recttem  msî  flatfii  êcripta  Co- 
Qua$(jue  aliai  gentes  barbarui  hter  habet  ? 
{Eptêl.  de  Ponto,  lib.  iv,  ep.  2,  37,) 

Los  Coralli  semblent  devoir  se  confotidre  avec  tes 
Gèles,  on  comparant  ép.  8,  83  avec  10,  2.  IJn 
éiymologiste  ^  imagination  pourrait  les  regarder 
comme  les  aiic^Ares  d«s  Kouriles.  \iasqm\ 

Mixia  if(  hwc  (gen»)  uunthvii  inur  Grccscotaue  6V«- 


et  dans  son  tombeau,  celui  d'OiiiîrA;!Diis 
cette  belle  catacombe  dépérit  chaque  jour. 
Les  piliers  se  fendent  et  se  délitent;  lespla- 
fonds  tombent  en  éclats,  et  la  peinture  m* 
lève  en  écailles.  J'ai  fait  dessiner  et  colontf 
sur  place  les  plus  riches  tabieaui  de  «tt 
hypogée,  pour  donner  en  Europe  une  idéi 
exacte  de  tant  de  maznificence.  J'ai  fait  é^ 
lement  dessiner  la  série  des  peupltt,  &gud| 
dans  un  des  bas-reliefs  de  la  première  sall| 
à  piliers.  J'avais  cru  d'abord,  d'après  lu 
copies  de  ces  bas-relieis  publiées  en  k^^ 
terre,  que  ces  quatre  peuples,  de  race 
différente,  conduits  par  le  Dieu  Eùrut^ 
nant  le  bAtoa  pastoral,  étaient  les  oai 
soumises  au  sceptre  du  Pharaon  Ouâi 
l'étude  des  légendes  nous  bit  conoatm 
ce  tableau  a  une  signifkalion  plus  géaéi 
Il  appartient  h  la  troisième  heure  du  ' 
celle  où  le  soleil  commence  è  bire 
toute  l'ardeur  de  ses  rayons,  et 
toute  les  contrées  de  notre  bémispbta. 
a  voulu  y  représenter,  d'après  la 
même,  les  habitasUs  de  rEgypUHm 
contrées  étrangères.  Nous  avovte 
sous  les  yeux  l'image  des  dinM 
thonmu  connues  des  EgjptieiîSit 
apprenons  en  mftme  temps  les  gra  ' 
sions  géographiques  ou  éthnoya^f 
blies  a  cette  époque  reculée. 

«  Les  hommes»  suidés  par  le  pastenrd 
pies,  Hôrus,  sontpgurésaunombrede 
mais  appartenant  à  quatre  famiUtt  bieij 
tinctes.  JLes  trois  premiers  (les  plus  t^ 
du  dieu)  sont  de  cou/eurrotij;e«om6re, 
bien  proportionnée,  physionomie  doucei 
légèrement  aauilin,  longue  chevelure' 
tée,  vêtus  de  blanc  ;  et  leur  légende  1 
signe  sous  le  nom  de  rot-c!i-ke  bovs 
race  des  hommes^  les  hommes  pareicell^ 
c  est-k-dire  les  Egyptiens. 

«  Les  trois  suivants  présentent  ub 
très-différent  :  peau  couleur  de  chair 
sur  le  jaune,  au  teint  basané,  nezforie 
aquilin,  barbe  noire,  abondante  et  tera 
en  pointe,  court  vêtement  de  couleurs 

riées;  ceui-ci  portent  le  nom  de»" 
(les  Asiatiques). 

«  Entin  les  trois  derniers  ont  la  tei 
peau  que  nous  nommons  couleur  di 
ou  peau  blanche  de  la  nuance  la  plus 
cato,  le  nez  droit  ou  légèrement  vo  ' 

Jeux  bleus,  barbe  blonde  ou  rousse, 
au  te  et  très-élancée,  vêtus  de  vei^^ 
bœuf,  conservant  encore  leur  poili  ^ 
blés  sauvages  tatoués  sur  diverses  i 

A  malt  pacatiê  ptUê  tnkU  ota  CeiU..»* 
Vo»  fera,  flux  9ultut,  verissiaui  Mann  i»H^ 
JSon  coma,  non  ulla  bmrba  re«cc'a  sv- 

(THK.,  lib.  v.eleg.«.l'^ 
Lucoin  (llh*  i),  parlant  d'une  triba  genuam 
dit: 

Et  vot  crimaero$  bellis  arcere  Ckûiff^i' 

et  XXI. .) 
(1021)  licchcvchcs  surict  /ifif/Ki'?  Inrlnrc^*  p- 


ri 


RAC 


DICTMHINAIIIE  MHHjOGCTIQOK. 


RAC 


vvS 


la  corps  ;  oo  les  nomme  taiiiioo  {U$  Euro- 

<  Je  me  hâtai  de  chercher  le  tablera  cor* 
espondant  à  celol*ci  dans  les  autres  tombes 
0  aies,  et  en  le  retrouvant  en  effet  dans 
•Jusîeurs,  les  variations  qoej'yobserrai,  me 
DQTaio<)airent  pleinement  qu'on  a  voulu 
i,nirer  ici  fat  kabiianiê  des  qiatre  parties  du 
t^mdtf  selon  Tancien  système  égyptien» 
aroir  : 

«   I*  £ef  kAiUmiê  de  FBgyple^  qui,  à  elle 
eule,  formait  une  partie  du  monde ,  d*a- 
le  irèsHUodeste  usage  des  anciens  peu- 


-^t 


•    ^  Les  Asiaiiquee  ; 

«  3*  Les  habitants  de  Y  Afrique,  les  n^e$: 
a  i*  Eoin  (et  j*ai  honte  de  le  dire»  puisque 
^tsf  race  est  la  dernière  et  la  plus  sauvage 
7  Ca  série),  les  Euroféem^  qui,  k  ces  épo- 
-j^  rtcolées,  il  faut  être  juste,  ne  faisaient 
t«>  uae  trop  belle  figure  dans  ce  monde.  11 
ija  t  entendre  ici  tous  les  peuples  de  race 
.•"««ode  et  k  peau  blanche,  habitant  non- 
r  jakoeat  FEurope,  mais  encore  VAsie^  leur 
'    ^ot  it  départ 

^  Cette  manière  de  considérer  ces  tableaux 
^  U'iutaot  plus  la  véritable,,  que,  dans  les 
»  jtrts  tombes,  les  mêmes  noms  génériques 
T-;/^nismt,  et  constamment  dans  le  même 
^'f»rt.  Oa  y,  trouve  aussi  les  Egyptiens  et 
'.>  J/rkains  représentés  de  la  même  ma- 
L.ere,(eqai  ne  pouvait  être  autrement;  mais 
:5  Acnan  (les  Asialiaues),  et  les  Tumhou 
r^  rdtes  européennes),  ourent  d'importan- 
«  et  curieuses  variantes. 

«  Au  lieu  de  V Arabe  oo  du  Juif^  si  sim- 
-î^fiieol  vêtu  dans  le  tombeau  d*Ousire'i, 
uie  a  pour  représentants  dans  d'autres 
«4«ljeiax  (ceux  de  Rbamsès-Meïamoun , 
..y,  trois  individus,  toujours  k  teint  ba- 
Âê,  nez  aquilin,  œil  noir  et  barbe  touffue, 
ai  s  costumés  avec  une  rare  magnificence. 
uis  fun,  ce  sont  évidemment  des  As$y^ 
tm  :  leur  costume.  Jusque  dans  les  plus 
tiu  détails,  est  parfaitement  semblable  k 
lui  iïcs  personnages  gravés  sur  les  cy Un- 
es assyriens;  dans  l'autre,  les  peuples 
fiJef,  oa  habitants  primitif  de  quelque 
rtie  de  la  Peree,  leur  physionomie  et 
UQoie  se  retrouvant  en  effet,  trait  pour 
it^  sur  les  monuments  dits  pereépoUiains» 
I  représentait  donc  VAsie  par  Tun  des 
a[4es  qui  l'habitaient  indifféremment. 
■  Il  en  est  de  même  de  nos  bons  vieux 
cètres  les  Tamhou:  leur  costume  est  quel- 
^foi^  différent  ;  leurs  tètes  sont  plus  ou 
•tas  chevelues  et  chargées  d'ornements 
iersifiés;  leur  vélenient  sauvage  varie  un 
u  dêiïs  sa  forme ,  mais  leur  teint  blanc, 
irs  yeux  et  leur  Ijarbe  conservent  tout  le 
raelère  d^nne  race  k  part.  J'ai  fait  copier 
colorier  cette  curieuse  série  ethnogra- 
ique.  Je  ne  m'attendais  certainement  «pas, 

arrivant  k  Biban-el-Molouk,  d'y  trouver 

1025)  Teir  LeUm  éeriUi  d^E^ypU  ei  de  Nmkie, 
itM  ci  1899  par  M.  CBAnreixMUi  le  jeune,  i»-^, 
±11  et  saiv. 
10z6)  Diwterimliom phiti^ue  de  M.  Pîene  (Uam, 


des  sculptures  qui  pourront  servir  de  vi- 

S  nettes  k  Thistoire  aes  habitants  primitifs 
e  l!£uropef  si  on  a  jamais  le  courage  de 
l'entreprendre.  Leur  vue  toutefois  a  quel- 
que chose  de  flatteur  et  de  consolant,  puis- 
qu'elle nous  lait  bien  apprfeier  le  chemin 
que  nous  avon^  parcouru  depuis  (1025).  • 

La  classification  de  la  race  humaine,  fon- 
dée sur  la  couleur  et  divisée  en  trois  bran- 
ches, dura  assez  longtemps*  La  terre  était 
divisée  aussi  alors  en  trois  zones;  les  hom- 
mes iris^biancê  occupaient  les  régiane  froi^ 
de$  ;  les  noire  habitaient  la  z6ne  torriae^  et 
les  kommee  blonds  et  au  teint  plus  ou  moins 
animé  habitaient  les  zones  tempérées. 

Dans  le  siècle  dernier,  la  pluiiart  des  au- 
teurs, Leibnitz,  Linné,  Buffon,  Rant,  Hun 
ter,  Zimmermann,  Meiners,  Klugeî,    etc., 
assirent  sur  ces  principes  leurs  systèmes, 
qui  sont  k  peu  prS^  tous  rejeiés. 

Vers  le  milieu  du  même  siècle,  on  for- 
mula un  nouveau  système.  Ce  système, 
iœac^iné  par  le  i^uverneur  PownalU  et  coor- 
donné, régularisé  par  Camper,  consiste  k 
classer  les  diverses  familles  humaines  sui- 
vant la  conformité  de  iitéte,  et  principale- 
meut  suivant  le  plus  ou  moins  d'ouverture 
de  la  ligne  faciale. 

Voici  quel  est  le  système  de  Camper,  et 
comment  il  expliquait  ce  qu'il  appelait  n 
ligne  faciale  ou  angle  facial,  comme  rajipel- 
lent  encore  quelques  naturalistes. 

Le  crâne  étant  vu  de  profil,  on  tire  d  abord 
une  ligne  du  trou  de  l'oreille  [meatus  audi" 
torius)  jusqu'k  la  base  des  narines;  ensuite 
une  seconde  du  point  le  plus  i»roémincntdu 
front  k  l'extrémité  de  la  mâchoire  supé- 
rieure ou  point  où  les  dents  prendront  ra- 
cine {la  saillie  alvéolaire  de  Vos  maxillaire 
supérieur).  Il  est  évident  qu'un  angle  se  for- 
mera k  l'intersection  de  ces  deux  lianes,  et 
la  mesure  de  cet  angle,  ou^  en  d'autres 
mots,  rinclinaison  de  la  ligne  tirée  du  sour- 
cil k  la  mâchoire,  donne  ce  que  Ton  appelle 
la  ligne  faciale^  et  forme  dans  le  srstème  de 
Camper  le  caractère  spécifique  de  chaque 
famille  humaine  (1026). 

Par  Finspection  de  la  planche  (fig.  1, 2, 
3},'  on  aperçoit  aisément  l'application  de 
cette  règle.  On  voit  que  l'angle  lacial  dans 
rorati^-oulan;,  espèce  qui  approche  le  plus 
de  la  forme  humaine,  est  d'environ  58  de- 
grés (fis.  1),  que  dans  le  nègre  et  le  Kal- 
mouck  la  mesure  est  de  70*  (fig.  2),  et  dans 
l'Européen  de  80*.  (Fig.  3.) 

Les  anciens,  qui  sans  aucun  doute  s'aper- 
çureni  que  raugmentation  de  Fangle  était 
en  proportion  avec  Tavancemeot  dans  Té* 
chelle  intellectuelle,  dépassèrent  la  ligne 
que  l'on  trouve  dans  la  nature,  et  dans  leurs 
ouvrages  les  plus  sublimes  ils  se  sont  aven- 
turés k  donner  au  front  une  saillie  proé- 
minente en  surplomb  qui  augmente  laogle 
facial  jusqu'k  95  et  même  100  degrés  (10B7). 

SUT  les  éigéreiues  réelles  fM  ffisentemî  les  trmks  dm 
nsage  ckts  Us  hommes  de  difirenis  ^9«,  etc.; 
Utreebl,  1791 ,  p.  3  M  55. 
(1027)  Vo^z  la  2*  plancke  deCASu^,  f.  3  et  4, 


9(3  I^G  DlCTIONNAmE  AP0LOGÉTIQt]& 

Co  fait  a  élé  posilivemenl  nié  par  Blu- 
jnenl)ach  ;  il  dit  que  toutes  les  représenla- 
fions  de  l'art  ancien  où  se  trouve  un  angle 
semblable  ne  sont  point  des  copies  exactes 
(1028).  Mais  je  pense  que  quiconque  exami«^ 
nota  les  têtes  de  Jupiter  dans  le  muséum  du 
Vatican,  parliculièpemenl  le  buste  dans  la 
grande  salle  circulaire,  ou  les  tètes  les  plus 
mutilées  des  marbres  d'Elgin,  sera  d'aris 
que  Camper  a  raison  sous  ce  rapport. 

Bhimenbach  corabatlilavecforce  le  système 
de  Camper,  «t  prouva  très-bien  que  le  plus  ou 
moins  d'ouverture  de  Vangle  facial  ne  pou- 
vait cependant  rendre  raison  des  différentes 
variétés  de  l'espèce  humaine,  et  que  d'ail- 
leurs il  était  sujet  à  de  nombreuses  excep- 
tions. Alors  il  invenla  lui-même  un  nouveau 
système,  lequel  consiste  à  classer  les  hom- 
njcs  d'après  la  largeur  de  leur  crâne^  et  puis 
d'après  la  couleur  des  cheveux^  de  la  p^au  et 
de  liris  des  jeux.  Voici  ses  paroles  : 

«  La  léte  ou  le  crâne  de  l'homme,  quand 
on  regarde  d'en  haut,  présente  une  forme 
plus  ou  moins  ovale,  doucement  arrondie  h 
rarrière,  mais  rugueuse  et  moins  régulière 
en  avant  ii  cause  des  os  de  la  face.  Si  nous 
examinons  le  crâne  et  la  face,  nous  verrons 
qu'ils  se  projettent  à  différents  degrés  et 
peuvent  se  diviser  en  trois  portions  ;  d'abord 
le  front,  qui  peut  être  plus  ou  moins  dépri- 
mé, ensuite  les  os  du  nez,  et  au-dessous  de 
ceux-ci  les  mâchoires  avec  leurs  dents  res* 
pectives.  11  faut  aussi  donner  une  attention 
particulière  h  la  manière  dont  l'os  malaire 
ou  de  la  pommette  s'aiuste  avec  le  temporal 
ou  0$  dei  oreilles  par  le  moyen  d*une  arcade 
appelée  zygomatique^  tellement  formée  que 
de  forts  muscles  peuvent  passer  par-dessous 
ei  aller  s'attacher  à  la  mâchoire  inférieure. 
{Yoy.  lig.  5.) 

«  Blumenbach  place  le  crâne  dans  sa  po- 
sition naturelle  sur  une  table,  la  partie  pos« 
térieure  du  côté  de  celui  qui  regarde,  comme 
il  est  placé  aux  fig.  ^,  5,  6,  et  alors  re^^ardant 
de  haut  et  d'aplomb  :  les  formes  relatives, 
les  proportions  des  parties  ainsi  visibles  lui 
donnent  ce  qu'il  ai^pelle  la  règle  verticale 
ou  norma  vertivalis.  En  suivant  celte  idée, 
il  divise  la  race  humaine  tout  entière  en 
trois  familles  principales  avec  deux  inter- 
médiaires. 

«  Des  trois  grandes  divisions,  il  appelle  la 
première  caucasienne  ou  centrale,  la  seconde 
éthiovienne,  et  la  troisième  mongole. 


KAC 


y* 


«t  En  examinant  les  dessins  faits  d«|i(^ 
ses  ouvrages,  on  aperçoit  i  Vinstanl  les  dif* 
férences  caractéristiques  de  ces  familK 
Dans  la  caucasienne^  ou,  coinnte  d'aulttt 
l'ont  appelée,  la  variété  circaaitnnt  {ï\^\ 
la  forme  générale  dn  cadre  est  plus  sjiqi 
trique,  les  arcades  zygomaliques  realr 
dans  la  li^nedu  trait  extérieur  générait , 
les  os  des  joues  et  des  mâchoires  som^nlfe 
rement  cachés  par  la  plus  grande  proéol 
nence  du  front*  Les  deux  autres  famill 
s'éloignent  de  ce  type  dans  des  direct 
opposées,  le  nègre  est  plus  long  el 
étroit)  et  le  Mongol  d'une  excessive  la 
Dans  le  crâne  du  nègre  (flg.  5),  on  peoi 
marçiuer  la  forte  compression  latérale 

Grtie  antérieure  du  crâne,  au  mojei 
juelle  les  arcades  zygomatiques,  bieo 
très-aplalies  elles-mêmes,  font  ce[ 
une  forte  saillie  au  delà  ;  on  voit  aussi 
la  partie  inférieure  du  visage  se  pi 
tellement  au  delà  de  la  partie  so 
que  non-seulement  les  os  des  joud, 
la  totalité  des  mâchoires,  et  naème 
sont  visibles  en  regardant  d'ea 
surface  générale  du  crâne  est  au» 
et   comprimée  d'une  manière 
ble. 

«  Le   crâne  mongol  se  distingue 
largeur  extraordinaire  de  la  face 
quelle  l*arcade  zygoroatique  est  coi 
ment  détachée  de  la  circonférence 
non  })as  tant,  comme  dans  le  nègre,  i 
de  quelque  dépression  dans  cette  pari 
la  tète,  que  par  l'énorme  proéminence 
raie  de  Vos  des  joues,  lesquelles  é 
même  temps  aplaties,  donnent  unee^ 
sion  particulière  à  la  face  mongole.  Le 
est  aussi  très^dénrimé,  et  la  mâcboir 
périeure  protubérante,  de  manière  à 
visible  quand  on  la  regarde  dans  une  ' 
tion  verticale,  (fig.  6.) 

«  Entre  la  variété  rauraatftifie  el  é 
des  deux  autres,  il  existe  une  classe 
médiaire  possédant  jusqu'à  un  certain 
les  caractères  distiuctifs  des  deux  eiti 
et  formant  une  transition  entre  le  ce 
elles.  La  classe  entre  la  famille  canf 
et  les  nègres  est  la  race  mahye,  et  le 
entre  cette  première  famille  et  la 
se  compose  de  la  variété  amérieam 

«  Outre  cette  grande  et  première 
tion  caractéristique,  il  ^  en  a  d'autres 
nature  secondaire,  mais  non  moins 


el  p.  43  et  55.  L^art  romain  emploie  le  plus  petit  de 
ces  deux  aiigles,  et  Tart  ^rec  le  plus  grand. 

(tOiS)  Spécimen  histonœ  naturatis  antiquœ  arlis 
operibus  illustralœ;  iioniing.,  4808,  p.  f5. 

(1029)  Le  cerveau,  qu*on  prétend  saisir  dans  la 
mesure  de  l'angle,  peut  être  trapu,  c'est-à-dire  bas 
H  lirge;  rejeté  en  arriére,  comme  dans  Tidéal  pé- 
ruvien, en  conscrv.int  toujours  même  volume,  même 
poids,  même  puissance.  Aussi,  la  formule  de  Cam- 
per, si  elle  est  restée  iJeniique  pour  le  bui,  a-t-ille 
iité  maniée  ei  remaniée  quant  aux  moyens.  Pinel  a 
doublé  d^un  angle  postérieur  Tangle  de  Camper,  en 
cherchant  le  symptéme  de  la  folie  ou  ^e  sa  prédis* 
position.  Blumeiihach  a  inscrit  dans  un  carié  le 
ciftue  va  du  sîneiput;  Owen  trace  la  ntème  Agine 


en  regardant  le  crâne  par  sa  base;  Cavîer 
parer  Taire  du  cerveau  ou  du  cràoe  arec 
face. 

Tous  ces  procédés  peuvent  avoir  une  y»> 
lative  et  transitive  pour  daMer  use  roi'  ' 
pathologie,  d'anaiomie  comparée  et  vnèM  41 
graphie.  L'élude  directe  des  popalalions.  r 
rées  entre  elles  d'individus,  comparés  en 
nombreuse,  fussentp-iis  de  la  même  aatim  et 
même  tribu,  retnerse  toutes  les  suppositions  et  i 
ks  artilices  du  cabinet. 

L'ampleur  dn  eràne^  sa  capactté^  ne  soy^r^ 
mènies  dans  toutes  les  raees  bumaiues,  si  vm 
croyons  ce  qu'ont  écrit  à  ce  sujet  pre«|«e  t^m 
analoniîstcs.  Ou  a  surtout  opposé  Je  ciàoe  ^e'^ 


15 


RâC 


OICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE^ 


AAC 


965 


reconnaître;  elles  Gonsistcot  dans  le  teint, 
I  cherelore  et  les  yeux  des  différentes 
ire<.  Les  trois  familles  principales  sont 
istin^nées  par  autant  de  couleurs  différen- 
s.  La  famille  caueoêiemne  a  le  teint  blanc, 
n^gre  noir,  et  la  mongole  est  olive  ou 
une:  les  races  intermédiaires  ont  aussi  des 
laoces  intermédiaires  :  les  Américains  sont 
xitréê^  et  les  Malais  boêanéêf  tannés. 

•  La  couleur  des  chereux  et  de  Tirîs  suit 
Ile  de  la  peau  d*une  manière  suffisamment 
i'Jente*  même  dans  la  race  hlonde  ou  cau^ 
sfeane  k  laquelle  nous  appartenons  ;  des 
'rsoones  avec  le  teint  très-blond  ou  très- 
jrué  ont  toujours  les  cheveux  roux  ou  de 
LÎear  claire,  avec  les  yeux  bleus  ou  d'une 
^luce  légère,  et  Ton  a  appelé  cette  nuance 

rariété  sanihique  de  la  race  blanche. 
fiS  les  personnes  à  peau  brune,  les  che- 
ai  S4)nt  invariablement  noirs  et  les  yeux 
fl^  foncés,  et  l'on  appelle  ceux-ci  la  variété 
fknw^.  Cette  conformité  de  couleur  dans 
$  différentes  parties  était  bien  connue  des 
-ietis,  qui  l'observaient  strictement  dans 
urs  «lescriptions  des  personnes. 

•  Dans  les  deux  races  mongole  et  nègre, 

12,  lesquelles  la  peau  est  foncée,  les  f%e- 

--"-^  doivent  être  noirs  et  les  yeux  foncés. 

L*  rb^Tdtre  aussi,  outre  sa  couleur,  a  un 

■*-eciére  particulier  dans  chaque  race  ; 
:::s  l»  race  blanche  elle  est  flexible,  flot- 
?.;.'e,  modérément  épaisse  et  douce  au  tou- 
^.?r  ;  chez  le  nègre,  très-épaisse|,  forte, 
jrte,  laineuse  et  crépue;  chez  le  Mongol, 
i.:e,  rare  et  droite.  » 

J'  passe  par-dessus  plusieurs  autres  mar- 
i*'^  diitinctives  de  ces  races  humaines, 
[ri-e  qu'elles  sont  moins  importantes  : 
l'es  sont  la  direction  des  dents,  la  stature 
!3  forme  du  irorps.  Je  vais  maintenant 
Ker  les  limites  géographiques  de  chaque 
la  de  famille. 

La  caucasienne  comprend  toutes  les  na- 
os de  r£urope  (excepté  les  Lldoos,  les 
[fiandais  et  les  Hongrois}  ;  les  habitants 
J*AMe  occidentale,  en  y  comprenant 
rabie,  la  Perse,  et  en  remontant  aussi 
it  que  rOby,  la  mer  Caspienne  et   lo 

êem  i  edoi  do  nègre.  Yoid  les  remarques  de 
noMriiig  à  cet  égasd  :  c  i*ai  mesoié,  dil-it,  ptu- 
n  cràacs  de  nègres  et  presque  loos  mes  erlnet 
vipéens.  dans  le  but  de  comparer  leur  ca^acilé 
picctive;  j*ai  trouvé  :  1*  qu*uoe  ligne  conduite  de 
acioe  du  nés,  le  long  de  la  suture  sagiitale«  ju»- 
M  Ikord  da  trou  ovale,  était  plus  courte  ches  le 
re,  la  face  ayant  li  même  longueur;  %•  que  la 
«aléfeiice,  prise  en  passant  au-dessus  des  sour- 
et  daa  os  temporaux,  éiaii  moiudre  aussi  ;  et« 
la'aocm  des  diamètres  transverses  n*égalait  les 

roo  conespondants  des  tèios  eunmetnoes.  i 

proooaeeraU,  dTapiès  cela,  que  le  crins  et 

dtt  nègre  ie:rfeat  auniessous  des  propor- 

I  ao  eervean  de  TËuropéeu?  Aujour- 

,  ceU  se  répète  saus  qu*ou  élève  le 

adre  dooié  à  cet  égani,  et  cependant  11  y  a  dix 
i  qoe  cette  croyance  a  é;é  coiuiauoe  par  Tiede- 
lu.  Sa  BBOoièffe  d'opérer  é:aît  ceriaiaeaient  meil- 
n  qoe  celle  de  Sœmmering.  Il  pesait  d*abord  la 
t  dont  il  voulait  déterminer  la  capacité,  puis  il 


Gange  ;  enGn  les  peuples  du  nord  de  TAfri^ 
que. 

l^  race  nègr^  comprend  tout  le  reste  des 
habitants  de  cette  partie  du  monde  que  je 
viens  de  nommer. 

^  La  race  mongole  embrasse  toutes  les  na- 
tions de  l'Asie  non  comprises  dans  les  va- 
riétés caucasieirae  ou  malaise,  ainsi  que  les 
tribus  européennes  exclues  de  la  première, 
et  les  Esquimaux  de  l'Amérique  septentrio- 
nale. 

La  race  malaise  comprend  les  naturels  de 
la  péninsule  de  Malacca,  de  l'Australie  et 
de  Ja  Polynésie,  désignés  en  ethnographie 
par  le  nom  de  tribus  des  Papous. 

Enfin  la  famille  américaine  renferme  tous 
Jes  Aborigènes  du  nouveau  monde,  excepté 
les  Esquimaux. 

Ayant  ainsi  énuméré  les  auteurs  et  exposé 
les  systèmes  les  plus  dignes  de  notre  atten- 
tion,  puisqu'ils  se  rangent  du  côté  de  la 
vérité,  nous  devons  aussi  faire  connaître 
nos  antagonistes  et  dire  quelles  sont  leurs 
vues  sur  celte  science.  Il  s'en  trouve  princi^ 
paiement  parmi  les  naturalistes  français, 
qui  malheureusement  sont  encore,  an  moins 
en  partie,  dominés  par  les  théories  scenti*' 
Ques  du  dernier  siècle.  Voltaire,  en  effet, 
fut  un   des    premiers  h  remarquer  qu'un 
aveugle  seul  peut   douter  si  les  blancs^  les 
nègres^  les  albinos^  les  HottentotSf  les  La-- 
pons^  les  Chinois  et  les  Américains  sont  des 
races  entièrement  distinctes  (l(â(^.  Desmou-' 
lins,  dans  un  essai  qui,  pour  l'honneur  de 
l'Académie  des  Sciences,  fut  rejeté  par  ce 
corns  savant,  affirme  l'existence  de  onze  fa- 
milles indépendantes  dans  la  race  humaine 
(1031).  Bory  de  Saint- Vincent  va  encore 
plus  loin,  et  augmente  le  nombre  des  fa^ 
milles  jusqu'à  quinze,  qui  se  subdivisent 
encore  considérablement.  Ainsi  la  famille 
adamique,  ou  les  descendants  d'Adam  cons^' 
titue    seulement   la    seconde  division  de 
l'espèce  arabique,  de  VhomoArabicuSf  tandis 
que  les  Anglais  appartiennent  à  la  variété 
teutonique  de  la  race  germanique,  qui  n'est 
encore  que  la  quatrième  fraction  de  la  gens 
braccata  ou  famille  portant  culottes,  dans 
1  espèce  japhétique,  le  homo  japheticus^  qui 

la  remplissait  de  millet  et  la  pesait  de  noaveao^ 
Celte  eipérience,  laite  sur  ipiarante  et  un  individua 
appartenant  k  la  race  éthiopienne,  et  sur  soixanie 
et  onze  crines  de  la  race  caueaslqoe,  loi  a  montré 
que  la  cavité  qui  recèle  le  cerveau  du  nègre  n*a  paa 
noins  do  capacité  qoe  celle  alTectée  au  cerveau  de 
rÊuropéen.  Bien  qu'Hamiltoo  ait  olHean  des  résol- 
uis  semblaMea  à  ceux  que  je  viens  de  mentionner, 
f éprouve,  en  les.  consignant  ici,  îe  no  sais  quelle 
crainte  qn^ils  ne  soient  ou  qu'ils  a  aient  été  dénen* 
Us.  Comme  le  crine  du  ntee  est  înoeoleslablemoiii 
plus  étroit  en  travers,  il  mut  qu*il  gagne,  en  lon- 
gueur et  dans  le  sens  vertical,  et  surtout  par  réva« 
sèment  de  sa  bttc,  ce  qo*il  perd  dans  le  premier 
sens.  En  reconnaissant  un  aikwgemeot  du  diaroèiro 
antéro-postérieor  du  crlne  du  nègre,  je  repouasTf 
comme  on  le  voH,  une  des  assertions  de  Smmmo' 
ring. 

(1030)  Bisl.  de  Ruuie  sous  Piem   U  Cnndf 
cfaap.  f . 

(1031)  //ttf.  nal.  é€$  races  kumm$us. 


fKJl 


RAC 


DlCtlONNAinE 


se  divise  en  deux  classes»  celles  que  je  viens 
de  citer,  et  une  autre  plus  élégaannent  nom- 
luéei  la  geiis  togata  ou  famille  i)Ortant  man- 
teau (10  J2). 

Virey  appartient  à  la  même  école,  quoiqoe 
ses  ouvrages  soient  encore  pitis  révoltants 
})ar  la  légèreté  et  la  frivolité  avec  laquelle  il 
traite  les  ooints  les  plus  délicats  de  la  mo- 
rale et  de  fâ  religion.  Non  content  «fàttribuer 
aux  nègres  une  origine  différente  de  celle 
des  Européens,  il  va  presque  jusqu'à  soup- 
çonner une  certaine  fraternité  entre  les  Hot- 
tcntots  et  les  babouins  (1033).  Mais  sur  ce 
sujet  il  a  encore  été  surpdssé  par  Lamarck. 
Cet  écrivain  prétend  indiquer  les  pas  par  les- 
quels la  nature  procède  ou  a  |)rocédé  dans  les 
temps  anciens,  en  faisantsortirgraduellement 
une  classe  d*ètres  d*une  autre  classe  anté- 
rieure! de  façon  que,  d*après  lui»  la  nature  au- 
rait suivi  une  chaîne  graduée  de  transforma- 
tions successives,  qui  aboutit  enfin  à  Tespëce 
humaine  par  des  métamorphoses  inverses,  il 
est  vrai,  mais  non  moins  merveilleuses  que 
celles  que  nous  lisons  dans  Tancienne  fable. 
Les  deux  volumes  de  sa  philosophie  zoolo- 
gique sont  entièrement  destinés  à  soutenir 
celte  tiiéorie  dégradante.  Dans  le  premier,  il 
veut  prouver  que  l'organisation  corporelle 
da^rhomme~résurtë'(I*une  modification  acci- 
dentelle, quoique  naturelle  du  singe;  dans 
le  second,  il  essaie  de  montrer  que  les  pré- 
rogatives de  Tesprit  humain  ne  sont  que 
Textension  des  facultés  dont  jouissent  les 
brutes,  et  diffèrent  seulement  par  la  quan- 
tité du  pouvoir  de  raisonner.  Lamarck ,  sur 
des  arguments  faibles  et  mal  établis  (103&>). 
s  arroge  le  droit  d'affirmer  que,  parce  que 
nous  voyons  dans  la  nature  une  (gradation 
existante  d'êtres  organisés ,  il  doit  y  avoir 
eu  ()areillement  un  développement  succes- 
sif qui  a  fait  sortir  d'une  classe  inférieure 
les  animaux  d'une  autre  classe  supérieure: 
et  cela  parce  au*un  animal,  étant  forcé  par 
ses  besoins  à  des  habitudes  nouvelles  ou 
f>articulières,  acquiert  ainsi  les  modifica- 
tions d'organisation  qui,  lui  sont  -nécessai- 
res, bien  que  Jiea-acoup'degénérationsdoi- 
vcnt  peirsd'vérer  dans  cet  exercice  avant  que 
l'effet  soit  perceptible.  Ainsi,  par  exemple, 
un  oiseau  étant  lorcé  par  ses  besoins  d'aller 
h  Teau,  y  nage  pu  y  marche  :  ses  succès-* 
seurs  font  de  même;  dans  le  cours  de  plu- 
sieurs générations,  les  efforts  qu'il  bit  pour 
étendre  les  doigts  de  ses  pattes^  font  pousser 

(4032)  DietiêM.  da$$.  d'hitt.  natur.,  t.  VIII.  -- 
t  L'iiorame  )«pfaélique  n*e8t  lui-iDéme  qu*uiie  divi- 
sion de  la  léiotérique  ou  race  aux  cheveux  rottx,  et 
ruiiiié  des  «quinze  races  est  niée.  >  (P.  531  .j 

11035)  Hntn  natur,  du  genre  humain^  l.  Il,  p.  457. 
1054)  Philotophie  zoologique^  on  exposition  deê 
eoHiidérationt  nlativeê  à  Vhiiloire  naturelle  des  ani^ 
maux^  par  J.-B.  Laiuack  ;  Paris,  1850.  —  Voir 
pour  oe  point  particulier  tom.  U,p.il5.J'ol}servenil 
Ici  que  Steffiins  nie  t#ut  k  fait  Inexistence  d*unc 
échelle  graduée  des  êtres,  parce  que  pour  Tappuyer, 
selon  lui,  les  derniers  animaux  devraient  venir 
immédiatement  après  la  plante  la  plus  parfaile» 
tandis  que  les  ehaiiions  de  transilion  dts  deux  or- 
dres possèdent  les  qualités  tes  plus  inférieures  de 


APOLOGETIQUE.  R.\G  ^ 

entre  eux  une  membraiie,  et  il  dcTient  un 
oilseau  aquatique  dans  toutes  les  rè|;le$;oQ 
bien  il  allonge  ses  jambes  pour  maither 
dans  les  endroits  plus  profands»  et  graduel- 
lement elle  se  prolongent  comme  celles  de 
le  grue  el  da  flamand  (1035).  Ces  ûm 
actions  combinées,  savoir,  de  nooTeaui  be- 
soins et  la  tendance  de  la  nature  à  les  satis^ 
faire,  ont  conspiré  pour  faire  sortir  rhooioe 
du  babouin.  Une  race  de  ceux-ci,  p^olNlbl^ 
ment  Vovàit^  d'Angola,  pour  quelque  raisos 
qu'il  a  oubliée,  perdit*rhabitode  de  grioiper 
sur  les  arbres  et  de  saisir  avec  ses  paltesiie 
derrière  aussi  bled  qu'avec  celles  de  deTui. 
Après  qu'ils  curent  ainsi  mtfché  surlesDl 

(rendant  plusieurs  générations/lears oeo)* 
>res  postérieurs  prirent  une  forme  plus  ap* 
propriée  k  cette  nabitude  et  deiioreoi  ds 

{)iedsi  et  ces  animaux  acquirent  aiosi  ria- 
ûtude  de  marcher  droit.  Dès  lors  ils  De> 
rent  plus  besoin  de  leurs  micboires  p^ur 
briser  des  fruits  ou  pour  se  dMiml» 
uns  les  autres  ;  ils  pouvaient  pour  erii  dé- 
poser de  leurs  pattes  de  devant  émm 
des  mains  ;  et  de  là  par  degrés  levnMii 
se  raccourcit,  et  leur  visage  deriolNiff 
vertical.  A  mesure  qu'ils  avancMb^ 
cette  route  vers  VhumaniscUionj  leon^ 
ces  se  changèrent  en  un  gracieux  sooni^t 
et  leur  bredouillement  se  dé veloppa  en soss 
articulés.  Telles  seraient^  dit-il  en concloani, 
les  réflexions  que  Fan  pourraii  (m^  i^ 
Vhomme  n'était  distingué  des  animai  f»/ 
par  tes  caractères  de  son  orgahisalm^  a  n 
son  origine  n'était  pas  différente  dt  ia  Itut, 
Malheureusement  le  second  volume  do  coin 
tient  aucune  autre  preuve  que  rhommetil 
une  origine  différente  (1036). 

Après  avoir  parlé  de  la  protosion  deplit- 
tes  et  d'animaux  qu'il  suppose  aroir  ée 
créés  aux  premiers  jours  du  mondo  babii^« 
M.  Paul  de  Rémusat  s'exprime  ainsi  :  •  U 
raison  ne  voit  aucune  objection  i  ce  qnelij 
même  profusion  ait  présidé  à  la  fonuaiin 
du  genre  humaini  et  celui-ci  pourrait  am 
^ru  à  la  fois  ou  successivement  sur  piV 
sieurs  points -de  la  surface  de  la  terre.  U 
même  main  qui  a  fait  croître  rberbedan 
les  campagnes  de  l'Amérique  n'a-t-elle  (H 
y  mettre  des  hommes  ?  «  Revue  det  dus 
mondes,  15  mai  185i^,  p.  8M.  , 

Voici  ce  qu'un  professeur  de  la  FacoM 
de  médecine  de  Paris  enseigne  en  ce  o;^ 
ment  à  la  partie  de  la  jeunesse  fraiK»^ 

Ton  et  de  Tantre  ;  tels  sont  les  [»olypes,  les  iofaM- 
res,  les  algues,  etc.,  dont  rorgantsâUos,  soH  fNi 
la  rapporte  aa  régne  végétal,  oa  au  régne  aam 
est  au  plus  bas  degré  de  l'écheUa.  {Àntkrtfdêfi, 
il.  I?uch,_p.  6.) 

(1035)  Tom.  1.  p.  ii9.  —  Si  qvdipieaoisatt 
qui  uagei.t,  dit-il,  ont  de  longs  cots,  caaa** 
cygne  et  Toie,  cela  vient  de  lenr  Mbîtade  da  fMa 
leur  lète  dans  Teau  pour  pécher.  Pouf^'"'^ 
peut  on  demander,  la  même  babiiodea'i-i^f'l 
produit  un  eflét  semblable  dans  le  esun  d  a 
sarct'Ue?  .   . 

(1056)  Fofr  à  Part.  Homiib  de  m  Dicthsui^  ^ 
rcl'utaiion  de  ceUe  abjecte  ibéorie.  Fof .  ass»  rv>> 
P:>\cH0L06ic  du  môme  Dictionnaireé 


RAC 


NCnONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


tf7« 


.  #^1  seocstine  à  Texercice  oeVarlde  gnérir  : 

*  La  plupart  des  autenrs  qai  onl  médilé 

i^i\  écrit  sor  Tethooiogie  ne  peuvent  se  fa- 

\&Ui«riscr  avec  Tidée  <]ue  les  peuples  soient 

ivitocbthones  ou  aborigènes.  Comme  il  leur 

répugne  d'admettre  qu*ils  aient  pris  nais* 

«Aco  là  où  ils  les  obsenrent*  ils  les  font 

r^nir  d*aillears,i)ar  de  longues  émi^aUons, 

cp mine  si  le  problème,  pour  être  déplacé, 

fi*«=ii  restait  pas  moins  avec  toutes  ses  diffi- 

na  liés Pourtant  Fopinion  que  les  peu- 

p^.^s  sont  pour  la  plupart  autochthones  a 
/^  «r  elle  d  assez  nombreux  partisans,  par- 
m£  iesanels  on  citerait  quelques  autorités. 
E  Ve  a  été  appujée  par  Desmoulins.  Un  spi- 
r:t  oel  géologue,  M.  Ramond,  a  écrit  :  v  Au 
['  ^ra^  de  la  manîfestalion  de  la  puissance 
r  -ëitrice,  celle-ci  a  répandu  k  la  lois,  dans 
.<  «Btes  les  parties  de  notre  planète,  des  ly- 
i**— s  dont  I  organisation  est  assortie  à  la  con- 
u  Mha  physique  de  chaque  localité.  »  0ans 
\x3â  discussion  que  la  question  de  Tunité 
>  l'espèce  humaine  avait  soulerée  au  sein 
l^  Im  sodélé  ethnologique,  M.  Vivien,  re* 
oosasnt  rojnnion  de  ceux  qui,  pour  peu- 
;'!«r  l'âménqne,  y  conduisent  des  tribus  de 
=ca  monde,  s'écriait  :  c  Autant  vaudrait* 


r 


«iift  que  Therlie  qui  croit  aux  rires  de 
lae  provient  de  celle  qui  couvre  I^s 
brAltai.  «Déjà,  dans  le  siècle  der- 
nier, ea  célèbre  philosophe  avait  écrit  : 
'  Ëje  fflèffle  pouvoir  qui  a  fait  croître  Fherbe 
.ans  les  campagnes  de  l'Amérique  y  n  pu 
.KritTt  aussi  des  hommes.  > 
«  Quant  à  la  preuve  qu  on  prétendraii 
rc^r  de  œ  que  la  croyance  à  un  couple 
r:â<^oe  se  retrouve  chez  tous  les  peuples 
t  I<a  terre,  cet  argument  jet  les  autres  con- 
gélations mffihifues  qui  lui  ressemblent 
if  été  bien  judicâeusemeot  ap(»réciés  par 
.  c&e  Humboldt  :  «  Nous  ne  connaissons,  dit- 
ni  bisioriquement,  ni  par  aucune  tradition 
rraine,  un  moment  ou  Tespèce  humaine 
lit  pas  été  séparée  en  groupesde  peuples... 
■^  inondes  isolées,  se  retrouvant  sur 
s  FK>ints  très-divers  du  globe  sans  commu- 
tation apparente,  font  descendre  le  genre 
naaiii  tout  iinlier  d'un  couple  unique, 
tte  tradition  est  si  répandue  qu'on  l'a 
elquefois  regardée  comme  un  antique 
iTeiiir  des  hommes;  mais  celte  circons- 
)ce  même  prouverait  plutôt  qu'il  n'y  a  là 
rone  Iransmission  réelle  d'un  fait,  aucui 
^dément  vraiment  historique,  et  que  c'es 
it  simplement  l'identité, de  la  conception 
maioe  qui  jiariout  a  conduit  les  hommes 
ne  explication  semblable  d'un  phénomène 

I  ajoate  {plus  loin  :  <  Ce  qui  montre  en- 
e,  daas  les  traditions  dont  il  s'agit,  le 
aeCère  manifeste  de  la  fiction ,  c'est 
elle  prétend  expliquer  d'une  manière 
ifonoe  à  l'expérience  de  nos  jours  un  phé- 
nène  en  dehors  de  toute  expérience,  cè- 
de la  première  origine  de  l'espèce  hu- 
liie.  • 


«  Je  ne  puis  supposer  qu'un  esprit  déj^agé 
de  préjugés  et  des  entraves  que  certaines 
considérations  eitra-scientifiques  pourraient 
metire  h  la  litierté  de  la  pensée,  conserve 
des  doutes  sur  la  pluralité  primitive  des 
types  humains....» 

^  <  Je  compare  les  ethaolo^stes  qui ,  par 
rétude  des  monuments  anciens,  se  flatte- 
raient de  nous  faire  assister  aux  premières 
pliases  de  l'humanité,  à  des  géologues  qui 
voudraient  juger  de  la  structure  du  centre 
de  U  terre  par  Pexamen  des  excavations 
microscopiques  que  la  main  du  mineur 
pratique  dans  la  couche  corticale  du  globe. 
Les  premiers  ne  remontent  pas  plus  haut  dans 
l'histoire  des  événements  passés,  que  les 
seconds  ne  s'enfoncent  dans  les  entrailles  de 
la  terre  :  les  uns  nous  racontent  des  événe- 
ments d'hier«  les  autres  ae  dissèquent  que 
l'épiderme  de  notre  planète.  Combien  dh 
milliers  d'années  de  barbarie  avant  que  les 
hommes  aient  institué  les  archives  dans 
lesquelles  on  fouille  (1037)  !  » 

in 

Xa  dieone  dVine  crëatk»  imiUiple  ne  pni  ce  eoDdlier 
jvecle  aeiiUiBeot  universel  de  la  ftaleouté  hooMiae  ; 
—  ni  avec  Je  but  onlqne  vers  lequel  lend  lliaaanUé; 
— mi  avec  le  centre  on  fojfer  oommon  d'où  rajonnem 
liMites  les  populaUons  historiques  et  avilisses  ;  —  m 
avec  la  simplicité  de  la  créalion  et  la  soUdadié  des 
Imminet  dans  rœo  vre  eonomne  ;  —  ni  avec  tes  nwjeM 
de  coirtervaliQo  et  de  dévekiiïpenient  dont  le  iremier 
séjour  de  rbumautté  dut  eue  pourvu  ;  —  ta  enfin  avec 
les  ifadiUons  des  peuples  sur  leur  point  de  départ  vri- 
nitiC 

• 

C'est  une  vérité  démontrée  que  les  senti  - 
meuls  qui  doivent  unir  ks  hommes  sont 
eeui*  de  paternité,  de  dévouement;  qu'on 
n'y  peut  déroger  sans  crime;  que  les  reli- 
gions, en  inscrivant  dans  leurs  codes  le  rcs- 
Cect  de  la  vie  et  de  la  liberté  de  tous  les 
orames,  inscrivent  au  nombre  des  devoirs 
religieux  im  véritable  devoir  de  laoûlle  ;  et 
que  tout  code  de  lois  qui  repose  sur  l'ex- 
ploitation d'uneporlion  de  la  famille  humaine 
jiar  l'autre  est  un  code  condamné  et  flétri 
que  réprouvent  également  la  nature  et  la 
vérité. 

Il  est  vrai  qu'un  lien  plus  étroit,  plus  fa- 
cilement appréciable,  susceptible  (>oiir  ainsi 
dire  d'une  démonstration  généalogique,  unit 
ceux  qu'une  complète  conformité  appelle 
concurremment  aux  mêmes  efforts,  aux  mê- 
mes travaux,  aux  mêmes  résultats.  Cest 
une  parenté  moins  éloignée,  les  rapoorts  et 
les  alliances  Pont  continuée  matériellement; 
toutefois,  dans  cette  vaste  diffusion  et  parmi 
les  hommes  de  même  race,  il  n'existe  en* 
core  en  réalité  qu^un  lien  moraL  Si  certai- 
nes familles  se  rap(>rochent  quelquefbis  da- 
vantage, c'est  donc,  toute  proportion  gardée, 
de  la  même  manière  que  les  en&nts  d'un 
même  aïeul  dans  une  branche  spédale  de  la 
descendance,  sans  que  la  parenté  générale 
qui  unit  toutes  les  t>ranches  à  des  degrés 


^  <ka7>  M.  P.  BASAIS,  Cours  de  phfûetogU  faii  ^  b  Faculté'  de  médedae  de  Parts  de  1848  à  1858 
\  p.  462  et  476. 

DJcnoN^CAïae  APOLOGériQCB.  U.  '1 


Oïl 


RAC 


DICriONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


fâ 


«livors  soit  détruite.  La  remarque  remonte 
<1l*s  familles  aux  peuples,  et  des  peuples  à 
rhumanilé. 

I    De  quelque  manière  que  Ton  envisage  la 
fraternité  numaine,  on  ne  peut  donner  à 
celte  proposition  une  extension  plus  grande, 
ol  la  doctrine  ne  peut  être  interprétée  au- 
trement. La  parenté  des  descendants  de  la 
même  famille,  effacée  par  le  temps,  oubliée 
par  la  multiplication,  la  diversité  des  fortu- 
nes, ne  peut  se  retrouver  qu'en  remontant  à 
leur   auteur    commun  ;    les  enfants    d'une 
môme  famille  humaine  ne  retrouvent  aussi 
leur*parenté  qu'en  inlcrroj^oant  l'origine  de 
leur  histoire,   leurs  migrations,  leurs  éta- 
blissements, leur  point  de  départ  primitif. 
Les  enfants  des  races  diverses,  et  principa- 
lement des  trois  races  principales,  retrou- 
vent leur  identité  dans  l'histoire  du  genre 
humain  qui  semble  n'avoir  eu  qu'un  même 
l»oint  de  départ,  qui  appartient  à  une  seule 
espèce,  dont  les  modiiicaiions  pliysiologi- 
([uos  peuvent  trouver  leur  explication  dans 
les  observations  de  la  science;  ils  la  trou- 
vent dans  l'absence  de  documents  propres  à 
les  rattacher  à  des  patries  diverses,  tandis 
qu'ils  abondent  quand  il  s'agit- de  les  re- 
connaître h  leur  souche  asiatique.  Ils  la  re- 
trouvent encore  dans  la  simplicité  et  l'u- 
nité   rationnelle  de  la  création   primitive, 
c'est-à-dire   en    Dieu,    livrant   la   terre  à 
l'homme  sans  distinction  de  conformation 
et  de  couleur,  ou  plutôt  sans  que  ces  dis- 
tinctions, qui  se  sont  manifestées  plus  tard, 
se  fussent  [)roduiles  au  sein  de  la  réunion 
primitive,  où  toutes   les  origines  vont  &e 
confondre.  Quels  que  soient  dans  celte  doc- 
trine, le  progrès  ou  la  dégénérescence,  à 
quelque  temps  que  Ton  fasse  remonter  la 
création  primilivcde  l'homme,  t'unité, e4  par 
conséquent  la  fraternité  ne  peuvent  être  mis 
en  doute. 

L'adhésion  donnée  à  la  solidarité  de  tous 
les  hommes,  pris  dans  tous  les  temps  et  tra- 
vaillant au  développement  de  Tœuvre  com- 
mune de  perfectionnement,  suffirait  seule  à 
prouver  l'unité  de  l'espèce.  Cela  justifie  en 
principe  et  en  fait  le  sentiment  de  fraternité 
universelle  oui  est  la  loi  de  l'humanité,  et  en 
dcvibndra  déOnilivement  le  guide  par  la 
propagation  de  la  vérité.  La  multiplicité  des 
gerUies  et  la  séparation  absolue  des  races 
seraient  des  faits  contradictoires  avec  l'u- 
nité qui  leur  serait  montrée  comme  but 
(1038). 

Est-il  bien  rationnel  d*a$$imi1er,  comme 
on  Va  fait,  Tespèce  humaine  à  une  grande 
machine  dans  laquelle  la  di  versité  des  movens 
se  résume  dans  l'unité  de  l'action;  de  la 
décomposer  dans  tous  ses  éléments  pour  en 

(1038)  Oetmoiilins  n*eQ  dit  pas  moins  iiitrëpîde- 
aienl  que  la  diffusion  det  langues  est  anssi  insoute- 
natU  que  la  dispersion  des  races.  Les  langues  el  les 
tacts  se  sont  soutenues  sans  se  confondre. 

(1039)  Oii  a  dit  que  i*admissioa  d^uoe  race  uni- 
que et  primitive  met  à  TomniDoience  diviue  des 
Sofmtê  inoonveiiantes. 

D  me  iemble  d^albord  bien  aisé  de  comprendre 
la  meltipUdié  et  conséquemmenl  l'inégalité 


constater  la  variété  et  de  la  recomjioser  en- 
suito  pour  montrer  ces  éléments  divers  foor- 
tionnant  vers  une  même  fin?  Celte  aoahse 
conduit,  suivant  nous,  à  des  conclusions 
contraires  à  celles  qu'on  a  voulu  en  tirer. 
En  effet,  du  moment  aue  nous  abandonnoas 
les  surfaces,  une  machine  décomposée  noa^ 
offre  des  éléments  s*aidant,  s'engrenanlpour 
constituer  une  force  unique»  mais  divers 
mais  matériels,  mais  inertes  en  achors  de 
rimpulsion  qui  les  fait  mouvoir;  1  huma- 
nité décomposée  n'offre  toujours  que  du 
hommes,  que  ta  répétition  du  môme  inslru- 
ment,  complet  en  chacune  de  ses  parties, 
c'est-à-dire  un  élément  identic^ue  et  des  in- 
telligenoes  concourant  par  le  lait  de  la  v^ 
lonté  à  constituer  une  puissance  unique  et 
lil}re. 

Ces  sortes  de  comparaisons»  on  nesaurr.it 
tro{)  le  faire  remarquer,  se  bornent  toujours 
à  de  grossières  apparences,  el  ne  peurfoi 
présenter  que  des  analogies  iucoiopiétt^. 
Celle-ci  pécherait  par  sa  base  et  \mmii 
s'appliquer  tout  au  plus,  el  sous  toules;^ 
serves,  au  système  universel  et  rnifnà 
l'espèce  humaine  ;  c'est-à-dire  qu^fe«JS• 
tème  universel  ne  nous  étant  i^asaimi 
nous  ))Ouvons  en  saisir  seuictueul  qu^ 
apparences  auxauelles  d'autres  apj)are&ie> 
assez  suporQcielles  peuvent  être  rapporltt^. 
Ici,  du  moins,  la  diversité  des  moyens  cii 
des  rouages  est  évidente,  el  leur  couc/«iri 
nécessaire;  mais  quand  l'hoaime  interrieR!. 
c'est  comme  force    uniaue    et  ideuliq*:^. 
L'homme  est  le  seul  represenlAnl  deTadicii 
morale.  Puisque  chacun  des  êtres  qui  eou  - 
posent  l'espèce  humaine  est  soumis  âui 
mêmes  devoirs  et  doitarri ver  au  même  \mu 
c'est  q^ue  chacun  a  été  compris  dans  là  û*  - 
tributiou  des  fonctions  sociales,  d*uDc  i>v 
nière  qui  peut  être  inégale^  mais  sans  q  ^.^ 
les  degrés  changent  l'identité  des  fonciivr- 
elles-mêmes.  C'est  cette  considératiou  ^p 
nous  a  conduit  à  établir  en  principe  l'aj- 
torité  absolue  de  l'espèce  au  point  de  ^ne  ti 
comme  conséquence  de  son  unité  morale.  | 

11  ne  suffit  nas  à  nos  antagonistes  ^^*f 
l'espèce  soit  la  même,  ils  concèdent  m^^ 
que  cette  unité  de  l'espèce  sufDt  pourcxt- 
blir  entre  les  hommes  des  liens  de  chan  J 
et  de  fraternité  au  point  de  vue  moral  ;  us  | 
ils  voudraient  encore  qu'un  lien  plus  tir  .1 
autorisât  la  doctrine;  que  les  races,  in  e] 

{>endamment  de  la  fraternilé  de  Tes^Mx^j 
lissent  sœurs  par  la  chair  et  par  le  san^.   ' 

Nous  sommes  convaincu,  que  cela  est  t''< 
possible,  et  les  observations  qui  vont  suin 
le  démontreront  pour  tout  esprit  droit  et  i 
partial  (1039). 
A  priori^  nous  pouvons  dire  que  le 


primitive  des  races,  au  lieu  de  mootrer  la  ^noii 
du  Dieu  créateur,  trabiraient  ao  coairaire  soa 
prévoyance  et  son  ioiostîoe. 

Lti  parlitans  du  droit  du  plos  fort  uoaveai 
un  argument  ca|Htai  dans  on  systène  qiiî  soa 
ratt  rhumaoilé  en  plusieurs  castes  pbjstqs^'e' 
inégales  en  aptitudes  et  en  droits!  Le  jMr  qn^ii  «^r 
décidé  que  lea  Nègres  ne  sont  qu'un  éebelM  «« 
rieur  aui  singes,  la  I^iiioûié  de  kir  eadavar 


on 


lue 


DICTIONNAIRE  APO;.OGeTIQlE. 


RAC 


974 


des  bommcs  étant  le  mèmey  auslsi  bien  pour 
une  race  que  pour  l'autre,  et  s'adressant  k 
rbomme  en  général,  une  création  multiple 
et  surtout  différencrée  est    contradictoire 
arec  le  deyoîr  unique  à  accomplir.  Dans  la 
création  multiple  se  trouveraitsinon  le  germe 
d'uae  hostilité  nécessaire  au  moins  d*ua 
antagonisme  probable,  lorsqu*iI  nedoiteitis- 
ter  qu^association,  ou  tout  au  plus  rivalité 
d>ff6rls  vers  Taccomplissement  du  même 
objeLp  et  tdle  est  la  tendance  universelle. 
Nous  pouvons  donc  présumer,  également  à 
prtori,  que  cette  multiplicité  n*a  point  existé. 
Cette  réflciion,  qui  ne  repose  que  sur  une 
donnée  bien  généntle,  sans  doute»  nous  con- 
duit pourtant  à  examiner  s*il  n*y  aurait  pas 
eu    entre    les  variétés  un   point  d^union 
{ossible. 

Nous  avons  établi  [Voy,  Pstchologib}  que 
toutes  les  populations  historiques  et  civili- 
sées rajonnaient  à  partir  d'un  fojer  com- 
mun, séjour  de  la  première  société  orga- 

Ce  fait,  certain  pour  la  race  blanche,  arrive 
â  un  très-haut  degré  de  probabilité  pour  la 
race  jaune.  Nous  avons  à  examiner  si,  pour 
cr*iie  dernière  race,  la  probabilité  peut  s*ac- 
•  -oilre,  et  si  la  race  éthiopienne  ou  nègre 
r.t  tiendrait  pas  aboutir  au  même  point. 

Les  races  ne  paraissent  pas  être  séiiarées 
entre  elles,  et  pour  ainsi  dire  graduées  phy- 
5iologiquement  par  des  intervalles  égaux. 
Le  nègre  et  le  Mongol  ne  sont  pasàlamème 
distance  du  Caucasien.  Le  nègre  est  à  une 
plus  grande  distance  du  Mongol  ou  jaune, 
que  celui-ci  ne  Test  du  blanc.  En  un  mot,  la 
.;i(Téreoce  qui  sépare  les  peuples  de  race 

jaune  des  peuples  de  race  blanche' est  bcau- 

• 
rait  4éâniit'/emeni  déinonlrée  ;  on  élendrall  bientdc 
la  ooaséqoeoce  k  la  race  nioogole  dooi,  eo  œ  oio- 
nMot  oèoie,  la  politique  européenne  commence  la 
conquête,  et  dont,  par  eonséqueni,   rexploiiaiion 
pMTa  avoir  à  se  justifler  bicniéi.  Quand  même  U 
science  ne  nous  éclairerait  pas,  quand   même  oo 
nrjetterait  l*a(flrmation  des  tradiuons  sacrées,    la 
nsorale  el  Tinduction  seraient  des  guides  suflisauts 
pour  MM»  montrer  qa^ane  création  muliiple,  pro- 
iflaiaani  des  raeet  intodes  au  physique  et  an  moral 
€  st  une  Idée  inconciliable  avec  la  bonié«  avec  la 
jvjOioe   divine.  La  cfaariié  chrétienne  trouvera  un 
sfypui  dans  la  véritable  science  ethnographique  pour 
nACttre    hors  de  contestation  un  do^me  trop  long- 
temps dédaigné  par  Torgaeil,  méconnu  par  Tiguo- 
noee,  paisnu*une  simple  nuance  dans  le  degré 
d'édncainm  fut  si  souvent  assimiiée  à  une  diflérence 
radicale  tf*édiicabilîté.  Les  noirs  d'Afrique,  les  ron- 
ges d'Amériqne,  les  jaanes  d^AsIe  oni  mis  en  escla- 
vage desiboramesde  lenr  propre  couleur.  Les  blancs 
Usor  avaient  donné  Texemple,  puisqu'ils  avaient  fait 
des  esclaves  et  des. serfs  avec  des  populations  blait- 
'tl^es  avani  d'asservir   les  populations  basanées. 
Quand  on  a  visité  les  pays  où  la  race  blanche  est 
«dégradée  et  mêlée  à  la  rare  noire,  on  voit  clairement 
q«  il  n'y  a  pas  tant  k  se  glorifier  d^étre  blancs  ni 
tant  â  mépriser  les  nègres,  f  Tal  eu  k  mon  servioe, 
<fii  M.  E.  de  Salles,  des  Turcs,  des  Arabes,  des 
^^htes,  des  Darfoorient,  des  Barabras;  je  les  ai 
''^^^^és  I4NIS  également  imprévoyants  et  rasés,  pa- 
t^v^caxy  nenteofs  et  voleurs.  Triste  assimilation  de 
VtVT  décadence  sociale!  J'ai  su  d*assez  prés  les 
grands  bommes  de  cette  barbarie  qu'on  appelle  la 
ciTiii  ;MioD  musoboane  et  je  ne  les  al  pas  estimés 


coup  moins  tranchée  que  celle  qui  distin- 
gue tes  nègres  de  toutes  les  deux.  Aussi  a- 
t-on  pu  soutenir  que  les  Mongols  et  les 
Caucasiens  avaient  formé  originairement 
une  seule  race  (1040).  li  faudrait  entrepren* 
dre  un  travail  exclusivement  renfermédans 
ces  questions,  pour  s'engager  dans  cette 
polémique  qui  ne  saurait  être  isolée  d^s 
preuves  ou  des  i^onsidérations  qui  Tappuient. 
Sans  nous  imposer  la  discussion  sur  cette 
identité,  nous  pouvons  au  moins  reconnaî- 
tre dans  rhjpothèse  la  preuve  de  similitudes 
assez  marquées,  pour  que  les  différences 
présentent  un  obstacle  moins  formel  aux 
moiiiûcalions  que  le  temps,  les  influences 
locales  et  la  culture  de  rintelligence  au- 
raient pu  y  apporter.  La  séparation  actuelle 
et  moins  profonde  des  deux  races  supérieu- 
res, eu  égard  k  la  distance  qui  les  sépare 
toutes  deux,  quoique  inégalement,  de  la  race 
nègre,  pourrait  donc,  à  la  rigueur,  être  in- 
terprétée par  des  raisons  puisées  dans  Texa- 
men  des  conditions  auxquelles  elles  ont  été 
soumises,  et  la  question  d*unité  en  serait 
fort  simplifiée.  Non-seulement  elle  le  serait 
par  le  fait,  mais  aussi  f>ar  les  inductions 
que  Ton  en  pourrait  tirer  pour  la  race 
noire. 

Les  populations  nègres  ne  sont  pas  toutes, 
et  à  beaucoup  près,  établies  en  Afrique. 
D*un  autre  cÀté»  depuis  la  couleur  de  la 
peau,  considérée  comme  premier  caractère 
différentiel,  jusqu  aux  caractères  complets 
dont  la  réunion  constitue  la  race  noire  pro- 
prement dite,  on  peut  suivre  une  séfte  de 
différences.  Le  point  de  départ  de  cette 
série,  en  prenant  pour  type  le  caractère 
caucasien,  peut  être  établi  a ulierceau  même 

supérieurs  en  génie  k  Toossa'nt-Looverture,  à  Des- 
salines,  à  Cbri&topbc,  malgré  la  diflénraco  de  Icuis 
andes  faciaux  respectifs,  i 

Les  naturalistes  rroiil  pas  encore  do'^né  une  pré* 
cision  gëométriqae  à  ce  mot  :  dégradation  pfaysi- 
qn**.  S*ils  avaient  la  prétention  de  meure  en  rappo  t 
obligé  de  cause  à  rfl.  t  (causalité)  telle  modification 
physique  avec  telle  dégradation  morale,  nous  renou- 
vellerons les  objection»  logiques  et  les  mille  preuves 
expérimentales  qui  ont  ruiné  le  système  pliréoolo- 
giqne  de  Gall  !  A  suffli  de  trouver  un  seul  nègre 
édocable  k  la  façon  des  blancs  pour  afiinner  Téga- 
lité  des  aptitudes  chez  les  races  !  Ces  exemples  ne 
sont  pas  rares.  Depuis  le  fameux  Muiey-lsaïaêl,  les 
empereurs  de  Maroc  ont  ironvé  parmi  les  nègres 
plus  d*un  visir  habile.  Saint-Domingne  a  fait  con- 
naître les  noms  et  actes  d^administrateors  capa- 
bSes  et  de  soldais  heureux.  L*abbé  Grégoire  et  le 
missionnaire  Oldendorf  oia  colligé  une  biblioihé- 
que  déjà  considérable  de  nègres  liitérateurs.  Les 
Polynésiens  n*ont  pas  d'industrie  plus  avancée,  de 
fétichisme  moins  grossier,  de  souvenirs  plus  longs 
que  les  Cafres  et  kes  Yolofs;  une  certaine  ressem- 
blance avec  les  Malais,  avec  les  Américains,  a  solB 
pour  les  classer  an -dessus  des  néges.  Si  la  civilisa- 
tion aziéque  et  toltèqne  fol  qut:lque  chose  de  coui- 
Krable  aux  vieax  ôdres  potitiqoes  de  Hade,  de 
Egypte  et  de  la  Chine,  le  dédain  pour  les  civilisa- 
tions stationnaires  nous  met  un  peu  au  niveau  des 
Chinois  modernes  qui  n*estiment  et  ne  compreunent 
Tesprit  et  la  beauté  qn^à  la  façon  de  leur  pays! 

(10^0)  Wars,  Âccimnt  oflke  writings,  relisioH  and 
mannert  ofihe  Hinéawê 


srj 


RAC 


DICTIUNNAIUE  APOLOGETIQtJE. 


RAC 


n 


attribué  aux  populations  civilisées.  Une  des 
otTjections  les  plus  fortes  que  Ton  oppose  à 
Tumté  primitive  des  races  et  aux  modifi*^- 
lions  attribuées  à  Tinfluence  du  temps  et  des 
climats,  est  la  couleur  inaltérable  de  lapeau 
et  les  conditions  physiologiques  qui  lui 
seraient  |)articulières;  cette  objection  tombe 
devant  la  couleur  d'une  grande  partie  des 
habitants  de  Tlnde.  Leur  couleur  n'empê- 
che pas  de  les  compter  au  nombre  des 
membres  de  la  race  supérieure.  La  sépara- 
tion de  race  ne  se  trouve  plus  fondée  que 
sur  Ja  différence  des  traits  et  des  eue- 
yeux. 

Une  portion  considérable  de  la  population 
de  rindostan  est  noire.  Si,  par  les  traits  et 
les  caractères  de  la  physionomie,  elle  se 
rapporte  au  type  caucasien,  par  la  couleur 
elle  se  rapproche  des  nègres  de  rAfriquc* 
Les  Malais,  que  les  naturalistes  hésitent  à 
rattacher  à  une  race  plutôt  qu'à  l'autre, 
intermédiaires  par  le  territoire  qu'ils  oc- 
cupent entre  l'Orient,  l'indostan  et  la  partie 
orientale  de  l'Afrique,  sont  intermédiaires 
aussi  par  leurs  caractères  extérieurs  entre 
les  Mongols,  les  nègres  et  les  Caucasiens 
auxquels  on  ne  peut  pas  dire  qu'ils  soient 
plus  étrangers  qu'aux  autres  variétés. 

Ainsi,  sur  une  grande  partie  du  globe, 
nous  voyons  les  races  se  mêler  à  leur  point 
de  contact.  Les  combinaisons  les  plus  com- 
plexes ne  parviennent  cependant  pas àfor- 
mer,  en  résultat,  une  variété  nécessairement 
distim^te  et  qui  doive  être  isolée  des  trois 
variétés  principales.  Plus  les  rameaux  se 
rapprochent  du  siège  principal  actuellement 
affecté  aux  races,  plus  le  type  particulière- 
ment caractéristique  de  cliacune  d'elles  est 
tranché.  Ainsi,  le  nègre  d'Afrique  est,  au 
premier  coup  d'œil,  radicalement  séparé  du 
Caucasien  de  l'Himalaya  comme  du  Mongol 
de  l'Altaï  ;  ce  dernier  est  radicalement  sé- 
paré de  ce  même  Caucasien  comme  il  Test 
du  nègre.  Mais  entre  les  monts  de  la  Lune, 
où  la  race  nègre  a  son  siège,  et  l'Himalaya, 
siège  de  la  race  blanche,  il  existe  des  popu- 
lations intermédiaires,  qui,  par  leurs  carac- 
tères extérieurs,  peuvent  être  rapprochés 
soit  de  Tune,  soit  de  l'autre.  Entre  l'Altaï, 
l'Afrique  et  l'Himalaya,  il  y  a  une  sépara- 
tion radicale  ;  mais  le  Malais  offre  un  point 
d'union  où  les  trois  races  paraissent  s'être 
fondues  en  une  seule  ;  entre  l'Altaï  et  J'Hi- 
malaya,  enfin,  il  y  a  toute  la  distance  du 
Mongol  au  Caucasien,  mais  les  nations  inter- 
médiaires tiennent  de  l'un  et  de  Tautre. 
Remarquons  que,  dans  ces  mélanges  où  la 
race  caucasienne  figure,  la  position  centrale 
et  dominante  lui  reste  toujours.  Historique- 
ment c'est  à  elle  que  les  autres  se  rattaclient 
tandis  qu'aucun  document  ou  aucunej sup- 
position raisonnable  ne  peut  lui  faire  pren- 
dre sa  source  à  l'origine  des  deux  au- 
tres. 

La  race  mongole  reste  enfermée  dans 
l'orient  de  l'Asie  où,  en  général,  elle  a  dirigé 
ses  conquêtes  ;  c'est  là,  du  moins,  que  ces 
conquêtes  ont  eu  un  caractère  fixe  et  dura- 
ble. La  race  nègre  ne  quille  l'Afrique  que 


sous  l'influence  d'une  volonté  étrangère  et 
lorsqu'elle  en  est  arrachée  par  un  odiew 
trafic.  La  race  blanche,  ennemie  de  celle 
immobilité  héréditaire,  avide  de  chaD|,'e- 
ments  et  d^arentures,  se  répand  sur  tuoiie 
reste  du  globe,  et  rien  n'arrête  la  luarchi 
de  ses  envahissements.  C'est  elle  qui  a  re- 
trouvé les  autres,  les  a  refoulées  ou  soumi- 
ses, et  menace,  par  ses  perpétuels  accrois- 
sements,  non-seulement  de  les  vaincre,  niais 
de  les  absorber  ou  de  les  détruire.  Auhii 
du  parallélisme  des  races,  nous  pouvons 
donc  joindre  leur  union  féconde  el  recon- 
naître la  prédominance  du  type  particulier 
à  chacunes  d'elles  dans  les  races  milles 
comme  proportionnelle  au  rapprochement 
du  rameau  à  la  tige  principale  à  laauellsil 
se  rattache. 

Quand  on  soutient,  comme  on  Ta  fait,  li 
distinction  absolue  des  races,  ou  est  coodoit 
à  croire  que  les  principales ,   si  ee  n'e$( 
toutes,  sont  autocnthones  du  sol  où  Im 
siège  a  été  fixé.  Mais  on  est  arrêté  touttfB* 
bord  par  l'invraisemblance  d'une  tdktbc' 
trine  qui  choque  à  la  fois  et  la  simiAiUée 
la  création,    et  la  solidarité  des  boaiâ^ 
dans  l'œuvre  commune  ;  on  Test   en  (it- 
ticulier   par  une   difficulté    plus    à  noiHk 
portée  et  à  laquelle  il  faudrait  avant  M 
répondre, 

L'iioome  se  développe  sans  doute  en  rerlu 
du  principe  progressif  dont  il  est  doué,iBaii 
il  ne  peut  agir  conformément  à  ce  princiit 
qu'en  raison  des  moyens  dont  il  est  entouré. 
Ainsi,  et  sans  tenir  compte  de  rinrérioriiê 
de  race,  le  nègre  n'aurait  pu  se  développer 
comme  le  Caucasien,  comme  le  MonK^w. 
parce  que  les  conditions  de  sol,  de  clicuai, 
de  végétation,  de  popul^îon  animale  ne  ) 
lui  auraient  pas  permis.  Le  Mongol,  dan5 
les  vastes  steppes  de  son  sol  asiatique,  arec 
les  exigences  particulières  à  la  rie  noma<li% 
à  laquelle  il  était,  pour  ainsi  dire,  condamné 
à  se  soumettre,  ne  se  trouvait  pas  non  ploi 
dans  les  conditions  favorables  au  déveio)v 
pement  rapide  des  populations.  La  dispersioa 
des  familles  neutralise  les  forces  activer  tU 
corps  social  comme  la  dispersion  des  idéts 
en  neutralise  la  puissance   et  la   fécon- 
dité. 

Cependant,  à  moins  de  considérer  Pe^tpêc. 
humaine  comme  le  résultat  de  combioêiT 
sons  aveugles  et  le  produit  du  hasard,  k' 
développement  de  l'espèce  dut  être  et  fui 
une  des  pensées  divines  dans  la  création 
de  l'homme.  Il  est  donc  naturel  de  ne  i^as 
séparer  les  moyens  de  la  fin,  et  de  crou<^ 
que  l'homme  a  pris  naissance  aux  niémt-^ 
lieux  où  existent  les  moyens  de  conservation 
et  de  développement,  où  ii>us  sommes  ir:- 
vinciblement  conduits  pour  trouver  la  pl<i> 
grande  partie  des  espèces  animales  et  lio 
végétaux  nourrissants.  Plus  on  s'éloigne  *L' 
l'Asie,  en  effet,  et  dans  l'Asie  mêDie  plu^ 
on  s'écarte  du  centre  et  de  la  f>arlie  oon* 
dentale,  plus  les  animaux  réduits  à  la  d*^ 
mesticité  deviennent  rares,  moins  le^  ty})€5 
de  genre  sont  nombreux.  C'est  au  centre  de 
l'Asie  que  non-seulement  les  espèces  sont 


f. 


91 


RAC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


979* 


plus  nombreuses,  mais  qu'elles  sont  plus 
^/ipropriées  aux  services  que  Thointne  en 
{.«•urait  (irer.  La  mftme  observation  s*appli- 
ijueaux  végétaux. 

^  Tunion  des  races  s*était  faîte  par  le 
rapi^rocbenient  successif  de  chacune  celles 
('T5  leur  point  de  contact  actuel,  il  y  au- 
rj.idans  ce  fait  une  contradiction  avec  cette 
rnyance  générale,  fondée  sur  les  traditions 
x^  peuples^  qni  donne  le  nord  de  l'Inde 
|iODr origine aaipeuple» de  la  Péninsule.  La 
race  nègre,  dépourvue  de  moyens  et  dMn- 
itntions  comme  elle  Test  encore,  ne  pour- 
fait  s*y  rendre  aujourd'hui;  h  bien  plus  forte 
^Abon  ne  Taurait-elle  pas  fait  alors.  Il  y 
kdMitcontradictionavec cette  autre  croyance 
Mnoise  qui  fait  venir  de  l'ouest  les  popu* 
iuonsde  rorient  de  l'Asie  (lOUj. 

La  concordance  de  ces  deux  opinions  est 
Muarauable  dans  la  question  qui  nous  uc« 
tijKî.  La  position  rentrale  que  nous  avons 
vM^née  à  la  race  caucasienne  à  laquelle  les 
jtres  Tiennent  aboutir  est  nettement  in- 
<  ioée  dans  cette  double  tradition.  Le  nord 
<•  riode  et  l'on  est  de  la  Chine  se  rencon- 
..utprto'sément  au  point  où  nous  avons 
nslamroent  trouvé  la  source  des  popula* 
•'M  primitives.  L*observation  et  la  tradi- 
unsaccordent  et  sont  loin  d'interdire  de 
*«tr  une  origine  caucasienne  probable 
I ''voles  les  races  dans  un  temps  dont  la 
Arèe  nous  échappe. 

m. 


'Shii-T^i  di^linctilli  des  races,  couleur,  cheTelurCi  confi- 
ftr^iioa  du  corps  ;  se  résument  dans  ooe  organisation 
unae.  —  Existence  du  piginentnm  démontrée  chez 
i^  blancs  comme  chez  les  nègres.  —  Les  cheveux  dn 
•'••Vrp  ne  sont  pas  de  la  laine.  —  Les  formes  de  la  tète 
^i)^  ses  parUes  n'établissent  pas  entre  les  races  une 
4i%iiiicUoQ  spécifique.  —  Unité  de  l'espèce  humaine 
Midoedes  canctères  de  l'espèce  en  général. 

L<'$  différences  sur  lesquelles  on  fonde  la 
«linction  des  races  sont  établies  sur  les 
»riétés  de  la  couleur,  de  la  sXructurc  des 
'^venx,  sur  les  différences  de  forme  et  do 
•mlgoration.  Nous  présenterons  la  ques- 
xi  sous  ce  double  aspect.  S*il  reste  prouvé 
le  ces  diversités  se  résument  dans  une 
il'inisation  uniguey  et  que  les  races  peu- 
l'i  passer  d'un  état  à  l'autre,  l'unité  de  res- 
te sera  constatée.  La  propagation,  à  partir 
^n  [Oint  unique»  ne  pourra  plus  être  con- 
»tce  par  l'argument  tiré  des  séparations 
fac'î,  et  les  conclusions  qui  précèdent 
ruront  le  caractère  absolu  qui  pouvait  les 
^r?  paraître  douteuses. 
^près  avoir  examiné  les  phénomènes  les 
j^  frappants  de  la  variété  dans  les  rares  « 
«l'M  leur  Prichard  pose  ce  principe,  exprimé 
ir  Bluruenbach  et  adopté  par  M.  Geoffroy 
M.ii-liilaire,  que  la  variété  dans  les  races 
i  (lue  «  à  une  puissance  vitale  existant 
in»  Jes  corns  animés,  puissance  en  vertu 
*'  laquelle  1  organisation  reçbit  des  circens- 

\IOit)  <  L*boiDine  oili  esUU  né?  A  celte  aoesUon, 
«I  les  momiiDenU  que  Ton  inierroge,  répondent 
^  «liiatre  coins  de  la  lerre  :  La  Chaldi^s  est  le  ter- 
«tdt  Vupèce  humaine,  i  (lie  comte  De  Lanjuihais, 
'•foirii  et  S'outrage  de  H,  de   Paravey  intUvté  : 

I  t'onicuifi  l'^IQte  KT  HIÉROCLYPUlQl^E  DES  CltUTIlCS 


tances  extérieures  une  direction  particu-- 
Hère,  et  offre  quelquefois  des  déviations 
très  -  sensibles  ae  son  uniformité  géné- 
rale (10V2}.  » 

H  conclut  (lOM)  *t  gue  toutes  ces  varia» 
tions  sont  possibles  seulement  dans  certaines 
limites,  et  qu'elles  n*altèrent  jamais  le  tjpe 
particulier  de  l'espèce. 

«  Les  hommes  sont  peut-être  plus  expo* 
ses  qu'aucune  autre  espèce  d'animaux  aux 
diverses  influences  du  climat;  et,  d'une  aulie 
part,  la  civilisation  produit  d«ns  leur  condi- 
tion des  changements  plus  grands  que  ceux 
qui  résultent  de  la  domestication  chez  les 

espèces  inférieures 

«  .  .  . .  L'influence  des  facultés  intellec- 
tuelles doit  d'ailleurs  s'exercer  d'une  ma- 
nière beaucoup  plus  large  chez  les  hommes 

que  chez  les  brutes Nous  pouvons  donc^ 

a  priori,  nous  attendre  à  découvrir,  dans 
les  caractères  psychologiques  des  rae^s  hu- 
maines, des  changements  semblables  h  ceux 
que  nous  observons  chez  les  animaux,  mais 
qui  seront  portés  &  un  degré  incomparable- 
ment plus  grand. 

«  Je  rechercherai  (lOW)  s'il  y  a  un  type 
commun  spécifique  qui  se  conserve  au  mi- 
lieu de  toutes  ces  variétés,  et  je  m'efforcerai 
de  déterminer  si  les  différences  que  l'on 
trouve,  en  comparant  entre  elles  des  races 
humaii^es  fort  éloignées  les  unes  des  autres, 
sont  de  nature  à  pouvoir  rentrer  dans  les 
limites  du  principe  de  variation.  » 

Nous  n'essayerons  pas  de  suivre  l'auteur 
dans  lo  développement  des  observations  à 
l'aide  desquelles  il  établit  ce  type  commun 
spéoinque.  Ces  recherches  ne  sont  pas  de 
nature  à  être  données  par  extrait  ou  isolées 
de  l'enchaînement  qui  fait  leur  autorité. 
Nous  nous  bornerons  à  donner  les  conclu- 
sions qu^elles  motivent,  renvoyant  à  Tou- 
vrage  même  pour  les  suivre  et  les  étu- 
diée (1046). 

«  Ce  q«e  l'on  doit  conclure  du  résiiltat  de 
ces  recherches,  continue  le  docteur  Prichard, 
c'est  c*ril  n'v  a  point  entré  la  peau  de  l'Eu- 
ropéen et  celle  des  autres  racés  de  différen- 
ces organiques  qui  puissent  faire  sui>poser 
dans  le  genre  humain  une  diversité  d'espè- 
ces :  et  qu'au  contraire,  indépendamment 
même  des  effets  dus  à  Taction  du  climat  ou 
des  autres  causes  modificatrices  principales, 
il  y  a  véritablement  transition,  passade  des 
conditions  de  structure  qui  caractérisent  une 
race  à  celles  qui  en  caractérisent  une  autre. 
«  La  couleur  de  la  peau  ne  constitue 
point,  chez  l'homme,  un  caractère  perma- 
nent. Certaines  branches  delà  grande  famille 
offrent  des  exemples  de  la  variation  de  cou- 
leur, de  changement  du  blanc  au  noir  et  du 
noir  au  blanc^ou  de  l'apparition  accidentelle 
des  deux  couleurs  réunies  dans  un  individu 
dont  le  père  et  la  mère  ne  présentaient  point 

ET   DES  LETTRES  DE  TOCS  LES  PEl'PLES.) 

(104i)  Hiêt.  naturelle  de  Chomme,  t.  I*',  p.  *0. 
(1043)  Ibid.,  1. 1",  p.  iOO. 
(tOU)  Jbid..  t.  l'Sp.  1(M.' 
aOld^  D'  pRicuiDi»,  0.  102  et  seq. 


979 


RAG 


DIGTIONMAIRE  APOLOGETIQUE 


RAC 


cetlD  parlictti«rUé.  Les  exemples  sont  mulli* 
plies  et  autlieo tiques,  et  fa  transmission 
héréditaire  de  ces  caractères  noureaux  dans 
un  individu  ne  Test  pas  moins.  » 

M.  Flourens,  modifiant  ses  anciennes  opi- 
nions, annonce  (séance  de  l'Académie  des 
sdiences  du  21  août  18^3}  que  la  continua- 
tion de  ses  recherches  sur  la  coloration  de 
la  peau  Ta  convaincu  de  l'existence  du  pig- 
mentum  dans' la  race  blanche  (10{h6),et  que, 
cette  portion  de  l'organisation  qui  avait 
semble  particulière  aux  races  colorées  étant 
commune  à  toutes,  Tunité  de  la  race 
humaine,  contre  laquelle  cette  différence 
organique  était  un  argument  puissant,  ne 
pouvait  être  combattue  par  ce  raoven. 

Le  savant  physiologiste ,  bien  loin  de  se 
trouver  en  aésacj^ord  avec  le  docteur  Pri- 
chard  sur  ce  point,  ajoute  donc  à  la  doctrine 
de  ce  dernier  toute  l'autorité  de  son  nom 
et  de  ses  nouvelles  découvertes.  «  Lorsque 
nous  comparons,  dit  M.  Flourens,  brusque- 
ment et  sans  intermédiaire  la  peau  de 
iliomme  blanc  à  celle  de  lliomme  noir,  ou  à 
celle  de  Thomme  rouge,  nous  sommes  très- 
portés  à  supposer  pour  chacune  de  ces  races 
une  origine  distincte  ;  mais  si  nous  passons 
4le  l'homme  blanc  à  l'homme  noir  ou  à 
l'homme  rouge,  par  le  Kabyle,  par  TArabe, 
jiar  le  Maure,  si  nous  faisons  surtout  aUen- 
tion  aux  parties  colorées  de  la  peau  dans 
l'homme  de  race  blanche,  ce  n'est  plus  la 
différence,  c'est  l'analogie  qui  nous  frappe. 

«  Ceux  qui  ont  voulu  soutenir  cette  belle 
thèse  de  l'unité  primitive  de  Thorome  n'ont 
procédé  jusqu'ici  que  d'une  manière  indi- 
recte. C'est  toujours  de  quelques  altérations 
observées  sur  les  animaux  qu'ils  ont  conclu 
à  dés  altérations  semblables  que  pouvait 
éprouver  l'espèce  de  l'homme. 

«  Ici ,  l'anatomie  comparée  de  la  peau 
nous  donne,  par  l'analogie  profonde  et  par- 
tout inscrite  de  la  structure  de  cet  organe, 
la  preuve  directe  de  l'origine  commune  des 
rac^s  humaines  et  de  leur  unité  première. 
L'homme  est  donc  essentiellement  et  primi- 
tivement tin.  Je  viens  de  le  prouver  par 
l'étude  de  la  peau  (1047);  je  le  prouverai, 
dans  un  autre  mémoire,  par  l'étuac  du  sque- 
lette, et  surtout  par  celle  du  crflne.  » 

Pour  ce  qui  a  rapport  au  système  pileux, 
à  sa  structure  et  à  sa  couleur,  il  est  proba- 
ble que  les  diversités  ne  dépassent  point  la 
mesure  des  variétés  qu'on  observe  entre 
différentes  familles  appartenant  à  une  même 
nation.  J'ai  vu  (lOW)  quelques  Européens 
dont  les  cheveux  étaient  presque  aussi  cré- 

(1046)  c  Toute  la  différence  entre  un  blanc  el  im 
nègre  consiste  dans  une  matière  gélatineuse,  plus 
00  moins  épaisse,  qui  couvre  le  cdié  iniéiieur  delà 
peaa  du  dernier.  Un  bélier  ne  diffère  souvent  d'un 
autre  que  par  on  palais  blanc  ou  tacheté,  et  dont 
les  taches  noires  n'uut  d*autre  cause  que  cette  même 
humeur  gélatineuse  Le  palais  d*un  chien  est  sou- 
vent blanc  d*un  céié  et  noir  de  Tauire.  L'humeur 
Slaireuse  qui  produit  la  noirceur  de  la  peau,  peut 
onc  subsister  en  même  temps  avec  la  cause  de  la 
blancheur  dans  une  autre  partie.  Les  Européens 
iliciue  ont  auelquefois  en  quelques  parties  de  leurs 


pus  que  ceux  des  nègres;  et  panni  ks 
nègres  eux-m6mes  il  y  a  une  très-^ranie 
variété,  depuis  la  chevelure  laineuse  jusqu'à 
la  chevelure  ondée.  Mais  cet  aspect  U\m\ 
doit  fixer  maintenant  notre  itteution,  puis- 
qu'on en  a  fait  un  des  caractères  qui  établi- 
raient une  différence  spécifique  entre  les 
nègres  et  les  blancs. 

Dans  les  animaux,  le  poil  et  la  laine  dit 
fèrent  essentieiiement  (10^9).  c  Le  brin  lai- 
neux présente  une  grosseur  inégale  et  ides 
bords  rudes  et  irreguliers  ;  tandis  ()ue  l« 
poil  est  un  tube  uni,  a  contours  réguliers  ij 
dont  le  calibre  est  presque  égal  dans  toute 
sa  longueur. 

«  Les  cheveux  du  nègre,  tortillés,  il  e$t 
vrai,  et  recourbés  sur  eux-mêmes,  ne  jkik 
vent,  en  aucune  façon,  être  assimilés  ï  li 
laine  Taivu  et  examiné  avec  soin,  au  ido^m 
d'up  grossissement  d'environ  quatre  rênis 
fois,  cfes  cheveux  appartenante  diUtoiei 
races  d*hommes,  et  je  les  ai  comparés  «la 
laine  d'un  de  nos  moutons  anglais.  Le»ck- 
veux  d*un  nègre,  d'un  mulAtre,  depltti^iess; 
Européens  et  de  quelques  Ahvssiniefi5,aBl. 
été  comparés  tour  è  tour  h  la  lainedsi» 
ton  de  Southdown.  Le  brin  de  laiDtvA' 
une  surface  très- rude  et  fort  irréguli 
mais  ses  bords  n'offraient  pas,  à  proprei 
parler,  de  dentelures  distinctes.  Lescberi 
du  nèsre  se  montraient  sous  forme  de  _ 
lindrea  surface  unie  :  les  cheveux  des  Abjt 
siniens  étaient  aussi  fort  noirs,  mais  lew 
ment  diaphanes,  qu'on  aurait  dit  un  rubi 
noir  s'allongeant  à  l'intérieur  d'un  tubeiï 
lindrique.  Les  cheveux  du  mulâtre  resse* 
blaient,  à  cet  égard,  à  ceux  de  FÂbyssiDi^ 
Les  cheveux  de  l'Européen  semblaid 
presque  complètement  transparents.      ^ 

«  l)'après  les  résultats  de  ces  obserTdiioil 
il  reste  pour  moi  parfaitement  démooM 
que  le  nègre  a  des  cheveux  propremeoMili 
et  non  pas  de  la  laine;  la  différence  er^ 
les  cheveux  du  nègre  et  ceux  de  ITurui 
consiste  en  ce  que  les  uns  sont  plu$  li 
et  plus  crépus  que  les  autres,  ditVérence 
plus  au  moins,  puisque  chez  quelques 
ropéens  les  cheveux  sont  aussi  eitr^ii 
ment  crépus. 

tf  On  a  coutume  oe  réf  arlir  en  M^'^t 
groupes  les  variétés  qui  se  montrent 
rcspece  humaine,  et  le  but  principal  au 
on  arrive  est  d'estimer  l'étendue  de  l3 
riation  dans  cette  grande  famille.  Les  m 
tés  de  couleur  et  de  conGguration  parât 
dépendre  du  climat,  de  l'élévation  du  \^} 
de  la  distance  à  la  mer,  mais  on  a  riu 

c<'>rps  des  taches  noires.  On  trouve  oans  b  c«^ 
lii^ii  d'Alhinus  de  ces  morceaux  île  peau  ri« 
d*Ëuropécns,  surtout  autour  des  mamelles,  i  i^''* 
de  Haller  contre  Fo/rtfire,ctc.,  2  vol.;  Berne,  l'^'' 
f  Les  difléreutes  couleurs  qui  empreigneot  k>  f 
riéiés  de  l'espèce  humaine,  résident  doo  M 
répidenne,  mais  dans  le  tissu  muqueux  ei  reti't 
laire  qui  est  immédiatement  au-dfssoos.  (û^n/j 
7rai(^  élémeniaire  de  l'hisL  nalur,  des  amm.  p-  <' 

(1047)  Voir  la  note  XVin,  à  la  tin  du  Toioinc 

(1048)  G*est  le  docteur  Prichard  qui  parle. 

(1049)  D'  Prichard  t.  1",  p.  159-140. 


ISI 


RAC 


IMCTIONNAIRE  ArOLOGETiQCE. 


RAC 


[|ué  que  les  foniies  du  corps  cbez  les  diflé- 
rfQies  races  iiaraisseat'se  modîGer  plutùi 
^oos  l*iofloenee  du  genre  de  vie  e(  des  ha- 
1  itudes  que  sous  cène  du  climat.  Il  y  a  dans 
"rspéce  bumaine,  quoiçiue  cela  souffre  beau* 
•vup  d^eiceptionSy  trois  variétés  qui  prédo- 
iiiiient,  l'une  ebez  les  peuples  sauvages, 
jiilre  chez  les  races  pastorales»  Tautre  en- 
ai  chez  les  nations  civilisées. 

«  L'une  se  rapporte  à  TAfrique  et  à  TAus- 
ralie,  et  se  distingue  par  rallongement  ou 
^•^éaiinence  des  mAcboircs. 

«  La  seconde,  qui  offre  la  face  large  et  le 
râne  pjramîdal,  appartient  aux  races  no- 
.  a  Jes,  aux  tribus  oui  erreut  sur  les  bords 
!e  la  mer  Glaciale,  Esquimaux,  Lapons,  Sa- 
..•uèifes,  Kamtscbadales  ;  elle  s*éiend  aux 
iOQgols,  Tongouses  et  races  turques  no- 
jjJeSy  à  des  tribus  du  sud  de  TAfrique,  et 
i  |tlusieurs  races  indigènes  du  nouveau 
i'oade. 

^  Là  troisième,  caractérisée  par  la  forme 
siil'tique  ou  ovale,  appartient  aux  nations 
.irilisëes  de  l'Europe  et  de  l'Asie,  qui  vi- 
rcQt  par  l'agrieullure  et  les  arts  de  la  civi- 
Lu^lion. 

f  On  peut  citer  de  nombreux  exemples 
'sK  oations  qui  ont  passé  de  Tune  de  ces 
\  noes  de  tête  à  une  autre,  et  qui  ont  modi- 
>:.pair  ainsi  dire,  proportionnellement 
.'  jr  manière  de  vivre  ;  les  Turcs,  pour  ne 
(i.'f  r  qu'an  cas  entre  autres  :  les  Turcs  no- 
cjJes  ont  le  crâne  pyramidal,  les  Turcs 
'ivilisés  sont  complètement  transformés  et 
:r«t  le  caractère  de  tète  européen.  L'intro- 
iuction  des  esclaves  circassiens  n'a  influé 
;ue  sur  les  riches,  la  différence  des  mœurs 
I  séparé  les  Turcs  des  Grecs  conquis,  et 
•.'pendant  la  transformation  est  générale.  » 

£n  résumé,  après  de  nombreuses  com- 
3  raisons  entre  les  crAnes  des  différentes 
s  riétéSy  et  de  ces  variétés  avec  le  crâne  des 
:  jQ^es  qui  est  à  un  intervalle  immense  de 
I  rarieté  la  plus  dégradée,  intervalle  qui 
i.ciot  toutes  les  comparaisons  qui  se  pré- 
eiitent  naturellement  entre  les  variétés  bu- 
iisioes,  le  docteur  Prichard  conclut  ainsi  : 

«  L'examen  des  fails  relatifs  aux  diffé- 
eoces  que  nrésenient,  dans  les  races  bu- 
uaiaes»  les  formes  du  corps  et  les  profior- 
tons  des  parties,  nous  conduit  à  conclure 
a'aacone  de  ces  déviations  ne  s'élève  au 
aog  de  distinction  spéciûque.  Cette  con- 
.usion  repose  sur  deux  arguments  princi- 
aux.  Le  premier,  c'est  qu'aucune  des  dif- 
^rences  en  question  n'exc^e  les  limites 
es  variétés  individuelles,  qu'aucune  n'est 
lus  tranchée  que  les  diversités  qu'on  ren* 
*»otre  sans  sortir  du  cercle  d'une  nation 
u  même  o'une  famille  ;  le  second,  c'est  que 
:s  variétés  qui  se  montrent  dans  les  races 
uuiaincs  ne  sont  pas,  sous  tous  les  rap- 
orts,  aussi  considérables,  à  beaucoup  près, 

le  celles  que  l'on  voit  se  présenter  chaque 

lir  dans  les  différentes  races  d  auimaux 
fc-^us  u*unc  mèuie  souche*  il  n'y  a  pas,  on 


peut  le  dire,  une  seule  espèce  oomestique 
qui  n'offre  des  exemples  nombreux  de  beau* 
couj)  plus  grandes  déviations  du  earactèro 
typique  de  la  raee  f  1050).  • 

L'unité  de  l'espèce  numaine  se  conclut 
parfaitement  de  la  notion  même  et  des  ca« 
ractère-s  de  l'espèce,  telle  qu'on  l'établit  en 
histoire  naturelle. 

Pour  traiter  cette  question  fondamentale 
en  anthropologie,  il  faut  nécessairement 
partir  d'une  appréciation  positive  des  carac- 
tères de  l'espèee  ;  et  pour  que  cette  apprâna- 
tion  soit  parfaitement  applicable  à  l'homme, 
nous  devons  la  chercher  plus  spécialement 
dans  l'étude  de  la  classe  du  règne  animal 
dont  il  partage  complètement  l'organisation» 
c'est-à-dire  chez  les  mammifères.  Dès  une 
1  on  attache  au  mot  espèce  l'idée  d'un  fait 
primordial  et  constant,  d'une  création  par- 
ticulière, il  iaut  nécessairement  lai  suppo- 
ser des  caractères  déterminés,  dont  les  va* 
riations  sont  renfermées  dans  des  limites, 
infranchissables.  C'est  en  étudiant  tour  k 
tour  les  différences  qui  distinguent  les  es- 
pèces d'un  même  genre  et  celles  qui  sont 
particulières  à  chacune  des  variétés  d'une 
même  espèce,  que  l'on  peut  arriver  à  dis- 
tinguer les  caractères  s|)éciûques  des  sim- 
£les  modifications  qu'ils  peuvent  subir, 
orsque  nous  venons  a  comparer  entre  elles 
les  espèces  des  genres  les  plus  naturels  de 
la  classe  des  mammifères,  celles  des  genres 
feliSf  cheval,  éléphant,  nous  trouvons  tou- 
jours, soit  dans  la  forme  extérieure,  soit 
dans  l'organisation  elle-même,  une  ou  plu^ 
sieurs  différences  que  l'action  îles  modifi- 
cateurs ne  saurait  expliquer,  et  qui,  dans 
leurs  variations,  ne  passent  jamais  d'une 
espèce  à  laulre.  Le  plus  superticiel  de  ces 
caractères  est  le  dessin,  la  livrée  que  forme, 
soit  dans  le  premier  flge,  soit  pendant  toute 
la  vie,  la  distribution  des  couleurs  de  la 
robe.  Le  mode  de  distribution  des  poils,  la 
forme  des  dents,  celle  de  la  pupille,  et  plu- 
sieurs détails  de  l'organisation,  comme  le 
nombre  des  vertèbres  de  telle  ou  telle  ré- 
gion, enfin  le  cerveau,  donnent  aussi  de 
bons  caractères  distinctifs.  La  voix  varie 
aussi  d'une  espèce  à  une  autre,  et  ce  carac^ 
tère  n'est  pas  des  moins  importants,  puis- 
qu'il permet  aux  individus  d'une  menu» 
espèce  de  se  reconnaître  hors  de  la  portée 
de  la  vue,  h  la  mère  d'appeler  ses  petits,  aa 
mâle  de  se  rapprocher  de  sa  femelle.  Ajou- 
tons que  les  espèces  du  même  genre  se 
coordonnent  entre  elles  d'une  manière  dé^ 
terminée  en  série,  et  qu'assez  ordinaire- 
ment celles  qui  occupent  k*^  extrémités  du. 
groupe  portent  des  caractères  qui  iiidi(|uent 
le' passage  aux  genri»s  couiigus.  Entin,  i\ski\s 
l'état  de  nature,  les  esièces  d'un  même 
genre,  quelque  voisines  qu'elles  soient,, 
vivent  séparées  et  ne  se  mêlent  jamais;  et 
quand  Tliomme  les  a  soumises,  si  elles 
donnent  des  produits  mixtes,  la  faculté  du 
reoroduction  s'éteint  ordinairement  en  eu\ 


.l*'i«i  DTaiCHAiu,  in-!77,l.l". 


m 


AAC 


niCÏlOMAiRK  ÂPOL06ETlQte. 


Sic 


m 


dès  là  première  géhéralion,  et  ne  se  pro- 
)ofi)s^  p^  tfû  delà  de  la  troisième  au  de  lar 
(luàlrieme.  Ce  fait  montre  que  ïes  espèces 
d'un  mème^  genrer  peavent  avoir  une  cer« 
lai Ae  parenté,  mais  non  une  traie  identité 
de  nature  ;  qu'en  un  mol^  les  espèces  sont 
orjgînairemeAt  distinctes. 

Si  nous  cherchons  maintenant  à  apprécier 
les  modifications  qu'une  roftme  espèce  peut 
subtrf  et  que  nous  prenions  les  espèces  do- 
mestiques, celles  de  toutes  qui  ont  subi  les 
ehangements  les  plus  nombreux  et  les  plus 
eonsidérables,  nous  trouvons  que  ces  elian* 
gementSy  respectant  toujours  assez  le  carac- 
tère spécifique  pour  que  les  individus  d'une 
iuéme  espèce  se  reconnaissent  entre  eux, 
portent  :  1"  sur  la  taille  et  les  proportions 
des  diverses  parties  ;  â*.  sur  la  distribution 
et  la  nuance  des  couleurs;  3*  sur  Ja  finesse,, 
l'abondance  et  quelques  autres  caractères 
des  poils;  k*  sur  ie  développement  de  telle 
à\i  telle  aptitude  qui  ressort  de  Torganisa- 
ti^n  et  des  caractères  mêmes  de  l'espèce. 

En  outre^  les  variétés  d'une  même  espèce 
se  mêlent  indistinctement  entre  elles,  et 

!  produisent  des  races  mixtes  ou  semblables 
I  Tun  des  types,  selon  le  degré  de  différence 
qui  existe  entre  leurs  parents;  et  dans  les 
nouvelles  races  qui  en  résultent,  tes  indivi- 
dus sont  toujours  et  indéGniment  féconds. 
Ces  faits  reconnus,  il  est  facile  d'en  faire 
Vnpplication  aux  races  humaines.  Si  Ton 
Recherche  sur  quoi  portent  les  différences 
qui  caractérisent  ces  races,  on  voit  Qu'elles 
Intéressent  exclusivement  :  1*  la  taille  et  le 
développement  proportionnel  du  crâne  et 
de  la  face,  leurs  formes  générales  et  celles 
des  traits  du  visage,  mais  jamais  l'organisa- 
tion elle-même;  â"  {a  couleur,  jamais  dans 
sa  distribution  ;  S""  l'abondance  et  les  autres 

f)articularités  du  système  pileux,  la  distri* 
mtion  exceptée  ;  V^  le  degré  de  développe- 
ment ifitellectùel  et  moral,  jamais  la  nature 
même  de  l^ntelligence  et  du  sentiment.  En- 
fin les  races  humaines,  de  même  que  les  va- 
riétés de  chaque  espèce  animale ,  se  recon- 
naissent, se  mêlent  indistinctement,  et  leurs 
produits  sont  des  métis  qui  se  propagent 
indéfiniment. 

0n  peut  donc  conclure  dès  è  présent  que 
les  différences  qui  distinguent  les  races  nu-^ 
maines  n'ont  rien  de  spécifique;  et  d'abord 
il  est  aisé  d'établir  qu'aucun  des  traits  qui 
caractérisent  les  variétés  du  genre  humain 
n'est  exclusivement  propre  à  l'une  d'eMes. 
Le  nègre  n*a  pas  seul  et  n'a  pas  toujours  la 
peau  noire;  l'Hindou,  l'Abyssin,  tous  deux 
de  race  caucasique,  sont  aussi  noirs  que  les 
plus  beaux  nègres;  tandis  ^uc  le  Hottentot, 
que  scsfor*mes  rattachent  a  la  race  éthio- 
pienne, n*offrc  qu'une  teinte  brune  peu  fon- 
cée. Dans»  la  race  cauoasiquo,  combien  de 
variétés  sous  ce  rapport,  depuis  la  blancheur 
de  l'Européen  du  nord  jusqu'au  noir  d'é- 
bëne  des  peuples  de  la  même  variété  que 
nous  citions  tout  è  l'heure  ;  combien,  sous 
le  rapport  de  la  finesse,  de  l'abondance,  de 

(1051)  De  gemrU  hum,  varictate^  de,  p.  80 


la  couleur  des  poiis  ;  combien  sous  celui  des  i 
teintes  de  Tiris  t  La  frisure  des  deTeui.sij 
caratotéristi())ie  chei  les  nègres  de  Ii  Côte^ 
d*Or,  se  pera  peu  k  peu  chez  ceux  daSte^ 

(;a1,  et  elle  reparaît  plus  ou  idoîds  dii 
'Oeéanie,  et  même  i  ndividueUement  cbf 
quelques  Enropéens.  On  peut  eu  dire  auî 
tant  des  traits  du  visage,  des  formes  et  dï 
proportions  de  la  tète. 

Tarlélés  dali9  les  végéUux  et  lesaDtmnn.— Le 
—  Le»  troupeaux.  —  Le  batut  —  Le  dmeao. 
mouton,  etc.  —  Caractères  d*uDC  race  se  dérele. 
dans  une  autre. — ^Famille  arabe  desbonhdQ  Jour 
Jans  laquelle  se  présentent  tous  lentr^taoèt^ 
Lambert  ou  Thomme  fwrC'épie.—  Fimfiles  à 
surnuméraires  ou  aedt^tli. 

,  Nous  avons  dit  qu'il  n'y  a  pas  parmi 
animaux  dcaiestîques  une  seule  espèce 
n'offre  des  eiemplës  nombreux  de  besm 
plus  grandes  déviations  de  son  caractère 
jjique  qu'on  n'en  oliservedans  lesyariï 
de  l'espèce  humaine.  Nous  croyons  d« 
insister  sur  ce  point  en  fixant  un  œoi 
l'attention  snr  les  variétés  obscrrétf 
les  deux  règnes  organiques. 

On  trouvera  au  mot  Hoarasfartickl 
détails  intéressants  sur  les  lois  de 
dans  les  végétaux.  Les  variétés  qm 
fissent  dans  le  monde  végétal,  soos 
iiuence  des  circonstances  extérieures 
montrent  Texistence  d'une  iniiuence  m 
fiante»  dont  l'action  est  contiDnelIc. 
l'analogie  entre  les  animaux  et  Thommej 
plus  étroite  et  plus  applicable.  L'orgM 
tion  physiguedè  ces  deux  classes dèlresi 
mes  est  tellemeiit  semblable,  les  lois  pirj 
qùelleslenrs  individus  et  leurs  racesser 
servent  sont  tellement  identiques,  leorsf 
tions  aux  influences  morbides,  A  Faction 
causes  naturelles»  et,  sous  lesdiffëreotsi 
dedomesticité  et  decivilisation,klinflQt 
des  combinaisons  artificielles,  sont  tellei 
analogues,  que  nous  avons  presque  le 
de  conclure  des  modifications  actnelli 
l'une,  aux  modifications  possibles  de  W 
tre. 

Or  il  est  certain ,  ii  est  évident  qne 
animaux  reconnus  pour  être  d'une  seolej 
pèce  se  divisent,  dans  des  circonslancis 
ficnlières,  en  variétés  aussi *distincles 
celles  de  l'espèce  humaine.  Pareîcif 
quant  h  la  forme  du  crâne,  ceux  du  " 
et  de  la  levrette  italienne  diffèrent  kaiii 
plus  entre euxque ceux  de  l'Européen 
nègre  :  et  cependant  tout  critérium  «1^^ 
pèce  devra  comprendre  les  deux  eïtri 
entre  lesquels  une  chaîne  de  gradations 
termédiaires  peut  être  clairement  étal;«ir 
crâne  du  sanglier,  selon  robservaiioti] 
Biumenbach,  ne  diffère  pas  moins  de  of 
du  cochon  domestique,  son  descendant 
duhilable,  que  ceux  de  deux  races  hur 
nés  ne  diffèrent  l'un  de  l'autre  (lOoi).  J 
chaque  espèce  d'animaux  domestiques 
trouvera  des  variétés  ailssi  frappantes. 

Les  changements  dans  la  couleur  ei  »i* 


^ 


BAC 


DICTiONNAIRE  APOLOCEnOOE. 


RAC 


m 


I  furuie  «les  poils  ne  sont  ni  moins  ordinai* 

es  ni  moins  remarquables.  Selon  Beckman, 

ans  la  Gainée,  tontes  les  volailles  et  tous 

>^  chiens  sont  aussi  noirs  que  les  habi- 

mts  (10^).  Le  bœof  de  la  campagne  de 

louie  est  myariableroert  gris,  tandis  que 

ans  quelques  autres  parties  de  ritalie,  il 

SI  généralement  roux  :  les  cochons  el  les 

joutons  sont  presque  tous  noirs,  tandis 

n^en  Angleterre  le  blanc  est  leur  couleur 

rédominante.  Ed  Corse ,  les  chevaux ,  les 

iens  et  les  autres  animaux  deviennent 

^réablement  tachetés;  et  le  chien  de  trait, 

•  •mme  on  rappelle,  appartient  à  ce  pays. 

'.iMCurs  écrivains  ont  attribué  à  certaines 

.Ticres  la  propriété  de  donner  une  couleur 

I  bétail  qui  vit  sur  leurs  bords.  Ainsi  Vi- 

-liTcoliserve  que  les  rivières  de  Béolie  et 

-  Xanthe,  près  de  Troie,  donnaient  une  cou* 

eur  jaune  aux  troupeaux,  d'où  \6  Xanthe 

|)ris  $on  nom  (1053).  M.  Stew^rt  Ross, 

>ia5  ses  Lettres  sur  le  'nord  de  V Italie^  dit 

.  ue loD  attribue  encore  aujourd'hui  au  Pô 

AJif  seoiblablc  propriété  (105^).  Et  plusieurs 

^«  mes  lecteurs  se  rappelleront  probable- 

3îent  ici  les  blancs  t  roupeaux  du  beau  Cli- 

^ci&nus  décrits  par  le  poète  : 

Cm  ilH,  ClUumme^  grèges^  et  maxima  fourmi 

^'vimt,  tœpe-tuo  perfusî  ftumine  sacro 

^:^tm  cd  lempta  deum  duxere  triumphot  (1055). 

informe  du  poil  subit  des  changements 
/33logQes.  Toutes  les  tentatives  pour  obte* 
zjr  delà  laine  dans  les  Indes  occidentales 
-1 1  ^dioaé,  je  crois,  fiarceque  les  troupeaux 
;u«ioo  j  transporte  perdent  entièrement 
•.jurlaioeel  se  couvrent  de  poils  (1056).  11 
n  arrive  de  même  dans  d'autres  climats 
'^Mïuïs.  En  Guinée  les  moutons^  dit  Smith, 
tktùpeuàe  ressemblance  atee  ceux  iEu- 
*pt^  quun  étranger  y  à  moins  de  les  entendre 
'/er,  pourrait  à  peine  dire  à  quelle  espèce  ils 
p fiartiennmt  ;  car  ils  sont  couverts  seule- 
t^ni  d'un  poil  brun  clair  ou  noir  comme  des 
h.^ens.  Aussi  un  écrivain  d'imaJ nation  ob- 
i'wraii-iï  que  là  le  monde  semble  renversé^ 
dr  les  motUons  ont  du  poil  et  les  hommes 
ni  de  la  laine  (1057).  Un  semblable  phéno- 
mène a  lieu  autour  d'Angora,  où  presque 
'US  les  animaux,  moulons,  chèvres,  lapins 
{ (hais  sont  couverts  d'un  long  poil  soyeux 
•rtcéièbredansles  manufactures  de  l'Orient. 

^'autres  animaux  sont  sujets  à  ces  cbange- 

Ïit5i>  Vogage  (o and  from  Bornéo;  l^n  îon,  1718, 
tl. 

■I(»:V5)  €  Suiil  enîin  Beniiac  flatiiina  Ce;ihysu«  el 

U  ia*.  Leitcaiiiix Eratbîs  Tnijiiî  Xanilius,  tic...  Cwm 

*^fxr%  suis  iffliiporibos  aitnl  parantur  ad  i-oiicfptio- 

«^m  parius,  pf  r  jd  lempas  a  iignulor  eo  iinolidie 

Ciiam,  ex  coque,  quaoïtissinl  alba,  procrcanl  aliia 

»  b  leucopbaea,  aliis  pulla,  aliis  cnracino  colore. 

fitar  qnoniam  in  Trojanîs  proxime  flunien  arnw'Dia 

fa«  et  peeora  leucophara  nascimlnr  ;  idée  id  flamcQ 

'TiseftXanlliom  appel  h  visse  dicnnlnr.  ^{ATelntecl  , 

vil,  c  f  11,  p.  16%  édiu  de  Lad.:  Ainsi.,  iC49.) 

ai  noies  sor  ce  passage  esl  ajoutét!  en  contirina- 

co  ramonié  de  Pline,  Théoplirasîc,  Siraboo  ci 

-irt's;  qii#-|ques-aDCS  sonl  évidcmiueni  di*s  fables. 

^'iîMe,  DepiUoria  aniaiiL,  I.  in,  donne  la  même 


ments  ;  car  Tévéque  Héber  nous  apprend  que 
Us  chiens  et  les  chevaux  conduits  de  Tinde 
dans  les  montagnes^  sont  bientôt  couverts  de 
laine  comme  la  chèvre  à  duvet  de  chdle  de  ces 
climats  (1038). 

Si  nous  examinons  la  forme  générale  el 
la  structure  des  animaux,  nous  verrons  ces 
deux  choses  sujettes  aux  plus  grandes  varia- 
tions. Aucun  animal  ne  montre  cela  plus 
clairement  quele  bœuf,  parce  que  sur  aucun 
autre,  l'art  et  la  domesticité  n'ont  été  essayés 
entant  de  lieux  divers.  Quel  contraste  n'y 
a-t-il  pas  entre  cet  animallourd,  massif,  a 
longues  cornes^  qui  traverse  les  rues  de 
Rome,  et  ce  bœuf  a  petite  tête  et  aux  mem- 
bres agiles  que  les  fermiers  anglais  prisent 
si  fort!  Selon  Bosman,  les  chiens  européens 
dégénèrent  à  la  Côte-d'Or  en  peu  de  temps 
d'une  manière  étrange;  leurs  oreilles  deviens 
nent  longues  et  droites  comme  celles  du  re- 
nard, vers  la  couleur  duquel  ils  inclinent 
pareillement  :  en  sorte  qu'en  trois  ou  quatre 
ans^  ils  deviennent  très-laids  ;  et  au  bout  d'au- 
tant  de  générations^  leur  aboiement  se  change 
en  une  sorte  de  hurlement  ou  de  glapisse^ 
ment.  Barbot  dit  de  même  que,  les  chiens  du 
pays  sont  très-laids  et  ressemblent  beaucoup  à 
nos  renards.  Ils  ont  les  oreilles  longues  et 
droites^  la  queue  longue^  grêle  et  pointue  par 
le  bout  9  sans  aucun  poil;  leur  peau  est  seule-- 
ment  nue  et  lisse^  tachetée  ou  unie  ;  ils  n'aboient 
jamais^  seulement  ils  hurlent.  Les  noirs  les 
appellent  cabre  de  matto,  ce  qui  en  portugais 
signifie  une  chèvre  sauvage^  et  cela  parce qu  ils 
les  mangent  et  estiment  plus  leur  chair  que 
celle  du  mouton  (1059) .  Ainsi  ii  parait  que 
le  climat  ou  d'autres  circonstaaces  locales 
ont,  dans  ce  cas,  le  pouvoir  de  réduire  en 
peu  de  générations  une  espèce  d'animaux 
amenée  d'un  autre  pays,  à  la  même  condi- 
tion que  la  race  native;  au  point  qu  on  pour- 
rait à  peine  reconnaître  leur  souche  primi- 
tive, dont  ils  ont  presque  |)erdu  les  carac- 
tères. Le  chameau  présente  également  un 
exemple  de  modifications  extraordinaires. 
Dans  quelques  caravanes  que  nous  avons  ren-- 
contréesyûïi  un  voyageur  moderne,  W y aroi7 
des  chameaux  d'une  espèce  beaucoup  plus 
grande  que  tous  ceux  que  f  avais  tus  aupara- 
vant ;  ils  différaient  autant  du  chameau  d* .4- 
rabie  dans  leurs  formes  et  leurs  proportions 
quun  mdtin  diffère  d'une  levrette.  Ces  cha- 
meaux avaient  la  tête  grosse;  de  leurs  cous 

elymologie  de  la  rivière  Xanthe. 

(1054)  Lettres  du  nord  de  Vltalie;  Load.,  1819, 
vol.  I,  p.  23-  L'idée  des  iHJigène.n  csl  qoe  *  aon-seu- 
lemenl  les  bétea  du  pays  sonl  Llanebes  (oo  pour 
parler  plus  exaclemenl,'couîeur  de  crème),  mais 
que  méu'e  les  bœufs  éiran^ers  retèlenl  la  même  li- 
vrée eu  buYaol  les  eaux  du  Pô.  » 

(10o5)  ViRciL.,  Géormques^  u,  146. 

(1056)  PaiCHARD,  p.  «é. .     ' 

(1057)  SaiTfl.,  Sem  vogage  to  Gmnea;  U»Ddon« 
1745,  p.  147.  —  New  gênerai  eoUecUon  of  voyages 
and  travels^  v.  n;  Lond.,  1745,  p.  711. 

(1058)  Narraliuof  a  ioumeg  thromgh  the  hpper 
nrovinces  of  India.  «•  édiU'  Londres,  18i8,  vol.  U, 

«•   "  /|059)  yew  coïleciicn^of  togagcs,  cu:.,  p.  71Î. 


m 


RAG 


DICTIONNAIRE  •  APOLOGETIQI'E. 


RAC 


épais  pendait  un  poil  brun- foncée  long  et  rude  ; 
leurs  jambes  étaient  courtes  et  les  jointures 
épaisses^  le  corps  et  leshanches  étaient  arrçn- 
ois  et  charnus:  néanmoins  ils  étaient  d'un 
pied  plus  hauts  que  les  chameaux  ordinaires 
des  déserts  d'Arabie  fl060).  Et  en  parlant  de 
cet  animal,  je  ferai  ooserver  que  son  carac- 
tère le  plus  saillant,  la  bosse  de  son  dos,  qui 
est  double  dans  la  variété  bactrienne,  est 
considéré  par  quelques  naturalistes  comme 
une  déviation  accidentelle  du  type  original, 
provenant  d'une  matière  sébacée  ou  grasse, 
déposée  dans  le  tissu  cellulaire  du  dos,  par 
Faction  continue  de  la  chaleur,  exactement 
comme  la  bosse  du  zébu  ou  bœuf  indien  ;  ou 
la  queue  des  moutons  de  Barbarie  et  de  Sy- 
rie; ou  la  formation  analogue  observée  sur 
les  reins  des  Hottentots  Bosjmans  (1061). 

En  citant  ces  exemples,  j*ai  moins  cherché 
à  reproduire  les  faits  recueillis  par  les  au- 
tres qu*à  ajouter  h  leurs  recherches  quel- 
3ues  nouvelles  preuves.  Mais  cela  suflit  pour 
éinontrer  que  des  variétés  sporadiques  ou 
accidenteUcs  peuvent  non^-seulement  se  re« 
produire,  mais,  ce  qui  va  mieux  à  notre  su- 
jet)  peuvent  même  se  propager  parmi  les  ani- 
maux. Il  ne  serait  pas  dimcile  de  multiplier 
les  exemples  de  ce  aernier  fail  ;  car  la  grande 
dissémination  des  animaux  albinos,  comme 
les  lapins  blancs,  ou  les  chevaux  couleur 
de  crème,  qui  probablement  sont  venus  d'a- 
bord de  maladie,  prouve  avec  quelle  facilité 
ces  variétés  accidentelles  peuvent  s^e  repro- 
duire. Mais  le  docteur  Prichard  d^'une  un 
autre  exemple  tout  à  fait  remarquable;  c'est 
celui  d'une  race  de  moutons  élevée  depuis 

r)eu  d'années  en  Angleterre,  et  connue  sous 
e  nom  d3  Anoon^  ou  race  de  loutre.  Elle 
naquit  d'une  variété  accidentelle,  ou,  pour 
mieux  dire,  d'une  difformité  d^s  un  ani- 
mal qui  communiqua  si  coaipléteraent  ses 
singularités  à  sa  progéniture,  que  la  race  est 
coraplétomcift  établie  et  promet  d'être  per- 
pétuelle ;  on  l'estime  beaucoup  à  cause  du 
peu  de  longueur  de  ses  iambfes,  qui  ne  lui 
permet  pas  de  franchir  aisément  les  barriè- 
res des  champs  (1062).  11  est  bien  reconnu 
aussi  que  la  race  qui  a  fourni  l'énorme  bœuf 
de  Durham  a  été  produite  artificiellement 
en  croisant  les  individus  qui  semblaient  réu- 
nir le  plus  de  points  de  perfection  de  toute 
espèce;  la  base  était  le  Kiloé  ou  petite  race 
des  Highlands,  et  tout  le  bétail  qui  arrive  à 
des  dimensions  extraordinaires  est  allié  à 
cette  race.  Les  raisonnements  sanctionnés 
par  ces  faits  ont  une  large  base  d'analogie 
applicable  à  l'espèce  humaine,  et  il  n'est  pas 
Hisé  de  voir  pourquoi  des  variétés  aussi 
grandes  n'auraient  pas  pu  se  produire  et  se 
transmettre  par  descendance  parmi  les  hom- 
mes comme  parmi  les  animaux  inférieurs. 
Il  parait  certain,  en  effet,  que  dos  diversités 
affectant  également  la  forme  du  crâne,  la 
couleur  et  la  texture  des  poils,  et  la  forme 

(1060)  Voyages  en  Assyrie,  Médie  et  Perse,  par  J. 
S.  BucKiNGBAM,  î- édition;  Londres,  1830.  vol.  T 
p.  2il.  .  ;.  ' 

(I0iîl>  LEVAituKT,  Deuxième  voyage,  I.  H,  p.  207. 


générale  du  corps,  proviennent  |wrmi  les 
animaux  d*unc  souche  unique;  déplus,  il 
semble  démontré  que  des  différences  de  cette 
nature  peuvent  originaîrc«M>nl  surgir  de 
quelque  variété  accidentelle  qui,  sous  des 
circonstances  particulières,  devient flicca- 
ractéristi(}ue  et  transmissible  par  descen- 
dance.  Ne  pouvons-.nous  pas  alors  considé. 
rer  comme  très  probable,  que  dans  Tespèee 
humaine,  les  mêmes  causes  peuvent  Of^ércr 
d'une  manière  analogue  et  produire  des  ef- 
fets non  moins  durables?  Et  les  variaiioQs 
de  ce  genre  qui  paraissent  dans  notre  es- 

Fèce  n  étant  jias  plus  éloignées  Tune  r 
autre  que  celles  qui  ont  été  refflanjoé' 
parmi  les  brutes,  il  n'est  pas  besoin  pour! 
expliquer  de  recourir  à  une  cause  plus  w 
lente  et  plus  extraordinaire.  Maisaborjo 
de  plus  près  la  difficulté,  et  serrons-la  )il 
étroitement. 

II  me  parait  clair  que  dans  chaque  M 
ou  race  de  l'espèce  humaine,  il  s*eslprodi 
accidentellement  des  variétés  tendaotl 
établir  les  caractères  d'une  autre  race. 
exemple,  les  cheveux  rouges  paraiss»/ 
partenir  presque  exclusivement  àlift 
caucasienne;  cependant  il  existe dass 

3U0  toutes  les  variétés  connues  des  ii 
us  avec  cette  particularité.  Charlem 
observée  parmi  les  Esquimaux ,  Soda 
parmi  les  Papous,  Wallis  parmi  les  T 
tiens,  et  Lopes  parmi  les  nègres  (1063). 
n'est  pas  plus  surprenant  que  de  tro« 

fiarmi  nous  des  individus  avec  les  chev 
risés,  et  je  crois  que  ceux  qiii  yonl 
attention  auront  souvent  observé  dans 
personnes  une  tcrTJance  vers  quelque  ai 
traiUearactéristique  de  la  famille  étM 
pîennc,  comme  un  teint  foncé  et  des 
vres  épaisses.  Dans  les  spécimens  de  cri 
publiés  par  Blumenbach  et  provenant  dei 
muséum,  il  y  a  celui  d'un  Lithuanien  <i 
vu  de  profil,  pourrait  être  pris  pour 
crâne  de  nègre  (106î^).  Mais  rexemplî 
plus  curieux  quo  j'aie  rencontré  de  ce 
tendance  sporadique  à  produire  dans 
race  humaine  les  caractères  d'une  a 
race,  se  trouve  dans  un  voyageur 
qui  a  presque  le  premier  exploré  le  Haii 
ou  district  au  delà  du  Jourdain.  La  fi 
qui  réside  ici  {à  Abu-el-Beody),  dil-i!, 
charge  du  sanctuaire,  est  remarquable  en 
à  l'exception  du  père,  tons  ont  les  trai 
gres^  une  couleur  noir- foncé  et  des  ch 
crépus.  J'ai  pensé  que  cela  résultait 
doute  de  ce  que  leur  mère  était  n^yre^^fi 
on  trouve  quelquefois  parmi  les  Arufjf^ 
femmes  de  cette  couleur,  soit  comme  fp 
légitimes,  soit  comme  concubines:  ««'|'* 
même  temps  je  ne  pouvais  douter,  d^apra 
observation  personnelle,  que  le  chef  actuff 
la  famille  ne  fût  un  Arabe  depurerncf. 
sang  non  mélangé.  On  m'assura  aussi  ff^'^ 
hommes  et  les  femmes  de  la  génénuioix  • 

VlREY,  1. 1,  p.  318. 
(iOۉ)  Vol.  M,  p.  S50. 
(tOG3)  Blijhexbacu,  p.  169. 

(10641  Décades  craniortim,  olanc.  wi,  f.  ^ 


*  f 


ILIC 


nCTIONNAIRE  APOLOGETâQCfiL 


EAC 


90 


,.  ^'^fe  ei  des  générations  antérieufts  éiaieni 
^  ^  Arabes  purs^  par  mariage  et  par  descend 
^«^ce,  et  que  dans  Thistoire  de  la  famille  on 
'AtoiV  jamais  connu  de  négresse^  ni  comme 
^ottif,  ni  comme  enclave,  C*est  une  partiru- 
trité  très^prononcée  des  Arabes  qui  habitent 
t  TûlUe  du  Jourdain^  d'avoir  les  traits  plus 
^ lotis f  la  peau  plus  noire  et  les  cheveux  plus 
if^es  qu  aucune  autre  tribu  ;  particularité 
m  ^n  fiiut,  je  pense,  attribuer  à  la  chaleur 
5  mtinutUe  et  intense  de  cette  région,  plutôt 
m  ^àoMCune  auire  cause  (1065).  Si   tous  res 
'K  (settoules  ces  circonstances sodI  regar- 
e^  ^  comme  suffisamment  établis,  nons  a?on5 
■'  «lainement  ici  un  exemple  bien  frappant 
^  oJindus  d*une  famille  qui  approche  des 
/ictères  distinctifs  d'une  autre  famiUe,  et 
t  la  transmission  de  ces  caractères  par  des- 
n«Jaoce. 

IS  ja  même  des  exemples  de  Tarîétés 
3ucoup  plus  tranchées  et  beaucoup  plus 
ranges  que  celles  oui  constitnent  les  ca* 
libres  spécifiques  aaucune  race«  et,  qui 
js  ^sU  ces  variétés  ont  passé  du  père  au 
^  z  assurément  elles  auraient  rendu  notre 

*  -L/lème  beaucoup  plus  difficile  à  résou* 
'^    qa'tl  n*est  k  présent»  si  elles  avaient 

.•'^i'ians  quelque  partie  éloignée  du  globe 

.    Véuient  étendues   sur  une  population 

nshiénble.  La  filus  remarquable  est  sans 

•  '  !/re  celle  dont  on  a  suivi  la  trace  pendant 
'    h  générations,  dans  la  famille  de  Lam- 

rt,  connu  généralement  sous  le  nom  de 
î  o  mme  porc-épie. 

L.*duieur  de  cette  race  extraordinaire  fut 
»rK>rd,  étant  jeune  garçon,  montré  par  son 
re  en  1731,  et  venait  du  voisinage  d*£us- 
i-Hall  dans  le  Suflblk.  M.  Machin,  cette 
^rne  année,  le  décrivit  dans  Tes  Transac- 
w%t  philosophiques,  comme  ayant  le  corps 
irerf  de  verrues  de  la  grosseur  d'une  ti- 
/e  et  d*un  demi-pouce  de  long  :  toutefois 
le  le  DOinme  pas  (1066).  En  1735,  on  le 
voir  de  nouveau  sous  le  même  nom ,  et 
ut  décrit  par  M.  Baker,  dans  une  notice 
scntée  comme  supplément  de  la  premiè- 
:  mais  c«  qui  est  plus  important,  c*est 
avant  alors  quarante  ans,  il  avait  eu  six 
ants  qui  tous  à  la  même  époque,  neuf 
laîoes  après  la  naissance,  avaient  pré* 
lé  la  même  singularité  ;  et  le  seul  qui 
reçut,  garçon  de  huit  ans,  se  faisait  voir 
c  son  père.  M.  Baker  donne  une  planche 
résenlant  la  main  du  fils,  comme  M.  Ma- 
1  arait  fait  pour  celle  du  père  (1067). 
1^02,  les  enfants  de  ce  garçon  étaient 
fi'rés  en  Allemagne  par  un  M.  Joanny, 
lel  prétendait  au*ils  appartenaient  à  une 
\  trouvée  dans  ta  Nouvelle-Hollande  ou 
s  quelque  autre  pays  très-éloigné.  Le 
leur  Tilésius,  cependant,  les  examina 
-scrupuleusement,  et  publia  la  descrip- 

OCÔ'>  BrcK»t;B4if,  Tratels  among  Ihe  Arab,  Tri" 
London.  18i5,  p.  14. 
^K(»)  àohùUkCMi^.PhUoiop.  TraiM.,  vol. XXX Vn, 

j9. 

INST)  tHd.^  vol.  XUX,  p.  21. 

1M>8)  Ausfûkrlichc  Beschreibung  und  AbbUdung 


lion  la  plus  exacte  que  nous  ayons  oe  cette 
singulière  famille,  avec  les  figures  en  pied 
des  deux  frères ,  John  qui  avait  vingt  et 
un  ans,  et  Richard  qui  en  avait  treize  (1068). 
Leur  père,  jeune  garçon  de  la  notice   ae 
M.  Baker,  vivait  encore  et  était  garde-chasse 
de    lord  Huntingfield ,  h   Heaveningfaam- 
Hall  dans  le  SuiTolk.  Quand  on  leur  fit  voir 
le  dessin  qui  représentait  sa  main,  dans 
les  Transactions  philosophiques,   ils  la  re- 
connurent à  l'instant  tous  les  deux,  h  cause 
d*un  bouton  d'une  forme  particulière  qui 
fermait  le  poignet  de  la  chemise  (1069).  La 
description  de  Tilésius,  de  la  page  30  jus- 
qu'à la  fin  dd  ce  livre,  est  très-détaîlléc  et 
corres}K>nd  exactement  avec  celle  qu'on  avait 
donnée  de  leur  père.  Tout  le  corps,  ex- 
cepté la  paume  des  mains ,  la  plante  des 
pieds  et  le  visage,  était  couvert  d  une  quan- 
tité  d'excroissances   cornées   d'un    rou^o 
brun,  dures,  élastiques,  d'environ  un  demi- 
pouce  de  long  et  bruissant  l'un  contre  Tan- 
tre  quand  on  les  froissait  avec  la  main.  Je 
ne  sais  à  quoi  je  pourrais  mieux  Icomparer 
l'apparence  de  ce  bizarre  tégument,  tel  que 
nous  le  voyons  dans  les  planches  de  Tilé- 
sius, qu'à  une  multitude  de  prismes  ba- 
saltiques, les  uns  plus  long?,  les  autres  plus 
courts,  comme  ils  sont  généralement  grou- 
pés dans  la  nature.  Tous  les  ans,  ces  ex- 
croissances  cornées  tombaient,    et    leur 
chute  était  toujours  accompagnée  d'un  cer- 
tain malaise;  elles  cédaient  aussi  à  l'action 
du  mercure  qui  fut  essayé  dans  ce  but; 
mais,  dans  l'un  et  l'autre  cas,  tout  revenait 
graduellement  en  très-peu  de  temps  (1070}. 
Les  conséquences  que  M.  Baker  tire  de  ce 
p'hénomène  extraordinaire,  sont  très-justes 
et  ont  encore  un  plus  erand  poids,  mainte- 
nant qu'il  s'est  reproduit  dans  une  autre 
génération  et  dans  deux  cas  distincts,  llpar 
ratt  donc  indubitable,  dit-il,   que  cet  homme 
pourrait  propager  une   race^  particulière,, 
ayant  la  peau  hérissée  d'un  tégument  sembla^ 
ble.  Si  cetaarritait,  et  quon  oubliât  Torigine 
accidentelle  de  cette  tariélé,  on  pourrait  fort 
bien  la  prendre  pour  une  espèce  différente  de 
la  nôtre.  Cette  considération  nous  conduirait 
presque  à  imaginer  que  si  l'humanité  est  sor^ 
tie  d'une  seule  et  même  souche,  la  peau  noire 
des  nègres  et  plusieurs  autres  différences  de 
même  nature,  peuvent  bien  être  dues  origi^ 
nairement  à  quelqiie  cause  accidentelle  (1071). 
Une  autre  variété  plus  commune  ,  et  (]ui 
prévaut  dans  des  familles  entières,  consiste 
en  doigts  surnuméraires.  Dans  l'ancienne 
Rome,  elle  fut  désignée  par  un  nom  particu- 
lier, et  les  sedigiti  sooi  mentionnés  par  Pline 
et  d'autres  auteurs  graves.  Sir  A.  Carlisle  a 
tracé  avec  soin  l'histoire  d'une  semblable 
famille pendant|quatre  générations.  Son  nom 
était  Colbum,  et  cette  singularité  fut  intro- 

der  beiden  $o  genannien  Slacheluhweitt'Meiischen  ans 
der  bekannien  englisckem  FamUie.  Lambert;  Allcb- 
buii;,  1802.  fol. 

(IU69)Page4. 

(i07U).PAf/ot.  iramaci. ,  vol.  XLIX,  p.  Si. 

UO?lj  Ibid. 


991 


RAG 


OICTIONNAIRE  APOLOGLTiQUC 


R.VC 


dnite  dans  la  famille  par  la  bisaïeule  du  plus 
jeune  enfant  que^  l'on  examina  :  cela  n  était 
pas  régulier  et  se  remarquait  seulement  chez 
quelques  enfants  dans  chaque  génération. 
Maupertuis  en  a  cité  d'autres  exemptes  en 
Allemagne  ;  et  un  célèbre  chirurgien  h  Ber- 
lin, Jacob  Ruhe,  appartenait  à  une  famille 
qui  avait  cette  particularité  par  le  côté  ma- 
ternel (1072).  Nous  avons  donc  prouvé  déià, 
taut  par  l'analogie  que  par  aes  exemples 
divers  :  V  qu'il  j[  a  une  tendance  perpé- 
tuelle,  je  pourrais  dire  un  effort  dans  la 
nature,  pour  produire  dans  notre  espèce 
des  variétés  souvent  d'un  caractère  très-ex- 
traordinaire, quelquefois  approchant  d'une 
manière  prononcée  des  caractères  spécifi- 
ques d'une  race  différente  de  celle  dans  la- 
quelle naissent  ces  variétés;  2'  que  ces  par- 
ticularités peuvent  se  communiquer  du  père 
nu  Ois  dans  des  générations  successives. 
Nous  avons  donc  obtenu  ainsi  un  puissant 
ruotif  de  présumer  que  les  différentes  fa- 
milles ou  races  humaines  peuvent  devoir 
leur  origine  à  quelque  occurrence  semblable 
h  rapparition  accidentelle  d'une  variété,  oui, 
sous  1  influence  de  circonstances  favorables, 
par  exemple  Tisolement  de  la  famille  dans 
laquelle  elle  a  commencé,  et  les  interma- 
riases  qui  ont  été  la  conséquence  de  cet 
isolement,  est  'devenue  fixe  et  indélébile 
dans  les  générations  suivantes. 

§T. 

IdenUté  d*oiigioe  des  dilTércotes  races  Urée  de  la  coropai- 
raisoD  des  langues.  —  Faits  prouvanl  la  possibilité  d'un 
ehangenient  de  coaleur  jusqu'au  noir  :  ludous,  Abyssi- 
niens, Arabes  de  Souak/o,  Foulabs,  elc—  Exemple 
apparent  d'une  transi Uon  actuelle.  —  ElTets  de  la  civl- 
llisation  :  Selloucks,  Mongols,  Germains.  •—  InQuence 
de  l'habitude.  •—  Permanence  des  types.  —  Réponse  k 
VobjecUon  tirée  du  pedicuUu  td^ritarum.  —  Conuexion- 
des  différentes  races;  division  en  nuances  graduées  do 
différence  dans  chacune  :  Polynésiens,  Malais,  clc. 

L'étude  de  la*  science  ethnographique  et 
philosophique,  qui  a  fait  de  si  grands  pro- 

(I07i)  Philoêophicat  Irafuacthns ,  volume  GIV, 
4814,  part,  i,  page  9i.  —  Paichard,  volume  U, 
nagî  537. 

(1073)  Voir  VAtias  ethnographique ,  tableau  XV» 
'    4074)  Pricbard,  y.  Il,  p.  266. 

(1075)  f  Au  milieu  de  Uni  d^empires  dont  les 
traces  rapides  sVffaceut  les  ooes  par  les  autres,  qui 
ne  croirait  que  ces  migrations  sur  la  rosée  du 
monde  naissant  n*ont  point  laissé  de  vestiges,  ou 
qu*au  moins  la  généalogie  des  races  bumaineH  est 
pour  jamais  perdue?  Loin  de  là  :  cette  généaloRÎe 
du  genre  humain  a  été  retrouvée  hier  par  une  dé- 
couverte qui  ne  permet  point  de  doute.  Des  mnnu* 
ments,  plus  sûrs  que  des  colonnes  mUliaires,  mar- 
quent d'âge  en  âge,  non-seulement  la  filiation,  k 
dcscendauee,  le  degré  de  parenté  des  peuples,  mais 
aussi  leur  itinéraire  dans  un  temps  où  ils  croyaient 
ne  point  laisser  de  témoins  derrière  eux.  Ces  monu- 
ments sont  les  langues  humaines,  cette  découverte 
est  celle  de  Tafliliation  des  idiomes  de  TOrient  avec 
ceux  de  l'Occident. 

c  Si,  en  effet,  les  longues  de  notre  Europe  ont, 
comme  il  est  impossib'e  d'en  douter,  leurs  racines 
dans  celles  qui  ont  été  originairement  parlées  dans 
le  Dassin  du  Gange  et  du  golfe  Pacifique  ;  si  celles 
dMTomère,  de  Oambyse,  de  David,  de  Yalniiki,  sont 
alliées  Tune  à  Tautre  ;  si  à  Textrémité  même  du 


grès  dans  ces  derniers  temps,  sert  dui 
manière  toute  particulière  à  répoudre  si 
objections  que  Ton  a  faites  contre  Vuniié 
Torigine  humaine  ;  elle  prouve,  en  effet, 
d  une  manière  évidente,  que  les  nations  q 

f)résentent  les  signes  caractéristiopcs  \ 
es  font  classer  dans  des  races  dméreni 
ont  cependant  un  langage  qui  ne  permet] 
de  douter  qu'ellc-s  ont  eu  une  origine  cu 
miine. 

Baibi  a  placé  dans  une  seule  famij 
la  famille  ouralienne  (1073),  1c  hongrf 
le  Gnnois,  le  laponien  et  Vestbonien,  k 
gués  pariées  par  les  peuples  du  nori, 
s'alliant  aux  Tcbermisses,  auiVoliaLsi 
Ostiaks,  ou  plutôt  As-Jachs  et  Permlei 
tribus  qui  habitent  les  rives  de  rOby.el' 
parties  nord  de  la  Sibérie.  Or,  si  lacool 
mité  du  langage  prouve  que  toulescestril 
sont  de  la  même  famillCt  la  diversitl, 
leurs  traits  tendrait  à  prouver  que  cea( 
des  familles  différentes;  Ainsi  les  bpM 
les  TchermisseSy  les  Wogols  et  les  Ha 
ont  les  cheveux  noirs  et  les  yeiii 
landisque  les  Finnois,  les  PerraieflsitJ 
A&Jachs  ont  tous  les  cheveux  rfij^r 
veux  bleus  (1074),  et  cependant  Hi 
lui-même  fait  entrer  toutes  ces  tnbni 
les  familles  mong^o/es.  II  faut  doac  cil 
dure  qu'une  portion  de  cette  faioiiletj 
rié  du  type  primitif,  et  que  ces  ti 
n'expliquent  pas  la  diversitt^  d'origiae, 
«  La  race  caucasienne,  c'est-à-dire 
h  laquelle  nous  appartenons,  nous 
Européens,  présente  un  phénomène 
blable.  Quelle  que  soit  Thypothèse  quel 
npus  déterminions  à  adopter,  la  pré/ 
nance  d'un  langage  essentiellement  tel 
de  rinde  à  Tlslànde,  prouve  que  les  a« 

f|ui  le  parlent  ont  une  commune  6i 
1075).  Cependant  les  habilauisdeiap 
suie  indienne  diffèrent  de  nous  pariaj 
et  la  roti^eur,  assez  matérielleou'iit 
être  classés  dans  une  autre  race.  Kia[ 

Nord  voQs  retrouvez,  sous  les  neig^de  i'isli 
fleur  glacée  de  la  parole  asiatique,  de  méioe^ 
géologues  ont  retrouvé  Tivoire  de  rélépbanl 
glact'S de  la  Scandinavie  et  lempreinie dt 
talion  de  la  zone  torride  toot  près  du  pôle,  i 
évidemment  de  là  que  les  peuples  aDJooi 
plus  étrangers  les  uns  aux  autres  ont  tcc« 
gine,  dans  une  relation  intime;  qu*ils  osf 
d^abord  une  grande  famille,  laquelle  poi^ 
sociale  à  la  même  source  ;  qoe  leur  cheaùn^ 
que  par  les  vestiges  et  Us  ^os  de  la  ^rft" 
lie  tous  les  bonimeSj  depuis  le  premier 
dernier,  dans  une  même  etialne,  tout  coseo 
sique  et  spirituelle.  luierpréCex  comme  toii<«' 
drez  celle  parenté  dans  les  idiomes,  toujoui 
serez  ramené  à  ki  nécessité  d'une  soucitt*  a 
de  laquelle  sont  sortis  les  ramcaui  deceiif 
vie  que  Ton  appelle  Tbistoire.  Et  cette  cor 
tirée  de  ce  qu*il  y  a  de  plus  intime  dans  ïf\ 
rhomroe*  s'accorde  pleinement  avec  les  i> 
primitives,  qui  toutes  placent  à  rorigincoe 
race  une  même  société,  une  même  bamaof 
sorte  que  des  peuples  qui  depuis  avaient  c* 
séparés  par  toutes  les  circonstances  de  l'or^'^ 
sociale,  subitement  rapprocbés,  ne  (orimwl 
aux  yeui  de  la  science  et  de  la  religwoiji^ 
môme  famille  *  leur  pirenté  se  découvre. 


fS 


BAC 


DICTIONXAIRR  APQLOGETIQCE. 


RAC 


9GI 


«ur  se  rendre  comple  de  celle  circonstance, 
loagioe  q«e  les  naliODS  indo-germaniaues 
esoat  sauTées  du  déluge  sur  deux  chaînes 
e  montâmes,  THimalaya  et  le  Caucase.  De 
I  première»  selon  lui,  descendirent   les 
Qiiiens  au  sud,  et  les  Goths  au  nord  ;  de  Tau  tre 
inreni  les  Mèdes,  les  Perses  et  les  Pélas- 
^s.  II  suppose  alors  que  la  couleur  rern- 
roDÎe  des  indiens  a  été  produite  par  le  raé- 
in^earec  une  race  noirâtre  qui  se  trou- 
ait là  avant  eux,  et  qui  avait  échappé  au 
:^me  fléau  sur  la  montagne  du  Malabar 
i*.C6).  liais  tout  ceci  est  une  pure  conjec- 
M  re,  sans  le  nlus  léger  fondement,  soit  dans 
*  L  bioire  ou  la  tradition  locale.  On  voit  que 
*jt  cela  a  été  inrenté  pour  échapper  à  la 
a^allé,  qui  se  résout  plus  facilement  en 
1  mettant  qu*une  nation  peut  assez  changer 
■^  signes  caractéristiques,  pour  passer  dans 
c^e  famille  différente  de  celle  à  laquelle 
.-  Jk  langage  prouve  qu'elle  a  primitivement 
— firleiiu.  • 

itiis  la  plus  grande   difficulté  ne  consiste 

iHBàeipliquer  les  différences  qui  se  trou- 

rai  entre  la  couleur  et  la  conformation  de 

laces  Intermédiaires,  mais  surtout   et 

à  donner  la  raison  de   la 

du  nègre  ;  car  c*est  là  toute  la  dif- 

Dans  cet  état  de  la  question,  il  faut 

rucoreUsser  parler  les  faits  contre  les- 

ju^ Il  logique  ou  Tanalugie   ne  peuvent 

:eB«i)nsi  analysons  les  faits  : 

El  d'abord,  s'il  est  une  race  d'hommes 

uM  ail  tenu  à  ne  pas  se  mêler  et  à  se  tenir 

iro  de  toute  alliance  avec  les  autres  races, 

r^  à  coufxjsûr  la  race  des  Brahmines  de 

x>*ie  ;  or  ïéfèqœ  flaber  assure  qu'il  y  a 

rs  iodiTidus  de  très-haute  caste  qui  sont 

-irs,  tandis  que  dans  les  plus   basses  cas- 

»  les  parias  sont  liîancs  comitafativement 


^Kjici  un  second  exemple  : 

Les  indigènes  de  l'Abyssinie  sont  compiC- 

jtrot  noirs,  et  cependant  il  est  certain  que, 

*  leur  origine,  ils  appartiennent  à  la  fa- 
ile  êémUique^  et  par  conséquent  à  une 
^bianche;\ew  langage  n'est  qu'un  dia- 
lê  de  celte  classe,  et  le  nom  même  de  la 
ion  indique  qu'elle  a  traversé  la  mer 
(i^e.  Cest  de  laque  dans  l'Ecriture  le 
v'^ft  cash  s'applique  également  à  eux  et 
K  Labitants  de  l'autre  rive  ;  et  ni  par  les 
K  ni  par  la  forme  du  crâne,  ils  n'ont  la 
iniire  ressemblance  avec  le  nègre.  On 
kt  facilement  s'assurer,  soit  par  des  por- 
1:2s  soit  par  des  individus  vivants,  qu'ex- 
té  la  couleur,  leur  visage  est  parfaite- 
[il  earupéen.  Ici  donc  un  changemeut  a 

•  teu«  Lien  que  nous  ne    sachions  com- 

ï  (KJipe.  à  la  6b  de  la  iragéîie.  1  (Edgar  Mh\:kz^^ 

^Mte  des  retigion»,  Dd  la  lévélaliou  iiar  Torgane 

t  Bruire.) 

4I7S;  itn«  pdfgtoiUi,  p.  43. 

•)77>  Habeb^s  Hurraihe^  t.  I,  p.  9. 

07«;  \09aft  en  Nmbu;  V  édition,  page  391  (eo 

rrs)  Tatfageen  XuHf;  »  édition,  page  395  (en 


*  Un  autre  exemple,  «ncore  plus  .rappant, 
nous  est  fourni  par  l'exact  et  întellieent 
voyageur  Burckhardt  :  la  ville  de  SSoualin, 
située  sur  la  cAte  africaine  de  la  mer  Ronge, 
plus  bas  que  la  Mecque,  contient  une  {co- 
pulation mixte,  forméed'abord  deBé<louins 
et  d'Arabes,  y  compris  les  descendants  des 
anciens  Turcs  ;  et  ensuite  du  peuple  de  la 
ville,  com[)osé  soit  d'Arabes  de  la  côte  op- 
posée, soit  des  Turcs  d'origine  moderne 
(1078).  Voici  ce  qu'il  dit  des  deux  classes  : 
<  La  première,  les  Badherebes  ou  Bédouin$ 
deSouakin,  ont  exactement  les  mêmes  traits, 
la  langue  et  le  costume  des  Bédouins  nu- 
biens^ £n  générai  leurs  traits  ont  de  la 
beauté  et  de  l'expression,  leur  barbe  est 
rare  et  courte,  leur  couleur  est  du  brun  lu 

fil  us  foncé,  approchant  du  noir,  mais  dans 
a  physionomie  ils  n'ont  rien  du  caractère 
du  nègre  (1(^79).  »  Les  autres,  qui  descen- 
dent tous  des  colons  venus  de  Mosoul,  Ba- 
dramont,  etc.,  et  des  Turcs  envoyés  là  par 
SélifB,  lors  de  sa  conquête  de  l*^ypte,  ont 
subi  le  même  changement.  «  La  rac%  ac- 
tuelle, dit  Burckhardt,  a  les  traits  et  les  ma- 
nières africaines,  et  ne  peut  sous  aucun 
rapport  se  distinguer  des  Hadherebes  (i060j .  » 
Nous  avons  donc  ici  (ieui  nations  distinctes 
des  Arabes  et  des  Tures,  qui  dans  l'espace 
dépende  siècles  sont  devenues  noires  en 
Afrique,  quoique  blanches  dans  leur  ori- 
gine. 

Il  y  a  plusieurs  nations  non-seulement 
le  long  de  la  côte,  mais  dans  le  cœur  même 
de  l'Afrique  centrale,  qui  sont  complète- 
ment d'un  noir  luisant,  sans  un  signe  de 
trait  nigrt.  Parmi  elles  sont  les  Foulahs, 
que  Park  décrit  comme  «  n'étant  pas  noirs/ 
mais  d'une  couleur  basanée,  tannée,  qui  est 
plus  claire  et  plus  jaune  dans  des  Etats  que 
dans  d'autres.  Ils  ont  des  traits  délicats  et 
des  cheveux  doux  et  soyeux,  sans  les  lèvres 
épaisses  ou  la  laine  crepue,  communes  à 
d  autres  tribus  (1081).  »  Jobson  les  peint 
«  d'une  couleur  de  tan  »  avec  de  longs  che- 
veux noirs,  pas  à  beaucoup  près  frisés 
comme  ceux  des  nègres  (1062).  M.  Moore, 
parlant  des  Yoloffs,  dit  «  qu'ils  sont  beau- 
coup plus  beaux  que  les  Mandingues  ou  les 
Flups,  n'ayant  pas  le  nez  large  et  les  lèvres 
épaisses  qui  distingnent  ces  nations,  et 
qu'aucun  des  habitants  de  ces  contrées  ne 
peut  se  comparer  aux  Yoloffs  pour  la  noir- 
ceur de  la  peau  et  la  beauté  des  traits.  * 
L'écrivain  auquel  j'emprunte  cette  citation 
ajoute  que  les  voyageurs  ne  distinguent 
pas  toujours  avec  la  même  exactitude  que 
Al.  Moore  les  Yoloffis  des  Mandingues,  ei 
d'autres  noirs  au  nez  éiiaté,  parmi  lesquels 
ils  sont  mêlés;  et  dans  un  autre  endroit 

(1080)  Page  5dl.  Comme  les  Hadherebes  n'oof 
pomt,  suivaut  la  première  ciiatioii,  la  physioDonie 
nègre,  je  suppose  que  par  traits  DOVi  de\oas  eoieu 
dre  la  couleur  seulemeut. 

(1081)  Slh9ER*s  Recordi  ofcreathnt  2'  éd.,  v*  I 
p.  580. 

.  (1082)  New  gênerai  coHeciion  of  vogmges  :  ni  siip. 

p.  i6i. 


EAC 


DlCTlONiNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RACj 


parlant  des  Mandingues,  il  dit  «  qu'ils  soiU 
aussi  remarquables  par  leurs  lèvres  épais- 
ses et  leur  uez  aplati,  que  les  Yoloffs  et  les 
Foulahs  le  sont  pour  la  beauté  de  leurs 
traits  (1083).  »  Or,  ceci  est  en  contradicliou 
complète  avec  les  récits  de  voyageurs  plus 
récents;  car  Caillié  décrit  ainsi  les  habi- 
tants de  Timbuctoo:  «  Ils  sont  de  taille  or- 
dinaire, bien  faits,  droits,  et  marchent  d'un 
pas  ferme;  leur  couleur  est  d'un  beau  noir 
foncé;  leur  nez  est  un  peu  plus  aquilin  que 
ceux  des  Mandingues,  et  comme  eux  ils  ont 
les  lèvres  minces  et  les  yeux  noirs  (1084^).  » 

Cette  contradiction  est  néanmoins  de  peu 
d'importance;  carde  toutes  manières,  il  est 
évident  que  la  couleur  n'a  pas  une  con- 
nexion nécessaire  avec  le  trait  du  nègre, 
mais  qu'il  existe  deux  races  ou  deux  varié- 
tés également  noires,  appartenant  à  deux 
familles  différentes,  distinguées  par  le  signe 
caractéristique  plus  important  de  la  forme 
du  crâne  et  des  traits  (1085). 

En  opposition  à  ces  faits,  on  ))eut  h  la 
vérité  en  présenter  d'autres  qui  sont  sou- 
vent cités.  On  observe  que  les  descendants 
des  Français,  des  Anglais  et  des  Portugais, 
qui  se  sont  autrefois  établis  sur  la  côte 
d'Afrique,  n'ont  éprouvéaucun  changement 
après  plusieurs  générations,  et  que  dans 
1  Amérique  septentrionale  les  nègres,  après 
pJusieurs    siècles,    sont    toujours    nègres 

il086).  Et  pour  ajouter  un  nouvel  exemple, 
lurckhardl  fait  deux  fois  mention  des  des- 
cundants  des  soldats  bosniaques,  laissés  par 
Sélim  en  Nubie,  qui  ont  encore  conservé 
les  traits  do  leur  pays  natal,  quoiqu'ils  eu 
aient  oublié   la  langue. 

Beaucoup  de  ces  laits,  même  tous,  peu- 
vent être  vrais  ;  mais  qu'est-ce  que  cela 
prouve,  quand  on  les  compare  à  ceux  que 
nous  avons  déjà  cités?  Seulement  que  le 
mode  d'agir  des  causes  ne  nous  est  pas 
encore  connu;  que  nous  ne  pouvons  décou- 
vrir la  loi  en  vertu  de  laquelle  la  nature 
opère;  qu'il  j^a  deux  séries  de  faits;  l'une 
et  l'autre  véritables,  mais  ne  se  détruisant 
pas  mutuellement. 

Mais  examinons  cette  objection  avec  plus 
de  détails.  Nous  savons,  à  n'en  pas  douter, 
que  dans  certaines  parties  deTInde,  les  des- 
cendants des  Européens  établis  depuis  long- 
temps ont  totalement  changé  de  couleur, 
quoique  leurs  traits  n'aient  point  varié.  «  Il 
est  remarquable  cependant,  dit  un  auteur 
que  j'ai  déjà  cité  souvent,  que  toutes  c(!S  ra- 

(1083)  New  gênerai  coUeciion  of  voyages  :  ut  sup., 
p.  x55,  266. 

(1084)  TravelB  Ihrough  central  Africa.  Lond.  1850, 
V.  Il,  p,  61. 

(1085)  c  Sar  toute  la  siirface  du  pays  habité  par 
les  Africains,  dont  M.  Frobcrviile  nous  a  rapporté 
les  tfpes,  existent,  disséminés,  un  certain  nombre 
de  nègres  dont  les  traits  offrent  un  caractère  tout 
particulier  :  ceux-ci  ont  le  nez  aquilin,  le  menton 
prononcé,  les  lèvres  minces  ;  on  y  reconnaît  en  un 
mot  Tempreinte  un  peu  effacée  de  la  race  arabe  ou 
sémitique.  Cette  variété  ne  forme  point  une  caste 
séparée,  elle  Cat  intimement  mêlée  et  dispersée 
«laits  la  grande  famiUe  iiègre  ;  elle  y  a  peut-être 
L*troioit  it  elle  y  conserve  d«&  tradition»  semi- 


ces  d*hommes ,  sans  eiception  (Persans 
Grées,  Tartares»  Turcs  et  Arabes),  après  un 
petit  nombre  de  générations,  même  sans  au. 
cune  alliance  réciproque  avee  les  HiD(luu5, 
prennent  la  teinte  olive  fon^  approèui 
de  celle  du  nègre,  et  gui  semble  naturelle 9q 
climat.  Les  Portugais  nés  dans  le  pajs  np 
s'unissent  qu'entre  eux  seulement,  ou,  mIs 
le  peuvent,  avec  des  Européens;  et  néan- 
moins  peiidant  une  résidence  de  300  aas 
dans  rindc,  ces  Portugais  sont  dcvenusauj'i 
noirs  que  des  Cafres.  Certainemeal  œ  Uà 
est  d'un  grand  poids  pour  réfuter  cetnqni 
alTirment  que  le  climat  seul  est  iosolkni 
pour  expliquer  la  différence  entre  le  n*j;n! 
et  rEuro|)éen.  Il  est  vrai  quil  y  a  (kiït 
nègre  d'autres  particularités  que  leshdieib 
n'ont  pas,  et  vers  lesquelles  les  colons f-onn- 

!;ais  ne  montrent  aucune  tendance...  Uib» 
a  chaleur  produit  un  changement, d'autre 
§  articulantes  du  climat  peuvent  {rodm'p 
'autres  changements  additionnels;et<|iiaft. 
de  pareilles  circonstances  ont  trois  ujujcijt 
mille  ans  pour  opérer,  il  n'est  pas iw>'Jf 
fixer  une  limite  à  leur  puissance (tNr^<(/ 
r.iisonuement  est  défectueux,  iledvm. 
d'autant  que  les  traits  des  nègres étofllifaâ 
dès  le  temps  dllérodole  ou  d'Hemm 
même  beaucoup  plus  anciennement,  ciiffiii^ 
on  le  voit  par  les  monumesits  égyptien»  ^ 
le  climat  n'explique  point  les  casquej'i 
cités,  de  tribus  vivant  sous  la  mêmelalitaie, 
sur  le  même  sol,  et  ayant  des  caractère^'- 
talement  différents  ;  mais  néanmoins  ic  ii<l 
contenu  dans  ce  passage  est  précieux  e»ft 
qu'il  montre  qu'une    transition  peut  «t^^ 
h«u  €hi  blanc  au  noir. 
.  De  même.  Long,  dans  son  Bistoirt  éfk 
Jamaïque^  et  Edward,  dans  son  Histoirté^ 
Indes  occidentales^  ont  tous  deux  remar^iÉ 
que  les  crânes  i\Qs  colons  blancs  établis  dan 
ces  contrées  diffèrent  sensiblement  pour 
forme  de  ceux  d'Europe,  et  s'approcWrliij 
la  configuration    d'origine  ainéricairv*.  li 
docteur  Pricbard  affirme  également,  a'ajw 
des  autorités  graves,  qu'à  la  troisième  p^^ 
*  ration,  les  esclaves  qui  vivent  dans  les  fii» 
sons,  aux  Etats-Unis,  ont  le  nez  moins  épr 
et  la  bouche  et  les  lèvres  moins  saillaa 
et  qu'en  même  temps  leur  chevelure  de>ii 
plus  longue  à  chaque  génération  successi 
Les  esclaves  qui  travaillent  aux  champs 
tiennent  au  contraire  beaucoup  plus  i 
temps  leurs  formes  originaires  (1088 . 
dani  a  rapporté  un  exemple  d'un  conlo-ii 

tiques  évidentes,  celle  du  }Mti  et  do  c^^ 
delà  premièie  famille  humaine,  de  l'ivresMil^ 
et  de  ses  suites;  le  nom  deJéhovah  api^liqucsi} 
leil,  le  nom  d'arc  du  bon  Dieu  donné  à  farc^fi^ 
la  circoncUon,  Vimpurelé  légaU,  le  culte  de*» 
où  Ton  peut  aisément  reconnaître  Molock^^p 
divinité  chananéenne,  eo  Tbonneur  de  \»q^« 
passait  les  enfants  à  travers  le  feu,  eM.  »  f^i 
dtt  Compte-rendu  de  r Académie  da  iciiMn  su? 
vojrages  de  M.  Frober ville  cbei  les  osuro^»*?^ 
africains.)  ^ ,. 

(1086)  Descript.  de  la  Mgritte,  ot  siip..  ^^^•*^ 
bat.  L  li,  p.  255. 

(4087)  Nebkr's  Narrative,  v.  I,  p.  dS 

a088j  Voi.  llfp.5t»&. 


17 


RAC 


KCTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


égrct  qvi  ajant  été  amené  très-jeune  à 
enise,  changea  tellement  de  couleur,  qu'il 
V!ait  pas  plus  bruu  c|u*un  Européen  affec- 
.^  d*uoe  légère  «jaunisse;  et  il  parle  dans 
i  cas  d*apres  ses  obserTalions  personnelles 
089). 

Lioléressante  remarque  du  docteur  Pri- 
la^r]  est  de  la  plus  grande  portée»  elscrai 
!  uVn  doute  pas,  conGrmée  de  plus  en  plus 
ir  uoe  observation  exacte.  Elle  me  ramène 
<a  considération  de  l'influence  que  la  civili- 
itioa  exerce  sur  les  caractères  d'une  race. 
avjer  a  fait  remarquer  que  la  servitude  ou 
I  domesticité  est  Tagent  le  plus  puissant  que 
'  0  ail  encore  découvert  pour  produire  des 
/jui6calions  dans  les  animaux,  et  que  les 
>nété$  les  plus  prononcées  obtenues  jus- 
j'a  (irésentt  Tout  été  par  ce  moven(1090}. 
j  liiilisation  est  ce  qui  ressemble  le  mieux 
rri  agent,  dans  Tespèce  bumaine;  elledoit 
:éjie  être  plus  puissante,  à  cause  de  son 
:tluence  morale.  Il  n*est  yms douteux  que  le 
rirtdeTÎe,  les  aliments,  l'aisance,  ledegré 
•  ^'iitare  intellectuelle  ne  produisent  un 
Itifienuaoentet  profondsor  les  différentes 
iJ'tDs.Un  voyageur  moderne  enSyrieare- 
ji'que  la  grande  différence  qui  existe  entre 
'  ilêJouins  et  les  Fellahs  du  Hauran.  Les 
î'ciiuers,  ou  les  Arabes  nomades,  toujours 
cVi^iux  accidents  et  aux  fatigues  d*une 
Rf/nole  et  active,  ont  des  formes  sveltes, 
i' £»re  petite  et  la  l>arbe  peu  fournie.  Les 
-n^iers^ou  les  Arabes  sédentaires,  sont  gros 
t  njbastes,  et'onl  la  barbe  touffue;  mais  ils 
Liu|ueD(  du  regard  perçant  de  leurs  frères 
n  jeserl.  Et  cependant  on  ne  peut  pas  mettre 
^  question  si  ces  deux  classes  forment  en 
fi.né  .une  seule  nation  parlant  la  même 
iB^ge  et  habitant  le  même  climat.  U'où 
ieui  donc  ladifférenceentre  eux  ?  Sans  nul 
'U!e,  de  leur  différente  manière  de  vivre  ; 
^r  cet  exact  observateur  ajoute  que  jusqu'à 
«ge  de  seize  ans  on  ne  peut  apercevoir  en- 
e^ux  aucune  différence (1091}.- Dans  un 
ilr^duvrage^  il  dit  qu'une  égale  différence 
(uièlre  remarquée  dans  leurs  dispositions 
Odii.M.  Jackson  fait  la  même  observa- 
nri  sur  les  Arabes  qui  habitent  les  villes 
les  te  royaume  de  Maroc,  et  sur  les  Bé- 
c^'iios  qui  vivent  sous  les  tentes.  Les  Sel- 
>klii/f  tfa^,dit-ii,  sont  faciles  à  distin- 
ffrpar  la  physionomie,  des  Arabes  de  la 
biRf  et  même  des  Sellouks  de  Susa^  quoiqxie 
KT  U  /ango^e,  lu  coutumes  et  la  manière  de 
frt  Us  ressemblent  aux  derniers  (1093).  Et 
^tne  parmi  les  Bédouins,  Vol ney  a  observé 
B'<>a  peut  apercevoir  une  différence  mar- 
£t^  entre  le  peuple  et   ses  princes,  ou 

ilO^)  IntliluUmus  pkfisiologi>sSt  auciore  L.  M. 
^^m.  Vieo.,  1796,  p.  t5l. 
'•tCCjOi  Daos   son  discours   préliminaire.  Voyez 
^i  BliuBcnbadi  dans  son  cbapiiie  intitulé  :  Aii* 

nuf  àei  YoUkommenseiu,  ecc ;  dans  ses  Bei- 

r/f  iur  yaturgeschkkie  ;  Tbeil,  GœUiugeii,  4190, 

\*M\  BcicKtfAEDT,  Votfagcs  eu  Syrie. 
ittdl)  xYoïet  OK  Uie  Bedouens  and  Waluibees,; 
«  .«830,  p.  iU4. 
t<â5j  A»  acroaal  of  the  empire  of  Uaroccif  ;  Loa- 


shcikhs,  qui,  étant  mieux  nourris,  sont  plus 
grands,  plus  robustes,  et  ôntmeilleure  mine 
que  leurs  sujets  les  plus  pauvres,  qui  vivent 
avec  six  oncesdenourriture  par  Jour  (ICHÂ). 
Forster  a  remarqué  une  distinction  sembla-* 
ble  è  Tahiti.  Les  gens  du  peuple^  dit-il,  qui 
sont  plus  exposés  à  Pair  et  ausoleil^  oui  exer- 
cent leurs  forces  à  cuUiterla  terre^  à  pécher^ 
à  ramer,  à  construire  des  maisons  et  des  ca- 
nots^ et  sont  limités  dans  leur  nourriture^ 
sont  plus  noirs f  ont  les  cheveux  plus  laineux^ 
plus  crépus,  le  corps  maigre  et  de  petite  sta^ 
ture.  Mais  leurs  chefs  et  les  aréas  ont  un 
aspect  très-différent.  La  couleur  de  leur  peau 
est  moins  basanée  que  celle  des  Espagnols^ 
et  moins  cuivrée  que  celle  des  Américains  ;  elle 
est  d'une  nuance  plus  claire  que  le  plus  beau 
teint  d'un  liabitant  desiles  de  V Inde.  A  partir 
de  ce  teint,  nous  trouvons  toutes  les  nuances 
intermédiaires,  jusqu'au  brun  vif  touchant  au 
noir.  Quelques-uns  ont  la  chevelure  jaundtrCf 
brune  ou  couleur  de  sable  (1095).  Kolzebue 
et  d'autres  navigateurs  moaerues  ont  fait  la 
même  observation  ;  mais  ii  paraît  clair  que 
les  Yéris,  .ou  la  race  noble  de  Sand-Wich  et 
des  autres  îles  de  la  Polynésie,  sont  réelle- 
meni,  une  tribu  distincte  du  reste  du  peu* 
pie  (1096). 

Pat  las  et  Klaproth  ont  Tun  et  l'autre  ex- 
primé Fopinion  que  le  teint  des  Mongols  pa- 
rait dépendre  beaucoup  des  habitudes  de 
cette  race.  Les  enfants  et  les  femmes  sont 
d^jne  blancheur  remarquable.  La  fumée  et 
l'exposition  au  soleil  donnent  aux  hommes 
leur  teint  jaune  (t097j.  Quoiqu'il  y  ait  beau- 
coup à  dire  contre  cette  hypothèse,  elle 
peut  servir  à  appeler  Tattcntion  sur  Tin- 
lluence  que  les  habitudes  et  la  civilisation 
pejvent  avoir  sur  les  caractères  des  diffé- 
rentes races.  Dans  le  môme  but,  je  ferai  ob- 
server la  remar^juable  altération  qui  a  eu 
lieu  dans  la  famille  germanique.  Car,  nous 
Tavons  vu,  ses  traits  étaient  autrefois  si 
marqués,  qu'elle  fut  regardée  comme  une 
des  grandes  divisions  le  plus  fortement  ca- 
ractérisées de  Tespèce  humaine,  formant 
aux  yeux  des  Greis  un  rx>ntraste  parfait 
avec  la  couleur  foncée  des  éthiopiens*  Et 
cependant  ces  marques  distinctives,  si  elles 
ne  sont  pas  totalement  effacées,  sont  deve- 
nues si  légères  qu'on  peut  à  peine  les  re- 
connaître, sans  doute  par  rinfluence  de  la 
civilisation  et  rassimilation  des  moeurs  do 
cette  nation  avec  celles  d'autres  peuples  de 
la  mèmefiimille. 

La  démonstration  la  plus  extraordinaire 
de  l'influence  permanente  des  habitudes  sur 
les  différentes  races  pourrait  peut-être  se 

don,  181  f,  p.  i8. 

M0i«4)  Voyage  en  Egypu  et  en  Syrie;  Paris,  4787, 
t.  I,  p.  d59. 

(1095)  Observations  mode  during  a  voyage  round 
the  world.  Lond.  1778,  p.  ii9.  (  Voir  aussi  i«  Voyage 
dit  FoasTBi  ils.  1777,  vol.  I,  p.  505.) 

(1096)  KonEBUE*»  A'rv  voyage  ruund  the  wortd.; 
Lond.,  1830,  V.  Il,  p.  305. 

(i097)  Pallas,  ubi  sup.;  KtAraoTB,  Toycge  au 
Caucase,  1. 1,  p.  73^ 


1003 


RÂC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


mi 


hommes,  comme  Ovide  .fait  brûler  la  peau 
des  nègres  par  la  révolution  sidérale  de 
Phaélon  ? 

«  L'argument  tiré  de  la  délimilalîon  pré- 
coce des  races  ou  espèces  naturelles  n'em- 
pruntait juis  une  grande  valeur  h  l'antiquité 
fabuleuse  attribuée  aux  monuments  égyp- 
tiens. Des  nailliers  d'annéeis  avaient  précédé 
ces  monuments  qui,  aj)rès  tout,  ne  remon- 
taient ni  au  déluge  ni  &  la  création,  ni  même 
au  commencement  de  la  civilisation  égyp- 
tienne I  Cette  période,  réduite  selon  lesdoïk- 
nées  de  la  critique  moderne,  est  encore  suf- 
fisante pour  encadrer  des  changements  nom- 
breux et  profbnds. 

1  Les  voyages  éclairés  et  contrôlés  par 
Thistoire  nous  ont  appris  qu'il  en  est  des 
altérations  des  races  humaines,  comme  de 
la  formation  des  rochers.  La  plupart  de  ceux- 
ci  proviennent  d'un  sédiment  lentement 
déposé;  mais  quelques-uns  s'agglutinent  ra- 
pidement, se  forment  de  toutes  pièces  sous 
nos  yeux  (1100). 

tf  L'homme,  être  social  par  l'esprit,  est, 
par  le  corps,  un  animal  domestique,  et 
comme  tel  éminemment  modifiable  par  les 
croisements  et  par  les  milieux.  Or,  dès  les 
commencements  de  l'histoire  aussi,  la  sou- 
che primitive  de  la  plupart  des  esj3èces  do- 
mestiques était  déjà  divisée  eu  variétés  que 
i*on  voit  encore  se  modifier  chaque  jour,  et 
dans  certains  pays  plus  promptement  que 
dans  d'autres. 

«  Le  même  observateur  a  pu  Tîvre  assez 
pour,  remarquer  la  modification  des  races 
aanimaux  domestiques  par  le  climat,  et  il  a 
accepté  ce  fait  comme  une  certitude.  Au 
contraire,  la  modification  des  races  humai- 
nes, même  quand  elle  est  rapide,  s'accom- 
plit à  trarers  plusieurs  siècles,  et  Tobserva- 
teur  isolé  nie  un  mouvement  dont  il  n'a- 

f^erçoit  qu'une  aliquote  infinitésimale,  comme 
'enfant  placé  devant  une  pendule  doute  de 
la  marcne  de  l'aiguille  des  heures. 

«t  Les  générations  humaines  ne  sont  guère 
que  de  trois  ou  quatre  par  siècle.  Beaucoup 

(1100)  c  II  8*en  forme  chaque  jour  au  bord  de 
réiang  de  Barre,  dil  M.  de  Salles.  J'en  ai  trouvé  en 
Syrie,  p  es  de  Césarëe.  i  Cuvier  lOssem,  foss,)  cite 
les  formations  de  la  Nouvelle-Hollande  et  le  traver- 
tin de  Rome,  les  bancs  de  la  Guadeloupe,  le  grès 
de  Messine,  les  coraui  et  madrépores  de  toutes  les 
mers. 

(UOl)  Je  mentionnerai  seulement  en  note  un  ar* 
gumeni,  et  comme  un  échantillon  des  étranges  ex- 
pédients auxquels  ont  eu  recours  ceriains  auteurs, 
parce  que  personne,  je  pense, 'n*a  pris  la  peine  d'y 
répondre.  Je  veux  parler  de  robjection  de  Virey,  ti- 
rée des  observations  exactes  de  Fabricius  sur  le 
pédiculus  nigritarum,  nom  scientifique  donné  à  Tin- 
secte  parasite  des  nègres,  comme  spécifiquement 
distinct  de  tous  les  autres,  et  si  bien  distinct,  que  la 
race  noire,  que  cet  insecte  accompagne,  doit  avoir 
comme  lui  été  distincte  dés  le  commencement  (t.  I, 
p.  591).  En  réponse  à  cela,  je  me  contenterai  de 
dire  qu*il  y  a  d'autres  exemples  semblables  où  Ton 
ne  peut  expliquer  Texislence  de  certaines  classes 
(i^iijsectes  avant  que  la  chose  qui  leur  sert  de  de- 
meure et  d'aliment  ait  elle-même  existé;  ainsi  le 
ffti^o,  00  la  teigne  qui  aua4)ue  la  laine  pd^nce  et  n'y 


d'animaux  domestiques  se  reprodoisenldès 
Tâge  d'un  an.  Les  inOnencesdes  miliem, 
rapidement  développées  è  travers  des génè^ 
rations  nombreuses,  nous  onlfonmi  plus 
d'une  fois  de  précieuses  analogies.  • 

Je  passe  sous  silence  plusieurs  antres  olh 
servalious  ou  objections  phjsiologirjues  qiii 
se  rattachent  à  la  question  de  Tuoilé  M- 
gine  des  races  blanches  et  noires,  par>i^ 
i|u'elles  sont  de  nature  è  intéresser  peu,  et 
je  me  résume  en  quelques  roots  (1101). 

Nous  avons  yu  que  les  faits  suivants  sooi 
bien  établis  : 

Premièrement,  parmi  les  animaux  recoQ. 
nus  pour  être  dune  seule  espèce, i( $'e$t 
élevé  des  variétés  semblables  à  celles  de  ta 
race  humaine,  et, non  moihs  différentes le^ 
unes  des  autres. 

Secondement,  la  nature  tend,  dans  Te^ 
pèce  humaine,  à  produire  au  sein  im 
race  des  variétés  qui  se  rapprochent  des»- 
raotères  des  autres  races. 

Troisièmement,  les  variétés  spondi'p 
de  l'espèce  la  plus  extraordinaire  iteorroi 
être  propagées  par  la  descendance. 

Quatrièmement,  nous  trouvons to(<5 
langues  et  les  caractères  de  plusieurs^ 
nombreuses  ou  de  nations  entières  de$(t^ 
ves  suffisantes  de  leur  passage  d'une  m 
h  une  autre. 

Cinquièmement,  bien  que  l'origine  de Is 
race  noire  soit  encore  enveloppée  de  m 
tère ,  cependant  on  a  recueilli  assez  de&is 
pour  démontrer  qu'elle  peut  être  desrcndw 
u  une  autre,  surtout  si,  outre  Tadiondelû 
chaleur,  noqs  admettons  que  des  mses 
morales  agissent  sur  l'organisation  pliv- 
sique. 

Je  conclurai  mes  recherches  sur  ce  sojti 
en  récapitulant  une  dernière  fois  les  cuR- 
nexions  des  différentes  races,  et  les  mn 
ces  insensibles  par  lesquelles  elles  serableni 
se  fondre  l'une  dans  l'autre. 

La  race  blanche,  que  nclurelleraentjecoî;* 
sidère  comme  la  race  centrale,  se  rallie  à  I' 
race  mongole  par  les  Finnois  et  les  Asjaclis 

touche  jamais  quand  elle  est  en  suint;  où  eiL^ij 
cet  animal  avant  que  la  laine  fût  lavée  et  pei;^ 
Devons-nous  considérer  la  laine  lavée  et  la  liio«  ^ 
lavéo  cttmme  deux  espèces  différentes,  parce  qce  < 
même  animal  ne  peut  pas  vivre  sur  Tune  coonestf 
l'autre?  La  larve  du  œuopota  cellans  ne  peit  vm* 
ailleurs  que  dans  le  vin  ou  la  bière;  on  autre  ift«<^ 
décrit  par  Réaumur  déiaigne  tout  aotrealineti^ 
le  chocolat.  (F.  Kmai  et  Spekce,  IntrodJo Eai(i^ 
logy,  V  édil.,  v.  1,  p.  384,  388.)  ComuiCDl  et  o«  «>• 
valent  ces  petites  créatures  av»nt  que  a  (]ii>^| 
maintenant  leur  nourriture  exclusive  fût  f^bH^iof 
Car  personne  ne  supposera  que  ces  substances  i*^^ 
jamais  été  préparées  par  les  mains  de  la  natoie.  t^» 
cas  sont  extrêmement  parallèles  à  eeloi  qn*ûa  t^(^ 
objecte.  Mais  il  e5t  un  autre  exemple  parfaikooi 
semblable  d'un  insecte  qui  cause  une  m^^^^ 
cochoii  domestique,  et  qui  oe  se  troufe  iaoïi^  ^ 
le  cochon  sauvage,  bien  reconnu  eepeadaal  p"<^' 
être  la  souche  originaire  de  Tautre.  (Fof«  Bii'îJ* 
BACH,  Beilrœge  xur  Naturgeschicktf,  1  Ttwv*i  h  * 
et  au>si  quelques  remarques  curieuses  d.î  V-h»^ 
sur  ce  sujet  dans  Ls  Minuàret  4t  VÂc^*^  ** 
SaiïU'J^élerstourg,  t.  V,  4813,  p.  40L) 


im 


IIÂG 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


1006 


mA  ont  son  leinU  sa  cheveiureel  la  couleur 
Je  son  iris;  puis  par  les  Tartares,  (]ui  pas- 
spni'in.'iensiblement  par  les  Kirghis.  et  les 
Vakoots  dans  la  race  mongole  ;  et  iroisième- 
meatif'^r  les  Hindous  »  qui  communiquent 
nec  nous  par  la  langue  sanscrite.  Bfle  se 
nllie  k  la  race  laègre  par  les  Abyssiniens, 
jai  out  une  langue  sémitique  et  des  traits 
^Dropécos,  et  par  les  Arabes  de  Souakis«  qui 
ressemblent  aux  Nubiens  ;  puis  viennent  les 
ulorels  de  Mahass,  ensuite  les  Toulahs  et 
t$  Handiiiguesy  et  ainsi»  en  avançant  jus- 
ru'Aux  Congos,  les  Nègres  complets  et  les 
lûttenlots.  Ces  derniers  sont  ensuite  intime- 
seol  liés  avec  les  montagnards  de  Madagas- 
ir,  ceux-ci  à  ceux  de  la  Gochinohine,  des 
les  Uoiuques  et  des  Philippines,  oii  Ton 
mye  aussi  une  race  de  montagnards  noirs, 
la  (ôte  laineuse,  différant  par  le  langage 
H  autres  naturels.  Ceux-ci  se  rattachent 
mile  aux  indigènes  de  la  Nouvel le-Hol- 
fide,  de  la  Nouvelle-Calédonie  et  des  Nou- 
.'iles-Hébrides,  qui  eux-mêmes  sont  liés  par 
5imi)j(ude  des  coutumes,  de  la  religion  et 
i»arlicdes  traits  physiques,  avec  lesnou- 
mi  Zélandais  el  les  autres  naturels  de  la 
^jnésie;  et  ainsi  par  une  dégradation  in- 
anbie  de  teinte  nous  retournons  presque 
ntuDilles  asiatiques. 

bjDpulation  de  ces  ties  mérite  une  atten- 
Iv  toute  particulière.  J*ai  remarqué  que 
t»  les  innombrables  lies  de  la  Pol^^nésie 
7  a  deux  tribus  ou  familles  distinctes, 
•nier  en  effet  prouve  ce  point  d'une  ma- 
^f*  incontestable.  Tandis  que  les  habitants 
Jahiti,  de  la  Nouvelle-Zélande,  des  Mar- 
ises,  des  lies  des  Amis  et  de  la  Société,  ne 
riem^ue  des  dialectes  de  la  même  langue, 
finie  il  le  prouve  par  ses  tables  compara- 
es,  ceux  des  Nouvelles-Hébrides,  spécia- 
leot  MallicolOy  de  la  Nouvelle-Calédonie 
le  Tanna*  parlent  des  dialectes  barbares 
*  a  lait  Qifsiinets,  et,  selon  toute  appa- 
^1  sans  liaison  entre  eux.  Leurs  caractè- 
l'dysiquessont  aussi  très-différents  et  les 
prochent,  comme  je  Tai  déjà  dit,  des  nè- 
^/ieslles  plus  occidentales.  Mais  ce  que 
'«^ire  surtout  faire  observer,  c'est  com- 
3t  les  tribus  appartenant  à  la  première 
'  dont  Tunité  ne  sera  niée  nar  personne, 
varié  d*un  côté  dans  leurs  rormes  et  leur 
i«ur,  dispersées  qu'elles  étaient  sur  un 
•^e  immense,  et  comment  celles  do  l'au- 
tce  se  sont  également  éloignées  de  leur 
^originel,  à  un  (el  degré  que  les  deux 
K  3e  sont  fondues  ensemble  et  ne  pcu- 
it  plus  guère  être  distinguées  que  par 
n  langues.  Chacune  de  ces  deuxraces^ 
le  docteur  Forster,  se  divise  encore  en 
*iws  rariitéê  qui  forment  la  dégradation 
^l* autre  race;  en  sorte  que  nous  trouvons 
\^dividus  d€  la  première  racepresqueaussi 
r»  et  aussi  sveùts  que  d'autres  de  la  se^ 
de;  et  dans  ceite  seconde  race  il  y  a  des 

^^)  Obtervationê,  etc.,  p.  228.  Voir  la  (ahie 
vsraiiie,  p.  284.  Il  y  a  diverses  coîiicidcnres  iiu- 
»nus  enire  les  dialectes  des  deux  runilles  et 
i  à^  Malais. 


hommes  robustes^  aux  fortnes  athlétiques,  qui 
peuvent  presque  aller  de  pair  avec  les  pre- 
miers  (110/2).  Ainsi  dans  la  même  race,  tandis 
que  les  uns  se  distinguent  à  peine  d'une 
tribu  nègre  el  se  rattachent  par  des  liens  in- 
séparables aux  nègres  d'Arrique,  d'autres 
s'en  éloignent  assez  pour  se  rapprocher  des 
naturels  de  l'Europe,  tant  par  la  couleur 

3ue  par  la  symétrie  des  formes  du  corps  et 
e  la  tète.  Et  dans  ces  gradations  nous  sui- 
vons la  trace  d'une  échelle  correspondante 
de  civilisation.  Les  naturels  de  quelques  îles 
de  la  mer  du  Sud,  dit  M.  Lawrence  en  par^ 
lant  de  la  forme  du  crâne,  peuvent  à  peine 
se  distinguer  des  Européens  par  la  physxono- 
mie  et  la  tête.  Et  plus  loin  :  Les  liabitants  de 
cesiles,  depuis  la  Nouvelle-Zélande/àrouestf 
jusqu'à  nie  de  Pâques^  contiennent  une  race 
d'une  organisation  et  de  qualités  bien  supé- 
rieures. Pour  la  couleur  et  les  traits^  plu-^ 
sieurs  d*entre  eux  approchent  de  la  variété 
caucasiennCf  et  personne  ne  les  surpasse  pour 
la  symétrie  des  formes^  la  taille  et  la  force 
(1103).  Le  docteur  Prichard  raisonne  avec 
une  grande  sagacité  sur  la  gradation  obser- 
vée nu  sein  de.celte  race  ou  fiimille.  Si  nous 
comparons  ces  races  (  les  Papous  et  les  Poly- 
nésiens)^  dit-il,  elles  semblent  nous  fournir 
une  preuve  suffisante  que  les  diversités  phy- 
siques les  plus  opposées f  offertes  par  la  forme 
humaine  dans  différentes  nations^  peuvent  et 
doivent  provenir  d'une  souche  commune.  Elles 
nous  fournissent  le  moyen  de  produire  des 
faits  actuels^  comme  exemples  de  cette  dévia- 
tion.  Nous  ne  pouvons  pas,  il  est  vrai,  re^ 
monter  d'un  seul  coup  toute  Véchelleà  la  fois; 
mais  nous  pouvons  la  parcourir  tout  entière 

Î}ar  degrés.  Si  un  petit  nombre  d'indigènes  de 
a  Nouvelle-Hollande^  de  la  couleur  la  plus 
claire^  était  séparé  du  reste  de  la  nation  et 
isolé  dans  une  îte^  il  formerait  une  race  moins 
foncée  en  couleur  que  les  nouveaux  Zélandais. 
Sous  des  Circonstances  favorables^  cette  sou- 
che ne  dévierait-elle  pas  en  des  nuan  es  en- 
core plus  claires,  comme  a  fait  la  race  de  la 
Nouvelle-Zélande ,  ou  sa  parente  des  îles  de 
la  Société  (1104}?  Je  ne  dois  pas  oublier 
un  usage  singulier  répandu  non-seulement 
dans  toutes  ces  lies,  mais  parmi  les  Hotten- 
tots  en  Afrique,  les  tiuaranos  du  Parag'uay, 
et  les  Californiens  en  Amérique ,  —  c'est 
l'amputation  du  petit  doigt  d'une  main,  ou 
des  deux,  en  signe  de  deuil  pour  la  mort 
d*un  parent  (1105)  ;  usage  si  singulier  que 
nous  pouvons  à  peine  concevoir  qu'il  se  soit 
établi  spontanément  dans  des  contrées  aussi 
dislanles. 

L'existence  do  pareilles  gradations  pres- 
que d'un  extrême  è  l'antre,  dans  la  même 
race,  n'est  pas  particulière  à  ces  tribus.  Les 
Malais  offrent  une  variété  semblable.  Le 
teinta  dit  M.  Grawfurd,  est  généralement  brun, 
mais  varie  un  peu  dans  différentes  tribus.  N% 
le  climat^  ni  les  habitudes  du  peuple  ne  sem* 

(1105)  Lectures  ou  Phisiology,  382,  571 
(HOiWol.  l,  p.  488. 

(1105)  FoRSTCR  (G.),  yoyag4  r  una  l>ir  wotld^^nu 
p.  435. 


«007 


RAC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


mî 


lient  y  être  pour  rien.  Les  races  les  plus  clai- 
res sont  généralement  vers  V ouest  ;  mais  quel- 
queS'UneSf  comme  les  Batteeks  de  Sumatra^ 
fiabiteni  sous  léquateur  même.  Les  Javanais^ 
qui  vivent  dans  Vabondance^  sont  parmi  les 
peuples  les  plus  foncés  de  Varchipel  Indien^ 
et  les  misérables  Dayaks^  ou  les  cannibales 
de  Bornéo  parmi  les  plus  clairs  (11061.  La 
difficulté  d'expliquer  de  semblables  diver- 
sités est  plutôt  favorable  qu'opuosée  aux 
conséquences  que  nous  avons  tirées  ;  car  ce 
fait  étant  ainsi  établi,  que»  dans  une  race 
dont  l'unité  est  reconnue»  de  pareilles  va- 
riétés se  sont  produites,  la  diluculté  de  les 
rattacher  à  une  cause  uniforme  montre  seu- 
lement qu'il  y  a  des  forces  encore  inconnues, 
ou  une  complication  de  causes  dont  nous 
n'avons  pas  encore  combiné  les  éléments 
dans  les  proportions  voulues  pour  compren- 
dre leur  action.  Et  plus  nous  étendrons  la 
puissance  de  la  nature  au  delà  de  notre  in- 
teHigence,  plus  il  nous  sera  facile  de  justi- 
fier la  manifestation  de  phénomènes  inex- 
plicables. 

Dans  la  famille  à  laquelle  nous  apparte- 
nons, la  même  série  de  modifications  exisie  ; 
nous  y  trouvons  des  variétés  qui,  pour  n'être 
pas  aussi  fortement  prononcées,  n'en  pa- 
raissent pas  moins  indélébiles;  cependant 
personne  ne  voudrait  soutenir  que  chacune 

Ïrovient  d'une  souche  indépendante.  Un 
uif  est  encore  aujourd'hui  très-facile  à  dis- 
tinguer des  Européens  qui  l'entourent,  bien 
que  West  et  d'autres  artistes  émincnts  aient 
trouvé  impossible  de  le  caractériser  par  quel- 
ques traits  distinctifs  et  particuliers  (1107]. 
Je  pourrais  aussi  mentionner  les  Bohémiens 
comme  un  exemple  d'une  tribu  qui,  prou- 
vant par  sa  lanj^ue  qu'elle  est  d'origine  in- 
dienne, a  perdu  beaucoup  de  sa  configura- 
tion originelle,  et  particulièrement  la  cou- 
leur olive  de  son  pays,  en  vivant  sous  d'au- 
tres climats.  Mais  les  tribus  germaniques 
peuvent  encore  par  les  traits  se  distinguer 
des  Grecs,  et  ceux-ci  pareillement  de 

The  celilc  race 
or  différent  language,  form  and  laoe 
A  varions  race  of  man, 

comme  leur  barde  du  Nord  lésa  quelquefois 
appelés.  C'est  en  vain  qu'on  voudrait  fondre 
ensemble  ces  subdivisions  par  une  union 
civile  ou  morale;  elles  continueront,  de 
même  que  les  eaux  réunies  du  Rhône  et  de 
la  Saône,  à  couler  ensemble  comme  un  seul 
fleuve,  n)ais  avec  des  courants  distincts. 

Ainsi  les  variétés  même  les  plus  légères, 
une  fois  produites,  ne  s'oblitèrent  plus;  et 
cependant  elles  ne  sont  pas  des  marques 
d'une  origine  indépendante.  Des  familles 
particulières  peuvent  même  se  les  transmet- 
tre,  et  la  famille  impériale  de  Hapsbourg  a 
ces  traits  caractéristic^ues.  Mais  d'où,  vient 
cette  indélébililé,  maintenue  par  des  causes 
naturelles  de  variétés  introduites  aussi  par 
des  causes  naturelles  ?  Ceci  parait  être  un 

(1106^  Hisfurt/  of  tke  Indian  archipelagOj  vol.  1, 
p.  19. 


des  mystères  de  la  nature,  que  nous  paissioos 
en  quelque  sorte  la  forcer  d'imprimer  son 
cachet,  mais  que  nous  ne  sachions  pluscoii- 
ment  l'enlever.  Semblable  au  disciple  uiai 
instruit  du  magicien ,  si  bien  peint  p^r  le 
poète  allemand,  Thomme  possède  souvent  1« 
charme  par  lequel  il  peut  contraindre  la  na- 
ture à  agir,  mais  il  ignore  encore  celai  qm 
pexxi  l'obliger  à  se  désister  de  son  action. 

|VÏ. 

Comparaimo  pbystolosiqiie  des  races  liinnlMs.~{jtt 
d'adapUUoD.  —  Dorée  mojeaiie  de  U  vie.  —  Longt- 
vite.  —  Température  propre  du  corps.  —  Fréquecrr 
du  pools.  —  Nubilité,  etc. 

La  physiologie  comparée  fournit  un  cv 
cellent  critérium  pour  déterminer  ridenliip 
ou  la  diversité  spéciGque  de  deux  ou  d« 
plusieurs  races   d'animaux  dont  Porigiof 
commune  était  mise  en  queslion.  Ce  cril^ 
rium  repose  sur  cette  observation  générait 
que,  pour  les  variétés  mêmes  les  plui  di- 
vergentes d'une  seule  espèce,  les  grafiJe» 
fonctions  de  l'économie  animale  s  eiécffffoi 
suivant  un  mode  parfaitement    ws^am, 
tandis  qu'ils  se  présentent  toujoursntcd*!! 
circonstances  différentes,  auand  on  te  ^ 
serve  dans  des  espèces  réellement  distiKU», 
quelque  voisines  que  puissent  êlreeeses 
pèces.   Il  s*agit   maintenant  de  faire  aa\ 
races  humaines  l'application  de  cette  remar- 
que, ce  qui  nous  conduira  à  une  série  de 
reciierches  un  peu  différentes  de  celles doci 
nous  nous  sommes  occupés  jusqu'ici,  et  de 
voir  si  nous  arriverons  cependant  ainsi aui 
mêmes  conclusions  relativement  à  la  ques- 
tion principale  que  nous  nous  étions  pn> 
posé  de  discuter 

L'économie  animale  se  montre  dans  ton- 
tes ses  fonctions  soumise  à  des  lois.consu> 
tes  :  ainsi,  pour  ne  parler  q^ue  de  celles  qui 
ont  rapport  à  la  reproduction,  les  époque: 
des  fécondations,  l'intervalle  qui  les  sépkrv, 
la  durée  de  la  gestation  chez  les  niamruifè- 
res,  celle  de  nncubation  chez  les  oi.'^eaui. 
le  nombre  de  petits,  le  temps  pendant  lequel 
ils^ont  besoin  des  soins  de  leurs  parents,  eu., 
sont  autant  de  circonstances  fixées  pom 
chaque  espèce  d'une  manière  invariable. 
Pour  chacune  aussi,  quoique  certains  indi- 
vidus  puissent  offrir  des  exceptions,  la  oa* 
ture  a  réglé  d'avance  la  marche  du  dévelop- 

tement  de  Torganisme,  le  temps  qa'il  faai 
l'animal  pour  arriver  à  sa  plus  grande  ri- 
gueur, celle  où  il  commence  è  décliner,  k-» 
différentes  phases  par  les({uelles  il  pas$«^ 
enfin  la  durée  totale  de  sa  vie. 

Avant  d'entrer  dans  le  nouveau  ch^mp  «'^ 
recherches  que  nous  venons  d'indiquer,  i 
convient  de  faire  une  remarque  qui  detn 
'  modifier  singulièrement  les  conséquences  s 
tirer  des  faits  qui  vont  passer  soas  qo 
yeux  :  quoiqu'il  suflise  d*un  rapide  exainep 
pour  arriver  à  reconnaître  qu'il  n*y  a  pas,  à 
beaucoup  près,  autant  de  différence  dan^^i 
structure  des  organes  internes  et  dans  leurs 
fonctions  que  dans  les  caractères  extérieur^ 

(1107)  Voyez  Camper,  DisserL  pkffêiq.^  p.  21. 


0.9 


RAC 


DICTIONNAIRE  APOIjOGETIQUE. 


RAC 


1010 


.  i$  qae  la  couleur  de  la  p«^au,  la  nature  des 
.nKiuetîons  épidermoïques,  etc.,  il  ne  faut 
1^  croire  que  les  phénomènes  physiologi- 
iues  et  les  appareils  du  jeu  desquels  ils  ré- 
>ultent  ne  soient  sujets  à  aucune  ▼ariation, 
même  dans  les  fonctions  internes.  On  con- 
;  Mt  le  changeiuent  singulier  qui  se  produit 
«:hez  les  Tachés,  par  suite  de  rinlcrrention 
lie  rhommet  changement  dont  Thabitude 
fait,  pour  la  plu(>artdes  races,  uncaracrère 
hiTëditaire,  et  qui  a  pour  résultat  de  pro!on- 
i.-er  la  durée  du  temps  pendant  lequel  Tani- 
ttil  peut  donner  du  lait.  Ce  fait,  ainsi  que 
J  autres  que  nous  pourrions  indiquer,  sem- 
t'!e  pronrer  que  lorsque  les  animaux  do- 
r;:e5tiques  ont  été  placés  dans  certaines  con- 
wtioDs,  en  vertu  desquelles  leur  nature  a 
;u!>i  une  moJi(ii:ation  particulière,  et  lors- 
I*i*ils  ont  obéi  pendant  plusieurs  généra- 
ans  à  une  nouvelle  loi,  1  habitude  devient 
"^ur  la  race  comme  une  seconde  nature. 
*r  ce  que  nous  observons  pour  les  races 
[  animaux  inférieurs  s*observe  aussi  pour 
•'S  races  humaines,  et  Ton  peut  en  citer  de 
>  «nibreux  exemfiles.  Nous  voyons  qae  chez 
«-^  animaux  qui  habitent  depuis  des  siècles 
i  -s  hauteurs  des  An«'es  de  l'Amérique  du 
^7x1,  la  poitrine  est  plus  développée,  les 
ounbos  sont  plus  lar^s  que  parmi  les 
'njms4u  plat  t*ays;  mais  en  même  temps 
'  cKoous  remarquerons  combien  cette  par- 
1j  «oiarité  de  constitution  est  utile  à  des 
I  •ztmmcs  obligés  de  respirer  un  air  très- 
^  réijé,  nous  ne  devrons  \)as  perdre  de  vue 
,  ^e  cette  moditicalion  est  précisément  celle 
:  je  tendent  è  produire  les  circonstances 
i^téneores  dans  lesquelles  ils  sont  placés; 
«r-*  sorte  qu'au  lieu  d'en  conclure  du  fait 

*  ^serxé  que  les  Quicbuas  et  les  Ayruaras 
irnient  une  race  particulière  qui  a  été 
rtr^e  oHzinairemeul  avec  une  constitution 
t  -propriée  aux  circonstances  locales  dans 
fs{uelles  elle  était  destinée  à  vivre,  nous 
-ouvons  continuer  à  voir  en  eux  des  bran- 
les delà  grande  famille  améri.f:aine  ;  nous 
•AOTuas  les  citer  en  exemple  des  effets  pro- 
uiis  f*4ir  l'influence  longtemps  prolongée 
es  agents  extérieurs  et  de  Thabitude,  eficts 
ui  ont  pour  but  de  mettre  Torganisme  et 
s  fonctions  en  harmonie  avec  de  nouvelles 
'nJitions  d'existence.  Ce  seul  exemple 
aiOraît  pour  nous  donner  une  idée  des 
ko-iifiratîons  que  peuvent  subir  les  races 
nmaines.et  ^ui  ont  pour  résultat  d'adapter 

ur  constitution  au  climat  dans  lequel  elles 

*ni  appelées  k  vivre;  mais  des  cas  anaio- 

ijes  s»e  présentent  de  tous  cAtés,  ix)ur  peu 

Ton  se  donne  la  peine  d'ouvrir  les  yeux. 

<>uanJ    nous    considérons,   d'une,  part, 

Ansbe  qui  se  contente  pour  sa  nourriture 

•  umalièrede  cinq  dattes  et  d'un  peu  d  eau; 
t  i\e  l'autre  I*Rsqnîmau  qui  dévore  dans  un 
:-;tas  des  quantités  énormes  de  lard  de  ba- 
rin»*;  quand  nous  voyons  le  premier  svelte, 
^lie  et  rausculeux,  quoique  maigre;  le  se- 

•  itOS)  SToaaasT,  Effet  sur  la  lopograpkie  médû 
m  Le  de  (a  raie  ceridentaie  dWfntfue,  et  pariicMnère- 
t^nt  »r  tdie  de  ia  colonie  de  Sierra  Leone  ;  Paris, 


coud,  trapu,  gras  et  pesant,  nous  savons 
bien  que  ces  (fifférences  dans  les  caractères 
extérieurs  sont  l'iodioe  de  modifications 
pl.iis  profondes  encore  dans  Forganisation  ; 
mais  nous  voyons  aussi  les  causes  extérieu- 
res en  vertu  desquelles  ces  roodiGcations 
tendent  à  se  produire.  Mais  il  y  a  des  cas 
où  nous  ne  pouvons  pas  nous  rendre  compte 
de  la  manière  dont  agissent  ces  influences 
extérieures,  et  où  nous  n'en  devons  i>as 
moins  supposer  qu'eues  sont  a^ec  les  roo- 
diGcations que  nous  observons  dans  des 
rapports  de  cause  à  effet.  C'est  à  quoi  nous 
ne  pouvons  guère  nous  refuser,  par  exem- 
ple, quand  nous  voyons  que  ces  modifica- 
tions ont  pour  résultat  d'adapter  un  type 
organique  particulier  aux  conditions  locales 
d'existence. 

Il  n'e5t  pas  douteux  que  cène  soit  d'après 
un  principe  semblable  que  la  constitution 
de  certaines  races  se  modifie  assez  |;our 
sup|)orter  sans  inconvénient  des  climats  qui 
sont  malsains  et  souvent  même  mortels  pour 
d'autres  races.  Ainsi  le  climat  de  Sierra- 
Léone (1108),  qui  est  si  fatal  aux  Européens, 
n'exerce,  pour  ainsi  dire,  aucune  fâcheuse 
influence  sur  les  naturels;  or,  ce  qui  prouve 
que  cela  ne  tient  iias  à  une  différence  ori- 
ginaire dans  l'organisation,  c'est  que  quand 
on  a  amené,  de  la  Nouvelle-Ecosse  dans  ce 
pays,  des  nègres  libres  dont  les  ancêtres 
avaient  résidé  pendant  quelques  généra- 
tions dans  un  climat  fort  différent,  ils  ont 
été  sujets  à  leur  arrivée  aux  mêmes  mala- 
dies que  les  Européens  :  c'est  un  fait  qui  a 
été  attesté  è  Prichard  par  un  habile  méde- 
cin qui  avait  fait  un  long  séjour  dans  la 
colonie.  Dans  ses  Recherches  sur  fhisioire 
physique  du  genre  humain^  Prichard  a  réuni 
un  grand  nombre  d'exemples  semblables 
d'acclimatations  et  de  chan;îements  surve- 
nus dans  des  races  transportées  sous  ua 
nouveau,  climat.  De  l'ensemble  des  faits 
qu'il  a  cités  résulte  ia  preuve  que  ce  chan- 
gement ne  s'oiière  que  graduellement  et 
n'est  complet  qu'après  plusieurs  généra- 
tions, mais  que,  une  fois  produit»  les  nou- 
veaux caractères  deviennent  héréditaires  et 
restent  imprimés  d'une  manière  permanente 
sur  la  race. 

Si  donc  on  fait  la  part  de  ces  modifications 
qui  s'opèrent  en  vertu  de  la  loi  d'adapta- 
tion, on  trouvera  qu'il  y  a  chez  toutes  les 
races  humaines  une  uniformité  remarqua- 
ble relativement  aux  principales  lois  de 
l'économie  animale,  relativement  aux  gran- 
des fonctions  physiologiques. 

La  durée  moyenne  de  la  vie  humaine  est 
è  peu  près  ia  même  chez  les  différentes  ra- 
ces d'hommes.  Cependant,  afin  d'estimer  à 
leur  juste  valeur  les  faits  sur  lesquels  ou 
opère  dans  les  travaux  relatifs  à  celte  Ques- 
tion, il  faut  prendre  en  considération  l  im- 
mense influence  que  le  climat  exerce  sur 
les  lois  de  la  mortalité,  et  se  rapi>eler  en- 

ISiî,  in-4*.  —   Tbevesot,   Traité    dvS  maladies 
des  Européens  dans  les  pa^s  chauds;  1840,  p.  â08. 


101  i 


RAC 


DICnONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


ICI* 


core  que  cette  caose  n*est  pas  la  seule  qui 
poisse  modifier  les  résultats.  On  sait  cjue  le 
nombre  proportionnel  d*indi?idu8  oui  attei- 
gnent un  Age  donné  diffère  selon  les  pays, 
el,  par  exemple,  que  plus  le  climat  est 
cbaud»  toutes  circonstances  étant  égales 
d'ailleurs,  phis  la  moyenne  de  la  vie  hu- 
maine est  courte.  Même  sans  sortir  des  limi^ 
tes  de  TEurope,  on  trouve,  à  cet  égard,  des 
différences  tl*es-grandes. 

D*après  les  calculs  de  H.  Moreau  de  Jon- 
nès,  le  chiffre  qui  exprime  la  mortalité,  ou 
(ce  qui  revient  au  même,  quoiqu'on  sens 
inverse)  la  durée  mojrenne  de  la  vie,  peut 
varier  beaucoup  suivant  les  pays.  Nous 
donnons  ici  un  court  extrait  d  un  tableau 
présenté  à  Plnstitut  par  le  célèbre  statisti- 
cien. Dans  le  travail  original,  il  y  a,  pour 
plusieurs  pays,  les  résultais  de  recensements 
faits  à  des  époques  différentes,  résultats  qui 
ont  pour  objet  de  faire  ressortir  Tinfluence 

aue  peuvent  exercer  sur  la  durée  moyenne 
e  la  vie  les  changements  fjolitiques  et  les 
améliorations  sociales  :  c'était  une  question 
dont  je  n'avais  point  à  m'occuper,  et  j'ai 
retranché  du  tableau  tout  ce  qui  y  a  rap- 
port, me  bornant  à  conserver  les  chiffres 
qui  peuvent  attester  l'influence  du  clipaat. 

TABLE   DE  LA  MORTALITÉ   AN3CUELLE  J>ES  DIVERS  PATS 


DE  L  EUROPE. 


Eii  Suéde,  de  1821  jqsqu^à  ^5 1 

Danemark,  —1819  —  — 
Allemagne,  — 1825 
Prusse.  —  1S21 
Rin|i.d*Aiit.,-^1825 
MoilaiidA,  -^1824 
Angleterre,  —  18il 
Gr.-Bretagne,— 1810 
France,  —1825 
Can.deVaud.— 1824 
Lombardie,  —1827 
Eiats-Rom.,  —1829 
Ecosse,  — 1821 


—  1824 
--  1830 


—  1804 

—  1827   — 

—  1828   — 


Individus, 
iport  8Uf  45 

—  45 
^  Ah 

—  39 

—  45 

—  40 
—(1109)58 

—  47 

—  39,5 

—  47 
31 
28 
50 


Kn  écartant  le  ehiffre  de  mortalité  de 
l'Angleterre,  lequel  nous  semble  entaché 
d*une  erreur,  et  prenant  dans  le  reste  du 
tableau  les  nombres  les  plus  divergents, 
ceui  que  nous  donnent  les  deux  dernières 
lignes,  nous  voyons  qu'entre  la  mortalité 
des  Etats  Romains  (un  individu  sur  vingt- 
huit),  et  celle  de  TEcosse  (un  sur  cinquante), 
la  différence  est  prodigieuse;  et  pourtant 
la  mortalité  pour  l'ensemble  de  TEcosse  est 
encore  beaucoup  plus  grande  que  celle  que 
M.  Moreau  de  Jonnès  admet  pour  Tlslande 
et  les  parties  les  plus  septentrionales  de 
l'Ecosse  et  de  la  Norwége. 

On  n*a  pas  encore  toutes  les  données  qui 
seraient  nécessaires  pour  arriver  à  une  éva- 
luation comparative  de  la  longévité  daps  les 
différentes  races  d'hommes,  en  les  suppo- 
sant soustraites  h  linQuence  du  climat; 
mais  les  faits  dont  on  peut,  dès  à  présent, 

(i  109)  Il  doit  y  avoir  une  erreur  dan$  ce  nombre. 
Sel  >n  Porter,  el  Rickman,  le  nombre  des  morts  an- 
nue  les  en  Angleterre,  depuis  ISil  jusi^if  à  1831  est 
de  1  sur  5t* 


disposer,  suffisent  déjà  pour  pronyer  qu'en 
éliminant  cette  cause  modificatrice,  Indurée 
moyenne  de  la  vie  serait  partout  à  peu  pr^ 
la  même,  quelque  différentes  que  fussent 
les  races  que  Ton  considérât.  Des  catenls 
relatifs  princij^alement  aux  races  hlanrhes 
avaient  conduit  à  admettre  qu'il  meurtun 
tiers  des  hommes  avant  fige  de  dii  aos^ 

3u*i]  en  meurt  moitié  avant  trente-cinq,  les 
eux  tiers  avant  cinquante-deux,  et  les  trois 
auarts  avant  soixante-un;  les  calculs  faits 
epuis  ont  donné  des  résultats  très-diffé- 
rents. Selon  l'estimation  de  Hufeland,  stir 
cent  individus  qui  viennent  au  monde,  cin- 

a uante  meurent  avant  d*a?oir  atteint  leur 
ixième  année,  et   six   seulemeul  TiveDi 
passé  l'Age  de  soixante  ans  (1110). 

De  nombreux  exemples  de  lon^éTilé par- 
mi les  Européens  ont  été  recueillis  ptr 
H.  Easton,  qui  a  réuni  dans  le  tableau  sol- 
vant les  résultats  uumériquesde  ses  recher- 
ches. Il  ne  tient  compte,  comme  on  le  toit, 
que  des  individus  qui  ont  vécu  au  deUdt 
peut  ans,  et  il  en  trouve,  en  procéduld; 
dix  en  dix  années. 

Depuis  iOO  jusqu'à  ilO  inciusîveineot,Dt 

.-    iio    —    120        —      ï:i 

^  120  -r-      130  -  tt 

—  150  —      140  —  » 

—  UO  -      150  —  ' 

—  150  —      160  -  î 

—  100  —      170  —  i 

—  170  ^180  —  5 

CAS  PARTiCUtlKHS  DE  LOIfG^VITi  C^EZ  L£l  SlCSB. 


tu 


IjII 


Ifallani  Dando,  rot  de  Rabbab, 

Robert  l*yQch,  Jamaïque, 

Catherine  Lopez,  Jamaïque, 

Mari^ucrite  Darby,  Jamaïque, 

Uji  qiut&treà  FreJericklown,  Amérique  du 

nord,  en  1 797,  »2 

Marie  Goodral),  Jamaïque,  l|jj 

Statera,  à  Saint- Jobu,  Ue  d*AnUgua,  ^^ 

Ret)ecca  Tury,  Falmoutb,  Jamaïque,  \'^ 
Tom,  esclave  de  M.  Bacon,  Caroliue  Jb  sud,    ^ 

François  Peat,  Kingston,  ^^ 

Jeanne  Morgan,  Jamaïque,  ^^ 

Juan  Moroygoia,  |^ 

Joseph  Bap,  Jamaïque,  \^ 

Catherine  Hiatl,  Jamaïque,  j? 

Françoise  Johnson,  femme  Sambo,  ^^ 

Les  cas  de  longévité  ne  sont  m  moins  ir^ 
quents,  ni  moins  remarquables  chez  les  so* 
très  races  d'hommes,  tant  de  laucien  qoi 
du  nouveau  continent. 

La  conclusion  générale  à  laquelle  H')^ 
conduit  Texamen  des  faits  qu on  a  pure 
cueillir,  c'est  qu'il  n'y  a  point,  à  cet  t%m 
de  ditlérences  entre  les  di verses  races  dpoffi- 
mes;  du  moins  jusqu'à  ce  jouronaefli 

fas  constaté.  Ji  paraîtrait  que,  rclaiivewe* 
la.  durée  de  la  vie,  toutes  les  nations  oci 
été  soumises  par  la  nature  à  une  même  m'» 
et  c'esit,  d'après  ce  que  nous  avons  éH  r»^* 
haut,  un  (notif  pour  que  nous  ae  voyions  « 
elle  qu'une  seule  espèce.  Même  dans  Jt* 
climats  différents  la  tendoncê  à  erisltr  9^ 

(1110)  La  Macrobioiiqne,  ou  Parî  d$  ffvifr  '* 
vie  de  V homme;  Paris,  1858, p.  130.  -  C.  F.  e»» 
DAï.R,  Traité  de  phffsiohgie  couûééréê  rmmmM 
d'obierva'ion;  Parih,  1859,  t.  V,  p.  550. 


\m 


HAG 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RA€ 


1011 


dMt  un  temps  donné  est  la  même  :  la  durée 
de  la  vie  varie  seulement,  parce  que  les  cau- 
ses extérieures  qui  amènent  dos  catastro- 
fthes accidentelles  et  prématurées,  ou  celles 
ijui  Duîsent  à  la  santé  et  allèrent  lorganisa- 
iioa,  sont  plus  communes  et  plus  puissantes 
dans  un  climat  que  dans  l'autre. 
La  température  propre  du  corps  est  à  peu 
près  la  même  dans  toutes  les  races  d*hom- 
ms.  Ce  fait  a  été  constaté  par  les  recher- 
[k$  du  docteur  Davy,  qui  a  étudié  à  fond 
laauestioD. 

u  n'y  a  pas  non  plus,  entre  les  diverses 
tce»,  de  différence  remarquable  relative- 
nenl  à  la  fréquence  du  pouls,  ou  aui  au- 
ras fonctions  vitales  ;  ou  plutôt  on  ne  trouve 
|ue  des  différences  accidentelles  et  moraen- 
loées  qui  s'expliquent  facilement  par  Tac- 
ioo  des  inHuences  extérieures. 
Parmi  les  questions  qui  se  rattachent  à 
eue  partie  de. la  physiolo^^ie,  il  en  est  une 
[ai  II  a  pas  encore  été  suiïisamment  exami- 
^,  ou  du  moins  sur  laquelle  les  natura- 
istes  et  les  médecins  ne  sont  pas  complé- 
fnient d'accord.  On  a  cru  pendant  très-îonj;- 
'Oips  <jue  répoquo  Qxée  \^r  la  nature  pour 
'  (uariago,  et  le  commencement  des  rela- 
.^  entre  les  sexes  variaient  selon  les  cli- 
Mto;on  a  répété,  sans  qu'il  se  trouvât  per- 
Mi4e{iour  le  contredire,  que  les  femmes 
^"ipays  chauds  commençaient  à  avoir  des 
Q/«nls,  ou  à  ôlre  capables  d'en  avoir,  bien 
^ttMôl  que  celles  des  pays  froids,  et  qu'el- 
aiierenaient  vieilles  à  un  âge  oiï  les  fem- 
lesd  Europe  ont  encore  toute  la  fraîcheur 
lia  jeunesse. 

Cette  opinion  s*était  accréditée  universel- 
oent  chez  les  phj^siologistcs;  elle  avait 
'établie  par  l'autorité  du  célèbre  Haller, 
jamais  jusqu'à  ces  derniers  temps,  elio 
nait  été,  je  le  répète,  l'objet  d'une  con- 
itatioQ  (11  il).  Montesquieu  s'en  empara 
lope  d'un  fait  propre  à  expliquer  une 
nie  des  grandes  diversités  morales  uui 
ri)lis$ent  une  ligne  de  séparation  entre  les 
îentaux  elles  nations  de  l'Occident.  «Les 
Dmes  sont  nubiles  dans  les  climats 
auds,  dit  ce  philosophe,  à  huit,  neuf  et 
(  ans  :  ainsi  Tenfance  et  le  mariage  y  vont 
c^ue  toujours  ensemble.  Elles  sont 
âljps  à  vingt;  la  raison  ne  se  trouve  donc 
flais  chez  elles  avec  la  beauté.  Quand  la 
iuté  demande  l'empire,  la  nisoa  le  fait 
hser;  quand  la  raison  pourrait  l'obtenir, 
l«auté  n'est  plus.  Les  femmes  doivent 
^  dans  la  dépendance,  car  la  raison  ne 
^t  leur  proourer  dans  la  vieillesse  un 
)|iire  que  la  beauté  ne  leur  avait  pas 
^oé  dans  la  jeunesse  même*  11  est  donc 
^-simple  qu  un  bomme,  lorsque  la  reli- 
'"  ne  s'y  oppose  [las,  quitte  sa  femme 
or  en  prendre  une  autre,  et  que  la  poly- 
^'ie  s  introduise  (1112).  v 
'^u  s'était  fait  en  £urope,  d'après  les  as- 

flH)  Koy.  C.-F.  BuROAC»,  7rai<^  de  phuiiologie; 
'J-.  «859,  i.  V,  p.  59  el  suiv. 

itlï)  MoxTcsQuiBu,  Eiprii  dei  lois,  livre  xvi, 
>p  î. 


sortions  de  voyageurs  qui  manquaient  de 
données  suflisantes  pour  établir  une  propo- 
sition générale,  des  idées  fort  exagérées  sur 
la  précocité  physique  dans  les  pays  chauds, 
surtout  dans  l'Arabie  et  la  Palestine,  que 
Montesquieu  avait  prfnci|Hilement  en  vue. 
Cependant,  pour  la  Palestine,  on  aurait  pu 
arriver  à  des  conclusions  fort  différentes, 
en  s'appuyant  sur  plusieurs  passages  do 
TAncien  Testament  ;  et  quant  aux  lemmes 
d'Arabie,  la  question  devait  (larattre  fixée 
par  une  autorité  que  peu  de  personnes  ose- 
raient contester,  celle  de  Mahomet  et  des 
commentateurs  du  Koran.  Dans  ce  livre,  au 
quatrième  chapitre,  qui  a  pour  titre  :  De  la 
femme ^  on  trouve  le  précepte  suivant  qui 
est  relatif  aux  devoirs  d^un  tuteur  :  «  Exa- 
mine les  orphelines  (en  matière  religieuse) 
jusqu'à  ce  qu'elles  aient  atteint  l'Âge  de 
mariage;  »  sur  quoi  M.  Sale  remarcjue  : 
«  L'â^e  de  mariage  ou  de  maturité  est  fixé  à 
quinze  ans,  et  cette  détermination  est  ap- 
puyée sur  une  tradition  du  prophète,  bien 
qu  Abu-Hanifah  pense  que  dix-huit  ans 
serait  l'époque  convenable.  »  Dans  les  rè- 
glements touchant  le  divorce,  au  chapitre 
intitulé  :  La  vache  :  «  14  est  enjoint  de  ne 
pas  renvoyer  une  femme  dans  le  cas  où  il 
pourrait  y  avoir  le  plus  léger  doute  qu'elle 
se  trouv&t  enceinte.  »  Sale  ajoute  :  «  Lors- 
que les  femmes  sont  trop  jeunes  (1113), 
comme  lorsqu'elles  sont  trop  vieilles  pour 
avoir  des  enfants,  la  règle  est  de  n'attendre 
que  trois  mois.  L'âge  où  on  les  considère 
comme  trop  vieilles  pour  devenir  mères  est 
celui  de  cinquanU-cinq  années  lunaires  ou 
cinquante  -  lrot«  années  solaires,  i»  Nous 
voyons  donc  que  les  époques  des  principa- 
les révolutions  physiques  sont  exactement 
les  mêmes  parmi  les  Arabes  que  parmi  les 
Européens.  Ainsi,  toute  l'argumentation  à 
l'aide  de  laquelle  on  a  cherché  à  excuser  la 
morale  dépravée  des  nations  orientales,  en 
s'anpuyant  sur  l'époqueprématurée  du  dé- 
veloppement et  de  la  vieillesse,  s'écroule 
faute  de  fondements,  tout  comme  celle  qui 
avait  pour  but  de  justifier  la  polygamie, 
d'après  la  supposition  qu*il  naissait  en  Ara- 
bie plus  de  lemmes  proporlionnelletuent 
qu'en  Europe,  supposition  longtemps  ad- 
mise comme  une  proposition  incontestable, 
mais  aujourd'hui  complètement  renversée 
par  les  résultats  des  recherches  de  Niébuhr. 
Toutes  les  questions  relatives  aux  chan- 

Sements  périodiques  dans  la  vie  physique 
e  la  femme  ont  été,  il  y  a  peu  d'années, 
soumises  à  une  nouvelle  investigation  par 
un  auteur  très-compétent  qui  a  recueilli 
sur  ce  sujet  une  multitude  de  faits  neufs  et 
intéressants.  C'est  à  cet  ouvrage,  qui  jette 
un  grandjoursur  une  partie  Crès-imjwrtantc 
de  la  physiologie,  et  qui  doit  faire  disparaî- 
tre pour  toujours  bien  des  erreurs  et  des 
préjugés  anciennement  accrédités,  que  je^ 

(1113)  Les  mariafies  avant  r&fj^e  nubile  8ooi  per- 
mis, ou  du  moins  tolérés  en  Arabie,  et  cette  coiituino^ 
est  sans  doute  ce  qui  à  donné  naissance  ï  ru^inioiK 
erroaée  dont  j  ai  pmlé  ySus  hauL 


1015 


RAC 


DICTIONNAIRE  APOljOGETiQOE. 


BAC 


lOK 


renrerrai  ceux  de  mes  lecteurs  qui  désire- 
raient prendre  une  connaissance  approfon- 
die de  la  question.  Ici  je  dois  me  t>orner  b 
présenter  la  conclusion  générale  à  laquelle 
il  est  arrÎYé. 

Cette  conclusion,  qu*il  a  établie  sur  des 
preuves  parfaitement  satisfaisantes,  est  que 
ta  différence  du  climat  n*a  que  peu  ou  point 
d'effet  pour  produire  des  diversités  impor- 
tantes dans  les  époques  des  changements 
ph;|rsiques  auxquels  la  constitution  humaine 
estpssujettie  ;  de  sorte  qu'on  peut  dire  que, 
devant  ces  grandes  lois  de  l'économie  ani- 
male, tous  les  membres  de  la  famille  hu- 
maine sont  égaux,  tous  les  hommes,  les 
blancs  et  les  noirs,  se  trouvant  placés  par  la 
nature,  pour  ainsi  dire,  sur  le  pied  d'une 
égalité  parfaite.  La  durée  de  la  vie  entière 
et  celle  du  temps  nécessaire  pour  arriver  à 
l'état  adulte  étant  reconnues  a  très-peu  près 
les  mêmes,  on  ne  pourrait  guère  supposer 
sans  invraisemblance  qu'il  existait  des  dif- 
férences bien  marquées  pour  aucune  fonction 
particulière  ou  pour  un  ordre  particulier  de 
fonctions.  Cependant  c'était  une  opinion 
généralement  admise  depuis  1a  temps  de 
A.  Ualler  et  quiavaitpassésans contestation 
Jusqu'au  moment  où  elle  a  été  réfutée  par 
M.  Uoburton  (1114). 

§  VII. 

Comparaison  des  races  humaines  soos  le  rapport  des  fa 

cuUés  iuicllecluclles. 

U  y  a  un  point  de  vue  sous  lequel  il  nous 
reste  à  comparer  les  différentes  branches  de 
la  famille  humaine,  c*esl  celui  des  différents 
degrés  d'intelligence. 

La  psychologie,  en  prenant  ce  mol  dans 
son  acception  habitaello,  est  l'histoiredes 
facultés  mentales  chozThomme  ;  mais  consi- 
dérée d'une  manière  plus  générale,  elleem- 
bPiisse  aussi  Tétude  de  ces  facultés  chez  les 
espècesanimalcsqui  semblent  se  rapprocher 
le  plus  de  l'espèce  humaine  sous  le  rapport 
de  rinlelligence  :  ces  deux  parties  de  la 
science  sont  en  quelque  sorte  solidaires,  et 
peuvent  se  prêter  mutuellement  appui.  Deux 
espèces  animales,  si  voisines  qu  elles  soient, 
ne  se  ressemblent  jamais  complètement  dans 
leurs  mœurs,  leurs  habitudes,  leur  tendance 
h  certains  actes  particuliers»  etc.,  ce  qui 
indique  nécessairement  des  différences  dans 
leurs  caractères  psychalosiques.  Maintenant 
si  les  caractères  psychologiques  sont  les 
mêmes  pour  toutes  les  races  numaines,  si, 
chez  toutes,  robservation  des  faits  ne  nous 
fait  reconnattre  qu'un  seul  et  même  mode 
d'intelligence,  nous  aurons  là  un  puissant 
motif  pour  conclure  qu'elles  appartiennent 
toutes  h  une  même  espèce,  qu'elles  ont  une 
origine  commune. 

Mais  peut-on  soutenir  que  tel  est  réelle-^ 
ment  le  fait  ?  La  plupart  des  gens  à  qui  Ton 
posera  cette  question  seront,  suivant  toute 

(il II)  Le  mémoire  de  M.  Rubcrlon,  qui  mérite 
d*àre  mieux  coiinu  <ia*il  ne  Ta  été  jiisqtra  présenf, 
fui  publié  dan^  Vtdinburgh  médical  and  surgirai 
iournal,  vol.  XXXVIU,  1S52,  Le  même  auteur  a  fait 


apparence,  tentés  au  premier  alioM  d'y  ré- 
pondre par  la  négative;  car  qaels  plos grands 
contrastes  peut-on  imaginer  que  ceui  qui 
se  présentent  lorsque  l'on  compare  entre 
elles,  dans  l'état  actuel,  les  différentes rac«s 
de  l'espèce  humaine  ?  Imaginoos,  pour  qq 
moment,  qu'un  habitant  d'une  autre  plaoèle 
descendant  sur  notre  globe  obserre  et  coqv 
pare  les  mœurs  de  ses  habitants.  Faisons-le 
assister  d'abord  à  quelque  |>ompe  brillante 
dans  Tun  des  pays  les  plus  civilisés  de  TEu- 
rope  ;  au  couronnement  d*on  monarqae, 
par  exemple.   Voici  sair.l  Louis  qu'on  ins- 
telle  sur  le  trône  de  ses  pères,'etqui,  eoii- 
ronné  d'une  auguste  assemblée  de  pairs,  de 
barons,  d'évèques,  d'abbés  mitré^t, reçoit sor 
son  front  Thuile  seinte  qu'un  anse  ries! 
d*apporter  pour  consacrer  le  droit  ai  fin  (li>.^ 
rois.  —  Transportons  ensuite  successjr^ 
ment  notre  voyageur  dans  qnelqae  batoen 
de  la  Nîgritie,  à  l'heure  oit  ses  noirs  1)# 
tants,  ivres  d'une  folle  joie,  s'agitent,  iqjos 
d'une  musique  bartmre,  en  mouTeiDesH 
désordonnés  ;  puis  dans  les  plaines  aài 
où  erre  le  chauve  Mongol,  dont  lapeup* 
nâtre  se  détache  à  peine  sur  la  robeimc 
de  la  steppe  couverte  des  fleurs  de  h\A^ 
et  de  Tiris;  —  puis,  près  de  l'antreso^m 
oii  le  famélique  Boschisman ,  tapi  m^ 
une  bête  fauve,  suit  d'un  œil  inquiet Toism 
prêt  à  se  prendre  au  piège  qu'il  a  tendu, ou 
le  refUile  que  le  hasard  amène  i  la  portée 
de  sa  main  ;  puis,  enfin  dans  les  foréu  de 
la  Nouvelle*Uollande  ,   en  présence  û'm 
troupe  de  sales  Australiens,  singeant  dibs 
leur  danse  stupide  les  mouvements  à)spr 
cieux  des  kanguroos.  —  Peut-on  supposer 
que  notre  voyageur  conclura  que  les  diffé- 
rents groupes  qui  tviennent  de  passer  sou* 
ses  yeux  ne  présentent  tous  que  des  èirta 
d'une  même  nature,  appartenantà.uneœéoie 
espèce,  descendant  d'une  tige  commaoeMl 
est  beaucoup  plus  t>robable  qu*il  arriverai 
une  conclusion  opposée. 

Mais  dans  la  question  qui  nous  occvp^, 
nous  avons,  pour  arriver  à  la  solution,  diu- 
tres  éléments  que  ceux  qui  soraienlfoum» 
par  une  observation  passagère,  telle  «p 
nous  la  supposions  ici.  L'histoire,  en  nm 
présentant  le  tableau  des  mœurs  d*unemé»e 
nation  è  des  époques  fort  éloignées,  non» 
permet  d'apprécier  toute  l'étendue  des cl«î- 
gements  que  le  temps  et  les  circonstan» 
ont  pu  opérer  dans  sa  condition.  Encoui|^ 
rant  son  état  ancien  à  l'étant  présent,  pr* 
ne  trouvons  plus  rien  d'improbable  à  h^ 
que  des  êtres,  en  apparence,  aussi  différeni* 
dans  leur  mode  d'existence,  que  ceux  <ioa' 
il  vient  d'être  fait  mention,  puissent  ncan- 
moins  être  unis  par  des  liens  de  fureBle. 

Les  recherches  historiques  ont  encore  m 
autre  résultat,  celui  de  mettre  tout  d'abon» 
en  évidence  un  des  grands  caractèrcj?  «•*• 
linclifs  de  notre  espèce,  un  de  ceux  qtit'»* 

paraitre  récemment  un  mémoire  addUi»  •«!.  «"< 
une  conliuuation  de  ses  recherches  sur  laratc*" 
gre,  dans  le  numéro  152  du  même  jo«f«al. 


^^^  tiAC  DKTIMllAiBE  APOLOG£TiOCIÎ. 

jareni.le  plos  netCement  sa  oatore  de  celle 

ies  animaux;  ie  reux  parler  de  ce  que  l'oo 

•appelé  quelquefois  la  perfectibilité  de 

honiine,  mais  qu'il  serait  plus  conveuable 

le  désigner  comme  une  tendance  aux  chan* 

céments»  puisque  ces  cbangemimts,  qui  sont 

nee^sants,  bien  qu'ils  aient  en  général  pour 

ésultat  de  le  dire  aTancer  dans  la  Toie  de 

a  dfilisation,  lui  impriment  quelquefois 

•oar  un  tempi  nue  marche  rétrograde.  Ces 

baogeroents  d'ailleurs,  dans  quelque  direo- 

ion  qu'ils  s'opèrent,  contrastent  de  la  manière 

à  plus  frappante  avec  ce  qui  s'obsenre  chez 

es  animaui,  parmi  lesquels  les  habitudes 

mpres  à  chaqne  espèce  se  transmettent  arec 

jne  parfaite  uniformité  de  génération  en 

téoéralion.  Le  lion  de  Numidie  et  le  sa- 

im  des  déserts,  les  royaumes  des  abeilles 

/  les  républiques  des  termites  sont  aujour- 

l'hni  précisément  dans  les  mêmes  condi- 

tous  qu'au  temps  d'Esope  et  dans  l'empire 

;e   Juba ,  tandis  que  les  descendants  des 

^rles  que  Tacite  nous  dépeint  comme  Ti- 

>  9nt  au  sein  de  la  misère  et  de  la  saleté 

•  as  les  marécages  des  bords  de  la  Vistule, 

v,t  bâti  Saint-Pétersbourg  et  Moscou ,  et 

i«ïc  la  postérité  de  cannibales  et  de  pbtirio* 

-  -^sace»  se  nourrit  maintenant   de  pilau    et 

•'«vait  de  froment. 

'.'Bud  nous  ^considérons  que  de  pareils 
'  '-^i^eflients   d'habitudes   se   sont   Ofiérés 

•  931$  plusieurs  des  races  dont  l'histoire  nous 
■^mt^  de  connaître  l'ancien  état,  nous  sen- 
•n5  ifu'il  7  aurait  de  la  témérité  à  prétendre 
! i-'ùts  dilférehces  comme  celles  auxquelles 

a  été  lait  allusion  plus  haut,  ne  peuvent 

«  ^èire  le  résultat  des  circonstances  exté- 
I  rîureSy  drconstances  qui,  dans  certains  cas, 

'  raient  fa?orisé  la  tendance  au  perfection- 
ihcni  propre  à  notre  espèce,  et,  dans  d'au- 
•"*S  auraient  agi  en  sens  contraire,  obli* 
ont  des  nations  déjà  civilisées  à  rélrogra- 
t-r  vers  la  barl>arie  de  l'état  sauvage. 

Pour  tout  ce  quia  rapport  à  l'enlrelien  de 

vie«  et  généralement  à  la  satisfaction  des 
filins  corporels,  les  habitudes  de  Thomme 
vraissent  susceptibles  de  variations  infi- 
res:  en  nous  liomant  mémo  à  celles  que 
'nsTate  l'histoire,  nous  voyons  qu'il  s  est 
;«^é  dans  l'aspect  extérieur  des  sociétés 
irs  changements  qui  vont  au  delà  de  tout 
i  que  I  imagination  eût  pu  faire  prévoir, 
t  y>Tte  que,  si  Ton  se  contentait  d'un  coup 
«il  superficiel,  on  serait  tenté  de  croire 
«'il  n'y  a  dans  les  actions  humaines  rien 
:  viable,  rien  de  permanent.  Aussi  n'est-ce 
)mt  à  la  surface  qu'il  faut  s'arrêter,  lors* 
0011  veut saroir  si^  malgré  leur  diversité, 
<  actions  ne  sont  point  soumises  à  certain 
?s  lois.  C'est  au  moyen  d'une  investigation 
lus  profonde,  c'est  en  arrivant  jusqu'à  ce 
u'i!  y  a  de  plus  intime  dans  la  nature  de 
^lomme,  quon  pourra  espérer  découvrir 
'ri  principes  qui ,  sous  le  rapport  de  leur 
>nstance,  soient  comparables  aux  instincts 
ropres  aux  différentes  espèces  animales,  el 
^i^^nt,  comme  ces  instincts,  caractéristi- 
u('5,oude  l'humanilé   tout  entière  ou  de 

*  grande?  familles*  prises  (;hacune  en  par- 


RAC 


lOlS 


ticulier.  Ainsi,  nous  devrons  cnercber  quel- 
les sont  les  idées ,  quels  sont  les  penchants 
auxquels  se  rattachent  les  habitudes  si  va- 
riées que  l'observation  nous  a  fait  connaître; 
nous  prendrons  l'homme  avec  ses  penchants, 
ses  sympathies,  avec  la  conscience  qu'il  a 
de  soi-même;  nous  constaterons,  en  un 
mot,  les  causes  cachées  des  déterminations, 
aussi  bien  que  les  actes  par  lesquels  elles 
se  manifestent, 
c  Remarquons,  d'ailleurs,  dit  Prichard, 

3ue,  même  en  nous  l)ornant  à  l'observation 
e  ces  manifestations  extérieures,  nous  en 
trouverons  quelques-unes  qui  sont  si  géné- 
rales, qu'on  pourrait  les  considérer,  et  qu'on 
les  a  considérées  en  effet,  comme  caractéris- 
tiques de  la  nature  humaine.  Dans  le  nom- 
bre, et  en  première  ligne,  nous  pouvons 
citer  l'usage  d'un  langage  coifVeuiionnel, 
usage  dor*t  l'universalité  chez  les  hommes 
n'est  pas  moins  remarouable  que  son  ab- 
sence totale  chez  tous  les  autres  êtres  vi- 
vants. L'usage  du  feu ,  des  vètementa,  des 
armes,  la  possession  d'animaux  domesti- 
ques viennent  encore  se  placer  à  peu  près 
sur  la  même  ligne;  mais  ces  différents 
arts,  aussi  bien  que  celui  de  la  parole,  ne 
sont  que  les  manirestations  de  cet  agent  in- 
térieur qui  est  réellement  l'attribut  distinc- 
tif  de  la  nature  humaine  :  c'est  ce  principe 
avec  ses  phénomènes  les  plus  essentiels,  les 
plus  caractéristiques,  si  nous  parvenons  à 
les  découvrir,  que  nous  devons  prendre 
pour  sujet  d'une  comparaison  à  établir 
avec  celui  qui  constitue.ee  que  nous  appe- 
lons la  nature  psychique  îles  animaux. 

l 'invariable  uniformité  qui  rèj^oe  dans  les 
habitudes  des  animaux,  et  qui  forme  un 
contraste  si  frappant  a?ec  la  variabilité  non 
moins  remarquable  qui  s'observe  dans  les 
habitudes  des  hommes  quand  on  compare 
une  génération  à  une  autre,  constitue  réelle- 
ment une  différence  beaucoup  plus  caracté- 
ristique entre  les  êtres  qui  agissent  sous  les 
impulsions  de  Tinstinct  et  ceux  qui  ont  reçu 
la  raison  en  parta^^e.  C'est  là,  pour  le  com- 
mun des  observateurs,  la  distinction  la  plus 
ar^parente,  et  c'est  même  la  seule  que  puisse 
faire  découvrir  un  examen  rapide  et  super- 
ficiel. Mais  s'attacbe-t-on  à  approfondir  ie 
sujet,  à  pénétrer  dans  la  nature  même  des 
actions,  dans  la  partie  la  plus  cachée  de 
l'histoire  des  sentiments,  des  penchants,  des 
impulsions,  qui  sont  les  premiers  mobiles, 
les  ressorts  secrets  de  ces  actions;  alors  on 
en  vient  à  découvrir  une  distinction  beau- 
coup plus  importante,  une  différence  capi- 
tale, essentielle,  dans  le  but  vers  lequel  ten- 
dent les  actes  commandés  par  l'instinct  et 
ceux  qui  sont  dirigés  par  la  raison.  Relati- 
vement aux  premiers,  nous  reconnaissons 
que  toute  l'activité  mise  en  jeu  |iar  les  sen-^ 
tinienls  de  désir  ou  d'aversion,  de  sympa- 
thie ou  d'antipathie,  propres  à  chaque  es- 
|)èce  animale,  tend  seulement  à  assurer  ie 
bien-être  et  la  conservation  de  l'individu,  la 
pcr|>étuation  de  sa   race.  Si  au  contraire, 
entrant  dans  le  vaste  champ  d'observatton 
que  nous  ouvre  l'histoire,  nous  embrassons 


1019 


RAG 


APOLOGETIQUE, 


UC 


m 


la  sphère  entière  des  actions  noTDaines,noas 
en  voyons  bien  encore  nn  bon  nombre  qqi 
tendent  vers  ce  but,  mais  il  n*e$t  plus  exact 
dédire  qu*elies  y  tendent  toutes.  Loin  de  là, 
et  dans  les  habitudes,  dans  les  coutumes 
des  différents  peuples,  ils  nen  est  |K)int  de 
plus  remarquables  que  celles  qui  se  rappor* 
tenté  un  état  d'existenre  auquel  Thonimese 
sent  appelé  après  sa  mort,  et  à  Tinfluence 
que  doivent  exercer  sur  sa  condition  pré- 
sente et  future  des  agents  invisibles  qui  sont 
pour  lui  un  objet  de  crainte  et  de  respect. 
Sans  douie,  suivant  Tétatde  barbarie  ou  de 
civilisation  dans  lequel  se  trouvent  les  peu- 
ples, leurs  notions  h  cet  égard  varient  beau- 
coup, et  h  mesure  qu'on  descend  dans  l'é- 
che'le,  on  les  trouve  plus  grossières  et  plus 
confuses  ;  mais  enfin,  en  arrivant  même  jus- 
qu'au dernier  degré,  on  Icsy  retrouve  encore, 
et  elles  s*y  traduisent  par  des  actes  parfaite- 
ment significatifs.  Les  rites  pratiqués  sur 
toute  la  terre  eu  l'honneur  de  ceux  qui  ne 
sont  plus  ;  les  différentes  cérémonies  relati- 
ves àia  sépulture,  à  TembaumemeRt,  à  Tin- 
cinération  des  corps  ;  les  processions  funé- 
raires qui,  dans  tous  les  pays,  dans  tous  les 
temps,  chez  tous  les  peuples,  accompagnent 
les  morts  à  leur  dernière  demeure  ;  les  tom- 
beaux élevés  sur  le  lieu  où  ont  été  déposés 
leurs  restes  périssables  ;  les  innombrables 
tumulus  dispersés  sur  toute  la  surface  du 
globe,  seules  traces  qu'aient  laissées  des 
races  depuis  longtemps  éteintes;  les  moraïs 
et  les  gigantesques  monuments  des  Iles  po* 
lynésiennes  ;  les  magnifiques  pyramides  de 
TEgypte  et  de  TAnabuac  ;  les  prières  et  les 
litanies,  récitées  aujourd'hui  pour  les  vi- 
vants et  pour  les  morts  dans  les  églises  de  la 
chrétienté,  dans  les  mosquées  et  les  pagodes 
de  rOrient,  comme  elles  l'étaient  jadis  dans 
les  temples  du  inonde  païen;  le  pouvoir 
accordé  aux  prêtres,  considérés  comme  mé- 
diateurs entre  les  dieux  et  les  hommes  ;  les 
pontifes  agissant  comme  vicaires  de  la  Divi- 
nité sur  les  rives  du  Tibre,  du  Brahmapoulra 
et  du  golfe  Arabique  ;  les  guerres  sacrées 
désolant  des  empires  pour  établir  ou  renver- 
ser certains  dogmes  métaphysiques,  que 
n*entendirent  jamais  la  plupart  des  hommes 
qui  combattirent  et  moururent  dans  chs  que- 
relles ;  les  pénibles  pèlerinages  exécutés 
chaaue  année  pendant  de  longues  suites  de 
siècles  par  des  hommes  de  toutes  les  cou- 
leurs, de  tous  les  pays,  qui  vont  cherchera 
la  tombe  des  prophètes  ou  des  saints  l'abso- 
lution de  leurs  péchés;  les  sacrifices  hu- 
mains; la  mort  volontaire  des  vieillards; 
l'immolation  des  enfants  par  leurs  parents 
(illS);  les  sacrifices  d'animaux  considérés 
comme  typiques  ou  comme  expiatoires; 
tous  ces  différents  faits,  et  beaucoup  d'autres 
semblables  que  présente  à  notre  observa- 
tion l'histoire  des  nations  civilisées  comme 
celle  des  peuples  barbares,  nous  oondui-« 
seul  à  reconnaître  que  l'humanité  tout  en- 
tière sympathise  dans  certaines  idées  géné- 
rales, dans  certains  sentiments  profondé- 


ment empreints  en  elle,  et  doat  h  naiore 
n*est  pas  moins  mystérieuse  qae  rori^nc. 
Ce  sont  Ihf  fiarroi  les  divers  phénomènes 
psychologiques  propres  aux  eréatoresba- 
maines,  les  plus  remarquables  sans  doute, 
et  ceux  qui  peuvent  le  mieux  les  disiiogner 
des  brutes;  car  ce  n*est  plus  sur  respect 
extérieur  des  habitudes  et  des  diverses  ma- 
nifestations de  ractivité  que  repose  la  dis- 
tinction, mais  sur  la  nature  intime  du  prio- 
€i|>e d'action  lui-même. 

Supposons  donc  qu*après  une  ioTesliga- 
tion  bien  complète  des  pbénooièiies,  nous 
soyons  arrivés  è  reconnaître  dans  la  psy. 
cbologie  des  races  humaines  un  certain  noài- 
bre  de  principes  iondamentanx  qui  corres- 
pondent, du  moins  quant  à  leurs  eirels,iui 
instincts  des  brutes,  si  nous  voyunsqueces 
principes  d'action,  au  lieu  de  varier d'oDe 
race  h  l'autre,  nomme  les  inslincl^  qoi  ^i 
différents  pour  chacune  des  espèces  aniiiu- 
les,  sont  au  contraire  communs  àtousif$ 
hommes,  il  est  clair  que  nous  aurons  là  n» 
puissant  argument  en  faveurdeTuniléjp 
cifique  du  genre  humain. 

C  est  donc  à  ce  genre  d'investigatinqiif 
nous  faut  maintenant  nous  livrerai 
diant  Thistoire  psychologique  de  dim^ci 
races  humaines,  et  en  prenant  nos  eif^tt 
dans  celles  qui  sont  le  plus  éloignées \es 
unes  des  autres.  Dans  ce  but,  nouseomoies* 
cerons  par  réunir  les  particularités  \^\h\ 
frappantes  et  les  plus  caractéristiques  rela- 
tives à  l'état  moral  et  intellectuel  deces  peo* 
pies.   Nous  verrons  quelles  .éuient  leurs 
superstitions  primitives  ou  leurs  dogmes 
religieux  à  une  époquo  où  ils  étaient  encore 
privés  de  toute    communication   avec  le 
monde  chrétien  et  civilisé,  puis  nous  éli- 
minerons jusqu'à  quel  point,  qu«nd  la  com- 
munication  aura  été   établie,  ces  oèmci 
peuples  se  seront  montrés  capables  de  ^^ 
ccyoir  et  de  s'approprier  les  bienfaits  delà 
civilisation  et  du  christianisme. 

Nous  n'entreprendrons  pas  de  poursuirrp 
celte  recherche  relativement  k  tontes  I» 
races,  et  nous  nous  bornert^ns  à  considéra 
deux  ou  trois  des  groupes  le  plus  nettenient 
séparés  les  uns  des  autres.  Les  population» 
du  nouveau  monde,  prises  comme  un  t«ml 
nous  occuperont  d'abord,  et  nous  lâcbcrw* 
de  jeter  quelque  jour  sur  cette  partie  df 
l'histoire  des  nations  américaines,  en!(» 
prenant  depuis  les  régions  arctiques  )«*• 
qu'au  cap  Horn.  Nous  passerons  ens»* 
aux  nations  à^cheveluro  laineuse  de  I  Affr 
que,  et  la  comparaison  que  nous  élablir**' 
entre  ces  peuples  et  les  nations  de  TEur*^ 
et  de  l'Asie  devra  nous  fournir  les  *«• 
ments  suffisants  pour  arriver  h  une  s»At- 
lion,  soit  positive,  soit  négative  de  la  qu«^ 
tion. 


.en 


ConsidénUon,  sur  le  point  de  roe  «ycbofcfiq»' 
races  indigènes  de  rAmcriqne. 

S'il  esUin  groupe  de  nations  qu'on  p^^^ 


(1115)  Vûy.  Buii»4CH,  Traité  de  j^hyihlogie ;  Paris,  iSôi),  t.  V,  p  458et  suiv. 


0^1 


RAG 


DICTIONNAIRE  ÀPOLOGETIQCE. 


RAG 


fi 


ans  trop  d^iurraisemblance  représenler 
•>rume  diCTéreat  |>ar  ses  caraclères  psycho- 
igiqaes  des  autres  groupes  dont  se  cora- 
use  la  population  du  globe,  c*est  sans 
oate  celui  qui  embrasse  Tensemble  des 
if?.s  indigènes  du  noureau  monde.  Un  cé- 
•bre  écrivain,  le  docteur  Martius,  qui  a  eu 
es  facilités  toutes  particulières  pour  Té- 
j4le  des  diverses  branches  de  l'histoire  na- 
jrelle  dans  les  provinces  portugaises  de 
Amérique  du  Sud,  et  que  Ton  sait  avoir 
;i|M)rté  une  attention  particulière  à  Teth- 
ograpilie  des  habitants  de  cette  vaste  ré- 
-.00,  a  tracé  en  termes  très-forts,  mais  em- 
reints  suivant  moi  d*un  peu  d'exa,^ératiori, 
T^e  peinture  de    tes    peuples  considérés 

ni  au  physique  qu'au  moral.  Afin  d'éviter 
'  •iaoj^er  de  représenter  d'une  manière  in- 

.èle  ses  opinions  à  cet  égard,  je  citerai 
ïitoellement  quelques  fragments  d'un  de 
«es  ouvrages. 

«  La  race  indigène  du  nouveau  monde,  dit 

/.  Uarthis,  se  distingue  de  toutes  les  au- 

;rs  races  humaines,  non-seulement  par  les 

.^racières  extérieurs,  c'esl-à-dire  par  cer- 

•siues   particularités    de   sa  conformation 

v^^sique,  mais  encore,  et  d'une  manière 

ïiuUtnchée  peut-être,  par  des  caractères 
>*M^rieais,  tirés  delà  considération  de  sa 
K^nStm  mentale. 

«  L'américain  nous  présente  en  effet  à 
-.1  ée^rddes  traits  qui  lui  sont  tout  à  fait 
r««fres,  joignant  à  l'ignorance  et  la  lésèreté 
-z  1  entant  l'incapacité  pour  apprenare  et 

f  »ioiâtrelé  du  vieillard.  C'est  cette  singu- 
r-re  et  inexplicable  réunion  des  défauts 
«rnculiers  aux  deux  époques  extrêmes  de 

T7e  iolellectuelle,  qui  a  fait  échouer  tous 
^  efforts  qu'on  a  tentés  jusqu'à  ce  jour 
>ur  le  réconcilier  avec  l'état  de  choses  pré- 
ut.  Il  n'essaye  plus  de  lutter  contre  l'as- 
D'iant  de  TEuropéen,  mais  il  refuse  de 
issocier  à  son  mouvement,  de  faire  tout 

qai  pourrait  le  conduire  à  devenir  un 
embre  heureux  et  satisfait  d'une  même 
moionauté.  C'est  encore  cette  double  na- 
re  que  nous  Tenons  de  signaler  en  lui, 
li  oppose  à  la  science  des  obstacles  pres- 
te insormontables,  lorsqu'elle  s'efforce  de 
ruier  son  origine,  de  le  suivre  à  travers 
ite  longue  suite  de  siècles  qu'il  a  jiarcou- 
%  et  pendant  lesquels  il  semble  n'avoir 
'il  acquis.  En  disant  qu'il  n'a  rien  acquis, 
•Qs  souimes  loin  de  donner  à  entendre 
le  sa  condition  présente  ressemble  en  rien 
re  «|ue  devait  être  la  condition  primitive 

rbomme.  'Au  contraire,  elle  est  aussi 
nznée  que  possible  de  cette  absence  de 
>i  nie,  de  cette  confiance  naïve  qui, si  nous 
•jrojrons  une  voix  intérieure,  d'accord  en 
^^  aree  le  témoignage  des  plus  anciens 
.  umenis  écrits,  fut  1  apanage  de  Tenfance 
s  nations,  comme  elle  est  celui  de  Ten- 
ace des  individus.  Dans  les  sentiments 
l'indigène   américain,  il  faut  bien  en 
oTcnir,  il  ne  reste  presque  plus  rien  de 
ajpr**inte  que  l'homme  reçut  sans  doute 
t  sortant  des  mains  du  Créateur,  et  il  sem- 
e  '|iie  depuis  longtemps  c'est  le  pur  ins- 


tinct animal  qui  l'a  guidé  dans  la  route  par 
laquelle  il  est  arrivé  d'un  obscur  passé  à 
un  présent  non  moins  sombre.  Il  n'en  est 
pins  à  la  première  période  du  développe- 
ment normal  de  l'espèce  :  ce  n'est  fias 
rhomme  primitif,  mais  l'homme  dégénéré 
que  nous  voyons  en  lui.  Voilk  du  moins  ce 
qui  semble  résulter  d'une  foule  d'indica- 
tions diverses. 

«  Sans  parier  ici  des  traces  nombreuses 
d'une  civilisation  antérieure  t  aux  temps 
historiques  que  nous  présente  la  race  amé- 
ricaine, sans  parier  de  l'ancienneté  de  ses 
conquêtes  sur  le  monde  organisé,  conquê- 
tes dont  l'origine  se  perd  dans  la  nuit  du 
passé,  nous  trouYons,  pour  appuyer  Tapl- 
nion  que  nous  venons  d'émettre,  des  preu- 
ves encore  plus  convaincantes,  dans  l'ob- 
servation des  rapports  qu'ont  entre  eux  les 
1>euples  du  nouveau  monde»  dans  ce  qni 
orme  pour  eux  la  base  du  droit  naturel  et 
du  droit  des  gens,  si  l'on  peut  emplover 
l'expression  de  droit  pour  un  ordre  de  cho- 
ses ou  règne  partout  la  violence.  Je  veux 
parler  ici  de  ce  grand  fait  que  j'ai  déjà  eu 
précédemment  l'occasion  de  sigiKiler,  de  l'é- 
trange division  de  ]à  population  américaine 
en  une  infinité  de  groupes  grands  et  pe- 
tits, groupes  isolés  entre  eux,  qui  se  re- 
poussent même  mutuellement  et  nous  ap- 
paraissent comme  les  fragments  d'une  vaste 
ruine.  L'histoire  des  autres  nations  du 
globe  ne  nous  offre  rien  qui  ait  la  moindre 
analogie  avec  un  pareil  état. 

c  On  ne  peut  douter  que,  depuis  des 
temps  forts  reculés,  rAmérique  n'ait  été 
presque  sans  interruption  le  théâtre  de 
migrations  qui  ont  agité  les  différents 
points  de  sa  suriace,  et  tout  porte  i  voir 
dans  ces  déplacements  violents  une  des 
causes  principales  du  démembrement  des 
anciennes  sociétés,  de  la  corruption  des 
langues  et  de  la  dégradation  des  mœurs, 
suite  presque  inévitable  de  la  misère  ame-  . 
née  par  toute  grande  catastrophe.  11  est  per- 
mis de  croire  que  dans  l'origine  il  n  y  a 
eu  qu'un  petit  nombre  des  nations  princi- 
pales à  éprouverdes  collisions  de  cette  na- 
ture, mais  on  doit  supposer  que  le  résultat 
en  aura  été  pour  elles  ce  qu  il  a  été,  pres- 
que de  nos  jours,  pour  la  nation  des  Tupis, 
c'est-à-dire  que  les  débris  provenant  des 
deux  masses  qui  s'étaient  mutuellement 
heurtées,  auront  été  dispersés  dans  toutes 
les  directions,  se  seront  mêlés,  groupés, 
amalgamés  de  toutes  les  manières.  Pour 
peu  qu'on  admette  que  les  migrations  aient 
ensuite  continué,  à  des  intervalles  assez 
rapprochés,  pendant  une  longue  suite  de 
siècles,  amenant  toujours  tes  mêmes  lirise- 
ments,  les  mêmes  dispersions  suivies  d'une 
sorte  de  fusion  de  quelques-unes  des  par- 
ties désagrégées,  on  aura  une  explication 
de  l'état  actuel  de  l'Amérique.  Remarquons 
d'ailleurs  que  l'admission  de  cette  hypo- 
thèse ne  nous  conduit,  relativement  an 
grand  phénomène  que  nous  considérons, 
qu'à  la  connaissance  des  causes  prochaines, 
et  que  ses  causes  premières  n  en  restent 


1023 


RAG 


DIGTlONNAIil£  APOLOGETIQUE. 


RAC 


m 


pas  momf»  toujours  iDConQues  el  énigmati- 
ques. 

«  Faut-il  croire  que  quelque  grande  con- 
Tulsion  de  la  nature,  quelque  effroyable 
tremblenent  de  terre,  tel  que  celui  auquel 
on  attribuait  jadis  la  submersion  de  la  fa- 
meuse Atlantide,  a  enveloppé  dans  son  cer- 
cle destructeur  les  habitants  du  nouveau 
continent?  Est-ce  la  terreur  profonde  res- 
sentie par  les  malheureux  échappés  à  cette 
affreuse  calamité,  qui,  se  transmettant  sans 
diminuer  dMntensité  aux  générations  sui- 
vantes, a  troublé  leur  raison»  obscurci  leur 
intelligence,  endurci  leur  cœur?  Esl  -  ce 
cette  terreur  toujours  présente  qui  les  a  dis- 
persés, et,  fermant  les  ^eux  aux  bienfaits 
lie  la  vie  sociale,  les  a  fait  se  fuir  Jes  uns  les 
autres  sans  savoir  où  ils  porteraient  leurs 
pas?  Supposerons-nous  que  des  calamités 
d*un  autre  genre,  de  longes  et  désolantes 
sécheresses,  d'immenses  inondations,  ame- 
nant après  elles  la  famine,  ont  forcé  les  hom- 
mes de  race  rouge  à  se  dévorer  les  uns  les  au- 
tres, et  que  la  répétition  de  ces  actes  de  can- 
nibalisme, leurenlevant  bientôt  ton t ce  qu*il 
pouvait  y  avoir  de  noble  et  d*humain  dans 
leur  nature,  les  a  fait  tomber  dans  Télat  de 
dégradation  et  d'abrutissement  où  nous  les 
trouvons  aujourd'hui?  Ou  bien  enfin,  cette 
dégradation  est-elle  la  conséquence,  non 
des  circonstances  extérieures,  mais  des  vi- 
ces de  l'homme  lui-même,  la  suite  des  dé- 
sordres affreux  dans  lesquels  il  est  tombé 
en  s'abandonnant  aux  penchants  que  la  ta- 
che originelle  a  laissés  dans  son  cœur?  Y 
devons-nous  voir,  en  un  mot,  un  eiemple 
du  cliÂtiment  que  le  Créateur  a  infligé  aux 
enrants  pour  la  faute  des  fières,  avec  une 
f^iWéritéqu'il  serait  téméraire  à  nous  de  taxer 
d'injustice?  » 

Nous  ne  suivrons  pas  plus  loin  le  docteur 
Martius^  et  nous  nous  contenterons  de  dire 
que  la  même  série  d'idées  se  trouve  déve- 
loppée dans  plusieurs  de  sesouvrages(1116). 
C'est  un  écrivain  doué  de  beaucoup  d'ima- 
gin<ition,  et  d'ont  l'esprit  a  été  vivement 
frappé  de  l'aspect  étrange  sous  lequel  la  na- 
ture humaine  s'est  montrée  à  son  observa— 
tion  dans  les  provinces  occidentales  de  l'A-* 
mérique  du  Sud.  Si  les  études  s'étaient  éten- 
dues aux  autres  parties  du  monde,  ses  vues 
se  seraient  élargies  et  S4^s  opinions  eussent 
été,  selon  toute  apparence,  considérable- 
nu)ntmoditiées(itt7). 

Il  s'en  faut  de  beaucoup  que  les  nations 
américaines  soient,  sous  le  point  de  vue 

(11!*)}  Vondem  Reehi$'Zu9tmide  unter  dén  Vr 
etnwohurn  Braziliens^  eine  Abhandiun^;  Munich, 
1852,  traJait  dans  le  iMM»nd  volameéa  Journal  of 
tke  royal  geographieal  Socielff.  —  Reize  in  Braùlieu, 
iMr  MM.  Spii  et  IIartius,  in-i".  -—  Veber  die  Zu- 
kuHft  and  VerqaagetikeU  der  Americanischen  Yutks^ 
tamm^  par  M,  &URTius;Municli. 

(1117)  <  L*Ârrique  et  PAniérIque,  dont  on  faisait 
des  ôpotivantails  pour  Tunilé  de  la  famille  humaine, 
d^'8  accitlents  cxcopiionnels  et  inexplicables  pour  le 
cadre  de  ses  v.iriëlés,  rentrent  merveilleusement 
dans  la  régfc,  liepnis  que  les  obsertations  eeruinas 
de  Totageurs  instruits  ont  balayé  les  contes  d'avea- 


psycbologique,  séparées  du  reste  des  hom- 
mes par  une  distance  aussi  grande  qu'on 
serait  tenté  de  les  supposer  d*après  les  con< 
cl  usions  du  célèbre  voyageur  ;cestdu  moins 
ce  qui  résulte,  si  je  ne  me  trompe, des  cou- 
sidérations  suivantes  : 

Les  impressions  et  les  tendances  relî- 

E'euses  des  habitants  du  noaTeau  rnoode, 
s  dogmes  qui  étaient  reçus  untîerselle- 
ment  parmi  eux,  leur  croyance  à  une  rie 
future,  leurs  rites  et  leurs  cérémonies,  leur^ 
idées  superstitieuses,  les  formes  sous  le^ 
quelles  se  montrait  leur  crédulité,  les  jfn- 
gleriesel  les  impostures  à  Taide  desqueli^ 
certains  individus  cherchaient  i  inspirerai; 
vulgaire  la  crainte  et  le  respect,  à  sebire 
regarder  comme  doués  de  pouvoirs  suroals* 
reis;  toutes  ces  manifestations  diverses  d^$ 
sentiments  intérieurs,  et  bien  d'aatres en- 
core qui  ont  été  observées  chez  les  Aoicn- 
cains,  se  retrouvent  presque  idenliçjueniefli 
chez  plusieurs  des  nations  de  rancienfuo- 
tineot. 

Qu*on  lise  ce  qu'a  écrit  sur  lareiisi-wfi 
les  superstitions  des  Defa^arcs  uamt/io- 
teur  qui  connaissait  très-bien  reiblJeg\ 
|iarmi    lesquels    il  avait  longtemi»  m 
«  Chez  toutes  ces  nations,  dit  Lo<W% 
nion  générale  est  qu*il  y  a  un  Dieu,  (a, 
pour  employer  leur  manière  de  s*eipriiQfT, 
un  Esprit  grand  et  bon  oui  prësiJe  aoiôr- 
tinées  derbomme.  »  Da{»rèsce  qoeM* 
apprend  cet  écrivain,  dont  le  téiuoigtHr''* 
d  ailleurs  est  d*accord  avec  celai  de  touie 
les  personnes  qui  ont  eu  des  rapports  sm 
avec  les  nations  indigènes  de  TAméàiw 
septentrionale,  il  paraît  que  les  idées  d( 
ces  nations  sur  la  nature  et  les  allrihuts  è 
Dieu  sont  beaucoup  plus  larges  et  nius  pbi^ 
losophiques  que  celles  de  la  grande  m^ 
rite  des  nations  sauvages  de  lancien couth 
ueut.  Ils  voient  en  lui  (ce  sont  leurs  ))ro;<i« 
expressions)  le  Créateur   du  ciel  et  de  h 
terre,  de  l'homme  et  de  tous  les  ètre^aci- 
niés    Ils  le  représentent  comme  toutpo^ 
santet  capable   dé  faire  tout  le  bien  quV 
veut.  «(  Ils  dfsent  qu'il  a  manifesté  scsilj 
tentions  bienveillantes  envers  J'homme,  (i 
mettant  dans  les  plantes  le  germe  de  iaw 
en  envoyant  les  pluies  pour  fertiliseriez 
en  donnant  au  soleil  la  chaleur  oécei^ 
|K)ur  mûrir  les  fruits,  en  peuplant  iest^aii 
de  poissons  et  les  forêts  de  gibier.  »  M, 
ces  bienfaits,  d'ailleurs,  auraient  été,  $>>' 
vanteux*  destinés  aux  Indiens  eIHu^l|^i 
ment.  Eufîn,  «  ils  sont  convaincus  que  M 


tnriers  ou 
borarocs  ind 


les  hypothèses  de  cablnel.  O  «^  • 
différents  k  la  question  de  Tuaucii 


ennemis  peut-être;  mais  qnî,  naturalisles^^^ 
nous  ont  poussés  à  faire  de  rAfriqoe  ni  p-»" 
moins  <{Ue  de  la  presqnMIe  de  Matacca,  *^ /^ 
ment  de  la  grande  province  ocea»i6sine;«P;*J^ 
rî.|ue  tout  entière,  un  simple  ^W^^^^^J 
Indones  el  mongoles.  Au  nord  de  VAnén^i 
nuances  de  race  et  de  langue  ne  m»a^^^ 

Rour  nouer  le  lien  avec  les  peuples  de  Sil^''^ 
amtchaïka ,  du  Japon ,  des  hh\  iiift.  '  (' 
Salles.) 


«î3 


RAC 


DicnomAiite  apologetiqce. 


RAC 


l(M 


•lige  tl*eoi  qa  ils  pratiquent  le  bien  et  éTÎ- 
^n(  le  mal.  * 

Aranl  d*aller  plos  loin,  noos  devons  fiiire 
finarqiier  qu*il  y  a  sur  tous  ces  points  une 
raniJe  analogie  dans  les  opinions  des  Anié- 
i;*jins  et  celles  des  Asiatiques  du  nord.  Un 
fjajieur  moderne,  M.  Erman,  nous  a|»- 
rend ,  d*après  le  lémoi^age  du  métroixili* 
HO  Philopbei,  qui  résidait  chez  les  Ostia- 
•les  de  l'Obi»  que  ces  peuples,  avant  d'avoir 
a  aucun   rapport  avec  les  missionnaires, 
royaient  k  Teiistence  d'une  Divinité  su- 
réme,  et  se  faisaient  sur  sa  nature  des 
;êr^  très-pures  et  très-éievées.  Ils  n'avaient 
!:Liais  songé  à  la  représenter  sous  des  for^ 
.^^  matérielles  ou  à  lui  faire  des  offrandes, 
r:>iîs  qu'ils  avaient  des  images  des  dieui 
.^. heurs  devant  lesquelles  ils  déposaient 
<  ijons  propitiatoires.  La  plus  célèbre  de 
5  «iiTinités  subalternes  qui,  pour  eux,  était 
\f  sorte  de  puissance  médiatrice,  portait 
^om  d*Oertidk.  Ce  nom ,  qui  se  conserve 
r.s  i  les  Magyares  sous  une  forme  encore 
i-S'-feconnaissable  (Oerdig)»  a  été,  k  Té- 
~  IJïtAe  llntroduclion  du  christianisme  en 
I    ogrie,  employé  par  les  moines  pour  désî* 
*«er  Tesprit  de  ténèbres.  On  exécutait  de- 
>m-al\es  images  d'Oertidk  des  ditnses  qui, 
^^iTMftErman  ,  devaient  ressembler  beau- 
r  'j^tn  danses  de  guerre  que  ce  voyageur 
r  otorrées  sur  le  continent  américain  chez 
r»  Eoloshiens  de  Siteka. 
Od  sait  que  certains  fieuples  américains 
alinssi  des' images  de  leurs  manitous.  Ces 
.mitous  sont  des  génies  subalternes  dont 
existence  est  admise  par  beaucoup  de  peu- 
*s  du  nouveau  continent,  qui  croient  à 
se  Divinité  suprême ,  et  notamment  par  les 
f  Isvares.  Il  y  en  a  de  lions  et  de  méihanls. 
d'iprès  ce  que  j'ai  appris  des  hommes  les 
D$  âg4s,  dit  Loskiel,  il  parait  que  lorsqu'il 
!  question  d'une  guerre  prochaine ,  les 
itens  s'avertissent  les  uns  les  autres  de 
è:er  foreille  aux  suggestions  des  bons  gé- 
es,  qai  conseillent  toujours  la  paix,  et  non 
Tiles  des  méchants  esprits.  »Ces  derniers 
ueat  |K>ureux  d'ailleurs  toute  autre  chose 
ece  qa^est  pour  nous  l'esprit  de  ténèbres; 
âis   Loskiel  nous  apprend  que  l'idée  du 
ibie  «  dans  le  sens  chrétien  et  oriental  du 
À,  idée  qui  leur  était  autrefois  complète- 
mi  étrangère,  a  été  introduite  chez  eux 
rsuite  de  leurs  rapports  avec  les  blancs, 
Q'j*ils  l*ont  bientôt  adoptée.  Il  y  a  parmi 
s  hommes  des  prédicateurs  qui  prétendent 
:ir  n^a  des  révélations  et  qui,  enseignant 
»  o|tinions  différentes ,  se  trouvent  quel- 
trfois  engagés  dans  des  espèces  de  disputes 
fO*ogiques.  Quelques-uns  de  ces  hommes 
rlendent  être  parvenus  jusqu'au  séjour 
La  Divinité,  ou  s'en  être  du  moins  appro- 
•^  assez  près  pour  avoir  entendu  chanter 
iro*|S  et  fumer  les  cheminées  du  paradis, 
kuires  soutiennent  que  personne  n*a  ja- 
is pu  connaître  les  lieux  où  Dieu  réside, 
:3s  que  la  demeure  du  grand  Esprit,  du 
acipe  de  tout  bien ,  est  au  delà  du  ciel 
■  M ,  et  que  la  voie  lactée  est  -le  chemin 
.  mène  vers  sa  demeure.  Beausobre  pré- 


tend retrouver  oans  cette  idée  une  trace  des 
opinions  des  manicliéens  et  de  quelques 
autres  philosophes  orientaux.  Nous  rappe- 
lons cette  opinion  sans  la  juger. 
^  Les  Américains  admettent  l'existence  de 
l'âme  comme  substance  distincte  du  corps, 
et  quelques-fins  croient  k  la  transmigration. 
Suivant  Loskiel,  ils  disent  que  l'homme  ne 
peni  mourir  tout  entier  et  pour  toujours,  et 
qu'il  en  doit  être  de  Inf  comme  dn  grain  de 
mais  qni ,  placé  en  terre,  reprend  nne  nou- 
velle vie  et  donne  lieu  i  un  nouveau  déve- 
loppement. L'opinion  la  plus  générale  parmi 
eux  est  que  les  Ames  des  bons  ont  pour 
demeure  un  lieu  où  al>ondent  tous  les  bieils 
dont  l'homme  pent  jouir  sur  la  terre,  et  que 
les  âmes  des  méchanU,  au  contraire,  en 
proie  à  la  misère  et  h  la  tristesse,  sont  con- 
damnées k  errer  perpétuellement. 

Les  Delawares  ont  des  sacrifices  comme 
en  ont  entant  d*autres  nations.*  L'usage  des 
sacrifices  destinés  à  apaiser  le  çrand  Esprit  et 
les  divinitéssul)alternesest,dit  loskiel,  très- 
ancien  parmi  eux,  et  considéré  comme  telle- 
ment inifiortant  que.si  ces  cérémonies  nesont 
Ks  faites  aux  é|KH]ues  voulues,,  et  suivant 
i  formes  consacrées,  la  nation  se  croît  me- 
nacée de  tontes  sortes  de  malheurs,  chaque 
Camille  craignant  alors  pour  ses  membres 
la  mort  ou  quelque  grave  infortune  :  dans 
ces  occasions,  ils  offrent  des  lièvres ,  de  la 
chair  d'ours,  du  mais.  Outre  ces  sacrifices 
qui  rerieonent  chaque  année  k  des  époques 
dvtermini*es,    plusieurs  nations  ont   une 

SranJe  fête  qui  ne  se  célèbre  que  tous  les 
eux  ans,  et  dans  laquelle  on  sacrifie  un 
animal  qui  doit  être  mangé  tout  entier.  Uue 
petite  quantité  de  la  graisse  fondue  est  ver- 
sée dans  le  feu  par  un  des  vieillards,  ei 
c'est  là  ce  qui  constitue  la  partie  essentielle 
de  Toffrande.  C'est  aux  manitous  que  se 
font  les  offrandes ,  et  ces  manitous  corres- 
pondent exactement  aux  fétiches  des  nations 
de  l'Afrique  et  de  l'Asie  boréale,  c'est-è-dire 
que  ce  sont  des  esprits  tutélaires  résidant 
souvent  dans  un  objet  visible  ou  matériel. 
Tel  homme  a  pour  son  manitou  le  soleil,  tel 
autre  la  lune;  celui-ci,  d'après  un  rêve,  a 
adopté  la  chouette  pour  son  manitou;  celui- 
là  le  bison.  Les  Delawaresout  dans  le  cours 
de  Tannée  cinq  fêtes ,  dont  une  en  Thouneur 
du  soleil,  qui  est  regardé  comme  le  {lère 
de  toutes  les  nations  indiennes.  » 

Comme  beaucoup  d'autres  nations,  ces 
hommes  croient  à  la  nécessité  de  la  purifi- 
cation, de  l'expiation  des  fautes  par  le  jeûne 
et  les  macérations;  quelques-uns,  dans  ce 
but,  se  font  bétonner  de  la  tête  jusqu'aux 
pieds,  c  d'autres  se  soumettent  à  l'action 
d'un  violent  purgatif,  moyen  plus  expéditif 
et  qui  n'est  guère  moins  sévère.  • 

AU  lieu  de  prêtres  appartenant  à  un  corps 
sacerdotal  régulièrement  organisé,  les  Amé* 
ricains  ont,  de  même  que  les  Asiatiques  du 
nord,  des  jongleurs  et  àes  sorciers  qui  se 
prétendent  doués  d'une  puissance  et  de 
connaissances  surnaturelles.  Ces  jongleum 
paraissent  présenter  les  plus  grands  rap- 
ports avec  tes  chamans  des  Sibériens  et  les 


i^7 


RAG 


DICTH)NNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RÂC 


\n 


cUvJDS  honames  féticiies  des  nations  africai- 
nes. L ouvrage  de  M.  tatlin  conlient  de 
nombreuses  anecdotes  relatives  à  ces  sor- 
celleries et  aussi  à  d'autres  superstitions 
des  indigènes  américains. 

Quant  à  Taptitude  des  hommes  à  recevoir 
les  bienfaits  de  la  civilisation  et  ducbristia- 
nismey  elle  est  assez  prouvée  partout  ce  qui 
a  été  dit  précédemment,  et  pour  continuer 
de  la  refuser  aux  nations  américaines,  il 
faut  être  sous  Tinfluence  de  préjugés  bien 
enracinés. 

Dans  l'Amérique  du  Nord,  des  tribus  en- 
tières ont  embrassé  le  christianisme  et  vi- 
vent sous  son  influence,  occupées  des  soins 
de  l'agriculture,  et  avant  déjà  fait  dans  plu- 
sieurs branches  d*industrie  d'assez  notables 
progrès.  Maintenant,  peut^tre,  on  deman- 
dera si  leur  conversion  est  aussi  complète 
qu'on  l'a  prétendu;  c'est  là  une  question 
qui  ne  peut  être  bien  résolue  que  par  les 
personnes  qui  ont  entretenu  avec  ces  peu- 
plades des  relations  directes  et  suivies  :  or 
voici  ce  que  Prichard  a  appris  à  ce  sujet 
d'un  homme  intelligent  qui»  ayant  rempli 
pendant  de  longues  années  les  fonctions 
d'agent  du  gouvernement  pour  les  affaires 
des  Clierokees ,  a  eu  de  nombreuses  occa- 
sions d'observer  les  Indiens  des  différentes 
t)rovinces,etde  bien  connaître  leurs  mœurs» 
leurs  habitudes,  leur  manière  de  penser. 
M.  Schoolcraft  lui  a  assuré  avoir  trouvé 
beaucoupde  ces  hommes  qui  s'étaient  com- 
plètement pénétrés  des  princi][>es  et  des  sen- 
timents de  notre  religion ,  qui  avaient  vécu 
et  étaient  morts  dans  cette  loi ,  et  qui  méri- 
taient à  tous  égards  la  qualiQcation  de  pieux 
et  dévots  chrétiens.  Quelques-uns  de  mes 
lecteurs  entendront  peut-être  avec  intérêt 
ce  que  dit  Loskiel  de  la  congrégation  des  in- 
diens convertis',  api^artenant  a  rétablisse- 
ment t\es  frères  moraves  ou  hernules  de 
New-Salem. 

«  Cette  mission,  dit-il,  a  aujourd'hui  (}ua- 
rante-ciuqansd'eiistence.D'après  un  registre 
de  la  congrégation,  daté  de  Tannée  1772,  nous 
apprenons  que  depuis  la  fondation  de  la 
mission  jusqu'à  ladite  année,  sept  cent  vingt 
Indiens  avaient  été  ajoutés  à  l'Eglise  de 
Christ,  par  le  saint  baptême ,  et  (]ue  beau- 
coup déjà  étaient  fiartis  de  cette  vie  en  glo- 
rifiant Dieu  leur  Sauveur.  Je  voudrais  pou- 
voir dire  le  nombre  de  ceux  qui  ont  été , 
depuis  cette  époque,  convertis  au  Seigneur; 
mais  les  livres  de  l'Ëglise  et  les  autres  pa- 
piers des  missionnaires  ont  été  brûlés  eh 
1781 ,  quand  ils  furent  faits  prisonniers  à 
Maskingum,  de  sorte  que  je  ne  puis  donner 
rien  de  précis  à  cet  égard.  En  supposant  qu«, 
de  1772  à  1787,  il  y  eût  eu  un  nombre  é^^at  de 
nouveaux  convertis,  et  ce  nombre  est  pro- 
bablement plutôt  au-dessus  quau-dessoiis 
du  véritable,  on  trouvera  qu'après  toutes 
1^  peines  que  se  sont  données  les  mission- 
G3ires,  toutes  les  misères  qu'ils  ont  souf- 
fertes, tout  le  temps  qu'ils  ont  consacré  à 
cette  œuvre,  leur  troupeau  était  bien  petit; 
ce  résultat  trouve  son  explication  moins  dans 
le  oaraclère  particulier  des  nations  indiennes, 


lequel  cependant  a  pu  centrer  pour  quelque 
chose,  que  dans  l'esprit  qui  a  guidé  les  mi^ 
sionnaires ,  leur  but  ayant  toujours  été,  non 
pas  de  rassembler  autour  d*eui  un  gran>l 
nombre  de  païens  qui  auraient  consenii 
à  recevoir  le  t)aptêroe9  mais  de  foroier 
des  Ames  pour  le  Christ,  des  ftmcs  qui 
crussent  en  sa  parole,  et  vécussent  suiTant 
sa  loi,  de  manière  à  jouir  un  jour  de  m 
royaume.  » 

Pour  terminer  ces  remarques  sur  Thisloin 
psychologique  des  nations  américaiDes,^ 
présenterai  une  rapide  analyse  de  ce  qui 
nous  savons  relativement  aux  Esquimaus, 
Cette  race  appartient  à  la  classe  des  nati 
qui  forment  la  population  propre  au  dout 
monde ,  nations  qui  sont  sé^iarées  da  n 
du  genre  humain,  autant  au  moins  par 
caractères  particuliers  de  leurs  languesi 
par  leur  position  géographique.  L'eipr» 
des  peuples  aborigènes,  en  paHantdes" 
maux,  leur  est  parfaitementapplicable 
que,  si  haut  quel'on  remonte  dans  les 
historiques ,  on  ne  les  trouve  jaunis 
comme  des  nations  complétemem  i 
Si  donc  cette  race ,  séparée  de  ifihi 
autres  depuis  un  temps  immémoriikf^ 
offre  au  fond  la  môme  nature  morale 
tellectuelle,  il  nous  sera  déjà  permis 
voir  qu'aucune  de  celles  sur  lesquell 
pourra  appeler  ensuite  notre  aUentid 
nous  présentera  à  cet  égard  rien  d' " 
tiellement  différent. 

«  Les  habitudes  des  Hyperboréens 
Lesson,  sont  à  peu  près  les  mâmesiia 
où  on  les  a  soigneusement  observés.  Vi 
sur  des  points  du  çlobe  où  la  nature  sei 
expirante,  ensevelis  sous  les  glaces 
nelles  du  pôle ,  leur  industrie  s'est  loa 
vers  la  chasse  et  la  pèche,  leurs  seules 
sources  pour  se  nourrir;  aussi  y  oni 
acquis  une  grande  habileté.  La  rigueu 
climat  pendant  les  longs  hivers  les  a  fi 
dé  se  creuser  des  abris  souterrains,  el 
entasser  des  vivres  pour  l'époque  où  la 
et  la  chasse  sont  impraticables.  Dan^ 
longues  nuits  polaires  qu* éclairent  à  | 
les  aurores  boréales,  ensevelis  sous  la^ 
et  la  neige  dans  des  yourtes  {)rt)foQti 
creusées  sous  terre,  les  Esquimaui 
de  poisson  sec,  de  chair  de  cétacés,  et 
avec  plaisir  l'huile  de  baleine  qu'ils 
servent  dans  des  vessies.  Ils  cousent 
des  nerfs  leurs  vêtements  d*hiver,  qui 
faits  de  |)caax  de  phoques ,  dont  k$ 
leur  servent  de  fourrure  ;  ceux  d'été 
taillés  dans  les  intestins  des  grands  c 
et  ressemblent  à  des  étoffes  vernissées. • 

«  L'£squimau  est  adroit  à>  la  cha<se 
renards  et  des  zibelines,  dont  les  four 
lui  servent  de  vêtement  ou  d*obje}^ 
change  avec  quelques  trafiquants  du  iV^W" 
sait  harponner  avec  audace  les  cétact^s, 
les  dards  dont  il  se  sert,  faits  d'os  ou 
pierres  aiguës,  sont  surmontés  de  vcM 
gonflées  dont  la  résistance  sur  Teau  usM 
iorces  de  la  baleine,  qui  vient  plus  *^'"*^ 
respirera  la  surface  de  la  mer,  et  quié;  ^^^ 
une  grande  difficulté  à  s'enfoncer;  de  no 


m 


RAC 


DiCTIONlIAIRË 


RAC 


iOSO 


Teauijirelols  Taccablent  eoeore  jasqa'à  ce 
qu'elle  ail  succombé... 

«  Saperslîlieuseà  Teicès,  ajoute  le  même 

knuin^  la  race  polaire,  à  cela  près  de  quel- 

ijues  ouADces,  a-préseoté  dans  toutes  les 

iritius  des    idées   reliâieuses   identiques. 

ibis  ooe  morale  très-relâchée  a  fait  adopter 

aoi  hommes  la  polygamie,  prostituer  sans 

podeor  leurs  femmes  et  leurs  filles,  qu'ils 

ae  considèrent  que  comme  des  créatures 

(J'oo  ordre  inférieur  dont  ils  peurent  faire 

et  que  bon  leur  semble.  » 

Le  Groenland  et  le  Labrador  sont  habités 
i'êr  ûés  peuples  appartenant  h  la  même  race 
qui  se  troure  ailleurs  répandue  le  long  des 
eûtes  des  mers  polaires.  Les  coutumes  de 
œs  iodigènes  ont  été  bien  observées  par  les 
ncssioonaires  moraves ,  oui  ont  depuis 
lofl^gtemps  formé  des  établissements  dans 
ce  pajs,  et  qui  nous  ont  donné,  à  cet  égard, 
ies  reoseignemenLs  beaucoup  plus  com- 
fiels  et  plus  exacts  que  ceux  qu'on  pourrait 
4>lcflir  de  toute  autre  source.  J*extrairai 
tes  retaiions  de  ces  missionnaires  quelques 
;aâ6ages  relatifs  principalement  aux  Esqni- 
rL.ABida  Groenland,  lesquels,  comme  on 
ie  «t  fort  bien,  ne  diffèrent  des  Esquimaux 
^iObkoUox  que  par  des  nuances  peu  pro- 
ttUKteet,  en  quelque  sorte,  accidentelles. 

«Lo^miers  voyageurs  qui  décrivirent 
ie«  finlandais  donnèrent  cours  è  desrno- 
*i€m  très*erronées  :  ainsi,  on  crut  d'après 
ai  que  ce  peuple  adorait  le  soleil  et  sa- 
rî^'tao  diable.  Des  matelots  avaient  m 
'ns  ifroënlandais,  en  se  levant  le  matin,  re- 
»i>ier  le  soleil  avec  une  profonde  attention, 
'éuit  éTîdemment  pour  rendre  hommage 
I  soleil  levant.  On  avait  observé,  dans  les 
Kix  qu*ils  fréquentaient,  des  pierres  pla- 
t  carrées  sur  lesquelles  se  trouvaient 
loore  des  cendres,  des  charbons,  des  osse- 
ints  à  demi  consumés  :  c'étaient  là  évi* 
mment  des  autels  de  sacrifices.  Or,  à  qui 
I  païens  pouvaient-ils  offrir  des  sacrifices, 
160  au  diable  ?  Cependant  ces  interpréta- 
01  n*éiaient  rien  moins  que  justes,  comme 
Qi  reeonnu  les  frères  moraves  dès  qu'ils 
tsa  la  langue  des  Groënlandais  et  ont  pu 
iverser  avec  eux.  » 

[^  Groënlandais  croyaient  è  l'existence 
\x^s  surnaturels  exerçant  leur  empire  sur 
le^tînée  des  hommes  ;  cependant  il  pa- 
tr|u'îls  n'avaient  point  en  générai  d'idées 
»  claires  d  un  créateur  ou  d'une  création 
Tuoivrers.  «  Ils  ne  savaient  point  si  les 
«es  araient  un  principe  ou  existaient 
loule  éCemité,  et  peut-être  même  la  plu* 
t  ci' entre  eux  n'avaient  jamais  songé  à 
&\re  cette  question.  »  Cependant,  si  nous 
rrojons  les  missionnaires  moraves,  dont 
oune  foi  semble  isl'abri  de  tout  soupçon, 
avale  j>anDi  ces  païens  chasseurs  de 
nx  marins  certains  philosophes  qui  rai- 
naient sur  la  doctrine  des  causes  finales. 
Rsqutmau  disait  à  un  des  missionnaires 
1  avrajl  souvent  lait  la  réflexion  qu'un 
|ak,  avec  toutes  les  pièces  qui  entrent 
s  sa  ervmposition,  tous  ses  agrès,  ne  se 
luisait  pas  de  lui-même,  qu'il  était  le 


résultat  du  travail  de  Tbomnie,  et  exigeait 
de  la  part  de  l'ouvrier  une  certaine  fiabi- 
leté  :  c  or,  ajoute-t-il,  un  oiseau  est  d'une 
construction  infiniment  plus  délicate  et  plus 
compliquée  que  le  kadjak  le  plus  parûtit,  de 
sorte  qu'il  n'y  a  aucun  homme  qui  puisse 
faire  un  oiseau*  Ou  peut  dire,  poursuivait 
le  Groënlandais,  que  cet  oiseau  a  été  fait 
par  son  père,  et  que  ce  père  a  été  engendré 
de  la  même  façon  ;  mais  en  remontant  ainsi 
on  arrÎTcra  jusqu'à  un  premier  oiseau,  et 
alors  si  on  se  demande  d'où  il  est  venu,  on 
conclura  presque  nécessairement  qu'il  est 
l'œuvre  d  un  être  infiniment  plus  puissant 
et  plus  siï^e  que  le  plus  habile  et  le  plus 
adroit  de  tous  les  hommes.  » 

Les  Groënlandais  crojaient  à  l'existence 
d'esprits  bons  et  mauvais,  qu'ils  ne  confon- 
daient point  d'ailleurs  avec  les  âmes  des 
défunts,  dont  ils  admettaient  aussi,  l'exis- 
tence. Les  angekoks  ou  devins,  qui  préten- 
daient avoir  visité  fréquemment  le  royaume 
des  âmes,  en  parlaient  comme  de  substan- 
ces qui  conservaient  la  forme  des  corps, 
mais  qui  se  distinguaient  parleur  pAleur  et 
surtout  par  leur  impalpabilité  ;  suivant  eux, 
elles  étaient  impérissables  et  habitaient  au 
fond  de  l'Océan  une  sorte  d'£lysée  auquel 
on  parvenait  |iar  des  cavernes  situées  dans 
les  anfractuosités  des  rochers  battus  de  la 
mer.  Dans  cet  Elysée,  qui  était  également 
le  séjour  du  grand  esprit  Torngarsuk  et  de 
sa  mère,  régnait  un  éternel  urintemps,  et 
brillait  un  soleil  pur  que  n  obscun-issait 
jauiais  la  nuit.  ï>es  veaux  marins,  des  pois- 
sons, des  oiseaux  nageaient  dans  des  ondes 
limpides  et  s'y  laissaient  prendre  sans  cher- 
cher è  fuir,  on  même  se.trouvaientdéjà  dans 
des  chaudières  que  disait  bouillir  un  feu 
qui  ne  les  consumait  point.  Mais  ces  de- 
meures divines  n'étaient  accessibles  qu'à 
l'homme  qui,  pendant  s9l  vie,  avait  lait 
constamment  preuve  de  courage  et  d'a- 
dresse, qui  s'était  rendu  maître  d'un  grand 
nombre  de  veaux  marins,  avait  affronté  de 
grands  périls  ou  s'était  noyé  dans  la  mer.  Ce 
paradis  s'ouvrait  d'ailleurs  également  à  la 
femme  .qui  avait  succombé  en  mettant  au 
monde  un  enfiint.  Ainsi  ces  peuples  croyaient 
à  une  autre  vie  dans  laquelle  la  vertu,  du 
moins  la  bravoure,  recevait  sa  récompense*. 

Avant  d'entrer  cependant  dans  le  royaume 
de  Torngarsuk,  les  âmes  dégagées  de  leur 
corps  avaient  encore  une  épreuve  à  subir  : 
elles  glissaient,  cinq  jours  durant,  sur  la 
pente  inégale  d'un  roc  couvert  de  sang  coa- 
gulé. Les  âmes  des  individus  qui  étaient 
morts  de  froid,  soit  par  suite  des  rigueurs 
de  l'hiver,  soit  parce  qu'ils  avaient  été  sur- 
pris par  quelques  tourmentes,  couraient  de 
grands  risques  dans  cette  périlleuse  des- 
cente, et  pouvaient  être  anéanties  :  or, 
comme  rien  n'est  plus  eifrayant  pour  les 
Groënlandais,  ainsi  que  pour  beaucoup 
d'autres  nations,  <jue  l'idée  de  Tanéantisse- 
ment,  ils  cherchaient  à  détourner  ce  mal- 
heur au  moyen  de  certaines  pratiques  ascé- 
tiques qu'ils  observaient  religieusement  :  ils 
avaient  coutuir.e,  par  exemple,  de  s'abstenir 


4(^1 


RAC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


mi 


cinq  jours  de  milite  de  cerlaiiis  aliments  ,  et 
de  ne  s^e  livrer  pen<ilant  ce  temi)S  à  aucune 
occupation  bruyante. 

Les  fictions  dont  se  compose  la  croyance 
de  ce  peuple  ne  sont  pas  tellement  arrêtées 
qu'on  ny  trouve  des  variations  relative- 
ment à  différents  points.  Ainsi,  tous  ne  se 
font  pas  précisément  la  môme  idée  du  sé- 
jour des  Âmes  et  du  lieu  où  il  est  situé. 
Quelques-uns  le  placent  dans  le  ciel  et  di- 
sent que  les  coruscatiens  de  Taurore  bo- 
réale sont  les  danses  des  Ames  bienheureu* 
ses;  d*Autres,  au  contraire,  voyaient  dans 
les  mouvements  irréguliers  de  ces  bizarres 
lueurs  les  agitations  des  ftmes  criminelles 
ballottées  dans  les  airs,  en  proie  à  la  faim 
et  tourmentées  par  des  corbeaux  dévorants. 
Quoi  qu*il  en  soit,  au  reste,  et  de  guelque 
manière  qu'aient  un  varier  les  opinions  des 
Esquimaux  sur  leur  paradis  et  leur  enfert 
ce  qui  nous  importe  h  nous,  c'est  de  consta- 
ter que,  dans  leurs  idées,  celle  seconde 
existence  était  en  grande  partie  un  état  de 
rétribution,  de  récompenses  ou  de  ch&ti- 
inents  ;  qu'ainsi ,  pour  élre  heureux  ou 
malheureux  dans  1  autre  vie,  il  n*ét«it  pas 
indifférent  de  faire  le  bien  ou  i.e  mal  dans 
celle-ci,. 

Le  prince  des  esprits,  Torngarsuk^  qui 
réside,  comme  nous  Tavons  dit,  dans  la  de- 
meure souterraine  où  se  trouvent  aussi  les 
Ames  des  bienheureux,  a  pour  mère  ou 
pour  femme  (car  sur  ce  point  on  n'est  pas 
bien  d'accord)  un  être  qui  se  plaît  à  mai 
faire.  Cette  Proserpine  du  Nord  vit  dans  une 
grande  maison  au  fond  de  TOcéan,  où,  par 
ucs  charmes  magiques,  elle  peut  retenir 
tous  les  animaux  de  la  mer.  Au-dessous  de 
la  lampe  qui  éclaire  ce  sombre  palais ,  est 
une  jarre  d'huile  dans  laquelle  nagent  des 
oiseaux  marins.  Son  irône  est  gardé  par  les 
])hoques  qui  font  tout  autour  leur  ronde  en 
rampant,  et  défendu  par  un  chien  énorme 
qui  ne  dort  jamais,  ou  ne  dort  que  pendant 
le  court  es[)ace  d'un  clin  d  œil.  Sans  vou- 
loir nous  étendre  ici  sur  la  description  de 
celte  déesse  inicruale,  nous  devons  dire 
qu'ii  s'y  trouve  lanl  de  traits  singuliers  qui 
rappellent  la  i^rosorpine  de  la  mythologie 
classique  et  la  Patiala  des  Hindous,  et  même 
jusiju*à  un  certain  point  les  habitantes  de 
quei.|ues  cavernes  enchantées  des  fables 
arabes,  que  n(*us  pourrions  supposer  à 
ces  différentes  fictions  une  origine  commune, 
si  leur  resseiublance  ne  s'expliquait  pas, 
au  moins  tout  aussi  bien,  par  la  tendance 
générale  de  l'esprit  humain;  l'imagination 
donnant  toujours  naissance  à  des  fictions  à 
)4eu  près  identiques  quand  elle  ^travaille 
«ur  certains  sujets  particuliers  et  sous  l*in- 
iluence  de  sentiments  et  d'impressions  ana- 
logues. 

Dans  les  idées  des  Groëulandais  païens , 
le  monde  est  peuplé  d'une  multitude  d'êtres 
invisibles,  sans  parler  des.Ames  des  morts 
qui,  pendant  un  temps,  errent  près  du  lieu 
do  leur  sépulture;  ainsi,  la  terre  a  ses  gno- 
mes qui  habitent  les  profondes  cavernes, 
1  eau  ses  néréides ,  le  feu  ses  salamandres; 


les  astres  eux-mêmes ,  la  lune  elle  so.eilo;  i 
leurs  génies  tulélaircs;  enfin,  des  géanls, 
des  nains,  des  monstres  à  tôle  de  chien  ont 
•encore  ieur  plai^  dans  la  mytlioloi^iecitoinie 
dans  celle  de  plusieurs  autrespeuples. 

Les  naturels  du  Groênianil  étaient  fori> 
ment  imbus  d'une  opinion,  œmmune  d'ail* 
leurs  à  beaucoup  d'autres  pays ,  au'il  duK 
y  avoir  une  classe  d'hommes  dont  loi* 
lice  est  de  servir  de  médiateurs  eolre  le 
reste  du  peuple  et  les  puissances  surDuta* 
relies.  Ils  désignaient  ces  hommes  sous  1|* 
nom  d'angekoKS,  qui  correspond  i  peu  \m 
aux  expressions  de  sorciers  et  devms.  [*  '" 
vaut  Crantz,il  est  ordinaire  qu'un  m 
nombre  de  familles  qui  vivent  réunies 
tretiennent  à  frais  communs  un  ange! 
qui  leur  sert  de  conseil  oans  les  ci 
tances  un  peu  embarrassantes.  Quand 
de  ces  réunions  n'a  pas  de  directeurf  elle 
regardée  en  pitié  par  les  autres,  qui  co 
dèrent  les  membres  de  la  communi 
comme  des  avares  ou  cooime  de  piiri 
misérables.  Afin  de  venir  an^ekob, 
hommes  doivent  renoncer  pour  I 
à  toute  la  société ,  macérer  leur  t»f 
de  longs  jeûnes  et  par  la  concenti 
toutes  leurs  pensées  sur  certains  sujeb. 
cet  état  contemplatif  leur  esprit 
celui  des  Sannyasis  indiens  gui  pnti 
le  poojab,  arrive  à  un  point  d'exaltatioa 
approche  quelquefois  de  la  folie.  (Jnr 
après  tous  ces  elforts,  le  néophyte  est 
venu  h  avoir  à  ses  ordres  un  torogc 
esprit  familier,  il  se  trouve  résulté 
constitué  à  Télat  d*angekok,  et,  àdal 
ce  moment,  il  est  en  possession  des  fac 
qui  distinguent  les  sorciers  et  devins. 
tous  les  cas  de  maladies  ou  de  Diallu 
d'une  autre  nature,  c'est  près  des  an 
qu'on  va  chercher  le  remède.  On  ne 
point  qu  ils  ne  puissent  chasser  les 
aies  aussi  bien  que  les  envoyer,  ch 
les  flèches  ou  leur  enlever  le  charme» 
1er  les  bénédictions  sur  un  iadlvidu* 
ser  les  spectres  qui  l'obsodeut,  etc.  Si 
à  un  malade  qu'ils  ont  aflfaire,  tantôt 
voit  saulUer.sur  lui  et  marmotter  des 
rôles  mysiérieuses  ;  d'autre  fois,  leur 
semble  difficile  :  il  faut  qu'ils  aillent 
cher  une  flme  en  santé  et  l'introdui 
le  corps  de  celui  qu'ils  entrepreo 
guérir;  parfois  leur  o/Iice  cou^^iste 
ment  à  prédire  si  le  patient  est  i' 
succomber  ou  à  se  rétablir.  Par 
enchantements,  ils  doivent  découvrir 
personne  absente  est  vivante  ou  mon 

Ïeuvent,  par  leurs  comurations,  obligei 
me  à  comparaître  devant  eux,  et, 
blessent  une  de  ces  Ames  d'un  coupde 
l'homme  dont  elle  animait  le  corps  d 
dra  lentement,  mais  sûrement  au  lom 
En  un  mot,  l'idée  que  se  font  les  Groèi 
dais  de  leurs  angekoks  est ,  pour  ainsi'i 
de  tout  point,  celle  çiue  nos  ancêtres  se 
saient  de  leurs  sorciers  et  sorcières.  . 
On  ne  peut  lire  sans  ud  vif  intérêt  i4 
toire  de  la  conversion  des  Esquimaux  m 
que  la  donne  Craniz,  d'après  le  récit  si*! 


m 


HAG 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


1054 


tnaÏÏdcsinissionuaires  moravcs.  En  nous 
[\mni  la  longue  et  pénible  lutte  qu*eu- 
)Q{  à  soutenir  les  missionnaires,  et  clains  la- 
jelle  ih  purent  uu  moment  désespérer  du 
Kcès,  puis  révénement  qui  couronna  leurs 
•fléreui  efforts,  cette  histoire  ne  fait  sans 
mte  que  nous  reproduire  ce  qui  a  dû  avoir 
m  dans  presque  tous  les  cas  semblables, 
lami  les  npbires  du  christianisme  ont  eu, 
fc  los  lumières  nécessaires,  un  zèle  et  une 
i>éréranco  égale.  Au  Groenland,  comme 
Qs  les  autres  pays,  il  a  fallu  bien  des  an- 
4^5  de  travaux  avant  de  produire  aucun 
VI  sensible;  il  a  fa!lu  entendre  bien  des 

*  prédire  l'inulililé  de  ces  etforts  et  Tim- 
^$J]>ilité  du  succès  avant  d'obtenir  aucun 
M  d'un  changement  même  éloigné  dans 
i  ijispusitions  des  hommes  auxquels  on 
dressait.  Dans  la  résistance  qu'opposèrent 
if\mps  ces  hommes  à  l'introduction  du 
nsiianisme,  aussi  bien  que  dans  les  cir- 
[i>ianccs  qui  accompagnèrent  leur  conver- 
ti, nous  retrouvons  les  effets  de  ces  mêmes 
«iances  de  Tesprit  humain  que  nous  avons 
i'ârà  Tœuvre  chez  plusieurs  autres  races 
(limes. 

'  fut  en  1721  quTEgède,  Tapôlre  du  G roôii- 
*. établit  dans  ce  pa/s  la  première  mis- 
^M4noise.  11  fui  suivi  par  des  misaiion- 
'"îpparlenant  à  VUnilas  fralrum.  Après 
«.lervalle  de  quinze  ans,  nous  voyons 
»:u,  rhistorieii  de  cette  communauté, 
^•confesser  que  les  etforts  qu'elle  n'avait 
^  (Je  faire  étaient  encore  sans  aucun  ré- 
Ut  dp|.arent.  «  Jusqu^à  ce  moment,  nods 
l'f  nos  missionnaires  n'avaient  pu  dé- 
vnrla  trace  d'aucune  impression  quau- 
At  faite  les  vérités  qu^ils  s'efforçaient  de 
l^ger.  LesGroënlandais  qui  venaient  de 
^usun  peu  éloignés  étaient  des  hommes 
'^'^iis,  i,^norants,  inca{)ables  de  réfléchir, 

•  |H'u  qu*ou  pouvait  leur  dire  dans  une 
*te  visite,  même  quand  ils  lavaient 
\\&  .avec  quelque  attention,  s'évanouis- 
iiienlôl  dans  leurs  perpétuelles  ])érégri- 
Xks.  Ceux  qui,  vivant  dans  le  voisinage 
niissionnaires,  avaient  reçu  d'une  ma* 
«suivie  leurs  instructions  pendant  plu* 
(tannées,  n'en  étaient  pas  devenus 
km;  plusieurs  même  étaient  devenus 
^' ilsét&ient  fatigués,  blasés,  endurcis 
^  la  vérité.  »  Si  on  les  pressait  de  pr6- 
^r  attention  aux  doctrines  du  christia- 
^*  ils  témoignaient  ouvertement  leur 
yi'inee,  ou  faisaient  des  réponses  éva- 
^  conçues  à  peu  près  en  ces  termes  : 
fiirez-nous  le  Dieu  dont  vous  nous  par- 
'iisaient-ils,  alors  nous  croirons  en  lui 
>iis  le  servirons.  ïe':  que  vous  nous  !e 
iH^niez,  c'est  uu  être  trop  sublime,  trop 
"^réiiensible  pour  que  nous  sachions 
^eut  arriver  Jusqu'à  Jui,  et  pour  que 
ïToyions  qu'il  puisse  s'occuper  denous. 
^l'avonsinvoquéquand  nous  manquions 
•uo^  et  quand  nous  étions  malades,  et 

tH  Jr  ne  doute  point  que  quelques-uns  de  mes 
iH  D'jimtni  k  apprendre  par  le  récit  mèuic  des 
'tiiUKe^,  cl  en  quelque  »orle  de  leur  bouchei 

tJlCTlUXNilllK   AfOLOGÉTIQVE.   11. 


rien  ne  nous  montre  qu*il  nous  ait  entendus 
Nous  pensons  que  ce  que  vous  nous  on  dites 
est  vrai  ;  mais  puisque  vous  le  connaissez 
mieux  que  nous,  faites  en  sorte,  par  vos 
prières,  quMl  nous  donne  suflisamment  de 
quoi  manger,  un  corps  exempt  de  maladies, 
une  maison  sèche  :  c'est  tout  ce  dont  nous 
avons  besoin,  tout  ce  que  nous  désirons  de 
lui.  Pour  notre  âme,  nous  trouvons  qu'elle 
est  assez  bien  comme  elle  est;  si  notre  corps 
est  sain,  si  les  vivres  ne  nous  manquent 
point,  nous  no  demandons  rien  davantage. 
Vous  êtes  une  autre  sorte  d'hommes  que 
nous  ;  il  se  peut  que  dans  votre  pays  il  y 
ait  des  gens  dont  l'âme  soit  malade,  et  cer« 
tainement  nous  en  avons  assez  la  preuve 
dans  ceux  qui  nous  viennent,  car  ils  ne  sont 
prçfpres  à  rien;  ceux-ci  peuvent  avoir  be- 
soin d'un  sauveur,  d'un  médecin  pour  leur 
âme.  Votre  ciel  et  vos  joies  spirituelles  peu- 
vent *ire  bien  pour  vous,  mais  pour  nous 
un  bonheur  dételle  espèce  nous  fatiguerait 
bientôt.  Il  nous  faut  des  veaux  marins,  des 
poissons,  des  oiseaux,  sans  lesquels  notre 
âme  ne  pourrait  pas  plus  subsister  en  para- 
dis que  notre  corps  sur  la  terre,  et  nous  ne 
voyons  pas  qu'il  y  en  ait  dans  votre  ciel  ; 
nous  vous  l'abandonnons  donc,  à  vous  et  à 
ceux  de  nos  compatriotes  qui  ne  valent  pcfS 
mieux,  et  nous  voulons  descendre  dons  le 
séjour  de  Torngarsuk,  où  nous  trouverons 
en  abondance  tout  ce  dont  nous  avons  be- 
soin, et  sans  qu'il  nous  en  coûte  aucune 
peine.  » 

Le  premier  individu  de  cette  nation  qui  se 
convertit  était  un  homme  d'une  capacité 
intellectuelle  vraiment  extraordinaire  pour 
l'état  de  la  société  dans  laquelle  il  vivai.t,  et 
les  missionnaires  en  parlent  comme  d'une 
personne  qui  était,  à  tous  égards,  extrême- 
ment remarquable;  son  nom  était  Knjarnak. 
«  Cet  homme  est  pour  nous,  disent-ils,  un 
perpétuel  sujet  d'étonnement,  surtout  quau4 
nous  nous  rappelons  quelles  s  mi  la  paresse 
d'esprit  et  la  stupidité  des  Groëulandais  en 
général.  Pour  lui,  ajoutent-ils,  il  est  rare 
qu'il  ait  besoin  d'entendre  deux  fois  une 
chose;  ce  qu'on  lui  dit  il  le  retient  dans  sa 
mémoire  et  dans  son  cœur.  Il  témoigne 
pour  nous  une  extrême  affection,  un  crand 
désir  d'être  instruit,  de  sorte  qu'il  ne  laisse 
pas  perdre  un  des  mots  qui  s  échappent  de 
notre  bouche,  et  nous  prête  une  attention 
que  nous  n'avions  jamais  trouvée  jusqu'ici, 
Uiéme  à  un  moindre  degré,  dans  aucun  de 
ses  compatriotes.  »  Kajarnak  était  venu  d'un 
canlon  éJoigné«  et  n'avait  eu  aucun  rapport 
avecles  missionnaires,  quand  il  eut  occasion 
de  les  entendre  parler  du  christianisme, 
sujet  auquel  il  s'intéressa  imiuéviiatement. 
Le  récit  qu'ils  firent  en  sa  présence,  en  ter- 
mes simples  mais  pleins  de  chaleur,  des 


coinniclU  péuélrcrciit,  dans  Tesprlt  des  premiers  Es- 
quimaux cotnertis  à  la  religicn  chrétienne,  des  doc- 
uioes  si  complétcmeat  dJércotcs  du  cours  habituel 

33 


1035 


RAC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAI 


m 


et  bientôt  iu6me  travailla  avec  ardeur  à 
répandre  parmi  ses  compatriotes  la  doctrine 
qu'il  avait  embrassée  :  plusieurs,  en  effet, 
grAces  à  ses  eihorfations  et  à  son  exemple, 
ne  tardèrent  pas  à  se  convertir  et  formèrent 
le  noyau  d'une  petite  communauté  de  pro- 
sélytes qui  devint  en  peu  d'années  très- 
nombreuse. 

Le  f)remier  pas  avait  été  difficile  ;  mais 
une  fois  fait,  la  conversion  des  Esguimaux 
marcha,  à  ce  qu'il  paratt,  très-rapidement. 
£n  ilkh^  l'effet  produit  sur  la  masse  du 
peuple  était  déjà  évidemment  très-grand  ; 
de  nombreux  individus  prenaient  un  vif 
intérêt  aux  doctrines  que  leur  exposaient 
les  missionnaires.  En  ilkS^  il  n'y  avait  pas 
moins  de  deux  cent  trente  convertis  résidant 
à  Ncw-Herrnhut,  et  trente-cinq  avaient  été 
baptisés  dans  le  cours  de  l'année,  t  Quoic^ue 
ces  hommes;  disent  les  historiens  des  mis- 
sions, soient  bien  loin  d'être  parfaits,  il  est 
évident  qu'ils  font  de  véritables  progrès. 
Leurs  rapports  entre  eux  sont  caractérisés 
par  une  bienveillance  mutuelle  qui  devient 
do  jour  en  jour  plus  apparente»  et  la  sincé- 
rité de  leur  conversion  se  manifeste  par  les 
preuves  les  plus  convaincantes.  »  Depuis 
Tannée  1712,  qui  e$t  l'époque  où  la  vérité 
commença  à  se  faire  jour  dans  les  Ames  des 
naturels,  le  nombre  des  conversions  a  été 
très-grand,  eu  égard  à  la  populatioiidu  pays. 
Les  Danois  y  ont  fondé  plusieurs  nouvelles 

de  leurs  idées.  J'extrais  de  rFIistoirc  ie  Krantz  le 
passage  suivanl  : 

ff  Dans  r^té  de  i7i8,  piti&îeurs  naturels  des  parties 
méridiouales  vinrent  visiter  rétablissement.  Ijujour 
qo*un  mistiionnaire  nommé  John  Beik  était  occupé 
a  transcrire  une  traduction  des  saints  Evangiles, 
plusieurs  de  ces  sauvages  étant  entrés ,  il  s*avisa  de 
leur  lire  un  passage  de  ce  qu'il  venait  d'écrire,  et  de 
raccompagner  d'une  explication  à  leur  portée,  i  Le 
Saint-Esprit,  dit  un  des  missionnaires,  inspira  à 
notre  fière  la  pensée  de  leur  décrire  la  passion  et  la 
mort  du  Christ,  et  de  faire  suivre  ce  récit,  où  il 
avait  mis  une  énergie  toujours  croissante,  d'une 
exhortation  non  moins  vive,  dans  laquelle  il  les  en- 

Sageait  à  réfléchir  profondément  sur  tout  ce  qu'ils 
evaieut  au  Seigneur,  et  les  conjurait  de  ne  point 
endurcir  leur  âme  envers  celui  qui,  pour  les  rache- 
ter, avait  souffert  d'inexprimables  angoisses,  versé 
son  sang  et  donné  jusqu'à  sa  vie.  —  En  même 
temps  il  leur  lut,  dans  le  Nouveau  Testament,  le 

Sassagc  qui  se  rapporte  à  la  prière,  au  jardin  des 
>lives  el  à  la  sueur  de  sang.  Alors  le  Seigneur  tou- 
cha le  cœur  d'un  des  païens  nommé  Kajarnak  ;  il 
s'avança  vers  la  table  en  disant  :  <  Quelles  sont  ces 
c  choses  dont  vous  nous  parlez?  Redites-les-moi 
c  encore,  car  je  me  sens  un  grand  désir  d'être 
<  sauvé.  I  Ces  paroles,  dit  ie  missionnaire,  péné- 
trèrent jusqu'au  fond  de  mon  àme,  et  y  aUuniérent 
un  feu  de  charité  qui  inonda  mes  joues  de  larmes, 
tanJis  que  je  faisais  à  ces  pauvres  gens  une  histoire 
plus  complète  de  la  ^  ie  et  de  la  mort  du  Rédempteur, 
et  du  sacrilice  que  .Dieu  avait,  dans  sa  miséricorde, 
décrété  pour  noire  salut.  »  A  partir  de  ce  moment, 
Kajarnak  devint  un  disciple  assidu  des  missionnai- 
re:', ftt  fut  l'heureux  instrument  de  la  conversion  de 
ses  compatriotes. 

Dans  un  autre  compte  rendu  de  Téiat  des  nou- 
veaux conveilis,  écrit  peu  d'années  après  l'événe- 
ment dont  nous  venons  de  parler,  on  trouve  les  ré  • 
flexions  suivantes  : 


colonies  auxquelles  le  collège  royal  de  Co* 
pcnha^ue  foUrnit^  des  mlssionnairevS  qiii 
sont  disséminés  dans  diverses  stations.  Us 
frères  moraves»  de  leur  côté,  y  ont  formé, 
en  1758  et  1774,  deux  autres  éUblissements! 
Tun  &  Lichtenfels,  Tautre  à  Lichlenau,  près 
du  cap  Farewell,  et  ils  y  ont  eu  bienlfilum» 
congrégation  de  deux  cents  cinq  GroènlaQ- 
dais  baptisés.  Bans  la  dernière  histoire  de 
ces  missions,  qui  a  paru  il  y  a  oeu d'anmW. 
on  fait  remarquer  les  effols  irès-manite 
qu'elles  ont  exercé  sur  Télat  des  pays  ei  sur 
la  condition  morale  des  hal)itants.  >  Dans 
toute  l'étendue  de  la  cOle  occidenlale,  mn 
n'est  plus-  rare  que  de  trouver  des  excœjli^ 
de  ces  barbaries  qui  accompagnent  parlout 
la  vie  sauvage»  ou   de  ces  moDslruo<iii^ 
qu'autorise  et  que  commande  ei\  quelque 
sorte  le  paganisme,  partout  où  il  est  Rui- 
nant. Comparé  à  ce  qu'il  était  ilyai)unic> 
vingts  ou  seulement  cinquante  aas  IVi  ( 
du  pays  est  ce  qu'on  peut  apieleruoei^i 
de  civilisation.  La  nature  du  sol,  le  âml 
les  moyens  auxquels  doivent  avoir  u^um 
les  habitants  de  ces  malheureusesûiolrè) 
pour  se  procurer  leur  subsistance,  «»(«• 
tant  de  causes  qui  s'opposent  h^Mk- 
tion  de  la  plupart  des  arts  des  soci£l5nV> 
Usées;  il  est  clair  que  le  GroënlandsLsCt^i 
le  pied  ne  foule  qirun  rocslérilet  nepoum 
jamais  se  livrer  aux  travaux  de  ragriculiir: 
il  est  clair  que  sous  un  ciel  aussi  rigouro.v 

ff  Quoique  Tétat  misérable  dans  lequel  st  iiv 
valent  les  païens,  aflligeàt  encore  Ifô  frênes, ^« 
fruits  de  la  grâce,  qui  étaient  roaoirestes  djRi  ti>* 
jarnak  et  dans  les  autres  caiéchuménes,éiaiefti|«<t 
eux  une  source  toujours  croissanie  de  consolaU'»- 
Ces  hommes  non-seulement  avaient  appris  k  (« 
naître  Dieu  et  à  le  res|>ecter  ;  non-seulemeai  il*  « 
réjouissaient  à  Tidée  que  le  Christ  vieudraii  rev-» 
citer  les  moits  et  guider  les  croja ois  vers  ud<- kv 
heureuse  éiei  nité,  mais  encore  ils  a\aK'nt  oMtOi 
inerit  profond  de  leur  propre  misère,  une  Tjre  if 
connaissance  pour  Taraour  que  IHeu  a  ma&i^' 
envers  l'homme  eii  acceptant  rcxpiaiion  ofiVrt(|  ;• 
le  Christ,  et  une  avidité  extrême  (HMir  reicvHi 
parole  de  vie.  11  était  évident  que  la  grâce  anil 
dans  leurs  cœurs  de  profondes  racines,  oe 
piouvaitleur  changement  de  conduite»  leur  r^*: 
cernent  volontaire  à  toutes  les  vaitiu^s  paîeauif 
la  sérénité  avec  laquelle  ils  enduraient  les  rrpn^ 
de  leurs  compatriotes  encore  infiièles,  quile^x 
blaient  d'outrages  et  de  mépris  Kajarnak 
coutume,  lorsque  les  missionnaires  avaient  (■ 
chisé  ses  compatriotes,  de  leur  faire  à  son  tour* 
petite  exhortation,  et  de  leur  dire  que,  ^^f 
avaient  été  si  longtemps  dans  l*ignoranee,  a«  w 
fallait-il  qu'ils  reçuss^mt  la  vérité  avecifiieHti  -^ 
niissance,  et  qu'ils  montrassent  que  ce  oVt^tF 
une  semence  tombée  sur  Ja  pierre.  Quelquefois*^ 
il  substituait  à  cette  admonition  une  rouf>e.  '"' 
fermente  piière,  et  il  est  bon  de  dire  qu'il  feiw'  '• 
cela  de  lui  môme,  sans  que  les  missJoonii^*'' 
en  eussent  jamais  donné  l'ordre  ou  stu'eiiwt'i  '' 
primé  le  désir.  Il  n'est  ps  inutile,  non  pInf.A'- 
ter  qu'il  avait  Tinldligence  u-ès^uverie,  d  q« 
suggérait  aux  frères  qui  l'instruisaient  ks  m^f 
leur  manquaient  pour  rendre  leur  pensée,  f[  ^ 
corrigeait  ivcme  parfois  quand  ils  se  servaict^^  '^  ' 
expression  qui  n  était  pas  la  bonne,  car  il  1^^  * 
dait  à  demi  -mol.  i 


«37 


RA€ 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


It58 


I  oe^  pourra  jamais  adoplrr  les  tétemcnls 

e  rÉuropéen,  u*aura  jamais  besoin  des 

ci)Jaii5  (le  nos  roanufaciiircs,  el  jamais  ne 

logera  è  en  établir  de  pareilles  dans  son 

m;  et  pourtant  on  peut  dire  avec  vérité 

ue  les  changements  qui  se  sont  o|)érés 

i<ez  ce  peuple,  à  la  suite  et  comme  consé- 

iience  de  Tintroduction  du  christianisme, 

iniustrie  qu'il  a  acquise,  toute   limitée 

d'elle  est,  les  habitudes  laborieuses  qu*il  a 

»o(ractées,  la  résignation  avec  laquelle  il  a 

•pris  è  sup|)orter  les  maux  qu^il  ne  peut 

arter,  le  contentement  qui   le  soutient 

3ns  des  travaux   [léiiibles,  mais   inévU 

)<est   rendent   un   éclatant    témoignage 

cMe  vérité  que,  dans  toutes  les  circon- 

3nce:c,  dans  toutes   les  positions,  la  re- 

jimo  ne  contribue  guère  moins  au  bon* 

ur  de  celte  vie  qu  à  relut  de  la  vie  fu« 

ire(1119).  m 

Les  faits  que  j*ai  cités  relativement  aux 
v*)enaessu|»erstitions  et  aux  croyances  des 
ru^nlendais  avant  leur  conversion,  et  sur- 
ut  re  que  j  ai  dit  ûes  changements  heureux 
li  se  sont  opérés  dans  leur  condition  sous 
afiuence  du  christianisme,  suffisent,  si  je 
t  uie  (rompe,  pour  prouver  que  l'âme  des 
>;<ûmaux  a  la  même  constitution  morale  et 
'.Ub«ctielle  que  celle  des  autres  hommes. 
«  'UstfDBvons  chez  eux  les  mêmes  éléments 
'.'  ^ffl(iffleuts  moraux,  les  mêmes  syra))a- 
.t-5,  îamême  susceptibilité  d*aQection,   la 
*  i.c  conscience  ;  chez  tous,  existe  la  notion 
u^hu  moins  claire  du  bien  et  du  mal,  d'un 
u|>ie  à  rendre  pour  les  fautes  commises, 
t'jiiîment  qui  atteint  les  coupables  et  de 
rii>:essité  d'une  expiation.  A  la  vérité,  ce 
*!.'  V  a  de  plus  élevé  dans  ces  sentiments 
ujniuns  à  tant  d'autres  peuples  arrivés  à 
i  iCgrés  très-différents  de  civilisation),  ne 
..outre  chez  les  Esquimaux  païens  qu'i 
^t  rudimentaire,  ou   n'apparaît  en  eux 
uusifoe  une  lueur  fugitive  qui  les  éclaire 
moments  ;  mais  nous  voyons  que,  quand 
a  [lorté  chez  eux  ces  doctrines  qui  sont 
eruent  en  rapport  avec  les  besoins  de  la 
are  humaine  qu'elles  ont  été  reçues  par 
iKation.s  les  plus  barbares  comme  par  les 
I  policées,  ils  ne  se  sont  point  montrés 
cables  de  les  comprendre  et  ils  en  ont 
lenti   les  effets  accoutumés.  L'ensemble 
pbénpmènes  psychologiques,  des  phéno- 
iesoiorauiet  intellectuels,  est  donc  au 
die  ujéine  chez  les  Esquimaux  que  chez 

li^;  nisiofieal $ketche$^p.  62.  i  D*aprés  an  rap- 

pablié  à   Biie  époque  toute  récente,  il  parait 

ne  quatriéiBe  mission  a  été  éublie,  et  que  le 

ûr:  des   G  oéniandais  chrétiens  appartenant  & 

ie  morave  est  de  i808,  nombre  dans  lequel  ne 

pnioi  ooinpris  les  individus  appa!  tenant  aux 

>jsaiioos  dirigées  par  des  ministres  luthériens 

fUUse  danoise.  Ce  rapport,  d*aBtre  part,  eon* 

i  et  corrobore  tout  ce  qui  avait  été  du  dans  les 

fiilenis,  touchant  les  beareox  effets  que  Tintro- 

f^%  du  christianisme  a  exercés  sur  réiat  social 

•r/séoleitdais  e&  sur  leur  moralité.  Les  snpersti- 

naiiooaies  oui  presque  partout  complètement 

m,  Les  pratiques  de  la  sorcellerie  sont  aujour- 

,  pour  ainsi  dire,  inconnues  tout  le  long  du 


les  autres  peuples,  et,  du  moment  où  l'on 
est  obligé  de  reconnaître  que  le  principe 
auquel  se  rattachent  ces  manifestations  esl 
rigoureusement  identique  chez  tous  les 
hommes,  vouloir  soutenir  encore  qu'il  peul 
exister  entre  eux  des  différences  spéciliuue», 
ce  serait  donner  un  démenti  aux  règles 
dont  tout  le  monde  admet  tacitement  Texis- 
tence  quand  il  s'agit  d'établir  pour  le  reste 
des  êtres  organises  des  distinctions  d'es- 
pèce ;  ce  serait  aller  contre  toutes  les  analo- 
gies. 

(SIX. 

Histoire  psycbologiqoe  des  naUons  africaines,  HoUeu- 

tots,  nègres,  etc 

Je  diviserai  ce  que  j'ai  à  dire  sur  l'his- 
toire psycholo^que  des  nations  africaines 
en  deux  parties  :1a  première,  qui  traitera 
de  rhistoirede  la  race  hottentote;  la  second  -, 
de  celle  des  nations  nègres  de  TAfrique  oc- 
cidentale. 

V  De  la  race  hottentote  et  bosehiêmanne, — 
Les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  l'histoire 
de  rhomme,  s'accordent  à  voir,  dans  les 
BoschisraansderAfriqueméridionale,leplas 
dégradé  et  le  plus  misérable  de  tous  les  peu- 
ples, celui  qui  doit  occuper  le  dernier  degré 
dans  i'échelle  des  nations.  M.  Bory  de  Saint- 
Vincent,  qui  les  décrit  selon  sa  manière  or- 
dinaire, établit,  entre  eux  et  les  hommes 
appartenant  à  ce  qu'il  nomme  l'espèce  japé- 
tique,  une  différence  des  plus  tranchées.  11 
les  considère  comme  fonnant  la  transition 
entre  le  genre  Homo  et  les  genres  Orang  et 
Gibbon^  et  il  leur  trouve  même  quelque 
analogie  avec  les  macaques.  Voici  au  reste 
en  quels  termes  i!  s'exprime  : 

^  L'espèce  hottentote  se  partage,  avec  l'es- 
pèce carre,  la  pointe  méridionale  de  l'Afri- 
que... De  toutes  les  espèces  humaines,  la 
plus  voisine  du  second  genre  de  bimanes 
par  les  formes,  elle  en  est  encore  la  plus 
rapprochée  par  l'infériorité  de  ses  facultés 
intellectuelles,  et  les  Hottentots  sont  pour 
leur  bonheur  tellement  brutes,  paresseux  et 
stupides,  qu'on  a  renoncé  à  les  réduire  en 
esclavage.  A  peine  peuvent-ils  former  un 
raisonnement  ;  et  leur  langage,  aussi  stérile 
que  leurs  idées,  se  réduit  à  une  sorte  do 
gloussement  qui  n'a  presque  plus  rien  de 
semblable  à  notre  voix.  D*une  malpropreté 
révoltante  qui  les  rend  infects  ,  toujours 
frottés  de  suif  ou  arrosés  de  leur  propre 

liuoral.  Dans  ks  lieux  où  régnaient  jadis  la  cnuulé, 
la  débauche  et  tous  les  vices  qui  les  accompagnent, 
-Ml  trouve  aujourd'hui,  grâce  à  Tinfluence  bienfai- 
sante de  la  religion,  toutes  les  qualités  opposées,  la 
charité  fratemefie,  la  concorde,  la  modestie  et  le 
de^ré  de  civilisation  qui  esl  compatible  avec  les  cir- 
constances paniculières  propres  au.  pays.  L*esprit 
des  Groérdandais  a  été  cultivé,  leur  cœur  a  été 
attendri  et  puriflé,  et  quoique  leur  mode  de  vie  ait 
conservé  une  certaine  rudesse  ;  quoique  leurs  liabi- 
bitudes  soient  toujours  fort  différentes  de  celles  que 
nous  sommes  habitués  i  ratucber  à  Tidée  de  civili- 
sation, il  n*en  est  pas  moins  vrai  de  di  e  qu'ils  for« 
ment  maintenant  un  peuple  civilise.  » 


1059 


RAC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


m 


urine»  se  faisant  des  ornements  de  bojaux 
4l*animaui  qu*ils  laissent  se  dessécher  en 
bracelets  ou  en  bandelettes  sur  leur  peau 
iiuileuse ,  se  remplissant  les  cheveux  de 
graisse  et  de  terre»  vêtus  de  peaux  de  bêtes 
sans  préparation,  se  nourrissant  de  racines 
sauvages  ou  de  panses  d^animaux  et  d'eu- 
trailles,  qu'ils  re  lavent  même  pas,  passant 
leur  vie  assoupis  ou  accroupis  en  lumant, 
parfois  ils  errent  avec  quelques  troupeaux 
qui  leur  fournissent  du  lait.  Isolés,  tacitur- 
nes, fugitifs,  se  retirant  dans  leurs  cavernes 
ou  dans  les  bois,  à  peine  font-ils  usage  du 
feu,  si  ce  n*est  pour  allumer  leur  pipe  qu'ils 
ne  Quittent  point.  Le  foyer  domestique  leur 
est  d  peu  près  inconnu,  et  ils  ne  bâtissent 
pas  de  villages,  ainsi  que  les  Gafres  leurs 
voisins,  qui  regardent  ces  misérables  comme 
une  sorte  de  gibier,  leur  donnent  la  chasse 
et  exterminent  tous  ceux  qu'ils  rencontrent. 
On  les  a  dits  bons,  parce  (qu'ils  sont  apathi- 
ques; tranquilles,  parcequ*ils  sont  paresseux, 
et  doux,  parce  qu'ils  se  montrent  lâches  en 
toute  occasion.  9 

Pour  peindre  le  dernier  état  de  la  misère 
et  de  la  dégradation  humaine,  l'imagination 
ne  fournirait  pas  de  \f\\xs  sombres  couleurs 
que  celles  qu'emploient,  dans  le  tableau 
qu'ils  nous  lontde  la  condition  actuelle  des 
Boschismans,  plusieurs  observateurs  mo- 
dernes, hommes  parfaitement  dignes  de  foi 
et  nullement  enclins  à  l'exagération.  N'ayant 
pour  s'abriter  ni  maisons,  ni  même  rien  qui 
mérite  le  nom  tie  huttes;  réduits  h  chercher 
un  asile  temporaire  dans  des  cavernes  ou 
des  trous  creusés  en  terre,  nus  et  demi-morts 
de  faim,  ces  pauvres  sauvages  errent  dans 
les  bois  par  petites  troupes  ou  par  familles 
isolées,  soutenant  à  grande  peine  leur  misé- 
rable existence,  au  moyen  clés  racines  sau- 
vages qu'ils  récoltent,  des  larves  de  fourmis 
c]ui  sont  pour  eux  l'objet  de  laborieuses  et 
incessantes  recherches,  des  lézards,  des  ser- 
pents et  des  insectes  que  le  hasard  fait  tom- 
ber entre  leurs  mains  et  qui  sont  aussitôt 
dévorés.  Il  n'est  donc  pas  surprenant  que 
les  écrivains  systématiques  qui  veulent  à 
toute  force  établir  une  étroite  union  entre 
l'homme  et  les  espèces  inférieures!  aient  fait 
de  l'histoire  des  Boschismans  leur  thème  fa- 
vori. 

«Mais  des  observateurs  consciencieux  et 
qui  ne  peuvent  être  soupçonnés  de  préven- 
tion en  faveur  de  l'opinion  opposée,  nous 
ont  fait  une  peinture  moins  défavorable  des 
Boschismans,  en  ce  qui  a  rapport  à  leur  ca- 
ractère moral  et  intellectuel.  Ainsi  M.  Bur- 
chell,  qui  a  recherché  toutes  les  occasions 
4'avoir  des  rapports  avec  eux,  et  qui  a  pu 
observer  leur  manière  de  vivre,  a  reconnu 

Sue»  malgré  l'état  effroyable  de  misère  et  de 
énûment  auquel  ils  sont  réduits,  on  trouve 
encore  chez  eux  des  qualités  sociables,  le 
sentiment  de  la  compassion,  celui  de  la  bien- 
veillance, en  un  mot,  tous  les  attributs  es- 
sentiels de  rhumanité. 

On  ne  doit  pas  oublier  que  les  Boschis- 
mans ne  sont  pas  une  r/vce  distincte,  mais 
bien  une  branche  ou  une  subdivision  de  la 


nation  autrefois  très-nombreuse  des  HiHen 
tots.  C'est  une  vérité  gui  avait  été  ancienne 
ment  reconnue;  mais  Lichlenstein, ami 
émis  une  opinion  contraire,  la  fil  parui(tj 
beaucoup  d'écrivains  qui  considérèrenlira 
lui  les  Boschismans  comme  conslitoant  m 
famille  particulière,  complètement  distinj 
de  toutes  les  autres  races  de  TAfri^ue 
traie.  Cependant,  en  comparant  leur  lu, 
avec  celle  des  Korahs  et  des  autres  Hot^ 
tots,  le  professeur  Vater  reconnut  enlrei 
la  plus  manifeste  affinité,  et  la  conclusi^ 
laquelle  il  était  arrivé aétédepuisct^rir 
par  des  recherches  faites  sur  les  \m 
sorte  qu*il  n'existe  pas  aujourd'hui 
opinions  sur  ce  sujet.  Dans  un  des  pli 
cents  et  des  meilleurs  ouvrages  qui 
été  écrits  sur  l'Afrique  du  sud,  Pauleof 
présente  les  Boschismans  comme  les 
de  hordes  de  Hottentots  qui,  de  méine 
toutes  les  tribus  de  l'Afrique  ai 
vivaient  originairement  des  produit 
leurs  troupeaux,  mais  que  les  etnpi^ 
successifs  des  colons  européens,  ell 
res  avec  d'autres  tribus  indigènei)  ' 
à  chercher  un  refuse  au  miiiei 
serts  et  des  rochers  inaccessibles  (k 
rieur. 

«  Les  hommes  que  l'on  désiguft 
nom  de  Boschismans,  dit  cet  autcor, 
dans  un  état  de  profonde  misère,  et 
part  de  leurs  hordes  sont  complétée 
pourvues  de  menu  comme  de  gros 
Leurs  moyens  de  subsistance  re| 
partie  sur  les  produits  de  leur  ctia! 

{»artie  sur  des  racines  sauvages  que 
burnit  le  désert,  sur  les  ceufs  de 
qu'ils  recueillent,  les  sauterelles  ooe 
leur  apporte,  les  reptiles  que  khsi 
tomber  sous  leurs  mains,  en  parti( 
sur  le  butin  qu'ils  enlèvent  aux  oppr 
de  leur  race,  leurs  ennemis  hérédit 
colons  de  la  frontière.  Descendus  de 
dition  de  pasteurs  à  celle  de  chasseui 
brigands,  les  Boschismans,  comme  oaj 
vait  le  prévoir,  et  comme  le  conâri 
moignage  des  hommes  qui  les  ont 
ont  acquis  plus  de  résolution  dans  ' 
tère,  à  mesure  qu'ils  ont  été  exposés] 
de  dangers,  plus  de  férocité  à  mesi 
ont  souffert  plus  d'injustices,  plus  al 
à  mesure  qu  ils  ont  eu  à  endurer.' 
privations.  Des  peuples  pasteurs  J*i 
rel  doux,  confiant  et  inonensif^seM 
formés  graduellement  en  hordes  erri 
sauvages  farouches,  inquiets  et  vin^ 
Traités  par  leurs  semblables  comme 
tes  féroces,  ils  ont  fini  par  en  fttt 
habitudes  et  les  ^dlures.  » 

Un  changement  qui  fait  ainsi  d« 
tout  un  peuple  d'une  vie  heureuse  elj 
quille  à  un  état  de  misère  tel  que  c,*' 
nous  voyons  lés  Boschismans  est 
chose  de  si  révoltant  qu'on  voudrait  u 
le  regarder  comme  impossible,  et  \i 
il  rv'y  a  pas  moyen  de  se  refusera  Tatij 
puisque,  de  nos  jours  môrae,  on  (umiI 
ter  en  i{uelque  sorte  à  de  sembli^t'''*- 
formalions  :  nous  nous  conlenicior 


Il 


RAC 


DICTIONNAIRE  APOLOGhTSQUE. 


RAC 


fOii 


1er  on  exemple.  Les  tribus  koranns  sont, 
mmeon  le  ^il,  de  toutes  les  tribus  bot- 
Qloles  les  plus  riches  et  les  plus  avani:ées 
ns  lesarls  nécessaires  à  un  peuple  de  pas- 
un;  or  nous  pouvons  suivre  dans  la  rela- 
0  d'un  voyaj[;eur  moderne,  homme  d'un 
M  droily  qui  n*a  rien  négligé  pour  con- 
Jtre  la  vérité,  et  qui  n'en  parle  çuère  que 
ifirès  ses  propres  observations.  Tes  phases 
rressives  itar  lesquelles  des  tribus  de  race 
ran  ont  passé,  malgré  elles,  de  la  condi- 
n  pastorale  à  la  vie  sauvage  de  chasseurs 
j'e  brieands. 

CVst  cnez  les  Koranas  de  la  rivière  Harte- 
5t,  r|iie  M.  Thomson  a  constaté  cette 
^ic  transformation.  Pillés  par  leurs  voi- 
i?,  ils  avaient  été  contraints  de  s'enfuir 
ï5  le  désert,  où  ils  se  nourrissaient  de 
ils  sauvages;  ils  avaient  adopté  les  mœurs 

>  Boschismans,  et  s'étaient  assimilés  soirs 
s  tes  rapports  essentiels  avec  cette  misè- 
re iribu. 

.es  Holtenlots  pasteurs  et  les  Boschis- 
as,  devant  donc  être  considérés  comme 
e  feule  race,  nous  ne  les  séparerons  point 
s  les  remarques  que  nous  allons  faire 
"  'ic'or  caractère  moral;  nos  remarques  ne 

^rr^t  porter  sans  doute  que  sur  ouel- 
ci  traits  généraux,  mais  elles  nous  four- 
>.nî  its  éléments  suffisants  pour  établir 
•nompsraison  entre  cette  famille  et  les 
s^  fàm'iWes  humaines. 
H  nous  voulons  nous  faire  une  juste  idée 
tirartère  des  Hottentots,  nous  ne  devons 

nuu5  contenter  de  les  observer  dans 
it  de  dégradation  où  ils  se  présentent 
^ari'ltui,  quand  tout  ce  qu*il  pouvait  y 
ir  ««Il  eux  d  énergie  a  été  élouiïé  par  1'<i[h 
^i'Ujn  à  laquelle  les  ont  soumis  pendant 
"i^urs  (générations  successives  les  colons 
'péeits  qui  les  ont  réduits  au  servage, 
>rc^  à  so  bannir  du  sol  natal.  Ce  n'est 
je  le  répète,  sur  nos  propres  observa- 
»  tjue  nous  devons  asseoir  noire  juge- 
1,  niais  sur  celles  qui  ont  été  faites  an- 
lenient,  et  qui  nous  peignent  l'état  de 
ra>us  à  répr>que  du  premier  établisse- 
iit>s  Hollandais. 

roya^eur  Kolbe  nous  a  donné  sur  l'é- 
es  'llotlenlols  à  celte  é|)oque  des  ren- 
lernetJts  qu'on  a  tout  lieu  de  croire 
»,  et  qui  d'ailleurs  sont,  sur  beaucoup 
[jiiilSy  en  désaccord  complet  avec  ceux 
lous  frSurnisseut  les  auteurs  modernes. 
i»n  temps,  les  Uollentols  forninienl  un 
[•?  nombreux,  divisé  en  un  assez  grand 
>re  de  tribus,  soumises  chacune  au 
[ornement  patriarcal  de  leurs  chefs  ou 
jr>  anciens.  Réunis  par  hordes  de  trois 
latre  cents  individus,  ils  parcouraient 
s  s  avec  leurs  troupeaux,  transportant 
lieu  à  un  autre,  chaque  fois  que  le  bê- 
le nouveaux  pâturages  se  faisait  sentir, 
khraals,  sorte  de  villages  ou  de  camps, 
'  flaque  butte,  composée  de  quelques 
.^s  autour  desquelles  on  disposait  des 

>  le  j<5nc,  pouvait  en  peu  d*instants 
/-montée^  empaquetée,  et  placée  sur  lo 
'lia  bœuf  de  charge.  Un  manteau  de 


peaux  de  mouton  cousues  formait  leur  vête- 
ment ;  leurs  armes  consistaient  en  un  arc 
avec  des  flèches  empoisonnées,  et  une  lé- 
gère javeline  ou  assagaie.  Ils  étaient  har- 
ais  et  actifs  h  la  chasse,  et  quoique  d'une 
disposition  généralement  douce,  ils  se  mon- 
traient courageux  è  la  guerre,  comme  leurs 
envahisseurs  européens  eurent  fréquem- 
ment occasion  de  1  éprouver. 

Kolbe  vante  ics  bonnes  qualités  morales 
des  Hottenlots  :  «  Ce  sont  neut-étre,  dit-il. 
les  serviteurs  les  plus  fiilèles  qui  soient  au 
monde.  Quoique  aimant  à  la  passion  le  vin, 
Teau-de-vie  et  le  tabac,  ces  objets  peuvent 
leur  être  confiés  en  toute  sûreté,  et  il  n'y  a 
pas  à  craindre  qu'ils  se  permettent  d'en 
détourner  à  leur  profit  la  moindre  partie, 
ou  qu'ils  permettent  à  d'autres  d'en  pren- 
dre.Acettequalité  ils  joignent  la  plus  grande 
humanité  et  le  naturel  le  plus  compatissant. 
Leur  pureté  de  mœurs  est  remarquable,  et 
chez  eux  l'adultère  est  puni  de  mort.  Il  faut 
bien  avouer,  d'autre  part,  qu'ils  sont  sales 
dans  leurs  vêtements,  [laresseux  et  indo* 
lents,  et  que,  tout  en  se  montrant  à  l'occa- 
sion capables  de  raisonner  très-juste,  ils 
n'aiment  pasà  prendre  la  peinede  réfléchir.» 
Kolbe  témoigne  d'ailleurs,  en  diverses  pas- 
sai^es,  qu'il  est  très-loin  de  les  considérer 
comme  inférieurs  au  commun  des  hommes, 
sous  le  rapport  de  l'intelligence  :  ainsi  ;. 
dit  en  avoir  connu  plusieurs  qui  entendaient 
parfaitement  le  hollandais,  le  français  et  le 
portugais.  Il  en  cite  ua  en  particulier  qui, 
non-seulement  avait  appris  en  très-peu  de 
temps  l'anglais  et  le  portugais,  mais  était 
aussi  parvenu  à  surmonter  les  difficultés 
lîc  prononciation  que  lui  opposaient  les  ha- 
bitudes contractées  en  parlant  sa  langue 
maternelle,  de  sorte  qu'il  passait,  dans  /o- 
pinion  i\cs  juges  compétents,  pour  compren- 
dre et  jiarler  ces  deux  langues  avec  la  même 
facilité  et  la  même  correction  que  s'il  les 
avait  apprises  au  berceau.  «  Nous  voyons 
tous  les  jours,  ajoute  cet  auteur,  ces  hommes 
employés  par  les  Européens  dans  des  affaires 
qui  demandent  du  jugement  et  de  la  capacité. 
Ainsi  c'était  un  Hottentot  nommé Cloos,  que 
M.  Van  der  Stel  •  le  dernier  gouverneur  du 
Cap,  employait  dans  !&<s  n&ociations  qui 
avaient  pour  but  d'obtenir  du  bétail  par  voie 
d'échange  avec  des  tribus  très-éloignées,  et 
il  était  bien  rare  q*J*il  revint  sans  avoir  par- 
faitement réussi  dans  sa  mission.  » 

Nous  avons  dit  qu'un  des  meilleurs  moyens 
d'arriver  à  connaître  ce  qu'il  y  a  de  plus 
intime  dans  le  caracière  moral  et  intellectuel 
d'un  peuple,  est  de  voir  quelles  sont  se& 
idées,  ses  impressions  touchant  les  sujets 
qui  tiennent  à  la  religion;  examinons  donc 
ce  que  nous  oflrent  à  cet  égard  les  Hotten- 
tots. On  a  souvent  répété  que  ces  hommes 
étaient  dépourvus  de  toute  croyance  reli- 
gieuse, qu'ils  n'avaient  absolument  aucune 
idée  de  la  Divinité,  aucune  idée  d'une  vi<, 
future.  Il  se  peut  que,  réduits  en  esclavdi;e, 
séparés  de  leurs  compagnons,  obligés,  |K)ur 
soutenir  leur  vie,  à  travailler  sans  un  mo- 
ment de  relâche,  <iuelques-uas  d*entre  eux 


i043 


RAG 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


m 


aient  porda  Thabilude  et  presque  la  faculté 
de  réfléchir,  soient  devenus,  en  un  mot,  des 
espèces  de  brutes;  mais  Kolbe  nous  assure 
que,  de  son  temps,  il  y  avait  chez  tous  les 
Hotlentots  une  ferme  croyance  en  une  puis- 
sance suprême,  qu'ils  nommaient  Gounya 
Tekauoa  ou  le  dieu  de  tous  les  dieux,  dont 
le  séjour,  disâient-ils,   était  au  delà  de  la 
lune.  Ils  ne  lui  rendaient  pas  de  culte.  Tou- 
tes leurs  adorations  étaient  pour  la  lune  :  à 
l'époque  de  son  plein  et  de  son  renouvelle- 
ment, ils  lui  offraient  dos  sacriûces  d'ani- 
maux avec  toute  espèce  de  grimaces  et  de 
contorsions,  poussant  des  cris,  jurant,  chau- 
lant, sautant,  frappant  du  pied,  dansant,  et 
accompagnant  toutes  ces  bizarres  cérémonies 
de  nombreuses  prosternations  et  de  paroles 
appartenant  à  un  jargon  inintelligible.  «  Ils 
ont  aussi,  nous  dit  ce  voyageur,  une  singu- 
lière vénération  pour  une  espèce  particu- 
lière d'cscarhot,  dont  la  rencontre,  à  ce  qu'ils 
«croient,  porte  bonheur.  Ils  croient  de  plus 
h  une  divinité  malfaisante  qu'ils  nomment 
Tùutouka,  et  qu'ils  se  représentent  sous  la 
forme  d'un  petit  être  tout  contrefait  et  mé- 
chant, grand    ennemi  des  Holtentots,  et 
l'auteur  de  tous  les  malheurs  qui  survien- 
nent, dans  ce  monde.  Ils  lui  offrent  dos  sa- 
crifices pour  tAcber  de  l'aiaiser.  Tous  les 
accidents,  toutes  les  maladies  ou  douleurs 
subites  sont  attribués  par  eux  è  la  sorcel- 
lerie; aussi  ont-ils  une  grande  confiance 
dans  les  charmes  et  les  amulettes.  »  Kolbe 
croit  qu'ils  n'ont  pas  la  moindre  idée  de  ré- 
^orapenses  ou  de  punitions  qui  attendent 
l'homme  dans  une  autre  vie.  «  Cependant, 
dit  ce  voyageur,  il  est  évident  pour  moi 
qu'ils  croient  à  l'immortalité  de  l'âme;  plu- 
sieurs circonstances  ne  me  permettent  pas 
de  révoauer  la  chose  en  doute  :  d'abord  ils 
offrent  des  prières  aux  saints,  c'est-à'-dire 
aux  Hotlentots  qui  sont  morts  après  avoir 
vécu  en  gens  de  bien;  ensuite  ils  ont  peur 
des  esprits  qui  pourraient,  croient-ils,  re- 
venir jur  terre  pour  les  tourmenter;  aussi 
pour  cette  raison,  à  la  mort  d'une  personne 
quelconque,  ils  déplacent  leur  kraal ,  dans 
la  supposition  que  les  âmes  des  personnes 
mortes  restent  à  Tentour  des  lieux  qu'elles 
habitaient  pendant  la  vie;  enfin,  ils  croient 
à  la  puissance  des  sorciers  ou  des  magiciens 
pour  évoquer  ces  esprits. 

La  relation  exacte  et  fidèle  de  la  conver- 
sion de  ces  peuples,  si  nous  pouvions  la  re- 
produire ici  avec  quelques  détails ,  ferait 
ressortir  plusieurs  traits  importants  de  leur 
histoire  morale  et  intellectuelle.  Nous  lâche- 
rons, au  reste,  dans  l'esquisse  que  nous 
allons  en  présenter,  de  conserver  les  traits 
les  plus  saillants.  Les  premières  tentatives 
qui  furent  faites  pour  essayer  de  les  amener 
a  recevoir  les  vérités  du  christianisme  ren- 
ionlrèrent  la  même  résistance  obstinée  dont 
il  y  a  tant  d'exemples  dans  des  circonstances 
semblables,  et  un  auteur  résume  ses  obser- 
vations sur  ce  peuple  en  disant  que  «  les 
Hotlentots  semblent  ui^s  avec  une  antipa- 


thie naturelle  pour  toutes  les  coutumes  dt 
la  civilisation,  et  pour  toute  religion  aatn 

2ue  la  leur.  »  Un  jeune  Hottentot  qui  aTai 
té  élevé  par  le  gouverneur  Van  ikrSlf 
dans  les  mœurs  et  la  relit^on  des  Hollu 
dais,  et  avait  ap[)ris  plusieurs  lan^m  < 
donné  preuve  d  un  esprit  oui  semblaii  || 

f Permettre  d'aspirer  à  tout,  rut  envoyé  d 
'Inde  et  employédans  les  affaires publitji 
A  son  retour  au  Cap,  il  se  dé[K)uiiia  de 
vêtements  européens,  secouvrilde 
de  mouton,  et,  se  [>résentdntenceté(at 
vaut  le  gouverneur,  il  renonça  sokm 
ment  à  la  société  des  hommes  (-Jyili>é$i 
la  religion  chrétienne,  déclarant  qu'il 
lait  vivre  et  mourir  dans  la  religion  dt 
ancêtres,  et  en  suivant  leurs  coulumes[lj 
Nous  reconnaissons  là  un  trait  cmvii 
que  de  la  nature  humaine,  commun 
aux  autres   races  d'hommes  :  une 
d'atlachement  instinctif  et  aveugle  aoij 
pressions  reçues  dans  Tenfance  t^ 
une  de  nos  tendances  intellectuelles 
fortement  prononcées,  et,  commrJs] 
l'exemple  que  nous  venons  de  citer, 
timent  n'est  pas  moins  puissant 
Hotlentots  que  chez  des  nations  |^ 
lisées;  cependant  il  ii*a  pasété, 
hommes  de  cette  race,  un  obstacle 

r)agation  de  la  religion  chrétienne, 
'introduction  en  a  été  tentée  pan 
dans  des  circonstances  différentes. 

2"*  De  rinlroduction  du  christianimt\ 
les  Holtentots.  —  Il  est  vraiment  surp 
après  tout  ce  que  nous  avons  enlondi] 
de  la  paresse  et  de  la  grossière  sens 
des  Holtentots,  d'apprendre  qu'il  n'jl 
de  race  sauvage  qui  ait  prêté  une  r 
plus  attentive  a  la  prédication  du  cir 
nisme,  et  qui,  par  suite  de  Fintrodurt 
cette  religion,  ail  éprouvé  une  aniéli( 
plus  rapide,  plus  merveilleuset  noii' 
ment  dans  son  caractère  et  dans  ses 
mais  aussi  dans  sa  condition  soria 
prospérité  extérieure.  La  civilisalioni 
ché  a  si  grands  pas  dans  les  établie 
des  frères  moraves,  à  qui  appartieDti 
Tbonneur  d'avoir  introduit  le  cliKsf 
chez  les  Hotlentots,  qu^il  en  est  réi 
le  public  l'idée  que  les  missioni 
cette  Eglise  dirigaient  principale! 
attention  vers  le  développement  M 
naissances  relatives  aux  arts  et  à  Hir 
la  religion  n^étant  en  Quelque  ^<or 
eux  qu'un  objet  secondaire.  Il  est 
besoin  de  dire  qu'ils  nient  forinellei 
intentions  qu'on  leur  prèle  ainsi,  el 
sont  môme  en  o()position  directe  ave 
nion  quils  professent  ouvertement^ 
opinion,  qui  est  chez  eux  le  nVul 
l'expérience  acquise  pendant  un  slècl 
entier  de  services  patients  el  d'efforlj 
bles,  c'est   qu'on  ne  peut  esinVer 
changement  heureux  dans  les  mœurj 
cune  amélioration  dans  l'état  50(ù 
peuple,  si  l'on  n'a  (>as  au  préalable  ei^ 
toute  Tinfluenrc  do  la  reli^çinn  pour 


(llâOj  1».  Kolbe,  Yonage  au  cfip  de  Bonne -Eipérante;  Nurt^iiiLerg,  1711),  5  vol  lu-fol. 


ou» 


RAC 


DK:TiuNN.\iUE  APOLOGETIQUE. 


IIAC 


1016 


'T  $a  nature  morale»  éTeiller  sa  conscience 
i  tjévelopper  les  sentiments  honnêtes  de 
<»u  conir.  Nos  missionnaires  pensent  qu'il 
ij  a  pas  de  sauvages  qui  soient  assez  bornés 
-/ur  qu^on  ne  puisse  espérer  de  produire 
u  eif  I  ces  changements  intérieurs,  et  aucune 

is  le  changement  produit ,  les  réformes 
itérieures  ne  sont  plus  qu'un  jeu,  les  bien- 
'lis  delà  cifilisation  s  en  suivant  comme 
if^e  conséquence  nécessaire. 

La  première  tentative  d'introduction  du 
brîsûanisme  chez  les  Hottentots  fut  faite 
»r  un  missionnaire  nomméScbmidt,  homme 
t;*é  el  d'un  grand  courage,  qui  entreprit 
"tie  tâche  dans  les  premiers  temps  de  lE- 
-yise  morave.  Il  arriva  dans  l'Afri^iue  méri- 
:i>oale  en  1737,  et  s'étant  établi  à  peu  de 
il>tance  du  Cap,  il  réunit  bientôt  une  petite 
•'Dgrégation  de  Hottentots,  dont  il  se  fit  ex- 
rémecaent  aimer  ;  mais  obligé  de  s'embar- 
jj-^r  pour  la  Hollande,  il  ne  put  revenir, 
•jiime  il  en  avait  l'intention  :  sous  prétexte 
V  zèle  pour  la  pureté  de  la  doctrine,  et  pour 
\  pjii  de  rE^lîse,  des  adversaires  s'oppo- 
i.reot  à  soD  retour  et  parvinrent  à  l'empé- 
'^•-r.  L'entreprise  suspendue  pendant  près 
i<  <iQ]oante  ans  fut  reprise  ^ous  de  plus 
(â\r»riLles  auspices  en  1792.  Les  nouveaux 
TTissioanaires,  ajant  cherché  les  ruines  de 
ItJbitii'ioii  deSchmiJt,  trouvèrent  quelques 
i.eai  Hottentots  qui  respectaient  toujours 
^  sémoire,  et  ils  fondèrent  dans  ce  lieu 
'ei4lilissement  de  Bavianis  Kloof,  connu  de- 
^if  sous  le  nom  de  tinadenthal. 

L'école  établie  par  les  missionnaires  fut 
'ieot6t  fréquentée  par  un  assez  grand  nom- 
€tàe  HoUentot3,  tant  enfants  qu'adultes, 
ties  inslroçtions  religieuses,  dans  lesquels 
îs  OQ  faisait  la  lecture  de  la  Bible  avec  les 
MJiDeataires  nécessaires,  étaient  suivies 
ir  t^aucoup  d'auditeurs  attentifs.  Les  his- 
*ntQS  de  la  mission  disent  :  «  Le  silence 
'spectoeux  des  Hottentots  r|ui  faisaient 
irlie  de  ces  réunions,  la  vive  attention 
j'ils  prêtaient  aux  discours  de  leurs  in- 
railleurs  et  l'émotion  qui  se  peignait  d'une 
•ariière  Tisible  sur  leur  visa>;e  étonnèrent 
>  iMÎssioonaires  h  qui  on  avait  dit  qu'il 
r^tl  iui|K>ssiblede  fixer  l'attention  de  leuts 
:  ;ileurs,  durant  une  allocution  d'un  genre 
-fieox«  jK)ur  courte  qu'elle  fût.  Le  nombre 
"^  disciples  s'accrut  et  monta  bientôt  à 
rd\  cents  individus,  dont  l'instruction  se 

VAît  en  plein  air.  Plusieurs  Hottentots 
a  amenaient  avec  eux  leurs  familles  et 
-ur  bétail,  arrivèrent  de  distances  considéra- 
nts, et  s'associèrent  à  l'établissement.  Les 
'û\ûvateurs  coloniaux  s'alarmèrent  à  l'idée 
u'ils  allaient  être  privés  du  service  de  leurs 
lottentots;  plusieurs  fois  ils  menacèrent  de 
étraire  l'établissement,  et  même  il  y  eut  de 
ïur  part  un  commencement  d'exécution; 
^^îs  ces  menaces  el  ces  tentatives  furent 
ir«  effet,  et  il  devint  enfin  évident,  môme 

ux  jeux  de  cette  classe  d'habitants,  que 

3  Hottentots  convertis  au  christianisme, 

>r  les  instructions  des  missionnaires,  dcve- 
^'lent  des  serviteurs  bien  plus  utiles  et  plus 
'*^ft$  di  confiance  que  tes  paicn5  abrutis 


et  dégradés,  qu'ils  avaient  été  obligés  jus- 
que-ia  d'employer. 

Dans  le  cours^d'un  petit  nombre  d'années, 
des  Hottentots  arrivèrent  de  toutes  les  par- 
ties de  la  colonie  et  augmentèrent  la  popu- 
lation de  Bavian's  Kloof.  Les  missionnaires 
n'accordèrent  qu'après  d'assez  lonç  délais, 
et  avec  une  prudente  réserve,  le  baptême 
aux  nouveaux  convertis;  il  leur  fallait  d'a- 
bord des  témoignâmes  sensibles  de  repentir 
et  de  foi.  Cependant,  en  171)9  on  comptait, 
déjà  deux  cent  trente-huit  maisons  de  Hot- 
tentots ;  le  nombre  des  habitants  s'élevait  à 
mille  deux  cent  trente-quatre,  parmi  les- 
quelles trois  cent  quatre  étaient  membres 
actifsde  la  con  ^ré^^^ation,  et  quatre-vingt-qua- 
tre avaient  clé  baptis(js  dans  l'année. 

Lorsque  la  colonie  du  Cap  passa  au  {lon- 
voir  des  Anglais,  les  bons  effets  de  l'instruc- 
tion donnée  par  les  frères  moraves  étaient  si 
évidents,  ils  se  manifestaient  d'une  manière 
si  marquée,  par  l'amélioration  survenue 
dans  les  mœurs  et  l'industrie  des  Hottentots, 
que  les  missions  obtinrent  sans  diiliculté 
l'appui  et  la  faveur  du  gouvernement.  A'celte 
époque,  Gnadenihal  était  devenu  un  établis- 
sement populeux  qui  offrait  les  plus  beaux 
résultats  agricoles,  et  était  occupé  par  de 
nombreuses  et  heureuses  familles  de  culti- 
vateurs, qui  obtenaient  de  riches  produits 
d'un  sol  sur  lequel  leurs  ancêtres  avaient 
erré  pendant  des  siècles,  sans  jaxais  essayer 
de  l'améliorer.  Pour  agrandir  cet  établisse- 
ment, le  gouvernement  donna  aux  frères 
moraves  une  autre  partie  du  pays  qui  reçut 
le  nom  de  Groenc-Kloof.  Dans  l'espace 
d*une  année,  le  désert  avait  disparu  et  avait 
fait  place  à  une  terre  couverte  d'abondantes 
moissons.  I^s  missionnaires  rapportent  que, 
c  même  dans  la  conduite  des  aflaires  tempo- 
relles, les  Hottentots  témoignaient  assez 
qu'ils  étaient  sous  l'influence  des  idées  chré- 
tiennes ;  ils  se  portaient  avec  ardeur  au  tra- 
vail, soit  pour  construire  leurs  huttes,  soit 
pour  cultiver  leurs  terres,  et  Dieu  bénissait 
l'ouvrage  de  leurs  mains.  »  Quelques-uns 
des  fermiers  hollandais  ex|)rinjèrent  leur 
surprise  des  changements  qu'il  voyaient  s'o- 

f»érer  chez  ce  peu[)le.  «  Ils  étaient  emerveil- 
és,  disent  les  missionnaires,  de  voir  'que 
lorsque  ces  misérables  ivrognes  arrivaient 
h  Gnadenthal  et  entendaient  la  parole  de 
Dieu,  ils  recevaient  véritablement  la  grâce, 
et  devenaient  de  tout  autres  hommes.  • 

Peut-être  n'y  a-t-il  rien  de  plus  remar- 
quable dans  l'histoire  de  ces  établissements, 
que  le  fait  de  la  profonde  sensation  produite 
|)ar  le  spectacle  de  la  prospérité  dont  jouis- 
saient les  nouveaux  convertis,  sensation 
qui  non-seulement  était  générale  dans  toute 
la  nation  hottenlote,  mais  qui  était  égale- 
ment partagée  par  des  tribus  appartenant  à 
d'autres  peuples,  et  partout  accompagnée 
d'un  désir  d  obtenir  les  mêmes  avantages. 
Des  familles  entières  de  Hottentots,  et  même 
de  Boschismans,  partirent  des  frontières  de 
la  Cafrerie,  et  firent  des  voyages  de  plusieurs 
semaines  pour  venir  s'établir  à  Gnadenthal. 
Des  individus  de  la  nation  Tomhuki,  et  quec 


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RAG 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


m 


ques-uns  appartenant  à  la  nation  des  Dama* 
rasy  qui  est  par  delà  le  pays  des  grands  Na- 
maquois»  se  rendirent  à  Groene-Kloof  et  y 
fixèrent  leur  demeure.  Un  fait  singulier 
dans  Thistoire  de  ces  raoes  barbares,  c'est 
celui  que  nous  présentent  les  sauvages  Bos- 
chismans,  adressant  de  leur  propre  mouTO- 
ment  au  gouverneur  du  Cap,  qui  travaillait 
alors  à  les  réconcilier  avec  les  colons,  une 
sollicitation  très-pressante  pour  qu*on  leur 
envoyât  des  instructeurs  semblables  à  «eux 
qui  avaient  résidé  longtemps  avec  les  Hot- 
tentotsà  Gnadcnthal.  «  C*est,  dit  rhistorien 
de  la  mission,  un  cas  qu*on  a  dû  rarement 
observer,  que  celui  d'un  peuple  sauvage  qui, 
traitant  ayec  une  puissance  chrétienne, 
demande  comme  une  des  conditions  de  la 
paix  qu'on  lui  envoie  des  missionnaires 
chargés  de  Tinstruire  dans  le  christia- 
nisme. » 

Le  défaut  a  espace  ne  me  permet  ^)as  d'em- 
prunler  à  celle  histoire  beaucoup  d'autres 
détails  qui  seraient  également  très-dignes 
«rattirer  raflention  ;  mais  les  faits  que  j'ai 
<:ilés  sont  de  ceux  qu'il  ne  m'élait  pas  per- 
mis d'omettre  dans  une  investigation  comme 
celle-ci;  car  ils  sont  évidemment  d'une  très- 
grande  portée  relalivemeut  à  l'histoire  de 
cette  singulière  et  intéressante  race.  Les 
personnes  qui  voudront  les  examiner  de 
bonne  foi,  et  sauront  les  apprécier  à  leur 
juste  valeur,  y  trouveront  certainement  la 
preuve  qu'il  y  a  chez  les  Hottenlots  les 
mêmes  principes  d'action,  la  même  nature 
intérieure  que  chez  les  autres  branches' de 
la  grande  famille  humaine,  et  celle  convic- 
tion ne  fera  que  se  fortifier  par  la  lecture 
des  détails  qu'ont  donnés  les  missionnaires 
sur  leurs  travaux  ultérieurs  et  sur  les  chan- 
hcuicnts  moraux  qui  en  ont  été  le  résultat. 

§X. 

Traits  physiologiques  concernant  les  nalioos  nègres  de 

TAfiiqae  occidentale. 

On  croit  généralement  que  la  religion 
primitive  des  nations  de  l'Afrique  occiden- 
tale, celle  qui  y  dominait  dans  les  temps  les 
plus  reculés,  antérieurement  aux  époques 
Jiisloriques,  et  avant  l'introduction  du  chris- 
tianisme ou  de  l'islamisme,  n'étaitautre  chose 


mancie,  les  charmes,  ^es  talismans,  les  pté- 
sages,  les  jours  heureux  et  malheoreux,  l«$ 
idées  de  bonne  et  de  mauvaise  ch<oce,dQ 
bon  et  du  mauvais  génie  des  individus. 

«  Le  mot  Missoj  dit  Barbet,  dans  sa  des- 
cription de  la  Guinée,  est  un  mot  portugais 
qui  signifie  charme  ou  talisman.  »  Ce  n  est 
pas  un  terme  africain;  et,  si  les  nègres  de  U 
Côte  d'Or  l'emploient,  c'est  qu'ils  l'ontadopté 
des  Portugais;  ces  nègres  nomroem  km 
u\o\es  Bossum  ou  Bossefoe.  Le  P.  Godefruy 
Loyer,  préfet  apostolique  des  Jacobins,  ipii 
fit  un  voyage  au  royaume  dlssiny,  et  étudU 
le  caractère,  les  mœurs  et  la  religion  ût^ 
naturels,  dit  que  c'est  une  grande  erreur  •> 
sup[)oscr  que  les  fétiches  sont  les  dieui  an 
nègres.  Il  déclare  qu'ils  croient  à  un  ét^' 
tout  puissant,  et  que,  du  moins  dans  h 
contrées  qu'il  a  visitées,  c'est  &  lui  qo'iN 
ont  coutume  d'airesser  leurs  prières. 

«  Tous  les  matins  après  s'être  levés,  dit  if 
voyageur^  ils  s'en  vont  au  bord  de  ta  o>r 
ou  de  la  rivière,  pour  se  laver,  eu  r^m 
avoir  jeté  quelque  peu  d'eau  sur  leur  eu-, 
cl  quelques  grains  de  sable,  en  signeitaiDi- 
lité,  ils  joignent  les  mains,  puis  lesotr'oo- 
vrant»  ils  expriment  en  soufflant  dediect 
terme  eksruais,  et  après  cela  les  éleraniitr 
leurs  yeux  au  ciel,  ils  font  cette  prière  :  it- 
guioumé  marné  maro^  marné  orit^  marné  rku* 
e  okkori^  marné akaka^  marné bremoûmamiû»* 
goxian  e  aounsan^  c'est-à-dire  .  Mon  Dieu, 
donnez-moi  aujourd'hui  du  riz  el  des  i^a- 
mes,  donnez-moi  de  l'or  et  tic  Taigris,  d'in- 
nez-nioi  des  esclaves  et  des  richesses,  doc- 
nez-moi  la  santé,  et  faites  que  je  soislégf/ 
et  dispos  [1121).  » 

L'excellent  missionnaire  Oldendorp,  qr.\ 
paraît  s'être  donné  beaucoup  de  peines  \^^if 
ao(]uérir  des  notions  exactes  et  complet^» 
sur  l'histoire  mentale  et  le  caractère  (le> 
nègres,  et  qui  a  eu  pour  cela  des  oerasions 
comme  les  voyageurs  en  rencontrent  rare- 
ment, nous  assure  qu'il  a  reconnu,  ciio 
tous,  la  croyance  en  un  Dieu,  qu'ils  re\^f^ 
sentent  comme  infiniment  lion,  inOoimcu: 
puissant. 

«  Il  est  le  créateur  du  monde  et  des  borv 


mes,  c'est  lui  qui  tonne  dans  les  airs  pour 
foudroyer  les  méchants.  Il  voit  avec  .sali>f^*- 

font  le  bien  H  leu»* 
>ense  une  longue  \\f 

-.     ,   ,  ..  .      .    , ^«.. -es  nègres  se  rcconiuv*- 

tlouiela  superstition  des  charmes  est  forte-'    sent  redevables  pour  tout  ce  qui  pcol  cor- 
ment  enracinée  dans  Tesprit  des  nègres  ido-     tribuer  en  quoi  que  ce  soit  à  leur  bonhetT 


litres,  mais  elle  s'y  allie  avec  plusieurs  ves- 
tiges encore  très-apparents  de  la  religion 
naturelle.  On  peut  observer,  au  reste,  xhez 
des  nations  parvenues  à  un  degré  beaucoup 
plus  é'evé  de  culture  intellectuelle,  des  su- 
jierstilions  et  des  usages  qui  ont  plus  ou 
moins  do  ressemblance  avec  le  fétichisme 
de  l'Africain.  Telles  sont,  par  exemple,  la 
croyance  dans  une  destinée  qu'aucun  effort 
hnmain  ne  saurait  modifier  (c'csl-à-dire  le 
fatali.^mo),  la  foi  dans  l'astrologie,  la  nécro- 


pour  les  avantages  personnels,  tels  qtie  u 
force,  la  beauté,  Yc  courage,  aussi  bien  qu' 
pour  les  produits  de  la  terre,  car  €es\  j«*: 
sa  volonté  que  la  pluie  tombe  du  ciel  poa» 
fertiliser  le  sol. 

«  Il  aime,  disent-ils,  à  voiries  bommesiwi 

adresser  des  |)rièr8S  dans  leurs  besoins,  «  4 
il  les  secourt    dans  les  dangers,  dans  1^^ 
maladies,  dans  les  temps  de  sécheresse,  et- 
Ce  dieu  suprême  habite  dans  le  riel  ;  ^<*'  - 
séjour  esl  bien  loin  au-dessus  des  nua^e* . 


^^Mt:!}  rulniicn  du  vcungt  au   royaume  <r/«f>y,  par  le  P.  Godcfroy  Loïeu;  Pari»,  l?ll,  in  I'  fi 


IMS 


lue 


DiCTiONNAIIE  APOLOCETIQCE. 


RAC 


Î9SÙ 


i)  i  sous  soo  pooToir  tous  les  autres  dieux.» 

«  Parmi  toutes  les  nations  noires  gue  j>i 

rnnnues,  dit  encore  Oidendorp,  il  n'y  en  a 

C?  une^  même  parmi  les  plus  ignorantes  et 
»  plus  grossières,  qui  ne  croie  en  un  Dieu, 
qui  n  ait  apf»ris  à  lui  donner  un  nom,  qui 
ne  le  considère  comme  le  créateor  du  monde, 
ei  qui  ne  lui  reconnaisse  plus  ou  moins 
expressément  tous  les  attributs  que  j*ai 
tniimérés  plus  haut.  Cependant,  comme  ils 
fiDploient  en  parlant  de  Dieu  le  même  mot 
ijont  j!s  se  serrent  pour  désigner  le  ciel,  il 
va  lieu  de  douter  s'il  ne  prennent  pas  le 
'iel  même  pour  la  DiTÎnité;  maispeut-élre 
i^urs  idées  ne  sont-elles  pas  assez  nettes 
four  que  cette  distinction  se  soit  jamais  pré- 
srotée  à  leur  esprit. 

«  Outre  cette  divinité  suprême  et  bieufai- 
5uite  que  toute  les  nations  de  la  terre  ado- 
rent f.ar  diverses  formes  de  cultes,  les  nègres 
rroient  à  Texistence  de  plusieurs  divinités 
li' fnlre  inférieur,  qui  sunt  soumises  au  Dieu 
««^averain,  et  servent  comme  de  médiateurs 
Ttxire  lui  et  les  hommes.  Ce  sont  ces  divi- 
wi'es  secondaires  qu'ils  révèrent  dans  li*s 
Hr(ienls»  les  tigres,  les  loups,  dans  les  ri- 
^wes,  les  arbres,  les  montagnes,  et  dans 
cctUîdcs  pierres  que  leur  volume,   leur 
t'  tj  e,  leur  position  ou  les  légendes  qui  s'y 
p"xfcenf»ont  rendues  un  objet  de  vénéra- 
r.'n.  Les  plus  stupides  d*entrc  les  nègres 
'  'i.irient  que  le  serpent ,  le  tigre  et  la 
j  l'.rre,  sont  réellement  des  dieux,  que  Tar- 
•**e entend  leur  prière  et  que  le  tigre  peut 
i»y  pleuvoir  ;  mais  les  nèjjres  les  plus  in- 
l'ii'i^enls  considèrent  ces  objets  comme  des 
représentations  de  dieux  inférieurs,  et  sup- 
I*-^enl   que  des  divinités   locales  habitent 
»  lus  certains  arbres  ou  sur  certaines  colli- 
nes f  jk  elles  demeurent  invisibles.  C'est  ce 
S'i  at  estent  les  fables  qui  ont  cours  parmi 
les  pré  res  d'Akkran,  et  qui  sont  relatives  à 
I^  5ul:ordination  des  dieux  titulaires  envers 
UD«  divinité  siijprême,.et  ce'a  est  également 
d  i)ctord  avec  I  liiée  quMs  ont  que  les  divi- 
nités inféiieures  s'absentent  pendant  un  cer- 
t^iQ  temps  de  Tannée,  quoi«iue  les  corps 
n.  itcriels  sous  la  forme  desqueison  les  adore 
'«  >ier.f  toujours  présents  aux  yeux. 

«  Les  objets  de  leur  adoration  appartien- 
n^r  t  les  nus  au  culte  national,  les  autres  au 
l'jfle  domestique.  Ainsi  les  Fidas,  outre  le 
i^rsnd  serpent  qui  est  la  divinité  de  toute  la 
ni  ion,  ont  chacun  leurs  petits  serpents  qui 
«••ni  adorés  comme  des  espèces  de  dieux 
pénates,  mais  ne  sontpas  estimésà  beaucoup 
y'vs  aussi  puissants  que  lautre  dont  ils  ne 
"•'  ut  que  les  subordonnés.  Quand  un  homme 
?  ^ien  reconnu  que  son  dieu  lare,  son  ser- 
i  entdomestique,estsans  force  pour  lui  faire 
«»:*lenîr  i:e  qu'il  demande,  alors  il  a  rci:ours 
'''J  Qfand  serpent.  La  divinité  nationale  des 
Kingas  est  une  dent  d*éléphant,  et  celle  de 
»'*  iribu  des  Wavas,  un  tigre.  Les  Sembers 
'  ni  pour  dieux  des  idoles  de  bois  h  forme 
riniuaine  qu'ils  nomment  Zioo.  Les  Loangos 
•nt  aussi,  soit  dans  leurs  maisons,  soit  dans 
d*'s  espèces  de  temples,  des  idoles  sculptées* 
^'l^ésenlantdespe^sonnagesdesdeux^clt^, 


les  uns  habillés,  lesautres  nus el peints.  Ces 
idoles  sent  servies  par  des  prêtres  qui  pas- 
sent pour  en  être  inspirés  et  délivrent  leurs 
réponses,  que  Ton  reçoit|comme  des  oracles. 
Certaines  tribus  d*Aminas  donnent  le  nom 
de  Borril)orri  à  un  Dieu  qu'ils  considèrent 
comme  le  créateur  de  leur  nation  et  Tordon- 
nateur  du  monde;  ils  croient  qu*il  aune 
femme  nommée  Sankomaago,  de  laquelle  il 
lui  est  né  un  fils  nommé  Sankumbo,gttiest 
le  médiateur  entre  Thomme  et  la  divinité 
sunrême. 
L'opinion  générale  parmi  ces  nations  est 

Sue  les  dieux  inférieurs  bont  chargés  par  la 
ivinité  suprêmede  veiller  sur  certains  pajs, 
sur  certains  hommes,  sur  tels  animaux  ou 
telles  plantes,  sur  telle  rivière  ou  telle  mon- 
tagne, et  qu'ils  doivent  tous  chaque  année 
rendre  compte  de  leur  conduite.  Ces  rap- 
ports se  font  dans  une  assemblée  générale 
de  tous  les  dieux  réunis  à  la  cour  de  la  divi- 
nité suprême.  Celui  qui  a  rempli  convena- 
blement sa  tâche  est  confirmé  dans  son  oOico 
pour  l'année  suivante,  et  est  marqué  avec 
un  fer  chaud;  mais  ceux  qui  ont  permis  au 
malin  esprit  d'allumer  des  guerres  injustes 
entre  les  nations,  ou  qui  ont  méchamment 
laissé  la  peste,  l'incendie,  on  d'autre  fléaux 
de  ce  genre*  désoler  le  territoire  confiéà  leur 
garde,  sont  déposés,  bannis  du  rang  des 
dieux  et  rendus  mortels.  De  désespoir,  et 
par  désir  de  vengeance,  ces  dienx  déposés 
se  jettent  généralement  dans  l'opposition,  et 
deviennent  des  esnrits  malfaisants,  Olden- 
dorp  annonce  qu'il  a  trouvé  ces  détails  sur 
les  relations  des  dieux  inférieurs  avec  la 
divinité  suprême  dans  le  journal  d'un  Afri- 
cain indigène,  Christian  Prottens,  qui  avait 
fait  longtemps  partie  de  la  communauté  des 
Frères. 

«  Les  fétiches  des  nègres,  qui  jouent  un  si 
grand  rôle  dans  leurs  croyance  superstitieu- 
ses, sont  de  même  nature  aue  les  charmes 
des  nations  du  Nord  et  que  les  amulettes  et 
les  talismans  de  l'OrienL 

c  Les  fétiches  on  schambas,  comme  les 
nomment  les  Wawas,  sont  des  objets  sacrés 
qui,  en  vertu  d'une  permission  de  Dieu, 
possèdent  certaines  vertus  particulières  « 
comme  d'éloigner  les  mauvais  esprits,d'écar- 
ter  toutes  sortes  de  maladies  et  de  dangers, 
et  surtout  de  mettre  à  l'abri  des  enchante- 
ments. Aux  yeux  des  nègres  eux-mêmes,  ce 
ne  sont  point  des  dieux;  d'ailleurs  il  faut 
convenir  que,  d'après  la  singulière  vénéra- 
tion payée  à  ces  fétiches,  on  a  bien  pu  sup- 
poser qu'ils  étaient  l'objet  du  culte  national, 
et  c'est  en  effet  ce  que  croit  encore  aujour- 
d'hui parmi  nous  le  vulgaire.  Les  indigènes 
ornent  non-seulement  leurs  personnes, mais 
aussi  leurs  idoles  avec  ces  fétiches  qui  se 
iransmcitcnt  ûes  pères  aux  enfants,  et  sont 
considérés  comme  la  |K>rtion  la  plus  pré- 
cieuse de  riiérilage  ;  d'autres  sont  conser- 
vés dans  des  maisons  destinées  h  cet  usage 
et  confiés  à  certaines  personnes  qui  n'ont 
pas  d'autre  emploi. Les  Mandin^os  prennent 
volontiers  pour  fétiche  tout  objet  qui  a  été 
frappé  de  la  foudre;  nous  avons  vu,  en  effet 


1051 


RAC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE: 


RAC 


m 


que  les  nègres   ne  véuèrcDl  leurs  fétiches 

3ue  parce  qu'ils  croient  que  quelque  chose 
e divin  leuraété  communiqué;  or,  de  tous 
les  signes  par  lesquels  peut  se  manifester 
cette  coniiiuinicalion,  en  est-il  un  plus  évi- 
dent que  la  foudre,  qui  est,  à  leurs  yeux,  lat- 
tribut  particulier  du  Dieu  suprême  et  lancée 
immédiatement  par  lui  ? 
j  «  Les  nègres  se  servent  de  leurs  fétiches 
comme  d'un  moyen  de  f;Wjtection  contre  tou- 
tes les  choses  qu'ils  supposent  mauvaises  ou 
dangereuses.  Ainsi  les  Ibos,  lorsqu'ils  par- 
tent pour  la  guerre,  attachent  avec  des  cor- 
dons, à  divers  parties  de  leurs  corps,  cer- 
tains féliclics  qui  doivent  les  |  réserver  de 
blessures;  les  Aminas  emploient  dans  le 
même  l)ut  une  queue  de  vache  consacrée. 
Pour  tous  ces  hommes  d'ailleurs  le  princi- 
pal usage  des  fétiches  est  de  servir  à  les  pré- 
server au  mal  qu'essaierait  de  leur  faire  le 
mauvais  esprit,  qu'ils  regardent  comme  la 
cause  de  tous  les  malheurs.  11  est,  en  etlet, 
J'ennemi  du  Dieu  de  bonlé>  il  cherche  à 
séduire  les  hommes,  à  les  tourmenter,  à  les 
faire  mourir,  et  une  fois  qu'ils  sont  morts 
à  s'emparer  de  leurs  âmes.  Les  nègres  ne 
se  croient  jamais  complètement  à  l'abri  de 
ses  pièges. 

«  11  n  y  a  pas  de  nation  africaine  qui  fa^^se 
de  ce  démon  malfaisant  un  objet  d'adoration, 
ni  qui  l'invoquedans  le  danger;  mais  toutes 
reconnaissent  avec  effroi  sa  puissance,  et 
cherchent  à  l'apaiser  par  des  dons.  Ainsi, 
par  exemple,  les  prêtres  des  Aminas  ont 
soin,  avant  d'ensevelir  leurs  morts,  de  pla- 
cer dans  un  endroit  puriûé  plusieurs  choses 
de  valeur,  qui  sont  un  don  propitiatoire 
offert  au  mauvais  esprit  qu'ils  nomment 
DiiL  L'appelant  alors  par  son  nom,  i*is  le 
prient  de  se  contenter  des  présents  qu'ils  ont 
préparés  pour  lui,  et  de  laisser  le  mort  en 
paix.  Lorsqu'ils  veulent  du  mal  à  quelqu'un, 
ils  le  maudissent  par  le  Didi,  le  Kaltiam- 
)>emba,  ou  par  tout  autre  nom  sous  lequel 
ils  désijgnent  le  mauvais  esprit. 

Pratiques  religieuses  de  ces  nations.  — 
Nous  avons  vu  que  la  croyance  des  nations 
nègres,  dans  l'existence  de  puissances  sur- 
naturelles qui  président,  chacune  dans  son 
département,  aux  choses  de  ce  bas  monde, 
est  une  croyance  qui  leur  est  commune  avec 
des  nations  appartenant  h  d'autres  races,  et 
les  idées  qu'ils  ont  sur  la  nature  de  ces  di- 
vinités secondaires,  sur  leur  attribut?  et 
leurs  rapports  avec  une  divinité  supérieure, 
sont  aussi  à  peu  près  les  mêmes  que  Ton 
trouve  ailleurs.  Nous  allons  voir  maintenant 
que  les  Africains  se  rencontrent  également 
avec  les  Européens  et  les  Asiatiques,  dans 
le  choix  des  mo vens  par  lesquels  ils  cher 
chent  à  obtenir  la  faveur  de  ces  êtres  invi- 
sibles au  pouvoir  desquels  ils  se  croient 
soumis.  Les  principaux  de  ces  moyens  sont, 
comme  partout,  les  prières  et  les  sacrifices. 

«  Les  nègres,  dit  Oldendorp,  ont  différen- 
tes manières  d'honorer  la  divinité,  et  ils  lui 
rendent  spécialement  hommage  par  des  priè- 
res cldcs  offrandes.  Ils  prient  à  des  moments 
et  dans  des  lieux  déterminés,  et  de  plus, 


comme  je  l'ai  appris  des  nègres  Ani\D«s, 
dans  toutes  les  circonstances  un  peu  criti- 
ques. Ils  prient  au  lever  et  au  coucher  da 
soleil,  avant  de  manger,  avant  de  boire,  et 
lorsqu'ils  partent  pour  la  guerre.  Au  milieu 
même  des  combats,  les  Aminas  entonnent 
des  chants  dans  lesquels  ih  implorent  le 
secours  de  leur  dieu,  et  cherchent  à  émou- 
voir en  leur  faveur  son  cœur  paternel.  La 
prière  quotidienne  d'une  négresse  walja 
était  :  «  O  Dieu  !  je  ne  te  connais  f^s,  niais 
tu  me  connais,  ton  assistance  m'est  néces- 
saire. »  Aux  repas  ils  disent  :  «  O  Dieol 
c'est  toi  qui  nous  a  donné  ceci,  c*est  toi  qui 
l'as  fait  croître;  »  et  lorsqu'ils  vont  à  IW 
Trage  :  «  O  Dieu!  c'est  toi  qui  m'asdenné 
la  force  dont  j'ai  besoin  pour  mon  travail.» 
Les  Sembers  disent  dans  leur  prière  du 
matin  :  «ODieuI  assiste-nous,  nous  oe 
savons  pas  si  nous  vivrons  demain  ;  noire 
sort  est  entre  tes  mains.  »  Les  Handingos 
prient  aussi  pour  leurs  morts.  Ils  pheni 
devant  leurs  idoles  et  leurs  fétiches.  Le5 
prières  solennelles,  qui  sont  faites  pàrlcaîe 
une  trib  1  ou  toute  une  nation,  soutaxioa- 
pagnées  de  danses  exécutées  au  son  teio- 
struments  et  entremêlés  de  cris  effraviDls. 
Les  Akkrans  interrompent  souvent  leou 
danses  par  des  génuflexions. 

«  Les  demande^  qu'ils  adressent  à  Dieu 
ont  pour  objet  la  santé,  la  force,  Tadresse, 
des  saisons  favorables,  une  abondante  ré- 
colte, la  victoire  sur  leurs  ennemis  et  au- 
tres choses  de  ce  genre.  Lorsqu'il  y  a  une 
longue  sécheresse,  les  Wawas,  la  tête  et  le 
corps  couverts  de  feuilles,  viennent  en  lu- 
gubre procession  devant  la  maison  du  Sham* 
beo,  où  le  dieu  qu'on  adore  est  un  tigre. 
Là,  avec  des  cris  et  des  lamentations,  ris 
lui  représentent  leur  détresse  et  le  danger 
où  ils  sont  de  mourir  de  faim,  s'il  reste 
sourd  h  leurs  prières  et  ne  leur  en  voie  bien- 
tôt de  la  pluie.  Chez  les  Loangos,  dans  de 
semblables  occasions,  on  amène  devant  le 
temple  une  offrande  de  bétail  ;  quand  celte 
offrande  a  été  faite  avec  les  cérémonies  d'u- 
sage, le  prêtre,  qui  se  mêle  aussi  de  la  pra- 
tique des  enchantements,  engage  le  peuple 
h  retourner  en  toute  hâte  au  village,  pour 
éviter  d'être  surpris  par  la  pluie.  Chez  les 
nègres  Konomantis,  les  femmes  se  rendent 
An  procession  vers  leur  prêtre,  qu'elles 
nomment  Belum^  lui  ap(>ortent  des  fruits  de 
toutes  sortes,  et  le  prient  de  leur  faire  avoir 
de  la  pluie.  Les  VVatjas  adressent  leur^ 
prières  à  la  nouvelle  lune,  pour  qu'elle  leur 
donne  la  force  nécessairei  dans  leurs  tra- 
vaux; et  les  Aminas  vont  jusqu*à  demander 
à  leur  dieu  de  payer  leurs  dettes. 

«  Les  sacrifices  qui,  chez  ces  peuples, 
forment  la  partie  la  plus  importante   du 
culte,  se  célèl)rent  toujours  dans  des  lieox 
saints,  et  par  l'intermédiaire  de  personne 
consacrées.  Les  lieux  saints  sont  coax  «>u 
une  de  leurs  divinités  réside,  soit  soos  uw 
forme  visible,  soit  à  l'état  invisible.  Ce  soni 
en  général  d'anciens  édifices,  desrollioos, 
des  arbres  remarquables  par  leur  véUi*t#», 
par  leur  hauteur  ou  leur  grosseur.  Us  ont 


IC5S 


RAC 


DICTIONNAIRE  APCMjOGETIQCE. 


RAC 


1054 


aussi  des  bois  sacrés  où  quelque  di?inîté 
est  supposée  laire  soo  séjour,  et  où  du! 
homme,  s*il  n*est  sorcier  ou  prêtre,  ne  se 
hasarderait  h  pénétrer. 

€  Les  offrandes  des  nègres  consistent  en 
iKeiiiSy  rachesy  moutons,  cbëTres,  oiseaux 
lie  basse-cour,  buiJe de  palmier,  eau-de-rie, 
iiçnames,  etc.  Quelques  nations  offrent  aussi 
iies  sacrifices  bumaios.  Dans  les  occasions 
de  réjouissances,  ils  otTreut  des  animaux 
MancSv  dans  les  circonstances  malheureuses 
ils  en  choisissent  de  noirs.  Quelques-uns 
•Je  leurs  sacrifices  se  font  à  des  époques  qui 
reTiennenl  périodiquement,  d*autres  sont 
Jétcncinéspar  les  événements  :  un  individu 
«  o   offrira  à  Foccasion  d'une  maladie,  une 
aatiOQ  à  l'occasion  d*uqe  guerre,  d*une  se- 
*.*ieresse.  Au  reste,  tous  les  sacrifiées  n'ont 
l-i\s  pour  olijet  d'obtenir  les  faveurs  de  la 
•àivînité;  on  en  offre  aussi  en  témoignante 
<li?  gratitude  des  bienfaits  reçus.  On  fait 
roûn  des  offrandes  en  mémoire  des  morts. 
^  Ijorsque  les  jeunes  gens  de  Temba  vont 
^  la  guerre,  les  vieillards  qui  sont  restés  au 
village  travaillent  à  obtenir  peur  eux,  au 
iiioyen  de  |)rières  et  d*ôffrandes,  la  protec- 
bAÔ  et  le  secours  de  Sioo,  leur  divinité.  Ils 
^  Trosternent  en  présence  de  son  image,  et 
'  li  présentent  des  moutons  et  des  oiseaux; 
is  rersent  le  sang  de  ces  animaux  devant 
son  autel,  y  déposent  comme  offrande  les 
nscèrcs,  y  réservent  les  chairs  qu'ils  apçrè- 
Irot  pour  en  faire  un  banquet  sacré.  Si  le 
1  Vit  du  sacrifice  n'est  pas  atteint,  si  l'expédi- 
!  on  ne  réussit  pas,  ils  n'en  rejettent  point 
!«  faute  sur  Sioo,  et  ne  doutent  point  de  sa 
i»>nne  disposition  h  les  secourir;  mais  ils 
f  >ensent  que  cette  fois  sa  puissance  n'a  pu 
f  «revaloir  contre  celle  du  dieu  des  ennemis. 
A  tin  d'obtenir  de  la  pluie,  les  Aminas  sacri- 
t3*rntun  grand  nombre  de  moutons  et  d'oi- 
seaux domestiques,  et  supplient  le  Tankou- 
j  Mim  de  faire  ruisseler  la  pluiedu  ciel  comme 
r^iissèle  le  sang  des  victimes  immolées  en 
!r-.«n  honneur.  Ou  fait  beaucoup  d'offrandes 
|Hoorles  malades,  et  quantité  de  présents 
s-j»nt  envoyés  au  prêtre,  |H)ur  qu'il  s'inté- 
resse h  leur  rétablissement.  Si  la  personne 
malade  meurt,  les  prêtres  sont  persuadés 
•  |iie  les  dieux  roulaient  avoir  son  âme,  et 
>h'ins  ce  cas,  on  sent  bien  que  tous  les  pré- 
«^nls  devaient  être  impuissants  ;  si  elle  gué- 
rit, ses  amis  préparent  un  grand  festin,  et 
îTrenl  aux  dieux,  en  signe  de  reconnais- 
sance, des  moutons  blancs  ou  des  oiseaux 
«^e  même  couleur. 

Obsèques,  —  Cérémonies  publiques.  —  Pèle- 

rivages,  —  «  L'enterrement  des  morts  est 

aussi  une  occasion  de  sacrifices  :  avant  que 

'e  corps*soit  déposé  dans  la  tomlie,  le  prê- 

tre  immole  une  poule  blanche,  et  en  ré^iand 

'e  sang  sur  le  cercueil.  Cette  coutume  pa- 

rpi\  avoir  été  introduite  par  la  nation  des 

Ka  Tigrents.  Chez  cette  nation,  ceux  qui  dé- 

tr\^hent  un  champ  offrent  un  animal  do-iics- 

ù«iue  ïk  la  divinité,  et  font  vœu  de  lui  en 

«•tirir  un  autre  semblable  si  elle  bénit  leur 

travail.  Les  sacrifices  humains  sont  très- 

r.ires  parmi  les  nègres,  mais  ils  n'y  sont  pas 


entièrement  inconnus.  Dans  le  vieux  (Kala- 
l>ar,  un  enfant  de  dix  mois  fut  pendu  à  un 
arbre,  avec  un  oiseau  vivant,  poqr  obtenir 
la  guérison  du  roi  ;  ee  fait  est  rapporté  par 
un  témoin  oculaire,  M.  Seelgrave.  llans  une 
antre  occasion,  le  roi  de  Dahomeh  sacrifia  h 
son  dieu ,  pour  le  remercier  d'une  victoire 
qu'il  avait  obtenue  sur  la  nation  des  Fidas, 

Sjuatre  mille  prisonniers;  ces  malheureux 
urent  décapités,  et  leurs  têtes  disposées  en 
un  monceau  formèrent  comme  une  sorte  de 
trophée,  pour  perpétuer  la  mémoire  du  suc- 
cès. 

c  A  la  fête  annuelle  de  la  moisson,  que 
célèbrent  toutes  les  nations  de  la  Guinée, 
des  sacrifices  d'actions  de  grâces  sont  offerts 
à  la  divinité.  Ces  fêtes  sont  des  jours  de 
réjouissance  que  les  nègres  passent  en  fes- 
tins et  en  danses;  puis,  une  partie  de  la 
nourriture  qu'ils  ont  préfiarée  pour  ces  re- 
pas est  déposée,  en  signe  de  reconnaissance, 
devant  les  images  des  dieux.  Ils  offrent 
également  à  la  divinité,  comme  témoignage 
do  leur  gratitude,  une  certaine  portion  de 
tontes  les  choses  qu'ils  ont  récoltées.  Les 
Karabaris,  avant  de  célébrer  la  lête  de  la 
moisson,  ont  coutu*ne  de  pratiquer  cer- 
taines cérémonies,  dans  le  but  de  chasser 
de  leurs  villages  les  mauvais  esprits.  A  la 
même  époque  les  Watjas  se  rassemblent 
dans  une  belle  plaine,  là,  sous  la  direction 
d'un  prêtre,  et  a  trois  reprises  différentes, 
ils  remercient  Dieu  à  genoux  pour  la  bonne 
moisson  qu'il  leur  a  accordée,  le  priant  en 
même  temps  de  leur  continuer  pour  l'ave- 
nir les  mêôaes  tiénédictions.  Lorsqu'ils  so 
relèvent,  toute  rassemblée  témoigne  sa  joie 
et  sa  reconnaissance  en  frappani  oes  mains. 
Après  cette  solennité  religieuse,  vient  ud 
joyeux  festin  pour  lequel  chaque  famille  a 
tué  et  préparé  un  mouton  et  des  volailles, 
c  Au  nombre  de  ces  fêles  annuelles,  il 
faut  compter  le  pèlerinage  de  la  nation  des 
Fidas  au  temple  du  grand  serpent.  Le  peu- 
ple réuni  devant  la  demeure  du  seriient^ 
prosterné  la  face  coutre  terre,  adore  cette 
prétendue  divinité,  sans  oser  lever  les 
yeux  vers  elle.  A  l'exception  des  prêtres,  il 
n'y  a  que  le  roi  qui  ait  droit  à  cette  laveur, 
et  pour  une  fois  seulement.  Les  Wavras  ont 
aussi  une  cérémonie  annuelle  en  l'honneur 
d'un  tigre  qu'ils  considèrent  comme  un 
dieu,  et  qui  est  servi  par  des  prêtres.  Non- 
seulement  ils  font  devant  lui  acte  d'adora- 
tion solennelle,  mais  ils  lui  apportent  des 
offrandes  de  maïs,  de  volailles,  de  moutons 
et  d'autres  choses  de  ce  genre.  On  dé|)Ose 
le  tout  devant  le  tigre,  qui,  pour  cette  so- 
lennité, est  orné  de  shamt)OS  on  fétiches,  et 
ce  qu'il  laisse  sert  è  faire  un  repas  sacré, 
que  l'on  accompagne  de  danses  et  autres 
amusement:^.  Chaque  nègre,  eu  son  parti- 
culier, célèbre  par  une  fête  l'anniversaire 
du  jour  où,  pour  la  première  fois,  il  a  versé 
le  sang  d'un  autre  homme. 

Des  ordres  de  prêtres^  de  leurs  fonctions  el 
de  leur  pouvoir.  —  «(  De  même  que  toutes 
les  nations  de  l'antiquité,  les  nègres  i^iens 
reconnaissaient  è   un*"  classe  particulière 


iV» 


RAC 


DICTIONNAIRE  ArOL(M;ET;Q|]C. 


RAC 


1050 


dlioinnies  le  privilège  de  servir  de  médifl- 
teors  entre  le  peuple  et  les  dieux.  Ea  Afri* 
que,  comme  ailleurs,  les  prêtres  sont  les 
seuls  qui  puissent  être  les  interprètes  de 
sesTolontés;  comme  ailleurs  aussi,  ils  joi- 
gnent souvent  à  ces  fonctions  celles  de  de- 
rins  ou  de  magiciensv  et  ont  encore  le  pri- 
vilège exciusiî  de  faire  et  de  vendre  des 
charmes  et  des  amulettes. 

«  G*est  vraiment  chose  merveilleuse  que 
de  voir  jusqu'où  va  sur  tous  ces  points»  ra- 
nalogie  des  opinions  chez  des  hommes  ap- 
partenant d'ailleurs  è  des  races  séparées  les 
unes  des  autres  depuis  un  temps  immémo- 
rial ;  car  cette  analogie»  comme  on  a  d^à 
pu  le  remarquer,  ne  s'étend  pas  seulement 
aux  principes  de  la  religion  naturelle  que 
la  conscience  et  le  sentiment  intfme  révè- 
lent à  Tesprit  et  gravent  dans  le  cœur»  mais 
on  peut  la  suivre  encore  dans  toutes  les 
phases,  dans  toutes  les  formes  de  la  supers* 
tition»  comme  dans  tous  les  moyens  par 
lesquels  des  hommes  rusés  et  ambitieux 
profitent  de  la  faiblesse  et  de  la  crédulité 
du  leuple. 

«  Tout  le  cérémonial  du  culte,  chez  les 
nègres,  est  confié  è  des  prêtres  et  à  des 
prétresses,  personnages  qu'on  suppose  en 
communication  intime  avec  les  dieux  et 
interprètes  de  leurs  volontés.  Eux  seuls 
connaissent  les  moyens  par  lesquels  peut 
être  Apaisé  le  courroux  du  ciel.  A  eux  ap- 
partient le  prévilége  de  présenter  aux  dieux 
les  prières  et  les  offrandes,  et  c'est  par  leur 
toiiche  que  les  dieux  répondent.  Il  n'y  a 
donc  pas  lieu  d'être  surpris  qu'ils  soient 
tenus  dans  la  plus  haute  estime  par  le  peu- 
ple, et  qu'ils  exercent  sur  lui  une  autorité 
j)resque  sans  bornes.  Aucun  nègre  n'oserait 
enfreindre  les  commandements  des  prêtres  : 
même  après  la  mort,  pour  accomplir  la 
t'érémonie  de  l'ensevelissement  du  corps, 
!  assistance  du  prêtre  est  nécessaire,  car 
lui  seul  sait  comment  empêcher  le  mauvais 
esprit  de  faire  tomber  l'Ame  sous  sa  puis- 
sance. 

^  «  Dans  les  temps  de  maladies  éptdémiques, 
d'expéditions  guerrières,  et  dans  d'autres 
circonstances  graves,  les  nègres,  pour  con- 
naître l'issue  de  l'évi^nement,  sollicitent 
Aine  réponse  de  la  divinité.  Dans  ces  occa- 
sions, un  homme  de  la  nation  Amina  a  cou- 
tume d'amener  au  prêtre  un  mouton  ou 
tout  blanc  ou  tout  noir.  Le  prêtre  sacrifie 
l'animal,  asperge  de  son  sang  un  grand 
vase,  et  ensuite  transmet  la  réponse  à  la 
c^uestion  pour  laquelle  on  est  venu  vers 
I  oracle.  Si  le  malade  appartient  à  la  naiion 
dos  Fidas,  c'est  au  serpent  qu'il  s'adresse, 
par  l'intermédiaire  du  prêtre,  pour  savoir 
SI  sa  maladie  lui  vient  de  Dieu,  où  si  elle 
est  l'effet  d'un  enchantement.  En  lui  faisant 
connaître  la  réponse,  le  prêtre  lui  indique 
en  même  temps  le  remède  qu'il  devra  faire, 
à  moins  que  la  maladie  ne  soit  mortelle, 
cardans  ce  cas,  on  lui  déclare  qu'il  doit 
rononcerà  tout  espoir  de  guérir;  le  prêtre 
et  la  pretrns5e  qui  lui  fait  ainsi  connaître 
son  sort,  ne  se  fait  pas  payer  pour  cette 


triste  nouvelle,  mais,  dans  le  cas  contrair*!, 
l'interprète  du  dieu  exige  toujours  on  pré^ 
sent  c^mme  prix  de  son  ministère.  Le  grand 
serpent,  sans  être  interrogé,  fait  connaître 
h  la  prêtresse  les  guerres  qui  sont  immi- 
nentes, et  celle-ci  ne  manque  pas  d'en  infor- 
mer le  roi.  Elle  lui  dit  le  uom  de  rennemi, 
nrécise  l'époque  de  l'invasion,   et  prédit 
l'issue  de  1  entreprise.  Dans  le  cas  où  l'en- 
nemi  doit  être  victorieux,  elle  donne  m 
prince  le  prudent  conseil  de  se  sauver  par 
une  prompte  fuite.  Elle  prédît  aussi  an  roi 
l'époque  de  l'arrivée  des   vaisseaux.  Les 
prêtres  annoncent  également  desévénerneois 
qui  n'intéressent  que  de  simples  particuliers: 
tel  homme  doit  être  frappe  de  mort,  telle 
femme  de  stérilité,  et  ces  malheurs  seront 
un  effet  de  la  colère  des  dieux ,  colère  qui 
d'ailleurs  peut  être  apaisée  par  des  jirésciiis 
et  des  sacrifices.  Il  n'y  a  neo  de  sicacbè 
que  les  prêtres  ne  puissent  connaître;  ih 
savent  tout,  jusqu'au  sort  qui  est  réserve 
aux  âmes  après  la  mort,  et  pour  apprcodrf 
si  elles  sont  allées  à  Dieu  ou  au  maunb* 
esprit,  c'est  à  eux  que  Ton  doit  s'adreiar. 
«  Dans  tous  ces  pays,  les  prêtres,  eonis» 
autrefois  ceux  d'Apollon  et  d'Esculape,  a- 
mulent   avec  les   fonctions   du  sacerdoce 
l'exercice  de  la  médecine*  T^s  maladies  ont, 
en  effet,  aux  yeux  des  nègres,  de  tout  autre» 
causes  qu'aux  nôtres,  et  quoique  parmi  cui 
il  y  ait  à  ce  sujet  de  grandes  divergences 
d'opinion,  cependant,  en  général,  ce  n'est 
point  à  des  causes  naturelles  qu'ils  les  rai)- 
[K>rtent.  Les  Wdtjas  les  attribuent  aux  mau- 
vais esprits    qu  ils  nomment  Dobbos,  ri 
dont  ils  supposent  que  le  nombre  s'aug- 
mente quelquefois  au  point  qu'il  en  résulte 
de  véritables  épidémies.  Quand  les  DoblKis 
sont  devenus  par  trop  nomtjrcux,  le  peuple 
a  coutume  de  s'assembler  autour  du  coton- 
nier sacré  du  village,  afin  d'obtenir  l'auto- 
risation de  bannir  ces  hôtes  incommode5. 
Cette  formalité  remplie,  une  chasse  générale 
s'organise;    on  poursuit  les  démons    le> 
armes  à  la  main,  en  (toussant  de  grands  m\s 
et  on  ne  cesse  point  qu'on  ne  les  suppose 
expulsés  du  canton.  Cette  chasse  des* dé- 
mons de  la  maladie  est  une  pratique  trè<- 
commune  chez  plusieurs  nations  de  la  Gui- 
née, car,  chez  tous  ces  peuples,  l'opinion 
commune  est  que  le  plus  grand  nombre  des 
maladies  est  l'effet  des  enchantements,  bien 
qu'on  en  re«:onnaissc  aussi  quelques-unes 

aui  n'en  peuvent  survenir  que  par  ia?oIoBtc 
e  Dieu. 

«  Comme  on  le  pense  bien,  ces  théorie^ 
médicales  seraient  souvent  démentie»  p«'vr 
l'événement;  mais  ceux  qui  ont  intérêt  à 
les  maintenir  en  crédit  ne  manquent  pas  de 
soi?hismes  pour  rendre   compte  des  ftiLs 
qui  donneraient  le  plus  beau  jeu  aux  incré- 
dules, et  il  faut  convenir  qu'ils  sont  quel- 
quefois ingénieux  à    trouver  des  einliVa 
tiens.  Ainsi,  pendant  la  saison  de^  pluies 
les  maladies  céderaient  drilicilemenl  aut 
remèdesmie  pourraient  imlifpicrlesprélTf^.* 
mais  ce  (léfaut  de  succès  ne  peut  leur  être 
imputé  à  mal,  car  lear  habileté,  qui*^' 


I0&7 


RA€ 


DiCTlONIUlRE  AniLOGETIQOE. 


BAC 


ittSi 


montre  assez  dans  les  temps  ordinaires, 

tient  à  ce  qu*iis  agissent  alors  d'après  les 

avis  qa*Us  reçoirékit  d'en  haut  :  or,  dans 

cette  dangereuse  saison,  les  dieax  étant 

tenus  de  se  rendre  à  la  cour  de  la  divinité 

souveraine,  les  prêtres  ne  peuvent  prendre 

leurs  avis.  Pendant  cette  absence  des  esprits 

prolecteurs,  qui  dure  six  semaines  entières, 

on  ne  bat  pas  le  tamliour  sacré,  on  n'obr 

serre  aucun  jour  de  fêle,  et  les  morts  sont 

enterra  silencieusement,  sans  chants  et 

sans  lamentations. 

«  Parmi  les  Fidas,  ceux  nui,  dans  leurs 
maladies ,  après  avoir  eu  ci^abord  recours 
aux  petits  serpents  n*ont  point  éprouvé  de 
soulagements,  ont  enfin  recours  au  grand 
serpentqui,  parla  bouchedeses  prêtres,  leur 
indique  un  remède,  on  leur  reproche  lafauie 
dont  ils  portent  maintenant  la  punition  :  ils 
aV)nt  pas  assez  honoré  les  dieux  intérieurs 
ou  ne  leur  ont  pas  complètement  obéi,  et 
ils  doivent  s*efforcer  avaut  tout  de  les  af^ai- 
ser  par  des  offrandes  d'oiseaux  domestiques 
u  autres  choses  semblables  ;  d'autres  l'ois, 
il  tèui  que  le  malade  donne  en  l'honneur 
de  ces  dieux  une  fête  dans  laquelle  de  nom- 
breux convives  boivent,  chantent,  jouent 
^es  instruments ,  dansent  et  se  livrent  à 
loiisles  plaisirs;  dans  tous  les  eas^  il  n'y  a 
l«/iat  de  guérison  à  espérer  avant  aoe  les 
dieux  aient  été  apaisés.  Chez  les  llokkos, 
lorsque  les  prêtres  ont  prescrit  un  sacrifice 
'ians  le  but  d  obtenir  le  rétablissement  d'un 
malade,  ceux  qui  ont  amené  la  victime,  ont 
>oin,  après  qu  elle  a  été  immolée,  d'aban- 
«iaoner  une  portion  des  chairs  aux  oiseaux, 
qu;,  suivant  qu'ils  se  jettent  avec  plus  ou 
•«•oins   d'avidité  sur  cette  proie,  suivant 
qu^ils  se  querellent  plus  ou  moins  en  se  la 
partageant,  annoncent  aux  amis  du  malade, 
qui  les  observent  soigneusement,  l'issue 
lavorableou  funeste  de  la  maladie.  Les  mé- 
jicaments  que  l'on  administre  au  malade 
>ont  aspergés  avec  le  sang  de  l'animal  sa- 
cri  fié. 

«  Les  prêtres  des  Akripons  recueillent 
*eatt  d*une  petite  source  qui  sort  du  creux 
Uu  rocher  où  lialâte  leur  dieu  Kinka,  et 
la  donnent  aux  u:aiades  pour  s'en  laver, 
^lin  d'obtenir  ainsi  leur  guérison.  Parmi  les 
fcas^etttis,  on  en  voit  qu:,  dans  le  butd'ob- 
tenir  io  rétablissement  d'un  malade,  vien- 
nent prèsd*un  arbre  qui  est  tenu  pour  sa- 
€  ré,  el  s*agenouillant  devant  le  tronc,  ver- 
»«^nt  sur  une  poule  qu'ils  ont  apportée  en 
tfilraiHie,  une  épaisse  tiouillie  de  mais  ;  une 
portion  de  cette  bouillie  est  réservée  ])Our 
tAire  des  onctions  au  patient. 

«  Il  but  dire  à  l'honneur  des  Bliakejas, 
lOisoDt  les  prêtres  de  Karabani  et  de  Sokko, 
qu'ils  ne  se  contentent  pas  comme  tant  d'au- 
',r^s^  de  recommander  des  sacrifices  et  des 
^cfraodes  dont  une  partie  leur  revient,  mais 
{u^ls  s*oci^upent  sérieusement  de  rinslruc- 
^'^o  religieuse  du  peuple,  et  prennent  soin 
•^  lui  enseigner  la 'manière  de  prier.' Les 
"y<,res  Tiennent  les  trouver  dans  ce  but, 
'^  l  séparément,  soit  plusieurs  ensemble, 
'  "^'agenouillant  avec  eux,  ils  adressent  à 


leur  dieu ,  qu'ils  nomment  Tsukka ,  des 
irières  par  lesquelles  ils  lui  demandent 
d'éloigner  d'eux  le  fléau  de  la  guerre,  de  les 
préserver  de  la  captivité  et  cTéloigner  les 
autres  malheurs  dont  ils  peuvent  être  me- 
nacés. Les  prêtres  exigent  d'eux  l'enj^age- 
ment  qu'ils  traiteront  doucement  leurs  es* 
claves,  el  qu'ils  leur  arcorderontdeux  jours 
par  semaine  pour  s'occuper  de  leur  pnipres 
affaires. 

«  Dans  certains  lieux  les  prêtres  sont  en 
même  temps  sorciers,  mais  chez  pl'jsieurs 
nations,  les  Sokkos  et  les  Watjas,  \)ar  exeiu- 

tile,  cette  dernière  fonction  est  distincte  de 
a  première. 

Immortaliié  de  rame.  —  «  Il  n'j  a  peut- 
être  pas  une  nation  de  la  Guinée,  qui  ne 
croie  à  l'immortalité  de  l'Ame ,  et  qui  ne 
pense  qu'après  sa  séparation  du  corps  cette 
Anje  est  encore  soumise  è  certaines  néces- 
sités, qu'elle  reste  caj.able  d'agir,  et  sur- 
tout qu'elle  est  susceptible  de  sentir  le  lion- 
heurou  le  malheur.  J'ai  remarqué  que  chez 
les  Aminas,  il  n'y  a  qu'un  seul  mol  pour 
signifier  âme  et  ombre,  et  j'ai  aussi  entendu 
dire  à  plusieurs  individus  de  la  nation 
watja,  qu'ils  supposaient  Time  d'une  nature 
aussi  subtile  que  l'ombre. 

Récompenses  el  ekàtimenU  après  la  moru 
—  «  C'est  parmi  les  nègres  une  croyance 
presque  universelle  qu'une  fois  séparées  du 
corps,  les  Ames  des  justes  s'en  vont  à  Dieu, 
tandis  que  celles  des  méchants  vont  au 
mauvais  esprit;  c'est  |K)urquoi,  à  la  mottde 
leurs  chefs,  ils  ont  coutume  dédire  que 
Dieu  a  appelé  leur  âme  i  lui.  Les  Loan- 
gus  imaginent  que  le  séjour  de  Samboau- 
Pungo  (c'est  le  nom  qu'ils  donnent  à  Dieu) 
est  aussi  le  séjour  des  bienheureux  ;  mais, 
quant  à  l'enfer  que  les  autres  |;eu|»les  pla- 
cent en  général  dans  les  entrailles  de  la 
terre,  ils  le  |ilacent  dans  les  airs,  ils  croient 
que  les  Ames  qui  vont  au  mauvais  esprit 
deviennent  desianiômes,  qui  apparaissent 
de  nuit,  et  qui,  ayant  conservé  leur  |  en- 
chant  à  faire  du  mal,  tourmentent  penuaut 
le  sommeil  ceux  à  qui  ils  en  veulent.  Ces 
fantômes  voltigent  dans  l'air  et  leurpréseucd 
esi  quelquefois  reconnue  par  les  bruilsqui 
se  font  entendre  sans  cause  apparente,  ou 
par  l'aijitation  des  buissons  ;  or,  comme  les 
Auies  bienheureuses  ne  sont  point  ainsi  con- 
damnées à  errer  ,  lors/^u'un  entend  dire 
d'une  personne  qu'elle  est  apparue  trois 
jours  après  sa  mort,  c'est  une  preuve  que 
son  âme  n'a  i)as  été  à  Dieu.  Chez  les  Ami« 
nas,  si  un  voisin  mal  inlentionué  prétend 
avoir  vu  l'esprit  d'un  homme  qui  vient  de 
mourir,  on  enterre  le  corps  sans  lui  rendre 
aucun  honneur.  Les  nègres  imaginent  aussi 
que  les  Ames  des  bons  ne  vont  |»a^  toujours 
directement  à  Dieu,  et  que  souvent  elles 
sont  forcées  de  passer  d'abord  par  la  de- 
meure du  démon,  qui  lente  de  les  garder 
sous  sa  domination.  De  là  vient,  chez  les 
Aminas,  la  coutume  que  les  auiis  du  mort 
tâchent  de  racheter  sou  âme  au  moyen  d'une 
otfrande  faite  au  Didi,  ainsi  qu'il  a  été  dit 
plus  haut.  Les  âlokkosaflirmcut  qu'ils  |ivu« 


idi» 


RA€ 


DICTIONNAIRE 


vent  déjouer  tous  lesefforts  que  ferait  le 
mauvais  esprit  pour  les  retenir  en  son  poii- 
Toir,  en  prouvant,  par  les  marques  quMIs 
ont  sur  le  corps,  que  déjà  ils  appartiennent 
à  Dieu«  ce  qui  coupe  court  à  toute  réclama- 
tion. Les  Ibos  disent  que  TAme,  en  se  ren- 
dant au  lieu  de  sa  dernière  destination,  est 
accompagnée  par  deux  esprits,  Tun  bon, 
l'autre  mauvais ,  qui  marchent  à  ses  côtés 
jusqu^à  un  point  ou  la  route  est  barrée  \mr 
un  mur;  avec  l'aide  du  bon  génie,  TAme  de 
rhomroe  vertueux  franchit  aisément  cet 
obstacle,  tandis  que  t^elle  du  méchant  vient 
d*abord  s'y  lieurter  la  tête.  Au  delà  de  ce 
mur  deux  routes  se  présentent,  l'une  étroite, 
par  laquelle  l'Ame  du  juste  sous  la  conduite 
de  son  céleste  guide,  arrive  enfin  au  séjour 
de  Dieu,  l'autre  très-large,  par  laquelle 
l'Ame  du  pervers,  toujours  accompagnée 
de  son  dangereux  conducteur,  parvient  au 
lieu  de  ténèbres  où  elle  est  condamnée  à 
demeurer  éternellement. 

«  L'idée  que  se  font  ces  hommes  igno- 
rants do  l'état  des  bienheureux  est  natu- 
rellement assez  grossière,  et  Ton  voit  par 
la  manière  dont  ils  se  conduisent  envers 
leurs  morts,  qu'ils  se  figurent  la  seconde 
vie  très-peu  différente  de  la  première.  La 
supposant  donc  sujette  aux  mêmes  besoins, 
non-seulement  ils  ont  coutume  de  placer  sur 
les  tombeaux  des  aliments  qu'ils  renouvel- 
lent plusieurs  fois,  mais  encore  souvent 
ils  envoient  au  mort ,  dans  l'autre  monde , 
»es  femmes  et  ses  serviteurs^ 

Métempsycose.  ~  «  Les  Karaharis  et  plu- 
sieurs autres  tribus  noires  croienl  à  la  trans- 
migration des  Ames,  et  su|)posenl  que  lors- 
3u  une    personne  meurt ,  son  Ame  entre 
ans  le  corps  du  premier  enfant  qui  vient  à 
naître.  D'autres  nègres  admettent  qu'après 
avoir  habité  un  corps  humain  l'Ame  peut,  à 
sa  sortie,  s'aller  lOc^cr  dans  le  corps d  un  oi- 
seau, d'un  poisson,  on  de  toute  autre  créa- 
ture vivante.  Cette  croyance  que  ne  crai- 
gnent fias  d'avouer  la  plupart  des  nègres 
amenés  comme  esclaves  aux  Antilles,  a  quel- 
quefois des  conséquences  désastreuses.  Si 
leur  esclavage  est  trop  sévère,  ils  se  don- 
nent la  mort  dans  l'idée  que  leur  Ame,  une 
fois  libre,  pourra  revenir  nu  pays  natal,  et 
que  là  elle  revivra  dans  le  corps  d'un  enfant. 
Ouelques-uns  ont  un  espoir  un  peu  diffé- 
rent et  s'attendent  à  ressuiiciter  en  Guinée, 
tels  qu'ils  auront  été  au.  moment  de  leur 
suicide.  Dans  les  idées  de  ces  peuples,  ce- 
pendant, la  résurrection,  de  quelque  ma- 
nière qu'elle  s'opère,  n'est  pas  le  partage 
de  tous,  c'est  un  privilège  dont  sont  privés 
les  meurtriers  et  autres  criminels  :  au  lieu 
de  commencer  a{»rès  leur  mort,  dans  un 
corps  nouveau»  une  seconde  carrière  plus 
heureuse  que  la  précédente,  ces  coupables 
sont  condamnés  par  Abarre,  le  mauvais  es- 

{^rit,  à  errer  perpétuellement  à  l'état  de 
antômes,  objet  de  crainte  pour  les  vivants, 
auxQuels  ils  se  plaisent  à  apparaître  sous 
des  formes  effroyal)les.  » 


APOLOGETIQUE.  RAC  m 

Je  pourrais  citer  ici^  ^beaucoup  d'aoïrcs 
écrivains  dont  les  témoignages  conllrroeot 
ceux  d'Oldendorp.  Aucun  d'eux  sansdotHc 
ne  nous  fournirait  sur  lescroyaBcesdesna. 
tions  africaines  des  renseignements  aussi 
clairs,  aussi  complets  et  puisés  à  daussi 
bonnes  sources  ;  cependant  on  trouyera  en- 
core  quelques  informations  précieuses  dans 
les  écrits  du  P.  Loyer,  du  P.  Labat  et  de 
fiosman.  Nous  emprunterons  à  ce  dernier 
quelques  .détails  par  lesquels  nous  termi* 
nerons.  ; 

Bosman  parle  de  la  crainte  saperslKieesa  i 
qu'ont  les  nègres  des  esprits  et  des  appari-  J 
tions.  «  Ils  croient  aussi,  dit-il,  les  appah-  ..| 
tions  des  esprits,  et  que  ces  esprits  Tieaaert  ; 
souvent  sur  la  terre  pour  tourmenter  la  ; 
hommes.  Si  quelqu'un,  et  surtout  unepeN  '. 
sonne  de  considération  meurt ,  ils  se  font  ! 
peur  les  uns  aux  autres,  disant  que  sodas* 
prit  parait  plusieurs  nuits  de  suite  antûor 
de  sa  maison. 

«  ....  Ils  supputent  le  temps  par  leslosai  ' 
et  savent  à  cela  quand  il  faut  semer  lent  ] 
grains.  Je  crois  pourtant  que  la  dirisiaiAi  j 
mois  en  semaines  et  des  semaines  eiiM  1 
leur  est  connue,  |Mirce  que  chaque  jooriil  f 
nom  particulier  en  leur  langue.  Ilsootlava* 
dimanche  quand  nous  avons  notre  ,inaril{'J 
mais  ceux  d'Ante  l'ont  le  vendredi  cûrub^ 
les  mahométans  :  toute  leur  dévotiou  da'v 
dimanche  consiste  en  ce  qu'ils  défend^il, 
que  personne  n'aille  sur  la  mer  pour  {è>. 
ctier  ;  mais  il  est  permis  de  faire  tout  intn 
ouvrage  comme  dans  les  autres  jours.  » 

Dans  leur  croyance  aux  jours  heureux  (fS 
malheureux,  aux  oracles,  aux  présages  tt 
autres  choses  analogues,  on  pourrait  croiifj 
que  les  nations  nègres  ont  formé  leurs Oj' 
nions  d  après  celles  des  Ùrecs  et  des  au 
nations  de  l'antiquité.  «  Les  nè^re&qui 
mcurentplusavantdans  le  pays, dit Bosm 
distinguent  le  temps  d'une  plaisante  i 
nière,  c'est-à-dire  en  temps  heureui  et 
temps  malheureux.  Il  y  a  quelques  pays 
le  grand  temps  heureux  dure  dit-neuf jot 
et  Te  petit  (car  il  faut  savoir  qu'ils  y  metl 
encore  de  la  différence)  dure  sept  jou 
entre  ces  deux  temps  ils  comptent  sept  jf 
malheureux,  qui  sont  proprement  leursl^ 
cances ,  car  il  ne  voyagent  point  pefl^i; 
ces  jours-là,  n'entreprennent  rieu  deo  "'^ 
dérable  ,  mais  demeurent    tranquille:—, 
sans  rien  faire.  Les  habitants  d'AquamM 
sont  les  plus  superstitieux,  car  non  seolfi" 
ment  ils  ne  font  rien  pendant  ces  sept  joa» 
malheureux ,  ils  ne  reçoivent  méuie  ait* 
cun  présent  de  personne,  mais  ou  ils  les  t^ 
voient,  ou  les  font  garder  ailleurs  jusque 
ce  que  les  jours  heureux  soient  venus.  * 

«  ....  Il  y  a  une  très-grande  différence co 
cela  d'un  pays  à  l'autre;  ils  ne  s'accordent 
point  dans  leur  supputation  :  les  uns  ont  ce» 
jours  heureux  ou  malheureux  dans  uo  (eop^ 
et  les  autres  dans  un  autre  (1123).  > 

De  la  conversion  des  nègres  au  chrifti^- 
nisme.  —  Nous  avons  vu  qu'en  prenant  le* 


(il!22)  BosNAN,  Voyage  en  Vuinie;  Utreelit,  1705,  in-iS,  p.  162  ei  suîv. 


m 


RAC 


DICTIOMNAmE  APOLOGETIQUE. 


liAC 


!0C3 


nègres  d*Afrique  dans  leur  état  primitif, 
jaus  uu  élat  où  leurs  idées»  d*après  tout  ce 
que  nous  pouvons  sayoir,  n*ont  été  en  au- 
rufle  façon  influenci^es  par  des  communica- 
tions avec  des  étrangers,  nous  trouvons  en 
eux  la  n>ènne  tendance  aux  croyances  super- 
Mid'euses,  les  mêmes  impressions  morales 
(|ue  dans  les  autres  branches  de  la  grande 

(llitS)  Annide  parler  de  rintrodaaion  do  chris- 
lianisme  chez  les D&res  africains,  nous  donnerons  ici 
iioaperçtt  sur  les  traditions  bibliques  conservées  parmi 
m.  Un  homme  qui  a  longtemps  vécu  avec  les  né- 
^rei,  U.  Dard,  auteur  d^une  grammaire  tvolofe  et 
jiun  dictionnaire  françait-wotofe  et  françaii-bambara, 
Mimges  distingués  par  la  Société  de  géographie^  et 
mprimés  i  rimprimerie  royale,  avec  une  préface  de 
IL  Jooiard,  de  1  Institut,  M.  Dard,  disais-jc,  raconte 
plaies  nègres  ont  conservé  la  circoncision,  non 
tlle  du  huitième  jour  après  la  naissance,  telle  que 
4  pratiquent  les  Juifs .  mais  celle  dismari,  qui, 
ÛYani  été  circoncis  qu*à  treize  ans  (a),  n*,.v«iit  cir- 
mci  les  sltos  qu*à  T&ge  voisin  de  la  puberré,  tra- 
dition resp<  ctée  par  les  Arabes ,  ainsi  que  Tatteste 
liiitorien  Josèphe.  Cette  coutume  eiistaiten  Egypte 
I  temps  d'Hérodote  ;  le  vieux  conteur  grec  incline 
U  croire  orisinaire  d'Ethiopie.  Elle  est  donc  bien 
uérieure  en  Afrique  à  Tinvasion  du  mabométisme, 
m  les  nègres  ne  août  d'ailleurs  qae  .légèrement 
Mré^nés. 

iv  reste,  les  traditions  religieuses  et  historiques 
li>Volofes  les  rattachent,  par  tous  les  points ,  à 
to{ine  ûu*on  vient  d*eiposer. 
M.  Dard  atteste  qu'ils  croient  descendre  comme 
M  (TAdamo  et  d^Awa,  et  que  le  nom  de  la  pre- 
m  femme  est  encoie  aujourd'hui  celui  de  beau- 
<(»  de  négresses. 

11&  prétendent  que  leurs  pères  ont  régné  sur  TE- 
rp'e»  qu'ils  appellent  Mesraim^  comme  le  fait  la 
iliK  do  nom  du  sc-cond  fiU  de  Gham,  qui,  d'après 
*'e»he,  a  peuplé  l'Egypte, 

lis  ont  conservé  le  souvenir,  non-seulement  d*A- 
tbam,  dont  Us  honorent  le  sacrifice  par  une  léie 
•mmémoratoire  appelée  iaba$ki  {bj.  Mais  celui  de 
*»<*.  qu'ils  nomment  Mousa,  ce  qui  en  langue  wo* 
K  Mpiiûe  titléraleroent  $auvé  des  eaux  (c). 
«Kiraon,  roi  de  Mesraim,  disent-ils,  persécuta 
•u>4  ei  les  Yott/fres  (les  Hébreux ) ,  dont  la  doc- 
te u*é(ait  pai  la  sienne.  Les  You/fres^  sous  la  con- 
«e  de  Mousa,  se  révoltèrent  et  s'enfuirent  de 
^ruito.  Firaon  les  poursuivit  jusqu'à  la  mer  du 
vaiit(OAtfff  on  Pinkou).  Mais  les  eaux  de  la  mer 
l^van:  se  séparèrent,  laissant  un  libre  passage 
i  Unfres;  et  Firaon  ayant  tenté  de  les  poursol- 
^  lt*s  eaux  se  rejoignirent  et  il  se  noya,  i 
^e^t  à  peu  prés  dans  les  mêmes  termes  qu^Arta- 
•t  cité  par  Eusèbe  (d),  raconte  le  passage  de  la 
î  llou^e,  d'aprèi(  les  pi  êtres  dMIéliopolis.  Il  ajoute 
ilment  que  les  babiiants  de  Mempliis  expliquaient 
^eM^m^iit,  loin  de  la  n»er,  par  le  llux  et  le  reflux 
bmer. 

I«  me  hâte  de  prévi  nir  une  objection.  Ces  tradi- 
>^«  des  nègres  sur  M«)Î!>e  ne  sont  point  une  rémi* 
^eiKCdes  notions  qui  leur  ont  été  apportées  par 
umisme.  J'ai  déji^  dit  que  la  religion  de  M»bom4 1 
V^i  point  jeté  chez  eux  de  prufondes  racines. 
it,  ce  qui  est  singulièrement  remarquable,  et' ce 

'I  Genhe,  ch.  xyii,  IS,  26. 

h  Dans  celle  ISie,  cbsque  famille  immole  on  bélier 

'  't^i  00  mange  ensuite  en  commun,  et  dont  ou  réserve 

'i  •Jtre  pie£  pour  fêler  le  premier  jour  de  l'auuAe 

*n\t.  Ceci  doit  venir  d'Esaû  et  des  Arabes. 

)  Houta  est  le  participe  passé  du  verbe  Motual,  qui 

t  «lire  aamvr,  reiirer  de  Teoic. 

U  Prœpar.  Kwoigel.,  I.  ix,  ch.  27. 

I  liueiB  au  adopuvii  in  locum  filii,  vocavitque  nomen 


famille  humaine.  Mainteuant,  il  ne  nous  reste 
plus ,  pour  compléter  cette  partie  de  Vhis- 
toiro  mentale  de  la  race  nèi^rc,  qu*à  faire 
remarquer  rempressement  qu^ils  ont  montré 
h  recevoir  los  religions  étrangères  qu'on 
leur  a  apportées;  et,  il  faut  le  dire,  rcui- 
pressement  a  été  le  môme  pour  une  fausse 
religion  que  pour  la  vraie  (1123). 

qui  exclut  toute  idée  de  transmission  des  traditions 
musulmanes,  cVst  qu*au'témoignage  de  M.  Dard,  les 
souvenirs  de  la  Sénégambie  ne  suivent  point  Moïse 
au-delà  de  la  mer  Rouge,  au  lieu  que  le  Koran  pat  le 
.  assez  longuement  du  séjour  de  ce  grand  législateur 
en  Arabie,  etc.,  etc.  On  peut  ajouter  que  la  bibito- 
thèque  orientale  de  d'Uerbeba,  Truit  de  trente  annces 
de  recherchas  dans. le  Levant,  à  i'uide  i\e^  plus  fa- 
meux  interprètes  de  la  loi  de  Mahomet,  a  recueilli 
tout  ce  qu'ils  exposent  de  la  picaiiére  moitié  de  la 
vie  de  &ioïse,  et  qu'elle  n*oflre  rien  d'aussi  cnmph  t 
ni  d'aussi  précis  que  la  tradition  sénéganibienne. 

Arréinns-nous  sur  ce  nom  de  Mdusa  qui  cxprine 
nettement,  1 1  sans  recourir  à  aucune  racine,  Pidile 
que  les  livres  saints  ont  attachée  au  nom  de  Moïse. 
Selon  Hoise  lui-même,  ce  nom,  qui  n'est  point  lié- 
breu  (voir  tous  les  Interprètes;,  lui  fut  imposé  par 
la  fille  du  roi  d'Egypte  :  f  et  elle  l'adopta  pour  son 
c  fils,  dit  hi  Bible,  et  lui  donna  le  nom  de  Moise^ 
c  disant  :  parce  que  je  t'ai  sauvé  des  eaux  (e).  »  De- 
puis Philon,  jusqu'à  doro  Calmet,  les  rabbms  et  les 
commentateurs  ont  été  fort  embarrassés  pour  jus- 
tifier la  signification  que  le  t*  xte  sacré  assigne  a  ce 
nom.  Ce  ii*e»t  qu*indireciement  t  tavec  grand  labeur 
que  Clément  dAlexandiîe,  et,  depuis,  Tabbé  Re- 
]iaud(»t,  font  fait  dériver  du  cophte,  qui  parait 
manirestement  un  reste  de  Tancicn  idiome  de  l'E- 
gypte. Toute  difliculié  cesserait  si  ce  nom  a  étéim  • 
posé  au  jeuue  hébreu  par  une  princesse  du  sang 
éthiopien.  Et  quelle  connrmaiion  puissante  des  ré- 
cits des  nègres  sur  l'Egypte  et  sur  le  miracle  de  la 
mer  Rouge  ! 

Suivons  cette  idée. 

La  domination  éthiopienne  en  Egypte  est  uo  fa't 
historiquement  avéré.  Le  Sabacou  d'Hérodote  et  de 
Diodore  de  Sicile  (f),  le  Zara  des  Paralipomène6(9)» 
le  Tharaca  de  la  Uible  (/i),  que  Strabon,  d'api  c^i  Mè- 
gasthcnes,  qui  était  contemporain  d'Alexandre^  ap 
pelle  Tharacoy  sont  autant  d'Etliiopiens  qui  ont  ré- 
gné sur  la  terre  de  Mcsraïm.  Il  faut  ajouter  à  cette 
liste  le  Pbar<ion  dont  Salonion  avait  épousé  la  Hll*', 
puiMpril  fait  dire  à  celle-ci.  dans  le  Cantique  des 
cantiques  :  i  Je  sni^ noire,  6  KllisdeJéru!;alem,mais 
c  je  suis  belle...  Neme  dédaignez  p«s,parcequejesuis 
fl  noire,  parce  que  le  soleil  mjk  regardée  (i).  >  io- 
se|>he  rhisiorien  attribue  le  double  empire  de  l'E- 
gypte et  de  TEihiopie  à  celte  fameuse  reiue  de  Saba 
qui  vint  visiter  ce  même  Salon: on. 

Des  preuves  d'un  autre  oi\!re  vitn:trut  confirmer 
ces  témoignages.  Ce  qui  nous  reste  du  cophie  se 
rapproche  sensiblement ,  s^loii  Yolney ,  de  1  idiome 
des  Ethiopiens  et  des  Ai  abcs,  que  cet  incrédule  re- 
connaît être  dérivé  d*un  fonds  commun.  Ce  point» 
au  reste,  parait  hors  de  doule  depuis  les  travaux  do 
M.  Klaproth.  Hérodote  dit  en  propres  mots  :  Je 
pense  que  les  Coiches  sont  une  colonie  des  Eggpiieus^ 
parce  qu'ils  ont  comme  eux  la  peau  noire  et  les  cltC" 

ejus  Ifouies,  dicens  :  qnla  de  aqua  tuli  eum,  Exod.  u.  19 
M.  Cahen  imUuil  le  nom  hébreu  de  Moïse  par  Mosché. 
(0  HiiaoDOTE,  liv.   u,   chap.  137  et  140;  Dioaont, 

liv.  I. 

(fl)  Il  Paralîp.,  xw,  9. 

ih)  U  Reg.  XIX,  9.  --  El  lia.  xxxyn,  9. 

it)  iVtgra  sum^  sed  {ornwsa,  lUtœ  Jérusalem,  noitu 
mè  considerare,  qnod  fusca  sim,  qim  decolorapii  m 
sol.(Cattt.  i,  K) 


40(;5 


RAC 


niCTfONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


Itfl 


On  sait  que  le  maliomélisme  s'est  large- 
ment répanjlu  dans  plusieurs  parties  de  PA- 
frique.  Cliaque  année  il  part  du  Soudan  pour 
'  la  Mecque  de  nombreux  pèlerins,  et  sur  les 
bords  du  Niger,  ou  à  1  ouest  de  la  vallée 
du  Nil,  rhomme,  qui,  après  avoir  visité  la 
sainte  Kaaba,  a  le  bonbeurde  revoir  sa  terre 
natale,  est  aux  yeux  de  ses  compatriotes 
l'objet  de  la  môme  vénération  (|uc  le  liadji 
syrien  est  aux  yeux  des  babitanis  do  Damas. 
Je  ne  veux  point  au  reste  faire  ici  Tbistoire 
des  progrès  de  l'islamisme  ;  j'aime  mieux 
parler  des  résultats  qu'ont  eus  1rs  efforts 
lies  Européens  pour  amener  les  nègres  h  la 
religion  cnrétienne.  Ne  pouvant  mentionner 
toutes  les  tentatives  qui  ont  été  faites  dans 
ce  but,  et  dont  nlusiears  ont  été  couroufiées 
d'un  plein  succès,  je  me  bornerai  à  rappeler 
celle  des  missionnaires  envoyés  par  ^a  con- 
grégation des  Frères-Unis.  Les  travaux  de 
ces  nommes  pieux  et  charitables  ont  été  re- 
tracés d'une  manière  pleine  d'intérêt,  dans 
la  simple  et  fidèle  Histoire  d'Oldendorp  : 
l'esquisse  que  j'en  vais  donner,  d'après  les 
renseignements  puisés  à  celte  source  non 
suspecte,  suffira  pour  montrer  par  quelle 
.  voie  les  éléments  de  la  vraie  religion  ont 

Iiénétré  dans  le  cœur  des  Afr^icains,  et  me 
burnira  l'occasion  de  faire  remarquer,  dans 
la  marche  qu'a  suivie  leur  conversion,  la 
preuve  que,  sous  le  rapport  des  sentiments 
et  des  dispositions,  cette  race  n*a  réellement 
rien  qui  la  distingue  des  autres  races  hu- 
maines. 

Les  premières  tentatives  pour  la  conver- 
sion des  nègres  esclaves  des  petites  Antilles 
ont  été  faites  par  les  fr'ères  moraves,  et  voici 
è  quelle  occasion.  Quelques-uns  des  disci- 
ples du  comte  de  Zinzendorf  ayant  rencontré 
un  certain  Anthony,  nègre  de  Tlle  Saint- 
Thomas,  qui  avait  été  baptisé  à  Copenhague, 
cet  homme  leur  fit  un  tai)leau  si  animé  de  la 
.  misère  et  de  Tij^norance  de  ses  frères  en 
esclavage,  les  conjura  si  ardemment  de  faire 
quelque  chose  pour  leur  conversion,  qu'ils 
crurent  ne  pouvoir  se  dispenser  d'en  entre- 
tenir la  communauté.  Anthony  futa(>pelé,à 

ifeux  crépus  (a),  et  Hérodote  avait  été  en  Egypte.  Le 
sphinx,  gravé  dans  Norden,  cVst  encore  Voliiey  qui 
fjiîl  ccue  remarque ,  a  visiblement  tous  les  carac- 
tères d*ttiic  îlgure  élliiopiennc  (6).  C  es>t  aussi  Vol- 
ney  qui  observe  que  les  Copbtes  d 'aujourd'hui  sont 
de  véritables  niulàlres,  parce  que  leur  sang ,  mêlé 
d«*puis  des  siècles  à  celui  des  Grecs  ci  des  Romains, 
a  dû  leur  Taire  perdre  rinlensité  première  de  leur 
couleur,  sans  altérer  sensiblement  le  moule  originel 
de  leur  figure,  et  il  rappelle  i  ce  snjH  que  Bluinen- 
bach  a  disséqué  nombre  de  momies  égyptiennes  qu'il 
a  lui-même  rapportées  à  la  race  étbiopique. 

Le  P.  Peyron  est  allé  plus  loin.  Dans  son  Anti^ 
4fuite  des  temps  réiablie^  il  auicule  qu*Àbraham  est 
venu  en  Egypie  sous  les  rois  pasteurs,  que  Jeseph 
a  été  mlni&ire  du  quatrième  de  ces  rois,  et  que  Moïse, 
né  sous  leur  empire,  adopte  par  la  fille  de  Tun 
dVux,  n*a  lutté  que  contre  leur  expulseur.  VExode^ 
^n  effet  (c),  nous  apprend  que  le  Pharaon  euntfnii  «le 
Moïse  n'était  plus  le  môme  qi.e  celui  dont  la  fille 

{a\  Hkhodotc,  I.  I,  c.  104. 
Mj^^  ««  Eg.  cl  en  Syrie,  EUl  pjlilique  de  TEgyple, 


leur  demande,  devant  rassemblée  qui  mw 
son  sié.^e  à  Hernhutt,  et  là,  il  plaida  si  bien 
sa  cause,  que  la  résolution  d'enfoyer  une 
mission  aux  lies  fut  sur-ie-cbamç  adoptée 
Les  difficultés  de  Tenlreprise  étaient  gran- 
des, et  loin  de  les  dissimuler,  Anthony  Ks 
exagérait  encore,  parce  qu'il  aflirmaii'qae. 
pour  travailler  avec  quelque  espoir  de  suc- 
cès à  la  conversion  des  esclaves,  il  îailaii 
que  le  missionnaire  consentit  à  devenir  es- 
clave lui-même.  C'est  en  sup[K)sant  indispen- 
sable cette  terrible  dondition,  que  deux  de< 
frères  s'offrirent  sans  hésiter  pour  Iravailitr 
à  cette  œuvre  à  laquelle  ils  se  croiraient  ap- 
pelés. Le  nom  de  ces  hommes  vraiment  lu  - 
roïques  mérite  d'être  conservé  :  Tun  2»*ap,v- 
lait  Léonard  Dobcl,  Taùtre  Tobias  Lcupi'IJ. 
Ce  dernier  ne  flt  pas  le  royafce»  le  sorl  en 
ayant  décidé  autrement  et  désigné  è  sa  placç 
David  Nitschman,  qui  partit  ayant  toujours 
la  même  perspective. 

La  mission  fut  installée  au  mUieu  des  cir- 
constances les  plus  défavorables  ;  Toarre 
marcha  d'abord  avec  une  extrême  leai»;. 
et  au  milieu  d'une  forte  opposition*Oi|K&- 
dant,  il  s'était  formé  bientôt  autounèifié- 
res  un  petit  cercle  d'auditeurs,  daêi^- 
ques-uns  donnaient  des  signes  d*une  wt% 
conversion,  et  témoignaient  un  profaiddc^ 
goût  pour  leur  vie,  passée;  qiais  quand bv 
choses  commençaient  à  se  présenter soas un 
aspect  ua|)eu  favorable,  les  missiomuûrtf 
furent  obligés  de  revenir  en   Europe,  ri 
Tenlrenrise  fut,  pendant  idui^ieurâ  années, 
complètement  arrêtée.  Elle  fut  treprîse  er. 
n3i,  h  l'arrivée  du  frère  Martin,  zé!é  pri- 
dicateur,  et  homme  d'une  grande  éner^ne; 
les  exhortations  de  Martin  produisirent  un 
tel  effet  que  lorsqu'en  1736,  Tévéque  Spdn- 

Senberg  visita  la  mission,  il  trouva  chez  ))Su> 
e  deux  cents  des  nègres  qui  assistaient  au 
service  religieux,  un  grand  désir  dVtre  ia>- 
truits  ;  dans  ce  nombre  même,  il  y  en  a^.-ai: 
trois  qui,  après  un  scrupuleux  examen,  lu- 
rent juges  en  état  de  recevoir  le  liaptême.  L* 
relation  d'Oldendorp  qu'on  ne  peut  lire^^J-- 
être  convaincu,  et  de  la  parfaite  sûcérilé  ;« 

avait  sauvé  Je  prophète  enfant.  Ce  qui  parait  dcvi^i^. 
C'est  que  Manélhon,  dépositaire  des  anstalt^  ar» 
prêtres  d'Uéliopolis ,  sous  Ptolémëe  Plididr^pU 
donne  cinq  siècles  â*exisiençe  à  la  doiniiiftiio.i  dr* 
rois  pasteurs,  ei  confond  leur  expulsioû  arec  la  fii*'t 
des  Hébreux  ,  aiusi  qu^on  peut  le  voir  dans  Lsie 
t)ejW). 

Or  le  peuple  qui  envahît  riCgypiesousla  ar^n-Urj^ 
des  rois  pasteurs  était  uo  peu|Se  incouBO.  C'est  par 
simple  coujecture  qu*on  a  vu  là  une  migraiion  d  X< 
rabes,  n'est*tl  pas  plus  iiatuicl  de  ki  pféM:ftKr 
étliiopiens?  Ce  que  les  nègres,  cette  nation  iép^^r 
de  toutes  les  autrts,  nous  racontent  île  Tfclgypie  *» 
de* Moïse,  sans  qu'ils  |iuissent  tenir  tes  lètiH  àt* 
missionnaires  de  l^idlamisiue,  sans  qu*its  it«'Ot|:u^>- 
depuis  des  siècles  auctin  rapport  avec  le  |4f»  fi'r*« 
ils  ont  été  chassés,  (îoiine  toute  vralst»t>UM^^  • 
cette  hypothèse, .et  alors  on  conviendra  <|«e  kn* 
tradition  a  puisé  à  boime  source. 


(c\  Exode,  n,  t5. 
{d)  PrwparaL  ICvann 


\,  c.  15. 


RAC 


INCTM»GIA1R£  APOLOGETiQl-E. 


RAC 


1063 


quoi 
oèreoC 
ceux 
des  de 
«  inimé 
Martin, 
esdares 
Têtu;  de 
i/>Bimes 
eux,  el  1 
De  ffléri 
recouna 
uo  indi 
lianger 
'.n  seul 
•'':ent  à  I 
'  -Tor  et 
/eût  co 
r-ligion 
r*30ipo 


Inin,  et  de  rexActftode  des  bits  qo^il 
nous  montre  que  les  mojens  f^ar 
on  agit  sur  Jes  nègres,  les  motîfe 
loir  à  leurs  yeai  et  qoi  détermi- 
oonTersion,  furent  exactement 
plojaienty  dans  les  premiers  siè- 
se,  lesapAtres  du  cnristianisme. 
grdent  pour  leur  salut» 
parlait  à  ces  pauvres 
nfinie  de  notre  Sau- 
il  avait  lait  pour  les 
'il  avait  souffert  |>our 
si  un  pareil  sacrifice 
leur  amour,  toute  leur 
il  croyait  apercevoir  dans 
signe  d*un  désir  de 
ne  le  perdait  plus  de  vue 
mais,  revenant  incessam- 
,  il  agissait  à  la  fois  sur  son 
h  jugement,  jusqu'à  ce  qu'il 
eut  gagné  è  la  cause  de  la 
aux  einortations  non  inter- 
frères, un  changement  très- 
produisit  dans  les  idées  et  dans 
des  nèj^res  ;  malgré  les  drcons- 
vorables ,  malgré  les  mauvais 
non-seulement  les  conversions 
e venaient  chaque  jour  plus  nom- 
encore  on  ne  pouvait  se  refu- 
Tempire  toujours  crois- 
ses idées  nouvelles,  des 
ui  devaient  bientôt 
pn  morahe  des  plus 
élail  devenue  si 
uvernement  co- 


toire 


lètes.   L*imj)re 


que,  lorsoue 
[ui  Toyait  d  un 
emprisonner 

s.'in'J 
ejr  li 

'•ntribuè 
rôties 

'Jtion,  en  17 
rrira^  il  fut  re 
^e^  quelle  rapi 


l( 

nègres^ 

étaient  tout 

par  li 

Hi  ai 

In  an/ 


iguiet  ces  inno- 
iissionnaires,  il 
^tisés  plusieurs 
fts  à  continuer 
exhortations 
lenter  le  nom- 
1res  cette  persé- 
»mteZinzendorf 
lement  en  voyant 
de  la  conversion 


rait  marché.  D  paMTqu'à  cette  époque  le 
'/aibre  des  n^es  qui  assistaient  résulièrc- 
eut  à  la  prédication  de  TEvangile  soulevait 
oà  à  800. 

Les  antres  lies  danoises,  Sainte-Croix  et 
^îQl-Jean,  furent  plus  tard  visitées  par  les 
i>sionnaires ,  qui  y  obtinrent  aussi  de 
"aniis  succès.  Je  ne  suivrai  point  leurs  tra- 
tui  dans  ces  nouvelles  missions,  et  je  ren- 
rrrai  ceux  de  mes  lecteurs  qui  seraient 
>rit'ux  de  les  connaître  &  fouvrage  que  j*ai 

souvent  eité  dans  les  pages  précédi^ntes. 
iiiteur,  au  reste,  en  terminant  son  livre, 
QDe  loi-mëme  en  quelques  mots  une  id<^e 
s  réfaltats  obtenus,  et  Ton  y  voit  qu^en 
*^  le  nombre  des  nè^gres  baptisés  dans  les 
•is  Iles  par  les  missionnaires,  durant  une 
riode  de  trente-quatre  ans,  était  de  4,711. 
Après  avoir  exposé  d'une  manière  géné- 
te  les  faits  qui  se  rapportent  à  la  conver- 
fiï  des  nègres  des  Antilles,  il  nous  reste- 
it  è  présenter  ceux  qui  prcmvent  que  Ta- 
,'>tion  de  la  nouvelle  religion  produit  chez 

hommes  de  cette  race  les  mémos  eflfels 

DlCTlOX^AlRR    APOLOGÉTIQl  F..    II. 


que  chez  les  Européens,  et  que  leur  esprit 
est  capable  de  recevoir  toutes  les  impres- 
sions gui  nous  semblent  inséparables  de 
cette  divine  doctrine.  Mais  on  conçoit  fort 
bien  que  de  pareilles  preuves  ne  peuvent 
être  présentées  d*une  manière  sommaire,  et 
qu'il  faut  les  aller  chercher  dans  les  ouvrages 
où  Ton  a  traité  le  sujet  ex  professa.  Je  ne 
crains  pas  d'assurer  que  ces  preuves  paraî- 
tront concluantes  è  tous  ceux  qui  voudront 
lire,  d'un  bout  à  l'autre,  les  notices  biogra- 
phiques et  les  autres  détails  donnés  par  les 
historiens  de  la  communion  à  laquelle  ap- 
partenaient Oldendorp  et  Craniz.  Je  recom- 
manderai surtout  la  lecture  d*un  recueil  de 
courtes  homélies,  composées  |  ar  des  nègres 
prédicateurs  ou  instructeurs-assistants,  et 
adressées  par  eux  è  diverses  congrégations 
de  leurs  compatriotes.  Quelques-uns  de  ces 
simples  discours,  quoique  bien  inférieurs 
pour  la  force  de  Texpression  à  ceux  des  Fé- 
nelon  et  des  Pascal,  respirent  le  même  esprit 
et  Sont  évidemment  écrits  sous  l'influence 
des  mêmes  sentiments.  Un  choix  de  ces  petits 
sermons  a  été  placé  par  Oldendorp  à  la  suite 
de  l'ouvrage  que  J*aî  eu  si  souvent  oc- 
casion de  citer. 

Co?fCLi:si05.  —  La  conclusion  que  je  me 
crois  en  droit  de  tirer  des  faits  exposés  jus- 
qu'ici ne  me  semblerait  pas  beaucoup  plus 
solidement  établie,  quand  je  l'aurais  basée 
sur  une  histoire  complète  des  races  humai- 
nes, en  supposant  que  j'eusse  pu  les  passer 
toutes  successivement  en  revue.  Je  ne  puis 
m*empècher,  an  reste,  de  faire  remarquer 
qu'une  étude  comparative  des  races  à  tète 
laineuse  de  l'Afrique,  des  populations  in- 
digènes de  l'Amérique  et  des  habitants  de 
cette  partie  de  l'ancien  continent  qui  est 
depuis  si  longtemps  le  théâtre  de  la  civilisa- 
tion, offrait,  pour  l'investigation  que  j'avais 
en  Tue,  un  champ  aussi  vaste  qu'on  pouvait 
le  désirer,  puisque  dans  ces  trois  groupes 
se  trouvaient  comprises  les  races  qui  pré- 
sentent les  plus  grandes  divergences  sous  lo 
ran|H)rt  de  la  conformation  corporelle,  et 
celles  qui  ont  été  citées  comme  offrant  les 
contrastes  les  plus  frappants  sous  les  rap- 
ports moraux  el  Intellectuels,  il  eût  été  fa- 
cile de  soumettre  à  un  même  genre  d'exa- 
men les  autres  populations  dont  le  caractère 
nous  est  suffisamment  connu,  et  le  résultat 
en  eût  été  encore  le  même.  Ainsi  nous  au- 
rions montré,  chez  les  insulaires  de  l'Océa- 
nie,  des  similitudes  frappantes  avec  ce  que 
nous  avons  observé  ail'eurs,  des  similitudes 
constatées  dès  les  preuners  instants  où  leurs 
pays  ont  été  visités  par  les  Européens,  el 
qui  ne  peuvent  ainsi  être  considérés  comme 
le  résultat  du  communications  récentes.  Chez 
tous  on  a  rencontré  des  institutions  sociales 
de  même  nature  que  celles  des  auîres  peu- 
ples; chez  tous  on  a  trouvé  la  croyance  à 
une  vie  future,  è  une  providence  dont  l'ac- 
tion prolectrice  maintient  l'ordre  de  l'uni- 
vers, à  l'inOuence  exercée  sur  les  choses  de 
ce  bas  monde  par  de  bons  et  de  mauvais 

S;énies;  tous  crovaienl  à  IH^ffiracitéde»  sacri- 
Iccs,  des  rites  funèbres  el  de*?  cérémonies 

3V 


H067 


RAG 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAG 


m 


pratiquées  par  les  prèlres,  condidérés  comme 
médiateurs  nécessaires  entre  le  peuple  et  les 
puissances  invisibles. 

Des  institutions  au  fond  peu  différentes, 
des  croyances  tout  à  fait  analogues  se  se- 
raient de  même  offertes  à  nous,  si  nous 
avions  tourné  nos  regards  vers  les  nations 
barbares  du  nord  de  TAsie.  La  conversion 
(le  ces  nations  qui  ont  adopté  en  même  temps 
que  le  christianisme  beaucoup  des  idées 
des  peuples  civilisés,  et  quelques-unes  de 
leurs  habitudes,  nous  eût  lourni  pour  This- 
toire  de  Tesprit  humain  des  chapitres  tout 
aussi  curieux  qu'aucun  de  ceux  qui  ont  été 
•consacrés  à  décrire  chez  d'aulres  peuples  ce 
grand  changement  et  tous  ceux  qu'il  entraîne 
a  sa  suite. 

Nous  serions  sufBsamçi^nt  autorisé  à  lais- 
ser décote,  comme  trop  peu  connus,  les 
habitants  de  la  Nouvelle-Hollande,  puisque 
jusqu'ici  il  ne  s'est  trouvé  personne,  pour 
ainsi  dire,  qui  pût  converser  avec  eux,  oui 
pût  comprendre  l'expression  de*leùrs  idées 
et  de  leurs  sentiments.  Mais  si  l'on  insistait 
pour  qu'ils  fussent  compris  dans  le  champ 
de  notre  investigation ,  admis  à  fournir  des 
preuves  pour  ou  contre  les  conclusions  aux- 
quelles nous  sommes  arrivé ,  nous  dirions 
3ue  les  informations  les  plus  récentes  ten- 
ent  toutes  à  modifier  Tidée  qu'on  a  eue 
si  longtemps  de  l'extrême  dégradation  men- 
tale de  ces  pauvres  gens ,  et  à  les  relever  à 
nos  yeux.  Ce  sont  des  êtres  dégradés,  nous  en 
convenons  ;  nous  accordons  aussi  que,  sous 
le  rapport  de  la  rie  extérieure ,  les  tribus 
avec  lesquelles  nos  colons  ont  eu  jusqu'ici 
principalement  affaire,  sont  dans  un  état 
plus  misérable  peut-être  qu'aucune  autre 
race  d'hommes,  car  elles  sont  étran^sères  à 
tous  ces  arts  qui  seuls  pourraient  rendre  leur 
existence  un  peu  douce  daus  le  pays  qu'elles 
habitent,  pays  où  elles  ne  trouvent  aujour- 
d'hui de  moyens  de  subsistance  qu'à  la  con- 
dition de  vivre  par  troupes  peu  nombreuses 
disséminées  sur  de  vastes  espaces  de  ter- 
rain. Hais  il  y  a  lieu  de  croire  que  nous 
n'avons  vu  encore  que  les  plus  pauvres  de 
toutes  les  tribub,  et  que  plus  loin,  vers  lo 
Nord,  ou  peut-être  dans  les  parties  cen- 
trales de  cette  grande  lie,  il  existe  des 
populations  qui  ne  sont  pas  à  beaucoup  près 
aussi  misérables  et  aussi  sauvages  que  celles 
des  côtes  méridionales.  Quant  à  ces  derniè- 
res mêmes ,  il  s'en  faut  de  beaucoup ,  je  le 
répète ,  qu'elles  soient  telles  qu'on  nous  les 
a  représentées,  et  tout  ce  qu'on  nous  disait 
de  leur  extrême  stupidité  s'est  trouvé  com- 
plètement dénué  de  fondements.  Les  obser- 
vations les  plus  récentes  etles  plus  dignes  de 
fol  nous  permettent  de  reconnaître,  chez 
ces  hommes,  tous  les  germes  des  sentiments 
et  des  idées  qui,  développés  par  la  culture , 
donnent  lieu   chez  d'autres  nations  aux 

(1134)  c  Eli  un  mot,  il  u'y  a  sur  la  terre  ni  qua- 
tre, ni  cinq  races,  ni  des  variétés  exclusives  :  les 
eoiisiilations  rentrent  les  Uiies  dans  les  autres,  les 
fornes  suivent  leur  type  original  et  ne  sont  toutes, 
en  résultat,  que  des  ombres  du  même  tableau  qui 


<i> 


(!• 


Elus  nobles  manifestations  de  la  nature 
umaine. 

En  résumé,  si  nons  considérons  reosem- 
ble  des  êtres  qui  jouissent  de  l'exercice  de 
la  raison  et  possèdent  l'usage  delà  naroie, 
nous  trouvons  chez  tous  {quelque  différencti 
qu'ils  puissent  présenter  d'une  famille  à 
Tautre  sous  le  rapport  de  l'aspect  extérieur) 
les  mêmes  sentiments  intérieurs,  les  mèio^ 
désirs ,  les  mêmes  aversions  ;  tous  aa  fon  i 
de  leur  cœur  se  reconnaissent  soiiiiiis 
à  l'empire  de  certaines  puissances  iuviM 
blés  ;  tous  ont ,  avec  une  notion  ))1us  (m 
moins  claire  du  bien  et  du  mal,  la  couscieoœ 
du  châtiment  réservé  au  crime  par  les  a^tiiL^ 
d'une  justice  distributive  à  laquelle  }a  mon 
même  ne  peut  soustraire  ;  tous  semonimii. 
quoiqu'à  différents  degrés,  aptes  k  recevuir 
la  culture  qui  développe  les  facultés  de  Fiv 
prit,  à  être  éclairés  par  la  lumière  |>lu> 
vive  et  plus  pure  que  le  christifinisIûe^^ 
pand  dans  les  Ames ,  à  se  conformer  u\ 
pratiques  de  la  religion,  aui  habitudes  t!> 
la  vie  civilisée;  tous,  en  un  niot,0D)ii 
même  nature  mentale.  Quand  donc  mii 
rapprochons  de  ce  fait  qui  est  inconte^InjA 
ceux  qui  se  rapportent  à  la  dirersité . 
instincts  et  des  autres  phénomènes psjchr 
logiques  des  animaux ,  diversité  su;  1 
Quelle  rei)ose  principalement,  comme  liou> 
1  avons  fait  voir,  la  distinction  des  espèces, 
nous  nous  sentons  pleinement  autorisa  ^ 
conclure  que  toutes  les  races  humaines 
appartiennent  à  une  seule  et  même  es- 
pèce, qu'elles  sont  les  branches  d'un  Ir^n 
unique  (112/itj. 

§xi. 

Priorité  des  nées. 

Dès  que  la  méthode  scientifique  a  cessé  àc 
mutiler  les  questions  de  leur  jîartie  antique 
et  transcendantale,  on  a  vu  poindre  le  Jesi 
de  poser  le  problème  de  la  priori.édes  rsr 
après  le  problème  de  l'unité  ou  de  la  m 
tiplicitédes  espèces.  Il  yades  non-unitnir 
de  bon  accommodement  qui  réduisent  leur 
exigences  à  deux  espèces  premières,  un 
blanche  et  une  noire,  dont  1  union  expli]u 
rail  toutes  les  variétés  aujourd'hui  connue 
Ce  que  l'on  sait  du  croisement  ne  («rm 
pas  d'exagérer  à  ce  point  Timporlance  n 
son  rôle.  D'autres  critiques  voudraientiiui 
l'explosion  simultanée  de  toutes  lesouancr 
actuelles  dans  la  deuxième  ou  troisièi» 
génération  de  la  famille  adamique,  paru? 
spontanéité  comparable  à  celle  des  couleu' 
que  nous  voyons  apparaître  dans  une  g 
nération  d'animaux  domestiques;  une  cu' 
vée  de  poulets,  une  portée  de  chais,  de  '^ 
pins,  etc. 

En  admettant  ce  fait  primitif,  il  restera 


à  savoir  pourquoi  la  même  bigarrurâ  ne  rc 
paraît  plus  au  même  degré  et  pourquoi  .'d 

s'éieod  à  travers  tous  les  Ages  et  sor  toutes  les9«^ 
lies  d*i  la  terre;  elles  appartieitiient  doac  mwi^ 
un  systèiue  d^hisioire  naturel  e  qu*à  ooe  histp^fi 
pliysiuue  et  géographique  du  genre  homaiii.  »  (1*^* 
DER,  idéei  sur  ChûL de rhumanité^  I.  tu,  c. i) 


R࣠


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


1070 


(oaleors  Tenues  sponUméineat  se  seraient 
(lerpétuées  par  la  génération  f 

Ce  que  nous  avons  déjà  dit  de  la  puissance 
des  milieux  et  de  Ténergie  physiologique 
des  races  dans  le  monde  ancien  ré|M)ndrâit 
josqn'à  un  certain  point.  La  principale 
incertitude  serait  reportée  sur  la  couleur  et 
Il  forme  première  d  où  les  autres  formes  et 
couleurs  auraient  détié.  Cette  question  pb?* 
siologique  est  très-importante,  puisqu  elle 
renfermé  le  grave  prooième  moral  :  L*bu» 
manité  a-t-elie  commencé  par  la  citilisation 
oa  par  la  baiiMrie  f 

Admettons  la  croyance  iaTorite  de  notre 
ergoeil  :  L'homme  blanc  est  Félaboration 
la  pins  aTanoée  de  Tintelligence  et  de  la 
beauté:  il  nous  faudra  conclure  que  le 
progrès  humanitaire  est  un  accident  rare  et 
leot  ;  car  les  races  blanches  ne  forment  pas 
même  un  tiers  de  Thumanité  entière.  Si 
l'homme  basané  ou  noir  fut  Tbomme  primi- 
tif» il  s^Dble  dcTOir  attendre  encore  sa  trans- 
furmation  deux  fois  le  temps  employé  par 
ta  nôtre,  en  supposant,  chose  fort  douteuse, 
■{oe  toutes  les  sônes  puissent  s'harmoniser 
ivec  une  race  unique  et  blanche  1 

yos  lecteurs  sont  préparés  à  une  doctrine 
(îasconsoianteet  plus  prouvée.  Le  basané 
eî  le  Doir  sont  des  dégénérescences  du  type 
;  noiitif .  Mais  le  retour  vers  ce  ty pe,  pos- 
nide  par  les  voies  lentes  de  fémigration, 
•J'i  [progrès  social  et  des  croisements,  ce 
retour  s*opère  instantanément  par  l'albi- 
nisme ;  phénomène  exceptionnel  qui  reoons- 
Lrjic  et  démontre  la  règle  première. 

Un  couple  albinos  peut  colociser  des 
^Uocs  au  beau  milieu  de  populations  basa- 
lées,  quand  le  climat  permettra  le  maintien 
fe  ces  blancs  et  leur  élargissement  en  na- 
ioo.  Cette  théorie  me  paraît  une  d«!S  ex- 
plications les  plus  vraisemblables  de  ces 
songes ,  tribu  blanche  découverte  sur  le 
aut  plateau  de  l'Afrique  méridionale,'  et 
e  plusieurs  tribus  fort  pâles  rencontrées 
or  les  régions  fraîches  des  Alpes  améri- 
aines. 

Ce  serait  abuser  du  même  fait  que  d'ac- 
p-pter  sans  téserwe  la  tradition  cingalaise,  et 
attribuer  k  on  couple  albinos,  issu  de  pa- 
srnts  basanés,  Torigine  et  le  développe- 
lent  de  la  race  blanche  tout  entière.  Cette 
Ke,  en  Asie,  est  enserrée  sur  trois  cAtés 
ir  les  races  basanées  :  même  en  Europe  et 
3  Afrique  septentrionale,  les  lapons  et  les 
ègres  loi  servent  de  cadre,  comme  les  ha- 
ines et  les  noirs  dans  I  Amérique  et  Idans 
élites  les  oolonies.  La  race  blanche,  consi- 
brée  sur  la  mappemonde,  a  vraiment  Tair 
on  grand  albinisme.  Hais  nous  allons  voir 
ue  cet  argnment  est  plus  spécieux  que  so- 
dé. 

Un  savant  prélat,  à  qui  Tethnoç'aphie 
r>i(  un  exposé  concis  du  dogme  unitaire , 
écUre  que  la  priorité  de  telle  ou  telle  race 
^t  plus  difficile  à  établir  oue  le  départ  de 
>iites  d^une  seule  lamille.  Il  rentre  simple- 
>eQi  dans  les  données  traditionnelles  rela- 

ves  à  la  couleur  de  nos  premiers  i»aren (s, 


sans  déduire  des  motifs  scientifiques  oe  cette 
conclusion. 

Prichard,  dans  sa  première  collection  eth- 
nographique, avait  posé  Tétat  primitif  et 
Thumanité  dans  la  race  nègre,  et  ses  progrès 
successifs  dans  le  passage  au  basané  et  au 
blanc.  Son  dernier  livre  n*a  |>as  repnnluit 
cette  opinion  plus  inoflensive  assurément 
que  celle  de  la  graduation  des  Ames.  Pri- 
chard excelle  à  colliger  des  faits  et  même  à 
les  rapprocher  avec  sagacité.  L*ethnographie 
doit  une  reconnaissance  infinie  à  son  savoir 
et  à  sa  patience.  Mais  cette  masse  de  faits 
voile  plutôt  qu'elle  ne  fait  éclater  îa  thèse 
unitaire  ;  l'argument  philosophique  est  in- 
décis comme  la  conclusion  d'une  foule  de 
hautes  questions  de  morale  et  d'histoire 
qu'il  est  bon  d'entamer  avec  modestie,  mais 
périlleux  d'abandonner  avec  le  doute. 

La  priorité  de  l'état  sauvage  ou  de  la  civi- 
lisation est  une  des  questions  laissées  par 
lui  dans  ce  douloureux  suspens»  L'antério- 
rité de  la  race  nègre  trancherait  l'incerti  - 
tude,  mais  enfaisant  commencer  l'humanité 

Er  la  vie  sauvage  dont  le  nègre  porte  la 
xée  la  plus  prononcée.  La  bouche  forte  et 
les  ç*osses  oreilles  des  ra.oes  basanées  sont 
aussi  des  signes  de  décadence.  D'ailleurs  la 
position  géographique  des  n^res  ou  quasi- 
nègres,  est  aussi  variée,  mais  toujours  elle 
se  trouve  à  l'extrémité  des  rayons  chroma- 
tiques que  nous  avons  vus  divorcer  de  l'Asie 
centrale  :  l'Afrique,  Halacca,  I  Océanie,  la 
Californie,  les  lies  Aléontiques. 

Desmoulins  avait  placé  les  nègres  au  Né- 
paul  où  l'on  a  trouvé  des  blonds.  L'hypo- 
thèse de  Prichard  se  serait  fort  accommodée 
de  cette  supposition.  La  race  placée  à  l'ex- 
trémité du  rajon  peut  indiquer  la  première 
et  la  plus  lointaine  émigration  de  l'huma- 
nité, mais  non  son  premier  éiat  qui  a  été 
modifié  par  des  climats  nouveaux  et  par  des 
décadences  sociales. 

Le  nègre,  type  primitif  de  l'humanité,  se 
rencontrerait  encore  parfois  dans  les  crises 
éprouvées  par  les  autres  races  déviées  de  ce 
type.  L'albinos  est  un  accident  Irés-fréquent 
chez  toutes  les  races  basanées  et  même 
nègres.  Le  roux  est  un  accident  plus  rare 
chez  celles-ci,  mais  constaté  aussi  chez  les 
basanées  et  fréquent  chez  les  blanclies.  Chez 
r«lles-ci,  au  contraire,  le  mélanisme  n'est 
que  partiel*  indécis  et  rare.  Le  mezzo-ter- 
mine  de  toutes  les  nuances,  l'albinos  robuste, 
le  roux,  réunit  seul  toutes  les  conditions 

Ehysiologiques  pour  l'origine  de  la  famille 
umaine  et  [X>ur  ses  permutations  succes- 
sives. 

Toutes  les  races  se  ressemblent  dans  la 
première  enfance,  puisque  les  races  les 
plus  basanées  naissent  souvent  dans  une 
peau  claire  et  des  cheveux  très-blonds,  sorte 
d'albinisme  temporaire  qu'on  a  observé 
partout.  On  trouve  encore  une  analogie 
singulière  entre  la  face  des  jeunes  enLnts 
blancs  et  la  face  des  adultes  chez  les  nations 
colorées;  un  petit  nez  relevé,  caché  entre 
d'énormes  pommettes  de  joues  turgides  qui 
{gonflent  les  lèvres,  même  au  delà  du  ni- 


107i 


RAG 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RA€ 


I07i 


veau  du  nez.  L'enfance  sociale  des  nations 
basanées  se  marquerait-elle  aussi  sur  les 
traits»  comme  on  a  cru  voir  les  étals  sociaux 
se  graduer  dans  la  configuration  des  crânes? 
Curieux  aperçus,  gravos  questions  que  le 
temps  et  îa  science  devront  mûrir. 

§XIL 

JEdQcabilîté  de»  races.  —  Eut  «auvage.  —  Circonsunees 
•qui  conconrenl  an  perfecUonnement  ou  à  la  dôgéuéra- 
iioa  des  races. 

f/éduc^bilité  sociale  des  races  et  des  indi- 
vidus n*étant  contestée  que  dans  le  degré, 
non  dans  le  principe,  l'avenir  des  races  les 
plus  mal  partagées  est  encore  consolant, 
puisque  les  partisans  de  Tinégalité  des  apti- 
tudes sont,  par  contre,  les  croyants  les  plus 
fervents  du  progrès  indéfini  de  Thumanité 
entière.  Peut-être  se  flattent-ils  de  recueillir 
les  principaux  profits  de  ce  travail  par  droit 
de  direction  et  d'initiative,  car  la  race  hlan- 
4^be  ou  adamique  est,  disent-ils,  Téducateur 
sous  lequel  les  races  noires  et  même  les  ba- 
sanées ne  seraient  jamais  sorties  de  Tétat 
sàuv/ige  (1125). 

il  faut,  une  fois  de  plus,  reconnaître  ici 
que  l'erreur  n*est  qu'un  côté  de  la  vérité,  à 
laquelle  les  bons  esprits  de  tous  les  partis 
sont  obligés  de  rendre  hommage,  à  leur  insu 
ou  à  leur  escient  1  Acceptons  ce  dogme  d'un 
enseignement  mutuel  de  la  civilisation , 
dogme  qui  est  la  résultante  perpétuelle  do 
nos  recherches  historiques;  mais  en  te  sé- 
parant de  deux  idées  accessoires,  hautement 
xiémenties  par  l'histoire  :  l*"  que  la  race 
blanche  n'a  jamais  eu  besoin  d éducateur; 
"^  que  les  éducateurs  ont  toujours  été  des 
blancs 

1*  L'histoire  des  nations  européennes  qui 
doivent  tant  aux  Grecs  et  aux  Romains  nous 
montre  la  part  de  la  tradition  incompara- 
blement plus  forte  que  celle  de  l'initiative. 
Les  deux  grands  peuples  anciens  étaient 
précisément  dans  la  même  situation  vis-à- 
vis  d'autres  peuples  antiennes,  Etrusques, 
Scythes,  Thraccs,  Phéniciens,  Egyptiens, 
Indiens.  M.  de  Maistre,  si  sévère  pour  le 
génie  grec,  l'a  réduit  au  courtage  de  la  science 
entre  l'Asie  et  l'Europe  l  L'astronomie,  la 
géométrie,  lui  vinrent  d'Egypte;  la  philoso- 

S'iio,  la  musique,  de  l'Asie  Mineure.  Si  M.  de 
aistre  eût  vu  les  temples  grecs  après  ceux 
(le  Thèbes,  les  chapiteaux  h  palmes  e(  à 
lotus  à  côté  du  chapiteau  d'acanthes,  il  au- 
rait de  plus  belle  crié  au  plagiat,  à  la  sté- 
rilité, peut-être  même  en  marchandant  la 
concession  de  goût  et  d'élégance  I  Le  génie 
d'aucune  nation  ne  résisterait  à  une  pareille 
analyse.  La  gloire  de  chaque  peu|)le  ne  sub- 
sistera sans  partage  qu'à  la  condition  dé  se 
perdre  dans  la  nuit  des  temps;  d'avoir  oublié 
ou  fait  oublier  ses  maîtres.  Depuis  que 
l'histoire  existe,  il  n'est  plus  permis  aux 
initiés  d'égorger  les  initiateurs  :  qu'importe 
une  petite  souffrance  d'orgueil  national  au- 
près de  cet  hommage  à  la  vérité,  à  la  charité 
universelle  7 

(1125)  Bort-Saint- Vincent,  L'homme. 


2*  Rien  ne  s'oppose  à  croire  Wanrs  les 
anciens  Thraces  ou  Scythes;  mais  il  faai 
n'avoir  jamais  vu  les  monuments  égyptiens 
ou  les  tombes  étrusques  poor  gratifier  d'une 
peau  blanche  ces  Egyptiens,  educate^Ts  de 
la  Grèce,  et  ces  Phéniciens,  édacateursdes 
Etrusaues,  Gaulois  et  Ibères.  La  ciTilisilirn 
qui  éleva  les  merveilleux  monumcnls  d> 
j  ancienne  Amérique  appartenait  à  «ne  rar» 
dont  les  modernes  Américains  $m  la  con- 
tinuation. La  civilisation  chinoise  eut  son 
principe  dans  une  émigration  indoue,  et,  \ 
en  juger  des  temps  passés  par  le  préseni,  lej 
maîtres  étaient  encore  plus  basanés  q'jf  Ici 
élèves.  Enfin ,  quoiqu  il  en  coûte  è  noir<^ 
amour-propre  et  à  notre  épiderme.  ceit 
même  race  indoue  paraît,  selon  toutes  Ir 
conjectures,  avoir  été  TinstitaUrice  des  Scy- 
thes, nos  aïeux. 

Ai-je  besoin  de  rappeler  que  plusieund 
ces  hordes  scythes  vivent  ou  plutôt  fé^èlec. 
encore  à  Tétat  pastoral  dans  les  steppej  nv 
l'Asie  septentrionale,  comme  tant  de  trii: 
sémites  dans  les  déserts  de  l'Asie  mM- 
nftie,  et  comme  quelques  {)euples  ^nm- 
dormis  au  centre  même  de  l'Europe,  lir'* 
que  des  prédicateurs  à  chevelure  lain^* 
propagent  le  Koran  au  cœur  de  l'Afrique. 
Si  toutes  les  races  ont  été  ou  peutcnUirv 
alternativement  maîtres  et  élèves,  au£ur.t, 
quelles  que  soient  ses  aptitudes,  na  {ii)<c 
en  elle  seuie  tous  les  éléments  de  son  êiio- 
cation.  Tout  précepteur  a^ant  été  p^éalâbi^ 
ment  enseigné,  la  première  initialife  do^i 
avoir  été  une  révélation.  L'homme,  créé  pir 
Dieu,  sortit  des  mains  du  Lréaleur  œuTr» 
parfaite,  adulte  de  corps  et  d'esprit. 

Nous  sommes  arrivés  au  même  résulhi 
pat  l'étude  des  langues,  instiiiment  preinw 
et  dernier  de  l'éducation  des  peuples,  ctdiffi* 
lequel,  au  moins,  leur  égalité  d  aptitude  e^t 
incontestable,  puisque  sauvages,  barbares 
policés,  blancs,  noirs  et  basanés  oui  co-r 
serve  vivant  ce  magnifique  héritage.  l« 
Guaranys,  les  Cherokis,  aussi  hicu  qae  l« 
Grecs  et  les  Latins,  se  sont  trourés  prfi 
pour  recevoir  la  civilisation  et  le  chrisiii- 
nisme. 

Le  principal  honneur  de  la  conserraii'^î 
ou  plutôt  de  la  rénovation  incessante  "/«î 
langues  revient  moins  à  Tindividu  qu^t^^ 
masses.  C'est  l'œuvre  de  l'esprit  d'asso^» 
tion,  attribut  perpétuel  de  l'humanité,  tiij 
de  la  plus  grande  ressemblance  entre  H 
hommes  de  tous  les  temps  et  de  tous  H 
lieux.  Si  l'aile  de  l'oiseau  implique  la  n>»*' 
tance  de  l'air,  si  la  forme  du  poisson  v 
montre  la  fluidité  de  l'onde,  la  sociabilii^  \ 
Thomme,  ses  notions  innées  de  Mo»  • 
vrai,  de  juste,  impliquent  avec  la  rot r 
évidence  sa  destinée  véritable.  Quell'  > 
soit  la  dégradation  momoniauéedequeii^ 
hommes,  la  civilisation  est  leur  Iml  o  ;-^ 
rieur;  elle  lut  leur  cadre  originaire. 

Ce  n'est  pas  dans  Tétat  sauvage  qti  H  >*"- 
aller  chercher  la  vraie  origine  <1?  '^*|J^' 
et  les  fondements  du  contrat  social  H-  ■ 


(it*26)  Cesl  Vo^mwx  de  Ftéà.  Scliel^^ 


\yy 


075 


RAC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


107i 


l/hommo  a  toujours  eu  dc^  devoirs  en  même 
vmpa  que  des  droits  !  L'égoisme  voudrait 
friper  de  ceux-ci  en  éludant  ceux-là  ;  l'im- 
iionlilé  s*efforce  de  garder  les  droits  pour 
rii  en  versant  les  devoirs  sur  autrui  !  Tou- 
ii'irs  Passocialion  humaine,  fût-elle  réduite 
une  fdiiiille,  a  senti  que  tout  bonheur  fui 
ionné  avec  une  compensation»  tout  plaisir 
vec  une  cbargei  la  récolle  après  le  travail, 
amour  avec  la  paternité  et  la  maternité,  la 
ttier(é  avec  la  responsabilité  t 
La  dégradation  sauvage  qui  trouble  mais 
VHeint  jamais  complètement  ces  notions, 
iV^t  que  la  chute  de  Thonime  vers  la  nature 
nimste  au  préjudice  de  sa  nature  morale. 
Ictte  alliance  avec  deux  mondes  prouve  le 
iinflit  aa  milieu  duquel  sà  liberté  fut  sus- 
f^ndue.  Par  eUe  aussi  la  terre  tout  entière 
]t  ouverte  à  son  activité. 
Nous  pouvons,  avec  Scblôzer,  classer  les 
irton5tances  qui  concourent  au  perfection- 
(>D;eot  ou  à  la  dégénération  de  l'homiûe, 
ros  les  dénominations  suivantes  :  Toc- 
Jtpation,  la  dominaiiofif  la  rtligion  et  les 
(mnr. 

•  Vnccupaiwn  est  à  peu  près  synony m  e d'iii- 
utTie  nourricière^  parce  que  la  principale 
«npation  de  Thomme  a  médiatement  ou 
joédialement  pour  but  de  pourvoir  à  sa 
iiaslanro,  au  besoin  inévitable  et  toujours 
wiNsanl  de  se  iieurrir. 
'l'histoire  de  tous  les  peuples  et  de  tous 
îMemps  démontre  Télonnante  influence 
anerce  sur  Thomme  physique  et  moral 
Mu.mière  de  se  procurer  sa  nourriture.  La 
r^inière,  et  par  conséquent  celle  qui  est  la 
'Q^  propre  aux  peuples  les  moins  civilisés, 
'ûtla  chasse  et  la  pèche,  car  nulle  part  la 
ffe  ne  produit  d'elle-même  suffisamment 
î '|uoi  faire  subsister.  L'homme  purement 
»^selJr  est  aussi  insociable  et  pres<|ue  aussi 
wiuche  (jue  l'animal  sauvage  (1127j.  L'ich- 
'f 'lage  rest  nooins,  mais  il  est  plus  faible 
I  lus  stupide,  parce  que  la  |)éche  n'exise 
tant  de  force,  ni  tant  de  ruses  çiue  la 
«>^e.  Le  premier  pas  vers  la  civilisation 
I  !*entretien  du  bétail  qui,  néanmoins, 
^l'rès  le  naturel  des  animaux  devenus  do* 
^"«îiques,  tels  que  le  mouton,  le  bœuf,  le 
<^al,  etc.,  produit  des  effets  différents. 
*JS  en  général,  ce  genre  dlndustrie,  favo- 
^nl  le  rapprochement  entre  les  hommes, 
^i  les  mœurs  plus  dopées,  exige  et  pro* 
j^de  la  dextérité,  et  donne  naissance  à 
^institutions  sociales.  Cependant  les  peu- 

»o.  el  de  bien  d'autres.  Niebulir,  qui  nie  aussi 
'i^ine  (le  la  civilisation  dans  Télat  sauvase,  aflirme 
'<e  demii-r  état  H*est  jamais  descendu  jusqu^à 
t'&'nce  de  la  parole.  Ceci  est  une  proiestatioa 
B'^^'K^use  eODire  les  doctrines  du  xvni'  hiéclf,  ei 
pii'^iie  la  croyance  à  une  tradition  connue.  Mais, 
r  lioe  fontradîclion  iuexplicabie  dans  un  esprit 
t\ic\é,  et  pourtant  frénnente  dans  ses  ouvrages, 
fbubr  admet  la  nmllipiiciié  des  civilisations  au- 
Uh<in<*9,ei»  loin  d'accepter  le  fait  si  éviJeiit  et  si 
r<i>nu,  réducatlon  d*un  peuple  barbare  ou  sau- 
rç  uar  rimportation  d*une  civilisation  [étrangère, 
^^lare  qu*uiie  pareille  împorution  fait  toujours 
nr  le  peuple  qtit  la  reçoit,  il  cite  en  exemple  des 


pies  nomades  ne  peuvent  encore  passer  pour 
civilisés;  ce  n'est  que  par  la^icul/i«re 
qu'ils  cessent  d^étre  barbares.  L'agriculture 
fait  vivre  un  grand  nombre  d'hommes  dans 
un  espace  resserré,  leur  af>pread  à  s'entr'ai- 
der,  demande  de  Tactivité  et  de  l'ordre, 
exige  l'union  et  la  justice  ;  elle  présuppose 
donc  un  ordre  social,  un  gouvernemenl,  des 
lois»  et  en  outre  diverses  inventions  et  cou- 
naissances;  elle  en  entratoe  d'iiulres  h  sa 
suite  et  présente  des  ressources  pour  les 
crises,  la  sûreté  et  les  jouissances  ae  la  vie. 
11  existe  néanmoins  un  degré  de  civilisation 
plus  élevé,  VindHstrie  et  le  commerce,  qui 
suppléent  è  ce  aue  l'agriculture  a  de  défec- 
tueux, qui,  par  m  transformation  et  le  per- 
fectionnement, donnent  une  valeur  infini- 
ment plus  grande  h  ses  produits,  font  vivre* 
les  hommes  étroitement  en  communauté,  et 
îes  enrichissent  mén>e  sur  un  sol  ingrat. 

«  L'industrie  et  le  commerce  ne  j^euvent 
prospérer  que  dans  un  état  parfaitement 
social,  et  ils  le  fondent;  ils  multiplient  les 
relations  communicatives  entre  lee  peuples 
et  les  individus,  fournissent  des  matières  à 
la  réflexion,  et  des  ressources  inépuisables  . 
aux  arts  et  aux  sciences;  ils  répandent  les 
idées,  les  inventions  et  les  découvertes,  de 
même  que  les  marchandises  donnent  l'éveil 
aux  facultés  et  aux  talents,  et  les  dévetop- 
pent.  Au  surplus,  ces  divers  genres  d'indus- 
trie nourricière  ne  sont  que  rarement  tout 
à  fait  séparés  ;  il  y  a  plusieurs  peuples  chas- 
seurs qui  cultivent  en  même  temps  Tagri- 
culture;  il  y  a  aussi  plusieurs  peuples  no- 
mades qui  font  le  commerce,  etc.  On  ne  peut 
juger  du  degré  de  civilisation  qued'aprèele 
genre  d'occupation  prédominant  chez  un 
peuple,  dans  la  réunion  de  coi^onctures  sem* 
Diables. 

«  L'occupation  habituelle  des  peuples  in- 
flue considérablement  aussi  sur  la  forme  de 
leur  gouvernement;  la  vie  agitée  des  peu- 
plés chasseurs  et  la  vie  vagabonde  des  no- 
mades tendent  à  l'anarchie  et  à  la  licence; 
l'affricullure  et  le  commerce  conduisent  à 
l'observance  des  lois  et  à  l'ordre  social.  Ce- 
pendant la  forme  et  le  mode  de  gouverne- 
ment sont  tixés  par  beaucoup  d'autres  cir- 
constances, d'après  le  climat  et  le  sol,  le 
caractère  national,  et  le  degré  de  civilisation; 
souvent  aussi  par  l'effet  du  hasard,  par  des 
influences  extérieures,  par  la  manière  de 
penser,  le  génie  et  Tautorité  de  quelques 
individus;  et  la  même  forme  de  gouverne- 
peuples  ë*Amériaue  ou  d*Afriqua,  les  Nulebet,  les 
Californiens,  les  Hottentots,  qui,  probatdement^  ont 
assez  mat  compris  et  assex  mal  aceueitli  la  civilisa- 
tion importée.  11  y  ajoute  les  Guaranys,  que  la  civî- 
iiiai  on  CâDacnole  acoustiiués.  et  qu'elle  empêchera 
de  (érir. 

(itâ7)  c  Nulle  part,  dh  M.  de  llumboldt,  on  D*a 
vu  le  sauvage  libre  et  errant  dans  les  forêts  de  la 
zone  tempérée,  abandonner  de  son  gré  la  vie  de 
chasseur  pour  embrasser  la  vie  agricole.  Ce  Bas- 
sage,  le  plus  diOtcite  et  le  plus  important  dans  I  bia* 
toire  éti  sociétéft  buroaiaes,  ne  peut  être  ameué 

2ue  par  la  force  des  riroonstanoes.  i  (Ymtê  des 
ordiUères,  etc.,  1. 1'',  Introduction.) 


IU75 


RÂC 


DIGTI0NNA1RE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


1015 


meul  peul,  d^apràs  la  diversité  du  caractère 
des  chefs,  produire  des  résultats  apposés. 
Mais  Iqs  gouvernements  et  les  gouvernants, 
les  lois  et  les  juges  ont  toujours  l'influence 
,  la  plus  positive  et  Fa  plus  répandue  sur  Té- 
tât des  peuples.  C'est  de  cette  influence  aue 
dépend  le  bien-être  ou  le  malheur  public» 
l'état  de  civilisation  ou  de  barbarie,  le  per- 
fectionnement ou  la  dégénération  ;  et  l'his- 
toire du  genre  humain,  d'après  ses  carac- 
tères disttTictifs  les  plus  marquants,  est 
celle  des  gouvernements  et  des  souverains. 
n  La  religion^  le  trésor  le  plus  sacré  qui 
ait  été  acconlé  à  l'homme,  agit  aussi  puis- 
sammenf,  quoique  moins  visiblement,  sur 
l'état  de  l'homme  et  des  peuples;  car  tout 
homme  doué  de  la  pensée  et  du  sentiment 
croit  à  un  Dieu  et  à  l'immorlalité,  ou  tout 
au  moins  ii  en  a  quelque  pressentiment. 
Cette  idée,  quoi  que  puissent  en  dire  les  es- 

Erits  iorts  qui  la  traitent  de  préiugé,  est  la 
ase  de  la  morale  publique;  elle  affermit 
le  pouvoir  des  lois,  détourne  de  telje  action 
qui  échappe  è  l'oeil  du  législateur  ou  au 
bras  de  la  justice,  et  allège  par  des  conso- 
lations et  des  espérances  te  fardeau  pénible 
de  la  vie.  Mais  cette  croyance  se  montre, 
selon  les  peuples  et  les  temps,  plus  ou  moins 
altérée  dans  sa  pureté  par  \e  mélange  de  la 
superstition  et  ae  Timposture  ;  elle  a  péné- 
tre plus  ou  moins  avant  dans  le  cœur  hu- 
main ;  elle  ag[ii  avec  plus  ou  moins  d'cifet 
sur  la  conduite,  dans  la  vie  publique  ou 
privée;  les  législateurs  et  les  souverains 
s*en  sont  servis  avec  plus  ou  moins  de  sa- 
gesse pour  l'avantage  de  Thumanité,  de  la 
poliiiqpe  ou  de  i'égoïsme;  elle  a  été.plus 
ou  moins  soigneusement  conservée  par  ses 
véritables  dépositaires  —  les  prêtres  —  qui 
en  ont  proGté  ou  abusé  |>our  l'enseigne- 
ment puhfic.  Et  c'est  ainsi  que  la  reli^on, 
d'après  le  caractère  distinclif  et  Pespritde 
ses  formes,  la  tendance  de  ses  préceptes,  le 
génie  et  l'intérêt  des  prêtres,  a  contribué 
tour  à  tour  au  perfectionnement  et  à  la  dé- 
pravation, au  progrès  des  lumières  et  à  l'é- 
paississement  des  ténèbres,  à  la  civilisation 
et  à  la  dégénération,  au  bien  public  et  au 
malheur  des  peuples. 

«  Mais  ii  y  a  encore  toujours  différentes 
manières  de  mettre  en  pratique  ce  que  l'in- 
dustrie demande,  ce  que  le  souverain  or- 
donne, ce  que  les  prêtres  enseignent;  et 
la  vie  humaine  renferme  une  iniinité  d'ac- 
tions qui  ne  sont  point  immédiatement 
en  rapport  avec  l'industrie,  les  lois  ou  I4 
religion. 
«Ct^s  séries  d'actions,  ces  manières  d'a- 

Srir,  quoique  souvent  elles  paraissent  uni- 
ormes  et  résultantes  d*un  accord  tacite, 
s'appellent  mûsuru,  comtumeSf  usages.  Leur 
collection  forme  une  partie  intéressante  dç 
l'histoire  du  genre  humain  et  peut  faciliter 
la  recherche  des  causes  des  plus  impor- 
tantes révolutions,  telles  que  la  chevalerie, 
les  rapports  réciproques  des  deux  sexes  dans 
la  société,  leduel  (usage  prévalant  sur  les 
^ôis),  etc. 
«  Moins  les  lois  sont  positives  et  nom- 


breuses chez  un  peuple,  plus  TempiFe  des 
mœurs  y  est  répandu,  et  souvent  même  elles 
y  suppléent.  Elles  se  conservent quelauefois 
des  siècles  entiers  dans  leur  uniionuilé 
parmi  les  peuples  dont  la  civilisation  nest 
encore  guère  avancée.  Elles  sont  incertaines 
et  sujettes  au  diangement  chez  les  nations 
commerçantes  dont  les  populeuses  cités 
renferment  un  grand  nombre  d^éirangers. 
Mais  les  peuples  et  les  individus,  pour  It 
plupart,  tiennent  è  leurs  propres  mœurs, 
de  préférence  à  celles  qui  leur  sont  imi)oséa 
par  un  ioug  étranger. 

a  Voilà  les  principaux  motifs  de  la  n» 
riété  dans  l'état  de  l'espèce  humalDei 
(  Ch.  nsi  RoTTECK,  Hitfoir^  générait.  tniL 
Gunzer,  1. 1".) 

§  Ml. 

Déclinée  de^  racçs.— Progrès  ;  progcès  matënel;  pnfric 
moral  ;  c«  qa'il  en  fitul  penser. 

Progrès  est  aujourd'hui  le  mo(  d'onlm 
de  toutes  les  intelligences  vives,  etcuoi 
nous  plaisons  à  le  reconnaître ,  ces  iolt& 

Sences  sont  pour  la  plupart  stimulécsfv 
es  cœurs  généreux.  11  serait  doncuC 
fois  regrettable  d'êitre  en  dissentiment  ai||| 
elles  et  sur  les  commencements  de  Ils 
nité,  et  sur  le  rôle  respectif  des  races 
verses  âans  l'œuvre  immense  des  gén 
trions  passées  et  futures.  Comment iaire( 
tant?  les  plus  sincères  amis  du  progrès 
forcés  par  la  logique  même  de  Ijeurcrojanû 
défaire  commencer  le  d&véloppement  soâ 
par  la  plus  abjecte  barbarie;  que  dis-M 
par  rétat  bestial,  car  la  grande  diagoDAlt 
qui  doit  rencontrer  Dieu  en  coutinnaotla 
cension,  se  confoAd  avec  la  brute  à  V^^ 
extrémité. 
On  lions  dit  assez  explicitement: 
«  Des  singes  quadrumanes  ou  bimani 
eurent  un  jour  une  dernière  faculté  s 
ajoutée  aux  facultés  antérieures.  Ilseui 
la  pensée,  la  parole,  la  prévoyance;  ce^r 
événement  est  raconte  dans  les  traditi 
orientales  sous  le  mythe  d'Adam.  Ces 
mânes  étaient  déjà  de  plusieurs  coule 
mais  le  progrès  fut  le  lot  privilégié  des 
ces  blanches,  v 

Àinsiy  Dieu  aurait  fait  de  la  liberté  ei 
l'égalité  le.  point  de  mire  de  nos  efforts, 
imposant  aux  deux  tiers  de  la  création 
organisation  fatalement  incompatible 
elles  \  Dieua  donc  pour  tojjjours  disp 
tionné  les  moyens  et  le  but?  On  se 
contre  l,e  Dieu  jaloux  de  Moïse  donnaid 
i;in  petit  peuple  le  privilège  de  la  réréla' 
et  1  on  voue  froidement  à  l'ignorance  à 
pétuité,  à  l'impénitence  finale,  i  is 
entière,  toutes  les  races  noires  ou  basan 
Qui,  pendant  aue  lès  blancs  monteottri^ 
phalemen\  à  la  brèche,  ces  castes  par* 
cpmblentles  fossés  de  leùçs  cadavres  a(t^ 
mulés  ;  leurs  agonisants  se  tordent  sousna 
yeux  dans  les  angoisses  de  la  douleur»  safl» 
doute  pour  pratic|uer  le  dévouement  » 
exercer  notre  précieuse  sensibilité  IL'ioé^ 
lité  des  races  est  après  tout  comme  I  ui^V 
lité  des  rangs  dans  le  cadre  sociali  '«  wû' 


OTl 


RAC 


mCTlONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


RAC 


ton 


litioQ  de  l'ordre,  du  travail  et  du  progrès; 
)  rondilioQ  du  génie,  de  la  pitié,  de  Tab- 
lé^Mlion.  toutes  choses  et  mérites  que  1  é- 
âll(é  anéantirait.... 

Voilà  donc  des  égalilaires  partisans  des 
Hos,  des  privilèges  et  de  l'inégalité.  Voilà 
r.s  Immanitdires,  déshéritant  du  lot  social 
s  (Icui  tiers  des  hommes.  Âvançoos  avec 
«uragc  sans  nous  inquiéter  de  si  légères 

jiiiradictions 

Les  races  basanées  et  «noires  sont  donc 
•  Ntinées,  non  pas  à  èire  initiées,  mais  ab* 
jrbées  par  la  race  blanche  ou  adamique. 
De  auel  droit  alors  réprouver  la  guerre  au 
m  J*unc  douteuse  fraternité  ?  La  çuerre 
U  le  plus  puissant  moyen  d'absorption.  Il 
e  sagira  plus  que  de  bien  regarder  aux 
idles  de  la  peau;  les  peuples  de  r£urope 
apercevront  quelque  jour  qu'ils  sont  fort 
runs  au  midi,  fort  blancs  au  nord.  Les 
Di^lo-Aroéricains  viennent  de  renouveler  la 
\im  observation  sur  fes  races  espagnoles 
Il  Mexique,  après  l'avoir  énergiquement 
l'Iiquéeaui  Peaux-Rouges  de  leurs  forêts 
(le  leurs  prairies.  Mais  reprenons  avec 
iiie  le  raisonnement  par  sa  base. 
Ï£$  annales  de  tous  les  peuples  commen- 
>it  jiar  l'état  sauvage  fort  mal  déguisé  sous 
''(ûf  thés  ;  Adam  et  Eve  s'occupent  de  la 
-  j;riiure  et  des  vêtements,  Abel  est  pas- 
iirXain  agriculteur  ;  Enos,  appelé  Feu  par 
'H'boniaton,  est  le  mythe  aes  abris  per* 
^0'  nts  et  du  foyer  domestique.  Malhusala, 
'(){>his  se  séparent  et  colonisent.  Lamech 
>ri>(ruitdes  villages  et  des  parcs.  L'histoire 
'lûoise  reproduit  la  plupart  des  patriar- 
ies  que  les  bouddhistes, comme  les  raliona- 
^l«s  phéniciens  ou  erecs,  avaient  accom- 
"Ji'scnmylhe  significatif.  leou-Uhao,  il  y 
Il  des  cabanes  ;  Soui  gin^  l'homme  a  Tins- 
mmi  pour  le  feu. 

Trouver  dans  la  suite  des  patriarches  la 
nionstration  du  progrès  était  réservé  aux 
(«rprètes  venus  après  Evhemère,  Baumier 
Dupuis  I  Ils  ont,  à  plus  forte  raison,  re- 
imu  Tétat  sauvage  dans  les  annales  moins 
tilemeni  rédigées  que  celles  des  nations 
QH(es.  Mais  il  restait  à  prouver  que  ce 
mniencemcnt  des  annales  était  vraiment 
•njiine  de  la  wlion,  l'origine  de  la  race  1 
ins  relie  preuve  on  a  le  droit  de  dater 
^  .innales  d'une  ccnaissance ,  et  de  croire 
îw-ci  précédée  d'une  décadence  assez 
«pie  pour  avoir  fait  oublier  une  splen- 
^r  passée.  Disoivs  mieux,  les  souvenirs 
'ce  passé  glorieux  sont  reconnaissables 
'«isioules  les  annales  à. travers  les  exagéra- 
'ûbde  l'orgueil  et  les  ambages  d'une  tradi-^ 
wsans  monuments.  Ces  souvenirs  peu- 
»l  èirc  fortifiés^  reconstruits  de  *  toutes 
"^^^i  quand  nous  çetrauvons  des  monu*- 
^'its  Oubliés  par  une  postérité  dégénérée 
jï'nie  les  sauvages  américains, 
wîs  fanatiques  du  progrès  blaac  s'obsti- 
?nl  à  ignorer  que  les  races  phéniciennes, 
[Jjennes  et  égyptiennes,  désignées  par  ia 
'^je  sous  les  noms  do  Cham  et  Kouscb, 
-^KMji  presque  aussi  basanées  que  les  peu- 
»<»  u  Amérique.  Or,  les  sociétés  chamites, 


kouschites,  eurent  une  précoce  Ooraisou,  Can« 
dis  que  le  blanc  Japhet  est  demeuré  si  long- 
temps stationnaice.  SI  les  races  brunes  sont 
étrangères  au  progrès  et  ont  manifesté  de  si 
bonne  heure  quelque  chose  d'approchant, 
cela  ne  pouvait  tenir  qu'au  maintien  des 
traditions,  moins  oubliées  là  que  chez  leurs 
frères.  Nous  no  pouvons  nier  la.  décadence 
chez  ces  Chamites  dont  plusieurs  ont  disparu 
comme  les  Phéniciens,  et  dont  la  plupact 
sont  dégradés  comme  les  Nubiens  et  At>vs- 
sins,  presque  au  niveau  des  nègres.  Par 
malheur  ces  races  basanées  et  noires  ne  sem- 
blent pas  prêtes  à  l'absorption  dont  la  race 
blanche  les  menace  par  son  progrès  de  six 
ou  sept  mille  ans.  fles  races  noires  ou  basa- 
nées forment  encore  aujourd'hui. plus  des 
deux  tiers  de  l'humanité  :  700  millions  sur 
un  milliard. 

Ce  que  les  blancs  gagnent  en  JSurope  e  t  aux 
Etats-Unis  d'Amérique  compense. à.  peine  €6 
qu'ils  perdent  en  Perse,  dans  le  Caucase  et 
la  Turquie.  Les  pays  tropiques  (Kiraissent 
défavorables  à  leur  acclimatement,,  tandis 
que  ces  pays  aident,  avec  une  mervelUeuse 
puissance,  au  développement  des  races  co^ 
iorécs  autochthones,  importées  ou  métives« 
Les  Etats-Unis  méridionaux  du  Mexique, 
l'Amérique  éc[uatoriale,  le  Brésil  nont 
guère  qu'un  tiers  de  blancs  pour  deux  tiers 
de  nègres,  américains  ou  mulâtres.  Tcoia. 
cents  ans  de  colonisation  portugaise,  espa« 
gnole,  hollandaise  et  anglaise,  n'ont  placé 
dans  l'Inde  et  l'Indo-Chine,  qu'une  très-in- 
signifiante proportion  de  blancs,  balançant 
à  peine  les  continuelles  importations  de  la 
métropole  européenne. 

Et  enfin  le  progrès,  ce  levier  savam* 
ment  manœuvré  pour  prédire  notre  avenir 
éthéré  et  certifier  notre  commencement  ab* 
ject  ;  ce  progrès,  premier  terme  du  grand 
syllogisme,  aurait  lui-même  besoin  de  faire 
ses  preuves  avant  de  s'affirmer.  Le  progrès 
se  divise  en  matériel  et  moral  :  le  premier 
préoccupe  notre  époque  en  proie  à  une  acti« 
vite  à  tout  prix.  Mais  cette  activité  eût-elle 
un  but  précis  et  louable,  ne  peut  être  per- 
pétuellement croissante.  Les  métaux  les  pre- 
miers découverts  et  manipulés  par  l'homme 
sont  devenus  précieux  par  leur  épuisement. 
En  quoi  fera-t-oa  les  nouveaux  rail-ways, 
quand  le  prix  du  fer  aura  centuplé  par  la 
rareté  de  son  minerai?  sans  doute  avec  le 
bois  des  forêts  épuisées.  Avec  quoi  chauf- 
fera-1 -on  les  chaudières,  locomotives  et 
fourneaux ,  quand  bois  et  houille  seront 
achevés?  La  France,  dépeuplée  des  forêts,  ne 
recèle  pas  dans  ses  entrailles  assez  de  houille 
pour  alimenter  son  industrie  pendant  deux 
siècles.  De  quoi  se  nourriront  les  hommes 
quand  deux  ou  trois  milliards  peupleront  la 
terre,  l'eau,  et,  je  le  suppose,  les  villages  et 
vaisseaux  flottant  dans  l'air,  où.  l'on  aura, 
je  l'admets,  établides  stations  et  des  routes? 
il  faudra  bien  que  les  épidémies  et.  les  fami- 
nes recommencent  leurs  anciens  travaux  de 
nivellement;  que  l'industrie  se  paralyse, 

aue  des  temps  d'arrêt  permettent  aux  forèta 
e  pousser,  aux  tourbières  de  se  remplir^. 


i079 


RAG 


DlC7iOtN!«A>RG  APOLOGETIQDE. 


RAC 


im 


aux  canaux  de  s*embourber,  aux  rail-wa^s 
de  se  rouiller,  aux  villages el locomotives 
aériennes  de  retomber  à  terre  ;  à  moins  que 
l'océan  ne  mette  à  sec  de  nouveaux  conti- 
nents avec  de  nouvelles  richesses  des  trois 
règnes,  ou  bien  convertisse  ses  eaui  salées 
en  des  liquides  capables  de  satisfaire  la  faim 
et  la  soif  d-e  notre  postérité. 

Pour  le  passé,  la  marche  progressive  m'ins-. 
pire  les  mêmes  scrupules  que  dans  l'avenir; 
je  n'ai  jamais  bien  compris,  par  exemple,  en 
quoi  les  constructeurs  de  villages  de  la  neu^ 
vième  génération  (Lamech)  étaient  plus 
avancés  que  H(!iAOch  ou  Caïn,  constructeurs 
de  villes.  L'interprétation  de  la  série  des  dix 
patriarches,  d'après  la  Agnificatiori  de  leurs 
noms  et  actes,  tient  au  Système  déjà  apprécié 
dans  le  mjthe  de  Napoléon-Soleil. 

Par  le  côlé  moiaU  la  question  du  progrès 
offre  de  bien  autres  difficultés.  Le  besoin  le 
plus  noble  de  la  nature  humaine  y  est-il 
saiisfaitiiutânt  quedans  l'activité  matérielle? 
Le  parallèle  philosophique  du  monde  àntir 
que  avec  la  société  grecque  a  montré  le 
<orcle  suivant  :  cosmisme ,  panthéisme i 
déisme,  voilà  les  pâs  en  avant.  Déisme,  pah- 
liiélsme,  cosmisme,  voiïji  les  pas  en  arrière. 
Ce  va-et-vient  ^'est  répété  cent  fois  depui? 
que  le  inonde  eèt  monde;  mais  je  doute  que 
jamais  les  principaux  artisans  d'un  mouve- 
ment quelconque,  soit  toasses,  soit  indi- 
vidus, aietit  confessé^qu'ils  voulaient  reculer 
de  parti  pris.  Ainsi ,  c'est  avec  les  plus 
lou'ibles  intentions  que  les  progressistes 
paf  excellence  prêchent  aujourd'hui  le  culte 
des  intérêts  rtiaiériels,  en  relevant  les  ban- 
nières panthéistes  4o  Spinasa  et  de  ^é^)ana- 
tion  indoue. 

Notre  orgueil  évalue  l'avenir  par  l'imagi-. 
nation  :  cela  dispense  de  l'évaluer  par  la 
raison  et  par  l'expériçnce.  On  nie  la  science 
matérielle  du  vieux  monde  pour  avoir  le 
droit  de  le  rabaisser.  On  prend  en  pitié  des 
patriarches  sans  chemin  de  fer,  des  Bràmali 
et  des  Menés  saas  macbijoes  h  vapeur.  Mais 
a-t-on  classé  déGtiiUvement  Part  indien  qui 
taiila  lasurface  et  les  entrailles  des  motua* 
gnesdegranit?  L'art  qui  dressa  les  obélis- 
ques et  les  pyramides,  qui  creusa  des  tun- 
nels h  Babytene?  On  n'oserait  pas  préciser 
en  tout  cas  de  combien  de  degrés  les  spécu- 
lations philosophiques  de  U  moderne  Ger- 
manie soat  moins  nébuleuses  et  plus  appli- 
cables que  n.e  le  furent  celles  de  leurs  aïeux 
Indiens  ou  Chinois,  deux  ou  trois  mille  ans 
avant  Jésus-Christ.  On  n'oserait  pas  classer 
une  organisation  du  travail  accumulant  les 
ouvriers  h  la  ville  pour  y  f^ire  connaissance 
avec  les  cabarets  et  les  ifiauts  salaires  de  six 
mois  de  l'année;  quitte  à  faire  connaissance 
avec  la  faim  et  les  grèves  qui  en  remplissent 
le  reste;  et  tout  cela  plut(U que  de  demeu- 
rer aux  champs  avec  des  salaires  modérés, 
mais  assurés  pour  toute  l'année. 

L'expérience  gouvernementale  semble  ea- 
fermer  le  mouvement  social  dans  la  marche 
à  trois  temps  où  nous  avons  déjà  vu  osciller 
la  philosophie  :  république,  despotisme, 
monarchie.  De  cette  trilogie  aussi,  l'histoire 


grecque  avait  donné  la  formule  pratique,  et 
la  sagesse  grecque,  (a  parabole,  dans  ccriaio 
apologue  d  Esope.  Le.  despote  hydre  fut  in- 
telligible dans  tous  les  temps;  quaotàla 
bavardé  insolence  des  grenouilles  et  à  V'm- 
passible  roi  soliveau,  si  le  progrès  moderne 
n*en  peut  réclamer  Tinvention,  il  a  tou- 
jours beaucoup  aidé  à  comprendre  ces  vieux 
mythes. 

Les  beaux-arts,  manifestation  la  plus  ûob^ 
plète  du  travail  mental»  sont  regaraés  ausî 
comme  la  mesure  la  plus  certaine  et  la  plu 
précise  du  développemeût  moral  des  ln« 
vailleurs  ;  car  un  artiste,  écrivain,  peiobt^ 
sculpteur  résume  l'iospiratioa  eu  la  critU 

Sue  de  son  siècle.  Si  le  progrès  perpétod 
oit  être  évident  quelque  part,  ee  sera  swi 
tout  dans  les  beaux-atts  comparés  entre  em 
aux  diverses  époques.  Or,  c'est  précisémotf 
sur  ce  terrain  des  beaux-arts  que  je  coaM 
tate  la  crovance  la  plus  unanime  au  ccrcîi 
fatal,  cercle  de  deux  ou  trois  siècles,  oHkif 
trant,  pendant  lA  première  période,  TaJoA 
rable  étiergie  deTintelligence  humainp,nrit 


montrant  aussi,  pendant  la  période 
dante,  les  bornes  que  cette  intelligenceu 
en  elle-^mème  et  surtout  dans  Tes  pa! 
qui  raccompagnent.  Si  la  valeur  artti 
des  siècles  de  Périclès,  Auguste,  Léon 

Louis  XIV,  Napoléon  cl  Louis-Philifi*! 

sérieusemetit  acceptée  parquelqu  un(0( 
une  progression  croissante,  c*est  tf^ut  aapî 
au  point  de  tue  que  voici  : 

Les  découvertes,  dans  le  motide  matétii 
qui  ont  encore  devant  elles  uo  longarei 
et  par  conséquent  un  progrès  long  et 
t^n,  trouvent,  pourcette  raison,  créanoei 
complète  dans   l'opinion.  Ces  déi^cavi 
matérielles  peuvent  aider  beaucoup  à  la 
nifestation  des  beaux-arts.  Nos  encres, 
mes,   papier  sont  plus  commodes  que 
tablettes  de  cire  des  Romains  ;  nos  coulci 
à  l'huile,  à  Taquarelle,  plus  expéditives 
les  cx)Uleurs  de  Zeuxis  et  de  Cimabuë. 
sent  bien  que.  là    n'est  pas   la  vérii 
question  du  progrès;  nous  n'aurons  pas 
Michel-Ange  ou  un  Raphaël,  ou  un  Viri<j 
oa  un  Homère,  par  cela  seul  que  tout  i 
peuple  saura  lire  et  écrire,  ou  que  le  li 
d^uoe génération  pratiquera  ledasçuerréot] 
ou  le  dessin  linéaire. 

Le  progrès  devrait  bien  nous  explit 
une  contradiction  que  beaucoup  de  ai 
sceptiques  offrent  dans  l'histoire,  maisjii 
au  degré  offert  pa^  le  xviir  siècle  lui-mi* 
Pendant  que  les  religions  étaient  délais 
comme  des  mythes  vieillis  y  comM 
comme  aberrations  d'une  logique  eottl 
générée  et  répugnant  à  tout  ce  qui  estr 
tioonel  et  inintelligible,  Mesmer,  ar«e' 
magnétisme  animal,  fi^isail  irruption 
la  science  ;  Swedemborg,  Çaint-Martlrii 
gliostro,  irruption  dans  les  théories  sociiH 
avec  rilluminisme.  On  peut,  sans  léoiéiit^j 
avancer  que  la  plupart  des  loges  maroDW- 
ques  étaient  des  chapelles  secrètes  du  cm 
nouveau,  qui  eut  ainsi  une  part  et  uoc  p» 
assez  forte  dans  la  fermentation  et  ycxpv' 
sion  de  89.  La  science,  malgré  sa  graviied 


M 


BAC 


DKTKimAOlS  APOliOfiETigOE. 


RAD 


f08S 


es  préfi^4«nces  poor  les  certitudes  affectant 
>s  sens  extérieurs,  a  reçu,  jiar  lés  attaques 
'^[iiées  du  magnétisme,  une  tendance  rè- 
(Mise  qui  rap|H.*lle  l'alchimie,  tendance  qui 
tait  détrôner  les  Aristote  par  les  Platon, 
leoarés  à  leur  tour  par  les  Pythagore,  les 
aracetse  et  les  Cardan.  Il  Ta  paraître,  s'il 
a  (J^]à  paru«  un  Journal  de  médecine  théolo^ 
ifttf,  où  le  nia^^nétisme  animal,  accepté 
^mme  on  lail  certain,  est  expliqué  |iar  la 
iite  des  anges  et  des  démons.  La  magie  de 
if.ttquité  et  du  moyen  âge  est  rederenue 
ne  baoalîfé  de  la  TÎe  pour  les  bien-portants 
»mme  pour  les  malade*.  Il  existe  donc  dans 
ime  humaine  un  iiesoin  de  foi  et  de  mys* 
trisme  qui  ne  saurait  être  suspendu  même 
.iidant  un  instant  très-court.  11  faut  lui 
irer  tribut,  même  aux  époques  se  targuant 
pttts  de  leur  esprit  pontff  1  Du  puis,  Voi* 
^r,  Cabanis ,  esprits  forts  dans  une  église 
bré>îenne,  étaient  d'humbles  dévots  dans 
De  loge  maçonnique  on  près  du  baquet  de 
orner.  La  croyance  k  l'existence,  à  la  pos- 
bilîté  du  rationalisme  alisolu  est  donc  une 
Teur  dans  la  philosophie  de  l'histoire?  Le 
^.lacement,  l'obstructiou  du  mysticisme 
^  (lonc  un  danger  social  ?  La  reliçîon  est  le 
ituiurel  du  torrent  qui  ravage  Ta  sdence 
\  lOiieTerse  les  intérêts  sociaux  quand  on 
^/e  de  le  dériver,  de  l'arrêter  par  des 
:mères. 

Progrès,  tel  qne  la  philosophie  de  l'his*' 
^ire  commande  de  le  définir,  c'est  le  rayon- 
eojeot  de  la  science  des  minorités  sur  l'i- 
iM>raoce  des  masses,  c'est  le  rayonnement 
on  peuple  civilisé  sur  des  Toisins  rudes, 
irdes  populations  barbares,  sur  des  peu- 
):e5sauvages.  Ce  flux  d'idées,  de  modes, 
3p(iélits  et  de  fantaisies,  produit  un  mou* 
iueot  immense  et  continu  :  spectacle  tôu« 
urs  curieux,  satisfaisant,  puisque  l'agita- 
^Q  est  le  besoin  le  plus  certain ,  le  plus 
ùîersel  de  la  nature  humaine  1  Spectacle 
lOîent  admirable  et  consolant,  puisque  le 
en*être  moral  et  physique  des  masses  « 
UD  peuple,  de  plusieurs  peuples»  en  })eut 
re  \ê  conséquence.  Tel  est  le  progrès  in^ 
âni  dont  tout  le  monde  parle  aujourd%ui 
auquel  je  crois  comme  tout  le  monde,  ni 
as  ni  moins 

U  proîçrès  infini  serait  toute  autre  chose  ; 
Kir  celtti-lè,  il  faudrait  changer  la  nature 
tmaioe;  il  faudrait  changer  la  lettre  et 
"«prit  de  son  code,  le  dernier  venu  et  le 
'is  magnifiquCi  lequel  a  positivement  dé* 
)ré  que  le  bonheur  absolu  ne  serait  pas 
ce  monde.  Il  budrait  espérer  que  la  corn- 
L'iion  humaine  acquit  quelques  facultés 
F^QSf  en  se  dépouillant  de  q^uelqu'une  de 
s  passions  ,  de  quelqu'un  de  ses  péchés 
pilaux.  Jnsqee-lk  le  progrès  infini,  au  lieu 
Oéborder  le  christianisme,  sera  un  simple 
toar  à  quelque  chose  de  très-vieux ,  le 


Panthéisme  indou,  qui  promit  d'absorber 
homme  en  Dieu  comme  terme  extrême  de 
ses  transformations. 

Pour  que  le  progrès  d*indéfini  devint  in- 
fini, il  faudrait  de  plus  que  jamais  la  science 
des  minorités  ne  fût  erronée  cfuand  les  mas- 
ses l'absorbent  docilement  ;  que  jamais  la  * 
science  réelle  et  juste  des  minorités  ensei^ 
gnantes  ne  fût  contrariée,  étouffée  parles 
passions  ou  la  fausse  science  des  multitudes. 
Il  faudrait  que  la  propagande  des  idées  ne 
fût  jamais  détournée  de  son  but  par  celle 
des  passions  et  des  intérêts  ;  que  la  philan- 
thropie, importée  en  Amérique,*  aux  Indes, 
en  Chine,  ne  fût  pas  amortie  ou  pervertie 
par  le  mercantilisme  ou  l'ambition  politi- 
que... Progrès  indéfini  peut  donc  être  un 
heureux  et  fréquent  accident  de  l'humanité; 
si  nous  vivons  dans  une  de  ces  époques  pri« 
vilégiées,  les  races  noires  et  basanées  en 
auront  leur  part  et  pourront  aussi  digne- 
ment que  nous  rendre  grâce  à  la  Providence 
(1128). 

RACES  HUMAINES,  leurs  aptitudes  res- 
pectives. Vojffs  Note  IX ,  à  la  fin  du 
tora.  I. 

RADEGONDE  (Sainte).  —  En  539,  les  deux 
rois,  Tbéoderic  (Thierry  V)  et  Clotaire 
joignirent  contre  Hermanfroy,  roi  desThu- 
riugicns,  les  forces  de  l'Australie  et  de  la 
Neui^trie.  Us  vainquirent.  Parmi  les  prison- 
niers se  trouva  Radegonde,  déjà  captive  chez 
son  oncle  Hermanfroy.  Elle  éf:hutà  Clotaire» 
qui,  touché  des  grâces  de  la  jeune  enfant, 
résolut  de  l'épouser  plus  tard.  Il  la  fit  élever 
avec  soin  dans  la  royale  villa  d'Aties,  sur  la 
Somme  t  et  lui  donna,  en  538,  le  titre  de 
reine,  qu'elle  reçut  à  regret.  Les  malheurs 
et  la  piété  avaient  de  bonne  heure  détaché 
son  cœur  du  monde.  Clotaire  avant  dans  la 
suite  fait  injustement  périr  le  frère  de  son 
épouse,  celle-ci  désira  se  retirer  dans  un 
monastère.  Le  prince  y  consentit.  Ce  fut  à 
Poitiers  qu'elle  se  fixa,  l'an  ihh.  Elle  y  de- 
meurait depuis  environ  vingt-trois  ans, 
quand  le  poète  VenanceFortuimt  arriva  dans 

Fortunat  était  Italien.  Né  en  590,  près  de 
Céuéda,dans  le  Trévisan  (iiâ9),  il  quitta  sa 
patrie  avant  l'entrée  des  Lombards,  s*avau{a 
sortes  bordsdu  Danube, traversa  laGerma« 
nie,  pénétra  tm  Australie,  où  il  chanta  le 
mariage  de  Sigebert  avec  Brunehaut ,  et  vi- 
sita la  Gaule,  payant  par  des  vers  la  riche 
hospitalité  qu*il  y  recevait.  A  Poitiers  s'ar* 
rêta  la  course  du  poète.  Sainte  Radegonde 
parvint  à  l'y  retenir  et  à  lui  confier  les  in- 
térêts temporels  de  son  monastère.  Après  la 
mort  de  la  reiqe,  décédée  en  587,  Fortunat 
devint  prêtre,  puis  évêque  de  Poitiers,  ei| 
599  ;  sou  épiscooat  dura  une  dizaine  d'aun 
nées. 


\\m\  Toir  U  note  IIX,  à  la  fia  da  volame. 
<M^)  M.  i.J.  Ampèes,  mu.  iiu.,  etc.,  I.  II, 
13.  p.  d33,  dil  :  f  rortaoat  na  ;oit  un  an  après  la 
utl  de  Sidoine  ApuUijuire,  et  ci.tre  eux  il  y  a 


toot  on  monde,  i  Je  ne  sais  sur  qaoî  Faoleor  appuie 
cei  anachrooîsne  :  saint  Sidoine  nKMmiiealS9,c( 
saint  Fortunat  vint  av  ipoQile  ent530 


108S 


RAD 


MCnONNAIfUS  APOLOGRTIQUB. 


RAD 


Mi 


II- 


in. 


clerot 

H  Les  fêtes  de  la  cour  de  Neostrie,  dit 
H.  Thierry,  les  banquets  brujanU,  les 
chasses  périlleuses  9  les  reyues  et  les  joutes 
{guerrières,  la  société  des  vassaai  à  Tespril 
inculte  et  à  la  voix  rude,  la  fatiguaient  et  la 
reodaient  triste.  Mais  s'il  survenait  qaelqoi 
évoque  ou  quelque  clerc  poli  et  lettré,  oi 
homme  de  paix  et  de  conversation  doi 
sur-le-champ,  elle  abandonnait  toute  i 
coropagai& pour  la  sienne;  elle  s'attachât 
lui  durant  de  longues  heures,  et  quand 
naît  rinstanl  de  son  départ^  elle  le  char^ 
de  cadeaux  en  signe  de  souvenir,  lui  d 
mille  fois  adieu,  et  retombait  dans  sa 
tesse.  Ad  ejus  opinioncm  Mi  quh  s 
Dei  visus  fuissetf  vel  per  se^  vel  tocatut 
currere^  videres  illam  calestan  habere  l 
tiam..,  Ipsa  se  lotam  occtêpubot  juita 
jtisti  treroa,...  reteniabatur  pev  dtfa.«.& 
venissetpontifex^inaspectu  qus.lœiifi 
et  remunerutum  relaxabat  ipsa  trisli$si^ 
pria  (1134).  » 

L'on  ne  peut  nier  que  Pâme  de  la 
sans  avoir  complètement  dépouillé  V 
{i;ermanique,  ne  s'ouvrit  avec  charme^ 
idées  et  aux  mœurs  gallo-romaines.  V 

Sonde,  passant  un  jour  devant  un  tei 
'idoles,  ordonna  d'y  mettre  le  feut  et, 
gré  le  tumulte  de  la  foule,  resta  impas 
sur  son  cheval  îusqu'à  ce  que  les  flam 
eussent  tout  dévoré  (1135).  Voilà  btea 

fermaine.  D'un  autre  côté,  l'instructi 
tendue  Qu'elle  avait  reçue  et  qui  lui 
mettait  de  lire  le  latin  et  le  ^rec,  les 

forts  littéraires  (|ui  vont  la  lier  si  étroitei 
saint  Venance  Fortunat ,  obligent  à  ci 
que  Kadeçonde  se  plaisait  avec  les  pers 
nages  polis  et  lettrés  que  lui  présentail 
hasard. 

Gardons-nous  pourtant  de  croire  que  < 
goûts  littéraires  eussent  dégénéré  en  pas  ' 
en  manie,  capal)le  de  rendre  odieui 
jeune  reine  son  époux  et  la  cour,  et 
pousser  au  divorce  et  au  cloître,  pour 
de  la  rhétorique  à  son  aise.  Son  ami  F 
nat  a  célébré  trop  de  Gaulois  et  ménsa 
Francs  instruits,  et  splendides  imitateu 
l'ancienne  civilisation,  pour  que  Rad 
n'en  ait  pu  rencontrer  quelques-uns 
seraient  empressés  de  former  près  d'elle 
cour  aimable  et  savante,  qui  laurait  co 
de  la  grossière  société  des  leudes  et  de 
taîre.  Ce  n'étaient  ni  les  |>oëtes ,  ni  les 
teurs,  ni  les  cœurs  sympatiques  qfl 


«  Quand  l'ordre  fut  donné,  dit  M.  Augustin 
Thierry,  de  la  faire  venir  à  la  résidence 
royale  pour  la  célébration  du  mariage,  en- 
ti'atrrée  par  un  instinct  de  répusnance  invin- 
cible, elle  prit  la  fuite  ;  mais  on  i  atteignit,  on 
la  ramena,  et,  malgré  elle,  épousée  a  Sois- 
sotls,  elle  devint  reine,  ou  plutôt, l'une  des 
reines  des  Francs  neustriens;  car  Clotaire, 
fidèle  aux  mœurs  de  la  vieille  Germanie,  ne 
se  contentait  yas  d'une  seule  épouse,  quoi- 
qu'il eût  aussi  des  concubines. 

Les  probabilités  de  cette  union  poly- 
game sont  une  grande  cause  de  tourment 
pour  les  écrivains  modernes,  qui  se  sont 
occupés  des  actes  de  sainte  Radegonde.  Le 
P.  Mabillon  remarque  la  .difficulté,  en  dé- 
sespérant de  la  résoudre  :  locus  sane  lubri- 
cui  ac  difficilis,  »  (Annales  Benedictini^  1. 1 , 
p.  12i[U30].) 

M.  Thierry  a  lu  avec  infiniment  trop  do 
distraction  i'alinéa  de  Mabillon  qu'il  cite. 
Ce  n'est  point  à  propos  du  mariage  de  Rade- 
gonde et  de  quelque  probabilité  de  polv^a- 
niie  dans  cette  union  que  le  docte  bénédic- 
tin a  dit  :  locus  sane  lubricus^  etc.  ;  il  a  fait 
cette  remarque  en  examinant  un  texte  de 
l'historienne  Raudonivic,  sur  le  divorce  de 
l'épouse  de  Clotaire  (1131);  quant  aux  pro- 
babilités de  polygamie,  il  ne  s'en  est  pas 
même  occupé  (1132). 

Les  Uollandistes,  dans  leurs  r.ommentai- 
res  sur  les  actes  de  sainte  Radegonde,  ont 

1)assé  tout  pareillement,  sans  plus  de  souci, 
I  côté  de  cette  diUicuIté  qu*on  suppose  si 
inquiétante.  Ils  ont  bien  longuement  exa- 
miné en  quel  ordre  ont  pu  paraître  à  la  cour 
de  Soissons  les  sii  épouses  de  Clotaire; 
mais,  pour  ce  qui  regarde  le  mariage  de 
Radegonde,  ils  se  bornent  à  dire  que,  «  très- 
]irobablement,  les  précédentes  unions  de 
Clotaire  n'avaient  pas  été  valides,  ou  que  la 
femme  légitime  était  morte,  quand  il  épousa 
Radegonde  (1133).  »  Ainsi  donc,  ni  Mabillon, 
ni  les  autres  écrivains  modernes,  occupés 
des  actes  de  la  sainte,. n'ont  désespéré  de  se 
débarrasser  de  cette  grande  cause  de  tour- 
menL 

La  difficulté  soulevée  par  M.  Thierry 
manque  donc  de  toute  certitude,  de  toute 
probabilité,  et  ne  sert  qu'à  faire  sourire  à 
tout  hasard  au  spectacle  d'une  sainte  qu'on 
suppose  à  la  tête  d'uc  harem. 


{\\Z&)  Récits  des  temps  mérovingietts^  tome  11, 
page  247. 

(1151)  La  question  était  de  savoir  si  sainte  Rade- 
gonde avait  pris  le  voile  du  constiilemeul de  Glo- 
uire  :  c  £quidom  Baudonivia.  quae  libnim  de  Vita 
Radegundis  secunduin  srripsif,  qiiodanimodo  huic 
•enieiitiae  favet,  ubi  ail  :  Radegnn>lc  in  villa  Suaedis 
çoinmoranie,  sparsum  fuisse  nimorem  de  régis  p<e- 
Btl**nila,  qui  u\em  et  lanlam  *  reglnam  permistsseï 
a  *iaicro  suo  discedere.  At  reponi  poiest,  pcrmissum 
banc  acccsbîsse,  velata  jam   regina.  Locus  saue 


iubricns  ac  difficilis.  i  (Ànu,  Bened. ,  I.  v,  r. 
Cette  citation  est  bien  longue,  mais  elle  fait 
au  doi«Et  rineiactitude  de  M.  Thierry. 

(4152)  Annalcê  Bnnedielini,  L  v,  c.  3t. 

(1155)  BoLL.,  t.  m  Augusti,  die  xiu,  VU.  S, 
degnntii$,  conimentariuni  praevium,  §  11,  p.  51-^ 

(1154)  Hécit$  des  temps  mérocingienSf  voae^ 
page  249,  5'  récit. 

(1155)  BoLL.    Vff.  S.  Radeg.,  aueiore BauJon»?'* 
p  7(5.  c.  I 


m 


BA0 


DiCTMmNAIRE  APmjOGETIQUEL 


RAD 


iianquaieol;  on  setf  bien  se  laissait  regret- 
pr,  et  la  oondoite  de  la  sainte»  dans  le  palais 
ie'soissoos,  nous  apprend  assez  quel  était 
e  lionhcur  absent. 

Vous  la  Tojons  si  libérale  pour  les  pan- 
^s  qa*elle  leur  donnait  jusqu'à  ses  réte- 
.eflts.  Elle  arait  établi  un  hospice  pour  les 
normes  des  deux  sexes,  où  elle  allait  elle- 
uéme  Farer  les  femmes  dans  le  bain  et  net- 
jTer  Ja  theTelure  des  hommes.  Elle  aimait 
«^échapper  secrètement  du  banquet  ou  du 
it  roral  pour  prier.  Pendant  le  carém«?,  elle 
oruit  un  cilice;  si  une  parure  faisait  admi- 
er  sa  beauté  de  quelque  courtisan,  elle  se 
Jfiit  de  la  rejeter  ;  eUe  n*usait  de  son  pou- 
olr  sur  Clotaire  que  poursaurer  de  la  mort 
f<  condamnés.  Aussi,  le  roi  s*irritait*il  |iar- 
)is  de  la  piété  qui  éloignait  si  souTent  de 
li  la  reine,  et  a  cause  de  laquelle  on  lui 
Isail^  en  badinant,  que  c'était  une  nonne, 
mon  pas  une  reine  ou'il  avait  épousée 
1136).  Ne  comprend-on  donc  pas  que  c'était 
h  liberté  de  se  donner  toute  a  Dieu,  à 
tin  seul,  que  Radegonde  aspirait? 
Xe  pouvant  réaliser  encore  ce  Tcen,  elle 
^i(  de  s'en  dédommager  dans  la  oompa- 
^edes  clercs  et  des  évèques  auprès  desquels 

t  s'empressait,  non  pas  parce  qu'ils  étaient 
i':is  et  lettrés,  comme  le  dit  M.  Thierry, 
£5  parce  qu'ils  étaient  hommes  de  Dieu. 
'  •usen serons  eouTalncus  lorsque,  en  lisant 
rtnle  donné  par  l'auteur  des  it^c»/a  méro- 
^•giau^  nous  en  rétablirons  les  parties 
a'ii  a  remplacées  par  des  points.  «  Si  Ton 
>[>reoail  que  quelque  serviteur  de  Dieu 
r&iit  ou  ue  lui-même,  ou  ()Our  avoir  été 
;<rlé,  recueillir  l'avis  du  roi,  vous  auriez 
.  Radesoode  pénétrée  d'une  joie  céleste.  A 
ipproche  d€  la  nuii,  elle  se  rmdait  avec  peu 
^onde  aux  bains^  par  la  neige^  ou  la  6oice, 
\  ta pomssîêrej  puiê  Feau  chaudt  préparée^ 
(  maii  et  essufait  elle^mime  les  pieds  du 
ntrable  personnage,  et,  sansaue  le  serviteur 

Bieu  refusât ,  elle  lui  présentait  à  boire 
nt  une  coupe.  Le  lendemain,  laissant  à  de 
Er/ff  serriteurs  te  soin  de  la  maison,  elle 
rit  lout  occupée  à  entendre  les  paroles  de 
omme  juste  et  les  conseils  sur  lonivre  du 
W;  elle  était  retenue  des  jours  entiers 
r  le  désir  d^appremdre  à  gagner  la  vie  du 
t  Qae  si  e*était  un  évèque  qui  arrivait, 
e  était  transportée  d*allégresse  à  son  as- 
ti, et  quand  il  retournait  à  son  diocèse, 
'ait  avec  tristesse  et  en  loi  offrant  des 
^nts  qu'elle  y  consentait  (11^).  » 
M.  Thierry  a  sous-entendu  dans  le  texte 
saint  Fortunat  tout  ce  que  j'ai  souligné 
•lui  proure  que  ce  n'était  pas  pour  une  so- 
ie d  hommes  au  l>eau  langage,  mais  pour 
^  conversations  ascétiques  et  dévotes,  que 
ie.'onde  oubliait  avec  joie  sa  famille  et  la 
if.  De  sorte  que  les  Jl^rîl*  mérovingiens 
us  montrent  ici,  au  lieu  d'une  sainte,  nue 
inl-courrière  des  précieuses  de  Thôlel  de 
mbouiliet.  L'altération  méritait  bien  d'être 
,na!ée. 


01 


SakOe  Badcgoade  te  oonsMn-l-elle  à  I>ie«  amire  le  §ié 

de  m  épovs  t 


■  Pour  cette  âme  froissée  par  tous  les  liens 
qui  rattachaient  au  monde,  dit  M.  Thierry, 
il  n'y  avait  qu*un  seul  refuge,  la  vie  du  cloî- 
tre. Radegonde  v  aspirait  de  tous  ses  voeux; 
mais  les  obstacles  étaient  grands,  et  six  an- 
nées se  passèrent  avant  quelle  osât  les  bra- 
ver. Un  dernier  malheur  de  Camille  lui 
donna  ce  courage.  Son  frère  qui  avait  grandi 
k  la  cour  de  Neustrie,  comme  otage  de  la 
nation  tliuringiennc,  fut  rois  k  mort  par 
Tordre  du  roi,  peut-être  pour  quelques  re- 
grets patriotiques  ou  quelques  menaces  in- 
considérées. Dès  que  la  reine  apprit  cette 
horrible  nouvelle,  sa  résolution  fut  arrêtée; 
mais  elle  la  dissimula.  Fei^ant  de  n'aller 
chercher  que  des  consolations  religieuses, 
et  cherchant  un  homme  capable  de  devenir 
son  libérateur,  elle  se  rendit  à  Noyon,  au- 
près de  révêque  Médard,  fils  d'un  Frank  et 
d'une  Romaine,  personnage  célèbre  alors 
dans  toute  la  Gaule  |iar  sa  réputation  de 
sainteté.  Clotaire  ne  conçut  pas  le  moindre 
souiYçon  de  cette  pieuse  démarche,  et  non* 
seulement  il  ne  sy  opposa  |ioinf,  mais  il 
ordonna  luinnême  le  départ  de  la  reine; 
car  ses  larmes  l'importnnaient,  et  il  avait 
bâte  de  la  voir  plus  calme  «t  moins  sombre 
d'humeur  (directaarege  reniens  ad  B,  Me^ 
dardum  Noviomago^..) 

«  Radegonde  trouva  l'évêqne  de  Noyon 
dans  son  église  officiant  â  l'autel.  Lorsqu'elle 
se  vit  en  sa  présence,  les  sentiments  qui  la- 
gitaient,  et  qu'elle  avait  contenus  jusque-là, 
s'exhalèrent,  et  ses  premiers  mots  furent 
un  cri  de  détresse  :  «  Très-saint  prêtre,  je 
■  veux  quitter  le  siècle  et  changer  d'habit! 
«  je  t'en  supplie,  très-saint  prêtre,  consacre- 
c  moi  au  Seigneur.  »  Malgré  l'intrépidilé  de 
sa  foi  et  la  ferveur  de  ^on  prosélytisme, 
révêque,  surpris  de  cette  brusque  requête, 
hésita  et  demanda  le  temps  de  réfléchir.  11 
s'agissait,  en  effet,  de  prendre  une  décision 
périlleuse,  de  rompre  un  mariage  royal 
contracté  selon  la  loi  salique  et  d'après  les 
mœurs  germaines,  mais  que  l'Eglise,  tout 
en  les  abhorrant,  tolérait  encore  par  crainte 
de  s'aliéner  l'esprit  des  barbares. 

«  Bien  plus,  a  cette  lutte  intérieure  entre 
la  prudence  et  le  zèle,  se  joignit  aussitôt, 
pour  saint  Médard,  un  combat  d'un  tout  au- 
tre genre.  Les  seigneurs  et  les  guerriers 
franks  qui  avaient  suivi  la  reine  1  entourè- 
rent en  lui  criant  avec  des  gestes  do  me- 
nace :  «  Ne  t'avise  pasde  donner  le  voile  à  une 
«  femme  qui  s'est  unie  au  roi  1  prêtre,  garde- 

<  toi  d'enlever  au  prince  une  reine  épousée 

<  solennellement.  »  Les  plus  furieux,  met- 
tant la  main  sur  lui,  1  entraînèrent  avec 
violence  des  d^rés  de  l'autel  jusque  dans 
la  nef  de  l'église,  pendant  que  la  reine  ef- 
fraya du  tumulte  cherchait  avec  ses  fem* 
mes  un  refuge  dans  la  sacristie.  Mais  là, 
recueillant  ses  esprits,  au  lieu  de  s'abaudup- 


1136.  BoLL.,  ViL  S  lladeg.,  auciorc  Fort«na(o,  c.  1,  p.  08  cl  60. 
H57j  Bou..,  VU.  S.  Raâoj.,  p.  69,  nT  7. 


1067 


ilAD 


DICTIOffNAlilf;  APOLOOETIQUE. 


BAft 


ner  au  désespoir»  elle  conçut  un  expédient 
où  Taiiressp  femiiHiie  avait  autant  de  part 
que  la  force  de  la  volonté.  Pour  tenter  de  la 
manière  la  plus  forte  et  mettre  h  la  plus 
rude  épreuve  le  zèle  religiei»  de  Tévèque, 
elle  je(a  sur  ses  vêtements  royaux  un  cos- 
tume de  recluse,  et  marcha  ainsi  travestie 
vers  le  sanctuaire,  où  saint  Médard  était  as- 
sis, triste,  pensif  et  irrésolu.  «  Si  tu  tardes 
a  à  me  consacrer,  lui  dit-elle  d'une  voix 
«  ferme,  et  que  tu  craignes  plus  les  hommes 
'(  que  Dieu,  tu  an-ras  à  rendre  compte,  et  le 
a  pasteur  (e  redemandera  Pâme  de  sa  bre- 
«  bis.  ^  Ce  spectacle  imprévu  et  ces  paroles 
mystiques  frappèrent  Timasination  du  vieil 
évoque  et  ranimèrent  tout  a  coup  en  lui  la 
volonté  défaillante.  Elevant  sa  conscience 
de  prêtre  au-dessus  des  craintes  humaines 
et  des  ménagements  politiques,  il  ne  balança 
plus,  et  de  son  autorité  propre  il  rompit  le 
mariage  de  Uadegondc,  en  la  consacrant 
diaconesse  par  Timposition  des  mains.  Les 
seigneurs  et  les  vassaux  franks  eurent  aussi 
leur  part  d*enlra!nement;  ils  n'osèrent  ra* 
mener  de  force  h  la  résidence  royale  celle 
qui  avait  désormais  pour  eux  le  double  ca- 
ractère de  reine  et  de  femme  consacrée  k 
Dieu  (1138).  » 

Le  texte  de  saint  Forlonat,  dont  M.  Thierry 
a  copié  quelques  mots,  et  un  autre  passag^e 
de  Baudonivic,  prouvent  que  Clotaire  avait 
approuvé  la  resolution  de  sainte  Rade- 
gonde. 

M.  Thierry  pense  que  la  reine  feignit 
«raller  chercher  quelques  consolations  à 
Noyon,  et  que  le  roi  y  consentit,  espérant 
la  voir  bientôt  revenir  plus  calme  et  moins 
sombre  d'humeur.  L'histoire  de  la  sainte 
ne  parle  pas  de  cela;  on  y  lit  :  «  Comme  il 
nnive  souvent  que  quehfue  circonstance, 
par  la  faveur  de  Dieu,  change  un  malheur 
en  un  moyen  de  salut,  le  frire  de  Radegonde 
fut  tué,  sans  qu'il  le  méritât,  pour  fournir 
à  sa  sœur  une  occasion  de  vivre  plus  reli- 
gieusement. Etant  donc  venue,  envoyée  par 
le  roi,  auprès  du  bienheureux  Médard  à 
Noyon,  elle  demanda  avec  instance  qu'il  lui 
fît  quitter  Phabit  séculier  et  la  consacrât  au 
Seigneur  (1139).» 

Cest  dans  ces  phrases  que  M.  Thierrv 
trouve  que  Cfotaire  avait  envoyé  la  reine  a 
Noyon,  seulement  afin  qu'elle  s'y  consolât 
un  peu  de  la  mort  de  son  frère,  et  qu'elle 
revînt  moins  triste  charmer  la  cour.  Eh 
bien  !  n'esl-il  pas  vrai  que,  si  nous  n'avions 
l)as  lu  celle  interprétation  de  M.  Thierry,  et 
c|ue  si  ce  commentaire  n'avait  pas,  pour 
ainsi  dire,  obscurci  le  texte  à  nos  regards, 
nous  aurions  tout  naturellement  aperçu, 
dans  la  narration  de  saint  Fortunat,  la  per- 
mission donnée  par  le  roi  à  son  épouse  d'al- 
lor  auprès  de  saint  Médard  exécuter  ce 
qu'elle  y  fit?  Cette  permission,  rappelée  en- 
tre le  récit  de  la  consécration  de  Radegonde 


et  la  réBexiofl  du  lég^daire  sur  les  _ .. 
reux  résultats  de  certaius  malheurs,  partit 
le  lien  providentiel  qui  rattache  rnoe  ï  l'au- 
tre, et  ne  laisse  point  soupçonner  de  ruse 
dans  la  détermination  de  la  reine.  I^e  récil 
de  M.  Thierry  n'est  donc  pas  appajé  sur 
celui  de  sâini  Fortunat,  il  est  même  ouTer* 
tement  contredit  par  celui  d'un  autre  n. 
teur  contemporain  de  Radeeoode. 

Baudonivie  raconte  qu'après  la  cérémonie 
de  Noyon  la  reine  se  rendit  dans  la  rilia  de 
Saix,  voisine  de  Poitiers,  et  eue  CloUire 
lui  avait  donnée.  «  Tandis  qu'elle  était  dans 
cette  villa,  le  bruit  courut  que  Ciotaihi 
voulait  de  nouveau  Radegonde,  qell  ^im 
sait  de  la  grande  perte  qu*il  avait  fuie  ti; 
permettant  qu'uno  telle»  au'une  si  gnodu 
reine  s'éloignât  de  son  c6té  (iiU)).>  Remar- 
quez que  le  prince  gémissait  inm  pas  ie 
la  fatale  confiance  qu'il  aurait  eue,  seloi 
M.  Thierry,  en  permettant  que  son  épcoft 
s'éloignât,  mais  de  la  perte  qu'il  fit  alon,e) 
dont  il  n  avait  pas,  ce  semble,  compris  M^ 
la  grandeur  quand  il  autorisa  le  députtf 

au'il  adressa  lui-même  la  reiEe  \  IMgif 
e  Noyon.  Tel  est  le  sens  de  ce  passa;» 
chôment  abordé  et  étudié,  sans  pféoocii{itia 
romanesque  ou  autre. 

Le  texte  de  Baudonivie  et  celui  de  $m 
Fortunat  sont  donc  parfiii tement  d'ac(o^' 
entre  eux,  et  opposés,  tout  autant  Tua  ^ 
l'autre,  à  l'émouvante»  mais  imaginairt  \> 
sertion  de  M.  Thierry. 

Quelques  difficultés  se  présentent.  Si 
sainte  Radegonde  était  autorisée  k  preair* 
le  voile,  pourquoi  le  demanda-t-elle  s\p^ 
cipitamment?  pourquoi  ne  dit-elle  rien  i 
saint  Médard  de  l'autorisation  du  roi,  ei 
pourquoi  le  prélat  et  les  seigneurs  sopp- 
saient-ils  à  la  réalisation  du  désir  de  k 
princesse?  Tels  sont  les  motifs  qui  proba- 
blement auront  déterminé  l'auteor  des  h 
cUs  mérovitiaienê  k  ne  ^s  accepter  daos  lev 
sens  naturel  les  témoignages  des  deux  hH 
toriens  de  la  sainte.  Ces  difficultés  sont  ^rt 
ves,  mais  elles  ne  semblent  pas  insolubio 
le  fussent-elles,  d'ailleurs,  les  scrupules  ' 
la  critique  ne  devraient  pas  l'emporter  $ 
des  documents  positifs  comme  ceui  ^! 
nous  avons  trancrits  (ilU). 

1*  L'on  demande  jpourquoi  cette  prise 
voile  si  précipitée.  Ce  fut  sans  doute  " 
que  Radegonde  redoutait  ce  qui  arrivi, 
veux  dire  un  changement  de  résolotii 
dans  Clotaire,  C'est  ainsi  que,  lorsque  sjifl 
Clotildeeut  reçu  de  Gondebaud,  roi  de  w 
gogne,  la  permission  d'épouser  C1oti'<  i 
départ  de  la  jeune  fiancée  fut  une  fuife^ 
rilable,  tant  elle  craignait  quelapoliur 
ne  fit  rétracter  son  oncle,  comme  il  I  e>^î 
en  effet  l 

2"  L'on  ne  trouve  pas  que  sainte  «i*'] 
gonde  ail  fait  mention  du  coosentetiun. 
son  époux.  Mais,  de  bonne  foi,  crovei  ^•» 


(1108)  Page  ^50.  (1141)  Quelques-unes  de  ces  diffictrije»  »^^ 

(M3*J)  S.  FoBTLNATLS,    VU.  S.  RodeQ.  ^  c.  î,  eiigaAcMabilloD  (Anna/.  fteHfrf.,l-v,c.»;»>*^ 

»-  10.  Topiiiion  que  suil  M.  Thierry. 
(1140)  H.UDOMVU,  Vil.  S.  Radeg.,  c.  I,  ir  C. 


'>9 


RAD 


DICTIONNAIRB  APOLOGETIQUÉ. 


RAD 


4090 


r,nc  aue  la  poslalanie  n  ait  prononcé  me 
^  deux  phrases  rappelées  par  sa  légende? 
lini  Foriunal  a-l-il  donc,  dans  les  quelques 
Les  consacrées  au  reçoit  de  cette  *  pme 
TToile,  rapporté  tout  ce  qui  s  échangea 
i  flueslioDS  et  de  réponses?  ETidemnient 
'>o  •  et  il  se  sera  d'auUnl  moins  cru  obligé 
conserter  la  mention  faite  par  sainte  Ra- 
-onde  du  consentement  de  Clotaire,  il 
ira  d'aulant  moins  cru  nécessaire  d  en  par- 
r  qu'il  Tenait  de  raconter  lui-même  cx)m- 
ent  la  reine  était  arrivée  par  l'ordre  de 
Q  époux  à  Nojon. 

3-  Saint  Médard  hésita  à  exaucer  le  désir 
>  sainte  Radegonde,  et  il  s'éleva  une  vio- 
nte  opposition  de  la  part  de  la  foule,  sur- 
oi  de  la  part  des  seigneurs  (11^2).  Selon 
.  Thierry,  ces  derniers  formaient  une  es- 
f  le  à  Radegonde  dans  son  voyage  de  Sois- 
os  à  Koyon.  C'est  une  pure  supposition, 
ol«ablement  aûn  de  faire  croire  qu  il  n  y 
ait  |)oint  eu  de  rupture  entre  les  deux 
OUI,  puisque  Clotaire  entourait  toujours 
Megonde  de  tels  honneurs.  Quant  à  cette 
-iuiion,  à  celle  opposition,  elles  furent 
«i-ualurelles.    Figurez-vous   donc    cette 
uae  princesse    |)énélrant  à   Timprovistc 
:.is  le  temple,  et,  au  moment  où  Ton  va 
..rsa  bienvenue,  implorant  un  voile  de 
^.ose.  Elle  aura  eu  beau  s'écrier  que  l'é- 
^^ae  et  le  peuple  devaient  y  consentir, 
uisqiie  Tépoux  y  consentait;  Ton  ne  put 
)ir  dans  cette  détermination  si  subite  qu  un 
te'de  désespoir  de  la  reine  à  la  pensée  de 
«1  frère  assassiné,  qu^un  acte  de  colère  du 
Il  contre  Radegonde  dont  la  douleur  était 
•or  lui  un  reproche  de  chaque  instant.  Que 
ire  donc?  Retarder  Texécution  du  projet 
'  Radegon  le,  rappeler,  comme  Qt  le  prélat, 
iteloiim|josée  aux  femmes  par  un  apôtre  : 
Cune  épouêi  %€  doit  point  chercher  à  rant' 
t  k  lien  qui  Failache  à  $on  mari:  il  fallut 
iber  d'ajourner  l'heure  du  sacrifice,  que 
lirrail  peut-être  le  reiieniir  d'un  tôié  ou 
1  autre.  Mais  quand  ensuite  on  aperçut 
ilf  femme  sortir  de  la  sacristie  et  porter 
r  la  tête  le  voile  saint  qu  Vile  demandait, 
i  comprit  que  la  détermination  de  sa  dou- 
ur  el  de  sa  piété  était  irrévocable,  invinci- 
e,  et  tous,  en  plai^jnaiit  Clotaire,  laisse- 
nt la  cérémonie  se  célébrer. 
Voilà  comment,  même  en  admettant  1  ap- 
obalion  donnée  i)ar  Clotaire  au  divorce 
Ilicité  par  sainte  Radegonde,  on  peut  s'ex- 
iquer  rop|)osîtion  momentanée  des  sei- 
leurs  et  de  l'évoque,  l'absence  de  toute 
LDiion  de  celte  approbation  dans  les  ré- 
ci>es  de  la  sainte,  conservées  par  le  l^en- 
ire,  el  enfin  la  précipitation  cfe  cette  céré- 


•nie. 


§nr. 


n>  Bâilegoode,  iprès  s'être  consacrée  ï  Dieu,  prit- 
!  mC  ia  foiie  pour  évlier  le  resseulioieot  de  Clotaire? 

M.  Thierry  dit  :  —  <i  La  première  pensée 

•U4i)  s.  FoftTcsf ATC8 ,   fit.  «S.  Radeg,.  c.  2, 
10;  HiLDCBCBTus,  VU.  S.  Rttdtg.^  c.  3,  n*  19, 
«d  Boltatiduin. 


de  la  nouvelle  convertie  (c"élait  le  nom 
qu'on  employait  alors  pour  exprimer  le  re- 
noncement au  monde)  fut  de  se  dépouiller 
de  tout  ce  qu'elle  portait  sur  elle  de  joyaux 
et  d'objets  précieux...,  puis  elle  songea  à  se 
mettre  à  Tabri  de  tout  danger  par  une 
prompte  fuite.  Libre  de  choisir  sa  roule,  elle 
se  dirigea  vers  le  midi,  s'éloignant  du  cen- 
tre de  la  domination  franke,  par  rinstinci 
de  sa  sûreté,  et  peut  être  aussi  par  un  ins- 
tinct plus  délicat  qui  Tattirait  vers  les  ré- 
Î;iotts  de  la  Gaule  où  la  barbarie  avait  fait 
e  moins  de  ravage  ;  elle  gagna  la  ville  d'Or- 
léans, el  s'y  embarqua  sur  la  Loire,  qu'elle 
descendit  jusqu'à  Tours.  Là,  elle  fit  halte 
pour  attendre,  sous  la  sauvegarde  des  nom- 
breux asiles  ouverts  près  du  tombeau  de 
saint  Martin,  ce  que  déciderait  à  son  égard 
répoux  qu'elle  avait  abandonné.  Elle  mena 
ainsi  quelque  temps  la  vie  inquiète  et  agi- 
tée des  proscrits  réfugiés  à  l'ombre  des 
basiliques,  tremblant  d^tre  surj)rise  si  elle 
faisait  un  pas  hors  de  l'enceinte  protec- 
trice {iih3).9 

Sainte  Radegonde  se  rendit  de  Noyon  à 
Saix,  villa  prfe  de  Pcâliers,  que  lui  avait 
donnée  Clotaire  (IIU),  probablement  pour 
lui  servir  de  retraite  quand  il  eut  consenti 
au  divorce.  Or,  ce  voyage  fut  un  long  et 
pieux  pèlerinaese  aux  principaux  sanctuaires 
de  la  roule,  et  non  pas  la  fuite  d'une  femme 

2ui  tente  de  se  soustraire  à  la  colère  de  son 
poux. 
«  Aussitôt  que  Radegonde  eut  été  consa- 
crée à  Dieu,  dit  saint  Fortunat,  elle  aban- 
donna et  plaça  sur  lautel  Téclatant  manteau 
dont  elle  avait  coutume  de   se   vêtir  aux 
jours  solennels,  quand,  au  milieu  d'un  pom- 
peux cortège,  elle  marchait  dans  l'appareil 
royal.  Elle  fit  briser  et  distribuer  pour  se- 
courir les  pauvres  sa  lourde  ceinture  d'or. 
Etant  ailée  à  la  demeure  de  saint  Junière, 
les  divers  ornements  dont  l'heureuse  prin- 
cesse se  parait...,  tous  en  or,  et  quelques- 
uns  entourés  de  perles,  elle  en  fit  don  à 
lautel    pour  qu'ils  lui   servissent.  De  là, 
s  avançant  vers  la  cellule  du  vénérable  Da- 
don,  elle  fit  un  présent  a  Tabbé,  et  donna 
au  monastère  tout  ce  dont,  en  un  jour  de 
représentation,  une  femme  riche  iieut  se 
vêtir.  Visitant  ensuite  la  retraite  de  saint 
Gundulphe,  plus  tard  évêqae  de  Metz,  elle 
ne  s'efforça  pas  moins  d'enrichir  ce  couvent. 
Une  heureuse  navigation  la  conduisit  de  ces 
lieux  à  Tours  (ilfco).  » 

M.  Thierry  a  passé  sous  silence  toute  cette 
première  partie  du  voyage  de  sainte  Rade- 
gonde ;  bien  plus  effrayé  pour  la  princesse 
Qu'elle  ne  l'était  ellc*même,  il  s  est  hâté  de 
rembarquer  sur  la  ;Loire,  à  Orléans.  Il  au- 
rait pourtant  pu  faciïemeut  comprendre,  aux 
fréquentes  stations  de  la  sainte  dans  les  mo- 
nastères, qu'elle  n*éuit  aiguîUonnée  |4ir  au- 
cune frayeur.  En  voyant  la  quantité  si  con- 
sidérable de  vêtements  et  de  parures  quelle 

(UU)  BÀii»OiCiviA.  \iL  S.  Radeg.^  e.  i,  n*  5. 
I  Dam  buctlas  m  vit  a   qaaiu  i-i  lei  dtderai,  rcsi* 

tilio)  S.  FoETL^ATcs,  Vi7.  S.  Rûdiq.,  c.  2,  n*il. 


1091 


RÂD 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RÂD 


a  dislriboés  et  qu'elle  va  distribuer  encore, 
il  aurait  dû  comprendre  qu*elle  se  trouvait 
nécessairement  suivie  d'un  nombreux  con- 
.voi  /le  chars,  par  conséquent  qu'elle  n'était 
point  une  femme  échappée  par  ruse  à  la 
Tigilance  de  son  mari,  et  sous  prétexte  d'une 
visite  à  révoque  de  Novon;  Il  aurait  dA  com- 
prendre, enfin,  qvi'évidemment  ces  richesses 
formaient  comme  le  douaire  accordé  par 
Clotaire  à  la  femme  qu  il  était  contraint  d'a- 
bandonner. 

^  Nous  allons  maintenant  suivre  sainte  Ra- 
degonde  dans  le  reste  *de  son  voyage,  c  Une 
heureuse  navigation  la  conduisit  de  ces  lieux 
à  Tours.  Queile  éloauence  racontera  tout  ce 
qu'elle  montra  de  libéralité  et  de  munifi- 
cence, tout  ce  qu'elle  fit  dans  les  sanctuaires» 
les  temples,  les  basiliques  de  saint  Martin? 
Pleurant  et  ne  pouvant  se  rassasier  de  lar- 
mes, prosternée  sur  chaque  seuil,  quand  la 
messe  avait  été  célébrée,  elle  parait  l'autel 
sacré  des  vêtements  et  ornements  dont  elle 
se  parait  elle-même  dans  sa  toilette  la  plus 
élégante.  Parvenue  de  Tours  au  bourç  de 
CandesyOÙ  étaitsorti  de  ce  siècle  le  glorieux 
personnage  Martin,  pontife  si  cher  au 
Christ,  la  servante  du  Seigneur  ne  fdt  pas 
moins  prodigue,  toujours  croissant  dans  la 
grâce  de  Dieu.  Poursuivant  ensuite  son  heu- 
reux voyage,  elle  approcha  sans  faste  de  la 
villa  de  Saix,  au  territoire  de  Poitiers,  non 
loin  du  bourg  dont  nous  avons  parlé.  Qui 
pourra  énumércr  en  détail  les  choses  sans 
nombre  qu'elle  fit  dans  le  trajet  (1146}.  » 
Nous  venons  d'accompagner  sainte  Rade- 

8 onde  à  bien  des  églises  de  saint  Martin. 
If»  sont-ce  des  asiles  contre  la  colère  de 
son  épou*x  ou  dot  lieux  chers  à  la  dévotion, 

Sue  nous  ravons  vue  parcourir?  Sont-ce 
es  larmes  d'effroi  ou  de  ferveur  que  nous 
lui  avons  vu  verser?  Quand  l'avons-nous 
aperçue  craignant  de  faire  un  pas  hors  de 
L  enceinte  proteciricej  elle  qui  visitait  sans 
relâche,  en  les  ornant,  les  sanctuaires,  les 
temples,  les  basiliques,  tous  les  endroits, 
Koit  à  Tours,  :Soit  a  Candes,  qu'elle  savait 
avoir  été  dédiés  au  saint  évèque. 

Cette  seconde  partie  du  récit  que  le  légen- 
daire nous  a  laissée  du  voyage  de  la  pieuse 
princesse  a  donc  été  aussi  malheureusement 
rendue  que  la  première  par  M.  Thierry, 
que  trompe  sa  fausse  jdee  du  départ  de 
sainte  Radegonde,  sans  Taveu  de  Clotaire. 
La  sainte  ne  cherchait  donc  pas  à  se  dérober 
au  ressentiment  de  son  mari  ;  par  conséquent, 
elle  ne  l'avait  pas  quitté  sans  qu'il  y  eût 
consenti. 

Mais  pourquoi  donc  sainte  Radegonde  se 
retira-t-elle  en  Aquitaine?  Est-ce  que  ce  fut 
parce  que  la  barbarie  y  avait  fait  moins  de 


'entourer  non  pas  des  derniers  héritiers 
de  la  civilisation  romaine,  mais  de  pauvres, 
de  malades»  et  Ues  plus  abandonnés  de  tous 
ces  malheureux.  Notre    explication  serait 


donc  bien  plus  conforme  au  caractère  et  ^ 
l'histoire  de  cette  servante  de  Dieu,  si  qous 
disions  qu'elle  alla  habiter  l'AauitaiQei  parct 
que  c'était  fà  que  se  trouvait  le  château  de 
âaix  que  Clotaire  lui  avait  donné;  parce  qut 
de  plus  elle  y  vivrait,  pour  ainsi  dire, à 
Tombre  des  sanctuaires  si  vénérés  de  saint 
Martin  et  de  saint  Hilaire,  entre  Tours  h 
Poitiers^  enfin,  parce  qu'à  rextrémiié do 
royaume  de  Clotaire,  elle  serait  plusài'aM 
de  sa  tendresse  si  redoutée.  Sainte  Kld^ 
gonde,  à  Saix,  fonda  un  hôpital  quellede^ 
servait;  ceci  nous  dit  assez  que  cette  feoiaK 
ne  s*y  cachait  pas  comme  une  proscrite,  h 
que  sa  vie  ne  s'j  écoulait  pas  dans  les  p 
cieuses  et  molles  jouissances  de  lacivilivs* 
tion. 

Qolaire  a*t-il  protesté  coBtre  U  cottsécntkn  de  {.«« 
Radegonde  â  la  vie  religieuse? 

M.  Thierry  dit  :  —-  «  Elle  (sainte lla(i^ 
gonde)  mena  ainsi  quelque  temps  la  m  .a* 
quiète  et  agitée  des  proscrits  réfugiés) 
I  ombre  des  basiliques ,  tremblaol  i%? 
surprise  si  elle  faisait  un  pas  borsAJea* 
ceinte  protectrice»  envoyant  au  roiteih 
quêtes  tantôt  fières,  tantôt  suppliao(es;ii- 
gociant  avec  lui  par  l'entremise  deséTè]KN 
{jour  qu'il  se  résignât  à  ne  plDslantr< 
et  à  lui  permettre  d'accomplir  ses  tmi 
monastiques. 

«  Clotaire  se  montra  d'abord  soani  w. 
prières  et  aux  sommations  ;  il  reYeudquat 
ses  droits  d'époux  en  attestant  la  loiilc.^ 
ancêtres,  et  menaçait  d'aller  rui-mème  saiar 
de  force  et  ramener  la  fugitive.  Frafui^d 
terreur  quand  le  bruit  public  ou  le^leUrcj 
de  ses  amis  lui  apportaient  de  pareilles  iui« 
velles,  Radegonde  se  livrait  alors  à  uo  r^ 
doublement  d'austérité,  au  jeûne,  auiTû 
les,  aux  macérations  par  le  cilice,  dans  le 

Eoir,  tout  à  la  fois,  d'obtenir  l'assistance  d a 
aiit,  et  de  perdre  ce  qu'elle  avait  de  clijni 
pour  l'homme  qui  la  poursuivait  de  «a 
amour.  Afin  d'augmenter  la  distance  (i 
la  séparait  de  lui,  elle  passa  de  1m 
à  Poitiers ,  et ,  de  l'asile  de  saint  Vb 
tin,  dans  l'asile  non  moins  révéré  de  saii 
Hilaire.  Le  roi  pourtant  ne  se  décoora^ 
pas,  et  une  fois,  il  vint  jusqu'à  Tours  ^t 
un  faux  prétexte  de  dévotion  ;  mais  iea  n 


par  cette  puissance  morale  contre  lai^ 
venait  se  briser  la  volonté  fougueuse  ^ 
rois  .barbares,  il  consentit,  de  guerre  bsâ 
à  ce  que  la  fille  des  rois  tburingiens  M 
à  Poitiers  un  monastère  de  femmes,  d*ai^ 
l'exemple  donné  dans  la  ville  d'Arles  par  u:^ 
matrone  gallo-romaine,  Cœsaria,  S4etir  ^ 
révèque  Cœsarius  ou  saint  Césaire  (U«'> 
C*est  parce  qu'il  persiste  toojjou/s  >i^ 
sa  fausse  supposition  du  dé^rt  de  sa»:"^ 
Radegonde  à  î'insu  de  Clotaire,  qa^  ^ 
Thierry  a  été  obligé  de  façonner,  d'après  >- 
hypothèse,  les  actions  de  la  sainte  diflf  ^ 


1**46)  8.  FoRTUMATUB,  ubt  iupra,  n*»»  H  et  12.  (1147)  Page  255. 


0» 


RAO 


DICTIONNÂIIIE  APOLOGETIQUE 


RAD 


1694 


etraite  de  Saix,  comme  il  aTait  fait  pour 
m  TOjage  de  Nojon  à  celle  viiia.  L'bislo- 
ienoe  BaudooJTÎe,  dont  H.  Thierry,  dans 
es  notes  et  dans  ses  pièces  justificatÎTes, 
iToque  l'irrécosable  témoignage,  proteste 
u  elle  n  a  jamais  rien  su  des  belles  choses 

ton  lui  fait  narrer.  Son  récit  sera  un  peu 
iu^  mais  charmant,  â  force  de  naïves  dé- 
ée3tiotts  adressées  au  roman  du  spirituel 
radémicien. 

«  Tandis  que  la  princesse,  dit-elle,  était 
ncore  dans  cette  Tilla  (de  Saix),  le  bruit 
)urut  que  Clotaire  Toulait  de  noureau  Ra- 
egonde,  qu'il  gémissait  de  la  grande  perte 
a  il  avait  faite  en  permettant  qu*une  telle, 
a'uoe  si  grande  reine  s'éloignAt  de  son 
^lé,  el  que  s'il  ne  la  recourrait,  il  ne  sou- 
litait  absolument  plus  de  vivre.  Quand  elle 
ipprit,  la  bienheureuse,  frappée  d*une  ex- 
éme  terreur,  s*enveloppa,  pour  redoubler 
£r  pénitence,  d'un  cilice  très-aigu  qu'elle 
lapta  à  ses  membres  délicats;  elle  y  ajouta 
^  tourment  du  ièûne  ;  consacrant  la  nuit  à 
s  saintes  veilles,  elle  répandit  tout  son 
bar  en  prières';  dédaignant  le  séjour  de  la 
ilrie,  triomphant  des  douceurs  du  mariage, 
fioussant  les  attraits  du  monde,  elle  cboi* 
a  de  vivre  en  exil  plutôt  que  de  s'éloigner 
lu  Qirist.  Comme  il  lui  restait  de  ses  orne- 
jtffics  royaux  un  vase  d'or,  ayant  pour 
diie  sous  de  ce  métal  et  orné  dé  perles  et 
e  diamants,  elle  Tenvova  au  vénérable 
rrsonoage  Jean,  reclus  a  Chinon...,  afin 
ail  priât  à  son  intention,  pour  qu'elle  ne 
'.cornât  pas  dans  le  siècle...  Le  lendemain 
lai  fit  dire  que  telle  était  bien  la  volonté 
1  roi,  mais  que  Dieu  ne  le  permettrait  pas, 

(fue  Clotaire  serait  puni  par  la  justice 
fine  avani  de  la  reprendre  pour  épouse. 
•  Après  celte  réponse,  l'esprit  tout  dirigé 
rs  le  Christ,  la  susdite  princesse  se  cous- 
lisit  à  Poitiers,  par  l'inspiration  et  avec 
ide  du  Seigneur,  un  monastère,  -d'après 
irdre  du  grand  roi  Clotaire...  Ce  fut  avec 
ie  que  la  sainte  reine ,  méprisant  les 
ssses  caresses  du  monde ,  entra  dans  ce 
doasière. 

«  Mais  l'ennemi  îaioux  du  bonheur  du 
ore  humain,  et  dont  Radegonde,  même 
ns  le  siècle,  avait  eu  horreur  de  fiiire  la 
loflté,  ne  cessa  point  de  la  persécuter. 
ir,  comme  d^  elle  l'avait  appris  par  des 
eisagers,  et  comme  toujjours  elle  l'avait 
Ilot,  le  grand  roi  Clotaire  vint  à  Tours, 
ec  son  très-excellent  fils  Sigobert,  sous 
étexte  de  dévotion,  mais  pour  s*approcber 
us  facilement  de  Poitiers,  et  reprendre  >a 
ine.  Dès  qu'elle  le  sut,  la  bienheureuse 
^iegonde  écririt  une  lettre  où  elle  réilé- 
ii  ie  serment  de  garder  la  continence,  et 
«^aait  le  del  h  témoin  ;  elle  l'envoya  se- 
ulement avec  de  petits  présents  et  des  eu- 
c^es  9  par  son  intendant  Proculus ,  k 
Kimme  apostolique  le  seigneur  Germain, 
èque  de  la  ville  de  Paris,  et  qui  se  trou- 


vu  alors  avec  le  roi.  Dès  que  ce  person- 
^o^*  plein  du  Seigneur,  l^ut 


vue,  il  se 


0148)  C.  I,  ii«*6ct9. 


prosterna  tout  en  pleurs  aux  pieds  du  roi, 
devant  le  sépulcre  de  saint  Maniu,  le  con- 

i'nrant,  au  nom  de  Dieu,  comme  ia  lettre 
'en  avait  chargé,  de  ne  point  approcher  de 
Poitiers. 

c  Alors  navré  d*amertume  en  comprenant 
bien  oue  c'était  la  demande  de  la  bienheu- 
reuse Radegonde  qu'on  lui  exposait,  le  roi, 
touché  de  repentir,  rejeta  sur  ses  mauvais 
conseillers  ce  qu'il  venait  de  iâire,  se  recon- 
nut indisne,  lui  qui  n'avait  pas  mérité  de 
garder  plus  longtemps  une  telle  reine,  se 
prosterna  h  son  tour  devant  l'autel  de  saint 
Martiu,  aux  pieds  de  l'homme  apostolique, 
Germain,  le  conjurant  de  demander  h  la 
bienheureuse  Radegonde  son  pardon,  et  si 
instamment,  qu'elle  daignât  oublier  com- 
bien il  avait  péché  contre  elle,  poussé  par 
des  conseillers  iniques  (1148).  » 

Maintenant  que  les  regrets  de  Clotaire 
séparé  de  Radegonde  nous  ont  été  racontés 
soit  par  Raudonivie  soit  par  H.  Thierry,  re- 
cherehons  quels  graves  changements  celui- 
ci  a  fait  subir  au  récit  primitif  de  la  reli- 
gieuse de  Sainte-Croix. 

La  sainte  envoya-t-elle  au  roi  des  requêtes 
fières?  Jamais.  Lui  en  envoya-t-elle  de  sup- 
pliantes? Pas  davantage  -  ce  fut  à  saint  Ger- 
main qu'elle  s'adressa.  Une  fois  pourtant 
elle  écn vit  à  Clotaire,  mais  non  pour  le  motif 

2ue  M.  Thierry  suppose;  elle  le  pria  de  lui 
dre  construire  un  couvent  à  Poitiers,  et  le 
roi  se  hâu  d*accéder  à  son  désir  (1149).  Etait- 
elle  à  Tours  ^auand,  pour  la  première  fois, 
le  bruit  de  ('arrivée  de  Clotaire  la  vint 
effrayer,  et  y  habitait-elle  l'asile  de  saint 
Martin?  Pas  du  tout  ;  elle  se  trouvait  à  Saix, 
et  ne  songeait  pas  è  se  cacher  comme  une 
épouse  fu|;itive.  Alla-t-elle  chercher  une 
autre  retraite  dans  Téglise  de  saint  Hilaire, 
à  Poitiers?  Nullement;  elle  se  rendit  dans 
cette  ville  pour  y  faire  construire  un  mo- 
nastère. Est-ce  avant  d'avoir  consenti  à  ce 
que  sainte  Radegonde  fondât  à  Poitiers  un 
monastère  de  femmes,  que  Clotaire  vint  à 
Tours  sous  un  faux  prétexte  de  dévotion? 
Non;  il  se  rendit  à  Tours  longtemps  après 
avoir  autorisé  la  fondation  du  couvent,  puis- 

3ue  déjà  la  sainie  reine  était  entrée  pleine 
ejoie  dans  cette  nouteUe  retraite. 
Du  rapprochement  de  ces  deux  récits  il  ré  * 
suite,  l*que  le  roi  de  Soissons  voulut  réelle- 
ment, par  deux  fois,  redemander  son  épouse  ; 
3*  que  M.  Thierry  a  modifié  sans  scrupule 
les  circonstances  les  plus  graves  de  ces  évé- 
nements, pour  faire  croire  que  le  départ  de 
la  sainte  n'avait  pas  été  antérieurement  au- 
torisé par  Clotaire. 

Toujours  d'après  cette  intention ,  fauteur 
des  M&cits  mérovingiens  assure  que  Tépoux 
de  Radegonde  consentit  au  divorce,  se  trou- 
vant entacé^par  cette  puissance  morale  contre 
laquelle  venait  se  briser  la  volonté  fougueuse 
des  rois  barbares.  Si  M.  Thierry  proclame 
ici  la  toute-puissance  du  clergé  sur  les  bar- 
bares, c'est  uniquement,  ce  me  semble, 
parce  qu'il  a  besoin  de  cet  aveu  pour  ame- 

(IU9)  HuMBKiTOS,  Vit.  S.  Raéey.,  c.  3,  n*  Si 


iMn 


BAD 


DICTIONNAIRE 


ner  le  dénoûroent  qu'il  donne  à  sa  fable 
méroTingîenne.  En  effet,  il  nie  ailleurs  cette 
uiôma  toute-puissance,  et  à  la  même  époque, 
quand  il  ne  peut  pas  la  faire  cadrer  àvQC  ce 
qu'il  raconte.  Vers  o6kf  Charibert,  l'un  dés 
Uls  de  Clotaîre,  quoiqye  déjà  marié,  avait 
épousé  Markowèfe^  sa  bolle-sœur,  qui  était 
consacrée  à  Dieu.  «  Socamé,  dit  M.  Thierry, 
de  romjpre  son  second  mariage  par  saint  Ger- 
main, évéque  de  Paris,  H  refusa  obstinément 
et  fut  excommunié.  Mais  le  temps  n'était 
pas  venu  où  l'Eglise  devait  faire  plier  sous 
sa  discipline  i%rgueil  brutal  des  héritiers 
de  la  conquête,  Haribert  (Charibert)  ne  s'é- 
mut point  d*une  pareille  sentence,  et  garda 
près  de  lui  ses  deux  femmes  .  » 

Comme  on  le  voit,  M.  Thierry  n  a  pas  un 
parti  parfaitement  arrêté  sur  le  pouvoir 
des  clercs  dans  ces  premiers  temps  du  mojen 
Age;  ce  qu'il  nie  dans  un  volume  de  ses 
Récits,  il  l'admet  dans  l'autre.  En  réalité, 
l'Eglise,  comliattant  pour  la  défense  de  Ja 
morale,  triomphait  parfois,  parfois  ne  ga- 
gnait rien,  ne  se  décourageait  jamais,  et 
n'avait  pas  donné  le  voile  à  sainte  Kadegonde 
sans  le  consentement  du  roi. 

$vi. 

La  vie  désunie  Badegonde,  à  PoUiers,  fut-elle  na  oum- 
promij  eaU*»  le  monde  et  le  cuaveol  f 

«  Ce  fut  vers  l'année  550,  dit  M.  Thierry, 
que  commença  pour  Radegonde  la  Tie  de 
retraite  et  de  {>aix  qu'elle  avait  si  longtemps 
débirée.  Cette  vie  selon  ses  rêves  était  une 
sorfe  de  compromis  entre  Faustérité  monas- 
tique et  les  habitudes  mollement  élégantes 
de  la  société  civilisée  (1150).  » 

Si  sainte  Radegonde  n'a  pas  été  un  des 
plus  elfrayants  exemples  de  l'austérité  mo- 
nastique, qu'est-ce  donc  qu'elle  aurait  pu 
ajouter  à  ses  mortiQcations  ? 

Hors  le  dimanche,  elle  jeûnait  tous  les 
jours,  et  ne  mangeait  ni  chair,  ni  poisson, 
ni  œufs,  ni  fruits  ;  des  légumes  seulement 
et  du  pain  de  seigle.  Elle  ne  buvait  point  de 
vin,  se  bornant  è  du  poiré  ou  à  de  Thydro- 
mel.  Son  lit  était  de  la  cendre  recouverte 
d'un  cilice.  Le  carême  redoublait  ses  macé- 
rations. Alors,  retraite  absolue  ;  plus  de  sel 
ni  une  goutte  d'huile  sur  les  légumes  deson 
repas,  qui,  la  première  année,  n'avait  lieu 
que  le  dimanche,  mais  venait.,  dans  la  suite, 
deux  fois  la  semaine;  pour  boisson,  de  l'eau 
seule  en  quantité  extrêmement  petite.  A  ces 
privations  quadragésimales ,  elle  ajoutait 
d  incroyables  tortures.  Tantôt  elle  se  cei- 
gnait le  cou,  les  bras,  les  flancs  de  cercles  et 
de  chaînes  de  fer  qu'on  ne  pouvait  ensuite, 
a  b  fêle  de  Pâques,  sortir  sans  arracher  la 
peau.  Tantôt  elle  faisait  rougir  au  feu  une 
lame  de  métal  en  forme  de  croix  et  se  l'im-  ' 
primait  en  plusieurs  endrofts  ôur  le  corps. 
Elle  en  vint  (ô  sainte  folie  de. la  croix  1 J  à 
allumer  un  plein  vase  de  charbon  et,  pour 

(1150)  Page  259. 

(tifti)  S.  F0RTU.NATU8,  Vit.  S.  Raaeg.,  c.  5,  n". 
1 4,  22. 


APOLOGETIQUE.  RAD  losj 

imiter  les  martyrs,  à  y  faire  brûler  ses  mem 
bres. 

Qu'est-il  besoin,  après  cela,  de  dire  qui 
cette  reine,  fille  des  rois,  non-seuiemin 
s'acquittait  au  couvent,  comme  les  moimirr 
sœurs,  à  son  tour,  de  tous  les  emplois,  sur 
tout  les  plus  viJs,  mais  encore  qu'elle  sV 
était  spécialement  réservé  quelques-uns 
(iiolj  Tout  ce,  pourtant,  semble  îi  ^ 
Tbinrry  non  pas  l'idéal  de  rauslérité  mn 
nastique,  mais  un  compromis.  Pour  mapiiii 
je  suis  de  l'avis  desaint  Fortunat  ;  il  ne  pro 
sait  j[)Bs  qu'on  pût,  sans  frayeur,  tracer] 
tableau  de  cette  vie  de  pénitence  (1152]. 

{TH. 

La  règle  de  sainte  Radegonde  loiénit-f^le  certJiB]J 

pïTs  de  ia  Tie  moiMMne? 

M.  Thierry  dît  :  t  Quoique  sévère  sar 
tains  points,  comme  Tabstinence  de  vit 
et  de  vin,  la  règle  tolérait  quelques-ooes  ^ 
commodités  et  même  certains  plaisii<^  <(e| 
vie  mondaine  ;  l'usage  fréquent  de  |j^ 
dans  de  vastes  pîsiûnes  d^eau  chaude, 
amusements  de  toute  sorte,  et  enire  11 
le  jeu  de  dés,  étaient  permis.  LalMr 
et  les  dignitaires  du  couvent   m 

dans  '.eur  compagnie,  non-seulemeoll 

*ques  et  les  membres  du  clei^é,  man 
laïques  de  distinction.  Uue  table  sompttn 
était  souvent  dressée  pour  les  visiieai 
pour  les  amis  ;  on  leur  servait  des  col  aL 
délicates,  et  quelquefois  de  véritables 
tins,  dont  la  reine  faisait  les  honneurs 
courtoisie,  tout  en  s'abstenant  d'v  pm 
part.  Ce  besoin  de  sociabilité  amenait 
core  au  couvent  des  réunions  d  un  «i 
genre  ;  à  certaines  époques,  on  y  jouait 
scènes  dramatiques,  où  figuraient,  sous 
costumes  brillants,  de  jeunes  fiJIes  du 
hors,  et  probablement  aussi  les  novices 
la  maison. 

«  Tel  fut  l'ordre  qu'établit  Radega 
daps  son  monastère  de  Poitiers,  mêlant 
penchants  personnels  aux  traditions  coi 
vées  depuis  un  demi-siècle  dans  le  cél 
monastère  d'Arles  (1153).  » 

M.  Thierry,  dans  ses  notes,  prouve .. 
rite  de  chacun  de  ses  détails,  par  qnëi 
mots  d'un  fort  singulier  récit  de  saint 
goire  de  Tours.  Nous  allons  donner 
lonçce  récit,  en  indiquant,  par  des  a 
Tes  Italiques,  ce  que  M.  Tliierry  en  a 
crit  dans  ses  notes. 

L'an  5^9,  deux  religieuses  de  Saint< 
Chrodielde,  fille  de  Charibert,  et  . 
fille  de  Chilpéric,  quittèrent  le  moi 
avec  une  quarantaine  d'autres  pen 
Elles  réunirent,  pour  leur  défense,  ui 
de  de  voleurs  qui  dispersèrent  un 
assemblé  à  Poitiers,  forcèrent  le  cou,.- 
pillèrent  et  enlevèrent  Tabbesse  Leubox 
avec  ordre  de  la  poignarder,  si  on  tenlaiîj 
la  délivrer.  Chrodielde,  auteur  de  loal^ 
scandale,  fut  obligée  de  céder  et  de  coruf 

• 

VI 152)  S.  F0RTUNATU8,  nbi  sucrA.  «•  20. 
(H  55)  Page  260. 


.^1 


RAD 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAD 


lOSS 


litre  (leTant  an  synode.  Elle  chargea  sa  su- 
^ieare  de  bien  des  accusations  qu'il  est 
loiile  de  raupeler  ici  ;  nous  devons  nous 
>rîier  à  celles  auxquelles  M.  Thierry  fait 

C:  rodielde  et  Basine  déclarèrent  qu  elles 
traient  pu  rester  plus  longtemps  exposées 

I  pvrii  de  la  faim,  de  la  nudité  et  des  coups, 
les  ajoQlèrent  que,  contre  toute  conve- 
nie,  d'autres  que  les  religieuses  se  la- 
;eat  dans  le  bain;  que  Tabbesse  avait  joué 

II  dés; que  des  séculiers  avaient  pris  leur 
^i  atec  elle:  qo*on  avait  célébré  des  San- 
iiies  dans  le  monastère;  que  Leubotêre 
lit  eu  h  témérité  de  faire  à  sa  nièce  des  ha- 
Ivucnts atec  un  tapts  de  soie  ;  quelle  na- 
ît pas  craint, d'enlever  le  feuillage  d'or  dont 
tapis  était  entouré^  et  de  le  suspendre  cri- 
ne  Ument  au  cou  de  sa  nièce  ;  qu'elle  avait 
t  pour  cette  nièce f  et  fort  inutilement^  une 
tûHette  dCor^  et  que  dans  Tintérieur  de  la 
\iiiti  die  avait  célébré  des  harbatories.  Les 
res  du  concile  demandèrent  à  Tabbesse 
qu'elle  avait  à  répondre.  £lle  dit  :  Cbro- 
^:.e  et  Basine  se  plaignent  de  la  faim  ; 
.r^  privations,  oialgré  la  pénurie  des  temps, 
'at  jamais  été  extrêmes.  Quant  aux  vêle- 
'^^  eiJe  dit  :  Si  on  visitait  leurs  cotfres, 
:  Tenait  bien  qu  elles  ont  plus  d'habillé- 
oj  qu'elles  n>n  ont  besoin.  Sur  ce  au  on 
I  :'jjectait  relativement  aubain^  elle  ut  ob- 
r*tr  que  cela  n'avait  eu  lieu  que  pendant 
nréme  ;  car,  pour  que  V odeur  acre  de  la 
ui  et  les  nouvelles  rq[Mirations  ne  fatiguas- 
upas  celles  qui  se  laveraient  f  dame  Èade^ 
ide  acait  oraonné  que  les  serviteurs  de  la 
VON  risiiassent  là  chambre  des  bains  puhli' 
rtrj  Jusque  ce  que  touleodeur  dangereuse 
titdisfipee.  Ce  que  les  domestiques  avaient 
/urne  de  faire  pendant  le  carême  et  jus- 
è  .a Pentecôte... (^nl  aux dés^  elle  répan- 
:  qucy  si  elle  avait  joué  du  vivant  de  dame  Ror 
^kde,  la  faute  ratteignait  bien  peu  ;  toute^ 
*,quela  chose  notait  prohibée  ni  par  le  texte 
(fi  Rigle^  ni  par  les  canons...  Relativement 
r  rcbas^  elle  dit  n'avoir  introduit  aucune 
ndle  coutunUj  mais  seulement  suivi  ce  qui 
biMil  sous  dame  Radegonde  /qu'elle  avait 
.'ft  à  des  chrétiens  ûdèles  des  eulo^^ies, 
5quon  |.ût  prouver  Qu'elle  avait  ma0c;é 
£  eux.  Sur  les  fiançailles,  elle  dit  qu'en 
>encedu  pontife,  du  clergé  et  ûes  sei- 
lurs,  elie  avait  reçu  des  arrhes  pour  sa 
ce,  jcnne  orpheline  ;...  mais  au*il  ne 
ait  point  fait,  à  cette  occasion,  de  festin 
s  le  monastère.  Quant  à  ce  qu'on  noin- 
it  un  tapis,  elle  fil  paraître  une  religieuse 
>le«  qui  lui  avait  donné  un  voiie  de  soie 
eie  avait  reçu  de  ses  parents.  £lie  en 
il  coupé  une  partie  pour  en  faire  plus 
i  ce  qu'elle  jugerait  convenable,  et,  du 
^  elle  en  avait  pris  tout  ce  qui  était  né- 
>aire  pour  un  tapis  destiné  à  orner  Tau- 

IS4<  Biêt.eccUs.  Fr.^  I.  x^c.  16. 

t.V>.  Béats  des  temps  mérovingiens^  pièces  juili- 

ites,  t.  Il,  p.  592. 

t5<i  Leabovére  se  irompait,  quand  elle  disait 

te  jcs  bommé  labuia  n^avail  pas  cié  cooJamné 

DlCTIO?IXAIRe    ArOLOGKTIQl  E.    11. 


tel.  Des  morceaux  qui  résulièrentdelacoupe 
du  tapis  elle  avait  placé  sur  la  tunique  de 
sa  nièce  une  |)arure  de  pourpre,  qu'elle 
avait  donnée  ensuite  à  la  maison  pour  Tusa- 

Se  du  monastère.  Tout  cela  fut  confirmé  par 
^idimie,  la  donalri.:e;  quant  aux  petites 
feuilles  et  à  la  bandelette  d  or,  elle  prit  té- 
moin Maccon,  serviteur  des  Pères  et  là  pré- 
sent, que  c'était  ))ar  ses  mains  qu'elle  avait 
reçu  du  fiancé  de  sa  nièce  susdite  ringt 
sous  d*or,  qui  lui  avaient  servi  à  faire  pu- 
bliquement ces  objets,  et  que  rien  de  ce  qui 
appartient  au  monastère  n'j  avait  été  em- 
ployé. On  interrogea  ensuite  Chrodielde  et 
Basine....  qui  déciarèrenl  n'avoir  pas  autre 
chose  à  imputer  à  Lrubevère,  que  ces  man* 
quements  a  la  Règle  |il5^).  » 

C'est  des  lignes  soulignées  dans  ce  ])assage 
9ue  M.  Thierry  a  conclu  que  les  bains,  les 
jeux,  lesfestinsavec  les  évêques  et  les  laïques, 
la  comédie,  charmaient  les  habitants  du  cou  - 
vent  de  Sainte-Groix« 

1*  Bains.  —  Il  y  avait,  dans  cette  maison, 
un  bain  ;  il  est  même  très-probable  qu'on  y 
poussait  le  sybarilisme  jusqu'à  se  servir 
d'eoi*  chaude:  mais  quand  ie  vois  cet  ap^^ar- 
tement  qu'un  grossier  balai  a  blanchi  au 
lait  de  chaux,  je  cherche  vainement  ce  luxe 
royal,  ces  thermes  (jue  M.  Thierry  faisajl 
croire  comparables  à  «eux  que  Pline  le ieune 
et  saint  Sidoine  Apollinaire  nous  ont  décrits. 
Et  encore  n*esl-il  pas  vrai  que  Tusage  en  ait 
été  fréquent  pour  les  religieuses.  L  article 
XXIX  de  la  Règle,  article  aue  je  copie  dans,  le 
texte  même  de  cette  règle  non  né  jiar  M.  Thier- 
ry» l^orle  :  c  On  ne  refusera  pas  le  bain  à  celle 
dbnt  l'infirmité  l'exigera,  et  elle  le  prendra 
sans  murmure  qar  le  conseil  de  la  médeci* 
ne,  de  sorte  oue  si  la  malade  ne  veut  pas  se 
baigner,  elle  fera  i^ouriant,  par  soumission, 
ce  que  sa  guérison  nécessite.  Si  aucune  in- 
firuiité  n'exige  le  bain,  quVu  ne  l'accorde 
|.as  (1135).  » 

â*  Jeux.  —  Bien  loin  de  pouvoir  soutenir 
que  des  amusements  de  toute  sorte^  et  entre 
autres  les  dés  fussent  permis  aux  religieuses 
de  sainte  Radegonde,  parr^  que  Leubovère 
avait  joué  à  ce  dernier  jeu,  si  toutt*fois  il 
s'agissait  de  dés  (ad  tabulam  luserit)^  il  me 
semble  qu'on  doit  reconnaître  par  là  combien 
les  jeux  étaient  rares  dans  cette  maison.  Si 
tout  le  monde  jouait,  il  n'y  avait  plus  moyen 
de  faire  contre  l'abbesse  un  sujet  d'arcusa- 
fion  d'un  divertissement  permis  autrefois  à 
son  enfance  (1156). 

3'  Festins,  —  Si  Leubovère  nous  apprend 
qu'une  table  é:ait  parfois  dressée  pour  les 
amis,  elle  nous  apprend  en  même  temps 
que  ceu'était  ja.'r.aispour  de  véritables  festins^ 
comme  dit  M.  Thierry,  mais  pour  prendre 
quelques  euîogies,  c'est-à-dire  une  colla- 
tion. M.  Thierry  assure  que  cette  table  était 
somptueuse^  qu'elle  se  dressait  souvent  ;  où 

par  les  conciles.  Uii  concile  d*Elvire,  vers  lan  500, 
excommuo'aîi,  par  son  canon  79,  celui  qui  jcoaita 
ce  jeu  :  Si  quis  tabula^  id  est  alea^  luserit^  eic  Âlee^ 
toutes  sortes  de  «eux  de  lusard. 


33 


ttm 


HAD 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RâD 


m 


-donc  a-t-il  retrouvé  les  comptes  de  la  cellé- 
rière  ? 

Maintenant,  quels  convives  sainte  Rade- 
gonde  admettait-elle  à  cette  table  ?  M.  Thier- 
ry se  plaît  à  y  réunir  les  évoques,  les  clercs, 
les  seigneurs  ;  pourtant  il  a  dû  lire,  dans 
la  règle  de  Saicte-Croix  qu'il  a  copiée,  l'ar- 
ticle xxxvi  :  «  Ne  préparez  de  repas  ni  aux 
évéques»  ni  aux  abbés,  ni  aux  moines,  ni 
AUX  cleFCS,  ni  aux  hommes  du  siècle,  ni  aux 
femmes  en  habit  séculier  ;  que  ni  les  ab* 
besses,  ni  aucune  religieuse  n'en  prépa- 
rent pour  leurs  parents,  ni  dans  le  monas- 
tère, ni  hors  du  monastère,  ni  à  j'évéque 
de  cette  ville  (1157),  ni  même  à  l'économe 
■du  couvent  ;  ni  aux  femmes  pieuses  de 
la  ville,  à  moins  qu'elles  ne  soient  de  haute 
distinction,  qu'elles  nlionorcnt  suflisam- 
ment  le  monastère,  et  que  cela  n'ait  lieu 
que  très-rarement  ;  si  quelqu'une  cepen- 
dant vient  d'une  autre  ville  pour  chercher 
sa  fille  ou  pour  visiter  le  monastère,  qu*elle 
fioit  pieuse  et  que  l'abbesse  le  juge  à  pro- 
pos ,  on  doit  l'inviter  au  repas  ;  les  au- 
tres, absolument  jamais,  parce  que  des  vier- 
ges saintes  et  consacrées  à  Dieu  doivent, 
:<out  occupées  du  Christ,  bien  plus  prier  pour 
le  peuple,  que  préparer  des  repas  pour  le 
•corps.  3» 

De  ce  double  témoignage  de  Leubovère  et 
de  la  règle,  il  résulte  donc  que  les  collations 
•ou  modestes  repas  donnés  par  sainte  Rade- 
gonde  ne  furent  jamais  de  véritables  festins, 
^t  que,  du  moins  depuis  l'adoption  à  Sainte- 
Xlroix  du  code  de  saint  Césaire,  nul  homme, 
pas  plus  clerc  que  laïque,  ne  s'assit  à  la 
table  du  couvent.  Avant  l'adoption  de  cette 
règle  était-on  aussi  sévère  pour  le  choix 
<Jes  convives?  Tout  porte  à  le  croire,  et 
rien  ne  prouve  que,  hors  les  employés  su- 
périeurs du  couvent,  d'autres  eussent  été 
.^Ultérieurement  invités  par  sainte  Rade- 
gonde. 

4*  Drames.  —  C'est  maintenant  à  Sainte- 
Croix  l'heure  du  spectacle  ;  suivons-y  M. 
Thierry,  l'ordonnateur  de  la  fêle.  Il  n'est 
pas  plus  embarrassé  pour  trouver  des  cos- 
tumes que  des  actrices.  Les  costumes  seront 
celte  parure  de  pourpre,  cette  bandelette 
d'or,  cette  broderie  de  feuillage  données  par 
l'abbesse  à  sa  nièce;  les  actrices  seront  de 
jeunes  filles  du  dehors  et  de  l'intérieur  du 
couvent;  tout  est  donc  prêt  pour  les  Bar- 
batories,  et  sainte  Radegonde  doit  se  trouver 
déjà  dans  sa  loge.  Malheureusement  l'afficha 
du  spectable  s  est  trompée. 

D*abord,  les  Barbaiories^  au  témoignage 
de  Du  Cange,  étaient  non  pas  des  scènes 
dramatiques^  mais  une  mascarade,  ou  bien 
la  cérén>onie  de  la  première  tonte  de  la  barbe 
d'un  jeune  homme. 

Ensuite,  quelque  sens  qu'on  donne  au 
mot  BarbatorieSf  cette  réjouissance  n'avait 

(1157)  Le  texte  latin  de  la  Règle,  tel  que  le  donne 
M.  Thierry,  porte  :  Sed  episcopo  civitatis,  ce  qui 
autorise  radmtssion  de  l'évéque  diocésain  aux  repas 
des  religieuses.  Je  pense  qu*au  lieu  de  sed  il  faut 
lire  nec,  puisque  le  supplément  de  cette  Règle  porte» 
ikTL  V  ;  I  Qu'on  ne  picparc  de  repas,  comme  nous 


pas  lieu  au  temps  de  sainte  Radogonde^puls. 
que  Leubovère,  en  s'excusanl,  ne  dit  pas 
qu'elle  eût  suivi  en  cela  leur  sainle  fonda. 
trice,  comme  elle  le  répétait  à  prooosdes 
bains  et  des  collations. 

Enfin,  quand  l'abbesse  déguisa  sa  oièiç 
en  grande  dame,  si  toutefois  ce  fut  on  m\ 
déguisement,  d'autres  personnes chaDg^rent- 
elles  aussi  de  costume?  Est-ce  que  ce  ne 
fut  pas  une  petite  surprise  ménagée  par  li 
bonne  supérieure  aux  habitantes  du  cou- 
vent, surprise  que  Chrodielde,  parcemrl 
de  Barbaîoriesy  aura  voulu  pi  as  aiséiofij 
rendre  odieuse?  Les  jeunes  filles  du  vois» 
nage  furent-elles  actrices  dans  cette  nâi 
partie  de  plaisir?  Le  besoin  de  socioM 
amenait 'if  pour  spectateurs  les  jeunes  «$ 
gneurs  francs  ou  gallo-romains?  iiphr" 
M,  Thierry  d'affirmer  qu'il  y  eut  conco 
d'actrices  et  de  spectateurs  ;  il  nous  piaif 
aussi  d'avoir  la  preuve  de  celte  asseit 
La  Règle,  en  effet,  dit,  article  xxiit:« 
matrones  séculières,  les  jeunes  filles  lof 
toutes  les  autres  femmes  et  les  hommes 
core  revêtus  de  l'habit  laïque,  oqU« 
d'entrer  dans  le  couvent,  i»  Les  clere 
vaient  obtenir  la  permission  de 
dans  la  chapelle  (11S8). 

Ainsi  donc,  cette  maison  de  sainie 
gonde,  changée  tour  à  tour  par  M.  Tlii 
en  athénée  littéraire,  en  académie  de 
en  salle  publique  de  spectacle;  celle 
son,  décrita  sous  toutes  les  formes,  ei 
sous  la  formt  d'un  couvent,  D*étail  d 
réalité  qu'un  couvent. 


§  VIII. 
A  quelle  époque  saiul  Fortunat  deviol-il  préiref^ 

M.  Thierry  dit  ;  «  Il  yavailplusde 
ans  que  le  monastère  de  Poitiers  aUirÂit 
lui  l'attention  du  monde  cfaréùent  Ion 
Vénantius  Fortunatus,  dans  sa  eourst 
dévotion  et  de  plaisir  à  travers  la  G4 
le  visita  comme  une  des  choses  lesplui 
marquables  que  pût  lui  offrir  son  voy«s 
y  fut  accueilli  avec  une  distinction 
teuse...  il  ne  songea  plus  i  reMs^ei 
Alpes,  s'établit  à  Poitiers,  y  prit  les  or' 
et  devint  prêtre  de  l'église  m^'"' 
laine. 

«  Facilitées  par  ce  changement  d'éial 
relations  avec  ses  deux  amies  (sainie  Bj 
gonde  et  l'abbesse  Agnès),  qu'il  appeli 
nom  de  mère  et  de  sœur,  derinrenl 
assidues  et  plus  intimes  (1159).  » 

M.  Guizot  dit  aussi  du  poëte  italien' 
le  voit  ensuite  aller  è  Tours...  Sainler 
g(Mîde,  fcmm€  de  Clotaire  1",  venais 
retirer  et  d'y  fonder  un  monastère  dcl 
Fortunat  se  lia  avec  elle  d'une  élruiiH 
tié,  entra  dans  les  ordres,  et  déviai  l>t< 
son  chapelain  et  J'aumônier  du  rQ( 
tère  (llbO). 

Vavons  établi  dans  la  Règle^  ni  pour  révèqw<î«j 
\tlle  ou  d'une  au^re  ville,  ni  peurauean  boiv 

(Hf;»)  Art.  xvx^-. 

(ii59;  Page  203. 

(110U)  Ilist.  de  la  civilhatlon  eu  Frence^i-»^ 
xvni,  p.  7(>. 


m 


RAD 


DICnONXAiRE  APOLOGETIQUE. 


RAD 


liOS 


ml.  Thierry  et  Guizot  donnent  h  enten- 
re  que  Fortnoat  à  Poitiers  se  rit  bientôt 
•fétu  du  sacerdoce.  Cette  assertion  n'est 
)iDt  idinissible  ;  l'historien  Paul  Warne- 
(d  lui  donne  un  démenti'  formel.  II  dit 
recUrement  :  c  Fortunat  passant  à  Poitiers 
demeura,  y  écriTit,  soit  en  prose»  soit  eu 
frs,  la  vie  d'un  grand  nombre  de  saints  ; 
fat  à  la  fin  (novissime)  ordonné  prêtre  dans 
i(e  riJIe,  pois  éTÔauef  et  il  repose  au 
ème  endroit,  honore  d*un  tombeau  digne 
»ioi(116l}.  » 

Ce  récit  ne  porte  pas  do  tout  à  croire  qoe 
roTageor,  presque  dès  son  arriyée  à  Poi 
iniîùi  ieieau  membre  do  clergé  de  cette 

11  est  tout  è  fiut  digne  de  remarque  qoe 
JDt  Fortanat  ne  s'est  donné  le  titre  de 
tire,  ni  quand  il  a  mentionné  ses  fonctions 
iprèsde  sainte  Radeçonde  (1162),  ni  dans 
\  éplires  qu'il  écrîTait  et  où  il  n'aurait  pas 
ujoars  négligé  de  le  rappeler,  contraire- 
eDt  à  fnsage  (1163^;  ni  dans  les  instances 
lil faisait  à  sainte  Radegonde  dediminuer 
5  austérités,  ou  dans  les  pieuses  réflexions 
-^iâées  qu'il  lui  adressait  (1 16^)  ;  ni  dans 
t  vrébce,  le  prologue  et  la  post-Cace  de 
jitVpes  livres  do  poème  survint  Martin, 
liinteur  cependant  parle  assez  longoe- 
«fit  Je  lui-même,  de  sa  patrie,  de  ses  étu- 
"f.  <Je  ses  voyages,  de  1  ignorance  dont  il 
:ns^,  de  son  arrivée  à  Poitiers  et  de 
i-ection  sainte  qui  l'y  a  retenu  (1165). 
irfois,  lorsque  sainte  Radegonde  se  pré- 
irait à  la  solennité  pascale  [)ar  une  retraite 
(iS  profonde,  le  poète  lui  adressait  des 
jeoi  et  regrettait  sa  trop  longue  absence. 
0  y  aurait  pas  eu  jiour  lui  d'absence  si 
Ki'iAte,  s'il  eût  été  aumônier  et  chape- 
Il  ai66). 

Fortuoat  se  représente  aidant  à  tirer  l'eau 
îuiis,  à  nettoyer  la  vaisselle,  à  sarcler  le 
^io,  à  cultiTor  les  légumes,  à  soigner  la 
jfie  :  toutes  choses  qui  ne  nous  rappellent 
fi:n  le  prêtre  (116i). 

li  est  donc  certain  que  Vénance  Fortunat 
A\à\i  depuis  longtemps  Poitiers,  quand 
entra  dans  les  ordres  sacrés.  Je  soup- 
me  qu'il  prit  cette  détermination  vers 
î,  après  la  mort  de  sainte  Radegonde  et 
kd  Agnès,  qui  survécut  peu  à  la  fomJa- 
re  (le  Sainte-Croix. 

i  i]uoi  bon,  pensera-t-on  peut-être,  cette 
^rtation  sur  le  temps  où  l'intendant  de 
ole-€roix  entra  dans  les  ordres  sacrés  ? 
e  est  fort  importante.  Elle  va  nous  mon- 
r  que  le  poëte  italien,  n'ayant  été  admis 
î  fort  tard  au  sacerdoce,  eut  grandement 
loisir,  avant  cette  époque,  sans  mettre 
contradiction  sou  état  avec  ses  écrits, 
Jrcsser  ses  petits  vers  badins  à  sainte 
^èd  et  i  sainte  Radegonde. 

II«U  ffîsl.  UmÊobardonm,  tu  tS. 

l^  m,  I.  2,  i;  ▼,  t  ;  vni,  16  à  27;  ii,  7. 

ii*4tMii,  lOtlli;  XI,  22. 

ittô,  Li  ri  primi  prafaiio  ei  ÎKidum  ;  fiuii 


§IX. 


Les  poéiiles  de  saint  Fortonst  prooTeDt-enes  que  la  pa- 
resse et  la  goonnandise  foraûsBeDt  le  knd  des  ■lœors 
do  couvent  de  sainte  Badcfonde  t 

M.  GuTiOT  dit  :  «  Les  pièces  adressées  à 
sainte  Radegonde  ou  à  l'abbesse  Agnès  sont* 
sans  contredit,  celles  qui  font  connaître  et 
caractérisent  le  mieux  Fortunat,  le  tour  de 
son  esprit  et  le  ^enre  de  sa  poésie.  Ce  sont 
les  seules  don|  je  vous  parlerai  avec  quel« 
ques  détails. 

«  On  est  naturellement  porté  à  attacher 
au  nom  et  aux  relations  de  telles  personnes 
les  idées  les  plus  graves,  et  c*est  sous  un 
aspect  grave,  en  effet,  qo'elles  ont  été  ordi- 
nairement retracées.  Je  crains  qu'on  ne  se 
soit  trompé  :  et  gardez  vous  de  croire  que 
j'aie  à  rapporter  ici  c|uelque  /mecdote  étrange 
et  que  1  histoire  ait  à  subir  l'embarras  ae 

Juelque  scandale.  Rien  de  scandaleux,  rieo 
'équivoque,  rien  qui  prête  à  la  moindre 
conjecture  maligne,  ne  se  rencontre  dans 
les  relations  de  Tévèque  et  des  relineuses 
de  Poitiers  ;  mais  elles  sont  d'une  lutilité, 
d'une  puérilité  qu'il  est  impossible  de  mé- 
oonnattrc,  car  les  poésies  mêmes  de  Fortunat 
en  sont  le  monument. 

<  Sur  les  vingt-sept  pièces  adressées  à 
sainte  Radegonde  ou  h  sainte  Agnès,  voici 
les  titres  de  seize...  * 

Les  pièces  dont  M  Guizot  donne  les  titres, 
le  poète  les  adressa  aux  deux  saintes  femmes, 
soit  en  leur  envoyant  des  fruits  ou  des  fleuri 
pour  la  chapelle,  soit  pour  engager  la  fon- 
datrice, épuisée  d'austérités,  à  boire  un  peu 
de  vin.  M.  Goizot  offre  ensoile  deox  échan- 
tillons de  ces  pièces,  l'one  (lib.  xi,  xix)  as- 
sez inexactement  traduite,  l'autre  excel- 
lemment rendue.  C'est  h  la  fois  la  plus  sin- 
gulière et  la  plus  gracieuse  du  poëte.  Nous 
allons  la  présenter,  en  continuant  la  citation 
de  l'historien  de  la  civilisation  : 

<c  Entouré  de  friandises  variées  et  de  tou- 
tes sortes  de  ragoAts,  écrit  Fortunat,  tantôt 
je  dormais,  tantôt  je  mangeais;  j'ouvrais 
la  bouche,  puis  je  fermais  les  yeux,  et  je 
mangeais  de  nouveau  de  tout;  mes  esprits 
étaient  confus,  croyez-le,  très-chères,  et  je 
n'aurais  pu  facilement  ni  parler  arec  liberté, 
ni  écrire  des  vers.  Une  muse  ivre  a  la  main 
incertaine;  le  vin  me  produit  le  même  effet 
qu'aux  autres  buveurs,  et  il  me  semblait 
voir  la  table  nager  dans  du  vin  pur.  Cepen- 
dant, aussi  bien  que  j'ai  pu,  j  ai  tracé  en 
doux  Ungage  ce  petit  chant  pour  ma  mère 
et  ma  sœur,  et  quoique  le  sommeil  me  presse 
vivement,  laffection  que  je  leur  porte  a 
inspiré  ce  aue  la  main  n'était  guère  en  état 
d'écrire.  »  (Lib.  xi,  xxnr.) 

«  Ce  n'est  point  par  voie  de  divertisse- 
ment quej'insère  ici  ces  citationssin^lières, 
et  qu'il  me  serait  aisé  de  multiplier  :  j'ai 
voulu,  d'une  part,  mettre  sous  vos  yeux  un 
cùlé  peu  conno  des  moeors  de  cette  époque. 

qmarti. 

(1166)  Tui«iO,  U,  15. 

(il 67)  Pièces inéditét  de  saint FoftTinuT,  Pmniê^ 
gie,  t.  LXXXYin. 


1t05 


RâD 


DICTIONÎIAIUE  APOLOGETIQUE. 


RAD 


il( 


«t  de  Taiitre,  vousy  faire  voir  el  loucher,  pour 
^ifjsi  dire  du  doigt,  l'origine  d'un  genre  de 
poésie  qui  a  tenu  une  assez  grande  place 
-<lans  notre  littérature,  de  cette  poésie  légère 
et  moqueuse  qui,  commençant  à  nos -vieux 
faWiaux  pour  aboutir  à  Veri^Vert,  s'est  im- 
piloyabiement  exercée  sur  les  faiblesses  et 
les  ridicules  de  l'intérieur  des  monastères. 
Fortunat,  à  coup  sûr,  ne  songeait  point  à  se 
tnoquer;  acteur  et  poète  à  la  fois,  il  parlait 
«t  écrivait  très-sérieusement  à  sainte  Rade- 
gonde  et  à  l'abbesse  Agnès  ;  mais  les  mœurs 
mêmes  que  ce  genre  de  poésies  a  prises  pour 
4exte,  et  qui  ont  si  longtemps  provoqué  la 
^erve  française,  cette  puérilité,  cette  oisi- 
veté, cette  gourmandise,  associées  aux  rela- 
tions les  plus  graves,  vous  les  voyez  com- 
mencer ici  dès  le  vr  siècle,  et  sous  des 
/traits  absolument  semblables  à  ceux  que 
lear  ont  prêtés,  dix  ou  douze  siècles  plus 
'tard,Marot  ou  Gresset.  Du  reste,  les  poésies 
de  Fortunat  n'ont  pas  toutes  ce  caractère... 
Ausone  est  plus  élégant,  plus  correct,  plus 
licencieux  que  Fortunat;  mais,  littéraire- 
ment parlailt,  l'évêque  continue  le  con** 
5ul  (1168). 

Ob$ervation$.  —  Lorsque  M.  Guizot  dé- 
clare qu'en  traçant  ce  tableau  de  l'intérieur 
du  couvent  de  Poitiers  il  n'a  point  eu  l'in- 
lention  de  divertir,  je  le  crois,  jnais  en  me 
rappelant  un  serment  de  l'auteur  de  la  Jé- 
rusalem délivrée.  Le  Tasse,  enfant,  recevait 
un  jour  le  fouet  qu'on   lui  adininistrait, 
aOn  de  le  guérir  de  son  goût  pour  la  poésie. 
L'infortuné  protestait  donc,  mais  encore  en 
vers,  qu'il  ne  ferait  plus  devers.  Ainsi  en  est- 
il  de  Al.  Guizot,  l'illustre  écrivain  protes- 
tant. Le  plaisir  d'une  satire  contre  les  cou- 
vents l'entraîne  à  son  insu.  Déjà  nous  l'avons 
TU  y  succomber  dans  son  appréciation  de 
saint  Colomban,  l'abbé  de  Luxeuil.fFoy.Co- 
xoMBAN.)  Il  avait  à  nous  faire  connaître  l'ar- 
dente éloquence  de  ce    Bridaine  du   vr 
siècle,  et  a  montrer  combien  elle  différait 
de  celle  de  saint  Césaire,  évêque  d'Arles. 
Or,  qu'est-ce  que  M.  Guizot  a  choisi  pour 
4erûie  de  comparaison?  Un  passage  au  lan- 
gage doux  et  paternel  comme  une  parabole 
de  l'Evangile,  un  passade  qui,  selon  M.  Gui- 
zot lui-même,  diffèiCe  du  genre  ordinaire  de 
saint  Colomban,  et  qui,  selon  saint  Colom- 
ban, est'  emprunté  a  un  autre  auteur.   Eh 
bienl  pourquoi  ce  choix  bizarre  qu'a  fait 
M.  Guizot  ?  Parce  que  M.  Guizot,  qui  pour- 
tant n  aime  pas  à  se  divertir  aux  détiens  des 
moines,  a  vu  que  cette  page  de  1  abbé  de 
Luxeuil  censurait  les  moines.  Vousétes  cal- 
viniste, M.  Josse! 

On  ne  saurait  non  plus  mieux  expliquer 
que  par  cette  antipathie  de  secte  le  choix 
que  l'historien  a  fait  dans  les  poésies  de 
saint  Fortunat,  pour  caractériser  le  genre  et 
le  tour  dC esprit  de  cet  écrivain.  Puisque 
toutes  les  poésies  de  saint  Fortunat  n'ont  pas 
ce  caractère^  c'est  M.  Guizot  lui-même  qui 
en  convient;  puisque  ces  pièces  aux  deux 


directrices  du  couvent  de  Sainle-Croiï  n 
sont  qu'une  imperceptible  partie  desœurn 
du  poëte,  puisque  ce  sont  évideminenl(i( 
badinagos  jetés  au  hasard  et  sanspréteolioi 
pourquoi  y  chercher  saint  Fortunat  loi 
entier,  sinon  parce  qu'en  le  considérani 
ce  point  de  vue  spécialement,  lui  cl  le 
deux  religieuses  paraîtront  ridicules? 

On  dit  que  Henri  IV  jouait  à  califourchc 
avec  ses  enfants,  et  que  Jean  Racine  i^ia 
surpris  parfois  faisant  avec  les  sien!  lapw 
cession  .  Eh  bien  1  imaginez  quelque  \m 
rien  prétendant  que  les  jeux  de  Henri  elâ 
Racine  sont,  sans  contredit,  ccaidelenr 
actes  qui  font  connaître  et  caractériscot  ï 
mieux  le  tour  de  leur  esprit,  la  politique •!< 
l'un,  la  poésie  de  l'autre; imaginez iiu'-: 
décide  que  des  hommes,  si  enfants  a?o€  Un 
enfants,  duront  perdre  leur  vie  dans  lois:* 
vêlé  et  les  puérilités  ;  vous  auriez  pitié  6o 
tel  censeur.  C'est  pourtant  ainsiqueM.Gs.'2ii< 
iuge  saint  Fortunat  et  sainte  RadegoDik;^ 
les  a  vus  sourire,  et  il  oublie  à  cespAUtJf 
tout  le  sérieux  de  leur  vie. 

Certes,  sainte  Radegonde  afCemt^^k 
admirablement  rempfi  sa  tâche  delns 
consacrée  à  Dieu.  Elle  devaiiavoirpiiiid 
malheureux,  et,  par  l'héroïsme  de  sa  T^m 
apprendre  aux  grossiers  Germains,  irsUib 
des  Gaules,  à  se  vaincre  eux-méuie5.  ^i 
nous  avons  déjà  raconté  ses  effrajante^s^ 
téritès  à  Sainte-Croix  ;  nous  aronsaus>iil^ 
contemplé,  dans  sa  villa  deSaix.ceii^rûir 
prodiguant  aux  infirmes  et  aui  vieilli  " 
de  tendres  soins  de  mère  qu'elle  m\ 
à  Poitiers;  et  c'est  cette  femnaequen 
appelez  paresseuse  et  gourmande? 

Les  jours  de  saint  Fortunat  à  Poitiers 
se  trouvaient  pas  moins  occupés;  li^' 
intendant  du  couvent  de  sainte  Radeg(' 
«  Le  monastère  dit  M .  Thierry,  ataii 
biens  considérables,  qu'il  fallait  Don-5<' 
ment  gérer,  mais  garder  avec  une  ïigiw 
de  tous  les  jours  contre  les  rapines  so^)! 
ou  violentes,  et  les  invasions  à  mainan 
On  ne  pouvait  y  parvenir  qu'à  force  JH 
plômes  royaux ,  de  menaces  d'ei(»Diiiir 
cations  lancées  par  les  évèques,  et  ks  ~ 
dations  perpétuelles  avec  les  ducs,  1^ 
tes  el  les  juges,  peu  empressés  d*«.i'i 
devoir,  mais  qui  faisaientbeaucoupparinj 
ou  par  affection  privée.  Une  pareille  ir 
demandait  à  la  fois  de  l'adresse  el  é^^^ 
vite,  de  fréfiuents  voyages,  des  Yisites 
cour  des  rois,  le  talent  de  plaire  aux» 
mes  puissants,  et  de  traiter  avec  loul^' 
tes  de  i)ersonnes .  Fortunatus  v  tro? 
avec  autant  de  succès  que  de  zèle.c^ 
avait  de  connaissance  au  monde  et  > 
sources  dans  l'esprit;  il  devint  le  com»^ 
Tagent  de  contiauce,  Tamba^sadeur,  li<> 
dant,  le  secrétaire  de  la  reine  et  dt;  1 
besse(1169).  » 

Ajoutons  à  cela  que  saint  Forluoat^ 
bien  se  créer  d'utiles  délassements  |»^ 
heures  de  loisir  que  lui  laissaient  ^^ 


<;il68)  nUi.  de  la;civUisalion  en  France,  l.  Il,  p.  76  81. 
(1169)  Page  264.  ^ 


n\n 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAD 


noç 


euses  occapalions*  Sans  parler  de  ses  pe- 
es  pièces  assez  mullipliées,  ni  de  son  re- 
irquable  poème  sur  la  mort  de  la  reine 
Isuinde,  nVt-il  pas  versifié  alors  la  vie 
saint  Martin,  quarante  colonnes  in-folio? 
i-t-il  pas  écrit  alors  son  apothéose  d'une 
'rze^  vièc'e  de  quatre  cents  vers,  et,  à  elle 
ile,  aouble  au  moins  de  tons  les  petits 
lets  adressés  aux  deux  pieuses  recluses 
70)?  Joignez  à  cela  plusieurs  histoires  de 
ots  rédigées  en  prose.  Je  ne  dis  pas  que 
Guizot  ait  passé  sous  silence  tous  ces 
vaux  littéraires  dans  sa  notice  sur  saint 
rtunat,  mais  je  me  plains  de  ce  quMl  les 
outillés  au  moment  de  Tappréciation  du 
rsonnage ,  pojur  ne  faire  de  ce  saint  que 
\\ue  nous  avons  entendu  :  un  être  puéril, 
if,  etc. 

v>it,  dira-t-on;  saint  Fortunat  et  sainte 
Jegonde  n'ont  pas  mérité  le  blâme  qu'on 
r  a  jeté,  et  les  petits  vers  de  Tintendant 
eot  seulement  une  distraction,  distraction 
s  innocente  même  qne  là  publication  des 
[resdHéloïse  etd'AoailarcI,  à  laquelle  ont 
<  [/art  M.  et  H"*  Guizot,  |)0ur  se  délasser 
t«ars  hautes  réflexions  sur  l'éducation 
praie  et  sur  la  politique;  cependant,  n'^ 
ri\  fssj  dans  cette  Gorresi)ondance  poéii- 
<fr  d<  saint  Fortunat,  au  moins  quelques 
nsesséants? 

>'-r  cela,  je  suis  d'accord  avec  le  critique. 
Nju  goût  et  l'esprit  des  convenances  au- 
^ntdû  faire  effacer  par  l'auteur  certaines 
Tiv^,  au  reste  en  fort  petit  nombre,  plus 
;rK*s  d'an  membre  de  la  société  du  caveau, 
V  du  corres[)ondant  de  deux  saintes  reli- 
ures; tel  est,  par  exemple,  et  principale- 
Rt  le  petit  poème  où  il  nous  a  montré  sa 
ce  ivre  qui  s'endort  la  bouche  pleine ,  ce 
évidemment  ne  saurait  être  pris  à  la 
Tf,  car  ces  vers  charmants  ne  sont  pas 
a  buveur  assoupi. 

fais  que  prouvent  ces  trop  grandes  licen- 
poctiques?  Rien  contre  les  mœurs  mo« 
u-iues.  Tout  ce  qu'on  en  peut  conclure, 
t  que  la  jovialité  et  la  veine  facile  du 
te  dépassaient  parfois  la  ligne  des  conve- 
ees,  dans  les  quatrains  ou  dizains  qu'il 
liguait  à  tout  pro[K)s,  et  s«)uvent  hors  de 
[«>s.  Personne,  par  exemple,  pas  même 
*  -J.  Ampère,  l  impitoyable  censeur  de 
Grégoire  de  Tours,  personne  n'a  jamais 
^  à  accuser  cet  évêque,  ce  rude  et  som- 
istnrien  des  Francs,  d'avoir  été  adonné 
paresse,  à  la  futilité  ou  aux  plaisirs 
table;  pourtant  l'intendant  de  Sainte- 
lui  écrivit  avec  la  même  lésèreté 
X  deux  religieuses.  Voici  à  quelle  oe- 
a. 

nt  Grégoire  avait  demandé  au  poète 
ru 'une  de  ses  pièces.  Saint  Fortunat  ré- 
it  par  un  po  ëme  sur  saint  Martin,  et  fit 
Jer  son  oeuvre  d'une  lettre  en  prose, 

JO)  D<  9em0tu  euriœ  eeeiestis  et  virtute  riraim' 
\U  viUf  6.  —  Vers  le  milieu  de  la  pièce,  il  y  a 
J'^cieax  libleao  de  Teztase  amoarense  d*ane 
lui  ft*élaiice  vers  Dieu. 
^1  )  L.  t,  Proi^gue^  éA*i.  de  M.  Fabbé  Misoc. 


où  il  raconte  fort  agréablement,  quoique 
pourtant  avec  trop  d^ffeclation,  ses  courtes 
et  ses  aventures.  «  Longtemps,  dit-i^  je 
voyageais  au  milieu  des  barbares.  Fatigué 
ou  de  la  route  ou  de  l'orgie,  sous  ces  brumes 
glacées,  pressé  par  ma  muse  gelée,  ou  plu* 
if^i  ivre,  nouvel  Orphée^  je  faisais  redireaux 
forêts  mes  chants  lyriaués...  Que  je  fisse 
gémir  de  rauques  syllaoes,  ou  que  je  chan*- 
tasse,  autant  valait  l'un  que  l'autre  auprès^ 
de  mes  hôtes;  car  pour  eux  nulle  différence 
entre  le  cri  de  l'oie  ou  l'harmoBieducygne..^ 
Et  les  auditeurs  assis,  entourés  de  leurscou- 
pcs  de  bois  d'érable ,  se  portaient  des  san-  ' 
tés,  et,  sans  autre  arbitre  de  leurs  débals 
que  Bacchus,  poussaient  des  clameurs  in- 
sensées. Que  pouvait- on  composer  avec 
soin  au  milieu  de  tels  personnages,  qui 
croyaient  à  peine  exempt  de  folie  celui  qui 
n'était  pas  îou  avec  eux,  et  qui  réduisaient 
leur  convive  à  se  féliciter,  quand  il  pouvait 
survivre  au  travail  de  boire?...  Cnez  ces 
âmes  brute,  le  jeûne  même  est  ivre 
(1171).  » 

Ce  ton  si  leste,  si  mondain,  que  Fortunat,, 
encore  laïque  k  cette  époque,  aurait  pu  em- 
ployer avec  un  autre  laïque,  déplatt,  au  con- 
traire, dans  une  épttre  au  très-grave  évêque 
de  Tours.  Toutefois,  ce  n'est  point  ce  uer* 
nier  que  nous  devons  accuser  de  légèreté» . 
de  mondanité  ;  c'est  le  poète  qui  a  manqué 
de  tact  et  de  bon  goût .  Ainsi  en  est-il  des 
quelques  lignes  messéantes  envoyées  h 
Radegonde  et  à  Agnès,  non  point  par  Vét^ 
que  de  Poitien^  comme  dit  M.  Guizot,  mais- 
par  un  poète  intendant  à  Sainte-Croix» 

il 

SÛDt  Fortunat  s'abaiid(Miiiait41  nas  mesura  aaz  pUlsirs^ 

de  U  Ubie? 

M.  Thierry.  —  «  Fortunatus  alliait  à  une 
grande  souplesse  d'esprit  que  assex  grande- 
ucilité  de  mœurS.  Chrétien  surtout  par 
l'imagination,  comme  on  Va  souvent  dit  des 
Italiens,  son  orthodoxie  était  irréprochable; 
mais,  dans  la  pratique  de  ta  vie,,  ses  habitu- 
des étaient  molles  et  sensuelles.  Il  s'aban- 
donnaitsans  mesure  aux  plaisirs  de  la  table, 
et ,  non-seulement  on  le  trouvait  toujours 
joyeux  convive,  grand  buveur  et  chanteur 
inspiré,  dans  les  festins  donnés  par  ses  ri- 
ches patrons,  soit  romains,  soit  barbares,, 
mais  encore,  à  l'imitation  des  mœurs  de 
Rome  impériale,  il  lui  arrivait  parfois  de 
dtner  seul  à  plusieurs  services  (1172)  Habi- 
les comme  lesont  toutes  les  femmes  à  rete-* 
nir  et  à  s'attacher  un  ami  par  les  faibles  de 
son  caractère,  Radegonde  et  Agnès  rivalisè- 
rent de  complaisances  pour  ce  grossier  pen- 
chant du  poète,  de  même  qu'elles  cares- 
saient en  lui  un  défaut  plus  noble,  celui  de 
la  vanité  littéraire.  Chaque  jour,  eHes  ea- 
voyaient  au  logis  de  Fortunatus  les  prémi- 

(1IT2)  FoRTWATi Openi.,  I.  iif»  carro.  15, 16, 17, 
18,  19: 1.  VII,  carm.  «5,  Î6, 29,  30;  I.  ix,  carm.  «; 
I.  X,  carm.  12;  I.  »i,  carro.  16 ,  22, 25,  24,  et  paSr 
&iiD.  (Note  de  M.  Thierry,  p.  265.) 


fl€7 


RâD 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAD 


tes  des  repas  de  la  maison  (1173);  et  non 
eontenles  de  cela,  elles  faisaient  apprêter 

Î)Our  lui,  avec  toute  la  recherche  possible, 
es  mets  dont  la  règle  leur  défendait  Tusage. 
C'étaient  des  viandes  de  toutes  espèces,  as- 
saisonnées de  mille  manières,  et  des  légumes 
arrosées  de  jus  ou  de  miel,  servis  dans  des 
plats  d'argent,  de  jaspe  et  de  cristal  liilk). 
I>*autres  fois,  on  Tinvilait  à  venirprenure  son 
repas  au  monastère,  et  alors  non-seulement 
la  chère  était  délicate,  mais  les  ornements 
de  la  salle  à  manger  respiraient  une  sensua- 
lité coquette.  Des  guirlandes  de  fie  urs  odo- 
rantes en  tapissaient  les  murailles,  et  un 
lit  de  feuilles  de  roses  couvrait  la  table  en 

Suise  de  nappe  (1175).  Le  vin  coulait  dans 
e  belles  coupes  pour  le  convive  à  qui  nul 
Yœu  ne  l'interdisait;  il  y  avait  comme  une 
ombre  des  soupers  d'Horace  ou  de  Tibulte 
dans  l'élégance  de  ce  repas  offert  à  un  poêle 
chrétien  par  deux  recluses  mortes  pour  le 
monde,  i» 

\  Lequel  préféreriez-vous  ,  on  un  poëte 
adonné  aux  plaisirs  de  la  table,  ou  un  his- 
torien romancier?  Pour  moi,  sans  hésiter, 
j'aimerais  mieux  Fortunat ,  fût-il  unsai  con- 
vive, comme  on  le  prétend,  que  M.  Thierry 
se  jouant,  comme  dans  le  précédent  extrait 
de  son  livre,  des  documents  dont»il  se  sert. 
Nous  allons  interroger  à  notre  tour  les  piè- 
ces <ju*il  a  citées,  et  nous  verrons  quelle  at- 
tention i-l  leur  a  donnée. 
'  Saint  Fortunat  félicite  l'évéque  de  Metz, 
Villicus,  du  lait  de  ses  étables,  si  délicieux 
qu*on  le  buvait  à  pleine  écuelle.  Une  autre 
iois,Cépuisé  sans  doute  de  fatigue  par  une 
longue  course,  il  lui  demande  un  morceau 
de  pain  {da  mihipanis  opem).  Admis  à  un 
repas  de  ce  pontife,  il  remarque  une  vigne 
et  des  oiseaux  représentés  sur  la  table,  et 
écrit  quatre  vers  ;  il  en  improvise  ensuite 
deux  autres  sur  son  hôte,  héritier  de  l'a- 
dresse de  saint  Pierre  à  la  })6che.  À  Cologne, 
le  voyageur  connaît  Carenlius,  et  célèbre  lès 
vertus  de  cet  évêque,  qui,  par  sa  charité, 
devient  le  père  nourricier  des  pauvres  (1176). 
Voilà  les  cinq  premières  preuves  qui  au 
tribunal  de  M.  Thierry,  montrent  le  grossier 

Ïenchant  de  saint  Fort  aiat  à  la  gourmandise- 
e  doute  qu'elles  semblent  aussi  convaincan- 
tes au  lecteur  qu'à  lui. 

Le  poëte  comptait  quelques  amis;  il  vou- 
lut un  jour  être  leur  amphitryon,  et  ce  fut 
naturellement  en  vers  qu'il  écrivit  l'invita- 
tion à  venir  partager  un  plat  de  légumes,  et 
un  flacon  dé  vin  qui  ne  pouvait  compromet- 
tre Id  raison  des  conviés.  Quatre  amis,  qua- 
tre billets  d'invitation,  qui  deviennent  aux 
yeux  de  M.  Thierry  quatre  preuves  péremp- 
toircs  que  saint  Fortunat  s'abandonnait  sans 
mesure  au  plaisir  de  la  table  (1177). 
L'intendant  de  sainte  Radegonde  avait  reçu 


r; 


(1 173)  FoRTUNATi  Opera^  I.  xl,  carm.  13,  De  eulo- 
iU  13  pro  eoitaneiê^  14  pro  lacté,  15  aliud  pro  lacle^ 
8  pro  prunellia,  19  pro  aliiU  deliciiê  et  lacté,  20 

vro   ovis  et  prunis;   î6.,  carm.  i3.  (Note  de  M. 
Thierry.) 

(1174)  L.  \t,  carm.  9  et  10.  M.  Thierry  cite  en 


de  saint  Grégoire  de  Tours,  à  titre  d'usulhii. 
lier,  une  maison  de  campagne  et  uq  petit 
champ.  Il  Ten  remercia  ;  et  quoique  daiu 
ces  vers  il  ne  soit  pas  plus  question  de  boire 
que  de  manger,  M.  Thierry  ne  laisse  pas  d*Y 
lire  un  accablant  témoignage  des  ^oûts  gas- 
tronomiques de  saint  Fortunat. C est  delà 
22*  pièce  du  livre  ix*  qu'il  s'agit.  Peut-être, 
cependant,  M.  Thierry  a-l-il  eu  en  m  !a 
pièce  suivante,  écrite  a  la  même  o€ca$iOQ.U 
poëte,  comparant  la  libéralité  de  saint  Mar- 
tin et  celte  de  son  successeur  Grégoire,  dit 
que  l'un  couvrit  de  son  manteau  les  paurres 

aue  l'autre  nourrissait  Quel  que  soit  des 
eux  billets  celui  que  l'auteur  des  Mili 
mérovingiens  choisisse  pour  pièce  de  prucè, 
1  est  évident  que  la  basse  passion  attribuée 
à  saint  Fortunat  s'y  étale  également  dan) 
toute  sa  laideur,  n'est-il  pas  vrai? 

Mais  il  me  tarde  d'entendre  ce  chanteor 
inspiré.  Justement  je  l'aperçois  à  table,  ei 
un  jour  de  fête  solennelle,  dans  une  tMa 
révoque  de  Tours.  Faisons  silence;  les  «s- 
vives  se  disposent  à  l'écouter.  D'aMf/its 
chante  pas;  ses  dix-huit  distiques dleiiiD^ 
très  et  de  pentamètres  n'ont  pas  m  le 
rhythme  bacnique  pour  qu'il  puisse  teàasp 
ter.  Sa  flûte^  dit-il,  se  conisnle  Ajwrlff.tt 
bieni  do  quoi  parle-l-elle?  De  Pâques,  lii 
saint  Martin,  de  saint  Grégoire  de  ToQr$,ua 
roi   Childebert  et  de  la  reine  Bruncbaa 
Ainsi  donc,  ce  Désaugiers  que  nous  proti^A- 
tait  M.  Thierrv,  se  borne,  le  repas  teriniDe, 
h  réciter  une  homélie  versifiée,  el,enqu«'- 
que  sorte,  à  dire  les  grâces  (1178). 

H  est  temps  de  voir  saint  Fortunat  din« 
chez  lui,  seul  et  à  plusieurs  services,  à  h* 
milation  des  Romains  dégénérés,  car, aw 
eux,  jamais  l'on  n'aurait  songé  à  avoir  d^a 
services  ;  ceci  est  clair.  Le  poëte  arail  di* 
l'estomac  un  peu  archéologue.  Quatre  pi^ 
du  livre  xi  sont  indiquées  comme  téoioigu 
ces  à  charge  ;  ce  sont  les  pièces  16,  'H  - 
24.  Dans  la  16%  saint  Fortunat  dit  qu  il  b 
pas  pris  garde  à  ce  qu'on  lui  a  servi;  l'Otf 
tant  M.  Thierry  sait  qu'il  y  eut  double  se 
vice  ;  qui  l'a  donc  si  bien  renseigné?  W 
la  22*  pièce,  le  poëte  engage  sainte 
gonde  à  prendre  un  peu  de  nourrilurc 
soutenir  son  corps  exténué  d'auslériié>.  « 
vous  le  faites,  s'écrie- t-il,  je  serai  deuiî' 
rassasié,  bis  saiiabor.  n*  De  ces  deui  rr 
siemenls,  l'un,  pour  le  oioins,  est  métapi 
rigue.  N'importe  ;  M.  Thierry  fait  de  *- 
cela  deux  services,  et  tance»  comme  i'^» 
vu,  le  poëte  trop  vorace.  Saint  Forluiiai" 
félicite,  dans  son  poëme  23»  d'avoir  eu  ji 
repas  du  lait,  des  légumes,  des  œufe  ti  ^ 
beurre  »  auxquels  succédèrent  eusuite 
nouveau  du  beurre  et  du  lait.  Cetle  loi>i 
sont,  bien  les  deux  services  annoncc^f 
M.  Thierry.  Mais  si  cet  historien  feui  •> 

partie  ces  deux  pièces. 
(1175)  L.  xi,  carm.  2. 
(H 76)  L.  iij,  carm.  15,  16,  17,  ÎB,  19. 

(1177)  L.  VII,  carm.  25,  3tî»  29,  30. 

(1178)  L.  XyCarm.  12. 


109 


1L%D 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAD 


illO 


icher  àce festin  cbam|)étre  des  souTenirsde 
i  cmsiae  romaine,  il  ne  doil  pas  parler  de 
I  Rome  de  Tiinialcion,  il  faut  qu*il  remonte 
celle  de  Cincinnatus.  Noos  avons  déjà  en- 
>miu  saint  Forlunat  nous  raconter»  dans  le 
9ême  îhj  comment  un  jour  il  dormait  et 
laageait  entouré  de  friandises  variées  et 
uo  mélange  de  parfums.  M.  Thierry  dis- 
}se  habilement  Kaffaire,  de  manière  à  en 
rersesdenx  services;  les  friandises  for- 
ent le  premier^et  les  parfums,  sans  doute, 
second. 

Nous  arrivons  maintenant  aux  petits  soins 
urnaliers  des  deux  recluses  pour  la  table 
)  leur  intendant,  et  nous  sommes  beureux 
î  reconnaître  oue  M.  Thierry  a  cité  avec 
isez  d'exactitude  les  neuf  poëmes  dont  il 
iQlorise.  Il  est  très-vrai  qu  on  servait  pour 
5  repas  de  saint  Fortunat  une  partie  des 
pas  dn  cQuvenl,  et  que  parfois  on  j  ajou- 
jl  qaelques-uns  des  mets  que  la  rè^^le  dé- 
Ddaitaux  religieuses.  Mais  ceci  prouve-t-il 
le  la  politique  féminine  des  deux  direc- 
ices  de  Sainte-Croix  se  proposât  de  retenir 
poêle  par  des  complaisances  pour  un  gros- 
er  penchant? Nullement.  L*on  doit  unique- 
i^nl conclure  qae  saint  Fortunat  était  nourri 
tf  le  monastère  dont  il  prenait  soin,  et 
iits  lequel,  d'ailleurs,  il  demeurait,  avant 
ŒtAxiuction  de  la  règle  de  saint  Césaire. 
3  je  ses  poèmes  nous  1  apprend  très  exprès- 
faent,  puisqu^il  écrit  à  sainte  Radegonde, 
DÎ  Ta  s  enfermer  pour  sa  retraite  prépara- 
rire  à  la  fSte  de  Paaues  :  «  Ainsi  séparé  de 
>as,  il  ne  semble  plus  que  ce  soit  la  même 
aisoQ  qui  nous  renferme  (1179J.  »  Si  c'est 
al  pour  un  saint  d*avoir  faim  comme  le 
tste  des  mortels,  si  c'est  mal  pour  des  re- 
Sieoses  de  nourrir  les  employés  de  leur 
aisoD,  convenons  que  Ton  a  été  griève- 
eotcoapable  dans  le  monastère  de  Poitiers, 
utefois  avec  cette  circonstance  atténuante, 
lOQ  faisait  faire  assez  maigre  chère  à  l'in- 
Ddant,  du  moins  à  en  juger  par  les  titres  de 
s  prières  d'action  de  grâces  :  pour  des  châ- 
igne$^  pour  du  lait^  four  dei  prunes^  pour 
tœufs.  Il  embouchait  presque  de  surprise 
trompette  épique,  lorsqu'il  paraissait  quel- 
le mets  un  peu  pi  us  recherché.  Des  châtai- 
nes, dn  lait,  des  prunes,  des  œufs,  c'est 
m  par  les  attraits  d'un  tel  régime  qu'on 
irait  pu  enctiatner  à  Poitiers  un  prétendu 
^e  gourmand  que  tant  de  seigneurs  se 
baient  fête  d'héberger!  Non -seulement  on 
^  reliendrait  pas  de  la  sorte  un  gourmand, 
>isoQ  ne  retiendrait  pas  même  les  célèbres 
ftbagoriciens  et  anacnorètes  de  notre  siè- 
^  MM.  Guizot,  Ampère  et  Thierry. 
^int  Fortunat,  selon  Fauteur  des  Réciu 
^Qtingien$9  faisait  aussi  parfois  à  Sainte* 
^ii»  en  tète  à  tête  avec  les  deux  recluses, 

(1179)  Rénls  de$  tempe  mironHgienê^  pièces  jastl- 
aûres,  d*  5,  «en  inédiu  de  VenanUus  Fortmnatms^ 
«oiîcrtt  par  H.  Gnérard,  lauitième  pièce,  p.  404. 

(1180)  L.  M,  i. 

(»18l)T.l!,c«,p.550,53l. 
0182)  T.  lu,  c.  I,  p.  4.  —  Que  d'antres  grands 
«)»  de  lance,  ww-senkmeDt  de  lance  cotntmse, 
1^^  encore  à  fer  ésDOuln,  contre  TEglise  et  se^  pjo- 


Lalagé  et  Délie,  devenues  dévotes,  des  sou- 
pers dignes  d'Horace  et  de  Tibùlle.  Laissons 
de  côté  l'inconvenance  de  ce  rapprochement, 
et  ne  parlons  que  du  fait;  or,  il  u'est  point 
exact.  Ce  n'est  pas  que  M.  Thierry  ait  né- 
gligé les  citations  à  Tappui  de  ce  qu'il  avance; 
mats  il  a  eu  soin  d'en  élaguer  un  peu  trop  ce 
qui  devait  accuser  son  tableau  d'inexacti- 
tude, c'est-à-dire  le  commencement  et  la 
Gn  de  la  pièce.  Fortunat  s'écrie  :  «  Contem- 
ple, heureux  'convive,  ces  délices  enchante* 
resses  I  Les  fleurs  nous  sourient  moIlemenL.. 
C'est  ma  sœur  qui,  de  ses  doigts  rivaux  de 
ceux  de  Dédale,  a  tressé  toutes  ces  fraîches 
guirlandes  pour  ma  mère,  si  digne  d'un  tel 
honneur  (1180).  »  Ce  fut  donc  pour  fêter,, 
non  pas  1  intendant,  mais  la  fondatrice,  que 
le  modeste  réfectoire  de  Sainte-Croix  se- 
changea  un  jour  en  brillant  triclinium,  et 
Fortunat  y  trouva  d'autres  invités,  auxquels^ 
il  fît  connaître  l'objet  et  l'ordonnatrice  de  la^ 
joyeuse  solennité. 

De  ce  minutieux  espionnage  sur  saint 
Fortunat  à  table,  que  résulte-t*il?  Nous 
avons  appris  que  ce  personnage,  tout  aussi 
bien  que  ses  censeurs,  était  obligé  de  man- 

Î;er  pour  apaiser  sa  faim,  et  que,  dans  ses 
ongs  voyages,  il  n'avait  pu  découvrir  le  se- 
cret de  vivre  sans  manger. 

M.  Ampère  trouve  que  M.  Thierry,  son 
illustre  ami^  a  un  peu  embelli  le  portrait  dr 
Fortunat j  et  qu'il  a  mis  quelquefois^  en  par- 
lant des  goûts  culinaires  du  poète,  la  frian- 
dise à  la  place  de  la  gloutonnerie  {iiSi).  Ail- 
leurs pourtant  il  se  rétracte,  et  pense  qu'où 
peut  s'en  tenir  à  l'appréciation  émise  par 
M.  Thierry.  «  Peut-être,  dit-il,  ai-je  cédé  à 
mon  insu  au  désir  qui  entraînait  les  jeunes 
chevaliers  à  briser  une  lance  courtoise  con« 
tre  les  maîtres  de  la  lice,  pour  honorer  et 
consacrer  leurs  armes  (11^).  n  Par  consé- 
quent, saint  Fortunat  ne  se  jetait  pas  préci- 
sément avec  gloutonnerie  sur  les  mets,  il  y 
était  seulement  poussé  par  un  grossier  pen- 
chant.  Je  remercie  M.  Ampère  d'être  ainsi 
revenu  sur  ses  pas  ;  car,  qu'aurait-il  laissé  à 
dire  par  un  nouveau  censeur?  Pour  dire 
quelque  chose  de  neuf  après  lui,  il  faudrait 
taxer  d'anthropophagie  notre  malheureux 
poète. 

Quoi  qu'il  en  soit  du  grossier  penchant  ou 
de  la  gloutonnerie^  voici  les  faits  recueillis 
par  M.  Ampère,  et  qu'il  ajoute  à  ceux  que 
M.  Thierry  a  notés. 

M.  AxrÈBB.  —  «t  Dans  un  sixain  (de  For^ 
tunat)  sur  un  dîner,  de  convirto,  se  trouvent 
ces  deux  vers  :  i  Mon  ventre  a  été  enflé  et 
tendu  par  diverses  bonnes  choses  :  lait,  œufs, 
beurre,  légumes,  j'ai  tout  avalé.  »  Ailleurs, 
il  se  plaint  de  ce  que  son  appétit  trop  vif  ne 
lui  a  pas  laissé  le  temps  de  flairer  les  mets, 

Ufes,  dont  je  voudrais  qn^on  nous  révélU  aassi  nai- 
vemeat  la  cause  !  Jamais  je  n*aorais  osé  accuser 
M.  Ampère  de  céder,  dans  ses  jugements  parfois  si 
dvrs  et  si  injustes,  i  un  autre  motif  qtfik  une  con- 
viction réfléchie;  mais  puisqu'il  soupçonne  qn*il  en 
pourrait  être  parfois  autrement,  sachons  être  snr 
nos  gardes. 


4H1 


UAD 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAD 


m 


en  sorte  que  son  nez  a  perdu  la  jouissance 
des  fruits  que  sal)Ouche  était  trop  impatiente 
de  dévorer.  Il  eslsans  cesse  question  de  pula, 
de  venter»  On  sent  Je  barbare,  ou  du  moins  le 
contemporain  de  ia  barbarie,  dans  cet  épi- 
curien (1J83). 

«  Celte  inclination  décidée  de  Fortunat 
pour  les  plaivîrs  de  la  table,  qui  se  produit 
presque  à  chaque  page  de  ses  poésies  et 
achève  d*en  caractériser  la  dé^^radalion  gros- 
sière, reparaît  jusque  dans  ses  opuscules 
théologiques,  où  elle  se  trahit  par  une  sin- 
gulière préférence  pour  les  métaphores  em- 
pruntées aui  idées  de  repas,  de  cuiside, 
d'aliments  (1184).  » 

—  Selon  M.  Ampère,  la  gourmandise  du 
poêle  italien  se  manifeste  soit  par  Texpres- 
sion  grossière  de  sa  joie  après  ses  repas, 
soit  par  les  métaphores  que,  même  dans  les 
sujets  les  plus  graves,  il  lire  de  l'art  gastro- 
nomique. 

Je  conviens  que  le  poêle  était  souvent  fort 
trivial  dans  ses  vers  d'après-dîner.  Pendant 
ses  longues  pérégrinations,  il  était  admis 
d'habitude,  il  parait,  à  la  table  des  seigneurs, 
dont  il  payait  l'hospitalité  en  monnaie  de 
troubadour,  en  vers.  Or,  gue  pouvaient  être 
les  poëmes  du  jovial  convive,  naturellement 
enclin  au  mauvais  goût  littéraire  et  s'adres- 
sant  à  des  barbares  qui  n'auraient  rien  com- 
pris à  ses  actions  de  grâces,  si  elles  eussent 
été  versifiées  avec  quoique  délicatesse?  De 
là  ce  ton  qui  nous  étonne  et  nous  fatigue 
dans  les  remerclraenls  de  Fortunat  à  ses 
amphitryons.  La  preuve  que  ces  burles- 
ques métaphores  n'étaient  que  des  plai- 
santeries fort  peu  attiques,  et  non  pas  le 
langage  de  la  gourmandise,  c'est  que  le 
i>oëte  tes  étalait,  non-seulement  quand  on 
lui  avait  servi,  comme  il  dit  quelque  part, 
des  monlagnea  de  viande  et  des  jardins  de 
légumes  (1185),  mais  aussi  è  propos  de  la 
plus  modeste  collation,  d'un  peu  delait^  de 
beurre^  etc.  ;  bien  moins  encore,  à  propos 
d'un  fruit.  Lorsqu'iï  se  plaint  que  son  appétit 
trop  vif  ne  lui  a  pas  laissé  le  temps  de  flairer 
les  meiSf  de  quelles  friandises  s'agissait-ïl 
donc  ?  La  pièce  citée  en  note  par  M.  Ampère 
nous  apprend  que  Fortunat  parlait  de  quel- 
ques fruits  mûrs»  peut-être  d'oranges,  aurea 
poma  (1186).  Il  est  donc  évident  que  les  mots 
gula  ei  venter  ne  revenaient  souvent  dans  les 
vers  du  voyageur  italien  que  parce  que  c'é- 
tait le  genre  de  çaieté  seul  capable  de  cha- 
touiller ses  grossiers  auditeurs.  Il  en  fut  à 
£eu  près  de  Fortunat  comme  il  en  a  été  de 
erchoux  et  de  Brillai-Savarin,  qui,  tous 
deux  exemplaires  par  leur  tempérance  et 
leur  sobriété,  donnèrent  cependant,  l'un  en 
vers,  l'autre  en  prose,  de  célèbres  leçons  de 
gastronomie  (1187). 


C'est,  j'imagine,  un  accès  d'impatience  qui  ' 
a  suggéré  à  M.  Ampère  robscrralion  qu'il  I 
a  faite  sur  l'emploi  de  métaphores  culinaires 
par  le  poète  italien  dans  ses  poésies  sacfée>. 
Le  critigue  irrité  venait,  sans  doute,  de  lire 
la  première  pièce  du  vu*  livre  de  Fortunat. 
Cette  pièce  est,  en  effet,  ridiculemenl  sur- 
chargée des  figures  littéraires  qui  dépiaiscDi 
tant  à  M.  Ampère.  L'auteur  salue  d'abord, 
par  liuit  yers,  ses  confrères  en  poésie,  gol 
se  désaltèrent  à  la  fontaine  de  Castaln  ft  h 
nourrissent  des  productions  de  Cicéronnit 
Démosthènes^  surtout  du  céleste  aliment  dont// 
par  le  Christ.  Plus  loin  arrivent  huit  autre* 
lignes,  nous  disant  que  sainte  Radcgoixic^ 
faisait  un  festin  de  Basile,  de  Grégoire,  ifÀ- 
thanase,  d'Hiiaire,  etc.  Cette  pîè«:e  eicepK 
je  n'aperçois  dans  les  opuscules  ihéolo^ 
ques  de  saint  Fortunat  aucune  prédileclHO 
pour  les  termes  empruntés  au  langage  un 
cuisines.  Il  en  a,  mais  ni  plus  ni  moins  qat 
tout  autre  écrivain,  et,  d'ailleurs,  pis  \m 
dans  ces  pièces  que  dans  celle  à  saiole  h> 
débonde,  dont  on  vient  de  parler,  cesmelfr 
phores  ne  peuvent  être  caractéristifloa«  4t 
quelque  penchant  de  l'auteur;  car  ses  lan- 
ges sont  banales,  traînent  partout,  n?  M 
que  répéter  ce  aue  tout  le  monde  a  du cM; 
fois.  Qui  donc  n  a  pas  dit,  comme  ForiuQl|^ 
que  les  poètes  boivent  h  la  source  sacré*  ' 
Castalie?  Qui  donc  n'a  pas  dit  aussi  qa' 
faut  se  nourrir  des  chefs-d'œuvre  littéral 
de  Taniiquité  profane  ou  des  siècles  th 
liens?  Qui  donc  n'a  p«s  dit  que  TE^ 
abreuve  les  peuples  du  lait  de  sa  manielli 
et  que  le  Christ  a  délivré  les  nations  de  l* 
btme  qui  les  dévorait?  Qui  donc  n'a  pas 
des  saints,  comme  Fortunat,  de  saint  " 
tin,  qu'ils  se  désaltèrent  à  la  source  él 
neIle?Quin'a  pas  dit,  en  décrivant  un 
cendie,  que  les  édifices  devenaient  la  p 
des  flammes  (1188  j?  C'est  pour  une  dou 
de  métaphores  si  sensuelles,  qu'on  fait 
saint  théologien  un  disciple  d'Ëpicurel 

Puisque  M.  Ampère  cherche  dans  le  si* 
de  notre  poète  un  indice  do  ses  pencha 
il  aurait  dû  conclure  que  ce  personnage 
un  grand  guerrier,  surtout  un  intrépi'ie 
rin,  et  probablement  l'un  de  ces  avenlu 
qui,  avant  Christophe  Colomb,  découvri 
dit-on,  l'Amérique.  Je  compte ,  en  e 
dans  son  p(  ëme  sur  saint  Martin,  vin^t 
allusions  à  l'art  militaire,  et  plus  ue 
vers  ornés  de  métaphores  ou  de  com 
sons  tirées  de  la  navigation ,  de  ses  [>étiis 
de  ses  vagues.  ^ 

Les  quelques  exr'Tessions  niétanho 
où  saint  Fortunat  fait  allusion  à  I  acli(« 
manger,  prouvent  donc  uniquement  qu'l 
sortait  pas  facilement  des  banalités  d 
lieux  communs  littéraires»  et  non  paî 


(H83)  T.  Il,  p.  531. 
(1I84)T.  II,  p.  335. 
(1185)  L.  XI,  9. 
(It86)  L.  VI,  9. 


poeine 
livlog 


à  hi  sobriété  de  ces  deux  ontcurs,  voir  une  (i(* 
lente  notice  sur  Joseph  Bercàoux^  par  M.  CoIIchr^'^ 
Lyon,  1841,  et  la  Notice  hUlorigue  iftal  Felro»^'^ 
lôie  de  la  Physiofogie  du  goût^  éJil.  Cliarp<.Dti< 
1858. 
(ii88>  De  Resurrectione.  —  Df  Vit$i  S.  fitrôMi 


m 


BAD 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAD 


1114 


e  démon  de  la  gourmandise  fût  son  génie 
hmilier  et  inspirateur.  Pas  plus  ces  locu- 
iirns  fizurées  que  les  autres  passaj^es  signa- 
es  par  MM.  tiuizol.  Ampère  et  Thierry,  n'o- 
ili^ent  donc  à  conclure  que  saint  Fortunat 
p  <oit  abandonné  sans  mesure  aux  plaisirs  de 
3  lablt. 

Avec  là  méthode  de  nos  critiqnes,  mé- 
h>Je  qui  consiste  à  prendre  un  fait  ou  une 
igne  et  à  bâtir  sur  cela ,  en  dépit  de  tout  le 
i-^(e,  un  édifice  de  considérations  et  d*apr 
récîations  historiques,  que  ne  ferait-on  pas 
es  personnages  les  plus  graves?  Que  ncdi- 
3i(-0D  pas  sur  les  badinages  d'Arnauld- 
Andilly,  envoyant  de  Port-Boyal  des  poires 
madame  de  Sablé  ou  des  pavies  à  made- 
:ol5e!le  de  Hontpensier?  Que  ne  dirait-on 
h-  (ie  ses  frères  en  Jansénius,  qui  fahri- 
paient  les  souliers  des  religieuses  de  leur 
Arti?  Que  ne  dirait-on  pas  de  Racine,  fai- 
ka  la  procession  avec  ses  enfants? De  J.  de 
laistre,  adressant  certaines  lettres  enjouées 
«a  ûile?  De  Chateaubriand,  en  admiration 
cTant  des  fruits  que  lui  avait  envoyés  un 
:une  littérateur  de  f.yon?  Quelle  auréole 
T'iesque  ne  donnerait-on  pas  à  une  foule 
fautres  personnes?  Mais  Tequitéqui  le  dé- 
fi i  en  face  de  Tensemble  de  leur  vie  et  de 
tjt^ œuvres,  devait,  par  la  m.éme  raison, 
[M^er  la  mémoire  de  saint  Fortunat  et  de 
4:o(eRadegonde(it89). 

§XI. 

'tbtknité  de  siint  Fortunat  et  de  i*abbesse  Agnès  parut- 
elle  suspecte? 

M.Thierry  dit  :  «  A  Tégard  de  Tabbesse, 
ni  n'avait  guère  plus  de  trente  ans  lorsque 
ette  liaison  commença,  Tintiipité  parut 
ispecte,  et  devint  le  sujet  d*insinualions 
laiigoes.  La  réputation  du  prêtre  Fortuna- 
15  en  souffrit;  il  fut  obligé  de  se  défendre 
de  protester  qu*il  n'avait  pour  Agnès  que 
s  sentiments  d  un  frère,  qu*un  amour  de 
ir  esprit,  qu'une  affection  toute  céleste.  11 
fit  avec  dignité,  dans  des  vers  où  il  prend 
Christ  et  la  Vierge  à  témoin  de  son  mno* 
*n^e  de  cœur.  » 

Je  sais  un  gré  infini  à  M.  Thierry  de  ce 
Ml  accepte  la  justification  de  Fortunat; 
r,  si  Tauteur  des  Récils  mérovingiens  avait 
tulu  sur  ce  point  se  montrer  trop  difficile, 
a  est  pjBLS  douteux  que  son  autorité  si  res- 
tiée  n'eût  fait  aux  deux  personnages  une 
fHitation  d*Héloise  et  d'Abailard.  Mais  il 
t  tout  à  fait  digne  de  remarque  que,  dans 
île  multitude  d'appréciations  étranges,  sou- 
nt  complètement  fausses,  de  saintes  et  de 
mis,  tracées  par  M.  Thierry  en  ses  divers 
rits,  il  ne  s*est  jamais  abaissé,  que  je  me 
>peile,  à  laccusation de  libertinage, 
tout  en  remerciant  M.  Thierry  de  son 
il»eei  pour  l'intimité  du  poëte  et  de  l'ab- 
sie,  je  suis  porté  à  croire  qu'il  n'a  ^las 


parfaitement  saisi  le  sens  de  la  pièce  à  la- 
quelle il  fait  allusion,  et  que  les  rapports 
d'Agnès  et  de  Fortunat  ne  furent  point  sus- 
pects aux  yeux  du  public;  Fortunat  crai- 
gnit seulement  de  prêter  peut-être  un  peu 
le  flanc  à  la  censure.  11  s'adresse  à  Agnès. 
«  Vous,  lui  dit-il,  ma  mère  par  votre  di- 

Snité,  mais  que  je  chéris  comme  une  ten- 
re  sœur,...  le  Christ  et  ses  apôtres  Pierre 
et  Paul  sont  témoins,  Marie  toute  sainte  et 
son  céleste  cortège  savent  que  mes  yeux  et 
mon  esprit  ne  se  sont  jamais  fixés  sur  vous 
que  comme  si  vous  étiez  ma  sœur  Tttiana^ 
comme  si  Radegonde  nous  avait  ensemble 
portés  dans  son  sein  et  nous  avait  nourris 
ensemble  de  son  lait.  Hélas  I  je  gémis  sur 
mon  malheur,  je  crains  que  peut-être  le  lé- 
ger murmure  de  quelques  nuisibles  paro- 
les ne  fasse  obstacle  à  mon  sentiment.  Mais, 
n'importe ,  je  veux  toujours  vivre  en  for- 
mant de  tels  vœux,  si  toujours  vous  voulez 
me  conserver  votre  affection  (1190)1  » 

Dans  ces  fort  beaux  vers,  nous  n'avons 
point  entendu  Fortunat  se  plaindre  de  quel* 
que  blessure  de  la  critique,  mais  seulement 
la  redouter  d'avance.  Aussi  n'est-ce  pas  an 
public  qu'il  s'est  adressé  ou  qu'il  a  présenté 
une  justification  ;  il  a  simplement  exprimé 
une  crainte  à  sa  sœur  Agnès. 

IXll. 

QaeUe  part  »int  Fortonat  a-t-fl  pa  avoir  ao  rûdt  que 
sainte  Radegonde  a  fiUt  de  ses  maUieun? 

c  Cet  homme  d*humeurgaie  et  légère,  dit 
M.  Thierry,  qui  avait  pour  maxime  de  jouir 
du  présent  et  de  prendre  toujours  la  vie  du 
côte  agréable,  était,  dans  ses  entretiens  avec 
la  fille  des  rois  de  Thurin^re,  le  confident 
d'une  souffrance  intime,  d'une  mélancolie 
de  souvenir  dont  lui-même  devait  se  sentir 
incapable  (1191).  Radegonde  avait  atteint 
l'âge  où  les  cheveux  blanchissent,  sans  ou- 
blier aucune  des  impressions  de  sa  première 
enfance,  cl,  à  cinquante  ans,  la  mémoire 
des  jours  passés  dans  son  pays  et  parmi  les 
siens  fui  revenait  aussi  fraîche  et  aussi  dou- 
oureuse  qu'au  moment  de  sa  captivité.  U 
lui  arrivait  souvent  de  dire  :  «Je  suis  une 
pauvre  femme  enlevée.  »  Elle  se  plaisait  à 
retracer  dans  leurs  moindres  détails  les. 
scènes  de  désolation,  de  meurtre  et  de  vio- 
lence dont  elle  avait  été  le  témoin  et  en  par- 
tie la  victime.  Après  tant  d'années  d'exil,  et 
malgré  un  changement  total  de  goûts  et  d'ha- 
bitudes, le  souvenir  du  foyer  paternel  et  les 
vieilles  affections  de  famille  demeuraient 
peur  elle  un  objet  de  culte  et  dé  passion;. 
c'était  un  reste,  leseui  qu'elle  eût  conservé, 
des  mœurs  et  du  caractère  germaniques. 
LMmagede  ses  parents  morts  ou  baiinis  ne 
cessait  point  de  lui  être  présente,  en  dépit 
de  ses  nouveaux  attachements  et  de  la  paix 
qu'elle  s'était  faite.  Il  y  avait  même  quelque 


1189)  Snr  Ions  ces  faits,  voir  le  PoTt-lioyul  de 
Sit9iT£-Bcc;vE,  t.  I,  p.  449;  t.  Il,  p.  229  et  255. 
l  (lires  de  Joseph  de  Naistre,  I.  I,  xli.  —  Cha» 
^yxand,  M  rie  et  $e$  écriu^  par  M.  Colloiibet, 
**}\,  —  Mémoiw  de  Louis  IUcim:  sur  son  père. 


—  IlélMfes  tirés  d'une  petite  bibtiotkè^ue ,  par  N<h 
»iEX.  c.  9,  p.  104. 

(1190)  L.  XI,  6,  iS/du  des  temps  mérownaiens, 

p.  2C8. 

(1191)  L.  Tu,carD..26  ttîS.  «Noie de  M.  Tbi.ny.) 


«115 


llAD 


DICTIONNAIRE 


chose  d'emporté,  une  ardeur  presque  sau- 
yage  dans  ses  élans  d*&me  vers  les  derniers 
débris  de  sa  race ,  vers  le  fils  de  son  oncle 
réfugié  à  Conslantinople ,  vers  des  cousins 
nés  dans  l'exil  et  qu'elle  ne  connaissait  que 
de  nom.  Cette  femme  qui,  sur  la  terre  étran- 

fère,  n'avait  rien  pu  aimer  que  ce  qui  était 
la  fois  empreint  de  christianisme  et  de  ci- 
vilisation ,  colorait  ses  regrets  patriotiques 
d'une  teinte  de  poésie  inculte,  d'une  rémi- 
niscence des  chants  nationaux  qu'elle  avait 
jadis  écoutés  dans  les  palais  de  bois  de  ses 
ancêtres,  ou  sur  les  bruyères  de  son  pays. 
La  trace  s'en  retrouve  çà  et  là ,  visible  en- 
core, bien  que  certainement -affaiblie,  dans 
quelques  pièces  de  vers  où  le  poète  italien, 

farlantau  nom  de  la  reine  barbare,  cherche 
rendre  telles  qu'il  les  a  reçues  ses  confi- 
dences mélancoliques  (1192).  » 

M.  Thierry  reconnaît  que  les  vers  des 
deux  poëmcs  dont  il  parle  sont  de  saint  For- 
tunat;or,  il  n*a  point  de  bonnes  raisons  pour 
n'attribuer  pas  aussi  au  même  auteur  les 
pensées  de  ces  pièces.  Les  motifs  qui  le  por- 
tent à  croire  que  le  poëte  n'a  fait  que  versi- 
fier les  graves  pensées  de  sainte  Radegonde, 
sont  que  la  muse  de  l'écrivain  italien  était 
trop  légère,  et  que,  d'ailleurs,  dans  ces 
deux  chants,  on  entend  retentir  quelque 
chose  de  la  sauvage  harmonie  du  nord. 
Examinons  ces  motife. 

Deux  petits  billets  adressés  par  saint  For- 
tunat  à  aes  amis,  pour  les  inviter  à  un  mo- 
deste repas,  sont  indiqués  en  note  par 
M.  Thierry  comme  preuves  irréfragables 

2ue  le  poêle,  homme  a  humeur  gaie  et  légère^ 
tait  incapable  de  s'élever  seul  au-dessus 
des  sujets  frivoles  et  badins.  Quel  langage 
si  épicurien  le  poëte  a-t-il  donc  tenu  dans 
ses  billets  d'invitation?  C'est  là  une  ques- 
tion que  nous  avons  déià  éclaircic;  mais, 
puisqu'on  la  ramène,  if  faut  bien  encore 
s'en  occuper. 

Fortunat  écrit  à  un  confrère  en  poésie  : 
«  Quoique  tu  te  fatigues  dans  de  sérieuses 
études,  docte  et  éloquent  poëte,  viens  ici, 
égaie  par  de  joyeux  propos  notre  conversa- 
tion, mais  en  veillant  à  ce  que  la  raison  ne 
quitte  jamais  la  ligne  de  1  honnêteté.  Les 

f)aroles  imprudentes  font  d'ordinaire  lever 
^  main  (1193).  x 

A  un  avocat,  il  dit:  «Après  tant  de  tra- 
vaux, chasse  les  rixes  de  palais.  Cette  table 
bienveillante  avertit  de  vivre  agréablement. 
Que  les  procès,  les  colères,  le  vacarme, 
remplissent  les  tribunaux,  les  débals,  les 
lois  !  Ici,  plais-loi  dans  le  repos  que  donne 
ce  jour  consacré  à  l'amitié  (1194.).  » 

A  côté  de  ces  billets  d'invitation,  il  s'en  ren- 
contre quelques  autres  encore  dont  M.  Thier- 
ry ne  parle  pas  ici,  quoiqu'ils  aident  à  com- 
prendre totite  la  pensée  de  Tamphytrion: 
Fortunat  avertit  ses  convives  cjue  les  mets 
ne  seront  pas  recherchés,  le  vin  nullement 
dangereux,  et  qu'il  faut  surtout  «  aimer  le 

(1192)  Page  269. 
(1195)  L  VII,  2«. 
(1194)  L   VII.  28. 


APOLOGETIQUE.  IiAD  U16 

Christ  et  les  délices  quon  doit  éternelle- 
ment savourer  (1195).  »  M.  Thierry  pas^ 
tout  cela  sous  silence  ;  on  en  comprend  sans 
peine  le  motif.  Mais,  en  nous  en  tenant  aux 
seuls  vers  qu'il  cite,  il  est  impossible  de 
trouver,  dans  les  deux  pièces  adressées  par 
l'intendant  de  Sainte-Croix  à  ses  amis,  (e 
poëte  et  l'avocat,  le  langage  d'un  homme 
voué  théoriquement  et  pratiquement  àlé- 
picuréisme.  Fallait-il  donc,  pour  ne  pas  ob- 
tenir de  M.  Thierry  la  réputation  de  vireor, 
qu'il  engageât  les  conviés  à  se  présentera 
son  repas  comme  ils  l'auraient  fait  à  5c> 
funérailles? 

Si  le  principe  d'après  lequel  M.  Tbicrr^ 
apprécie  le  talent  de  saint  Fortunat,  o  eiait 
pas  imaginé  tout  exprès  pour  attaquent 
personnage,  et  si  Ton  voulait  s'en  ser?:r 
]»our  iui^er  d'autres  écrivains,  on  soutien- 
drait donc  qu'Horace,  Voltaire,  BéraDger,M 
souvent  épicuriens  et  quelque  chose  de 
plus,  quand  ils  chantent,  n*OQt  [K>int  \xmé 
dans  leur  génie  les  sublimes  iaspiraiiiC^ 
lyriques  ou  dramatiques  qui  tran$j.ior/r/i{ 
dans  leurs  ouvrages?  Casimir  Delari^^i 
dit  : 

0  mes  amis,  qae  ce  banque!  m^enchamc!.. 
J  aime  ces  jeux ,  ce  désordre  ei  ces  cris!...  at 

Prétendez-vous,  à  cause  de  cet  aimable  co;:* 

Slet,  que  Delavigne  n'a  pu  cooiposer  ni  1^ 
(esséniennes  niLouU  XI?  Les  petits  billets 
du  poëte  italien  ne  prouvent  donc  pas  qn'û 
ait  été  incapable  do  produire  le  poëiue  sut 
la  Ruine  de  la  Thuringe, 

Il  y  a  dans  ce  poëme  quelque  chose  d*i«- 
culfe^  d'emportéj  une  ardeur  presse  sautûgt, 
qui  détermine  l'auteur  des  Récits  m/rorin- 
giens  à  croire  que  la  germaine  Radegooiie 
a  dû  être  la  muse  qui  dicta  les  pensées  dt 
Fortunat,  et  les  colora  de  la  poésie  sombr: 
des  chants  du  Nord. 

Quelle  dépense  d'esprit  pour  enlever  à 
saint  Fortunat  toute  ap[)arence  d*hoiiuD^ 
sérieux,  et  ne  faire  de  lui  que  le  gounuaci 
Vert-Vert  de  Sainte-Croix  I 

Je  n'examinerai  pas  s'il  y  a  quelque  vni- 
semblance  que  la  sainte,  enlevée  à  sor 
pays  à  peine  âgée  de  huit  ans  (1196),  ail  en- 
core pu ,  à  cinquante  ans^  après  tant  iVàL 
nées  si  austères  dans  son  couvent,  se  rsf 
peler  assez  les  cliants  de  la  Thuringe  poi 
les  imiter  dans  le  poëme  ({u'on  suppost 
dicté  par  elle?  Quanta  moi,  je  n'y  vois  au- 
cune probabilité.  Ce  qui  me  semble  évider^ 
c'est  que  les  vers  sur  fa  ruine  de  laThurins'i 
sont  bien  de  saint  Forlunal.  L'ardeur  pn^-' 
que  sauvage  remarquée  par  M.  Thjerr' 
n'est  que  la  bouffissure  trop  ordinairt-  «.a 
style  du  poëte  italien  ;  seulement,  le  su/'- 
étant  sombre  et  tragique,  le  pathos  esiiic- 
venu  terrible  comme  dans  un  Yicux  en»; 
germain;  il  aurait  été,  au  contraire,  cfaar^c; 
d'hyperboles  plus  spleudides  dans  an  suj«i 
plus  agréable,  témoin  l'épllre  à  révéqea 
Félix  de  Nantes  (1197). 

(1 195)  L.  vil,  25,  Î6,  «9.  „      ^.^ 

(1 196)  Récits  des  temps  tti^ovôrpcsi.  t  H.  P-  7«^ 

(1197)  L.  ni,  carm.,  4,— Au  milK»  J<  ^^^ 


fin 


RAD 


DICTIONNAIRE  APOLOCETIQUK. 


RAD 


IflflS 


Toat,  cependant,  n*es(  pas  à  dédaigner 
dans  cei  opusaile  snr  !a  Tburinge  ;  des  pen- 
sées Traies  et  profondément  touchantes  s*y 
rencontrent  ;  mais  il  n'est  pas  nécessaire 
d*aMer  en  chercher  Torigine  dans  les  souve- 
nirs de  Tenfance  de  sainte  Radegonde  ;  n'en 
iit-cm  pas  d'aussi  mélancoliques,  d'aussi 
déchirantes  dans  i'élé^e  de  saint  ^ortunat 
sur  la  mort  de  la  reine  Gaisuinthe  (1198)7 

Je  sais  bien  que  H.  Ampère  tâche  de  dis- 
puter au  poète  italien  ces  heureux  traits 
remarqués  dans  l'élégie  sur  Gaisuinthe.  De 
même  que,  selon  M.  Thierry,  c*étaient  tout 
)  rbeure  les  pensées  de  la  princesse  thu- 
ringienne  que  saint  Fortunat  avait  répétées  ; 
de  même  à  présent,  diaprés  M.  Ampère,  ce 
sont  les  pensées  de  Kinfortunée  princesse 
espagnole  qu'il  TersiOe.  ^  Fortunat,  dit-il, 
en  raison  de  sa  situation  auprès  de  Rade- 
gonde,  était  l'intermédiaire  naturel  entre 
ces  deux  femmes,  et  probablement  il  eut 
rorcasionde  recueillir  auprès  de  Galswinde 
elle-même  des  détails  sur  son  voyage  et  sur 
son  départ  d'£spagne.  Ce  sont  ces  détails 
qu'il  a  mêlés  à  ses  propres  déclamations, 
et  qai  contrastent  heureusement  avec  elles 
1199).  » 

Quelle  singulière  façon  d'apprécier,  que 
celle  de  H.  Ampère  1  Saint  Fortunat  écrit- 
ii  quelques  pa^es  admirables,  il  les  a  em- 
pruntées des  Germains;  ioue>t-il,  au  con- 
traire, certains  Germains  de  leurs  talents, 
(^n  se  moque  de  lui  (lâOO).  Sauriez-vous  le 
secret  de  plaire  h  un  tel  critique? 

Au  reste,  la  puérile  supposition  que  Gal- 
?vinthe  aurait  narré,  par  le  menu,  à  l'inten- 
laot  de  Sainte-Croix,  les  circonstances  de 
^a  voyage  d*£spagne  en  Gaule  ;  cette  pué- 
rile supposition,  sur  quoi  repose-t-eile  ?  Si 
e  poète  avait  pu  recevoir  de  la  princesse 
risigothe  quelques  confidences  un  peu  dé- 
aillées, ç*aurait  été  quand,  à  son  arrivée, 
Me  passa  par  Poitiers.  Or,  Fortunat,  par- 
ant de  Gaisuinthe  à  Poitiers,  se  conleute 
le  dire  qu'il  l'a  vue  traverser  la  ville,  mul- 
ement  assise  sur  son  char  (1201)  ;  il  ne  se 
erait  pas  tu  sur  des  relations  plus  intimes 
vec  la  princesse,  s'il  en  avait  été  honoré. 
C*est  donc  dans  son  c(Bur  que  saint  For- 
uiiai  a  puisé  les  émouvantes  pensées  des 
eux  |)Oëmes  sur  Gaisuinthe  et  sainte  Ra- 
egonde. 


§xm. 


a  «anse 


da  diTOfte  de  sainte  Hadegonde  et  de  ta  vie 
le  clolue  fut-elle  uoe  paasloa  secrète  pour  Tun 
desesporeats  ? 

«  Je  ne  nie  pas  qu'elle  (sainte  Radegonde) 
Ht  lettrée  et  chrétienne,  dit  M.  Ampère; 
iais  je  crois  que  celle  littérature,  ce  chris- 
lanisme,  qui  occupaient  son  temps  et  sà 
ie,  sans  remplir  le  fond  de  son  Ame,  re- 

af^  aiélapliores  non  moins  ampealées,  le  corres- 
<^dant  de  Félix  dit  que  la  Itriire  envoyée  par  ce 
1^1  a  semblé,  par  soii  éclal,  faire  aaltre  le  soleil 
Toiccidejit,  sur  les  bords  de  TOcéan,  où  Fortanac 
^  ^ovve.  Celai  qui  éuit  si  pompeux  dans  ses  pa- 
fiS^ques,  ae  devaii-il  pas,  dans  ses  élégies^  avoir 


couvraient  auelque  chose  de  plits  intime, 
de  plus  proiond,  et  que  ni  les  petits  vers 
de  Fortunat,  ni  les  petits  soupers,  ni  les 
jeânes,  ni  les  dévotions  du  cloître,  ne  pou- 
raient  faire  prendre  le  change  à  ses  inexo- 
rables douleurs. 

c  J'ai  dit  ceci  à  cause  de  deux  pièces  de 
Ters  qu'on  rencontre  avec  étonnement  parmi 
les  œuvres  de  Fortunat.  Dans  l'une  et  1  autre 
c'est  évidemment  Radegonde  qui  parle;  For- 
tunat n'est  qu'un  secrétair:i  maladroit,  un 
traducteur  infidèle.... 

«  Le  poète  épicurien,  l'abbé  gastronome, 
avec  lequel  nous  avons  fait  connaissance, 
n*iétait  pas  capable  de  deviner  les  sentiments 
que  le  hasard  a  fait  tomber  sous  sa  plume, 
et  qu'il  ne  comprend  pas  bien,  même  en  les 
exprimant.  La  première,  la  plus  considé- 
rable de  ces  pièces  de  vers  est  intitulée  : 
De  excidio  Tkuringiœ  ex  persona  Radegundis. 
Fortunat  écrit  sous  la  dictée  de  Radegonde  ; 
il  ne  s'agit  pour  lui  que  d'une  héroide  à 
versifier,  comme  il  savait  peut-être  qu*0- 
TÎde  en  avait  composé  ;  mais  heureusement 
rhéroïne  est  près  de  lui,  et  transmet  au 
pédant  des  émotions  qu'il  n'aurait  pas  trou- 
vées sans  elle. 

«  Cette  pièce  de  vers  est  adressée  h  un 
cousin  de  Radegonde;  ce  cousin,  nommé 
Âmalfred,  vivait  à  Constanlinople,  et,  du 
fond  de  la  Gaule,  elle  lui  envoie  ses  sou- 
venirs passionnés  et  des  regrets  ardents, 
c  Souviens-toi,  Amalfred,  lui  dit-elle,  sou- 
Tiens-toi  de  nos  premières  années  et  de  ce 
que  Radegonde  était  alors  pour  te:;  com- 
bien tu  m  aimais  alors,  aimable  enfant,  fils 
chéri  du  frère  de  Uion  père.  Seul,  tu  me 
tenais  lieu  d'un  père,  d'une  mère,  d'un 
frère,  d'une  soeur  que  j'avais  perdue.  Toute 
petite,  tu  me  prenais  tendrement  les  mains, 
tu  me  donnais  de  doux  -liaisers,  et  ta  pai- 
sible haleine  me  caressait....  Ce  qui  m'af- 
flige surtout,  ce  qui  me  cause  une  profonde 
douleur,  c'est  de  ne  recevoir  de  toi  aucun 
signe  d'existence;  une  lettre  me  peindrait 
ce  visage  que  je  désire  et  que  je  ne  puis 
contempler.  » 

Quem  ro/o  nec  video  pinxhut  epnlola  vic/i«m. 

c  il  me  semble  qu'il  y  a  dans  ce  vers  un 
grand  emportement  de  passion;  on  voit  que 
Radegonde  avait  conservé  un  souvenir  très- 
vif  de  ce  jeune  guerrier,  objet  des  premières 
émotions  de  son  enfance.  Elle  se  plaint 
d'être  séparée  de  lui,  de  lui  qu'elle  aime. 
Les  mots  amanSf  amor^  reviennent  sans  cesse 
dans  ce  singulier  morceau. 

«  Si  la  sainte  clôture  du  monastère  ne 
me  retenait  pas,  j  arriverais  inattendue  dans 
la  conlrée  que  tu  habites;  mon  vaisseau 
franchirait  les  mers  orageuses  ;  joyeuse,  je 
braverais  les  flots  déchaînés  des  hivers; 

des  aecenu  presque  samragesf 

(1198)  L.  VI. 

(1199)  T.  Il,  p.  520. 

(1200)  T.  Il,  p.  334  ei  335. 

(1  !20J  /  Banc  ego  mempe  urbem  eonspesn  pntutemn^ 
Molliter  argenti  Inrre  rotante  veki.   [tem^ 


fli9 


Rkh 


DICTIONNAIRE  APOLOGËTIQUE. 


RAD 


41» 


suspendue  sur  les  vagues,  je  lutterais  contre 
leur  furîfe;  ce  qui  fait  peur  aux  rochers 
n'éi)Ouvanterait  pas  celle  qui  l'aime.... 

Ei  quœ  nauta  tiniel^  non  pavitasset  aman^. 

«  Je  traverserais  la  mer  sur  une  planche 
flottante,  et  si  le  sort  me  ravissait  ce  der- 
nier secours,  (l'une  main  fatiguée  je  nage- 
rais vers  toi  :  en  te  voyant,  je  ne  croirais 
plus  aux  périls  d'un  naufrage  qui  me  serait 
doux. 

a  On  sent  que  toutes  ses  affections  de  race 
et  de  patrie  s*étaient  concentrées  dans  ce 
dernier  débris  de  sa  famille  égorgée,  et  l'on 
peut  croire,  ce  me  semble,  que  l'image  de 
ce  jeune  parent  tant  regretté»  de  cet  ami  de 
son  enfance,  était,  plus  encore  que  la  civi- 
lisation romaine  et  même  que  le  christia- 
nisme, entre  elle  et  son  époux.... 

1  Amalfred  mourut  dans  les  pays  loin- 
tains où  il  errait,  et  Aadegonde  adressa,  par 
l'entremise  de  Fortunat,  une' autre  pièce 
de  vers  au  fils  d' Amalfred,  au  jeune  neveu 

Qu'elle  n'avait  jamais  connu,  qui  était  le 
ernier  de  son  sang,  le  dernier  de  la  race 
des  rois  de  Thuringe  (1202).  » 

Laissons  de  côté  les  injures  prodiguées  à 
saint  Fortunat,  et  parlons  de  sainte  Ràde- 
gouvle. 

La  pieuse  princesse  ne  fut  point  tour- 
mentée de  sentiments  erotiques  pour  son 
cousin  Amalfred,  et  Je  poëme  sur  la  Thu- 
ringe n'est  pas  l'explosion  d'un  amour  trop 
longtemps  comprimé.  Pour  le  comprend 
dre^  il  ne  s'agit  pas  de  deviner^  comme 
M.  Ampère  aime  à  le  faire  et  comme  il  ac- 
cuse le  p(iële  de  ne  i*avoir  pas  fait;  mais 
l'on  doit  s'en  tenir  au  texte  des  deux  pièces 
que  nous  étudions.  Or,  vers  la  fia  de  la  pre- 
mière, nous  lisons  :  «  Je  t'en  conjure,  toi 
qui  dois  me  rendre  la  sérénité,  ô  mon  pa- 
rent, qu'une  page  de  ta  main  vole  mainte- 
nant à  moi,  I  our  que  ta  douce  parole  calme 
le  mal  qui  me  dévore  1  Cette  affection  in- 
quiète pour  ta  personne  est  semblable  à 
celle  que  je  porte  aux  sœurs  dont  mon  cœur 
s'est  fait  une  famille  bien-aimée  (1203).  Je 
ne  puis  ni  presser  les  membres  chéris,  ni 
donner  d'avides  baisers  aux  yeux  de  mes 
parents,  moi,  leur  sœur!  »  Voilà  le  mot 
final  de  celte  pièce  et  tout  le  secret  de  l'ar- 
dente rhétorique  de  sainte  Radegonde  et  de 
saint  Fortunat:  là  princesse  aimait  Amal- 
fred comme  pouvait  l'aimer  une  sœur,  et 
eonime  elle  aimait  ses  religieuses  de  Sainte- 
Croix. 

Elle  va  nous  le  répéter  en  d'autres  termes 
dans  la  seconde  pièce  adressée  à  Arlak,  le 
ûh  d'Amalfred  :  «(Neveu  chéri,  rends-moi 


(1202)  T.  n,  p.  345-330.  Le  traducteur  aurait  dû 
faire  déchaîner  tes  flots  par  les  tempêtes,  et  non  pas 
les  invers.  Voir  .Virgile,  -^/i.,  i,  132,  sur  le  sens 
du  mot  hiems, 

(1203)  Deque  tui  similis  mihicura  sororibus  hœcest^ 

Quas  consancjvLineo  cordis  amore  colo. 
Je  suis  le  texte  donné  par  M.  Thierry  dans  les  pire  s 
ÎMStUicatives  de  ses  Récils  mérovingiens,  t.  II,  p.  4t2. 

(1204)  Récits,  etc.,  t.  H,  p.  413  :  Epitre  adressée, 


mon  doux  parent,  et,  par  ton  amour,  sois 
pour  moi  ce  qu'il  fut  précédemment  (120^). • 
Eh  bien  I  puisqu*à  la  mort  d'Amalfred  sainte 
Radegonde  conjure  Artak  de  lui  rendre  cet 
ami ,  c'est-à-dire  puisque  la  tendresse  du 
fils  devait  remplir,  dans  le  cœur  de  la  prin- 
cesse, le  vide  creusé  par  la  mort  du  père, 
elle  n'avait  donc  pas  été  possédée,  pour  ci 
cousin,  d'un  amour  tel  que  l'entend  M.  Acd- 

Çère;  d'un  amour  tel  que  celui  qu*Orid€  et 
ibulle  ont  chanté;  d'un  amour  que  1« 
temps,  le  mariage,  le  cloître  n'avaient  pu 
dompter;  gui  aurait  eu  horreur,  comme  de 
coupables  infidélités,  des  légitimes  caresai 
de  Ciotaire,  et  qui  serait  allé  nourrir  dibi 
la  solitude  sa  flamme  sans  espérance.  1^ 
degonde  avait  donc  aimé  Amalfred  comov 
elle  allait  aimer  Artak;  elle  chérissait  «ij 
eux  les  derniers  restes  de  sa  malheureiut^ 
famille,  mais  rien  de  plus. 

A  ces  preuves  de  fait  on  peut  ajoater 
quelques  réflexions  non  moins  dédsim 
Comment  sainte  Radegonde,  si  elle  ifrit 
porté  dans  son  cœur  le  secret  suppâ$é/«r 
M.  Ampère,  comment  aurait-elle  ifteotlt 
y^•^e  de  cinquante  ans  pour  le  réTfiet,tli 
qui,  dans  ses  agents  fréquemment  en mM^ 
même  jusqu'en  Orient,  pour  lui  chefAil 
des  reliques  (1205),  aurait  eu  des  messagvK 
auprès  d'Amalfred?  Comment  n'aurailf^lll 
rien  fait  dans  son  élégie  qui  décelât  aiM 
chose  qu'une  affection  fraternelle,  rien  (fll 
montrât  son  cœur  resté  vide  et  sa  vieàjp 
tournée  du  but  où  elle  aurait  rencontré' 


contré  i 
songé! 


bonheur?  Comment   aurait-elle 
mettre  un  amour  sacrilège  sous  la  proteil 
tion  du  Christ  :  «  Christ,  dit-elle,  favori| 
mes  vœux,  et  que  cette  page  visite 
amis  {cernât  amantes)  (1206)  ?  »  Comment 
degonde  ,  princesse  ,    reine  autrefois 
Francs,  fondatrice  d'un  couvent  renoo 
célèbre  elle-même  dans  toutes  les  Ga 
par  ses  prodiges  et  ses  austérités,  d'aillé 
avancée  en  âge  et  arrivée  à  l'automne  h 
jours  plus  calme  de  la  vie,  comment  se 
rait-elle  décidée  à  trahir  sans  espoir 
faiblesse  si  peu  soupçonnée?  N'aurait-i 
donc  pas  laissé   gémir  sa  blessure  to 
seule  dans  un  message  secret,  et  serait 
venue  l'étaler,  saignante,  devant  un  p 
|>our  qu'il  s'amusÂt  à  y  chercberde  biza 
iiémistiches?  Aurait-elle  débuté  par 
iiévreuse  déclaration  sans  craibdre  pour 
passion,  monstrueuse  sous  son  voile  el 
cheveux   blancs,   les  railleries  soit  de 
Amalfred,  qui  avait  si  complètement  o 
sa  petite  amie  de  Thuringe,  soil  dos  pei 
ncs  entre  les  mains  desquelles  loniheni 
lettre  révélatrice,  si  Amalfred  était  mor'^ 

au  nom  de  Radpgonde,  à  Artak. — Artâk  n'daîfP 
neveu  de  Radegonde^  Le  mot  ntpos  signifie  pri»[^ 
paiement  petit-fils,  el  la  princesse  se  sera  n^sf^ 
sans  doute,  comme  la  grand*mére  dtt  jeune  hopjs^- 

(1205)  Vit,  S.  Radegundis,  auctore  BaïuJoBi»'^ 
r.  5,20,  ât,  23.  .    .. 

(hi06)  Vbi  supra,  p.  412,  n'  6  des  piccei  jasj* 
caiives  ;  Vers  sur  la  ruine  de  la  nation  jA«r»«fl«^ 


r 


1121 


RAD 


MCTIO.VNAIKE  AÎH>LOGETIOUE, 

H  VéM  en  effet)?  Puis,  comment  ses  regrets 
mr  celte  mort  aoraient-ils  été  si  glacés,  si 
nilgaires,  si  nais,  pas  même  décorés  de  la 
pompe  emphatique  du  poème  sur  la  Tfau- 

riiige(iW7)? 

Mais,  dira-t-on,  si  Amalfred  n*élaît  qu'un 

pDusin  |i0ur  Radegonde,  d'où  Tient  qu'elle 
mtorisa  le  langage  passionné  du  poëmc? 
Klle  autorisa  ce  langage  passionné  précisé- 
ment parce  qu'elle  n'avait  point  de  passion. 
kns  la  position  de  la  fondatrice  de  Sainte- 
Droiï,  la  pudeur  d'un  amour  profond  et  vrai 
Mrait  reculé  devant  tout  éclat;  mais  son 
lOiitié  desceur  pour  un  parent  ne  s'effrava 
fas  de  la  rhétorique  de  son  secrétaire. 
H.  Sainte-Beuve,  à  propos  d'une  femme 
loteur  dont  je  ne  prétends  pas  m'établir  le 
*ampion,  firit  de  très-jusf es  remarques  qui 
irooreot  ici  leur  application. 

•  Les  mœurs  de  chaque  siècle,  di!-il,  sont 
u  à  (lart  et  si  sujettes  à  des  mesures  diffé- 
râmes, qu'il  serait,  après  tout,  très-possible 
]\iv  Louise,  en  sa  qualité  de  bel  esfirit,  se 
10:  i>errois,  jusque  dans  le  sein  du  mariage, 

*s  rlianîs  d'ardeur  et  de  regret  comme  iine 

if  nce  poétique  qui  n'aurait  pas  trop  tiré 
î  conséquence  dans  la  pratique.  Nous- 
ï.tme,  en  notre  temps,  nous  avons  eu  des 
-i'-ffl|iles  assez  singuliers  de  ces  aveux  poé- 

•î.'jes  dans  la  bouche  des  femmes Et 

]mi  h  ce  qui  est  des  jeunes  Glles  poètes 
pi  parlent  aussi  tout  haut  de  la  beauté  des 
(runes  inconnus,  nous  aurions  à  invoquer 
i'us  u'un  brillant  et  harmonieux  témoi- 
rp^^e,  que  personne  n'a  oublié,  et  où  Ton 
l'a  (as  entendu  malice  apparemment.  Tout 
m  ^oil  dit  pour  montrer  que  Louise  Labé 
I  l'U  s'éinanciperquelque  peu  dans  ses  vers 
«us  trop  déroger  aux  convenances  d'un 
iele  intînimetit  moins  dillicile  que  le  nôtre 
liOSj.  >  Je  m'exf.lique  de  la  môme  manière 
•  iaoga^je prêté  à  Radegontie  et  qu'approuva 
Plie  sainte  femme,  je  me  l'explique  par  le 
lauraisgoût  de  Radegonde  et  de  Fortunat, 
i|»ar  la  pureté  de  leur  cœur.  MM.  Ampère 
t  Thierry  n'ont,  d'ailleurs,  pas  autrement 
^if-ndu  les  nombreuses  pièces  où  le  même 
^Ȑle  prodigue  aux  deux  directrices  de 
îinle-Croix  des  expressions  aussi  tendres, 
i  sur  le  sens  desquelles  un  païen  se  serait 
'riainement  m'épris,  »  comme  M.  Ampère 
I  reflété  d  après  l'auteur  des  Récitt  méro- 
n'jiens  (1309). 

te  manque  de  tact  dans  l'expression  des 
-liienls  de  Radegonde  pour  son  parent, 
1  <ie  Foriunat  pour  Radegonde  elle-même 
j  our  Agnès,  se  retrouve  souvent  chezd'au- 
i:^  auteurs,  non-seulement  relativement 
Jes  sujets  analogues,  comme  M.  Sainle- 
uve  la  fait  observer,  mais  en  d'autres 
ïiieres    encore.    N'est-ce  pas   aussi  un 


RAD 


1121 


étrange  oubli  des  convenances  qui  a  si  sou- 
vent introduit  le  merveilleux  de  la  mytho- 
logie sous  des  plumes  chrétiennes  et  dans 
des  sujets  chrétiens  ?  N'est-ce  pas  le  même 
oubli  qui,  dans  les  mystères  et  les  drames 
dont  s'amusaient  les  Odèles  et  le  clergé  au 
moyen  âge,  mêla,  de  la  meilleure  foi  du 
monde,  tant  de  paroles  si  voisines  de  l'irré- 
vérence (1210)?  C'est  donc  une  affection 
très-pure,  très-innocente  que  sainte  Rade* 
gonde  a  laissé  ex|)rimer  en  un  langage  trop 
passionné.  ^ 

$xiv. 

Sainle  Radegonde  se  plij-t-eUe  diffidlemeot  k  la  rûsign». 

Uoo  chréUenoe? 

M.  Amp&bb.  —  «  Ce  qui  décida  Radegonde 
a  fuir  sans  retour  le  roi  Clotaire  et  à  se  ré- 
fugier sous  l'abri  de  l'Ëglise,  ce  fut  la  mort 
de  ce  frère  qu'où  avait  amené  avec  elle  de 
son  |iays,  et  que  fit  périr  Clotaire.  Grégoire 
de  J  ours  et  la  biographie  de  sainte  Rade- 
gonde s'accordent  pour  rattacher  à  cet  évé- 
nement la  fuite  de  Radegonde.  C'en  était 
trop  ;  c'était  la  dernière  goutte  de  Fang  thu- 
ringien  versé  par  nue  main  franque.  Entre 
le  roi  franc  et  la  femme  thuringienne  s'éle- 
vait un  nouvel  obstacle,  un  nouvel  abîme, 
un  nouveau  meurtre...  Entre  eux  était  aussi 
(1211)  l'ombre  d'un  frère.  Elle  s'écrie: 
«  Pourquoi  tairais-tu  la  mort  de  mon  frère, 
A  ma  douleur  profonde  1  » 

De  nece  gemiaut  atr,  doloi  aile,  lacez  l 

Ce  jour,  dit-elle,  a  marqué  pour  moi  comme 
une  seconde  servitude  ;  la  mort  de  mon  frère 
m'a  fait  sentir  doublement  le  poids  de  mes 
ennemis. 


Alque  iterum  hostes  fraire  jàceiite  tuiL 

«  Ces  vers  expriment  énergiquement  les 
sentiments  de  Radegonde  pour  ^ei  ennemis^ 
c'est-à-dire  les  Francs,  et,  a  leur  tête,  lé  roi 
Clotaire.  Je  n'y  vois  pas  une  grande  rési- 
gnation chrétienne. 

«  Radegonde  adressa,  par  l'entremise  do 
Fortunat,  une  autre  pièce  de  vers  au  fils 
d'Amalfred...  Dans  ses  vers  à  Artachés,  elle 
revient  encore  avec  une  âpre  douleur  sur  lo 
meurtre  des  siens,  sur  la  destruction  de  sa 
famille  et  de  sa  patrie.  Seulement  les  senti- 
ments  de  haine  semblent  avoir  fait  place  à  des 
sentiments  plus  religieux  ;  l'âge  et  le  cloître 
ont  doiupté  cette  violence  d'Ame  qu'on  sen* 
tait  dans  les  vers  adressés  à  Amalfred,  et 
quelques  mots  chrétiens,  jetés  ici  à  la  On  du 
morceau ,  annomtent  le  triomphe  de  la 
sainte  sur  la  barbarie,  mais  certes  ce  triom- 
phe ne  fut  pas  remporté  sans  comtiats 
(1212).  » 

Les  paroles  de  sainte  Radegonde,  rappor- 


1^1)7)  Vuir  la  note  ii04,  co/.  1119. 
t*tOtf;  PortraiUcotUemporaius^  t.  III,  Lomue  Labi^ 

liub)  M.  TiiERAV,  l{^dls,  etc.,  I.  II,  p.  2ôS; 
Amp&u,  llifi.  lin.,  etc.,  I.  11,  p.  5i8. 
JitO)  M.  S]^iXTE-li£i'TB ,   Tableau  itislorique  et 
*'*iu€  de  la  poéiie  (rançaite^  etc.,  au  teiiième 
''^  é^it.  ISi5,  p.  157;  De  Cesprii  de  malice  au 


bon  vieux  iemps, 

(lill)  Ce>l-i-dire,  qa'ooire  ramoor  suppose 
pour  AmalfreJ,  il  y  avail  entre  Clotaire  el  Rade- 
gonde Tooibre  du  fi^re  de  b  princesse. 

(tâlÂ)  P.  548.— M.  Ampère  a  dit  qu'un  ab'wte 
s'élevait  entre  Radegonde  et  Clouire.  C'est  Fortun.it 
qui,  pour  se  venger,  aura  inspiré  celte  hardiesse  de 
style. 


1135 


RAD 


DICTIONNAIRE  APOLOGETtQCE. 


RAD 


\m 


tées  par  M.  Ampère,  ne  sont  point  un  cri  de 
hainCf  comme  il  le  dit,  c*esl  un  cri  de  dou- 
leur. En  quoi  donc  1  la  sainte,  quand  elle 
profère  cette  plainte,  aurait-elle  oublié  la 
résignation  ?  Ce  fut  ou  parce  qu'elle  ressen- 
tait ses  malheurs,  ou  parce  uu*elle  donnait 
aux  auteurs  de  ses  mallieurs  le  nom  d'enne- 
mis. 

Mais  je  ne  vois  pas  qu'il  soit  défendu  au 
chrétien  de  ressentir  les  coups  qui  le  frap- 
pent, ni  que  la  sainteté  consiste  à  devenir 
un  froid  paralytique,  insensible  au  fer  et  à 
la  flamme,  ou  un  exalté  stoïcien  s'écriant  : 
«  O  douleur,  je  n'avouerai  jamais  que  tu 
sois  un  mail  d  Le  Christ  ne  connaissait 
donc  guère  la  résignation  chrétienne,  lui 
qui  pleura  son  ami  Lazare  qui  venait  Ue 
mourir;  lui  qui,  la  veille  de  sa  passion, 
voulut  en  détourner  le  calice,  et  effraya  le 
désert  par  une  sueur  de  sang?  Quant  au 
nom  (ïennemiê  donné  par  sainte  Radegonde 
aux  bourreaux  de  sa  nation  et  de  sa  famille, 
je  ne  comprends  pas  non  plus  comment  la 

tieuse  princesse  blessait  en  cela  TEvan^ile. 
e  livre  sacré  nous  ordonne  bien  d'aimer 
ceux  qui  nous  font  du  mal,  mais  il  ne  dé- 
fend pas  de  les  distinguer  de  ceux  qui  nous 
font  du  bien  par  le  nom  d'ennemis,  dont  il 
se  sert  lui-même  : /H'/ii/t/e  inifnicos  vesiros. 
En  un  mot,  le  véritable  christianisme  n'est 
contraire  ni  aux  sentiments  innés  de  notre 
nature,  ni  au  vocabulaire. 

Dans  les  vers  à  Artak,  la  violence  de  rame 
de  Radegonde  semble  à  M.  Ampère  enfin 
domptée:  mais  comme  cette  prétendue  vio- 
lence est  une  chimère,  il  faut  chercher  ail- 
leurs la  raison  du  ton  plus  calme  qui  règne 
dans  ce  poëme.  Or  celte  raison,  c'est  que  le 
sujet  de  la  pièce  ne  se  prêtait  pas  assez  bien 
aux  métaphores  ampoulées  de  l'auteur  ita- 
lien. Il  s'agissait  des  regrets  de  sainte  Ra- 
degonde sur  la  mort  de  son  cousin,  et  le 
pauvre  secrétaire  à  la  torture  n'a  trouvé  que 
de  très-banales  et  très  insignifiantes  pensées 
à  exprimer  sur  ce  parent  que  sainte  Rade- 
gonde n'avait  jamais  revu  depuis  sa  plus 
tendre  enfance,  et  gui,  de  son  côté,  n'avait 
jamars  songé  à  lui  donner  de  ses  nou- 
velles. 

La  pièce  est,  en  effet,  terminée  par  cinq 
vers  chrétiens  ;  mais  comme  ils  ne  se  rap- 

{ sortent  pas  du  tout  aux  malheurs  passés  de 
a  princesse  thuringienne,  on  ne  peut  en 
conclure  qu  elle  eût  alors  remporté  sur  sa 
haine  un  triomphe  non  encore  obtenu 
quand  elle  dicta  le  poëme  à  Amalfred.  Elle 
prie  son  neveu  de  s'intéresser  à  ce  que  son 
monastère  ne  soit  point  enlevé  à  Dieu,  et, 
pour  récompense  de  ses  soins,  elle  lui  sou- 
haite santé  parfaite  en  ce  monde  et  vie  sans 
fin  dans  le  ciel.  Tout  ceci  n'a  aucun  rapport 
à  ce  que  M.  Ampère  aventure.  Au  reste,  le 
poëme  sur  la  ruine  de  la  Thuringe  finissait 

(1213)  Sainte  Radegonde,  entrée  Fan  544  dans 
son  monastère  de  Sainte-Croix,  y  demeurait  depuis 
à  peu  près  vingt-trois  ans  (et  non  depuis  quinze  ans, 
comme  l'a  dit  M.  Thierry) ,  quand  saint  Fortuiiai, 
après  avoir  chanté  le  mariage  de  Brunehaul  avec 


!: 


bien  aussi  par  iin«  peusée  chr^nne,  pois- 

3ue  Radegonde  mettait  les  vonix  de  sa  ten- 
resse  sous  la  protection  du  Christ. 

Pour  que,  dans  Tintervalle  qui  sépara 
l'envoi  des  deux  poëmes  aux  deux  eousins 
de  sainte  Radegonde,  l'âge  et  le  cloîlre  eus^ 
sent  réussi  h  dompter  la  princesse  barbare, 
il  faudrait  qu'il  se  fût  écoulé  bien  du  imp^. 
Or,  combien  se  passa-t-il  de  temps?  Ce 
qu'il  eût  fallu  pour  porter  à  Consiantinopte 
la  lettre  destinée  à  Amalfred  et  en  rap> 
porter  la  réponse  de  son  fils.  Snp}H)soiis 
môme  qu'Artak  n'ait  pas  été  très-diligenia 
répondre,  l'intervalle  ne  dut  pas  être  lelqua 
le  cloître  et  l'âge  changeassent  une  barbait 
en  chrétienne  douce  et  résignée.  Si,  d'ail* 
leurs,  Radegonde  eut  jamais  besoin  dot 
long  temps  pour  se  convertir,  celte  confe^ 
sion  devait  être  bien  avancée  à  Tépoqu» 
de  l'envoi  du  premier  poëme,  puisque  (e^ 
tes  alors  la  princesse  n'était  plus  jeuaeet 
qu'elle  habitait  depuis  une  trentaine  dan» 
nées  sou  monastère  (1213). 

11  n'y  a  donc  qu'une  longue  suite  dïa- 
exactitudes  dans  ce  que  M.  AmnèreioflSi 
dit  sur  la  résignation  commandée  par  A 
vangile,  sur  la  haine  de  Radegonde  tnHIi 
ses  ennemis,  enfin  sur  le  tardif  adot 
ment  de  son  cœur. 

Ce  groupe  gracieux  et  fraternel  de  _ 
gonde,  d'Agnès   et    de  Fortunat  méru 
bien  d'être  épargné  par  de  trop  auslèi 
censeurs.  La  germaine  Radegonde,  à  l'c 
ardent,  sous  un  front  mélancolique;  Agnl 
qui  a  besoin  de  s'appuyer  sur  une  cht 
amitié;  le  souriant  Fortunat,  qui  senl 
lui,  mais  à  une  époque  littéraire  malin 
reuse,  l'étincelle  de  la  poésie,  cette  famL 
delroiscœurssi  unis  nous  charme.  MM.  Gi 
zot,  Aug.  Thierry  et  Ampère,  au  lieu 
regarder  franchement  en  face  ces  perse 
nages  pour  le*  juaer,  se  sont  arrêtés  à  a 
futiles  et  chicanières  observations;  ils 
épilogue  sur  des  métaphores  et  des  br( 
ries  de  rhétorique, 

M.  Guizot  commença;  il  crut  n'aperce?t 
à  Sainte-Croix  qu'une  vie  de  gourmandi>ei 
d'oisiveté  ;  M,  Thierry  lui  succéda,  et  déi 
loppa,  mais  en  l'ennoblissant  un  peu,  ce 
accusation.  Radegonde  devint  une  malr 
délicate,  haïssant  la  grossièreté  des  bai 
res,  s'éloignant  par  un  pieux  artifice 
Franc,  dont  elle  n'était  pas  d'ailleurs 
seule  éiîouse,  s'occupant  de  jeux  variés, 
spectacles,  de  joveux  festins,  dans  un  spl 
dide  palais  qu'elle  nomma  pourtant  un 
naslère  ;  donnant  enfin  une  cordiale  hi 
talité  à  rjtalien   Fortupat,   dont  queL 
petits  vers  mignards,  sinon  poétiques, 
glaient  tout,  même  les  consciences,  à  Sai 
Croix,  et  qui  longtemps  y  coula  des  j( 
qu'Horace  et  Tibulle  auraient  enviés  à  I 
gastronome. 

Sigeberg,  en  56G  ou  567,  vînt  ;i  Poitiers.  Or,  U  bV 
pas  vraisemt^laMe  que  la  princesse  ait  loui  (k  wL, 
fait  versifier  ses  lettres  ;  il  est  plus  probable  «rtj 
cela  eut  lieu  en  570,  quand  elle  envoya  cèercberiei' 
reliques  à  Constaniinople, 


n25 


RAD 


DICT!ONNAIIIE  AroLOGETIQUE. 


RAD 


1126 


Oirest-€6  donc  que  If.  Amj)ère,  Tenu  le 
Iroisième»  trouvera  de  neuf  et  de  piquant 
sar  ce  sujet,  que  ses  deux  prédécesseurs 
semblent  avoir  épuisé  1  II  épie  les  soupirs 
de  Radegonde  et  les  vires  pulsations  de 
lœurqui  soulèvent  sa  poilrine;  puis  il  nous 
rérèle  qu*il  y  a  là  un  antre  amour  que  ce- 
fui  du  Christ  aux  pieds  duquel  on  la  voit 
prosternée,  et  que  Tépoux  invisible  pour 
)€^ael  la  princesse  a  rompu  avec  Clotaire 
n'est  pas  Jésus,  mais  que  c'est  Amalfred. 

De  Texamen  sérieux  et  minutieux  de  ces 
•Jécooverles  de  nos  ingénieux  critiques,  il 
oïl  résolté  que  MM.  Guizot,  Ampère  et 
'T'hmry  ont  écrit  un  petit  roman,  parfois 
•dramatique,  parfois  assez  piquant,  mais 
•*  |ui  plairait  bien  davantage,  si  on  n'y  avait 
i  «as  accolé  des  noms  historiques  et  rété- 

RAISON  ou  esprit  propre;  difficultés 
>  j^Qelle opposait  à  I  étabussement  du  règne 
•    îe  JésQs^hrist.  Voy.  Jéscs-Chbist,  art.  111, 

RAISON,  n'a  pu  fonder  un  culte,  même 

ratioDocl.jFoy.'ScBicATL'RAusiiB,  I  11. — Son 

:iDpoissance  à  connaître  nos  destinées  et 

r.o«  rapfiorts  avec  Dieu.  Voy.    StBHAXcaA- 

vaxij  I V.  —  Ne  peut  atteindre  par  elle- 

ruêîae  les  vérités  nécessaires  à  Faecomplis- 

>e.n]entde  nos  destinées.   Voy.  Pbopbetie. 

—  Ventre  en  exercice  et  ne  se  développe 

:i^  par  renseignement.   Voy.  Révélatioh 

>»nmvB.  —  Son  origine  et  sa  nature.  Voy. 

I'»TCB0L0GiB,  S  X  et  suivant.  -—  La  raison 

•.:»  us  ses  rapports  avec  la  parole.  Voy.  Pst- 

'9  0L0Gne,  I  XI.  — Impossible  sans  le  signe. 

I  '^jf.  Psychologie,  {  Xll. 

KAfSONNEMENT,  impossible  sans  le  .si- 
un  e,  Voy.  PSTCHOLOGIB,  i  XII. 

RAM-MOHUN-ROY  (le  Rrahmane),  a-t-il 
:é  'lontré  le  monothéisme  dans  les  védas. 

yoy,   r^VTÈ  DE  DlEO. 

ilAOUL-HOCHËTTE,  son  opinion  sur  la 
lourde  Rabel.  Voy.  Babel. 
RAPPORT  du  physique  et  du  moral.  Voy. 

\ME^  i  IX. 

RATIONALISME.  ->  Une  direction  nou- 
relle  a  été  donnée  à  la  polémique  irréli- 
peuse ,  depuis  les  dernières  années  de  la 
Restauration  Les  résultats  inattendus  du 
progrès  des  sciences  sur  lesquelles  s'ap- 
jiavaient  les  attaques  contre  les  livres  saints 
uot  puissamment  contribué  à  ce  change* 
ccfut,  mais  d*une  manière,  pour  ainsi  dire, 
Tiégative.  Vaincue  sur  le  terrain  des  scien- 
:i-s,  l'incrédulité  ne  pouvait  Tabandonner 
7u*en  se  portant  sur  un  autre,  et  c'est  l'AI- 
trmagne,  cette  fois,  qui  le  lui  a  désigné.  La 
oiémiquc  nouvelle  nous  a  donc  été  appor- 
te d'Outre-Rhin,  è  la  suite  de  la  philoso- 
'bie  pantbéistique  avec  laquelle  elle  s'har- 
iionîse  parfaitement.  Présénlons-en  une 
:oarle  esquisse  historique. 

Le  protestantisme  primitif  consistait ,  l' à 
^e  recx>Dnaltre  qu*un  seul  dépôt  de  la  révé- 
HioQ  :  les  divines  Ecritures;  â*  à  prétendre 

v\\\  4)  Cfr.  rabbé  Gorim  .  Défente  de  rEgliu 
•*^\j%.  Ut  erreun  histcri^ues. 


qu'il  suffisait  de  ces  Ecritures  pour  perpétuer 
la  révélation  chrétienne  ;  et  3*  qu  il  n'exis- 
tait aucune  autorité  divinement  investie  de 
la  mission  de  conserver  les  saints  livres, 
ainsi  que  le  sens  dans  lequel  ils  avaient  été 
écrits,  et  d'expliquer  ce  sens  aux  fidèles. 
Dans  la  pensée  des  premiers  réformateurs, 
le  christianisme  n'était  donc  pas  une  science 
purement  philosophiaue,  que  la  raison  pûl 
tirer  de  son  propre  fonds  ;  ils  acceptaient 
d'autorité  l'Elcritnre  sainte.  Mais  par  cela 
seul  qu'ils  ne  reconnaissaient  aucune  insti- 
tution divine  chargée  de  veiller  à  l'intégrité 
du  dépôt  et  d'en  perpétuer  le  véritable  sens, 
la  raison  (de  chaque  individu  était,  de  fait 
et  de  droit,  le  seul  juge,  le  juge  en  dernier 
ressort  du  sens  de  l'Ecriture,  de  toutes  les 
difficultés  exégétiques  qui  s'y  rapportent, 
et  même  de  son  autorité,  comme  livre  ins- 

f>iré,  ou  simplement  historique.  Le  rafiona- 
isme  était  donc  donné  pour  base  à  tout 
l'édifice  chrétien,  quoique,  si  l'on  veut, 
d*une  manière  seulement  implicite;  c'était 
assez,  l'inexorable  logique  n'avait  besoin 
que  du  temps  pour  tirer  du  principe  pro- 
testant toutes  les  conséquences  qu  il  ren- 
ferme, pour  renverser  le  texte  sacré  et 
transformer  la  révélation  tout  entière  en 
une  pure  donnée  philosophique.  Interro- 
geons Thistoire;  ce  que  nous  devons  j 
reniarquer,  ce  ne  sont  pas  seulement  lea 
inévitables  divisions  et  les  variations  sans 
nombre  de  la  réforme,  dont  Rossnet  et 
Mœlhler  ont  présenté  un  tableau  si  accablant 
de  vérité  (1215),  mais  surtout  la  marche  gra- 
duée du  rationalisme,  qui  va  décbirantchaque 
jour  une  nouvelle  page  des  saints  livres,  et 
rejetant  quelqu'un .  des  enseignements  'du 
Sauveur.  La  force  des  choses  avait  amené 
Luther  lui-même  à  imposer,  dans  des  sym- 
boles et  des  confessions  de  foi,  le  principe 
d'autorité  qu'il  rejetait;  mais,  en  l'imposant, 
il  fallait  bien  convenir  qu'on  pouvait  en 
appeler  à  l'Ecriture.  La  peur,  néanmoins, 
et  de  longues  habitudes  d'obéissance  em- 
pêchèrent que  cet  aveu  ne  devint  explicite 
et  général,  jusqu'à  la  profession  publique 
qu'en  fit  Spencer,  mort  en  1705.  Le  premier, 
aussi,  ce  théologien  distingua^  entre  les  ar- 
ticles essentiels  et  non  essentiels. 

II- 

Systèmes  phflosoplifciiies  nés  des  tendances  ntionsHstes, 
et  leur  imprimant  a  leur  toof  one  force  et  one  diiee- 
tion  noQTeUes. 

Voici  un  puissant  auxiliaire  au  rationa- 
lisme. Tout  système  philosophique  qui  j)ar- 
vient  à  dominer  dans  un  pays,  en  même 
temps  qu'il  puise  sa  vie  dans  les  dispositions 

Î;énerales  des  esprits,  réagit  à  son  tour  sur 
es  idées  dont  il  est  le  produit,  pour  leur 
communiquer  une  vie  nouvelle  et  une  plus 
grande  force  d'expansion.  Cette  action  s'é- 
tend sur  tout  le  domaine  de  la  pensée,  dont 
la  philosophie  forme  le  fond  et  le  premier 
élément;  mais  elle  doil  être  plus  profonde 
sur  la  pensée  religieuse,  à  cause  d'une  plus 

(1215)  Voir  VBhtoire  deè  vartaiion»  et  la  Symbo- 
lique. 


«127 


RAI» 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAD 


m 


grande  adinité  objective,  malgré  l'inviola- 
bilité que  donne  à  la  foi  vis-à-vis  de  la  rai- 
son» le  caractère  surnaturel  de  la  révélation 
oui  en  est  la  base.  Combien  plus  cette  in- 
fluence des  conceptions  rationnelles  sur  les 
croyances,  sera-t-elle  grande,  si  ces  derniè- 
res ne  sont  pas  mises  à  Tabri  des  atteintes' 
du  rationalisme  par  un  principe  d'autorité, 
et  si  elles  ne  sont  pas  fixées  par  des  formu- 
les émanées  de  ce  principe  I  La  philosophie 
venait  de  commencer  en  France  une  ère 
nouvelle.  Descartes  avait  remplacé  Âristote, 
et  proclamé  le  droit  et  le  devoir  de  repren- 
<lre  en  sous-œuvre  toutes  les  données  scien- 
tifiques reçues,  et  dont  les  théories  algébri* 
ques  du  stagjrile  étaient  regardées  comme 
le  dernier  mot.  Descartes  produisit  Leibnitz 
en  Allemagne.  Celui-ci  avait  établi  contre 
Bayle  Faccord  de  la  raison  et  de  la  foi,  et 
«cherché  à  démontrer  a  priori  la  certitude 
des  vérités  premières  qui  leur  sont  com- 
munes. Wolf  formula  les  conceptions  de 
Leibnitz  en  définitions  .exactes  et  en  thèses 
rigoureuses.  A  la  suite  de  Wolf,  nombre  de 
théologiens  composèrent  des  démonstrations 
philosophiques  des  vérités  chrétiennes,  où 
les  plus  impénétrables  mystères  furent  abor- 
dés. En  même  temps,  la  question  de  l'ins- 
piration des  Ecritures,  de  la  nature  et  même 
de  la  réalité  de  cette  inspiration,  fut  posée 
et  résolue  de  différentes  manières.  Les  uns 
nièrent  que  tout  fût  inspiré  dans  les  saints 
livres,  par  exemple,  les  vérités  qui  appar- 
tiennent, par  leur  objet,  à  une  science  hu- 
maine; d'autres  s'attaquèrent  à  quelques  li- 
vres, pour  les  dépouiller  de  tout  caractèfe 
d'insiaration. 

§IL 

Natunlisme.  - 

Le  rationalisme  avait  marché  et  ouvert  la 

Eorte  au  naturalisme.  Là  philosophie  de 
ocke,  le.  caractère  et  les  mœurs  britanni- 
ques, combinés  ensemble,  avaient  amené 
vite  \qs  libres  penseurs  d'Angleterre  à  ce 
dernier  système.  Voilà  donc  que  le  natura- 
lisme anglican  se  présente  sur  les  bords  du 
Rhin,  escorté  du  déisme  encyclopédique. 
Le  flegme  anglais  et  la  frivolité  française  ne 
vont  guère  à  la  trempe  sérieuse  et  à  la  fois 
hardie  du  génie  allemand.  Ils  rencontrèrent 
cependant  des  sympathies ,  à  la  cour  de  Ber- 
lin surtout,  et  portèrent  un  grand  coup  à  ce 
qui  restait  de  l'œuvre  de  Luther.  Les  ouvra- 
ges de  Lessing  représentent  les  progrès  du 
naturalisme  en  Allemagne  vers  le  milieu  du 
dertiier  siècle.  Le  rationalisme  alors  avait 
triomphé,  et  Semler,  en  proclamant  la  li- 
berté la  plus  parfaite  de  penser  en  matière 
de  religion,  avait  rompu  entièrement  avec 
la  théologie.  On  ne  proposa  plus  de  formu- 
les arrêtées  de  doctrines.  ]La  persuasion  qu'il 
suflît  à  l'homme  des  forces  de  son  esprit  et 
de  sa  volonté  pour  s'élever  à  la  connaissance 
cft  h  la  prjitiqiie  tles  vérités  religieuses,  était 
générale.  II  s'agit  donc  de  transformer  la 
religion  en  système  philosophique,  et,  pour 
y  parvenir,  on  sacrifia  sans  peine  tout  ce  qui 
n'était  pas  assez  rationnel  dans  les  croyan- 


ces reçues  d'habitude.  Tout,  doclriûeseï 
livres  saints,  devait  passer  par  le  creiuei 
de  la  critique  et  n'avait  plus  quune  vabr 
scientifique.  Le  wolfianismearsit  encore  des 
représentants,  mais  en  faible  minoriié.  Â  !i 
suite  de    Semler,  on  vit  les  exégètes,  les 

f^lus  instruits  d'ailleurs,  sacrifier  ai  envi  ei 
'inspiration,  et  même  l'autheaticilé  des  li- 
vres de  l'Ecriture.  Michaëlis  et  Eichhoror. 
jettent  les  évangiles  de  saint  Marc  et  lie 
saint  Luc,  et  supposent  l'existence  de  cer- 
tains  écrits  primitifs  sur  lesquels  lesdeui 
autres  auraient  été  calqués.  Au  Heu  dente- 
moires^  d'autres,  tels  que  Eclerroanoetic 
Wette,  donnent  pour  ori^ne  aux  évangiks 
des  traditions  orales;  vient  enfin  Slraoss 
qui  affirme  l'impossibilité  de  s'assurer  dt^ 
sources  où  les  évangélistes  ont  puisé,  et  Je 
l'époque  où  ils  ont  écrit,  de  sorte  qu'oo peut 
admettre  que  tout  ce  qu'ils  racontuntaTsil 
subi   la  forme  du  mythe,  au  momeni  oîijjî 
l'ont  appris.  Déjà  le  célèbre  Schlciematlier 
avait  dit  que  c'était  perdre  soa  {m^apt 
de  s'occupei  à  défendre  les  livres  m^ 
dont  la  science  allait  faire  pleine  jibtce, 
Strauss  nie  nettement   leur  valeur  lusl(»* 
rique,  ne  la  ju^çeant  pas  nécessaiR,âl» 
il,  à  la  conservation  des  doctrines  ilmbffî- 
nés.  Ëiehhorn  et  Paulus  avaient  ôté  n 
faits  évangéliques  tout  caractère  su^uâlu^.  ; 
le  docteur  de  Zurick  leur  ôte  jusqu'au  i^ 
ractère  historique.  Réfuté  vigoureuscm^ii 
par  Néander,  qui  lui  a  opposé  unesuircit 
dsJéiuêf  il  a  avoué  cependant  ^uelaDi^* 
authenticité  de  l'évangile  de  saiul  Jean  n 
lui  paraissait  plus  aussi  certaine.  Sir3ii>> 
n'a  donc  fait  que  résumer  les  trayauid^  i 
crifique  depuis  trois  quarts  de  sièelp»  et  q<ii' 
donner  plus  d'extension  au  système  dt? 
mythes  pour  sauver  la  bonne  ibi  des  rédac- 
teurs de  l'histoire  évangélique,  tout  cna- 
cusant  leur  ignorance  prétendue.  Avant  l'^s 
l'aventureux  Semler  avait  appliqué  le  iD}te 
aux  histoires  d*£sther  et  de  Sarnson  £"> 
bom  rétendit  sur  les  premiers  chapitres^ 
la  Genèse,  et  fie  renonça  à  en  généralisa 
l'application  que  parce  qu'il  crut  enlicv'''^ 
la  possibilité.  d'expHquer  tout  le  fflerveir 
leux  de  la  Bible  naturellement.  11  ssrréu 
au  récit  de  la  chute  d'Adam  et  aux  prcmiei^ 
chapitres  de  saint  Matthieu;  mais  P3'i!ii 
continua  ses  travaux,  et  l'on  se  mit,  ap»^ 
lui»   à  naturaliser  à  qui  mieux  mieui'^ 
prophètes  et  les  évangélistes.  Bauer  8t»il> 
qua  le  mythe  à  tout  l'Ancien  TeslaïueDUî' 
il  embrassa  bientôt  avec  Sieffert  le  NôUT^ai 
tout  entier.  L'Ancien  Testament  esIdenitû'T 
cependant  le  champ  principal  des  inva^iu'* 
du  mythe  et  du  naturalisme.  Bohlen  i^ 
distingué  par  l'acrimonie  et  Veia^én'^ 
de  la  critiauo  qu'il  en  a  faîte.  A  quoi  a^ 
duitdonc  l'œuvre  de  Strauss?  Ilaré^i:-^ 
les  travaux  du  naturalisme  anglican.  * 
déisme  railleur  de  France  et  du  ralional'^-' 
allemand;  iiles  a  condensés  et.fonJui'* 
uns  dans  les  autres,  et  cela,  pour  leurar'*' 
cher  à  tous  la  môme  conclusion  cootr*  • 
valeur  historique  des  évangiles.  Ea  u^^'- 
temps  que  la  ùiauie  du  mvtue  et  du  wi*^^** 


îm 


BAT 


IMCTIONNAIRK  APOLOGETIQL'E. 


RAT 


1130 


lisnie  eovahil  lODt  le  dirislianisme  que  Lu- 
ther aTait  concentré  dans  une  lettre  morte, 
le  ralionalisme  s'attache  à  constituer  une 
doctrine  religieuse  indépendante  des  for* 
luules  reçues  de  toute  révélation,  pur  déisme 
Taporeux,  à  formes  élastiques  et  à  contours 
indéfinis.  Parmi  les  artisans  de  celte  œuvre 
courelle,  on  cite  :  f joffért,  Rohr,  Wesgschci- 
'i«.r.  Il  ne  reste  des  anciennes  croyances 
r^a'uoe  terminologie  chrétienne,   vide  de 
>eii5,  mais  bonne  à  sauver  les  apparences 
*:euui  le  public.  On  fait  alors  de  la  religion 
srec  le  sentiment  moral ,  comme  Campe  et 
Schleiermacher,  comme  en  avaient  fait  Rous- 
i^au,  et,  plus  tard.  Benjamin   Constant. 
D'autres  ont  trouvé  dans  lart  une  symboli- 
>:ne  suflisante;  tels  que  Goethe,  et,  parmi 
iiuus,  la  foule  des  |iartisans  du  sentimenta* 
ïisme  religicui,  les  artistes ,  pour  nui  le 
'Lri<tiauisme  est  tout  entier  dans  le  sublime 
••mliolisme  de  ses  cathédrales  et  de  son 
allé.  Au  milieu  de  tout  cela,  le  lulbéra- 
n$roe  a  conservé  quelques  représentants, 
Qtre  antres,  RIosptok  de  Hippel  et  surtout 
laruis  de  KicI  qui  a  fait  en  sa  faveur  une 
vrolution  véritable.  Pour  un  certain  nom- 
r^,  le  rationalisme  a  pris  la  triple  forme 
:  4xubéistique  des  systèmes  de  Fichte,  de 
Sr.^Uin;;  et  de  Hegel ,  également  issus  du 
^  éfidcîsme    de  Rant.  J)ans    les   théories 
.^  (philosophie  religieuse  sorties  de»  cette 
:-  «jte,  les  dogmes  chrétiens  ont  cependant 
.ne  place,  mais  comme  simples  données 
rs  itosophiques,  et  encore  avec  une  trans- 
•niation  telle  qu*il  n*en  demeure  réelle- 
^eotqae  le  nom  dépouillé  de  toute  accep* 
•  ^Q  traditionnelle,  de  toute  réalité  histo- 

«  fil€)  Cesl  penr  réfwiidre  à  lenles  les  attaques 

:    b  ^ilosophîe  allein;«mle ,  qu'Hermès,  qoi  8*e«t 

€  aoe  célébrilé  si  triate  et  si  oragcme  dans  ces 

ratera  lenps,  a  coapoaé  son  inirodoction  i  la 

Mrif  «e  dirélienoe  caUioliqne.  Le  but  de  cet  éci  î- 

in  tu  assurémenl  bon  et  fouable  ;  mais,  hieti  loin 

raueÎBfîre,  il  a  dirigé  contre  la  foi  qu*il  cber- 

i'(  à  défendre,  les  p'us  rades  coups  du  rationa- 

me.  M éeonleot  des  démonsuaiioas  nça^  jusqu^à 

.  <ie  la  diTÎniié  du  chrislianisoie,  il  voulut  Tas- 

xr  ff«r  dts  bases  nouvelles,  se  plaça  dans  un 

•K  abftolay  entreprit  de  le  vaincre  par  les  seules 

Tn  de  ta  pensée,  et  cbereba  un  principe  de  oo- 

-fi<UB  sur  lequel  il  pût  élever  successivement  la 

lie  simple  et  b  vérilé  catbolique,  de  nianiére  i 

neair  i  ce  dilemme  :  c  On  il  ii*y  a  pas  de  vérité, 

b  Térilé,  c*est  le  eatkiollcisme.  »  Ce  dilemme,  les 

Mf^stes  Fooi  toujours  posé,  et  ils  le  poseront 

jomàr%  ;  niais  eux  ne  cbercbent  pas  la  certitude 

tt  les  esirailles  mêmes  du  doute.  L'encbatnement 

'r-«rii/és  par  lequel  ib  vont  des  premia  s  principes 

i^     raiaoD  bunuioe  su  caiholicisme,  est  un  Ûen 

x\v(Be  de  propositions  qui  tiennent  rigoureuse* 

m  1rs  aaes  aux  autres,  mais  non  un  lien  de  syn- 

^<  rif  ottreuse  dont  nn  principe  général  engendre, 

▼fHe  de  oéce>siié  niétaph\sique,  Umtes  les  prt:u- 

et  lootcs  les  vérités  de  là  religion.  Les  proplié- 

»  «  1 1rs  miracles,  qui  sont  les  fondements  princi- 

Il  de  la  divinité  du  cbristtanisme,  et  les  mystères 

occupent  le  sommet  de  la  chaîne  des  véniës 

'I  embrasse,  rendent  à  eux  seuls  une  synthèse 

iblabie  essentielleinent  impossible.  Mëcouteot  du 

'C'Tdt  reçu»  Hernies,  an  livu  d^une  certitude  véri- 

^  dont   il  nie  rexistence  (et  qoi  c-jnsis'craii 

DfCtl05?(AlRE   ArOLOGÉTlQCE.  II. 


riqne.  Tel  est  actuellement,  en  substance, 
renseignement  religieux  des  chaires  de  théo- 
logie, en  Allemagne,  yrai  gnosticisme,  es- 
sentiellement empreigne  de  panthéisme  et 
qui  appelle  tout  a  la  formation  de  la  Traie 
crojancet  moins  racceplation  d'un  enseigne- 
ment révélé  quelcou'iue  (i216j.  Exceptons 
la  faible  minorité  de  quelques  professeurs, 
d*ailleurs  rationalistes,  ^ar  exemple,  Néan- 
der  et  Hengtensbei^,  qui  conservent,  partie 
officiellem:'nt,  partie  peut-être  par  convic- 
tion, quelques  débris  du  vieux  luthéra- 
nisme, et  cherchent  à  réiaMir  Tautorité  des 
saints  livres  qui  en  sont  le  seul  fondement 

ini. 

Mjtbisme. 

On  ne  peut  dire  que  la  manie  du  mythe 
soit  entièrement  nouvelle  en  France.  L'exa- 

Sération  du  sens  figuré  dont  on  est  obligé 
'accuser  plusieurs  théologiens,  n*est  pas 
sans  affinité  avec  ces  écarts  de  la  moderne 
exégèse.  Tout  en  admettant  le  sens  littéral 
des  texies  et  la  réalité  historique  des  faits 
de  la  Bible  ou  de  FUistoire  érangélique,  la 
foule  des  théologiens  et  des  interprèles  du 
moyen  ige  s'est  attachée  à  y  trouver  un 
sens  figure.  Cette  tendance  avait  pour  prin- 
cipe un  sentiment  de  piété  assurément 
très-louahle  ;  mais  il  r  avait  de  la  témérité 
dans  Tapplication.  Pascal,  dans  ses  pensées, 
se  ressent  de  cet  excès  de  figurisme.  Or, 
après  ivoir  exa^^ér^a^nsi  le  symbolisme,  il 
n'y  avait  qu'un  pas  à  faire  pour  le  substi- 
tuer à  la  hâilité,  pour  abîmer  la  réalité  dans 
la  figure.  On  ne  se  rappelait  pas  assez  que 

d*après  lui,  non-aenlcment  à  voir  qu'une  chose  est, 
mais  encore  i  apercevoir  la  raison  de  ce  qu'elle  est 
et  rimpossilnlité  qu'elle  soit  autrement)  •  ne  nous 
donne  qu*uue  certitude  qnlt  appdle  pratique,  fon- 
dée sur  bi  nécesMté  morale  oô  est  la  volonté  d'à* 
dfaérer  à  certaines  Térités.  Cest  sur  ce  foodemeni, 
bien  plus  instioctif  que  rationnel,  qu*ll  pose  tout 
l'édifice  des  connaissances  humaines  et,  nflérieure- 
ment.  sa  déoionstrat-on  caiho'î  fn>^.  Admirat-ur  en- 
thousiaste de  KanI,  il  en  a  corn  bai  tu  le  système  et 
n*en  a  cependant,  on  réalité,  que  modifié  les  ftirmes. 
Voir  sur  Thislorique  de  la  doctrine  d'flermcs ,  Àn^ 
nu/es  de  pkiL  ekréi.,  t.  XVII,  p.  85,  etc.,  et,  pour 
Texposé  et  la  réfut.  de  cette  doctrine,  Perxoiie,  lome 
IX,  De  loeis  ikeoL^   p.  3;  De  aitalogia  ratiamh  et 

fûUu  P*  ^^9,  «'te. 

(*ll7)  Hengtensberg  fait  remarquer  que  les  ratio- 
nalistes qui  nient  Pauthenticité  du  Pentateuqne^ 
n*out  pour  eux  aucun  historien  d*un  mérite  supé- 
rieur, et  cela  tient*  dit-il,  i  ce  que,  dans  iVxamen 
de  celle  question,  eAt-il,  comme  le  théologien  ra- 
tionaliste, des  i  .ées  théologiques  avec  le^suell^^  il 
désir  rail  faire  calrcr  un  écTL-,  Thsiorien  n*est  pas 
dominé  par  ces  idées,  au  point  de  blesser  sa  con^* 
cience  historique.  Voir  Ànn,  de  ph.  ck.^  nov.  1845. 
p.  358.  —  Nous  avons  puisé  pfindpalemeut  cette 
esquisse  sur  le  rationalisme  allemand  dans  un  ou- 
vrage de  M.  Arnaud  Saint*;s  sur  cette  roatiè:  e.  Ra- 
tionaliste lui-même,  cet  auteur  nous  a  sembl'^  joindras 
k  i*es  coDBaissances  étendues  un  laknt  vé.iiaule  de 
critique.  Le  précieux  recueil  des  Annalet  de  pkilMO' 
pkie  ekréiiemme  nous  :»  ég:*lemeiit  beaucoup  Sf'f^i. 
(Voir  entre  autres  aitic^es,  u*  104,  )8  févmr  1859, 
I.  Wni,  p.  45.) 

36 


1151 


RAT 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RAT 


lia 


si  Tesprit  doit  vivifier  la  lettrei  il  peut  la 
tuer  en  Tabsorbant  (1218.) 

Dupuis,  comme  on  sait,  avait  poussé  Tab- 
surdilié  du  mylhisme  jusqu*à  prétendre  que 
Noire-Seigneur  et  les  apfttres  n'étaient  que 
le  soleil  et  les  douze  signes  du  zodiaque  an- 
thropomorphisés.  Un  homme  d*espril  de  nos 
jours  a  fait  justice  de  cet  outrage  au  sens 
commun,  en  montrant  que  Napoléon  et  son 
histoire  n'étaient  aussi  que  le  soleil  et  le 
tableau  du  ciel  personnifiés  (1219).  Le  mythe 
ne  s'est  réellement  naturalisé  chez  nous  qu'à 
la  suite  du  panthéisme,  dont  il  est  la  consé- 
quence. L'un  et  l'autre  jouissent  depuis  long- 
temps, en  Allemagne,  d'un  crédit  illimité. 
Nous  les  avons  reçus  de  nos  voisins,  et  c'est 
M.  Cousin,  lé  principal  représentant  de  notre 

Ïhilosophie  actuelle,  qui,  après  s'être  nourri, 
Berlin,  de  ces  doctrines,  les  a  importées 
parmi  nous. 

..  Maintenant,  si  l'on  veut  savoir  ce  que  c'est 
qu'un  mythe,  nous  répondrons  que  la  science 
moderne  n'a  pas  encore  pu  en  donner  une 
défmition  exacte  et  généralement  admise. 
Les  idées  qu'émettent  iàndessus  les  partisans 
du  système  mythique  sont  loin  (Tétre  les 
mêmes.  En  etaminant  toutefois  avec  atten- 
tion leurs  opinions  diverses,  on  reconnaît 
qu'ils  appellent  mythe  certains  récits  qui, 
vrais  d'abord,  quant  au  fond  des  choses,  ne 
nous  sont  parvenus  qu'avec  une  enveloppe 
et  un  entourage  de  circonstances  imaginées, 
de  telle  sorte  que  la  réalité  primitive  s'est 
mêlée  à  l'idéal,  si  elle  n'a  pas  été  absorbée 
en  lui% 

On  distingue  plusieurs  espèces  de  mythes  : 
leshistoriques,  les  philosophiques,  les  mixtes 
et  les  poétiques. 

1°  Le  fond  du  mythe  historique  est  tou- 
jours un  événement  qui  a  laissé  une  im- 
pression plus  ou  moins  profonde  sur  l'es- 
prit des  contemporains,  et  généralement 
on  en  rapporte  1  existence  aux  temps  qui 
ont  précédé  la  connaissance  de  l'Ecriture. 
Que  l'on  se  représente  donc  les  premiers 
hommes  jaloux  de  raconter  à  leur  postérité 
ces  événements  dont  ils  ont  été  frappés,  et 
dans  lesquels  ils  ont  joué  un  rôle  quelcon- 
que. Leur  imagination  exubérante  de  sève 
a  dû  les  porter  à  donner  aux  moindres  cir- 
constances du  poids  et  de  l'intérêt.  Ajoutons 
à  cela  un  penchant  naturel  pour  le  merveil- 
leux, et  Ton  comprendra  que,  sous  cette 
double  influence,  les  faits  et  les  personnages 
ont  dû  prendre  des  formes  exagérées. 

9:*  A  côté  des  faits  historiques  se  présen- 
tent d'autres  faits  de  Tordre  physique  ou 
même  moral.  Quel  est,  a-t-on  dû  se  deman- 
der, l'auteur  de  l'univers.,.?  L'homme  lui- 
même,  d'où  vient-il  ?  Pourquoi  tant  de  bou- 
leversements dans  la  nature,  tant  de  douleurs 
dans  l'humanité?  Pour  trouver  une  solution 
à  ces  t»roblèmes,  les  sages,  éloignés  des 
vraies  traditions,  s'abandonnèrent  aux  spé- 
oulatioos  de  leur  esprit,  et  rattachèrent  tel 

(i2iS)  Ym  Bergier,  Dlct,  théoL,  art.  Figurée, 

Figurisme, 

(1219)    Voy.  MVTHISME. 


effet  h  telle  cause  qu'ils  croyaient  tire  It 
véritable  ;  mais  leur  tAche  ne  se  bornait  |ias 
là  :  une  solution  donnée,  il  follait  la  com. 
muniquer  à  la  multitude.  Or,  à  cette  émiqac 
surtout,. la  multitude  était  incapable  de  sai* 
sir  des  notions  abstraites;  pour  les  faire 
pénétrer  dans  son  intelligence,  il  fut  donc 
nécessaire  de  les  présenter  sous  une  bm 
historique  :  de  là  le  mythe  philosophique. 
Ainsi,  tandis  que  celui-ci  a  |)Our  l)ase  une 
idée,  un  raisonnement  sur  un  fait  du  mÀ 
physique  ou  moral,  le  myUie  historique 
s'incorpore  à  un  fait  réel  et  empraoté  \ 
l'histoire. 

3*  Souvent  la  tradition  a  confondu  soos 
une  même  envelop|>e  Tidée  et  le  fait  qui. 
pris  séparément,  ont  donné  lieu  à  deoi 
classes  distinctes  de  mythes.  Ce  mélange  i 

f produit  les  mythes  mixtes  ou  bistoricofu- 
osophiques. 

k^  Viennent  enfin  les  mythes  poétiaoes: 
ce  sont  tantôt  des  récits  embellis,  tantitdes 
opinions  ou  des  maximes  arrangées!! h n»- 
mère  des  poètes.  On  peut  se  former  ooeid^ 
de  cette  espèce  de  travail,  en  étudiaoldios 
Virgile  la  doctrine  de  Platon  sur  lime- 
tempsycose  (1220.) 

Nous  allons  emprunter  à  M.  CaurifUr»': 
résumé  de  la  réfutation  que  lalinate 
du  mythisme  appliqué  à  TAncien  TesUMl 
(1221.) 

1-  Les  premiers  chrétiens,  élevés  dans  lî 
paganisme,  familiarisés  avec  les  mjiliolojit. 
égyptiennes,  grecques,  romaines,  etc.,  loin 
d  avoir  reconnu  des  mythes  dans  la  Bible, 
n'y  ont  vu  qu'une  histoire;  ils  n'auraifiu 
pas  été  convertis  par  des  mythes,  s'ils  y  fu 
avaient  trouvé;  et,  s'ils  n'y  en  ont  pi* 
trouvé,  comment  ose-t-on  les  y  cbercb: 
après  dix-huit  siècles  ? 

2**  Les  annales  des  Hébreux  ne  siiDposrQt 
pas,  comme  celles  des  autres  peuples,  ce: 
temps  obscurs  ou  incertains  qui  durcQlpr* 
céder  Tapparition  des  mythes. 

3*  La  connaissance  d'un  Dieu  créaler. 
conservée  pure  et  sans  mélange  d'errai 
chez  les  Juifs  seulement,  ne  peut  venir  qd> 
d'une  révélation  divine  ;  elle  n'a  i^^s  ^ 
source  dans  le  polythéisme. 

4'  Dans  l'Ancien  Testament,  les  prodites 
sont  plus  rares  à  mesure  qu'on  reiflonlevtfi 
les  temps  primitifs;  ils  sont  plus  nombrtJûii 
selon  qu'on  se  raj»proche  davantage  des  leiup 
modernes  ;  le  contraire  a  lieu  chez  lesaoW 
peuples. 

5"  La  nature  des  traditions  bibliques  ««* 
les  préserver  de  toute  altération  ju*]""* 
temps  où  elles  furent  réunies  par  Mohp. 

Ajoutons  quelques  autres  obsertaln'C^ 
!•  Chaque  hvpothèse  qui  surgil  dans  «^ 
université  afiemande,  est  donnée  som 
pour  une  vérité  acquise  à  la  science.  (^' 
ne  provient  pas  d'un  manque  de  savoir  a* 
les  auteurs  de  ces  hypothèses,  quoique  «* 
pendant  on  soit  trop  jiorté  pamn  o^uî 

(1220)  Enéide,  liv.  vi,  703.  ^     .. 

(1221)  Ann.  de  phiL  cAr.,  5'  série,  t  IV,  p.  *»* 


s  133 


KEJO 


DltTlONNAUlE  APOLOGETIQI^E. 


REG 


f1?l 


exa^^érer  leor  mépite  scicnliGque  ;  la  cause 
en  est  dans  la  manie  de  tout  (aire  plier 
.à  uue  Ihéorie  a  priori  y  et  d'improviser 
^u  besoia  ja5(fu*à  des  foits  pour  la  justi- 
tier 

2*  Ce  n'est  pas  à  démonter  pièce  è  pièce 
rédubuilage  4e  difficultés  que  soulèvent 
chaque  jour  les  eiégèles  d'Outr^Rhifl,  qu'un 
eoDlroTersisle  français  doit  s'attacher;  il 
s'enfoncerait  dans  des  voies  ténéljreuses  où 
personne  ne  lui  ferait  escorte.  11  a  à  sur- 
veiller cl  k  pren<lre  en  flamant  délit  de  col- 
(lortage  les  propac;ateurs  français  de  l'incré- 
dulité germanique,  et  il  suffit  pour  cela  de 
quelque  vigilance  et  d'une  tiabileté  médio- 
rrc,  d'autant  plus  que  ce  qu'uti  rationaliste 
affirme  un  jour  est  nié  par  un  autre  le  len- 
demain, et  qu'en  Allemagne  même,  la  cause 
de  nos  saints  livres  est  noblement  vengée 
des  attaques  qu'elle  a  à  y  subir.  11  serait  dif- 
ûriJe  d'ailleurs  au  plus  studieux  admirateur 
ces  rationalistes  prussiens  ou  saxons,  de  ci- 
ter dans  leurs  œuvres  quelques  difficultés 
sérieuses  auxquelles  nos  apologistes  n'aient 
déjà  répondu. 

RATIONALISME,   ses  objections  contre 

Tordre  surnaturel  réfutées.  Voy.  Sursatc- 

•iUsvB.  —  Ses  aberrations  en  matière  de 

ftli2M>nf  réfutées. roj(.  SuRXATrnAUSiftB, {IL 

-Ses  objections  contre  la  prophétie  et  le 

«rrement;    réfutation.    Voy.    Subhatcra- 

u»«E,  I  V  et  VI.  — Jies  objections  contre  la 

féviMaUon  divine  par  la  parole.  Voy.  P»o- 

inrnE.  —Sa  théorie  sur  l'origine  de  la 

f»^n<ée  et  de  la  parole.  Yoy.  Psychologie, 

f  %  111. 

RATIONALISTES,  lausseté  de  leur  mé- 
.boJe  nour  rechercher  l'origine  des  idées  et 
ies  crôjances.  Voy.  Acroamatiqub. 

REGENERATION  dans  l'humanité;  pour- 
fooi  est-ce  une  œuvre  progressive?  Voy. 

'flUT,  i   II. 

REGLE  DE  FOI.  —  Jésus-Christ  a  mani- 

?^{emeffit  transféré  son  autorité  è  ses  apA- 

•«*s  :  Comme  mon  Pire  ma  envoyé^  y  vous 

^roie  (Joan.  xx,  21),  leur  dit-il.  Et  ailleurs  : 

*êâi  tous  écoute^  m'écoute j  et  qui  vous  méprise^ 

^  mépriêe;  el  qui  me  méprise  méprise  celui 

Ai  m'a  envoyé.  {Luc.  x,  IG.)  Nul  doute  que 

"S  a{>ôtres  ne  connussent  bien  et  ne  com- 

^s^eii  t  parfaitement  que  le  Christ  avait  reçu 

c  Dieu  l'autorité  et  le  pouvoir  d'enseigner 

i  4fe  faire  recevoir  sa  doctrine;  pouvoir  qui 

'^it  ^«  sanction  non-seulement  dans  la  dé- 

amion  de  son  Père,  mais  encore  dans  sa 

''^lire  nature;  etainsi,  quand  nous  le  voyons 

•-   éfaLtlîr  ses  représentants  sur  la  terre,  et 

f  ifier    entre  leurs  mains  le  dépAt  de  toute 

»    mérités  célesl»!S;  auand  nous  les  voyons 

m  -ni^raes  envoyés  dans  les  mêmes  termes 

VM  m-  prêcher  et  instruire,  nous  ne  pouvons 

c?     penser  qpi'ils  ont  dû  se  sentir  investis 

«Jlroit  d'enseigner,  de  décider  et  d'ei-iger 

r^^nimage  de   la   raison  individuelle  de 

4>«tiiue  i  leur  enseignement,  à  cause  de  la 

\«^riorité  et  de  l'autorité  dont  Dieu  les 

■^4  rerèlus. 


il 


II  n*eiHte  ancaoe  preeve que  r£iTit«reaU  senide  règle 
de  loi  au  ieiDM  des  apôU-es.  —  Dans  les  lein|H  aposto- 
liques, la  seule  règle  de  foi  éUit  Taulorilé  infaUtibie 
de  rfigûse  eoseignanle.  —  Conduite  des  apàîres  rela- 
Uveneiil  ayi  nouveauii  cooverUs. 

Comment  donc  les  apôtres  ont-ils  procédé? 
Sur  quel  principe  ont-ils  réglé  leur  ensei- 
gnement? D*abord,  nous  ne  voyons  oas  qu*eii 
aucune  occasion  ils  aient  parlé  de  la  néces- 
sité de  rexamcn  individuel  des  doctrines  du 
christianisme  ;  nous  voyons  qu'ils  ont  cher- 
ché à  simpliUer  autant  que  ])OssiMe  leurs 
arguments,  qu'ils  les  ont  réduits  à  un  seul 

rnnt,  qui  est  le  témoignage  rendu  par  eux 
quelque  preuve  principale  de  leur  vérité. 
Ainsi,  par  exemple,  ils  ont  fait  rc|)Oser  les 
doctrines  du  christianisme  sur  la  vérité  tïe 
la  résurrection  du  Christ,  et  nous  voyons 
qu  ils  se  sont  contentés  d'attester  qu'ils  ont 
TU  eux-mêmes  Je  Christ  après  sa  résurrec* 
tion  d*entre  les  morts.  {Act.  n,  32;  ui,  15; 
T,  30,  32;  xiu,  30;  xvu,  31,  etc.) 

El  quoique  l'on  puisse  dire  que  les  mira- 
cies  qu'ils  opéraient  furent  les  motifs  qui 
portèrent  les  peuples  à  croire  à  leur  témoi- 
gnage, il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  las 
bases  de  leur  croyame  étaient  en  réalité 
l'autorité,  dont  i<!s  prouvaient  par  des  mira- 
cles qu'ils  étaient  investis  pour  enseigner. 
Quoique  sans  doute  un  grand  nombre  des 

f)remiers  fidèles  aient  été  attirés  à  croire  à 
a  prédication  des  apôtres,  en  vertu  des  mi- 
racles qu'ils  opéraient,  il  est  certain  néan- 
moins que  leur  foi  n'avait  pas  pour  fonde- 
ment leurs  miracles,  mais  la  vérité  tles 
doctrines  qui  leur  étaient  proposées  jpar  le 
christianisme.  Après  que  ces  motifs  le^ 
avaient  conduits  à  l'embrasser,  ils  durent 
y  trouver  une  assurance  certaine  de  la  vé- 
rité de  toutes  les  doctrines  qui  devaient  leur 
être  enseignées.  Par  cela  même  que  les 
preuves  du  christianisme  étaient  placées  et 
reçues  dans  un  point  aussi  simple  que  la 
démonstration  du  fait  de  la  résurrection,  il 
est  évident  qu'il  existait  en  elles  un  prin- 
cipe qui  assurait  l'assentiment  des  convertis 
à  tout  ce  qui  leur  devait  être  enseigné.  Ce 
principe  ne  pouvait  être  autre  qu'une  fui 
explicite  à  l'enseignement  des  prédicateurs 
do  la  religion,  eu  d'autres  termes,  le  prin- 
cipe catholique  d'une  autorité  infaillible  en 
matière  d'enseignement. 

Nous  ne  voyons  pas,  en  secoua  iieu,  que 
dans  leurs  prédications  ils  aient  insinué  le 
moins  du  monde  qu'il  y  eût  un  livre  que 
tous  les  chrétiens  doivent  étudier  et  exami-« 
ner  pour  en  faire  la  base  de  leur  foi.  Nous 
les  entendons  en  appeler  à  l'Ancien  Testai 
ment  toutes  les  fois  qu'ils  s'adressaient  au 
peuple  Juif,  |)arce  qu'il  y  a  dans  ce  livre  des 
vérités  clairement  admises  par  les  Juifs,  et 
qui  ont  une  liaison  nécessaire  avec  l'Evan- 
gile, où  elles  trouvent  leur  complément,  de 
sorte  qu'elles  servent  facilement  de  guide  et 
d'introduction  à  la  démonstration  du  chris- 
tianisme; mais  nulle  part  nous  ne  trouvons 
le  moindre  indice  nue  le  récit  de  la  vie  de 
notre  Sauveur,  ou  les  doctrines  qu'ils  prè- 
cliaiciil,  dussent  nécessairement  être  mises 


1155 


REG 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


R*£G 


W'À 


par  écrit  et  proposées  ainsi  à  l*examen  indi- 
viduel des  fidèles. 

An  lieu  de  cela,  nous  découvrons  un  autre 
fait  bien  plus  important  :  c*est  que  partout 
où  ils  allaient  ils  établissaient  des  pasteurs 
chargés  d'instruire  les  sociétés  ou  congréga- 
tions Qu'ils  avaient  formées.  11  est  on  ne 
peut  plus  évident  que  ces  pasteurs  étaient 
revêtus  de  puissance  et  d'autorité  comme  de 
moyens  nécessaires  pour  enseigner  et  gou- 
verner; il  leur  était  recommandé  de  ne  don- 
ner lieu  à  personne  de  les  mépriser  à  cause 
de  leur  jeunesse;  ils  étaient  autorisés  à  re- 
cevoir des  accusations  même  contre  des  prê- 
tres, et  dès  lors  furent  établies  les  conditions 
et  les  formes  à  suivre  dans  les  jugements. 
(/  Tim.  IV,  12;  V,  19.)  Ces  choses,  à  la  vé- 
rité, appartiennent  principalement  à  la  dis- 
cipline, mais  elles  sont  une  preuve  évidente 
que,  dès  le  commencement,- tout  le  système 
de  la  constitution  de  l'Eglise  s'est  trouvé 
essentiellement  basé  sur  le  priqcipe  de  l'au- 
torité, à  la  direction  de  laquelle  il  était  sou- 
mis. Ce  n'est  pas  assez;  nous  voyons  les 
apôtres  entrer  dans  les  détails  les  plus  i\ii- 
nutieux  dans  les  instructions  adressées  par 
eux  à  ces  pasteurs  et  à  leurs  églises,  non 
pas,  il  est  vrai,  pour  les  engager  à  lire  la 
parole  de  Dieu  dans  le  Nouveau  Testament, 
une  fois  qu'il  aurait  été  écrit  (ce  qui  ne  devait 

[)as  bien  tarder);  c^r  on  ne  trouve  pas  même 
a  moindre  insinuation  qu'il  dût  jamais  y 
avoir  de  Nouveau  Testament  écrit,  mais  [)our 
les  rendre  soigneux  à  conserver  les  doctrines 
dont  le  dépôt  était  confié  entre  leurs  mains. 
Saint  Paul  s'adresse  en  ces  termes  à  Ti- 
mothée,  son  disciple  favori  :  0  Timothée^ 

Î lardez  le  dépôt  qui  vous  est  confié ^  évitant 
es  profanes  nouveautés  de  paroles  et  tout  ce 
qu^oppose  une  doctrine  qui  porte  faussement 
te  nom  de  science^  et  quelques-uns  qui  en  font 
profession  se  sont  égarés  de  la  fox.  il  Tim. 
VI,  20.)  C'est-à-dire  sou  venez -vous  des  doc- 
trines que  je  vous  ai  transmises,  et  ne  souf- 
frez pas  qu  elles  soient  altérées,  même  dans 
les  mots  qui  les  expriment  ;  ayez  soin  de 
retenir  la  plus  entière  justesse  d'expression 
en  enseignant  les  vérités  que  je  vous  ai  an- 
noncées, de  peur  qu'elles  ne  reçoivent  la 
moindre  alleinte  de  tout  ce  que  peut  oppo- 
ser une  fausse  science;  en  quoi  saint  Paul 
fait  allusion  aux  erreurs  des  gnostiques,  ou 
bien  aux  premières  hérésies  qui  se  sont  éle- 
vées dans  l'Eglise.  Or,  s'il  eût  pensé  que 
Jes  doctrines  de  la  religion  dussent  être  en- 
seignées dans  un  livre,  et  que  les  expressions 
de  ce  livre  dussent  être  le  seul  texte  qui 
dût  servir  de  base  à  la  religion ,  bien  plus 
s'il  eût  senti  que,  dans  celte  môme  Epîlre 
qu'il  écrivait  alors,  il  écrivait  une  partie  de 
ce  nouveau  code,  et  que  j)ar  conséquent  il 
était  en  son  pouvoir  d'empêcher  tout  dan- 
ger do  perversion,  assurément  il  ne  lui  eût 
pas  été  nécessaire  d'inculquer  avec  tant  de 
zèle  le  soin  de  conserver  les  expressions 
mêmes  dont  il  se  servait.  Observez  encore 
que  ce  n'est  pas  h  chaque  membre  indivi- 
duel de  TEglise,  ni  à  toute  la  congrégation 
en  masse  qu'il  confie  ses  doctrines,  mais  à  un 


seul  homme  qu'il  avait  évidemmi^nlchargéde 
la  go  iverner,  comme  ayant  è  n^ndrecûiiipte 
à  Dieudesâmesdu  troupeau  ronliéà  ses  soins 
Plus  loin  il  dit  encore  :  Rtitfxti  k  forint 
même  des  saines  instructions  que  roui  axt: 
entendues  de  moi^  touchant  la  foi  tt  la  ^horiU 
qui  est  en  Jésus-Christ.  Garin  U  précim 
dépôt  qui  vous  a  été  confié  part  EspritSum 
qui  haoite  en  nous.  [Il  rim.  i,  13,  U.)  Voilà 
un  frappant  témoignage,  une  [ireave évi- 
dente de  l'inspiration  de  l'esprit  de  Diea 
dans  l'enseignement  pratique  des  pasteon 
de  l'Eglise,  et  de  l'assistance  qui  leur  est 
donnée  par  noire  Sauveur;  et  la  coosé^ 
quence  en  est  que  le  disciple  et  le  succe^• 
seur  immédiat  de  l'Apôtre  est  eihorlé  ï 
conserver  exactement  la  forme  oiéme  des 
termes  dans  lesquels  ses  instructions  sont 
exprimées.  Il  en  est  (^ui  ont  dit  qwtkfomt 
des  termes  dont  il  est  ici  question  se  rappor* 
tait  au  Credo  ou  Symbole  des  apl^tre^.  Mais 
d'abord  il  faudrait  en  donner  des  nreiiTef; 
ensuite  il  n'était  pas  nécessaire,  alors  pio 

3u'aujourd*hui ,  a  en  inculquer  avec  toi 
'énergie  la  conservation  à  un  évèque;  rir 
plus  il  était  enseigné  et  plus  il  m  oi^ 
entre  les  mains  des  Gdèles,  moins  ilTifiii 
à  craindre  qu'il  fût  perdu  ou  altéré.  Vii 
donc  le  premier  pas  dans  le  système  de îen- 
seignement  traditionnel,  la  prédicalioa ^ 
la  sainte  doctrine  faite  de  vive'  voii  parw 
homme  envoyé  d'abord   pour  Tannonitr  a 
un  autr6  homme  qui  est  délégué  par  lai {«ur 
continuer  son  œuvre.  Voyons  mainieDani 
le  second  anneau  de  la  chaîne.  Quelques 
versets  plus  loin  l'Apôtre  adresse  à  Timo- 
thée  cette  nouvelle  exhortation:  Ofu^r^u 
appris  de  moi^  devant   plusieur$  tmm. 
donnez-le  en  dépôt  à  des  hommes  pdèiti  fi 
soient  eux-mêmes  capables  d'en  ifislrvirt 
d^autres  {II  Tim.  ii,  2).  Or,  ici  encore  jaiûl 
Paul  ne  dit  pas  :  Conservez  cette  Epiw 
comme  une  portion  de  la  sainte  i^arole  ^ 
Dieu,  et  donnez  en  des  copias  àceuiqcf 
vous  êtes  charjAé  d'instruire;  c'eût  éié'l 
assurément  le  uioyeu  le  plus  sûr  de  con.^ 
ver  les  doctrines  qu'il  avait  enseignées 
mais  il  dit  à  Timothée  de  choisir  desfaoïD- 
mes  fidèles  et  dignes  de  confiance,  et  <ie 
mettre  entre  leurs  mains  le  dépôt  des  dof 
trines  qu'il  avait  reçues  afiu  qu'eux  àlwf 
tour  pussent  les   transmettre   à  d*autre^. 
N'est-ce  pas  là  évidemment  faire  de  ren»> 
gnement   oral  la  méthode  qui  devait  éttf 
adoptée  et  suivie  par  l'Eglise  du  Clirisl? 
Avant  de  quitter  les  Epltres  de  saint  Pf. 
è  ses  discinles  favoris,  je  ne  peux  ti'^^^ 
au  désir  d  appeler  votre  attention  sur  un  » 
deux  textes  qui  me  semblent  unepuis.^* 
confirmation  de  la  régie  catholique  D'al"^ 
il  dit  à  Timothée  :  Jai  désiré  que  rotut^ 
tassiez  à  Ephèse^  à  mon  départ  pour  la  J'^'^ 
doine,  afin  que  vous  avertissiez  quel^jfi* 
personnes  de  ne  pas  enseigner  unetiocinc» 
différente,  et  de  ne  point  s^atnuser  à  desfc^ 
et  des  généalogies  sans  ^n,  mu*  servent  i^*' 
citer  des  disputes  plutôt  quà  fonder  M^'^ 
de  Dieu  dans  la  foi.  (I  Tim.  iv,  3,  h.jAmti 
dissentiment  n'est  aonc  permis,  rien  <!• 


UZl 


R£G 


DICTIONNAIRC  ArOLOGETIQUE. 


REG 


4158 


puisse  mener  kdes disputes  et  détou roer  Tes- 
r  it  (Je  la  simplicité  de  ]a  foi  divine,  dont  l*é- 
iitice  doit  s'éierer en  nous;  ci  tel  étaii  le 
principal  objet  que  saint  Paul  avait  en  vue 
lorsqu'il  préposa  Timotbée  au  gouverne- 
njcQt  de  rE^lise  d*£pbèse.    Or,  supposez 
que  ce  soit  là  la  mission  donnée  à  tous  les 
évèques,  et  que  par  conséquent  Dieu  ait 
placé  entre  leurs  mains  les  mojens  propres 
I  la  remplir,  le  simple  témoignage  de  l'ex- 
périence ne  nous  montrera-t-il   |ias  lequel 
jes  princi|>es  maintenant  adoptés  a  dû  être 
:elui  suivi  par  Timotbée.  Car  assurément 
expérience  a  prouvé  que  si  jiour  s'acquit- 
er  de  rolilieation  dont  il  était  ainsi  chaîné 
{empêcher les  dissentiments,  il  n'avait  pas 
ro  d^autres  princines  ni  d'autre  autorité  que 
eux  admis  par  les  églises  même  épîscor 
^ale^  chez  les  réformésr  ses  moyens  auraient 
te  (ristement  impuissants  à  atteindre  le  t>ut 
^rofiosé  (1222).  Au  contraire  une  observation 
a  même  genre  montrera  que  les  évoques  de 
Eglise  catliolique,  {.ar  leur  ensei^nenieui 
iH'Jé  sur  Tautorîté,  sont  réellement  en  éUi t  de 
onserver  l'unité  entre  les  tidëlcs  confiés  à 
jrs  soins.  £n  vain  les  premiers  voudraienl- 
.9  rerommander  à  leur  clergé  ou  à  leurs  ou- 
:  i'C«  rfe  ne  point  enseigner  une  doctrine  diffé'- 
'(Hi^  ou  d'éviter  les  sujets  ftci  iif  servent  fuà 
îcuer  des  disputes  ;  tandis  que  les  derniers 
Qt  fassuranc^e  que  leur  mission  est  à  l'abri 
j 'Liri^^er,  et  la  remplissent  sans  trouble  et 
ins  discussion.  Ainsi  nous  pouvons  conjec- 
irer  d'une  manière  plausible  quelle  était  la 
'^Ic  f.rcscrite  à  Timotbée. 
ïjan:^  i'EpIlre  à  Tito  le  langage  de  saint 
b'jlest  encore  plus  remarquable  :  Fuyez j 
t-il,  celm  qui  est  hérétique^  après  Vatoir 
pris  une  et  deux  fois;  sachant  que  quicon- 
\e  est  en  cet  état  est  perverti^  et  qutl  pèche 
fnt  condamné  par  son   propre  jugements 
{/.  I,  10,  11.]  Je  n'insisterai  pas  sur  la  nre- 
ère  f  j&rtie  de  ce  texte,  pour  justifier  par  là  la 
niuite  de  l'Eglise  catholique  à  l'égard  de 
il  qui  débitent  des  erreurs  et  corrompent 
pureté  de  la  foi  par  des  innovations  dans 
ioctrine  ;  les  arguments  que  l'on  peut  tirer 
la  sévérité  de  ce  commandement,  contre 
changements  de  doctrine,  jo  les  aban- 
nne    à    tos  réflexions.  C'est  la  dernière 
*tjc    du    texte  qui  rce  parait  de  ia  plus 
truie    im|)ortance.    Saint  Paul,  dans  ces 
»ps    primitifs,    où  c'e^t  à  peine  s'il   se 
uvail  quelqu'un  qui   eût  pu   naître  ou 
*z    élevé  dans  l'hérésie  ou  l'erreur,   en- 
■  1    nécessairement  par    le  mot  hérétique 
Uofiimc  qui,  après  avoir  professé  la  veri- 
\^   religion,  y  renonce  pour  embrasser 
>  opinions  nouvelles,  sans  pour  cela  re- 
>4#er  kXs^ïïs  Tidolâlrie  ;  car  alors  il  eût  dit 
^^^posiat  et  non  un  hérétique.  Or,  rA|)â- 
^^iid'un  (cl  homme  qu'i7  pèche  évidcm- 
^v  i,  étant  condanmé  'pur  son  propre  juge^ 
*t.  Uais  si  de  nos  jours  quelqu  un  passe 
"<^  coruuiunion  prolestante  dans  une  au- 


^=^^)    L.'-s  dissensions  qui  oui  éclaté  d*une  mi- 

'^  ^i  fHigr|ale  devant  li^  public  dans  la  »ecie  des 

^*câ  isies  Wesk'Ycns,  Tou.  niraicul  raaiicrc  â  d'io- 


Ire,  bien  loin  alors  de  juger  cette  action 
criminelle  ou  portant  nécessairement  en 
elle-même  sa  propre  condamnation,  on  pense 
qu'il  peut  être  et  qu*il  est  en  effet  générale- 
ment/uilî/!^  par  son  propre  jugement:  car 
c'est  son  jugement  qui  lui  sert  et  qui  lui 
doit  servir  de  guide  en  matière  de  religion  ; 
d'OÙ  par  conséquent  le  principe  du  protes- 
tantisme se  trouve  en  opposition  totale  avec 
la  doctrine  imposante  de  l'Apôtre.  L'Apôtre 
en  effet  suppose  l'existence  d'un  principe 
intérieur  oui  condamne  nécessairement,  au 
jugement  de  sa  propre  conscience,  l'homme 
qui  abandonne  la  vérité.  Mais  ce  doit  être 
nécessairement  un  principe  qui  vous  donne 
une  pleine  assurance  que  vous  possédez  la 
vérité;  un  principe  qui  vous  convainque 

3 ne  toutes  vos  croyances  sont  exemptes 
'erreur  ;  car  il  n'y  a  qu'un  principe  de  ce 
genre  dont  l'abandon  puisse  vous  forcer  à 
vous  reconnaître  coupable  en  changeant  de 
religion.  La  doctrine  de  saint  Paul  à  cet 
égard  est  précisément  celle  de  l'Eglise  ca- 
tholique :  excepté  le  cas  d'ignorance  invo- 
lontaire ,  aucun  catholique  qui  possède  en 
lui-même  les  principes  et  la  règle  de  foi,  an 
moyen  desquels  il  est  uni  è  son  Eglise, 
ne  neut  blesser,  en  se  rendant  coupable 
d'berésie,  aucune  de  ses  doctrines,  sans 
que  son  propre  jugement  ne  le  condamne 
comme  violateur  de  ces  principes  fon- 
damentaux et  ne  le  convainque  d'un  crime 
énorme. 

Des  instructions  données  par  l'Apôtre  des 
gentils  aux  f»asteurs  qu'il  avait  préposés  au 
gouvernement  de  ses  Eglises  naissantes , 

I tassons  aux  exhortations  qu'il  a4lresse  à  ces 
s^lises.  Voici  en  quels  termes,  il  écrit  aux 
Thessaloniciens  :  Cesl  pourquoi^  mes  frères^ 
demeurez  fermes^  et  conservez  les  traditions 
que  vous  avez  apprises  soit  par  nos  paroles, 
soit  par  notre  lettre.  (Il  Thess.  ii,  14).  Ici 
'encore  nous  voyons  deux  es|)èces  de  doc- 
trines, les  unes  écrites,  les  autres  non  écri- 
tes, et  toutes  les  deux  sont  mises  au  même 
rang,  de  sorte  qu'elles  doivent  être  les  unes 
et  les  autres  reçues  avec  le  même  respect 
par  l'Eglise  et  être  transmises  aux  succes- 
seurs des  apôtres.  En  lisant  ces  témoignages, 
en  voyant  le  principe  d'un  enseignement 
oral  ainsi  recommandé  avec  autorité,  et 
voyant  aussi  en  même  temps  le  silence  al)- 
solu  qui  est  gardé  sur  tout  ce  qui  pourrait 
avoir  l'air  d'insinuer  qu'il  dût  y  avoir  un 
ccmIc  de  doctrine  chrétienne  publié  par  écrit 
et  substitué  à  cet  enseignement  oral,  peut- 
on  rester  un  moment  indécis  sur  la  méthode 
suivie  par  les  apôtres,  et  les  bases  au'ils 
donnaient  pour  fondement  à  leur  Eglise? 
Ne  devons-nous  |»8S  conclure  qu'il  leur 
avait  été  communiqué  une  autorité  pour 
enseigner,  la*  juclle  autorité  ils  ont  transmise 
à  leurs  successeurs  avec  un  corps  de  doc- 
trines non  écrites,  en  sorte  que  ce  qu'ils  ont 
écrit  depuis  n*a  été  qu'une  rédaction  laile 

léiessan-es  réflexions  sur  b  nécessité  d*une  règle  eS 
d'une  autorité  co  religion. 


If39 


REG 


DICTIONNAIRE  APOLOGGTIQCIE. 


REC 


M 


«tons  le  bat  de  fixer  d*ane  manière  stable 
vnepartîedesdoctrines  dont  TEglIseétait  déjà 
en  possession,  et  d'en  conserver  lesourenirT 

Mais  pénétrons  on  peu  pins  arant  dans 
eette  considération.  J'ai  dit  que  nons  n'aper- 
cerions dans  le  Nouveau  Testament  ni  insi- 
nufftion,  ni  indication  qui  pût  faire  croire 
que  le  code  de  la  doctrine  chrétienne  dût 
être  un  code  écrit  :  nousTOjons,  au  con- 
traire, les  apôtres  prêcher  l'Evangile,  ensei- 
gner les  vérités  do  christianisme  a  un  ^and 
nombre  de  nations  étrangères,  et,  suivant 
l'histoire  ecclésiastique,  non-seulement  dans 
foule  l'Eu rope, maïs  jusqu'aux  extrémités  les 
plus  reculées  de  TOrient.  Saint  Thomas,  par 
exemple,  a  prêché,  dil-on,  dans  la  péninsule 
de  l'Inde;  saint  Barthélémy  porta  la  foi  dans 
des  régions  de  la  Scylhie:  saint  Thaddée,en 
Blésopotamie,  et  d'autres  apôtres,  dans  l'in- 
térieur  de  l'Afrique. 

Il  doit  être  intéressant  de  connaître  le 
principe  que  les  apôtres  ont  suivi  dans  la 
conversion  et  rinstruclion  de  ces  nations 
lointaines.  Nul  doute  qu'ils  n'aient  basé  leurs 
doctrines  sur  la  vraie  règle  de  foi,  et  pris 
les  moyens  nécessaires  pour  les  enseigner 
comme  il  faut  et  assurer  leur  conservation 
dans  leurs  Eglises  respectives.  L'Ecriture, 
la  parole  de  Dieu  écrite,  était-elle  dcmc  cette 
règle,  cette  base,  ce  gage  de  sécurité?  S*il  en 
était  ainsi,  nous  devrions  assurément  trouver 
des  traductions  de  ce  livre  sacré  dans  les 
différentes  langues  parlées  par  ces  nations. 
Dans  quelques-unes  d'entre  elles,  la  langue 
indienne,  par  exemple,  il  existe  encore  des 
ouvrages  écrits  avant  la  venue  de  Notre- 
Sauveur;  or,  est-il  croyable  que  le  premier 
soin  des  apôtres  n'eût  pas  été  de  traduire  les 
Ecritures  dans  ces  langues,  eux  surtout  qui 
avaient  reçu  le  don  des  langues,  et  qui  pou- 
vaient accomplir  cette  tâche  sans  difficulté 
comme  sans  erreur?  Si  présenter  la  Bible  à 
tous  les  hommes  et  à  chaque  individu  en 
particulier  est  le  premier  pas  vers  le  chris- 
tianisme, et  son  principe  le  plus  vital;  si  le 
fondement  de  la  foi  est  l'examen  personnel 
de  chacun  des  articles  du  Symbole,  nul 
doute  que  l'unique  moyen  d'assurer  ces 
conditions  n'aurait  pas  été  négligé.  Cepen- 
dant les  seules  versions  du  Nouveau  Testa- 
h\eni  qui  nous  soient  parvenues  sont  :  une 
version  latine  en  usage  dans  TOccident , 
appelée  Fti/gaie,  et  la  version  syriaque  (12231 
Or,  nous  ne  connaissons  pas  Tori^ine  de  la 
Vulgate  latine.  Il  est  probable  qu'elle  a. été 
faite  dans  le  premier  ou  le  second  siècle; 
mais  nous  avons  les  plus  fortes  raisons  de 
croire  que  durant  les  deux  premiers  siècles 
elle  demeura  exclusivement  renfermée  dans 
les  bornes  de  l'Afrique  (122il^)  :  en  sorte  aue 
l'Italie,  les  Gaules  et  TEspagne,  pays  où  1  on 
parlait  le  latin,  ne  faisaient  point  usage  de 
l'Ecriture,  sinon  du  texte  original  grec  du 
Nouveau  Testament,  et  de  la  version  grecque 

'  (1293)  Je  ne  parle  pas  de  fa  version  coplile  on 
Ipli  clique,  comme  élant  moins  imp4irlante  el  proba- 
tCemenl  moins  ancieime  qne  les  deux  aalres. 


de  l'Ancien.  Pas  un  texte,  dans  ta  bngne 
vulgaire,  que  le  pauvre  pût  entendre^ («s 
nn  texte  qne  la  grande  masse  des  CbrétjeDs 
fût  à  portée  de  lire.  l>e  même,  )a  rer^ion 
syriaque  n'était  connue  que  d'une  très-peine 
portion  des  pays  conquis  à  la  foi  [wp  les 
apôtres;  et  même  nous  n'avons  aucone 
preuve  de  son  existence  avant  le  m*  siècle: 
de  sorte  que  deux  siècles  se  sont  penl-èlre 
écoulés  sans  que  la  Hible  on  même  le  N(vq- 
veau  Testament  aient  été  placés  entre  les 
mains  des  chrétiens  de  l'Orient. 

Mais  que  dirons-nous  de  rAngfetcrre,qnl 
était  en  quelque  sorte  séparée  du  reste  tii 
monde?  On  nous  dit  que  dès  le  commence- 
ment TEglise  de  ce  pays,  loin   d'être  m» 
communion  avec  le  siège  de  Rome,  n\n 
voulait  rien  recevoir;  qu'elle  se  tint  loo- 
jours  dans  une  courageuse  déSance  el  tJdD> 
une  opposition  directe  k  ses  ordres;  qui 
TEglise  britannique  était  apostolique,  jvr^ 
et  fibre  de  toutes  les  erreurs  et  de  tont($)e^ 
corruptions  que  les  derniers  temps  iv»>Rt 
introduites  dans  l'Eglise  de  Rome.  M  (f^Ar 
avait-elle  puisé  cette  connaissanceiitj pores 
doctrines  du  christianisme?  Il  n'yiiâu»!? 
de  version  des  Ecritures  en  langue  l»revaw, 
rien  qu'il  fût  possible  au  peuple  de  Im 
d'où  nous  devons  conclure  que  toutes  re^ 
pures  doctrines  que   l'on    suppose  anvr 
existé  dans  la  primitive  Eglise  de  cetle  ir 
doivent  avoir  été  transmises  par  la  tnuliium. 
Or,  cette  circonstance  n'exclut-elle  p«s  Hlw 
de  considérer  les  Ecritures  comme  le  seà 
fondement  sur  lequel  les  apôtres  oot  biu 

l'Eglise? 

^..Avant  de  quitter l'éjwque  qui  nousoccopp. 
voyons  en  quels  termes  un  des  plus  anriea* 
Pères  de  l'Eglise  vient  à  lappui  de  re q-ue 
j'ai  dit.  Je  parie  de  saint  Irénée,  rillu5i.\ 
évoque  et  martyr  de  Lyon ,  qui  vécut  lîir? 
le  iir  siècle.  Parlant  de  la  nécessité  ou  «Je  i 
non  nécessité  de  la  Bible  comme  rèJe^/ 
foi,  il  s'exprime  ainsi  :  Si  les  apôtres  ne  nt'^s 
eussent  rien  laissé d'écrit^n^rassions-ftoutr'^ 
dû  en  ce  cas  suivre  la  règle  de  doclrinij^il^ 
ont  donnée  à  ceux  auxquels  ils  ont  confié  imJt 
Eglises?  Bien  des  nattons  barbares,  qui^  pri- 
vées du  secours  des  lettres^  ont  les  paroiet  d» 
salut  écrites  dans  leurs  coturs,  et  coniennt 
avec  beaucoup  de  soin  la  doctrine  qui  Uf^^f 
été  enseignée^  se  soumettent  à  cette  trf^ 
lAdv.  hœres.  lib,  m,  cap.  4,  p.  205).  Ain^i. 
même  au  iir  siècle,  d  après  cette  aulor. 
vénérable,  il  y  avait  beaucoup  d'Eglises  (Tj» 
croyaient  toutes  les  doctrines  des  apôrriS 
sans  que  la  parole  de  Dieu  leur  eût  jairs^ 
été  présentée  sous  une  forme  écrite  qu'ts 
pussent  lire  et  comprendre. 

Nous  ne  devons  pas  terminer  celte  f^r:'» 
de  notre  sujet  sans  examiner  an  raoiï>«?3i 
quel  peut  avoir  été  le  principe  suivi  |«*r  ..* 
apôtres  lorsqu'ils  recevaient  les  conr<?rli- 
dans  la  religion  du  Christ.  Il  est  parié,  d»D^ 

i\±U)  Voyez  deux  !•  Urc»  par  nne  p»rUe  *  i 
controverse  icUlive  à  la  I"  fc>î/wde  »iol  J^^*^ 
▼,  7,  par  Mgr  Wisemaw  ;  Rome,  1855.  Ml.  .,  ^^ 
45,  66. 


It«l 


REG 


DSCnœWAIRE  ÂPOliOGETIQUB. 


REG 


i:h 


le  lÎTre  des  Actes ^  de  trois,  puis  do  cinq 
mille  personnes  conTcrties  en  on  seal  jour, 
et  admises  dans  le  sein  de  l'Eglise  par  le 
Itaptéme.  (Aci.^  n,  (1;  iv,  (.)  Ce  fait  peut-il 
nous  permettre  de  penser  qu'elles  fussent 
toaies  instruites  en  détail  des  mystères  de  la 
religimi?  Par  le  baptême,  on  entrait  en  par- 
faite communion  arec  les  fidèles  :  telle  était 
ridée  qu  on  arait  de  ce  sacrement.  Peut -on 
conclure  de  là  que  tous  ceux  que  les  apôtres 
l»aprisaient  à  la  fois  eussent  le  temps  de  se 
livrer  à  un  examen  minutienx  de  toutes  les 
doctrines  proposées  à  leur  acceptation?  Les 
fvaroles  mêmes  de  l'Ecriture  combattent  cette 
supposition,  puisqu'elle  présente  ces  conver- 
gions comme  a^ant  été  subites.  Mais  il  dut  y 
•roir  un  principe  général,  une  rèçle  fonda- 
mentale en  vertu  de  laquelle  ils  étaient-reçus 
dans  le  christianisme,  et  qui  emportait  de 
leur  part,  une  fois  Qu'ils  en  auraient  été 
•Qsiruits,  Tadoption  ae  toutes  les  doctrines 
i^'ui  leur  seraient  enseignées  par  ceux  qui 
les  avaient  convertis.  On  dut  exiger  d'eux 
une  profession  de  foi  générale  et  complète, 
*n  gage  de  leur  adhésion  subséquente  à 
t'>iites  les  doctrines  qui  leur  seraient  propo- 
>^s.  Sans  cela,  ce  n  aurait  été  qu'une  pro- 
Uoation  du  rite  sacré  et  du  sacrement  du 
l4[4ême,  que  d'admettre  de  nouveaux  mem- 
ires  dans  le  sein  de  l'Eglise  chrétienne, 
t<*nt  en  leur  laissant  la  liberté  de  s'en  retirer, 
s*ils  ne  pouvaient  se  convaincre  de  la  vérité 
-ie  chacune  des  doctrines  qu'elle  professe. 
«>r,  imaginez  tout  ce  qu'il  vous  plaira,  faites 
i'>utes  les  hypothèses  que  vous  voudrez, 
^ous  ne  donnerez  point  de  solution  entière- 
ment satisfaisante,  à  moins  de  supposer  une 
f'ii  implicite  dans  l'enseignement  des  pas- 
leurs  de  l'Eglise  (1225),  ce  qui,  en  matière 
*iv  religion,  éauivaut  a  une  véritable  foi  à 
Tkifaillibflité  de  l'autorité  ensei^ante  :  d'où 
TOUS  devez  conclure  que  c'était  une  chose 
convenue,  qu'ils  devaient  adopter  volontiers 
toutes  les  doctrines  qui  leur  seraient  propo- 
sées dans  la  suite  par  ceux  qui  étaient  char- 
gés de  les  instruire.  Et  ne  voyons-nous  pas, 
en  effet,  qu'il  en  a  été  ainsi  dans  la  pratique? 
Car,  lorsque  dans  la  suite  les  apôtres  firent 
des  décrets  et  publièrent  des  lois  touchant 
la  pratique  de  1  Eglise,  lorsqu'ils  en  vinrent 
h  porter  des  décisions  en  matière  de  dogme 
et  de  disf'ipline,  tous  les  fidèles  se  soumirent 
à  ces  décrets;  tons  les  fidèles  les  révérèrent 
non-seulement  comme  des  maîtres,  mais 
encore  comme  des  supérieurs  à  l'autorité 
desquels  ils  étaient  obligés  de  se  soumettre. 
Cette  manière  d'admettre. les  nouveaux  con- 
vertis dans  l'Eglise  explique  tout  d*abord  la 
diflicnlté,  et  montre  le  principe  d'après  le- 
quel on  agissait  dans  ces  premiers  temps. 
Ils  étaient  reçus,  non  parce  qu'ils  avaient 
lait  nn  examen  minutieux  et  individuel  des 
dootriaes  du  christianisme,  mais  bien  parce 

ff  335)  CeUe  méthode  a  été  saivie  DOD-sealemeol 

^^  ^cft  apéiret  envoyés  de  INeo,  mais  eocore  ég^e- 

^  1  par  œvx  qai  ont  reço  d'eux  leor  mission,  et 

^  ^M  participent  pas  ani  sablimes  prérogatives  ei 

^^^  po«voîrs  particutiert  de  Tapostolal;  lel  fut  Pbî- 


qu'ils  donnaient  des  marques  et  des  assu- 
rances satislaisantes  de  leur  disposition  à  les 
embrasser,  et  que,  convaincus  de  la  recti- 
tude de  leur  première  démarche,  la  croyance 
h  l'antorité  dont  les  apAtres  étaient  investis, 
ils  étaient  dans  la  volonté  et  se  croyaient 
obligés  à  recevoir  implicitement  tous  les 
enseignements  qui  leur  devaient  être  ensuite 
adressés  de  leur  part. 

Faisons  l'application  de  ces  principes  aux 
deux  règles  de  foi  ;  supposons  qu'un  mis- 
sionnaire arrive  dans  un  pays  étranger  où 
le  nom  du  Christ  ne  soit  pas  connu,  et  qu'il 
avance,  comme  règle  fondamentale  de  la 
doctrine  qu'il  se  propose  d'enseigner,  que 
tous  les  hommes  sont  nécessairement  tenus 
de  lire  la  Bible,  et  de  s'assurer,  chacun  par 
lui-même,  des  choses  qu'il  doit  croire.  Je  no 
vous  demande  pas  si,  en  suivant  ce  principe, 
il  est  possible  de  dire,  à  proprement  parler, 
que  des  milliers  de  personnes  aient  été 
converties  en  un  seul  jour;  mais  si,  supposé 
qu'il  fût  bien  convaincu  de  ce  principe  et 
lenseiçnAt  aux  autres,  ce  missionnaire 
|K)urrait  dans  un  seul  jour  admettre  par  le 
rite  sacramentel  du  baptême  ces  milliers  de 
personnes  dans  la  religion  du  Christ?  Pour- 
rait-il se  rendre  le  témoignage  d'avoir  fait 
de  vraies  conversions,  et  que  ces  nouveaux 
convertis  ne  renonceront  pas  h  la  foi  qu'ils 
ont  tout  à  coup  embrassée?  Je  puis  assurer 
que  quiconque  est  au  courant  de  ce  qui  se 
passe  dans  les  missions  modernes  sera  con- 
vaincu qu'il  n'y  a  point  d'autres  missionnai- 
res que  ceux  de  l'Église  catholique  qui  puis- 
sent recevoir  dans  le  sein  de  la  relî^^ion  des 
Grsonnes  aussi  peu  instruites,  ou  croire  à 
ir  persévérance  dans  la  foi  qu'elles  ont 
reçue.  Les  missionnaires  catholiques  peu- 
vent le  faire  aujourd'hui  comme  on  Ta  fait 
dans  tous  les  temps;  car  saint  François 
Xavier^  comme  les  apôtres,  a  converti  et 
baptisé  aussi  en  un  même  jour  des  milliers 
de  personnes  qui  sont  restées  fermes  et  iné- 
branlables dans  la  foi  et  la  loi  du  Christ.  En 
effet,  on  peut  ainsi  admettre  tout  à  coup 
dans  la  religion  catholique  tous  ceux  qui, 
renonçant  à  toute  attache  h  leur  propre 
jugement  individuel,  «loptent  ce  principe, 
que  tout  ce  que  leur  enseignera  l'Eglise 
catholique  sera  nécessairement  conforme  à 
la  vérité. 

Ainsi  donc,  autant  qu'il  nous  est  possible 
de  connaître  la  conduite  des  apKfttres  d'aprî^s 
l'histoire  et  leurs  propres  écrits,  nous  ne 
trouvons  pas  la  plus  légère  preuve  que  l'E- 
criture ,  le  Nouveau  Teslament,dût  servîrde 
règle  de  foi  ;  au  contraire,  la  méthode  suivie 
par  eux  suppose  nécessairement  le  principe 
catholique  d'autorité  et  d'enseignement  in- 
faillible dans  TEglise  de  Dieu.  Maintenant 
nous  allons  descendre  à  une  é|K>que  posté- 
rieure, et  examiner  jusqu'à  quel  point  l'E- 

fiupe  (Ad.  viu,  12).  qoî  n'étoH  qmt  diacre.  Cette 
oliservaiioo  est  importante  :  elle  montre  que  cctie 
méthode  avait  ponr  base  vn  sysiéme«  et  non  sim- 
plement laconfiaoccâ  rinfâllibililé  personnelle  des 
a|iôtre9. 


1143 


R£G 


MCTiOI^iNAlRE  AIH>L0GET1QUCL 


REG 


lia 


glise  a  continué  dans  sos  temps  primitifs, 
oui  ont  été  ses  plus  beaux  jours,  d*agir 
u  aprèj  le  même  principe.  Je  ne  vais  pas, 
pour  vous  é|.ouvantcr,  vous  apporter  1  au- 
torité de  la  tradition  en  faveur  du  système 
que  j'ai  entrepris  d'eipllquer  et  de  démon- 
trer ;#je  ne  vais  pas  citer  des  autorités  à 
Tappui  de  ce  que  j*ai  avancé  ;  je  ne  vais 
simplement  envisager  la  question  que  sous 
Je  point  de  vue  historique,  et,  supposant 

aue  ceux  qui  ont  été  les  successeurs  imuié- 
iats  des  apôtres  ont  naturellement  suivi 
les  méthodes  qui  leur  avaient  été  prescrites, 
et  qu*ils  ont  pris  leur  manière  d  enseigner 
de  ceux  mêmes  qui  les  avaient  instruits 
dans  la  foi,  nous  aurons  dans  leur  manière 
d'agir,  non-seulement  la  conQrmalion  :de 
toutes  nos  assertions,  mais  encore  elle  nous 
fera  faire  un  pas  important  dans  la  question 
qui  nous  occupe;  nous  y  verrons  jusqu'à 
quel  point  les  méthodes  suivies  par  les 
apôtres  dépeDdîiic  ni  île  leuis  privilèges  par- 
ticuliers et  (Je  leur  autorité  personnelle,  ou 
bien  si  elles  étaicait  le  résultat  d'un  priu*^ 
npe  institué  d'une  manière  permanente 
dans  ]*£glise  ;  car»  si  nous  voyons  que  leurs 
successeurs  aient  exi^é  le  même  hommage 
à  leur  autorité  dans  renseignement,  et  que 
cet  hommage  leur  ait  été  volontairement 
payé  par  les  fidèles,  nous  devons  assuré- 
ment conclure  que  ce  principe  était  re[jardé 
comma  une  parlie  intégrante  du  christia- 
nisme; et  que  cette  hase  n'était  pas  un  fon- 
dement temporaire  appuyé  sur  le  caractère 
apostolique,  mais  un  principe  vital,  néces- 
saire à  son  existence. 

Etudions  les  second  et  troisième  siècles 
de  l'Eglise,  les  siècles  des  martyrs  et  des 
confesseurs  ;  car  alors  assurément  elle  n'é- 
tait marquée  d'aucune  tache  ni  d'aucune 
souillure,  et  Ton  ne  peut  jeier  aucun  soup- 
çon sur  la  pureté  de  sa  morale  et  l'intégrité 
de  ses  doctrines. 

Si  donc,  (liant  nos  regards  sur  ces  siècles 
primitifs,  nous  examinons,  soit  la  méthode 
d'enseignement  qui  était  alors  suivie,  soit 
la  croyance  généralement  répandue  relati- 
Tement  aux  bases  sur  lesquelles  l'Ecriture 
était  alors  reçue,  soit  enfin  l'iiiée  qu'on 
avait  de  l'autorité  de  l'Eglise,  nous  trouve- 
rons précisément  les  mômes  idées,  précisé- 
ment la  même  méthode. 

fil- 
La  disciplioe  de  TEglUe  à  l'égard  de  ses  nouf  eaux  ood- 
verlis,  dans  les^  premiers  siècles,  démonU-e  la  règle 
d  aulorilé.  —  Témoignage  d'un  célèbre  docteur  protes- 
tant. 

D'abord,  pour  commencer  parla  première 
considération,  c'est  un  fait  bien  avéré  que, 
pendant  les  quatre  premiers  siècles  de  l'E- 
glise, il  n'était  pas  d'usage  d'instruire  les 
nouveaux  convertis  des  doctrines  du  chris-. 
tianisme  avant  leur  baptême,  c'est-à-dire, 
(piMI  y  avait  une  certaine  discipline,  vul- 
gairement connue  sous  le  nom  de  discipline 
du  secret,  en  vertu  de  laquelle  les  plus  im- 
portantes doctrines  du  christianisme  étaient 
réservées  pour  ceux  qui  avaient  reçu   le 


baptême.  Ceux  qui  se  destînaîeni  à  entrer 
dans  l'Eglise  chrétienne  étaient  gardés  gé- 
néralement au  moins  deux  ans  dans  un  (M{ 
de  probation.  Durant  ce  lemps-lè,  on  leur 
permettait  d'assister  dans  l'église  à  une  cer- 
taine partie  du  service  divin  ;  mais  lorsque 
le  moment  où  allaient  s'accomplir  les  parties 
les  plus  importantes  de  la  liturgie  s  appro- 
chait,  ils  étaient  obligés  de  se  retirer  et  de 
se  tenir  à  l'extérieur  ;  de  cette  manière,  on 
les  tenait  jusqu'au  moment  de  leur  baplémt* 
dans  l'ignorance  des  dogmes  les  plus  iti]* 
|Kjrtants  du  christianisme.  Il  y  a,  ik  la  Térii  « 
quelque  dissentiment  par  rapport  à  réten  lue 
donnée  à  cette  réserve  ;  beaucoup  suiif  k)s<:di 
que  les  doctrines  de  la  Trinité  et  de  Pk- 
carnation  leur  étaient  communiquées  avut 
le  l>aptème;  d'autres  soutiennent  que  ces 
dogmes  eux-mêmes  étaient  soîgneu&emeot 
cachés  aux  nouveaux  convertis  jusqu'à  lear 
entrée  dans  l'élise  par  le  baptême,  de  sorte 

Î|u*on  n'exigeait  préalat)lement  d>ux  qu  W 
oi  implicite  au  christianisme.  Je  ne  pré- 
tends pas  dire  que  ce  soit  là  mon  opifliûfl; 
mais  je  vous  montrerai  bientôt  qorfes{ 
l'opinion  de  savants  théologiens  proMin». 
Considérons  maintenant  les  rAisofis  ^ 
ont  donné  lieu  à  cette  discipline.  Ou.vuppost 
qu'elle  avait  pour  fondement  plusieurs  fn*- 
sagesde  l'Ecriture;  celui,  par  exemple,  où 
notre  Sauveur  avertit  ses  apôtres  de  m  pu 
jeter  des  perles  devant  les  pourceauT^  de  re 
pas  communiquer  les  précieux  mystères  de 
la  religion  à  ceux  qui  en  étaient  indices. 
On  trouîte  aussi  ;/iusieurs  indici-s  de  ce  sys- 
tème dans  les  Epltres  de  saint  Paul,  où  re( 
apôtre  parle  de  quelques  doctrines  comme 
d'une  nourriture  pour  les  forts,  tandis  que 
d'autres  sont  comparées  au  lait,  que  lun 
peut  donner  à  ceux  qui  sont  encore  enfanta 
dans  la  foi.  Or,  les  convertis  non  enmrs 
baptisés,  dans  le  langage  de  la  primitire 
K|;;lise,  étaient  appelés  enfants  ^^ar  comp- 
raison  aux  fidèles  adultes  et  parfails.  On  orol 
donc  expédient»  et  pour  ainsi  dire  nécessaire 
de  cacher  les  véritables  doctrines  du  cllri^- 
tianisme  aux  persécuteurs  païens,  non,  h  ii 
Térité,  dans  la  crainte  d'en  être  traités  avec 
plus  de  sévérité,  mais  bien  plutôt  pourem* 
pêcher  que  ces  mystères  ne  fussent  profanée 
et  exposés  à  un  indécent  mépris  ou  à  une 
impudente  curiosité. 

Tel  étant  le  but  qu'il  fallait  atteindre,  sur 
quel  principe  pouvait-on  s*appuyer  fxmr 
mettre  le   système  à  exécution?  Supposer 
pour  un  moment  que  le  principe  de  foi  sui- 
vi parmi  les  premiers  chrétiens  fût  l'examen 
des  doctrines  proposées  par  ceux  qui  leur 
étaient  donnés  pour  pasteurs,  dans  la  paroh 
de  Dieu  écrite,  et  que  cet  examen  dât  écr»* 
fait  par  chaque  individu  en  particulier,  qui 
devait  .se  lépondre  à  lui-même  qu*it   Cf 
croyait  que  ce  dont  il  pouvait  trouver  1rs 
preuves  dans  la  parole  de  DitMi;  suppo- 
sez,  dis-je,   que  ce  fût  là  le  priacipe  de 
la  foi,  comment  le  concilier  avec  le  but  où 
tendait  le  système?  Ce  but  était  demeure 
les  sacrés  mystères  à  l'abri  des  dangers  aux- 
quels ils  étaient  exi)osés  par  riflJiscrétiL.n 


HI5 


REC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


REG 


1140 


Je  ceox  qoeTon  instraisaîl  de  la  reti^pon. 
ilais,  si  nous  supposons  que  le  principe 
ioolooos  Tenons  de  parler  ait  élé  suivi  par 
Eglise,  on  toîI  qu'elle  s'exposait  inutile- 
iieot  à  des  risques  déplorables.  An  lieu 
loDC  de  proposer  tout  d'un  coup  des  doctri- 
nes à  rexamen  des  candidats  du  baptême, 
ù  les  laissant  libres  d'y  renoncer  s'ils  n'en 
llaieDl|i8s  satisfaits,  nous  devons  supposer 
|u*eile préférait  les  recevoir  d'abord  aans  sa 
ouifflunion,  et  leur  laisser  le  choix  de  s'en 
étirer;  non-seulement  cela,  mais  les  mèt- 
re méuie  dans  la  nécessité  de  le  faire,  si 
^QS  la  suite  ils  ne  pouvaient  se  couvain- 
rede  la  vérité  des  doctrines  qui  leur  se- 
lient  proposées.  Ceût  été  manquer  direc* 
eaieot  le  but  que  l'on  avait  en  vue;  car,  à 
loios  d'avoir  une  assurance  certaine  qu'a- 
fis  la  réception  dn  iiaptéme  il  ne  pouvait 
in$  ?  avoir  ni  crainte,  ni  danger,  ni  pos- 
ibiJilé,  humaiDeraent  parlant,  qu'ils  reje- 
isseot  aucune  des  doctrines  qui  devaient 
.'Qf  être  communiquées,  et  par  conséquent 
u'ijs  se  sentissent  portés  à. abjurer  le  chris- 
Ji)isme;è  moins,  dis-je,  qu'une  telle  assu- 
loce  pût  être,  et  ne  fût  en  effet  exigée,  la 
t&eipline  dont  il  est  question. eût  complè- 
-<3eot  manqué  son  objet.  Bien  plus,  c'eût 
'•m  acte  de  la  plus  haute  injustice;  c'eût 
"t  fflga^er  des  hommes  dans  un  système  h 
II  inœnnu,  et  exiger  d'eux,  dès  le  premier 
is  re  que  toot  moraliste  doit  regarder. 
Ulules  cas  ordinaires,  comme  essentielle- 
ment injuste,  leur  adhésion  è  des  doctrines 
ai  des  pratiques  qui  ne  leur  auraient  pas 
'ê  expliquées,  et  de  la  vérité  desquelles  il 
t  hur  était  pas  donné  de  juger.  A  moins 
>n<  que  les  ratéchu mènes,  c'est  ainsi  au'its 
«♦-ni  api)el45,  n'embrassassent  avant  oe  re- 
voir le  baptême,  un  principe  qui  fût  une 
irantic  pour  ceox  qui  les  anmettaientdaus 
E^fiise,  de  rim|H)ssibilité  où  ils  se  trouve- 
ieutde  retourner  en  arrière,  quMqiie  doc- 
ne,  quelque  discipline  ou  quelques  pra- 
laes»  qui  leur  fu.^-scnt  imposées  dans  la 
i'e;  quel'ine  sublimes  ou  incompréhen- 
fli?<  que  dussent  être  les  dogmes  qu'il 
ir  faudrait  croire,  quelque  rigoureux  sa- 
fice  qu'ils  dussent  faire  de  leurs  senti- 
ons et  de  leurs  oi>inions;  à  moins,  dis-je, 
ilsnt'  fournissent  avant  leur  baptême  une 
urance.ou  une  garantie  aussi  étendue 
e  celle-là,  il  «'ût  été  injuste  au  suitréme 
wT-',  il  eût  été  immoral  de  les  y  admettre, 
n'est  I  as  assez,  c'eût  été  un  sacrilège, 
At  été  agir  de  connivence  pour  faire  ad- 
Dîstrer  les  sacrements  è  des  sujets  qui 
uraifnt  pas  eu,  même  virtuellement.  Sa 
sure  entière  de  foi  nécessaire,  mais  qui,au 
itraire,  auraient  eu  encore  è  remplir  Tim- 
iante  et  difficile  obligation  d'étudier  leur 
ranre,  et  de  s'assurer  s'ils  devaient  ou 
devaient  pas  acreptercouime  fondées  sur 
Ecritures,  les  doctrines  enseignées  |Uir 
dise  Jont  ils  recevaient  le  baptême,  et 
vilederait  leur  proposer  plus  tard, 
'•n'y  a  qu'un  seul  principe  qui  puisse 
iifier  et  expliquer  cette  discipline  et  cette 
iiique,  savoir,  la  conviction  qu*aTaient 


ces  néophytes  qu'ils  seraient  conduits  par 
une  autorité  qui  ne  saurait  les  induire  en 
erreur;  qu'en  s'en  rnpi>ortant  pour  leurs 
croyances  futures  à  ceux  qui  les  instrui- 
saient, c'était  h  Dieu  même  qu*ils  se  con- 
tiaient  ;  de  manière  qu'ils  reconnaissaient 
préalablement  une  sanction  suprême  et  di- 
vine è  ^tous  les  mystères  de  la  religion  qui 
leur  seraient  dans  la  suite  enseignés.  Ce 
n'est  que  ce  principe  qui  pouvait  fournir 
une  assurance  certaine  qu*ajtrès  leur  bai>- 
têmc  ces  nouveaux  chnHiens  ne  renonce- 
raient pas  à  la  foi  ;  et  par  conséquent,  ce 
u*est  que  |:ar  l'adoption  de  ce  principe 
comme  fondement  de  la  vérité  chrétienne, 
que  nous  pouvons  supposer  que  l'ancienne 
discipline  s'est  conservée  dans  l'Eglise,  ou 
soutenir  et  justifier  la  pratique  en  usage, 
d'admettre  au  baptême  des  personnes  si  peu 
instruites. 

Je  vais  vous  citer  une  autorité  h  l'appui 
ue  tout  ce  que  j*ai  dit.  C'est  le  témoignage 
d'un  auteur  récent  q*ii,  dans  TEglise  angli- 
cane, a  passé  pour  essentiellement  orthoiioxe. 
Il  est  tiré  d'un  ouvra;^e  publié  par  M.  New- 
nian,  d*Oxforf,  qui  a  pour  titre  :  Les  Arien$ 
du qualriêméi  siècle:  ouvrage  qui  a  paru  sous 
la  sanction  du  prolesseur  royal  d'Oxford,  et  a 
été  grandement  recommandé  et  admiré  par 
beaucoup  de  personnages  qui  ont  une  grande 
réputation  de  savoir  dans  les  doctrines  do 
cette  Eglise.  Le  passage  est  d'autant  plus 
important,  qu'il  va  plus  loin  que  moi  et  con- 
firmeceque  j^ai  avancé  au  commencement  de 
mes  observations  sur  celte  discipline  du 
secret,  savoir  que  les  grandes  et  essen- 
tielles doctrines  du  christianisme  n'étaient 
[»as  d'abord  révélées  aux  catéchumènes.  A 
a  page  ^9,  il  dit  en  parlant  d*eux  :  M/me 
jusqwau  dernier  moment^  il  ne  leur  était 
donné  qu  une  connaissance  générale  et  super- 
ficielle des  articles  de  la  foi  chrétienne;  Us 
doctrines  exactes  et  pleinement  dételoppéts 
de  la  Trinité  et  de  r Incarnation ,  et  plus 
encore  la  doctrine  de  l'expiation  accomplie 
une  fois  sur  la  i  roix^  et  dont  V Eucharistie 
est  la  commémoration  et  Vapplication^  de- 
meuraient  la  propriété  exclusive  des  chré^ 
tiens  fermes  et  éprouvés.  D'un  autre  côté^  les 
principaux  sujets  des  catéchismes ,  comme 
nous  rapprenons  de  Cyrille^  étaient  les  doc^ 
trines  de  la  pénitence  et  du  pardon^  de  la  né- 
cessité des  bonnes  œuvres^  de  la  nature  et  des 
effets  du  baptême^  et  de  F  immortalité  de  Fâme^ 
ainsi  quUl  avait  été  réglé  par  les  apôtres.  D'où 
il  résulte,  selon  l'autorité  de  cet  écrivain, 
que  l'immortalité  de  l'âme,  la  nécessité  des 
bonnes  œuvres,  les  etfets  du  liaptême,  de  la 
pénitence  et  du  pardon  étaient  les  seules 
doctrines  enseignées  avant  le  liaptême.  On 
ne  donnait  aux  caléchun.ènes  qu'une  idée 
générale  du  christianisme;  tandis  que  les 
doctrines  importantes,  et  je  pourrais  dire 
dans  un  certain  sens,  les  doctrines  les  plus 
importantes  (car  elles  doivent  être  ainsi  re- 
gardées par  tous  les  chrétiens,  quelque  nom 
qu'ils  portent),  c'est-à-dire  celles  de  la  Tri- 
nité et  de  l'Incarnation,  et  par-dessus  tout 
ce  dogme  qui  de  nos  jours  est  considéré 


IU7 


REG 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


REG 


fiis 


comme  le  plus  essentiel  de  tous,  I*expiation 
.  sur  la  croix»  n'étaient  pas  le  moins  du  monde 
insinuées; beaucoup  moins  encore  commu- 
niquées aux  néophytes  avant  leur  baptême. 
Hais  cette  assertion  donne  lieu  à  une  objec- 
tion, dont  vous  entendrez  la  réponse.  Or^  on 
peut  demander  d'abord  :  Comment  la  doctrine 
du  secret  est-elle  praticable^  les  Ecritures 
étant  ouvertes  à  quiconque  voulait  les  consul^ 
ter?  C'est-à-dire  si  la  Bible  ou  l'Ecriture 
était  entre  les  mains  des  Gdèles,  et  nue  l'on 
supposât  qu'ils  la  lussent,  ou  qu'on  leur  re- 
commandât de  la  lire,  pour  y  chercher  un 
appui  à  leurs  convictions,  comment  était-il 
possible  de  dérober  ces  doclrincs  à  leurs  re- 
gards? Maintenant  écoutez  la  réponse: 

Ceci  peut  étonner  ceux  qui  ne  connaissent 
que  les  écrits  populaires  qui  se  publient  de 
nos  jours;  je  crois  cependant  qu  une  considé' 
ration  bien  approfondie  du  sujet  nous  con- 
duira à  reconnaître  comme  une  vérité  géné- 
rale que  les  doctrines  en  question  n  ont  jamais 
été  puisées  dans  l'Ecriture  exclusivement. 
Assurément,  le  volume  sacré  n'a  jamais  eu  pour 
but  de  nous  enseigner  notre  croyance  et  n'a 
jamais  été  adopté  pour  cette  fin;  quoiqu'il  soit 
certain  qu*il  peut  nous  servir  à  prouver  notre 
symbole,  une  fois  qu'il  nous  a  été  enseigné^  et 
malgré  les  exceptions  individuelles  à  la  règle 
générale^  qu'on  pourrait  produire.  D'abord  ^ 
dès  leprincipcy  c'a  été,  comme  matière  défait, 
une  règle  suivie  par  l'Eglise,  d'enseigner  la 
vérité,  puis  d'en  appeler  à  l'Ecriture  en  con- 
firmation de  son  enseignement  ;  et  dès  le  prin- 
cipe aussi  c'a  été  l  erreur  des  hérétiques  de  né- 
gliger les  instructions  qu'elle  leur  fournissait^ 
et  d'entreprendre  par  eux-mêmes  un  ouvrage 
au-dessus  de  leurs  forces,  c'est-à-dire  de  for- 
mer un  système  de  doctrine  en  rassemblant  les 
éléments  épars  de  vérité  renfermés  dans  l'Ecri- 
ture, De  tels  hommes  jouent  dans  les  graves 
et  importants  intérêts  religieux  le  rôle  de  ce 
physicien  présomptueux  qui  rejetterait  obs- 
tinément la  théorie  de  la  gravitation  de  New- 
ion,  et  chercherait^  avec  des  talents  qui  ne 
sont  pas  à  la  hauteur  de  son  entreprise,  à 
forger  par  lui-même  une  nouvelle  théorie  du 
mouvement.  L'insuffisance  d'une  étude  simple- 
ment  individuelle  de  l'Ecriture  pour  arriver 
à  la  découverte  de  toutes  les  vérités  qu'elle 
contient  réellement^  est  clairement  démontrée 
'  par  ce  fait  que  les  symboles  et  les  pasteurs 
chargés  de  les  enseigner  ont  toujours  été  éta- 
blis par  Dieu,  par  la  discordance  aussi  d'o- 
pinions qui  ne  manque  pas  d'exister  toutes 
les  fois  que  ce  secours  surnaturel  vient  à 
manquer;  et  enfin  également  par  la  manière 
même  dont  la  Bible  est  composée.  Les  choses 
en  étant  ainsi,  il  s'ensuit  que  les  néophytes  et 
tous  ceux  qui  demandaient  à  entrer  dans  l'E- 
glise, lorsqu'ils  consultaient  les  livres  inspi- 
rés pour  s  y  instruire  des  préceptes  de  la  mo- 
rale et  des  éléments  de  la  /bt,  avaient  encore 


besoin  de  renseignement  de  VEglise ,  qui  leur 
servait  comme  de  clef  pour  Fintettigence  ta 
passages  qui  ont  rapport  aux  mystèra  it 
l'Evangile:  passages  qui  sont  obscurs  à  ca}tst 
de  la  nécessité  où  l'on  est  de  les  faire  concor- 
der ensemble  et  de  les  recevoir  tous  (12^). 

Ainsi  donc  il  a  été  reconnu  par  qd  saraDt 
théologien  de  TEglise  établie,  que  les  chré- 
tiens des  premiers  siècles  n'étaient  initiés 
aux  dogmes  importants  de  la  reli^on  qu'a- 
près leur  baptême,  et  ce  théologien  écarte 
la  difficulté  qui  naît  de  celte  assertion,  que 
les  Ecritures  étaient  la  règle  sur  laqoelleon 
leur  enseignait  à  baser  leur  foi ,  en  décla- 
rant que  l'Eglise  se  servait  des  Ecritures  pm 
confirmer  la  foi  dont  elle  les  instruisaiu 
mais  que  jamais  on  ne  les  a  regardées  comme 
Tunique  fondement  sur  lequel  devait  s'ap- 
puyer leur  foi.  Ceci  est  plus  que  suffisaui 
pour  atteindre  mon  but;  car  on  n'admet  pas 
seulement  les  prémisses  que  j'ai  posées, 
mais  on  va  aussi  loiu  que  je  peux  le  àëi- 
rer  dans  les  conséquences  que  Ton  endéduir. 


La  règle  d'autorité  démontrée  par  le  téoM^pop  m 
premiers  Pères  de  l'Eglise. 

C  est  assez  dit  sur  la  méthode  spteiV 
d'enseignement  suivie  dans  les  trois  \^ 
miers  siècles.  La  question  qui  se  prést^ote 
maintenant  à  traiter ,   c'est  de  savoir  sur 
quels  motifs  les  chrétiens  de  ces  preouVrt 
siècles  recevaient  la  parole  de  Dieu.  &ms\- 
déraient-ils  l'Ecriture  comme  le  fondeniem 
unique  de  la  foi,  ou  bien  la  regardaient-ilî 
avec  nous  comme  un  livre  qui  devait  ètn^ 
reçu   et    interprété   d'après    J^autorité  dt 
I  Eglise?  Vous  en  jugerez  par  quelques  pas- 
sages que  je  vais  vous  citer  de  leurs  ouvra- 
ges. Il  existe  un  mot  bien  remarquable  do 
grand  saint  Augustin,  lorsaue  parlant  de  ia 
manière  dont  il  fut  amené  a  laconnaissaoce 
du  christianisme,  et  disputant  avec  un  ma- 
nichéen, un  de  cette  classe  «rhérétiçues  aux* 
auels  il  s*était  associé  dans  sa  jeunesse^ 
dit  expressément,  autant  que  l*onginaiue 
du  style  permet  de  le  rendre  :  Jen*aurais  j^os 
cru  à  VEvangile  si  l'autorité  de  FEglise  n- 
tholique  ne  m'y  avait  pas  déterminé  (t:^ 
Cette  courte  sentence  contient  en  entier  te 
principe  sur  lequel  reposait  sa  foi.   Cetic 
grande  lumière  du   siècle  dans  lequel  il  i 
vécu  déclare  qu'il  n'a  pu  recevoir  I  Ecrilunf 
que  sur  Tautorité  de  rËglise  catholique. 

Voyez  aussi  comment  saint  Iréné^,  <*- 
Père  de  TEglise  que  je  vous  ai  d<^jà  c\U. 
parle  sur  ce  point  :  Celui  qui  croit  ^u'H^* 
un  Dieu  et  qui  obéit  à  un  chef  ^i  est  l' 
Christ^  cet  homme  trouvera  tout  clair  et  fàfù 
s'il  lit  avec  soin  l'Ecriture,  avec  Faide  de  cnu 
qui  sont  prêtres  dans  l'Eglise^  et  dans  I  * 
mains  desquels,  comme  nout  favons  «««lUn. 
la  doctrine  des  avôtres  est  conservée  en  d^- 


(1ii6)  On  sait  que  M.  Newman  a  abjuré  le  pro- 
lesianiisme  et  est  entré  dans  le  sein  de  TEglise  ca- 
tholique dont  il  est  une  des  gloires. 

(Iii7)  Contra  epiil.  fwidam..  Op. ,  t.  VI,  p.  46, 
édil.,  Paris,  161  i:  i  Ëvangolio  non  credereiu ,  uisi 


mo  calliollca!  Ecciesise  commoverel  aoci^rius.  > 
Héraldus  fait  observer  qu'il  y  a  un  afrusnisme  4i»i 
le  texte,  et  que  cvederem  csi  mis  ^t  credtditfrm 
{ Voyez  Desiderii  Heraldi  Animadv.  si  AmMmm 
lib.  IV,  p.  54.) 


1149 


RCG 


OiCTIOMVAIRE  APOLOGETIQOE. 


REG 


Ii9» 


pâi.  (S.  Irb5.,  lib.  nr,  eap.  5S,  p.  355).  Cesl- 
à-tJire  qu*on  peut  lire  l'Ecriture,  et  qu'elle 

iiaraîira  simple  et  facile  à  celoi  qui  la 
ira  urec  rassislance  de  ceux  auxquels  les 
apôtres  ont  transmis  le  code  de  doctrines 
noo  écrites  comme  la  clef  à  sa  Téritable  in- 
lerprélalion. 

Un  autre  écriTaîn  du  mënxe  siècle  s*ei- 
priine en  termes  pins  clairs  encore;  maïs 
arant  de  citer  ses  paroles  Je  rais  dire  quel- 
ques mots  touchant  la  nature  particulière 
de  son  ouTra^.  Je  veux  parler  de  Tertul- 
lien.  Je  premier  auteur  qui  ait  écrit  en  latin 
sur  le  cJiristianisme .  et  le  Père,  par  consé- 
quent, qui  est  le  itlus  à  portée  de  nous  faire 
ronoaftre  la  mélliode  suivie  en  matière  de 
Pfi  et  de  discipline  dans  l'élise  d'Occident, 
i  i  époque  la  plus  reculée.  11  a  écrit  un  ou- 
vrage très-instructif,  par  rapport  aux  temps 
x'taels,  qui  a  pour  titre  :  Des  prescriptions 
ronire  les  hh-étiques  {De  prœscriptianibus  adr 
r<r9Ms  katreiicos)  c*est-à-dire,  de  la  méthode 
i  soirre  pour  joger  et  convaincre  ceux  qui 
se  séparent  de  rEglise  uniTerselle.  Toute  la 
iorce  de  son  arguniRUtation  consiste  à  roon- 
Vrer  qu'ils  n'ont  aucunement  le  droit  d'en 
appeler  à  l'Ecriture,  parce  qu'elle   n'a  pas 
aaatre  autorité  comme  lirre  inspiré,  que 
fdle  qu'elle  reçoit  de  la  sanction  de  l'Eglise 
isbillible;  et  que,  par  conséquent,  on  doit 
les  arrêter  dès  le    premier  jias  et  ne  pas 
leur  permettre   de  passer  outre  dans  leur 
rasoonemenL  Ils  n'ont  jias  de  droit  k  la 
pvoU,  elie  ne  leur  appartient  pas;  ils  n'ont 
I^  le  droit  d'en  appeler  à   son  autorité. 
Vils  rejettent  celle  de  l'Eglise  qui  peut  seule 
Soi  serrîr  de  preuve  et  d'appui  ;  que  s'ils 
njmettent  Tautoriléde l'Eglise,  ils  doivent  en 
même  temps  adopter  touteslps  autres  choses 
qu'elle  enseigne.  Allez,  leur  dit-il,  consul- 
tez les  Eglises  apostoliques  de  Corintbe  ou 
d'Epbèse  ;  ou  bien,  si  vous  êtes  dans  TOcei- 
fient,  Rome  est  tout  près,  cette  autorité  à  là- 
qutf'ile  il  nous  est  facile  d'en  appeler;  et  elles 
Tons  apprendront.ce  que  vous  devez  croire. 
Xe  vais  vous  citer  un  passage  que  je  pour- 
rai  avec  satisfaction  donner  en  entier,  et 
tons  n'y  trouverez  point  une  doctrine  diffé- 
rente de  celle  que  j'ai  émise  sur  ce  sujet. 
l/^t  gagnerexrwous^  demande-t-ii,  A  recourir 
«Mjr  Ecritures^  quand  fun  nie  ce  que  Vautre 
Mffirmef  Apprenez  plutôt  qui  est  celui  qui 
%->^ss€de  la  foi  du  Christ^  celui  A  qui  lesEcri- 
très  a/^pariiennent^  de  qui,  par  qui  et  quand 
'9g  remue  cette  foi  qui  nous  a  faits  chrétiens. 
Là  en  effet  ou  se  trouvera  la  traie  foi^  seront 
es  vériiabits  Ecritures  et  leur  véritable  inler^ 
*rétaiion^   ainsij,qne  toutes  les  traditions 
îirétienoes.l>  Christ  s'est  choisi  des  apôtres 
i  ies  a  enrojfés  prêcher  r Evangile  à  toutes  les 
ationa.  ils  ont  annoncé  ses  doctrines  et  fondé 
es  Eglises;  et  de  ces  Eglises  Vautres  ont  tiré 
>  sewtsenee  de  la  mime  doctrine  ,  comme  cela 
^^iinue  de  se  pratiquer  chaque  jour.  Ainsi^ 
^^  momrelles  Eglises,  comme  filles  des  Eglises 
^aMtoiiques,  sont  elles-mêmes  réputées  apos- 
^^^ues.  Maintenant  f  pour  savoir  ce  que  les 
^^  jres  ont  enseioné,  c'est-à-dire  ce  que  le 
^*^s€  leur  a  révélé^  il  faut  avoir  recours  aux 


Eglises  qu'ils  ont  fondées,  et  qu'ils  ont  î»*» 
truites  Je  vive  voix  et  par  leurs  Epitres.  Car 
il  est  clair  que  toute  croyance  qui  est  con- 
forme à  la  foi  de  ces  Eghses  mères  y  est  véri- 
table; c^  est  celle  qu^ elles  ont  reçue  des  apô- 
tres^ que  les  apôtres  ont  reçue  du  Christ,  et  le 
Christ  de  Dieu  :  et  toutes  les  autres  opinions 
sont  nouvelles  et  fausses.  (De  Prœscr.  adv, 
hœret.^  p.  334,  edit.  1662. 

N'est-ce  pas  là  précisément  la  règle  au- 
jourd'hui proposée  par  l'Eglise  catholique? 
Or,  la  doctrine  de  Tertull l'en  ne  se  trouve 
nullement  en  désaccord  avec  celle  des  autres 
Pères.  Après  lui,  en  effet,  nous  voyons  une 
multitude  d'écrivains,  tant  dans  l'Eglise  la- 
tine que  dans  l'Eglise  grecque,  dont  le  té- 
moignage nous  est  une  preuve  qu'elles  |)ro- 
cédaient  at)So1ument  de  la  même  manière; 
je  me  contenterai  de  citer  deux  passades,  un 
pris  dans  chaque  Eglise. 

Le-premîcr  est  d'Origène,  un  dos  hommes 
les  plus  savants  qui  aient  existé  dans  les 
premiers  âges  du  cnristianisme,  un  des  es- 
prits les  plus  philosophiques  que  l'on  ait 
vns,  et  pleîneroentcapablededécouvrir  toute 
espèce  de  vice  de  raisonnement  s'il  y  en  avait 
eu  quelqu'un  dans  le  système  d'argumenta- 
tion proposé  comme  nécessaire  pour  arriver 
h  la  connaissance  du  christianisme.  Comme 
il  y  en  a  beaucoup,  dit-il,  qui  s'imaginent 
croire  ce  que  le  Christ  a  enseigné,  et  que  quel- 
ques-uns a  entre  eux  cependant  professent  une 
doctrine  différente  des  autres,  il  devient  né- 
cessaire que  tous  professent  la  doctrine  qui 
est  venue  des  apôtres  et  qui  maintenant  encore 
subsiste  dans  f  Eglise.  Il  n'y  a  de  vraie  doc- 
trine que  celle  qui  ne  diffère  en  rien  de  la  tra- 
dition ecclésiastique  et  apostolique,  [Prœf, 
I.  I  Periarchon  ,  t.  1,  p.  (7,  (xlit.  PP.  S. 
Mauri,  Paris.  1773.)  Ailleurs  il  dit  :  Que  ce- 
lui qui,  enflé  d'arrogance,  méprise  les  paroles 
apostoliques,  y  fasse  attention.  Pour  moi,  il 
m*est  bon  de  m'attacher  aux  hommes  aposto- 
liques, comme  à  Dieu  lui-même  et  à  son  Christ, 
et  d'entendre  les  saintes  Ecritures,  selon  l'in- 
terprétation qu'ils  en  ont  donnée.  Sinousne 
suivons  que  la  lettre  des  Ecritures,  et  que  nous 
interprétions  la  loi  comme  les  Juifs  fexpli- 
quaient  communément ,  je  rougirais  d'avouer 
que  de  telles  lois  aient  pu  avoir  Dieu  pour 
auteur.  Que  si  nous  entendons  la  loi  de  Dieu 
comme  renseigne  F  Eglise,  alors  vraiment  elle 
est  supérieure  à  toutes  les  lois  humaines ,  et 
digne  de  celui  qui  Va  donnée.  (Hom.  7  in 
Levit.,  t.  II,  pp.  2âi^226.)  Dans  un  autre 
endroit  il  dit  encore  :  Toutes  les  fois  que  les 
hérétiques  produisent  les  Ecritures  canoni- 
ques auxquelles  tous  les  chrétiens  s*accordent 
a  croire,  ils  semblent  dire  :  Voyez!  arec 
nous  est  la  vérité!  Mais  nous  ne  pouvons  avoir 
confiance  en  eux  {les  hérétiques),  ni  nous  écar- 
ter de  la  tradition  primitive  et  ecclésiastique; 
nous  ne  pouvons  croire  que  ce  que  les  Eglises 
de  Dieu  ont  enseigné.  (Tract.  29  in  Matth»^ 
t.Ul,  p.  86^.) 

l'ajouterai  un  court  passage  de  saint  Cy- 
prien,  et  je  terminerai  rette  (lartie  de  mon 
raisonnement.  Dans  son  traité  sur  l'Unité  de 
l'Eglise  y  traité  qui  a   pour  but  direct  de 


Ildt 


REC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


REG 


m 


prouver  que  cette  unité  ou  simpliêiléde  foi 
cist  le  carautère  essentiel  de  TE^iise  :  et  que 
1  unité  de  foi ,  Tunilé  de  gouverneinent  et 
Tuuité  de  communion  doivent  être  mainte- 
nues pap  Tunité  Je  rë^lo^  il  s*eiprime  ainsi  : 
Les  hommes  sont  an  jets  à  C  erreur^  parce  qu'Us 
ve  tournent  pas  les  yeux  vers  la  fontaine  de 
la  vérité;  ils  ne  cherchent  pas  la  source  véri* 
table,  et  ne  s'attachent  pas  à  la  doctrine  du 
Père  céleste.  Pour  peu  que  Von  vienne  à  y 
faire  une  sérieuse  attention^  il  ne  sera  pas  be- 
soin de  plus  longues  recherches.  La  preuve 
en  est  facile.  Le  ChriU  s'adressant  à  Pierre, 
lui  dit  :  Je  te  dis  Cjue  lu  es  Pierre,  et  sur 
celte  î'ierre  je  bdlirai  mon  Eglise,  et  les 
portos  do  Tenter  ne  [irévaudront  point  con- 
tre elle...  Celui  donc  qui  n* admet  pas  cette 
unité  de  l^Eglise ,  peut-il  penser  qu  il  possède 
la  foi?  Celui  qui  s* oppose  à  r Eglise  et  lui  ré- 
siste, peut-il  croire  au  il  est  dans  r Eglise?  {De 
Unit.  EccL,  pp.  191»  193.)  L'Eglise  dont  il 
est  ici  question  est  celle  qui  est  en  commu- 
nion avec  saint  Pierre;  cette  Eglise  en  un 
mol,  comme  il  est  évident  par  plusieurs 
passages  écrits  de  ce  Père,  qui  est  en  com- 
munion avec  le  siège  de  Rome. 

Ainsi  donc  le  principe  suivi  dans  TEglise, 
soit  dans  les  instructions  privées,  soil  dans 
renseignement  général,  au  moins  lorsqu'elle 
discutait  ou  expliquait  les  bases  sur  les- 

auelles  repose  sa  foi  auxEcrilures,  était  évi- 
emment  le  même  que  nous  admettons  au- 
jourd'hui, c'est-à-dire  Tautorité  infaillible 
de  TEglise,  assistée  de  Dieu. 

§IV. 

La  mélhode  suivie  par  I*Ëgiise  réunie  en  concile  démon» 

tre  la  règle  d*auU)rilé. 

II  est  un  autre  point  étroitement  lié  au 
précédent,  et  qui  appartient  plus  directe- 
ment à  l'enseignement  public  de  l'Eglise, 
c'est  la  mélhode  qu'elle  suit  quand  elle  s'est 
réunie  en  concile  f»our  prononcer  en  ma- 
tière de  foi.  Or,  c'est  un  fait  on  ne  peut 
F  lus  certain  que  quand  il  s*est  élevé  dans 
Egli^e  des  opinions  regardées  comme  erro- 
nées, la  seule  méthode  que  Ton  a  suivie  a 
été  iïo  recueillir  les  lémoignages  des  siècles 
précédents  pour  en  faire  la  base  d'une  défi- 
ni lion  ou  d'un  décret  de  foi;  et  les  adver- 
saires du  dogme,  sans  qu'il  leur  fût  permis 
de  déiinir,  de  discuter  ou  de  défendre  leurs 
opinions,  étaient  sommés  de  souscrire  à  une 
formule  de  foi,  contradictoire  de  leurs  er- 
reurs. Le  premier  et  le  plus  frappant  exem- 
ple de  ce  genre  a  élé  le  premier  concile  gé- 
néral tenu  après  les  apôtres,  et  qui  fut  con- 
vo(jué  pour  coiidamner  les  erreurs  d'Arius 
C'est  une  chose  tout  à  fait  digne  de  remarque 
que,  quand  lo  concile  lait  des  canons  ou 
règles  dediscipline,  il  les  fait  toujours  précé- 
der de  ces  paroles  qui  y  servent  comme  de 
préface  :  Il  nous  a  paru  à  propos  de  décréter 
ce  qui  suit.  Mais  du  moment  ipi'il  en  vient  à 
porter  des  décrets  en  matière  de  foi,  il  s'ex- 
jtrime  ainsi  :  LEglise  de  Dieu  enseigne,  etc. 
Ce  n'est  pas  la  jiarolede  Dieu,  ce  ne  sont  pas 
les  Ecritupos  qui  enseignent  celte  doctrine, 
c'est  l'Eglise  de  Dieu;  et  parce  que  c'est 


l'Eglise  de  Dieu  qui  l'enseigne,  tous los as. 
sistants  et  tous  les  évéqucs  du  monde  doi- 
vent y  souscrire. 

Personne,  je  m*imagine,  ne  saurait  croiro 
que  ce  concile  de  toute  I  Eglise  sesoii  as- 
semblé dans  d'autres  sentiments  que  1a  am* 
viction  intime  dont  il  était  pénétré  qu'il avatl 
le  pouvoir  de  porter  un  jugement  déûnitif 
et  sans  appel. 'Nous  ne  saunons  un  seul  ins- 
tant nous  imaginer  que  trois  cent  dii-hci 
évoques  de  l'Orient  et  de  l'Occident,  panm 
lesquels  il  y  avait  des  vieillards  qui  avami! 
bu  dans  le  calice  du  Seigneur,  ayant  enilur< 
dans   les  années  qui  venaient  de  s'émV; 
les  tourments  de  la  persécution,  se  M. 
assemblés  avec  autant  de  frais  et  de  M^t 
pour  aucune  autre   an   que  d*é!oe(lre  une 
Opinion  qui  devait  être  dans  la  suite  soam 
au  jugement  individuel  de  cha^iue  parlico* 
lier;  ou  bien  qu'ils  ne  se  soient  crus  réunis 
que  |)Our  un  objet  que  chacun  des  nieiii* 
bres  de   TEglise   était   tout  aussi  co!]if»t> 
tent  à  remplir,   ou  pour  une  œuvre  p 
cliaque   particulier  ue    sérail  pas  coa)rt 
obligé  d'effectuer.  Telles  sont  ccpenJioMes 
assertions  incohérentes  où  se  trouve&l\^us* 
ses  les  théologies  qui  nient  l'infaillibilillte 
l'Eglise  et  soutiennent  les  droits  duJQ:e- 
ment  individuel,  constituant  par  là  c)i8(iiii 
des  membres  de  l'Eglise  juge  des  déci^iott 
de  toute  l'Eglise  réunie.  C'est  ce  qui  a  lie( 
présentement,   et  comme  modèle  de  cptte 
manière  de  raisonner,  je  vais  vous  cii« 
l'historien  de  l'église  proteslanle,  Mitner, 
Après  avoir  rendu  compte  du  concile  géné- 
ral de  Nicée,  il  poursuit  en  ces  lerraes  :Ç 
convient  à  tout  nomme  qui  est  dàireui  l\ 
connaître  avec  simplicité  ta  volonté  dt  D^^ 


lime.  {/list.  de  VEglise  du  Christ,  vol 
p.  59.)  Ainsi  tout  homme  avait  le  droit  j 
juger  si  le  concile  avait  raison  ou  tort  ( 
qu'il  aurait  tout  aussi  bien  pu  faire  qu.<i 
môme  le  concile  ne  se  serait  pas  assemltîj 
en  s*assurant  par  une  étude  personnellf  lic^ 
saintes  Ecritures,  s'il  devait  adopter  oure; 
jeter  les  doctrines  d'Arius  1  Assurémeal  uc< 
telle  théorie  semblerait  élrange,  si  en  l'aft 
pliquait  à  une  assemblée  de  la  législddi/^ 
suprême  de  l'Etat. 

Le  principe  suivi  en  cotte  occasion  a  co 
linué  de  l'être  dans  tous  les  conciles  qui  ;' 
eu  lieu  depuis,  et  dont  il  est  fait  lunilii 
dans  l'histoire  ecclésiastique,  princijt 
mélhode  qui,  encore  une  fois,  supposée 
mêmes  bases  fondamentales  que  toutes  t'^ 
recherches  précédentes  nous  ont  fait  "* 
Ils  posent  en  principe  que  du  moment  :' 
toules  les  Eglises  s  accordent  sur  IVxpîi* 
tion  d'un  point  «le  doctrine  en  matière* 
foi ,  là  doit  nécessairemeul  se  trouver  J 
vérité  sans  qu'il  soit  permis  d'en  aj.(t'»«f 
janiaiSi  et  sans  qu'on  puisse  admettre  auiii^ 
argument  oui  paraisse  tendre  à  reD^cr>it 
celle  base  Je  l'autorité.  . 

Aussi  est-ce  un  fait  ioconleslaMe  tp* 
parmi  ceux  qui  dans  les  premiers  siècles  uni 


!iS5 


REG 


mCTIONNAIRi:  APOLOGETIQDE. 


UEG 


1I5A 


,«c  se  séfiarer  de  TE^Iise  nniTerselle,  il  en 
»>(  lrès-|ieii  qui  n*aienl  tenté  de  prouver 
ftiiis  avaient  la  tradition  en  leur  (aveur,  et 
fie  les  Pères  des  siècles  précédents  pen- 
;nirnl  comme  eui.  Dans  les  it*  et  v*  siècles, 
.1  crantfle  ère  de  la  littérature  ecclésiastique, 
l'ius  voyons  les  Pères  se  donner  la  |ieine 
le  TiTifier,  de  recueillir  et  de  conscnrer  les 
»|iiDiuns  de  ceux  qui  étaient  Tenus  avant 

On  pourrait  apporter  une  foule  innom- 
mable de  passages  de  ces*écriyains  sacrés, 
our  prouver  que  celle  règle  était  univer- 
dieruent  admise.  Telles  sont,  par  eiemple, 
L*$  imroles  de  saint  Jean  Ciirysostome,  lors- 
l'je,  commentant  les  paroles  de  saint  Paul 
Qi  Tiiessaloniciens,  il  s'exprime  ainsi  :  De 
i,  dit-il ,  il  esi  évident  que  (oui  n'a  pas  été 
ubtiépar  écrite  mais  que  beaucoup  de  choses 
n(  élé  transmises  d^une  autre  manière,  et  ces 
ft' ses  doivent  être  également  crues,  Cestpour^ 
wu  demeurons  fortement  attachés  aux  tra- 
^ithns  de  CEaiise  :  cest  la  tradition^  tpse  cela 
OHS  suffise,  (ilom.4m// JAf#fa/.)Saint  Epi- 
l.drjo  s'exprime  aussi  de  la  même  manière: 
iM  limites  sont  fixées^  la  base  de  la  foi  est 
\wt^  et  son  édifice  est  élecé.  Nous  avons  les 
niitions  des  apôtres^  les  saintes  Ecritures 
r.  ut  succession  de  doctrine  et  de  vérité  ré" 
assise  de  toutes  parts.  (H«er.  iv,  1. 1,  p.i7l} 
iii^  passant  sous  silence  ces  textes  déta- 
'es,  et  néj^li^ant  même  de  nous  arrêter 
01  écrits  SI  victorieusement  catholiques  de 
incent  de  Lérins  sur  cette  même  matière, 
^  Teux  seulement  ap|ieler  votre  attention 
ur  un  principe  |iosé  par  saint  Augustin  et 
latres  Pères  encore,  qui  ne  laisse  aucun 
'iole  au  sujet  de  leur  manière  de  penser  à 
rt  égard.  Ce  principe  est  qne,  loin  de  pen- 
^r  qu'i!  soii  nécessaire  que  Ton  puisse  sui- 
re  la  trace  de  chaque  point  de  doctrine 
i^a*aux  tern  ps  des  apAtres,  ces  Pères  po- 
^ni  en  principe  que,  s*il  y  a  aujourd'hui 
msTE^iise  quelque  doctrine  qui  y  ait  éga- 
lent existé  dans  les  temps  fvissés,  et  dont 
'pendant  on  ne  puisse  découvrir  Torigine, 
B  doit  croire  qu'elle  vient  des  apôtres, 
oici  les  paroles  mêmes  de  saint  Augustin  : 
i  qui  est  observé  par  toute  F  Eglise,  ce  qui 
pendant  h*a  pas  été  décrété  par  les  conciles^ 
ioique  la  tradition  Vait  toujours  conservé^ 
i  doit  juger  avec  raison  qu  il  est  é^ origine 
>9stolique.  [De  baptismo  contra  Donat.,,  lil*. 
•  c.  2^.}  Ce  principe  assurément  implique 
conviction  que  TEglise  ne  peut  jamais 
artjer  dans  l'erreur. 

C'est  ainsi'que  nous  voyons  qu'en  parlant 
1  tem[>s  des  apAtres,  l*£glise,  soit  en  par- 
ai ier  et  considérée  dans  ses  membres  indi- 
Juels,  soit  en  public  et  réunie  en  concile, 
I  jamais  suivi  d'autre  principe  dans  Tiii- 
"prétation  des  Ecritures  et  la  déOnition 
s  matières  de  foi,  que  celui  que  nous  ad- 
^ttons,  une  autorité  infaillible  dans  F  Eglise 
Christ. 

§▼. 

i^f'tioQ^  coobT  la  K-gle  de  foi  basée  sar  raalorilé  îq- 
Mme  de  l*Eglise. 

le  passe  sur-le-champ  à  des  considéra* 


tions  que  je  crois  nécessaires  pour  déve- 
lopper et  expliquer  à  fond  le  sujet  qui  m'oc- 
cupîe  en  ce  moment.  Jusnu'ici  on  peut  dira 
qne  j'ai  traité  des  méthocics  suivies  dans  la 
primitive  Eglise  pour  rinstrnction  des  fidèles 
et  la  conservation  de  la  foi  ;  mais  peut-être 
s*élève-t-il  dans  l'esprit  de  quelques-uns 
cette  question  importante  :  Ces  méthodes 
n'ont-elles  pas  été  entièrement  sans  succès  f 
11  se  peut  Ûen,  il  est  vrai,  que  l'Eglise  dans 
ses  commencements  ait  fait  profession  de 
suivre  ce  principe  ;  peut-être  aussi  que , 
dans  ces  premiers  temps,  il  importait  peu 
que  ce  principe  fût  légitime  ou  non,  parce 
qu'alors  les  semences  du  christianisme  ré- 
pandues par  les  a|>6tres  avaient  encore  assez 
de  force  et  de  vigueur  pour  produire  du 
fruit,  malgré  l'influence  des  principes  cor- 
rompus; mais  n'en  est-il  pas  résulté  qne, 
dans  le  cours  du  temps,  les  erreurs  les  plus 
grossières  se  sont  introduites  dans  l^Eglise 
du  Christ?  N*est-il  pas  vrai  que  l'Eglise  de 
Rome  en  particulier  est  déchue  de  la  vérité 
pour  tomlier  dans  un  élat  d'effroyable 
apostasie,  et  qu'elle  a  déshonoré  le  chris- 
tianisme par  un  çrand  nombre  de  doctrines 
absurdes  et  impies?  Telles  sont  les  allé- 
gations reproduites  sous  une  multitude 
de  formes  dans  les  livres  à  l'usage  du  peu- 
ple. 

C'est  mettre  en  principe  ce  qui  est  en 
question  que  de  soutenir,  d'après  les  motils 
sur  lesquels  on  s'appuie  pour  les  représen- 
ter ainsi,  que  les  cnoses  qui  sont  commu- 
nément regardées  comme  des  abus  en  sont 
réellement.  Qu'il  me  soit  ici  permis  d'obser- 
ver d'abord  que  rien  ne  prête  davantage  à 
être  présenté  sous  un  faux  jour  que  cette 
partie  de  la  question  qne  nous  traitons.  Tous 
ceux  en  effet  qui  parlent  et  écrivent  de  la 
sorte  omettent  généralement  une  distinction 
iiu;K>rtante  à  faire  entre  le  dogme  et  la  dis- 
cipline. On  prend  pour  des  articles  de  foi 
grand  nombre  de  pratiques  que  TEglise  peut 
avoir  établies  à  certaines  époques,  et  qu  elle 
peut  changer  demain  si  elle  le  juse  à  propos  ; 
on  prétend  qne  l'Eglise  en  prend  la  défense 
non  comme  d'usages  introduits  par  l'exi- 

Sence  des  circonstances,  mais  comme  venant 
es  apôtres  ou  de  tradition  divine.  Cette 
distinction  devrait  venir  à  l'esprit  toutes  les 
fois  qu'on  entend  parler  des  prétendues  cor- 
ruptions de  l'Eglise  catholic^ue.  Quand  vous 
entendrez  de  |iareilles  assertions,  exigez  d'a- 
bord la  preuve  que  ce  sont  là  des  dogmes 
de  foi  de  l'Eglise  catholique  ;  exigez  la  preuve 
que  l'Eglise,  dans  son  enseignement,  place 
les  choses  au  même  rang  que  les  dogmes  de 
la  Trinité,  de  la  divinité  du  Christ  et  de  l'Iii- 
camation  ;  que  si  Ton  ne  vous  donne  pas  de 
preuves  formelles  et  expresses,  ne  souffrez 
pas  qu'on  en  tire  aucune  déduction  à  l'elfet 
de  prouver  que  l'Eglise  a  perdu  une  partie 
du  sacré  dépôt  de  la  foi  qui  lui  avait  éié 
primitivement  confié. 

En  second  lieu,  comme  je  1  ai  lait  .remar- 
quer plus  haut,  on  met  en  principe  le  (K)int 
en  litige.  Par  exemple,  quelle  est  la  métho<lo 
généralement  suivie  et  adoptée  quand  il  est 


itu 


BEG 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


REG 


\Vé 


(question  de  la  doctrine  de  la  confession  au- 
ncHlaire  ?  On  dit  qu'elle  ne  se  trouve  pas 
dans  i*£criture  ;  aue  TEglise ,  par  consé- 
quent» a  erré  en  aaoptant  une  doctrine  con« 
traire  à  la  foi.  Mais  n'est-ce  pas  là  poser 
comme  base  d'un  raisonnement  l'objet  même 
de  la  discussion?  Vous  voulez  prouver  que 
la  tradition  n'est  pas  une  règle  suiBsante , 
parce  qu'en  la  suivant  on  a  laissé  se  glisser 
des  ernturs  dans  l'Eglise.  On  vous  demande 
de  spécifier  quelqu'une  de  ces  erreurs ,  et 
vous  citez  un  exemple  ;  or,  qu'on  vous 
presse  de  prouver,  ce  qui  est  essentiel  à 
votre  thèse,  que  le  point  dont  il  s'agit  est 
une  erreur,  vous  le  prouvez  en  disant 
qu'il  n'est  point  appujré  sur  d'autres  bases 
que  la  tradition  1  Peut-il  y  avoir  un  raison- 
nement plus  vicieux  que  celui-là  ?  Le  fait 
est  que  toutes  les  questions  de  controverse 
entre  nous  et  les  autres  églises  doivent  por- 
ter sur  ce  point  unique,  doivent  tourner 
sur  un  seul  pivot  :  le  Christ  a-t-il  institué 
dans  son  Eglise  une  autorité  chargée  d'en- 
seigner, et  a-t-ii  garanti  la  conservation  de 
la  vérité  dans  cette  autorité  jusqu'à  la  fin 
des  temps?  Ce  point  une  fois  démontré,  nous 
devons  croire  c(ue  tout  ce  que  l'Eglise  dans 
le  cours  des  siècles  a  enseigné,  doit  être 
reçu  comme  la  vérité  même;  et,  par  consé- 
quent, on  ne  peut  alléguer  aucune  raison 
pour  se  justiûer  de  s'être  séparé  de  sa  com- 
munion. Si,  au  contraire,  vous  trouvez  la 
règle  ouposée  aussi  expresse  et  aussi  claire 
que  ceUe  que  j'ai  démontrée,  et  les  textes 
sur  lesquels  on  s  aopuie  pour  rejeter  l'auto- 
rité de  r£gliso,  et  faire  de  l'Ecriture  la  seule 
règle  de  foi,  aussi  forts  et  aussi  clairs  dans 
rEcriturc  que  ceux  que  j'ai  cités;  alors  il 
vous  est  permis  de  supposer  qu'il  y  a  de  no- 
tre part  corruption  dans  tous  les  articles  de 
foi  qui  ne  sont  pas  clairement  définis  dans  la 
parole  écrite.  Mais  toutefois  c'est  sur  ce  point 
que  doit  rouler  toute  la  controverse;  si  nous 
prouvons  la  vérité  du  principe  sur  lequel 
nous  nous  appuyons,  ^quiconque  diffère  de 
nous,  quelque  extraordinaires  que  soient  les 
doctrines  que  nous  enseignons,  en  les  reje- 
tant, rejette  l'autorité  du  Christ. 

Approfondissons  encore  davantage  cette 
matière.  L'Eglise  de  Rome,  dit-on,  est  tom- 
bée dans  une  affreuse  corruption;  il  était 
nécessaire  de  la  réformer,  peut-être  même 
de  s*en  séparer.  Ici  se  présente  une  considé- 
ration importante.  Il  semble  que  le  christia- 
nisme ait  dû  être  pourvu  des  moyens  néces- 
saires pour  subvenir  à  ses  besoins  les  plus 
essentiels.  Vous  savez  que  dans  Tancienne 
loi  il  y  a  eu  une  suite  de  prophètes  qui  se 
sent  succédé  depuis  le  temps  de  Moïse;  car 
Dieu  avait  expressément  déclaré  que  de 
temps  en  tem[»s  il  enverrait  des  prophètes 
pour  réformer  et  corriger  les  erreurs,  et 
donner  à  sou  peuple  des  règles  de  conduite. 
C'est  ainsi  uu'il  avait  pourvu  aux  moyens 
d  empêcher  l'erreur  de  prévaloir,  et  de  ré- 
former tous  les  autres  abus  graves  et  im- 
portants qui  auraient  pu  insensiblement  se 
glisser  dans  son  rovaume.  Mais  si  vous  re- 
jetez le  prin<npc  u  une  autorité  infaillible 


dans  l'Eglise  du  Christ;  si,  en  d'autres  ter- 
mes, vous  rejetez  le  système  d'argumenta- 
tion que  j'ai  suivi  pour  démontrer  que  (t 
frincipe  catholique,  le  Christ  eiueigneporla 
oucke  de  son  Eglise^  correspond  exactement 
à  l'institution  de  renseignement  prophéii- 

?ue,  et  que  vous  n'admettiez  point  qu'il  ait 
té  pourvu  par  une  autre  institution  aux 
moyens  d'en  écarter  toute  espèce  d'erreur, 
vous  placez  nécessairement  le  chrisliaoisiDc 
dans  un  plus  bas  degré  de  perfection  qœ 
l'ancienne  loi  ;  vous  le  dépouillez  de  ce 
qui  a  jadis  été  nécessaire,  et  qui  doit  eoeorc 
également  l'être  présentement.  Peut-oa  con- 
cevoir que  le  Tout-Puissant  établisse  mt 
religion  qui  doit  être  l'unique  et  deraièiv 
révélation  que  l'homme  dût  recevoir  jusqii'i 
la  fin  des  temps,  et  que  cependant  il  oi> 
prenne  aucune  précaution  et  n'avise  point 
aux  movens  d'écarter  l'erreur,  sijamaiseiie 
Tenait  à  s'insinuer  au  sein  du  dépôt  de  )i 
vérité?  Peut-on  concevoir  que,  dans  les 
desseins  de  sa  Providence,  tout  le  svstèffin 
chrétien  fût  condamné  à  tomber  daos  m 
état  de  corruption  totale,  et  que  Dieo  am 
jamais  cependant  indiqué  le  moycadegué- 
rir  cette  corruption,  et  de  garantir  ckua 
des  fidèles  de  cette  chute  uinHsle?Qtt(^ 
vous  cherchez  dans  tout  le  Nouveau  Tes^ 
ment,  pourrez- vous  me  dire  en  quelea- 
droit  il  a  été  pourvu  à  un  objet  si  imporlaBi* 
El  si  TËglise  devait  demeurer  si  iongteop) 
dans  l'état  de  dégradation  et  de  corrupii<jQ 
morale  décrit  par  un  si  grand  nombre  d'é- 
crivains, peut-on  regarder  comme  uoechos^ 
possible  qu'il  ne  lui  soit  resié  aucune  res- 
source, qu'il  ne  lui  ait  été  indiqué  aucune 
méthode  à  suivre  dans  cette  dernière  eIlrt^ 
mité  pour  s'arracher  à  une  si  déplorabi« 
position?  11  n'y  a  pas  un  mot,  pas  le  fûoiD- 
dre  indice  même  d'un  tel  remède;  le  »< 
n'est  pas  regardé  comme  possible,  km 
donc  il  nous  faut  penser  que  les  plussa;c> 

t)récautions  ayant  été  prises  dans  i'ancieuttt; 
oi,  ces  précautions,  doublement  néce^sain*) 
dans  la  constitution  de  la  loi  nouvelle,)  ui 
néanmoins  été  complètement  oubliées. 

Que  si  vous  dites  que  l'Ëglise  est  totnbee 
dans  de  graves  erreurs  en  matière  de  foi  ei 
en  morale,  à  une  époque  ou  à  une  autre, je 
TOUS  prierai  de  déterminer  l'époque  précue 
ott  la  chose  a  dû  avoir  lieu.  Il  iij  a  ^^^ 
deux  opinions  à  cet  égard  qui  aient  en  ellt^^ 

Îuelque  apparence  de  logique  et  de  raisos. 
a  première  que  j'ai  quelquefois  enieiuii 
mettre  en  avant,  est  que  c'a  été  prédséaien: 
au  concile  de  Nicée^  dans  leqad  la  dirions 
de  Jésus-Christ  a  été  solenni-llement  déii- 
nie,  (jue  l'Eglise  a  commencé  à  s'écarter o 
la  foi.  On  a  appuyé  cette  hypothèse  sur  ue 
raisonnement  logique  ;  on  a  prétendu  <]a  i* 
lors,  comme  depuis,  les  dogmes  de  f^i  ofii 
été  définis  sur  1  autorité  de  la  tradrâo&f  d 
que  par  là  on  a  introduit  dans  l'fi^lise  u&t 
règle  de  foi  différente  de  l'Ecriture.  Aia^t* 
trois  cents  ans  après  le  Christ,  TEgii^^  ^ 
tombée  dans  un  état  complet  d'erreur  etd* 
fetale  corruption,  où  elle  est  restée  ens^ 
velic  l'.endant  douze  ou  treize  siècles  q}^  ^ 


1157 


REG 


DICTIONNAIRE 


H>nt  écoulés  «Tant  que  Luther  et  Cal tî a 

atent  réparé  les  maux  causés  par  les  trois 

eent  dii-hoil  Pères  de  ce  concile  rénéra- 

l»le,  et  que  la  réforme  ait  rétabli  la  Traie 

v^^^lede  foi  I  Peut-on  croire  à  une  semblable 

^>poUièseT  Quelqu'un   se  persûadera-t-il 

4u'au  moment  même  où  Dieu  a  couronné 

^D  Eglise  de  gloire  et  lui  a  fait  goûter  la 

|*aîx,  après  trois  cents  ans  de  persécutions» 

t^Ue  ne  lui  ait  marqué  sa  reconnaissance 

qu  en  abandonnant  sa  loi,  et  lui  substituant 

la  corruption  des  hommes  ?  Que  la  première 

lois  qu  elle  s*est  assemblée  pour  Tcnger  la 

gloire  de  son  Fils  et  proclamer  hautement 

sa  difibité,  elle  fait  par  le  fait  même  aban- 

Joùûé  et  renié,  et  corrompu  le  dépôt  des 

refilés  Titales  et  fondamentales  conGées  à 

$a  ^rde? 

Faatres  placent  cette  é|K>que  à  Tautre  ex- 
trémité de  la  chaîne,  et  prétendent  que  l'on 
ne  peut  fixer  d*une  manière  ^irécise  Fépo- 
qffxede  la  corruption  ou  de  I  apostasie   de 
1  *  Eglise  de  Rome  plus  tôt  que  le  concile  de 
Trente,    c'est-à-dire    lorsque    la    réforme 
»v lit  déjà  commencé    son  œuvre:  ain?»i, 
.  uelles  qu'aient  été  arant  cette  é|)oqoeses 
r£-Tearsousa  corruption,  elle  était  encore  à 
«  moment  la  TériCable  ^lise  du  Christ.  Or 
ii^est  personne,  quelque  ennemi   qu'il 
r  ^iee  étrede  nosdo^mes,qui  ne  soit  obligé 
'  -e  reconnaître  qu'il  na  point  été  introduit 
o^aourelles  doctrines  dans  Tfiglise  entre  le 
C'^uzième  et  le  quinzième  siècle;  d'où  il 
SJ2ic  que  relise  a  dû,  pendant  au  moins 
trk>is  ou  quatre  siècles,  rester  plongée  dans 
uQ  éiâi  complet  d'égarement  et  d'erreur  fa- 
iaie«  etqu*il  n'y  avait  plus  en  elle  assez  d'é- 
'urr^e  et  de  force  pour  s'arracher  à  cette 
situation.  Que  si  celte  force  lui  est  revenue 
î»- lis  siècles  après,  sur  quoi  reposait-elle? 
L:iit-cesurun  nouveau  dévelop|>ement  du 
rincipe  de  foi  donné  par  notre  Sauveur, 
irc<r  leiBeacité  nécessaire  pour  dissiper  les 
rrears  et  les  corruptions  humaines?  Si 
Edise  possédait  en  propre  le  pouvoir  et  la 
vria  de  revenir  d'elle-même  à  son  antique 
•urt^té,  comment  se  fait-il  qu'il    se  soit 
oj^ulé  trois  ou  quatre  siècles  sans  qu'elle 
lit  pu  exercer  cepouvoir?  Est-ce  que  la  di- 
loe  Providence  n'avait  pas  lâché  le  ressort 
|ui  devait  donner  Timpulsion  et  le  mouve- 
f.enl  à  cette  vertu  ?  Mais  si  la  masse  de  cor- 
uption  était  déjà  montée  à  snu  comble, 
•*urquoi  cette  ibrce  et  cette  énergie  n'é- 
lient-elles pas  mises  en  action?  Nécessai*» 
esient  il  n'y  a  pu  avoir  dans  TEglise  de 
rrrto  cachée,  si  elle  est  restée  si  longtemps 
odonnie  forsque  le  licsoin  en  était  si  grand, 
i seulement  eUe  a  dû,  à  cet  instant  (Mirti- 
ulier,  être  favorisée  d'un  pouvoir  extraor- 
loaîre;  et  quand  on  vient  dire  après  cela 
tie  rien  de  ce  qui  n'est  pas  précisément 
leotionné  dans  la  Bible  n  est  essentiel  à 
E^ise^  je  suis  eu  droit  de  demander  un 
utre  genre  de  preuves.  Car  toutes  les  fois 
ue  des  hommes  reçoivent  une  mission  qui 
^t  en  dehors  du  cours  ordinaire  de  la  Pro- 
*^enc^^  il   leur   est  toujours    fourni  les 
:ren  :s  de  prouver  leur  mission.  Or  s'il  y  a 


APOLOGETIQUE.  REG  flfl 

des  hommes  à  qui  il  ait  été  donné  à  cette 
époque  une  autorité  particulière  et  spéciale,' 
je  désire  savoir  sur  quelle  base  eUe  était 
appuyée. 

Ainsi  vous  voyez  comme  ces  deux  opi* 
nions  concourent  mutuellement  à  tourner 
toute  la  prebve  en  notre  laveur.  Car  d'un 
côté,  il  en  est  qui  prétendent  que  le  premier 
concile  cecuménique  qui  s'est  tenu  depuis  le 
temps  des  a|>ôtres,  a  été  le  premier  à  cor- 
rompre ou  à  abandonner  la  règle  et  l'éten- 
dard de  la  religion.  Ils  disent  donc  aux  au- 
tres: Si  vous  ne  vous  accordez  pas  avec 
nous  à  placer  la  défection  de  r£glise  à  l'épo- 
que du  premier  concile  général  ;  si  vous  ne 
reconnaissez  |)as  que  le  premier  pas  qui  fut 
fait  alorsdans  lapplicationdu  principe  d'au* 
toritéa  été  fatal,  où  vous  arrêterez- vous? 
Si  vous  admettez  l'autorité  de  l'élise  et  le 
droit  de  définir  des  articles  de  foi  dans  le 
premier  concile,  pouvez-vous  la  refuser  au 
second  et  au  troisième?  Et  de  cette  sorte  les 
catholiques  peuvent  passer  d'un  concile  à 
l'autre  jusqu'à  celui  de  Trente,  qui,  ayant 
été  convoqué  absolument  de  la  même  ma- 
nière que  les  autres,  ne  peut,  pàt  aucune 
raison  légitime  et  logique,  être  condamné 
ou  rejeté. 

Les  autres  alors  répondent  qu'il  est  trop 
horrible  d'admettre  que  réponse  du  Christ 
ait  sitôt  fait  divorce  avec  lui;  que  les  âges 
qui  oni  suivi,  que  le  siècle  des  Augustin, 
iïes  Jérôme,  des  Chrysoslome  et  des  Basile, 
aient  été  des  âges  de  crime  et  d'erreur;  que 
l'Ëglise  visible  ait  si  promptement  cessé 
d'exister,  et  que  les  grâces  du  salut  aient 
été  de  si  bonne  heure  retirées  de  dessus  Ut 
terre,  et  cela  au  moment  *mème  où  Dieu 
semblait  préparé  à  donner  aux  voies  de  sa 
providence  une  plus  vaste  carrière.  Ne  trou- 
vant pas  cependant  d'espace  intcrmécliaire 
où  ils  puissent  s'arrêter,  ils  décident  que 
TEglise  qui  est  eu  communionavecRome  a  été 
la  véritable  Eglise,  malgré  les  erreurs  et  la 
corruption  qui  étaient  dans  son  sein,  jus- 
qu'au moment  où  elle  a  sanctionné  ses  doc- 
trines dans  le  concile  de  Trente. 

Mais  avant  de  laisser  cette  opinion,  je 
dois  faire  encore  une  observation.  C'est  une 
théorie  qui  depuis  peu  est  devenue  tout  à  fait 
à  la  mode,  que  d'abandonner  entièrement  le 
système,  suivi  jusqu'alors,  d  accuser  l'Eglise 
catholique  d'être  corrouipuc  et  antichré- 
tienne depuis  tant  de  siècles,  et  de  recon- 
naître qu'elle  est  demeurée  la  véritable 
Eglise  jusqu'au  moment  où  la  sanction  du 
dernier  concile  a  fixé  et  consacré  les  er- 
reurs prétendues,  qui  jusqu'alors  n'avaient 
fait  que  llotter  dans  son  sein;  et  ils  disent 
pour  cette  raison  que  ceux  qui  ont  adhéré 
au  concile  se  sont  eux-mêmes  séparés  de 
l'Eglise  et  sont  devenus  schisuiaiiques.  Mais 
ceux  qui  font  cet  argument  oublient  que  les 
dogmes  qu'ils  regardent  comme  fatalement 
définis  au  concile  de  Trente  avaient  été  déj-i 
pour  la  plupart  définis  et  sanctionnés  dans 
les  autres  conciles;  que  les  livres  qu'ils 
rangent  au  nombre  des  écrits  apocrvphes« 
les  sept  sacrements  et  beaucoup  d  autres 


11^*J 


REG 


tiointsdecegenro,  avaient  élé  claireraeni 
déOriisà  Florence  en  lW9;  la  confession  an 
concile  de  Lalran;  la  présence  réelle  du 
Christ  dans  reucliaristieaux  synodes  tenus 
contre  Béreniîer,el  d'autres  «ioolrines  dans 
la  fameuse  épîlre  du  Pape  Nicolas  I"  aux 
Rulgares,  laquelle  a  élé  reçue  par  rE^Mise. 
Donc,  si  la  délinition  de  ces  doctrines  conà- 
lilue  la  prétendue  apostasie  de  l'Eglise  ca- 
tholique, relativement  à  ceux  qui  n'ont  pas 
accepté  sa  déûnilion,  c'est-à-dire  relative- 
ment à  un  petit  nombre  d'Ejjlises  qui  exis- 
tent au  nord  de  l'Europe,  il  s'ensuit  gue 
toute  l'Eglise  avait  apostasie  dans  sa  déi^i- 
sion  précédente,  sans  être  remplacée  par 
aucune  autre,  puisque  tous  les  chrétiens 
s'étaient  soumis  à  ses  décrets;  de  sorte  que 
l'Eglise  avait  totalement  failli;  et  c'est  là  la 
didiculté  à  laquelle  désirent  d'échapper  les 
()arti$ans  de  cette  hypothèse. 

Ainsi,  quelque  opinion  que  vous  embras- 
siez, vous  vous  trouvez  jetés  dans  des  dilll- 
cultés  qui,  pour  les  partisans  de  Tune  ou 
de  l'autre  de  ces  hypothèses,  sont  inconci- 
liables avec  la  vérité.  Le  fait  est  qu'il  n'y  a 
qu'un  seul  moyen  dé  tout  conclure  :  c'est  do 
croire  que  le  principe  même  adopté  par  les 
apôtres  a  subsisté  sans  interruption  jusqu'à 
ce  jour  dans  l'Eglise;  que  lEsprit-Saint, 
l'Esprit  de  vérité  habite  et  rè^ne  en  elle,  avec 
l'enseignement  du  Christ,  dans  la  personne 
de  leurs  successeurs,  etparlà  il  nepoul  arri- 
ver qu'elle  tombe  dans  une  erreur  fatale. 

§VI. 

Quel  est  le  tableau  historique  du  ChiisUanisme  cTaprès  le 
prolesumisiue;  d*après  le  catholicisme.  —  Les  temples 
protestants.  —  Les  églises  de  Home.  —  Conclusion. 

Si  un  chrétien,  quelle  que  soit  d'ailleurs 
l'opinion  à  laquelle  il  appartient,  entrepre- 
nait de  tracer,  sur  le  désu*  qui  lui  en  aurait 
été  manifesté  par  quelqu'un  gui  né  croit 
pas  encore,  une  esquisse  historique  du 
christianisme,  dans  le  but  de  le  convaincre 
qu'un  DieuinGnimcnt  sage  a  toujours  veillé 
à  sa  garde,  comme  étant  un  oiget  cher  à  son 
amour  et  digne  des  soins  de  sa  sagesse  et 
de  sa  puissance,  j'ai  peine  à  croire  que  ce 
chrétien  puisse  se  résoudre  à  faire  de  l'état 
de  sa  religion  un  tableau  aussi  paiivre  et 
aussi  misérable  que  celui  qui  doit  résulter 
du  système  0|)posé  au  nôtre.  11  pourrait,  il 
est  vrai,  décrire,  sans  avoir  à  en  rougir,  la 
vie  de  son  divin  fondateur;  comment  dans 
son  enfance  il  a  soulfert  le  froid,  la  pau- 
vreié,  toutes  sortes  de  privations,  et  a  été 
obli^'é  de  fuir  devant  ceux  oui  en  voulaient 
à  bà  vie;  comment  il  a  mené  une  vie  obs- 
cure, remplie  de  peines  et  de  misères;  com- 
ment à  la  tin  il  a  été  moqué,  méprisé,  tor- 
turé et  crucilié  ;  car  toutes  m;s  souffrances 
ont  été  abondamment  compensées  par  la 
gloire  de  sa  résurrection,  par  la  majesté 
ae  son  ascension  et  l'éoiat  de  sa  position 
j^rvsentc.  Par  toutes  ces  choses  il  a  prouvé 
qu  il  était  le  Saint  et  le  Jusie  parexcellenc^  ; 
et,  en  retour  de  toutes  ces  soutfrances , 
Dieu  lui  a  fait  voir  une  longue  génération 
et  un  héritage  heureux  et  prospère.    Mais 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE.  KEC  \\^ 

assurément  il  n'oserait  tenter  d'établir  un 


parallèle  entre  la  vie  du  Christ  et  Thisloire 
de  l'Eglise  son  épouse,  et  de  raconter  com- 
ment elle  a  été  comme  lui  aussi  dans  les 
commencements,  petite,  pauvre, persécutée, 
négligée;  comment  les  princes  oui  eu  s(iif 
de  son  sang    et  l'ont  en  partie  versé;  com- 
ment aussi  les  prophètes  l'ont  portée  entre 
leurs  bras,  et  les  saints  ont  soupiré  après 
son  entière  manifestation;  puis  cooiiufDl 
aussitôt  qu'elle  a  eu  pris  de  l'accroissemect,. 
elle  s'est  plongée  dans  tous  les  excès  ca, 
crime,  dans  la  prostitution  et  lemeurtft; 
comment  elle  s'est    couverte  de  toutes  la 
abominations  qui  ont  toujours  desboi 
les  nations  idolâtres;  comment eniia,  i 
plusieurs  siècles  d'opprobres  et  di 
nations  de  ce  genre,  elle  s'est  relevée, 
comme  son  auteur,  avecdes  membres  doi 
d'une  nouvelle  souplesse,  d*une  noui 
vigueur  et  d'une  beauté  nouvelle,  areco 
tète  couronnée  d'une  gloire  nouvelle  et fOi 
ne  doit  jamais  se  flétrir,  avec  unajeuneai 
renouvelée  comme  celle  de  Taigic;  dA, 
plutôt  comme  ces  rejetons  bâtards quicrM 
sent  de  ces  arbres  privés  de  toute  (nUank 
que  Ton  aperçoit  snr  les  bords  desti^. 
d'Afrique,   comme  si    quelques 
avaient  repris  une  nouvelle  vie,  (oata 
férente  de  la  première,  tanllis  que  loot 
tronc  serait  demeuré  jusqu'à  ce  jour  i 
masse  de  corruption  et  de  pournlure.H 
la  représenterait  pas  non  plus  comme 
de  ces  fleuves  qui  au  premier  abord  i^a 
sent  être  un  large  et  majestueux  couri 
sorti  d'une  source  pure  et  sans  souill 
s'avançant  avec  majesté  et  prenant  sam  c< 
de  nouvelles  forces,  renversant  par  la  pi 
sance  calme  de  son  cours  tranquille  les 
gers  obstacles  que  la  nature  ou  l  homme 
élevés  dans  sa  route,  transportant  sur 
ondes  d'un  peuple  à  l'autre  les  arls  < 
paix  et  du  l>onheur,  et  établissant  des  1 
de  communication  entre  beaucoup  de 
qui  ne  se  connaissent  les  uns  les  autres 
par  son  intermédiaire;  mais  qui  va  loi 
coup  s'engloutir  dans  un  désertaridcct 
téré,etse  trouve  changé,  pendant longie 
en  des  marais  contagieux  et  des  élan^ 
salubres,  jusqu'à  ce  qu'enfin  îl  sorletJe 
marais  un  chetif  petit  ruisseau  qui  ala 
tention  de  se  croire  la  continuation  du 
perbe  fleuve,  parce  qu'il  traverse  dans 
cours  insignitiant  quelques  parties  res 
tes  du  globe  habitable. 

Mais  plutôt  il  aimerait  à  la  repr 
sous  les  traits  d'un  noble  édillce  riche 
orné,  comme  un  temple  digne  de  Dm 
lustre  de  ses  ornements  dorés  peut 
quelque  temps  perdu  de  son  éclat, 
négligence  do  ceux  qui  devaient  veillet 
conservation;  ses  décorations  ont  pu  m» 
de  la  rouille  et  du  temps;  mais  sesf« 
ments  sont  appuyés  sur  les  collinesëtero^ 
et  ne  sauraient  être  ébranlés,  ni  [lar  les  lei 
pètes,  ni  par  les  tremblements  deterf*- 

C'est  ainsi  que  nous  l'avons  considérée^ 
tous  les  siècles ,  comme  la  grande  W^ 
universelle  qui,   élevée  comme  une  t^u 


IH» 


BEG 


mcT.ONNAmE  :VPOLOGETlQVe. 


HEG 


fIGt 


donUne  tons  les  objets  qui  renrironnent , 
teK es  qu'on  peut  roir  les  magnifiques  cathé- 
drales de  Tantique  ^iise  s*é!eTer  avec  ma- 
jesté au  milieuyles  édifices  mesquins,  sacrés 
ou  profiuies,  qui  ont  été  bAtis  et  ret>Atis,  et 
^ont  ««tombés  de  noureau  en  poussière  au- 
^tmr  d'elles,  tandis  qu'elles,  au  contraire» 
restent  toujours  debout  sans  aroir  éprouvé 
d^aliération  ni  de  changement  et  offrent^ 
dans  tous  las  Keux  où  elles  se  trourent,  une 
tB^DosasIa  et  délicieuse  perspectiTe. 

Oui  certainement ,  si  nous  arons  recours 
aui  résultats  de  l'expérience,  il  nous  sera 
facile  de  prononcer  Jquel  est  le  système  de 
foi  qui  s  accorde  Je  mieux  arec  l'institu- 
tion dirine;  si  c'est  celui  oj]^  l'homme  est 
abandonné  sans  guide  à  son  propre  juse- 
niem,  «ujet  à  tant  d'erreurs,  ou  oien  celui 
cà  l'on  suppose  que  les  doctrines  du  Christ 
MMt  consenrées  à  lUde  d*uii  système  per- 
maoent  et  durable T^eTêtues  comme  elles  le 
^oot  déformes  extérieures  qui  leur  donnent, 
ixior  ainsi  dire,  un  corps,  sous  \a  garde  salu* 
taire  d'une  Eglise  riTante  et  indéfectible, 
£iieflel,  quand  on  yeut  consenrer  longtemps 
«aae  odeur  précieuse,  on  ne  rexi)Ose  pas  au 
oQBlactdelairdans  la  ipnrelé  de  son  essence 
«^diérée ,  sachant  bien  que  de  cette  manière 
^k  s'éfaporerait  bientôt  et  se  dissiperait 
«riièrement  ;  mais ,  au  contraire ,  on  Vallie 
^aaelque  chose  d^une  nature  plus  malé- 
^elle  et  plus  terrestre  oui  lui  donne,  pour 
^■iasi  dire,  un  corps,  d'où  elle  continue  long- 
tfSPflips  encore  d'exhaler  son  parfum  et  d'em- 
kAiamerioat  ce  qui  en  approche.  C'est  ainsi 
f^rédsément  qu'il  en  doit  être  d'une  institu- 
tion religieuse  :  car  au  moins  rexpérience 
ne  nous  a-t-ellepas  appris  que  les  tentatires 
liai  les  pour  spintualiser  entièrement  la  reli- 
fion  en  la  dépouillant  de  ses  formes  exié- 
ric^res  et  en  renonçant  au  principe  d'auto- 
filé,  doirent  finir  par  l'affiaiblir  peu  à  peu 
ei  la  conduire  à  une  ruine  totale. 

He  connaissons-nous  pas  tous  une  Eglise 
qui  a  dans  ses  mains  tous  les  instruments 
oe  la  force  matérielle^  qui  possède  tant  de 
lemples  magnifiques,  merTeilleusement  des- 
tinés à  être  les  théâtres  d'une  influence  sans 
bornes  sur  des  multitudes  innombrables  de 
penpleT  11  en  fut  ainsi  autrefois;  mais  au- 
jouni'hui  ces  temples  sont  vides  et  d<?serts 
tout  le  jour,  et  semblent  être  les  superbes 
sépulcres  d'un  culte  mort,  plutôt  que  les 
temples  d'un  culte  Tivant.  Et  comment  donc 
ce  triste  changement  s'est-il  opéré?  La  reli- 

S'on,  qui  les  a  bâtis  dans  les  siècles  passés 
ait  une  de  celte  nombreuse  famille  de 
sœurs  qui  toutes  obéissaient  et  étaient  sou- 
mises à  la  même  mère  commune.  Pendant 
des  siècles,  elle  ré^na  par  l'autorité  spiri- 
tuelle et  ecclésiastique,  et  son  règne  fut 
f  tacifique  et  glorieux  ;  mais  il  s'est  élevé  en 
elle  un  esprit  de  rébellion ,  et  dans  l'orgueil 
de  son  ccBur  elle  s'est  écriée  :  <  Je  n'ai  pas 
liesoin  que  les  hommes  m'honorent*  me 
révèreni  etm'obéissent,  ni  qu'ils  environ- 
nent de  leurs  respects  ces  marques  de  Tau- 
lerité  eX  de  la  règle  qui  sont  aussi  en  même 
lemps  les  signes  de  ma  dépeudauce  ;  ma 

DiCTiO!f!«â»e    AP0l.0ÇLTiQlC.   IL 


beauté  seule  recevra  des  hommages.  Je  no 
veux  plus  autour  de  moi  tous  ces  louchants 
souvenirs,  les  iombes  des  martvrs,  ou  la 


jours  passés?  Je  mépi 
ments  somptueux,  la  pompe  brillante  des 
processions  des  ministres  sacrés,  les  nuages 
ae  leur  encens  et  l'éclat  de  leurs  cierges  ? 
Je  m'assiérai  seule  au  milieu  de  ma  demeure 
nue  et  sans  ornements,  comme  une  vierge 
vêtue  de  blanc;  et  les  hommes  m'aimeron^ 
me  serviront  et  m'honoreront  uniquement 
pour  moi-wême.  »  C'est  ce  qui  a  eu  lieu  pen- 
dant un  certain  temp^,  tant  qu'ont  vécu  ceux 
qui  se  sourenaient  des  jours  de  sa  gloire,  et 

3ui  l'aimaient  comme  un  reste  et  un  vestige 
e  ce  qu'elle  avait  été  autrefois. 
Mais,  après  eux,  est  venue  une  géné- 
ration qui  ne  connaissait  point  ces  jours 
déjà  passés ,  des  hommes  qui  avaient  les 
bras  croisés  sur  leur  poitrine,  «l  dont  le  front 
sourcilleux  ne  se  déridait  iamais.  Quand  ils 
se  présentèrent  devant  elle,  elle  vil  qu'ils 
avaient  appris  par  son  exemple  k  se  révolter, 
et  qu'ils  avaient  recueilli  de  ses  lèvres  les 
termes  de  mépris  et  d*ignomjnie  {«r  lesquels 
elle  avait  déslmnoré  sa  mère.  Ils  la  renver- 
sèrent, la  foulèrent  aux  pieds  dans  la  pous* 
sière,  et  la  réduisirent  à  se  roanser  le  c«eur 
de  douleur.  Alors ,  il  est  vrai ,  elle  se  releva 
encore  à  l'aide  des  bras  du  pouvoir;  mais  ce 
ne  fut  que  pour  subir  une  mort  plus  cruelle 
et  plus  lente,  pour  voir  d'année  en  année 
ses  disciples  diminuer ,  ses  temples  moins 
fréquentes,  le  pouvoir  de  ses  nombreuses 
rivales  s'augmenter  et  leur  nombre  s'accrot- 
tre  de  plus  en  plus.  Et  aujourd'hui  même 
ses  dépouilles  ne  sont-elles  pas  comme 
mises  au  sort ,  al  les  hommes  ne  discutent- 
ils  pas  entre  eux  a«r  tes  moyens  de  se  les 
mieux  partager?  N'en  parlent4ls  pas  avec 
irrévérence,  et  ne  pèsent-ils  pas  son  utilité 
dans  des  balances  de  fer,  et  n  évaluent-ils 
pas  en  pOees  d'a'rgent  les  Ames  qu'elle  con- 
serve encore.?  N  est-elle  pas  traitée  avec 
ignominie  par  ceux  qui  se  disent  ses^  enfants? 
Son  existence  n'est-eile  pas  réduite  par  eux 
à  une  question  d'utilité  politique  et  tempo- 
relle? 

Quand  on  voit  le  service  divin  des  cathé- 
drales concentré  daas  le  chœur,  destiné  dans 
l'origine  au  ministère  privé  et  journalier 
des  ministres  spéciaux  du  Seigneur,  ou 
quand  on  aperçoit  la  congrégation  tout  en- 
tière disséminée  sur  une  pelite  partie  du 
sanctuaire  réparé  à  cet  effet,  tandis  que 
le  rflste  de  l'édifice  |n'est  qu'une  ruine  ma- 
jestueuse, assurément  on  doit  se  sentir  plus 
porté  à  pleurer  qu'à  se  féliciter  du  change- 
ment qui  a  eu  lieu  depuis  que  ces  immortels 
monuments  ont  été  érigés.  Qui  peut  visiter 
cette  magnifique  église  de  Sainte-Marie  d'0> 
verburg,ou  Saint-Sauveur, k  Londres,  res- 
taurée il  y  a  peu  de  temps,  et  considérer 
attentivement  la  superbe  architecture  qui 
en  couronne  l'autel ,  avec  ses  nombreuses 
niches  et  ses  sculptures  si  délicates ,  et  ne 
I  as  sentir  que  le  grand  objet  dont  toules  ces 

37 


1IG3 


REG 


DICTIOiNMlRE  APOLOGETIQtJE. 


ŒG 


m 


merveilles  n'étaient  que  les  accessoires,  en 
a  été  enlevé  ;  que  les  hommes  n'auraient  pas 
travaillé  ainsi  y  consacré  leur  temps  et  leurs 
talents  pour  ne  préparer  gu'un  lieu  propre 
à  recevoir  une  table  ordinaire,  à  laquelle 
tous  ceui  qui  adorent  dans  ce  lieu  tournent 
le  dos  ;  mais  qu'il  y  eut  là  autrefois  un  autel 
que  les  hommes  aimaient  et  révéraient ,  et 
qu'ils  tenaient  à  très-grand  honneur  d'ho- 
norer. Qui  peut  assister  au  service  divin 
célébré  dans  une  cathédrale  protestante ,  et 
voir  tant  de  traces  encore  qui  rappellent  les 
anciennes  pratiques,  tant  d'objets  qui  ont 
perdu  toute  leur  puissance  f^ar  1  absence  des 
sentiments  et  des  motifs  qui  leur  ont  donné 
l'existence?  Qui  peut  songer  à  ce  désir,  toute- 
fois si  ^évidemment  inemcace,  auquel  on  se 
bornemaintenaut,deremplird'une  religieuse 
majesté  ce  superbe  édiGce ,  plus  par  la  voix 
de  l'orgue»  que  parles  emblèmes  de  la  pré- 
sence de  Dieu,  ou  cette  parfaite  conformité 
de  sentiments  qui  produit  une  si  touchante 
harmonie  dans  le  cœur  de  la  multitude  (chez 
les  catholiques) ,  et  ne  pas  verser  des  larmes, 
à  la  seule  pensée  qu'une  nation  a  pu  être 
dépouillée  de.ce  qu'il  y  avait  de  plus  beau  et 
de  plus  touchant  dans  la  religion,  et  se  glo- 
rifier de  n'en  conserver  que  les  débris  et  les 
tristes  fragments? 

Assurément,  à  un  tel  spectacle ,  et  lors- 
que j'entends  admirer  la  liturgie  angli- 
cane, comme  une  œuvre  sublime >et  incom- 
parable, sans  réfléchir  uu'erie  est  toute  prise 
de  la  nôtre,  que  l'on  a  abolie  ;  que  ce  oui  en 
a  éié  conservé  par  les  anglicans,  et  forme 
la  partie  essentielle  de  leur  culte,  n'est  chez 
nous  qu'une  partie  secondaire  et  qui  sert 
de  préparation  à  un  rit  plus  solennel  ;  que 
leurs  sublimes  collectes,  ainsi  que  TEpître 
et  l'Evangile  ne  sont  chez  nous  que  comme 
une  introduction  et  une  préface  à  une  ac- 
tion plus  sublime  ;  quand  je  vois  cette  Eglise 
recueillir  ainsi  et  préserver  de  la  destruc- 
tion les  accessoires  de  notre  culte,  et  esii- 
'  mer  à  un  si  haut  prix  le  cadre  même  qui 
ne  fait  que  renfermer  notre  liturgie,  je  ne 
peux  que  la  regarder  comme  une  mère  frap- 
pée de  la  main  de  Dieu,  en  qui  la  lumière , 
de  la  raison  s'est  obscurcie,  bien  que  les 
sentiments  du  cœur  ne  soient  pas  encore 
éteints,  qui  presse  contre  son  sein  et  caresse 
le  cadre  maintenant  vide  qui  entourait  au- 
trefois l'image  de  tout  ce  qu'elle  aimait  sur 
ia  terre,  et  continue  encore  à  remuer  le 
berceau  de  son  enfant  qui  n'est  plus  I 

Mais  si,  détournant  les  yeux  de  cette 
scène  d'inconstancci  de  changement  et  do 
ruine,  nous  cherchons  un  contraste,  il  uo 
lue  sera  pas  bien  difficile  d'en  trouver  un. 
Oh  1  que  ne  puis-je  vous  transporter,  sur  les 
ailes  de  mes  atfections,  dans  cette  cité  sainie 
où  tout  ce  qui  est  chrétien  et  catholiaue  est 
empreint  du  sceau  de  l'immortalité  I  Cest 
vers  oe  point  que  le  catholique  doit  fiter  ses 
j'egards  pour  y  découvrir  la  preuve  la  plus 
certaine  de  1  efficacité  et  de  l'universalité 
du  i)rincipe  de  foi  qui  anime  et  dirige  sa 
religion.  Là,  je  pourrais  vous  démontrer 
jusqu'à  l'évidence  la  ténacité  que  l'EijMse 


catholique  a  toujours  fait  parallré  pour  cb- 
cune  de  ses  doctrines,  par  cette  raison  qu'elle 
a  pris  tant  de  soin  et  s'est  donné  tant  de{)ei(ie 
pour  conserver  les  moindres  édifices  ou  mo- 
numents capables  de  rappeler  le  passé  à  son 
souvenir,ou  qui  porte  l'empreinte  de  quelqu.' 
doctrine  ou  de  quelque  discipline,  ancien rev 
ted'un  flge  plus  cher  et  plus  heureux.  Je  jxiar- 
rais  vous  montrer  plusieurs  églises  encore  de- 
bout, qui  ne  ressemblent  pas,  il  estTrai,àrf<i 
monuments  antiques,  élevés  et  magnifiqueç, 
que  nous  voyons  en  Angleterre,  mais  ({iti 
sont  humbles  et  pauvres,  quoique  iniacici 
et  parfaitementconservées,  disséminécsàtt 
ô'cs  contrées  qui  furent  peut-être  aotnte' 
les  lieux  les  plus  peuplés  de  la  terre,  e(nt^ 
étaient  couvertes  des  plus  somptueux  édll^ 
ces,  mais  qui  sont  devenues  d'arides  désw 
et  des  monceaux  de  ruines  ;  vous  les  vemij 
seules  debout  et  agranJies  par  la  solid*, 
qui  les  environne;  ce  furent  lespremior 
temples  du  christianisme  naissant,  tm^ 
être  me  demanderez-vous  pourquoi ces^' 
ses  des  premiers  chrétiens  sont  enooreeot» 
servées  dans  des  lieux  où  il  n'jnplusé 
fidèles  pour  les  fréquenter?  \mmm 
bientôt,  en  effet,  que  les  édifices  ré^fBti 
que  Ton  rencontre  dans  les  quarém' 

Elus   populeux  et  les  plus  fréquenifi 
ondres  ne  sont  pas  plus  rapprochés 
uns  des  autres  que  ceux  des  quartiers 
jourd'hui  inhabités  de  Tanlique  Rome.Ti 
pourriez  me  demander  encore  qui  lésa 
vés  de  la  ruine  qui  a  rendu  les  cités  d< 
tes,  vidé  les  palais  des  rois,  et  réduit 
poussière  les  monuments  des  empires! 
vous  vous  étonneriez  comment  ces  édi~ 
bâtis  avec  les  matériaux  les  plus  p 
et  les  plus  durables,  et  dont  les  fond 
étaient,  pour  ainsi  dire,  fixés  dans  le  roc^ 
lequel  ils  étaient  plantés  ,  qui  enfin  é 
garnis  et  couverts  de  fer  et  d'aira  n, 
cependant  tombés  en  ruine ,  tandis  que 
autres,  qui  étaient  formés  de  maléi 
fragiles  et  périssables  ont  soutenu  le 
destructeur  A  cela  je  vous  répondrais 
la  religion  les  a  embaumés  avre  le< 
parfum  de  sa  sainteté,  et  les  a  garantis 
attaques  delà  rouille  et  des  vers;  que,  qu 
les  barbares  exercèrent  leurs  ravages 
leurs  environs,  elle  marqua  leurs  porttiS! 
sang  des  martyrs,  et  les  destructeurs  et 
bèrent  leurs  têtes  en  passant  auprès,  et 
laissèrent  comme  un  refuge  pour  le 
heur  à  cette  époque  si  affreuse  de  sa 
de  carnage. 

Et  vous  verriez  qu'à  partir  de  ce  le 
là  on  a  pris  le  plus  grand  soin  de  cou 
ces  monuments  dans  la  plus  parfaite  i 
grité  ;  que  l'on  peut  encore  observer  an 
d*hui,  dans  ceséglises  vénéraiiles,  lesd 
si  lions  particulières  qui  supposent  un 
et  un  ordre  de  discipline  diuércnts  de 
que  nous  suivons  maintenant  ;  vous  m 
l'endroit  où   se   tenaient  les  catéchunii 
sous  les  portiques,  et  où  les  péuiteDt> 
ditl'érentes  classes  étaient  en  aitentr,  w\ 
rant  les  prières  des  fidèles,  les  pupitre:^ 
TEvaUj^ile  était  lu  par  les  saints,  ia  *^'^'* 


Ift^ 


MCTieNNAmE  APOUIGCnOCE. 


i(£L 


I14Î6 


lême  épiseojMile  où  le  grand  docteur  saiot 
retire  arait  cootuinc  de  prêcher,  enfia  Té- 
lis^  entière  eocore  debout,  telle  qu'elle  fut 
ulrefois,  avec  Ja  majesté  calme  et  solen- 
elle  qui  rennroaoe,  et  nous  reporte  aux 
^otialeols  de  paix  et  d*unité  qui,  dans  To- 
igine,  serrirenl  de  base  à  la  formation  du 
lan  de  ces  édifices.  Or»  quel  est  le  principe 
ue  ces  lieux  rappellent?  Ils  ne  nous  ra- 
wteaC  pas  seulement  les  événements  des 
tmps  antiques;  ils  ne  servent  passeule- 
lent  i  faire  revivre  dans  nos  coeurs  les  sen- 
meols  d'attachement  qui  nous  rapprochent 
'uae  époque  meilleure  et  plus  heureuse  ; 
iàis  ils  sont  un  j;age,  une  garantie  que  le 
léme  esprit  qui  les  a  conservés  intacis, 
)oservera  bien  mieux  encore  les  doctrines 
ai  y  forent  autrefois  enseignées,  et  oui 
>n\  pour  ainsi  dire»  inoori^réesàleurplan 
t  à  leur  constitution. 
Remarquez  ensuite,  outre  la  force  de  du-. 
^  qu^il  renferme,  quelle  vigueur  et  quelle 
lasljcité  ce  même  principe  nVt-il  pss  pour 
établir  ce  qui  a  été  détruit.  Vous  avez  vu 
ue  r^ise  anglicane  porte  déjà  des  symp- 
jmes  aune  triste  décadence ,  et    Qu'elle 
inie  à  la  force  corrosive  du  principe  de  dés- 
\ùk>a  et  d'aflEadblissement  adopté  par  elle. 
EhUienl  maintenant  tournez  vos  regards 
(ers  cette  contrée  et  cette  cité  où  je  tous  ai 
raasportés  en  esprit,  et  souvenez-vous  qu'il 
isi  à  peine  écoulé  quarante  ans  depuis 
ju*elie  a  cessé  d'être  sous  la  verçe  de  ces 
ommes  d'insulte  et  de  pillage  oui  ont  dé- 
ouillé  la  religion  de  toute  sa  splendeur  et 
DcbaJné  ses  pasteurs  dans  des  chaînes  de 
tr.  Mais  elle  avait  déjà  fait  trop  souvent 
eipérience  de  ces  sortes  de  scènes  pour  en 
edouler  les  conséquences.  Toutefois ,  elle 
ai  pendant  plusieurs  siècles  exposée  aux 
rruptions  périodiques  des  barbares  enne- 
mis, et  toujours  elle  vit  que,  semblables 
111  inoodations  du  Nil,  elles  ne  tirent  c^ue 
eoouveler  sa  fécondité,  et  le  limon  qu  el- 
;«  laissèrent  après  elles,  devint  un  sol  choisi, 
ropre  à  recevoir  la  semence  de  sa  doctrine, 
oyez  avec  quelle  promptitude  les  châsses 
cilevées  ont  été  remises  à  leurs  places,  les 
lonuments  défigurésontété  restaura,  et  les 
^iises  à  demi-ruinées  presque  rebâties. 
i»yez  du  matin  au  soir  ses  temples  ma^ni- 
i^ues  ouverts,  sans  distinction,  aux  grands 
i  aux  petits,  et  une  foule  innombrable  as- 
sier  aux  offices  de  chaque  jour,  comme  si 
e  leur  temps  il  ne  s'était  rien  passé  cjui  pût 
'Ouiiler  leur  foi  ou  leur  eu  ravir  les  lustru- 
leiitsl  Et  d'où  vient  celte  différence?  De 
^la  seul  assurément,  que  la  religion  catbo- 
que,  exerçant  un  contrôle  absolu  sur  les 
igements  et  les  croyances  de  ses  membres, 
arle  i  leurs  sens,  a  leurs  sentiments  et  à 
^urs  cœurs.  Car  c'est  là  une  cité  accoulu- 
1^  depuis  longtemps  à  la  règle,  mais  à  une 
^^\t  qui  s'exerce  par  l'amour.  Se  croyant 
onc*,  et  je  le  dis  avec  confiance,  se  croyant 
vec  raison  investie,  en  vertu  des  pronies- 
es  divines,  du  pouvoir  d'enseigner  toutes 
^  nations,  elle  a  usé  de  son  autorilé-pour 
éonir  tous  les  hommes  dans  l'unité  de  foi, 


donnant  aux  Amériruiins  et  aux  Chinois  le 
même  Evangile  qu'elle  avait  doruié  aux  Afii* 
cains  et  aux  Bretons.  Mais  en  même  temps 
qu'elle  porte  son  sceptre  avec  une  inaltéra- 
ble équité,  elle  ne  craint  pas  de  Torner  de 
pierres  précieuses  ;  elle  sait  que  l'or  et  l'ar- 
gent, ainsi  que  les  parfums  précieux,  ap- 
partiennent au  Seigneur,  et  que  sa  main 
les  à  donnés  à  la  maison  où  il  habite;  aussi 
elle  les  a  prodigués  à  son  service  ;  elle  ^ 
aimé  tous  les  arts  vivants,  elle  s'est  envi- 
ronnée de  toutes  les  splendeurs  et  s'est  pa- 
rée de  toutes  les  beautés;  c^est  ainsi  qu'elle 
s'est  fait  aimer  des  petits  et  respecter  des 
grands,  et  qu'appuyée  sur  le  roc  dune  pro^ 
messe  élemelU,  elle  ne  craint  ni  les  change- 
ments de  la  terre  ni  la  malice  de  Fenfer; 
elle  est  à  l'abri  des  premiers  en  accomplis- 
sant ,  dans  sa  constitution  extérieure ,  les 
types  et  les  figures  de  rancienne  loi,  moins 
spirituelle,  qui  fut  le  temps  de  l'espérance; 
et  à  l'abri  de  l'autre,  c^mrao  étant  le  sym- 
bole et  l'image  du  royaume  fortuné  de  l'é- 
ternel amour. 

RÈGNE  DE  JÉscs-CaïusT,  son  établisse- 
ment sur  la  terre.  Yoy.  Jésus-Ciuiist,  art.  111. 
—  Difficultés  de  cet  établissement.  Ibid.,  i  1 
et  XI.     

REUGDEUX  et  MOINES,  leur  zèle  pour 
former  des  bibliothèques  au  moyen  âge. 
Foy.  Sgikrces,  i  III. 

lEUGION  NATURELLE. 

La  oature  «t  la  raismi ,  ces  nobles 
iBsUjicU,restenieiil  étouffés  en  dous 
sans  une  calUire  assidue  et  régulière. 
Ceue  culture,  c'est  la  chilisaïkNi 
qui  la  donne.  Otec  la  religion  ei  la 
pUloao^e,  tous  ôter  la  ciTîlisaliuB. 
Il  reste  nus  doute  les  cernes  de 
tout  cela,  mais  ces  germes  pcrisseut 
arant  d'éclore. 

(Em.  Saisskt,  iftwe  des  deux 
momies,  iS  mars  IMi.) 


Les  théologiens  et  les  philosophes  s'ac- 
cordent à  reconnaître  que  riioaime  a  été 
créé  dans  le  plein  usage  de  ses  facultés  et 
avec  la  parole.  Cet  accord  sur  le  fon J  de  la 

Suestion  présente  n*emp6clie  pas  quelques 
issidences  surd^importants  accessoires. 
Indépendamment  de  renseignement  exté- 
rieur (|ue  la  parole  iierpétue.  Dieu  met-sil 
dans  Tâme  de  chaque  homme,  par  le  fait 
même  de  la  création,  une  notion  propre- 
ment dite  des  premières  vérités,  ae  sorte 
que,  abstraction  faite  de  tout  moyen  exté- 
rieur qui  serve  à  exciter  la  notion  de  ces 
vérités,  chacun  la  trouve  au  fond  de  sou 
intelligence? 

Plusieurs  philosophes  et  théologiens  sou- 
tiennent TaÉrmalive  sur  cette  question.  Ils 
avouent,  toutefois,  que,  sans  le  secours  des 
moyens  extérieurs  et  de  l'éducation  surtout, 
ces  premières  notions  finiraient  fiar  s'étein- 
dre presque  entièrement.  Ext  supposant 
qu*il  suffit  de  la  réflexion  pour  les  conserver 
et  leur  donner  en  outre  quelque  dévelop- 
pement, ils  conviennent  encore  que  ce  de^^ 
veloppement  ne  pourrait  aller  jusqu'à  four^ 
nir  une  connaissance  suffisante  de  nos  de* 
voirs,  même  les  plus  essentiels. 


tl67 


hel 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


ÀÏL 


m 


Sans  vouloir  flétrir  ce  senliroent,  qui 
compte  dMllustres  patronages,  nous  nous 
permettrons  de  dire  qu'il  a  été  généralement 
l)ien  accueilli  par  les  théologiens  de  la  ré- 
forme; ils  croyaient  y  voir  guelque  affinité 
avec  leur  principe  d'illumination  indivi- 
duelle dans  Tordre  surnaturel.  Plusieurs 
déistes  s'en  sont  accommodés,  Rousseau  en- 
tre autres,  et  Bcrgier  le  remarque  (1228). 
La  révélation,  en  effet,  leur  paraissait  d'au- 
lant  moins  nécessaire,  que  l'homme  était 
plus  éclairé  par  sa  nature  même.  On  a  pré- 
tendu, mais  h  tort,  que  l'opinion  des  no- 
tions innées  avait  appartenu  à  l'enseigne- 
ment universel  des  écoles  chrétiennes. 
Loin  de  15,  un  grand  nombre  de  ces  écoles 
n'ont  admis  de  vraiment  inné  dans  Tin- 
felligencc  humaine  que  :Ie  germe  des  no- 
tions qu'elle  peut  acquérir,  qu'un  tync  à 
peine  ébauché  des  réalités  qui  en  sont  1  ob- 
jet. C'est  au  moyen  des  impressions  diver- 
ses fournies  par  les- sens,  qu'elles  expli- 
quaient ensuite  la  transformation  des  ger- 
mes primitifs  de  nos  connaissances  en 
perceptions  véritables.  Ce  dernier  système 
a  dominé  dans  le  moyen  Ige^  et  il  compte 
depuis,  parmi  ses  partisans,  le  plus  grand 
nombre  des  hommes  de  la  science.  Quant 
aux  Pères,  on  aurait  tort,  ce  me  semble,  de 
part  et  d'autre,  d'invoquer  leur  autorité. 
Lorsqu'ils  ont  traité  la  question  de  l'origine 
de  nos  connaissances,  on  peut  dire  qu'ils 
n'ont  songé  qu'à  établir  le  rapport  intime, 
naturel  de  TAme  avec  la  vérité,  contre  le 
paganisme  et  )*épicurisme  dominant;  ils 
ont  prouvé  Texistence  d'un  principe  de  lu- 
mière distinct  des  sens,  en  chacun  de  nous, 
sans  s'occuper  des  conditions  de  son  déve- 
loppement. Ainsi,  lorsque  dans  ces  derniers 
temps,  de  Maistre,  de  Bonald,  Lamen- 
nais, le  P.  Ventura  (1S29),  et  la  plupart  des 
philosophes  chrétiens  tie  ce  siècle,  ont 
cherche  à  démontrer,  par  l'expérience  des 
sourds-muets,  par  l'essence  du  langage  et 
li'S  lois  de  notre  nature,  que  la  parole  e^t  le 
premier  moyen  de  perception  des  idées 
intellectuelles,  ils  n'ont  faitquedéterminer 
Ja  nature  de  ces  conditions  extérieures  de 
nos  perceptions,  dont  la  nécessité  a  été  re- 
connue par  les  théologiens  et  lesphitosophes 
que  nous  avons  cités  (1230).  Mais,  dit-on, 
que  devient  dans  ce  système  la  loi  naturelle? 
Nous  répondons  :  1'  nous  admettons  une 
différence  essentielle  entre  vérité  et  erreur, 
bien  et  mal  :  2^nous  affirmons  que  tous  les 
hommes  ont  l'évidence  de  cette  différence, 
aussitôt  qu'ils  ont  la  notion  des  choses 
sur  lesquelles  elle  porte  ;  3"*  en  supposant 
gravés  en  nous  les  éléments  des  notions  que 

(1228)  ÎHclionn.  théohg.,  art.  lléiélatitm. 

(1229)  De  melhodo  philotophandi, 

(1230)  On  peut  consulter  sur  ce  sujet,  outre  les 
auteurs  que  nous  venons  de  citer ,  Gousset,  Notes 
au  Dict.  tkéol,  de  Berçier^  et  de  la  Théol.  de  Dailty^ 
1^'  vol.;  Do.NET,  ElémenU  de  philosophie;  Laursntie, 
Inlrod,  à  la  phiL  Concordia  ralionis  et  fidei^  aiiony., 
Perfectibilité  hmuaine ,  anonviue  ;  de  la  Marne  , 
Annales  de  phil.  ;  Ballanc^.,  kssai  sur  les  inUitu- 
lions,  etc. 


nous  avons  de  ces  choses,  ces  nolloi»  c(<. 
seront-elles  d'être  naturelles,  parce  quelles 
ne  seront  pas  une  forme  première  de  notre 
esprit,  et  que  la  transition  de  Tidéc  ou  ih 
type  des  réalités  à  l'état  de  coiiBaissanre 
proprement  dite,  dépendra  de  conditions 
extérieures  et  sociales,  très-conformes  d'ail- 
leurs k  notre  nature'?  N'est-il  pas  cenlDiiic* 
toire  de  dire  que  le  développement  de  ^i^ 
telligence  cesse  d'être  naturel,  parce  ((qci 
vertu  de  sa  nature  même,  ce  dévetopiienei 
ne  s'opère  que  d'après  ^certaines  lois?  Ai. 
reste,  l'existence  de  la  loi  naturelle  ^l^i 
dépendante  de  celle  des  perceptions  inaiik 
de  l'aveu  de  leur  plus  ardent  dérciM% 
dans  les  tenips  modernes,  lecardioslôpi 
dil  (1231).  Que  pent-on  ajouler,  en 
pour  être  en  droit  d'appeler  une  loi 
rellcy  lorsqu'on  reconnaît  que  les  p 

au'elle  renferme  ne  sont  que  l'eipi 
es  rapports  naturels  qui  nous  lient  à 
et  à  nos  semblables,  et  que  le  mode  de 
mulgation  de  ces  préceptes  est  ideo 
avec  les  lois  générales  du  premier  d<fi 
{)ement  de  l'intelligence  humaine^  iv 
sentiellement  fondées  sur  notre  r^ 
Aussi,  les  théologiens,  ceux  mèm 
mettent  des  notions  innées,  n'en 

Su'accessoi rement  en  démontrantl'e 
e  la  loi  naturelle,  et  ils  placent  h 
de  leur  démonstration»  d'abord  dans  h 
férence  essentielle  entre  le  bien  et  le 
et  ensuite  dans  l'évidence  que  nous 
de  cette  différence  aussitôt  que  la 
du  bien  et  du  mal,  et  des  objets  au 
elle  s'applique,  existe  dans  notre  esp 
Rappelons ,  au  reste ,  avant  d'en  finir 
cette  question,  une  conséquence  i 
t'>nte  de  ce  que  nous  avons  établi. 
certain  et  reconnu  universellement,  a 
nous  dit,  que  Tensembledes  vérlt 
forme  l'objet  de  la  loi  naturelle,  a  été 
mitivement  enseigné  avec  le  lan.^ab'^l 
ne  pouvait  être  que  l'expression  dH 
vérités.  Les  théologiens  s'accordent ei 
à  dire,  après  saint  Thomas,  que  ïh 
a  reçu,  avec  re  premier  enseigneme 
manifestation  extérieure  de  quelques 
lés  relatives  à  sa  lin   surnaturelle.  " 
quoiqu'il  en  soit  de  la  promulgali 
la  loi  naturelle,  infuse   par  le  m 
création,  il  demeure  certain  que  ce 
n'a   jamais   été   purement  naiurcllc 
dans  son  objet ,  ni  dans  le  mode  de  si 
mulgation  (1232). 

Tel  est  renseignement  de  la  iW 
catholique  sur  la  question  tant  débad 
la  religion  naturelle.  L'exposé  qui  p» 
est  emprunté  mot  h  mot  à  foperfu 

(1331)  De  legibust  disput.  %  propter  Si  ^ 
p.  21. 

(1232)  Voir  Hoock,  ReUg.  ii«rf.  et  reteL 
t.  Il,  p.  779;  Bouvier  ,  ThéoL^  t.  I",  h 
Théologie  de  Toulouse,  U  l*%  p.  458;  LîoJ 
t.  1*%  p.  282  ;  Tliéol.  de  Roue»,  1. 1*'.  P- -^ 
l.  m,  p.  19  et 20;  Bergier,  TraiiéiclaU* 
p.  m,  etc.  :  Dict.  théoL^  an.  LoinaturdUa^^ 
tion  ;  RtCEvEun,  hiirod.  à  la  thécl»,  p.  11  d  I- 


suai 


m 


IIEL 


OKmaNNÀlKE  APOLOGETIQUE. 


REL 


liT^ 


%lologi€  (t.  h  p.  55)»  imprimé  par  ordre  de 
fgr  FMque  de  Saini-Flour  [iShk).  EcooCoos 
jialenant  Mgr  Affre,  archeTÊque  de  Paris, 
aitaat  le  même  sujet  dans  sa  Leiire  pasto- 
lie  sur  la  eomposiliaUf  Fexamen  ei  la  pu* 
ieatian  da  livrée^  en  faveur  desquels  Us 
aeurs  ou  édiUwrs  sotliditnt  tme  appro* 
liisiu  Voici  <fi  quds  termes  niluslrjs  arche-^ 
^qu€  s*expritae  dans  le  chapitre  iniiiuté  : 
if^ce  de  savoir  nécessaire  quand  on  dis- 
ue  sur  la  religion  naturelle. 
fLepoinl  qoe  nous  allons  discuter  est 
Daeextrème  importaocevjiarcequ'un  grand 
)iDbre  d'erreurSy  sur  le  tond  même  de  la 
ii^oo  naturelle ,  Tiennent  db  la  manière 
Nit  ttoe  certaine  philosophie  explique  son 

4  Nous  aurions  trop  d'avantages  si  nous 
ippelions  id  les  origines  abjectes  que  le 
aiériaJisme  n'a  pas  rougi  a  inventer ,  do 
\>Juire  au  grand  jour,  de  louer  avec 
^jiplatsanoe  9  comme  infiniment  oréféra* 
es  à  celle  qui  est  Tobjet  de  noire  uif. 
(  Au  lieu  de  remonter  à  Dieu ,  cette  pbi- 
fiophie  est  descenduejusqu*à  un  vil  limon 
;uaffé  par  le  soleil.  Elle  en  a  lait  sortir 
aaniaalcule  qui  trouve  en  lui-même  une 
aer^e  infinie.  Tandis  que  le  cbef-d*(Buvre 
tlicréation  ne  peut  ajouter  une  coudée  à 
I  Uille,  selon  le  langage  de  TEvan^le,  lui 
^i'ooDe  \ts  plus  étonnantes  organisations. 
IriDchit  tons  les  degrés ,  depuis  la  plus 
ï(«rlaite  jusqu'à  la  plus  merveilleuse  de 
aies,  à  celle  du  corps  humain.  Il  fait  en- 
ûte la  conquête  d'une  Ame,  il  invente  la 
irole  |iour  vivifier  son  cœur/  son  intelli- 
îflce,  pour  peDser»  raisonner,  créer  la 
iijpoQ,  bi  morale,  les  lois,  lesarts,  lasociélé. 
I  nison  naturelle  nous  dit  qu'il  n'y  iias 
^ets  sans  cause,  quelque  petits  quon 
'Jàsie  les  supposer  ;  et  il  n'y  aura  aucune 
oie  pour  expliquer  une  succession  d*effeis 
^possibles  à  concevoir  sans  la  toute-puis- 
u«  de  la  causa  des  causes,  de  TEtro  des 
^9,  de  TBtre  nécessaire  1 
<  Voilà  i'faomine,  d'après  une  raison  pbî- 
iophique  abandonnée  aujourd'hui ,  mais 
ftsque  souveraine  il  y  a  trente'  ans.  Elle 
chercher  Télément  qui  a  reçu  le  moins 
vie,  et  elle  en  lUt  dans  la  réalité .  un 
^  puisqu'il  en  produit  les  œuvres.  C'est 
we  nécessaire  ;  c'est  un  créateur  de  lui- 
^e*,  ou  plutôt  c'est  la  chimère  des  chi- 
ns.  Honte  éternelle  è  ceux  qui  conçu- 
it  ce  misérable  rêve ,  et  au  siècle  qui,  au 
tt  de  les  repousser  par  le  mépris,  les 
Qora  de  ses  suffrages,  et  dans  son  dé- 
e,  osa  les  appeler  les  amis  de  la  raison, 
i  propagateurs  des  lumières  1  Louer  les 
f»rils  éclairés  de  notre  époque  d'avoir 
^Qé  dans  le  pays  des  fables  cetin- 
De  système,  serait  leur  faire  une  in- 
*«  que  nous  devons  leur  épargner  ; 
>«Q<lantil  a  régné  avec  quelques. autres 
Q  moins  méprisables,  et  qui  oserait  dire 
e  ces  absurdités  ne  sont  ()as  descendues 
^  région  des  beaux  esprits  aux  esprits 
allés,  siiacilesàadmirercequ  ils  ne  corn- 
auent  point ,  si  coiiiiants  k  croire  tout  ce 


qui  justifie  les  vils  penchants  de  l'homme? 

c  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  serait  aussi  trop 
outraçer  la  religion,  de  comparer  la  noble 
^néalogiede  l'homme,  qu'elle  fait  remonter 
jusqu'à  rf/re  infini^  à  cette  dégoûtante  gé- 
néalogie crai,  après  avoir  commencé  par 
une  hypothèse  impossible,  se  continue  par 
des  absurdités  palpables,  et  conduit  logi- 
quement à  des  monstruosités  morales.  Né- 
gligeant beaucoup  d'autres  erreurs  moins 
grossières ,  il  nous  suflira  de  mettre  la 
plus  séduisante  en  opposition  avec  rensei- 
gnement du  christianisme. 

c  L'homme,  qui  n'était  pour  la  philoso- 
phie matérialiste  qu^un  insecte  parvenu  à 
force  de  ramper  (Db  Bonald),  est  devenu 
pour  celle  qui  lui  asuccédéun  être  déifié;  il  est 
et  il  sera  toujours  pour  le  christianisme  l'en» 
fimtdeDieu  :  condition  où  il  puise,  avec  des 
sentîmentssi  humbles  et  si.nobles,  la  raison 
la  plus  haute  et  le  motif  le  plus  légitime  de 
ses  devoirs.  La  philosophie  régnante,  d'accord 
avec  toutes  les  philosophies  anti-chrétiennes, 
lui  en  prescrit  aussi,  mais  c'est  lui  qui  se 
les  impose.  A  l'origine,  comme  dans  la 
suite  des  âges,  il  n'a  jamais  rien  appris  que 
de  lui-même;  aucune  loi  ne  lui  fut  donnée. 
Qu'ils  fassent  de  nous  des  dieux  ou  des 
vers  de  terre,  que  nous  soyons  esprit  ou 
matière,  les  philosophes  excluent  égale- 
ment le  secours  divin  ;  ils  l'excluent  comme 
attentatoire  à  la  dignité,  à  la  suprême  indé- 
pendance de  l'homme. 

«  Au  commencement  Dieu  fit  Iliomme  à 
son  image,  disait  la  religion  depuis  plus  de 
trois  mille  ans;  il  lui  révéla  le  nom  des  êtres 
créés,  il  se  révéla  lui-même,  et  il  remplit 
son  cœur  d*un  sens  exquis  pour  distinguer 
le  bien  et  le  mal,  sensu  imptevit  cor  illorum 
(Eccli.  xvif.  G);  il  alluma  une  lumière  dans 
son  intelligence.  Lorsque  cet  enseignement, 
répété  de  siècle  en  siècle  par  une  udèle  tra* 
dition,  rencontre  des  contradicteurs,  la  reli- 

S  ion  ne  leur  répond  point  par  un  orgueilleux 
édain.Elleaussia  une  philosophie;  en  voici 
la  substance.  Elle  prouve  d'abord  l'autorité 
de  ses  traditions  par  d'irrécusables  témoigna- 
ges, et  elle  ajoute  :  Ce  que  vous  app^^Iez  loi, 
religion,  dogmes  naturels,  reçoivent  de  tous 
les  inéologiens  la  même  dénomination  ;  mais 
ils  n'excluent  pas  comme  vous,  ils  supposent 
au  contraire  la  révélation  f&ite  au  premier 
homme  de  ce  corps  de  doctrine,  en  ce  sens 
du  moins  gue  Dieu  lui  en  donne,  n'importe 
le  mode,  n  importe  la  formule,  les  principes, 
les  règles  fondamentales.  Si  Dieu,  continue 
la  philosophie  chrétienne,  n'a  point  fait  à 
l'homme  le  don  de  ces  vérités,  quand  et  com- 
ment les  a>t-il  inventées?  Avant  le  langage? 
Hais  la  réflexion  prouve  que  l'intelligence 
ne  reçoit  la  vie  que  par  la  parole.  Ce  n'est 
pas  dans  un  profond  engourdissement,  oans 
un  état  où  nos  facultés  n^nt  pas  même  la  con- 
science, le  sentiment  d'elles-mêmes,  qu'elles 
peuvent  s'élever  à  leur  plus  haute  puissance, 
produire  Tacte  qui  en  suppose  le  pluscom- 
plet,  le  plus  sublime  développement.  L'in- 
vention de  ces  vérités  est-elle  postérieure  à 
cefle (lu  langage? Mais labsencedes moyens 


firi 


REL 


OICTIONXAmE  APOLOGETIQDE. 


jm 


m 


nécessaires  pour  la  |  reniièrc  a  rendu  impos- 
sible la  seconde.  La  création  d'une  langue 
n'exige  pas  moins  d'intelligence  C|ne  la  créa- 
tion d'une  loi,  d'un^  religion  primitive.  On 
ne  conçoit  entre  elles  aucune  priorité  de 
temps  ;  elles  ne  peuvent  exister  Func  sans 
i  autre. 

«  On  n'échappe  k  des  raisonnements  aussi 
décisifs,  conformes  d'ailleurs  aux  traditions 
(le  tous  les  peuples,  que  pardes  romans  phi- 
losophiques, qui,  après  avoir  blessé  le  non 
sens  et  la  logique,  n'ont  pas  même  \e  fri- 
vole avantage  d'embellir  Terreur.  Ils  exal- 
tent l'orgueil,  ils  laissent  sans  frein  les  pas- 
sions les  plus  désordonnées;,  c'est  hi  seule 
cause,  la  seule  explication  de  feurs  succès. 

«  Qui  donc  raisonne  le  mieux,  de  fa  phi- 
Tosonhie  fidèle  à  la  révélation,  ou  de  celle 
qui  la  repousse?  Avec  celle-ci  il  faut  qu'une 
.sagesse  inlinie  se  soit  bornée  à  donner  des 
lois  à  la  matière  ;  qu'elle  ail  abandonné  à 
Thomme  la  création  des  lois  qui  doivent 
régir  son  être  moral;  création  impossible, 
nous  venons  de  le  prouver;  création  qui, 
aux  yeux  mêmes  de  ses  partisans,  n'a  pu 
être  que  l'efifet  d'un  hasard  prodigieux. 

«  Je  lui  donnerai  d*admirables  instincts, 
aurait  dit  cette  sagesse»  pour  conserver  son 
être  physiqu©  ;  son  âme  sera  enrichie  de 
facultés  plus  admirables  encore.  Là  sera 
terminé  mon  œuvre;  point  de  moyen  pour 
l^s  exciter,  point  de  règles  pour  les  diriger 
dans  leur  développement.  Ce  monde  inté- 
rieur, mille  fois  plus  fécond  en  mystères  et 
en  prodiges  digues  d'une  éternelle  contem- 

Slation  Que  te  monde  des  corps,  naîtra,  s'il 
3  peut,  a  la  vie  de  l'intelligence.  L'un  sera 
l'ODJct  de  ma  plus  tendre  prédilection,  et  le 
théâtre  permanent  de  ma  puissance  ;  Tautre 
sera  délaissé  comme  indigne  de  mes  soins 
et  de  ma  sollicitude. 

a  Voilà  pourtant  le  langage  que  le  déisme 
est  contraint  de  prêter  à  une  sagesse  infi- 
nie ;  heureusement  que  ce  n*est  point  celui 
que  celte  sagesse  a  donné  à  l'homme.  Nous 
avons  déjà  vu  que  le  panthéisme  fait  des 
suppositions  plus  absurdes  encore,  s'il  est 

i)Ossible.  Nous  disons  au  contraire  que  les 
ois  qui  règlent  le  cœur  et  l'intelligence  ont 
dâ  être  révélées  à  l'homme  en  même  temps 
que  son  Ame  était  enrichie  de  fiicultés.  Nous 
ne  disons  pas  que  ces  lofs  soient  innées;  ce 
serait  entrer  dans  un  mystère,  ou  tout  au 
moins  faire  un  système.  L'idée  de  révélation 
et  de  lois  innées  sont  loin  d'être  essentielle- 
ment corrélatives.  Nous  disons  qu'il  y  a  eu 
des  facultés  créées^  des  vérités  données; 
qu'il  y  a  aussi  peu  de  bonne  philosophie  à 
les  séparer,  que  d'orgueil  et  d'ingratitude 
à  faire  de  l'un  de  ces  dons  la  conquête  de  la 
raison.  Celle-ci  a  reçu  seulement  le  privilège 
de  Caire  valoir  le  talent  qui  lui  fut  confie, 
c'ost-à-dire  de  cultiver  les  notions  dont  elle 
fut  enrichie  ;  de  les  multiplier,  en  ce  sens 
du  moins  qu'elle  peut,  avec  leur  secours, 
connaître  les  applications  sans  nombre  de  la 
loi  morale  à  nos  devoirs  envers  Dieu,  à  nos 
droits  et  à  nos  devoirs  envers  Thomme  et  la 
&€K.iété. 


«  Ainsi  raisonne  la  philosophie cbrétieDoe 
sur  l'origine  de  la  religion  nalufelle,  qm, 
dans  la  réalité,  n*est  autre  chose  ({ue  b  ré- 
vélation primitive. 

{Voy,  RéviLATi05  fbimitiw  et  mcRoio* 
6ifi,  passim.) 

RELIGION.  Son  universalité  el  sa  perpé- 
tuité. Voy.  Surnaturalisme,  $  L  — Sa  na- 
ture, enoe  Qu'elle  a  d'essentiel,  est  idemiqtie 
chez  tous  les  peuples.  Jbid,  —  La  Yraie  n» 
peut  Être  discernée  ;  réfutation,  foy.  Su* 
ifATURALiSME,  §  IV.  —  Cc  uue  Ics  scieDOd 
positives  lui  doivent.  Voy.  âcwxcES,  jl.-; 
La  religion  progressait-elle  dans  raDliqoM' 

Raïenne.  Voy.  RfcvÉXATio!CPRnnn?i.-bi. 
gion  de  l'évangile,  ne  date-t-elle  qoe^ 
Fénelon.  Voy.  Fenelon.  —  Religion  veop 
du  reproche  de  fanatisme.  Toy.  tàum 
"-  Religion  et  philosophie,  leur  rapp 
Vov.  Philosophie  fanthéktv  de  l  histo 

S  iv: 

REUGIONS.  SoiH-elles  le  produit  derii| 
posture  7  Voy.  Surnaturaushb,  $  H.  -Cki 
raclères  des  trois  princi|)ales  relijionSfM»»" 
)àtrie,  islamisme  et  christianisme.  ytf^Sa» 
naturalisme,  5  IV.  —  Facilité  fa  '  * 
Jbid.  —  Religions  de  Tlnde. Foy.  l:m 
8  IV  et  V;  Leur  multiplicité.  lbiL\ 
Aboutissent  au  panthéisme.  /6îd.,  iV« 

RÉMDSAT  (Paul),  nie  Tunilé  delr 
humaine.  Voy.  Races  hubiawbs,  |1.  _^ 

RENAISSANCE  DANS  L'HUMANITÉ." 
On  désigne  ainsi  une  erreur  qui  w 
rélernite  des  peines  de  l'enfer,  qui  en 
clie  la  fin  non  plus  dans  ranétntissef 
mais  dans  Pinstabilité  de  tout  ce  qui  |i 
>  aux  choses  humaines  fil  v  aurait,  sdt 
cc  système,  un  besoin  de  changeœefltiï 
rent  à  la  nature.  L'ètrequi  est  sorti  «loi 
de  Dieu  ne  retournerait  iamais  à  soof 
cipe,  et  voguerait  eternellemenldanslil 
de  l'être,  à  diflTérentes  conditions,  il  esM 
mais  sans  jamais  arriver  à  cîe  ]iorldel 
fini  après  lequel  il  rêve.  Vain  jouet  d«l 
tinées  mystérieuses,  la  créature  raisonr 
apparaîtrait  dans  la  vie,  et  puis  elle 
se  rassasier  de  bonheur  dansun  moodfi 
veau,  si  elle  avait  été  vertueuse,  où 
serait  livrée  aux  tourments,  si  ellcavail 
criminelle;  et  puis  elle  sortirait  du  liefli 
supplices,  elle  quitterait  les  ravissanlesf 
monies  du  beau  et  du  vrai  pour  se  repl"* 
dans  les  ténèbres ,  dans  les  désordi 
cotte  existence.  Cest  ce  retour  pério 
des  âmes  gue,  dans  ces  derniers  lemp 
a  plus  spécialement  appelé  la  r^»^ 
dans  rhumaniU.  Nous  aurions  ici  besoi| 
nous  livrer  à  de  longues  et  protondrt 
des  poursuivre,  à  travers  les  aberrali* 
l'esprit  humain,  les  diverses  phases  dfl 
erreur,  qui  se  présente  d'abord  avec 
sais  quoi  de  grandiose  et  de  solena 
n'est  pas  étonnant  qu'elle  ait  séduilde 
brillantes  intelligences  qui  surent  pl«* 
mirer  qu'elles  ne  raisonnèrent  ;  esprits! 
bilieux  qui  voulaient  mesurer  déiàdor* 
l'étendue  de  leur  héritage,  qu'ils  crç^H 
sans  se  mettre  en  peine  s'ils  f)OiirrâjfW 
développer  à  leur  aise  entre  les  ii"^" 


RE!i 


ACTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


REN 


II7T 


\YLils  s'£t4ienl  tracées,  el  y  rassasier  ce 
«soin  de  progrès  qui  traTailfe  noire  nature,. 
;iii  n*est  qoe  l'ascension  sans  fin  dans  Ja 
Puissance  de  la  Térité  et  du  iionheur.  Pour 
joi,  je  me  sens  à  l'étroit  dans  ce  corps 
csant  et  grossier  ;  cette  lumière  du  soleil 
le  tatigoe  ;  je  me  sens  des  tournoiements 
c  tète  sur  cette  terre  qui  oscille  ;  mon  cœur, 
pris  du  beau,  murmure  du  vide  de  ce  qu'il 
laie,  et  je  médis  :  Ce  n>st  pas  ce  que 
j/nie,  non,  mes  destinées  qui  me  raris- 
-nt,  qui  jettent  dans  mon  âme  de  mjsté- 
leux  pressentiments,  ne  s*accompliront  pas 
i. 

Il  serait  curieux  d^étudier  cette  nouvelle 
rrenr,  car  on  suit  toujours  avec  plaisir  et 
T  ec  protit  le  travail  de  Tes^irit  bumain,  lors 
j^oie  qu'il  se  trompe;  mais,  nous  devons 
-  liire  dès  à  présent,  de  la  renaissance  dans 
Humanité  il  n*esisle  ^ue  le  nom*,  qu'on 
•>uTe  dans  un  livre  intitulé  de  V Humanité^ 
<*  fon  origine  et  de  sa  fin.  S*il  suflisait  de 
r -D'Ire  dans  là  philosopbie  rêveuse  de 
\llemagne  quelques  idées  générales  qu'on 
'  j  )>a$  comprises;  s'il  sulfîsait  d'en  faire  les 

}*;ications  les  plus  fausses  ;  s'il   suffisait 

rfrire  deui  voiumes  où  tous  les  faits  sont 
rMés  ;  où  toutes  les  autorités  sont  déna- 

jritSf  sans  aucune  précision  dans  les  idées, 
^jib  aucun  ordre  dans  la  discussion,  où  Ton 
Tjoce  les  choses  les  plus  erronées  et  les 
i'^  contradieloires  avec  une  espèce  de 
4Dg-froid,  n'excluant  pas  parfois  un  lourd 
oîiioasiasme  qui  flétrit  l'âme  ;  si  enfin  il 
uffit  d'écrire  à  contre-sens  et  à  rebours  de 
'*{ii ce  qui  pense,  j'en  conviens  alors,  lau- 
tur  de  tHumaniiéf  de  son  origine^...  est  un 
tant  dans  la  philosophie,  le  ne  le  suivrai 
os  dans  son  érudition  indigeste,  et  qu'il 
'ui»e  le  plus  souvent  dans  les  dictionnaires 
.'  /es  encyclopédies  ;  il  me  serait  impossi- 
/e  de  l'attaquer  dans  ce  qu'on  pourrait 
[*peler  ses  principes:  tout  y  est  vague, 
»at  V  est  inaéterminé.  En  vérité,  il  estdes 
Iversaires  qui  désolent. 

£<^avons  toutefois  de  réduire  è  quelques 
iefs  ce  qu'on  nous  donne  comme  la  doc- 
loe  de  la  renaissance  dans  l'humanité,  pour 
ur  opposer  les  simples  lumières  du  sens 


commun  Nous  nous  convaincrons  que 
Fauteur  de  VHumaniié  n'a  pas  une  seule- 
idée  qui  lui  appartienne,  comme  étant  da 
son  invention. 

Il  avance  que  l'homme  renattra  éternelle- 
ment dans  l'humanité»  pourse mettre  de  plus 
en  plus  en  rapport  avec  l'infini,  ou  avec  Dieu. 
Il  ne  dit  pas  si  son  retour  se  fera  d'une  • 
manière  immédiate  ou  ncn.  L'autenr  de 
V Humanité  est  conforme  à  Origène,  a  qui  il 
a  pu  emprunter  (1233)  cette  idée  principale 
de  son  système,  si  tant  est  qu'on  puisse  ap- 
peler ainsi  une  suite  d'idées  incohérentes  ; 
mais  il  en  diflère,  en  ce  qu'il  rojctte  tout 
espoir  de  récompense  on  de  châtiment  hors- 
de  cette  vie.  Cette  négation  a  été  professée 
par  Pjthagorc  peut-être,  et  bien  certaine- 
ment par  les  métempsycosistes  indiens  au 
delà  du  Gange  :  ceux-ci  croyaient,  du  reste, 
à  une  fin  consommée  dans  le  bonheur  que* 
repousse  Tauteur  de  rHumanité.  S'il  res- 
treint, comme  le  firent  les  derniers  platoni- 
ciens d'Alexandrie,  le  retour  des  âmes  dans 
des  corps  humains,  il  se  garde  liien  de  rien 
voir  dans  la  vie  au  delà,  qui  ait  le  moindre 
rapport  à  l'idée  de  peine  ou  de  récompense. 
Cette  fois  du  moins  il  a  été  conséquent  avec 
lui-même,  comme  nous  le  verrons  plus  bas. 

Tout  ce  qu'il  y  a  de  nouveau  dans  la  re- 
production contemporaine  de  la  métempsy- 
chose,  ne  tient  donc  pas  au  fond  des  idées  ; 
il  résulte  seulement  de  leur  assemblage  bi- 
zarre. Nous  allons  nous  en  con?aincre  briè- 
vement, car  je  rougirais  presque  de  m'arrè^ 
ter  longtemps  sur  quelque  chose  d'aussi  dé- 
raisonnable. 

L'auteur  de  T Humanité  a  été  pourtant  ca- 
pable de  sentir  qu'il  lui  serait  impossible  de 
prouver  par  le  raisonnement  l'étrangelé  de 
ses  assertions  ;  aussi  il  s'appuie  principale- 
ment sur  de  soi-disant  démonstrations  his- 
toriques. Nous  devons  rappeler  qu'il  nous 
a  avoué  que  par  rapport  à  la  question  qui 
nous  occupe,  les  faits  philosophiques  sem- 
blent du  premier  abord  contraires  à  la  re- 
naissance dans  Thumanité,  mais  qu'ils  y 
tendent  cependant  dans  leur  sensinlime  et 

Ï>rofond.  C  est  alors  qu  après  avoir  dénaturé 
e  sens  des  systèmes  anciens ,  il  se  met  à 


(1233)  Je  dit  qae  Taolear  de  VUmmantié  a  pv 
ruer  celte  idée  daqs  Origène,  bieo  qoe  Je  ne  le 
ttie  pas  trés-Mvant  dans  la  lecture  des  Pères.  Il 
I  eo  tïïei  stogaliéremeot  malheoreux  dans  les  dla- 
«ts  q«M  m  fait  ;  boroon»-mNis  à  qndques  exem- 
*«.  Poar  prower  qi:e  l^t  Pérès  de  TEglise  ont 
rtrié  qv*oo  poarraît  ne  voir  dans  les  premien  cba- 
tns  de-la  Genève  qtt*on  mythe  on  qu*uu  symbole, 
AS  aocnn  rappoit  a  des  laits  historiques,  il  invo- 
ie <l*ahonl  raalorilé  de  saint  Augostin,  d*aprés 
1  pasajf  «  q«*il  indique  dans  la  Cité  de  Dieu.  Eo 
*'tsallani  le  leste  du  saint  docteur.  Il  se  trouve 
là  parle  de  loaie  antre  chose  que  de  ce  qui  est 
)  question*  U  B*est  pas  plu»  favorable  aui  prélen- 
Mks  de  notre  anienr,  dans  un  second  endroit  quil 
^|qae  du  TrmU  contre  CeUe,  Celte  fois,  Tévèquc 
Hippoae  parle  Inen,  Il  est  vrai,  de  la  manière  dont  on 
^  eaieadre  le  sens  de  la  Genèse  ;  mais  s*il  permei, 
^^  certaines  conditions,  de  suivre  un  sens  ligure  dans 
'^  ma  choses  des  premiers  chapitres  du  Pe.Mia- 


teuque,  il  affirme  positivement  que  eelui-là  n*esi 
pas  blâmable  qui  s*en  tient  an  sens  liUéraL  D'ail- 
leurs saint  Augustin  conserve  toujours  k  la  narra- 
tion de  Noise  la  vérité  historique  et  prophétique. 
Notreaoleur,  qui  sait  si  bien  son  Augustin,  n*anrait 

SIS  dû  ignorer  que  ce  Père  a  fait  un  traité  intiiulé  : 
e  la  Geuèu  priu  à  la  leiire^  où  il  démontre,  par 
toutes  sortes  de  preuves,  la  vérité  historique  de  ce 
livre.  On  m  peut  pas  abuser  d*une  manière  plus 
indigne  de  la  bonne  foi  des  lecteurs.  Le  passage 
que  cite  Tauieur  de  VHnmauiié  ne  fait  rien  au  fait 
principal  de  sa  thèse.  Il  iraurait  pas  dû  ignorer  non 
plus  qu*Origène,  malgré  sa  propension  i  voir  par- 
tout des  figures,  admet  toujours  le  fondement  hia- 
torique  de  la  Bible,  il  serait  lacile  de  démontrer 
que  le  moderne  métempsychosiste  n^est  pas  plus 
véridique  dans  les  antorilés  de  tout  genre  qu'il  ra- 
masse confosémoit  pour  appuyer  ses  diimeaiet 
as.<vertions.  Nuos  devons  nous  borner  à  ce  qui  inlé- 
rcsic  i.otrc  «pie^Uon. 


fKS 


REN 


DlCTlONNAIItE  APOLOGETIQUE:. 


ICR- 


m 


dénaturer  aussi  le  tnosaïsme  et  le  cbrislia- 
niaiiie,  coramc  s*ils  fournissaient  du  moins 
des  préparations  ou  des  allusions  à  la  mé- 
tempsycose mitigée  ou  déterminée,  suivant 
son  expression.  Ces  différentes  autorités  lui 
étant  uéfavorables  et  ce  nouvel  appui  tenant 
à  lui  manquer,  il  se  rejette  forcément  dans 
qutîlgues  idées  yagires  et  erronées  sur  la 
nature  de  Thomme  et  sur  la  nature  de  Dieu, 
sur  leurs  rapports,  sur  leurs  destinées. 

11  suffira  d  exposer  ces  différentes  raisons 
et  leur  relation,  pour  juger  que  la  renais- 
sance dans  Thumanilé  est  bien  réellement 
le  rêve  d'un  esprit  malade. 

Dans  ce  système,  Tbomme  et  Dieu  se 
confondent  :  en  d'autres  termes,  ils  sontja 
nature,  lis  existent  dans  Vabsolu  de  Schêl- 
ling  et  d'Hegel,,  pour  bo  faire  qu'un  seul 
être  identique,  esprit  et  matièrs  :  être  uni- 

Îue,  si  on,  le  considère  dans  sa  puissance 
'Mister  ;  divers,  si  on  le  considère  dans 
ses  manifestations.  Aussi  le-  moi  est  éter- 
nel, la  forme  seule  qui  est  {créée  fait  l%u- 
manitét  Cette  nature  ainsi  caractérisée  a 
besoin  d'une  projection  infinie  dans  la  vie, 
et  de  produire  nécessairement  des  formes 
de  plus  etf  plus  parfaites  :  de  là  ce  retour 
éternel  de  1  être  latent  ou  virtuel  dans  de 
nouveaux  orgaaes,  pour  remplir  la  destinée 
de  ce  qui  meurt  et  renaît  toniours  (1234).  ij 
Avant  d'entrer  dans  une  plus  longue  ex- 
position, on  doit  déjà  remarquer  que  l'au- 
teur !de  V Humanité  laisse  à  l'état  de  pro- 
'  blême  des  questions  fondamentales»  comme 
celles  de  connaître  la  raison  de  l'existence 
de  la  matière  et  de  l'esprit,  de  leur  union, 
de  savoir  pourquoi  telle  portion  de  l'âme 
universelle  8*est  trouvée  jointe  dès  l'éternité 
à  telle  forme  extérieure,  dans  tel  endroit 
de  l'espace,  dans  tel  moment  du  temps.  Les 
difficultés  au^enteront,  si  l'on  cherche  à 
se  faire  une  idée  de  la  manière  dont  l'au- 
teur semble  comprendre  la  forme  des  ma- 
nifestations successives.  Suivant  lui ,  la 
formematérielle  qui  nous  fait  homme  est 
eréée;  mais  par  qui?  Ce  n^est pas |}ar  le  moi, 
âbsoluD^nt  incapable  de  reproduire  de  nou- 
veaux organes,  à  son  état  de  mort,  puis  • 
qu'il  n'a  pas  pu,  étant  à  Tétet  de  vie,  pré-> 
serveF  sa  forme  actuelle  d'une  dissolution 
complète.  La  puissance  de  renaître  dans 
«ne  nouvelle  organisation  n'appartient  donc 
pas  à  chaque  mei  ^  elle  ne  peut  résulter  que 
d'une  force  générale,  inhérente  à  la  nature^ 
qui  tend  par  une  loi  et  un  mouvement  né- 
cessaire à'se  reproduire  et*à  s'épanouir  sans 
cesse.  Mais  dans  cette  hypothèse»  des  diffi- 
cultés insurmontables   se  présentent  :  ce 

(ii34)  Tai  tftché  de  fonnuler  par  ces  quelques 
mots  des  idées  qu*U  faut  poursuivre  dans  plusieurs 
pages  d^ousues,  ei  qui  ne  préseoieni  aucune  dé- 
aaction  losique. 

(1255)  Modu$  essendi  iequUur  este. 

(1256)  Je  vais  présenter  aux  yeux  du  lecteur  un 
passage  de  noue  autour,  comme  exemple  de  la 
confusion  la  plus  complèie  dans  les  idées  et  dans 
les  aceeptions  des  mots.  C*est  lorsqu'il  prétend 

ÎTOttver  par  le  xxii*  chapitre  de  saint  Maulilou  que 
CSU5  Christ  croyait  à  !a  renaissance  dans  Thuma- 


n'est  pins  seulement  1c  moi  qui  est  élereel, 

fmisqu'il  a  dû  toujours  se  manifester;  ces 
brmes  que  le  moi  éternel  a  dû  toujours 
nécessairement  revAtir  sont-elles  déter- 
minées en  ce  sens,  qu'il  se  reprodnit  cons- 
tamment  le  même  et  immédiatement,  ou 
bien  son  identité  physique  ne  parait-elle 
qu'après  certaines  périodes  écoulées,  el 

fendant  lesquelles  il  est  toujours  identique 
un  état  antérieur?  Dans  le  premier  cis 
la  manifestation  est  éternelle  rommelenn; 
dans  la  seconde  supposition^  on  multiplieli 
forme  éternelle  ;  ce  n'est  plus  seuleM 
une  forme  adaptée  à  un  seul  esprit  éleradl 
ce  sont  plusieurs  formes  étemel les^ qui  t 
prêtent    à    une   espèce  de    coubinûxi'l 
réglée  je*  ne  sais  par  quoi  :  car  si  laforatJ 
en  les  formes  sont  éternelles,  pourqnoidW 
paraissent -elles  7  pourquoi  arme-t*il|H 
instant  oCt  I*étre  n'a  plus  de  fonnet  cooM 
cet  axiômo  philosophique,  quebfliMÎJilP 
éTélre  êuU  Viiu  (1235)  ?  ^'| 

Si  au  contraire  l'auteur  de  ^Emm 
prétendait  que  les  formesMe  l'être  etM|  | 
qui  est  éternel,  changent  à  cbaqoeMiÉK' 
tation  nouvelle,  il  tombe  encore  tefi 
double  abîme  :  d'abord  nous  saronsqn' 
anciens  avaient  si  bien  compris  lana 
l'éternité,  qu'ils  ne  purent  jamais  adi 
un  nombre  infini  d'âmes  dans  un  monde 
tuellement  fini  ;  ce  qui  leur  fit  inventer 
retour  des  mêmes  ftmes,'pour  satisfaire  k 
durée  infinie  du  monde.  Pjthagore  nV" 
donc  pas  la  multiplicité  des  formes,  coi 
l'assure  faussement  Tauteur  de  VEm 
L'aurait-il  pu  contre  ce  principe,  admis 
toutes  lesi^hilosophies,  que  Ton  ne  peut 
ajouter  de  nouvelles  parties  de  lespso 
matière  è  ce  qui  est  infini  ou  éternel  L' 
que  ces  deux  mots  expriment  est  un 
complet,  existant  actuellement  dans  son 
té  et  dans  son  intégrité.  Si  l'auteur  del 
manité  avait  plus  mûrement  réfléchit  3 
ralt  vu  que  ces  formes  successives  ne' 
vent  pas  être  la  formule  de  l'éternité  u 
indivisible.  En  confondant  è  cbaqoe 
toutes  les  notions  générales,  il  nous  mo 
bien  qu'il  peut  avantageusement  se  Iv 
à  un  travail  encyclopédique,  mais  nuller 
régenter  en  philosophie  et  en  religion 
tout.  L'autre  abîme,  qu'il  rencontre  en 
tenant  la  mutabilité  des  formes,  si  tooti 
il  la  .soutient,  ce  que  je  ne  saurais a^ 
ment  dire  d*a(3rès  son  livre,  et  ceqi 

f)ense,  il  ne  saurait  dire»  lui  aussi,  car 
e  crois  pas  plus  habile  à  se  compi 
lui-même  que  nous  ne  le  sommes  toosf 
l'autre  abîme  qu'il  rencontre»  s'il  son 

nité,  bien  qu'il  remarque  ailleurs  que  le 
Marie  n*en  a  pas  eu  une  idée  vraie  ^  ^ 
Voici  les  paroles  que  rapporte  saint  Matthieij" 
jour-lii,  les  Sadducéens,  qui  disent  qu'il p'^ajg 
résurrection ,  s'approchèrent  ei  Ilnlerroivw 
sant*:  Maître,  Moïse  a  dit:  Si  ouelqu*»  ^ 
n'ayant  pas  de  flls,  que  son  frère  4aaaesa^ 
et  gu'it  donne  des  enfants  h  son  htft  *^9 
avait  parmi  nous  sept  frères»  et  le  pre«itf  *|* 
épouse  une  remme  est  mon,  et,  n'amiP^i^r 
d  enfant,  il  laissa  sa  femme  à  son  frère.  »  f^ 


m 


REN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


Rflf 


1178 


5  mutabilité  des  formes,  et  qui  n'est  que  la 
oosêquence  du  premier,  c'est  de  se  mettre 
tinslimiiossibilité  absolue  de  déterminer 
ael  progrès  ont  dû  suivre,  pendant  l'éter-* 
liiéjes  modifications  successives  du  mot. 
/imagination  s'elTraye,  en  cherchant  à  saisir 
f  fait  primitif  de  la  forme  humaine,  puis- 
u*elle  est  en  progrès,  et  que  le  progrès  su|> 
ose  nécessairement  des  termes;  et  ce  fait 
remier  de  notre  forme  humaine  n*a  pu 
lister,  puisqu'il  a  dû  être  éternel.  L'esprit 
e  réussit  pas  mieux  à  poursuivre  le  fait 
eroier  de  notre  forme  humaine  éternelle- 
leut  progressive. 

Dans  tous  les  cas,  que  l'on  admette  ou  non 
I mutabilité  des  formes,  la  manifestation 
lernelledu  moi  éternel  résulte  d*une  force 
kesfaire;  l'homme  apparaît  à  la  vie  et  en 
irt  nécessairement.  Pourrait- il  échapper 
mt-6ire  par  la  spontanéité  de  ses  actions 
l«  fatalité  qui  le  domine  ?  Non  ;  le  moi, 
^tnme  nous  l'ayons  vu,  ne  ^constitue  rien 
iDdividuel;  il  appartient  à  l'être  collectif, 
lumanilé,  il  fonctionne  dans  ce  sens  et  né- 
^saircment.  Cette  partie  d'esprit  qui  se 
anifeste  actuellement  sous  ces  formes  gui 
^fonl  moi,  n*a  rien  de  personnel,  rien^ 
âme  soit  propre;  je  tiens  au  tout.  C'est 
t|«nthéisme  qui  nous  absorbe,  il  n'y  a 
«x plus  de  liberté  ni  d'individus. 
Ces  observations  suffiraient  seules  pour 
ire  crouler  un  ramassis  d'idées  aussi  inco* 
tentes  que  nous  les  présente  le  livre  de 
^gme  de  V Humanité.  Mais  il  est  des  faits 
<u  à  portée  de  tous  les  esprits  qui  le  re« 
'Usent  et  le  flétrissent  comme  quelque 
ose  de  hideux  et  de  profondément  immo- 
la i^^eax  parler  des  consi^'quences  de  la 
ioble  négation  du  libre  arbitre  et  de  l'in- 
^tloalisine. 

6  en  effet  ce  qui  est  éternel  en  nous  ne 
p^pas;  s'il  obéit  à  la  loi  nécessaire  de  sa 
îare  de  disparaître  et  derei^araltre  encore 
^  un  nouvel  organisme*  ce  que  nous  ap» 
ons  la  mort  est  un  fait  qui  ne  détruit 

Bénedti  second,  du  troisième,  et  de  tousjas-*, 
|«  sepUémet  et  cette  femme  moarut  iprès  tous. 
fwrde  la  résarrectioo*  duquel  des  sept  sera-i* 
ti  femme?  car  tous  Teut  possédée.  Jésus  leur 
wiiaot,  dit:  Yous  êtes  dans  l'erreur,  ne  sachant 
eiEcriittres,  ni  la  puissance  de  Dieu;  car,  an 
|de  la  résurrection,  les  hommes  n^aurent  point 
■nines,  ni  les  femmes  de  maris;  mais  ils  seront 
ia^mme  les  anges  de  Dieu  dans  le  ciel.  Et  pour 
M  eu  de  la  résurredion  des  moris,  n'avez  vous 
4  lu  les  parolfS  que  Dieu  vous  a  dites  :  Je  suis 
Jrs  d  Al>raham,  et  le  Dieu  disaac,  et  le  Dieu  de 
^  •  Or,  Dieu  n*est  point  le  Dieu  des  morts,  mais 
Mranu.  •  Ici  il  est  cerulneroent  question  de  la 
rreetioQ  des  corps,  que  niaient  les  Sadducéens, 
De  nous  verrons  plus  bas.  Mais  la  science  pro- 
e  de  l*autear  de  vEumanité  lui  fait  découvrir 
B  cbose  dans  la  réponse  de  Jésus-Christ,  qui 
it  iasinoé  la  renaissance  dans  l'humanité? 
Mt  lui,  i'ot^ectlon  des  Sadducéens  ne  reposait 
tur  une  question  de  nombre!  soit,  mais  sui* 
•  «'il  est  possible ,  le  sens  que  notre  auteur 
'  >ai  paroles  de  JésQS-€hrist,  d'ailleurs  si  «lai- 
<  Cette  fcnune ,  lui  fait-il  dire,  ni  ses  sept 
^  ne  reiSDfdteront  en  tant  que  tels;  Tétre  dans 
tomme  et  dans  cette  femme  renaîtra,  car  il  e^t 


rien  dans  Tètre  universel  ou  collectif;  il 
s*accomçlit  spontanément  dans  la  vie  géné« 
raie  qui  poursuit  ses  phases  inévitables. 
Aussi  l'auteur  de  YHumanUé  cherche-l-il  k 
nous  persuader  que  Vidée  de  la  mort  doit 
être  mieux  appréciée ,  et  qu'elle  ne  saurait 
renfermer  aucune  douleur  ni  aucune  tris- 
tesse. L*insensé  1  qui,  après  avoir  faussé 
toutes  les  notions  du-  genre  hnmain,  vient 
s'attaquer  à  ses  sentiments  les  plus  intimes 
et  les  plus  indestructibles.  Si  tous  les  hom- 
mes redoutent  la  mort  comme  le  plus  çrand 
des  malheurs,  peuvent- ils  ne  craindre 
qu'une  chimère?  Ont-ils  pu  è?re  trompés 
par  renseignement  austère  des  religions  ou 
des  philosophiez?  Ne  voit-on  pas,  au  con- 
traire, dans  Tantiquité,  le  soin  constant 
qu'eurent  les  poètes  de  répandre  des  ^fleurs 
sur  la  tombe,  pour  en  dissimuler  Thorreur 
et  Teffroi,  ot  le  tombeau  ne  se  représentait- 
il  pas  toujours  an  milieu  de  leurs  festins  et 
de  leurs  plaisirs,  comme  le  mal  suprême  do 
rhomme  heureux  ou  coupable?  Pourouoi 
tant  de  gémissements  dans  les  flmes  profon- 
dément navrées;  |>arce  qu'elles  ne  conçurent 
pas  l'espérance  chrétienne  de  la  résurrec- 
tion des  corps?  Et  vous  qui  voulez  refaire 
le  sentiment  de  l'homme,  qui  voulez  lui  ap- 
prendre comment  il  doit  sentir,  vous  mar- 
chez sur  la  demeure  des  morts  comme  sur 
un  champ  labouré.  Vous  n'avez  pas  versé 
des  larmes  quand  vous  avez  accompagné 
votre  père  à  sa  dernière  demeure.  Votre 
épouse,  vos  enfants,  vous  no  redoutez  pas 
de  les  perdre  ;  au  regard  de  votre  philoso- 
phie, il  n'y  a  plus  de  père,  il  n'y  a  plus  d'en- 
fants, il  n'y  a  plus  de  mère  (1236*). 

Il  n'y  a  non  plus  dans  la  vie  plus  de  mal- 
heurs ni  d'infortunes  ;  ces  mots  n'expriment 
Çlus  rien,  si  la  mort  n'est  qu'un  fantôme, 
uus  ont  été  dans  Terreur,  quand  tous  ont 
pleuré  ;  ils  pleuraient  i)arce  qu'on  leur  avait 
dît  de  pleurer,  peut-être?  Si  vous  le  dites, 
vous  ne  sentez  rien,  car  qui  n'a  pas  pleuré» 
s'il  a  un  cœur?  Qui  n'a  pas  dit  :  Je  suis  maU 

étemel,  il  est,  et  la  résurrection  consiste  en  ced 
que  cet  être,  ou  ces  êtres,  se  manifesteront  de  nou- 
veau, mais  ils  ne  se  manifesteront  pas  comme  ils 
se  sont  manifestés,  car  Tétat  Intérieur  et  les  formes 
sont  tombés  dans  la  mort.  1 11  semblerait  que  notre 
auteur,  en  disant  que  ni  cette  femme  m  ses  sept 
maris  ne  ressusciteront  en  tant  eue  tels,  entend 
qoHls  ne  ressusciteront  ni  comme  femme  ni  comme 
maris  ;  mais  en  cherchant  à  expliquer  lui-même  sa 
pensée,  il  rembrooille  à  son  ordinaire,  et  après  avoir 
Insinué  la  muubilité  des  formes,  il  croît  répondre 
k  la  difficulté  du  nombre  faite  par  les  '  Sadducéens, 
par  Je  ne  sais  quelle  unité,  qui  se  réalisera  dans  les 
résurrections  successives  et  qui  nVsi  que  le  pan- 
théisme mal  déguisé.  Nous  aurons  occasion  de  re- 
marquer plu«  bas  qii*il  fausse  TiJée  de  résurre^ion, 
qui  est  le  retour  à  la  vie  d*un  êu-e  identique  a  lui- 
même  dans  tout  ce  qui  le  constituait.  Si  du  reste 
le  lecteur  veut  savoir  jusqu'à  quel  point  un  écrivain 

Kiut  se  rendre  inintelliKibie  et  contradictoire  avec 
i-même,  il  n'a  qu'à  lire  surtout  les  cbapiires  8 
rt  suivanU  do  v*  livre  de  VBumamié  et  de  son 
oriolfie* 

(1236*)  Suivant  l'anteor  de  i*ii«maiilf^... 
sommas  nous-mêmes  nos  péras  et  ses  enfants. 


1179 


RETt 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RE» 


lin 


lieuroux»  je  souffre,  j6  ne  puis  pas  vivra 
aJDsi  ;  je  suis  d'oiUant  plus  malheureux,  je 
souffre  d'autant  plus  cruellement,  que  je  me 
sens  appelé  à  quel(]Tie  chose  de  mieux,  que 
j*ai  ridée  de  je  ne  sais  quelle  vie  plus  corn* 
plèie,  plus  calme,  plus  permanente.  Si  je 
poursuivais  mes  manifestations  dans  celle 
matière  depuis  l'éternité,  je  ne  saurais  avoir 
ridée  du  malheur,  puisque  je  fonctionne^ 
rais  dans  la  destinée  de  la  vie  collective, 
comme  un  ressort  de  machine,  nécessaire- 
mont  et  invariablement.  Peut-on  être  maU 
heureux  quand  la  partie  concourt  aux  niani* 
festatinns  et  à  Tepanouissemenl  de  l'être 
qui  vit  et  qui  S3  perj^étue,  en  vertu  de  sa 
nature  et  de  son  énergie  propres  ? 

Il  n'y  a  non  plus,  dans  les  lois,  plus  d'o- 
bligations ni  de  devoirs.  Nus  lois  sont 
nécessaires  comme  notre  nature,  comme  les 
formes  au'ollc  revêt  ;  il  ne  tient  pas  &  nous 
de  remplir  autrement  notre  destinée.  Les 
lois  ont  menti  quand  elles  nous  ont  com- 
mandé certaines  actions,  de  même  que  les 
langues  humaines  quand  elles  ont  écrit  les 
mots  qui  expriment  les  idées  du  bien  et  du 
mal,  de  même  que  tous  les  esprits  quand 
ils  l'ont  ainsi  compris,  de  même  que  tous 
les  cœurs  ({uand  ils  l'ont  tous  senti. 

La  renaissance  dans  TAumant/^  détruit  la 
notion  de  la  loi  (1237),  puisqu'elle  anéantit 
en  outre  toute  sanction  légale.  Je  ne  dois 
pas  être  commandé,  si  la  loi  ne  peut  pas 
me  |)unir  ni  me  récompenser;  or,  je  le  de- 
mande, comment  me  punir  ou  me  récom- 
])enscr,  si  je  ne  suis  plus  moi-même?  Que 
m'im|)orte  cette  partie  éternelle  dans  moi, 
gui  ne  saurait  périr»  qui  est  impassible,  si 
je  laisse  dans  la  tombe  cette  autre  partie 
périssable,  ma  chair,  qui  a  travaillé,  qui 
nra  manifesté,  qui  m'a  personniQé,  qui  m'a 
fiiil  vivre! 

La  renaissance  dans  Yhumaniêé  ne  détruit 
pas  moins  toute  idée  de  progrès;  ce  qui  est 
d'autant  plus  remarquable,  que  ses  auteurs 
proclament  hautement  que  si  elle  ne  fut  pas 
connue  dans  l'antiquité,  c'est  parce  que 
ridée  de  ce  progrès  manquait.  Suivant  eux, 
l'humanité  n'ayant  pas  été  conçue  perfecti- 
ble dans  cette  vie,  force  fut  d'aller  chercher 
dans  l'autre  des  récompenses  pour  la  vertu 
et  des  châtiments  pour  le  crime. 

Il  n'est  pas  nécessaire  de  répéter  que  le 
progràs  moral,  considéré  sans  rapport  au 
progrès  des  individus,  qui  en  est  I  élément, 
n'est  qu'une  absurdité.  Or,  le  progrès  des 
individus  et  des  sociétés  s'est  continuelle- 
uicnl  poursuivi  dans  l'histoire  de  l'huma- 
nité ;  il  a  donc  toujours  existé  et  toujours  été 
compris.  Le  christianisme,  dès  son  origine, 
en  ht  une  loi  des  âmes  régénérées  nar  le 
baptême;  cette  loi  se  trouve  écrite  en  lettres 
d'or,  surtout  dans  l'Evangile  de  saint  Jean 
et  magnifiquement  réalisée  par  tous  les  faits 


évangéliques.  J'aimerais  à  entrer  dans  que)- 

3ues  détails  sur  ce  gue  les  Fères  nout  ont 
it  de  ce  progrès  chrétien  qui  se  poursuiin 
Eendant  toute  l'éternité;  tbais  je  dois  me 
orner  ici  à  faire  parler  Tertullien,  am 
d'autant  plus  d'opportunité  qui!  soatieiii 
notre  thèse  (1238)  contre  ces  paroles  de  Pla- 
ton :  Les  vivants  se  font  des  morts.  L'éner- 
gique docteur  de  Cartha^e  attaque  d'abord 
par  quelques  considérations  puissaDles  ij 
théorie  de  la  reconnaissance  des  âmes.  $i 
les  morts  se  font  des  vivants,  dil-il,  es 
substance,  il  n'est  pas  vrai  que  les  tIvims 
se  fassent  des  morts  ;  car  dâ  le  commeiu^  | 
ment,  les  vivants  ont  dû  précéder  les  morts^  : 
et  ceux-ci  suivre  nécessairement  les  vivaniki 
Dans  ce  cas,  où  est  la  source  d'où  les  pre- 
miers vivants  sont  sortis,  et  s'ils  naqoi 
sans  le  secours  de  morts  précédents,  poai 
quoi  faire  intervenir  ceux-ci  dans  lesi  ' 
sances  qui  ont  suivi  ?  Le  principe  que  PI 
nous  oppose,  qu'un  contraire  entendre  lii! 
ternativement  son  contraire,  a-t-ii  laouMKt 
dre  valeur?  Comme  si  la  naissance  eogn*' 
drait  la  non-naissance,  la  faculté  A  i^{ 
l'aveuglement;  comme  si  la  jeuMKeckj 
fantail  la  vieillesse,  et  la  sagesse ti Ui^ 
et  réciproquement  :  c^rbien  queToo 
parce  qu'on  n'était  pas  né,  et  que  Tarn 
ment  vienne  par  accident  nous  ôterla 
bien  que  l'Age  décrépit  succède  aux 
années,  et  que  l'esprit  fasse  contraste 
la  folie ,  quel  rap))ort  réciproque  j  a 
entre  ce  qui  est  et  ce  qui  n'est  pas,  cnl 
vie  et  la  mort?  D'ailleurs,  poursuivait  l 
tullien,  si  les  vivants  se  font  des  moi 
comme  les  morts  se  font  des  TivantSi 
même  nombre  d'hommes  se  verrait  loujoi 
sur  la  terre,  puisque  tous  ceux  qui  en 
raient  sortis  d'abord  y  seraient  revenos. 
nous  trouvons  dans  les  historiens  des 
quités  humaines,   que  notre  espèce 
multipliée ,  quand  les  peuples  aborig 
quand  les  peuples  nomades,  quand  Ie5 
tions  bannies  ou  guerrières  se  sonteiof  r 
des  terres,  tels  que  les  Scythes  envahi 
le  pays  des  Parlhes,  les  Athéniens  T 
les  Menides   le  Pélopowèse,  les  Phryd 
ritalie,  les  Phéniciens  rAfri(j[ae;soiMi 
que  les  sociétés,  voulant  diminuer  leur 
{lulation  iutéricyro,  envoient  ailleurs 
colonies,  gui  créent  de  nouvelles  iiai 
sans  détruire  celles  d*où  elles  sont  sor 
Tertullien  fait  ensuite  une  magnifique* 
cription  du  progrès  qui  a  toujours  été 
le  monde  depuis  qu'il  existe.  ^  La  ifl 
cultive,  dit-il,   et  s'orne  de  plus  en 
tous  les  jour's.  L'homme  arrive  parlofti 
découvre  de  nouvelles  terres,  il  fait  tout 
duire;  des  campagnes  agréables  ont 
placé  les  solitudes  immenses,  lâchai 
tracé  des  sillons  dans  les  forêts,  iei 
féroces  se  sont  enfuies  devant  les  iroup 


(1237)  On  sera  peut-être  étonné  d'apprendre*  mer  M.  Oudot  à  ceux  qui  ont  ea  occasfoo 
i]iriin  profi^sseur  de  l'Etole  de  droit  de  Paris  a  faire  one  i(!ëe  de  ses  naïvetés  pbilosopliiQw^ R 
indique  au  commeueement  de  Tannée  scolaire  tiès-compéieat  pour  oomprendre  raotcor»*'' 
iSw-ASf  à  ses  élèves,  roinme  une  kcture  trét-ex-     inanité,., 

cellente,  le  livre  de  lHumauHé,  de  tmi  origine  et  de  V     (1^58)  Tërtull.,  lib.  De  anima. 
$0M  avenir.  Nous  n'aurions  pas  eu  besoiu  de  nom« 


tsi 


REP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


REP 


tin 


ts  bergers;  on  rtme  sur  les  grèves ,  on 
Jaote  aa  miliea  des  rochers,  on  assainit 
»  mèpaiSf  on  voit  s'élerer  plus  de  villes 
o'il  R*7  avait  autrefois  de  chaumières.  Déjà 
is  Mes  ne  causent  plus  d'effroi*  les  écueils 
épouvantent  plus  ;  on  trouve  partout  des 
euples»  partout  des  gouvernements,  on 
t)ave  partout  la  vie.  Cesi  un  suprême  té- 
ioigcage  contre  Platon,  gue  ces  multitudes 
omaÎDes  :  nous  sommes  &  charge  au  monde, 
s  éléments  ne  suffisent  plus  ;  de  là  des  be- 
)iDS  plus  grands,  de  là  les  plaintes  de  tous, 
Dâod  la  nature  semble  nous  manquer.  Les 
»les ,  les  famines ,  les  guerres,  les  trem- 
lements  de  terre  ont  beau  promener  la 
lort,  comme  un  remède  et  une  tonsure, 
ir  rexubérance  du  genre  humain.  Jamais 
onivers  ne  s'est  épouvanté  en  voj-ant  rêve- 
ir  à  la  vie,  après  mîHe  ans,  les  multitudes 
ni  descendirent  ensemble  dans*  le  tom- 
eaa.  •  Le  prêtre  de  Carthage  demande  enfin 
oorquoi  on^  a  fixé  à  mille  ans  l'intervalle 
Di  sépare  la  mort  de  la  renaissance  ;  pour- 
uoi  la  nature  nous  tait  mourir  pour  nous 
lire  revivre;  pourquoi,  si  chacun  vient  de 
bacon,  si  les  morts  se  font  des  vivants,  le 
tèdie  sein  donne  la  naissance  à  plusieurs. 
i  produit  ensuite  rigoureusement  les  rai- 
im  philosophiques  qui  s'opposent  de  tout 
mi  à  la  renaissance  de  Thumanité.  Saint 
iD^ustin  établit  la  même  thèse  dans  la  Cité 
*  Diea. 

KENAN(BaxvBST),  réfutation  de  sa  théorie 
ur  iorigine  de  la  pensée  et  de  la  parole. 
•f.  Phtcholugib,  {  Vlll. 
RENOUVELJ.EMENT  continuel  des  élé- 
)eols  constitutifs  du  corps  humain,  objec* 
ioQ  cootre  la  résurrection  des  corps.  Vog. 

ICSCUBCTIO!!    DES  COKPS. 

RÉPARATION,  INCARNATION. 

Slipendiom  peccall  mon. 
{Ep.  ad  Banu  ti,  23.) 

A  rarticle  Picni  oaiGiXEL  nous  avons 
miàté  la  déchéance  et  sa  transmission  à 
us  les  descendants  du  premier  père. 
lM)mine  étant  déchu  par  sa  wite.  Dieu  l'a- 
indODoera-t-il  à  lui-même,  lui  retirera4-il 
gouvernement  de  sa  providence,  le  laissera- 
iraller  à  son  sens  profire  et  à  la  destinée 
l'i!  Tondra  et  nourra  se  faire?  Non  ;  si  cou- 
tl/le  que  soit  Inommc,  Dieu  ne  Tabandon- 
era  point,  parce  qu'il  a  été  victime  dans  sa 
lole  d'une  puissance  supérieure,  et  qu^il 
>rte  dans  son  sein  une  |.o»térilé  unie  sans 
>ute  à  sa  faute,  mais  qui  ne  l'a  point  corn- 
ise  pourtant  par  un  acte  propre  de  sa 
l)re  volonté.  Diena  voulu  réparer  l'homme; 
a  voulu  lui  rendre  avec  sa  vocation  pre- 
ière,  les  dons  et  l'assistance  sans  lesquels 
tte  vocation  ne  serait  qu*un  appel  trom- 
'i]r  suivi  d'un  effort  impuissant.  Mais 
niment  cette  réparation  devait-elle  avoir 
ïn  ?  SuiBsaitF-il  que  Thomme  fût  replacé 
iQs  le  paradis  terrestre,  revêtu  de  son  iur 
^nce  primitive,  au  hasard  de  reoommen- 
r  la  même  tragMie  où  il  avait  si  misera- 
«ment  péri  ?  La  loi  de  réfiaralion  pouvait- 
It*  (Ire  ta  même  que  la  loi  de  création,  ou 


bien  la  sagesse  de  Dieu  exigeait-elle  de  lui 
un  nouvel  ordre  plus  fort  ane  [le  premier, 
plus  profond,  plus  capable  de  se  maintenir 
a  travers  les  ruines  que  la  liberté  de 
l'homme  ne  manquerait  pas  de  susciter  T 
Voilà  ce  qu'il  nous  faut  savoir,  et  Tintérèt 
est  grand.  Car  si,  à  toutes  les  époques,  la. 
monde  a  ressenti  sa  chute  et  a  eu  besoin' 
d'en  connaître  le  remède,  plus  que  jamais 
peut-être  penché  vers  le  mal,  il  aspire  à 
retrouver  le  salut.  Apprenons  'donc  ce  que 
c'est  que  réparer  un  être  dé(thu;  ce  que 
c'est  que  revivre  après  s'être  retranché  de 
la  vie. 

il. 

La  lot  de  répsraUoo  est  me  loi  de  josUce,  d*aiiioar  et  de 
liberté.  —  La  mort  oomoia  cfaiUmetttf  nojea  de  rè- 
inlégratiofi. 

Il  n'j  avait  pas  de  difficulté  pour  Dieu 
dans  la  création  :  car  Dieu  était  seul  à  créer, 
il  était  l'unique  puissance  et  l'unique  vou- 
loir. Mais  une  fois  l'homme  tiré  du  néant 
avec  le  monde,  il  y  avait  en  présence  de  la 
souveraineté  divine  un  dire  actif,  libre,  pro- 
fond, capable  de  mêler  une  œuvre  à  l'œuvre 
de  son  Créateur,  et  qui  en  effet  avait  produit 
quelque  chose  d'impossible  à  Dieu,  le  mal. 
Le  mal  était  ;  Dieu  ne  l'avait  pas  fait,  il 
avait  été  fait  malgré  lui,  et  par  conséquent 
Tinfinie  sagesse  se  trouvait  'en  face  d'un 
obstacle  et  dans  un  étit  nouveau.  Jusque-là 
toutes  ses  opérations  avaient  eu  pour  prin- 
cipe et  poiK  règle  la  bonté;  la  bonté  seule 
avait  tiré  Dieu  de  son  repos  et  lui  avait  ins- 
piré l'univers.  Maintenant  une  l'ingratitude 
et  la  révolte  avaient  été  le  prix  de  son 
œuvre,  un  autre  sentiment  s'élevait  en  lui, 
sentiment  éternel  comme  son  essence,  mais 
qui  n'avait  pas  encore  trouvé  d'application  : 
la  iustice.  La  justice  est  l'aversion  du  mal, 
s'il  existe  une  différence  réelle  entre  le 
bien  el  le  mal,  il  est  impossible  que  le  mal 
cause  à  Dieu  la  même  impression  que  Te 
bien.  Supposez  que  cette  impression  fût  la 
même,  il  est  manifeste  que  Dieu  serait  in- 
différent à  Tun  et  à  l'autre,  et  son  indiffé- 
rence étant  la  vérité,  parce  que  tout  ce  qui 
est  en  Dieu  est  vra*,  il  s'ensuivrait  que  le 
mal  ne  diffère  pas  du  bien.  Or,  il  en  diffère, 
le  bien  est  la  conformité  à  la  nature  divine 
en  tant  qu'elle  est  bonté  ;  le  mal  est  l'oppo- 
sition à  cette  bonté  qui  fait  partie  de  la  na- 
ture divine.  C'est  la  bonté  que  le  mal  aita- 
3ue  en  Dieu,  et  Dieu  ne  fait  que  la  défcn- 
re  en  se  défendant  contre  le  mal  par  la 
justice.  La  justice  est  le  sentiment  de  la 
bonté  outragée  et  Tanne  qui  la  protège  coo- 
tre la  méchanceté.  Si  Dieu  n'était  pas  juste, 
il  cesserait  d'être  bon  ;  il  hait  le  mal,  parce 
qu'il  aime  le  bien;  mais  le  mal,  ce  n'est  pas 
seulement  un  acte  contraire  à  la  bonté  qui 
est  en  Dieu  et  qui  est  Dieu  lui-même,  c'est 
aussi  l'être  qui  le  commet  librement,  et  qui 
par  lui  se  sépare  de  la  source  unique  du 
bien.  Le  mal,  c  est  le  méchant.  Dieu  hait 
donc  le  méchant,  parce  qu'il  liait  le  mal. 

Nous  retrouvons  en  nous  cette  double 
aversion.  Faits  à  l'image  de  Dieu,  aucun 
des  sentiments  qu'il  éprouve  ne  nous  e$t 


fl85 


REP 


DlCTlO?mAHlË  APOLOGETIQUE. 


REP 


m 


étranger;  comme  h  lui  le  mal  nous  csl  odieut, 
comme  lui  nous  repoussons  Têlrc  raisonna- 
ble qui  s'y  abandonne ,  et  cet  invincible 
61<»igneraent  ne  nait  pas  en  nous  du  tort  que 
nous  causent  le  mal  et  le  méchant  :  non, 
même  quand  nous  ne  sommes  pas  atteints 
T)ar  eux,  notre  cœur  se  révolte  contre  eux. 
La  justice  n'est  pas  un  mouvement  de  Tin- 
lérôt  qui  se  replie  sur  soi-même  ;  elle  est 
un  élan  de  la  bonté  qui  se  sauve  de  la  mé- 
chanceté. C'est  pourquoi  Dieu,  qui  n'a  rien 
à  perdre,  mais  qui  est  souverainement  bon, 
ressent  plus  qu  aucun  autre  cette  grande 
commotion  de  la  justice. 
'  D*où  il  suit  que,  dans  la  loi  de  réparation, 
lajustice  ne  pouvait  pas  être  sacrifiée  ;  il 
fallait  qu'elle  y  trouvât  sa  place,  une  place 
éclatante  et  ûv^ne  de  Dieu.  Il  fallait  que 
l'aversion  do  Dieu  pour  le  mal  et  son  auteur 
y  fût  manifestée  en  traits  ineffaçables,  et 
qu'une  crainte  salutaire  apprit  aux  plus 
lointaines  générations  qu'il  vient  une  heure 
où  la  bonté  se  change,  par  la  force  même  de 
sa  nature,  en  un  autre  et  formidable  attri- 
but. 11  fallait,  en  un  mot,  que  la  loi  de  ré- 
paration, pour  sauver  l'homme,  sauvât  la 
justice. 

Mais  tout  en  haïssant  le  coupable,  à  cause 
du  mal  qui  est  en  lui.  Dieu  cependant  ne 
laisse  pas  de  l'aimer  sous  un  autre  rapport. 
Le  coupable  est  son  ouvrage  ;  c'est  lui  qui 
l'a  mis  au  monde,  qui  l'a  doué  d'intelligen- 
ce, qui  l'a  prédestiné  à  vivre  en  lui  éternel- 
lement, qui  a  voulu  en  être  aimé  et  qui  l'a 
été  en  eflfet,  ne  fût-ce  qu'un  jour.  Le  coupa- 
ble est  un  enfant  rebelle,  mais  c'est  un  en- 
fant: son  corps,  son  âme  sont  quelque  chose 
de  précieux,  un  chef-d'œuvre  de  sagesse  et 
de  grâce.  Dieu,  en  voyant  cette  ruine,  y  dé- 
couvre encore  des  beautés  qui  n*ont  pas 
péri,  un  reste  de  grandeur  apercevable  et 
doux  à  l'œil  d'un  père,  quelques  vertus 
peut-être  d'un  ordre  inférieur,  et  par-dessus 
tout  l'espérance  de  la  ramener  à  force  d'a- 
mour. Tout  est-il  perdu  parce  qu'il  a  péché? 
Son  cœur  ne  «'ouvrirai tr il  pas,  s'il  était 
cherché  une  seconde  fois  ?  Et  puis  ce  cou- 
pable, si  digne  d'aversion  qu'il  soit,  il  n'est 
{)as  seul,  il  porte  en  lui  une  postérité  qui  va 
périr  sans  avoir  péché  comme  lui.  L'amour 
crie  au  cœur  de  Dieu  en  même  temps  que 
lajustice,  et  si  ce  n'est  plus  cet  amour  vierge 
et  premier  qui  se  donne  avant  l'outrage, 
c'en  est  un  autre,  exalté  par  l'ingratitude  et 
qui  veut  aller  au  delà  de  lui-même  pour 
s  ôter  tout,  remords  de  ne  pas  réussir.  La  loi 
de  réparation,  qui  doit  manifester  la  justice, 
manifestera  donc  aussi  l'amour  ;  elle  le  ma- 
nifestera en  une  manière  supérieure  à  la 
création,  sous  une  forme  nouvelle,  indicible, 
qui  ne  laissera  plus  rien  à  espérer,  parce 
que  l'amour,  on  s'y  surpassant,  y  consumera 
son  ardeur  et  son  pouvoir. 

Mais,  pour  que  l'homme  retourne  à  Dieu 
dans  cette  seconde  épreuve,  pour  qu'il  ré- 
mnde  à  son  amour  en  satisfaisant  sa  justice, 
i)  faut  qu'il  demeure  libre  et  queTœuvre  de 

(«39)  G'eii.  II,  17, 


sa  réparation  ne  s'accomplisse  pas  ans  $oa 
concours.  Rrivé  d'y  prendre  |>art,il  no  serait 
plus  que  la  victime  de  son  saluti  ou  du 
moins  son  salut  ne  lui  étant  pas  imputable 
serait  une  œuvre  d'amour  et  non  de  juslice  : 
elle  manquerait  à  l'une  des  conditions  de  la 
loi  dont  nous  explosons  les  motifs.  Ala  M^ 
renée  <ionc  de  la  création  où  Dieu  aTaila^i 
seul  parce  qu'il  était  seul,  cette  fois  il  aufi 
l'homme  pour  coopéraleur,  et  la  loi  de  ré- 
paration, loi  do  ju.stice  et  d'amoar,  la  se» 
aussi  de  liberté. 

L'œuvre  était  grande  et  compliquée  :  m^ 
dis  que  Dieu,  au  jour  de  la  naissance  uni- 
verselle, n'avait  eu  qu'à  mettre  sa  puissaata 
au  service  de  sa  bonté  et  à  dire  ce  motauâ 
simple  qu'infaillible  :  Fiat  I  mainteuanl,  il 
lui  fallait  mener  de  front  trois  choses  pleioo 
de  résistances  et  de  contradictions:  lajastioi . 
qui  renferme  l'aversion  du  coupable, l'aiDOV  - 


où  ces  trois  choses  se  ré<ïonciliasseQl,iia)» 
ne  sais  quoi  qui  les  réui>lt  dans  up  mite» 
capable  de  sauver  le  genre  humaiD.i!e>«i 
sais  quoi  était-il  possible?  Eiiste4-tttll 
eonnaissez-vous  ?  Connaissez-vous  aam 
une  idée,  une  réalité,  qui  soit  tout  e&M>  , 
ble  la  plus  haute  manifesUtion  de  la  josw 
qui  frappe,  de  l'amour  qui  pardoDoe^det 
liberté  qui  consent  à  la  justice  el  y  adfl» 
l'amour  î  Levez  les  yeux  au  ciel,  et  jianç 
tous  ces  astres  qui  l'éclairent,  cherchez  si. 
en  est  un  qui  vous  révèle  le  secrel  de  toI% 
salut,  qui  vous  nommera  la  chose  queDui 
pouvait  foire  et  qui  devait  tout  purifier, M 
régénérer,  tout  attirer  à  lui.  Hélas  Ij*b^| 
h  vous  la  dire,  tant  elle  est  profonde  ein|{ 
gaire,  tant  vous  l'avez  vue  sans  la  comp^^ 
dre  I  Cette  chose  souveraine,  incompar 
la  plus  belle  que  Dieu  ait  faite,  la  réd 
trice  du  monde,  qui  est  tout  ensemï 

f;laivede  lajustice,  le  sourire  de  l'aioQ 
e  choix  d'un  cœur  libre...  Baissez  la  tê 
salnez-ia  :  c'est  la  mort  I  Je  vous  ai  dit 
mort,  ce  quelque  chose  dont  Dieu  avait  i 
nacé  l'homme  avant  sa  prévarication  eo 
disant  :  Tu  ne  mangeras  poini  defarbr^ 
la  science  du  bien  et  du  mai^  car  au  jonr 
tu  en  auras  mangée  tu  mourras  de  mort  [& 
Prophétie  sublime,  qui,  en  contenaol 
pressentiment  de  la  chute,  annonçait 
la  voie  par  où  Dieu  ferait  passer  rho 
pour  le  ressusciter  de  sa  faute  et  le  laire 
grand  qu'il  ne  l'avait  créé. 
Etudions  donc  avec  sang-froid  cette 

âgure  de  la  mort  qui  vient  de  nous  a 
tre  pour  la  première  fois,  et  voyons  si 
renferme  tous  les  éléments  dont  la  refli 
tre  était  nécessaire  à  raccomplisscnjeit 
notre  salut  par  la  loi  de  réparation. 

Celte  loi  exigeait  d'abord  que  salisïa*^ 
fût  donnée  à  la  justice,  en  manifestant  I  aA 
sion  de  Dieu  {loor  le  coupable  ;  or,  ne& 
remplissait  mieux  que  lamortce.redooj* 
ministère.  La  mort  est  la  séparatioû  m 


IJS5 


OICTiONfiAlIlE  APOLOGCTigilE. 


E£P 


ÎÎSê 


^t  ooDire  nalore  de  TAme  et  du  corps,  une 
dfsioD  opérée  dans  D'itrc  personoaiilé  i^ar 
I  ruptare  des  deux  éléments  qui  la  compo- 
entt  et  hors  desaoels  nous  sommes  i  un 
iai  ineompiet,  ou  nous  nous  cherchons 
loos-mémes  sans  nous  trourer.  Ne  tous 
i^rez  pas  que  la  mort  délirre  Fâme  du 
Dug  des  sens  comme  si  elle  était  leur  pri- 
onoière  et  atuissée  par  eux  ;  les  sens  ont 
térahi  contre  elle  par  le  péché  ;  mais  cette 
isurpation  n'a  point  détruit  leur  caracCère 
irimitit^  qui  est  de  former  avec  Tintelli^ence 
loe  association  nécessaire  à  la  plénitude 
édproquede  leur  rie  et  de  leurs  fonctions, 
a  mon  brise  ces  rapports  sacrés  ;  elle  isole 
âme  en  dissolvant  le  corps,  elle  lait  de 
up  une  poussière  insensible  et  de  l'antre 
loe  lyre  qui  n'anime  plus  ses  cordes,  parce 
[u'aoe  main  bartiare  les  a  retrancuées. 
>it  donc  un  supplice  <)ue  la  mort,  et  le 
•las  grand  de  tous,  mais  un  supplice  cor- 
espoDdant  à  la  nature  du  péché.  Par  le  pé- 
bé,  nous  nous  séparons  de  Dieu  qui  est  le 
dflripe  de  la  vie  ;  nous  prétendons  nous 
nffire  à  nons->m6mes  et  trourer  dans  les 
pssources  de  notre  être  la  perfection  et  la 
^litode  auKouelles  nous  lûmes  destinés. 
i  Dieu,  touché  de  cette  ingratitude^  obéis- 
»i(Ua  démence  qu'elle  contient,  il  n'au- 
iiigu'à faire  comme  nous,  à  se  retirer; 
a»ii6t  notre  .souffle,  é|misé  par  l'absence 
u  sien,  se  tairait  dans  nos  entraides  dessé- 
bées,  et  notr«  vie  tout  entière  en  s'éva- 
louissant  paierait  à  sa.  justice  le  prix  de 
ffAn  apostasie.  Mais  Di^n  nous  a  &ils  im- 
uortels  et  ses  dons  ne  connaissent  pas  le 
Tpeotir  ;  il  nous  laissera  donc  vivre,  il  ne 
4rira  pas  dans  notre  sein,  tout  ingrat  qu'il 
^iil,  la  flamme  divine  de  l'immortalité  ;  il 
icoosera  seulement  les  ressorts  de  noCre 
^iistenee  pour  nous  punir  de  notre  éloigne- 
fient  et  nous  donner,  dans  nne  mort  impar- 
ité, le  goût  de  l'anéantissement  que  nous 
TOUS  mérité.  Sa  justice  se  signalera  dans 
es  angoisses  de  notre  trépassement.  et  des 
lubfes  du  tombeau  sortira  la  lumière  qui 
ciairera  toutes  les  postérités  du  genre  bu- 
laia  sur  le  crime  et  la  folie  qu*il  y  a  de  se 
^parer  de  Dieu.  Nulle  créature  humaine 
echap|iera  dans  sa  personne  aux  terribles 
fartés  de  cette  révélation  ;  la  plupart  ver- 
>Q(  la  mort  avant  de  la  recevoir»  ils  entcn- 
ronlsa  voix,  ils  en  compteront  les  pas,  ils 
lieront  du  péché  par  le  châtiment,  et  mal- 
ts de  Dieu  dans  l'instant  fugitif  de  leur 
Dissance,  ils  connaîtront  la  borne  où  se 
rtsera  le  char  de  lenr  orgueil  et  de  leur 
:u)érîté.  Stipefudium  enim  peccati  mon^  — 
8  mort  est  ta  iolde  du  péché  {ÎSM). 
Mais  si  la  mort  est  le  cbeHl'œuvre  de  la 
tsiice  de  Dieu,  elle  ne  l'est  pas  moins  de 
m  ataoor.  A  c6té  de  celte  parole  de  l'Ecri- 
tre  qui  dit  :  Ia  mort  est  la  solde  du  péché^ 
en  est  une  atître  qui  dit  :  Lamour  est  fort 
tmnie  la  mort  (12%1).  L'amour,  en  effet,  vit 
*  (JéTouement,  et  tout  horrible  que  soit  la 
•rt,  il  nous  inspire  le  courage  de  la  braver 

Ui&0)Aom.Ti,23. 


et  de  mourir  pour  ce  que  nous  aimons* 
L'amour  est  au-<lessus  de  la  mort  comme  h^ 
ciel  au-dessus  de  l'océan,  et  Dieu,  en  no:. 
l'imposant  comme  un  supplice,  nous  l'a  do 
née  aussi  comme  une  faculté  sublime,  pr.. 
où  nous  })Ouvons  recouvrer  l'innocence  ei 
la  surpasser.  Immortels,  nous  n'étions  capa* 
bles  du  bien  que  dans  la  mesure  de  la  vie  ; 
mortels,  nous  aimons,  nous  obéissons,  nous 
servons  jusqu'à  la  mort,  et  le  sacriQce  volon- 
taire de  tout  notre  être  nous  fait  une  gran* 
deur  qui  n'a  pas  son  modèle  en  Dieii,  ci 
qu'un  jour  peut*6tre  Dieu  nous  enviera  jus- 
qu'à souhaiter  de  se  Tapproprier.  Dieu  donc, 
au  lieu  de  désespérer  l'iiorame  dans  un 
châtiment  qui  n'eût  fait  que  l'avilir,  lui  créa 
ce  magnifique  supplice  oe  la  mort  qui  ou- 
vrait è  son  cœur  des  voies  plus  larges  et  pré- 
parait à  la  terre  des  vertus  impossibles  jus- 
que-là. Le  sang,  corrompu  par  le  pèche,  au 
heu  de  couler  daiis  des  voluptés  liooteuses, 
pouvait  désormais  sortir  à  flots  dans  la  gloire 
du  sacrifice,  et  la  vie,  source  de  toute  action, 
et,  sembiait-ily  de  tout  bien,  se  trouvait  vain- 
cue et  découronnée  par  la  mort  ou  plutôt  re- 
cevait d'elle  un  faite  illustre  dans  un  dcrnirr 
et  héroïque  dévouement.  Elle  devenait  la 
mesure  de  Thomme  en  devenant  la  mesure 
de  son  âme.  Malheur  au  siècle  qui  ne  com- 
prend plus  le  don  de  la  mort  !  Malheur  aux 
princes,  aux  hommes  d'Etat,  aux  écrivains, 
aux  prêtres, aux  nations^qui  ne  songent  plus 
qu'à  mourir  dans  leur  lit  ;  qui  se  préparent  do 
loin,  par  des  lâchetés  cachées,  ce  qu'ils  ap- 
pellent une  mort  tranquille  7  Infortunés, 
Sue  leur  reste- t-il  de  la  science  du  bien  et 
e  la  science  de  la  gloire  7  Que  leur  reste-t- 
il  de  ce  qui  est  dans  l'âme  du  dernier  soldat 
é|)an^né  par  le  sort,  et  qui,  mourant  loin 
des  fanfares  et  des  silences  des  batailles,  re* 
grette,  en  priant  Dieu,  de  n'être  pas  tombé 
au  champ  de  Ihonneur  7 

La  mort  est  le  puits  mystérieux  d'où  jail- 
lissent les  hautes  vertus,  et  c'était  sous  ce 
rapport  un  divin  présent  fait  par  lamour  à 
l'humanité  déchue  :  mtfis,  par  un  autre  côté 
non  moins  profond,  la  mort  venait  à  notre 
secours.  Le  péché  avait  pénétré  jusqu'aux 
entrailles  et  aux  os  de  l'homme,  jusqu'à  go 
point  inexprimable  où  l'âme  s'unit  au  corps 
et  en  reçoit,  comme  l'airain  eu  feu  jeté  dans 
un  moule  d'argile,  l'indestructible  emprein- 
te. Par  la  force  de  cette  union ,  Je  péclié 
s'était  incorporé  à  la  nature  humaine,  et  de- 
vait en  transmettre  l'opiniâtre  vestige  à 
toute  chair  issue  d'Adam.  Pour  le  vaincre 
jusqu'au  fond,  pour  en  exiirper  la  racine 
dans  le  granit  vivant  où  elle  s'était  incarnée, 
il  fallait  que  la  main  de  Dieu  s'avançât  jus- 
qu'aux ligaments  invisibles  de  l'âme  et  du 
corps,  et  brisât  le  moule  impur  où  le  péché 
même  absous  ferait  encore  sentir  des  restes 
de  son  efficacité.  Il  fallait  que,  sous  cette 
main  toute-puissante,  l'âme  rejetât  son  corps, 
et  ne  le  reprit  un  jour  qu'après  qu'il  aurait 
perdu  dans  les  angoisses  de  cette  séparation 
et  dans  les  ravages  d'une  dissolution  com- 

{\ti\)CauL  Ym,G. 


lin 


AEP 


DICTIONTSWIRE  APOLOGETIQUE 


RET 


m 


plètela  trace  et  raclivité  du  mal.  La  mort» 
en  ramonant  TAmc  à  Dieu  et  le  corps  à  la 
terre,  accomplissait  ainsi  en  notre  faveur 
un  acte  souverain  de  délivrance,  et  semait 
en  nous  le  germe  d'une  renaissance  totale  et 
sans  tache  par  la  résurrection.  Il  faut  naUrt 
une  seconde  fois  {i2k2)  ;  telle  est  la  parole 
que  le  Sauvcurdumoncle  disait  au  pharisien 
venu  dans  la  nuit  pour  l'interroger.  //  faut 
naître  une  seconde  fois  :  et  bien  que  la  <^râce, 
par  une  effusion  intérieure»  dût  suffire  h 
nous  remettre  le  péché,  il  convenait  à  Ta- 
roour  non  moins  qu'5  la  justice  de  nous  pré- 
parer pour  Tûitie  et  le  corps  le  triomphe 
final  de  cette  seconde  naissance  qui  sera  la 
résurrection. 

Telle  est  la  force  qui  est  dans  la  mort»  et 
comment  elle  satisfaisait  à  la  fois  la  justice 
Gt  l'amour»  la  justice  qui  l'imposait  comme 
châtiment»  l'amour  qui  la  donnait  comme 
moyen  de  dévouement»  de  délivrance  et 
d'héroïque  réintégration  dans  le  bien.  Bfais 
elle  ne  pouvait  prendre  ce  dernier  caractère 
que  par  un  acte  de  concours  de  la  liberté 
humaine.  En  dehors  de  cet  acte,  elle  n'était 
plus  qu'une  nécessité  fatale  et  de  justice 
imposée  par  la  volonté  de  Dieu.  C*etait  à 
l'homme  de  lui  prêter  son  aide  pour  la  trans- 
figurer et  pour  se  transfigurer  lui-même 
dans  sa  vertu.  C'était  à  lui  de  faire  de  la 
mort  l&chement  subie  un  simple  et  terrible 
supplice»  ou  bien»  en  l'acceptant  comme  une 
expiation  méritée,  d'en  faire  le  trône  de  Ta- 
mour»  de  la  gloire  et  de  la  résurrection. 
Ainsi»  l'élément  de  la  liberté  apportait  son 
tribut  à  la  loi  de  réparation  ;  mourir»  même 

anand  on  n'est  pas  le  maître  d'un  quart 
'heure'  de  plus»  mourir  était  l'acte  d'un 
lK)mme  lilire.  Sans  doute»  la  séparation  ma- 
térielle de  l'âme  et  du  corps  n'a  point  ce 
caractère»  et  je  ne  Je  dis  pas  ;  je  le  dis  de  la 
séparation  morale,  de  l'âme  criant  à  Dieu  : 
«  J'y  consens,  frappez  la  victime.  »  Les  an- 
ciens eux-mêmes  n'ont  pas  ignoré  que  la 
mort  était  susceptible  de  cette  grande  trans- 
figuration, et  c'est  pourquoi,  dans  la  loi  des 
douze  Tables,  la  formule  de  la  condamnation 
suprême  élait  celle-ci  :  Sacer  esto^  devotus 
esta.  —  Qu'il  soit  sacrée  qu'il  soit  dévoué  aux 
dieux!  Le  supplice»  même  dans  l'idée  de  l'an- 
tiquité» se  changeait  en  sacrifice.  L'homme 
condamné  pour  ses  crimes  entendait  dans  les 
expressions  de  la  foi  la  révélation  de  sa 
grandeur;  il  se  savait  libre  d'honorer  Dieu 
dans  la  justice  et  de  s'honorer  lui-même  en 
pieu  par  l'acceptation  volontaire  de  sa  mort  ; 
il  pouvait  ennn  entendre  au  fond  de  sa 
conscience  la  réponse  de  l'éternel  amour  au 
péché  pardonné  :  «  Fils  de  Dieu,  montez  au 
ciel.  I» 

11. 


ÀpplicaUon,  du  cAté  de  Dieu,  de  la  loi  de  répamtioD,  au 
aalot  du  genre  humain.  —  La  loi  générale  de  la  oom- 
muDicabilité  de  la  vie  dans  riiuniaDité,  nous  aide  il 
comprendre  Tincorporaiion  de  Dieu  à  la  uature  hu* 
maine.  —  Rapport  de  IMncaroation  avec  la  réhabillla- 
tkMi  humaine.  —  PrédesUnalioo. 

Voilà  la  loi  de  réparation  dans  son  es- 

(IS42)  Jean,  m,  3. 


sence  abstraite  et  générale,  comme  loi  de 
iustice,  d'amour  et  de  liberté.  Il  Qoosresle 
a  la  considérer  dans  son  applicatiootc*esu 
è-dire  dans  la  manière  dont  il  plut  à  Biea 
de  l'accomplir  pour  le  salut  du  gtuire  hu* 
main. 

L'Iiomme»  mis  en  présence  de  la  laorl 
comme  châtiment  At  comme  moyen  de  réin- 
tégration dans  le  bien»  pouvait-U  raceepler, 
et»  en  supposant  qu'il  l'eût  acceptée,  mt 
immolation  volontaire  eôt-elle  suffi  \m 
donner  à  la  justice  et  à  l'amour  de  Dif« 
une  pleine  satisfaction?  Non,  saos  doute 
Mourir  en  victime  dévouée»  c'est  lesupiéo» 
effort  du  bien,  de  la  vertu,  de  ramoor;». 
l'homme  était  dépossédédn  bien, de  larerth 
de  l'amour.  Il  n'aimait  plus  Dieu; le  [Mt 
l'avait  dépossédé  de  la  source  vi?ede$j€i> 
timents  surnaturels»  et  même  h  un  poinldii 
vue  inférieur,  l'image  de  Dieu  s*é(ai(  ol»»| 
çurcie  dans  son  cœur  et  dans  son  enteiki|p| 
ment.  La  chair  s'était  emparée  de  tuiîl* 
vivait  dans  l'abaissement  oà  sont  iiloagk! 
sous  nos  yeux  tant  d'infortunés  qui  ori 
hérité  do  lui  sa  déchéance  et  reniéieUtti', 
fait  de  leur  régénération.  Demandei^A 
mourir  pour  Dieu,  pour  effacer  leanyMli^ 
ils  ne  vous  comprendront  même  {as. Iw 

S^ucil  cache  à  leurs  regards  les  plus  t 
eur  Ame»  et  s'ils  ont  conscience  de  ^ 
misère»  ils  la  portent  comme  un  ft 
naturel  à  l'humanité»  dont  la  mort  est 
terme   fatal    et  non    la  libre  répara) 
L'homme  ne  pouvait  donc  pas  par  lui 
se  réintégrer  dans  le  bien,  h  la  coi 
de  s'humilier  et  de  se  relever  jusquà 
rir;  car»  pour  qa*il  mourût  volontair 
en  expiation  de  sa  fAiite»  il  eût  fallu 
recouvrât  dans  son  cœur  l'amour  de 
et  pour  qu'il  recouvrit  cetamoar,il 
précisément  nécessaire  qu'il  mour&l.Ci 
selon  la  langue  de  recelé,  un  cercle  x'r 
Mais  n'en  tenons  pas  com|»te  :  supi 
l'homme»  sentantson  prime,  résoluàTi 
et  s'offrant  à  Dieu  comme  un  holocaui 
immolé  par  l'ardeur  du  repentir  et  del 
mour.  Le  voità  mort.  Dieu,  du  hauhiu 
assiste  à  ce  spectacle;  ii  reçoit  le  sai^ 
coupable»  il  le  pèse  dans  sa  justice  et  sa  < 
rite  :  est-ce  assez  pour  l'une»  assez  pour  ' 
tre?  Le  croyez-vous?  Dieu  étant  inlini 
son  essence»a  des  bcsofns  intiQi$,c  est-^ 
que  rien  de  borné»  en  quelque  roaliêi 
ce  soit»  ne  saurait  suffire  h  la  pléoitudei 
pensée,  de  son  cœur  et  de  son  vouloir. 
doute»  parce  qu'il  trouve  en  lui-rof" 
béatituue,  rien  du  dehors  ne  lui  esl 
saire»  et  il  est  libre  d'accepter  du  dcl 
qu*il  veut»  plus»  moins,  ncn  ou  beai 
Il  pouvuit  donc»   dans  la  sup()osi(ioi| 
l'homme  fût  mort  poum^nlrorcnçrî^ 
lui»  ne  rien  exiger  davanta<;e  et  voin 
sacrifice  le  terme  citrèute  du  regret 
dévouement  d'un  être  crôé.  Mais  si  a( 
nécessité  proprement  dite  ne  Tobii^ 
demander  une  plus  haute  fé|iaration,  m| 
libre  aussi  d'«^a  vouloir  une  piuspûrî*" 


ir«9 


lŒP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


REP 


1190 


dd  ne  s^airèter  que  le  où  se  rencontrerait 
une  manifeslalioQ  inGnie  de  la  justice  et  de 
Vaffloar,  capable  de  rassasier  ses  attributs  et 
de  lui  faire  dire  :  Consummalum  e$i,  —  H 
i'jf  a  rien  au  delà  (1213).  Or,  telle  fut  sa  ré- 
vïlatjon.  An  lieu  de  s'arrêter  devant  la  dé- 
chéance de  riiomme  et  de  s'arouer  en  quel- 
jue  sorte  raincu  dans  sa  bonté,  il  lui  plut 
le  tirer  de  celte  bonté  outragée  une  œuTre 
Iiii  surpassât  tonte  pensée  du  ciel  tt  de  la 
rrre,  et  qui  fût  à  jamais  sa  justification 
ravoir  crée  riiomme,  ^  nreuTe  de  l'avoir 
lifué,  sa  consolation  de  n  avoir  pas  obtenu 
;e  tous  famour  qu'il  portait  k  tous,  et  enfin 
me  inépuisable  source  de  prodigieuses  ver- 
cs.  Cette  loi  de  réparation  dont  il  était  I  au- 
eur  uélapbjsique  par  la  combinaison  inté* 
leure  de  ses  attributs,  il  résolut  d'en  être 
'eiét'otcur  réel,  la  victime  et  le  héros,  mais 
[c  manière  è  ce  que  le  mérite  en  rejaillit  sur 
"faamanité  et  que  l'homme  fût  sauvé  |iar  un 
•!rte  infiniment  supérieur  &  lui,  sans  lui-être 
opendant  étranger.  Or,  deux  choses  étaient 
^cessaires  à  ce  dessein  :  que  Dieu  se  créât 
a.  possibilité  de  mourir,  et  qu'il  établit  en- 
^tflui  et  le  genre  humain  une  solidarité. 
xux  choses   précisément   les  plus   éloi- 
sv^  de  la  nature  divine,  qui  d'une  i^arl  est 
.  ..nortelle,  et  de  l'autre  eiclut  l'idée  de 
j(e  communauté  substantielle  et  ujorale 
•ee  quelque  créature  que  ce  soit,  et  |:ar 
'  nséquent  de    solidarité.    Mais    Tauiour, 
oauii  il  ne  connaît  pas  de  limites,  ne  con- 
«It  rien  d  absurde  et  d'irréalisable.  Une 
ens  e  venue  du  cœur  répondait  en  Dieu  i 
>utes  les  difficultés  que  se  forme  notre  irn* 
oissancc  ;  il  n'avait  pas  bit  l'homme  sans  le 
ciiuialtre,  sans  se  connaître  lui-même,  sans 
noir  s'il  était  impossible  à  Tincrééde  s'unir 
t  créera  rétemel  de  revêtir  le  mortel,  à  Dieu 
e  derenîr  homme,  à  la  justice  et  à  l'amour 
avoir,  dans  une  mort  divine,  la  satisfaction 
itinie  de  leurs  contraires  droits. 
I>a  reste,  quoi  qu'on  en  pense,  oui  ou  non, 
»ici  le  lait,  un  fait  qui  a  tout  dominé  ou 
ut  vaincu.  Un  jour,  pendant  que  les  peu- 
E-jolTraient  des  sacrificesaui  dieux,,  pendant 
le  l'encens  et    la  parole  redisaient  aux 
hi>s  de  rbumanilé  ce  nom  û'immorieis  qui 
<ir  avait  été  donné  comme  le  plus  auguste 
!e  plus  vrai  de  leurs  nom»,  au  milieu  de 
Kt'unaninieacclamation  des  hommes,  tout 
coup,  sous  le  chaume  du  pauvre  et  sous 
( frvntons  du  Palatin,  une  voix  descendit, 
IX  inouïe  qui  apportait  au  monde  cette 
•nnante  nouvelle  :  Dieu  est  mort!  Dieu 
imort,  il  est  mort  hier,  à  tel  lieu,  de  telles 
lias;  on  l'a  ru,  on  Va  entendu,  il  a  parlé, 
est  morll  Ne  jurez  plus  par  les  dieux  im- 
)rtels,  ne  dites  plus  que  Dieu  est  le  Dieu 
rsnt  :  c'était  la  plus  haute  expre^sion  de 
foi,  ce  ne  Test  plus  aujourd'hui  :  car  Dieu 
;  mort!  11  est  mort!  11  a  des  amis  qui  lui 
rtivent,  et  qui  jurent  par  cette  mort  de 
ir  Dieu.  Tout  est  changé  :  rien  n'a  plus  sa 
U)e  oi  sa  valeur,  rien  ne  dit  plus  ce  qu'il 
^it,  rien  n'est  plus  vrai  de  ce  qui  était 

f:î45)i«M.xii,30. 


vrai  :  Dieu  est  mort  1  voilà  Ja  vérilé.  Que 
toute  sagesse  se  taise,  que  tout  front  s*incli« 
ne,  que  tout  temple  s'&^roule,  que  toute  la 
politique  se  transforme,  que  toute  la  terre 
tressaille  et  joigne  les  mains  :  Dieu  est 
mort! 

Et  comme  la  cause  était  inouïe,  l'eBét  pa- 
reillement fut  inouï'.  Ou  avait  vu  des  révo- 
lutions d'empires,  des  trônes  changer  de 
maîtres,  et  c'était  1^,  dans  ces  jeux  lie  for* 
tunes  passagères,  qu'avait  éclaté  le  génie 
des  plus  grandsd'entre  les  hommes.  Mais  il  se 
fit  par  cette  parole  :  Dieu  est  mort,  une  révolu- 
tion que  l'homme  n'avait,  pas  encore  faite  et 
qu'il  n'a  point  imitée  depuis,  une  révolution 
dans  le  cœur  humain.  L'nomme  n'aimait  pas 
Dieu,  il  aima  Dieu;  l'homme  n'aimait  pas 
l'homme,  il  aima  l'homme;  l'amour  fut  fondé 
sur  la  terre,  et  lui,  qui  n'y  était  qu'une  pas* 
sion,  devint  une  vertu.  Au  culte  de  la  beauté 
sensible  succéda  le  cullede  réternellebeauté 
qui  est  en  Dieu,  et  oui  de  Dieu  descend  in- 
visiblement  sur  les  Ames.  11  y  eut  des  âmes, 
un  royaume  des  âmes,  un  service  des  âmes, 
une  vie  et  une  mort  en  faveur  des  âmes.  La 
mort  changea  de  physionomie  par  l'amour, 
et  ces  deux  choses  étroitement  embrassées 
firent  du  cœur  de  l'homme,  où  leur  union 
s'opérait,  un  miracle  qui  subsiste  et  qui  est 
devant  vous. 

Mais  cette  mort  ne  pouvait  nous  être  pro- 
fitable, selon  les  règles  de  la  solidarité,  que 
Bir  l'incorporation  réciproque  de  Dieu  i 
lomme  et  de  l'homme  è  Dieu.  Gomment 
ce  double  mystère  s'est-il  accompli?  Com- 
ment Dieu  est-il  devenu  membre  de  l'hu- 
manité, et  comment  l'homme,  à  son  tour, 
s'unit-il  à  Dieu  devenu  son  sauveur  en  de- 
venant son  semblalile  ;  c'est  là  ce  qu'il  nous 
iaut  apprend  r€u 

L'hnmanité,  composée  d'hommes  mortels, 
ne  se  soutient  qu'en  comblant  les  vides  que 
la  mort  lui  fait  ;  c'est-à-dire  en  s'incorparant 
des  membres  nouveaux  qui  prennent  la 
place  de -ceux  qui  ont  disparu;  a'oiiiisuît 
que  celte  incorfioration  est  un  phénomène 
vulgaire,  dont  nous  pouvons  étudier  la  loi 
générale  avant  d'en  considérer  l'application 
dans  la  personne  de  l'Homuie-Dieu.  Com- 
ment donc  l'humanité  r«'*pare-t-elle  ses  per- 
tes en  assurant  sa  perpétuité?  Est-ce  par 
voie  de  création  ?  Non  ;  car  si  chaque  homme 
faisait  son  avènement  parmi  nous  en  la 
même  manière  que  l'homme  primitif^  nous 
serions  de^  êtres  semblables  i:our  la  struc 
ture,  mais  séparés  d'origine,  de  substance^ 
de  vie,  sans  parenté  comme  sans  unité. 
L'homme  existerait  à  cTité  de  l'homme;  le 
genre  humain  n'existerait  pas.  Or,  il  existe  - 
par  quel  moyen?  Quel  est  le  secret  de  cette 
tradition  ininterrompue  ijui  le  multiplie 
sans  le  disjoindre,  et  maintient  entre  ses 
membres  successifs  le  caractère  d'une  étroite 
communion?  C'est  que  Dieu,  qui  a.fait  les 
êtres,  leur  a  donné  en  même  temps  à  tous, 
et  panicttlièremenl  à  l'homme,  le  dépôt  in- 


U9I 


REP 


DICTIOimAlHE  APOLOGETIQUE. 


il» 


oomprébensifak  d'une  rie  commanicable. 
Il  ne  lear  a  pas  dît^  «  Vis,  et  quand  tu  seras 
morU  je  donnerai  à  nn  autre  ta  place  et  ton 
san;.  »  Il  leur  a  dit  :  «  Vis,  et  pro|)age-toi  ; 
vis  et  tire  de  toi-même  un  autre  toi-même, 
pour  te  continuer  à  jamais.»  Et  au  lieu 
qu'en  tous  ses  ouTra^es  Dieu  s'est  plu  à  ré- 
pandre l'immensilé,  il  s'est  fait  ici  comme 
un  jeu  de  sa  puissance,  en  condensant  la  rie 
dans  un  point  imperceptible,  obscur,  que 
j^appellerai  le  germe  de  rie,  et  qui  con- 
tient en  soi,  maigre  sa  formidable  diminu- 
tion, Têtre  vivant  dans  toute  l'ampleur  de 
ses  organes,  et  tout  le  mystère  de  sa  fé- 
condité. Mais  qui  excitera  cette  fécondité? 
Qui  troublera  dans  son  sommeil  ce  germe 
inactif  et  enseveli  T  Sera-ce  un  simple  acte 
de  pouvoir  paternel?  Sufiira-t-il  à  1  homme 
d'appeler  l'bomme,  et  de  lui  dire  :  viens, 
viens  1  Non,  la  volonté  toute  seule  de  la 
créature  ne  suffit  pas  à  cette  œuvre,  il  lui 
faut  le  concours  d'un  autre  pouvoir,  lequel 
lui  manquant,  tous  ses  efforts  seraient  vains, 
et  l'œuvre  de  la  transmission  de  la  vie  ne 
s'accomplirait  pas. 

Ecoulons  un  prophète  :  Dieuj  dit  Ezécbiel, 
mit  sa  main  êur  moi,  et  me  Jeta  au  milieu 
d'un  champ  rempli  d*o$  desséchés,  et  après 
quHl  m'eut  conduit  tout  autour  de  ce  champ 
oà  ces  os  arides  étaient  en  grande  multitude. 
Urne  dit  :  Fils  de  Vhomme^  ces  os  revivront- 
ils^  le  penses-tu  f  Et  je  lui  dis:  Seigneur  Dieu, 
tous  le  savez.  Et  il  me  dit  :  Prophétise  à  ces 
0S9  et  diS'leur:  Os  arides,  écoutez  la  parole 

de  Dieu Et  voilà  un  ébranlement^  les  os 

s'upprochent  des  os,  chacun  se  rencontre  en 
sa  Jointure,  etie  vis  les  nerfs  et  les  chairs  qui 
montaient,  et  ta  peau  qui  s'étendait  sur  eux, 
et  cwendant  ils  n'avaient  pas  V esprit.  Et  Dieu 
me  dit  :  Prophétise  à  Vesprit  ;  prophétise,  fils 
de  Vhomme,  et  dis  à  t  esprit  :  Voici  ce  que 
dit  le  Seigneur  Dieu  :  Esprit,  viens  des  quatre 
vents;  souffle  sur  ces  morts,  et  quils  revi- 
vent (lâU). 

Tel  est  le  pouvoir  étranger  dont  l'homme 
a  besoin  pour  susciter  en  ses  propres  os  le 
germe  de  la  vie;  il  a  besoin  de  I  esprit,  et 
si  Icsprit  lui  refuse  son  concours,  s'il  ne 
souffle  pas  des  quatre  vents  du  ciel  pour 
éveiller  dans  son  tombeau  la  chair  atten- 
tive, c*est  en  vain  que  l'homme  s'émouvera 
du  désir  d'une  postérité.  Les  os  pourront 
s*agréger  aux  os,  les  nerfs  s'entrelacer,  les 
muscles  se  remplir,  la  peau  s'étendre  comme 
un  vêtement,  la  ri2:ure  même  apparaître  ;  tout 
ce  chef-d'œuvre  ne  sera  qu  un  mort  aspi- 
rant à  la  vie,  jusqu'à  ce  que  Tesprit,  qui 
seul  est  vivant,  saisisse  le  corps  et  en  fasse 
1  homme.  Alors  les  entrailles  de  la  mère  se 
réjouiront,  attendant  avec  angoisse  l'heure 
tnste  et  heureuse  où  un  homme  sera  venu 
au  monde. 

Or,  si  tel  est  le  mystère  de  notre  incor- 
poration à  l'humanité,  si  un  esprit,  qui  est 
lui-même  une  créature,  peut  saisir  en  nous 

(Iil4)  Ezech,  ixtvii,  1  et  seq. 

<4i45}Ch.i.v.  ieli4. 

(1^6)  c   Sicm  anitti;!  raiiofiaUs  et  care  unus 


le  germe  préexistant  de  la  vie,  le  l'assmetlir, 
en  prendre  la  direction,  et  constituer  «rec 
lui  une  personne  humaine,  noos  étonnerons* 
nousoue  l'esprit  vivificateurpar  excellenre, 
que  1  esprit  de  Dieu  ait  pu  s'emparer  de 
notre  chair  sans'  la  priver  de  son  imê,  el  en 
fliire  ainsi  un  être  humain  et  divin;  humiin 
par  notre  nature»  divin  par  lasieaDe;bûD]a:e 
véritable,  puisqu'il  est  tout  ce  que  noai 
sommes  ;  Dieu  véritable,  puisoa'il  resleaTec 
nous  ce  qu'il  était  sans  nous;  Homme-IKeo, 
entin,  pour  réunir  sous  un  seul  len&e, 
comme  il  Test  en  une  seule  personne,  (;ii 
est  la  personne  divine,  lè  résultat  décela 
assomption  de  l'humanité  par  la  dlTioir! 
En  quoi  cela  vous  pai-attrait-il  plus  élny. 
que  notre  propre  avènement  à  la  rie  cou.* 
plexe  dont  nous  sommes  le  faisctaa?  Pour- 
quoi nous  révolterions-nous  en  DieoroiHr^ 
un  prodige  qui  nous  parait  si  simplet: 
nous  ?  Nous  sommes  corps  et  espnl:  Noir; 
corps  est  celui  de  nos  pères,  que  notn 
esprit  a  dérobé  dans  leur  sein  ;  («r  Un 
corps  nous  appartenons  au  monde  es  Is 
matière; par  notre  esprit»  au  monde (fer/o- 
telligence  pure;  par  tous  les  desi  0005 
sommes  un»  et  cette  unité  no«s)iltti 
jamais  dans  l'unité  plus  vaste  du  gontiv 
main,  où  la  nôtre  s  est  formée,  opire,  m 
subsiste,  et  nous  convainc  d'être  un  oÉiQt 
aussi  erand  que  celui  de  l'Homme-Ke» 
C'est  donc  sans  surprise  que  nous  deT%' 
entendre  ces  paroles  de  Tapôtre  saint )»i. 
par  où  il  nous  révèle,  à  l'ouTcrtare  de  iirt 
évangile,  lu  moyen  dont  Dieu  s'est  ser.^ 
pour  s'incorporer  à  la  nature  homaiDe.'j 
établir  entre  lui  et  nous  la  solidarité  oâ^ 
saire  à  l'œuvre  de  notre  réparation  :  ^ 
commencement  était  le  Yerbe,  etls  Ttrki^^ 

en  Dieu,  et  le  Verbe  était  Dieu et  le  Vefi^ 

a  été  fait  chair  (1245). 

Ainsi,  la  deuxième  personne  de  la  sai 
Triuités*est  unie  à  notre  nature  d^uneuf' 
réelle  et  semblable  &  celle  qui, dans  Thoi 
existe  entre  l'âme  et  le  corps.  Sans  coi 
dre  les  deux  natures,  divine  et  liuotfj 
cette  union  en  fait  une  seule  persooneJ 
seul  individu,  à   la  fois  Dieu  et  M 
Jésus-Christ  notre  Sauveur  (12i6j.  U  Vij 
est  né  d'une  vierge  du  sang  de  laque) 
Saint-£sprit  lui  a  formé  un  corps.  Par  \i} 
même  de  l'union  substantielle  de  Diej 
de  Thomme,  la  nature  humaine  est 
tionnée  par  celle  de  Dieu,  dans  la  pei 
du  Verbe  en  Jésus-ChriSt,  et  sa  i»erJonii 
est  dès  lors  absorbée  par  la  personnalrij 
vine.  Il  résulte  de  l'unité  de  ()ersonaà^ 
la  dualité  de  nature,  que  roopeolali 
à  la  personne  les  propriétés  de  cbao 
natures  qu'elle  réunit,  parce  aue, 
le  dit  un  axiome  théologique,  les  i 
nations  de  nature  et  de  propriété  de 
tombent  sur  la  personne.  Mais  la  duiii^ 
nature  dans  l'unité  de  personne^  bit  il^ 
ne  i)eut  attribuer  les  propriétés  d  ont 


dr« 


est  bouMi,  iu  Deus  et  Iiobio  0: 
(Sytubolum  tancti  Atbasusii.) 


cUCki 


s» 


REP 


IHCTlONTiAtRE  AFOLOGETiQUE. 


REP 


1194 


ureà  raatre,  lorsqu'on  considère  les  natu- 
PS  en  eiles-mêroes  et  abstraction  faite  de 
unité  de  personne  ;  ainsi,  on  ne  peut  dire, 
vec  les  protestants,  que  Jésus-Christ,  en 
mt  qu'homme^  est  |iresent  partout;  mais 
on  peut  dire  que  Dieu  est  mort  ;  ce  qu  on 
e  pourrait  affirmer  de  la  dirinité  ;  ainsi  la 
ienbeureuse  Marie,  TÎerge  dans  la  concep- 
«'H  et  après  l'enfantement  du  Sauveur,  est 
raiment  mère  de  Dieu,  mais  non  de  la 
ivinité.  Le  titre  de  mère  de  Dieu  est  le 
ndeinent  des  grandes  prérogatives  qui  lui 
n  t  éié  accordées,  el  du  culte  particulier  que 
Kulise  lui  rend. 

lie  christianisme  tout  entier,  pour  le  fond, 
uiéme  pour  la  forme,  est  un  rayonnement 
I  mystère  de  Tincarnation. 
I^*liofflme  est  déchu  de  ses  destinées  sur- 
aurelies;  il  a  perdu  la  sainteté  et  la  rec- 
ude  primitives  qui  le  mettaient  en  rap- 
^  rt  arec  ces  destinées  ;  il  est  lésé  dans  tout 
n  être.  Satan  nous  a  occasionné  ces  mal- 
tirs par  la  promesse  d'une  grandeur  ima- 
r^aire.  Eh  bien  I  voici  la  merveille  de  la 

I  séricorde  inGnie.  Le  Très-Haut  rétablit 
Ire  nature  dans  les  prérogatives  dont  elle 

t.  déchue  ;  il  l'élève,  on  peut  le  dire,  inG- 
aaeol  plus  haut  que  l'ange  tentateur  ne 
tiiilait  le  promettre.  L'homme  n'est  pas 
.  Jement  comme  Dieu;  il  est  Dieu.  Le 
nn«,  qui  a  créé  l'homme,  a  voulu  être 
j-'ume  lui-même.  Un  de  nous  est  Dieu;  en 
il  tous  les  hommes,  ses  frères,  sont  appelés 
devenir  Gis  de  Dieu  par  adoption,  comme 
fest  lui-même  par  nature  (12i7),  et  cohé- 
lierde  Sa  gloire  éternelle,  parce  auedecet 
omme-Dieu,  comme  de  la  tête  d  un  corps 
vaut,  la  vie  divine  doit  s'épancher  sur 
^us  les  hommes  devenus  ses  membres,  et 
a  iaire  un  même  corps  mystique  (12^8).  Il 
a  pios,  toutes  les  créatures  seront  puri- 
fes  en  Jésus-Christ,  de  la  souillure  quelles 
\i  contractée  en  Adam,  l^hs  ce  monde,  elles 
viendront  les  canaux  mystérieux  par  les- 
icls  Idi  grâce  du  Rédempteur  nous  sera 
mmuniquée,  et  lorsque  le  temps  de  l'é- 
euve  sera  Gni,  elles  auront  leur  part  à  la 
are  (12^9). 

\bstraciion  faite  de  la  chute  et  de  la  rélia- 
;t2tion,  l'incarnation  aurait-elle  eu  lieu? 
xole  de  saint  Thomas  le  nie,  celle  de  Scot 
Llirme  :  chacune  apporte  des  raisons, 
KL'une  invoque  des  autorités;  qu'il  nous 
[lise  d*imiter  le  silence  de  TElglise  sur 
te  question,  et  de  chanter  avec  elle  :  Félix 
'fia  quœ  talem  ac  iantum  meruit  habere  re- 
nptorem. 

Pénétrons  le  chef-d'œuvre  de  la  miséri- 
*ilc  inûnie;  pour  cela,  exposons  nette- 
ni  l'enseignement  de  l'Eglise  sur  la  pré- 
>îinalion,  Oans  laquelle  se  trouve  le  com- 
ncement  de  ce  chef-d'œuvre,  et  qui  en 

II  orme  tout  le  secret.Dieu  veut,  dans  le 
Jl*s^  donner  i  un  certain  nombre  de  ses 
^  turcs  la  gloire  éteruelle,  et,  conséquem- 

t^ii)  S.  Taoïi.,  opue.t  1. 11,  c.  5,  p.  35. 
I  ^i«)  S.  Ta.,  ofM^.,  9,  cap.  xxx. 
I  ^9)  c  Cts  senii  une  puériliié  de  se  Cgarer  la 
rc  de  Dien  niiSâ  eu  péril  parce  qu*il  auraût  tout 

DlCTI0?C5AIEE   ▲POLOOÉTIQCV.   U. 


ment,  les  gr&oes  nécessaires  poar  la  mériter. 
Dieu  veut  donner  à  tous  les  hommes  des 
moyens  sudisants  ponr  parvenir  à  ta  céleste 
félicité;  mais  il  fait  de  la  félicité  même,  le 
partage  exclusif  d'un  certain  nombre  d'entre 
eux.  Cette  volonté  de  donner  la  gloire  à  un 
nombre  Gxe  de  ses  créatures,  doit-on  la 
considérer  en  Dieu,  comme  antérieure  à  la 
prévision  des  mérites,  et,  dès  lors,  com- 
|)rend-elle  le  dessein  absolu  de  conduire 
efficacement  les  prédestinés  au  ciel,  sans 
toutefois  porter  atteinte  à  lour  liberté?  ou 
bien,  cette  volonté  de  donner  la  gloire,  est- 
elle  déterminée  par  la  prévision  de  la  fidélilé 
à  la  grâce,  et,  par  conséquent,  faut-il  la 
regarder  non  comme  la  cause,  mais  comme 
l'effet  de  la  fidélité  à  la  grâce?  Systèmes. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  certain  que  la  ré- 
probation n'est  l'objet  d'une  volonté  posi* 
tive,  qu'autant  qu'elle  punit  l'abus  des 
grâces  avec  lesquelles  les  réprouvés  pou- 
vaient mériter  la  récompense  des  élus. 

Résumons  tout  en  peu  de  mots  : 

Le  principe  de  la  prédestination  de  l'hu- 
manité à  la  grâce  et  à  la  gloire  est  la  pré- 
destination même  d'un  individu  de  notre 
nature  è  l'union  hypostatique  avec  le  Verbe. 

Le  moyen  d'atteindre  Je   terme  auquel 
'  nous  sommes  prédestinéSf  est  la  médiation 
de  cet  Homme-Dieu. 

Enfin  le  terme,  l'objet  de  notre  prédesti'* 
nation,  est  la  participation  à  la  vie  divine 
répandue  pleinement  dans  THomme-Dieu» 
notre  frère,  devenu  lé  chef  du  corps  mysti- 
que dont  nous  sommes  les  membres.  De  la 
plénitude  de  ce  chef  dérive  tout  ce  qu'il  y  a 
de  vie  surnaturelle  en  nous  :  vie  divine  c^ui, 
sur  fa  terre  où  elle  n'est  jamais  parfaite, 
s'aDpelle^âce  sanctifiante,  et  qui,  consom- 
mée au  ciel,  s'identifie  avec  la  gloire,  la 
floire  de  l'essence  divine,  pénétrant  d'abord 
humanité  sainte  unie  au  Verbe,  et,  par  elfe» 
se  communiquant,  à  mille  degrés  divers, 
à  la  société  des  élus  qui  forme  comme 
l'extension  et  l'auréole  du  Sauveur  lui- 
même. 

La  réhabilitation  en  Jésus-Christ  impli- 
que deux  conditions  fondamentales  :  il  faut 
d'abord  Que  Dieu  reçoive  une  satisfaction 
convenable  pour  tous  les  péchés  du  monde; 
il  faut,  en  second  lieu^  que  I  homme  |ios- 
sède  des  moyens  positifs  de  réaliser  l'u- 
nion surnaturelle  oe  ses  facultés  à  Dieu, 
malgré  l'affaiblissement  et  l'altération  que 
ces  facultés  ont  subis. 

^  Quant  à  la  satisEiction,  il  est  à  remarquer, 
d'après  l'étude  qu'on  a  faite  des  cultes  con- 
nus, que  le  genre  humain  a  cru,  plus  ou 
moins  explicitement,  à  la  réversibilité  des 
uiérites,  en  d'autres  termes,  que  Dieu  ac- 
cepte fes  satisfaetions  de  l'innocent  pour  le 
coupable.  Toutes  les  nations  ont  également 
professé  qu'il  n'y  a  pas  de  rémission,  sans 
effusion  de  saiig.  La  foi  universelle  à  l'effi- 
cacité des  immolations  sanglantes  pour  ho- 

fait  pour  sa  créaiare.  Rien  n'est  trop  petit  poar  loi« 
parce  que  pour  lui  rien  n*esi  graod.  >  (Svoi 
£Uv.  sur  la  taifiU  EcriL) 


119: 


R£P 


DiCTIONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


REP 


im 


norcr  Dieu  et  se  le  rendre  favorable»  est 
un  fait  hislorique;  mais  Je  fait  d'une  telle 
croyance  ne  peut  avoir  son  principe  dans 
les  seules  données  de  l'esprit  humain;  il  a 
donc  son  origine  ailleurs,  il  appartient  à  la 
révélation  primitive  propagée  par  les  tradi- 
tions. Du  reste,  Dieu  Vu  voulu  :  lesan^  de 
Tagneau  divin,  figuré  par  les  victimes  de  la 
loi,  a  seul  eiïacé  les  péchés  du  monde  et 
mérité  aux  hommes  les  moyens  d'atteindre 
leur  sublime  destinée.  La  satisfaction,  pour 
Piire  parfaite,  demandait  un  mérite  infini  ; 
il  se  trouve  dans  le  plus  petit  acte  de  Jésus- 
Christ,  le  Verbe  incarné  ;  mais  Jésus-Christ 
a  coordonné  tous  ses  actes  au  dernier,  au 
libre  et  sanglant  sacrifice  qu'il  a  offert  à 
Dieu  sur  la  croix  et  dont  il  était  lui-même 
le  pontife  et  la  victime  (1250). 

Il  est  dohc  vrai  :  l'hommage  que  Jésus* 
Christ  rend  à  la  majesté  divine  et  à  son 
souverain ,  domino  la  satisfaction  qu'il 
donne  à  la  justice  infinie  pour  tous  les  pé- 
chés du  monde,  la  réhabilitation  de  l'hu- 
manité déchue  ;  en  un  mot,  la  médiation 
de  l'Homme-Dieu  toute  entière  se  résume 
dans  un  seul  ^cte,  dans  la  libre  immola- 
tion du  Calvaire.  Eh  bien  I  le  divin  média- 
teur continuera  jusqu'à  la  fin  des  temps  ce 
grand  acte  ^  sur  tous  les  points  de  la  terre 
et  à  tous  les  âges,  il  renouvellera  son  sa- 
crifice,  sacrifice  sanglant  sur  la  croix,  dé- 
sormais «  sacrifice  mystique  et  commémo- 
c  rati^  quoique  non  moins  réel,  sacrifice 
«  innocent  de  l'homme  universel  offert  pour 
«  l'universalité  des  hommes;  sacrifice  de 
^  l'homme  et  de  la  propriété,  représentée 
«  par  la  propriété  la  plus  générale,  seule 
«  nécessaire  à  la  subsistance  de  l'humme, 
«  le  pain  et  lu  vin;  sacrifice  enfin,  dont 
«  l'esprit  de  l'homme  ne  peut  pénétrer  la 
«  manière,  mais  dont  la  raison  peut  con- 
a  cevoir  les  motifs  naturels  ou  la  parfaite 
«  convenance  à  lasociété(1251).  »  [}uy.  Eu- 

CUARISTIE.) 

§  Ul. 

RéfulaUoo  de  quelques  obJccUons. 

Ne  répugne-t-il  pas,  objectent  les  incré* 
dules,  qu'un  Dieu  immortel,  impassible, 
immense,  ait  été  renfermé  dans  un  corps 
mortel,  qu'il  ait  pu  nattre«  souffrir  et  mou* 
rir  ?  Un  Dieu  qui  condamne  à  mort,  au  lieu 
des  hommes,  seuls  coupables,  Jésus-Christ, 
rinnocence  même,  quelle  injustice  !  Un  Dieu 
traîné  dans  les  humiliations,  dans  les  op- 
])robres,  ({uoi  de  plus  indigne  de  la  su- 
prême majesté  I 

Vains  arguments  qui  ne  portent  que  sur 
de  fausses  notions  et  qui  s'évanouissent 
aussitôt  qu'on  s'est  fait  de  justes  idées,  pre- 
mièrement, du  fond  même  du  mystère,  telque 
la  religion  l'enseigne  ;  secondement,  de  la 
véritable  grandeur,  (elle  que  nous  la  pré- 
sente la  saine  raison;  troisièmement,  des 
effets  merveilleux  et  divins  qui  ont  résulté  de 


ces  abaissements  mêmes,  dont  VincrédDle 
cherche  à  se  prévaloir  contre  Jésus-ChriiL 
Et  d'abord  il  importe  avant  tout  de  pren- 
dre le  mystère  de  rincarnalioQ  tel  que  li 
religion  le  propose,  et  non  tel  quejioiir. 
raient  se  le  fij^urer  le  préjugé  et  rirréfiî»- 
xion.  La  religion  nous  apiirend  qu'en  sV 
nissant  à  notre  nature,  le  Verbe  dirio  n'a 
rien  perdu  de  sa  grandeur,  ni  rien  conlrade 
de  notre  faibiesse  ;  que  dans  Jésus-Chm:, 
Di^u  et  homme  tout  ensemble,  laDInniL' 
resta  toujours  impassible,  immortelle.  Siict 
doute  il  serait  absurde  de  s'imaginer  qu'ù 
était  contenue  dans  un  corps  buoî^iii, 
comme  une  liqueur  est  contenue  daas  oii 
vase;  mais  en  même  temps  que  Dieu  k 
plit  tout  de  son  immensité,  il  peutroiii^ 
sa  présence  plus  sensible  en  queiquesiieoi 
particuliers;  en  même  temps  (mWms 
donne  à  tous  le  mouvement  et  (a  rie,  iii 
pu  s'unir  à  notre  nature  humnine  d'or 
manière  plus  intime,  la  gouverner,  b  dii- 

gerpar.une  action  plus  spéciale.  En  itii!"- 
hrist  la  nature  humaine  était  miie  i  ;9 
nature  divine,  comme  dans  rhomioeLw/> 
est  uni  à  l'flme.  Cette  compara^  (Ock* 
imparfaite  qu'elle  est,    sert  néumoics  ^ 
éclaircir  le  mystère,  et  dans  toasiestfui-s 
les  docteurs  de  rÈgliseChrélienneeiiQSil&l 
usage.  En  effet,  Thomme  est  esprit el(flr\R 
tout  ensemble;  dans  chacun  de  noos^ IV* 
prit  à  ses  fonctions,  le  corps  aaassli^ 
siennes  ;  mais  il  est  reçu  dans  le  ianji^' 
humain  que  les  unes  et  les  autressonisiin' 
buées  à  la  personne  :  dès  lors,  selon  qn'ui 
envisage  Thomme  par  son  esprit  oupar- 
corps,  on  peut,  ondoildirc  du  môme  Mc- 
qu'il  est  brute  et  intelligent,  corrupiiblf. 
incorr^uptible,  mortel  et  iraoïoplel.L'afr* 
cation  est  sensible  dans  Jésus-Cbriât'.ilWl 
savoir  distinguer  ce  qui  est  proprcmeDl  ! 
l'homme  de  ce  qui  est  proprement  de  DK*-. 
en  lui,  la  nature  humaine  souffre,  la  ns'r 
divine  est  impassible  ;  mais,  par  une  si/ 
de  l'union  des  deux  natures,  on  d^iio:' 
du  même   Jésus-Christ  qu'il  est  BicJ't 
homme,  engendrédans  roternitéelnét^ 
le  temps,  toujours  vivant  et  mourant  ^ 
la  croix.  Les  enfants  chrétiens,  iustruii^  j'i 
premiers  éléments  de   la  religion,  satt' 
répéter  que  Jésus-Christ  est  mort  coa;' 
homme,  et  non  pas  comme  Dieu.  Dao 
sus-Christ,  le  Verbe  dirigeait,  goui^* 
l'humanité;  et  voilà  pourquoi  on  duii 
en  attribuer  les  souffrances  et  la  morl,* 
le  prix  par  là  même  devient  infini. 

bans  doute,  si  Jésus-Christ  innoceni  ^ 
condauiné  pour  les  crimes  des  couijsl 
et  subissait  malgré  lui  la  peine  qu''[ 
pas  méritée,  ce  serait  une  injuslico 
supposez  d'un  côté  que  Dieu,  jusierui*- 
rite  contre  les  iniquités  des  hommes,  (^ 
une  réparation  des  outrages  faits  à*a 
jesté  ;  supposez  de  l'autre  que  le  Verk 
vin,  par  un  mouvement  d  aoiour,  se  |k>' 
pour  médiateur,  qu'il  se  présente  foo 
victime  volontaire,  et  que  dans  cotte  \'' 


(1^50)  S.  Th.,  opute.  9,  c.  45. 

(1251)  De  Boîcald,  DénwM.  phU.  du  princ.  comt.Jt  la  soc,  i.  XJI  des  OEnvre$  €9m$U 


If 


REP 


DICTIONXÂIRE  APOLOGETIQUE. 


REP 


lt9B 


)  pronoe  one  nature  semblable  à  la  nôIre, 
oar souffrir  et  mourir;  où  est  alors  Tin- 
i>liee?  Admirons  plutôt  comment,  dans 
ié  sacriOccs  de  Jésus-Christ,  la  justice  s*ai- 
c  à  la  bonté.  La  justice  de  Dieu  est  pleine- 
lent  satisfaite  par  une  réparation  di^ne  de 
iu  ei  sa  miséricorde  éclate  en  ce  qu'il  ac- 
^^le  one  réparation  qu'il  pourait  refuser, 
n  exemple  lâmiiier  peut  répandre  un  grand 
ur  sur  cette  matière  :  je  suppose  un  mo- 
irqDe  offensé  par  des  sujets  rebelles  ;  il  a 
«iroil  d*en  tirer  une  vengeance  éclatante, 
de  ne  pas  agréer  des  satisfactions  offertes 
tr  les  coupables.  Hé  bien  I  je  suppose  en 
éice  teni|is  que  son  fils  unique  s'offre 
:ur  médiateur,  qu'au  nom  des  sujets  cri- 
inels  ils  se  présente  devant  son  ))ère,  et 
:e  sa  médiation  soit  acceptée:  où  serait 
1  rinjastice  ?  Les  droits  du  trône  seraient 
-Qgés,  et  la  clémence  du  prince  éclaterait 
i-.ore;  même  la  gloire  du  père  étant  celle 
\  tUSf  on  pourrait  dire  que  Thonneur  qui 
r  îeodrait  au  père  de  la  réparation  du  tils 
[r^lDirait  sur  le  âls  lui-même.  Certes  je 
:  xleods  pas  faire  disparaître  tous  les  nua- 
>  ^ui  couvrent  le  mystère;  car  alors  ce 

^rait  plus  un  mystère.  Dans  notre  &me, 
=ss  ta  manière  dont  se  forment  ses  pen- 
-ss  dans  son  union  avec  le  corps,  que  de 

ùis  tout  aussi  mystérieux,  tout  aussi  in- 
zi^  rébensibles  I  Du  moins  par  les  idées 
•*  U  religion  nous  donne  du  mystère»  on 
.  forte  oe  convenir  qu'il  n'offre  pas  ces 
>unlités  que  Tincrédule  ne  peut  y  voir 
*vn  le  dénaturant. 

En  second  lieu,  pour  être  moins  choqué 
$  liumiliations  et  des  abaissements  de 
-us-Obrist,  rappelons  les  véritables  no- 
us de  la  solide  grandeur  ;  ne  prenons  pas 

peur  rè£\e  l'orgueil  qui  se  révolte  des 
(  ArenceSj  mais  la  raison  gui  juge  d'après 
rbâ/icé  :  or  que  nous  dit*-elle  ?  que  la 
lîable  grandeur  est  dans  la  vertu,  que  la 
ici^se  u*est  que  dans  le  vice;  même 
:ume  n'est  jamais  plus  grand  que  lors- 
njosteuient  persécuté,  il  meurt  dans  les 
,  >iices  avec  le  calme  de  l'innocence.  So- 
e  doit  plus  de  gloire  à  la  ciguë  qu'on 
^ûJaaine  &  boire  injustement  qu'à  son 
et  à   ses  qualités  estimables.  A-t- 


f;r 


jamais   vu  quelque    chose  d'avilissant 
*  les  tourments  de  Régutus,  mourant  à 
^3o^f  Tictime  delà  fui  jurée?  Saint  Louis 
^  les  fers,  supportant  le  malheur  avec  la 
znation  d'un  chrétien  et  la  dignité  d'un 
esi-i!  moins  grand  que  saint  Louis  sur 
ûae  ?  Et  si  Jésus»  poursuivi  par  la  plus 
L(^e  foreur,  meurt  avec  toute  la  magna- 
té  el  toute  la  simplicité  de  la  vertu  ; 
>-t-i]  pas  bien  peu  de  philosophie  à  être 
lié  de  ses  humiliations  et  de  ses  souf- 
Ics?  On  peut  dire  que,  sur  cette  ma- 
«  les  païens  se  sont  montrés  pluséclai- 
|uc     nos  penseurs  modernes;   témoin 
r.jQ,  et  avant  lui  Platon.  Dans  un  frag- 
l  du   troisième  livre  de  la  République^ 
erré  i*ar  Lactance  (1252),  Cicéron  trace 


le  portrait  de  deui  hommes  bien  différents: 
l'un  est  un  méchant  qui  passe  pour  un 
homme  de  bien,  et  qui,  trompant  ses  sem- 
blables, se  voit  comblé  de  richesses,  d'hon- 
neurs et  de  toutes  les  faveurs  de  la  vertu  ; 
l'autre  est  un  homme  de  bien,  mais  qui 
passe  pour  méchant,  que  ses  concitoyens 
persécutent,  chargent  de  chaînes,  accablent 
de  maux,  et  réduisent  à  être  le  plus  misé- 
rable des  hommes  :  «  Hé  bieni  dit  le  phi- 
losophe romain,  s'il  nous  fallait  être  l'un 
ou  I  autre,  qui  de  nous  serait  assez  insensé 
pour  hésiter?  »  Lorsqu'au  second  livre  de 
sa  République^  Platon  nous  dépeint  son  juste 
parfait,  il  ne  le  représente  ni  sous  le  dais 
el  la  pourpre,  ni  dans  le  faste  des  grandeurs 
mondaines,  ni  sur  le  char  de  la  la  victoire, 
ni  au  milieu  des  acclamations  de  la  multi- 
tude; mais  Platon  a  peint  son  juste  tel  que 
Jésus  s'est  montré  &  la  terre,  humilié,  per- 
sécuté, n'ayant  que  le  ciel  pour  approbateur 
de  ses  vertus,  et  condamne  comme  un  mal* 
faiteur,  tandis  qyiiX  était  le  plus  juste  des 
hommes.  On  sait  qne  les  sages  du  paga- 
nisme n'ont  pas  connu  de  spectacle  pTus 
digne  des  regards  du  ciel  que  celui  de  la 
vertu  aux  prises  avec  l'infortune. 

Nous-mêmes,  consultons  nos  propres 
idées,  pour  en  faire,  sous  d'autres  rapports» 
l'application  à  lésus-Christ.  Qu'on  nous  cite 
des  esprits  sublimes  qui  ne  craignent  pas  de 
s'abaisser  jusqu'à  la  portée  des  simples  et  des 
ignorants  pour  les  instruire;  qu'on  nous 
rappelle  des  rois  puissants  qui  se  dépouil- 
lent quelquefois  de  leur  majesté  pour  se 
montrer  plus  populaires,  nous  en  sommes 
touchés,  attendris  ;  nous  aimons  avoir  les 
premiers  descendre  des  hauteurs  de  leur  gé- 
nie, les  seconds  de  l'élévation  de  leur  trdne, 
tempérer  ainsi  l'éclat  du  talent  et  du  pouvoir 
par  une  aimable  condescendance.  Sans  doute, 
si  en  cela  nous  pouvions  soupçonner  de  la 
faiblesse  et  de  la  pusillanimité,  nous  ne  se- 
rions plus  frappés  d'admiration;  mais  nous 
sentons  qu'il  y  a  de  la  grandeur  à  s'abaisser 
ainsi  pour  le  bien  de  l'humanité.  Certes, 
nous  ne  pouvons  soupçonner  rien  de  faii.lo 
ni  de  pusillanime  dans  Jésus-Christ  ;  c'est 
pour  nous  qu'il  s'abaisse ,  mais  toujours 
avec  les  traits  de  la  plus  héroïque  vertu  ;  il 
sait  même  du  mi  lieu  ae  ses  humiliations  faire 
jaillir  des  traits  d'une  grandeur  toute  divine. 
C'est  un  prince  qui,  jus(|ue  dans  sa  royale 
familiarité,  sait  faire  sentir  tout  cequ'il  est  à 
la  foule  qui  l'entoure.  Voyez  en  effet  sa  vie 
toute  entière;  s'il  vient  au  monde  dans  une 
crèche,  des  anges  rélèbrent  sa  naissance  par 
des  cantiques  de  joie;  s'il  parait  sous  les 
faiblesses  de  Tenfance,  les  petits  et  les 
grands,  les  bergers  de  la  Judée  et  les  sages 
de  rOrient  environnent  son  berceau  ;  s^W 
est  présenté  au  tVmple  comme  un  enfant 
ordinaire,  le  vieillard  Siméon  le  prend  dans 
ses  bras  et  prophétise  sa  grandeur  et  sa 
gloire.  Au  milieu  des  peuples  de  la  Judée , 
il  converse  avec  les  pauvres  comme  avee  les 
docteurs;  mais  la  plus  haute  sagesse  est 


'^Ij  D'itin.  liut.^  V,  lî. 


1199 


REP 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


REP 


12» 


dans  ses  discours»  et  des  merTeilles  sdns  nom- 
bre accompagnent  ses  pas.  Se  laisse-t-il  sai* 
sir  par  une  troupe  armée,  c*est  après  l'avoir 
terrassée  d  *uue  seule  parole  comme  d'nn 
coup  de  foudre;  meurt-rl  sur  la  croix,  la 
nature  se  trouble  et  se  déconcerte;  enfin  il 
ne  descend  au  tombeau  que  iK)ur  en  sortir 
vainqueur  de  la  mi^rt. 

Je  consens  à  oublier  pour  un  moment  ces 
traits  de  sa  divine  puissance»  pour  ne  voir 
que  ses  abaissements  mêmes,  et  je  prétends 

aue  loin  d*élre  avilissants  pour  Jésus-Christ, 
s  font  ressortir  admiraLiement  sa  gran- 
deur :  pour<juoi?  parce  qu'il  en  résulte  des 
effets  merveilleux  et  très-dignes  de  la  divi- 
nité. 

Il  y  a  quinze  siècles  qu'un  des  plus  vigou- 
reui  génies  de  l'antiquité  cbrétiennei  Ter- 
tullien,  disait  aux  ennemis  de  la  divinité  de 
Jésus-Christ  (1253)  :  «  Ses  abaissements  vous 
I>araissent  indignes  de  Dieu  ;  mais  considérez 
qu'ils  étaient  très-utiles  à  l'homme,  et  que 
par  là  même  ils  devenaient  très-dignes  de 
Dieu,  car  rien  n'est  plus  digne  de  Djeu  que 
de  faire  du  bien  à  sa  créature.  »  Cette  pen- 
sée mérite  que  nous  nous  y  arrêtions,  pour 
la  mettre  dans  un  jour  convenable.  En  Dieu 
toutes  les  perfections  sont  infinies  ;  sa  bonté 
est  sans  bornes,  comme  sa  puissace  et  sa 
sagesse;  elle  estméme  son  attribut  telle- 
ment distinclif,  qu'on  le  désigne  sous  le 
nom  de  tris-bon  comme  sous  celui  de  tris- 
grand  (125^);  en  lui,  la  bonté  est  une  propen- 
sion à  communiauer,  à  répandre  les  trésors 
de  vie  et  de  bonheur  dont  il  est  la  source. 
11  n'en  est  pas  de  Dieu  comme  des  hommes  : 
concentrés  dans  nos  affections  personnelles, 
occupés  de  nos  propres  besoins,  nous  n*ai- 
mons  pas  à  donner,  ou  nous  ne  donnons 
qu'avec  réserve  et  mesure;  nous  sentons 
que  nous  nous  dépouillons  en  donnant,  nous 
croyons  perdre  en  quelque  sorte  une  partie 
denous-mèmes.  Mais  Dieu  n'a  besoin  de  rien, 
il  donne  sans  s'appauvrir;  il  est  de  la  di- 
gnité du  premier  Etre  de  donner  de  son  pro- 
j)re  mouvement,  de  prévenir  les  cœurs;  et 
c'est  parce  qu'il  est  l'Etre  souverain,  qu'il 
nous  embrasse  dans  sa  souveraine  bonté. 
Que  s'il  lui  plaît  de  lui  donner  un  libre 
cours,  il  pourra  la  porter  à  un  point  qui 
nous  paraisse  inconcevable  ;  infiniment  com- 
municable,  jusqu'où  ne  peuvent  point  aller 
les  affections  do  sou  amour  1  Que  voyait-il 
sur  la  terre?  Les  erreurs  et  les  vices  la 
couvraient  de  ténèbres  et  d'infamies  ;  les 
crimes  v  étaient  déifiéSi  les  vertus  mécon- 
nues; les  peuples,  suivant  le  langage  de 
TEcriture,  étaient  comme  des  brebis  errantes 
sans  pasteur  et  sans  guide  ;  c'étaient  des  ma- 
lades couverts  de  plaies  et  de  blessures  ; 
e*étatent  en  même  temps  des  coupables  qui, 
étouffant  la  conscience  et  les  remords,  tour^ 
naieut  contre  Dieu  même  ses  bienfaits,  et 
ne  cessaient  de  Toutrage^  par  leurs  iniqui- 
tés. 11  leur  fallait  un  modèle,  un  médecin, 
un  sauveur.  Déjà  le  ciel  avait  parlé  de  bien 

(li53)  A(/0.  Mnrcion,^  ii,  97. 
(1*234)  Dco  opthno  maximo. 


des  manières  par  les  prophètes;  mais,  Di^ 
a  résolu  de  faire  pins  encore,  d'arcordefà 
la  terre  un  bienfait  plus  universel,  plasprf 
cieux,  plus  durable;  il  fera  une  chose dao. 
tant  plus  digne  de  lui,  qu'il  y  entrera  f^B< 
d'amour  et  de  conàesceodaDce.  Us  m^s 
avaient  imaginé  que  les  dieux  mi^m 
quelquefois  les  hommes;  hé  bien  1  ce  (ni 
n'était  pour  eux  qu'une  fable  s'es(  réalk 
dans  Jésus-Christ.  Dieu  se  rend  visible,  se 
revêt  de  notre  nature,  vit  au  milieu  dis 
hommes,  les  éclaire  par  ses  didcourj,  b 
sanctifie  par  ses  exemples,  et  les  seuTei^ 
sa  mort,  èi  nous  étions  de  pares  intellurn- 
ces,  il  aurait  pu  se  contenter  denou^éri:* 
rer  par  des  révélations  intérieures:  lub 
nous  sommes  des  hommes,  nous  aroo! 'k 
sens,  des  orgues,  un  corps.  Alors  Dicd  ^ 
rend  semblable  à  nous,  et  nousaoorvid. 
bienfait  d'une  révélation  sensible,eiténcDrt. 
appropriée  à  notre  nature.  Sans  doQie,ili^ 
rait  pu  paraître  dans  un  état  liatiilofi  j. 
grandeur  et  de  gloire,  se  œODlrerquel^uf 
temps  aux  hommes,  et  disparaître  sans /]|5- 
ser  par  ces  états  de  pauvreté,  dte/iii« 
et  de  souffrances  auxquelles  il  ÂHunfjed/; 
mais  c'eût  été  trop  peu  pour  son «aoir  ci 
pour  notre  instruction.  Il  liasse  parUn&Vb 
états  de  la  vie  humaine,  il  se  soQoeim 
plus  rudes  épreuves,  il  se  rcDdobâsso: 
jusqu'à  la  mort  delà  croix, part<qfle,i!ïb 
son  amour  immense  pour  les  lK)mQ)es,L 
veut  être  le  modèle  de  tous,  nous  pri^eski 
dans  sa  vie  le  tableau  de  toutes  les  y^m 
offrir  toujours  l'exemple  à  côté  du  précejX 
et  nous  éclairer  encore  plus  parsacon^U 
que  par  ses  leçons.  L'ogueil,  rambiiK-o,  3 
volupté,  ces  trois  tyrans  du  ^enre  Imiiri 
dominaient  avec  tant  d  empire,  que,  H 
en  affranchir  la  terre,  pour  y  établir  kr^ 
gne  des  vertus  opposées,  if  ne  fallait  no 
moins  que  les  exemples  Si  parfaits  d1.u» 
lité,  de  détachement,  de  pureté,  quibn.^ 
dans  Jésus-Christ. 

Le  voilà  donc  ce  législateur  unique  ?v 
jusqu'au  dernier  soupir  de  sa  vie,  sesoca^ 
le  premier  à  toutes  les  lois  qu'il  nûu>i* 
pose;  qui,  par  chacune  de  ses  parolesci'a 
par  chacune  de  ses  actions,  a  le  droiiilt<i 
a  SCS  ennemis  (1S55)  :  Qui  de  vous  pm 
faire  un  reproche  légitime?  Quel  accvnl 
vissant  entre  ses  exemples  et  sa  docir 
En  lui,  il  n'est  pas  une  action  qui  n* 
un  exemple,  comme  dans  ses  dis^'O^' 
n'est  pas  une  parole  qui  ne  soit  vérité.  <Jj* 
sont  petits  devant  ce  juste  tous  \esst^^ 
semble  I  Où  est  le  philosophe  qui  sache]** 
et  vivre  ainsi  ?  Aristote  et  Platon  ont  bia* 
former  des  disciples,  ils  ont  bien  pu*^ 
tour  à  tour  dans  les  écoles  de  la  philc^ 
ancienne  ou  moderne;  mais  voit-on*** 
puisse  toujours  retrouver  dans  la  5  'Jf*^ 
de  leur  vie  la  doctrine  qu'ils  ont  çn^ 
dans  leurs  livres?  a-ton  jamais  eu  U  pe^*' 
de  les  projioser  comme  des  modèles  dt^nv 
perfection?  Pour  Jésus-Christ,  sa  it*'"*^* 

(1255)  Joan.  ini,  16. 


REP 


DICTIONNAmE  APOLOGETIQUE 


RES 


1Î02 


str|uû  sa  doctrino  vivante,  et  partout  où 
uirera  son  Evangile,  on  pourra  dire  à 
is  les  hommes  :  «  Regardez,  et  faites  selon 
modèle  qui  vous  est  présenté.  »  Voilà 
Diue  par  ses  abaissements  Jésus-Cliristse 
nire  véritahlemcnt  Dieu  ,  en  donnant 
leinjile  de  toutes  les  vertus  pour  nous 
loiiber,  et  en  sacrifiant  sa  vie  pour  le  sa- 
du  monde.  Si  nous  admirons  un  prince 
sait  se  dérouer  et  mourir  pour  son  peu- 
.si  mÊme  nous  lui  en  faisons  un  titre  do 
ire,  confessons  donc  aussi,  avec  Bossuet, 
I  «  un  Dieu,  descendant  sur  la  terre  pour 
re  parmi  les  liommes,  ne  pouvait  rien 
%  Je  plus  grand,  rien  de  plus  royal,  rien 
plos  divin,  que  de  sauver  tout  le  genre 
uflin  par  une  mort  généreuse  » 
;otin,  nous  vous  dirons  :  Vous  êtes  scan- 
dés des  humiliations  du  Sauveur!  Mais 
l'Z  quelles  ont  été  dans  tous  les  siècles 
suites  merveilleuses  de  ses  souffrances 
LSâ  mort,  et  comme  sa  croix  est  deve- 
soa  Iriomphe.  Jésus-Christ  avait  an- 
céque,  lorsau'il  aurait  été  élevé  de  terre, 
irerait  tout  a  lui  :  quelle  prédiction  I  Une 
i,  théâtre  d*ignominie,  devenir  une 
te  de  gloire,  tiuel  prodige  I  Jamais  ora- 
la  été  plus  merveilleusement  accompli. 
kifaits  de  Tunivers  entier  parlent  assez 
l;mies  les  nations  deviennent  i'iiéri- 

•  de  Jésus  crucifié.  Rome  elle-même, 
>ribsc  du  monde,  subira  le  joug  du  Sau- 
r.  Oui,  que  Rome,  la  superbe  Rome, 
t  à  grands  frais  un  temple  célèbre  à 

*  les  dieux  de  la  terre  :  ce  monument  de 
olitique  et  de  sa  superstition  servira  de 
^\k  à  la  croix  du  Sauveur  du  monde;  le 
<e  (la  salut  sera  planté  sur  le  Panthéon, 
es  dieux  des  nations  comme  enchaînés 
îJ^ieds  serviront  d'ornemenlaux  triom- 
léii  Christ.  Jupiter  est  tombé  du  haut 
^i'ilole,  et  ses  foudres  tant  célébrés  par 
>'H;ies  ne  l'ont  pas  sauvé  d'une  chute 
K'Ilc.  L'empire  romain  périra,  Ja  reli- 
du  crucifié  ne  péiira  pas.  Ils  viendront 
'fld  (le  leurs  forôts  et  de  leurs  régions 
ilesles  peuples  farouches  du  Nord,  ils 
iront  fondre  sur  les  provinces  romaines 
lie  sur  une  proie;  le  colosse  de  puis- 
e  tombera  sons  les  coups  des  barbares, 
is  barbares  tomberont  à  leur  tour  au 

de  la  croix  ;  et  les  Rémi  diront  aux 
B  :  t  Baisse  la  tète,  fier  Sicambre  ;  brûle 
le  tn  as  adoré ,  et  adore  re  que  tu  as 

"'SiCf.  Lacordaire,  Conférences,  etc. —  Frays- 
»»  Conférences^  etc.  —  Aperçu  sur  la  théologie 
t(eda  grand  séminaire  de  Satiil-Flour,  eic, 

^*)  Jétus-ChrUt  et  sa  doctrine,  t.  Il,  p.  191. 

5jî)  Voy,  WiSEMAN,  Discours^  elc.  —  Le  doc- 
^»L^Rlt,  Yindiciœ  mortis  Jesu  Christi  verœ.  — 
'1(^11:108,  Triller,  EscuENBAcn  (Scrtpta  tnedico' 
•«.U<»Mock,  1779). 

^h  <  Lc&  causer  de  la  sotiffrance  morale  sont 
'"Cil  plus  actives,  plus  péaélraiiies  que  celles 
«loiiteur  physique,  il  est  même  des  douleurs 
'«"i  <|ui  luciii  subitcmcnl  en  détruisant  la  viu- 
m^A  sourire.  »  {Unlletin  ncn.de  tliérapenthiq., 
l»'^aL  l.  XXI,  p.  13.) 


brûlé.  »  Les  peuples  les  plus  sauvages  de 
notre  Europe  seront  humanisés,  civilisés  par 
rSvangile,  et  TËurope  une  fois  chrétienne 
deviendra  le  (lambeau  du  reste  du  monde. 

Tels  ont  été,  tels  sont  encore  les  triom- 
phes de  Jésus  crucifié.  Ainsi  cette  croix» 
dont  on  semble  rougir,  a  fait  la  conquête  de 
l'univers  :  tant  il  y  a  en  elle  de  puissance  et 
de  vertu]  Apprenez  donc  à  connaître  le 
mystère  de  l'Incarnation  tel  que  l'Eglise 
l'enseigne,  dégagé  des  idées  absurdes  et 
grossières  que  s'en  forme  le  préjugé,  et  vous 
sentirez  tout  ce  qu'il  renferme  de  glorieux 
pour  Dieu,  comme  de  salutaire  aux  hommes. 
Alors,  chrétiens  par  les  œuvres  non  moins 
que  par  la  foi,  vous  ferez  hommage  à  Jesus- 
Christ  des  affections  de  votre  coeur,  ainsi 
que  de  la  soumission  de  votre  esprit;  vous 
respecterez  en  lui  le  médiateur^  le  Sauveur 
du  monde,  et  vous  répéterez  avec  les  esprits 
célestes  :  Gloire  à  Dieu  par  Jésus-Christ, 
et  par  lui  paix  sur  la  terre  aux  liommes  do 
bonne  volonté  (1236).  (^oy.  Jésus-Christ). 

REPROBATION  au  point  de  vue  du  bien 
général.  Voy.  Création,  §  IV. 

REPROUVES,  bonté  de  Dieu  à  leur  égard. 
Voy.  Eternité  diss  peines,  §  II. 

RESPIRATION,  les  organes  qui  y  servent 
ont-ils  été  les  mêmes  dans  tous  les  âges 
géologiques-  Voy.  Homme,  art.  1. 

RESURRECTION  DE  JESUS-CHRIST.  — 
On  a  supposé  que  la  mort  de  Jésus  n'était 
qu'une  mort  apparente.  Echo  de  quelques 
rationalistes  allepiands,  M.  Salvador  a  dit  : 
«  Aux  veux  des  adversaires  du  miracle,  la 
mort  de  Jésus-Christ  n'aurait  été  Qu'appa- 
rente, et  n'entraînerait  d'autre  icfée  que 
celle  d'un  long  évanouissement,  suite  maté-* 
rielle  de  douleurs  profondes  (1257). 

Nous  ne  reproduirons  pas  les  réfutations 

3ui  ont  été  faites  de  cette  assertion  (1258). 
tu'est-ce  qu'une  supposition  aussi  gratuite 
devant  la  grande  'révolution  opérée  dans  le 
monde  depuis  dix-huit  siècles?  Nous  nous 
IX)rnerons  à  remarquer  que,  avant  sa  cruci- 
fixion, Jésus  avait  déjà  beaucoup  souffert 
physiquement  et  moralement  (1259).  Il  avait 
été  battu  de  verges  (1260).  En  se  rendant  à 
Golgotha,  il  était  si  accablé  qu'il  ne  put  por- 
ter sa  croix,  et  que  sa  faiblesse  émut  les 
soldats  romains;  on  lui  avait  cloué  (126i| 
les  mains  et  les  pieds;  il  était  resté  ainsi 
depuis  le  milieu  du  jour  jusqu'au  soir,  au 
milieu  des  plus  cruelles  tortures  (1262)  et 

(I2G0)  fl  L'instrament  de  la  flagellation  romaine 
se  composait  de  plusieurs  bandes  de  cuir  affermies 
à  un  manche,  et  a  Textrémiié  de  cbacntie  desquelles 
ëiaient  kdaptés  de  petits  morceaux  de  fer  ou  d« 
plomb.  GVk!  de  làqu*un  poète  a  nommé  ces  bandes 
de,  cuir  lora  horrida  et  un  autre  horribile  pagellum.  » 
{ Voy,  le  comte  de  Stolbbrg,  Histoire  de  N.  S.  Jésus- 
Christ,  t.  II»  p.  507.) 

(1261)  Et  non  pas  aU:)ché  avec  des  liens,  comme 
il  a  plu  a  M.  Salvador  de  le  supposer.  {Jésus-Christ 
et  su  doct,f  t.  II,  p.  195.) 

(126:2)  Les  tourments  de  la  cr(»ix  sont  affreux, 
non-seulement  par  raclion  îles  blesbuies  cxléricu- 
rei»,  mais  par  la  cruelif.  silualiuii  à  i  iqucllc  est  lixé 
le  paùcut,  et  au2jbi  par  le»  eflcts  ucccssaires  de  cette 


1205 


n!:s 


DICTIONNAIRE  APOLOGETiQUE 


RES 


m\ 


exposé  à  une  chaleur  dévorante;  il  avait 
remis  son  âme  à  Dieu  comme  un  homme 
qui  va  mourir;  un  soldat  romain  lui  avait 
percé  le  côté  avec  sa  lance  (1263);  il  était 
resté  deux  uuils  et  un  jour  dans  le  tombeau 
1126^)....  Que  signifient,  après  dix-huit  siè- 
ries,  un  qui  sait?  un  peul-élre^  de  quelques 
rationalistes  solitaires,  doutes  .que  repous- 
sent, de  concert  avec  l'Evangile  et  avec  la 
science  médicale,  la  grande  voix  des  monu- 
ments les  plus  authentiques  et  des  témoi- 
gnages solennels  les  plus  irrécusables,  les 
aveux  de  nos  adversaires  les  plus  hardis 
d'ailleurs. 

N'entendez-vous  pas  les  ennemis,  les  per- 
sécuteurs, les  bourreaux  de  »Jésus-Cnrist 
vous  crier  avec  l'accent  si  énergique  de  la 
nature  calomniée  : 

«  Quoi  donc  !  n(»us  étions,  vous  le  savez, 
altérés  de  son  sang  ;  nous  Pavons  demandé 
è  f^rands  cris  ce  sang  odieux  ;  nous  l'avons 
réclamée  avidement,  opiniâtrement,  cette 
victime  comme  une  proie  à  dévorer  ;  nous 
«vons,  par  la  violence  de  nos  menaces,  forcé 
la  main  à  Pilate,  qui  voulait  soustraire  Jésus 
à  nos  ressentiments,  à  notre  vengeance  ;  et 
quand  il  nous  Ta  eu  livré,  quand  enfin  nous 
1  avons  eu  en  notre  pouvoir,  vous  osez  nous 
accuser  de  n'avoir  pas  su  lefairo  mourir,  de 
ne  nous  être  pas  assurés  qu'il  n^échappait 
pas  à  notre  fureur?  Comment  pouvez-vous 
méconnaître  à  ce  point  l'action  intelligente, 
la  prudence  instinctive  des  passions  humai- 
nes, en  attaquant  le  fait  historique  dont 
nous  sommes  les  auteurs  et  les  garants,  et 
dont  nos  successeurs  les  plus  osés  dans  le 
camp  ennemi  du  christianisme,  même  de 
▼os  jours,  confessent  à  regret  la  vérité  ? 
Allez,  ce  qu'après  nous  Celse,  et  Julien,  et 
Spinosa,  et  Wolston,  et  Édelmann,  et  les 
encyclopédistes  français,  et  Strauss  même, 
admettent  comme  certain,  vous  n'avez  pas 
bonne  ^râce  de  le  contester.  » 

Ainsi  veut-on  envisager  la  question  de  la 
réalité  de  la  mort  de  Jésus-Christ  sous  le 
point  de  vue  historique?  Elle  est  tranchée 
affirmativement  par  l'histoire  monumentale, 
prale,  écrite  ;  par  les  ennemis  personnels 
de  Jésus-Christ,  témoins  oculaires;  par  les 
ennemis  di)  rÉvangiie,  contemporains  ou 
voisins  de  l'époque  ;  donc,  par  les  hommes 
qui  étaient  le  plus  intéressés  h  rejeter  ce 
fait,  qui  étaient  le  plus  à  portée  d'en  appré- 
cier les  circonstances,  et  qui  ont  pour  ga* 
ranls  de  la  vérité  de  leur  témoignage  des 
philosophes  modernes,  si  avares,  on  le  saii, 
de  concessions  au  christianisme.  Et  il  suffi- 
raiti  h  la  rigueur,  de  la  que.«tion  afllrmalive- 
ment  décidée  sous  ce  premier  rapport  ;  car 

siiuaiion  sur  la  circulai  ion  du  sang  et  sur  les  autres 
fonctions  de  la  vie.  {Voy.  G.  Ricuteri,  Disserlatio- 
nez  quatuor  medicœf  1775.) 

(1265)  Vcfiractio  crurum  élail  une  mulîlaiion  in- 
fn mante,  pratiquée  surtout  envers  les  esclaves. 
Comme  Jésus  ne  respirait  déjà  pins,  ou  ne  crut  pas 
flécessaire  de  lui  romnre  les  membres;  seulement, 
4)our  s'assurer  gu*il  était  bien  mort,  un  soldat  lui 
enfonça  sa  lance  dans  le  côté.  Le  mot  yvmcy  {Joan, 
XIX,  34)  se  dit,  il  est  vrai,  d'une  blessure  quelcou- 


h  quelles  folles  conséquences  n'aboulirions- 
nous  pas  ,  s'il  était  permis  lo^qaenieni 
d'éhranler  par  un  pcul-èire  un  failhistnri. 
quement  constaté  de  la  sorte  ?...  VeuUm 
envisager  cette  même  question  sous  le  pcàt 
de  vue  judiciaire  et  médical  ?  Elle  est  Iran- 
chée  affirmativement  par  la  coDDaissanœ 
aue  nous  avons  des  passions  et  de  Vintéréi 
(le  ceux  qui  firent  saisir  Jésus,  qui  Ictratlai- 
sirent  devant  Pilate,  et  demandèrent  sa  aioft 
avec  tant  de  violence  et  d'opiniâlrelé,<)iu 
enfin  assistèrent  en  personne  à  1  eiécuiM» 
de  la  sentence,  et  poussèrent  la  précaoiiia 
jusqu'à  mettre  des  gardes  à  son  tombeR 
(1265);  elle  est  tranchée  aflirmalivemenij* 
les  circonstances  qui  précédèrent,  acforap»» 
gnèrent  et  suivirent  le  crucifiement  de  Jé^8% 
et  desquelles,  selon  toutes  les  données  de tt 
science  médicale,  il  est  ioipossihlc  que  tf 
mort  n'ait  pas  résulté.  J 

Si  la  réalité  de  la  mort  de  Jésus-CimMfjp 
un  fait  démontré,  la  réalité  de  sa  rcsurrep-; 
tîon  trois  jours  après  sa  mort  est  mmin* 
fait  non  moins  incontestable.  CowfBetelî»: 
résurrection  est  un  fait  principal  sur  lequi 
repose  particulièrement  ladivinilédtW 
gile,il  est  à  proposd'en  parlerd'uneas 
particulière. 

On  peut  réduire  à  trois  chefs  lespr^u] 
de  la  résurrection  de  Jésus^Christ  :  l' Ij' 
dition  constante  et  la  foi  publique  de  l'E; 
chrétienne;  2*  l'autorité  des  témoins  ci 
dans  l'histoire  évangélique  ;  3"  la  liaison 
cessaire  de  plusieurs  faits  inconleslil 
avec  le  fait  de  la  résurrection. 

La  résorreciion  de  Jésus-Chrisl  prouvée  parUtoî 
conslanle  et  U  foi  publique  de  Vi^w. 

Il  n'en  est  pas  du  christianisme  ci»iï 
de  certaines  institutions  que  l'on  l' 
établies  dans  le  monde,  sans  que  Ion [< 
dire   où,  comment,  et  par  qui  elW^ 
commencé.  Nous  en  avons  une  liistoiw' 
vie  qui  remonte  sans  interruption  j'i^ 
l'époque  de  sa  naissance;  et  nnusapf 
nons  de  celle  histoire,  que  la  résnrre  * 
de  Jésus-Christ  a  toujours  été  Tobjel 
fondement  de  la  foi  des  Chrétiens. 

Une  fête  solennelle,  aussi  ancienne  q<i( 
christianisme,  est  encore  anjourd'liui 
monument  authentique  de  la  résurrerr 
Vers  le  milieu  du  second  siècle,  il  <' 
dans  l'Eglise  une  contestation  sur  kyni 
celle  fête  devait  se  célébrer.  Les  E^ï 
d'Orient  prétendaient  que  lapôlre 
Jean  les  avait  instruites  a  célébrer  la  FI 
le  même  jour  que  les  Juifs,  c'esl-à-diï 
quatorze  de  la  luue  de  mars.  LTicii^ 

que,  mais  il  s*agli  ici  d*une  blessure  protwki 
le  synonyme  de  xsvrccv.  (Y.  37,  comp.  xt,  î*' 

(1264)  Les  linges  et  les  bandeleltes  imbtM 
cent  livres  de  myrrhe  et  d*aloés,  dont  lonisotir 
fui  enveloppé,  auraient  é(é  suffisants  pour  v^^ 
Taspbyxieet  la  mon.  {Joan,  xk,  59,i0,  eti^ 
—  Gruneb,  Commentùtio   antîquamt  eic* 
!805,  p.  38.) 

(1265)  Matth,  xxvu,  C6. 


l. 


r 


tr95 


RES 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RES 


lio; 


bme  et  les  églises  d'Occident  se  fondaient 
Igf  raotorité  de  saint  Pierre,  pour  renroyer 
iPâriuecbrétienne  an  dimanche  qui  sui- 
iil  le  jour  de  la  Pâque  judaïque.  La  prati- 

Be  Je  l'Eglise  de  Rome  a  préralu  :  le  con* 
e  de  Nicée,  en  ^5,  en  a  fait  une  loi  i)Our 
ous  les  Chrétiens.  Cette  dispute,  qui  dura 
b^temps,  et  qui  fut  soutenue  de  part  et 
notre  arec  t>eaucoup  de  rÎTacite,  nous 
loureéndemment  que  TEglise  chrétienne 
i  toujours  fait  profession  de  croire  la  ré- 

Ection  de  Jésus-Christ,  et  qu'elle  a  tou- 
regardéla  commémoraison  de  ce  grand 
le,  comme   une  partie  essentielle  de 
m  culte. 

Or  ii  est  incontestable  que  la  foi  publi- 

[oe  de  la  résurrection  remonte  jusqu*au 

m\^  de  réTénemenl.  L  un  ne  peut  assi- 

ntrr  un  seul  instant  où  les  chrétiens  n'en 

km  pas  fait  profession.  Il  est  mémeévi- 

:nt  que  celte  croyance  a  toujours  été  le 

/'!if  principal  et  le  fondement  du  cbristîa- 

^me,  et  que  jamais  on  n'aurait  vu  se  for- 

iT  une  seule  église  chrétienne,  si  la  ré- 

rreclion  de  Jésus  n*eût  pas  été  annoncée 

ire:onnue  immédiatement  après  sa  mort. 

Taperrois  donc  dans  la  tradition  ebré- 

'tcae  un  premier  caractère  qui  ne  me  per- 

::elp85de  la  confondre  avec  ces  opinions 

^daires  qui  s'éTanouisscnt    dès  qu'on 

cireiirend  de  remonter  à  la  source.  Cette 

1  publique  et  constante  d'une  société  im- 

îefise  composée  de  peuples  inconnus  les 

Qs  aai  autres,  me  paraît  plus   imposante 

t  plus  authentique,  a  mesure  que  je  me 

H'.roche  de  son  origine.  Si  l'on  peut  dire 

i;  chaque  génération  qu'elle  a  recueilli  la 

i  -lela  génération  précéden  te*  je  demanderai 

ù  11  première  génération  a  puisé  sa  foi,si  ce 

e^(  Jans  la  vérité  reconnue  du  fait  de  la 

•^'•rreclion? 

^'  ue  puis  pas  supposer  que  ce  soit  par 
"ipahion  des  préju^^és  et  des  opinions 
SHoanies,  que  les  premiers  chrétiens 
-ni  été  conduits  à  la  foi  de  la  résurrec- 
n.  Ces  premiers  chrétiens  étaient  ou  des 
fs  ou  de:f  idolâtres,  ou  des  philosophes, 
i^  imbus  de  princiiies  bien  contraires  à 
ooavclle  religion.  Le  christianisme,  com- 
tu  par  tous  les  préjugés  de  l'éducation  et 
l'habitude,  méprisé  et  persécuté  dans  sa 
isanee,  n'avait  aucun  de  ces  moyens  de 
action  qui  agissent  sur  l'esprit  et  sur  le 
ir  humain.  Par  quel  autre  motif  que 
ni  de  la  rérité  connue,  la  foi  de  la  ré- 
reiaiona-l-eilc  donc  pu  s'établir? 
Jitin,  la  résurrection  de  Jésus-Christ 
tait  pas  ua  fait  obscur,  indifférent,  étran- 
aux  intérêts  et  au\  (uissions  qui  ont 
tiimede  remuer  les  hommes.  Il  ne  s'a- 
ait  pas,  entre  ceux  qui  ta  croyaient  et 
I  qui  ne  la  croyaient  pas,  d'une  simple 
^rsité  d'opinion  sur  un  point  d'histoire. 
^eli;non,  i'ordre  public  en  dépendaient, 
ne  part,  les  pharisiens,  les  prêtres,  les 
Ts  de  la  nation  juive  ne  pouvaient  voir 
s  etfroi  que  Ton  entreprit  de  persuader 
ésurrection  et  la  divinité  d'un  homme 
Is  avaient    crucitié.  Ue    leur  cùlé,   les 


disciples  de  Jésus  ne  pouvaient  se  dissimu- 
ler le  danger  auquel  ils  s'exposaient,  en 
accusant  du  plus  çrand  des  crimes  les  ma- 
gistrats de  leur  nation.  Toute  la  rille  de  Jé- 
rusalem avait  les  yeux  ouverts  sur  une 
cause  si  importante.  Je  ne  puis  donc  pas 
supposer  que  la  foi  de  la  résurrection  se 
soit  établie  d'une  manière  imperceptible, 
sans  discussion,  sans  que  les  hommes  éclai- 
rés y  prissent  intérêt.  La  nature  du  fait  ne 
le  permettait  pas,  et  d'ailleurs,  toute  This- 
toire  de  ces  temps-là  me  prouve  incontesta- 
blement que  la  loi  des  chrétiens  n'a  pris  le 
dessus,  qu'après  avoir  triomphé  des  contra- 
dictions les  plus  violentes  et  les  plus  opi- 
niâtres. 

La  tradition  constante  et  la  foi  publique 
de  l'Eglise  nous  conduit  de  siècle  en  siècle, 
par  une  succession  ininterrompue,  jus- 
qu'aux témoins  de  la  résurrection. 

Quels  sout  ^\es  témoins  de  la  résurrec- 
tion? 

Jésus,  qui  l'a  prédite  ;  les  apôtres,  qui 
l'ont  publiée;  les  Juifs,  qui  l'ont  combattue. 

§11. 

La  rcsarrecUoD  de  Jusos-Chrisi  prouvée  par  la  prcdicUOD 
qu*il  en  avail  laite;  par  le  lémo-gna^^e  des  écrivains  sa* 
crés,  des  apôu^s,  des  discîoles  el  des  iuiCi  eax* 
mêmes. 

Je  place  Jésus-Christ  k  la  tète  des  témoins 
de  la  résurrection,  parco  qu'il  l'a  prédite,  et 
qu'une  telle  prédiction  suppose  et  prouve 
qu'il  avait  le  pouvoir  de  la  vérifier. 

Jésus  a  prédit  sa  résurrection  publique- 
ment,  et  de  la  manière  la  plus  formelle. 
Cette  race  perverse  et  adultère  demande  un 
signe  (il  parlait  aux  prêtres  et  aux  phari- 
siens), et  il  ne  lui  en  sera  pas  donné  a  autre 
que  le  signe  du  prophète  Jonas.  Car,  de  même 
que  Jonas  demeura  trois  jours  et  trois  nuits 
dans  le  ventre  de  la  baletne^  ainsi  le  Fils  de 
rhommesera  trois  Jours  et  trots  nuits  dans 
le  sein  de  la  terre.  (Matth.  xii.)  Cette  pré^iic- 
tion  n'était  pas  obscure;  elle  fut  eutenduo 
des  Juifs,  el  ils  nous  l'apprennent  eux- 
mêmes,  lorsque  après  le  crucifiement  ils 
disent  à  Pilate  :  Nous  nous  souvenons  que  ce 
séducteur  a  dit  :  Dans  trois  jours  je  ressus* 
citerai.  On  ne  peut  pas  soupçonner  l'évan* 
géliste  de  l'avoir  imaginée  après  coup.  Les 
chefs  de  la  synagogue  en  attestent  i'aiithen- 
ticiié,  par  les  mesures  qu'ils  prennent  pour 
la  démentir. 

Raisonnons  maintenant  dans  la  double 
hypothèse  de  la  vérité  et  de  la  fausseté  du 
fa'^it  de  la  résurrection,  et  voyons  à  laquelle 
de  ces  deux  hypothèses  peut  s'adapter  la 
prédiction  de  Jésus-Christ. 

Si  Jésus  est  ressuscité,  il  est  indubitable- 
ment 1  envoyé  de  Dieu;  et  s*il  était  l'envoyé 
de  Dieu,  il  ixiuvait  se  tenir  assuré  de  sa 
résurrection;  et  il  convenait  qu'il  l'annon- 
çât, et  à  ses  disciples,  et  à  ses  ennemis  :  à 
ses  disciples,  pour  soutenir  leur  foi  contre 
!e  scandale  de  la  croix;  à  ses  ennemis, pouf 
défier  tous  leurs  efforts,  pour  donner  plus 
d'éclat  au  miracle  qui  devait  mettre  le  sceau 
à  la  divinité  de  sa  mission.  Si,  au  contraire^ 


1207 


RES 


DICTIONNAIRE  ÀPOLOCETIQCfi 


RES 


m 


Jésos  n*élaît  pas  un  envoyé  céleste»  cette 
prédiction  ne  pouvait  servir  quà  faire 
échouer  ses  projets,  soit  en  désabusant  les 
disciples  quil  avait  séduits,  soit  en  four- 
nissant à  ses  ennemis  un  mojen  sûr  et  &- 
cile  e  le  convaincre  d*imposture  à  la  face 
de  l'univers. 

Qu'un  homme  de  génie,  par  cet  ascendant 
que  les  grandes  Ames  savent  prendre  sur  le 
vulgaire,  par  le  charme  de  l'éloquence,  par 
des  dehors  imposants  de  vertu,  par  des 
prestiges  même,  si  l'on  veut,  «parvienne  è 
subjuguer  quelques  hommes  simples  et  cré- 
dules, on  le  conçoit,  et  l'histoire  nous  en 
offre  mille  eiemples.  |fais  ce  qu'on  na 
point  encore  vu,  c'est  gue  l'auteur  d'une 
imposture,  jusque-là  si  heureuse,  aille  de 
lui-même,  sans  nécessité,  sans  motif,  ouvrir 
les  yeux  à  tous  ceux  qu'il  a  séduits.  Or, 
tout  autre  que  l'arbitre  souverain  de  la  vie 
et  de  la  mort,  en  prédisant  à  ses  disciples 
qu'il  sortirait  du  tombeau,  détruisait  par 
cela  seul  toute  la  confiance  qu'il  avait  pu 
leur  inspirer. 

En  efiet,  j'interroge  l'incrédule,  et  je  lui 
demande  si  les  disciples  de  Jésus,  sur  Tau- 
torité  de  sa  prédiction,  croyaient  fermement 
qu'il  dût  ressusciter,  ou  si  leur  foi,  encore 
faible  et  vacillante,  attendait  l'événement 
pour  se  fixer.  Qu'il  choisisse  entre  ces 
deux  suppositions,  et  qu'ensuite  il  m'ex- 
plique comment,  après  avoir  attendu  vaine- 
ment l'exécution  de  la  promesse  de  leur 
maître,  après  s'être  convaincus  de  la  faus- 
seté de  sa  prédiction,  les  disciples  ont  pu  se 
persuader  encore  qu'il  était  le  Fils  de  Dieu. 
A  la  vue  d  une  preuve  si  palpable  d'impos- 
ture, la  foi  des  disciples,  quelles  que  soient 
leurs  préventions,  s'éteint  nécessairement 
pour  faire  place  à  l'indignation  et  à  la  honte 
de  s'être  laissé  tromper.  Loin  de  songer  à 
perpétuer  une  fable  dont  l'auteur  s'est  trahi 
.  si  visiblement,  il  ne  leur  reste  qu'à  retour- 
ner à  leurs  barques  et  à  leurs  filets.  Trop 
heureux,  si  un  prompt  repentir  les  dérobe 
à  la  vengeance  des  lois,  bu  si  leur  obscurité 
fait  oublier  qu'ils  ont  été  les  complices  du 
faux  prophète  1 

Une  semblable  prédiction,  dans  la  bouche 
djun  imposteur,  ne  pouvait  doue  avoir 
d'autre  effet  que  de  forcer  ses  disciples  à 
l'abandonner.  J'ajoute  qu'elle  eût  encore 
préparé  à  ses  ennemis  un  moyen  sûr  et  fa- 
eile  de  le  convaincre,  à  la  face  de  tout  l'uni- 
vers,  de  mensonge  et  d'impiété. 

S'il  se  rencontrait  un  chef  de  secte  assez 
téméraire  pour  prédire  hautement  qu'il  se 
montrera  plein  de  vie  trois  jours  après  sa 
mort,  quel  serait  l'effet  naturel  et  nécessaire 
d'une  si  extravagante  prédiction? Tout  ce 
que  peut  s'en  promettre  le  prétendu  pro- 
phète, c'est  que  la  fable  de  sa  résurrection 
s'accrédite  et  se  répande  dans  le  monde. 
Mais  tous  ses  moyens  de  séduction  sont  en- 
sevelis avec  lui,  et  l'imposture  meurt  avec 
l'imposteur,  à  moins  qu  il  ne  laisse  un  parti 
assez  hardi  pour  venir  à  bout  de  persuader 
que  la  prédiction  s'est  vérifiée. 
Tout  l'espoir  de  Jésus,  dans  le  système 


de  l'incrédulité,  reposait  donc  sur  le  eoara;e 
et  sur  l'habileté  de  ses  disciples.  Vous  venez 
de  voir  si  c'était  en  les  flattant  de  la  (au;^ 
idée  de  sa  résurrection,  qu'il  pouvait  lesio- 
'  téresser  à  sa  mémoire  et  au  succès  de  50a 
entreprise.  Je  le  suppose  toutefois,  et  je  me 
représente  ces  hommes  si  timides,  si  lâches 
quelques  jours  auparavant,  transformés  toal 
à  coup  en  conspirateurs  intrépides,  et  dé* 
terminés  à  soutenir  la  résurrection  dun 
homme  qui  les  a  trompés  pendant  sa  vie,  a 
qui,  en  exmrant  sur  une  croix,  ne  teura 
légué  que  1  attente  d'une  mort  seoiblablei 
la  sienne.  Ils  s'assemblent,  ils  délibèreDt,^ 
prennent  la  résolution  désespérée  d'eoIeTér 
Je  corps  de  leur  mattre.  Mais  dès  le  premier 
pas,  un  obstacle  insurmontable  les  arrête. 
C'est  la  prédiction  publique  c)iie  Jésus  a 
faite  de  sa  résurrection.  Instruits,  parcelle 
imprudente  déclaration,  du  cours  qu'aliaii 
prendre  l'imposture,  les  prêtres  et  les  (Pa- 
risiens ont  rompu  d'avance  toutes  les  mesu- 
res des  conjurés.  Ils  ont  placé  des  gardes  au 
sépulcre;  ilsjr  ont  apposé  le  sceau poWc; 
ils  sauront  bien  empêcher  qu*oD  oen/ére 
le  cadavre;  il  ne  leur  sera  pas  diffiâhil«le 
produire  après  les  'rois  jours  rév(A\&Ca 
terme  expiré,  la  fable  de  la  résurrection  «^ 
étouffée,  avant  même  qu'elle  ait  vu  le 
jour. 

En  deux  mots  :  Jésus  a  prédit  qu'il  rt§> 
susciterait,  donc  il  est  ressuscité. 

Le  fait  de  la  résurrection  est  attesté,  noo- 
seulement  partons  les  écrivains  du  Nouveau 
Testament,  mais  encore  par  tous  les  apAlres 
et  les  disciples  de  Jésus-Christ;  el  leur  té- 
moignage unanime  et  persévérant  ne  peut 
être  suspect  ni  dillusion  ni  d'iaipostur«. 
D'abord  la  nature  du  fait,  sa  cootinuitt, 
la  multiplicité  et  la  variété  des  appariuon^ 
qui  le  constataient,  ne  permettent  pas  uv 
croire  que  les  témoins  aient  été  trompe^. 
Ce  n'est  pas  en  songe,  ou  d'une  manière  fn- 
gitive,  ce  n'est  pas  une  seule  fois  que  i^ 
sus  après  sa  mort  se  montre  à  ses  disciple^: 
c'est  pendant  quarante  jours  consécutilN  t; 
dans  toute  l'intimité  du  commerce  le  p(o^ 
familier.  PrœbuU  seipsum  vivum  in  multi: 
argumeniis^  per.  dit$  quadraginta^  appercéê 
eiSf  et  loquens.  (Act.  1.) 

Direz-YOtts  que  les  apAtres  étaient  \*rù- 
parés  par  leurs  préventions  et  leur  cr^a* 
lité,  à  prendre  pour  réels  des  faits  et  «k» 
discours  qui  n'existaient  que  dans  leur  iiu^ 
ginalion? 

Mais,  en  premier  lieu,  une  pareille  iVih» 
sion  supposerait  la  démence  portée  è  s^io 
comble;  et  la  démence  n'admet  pas  cear 
uniformité  dans  les  récits,  cette  liaison  dar 
les  faits,  cette  profonde  sagesse  dansb 
discours  que  nous  offre  l'histoire  de  Jéf« 
ressuscité. 

En  second  lieu,  rien  ne  paraît  plus  t-lm- 
gné  de  l'esprit  des  disriples-,  que  la  prévc»- 
tion  et  la  crédulité  à  l'égard* de  fa  résurre»^ 
tion  de  leur  Maître.  Ils  traitent  d'exlrafd*^ 
gance  le  premier  rapport  qu'on  leuceitfNt. 
et  visasunt  anieiUat  quasi  deliramenta  rer^ 
islUi  €t  non  crcdiderunt  illis.  ^uc.   XUT«) 


ri09 


RES 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RES 


1210 


Hs  se  soHt  assurés  que  le  corps  Q*est  plus 
dans  le  sépulcre,  et  ils  ne  sont  pas  encore 
persuadis.  Jésus  se  montre  à  Madeleine;  il 
lui  adresse  la  parole  ;  il  l'appelle  par  son 
nom  :  Madeleine  le  reconnaît  enfin,  et  court 
lonoDcer  aux  disciples  ce  qu'elle  a  vu. 
Mais  son  témoienage  ne  leur  suffit  pas;  il 
but  qoe  Jésus  leur  apparaisse,  qu'il  leur 
nonlre  les  ricalrices  de  ses  plaies.  Thomas, 
{ui  n'était  pas  présent  lors  de  celte  première 
ipparition,  refuse  d*en  croire  ses  collèsues; 
I  ne  se  rend  qu'après  avoir  tu  et  toucné  les 
races  récentes  des  clous  et  de  la  lance. 

Dans  ce  récit,  oue  je  suis  forcé  d'abréger, 
nais  dont  tous  les  détails  sont  précieux, 
«><0Dnaissez-vous  la  marche  de  la  préven- 
!OD,  de  la  crédulité  ou  de  Tenthousiasme? 
%e  TOUS  semble-t-il  pas,  au  contraire,  que 
e5  apôtres  portent  la  défiancejusqu'à  fex- 
^?  £t  n'étes-vous  pas  tenté  de  leur  adres* 
erie  reproche  que  Jésus  faisait  aux  disri- 
l  es  d'Emmaiis;  qui  s'entretenaient  avec  lui 
3DS  le  reconnaître  :  O  insensés,  qui  tous 
raidissez  contre  la  foi  !  O  insensaii  et  tardi 
jMrdead  credendumf 

)Aiïs  c'est  trop  nous  arrêter  sur  une  sup- 
position qui  ne  soutient  pas  le  plus  léçer 
'Uoiea.  Les  témoins  de   la  résurrection 
'  lOQt  pu  s'en  laisser  imposer  :  voyons  s'il 
'^f^rmis  de  croire  qu'ils  aient  formé  le 
"'êc^eio  d'en  imposer  eux-mêmes. 
Oti  les  apôtres  s'attendaient  à  voir  leur 
ualire  ressusciter,  comme  il  l'avait  annoncé 

expressément,  ou  ils  ne  s'y  attendaient 


Dans  la  première  supposition,  ils  ont  dû 
i  reposer  sur  lui-même  du  soin  de  vérifier 
I  predieiion.  Ils  n'avaient  nul  besoin  de 
engluer  dans  une  manœuvre  aussi  dan- 
mrtuse  que  criminelle;  et  si  leur  attente 
lait  trompée,  il  ne  leur  restait,  comme  je 
iJ  dé^  dit,  que  d'abandonner  la  cause  et 

loémoire  d'un  homme  qui  les  avait  si  gros- 
.^n-ment  abusés. 

Dans  la  seconde  supposition,  nul  motif, 
I  intérêt,  nul  espoir  ne  pouvait  les  enga- 
r  à  eoDcerter  la  fable  de  la  résurrection. 
I  côté  du  monde,  ils  avaient  tout  à  crain- 
.'  :  du  côté  du  ciel,  ils  ne  pouvaient  atten- 
*  que  les  châtiments  réservés  au  blas- 
^me  et  à  l'impiété.  Le  fanatisme  ne  les 
niglait  pas  sur  ce  qu'il  y  avait  de  criminel 
is  leur  projet;  et  le  faux  zèle  ne  justifiait 

rimposture  à  leurs  yeux.  Si  le  Christ 
st  pas  ressuscité,  disait  saint  Paul,  nous 
Ions  oo  faux  témoignage  contre  Dieu  : 
€mf 9tiir  ei  faisi  testes  Dei. 
idmettons  néanmoins  que  les  apôtres 
senl  quelque  intérêt  à  supposer  et  à  di- 
goer  fa  fable  de  la  résurrection,  com- 
nl  n'onl-ils  pas  été  découragés  à  la  vue 

obstacles  innombrables  qui  s'opposaient 
exécution  d'une  pareiHe  entreprise?  ob- 
^es  pris  de  la  nature  même  du  projet,  oui 
7aodait  que  l'on  fît  disparaître  le  cada- 
Jont  les  Juits  s'étaient  assurés  par  une 
<e  militaire  :  obstacles  de  la  part  des 
ViAîoes  qui  se  trouvaient  en  grand  nom- 
t    et    i-armi  lesquels  il  ne  fallait  qu'un 


traître,  un  second  Judas  pour  dévoiler  la 
fraude,  et  en  immoler  les«auteurs  à  la  risée 
publique  et  à  \9i  vengeance  des  lois;  obsta- 
cles de  la  part  des  prêtres,  des  magistrats, 
de  U  nation  toute  entière,  que  la  fable  de  la 
résurrection  couvrait  d'une  infamie  éter- 
nelle, et  qui  avaient  en  main  tous  les 
moyens  de  droit  et  de  force,  propres  à  con- 
fondre et  à  punir  les  imposteurs;  obstacles 
de  tous  les  genres,  qui  donnent  à  ce  projet 
un  caractère  d  extravagance,  tel  que  l'imagi- 
nation épouvantée  ne  peut  se  figurer  nu  il 
y  ait  eu,  d'une  part,  des  hommes  «ssez  lous 

Eour  en  concevoir  l'idée,  et,  de  l'autre,  des 
ommes  assez  slupides  pour  en  permettre 
l'exécution. 

Nous  pouvons  compter  parmi  les  témoins 
de  la  résurrection,  jusqu  aux  Jciis  qui  ont 
refusé  de  la  croire.  Leur  incrédulité  porte 
avec  elle  des  caractères  si  manifestes  de 
mauvaise  foi,  qu'elle  équivaut  à  un  aveu 
formel. 

Pour  vous  en  convaincre,  je  n'ai  besoin 
que  de  mettre  sous  vos  yeux  ce  que  firent 
les  chefs  de  la  svnagogue  avant  la  résurrec- 
tion, pour  empêcher,  s*il  eût  été  possible, 
que  la  prédiction  de  Jésus  ne  s'accomplît 
et  ce  qu  ils  firent  après  la  résurrection,  pour 
arrêter  l'effet  de  la  (irédication  des  apôtres. 

Avant  ia  résurrection,  les  princes  des  prê- 
tres et  les  pharisiens  scellent  de  leur  sceau 
l'entrée  du  sépulcre  :  ils  y  placent  des  satel- 
lites pour  en  défendre  Taccès.  Par  ces  me- 
sures, il  se  constituent  dépositaires  et  gar- 
diens du  corps  de  Jésus,  >ls  en  répondent 
contre  tous  les  efforts  des  disciples,  et  ils 
s'engagent  tacitement  à  le  représenter,  après 
les  trois  jours  fixés  pour  \di  résurrection. 
Qu'arrive-t-il  cependant?  l^  le  matin  du 
troisième  jour,  les  sceaux  du  sépulcre  sont 
bris^,  la  pierre  énorme  qui  le  fermait  est 
renversée,  les  satellites  sont  dissipés,  le 
cadavre  a  disparu  ;  il  ne  reste  que  les  lin- 
ges qui  l'enveloppaient. 

D'après  ces  faits  publiés  [Mir  les  apôtres» 
et  non  contestés  par  les  Juifs,  il  faut  ad- 
mettre, ou  que  Jésus  est  ressuscité,  ou  que 
ses  disciples  ont  enlevé  le  cadavre  à  force 
ouverte.  Mais,  outre  que  c'eût  été  de  leur 
part  un  projet  insensé,  soit  qu'ils  crussent, 
soit  qu'ils  ne  crussent  pas  à  la  divinité  de 
leur  maître;  outre  qu'on  ne  peut  leur  sup- 
poser ni  le  courage  ni  les  forces  nécessaires 
pour  l'exécution,  les  chefs  de  la  synagogue 
en  avaient  rendu  le  succès  impossible;  et 
ils  ne  sont  plus  en  droit  d'alléguer  cet  en- 
lèvement, après  qu'ils  l'ont  prévu,  et  qu'ils 
ont  pris  pour  l'emuêcher  toutes  les  mesures 
que  pouvait  suggérer  la  prudence  éveillée 
par  la  haine,  et  soutenue  de  l'autorité  et  de 
la  force  publique. 

A  plus  forte  raison  ne  méritent-ils  pas 
d*être  écoutés,  lorsqu'ils  viennent  nous  inre 

3ue  les  disciples  ont  forcé  le  sépulcre,  pen- 
antque  les  gardes  dormaient  tous  à  la  fois» 
sans  que  leur  sommeil  eût  été  troublé  par 
le  tumulte  inséparable  des  efforts  et  des 
mouvements  que  suppose  une  pareille  ex^ 
pédition.  Un  fait  aussi  destitué  de  vraiscm^ 


titt 


RES 


DICTIONNAIRI::  APOLOGETIQlJG. 


RES 


lilt 


blance  demanderait,  conomc  Tobscrve  saint 
Augustin,  d*aiitres  garants  que  des  témoins 
endormis.  Tout  ce  que  Ton  peut  conclure 
du  bruit  de  Tenlèvement  semé  dans  le  peu* 
pie  par  les  chefs  de  la  synagogue,  c*est  que, 
de  loùr  aveu,  le  cadavre  n'était  plus  dans  le 
sépulcre  avant  la  Gn  du  troisième  jour;  et 
cet  aveu,  dans  leur  bouche,  est  un  témoi- 
gnage forcé  en  faveur  de  la  résurrection. 

Tandis  que,  par  une  fable  si  mal  concer- 
tée, les  prêtres  et  les  pharisiens  s'efforçaient 
de  démentir  la  prédiction  de  Jésus-Christ, 
les  apôtres,  au  milieu  de  Jérusalem,  se  por- 
taient hautement  pour  témoins  de  son  ac- 
complissement. Le  contraste  de  leur  assu- 
rance et  de  leur  intrépidité,  avec  la  mollesse 
et  la  timidité  de  la  synagogue,  fait  assez 
▼oir  de  quel  côté  se  trouvent  la  bonne  foi 
et  la  vérité. 

Pierre  et  Jean  venaient  de  guérir,  à  la 
porte  du  temple,  et  en  présence  a  une  foule 
innombrable,  un  homme  bottent  de  nais- 
sance, connu  de  toute  la  ville.  Ils  avaient 
pris  occasion  de  ce  prodige  pour  annoncer 
au  peuple  la  résurrection  de  Jésus.  Ils  par- 
laient encore,  lor^squ'il  survient  des  prêtres, 
des  magistrats  du  temple  etdessadducéens, 
qui  les  font  saisir  et  jeter  dans  une  prison: 
Le  lendemain,  les  prêtres,  les  anciens,  les 
scribes  assemblés,  se  font  amener  les  deux 
apôtres.  Nieront-ils,  ou  du  moins  conteste- 
ront-ils le  miracle  de  la  veille?  Non  :  ils  lo 
reconnaissent  expressément,  et  se  bornent 
è  demander  aux  apôtres  en  quel  nom,  et  par 
la  puissance  de  qui  ils  Tont  opéré  :  In  qua 
viriutef  aut  in  quo  nomine  ftcistit  hoc  vos  f 
{Act.  IV.)  Pierre  prend  la  parole  et  leur  dit  : 
Princes  da  peuple^  apprenez^  et  que  tout  Ja^ 
raè'l  sache  que  cet  homme  que  vous  voyez  sain 
devant  vous^  a  été  guéri  par  la  puissance  et 
au  nom  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  de 
Nazarethj  que  vous  avez  crucifié^  et  que  Dieu 
a  ressuscité  d'entre  les  morts  :  Quem  vos  cru- 
ci  fixistis^  quem  Deus  suseitavit  a  mortuis... 
Les  magistrats,  voyant  la  fermeté  de  Pierre 
etde  Jean,  sachant  que  c'étaient  des  hommes 
du  peuple,  et  sans  lettres,  étaient  dans  Téton- 
nement,  et  connaissaient  qu'ils  avaient  été 
avec  Jésus.  Ils  voyaient  aussi  devant  eux 
l'homme  guéri,  et  ils  ne  pouvaient  nier  la 
chose.  Ils  tirent  sortir  les  apôtres  de  la  salle 
du  conseil,  et  délibérant  entre  eux,  ils  se 
disaient  :  Que  /eron«-nou5  de  ces  hommes? 
Le  miracle  qu'ils  ont  fait  est  connu  de  tous 
les  habitants  de  Jérusalem.  La  chose  est  ma- 
nifestCf  et  nous  ne  pouvons  la  nier.  Mais  afin 
que  leur  doctrine  ne  se  répande  pas  davan- 
iagcj  défendons --leur  avec  menace  a  en  parler 
à  qui  que  ce  soit.  Pierre  et  Jean  sont  rap- 
pelés, on  leur  intime  Tordre  du  conseil  : 
ils  sortent  en  déclarant  c|u*ils  n'obéiront 
pas  :  Jugez  vous-mêmes^  disent-ils,  s'il  est 
juste  de  vous  obéir  plutôt  quà  Dieu.  Pour 
nouSf  nous  ne  pouvons  taire  ce  que  nous  avons 
entendu  :  Non  enim  possumus  quœ  vidimus 
et  audivimus  non  loqui. 

Cités  une  seconde  fois  nu  même  tribunal, 
tous  les  apôtres  réunis  parlent  avec  la  même 
intrépidité.  Les  prôlresi,  les  pharisiens  fré- 


missaient do  rage  et  roulaient  les  taire 
mourir.  Laissez  ces  hommes^  leur  dît  (lama- 
liel  :  car  siramvrequih  entreprennent  tim 
des  hommeSf  elle  tombera  d'elle-même  ;  maint 
c'est  Vœuvre  de  Dieu^  vous  ne  viendrez  pas  à 
bout  de  la  détruire^  et  votre  résistance  tnui 
rendrait  coupables  d'impiété. 

Avec  tant  de  haine  et  de  puissance,  pou^ 
quoi  tant  d'incertitude  et  de  faiblesse?  Pour- 
quoi ces  ménagements  pour  des  hommes  «k 
néant  qui  accusent  en  face  les  princes  des 
prêtres  d*avoir  crucifié  le  Messie  des  Juif», 
qtiem  vos  crucifixistisf  Comment  le  [)]us 
sage  et  le  plus  accrédité  des  pharisieci 
ose-t-il  avancer  en  plein  conseil^  qua  coiu* 
battre  la  prédication  des  apôtres«  c*est  s'ei- 

[>oser  h  combattre  Toeuvre  de  BiftuTEsi-fe 
à  la  conduite,  est-ce  là  le  langage  convcoa- 
ble  aux  chefs  d'une  nation»  à  Tégard  d'uoe 
poignée  de  novateurs  et  de  séditieux,  qui» 
par  la  plus  grossière  imposlure^  déshoou- 
rent  la  nation  tout  entière,  et  melttolm 
péril  Tétatetla  religion? 

N'allez  pas  m'object er  que  ce  réiUestsa^- 
pect,  puisque  c'est  des  ai>dtres  sesls  qud 
nous  le  tenons. 

Les  faits  qui  ont  précédé  ou  suivi  ismA» 
diatement  la  résurrection,  étaient  des  bits 
publics  et  notoires  qui  appartenaient  à  la 
synagogue,  etqu*ily  auraii  eu  deladémemv 
à*^lui  attribuer,  s'ils  n'eussent  pas  étévral^ 
et  généralement  reconnus.  Les  apôtres  an- 
raient- ils  inventé  que  les  prêtres  allèrent 
trouver  Pilate,  pour  lui  demander  de  plac^ 
une  garde  dans  le  sépulcre  ;  qu'il  se  répan^lit 
parmi  les  Juifs  Cfue  le  corps  de  Jésus  aiai: 
cté  enlevé  de  nuit  par  ses  uisciples,  qu'eut- 
mêmes  furent  cités  devant  le  conseil,  iottT- 
rogés,  emprisonnés,  réprimandés,  et  haUu^ 
de  verges  7  Non,  ces  faits  ne  sont  pas  de  l'in- 
vention des  apôtres  :  ils  avaient  pour  gar^r.' 
la  notoriété  publique.  Vous  ne  pouvez  ra- 
sonnablement  les  contester,  et  de  leur  réu- 
nion il  sort  une  nouvelle  preuve  du  fail' 
la  résurrection. 

D  abord  la  précaution  de  placer  une  £»rrp 
militaire  près  du  sépulcre,  ne  permet  \hi- 
de  douter  que  Jésus  n*eût  annoncé  publiqu*- 
ment  qu'ils  ressusciterait.  J*y  trouve  mèi!M 
une  sorte  d'aveu  de  ses  autres  miracles;  cir 
on  eût  méprisé  une  semblable  prédiction, 51 
des  œuvres  surnaturelles  ne  lui  eussent  ;«* 
donné  de  la  vraisemblance  et  du  poids  dia* 
l'opinion  publique. 

EnsecondlieUjlelVruîtquiserépanddelV- 

lèvement  du  cadavre,  prouve  déiuoostm 
vement  que  le  tombeau  s*élait  trouvé  tx 
après  le  troisième  jour.  Or  ce  fait  seul  ^ 
cide  contre  les  Juifs,  puisqu'il  est  reruf»  ^| 
qu'ils  ont  dû,  qu'ils  ont  pu,  <iu'ils»nt  fi-;- 
lu  prévenir  toute  lentalivede  la  |«irt  de5  •la- 
ci  pies. 

De  plus,  ce  bruit  suppose  une  irn|*<vtanr 
avérée,  ou  de  la  part  des  disciples,  *'il  f;* 
véritable,  ou  de  la  part  de  la  synag^çne^y; 
est  faux.  Or,  si  Ton  pèse  atlentivoiiieiir  J'ii.*- 
térêl,  les  moyens,  le  caractère  des  uns  n 
dus  autres ,  ou  avouera  que  le  reiT-Hit 


IÎI3 


RES 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQrE. 


RES 


»U 


ne  (>eut  loinher  qoe  sur  les  chefs  de  la  sj- 

nagogoc. 

Les  apd(rcs  n*avaient  nul  intérêt  à  déro- 
ber le  corps  de  leur  maître,  k  moins  qn*on 
oe  /es  5ap(K)se  assez  insensés  pour  Touloîr, 
au  péril  de  leur  ne,  justiCer  I  extra raganie 
prédiction  d*un  imposteur.  Mais  la  synago* 

Ce  demeurait  conraincue  du  crime  Je  plus 
rriblc,  si  Ton  crovait  à  la  résurrection 
fun  bomme  qu^elle  avait  fait  périr  du  der- 
nier supplice.  A  s'en  tenir  à  la  présomption 
Je  droit,  celui-là  a  commis  le  crime,  a  qui 
le  rrirae  est  utile,  Is  fecit  scelus^  cuiprodest  : 
il  ne  se  trouve  ici  de  coupables  que  les 
fj.Ts. 

Li'S  apôtres  manquaient  de  tous  les 
r<uveas  nécessaires  au  succès  d*une  entre- 
mise si  hasardeuse.  Mais  les  chefs  de  la  sy- 
i^ogue  avaient  en  main  tout  ce  qui  pou- 
rsit  empêcher  TelTraction  dn  sépulcre,  tout 
equi  fionvait  la  constater  après  reiécution. 
)r,  de  leur  aveu,  ils  ne  Font  pas  empêchée, 
U  d'après  foute  leur  conduite,  il  est  évident 
[n'ils  ne  Tont  pas  constatée.  Ils  n*ont  pas 
uéme  puni  les  soldats  gui,  par  un  oubli  sans 
xeoiple  de  la  discipline  m'ilitaire,  avaient 
aiorisé  le  vol  du  dépôt  confié  à  leur  garde. 
i'ont  souffert  qu'on  les  accusât  pubîique- 
«-ni  d'avoir  acheté  à  prît  d'argent  le  si- 
(oc^de  ces  téuioins  oculaires  de  larésur- 
t^lion. 

Us  apùtres,  dans  toute  la  suite  de  leur 
>e,  ont  donné  Texemple  de  toutes  les  ver- 
us:  ils  ont  scellé  de  leur  sang  le  témoigna- 
^  qu'ils  araîent  constamment  rendu  de  la 
(^urreclion  de  leur  maître.  En  est-il  de 
aémede  lears  adversaires?  Interrogez,  je 
te  dis  pas  les  évangéiistes ,  mais  Tbistorien 
osépbe  :  il  tous  dira  que  telle  était  la  cor- 
D/'iion  des  pharisiens,  des  prêtres,  des  ma- 
(5/rats,  qu'elle  eût  suiB,  sans  les  armes  des 
^roains,  pour  consommer  la  ruine  entière 
'  la  nation. 

Troisièmement,  les  chefs  de  la  synogogue 
(  nié  le  fait  de  la  résurrection;  mais  quel- 
»  preuves  ont- ils  opposées  au  témoignage 
s  afiAtres?  Le  bruit  v«igue  de  l'enlèvement 

cadavre  n'est  qu'une  fable  maladroite, 
i  n'est  pas  soutenu  par  des  informations 
îdiques.  Or,  il  ne  parait  nulle  trace 
iformations  juridiques  dans  toute  l'his- 
re  de  ce  temps-là;  et  ce  qni  démontre 
il  n*jr  en  a  jamais  eu ,  ou  que  l'on  s'est 
i  obligé  de  les  supprimer,  c'est  que  les 
^Ires  continuent  d'enseigner  en  public, 
s  que  les  magistrats  osent  les  condamner 
i  mort  ;  c*est  que,  dans  le  procès  instruit 
luUuairement contre?  le  diacre  Etienne, 
Taccuse ,  non  d'avoir  enseigné  la  résur- 
lion  de  Jésus,  mais  d'avoir  blasphémé 
(re  le  temple  et  contre  Kiloi  :  c'est  enfin, 

la  foi  en  Jésus  ressuscité,  que  û^s  in- 
natîons  juridiques  auraient  dû  étouffer 
s  sa  naissance,  s'établit  au  milieu  de  Jé- 
ilem,  sous  les  yeux  ùes  prôtrcs  et  des 
\\siratS9  qui  ne  savent  combattre  la  nou- 
e  rcM^ïon  qu'en  la  persécutant. 


IHL 


Li  résorrectioD  de  Jésii»-Clirisl  prouva  por  n  llabon 
néecssain:  avec  plasieors  jqUcs  lails  IncontesiablM  et 
ioeipUcables  sans  elle 

Le  fait  de  la  résurrection  est  tellement  lié 
avec  d'autres  faits  incontestables,  qu  on  ne 
peut  l'en  détacher  sans  tomber  dans  un  abîrao 

d'inTraisembIances,decontradfctionsetd'ab- 
suniités  historiques. 

^  Un  premier  tait  incontestable,  c'est  que 
rétablissement  du  christianisme  est  moins 
l'ouvrage  de  Jésus-Christ  que  celui  de  s^ 
apdtres.  Or,  si  Jésus  n'est  pas  ressuscité,  il 
est  impossible  de  concevoir  comment  ses 
apôtres  ont  pu  suivre  et  consommer  l'entre- 
prise qu'il  avait  commencée.  Que  l'incrédule 
se  décide  une  fois  sur  le  caractère  qu'il 
Teut  donner  aux  apôtres.  En  fera-t-il  des 
enthousiastes  stupides  qui  prèchentde  bonne 
foi  les  visions  dont  leur  maître  les  a  bercés? 
Cette  supposition  est  détruite  par  le  fait  de 
la  résurrection,  dont  ils  se  disent  les  té- 
moins. Jusque-lè,  qu'ils  aient  été  séduits,  à 
la  bonne  heure;  mais,  dès  ce  moment,  ils 
deviennent  eux-mêmes  des  imposteurs;  il 
ne  fautplus  nous  parler  de  leur  enthousias- 
me et  de  leur  bonne  foi.  Essayera-t-on  de 
nous  les  montrer  comme  des  fourbes  habiles 
qui  s'emparent  du  plan  ébauché  par  leur 
maître,  et  se  chargent  de  l'exécuter,  au  péril 
manifeste  de  leur  vie?  Des  fourbes  n'au- 
raient eu  garde  de  coudre  à  leur  plan  la  fa- 
ble de  la  résurrection,  qui  ramenait  tout  à 
l'examen  d'un  fait  unique,  où  le  mensonge 
devait  percer  de  toutes  parts. 

Dn  second  Ait  non  moins  incontestable, 
c'est  que  l'Eglise  a  pris  naissance  à  Jéru- 
salem, deux  mois  après  la  mort  de  Jésus- 
Christ.  La  première  prédication  de  Pierre 
enfante  trois  mille  chrétiens  :  peu  de  jours 
après,  on  en  compte  huit  mille.  La  persécu- 
tion qui  oblige  les  apôtres  de  se  séparer* 
porte  le  germe  de  la  foi  dans  tous  les  pays 
voisins.  Qui  m'expliquera  ce  mouvement 
subit  qui  arrache  des  milliers  de  Juifs  à  leurs 
préjugés,  à  leurs  habitudes,  à  tous  leurs  in- 
térêts, pour  leur  faire  adorer  un  homme 
qu'ils  ont  vu  expirer  entre  deux  brigands? 
Les  apôtres  ont  publié  que  cet  homme  était 
ressuscité.  Mais  les  apôtres  ont  rencontré 
des  contradicteurs,  ils  n'en  ont  pas  été  crus 
sur  un  fait  aussi  extraordinaire,  ils  ne  l'ont 
|ias  avancé  sans  allouer  quelques  preuves  ; 
et  si  le  fait  était  controuvé,  sur  quelles 

Iireuves  ont-ils  pu  l'établir  lorsque  tout  s'é- 
evait  contre  leur  témoignage,  Tautorité,  la 
religion,  l'intérêt  et  les  passions? 

Que  l'on  exagère  tant  que  1  on  voudra  la 
crédulité  du  peuple,  on  ne  trouvera  pas 
un  seul  exemple  d'une  pareille  imposture  et 
d'un  pareil  succès.  Les  erreurs  populaires 
prennent  leur  origine  et  trouvent  leur  appui 
dans  les  opinions  reçues,  dans  les  jiasssions, 
dans  rinfluence  des  gouvernements.  Romu- 
lus  disparait  tout  à  coup  ;  les  sénateurs  pu- 
blient que  les  dieux  l'ont  enlevé  au  milieu 
d'un  ora^e  :  un  peuple  imbécile  etsufiersti- 
tinux  croit  sans  peine  une  lable  qni  s'ao* 
corde  avec  toutes  ses  idées.  Mais  ce  même 


HI5 


RES 


DICTIOXNAIIIE  APQL0GET1QI3E. 


RES 


ii\î 


peuple  aurail-il  cru,  sur  la  parole  de  quel- 
ques inconnus,  è  l*apothéose  d'un  homme 
obscur,  ennemi  de  ses  lois  et  et  de  sa  re- 
ligion ? 

Aussi,  et  c^est  un  troisième  fait  non  moins 
certain  que  les  deux  précédents,  les  apôtres 
n*ont  pas  dit  au  peuple  de  Jérusalem  : 
Croyez  que  Jé^us  est  ressuscité,  |iaree  que 
nous  TOUS  rassurons;  ils  ont  dit:  Crojez-en 
les  prodiges  que  nous  opérons  sous  vos 
yeux,  au  nom  de  Jésus  ressuscité.  La  foi  des 
premiers  Juifs  convertis  a  donc  eu  |[K)ur  mo- 
tif des  faits  éclatants,  dont  la  vérité  était  né- 
cessairement liée  à  la  vérité  du  fait  de  la 
résurrection.  Tout  se  réduisait  pour  eux  à 
Texamen  facile  de  ces  faits  dont  ils  étaient 
les  témoins  oculaires.  Tout  se  réduit  pour 
nous  à  rechercher  s'ils  ont  reconnu  la  vérité 
des  faits  allé|^és  par  les  apfttres,  et  si  le 
Jugement  qu  ils  en  ont  porté  nous  oblige 
nous-mêmes  à  les  admettre. 

Mais,  dit-on,  pourquoi  Jésus  ressuscité  ne 
s*est-ïl  pas  montré  aux  prêtres,  aux  phari- 
siens, à  toute' la  ville  de  Jérusalem  qui  l'a- 
vait vu  expirer?  Pourquoi  sa  mort  ayant 
été  publique,  sa  résurrection  na-t-ello 
pas  eu  d'autres  témoins  que  ses  disci- 
ples ? 

Je  pourrais  répondre  q  le  la  nation  en- 
tière, représentée  |iar  ses  prêtres,  ses  doc- 
teurs, ses  magistrats,  avait  une  preuve  con- 
vaincante de  la  résurrection,  dans  fctat  où 
l'on  trouva  le  sépulcre  trois  jours  après  la 
mort  de  Jésas-Gbrist.  Je  pourrais  ajouter 

Sue  le  témoignage  des  apôtres,  soutenu  |)ar 
es  œuvres  surnaturelles,  en  fournissait  une 
autre  preuve  certaine,  et  dès  lurs  suflisantc. 
Mais  je  vais  pins  loin,  et  je  dis  que,  par 
leurs  propres  miracles,  les  apôtres  ressus- 
citaient ce  fait  capital,  le  rendaient  public,  et 
le  mettaient  en  quelque  sorte  sous  les  yeux 
de  la  nation.  Jésus-Cbrist  en  effet  ne  se 
montrait-il  pas  au  milieu  des  Juifs  toutes  les 
fois  que  ses  apôtres  opéraient  en  son  nom, 
et  imr  le  pouvoir  qu'ils  avaient  reçu  de  lui, 

Quelqu'un  de  ces  prodiges  que  nous  lisons 
ans  leur  histoire  ?  La  synagogue  et  le  peuple 
de  Jérusalem  ne  l'ont  pas  vu  après  sa  résur- 
rection; mais;n'ont-ils  pas  vu  dans  les  miracles 
des  apôtres  une  preuve  de  sa  résurrection, 
équivalente  au  témoignage  immédiat  de  leurs 
sens?  Et  ceux  qui  ont  refusé  de  se  rendre  à 
cette  preuve  si  authentique  et  si  éclatante,  se 
seraient-ils  montrés  plus  dociles  à  la  vue  de 
Jésus-Christ  ressusscité?  Pensez-vous  d'ail- 
leurs que  le  témoignage  unanime  de  toute 
la  nation  juive  fût  capable  de  fermer  la  bou- 
che à  nos  incrédules  modernes?  Ne  deman- 
deraient-ils pas  encore  que  Jésus,  après  sa 
résurrection,  eût  parcouru  toute  la  terre? 
Ne  voudraient-ils  pas  le  voir  de  leurs  pro- 
pres yeux?  Où  trouver  des  preuves  assez 
convaincantes  pour  des  hommes  bien  réso- 
lus à  ne  pas  croire?  L'histoire  évangélique 
fenferme  des  motifs  de  crédibilité  qui  sulli- 
«ent  à  la  bonne  foi,  et  l'autorité  n'en  est 
point  ébranlée,  parce  que  la  mauvaise  foi 


imagine  et  demande  d'autres  prenres  qa'elle 
saurait  bien  éluder.  —  Sur  la  différence  en- 
tre les  récits  évangéliques  au  sujet  de  la 
résurrection  de  Jésus-Christ,  ray.  Jeaît  (saint) 

L  BVANG&LISTE,S  H. 

RESURRECTION  dc  Lazare,  de  la  fille 
DE  Jaïr  ;  explication  naturaliste  réfutée  par 
Strauss.  Voy.  Natceaustes. 

RESURRECTION  DES  CORPS.  —  La  phi- 
losophie contempla  avec  effroi  le  mystère 
qui  se  passe  à  la  mort  de  l'être  înlelligeot; 
car  si  la  dissolution  des  organes  se  fait  con- 
formément aux  lois  des  corps,  qui  périssent 
par  la  désunion  de  leurs  parties,  pourquoi, 
de  la  part  de  l'homme  qui  meurt ,  cette  aij- 
goissu,  ces  déchirements,  ces  efforts  snrbu- 
mains  pour  retenir  les  restes  d'une  vie  qui 
échappe?  La  douleur  arière  crue  réveilla 
constamment  la  mort,  était  un  lait  en  con- 
tradiction  avec  l'idée  générale  que  Tantl- 

Suité  savante  s'était  faite  de  la  vie,  regar- 
ée par  elle  comme  un  malheur.  D'oà  ?^ 
nait  donc  cette  épouvante  à  Tâme,  sur  le 
point  d'être  délivrée  de  ses  cb^tnesf  pour- 
quoi toutes  les  générations  reculaîeife//e$ 
avec  horreur  devant  le  tombeau, celles 
devaient  considérer  plutôt  comme  le  te* 
qiiet  d'un  ineffable  hyméuée  ?  poorqam  » 
fier  Caton  d'Utique  n'osa-t-il  se  doDoer  U 
mort  qu'après  avoir  lu  le  Phédon  de  Plalrin, 
oh  il  prouvait  l'immortalité  de  i'âme?  U 
présence  de  la  mort  réveillait  doue  la  crainte 
de  l'anéantissement  ?  Mais  si   Tbomme  e^l 
réellement  immortel,  comme  tout  le  pro- 
clame, pourquoi  la  crainte  du  néaot  se  faih 
elle  sentir  au  moment  oili  l'être  aocoœpUt 
la  destinée  de  sa  nature?  Tout  le  proMènie 
était  encore  à  résoudre,  la  science  biuiiai&ft 
n'avait  [ms  essayé  de  le  faire. 
Je  ne  pense  jamais,  sans  éprouver  ta  piii5 

[»rofonde  tristesse,  à  ce  que  durent  souflrir 
es  hautes  intelligences  et  les  eœars  ai- 
mants, lorsqu'ils  voyaient  s'ouvrir  le  goa!'- 
fre  du  tombeau,  sans  aucun  espoir  d^eu 
sortir  jamais.  Mais  encore  une  fois,  pour- 
quoi ces  plaintes,  pourquoi  ces  larmes,  m 
mourir  était  une  loi  de  nature?  Tout  ce  qui 
s'accomplit  violemment  dans  les  fbnctiocs 
quelconques  d'un  être,  accuse  une  déâ«rc:4- 
nisation  dans  sa  constitution  primitive. 
L'homme  ne  veut  pas  mourir,  donc  il  ne  ie 
devait  pas.  Ici  les  divines  Écntnres  mifi< 
prennent  par  la  main ,  et  nous  font  arriver 
(le  saint  Paul  qui  nous  dit  que  la  mort  ut  l* 
salaire  dû  péchêf  et  de  l'auteur  de  ïaS^içessi, 
qui  enseigne  que  Dieu  créa  l'homme  imm^'f- 
tel  et  quU  le  fit  à  V image  de  ea  restembtatuu 
mais  que  la  mort  sUntroduisit  dans  le  moût 
par  r envie  du  démon  (1266),  jusqu'à  Jâisa-* 

3ui  nous  fait  dans  la  Genèse  l'bistorii;» 
e  la  chute  lamentable  de  nos  premiers  >^ 
rents ,  et  rapporte  ces  paroles  de  Dieu  *v-^ 
pèseront  toujours  sur  notre  nature  :  /« 
mangeras  ton  pain  à  la  sueur  de  tan  fr9^(^ 
jusque  ce  que  tu  retournes  dans  la ter^e  io^ 
tu  as  été  tiréj  parce  que  tu  es  poussUre  €t 
que  tu  retourneras  en  poussière  (1267}.  AiB^i 


(1266)  Sap.  Il,  «3,  24, 


(12()7)  Gtn.  iii. 


Iil7 


H£S 


DICTIOXN.UIIE  APCLOCETÎQDE. 


RFS 


I2ÎS 


les  secrets  de  nos  angoisses  en  présence 
des  Kteinles  de  la  mort,  s'expliquent  dans 
les  livres  saints.  Noos  étions  naturellement 
moriSymais,  par  un  don  surnaturel  «  nons 
avioDS  été  élevés  à  Timmortalilé.  En  tom- 
Laot  par  une  faute,  de  cetie  haute  destinée, 
nous  enaYons  conservé  les  regrets  et  tou- 
tes les  sympathies;  notre  condition  pure- 
ment naturelle  dans  laquelle  nous  sommes 
rentrés  ne  peut  plus  nous  suffire  ;  notre  dé- 
sir a  été   trop   excité;  l'espérance   qu'on 
avait  posée  devant  nos  veux  était  trop  ma- 
gnitique,  on  avait  jeté  sur  nos  membres 
trop  de  splendeur,  pour  que  nous  puissions 
nous  résigner  sans  plainte  à  voir  scinder 
notre  être  dont  tous  les  destins  sont  brisés, 
poisuu'en  tomlMint.  même  nos  facultés  ua- 
tureiies  ont  été  blessées,  comme  s'exprime 
le  concile  de  Trente. 

Nons  savons  pourquoi  nons  mourons  et 
pourquoi  nous  nous  plaignons  en  mourant. 
Ce  secret  de  la  mort  était  renfermé,  aux 
temps  anciens,  dans  les  livres  sacrés  d'un 
peuple  haï  et  méprisé,  et  qui  ne  devait, 
comme  on  l'a  dit,  sa  célébrité  qu'à  sa  lèpre 
et  à  ses  déserts.  A  côté  de  ce  secret ,  les  li- 
vres des  Hébreux    nous    permettaient  de 
conceYoir  le  plus  délicieux  esi)oir,  celui  de 
nssnsciter  un  jour.  Le  mot  de  résurrec- 
t!on  de  la  chair  n'apparaissait  pas  dans  la 
Bible  comme  quelque  chose  de  fortuit,  ou 
comme  étant  le  résultat  des  efforts  d'une 
combinaison  savante,  comme    l'aurait  pu 
faire  Platon  ou  ses  disciples.  Ce  mot  parais- 
sait naturel  dans  la  langue  des  Juifs,  et 
3ooique  dans  les  derniers  temps  la  secte 
es  sadducéens  eût  clierché  à  corrompre 
les  traditions  anciennes,  le  mot  de  résur- 
rection était  d'autant  mieux  compris  qu'on 
eo  découvrait  la  génération,  et  qu'à  travers 
les  événements  de  l'histoire  nationale,  on 
pouvait  en  suivre  les  développements  pro- 
gressifs. Cette  idée  de  revivineation  n'appe- 
lait rien  de  nouveau,  rien  d'indéfini,  rien 
qui  fût  prétentieux;  ressusciter  n'était  rien 
antre  chose  que  la  voix  de  la  chair,  soujû- 
rant  après  son  immortalité  perdue.  En  rap- 
pelant la  résurrection  d'entre  les  morts ,  les 
livres  saints  signalaient  l'éternel  besoin  de 
toute  chose,  qui  crie  sans  cesse  jusqu'à  ce 
qu'elle  soit  rétablie  dans  les  conditions  pre- 
mières de  sa  nature,  et  tant  que  ce  cri  dure, 
tant  que  ce  besoin  se  fait  sentir,  il  j  a  un 
malaise  immense  dans  l'être  qui  souffre,  il 
Y  a  angoisse  déchirante,  et  rien  ne  peut 
laire  cesser  cette  voix  ni  satisfaire  ce  désir. 

^  Aussi  la  plainte  de  l'homme  descendant 
Tiolemnent  dans  le  tombeau  s'exprima  d'a- 
bord par  l'amère  voix  de  Job,  et  après  lui 
on  ne  «lira  jamais  rien  qui  ajiproche  de  la 
|/rofoiideur  de  son  martyre  ni  de  la  violence 
de  ses  déchirements.  Ses  paroles  lugulires 
ont  été  répétées,  sur  toutes  les  douleurs, 
3ur  toutes  les  morts,  sur  toutes  les  corrup- 
tions «  mais  on  lui  a  emprunté  aussi  aux 
^ours  de  jubilation  les  paroles  de  son  es}.oir 

(12f»)  Jùb  XIX. 

(1:209}  Eueh.  xsxvii. 


sublime.  Plat  au  eieU  dit-il,  que  mesparolcê 
fussent  écrites  f  qu'elles  fussent  tracées  danê 
un  livre^  ou  gravées  à  jamais  sur  In  pierre  et 
sur  t airain  avec  un  ciseau!  Car  je  sais  que 
mon  Rédempteur  est  rivant ,  et  qu'un  jour  il 
s'élèvera  sur  la  terre;  et  lorsque  mon  corps 
aura  été  consumé^  je  verrai  encore  le  Seigneur 
dans  ma  chair^  je  le  verrai  moi-même  de  mes 
yeuXf  et  mes  yeux  le  contempleront^  moi' 
même  et  non  un  autre,  Cetie  espérance  repose 
en  mon  sein  (1268).  Daniel  disait  après,  que 
ceux  qui  dorment  dans  la  poussière  se  ré- 
veilleront. Isaïe  avait  déjà  annoncé  la  ré- 
surrection, en  disant,  suivant  les  Septante: 
Les  morts  s'élèveront ,  et  ceux  qui  sont  cou* 
chés  dans  la  tombe  ressusciteront.  Et  puis  le 
prophète  s'était  adressé  à  ces  habitants  du 
silence  et  de  la  poussière,  en  leur  criant  : 
Béveillei-vous  et  rendez  grâces^  vous  qui  de- 
meurez  dans  le  sépulcre!  Ezéchiel  poursuivit 
ensuite  le  téraoï^ua^e  de  la  résurrection, 
en  en  donnant  l'image  la  plus  expressive. 
La  main  du  Seigneur  fut  sur  moi^  écrit-il, 
et  le  Seigneur  m'emporta  en  esprit;  et  il  tne 
déposa  au  milieu  d'Un  champ ,  et  ce  champ 
était  plein  d'ossements  ;  et  il  me  conduisit  au^ 
tour  de  ces  os^  et  ifs  étaient  en  grand  nom^ 
bre  sur  la  face  du  champ  et  très'Secs,  et  il  me 
dit  :Fils  de  Vhomme^  ces  os  vivront-ils?  Et 
je  dis  :  Seigneur  Dieu^  tu  le  sais.  Et  il  me 
dit  :  Prophétise  sur  ces  os  et  dis-leur  :  Os 
arides ,  écoutez  la  parole  du  Seigneur,  Voici 
ce  gue  dit  le  Seigneur  à  ces  os  :  Moi  j* enver- 
rai en  vous  l'esprit ^  et  vous  vivrez^  et  je  met- 
trai sur  vous  des  nerfs^  et  je  ferai  croître  des 
chairs  sur  vous ,  et  /étendrai  la  peau  sur 
vous:  et  je  vous  donnerai  l' esprit  f  et  vous  vi- 
vrez; et  vous  saurez  que  moi  je  suis  le  Sei- 
gneur, Etie  prophétisai  comme  il  me  Cuvait 
ordonné.  Pendant  que  je  prophétisais^  un 
bruit  s'entendit^  et  voilà  que  tout  est  ébranlé; 
et  les  os  s'approchèrent  des  os ,  chacun  à  sa 
jointurcy  et  je  vis.  Et  voilà  les  nerfs  et  leê 
chairs  qui  recouvraient  ces  os ,  et  la  peau 
qui  s'étendait  sur  les  os  ;  mais  Vesprit  n  était 
point  en  eux.  Et  le  Seigneur  me  dit  :  Pro^ 
phétise  à  r  esprit  f  Fils  de  F  homme;  et  tu  di^ 
ras  à  Vesprit  :  Voici  ce  que  dit  le  Seigneur 
Dieu  :  Vteos^  esprit  des  auatre  vents,  et 
souffle  sur  ces  morts  e4  au  ils  revivent.  Et  je 
prophétisai  comme  il  m  avait  ordonné;  et  en 
même  temps  F  esprit  entra  en  eux,  et  ils  fu- 
rent vivants  f  et  une  armée  innombrable  se 
leva  sur  ses  pieds  (1269).  Saint  Jérôme  re- 
marque que  ce  passage  ef  t  fameux  pour  ce 
oui  nous  intéresse,  car  le  prophète  fondait 
I  espérance  du  retour  de  la  captivité  sur 
l'exemple  de  ta  résurrection  certaine  de  la 
chair.  Les  os,  dit  Tertuliien,  ne  pourraient 
fournir  un  syml)ole,  si  ce  symt>ole  lui-mê- 
me ne  devait  se  réaliser  en  eux.  Entin  un 
des  Macbabées  disait  au  milieu  des  tour- 
ments à  Antiochus  :  Certainement^  hommo 
pervers^  tu  nous  fais  mourir  en  la  vie  pré^ 
sente;  mais  le  Roi  du  monde  nous  ressuscitera 
en  la  résurrection  de  la  vie  éternelle^  «oiia 
qui  sommes  morts  pour  ses  lois  (1270). 

(ti70)  Il  Mackab.  vu. 


1)19 


R£S 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


liES 


li» 


Les  Ecritares  anciennes  sont  d'ailleurs 
pleines  de  flgores  de  la  future  résurrection. 
Suivant  saint  Epiphane  (1271)»  le  sang 
d'Abel  qui  crie  devant  Dieu«  montre  Tespoir 
de  la  résurrection  des  corps  :  Enoc  enlevé 
du  milieu  des  hommes  est  le  modèle  de 
cette  résurrection  :  la  stérile  Sara,  après 
avoir  conçu  contre  les  lois  de  la  nature, 
nous  crie  dans  son  enfantement  que  nous 
serons  ressuscites  ;  Jacob  et  Joseph  croient 
à  cette  espérance  par  les  soins  au*ils  pren- 
nent de  leurs  cenures  ;  la  verge  d*Aaron  qui 
refleurit,  celle  de  Moïse  qui,  après  avoir  été 
changée  en  ferpent,  reprend  sa  première 
forme,  signifiaient  le  réveil  des  morts. 
Hoïse  cnlin,  en  bénissant  Rubeu  par  ces 
paroles  :  Que  Ruben  vive^  ti  qu'il  ne  meure 
pas^  semble  lui  promettre  qu'il  sortira  du 
tombeau,  puisque  Ruben  était  déjà  mort. 

Je  ne  m  arrête  pas  aux  autres  endroits  des 
Ecritures,  où  Ton  applique  à  notre  cendre 
les  idées  les  plus  gracieuses.  Tantôt  on  dit 
de  nos  os  qu  ils  seront  délivrés,  tantîH  on 
les  compare  à  des  rejetons  qui  reverdissent 
et  à  une  fleur  qui  s'éi)anouit;  quelquefois 
on  lui  assure  qu*eHe  sera  revêtue  des  vête* 
ments  les  plus  splendides. 

C'est  ainsi  que  Tespérance  de  la  résurrec- 
tion s'était  conservée  vivante  et  pure  dans 
les  traditions  d*un  seul  peuple  de  1  antiquité; 
elle  avait  disparu  du  sem  des  sociétés  païen- 
nes, son  nom  ne  se  retrouve  plus  dans  la 
philosophique»  car  le  mot  de  palingénésie, 
fr«Xc77tyf7i«,  tegeneratio^  qui  chez  les  Pères 

Srecs  signifie  quelquefois  la  résurrection 
es  corps,  de  même  que  k^fnwiç  (1272), 
ireiprimait  plus  pour  les  savants  que  le 
renouvellement  du  monde.  Pline  l'Ancien 
disait  dans  le  septième  livre  de  son  Histoire 
naturelle^  que  1  espérance  d*être  ressuscité 
était  une  des  vanités  humaines,  et  que  le  dire 
de  Démocritc,  qui  avait  assuré  la  résurrec- 
tion des  corps,  et  qui  n'était  pas  ressuscité 
lui-même,  était  une  imposture  et  une  four- 
berie insigne,  si  ce  n'était  une  odieuse  dé- 
mence. 

L'Evangile  se  présenta  sous  de  tels  aus- 
pices devant  la  sagesse  humaine  pour  lui 
révéler  son  dogme  fondamental,  la  résur- 
rection des  corps.  Saint  Paul,  le  plus  grand 
des  apôtres  pour  la  science  dans  la  foi,  devait 
se  trouver  aux  prises  sur  cette  question 
principale  avec  les  disciples  de  Zenon  et 
d'Epicure  ,  dans  Athènes ,  cette  mère  de 
toutes  les  sciences  humaines.  Les  paroles 
de  l'apôtre  leur  parurent  étranges  et  inouïes  : 
on  le  conduisit  devant  l'Aréopage,  ce  tribu- 
nal le  plus  solennel  de  l'antiquité,  et  dont 
l'institution  se  perd  dans  la  nuit  des  temps. 
Il  était  juste  que  le  procès  de  la  résurrection 
de  la  chair  vtntcontradictoirements'enga^r 
dans  cette  enceinte  célèbre,  où  avaient  plaidé 
les  dieux  ;  devant  ces  jujges  qui  prononçaient 
dans  les  questions  capitales  au  milieu  dos 
ténèbresdela  nuit,  pour  n'être  point  influen- 
cés par  les  objets  des  sens,  sur  ces  sièges 
teints  du  sang  des  victimes  immolées  à 
l'autel  des  Euinénides,  où  se  plaçait  celui 

(i27l)  S.  Epiph.,  1. 1,  gcct.  9. 


qui  prêtait  serment,  en  faisant  sur  lui-même 
les  plus  horribles  imprécations,  et  à  côié 
de  la  tombe  funèbre  d  Œdipe,  cet  étemel 
symbole  de  la  colère  divine. 

La  chair  ne  devait  pas  trouver  justice  de* 
vaut  le  tribunal  philosophe  d'Athènes:  celui 
gui  la  représentait  fut  regardé  comme  un 
insensé,  et  fut  moqué  par  tous.  Il  ne  devait 
pas  être  plus  favorablement  traité  devant  Fes- 
tus,  rhomme  de  la  puissance  romaine  dans 
la  Judée.  C*en  était  fait  du  plus  irrésistible 
do  nos  sentiments,  du  plus  violent  de  d<'^ 
désirs,  du  désir  de  la  vie,  si  notre  cliair, 
régénérée  par  Teau  du  baptême,  n*a?aitp^ 
prouvé  elle-même  à  la  sensualité,  è  la  $»> 
gesse  humaine  et  aux  tyrans  qu'elle  devait 
ressusciter  un  jour.  Elle  se  mit  à  lœuvro, 
en  étonnant  le  monde  i^ar  son  courage  dam 
le  martyre,  par  le  dévouement  dans  Tiiolo- 
causte  de  ses  vierges,  et  par  tout  Tensemb'r 
des  actions  chrétiennes.  Cette  vie  des  pr^ 
niiers  fidèles,  qui  surgit  tout  à  coopaprè» 
la  publication  de  FEvangile,  n'avait  jaoïais 
eu  de  précédents  ni  d'exemples  (noibpoa- 
vons  bien  nous  en  rapporter  sur  cepoiAl 
au  témoignage  de  Julien  TA  postal/,  et 
accusait  dans  Tbomme  Texaltatioa  uiooie 
d'une  puissance  regardée  toujours  eo&^e 
infirme  et  esclave.  Si  jusqu'alors  quel^^i^i*^ 
hommes  avaient  pu  se  rendre  supérier.r> 
à  la  douleur,  l'Evangile  en  rendit  capable 
des  multitudes  entières  de  femmes  et  dei.- 
fants  ;  si  jusqu'alors  on  avait  pu  faire  m 
vierge  dans  un  siècle,  saint  Jérôme  reaiarqj^î 
dans  ses  lettres  que  Texemple  de  la  Ticr^>'| 
Démétriade  fut  contagieux  dans  Teonpirv. 
et  que  ce  fut  un  saint  combat ,  entre  les  i  r*- 
miefes  dames  romaines,  tes  Paule,  iesli'^ 
les  Uaudence,  les  Julienne,  pdur  vou^: 
leurs  enfants  à  la  virginité,  tandis  qiie que  j 
qucs  siècles  avant,  le  plus  vertueui  <!(>' 
Romains,  Caton,  avait  trafiqué  sur  la  puii^ur 
de  ses  esclaves.  D'où  venait  cette  puissao 
inconnue  de  Thomme  sur  ses  memt»^ 
sinon  de  ce  que  l'on  lui  avait  fait  conci^v*f 
l'espérance  de  ressusciter  un  jî)ur?  B't 
même  que  les  martyrs  chrétiens  avaieni  ^ 
l'exemple  divin  du  martyr  du  Calvaire, 
les  vierges  chrétiennes  l'exemple  de 
Vierge-Mère,  TEvangile  ne  devait  p 
borner  à  annoncer  la  résurrection,  il  F^ 
senta  un  exemple,  et  Jésus -Cbrist  ètji 
ressuscité. 

La  résurrection  du  Dieu-Homme  se  prê- 
chait au  monde  comme  le  iondemenlde  ^ 
religion  nouvelle. 

Puis  donCf  écrivait  saint  Paul  aui  ù^ 
thiens,  qu'on  vous  a  prêché  que  Jisru^^f 
est  ressuscité  éC entre  les  morts^  comment** 
trouve-t-ils  parmi  vous  qui  osent  dire  p 
les  morts  ne  ressusciteront  pas  ?  Si  If  s  f»^'| 
ne  ressuscitent  points  Jésus-Christ  nesté^' 
pas  ressuscité:  et  si  Jésus-Christ  n'est  p 
ressuscité^  notre  prédication  est  inutiU^ 
votre  foi  est  vaine.  Nous  serons  même  f««- 
vaincus  d'être  de  faux  témoins  à  l'égard  ^f 
DieUy  comme  ayant  rendu  ce  témoignage  f<**' 
tre  Dieu  même  y  en  disant  quV  a  ressusai' 

Hi%l±)  Gasp.  Suiccrus,  Thesaur.  sccieu 


ICI 


RES 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RES 


12» 


Jénu-Chrisi  qu*il  n*a  pas  re$$u9cUéf  si  let 
morts  ne  ressuscUeni  pas  :  car  si  les  morts  ne 
restuicUemt  pas^  Jésus-Christ  iCtst  pas  non 
plus  ressuscité^  et  si  Jésus-Christ  n^est  pas 
reuuieité^  votre  foi  est  vaine;  car  vous  êtes 
encore  dans  vos  péchés.  Ceux  qui  sont  morts 
en  Jésus^hristf  sont  donc  morts  sans  espé- 
ronce.  Si  Vcspérauce  que  nous  avons  en  Jésus- 
Christ  n  est  pas  pour  cette  r/e,  nous  sommes  les 
plus  misérables  de  tous  les  hommes.  Mais 
thainienant  Jésus-Christ  est  ressuscité dC entre 
les  mortSf  et  il  est  devenu  les  prémices  de  ceux 
qui  sont  dans  le  sommeil  de  la  mort  :  car 
c'est  par  un  homme  que  la  mort  estrenue^  c'est 
aussi  par  un  homme  que  vient  la  résurrection; 
et  comme  tous  meurent  par  Adam^  tous  revi^ 
rront  aussi  par  Jésus-Christ  (lâ73). 

L*A|K>lre  donne  ensuite  la  raison  pour- 
ijuoi  la  chair  iloit  ressusciter  :  Autrement^ 
aue  ^sqneroni^  demande  t-il ,  cruj:  qui  sont 
bapiiséspour  les  mortSf  s* il  est  vrai  que  les 
morts  ne  ressuscitent  point  f ...   (1374)   Et 
pourquoi  nous-mêmes  nous  exposons-nous  à 
touie  heure  à  tant  de  périls?...  il  ny  apoint 
de  jour  que  je  ne  meure. . .  Que  me  sert,  à 
parler  selon  Vhomme,  d'avoir  combattu  à 
Ephtse  contre  des  bêtes  farouches^  si  tes  morts 
me  ressuscitent  pas?  JS'e  pensons  qu'à  boire 
et  à  manger,  puisque  nous  mourrons  demain. 
?àr  ces  |>aroles,  qu'on  n*a?ait  jamais  entendu 
f.rononcer  dans  aucune  chaire  de  pbiloso* 
\dûe,  TApdtrc  développait  la  raison  nniaue 
Oes  actions  humaines  dans  l'ordre  rérélé, 
l'espérance  de  la  résurrection.  Si  les  morts 
n^  ressuscitent  pas,  pourquoi  la  chair  joue- 
i-e!!e  un  si  grand  rôle  dans  la  religion  ? 
«  Certes,  remarquait  Tertullien,  il  suffirait 
à  la  chair  que  nulle  âme  ne  pût  absolument 
oUenir  le  salut,  à  moins  de  croire,  pendant 
«qu'elle  est  dans  la  chair,  tant  il  est  vrai  que 
îa  chair  est  la  base  du  salut.  Quand  Tâme 
r5t  enrôlée  au  service  de  Dieu,  c'est  la  chair 
</ui  la  met  à  même  de  recevoir  cet  honneur; 
rVt  la  chair  en  effet  qui  est  lavée,  pour 
«|tje  râmc  soit  purifiée;  la  chair  sur  laquelle 
«•n  fait  i\es  onctions,  pour  que  Tâme  soit 
#oi»s,-icrée;  la  chair  qui   est  marquée  du 
N.^ne  sacré,  pour  que  l'âme  soit  forlifiéc; 
fa'^chair  qui  est  couverte  [lar  l'imposition 
•itrs  mains,  pour  que  Tâme  soit  illuminée 
^*dr  rÈsprit  ;  la  chair  enfin  qui  se  nourrit 
iu   corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ,  pour 
|ue    l'âme  s^engraissc  de  la  substance  de 
ion  Dieu.  Elles  ne  peuvent  donc  être  sépa- 
rées dans  la  récompense,  puisqu'elles  sont 
^^sociées   dans   le    travail.   Les   sacrifices 
^.réabies  à  Dieu,  je  veux  dire  les  laborieux 
-^ercices  de  l'âme,  les  jeûnes,  les  abstinen- 
ts* la  sobriété,  tout  ce  qui  accompagne  la 
iiortiUcalion  des  sens,  cest  la  chair  qui 
>s.écute  à  son  détriment.  La  vir^nité,  le 
rpuvagc,  la  couche  conjugale  samtenient 
rivée-de  ses  droits,  le  mariage  unique  sont 
tfs  holocaustes  que  la  chair  hrûle,  sur  ses 
•rupres  biens ,  en  l'honneur  de  Dieu.  Ré- 

ffSTS)  /  CortJilA.  XV. 

I  f  ^7i)  Les  comiiienuieiirt,  soit  catlioliqaes,  soli 
.  c^cc^taols,  ne  sont  pat  d  accord  dans  Teiplîcation 


|ionds  I  que  penses^fn  de  la  c-liair,  lorsque 
traînée  en  public  et  livrée  h  la  haine  de 
tous,  eHe  combat  pour  la  foi  ;  lorsqu*au  fond 
des  cachots,  elle  est  torturée  par  la  privation 
si  cruelle  de  la  lumière;...  lorsqu'ensuite 
elle  est  déchirée  par  des  instruments  de 
toute  espèce;  lorsque  enfin  elle s*éteint dans 
les  supplices?  O  chair  fortunée  1  s*écriait 
touiours  le  rude  prêtre  de  Carthage  ;  A  chair 
mille  fois  glorieuse,  qui  satisfait  si  bien  en 
Jésus-Christ  qu'elle  ne  lui  doit  plus  rien  que 
d'avoir  cessé  de  lui  devoir,  d'aulant  plus  en- 
chaînée aujourd'hui  qu'elle  est  libre(127S}  I» 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  dans  Tordre 
révélé  que  la  chair  est  si  bien  mêlée  et  con- 
fondue avec  l'âme,  qu'il  en  résulte  un  acte 
unique  ;  c'est  aussi  dans  l'ordre  de  la  nature. 
«  N'est-ce  pas  par  le  ministère  de  la  chair, 
demandait  Tertullien,  que  l'âme  jouit  de 
tous  les  dons  de  la  nature,  des  richesses  du 
monde  et  iïes  charmes  des  éléments?  C'est 
par  la  chair  qu'elle  est  pourvue  de  ]'ap|)a- 
roil  des  sens,  la  vue,  l'ouïe,  l'odorat,  le  goût 
et  le  toucher;  c'est  par  elle  qu'elle  est  ar- 
mée d'une  puissance  divine,  capable  de 
tout  opérer  par  la  parole,  et  ntème  par  le 
langage  muet  du  geste  et  du  regard.  La  pa- 
role assurément  est  un  des  organes  de  la 
chair.  La  chair  1  elle  est  le  véhicule  des 
arts  :  la  chair  I  elle  soutient  les  sciences  et 
le  génie  I  la  chair,  elle  conduit  les  actions, 
l'industrie,  les  fonctions...  Si  tout  est  ainsi 
soumis  à  l'âme  par  l'entremise  de  la  chair, 
tout  est  soumis  également  è  la  chair.  Il  faut 
nécessairement  que  Tinstrument  suit  asso- 
cié à  la  jouissance.  La  chair,  par  le  minis- 
tère qu  elle  prête  à  l'âme,  est  donc  recon- 
nue sa  Compagne  et  sa  cohéritière.  » 

<  Eh  bien  1  que  les  adversaires  commen- 
cent par  briser  le  lien  qui  unit  l'âme  à  la 
chair,  poursuit  toujours  Tertullien,  !*our 
qu'ils  osent  le  briser  ensuite  dans  là  rému- 
nération de  la  vie.  Qu'ils  nient  la  commu- 
nauté des  actes,  pour  qu'ils  puissent  nier 
éô^alement  è  bon  droit  la  récompense.  Que 
la  chair  ne  participe  pas  à  la  sentence,  si 
elle  n'a  point  participé  à  la  cause  qui  Ta 
motivée  ;  que  lame  -aeiile  soit  rappelée,  si 
l'âme  seule  disparaît.  Mais  il  n'en  est  rien, 
elle  ne  sort  pas  plus  seule  de  la  vie  qu'elle 
n'a  couru  seuledans  la  carrière  qu'elleahan- 
donne,  je  veux  parler  de  cette  vie.  Il  est  si 
vrai  que  l'âme  ne  vil  pas  seule  ici-bas,  que 
nous  ne  séparons  pas  de  la  communauté  de  la 
chair  les  pensées ,  même  à  F  état  dépensées,  et 
non  encore  réalisées  par  le  ministère  de  la 
chair.  En  effet,  Tâme  exécute  dans  la  chair 
et  par  la  chair  ce  qui  s'accomplit  dans  le 
cœur.  Le  Seigneur  lui-même,  quand  il  veut 
reprendre  les  pensées  des  hommes,  s'atta- 
que è  cette  portion  de  la  chair  qui  est  comme 
la  citadelle  de  l'âme  :  Pourquoi pensex-vous 
le  mal  au  fond  de  vos  cœurs  t  Quiconque. 
dit-il  ailleurs,  a  regardé  une  femme  avec  un 
œil  de  convoitise,  a  déjà  commis  Fadultire 

de  ce  jNissagt*.  (Beiciu,  Dict.  de  tkéol.) 
(Iii5)  Tektcll.,  De  resnrrect.  canes* 


i^% 


RES 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RES 


m 


dan$  son  cœur.  Tant  la  pensée,  même  sans 
effet  ni  exécutioni  est  un  acte  de  la  chair.  » 
D*où  nous  devons  conclure  que  l*liomme 
if  est  homme  et  n*açit  comme  homme  que 
dans  la  chair  ^t  par  Ta  chair,  qui  le  person- 
nifie et  le  caractérise.  Sans  l'espoir  delà 
résurrection,  il  n'y  a  plus  de  commande- 
ments possibles,  il  n'y  a  plus  de  devoirs  à 
remplir.   Saint  Cyrille  de  Jérusalem  ensei- 

Î;ne  dans  ses  Catéchèses  (fue  Tespérance  de 
a  résurrection  est  la  racine  de  toute  bonne 
action.  Honte  et  malédiction  sur  les  législa- 
tions impies  qui  prétendent  nous  imposer 
des  obligations  de  conscience,  et  qui  pro- 
fanent la  chair t  Pourquoi  les  phiiosopnies 
anciennes  n'ont-eiles  rien  pu  dans  les. ac- 
tions, pourquoi  leurs  enseignements  sont- 
ils  toujours  restés  stériles,  si  ce  n'est  parce 
qu'ils  condamnent  la  chair  h  l'anéantisse- 
ment? Pourquoi  donc,  ô  homme  malheu- 
reux, as-tu  ri  à  Athènes,  il  y  a  dix-huit  siè- 
cles, brsqu'un  apdtre  te  disait  que  tu  devais 
être  récompensé  ou  puni  comme  tu  as  agi, 
c'est-à-dire,  tout  entier,  c'est-à-dire,  toi- 
même?  £t  pourquoi  aujourd'hui  tant  d'in- 
sensés se  moquent-ils  de  l'espérance  de  la 
chair  ressuscHée,  si  ce  n'est  parce  qu'ils 
abusent  de  cette  chair,  qu'ils  outragent  et 
qu'ils  corrompent?  Ceux  qui  s'appellent 
philosophes  ont-ils  seulement  pensé  €[u'en 
niant  la  résurrection  des  corps  ils  niaient 
la  personnalité,  la  liberté  et  les  actions  7 

Le  premier  fait  .évangélique  a  été  de  re- 
constituer l'homme  par  l'espérance  d'être 
ressuscité.  Théophilacte  disait,  en  expli- 
quant sain^  Paul,  que  le  dogme  de  la  résur- 
rection des  corps  est  comme  le  fondement 
de  toute  foi  ;  1  enseignement  nouveau  s'é- 
tablit sur  le  dogme  fondamental,  que  nous 
avions  été  rachetés  tout  entiers.  Le  sang  de 
JésusH^hrist,  après  avoir  racheté  nos  corps, 
a,  en  le  coiamandant  et  en  le  réglant,  enno- 
bli et  rendu  libre  l'acte  de  l'homme.  L'espé- 
rance d'être  ressuscité  en  l'émancipant  dans 
son  action,  lui  a  donné  la  liberté  morale 
qu'on  ne  connut  jamais  dans  l'antiquité.  De 
cet  espoir  ont  résulté  tous  les  développe- 
ments des  libertés  humaines  ;  et  puis  la  li- 
berté do  par  l'espérance  de  la  résurrection 
de  la  chair  a  fécondé  tous  les  éléments  hu- 
mains, elle  a  sanctifié  et  sanctionné  les  lois, 
elle  a  inspiré  l'art,  réveillé  la  science,  pro- 
duit la  civilisation  et  enfanté  tous  les  sacri- 
Qces  et  tous  les  dévouements. 

L'histoire  des  peuples  régénérés  devait 
se  faire  sur  les  données  de  la  résurrection 
des  corps,  et  cet  espoir  se  confondait  avec 
le  fait  fondamental  du  christianisme,  la  di- 
vinité de  Jésus-Christ  :  car  s'il  n'est  pas 
Dieu,  il  n'est  pas  ressuscité,  et  s'il  n'est  pas 
ressuscité,  nous  ne  ressusciterons  pas  non 
plus;  et  sans  l'espoir  de  la  résurrection,  la 
décadence  ^e  manifestera  progressivement 
dans  Tart,  les  libertés  seront  étouffées,  car 
les  antiques  passions  sont  toujours  là  pour 
re))rendre  leur  vieil  empire. 

Saint  Paul,  dans  la  même  EpUre  aux  Co- 
rinthiens^ nous  apprend  la  manière  dont 
»'accomi)lira  la  résurrection  des  corps  par 


ces  mots  :  lfat>,  dira  guelqu^un^  cùmment  k 
morts  ressuseiteront-îisn  et  orée  fufl  torp$ 
reviendront'-ils  f  Insensés  que  vous  iUi,  ce 
que  voîu  semez  ne  prend  rie,  iil  «e  m^ 
-auparavant...  Nous  ressusciterons  tout,  vtaù 
tous  nous  ne  serons  pas  ehangés,  SuJTtot 
l'Apôtre,  nos  corps  pourrissent  dans  la 
tombe  comme  la  semence  dans  la  terre,  et 
d'un  corps  corruptible  il  en  sortira  micoriis 
incorruptible  ;  et  d*un  corps  morlel,  un 
corps  immortel  pour  les  justes.  Celle  id(V 
de  semence  appliquée  à  notre  cendre  noa* 
rappelle,  dans  la  pensée  de  TApôlre,  (joe 
nous  devons  mourir  en  celai  avec  lequt! 
nous  devons  être  ressuscites.  Saint  Pri 
nous  apprend,  dans  son  Epître  aux  Coltt- 
siens,  que  les  chrétiens  ont  éïé  ensP7e)l$(ii 
Jésus-Cihrist  par  le  baptême;  il  dil  Mm 

9ue  nous  nous  incorporons  Jésus-Christ, 
ont  nous  devenons  les  cohéritiers,  les  frè- 
res et  les  membres,  par  Tinstitution  des 
sacrements  qui  doivent  perpétuer Imeariu- 
tion  du  Verbe  et  nous  la  rendre  propre  en 
s'appliquant  sur  nos  corps.  Les  sacreiuols 
nécessaires  aux  conditions  de  mltîm'm 
mixte  présentent  l'image  du  sacrifeeide 
la  mort,  et  par  conséquent  de  tnaÉnu- 
tion.  Elle  s'accomplit  au  moyen  de  ism 
union  sacramentelle  arec  le  Dieu-Honiais 
fait  chef  d'un  corps  mystérieux  dont  doqs 
sommes  les  membres.  Cette  union  enlKî(> 
ftëres  s'agrandit  en  s'élevantjosqu'à  Ihen 
Quits  soient  un,  dit  Jésus-Christ  i  son  hre, 
dans  l'Evangile  de  saint  Jean,  commt  rou 
et  moi  nous  ne  sommes  quun^  nfin  çuVj; 
aussi ^  ils  ne  soient  qu*un  avec  nous.  Ainsi  .^ 
poursuit  le  progrès  de  cette  union  qm  v 
commence  entre  le  Christ  et  les  fidèles  i)^i 
s'étend  entre  les  frères  par  le  Saureur.  '. 

3ui  Anit  par  l'assimilation  en  Dieu  et  i 
éificatiou  de  l'homme,  puisque  nos  cor,' 
sont  transformés  au  corps  de  Jésus-ChriM» 
puisque  nous  devenons  d*autres  Ikxjy 
Christ  nous-mêmes. 

C'est  bien  là  le  vrai  triomphe  de  TEtc- 
gile,  qui  a  pu  sauver  la  persoooaliié '.> 
maine  tout  en  unissant  les  individus  dr 
manière  la  plus  ineffable,  jusquà  eo fâirt 
les  membres  d'un  même  corps,  jusqn'àci 
faire  des  dieux  avec  Dieu. 

En  annonçant  la  résurrection  des  oirp<< 
l'Evangile  devait  fonder  tout  un  ordre  no*- 
veau.  Aussi  comme  les  vieux  enscLnir- 
ments,  comme  les  anciens  sacerdoces, coisc 
tous  les  sanctuaires,  comme  Tempire!'^ 
émus  à  cette  nouvelle!  Comme  on  en'* 
avec  rage  :  Les  chrétiens  aux  bêles»  eut''* 
doiveut  ressusciter  d'entre  les  morts! H^ 
aussi  comme  les^  chrétiens  surent  vim  ' 
mourir  I  comme  toujours  les  cœurs  am-*^ 
et  droits  durent  tressaillir  en  appn^'-' 
€|uils  sortiraient  de  la  tombe l  cotnin*" 
jourd'hui  le  sauvage  doit  prêter  IVh^- 
sous  sa  hutte  de  joncs,  à  ces  acreut^t^'' 
veaux  I  Si  l'Evangile  n'eût  annoncé  ao-  ''/ 
morts  ressusciteraient,  et  s'il  ne  les  eut  rr^' 
suscités,  il  fût  resté  dans  Thistoire  de  c^ 

Erit  humain  comme  une  tentative  imi^^] 
le  et  insensée.  Mais  il  s'éUbUi  $(^r  ^ 


laa* 


RES 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RES 


1216 


^érie  de  faits  nécessaires»  sur  des  sacrements 
SDpposant  rincarnation;  sur  fincarnation 
^opposant  la  résurrection  des  corps;  sur  la 
résurrection  des  corps  supposant  la  liberté 
inorale,  et  ainsi  en  déGnitire  il  se  proura 
par  réfan  de  toutes  nos  sympathies. 

L'homme  en  effet  pourrail-il  ne  pas  res- 
susciter? qui  ne  le  désire  pas?  et  y  a-l-il 
'ians  la  nature  un  seul  désir  qui  ne  se  réa- 
1  se?  Quels  sont  les  ennemis  de  la  chair,  si 
*"«  n'est  ceux  qui  1  aiment  outre  mesure? 
Q'ji  pourra  expliquer,  6  YÎe  de  Thomme 
^^mïié^  tes  infinies   contradictions?    Cette 
thair  que  l'homme  idolâtre,  qu'il  déifie , 
qu'il   exalte   jusqu'au    délire,    if    la  fait 
descendre  dans  la  tombe  sans  espoir  ;  il  laisse 
^îeraellemeot  dévorer  son  dieu  par  les  vers, 
^nù\$  que  ceux  qui  chAtient  la  chair,  qui  la 
'urifient  tous  tes  jours,  la  livrent  à  la  terre 
x»iiifDe  un  dépôt;  ils  font  descendre  les 
n.es  de  resfK)ir  sur  la  désolation  de  la 
ofiibe,  et  puis  ils  s'associent  aux  accents  de 
a    religion,  quand  dans  la  plus  grande  de 
c- 5  solennités  elle  nous  montre  vide  le  se- 
«aicre  du  Christ;  religion  sainte  qui  nous 
1  âl  parcourir  les  diverses  phases  de  son 
'i)gràs  s])irituel  suivant  les  saisons  de  lan- 

-^.  A  peine  la  nature  nous  fait-elle  pres- 

— '^Sir  son  printemps,  à  peine  la  sève  qui 

— ï^-nde  et  ressuscite  se  répand-elle  dans  les 

r^^oes,  que  la  religion  parle  aussi  de  résur- 

-=^=^tioD  triomphante.  Elle  a  posé  dans  la  na- 

^fe  son  image,  son  type,  son  symtiolisme  le 

*u^  profond,  suivant  la  pensée  de  saint 

fé^oire  de  Nazianze,  interprétant  saint 

aji.  Mais,  si  la  nature  est  bornée  dans  le 

rOAps,  si  elle  ne  reproduit  que  ce  qu'elle 

^usarait  montré  quelques  mois  plus  tôt, 

I  rcii^on  se  projette  en  avant  des  siècles  ; 

U     saos  répéter  annuellement    les  effets 

j>/Ve  nous  promet,  elle  s'établit  sur  un 

i>X8  champ,  elle  s'empare  des  tombeaux 

i'e//e  consacre  et  surveille,  et  sur  la  cen- 

e^    elle   prophétise    la   résurrection   de 

omme. 

Depuis  le  christianisme,  Simon  le  Magi- 
.'D,  Cerdon,  Harcion,  Apelles,  Valentm, 
t  gnostiques  et  les  manichéens,  nièrent  la 
^urrection  de  la  chair  par  les  conséquent 
i  d'uKie  fausse  philosophie.  D'autres, 
ODme  Hyménéê  et  Philète,  dirent  que  la 
'urreciion  était  déjà  faite,  soit  parce  que 
rangile  avait  éclairé  les  âmes  ici -bas,  soit 
rce  q[ue  les  justes  étaient  déjà  récompensés 
:is  la  gloire,  soit  parce  que  les  pères  res- 
citaient  dans  leurs  enfants; enfin  tous  les 
tempsycosistes,  Origëne  lui-même,  n'ad- 
r^-ni  d  autre  résurrection  de  la  chair  que 
retour  des  Ames  dans  d'autres  corps. 
J/>ez  les  Juîfd,  la  résurrection  des  corps 
re  jetée  par  la  secte  des  sadducéens.  Nous 
9ms   nous  arrêter  ici  quelques  instants, 

\¥î€)  Api  es  leot  ee  que  nous  avons  va  Je  leiies 
*Am€iai  Tntmwunl  sur  la  réaiurrectioa  des  oorps, 
kl  facile  de  voir  ee  qa'il  laai  penser  de  Tasser- 
i  de  faviear  de  ïBtuiuuiité^  qui  dit  que  Tidée  de 
de  jn^eineat,  de  résorrecûoo,  vint  de  la  Perse 
«topt  de  Jésns-Cbrisl. 

DsCTiO!l?(AIBE   APOLOCiriQCR.    II. 


d'autant  plus  que  l'auteur  de  rHumamié  t 
étrangement  abusé,  comme  nous  I  avons  vu, 
d'un  passage  de  saint  Matthieu  (1276).  Vog. 

RBNA1SSA5CB  DA!fS  L  HC1IA?IIt£. 

Les  Sadducéens  reconnaissaient  pour  an* 
teur  de  leur  secte  un  certain  Sadôc,  disci« 
pie  d'Antigone  Sacheus,  d'après  le  sentiment 
de  plusieurs  écrivains  juifs  et  de  Vossiu» 
dans  son  premier  livre  de  VOriffine  de  Vido- 
latrie.   Le    sadducéisroe   naquit  depuis   le 
règne  d'Alexandre  le  Grand,  sous  le  gou- 
vernement des  Machabées,  cent  ans  environ 
après  le  commencement  de  l'école  des  pha- 
risiens (1277).  Le  principal  point  de  la  doc- 
trine sadducéenne  consistait  dans  la  néga- 
tion  de  la    résurrection   ties  corps,  parce 
au'elle  niait  la  spiritualité  et  l'immortalité 
e  Tâme,  de  même  que  l'existence  des  anges 
et  de  toute  substance  spirituelle,  comme 
nous  le  voyons  dans  les  Actes  des  apôtres  : 
car  les  sadducéens  disent  qu'il  ny  a  pas  de 
résurrection^   ni  d'ange^  ni  d'esprit  (1278). 
Josèplie  rapporte  que  ceux  qui  appartenaient 
k  cetre  secte ,  peu  nombreuse  à  la  vérité, 
étaient  surtout  remarquables  par  leurs  di- 
gnités (1279).  Le    même  historien  en  fait 
d'ailleurs  un  triste  caractère,  et  dit  en  subs- 
tance Que  Quelques-uns  d'entre  les  plus  ri- 
ches et  les  plus  recherchés  chez  les  Hébreux, 
adonnés  sans  honte  au  plaisir  de  la  table,  au 
sommeil  et  aux  jouissances  des  sens,  se  dé- 
claraient pour  la  secte  des  sadducéens,  dont 
la  philosophie    obtenait   le  patronage   des 
dames  juives  (1280).  C*est  ainsi  qu'on  pou- 
vait les  appeler  les  athées  et  les  épicuriens 
d'Israël.  Jésus-Christ  devait  se  rencontrer 
avec  ces  maîtres  renommés  du  plaisir  et  de 
la  volupté. 

Il  venait  à  peine  de  répondre  à  une  ques- 
tion sur  une  matière  d'état  présentée  par 
quelques  pharisiens,  que  les  sadducéens 
viennent  à  leur  tour  lui  laire  une  difficulté 
sur  la  résurrection  des  corps.  «  Dans  ce 
jour,  dit  saint  Matthieu  (1281),  les  saddu- 
céens qui  disent  qu'il  n' v  a  pas  de  résurrec- 
tion s'approchèrent  de  Jésus,  et  l'interrogè- 
rent en  disant  :  Maître,  nous  avons,  vous  le 
savez,  une  disposition  de  la  loi  de  Moïse  qui 
règle  que  si  un  homme  du  sang  de  Jacob 
meurt  sans  enfants,  son  frère  doit  épouser  la 
veuve,  pour  donner  des  enfants  à  son  frère 
mort.  Or,  voici  le  cas  qui  arrive  :  il  j  avait 
chez  nous  sept  frères,  qui  épousèrent  suc- 
cessivement la  même  femme  sans  avoir 
d*enfants  ;  au  jour  de  la  résurrection,  duquel 
des  sept  frères  celte  femme  sera-t-elle  Té- 
pouse?  »  Jésus-Christ  leur  répondit  ainsi  : 
Vous  êtes  dans  Ferreur,  ne  connaissant  ni 
Us  Ecritures  ni  la  puissance  de  Dieu  ;  car  au 
jour  de  la  résurrection^  les  hommes  n'auront 
point  de  femmes^  ni  les  femmes  demaris^  mais 
ils  seront  tous  comme  les  anges  de  Dieu^  dans 

(liTT)  Roasftvi,  i.Xi. 
il27H)  Act.  XXIII,  8. 

(1279)  Ub.  VIII  Anliq.  jud.^  c  2. 

(1280)  Lîb.  Il  BiU.  judûu..  c  7. 
11281)  Matth.  xuu 


39 


12S7 


RES 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


RKS 


\m 


le  ciel.  Et  pour  ce  qui  est  de  la  résurrection 
des  morts^  n'avez-vous  point  lu  les  paroles  que 
Dieu  vous  a  dites  :  Je  suis  le  Dieu  d'Abraham^ 
et  le  Dieu  dUsaac^  et  le  Dieu  de  Jarob  ?  Or  Dieu 
n'est  pas  le  Dieu  des  morts^  mais  des  vivants. 
Ces  paroles  du  Sauveur  prouvent  tie  la  ma- 
nière la  plus  formelle  la  résurrection,  de  la 
chair.  Au  jour  de  la  résurrection  on  n'é- 
pousera plus,  parce  qu'on  n'aura  plus  be- 
soin de  se  reproduire;  on  sera  commodes 
anges  de  Dieu  (1282).  Jésus  prouve  ensuite 
ce  qu'il  a  avancé  par  les  Ecritures,  où  Moïse 
rapporte  ces  paroles  de  Dieu  :  Je  suis  le 
Dieu  d' Abraham f  dClsaac  et  de  Jacob ^  et  Dieu 
n'est  pas  le  Dieu  des  morts^  mais  des  vivants. 
Si  Dieu  est  encore  le  Dieu  d'Abraham,  celui- 
ci  vit  encore,  et  cependant  il  est  mort  à  son 
corps;  et  pour  que  Dieu  puisse  dire  avec 
vérité  qu'il  est  le  Dieu  non  des  morts,  mais 
des  vivants,  il  faut  qu'Abraham,  Isaac  et  Ja- 
cob, qui  sont  morts,  ressuscitent  avec  leur 
corps  à  la  vie.  Il  nous  reste  quelques  obser- 
vations à  faire  sur  la  réjjonse  de  Jésus-Christ 
et  sur  sa  manière  d'argumenter,  pour  faire 
paraître  dans  un  plus  grand  jour  la  vérité 
de  sa  pensée. 

Les  auteurs  ne  s'accordent  pas  sur  la  rai- 
son pourquoi  Jésus-Christ,  pour  répondre 
aux  sadducéens,  se  servit  d  un  passage  du 
Pentateuque,  préférablement  à  d'autres  tex- 
tes plus  clairs  que  pouvaient  lui  fournir 
Job,  Isaïe,  Ezéchiel,  Daniel  et  les  Macha- 
bées.  Serait-ce,  comme  quelques-uns  le  sou- 
tiennent, Origène,  saint  Jérôme  et  Bède, 
f)arce  que  les  sadducéens  ne  recevaient  qu(; 
es  livres  deMoïset  mais  suivant  d'autres, 
comme  Franijois  Luca,  ils  mettaient  au  rang 
des  Ecritures  sacrées  d'autres  livres  que 
ceux  de  Moïse  pour  différentes  raisons, 
d'ailleurs  peu  convaincantes,  que  présente 
cet  auteur  avec  Scaliger.  Serait-ce  mieux 
parce  que  les  livres  de  Moïse  méritent  un 
plus  grand  respect  par  leur  antiquité  et  par 
Je  haut  caractère  du  législateur?  Corneille 
Lapierre  le  pense  avec  beaucoup  de  fonde- 
ment. Ensuite,  la  manière  d'argumenter. de 
Jésus-Christ,  oui  prouve  aux  sadducéens  la 
résurrection  dfe  la  chair  par  le  dogme  de 
l'immortalité  de  l'âme,  était  une  nécessité 
îles  circonstances»  et  rigoureusement  exigée 
dans  les  [)rincipes  des  sadducéens. 

Ceux-ci  ne  niaient  la  résurrection  des 
corps  q^u'autant  qu'ils  rejetaient  la  spiritua* 
11  té  et  l'immortalité  de  l'âme.  Une  fois  ce 
principe  établi,  la  conséquence  suivait  na- 
turellement. Si  l'homme  est  immortel,  dans 
la  pensée  de  Jésus-Christ  et  l'esprit  {\t^  an- 
ciennes Ecritures,  il  doit  ressusciter  dans 
la  chair,  qui  est  une  \asi\e  de  lui-même. 

La  science  humaine  avait  bien  réellement 
méconnu  notre  nature  et  nos  destinées,  qui 
s*accompliront  dans  l'intégrité  de  notre  être. 
Sans  l'espérance  d'être  ressuscité  avec  notre 
corps,  presque  aucun  philosophe  n'échappa 
à  l*erreurde  croire  à  la  refusion  de  Tâme  hu- 


maine dans  l'Ame  du  monde,  comme  Tob- 
serve  Gassendi  avec  tant  de  raison. 

On  a  fait  contre  la  résurrection  des  corps 
deux  objections  principales. 

a  1"  Les  mêmes  atomes  de  matière,  ilii- 
on,  peuvent  appartenir  à  plusieurs  corps 
différents.  Les  cannibales  qui  vivcnldechair 
humaine,  convertissent  en  leur  propre  subî- 
tance  celle  des  corps  qu'ils  ont  mangé;  au 
moment  de  la  résurrection^  è  qui  écherron: 
les  parties  qui  ont  été  ainsi  commonesl 
deux  ou  à  plusieurs  corps?  2°  Par  iesfil* 
servations  que  l'on  a  faites  sur  récoiiooue 
animale,  on  a  découvert  que  le  corosliD* 
main  change  continuellement,  quii  ped  * 
un  grand  nombre  des  parties  de  matière  qui  ! 
le  composent,  et  qu'il  en  acquiert d'aolwi  \ 
après  sept  ans  il  est  totalement  renoureié.  ! 
Ainsi,  h  proprement  parler,  un  corps  n'c^i  ^^ 
point  aujourd'hui  entièrement  le  mèmequ'i! 
était  hier.  De  tous  ces  corps  différents  qu'ut  ' 
homme  a  eus  pendant  sa  vie,  quel  est  'eioi . 
qui  ressuscitera  ?  » 

Réponse.  11  résulte  déjà  de  cette  olyectioa 
qu'un  cannibale  qui  mange  un  b(»Dfl)e  ae 
mange  point  les  parties  de  matièredofltcri 
homme  était  composé  sept  ans  aoivrati 
et  lorsque  ce  cannibale  meurt,  il  neeoisM  : 
plus  aucune  des  parties  du  corps  qu'il  |- 
mangé  sept  ans  avant  sa  mort.  II  n'est dflsi 
pas  vrai  que  les  mêmes  parties  aient  aM 
tenu  à  deux   divers  individus  consioeiK 
dans  la  totalité  de  leur  vie.  Or,  il  eslhl 
indifférent  qu'un  homme  ressuscite  aîeclÉ 
parties  dont  il  était  composé  lorsqu'il  ait 
dévoré,  ou  avec  celles  qu'il  avait  »epl« 
avant  cette  époq^ue.  _^ 

Les  plus  habiles  philosophes,  tci^'H 
Leibnitz,  Clarke,  Niewenty,  etc.,  ont  M 
serve  qu'il  n'est  pas  nécessaire  pour  (|»^' 
corps  ressuscité  soit  le  méme^.qa  il  récuf^ 
exactement  toutes  les  parties  de  id 
dont  il  a  été  autrefois  composé.  La 
disent-ils,  le  tissu,  le  moule  original 
men  originale)  qui  reçoit  par  la  nu 
les  matières  étrangères  auxquelles  il 
la  forme,  est,  h  proprement  parler,  le 
et  l'essentiel  du  corps  humain  ;  il  net* 
point  en  acquérant  ou  en  penlantcespa 
de  matière  accessoire.  De  là  vient,  1* 
la  figure  et  la  physionomie  d'un  homint^ 
changent  point  essentiellement  ensed 
loppant  et  en  croissant  ;  2r  que  le  corpf 
main  ne  peut  jamais  passer  une  cetf 

§randeur,  quelque    nourriture  qu'on 
onne  ;  3*"  qu'il  est  impossible  de 
Ear  la  nutrition  un  membre  mutilé, 
l'âge  de  trente  ans  un  homme  est 
avoir  le  même  corps  qu'à  quinze,  pan» 
le  moule  intérieur  et  ià  conformatioo 
ganique  n'ont  pas  essentiellement  c 
chaque  corps  a  son  moule  propre  qt 
peut  appartenir  à  un  autre. 

Dailleurs    Tidentité    personnelle 
homme  consiste  principalement  dans  ie 


(12S2)  Si  l^auleur  de  V Humanité  avait  tant  soit  ressuscites  sans  plus  se  reprciduire  ne  P^^^*^. 
pei  l'éRi'clii  au  sens  que  sigriiiiaient ces  mois,  Il  ati-  aucune  façon  se  prêter  au  reioor  éteroadan»*' 
rait  compris  comme  tout  le  monde  que  des  êtres      maniié. 


im 


ftES 


DICnOmAIRB  APOLOGETIQUE. 


RF.S 


If» 


tmeni  intérieur  qui  lui  atteste  qu'il  est 
toujours  le  même  individu.  Son  corps  a  beau 
se  reooureler  yingt  fois,  il  sent  à  soixante 
ans  qu*il  est  la  même  personne  qu'il  était  à 
quinze.  Or,  €*es(  précisément  la  personne 
qui  est  le  sujet  des  récompenses  et  des  pu- 
nitions; il  lai  suffit  donc  de  ressusciter  avec 
un  corps  tel  qu'elle  puisse  conserver  avec 
lui  le  souvenir  et  la  conscience  de  ses  ac- 
tions, pour  sentir  si  elle  est  digne  d*étre 
récompensée  ou  punie. 

Terminons  cet  article  par  une  dernière 
eoDsidération  qui  s'applique  également  à 
toutes  les  qualités  des  corps  glorifiés. 

Les  corps  que  la  nature  nous  offre  sont 
solides,  liquioes  ou  fluides  aériformes.  Mais 
une  infinité  de  phénomènes  nous  montre 
au'iJ  existe,  outre  ces  trois  sortes  de  corps, 
des  agents  particuliers  qui  participent  des 
propriétés  de  ces  jpremiers  corps,  mais  qui 
en  diffèrent  notablement  sousaautres  rap- 
ports. Ces  agents  particuliers  sont  la  cha- 
/eur,  la  lumière,  1  électricité  et  le  magn^ 
lisme.  La  nature  intime  de  ces  agents  nous 
est  inconnue,  et  !  on  a  fait  à  cet  égard  di- 
verses   hypothèses.  D*après  Tune  de  ces 
hypothèses,  chacun  de  ces  agents  est  un 
(uide  particulier,   analogue    aux   fluides 
aériformes,  mais  éminemment  subtil,  doué 
cTone  prodigieuse  vitesse,  et  impondérable. 
D'après  une  autre  hypothèse ,  h  existe  un 
fluide,  qu'on  a  nommé  éther,  universelle- 
ment répandu  dans  le  vide  comme  entre  les 
particules  matérielles  des  corps  pondéra- 
Mes.  Les  phénomènes  lumineux  sont  pro- 
duits par  des  mouvements  vibratoires,  ana- 
logues à  ceur  qui  produisent  le  son,  mais 
iadnimeni  plus  courts  et  qui  se  propagent 
par  te  fluide  ëtbéré  avec  une  vitesse  prodi- 
tnense.  Les  phénomènes  de  la  chaleur  sont 
atiribués  à   des  ondulations  de  Téther,  qui 
se  distinguent  des  ondulations  lumineuses 
par  quelque    propriété  particulière.  On  a 
même  supposé  que  les  phénomènes  élec- 
triques el  magnétiques  sont  encore  dus  à 
un  mouTement  vibratoire  de  Féther. 

Si  Ton  compare  maintenant  les  phéno- 
mènes observés  dans  les  corps  pondérables 
ivec  ceux  que  la  science  nous  manifeste 
iaos  ces  agents  impondérables,  on  y  trouve 
les  différences  frappantes.  Ainsi  la  lumière 
iarconri  dans  le  vide  ou  dans  Tair  environ 
^,000  lieues  ou  plus  de  311  millions  de 
Hêtres  par  seconde.  La  vitesse  d'un  boulet 
e  canon,  qui  parcourt  500  mètres  par  se- 
onde,  n*est  que  tes  16  dix-millionièmes  de 
/  vitesse  do  la  lumière.  Bans  l'hypothèse  de 
émission,  les  molécules  lumineuses  sont 
ncées  par  le  soleil  avec  une  vitesse  plus 
3  un  et  demi  million  de  fois  aussi  grande 
le  celle  d'un  boulet  de  canon.  Dans  Thjr- 
Hhèse  des  ondulations,  la  vibration  lumi- 
suse,  priaiilivement  produite  dans  le  so- 
i],  se  transmet  en  une  seconde  à  une  dis- 


41. 


Vârmitchte    Schrifien^  B.   i, 


l^2S4)    Quis   âufficit  enarrare  operm  Uiimi? 
m  imnestigabii  mmqnMitm  eju$  *  Cum  conêumm 


finis 
cotummwMterU 


tance  de  311  millions  de  mètres  ;  et,  comme 
la  lonmeur  de  chaque  ondulalion  lumineuse 
ne  dépasse  guère  €45  millionièmes  d'un 
millimètre,  on  peut  déduire  de  là  qu'il  y  a 
au  moins  4S2  millions  de  ces  ondulations 
propagées  en  un  millionième  de  seconde  et 
qu'une  molécule  de  Téther  doit  faire,  p«iur 
transmettre  les  phénomènes  lumineux,  au 
moins  482  millions  de  vibrations  dans  la 
millionième  partie  d*une  seconde  de  temps. 
Lorsqu'un  rayon  de  lumière  pénètre  dans 
notre  œil,  les  diverses  parties  de  l'organe 

f participent  à  ces  vibrations;  chaque  point 
umineux,  des  objets  que  nous  voyons  donne 
lieu  à  des  ondulations  distinctes,  tontes  ces 
ondulations  se  propagent  à  la  fois  et  sans  se 
gêner  mutuellement,  et  la  pupille  de  l'œil 
se  trouve  ainsi  affectée  simultanément  par 
des  milliers  d'ondulations  distinctes,  et  tel- 
lement rapides  que  cette  rapidité  effraye  l'i- 
magination. 

Ces  observations  suffiront  pour  donner 
une  idée  des  phénomènes  remarquables  de 
la  propagation  de  la  lumière;  les  phénomè- 
nes que  nous  présentent  les  autres  agents 
impondérables  ne  mériteraient  pas  moins 
tout  notre  intérêt.  La  plupart  de  ces  phé- 
nomènes n'ont  été  observés  que  dans  ces 
derniers  temps.  Plusieurs  d'entre  eux  dif- 
fèrent tellementde  tous  les  autres, quece  n'est 
qu'un  heureux  hasard  qui  les  a  fait  découvrir 
et  qu'il  est  très^iflicile,  de  nos  jours  môme, 
non-seulement  de  rattacher  ensemble  les 
divers  ordres  de  phénomènes ,  mais  même 
de  déterminer  les  lois  générales  qui  régis- 
sent les  phénomènes  particuliers  de  chaque 
ordre.  Halçré  If  s  progrès  des  sciencos  d'ot>- 
servation,  il  n'est  sans  doute  aucun  savant 
qui  prétende  que  les  théories  modernes 
sont  désormais  établies  sar  des  bases  iné- 
branlables. La  marche  elle-même  de  la 
science  nous  montre  «  que  la  nature  est  iné- 

Euisable  dans  ses  ressources,  impénétrab- 
le dans  ses  voies,  toujours  nouvelle  dans 
ses  œuvres.  Alors  même  que  nous  croyons 
être  enfin  arrivés  sur  ses  traces,  elle  ren- 
verse tout  l'édifice  de  nos  hypothèses  par 
un  fait  unique  et  imprévu,  pour  nous  ex- 
citer à  de  nouvelles  recherches  (1283).  » 
De  nos  jours  encore  nous  (mouvons  deroan  - 
der  avec  le  prophète  :  Qui  sera  capable  de 
compter  les  ouvrages  de  Dieu?  Qui  pourra 
pénétrer  ses  merveilles  J  Quand  F  homme  cher^ 
chera  à  les  connaître  et  au  il  sera  arrive 
à  la  fin  de  cette  recherche,  it  trouvera  qu'il  ne 
fait  que  commencer,  e/,  après  s'y  être  long- 
temps  appliqué f  il  ne  lui  en  restera  qu'un 
profond  étonnement.  Beaucoup  des  œuvres 
de  IHeunoussont  cachées,  qui  sont  plus  gran* 
des  que  celles  que  nous  connaissons  :  car  nous 
n'en  voyons  qu  un  petit  nombre  (1284.) 

Si  nous  remarquons  maintenant  que  nous 
ne  connaissons  pas  même  d*une  manière 
parfaite  les  phénomènes  de  l'ordre  actuel, 

Aoifio,  lnitr  incifnet  :  et  mm  ^meserit,  aporûiHlvr.— 
Mmtia  obuondita  snnt  majora  tns  :  panea  emm  wlr 
dimmê  operum  c/ns.  (Eccl.^  xviii,  2,  5,6;  xun, 
36.) 


Ift5i 


Rf:s 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


R£S 


<!» 


nous  ne  devons  pas  nous  étonner  de  l  im- 
perfection de  nos  connaissances  par  rapport 
aux  qualités  de  nos  corps  et  à  létat  de  la 
nature  elle-même  dans  la  vie  future.  Cepen- 
dant la  diversité  des  phénomènes  que  nous 
présente  la  matière  sous  ses  diverses  formes, 
fa  comparaison  des  propriétés  des  corps  so- 
lides, par  exemple,  des  roches  de  nos  mon- 
tagnes avec  celles  du  fluide  lumineux,  nous 
aident  en  même  temps  à  concevoir  une  forme 
de  la  matière  plus  «subtile  encore  que  celle 
du  fluide  lumineux,  un  ordre  de  choses  plus 
parfait  que  Tordre  actuel. 

Nous  apprenons  par  les  œuvres  de  saint 
Augustin  que  les  incrédules  |)rétendaient, 
il  y  a  quatorze  cents  ans,  que  la  résurrec- 
tion des  corps  était  impossible,  qu*ilsne 
Eouvaient  croire  que  les  corps  de  quelques 
ommes  devaient  brûler  toujours  sans  ja- 
mais mourir,  parce  que  la  nature  de  rhomme 
telle  quHIs  la  connaissaient  s'y  opposait. 
Pour  réfuter  cette  objection,  le  saint  docteur 
rappelle  plusieurs  exemples  de  phénomènes 
extraordinaires  qu'on  attribuait  à  certains 
corps  et  qui  paraissaient  contraires  aux  lois 
alors  connues  de  la  nature.  Ses  adversaires 
expliquaient  ces  faits  en  disant  qu*ils  étaient 
le  résultat  d'une  force  particulière,  des  effets 
de  la  nature  propre  à  ces  corps.  11  s'empare 
de  cette  réponse  pour  montrer  que  Dieu  est 
l'auteur  de  tout  ce  qui  existe,  qu'il  a  donné 
à  chaque  être  la  nature  qui  lui  appartient. 
Mais,  si  Dieu  a  pu  créer  les  êtres  avec  les 
qualités  naturelles  qu'il  leur  a  données,  il 
peut  aussi  changer  ces  qualités  en  d'autres 
selon  qu'il  lui  platt.  Saint  Augustin  remar- 
que encore  que  les  faits  merveileux  et  ex- 
traordinaires étaient  désignés  sous  le  nom 
de  prodiges  et  de  présages,  monstraj  osienta^ 
porienta^  prodigia^  parce  qu'ils  étaient  cen- 
sés montrer,  annoncer,  prédire  quelque 
chose.  Pour  nous,  dit-il,  ces  faits  qui  sem- 
blent et  que  l'on  dit  être  contraires  a  la  na- 
ture doivent  nous  montrer,  nous  prouver  et 
nous  prédire  que  Dieu  fera  des  corps  des 
hommes  ce  qu'il  a  annoncé  devoir  en  faire, 
sans  être  arrêté  par  aucune  difliculté,  sans  y 
être  obligé  par  aucune  loi  de  la  nature.  Il 
rappelle  enhn  ce  que  Dieu  avait  annoncé  à 
cet  égard  dans  les  saintes  Ecritures  dont  il 
avait  déjà  rapporté  les  principaux  passages 
concernant  cette  vérité  (1285). 

Nous  pourrions  remarquer  nous-mêmes 
que  quelques-uns  des  faits  rapportés  par 
saint  Augustin  et  regardés  par  lui  et  ses  ad- 
versaires comme  extraordinaires,  sont  re- 
connus aujourd'hui  comme  toute  fait  natu- 
rels. Néanmoins  il  est  toujours  vrai  de  dire 
que  la  nature  entière  est  l'œuvre  de  la  vo- 
lonté libre  du  Tout-Puissant,  qu'il  a  donné 
lui-même  à  tous  les  êtres  les  qualités  qui 
leur  appartiennent  et  que  nous  ne  connais- 
sons nous-mêmes  qu'imparfaitement.  11  est 
vrai  que  Dieu  peut  changer  ces  qualités  en 
d*autres,  et,  par  conséquent,  ^ue  la  résurrec- 
tion des  corps  et  les  changements  de  ces 
corps  et  ceux  de  la  nature  entière  n'ont  rien 


d'impossible.  De  plus,  l'étude  apprûfoodie 
de  la  nature  et  de  l'iiomme  uoqs  aide  aussi 
à  concevoir  ces  changements  que  la  raison 
proclame  comme  possibles  et  dont  lafoi 
nous  enseigne  la  réalisation  fature. 

Ainsi,  la  foi  nous  enseigne  que  lescriatn* 
res,  formées  pour  l'homme,  ont  elles-mêmes 

f>articipé  è  sà  déchéance  ;  qu^asservies  \ 
'homme  ell^s  n'obéissent  en  quelque  sorte 
que  malgré  elles,  et  qu'elles  attendent  eo 
gémissant  le  moment  où  elles  seront  déli- 
vrées de  la  servitude  de  la  corruptiOD. la 
science  de  son  côté  nous  apprend  que  la  per* 
fection  de  l'ordre  actuel  ne  laisse  pas  d'être 
mêlée  d'imjierfections  ;  que  l'ordre  géiiéril 
est  en  partie  le  résultat  de  désordres |«r- 
tiels,  tels  sont  les  ouragans,  les trembl(^ 
ments  de  terre,  les  explosions  de  voiesus 
dont  les  effets  sont  souvent  si  désastreuv. 
telle  est  même  à  certains  égards  la  sune^- 
sion  des  êtres  vivants,  succession  qui  ni 
lieu  ane  par  la  mort  des  individus,  ce^i^ 
dire,  la  destruction. 

La  foi  nous  dit  que  l'homme,  créé  mor- 
tel et  exempt  des  faiblesses  de  la  nitureAo- 
maine  actuelle,  a  brisé  lui-même  ktie&qai 
le  rattachait  à  la  Divinité,  et  qu'il  est Oèilia 
de  sa  première  perfection  Elle  nousdin^ 
core  que  le  juste  sera  un  jour,  parunefiA 
de  la  grâce  divine,  rétabli  dans  un  éui  dr 
perfection  beaucoup  plus  élevé  que  son  ètti 
originel.  La  foi  nous  enseigne,  avec  iinecrf 
titude  irréfragable,  maisd  une  nianièreobf^ 
cure,  les  qualités  de  l'homme  dans  ce  Donn 
état.  D'un  autre  côté,  pendant  queThoflinj 
moral  aspire  ici-bas  à   un  bonheur  (jvl 

f)oursuit  sans  cesse  sans  jamais  ratleiu' 
a  science  nous  montre  qu'il  y  a  dans  Ib^ 
me  organique  des  forces  en  puissance 
ne  sont  jamais  réalisées  en  entier  durut 
COUPS  de  cette  vie  et  dont  nous  ne  loy 
que  de  temps  en  temps  la  manifestatiooa 
complète. 

L*examcn  détaillé  auquel  nous  venoel 
nous  livrer  nous  amène  doncè  conclurai 
les  enseignements  de  la  foi  roncernaolj 
résurrection  des  corps  sont  en  hanûODiejK 
faite  avec  la  raison  et  la  science.  La  natt 
et  la  religion,  ces  deux  organes  de  DieOj 
vérité  par  essence,  s'accordent  pourpr«< 
mer  ce  dogme.  Ainsi,  tous  tant  que  m 
sommes,  nous  ressusciterons  un  jour,  oj 

ressusciterons  avec  le  même  corps  qnew 
avons  dans  cette  vie,  et  ce  corps  sera  ^ 
de  qualités  nouvelles.  Alors  seolemeBl 
justice  de  Dieu,  sa  bonté  et  sa  sa^ess* 
manifesteront  dans  toute  leur  plénitaj 
riiomme,  qui  n'est  ni  Pême  séparée  du c(4 
ni  le  corps  séparé  de  l'âme,  l'homnie  i 
entier  sera  récompensé  ou  puni  suirantl 
œuvres  ;  le  but  de  la  création  sera  ré^iij 
entier,  lorsque  les  divers  êtres,  réifl 
dans  la  perfection  originelle  et  d^^^f'' 
inaltérable,  célébreront  à  jamais,  decon^ 
avec  les  élus,  la  gloire  de  celui  |)0ur  M 
et  par  lequel  tout  existe,  le  principe  H 
fin  de  toutes  choses    de  l'Etre  intini  u« 


(li85)  S.  AuGusTiKCTS,  De  civitate  Dei ,  lib.  xxi,  c.  8. 


ItS 


RfiT 


DICTiONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


RET 


1154 


(oajoars  le  mèmedaos  son  incommeiisurable 
éternité.    -' 

RÉVÉLATION  PRIMITIVE.  —  Loi^u*on 
admet  un  IMeu  infiniment  bon  et  infiniment 
sage,  «ateor  du  monde,  cause  par&ile  de 
root  cequieiiste,  rien  déplus  rationnel  que 
]*élat  où  la  doctrine  catooliaue  nous  mon- 
tre Je  premier  liomme.  Quoi  1  L'homme  est 
le  chef  d'œuvre  de  la  création  ;  et,  tandis 
qa'aotour  de   lui   tout  est  harmonieux  et 
pur,  tandis  que  dans  le  reste  de  la  création 
tous  les  êtres,  obéissant  aux  lois  de  leur 
oatnre,  accom|ilissent  leur  destinée  et  for- 
ment ainsi  cet  ordre  merveilleux  qui  procla- 
me si  magnifiquement  la  sagesse  du  Créa- 
teur, i'homme  seul,  lui  le  roi  de  ce  monde 
terrestre,  eût  été  créé  dans  un  état  de  dé- 
sordre, de  trouble,  de  confusion  I  II  est  le 
seul  être  raisonnable  de  la  création,  c*est 
donc  è  lui  qu'il  appartient  de  rapporter  à 
Dieu  les  autres  créatures,  incnpabics  de  s'é- 
)e;er  par  elles-mêmes  jusqu'à  leur  commun 
ruleur;  et  l'on  voudrait  qu*ii  fût  créé  dans 
ri^norance  de  Dieu,  qu'il  ne  connût  claire- 
locDt  ni  ce  souverain  auteur  de  toutes  cbo- 
fes,  ni  les  liens  qui  le  rattachent  à  lui,  ni 
les  devoirs  qui  en  découlent!  On  voudrait 
qae  l'homme,  ce  chef-d'œuvre  de  la  sagesse 
tlde  la  bootë  de  Dieu,  au  sortir  des  mains 
et  son  auteur,  ne  sût  d'où  il  vient,  ni  où  il 
va,  ni  quelle  mission  il  a  à  remplir  sur  cette 
(?rre!  En  vérité,  quel  est  donc  l'esprit  assez 
{'jri  pour  dévorer  de  pareilles  absurdités? 
11  suffit  de  consulter  la  raison  pour  com- 
prendre aussitôt  que,  si  Dieu  est  l'auteur 
00 monde»   il  a  dû,  dès  loriçine,  révéler  à 
Itiomme  toutes  les  vérités  quil   lui  impor- 
Uii  de  coooal  Cre.  Il  y  a  plus,  l'état  de>per- 
iettion  surnaturelle  où,  suivant  l'enseigne- 
luem  catholique,  le   premier  homme  fut 
élevé,  nous  semble  répondre  merveilleuse- 
ment k  toutes  les  idées  de  la  raison.  Assu- 
rément cet  état  surnaturel  n'était  point  dû  è 
Thomme,  il  n'était  point,  comme  l'a  ensei- 
gné Baîus  ,  une  suite  nécessaire  de  la  na- 
ure  humaine;  c'était  une  perfection  gra- 
luitemenl  surajoutée  à  la  nature,  un  don 
mquei   la  nature  ne  pouvait  pas  préten- 
Ire;  mais»   d'un  autre  côté,  combien  cet 
flaf   nous  parait  conforme  à  la  sagesse  et 
i  la  bonté  de  Dieu  1  L'homme  est  sa  créa- 
ure  de  prédilection;  quoi  d'étonnant  que 
^ieu  se  plaise  à  lui  prodiguer  des  marques 
articuiiëres  de  son  amour,  et  que,  non 
entent  de  loi  donner,  comme  aux  autres 
uvrages  de  ses  mains,  une  nature  intègre 
i  fjarfaïiB,   il  veuille  encore  l'enrichir  de 
ous  spéciaux  qui  relèvent,  l'ennoblissent 
i  la  fasse  entrer  avec  lui  dans  des  rapports 
intimité    et  de  félicité  qui  la  surpassent 
ifiniment?  Ne  convenait-il  pas  à  la  sagesse 
à  la  tjonié  de  Dieu  de  s  attacher  l'homme 
ir  des  liens  plus  étroits  et  plus  élevés  que 
fux  de  la  nature,  par  les  liens  de  la  grâce 
de  ramîtîé?  De  cette  manière,  d*une  part, 
leu  rapprochait  l'homme  de  lui-môme  au- 
i:l  <|ue  la  distance  qui  sépare  la  créature 
I  i.réaleur   le   lui  [permettait;  et  d  autre 
f  I,  ce  rapprochement  étant  non  la  suite  de 


la  nature,  mais  un  don  de  la  grâce',  la  dé- 
pendance de  la  créature  ris-è-vis  du  Créa- 
teur apparaissait  plus  profonde  et  plus 
éclatante.  Et  c'est  ainsi  que  l'état  surnaturel 
de  l'homme  primitif  se  révèle  à  notre  esprit 
comme  le  chef-d'œuvre  de  la  sagesse  et  de 
la  bonté  de  Dieu. 

Le  rationalisme,  je  le  sais,  ne  veut  |K)înt 
entendre  parler  d'un  état  surnaturel,  il  le 
repousse  ajiriort  au  nom  de  la  philosophie. 
Je  n'ai  fias  envie  de  discuter  longuement 
sur  ce  sujet.  Mais  quelles  idées  y  a-t-il  donc 
dans  la  raison  contre  cette  élévation  surnatu- 
rellederhomme^Oùsontlesidéesquis'upjK)- 
sent  à  ces  relations  plus  affectueuses  et  plus 
douces,  à  cette  union  plus  intime,  à  ce  com- 
merce plus  divin  de  l'homme  avec  Dieu? 
Après  avoir  constitué  l'homme  dans  Tinlé- 
grité  de  ses  facultés  naturelles,  facultés  né- 
cessairement finies,  liornées,  limitées ,  pour- 
quoi Dieu  ne  pourrait-il  plus  rien,  et  de 
quel  droit  lui  défendrez-vous  de  jeter  un 
nouveau  regard  d'amour  sur  cette  créature 
pour  versAr  en  elle  des  dons  d'un  ordre 
plus  élevé  ?  —  Vous  m'opposez  les  grands 
principes  de  l'indépendance  et  de  la  dignité 
oe  l'homme?  Qu  est-ce  à  dire,  et  que  me 

Eirlez-vous  d'indépendance  et  de  dignité? 
'homme  n'est-il  donc  pas  une  créature,  et 
toute  créature  n*est-elle  pas  dans  une  dépen- 
dance essentielle  et  complète  du  Créateur? 
Et  la  dignité  de  Thomme,  d'où  vient-elle 
sinon  de  ce  qu'il  Ta  reçue  du  principe  et  de  la 
source  première  de  toute  dignité,  de  la  di- 
gnité par  essence,  de  Dieu  lui-même  ?  Hais, 
s'il  en  est  ainsi,  la  dignité  de  l'homme  ne 
s'accroltra-t-elle  pas  à  mesure  qu'il  sera 
plus  étroitement  uni  à  Dieu?  Ne  voyez-vous 
donc  pas  que  vos  raisonnements  renversent 
la  raison,  et  que  vous  prenez  pour  un  abais- 
sement et  une  humiliation  de  la  nature  hu- 
maine ce  qui  en  est  en  réalité  la  plus  éton- 
nante et  la  plus  admirable  exaltation? 

Ah  1  je  crois  connaître  la  source  de  toutes 
ces  négations  dont  l'ordre  surnaturel  est 
l'objet,  et  qui  ne  s'appuient  que  sur  des 
puérilités  ou  des  contradictions.  Pourquoi 
ne  le  dirions-nous  pas?  il  j  a  dans  le  ratio- 
nalisme une,  secrète  et  profonde  antipathie 
contre  Dieu;  le  rationalisme  n'aime  point 
Dieu  et  il  en  a  peur,  voilà  la  véritable  source 
de  toutes  ces  déclamations  souvent  si  peu 
philosophiques  contre  l'ordre  religieux  et 
surnaturel.  Sans  doute  on  ne  s'avoue  pas  à 
soi-même  cette  antipathie,  cette  peur  dont 
je  parle;  on  n  ose  pas  se  l'avouer,  parce  que 

'intelligence  y  répugne  ;  mais,  au  fond,  ce 
sentiment  est  très-réel,  et  c'est  sous  son 
inspiration  qu'on  écrit  et  qu'on  parle.  Aussi, 
voyez  avec  quel  soin  tous  les  raiionalistes, 
ceux  mêmes  qui  admettent  avec  nous  l'exis- 
tence d'un  Dieu  personnel  et  créateur  du 
monde,  cherchent  à  l'écarter  le  plus  possible 
du  domaine  de  la  création  ;  voyez  comme 
ils  s'ingénient  à  faire  h  Dieu  la  part  la  plus 

(petite  possible  dans  le  gouvernement  de 
'humanité;  comment  enfin  ils  cherchent  à 
^e  passer  de  luil  Ils  sembîcut  craindre  d« 
prononcer  son  nom,  ou,  s'ils  le  prononcent. 


Iâ35 


RÉV 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


REV 


im 


ils  Te  font  à  la  dérobée  et  pour  Tacquit  de 
leur  conscience,  sauf  et  se  remettre  sixr-Ie- 
cbamp  à  expliquer  toutes  choses  comme  si 
Dieu  a*ayaît  rien  à  y  Yolr  et  comme  si  elles 
étaient  complètement  soustraites  à  $oa 
action.  Bien  des  fois,  en  lisant  les  écrits  des 
rationalistes  les  plus  sérieux  et  les  plus  ho- 
norables, de  ces  rationalistes  qui  semblent 
défendre  avec  nous  les  grands  dogmes  de  la 
religion  naturelle,  je  aie  suis  surpris  à  me 
demander  si,  dans  leur  système,  Dieu  n'é- 
tait pas  un  hors-d*œuYre.  Le  Dieu  qu'ils 
proclament  n*exerce  presque  aucune  action 
sur  le  monde,  il  est  étranger  &  la  vie  de 
Thumanité;  la  vérité  et  l'erreur,  le  bien  et 
le  mal,  le  bonheur  et  le  malheur  de  I  homme 
Je  trouvent  indifférent  ;  c'est  assez  pour  lui 
d'avoir  |jroduit  le  monde  ;  désormais,  il  n*a 
plus  à  s'occuper  de  rien,  tout  doit  marcher 
de  soi-même,  et  il  faut  que  chaque  créature 
se  suffise.  Semblable  à  ces  monarques  de 
]*antique  Orient,  qui  coulaient  leurs  jours 
retirés  dans  les  plus  secrètes  profondeurs  de 
leurs  palais,  le  Dieu  du  rationalisme  est  re- 
légué, loin  de  son  ouvrage,  par  delà  tous 
les  mondes,  sur  un  trdne  solitaire  où  il 
demeure  éternellement  plongé  dans  les  dé- 
lices d'une  immobilité  à  laquelle  rien  ne 
l'arrachera  plus.  Franchement,  j'avoue  ne  pas 
trop  comprendre  un  Dieu  pareil ,  et  je  ne 
sais  auel  esprit  sincère  pourrait  se  permettre 
d'altérer  à  ce  point  les  traits  du  Dieu  vivant 
et  véritable  sans  cette  peur  secrète  qui  tra- 
hit rintelli^jence  et  l'empêche  de  voir.  Au- 
tant vaudrait  nier  Dieu,  que  d'en  admettre 
un  h  qui  l'on  défende  d'agir.  C'est  là  qu'a- 
boutit le  rationalisme. 

Ecoutez  ces  remarquables  paroles  de  M. 
(iuizot  :  «  Quelle  est,  au  fond  et  religieuse- 
ment parlant ,  la  question  suprême  qui 
préoccupe  aujourd'hui  les  esprits?  C'est  la 
question  posée  entre  ceux  qui  reconnaissent 
et  ceux  qui  ne  reconnaissent  pas  un  ordre 
suriiaturel,  certainet  souverain,  quoique  im- 
pénétrable à  la  raison  humaine  ;  la  question 
posée,  pour  appeler  les  choses  par  leur  nom, 
entre  le  supematuralisme  et  le  rationalisme. 
D'un  côté,  les  incrédules,  les  panthéistes,  les 
Siîoptiquesde  toute  sorte,  les  purs  rationalis- 
tes; de  l'autre,  les  Chrétiens.  Parmi  les  pre- 
miers, les  meilleurs  laissent  subsister,  dans  le 
monde  et  dans  l'âme  humaine,  la  statue  de 
Dieuy  s'il  est  permis  de  se  servir  d'une  telle 
expression,  mais  !a  statue  seulement,  une 
image,  un  marbre.  Dieu  lui-même  n'y  est 
plus.  Les  Chrétiens  seuls  ont  le  Dieu  vivant 
(1286).  »  Voilà  la  vérité.  Les  meilleurs  d'en- 
tre les  ralioualistes  ne  conservent  que  la 
statue  de  Dieu,  un  Dieu  sans  vie,  puisqu'ils 
lui  refusent  à  peu  près  toute  action  et  sur 
le  monde  en  général  et  sur  l'homme  en 
particulier. 

On  comprend,  ainsi  combien  l'hypothèse 
rationaliste  sur  l'état  primitif  de  l'humanité 
est  insoutenable  aux  yeux  d'une  saine 
philosophie;  on  voit  jusqu'où  doit  logique- 
ment conduire  la  négation  obstinée  de  l'ordre 


surnaturel.  Hais  quittons  les  hauteande  U 
métaphysique  et  descendons  sur  le  terraio 
de  l'observation  et  des  faits  ;  c^est  là,  sortoui, 
que  la  faiblesse  derhypothëse  rationaliste 
frappera  tous'  les  regards,  même  les  moins 
attentifs. 

Le  rationaliste  nie  la  révélation  primitiTe 
et  prétend  que  l'homme,  créé  avec  la  seule 
faculté  de  connaître,  a  dû  se  développer  de 
lui-même.  Le  déisme  du  xyni*  siècle  sou- 
tenait la  même  thèse.  Suflisance  absolue  de 
la  raison,  inutilité  complète  de  toute  réré- 
lation  divine,  voilà  quel  était  le  point  de 
départ  des  déistes  ;  et  tel  est  aussi  le  prie- 
cipe  au  nom  duquel  le  rationalisme  atta- 
que aujourd'hui  encore  la  doctrine  catholi- 
que. De  part  et  d'autre  on  prétend  que  ia 
religion  naturelle,  la    seule  qu'accepta  ia 
raison,  n'a  pas  été  révélée  de  Bien  au  pre- 
mier homme,  mais  découverte  par  la  raisoo, 
et  que,  dans  ses  préceptes  comme  dans  ses 
dogmes,  elle  relève  uniquement  de  l'iolel- 
ligence humaine;  toute  autorité  exténeore 
est  écartée.  Il  y  a,  sur  ce  point,  entente  pir- 
faite  entre  les  déistes  et  les  rationalisiez. 
Mais  cette  entente  cesse  du  momeot  aâ  'A 
s'agit  de  l'application  du  principe.  Ledéis- 
me  ne  craignait  pas  d'aiBrmer  qae  Iaxàh^ 
humaine  aperçoit  sur-le-champ  et  sans  tra- 
vail tout  ce  qu'il  importe  de  connaître  dans 
l'ordre  moral  et  religieux;  aujourdliui \e 
rationalisme  est,  en  général,  infiniment  plus 
réservé;  il  se  borne  à  dire  que  Tbommeest 
arrivé  lentement,  péniblement ,  après  des 
siècles  d'égarement  et  d'erreur,  a  fa  con- 
naissance de  la  vérité.  Le  déisme,  d'accord 
avec  son  principe  sur  la  connaissance  de  la 
religion  naturelle,  accusait  toutes  les  reli- 
gions positives,  et  surtout  le  christianisme 
d'avoir  faussé,  altéré,  corrompu  les  princi- 
pes de  cette  religion  de  la  raison  ;  le  raiio- 
nalismeconlemuorain  proclame  au  contraire 
Tutililô  et  la  nécessité  des  religions  posîil- 
ves,  il  loue  surtout  le  christianisme  pour 
avoir  mis  à  la  portée  de  toutes  les  intelli- 
gences  ce  qu'il  y  a  d'essentiel  dans  Tordre 
moral  et  religieux.  Toutefois,   il   est  bien 
entendu  que  le  christianisme,  pas  plus  que 
les  autres  religions  positives,  ira  rien  de 
véritablement  surnaturel ,   et   n'est    point 
le  fait  d'une  révélation  proprement  dite. 

Je  dois  me  borner  ici  à  discuter  le  point 
de  départ  du  rationalisme.  Un  simple  coup 
d'œil  jeté  sur  l'histoire  de  l'humanité  cl  sur 
des  faits  qui  se  passent  chaaue  jour  encore 
sous  nos  yeux  suffira  pour  raire  justice  de 
cette  étrange  théorie. 

Et  d'abord  que  présente,  au  point  de  vue 
moral  et  religieux,  l'histoire  du  genre  hu- 
main avant  Jésus- Christ?  Y  voyons-nous  les 
idées  religieuses,  grossières  et  informes  i 
Torigine,  se  développer  et  se  perfeclionncr 
graduellement,  jusqu'à  ce  qu'enfin,  réalisant 
sans  cesse  de  nouveaux  progrès,  elles  attei- 
gnent cette  plénitude  et  cette  perfection  qui 
éclatent  dans  le  christianisme  7  11  me  semble 
que  nos  apologistes  du  dernier  siècle  ont 


(1286)  MéditatioM  et  éluder  morales^  Préface;  Paris,  1852. 


AmmMi 


HEV 


DICTIONNÀmE  APOLOGETIQUE. 


REV 


12» 


soffisamment  mis  à  néant  i^elte  frÎYole  fay- 
(totbèse,  et  je  ne  comprends  guère  que  des 
esprits  sérieux  puissent  sy  arrêter  encore. 
Leiand  et  Bei^er  ont  démontré,  par  féCude 
auenlive  des  annales  religieuses  des  peuples 
anciens,  que  la  religion,  loin  de  progresser, 
n'arait  lait  que  s*altérer  et  se  corrompre  à. 
mesure  que  les  siècles  s'ajoutaient  aux  siè* 
ries.  L*hjsloire  à  la  mnin,  ils  ont  prouvé  que 
chez  aucune  nation  du  monde  les  connais- 
sances religieuses  ne  se  présentaient  comme 
le  produit  spontané  de  la  raison  humaine  ; 
chez  tous  les  peuples  païens,  remarquent 
ces  savants  apologistes,  la  religion  se  mon- 
tre à  1  observateur  avec  un  caract<^re  en- 
tièrement opposé  à  celui  qui  se  révèle  dans 
\t  développement  des  sciences  et  des  arts  ; 
tout  marche,  tout  progresse,  tout  se  perfec- 
tionne, tandis  que  les  idées  religieuses  s'al- 
tèrent, se  défigurent,  se  décomposent  et  fi- 
nissent par  ne  plus  offrir  qu'un  amas  d'in- 
mbérentes  erreurs.  Si  la  religion  était  le 
fruit  des  investigations  de  Tesprit  humain, 
n  aurait-elle  pas  suivi  une  marche  parallèle 
à  celle  des  autres  connaissances  ?  Pourquoi 
celte  op|josilion?  Pourquoi  ce  contraste?  Et 
su  dorant  un  espace  de  quatre  mille  ans. 
Il  raison  humaine,  quoique  cultivée  et  dé- 
T?ioppée,  n'a  su  que  rétrograder  en  matière 
de  connaissances  religieuses,  de  quel  droit 
iii  attribuerez-vous  Ta  découverte  .de  ces 
quelooes  vérités  qui  brillent  c^  et  là  au  mi- 
lieu des  ténèbres  du  paganisme?  Ne  serail-il 
fias  plus  logique  de  conclure  que  ces  véri- 
t«fs,  si  mal  gardées  par  l'homme,  viennent 
d'une  source  plus  haute  que  sa   raisoo,  et 
L^ue  le  ^enre  humain  les  doit  à  une  révéla- 
tion qui  aura  lui  sur  son  berceau?  C'est 
ainsi  que  raisonnent  nos  apologistes. 

D'aillours,  «  toutes  les  traditions  antiques, 
<îe  i  aveu  de  M.  Cousin,  remontent  a  un 
â  je  où  Thomme,  ausortir  des  mains  de  Dieu, 
en  reroit  immédiatement  toutes  les  lumiè- 
res ef  toutes  les  vérités,  bientôt  obscurcies 
et  corrompues  par  le  temps  et  par  la  science 
i  ;;complète  des    hommes.  C'est  l'âge  d'or, 
est  r£den  que  la  naésie  et  la  religion  pla- 
eot  au  début  de  l'histoire  (1287).  »  —  £hl 
es  traditions,  communes  à  tous  les  peuples, 
j*oiit-eiles  donc  aucune  valeur?  Ne  méri- 
«.-nt-elles  aucune  attention  ? 

Les  sages  les  plus  illustres  du  paganisme 
*nc  généralement  professé  le  plus  profond 
'e5^f»ect  pour  l'antiquité.  «  Confucius,  Pla- 
c^n,  Aristote,  Cicéron,  tous  les  génies  les 
•ïus  élevés  du  monde  païen  ont  célébré 
i'uoe  Toix  unanime  la  sagesse  de  leurs 
^res.  Le  plus  souvent,  ils  se  donnent 
oiume  restaurateurs  de  l'antiquité  plutôt 
{ue    comme  novateurs.  Convaincus  qu'on 


doit  regarder /ffiiei7/eurcoiiiifi«  le  ptus  an- 
cien (1288),  ils  ont  invoqué  le  témoignage 
des  ancêtres  è  Tappui  de  ce  qu'ils  ont  dit  do 

f>his  sublime  sur  Dieu  et  sur  les  vérités  »e- 
igieuses  (1^9).  Ce  respect  pour  l'antiquité 
ne  serait-il  pas  absurde,  si  les  philosophes 
que  nous  venons  de  citer  n'avaient  pas  été 
convaincus  que  les  premiers  âges  furent  il- 
lustrés (lar  la  science  des  clioses  divines 
(1290)  ?»  —  Tout  concourt  donc  à  établir  et 
l'existence  et  la  nécessité  d'une  révélation 
primitive.  «  La  révélation  faite  aux  premiers 
nommes,  dit  Bei^ier  en  résumant  les  ar- 
guments longuement  développés  dans  son 
ouvrage,  est  donc  établie  par  le  fait  et  par 
les  principes.  Il  est  impossible  qu'un  Dieu 
sage  et  bon  ait  abandonné  l'homme  naissant 
à  un  guide  aussi  infidèle  qu'est  la  raison, 
tyrannisée  et  obscurcie  par  les  passions.  Si 
elle  continue  à  l'égarer  dans  les  siècles 
même  où  elle  devrait  avoir  acquis  toute  la 
perfection  de  l'âge  mûr,  qu  eût-elle  fait 
dans  son  enfance,  lorsque  l'homme  était  en- 
core sans  expérience  et  sans  culture? 

«Cette  révélation  est  prouvée  par  la  marche 
des  connaissances  humaines;  celles-ci  se  sont 
augmentées  et  perfectionnées  avec  le  temps; 
la  religion,  au  contraire,  chez  la  plupart  des 
peuples,  a  été  plus  pure  dans  leur  origine 
que  dans  leurs  progrès. 

«  Elle  est  attestée  par  les  plus  anciens  mo- 
numents; tous  nous  renvoient,  ou  à  des  ré- 
vélations immédiates,  ou  è  une  tradition  qui 
se  perd  dans  l'obscurité  des  premiers  â^es. 
Tous  les  peuples  ont  cru  que  les  premiers 
hommes  avaient  été  instruits  par  la  divi- 
nité  

c  Elle  est  conGrmée  par  Taveu  des  sages, 
des  législateurs,  des  philosophes.  Les  uns  ^e 
sont  prétendus  inspirés,  parce  qu'ils  sen- 
taient le  besoin  de  ce  secours  pour  instruire 
solidement  les  hommes  ;  les  autres  ont  avoué 
leur  incertitude  et  les  bornes  de  leurs  lu- 
mières sur  les  choses  qu'il  est  le  plus  im- 
portant de  connaître  :  ils  ont  rappelé  les 
anciennes  traditions  sur  un  Dieu  unique  et 
créateur  du  monde,  sur  l'immortalité  de 
Tâme  et  la  vie  future  (1291).  » 

Mais  il  n'est  pas  besoin  d'en  appeler  au 
témoignage  de  l'histoire  et  d'invoquer  les 
aveux,  les  traditions  et  la  triste  expérience 
du  genre  humain  avant  Jésus-Christ  ;  il  suf* 
fit,  pour  comprendre  combien  l'hypothèse 
rationaliste  est  insoufenable,  d'observer  un 
instant  la  nature  et  les  faits  qui  se  passent 
constamment  sous  nos  yeux.  C*est  au  nom 
des  droits  prétendus  delà  philosophie  et  de 
la  raison  que  le  rationalisme  rejette  la  révé- 
lation primitive.  Nous  aimons  beaucoup  la 
philosophie;  mais  nous  n'aimons  point  celte 


H  28 7)  Introdmclion  à  Ckist,  de  ia  phihsop,,  7*  le- 

11298)  CictftOfi,  De  Uaibuê^  c.  16. 

1 1289)  Voir  PLâTO!!,  Cou,  I.  iy  ;  iieoi,  Phédon  ;  — 
\tctMom^  TusaU.^  1. 1,  c.  ii;  De  nat.  deor,^  I.  ii,  c. 
2  '  1.  III,  c  9  d  puuiM  ;  —  Plutarqub,  De  îtide  el 
>*iridr  ;  —  Aristote,  De  mundo,  €•  6.  —  Vif  de 
lonfucius^  par  le  P.  âjiiot,  t.  XII  des  Mémoirt^  sur 


let  Chinoiê^  p.  Si4. 

(1290)  M.  I  abbé  Uff.bvc,  Essai  sur  rorigine,  ia 
nature  et  la  chuU  de  Cidotàtrie^  dans  le  t.  IV  ^p.  2£l) 
des  Mémoires  de  ia  Société  littéraire  de  rUoiversité 
catbolîqoe  de  LooTain. 

(1291)  Traité  de  la  traie  religion,  prtm.  part.,  o. 
12,  récapitulation,  §  IV.  Cf.  Lcia^d,  X outille  dé- 
monstration écangélique. 


lâis 


RÊV 


DICTIONNAIRE  APOl-OGETIQOE. 


REV 


m 


par  conséquent,  la  révélation  placée   par  le 
efftholicisme  au  berceau  de  l'humanité^  est 
absolument  nécessaire  pour  expliquer  l'ori- 
gine des  connaissances  numaines.  «Nul  être 
fini,  dit  le  docteur  Von  Drej,  ne  se  déve- 
loppe que  par  Texcitation  et  sous  l*influenc6 
d'un  autre  être  de  même   nature,  ou  du 
moins  qui  a  avec  lui  certains  rapports  de 
ressemblance.  Tel  est  la  loi  qui  préside  au 
développement  de  tous  les  êtres  créés;  telle 
est  aussi  la  loi  qu'une  expérience  de  chaque 
jour  nous  révèle  dans  le  développement  de 
rhomme.  C'est  l'hommequi  fait  l'éducation 
de  l'homme,  c'est  une  raison  déjà  dévelop- 
pée qui  doit  développer  celle  qui  ne  Test 
point  encore;  Partant  de  cette  loi  univer- 
selle et  constante,  remontons  au  premier 
homme,  appliquons-la  à  son  développement 
religieux,  et  la  révélation  que  la  Bible  rap- 
porte comme  fait  revêtira  pour  nous  le  «ca- 
ractère de  la  nécessité.  Le  premier  homme 
ne  pouvait  en  effet  atteindre  à  la  connais- 
sance de  Dieu,  ni  en  général  à  aucun  dé- 
veloppement intellectuel,  sans  l'action  bien- 
faisante d'un  être  supérieur,  de  Dieu.  Par- 
venus à  notre  insu  à  l'usage  de  la  raison  et 
sans  cesse   en  rapport  avec  des  hommes 
également  formés  qui  agissent  sur  nous  sans 
que  nous  nous  en  rendions  compte,  nous 
nous  imaginons  aisément  que  la  raison  hu- 
maine eût  pu  se  former  et  se  développer 
spontanément  en  se  contemplant  et  en  se 
repliant  sur  elle-même,  excitée  par  le  spec- 
tacle de  la  nature  ;  et  de  fait  il  fut  un  temps 
où  l'on  croyait  ne  devoir  assigner  d'autre 
cause  au  développement  originaire  des  fa- 
cultés intellectuelles  de  l'homme;  mais  que 
ce  point  de  vue  était  borné,  et  que  Ton  mé- 
connaissait étrangement  les  véritables  rap- 
{»orts  des  choses!  Quoi!  l'homme  serait  l'é- 
ève  de  la  nature  î  Une  institutrice  irration- 
nelUj  chargée  d'apprendre  à  un  être  raison- 
nable  11  faire  entrer  en  exercice  sa  raison 
encore  endormie  I ...  La  nature,  qui  obéit  à 
Dieu  sans  le  connaître,  aurait  dû  révéler  à 
l'homme  la  connaissance  de  son  divin  Créa- 
teur !  La  chose  est  impossible.  »  —  Le  sa- 
vant écrivain  conclut  que  l'homme,  étant 


il  suit  rigoureusement  que  le  père  du  genre 
humain  a  dû  recevoir  de  Dieu  même  cette 
action  nécessaire  à  V actualisation  de  ses 
facultés:  «i  Le  premier  homme  n'avait  point 
à  ses  côtés  un  autre  homme,  il  avait  donc 
besoin  du  secours  d*un  être  surhumain  ;  et 
cet  être,  quel  pouvait-il  être  sinon  celui 
dont  Faction  s'étend  sur  la  terre,  bien  qu'il 
ne  soit  pas  de  la  terre  7  Or  cet  être  c'est  Dieu 
seul;  et,  par  conséquent,  le  développement 
religieux  de  l'homme  est  originairement 
Vœuvre  de  Dieu^  le  fruit  de  sa  divine  révéla- 
tion (1295).  1»  Cette  conclusion  est  irrécu- 
sable. 

(1295)  Apologétique^  ou  dimon$tration  scientifique 
de  la  divinité  du  christianisme ^  etc.  (en  allem.),  t.  1, 
p.  U:^-146;  Mayence,  1858. 

(1^96)  Dr.  J.-A.  MÔBLERS  Gesammelte  Schriftcn 


Le  célèbre  UoBhler  ne  croit  pas  non  plai 
que  l'état  actuel  de  la  philosophie  permette 
encore  de  mettre  en  question  cette  loi  de 
notre  nature.  «  Sans  entrer,  dit-il.  en  rap» 
port  avec  des  hommes  qui  sont  déjà  en  po$« 
session  des  connaissances  métaphysiques, 
morales  et  religieuses,  jamais  rhomme  ne 
pourrait  atteindre  au  premier  de^é  du  dé- 
veloppement intellectuel  et  religieui,  mal- 
gré les  sublimes  facultés  qui  le  distingueni^ 
H  serait  condamné  à  vivre  à  la  manière  d«! 
la  brute,  sans  parole  comme  sans  pensées 
Pour  se  convaincre  de  la  vérité  de  ce  pno- 
cipe,  il  n'est  pas  besoin  de  se  livrer  à  «ît 
hautes  et  profondes  considérations;  )'ei|t* 
rience  seule  noua  démontre  qoe  )e  malliei- 
reux  arraché  dès  l'enfance  à  TactioD  (ie  b 
société  ne  parvient  jamaisà  l'usagede  la  rai- 
son. C'est  sur  ce  fondement  aue  repose  li 
nécessité  de  l'éducation  des  enfants,  laquelle 
peut  d'ailleurs  se  constater  par  une  ei;^ 
rience  quotidienne.  Aussi  personne  n  esi  ra 
état  denousciter  reiempled'nnseulhoiumf 
qui,  sans  subir  l'influence  sociale,  son  par- 
venu à  cette  vie  intellectuelle,  à  ne  l'mh 
sager  même  que  dans  sos  plus  Mlet 
commencements.  Nous  sommes  donc  laitt- 
rellement  conduits  à  dire  que  loutolb 
connaissances  religieuses  conservées  éa 
les  différentes    nations    ont  leur  >oar<t 
commune  dans  la  révélation  queDiêu» 
fit  dès  l'origine  aux  premiers  \\otnm\  « 
est   impossible  de  les   expliquer  autm.r^ 

(1296).  » 

a  De  même  gu'un  enfant,  dit  à  son  i' 

M.  Staudenmaier,  si  robuste  qu'il  soil  a 

naissance,  ne  peut  se  conserver  et  graot 

que  grâce  aux  soins  matériels  qui  lui  ^ 

prodigués  ;  ainsi  sa  raison  ne  peut  se  ûf 

lopper  qu'à  l'aide  de  Vexcitalian  mfl» 

tuelle  de  l'éducation  que  lui  donnenU^îi 

telligences  déjà  formées.  Touleloi?,  ^ 

n'approuvons  pas  ceux  qui  font  oriiint'' 

ment  de  l'esprit  une  table  rase  ; . . .  fif  ' 

puissantes  que  nous  supposions  nos  ii'"^ 

tés  intellectuelles,  elles  ne  peuvent  cei^ 

dant  jamais  se    former  et   se  déveui 

d'elles-mêmes,  il  leur  faut  leconcoursa 

influence  étrangère . .  »  L'auteur  infère)» 

que  le  premier  nomme  a  dû,  comme  m 

être  soumis  à  cette  loi  invariable  à^^^ 

ture  ;  car  on  ne  peut   admettre  de  J 

rence  spécifique  entre  Adam  et  nous:  ? . 

le  premier  homme  n'a  pu  être  inslfun 

un  autre  homme  ;  il  a  donc  dû  recevoir 

leçons  d'un   être  raisonnable  plus  ^:' 

puisque  la  raison  ne  saurait  être  éveiiip? 

formée  que  par  une  raison.  Aussi,  ^1  f 

miers  monuments  sacrés  de  la  révf  * 

nous  représentent  comme  le  premier» 

tuteur  de  l'homme  son  propre  Ir^ 

Dieu  lui-même:  oracle  divin   qui  i^ 

plus  profonde  vérité  et  la  plus  haute  ^r 

qui  est  à  jamais  le  point  de  départ  ^ 

base  nécessaire  de  la  philosophie  ccmP' 

nnd  Auftâtze,  herausqegeben  von  ^-J^-^^i 
liuger  ;  Regeosburg,  *fô9.  2  B.  p.  «51  cll^^ 
aussi  J.-Th.  Beelen.  Commentanu*  tn  f^»^ 
Pauli  ad  Romanos^  p.  49. 


45 


Ktl 


DICTIONXAIRE  APOLOGETIQUE. 


REf 


îlêG 


théologie«  et  $an$  Uquel  ces  scimeu  ne  se 
wprcfUMiU  pas  Mes^mémee  (1297).  » 
KoUf  sans  cette  réYélation  primitiTe,  la 
lilosophiene  se  comprend  pas  plus  que  la 
éologie,  parce  que  1  origine  des  oonnais- 
Dces  bamaines  est  inexplicable.  Voilà  la 
loclosion  où  mène  inTincibiement  Tobser-- 
lioo  de  la  nature  et  de  ses  lois,  et  je  ne 
lis  pas  oa'nn  philosophe  un  peu  sérieux 
lisse  j  échapper.  Un  esurit  solide  ne  se 
jt  point  de  phrases  et  de  mots  sonores. 
ÛDement  le  rationalisme  nous  peindra 
as  les  plus  séduisantes  couleurs  ce  qu'il 
pelle  le  déreloppement  instinctif  et  spon- 
té  de  rbumanité,  nous  ne  rerrons  là  que 
s  phrases,  et  des  phrases  contredites  par 
»  faits.  Il  ne  fout  pas  que  l'imagination 
^Qoe  la  place  de  la  raison,  ni  gue  la  poé* 
se  substitue  à  la  philosophie:  tout  ce 
e  les  interprètes  du  rationalisme  ont  écrit 
r  le  développement  originel  du  genre  hn- 
in  n*est  qu  un  roman  revêtu  des  livrées 
la  philosophie,  et  ce  roman  n'a  pas  le 
rite  de  la  vraisemblance.  Dans  l'état  ac- 
des  sciences  philosophiques,  il  n*est  plus 
>$ible  de  se  Caire  illusion,  la  cause  du 
ionalisme  est  définitivement  perdue.  Re- 
er  aujourd'hui  la  révélation  que  le  catho- 
sme  place  à  la  première  page  des  annales 
iciioes,  c'est  renoncer  à  toute  philoso- 
te  sérieuse. 

kjoQtons  quelques  mots  pour  déterminer 
rériuible  caractère  de  cette  première  ré- 
aiioD  dont  la  philosophie  proclame  la 
^sdlé. 

in  expouint  la  doctrine  catholique  sur 
ai  primitif  de  l'homme,  nous  avons  dis- 
gué  an  double  état,  l'état  naturel  et  l'état 
naturel.  La  religion  qui  exista  dès  Tort- 
e  ne  fut  donc  point  une  religion  pure- 
nt naturelle;  il  y  eut  dès  lors  une  reli- 
n  sornaturelle,  etpar  conséquent  il  dut  j 
ir  aussi  une  révélation  surnaturelle  qui 
(  cette  religion.  Ici  nous  voulons  seu- 
eot  dire  un  mot  de  la  révélation  qui  fut 
^^saireà^hoalmepourconnaltre]es  prin- 
s  et  les  lois  de  la  religion  même  naturelle, 
ael  est  donc  le  caractère  de  celte  révé- 
^n,  et  de  quel  nom  faut-il  l'appeler?  La 
merons-nous  naiurelle on  surnaturelle? 
)us  prenons  ces  deux  mots  dans  leur 
ption  théologique,  nous  devons  dire 
cette  révélation  ne  fut  pas  surnatu- 
,  mais  simplement  naturelle.  «  L'acte 
eur  et  fécondateur  de  l'intelligence, 
tf.  Tabbé  Maret,  est  une  révélation, 
révélation  interne  et  externe  tout 
fois,  nne  véritable  révélation.  Mais, 
1  le  remarque  bien,  cette  révéla- 
est  purement  naturelle,  et  elle  est 
distincte  de  la  révélation  surnaturelle 
siiive,  de  la  révélation  au  sens  théo- 
ue  du  mot,  de  cette  révélation  qui 
ose  les  facultés  humaines  existantes, 
oppées,  déjà  eu  exercice.  La  révélation 
elle  est  celle  qui  constitue  la  nature 

r7)  EncyciopédU  de$  ickncei  tkéolo^ique$^  etc. 
enaod),  %  89100. 


intelligente,  et  la  met  avec  Dieu  dans  le 
rapport  résultant  de  Tessence  même  do 
Tétre  spirituel.  De  là  la  religion  naturelle, 
expression  de  ce  rapport  essentiel  (1298).  • 
Ainsi,  à  s'en  tenir  au  sens  ordinaire  et 
théolofpque  du  mot,  cette  révélation  fut  une 
révélation  purement  naturelle;  elle  remplit 
à  l'égard  ou  premier  homme  l'office  que 
remplit  aujourd'hui  à  Tégard  de  tout  homme 
qui  naît  à  la  vie  intellectuelle  l'enseignement 
naturel  de  la  société;  seulement  rhomme 
aujourd'hui  est  instruit  par  l'homme,  tandis 
qu  alors  il  dut  être  instruit  par  Dieu  ;  mais 
cette  différence  no  change  point  la  nature 
réelle  de  l'enseignement  ;  il  appartient  dans 
l'un  et  l'autre  cas  à  l'ordre  naturel  et  non  à 
l'ordre  surnaturel.  Voilà  pour  la  langue 
théologique. 

Hais,  à  côté  de  la  langue  strictement  théo- 
logique, il  7  a  la  langue  de  la  philosophie  et 
de  la  controverse,  qui  ne  prend  pas  toujours 
en  ce  sens  les  deux  termes  naturel  et  sur- 
naturel.  Le  plus  souvent  les  philosophes 
désignent  sous  le  nom  d'ordre  naturel 
l'ensemble  des  choses  créées,  le  monde  avec 
tous  les  êtres  qui  le  composent  et  les  loisqui 
le  régissent;  c'est  là  ce  quils  nomment 
encore  la  nature.  De  cette  façon  tout  ce  qui 
est  au-dessus  du  monde  est  supérieur  à  la 
nature  et  par  conséquent  surnaturel. 

Du  moment  que  Dieu  intervient  d'une 
manière  réelle  et  nettement  caractérisée, 
c'est  un  phénomène  qui  sort  des  limites  de 
Tordre  naturel  et  appartient  à  Tordre  sur- 
naturel :  toute  intervention  proprement  dite 
de  Dieu,  fût-elle  d'ailleurs  nécessaire,  est 
regardée  comme  surnaturelle.  Tel  est  le 
point  de  vue  où  Ton  se  place  d'ordinaire  en 
philosophie  et  dans  la  controverse  religieuse, 
lorsqu'elle  est  circonscrite  sur  un  terrain 
proprement  philosophique. 

Il  est  clair  qu  à  ce  compte  la  révélation 
que  nous  avons  appelée  naturelle  devrait 
être  nommée  surnaturelle  ;  car  elle  mar- 
que une  intervention  formelle  et  bien  ca- 
ractérisée de  la  part  de  Dieu. 

Mais  c'est  là  un  point  de  vue  fort  étroit, 
purement  relatif,  et  qui  ne  se  justifie  pas 
aux  yeux  de  la  raison,  lorsqu'il  s*agit  de 
déterminer  le  sens  général  et  absolu  des 
choses.  La  nature  en  effet  est  l'œuvre  de 
Dieu;  c'est  lui  qui  Ta  créée  et  qui  la  conserve  ; 
elle  ne  marche  jamais  seule,  et  il  n'v  a  pas 
d*ordre  naturel  qui  s'explique  sans  1  action 
de  Dieu.  La  présence  de  cette  action  ne 
suffit  donc  pas  pour  faire  sortir  une  chose  de 
Tordre  naturel.  Si  Tintervention  de  Dieu, 
fût-elle  extraordinaire  dans  son  mode,  est 
nécessaire  pour  constituer  Tordre  naturel, 
elle  appartient  à  Tordre  naturel  et  non  à 
Tordre  surnaturel. 

Par  conséquent  la  révélation  primitive, 
en  tant  que  nécessaire  pour  mettre  en  jeu 
les  facultés  naturelles  de  l'homme  dans  le 
sens  où  nous  Tavons  expliqué  tout  à  l'heure, 
n'est  pas  une  révélation  surnaturelle,  mais 

(1298)  Lm  religion  ei  la  philoêophie,  etc.,  daas  k 
Cofresfondantf  ^  avril  1845. 


m? 


Sà€ 


DICTIONNAIRE  AP0L0GET1QIJE. 


SAC 


m 


une  révélation  naturelle;  elle  ne  sert  qu'à 
constituer  Tordre  naturel ,  elle  appartient 
donc  à  cet  ordre. 

Voilèy  ce  nous  semble»  les  seules  notions 
▼raies  lorsqu'on  envisaj^e  les  choses  non  pas 
d'un  point  de  vue  relatif  et  restreint,  mais 
d'un  point  de  vue  général  et  absolu.  Et  ainsi 
la  langue  théologi(]ue  nous  apparaît  comme 
la  seule  qui  soit  rigoureusement  exacte. 

RÉVÉLATION  des  vérités  surnaturelles. 
Voy.  Prophétie  considérée  comme  Tuu  des 
éléments»  de  l'ordre  surnaturel.— Révélation 
primitive.   Voy.  Salut,  §  I.  —  Révélation 

t>nmitive  nécessaire  pour  révolution  intel- 
actuelle  de  l'homme.   Voy.  Psychologie, 
5  VII. 

HEYNAUD  (J.);  sa  théorie  sur  l'origine 
des  dogmes  mosaïques  et  chrétiens  réfutée. 
Voy.  Mazdéisme.  —  Réfuté  sur  le  dogme  de 
Téteruité  des  peines.  Voy.  Ehfbh,  $  III.  — 
Objections  <!ontre  la  création  de  la  lumière 
suivant  la  Genèse.  Voy.  CRÉATioif,  $  V.— Son 
opinion  sur  le  premier  homme.  Voy.  Psy- 


chologie. —  Son  opinion  ^r  Terigine  de 
l'Eucharistie;  réfutation.  Voy.  Eqcbaiistu, 
§  IV. — M.  Proudhon  a  émis  sur  l'ouvrage  de 
J.  Revnaud  intitulé  :  Ciel  et  tmt,\^  \\\. 
gement  suivant  :  «  Toutes  ces  belies  phra- 
ses mystiques  ne  sont  que  de  lanymphéo- 
manie.  »  Voy.  Ciel  et  Tebrs. 

RHOTÂDE  ;  fut-il  des{)otiquement  déposé 
par  Hincmar  7  appréciations  par  M.  Guuol 
réfutées.  Voy.  Hinchab,  §  XI  et  XII. 

RITTER  ;  son  jugement  et  ses  apprém- 
tions  des  livres  indiens.  Voy.  Ifmimm. 

ROBOAM;  découverte  du  nom  et  du  por* 
trait  de  ce  roi  de  Jnda  en  Egypte  par  CbiE> 
pollion.  Voy.  Pbivtatedqub,  }  IX. 

ROMAINS  ;  «eurs  philosophes  admeiitct 
un  état  de  nature.  Voy,  PsYcnoLocis,  f  II. 

ROUSSEAU  (J.-J.);  belles  paroles  sur  16. 
sus-Christ.  Voy.  Jésus-Christ,  art.  1 ,  $  1) 
—Portrait  de  Jésus-Christ.  Voy,  }&jnmi 
§  X.  ->  Examen  de  la  théorie  d'un  éui  'J( 
nature.  Voy.  Pstcholôgie,  i  1. 


s 


SAADSy  secte  de  Tlnde.  Voy.  Acroamati- 
QUBt  etc. 

SACREMENT  (1299).  —  La  prophétie  (Voy. 
ce  root]  ne  suffit  pas  au  commerce  surnatu- 
rel de  l'homme  avec  Dieu.  Elle  éclaire  l'in- 
telligence en  l'élevant  à  des  pensées  que  ne 
lui  inspirerait  pas  le  spectacle  des  choses 
finies;  mais  rinielligence  n'est  qu'une  par- 
tie de  l'homme  et  dépend,  pour  se  mouvoir, 
d'une  faculté  qui  la  mette  en  branle  et  qui 
est  le  ressort  premier  de  tous  nos  actes, 
bien  qu'elle  subisse  à  son  tour  Tinfluence 
des  doctrines  déposées  dans  l'entendemeut, 
je  veux  dire  la  volonté.  La  volonté  est  le 
principe  de  l'activité  libre.  Si  elle  s'arrête 
dans  1  orbite  de  la  nature  tandis  que  l'intel* 
ligence  est  portée  plus  haut,  il  y  aura  dés- 
accord dans  les  tendances  de  notre  être,  et 
l'œuvre  de  la  communion  divine  ne  s'ac- 
complira point.  II  faut  que  la  volonté  re- 
çoive un  élan  surnaturel  en  même  temps 
que  Tintelligence  subit  une  illumination  du 
même  ordre,  et  qu'ainsi  toutes  nos  facultés 
marchent  ensemble  à  la  conquête  et  à  la 
i)leine  possession  de  l'infini.  Cest  pourquoi 
l'Esprit  de  Dieu,  qui  est  appelé  VEsprit  de 
vérité  (1300)  est  appelé  aussi  VEsprit  de 
force  (1301  J,  et  Jésus-Christ  en  le  promet- 
tant a  ses  auêtres  le  leur  annonçait  sous 
cette  double  lorme,  l'une  de  lumière,  Vau- 
tre de  puissance  ou  vertu.  Et  sans  aucun 
doute,  dans  l'action  prophétique,  cette  double 
effusion  ne  manque  pas  d*avoir  lieu.  La  grâce 

(1299)  Sacramentum  vient  de  sacer^  sacré.  Dans 
rorigine  on  a  nommé  sacré  ce  qui  était  tiré  de  Tu- 
sage  commun,  mis  h  part  ou  en  réserve,  pour  être 
offert  à  Dieu  et  destiné  k  son  culte  :  Deo  sacrum, 
sanclum  Domino,  destiné  on  résctvë  pour  Dïimk  bà 
là  est  venu  le  double  sons  du  mot  tacer,  qui  signifie 
aussi  exécrable f  dévouéf  réservé  à  la  tmri.  Où  eu- 


illumînative  renferme  aussi  une  grêee  •! 
tractive,  mais  qui,  suflîsante  pour£i'>rl 
volonté,  ne  l'est  pas  pour  y  fonder  le  it^i 
constant  de  la  justice,  de  la  vie  et  de  raffiii 
divins.  De  même  que  Jésus-Clirisl,  &vt 
avoir  révélé  à  ses  apôtres  le  mjslèredeP 
vangile  et  commencé  en  eux  rœumûc 
régénération,  y  mit  le  sceau  par  le  don 
Saint-Esprit  qui  devait  les  confirmer  da 
force  toute-puissante,  de  mê(ne,loiit»i  i 
déjà  préparée  par  l'audition  de  la  paroit 
Dieu  doit  recourir  au  sacrenient  pour  \  pi 
ser  la  vertu  vivifiante  qui  exalte  la  nu  i 
et  l'établit  dans  la  plénitude  des  foCvJ 
et  des  droits  de  l'ordre  surnaturel. 

Qu'est-ce  donc  que  le  sacrement?  Sv^ 
bornais  à  vous  dire  ce  qu'il  est  au  ita* 
ligieux,  peut-être  ne  m'entendriez-vouï 
mais  je  suis  sûr  qu'eu  le  considéranhlt 
haut,  c'est-à-dire  dans  sa  nature  Qièla( 
sique  et  absolue,  vous  serez  conlraïaî 
le  respecter,  si  vous  ne  l'êtes  pas  enojf 
le  pratiquer. 

Je  pose  donc  de  nouveau  cette  ^u^î^ 
et  je  me  demande  en  un  sens  abstraiu* 
néral  :  Qu'est-ce  oue  le  sacrement? 

il. 

Le  sacrement  est  un  offianisme  qui  contient  ont»  ^ 
Qu'est-oeque  la  force?— Force  constatée  djosil: 
dans  les  nations,  dans  Vunivers  phvsique.  -*i 
d*expansion  et  de  concentraUon.  —  Sacrciwoi" 
et  sacrement  surnaturel. 

Le  sacrement  ainsi  envisagé  n'est {'' 

tend  par  sacrement  le  signe  sensible  d*un  te- 
neur et  spiritnel  que  Dieu  0|iére  dans  no>  î^^^ 
sacrements  sont  comme  tes  canaux  p^r  )ts 
Dieu  nous  communique  plus  enicacemeni  ti^ 

CCS. 

fl300)io«ii.  XIV,  !7. 
(1501)  Ad.  1,8. 


It(9 


SAC 


DICTlONTiAIRE  APOLOGETIQUE. 


SAC 


It50 


re  chose  qu'un  instrument ,  c'est-à-dire  un 
irganisme  qui  contient  une  force.  LMdée  de 
orce  est  Fiaée  mère  du  sacrement,  et  il  est 
mpossilile,  par  conséquent,  d'en  raisonner, 
I  JoD  ne  sait  avant  tout  ce  que  c'est  que  la 
^rce.  Lorsque  nous  traitions  de  la  prophé- 
ie,  la  question  fondamentale  était  celle-ci  : 
lu'est-ce  que  la  rérité  ?  Quand  il  s'agit  du 
icrement,  la  question  fondamentale  est 
elle-ci  :  qu'est-ce  que  la  force? 
Il  semble  qu'il  est  aisé  d'y  répondre;  car, 
epnis  que  nous  sommes  au  monde  et  à 
haqae  minute  de  notre  vie ,  nous  n'avons 
lit  et  nous  ne  faisons  que  de  la  force  ou  de 
(  faiblesse,  et  la  faiblesse  elle-même  n'est 
a  ooe  force  inférieure  h  ce  qu'elle  devrait 
[re  pour  l'objet  auquel  nous  l'appliquons, 
larcnez-vous?  C'est  un  déploiement  de 
ire.  Vous  asseyez-vous?  C'est  le  déploie- 
lenl  d'une  autre  force.  Vous  tenez-vous 
4>out?  C'est  encore  de  la  force.  Etîlen  est 
usi  de  tous  nos  actes  extérieurs,  de  tous 
ui  qui  s'accomplissent  par  les  organes  du 
trps.  Les  mouvements  de  l'Ame,  quels 
l'iis  soient,  dépendent  du  même  principe 
suivent  la  même  loi.  Etes-vous  courageux 
tant  le  péril  ?  C'est  de  la  force.  Etes-vous 
.[•érieurs  ausi  séductions  du  monde  et  des 
n$?  C'est  de  la  force.  Etes-vous  fermes 
^ns  les  résoitilions?  C*est  de  la  force.  Vous 
issez-vousab^ttre  au  chagrin  ou  à  la  crainte? 
e>(  la  force  qui  diminue  en  vous  ;  et  si 
lus  ne  ta  retenez  par  un  eiïort  contre  vos 
ipressions ,  la  vie  vous  échappera  lente- 
*;rjtetdouloureusement.  La  vie  n'estqu'un 
^su  d'actions  qui  procèdent  d'une  force 
us  on  moins  énergique,  plus  ou  moins 
•parfaite,  dont  le  foyer  est  à  la  fois  Tâme 
le  conis. 

Si  de  ibomme  vous  passez  aux  nations , 
>'Ji  n  y  trouverez  pas  d*autre  spectacle. 
-a  nations  commencent  par  un  acte  d'é- 
r^te,  vivent  du  principe  qui  lésa  lait  nai- 
I  et  meurent  d'un  épuisement  physique  et 
•rai.  Leur  histoire  dure  autant  que  leur 
i55ance,  et  leur  puissance  autant  que  cette 
ve  qui  rassemble  toutes  les  autres  dans 
1  essence  et  dans  son  nom,  la  vertu. 
/univers,  à  son  tour,  nous  dit  la  même 
>se  que  l'homme  et  les  nations.  Tous  ces 
»es  immenses  qui  en  composent  l'arcbi- 
lure  obéissent  à  deux  forces,  l'une  de  pro- 
lion  qui  les  pousse  en  ligne  droite,  1  au- 
d  attraction  qui  les  appelle  au  repos  dans 
centre  immobile,  et,  se  partageant  entre 
deux  impulsions  contraires,  ils  décrivent 
!e  courbe  constante  et  glorieuse  qui  nous 
^ense,  sans  faillir  jamais,  la  lumière,  la 
lenr^  le  temps,  l'espace  et  l'harmonie, 
out  est  donc  force  au  ciel  et  sur  la  terre, 
ce  que  tout  y  est  action,  et  la  science,  de 
Ifiue  nature  qu'elle  soit,  à  quelque  objet 
:Ile  s'applique,  n'est  occupée  qu  à  calen- 
des forces»  les  unes  phvsiques,  les  au- 
morales,  celles-ci  mathématiques,  cel- 
le métaphysiques  ou  abstraites,  et  euGn, 
delà  tout  monde  et  tout  nombre,  la  spé- 


culation la  plus  élevée  rencontre  sous  le 
nom  de  Dieu  la  force  suprême,  éternelle, 
infinie,  immuable,  d*où  découle  en  chaque 
être,  par  une  participation  mesurée,  le  ger- 
me de  l'activité.  Rien,  en  conséquence,  ne 
doit  nous  être  plus  intime  et  plus  connu 
que  la  force.  Et  toutefois,  précisément  parce 
que  la  force  est  un  élément  premier  oe  no- 
tre pensée,  je  ne  puis  vous  la  définir  qu'im- 
parfaitement, moins  par  son  essence  que 
!>ar  ses  effets.  Je  vous  dirai  donc  qu'elle  est 
'énergie  de  l'être  retenant  en  soi  I  existence 
au  moyen  d'un  efibri  de  roncontration,  ou 
la  répandant  au  dehors  au  moyen  d'un  mou- 
vement de  dilatation.  Tout  acte  de  force  se 
réduit  i  cela.  Ou  bien  nous  nous  resser- 
rons en  nous-mêmes  pour  v  ramasser  nutre 
vie  et  nous  en  donner  la  plus  haute  senra- 
tiou  possible,  ou  bien  nous  nous  épanchons 
{lour  la  communiquer  à  d'autres  que  nous, 
et,  selon  le  degré  de  cette  double  tensicm, 
nous  produisons  plus  ou  moins  le  phéno- 
mène incompréhensible  que  nous  appelons 
la  force.  La  main  contractée  pour  refuser 
est  le  symbole  de  la  force  de  concentration; 
la  main  ouverte  pour  consentir  est  le  sym- 
bole de  la  force  d  expansion  ;et,  si  vous  rap- 
pelez dans  votre  esprit  les  actes  perpétuel* 
lement  renouvelés  Jont  se  compose  la  vie  de 
Thomme  et  de  la  nature,  vous  n'y  décou- 
vrirez rien  qui  ne  se  ramène  à  ce  mouve- 
ment alternatif  que  notre  cœur  nous  rend 
sans  cessé  présent  au  physique  et  au  mf»- 
ral. 

La  force  de  concentration  à  son  comble, 
c'estréternitél  Ceiui-làseul  la  possède,  qui, 
dans  un  moment  unique,  indivisible  et  ab- 
solu, éprouve  en  soi-même  et  à  jamais  la 
sensation  infinie  de  l'être,  et  peut  se  dire  : 
Je  suis  celui  qui  suis  (1302).  La  force  d'ex- 

[»ansion  à  son  comble,  c'est  la  création.  Ce* 
ni-là  seul   la  posbèd^,  qui ,  se  suffisant  à 
lui-même  dans  la  plénitude  de  Texisteuco, 

fieut  appeler  à  la  vie,  sans  rien  perdre  de 
a  sienne,  qui  il  veut  et  quoi  il  veut,  des 
corps,  des  esprits,  des  mondes,  et  ainsi  tou- 
jours, dans  des  siècles  sans  nombre  et  des 
esjîaces  sans  fin.  Tel  est  Dieu. 

Or,  Dieu,  en  nous  donnant  Têlre,  nous  a 
donné  la  force  sans  laquelle  aucun  être  ne 
peut  même  se  concevoir,  et  il  nnus  Ta  don- 
née dans  son  double  élément,  l'un  qui  nous 
sert  à  durer,  l'autre  qui  nous  sert  à  nous 
propager;  l'un  par  où  nous  tendons  à  l'acte 
d'éternité,  l'autre  par  où  nous  tendons  à 
lacté  de  création.  Mais  il  y  a  entre  Dieu  et 
nous,  sous  ce  rapport,  une  gr  nde  et  capi- 
tale difiérence;  Dieu  possède  par  soi  la  force 
de  concentration  et  d  expansion,  tandis  que 
nous  ne  l'avons  que  d*emprunt,  par  l'inter- 
médiaire des  instruments  que  la  divine  Sa- 
gesse nous  a  préparés.  Ainsi,  ferez-vous  de 
vains  efforts,  êtres  vivants  que  vous  êtes, 
pour  vivre  du  seul  aliment  de  votre  subs- 
tance et  du  seul  commandement  de  vos  be- 
soins. Fussiez-vous  comme  Ugolin ,  enfer- 
més dans  une  tour,  vos  enfants  à  vos  pieds, 


m)  Exod.  fil,  14. 


1251 


SAC 


DICTIONNAIHE  APOLOGETIQUE. 


SAC 


m 


criant  vers  vous  dans  les  tortures  de  Tina- 
nilion,  vous  hommes,  vous  pères  ,  il  vous 
sera  impossible  de  tirer  du  plus  énergique 
travail  oe  votre  âme,  autrechose  que  le  dés- 
espoir ou  la  résignation.  Il  vous  faudra 
tomber  d'impuissance  sur  les  corps  de  vos 
fils  tombés  du  même  mal.  Sans  doute  la  fore 
de  votre  volonté  retardera  plus  ou  moins 
cette  catastrophe  de  la  faim.  L*âme  soutient 
le  corps  aux  prises  avec  la  douleur  et  la 
mort,  et  on  Ta  bien  vu  dans  les  martyrs  en 
qui  rassistance  divine  se  faisait  un  jeu  de 
braver  les  tyrans,  et  de  surpasser  le  génie 
des  supplices  par  le  courage  patient  de  la 
foi.  Mais  celte  exaltation  de  la  virilité,  tout 
en  étant  le  triomphe  de  la  vertu,  ne  fait  que 
la  conduire  avec  gloire  au  tombeau  ;  il  faut 
qirelle  succombe  dans  Tordre  matériel,  et 
rende  témoignage  aue  nulle  créature  n'a 
par  elle-même  lo  aroit  ou  le  pouvoir  de 
rimmortalité.  La  vie  est  en  nous  à  condi- 
tion de  Tentretenir  par  autre  chose  que 
nous,  c'est-à-dire  par  Tintermédiaire  des 
instruments  à  qui  Dieu  a  communiqué  la 
force  de  réparer  la  nôtre  et  de  la  soutenir. 
Si  la  nature  ne  nous  portait  comme  une 
mère  dans  son  sein,  si  elle  ne  nous  prépa- 
rait avec  une  intarissable  fécondité  le  lait  de 
la  plante  et  le  sang  de  Tanimal,  notre  vie 
ne  serait  pas  même  un  songe.  Nous  subsis- 
tons par  la  force  invisible  contenue  dans  un 
organisme  visible,  et  le  sacrement  ou  i*ins- 
trument  n'étant  pas  autre  chose,  il  est  né- 
cessaire de  conclure  que  nous  subsistons 
par  l'usage  naturel  et  quotidien  des  sacre- 
ments. 

Ainsi  en  est-il  de  la  force  d'expansion. 
S'il  vous  platt  d'agir  au  dehors  sur  Têtre  le 
moins  ca)>able  de  résister,  vous  ne  le  pour- 
rez pas  directement  par  un  simple  acte  de 
vouloir.  En  vain  direz-vous  à  ce  grain  de 
sable  de  se  retirer  de  votre  chemin.  Dieu 
meut  l'univers  sans  même  lui  parler;  pour 
vous,  un  atome  brave  vos  commandements, 
vous  rinterpellez,  vous  lui  dites  :  Tu  m'im- 
portunes, va-t-eni  II  se  tait  et  méprise  vos 
ordres.  Il  faudra  que  votre  main  se  baisse 
jusqu'à  terre,  et  chasse  loin  de  vous  le  sable 
insolent  qui  a  méprisé  le  désir  et  la  puis- 
sance de  l'homme.  Hais  le  corps  est  un  ins- 
trument limité;  pour  peu  que  la  résistance 
s'accroisse,  la  force  qu'il  contient  ne  suffit 
plus  à  votre  empire;  besoin  vous  est  de  lui 
chercher  du  secours  et  d'ajouter  à  son  ac- 
tion l'action  étrançèredu  levier.  Le  levier  lui- 
même  devra  grandir  en  proportion  dufardeau 
qu'on  Tappelleà  soulever,  etaveccetaide ma- 
tériel posé  sur  un  point  d'appui,  vous  bâtirez 
vos  palais,  vos  temples,  vos  tombeaux,  tous 
ces  monuments  conçus  par  votre  génie, 
mais  exécutés  par  vos  bras  assistés  d'un  vil 
organisme.  Vous  pourriez  même,  disait  Ar- 
chimède,  déplacer  tout  le  monde  avec  le  le- 
vier en  lui  donnant  une  longueur  que  dé- 
terminerait le  calcul,  et  en  lui  trouvant  un 
point  d'appui  qui  portât  le  poids  de  sa 
masse  et  l'effort  Je  son  mouvement. 

Gloire  à  vous,  mais  gloire  à  vous,  parce 
que  vous  savez  vous  assujettir  des  instru- 


ments capables  d'élever  jiisqu  au  ciel  Vàm- 
bition  de  vos  œuvres!  Sans  leur  secours  i 
vous  ne  connaîtriez  du  firmament  que  ses 
apparences,  de  la  terre  que  sa  surface,  de 
rtiistoire  qu'un  vague  et  borné  souvenir,  i 
de  vous-mêmes  que  la  limite  étroite  de  m 
facultés.  L'instrument  est  toute  votre  force 
au  dehors  comme  au  dedans,  dans  l'ordre 
de  l'expansion  comme  dans  l*ordre  de  la 
concentration.  Mais  l'instrumeat  et  le  sa- 
crement étant  la  même  chose,  que  ûm, 
sinon  que  l'homme  n'est  rieo  que  par  le 
sacrement;  que  le  sacrement  est  sa  vie,$i 

fmissance,  sa  souveraineté,  son  immorti- 
ité?  Je  le  dis,  je  le  dis  après  l'avoir  proav^ 
et  afin  que  vous  ne  vous  en  étonniez  pss; 
je  souhaite  d'en  connaître  la  raison  et  de 
vous  la  révéler. 

Pourquoi  donc  notre  force  nous  vient-eDe 
du  dehors?  Pourquoi  nous  vient-eDe  d'uns 
source  inférieure  a  nous,  ou  du  oQoins  pour- 
quoi ne  pouvons-nous  soutenir  et  dérelop- 
per  celle  qui  nf  nous  est  propre  qu'à  Ville 
d'une  autre  qui  nous  est  étrangère,  et  qui 
est  contenue  dans  les  plus  basses  ré^on.s 
de  la  nature?  Pourquoi?  Est-il  si  m^nsé 
de  Tentendre?  Si  nous  possédions  te  tbrce 
de  concentration  et  d'expansion  par  wkst 
mêmes,  comme  cette  double  force  est  iV.v 
sence  de  la  vie,  nous  aurions  la  vie  en  noib 
et  par  nous,  nous  serions  à  nous-mêmes  ûo\rt 
subsistance  et  notre  raison  d'être,  txons  se- 
rions Dieu  ;  ou  du  moins,  n*ajant  pas  eoos- 
cience  de  l'action  sourde  et  insensible  par 
où  Dieu  nous  verserait  intérieurement  ij 
vie,  nous  nous  persuaderions  sans  peiQ^ 
que  nous  l'avons  en  propre  ;  et,  au  lieu  ce 
nous  élever  par  une  humble  reconnais^nc». 
vers  l'auteur  de  ce  magnifique  don,  noas 
nous  arrêterions  à  nous  comme  à  notr^* 
principe  et  notre  fin.  Notre  grandeur  noL> 
tromperait,  et,  la  nature  n'étant  pIussou^ 
nos  pieds  qu'une  esclave  spectatrice  et  vây- 
sive,  nous  y  puiserions  la  pensée  qutM> 
n'est  pas  distincte  de  l'homme,  et  nous  ai9- 
rerions  en  elle,  par  un  panthéisme  que  jq5- 
tifierait  son  obéissance,  la  réverbération  oV 
notre  souveraine  majesté.  Dieu  était  trv^^ 
juste,  il  était  trop  père  pour  nous  livrer  i 
de  si  faciles  orgueils;  il  nous  a  fait  le  pre- 
mier des  êtres  visibles,  mais  en  nous  arer* 
tissant  de  notre  dépendance  à  son  égaitt  |ar 
celle  où  nous  sommes  de  toute  la  eréatioB, 
Nous  ne  commandons  qu'à  la  conditioo  dV 
liéir;  nous  ne  vivons  Qu'en  sollidcanl  b 
vie  ;  nous  n'agissons  qu'à  1  aide  de  la 
sière  qui  souille  no^  pieds.  Dieu,  en 
donnant  une  âme  plus  grande  aue  le  ciel  û 
la  terre,  ne  lui  a  pas  permis  de  viTîfier  I 
elle  seule  la  glèbe  du  corps  qu'elle  haMl 
et  de  lui  communiquer  une  action  égfêà 
ses  volontés.  Il  a  mis  entre  nous  et  la  £9^ 
un  intermédiaire  ;  il  l'a  cachée  ao  sein  de  ^ 
nature,  sous  des  formes  aue  nousaeoe|M«^ 
sans  les  comprendre,  et  aont  l'usage  oécr*- 
saire  n'humilie  qu'à  demi  notre  fierté^  parrs 
que  nous  avons  la  gloire  de  les  déccKiTr.v 
et  que  nous  croyons  en  ûire  des  semiteur^ 
en  constatant  la  loi  par  où  nous  ilépeiid-i.»i-N 


V& 


SAC 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


SAC 


1251 


I 


d'eai.  tfais,  puisque  tous  méprisez  le  sacre- 
ment surnaturel,  connaissez  du  moins  ce 
ue  vaut  le  sacrement  naturel.  Tous,  rois 
u  monde,  tous  ne  pouTez  TiTre  qu'en 
mangeant,  qu*en  tous  asseyant  à  une  table 
unir  r  dévorer  du  sang,  de  la  cbair,  des 
iierbes  disputées  aux  plus  Tils  animaux, 
i}uen  souffrant  au  dedans  de  tous  une  inex- 
[^liable  transmutation  de  la  matière  inani- 
Twée  en  la  glorieuse  et  TÎTante  substance  de 
homme,  vous,  rois  du  monde,  pour  qui 
:i:Ve  terre  est  trop  étroite,  tous  ne  pouTcz 
>o<ier  deux  pierres  l'une  sur  Tautre  qu'à 
aide  d'une  instrumentation  qui  soumet 
olre  génie  à  quelque  morceau  de  l>oi$ 
UfcL  Car,  qu'est-ce  an'un  leTierî  Un  levier, 
est  un  bâton.  Oui,  nommes  superbes,  ma- 
li^uiaticiens,  savants,  artistes,  pour  fonder 
.'  plus  splendide  monument  tous  arez  eu 
esoin  d'un  bâton  1  Votre  {lensée  l'a  conçu, 
\ais  c'est  un  bâton  mis  sur  un  bâton  qui 
I  élevé  ! 

Et  pourtant,  quel  est  l'écolier  de  pbiloso- 
lie  que  l'idée  de  sacrement  n*a  |ias  révolté? 
oel  est  le  jeune  esprit  s'exerçant  dans  les 
adiématiqaes  au  calcul  des  forces,  qui  n'a 
da  sacrement?  Lui  qui  s'en  sert  chaque 
HT  avec  une  imperturbable  foi,  qui  marche 
itouré  d'instruments,  qui  compte,  pèse, 
-sure,  regarde  avec  des  instruments;  lui 
i  se  pâme  d'aise  deTant  une  machine,  et 
i  n'en  Toit  jamais  la  collection  dans  les 
j^ées  de  la  science  sans  un  mouTement 
^r^ueil  ;  lui,  ce  même  homme,  en  passant 
fant  une  église,  ne  peut  s'empêcher  de 
irire  à  la  pensée  qu'il  y  a  là  des  créa- 
'^s  raisonnables,  usant  de  Quelque  chose 
00  appelle  les  sacrements.  En  1  mon  Dieu, 
it  le  Chrétien  Tit  de  sacrements  comme 
u>  en  TÎTeZy  la  religion  a  ses  sacrements 
i^nie  la  science  a  les  siens,  et,  aTant  de 
3  f»Iaindre,  il  eût  été  juste  de  saTOir  si  tel 
^i  l^âs  le  mode  uniTersel  de  la  Tie;  car  il 
dur  de  TÎTre  par  la  chose  même  que  l'on 
mst  le  plus. 

111- 

iioo  somatiirelle  de  llioiDme.  —  Par  le  saeremeot 
tuiurel,  Diea  dous  verse  ses  U^sors  pour  nous 
«er  jusqu'à  sa  vie.  -^  Aliment  des  corps  et  lUmeDl 
rame.  —  Le$  forces  eonuDODiqaées  à  I  âme  ont  pour 
Bdpe  ia  diarité.  —  Objectioa  Urée  de  U  proporUoo 
re  la  cause  et  l'effet  daos  le  sacrement  naturel  ;  ré- 
tse.  —  Prophétie  et  sacreroeol,  fondement  de  la  vie 
\oe  dans  Hiumanité. 

Dieu  n*eât  créé  l'homme  que  pour  le 
'S  et  J'espace,  il  ne  lui  eût  donné  que 
rce  correspondante  au  temps  et  à  Tes- 
,  et  les  seuls  instruments  connus  de 
eussent  été  des  instruments  naturels, 
telle  n'était  pas  la  Tocationde  l'homme. 
.  /avant  mis  au  monde  par  un  motif  de 
ê,  a  Voulu  lui  communiquer  sa  perfec- 
et  sa  béatitude;  d'abord  indirectement 

une  forme  finie,  représentatiTe  et 
Dattque,  qui  constitue  I  ordre  de  la  na- 

puis  directement,  par  une  effusion 

élevée  de  lumière  et  d'amour  qui  pré- 

J*faomaie,  au  moyen  de  sa  libre  coo- 


i)ération,  à  Toir  et  a  posséder  pleinement 
Fauteur  de  tout  bien.  En  un  mot,  mot  éner- 
gique et  inoni,  mais  tiré  de  TEcriture  et 
apporté  jusqu'à  nous  par  la  tradition  chré- 
tienne. Ta  fin  dernière  de  Thomme  est  sa 
déification,  c'est-à-dire  une  union  si  étroite 
aTec  Dieuy  que,  sans  détruire  notre  person* 
nalité,  elle  doit  nous  rendre  participants  de 
la  nature  et  de  la  Tie  diTines.  C'est  ce  que 
l'apôtre  saint  Pierre  écriTait  en  ces  termes 
aux  fidèles  de  son  âçe  :  Simon  Pierre j  serri^ 
teur  et  apôtre  de  Jesuê-Christ^  à  tous  ceux 
qui  ont  reçu  une  foi  égcUe  à  la  nôtre  dans  la 
justice  de  notre  Dieu  et  de  notre  Sauveur 
Jésus-Christ.  Que  la  grâce  et  la  paix  s'accomn 
plissent  en  vous  dans  la  connaissance  de  Dieu 
et  de  Notre-Seigneur  JésuS'Christ...parlequel 
cette  grande  et  précieuse  promesse  nous  a  été 
donnée  de  devenir  participants  de  la  nature 
divine  (iâ03).  Et  saint  Paul,  écriTant  au\ 
Hébreux,  leur  disait  :  Nous  avons  été  faits 
participants  du  Christ^  si  toutefois  nous  re- 
tenons  jusqu^à  la  fin  le  commencement  de  sa 
substance  qui  est  en  nous  (130^).  Et  à  chaque 
page  de  l'ETangile  la  vie  étemelle^  c'est-à-dire 
la  Tie  de  Dieu,  nous  est  promise  comme  la 
récompense  de  nos  ceuTres  opérées  dans  la 
foi,  et  la  consommation  du  plan  dÎTin  sur 
nous.  Or,  la  Tie  de  Dieu,  consistant  dans 
une  force  infinie  de  concentration,  qui  est 
l'éternité,  et  dans  une  force  infinie  d'expan- 
sion, qui  est  !a  charité  créatrice,  c'est  cette 
double  force  infinie  qui  doit  nous  être  ini- 
tialement communiquée  pour  répondre,  dès 
ici-bas,  à  l'appel  prodi^eux  de  la  toute- 
puissante  bonté.  Je  n'ai  pas  à  discuter  cet 
appel,  je  Tai  fait  ailleurs,  et  ne  l'eussé-je 
pas  fait,  qu'importe?  E<:t-ce  qu'il  y  a  parmi 
ceux  qui  me  lisent  quelque  âme  qui  accepte 
le  temps  et  l'espace  pour  sa  destinée?  Est-ce 
que  tous,  croyants  et  incroyants,  nous  n'a- 
TOUS  pas  la  foi  que  l'espace  n'est  pas  notre 
horizon,  que  le  temps  n*e<:t  |ias  notre  me- 
sure, que  nous  allons  plus  loin  et  plus  haut, 
et  que  la  Tie  présente  n'est  que  le  portique 
douloureux  d  un  plus  grand  aTenir?  Oui,  à 
part  l'athée,  et  duis-je  même  l'accepter,  à 
part  l'athée,  il  n*y  a  pas  d'homme  qui  ne 
sente  en  lui  un  germe  de  diTinité.  Tous,  à 
cause  de  cela,  nous  pouTons  mourir  pour  nos 
idées  et  nos  affections,  pour  la  Térité  et  pour 
la  justice,  parce  que,  tout  faibles  que  nous 
sommes,  nous  éprouTons  en  des  rencontres 
une  si  tIto  impression  du  Dieu  obscur  qui 
est  en  nous,  que  la  mort  nous  parait  un 
mensonge  et  le  deToir  de  mourir  une  im- 
mortalité. 

Ah  !  j'en  remercie  Dieu,  qu'en  ce  mystère 
profond  de  notre  union  aTec  lui  il  n  y  ait  de 
dissentiment  entre  nous  que  sur  le  mode  et 
le  degré!  Je  l'en  remercie,  je  l'en  bénis  ;  je 
me  sens  à  l'aise  et  glorieux  de  trouTer  un 
point  dans  Tespérance  et  dans  l'infini  par 
où,  qui  que  nous  soyons ,  anciens  ou  mi»* 
dernes,  païens,  musulmans,  hérétiques,  in^ 
crédules,  nous  nous  rencontrons  et  nous 
nous  comprenons  une  foisl  Salut,  terre  pro- 


;)   //  #V/r.  ly  I  cl  SUIT. 


(1304)  Cb.  m,  T.  14. 


1255 


SAC 


DICTIONNAIRE  ArOLOGETlQUE. 


SAC 


m 


mise  de  rhomme,  durée  oui  ne  sera  plus 
un  comnaencement  et  une  nn,  substance  in- 
compréhensible qui  nous  portera  sans  croî- 
tre ni  diminuer;  air,  lumiàre,  chaleur,  res- 
piration de  notre  Ame,  salut  !  Nous  ne  vous 
entendons  pas  tous  de  la  même  manièrOi 
nous  u*aYons  pas  tous  de  vous  la  même 
certitude,  mais  nous  en  avons  tous,  jusque 
dans  le  désespoir  du  suicide,  Tindéfinissable 
augure;  et  si  vous  êtes,  si  voire  aurore  vue 
de  si  loin  ne  trompe  pas  le  cœur  de  Tbomme, 
que  pouvez-vous  être  que  Dieu?  Quelle 
autre  (erre,  quel  autre  ciel,  quel  autre 
océan,  si  ce  n*est  Dieu,  apporterait  à  notre 
esprit  lassé  une  meilleure  vision  que  la  vi- 
sion d*ici-bas?  Oui.  dès  ici-bas,  pour  nous 
tous,  Dieu  est  notre  perspective,  il  est  notre 
aliment  ;  môme  quand  nous  Tavous  chassé, 
il  habite  encore  en  nous  plaintif  et  conso- 
lateur, comme  ces  vents  inconnus  qui  pas- 
sent le  soir  au  sommet  dévasté  des  hautes 
montagnes  et  y  remuent  doucement  quelque 
plante  perdue  que  na  jamais  touchée  lapieusc 
main  du  voyageur. 

Dieu  est  notre  avenir,  ou  nous  n'avons 
pasd*avenir;  nous  tomberons  t)ans  sa  vie, 
ou  nous  tomberons  dans  la  mort  ;  c*est  l'un 
ou  l'autre.  L'immortalité  sans  l'union  intime 
avec  Dieu  est  le  rêve  abstrait  de  la  béatiii- 
cation,  ou  bien  c'est  le  rêve  adultère  d'un 
matérialisme  infini.  Je  ne  pense  pas  que 
votre  espérance  soit  descendue  si  bas,  et  par 
conséquent  il  faut  que  vous  jouissiez  de 
Dieu  éternellement,  si  vous  ne  devez  pas 
éternellement  périr. 

Jouir  de  Dieu,  être  en  Dieu  et  avec  Dieu, 
plongés  dans  son  sein  comme  nous  le  som- 
mes dans  la  nature,  voilà  la  vocation  de 
rhomme,  et  cette  vocation  ne  peut  nous 
avoir  été  donnée  sans  une  force  correspon- 
dante oui  nous  prépare»  dès  ce  monde,  à 
notre  état  final.  Etres  destinés  à  une  trans- 
formation dans  l'infini ,  nous  devons  puiser 
quelque  part  la  semence  efficace  de  ce  divin 
changement.  Comme  la  nature  nous  verse 
ses  trésors  pour  entretenir  notre  vie  terres- 
tre, Dieu  nécessairement  nous  verse  aussi 
les  siens  pour  nous  élever  jusqu  à  sa  vie, 
et,  selon  la  loi  générale  de  la  communica- 
tion des  forces,  c*est  dans  un  instrument 
que  l'énergie  surnaturelle  nous  est  présen- 
tée et  s'incorpore  à  nous. 

Jésus-Christ,  s'étant  assis  au  bord  d'un 

f)ui(;sdans  la  terrede  Samarie,  vit  venir  une 
emme  qui  s'a{3prêtail  à  y  puiser  de  l'eau, 
et  il  lui  dit  :  Femme ^  donnez-moi  à  boire  I 
La  Samaritaine  lui  répondit  :  Comment  vousj 
qui  êtes  juif^  demanaex^ous  à  boire  à  une 
femme  de  Samarie?  Et  Jésus  lui  dit  :  Si  vous 
saviez  le  don  de  Dieu^  et  qui  est  celui  qui  vous 
dit  :  Donnez-moi  à  boire ,  peut-être  lui  eus- 
siez-vous  fait  la  demande  vous-même ,  et  il 
vous  eût  donné  d'une  eau  vive.  Cette  femme, 
toute  pleine  des  obscurités  de  l'homme,  et 
qui  reurésente  si  bien  la  misère  de  nos  rai- 
sonnements, répondit  à  son  interlocuteur  : 
Vous  n'avez  point  de  vase  pour  puiser  ^  et  le 

(1305^  Joan»  iv,  7  et  suiv. 


puits  est  profond:  où  prenànz-^om  mit 
eau  vive  dont  vous  me  parlex?  Jésus,  oe  se 
lassant  point  d'une  miséricorde  déjà  «ieui 
fois  repoussée!  lui  repartit  :  QuiconquthoH 
de  Veau  de  ce  puits  aura  soif  df  nourœu, 
mais  celui  qui  boit  de  Ceau  me  je  lui  donne- 
rat  n'aura  plus  soif  étemeilemetU,  et  cttu 
eau  deviendra  en  lui  une  source  jaiUissanit 
jusqu  à  la  vie  éternelle  (1305).  Telle  est  la 
différence  du  sacrement  de  la  nature  au  sa- 
crement de  la  grâce  :  dans  Tan  et  I autre. 
la  force  est  contenue  dans  un  élément  $eo- 
sible;  mais  le  premier  ne  communip 
qu'une  vie  passagère  «  le  second  donne  uix 
vie  qui  jaillit  dans  Télernilé,  par«re'iu\v2 
nourrit  TAme  de  Dieu. 

Nourrir  l'âme  de  Dieu  1  quelle  eiprpsr.n, 
me  direz-vous,  et  que  peut-elle  signilîp. 
de  réel.  On  conçoit  qu'un  c^^rpsse  nourrR 
d'un  autre  corps,  puisque  tous  les  <\m 
sont  de  même  nature  et  composés  de  {i.tr* 
ties  qui  se  divisent  indéfiniment;  Djai: 
comment  une  substance  simple,  telle f/ 
l'âme,  se  nourrirait-elle  d'une  aulreîu!*- 
tance  plus  simple  encore,  telle  f\wïiy 
sence  de  Dieu  ?  Sans  doute,  un  espnlw^e 
nourrit  pas  comme  un  corps;  toutém«t 
n'est  pas  eu  vain  aue  les  langues  huioii&n 
ont  la  tradition  Je  ces  hardies  figunf^.fl 
qu'elles  transportent  à  la  vie  spirituelle  les 
opérations  de  la  vie  animale.  L'ètn»,  a 
quelque  rang  d'honneur  ou  d'inférioiitl 
que  Dieu  l'ail  établi,  ne  vil  que  defon»- 
reçues  du  dehors,  et  l'acte  émineni  par  '^ 
Quel  il  reçoit  et  s'assimile  ces  forces 'a 
1  acte  même  de  se  nourrir.  Or,  l'esprit  n-';'^ 
et  s'assimile  des  forces  aussi  bien  que  « 
corps ,  par. conséquent  il  se  nourrit;  eLJ 
les  forces  qui  le  ravivent  ou  lesoulienn^ 
lui  sont  données  de  Dieu  paruneiœme^iii 
effusion,  il  est  conséqueramenl  et  m\m 
juste  de  dire  qu'il  se  nourritdeDieu.  Du  p^i 

£eu  importe  le  mot,  pourvuque  lactios?^ 
ieu,  dans  le  sacrement  surnaturel  coitaf 
nique  à  l'âme  une  force  d'expansion  qui 
porte  directement  vers  lui,  et  uneforrt 
concentration  qui  l'attache  intimementr 
et ,  si  vous  êtes  las  de  ces  expressions 
bées  aux  sciences  physiques,  je  vous 
avec  la  langue  de  saint  Paul  :  Charia^i 
diffusa  est  %n  cordibus  nostris  per  5/»iV 
sanctumqui  datus  estnobis.  —  La  chari 
Dieu  a  été  répandue  dans  nos  rceurs  pari 
prit  saint  qui  nous  a  été  donné  {i3(^\ 
charité,  c'est-à-dire  l'amour,  qui  ne 

Cas  de  la  chair  et  du  sang,  mais 
eauté  de  Dieu  présente  à  l'âme  f>ar)a| 
la  charité  est  cette  force  d'ex(>an$)00  d 
concentration  qui  nous  nnif  suroatur 
ment  à  Dieu.  Par  elle,  nous  nous  étj 
au-dessus  des  sens  et  de  tout  ce  qj 
monde  visible  nous  offre  d'encbanted 
par  elle ,  avant  une  fois  vo  dans  la  t| 
du  Christ  la  personnalité  divine,  nd 
trouvons  plus  de  goût,  plus  de  paix.!^' 
joie,  plus  d'enivrement  qu'en  aucune  <^ 
créée ,  et  comme  les  patriarches  oublia 


(1506)  Rom.  V,  5. 


IÎ3T 


SAC 


blcnONNAIRG  APOLOGETrQUE. 


SAC 


l2*iS 


soas  la  tenie  iiu|v(i«)e  la  mort  de  leur  mère, 
nous  nous  oublions  et  nous  perdrms  nous- 
mêmes  dans  cet  araour  surnumain.  Nous 
p«5sons  en  Dieu,  et  Télreignont  au  plus  fort 
flrnos  entrailles  avec  une  explicable  eerti- 
iniiedc  le  tenir,  nous  lui  ravissons  de  sa 
rie  en  loi  abandonnant  toute  la  n6tre. 
Qui  de  TOUS  y  ayant  été  aimé,  et  supposant 
\\ïon  peut  aimer  Dieu,  n'entend  oc  que  je 
ii'ux  dire  7  Qui  de  vous  n'a  connu  ce  mon- 
renient  du  cœur  qui  sMpanche  et  se  retrouve 
Ml  autrui  7  Même  les  créatures  inanimées 
pont  Tinstinctif  secret;  elles  se  cherchent 
(s'unissent  par  de  sourdes  affinités,  et  ces 
ois  fameuses  qui  entraînent  les  corps  ce- 
estes  no  sont  que  la   révélation  sensible 
^s  forées  qui  nous  meuvent  en  Dieu  dans 
e  mystère  de  la  l^éatiOcation  initiale  et  de 
ijj^tificaiion  consommée. 
PeutH&trc  ne  niez-vous  pas  ces  forces ,  ni 
lie  l'amour  h  tous  les  degrés  en  soit  le 
rtncipe,   mais  vous  yaiis   étonnez   que, 
BUS  lunlre  surnaturel  ou  religieux,   elles 
ou5  soient  coa>mufiiquées  sous  une  forme 
m\  humble,  aussi  peu  en  rapport  avec 
itt^  qm  le  sacrement.   Dans  ic  sacrement 
urinstrument  naturel,  me  direz-vous,  il 
a  pro()ortioii  ei^lro  la  cause  et  Teffet.  Je 
rends  un  levier,  je  remue  un  corps,  l'effet 
i  oatorel  comme  sa  cause  :  mais  quelle 
lation  découvrir   entre  quelques  gouttes 
eau  versées  sut  la  tête  d'un  nomme  et  sa 
insG^uration  en  Dieu  par  la  dharîté. 
L*oij}eetton  suppose  que  dans  le  saore- 
en(  naturel  il  y  a   proportion  entre  la 
m  et  Tetfet  :  je  le  nie.  Je  soutiens  qu'en- 
ta je  levier  et  le  eorps  mu  (lar  lui,  il 
«li^te  |Ms  plu$  de  rapport  qu'entre  Toau 
Qii  baptise  et  l'Ame  puriOée  |iâr  cette  eau. 
î'  effet,  qu'est-ce  que  le  levier?  Je  l'ai 
O^iiit,  c'est  un  morceau  de  bois  mort  posé 
>^ua autre  morceau  de  bois  mort  qui  lui 
'1  de  point  d*appui.  Cette  définition  n'iBst 
^  seientilique ,  mais  elle  ne  peut  [)as  se 
Dtester.  Or,  est-ce  là,  est-ce  dans  cet 
^r{e  organisme  que  gU  la  force  qui  sou- 
dera le  fardeau  1  Pas  le  moins  du  monde. 
fardeau  demeurera  éternellement  im- 
'l>iie  si  mon  liras  ne  donne  une  impulsion 
levier,  et  mon  bras  lui-même  éemourera 
is  action  si  ma  volonté  ne  lui  commande 
$e  mouvoir,  H  ne  se  roidit  d'auUint  plos 
^'obstacle  de  la  pesanteur  est  plus  grand. 
<i^nc  est  la  force?  £llo  n'4ist  pas  dans  ie 
i<^r,  puisqu'il  a  besoin  d'être  mu  \yar  le 
s;  elle  ii*ost  pas  dans  le  liras,  puisqu'il 
esoin  d'être  mu  jiar  ma  volonté  :  elle  est 
'^  la  volonté  qui  meut  le  levier  fiar  la 
s»  cesl-è-dire^dans  une  faculté  de  Tâme, 
^  l'esprit.   Or,  je  voua  le  demande ,  quai 
port  de  natore  y  a-t-il  entre  l'esprit  ut  la 
uv6ffleiitd*un  corps? 
^levier  tout  seul  ne  fx>uvait  rien  ,  mon 
^  tout^  seul  ne  fiourait  rien  $  ils  étaient 
^  et  Tautro  inactifs,  incapables,  morts; 
^r^lre  de  ma  volonté ,  pesant  sur  mon 
"  t  a  jpeaé  sur  le  levier ,  qui  à  son  tour  a 
nm^  au  corps  une   irrésistible  impul- 
(•  £l  vous  trouvez  cela  atmple  !  Et  vous 

DiCTiosNAïaE  ÀPOLOGÉTi^  a.  U. 


dites  que  Teifet  est  de  la  même  nature  que 
la  cause!  Pour  moi,  je  dis  que  la  cause  est 
spirituelle,  l'effet  matériel,  et  qu'ainsi  la 
proportion  dont  vous  vous  flattez  est  aussi 
étrangère  à  Tinstrument  physique  qu'à 
rinslrumenl  religieux. 

Mais  voici  bien  autre  chose.  Il  est  vrai^ 
nia  volonté  a  mu  le  bras  qui  a  mu  ie  le- 
vier; cependant  elle  ne  pouvait  rien  sans 
la  coopération  du  levier  et  du  bras.  6i  ma 
volonté,  tout  active  qu'elle  soit«  n'eût  pas 
eu  ces  instruments  a  sa  disposition,  ce^t 
en  vain  qu'elle  eût  tendu  ses  ressqrts  pour 
communiquer  un  mouvement.  La  force  est 
en  elle,  et  néanmoins  la  force  ne  [)eut 
jaillir  d'elle  que  par  ua. instrument  qui  ne 
l'a  pas  ;  la  cause  vivante  et  première  dépeod 
dans  son  action  d'une  cause  inerte  de  soi; 
que  ie  levier  se  retire^  que  ce  morceau  de 
bois  mort  pesant  sur  un  morceau  de  bois 
mort  refuse  son  concours  à  la  volonté, 
eelle-ci  «e  torturera  dans  d'impuissants  dé* 
sirs.  L  esprit  a  besoin  de  la  matière,  comme 
la  matière  a  besoin  de  1  esprit;  le  miracle 
est  réciproque,  l'effet  devient  cause  et  la 
cause  devient  effet. 

Encore  n'êtes- vous  pas  au  terme  de  celte 
étrange  complication  de  mystères.  Si  tandis 
que  la  volonté  agit  sur  Tiustrumeat,  celui-ci 
vient  à  doubler  de  longueur ,  sa  force  se 
doui>le  à  l'instant  même,  sans  que  Tâme  ait 
fait  un  autre  effort,  cl  ainsi  indéiiaimeot 
jusqu'à  }K)n voir  soulever  tous  les  mondes,  * 
selon  qu^AjTchiϏde  s'en  vantait.  L'instru- 
ment qui  n'est  pas  le  principe  de  la  force, 
la  multiplie  sans  mesure:  il  reçoit  Tinitia- 
tive  de  l*esprit  et  lui  rend  en  échange  un 
accroissement  de  sa  |>uissance  qui  épuise 
tous  les  calculs.  Enlendez-vous  oela?  En- 
tendez-vous Que  la  force,  partie  dé  ia  vo- 
lonté ,  passe  dans  un  bâton  et  s'j  aaginente 
par  cela  seul  que  le  Mton  croit  en  lon- 
gueur, quel  rapport  y  a-t-il  entfe  Timmo- 
uclilé  de  l'ême  et  te  progrès  de  la  force., 
entre  un  pri&cifie  qni  demeure  au  même 
point  et  une  conséquence  qui  se  développe 
incessamment  à  l'aide  de  quelque  chose 
d'inerte  et  de  mort? 

Après  cela,  soyez  libres  de  déclamer 
contre  l'eau  du  baptême;  d^m^ndez-vous, 
tant  qu'il  vous  plaira,  comment  un  peu  de 
matière  appliquée  au  front  d'un  homme  le 
soulève  déterre  jusqu'à  fiieu.  Quand  même, 
je  Tiji^eorerais,. la  nature  m'a  préj^aré  coatre 
là  science  de  trop  faciles  représailles  pour 
m'en  inquiéter.  Mais  je  ne  1  ignore  nas  :  je 
comprends  que  la  forœ  est  essentiellement 
spirituelle,  auelle  réside  dans  la  toute- 
puissante  volonté  de  Dieu,  comme  dans 
son  iprinctpe  premier,  et  que  de  là  elle 
descend  sur  chaque  créature  pour  luieom* 
niuniquer  le  mouvement  et  la  vie,  selon  des 
lois  déterminées,  et  dans  une  mesure  d'où 
résulte  Tordre  universeL  Je  comprends  que 
Tesprit  souffle  où  il  veut  et  comme  il  veutt  et 
qu'il  ne  lai  est  pas  plus  difficile  de  laireaor- 
tir  un  saint  d'une  goutte  d^eau  qu*un  monda 
d'une  parole.  Je  comprends  que  sous  celle 
action  du  vouloir  divin,  la  poussière  dier- 

40 


ii39 


SAI 


DICTIONNAIRE  A1H)LOGET.0UE. 


SAI 


m 


cUc  la  poussière,  la  plante  s'échappe  de  son 
^forme,  ranimai  dévore  et  s'assimile  sa 
proie,  i*Ame  agit  sur  le  corps,  le  eorps  sur 
rAmc  ,  l'astre  sur  l'astre ,  et  que  l'univers 
tout  entier,  dans  ses  plus  vils  atomes,  ré- 
ponde par  une  force  à  chaque  main  qui  le 
touche  et  lui  demande  secours,  Dieu  est 
tout  en  toutes  choses ,  jusque  dans  la  liberlé 
qui  le  repousse;  car  cette  liberlé  est  son 
œuvre ,  et  il  la  maintient  au  péril  du  mal 
qu'elle  engendre  malgré  lui.  Sans  la  liberlé, 
le  monde  ne  serait  qu*un  mécanisme;  la 
liberté,  force  suprême,  lui  donne  en  l'être 
qui  la  possède  et  la  propriété  de  soi ,  le 
gouvernement^  la  responsabilité,  un  vrai 
commerce  avec  Dieu ,  commerce  dont  la 
prophétie  et  le  sacrement  sont  è  la  fois  la 

[preuve  et  le  moyen.  La  prophétie  révèle  à 
'homme  libre  la  vérité  directe  sur  Dieu  et 
lui  en  inspire  la  foi;  le  sacrement  verse 
dans  son  Ame  le  ferment  d'une  charité 
qu'aucune  image  tirée  de  la  création  ne 
serait  capable'  d'y  faire  naître  et  d'v  entre- 
tenir. L'un  et  l'autre,  si  faibles  qu'ifs  soient 
dans  leurs  apparences,  sont  le  fondement 
de  la  vie  divine  au  sein  de  l'humanité  oi  y 
résistent  depuis  soixante  siècles  à  l'unanime 
conjuration  des  forces  créées.  Tout  a  été  fait 
contre,  tout  a  été  vain.  Aux  démonstrations 
de  la  science ,  aux  rêves  brillants  du  génie, 
aux  coups  d'épée  des  potentats,  aux  arrêts 
des  magistratures,  aux  soulèvements  de 
l'opinion,  les  enfants  de  la  foi  et  de  la  cha- 
rité ont  répondu  ces  deux  mots  :  Dieu  nous 
a  parlé.  Dieu  nous  a  bénis  1  La  mort  les  a 
trouvés  fermes  sur  ces  deuxanc-res,  et  leur 
sang  n'a  été  qu'une  prophétie  et  un  sacre- 
ment de  plus.  On  se  riait  de  la  parole  et  de 
1  eau,  ilsy  ont  ajouté  leur  sang  et  prouvé  au 
monde  que  ce  n'est  pas  si  peu  de  chose 
qu'un  fluide  répandu.  La  parole  est  de  l'air 
mis  en  mouvement  ;  mais  quand  TAme  y 
entre,  elle  devient  éloquence,  justice,  vé- 
rité. Que  sera-ce  quand  Dieu  s'y  met?  L'eau 
est  de  l'hydrogène  mêlé  d'oxigène;  mais 
quand  le  génie  de  l'homme  y  entre,  ejle 
devient  vapeur,  célérité,  commerce,  puis- 
sauce,  civilisation»  Que  sera-ce  quand  Dieu 
s'y  met?  Gloire  à  Dieu  qui  est  demeuré  si 
grand  dans  de  si  faibles  moyens  (1307)1 
foy,  ProphI:tie  ,  Surnaturalisue. 

SACREMENT  ,  essence  du  culte.  Voy. 
SuRNATCR  AUSMK,  §  L  —  Unité  des  sacrements. 
Ibid.,  S  111.  ~  Réfutation  d'une  objection 
du  rationalisme  contre  le  sacrement.  Yoy. 
SuRif  ATORALisiiB,  {  V.  —  Est  le  Complément 
de  notre  activité  libre.  Jbid.  —  Nouvelles 
considérations  sur  sa  nature.  Yoy.  note  XX, 
À  la  tin  du  volume. 

SADDUCÊENS,  nient  la  résurrection  des 
corps.  Voy.  Résurrectiou  des  corps. 

SACHUJCES  ANCIENS,  tigures  de  l'eu- 
charistie.  Voy.  Eucharistie,  §11. 

SAINTETÉ.  —  11  est  un  fleuve  où  abou- 
ti3s<;nt  toutes  les  vertus;  ce  fleuve  est  la 
sainteté.  Je  no  veux  pas  dire  la  sainteté 
commune,  qui  consiste  dans   l'observance 


des  commandements  divins,  et  dans  cette 
conformité  de  notre  rie  k  l'Evangile  qui  suf. 
iil  |K)ur  être  sauvé.  Je  parle  de  la  grande 
sainteté,  de  celle  qui  est  reconnue  etTéné- 
rée  dès  iei-bas,  qui  a  des  autels,  et  dooi  b 
maguiâque  histoire  est  contenue  daiu  ce 
livre  mystérieux  que  nous  appelons  la  fk 
des  SaifUs.  La  vie  des  saints!  Arez-Tous  ja- 
mais songé  à  ce  phénomène  de    la  vie  des 
saints?  Nous  avons  bien  entendu  parler de^ 
héros  et  des  sages  de  l'antiquité;  nous  li- 
sons dans  Plutarque  la  vie  des   hommes  il- 
lustres, nous  voyons  autour   de  nous  de) 
^ens  de  bien;   mais  les   saints,  où  déroi,. 
vrons-nous  rien  qui  leur  ressemble?  Où  sont 
les  saints  du  brahmmanisme,  du  poiy  Ihéisoîe, 
de  l'islamisme,  du  protestantisme, du  ratio- 
nalisme? J'en  cherche  vaineoient  dansre> 
doctrines  le  nom,  l'apparence  ou  la  conlreb- 
çon.  Depuis  trois  siècles  que  le    proie^Ufi- 
tisme  s'efforce  de  détruire  la  véritable  E^ltu 
et   d*cn  usurper  le  caractère,  il  a  compté 
parmi  les   siens  d'honnêtes  gens  elméioe 
des  gens  pieux,  mais  il  n'a  pas  encore  ast 
écrire  des  légendes  de  saints.  Pour  le  niio- 
nalisme,  il  ne  faut  pas  lui  en  i>arief;/7$e 
contente  d'avoir  des  gens  d'esprit,  et  n'as- 
pire pas  è  ce  qu'on  dise  jamais,  pareieiuiile, 
saint  Helvétius  ou  saint  Diderot. 
Qii'est-ce  donc  que  les  saints,  ceiiouieau 

Erivilége  à  nous?  Qu'est-ce  que  la  saiciteiét 
a  sainteté,  n'est  pas  uniquement,  coinui« 
je  semblais  l'insinuer  tout  à  l'heure,  leoon* 
Huent  de  toutes  les  vertus  cbiétienne>  dan» 
une  même  âme;  ce  n'e.st  là  que  la  .sainteté 
commune,  celle  qui  est  nécessaire  l  Um^ 
chrétien  pour  être  sauvé,  et  dont  je  nVu- 
tends  point  parler  ici.  Il  u'e^t  point  de  chré- 
tien, lorsqu  il  est  à  Tétat  d'union  avec  Dieu. 
en  qui  ne  se  rencontrent,  à  un  de^ré  pli^ 
ou  moins  parfait,  Thunihlilé,  la  cbasleU:  e: 
la  charité  ;  nous  les  appelons  alors  des  liou.* 
mes  pieux  ;  nous  pourrions  même,  à  lar^^^ 
ment  parler,  les  a]>peier  des  saints  ;  mai$e:>- 
fin,  ce  n*e$t  pas  ce  que  nous  entendons  (' 
cette  grande  expression  :  les  saints!  Quv^- 
ce  donc  que  les  saints?  Qu'est-ce  qu^U 
sainteté  ainsi  entendue? 

La  .«^ainteté,  c  est  l'amour  de  Dieu  et  et- 
hommes  poussé  jusqu'à  une  sublime  esirv 
vagance.   Et  vous  concevez  très-bien  que, 
si  réellement  il  y  a  communion  de  rinmi' 
avec  le  6ni,  si  le  cœur  de  Dieu  se  fait  tt&^ 
habitation  et  une  vie  dans  Se  cxBurde  Tbomn  '* 
il  est  im|K)ssible  qu'au  moins  dans  certato^* 
flmes  plus  ardentes,  la  présence  d*uD  tl  * 
ment  aussi  proiiigieux  ne  déb(»ide  |ia>  "- 
ne  produise  pas  des  effets  extraordinaire 
que  l'infirmité  de  notre  nature  et  de  ooi: 
langage  nous  contraindra  d'appeler  extrxu 
gants.  Car,  que  veut  dire  ce  mot  ?  11  vr» 
dire  ce  qui  va  en  dehors^  ce  qui  est  exce^*^^  '* 
que,  pour  user  d'une  expression  mouera^* 
sauf  que  le  mot  extravagant  est  un  cdoi  Iu^  ^ 
fait,  tandis  que  le  mot  excentrique   est  u» 
mot  mal  fait.  L'un  peint  l'actioa  que  V^ain 
définit  géométriquement;  or,  un  nioi  «Mt 


^id07).Crr.  iiJicoRDâiRK,  Conf.  59%  —  Voy.  la  note  XX,  à  la  fln  t'.u  volitnie. 


iict 


SAt 


MCTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


hAI 


iUl 


èM  i^eiolre  et   non  géomètre.  C*est  pour- 
quoi je  préfère  me  servir  du  premier,  et  eu 
cela  je  reste  encore  bien  an-dessous  de  Fé- 
Rer^ie  de  saint  Paul,  qui  a  dit,  sans  précau- 
tions oratoires^  que  ù  monde  n*ayani  pas 
roulu  connaîire  Dieu  par  la  sagesse^  H  a  plu 
à  Dieu  de  le  saucer  par  la  folie  de  la  prédua- 
tion.  Je  n^oserais  pas  dire   que   la  saîuicté 
est  une  folie,  même  après  saint  Paul,  parec 
qne  je  craindrais  que  tous  ne  m'imputassiez 
d*aller  trop  loin,  et  je  suis  bien  aise  de  vous 
montrer  que  je  sais  unir  la  prudence  du 
serfieut  k  Ja  simplicité  de  la  colombe,  quoi^ 
qu  d  ne  TOUS  rien  déguiser,  je  suis  tout  à 
fait  du  sentiment  de  saint  François  de  Sales, 
lorsqu'il   disait  :  «  Ma  chère    Pbilotbée,  jo 
donnerais   ringt  serpents    pour  une    co- 
lombe. » 

Il  j  a  dans  la  sainteté   ua  phénomène 
d*eitraTagance,  un  amour  de  Dieu  et  des 
liommes  qui  blesse  le  sens  humain.  Mais  ce 
fie  peut  èlre  là  le  caractère  unique  de  la 
sainteté;  TextraTagaoce  toute  seule  ne  serait 
que  de  la  bizarrerie,  et  la  bizarrerie  ne 
Iiroure  rien  en  fareur  de  lliomme  qui   la 
met  dans  ses  actes,  si   ce  n*est   peut-être 
l<eauconp  de  vanité  et  un  peu  de  mauvaise 
éducation.   L*extravagance  doit  donc    être 
corrigée  dans  la  sainteté  par   un  antre  élé- 
ment, et  elle  Test,  en  effet,  par  le  sublime, 
^  est-à-dire»  par  la  beauté  morale  è  son  plus 
Lauldf*gré,  piar  f^tte  beauté  qui  cause  le 
ravissement  dn  sens  humain,  en  sorte  au*il 
T  a  toul  ensemble  dans  la  sainteté  quelque 
chose  qui  blesse  le  sens  humain  et  quelque 
chose  qui  le  ravit,  ;  quelque  cliose  qui  pro- 
duit la  stupeur  et  quelque  chose  qui  produit 
radmiration.  Et  ces  deux  choses  n  y  sont 
pas  séfiaréesy  comme  deux  fleuves  oui  cou- 
lent Tun  k  côté  de  1  autre  ;  mais  1  extrava- 
gant et  le  sublime,  ce  qui  blesse  le  sens 
('«main  et  ce  qui  le  ravit,  mêlés  et  fondus, 
Tun  avec  Tautre*  ne  fontde  la  sainteté qu^un 
seul  tissu  où  il  est  impossible  h  Tesprit  d*a- 
nalrse  le  plos  vif«  an  moment  oh  il  voit  le 
MiRt  agir,  de  démêler  ce  qui  esl  extrava^nt 
de  ce  qui  est  sublime,  ce  qui  est  sublime 
de  ce  qui  est  extra^asant,  ce  qui  terrasse 
l'homme  de  ce  qui  1  enlève  jus.]u*&  Dieu. 
Voilà  la  sainteté. 

ie  vous  citerai  un  exemple,  afin  que  vous 
compreniez  mieux. 

âainte  Elisabeth  de  Hongrie  ayant  aban- 
ionné  ie  palais  de  ses  pères  et  le  palais  dé 
»on  épotix^  8*était  connnée  dans  un  bApital 
K)ur  y  serrir  de  ses  mains  les  pauvres  de 
>iea.  Un  lépreux  s*y  présenta.  Sainte  Elisa- 
leib  le  reçut  et  se  mit  à  laver  elle-même 
es  effrojaliles  plaies^  Quand  elle  eut  fini^ 
Ile  prit  le  vase  où  elle  avait  exprimé  ce 
ue  ta  parole  humaine  ne  peut  {ms  même 
•eindre,  et  elle  Tavala  d^un  trait.  Voilà  qui 
st  parfailement  extravagant.  Mais  remar- 
uez  d*abord  une  chose  que  vous  ne  |k>u* 
ez  pas  mépriser  t  la  force.  La  force,  c'est 
i  Tertu  qui  fait  tes  héros,  c^est  la  racine  la 
fus  vigoureuse  du  sublime  en  même  temps 
ne  ta  plos  rare.  Bien  ne  manque  autant  à 
jciBcae  que  la  force,  et  rien  n'attire  davan- 


tage son  respect.  Vous  n'êtes  pas  des  êtres 
méchants,  mais  vous  êtes  des  êtres  faibles, 
et  c'est  pourquoi  Texempie  de  la  force  est 
le  plus  salutaire  quon  paisse  rwis  donner» 
oomme  aussi  l'un  de  ceux  qui  attirent  le 
plus  votre  admiration.  Sainte  Elisalieth,  en 
avalant  l'eau  du  lépreux,  avait  donc  fait 
un  grand  acte,  (#arce  qu'elle  avait  fait  un 
acte  forL  Mais  il  v  avait  là  mieux  que  la 
force,  il  y  avait  la  charité  1  Bans  la  sainteté, 
l'amour  de  Dieu  étant  inséparable  de  celui 
des  hommes,  puisqu'elle  n'est  autre  chose 
que  l'excès  de  ce  double  amour,  il  s'ensuit 
que,  dans  tout  acte  des  saints*  là  où  se 
trouve  le  sacrifice  pour  Dieu,  ce  sacrifice 
rejaillit  inévitablement  sur  Tbomme.  fil 
quel  était  le  bénéfice  de  l'homme  dans  l'ao- 
Uoo  de  sainte  Elisabeth  ?  Quel  était-îi  7  Me 
le  demandez- vous  bien?  Sainte  Elisabelii 
faisait  à  cet  abandonné,  et  à  cet  objet  d'una- 
nime répulsion,  même  au  milieu  des  siècles 
de  foi,  elle  lui  faisait  une  inexfu'imable  ré- 
vélation  de  sa  grandeur,  elle  lui  disait  : 
«  Cher  petit  frère  du  bon  Dieu,  sî^  après 
avoir  lavé  les  plaies,  je  ie  prenais  dans  mes 
bras  pour  te  montrer  aue  tu  es  bien  mon 
frère  royal  en  Jésus-/3hrist,  ce  serait  déjà 
un  signe  d'amour  et  de  fraternité,  mais  un 
signe  ordinaire  dont  je  te  restituerais  seule- 
ment le  bénéfice,  à  toi  qui  depuis  ton  en* 
fonce  en  as  été  privé,  à  toi  qui  sur  la  poi- 
trine n'a  jamais  senti  la  poitrine  d'une  âme 
vivante;  mais,  clier  petit  frère,  je  veux 
fdire  pour  toi  ce  que  l'on  n'a  Ciit  pour  aueua 
roi'du  monde,  pour  aucun  homme  aimé  et 
adoré.  Ce  qui  est  sorti  de  toi,  ce  qui  n'eii 
plus  toi,  ce  qui  n'a  été  à  toi  que  pour  être 
transformé  en  une  viJe  pourriture  par  son 
contact  avec  ta  misère,  je  le  boirai,  comme 
je  bois  le  sang  du  Seigneur  dans  le  saint 
calice  de  nos  autels.  »  Voilà  le  suldime,  et 
malheur  à  qui  ne  l'entend  pasl  Grâce  à 
sainte  Elisabeth^  pendant  tonte  réteraité,  il 
sera  connu  qu'un  lépreux  a  obtenu  d'une 
fille  des  rois  plus  d'amour  que  la  beauté 
n'i^n  a  jamais  conquis  sur  la  terre. 

Apres  cela,  qu'un  homme  d'esprit  traite 
d  extravagante  celte  action,  nous  ie  lui  con- 
cédons, nous  l'avons  dit  nous-mêmes,  nous 
savons  qu'il  est  beaucoup  plus  naturel  de 
lioire  avec  ses  amis  du  vin  du  Château-Mar» 
gaux.  Hais  cet  homme  d'esprit  mourra  pro- 
bablement un  jour,  êes  écrits,  peut-être, 
no  lui  survivront  guère:  on  oubliera  ses 
joies  et  ses  douleurs  :  et  quand  sainte  EU- 
sabetli  sera  morte,  les  rois  avec  les  pauvres 
se  disputeront  ses  vêtements  et  sa  mémoire; 
00  mellra  un  peu  de  sa  chair  au-dessus  de 
tous  les  trésors;  on  enchêssera  ses  restes 
dans  Por  et  les  pierreries;  on  convoquera 
les  artistes  les  plus  fameux  du  monde  pour 
lui  taire  une  habitation  de  la  mort  di|^e  de 
sa  vie  ;  et,  de  siècle  en  siècle,  des  princes, 
des  savants,  des  poètes,  des  mendiants,  des 
lépreux,  des  pèlerins  de  tout  rang  se  presse* 
ront  à  son  tombeau  et  y  laisseront,  par  le 
fr^le  attonchetnent  de  leurs  lèvres,  d^éter* 
nels  styemates  d'amour.  Ils  lui  parleroal 
comme*  à  un  être  vivant,   ils  lui  diront  : 


nés 


SA! 


IHCTIOSNAmE 


a  Chère  petite  sorordu  don  Dieu,  tn  avais 
de9  palan,  tu  les  as  qtjitté^  pour  nous  ;  tu 
avais  des  enfants,  tu  nous  a  pris  pour  les 
tiens  ;  t«  étais  grande  dame,  tu  t*es  faite 
notre  serrante;  tu  as  aimé  les  pauvres,  les 

I)etits,  les  misérables,  tu  as  rois  ta  joie  dans 
e  cœur  de  ceux  qui  n*en  avaient  pas  :  et 
maintenant  nous  te  rendons  là  gloire  que  tu 
nous  a  donnée,  nous  te  restituons  Tamour 
que  tu  avais  |)erdu  pour  nous.  O  chère  pe- 
tite sœur  !  prie  pour  ceux  de  tes  amis  qui 
n'étaient  pas  nés  quand  tu  étais  au  monde, 
et  qui  te  sont  venus  depuis  1  » 

Ainsi  en  est-il  de  toutes  les  extravagances 
des  saints.  Toutes  profitent  h  Thumamté,  au 
moins  par  Tetemple.  Si  le  saint  jeAne, 
rhuroanité  jeûne  aussi;  s'il  se  condamne  à 
•d'absurdes  abstinences,  une  partie  de  Thu- 
manité  est  aussi  alfamée  jusqu'à  l'absurde  ; 
s*il  torture  son  corps  par  des  inventions 
bizarres,  il  y  a  aussi  dans  vos  prisons,  il  y 
a  dans  vos  bagnes,  il  y  a  dans  vos  colo- 
nies, des  corps  humains  torturés  par  de 
l'ruelles  inventions.  Si  le  saint,  en  un  mot, 
s'impose  volontairement  la  souffrance,  hélas! 
qui  esi-oe  qui  ne  souffre  pas  sur  la  terre, 
et  qui  n'a  besoin  d'apprendre  que  Dieu  a 
cacné  dans  la  souffrance  même  un  baume 
réparateur  et  mystérieux?  Est-ce  un  si  vain 
service  rendu  au  genre  humain  que  de  lui 
révéler  toutes  ses  re»*sonrces  conlre  lo  mal- 
heur, que  de  lui  prouver,  dans  d*élranyos 
^relions,  si  l'on  veut,  que  quelque  sort  aux 
'lui  est  fait,  quelque  déshonneur  qu'on  lui 
rrée,  quelques  cachots  qu'on  lui  creuse,  il 
n'est  aucun  supplice,  aucune  honte,  aucune 
nbject'on  qui  ne  puissent  être  transfigurés 
par  .'idée  de  Dieu,  et  devenir  un  trône  où 
•tout  homme  s'en  ira  vénérer  et  prier. 

Cette  vie  des  saints,  ce  n'est  pas  un  phé- 
nomène rare,  réservé  h  un  temps  ou  a  uti 
pays;  c'est  un  phénomène  général  et  cons- 
tant. Parloutoù  la  doctrine  catholique preuîl 
racine,  \h  même  où  elle  n*csl  déposée  que 
comme  une  graine  entre  des  rochers,  la 
sainteté  y  prend  naissance  et  s'y  manifeste 
ort  quelques  âmes  par  des  fruits  qui  défient 
résume  et  le  méjrns  de  la  raison.  Cette  ex- 
travagance sublime  date  d'une  folie  plus 
haute  encore  et  plus  inénarrable,  de  la  lolie 
d'un  ftieu  mourant  sur  une  croix,  la  tête 
-eouronïiée  d'épines,  les  pieds  et  les  mains 
{>ercés,  le  corps  tout  meurtri.  Depuis  ce 
jouMà,  celte  contagion  n'a  cessé  de  choisir 
ries  victimes  dans  Punivers;  mais,  par  une 
préférence  singulière  et  jalouse,  elle  ne  les 
«choisit  qu'au  sein  de  1  Eglise  catholique, 
«postoHque,  romaine.  A  nous  seuls  est 
resté  l'héritage  de  la  croix,  la  tradition  vi- 
vante du  mat-tyre  volontaire,  la  dignité  de 
l^xlravaganoe  et  de  fa  cloire  du  sublime. 
Bl  encore  que  nous  ne  buvions  pas  tous  à 
longs  traits  de  ce  vin  généreux,  tous  nous 
y  trempons  nos  lèvres ,  et  en  rapportons 
dans  la  vie  quelque  chose  du  divin  empoi- 
abimement.  Nul  ne  s'y  trompe ,  tout  le 
monde  nous  reconnaît  h  cette  marque,  la 
croix  n'a  jamais  subi  d'imitation  îïi  de  con- 
trefaçon. 


APO!.OGETiQUE.  &AI  m 

Eh  t  le  monde  ne  s'en  tait  i^is,  il  n essai*' 
pas  de  nous  ravir  ce  privilège,  il  essse 
seulement  d'en  i^ire  contre  noos  une  ra>.    I 
son  et  un  instrument  d^oppression.  Quedii- 
il  aujourd'hui  quand,  pour  tontes  nos  œu- 
vres, nous  réclamons  le  droit  rooimiin? 
Qu'elles  armes  nous  oppose-t-il  ?  Il  ne  noi;? 
conteste  pas  le  droit,  il  ne  nie  pas  qaeU 
liberté  soit  écrite  dans  la  nature  et  dans  U 
constitution  du  pays.  Hais  il  nous  dit  :Xo(h 
ne  pouvons  pas  lutter  avec  vous  de  vertih 
et  de  dévouement;  vous  ave2  dans  totre 
essence  d*incroyables  ressources  dont  nm 
ne  possédons  pas  fe  secret ,  et  par  coniè- 
qnent  Té^alité  n'existant  pas  entre  vous  ei 
nous,  la  liberté  doit  vous  être  refusée  comm? 
une  compensation  en  notre  faveur.  Il  faut 
vous  encnaîner  pour  établir  Téquilibre  de^ 
forces  humaines,  et  encore,  vos  aiaiD$liée> 
au  mur,  nous   ne  sommes    pas    cerlaim 
qu'elles  ne  seront  pas  plus  longues  eue  les 
nôtres.  Tel  est,  vous  le  savez,  te  langag'^ 
présent  du  monde,  et  à  quel  a'ulre  es(-il 
adressé  qu'à  nous?  Quel  autre  peut  seoor-    ] 
gueillir  aune  servitude  qui  a  poiirjo^'£- 
cation  la  grandeur  même  de  la  T^rtof  I^ 
monde  a  raison  ;  nous  sommes  les  Ils  uni- 
ques du  Christ.  Comme  on  lui  cIom  Us 
mains  et  les  pieds  pour  rempècher  desiu* 
ver  le  monde,  il  est  juste  qu  on  attache  k)£ 
croix  sa  véritable  postérité.  El  encore  Do\to 
ne  voyons  pas  la  fin.  Quoi  qu'il  arrive  de  re 
temps  passager  où  nous  vivons,  necroye? 
pas  que  la  persécution  de  rincréduî;îé  «Mi- 
tre la  foi  s'arrête  à  ce  qui  s'est  vu  et  à  ce 
qui  s'est  fait  jusqu'ici.  Comme  il  est  dans  U 
nature  des  choses  et  dans  le  mouvement 
général  du  monde  que  tous  les  pruicii^eî 
qui  y  sont  contenus  se  développent  dé^r- 
mais  h  pleines  voiles,  de  jour  en  Jour  Hné- 
galité  ae  mœurs  entre  rEgtise  et  ce  qm 
n'est  pas  elle  se  manifestera  davautage,  h 
la  suprématie  surhumaine  de  TEglise  deve- 
nant de  plus  en  plus  intolérable,  lui  attir^^'. 
de  ses  ennemis  une  ptu$  pérfiaite  et  plu^ 
glorieuse  persécution.  L'Ecriture  nous  l'j 
prédit,  et  une  seule  ligne  de  l'Bcrilare  m 
])assera  pas.  On  ne  se  contentera  fias  uu 
jour  de  nous  nier  un  droit,  on  nous  J^ 
niera  tous;  le  monde  fatigué  de  nous  ol>é]r 
malgré  lui  et  de  nous  réàpecler  malgré  Im, 
tentera  un  dernier  effort  pour  secouer  de  m 
peau  la  lèpre  de  la  divinité.  Mais*  alor> 
comme  aujourd'hui,  la  vertu  de  Dieu  posi 
assistera;  liés,  impuissants,    immobiles* 
celle  vertu  sortira  Je  nous  comme  elle  sor» 
tait  de  la  robe  du  Christ,  sans  que  nous  par* 
lions,  sans  que  nous  bougions,  par  TeSeî 
même  de  notre  servitude,  éëinbtal>le  av 

Sarfum  qu'on  a  voulu  renfermer,  et  quû  o^" 
ensé  par  l'obstacle,  s'échappe  par  loos  u-i 
pores  plus  suave  et  plus  violent;  sekabiati 
encore  à  une  source  qu'on  a  scellée,  et  a*** 
les  eaux  jaillissent  jusqu'au  oieL  Alo^. 
quand  le  monde  entier  sera  coalisé  po\i.- 
mettre  le  sceau  à,  là  fontaine  ditine  iie  ûi 
sainteté,  comme  il  ravaîC  autrefois  mis  au 
tombeau  du  Sauveur,  le.  troisiè»»  jour. 
Veau  se  fera  un  nouveau  passage,  et  les  ra- 


W5 


SAL 


DICTiOXNAaiE  APOLOGETIQUE. 


SAL 


I16> 


ceshomaines  détrompées  viendront  s*abreu- 
fût  dans  son  eours  plus  long,  plus  large  el 
plus  intitinçuible. 

SAINTETE  f  n'est  possible  que  sous  le 
rè^oe  do  christianisme.  Foy.  Finiroduction^ 
KXI.—  Le  Pape  Grimoire  VII  crovait-il  à 
ceJledetous  les  pontifes  romains ?réfulaliou 
de  M.  Quinet,  Voy.  GaisfioiaE  Vil  •  &  I  et  II. 

SAISSET,  admet  un  développement  dans 
liMlognie  ratholiqne;  réfutation  de  son  opi* 
nioD  sur  loriginé  du  dogme  de  la  Trinité. 
Voy,  Dooms,  f  II. 

SALLES  (M.  £ds.  ds)  cité  sur  la  perma- 
nrnre  des  types  dans  les  races  humaines. 

Icry.  RACfeS  BCMAIIIBS,  $  V. 

SALCT.  —  Réfutation  des  objections  ti- 
rée!: de  rinefficacîté  des  moyens  de  salut 
nant  el  depuis    Tavénement    de'  Jésns- 

9  Dieu,  dit-on,  veut  sauver  tous  les  Iioui- 
ms  ;  il  le  veut  comme  un  Dieu  veut  ce  qu'il 
FcuU  avec  une  puissance  el  une  sagesse 
^tuveraioes,  mises  au  service  d'une  souve* 
jioe  bonté.  Il  le  veut  du  commencement  à 
d  fin,  bier,  aujourd'hui,  demain,  toujours, 
t  par  conséquent  il  a  dû  préparer  à  cette 
ire  qu'il  a  beoie  sans  exception  des  moyens 
aiversels  et  permanents  de  salut.  Est-ce  là 
:^que  nous  Toyous?  Nous  voyons,  au  con- 
raire,  le  genre  humain  abandonné  pendant 
le>  siècles  aux  hasards  de  sa  perversité. 
iiiic  ans  se  passent-:  où  est  le  Christ  sau- 
t^or?  Où  est  ce  sang  promis  au  monde»  et 
[ui,  dans  un  mystère  de  justice,  d  amour  et 
e  Itberté,  doit  laver  de  sa  souillure  origi* 
elle  la  malheureuse  postérité  d*Adamj  Rien 
^  parait.  Hilie  ans  se  passent  encore;  où 
^t  le  Christ  ?  Où  est  le  sang  réparateur?  Où 
^1  le  salut?  Le  ^nre  humain  se  précipite 
àm  ane  corruption  qui  n'a  plus  de  remède  ; 
i-s  cultes  infâmes  y  déshonorent  Tidée  de 
leu,  et  font  de  ses  autels  une  école  de  dé* 
luche conaaerée  par  la  piété;  les  tyrannies 
,;aes  de  pareils  cultes  inaugurent  leur  rè« 
M  contre  le  droit  et  le  bon  sens ,  et  Tuni- 
trs  semble  une  proie  livrée  au  triple  dé- 
on  de  la  folie ,  de  la  servitude  et  de  Tim- 
idicité.  Cependant  silence  au  ciel,  silence 
r  là  terre,  silence  de  quarante  siècles; 
^n  de  Dieu,  sinon  je  ne  sais  quels  faits 
scurs  qui  se  montrent,  dit-on,  dans  un 
in  prédestiné  du  monde,  à  une  famille 
ivilégiée,  et  quellefamille,  encore  1  Qu^est- 
que  ces  Juiis  où  se  concentre  le  regard 
pieu,  et  où  il  oublie  le  genre  humain? 
'Hk  rhistoire  de  la  Providence  pendant 
aire  mille  ans.  > 

§1 

hnstunisiDC  cLile  do  moment  de  la  chute  origioelte. 
-  Do^Bie,  loi,  sacrement réTclés  par  la  parole;  Adam 
^  poÀsédatu  —  Tous  ses  descendaols  n'ont  pas  lldèle* 
•ent  gardé  le  symbole  patriaical.  —  L*idolâUrie  corapa- 
fe  aux  bérêsics  modernes  —  La  raison  el  la  tradition 
:'rp^tiijîeal  les  trois  mojens  de  salut,  priiuitiTemeni 
nmés. 

e  TavcMie,  Quiconque  veut  sauver  doit 
irvoir  au   salut  de  ceux  qu'il  veut  sau- 


ver. Il  faut  donc,  puisque  Dieu  avait  résolu 
de  ne  pas  perdre  Thonime  après  sa  faute, 
mais  de  le  régénérer  lui  et  toute  sa  rare,  il 
faut  qu'il  ait  travaillé  sérieusement  à  ce 
grand  ouvrage  dès  Torigine  du  monde,  et. 
que  nous  en  trouvions  les  traces  mémora* 
bles  el  efficaces  à  toutes  les  pa^es  de  rhis- 
toire du  ^enre  humain.  L*œuvre  de  notre 
salut  étant  depuis  la  création  Fœuvre  prin- 
cipale, et  même  Tœuvre  unique  de  Dieu,  il 
faut  qu*elle  apparaisse  dans  un  éclat  qui 
surpasse  tout  autre  éclat,  et  que  rien  sur  la 
terre  ne  porte  un  sceau  de  puissance,  de 
sagesse,  de  durée  et  de  majesté  comparable 
&  celui  dont  sera  historiquement  revêtu  re 
magnifique  effort  de  la  bonté  divine  en  fa- 
veur de  notre  nature  tombée.  Or,  qn*ii  en 
soit  ainsi,  pouvez-vous  en  douter?  S'esl-ce 
pas  le  christianisme  qui  est  cette  œuvre 
même  de  notre  salut,   et  qu*y  a-t-il  au 
montle  de  plus  ancien ,  de  plus  durable,  de 
plus  visible  et  de  ^lus  grand  que  le  chris- 
tianisme? Il  est  vrai,  le  Christ,  Fils  de  Dieu, 
n*est  apparu  parmi  nous  qu'après  quarante 
siècles  de  préparation,  et  sa  mort,  instru- 
ment  principal   de  notre  renouvellement 
surnaturel,  ne  s'est  matériellement  accom- 
plie qu'à  cette  époque  tardive  de  l'huma- 
nité. Mais  il  ne  s  ensuit  pas  que  le  christia- 
nisme n'ait  commencé  qu'à  ce  jour  précis, 
et  que  le  mystère  de  notre  réparation  n'ait 
pris  son  cours  qu'au  pied  de  la  croix  où  se 
consomma  extérieurement  le  sacrifice  du 
Dieu  fait  homme.  Ce  sacrifice  avait  été  con- 
senti et  accepté  à  Theure  même  de  notre 
chute,  et  le  ciel  avait  été  témoin  de  la  mort 
idéale  el  expiatrice  du  Fils  de  Dieu  quatre 
mille  ans  avant  qu'elle  se  traduisit  sous 
nos  yeux  dans  une  sanglante  réalité.  L'a- 
^neau^  dit  saint  Jean,  avait  été  tuédêsTorigi- 
ne  du  monde  f  1308),  et,  victime  suffisante,  son 
sang  avait  réconcilié  du  ciel  à  la  terre  tout 
ce  qu'avait  désuni  la  prévarication.  L'hu- 
roanilé  était  sauvée  au  moment  où  elle  ve- 
nait de  périr;  le  (%rist.  Fils  de  Dieu,  par 
génération  éternelle,  était  devenu  le  fils 
l'homme  ])ar  une  génération  prédestinée,  et 
il  avait  pris  dans  ses  indéfectibles  mains  le 
sceptre  de  notre  vie  surnaturelle,  tombée 
des  mains  coupables  d'Adam. 

«  C'est  bien  là,  me  direz-vous,  la  doctrine 
catholique;  mais  cette  doctrine  n'a  point  sa 
vérification  dans  les*faits  humains.  Qu'était 
au  fond  le  christianisme  avant  Jésus-Christ? 
Tout  au  plus  une  espérance,  un  certain 
pressentiment  obscur  entretenu  chez  le 
peuple  Juif  par  ses  prophètes,  et  dans  le 
reste  du  monde  par  un  souvenir  affaibli  de 
quelque  antique  tradition.  Mais  rien  de  sé- 
rieux avait-il  été  fait  pour  préparer  au  sein 
des  peuples  les  dogmes  et  les  mœurs  que 
nous  avons  depuis  appelés  du  nom  de  chré<- 
tiens?  Le  christianisme  réel,  actif,  puissant, 
n'est-il  pas  un  établissement  nouveau,  une 
ère  qui  a  commencé  avec  l'Evangile  et  qui 
était  inconnue  de  tous  ceux  qid  ont  précédé 
la  promulgation  de  ce  code  divin.  » 


sa 

de 


30Ç|  Apo€.  xiu,  8. 


Mft7 


SAL 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQIIE. 


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Je  ne  nie  pas  la  différence  dos  temps.  ]e 
dois  même  I  affirmer»  puisc|ae  je  tous  ai  fait 
Toir  que  Dieu,  dans  la  distribution  de  sa 
grâce,  procède  par  voie  d'inégalité  et  de 
progrès.  De  même  qu^en  chaque  âme  prise 

>  en  particulier  la  grâce  a  un  certain  conrs 
qui  dépend  à  la  fois  du  libre  arbitre  de  Dieu 
et  du  libre  arbitre  de  Phomme,  dé  même, 
au  sein  de  Hiumanité,  elle  se  développe  sur 
un  plan  graduel  qui  n*accu$e  pas  Tindiffé- 
rence  de  son  auteur,  mais  la  profonde  sa- 
gesse avec  laquelle  il  conduit  tout  h  sa  jper- 
i'ection.  Avant  Jésus-Christ,  le  christianisme 
était  à  Tétat  de  germe ,  soit  comme  dogme, 
soit  comme  loi^ soit  comme  sacrement;  mais 
ce  germe  n'était  pas  inerte  et  incapable  de 
sauver  le  monde.  Il  avait  reçu,  dès  Adam, 
Tefficacité  nécessaire  pour  guérir  toutes  les 
générations ,  et  à  mesure  qu'elles  s'avan- 
çaient  vers  1  heure  prédestinée  de  la  venue 
et  de  la  mort  du  Christ,  Dieu,  loin  de  les 
abandonner,  renouvelait  et  augmentait  la 
lumière  qu'il  leur  avait  départie  primitive-^ 
ment.  Si  nous  accusons  la  Providence  dV 
voir  oublié  nos  pères ,  c'est  que  nous  igno- 
rons ce  qu'elle  a  fait  pour  eux;  apprenez- 
le  aujourd'hui,  et  apprenez-le  de  la  seule 
histoire  qui  contienne  autheniiquement  les 
titres  et  les  souvenirs  du  jgenre  humain. 

Adam  sortait  du  paradis  terrestre  ;  il  en 
sortait  déchu,  mais  avec  un  Rédempteur  qui 
lui  avait  été  annoncé  de  la  bouche  même 
de  Dieu,  et  qui  ne  devait  plus  un  seul  jour 
quitter  ses  pas,  ni  les  pas  ae  sa  postérité.  11 
en  sortait,  avec  un  dogme,  une  loi,  un  sa- 
crement, tous  les  irois  impérissables,  tous 
les  trois,  source  univei*selle  de  salut  pour 

*  les  hommes  et  base  indéfectible  de  leur 
commerce  avec  Dieu  :  un  do^me,  parce 
qu'il  faut  &  Tesprit  une  connaissance  cer- 
taine du  principe  des  choses  et  de  leur  fin; 
une  loi,  parce  qu'il  faut  à  la  volonté  une 
rèjjle  inviolable  de  ses  actes;  un  sacrement, 
parce  qu'il  faut  à  l'âme  un  moyen  surnatu- 
rel d'appeler  Dieu  à  son  secours  et  de  s*unir 
à  lui.  Dogme,  loi,  sacrement,  voilà  toute 
Tarchilecture  du  christianisme  et  toute  Tor- 
ganisation  du  salut.  Adam  les  possédait.  Il 
connaissait  Dieu,  non  pas  seulement  par  la 
déduction  philosophique  de  son  intelligence, 
mais  pour  Tavoir  vu  et  entendu  sous  une 
forme  qui  lui  révélait  sa  personnalité.  Il  le 
connaissait  comme  principe,  providence  et 
justice  du  monde ,  et  cette  triple  notion  de 
son  activité  souveraine  ne  se  séparait  pas 
en  lui  de  l'idée  même  de  son  être.  Dieu  lui 
apparaissait  vivant  et  vrai,  parce  qu'il  lui 
apparaissait  créant,  gouvernant,  jugeant,  et 
lorsqu'il  prononçait  son  nom ,  ce  nom  di- 
sait a  lui  seul  :  Il  a  tout  fait,  il  gouverne 
tout,  il  jug;era  tout.  Tel  était  le  dogme  pri- 
mitif et  universel,  bien  différent  du  déisme 
par  son  origine,  puisqu'il  était  le  fruit  d'une 
révélation  extérieure,  plus  différent  encore 
de  lui  par  sa  certitude ,  puisqu'il  ne  se  li- 
vrait point  à  Tesprit  comme  son  ouvrage, 
mais  s'appuyait  au  granitd'unc  persévérante 
et  invincible  tradition.  Et  dans  ce  symbole 
SI  court  étaient  contenus,  comme  l'arbre  est 


contenu  dans  son  germe,  tous  iea  mystères 
que  le  fleuve  du  cnristiaBisiDe  devait  nUi- 
rieurement  développer.  Croire  an  Dieu 
principe,  c^était  croire  h  toutes  les  perfec- 
tions renfermées  dans  son  incompréhefisi* 
ble  nature;  croire  su  Dieu  providence,  ce- 
fait  croire  à  tous  les  moyens  qn*il  lui  pUi- 
rait  d'era(doyer  pour  conduire  les  bonimei 
h  leur  régénération;  croire  au  Dieu  rému- 
nérateur, c'était  croire  aux  récnmpens(>sct 
aux  i)etnes  de  Tétemité,  sous  telles  formes 
que  lïnfaillibie  justice  le  décideriiit.  AdacD, 
quant  à  sa  personne ,  et  è  cause  des  illumi- 
nations du  paradis  terrestre  ^  ctonnaissiil 
en  grande  partie  les  conséquences  cachée) 
dans  le  sein  du  dogme  primordial  ;  mais  la 
mémoire  de  sa  race  ne  devait  point  être  as- 
sistée pour  en  garder  pleinement  le  soure- 
nir,  jusqu'au  jour  où ,  tous  les  voiles  tom- 
bant, la  parole  de  Dieu  livrerait  ses  der- 
niers secrets.  En  attendant  celte  heure  de 
la  consommation,  le  genre  humain  jout»- 
sait  d'une  lumière  divine  capable  de  I  éclai- 
rer, s*il  le  voulait,  et  de  le  tenir»  parfiii/e/* 
ligence,  dans  un  commerce  efficace  ei  sïir^ 
naturel  avec  Dieu. 

L'a-t-il  voulu  toujours  et  partout!  le  ne 
l'aflirme  pas.  De  même  qu*apres  Jésus-Qim\ 
il  y  a  eu  des  nations  qui  se  sont  sépirée> 
des  splendeurs  de  la  vérité  catholique,  i)  ^ 
a  eu  avant  lui  des  hommes  qui  ont  rejeté  le 
flambeau  de  la  première  révélatioit.  Mai^ 
de  même  que  les  schismes  {loslérîeors  à 
l'Evangile  n*en  ont  éteint  dans  le  monde  ai 
ta  voii  ni  le  règne,  les  réliellions  de  Tan- 
cieii  Age  contre  te  symbole  patriarcal  n*to 
ont  étouffé  nulle  part  la  certitude  et  la  n^r 
loriété.  L'idée  de  Dieu,  de  sa  providence, 
de  ses  jugements,  est  demeurée  suspendu» 
quarante  siècles  devant  les  yeux  de  nos  («^ 
res,  et  les  faux  cultes,  en  encadrant  d>r- 
reurs  ces  immortelles  vérité,  n*ohseamv 
saient  la  conscience  sur  le  mode  qu'en  IV 
veillant  sur  le  fond.  La  fiible  rejfiercoir* 
une  image   délij^urée  de  l'histoire;  nai> 
cette  image,  tombant  dans  le  coeur  de  Tbors- 
me,  s'y  purifiait  au  contact  de  rinteUîgenirT 
et  Dieu  trouvait  jusque  dans  le  mcnsoo^ 
un  auxiliaire  de  sa  gloire  et  de  ses  dri^îb 
Alors  sans  doute,  alors  aussi  bien  qnac- 
jonrd'bui,  le  sophisme  et  la  négation  tri. 
vaillaient  l'esprit  humain,  pour  lui  persan 
(ïer  l'athéisme,  ou  pour  réduireàdes  teron» 
sans  puissance  la  notion  de  la  divinité;' V  ( 
tait  vainement.  Le  peuple  n'entexida»!  fi^ 
ces  abstractions  solitaires  qui  eherd^aâa 
à  lui  dérober  sa  foi;  le  Dieu  qu^il  mâotf[^ 
était  un  Dieu  vivant,  personnel,  actrf«  »> 
téressanl  aux  choses  de  Thomme^  ec  i^^ 
penchant  était  bien  plus  de  le  rapurox^* 
trop  de  lui  que  de  J  en  éloigner.  UuUM9^ 
étifit  le  fruit  de  ce  penchant;  maiis  î'uS'^' 
trie  n'excluait  pas  la  connaissance  du  Ih»  j 
véritable,  et  ce  Dieu,  comme  Ta  reniar«]v. 
Tertullien,  s'échappait  à  tout  maoteoi  dt  ^ 
conscience  païenne  par  ces  crisinToloci^ 
res  que  la  laneue  du  christianisocie  a  crr 
serves  :    Dieu  1   6   mon  Dieu!   MJltÈoliU' 
était  dans  l'antiquité  ce  que  rhéré^ie  o 


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DICTIONNAIRE  AroLOGKTfQCE. 


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lans  nos  tenups  moderaes,  et  de  même  aue 
'hérésie  n'abolit  ihis  en  ceux  qui  la  proies- 
i^ot  la  mémoire  de  lésos-Christ,  Tidolâlrie 
réleignait  pas  eu  ceux  qui  s'en  rendaient 
Iciimes  le  souvenir  du  Dieu  un  et  parfait. 
)uvrez  un  livre  sérieux  de  l'antiquité,  bis- 
oire,  poème,  tragéilie,  vous  y  sentirez,  au 
rarem  des  extravagances  du  paganisme,  on 
•arfuiD  de  religion  grave  et  profonde,  qui 
r  transpire  aisément,  et  qui  nous  révèle 
(ue  Dieu  n'avait  pas  aliandonné  le  genre 
lumaio,  mais  que  toute  âme  pouvait,  dans 
loe certaine  mesure,  le  connaître,  l'aimer 
(  le  servir.  Quand  les  aiuVtres  se  répandi- 
tfOtdans  le  monde  avec  la  |iarole  et  la  croix 
e  Jésos-Cbrist,  ils  n'y  rencontrèrent  |uis 
eulement  des  Juifs  et  des  idolâtres,  mais 
o$>i  une  classe  particulière  d'hommes  qui 
il  désignée  dans  leurs  actes  sous  le  nom 
adorateurs^ de  Dieu,  rolentes  (iM9).  Tel 
laii  le  Romain  Corneille,  à  qui  un  ange  fut 
nvové  pO!ir  lai  dire  :  Corneille^  ies  priêrêê 
r  le*  auménes  sont  mùniées  en  ta  mémoire  et 
erani  la  face  de  Dieu  (1310). 
Le  dogme  primitif  et  universel  puisait 
I  force  de  conservation  dans  une  double 
rase:  la  raison  même  de  l'homme  et  la 
iJiifon.  Chacune  de  ces  causes  n'eât 
h  sufli  pour  en  assurer  la  perpétuité.  La 
^son  est  trop  faible  pour  porter  à  elle 
me  le  poids  de  Dieu,  et  la  tradition  pore- 
leDt  extérieure  n'agit  pas  assez  d'elle-même 
ir  l'esprit.  Mais  leur  alliance  et  leur  ré- 
ercussion,  en  les  complétant  l'une  par  Tau- 
*?«  les  rendent  inallresses  de  Tbuma- 
ité. 

1!  en  est  de  même  de  la  loi.  La  loi  donnée 
\<iatu,  pour  être  la  règle  de  ses  actes  et 
^«  actes  de  sa  descendance ,  était  celle-là 
>a]f  qui  fut  plus  tard  renouvelée  au  Sinai. 
•le  portait  : 

«  Je  suis  le  Seigneur  ton  Dieu,  et  tu  n'a- 
trems  que  loi. 
«  Tu  ne  prendras  point  mon  nom  en  vaiii. 

•  Tu  te  reposeras  le  septième  jour  en  le 
nclifiant. 

•  Tu  honoreras  ton  père  et  ta  mère. 
-  Tu  ne  tueras  point. 

•  Tu  ne  conaroettras  point  d'impureie. 

•  Tu  ne  voleras  point. 

•  Tu  ne  rendras  fioint  de  laux  témoignage. 

•  Tu  ne  désireras  rien  de  ce  qui  n'est  pas 
oi.  > 

Os  articles  n'avaient  pas  été  gravés,  dans 
riipne,  sur  des  tables  de  pierre,  mais  sur* 
<ic  la  l>oache  de  Dieu,  Dieu  les  avait 
'ib  presi|ue  tous  dans  la  conscience  de 
iimuic,  pour  être  à  jamais  le  principe  des 
oies  mœurs  et  de  la  vraie  civilisation. 
dis  presque  tous,  parce  que  le  repos  et 
^uctîQcation  du  septième  jour,  bien  que 
M,iine  iirjmordiale,  portaient  un  carac- 
e  do  règlement  qui  n'était  pas  snscep- 
le  de  revêtir  dans  l'esprit  la  forme  méta- 
v'siqued'un  devoir  absolu.  Sauf  ce  point, 
5  la  coutume  devait  transmettre  à  la  plu- 
t  des  peuples,  la  léj^islation  primitive 

iriOOt  Act,  \tn.  43:  x»ii.  Ici  17. 
ir.lfi.  Act.  X,  5rt4. 


avait  son  double  appui  dans  la  consoîrnrc 
et  la  tradition.  Fille  et  sœur  du  dogme,  elle 
empruntait  à  sa  lumière  une  eonsécration 
religieuse,  et  le  do$;me  à  son  tour  emprun- 
tait d'elle  l'éclat  bienfaisant  que  la  justice 
iqoule  h  la  vérité.  Le  dogme  disait  Dieu, 
Thomme  et  leurs  rapports  ;  la  loi  disait  aussi 
Dieu,  l'homme  et  leurs  rapports  :  mais  lo 
dogme  liait  l'esprit  en  réciairanl,  et  la  loi 
liait  la  volonté  en  lui  commandant.  Natura- 
lisés tous  ies  deux  dans  l'âme  humaine,  ils 
s'y  prêtaient  un  mutuel  secours,  et  saint 
Paul,  les  confondant  ensemble  sous  un  mémo 
nom,  pouvait  dire  aux  païens,  pour  justi- 
fier les  voies  de  Dieu  k  leur  égard  :  Comme 
les  naiions  qui  n'uni  pas  la  loi  écrite  accom- 
plissent naturellement  Us  choses  de  la  loi^  ils 
sont  à  eux-mêmes  leur  loi^  tout  en  noyant 
pas  notre  loi^  et  ils  montrent  que  cette  loi  est 
écrite  dans  leurs  cœurs  par  des  témoignages 
qui  les  accuseront  et  aussi  qui  les  défendront 
au  jour  où  Dieu  jugera  les  secrets  des  hommes^ 
selon  mon  Evangile  par  Jésus-Christ  ff3f1}. 
Il  ne  suffit  pas  du  dogme  et  de  la  loi  pour 
constituer  l'ordre  surnaturel  que  nous  ap- 
pelons le  christianisme,  la  (i^râce  en  est  un 
indispensable  élément,  puisane  c'est  eilo 
seule  qui  pénètre  au  fond  de  l'âme  pour  la 
disposera  croire  le  dogme,  à  accomplir  la 
loi,  pour  l'élever  jusqu'à  Dieu  par  une  réelle 
participation  de  sa  nature  et  de  sa  vie.  C'est 
la  çrâce  qui  fait  le  chrétien;  car  c'est  elle 
qui  lui  donne  l'onction  intérieure  de  la  vé- 
rité et  de  la  charité,  onction  que  le  Sauveur 
du  monde  reçut  avec  une  abondance  inex- 
primable, pour  être  en  sa  personne  le  trésor 
sans  fond  ae  l'humanité,  et  d'où  lui  est  venu 
le  nom  de  Christ,  c'est-à-dire  de  oint.  Et 
tous  après  lui,  dans  une  mesure  qui  dépend 
de  l'élection  de  Dieu  et  de  notre  coopéra- 
tion, nous  devons  être  des  hommes  de  grâce 
et  par  conséquent  des  oints,  ou  chrétiens. 
Mais  Dieu,  qui  ^ous  a  fait  ce  ^rand  don, 
n'a  pas  voulu  s'en  réserver  à  lui  seul  l'éco- 
nomie; il  lui  a  plu,  par  un  sentiment  de 
largesse  et  d'équité,  de  nous  donner  pou- 
voir sur  lui  ftomme  il  a  pouvoir  sur  nous, 
et  de  renfermer  dans  certains  actes  une  effi- 
cacité surnaturelle  qui  en  flt,  même  en  nos 
faibles  mains,  des  instruments  de  grâce  et 
de  régénération.  C*est  ce  que  la  langue  chré- 
tienne appelle  du  nom  de  sacrements.Comme 
le  dogme  et  la  loi,  les  sacrements  n'ont  ob- 
tenu quà  la  venue  de  Jésus -Christ  leur 
perfection  eniière;  mais  leur  institution  re- 
monte i  l'origine  du  genre  humain.  L*arbre 
de  vie,  dans  le  f^aradis  terrestre,  était  un 
5acrement;  Adam  lui-même,  entant  que 
dé|iositaire  d'une  grâce  héréditairement 
Iraosmissible  à  sa  postérité,  était  un  sacre- 
ment. Après  sa  chute,  dé|)ouillé  de  ce  pri- 
vilège qui  avait  mêlé  en  lui  comme  eu  un 
seul  océan  le  fleuve  de  la  vie  humaine  et  le 
fleuve  de  la  vie  divine.  Dieu  lui  laissa  pour 
arrhe  de  sa  miséricorde  et  pour  appui  de 
sa  déchéance  un  sacrement  imparfait,  quoi- 
que puissant,  qui  devait  être  à  jamais  la 

(ir»ii)  n  m.  Il,  U  cl  1^. 


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DICTKINNAinE  APOLOGETfQOE. 


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lumière,  la  force  et  la  consolation  de  sa 
postérité.  Quel  est-il«  ce  sacremeDt  premier 
delà  chute?  Quel  est  cet  instrument  de  çrâce 
que  la  faute  ne  brise  pas,  qui  e&t  destiné  à 
lui  survivre  toujours,  et  dont  toule  âme 
contient  la  vertu  par  un  sacerdoce  inamia- 
sîble  et  universel?  Vous  Tavez  nommé  sans 
dx)ute;  car  il  n^est  aucun  de  vous  qui  n'en 
ait  éprouvé  le  bienfait,  qui  n*ait  essayé  k 
son  aide  de  reconquérir  Dieu,  s'il  l'a  perdu, 
et  d'en  accroître  le  règne  dans  son  cceur,  s>t 
ce  règne  est  déjà  (xuumencé.  Jésus-Ci) list 
disait  au  peuple  du  haut  de  la  montagne  : 
DwnandeXf  et  il  vot$i  sera  donné;  cherchez^  1 1 
vous  trouverez  ;  frappez^  ei  il  vous  sera  on* 
terl.  Car  quiconque  demande  reçoit  9  qui 
cherche  trouve^  et  à  qui  frappe  on  ouvre  la 
porte  (1312).  Ce  que  disait  Jà  JésusrChrist 
au  peuple  nouveau.  Dieu  l'avaitditau  peuple 
ancien  en  la  personne  d'Adam^  et  cette  leçon, 
retenue  d'flge  en  Age,  avait  fait  de  la  prière 
Képée,  ie  l)aiMr)e  et  l'encens  de  l'humanité. 

Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  démontrer 
l'universalité  de  la  prière.  Regardez  dans 
rhistoire,  à  quelque  point  du  temps  et  de 
l'espace  qu'il  vous  plaira  de  l'ouvrir,  et  vous 
V  trouverez  Thomme  prosterné  devant  Dieu, 
lui  demandant  toutes  choses,  même  l'im- 
possible. Que  le  sceptique  s'en  étonne  et 
que  l'impie  s'en  moque,  c'est  une  raison 
de  plus  d'admirer  cette  imperturbable  con- 
fiance de  tous  les  siècles  dans  TeûtcacitiV  de 
la  [irière,  et  d'y  reconnaître  une  institution 
qui  foit  partie  du  cœur  de  Thomme  et  de  la 
volonté  do  Dieu  sur  lui. 

Etait--c^  donfi  avoir  abandonné  nos  pères 
que  de  >eur  avoir  mis  dans  les  mains  toua 
les  moyens  de  salut  que  nous  venons  d'éuu- 
mérer?  Nous  avons  plua  qu'eux  sans  doute, 
mais  ils  avaient  avant  nous  l*essence  inté- 
grale du  christianisme,  le  dogme»  la  loi,  le 
sacrement,  et  ce  <)u'ils  possédaient  est  en- 
core la  racine  qui  porte  et  nourrit  ce  que 
nous  possédons,  comme  la  vie  de  Thomme 
mAr  remonte  aux  jours  de  son  enfance  et  y 
puise  la  sève,  qui  caractérise  sa  personnalité. 
Il  y  avait  d'ailleurs  des  compensations  h 
celte  génération  du  christianisme  :  c'est  que 
le  genre  humain  était  jeune  lui-même,  pius 
voisin  des  origines^  et  soumis  à  une  éduca- 
tion qui  s'exerçait  è  la  fois  par  le  ministère 
prophétique  et  par  des  événements  dont  la 
grandeur  renouvelait  d'époque  en  époque 
toute  la  lumière  des  traclitions.  Dieu  agit 
encore  dans  notre  âge  (f  une  manière  sen- 
sil>le,  proportionnée  aux  besoins  du  monde 
moral  ;  mais,  parce  que  l'avènement  de  Jé- 
sus-Christ et  I  autorité  de  l'Eglise  ont  donné 
à  tout  une  assiette  définitive,  la  voix  des 
prophètes,  s'il  s'en  présente,  n'est  plus  qu'un 
accident,  et  les  actes  de  la  Providence  les 
plus  significatifs  ont  perdu  le  caractère  gi- 
gantesque des  temps  primordiaux.  Comme 
vn  creusant  la  terre,  on  découvre  dans  les 
couches  les  plus  anciennes  les  débris  d'une 
végétation  colossale,  ainsi  en  remuant  l'his* 
toire  dans  ses  antiques  profondeurs,  on  y 

{Soit)  J/flU/i.  vil,  7  cl  »  ^ 


rencontre  (es  traces  d'événements  qui  n*oht 
point  eu  leurs  semblables  dans  les  siècles 
nouveaux.  Teb  furent  le  déluge,  la  réunioa 
ei  la  dispersion  des  hommes  dans  \» chaini» 
du  Sennaar.  Le  Imt  providentiel  da  ûë\uv 
était,  outre  le  chfttiment  de  la  d^ravainto 
générale,  de  ramener  encore  une  fois  rh^m- 
me  k  l'unité  d'une  seule  famitle,  afia  dv 
raviver  les  traditions,  et  que,  reprenani  de 
Ih  leurs  cours,  elYes  se  répandhcsent  avec 
une  plus  écfailanle  autorité  daaa  les  veines 
purifiées  du  genre  humain.  La  Mtaatrofèe 
de  Babe),  contraire  en  apparence  è  ce  (w- 
sein  d'unité,  n'en  était  pourtant  que  )a  suite. 
parce  qu'en  multipliaHt  les  langues,  ëk 
multipliait  les  témoignages  en  feveur  de  b 
vérité  que  chaaue  tribu  emporCnil  dans» 
mémoire  soua  des  sons  ef  des  signée difers. 
Maia  c'étaient  là  des  événements  exce}Jtiofl- 
nels,  .$emés  dans  les  entr'actes  du  draioede 
la  Providence,  et  qui,  k  proprennent  dire, 
ne  faisaient  point  partie  du  progrès  naturel 
du  christianisme,  bien  qu'ils  servissent  I 
sa  conservation. 

sn 

La  Terre-Saiate,  c«nlre  des  grands  empIfcaL  —  HM» 
Uides  du  vevfiB  éio.  —  Le  dogiM,  U  fan»  le  ittst 
écrits  au  Siiiâi  ;  puis  iiicainus  dans  ie  Verbe,  Ffl»  4r 
Bieu  —  Réponse  â  celte  objection  :  poonioei  IMnay 
ii  travaillé  que  çrogressivenieiil  k  Tcnivre  de  Mtre  ré- 
généraUoo.  —  Concours  de  rUonae^DIeii  daascra» 
grande  ceuvre.  —  i^utre  objection  :  Wè^&Êkaôlt  «k 
christianisme  dans  le  passe  et  daiisteprésaoi  ;  rrpots^ 
-^  Nécessité  de  la  Intic  entre  le  bien  et  le  mal  —  >•- 
lupté  de  Tige  patriarcal ,  idolâtrie,  ariaiiijiaiit  "^ 
Riisne,  protestaulisme,  etir.  ^OoMlneiaB. 

Ouvrez  maintenant  une  mappemonde,  ri 
posez  le  doigt  sur  le  point  ou  Je  trente* 
deuxième  degré  de  latitude  septenlriooaW 
se  rencontre  avec  le  trente-troisième  àeçé 
de  longitude  à  forient  du  méridien  de  Pans . 
la  terre  que  vous  touchez  s'appelle  T^m* 
Sainte.  Regardez  autour  de  voua  :  ici,  à  IV 
cident,  s*o;ivre  une  longue  et  large  mer  qu» 
va  baigner  de  ses  flots  tous  les  golfes  de  1 
Grèce,  de  l'Italie,  de  la  Gaule,  de  TEspa^JK» 
de  l'Afrique,  et  qui,  s'étendani  par  un  île* 
tour  jusque  vers  les  solitudes  du  seplco- 
trion,  tandis  qud>  par  une  autre  extréoiiur, 
elle  absorbe  les  déserts  de  TAtlantique,  ^ 
été  destinée  de  Dieu  à  être  U  graïuie  rou.^ 
des  nations.  Au  midi,  une  autre  mer  sV 
vance  et  fait  eiforl  pour  rejoindre  celle-u: 
c'est  un  bras  de  l'Océan  Indien  qui  appejk 
les  vai^iscaui  du  monde  pour  les  couduir/ 
à  tous  les  rivages  de  l'Asie  et  leur  livrer  is 
source  des  richesses  qui  s'alimentent  sz, 
foyer  d'un  inépuisable  soleil.  Vers  roriaaii 
deux  grands  fleuves,  sortis  du  même  ta^ 
ceau  que  le  genre  humain,  arrosent  Ii 
plaines  fécondes,  où  sMmprimèreQl  les  p^ 
miers  pas  de  Thomme ,  et,  s'iudiaant  et 
raidi,  vont,  par  une  autre  porte,  retroiiKt 
les  eaux  puissantes  qui  euveloppenl  TAsit. 
Autour  de  ce  point  brillant,  k  des  distaoor» 
inégales,  mais  rapprochées, Memphisacos?- 
truit  SL*s  temples  où  se  cache  let  sagesse: 
Tyr  a  rrou5ié  ses  ports,  d'où  ell^  je(t«-  -• 


m 


âUL 


D1CTI0HNAIRE  APOIX)GETHti;£. 


^L 


loorpre  à  tons  les  peuples  en  échange  de 
eurs  biens;  NJnÎTeet  Babylone  onl  élevé 
rHffs  Rioraiiies  et  bAU  ras  Tieai  empires 
iai  ODlinauguré  ici-bas  Torgueil  delà  con* 
iuéte  et  an  gCNtvernement.  Chaque  eoîn  de 
erre  est  là  célèbre»  et  le  pied  de  TArabe» 
près  soixante  siècles,  y  heurte  sans  fin  des 
uiaes  qoi  étonnent  les  jreiu»  et  des  sonve' 
irs  qui  émeuvent  le  cœur.  Tonte  ia  civî- 
isation  anUqne,  la  guerre,  la  paix,  les  arts, 
!  coromerce»  la  TÎe  et  ia  mort  ont  habile 
»  primitiTenenk;  el,  lorsque  la  Grèce  et 
«oie,  seconde  fille  de  1  antiquité,  parurent 
SOS  le  lointain  pour  annoncer  et  préparer 
e  Booreaux  Ages,  elles  envoyèrent.  Tune 
lexandre,  Taulre  ses  consuls,  |JOur  uièler 
t  gloire  de  leur  jeunesse  k  la  gloire  épuisée 
e  ro  premier  monde. 

Là  donc,  au  confluent  des  affaires  hu- 
^nes.  Dieu,  qui  avec  sa  parole  avait  fondé 
l  renouvelé  une  fois  déjà  ie  chrisUanisme,^ 
ieo  résolol  de  l'écrire,  et  de  Técrire  |)ar  un 
&Qp]e  qui  fût  à  la  fois  le  dépositaire  et 
r/rgaoe  de  ses  pensées,  opiniâtre  comme 
écriture,  mobile  comme  la  propagation, 
ei'^ple  au  Sinaï,  du  Sinaï  a  Jérusalem, 
e  Jérusalem  à  Damas,  à  Niuive,  k  Babylone, 
lieo  conduâsil  le  peuple  scriptural  re  et 
flilialeur  par  des  vicissitudes  qui  remplis- 
em  riiistoire,  et  qui,  associées  aux  événe- 
ients  les  plus  lameux  du  monde  profane, 
rretrouvèreni  dans  les  monuments  que  la 
ioiice  Bioderne  ranime  chaque  jour  et 
r^,  à  son  grand  étonnemeni»  du  sépulcre 
ntroBvert  de  radutiquité.  La  guerre,  Tcxil 
i  le  f'ufiimcrce  mirent  les  Juifs  en  commu- 
icatioa  avec  tous  les  peufJes  anciens,  ils 
LiSDèrPDt  avec  Daniel  à  Baiiylone,  en  Perse 
Tec  Eslber,  ils  dictèrent  des  décrets  à  Cy- 
05,  obtinrent  le  respect  d'Alexandre,  et  l'un 
^^Lagîdes  Gt  traduire  leurs  livres*  sacrés 
905  la  langue  grecque  deux  cent  cinquante 
)s  avant  Jésus-Christ.  Partout  où  les  por- 
il  Tesprlt  de  Dieu,  ils  portaient  aussi  leur 
lites,  let  leurs  synagogues  paisiblement 
CQées  dans  Tunivers  furent  les  premiers 
tDfJesoà  les  apôtres  annoncèrent  la  venue 
la  mort  du  Désiré  des  nations. 
Ainsi  sept  siècles  après  le  déluge,  quinze 
ècles  avant  Jésus-Christ,  au  moment  où 
formaient  les  grandes  puissances  humai- 
ns. Dieu  gravait  en  airain  les  fondements 
noavelés  du  christianisme,  le  do^^me,  la 
if  le  sacrement*  les  traditions  du  passé 
ec  les  prophéties  de  l'avenir,  et  il  présen- 
it  e^s  tal)les  écrites  de  son  doi^t  ou  sous 
dictée  à  la  connaissance  de  tous  les  peu- 
es  qui  occupaient  alors  lascènedu  monde. 
1  vain  l'incroyance  a  voulu  le  nier,  et 
pandre  sur  les  saints  livres  Tobscurilé 
jne  science  hy^iocrite  autant  qu'épouvan- 
e  :  la  construction  biblique  trop  fortement 
sise  au  centre  de  Tbistoire  a  bravé  ces 
il  d*uBe  sagesse  trompeuse ,  et  chaque 
iir,  à  mesure  que  le  vieux  monde  perd 
s  voiles  qui  le  dérolMÎent  à  notre  vue,  la 
hle  augmente  miraculeusement  de  certi- 
•ie  et  de  clarté.  L'écriture  de  Dieu  a  con- 
mé  sa  parole»  et  ce  qui  n  eût  été  à  la  loii- 


guey  Icspropliétics  se  faisant,  qu'un  souve* 
nir  mal  soutenu,  est  Tajicre  impérissable  où 
s'appuie  à  jamais  l'arche  de  la  vérité. 

JUais  e&t-ce  là  tout?  Au  delà  de  la  parole 
et  de  l'écriture,  n'y  a-t-il  plus  rien  à  faire 
pour  une  doctrine  qui  vient  de  Dieu  et  qui 
doit  sauver  le  monde?  Vous  avez  raison,  il 
reste  une  diose  à  faire.  C'est  beaucoup  dV 
voir  parlé,  non  comme  un  rhéteur  qu'on 
applaudit  ce  soir  et  qui  est  oublié  demain, 
mais  avec  une  autorité  qui  se  perpétue 
dans  la  conscience  et  fonde  une  universelle 
et  vivante  tradition.  C'est  beaucoup  «ravoir 
écrit,  non  comme  un  auteur  qu'on  admire 
et  qu'on  relit,  fût-ce  même  toujours,  mais 
avec  une  puissance  gui  inspire  la  fui,  qui 
trouble  l'impie,  et  qui,  ayant  une  fois  divisé 
les  temps  et  les  choses  en  deux  parts,  l'une 
divine,  l'autre  humaine,  ne  permet  plus  à 
aucune  intelligence  de  les  confondre  impu- 
nément. C'est,  dis-je,  beaucoup  :  mais  la 
parole  et  l'écriture  étant  le  signe  ou  la  re- 
iircscntalion  d'une  personne,  il  reste  à  la 
voir.  Ça  été  le  troisième  et  le  dernier  pro- 
grès du  christianisme.  Après  quatre  mille 
ans  de  préparation,  où  jamais  Fhumanilé 
n'avait  été  aliandonnée  un  seul  jour,  celui- 
là  vint  qui  était  l'auleur  de  la  parole  et  de 
récriture,  et  qui,  ayant  fait  l'homme  pour 
une  carrière  de  perfection  terminée  par  le 
point  fixe  de  la  béatitude,  n'avait  cessé  de 
le  poursuivre  dans  le  long  et  douloireux 
pèlerinage  de  sa  liberté.  Il  vint  en  la  per- 
sonne de  son  Fi!^  unique,  coéternel  à  lui, 
victime  acceptée  depuis  Toridue  du  monde 
pour  être  Texpiation  de  la  laute  qui  nous 
avait perlus,  et  à  laquelle  nos  pères  avaient 
ajoute  durant  quarante  siècles  le  poids  per- 
sonnel de  leurs  prévarications.  Il  vint,  non 
pour  commencer  le  christianisme,  mais 
|K>ur  l'achever,  non  pour  créer  on  détruire 
le  dogme,  Ijf  loi  et  le  sacrement,  qui  avaient 
fait  la  vie  des  â^es  antérieurs,  mais  pour 
leur  donner  une  dernière  forme  et  une  su- 
prême sanction.  Il  vint;  tous  les  peuples  le 
virent  à  ce  point  magnifique  du  monde  et 
de  l'histoire  autour  duquel  la  Providence 
avait  tout  ordonné.  La  victime  attendue 
tomba  devant,  les  représentants  de  Thuma- 
nité  prc'senls  au  Calvaire  ;  le  ciel  accepta  ce 
sang,  la  terre  le  but,  il  recouvrit  la  |)arole 
et  1  écriture  de  Dieu,  en  leur  apposant  le 
sceau  d*un  mérite  et  d'une  démonstration 
que  rien  ne  pouvait  plus  surpasser  :  quel- 
que chose  d*un  renouvellement  inouï  spo- 
liera, et  l'œil  de  l'homme,  humide,  serein 
et  ouvert,  ne  cessa  plus  de  regarder  cette 
croix  où,  dans  la  chair  du  Dieu  lait  homme, 
venait  de  se  consommer  le  mystère  du  sa- 
lut universel. 

Devant  cet  exposé  rapide  du  plan  de  la 
Providence  à  Tégard  de  l'humanité,  je  ne 
pense  pas  que  vous  puissiez  accuser  Dieu 
d'indiiïérence  ou  d'inaction.  Tout  au  plus 
accuserez- vous  le  mode  qu'il  a  suivi  dans 
l'épanchemeut  séculaire  de  sa  miséricorde, 
comme  constituant  un  progrès  illogique  et 
inefficace,  incapable  de  satisfaire  l'esprit 
autant  que  de  sulDrc  à  nos  besoins. 


1875 


SAL 


DICTIONNAIKË  APOLOGETIQUE. 


SAL 


lîTfi 


«  En  cfTelf  direz  vous,  que  Thomme  dans 
ses  opérations  soit  assujetti  à  la  loi  du  pro- 
grès, cela  se  conçoit,  puisque  l'homrae  est 
bornéetqulltendversunbutînfiniroentsupé- 
rienr  à  lui.  Mais  Dieu,  sagesse  et  puissance 
éternelles,  quelque  soit  le  but  qu  il  se  pro- 
pose d'atteindre,  n'a  point  à  franchir  res- 
paco  ni  le  temps  ;  il  est  tout  entier  partout, 
et  son  action  parriflaite  comme  son  essence, 
embrasse  en  un  indivisible  instant  Torbc 
du  passé,  du  présent  et  de  la  venir.  Il  lui  suf- 
fit ae  vouloir  pour  être  au  terme,  et  il  dé- 
pend de  lui  de  commencer  par  la  fin.  Pour- 
quoi donc  s'est-i)  traîné  lentement  h  la  suite 
de  nos  siècles?  Pourquoi  sauveur,  tardif  et 
embarrassé,  a-t-il  déployé  un  h  un  les  res- 
sorts complexes  de  notre  régénération,  au 
lieu  d'allumer  au  printemps  de  nos  fautes 
le  soleil  qui  les  eût  dissipées  dès  le  premier 
jour.  >» 

Il  est  hors  de  doute  que  Dieu  n'est  point 
assujetti  comme  nous  par  sa  nature  à  la  loi 
du  progrès,  et  qu'il  est  le  maître  de  donner 
du  premier  coup  à  l'œuvre  qu'il  veut,  quand 
elle  est  uniquement  la  sienne,  toute  sa  per- 
fection. Mais  vous  oubliez  deut  choses,  que 
Dieu  est  libre  de  travailler  dans  le  temps, 
et  de  travailler  dans  le  temps  è  une  œuvre 
qui  etige  la  coopération  d'êtres  successifs 
et  bornés.  Cette  aouble  condition  posée,  le 
progrès,  loin  d'être  dans  un  ouvrage  divin 
un  inexplicable  caprice,  y  est  un  élément 
nécessaire  d'ordre,  de  convenance  et  de 
beauté.  En  effet,  ce  n'est  plus  la  main  de 
Dieu  seul  qu'il  y  faut  voir,  mais  la  main  de 
la  créature,  main  faible  et  lento,  qui  doit 
d'autant  plus  être  respectée  qu'elle  dispa- 
raîtrait si  laction  divine  abusait,  en  la  gui- 
dant, de  sa  toute-puissance  et  de  sa  souve- 
raineté. Comme  un  statuaire  yieilli  dans 
son  art  conduit  le  ciseau  d'un  enfant  sur  le 
marbre,  ainsi  l'architecte  éternel  doit  tenir 
avec  délicatesse  la  main  de  l'humanité,  et 
lui  permettre,  par  une  éducation  progres- 
sive, de  développer  dans  l'ouvrage  qui  leur 
est  commun  tout  son  génie  et  toute  sa  vertu. 
C'est  pourquoi  Dieu  s'est  montré  à  notre 
race  dans  une  mesure  toujours  suffisante, 
mais  qui  npus  initiait  par  degrés  aux  mys- 
tères de  notre  régénération.  Simple  famille 
d'abord,  l'humanité  n'avait  besoin  que  de 
souvenirs  domestiques  d'un  sacerdoce  paler- 
ncl,  d'un  dogme  et  d'une  loi  qui  s'empa- 
rassent de  sa  conscience  par  leur  naturelle 
clarté,  et  d'un  sacrement  qui  fût  une  sour- 
ce vive  et  simple  au  cœur  de  chacun.  La 
durée  de  Tbomme,  devant  laquelle  la  nô- 
tre n'est  plus  qu'une  ombre,  prolongea 
longtemps  cet  état  virginal  de  la  religion. 
La  tente  des  patriarches,  en  abritant  plu- 
sieurs siècles  avec  leur  tête  blanchie,  con- 
servait aisément  la  mémoire  du  passé,  et  le 
fleuve  de  la  vérité  divine  n'avait  pas  besoin, 
pour  demeurer  vivant  sous  Ips  yeux  des 
générations,  que  l'écriture  gravât  ses  flots 
sur  l'airain.  Adam,  riche  des  souvenirs  de 
son  bonheur  et  de  la  pénitence  de  sa  faute, 


présidait  h  ce  premier  Age  comine  Jésiis- 
Christ  préside  à  I  Age  où  nous  sommes  parT^ 
nus.  Oh  le  voyait  de  loin»  è  travers  les  cho- 
ses accomplies  et  non  oubliées,  comme 
nous  voyons  le  Christ  à  travers  la  succrs. 
sion  des  événements  dont  nous  sommes  b 
héritiers  directs. 

Le  déluge  ramena  le  genre  humain  an 
régime  de  l'ère  partriarcale,  au  rooroeotck 
la  dépravation  des  mœurs  étouffait  dansia 
postérité  d'Adam  la  reconnaissance  qu'elle 
devait  à  Dieu.  Noé,  sauveur  du  monde,  re- 
descendit des  montagnes  avec  ses  tils  et  $<!s 
filles,  unique  débris  de  dis-huit  siècles  nioi.^ 
sonnés,  et  il  reprit  au  bord  des  tleuves  qui 
avaient  arrosé  le  paradis  terrestre  la  irsrt 
interrom|>uede  nos  destinées,  liais  lesjoui) 
de  l'homme,  aussi  bien  que  la  nature  en- 
tière,  avaient  subi  fmr  Teffet  du  déluge  une 
notable  altération.  La  main  de  Dieu  lesarai: 
abrégée,  et,  au  lieu  de  cette  longue  àurti 
qui  rendait  toutes  les  générations  contfo- 
|!0raines,  il  ne  nous  resta  plus    pouratiJei 
noire  mémoire  et  mesurer  notn?  cêrrièt^ 
que  de  trop  courts  soleils.  Des  peuiJtsdhh 
ses  sortirent  de  l'abréviation  du  ttmpset 
de  Taccroissemetit  des  besoins ,  el  ce  (o( 
alors  que  Dieu  soutint  les  traditions  enWv 
renouvelant  par  récriture  dans  un  peuple 
qui  devait  être  à  la  fois  témoin  du  fàis\\ 
prophète  de lavenir,  pontife  et  missionnaire 
du  genre  humain.  Le  genre  humain  se  ff>r» 
malt  ainsi  peu  è  peu  sous  la  direction  (pro- 
gressive de  la  Pi*ovidence,  ea  la  nianièr^ 
dont  l'homme  individuel  passe  de  l'enfance 
h  la  jeunesse,  de  la  jeunesse  k  la  virilité. 
Et  de  même  qu'aucun  de  nos  âges  ne  pe^î 
se  plaindre  d'avoir  été  abandonnné  ou  nvv 
servi,  à  cause  de  la  disproportion  quiexis.'t 
entre  eui»  aucun  des  âges  de  Thomme  uoh 
versel  n'est  en  droit  non  plus  d'accuser  I**^ 
secours  qui  lui  furent  départis.  Ces  seeoQh 
correspondaient  au  développement  noroD 
de  l'humanité  ;  ils  laidaient  à  croître  en  U 
laissant  sa  part  légitime  d*aclion,  atin  i\i 
Tœuvre  du  christianisme  fût  commune  j 
Dieu  et  à  l'homme,  et  que  chaque   sièclr. 
fils  du  temps  et  fils  de  réternité,  app<»n^ 
sa  pierre  vive  à  l'édifice  dont  le  Christ  et^^i 
la  base  et  devait  être  le  couronnement  0 
n'était  pas  le  ciel  tout  seul  qui  enfantait  ^ 
Seigneur  ;  Il  était  nourri  dans  les  ûancs  " 
monde  autant  que  caché  dans  le    sein 
Dieu,  et  c'est  pourquoi  le  prophète  s'écr 
pour  hâter  sa  venue  :  Cieux^faitem  du 
dre  votre  rosée^  et  que  tes  nues  ptemre»i- 
juste;  que  la  terre  s'ouvre^  et  qu  élit  J«i-t 
le  germe  de  son  Sauveur   (13fd)«    Cet  ^-i 
prophétique  dit  tout   le  mjr$ière.  Dm  f 
l'homme,  le  temps  et  l'éternité»  la   tern  I 
le  ciel  étaient  un  travail  de  l'incarnaiiog  .1  { 
Fils  de  Dieu.  Elle  se  préparait  en  haut;<t 
une  effusion  progressive  de  grâces  ;  e'Ie  « 
préparait  ici-bas  par  les  gémissement  •' 
])ar  les  sueurs  des  saints,  iusqu*li   ce  «i  - 
d'Adam  à  Noé,  de  Noéà  Abrahooi,  d^At^rsU. 
h  David,  do  David  î^  Marie,  le  sang  do  TU 


iî:i 


SAL 


IHCTlONNAinE 


ae  se  fût  assez  poriGé  dans  I3  douleur  et 
I  TCrto  pour  présenter  au  Verbe  sans  tarhe 
me  chair  à  laquelle  il  put  s'associer,  dans 
itjuelle  il  Yoniut  souffrir,  arec  laquelle  il 
lût  et  Toulût  sacTer  TunÎTcrs. 

Cesl  ainsi  qu^aujourd'hui  même,  sur  le 
errant  du  Calvaire  qui  regarde. Tayenir, 
bamanicé  travaille  encore  par  ses  mérites 
u  salai  commun  qu*elle  a  autrefois  préparé. 
•.1*  plos  maintenant  qu*antrefois.  Dieu  n'a- 
il  toot  seul  dans  le  mystère  de  la  régéné- 
jùon  ;  nos  prières  y  concourent,  nos  lar- 
ips  y  serrent,  et  le  grand  jour  où  il  nV 
bra  plus  quun  troupeau  et  qu'Hun  pasteur  se 
etarJe  ou  s^arance  dans  la  prédestination 
^  Dieo,  selon  que  nos  crimes  et  nos  vertus 
èsrnt  plus  ou  moins  au  sam^tuaire  éter- 
ei  lie  l'infaillible  justice.  S'il  en  était  au- 
vmenl.  Dieu  ferait  tout,  Thomme  rien,  et 
•s  siècles  moralement  séparés  les  uns  des 
ijtres  ne  s'encbalncrafent  que  par  la  siir- 
i^ion  des  nuits  et  des  jc*urs,  tandis  qu'ils 
enchaînent  [lar  les  résultats  entrelacés  du 
Wî\  et  du  mal. 

Celle  remarque  nous  conduit  n  résoudre 
\  seconde  difficulté  que  Ton  oppose  an  (iro- 
rè$  dii  christianisme,  tel  qu'il  se  manifeste 
m  riiistoirc.  On  le  disait  illogique  ;  nous 
mns  prouvé  qu*il  ne  Test  point.  On  sou- 
rnt  de  plus  qu'il  est  inefficace,  t*e<5t-5-dire 
ail  n'a  point  obtenu  autrefois  et  qu'il 
VfMient  jmis  davantage  aujourd'hui  IVlTet 
niversel  qu'il  était  destiné  à  produire  dans 
i  ppDsée  ae  Dieu. 

Cela  est  vrai,  le  christianisme  n'a  point 
ftnquîs  l'univers,  si  on'  l'entend  d'une  con- 
aète  ou  d'une  possession  mal^*riellement 
Limitée.  Mais  le  christianisme  est  univer- 
•rl  dans  le  sens  moral,  c'esl-à-dire  que,  par 
00  expansion  et  ses  renouvellements  suc- 
e»si(s,  il  a  exercé  une  action  constante  sur 
f5  destinées  du  genre  humain,  et  donné  k 
ms  les  hommes,  en  quelques  temps  et  en 
oelques  lieu  x  qu'ils  aient  vécu,  les  moyens 
atleindre  la  perfection  k  laquelle  ils  sont 
)pelés,  et  la  béatitude  qui  est  la  récom- 
îDse  promisse  leur  perfection.  Pour  qu'un 
ftti  homme  eût  échappé  à  l'influence  inté- 
eare  et  extérieure  du  christianisme,  il 
udrait  qu'aucune  tradition  ne  l'eût  jamais 
luché  soil  directement,  soit  indirectement, 

que  iaroais  Dieu  n'eût  envoyé  jusqu'à 
m  ccBor  la  lumière  d'un  pieux  mouvement. 

0  ne  prooTcra  point  qu'il  en  soit  ainsi, 
ce  que  nous  avons  vu  de  la  Providence, 

1  grand  jour  de  l'histoire ,  nous  permet 
affirmer  qoe  sa  miséricorde,  même  dans 
s  cas  les  moins  heureux,  s*est  ménagé  des 
^soures  pour  nous  laver  daus  le"  sang  de 

réderoptien.  Cepeiîdanl  il  reste  vrai  que 
christianisme,  toujours  agissant  et  ton- 
urs  inrinctble,  n'a  pas  obtenu  Je  succès 
une  réalisation  matériellement  univer- 
île.  telle  que  l'esprit  peut  se  le  représeii- 
r  d'un  étalilîssement  divin.  Il  est  la  plus 
•ande  chose,  mais  il  n'est  pas  Tunique 
lose  du  monde.  Il  est  supérieur  à  tout, 
ais  il  n'est  pas  tout.  Est-ce  h  la  loi  du 
rogrès  qu'il  faut  attribuer  cette  imperfec- 


APOLOCETIQUE  SAL  ttn 

tion  dans  le  résultat  T  Non,  c'esl  è  vou^*  mê- 
mes ;  quelque  chemin  qu'eût  pris  Dieu 
ponr  vons  conduire,  qu'il  vous  eût  menés 
par  la  droite  on  par  la  gauche,  par  l'orient 
on  par  l'occident,  qu'il  vous  eût  éclairés 
d'une  lumière  uniforme  au  lieu  de  répan- 
dre sur  vous  une  lumière  progressive,  dans 
tous  les  cas,  être  libre^^,  revêtus  par  consé- 
quent d'efficacité  pour  le  mal  comme  pour 
le  bien,  vons  auriez  fnistré  la  Providence 
d'une  partie  de  ses  vœux ,  et  diminué  son 
empire  de  toute  celte  part  faite  aux  trahi- 
sons de  votre  cœur.  Dieu  respecte  l'effica- 
cité dos  êtres  libres,  soit  pour  le  bien,  soit 
pour  le  mal.  Que  serait-ce  en  effet  (\n*mo 
liberté  dont  l'action  n'obtiendrait  jamai» 
son  résultat  naturel  ?  Ce  serait  une  pal*>r- 
nité  sans  filialion,  une  cause  sans  priuluit, 
une  puissance  alislraiteoui  s'évanouirait  au 
contact  de  toute  réalité.  Il  n'en  est  pas  ainsi; 
le  fM>uvoîr  de  Thomme  est  inférieur  à  celui 
de  Dieu,  mais  il  est  un  vrai  |iouvoir.  Et  de 
même  que  l'action  divine  se  manifeste  dans 
l'histoire  du  monde  avec  un^éélatanle  effi- 
cacité, il  était  juste  qne  la  nôtre  y  apparût 
aussi  d'une  manière  éclatante,  quoique  su- 
liordonnée,  et  sous  ce  double  aspect^  du  bien 
et  du  mal  qui  est  le  caractère  de  l'être  ap- 
pelé et  non  encore  parvenu. 

Vons  vous  étonnez  que  le  christianisme 
n'ait  pas  soumis  toute  créature  h  son  em- 
pire? Hélas  I  je  m'étonne  bien  plus  qu'il 
vive  et  que  je  vous  parle  en  son  nom.  N  est- 
ce  pas  le  diristianisme  qui  vous  a  dit  :  Tu 
seras  humble  ?  N'est  ce  pas  le  chri.<tianisinc 
qui  vous  a  dit  :  Tu  seras  chaste?  N'est-ce 
pas  le  christianisme  qui  vous  a  dit .  Tu  pas- 
seras dans  ce  monde  comme  n'en  étant  pa;», 
tu  jouiras  comme  ne  jouissant  pas ,  tu 
pleureras  comme  ne  pleurant  pas  ?  N'est- 
ce  pas  le  christianisme  qui  vous  a  dit  : 
Bienheureux  les  pauvres? N'est-ce  \ms  le 
christianisme  qui  vous  a  dit  :  Soumettez- 
vous   k   toute  créature  k  cause  de  Dieu  ? 
N'est-ce  pas  lui  enfin,  et  lui  seul,  qui  a  brisé 
tous  vos  i^enchanU,  foulé  auxpieds  toutes 
vos  clo;res ,  aliaissé  ce  cjuc  vous  aimiez  cl 
élevé  ce  que  vous  haïssiez.  Et  il  vit  pour- 
tant :  opiniâtre  k  vous  suivre  dans  vos  gé- 
nérations superbes,  il  a  grandi  avec  vous 
dans  des  miracles  plus  puissants  que  vos 
fautes,  et  couri>ant  sous  ses  signes  et  sous 
ses  ordres  les  siècles  épouvantés  de  le  revoir 
toujours,  il  s'est  mis  en  possession  de  vous 
d'une  manière  d'autant  plus  terrible  que 
vous  êtes  maîtres  de  vous  et  que  vous  le  lui 
avez  mille  fois  prouvé.  C'est  vous  qui  avez 
créé  contre  lui  ces  débauches  de  géants  qui 
ont  précédé  et  aUiré  le  déluge  ;  c'est  vous 
qui  avez  inventé  l'idolâtrie  pour  le  |)erdre  ; 
c'est  vous  qui  avez  crucitié  le  Christ  attendu 
des  nations,  et  qui  l'avez  enveloppé  des 
opprobres  où  sa  beauté  s'est  fait  jour  à  ja- 
mais; t'-e»\  vous  qui  avez  séparé  I  orient  de 
l'occident,  suscité  l'islamisme,  divisé  1  Eu- 
rope, élevé  le  doute  et  la  négation  à  des 
hauteurs   sublimes  :  vous   avez   fait  tout 
cela,  afin  «pi'i*  W*  clair  que  vous  êtes  libres, 
et  plus  clair  encore  que  Dieu  est  dan>  le 


ii7i> 


SAL 


DICTIOlXNAIftK  Al'OLOGETIQyEL 


$AL 


\m 


christninisme  pour  tous,  sans  vous  et  mal* 
gré  TOUS. 

Ne  croyez  même  pas  que  rovÈs  vous  arrè- 
t<'rez  au  point  d'erreur  et  de  haîne  où  tous 
êtes  aujourd'hui  :  le  progrès  s'applique  au 
mal  comme  nu  bien.  Si  Dieu  Iravaitle  h  ia 
régénOration  de  rhumaniCé  sur  un  plan  pro- 
gressif, quelqu'un  traTaille  à  sa  ruine  sur 
nn  plan  pro^ressifaussi.  Car  Tabime appelle 
l'ahlmo,  l\^cbo  grossit  avecla  Toii,  etrenfer 
regarde  le  oie)  pour  Timiter.  A  mesure  que 
Dieu  faitmi  paspour  lesAlutrln  monde,  Ten- 
fcren  fait  un  poursa  perte. C'est  unenéces* 
sit(^  de  la  UvUi  entre  le  tden  et  le  mal.  Si  le 
mal  demeurait  slationnaire  pendant  quH  le 
bien  s'accroît,  il  ne  serait  bientôt  plus  qu'un 
enfant  aux  prises  aTec  un  colosse.  11  faut 
donc  qu'il  sedéTcloppe  lui-même,  et  que, 
suivant  la  Trovidence  avec  une  inquiète 
jalousie,  il  se  tourmente  pour  égaler  ses 
œuvres  et  leur  opposer  de  nouveaux  boule- 
vards. Tel  fut  le  passé,  tel  sera  l'avenir.  A 
chaque  phase  du  (christianisme  correspond 
dans  rinstoire  une  certaine  phase  de  Ter- 
reur. L'ère  patriarcale,  trop  proche  des  ori- 
gines pour  se  tromper  sur  Dieu,  reçoit  le 
venin  d'une  molle  dépravation.  Elle  enfante 
(les  monstres  de  volupté  dans  un  océan  de 
Itimiôre.  I^  notion  de  Dieu  s'altère  h  Tilge 
suivant:  te  mal  ne  se  contente  plus  de 
prcntlre  l'homme  f)ar  son  corps,  il  essaie 
d'obscurcir  en  lui  l'idée  d'où  procèJe  tout 
ordre,  toute  justice,  toute  piété,  et  ne  pou- 
vant la  détruire,  tant  elle  a  de  force,  il  sus- 
cite h  l'entour  des  imaa:es  confuses  de  divi- 
nités secondaires,  aflnd*étoiifler  le  vrai  culte 
dans  des  cultes  faux.  Le  Christ  venu,  l'ido- 
.^  trie  s'affaisse  devant  la  vraie  figure  de  Dieu; 
mais  l'esprit  des  ruines,  après  avoir  cherché 
sa  défense  dans  le  carnage  trois  fois  sécu- 
laire d'une  inouïe  persécution,  s'attacfieà 
la  personne  sacrée  du  Christ  pour  la  dégra- 
•ler  (fans  la  foi  même  de  ses  adorateurs. 
L'ariauisme  succédée  l'idolâtrie,  l'idolâtre 
Ini-même  en  une  manière  plus  profonde, 
puisqu'il  réduisait  le  christianisme  au  culte 
d'un  homme,  mais  d'un  homme  qui  avait 
dî(|té  l'Evangile  et  fondé  l'Kglisedans la  mor- 
veilleuse  effiradlé  de  son  sanj;.  La  lumière 
s'étanl  faite  à  la  fin  autour  do  l'Homnie- 
Dieu,etrien  (ians  les  souvenirs  ou  les  débris 
de  l'idolâtrie  ne  pouvant  plus  s'opposera 
l'universalité  de  son  règne,  on  vit  apparaî- 
tre Mahomet.  L'unité  de  Dieu,  qui  avait  été 
précédemment  l'objet  de  tous  les  assauts  du 
rlial,  devient  son  étendard,  et  cette  vérité 
finissante  se  change  tout  à  coup  en  une 
arme  que  te  mensonjjje  vibre  avec  succès  sur 
une  moili.^  du  jçenre  humain.  La  trahison 
grecque  livre  rOrient  h  cette  invasion  dé- 
figurée du  passé;  le  nom  d'Abraham  dé- 
trflne  celui  an  Christ  dans  une  partie  du 
moufic,  et  l'Eglise  n'a  plus  qu'à  pleurer  là 
où  elle  comptait  ses  enfants  et  ses  joies  par 
nations. 

Mais  l'Occident  fiJèle  n'avait  point  secoué 
le  joug  de  ta  vérité.  Des  pieds  de  l'antique 
Rome,  oix  siégeait  le  vicaire  du  Christ,  une 
eau  toujours  vive  avait  coulé  sur  des  peuples 


nouv^ui.  Une  sainte  coufédér«iioD  de  la 
foi  s'était  formée  cntreem,  maluréla  guerre; 
ils  avaient  lentement  dépouillé  le  caractère 
du  barliare,  introduit  les  évêques  dans  leurs 
conseils,  partagé  leurs  (erres  avec  les  |)aa- 
vres  et  les  cénobitesi  fondé  des  monarrhies, 
ressuscité  l'empire  romain,  cha^^é  les  Grecs, 
humiliéles  lils  de  l'islamisme  juâciu*au  tom- 
beau reconquis  du  Sauveur^  et  enfui  les 
arts,  le  commerce»  la  boussoJe  venant  à  leur 
aide,  ils  avaient  poussé  leurs  di^couvert^*!. 
au  delà  des  mers  que  l'antiquité  n'ârail 
l»as  franchies,  et  présenté  à  des  riyages  lu- 
connus  la  «;roix  de  lésos-ÇhrisL  Tout  an- 
nonçait au  monde  ses  derniers  et  légitimer 
souverains;  ils  allaient,  prenaot  la  ruuu 
opposée  à  ceiie  d'Alexandrie,  relron?ef 
rOrient  perdu  pour  la  foi,  et  lui  rendre  b 
vérité  en  échange  de  ses  trésors.  Le  jjcurt: 
humain  n'avait  jamais  été  plus  près  de  IV 
uité,  jamais  aussi  plus  proçue  d'une horril'le 
et  universelle  division. 

Le  protestantisme  naquit  de  ce  ()oîn(  cul- 
minant {\cs  affaires  divines,  à  TLieure  jufHii 
où  rien  n'était  plus  capable  de  remisier  à  ta 
puissance  morale  de  la  chrétienté.  LWrf, 
qui  le  savait,  fit  un  eiTort  suprême,  U»\lk\Ha 
le  christianisme  au  cœur  en  a ttaqiiaalf au- 
torité de  l'Eglise  et  en  livraut  sesloîi  cl  ses 
mystères  aux  interprétations  privées  deki 
raison.  C'était  mettre  Thomnie  au-dessus â** 
Dieu,  et  créer  une  idolâtrie  intetlectucllr 
d*autant  plus  subtile  qu'elle  devait  se  voiler 
loni^temps  des  apparences  survivantes  de 
la  foi.  La  chrétienté  divisée  demeura  néan- 
moins mattre.sse  du  monde,  tant  elle  avait 
acquis  de  supériorité  sur  le  reste  des  na- 
tions; mais  en  portant  ses  dis«uirdes  avec 
ses  victoires  aux  extrémités  d?  la  terre,  ellf 
vi'y  porta    plus  qu'un  apostolat  diminué  d 
un  prosélytisme  qui  se  déchirait  de  ses  prù- 
I  ros  mains. 

Je  ne  poursuivrai  point  rhistoîre  de  T\ir 
maux.  Uuegrandelunmri'e  est  sortie  de  lec^* 
entrailles,  et  après  trois  siècles  de  luttes  in- 
testines,  l'autorité  de  l'Eglise  reprend  poj 
à  |)eu  sur  les  intelligences  égarées  TasiTiV 
daut  qu'elle  avait  perdu  par  une   illusîo.n 
\jï\  nouveau  pro^^rès  s'accomplit  dans  laïUc 
sainte,  l'unité  qu'elle  posséda  touiours,  par^v 
qu'elle  est  la  tille  et  la  mère  de   la  xérii^, 
s'élance  plus  radieuse  des  révoltes  qu'ede  j 
subies,  et  des  expériences  dont    c.He  a  rt- 
l'ubjel.  Le  protestantisme  expire  dî»ns  Yïm:- 
puissance  de*  constituer  un  symiiole.  u: 
ordre,  une  foi,  une  raison  de  son  être.  Hj^ 
jour  inévitable  de  sa  chute  ^era  le  JnarM 
le  christianisme,  ravivé  au  sein  des  nacuaft» 
qu'il  a  civilisées,  reprendra  Je  concert  «ir 
elle  la  grande  routa  de  l'avenir,  la  rout^f» 
conduit  Tuuivers  aux  pieds  du  mftme  Dià 
Mais  ne  vous  attendez  pas  que  ce  soit  >4i« 
rencontre  dans  Je  mal  un  progrès  par«Iiè> 
au  sien.  Déjà  vous  eu  avez  plus  qiêe  lê  pnfy 
sentiment,  vous  en  avez  l'aurore,  I^  |*n»t€^- 
tantismeest  dédaigné  du  mal;  il  en  oonnait 
la  ruine,  et  se  révèt  d'autres  armcis  qu'il  * 
forgées  d'avance  dans  la  corruption  niéii-s» 
de  (c   vieux  levain  qu'il  rejette  de   lui.  l: 


lîîl 


SAL 


ncTioi^NAaiE  \pol,0(;etique. 


sa 


isa2 


pMesumtime  altéra  ta  M  par  la  raison  ; 
n  raison  séparée  de  toute  foi  aura  rivrcsse 
h»  sa  soowraiiteté.  Ne  prévoyons  pas  ce 
'iiVlleserv,  laissons  à  Dieu  ses  secrets.  Le 
.K^soni^i  le  passé  suffisent  pour  nous  ins- 
niire  des  roies  de  la  Providence  dans  la 
itn  fnilo  de  llmmanité,  et  pour  en' juslilier 
a  (Mine  aux  yeux  de  tout  siûoèrc  esprit. 

Dieu  rotitle  salut  dn  genre  humain,  ot  il 
nravnilfe incessamment;  je  Tai  montré  par 
•iiistoirc.  ÎI  y  traTarlIe  d'une  manière  pro- 
rf^sive;  fai  fait  voir  <ïue  ce  progrès,  était 
Inique  et  efllcace.  Que  me  reste-l-il  après 

♦  ae  exposition  où  vous  ayez  vu  la  çrande  part 
16  riîonnne  dans  ses  propres  destinées,  qu'à 
DUS  conjurer  d'unir  votre  action  à  l'action 
vinc,  pour  assurerle  triomphe  moral  de  la 
irélienté.  On  lisait  dans  les  armoiries  des 
«arirenx.  au-dessns  d'un  globe  surmonté 
une  croix,  cette  belle  inscription  :  SCat 
nx  dum,  voivitiir  orbis.  —  La  croix  de- 
nire  pendant  que  le  monde  tourne,  C^était 
m*  image  heureuse  de  la  stabilité  duchris- 
inisme  au  milieu  des  révolutions  humai- 
>,  en  même  temps  qu'une  invitation  au 
fK)>  de  la  solitude  sous  les  lois  contempla- 
♦îwle  saint  Bruno.  Mais  cette  image  n  ex- 
imp  qu'à  demi  la  situation  du  ihrlstia- 
Hiip  dans  le  torrent  du  siècle,  et  cette  in- 
'ilion  ne  nous  dit  qu'imparfaitement  nos 
mrs.  J'aimerais  mieux,  en  conservant  le 
•l'O symbole,  cette  autre  inscription  :  /«- 
.'•V  cmx  dum  incedit  orbis.  —  La  croix 
*rihe  ausiï  tite  que  le  monde.  Elle  nous 
i'jçllerait  le  progrès  parallèle  du  bien   et 

liial,  et  la  nécessité  d'élever  nos  vertus 
^M  haut  que  les  desseins  de  Dieu  et  plus 
"t  que  les  jalouses  conjurations  de  l'enfer. 
>tnms  presserait  de  ne  pas  perdre  un 
lîr,  parce  que  l'ennemi  ne  perd  pas  une 
w.  Elle  nous  dirail  noire  épreuve,  qui 
le  temps;  notre  but,  qui  est  l'éternité; 
îre  histoire,  qui  est  le  combat  ;  notre 
^<>lalion,  qui  est  d'avuncer  toujours;  no- 
ripos,  qui  est  Dieu  seul  (13H). 

^ALVAOORt  insinue  la  fraude  dans  la 
iduile  des  a}>ôtres;  réfutation.  Yoy.  Ap6- 
».  -  Réfutation  de  .sa  théorie  sur  le 
«aiMne  et  le  christianisme.  Voy.  Judaïsme 
<^B»Tuii^iiR.  —Est  panthéiste.  Ibid.— 
rUo  le  suroalurel.  Jbid.  —  Comment  il 
^prète  les  prophéties  sur  le  Messie.  Ibid: 
Cooiment  il  oxplique  l'origine  du  ohris- 
lisme.  ibid.  —  Suppose  que  la  mort  de 
M^Ciirist  ne  fui  qu'apparente  ;  réfutation- 

f*    R^VBRBCTION    BB    JÉSliS^CURIST.     — 

ii»e  idée  quUI  donne  des  institutions 
^niues.  Voy.  AçhoÂmatique  etc.  —  Re- 
aait  rinflqeoee  d^a  Juifs  «ur  les  mages. 
f*  Mâf  oiiMU  i  U.  —  Jugement  sur  son 
*?  intiittlé  :  Histoire  des  institutions  de 
>««.  Vqu.  uote  XIV,  à  la  fin  du  vol. 
Kt^futatKHi  de  son  hyi)otbèse  sur  la  coo- 
»ion  et  l'apostolat  de  saint  Paul*   Voy. 

Al.VEKTB(lf.  EUS.),  M  théorie  nalnra- 

*  r^futé^.  Voy.  Nin  RALWTF.». 

.*»U)  Cfr.  LACoaDAiRE,  Cow/*»  »•  tV. 


SAMARIE,  vérifie  la  proohélie  de  Midiée. 
Voy,  Judée. 
SAMARITAIN  (Pentatbuqub)  V^.  Pciita- 

TEVQUB,  §IV. 

SANCTION  du  gouverneuienl  divin.  Vay^ 

ESFEH,  §  U. 

SAN4j,  boire  le  sastg^  signification  de  ces 
mots  dans  la  langue  sainte.  Voy,  Eocha- 

•lUSTiB    &   1 

SANSClirr,  prouve-t-il  uae  irès-ha4ito 
antiquité.  Voy,  Indiens,  %  lU. 

SATAN.  Voy.  Démon.  —  Sa  lutte  contre 
Dieu  dans  le  gouvernement  moral  desihoses 
d'ici-bas.  Voy,  Astronomie.  —Son  rôle  dans 
le  plan  divin.  Foy.  Mal.  art.  I,  {111.— VaiiK;u 
par  Tincarnation.  Voy,  Mal.  art.  I,  {  IV. 
Voy*  DéMON. 

SAUVAGIiS,  état  de  barbarie,  point  de  dé- 
part de  rbumaoité,  réfutation,  voy.  Philo- 

80PUIB  PANTHÉISTE  DE  L*H18TOinE«  {  i.  —  SaU- 

vages  comparés  à  ThonHue  civilisé.  Vùy. 
Psychologie,  $  I.  —  Leur  caractère  et  leur 
dégradation.  Voy.  Psychologie  ,  |  111*  — 
Nécessité  qu'ils  passent  pa> l'hérédité  pour 
arriver  à  la  civilisation.  Ibid, —  Ne  |)euvent 
s'élever  d'eux-mêmes  à  la  civilisation.  Ibid. 
%  VII.  —  Sont-ils  la  vraie  origine  de  l'es- 
pèce humaine?  Voy,  Races  HtiiAi!«ES,SXII. 
—  Peu veatrilss*élever d'eux-mêmes  à  la  ci- 
vilisation? Ibid* 

SCEPTICISME  prétendu  du  XllP  siècle 
et  de  saint  Louis;  réfutation  de  Michèle'. 
Voy,  LOUIS  IX,  %  1  etsuiv.  —  Scepticisme 
moderne,  date-t-il  du  xui'  siècle?  Voy. 
LOUIS  IX,  §  111.  —  ScejUicisrae  de  Grégoire 
Vil,  et  de  Jésus^Ihrist,  suivant  Michelct; 
réfutation.  Koy.  Giiégoire  VU,  JIX. 

SCHELLING,  sa  philosophie.  Voy.  Paa  )- 
SOPHIE  DE  l'absolu,  i  U  et  Pa!«tubishb,  si. 

SCHLEGEL,  débat  avec  Delambreau  sujet 
de  Tastronomie  des  Indiens.  Voy.  Indiens. 
•—  Ses  appréciations  des  livres  indiens.  Voy. 
Indiauisub,  §  IV. 

^SCIENCES  CONSIDÉRÉES  DANS  LEURS  RAP- 
PORTS AVEC  LA  RELIGION.  PlUS  d'UUe    fOÎS    OU 

a  prétendu  que  la  relii^ion  était  ennemie 
des  coniuiissances  humaines;  plus  d'une  fois 
on  a  dit  qu'elle  redoutait  l'examen,  les  re- 
cherches approfondies,  et  que  les  hommes 
religieux  étaient  naturellement  partisans  do 
l'ignorance  et  de  lobscurantisme;  rien  n*est 
moins  fondé  pourtant  que  ces  assertions 
calomnieuses,  que  l'on  répète  encore  si 
souvent  de  nos  jours.  Non  certes,  celte  révé- 
Iati«)n  divine^  descendue  du  ciel  pour  éclai- 
rer les  Hls  d'Adam  sur  leur  o? igioe,  leurs  de- 
voirs, leurs  immortel  les  destinées,  nelavorii;» 
point  l'indolenoe  de  rusprit,etn'apointla  fu- 
neste propriété  d 'éteindre le flaml>eau  A^Ut 
raison;  toin  de  rétrécir  lin telligencef  et  fiar 
là,  de  nuire  au  savoir,  elle  f  étend,  au  cou- 
iraire ,  et  lui  fournit  des  ttimières  nouvel- 
les, en  prescrivanl  à  rhoimae  laclivilé,  la 
tempérance,  Tamour  de  Tordrei  le  pert'rc- 
tionnement  moral  de  cette  âm«,  qui  cons- 
titua la  partie  essentiel^  de  son  être,  IVm- 
ploi  de  tous  les  moyens  qu'il  peut  «voie  ds 
contribuer  è  la  glotre  de  son  Créateor  et 


I3g5 


sa 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


SCI 


liK 


au  bonheur  de  ses  semblables;  eHe  tend  k 
l'affranchir  des  passions  basses  qui  Tabru- 
tissent,  et  par  là  même  elle  le  dispose  à 
rechercher  tout  ce  qui  est  utile,  tout  ce  qui 
est  noble  et  réritablemenl  digne  de  son 
admiration.  Pour  démontrer,  yàr  les  plus 
beaux  exemples,  combien  la  religion  élève 
Tesprit  ei  le  féconde,  nesuflit-il  pas  de  rapatr- 
ier quelques  noms  dans  cette  longue  suited  il- 
lustres personnages  qui  ont  brille  dans  les  six 
premiers  âgesde  rs^lise  chrétienne,  teisuue 
saint  Justin,  Tertullien,  saint  Clément  d  A- 
iexandrie,  Origèue,  saintCyrilie,  saintBasite, 
saint  Grégoire,  saint  Chrysostome,  saint  Au- 
gustin, et  dans  les  temps  modernes,  les  Bos- 
suet,  les  Fénéion,  Içs  Pascal,  les  Racine,  les 
d'Aguesseau,  les  Desearles,  les  Newton,  les 
Leibnitz,  et  tant  d  autres  savanb  du  pre- 
mier ordre  gui,  bien  que  divisés  en  certains 
points,  se  distinguèrent  toujours  fiar  leurat- 
lâchement  au  christianisme?  Or,  plus  l'esprit 
est  élevé,  plus  il  est  projtre  à  former  de 
vastes  plans,  et  à  poursuivre  de  sublimes 
découvertes.  C'est  donc  par  la  religion  bien 

()lus  que  par  tout  autre  moyen  humain  que 
es  limites  des  sciences  ont  été  reculées. 
L'âme,  fatiguée  de  rincertiluJe  et  des  fré- 
quentes contradictions  de  systèmes,  a  pq 
enfm  se  reposer  dans  la  comlemplation 
ravissante  d'une  cause  unique  qui  expli^ 
que  tout.  Aux  yeux  de  l'impie,  la  nature 
n'étaitqu'un  assemblage  fortuit,  échap|ié  des 
mains  du  hasard  ;  aux  yeux  du  vrai  savant 
chrétien,  elle  s'anime  et  $*embellit  en(X)re, 
en  lui  apparaissant  comme  une  émanatioti 
de  la  suprême  intelligence  de  l'intiniebonlé, 
et  le  sentiment  le  plus  pur  vient  se  mêler 
chez  lui  au  calcul  de  la  science,  sans  lui 
rien  êtcr  de  sa  justesse,  sans  compromettre 
ses  succès  et  ses  triomphes. 

Mais,  s1l  est  vrai  que  la  religion,  loin 
d*ôire  contraire  aux  connaissances  hu- 
maines, leur  est  favorable  par  les  dis|)0si- 
tiens  qu'elle  produit  chez  ceux  qui  les  culti- 
vent, on  [)eut  affirmer  de  plus  qu'elle-même 
est  la  science  [)ar  excellence^  a  laquelle  la 
plupart  des  autres  se  rattachent  ou  viennent 
puiser  comme  à  leur  source  naturelle  et 
commune.  Quelques  courts  détails  suffi- 
ront i)Oiir  nous  en  convaincre. 

Si. 

Sciences  positives,  ce  qu'elles  doivent  à  la  religioo.  — 
—  Leurs  pru^rcs  et  leurs  dtl'Cou vertes  d*accord  avec  nos 
livres  saints.  —  Toutes  reniJeut  lioinniagG  à  la  véracité 
de  Moise. 

S*agit-ii  de  la  saine  philosophie^  de  celle 
qui  est  vraiment  digne  de  re  beau  nom,  et 
que  chérissent  tous-  les  amis  de  ta  sagesse? 
La  religion  la  seconde  puissamment  dans 
ses  recherches  sur  Dieu,  sur  l'Auie,  sur  tou- 
tes les  existences,  toutes  les  généralités, 
toutes  ces  innombrables  chaînes  d'agents  et 
d'effet?,  qui  font  de  l'univers  un  «^eul  tout 
et  nous  conduisent  à  une  première  cause 
qu'on  ne  peut  rejeter  sans  fermer  les  yeux 
à  la  lumière. 

S'agit-il  des  sciences  physiques^-  qui,  non 
contentes  d'étudier  les  œuvres  matérielles 
de  la  création,  d'en  observer  les  phénomè- 
nes, d'en  examiner  les  rapports  et  les  res- 


semblanees,  doivent  aussi  les  rameec!  sons 
certaines  lois  et  sous  certains  priacipe^?  li- 
mais ceux  qui  s'en  occupent  ne  sont  meil- 
leurs observateurs  et  ne  se  rendent  plus 
utiles,  jamais  ils  n'appellent  sur  leurs  tn* 
vaux  un  intérêt  plus  vif  et  plus  duriblp, 
que  quand  ils  nous  en  parlent  avec  on  cour 
religieusement  ému. 

Est-il  Question  de  la  chronoiogiet C^A 
dans  les  écrits  de  Moïse  qu'elles  irouféiei 
premières  dates  certaines.  £i  sans  ce^\é^ 
divinement  inspiré,  elle  se  serait  éganfe. 
peut-être,  avec  les  Chaldéens^  les  Eaffttm 
et  les  Chinois  dans  ce  nombre  inraicoiibl? 
de  siècles  inventés  dont,  comme  on  Ta  situes 
dit,  le  temps  nest  pas  le  père. 

S'agit-il  de  Vhistoire f  Cofùmeni^ujn)» 
secours  de  la  Bible,  eût-elle  pu  découvnrlj 
vérité  dans  les  brillantes  fictions  de  laiST* 
thologie,  et  à  travers  les  profondes  téoèhrd 
qui  enveloppent  les  temps  fabuleux. 

S'agit-il  de  \a  jurisorudence  et  de  râmilià- 
ration  des  mœurs?  Que  Ton  |iarGoare  (oa> 
les  traités  publiés  |)ar  les  écrivains  aociefli 
et  modernes  sur  ces  sujets  si  importants  et 
si  intimement  liés  au  bonheur  stilipros- 
nérité  des  peuples;  et  au*oa  nous  èsest 
l'on  pourrait  trouver  ailleurs  ouedans  l*£- 
vau^ile  les  meilleurs  |>rincipes  de  Iteistet'iMi, 
la  plus  forte  sanction  des  lois  et  les  subli- 
mes  préceptes  d'une  morale  toujours  xm^ 
priée  à  la  nature  et  à  la  destination  de  1  hOB- 
me?  c  Choje  admirable I  s'écrie  à  cette  occa> 
sion  Montesquieu ,  la  religion  chrétienne, 

3 ni  ne  semhlb  avoir  d'objet  que  la  félidi^ 
e  l'autre  vie ,  fait  encore  nrUre  l)on\tt&* 
dans  celle-ci...  £t  nous  lui  devons  dac»  l^ 
gouvernement  Uci  certain  droit  politique^  c 
dans  la  guerre  un  certain  droit  de^  |9» 
que  la  nature  humaine  ne  saurait  assez  ?t- 
connaître.  » 

S  agit-il  enGn  de  la  xivilUaiitm  sans  la- 
quelle il  n'y  a  point  de  sciences?  Rappelua^ 
nous  ce  qu  étaient,  sou<  le  paganisme,  y 
habitants  des  Gaules  etdes  Iles'Briianniûn 
Voyez  nos  ancêtres  immolant  de  mauirv 
reux  captifs  sur  les  autels  des  faux  dicLi. 
et  se  faisant  remarquer  par  leur  paresse  n 
leur  inaptitude  aux  arts  de  la  Tîe  driie. 
tellement  (ju*au  rapport  de  Tacite»  Vintrt^ 
Gallorum  était  passée  en  proverbe.  Yo/r. 
aussi  ces  Bretons^  dont  Cicéroa»  dans  • 
lettres  à  Atticus,  disait  qu'on  ne  devait  |u 
s*attendre  à  trouver  [larmi  eux  des  esclf«e» 
bien  propres  au  servire,  parce  qu^î la  éia«i- 
un  peuple  grossier  et  sans  aucane  ccp6j 
de  culture;  au  point  que,  quand   A^^nm 
les  eut  subjugués ,  ses  soldats  dareni  ^ 
montrer  à  se  construire  des  maisons  t^^ 
temples  :  «  hortari  privaHm^  me^uvan  ^ 
bticOf  ut  templa^  fora^  domus  e.x4ru0^i 
laudando  promptos  et  cmstiganSo  Msfm  » 
Après  avoir  contemplé  cetfauoiiiîani  cableM. 
voyez  à  cette  heure  les  desceodnnfs  de  ^^ 
mêmes  peuples,  vous  les  trouvez  iiartcat* 
à  un  tel  degré  d'activité^  d'iostrudion,  •r 
goût  et  d'industrie  qu  auçone  oaUon  na  ^ 
sur|)asse  :  voilà  les  fruits  de  ce  chrâslian  ' 
me  qui  a  porté  coustammeot  irec  loi^  fi*' 


f2S5 


sa 


DICTIONNAlKC  APOLOGKTIQUE. 


SCI 


199$ 


tout  où  il  a  pénétré,  les  arts»  les  sciences  et 
les  mœurs. 

Qu  on  ne  croie  pas,  du  reste,  que  ce  aue 
l'Evangile  a  fait  pour  retirer  TEurope  de ri- 
.-norance  et  de  la  barlKirie,  il  y  a  nr^s  de 
piînze  siècles,  il  ne  puisse  plus  le  faire  au- 
;ôurd*bui,  comme  le  j)ré(enJent  ces  hardis 
faiseurs  de  systèmes,  (]ui  vont  en  tout  lieu 
répétant  :  cque  le  christianisme  a  fait  son 
•  temps  et  rempli  sa  mission,  qn*il  est  tom* 
«  hé  pour  ne  plus  renaître,  parce  qu'on  ne 
«  ressQScite  point  le  passé.  »  Pendant  que 
fi^norance  et  Timpiété  formulent  leurs  blas- 
\)>^ièmes  impuissants,  le  christianisme  pour- 
suit glorieusement  sa  carrière,  et  n*en  con- 
tinue pas  moins  son  œuvre  régénératrice 
chez  vingt  peuples  divers;  ainsi,  que  les 
rents  orageux  soufflent  avec  furie,  que  les 
(empètes  se  déchaînent,  il  n'y  a  rien  à  crain- 
Jre  pour  lui,  et  Ton  doit  compter  pour  rien 
t-,  projets ,  les  menaces,  les  conjectures  de 
«»>$  ennemis  :  depnis  dix-huit  siècles  ils  ont 
-té  confondus  :  on  peut  assurer  qu'ils  le  se- 
ont  enc/>re,  parce  qu'on  peut  croire  à  la 
>arole  de  celui  qui  a  dit  :  Enseignez  toutes 
es  nations,  et  voici  aue  je  suis  avec  vous, 
ous  les  jours,  jusqu'à  la  fin  des  âges  (1315). 

Il  me  reste  à  prouver  que  les  sciences 
•rnJent  hommage  à  la  religion  en  retour  des 
^  rvices  qu'elles  en  reçoivent.  Si  je  parviens 

démontrer,  par  des  faits  incontestables, 
;  j'à  cet  égard  encore  on  voit  régner  entre 
a  religion  et  les  sciences  la  plus  parfaite 
'i^rmonie,  ne  sera-ce  pas,  pour  la  révéla- 
ion  divine,  un  nouveau  titre  pour  com- 
i;au'ler  le  respect  et  mériter  la  confiance  de 
•105  les  esprits? 

En  entrant  dans  le  développement  de  cette 
^eronde  idée ,  je  ne  dois  pas  dissimuler  une 
•■  jection  qu'on  ne  manquera  pas  de  me  faire, 

est  qu'on  a  vu  des  hommes  distingués  par 
"ur  sa voi  r  se  constituer  les  ennemis  déclarés 
ii"  la  religion,  et  n'employer  leur  talent  qu'à 
j  décrier  et  à  la  combattre.  Je  conviendrai 
ans  difficnhé  de  ce  fait,  quelque  affligeant 
u*il  puisse  être,  comme  je  conviens  que 
iielques  personnes ,  aussi  pieuses  que  peu 
ilairées,  regardent  mal  à  propos  les  sciences 
'un  œil  déliant  ou  plein  de  mépris.  Uais 
un  de  r«s  exemples  pronre-t-il  donc  plus 
ue  l'autre?  Qui  ne  comprend  que  plusieurs 
Auses  peuvent  concourir  k  faire  d'un  savant 
n  incrédule?  Tantôt  ce  sont  des  passions 
u  cœur  qui  aveuglent  l'esprit  ou  lui  sug- 
èreot  la  manie  des  systèmes  et  la  folle  pré* 
rkmption  de  vouloir  tout  expliçiuer;  tantôt 
e&t  uue  excessive  préoccupation,  une  at- 
'Qtîon  trop  exclusivement  portée  sur  un 
irui  objet ,  qui  inspire ,  pour  tous  les  autres 
bjets  dont  on  ne  s*est  point  occupé,  de 

<:5I5)  Haitk.  ixvin,iO. 

(1316)  Benjamin  Coosiani.  qvi,  comme  il  nous 
apprend  lai-méme  dans  la  lellre  à  M.  H«  cbel  (  Vey. 
ntTEACMiAiiD,  Elmdêê  historii§ues^  préf.,  p.  155;, 

^e  vît  forcé  de  reculer  dans  m  idées  re  i^its«s, 
a  ;>|»pro(ondissan;  les  faits,  en  en  recueillaoi  de 
fute^  parts,  et  en  se  beunant  contre  les  diflieuliés 
<^>  moaibre  qu*ik  opposent  k  rincréJulllé,  t  Ben- 
*'^^  Constant  n*a  pas  ctaînt  Jedire  :  i  Pour  8*é* 


l'indifférence  et  du  dédain;  d  autres  foisc*esl 
rimpossibilité  où  est  Tliommc  d'approfondir 
en  mémo  tr^mps  toutes  les  sciences,  de  sorte 
que,  tout  en  méritant  le  titre  de  tatant  à 
certains  égards,  il  n*en  mérite  pas  moins, 
sous  d'autres  rapports ,  le  reproche  d^ij^o- 
rancCf  et  même  de  ^^mÀ*///,  quand  il  entre- 
prend de  juger  ce  qu'il  ne  connaît  i^as. 

Qu'il  tue  serait  aisé  d'appliquer  ces  sim- 
ples remarques  à  plusieurs  des  corypbéus 
de  la  philosophie  moqueuse  et   anti-reli- 

fpeuse  du  dernier  siècle  I  On  les  regarda 
on^temps  comme  les  suprêmes  arbitres  du 
savoir  et  du  goût,  et  leurs  noms  seuls  fai- 
saient autorité,  au  lieu  que,  dans  notre  siècle, 
beaucoup  plus  positif,  on  apprécie  leur  mé^- 
rite  réel  à  sa  juste  valeur  en  matière  de  re- 
cherches consciencieuses  et  de  solide  érudi- 
tion. Ah  I  si,  à  la  place  de  Vignorance  rela- 
tive et  de  la  frivolui  i\\ï\  les  caractérisèrent 
trop  souvent,  au  jugement  même  de  ceux 
qui  furent  longtemps  leurs  plus  zélés  admi- 
rateurs (1316) ,  ils  avaient  eu  un  savoir  vé- 
ritable avec  de  la  circons[»ection  et  de  Tim- 
partiaiité  ;  si  surtout  ils  eussent  été  attentifs 
a  ne  rien  admettre  que  sur  des  preuves  cer- 
taines, et  à  ne  pas  rejeter  une  vérité  de  fait 
par  cela  seul  qu'ils  la  trouvaient  inexpli- 
cable, eux  aussi,  n'en  doutons  pas,  auraient 
confirmé,  |)ar  leur  exemnle,  cette  assertion 
d'un  grand  liooiuie  qui,  fe  premier,  ramena 
les  sciences  à  Texpérieuce  et  k  Tobservatioii, 
c'est  que,  «  si  un  peu  de  philosophie  con- 
duit à  Tincrédulité,  beaucoup  de  philoso- 
pliie  ramène  à  la  relij^ion  (1317).  » 

En  effet»  que  fait  l astronome^  quand,  à 
l'aide  de  ses  instruments  perfectionnés  et 
de  ses  laborieux  calculs,  il  perce,  pour  ainsi 
dire ,  la  profondeur  des  cieux;  quand  il  dé- 
couvre dans  l'univers  une  grandeur  dont 
l'imagination  est  écrasée;  quand  il  recon- 
naît, avec  une  sorte  d'épouvante,  que  cet 
univers  lui-même  n'est  qu'un  des  univers 
sans  nombre  semés  dans  l'esnace  à  d'ef- 
froyables ilistances?  Ufournità  la  religion  la 
iilus  magnifique  idée  de  la  puissance  et  de 
la  majesté  du  Créateur. 

Que  fait  VanatomitUt  quand  il  expose 
Tordre  si  régulier  qui  règne  dans  tous  nos 
organes ,  les  rapports  délicats  qui  les  lient , 
les  soins  si  ingénieux  qui  en  éloignent  la 
destruction?  Il  nous  peint  arec  une  force 
irrésistible  la  prévoyance  et  la  suprême  sa- 
gesse de  celui  à  qui  nous  devons  tout  ce 
que  nous  sommes. 

Que  fait  le  naturaliêtt^  quand  il  enregistre 
cette  multitude  d'êtres  organisés  dont  la 
terre  est  peuplée  partouts  quand  il  nous 
montre  le  plus  petit  espace  occupé  par  la  vie« 
sous  mille  formes  diverses,  et,  a  chacune 


njer  avec  Voluiie  anx  dépens  d*Eiécbîet  et  d  *  la 
Genèse,  il  faut  réunir  deni  cboaes  qni  rendent  œife 
gaiié  assez  triste,  la  plus  prafoMir  iftiorama  et  la 
fmoliié  la  plus  déplorable.  • 

(1317^  c  Levés  giisins  in  pbilosophia  movare  for« 
tasse  ail  atlieismom,  sed  ptenioies  navitns  ad  reU- 
giiiiiem.'redttcere.  t  (Bago!i,  De  augm^mt,  «cMltnr., 
iib.  I,  n«5,édli.deM.  Bonillet;  Pariai,  4855,  toniel, 
p.  43.) 


\W 


SCI 


DICTIOXNÀIKE  APOLOGETIQUE, 


SCI 


ILhl 


fiA  ces  iorines,  répomlant  des  moyens  de 
conservation  et  de  plaisir?  Il  étale  à  nos 
yeux»  av«cun  diarioe  inexprimable,  tous  les 
trésors  de  la  bonté  divine  envers  l*boiQme. 

Maintenant  donc,  si,  parmi  ces  hommes 
appelés  \^ar  état  ou  (yar  goût  à  étudier  et  à 
décrire  les  merveilles  de  la  création ,  il  s*en 
trouvait  qui  fussent  matérialistes  ou  athées, 
aurait-on  droit  d'en  conclure  que  les  deux 
et  la  terre  n*ont  plus  de  langage ^  et  ne  ra- 
content  plus  la  gloire  de  leur  Créât eur[i3i8)7 
Cela  prouverait  tout  au  plus  qu'il  est  des 
sourds  qui  ne  veulent  pas  entendre,  et  des 
aveugles  volontaires  qui  ne  veulent  pas  voir. 
Nous  pourrions  en  citer  plus  d'un  exemple, 
et  prouver  jusqu'à  Tévidence  que  le  chris- 
tianisme ne  craint  ni  les  lumières  ni  les 
découvertes  njodernes. 

On  sait  que  le  docte  fiailly  (1319)  s*élait 
donné  beaucoup  de  peine  pour  justiûer  la 
chronologie  reculée  des  Indi^^ns,  en  soute- 
nant l'exactitude  et  raulhenticité  de  leurs 
tables  astronomiques.  Ce  système  acquit  en 
France  et  dans  toute  l'Europe  une  grande 
célébrité.  Il  y  a  quarante  ans,  le  savant  pro- 
fesseur Playfair,  l'enseignait  publiquement 
devant  la  société  royale  d'Edimbourg,  et  la 
Revue  de  cette  ville  lui  prêtait  activement 
Tappui  de  toute  son  influence.  Déjà  Pinrré- 
dulité  triomphait,  et  il  semblait  que  la  chro- 
nologie mosaïque  ne  se  relèverait  plus  du 
discrédit  où  elle  était  tombée.  Frivole  et 
passager  triomphe  I  Bientôt  les  Bentley,  les 
Laplacc,  les  Delambre,  refirent  les  calculs 
délia  lly,  et  prouvèrent  qu'il  s'était  trompé, 
en  sorte  qu'il  fut  reconnu  que*ces  ntèmes 
tables  inuiennes,  que  les  bralunines  vou- 
laient faire  remonter  à  vingt  millions  cfaH- 
n/e«,  avaient  été  fabriquées  après  coup,  il 
y  avait  à  peine  huit  siècles. 

Malgré  cette  défaite ,  on  revint  bienlôt  à 
la  charge,  et  ce  fut  principalement  à  Tocca- 
sion  du  fameux  zodiaque  de  Denderah[iS3!0). 
On  se  rappelle  tout  le  parti  gue  Dupuis  et 
ses  disciples  espéraient  en  tirer  pour  ap- 
puyer leurs  rêveries  sur  l'origine  des  cultes 
et  siir  une  prétendue  civilisation  égyptienne 
bien  antérieure  à  Moïse,  et  même  au  dé- 
luge. Leur  hypothèse  occupa  vivement  un 
Srand  nombre  d'esprits.  «  Dans  les  journaux, 
ans  les  salons,  il  n'était  bruit  que  du  zo- 
diaque :  avez-vous  vu  le  zodiaque?  que 
pensez-vous  du  zodiaque?  étaient  des  ques- 
tions auxquelles  on  ne  pouvait  hésiter  de 
répondre,  sous  peine  de  déchoir  du  rang 
iThommë  ou  de  fenime  du  bon  ton ,  puisque 
la  mode,  cette  souveraine  capricieuse ,  si 
puissante  surtout  en  France,  daignait  faire  à 
ùj  monumeât  de  cette  antiquité  Phonncur 

(1518)  Ps.  xn,  1. 

n3f0)  L'un  4tt  8iv«fit«  friiiçAts  vfciiaM  dt  la 
f erreur,  m  I7»5. 

(100)  ¥ay.  fiavmBNs. 

(I3il)  Al.  Tabbé  Gabpto,  E$$ûi  wr  le  9^Uè»Hê mi- 
'ràytgpMqne  de  V.  Cèant^lthn. 

{ï&iAf  »rt>r,  Vii€o.vti,  l*iiblié  Testa,  de  P*D*vEf , 
•de.  Journai  éei  impunis,  18)3  et  IMt. 
•     ffWJ)  MM»  ItovoT  «i  Gau,  LETK0N2VR,  Bec/èercliis 
pùur  senir  à  ^histoire,  eic. 


de  Fadmettre  un  instant  dans  son  variable 
empire  (I3âl).  n  Dans  le  monde  savant  ^ 
trouvèrent  des  iiommes  supértéors  qui  re> 
Grent  aussi  les  calculs  de  Dupuis  et  dn  Sis 
partisans,  et  en  (irouvèrent  fînexactilude 
(1322).  Des  archéologues  et  des  artistes  pnv 
fondement  versés  dans  Tétude  comparatire 
des  monuments  anciens,  s'accordèrent ^né- 
ralement  à  donner  pour  Age  au  zodiajae 
réfKXiuede  la  domination  romaine  en  Eg>|){e 
(1323).  Mais,  quoique  ]%ypolfaè$e  oui  lui 
attribuait  une  antiquité  de  plus  de  sdiianie 
siècles  menaçait  ruine,  on  osait  encoivli 
soutenir,  parfois  même  avec  quelque  ano- 
ta^.;e.  Tout  à  coup  elle  s'est  épanouie  couiu 
un  songe  trompeur!  Sur  le  front  des  temples 
ruinés,  de  lun  desquels  le  zodiaque  oLjfi 
de  tant  de  discussions  avait  été  extrait,  ei 
au  milieu  des  peintures  ni jstérieuses liod 
ces  temples  étaient  ornés,  lesquels  devaiai 
disait-on ,  renfermer  les  premières  confiais* 
sauces  du  monde  encore  enfant ,  W.  le- 
tronne  et  Champollion  ont  lu,  Tun  eofm, 
Tautre  en  hiéroilyphes ,  qu'il  a  entla  readus 
intelligibles  (iSài),  les  titres  et  \e$90ûtsde 
Ptolémée,  de  Gléopâtre,  et  desepperrm 
romains  qui  les  avaient  fait  consirâiR  vers 
le  commencement  de  l'ère  chréûeime.U* 
mais  démonstration  de  )a  vérité  de  la  liUf 
et  de  I  inutilité  des  etforts  de  ceux  quiTit- 
taque  fut-elle  plus  piquante  et  plus  compte 
à  la  fois  (1-225)? 

Et  que  n'j  aurait-il  pas  encore  à  dire  (Je 
tant  d'autres  précieux  enseignements  nu 
mêuie genre  qu  oui  recueillis  les  deux  fiènr 


les  papyrus  de  TE^pte  n'ont  pi  us  de  sccr 'i^' 
On  ne  dira  plus  des  Pyramides  : 

V;ngt  sîècleB  dc6i<Aid«8  dans  réksnwUe  avii, 
Y  6<»ut  sa««  «louvemciit,  saaaiuioièfvet  tans  bt± 

«  Les  muets  séculaires  viennent  de  r. 
prendre  la  parole  dans  leur  d^ert ,  »  a  diu 
a  ce  sujet*  M.  de  Chateauiiriand  (idâfi).  b 
quoi  de  plus  providentiel  que  ces  vi;ii  ic.** 
jiosantes  qui,  après  un  silence  de  trois  aàk 
sixcentsaus,  semblent  sortir  des  vastes  ioao- 
beaux  des  Pharaons  et  du  mUiea  Ues  mvi- 
loppes  des  momies»  tout  exprès  pour  r€fi^ 
hommage  à  la  religion,  en  confiromiki 
récits  de  la  Gefièse  etde  rlExadelUM.  Cha» 
pollion  le  jeune  et  tenorinand  om  tiar^Mvs 
lEgyptedu  nord  an  midi,  ei  leurs  infatigai^ 
explorations  ne  leur  ont  rien  Lait  déttwi* 
qui  remontât  au  delà  de  ré^toquitd^VlKaUi 
Four  les  temps  antérieurs,  ils  n  ont  trou» 
dans  Jes  monumeuts,  cemmo  dahs.Jdaj)Àb& 

(i5â4)  Précis  du  siftlème  kiêrogijfpki^me  éa  m- 
ciens  Egyptiens. 

(13§I5)  CeLUKfta  fils,  Vtighu  mrhemti^  ^ 
•P Ancien  Testameftt,  —  Toir  U  s  oa«ibr«av  atifea» 
consacrés  &  telle  question  diii»  les  Anuto,  fl  fi 
particiirier  U  n*'  57,  tome  TU,  p.  SO,  ^  tf  arv^r 
la  ligure  dé  œ  xodinqme  et  des  liiéniffffîbcs  f«e  f ai 
y  t  hts. 

(!5iH)  Etudes  !tistoriqu€S,  Pr^f. 


I 


»9 


SCI 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


SCI 


I39(| 


9edes(irtl)ri$et(lesfabies.AiiconlrairR,  tous 
5  do(  nments  qu'ils  onl  rapportés,  ou  qu'ils 
.lient  d(*jà  explorés  en  Europe  avant  leur 
paft,  ont  démontré  les  récits  de  Moïse, 
i  éciairci  des  passades  regardés  jusqu'ici 
mroe obscurs, ou  sujets  h  contestation.  Cola 
sn(,  Voltaire  ne  demanderait  plus  aujour- 
mi  cninraent  et  sur  quoi  le  législateur  des 
Hireiix  a  pu  écrire  le  Pen (ateuque,  puis({u'on 
la  preuve  que  de  son  temps  on  écrivait  sur 
papyrus.  11  ne  demanderait  plus  comment 
sacrificateur  Hilkila  (Helcias)  put  retrou- 
r,  dans  le  temple  de  Jérusalem ,  après  un 
ier?alle  d'environ  mille  ans,  l'autographe 
h  loi  divine,  parce  que  des  papjrus  et 
s  rentrais  de  l'époque  des  Pharaons  sulî- 
tei)(,  et  sont  lisil>les  encore.  Il  ne  deman- 
rait  plus  comment  Moïse  a  pu  faire  exécu- 
Ninnsledésert  tant  d'objets  d  arts  pour|le  ta- 
rnflWe.pour  les  vases  et  pour  les  vêtements 
ri^s  puisqu'alors  tous  les  arts  florissaient 
Ëi;vp(e,  où  Moïse  en  avait  pris  connais- 
9ce(132':Q.  Il  ne  demanderaitplussi  Esdras 
t  pas  forgé  les  livres  saints  dont  il  forma 
recueil;  car,  si  ces  livres  étaient  l'ouvrage 
rimposture*  comment  aurait-on  pu  falsi- 
r  l'histoire  écrite  et  monumentale  d'Egypte 
iir  la  fiiire  coïncider  avec  eux  dans  une 
lie  de  circonstances  et  de  dates  essea- 
lles? 

)o  a  vu  au  m  ot  Gr&atio?!  ({  Y) ,  comment 
Ciéologief  après  avoir  fait  beaucoup  de 
ni  dans  les  fausses  routes  où  elle  s  était 
^rée,  a  fini  pa  r  se  concilier  naturellement, 
t5 efforts,  sans  systèmes,  avec  le  récit  de 
m, 

^a  travers  dé  toutes  les  altérations  et  de 
ifes  les  métamorphoses  qu'a  subies  la 
rilé  historique  des  temps  primitifs ,  où  se 
nve  caché  le  secret  de  nos  destinées ,  qui 
^frouve  une  satisfaction  profonde  à  re- 
uiaitreque  l'historien  qui  seul  nous  est 
ieuseinent  proposé  comme  contenant  cette 
ité  se  trouve  ainsi  d'une  véracité  à  toute 
euve,  et  oui 'Se  confond  dans  son  inallé* 
le  prolbnueur  avec  la  parole  de  Dieu , 
le  même  parole  qui,  après  avoir  créé  le 
o<Je,  le  raconta  au  premier  homme,  son 
uier  et  plus  bel  ouvrage,  et  lui  révéla  la 

naissance  de  ses  devoirs  et  de  ses  destt- 
sî 

!<i.e  Q)anque*t-il  à  Moïse ,  organe  de  cette 
^le,  pour  obtenir  de  la  raison  la  plus 
^  uue  foi  complète? 
'Sonanliquité  1  11  touche  aux  événements 
il  décrit.  Le  déluge  était  encore  de  son 
ps  un  événement  en  quelque  sorte  domes- 
ledaus  la  famille  d'Abraham  et  de  Noé, 
était  elle-même  la  souche  de  la  famille  du 
re  humain.  Les  temi)S  antérieurs  et  la 
ilinu  se  racontaient  eux-mêmes  par  les 
luuients  d'une  tradition  d'autant  plus 
*  que  la  longévité  des  hommes  permet- 
Aux  enfants  de  vivre  longtemps  avec 

^7;  II.  Eo^èba  Salverie,  fans  trop  ii*iiiqttiéier 

OMrediMÎt  Voltaire,  qui  conteste  a  Uoîse  jui- 

I^art  d'écrire,  représente  le  fili  adoplif  de  ta 

k  Fbaraon,  dans  an  ouvrage  récent,  comme  un 

DlCTtOM!<AlRB  APOLOGÉTIQUES  IL 


leurs  pères,  de  s'identifier  avec  eux,  et  do 
nft  faire  tous  ensemble,  pour  ainsi  dire, 
qu'un  seul  homme  à  qui  le  Créateur  avait 
parlé. —.2*  Son  caractère  et  celui  de  ses 
écrits  1  II  est  le  pontife  de  la  loi  naturelle^ 
et  le  seul  dépositaire  de  la  vérité  morale  dans 
les  temps  anciens.  Aucune  des  passions  bu*» 
maines,  qui  sont  le  ressort  des  grandçsfor- 
tunes,  ne  se  laisse  voir  en  lui  ;  et  ce  n'est 
que  par  des  sacrifices  et  un  désintéressement 
sans  liornesqu'il  se  consacrée  la  sainte  mis- 
sion de  consolider  le  culte  du  vrai  Dieu,  et 
de  perpétuer  les  espérances  du  eenre  hu- 
main.. On  remarque  dans  ses  écrits  une 
simplicité,  une  sobriété,  et  une  noble  as« 
surance,  qui,  comparées  surtout  à  la  gran- 
deur et  à  la  difliculté  du  sujet,  ne  sont  pas  ^ 
de  l'homme,  et  respirent  je  ne  sais  quelle 
majesté  calme  et  divine  qui  émeut  les  plus 
incrédules  et  déconcerte  les  profanateurs. 
-^  3*  Les  fruits  qu'il  a  produits!  Par  lui  a  été 
enfanté  le  plus  grand  de  tous  les  prodiges, 
celui  do  touto  une  nation  résistant  seule, 
durant  tout  le  cours  de  Tantiquité,  è  Ja 
déviation  de  tout  le  genre  humain  vers  l'i- 
dolâtrie, et  qui,  après  avoir  atteint  sa  pre- 
mière destination  en  donnant  au  monde  la 
grande  lumière  de  l'Evangile,  survit  à  tous 
les  peuples  anciens  et  parcourt  tous  les 

Peuples  modernes,  pour  expier  le  crime  de 
avoir  méconnue  elle-même  et  en  faire 
ressortir  partout  la  divinité.  —  k*  Kntîn, 
l'épreuve  qu'il  a  subie  et  la  discussion  dont 
il  a  été  Tobjet  !  Rien  ne  lui  a  manqué  pour 
le  confondre,  s'il  n  eût  été  un  homme  au- 
dessus  des  hommes.  Nous  sommes  les  té- 
moins inattentîfs  du  spectacle  le  plus  ex* 
traordinaire  qui  se  soit  jamais  vu.  Les 
prodiges  de  fe^prit  humain,  le  développe- 
ment rapide  de  toutes  les  connaissances 
exactes,  ont  fait  de  notre  siècle  un  siècle 
géant  par  la  science,  qui  saisit  toutes  les 
vérités  physiques,  embrasse  tout,  pénètre 
tout,  se  fait  rendre  compte  de  tout  dans  ia 
nature,  en  déchire  tous  les  voiles  et  on 
surprend  tous  les  secrets.  Un  vaste  abtme 
d'erreur  etd*ignorance  a  été  franchi  par  lui, 
qui  le  sépare  de  tout  ce  qui  l'avait  précédé: 
eh!  bien,  il  est  une  seule  chose  uu'il  ne 
peut  dépasser,  et  cette  chose  est  la  plus 
ancienne,  c  est  le  récit  de  Moïse.  Non-seu- 
lement toutes  les  critiques  réunies  de  l'es- 
prit humain  ne  peuvent  trouver  ce  récit  en 
défaut,  mais  on  n'a  pas  assez  de  forces,  ce 
semble,  pour  en  saisir  l'immense  vérité. 
Comme  un  monument  gigantesque  qui  se 
trouverait  au  centre  d'une  vaste  forêt,  et 
qui  se  présenterait  toujours,  au  bout  de 
toutes  les  avenues,  la  parole  de  Moïse  se 
trouve  être  le  terme  et  le  dernier  mot  de 
toutes  les  branches  do  la  science  moderne, 
à  son  plus  haut  point  de  développement. 
Chaque  abatis  qui  est  fait  dans  cette  forêt 
d'ignorance  et  d'erreur  ne  fait  que  le  dé- 

géule  supérieur  qui  connaissait  Yuiagf  de  la  p&uitrê 
à  rajion/eic.  Quo  de  eouiradîcitoiis  dam  les  écrits 
dea  adversaires  du  clirlttiaDisne  ! 


Il 


m\ 


SCI 


DICTIONNAIRC  APOLOGETIQUE. 


SCI 


li» 


couvrir  davantage.  De  quelque  c6té  que 
partent  les  apôtres  de  la  science,  physiciens, 
rbimiskes,  astronomes*  naturalistes,  géolo- 
gues, etimographes,  géographes,  archéolo- 
gues, historiens,  voyageurs ,  après  avoir 
iiarcouru  chacun  leur  voie  indépendamment 
les  uns  des  autres,  et  s*ètre  itartagé  Tuni* 
vers  dans  leurs  explorations,  c'est  en  face 
de  la  Genèse  qu'ils  se  rencontrent  tous  ;  c'est 
h  un  mot  écrit  depuis  plus  de  trois  mille 
ans  dans  ce  livr&  mystérieux  que  cliacun 
d'eux  vient  alioutir,  devenant  ainsi,  h  leur 
ÎHsu,  d'apdtres  de  la  science  apôtres  de  ta 
IVeli^ion,  dont  ils  proclament  la  divinité  en 
confessant  l'inspiration  de  son  premier  his- 
torien. C'est  aux  mains  de  ces  nouveaux 
^  imvriêrs  qu'est  confiée  la  reconstruction  de 
cet  édifice  qui  se  prépare,  de  l'édifice  de  la 
foi.  Chacun  taille  sa  pierre  selon  une  forme 
€t  un  dessin  particulier,  sans  connaître  sa 
destination  ultérieure;  mais  le  grand  Ar- 
4;hitectequi  a  conçu  le  plan  général  fait 
(pi'elles  s'ajustent  toutes  à  la  base  première 
et  immuable  que  lui-même  a  posée  de  sa 
propre  main,  cl  qui  régit  (ont  l'ensemble  de 
r-édifioe. 

Et  voyez  la  marche  visible  de  ce  oessein 
|)rovidentiel  1  Naguère  Moïse  était  réputé 
un  imposteur.,  et  la  Genèse  un  conte  fait  pour 
Atiiuser  lenfance  du  monde  :  bientôt  on  dé- 
couvrit peu  k  peu,  et  on  osa  établir  que  son 
récit  n'était  contredit  par  aucun  fait  rigou- 
reusement démontré  de  l'histoire  naturelle; 
puis  on  se  convainquit  de  plus  en  plus  que 
non -seulement  les  sciences  no  le  contre- 
disaient pas,  mais  qu'elles  le  justifiaient 
•ùd  point  en  point  ;  enfin,  le  prodige  de 
<^t  accord  «est  devenu  si  frappant,  qu'on 
n'a  pu  l'expliquer  que  par  l'inspiration  de 
Moïse,  et  que  c'est  lui  à  son  tour  qui  est  de- 
venu le  régulateur  et  comme  le  patriarche 
des  sciences. 

C'est  à  cette  grande  vérité  que  les  sciences 
Tendent  de  plus  en  plus  hommage. 

«  Aucun  monument,  soit  historique,  soit 
astronomique,  n'a  pu  prouver  que  les  li- 
vres de  Moïse  fussent  faux;  mais  au  con- 
traire, ils  sont  d'accord  de  la  manière  la 
plus  remarquable  avec  les  résultats  obtenus 
par  les  plus  savants  philologues  et  les  plus 
profonds  géomètres  (l328j. 

«  S'il  est  aujourd'hui  une  vérité  généra- 
lement sentie,  c'est  que  le  progrès  des  con- 
uaissances  positives  a  tout  h  fait  éloigné  de 
nous  -cet  esprit  prétendu  philosophique 
dont  on  foit  encore,  en  certains  iieux^  tant 
d'état.  Quel  est  mait\''«nAiit  le  géologue  qui 
ne  sourirait  de  pitié  aux  argumentations  de 

(1^28)  Balbi,  Àttai  etimographique  du  globe,  l'« 
i.appem. 
(1529)  FcHussAC,  Bullelin  universel  des  seieuces, 

I.  X,  II"  J57. 

(1350)  M.  Cavcht,  Quelques  mots  adressés  aux 
fiê.umes  de  bon  sens;  1853. 

(1331)  Je  ne  pense  pas  que  ce  soil  Calilina  ou 
Spariaciis,  ni  même  les  meurtriers  de  César,  p»s 
plus  que  les  partisans  de  Marius  et  de  Sytla  ou 
d  s  iritiinvirs,  qui  aie  <t  éië  des  mystiques. 

(f  33^)  Je  ne  partage  point  la  prisée  de  ceux  qui 


Voltaire  contre  la  Genèse?  Voit-oa  de  nm 
jours  paraître  une  seule  dissertation  cnns- 
posée  dans  cet  esprit  fmr  un  écrivain  jouis- 
sant du  moindre  crédit  parmi  les  sa* 
vants  (1329).  ^ 

«  Cultivez  avec  ardeur  les  scienees  ^ 
traites  et  les  sciences  |natureUes,  »  disait  un 
des  plus  habiles  interprètes  de  ceHes-ci  eo 
s'adressant  à  ses  collègues,  «  décomposez 
la  matière,  dévoilez  à  nos  regards  surpris 
les  merveilles  de  la  nature,  explorez,  s*ilfe 

{leut,  toutes  les  parties  de  cet  noivers; 
oui  liez  ensuite  les  annales  des  nations,  1» 
histoires  des  anciens  peuples  ;  consaltez,  su 
toute  la  surface  du  globe»  les  vieux  monu- 
ments des  siècles  passés  :  loin  d'être  alannt 
de  ces  recherches,  je  les  encouragerai  de  me» 
efforts  et  de  mes  vœux.  Je  ne  craindrai  \i^ 
que  la  vérité  se  trotive  en  contradiction âf^ 
elle-même,  ni  que  les  faits,  les  dociiroefii5 
par. vous  recueillis,  puissent  jamais  n^èlre 
pas  d'accord  avec  nos  livres  sacrés  (13dOj.  s 

in- 

Le  christianisme  a-t-il  nui  au  di';ve]oppemefiC  âesemiàh 
sances  humaines?»  BéAitalion  des  crrevndêÊL  LÈn, 
■*-  Eitrails  de  son  Histoire  des  sâenm  «tflàMib- 
QueSf  etc.  —  l^assages  sur  le  moyen  i|^t«fMMtfr 
Morceaux  qui  semblaient  promettre  une  if9rtcbl»tt 
plus  juste  et  plus  généreuse.  —  l>n  mot  sarles\Aic^ 
tèques  ccciûsiàsliques  des  premiers  siècles. 

M.  LioRi  :  c  II  ne  faut  pas  Toir  dans  le 
christianisme  un  fait  isolé  «  ni  la  puissance 
d*un  seul  honinie.   Ce  fut  peut-ôtre  une 
grande  nécessité;  déjà  du  temps  de  sa  rè* 
publi(|ue.  Home  avait  été  éliranlée  pari» 
associations  religieuses  (1331).  Pins  Ui^i, 
lorsque  des  monstres  couronnés  eurent  ré- 
panclu  la  désolation  et  Teffroî   du  Tage  à 
l'Euphrnte,  on  embrassa  avidement  une  re- 
ligion d*égalité  qui  promettait  le  paradis  sut 
malheureux  et  menaçait  les  césnrs.  D*auiîe^ 
sectes  tentèrent  en  vain  de  lutter  contre '^ 
christianisme  ;    ce   n'était  ni   la  subtihlè 
grecque,  ni  les  tours  d'Apollonius  de  T^aoîs 
qui  devaient  accomplir  la  grande  révofuttos. 
Il  n*é(ait  donné  qu*à  des  hommes  non  rof- 
rompus,  accoutumés  par  tradition   au  rasr* 
tyre,  doués  d'une  immense  énergie  etdon^ 
imagination  puissante,  de  pouvoir  sortir 
d'une  écurie  de  Nazareth  (1332),  pour  alUr 
.  s'asseoir  sur  le  trône  impérial.  Cette  reK 
gion,  qui  devait  remuer  si  fortement  M 
monde ,  fut,  dès  l'origine»  ennemie  de  b 
science...  La  lecture  même  des  anciens  al^ 
leurs  fut  défendue  aux  chrétiens  :  elle»' 
fut  j)eruiise  qu*à  ceux  qui  voulaient  ren- 
baltre  le  paganisme,  et  à  ceux  qui  cfctf 
chaient  (chose  inconcevable),  dans  les  écfv 

Terraient  ici  un  reionr  au  style  T0ÎUîrî«i  po^f^ 
coï.ser  le  berceau  du  cbrlstianisMie.  M.  Lit<na^ 
parait  h'Op  grave  pour  a\oir  S'uifé  à  s^aroirr  é'sm^ 
pauvres  moyens  :  a»«is  il  est  lialirn.  et  dan»  saka^ 
gue  inaternêlie  le  mot  staiia  signifie  égaleflw*»C  ^n^r 
el  écurie.  Quant  à  ^azare^k,  cV*l  iUikIéim  <»'i» 
fallait  dire  :  nouvelle  preuve  <  ntre  mille  que  ^ 
iionimes  les  plus  instruits  se  donneul  la  libetif  4* 
iraitrT  de  la  religion  sans  avoir  pris  •»  peine  4e« 
cuntialire  les  cnseignemenis  ks  \A\\s  coiMoiitH^ 


1293 


SCI 


MCTiONN.\ni£  APOLOGETIQUE. 


SCI 


1294 


rains  grecs  et  romains^  des  prédictions  de 
l'arrîTée  du  Messie.  Aussi,  dans  les  premiers 
Môf  les  de  relise,  on  ne  rencontre  pas  un 
(eu!  chrétien  qui  ail  laissé  un  nom  dans  les 
iciences  (1333^.  * 

Ici  rient  une  citation  de  M.  Letronne,  que 
ions  avons  examinée,  Voj^,  CosMOCRAraiE. 
tf.  Lihri  continue  : 

«  Sans  rarrivée  des  barbares,  on  ne  sau- 
ait  conccTOir  comment  TEurope  serait  sor» 
iede  letat  d'abrutissement  où  Tavait  pion- 
;ée  là  corruption  des  mœurs,  une  ignoble 
}ranoie»  et  l'action  d'une  religion  qui  ab- 
nrlwiit  toutes  les  forces  sociales.  La  nullité 
4?s  B^'santins(133&)  oui,  sans  aroir  subi  au- 
une  invasion,  et  malgré  les  trésors  littéral- 
es hérités  de  leursfpères,  dégénérèrent  sans 
esse  sous  l'influence  du  cliristianîsme,  nous 
lit  prévoir  quel  aurait  été  le  sort  de  1  occi- 
eal  si  la  sauvage  énergie  de  ses  nouveaux 
ooqaérants  n'y  eût  pas  retrempé  le  sang 
urrompu  des  Romains...  Rome  n'attira  plus 
ambition^  des  savants,  et,  livrée  k  la  toule- 
uissanee  ecclésiastique,  elle  yit  disparaître 
eu  à  peu  ce  au'on  appelait  les  lettres  pro- 
ma.  Une  religion  qui,  étant  encore  au 
erceao,  avait  autorisé  un  auto-da-fé  litté- 
life  fi 335),  et  qui  admettait  le  dogme  de  la 
f^ériération  morale  de  l'homme,  ne  devait 
1  croire  aux  progrès  de  Tcsprit  humain, 
i  les  encourager;  elle  devait,  au' contraire, 
raiodre  les  idées  nouvelles.  D'ailleurs,  les 
ersécutions  dont  les  chrétiens  avaient  été 

loogtemps  l'objet,  l'intolérance  même  de 
ilien,  qui  leur  défendit  Tétude  des  lettres, 
sTiit  les  porter  k  hair  éi^lement  les  païens 
t  leurs  écrits.  Les  successeurs  du  grand 
loslat  se  cbai^èreut  d'assouvir  cette  bai- 
e...  (1336J.  • 

«En  occident,  les  guerres  civiles EnGn 

s  canons  de  l'Eglise  qui  défendaient  la 
ctare  des  livres  païens;  toutes  ces  causes 
nuies  pré|»arèrcnl  les  ténèbres  dans  les- 
ledes  se  trouvait  plongée  l'Italie  lorsque 
rirèrent  les  Gotbs,  oui,  selon  l'expression 
an  illustre  historien  (Gibbon),  furent  moins 
lisibles  aux  lettres  que  ne  le  fut  l'établis- 

!lo35i  Higi,  des  seiences  imuA.,  p.  65-67. 
(1054)  M.  LîbrI  ignore  poutélre  qoe  Jésus-Cbritt 
lit  :  Qui  non  est  meeum  contra  me  est  ;  et  c»mnie 
*  B%zantias  furent  le  pins  souveol  séparés  de  VEr 
se  de  Jésus-Ctiri»t,  Il  n>  avait  point  lieu  k  les  ci- 
'  pour  oMMléles  de  riiifluenoe  du  cliristianisme. 
i^  iomme  Teotendait  saint  Jérôme  écrivant  au 
^  saiul  Damase  :  c  Q aicumque  tecom  non  colli* 
.  spargil  :  hoc  est  ^i  Chrigti  non  est,  antichristi 

;lô3S)  On  cite  Ici  le  fait  rapporté  dans  les  Actes 
(  apàtres^  xix,  \9.  o6.  du  reste,  il  n*est  point  dit 
looi  que  saint  Paul  sit  conseillé  l'au-to-dafé  en 
^tion,  mais  où  la  conduite  de  ceux  qui  vinrent 
lir  publiquenienl  leurs  livres  est  rapporté.: 
■ime  leiTt  spanUné  d'une  ferveur  soudaine. 
HiUfz  que,  selon  des  auteurs  trés-zraves,  indiqués 
r  M.  Libri  lui-même,  le  teite  paiie  de  livres  sur 
magie ,  et  que  notre  auteur,  qui  s*oppose  ici 
369)  à  ce  qu'on  les  brûle,  ava  t  indiqué  plus 
n  ip.  65)  rétode  de  la  magie  comme  funeste  aux 
hercbes  scientifiques  dont  il  fait  Thistoire.  En 
le  que  Vauto-da-fé  littéraire  d'Eplièse  eûtclépré- 


sement  du  christianisme  (1^7),  b  etc.,  etc. 
«  Après  la  mort  de  Charlemagne... ,  les 
écoles  furent  fermées  ou  négligées;  on  ou- 
blia les  sciences  et  la  philosophie  des  an- 
ciens sans  y  rien  substituer.  L'ignorance 
dans  les  arts  fut  extrême;  les  livres  devin- 
rent de  plus  en  plus  rares;  on  laissa  périr 
les  plus  importants  sans  les  copier,  et  on 
ne  s'attacha  qu'à  la  conservation  des  ou- 
vragesascétiques,  comme  le  prouvent  (1338) 
les  manuscrits  de  cette  époqne  qui  nous 
sont  restés.  Un  problème  remarquable,  et 
qui  mériterai!  toute  l'attention  dies  histo- 
riens, c'est  celui  de  rechercher  pourquoi 
les  plus  épaiâi^es  ténèbres  n'arrivèrent  pas 
en  Europe  avec  la  grande  invasion  des  bar- 
bares, et  pourquoi  elles  n*en  furent  pas  la 
suite  immédiate.  Ce  fut  seulement  après  que 
Charlemagne  eut  dompté  les  Saxons,  re- 

{moussé  les  Mores  d'&spagae,  rendu  l'éclat  à 
'Eglise  et  réubli  l'empire  d'occident,  que 
l'Eurofie  tomba  dans  le  dernier  de^ré  de 
l'abrutissement  (1339).  Cette  question  est 
trop  vaste  pour  que  nous  puissions  la  traiter 
ici  ;  mais  on  doit  jremarquer  qu'après  Char- 
lemagne, l'ignorance  augmenta  avec  l'agran- 
dissement de  la  féodalité  et  du  [louvoir  des 
pontifes...  (1340).  » 

«  ...  Les  successeurs  de  Charlemagne  es- 
sayèrent de  relever  le  royaume  d Italie; 
mais  comment  rendre  l'unité  k  cette  aggio» 
méralion  de  Franks,  d'Allemands,  de  Gotbs, 
de  Lombards,  de  Grecs  et  de  Sarrasins,  agi- 
tés à  la  fois  par  les  discordes  civiles  et  par 
Tambicion  papale?  Pendant  qoe  les  débris  de 
tous  ces  peuples  se  déchiraient  entre  eux, 
les  prêtres,  voulant  que  toutes  les  fiicultés 
de  l'homme  fussent  exclusivement  appli- 
quées au  triomphe  de  l'Eglise,  s'opposaient 
au  libre  développement  de  rintelligence. 
On  sait  que  Gui  d'Arrezzo  fut  récompensé 

Br  une  persécution  de  la  découverte  qui 
it  la  base  de  la  musique  moderne  (I3il). 
En  ouvrant  les  Annales  ecclésiastiques,  on 
y  voit  les  maux  qu'eurent  à  souffrir  lesvir 
gilistes  (13ikâ),  accusés  surtout  d'être  trop 
enthousiastes  du  grand  poète,  qui  plusd  une 

cisément  un  avantage  pour   les    scfcnces  physi- 
ques. 

(1336)  P.  6709. 

(1337)  P.  71-73.  Toyez  encore,  par  ci.,  p.  IM, 
187. 

(1338)  i*espère  montrer  qu'ils  prentent  tout  le 
contraire. 

(t339)  Ici  ranleur  met  une  note  qui  semble  prou 
ver  que  rabrutissemenl  ne  fol  poiiit  cmaplrt  du 
tout.  Je  le  recoimais  là  scutenieut;  il  éiuit  liaineux 
dans  le  texte,  tuais  le  savant  se  fait  jour  dans  la 
Dole  il  travers  ses  propres  prrjng'is.  | 

(I3i0)  P.  90  91.  r 

(1311)  Ceux  qui  savent  cela  ne  seront  pas  »ans 
doute  leslés  en  chemin,  cl,  passant  oatre,  ils  n'au- 
ront pas  manqué  cTapprendre  aiis>i  que,  p  lur  quel- 
ques querelles  de  e.>uveut,  où  il  se  po  irralt  bien  que 
sa  sagacité  musicale  ne  V*  ût  pas  dispensé  de  cer- 
tains travers  de  ciractére,  (lui  reçut  en  dédomma« 
gement  les  bonnes  gricrs  ilu  Pap',  ï  Taîde  de  qwri 
il  rentra  en  bonne  intelligence  avec  sa  commn* 
nauté. 

(I5li)  Si  TOUS  ouvrez  les  Annates  ecctétiastiqnes 


IMS 


SCI 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


SCI 


1^ 


fois  porta  malhenr  à  ses  admirateurs.  Il  j 
avait  sans  doute  au  fond  du  cloître  des  moi- 
nes qui  se  vouaient  à  l'étude;  mais  leur 
talent»  consacré  à  des  controverses  religieu- 
ses et  à  la  lecture  des  Pères  de  TEglise,  était 
perdu  pour  les  sciences.  On  formait  des 
Libliotliëques ,  il  est  vrai,  mais  elles  se 
composaient  presque  uniquement  (1343)  de 
livres  ascétiques  (13U),  »  etc.,  etc 

Vous  croiriez  parfois,  en  lisant  ces  tira- 
des, avoir  rencontré  une  de  ces  plumes 
subjuguées  par  des  opinions  d*école  qu'on 
adopte  toutes  faites,  pour  ne  se  obarçer  que 
iVy  mettre  la  forme.  Que  vous  dirai-je?  j'ai 
lu  Touvrage  do  M.  Libri,  et  j'admire  corn- 
iiient  il  a  pu  se  faire  qu'un  homme  vraiment 
instruit,  qu'un  homme  d'un  caractère  indé- 
pendant, qu'un  homme  à  pensées  nobles, 
ait  été  fasciné  à  ce  point,  et  comme  érudit, 
-et  comme  penseur,  et  comme  appréciateur 
<ies  grandes  choses.  Auriez*vous  eu  \a  pen- 
sée de.reconnaitrc,  dans  ces  saillies  d  hu- 
meur, l'âme  qui  a  dicté  le  morceau  suivant, 
par  exemple?  «  Si  j*ai  su  rendre  dans  cet 
ouvrage  les  impressions  que  j'ai  éprouvées, 
on  sentira  que  rien  n*est  plus  injuste  que  ce 
mépris  que  l'on  affecte  pour  la  science  im- 
parfaite de  nos  aïeux.  Sans  leurs  essais  nous 
serions  encore  dans  l'ignorance;  et  peut  être 
<e  savoir  dont  nous  sommes  si  fiers,  est-il 
destiné  à  exciter  bientôt  un  sourire  de  pitié 
chez  une  postérité  injuste  à  son  tour.  Ni  les 
hommes,  ni  les  nations  ne  sauraient  mé- 
priser leur  propre  enfance,  et  il  faut  ique 
les  plus  puissantes  et  les  plus  glorieuses 
•n'oublient  pas  qu*elles  auront  aussi  leur 
vieillesse.  Tous  les  siècles,  comme  tous  les 
peuples,  contribuent  aux  destinées  de  Thu- 
manité  :  il  y  en  a  eu  de  plus  obscurs,  de 
plus  malheureux,  mais  c'est  un  motif  pour 

à  l^ndroit  indigne  (Baroiiius,  éd.  de  Lucqties,  tume 
XVI,  p.  400,  au.  mm.  1000),  vous  trouverez  ceci 
<exlr3ii  lies  ciironii|ues  de  Glaber)  :  f  Quidam  Vil- 
liardus  diaus,  sludio  ariis  graiuiiaalic<e  magis  assi- 
uuus  quani  frequens,  siciit  Ualis  nios  aemper  fuit 
i\Tieii  oegligere  esteras,  illam  Rectari  ;  is,  quum  ex 
sc.ientia  suac  arOscœpisseï  inflalus  superbia  sluUior 
ap|*arere,  quadain  nocle  assunipsere  dxinoiics  poe- 
iHruin  species,  Yirgilii  et  Uoratii  aique  Juvcnalis  : 
;it»pareiit(  sque  illî,  ra!lac<  s  reiuleruul  grates  quo- 
main  siioruin  dicta  ^oluininum  cliarius  amiilecteni 
4  tercerei...  promiseruDl  ci  insuper  snae  glori;^  po^i- 
iiiuduiD  fore  parlicipem.  Hisque  dicmoiuim  fallaciis 
dcpravalus,  cœpit  multa  turgide  docere.fideî  sacrœ 
iont  r  aria  ^  die  laque  poelarnm  per  omnia  esse  credenda 
ajiserebaL  Ad  ulliinum  vero  Lacrtlicus  e&i  reperius, 
atqiie  a  pontifier  Ipslus  urbîs  (Ravciiiui}]  Peli  u  daiu- 
nains.  >  D*uù  il  coii8ie  qu*un  pauvre  grautinairieii  à 
qui  ropiniâirelé  de  i*étude  avait  brouillé  U  ceiv»^Ut% 
se  fil  condamner  pour  avoir  préu  nJu  trouver  des 
articles  de  fui  dans  le$  paroles  de  Virgile,  d*iiurace 
et  d  f  Ju  éiial.  Y  a-t  il  la  rien  de  coucluaui  sur  les 
rigtuMirs  de  TËglise  contre  les  classiques  ?  Encore 
ne  dit-on  pas  s*il  fut  condainiié  à  autre  ctiose  qu'aux 
Petl.cs-Muisoiis. 

Il  est  vrai  qu^on  a  condamné  au  moyen  âge  la 
manie  de  ti«er  la  bonne  a  eature  dans  Virgile  et 
dans  iloméie,  coutume  furt  ancienne,  du  reste,  e* 
anléiienre  au  christianisme;  mais  on  ne  lit  pas  plu. 
d*boiUienr  à  lu  Bit'le,  puisque  les  conciles  réprouvè- 
rent égalnuieiit  la  prali.|ue  de  chercli.r  des  pro- 


ies  plaindre  ;  et    non  pas  ooor  les  mé- 
priser. 

«  Et  d'ailleurs,  sommes-nous  sûrs  de  va- 
loir en  tout  mieux  que  nos  anrêtres?  on  le 
proclame  sans  cesse,  mais  moi  je  n'oserais 
pas  l'allirmer.  Tout  ce  qui  est  nouveau  n'est 
jias  un  perfectionnement  :  sourent  «!e  n'est 
qu'un  retour  vers  les  choses  déjà  onMiées; 
et  puis,  à  présent,  nous  changeons  si  viteea 
tout,  nous  passons  si  brusquement  d'usé 
extrémité  à  l'autre,  que,  par  cette contlnoeDe 
mobilité,  nous  donnons  un  démenti  conti» 
nuel  à  nos  prétentions.  Que  dirait-on  si  Toii 
vojait  les  géomètres,  les  astronomes, diaih 
ger  sans  cesse  toutes  leurs  méthodes,  tous 
leurs  systèmes,  et  parootirir  rapidement îi 
cercle  des  opinions  les  plus  opposées?  oi 
dirait  sans  doute  que   les  scieoees  quib 
cultivent  sont  dans  Tenfance.   Que  faui-i. 
donc  penser  de  ces  peuples  qui  se  prt)el«- 
ment    maîtres  en  science  sociale,  et  gui 
changent  à  chaque  instant  de  coustitotioa 
et  de  tendance  politique?  on  flatte  les  na- 
tions  et  les  siècles;  mais  malheoretiseoieAi 
Thomme  semble  avoir  toujours  eu  tes  dé- 
fauts    inséparables  d*une  (grande  et  mih 
énergie ,  ou  les  qualités  qui  accoiB(Ki^t 
des  mœurs  plus  douces,  il  est  vni,mù& 
plus  molles....  D'ailleurs,  dans  desciroiib- 
tances  analogues,  les  mêmes  causes  produi- 
sent encore  les  mêmes  résultats.  Nous  avons 
vu,  dans  le  siècle  des  lumières^  au  centre  dei 
villes  les  plus  |K)licées,  le  i^uple  se  v\tt 
(comme  au  moyen  âge)  sur  les  passants,  et 
les  déchirer  en  lambeaux ,  leur  attnliuatii 
Tapparition  d*une  terrible  épidémie...  Dacs 
uu  autre  continent,  des  nations  qui  pré- 
tendent servir  de  modèle  à  la  vieille  Europe, 
traitent  leurs  semblables  comme  des  bes- 
tiaux,  et  transforment  en  sysfème  la  des- 

nostics  dans  TEcriture  saiQl.\  {Conc,  Agaf.  An  s»i. 
can.  4^.) 

(1543)  A  cet  endroit  une  noie  affirme  que,  m^ 
qu^'iques  rares  exceptions,  les  bibliottiéqiiés  »- 
nastiques  du  moyen  &ge  ne  eonieuaient  qae  de  oi- 
vrages  de  dévotion.  Je  puis  dire  par  autieipaiioa  qti 
mes  recherches  à  ce  sujet  ne  m*oiii  pas  oonduii  t%i 
mêmes  résultais.  I^es  lecteurs  en  jugeroni  qn»! 
nous  en  srrons  venus  à  cet  endroit.  CoatenlGnfiHMni 
pour  le  niouienl  dMndIquer  ce  an*en  ont  pau^é  <ies 
Ijouimes  non  suspects.  LeibuUz  écrit  à  Magl«aLecc!u 
(I.  V,  ép.  14)  sur  le  senlîment  de  Tabbé  de  fUsct. 
qui  prétendait  interdire  Tétudeaux  moines  :  i  Sio 
invaluissel  opinio  nullani  hodie  emdiiîonem  hab^ 
renius.  Constat  enim  Ubroi  et  lilteras  fÊêOHauinr 
rum  ope,  fuisse  cotiser vatas..,  Corbeia  ad  Vtsar|is 
nobis  vicnia,  monachis  doctrina  non  iminu  fi^ 
pietate  prœstantibus  fidei  iiuneu  per  toinmcflO' 
trioitcin  sparsit.  i  Selon  M.  EHeodorf,  sorte  de  o- 
Iholiqueg  prussien  comme  il  y  a  des  catholi^ 
irauçais  {die  KaroHnger  und  aie  Biérarchk  xlr 
Zeit,  1. 1,  c.  4.)  i  Sans  le  clergé,  el  ^pécsala«fl< 
sans  les  moines,  nous  n^aurioos  conservé  m  to 
Pcres  de  rEglisi^,  ni  les  classiques  ;  ils  mU  if*fftttAn 

fuit  de  grandes  choses  pour  les  sdetse^s*  a  (f^** 
liRTKR,  Kirxldkhe  Zusiande  zu  Patsi  Inmocatié^ 
drillen  Zeilen,  L  J,  L  xxi,  c.  7,  iMiitm.  —  HiMh 
Hialory  ofgrcat  Britain  (passim),  écrivaMi  que  HbM 
n'aurait  pas  dû  faire  oublier,  dit  lletreB.; 
ioi\)V.  ISU,  iUU. 


l»7 


SCI 


IHCnONNAmE  APOIXX;£TIQUE. 


SCI 


f2»S 


tnirtton  graJueîle  des  Anciens  maîtres  du 
'À)\.  N*insi]ltoDS  donc  |uis  à  la  mémoire  de 
itos  aïeux  1  » 

ff....  L'histoire  dira  un  jonr  qn'au  foyer 
le  la  civilisation,  aux  portes  de  nos  capi- 
ales,  00  nous  enjoignait  insolemment  d*era- 
loHer  d'un  cimetière  les  ossements  de  nos 
tères  pour  abréger  le  cbeniin  aux  char-' 
viles  des  ronliers.  Elle  dira  aussi  que  dans 
cite  Italie  qui  se  repose  si  volontiers  sur 
fanciens  lauriers,  et  qu'on  accuse  d'être  la 
prre  des  morts,  les  hommes  les  plus  illus- 
rcs  attendent  encore  une  pierre  tumulaire, 
miïis  qu'il  y  a  des  villes  opulentes  où  les 
)éJaiIlcs  et  les  statues  sont  prodiguées  aux 
hantciirsetanx  danseurs.  Elle  dira  surtout 
uaprès  une  lutte  qui  a  soulevé  tous  les 
eupifts  de  l'Europe,  les  champs  où  gisaient 
os  soldats  furent  livrés  h  des  compagnies 
oi  transformèrent  en  entrais  animal  les 
«les  de  ces  vaillantes  cohortes...  Le  cœur 
ondit  au  souvenir  de  ces  profanations  I 
oilà  où  nous  mèno  le  principe  exagéré 
^  Tulilité.  Quelques  épis  sacrilèges  Tem- 
[ïrlcnt  sur  le  respect  que  l'on  doit  aux 
^(jassés,  et  l'on  compte  pour  rien  l'exem- 
tc  et  riutluence  des  honneurs  rendus  à  la 
émoire  des  grands  citoyens.  Je  l'ai  déjà 
t.trop  souvent  rhomme  n*est  considéré 
le  comme  un  animal  de*rapporL  Ce  prin- 
]ie  peut  être  favor^ible  à  ta  production  dans 
s  manufactures  ;  mais  si  on  Tadopte,  il  ne 
udra  plus  demander  ni  grandes  pensées, 
i  grands  sentinients,  ni  grandes  actions  à 
!ui que  Ton  traite  comme  des -brutes,  » 
K  etc.  (13*5). 

Mais  je  ne  me  suis  point  donné  pour 
die  de  faire  l'éloge  de  M.  Libri  ;  loin  de 
iCtsije  fais  la  |)art  de  Téfoge,  c'est  pour 
e  point  comprendre  tout  son  ouvrage  dans 
unjôme  blâme,  ou  plutôt,  car  je  ne  sais 
»lnt  flatter,  pour  prier  qu'on  m'explique 
«nineat  il  peut  arriver  qu'à  une  allure  si 
inche  en  face  des  travers  de  notre  époque, 
associe  une  souplesse  si  docile  aux  pré- 
'éé$  atnibilaires  du  siècle  passé  ;  comment, 
respectueux  pour  nos  pères,  il  les  re- 
çusse cl  les  méconnaît  dès  q^u'il  les  trouve 
sHpIes  de  Jrsus-Chrisl.  Quoi  qu'il  en  soll, 
nons-en  à  l'appréciation  des  griefs  qu'il 
mlaine  si  aigrement,  et  pour  ne  point 
rattre  éviter  les  engagements  sérieux , 
tnmcnçons  par  une  des  charges  les  plus 
aleurousement  articulées.  Les  autres  trou- 
ront  leur  place  successivement,  dût-il  en 
sutter  une  série  d'articles. 

|ISio)  p.  xji,  xiij.  Cfr  p.  64,  xvj,  etc. 
<34«  P.  «60,  tUl.elc. 

1547)  Eusfen ,  Uiët.  eccl,  vu  20.  —  vni,  2.  — 
^io.KiM.  adv.  Rufin^  lib.  lu,  Cfr  Sdiolia.  Ed. 
ttm.;  FrancoL  et  Lips..  16S4,  l.  X,  p.  90.  II. 
0I09.  Script,  eccies.  (Orig.  — •  Painphit.,  etc.)  — 
cçiTm,  De  bwres,  80,  etc.,  etc.  (Voir  au^si  le  mol 
*^othécmre  dans  le  Diclwnnaire  diplomatique  de$ 
»a/<i,  L  XVL) 

1348) Cfr.  AiicuiTi,  Siecel,  ManueU  d^ archéologie 
^liafltfiie.  —  llospuUARUS ,  De  templis  (particu- 
cernent,  De  ortifiiie  et  progrenu  bibliothccarum). 
uiu,  De  bibUotheciê  .  —  Uirgiiam»  De  rccfaîor 


Parmî  les  Chriiieniy  les  moines  surtout,*  et 
en  général  tout  le  mojen  tge,  avaient  comme 
conspiré  Pannibilation  des  chefs-d'œuvre  do 
l'esprit  humain  ;  et  tout  ce  qui  tenait  à  l'E- 
glise procéda  d'une  manière  continue  à  cette 
(Buvre  jusqu'au  xiv*  siècle,  menaçant  les 
classiques  d'une  destruction  totale  ;  faits 
que  l'on  ne  saurait  nier,  attestés  qu'ils  sont 

Sr  d'irréfragables  témoignages  (13M).  — 
ns  nier  ni  prétendre  infirmer  ces  témoi- 
gnages ,  Ije  me  permettrai  de  nier  les  faits 
3u'on  y  veut  trouver,  et  je  recule  si  peu 
evant  les  auteurs  invo(|nés  en  cet  endroit 
|>articulièrement,  que  je  me  propose  bien 
de  puiser  la  réfutation  aux  mêmes  sources. 
Disons  on  mot  d'abord  sur  le  soin  qu'on 
prit  dans  l'Eglise,  dès  Torigine,  pour  for- 
mer des  bibliothèques  i 

Les  plus  anciens  monuments  de  l'histoire 
ecclésiastique  [\fM)  imrtent  déjà  de  biblio- 
thèques et  de  livres  d  étude  réunis  aux  égli- 
ses. Ces  collections  renfermaient  d'abord, 
nécessairement  les  écrits  ecclésiaêtiques  et 
iiiurgiqueSf  tels  que  matricules,  actes  des 
martyrs f  diptyques,  lecitonnaires,  etc.  Puis 
les  textes  et  versions  de  f  Ecriture  sainte,  les 
constitutions  ecclésiastiques,  homéiiss,  caté^ 
ehêses ,  etc.  Eusèbe  et  saint  Jérôme  qui 
avaient  consulté  entre  autres  les  bibliothè- 
ques de  Jérusalem  et  de  Césarée,  nous  ap» 
prennent  qu'il  y  en  avait  de  fotl  importan- 
tes. Ces  témoignages  qui*  ne  remontent 
guère  pkK  haut  que  le  iir  siècle,  se  muitt- 

S  lient  à  mesure  que  la  pai<x  accordée  aux 
dèles  permit  à  ll^glise  de*  remplir  Kbre- 
roentsa  mission.  A  Rome,  à  Constantinople, 
à  Alexandrie ,  des  bttiments  considérables 
près  des  basiliques  furent  consacrés  à  cet 
usage  ;  celle  de  Sainte-Sophie  à  Constanti- 
•nopTe,  fondée  par  Constantin,  et  augmentée 
de  beaucoup  par  Théodose  le  jeune,  renfer- 
mait quelques  cent  mine  volumes  qui  furent 
brûlés  dans  une  sédition  (1348).  A  Rome,, 
saint  Grégoire,  consulté  par  Eulogius,  évè- 
qued'Alexandrie(i349),  lui  répond  que  l'ou- 
vrage demandé  par  lui  tie  se  trouvait  ni 
dans  les  archives  de  ^E^5lise  romaine  (bi- 
bliothèque de  Latran),  m  dans  les  autres 
collections  de  la  ville.  L'Eulise  de  Latrau 
avait  une  bibliothèque  double,  fondée  au 
v  siècle ,  tiar  le  pape  Hilaire  (1350),  et  ii 
était  assez  ordinaire  que  les  églises  eus- 
sent deux  bibliothèques  (1351)  :  Ikine  in- 
térieure, consacrée  aux  livres  ecclésiasti- 
ques on  ascétiques,  et  aux  archives;  Tautro 
extérieure»,  od  se   plaçaient  les  ouvrages 

mm  tchùtis  et  uibltothecit  (t.  111).  —  Beheim,  />î<- 
$ertatio  de  archiviis,  sive  tabulariii  veterum  Chri" 
siianorum,  —  Goetz,  De  cahrtophylacibs$  veteris 
Eccleêiœ  (iiiter  Miêcell.  Bi$t.  crit. ). —Ebert.,  tin- 
cyclop.  d'Ertch  tl  Gruber» 

(1549)  GncGon.,  ep.  8,  29l 

(1550)  A11A8TA8.  itt  Vita  HilariL  Ctr  CàSCtLUtM, 
De  »ecretarii$,  DiêpUsitia  de  Bibliothee. 

(1551)  ^ïLLOVBùs^ProlegomcM  ad  Bomernm,  p.  40; 
ap.  Ueercm,  Cesch.  der  Lilteratur.  \,  (iSI,  83.  C\s 
CEiMERi,  ojK  c.  SyntagfH,,  p.  m,  cb.  4.  —  Petit- 
WkVLL^  tiblioih.,  ft^ZL 


lit» 


SCI 


OICTIO.NNAIIIË  APOLOGETIQUE. 


SCI 


U^tui)o&  profanes  et  de  philosophie.  Je  ne 
saurais  ûi'explic|uer  que  p«r  cette  distinction 
de  bibliotlièques  sacrées  et  profanes  com- 
ment un  homme  aussi  habile  que  If.  Libri 
Eeut  avoir  cru  que  les  catalogues  des  bi- 
iiolbèques  du  mojen  àae  annonçaient  des 
collections  presque  exclusirement  ascéti- 
ques. 

Saint  Pamphile  arait  réuni  h  Césarée  près 
de  trente  mille  volumes,  selon  le  récit  de 
saint  Isidore  (1352)»  et  les  écrits  de  saint 
'Isidore  Jui-méme»  qui  rappellent  Térudition 
d*un  Varron»  montrent  qu  il  avait  pu  dispo- 
ser de  bibliothèques  vraiment  remarquables. 
En  Angleterre ,  les  évèchés  fondés  au  vir 
siè<;le  (Cantorbéry  surtout),  devinrent,  par 
leurs  monaslêris  épiêcopaux  (chapitres,  sé- 
minaires ou  mattrises»  etc.)  de  véritables 
centres  littéraires,  en  flnéme  temps  que  des 
chaires  apostoliques  (1353). 

Dans  1  empire  d*Orient,  qnand  Léon  TAr- 
méiiien  voulut  tenter  la  voie  scientifique 
contre  la  doctrine  catholique  sur  les  saintes 
images»  qui  avait  résisté  à  la  violence  de  ses 
prédécesseurs,  ce  fut  dans  les  églises  et  les 
monastères  qu'il  envoya  faire  des  recher- 
ches (1351^)  pour  réunir»  dans  les  auteurs 
erclésiastic|ues,  des  documents  dont  fbéré- 
sie  pût  tirer  parti  contre  renseignement 
orthodoxe. 

Le  lieu  où  se  déposaient  les  livres  des 
éijlises  faisait  parlie  des  bâtiments  annexés 
à  la  basilique  e!le-méme,  et  désignés  sous 
le  nom  général  de  sacrarium ,  pasiophoria^ 
diarantcum,  etc.  La  bibliothèque  eu  parti- 
culier est  communément  indiquée  par  quel* 
qu'une  des  expressions  suivantes  :  sécréta^ 
rium^  chartilogium^  chartophtfiacium^  char- 
tarium^  charluiarium^  armanum,  archirium 
ou  archivum^tabularium,  tablinum^  irrmium, 
librarium,  grammaiophulaciuw^  etc.  (1355). 

Passons  aux  bibliothèques  du  moyen  âge , 
mais  sans  prétendre  donner  sur  ce  sujet 
autre  chose  qu'une  ébauche.  Un  semblable 
travail  exécuté  tout  de  bon  serait  assuré- 
ment un  important  .service  rendu  à  Thistoiro 
littéraire,  mais  nous  ne  pouvons»  on  le 
comprend,  rentrej)reu«Jre  ici  (1356). 


fl5K2)  IsiDOR.,  Oiigin.,  ti,  65,  ^p.  If^eron,  op.  c. 
(1353)  Heere.i,  op.  c,  1,  05.  Il  ciie  He^irt,  ilktory 
of  Créât  Brilain.,  l.  H,  p.  155,  etc.,  152,  5i0,  et;*. 


\'J» 


flIL 


11354)  Heeker,  0».  <;.,  i,  79. 
I —     -  ■       - 


[1555)  Cfr.  Caucbllicri.  Op.  c.  Syniagm,^  p.  ni, 
ch.  4  et  p.  IV,  ch.  10. 

(1356)  Les  Annalei  de  philosophie  chrétienne  ont 
semé  dans  leur  collection  d*iuiéressan:s  détails 
sur  ce  sujet  (voir  la  table  générale  des  douze  premiers 
volumes  ^  k  la  fin  du.  xii'j  surioul  ea  1830  (l.  1*% 
p.  96,  etc.).  Mais  les  auteurs  de  ces  divers  articles, 
irayaiit  point  en  tète  des  adrersaiies  aussi  ërudits 
Kl  (i*une  bostllité  aussi  prononcée  que  M.  Libri,  n^ont 
pas  pu  se  croire  obligés  à  un  syslénie  d*apologie 
eoniôlet. 

(1357)  Hérodote  consulta  surtout  les  prêtres,  et 
Von  sait  que  sou  lécit  acquiert  chaque  jour  une 
nouvelle  valeur,  k  mesure  que  les  progrès  des  con- 
naissances nous  permettent  de  Tentendre.  Car  les 
faits  eipliquent  les  textes  bien  plus  que  les  testes 
n^apprenncnt  les  faits. 


«.es  églises  et  les  morustères  eurent  des  _  _ 
r48S4^niblée9  avec  une  sollintotle  extr^^ne  ~  rèt? 
bli8(h(H{iies  furent  souvent  Irès-eonsUènJ^lespoirlei^ 
temps.  —  La  forsialion  des  bîblioUièqoe»  n'était  us  m 
luxe  arbitraire,  mais  une  sorte  de  nécetfiHénii  «nm 
d'étendre  par  analogie  les  Wi«pMliMi,HtHriV 
pose  p;r  constîqucnl  aux  ooiicliHi«ii|âiéalN«'ai 
voudrait  inférer  des  faite  njggaliCi  — Indatkn  de  n^ 
qnes-uoes  des  bibliothèques  les  plus  reBwpabla. 

La  religion,  quels  que  fussent  les  ensei^ 
gnemenls  qu*on  lui  allribuât,  a  toison 
paru,  dans  le  fait,  la  gardienne  née  des  coo- 
naissances  humaines.  On  sait  querhisioire 
des  civilisations  nous   montre  d'abord  le 
corps  des  prêtres,  dépositaire  de  la  scien- 
ce (1357)  ;  I  âge  sacerdotal ^  Yépo(fut  rtli^ïm 
est  son  âge  antique  et  primitif,  comme  It 
fait  remarquer  Cuvier,  si  je  ne  me  \tm\)^. 
Aussi,  soit  que  les  plu.s  hautes  occopatiûns 
de  l'esprit  Jiumain  dans  les  choses  profanes 
semblassent  par  leur  élévation  mèmedemir 
occuper  un  rang  voisin  des  vérités  célcsle*, 
qui  aailleurs  ont  rituprescriptible  droit  de 
les  contrôler  pour  ainsi  dire,  et  de  leur  ser- 
vir comme  de  garde-fou  (13S8)  ;  soit, 52  Too 
veut  quelque  chose  de  plus  matériel, quoii 
ait  tout  simplement  cherché  i  dooneriai 
monuments  de  la  science  les  plosgtQ^ 
garanties  de  durée  et  d^assuranccco&lreles 
accidents ,   les  dépôts  scientiGaues  et  Ie& 
documents  d'un  intérêt  général  (1359]  Mil 
communément  cherché  Tasile  du  saoetoairc. 
C'était  dans  les  bâtiojents  des  temples  que 
les  nations  d*autrefois  (13G0),  mais  i^artuu- 
lièrement  tes  rois  d'Egypte  et  les  craivrcuri 
romains,  avaient  rassemblé  des  anhiics 
formé  des  bibliothèques  et  des  licuid'éiuJe 
pour  les  savants. 

Sans  entrer  dans  aucune  des  considért- 
tions  philosophiques  qui  devraient  faire  ju- 

?;er,  antérieurement  à  tout  témoignage»  qnt 
a  religion  véritable  dans  son  plein  derelof- 
pement;  la  religion  de  Jésus-Onrist,  ne  pou* 
vait  manquer  de  projeter  uu  éclatant  rAi 
sur  toutes  les  éludes  dignes  d*occupcc  I'iq- 
tclHgence,  montrons  que  toujours  le  chris- 
tianisme a  répandu  parmi  les  hommes  m 
lumière  aussi  intense  que  le  comporlaieai 
les  circonstances  données.  Ici,  [)our  m'i 
borner  à  des  faits  palpai)les,  bien  qu'ils 

(  !  558)  Je  me  permets  dVm p-iinter  O'itc  eipwssw 
à  un  bnMme  eéicire  dont  le  nom  siirprrad  alm 
peut-être,  si  je  di«»is  i*avoir  entendu  décbr^f^ 
V Eglise  est  le  garde 'fou  de  la  pà  losophie, 

(1359)  Cctaillàsansd/iiute  ccqui  engâgititJmlii<fl 
(N<»v.  8,  rap.  tnç  fra^adoOcco^c  —  No?.  U,  f- '^' 
T.  i)  à  exiger  qu'un  exemptait e  de  ses  lois  fôi  0^ 
serve  dans  le  trésor  de  réglise,  avec  les  raies  s^"^ 
ou  du  moins  parmi  les  meubles  précieox  des  W^^ 

ques  {ht  roïc  à/9x<^<ff*<*)* 

(1360)  Sous  Auguste,  le  temple  d*Apo(IoD  H^^^ 
et  sous  ses  successeurs  le  temple  de  la  Viw 
Capitule.  Déjà  auparavant,  AsiiuuftPoUionsnlii>)y^ 
sa  bibliotiièque  tlans  les  bètimenis  du  temple  ^  ^ 
Liberté.  A  Alexandrie,  le  Senipeam,  à  Aaiioebi'.  * 
temple  de  Tr:»jan  ;  etc.  Voyez  d'antres  exempte  «^^ 
l'ouvrage  de  R  lit  Radel,  intilulé  Rechetcka  m  « 
bibliothèques ,  p.  2,  4,  etc.  —  iL  CiaoLmo  f^ 
Sacre  memorie  di  Bavenna  autica  (Venise,  i^lp 
p.  10.  ^Mabillou,  De  re  diphwntica,  I.-*'* 
TJLWwi,  Viiidinœ,  1. 


§361 


sa 


DICTIONNAIRE  APOLOCETIOlîE* 


SCI 


fSOt 


iieni  été  mes  »  arrèlons-nous  à  faire  Toir 
que  le  clergé  (cest-à-dire  faction  ecclé* 
élastique  eu  quelque  sorte  personiiîliée)  a 
toujours,  dans  les  âges  les  plus  ténébreux  « 
rassemblé  avec  soin»  et  recueilli  a?ec  une 
in&tigable  persévérance  les  instruments  de 
la  science,  les  livres. 

Les  moines ,  en  particulier,  n'avaient  pas 
attendu  pour  s*adonner  à  Tétude  et  réunir 
des  collections  d*oovrages,  que  la  science, 
chassée  de  la  société,  cherchât  son  dernier 
abri  dans  Tenceinte  des  monastères,  La  rè* 
fçle  de  saint  PacAme  (m*  siècle)  entre  dans 
Je  curieux  détails  (1361)  sur  la  distribution 
les  livres  entre  les  solitaires,  sur  leurclassç- 
ineot  dans  la  bibliothèque,  sur  le  soin  qu'en 
levaient  prendre  les  lecteurs  (13fô)  etc.;  et, 
*e  oui  pacalt  supposer  une  quantité  consi- 
»idérable  de  livres,  il  veut  que  deux  reli- 
peux  soient  chargés  de  la  bibliothèque.  On 
16  Je  trouvera  pas  étrange,  si  Ton  songe  que 
ibaqoe  solitaire  devait  avoir  son  livre  de 
ecture,  d*après  la  règle,  et  que  les  monas- 
ères  de  saint  PacAme  étaient  ordinairement 
iiffliés  de  trente  ou  quarante  maisons  babi- 
tes  chacune  p<ir  une  quarantaine  au  moins 
le  religieux  (1363). 

£t  ceiiendant  les  solitaires  d*alors  n*a- 
aient  nullement  pour  objet  de  cultiver  leur 
iprit  par  CCS  études  que  cei;ommandèrent 
taos  la  suite  les  fondateurs  de  plusieurs 
Tdres  :  uniquement  occupés  <le  leur  saiic- 
ifiration  prop/e,  et  rarement  élevés  à  la 
»réinse,  ils  pouvaient  passer  leur  vie  dans 

(13^1)  Cfr.  Il ABILL05»  Eludée  nunuisliqueif  i"  par- 
^  rb.  VI.  Oomme  je  n*aurai  à  citer  que  la  première 
trtie  à-  tsi  ottvrajce,  je  m^abstiendrai  d*en  répéter 
iodiraiioii  déaormais. 

(t3i!2)  Par  exemple ,  la  recommandation  de  ne 
as  les  laisser  ouveiis  en  quiuant  sa  eellale. 

M363)  Mabiluox,  /.'c. 

11364)  Grand  nombre  des  premiers  moines  d'O* 
^*oi  étaient  des  iiommes  simples  ei  sans  lettres» 
)oi  la  nidesse  et  le  fanatisme  parfois  ne  fait  rirn 
i  tout  à  la  profession  monastique  en  elle-méoie. 
us  quant  i  IVmploi  que  lleereu,  entre  aulies 
f'  t.,1. 1,  51)t  fait  de  son  éruditinn  pour  montrer, 
ir  le  témoignage  de  Libanius  (pro  leiiipliê)^  que  ci*s 
(rioes  étaient  des  oisifs  de  professiou  et  dès  eut- 
viéi:,.  c'est  ce  qui  approche  du  comique,  ou  plutôt 
»t  ce  qui  le  dépasse.  Gomment  donc?  est-ce  que 
i  rrclieicbes  des  llÀiédictios  de  Saint-llaur,  tar 
^nple,  et  les  plus  grossières  déclamatioRS  des 
\Henanis  contre  Téfat  monastique  n*ont  pas  élé 
ntempora* nés?  Plaisante  manière d*écrire  Niistoirc, 
e  de  puiser  ses  titres  d^ns  les  |»lus  décidés  calom- 
itrurs!  Mais  c*est  une  loi  de  noire  uaïute  et  vn 
rèi  de  la  Providence',  que  Is  hommes  l'.s  plits 
^anKs  et  les  plus  distingues  ^u  re^te». deviennent 
lome  par  enciiantement  Ks  bomuie^  les  plus  com- 
lAs  et  les  plus  petits,  quand  ils  toml)eiit  sous 
npire  des  pr^og&,  et  surtout  des  préjugés  anti- 

éiiens» 

il36d)  Saint  Augustin  raconte  que  dos  courtisans 

raot,  prés  de  Trêves,  clies  dis  solitaires,  yren- 
loêrent  ta  TÎe  de  saint  Antoine.  (Coiff.,  T.  vni, 

1306)  Ooire  qu*on  vit  plus  d*uAe  fois  des  hommes 
istie&  et  habiles  embrasser,  oomme  saint  Arsène, 
'  exeaiplev  la  vie  cénobitique,  Phistoire  littéraire 
iifiserté  le  nom  et  les  travaux  de  plusieurs  ;>olî- 
rcj  :  ainsi  Ajiianus  oq  Annianus,  moine  d*Egypto^ 


une  sainte  simplicité*  où  la  prière  et  le  tra» 
vail  des  mains  remplissaient  leurs  journées 
et  leur  vie  (i3M).  Hais  Tétiide  de  la  vie 
chrétienne,  toute  restreinte  qu*on  la  suppose», 
et  le  soin  de  se- perfectionner  soi-même, 
pour  exclusif  qu'il  fûtt  ne  pouvaient  être  se* 
parés  de  la  lecture  des  livres  saints*  et  des 
modèles  laissés  par  les  premiers  héros  dn 
christianisme  (iSte).  L*étode  des  maîtres  de 
la  perfection,  des  saints  Pères,  sy  joignait 
naturellement,  et  l'on  voit  qu'à  réduire  ces 
bibliothèques  au  pnr  nécessaire,  on  n'en  a 
pas  moins  un  résultat  vraiment  remarqua* 
Lie,  ne  fût-ce  que  pour  la  qiiantilé.  Si  vous 
laites  réflexion ,  en  outre ,  que  malgré  cet 
état  de  choses  ordinaire,  il  s  en  fallatt  bien 

Î|ue  tous  les  moines  de  ce  temps  fissent  pro- 
ession  d'ignorance  (1366),  vous  imaginerez 
aisément  que  les  écrits  rassemblés  par  l««s 
cénobites  d  alors  pouvaient  se  recommander 
par  quelque  antre  titre  encore  que  |par  ce- 
lui du  nombre. 

Quant  aux  églises  et  au  clergé  sécuTier, 
dont  il  a  été  dit  un  mot  précédemment,  ccr- 
toines  circonstances  y  nécessitaient  et  y  faci* 
I itèrent  la  formation  des  bibliothèques.  Ce- 
tait,  par  exemple,  la  réunion  des  prêtres  de  I» 
cathédrale  en  une  même  communauté  sous^ 
la  conduite  de  i'évêque  (1367)  ;  mais  surtout 
les  écoles,  ordinairement  dépendantes  des 
églises  (1368)  non-seulement  épiscopales,. 
mais  d'un  ordre  inférieur.  Il  serait  hors  de 
propos  de  s'étendre  ici  sur  l'origine  ancienne 
et  l'uni  versalité  -  de  ces  deux  institutions; 

imagina  vers  la  fin  dn  iv*  siéde  oa  au  comm^uct^ 
nent  duiv*,  on  c^cle  semblable  à  ci^lui  qui  prît 
depuis  le  nom  de  \iclor  d*Aquitaine.  (Cfr  losim, 
d.  Bandbuch,  chronolçpt^  t.  Il,  p.  451,  453  et  278. 
—  Stscfxlc,  Chron.^  p.  S5.)  Pour  ce  qui  est  des- 
sciences  plus  spécialement  ecclésiastiques,  il  peut 
suffire  en  ce  moment  de  i  appeler  Isidore  de  Péluse, 
et  avant  lui  les  deui  Macalres  contemporains  de 
saint  Antoine.  D*ailleurs,  bien  que  la  cléncature  ne 
fat  point  nécessairement  unie  a  fétat  monastiqu  *, . 
Il  est  certain  qu^uu  grand  nombre  d^évèqaas  distin  • 
nés  furent  des  lors  choisis  parmi  les  moines.  (Cfr- 
nlgentli  rt/a,cap.  14. — Uabillok,  Op.  c,  cap.  15.V 
(I5(>7)  Les  communautés  ne  chanoines  clans  TE- 


K 


(riise  latine  (monastér<^épisGopjui)  remontent  pi»ur 
le  m<*it  s  au  iv« siècle. Ou  lies  trouve  soussaint  Eusèb^ 
de  VtTceil  (368-370),  sous  saint  Martin  de  Tours 
(571-400),  cl  à  Hippane,  sous  saint  Augustin.  An 
moyen  àsse.  leur  organisation  .fut  réglée  par  Cliro- 
deea  id,  é^èquede  MeU  (7GO-7(j9);  mais  cette  instî*- 
tu:ion  ne  parait  pas  avoir  jamais  cessé  eniièrement, 
depuis  les  exf  mpies  donnes  par  le  iv«  s«éole.  (Cllr 
LiJiGARD,  AniiqniLùflhe  angith-êûxcn  CAarr/i.  cli.  2 et 
pastiin,)  Et  Rubkupt  ainsi  que  Heeren,  conviennent 
que  la  désuétude  de  b  vie  commune  parmi  les  clia* 
noines,  vers  le  xt"  siècle,  eut  une  ineuence  ettré- 
memcNi  f3keheuse  pour  les  études.  (Cfr  Naudi,  De 
Parrochi^  pauim, — Tbomassi?i.  —  Bisterim  —  Fta  - 
BASis.  —  Diaa..  ete.) 

(1568)  L'bistoire  des  écoles  eoelésiastk|uts  et  des 
écoles  cléricales  surtout  n  a  pas  été  traité  %  que  je 
sache, d'une  manière  complète,  qneiqii^l  exisie  dt» 
ouvrages  utiles  sur  ce  sujet.  (Cfr  Thomassuc. — Tuei« 
SES.  —  Joli.  —  Lai  xoi.  —  fUsM.  —  Uuukopf.  — 
Li!«CARn.  —  Meiness.--  Tbiesscu.  —  Savigsv,  clc  , 
passim,)  Mieux  vaut  indiquer  cette  question  impor^ 
tante  que  de  la  traiter  supcrficiclleuiciit. 


^ 


1313 


SCI 


IHCTICK«;iNAlll£  APOLOGETIQUE. 


sa 


i30t 


qu'il  suffise  de  ies  avoir  rappelées  avec  une 
indication  sommaire  des  luonumeuls  qui 
nous  les  atiestent. 

Mais  ce  qui  aurait  pu  n^ètre  d*abord  que 
le  moyen  d'une  pieuse  oecupation,  deTint 
une  nécessité»  lorsqu'après  l'invasion  des 
barbares»  les  églises  et  les  clottres  se  trou* 
irèrentMievenus  le  seul  refuge  des  ouvrages 
de  lauliquité  sacrée  ei  profane.  Le  grand 
Cassiodore  (vi'  siècle)»  malgré  tous  les  soins 
qu'il  se  donnait  |)0ur  civiliser  les  conque* 
rants  de  l'Italie»  avait  bien  compris  que  là 
seulement  èlait  la  semence  d'une  vie  nou- 
velle pour  la  société»  et  tout  en  intéressant 
les  princes  çolhs  |)our  les  restes  de  la  civili- 
sation romaine,  c  était  à  des  solitaires  qu'il 
remettait  le  dépti  de  la  science  mourante 
(1.3G9)  ;  c'était  a  préparer  minutieusement, 
tlâns  Toiubrc  et  le  silence  des  monastères  » 
res  démiurges  du   monde  moderne  »  qu]il 
consacrait  les  derniers  efforts  d'une  main 
accoiitumée  au   gouvernail   de    l'Etat»   et 
d'une  activité  que  u^avait  pu  décourager  la 
chute  de  l'Empire.  En  même  temps,  les  évè* 
qucs  travaillaient  au  même    but  par  des 
moyens   tout  semblables  (1370)  ;  l'unique 
testament   de  saint  Augustin  [kSO]  fut  de 
recommaiMler  à  ses  prêtres  !e  (1371)  soin 
des  livres  qu'il  leur  avait  rassemblés    à 
Hippone;  et  saint  Grégoire  le  Grand  ne 
croyait  point  dérober  à  l'Eglise  des  mo- 
ments trop  précieui»  ni  compromettre  en 
rien  la  dignité  du  vicaire  de  Jésus-Christ  » 
en  s'entremettant  auprès  d'un  officier  pu- 
blic (1372]  pour  faire  restituer  à  un  monas- 
tère des  livres  qui  en  avaient  été  détour- 
nés [596].  Aussi  voit-on  les  missionnaires 
envoyés  par  cet  homme  de  Dieu  dans  la 
Grande-Bretagne    porter  aux   Anglais  le 
flambeau  de  la  scietice  en  même  temps  que 
celui  de  lÎBvangile.  D'anciens  documents 
donnent  >e  détail  des  ouvrages  que  l'Angle- 
terre tenait  de  ses  apôtres  ;  et  ceux  qui  ne 
savent  pas»  ou  ne  veulent  pas  croire  que  le 
christianisme  marche  toujours  accompagné 

(1369)  Gassiodoii.,   De  muêica,  dernières  lignes. 
De  ittiUlut^  divin,  scrifnurarum^  Praef.  —  Prœf. 

md.  libr.  De  ortUo^ra^h^  etc. 

(1370)  Gfr  Fila  Fulqenm,  e.  8^  U,  19,  fi0,27. 

(1371)  PmsiD.  tu  Yit.  S.  Au^Uni^  lib.  viii,  cap. 
11,00.  t.XI»eol.  491. 

(1372)  Grecor.  M.»ep.lO,  U  (éd.  VenetHi768- 
76.  in-4*),  alias  15. 

(l373)LmGAiiD,Aiilii|ttîrî#i,  eh.  i<  — (^Dwir«,  De 
prmsuL  Ahgiiœ  (l743)  p.  41. 

(1374)  (m  peul  déjà  présamer»  par  ce  trait  et  par 
plusîears  aiiui»  qui  se  feaconireront  dans  cet  arti- 
cle, que  ies  bibliotliéques  eedésiastiaiies  ne  ren- 
farmaieiit  pas  seulement  des  livres  de  liiargie  «la 
de  dévotleii.  On  nVu  trouvera  d'exemples  ici  que 
ceai  qui  se  présenteront  d*6ux-mèmes. 

(1375)  LmCARD,  Op*  c,  cb.  4. 

(1376)  Cfr.  Bioffr.  «atv.»  art.  Benoit  (Beunei) 
fiiscop. 

(1377)  LiNGARR,  ch.  lO.— MAMLi.eN,  OfL  e.,  vt,el 
Akh.  Bened.^i.  L-^IIberem,  Geeehuku  derelaMi.%ii' 
teraêitr  im  mitletallerj,  1,  (>5.  —  Bède  parlant  de  son 
qu.itrièttie  veyage  r  t  Ecm  innûmerabilem  librorum 
4  omnis  geueris  copiam  apportasse,  i 

(a)  Oit  AUimus  (Cflr^  Fjueui?.,  ad  Ik  1} 


des  lumières  même  probnes,  ne  nrmi 

Kint  peut-être  sans  quelque  surprise  «(tjc 
n  de  ces  livres  fût  un  Homère  (1373),  dom 
le  manuscrit  était  d'une  beaolé  extrèotc* 
ment  remarquable  (137^). 

Héritiers  de  Tesprit' qui  avait  animé  m 
propagateurs  de  la  foi,  leurs  disciples  m\[- 
nuèrent  à  suivre  la  voie  frayée  |wr  m. 
Saint  Benott  Biscop  (v.  Vlk),  qui  ivail  été 
sur  le  continent  étudier  au  sein  des  an» 
ciens  cloîtres  le  véritable  esprit  monasti- 
que (1375),  fonda,  arec  l*abbaye  de  Were- 
mouth,  en  Northumberiand,  une  sorte  dV 
tablissement  modèle  pour  la  civilisation  de 
sa  patrie,  dans  les  arts  et  dans  les  scito- 
ces  (1376)  en  même  temps  que  danslapiélé. 
Ces  mêmes  vues  lui  firent  entreprendre 
cinq  voyages  outre-mer,  avec  des  recb»- 
ehes  infatigables  pour  former  à  son  roonts- 
tère  une  bibliothèque  énorme  en  ecslemfs- 
le,  et  dont  il  s'occupait  avec  une  soDiritQdf 
touchante  sur  son  lit  de  mort,  rendante 
discipfes  responsables  devant  Dieu  des  per-  1 
tes  qu'elle  pourrait  éprouver  par  leur  né-  ' 
fçlijçence   (1377).    Céolfrid,    succes^w* 
saint  Benott  Biscop  dans  le  gouTefomeaf 
des  abbayes  de  Jarrow  (ou  Gjrteletde 
Weremouth,  prit  encore  à  tâche tfaupw- 
ter  la  bibliothèque  commencée  par  teiiiot 
qui  avait  été  son  mattre,  et  dont  il  aujl 
partagé  les  voyages  et  les  reclierchcs  sur  le 
continent  (1378).  Alcuin  nous  montre, daw 
son  maître  Ecbert  (1379),  le  même  iH«  to 
expéditions  scientifiques  et  des  recliertlies 
littéraires  (1380). 

Noo  semel  extenias  pereiçrtDOtramiteirms 
Jam  peragravii  ovans.  ftophiasduciaianoo!; 
Si  quid  forte  novi  It^romm  aut  aiadh  ma 
Quod  secuiB  ferret,  terris  reperiiei  in  Ulis. 

Aussi  respèîc  de  catalogue  de  la  biWiotfit- 
que  d'York  qu'il  décrit  en  vers,  aiinontH'l 
une  collection  assurément  exiraoriiiw« 
pour  le  VIII*  siècle  (1381).  Le  même  Akaiti. 

(1578)  D.  Cellier,  t.  XVll,  eh.  ^,n*l<^- 
M579)  Alcuin.,  De  Pontif.  Eborûc.,  ?.  i»,ij^ 
(t380)  Ecberl,  frère  d'un  roi  sawn,  aval  * 

élevé  par  le  vénérable  Bède,  ei  devini  arde  ep 

d'York. 
(«581)  Voîcl  CCS  vers  d'Aleuin,  qui  pou»;'  ^ 

ter  deceue  bibliothèque  pour  en  avoir  éiticp 

dien  : 


niic  inventes  velcrom  tesiina  piUoin, 
Ooidquid  babet  pro  se  laUo  Romanos  in  om, 
Grœcia  vel  quidquîd  Iraosmisit  dira  UUbis; 
HebrmcuM  vel  quod  popalus  bibil  imbre  w^xs/^ 
Africa  ludfluo  vel  quidqoid  lumioe  spjrsit 
Quod  pjter  ffterofiymiii;  qood  sensH  mwnas,  inp 
Ambrome  pnesal,  simal  Àugiuixmu.  elUM. 
Saneto8il(*amisiitf;qttod0r0ftittedliavjtQS. 

Ouidquid  Greoarnu  sanmos  docel,  et  Uo  pi^. 
JtoStKt  qnklqokJ,  F^Êlgentàn  atque  ooni^ 
CoMJiNlontt.Hein,  Cknfiuiomm  a»q»«:f«^,, 
Ouidquid  cl  àluhdmm  docuit.  quid  «pttomjp»*  • 
)u»  rklorimu  scripscre,  BoeCAHu,  i^œ 
Jistorici  veieres,  Fnmpem,  PlwwgyipM 
Acer  Ari$Meie$,  rhelor  quoqiie  '•'f*»"«S„rtL 
Ouid  quoque  Sedutiuêy  vel  qald  canll  ipe  J9a^ 
Aicvmus  {a)  et  Clemem,  Tresfir,  Pmdïïm  ^f^* 


m 


SCI 


IHCTtONMAlRfi  APOLOCeilQOB. 


SCI 


1306 


^fanl  aux  moiAes  de  Jarow  (1383),  ponr 
les  eiciler  à  ne  point  dégénérer  do  la  écioDce 
et  de  ia  vertu  qui  avaient  distingua  leurs 
prédécesseurs,  leur  rappelle  surtout  ia  bi* 
bliothèque  formée  par  ces  pieux  cénobites, 
romme  un  éclatant  térocngnage  de  ce  qu*a* 
nieot  été  leurs  études. 

Il  ne  faut  donc  point  s'étonner  si,  un  siè* 
de  et  demi  seulement  après  la  conversion 
de  l'Angleterre,  cette  lie  rut  le  foyer  auquel 

recoarut  (td83)  surtout  Gharlemagne,  pour 
rillamer  dans  ses  provinces  les  sciences 
m  menaçaient  de  sfy  éteindre.  C*était  vers 
Uodeterre  encore  que  se  tournaient  par- 
Ms  les  regards  de  Tabbë  de  Ferrières  (Ser* 
ratus  Lupus,  ix*  siècle),  ce*  zélateur  des  let* 
Ires;  et,  pour  être  plus  à  portée  d 'en  rece- 
roir  les  livres  qu'il  y  demandait  (1384),  il 
(6  servait  de  son  monastère  de  Saint-Josse^ 
niNHer  comme  d*un  entrepôt.  Dans  une  de 
•esdemandes,  il  emploie,  f)our  réussir  au* 
»rè$  de  Tabbé  d*York  (Altsig),  des  exprès- 
ions  qui  montrent  combien  il  avait  h 
œar  d'être  exaucé.  Il  s'agissait,  entre  niifres 
ana^'es,  de  ceux  de  Quintilien  qu*il  nV 
aitpu  réussir  à  compléter  jusqne-lh  ;  et, 
rsignant  peut-être  que  les  hasards  du  tra- 
H  ne  Gssent  balancer  son  ami,  il  finit  sa 
ritre  en  ces  termes  :  Quod  si  omnes  non  po^ 
wrt/îff,  ai  aliquoi  ne  gravemini  drUinare  , 
Ktpturi  a  Deo  prœmium  impletœ  rharitatis^ 
tibu  auttm  quamcungue  potâibilem ,  dun- 
tra/  eeêterUis^  vieem  tanii  laborit,  Valete^ 
9êque  mor^  ui  se'  opportunituê  obiulerit^ 
t^tabili  responêo  lœtificaie, 
lis  recherches  empressées  des  moines 
tiglais  tournèrent,  il  est  vrai,  au  détriment 
»  lettres,  comme  Ta  fait  remarquer  Hoc- 
n  (1385),  parce  que  les  manuscrits  rassem« 
ibde  tout  le  continent  semblèrent  n'avoir 
téporlés  dans  leur  lie  que  pour  préjiarer  à 
I  b8rl)arie  danoise  une  satisfaction  sembla- 
eaii  plaisir  que  souhaitait  Caligula,  quand 
t'At  voulu  trancher  d'un  seul  coup  le  fil  de 
utps  les  vies.  Hais,  outre  qn'une  pareille 
^Tision  n*avait  giière  part  aux  penséns  de 
s  honimas  si  pleins  d*aveuir*  ils  ne  $*Ai)N 
^renl  qu*après  nous  avoir  arrachés  nous- 
Snies  au  naufrage;  et  rAnj^leterre  de  saint 
ignstin  et  de  Bède  mit  à  couvert  les 
mes  de  civilisation  recueiHis  p;ir  elle,  eu 

hiid  For/icmiftfs,  vel  quid  JMCtmit'm$  cduiil, 
N»  Moto  VirgUhu,  Stathu,  Lucamu,  el  aucior 
itisirrainniatic»,  vel  qnid  scripsere  nia^slri  : 
^^Probus,  atqap  P/tocat,  Vonatwt,  Pnscicnuwet 
vmiii,  Ewtirws,  PompeiuB,  Commhtiamtt 
BveiUes  alios  perplures,  lector,  ibidf  m 
îmHM  sludlis,  «fie  el  sennone  mvrislnis 
lorlm  qni  cUro  scripsere  Tolunilna  sensu  : 
lomiiui  sed  quorum  présent i  in  ranulne  scribi 
•4igias  est  visnm  quam  pleclri  postulet  osns.  > 
(Ae  pcntif.  ei  tanctii  Eborac.  Kcc/e5.,yJ535,  sq.) 

13S2)  Alci'in,  cp.  13  (éélit.  Froben). 

t583)  Altci!!  Ved.  Probeii),  ep.  38. 

t-VJI)  Loris  FeRtAR  ,  ep.  «)2,  14. 

15«3)0^c. 

15K6)OnF»i|  que  llrlande,  ralliée  de  TAngle- 

^  dans  la  foi,  ëiait  dés  le  vi"  siècle  ^nioiiis  de 

I  ans  après  m  conversion)  renommée  par  ses 

»«  monasstiqiies  et  épiscopales.  ^  (Cftr.  Wari, 

KiipfotibHs  Hiberniœ,  1.  i,  c.  14,  cl  I.  n,  c.  2. 


nous  donnant  Aleuiii  et  saint  Boniface;  car 
je  ne  parle  point  de  Columbkill  et  des  moi* 
nés  irlandais,  autre  iet  de  la  sève  chrétienne, 
qui  partout  eût  réalisé  les  mêmes. prodiges, 
si  partout  elle  eût  trouvé  le  champ  libre. 
Mais  je  n*ai,  sur  cette  partie  de  mon  sujet, 
que  des  notions  trop  imparfaites,,  et  il  peut 
suffire,  ce  semble,  pour  en  juger  avantageu- 
sement, de  voir  ce  que  furent  à  Bot>bio,  à 
LuxeutI  et  h  Saint-Gall,  les  disciples  formés 
par  cet  enfiint  de  Tlle  des  saints  (1386). 

Quantité  de  détails  qui  pourraient  être 
rapportés  ici  trouveront  place  plus  natu* 
reliement  dans  là  suite  de  ces  recherches  ; 
quelques  traits  suffiront  actuellement,  d'au- 
tant que  (et  il  importe  de  le  remarquer)  ce 
xèle  dont  nous  trouvons  tant  d'exemples  ne 
saurait  être  regardé  comme  le  goût  particu- 
lier de  quelc(ues  prélats  ou  abbés  qui  se  dis- 
tinguaient ainsi  de  la  foule.  11  appartenait 
aux  principes  mêmes  qui  devaient  les  mou- 
voir; et,  loin  que  la  conduite  de  ceux-ci 
Fnisseêtreprise  pour  une  exception,  c*étaient 
indifférence  et  Tincurie  c|ui  dérogeaient  : 
en  sorte  que  cette  insouciance  ne  pouvait 
avoir  lieu  sans  qu'on  eût  oublié  les  modèles, 
les  leçons  et  l'esprit  qui  devaient  servir  de 
guides.  Un  siège  episcopal  ne  se  fondait  point 
sans  qu'auprès  de  lui  ne  fût  jetée  à  la  fois  la 
semence  d'une  institution  littéraire  et  scien- 
tifique. Saint  Anschaire  (n*  siècle)  dé|M>sait 
h  Hambourg  une  bibliothèque  (1387)  appor- 
tée de  Corvev  ^1388),  en  même  temps  (fu'il 
y  élevait  se  catnédrale;  ces  deux  établisse- 
ments fuient  l'un  et  l'autre  détruits  y>ar  les 
Normands.  Quand  Venifiereur  Henri  H  fonde 
la  cathédrale  de  liarober^  (xr  sièi^lo)  il  prend 
soin  (Vy  commencer  une  bibliothèque  (1389) 
également.  Une  des  plus  anciennes  et  des 
plus  riches  de  l'Allemagne  rhénane  étiit 
celle  de  Cologne,  fondée  s^irtout  par  les 
soins  de  l'archevêque  Hildebald  (1390),  au 
Tiu*  siècle.  Celle  de  Fulde  (1391),  dont  les 
précieuses  collections  ont  disparu  comme 
par  enchantement,  remontait  au  tenifis  dc& 
Carlovingiens,  et  po5sé<lait  encore  au  xvi* 
siècle  dès  niamiscrits  de  794  (1392).  Quand 
l'église  métropolitaine  de  Milan  fut  la  proie 
des  flammes,  en  1075,  on  eut  à  y  rogroilcr,. 
entre  autres  désastres,  la  perte  de  la  bîblio- 
tlièque  (1393);  et  nous  avons  encore  le  cala-^ 

—  Fliom.  MooRR,  Histoire  de  Vlriande,  i.  I.  -Rk  u, 
ilaïuibuch  d.  Cesch.  d.  MiUeiatterê,  {,  1%  p.  7ii<i.> 

(1387)  Madii.lon,  Annal,  Bened,^  I.  Vl.  —  Vi/ii 
Attêcharii,  c.  6.  ap.  Ki.kuii.  zur  Gnchichle  der$nmtn- 
lunqeu  fur  mssenchafl  und  kuun  tu  DeuUciUaud^ 
2<  èdil.  (Zerbsu  1838.) 

(1388)  Corwe^^  Coraei  (Corbeîa  ad  Visurgiui,  uu 
Sa\onio«),  la  nouvelle  Corbie, 

(l380)Ki.ENii.,op.  c. 

(1390)  Crr.  llARTzyEiM,  Calaloguê  tnitoricus  crid- 
euê  codicum  mscr.  biblioUifcœ  metropoliianœ  Cola- 
niensi».  Cologne,  1752.  4*  —  Gcii€Kb?i,  lieiun  durh 
Scktoaben,  Hc,  t.  Itl«  ap.  KleiIii.,  op.  c, 

(1391)  Cfr.  ScHANNAT,  Hisi.  Fnld. 

0393)  ËB»T,  art.  BUflioihèquei  dans  VEmycL 
d*Er.scli  ei  Grutier* 

(1393)  TiRABOSCHi,  Storia  délia  Uueralura  itaiiantu 
1.  IV,  c.  1.  J*avou6rai  touiefois  que  ittn*en  ai  pas 
truoié  uiLmol  dans  Arnulphus,  qu'il  oonne  coniuie 


iiffi 


set 


DICTlONNAUie  APOLOGETIOOE. 


SCI 


1301 


IoH;ue  des  livrns  que  possédait  en  1135  la 
cathédrale  de  Trévifse  {id9k).  L'inceiidie  des 
i>ibliothèqucs  épiscopales  ae  Paderborn,  en 
1006,  et  d^Hildesheim,  en  1013,  fut  d'autant 
plus  fftcheux,  que  ces  E^çlises  avaient  eu  des 
écoles  et  des  évéqnes  célèbres  par  leur  zèle 
pour  les  lettres  (1395). 

Quant  aux  monastères,  celui  qui  n'aurait 
pas  possédé  une  bibliothèque  eût  été  une 
espèce  de  monstruosité  dont  ces  iempi 
d'ignorance  avaient  à  peine  Tidee.  Aussi 
Baldric  de  Bourgneil  (xi*  siècle),  invitant 
Godefroi  de  Loudun  à  prendre  1  habit  mo- 
nastique, lui  représente  (1396)  qu*il  y  pour* 
rait  satisfaire  amplement  son  goût  pour 
l*étude,  par  la  quantité  de  livres  qu  il  aurait 
h  sa  disposition.  Un  abbé  de  Beaugency,  au 
XII*  siècle,  s'exprimant  d'une  manière  gc^né- 
Mlle  k  ce  suiel  (1397),  pense  qu'un  arsenal 
n'est  pas  plus  nécessaire  à  des  gens  de 
guerre  que  ne  l'est  à  des  religieux  une 
bibliothèque.Ex)  ressiun  oui  paraît  avoir  été 
roinme  provcrl)iale  parmi  les  moines  d'alors; 
car  les  écrivains  semblent  v  faire  allusion 
plus  d'une  fois,  à  de  grandes  distances  de 
temps  et  de  Heu.  Ainsi,  dans  la  Vie  de  saint 
Bernwiird,évéque  d'Hildesheim  (t398),  l'his- 
torien déplore  en  ces  termes  les  ravages 
d*un  incendie  qui  avait  dévoré  les  livres 
rassemblés  par  les  soius  du  saint  prélat  : 
Perpeiuo  est  lugeRdum  quod  inejrpiicabiliê 
librorum  copia  ibi  periit^  nosqiie  sftiritua- 
lium  armorum  inermes  reliquit.  C'était  Tes-- 
prit  de»  Pères  de  l'Eglise  et  des  maîtres  de 
la  vie  monastique.  Lva.^re  (ou  Ruflin),  dès 
le  IV*  siècle,  rapportait  d'eux  celte  maxi- 
me (1399)  :  Conversalionem  monachi  cuslodU 
tcientia;  qui  auletn  ab  ta  discedi/f  incidit  in 
kuronet.  Saint  Jérôme  faisait  la  méoie  re- 
commandation aux  solitaires  :  Ama  scieniiai 
Scriplurarum  et  vilia  carnit  facile  $upera^ 
bis  (1400).  Les  mêmes  maximes  se  retrou- 
vent d'â^e  en  âge  dans  les  écrivains  qui  ont 
traité  des  oblipiations  de  la  profession  rcii* 
Kieuse,  de)  uis  les  Pères  du  désert  jusqu'à 
ce  rrieur  de  la  chartreuse  de  Prucl  (près  do 
Ilatisbonne),  qui,  rédigeant  (à  la  tin  du  xvi* 
ou  au  commencement  du  xvii*  siècle)  pour 
ses  frères  un  manuel  de  leurs  devoirs,  for- 

j*uii  dfî  $e%  garants.  Quant  aax  autres  citations  quil 
indique,  jts  n*ai  pu  les  vérifier. 

(1594)  i;fr.  TiRARosciii,  /«  c. 

(1595)  Chronic.  Siaindelii.  —  IlEiinEN,  op.  c,  n, 
9,  25. 

(I59H)  Ann.  Bencd.^  f.  IV,  p.  117,  op  Lebobdp, 
Ùiuertations  $ttr  PUiiioire  de  Parit^  I.  M. 

(1597)  Dans  la  correspondance  il u  rlianoîiie  Gau* 
frîil  ou  Geoffroy^  ep.  18,  ap.  Madtèxf.,  Theiaurm 
intecdol,  t.  1,  col.  511.  c  Claustrum  sinc-armurio 
(tibtiothèque)  quasi  cistruin  sinearmamenUFio,  elc.  i 

(13i)8)  Tanemarus,  ap.  IIeercn,  op,  c,  ii,  9. 

(1599)  EvAGRU  Codex  regularnm,  a  p.  llABiu.O!f 
Klnde»mona$tiqneif  ch.  8,  Cfr.  HoLSTE.'f ,  Co</.  regul[ 

MOIWêL 

<14\)0)  ffiERûNTM.  Ep.  ad  Rusticum* 

'UOI)  Matthias  MiTTNKR.EifrMrN^fonCarlufmNO- 
rN'N,  nplior,  49,  ap.  i).  Pez,  liibliotkec.  atcetie,^  l.  V. 
(«eitti  collection,  trop  peo  connue,  reiifrrme  des 
opuscules  cslréincment  curieux,  k  nron  avis,  quoi- 
quiî  peu  prop'.es  à  intéresser  bi*iv  des  lectcurSi  à 


mule  ainsi  la  même  i>rescriptioo  M40lt  ; 
Honesia  litierarum  étudia  ruvioimir  dipoiui. 
Obmuteêcii  enim  antmtif,  indequt  uuàm 
pietatii  languescit,  inttlhctu  enim  tno/e  (t. 
riato ,  voluntas  sane  quid  appetttf  E(  il 
ajoute,  en  dévelopi^ant  eet  axîomo  :  Dormw 
mentem  erudire,  ne  qtio  aul  sentwilimilm 
oppre9»a  obtundattir.  Ignorantia  ubique  mul- 
torum  malorum  ai  mater. 

Dans  4e  fait,  le  sort  des  livres  fot  commo* 
nément  le  même  ffue  celu»  de  la  régie  : 
l'assiduité  à  la  lecture  et  l'ardciir  pour  U 
travail,  même  de  Tesprit,  jmarchèremtou* 
jours  de  pair  avec  la  ferveur  de  la  discipiic? 
religieuse,  faiblissant,  s*ételgnant  el  se  n!- 
lumant  avec  elle,  comme  par  une  socieii! 
naturelle  et  inséparable,  liante,  ce  gripJ 
peintre,  Tavail  bien  saisi;  et  dans  seo  nu- 
gnifique  chant  du  Paradis,  si  ))eu  appf^<ic 
du  vulgaire  des  amateurs,  il  trace  en  quel- 

Sues  mots,  avec  sa  grande  manière,  la  «léo 
enre  dos  études  jointe  à  celle  de  la  Féguli* 
rite  (1^0-2). 


E  la  rpin»1a  ntia 


Rimasa  é  giù  \ttr  danno  de  le  carte 

Ne  soyez  donc  point  surpris  si  lesnM 
monastiques  descendent  parfois  jusqu'au» 
sorte  de  minutie  sur  le  soin  qu'il  &ulprf!n' 
dre  de  la  bibliothèque.  Le  Couluoiisr  ■)« 
CIteaux,  réglant  Tordre  à  suivre  pour  1« 
temps  de  la  lecture,  s'exprime  ainsi  iWj 
Quod  ai  quis  neresse  habuerit  ditertntdi* 
cu6i,  librum  suum  in  armario  rtponai:^^ 
si  in  sede  sua  enm  dimittere  votuitrit,  ftKkl 
signum  fratri  juxta  sedentij  ut  illum  m> 
diat,  La  Rè^^le  de  saint  Isidore  (lM)i)  vooM 

aue  les  livres  fussent  rendus  tous  les  soin: 
^mnes  codices  custos  sacrarii  (Ml  K- 
beat  deputatoSf  a  quo  singuhs  singnli  /^t* 
très  accipient  ,  quos  prudenter  UrKsi  •* 
habitos^  semperpost  vesperam  reddenLPn» 
autem  hora  codices  singulis  diebut  p/«* 
tur  ,  etc.  (1406).  Celle  des  Cbarlreui  {S^\ 
tuta  Guigonis)^  au  siget  de  l'amcuMi^meÉ 
de  chaque  cellule  :  «  Adhue  etiam  librof  m 
legendum  de  armario  accipit  duos,  ^w''" 
omnem  diligentiam  curamque  adhibere  jéfr 
tur^  ne  fumo^  nepulvere^  vefalia  qualihtt  i^n 

cause  de  leur  tendance  ascétique.  Mab,  bRli5<tu<>* 
exhume  â  grand  hruit  de  tristes  rap^^olics^ 
moyen-Age,  j'admire  qu'un  homme  s^ncu^  iim 
point  signale  ce  recueil  comme  llémotm  de  /«"^ 
intime  chez  «o«  ;;rr^s,  sujet  qui  mérite  LicD(îiit'l* 
intérêt  aussi.  Je  me  contenterai  d'y  Taire  reiMM*^' 
un  petit  traité  de  Nicolas  de  Sirashovi|^  (^v  &ic'i'V 
qui  a  p*us  de  rapporta  mon  sujet.  Il  indigne  U**^ 
nirre  de  sanctlfter  les  éludes  de  mathénMii''^' 
d'astronomie,  de  littérature,  etc.  ;  t.  III  ci  |>aiti'"; 
lièrement  ch.  il.  ' 

(1102)  D4NTE,  Paradîêo,  ssM,7i. 

(1403)  4p.  MABTfeNE,  AnUqui  monachorum  "-^ 
1.  I,  c.  7,  n'  10. 

(1404)  Ap.  Martèle, /^.  r. 

(1405)  On  verra  plus  Urd  pourquoi  lebiM'>'<^' 
caire  est  désigné  par  les  expresstoiis  t  am^'^^^ 
euitoi  sacrarii,  €*est- à-dire  charge  du  l»f>pf '' 
rEgiîse,  ou  de  la  sarrîsttc. 

(1  lOG)  .4/».  Mabte»:,  /.  r. 


1309 


SCI 


DICTIONNAIRe  AI»OI.OGETIQr& 


SCI 


fsto 


€ufeniw;  libros  qiii|ipe  lanqnam  anima- 
roin  nosirarum  cîbam  caottssime  custodiri, 
et  sluUiosissiroe  volumus  fieri  (lUTH,  >  etc. 
Paroles  qui  rapfieilent  la  manière  dont 
Hariu'ph  termine  le  calf  ojoje  des  livres  de 

Saîui-IUquîer(14€e),auj  'siècle «  Omntê 

i*jiimr  eodice$  in  eomamht  faeiuui  futmerum 
CGL  ei  Ti.  lia  viddicet  ut  nwn  numtraUur 
libri  sigilUuim,  êed  codicts^  auia  m  «ne  redice 

tfircTfi  Ubn  fûuli^iiei kabentur;  qmm  si 

nmmrrwrtmuM  quingeniarmm  tapiam  nipera. 
rtmt.  Hfic  ergo  dinli»  claustrales,  bœ  suut 
9,  oleotÎA  rœleslis  vitie  duloedine  anîmam 
^nantest  per  quas  in  oentulensibus  (1409) 
mplela  est  salubrîs  illa  sententia  :  Ama 
icientiam  scripturaram,  et  TÎtia  non  ama- 
^is  (lUO).  » 

Ces  vicissitudes  des  bibliothèques  monas- 

iques,  liées  à  celles  de  i*esprit  reHgieut, 

loos  sont  attestées  par  Tbistoire,  bien  que 

es  cbroniqpçurs  n*en  aient  point  fait  ordi- 

lairement  la  remarque  expresse.  Mais  Tri* 

bèmev  lion  jun  en  cette  matière»  ne  man- 

/ne  pas  de  le  faire  observer  (1411)  :  Marina 

Fillickmu...  non  fuit  qui  manaslieœ  instùn-' 

ionis  ûUegriiaiem  eurareif  C€cperunique  ma* 

ueki  pa$i  ditiBianem  generalem^  quilibet 

tiam  pro  se  babere  pecnlium...  Bibliaiha^ 

«m  a  prineipia  fundaiianiê  manaiierii  âoiis 

*rupteiem  rariisque  valuminibus   referiam 

urpiier   desinuceruni ,  rmdenieê  prtiiaM 

olumina  pra  vili  preiia^  ui  suis  camessaHa" 

ibuê  ei  valupiaiihuê  saiisfacere  passeni.  Ici 

est  avec  l'esprit  de  pauvreté'  (14lâ)  que  se 

issipe  la  collection  des  livres  du  monastère  ; 

iileurs  c'est  bien  un  autre  dégAt,  quand  ta 

tè^le  est  tout  à  lait  bannie.  C'est  encore 

ntiième  (1413),  parlant  de  l'abbaye  d'Ir- 


sange  (Htrschau)  envahie  par  1e^  séculiers 
(xK  siècle)  :  Monasierium.,,^  monachis  r/i- 
ctfiifii...  prasiibulum  merelricum  fartum  est. 
Inierea  si  quid  remansii  quad  cames  (1414) 
ei  cœieri  fures  non  raptKrumi^  tlefici,.,  ila 
paulaiim  cansumentes  in  nihiinm  redefemnt^ 
ut  nec  libris,  quorum  ingens  copia  ibi  col- 
lecta foerat,  per  diligentiam  veterum  mona- 
ehorum...  parcere  potuissent.  Nom  cum  illa 
iempart^  quanda  itnprimendi  libras  seieniim 
needum  fuit  in  usu^  ralumina  cariare  rende- 
reniur  pretia,  indacti  nebutanes  pretiasissi- 
mum  illum  thessmrum  bibliatheeœ  in  paueis 
annis  tam  turpifer  tendenda  et  cansumenda 
disiraxerum^  ut  nec  unum  auidem  cadicsm 
aiicujus  panderis  ei  preiii  retiquissent. 

On  voit,  que  selon  le  pieux  et  savant  Tri- 
thème,  on  pouvait  en  Quelque  sorte  juger, 
dans  un  monastère,  la  vie  religieuse  de  ceux 
qui  rbabitaient  par  Tétat  de  la  bibliothèque, 
ou  du  moins  par  l'estime  ou'on  y  faisait  des 
livres.  Pour  luit  quand  après  avoir  quitté  5a 
première  abbaye,  il  énumère  à  ses  anciens 
religieux  les  titres  qu'il  croit  avoir  à  leur  re- 
connaissance, il  insiste  principalement  (1415) 
sur  l'augmentation  de  leur  bibliothèque  pro- 
curée par  ses  soins  (6n  du  xv*  siècle)  ;  Nema 
testrum  invenit  me  o/tosun»,  nema  vidit  tel 
audivit.,.  vagis  discursibus  vel  spatiatiani^ 
bus,..  imUiliier  accupaium....  Jn  testimanium 
studiarumnastrarumvacacitaauebibliaihecam 
UUan  salemnem  quam  mcis  labaribus^  studia 
ei  impensis  campariavi^  nan  sine  vi^ilaniia 
ei  fatigatiane  continua  ro/umtiiiim,  lA  amni 
tarietaie  studiarum  non  modicam  muliitudir- 
nem  cangregans^..^  quorum  numerus  amnium 
duo  miifia  excedit. 

]>ans  une  autre  lettre  (1416),  il  considère 


(1117)  Ap.  M ABTt!IE,  /.  c. 

iimê)  SjncUegimm  de  d'Acbebt  (éd.  in-i*),  i.  IT. 

/f  M9)  CentuU  est  le  nom  da  llea  où  avait  été 
ndé  le  BHmastère  de  Saitit-Riqoîer.  On  a  prélendo 
ower  rerigiae  de  ce  DOin.daiis  la  moliîtnde  des 
«n  qai  flaBqoaieot  les  martillcs  de  Tabbave,  et 
M»t  un  boa  nombre  subsiste  encore.  «  Turribos  k 
m  4mm  CentuU  dicu  fuîL  i 
(flitO)  On  voit  par  ces  derniers  mots  que  les 
oï  0fs  do  moyen-âge  avaieni  pris  pour  eux  l'avis 
iQBé  par  saint  iérôme  aux  soliiairps  de  son  temps. 
(141  f)  TarrHEx.,  Chron.  Spanhemense,  ad  a.  1357. 
(1419)  Ce  doit  être  chose  singulière  pour  eeni 
ii«  privés  de  foi,  ne  se  font  point  d*idée  de  Téut 
itgievs,  de  voir  qne  les  communauiés  les  plus 
Stéea  aîeot  communément  alité  la  pratique  d^une 
tUTrelé  étroite  relatif emeat  aux  aifes  de  la  T*e, 
rc  noe  sorte  de  profusion  pour  les  livres.  L*atibé 
itlieit, contemporain  des  prcmieri  disciples  de  saint 
vno  (xi*  siècle),  exprima .t  aussi  son  admiration  à 

smjik  :  (Cam  tu  omMÎm''da pnicperfal^  $e  depii- 
tmf^  diiissimam  tamen  MUotheeam  cûaggerani: 
a  emas  màmu  pami  htjut  copia  matériaiis  exube^ 
m,  UêMo  taafU  Wi  qut  mou  peril^  §eâ  in  œUrnum 
rmmmet  cièa  ajutrou  imudant.  ^GiriBenTCS,  De  vka 
■«  I.  I,  c«  10.) 

11415)  TaiTBEU.*  Ckrou.  Birsaug.^  ad  an.  lOOi. 
1414)  Un  setgneur  s*élaitd*abord  emparé  4u  mo- 
flére,  oommeil  arriva  m  souvent  à  cette  épo<|u«; 
ia  4ea  eeelésiastiqnes  séculiers  y  remplacéient  îes 
Mfics  expulsés  par  la  violence  et  les  mauvais  irai- 
ftcofs  ;  en  sorte  que  fabbaye  devint  le  ibéSlrR  de 
.^ordres  maUieuieusemeiàt  trop  f.éiucuis  dtti<*.'t 


ce  siècle  parmi  le  cleigé. 

(1415)  Tbithcmu  Epiât,  J.  ii,  ep.  2.  Sa  lettre  est 
datée  de  Wurxbourf  en  1506. 

(U16)  Tbitbehii  Epiit.^  1  b.  ii.  ep.  5.  c  Scio  qui- 
dem  non  paucos  mirari  quod  abtotiam  diniisi  Srân- 
bemensem  quam  libris  et  structnris  efleci  pulcber- 
rimam,  usque  adeo  ut  in  toia  Germania  nunquam 
leneriatur  bibliotbeca  în  qua  tôt  habean!ur  in  omnl 
scie:itia  scripturarum  nova  simul  et  antiqua  voln- 
miia  pretiosa  alque  rarissima,  non  suluni  blina. 
sed  hebraica  iiuoqne  et  gneca ,  cliaracieie  scripia 
vetusUssimo.  Nam  ut  vidisii,  plu$  quant  duo  ro/aini- 
nsm  mtV/ia  ex  diver^s  mundi  regnis  taxa  et  auliquiâ-^ 
tima  eomporSavi,  qns  omnia,  cum  a^diflciis  et  rébus 
variis,  aniore  pacis  dimisi.Si  quis  ex  eorum  amissione 
dolor  animum  pulsare  cœpisset,  mortis  mibi  simt- 
liiudîn<'m  formavi«  qua  non  solum  oblivionem  libro* 
mm,  sine  quibui  aliquandotivere  non  polui,  sed  ctiam 
coiitemplum,  ut  dixerim  tta,  miliimettpsi  persuasi. 
MagnOf  faiear^  bibiiotkecœ  quandam  tenebar  amore^ 
et  cunciis  mwndi  opibus  libroi  meoi  anteferebam  : 
seii  posteaqnam  rerum  mutatioaem  perpendi  ailesse 
mearum,  omnia  qux  prius  amaveram  stercoris  a^f i- 
niaiione  contempsi ,  animoque  tmperavi  meo  nihil 
pneter  seipsum  deinceps  suum  credere,  et  qux  in 
morte  necessario  esset  relicfurus,  multo  uiagis  v.- 
v.-.i«s  in  canie  discerel  non  amare,  t  eic  Je  me  snls 
éti'iMiu  à  di^ssetn  sur  Triihéme,  parce  qu'il  appar- 
tient à  on  temps  (  lin  du  xv*  siècle  et  commence» 
ment  du  xn*  )  que  Ton  considère  volontiers  comme 
ayant  été,  sans  cimiredit.  Page  de  rigno^anœ  la 
pitts  épaisse  p.mr  IfS  monastères.  (  Cfr.  Bi.uaK,  hir 
iiuliium,  t  r*  [ik  lin  ISU],  Einleilung,  p.  14.) 


1311 


SCI 


mCTiONNAlRE  APOLOGETIQUe* 


sa 


\:\\ 


le  sacrifie*^  auquel  il  lui  a  faUa  se  résoudre, 
en  quittant  avec  Sponbeiro  sa  chère  biblio- 
thèque, comme  la  pfus  aroère  privation  qu*il 
ail  eu  à  subir  pendant  toute  sa  vie.  Et  ce 
n*était  point  une  singularité  :  Saint  Nil  le 
jeune  [x*  siècle}»  apprenant  la  dévastation  de 
son  monastère  de  Rossano»  par  les  Sarrasins, 
fut  si  profondément  affligé  de  la  destruction 
de  ses  livres  (iU7),  qu*il  se  retira  à  Home, 
fuyant  les  lieux  où  ce  douloureui  souvenir 
semblait  devoir  le  poursuivre  sans  cesse. 
On  voit,  en  effet,  la  première  pensée  des  reli- 
gieux se  porter  sur  cet  objet,  lorsqu'un  dan- 
ger sérieux  menaçait  leurs  monastères,  txï 
883  (1418),  dans  un  incendie  qui  fit  perdre 
aux  moines  de  Fieury  tout  ce  qu*iis  avaieut 
de  mobilier,  ce  fut  à  sauver  les  livres  qu'ils 
s'attachèrent  de  préférence.  Au  x'  siècle, 
l'abbé  de  saint  itail,  fuyant  devant  les  Mad- 
jars,  voulut  qu'avant  tout  on  dérobAt  les  li- 
vres aux  dévastations  de  ces  farouches  con- 
quérants (1419),  et  les  lit  transporter  dans  les 
montagnes.  Les  Bénédictins  du  mont  Cassin, 
obligés  dès  le  premier  siècle. de  leur  exis- 
tence (vers  580  ou  586),  d'abandonner  leur 
muiiastèroà  la  fureur  des  Lombards,  sauvent 
leurs  livres  (1420),  avec  les  monuments  de 
leur  règle.  C  était  là  le  trésor  des  abbayes  ; 
et  saint  Fulrad,  abbé  de  Saint-Denis,  n*en 
Juge  pas  autrement,  lorsque,  dans  la  liste 
de  ce  qu'il  laissait  à  sa  mort  (viii*  siècle),  il 
place  les  livres  immédiatement  après  For  et 
rar^^ent  (1421). 

Plus  indépendants  que  les  akbés,  et  r>ou- 
vaut  disposer  librement  de  leurs  livres,  de 
saints  évéques  voulaient  les  conserver  au- 
près d'eux  en  voyageant.  Je  n'en  choisirai 
d'exemples  que  parmi  ceux  qui,  ayant  été  re- 
ligieux, ou  du  moins  formés  dans  les  cloî- 
tres, y  avaient  puisé  cet  amour  de  Tétucle  ; 
riiistoire  de  saint  Burkard,  évoque  de  Wurz- 
bourg  racontant  son  abdication  (en  751), 
ajoute  (1422)  :  Assumptis  stx  lanlum  ex  omni 
MuUitudine  discipuhrum  suorum  monachis^ 
naviin  cofiêcendU  (1423),  codices  etiam  quoi 
tel  ipse  conscripserat ,  vcl  undecunque  con- 

Î^umeratf  secum  deportari  (ecit.  Saint  Boni- 
ace  ne  portait  avec  lui  que  des  livres  et 
des  reliques  (1424);  aussi  le  rcpré.senle-l-on 
souvent  avec  \\n  livre  traversé  d'un  glaive, 
parce  qu'il  opposa  aux  coups  de  ses  meur- 


(1117)  RûDOTA.  Del  rUo  greco  in  Iialia^  1.  n,  c.  63 
H*  7. 

'(U18)  Acta  SS.  Bénédictin  ,  gaee.  iv,  part,  n,  pag. 
409.  iip.PETiT-BAUKL,  Op,  c.  p.  80.  La  date  pourrait 
lH«n  u'élre  pas  exacie.  Yoyea  Popiiscule  intitulé  : 
Souvenirs  Itiiloriques  iur  l'ancienne  abbaye  de  Saini'^ 
Beaoii -sur-Loire^  par  L.-A.  Marcba^hh  ;  Orléans. 
Ili58.  iii-S".  • 

(UiO)  Bruscuios,  fff<l.£oAfmfc,ap.PsTiT-RADeL, 
op,  r.  p.  86. 

(14â0)  Paul.  Diacon.,  De  geitis  Longobardorum^ 
lib.  IV,  c.  18,  ap.  AtcnATORi,  Rer.  Italie,  script,^ 
l.l- 

(ti2l)  Âuriiro,  argentum,  codices^  aeramen 

«kâtgavi.  (Acta  SS.  Ben.  sacc.  m,  part,  u,  p.  34â.) 

iU±i)  Leccmntb,  Annal,  eccUiiastici  Francorum. 
l.  V,  ad  A.  7r>t,n*58. 

{\idZ)  Il  a*eœbarquait  sur  le  Hdni  poni  senti- 


triers  un  évangile  qu'il  tenait  à  la  main, 
lorsqu'ils  se  ietèrent  sur  lui  (U25).  Saint  Brii 
non,  arebevêqoe  de  Cologne  (mort  en  %5), 
fils  dQ  Henri  T'  l' Oiselenr,  et  qui  a?8it  r^u 
les  leçons  du  savant  Rathérius  de  vW, 
ancien  moine  de  Lobes  (Itô6),  faisait  traiiy 

Eorter  ses  Kvres  à  sa  suite,  durant  scsnony 
reux  voyages,  afin  de  n'en  être  jamais  sé- 
paré; et  comtne  on  pourrait  croire  que  ce- 
laient seulement  des  ouvrages  de  piélé,  :! 
n'est  pas  inutile  de  faire  remarquer,  ar^ 
les  historiens  de  sa  vie,  qu  il  faisait  tdIoq. 
tiers  sa  lecturede  Plante  etdeTérenee(lkr. 

Je  voudrais  pouvoir  indiquer  ici,  au  ïim^ 
sommairement, les  bibliothèques  iesplu^.- 
marquables  du  moyen  âge.  Dans  t'imiiow- 
bilile  de  le  faire  d'une  manière  complèi;. 
je  me  contenterai  d*en  nommer  pour  le  id<  • 
ment  un  certain  nombre. 

Leiand,  bibliothécaire  de  Henri  HII,  * 
qui  avait  mis  à  profit  .  pour  son  maître  h 
dépouille  des  maisons  religieuses,  et  autr<^ 
témoins  oculaires,  racontent  (1438)  que  ['on 
comptait  1,700  manuscrits  h  Pétfrbmnjfi. 
que  la  bibliothèque  des  moinei  grù  \^nmy 
cains,  je  pense)  à  Loncfrex,  avait  129 {lied^ 
de  long  sur  M  de  large,  et  était  trn4)in 
fournie  (Well  filled  wiih  books);  qu'àf^V 
la  salle  occupée  par  les  livres,  a?aiti5 fe- 
nêtres de  chaque  cAté.  Selon  Ingulpb  itV^\ 
dans  un  siècle  appelé  communénacDl  k  sl^ 
ele  de  fer  ou  de  plomb  (en  1091),  on  perlj 
700  volumes  quand  la  bibliothèque  de  Crpf 
lemd  fut  brûlée.  Et  cependant  il  semble  qiûa 
su*  siècle,  on  en  avait  rassemblé  de  nonven 
900  autres  (ItôOj.  En  Piémont  l'alibare  de  h 
Novalaise^  s*il  fallait  s'en  rapporieraijh 
moignagc  d'un  de  ses  moines  (H3I,  âur>>j 
possédé  au  x'  siècle  6,606  voluoios.  Il  el 
vrai  (|ne  ces  quatre  fois  six  ont  quelque  cii<«( 
de  bien  symétrique  qui  pourra  itaraitre^J 
soit  peu  suspect,  chez  un  eliruqiqueurioDré 
pour  son  emfihase.  Libre  donc  au  lecteur^ 
réduire  ce  chifi're,  je  ne  m'y  oppose  |>iim<î 
déduction  faite,  il  demeureray'l^e  peme.t^ 
nombre  encore  passable.  Mais  puuruei!t^ 
paraître  adopter  des  exagérations  de  ciinr.f^ 
ques,  contentons-nous  de  rappeler  ks  i!j 
bayes  de  SaifthRiquier  (plus  de  500  Yoliud 
au  XV  siècle),  et  de  Sponheim  (plus  del<¥ 
AU  XV'  siècle),  etc.,  et  passons  en  retucsaw 

rer  k  Holienboorg. 

(Uii)  WiLLKBALD,  lu  CfUê  Vtl«.— Cfr  SCBA5>il, 

Vindeinim  Hlterariœ^  t.  I.  j 

(U25)  Otblon,  ib.  —  Acla  sanciorm  ;■»".'  ^ 
(1426)  Les  études  florissaieiit  à  Lobes  {où  Un!' 
au  coroBK*ii«enient  du  x'  siècle. 

(U«7)  D.  Geillier  ,  t.  XIX,  ch.  45,  «•  «  <«  ' 
Quoique  M.  Graesse  {LehrbueU  tiner  iUietw^ 
chichte....  2«  vol.,  Dresde,  1839)  aUriliae  a»  <)« 
leurs  du  Bioyen-âge  la  pr^iscripUon  de  TéiviKv. 

(4428)  Alban  Butler,  Vie  des  annens  PtttiX"' 
Nele  à  la  vie  de  saiut  Auguathi  (26  mai  ),  où  1  «> 
ses  autorités.  L'édition  que  jVi  sous  le^  uni  ^* 
celle  d'Edimbourg,  1798. 

(4429)  Ibid, 

(1430)  HcBBEN,  Cf.  c,  I.  Il,  39. 

(1431)  Cfr.  Ëugenii  de  Levis.  .4iKf<<»"  ^*'' 
Tuônj  1789«iA«4r  PixL  x&vui. 


r.n 


SCI 


DICTIONNAIRE  AP0I4IGETIQUE. 


SCI 


Î^U 


attire  déliil,  les  bîbiioihèqiMS  dool  la  répa- 
Uiion  im-xnitestable  eist  attestée  |>ar  les  ma- 
iHJiuenU:  (1132). 

Fn  France  :  Saint-Bénigne  de  Dijon*  Saint* 
Rertin  (è  S. -Orner)»  Grande  Cnartreuse, 
Ciieaui,  Clonvt  Coruie,  Fleury  (S.  Benoit- 
sur-Loire),  SâinU-Gerœain  d'Auierre,  Saint* 
tteriDain  des  Prés  h  Paris,  Lérins,  LiixeuiU 
Mamioalier  (près  de  Tours),  liurbach  en  AI* 
sace,  Saint-Remi  de  Reims,  Sénones,  Saint- 
Vanna  de  Verdun  «  Saint-Victor  de  Paris , 
Saint- Vincent  de  Besançon»  Saint-Vincent 
de  Laon,  etc. 

Espagne:  Alvelda  (prèsdefx>grono},  Saint- 
Benott  de  Sabagnn,  Saint-Paul  de  Barcelone, 
Saint- Vincent  aOviédo,  etc. 
En  Portuged  :  Aicobaça,  etc. 
Italie  :  Bobbio,  Mont-Cassin,  Grotta  fer- 
rata  »  Sainte- Marie  de  Florence,  Polirone 
(dans  le  Mantouan),  Pomposa  (près  de  Ra- 
renoe),  etc. 

A  9t  jf/ef  frre:Saint- Alban,  Cantorbéry,  Ches- 
pr«  Kaœsey  (dans  le  Huutingtonshire  ),  etc. 
Pour  J*Ecosse  et  Tlrlande,  comme  pour  la 
>uède,  le  Danemark,  la  Pologne,  la  Hongrie 
n  les  pays  slaves,  les  documents  ne  se  sont 
oint  rencontrés  sous  ma  main 

Bohême  :  Bzeunow,  Postelpford  (ou  Postel- 
.erg),  Prague  (les  Prémontrés  et  la  cathé- 
drale), etc. 

Smsse  :  Einsiedein  (Notre-Dame  des  Er- 
nîtesc)  saint  Gall,  Mûri  (ou  Mouri),  Pfef- 
ifrs,  etc. 

Allemagne  :  1*  BibUoihiçHes  de  ekapiiree  : 
;resida,  Cologne,  Francfort-sur-le-Mein,Gan- 
ersheim,  Uamtourg,  Mavenoe,  Munster, 
3  liston  ne,  etc.  ^  Bwtioihiquee  manaeiigues 
•u  «le coromunantés religieuses): saint  AHMin 
f^  Mayenee,  Nieder-altaich,  Ober-altaich, 
oiiedict-Beuern,  Bergen  (près  de  Magde- 
offjr^j,  saint  Biaise  (dans  la  forêt  noire), 
hsrinfuse  de  Buxheim  (en  Souabe) ,  saint 
ninjeraBindeRatisbonno,  Fulde,  Gottweib, 
îfii  Jac<|uesdeMayence,  Micheisberg  (près 
'  fianiherg),Mœlk,  Ottoteuern,  Tegernsee, 
int  Ulrich  et  sainte  Affre  d'Augsbourg, 
eingarten,  etc.,  etc.,  etc.  (1433). 
Je  ne  parlerai  guère  que  de  l'Occident, 
il  parce  nue  les  religieux  de  Tempire  srec, 
arii,  acres  quelques  luttes,  passée  ren- 
ini«  n  ont  point  encouru,  comme  les  moi-** 
s  latins,  raniroadversion  de  la  ratsan 
>:iiiiie  pariait  Voltain.')  :  les  religieux  ca- 
>liques  étant,  comme  il  (-on venait,  ceux 
i  ont  ea  à  porter  le  principal  poids  de  la 
ère  des  notateurs,  soit  surtout  à  cause 

145^)  On  imQwm  ane  liste  tiraneuop  pins  cnn- 
îr^Me  «to-8  Ziegelbauer,  Hi$l.  liîerar.  ord.  S.  Be- 
.«  t.  1,  q«niqtt*il  M  borae  aux  nionaslèrct  des 

1  iS5>  Voir  Klchs,  op.  e, 
1-454;  UcKBfiii  {op.  f.,i  et  ii  pauim)  se  plaiat  à 
itfors  reprises  des  j(énéraiilés  doot  se  conteiiteat 
4us  souvent  le«  écrivains  nationaux  de  rhi»- 
f?  liilératre  bysantlne;  et,  sor  un  pareU  objet, 
^ra:«  téméraire  de  vouloir  raffiner  là  où  an 
"^^  aussi  habile  confesse  son  Ignorance.  Cest 
«ttV  an  sujet  des  bibftiotbéancs  que  ces  anleurs 
;^cii«ieui  <»|»iniàtrénient  les  détaib  ;  mais  le  même 


du  silence  des  monuments  historiques  (IkSk). 
Disons  au  moins,  que  les  bibliothèques  mo» 
nastiques  les  plus  célèbres  du  bas-empire 
paraissent  avoir  été  celles  de  l'Archipel,  du* 
rant  le  ix*  «siècle  ;  à  Andrée,  à  Paimos,  à  Lee^ 
boB  (1435),  soustraites  peut-être  par  leur  iso- 
lement aux  fureurs  des  préfets  iconoclastes 
du  Yuv  siècle  (1436);  et  sur  le  continent, 
dans  les  monastères  du  mani  Aihos,  où  les 
religieux  de  direrses  langues  commencèrent 
à  s'établir  en  grand  nombre  durant  les  ix*  el 
X*  siècles  (1437). 

SaENCE,  exige  la  foi.  Voy.  Foi.  —  La 
science  au  point  de  vue  |iauthéistique.  Foy. 

PSAOSOraiS   PAXTHÊISTS  DE  L*HISTOISS,  |  V. 

—  Science  acroamatiqne  et  exotérique.  Voy, 

ACROAMATIQUB. 

SCIENCES  MODERNES,  comment  elles  se 
concilient  avec  le  V'  chap.  de  la  Genèse. 

Voy.  CSBATIOH,  §  V. 

SCIENCES  MORALES,  sont-elles  du  do- 
maine de  la  physique  ?  Voy.  Amb,  §  L 

SCOT-ERIGENE,  son  panthéisme  idéalis- 
te. Voy.  Panthéismb,  }  L 

SEDIGITJ,  on  familles  è  doigts  surnumé- 
raires. Voy^  Races  hdmaiiies,  }  IV. 

SfilKHS  ou  SYK'fl,  secte  de  Tlnde.  Voy. 

ACSOAMATIOCB. 

SEM,  peuples  qui  en  descendent.  Voy. 

PSTCHOLOOIB,  i  IV. 

SEMAINE,  son  ancienneté  et  son  unÎTor- 
salité.  Voy.  Cb£atioh«  —  M.  J.  Reynaud,  cité 
à  ce  sujet,  veut  lui  substituer  le  quaternaire. 
Ibid. 

SEMBLABLES,  n'y  a-t-il  action  qu*entra 
les  semblables  ?  Voy.  Amb,  |  VL 

SEMI-PELAGIANJSME  de  saint  Hilaire', 
réfutation.  Voy.  Hilaibb (Saint),  |  X.—  De 
saint  Vincent  de  Lérins*.  Voy.  Vincent  de 

LÉBINS,  f  l. 

SENSIBILITE ,  principe  coordonnateur 
de  la  science  dans  le  règne  animal.  Voy. 
HoMMB,  arL  II. 

SENSUALISME,  son  impubsance  pour  ex- 
pliquer le  principe  pensant.  Fay.  Ame,  §  111. 

SEQUESTRATION  d'individus  humains, 
ce  qu'elle  Drouve.  Voy.  Pstchologib,  }  X. 

SÊRAPfilJM.  Voy.  BiBUOTHfcQUB  d*Aijbxan- 


SERPENT,  traditions  universelles  sur  ce 
reptile  commeobjet  d*adoration  etd*horreur. 
Voy.  DftxoN.  Voy.  aussi  Pégii£  obiginbl,  1 1. 

SFONDRATE,  discussion  sur  son  opinion 
au  sujet  des  enfiints  morts  sans  baptême. 
Voy.  PÉNrrENCB,  |  III. 

SICARD  (Le  P.),  son  opinion  sur  Tendroit 

savent  fait  ieaMn|«er,  en  omlrt,  que  las  aMNiasièrefl 
d*Orient,  et  aartnot  caax  de  CoMumiBapie,  panis- 
«ent  avoir  été  fan  inférleors  poar  Tétade  à  ceax 
d*Oecideiil.  (  Op.  c.  u,  29.  ) 

(1455)  HEKEK5,0p.  e.  I,  85. 

(1456)  Sur  ie  vandmlUme  de  ComUanitM  Copronyme 
eld€U9  préfelê^  vuir  Tabohusi,  p.  571, 575, 585,  «le. 
—  CcDKCN.  p.  454, 466.  En  citant  les  auteurs  byzan- 
tins, c*est  ordinalreflient  i  rédition  de  Paris  que  j*ai 
leeours. 

(1457)  On  lira  avec  an  vif  intérêt  la  saile  de  ce 
travail  dans  leêAMmmUê  de  pkiloêopkie  ekriu,  I.  \  VIII, 
t  série.  Il  appartient  au  savant  Jésuite  C.  lUaiKa. 


ISi5 


SID 


X^lCnONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


SIX 


m 


où  Ses  Israélites  traversèrent  la  mer  Rouge. 
Voy,  Passage  de  €a  mer  Rouge,  §  1  et  11. 

SIDOINE  APOLLINAIRE  (SAiifr).  —  Né 
h  Lyon  le  5  novembre  431.  Distingué  par  ses 
talents  et  par  son  origine,  il  épousa  la  Glle 
d*Avitus,  depuis  empereur.  Pour  sauver  sa 
ville  natale,  qui  s'était  révoltée  à  la  chute 
d'Avitus.  il  subit  la  douloureuse  obligation 
de  prononcer  Télogede  Majoi-ien  et  du  Suève 
Ricimer.  Anthemius,  Tan  467,  appela  Sidoi« 
fie  à  Rome.  Le  poète  y  prononça  le  panégy- 
rique de  cet  empereur,  qui  le  créa  chef  du 
sénat,  préfet  de  la  ville  et  patrice.  Déjà  il 
avait  obtenu  une  statue  dans  la  forum  de 
Trajan.  La  mort  sanglante  de  son  bienfai- 
teur paraît  avoir  éloigné  Sidoine  de  la  scène 
politique;  car  Tannée  même  de  cet  assassi- 
nat (472),  nous  le  voyons  élu  évèque  de 
Clermont.  11  mourut  en  488. 

Les  poésies  et  le  recueil  d*épltres  qu*il  a 
laissés,  et  qui  sont  si  riches  en  souvenirs 
précieux  po.ur  Thistoire,  brillent  aussi  d'es- 
prit et  d  imagination  :  heureuses  qualités 
dont  l'auteur  abuse  souvent,  ainsi  que  de 
son  érudition,  qu'il  étale  sans  fin  et  hors  de 
propos. 

Les  vertus  qui  ont  principalement  sancti- 
fié Id  vie  de  l'évoque  de  Clermont  sont  un 
invincible  amour  de  la  patrie  et  une  charité 
prodij^ue  en  aumônes.  Même  quand  il  n'était 
encore  que  laïque,  il  distribuait  aux  mal- 
heureux sa  vaisselle  d'argent,  que  Papianilla, 
son  épouse,  allait  ensuite  racnetf*r. 

MM.  Ampère  {flist.  lia.,  t.  II),  Guizot 

ÎHtst.  de  la  civilis.^  leç  m),  Pbilarète  Chas- 
es  {Journal  de»  Débats^  10  sept.  1838),  Char- 
pentier (Essai  sur  Vhistoire  lia.  du  moyen 
uge)f  Fauriel  {Hisi.  de  la  Gaule  méridionale^ 
è.  I),  Nisard  (Etudes  sur  les  poètes  latins  de 
la  décadence,  1. 1),  Mermut  (Hist.  de  ta  ville 
de  Vienne j  t.  Il),  ont  prétendu  que,*  comme 
laïque  et  comme  évoque,  il  n'avait  guère  eu 
do  sérieux  que  le  plaisir  et  son  ambition  ; 
que,  laïque,  il  avait  été  cruel  pour  le  faible, 
SLTvile  envers  les  grands,  songeant  fort  peu 
à.l'Eglise,  même  dans  Rome.  M.  l'abbé  Go- 
rini,  dans  s^  Défense  de  VEglise  contre  les 
erreurs  Aù/oriûruf^,  a  fait  disparaître  ces  trois 
rei)roches  et  réfuté,  avec  l'érudition  et  l'ha- 
bile critique  .qu'on  lui  connatt,  toutes  les 
assertions  erronées  des  auteurs  que  nous 
venons  de  nommer.  La  cruauté  de  saint  Si- 
doine se  réduit  à  un  acte  sévhte,  répréhen- 
sible  sans  doute,  mais  bien  moins  pourtant 
que  rinadvertance  qui  change  en  meurtre 
cette  bastonnade.  Le  servilisme  reproché  à 
l'auteur  des  éloges  de  Maiorien,  d'Anthé- 
inius  et  d'Euric  s'efface  de  même,  soit  à 
l'examen  des  raisons  qui  lui  imposèrent  le 
devoir  de  louer  les  deux  empereurs,  soit  à 
l'examen  des  preuves  par  lesquelles  M.  Go- 
rini  a  montré  qu'il  ne  fut  jamais  le  ))anégy- 
risle  du  roi  visizolh. 

Quant  à  sa  jneié,  elle  se  révèle  admîrable- 
meiil  lorsqu'à  l'aspect  de  Rome  on  le  voit  se 
j>roslerncr  comme  un  pèlerin  du  moyen 
âc^e,  et  quand  nous  apprenons  de  saint  Gré- 

(!4:i8)  llht.  lUt.,  eic,  i.  Il,  cil,  p.  «M. 

(l  t59)  Prélaci*  de*  Etudes  hhtoriquet. 


goire  avec  quelle  libéralité  il  seooonU  b 
)iauvres. 

M.  Gorini  fait  voir  que,  da&$  Vépiscopit, 
Sidoine  s'est  montré  tout  à  fait  ùignede  notre 
admiration.  L'ambition  m  le  ouuduisii  pas 
au  sacerdoce  ;  il  n'y  vécut  pas  en  homme  de 
plaisir,  et  ses  contemporains  ont  rendu  boni- 
ma^e  à  ses  connaissances  ecclésiastiques. 
Quoique  parfois  badin  dansl  iotimiléiilre^ 
toujours  grave  dans  son  auguste  mloisièrt 

Si,  pendant  son  épiscopal,  il  publia  a 
correspondance,  il  le  fit  k  la  solliciut.ou  -k 
ses  amis,  laïques  et  prêtres,  entre  iesqueo 
figuraient  plusieurs  saints,  et  il  n  obéà  [«^ 
en  cela  à  une  vanité  d*auteur  ;  car  s'il  v  tù! 
été  si^et,  il  n'eût  pas,  à  son  entrée  dans  ilJ  • 
M*  renoncé  à  la  poésie,  qui  lui  avait  acquis 
une  si  brillante  renommée.  Voy,  AaisTocii- 

TIB  G  A  LLO^aOM  4CTK   i  i 

SIECLE  \CTUii»  tableau.  Voy.  Virm- 
MB,  §  Vin. 

SIGNE,  son  râle  dans  la  cansiitution  de  & 
raison.  Voy.  Pstchologib»  §  XU. 

SIMËON,  son  cantique  prophéliciot  Tcy. 
note  XV,  §  VIII,  à  la  On  du  vol. 

SIMON  (JuLBs),  réfute  Topinion  qsi  pn^ 
tend  que  la  Trinité  chrétienne  YicnUtfiO' 
tin,  des  platoniciens,  etc.  Voy.  Trinité,  )V. 

SIMONDË  DE  SISMONDI.-  DesYolQifiâ 
entiers  ne  sufliraient  pas  aux  rei^tifitaiicos 
iïes  inexactitudes  qui  déparent  YMiftoirtin 
Français  et  celles  des  républiquetHiéL 

Cependant,  pour  nous  éditier  un  i^eu  wr 
son  compte,  je  rapporterai  les  a|»|>réciaiioi* 
qu'ont  faites  de  son  impartialité  {lusiiun 
de  ses  égaux  eu  savoir  et  même  de  ses  &i^ 
miraleurs, 

M.  i.-J.  Ampère,  qui  Iui<Rèmen*agii^ 
ménagé  les  saints  personnages  honorés  \ 
l'Eglise,  ne  peut  s  empêcher  d*ap)»e]er{a^ 
fois  M.  Sisiiiondi  <  bien  injuste  (li38J.ibi' 
teaubriand,  quoiqu'il  se  piquât  avec  ra^ 
de  courtoisie  pour  les  auteurs  ses  cunici** 
porains,  ne  laissait  pas,  à  proiK)s  de  cv'Jft 
ci,  de  mêler  k  ses  éloges  une  bien  im 
restriction.  «  Les  élucubrations  decesad 
annaliste,  éurit-il  quelque  [^rt,  doiveoi^ 
lues  avec  précaution  (1439).  »  M.  Guizui.c 
annonçant  (m'il  adopte  un  livre  de  SiscDon 
pour  base  de  son  cours  sur  la  civilisatjd 
française,  ajoute  :  «  Peut-être  y  soubaitene^ 
vous  encore  un  peu  plus  d'impartialité  cN 
liberté  dans  l'imagination  ;  peut-être  lir 
action  des  événements  et  des  opinioos  r* 
temporains  s'y  laisse-t-elle  quelquefois  t 
entrevoir  (tkio).  p  Un  écrivain  peusus( 
M.  Mignet,  en  présence  de  l'Acadéoiir 
sciences  morales,  a  dit  dans  sa  notice 
l'historien  genevois  :  «  On  regrette  qu*^  ^^ 
mérites  éminents  M.  de  Sismondi  n  eb  .^ 
pas  joint  d'autres  qui  auraient  donné  ï^ 
ouvrage  quelque  chose  de  plus  exact eif'V 
et  de  plus  acnevé.  On  voudrait  y  irujî^ 
plus  d'art  dans  la  composition...  Onaîmcrî' 
enfin,  que  l'esprit  du  prolestant  et  du  ff 
blicain  de  Genève  ne  se  laissât  point  «f^r 
voir  quelquefois  dans  les  rigueurs  d»*  <  ^'^ 

(iUO)  T.I,  Icç.  Il,  p.  29. 


a 


i 


1517 


STR 


DICTiONNAlRfc  APOLOGETIQUR. 


SUR 


ÎS» 


Vmeu  h  répand  du  catliolieisiiie  et  de  la 
fu,i  auté.  9 

Enfin,  If.  Philarèle  Cliasies  écrivait  en 
«ieroier  liea  :  c|  Quant  à  M.  de  Sismondi, 
(tiî  accepte  tous  les  roaarais  rapports  de  cet 
»n  1  iqoe  babillard  {de  Braniôme)^  oh  a  le  d  roi  t 
•Téire  sévère  à  son  endroit.  On  croit  voir  an 
..omme  ^ave  qui  consnllerait  sa  portière  et 
«ijoulerait  foi  à  ses  disconi^.  Noos  avons  eu 
viavent  occasion  de  démontrer  que  M.  de 
Siimondi  a  écrit  son  histoire  contre  la  Fran- 
ce... »  Triste  résullaty  selon  le  critique,  delà 
passion  de  l'auteur  contre  la  France,  de  son 
libéralisme  mal  entendu,  et  de  certains  tra- 
ders intellectuels  lihkî)  1 

Ouand  on  sait  ae  quels  hommes  partent 
<ie  teHes  critiques,  on  ne  peut  douter  qu'elles 
n  aient  été  bien  gagnées. 

SISMO^'DI  (SA.  SiMO^DB  de).  Voy.  Simosdb 

bE  SlSllO?IDI. 

SIVA,  son  culte.  Voy.  I^diiiusme,  §  IV. — 
Il>t-il  une  lies  trois  personnes  de  la  Trinité 
!.*>. retienne?  Voy.  TaiiirrÉ,  §  III. 

SOCIETE,  quels  sont  les  résultats  sociaux 
fie  la  doctrine  de  la  pénitence.  Voy,  P6ifi- 
rc5icB,  §  IV.  —  Société  au  xix*  siècle,  spec- 
tacle qu^elle  présente  sans  le  christianisme. 
yoy.  ir^iTBODccTiO!!»  §  1,11,  III  et  IV.  —  So- 
riété  oécessairu  pour  révolution  rationnelle 
•fe  riions  me.  Voy,  Psychologie,  |  XI.  —  So- 
riété  civile,  comme  la  religion,  a  pour  base 
la  prophétie  et  le  sacremenl.  Voy.  Slexatii- 

BAUSME,   S  I. 

SOCINIENS.  Le  Clerc,  etc  ,  leur  opinion 
^ur  la  Trinité;  réfutation.  Voy.  note  Wll , 
{111  etsuiv.,  à  la  fin  du  volume. 

S<x:RATE  laiéd'iiallucinalion.  Voy.  Hal- 
ut  <i^ATio!f .  —  Socrate  et  Moïsf.  Voy.  Pe^- 
TA-mQCE,  JXI. 

SOLIDARITÉ,  sa  loi  dans  l'indiviJu,  dans 
''-  '-ramilles,  ilan^  les  nations,  dans  l'huiiia* 
;  f  iv.  Voy.  PÉCHÉ  orI6I?sbl,  s  V. 

:=^^>RClERSâLPPUCI£S.  U*ur  foi  dans  un 
^szjiuercc  avec  le  démon,  comparée  par 
Vf.  Alfred  Maurj  à  celle  des  martjrs.  foy. 

tljlLl.tCI5AT10H. 

50LRDS-MU£TS.  Ce  que  prouve  leur  étal 
uural.  Voy.  Pstcholooie,  }  XJV.  —  Ténioi- 
«oages  des  instituteurs  des  sourds*muels 
rançais  el  étrangers,  ifrfd.,  —  Du  R.  P.  La- 
ortJairc,  ibid. —  Voy.  RivÉLATm!%  paiurrivs. 

SPHÉRICITÉ  de  la  terre;  réfutation  de  M. 
.etr^uine.  Fay.  TBmRset  Cosvogbafhie,SI1I. 

SPINOSA.  Erreur  sur  Tétai  de  nature. 
^'ty.  PsTCBOLoeiB,  i  II.  Son  pantlicisuie  ma- 
srialiste.  Voy.  PAirmiisiiBy  {  II. 

SPIRITUALITÉ  de  l'âme,  preuves.  Voy. 

VE,  f  1. 

SIHiNTANÉITE.  On  lui  attribue  à  tort  le 
i- veloppement  intellectuel  de  Tbomme.  Voy. 
£vKLATiO!i  ranifrivB.  —  Peut-on  lui  attri- 
uer  l'origine  de  fa  pensée  et  de  la  parole. 

oy.   PSTCHOLOGIB,  {  Vlll. 

^riCAL'SS,  réfuté  sur  les  an^es.  Voy. 
^<ic&.  —  Réfutation  de  sa  théori?  du  my- 
ie.  Voy.  Mtthisme,  $  Il  et  suiv.  —  Réfuté 
«r  M.  Quinet,  i6id.,  §  III.  ~  Réfutation  de 
»s  oi»je€tior.s  contre  l'évangélistc  saint  Luc. 

tlilf  >  JtnrHol  dti  ÙibaUy  2  avril  IX5S. 


Voy.  Llc  (Saint).  —  Réfuté  sur  les  miracles. 
Voy.  Miracles,  §  I.  —  Réfute  les  interpré- 
tations naturalistes  des  faits  évangéliques. 
Voy.  Natumaustbs,  TB?rrATiO!i  de  Jéscs- 
Cbbist  et  Naissance  de  JI^us-Cheist.  — 
Réfute  la  théorie  de  rhallucination  comme 
esplication  de  la  vision  de  ZarJiariA,  père 
de  saint  Jean-Raptiste.  loy.  Uallucin atioh, 
§  III.  —  Réfuté  sur  Texplication  qu*il  donne 
de  la  tentation  de  Jésus-Christ.  Voy.  Tbx- 
TATI03I  de  Jésls^hbbt,  §  II.  —  Réuitalion 
de  ses  attaques  contre  Tauthenticité  de  l'é- 
vangile de  saint  Jean.  Voy.  Jean  (Saint).  — 
Ce  qu'il  objecte  sur  la  conduite  de  Jesos- 
Cfarist  avant  le  crucifiement.  Voy.  Jbam 
rSaint),  i  II.  -•  Réfuté  sur  saint  Paul.  Foy. 
pAtL  (Saint),  apôtre.  —  Caractère  du  livre 
de  Strauss,  I  re  de  Jésus.  Voy.  note  XL  à  la 
fin  du  volume.  -  Réfute  leiplication  natu- 
raliste du  récit  de  saint  Matthieu  sur  l'étoile 
et  la  venue  des  mages  à  Rethléem.  Voy. 
Naissance  de  Jéscs-Cbbist,  { I.  —  Réfuta- 
tiou  de  sa  propre  interprétation  du  mémo 
récit.  Ibid. 

SUAREZ.  Son  opinion  sur  le  renouvelle- 
ment des  cieux  et  de  la  terre.  Foy.  Cibcx 
xoovbaox. 

SURSTANCB.  —  Dieu  devait-il  se  mani- 
fester par  sa  ^utistance  ?  Foy.  Jésus-Chbist, 
art.  Il,  |l.  —  Sulistancc  spirituelle  et  subs- 
tance matérielle  comjarées.  Foy.  Ame,  f  Y. 
—  Peut-on,  sans  le  signe,  déga^cer  le  mode 
de  la  substance?  Foy.  Pstcbounsie,  { XII. 

SUPRÉMATIE  du  Pape.  Voy.  Pape  —  Su- 
ivre t.atie  de  TEglise  romaine ,  a-t-e!le  *été 
iiic«'onnuc  fiar  Vincent  de  Lénns  7  Erreur  de 
M.  Aui|K're,  réfutée.  Voy.  Vi?icb!it  de  Li- 
uns.  —  E^t^ce  I  ar  anticipation  que  saint 
Prosjier  céléiira,  au  v'  siècle,  la  suprématie 
de  Ro.iie?  Krreurs  de  M.  Am]>ère,  réfutées*. 
Voy.  P&ospeb  (Saint). 

SUR.NATLRAUSME  oujORDRE  SURNA- 
TUREL. —  Une  douleur  sincère  et  profonde 
se  renouvelle  au  fond  de  notre  âme»  lors- 
que, recueilli  dans  notre  pensée,  nous  con- 
sidérons la  position  que  se  font  eHes-miV 
mesde  nobles  intelligences  à  Têtard  de  Véiut 
surnaturel  et  révélé  de  rhom:ne.  Dans  cette 
classe  d'esprits  à  plaindre,  on  s* est  dépouillé 
l>eu  à  peu  dos  inclinations  de  la  foi  pre- 
mière, et  Ton  est  arrivé  à  ne  plus  guère  re- 
E;arder  comme  existant  que  ce  qui  frap,!0 
es  sens,  on  paraît  du  moins  rentrer  dans 
les  appréciations  naturelles  et  arbitraires 
d'une  raison  prétendue. 

Trop  souvent  on  commence  par  s'aban- 
donner aux  désirs  et  aux  jouissances  de  la 
vie  présente:  on  accepte  et  on  suit  les  im- 
pulsions de  la  nature  ;  de  là  un  fUf/imi/Miiia 
pratique  :  on  ne  sait  pas  lever  les  yeux  en 
haut.  Le  naturalisme  Sfiéculatif  vieutcnsuite. 
Il  est  admis  d'avance  qu  il  ne  peut  se  passer 
rien  que  de  naturel  et  de  compris  dans 
rhomine.  Fort  légèrement  pour  lordipaire, 
et  avec  un  dédain  facile,  on  éloigne  de  soi 
toute  croyance  à  un  ordre  surnaturel;  ou 
rejette  toute  pensée  d'une  dispcusatiou  et 
d'une  bonté  divine,  qui  dès  luri^ine  aurait 


1519 


SUil 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


SM 


m 


destiné  Tliomme  à  ^a  participatiou  surhu* 
niaine  de  rintuitioii  béaliiijue,  et  qui  Tau* 
raii  relevé  déchu. 

Dieu,  pour  nous  attirer  à  lui,  5*est«il 
]»orné  à  nietlre  sous  nos  yeui  le  spectacle 
de  la  nature,  et  à  allumer  dans  notre  intelli- 
gence Taelrede  la  raison?  Toute  autre  cooi-» 
ijiiinication  enlre  lui  et  nous,  une  comoiu- 
nic'^Uon  plus  directe,  plus  proche,  plus  pro- 
fonde, est-elle  impossible?  Jusqu*au  jour 
où  le  mystère  de  notre  création  se  consom- 
mera dans  rétemitéy  n'avons-nous  rien  de 
f»lus  è  espérer  ou  à  prétendre?  Le  rationa- 
isme  Taliirme  ;  il  déclare,  et  c'est  là  ce  qui 
le  sépare  de  nous  (iar  le  fond  même  de  son 
essence,  c(U*il  n*y  a  rien  entre  Dieu  et  nous 
que  par  I  intermédiaire  de  la  raison  ;  que 
toute  autre  voie  est  chimérique,  tout  autre 
commerce  une  im|K>sture  ou  une  illusion. 
I^  doctrine  catholique  n'accepte  pas  cet  ar- 
rèt«  elle  croit,  elle  enseigne oue  la  natureet 
la  raison  ne  sont  que  le  péristyle  de  la  vérito, 
Ve  premier  flambeau  du  temple,  etque  l'hom- 
me, avec  ce  secours,  si  grand  qu'il  soit,  est  un 
être  incomplet  qui  ne  saurait  atteindre  au  ter- 
me de  ses  destinées,  c*est-à-dire  à  Dieu.  Voilà 
Il  question  formidable  qui  est  devant  vous. 
Puisque  Dieu  est  la  Onde  Thomnie,  puis- 
qu'il nous  a  créés  pour  être  i^arfaits  et  heu- 
roui  en  lui,  il  est  manifeste,  qu*à  moins 
que  les  plans  de  la  création  ne  soient  ii^i* 
bas  entièrement  trompés,  il  doit  se  trouver 
dos  hommes  qui  tendent  à  leur  fin,  en  cher- 
chant at  en  aimant  Dieu.  Et  cependant  aussi, 
à  cause  de  la  liberté  humaine ,  il  doit  se 
trouver  d'autres  hommes  qui  néçligentDieu, 
leur  principe  et  leur  fin,  pour  s  abandonner 
à  la  séduction  des  choses  créées.  Tel  esl,  en 
etfet,  le  spectacle  que  nous  présente  sans 
interruption  l'histoire  du  monde.  A  quelque 
époque  qu'on  la  consulte  ou  au'on  la  re- 
garde, on  y  voit  aux  prises  deux  grands 
|»artis  qui  se  disputent  le  gouvernement  des 
esprits,  le  parti  de  Dieu  et  le  parti  de  1  hum- 
nie,  le*  parti  des  saints  et  celui  des  sagos. 
Or,  s'il  est  vrai  que  nous  n'ayons  d'autre 
moyen  pour  arriver  à  notre  fin  uivine  que  la 
nature  et  a  raison,  il  est  maniieste  que  le 
parti  de  Dieu  a  dû  prendre  son  point  d'a))- 
pi4i  dans  les  soutes  ressources  de  l'ordre  na- 
turel.Et  pourtant  il  n*en  est  rien.  Le  parti 
de  Dieu  existe,  il  a  toujours  existé;  il  est 
doué  d'une  for<*e  qu'aucune  autre  n'a  pu 
abattre,  ni  les  siècles,  ni  les  rois,  ni  les  sa- 
ges. Les  siècles  sont  venus  avec  l'empire 
et  tes  ruses  de  la  durée;  le  parti  de  Dieu 
les  a  regardé  couler,  s'est  servi  d'eux  pour 
leur  survivre.  Les  rois  ont  tenu  dans  leurs 
mains  toute  la  puissance  de  l'homme  :  le 
])arli  de  Dieu  a  béni  ou  maudit  leur  pas- 
sage, et,  dans  un  cas  comme  dans  l'autre, 
il  a  mis  de  la  terre  sur  leur  tête  et  il  est  de- 
meuré vivant.  Les  sages  ont  écrit  des  livres 
et  se  sont  fait  des  noms;  le  parti  de  Dieu 
s'est  emparé  de  leurs  livres,  cl  maintenant 
que  leur  renommée  n'est  plus  qu'un  souve- 
nir sans  vertu,  il  se  sert  encore  de  leurs  cen- 
dres pour  garantir  sa  propre  immortalité  1 
Eh  lueu  l  cet  opiniâtre  et   victorieux  i>arti, 


où  puise-t-il ,  au  sein  de  la  caducité  »^^ 
raie,  son  imfterturbable  vie!  Sa  force,  ilie 
déclare  lui-même,  est  dans  ane  dociriaeqû 
ne  Tient  pas  de  la  nature  et  «tui  «léo^nciHie 
la  raison.  C'est  là, dansée  foyermjstérieui, 
que  le  parti  de  Dieu  puise  la  lamière  qui  le 
guide,  ta  vertu  qui  le  purifie,  le  courerQ 
qui  l'élève  au-dessus  des  peri»écttlions  Se 
tous.  Il  ne  s'en  cache  |:as,  il  s*efl  glorifie. 
Si  maintenant,  au  contraire,  nous  consi. 
défons  lautre  parti,  le  parti  de  rbomote, 
et  que  nous  cherchions  à  conoattre  le  foo- 
dément  de  ses  couvictionsetde  ses  actes,)} 
ne  s'en  cache  pas  non  pins  ;  il  nous  déclai 
très-haut  qu'il  n'y  a  pour  lui  d'aatre  âdeore 

Sue  celle  de  la  nature, d'autre  vertu  qaeceile 
ont  la  raison  est  le  principe,  le  siège  et  li 
démonstration.  Que  si,  iiar  delk  l'uniTers, 
il  existe  un  être  invisible,  affranchi  des  li- 
mites où  tous  les  êtres  sont  resserrés,  h 
parti  de  l'homme  prétend  n'en  aroir d'idée 
que  par  la  révélation  intérieure  de  lesprit 
ou  par  la  conclusion  qui  Se  tire  deâ  piiéso- 
mènes  du  monde.  Mai5,3oitqu  ilailnicUeog 
qu'il  reiKiusse  Texistenoe  de  cet  tlnsoj^* 
rieur,  le' parti  de  l'homme  n'entretieglareff 
lui  aucun  commerce  réel. 

Voilà  le  fait  :  partout  oii  Dieu  eslsilort, 
il  Test  en  vertu  d'une  doctrinesunuturelle; 

1  Partout  où  il  est  méconnu,  ill'estaaiHH&te 
a  nature  et  de  la  raison.  Quelque  étrun 
que  soit  ce  résultat,  il  n'est  pas  possibleda 
le  nier.  Tournez  vos  yeux  où  vous  voudrez, 
entrez  dans  tel  temple  qu'il  voos  platn, 
vous  y  trouverez  au  seuil  même  la  pro|4ié* 
tieel  le  sacrement:  la  prophétie, qui fsl 
une  parole  de  Dieu  contenant  des  térilés 
inaccessibles  è  la  raison  ;  le  sacremeDlt  qui 
est  un  acte  doué  par  Pieu  d'une  ciBcsdii 
supérieure  h  toutes  les  forces  de  la  nalun. 
£t  quicon(|ue  méprise  ces  deux  choses. 
vous  le  verrez,  infailliblemeot  courM  ven 
la  terre,  ne  sachant  de  Dieu  que  son  nm  ei 
n'ayant  avec  lui  d'autres  rapports  qoelKi- 
gratitude  et  l'oubli. 

Encore  une  fois,  voilà  le  fait.  Maisquefoul* 
il  conclure?  Il  faut  en  conclure  que  le  ct)a* 
merce  de  l'homme  avec  Dieu  n'est  pas  fondé 
sur  l'ordre  purement  naturel,  mais  sur  qd 
ordre  plus  intime  et  plus  profond,  qui  wA 
on  contact  direct  la  personnalité  huroaiue  ei 
la  personnalité  divine.  Si  vous  vous  reto 
à  cette  conclusion,  vous  êtes  libres,  msft 
chez  que  vous  anéantissez  tout  commercf 
de  l'homme  avec  Dieu,  pnisqu'eo  réaiii^  ^ 
n*en  existe  pas  d'autre  sur  la  terre.  M- 
être  direz-vous  qu'il  vous  inlporte  peu,  fi 
que  votre  ooinion  est  précisément  que  (t 
commei-ce  n  est  autre  chose  qu'une  itu]^*" 
ture  ou  une  illusion.  Ici,  la  question  Hias: 
de  face.  Il  ne  s'agit  plus  de  savoir  quei^ 
en  réalité  dans  le  genre  humain  le  mode^" 
actes  religieux,  mais  quelle  est  la  valeur  <v 

f:iquo  de  ces  actes,  tels  que  le  genre  buin^^ 
es  accomplit.  Je  dis  le  genre  huiuaio,  f. 
c'est  la  première  chose  que  je  dois  éulit^ 
pour  donner  une  base  à  mes  raisoiioeiuefl^* 
Uhumanilé  est-elle  religieuse?  Est-elle r«^ 
gieuse  sous  la  forme  Surnaturelle? 


C5SI 


SUtt 


DICTIONNAtRE  APOLOCETIQtfi 


SUB 


ir 


L^koBUDittf  religlesw  esl  on  bit  aoîTenel  et  peipctoel. 
—  faotemeDt  et  impaisnoce  de  rioeréthiHié.  — Fro* 
l*^iie et sacrenefti, esKBce de  tooi  colle;  —ont  ré- 
«né  à  répravve  de  la  poblidlé;— base  de  la  religion, 
ils  le  soot  aoni  de  la  sod^tc  drile 

11  semble  qn^on  ne  [misse  pas  prétendre 

q«e  Hiamanilé  soit  reltgîeiise,  puisque  j  ai 

ceofessé  moî-^oiêne  qu'elle  se  diTisait  en 

deui  partis,  le  parti  de  Dieu  et  le  parti  de 

rbonmis  lo  parti  de  la  foi  ei  «elui  de  Tin- 

crédulité.  Mais  il  est  aisé  de  Toir  que  cette 

diri&ion,  toute  réelle  qu'elle  soit,  ne  d'étruit 

fes  TunÎTersalité  et  la  perpétuité  du  culte 

retigicul  parmi  les  hommes,  et  ainsi  ne  nous 

die  }«is  le  droit  d'affirmer  que  Tbumanitéest 

religieuse.  En  effet,  tandis  que  nul  peufiie 

D*44»paralt  dans  fhistoîre  sans  le  signe  et  le 

palladium  d*une  foi  positive,  sans  temple, 

sans  autel,  sans  sacerdoce,  c'est-à-dire  sans 

une  religion  constituée,  Tincroyance  ne  s'y 

montre  que  sons  une  forme  individuelle, 

tantôt  proscrite,   tantôt  tolérée,  rarement 

vuissanle,  et  ne  parvenant  iamais  à  s'as- 

<^oir  comme  l'expression  publique  et  sociale 

ti*uae  nalion.  Loin  de  s*élever  à  un  caractère 

uuiversel,  l'incroyance  n'atteint  pas  même 

ï  rhonneur  de  la  nationalité;  elle  seqiente 

d'bommeàborome,  è  la  fiiçon  d'un  venin  qui 

flnoeole,  et  qui,  fût4i  devenu  la  peste,  reste 

encore  dans  son  eipansionà  l'état  d'accident 

L'X  de  fléau.  Il  y  a  des  portions  considérables. 

Je  rhumauité  qui  ne  l'ont  jamais  connue  ; 

tel  est  rOrient.  Là,  sous  un  ciel  splendide 

H  chaud,  l'homme  lève  plus  naturellement 

«es  jeui  vers,  la  sphère  invisible  liabitée  |)ar 

l>iet]  ;  il  croit,  il  prie,  il  adore,  il  contemple, 

ffonr  ainsi  dire  sans  y  penser,  et  le  doute  ou 

rincroyance,  s'ils  abordent  son  esprit,  y 

laissent  plutôt  la  trace  d'un  rêve  que  d'une 

tentation. 

Il  en  est  des  temps  comme  oes  peuples. 
[>es  temps,  pris  dans  leur  suite,  sont  reli- 
;f  <ni.  Si  quelques-uns  forment  une  eicep- 
i'=>n,  c*est-à-dire  firéscntent  un  plus  grand 
irymbre  d'apostasies  individuelles,  ce  sont 
es  temps  de  décadence  qui,  en  achevant 
»ur  cycle  douloureux  et  corrompu,  rame- 
enl  bientôt  du  fond  de  l'éternité  avec  des 
>ars  plus  jeunes  des  croyances  plus  respcc- 
.^es.  ÈCde  même  qu'il  y  a  des  races  à  qni 
irréligion  n'est  |  as  connue,  il  y  a  aussi  des 
^es  où  ce  mystère  dMniquité  n'a  pas  môme 
é  nom.  Tels  furent  les  premiers  siècles  de 
<  ré>put)lique  romaine;  telle  cette  époque 
lé.iiorableoii  le  christianisme  ayant  achevé 
'  ItAptème  de  l'Europe,  en  retenait  les  na- 
on  s  passionnées  sous  le  sceptre  d'une  foi 
n<:nre  nnanfme. 

Soit  donc  que  l'on  considère  l'humanité 
)DS  Fensemble  des  peuples  qni  en  forment 

corps  total,  soit  qu'on  l'envisage  dans  son 
f  veloppement  séculaire  ,  l'incrédulité  ne 
y  montre  qu'à  l'état  de  protestation,  avec  la 
jlilesse  de  l'isolement  jusque  dans  le  nom- 
ne^ayee  l'impuissance  de  la  |ieqiétuitéjus- 
je  dans  la  durée,  et  l'homme  demeure  aux 
/u%  de  tous|iar  son  cœur  et  son  histoire 
ï  élrc  religi^u*- 

BlCTlOS^AIEE   APOLOGÉTIQVE.   If. 


Mais  sous  qnelle  forme  l'est^il  ?  Rien  as* 
sûrement  n'est  plus  varié  qna  le  spectacle 
des  cultes  qui  remplissent  la  terre.  Ils  dif-. 
firent  |iar  la  doctrine,  par  la  morale,  par  les 
cérémonies,  par  le  sacerdoce,  par  leurs  ini- 
mitiés, et  il  semble  impossible,  de  .quelque 
eôté  qu'on  les  regarde, de  les  ramènera  une 
commune  architecture.  Et  toutefois,  il  n'en 
est  pas  un  seul  qui,  sous  le  rapport  de  la 
forme,  n*ait  le  même  point  de  départ  et  la 
même  constitution.  Tousdemandent  à  leurs 
prosélytes  de  s'incliner  avec  le  respect  et 
robéissance  de  U  foî  devant  un  dogme  sa* 
cr'é,  c'est-à-dire  devant  une  doctrine  descen- 
due de  Dieu  par  une  révélation  inspirée  ou 
1>ropbétique.  Tandis  *(|ue  la  science  part  de 
'observation  de  la  nature,  et  la  philosophie 
de  l'investigation  de  la  raison,  partout  et 
toujours  la  religion  invoque  la  prophétie, 
c'est-à-dire  la  parole  de  Dieu  communiquée 
d*abord  à  un  envoyé,  puis  transmise  j  ar  la 
tradition  jusqu'aux  lèvres  du  i^ètre  qui  la 
donne,  comme  il  Ta  ref uo,  f  our  un  hériiago 
inviolable  d'en  haut.  Le  savant,  le  philoso- 
phe et  le  prêtre  sont  les  organes  d'un  triple 
enseignement  dont  li^s  lumières  peuvent 
s'aider  d'un  reflet  mutuel,  mais  qui  toas  trois 
l^nt  leur  princif^e  propre  et  leurincommuni* 
cable  caractère*  Nul  ne  s'y  tromfia  jamais. 
I^  savant  constate,  le  philosophe  raisonne, 
le  prêtre  affirme  au  nom  do  IMeo.  Et  ainsi  la 
déunition  même  de  ces  trois  genres  d'hom«> 
mes  nous  démontre  que  tout  culte  est  fondé 
sur  une  prophétie,  soit  que  réellement  Tau* 
leur  fût  inspiré  de  Dieu,  soit  qu'il  ait  usurpé 
par  une  coupable  imitation  le  titre  et  la  puis- 
sance de  prophète.  Nons  verrons  bientôt  quel 
est  I3  moyen  de  discerner  le  vrai  do  faux 
dans  une  matière  où  l'imposture  a  de  si 
graves  conséquenres;  mais  ici  l'imposture 
elle-même  prouve  la  vérité  que  je  veux  éta- 
blir. Car,  je  vous  le  demande,  pourquoi  laira 
un  mensonge  du  nom  de  Dieu,  si  le  nom  de 
Dieu,  appelé  en  témoi;;naçe  du  dogme,  n'é- 
tait pas  nécessaire  à  la  vie  de  toute  reli- 
gion T 

Aussi  de  même  que  ciiaque  peuple  garue 
la  mémoire  du  législateur  ou  du  conquérant 
qui  le  fonda,  chaque  culte,  vrai  ou  faux,  a 
consacré  l'histoire  du  prophète  qui  lui  ap* 
I)ortaduciella  \iarolede  Dieu.  Les  Chrétiens 
nomment  Jésus-Christ,  les  Juifs  Moïse,  les 
Perses  Zoroastre,  les  Hindous  Bouddha,  les 
musulmans  Mahomet,  et  s'il  est  des  cultes 

3 ni  ne  connaissent  |ias  (lersonnellemenlleur 
ivin  instituteur,  celte  i,:rnorance  tient  à  ce 
qu*ils  ne  sont,  comme  le  polythéisme  des 
brecs  et  des  Romains,  qu  une  corruption 
confuse  de  systèmes  antérieurs. 

Voilà  donc  toutes  les  religions,  c'est-à- 
dire  l'humanité  elle-même  en  tant  que  reli- 
gieuse, qui  confiasse  que  le  commerce  de 
rhomme  avec  Dieu  refiose  sur  des  vérité<( 
d'un  autre  ordre  que  celles  de  la  raison,  sur 
une  lumière  difl^érente  et  plus  haute  que 
celle  qui  éclaire  natnrellement  les  intelli- 
gences créées.  Ce  n'est  pas  tout  :  à  côté  de  la 
prophétie,  flambeau  universel  et  perpétuel 
où  s  allume  la  foi,  se  manifeste  et  s'impose 

42 


VB3 


sua 


IHCTIONMAIRE 


\e  sacrement,  aulre  institalion  réputée  dî-» 
yinc,  qui  a  pour  but  la  purification,  Téléva* 
lion,  kl  sanctirication  de  l^Âme,  son  union  h 
Dieu,  par  une  vertu  qui  surpasse  et  étonne 
les  forces  de  la  nature. 

Je  fasse  sur  les  sacrements  du  christia- 
nisme; vous  les  connaissez  tous  et  nul  de 
vous  ne  doute  qu^ils  ne  soient  une  partie 
(  .ssentielie  de  la  religion  duChrist>  le  inoyen 
qu*elle  nous  offre  pour  nous  élever  de  la 
terre  au  ciel.  Mais  en  est-il  de  môme  dans 
lesautres  cultes?  Le  sacromçut  est-il  chez 
tous  le  mode  inviolable  des  communications 
de  rhommeavec  Dieu.  Oui ,  chez  tous  :  des 
forôts  sacrées  de  la  Scandinavie  aux  pagodes 
bizarres  de  la  Chine,  de  la  pierre  des  Drui- 
des à  Tautelde  la  Grèce,  des  temps  les  plus 
modernes  aui  Ages  les  plus  reculés,  partout 
et  toujours  le  culte  est  sacramenlaire  comme 
)e  dogme  est  prophéiiiiue.  Sacrifices,  eaux 
lustrales,  expiations,  initiations,  rites  san- 
glants ou  joyeux,  voilÀ  ce  qui  est  Tâme  de 
toutes  les  liturgies  et  ia  fonction  de  tous  les 
sacerdoces«Dnseul  cultCt  celui  de  Mahomet, 
s'en  est  montré  avare,  parce  qu'il  n'est  guère 
qu  un  déisme  revêtu  ue  révélation  i  et  en- 
core Mahomet  a-t-il  conservé  le  vestige  du 
sacrifice  en  même  temps  qu^il  faisait  de  It 
prière  le  fondement  pratique  de  son  édifice 
religieux^  Or,  la  prière  est  elle-mftme  un  sa- 
crement, lorsqu'on  lui  suppose  une  elOcacité 
d'impétration  qui  surpasse  évidemment  la 
poriéed'un  acte  naturel. 

Au  lieu  donc  que  la  morale  devrait  être  le 
seul  et  vrai  moj^en  de  nous  unir  à  Dieu^  si 
nous  ne  consultions  que  la  lumièrede  la  rai- 
son, voici  que  tous  les  cultes  nous  présen- 
tent, pour  atteindre  à  ce  but  suprême,  je  ne 
sois  quelles  opérations  dont  ia  vertu  ;^tt  uni- 
queiDcnt  dons  ia  volonté  qui  les  institua  ;  et 
f^omme  la  raison  est  subordonnée  à  la  foi 
dans  Tordre  de  l'esprit,  la  morale  est  subor- 
donnée au  sacrement  dans  l'ordre  de  la  vo- 
lonté. Non  pas  que  la  foi  doive  détruire  la 
raison  ni  le  sacrement  la  niorale;  mais,  au 
contraire,  la  foi  est  donnée  pour  agrandir  la 
raison,  et  le  sacrement  pour  perfectionner 
la  morale.  Or^  plus  ce  résultat  est  extraor- 
dinaire» plus  son  universalité  et  sa  perpé- 
tuité, loin  de  nous  inspirer  un  stérile  élon- 
nement,  méritent  de  nous  une  féconde  et 
«respectueuse  considération. 

C  est  pourquoi  je  vous  prie  de  remarquer 
tjue  ia  prophétie  et  le  sacrement  ne  sont  pas 
une  œuvre  se«Tète,  cachée  au  fond  des  sanc- 
tuaires et  révélée  seulement  à  des  initiés  ; 
mais  qu'ils  lèvent  tous  les  deux  leur  tête 
avec  la  hardiesse  de  la  foi,  qu'ils  sont  tous 
\os  deux  publics  comme  la  religion. 

Or,  ce  n'est  pas  peu  de  chose  que  ta  publi- 
cité, et  surtout  une  publicité  universelle  et 
^perpétuelle.  Plus  qu'en  aucun  autre  siècle, 
TOUS  pouvez  juger  combien  l'épreuve  en  est 
redoutable,  puisque  tout  est  plein  des  ruines 
qu'elle  accomplit  chaque  jour,  et  par  où  elle 
répond  à  l'audace  de  ceuxqui  l'affrontent  avec 
d'autant  plusd^irréflexion  qu'il  n'y  eut  jamais 
dans  le  monde  moinsde  défiance  de  soi  et  plus 
de  facilité  de  parler  très-loin  et  très-haut. 


APOLOGETIQUE.  SCR  \'SU 

C*est  qu'en  effet  la  publicité  renfermeune 
confrontation  immense  de  laiiensée  tm 
tous  les  esprits,  avec  tous  les  droils^lGu 
les  intérêts,  tons  les  établissements,  louirs 
les  vérités  acquises,  toutes  les  moeurs  assu-    ' 
réesj  avec  tout  ce  qiii  se  meut  dansiesyiecc 
et  dans  le  temps.  Elle  est  une  lutledunoo* 
veau  contre  l'ancien,  du  progrès  contre  lu 
stabilité,et  réciproquementdel'aDC.eQconlre  ' 
le  nouveau,  -de  la  stabilité  contre  le  progrH   | 
lutte  sanglante  et  quotidienne,  où  ilest  imi^js-  ; 
sibleà  ce  qui  est  vain  de  résister  longlemp^.  ' 

Admirer  donc  avec  moi  dans  Inislilutioo   ' 
"sacramen taire  et  prophétique  une  ()ubliri<i  !| 
de  soixante  siècles.  Les  temples  étaient  oq-  I 
verts,  la  fumée  du  sacrifice  montait  libre- 
ment vers  le  ciel,  le  sang  et  l'eau  coulml 
sur  le  front  des  fidèles  à  lafacederimpie: 
le  monde  a  vu  et  voit  encore.  On  ne  lui  i 
rien  caché,  on  no  lui  cache  rien.  ]\ei;ardei,  * 
voici  l'urne  du  baptême;  voici  le  lieu  où  la! 
foi  s'agenouille  en  avouant  et  réparanUii 
fautes;  voici  le  tabernacle  où  repose sou.5 lo  ' 
signe  du  pain  la  chair  vivante  d'un  Vm  ti 
la  parole  qui  révèle  et  anime  toutes  ces  cbcr 
ses,  vous  l'entendez,  elle  ue  s'enfuit  ptf 
devant  vous,  elle  vous  saisit  enlace, elif 
vous  presse,  elfe  vous  commande  au  tm 
de  Dieu.  RteSy  il  vous  est  permis;  frappe; 
voire  poitrine,  vous  le  pouvez.  Mai^  V^^ 
vous  répondiez  par  l'insulte  ou  par  radun* 
tion,  la  projphétiesubsiste,  lesacremenlpert); 

vère;  demain  vous  mourrez,  etdemainiissral' 
lorontWotre  tombeau.  Ne  faut-il  pas  nue  ^o^ 
y  pensiez  ?  Ne  faut-il  pasquevoussacnlezdW 
vient  h  cette  étrange  institution  une  duiÉ 
é^ale  à  sa  publicité,  une  durée  de  tous les^ 
des  devant  une  publicité  de  tous  les  leiQpn 
Encore  la  publicité  n'est-elle  pas  le  u# 
nier  caractère  par  où  nous  pouvons  jojl 
du  rôle  que  jouent  dans  l'humanité  la  |4 
phétie  et  le  sacrement.  Si  l'humanité  i  ^ 
destinées  gui  ont  Dieu  pour  terme,  elle 
a  aussi  qui  ont  la  nature  pour  horizon; 
elle  forme  par  ses  rapports  avec  Dieu  ' 
société  divine,  elle  forme  pendant 
séjour  ici-bas  une  société  purement^ 
niaine.  Entre  ces  deux  soc^iélés,  si  di 
rentes  par  leur  objet,  leur  mode  et  Wj 
but,  il  semble  qu'il  ne  devrait  y  a?oiraa^ 
point  de  contact,  ou  du  moins  que 
moyens  surnaturels  de  l'une  devr  ieiit  é 
étrangers.aux  effets  naturels  de  l'autre. 
n'en  est  rien.  La  prophétie  et  le  sdcrcm< 

3ui  sont  ia  base  de  la  religion,  le  sont  ^ 
e  la  société  civile.  C'est  ce  qu'ont  e^b 
tous  les  peuples,  puisque  tous  ont  a^f^j 
la  religion,  sous  une  forme  ou  sous  '^ 
autre,  à  la  chose  publique,  et  ont  vén^ 
dans  le  sacerdoce  un  des  principaux 
trumenLs  de  la  solidité  des  erapiro.  U } 
tre,  le  guerrier,  le  magistrat,  telles  oui 
toujours  les  trois  colonnes  de  ia  sccv 
humaine  :  le  magistrat  par  la  justice^ 
guerrier  par  Tépée,  ie'[)rétre  rar  Ja  piof'-* 
tie  et  le  sacrement  dont  il  est  la  vivaDlt^^^i 
carnation.  Ce  n'est  pas  que  t>caoroup  <i;*" 
très  offices  ne  concourent  à  la  siai'»t: 
comme  au  mouvement  de  Tordre  s-^  -^ 


1325 


SVR 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUC. 


SI  11 


iZfù 


tous  même,  quels  gu^ils  soient,  y  ont  une 
honorable  part;  mais  Tbonneur  a  sa  hiérar- 
chie aussi  bien  que  tout  le  reste»  et  il  est 
assurément  remarquable,  pour  ne  pas  dire 
prodi^eux,  qu'entre   tant  de    ministères 
humains  dont  Tutilité  et  la  gloire  ne  sont 
pas  contestées,  le  ministère  surnaturel  du 
prêtre  ait   obtenu  des  peuples  une  aussi 
haute  place  dans  Torganisation  de  leur  TÎe 
temporelle.  Uéme  aujourd'hui,  où  s'est  in- 
tro(fuile  pour  la  première  fois  l'idée  de  In 
séparation  des  choses  humaines  et  dirines, 
cela  ne  Tcut  pas  dire  que  la  religion  soit 
reléguée  en  dehors  des  affaires  et  des  inté- 
rêts nationaux,  mais  seulement  qu'elle  doit 
;igir  sur  leux  par  une  action  plus  iudépen- 
liante  de  leur  maniement  extérieur.  Elle  n'a 
rien  perdu,  dans  cette  situation,  de  son  in- 
fluence sociale,  elle  n'en  reste  pas  moins 
l'âme  reconnue  de  la  civilisation  du  temps, 
et  |ieut-èlre  y  eut-il  rarement  une  époque 
où  sa  nécessité, -comme  principe  de  1  ordre 
luéme  humain,  fut  plus  vivement  ressentie, 
t^ue  de  ruines  autour  de  nousl  A  quoi,  de- 
puis soixante  ans,  la  main  de  la  France  n'a- 
t-elle  pas  touché   pour  le  détruire?  Que 
restp-t-il  debout  I  Qu'y  a-t-il  qui  ne  soit  au 
moins  blessé?  La  vénération  s*est  enfuie 
(]^^  rois;  ni  la  guerre,  ni  l'hérédité,  ni  le 
rhoîx  des  révolutions  n'ont  pu  nous  créer 
nue  monarchie  ;  nous  abattons  les  trônes 
«ans  avoir  la  foi  des  fi'ji;es  républicains  ;  le 
respect  nous  manque  envers  nos  propres 
œuvres,  et  nous  n  avons  plus  de  force  que 
iOur  remuer  nos  ruines.  Je   me  tro:iipe, 
quelque  chose  est  demeuré  grand  et  honoré 
<;ans  ce  naufrage  de  toutes  les  institutions, 
«.'est  le  magistral  sous  sa  toge,  le  soldat  sous 
s**s   drapeaux,  le  prêtre  dans  son  temple. 
Vrrilà  ce  qui  nous  reste,  cl  parce  que  cela 
fjous  reste,  tout  est  encore  sauvé. 

Que  faut-il  de  plus  pour  conclure  enfin 
9^ec  certitude  que  la  prophétie  et  le  sacre- 
u  ent  ont  pénétré  jusqu'à  la  racine  de  la  vie 
ii^jmaine,  et  dès  lors  que  I  humanité  est 
•:-/;^euse  sous  la  forme  surnaturelle?  Je 
le  pense  pas  que  vous  puissiez  contester  le 
3ÎI  ;  vous  ne  pouvez  plus  qu'en  repous5er 
rs  conséquences,  et  ce  sont  ces  conséquen- 
ts que  je  dois  établir. 


t  raison  iiD|Niiflsante  poar  fonder  od  culte,  même  n'.lot^ 
net.  ii*a  |ni  cr^r  ooe  forme  religieuse  donl  elle  n'a 
oi  la  cooscIcDce  dî  rioleltigeoce.  —  Le  rationalisme 
sn  pfXMe  oiie  abemtion  asiTerselle  qai  cependant  n'au- 
rai t  aocooe  racine  dans  la  consUtalloo  de  lliomme.  — 
%o<«iTelle  conltadicUon  du  ralionalitme.  —  L*tinmauilé 
a-i'-eUe  été  Tîctime  d'imposlcursT 

Voas  connaissez  Timportance  lo^que  de 

ut  étalilissemeni  qui  porte  en  soi  les  ca^ 

tères    d'universalité,  de  perpétuité,   de 

iMicîté  et  d'organisation.  Ces  caractères 

:nîûcatifs,  nous  les  retrouvons  cîans  Téta- 

ssemeat   prophétique  et  sacraïuentaire, 

lis  avec  une  force  nouvelle  qu'ils  puisent 

fiS  l'essence  même  de  la  prophétie  et  du 

'    njent.  Car,  au  lieu  que  les  institutions 

<'n    ^es  rem^onlre  d'ordinaire (I<'îrivenl  des 

^/^is  et  des  facultés  de  Thomme,  c'est-à- 


dire  de  la  constitution  naturelle  de  son  être, 
ici  nous  ne  pouvons  plus  en  expliquer  la 
présence  par  ce  motif,  puisque  la  prophétie 
et  le  sacrement  appartiennent  à  un  ordre  qui 
confond  la  nature  humaine  plus  encore 
qu'il  ne  la  satisfait.  Que  l'humanité  soit  reli- 
gieuse, nous  l'entendons  volontiers  ;  la  rai- 
son nous  annonce  Texistence  d'une  cause 
suprême,  à  qui  nous  devons  tout  ce  quo 
nous  sommes,  de  qui  seule  nous  pouvons 
espérer  tout  ce  qui  nous  manque,  et  la  re- 
ligion n*étanl  autre  chose  qu'un  commerce 
de  dépendance,  de  gratitude  et  d'amour  eu- 
rers  cette  cause  suprême,  il  est  facile  à  un 
cœur  droit  d'en  concevoir  la  justice  et  d'en 
suivre  le  goût  intérieur.  Mais  au  delà  de  ce 
cercle,  la  raison  ne  rencontre  que  des  abî- 
mes, ou  du  moins  elle  ne  découvre  rien 
dans  sa  propre  lumière  qui  lui  indique  un 
autre  mode  de  connaître,  d'aimer  et  d'adorer 
Dieu.  Par  conséquent  ce  n'est  pas  efle  qui 
pousse  Thumanité  vers  cet  autre  mode;  le 
n'est,  pas  elle  qui  ouvre  devant  nous  la  car- 
rière obscure  où  les  sacerdoces  ont  conduit 
tous  les  |>euples  et  tous  les  temj.s.  Itien  no 
se  fait  que  par  un  principe  d'impulsion  ;  au- 
cune impulsion  ne  se  donne  que  conformé- 
ment au  princifie  d'où  elle  émane.  La  raison 
fiouvait  créer  un  cufte  dont  elle  ne  possé- 
dait aucun  élément. 

Mais,  chose  plus  remarquable  encore,  en 
aucun  siècle  et  en  aucun  lieu  la  raison  n  a 
même  créé  un  culte  ra.ionnel.  Partout,  tou- 
jours, le  culte  prophétique  et  sacrauientaira 
a  étouflé  le  culte  rationnel  en  l'empêchant 
de  se  produire.  Si  ce  culte  a  existé  dans 
quelques  cœurs,  comme  ceux  de  Pythagore 
et  de  Platon,  il  y  est  demeuré  incertain  de 
lui-même,  à  l'état  d*une  aspiration  qui  cher- 
che à  se  déterminer  saus  y  parvenir;  état 
incomplet  et  douloureui,  qui  arrachait  au 
plus  grand  des  sages  cette  confession  tant 
de  fois  citée  :  «  Il  faut  qu'un  maître  vienne 
du  ciel  pour  nous  instruire.  » 

Comment  donc  la  raison,  incapable  de  sa 
donner  un  culte  h  eile-niême,  aurait-elle 
poussé  rhumanilé  tout  t^nlière  vers  une 
forme  religieuse  dont  elle  n'a  ni  la  cons- 
cience, ni  l'intelligence?  £t  si  ce  n'est  |ias 
la  raison  qui  est  l'auteur  de  cette  forme 
religieuse,  qui  donc  en  est  l'auteur?  Qui  a 
eu  la  puissance  de  l'imposer  au  genre 
humain  ?  Vous  direz  peut  -  être  ceci  : 
«  L'homme  est  fait  |)Our  Dieu  ;  il  le  sent,  il 
le  sait  ;  il  est  à  l'étroit  sur  celte  terre  qui  ne 
lui  donne  qu'un  abri  triste  et  peu  durable  ; 
il  aspire  par  lo  ressort  naturel  de  toutes  ses 
facultés  vers  la  région  infinie  qui  est  Je 
tcrmede  sa  destinée.  Mais  il  ne  connaît  pas 
clairement  ce  terme  où  il  est  attendu,  il  en 
a  le  pressentiment  plutôt  que  la  science,  et 
par  leffet  roni!?iné  de  ce  qu'il  veut  et  de  ce 
qu'il  ignore,  iî  se  crée  pour  aller  à  Dieu  des 
moyens  qui  le  rassurent  dans  sa  foi  et  le 
consolent  dans  son  désir.  Il  se  persuade 
que  Dieu  lui  j^arle;  il  suppose  que  certains 
actes  faits  en  son  nom  reçoivent  de  cette  in- 
voc;ition  sublime^ine  eilirarilc  que  la  nriU;ro 
toute  seule  ne  peut  Monaer  à  ûen.  La  pro' 


I5i7 


SUR 


DICTIONNAIRE  A1H)L0GETlQtE. 


SDE 


m 


phétie  est  le  songe  d'une  vérité,  le  saerc- 
mcnWest  Terreur  d*une  espérance.  Dans  le 
commerce  4*un  être  borné  avec  un  être  in- 
fini»  rimpossible  devient  naturel  et  Textra- 
vaganee  semble  un  effort  de  la  raison.  » 

Lucrèce  invoquait  la  peur  comme  la  créa- 
trice des  dieux  et  de  leur  culte  ;  vous  en 
ap(»elez  à  de  meilleurs  sentiments  pour  ex- 
{uiquer  ce  mystère  ;  et  dans  le  fait,  s*il  ne 
s'agissait  que  de  pratiques  individuelle?  ou 
locales,  on  pourrait  peut-être  considérer  les 
religions  |)05itives  comme  une  aberration 

ÎHus  ou  moins  excusable  des  sentiments  re- 
igieux.  Maïs  Taberration,  quels  que  soient 
le  prestige  qui  la  cause  et  les  noms  dont  on 
la  décore,  ne  saurait  être  la  loi  de  Tbuma- 
nité.  C'est  Thumanité  qui  croit  à  la  prophé* 
lie  et  au  sacrement;  c'est  elle,  sans  excep- 
tion, qui  s^est  soumise  à  des  dogmes  dont 
i'espritn'a  pas  révidence,à  des  rites  dont  la 
raison  n'accepte  pas  la  solidarité  ;  c'est  elle, 
dans  ses  peuples  éminents  comme  dans  ses 
races  dégénérées,  dans  ses  siècles  de  civili- 
sation comme  dans  ses  âges  de  liarbarie, 
dans  ses  sages  aussi  bien  que  dans  ses  sim- 
ples de  cœur.  Il  est  impossible  que  l'huma- 
nité tout  entière  ait  subi  par  rapport  à 
Dieu  une  éclipse  aussi  persévérante  de  sa 
vraie  et  naturelle  lumière;  il  est  impossible 
que  Dieu  Tait  permis.  La  vérité  est  le  pre- 
mier bien  que  nous  ayons  reçu  do  son 
équitable  bonté  ;  elle  est  en  toutes  choses  le 
principe  de  notre  perfection  et  de  notre  béa- 
titude; nous  ne  {louvons  la  perdre,  sans 
perdre  la  racine  de  tous  les  dons  divins.  £t 
ce  serait  DIqu  lui*mème,  ses  actes,  sa  mé- 
moire, ses  droits  sur  nous,  (jui  seraient 
devenus  la  source  corrompue  d'une  univer- 
selle et  invétérée  superstition  I  La  vérité 
mathématique  se  serait  conservée,  la. vérité 
religieuse  aurait  disparu  de  la  torre'l  Sans 
doute  la  liberté  humaine  a  donné  lieu  à  des 
égarements  de  toute  nature  4  mais,  outre 
qu'ils  n'ont  jamais  détruit  universellement 
rien  de  nécessaire  à  la  vie  du  genre  hu- 
main, ils  conservaient  encore  des  traces  de 
la  vérité.  On  y  reconnaissait  la  source  d'où 
les  passions  de  l'homme  s'étaient  détour- 
nées, et  l'impuissance  où  il  est  de  créer 
même  une  erreur.  L'erreur  n'est  qu'une 
déviation  du  vrai,  une  altération  de  1  ordre 
naturel  des  choses,  qui  ne  peut  être  totale- 
ment anéanti  ou  chancre,  si  ce  n'est  par 
Dieu. 

Or,  ici,  l'on  suppose  un  égarement  uni- 
versel, qui  cependant  n'aurait  aucune  racine 
dans  la  constitution  physique,  intellectuelle 
et  morale  de  l'homme.  D'après  cette  consti- 
tution, telle  que  le  rationalisme  se  la  repré- 
sente, l*homliie  ne  renferme  aucun  élément 
supérieur  h  la  raison  :  la  raison  est  le  point 
le  plus  éleVé  de  son  être,  le  principe  et  Ile 
modérateur  de  toutes  ses  autres  puissances  ; 
en  dehors  d'elle,  il  n'aboutit  qu'a  des  rêves, 
à  des  chimères,  à  des  folies.  Dès  lors  il  est 
manifeste  que  tout  ce  qui  n'est  pas  rationnel 
est  antipathique  à  l'humanité,  et  que  par 
conséciuent  il  est  impossible  de  concevoir  où 
rhumanit<^  aurait  pris  la  pensée  d'entrer 


avec  Dieu  dans  des  rapports  issui  (l'ooe 
autre  source  que  la  raison. 

Mais,  di tes- vous,  i)ien  qae  la  raison  soit 
véritablement  le  point  le  plus  élevé  de  la 
nature  humaine,  cependaat  elle  ne  connoaK 
pas  Dieu  avec  une  clarté  suffisauie  pour 
s'unir  à  lui  par  les  forces  qu'elle  {MyssMe, 
et  c'est  pourquoi  elle  aspire  à  celte  union 
par  des  {procédés  qui  ne  lui  sont  p«s  pro- 
pres, tels  que  la  prophétie  et  le  sacieiueni. 

Pardonnez-moi  de  vous  le  dire,  mais  il 
est  impossible  de  rassembler  en  une  seul? 
phrase  plus  de  contradiction  et  de  noD-scas. 
Quoi  I  la  raison  n'a  pas  eu  elle  le  moyto 
de  s'unir  à  Dieu,  et  pourtant  elle  veOl  s^usir 
à  Dieu  I  Mais  pourquoi  le  veut-elle?  Qui  1'; 
oblige,  qui  l'en  presse,  puisqu'elle  manque 
des  facultés  qui  justifiaient  cette  aœbiiioii! 
Ou  Dieu  a  voulu  que  l'homme  enlreitnl  iiî 
commerce  avec  lui  par  l'intermédiaire  de !i 
raison,  ou  H  ne  l'a  pas  voulu.  Dans  le  l>r^ 
mier  ca$,  il  a  évidemment  {donné  à  noire 
ressort  i!itellectuet  une  vibration  assezpui.^ 
santé  pour  s'élever  jusqu'à  lui;  dans  hm 
cas,  la  raison  n'étant  point  ap|)elée  à  cfitc 
haute  prérO{$ative,  n'en  sentira  pas  pius  !« 
besoin  que  le  devoir.  Il  faut  choisir,  fi 
quoique  vous  choisissiez,  vous  n'expliqua 
rez  pas  comment  l'homme,  être  {mreuietit 
rationnel,  tend  à  Dieu  par  une  voie  éiran- 
gère  à  sa  nature. 

!»  Le  vulgaire  des  gens  d*esprit  résout  la  dit 
ficulté  en  supposant  que  le  genre  humAioi 
été  victime^  d'un  certain  nombre  d'im{«( 
teurs  qui,  de  siècle  en  siècle,  onlaboséffi 
sa  bonne  foi.  «  Primitivement,  pensenU^ 
l'homme  n'avait  pour  prophète  que  sa  rsïMi 
pour  sacrement  que  son  cœur;  il  parlait 
Dieu  et  Dieu  lui  parlait  dans  !e  sand'iai 
de  l'Ame.  La  philosophie  et  la  religion, 
confondant  par  leur  objet  et  leur  mèlh 
n'élaient-çn'tine  seule  et  même  insûtuti 
Il  n'y  avait  ni  autel,  ni  culte,  ni  sacenioc 
il  n'y  avait  que  l'homme  et  Dieu.  Maisconi  j 
il  se  rencontra  un  ambitieux  pour  fondai 

{tremier  trône,  il  s'en  rencontra  on  autre  [xn 
bnder  le  premier  temple  ;  un  second  suni 
puis  un  troisième,  et  bientôt  la  lèpre  pr 
phétique  et  sacramentaire,  consacnV  sM 
le  nom  de  révélation,  couvrit  de  son  irréd 
diable  impureté  la  conscience  du  cenreM 
main.  La  nhilosophie  se  sépara  oc  la  n' 

5 ion.  Quelques  sages  épars  ccmsorvit: 
ans  leur  cœur  la  pure  lumière  et  la  .^lii 
liberté  des  premiers  âges  du  monde;  le  f«i 
vil  troupeau  de  Terreur,  se  traîna  captif  ^ 
le  joug  d'une  superstition  que  rien  n*il 
déraciner,  sans  doute  parce  qu'elle  a  [« 
appui  Thabitude,  l'auiiquité,  le  nomdoPi^ 
et  aussi  la  faiblesse  innée  de  la  plupati^ 
esprits.  >  J 

Je  ne  relèverai  pas  l'injure  que  cette  «M 
trine  fait  à  l'humanité;  tous  ss^ei  qu*« 
est  ordinaire  en  ceux  qui  se  séparent  ov 
foule.  Laissons  .à  l'orgueil  l'argututD^.  ^ 
mépris,  et  donnons-nous  la  gloire  du 
logique  calme  et  digne  de  la  vérité. 

Qu'il  y  ait  de  faux  prophètes,  li  <}" 
n'est  pas  douteuse;   que   plusieurs  ^^^ 


f3J9 


SUR 


OICTlONNAïaE  APOLOGETIQLE. 


SUR 


1530 


réussi;  riiisteire  Ta  prouré  et  le  christia- 
nisme  le  Teot.  Mais  pourquoi  ont-ils  réussi  ? 
N*oal-ib  pas  réussi  précisément  iiarce  qu*il 
y  eu  a  de  vrais?  N^ont-ils  pas  réussi  parce 
que,  tout  en  corrompant  la  religion,  ils  en 
acceptaient  la  base  dogmatique  et  pratique, 
insénot  dans  ce  tronc  divin  des  branches 
étrangères  qui  y  puisaient  leur  vie?  N*ont-ils 
pas  réussi  parce  qu*ils  trouraient  dans  le 
cœur  de  Tbomme,  tel  que  Dieu  Ta  lait,  un 
complice  préparé?  L*imposture  a  besoin, 
comme  toute  chose,  d*un  terrain  analogue  à 
sa  semence  ;  elle  ne  germe  qu*en  vertu  d*une 
fécondité  qu'elle  reçoit  de  Tunique  source 
de  toute  féi-ondité,  qui  est  la  nature.  Suppo* 
sez  un  fourbe  qui  ne  s'adresse  è  aucune  idée 
reçue,  h  aucun  sentiment  réel,  à  aucune  force 
préexistante:  croyez-vous  qu'il  parvienne  à 
déduire  un  homme  en  une  heure?  Et  cepen* 
dani,  pour  ei<pliauer  par  Timposture  le  mys- 
tère qui  nouspr^ccupe,  il  faut  qu'il  séduise 
tous  les  siècles,  et  toutes  les  générations. 
Nous  possédons  Thistoire  de  quelques-uns 
de  ces  hommes  extraordinaires  qui  ont  mis 
au  monde  une  fausse  religion;  nous  con* 
naissons  tout  proche  de  nous,  Luther  et  Ma- 
homet; qu'étaient-ils,  sinon  des  planaires 
et  des  falsificateurs?  Issus  d*une  institution 
religieuse  préexistante,  ils  y  ont  porté  une 
uiaîn  téméraire,  en  s*aidant,  pour  la  tron- 
quer, des  passions  de  leur  temps,  lis  ont 
défraie  le  temple;  ils  no  Tout  pas  bflti.  Une 
portion  de  Thumanité  les  a  crus,  parce  qu'elle 
crurait  déjà  ;  elle  les  a  crus  prophètes,  parce 
qu  elle  croyait  aux  prophéties;  elle  a  reçu 
leurs  sacrements,  parte  qu'elle  avait  déjà 
des  sacrements,  lis  n'ont  été  des  causes  de 
Terreur  que  |iar  un.effet  de  la  vérité. 

Toilà  j»ourquoi  le  dernier  rendez-vous  de 
ië  gaestion  est  toujours  dans  la  nature  hu- 
maine elle-même;  Timpostuce  n'ayant  de 
j»rise  que  |iar  là,  il  faut  définitivement  qu*elle 
â>  appuie,  et  fiour  qu'elle  s'y  appuie  il  faut 
u*ellc  n'en  contredise  pas  tous  les  éléments, 
r,  Toob  l'avez  vu,  et  je  dois  encore  le  répé- 
ter* si  Dieu  u  a  rien  donné  à  l'houime  au 
icià  de  son  corps  et  de  son  esprit,  si  la  rai- 
;^»n  est  le'tcrme  suprême  de  nos  facultés,  il 
.^st  clair  que  tout  ce  qui  n'y  prend  pas  sou 
iri^'ne  est  pour  nous  lunaturel,  chimérique 
i    Yaîn.  Telle  est  la  prophétie,  nos  ad  ver- 
aires  l'avouent;  tel  le  sacrement.  £t  ainsi 
\e  pearent-ils  pas  être  le  fruit  de  l'impos- 
ure*  surtout  le  fruit  universel  d'une  impos- 
ure  continue,  puisqu'il  y  aurait  là  un  effet 
ans  cause,  un  édifice  sans  fondement.  Ce 
*est  donc  pas  au  hasard  que  la  doctrine  ca- 
loliqneY  après  nous  avoir  eiposé  tout,  ce 
ue  l>ieu  a  fait  pour  l'homme  dans  l'ordre 
^^nsîble  et  intelligible,  nous  avertit  que  là 
'est  point  la  limite  de  l'action  divine  à  notre 
fartl^  mais  ijue  par-dessus -ces  dous  précieux 
.  preruiers  il  en  est  un  autre  qui  nous  élève 
ius  haut  et  nous  met  en  communication 
araédiate  avec  Tauteur  de  notre  être,  avec 
principe  et  la  fin  de  nos  destinées.  Par 
tcie  créateur.  Dieu  nous  avait  suscités  en 
'"•  de  loi  comme  une  personnalité  vivante 
ii  bra  ;  nar  l'acte  révélateur»  il  entra  en 


3 


commerce  avec  nous  et  nous  avec  Ini  ;  il  nous 
livra  les  secrets  de  sa  pensée,  les  plans  de  sa 
volonté,  et  dans  c^tle  effusion  à  la  fois  exté- 
rieure et  intérieure,  extérieure  |iar  la  [larole, 
intérieure  par  la  lumière  et  l'onction,  il  créa 
l'ordre  surnaturel  et  religieux.  Et  de  même 
que  la  nature,  sortie  de  se  toute-puissante 
main,  persévère  dans  les  conditions  où  il 
l'enchatna,  la  religion,  non  moins  fidèle, 
|»ersévère  sous  la  forme  qu'elle  reçut  de  lui. 
Autant  il  est  insensé  d'agir  contre  la  nature, 
autant  il  est  vain  d'agir  contre  la  religion; 
l'une  et  I  autre  demeurent  telles  que  Dieu 
les  a  voulues.  Ce  que  le  soleil  et  la  lune 
sont  au  firmament  visible,  la  prophétie  et  le 
sacrement  le  sont  au  firmament  oe  la  vérité. 
Vous  ne  ferez  \^as  tomber  les  étoiles,  et  vous 
ne  ferez  pas  taire  la  parole  de  Dieu.  Et  si, 
jaloux  de  l'œuvre  divine,  vogs  aspirez  à 
créer  q»ielque  chose  par  vous-mêmes  vous 
ne  réussirez  qu*à  produire  des  imitations 
qui,  jusque  dans  leur  impuissance,  atteste- 
ront le  dogme  dont  vous  avez  peur,  et  illii* 
mineront  la  gloire  que  vous  voulez  détruire. 
Qu'a  fait  Luther,  sinon  confirmer  TEglise? 
Qu'a  fait  Mahomet,  sinon  grandir  Jésus- 
Christ?  Qu*oul  fait  tous  les  usurpateurs  du 
titre  prophétique,  sinon  maintenir  dans  les 
ténèbrrs  le  souvenir  et  la  nécessité  de  la  ré- 
vélation? Et  que  faites-vous  en  niant  la  ré- 
vélation, sinon  prouver  par  votre  exemple 
que  la  religion  s'éteint  dans  tout  esprit  qui 
nie  la  réalité  d'un  ordre  surnaturel  ? 

f  m. 

Objection:  L'uoiTemMlé  et  b  perpéurité  de  la  profibôtie 
ei  do  sacreneot  ne  loot  qu'appareilles;  poiot  d'iidlé. 
— Bépome  :  Si  la  litR-rté  honaîne  a  ronpa  l'wiité  dans 
la  rellgioo,  «lie  ii*a  pas  davaiilage  respecté  la  nature 
et  la  nisoo; — Le  sceptieisaie  nie  l'anilé  rationnelU 
oonnne  rumlé  aoraaUirelle;  nnis  il  déffanre,  il  ne 
saurait  détruire.— Unité  des  prapliéties;  unité  des  sa- 
cremenU. — La  nature  a  résiste  aui  moUlaUons,  la 
raison  aux  sjstème»,  la  religion  à  rincroy anoe. 

c  H  est  vrai,  nous  dit  le  rationalisme,  qu'à 
s*en  tenir  à  la  surface  des  choses,  la  prophé- 
tie et  le  sacrement  ont  un  caractère  d'uni- 
versalité et  de  perpétuité,  par  où  ils  semblent 
marcher  d'un  |)as  égal  avec  la  nature  et  la 
raison;  mais  ce  n'est  là  qu'une  apparence 
qui  se  dissipe  au  firemier  regard  sérieux 
que  l'on  jette  sur  C(*l  illogique  établissement. 
En  effet,  pour  qu*il  y  ail  une  vérit^lc  uni- 
versalité, une  véritable  uerpétuité,  il  faut 
que  la  chose  ou  la  pensée  qui  aspire  à  ces 
grands  caractères  soit  la  même  partout  et 
toujours;  sans  l'unil'é,  Tuniversalilé  et  la 
perpétuité  sont  impossibles,  puisque  l'uni- 
versalité n'est  que  l'expansion  de  l'unité 
dans  l'espace,  et  la  perpétuité  son  expansion 
dans  le  temps.  Ainsi  la  nature  est  vraiment 
universelle  et  |>erpétuelle«  parce  que  ses  lois, 
en  quelque  lieu  ou  en  quelque  siècle  qu'on 
les  consulte,  rendent  à  quiconque  les  inter- 
roge une  réponse  qui  ne  change  jadiais.  AU 
jMe  comme  à  l'équateur,  sous  Tinstrunient 
de  Newton  comme  sous  les  yeux  d'Aristote, 
la  lumière  physique  tombe  et  rejaillit  d'un 
objet  en  formant  un  angle  constant.  Il  en 
est  de  même  de  la  raison.  Faculté  d*un  être 
libre,  elle  ne  suit  pas  le^j  cappices  de  la  vo- 


I3*l 


SYU 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


SLK 


\rÀ 


lontë;  elle  Tappronve  on  la  condamne  selon 
des  règles  qui  ne  fléchissent  point.  Parlez  à 
rAthénicn  de  Périclès,  à  TArabe  du  désert, 
au  sauvage  des  forôts  ignorées,  à  l'enfant  de 
Ja  barbar>e,  ou  h  rhomriic  fait  de  la  civilisa- 
tion. toiK  vous  entendent,  et  alors  même 
qu'ils  disputeraient  entre  eus  de  leurs  opi- 
nions, ils  invoquent  pour  les  soutenir  des 
principes  uniformes  aussi  clairs  et  certains 
h  rintelli-çence  de  l'ignorant  qu'à  celle  du 
docteur.  En  est-il  ainsi  de  Tordre  surnatu- 
rel ?  O'j  plutdt  rien  est-il  comparable  au  chaos 
des  superstitions  qui  en  composent  le  spec- 
tacle? Ouvrez  ce  panthéon;  qu'y  voyez-vous? 
Des  dieux  qui  s  insultent,  des  dogmes  qui 
se  contredisent,  des  cultes  qui  se  renient, 
des  sacerdoces  qui  s'anathématisent,  des  au- 
tels qui  se  jettent  du  sang,  une  discorde  in- 
finie comme  l'objet  sacié  où  prétendent  at- 
teindre ces  épouvantables  controverses  de 
l'impuissance  et  de  l'orgueil.  Voilà  le  fait 
surnaturel  1  le  voilà  tel  qu'il  est  dans  l'his- 
toire et  devant  nos  yeux  I  Et  c'est  là  ce  qu'on 
appelle  une  chose  divine,  une  institution 
non  pas  seulement  é^ale  à  la  nature  et  à  la 
raison,  mais  qui,  supérieure  à  tout  ce  qui 
est  créé,  doit  servir  de  norme  à  la  conscience, 
de  lumière  à  l'esprit,  de  couronne  à  l'uni- 
vers I  Pour  nous,  quelle  que  soit  la  cause 
de  ce  terrible  phénomène,  nous  l'accusons 
d*étre  humain  ;  il  est  humain,  parce  qu'il 
n'est  pas  un. 

«  si  V0U5  répondez  que,  parmi  tous  ces 
cultes,  fl  en  est  un  seul  qui  est  le  vrai,  dont 
les  autres  ne  sont  qu'une  impie  ou  malheu- 
reuse contrefaçon,  la  dilBculté  perdra  peut- 
é»fe  de  sa  force  par  un  côté,  mais  en  la  re- 
couvrant d'un  autre  avec  usure  ;  car  un  seul 
culte  étant  le  vrai,  un  seul  est  bon  à  l'âme, 
un  seul  établit  entre  Dieu  et  l'homme  une 
efficace  communication.  Dès  lors  il  est  né- 
cessaire de  le  discerner  dans  la  foule  des 
autres;  il  faut  choisir  sans  se  Iromner.  Et 
quelle  tAche  imposée  au  genre  humain  dans 
une  affaire  au  îl  s*agit  de  trouver  ou  de  per- 
dre Dieu  1  A  nous,  faibles  créatures  déjà 
épuisées  da&s  les  sueurs  que  nous  coûte . 
notre  vie  d'un  jour,  on  aurait  donné  une 
énigme  à  résoudre  comme  condition  de  notre 
vie  éternelle  I  Cela  se  peut-il  ?  Se  peut-il  que 
l'éternité  nous  coûte  autre  chose  que  la 
vertu,  et  qu'avare  de  l'infini  Dieu  se  fasse 
un  jeu  cruel  d'ôtre  le  sphynx  de  l'homme? 
Ah  î  si  la  vérité  est  notre  pain,  elle  doit  tom- 
ber du  ciel  comme  la  pluie,  elle  doit  s'ou- 
vrir passage  comme  le  vent,  elle  doit  grossir 
ses  flots  comme  la  mer,  elle  doit  germer 
comme  la  moisson  dans  les  jours  où  Inomme 
dtîend  sur  son  travail  la  bénédiction  qui 
créa  la  terre  et  qui  lui  ordonna  de  nous  ser- 
vir. Tout  homme  est  capable  de  creuser  un 
svllon'et  d'y  îcter  une  semence  ;  tout  homme, 
l'csl-il  de  démêler  la  confusion  des  cultes 
innombrables  qui  se  disputent  l'honneur  de 
venir  de  Dieu  et  d'y  conduire  l'humanité? 
Nul  n'osera  le  prétendre,  et  par  conséquent 
nous  opposons  à  l'ordre  surnaturel,  comme 
une  double  accusation,  son  défaut  d'unité 


entre  toutes  les  religions  positives  quelle 
est  la  véritable,  si  tant  est  qu*ane  le  solL  • 

Telles  sont  les  diflTicultés.  qui  nous  artf 
tent,  et  que  je  dois  résoudre  avant  défaire 
un  pasdc  plus. 

Il  est  certain  que  l'unité.est  un  caractèn 
essentiel  des  ouvrages  de  Dieu,  non  pas  une 
unité  morte  qui  exclurait  la  variété,  cesl- 
à-dire  l'harmonie  dans  le  nombre  et  reten- 
due, mais  une  unité  féconde  qui,  partaul  et 
Dieu  lui-même,  y  ramène  cornue  à  leur 
source  toutes  les  irradiations  de  la  lu- 
mière et  de  la  vie.  L'unité  n  est  que  Tonlre, 
et  Tordre  est  évidemment  un  attribut  de 
Dieu  et  de  ses  œuvres. 

Il  est  certain  aussi  qu'en  considérant  leo- 
semble  des  cultes,  bien  que  tous  partent  oc 
l'idée  et  du  fait  d'une  révélation,  surnatu- 
relle, bien  qu*ils  aient  entre  eux  la  parenté 
très-significative  de  la  prière,  cependam 
leur  constitution  dogmatique  établit  entre 
la  plupart  une  flagrante  contradiction. 
L'uniléest  à  leur  base,  elle  n*est  point  dan» 
leur  architectnre,  et  cette  diiBcuUé  9cth>c 
nécessairement  dans  l'origine*  sea*wkh* 
du  plus  grand  nombre  une  autre  mai&qQe 
la  main  de  Dieu. 

Quelle  est  cette  main?  qui  a  touché roso- 
vre  divine  après  Dieu?  quelle   puissaoït 
est  survenue  derrière  le  Créateur  fK)ur  in- 
troduire jusque  dans  la  religion,  qui  éUïiU 
couronnement  de  Puni  vers,  une  semence  Ce 
discorde  et  de  mort?   Cette  puissance e.^i 
vous.  Dieu  no  vous  avait  pas  mis  au  nombre 
de  ses  ouvrages  pour  les  habiter  dans  Tiner- 
tie  d'une  contemplation  captive*  mais  pou: 
y  être  les  libres  coopérateurs  de  sa  pensètoi 
de  sa  gloire  ;  il  ne  vous  avait  fias  laits  pou: 
l'adorer    servilement,  mais    pour  raicuer 
d'autant  plus  que  vous  pourriez  le  hair. 
pour  le  servir  d'autant  mieux  que  to^ 
pourriez  le  combattre,  pour  être  de  Sim 
nom  des  instruments  d'autant  plus  efficaci*» 
que  vous  pourriez  le  déshonorer.  C'estpt^ût- 
quoi  partout  où  est  Dieu  en  ce  monde,  tou' 
y  êtes  aussi  ;  partout  oh  il  opère,  vous  ojt- 
rez  aussi,  soit  dans  le   sens  de  sa  penste, 
soit  dans  un  sens  contraire.  Et  ce  n  est  pas 
seulement  sur  une  part  de  son  oeuvre,  que 
cette  puissance  vous  a  été  donnée  :  vous  b 

Cossédezsur  son  œuvre  tout  entière  a»'*^ 
iendans  l'ordre  naturel  que  dans   Toriir^ 
surnaturel,  aussi  bien  contre  la  nature'. 
la  raison  que  contre  la   prophétie  et  les^ 
cremenl.  Vous  pouvez  tout  nier;  vous  jwa- 
vez  nier  Dieu  comme  Jésus-CbrisU  la  n* 
ciété  comme  l'Ëglise,  le  vrai  matiiéniat)«ju« 
comme  le  vrai  révélé,  le  bien  visible  com:^' 
le  bien  invisible,  le  temps  comme  Pétern:- 
Rien  n'échappe  à  votre  empire,  parce  q^- 
d'une  part,  votre  liberté  n'a  pas   de  \\''  ' 
tes,  et  que,  d'autre  part,  tout,étanl  enciia:.* 
dans  le  monde,  le  coup  que  vous  fiortez  fu- 
un  point  retentit  nécessairement  clans  t'»»- 
tes  les  sphères  do  la  création  et  de  Hnaiv 
I^  nature,  la  raison  et  la  religion  sont  U*^>* 
lois  progressives  dont  la  lumière  «trè:'- 
proqueet   la  furcc  solidaire;  riût«'ïi«^'^-* 


puis  Vimpossibilité  dé  discerner     ne  W.s  divii>c  que  par  un  schisme  qui  i^> 


ffS;3 


SIA 


IHCTIONNAmE  APOLOGETIQ^. 


SLR 


f33l 


blesse  loules  trois,  et  l'orgueil  n'a  de  sue« 
oès  profond  que  dans  une  ruine  (|ui  leur 
fait  un  é{$al  tombeau.  Le  vœu  de  I  orgueil 
esc  de  oe  point  obéir,  et  il  obéit  tant  qu*uno 
loi  sobsîste,  quelle  que  soit  son  origine, 
$à  forme  ou  son  nom.  De  là  Tient  qu  il  ne 
se  re|)0$e  que  dans  la  souveraineté  absolue, 
ec  que,  mesurant  ses  forces  à  la  grandeur 
de  son  désir,  il  n'a  pas  désespéré  d'atteindre 
aux  deux  actes  souverains  qui  n'appartien- 
nent qu'à  Dieu,  détruire  et  créer,  détruire 
le  monde  tel  que  Dieu  Fa  fait,  pour  créer  un 
monde  tel  que  Thomme  le  veut. 

Vous  pensez  que  j'exagère,  et   que  si 
rbommea  réellement  attenté  à  la  religion, 
l>arc«  qu'elle  n'est  qu'une  part  supposée  do 
TcBuvre  divine,  il  a  du   moins  respecté  tou- 
jours la  nature  et  la  raison,  qui  sont  cette 
œuvre  elle-même  dans  toute  sa  certitude  et 
>a sincérité.  Vous  le  disiez  tout  à  l'heure; 
vous   opposiez  l'uniformité   constante  de 
l^ordre  naturel  à  la  variété  conti'adîctoire  de- 
fordre  religieux;  mais  quoi  donc  I  le  bruit 
du  monde  ne  vient-il  pas  jusqu'à   vous? 
> 'entendez- vous  pas  d'ici   la  clameur  sé- 
rulairo  de  ses  divisions?  Est-ce  aux  por- 
tes seules  du  temple  que  se  livre  le  combat 
ue  Thonime  contre  iliomme,  et  de  l'homme 
cvotre  Dieu  ?  Descendez  au  forum  des  peu- 
jies»  pénétrez  dans  les  académies,    faites- 
f  t/us  ouvrir  les  laboratoires  de  la  science  : 
l'artout  où  vous  rencontrerez  l'esprit  bu- 
luain,  vous  y  rencontrerez  la  guerre,  doc- 
trines contre  doctrines,  |K)litique  contre  po- 
litique, histoire  contre  histoire,  faits  contre 
laits,  affirmations  contre  négations.  Pouvez- 
vous  le  c;oiitestec?£t  dès  lors  en  quoi  l'or- 
dre naturel  [e^^-il  plus  un  que  l'ordre  surna- 
turel? £n  quoi  écnappe*t-il  davantage  aux 
atteintes  de  Qotre  liberté?  La  contradiction 
reii^euse  elle-même  emporta  une  contra- 
<#JicUoa  rationnelle  ;  car  le  dogme  que  j*ac* 
ce|»te  et  <{ue  vous  rejetez,,  c'est  avec  ma  rai- 
son que  je  l'accepte,  avec  la  vôtre  que  vous 
le  rejetez.  Nous  ne  différons  sur   la  foi  que 
ffarce  que  nous  dilférons  rationnellement. 
Direz'Yous  que  si  oousdifférons  surlescon- 
vé<^oences,  nous  reconnaissons  les  mêmes 
!»rincipes,  et  qu*eu  eux  survit  et  consistas 
*î  uomuable  uuité  de  U  raison  ?  Mais   la  re- 
i^îon  peut  au  même  titre  prétendre  à  Tu- 
lilé  et  à  l'immutabilité;  elle   revendique 
\iASsi  des  principes  sur  quoi  s'accordent 
ous  les  cultes»  tels  que  l'existence  d'un 
;tre  suprême,  son  actioa  sur'  Tbomme,  son 
oannerce  positif  avec  nous  par  des  rêvé- 
atioas,  des  cérémonies,   des  lois,  des  ré- 
ompcnscs  et  des   châtiments.    Où   com- 
iieoce  le  débal«  sinon  dans  le  dévelop;)e- 
aeni    dogmatique  de  ces  pcincipes  conv- 
ions? 

Il  y  a  donc  parité  entre  les  deux  ordres, 
t  si  votre  accusation  conclut  au  préjudice 
e  Tun,  elle  ne  conclut  pas  moins  au  pré- 
idice  de  Tautre.  Aussi«  saclioz-le,  la  même 
liose  que  vous  dites  contre  la  religion,  le 
?pCicisme  l'a  dit  contre  la  raison  ;  de  mêine 
ue  TOUS  niez  Tunité  surnaturelle,  è  causi* 
^  l-a  «li vergence  des  cultes,    le  septtt:isme 


nie  Tunité  rationnelle,  è  cause  de  la  malti- 
tude  d'opinions  et  de  pratiques  qui  divi- 
sent les  sa^es  non  moins  que  tes  peuples, 
fiscal  le  remarquait  en  se  moquant,:  »  Vé- 
rité en  dcrà  des  Pyrénées,  erreur  au' delà  !» 
Connaissez  donc  Tablnte  tout  entier;  voyez 
ce  que  devient  entre  les  mains  de  riiomme 
cette  raison  dont  vous  ne  doutez  pas,  et  si 
vous  refusez  de  croire  aux  aveux  de  la  [ihi- 
losophie,  croyez  du  moins  au  spectacle  de 
votre  temps.  Quelle  est  la  vérité  qui  ne  soit 
pas  niée?  Quel  est  Tinstinct  de  la  nature 
qui  ne  soit  pas  outrance?  Quelle  est  l'insti- 
tution humaine,  si  familière  qu'elle  nous 
soit  par  la  tradition  et  par  le  eœur,  qui  m; 
soit  traitée  en  ennemie?  Vous  vous  éton- 
nez que  le  Christ  ait  trouvé  des  contradic- 
teurs et  des  juges,  il  y  a  dit-^iuit  siècles! 
Mais  levez  les  yeux,  void  la  raison  elle- 
même  devant  le  tribunal  de  Calphe  et  des 
llomains. 

Toutefois  n'ayez  pas  peur,  et  tout  en  con- 
naissant ce  que  l'homme  peut  contre  l'ou- 
vrage de  Dieu,  connaissez  aussi  ce  qu'il  ne 
Î>eut  |»as.  Oui,  il  y  a  une  grande  force  dans 
'homme,  car  Dieu  est  avec  lui;  oui,  il  y  a 
une  grande  force dansl'homme,  car  l'homme 
est  avec  lui-même  :  mais  Dieu  à  sa  droite, 
Satan  à  sa  gauche,  et  lui  au  milieu,  l'homme 
n'est  pas  ca|)able  de  détruire  ni  de  créer  un 
atome.  Un  atome  suffit  pour  arrêter  toute  sa 

Imissance  éternellement  :  combien  plus 
'universl  Soixante  siècles  an  service  de 
n^tre  liberté  ne  nous  ont  pas  donné  la  gloire 
de  fieiire  ou  d'anéantir  un  grain  de  poussière  : 
combien  plus  nous  résisterrmt  la  nature,  la 
raison  et  la  religion  I  N*ay  ons  donc  {ms  peur  ; 
ni  vous  qui  doutez,  ni  vous  qui  croyez, 
a*ayez  pas  peur.  Dieu  est  en  tout  ce  qui  est, 
il  maintient  tout  ce  qu'il  a  une  fois  voulu; 
et  notre  liberté,  si  sérieuse  qu'elle  soit, 
n'est  que  l'écueil  où  l'océan  se  brise  en  de- 
meurant l'océan.  Aussi,  enfant  de  \a  vérité 
dans  ce  siècle  profondément  ému,  j'écoute 
la  tempête  sans  pâlir;  je  m'éclaire  de  la  fou- 
dre qui  tombe  sur  le  temple,  et  la  tête  ap- 
pujrée  au  seuil  du  parvis,  je  dors  le  somme 
divin  d'une  infaillible  foi. 

Impuissance  de  détruire,  impuissance  de 
créer,  telle  est  en  l'homme  la  limite  de  l'or- 
gueil; telle  est  la  loi  qui  protège  tout  ce 
qui  est  :  nature,  raison,  religion,  contre  les 
attentats  de  la  liberté.  Et  ce|>endant  il  faut 
bien  que  la  liberté,  jusque  dans  ses  abu.>, 
soit  une  puissance  féconde;  car  si  elle  ne 
pouvait  rien  contre  rien,  elle  ne  serait 
qu'un,  ressort  tendu  dans  le  vide,  un  nom 
responsable  d'uue  imaginaire  activité.  Dieu, 
eu  assurant  sou  propre  empire,  pour  que  le 
monde  ne  fût  pas  le  jouet  d'un  désordre 
sans  frein,  a  dûidussi  laisser  un  effet  à  no- 
tre action,  pour  qu'elle  ne  fût  pas,  même 
dans  ses  égarements,  l'effort  perdu  d'un 
être  avorté.  Quelle  est  donc  la  part  de  Dieu, 
et  quelle  est  la  part  de  l'homme?  Dieu, 
nous  Pavons  vu,  s'est  réservé  la  substance 
des  choses;  il  ne  veut  i>asque  l'homme  y 
atteigne  jamais:  car  s!  la  substitnce  des  cho- 
ses nous  avait  été  livrée,  il  ne  resterait 'à 


1559 


SUR 


IMCTIONNAiRE  APOLOGETIQee. 


SLR 


r>5S 


Diett  qoe  d*ètre  spectateur  tranqiiinè  des 
ruines  derunivers.  Maissi  ta  sabslauce  nous 
échappe,  que  nous  reste*t-i4  à  nous-mêmes  ? 
^i  nous  ne  pouTons  anéantir  ni  un^rain  de 
poussière  dans  la  nature^  ni  un  principe  dans 
rintetUgence>  ni  un  élément  de  Tordre  sur- 
naturel, que  pouvons-nous  en  réalité  7 
Pour  le  comprendre,  il  faut  remarquer  que 
toute  substance  a  un  mode  d'être,  et  que  la 
substance  demeurant  invariable,  le  mode 
est  sujet  au  changement.  C*est donc  au  mode 
que  s'en  prendra  notre  liberté.  Le  mode 
est  la  figure  des  choses:  impuissants  contre 
les  choses,  nous  aurons  la  ressource  de  les 
défigurer.  Nous  défigurerons  la  nature,  la 
raison,  iareligion. 

Vous  avez  reçu  du  Créateur  un  visage  ou 
respirent  la  force  et  la  bonté.  Vos  lèvres 
s^animeutd'unsourir»  dont  la  grâce  survit  à 
leur  mouvem*>nt;  vos  yeux  donnent  une 
flamme  qui  jaillit  des  profondeurs  d'une 
vive  intelligence,  maisqu',  tempérée  par  la 
modestie,  cause  un  respect  sans  frayeur; 
votre  front  pur  et  calme  couronne  de  sa  sé- 
rénité la  magie  vivante  de  vos  traits,  et 
«pjolque  part  que  tombe  sur  vous  le  regard 
d'une  âme»  cette  âme  connaît  et  aime  la 
Tùtre.  O  jeune  homme,  ce  sont  là  de  grande 
dons!  Mais  il  ne  faut  qu'une  heure  pour  les 
t(  rnir  ;  il  ne  faut  qu'un  crime  pour  les  dés- 
honorer,. La  nature,  dont  vous  êtes  le  chef- 
J'œuvre,  ne  résistera  point  aux  coups  que 
vous  lui  porterez  dans  !e  secret  de  votre 
conscience;  la  beauté  se  retirera  de  vous  à 
mesure  que  Dieu  sortira  de  votre  cœur,  et 
bientôt  celte  tète,  objet  d*admiration  et 
d]amour,  ne  sera  i)lus  que  le  chef  ignoble 
d'un  scélérat  ou  d  un  déhauclié.  Vous  n'au 
rez  pas  détruit  en  vous  l'image  naturelle  de 
Dieu,  vous  l'aurez  défigurée. 

De  même,  vous  pouvez  ravager  la  terre, 
brûler  les  forêts,  dissi)>er  la  source  des 
fleuves ,  infecter  fatmosphère ,  condamner 
à  la  solitude  et  à  la  stérilité  d'admirables 
portions  de  notre  héritage  commun,  et 
vous  ne  Tavez  que  trop  fait!  La  main 
des  barbares  a  desséché  le  Latium;  la 
tyrannie  des  enfants  de  Mabomet,en  touchant 
le  sol  de  la  Grèce  et  de  la  Syrie,  a  tari  des 
mamelles  qu'on  croyait  à  jamais  fécondes, 
et  éteint  des  beautés  qu'on  croyait  sous  la 
protection  éternelle  de  la  plus  pure  lumière 
qui  ait  éclairé  la  création.  Mais  si  cruelles 
que  soient  ces  injures,  la  terre  subsiste  et 
nourrit  Thomme.  Dos  générations  meilleu- 
res succéderont  à  ces  bordes  qui  n'ont  pas 
respecté  la  mère  commune  du  genre  hu- 
main ;  elles  réveilleront  de  leur  somipeil 
involontaire  les  champs  de  l'Attique  et  les 
collines  de  la  Messénie ;  l'ombre,  appelée 
par  la  culture  »  redescendra  du  ciel  sur  les 
déserts  de  Rome;  la  vie,  qui  n'était  qu'é- 
garée ,  poussera  de  tous  c6tés  ses  rejetons , 
et  les  ruines  elles-mêmes  ne  seront  plus 
vjue  le  témoin  de  notre  impuissance  à  don- 
ner nulle  part  un  coup  qui  fonde  la  mort. 

Ainsi  eu  est-il  des  erreurs  et  des  crimes 
contre  la  raison.  Un  siècle  se  lève,  il  est 
hardi  dans  les  choses  de  l'inleHigence,  îl 


'  lemue  des'  idées  Comme  le  Yoyagciir,  &  n 
fin  d*un  long  jour,  secoue  la  poussière  ei 
l'ennui  de  sv^  pieds;  il  met  dn  pÛsiri 
douter,  de  Torgueil  à  contredire;  il  ébranle 
les  colonnes  qui  soutenaient  daas  te  passé 
l'architecture  de  la  science  et  delà  sigessr, 
la  tradition  ne  lui  impose  plus,  laiODscieDCb 
lui  parait  un   oracle   muet  et  trompeur. 
Un  moment  vient  où  les  esprits  étonDis  se 
demandent  si  le  vrai  n*est  pas  un  soogeei 
le  bien  une  imposture.  Mais  au  milien  in(- 
me  de  cette  orgie  du  scepticisme,  on  n*al:^ 
(lue  la  raison  qu'avec  la  raison  ;  elle  Iririmphe 
jusque  dans  la  blessure  qu'elle  se  fait,  h 
négation   affirme  que  riulclligenee  vil  ei 
voit,  comme  l'œil,  en  se  fermant  dcTasl  le 
soleil,  atteste  la  présence  et  la  force  de  ses 
rayons.  Il  faut  vivre>  et  malgré  le  délireoni- 
versel,  le  cours  des  affaires  humaines  suit 
ses  antiques  voies;  Thumanité  marche  de- 
vant Pyrrhon  qui  nie  le  mouvements  KJIe 
croit,  elle  espère,  elle  coordonne  ses  pen- 
sées et  ses  actions  ;  puis,  le  temps  sonne  aoe 
heure;   un   siècle  nouveau  commence 401 
relève  la  vérité,  comme  la  fraîcheur  (iaIlI^ 
tin  relève  dans- les  champs  rheri)e  inclinée 
par  le  soir.  On  abat  les  autels  du  doutç/»! 
traîne  aux  gémonies  les  négations  adorées 
la  veille  ;  on  méprise  qui  avait  ipépri^é,  oa 
oublie  qui  avait  oublié,  on  met  un  point  to 
l'histoire  et  l'avenir  monte  ï  rnorizonde 
rélcrnité.  Il  y  a  eu  déformation  de  Fcspril 
humain,  mais  non  pas  destruction. 

Vous  étonnerez- vous  après  cela  que  h  ^^ 
ligion  aux  prises  avec  la  liberté  de  rhomme 
subisse  les  mêmes  injures  et  les  mêmes  vi- 
cissitudes? Pourquoi  serait-elle  plus  heu- 
reuse que  la  nature  et  la  raison  ?  Pourqu'i 
notre  ambition  de  souveraineté,  en  s'app 
chant  du  ciel,  perdraft-elle  Ténergie  qui  lui 
permet  de  violer  les  sanctuaires  inféneors! 
Quel  que  soit  le  rivage  où  nous  abordions 
plus  haut  ou  plus  bas,  nous  portons  m 
nous,  comme  un  indéfectible  allribot,  » 
puissance  du  bien  et  du  mal.  Et  mèmeceii' 
puissance  s'acrotl  h  mesure  que  nous  nojts 
élevons  <lans  la  hiérarchie  des  choses;  elle 
est  plus  grande  contre  la  raison  que  ronfa» 
la  nature,  plus  grande  contre  la  religion  qDi 
contre  la  raison.  Cela  tient  à  ce  que  l'on  w 
peut  s'élever  qu'en  s'approchant  de  rinnn'» 
et  que  l'infini,  par  sa  disproportion  atecDo? 
bornes  personnelles ,  offre  nécessaifemeol 
plus  de  prise  à  la  révolte  et  à  1  erreor.  Q«î 
ne  conçoit  combien  il  est  aisé  de  substitua 
aux  dogmes  religieux  de  chimériques  iffii- 
tations?  L'homme  l'a  fait,  et  ri  Ta  hW  l^ 
impatience  d'un  joug  trop  sérieux,  par  »*^- 
situde  de  Tantiguité,  par  oubli  de  la  ir^> 
tion,  par  haine  cl'un  sacerdoce  négligea '^ 
corrompu,  par  obéissance  à  Tascendanl  «^^ 
sectaires  fameux.  Mais  quel  qu'ail  été  ' 
motif  de  sa  séparation,  sous  quelque  \f^ 
du  ciel  et  du  temps  qu'elle  ait  prisnaissann. 
jamais  l'homme,  vivant  à  Tétai  de  penr- 
c/est-à-dire  à  Tétat  naturel,  n'a  pu  abrr^î 
la  religion  ni  en  changer  les  caractères  «*• 
senliels.  Il  a  toujours  cru  à  la  commun"^ 
tien  positive  du  genre  humain  me  rje^' 


1327 


SUR 


IHCTIONNAIRC  APOLOGETIQUE. 


SUR 


I33S 


lu  moj(»n  de  la  fiai^le  directe  de  Dieu.  Les 
l'ultcs  dénalur^  ne  le  prouTent  pas  moins 
^lo  luemment  que  le  culte  clirélicn.  Qu'é- 
uit-ce  qu'un  temple  dans  Tidée  des  nations 
Indiennes,  sinon  un  oracle?  Qu'était-ce 
qu'une  idole,  sinon  du  marbre  et  de  for 
|>arlant  avec  la  Tcrlu  de  Dieu  ?  Qu'était-ce 
)o'nn  prêtre,  sinon  une  chair  et  une  âme 
aspirés  du  souffle  de  Dieu?  Que  sont-ils 
encore  par  toute  la  terre,  prêtre,  temple, 
•iolc,  sinon  une  incarnation  plus  ou  moins 
rife  et  prochaine  de  la  DiTini(é?  L'unité  de 
*idée  survit  dan.«  la  multiplicité  de  la  for- 
ue,  et,  de  pi  us,  quand  on  étudie  cette  forme, 
^n  découvre  dans  la  variété  des  signes  les 
l  ^hris  mutilés  d*une  tradition  identique. 

A  la  foi  des  prophéties  tous  les  cultes  ont 
oint  la  foi  des  sacrements  ;  tous,  nous  Ta- 

«0$  dit  et  prouvé,  appelaient  les  sacrifices, 
=^  cérémonies  et  la  prière,  au  secours  de 

Jmt  qui  s*e06rçait  de  tendre  vers  Dieu. 
roinère  immole  des  victimes  avec  la  Jitur- 
ie  do  Léviiique  ;  Delphes  commande  des 
ipûlioas  dans  la  même  langue  que  parle 
énaris;  Taugure  étrusque  bénit  les  colli- 
rs  romaines,  comme  le  druiJe  consacre  les 
>r^\s  de  la  Gaule  :  et  par-dessus  tous  ces 
les  virants  d'une inrincible coutume,  lesa- 
'enent  de  la  prière  s'élève  incessamment 
M-s  Dieu  pour  lui  demander  des  miracles 
1  nom  de  tonte  douleur  qui  espère  et  de 
m.  te  défaillance  qui  croit.  Sans  doute  la 
-i  ^re  ne  connaissait  pas  partout  la  vérita- 
e  et  éternelle  histoire  ;  mais  partout  le 
9^/A  était  le  même,  Taspiration  sembla- 
it' ^  et  quand  le  cœur  était  sincère,  reflica- 
\\é  n'était  point  absente.  Le  suppliant  char- 
e  d'amertumes,  en  plojant  le  (^enou  de- 
ani  im  marbre  trompeur,  oubliait  la  fable 
lue  J'éducalion  arait  gravée  dans  son  esprit, 
I  se  souvenait  du  Dieu  inconnu  qu'Athènes 
érérait  aux  pieds  du  Partliénon^  et  ce  Dieu 
ui  cherche  la  droiture  et  qui  sait  le  mal- 
ear,  entendait  le  cri  de  la  foi  dans  la  plainte 
un  cœur  humilié.  Les  ombres  de  l'idolAtrie 
éclairdssaient,  la  vérité  descendait  avec  la 
âcc,  et  rame  de  Thomme  rencontrait  Tâ- 
e  de  IHen  à  travers  les  simulacres  du  men- 
Mige. 

Reconnaissez-le,  vous  n*avez  pas  plus  de- 
uil la  religion  que  tous  n*avez  détruit  la 
lison  et  la  nature;  vous  n*en  avez  pas  plus 
tangé  l'essence  que  vous  n*avez  changé 
ïs>ence  de  la  logique  et  de  la  chimie.  Vous 
ez  tout  défigure,  et  Dieu  a  tout  sauvé.  La 
iture  a  résisté  à  vos  mutilations,  la  rai- 
n  i  Tos  systèmes,  la  religion  à  votre  in- 
oyance,  et  toutes  trois  universelles  et  per- 
•tuelles  attestent  d*autant  plus  la  puissance 
ti  les  fonda,  que  cette  puissance  a  respecté 
v6tre  en  vous  permettant  de  ne  pas  rés- 
ister la  sienne.  Djtes-moi,  qui  vous  a  rc- 
nas  ?  Pourquoi  tant  de  vie  demeurée  au 
ilîeu  de  tant  de  ruines?  Vous  vouliez, 
^us  Tooiez  encore  anéantir  la  religion,  où 
^us  ne  voyez  qu'un  chaos  d'idées  et  de 
attt^oes  sans  fondement.  Pourquoi  la  reli- 
r>ii  est-elle  debciit?  Vous  vouhez  exercer 
de  50uTerain  de  détruire,  font  arriver  à 


l'acte  souverain  de  créer,  et  certes,  il  y*a 
dans  cet  orgueil  une  grandeur  qui  forcerait 
la  louange,  si  rien  pouvait  être  grand  con- 
tre la  justice  et  la  vérité.  Pourquoi  n'avez- 
vous  ni  détruit  ni  créé  la  religion  ?  Voici 
Luther...  c'est  une  vieille  ombre  que  Lu- 
ther ;  mais  puisqu'il  est  permis  à  la  parole 
d'évoquer  les  ombres,  permettez-moi  d'évo- 
quer celle-ci  et  de  lui  demander  compte  du 
mystère  qui  suspend  mon  esprit  et  le  vôtre. 
£h  bien  !  Luther,  puisque  tu  méprisais  l'E- 
glise, puisque  tu  avais  résolu  d'extirper  de 
lEurope  la  foi  qui  avait  été  la  tienne,  pour» 
quoi  ne  pas  frapper  le  seul  coup  ijui  allait 
au  fond  de  la  question?  Pourquoi  ne  pas 
renverser  l'architecte  avec  l'édifice  ?  pour- 
quoi ne  pas  nier  Jésus-Christ? 

Ah  I  pourquoi?  Luther  n'en  savait  rien  lui* 
même.  11  obéissait  à  la  foi  en  même  temps  qu'à 
la  révolte,  et  manquant  de  logique  dans  Tune 
et  dans  l'autre,  il  était  l'expression  formida- 
ble d'une  grande  faiblesse  dans  un  grand  pou- 
voir. Sa  conscience  répondait  à  la  conscience 
de  son  temps,  comme  la  conscience  de  son 
temps  à  celle  de  tous  les  siècles.  Elle  renfer- 
mait avec  un  élément  de  protestation  un  be- 
soin impérieux  de  croyances  :  et  le  succès  de 
Luther,  comme  celui  de  tous  les  hérésiar- 

2ues,  fut  d'avoir  frappé  iuste  au  cœur  de  son 
poque,  en  lui  ôtantdela  foi  tout  ce  qu'elle 
pouvait  en  perdre,  pour  lui  laisser  tout  ce 

Îu'elle  voulait  en  garder.  S'il  eût  nié  Jésus* 
hrist,  il  eAt  été  voltaire  sans  aïeux,  c'esl- 
à-dire  un  fou  ;  et  Voltaire  lui-même,  précédé 
de  deux  siècles  de  protestantisme,  n'a  pu 
être  qu'un  sase,  c'est-à-dire  un  chef  d'école 
et  non  un  chef  de  peuple. 

Cet  exemple  contient  tous  les  autres.  Il 
nous  initie  au  secret  des  révolutious  reli- 

!;ieuses,  d'autant  plus  sûres  du  succès,  qu*el- 
es  s'écartent  moins  de  la  base  propbétioue 
et  sacramentaire  primordiale;  d autant  plus 
décisives  en  faveur  de  la  vérité  Je  la  reli- 
gion, qu'elles  la  conservent  en  la  violant. 
Car  enfin,  si  depuis  soixante  siècles  le  genre 
humain  obéissait  au  même  do^me  et  à  !a 
même  liturgie,  ne  reconnaltriez-vous  pas 
dans  cette  tranquille  unanimité  le  si^ne 
d'une  divine  institution?  Or  le  signe  de  l'u- 
nanimité combattue,  de  Tunanimilé  contre- 
dite et  persévérante  malgré  la  conCrovorse, 
est  assurément  plus  digne  encore  d'émou- 
voir un  esprit  altenUf.  Car  on  pourrait  ex- 
pliquer la  première  unanimité  par  le  défaut 
d'exauien'et  par  l'empire  de  l'habitude,  tan- 
dis que  la  seconde  ne  peut  s'expliquer  que 
par  une  force  supérieure  à  tous  les  ressorts 
de  la  pensée  humaine  et  à  tous  les  attentats 
de  sa  liberté;  affirmer  en  niant,  maintenir 
en  détruisant,  consentir  en  protestant,  c'est 
là  sans  doute  s'élever  contre  la  vérité,  mais 
en  lui  rendant  le  plus  éclatant  des  homma- 
ges, puisquec'est  l'hommage  d'un  ennemi. 
Reste  à  savoir  si  Dieu  n  a  pas  lait  davan- 
tage encore  pour  la  conservation  de  son 
culte  sur  la  terre,  et  si  parmi  tous  ceux  qui 
en  ont  altéré  la  pureté  originelle  il  n'en  est 
pas  un  qui  l'ait  gardée  sans  tache,  et  qu'il 
2ioit  aisé  de  reconnaître  à  des  caractères  ini- 


r59 


SUR 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


St*R 


m 


mitables  de  grandeur  et  de  sincérilé.  J'espère 
vous  le  montrer  sans  peine  aussi  bien  que 
sans  retard. 

§IY. 

Objection  :  Si  parmi  toii«  les  cultes  il  en  est  un  qui  soit 
vrai,  il  est  impossible  de  le  discerner.  —  Réponse  clouies 
les  religions  se  ramènent  à  trois  :  L'idolâtrie,  le  chris- 
tianisme et  le  mahométisme  ;  —  nature  et  diiTêrence 
de  ces  trois  cultes  ;  —  bcilité  du  elioix  ;  comme  tout 
homme  a  sa  physionomie  qui  le  fait  connaître,  ainsi  en 

.  est-il  d*une  religion  ;  —  misère  et  immoralité  de  Ti- 
dolltrie;  profonde  infirmité  de  Pislamisrae.  —  Incapa- 
cité logique  de  ces  deux  cultes.  —  La  rraie  religion; 
tableau  du  christianisme. 

Ecartons  avant  tout  cette  vaine  pensée, 
qu*il  y  ait  ici-bas  une  multitude  infinie  de 
cultes  différents.  Cela  n'est  pas.  Rien  n*a  été 
plus  stérile  que  rimagination  de  Thomme 
en  matière  de  cultes.  De  même  qu'en  consi- 
dérant les  traits  communs  des  êtres,  on  les 
ramène  à  un  certain  nombre  de  familles  pri- 
mitives, de  même  aussi  en  comparant  en- 
senible  les  branches  religieuses  qui  s*épa- 
nouissent  dans  Thumanité,  on  les  voit  abou- 
tir à  trois  souches  principales,  les  seules 
qui  soient  réeMemenl  distinctes  par  leur 
physionomie  et  par  une  invincible  et  mu- 
tuelle répulsion  :  je  veux  dire  l'idolâtrie.  Te 
christianisme  et  le  mahométismc.  Je  ne  fais 

Îias  .mention  du  judaïsme,  parce  qu'avant 
ésus-Christ,  il  n'était  que  le  christianisme 
attendant  son  .couronnement,  et  qu'après 
Jésus-Christ  il  n'est  que  le  christianisme 
manquant  de  son  couronnement.  Restent 
donc  les  Eglises  chrétiennes  qui  se  ratta- 
chent au  tronc  de  l'Evangile  et  du  Christ; 
les  sectes  idolâtriques  dont  aucune  n'ex- 
communiait l'autre,  et  dont  les  symboles 
se  respectaient  à  l'envi  dans  le  concile  du 
Panthéon  romain  ;  enfin  les  rameaux  de 
rislamisme,  qui  tous  s*inclinent  aux*  pieds 
de  Mahomet  et  du  Koran.  Nommez-moi  un 
culte,  je  le  ramènerai  ou  à  l'idolo,  ou  à  la 
croix  ou  au  croissant;  mais  il  n*y  a  plus  de 
paix  possible,  il  n'y  a  plus  de  rendez-vous 
commun  entre  l'idole,  la  croix  et  le  crois- 
sanl,bannières  mémorables  qui  se  partaient 
encore  les  génc'rations  et  qui  portent  dans 
leurs  plis  trois  théologies  séparées  par  une 
conception  radicalement  différente  du  com- 
merce de  l'homme  avec  Dieu.  Dans  ce  com- 
merce, en  effet,  q^ji  constitue  la  religion  et 
qui  suppose  un  rapprochement  entre  deux 
êtres  aussi  naturellement  éloignés  l'un  de 
l'autre.  Ou  bien  l'esprit  conçoit  une  alliance 
entre  la  nature  divine  et  la  nature  humaine 
quÎYajusau'à  la  confusion,  et  c'est  l'ido- 
lâtrie; ou  bien  il  conçoit  cette  alliance  sous 
une  forme  qui  exclut  la  compatibilité  entre 
les  deux  natures,  et  c'est  le  mahométisme  ;  ou 
bien  enfin,  il  admet  l'union  des  deux  natu- 
res demeurant  distinctes  jusfjuo  dans  leur 
in.timîté,  et  c'est  le  cjiristianisme.  L'idolâ- 
trie confond  rhomme  et  Dieu,  le  mahomé- 
tisme les  retient  à  distance,  le  christianisme 
les  associe  :  ces  trois  systèmes  résument 
tous  les  cultes  existants" et  tpus  les  cultes 
possibles. 

,,.V'^'J^'*.Iuité  se  perdit  généralement  dans 
1  luolâine,  et  même  les  superstUioiis  qui 


n'avaient  poiiK  commencé  par  là  finirent  par 
s'y  précif)itcr  comme ô  uninévilableéeueil. 
C'est  qu'en  effet,  il  est  difficile  de  s'arrAier 
au  point  juste  de  la  théanJrie,  mol  par  l^ 
quel  la  théologie  chrétienne  exprime  la  par- 
ticipation de  Dieu  à  l'homme  et  dcrhoiuioe 
h  Dieu.  Dès  que  la  pleine  lumière  de  la  vé- 
rilé  religieuse  n'éclaire  plus  rintelli^ence, 
celte-ci   vacille  en  regardant  re  prodi^im 
mystère,  et  selon  qu  elle  donne  \ïhump 
à  la  raison  ou  au  souvenir,  à  rinspiraiin;! 
de  la  nature  où  à  Tinipulsion  de  l'insijn.: 
théologique,  elle  resto  en  arrière  ou  cor 
au  delà  du  vrai.  C'est  Tinslinct,  le  sourecir 
en  un  confus  pressentiment,  qui  l'ont  m- 
porté  dans  l'humanité  intermédiaire,  je  vent 
dire  dans  l'humanité,  comprise  entre  le  dé- 
luge et  l')atvénement'  du  Christ.  Uae  fois  Jé- 
sus-Christ paru,  cette  restitution  éclatante 
du  type  éternel  de  Talliance  entre  Diea  et 
l'homme  frappa  Je    monde  d'un  tel  coup 
de  clarté,  que  la  théogonie  païenne,  mii^r^ 
vingt  siècles  d*cmpire,    ne  fut  désorm 
conserver  Thonneur  de  tromper  le  g^on? 
humain.  L'erreur  dut  se  réfagier  syronff 
autre  hase  et  prendre  une  autre  forme,  kriib 
en   prépara   Tédifice ,    Mahomet  l'ad^^:. 
Arius  avait  nié  la  divinité  de  Jésus-Chm.; 
Mahomet  déclara  impossible,  impie,  Mi- 
trique,  Punion  de  la  nature  divine  are^  h 
naturehumaine  dans  une  seule  personnalité; 
et  séparant  autant  que  possible  les  dm 
termes  du  commerce  religieux,  il  proDoni,! 
la  sentence  fondamentale  de  rislamisme  on 
de  la  foi  nouvelle  :  Dieu  est  Dieu  tt  M^- 
met  est  son  prophète.  Dieu  est  Dieu,  c  evi-i- 
dire  Dieu  ne  saurait  être  que  Dieu;  Maho- 
met est  son  prophète,   c'est-i-dire  lactuft 
divine  par  rapport  à  Tbomme  se  borne  ili 
prophétie,  et  l'action  de  l'homme  par  rap 
port  à  Dieu  se  borne  h  la  foi  qui  accepte  l( 
prophétie  en  adorant  et  en  priant.  Nulautr. 
cuite  ne  s*est  élevé  depuis  Mahomet;  nul  or 
s'élèvera  dans  l'avenir.  Car,  au-dessous  il- 
Mahomet  il  n'y  a  plus  que  le  ratiopalisrif 
|)ur;  au-dessus,  on  retrouve  nécessaireoi^i 
l'idolâtrie  ou  te  christianisme. 

Le  christianisme  tient  le  milieu  eo^re  k 
mahométisme  et  Tidolâtrie.  11  hmènf 
Dieu  sans  le  faire  descendre,  il  diviniV 
rhomme  sans  changer  sa  subslancei  ^'-^ 
ment  éloigné  de  Textravagance  du  i^^ 
théisme  qui  confond  tous  les  êtres  dans  ui 
chaos  divin,  et  de  la  froideur  du  lln?^^*;^' 
qui  reloue  la  créature  à  une  distâ^ice  -• 
sespérée  du  Créateur. 

Là  est  te  choix,  là  est  le  débat.  Poi^r  T 
veut  sortir  de  l'athéisme  pratique,  il  ^} 
dans  toute  l'histoire  que  ces  trois  portes 
vertes  :  il  faut  être  idolâtre,  chrétien 
musulman  ;  il  faut  s'agenouiller  devant-*' 
idole,  porter  la  croix  ou  arborer  lecro»s>a-i 
L'un  ou  l'autre,  ou  bien  rester  imlilî^'" 
parmi  les  spectateurs  qui  enteihicntlei^'j 
de  Dieu  sans  s'émouvoir,  et  qui  r^i^^*'^ 
l'avenir  sans  s'y  pré|>arcr. 

Le  choix  ainsi  réduit  à  sos  seuhicro^*^ 
possibles,  rien  n'est  plus  aisé  que  «r  ^' 
connaître  où  est.la  religion  vérilaWc  i"»  ^ 


\'\\ 


SUR 


DICTlONNAinE  APOLOGETIQUE. 


SUR 


ua 


IiVjon  insliluée  de  Dieu  el  conservée  dans 
rinléj;rilé  de  ses  doçnies,  do  sa  morale  elde 
5.1  lilùr^ie,  c'esl-ànJire  dans  rinl^çrilé  do  la 
prophédc  el  du  sacrement.  On  a  dit  de  Ta- 
cite qu'il  abrégeait  tout,  parce  qu'il  voyait 
loul  :  Dieu  est  un  plus  granil  aljréviaîeur 
rnrore, parce (|u'il  Iravarf le  dans  lélernilé 
pour  des  êtres  fjui  n*ont  que  le  temps.  Vous 
Hqs  pressés;  Dieu  IVst  plus  que  vous.  Vqus 
^les  pressés  do  connaître  la  vérité,  Dieu  l'est 
phis  encore  de  vous  la  donner.  Ecoulez 
«Innr-.irnc  vous  faudra  qu'un  rayon  de 
lumière  et  qu'un  instant  de  bonne  vo- 
îonîé. 
Quoique  l'idol/ltrîc  et  le  mahométîsme 
^arteat  (Je  données  absolument  contradic- 
'»ires,  je  les  mets  sur  la  même  ligne  dans  la 
li<ciiss5ion,  parce  qu'ils  portent  au  front  les 
ndnies  cara-lùrcs  de  honte  et  d'inanité.  Je 
fc  vous  dini  ras  :  Mahomet  n'a  pas  fait  de 
liracles,  riiioi«1lrie  non  plus;  Tidolâtrie n'a 
nint  prophétisé,  Mahomet  non  plus.  C'est 
i  le  (iélait  de  la  question.  Il  nous  faudrait 
ij  temps  pour  y  entrer,  et  nous  avons  be- 
Mn  «l'aller  vite.  Or,  h  qui  a  besoin  d'aller 
le  Dieu  a  préparé  une  voie  qui  abrège 
ut.  11  a  mis  dans  la  religion,  comme  en 
uics  choses,  nnc  physionomie.  Voici  un 
«unie  que  vous  n  avez  jamais  rencontré; 
»n  origine  et  ses  actes  vous  sont  inconnus: 
wl  est-il  ?  que  veut-il  ?  quel  est  le  secret 
!  son  âme  ?  Vous  n'en  savez  rien,  el  vous 
avez  ni  l'occasion,  ni  le  loisir  de  î'appron- 
e.  Amenés  Fan  h  Taulre  pour  un  moment 
li  ne  se  retrouvera  plus,  il  faut  que  vous 
ju,:iez  dans  rëclair  d'un  regard.  Vous  le 
:ercz  en  elfel,  et  si  quelque  expérience 
m  a  initié  à  la  répercussion  de  la  vie  in- 
neuresur  les  traits  qui  composent  raeceiit 
arisage,  TOUS  ne  vous  tromperez  pas;  sur- 
uf  si  de  grands  vices  ou  de  grandes  vertus 
trrcusé  leurs  sillons  dans  la  chair  mobile 
vous  étudiez  la  vérité. 
Ainsi  en  est-îl  de  la  religion.  Toute  la  re- 
m  a  une  Ame  qui  se  réfléchit  dans  le 
rps  de  ses  doctrines  el  de  son  histoire, 
l'ar  cotisév)iuent  toute  religion  a  une  phy- 
momie.  Quelle  est  la  physionomie  de  Fi- 
tâlrie  et  du  mahométisme?  Y  sentez^vouâ 
'piter  quelque  chose  de  divin?  Votre  con- 
«*nce  en  est-elle  émue,  et  Tœil  fixé  sur 
piler  ou  sur  Mahomet,  vous  poserez-vous 
•ous-mômes  celle  formidable  question  : 
l/'cque  Dieu  ne  serait  jioint  là;  non,  non: 
fiVst  pas  un  de  vous  qui  ait  accordé  jamais 
un  ou  à  l'autre  de  ces  cultes  l'honneur 
'Il  doute  ;  il  n'est  pas  un  de  vous  qui  se 
t  interrogé  on  leur  présence  el  qui  ait  eu 
eniiiiion  de  se  dire  :  peut-èlreî  Le  pout- 
e  vous  vient  d'ailleurs;  il  descend  dans 
re  âme  d'une  autre  région,  el  s'il  n'y 
lit  ici-bas  que  Tidolâtrie  et  l'islamisme 
ir  représenter  Dieu,  vous  ne  vous  donne- 
i  pas  même  la  ncine  de  nier;  vous  passe- 
i  h  côté  sans  naine,  sans  mépris,  sans 
,uoil,  comiuG  on  passe  devant  un  mon- 
n  de  pierres  qui  n'a  pas  même  l'architec- 
e  d'une  ruine. 
)ans    rassemblée  célèbre  qui  inaugura 


l'ère  inachevée  de  nos  révolutiolis,  il  se 
rencontra  deux  hommes  doués  d'une  élo« 
quence  inégale,  qui  tous  les  deux  s'assirent 
longtemps  du  même  côté  pour  y  défendre 
ensemble  l'avéncment  du  siècle  don^  nous 
sommes  issus.  Mais  enfin  les  hasards  de  la 
vie  publique  se  jetèrent  entre  eux  «et  les  se- 

!)arèrent;  le  jour  vint  où  ils  durent  monter 
lia  tribune  pour  s'y  combattre  sous  les 
yeux  d'une  population  gui  les  attendait  à 
celte  épreuTe,  el  qui  avait  préparé  ses  ap- 

1)taudisscments  pour  le  plus  jeune  et  lephi.<; 
iaible.  Il  parut  le  premier;  le  mouvement 
populaire  dont  i!  était  sûr  éleva  sa  parole 
au-dessus  d'elle-même;  un  enthousiasme 
vrai  lui  répondit;  il  se  crut  certain  de  n'a- 
voir rien  h  craindre,  et  de  partager  au 
moins  l'honneur  des  rostres  avec  lepuissant 
enfiemi  qu'il  s'y  était  donné.  Celui-ci  monta 
tranquille  et  contenu;  accueilli  par  un  si- 
lence inaccoutumé,  il  mesura  de  l'âme  toute 
la  popularité  qu'il  avait  perdue,  et  puisant 
dans  cet  obstacle  nouveau  pour  lui  une 
force  désespérée,  il  se  retourna  comme  un 
lion  dans  la  bau^e  terrible  de  son  éloquen* 
ce.  Des  applaudissements  involontaires  et 
passionnés  lui  apprirent  ce  qu'il  savait déjji» 
son  triomphe,  lorsque  tout  à  coup  se  retour- 
nant vers  son  adversaire,  non  plus  orateur 
contre  orateur,  mais  a\^\e  planant  siu*  sa 
proie,  il  lui  jeta  de  loin  cette  sublime  et 
immortelle  apostrophe  :  r  Barnave,  il  n'y  a 
pas  de  divinité  en  toil  » 

Ce  mot  de  Mirabeau  à  Barnave  estb  mot 
qui  termine  la  controverse  à  l'égard  du  ma- 
hométisme et  de  l'idolAtric;  ou  plutôt  la 
controverse  n'est  pas  môme  possible,  et  dès 
le  premier  regard  jeté  sur  ces  viles  corrup- 
tions de  la  vérité  religieuse,  l'esprit  se  dé- 
tourob  et  leur  dit  avec  dédain  :  Il  n*y  a  pas 
de  divinité  en  vousl  Pourquoi?  comment? 
Qu'est-ce  qui  donne  ou  ôte  h  une  chose 
la  physionomie  divine?  Je  n'en  sais  rien 
peut-être.  Ce  que  je  sais,  c'est  qu'il  y  a  un 
caractère  de  bassesse  qui  descend  jusqu'à  la 
figure  de  la  brute,  comme  il  y  a  un  caractère 
de  grandeur  qui  s'élève  jusqu'à  une  transfi- 
guration surhumaine.  Ce  quejesais...  mais 
écoutez  seulement.  A  un  jour  connu  de 
l'histoire,  un  proconsul  romain  panit  sur 
un  balcon  ;  il  avait  à  son  c6té  un  criminel 
«ouvert  de  plaies,  les  mains  liées  à  un  ro- 
seau, le  front  percé  d'une  couronne  d'epi- 
nos ,  le  corps  affublé  d'une  pourpre  qui 
ajoutait  h  ses  humiliations  I  injure  d'une 
ironi  ]ue  majesté.  Le  proconsul  se  tourna 
timidement  vers  la  multitude  et  lui  dit  ; 
Voilà  rhommel  Le  peuple  répondit  pêr  une 
acclamation  'qui  demandait  le  sang  do 
l'homme,  et  le  Romain  obéissant  le  leur  li- 
vra. Mais  derrière  ce  peuple  on  fureur  l'hu- 
manité s'est  levée;  elle  a  regardé  l'homme 
à  son.  tour,  l'homme  condamné,  flagellé, 
crucifié,  et  se  franoant  la  poitrine,  elle  a 
dit:  Voilà  Dieu!  Un  autre  jour,  la  Grèce 
rassemble  ses  artistes  pour  obtenir  de  leur 
génie  une  ima^e  digne  de  ses  adorations. 
Phidias  fut  choisi.  Il  prit  son  ciseau;  il  tail- 
la l'un  de  ces  marbres  fameux  qui  respiraient 


{SIS 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


SUR 


m 


déjà  avant  que  la  maio  du  sculpteur  les  eût 
tuucliés  ;  il  y  mit  la  lumière,  la  pensée,  ia 
gloire,  le  repos  ;  et  quand  la  Grèce  ôta  le 
YOÎie  qui  couvrait  Jupiter  Olympien,  elle 
s*érria  d*une  voix  sérieuse  et  unanime  : 
Voilà  Dieul  Mais  iliumanitô  s'est  levée  der- 
rière ce  peuple  ingénieux;  elle  a  regardé 
rôbjetd*un  souvenir  demeuré  si  grand,  et 
plaignant  Athènes  encore  plus  que  sa  statue, 
elle  a  dit  :  Vailà  Thommei 

Voilà  rhomme!  Tous  les  arts  de  TArtîque» 
toute  la  poésie  d*flomère,  toutes  les  gran- 
deurs du  Latium,  rien  en  vin^t  siècles  de 
durée  n*a  pu  dissimuler  l'ineffable  misère 
de  l'idolâtrie;  et  Tislamisme  n*a  conquis  la 
moitié  du  monde  que  pour  y  étaler  sous 
une  forme  opposée,  mais  aussi  vaine,  Tim- 

{>uidsance  de  tout  culte,  hors  de  celui  qui  a 
ait  croire  les   sages  et  qui    fait    douter 
rinipîe.  . 

Cette  absence  saisissante  de  divinité  qui 
est  le  trait  saillant  de  l'idolâtrie  et  de  risla- 
misme-,  sufiit  pour  les  juger.  On  comprend, 
en  effet,  que  jamais  Thomme,  quoi  qu'il  fasse, 
ne  peut  donner  à  ses  œuvres  un  sceau  vrai- 
ment divin.  Plus  il  monte  loin  de  sa  sphère, 
pour  atteindre  une  gloire  qui  le  surpasse, 
plus  il  tombe  hors  delà  vérité,  en  qui  seule 
est  la  source  du  beau.  Conquérant,  législa- 
teur, philosophe,  simple  mortel  enfin,  il  a 
dans  son  histoire  des  jours  digues  d'ad- 
miration; touche-t-il  à  l'arche  sainte,  il 
perd,  en  se  haussant,  dans  l'imposture,  le 
secret  des  grandeurs  de  ce  inonde  et  des  élé- 
vations de  l'autre.  II  fait  une  |)arodie  avec 
le  nom  de  Dieu,  et  ce  nom,  pour  se  venger, 
n'a  besoin  que  de  lui-même.  Non-seulement 
les  faux  cultes  n'ont  aucune  physionomie 
divine,  mais  à  ce  caractère  négatif  ils  joi- 
^ent  infailliblement  le  signe  d'une  flagrante 
immoralité.  Levez  les  yeux  sur  les  autels 
antiques...  Puis-je  môme  vous  dire  d'y  le- 
ver les  yeux  ?  Malgré  ia  distance  qui  nous 
ies  voile,  puis-je  vous  conseiller  un  regard, 
si  obscur  qu'il  soit,  sur  leurs  mystères  et 
leurs  cérémonies  7  Je  n'ose  le  faire  ;  je  n'ose 
vous  peindre  ce  qu'adoraient  ces  Grecs  si 
délicats,  nos  maîtres  dans  l'art  de  sentir  et 
d  exprimer  le  beau.  Je  n*ose  vous  décrire 
les  pompes  où  ils  exposaient,  au  nom  de 
Dieu,  leurs  femmes,  leurs  enfants,  leur  pro* 
pre  cœur.  Ce  qui  était  leur  religion  ne  peut 
pas  même  nous  devenir  un  discours;  ce  qui 
était  sacré  pour  eux,  en  passant  de  mes 
lèvres  à  mes  oreilles,  serait  un  sacrilège 

f»onr  vous  et  pour  moi.  Ils  avaient  élevé 
eurs  dieux  dans  une  si  sublime  infamie, 
que  nous  ne  pouvons'  les  y  voir,  fAt-ee  pour 
les  accuser. 

Tous  ces  dieux,  je  l'avoue,  n'étaient  pas 
d'une  fange  également  souillée;  quelques- 
uns,  dans  le  nombre,  se  rapprocliaient  de 
l'homme  par  leurs  vertus.  Je  crois  même 
qu'une  image  meilleure  de  la  Divinité  sor- 
tait de  la-conscience  à  la  face  de  ees  idoles, 
et  bravait  intérieurement  le  culte  public  qui 
leur  était  rendu  ;  mais  c'était  là  l'effet  de 
l'antique  vérité,  c'était  le  gémissement  de 
Dieu  en  présence  du  mensonge,  et  le  men- 


songe n'eu  subsistait  pas  moins  aveclechl- 
timent  de  sa  corruption. 

Mahomet,  j'en  conviens  aussi,  dans  sou 
exposition  dogmatique  et  Jitar^iquedeDieu, 
n'a  point  encouru  l'immoralité  de  l'itiolâtrie. 
Son  dessein,  qui  était  le  contre-pied  des  fa- 
bles du  polvthéisme,  ne  le  lui  percneltâà 
pas.  Mais  cela  même  rend  plus  frappant  el 
plus  accusateur  le  matérialisme  hoBieu 
qui  est  sorti  de  son  œuvre,  et  dont  le  genne, 
quoique  dissimulé  peut-être,  est  visible 
néanmoins  dans  le  Koran.  Les  mcein^  mu- 
sulmanes n'ont  ))oint  fait  rougir  les  unm^ 
du  paganisme,  et  celles-ci,  sous  quelque» 
rapports,  tels  que  Tunité  et  l'indissoluliilite 
du  mariage,  ont  laissé  loin  derrière  elles  le 
coutumes  des  enfants  de  Mahomet.  Ni  l'is- 
lamisme ni  l'idolâtrie  n'ont  coanu  el  en- 
seigné la  vie  spirituelle;  ils  n^ont  point  nu 
l'âme  au-dessus  des  goûts  de  cette  terre 
pour  lui  donner  la  joie  d'un  immatériel  ali- 
ment. Même  en  lui  révélant  rimmoriaiité. 
ils  l'ont  laissée  en  proie  aux  passioib,aui 
tourments ,  aux  vertus  que  tennicr  /a 
mort. 

Quel  signe  voulez-vous  de    pitiseooire 
ces  tristes  cultes?  Et  cependant  u  eaesira- 
core  un  non  moins  saisisséble,  son  m\\& 
éclatant  :  c'est  leur  incapacité  logique.  Oti 
peutavoir  tort  et  raisonner;  il  scmbleiDèm? 
que  rien  ne  soit  plus  facile,  tant  reiempleca 
est  vulgaire;  que  dire  donc  d'une  reli^ioQ^ 
qui  le  raisonnement  fait  défaut?  Et  si  vous 
croyez  qu'un  tel  excès,  d'impuissance  ucA 
pas  possible,  donnez-vous  la  peine  de  cher- 
cher où  sont  les  travaux  théologiques,  hi>- 
toriques  et  polémiques  du  mahométisme  ti 
de  l'idolâtrie.  Où  sont-ils?  Aussi  bien  dait> 
rindequ'en  Grèce  et  à  Rome,  Tidolâtrie  ' 
eu  des  poètes  pour  théologiens  ;  et  lorsqiu 
le  christianisme  lui  eut  appris  ce  quects 
qu'une  religion  qui  écrit  et  qui  parle,  eil*' 
eut  pour  défenseurs  des   phllosopfae.s  *\\i' 
renversaient  ^a  mythologie  en  préteadar.t 
la  justifier.  Le  mahométisme  n*a  pas  s(tu-.i 
davantage  à  établir  sa  divinité  par  la  db* 
cussion;  il  a  régné  où  son  cimeterre  ?<>• 
brisé.  Aujourd'hui  sous  nos  jeux,  il  ne  5f.u- 
tieut  les  restes  de  son  empire  que  par  tn 
loi  qui  interdit  la  conversion  de  ses  fidèi  ^^ 
&OUS  peine  de  mort.  Le  paganisme  nn^nd*.? 
par  la  prédication   chrétienne  a*avait  p 
agi  autrement  sous  les  Césars  de  Rome,  l 
n  agit  pas  autrement  encore  sous  les  despote 
de  la  Chine  et  du  Japon.  Quelle  en  est  la  cau3r. 

sinon  l'incapacité* lo^que,  ou  si  voosl'ir 
mez  mieux,  l'impuissance  de  raisomur* 
Pascal  a  dit'  :  «  Il  est  plus  aisé  de   trouw? 
des  moines  que  des  raisons.  »  La   Ter»»« 
véritable  était  celle-ci  :  Il  est  plus  ais^^a 
trouver  des  bourreaux   que  des  rai><» 
L'b'istoire  de  l'islamisme  le  prouve  à  l'tcr 
de  l'histoire  du  paganisme.  Udevait  se  ren- 
contrer, par  la  disposition  de*Dieu  et  |^f  li 
force  des  choses,  une  incurable  iaoliécillit^ 
l>ar  la  disposition  de  Dieu  qui  oo  roulait  f«» 

3ue  ia  religion  fût  corrom|iue  s^ns  garder 
e  sanglants  stigmates  de  son  altér.  tNO 
Dar  la  force  des  choses,  qui  ne  permctt  mi 


iras 


SUR 


NCTIONNAniE  APOLOGETIQUE. 


SUR 


fSl? 


I^as  qa  une  erreor  portant  si  haut,  trouvât 
nulle  part  Jes  fondements.  Les  fondements 
de  'a  Traie  religion  2$ont  une  antiquité  qui 
remonte  par  des  monuments  certains  jus- 
qu'à rorigine  du  monde  ;  une  suite  inintcr^ 
rompoe  d  actes  miraculeux  et  prophétiques 
laissant  de  distance  en  distance  leur  em* 
fireinle  ineffaçable  dans  l*bistoire  des  peo- 
|)les  ;  un  dogme  sérieux  et  profond  ;  une 
norale  qui  se  traduit  par  des  révolutions 
ians  les  mœurs  du  genre  humain;  un  sa- 
cerdoce digne  de  parler  de  Dieu  au  vice  et 
I  fa  vertu;  une  Providence  qui  gouverne 
et  ensemble  eitraordinairc  et  le  maintient 
tar  un  prodige  constant;  un  tissu  enGn  où 
out  s'enchaine,  où  tout  se  soutient  dans 
me  dorée  de  soixante  siècles,  malgré  la 
irandeur  des  obstacles  et  la  faiblesse  des 
fiorons.  Comment  un  culte,  issu  de  Thomme 
«r  une  dégradation  accidentelle,  s  attribue- 
ait-il  ou  conserverait-il  de  tels  fondements? 
^n  peut  donner  Tapparence  du  vrai  à  une 
hilosopbie,  parce  qu'elle  n^est  qn^une  com- 
inaison  d*idées  ;  mais  la  religion  étant  un 
rdre  immense  de  faits  universels  et  per- 
étoels,  comment  susciter  ces  faits,  s*ils 
existent  pas,  ou  comment  les  appeler  au 
N»urs  de  ]*errcur,  s'ils  existent  au  proQl  de 
I  T<^rilé?ll  serait  plus  facile  à  Tbomme  de 
*éer  le  monde  que  de  créer  une  religion 
rec  descarartères  divins  ;  car  le  monde  n*a 
1  à  vaincre  que  le  néant,  et  celte  religion 
irait  à  vaincre  Tessence  des  choses. 
Telle  est  la  raison  de  l'incapacité  logique 
lie  vous  remarquez  dans  l'islamisme  et  dans 
idolâtrie,  et  gui  leur  ôterait  toute  puissance 
irTesprit,  si  la  bassesse  de  leur  physiono- 
ie  et  le  spectacle  de  leur  immoralité  leur 
iss&ient  quelq;ue chance  de  séduire  une  in- 
digence libre  de  les  juger. 
hes  trois  cultes  qui  se  partagent  le  monde, 
1  roilèdeux  hors  de  cause;  le  christianisme 
ut  est  maintenant  devant  nous.  i 

Regardez-le,  non  pour  vous  demander  s*il 
t  vrai ,  mais  s*il  ressemble  aux  deux  au- 
is.  Leur  ressemble-t-il?  Est-ce  la  même 
rapacité  logii]uc,  la  même  immoralité,  la 
îme  absence  de  physionomie  divine?  Vous 
avez  bien  le  combattre,  mais  il  faut  ane 
us  ie  combattiez.  Car,  il  enseigne,  il  dis- 
te,  il  écrit,  il  a  rempli  la  terre  de  sa  pa- 
le et  vos  bibliothèques  de  ses  travaux.  A 
oi  que  vous  touchiez ,  vous  le  rencontrez. 
:>ppose  ses  sages  à  vos  sages,  ses  savants 
ros  savants»  ses  écrivains  à  vos  écrivains, 
«politiques  h  vos  politiques,  ses  hommes 
génie  à  ros  hommes  de  génie  ;  depuis 
L-huit  siècles,  précédé  des  traditions  et 
s  oeuvres  de  quatre  mille  ans,  il  vous 
it  pas  à  pas ,  ne  laissant  jamais  sans  ré- 
nse  un  fie  vos  reproches,  pas  plus  que 
is  secours  nniJe  vos  besoins.  SiVous  niez, 
aHirnie  ;  si  tous  méprisez,  il  honore  ;  si 
11$  le  foulez  aux  pieds,  il  se  relève  ;  si  vous 
croyez  mort,  il  revit.  A-t-il  tort,  je  ne 
s;  a-t-il  raison,  je  Tignore.  Ce  que  je  vois, 
dont  tout  TuiiiverSjest  témoin,  c'est  qu  il 
sonne  et  tient  en  baleine  l'esprit  humain. 
af6t  l'autorité  politique  Ta  servi,  tantôt 


elle  l'a  méconnu  :  mais  aussi  bien  dans  la 
bonne  que  dans  la  mauvaise  fortune,  sous 
la  persécution  comme  avec  la  protection,  il 
a  fait  son  service  et  tenu  sa  voie.  Rien  des 
vicissitudes  dont  il  a  été  le  spectateur  ne  Ta 
étonné;  il  a  vu  la  science  des  temps  qui  Bn's- 
sent  avec  celle  des  temps  qui  commencent, 
et  on  l'accusera  de  tout,  sauf  d'avoir  man- 
qué de  grandeur  et  de  puissance  d'esprit. 

Autant  les  autres  cultes  ont  été  incapables, 
je  ne  dis  fias  de  sanctifler,  mais  d'améliorer . 
les  mœurs  publiques,  autant  celui-ci  les  a  • 
relevées  et  divinisées.  Qui  comparera  la  vie 
des  peuples  chrétiens  avec  la  vie  des  peuples 
ré^is  par  la  loi  des  idoles,  ou  par  celle  de 
Mahomet?  Ah!  certainement,  je  connais  les 
misères  de  la  chrétienté,  puisque  je  connais 
les  miennes  ;  mais  maigre  la  trace  qu'v  lais- 
sent la  chair  et  le  sang,  quelle  pureté  dans 
un  certain  nombre  d'à  mes  choisies  !  Quel 
respect  de  la  vertu  dans  la  conscience  de 
tous!  Quelle  lutte  dans  ceux-là  mêmes  qui 
tombent,  et  qur,  le  re^^ard  ouvert  sur  le  mo* 
dèle  de  toute  sainteté,  se  retiennent  jusque 
dans  le  vice  à  l'espérance  et  au  vouloir  de 
devenir  meilleurs  1  Si  le  secret  de  le  travail 
salutaire  ne  vous  est  pas  connu  suffisam- 
ment nar  votre  propre  expérience,  si  l'his- 
toire des  âmes  dans  le  christianisme  ne  vous 
a  pas  été  révélée ,  jugez-en  du  moins  par  le 
dehors  ;  comparez  les  plaisirs,  les  jeux,  les 
spectacles  des  païens  avec  les  nôtres  ;  met  • 
fez  en  regard  nos  faiblesses  avec  les  abomi* 
nations  de  l'Orient.  Le  christianisme  n'a  pas 
détruit  le  mal ,  puisque  le  mal  fait  partie  de 
la  nature  humaine  déchue;  mais  il  Ta  dés- 
honoré dans  l'opinion,  chassé  des  places 
publiques,  poursuivi  jusque  dans  ses  re- 
ffaires,  atténue  dans  la  vie  du  plus  grand 
nombre  et  effacé  du  coeur  de  beaucoup.  Il 
est  la  seule  religion  qui  ait  opéré  dans  le 
monde  une  révolution  morale;  tontes  les 
autres  ont  adoré  les  mauvais  penchants  de 
l'homme  ou  les  ont  proscrits  sans  enîcacité. 
Et  cette  rénslution  morale  n'a  pas  été  d'un 
siècle  ou  d*un  peuple;  elle  a  régné,  des 
débauches  d'Auguste  aux  adultères  de 
Louis  XIV,  sur  une  multitude  de  nations 
qui  en  ressentent  chaque  jour  encore  le 
persévérant  bienfait.  Il  n'est  .pas  une  mère 
chrétienne  qui  n'en  soit  l'instrument,  et 
qui  ne  communique  aux  fluies  qu'elle  a  re- 
çues de  Dieu  dans  son  sein  une  vertu  de  pu- 
rification et  d'honneur.  Avant  que  le  Chré- 
tien se  corrompe,  il  a  passé  |iar  les  joies  de 
la  |)ureté,  et  il  en  garde  dans  ses  os  une  mé- 
moire que  toutes  les  proianations  du  vice 
ne  peuvent  entièrement  guérir.  Le  vice  est 
tellement  incompatible  avec  la  loi  chré- 
tienne, que  cette  foi  s'obscurcit  ou  s'éteint 
dans  ceux  qui  ne  veulent  plus  combattre 
leurs  passions,  et  l'incrédulité,  sous  ce  rap- 
port, est  une  des  plus  glorieuses  couronnes 
du  christianisme.  Ni  le  musulman,  ni  le 
païen  n'ont  besoin  d'apostasier  pour  être 
tranquilles  dans  l'opprobre  de  leurs  sens;  le 
ctirétien  seul  a  un  Dieu  qui  le  force  à  rou- 

B«>' 
Ce  Dieu  pourtant  s'est  fait  Jiomme,  il  a 


1347 


SU  II 


DICTIONNAIRE  ArOLOGETtQUE: 


Sl& 


m 


porté  URO  cttair  comme  la  nôtre  ;  i\  a  été 
semblable  dans  son  corps,  aux  idoles  des 
nations,  et,  à  la  différence  de  toutes  celles 
qui   devaient  le  suivre,  il  a  exercé  sur  la 
terre  un  pouvoir  régénérateur. En  lui  comme 
h  leur  source,  en,  sa  fleure  conime  à   leur 
centre,  viennent  se  réfléchir  <o us  les  ca- 
ractères qui  ont  fait  du  christianisme  un 
incomparable  monument.  Levez  les  yeux, 
cette  fois  :  Voilà  Jésus-Christ I  Qui  de  vous 
blasphémera,  sans  une  certaine  crainte  de 
se  tromper?  Au  sortir  de  l'enfance,  peut- 
être»  k  TAge  où  les  yeux  ne  mesurent  rien, 
parce  qu'ils  n'ont  rien  comparé,  vous  passe- 
rez devant  lui  sans  suspendre  voire  marche, 
et  sans  incliner  la  tête;  mais  attendez  un 
peu.  Les  ombres  de  la  vie  vont  grandir  der- 
rière vous;  vous  connaîtrez  l'homme,  et  de 
Thommeau  Christ  rcportantdes  regards  plus 
humbles,  parce  qu'ils  auront  vu  davantage, 
vous  commencerez  à  découvrir  dans  cette 
physionomie,  des  signes  qui  vous  trouble- 
ront. Un  jour  ou  Tautre  vous  direz  :  Serait- 
ce  donc  là  Dieu?  Quelle  que  soit  la  ré|K>Dse, 
votre  conscience  aura  posé  la  question.  Et 
quelle  question  !  Quel  homme,  que  cetui  qui 
contraint  un  autre  homme  à  se  poser    la 
question  de  sa  divinité!  Et  quand  même 
vous  n'éprouveriez  pas  encore  le  pressenti- 
ment de  ce  doute,  songez  que  depuis  dii- 
buit  siècles  il  agile  et  partage  Thumanité. 
Aujourd'hui,  plus  que  jaoxais,  c'est  le  grand 
débat  du  monde.  Derrière  ces  querelles  po- 
litiques qui  retentissent  si  haut,  il  en  est 
une  autre  qui  est  la  véritable  et  la  dernière  : 
c'cdt  de  savoir  si  les  nations  civilisées  par 
le  christianisme  abandonneront  le  principe 
ç|ui  les  a  faites  ce  qu'elles  sont,  si  elles  iront 
jus*{u'au  bout  de  l'apostasie,  et  quel  sera 
dans  ce  cas  le  sort  qui  les  attend.  Etre  ou 
n*ètre  pas  chrétien,  telle  est  l'énigme  du 
monde  moderne.  Et  de  quelque  manière  que 
vous  la  résolviez   dans   votre    esprit,  elle 
existe;  je   n'en  veux  j)as  davantage.  Elle 
exisle  :   Jésus-Christ    règne   par  ce  doute 
suspendu  sur  nos  destinées,  autant  que  jmr 
la  loi  du  ceux  qui  lui  ont  donné  toute  leur 
âujc.  Sa  divinilé  est  le  nœutl  de  I  avenir, 
comme  elle  l'était  du  j)assé,  et  fût-ce  une 
ruine,  c'est  une  ruine  qui  porle  lout.  Ou 
sait  ce  que  sont  devenues  les  nations  con- 
verties du  la^anismeàrEvaUj^ile;  on  ignore 
ce  que  deviendraient  les  nations  chrétiennes 
au  sortir  de  l'Evangile  qui  les  a  nourries 
et  formées;  car  on  ne  découvre  aucune  doc- 
trine prèle  à  les  recevoir,  mais  un  abîme  où 
la  matière  .«^'asseoirait   seule  au  troue  vide 
de  Dieu. 

Toutes  ces  clioses  n*ûnt  besoin  que  d*un 
regard  ;  on  les  voit  et  on  les  sent  aussi  vite 
que  Ton  voit  la  lumière,  et  que  l'on  sent 
la  chaleur.  Comme  il  est  impossible  de  con- 
fondre la  vie  avec  la  mort,  il  est  impossiJile 
de  confondre  le  chrislianisme  avec  les  faux 
cultes  q\ii  en  ont  corrompu  les  traditions. 
Loin  de  s'obscurcir  par  les  travestissements 
dus  à  la  liberté  de  l'homme,  le  christianisme 
y  puise  la  preuve  qu'il  est  indcslruclible 
et  inimilable,  et  par  conséquent  divin.  Il 


demeure  d'autant  plus  grand  q^'onlecou- 
)>are,  d'autant  plus  seul,  qu'il  a  des  rivaui, 
d'autant  plus,  facile  à  reconualire,  quiliioil 
élre-discerné.  Y  eût-il  mille  étoiles  au  fi^ 
niament  de  la  religion,  comme  à  celui  de 
la  nature,  l'œil  ii'jr  découvre  t^u'un  astre 
souverain.  Celui  qui  nie  le  soleil  est  aveu- 
gle du  corps,  celui  nie  le  christianisme  qui 
est  aveugle  de  l'âme. 

|V. 

Objeclhn,:  Le  sumaturalisine  iolrnduil  dans  le  plao<if  j 
crêalioDdes  ressorts  arbitraires  ei  ttirpfrfltts,  bp 
-phéUe  et  le  aacremeot.  —  Bépome:  La  prapiïéiie,  (lf^ 
mier  eléiiieat«de  Tordre  samatiirel,  est  le  eaupi;»i 
de  notre  lumière  naturelle. — Hardi' ne  desinve^-v 
lions  du  genre  humain  dans  l'ordre  des  pbcoonèoMdi 
monde  physique.  —  L'homme  s'élcraol  ï  U  iiotùir  Jt 
rinOni.  —  Obscurttùs  de  la  raison  et  inpoIsuBfc  dt  a 
sagesse  humaine  pour  counaitre  nos  liestifid»,^ 
rapports  arec  Dieu,  etc. 

La  question  de  l'ordre  surnalarel  ues 
pas  épuisée;  nous  n*en  avons  considéré ivt 
le  côté  extérieur;  et  le  fationalisme  non 
appelle  au  dedans.  II  nous  demande  ce  qi» 
cela  veut  dire  :  un  ordre  supérieur  i  la  oi* 
ture  et  là  raison,  un  ordre  qui  sup|)osep 
l'intelligence  manque  du  nécessaire  [><'•.! 
connaître,  et  la  volonté  du  nécessaire  [i*% 
agir.  Quand  Omar  fut  consulté  pour  s^^p 
ce  qu'il  fallait  faire  de  la  bibliollièqoe  h\' 
lexandrie,  il  répondit:  Ou  bien  tes  liu» 
de  la  bibliothèque  d!AIcxandrie  diîdit  ii 
même  chose  que  le  Koran,  et  en  ce  a^  i 
faut  tes  brûler  comme  inutiles;  ou  Lieob 
disent  auti*e  chose  qwe  le  Koran,  etco* 
cas  il  faut  les  brûler  comme  dangereux,  t 
même  ici,  ou  bien  Tordre  surnaturel  ïm 
dans  la  lumière  et  racliviié  deruriireui 
rcl,  et  al-orsi  quoi  sert-il?  ou  bienii!i'.\((^ 
tre  pas,  et  alors  inintelligible  à  la  niM 
inconciliable  avec  la  nature,  à  quoiserNlty 
core?  Quel  motif,  en  outre,  peut  avoir flj 
Dieu  de  refuser  à  notre 


orgamsaiiOû 


'3 


neurc  l'uaiilé  qu'il  a  mise  en  tous  ?« 
vra;^es,  et  de  nous  fournir  un  csprii  -j 
pour  suilire  à  ses  funciions,  ail  Levi'i 
se  compléter  par  un  appareil  venu  dmiéti 

Bref,  on  nous  conteste  la  notion  ir.è:nv| 
Tordre  surnaturel;  on  Taccu^e  d'iuirc.aij 
dans  le  plan  de  la  ci'éalion  un  ressorl  ^  H 
le  moins  arbitraire  et  superflu  :  et  ni.', 
noui  de  TEglise,  j'affirme  aue  ce  ri- 
est  nécessaire,  nécessaire  d  ui;e  née- 
a!)soluo,  posé  que  Dieu  ait  vo*j1u 
donner  de  lui  une  pleine  connaissaiH 
une  pleine  possession,  comme,  ûèsïo  a 
cipc  des  choses,  il  l'avait  en  effet  vou| 
jjiéparé.  Je  le  prouverai  pourTun  elî 
éléujunt  de  Tordre  surnaturel,  cesi- 
pour  la  prophétie,  qui  est  le  corapî^'i 
de  notre  lumière  intérieure,  et  pour  jt- 
crement  qui  est  le  comulément  de  uoir( 
tivilé  libre. 

Quand  on  vient  h  considérer  le  /: 
intellectuel  accoQ)p]i  par  Thomiue  i^»- 
on  ne  peut  retenir  en  soi  un  moiiv 
de  Stupeur  et  d'admiralion.  PlscéM..'' 
terre,  comme  dans  une  lie  dont  le  c 
l'océan,  Thomme  a  voulu  connaiini' 
de  son  passade  ;  mais  <Tinn<Mnl.n^t>l'.^ 
rièrcs,  drcssél'S  autour  de  lui,  >'oi'P  -• 


\la 


SUR 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


SUR 


1550 


à  son  dessein,  et  lui  interdisaient  de  pren- 
dre possession  de  son  empire  et  de  son 
^xil.  la  mor  lui  opposait  la  jalousie  de  ses 
Hois  :  il  a  regarde  la  mer,  et  il  a  passé. 
La  proae  de  son  génie  a  touché  les  plus 
inaccessibles    riTa^^es  ;  il  en  a  fait  le  tour» 
il  en  a  dessiné  les  plis,  et  après  quelques 
siècles  d*une  audace  plus  opiniâlre  que  les 
tempèles,  dominateur  paisible  des  eaux, 
il  se  promène  où  il  veut,  et  quand  il  veut, 
à  la  surface  soumise  de  leur  immensité.  Il 
envoie  ses  ordres  à  tous  les  écueils  devenus 
des  poris;  il  leur  emprunte,  par  des  écban- 

F  es  qui  ne  s'arrêtent  jamais,  le  luxe  et 
orgueil  de  sa  Tie,  mêlant  ensemble  tous 
les  climats,  pour  ne  faire  d*eux,  si  divisés 
qn^ls  soient,  qu'un  serviteur  unique,  oliéis- 
sant  sur  tous  les  points  du  {^lube  à  ses 
<l^^irs  souverains. 

Une  autre  mer,  plus  vaste,  plus  profonde 

v^ncore,  recueil  de  mystères  infinis,  répan- 

(iaii  sur  sa  tête  ses  ondes  iieuplées  d'étoiles. 

Loi,  simple  pâtre  alors,  errant  à  la  suite  de 

ses  (roiipeaux  dans  les  champs  de  la  Cbal- 

«iêe,  a  regardé  le  ciel  à  travers  les  pures 

nuiis  de  l'Orient.  Aidé  du  silence,  il  a  dit 

4UX  astres  leur  nom,  connu  leur  marche, 

pénétré  le  secret  de  leurs  obscurcissements, 

prédit  leur  disparition  et  leur  retour;  et 

toute  cette  armée  lumineuse,  comme  si  elte 

eût  pris  ses  ordres  dans  les  yci>x  de  Thomine, 

u*a  cessé  de  se  rendre,  dans  un  cycle  exact, 

AU  rendez-vous  où  Tattendait  l'observateur. 

L*«slrc  même  qui  n*apparalt  qu'un  jour  en 

pi  Dsieurs  siècles,  n'a  pu  nous  dérober  sa 

roarse  ;  appelé  à  heure  fixe,  il  se  détache 

icsprofonaeurs  inénarrables  où  nnl  regard 

D«  Je  suit;  il  vient,  il  aborde  à  un  point 

signalé  d'avance,  notre  étroit  horizon,  et 

>wcaDt  de  sa  lumière  l'intelligence  qui  l'a 

P  A^phétisé,   il  retourne  aux  solitudes  où 

1  fo^ni  seul  ne  le  perd  jamais  de  vue. 

Mais  entre  la  terre  et  le  ciel,  entre  la 

;>tiieure  de  l'homme  et  celle  des  étoiles, 

'étendait  un  esjiace  différent  de  tous  les 

lenx,  moins  subtil  gue  lun,  moins  gros- 

rer  que  l'autre,  habité  par  les  vents  et  les 

ra-^eSf  et  lénétrant  de  ses  actives  infiuen- 

es  tous  les  ressorts  de  notre  vie.  L'homme 

reconnu  ces  compagnons   invisibles  de 

:>a  être;  il  a  décomposé  l'air  qu'il  respire, 

i  bdîsi  les  nuances  du  fluide  qui  réciaire;  la 

itesse  de  l'un  ne  lui  a  pas  plus  échappé  que 

i  pesanteur  de  l'autre.  En  vain  la  foudre, 

/ttc  image  de  la  toute-puissance  divine, 

mhiait  défier  la  hardiesse  de  ses  investi- 

liions  z  comme  un  géant  qui  a  tout  abattu 

itour  de  lui,  et  qui  s'indigne  de  rencontrer 

1  obstacle,  il  s'est  pris  corps  à  corps  avec 

i  résumé  terrible  des  forces  de  la  nature, 

plus  mattre  que  jamais,  il  a  traité  la  fou- 

e   comme  un  enfant  qui  se  mène  pr  un 

,  tajitôt  l'arrêtant  respectueuse  au  sommet 

s  pialais  et  des  temples,  tantôt  le  forçant 

s^  l»récipiter  par  des  routes  inotfensives 

us  Ws  muets  abtnies  de  la  terre.  La  mer, 

oîel  et  tous  ses  flambeaux,  l'air  et  tous  ses 

lénouiènes,  rien  du  dedans  et  du  dehors 

3  va  il  pu  se  soustraire  n  Tesprit  de  l'homme; 


l'observation  lui  avait  révélé  les  faits,  les  faits 
l'avaient  conduit  aux  causeset  aux  lois.Ei  ces 
sciences  particulières,  rayons  disi)ersés  d'un 
foyer  commun,  venaient  se  réunir  et  s'illu-* 
miner  dans  une  science  plus  générale,  qui, 
en  nous  livrant  les  mystères  abstraits  du 
nomt>re,  de  l'étendue  et  du  roouvemeul, 
mettnt  à  nu  devant  nous  les  éléments  éter- 
nels de  toutes  les  choses  créées. 

Mais  est-ce  là  tout  ?  Le  roi  du  mondes*esW 
il  arrêté -là?  Gardez-vous  de  leiToire.>N'eût« 
il  pas  été  plus  loin,  déjà  c*  eût  été  le  poète, 
le  savant,  l'artiste,  déjà  l'homme,  mais  non 
pas  l'bolume  divin.  Or,  il  était  divin,  et  tous 
les  mondes  visibles  n'avaient  |  as  m  eux  de 
quoi  rassasier  son  intelligence  et  reuoscr 
son  cœur.  Il  est  monté  plus  haut  ;  il  s'ost 
demandé  ce  qu^  y  avait  au  delà  des  étoiles^ 
quel  est  Torbe  qui  meut  tous  ces  orbes  me- 
surés jpar  son  compas;  et  il  s'est  répondu  : 
rinfiûi.  Car  le  fini,  ne  se  contenant  pas  lui- 
même,  ne  peut  être  borné  que  par  l'infini. 
Mais  qu'est-ce  que  l'infini  ?  Est-ce  un  e^^pace 
vide  se  multipliant  sans  cesse  devant  lui- 
même,  un  atitine  sans  rivages  appelant  à  lui, 
pour  leur  faire  place,  toute  vie  réelle  et 
toute  vie  |iossible,  sans  être  lui-même  vi- 
vant? L'homme,  qui  avait  regardé  la  mer  et 
le  ciel,  a  regardé  sans  pâlir  cet  autre  ciel 
et  cet  autre  mer;  quelle  que  fût  la  nature 
de  l'espace  intellectuel  où  rejouait  sa  pen- 
sée au  delà  de  toutes  les  choses  sensibles, 
il  a  compris  c(ue  là  n'était  point  le  principe 
de  l'être,  de  la  vie  et  du  mouvement.  Il  a 
pas^é  plus  loin  ;  il  a  débordé  l'infini  imagi- 
naire pour  contempler  eu  face  l'infini  réel, 
et  le  voyant  sans  le  vouloir,  le  définissant 
sans  le  définir,  i  arvenu  au  ter.ne  de  toute 
vérité,  il  a  dit  d  une  voix  qui  a  été  la  pre- 
mière et  qui  sera  la  dernière  : 

Par  delà  tous  ks  cicux  le  Dieu  des  cieux  réside  ! 

L'homme  tout  à  l'heure  ne  remuait  que  la 

E)ussière,  le  voilà  maintenant  qui  touche  à 
icul 

Et  cependant  n'y  a  t-il  dans  votre  âme 
aucune  tristesse?  N'y  a-t-il  dans  votre  intel- 
ligence rien  d'obscur  et  d'inconnu  ?  Une  fois, 
dans  les  beaux  temps  de  la  Grèce,  un  sage  qui 
servait  son  pays  de  l'épée,  tout  en  le  servant 
par  ses  leçons  qui  ont  mérité  l'honneur  de 
préparer  la  sagesse  humaine  à  s'abaisser  dif- 
vant  l'Evan^le  de  la  sagesse  divine.  Soerate, 
car  c'était  lui,  sortit  on  matin  de  sa  tente, 
s'assit  au-devant,  et  sa  Cèle  cachée  dans  ses 
deux  mains,  il  demeura  pensif.  Le  soleil  se 
leva,  l'armée  s'émut,  les  coursiers  passèrent, 
tout  le  bruit  d'un  eemp  envelop{ia  sa  rêverie, 
mais  lui,  immobile  et  comme  enlevé  à  lui- 
même,  laissa  venir  le  soir  sans  qu'il  eût  la 
force  ou  la  pensée  de  rappeler  sa  têie  appe- 
santie sur  ses  genoux.  A  quoi  songeante 
grand  homme?  Quel  douloureux  inyslèrc 
avait  été  capable  de  lui  cacher  les  heures  et 
de  remplir  le  cadro  d'une  si  persévérante 
inédilation?  Héla^I  le  même  mystère  qui 
vous  tourmente  en  ce  moment.  Sa/jS  vouloir 
insulter  votre  raison  après  l'avoir  faut  exal- 
tée tout  à  l'heure,  ne  pu'5-je  vous  «îeman- 


f35l 


SCII 


INCTIONNiailE  ÀP(HX)GETIQUE. 


sua 


l^i 


der  avec  Socrale  :  0«e  sav«*z-vous?  Celte 
question  qii'il  adressait  aux  sages  de  son 
temps^.ne  puis-je vous  ladresser  à  vous,  les 
enfants  des  sages?  Vingt  siècles  écoulés  de- 

[>uis  Socrate  ont-ils  changé  la  condition  de 
*esprit  huçiain,  et  fait  descendre  en  vous  la 
plénitude  de  lumière  qui  manquai  tau  maî- 
tre de  Platon  ?  Une  lumière,  il  est  vrai,  une 
grnnde  lumière  a  jailli  sur  le  monde  depuis 
que  la  bouche  de  Socrate  s'est  fermée  en 
buvant  la  ciguë;  mais  elle  descendait  du 
Calvaire  et  non  de  la  raison.  Ceux  qui  ne 
Vont  pas  reçue  dans  l'obéissance  de  la  foi, 
loin  d'être  éclairés  par  elle,  ont  vu  s'a(  croître 
Tombr»?  et  l'in;  ert  :  tude  de  leurs  pensives  ;  car, 
une  question  redoutable  sV.sl  ajouléo  «pour 
eux  a  toutes  les  questions  dont  Ténigine 
poursuit  noire  enlendement.  Je  vous  le  dis 
donc,  sans  craindre  do  le  contredire  et  de 
vous  offenser  ;  il  y  a  une  chose  que  vous 
ne  savez  pas,  quand  vous  n'interrogez  pour 
la  savoir  que  votre  propre  intelligencoA 
Philosophe  ou  prêtre,  écrivant  avec  une 
plume  d'or  des  pages  qui  rempliront  la  pos- 
térité d'un  immortel  encens,  ou  bien  Fobs- 
eur  ouvrier  d*une  vie  sans  lendemain,  q*ii 
que  vous  soyez,  il  y  a  une  chose  que  vous 
ne  savez  pas.  Ce  que  vous  savez,  je  l'ai 
dit»  ce  que  vous  ne  savez  pas,  c*est  vous, 
c'est  votre  âme,  c'est  la  raison  de  votre 
âme  ,  c'est  votre  destinée.  Vous  savez 
tout,  excepté  le  secret  de  voire  vie.  Je  n*en 
cherche  pas  encore  la  raison.  J'expose  le 
fait.  Votre  Ame  est-elle  impérissable  de  sa 
rature?  Pourquoi  est-elle  unie  à  un  corps  ? 
Pourquoi  s  en  sépare-t-elle  à  un  certain 
moment?  Où  va-t-elle  au  sortir  de  sa  pri- 
son d'un  jour?  Qu'est-ce  que  la  mort? 
Qu'est-ce  que  ce  lieu  où  vos  pères  sont  des- 
cendus, où  ils  vous  attendent,  ce  lieu  qui 
vous  appelle,  qui  vous  dit  par  la  voix  de 
Bossuet,  que  les  rangs  y  sont  pressés  f  Le 
savez-vous  avec  certitude?  Le  savez-vous 
mieux  que  Socrate  idacé  par  l'injustice  en 
face  de  l'avenir,  et  puisant  dans  sa  condam- 
nation une  nouvelle  assurance  de  notre  im- 
mortalité ? 

Si  je  consulte  l'histoire  de  la  sagesse  hu- 
maine, je  la  vois  aboutir  à  ce  mystère  (ifcir 
tous  ses  chemins,  mais  par  des  chemins 
bien  différents.  Platon  affirme,  Cicéron 
doute,  Epicure  nie,  et  constamment  l'esprit 
humain  se  distribue  dans  ces  trois  zones  de 
la  pensée.  Veut-il,  après  des  âges  de  foi , 
restaurer  dans  les  temps  modernes  la  phi- 
losophie indépendante?  Descartes  commence 
par  l'affirmation,  Bayle  continue  par  le 
doute.  Voltaire  achève  par  la  négation.  Il 
ne  faut  pas  deux  siècles  à  l'activité  philo- 
sophique pour  accomplir  ce  cycle  fatal  dont 
le  lésullatest  ce  que  vous  voyez,  c'est-à- 
dire  une  société  sans  croyances  assurées, 
rompue  en  mille  opinions  dont  chacune  se 
dit  la  vraie,  dont  chacune  a  ses  hérauts,  ses 
espérances,  ses  revers,  et  qui,  se  disputant 
pour  édifier,  ne  se  rencontrent  qu'en  un 
point;  détruire I  Les  Grecs  avaient  donné 
MU  monde  ce  spectacle,  les  Romains  le  renou- 
velèrent; et  nous,  deux  mille  ans  après  la 


leçon  de  ces  ruines,  nous  avons  voulii  en 
recevoir  de  nous-mèiues  le  redoutable  en- 
seignement. Il  est  là,  regardez-le  ;  appre- 
nez-y du  moins  la  limite  de  votre  intelli- 
gence, et  le  besoin  que  vous  avez  d'une 
autre  lumière  que  la  vôtre  pour  vous  con- 
naître vous-mêmes. 

Mais  d'où  nous  vient  cette  ignorance  de 
nos  propres  destinées?  ïfoik  vient  qu*tjaat 
pénétré  si  loin  et  si  haut  dans  les  mystères 
de  la  nature,  notre  vue  se  (rouble  lers()nt 
nous  la  reportons  sur  ce  qui  nous  est  intioie 
et  personnel?  Il  n'est  pas  difficile  d'en  en- 
tendre la  raison.  Tous  les  phénomènes  de 
la  nature  sont  des  faits  présents  sous  dos 
yeux,  et  les  lois  mathématiques  qui  les  ré- 
gissent, outre  qu'elles  se  roanifesieiit  dans 
des  corps  sensibles  et  limités,  appartiennent 
à  l'essence  invariable  des  choses ,  laquelle 
est  présente  à  notre  esprit  et  constitue  la 
lumière    intelligible   ddnt  il    esl   éclairé. 
L'Etre  divin  lui-même  se  révèle  à  nous  par 
i'univers  qui,  tout  grand  qu'il  soit,  mms 
contraint  de  lui  chercher  une  cause,  caose 
qui  ne  peut  être  que  J'infini  à  l'étal  pet* 
sonnel,  c'est-à-dire  Dieu.  Nous  tenoB>  ainsi 
les  deux  extrémités  de  la  chaîne.  Je  fiai  et 
rinfini,  le  monde  et  Dieu.  Mais  quand  ii 
s'agit  de  pénétrer  le  secret  de  notre  desti* 
née,  là  nous  font  défaut  tous  nos  mojeos 
naturels  de  connaître.  Notre  destinée  n  est 
pas  un  phénomène  présent  à  nos  regards; 
elle  embrasse  un  passé  qui  nous  est  ion* 
sible,  un  avenir  qui  l'est  paiement.  Ce  n'es: 
pas  non  plus  une  loi  appartenant  à  ressente 
des  choses,  piisque  nous  pouvions  è:re oa 
ne  pas  être ,  vivre  un  jour  ou  mille  an>. 
Notre  destinée  est  un  rapport  entre  deu\ 
êtres  libres,  dont  l'un  est  Uni  et  l'aolre  in- 
fini. Elle  dépend  du  concx>urs  de  deux  vo- 
lontés différemment  souveraines,  dont  Tune 
a  donné  ce  qu'elle  ne  devait  {las,  doo: 
l'autre  peut  refuser  ce  qu'elle  natlendMV 
pas. 

Or,  comment  connaître  rationneilemtHX 
la  volonté   d'autrui?  Coinmnnt  la   raison 
verrait -elle  intérieurement  et  nécessaire* 
ment  un  acte  qui  peut  être  ou  ne  pas  èlre^ 
Sans  doute  Dieu  a  dans  sa  nature  des  régies 
immuables  de  justice  et  de  bonté,  dont  tn 
reflet  illumine  notre  conscience  et  nous  mef 
sur  la  voie  de  ses  opérations.  Mais  ni  ta 
justice  ni  la  bonté  ne  lui  imposent  dansscf 
dons  une  mesure  absolument  déteraaiaêf. 
11  était  libre  de  créer  ou  de  ne  uas  enta. 
libre  de  nous  appeler  à  la  vie  plus  tôt  %. 
plus  tard,  libre  de  s'unir  à  nous  plus  vw 
moins  durablement  et  intimement.  Qui  dim 
par  exemple,  que  l'alliance  de  la  oatjn 
divine  avec  la  nature  humaine  par  riocr- 
nation  était  métaphjsiquement  nécessair* 
Or,  si  elle  n'était  pas  nécessaire,  elle^é'Jr' 
libre,  et  si  elle  était  libre,  comment  Tinhl- 
ligence  Taurait-eile  aperçue  aatreoienl  4^- 
sous  la  forme  d'une  simple  possibilité 1 1^ 
c^st  la  possibilité  même  qui  fait  le  sa  vstét? 
Me  voici ,  être  vivant,  me  voici  eo  lace  à^ 
l'éternité,  que  mon  esprit  décor-rrc    u^j' 
autour  dé  moi  comme  1  horizon  aatarei    ' 


ISSS 


SUR 


oicnœiNAmE  apologétique. 


WK 


i35i 


mon  être  :  7  tais-je  pour  une  beore,  pour 
ansiècle,  pour  jamais?  L'éternitét  qui  est 
DOD  prineipe*  est-elle  mon  droit  et  mon 
but?  Si  je  TOjrais  clairement  que  non,  il  n'y 
aurait  pas  de  mystère  ;  si  je  voyais  claire- 
ment que  oui,  il  n*y  en  aurait  fias  davan- 
tat^e  :  mais  j*hésile  devant  le  oui  et  devant 
le  000,  parée  que  tons  les  deux  ont  leur 
possibilité.  La  nécessaire  se  voit,  lepossiBie 
s*enlreTOit;  le  nécessaire  est  le  joar,  le  pos- 
sible est  la  nuit.  Qui  lèvera  le  doute?  qui 
nous  dira  :  De  deux  choses  contradictoires 
également  réalisables,  c'est  celle-ci  qui  s*est 
r^lisée,  cest  celle-ci  qui  est  le  réel?  La 
raison  ne  le  peut;  car,  elle  ne  le  pourrait 
qQ*en  changeant  le  possible  en  nécessaire, 
ce  qui  est  absurde.  J'avoue  qu'entre  le  né- 
cessaire et  le  possible  se  rencontre  le  pro- 
bable; mais  le  probable  ne  donne  pas  la 
certitude,  il  incline  l'esprit  sans  le  sobju- 
^er.  Socrate  est  mort  en  se  vengeant  de  ses 

B^s  par  l'espérance  de  rimmortaKté«  et  le 
édonest  l'impérissable  monument  de  cette 
héroïque  vengeance  ;  mais  ce  qui  suffisait 
«a  remords  de  ses  juges  et  à  la  grandeur  de 
son  âme  ne  suffisait  pas  à  la  consolation  de 
les  amis.  Une  autre  mort  que  celle  d'un 
9fey  une  autre  parole  que  celle  d'un  homme 
devait  donner  an  genre  humain  la  certitude 
de  son  immortalité. 

Fuis  rimmortaiilé  n'est  pas  tout;  bien  des 

choses  y  demeurent  obscures,  et  fAt-elle 

àiaurée9  Tesprit  se  demanderait  :  Qu'est-ce 

eue    l'immortalité?  y  verrons-nous  Dieu? 

]j  Terrons-nous  {face  h  fiice?  sera-t-ii  pour 

notre  œil  transfiguré  ce  qu'est  aujourd'hui 

la  fiature  pour  notre  œil  mortel  ?  L*ablme 

v\e  Vinfini  n*a  pas  de  fond ,  et  c'est  ici  la 

«^rr^nde  cause  de  l'impuissance  où  est  la 

raison  de  se  rendre  uu  compte  exai-t  des  fins 

ttrrmères  de  l'homme,  ainsi  que  le  chris- 

untiisme  appelle  éloquemment  le  dogme  des 

En  toute  autre  science,  la  question  va  du 
'ni  au  fini.  Les  mathématiques  elles-mêmes 
e  !»onl  que  la  loi  générale  des  corps,  et  si 

0  les  considère  d'une  manière  atistraite, 
3  tant  qu'elles  assujettissent  à  leur  calcul 
^5  quantités  indéterminées,  elles  n'attei- 
lent  point  au  delà  de  l'indéfini,  c'est-à-dire 

1  delà  d'une  progression  supposée  cous- 
in ment  croissante  ou  décroissante,  à  la- 
ie fie  l'unité  sert  de  |K>int  de  départ.  Mais, 
ns  la  science  des  fins  dernières ,  la  qoes- 
)n  va  du  néant  à  l'infini.  Il  s'agit  de  savoir 
la  mort  nous  ramène  à  l'existence  ou  nous 
icJuit  h  l'éternité,  si  nous  sommes  un 
Q  l>ie  phénomène  mesuré  par  le  temps  ou 

astre  sorti  de  Dieu  pour  retourner  à  lui, 
i]aeHe  est  la  loi  de  cette  courbe  que  nous 
^rirons  autour  du  centre  qui  est  notre 
ncipe  et  notre  fin.  Même  en  laissant  de 
é  l^ntenlion  de  Dieu  à  notre  égard,  in- 
tion  éridemment  insondable  par  la  thi^ 
,  coname  je  viens  de  le  démontrer,  il  reste 
ore  la  difficulté  propre  à  l'infini  considéré 
soi.  Saint  Thomas  d'Aquin  a  dit  :  «  La 
lié  est  l'équation  de  Tintelligence  a^^ 
objet.  *  Or,  comment  une  intelligence 

I>ICTIOIf!iAimE  APOLOGÉTIQUE.  1I._ 


finie  serait-elle  en  équation  avec  un  objet 
()ui  ne  Test  pas?  Et  si  cette  équation  est 
impossible,  comment  aurions-nous  par  nous- 
mêmes  la  vérité  sur  Dieu  et  sur  nos  rapports 
arec  lui  ?  Nous  pouvons  bien  affirmer  que 
Dieu  est,  parce  que  notre  esprit,  supérieur 
à  l'univers,  y  découvre  le  besoin  d'une  rause 
plus  haute  que  lui.  Nous  pouvons  encore 
affirmer  que  cette  cause  est  infinie,  parce 
que  si  elle  ne  l'était  i>as,  elle  ne  serait  qu'un 
autre  univers,  aussi  incanable  que  le  pre- 
mier de  subsister  par  soi.  Mais  notre  esprit, 
quoique  supérieur  àJ*univers,  n'est  pas  égal 
à  Dieu;  il  flotte  entre  ces  deux  extrêmes, 
surpassant  l'un,  surpassé  par  l'autre,  et  ne 
connaissant  pas  même  tout  entier  celui  qui 
est  au-dessous  de  sa  sphère,  parce  que  la 
sdenoe  totale  du  phéDomène  exigerait  la 
science  totale  de  la  cause,  qui  est  Dieu. 
Dieu,  dit  l'Ecriture,  habite  une  lumière  inac- 
ctêêibU;  il  est  à  la  fois  ce  qu'il  y  a  de  plus 
clair  et  de  plus  impénétrable.  Otez  I  idée 
que  nous  en  avons,  toute  clarté  disparaît  de 
notre  entendement;  la  vérité  y  devient  un 
songe  et  la  justice  un  nom.  Mais  aussi  vou- 
lons-nous pénétrer  jusqu'au  fond  de  Tes- 
sence  divine»  noire  œil  s'émousse,  et  nous 
n'apercevons  p!u8  dans  un  immesurable 
lointain au'une  scintillation  qui  nous  éblouit 
et  nous  dérobe  la  lumière  par  la  lumière, 
même.  S'agit-il  de  la  nature  métaphysique 
de  Dieu,  fiar  exemple,  je  me  demande  :  Dieu 
est-il  un  être  solitaire  ou  a-t-il  des  relations 
en  lui?  Quoi  que  je  me  réponde,  je  me  ré- 
ponds un  mystère.  S'agit-il  de  sa  nature 
morale,  je  me  demande  :  Quelle  est  en  Dieu 
la  proportion  de  la  justice  et  de  la  bonté? 
Quoi  que  je  me  réponde  encore,  je  me  ré- 
ponds un  autre  mystère.  Et  cependant  si 
yiguore  ces  choses ,  pu is-je  savoir  la  loi  de 
mes  rapports  avec  Dieu?  Puis-je  savoir  ce 
que  je  dois  en  craindre  ou  en  espérer? 

Vous  me  direz  peut-être  :  Mais  pourquoi 
Dieu  ne  nous  a-t-il  pas  donné  un  esprit  plus 
pénétrant?  Ebl  quelque  pénétration  qu'il 
nous  eût  donnée»  eût-elle  égalé  jamais  la 
profondeur  de  son  essence,  qui  est  infinie  ? 
Eût-elle  satisfait  à  la  définition  de  saint 
Thomas  d'Aquin  :  «  La  vérité  est  une  équa- 
tion de  l'intelligence  avec  son  objet?  *  vous 
n'avez  que  deux  partis  à  prendre  :  ou  nier 
cette  définition,  ou  soutenir  que  Dieu  avait 
la  puissance  de  créer  des  esprits  qui  fussent 
ses  égaux,  c'est-à-dire  Dieu.  Dans  le  pre- 
mier cas,  c'est  affirmer  que  l'etTet  peut  être 
plus  grand  que  sa  cause;  dans  )e  second, 
c'est  affirmer  que  ce  qui  existe  par  un  autre 
existe  cependant  par  soi.  Cédez  a  l'évidence, 
et  ne  contestez  plus  au  christianisme  cette 
grande  et  forte  vérité»  qu'aucune  in  tell  igence 
créée  n'est  capabte  par  elle-même  de  s'élever 
à  une  connaissance  parlaite  de  Dieu,  et  par 
conséquent  à  une  connaissance  certaine  de 
sa  destinée.  L'histoire  vous  le  prouve,  et  le 
raisonnement  vient  de  confirmer  l'histoire 
en  vous  l'expliquant. 

Que  faut-il  tlonc  pour  que  l'homme  se 
connaisse  lui-même  en  Dieu?  Il  faut  qu'une 
lumière  médiatrice  s'interoose  entre  Dieu 

43 


1555 


SUR 


DICTIONNAIRE 


et  lui,  lumière  qui  'aide  sa  nature  sans  la 
détraire,  qui  l'approche  de  Tinfini  sans  être 
elle-même  Tinôni.  Et  si  cette  médiation 
TOUS  paraît  impossible,  écoutez-moi  encore 
un  seul  moment. 

Vous  à  qui  je  parle,  tous  êtes  une  âme, 
et  moi  qui  vous  parie  je  suis  une  âme  aussi. 
Eh  bien!  connaissez-vous  mon  âme,  et  moi 
la  vôtre?  L'infîni  n*est  pas  entre  nous,  et 
cependant,  quoique  nous  nous  touchions 
par  nos  corps,  un  abtme  nous  sépare.  Qui 
êtes-vous  et  qui  suis-je?  Quel  est  le  mobile 
secret  de  nos  actioub?  Où  tendons-nous  par 
'nos  faiblesses  et  nos  vertus?  quel  est  le 
degré  de  notre  puissance  dans  le  bien  ou 
dans  le  mal?  Je  le  répète  :  Qui  ôtes-vous  et 
qui  suis-je?  Vous  verrez  bien  dans  mes  actes, 
^t  moi  dans  les  vôtres,  un  certain  reflet  de 
ce  que  nous  sommes  intérieurement;  la 
physionomie  ajoutera  sa  révélation  à  celle 
de  nos  œuvres  :  mais  pourrez-vous  dire  que 
TOUS  me  connaissez  tel  que  je  me  connais, 
et  moi  pourrais-je  me  persuader  que  je  vous 
•vois  tel  que  vous  vous  voyez?  L*âme  ignore 
rame,  et  tant  que  leur  essence  ne  se  péné- 
trera pas  par  une  vision  directe,  il  n'y  aura 
qu*un  remède  à  ce  malheur  :  la  confidence 
ou  la  confession,  c'est-à-dire  Touverture  de 
Tâme  à  Pâme  au  mo^en  d*une  parole  sincère. 
La  parole  est  la  lumière  médiatrice  entre  les 
choses  égales  qui  ne  se  voient  pas,  à  plus 
forte  raison  entre  les  choses  deux  fois  sé- 
parées par  leur  invisibilité  et  leur  inégalité. 
Pourquoi  Dieu  ne  parlerait-il  pasà  Thomme? 
Pourauoi,nous  voyant  incapables  d'atteindre 
jusque  lui  par  la  faiblesse  de  notre  nature, 
ne  coudescendrait-il  pas  à  s'ouvrir  à  nous 
dans  une  confidence  qui  nous  révélerait 
^vec  les  mystères  de  son  être  l'ordre  de  ses 
pensées  et  de  ses  desseins  ?  Je  vous  ai  prou  vé 
que  cette  révélation  surnaturelle  ou  pro- 
phétique était  nécessaire  au  commerce  de 
rhomme  avec  Dieu,  et  je  viens  de  vous  en 
montrer  l'instrument  dans  la  parole.  Termi- 
nons en  vous  prouvant  aussi  la  nécessité  du 
sacrement,  non  plus  pour  éclairer  l'esprit, 
mais  pour  fortifier  la  volonté;  non  plus  pour 
nous  2^)prendre  notre  destinée,  mais  pour 
nous  aider  à  la  remplir. 

§vi. 

Objection:  Le  sacreroeDt  introduit  un  ressort  aroitraire 
etsuperfla  dans  le  plan  de  la  création. —K^ponte;  L« 
sacrement,  deuxième  élémept  de  Tordre  surnaturel, 
est  le  complément  de  notre  activité  libre.  —L'acUvite 
'C*est  la  vie,  mais  Tactiilté  qui  ne  produit  point  en  nous 
b  Tie  même  de  Dieu,  est  néant.— Impuissance  de  nos 
^forces  naturelles  pour  nous  f^re  vivre  d'une  vie  divine. 
•^  Amour  «arnaturel  puisé  dans  le  sacrement. 

L'esprit  est  le  principe  éloigné  de  nos 
actes,  fa  volonté  en  est  le  principe  immédiat  ; 
l'esprit  voit,  la  volonté  commande,  l'homme 
fait.  Qu'est-ce  donc  que  faire?  Faire,  c'est 
produire  quelque  chose.  Si  vous  n'avez  rien 
produit,  SI  aucun  résultat  n'a  été  le  fruU  de 
votre  vouloir,  vous  n'avez  rien  fait;  c'est 
l'expression  consacrée  par  la  langue  elle- 
même.  Aussi  l'homme  ne  se  meut-il  que 
pour  produire,  et  chacun  de  ses  raouve- 
tiients,  même  lorsqu'il  avorte,  produit  en- 


APOLOGETIQUE.  SUR  ^ 

core  quelque  chose,  ne  fût-ce  que  da  bruit 
Mais  pourquoi  produire?  Pourquoi  ITioinraê 
n'est-il  pas  au  repos?  Que  chercbe-t-il  dans 
cette    incessante  production,  qui  esl  Veffei 
de  son  activité  ?  Ce  qu'il  cherche,  c'est  la 
vie.  S'il  respire,  c'est  pour  vivre;  s'il  cren» 
la  terre,  c'est  pour  vivre;  s'il  marche,  cet 
pour  vivre  ;  s'il  dort,  c'est  pour  vivre  ;  si 
meurt,  c'est  encore  pour  vivre.  El  il  m  yt 
repose  jamais,  parce  que  la  vie  lui  éclia(<pe 
h  mesure  qu'il  la  produit.  Il  la  boit  ém 
une  coupe  avare,  qui  n'en  coutienl  et  f. 
n'en  verse  <]u'une  goutte  à  la  fois. S'arrête, 
c'est  mourir...  Mais  mourir,  ne  disai^t 
pas  tout  à  l'heure  que  c'était  vivre  encow! 
Oui,  dans  le  vrai  de  nos  destinées,  la  mort&i 
le  grand  passage  de  la  vie,  pourvu  que doqs 
ayons  connu  le  secret  de  la  trame  uù  nw 
agissons,  qui  est  de  produire  ennousla^ir 
même  de  Dieu,  vie  pleine,  vie  stable,  tl* 
dont  chaque  instant  renferme  rélemit(\e. 
qui  n'a  plus  besoin  de  se  faire  parce qu'iiif 
est.  Voilà  le  but  véritable  et  dernier  de  louKt» 
nos  actions.  Je  vous  l'ai  démontré,  eji  rull^ 
démontrant  que  Dieu  est  notre  primpeci 
notre  fln.  Quoi  que  vous  fassiez,iiîousne 
faites  pas  cela,  vous  ne  faites  rieD.^n()Ui 
ne  faites  pas  cela,  vous  êtes  semblables  au 
pfltre  qui  s'assied  au  bord  d*uQe  e&ii  ^^)^ 
rante,  et  qui  bat  le  flot  qui  passe  en  s  amu- 
sant du  bruit  qu'il  cause.  Lavicvwîfu^^ 
Quand  elle  n*est  pas  l'instrument  delà «• 
éternelle,  n*a  pas  d'autre  image  ni  datioi 
prix.  En  vain  lui   uiettez-vous  aa  ik>^^ 
pourpre  des  consuls;  en  vain  ra|if*IIe«î' 
vous  gloire,  puissance,  immorlalilé,  rm 
illustres  qui  n'élèvent  le  néant  que  ]»^ 
le  montrer  de  plus  haut  et  de  {ilu^^"^ 
L'histoire  est  pleine  de  ces  phares  èuiîb. 
mortels   fameux  qui ,   j)our  avoir  cwçù.*' 
durant  un  jour  les  admirations  decc  ^^^^ 
s'estimaient  grands  dans  la  vie,  etattetr;^'^- 
de  leur  tombe  un  règne  persévérastf'^^ 
cela  si  vous  le  voulez;  bâtissez-^^^^^ ^^ 

f)yramides  dans  les  solitudes  dérasu^* 
a  mémoire;  creusez  autour  de  voire îw 
des  digues  contre  les  siècles;  réternit^^ 
le  permet,  comme  elle  permet  U't:^^ 
qui  trébuche  dans  ses  premiers  pas  de 
ter  aux  bras  de  sa  nourrice  pour  s 
gueillir  d'y  être  plus  grand  qu  a  left. 
Mais  si  ces  puérilités  vous  font  c)« 
vous  avez  honte  d'ajouter  le  TidW? 
néant,  considérez  qu'il  s'agit  de  i*toéi 
en  vous  la  vie  de  Dieu,  et  chercha fl 
votre  nat!yire  si  vous  y  trouverez  1  ifl-* 
ment  d'une  si  haute  ambition. 

La  vie  de  Dieu  est  infinie  ;  c^\e  c^t;: 
dans  la  perpétuité  d'un  moment  indi^: 
où  Dieu,  un  et  plusieurs,  se  voilV 
ment  dans  son  essence  el  s*aime  plei' 
dans  ses  personnes.  Or,  nous  avon>' 
telle  vie  une  totale  incapacité.  Sounî 
notre  nature  à  la  succession  et  àw  ^' 
ment,  nous  ne  pouvons  aspirer  &  TéU' 
fectible  d'une  immuable  durée;  a 
pouvons  pas  davantage  voir  face  > 
l'Etre  divin,  ni  l'aimer  de  cet  aniojf 
fait  qui  résulte  en  lui  de  la  vue  (iir^^ 


1357 


SUR 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


SUR 


1358 


son  ineffable  beauté.  Si  nous  ]e  voyons,  c  csi 
k  travers  fombre  des  idées;  signons  rai- 
nions, c  est  comme  le  principe  invisible  des 
biens  incomplets  dont  nous  sommes  entou- 
rés. Uais  le  voir  dans  sa  substance,  mais 
Taimerde  ce  regard  qui  possède  l'objet  ainid, 
mais  nous  fondre  en  lui  jusqu*è  ne  plus 
sentir  aue  le  mouvement  immobile  de  son 
éternelle  vie*  c*est  le  un  prodige  dont  le 
pouvoir  est  si  loin  de  nous  que  la  foi  seule 
nous  donne  la  certitude  de  son  ac^omplisse- 
meot  futur.  La  raison  se  rit  de  cette  espé- 
rance, tant  elle  se  croit  incapable  de  la  réa* 
User.  Pour  elle,  le  plus  grand  avenir  de 
l*booime  est  riramortalité,  c*est-à-dire  IV 
véaementde  Tâme  à  une  durée  que  les  sens 
ne  mesureront  plus,  à  une  vie  dont  les  idées 
seules  rempliront  l'espace  indéfini.  Ou 
bien  si  la  raison  passe  au  delà,  elle  nous 
jeUe  dans  les  rêves  du  panthéisme,  s*enor- 
pjeillissant  de  nous  faire  Dieu  à  la  eoudi- 
tion  de  nous  perdre  nous-mêmes  dans  Tabs- 
traite  immensité  de  Tétre.  Le  christianisme 
1  marqué  notre  place  entre  ces  deux  excès  ; 
sachant  que  Dieu  est  notre  an,  il  nous  or- 
Joone  de  commencer  à  vivre  imparfaitement 
en  lui«  pour  y  vivre  un  jour  dans  la  pléni- 
\ttde  d*une  vision  qui,  sans  nous  confondre 
avec  l'essence  divine,  nous  la  donnera  pour 
objet  présent  d*une  connaissance  directe  et 
(/un  amour  de  possession. 

Or,  soit  ëans  sà  forme  initiale,  soit  dans 

'>a  forme  dernière,  cette  vie  divine  surpasse 

es  forces  de  toute   nature   mortelle.  De 

même  qu'il  n  y  a  pas  d^équation  naturelle 

possible  entre  une  intelligence   limitée  et 

lUie  vérité  qui  ne  Test  pas,  il  ne  saurait 

exister  non  plus  d'équation  naturelle  |)os- 

sible  entre  la  vie  d'un  être  fini  et  la  vie 

d  un  être  infini.  Si  donc  Dieu  nous  appelle 

hsoa  éternité,  si  notre  destinée  est  de  vi- 

rre  de  lui,  en  lui  et  avec  lui,  il  faut  de 

oote  nécessité  qu'il  communique  à  notre 

me  un  élément  médiateur,  par  où  elle  soit 

3u levée  hors  d^  ses  limites  et  portée  vers 

li  i^r  un  mouvement  d*un  ordre  surnaturel 

0.  divin.  Notre  vie  présente  est  le  creuset 

t>orieus  d'où  doit  sortir  notre  vie  future  : 

I  ne  s'y  trouve  que  de  la  matière,  fût-ce 

/dus  firécieuse,  il  n'en  sortira  que  de  la 

Tige  ;  s'il  ns  s'y  trouve  que  de  l'esprit,  fûl- 

le  plus  pénétrant,  il  n  en  sortira  que  des 

(es  et  des  sentiments  humains.  Que  Dieu 

pc  intervienne,  et  qu'il  y  verse  l'or  de 

ti  éternité,  ou,  pour  parler  sans  figure, 

iMI  nous  attire  k  lui  par  une  action  directe 

r  notre  Ame;  C|u'il  nous  arrache  sans  vio- 

^e  aux  affections  de  la  nature,  et  nous 

jpire  un  amour  tel  que  la  vie  présente 

.nous   semble  plus  qu'un  fardeau  et  la 

rc  un  exil. 

Set  amour  existe,  vous  ne  pouvez  ^e  nier. 
Irid  l*exhalait  dans  ses  psaumes,  les  mar- 
B  en  embaumaient  leur  supplice ,  les 
Eits  font  chanté  et  glorifié  de  génération 
li^^nération;  tous,  sur  des  modes  divers, 
k    répandu  devant   Dieu  la   mélancolie 

1 1 42)  P$aL  xLi. 


d'une  âme  oppressée  par  le  ferment  d'un 
amour  surhumain.  Comme  le  cerf^  disaient- 
ils,  brame  aprêê  Feau  dei  fontainei^  aimi 
mon  âme  aspire apriê  vous,  6  mon  Dieu! Mon 
âme  aêoif  du  Dieu  fort  et  titani;  elle  a  soil 
de  venir  et  de  paraître  devant  la  face  de  Dieu» 
Mes  larmes  ont  été  mon  pain  de  Vaurore  et 
de  la  nuit^  lorsqu*ils  me  disaient  :  Où  est  ton 
Dieu?  Je  m" en  suis  souvenu^  ^tf^i  versé  mon 
âme  en  moi-même^  parce  aue  j  irai  jusqu'au 
lieu  du  tabernacle  admirable^ parce  que  f  irai 
dans  lajoie^  dans  la  louange  et  le  rassasie^ 
mentf  jusque  la  maison  de  Dieu.  O  mon  àme^ 
pourquoi  es-tu  triste  et  pourquoi  me  troubles^ 
tu  !  Espère  en  Dieu^  parce  que  je  le  louerai  en^ 
core^  parce  qu'il  est  lesalut  que  jeverrai^parce 
qu*il  est  mon  Dieu  (1442).  Ces  accents-là  ne 
sont  pas  de  la  terre  ;  ils  jaillissent  de  cœurs 
délivrés  du  temps,  et  qui  habitent  déjà,  en 
une  réalité  commencée,  la  région  cj^ui  dé- 
^oûte  de  tout  le  reste.  Mais  par  où  s  y  sont- 
ils   introduits?  Est-ce  par   l'effet  naturel 
d'une  contemplation  de  l'intelligence  ou  d'ua 
mouvement  de  l'enthousisasme?  Non,  assu- 
rément, et  jamais,  ni  en  Orphée,  ni  en  Pk- 
ton,  ni  en  aucun  esprit  qui  n'avait  que 
Tesprit  de  l'homme,  de  telles  vibrations 
n*ont  ému  le  sanctuaire  d^  notre  sensibi- 
lité. Elles  procèdent  d'un  art  qui  se  cache 
au  génie,  cl'une  tradition  qui  ne  dit  son  se- 
cret qu'aux  saints.  Interrogez  les  saints; 
ils  n'ont  pas  la  jalousie  de  leurs  dons,  ils 
les  ont  reçus  pour  rien,  ils  vous  les  livre- 
ront pour  rien.  Ils  vous  diront  où  ils  poi- 
sent  la  vie  douloureuse  et  consolée  qui  les 
ravit  au  monde.  Dans  nos  temples,  sous  la 
garde  d'une  pierre  taillée,  sous  le  symbole 
plus  vil  encore  d'un  pain  |>étri  par  l'homme» 
repose  l'invisible  vertu  qui  donne  la  sainteté*! 
et  qui  avec  la  sainteté  produit  et  féconde 
dans  l'Ame  le  germe  de  la  vie  divine.  Ce 
que  la  parole  prophétique  est  pour  l'intelli- 
gence, le  sacrement  l'est  pour  la  volonté. 
La  prophétie  nous  révèle  les  mystères  impé- 
nétrables de  l'essence  et  de  la  fiensée  de 
Dieu;  le  sacrement  nous  communique  Tes- 
prit,  le  désir,  ta  faim  de  Dieu,  le  droit  de  le 
posséder   par  la  grâce,    puisque    nous  le 
{K)uvons  par  nature,  et  même  un  goût  réel 
avant-coureur  de  cette  possession. 

L'expérience  des  saints  ne  vous  suffit-ella 
paSf  consullex  Cexpérience  opposée.  Vous 
qui  n'avez  que  le  cœur  )K)nr  aimer  Dieu, 
comme  vous  n'avez  que  la  raison  pour  le 
connaître,  aimez-vous  Dieu?  Je  ne  vous  de- 
mande pas  si  vous  l'aimez  d'un  amour  ten- 
dre et  profond,  mieux  que  vos  amis  les  plus 
chers,  mieux  qu'une  mè;e  n'aime  son  fils, 
roicux  que  toutes  choses  et  vous-mêmes, 
non  par  une  vue  des  biens  visibles  dont  il 
est  l'auteur,  mais  par  une  contemplation 
anticipée  de  la  beauté  personnelle  qui  est 
en  lui.  Je  ne  vous  demande  pas  si  tous  l'ai- 
mez jusqu'à  trouver  pour  le  dire  quelqu'un 
des  accents  que  David  nous  prêtait  tout  à 
l'heure.  Mais  l'aimez- vous  du  dernier  et  du 
plus- faible  des  amours?  Votre  pensée   le 


1359 


SUR 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


SYS 


m 


chercbe-l-elle  jamais?  Avez-vous  en  lui 
quelque  plaisir  caché?  Ks(-il  une  part,  si 
légère  que  ce  soit,  du  trésor  de  votre  cœur? 
J'ose  vous  dire  que  non,  et  que  la  feuille 
emportée  par  le  vent  dans  un  soir  d'automne 
vous  touche  plus  que  rimmensiié  des  divines 
perfections. 

Sénèque  a  dit:  Amicitia  pares  inttnit  ret 
.^city  —  Vamiiii  trouvt  eu  fait  des  égaux. 
Telle  est  la  raison  de  votre  froideur  pour 
Dieu  ;  vous  le  savez  infini,  et  vous  ne  con- 
cevez pas  ce  qu'il  pourrait  y  avoir  entre  lui 
et  vous.  Il  est  dans  son  lieu,  vous  dans  le 
vôtre;  vous  ne  lui  demandez  que  Toubli,  et 
ne    lui  donnez   que  la   même  ciiose  que 
vous  lui  demandez.  Et  jamais,  par  le  seul 
effort  de  la  nature,  vous  ne  sortirez  de  cet 
»étatd'insensibilité«  La  nature  vous  inspirera 
des  passions  ardentes,  ou  même,  si  vous  le 
«voulez,  des  affections  héroïques,  mais  pour 
les  choses  qui  se  toudient  et  les  beautés  qui 
-se  voient  ;  elle  vous  prosternera  devant  un 
peu  de  poussière;  elle  fera  de  cette  poussière 
rame  de  votre  vie,  votre  vie  elle-même,  et 
-TOUS  croirez  mourir  en  perdant  dans  une 
dernière  étreinte  ce  bien   précieux    d*un 
nmour  à  qui  raille  fois  vous  aviez  juré  Tim- 
mortalité.  Vous  ferez  mieux  encore,  vous 
mourrez  pour  on  objet  aimé  :  vous  mourrez 
avec  joie,  lui  faisant  de  votre  dernier  soupir 
l'holocauste  d'une  éternelle  adoration.  Tout 
cela,  vous  le  pouvez,  quand  il  ne  s'agit 
point  de  Dieu  :  mais  s'agit*ii  do  Dieu,  cette 
grande  faculté  de  l'amour  s'évanouit  en  vous, 
et  votre  cœur^  si  prompt  à  tout  le  reste,  se 
refuse  à  l'infini.  Si  yous  n'aimez  rien,  il  ne 
faudrait  que  vous  plaindre  ;  aimant  par  na- 
ture, et  y  mettant  la  félicité  de  votre  courte 
vie,  il  fauts'étooner  de  vous  voir  insensibles 
•à  Dieu,  et  en  conclure  que  quelque  chose 
vous  manque  pour  atteindre  à  celte  suprême 
affection.  Ce  gui  vous  manque,  un  sage  vient 
de  vous  le  dire.  De  même  que  saint  Thomas 
41  défini  la  vérité,  une  équation  entre  Vintel-* 
agence  et  son  objets  Sénèque  avec  une  pré- 
<3ision  non  moins  éloquente  a  défini  Tamour, 
une  fusion  qui  trouve  ou  qui  fait  des  êtres  égaux» 
Or  l'égalité  n'existant  point  entre  Dieu  et 
nous,  c'est  à  lui  de  se  pencher  vers  sa  créa* 
•ture  par  un  mouvement  de  grâce,  et  de  Tat- 
4 irer divinement  à  une  vie  commune  avec 
Sui.  Si  nous  y  rx)nsentons,  c^est  notre  mérite 
et  notre  salut;  si  nous  n'y  consentons  pas, 
c'est  noire  faute  ,   aussi  bien  que  notre 
j)erle. 

Ces  vérités  dont  j^essaye  de  vous  donner 
ia  démonstration ,  saint  PanI  les  annonçait 
un  jour  devant  un  proconsul  romain  et  un 
4*01  de  rOrient  assemblés  bien  plus  par  la 
curiosité  de  l'entendre  que  par  le  désir  de 
de  coanattre  les  voies  de  Dieu.  Après  qu'il 
leur  eut  raconté  les  fureurs  de  sa  jeunesse 
contre  Jésus-Christ,  et  comment  celui  qu'il 

Bsrsécutait  lui  était  apparu  aux  portes  do 
amas  pour  lui  confier  l'Evangile  des  na- 
tions, il  continuait  ainsi  son  discours  :  Ap' 

(U4Ô)  Acf.  XXVI,  22  et  5eq. 
(1444)  Act.  XXVI,  29. 


puyé  donc  du  secours  de  Dieu,  je  m  ûthm 
jusqu'aujourd'hui  rendant  témoignait  m 
petits   et  aux  grands,  ne  dUaiu  rien  qu 
ce  que  les  prophètes  et  MoUe  ont  mmoncéût 
l'avenir  j  savoir ^  que  h  ChnH  »ouJ*riraii 
qu'il  serait  le  premier  feutre  la  résurrtctin 
des  morts,  qu  il  donnerait  la  lumiire  à  m 
peuple  et  à  tous  les  peuples.  Ici  le  proconsol 
l'arrêtant  par  un  éclat  devoir,  lui  cria: 
Vous  êtes  fou,  Paul  !  Et  Paul,  sans  s'éiDoo- 
voir  :  Je  ne  suis  pas  fou,  eictUent  Fm/w, 
mes  paroles  sont  aussi  pleines  ée  sokiet^^e 
de  vérité ,  et  le  roi  devant  lequel  je  perle  teit 
bien  ces  choses  qui  ne  se  sont  point  paiie'o 
dans  l'obscurité  d'un  coin  de  terre.  Puis,  $e 
tournant  vers  te  roi  :  Roi  Agrippa,  rro^r:- 
vous  aux  prophètes?  Je  sais  que  vow  ifcroyr.. 
Et  le  roi  :  //  s'en  faut  peu  quetoutntmptf' 
suadiez  d'être  Chrétien  (14*3).  Cesl  le  méoie 
dialogue  qui  se  passe  en  ce  tncfoient  enire 
votre  Ame  et  la  mienne;  ni  les  vérités  oile^ 
auditeurs  n'ont  changé,  lly  adesFesiusiioar* 
ris  dans  Torgueil  de  la  raison,  à  qui  l'iris- 
toire  de  leur  propre  faiblesse  estioraMOf, 
et  qui,  n'ayant  jamais  senti  le  besoin  du  se» 
cours  de  Dieu,  s'étonnent  qu*il  Mlemtr 
autrement  avec  lui  que  d'égal  à  égi\.te4 
ré(TOndent  :  Vous  êtes  fou,  Paul!  Mais  il  u 
aussi  des  Agrippa  qui,  plus  enivrésdekun 
passions  que  de  leur  science,  «?enis  «q 
secret  de  la  misère  de  rhonime,  Jèfcm  qwl- 
quefois  les  yeux  vers  la  toute -puissant 
bonté  qui  les  a  faits.  Ceux-là  réiiomleni: 
Il  s'en  faut  peu  que  vous  ne  me  pertmi\v. 
d'être  chrétien.  Et  uioi,  sans  faire- de  è>^ 
tinction  entre  les  uns  et  les  autres,  CDirc 
ceux  qui  sont  plus  proche  et  ceuiqm5t:îii 
}lus  loin,  me  confiant  en  celui  qui  est  (nur; 
pour  tous,  je  dis  à  tous,  en  imitanl  ^e  lu- 
gage  de  saint  Paul  :  Plaise  à  Dieu  ^m  m 
soyez  comme  moi  (lUi4)  !  Plaise  è  i>m(^ 
reconnaissant  l'impuissance  de  votre  v$i' 
abandonnée   à  elle  -  même,  vous  àm^^ 
dans  la  paix,  dans  la  joie,  dans  la  ccriir<»( 
des  enfants  de  Dieu,   ce  cantique  m  c^''* 
et  si  doux  :  Credo^  —je  crois  (lW5)Ull 
Prophétib,  Sacrement,  MrsTàaE. 

SURNATUREL,  distingué  dunalurel  ^ 

RÉVÉLATION  PRUIITIVB. 

SYMBOLE  PATRIARCAL. Toy. SiU^i^ 
—  Symbole  écrit  au  Sinaï.  Jbid,  §jl 
Symbole  incarné  dans    le   Verbe.  I^* 
§IL 

SYMBOLISME,  ses  imposslbilîlésj ' 
Philosophie  panthéiste  x>e  l'histoibs «  l*^ 
et  Mtthisme. 

SYRIE,  désolation  de  cette  cootrêf  ' 
dite  par  les  prophètes.  Toy.  3uràx. 

SYSTÈME  PHILOSOPHIQUE  de  l  '*^ 
roux.  Voy.  Progrés  continu.  —  Ak»?  * 
panthéisme.  Ibid.  —  Systèmes  anci**-'' 
l'origine  des  êtres  organisés.  Toy,  H  ^^ 

(1445)  Cf.  LjLCoaDAiRE,  Confirtncti^  1  l^ 


1361 


TEM 


MCTIONMAIIIE  APOLOGETIQUE. 


FEU 


1301 


—  STStèmes  imaginés  pour  eipliquer  le     lOsophie  allemande.  Foy.  Pulosopbie  d» 
monde.  Yoy.  Monde.  —  Système  de  la  phi-»     l*absolu. 


T 


TACITE,  ce  qu*il  dit  des  cnrétiens.  Voy. 
MTTmsMB,  §  1.  —  Son  opinion  sur  le  culte 
hébraïque.  Voy,  CoftFOftéiTÉ  de  Dibu. 

TÉLESCOPE;  comment  Targament  qu*il 
fournil  à  rinrrédule  contre  la  rédemption 
est  réfuté  par  le  microscope.  Voy.  Asteo- 
somc. 

TÉMOIGNAGES  des  poètes,  des  philoso- 
phes, etc.  en  faveur  du  dogme  de  Tenfer, 
Foy.  E?iFBa,  {  L 

TEMPÉRATURE  PROPRE  du  corps  hu- 
main. Voy.  Racbs  HUif4i?iES,  i  VI. 

TEMPLE  DE  JÉRUSALEM--.NOUS  n'avons 
à  nous  occuper  ici  de  ce  temple  auguste  que 
pour  constater  le  miracle  oui  signala  Tessai 
tie  $a  reconstruction  quentreprit  Julien 
rA|>ostat  pour  faire  mentir  la  prophétie  de 
Daniel  et  de  Jésus-Christ. 

Vd  jour  le  platonicien  couronné  qui  avait, 
romme  Voltaire,  juré  de  renverser  Jésus- 
Christ  de  son  trône  éternel,  prit  dans  ses 
raaîns  nos  livres  saints.  Quand  il  fut  arrivé 
ju  livre  de  Daniel ,  il  j  lut  cette  prophétie 
«ur  laquelle  ses  regards  s'arrêtèrent  assez 
on^temps  : 

Après  soixante-deux  semaines^  le  Christ 
era  mis  à  mort ,  et  le  peuple  qui  le  doit  re- 

(iillî)  El  ffost  hebdomades  sexaginia  duos  occi' 
itiur  Chrislus  :  et  nen  erit  eju$  popuius  qui  eum 
nega'urms  est.  Et  ciriiatem  et  sanctuanum  diuipabU 
po^ms  eum  duce  venturo,  et  finis  ejus  vasiiias^  et 
pou  fkuem  bdli  statuta  desolalio.  —  OmfirmMS 
tuum  p&€tmm  muUis  hekdomada  una  ;  et  in  medio 
uMomuéis  dgfiàet  kostia  et  saerifieium  ;  et  erit  in 
:mpi%  akominatio  desolatimiis^  et  usaue  ad  consum-^ 
mtiomem  et  finem  perseterabit  deseiatio.  {Dan,  ii, 
>,  'il.)  —  c  Cooforniément  aux  |>rophéiies  de 
U«ci«>a  et  do  Nouveau  Testament  »  dit  le  docteur 
aEfirmger,  la  religion  judaîqur,  dés  lors  qu*dle  oe 
t^saii  pas  au  diristiamsine  et  ne  se  tranafomiatl 
s  en  l'H  porîBée  ei  complétée,  devaii,  aussitôl 
ces  raflernineiiieiit  de  la  foi  nouvelle,  lonikier  et 
:f  eiodrv.  Célail  une  néees^ié  de  son  caractère 
LMémaftique,  de  sa  destination  purement  prépa- 
loire.  Pour  accomplir  ce  plan  anqed  la  nation 
^e  ne  voolali  pat  prêter  les  mains  en  accepunt 
Wmcaîremeoi  l'Evangile,  la  Providence  choisit  le 
>jreo  le  |»lus  simple.  Les  Romains,  exécateors  de 
ienlence  divine,  détruisirent  le  temple,  et  dans 
le  descnidion  «  les  sacrifices  et  le  sacerdoce  de 
ocien  Testament,  d^à  privés  de  leur  force  in- 
né par  le  sacrifice  et  le  sacerdoce  de  Jésas- 
rtfit,  furent  aussi  anéantis  «I  abrogés  extérieure- 
iti.  Efli  eff**c,  avec  le  temple,  tomba  le  culte  qui 
lait  aitaclié,  et  avec  ce  culte,  la  n^Ugion  juive, 
la  ruine  du  temple,  comme  la  suppression  des 
ritices  qui  s*y  célébraient,  devait  être  et  doit 
er  irrévocable.  Ainsi  rannooçaient  l«s  voix 
ptiëtiqmes  des  deux  Testaments,  ainsi  Pexige  la 
itioa  du  Nouv>9au  avec  T  Ancien  ;  car ,  ce  qui  a 

la  place  de  reoiblème,  TEvangile,  avec  le  por 
on  saiiglaut  sacrifice  do  fEuchartstie,  a  pour  lui 
promesse  d*uno  continuelle  dorée.  Auprès  de 
a  limite   ne  peuvent  subsister  les  anciennes  û- 


noneer  ne  sera  plus  son  poupk.  Un  peuple 
avec  son  chef  qui  doit  venir ^  détruira  ta  vilto 
et  le  sanctuaire  ;  elle  finira  par  une  ruine  en» 
tière^  et  la  désolation  qui  lui  a  été  prédite  ar^ 
rivera  après  la  fin  de  ta  guerre.  —  //  eonfir- 
mera  son  alliance  avec  plusieurs  dans  une 
semaine^  et  à  la  moitié  de  la  semaine^  les  hos- 
ties et  les  sacrifices  seront  abolis^  rabomina- 
tion  de  la  désolation  sera  dans  le  lieu  sainte 
et  la  désolation  durera  f'usquà  la  consomma- 
tion et  jusqu'à  la  fin  (1^46). 

Lorsque  Jésus  sortait  du  temple  pour  s*en* 
euler^  ses  disciples  s'approchèrent  de  lui  pour 
lui  faire  remarquer  la  structure  et  la  gran- 
deur de  cet  édifice. — Mais  il  leur  dit  :  Voyesb- 
vous  tous  ces  bâtiments  ?  je  vous  le  die  en  vé- 
rité ^  ils  seront  tellement  détruits  ifu'il  n'y 
demeurera  pas  pierre  sur  pierre  {ikkl) 

L'empereur  crut  enGn  avoir  trouvé  Iec6té 
^ibledu  christianisme,  cl  il  ordonna  à  un 
oe  ses  amis  intimes,  Aljrpius  (1U8)  et  au 
gouverneur  de  la  provmcet  de  reoAtir  le 
temple  de  Jérusalem. 

«  Des  matériaux  furent  réunis  en  immense* 
quantité  ;  les  Juifs  accoururent  en  foule ,  et 
même  des  lieux  les  plus  éloignés,  il  en  vint 
un  grand  nombre  pour  être  témoin  de  la 

près,  et  TŒuvre  que  Dieu  avait  autrefois  établie* 
lui-niéme,  mais  quil  a  ensuite  brisée,  quand  son» 
temps  a  été  accompli ,  nulle  main  humaine  ne  peut 
ni  ne  doit  jamais  la  rétablir,  i  /DoexuRcea,  Ongénes. 
du  christianisme^  traduction  de  l<éon  Pore,  ii,  Ju- 
lien. —  Cf.  encore  de  %k  BLErrcaie,  Vie  de  Julien.)' 

(fU7)Siitii<  Matthieu^  traduction  de  Sacy,  xxiv, 
iy  2  :  £l  egressus  Jesu*  de  templOf  ibmt  et  aeeesse- 
runt  diêcipuli  ejus^  ut  ostendereut  ei  œdificationes^ 
templi.  —  Ip$e  autem  respondens  dixit  iltis  :  Yidetis 
hœc  omuia?  amen  dite  tobis^  non  retinquetur  hic 
tapis  ^uper  tapidem  qui  non  dettruatur.  —  Cf. 
Marc.  XI  u,  1,2. 

(1448)  Les  leiu^  xxix*  et  xxx*  de  Julien  sont 
adressées  à  Alypius.  Dans  la  dernière,  il  rappelle  : 
*Alslft  iroOciwtcrf ,  asl  ft>imiT«rt.  Julien  ne  vo«lais 
évidemment  s'en  rapparier  qn*à  un  antre  lai-mème. 
Cf.  dans  Warbnrton  le  portrait  d^Alypios.  (Wia- 
nnaro!!,  Dissertation  sur  te  projet  de  Julien^  tradnc^ 
tion  de  Maiéas,  i,  75-7b.)  Cet  exeeileat  ouvrage 
de  Warburton  est  très-rare  et  n*a  jamais  été  réim- 
primé. Do  reste  le  célèbre  évèque  de  Glocester  n*a 
pas  seul  irailé  savamment  eetle  ooestion.  Seicneux 
de  Correvon,  Colonia,  BuUet,  Bailly,  Bergier,  le 
docteur  Dœliinger  en  Suisse,  en  France  et  en  Alle- 
magne, Tont  chacun  à  son  tour  étudiée.  (Cf.  Ski- 
GUEUX  DE  CoaBBvo2i,  Sotcs  sur  Addison^  De  ta^reti» 
giou  chrétienne^  section  vin,  {6.  —  Coloma,  La 
religion  chrétienne  autorisée  par  te  ténunqnage  des 
anewu  auteurs  patens,  chapitre  »,  Auuibn  Mabcu.- 
Lis.  —  BoLLET,  Histoire  de  Cétùblissement  du  ctuis-- 
tianisme.  note  78.  —  B&u.Lf ,  De  retigione^  //,  De 
restauratione  tentpli  BierosoL  — Bceciee,  Dtciion- 
mrire  de  théolofie^  arU  Temple.  *-  IKellincee,  Ori- 
gines du  christianisme.  —  Nous  avons  comparé  en* 
semMe  ces  différents  auteurs. 


4363 


TEM 


DICTIONNAIRE  APOLeGeflQUE. 


TÏM 


m 


virtoirequi  alliiit  être  remportée  surrE^lise 
de  Jésus-Christ.  Mais  ce  déQ  adressé  àDieu 
ne  demeura  pas  sans  réponse.  De  violents 
coups  de  vents  dispersèrent  les  matériaux; 
la  foule  mit  en  pièce  les  machines  et  les 
outils  ;  un  tremblement  de  terre  envoya  au 
loin  les  pierres  restées  dans  les  anciens  fon«» 
déments  et  jeta  à  bas  les  maisons  voisines. 
Dans  la  nuit^  une  croix  brillante^  entourée 
d*une  couronne,  parut  au  ciel,  et  les  vête- 
ments des  assistants  furent  marqués  du 
même  signe.  Mais  ce  qui  porta  le  conp  dé- 
cisif, ce  furent  les  flammes  qui,  sortant  des 
entrailles  de  la  terre,  tuèrent  un  grand  nom- 
bre de  travailleurs,  en  blessèrent  d'autre*, 
ef,  par  leurs  éruptions  multipliées,  forcè- 
rent enfin  les  Juifs  et  les  païens  à  aban- 
donner malgré  eux  la  partie  (Iht^d).  » 

Tels  sont  les  faits  qu*il  s'agit  d*établir. 
Commençons  par  Je  témoignage  des  écri- 
vains païens. 

«  Julien,  dit  Ammien  Marcelin,  qni  avait 
été  trois  fois  consul,  entra  pour  la  qua- 
trième fois  dans  cette  souveraine  magistra- 
ture, s*associant  pour  collègue  Sallaste,  pré- 
fet des  Gaules  II  paraissait  étrange  de  voir 
un  particulier  associé  à  l'empire,  événe- 
nement  dont  l*histofre  ne  nous  fournit  pas 
d'exemple  depuis  les  rèsnes  de  Dioclétien 
et  d'Aristobule.  Quoioue  l'esprit  de  ce  prince 
fût  sans  cesse  occupé  de  la  variété  des  évé- 
nements qu'il  fallait  prévoir,  et  des  diffé- 
rents préparatifs  pour  les  expéditions  qu'il 
méditait,  il  avait  néanmoins  l'œil  à  tout,  et 
se  partageait  en  quelque  façon  lui-même. 
Il  entreprit,  pour  éterniser  la  gloire  de  son 
règne  par  quelcjuc  action  d'éclat,  de  rebâ- 
tir à  des  frais  immenses  le  fameux  temple 
de  Jérusalem,  qui,  après  plusieurs  guerres 
sanglantes,  n*avait  été  pris  ou'avec  peine 
par  Vespasien  et  par  Titus.  Ii  chargea  du 
soin  de  celle  ouvrage  Alypius  d'Antioche, 
qui  avait  autrefois  gouverné  la  Bretagne  à 
la  place  des  préfets.  Pendant  qu'AIypius  et 
le  gouverneur  de  la  province  employaient 
tous  leurs  elforls  à  laire  réussir  celte  en- 
treprise, d'effroyables  tourbillons  de  flammes 

■ 

(1449)  DoELLMGCR,  Origines  du  elmstianisme,  ii, 
Julien.  —  Seigneux  de  Correvon  ajoute  quelaues 
#!urieui  détaîU.  (Cf.  Seigticoi  db  Correvon,  Notes 
sur  Addison.)  | 

(1450)  c  Jullantis  ja*n  ter  consul  arfscîto  in  colle- 
^îam  trabeae  Sallustio  praerecio  per  Gallisis,  quater 
ipte  amplisaîmuin  inierat  magîstratum  :  et  videba^ 
iur  novum,  aHjunctum  esse  Augnsto  privatum,  quod 
post  Diocleiianom  et  Aristobulum  mitlus  meminerat 
geslum.  Et  licel  acci'teniium  varietaiem  sollicita 
mente  prasclpiens,  muliiplicatos  expediiionis  appa- 
ralus  flagrant!  studio ,  perur^eret  :  diligentiam  ta- 
inen  ubique  dividens,  iinpenique  sni  memoriam 
magnitttdine  operum  gestiens  propagare  ambitiosum 
quondam  apuu  Hierosolymam  lemplum,  qaod  post 
molia  et  iniernecîTa  certamina  obsideute  Vespa- 
aiano  poéieaque  Tito  aegre  est  expuguaturo,  instau- 
rare  sumptibus  co^^itabat  immodicis  :  iiegoiiamqoe 
maturaudum  Alypio  dederat  Anliochensi,  qui  olim 
Itrhannias  curaverat  pro  praefectis.  Cuin  ituque  rei 
idem  fortiter  iu»taret  Alypius,  juvarelque  provinci<e 
rector,  metuendi  globl  ilammaruin  prope  funda- 
menta  crebris  assuïtibus  erumpeiues,  fecere  locum 


qui  soriaietU  par  des  élaneemenu  tsMmtit 
des  endroits  contigusaux  pméemmti^  MU. 
rent  les  outriers^  et  leur  rendirciu  la  plaa 
inaccessible;  enfin  cet  éUmenlpersistmu  i^v. 
Jours  acte  une  espèce  iopiniâtrttéà  ri^Mi. 
ser  les  ouvriers^  on  fut  obligé  tabndmtr 
rentreprise  (i^). 

«  Cest  ainsi,  dit  très-bien  le  savant éTèqoe 
de  Glocester,  que  la  Provideoce  a  notHeu- 
lemeut  vengé  ses  droits  à  la  (ace  de  l'oni- 
vers,  mais  au'elle'a  voulu  coosemràtotu 
les  siècles  la  mémoire  de  cette  enirtfm 
impie,  par  le  témoisnage  le  plus  autheob- 
que.  En  effet,  quand  rincrédule  le  plus  opi- 
niâtre et  rinQdele  le  plus  endurci  assigne- 
raient eux-mêmes  les  qualités  requises! 
un  historien,  pour  obliger  les  hommesà 
croire  les  faits  qu'il  rapporte,  ils  n*ea  pro- 
duiraient aucune  qu'on  ne  puisse  leur  troa- 
ver  évidemment  dans  Ammien Marcellinil 
était  païen,  et  par  conséquent  exeiupt  d^ 
tout  préjugé  favorable  aux  Chrélieos.iréiaj! 
sujet,  courtisan,  admirateur  de  Jolieo  :|4r 
conséquent,  bien  éloigné  de  rien  r^)/<or/er 
qui  pât  flétrir  sa  mémoire.  Il  aiiuida  ré- 
rite,  et  il  nous  a  fait  voir  plus  tm  ton 
qu'il  avait  pour  Timposture  toullei^v^^ 
qu'elle  mérite.  II  était  né  avec  uojupt&l 
exquis,  que  Tétude  de  la  philosophie  et  la 
connaissance  des  hommes  avaiem  perter- 
tionné  :  il  était  par  conséquent  moinspropn 
que  tout  autre  as'en  laisser  imposer.  lUuil 
non-seulement   contemporain  de  TéTése- 
mcnt,  mais,  dans  le  même  temps,  ilnVui; 
point  éloigné  de  Jérusalem.  Il  a  rspporit 
cet  événement,  non  sur  les  premières  reu- 
lions  qui  en  coururent,  où  Terreur  peuH 
mêler  aisément  à  la  vérité,  mais  ^m  m 
examen  réfléchi  et  des  recherches  eucir 
de  tout  ce  quis*était  passé.  Une  iea:il- 

[>oint  transmis  romme  unfaitiDcertaioj'' 
a  défiance  accompagne,  mais  comme  ut:»: 
notoire,  dont  on  ne  faisait  pas  plas  de^^^ 
tère  en  Asie  que  de  l'entreprise  eldusuot> 
de  l'expédition  des  Perses.  II  ne  Fa  p 
inséré  dans  son  histoire  avec  celle  p&riii' 
qui  se  découvre  toujours  par  rioiérèi  que 

exustis  aliquoties  operantilms  iaacc**8samf  M^ 
modo  elem<*nio  desiinatios  repellente,  cession  i*^ 
eeptum.  >  (AiytEN  Marcellin,  Hnioin  6&(^ 
reurs  romains^  liv.  xxni,  cb.  I.)  —  <  Ije**^*'' 
celte  histoire,  dit  M.  Bouillet,  se  ressmideu^ 
barle  du  temps,  et  Touvrage  jouit  d'une,  grafr»*  »" 
torité.  »  (BouiLLET,  Dictionnaire  unimsilt  '"*' 
Ammien  Marceliin.) 

c  Ammien  Marceliin.  dit  le  P.  deCol(mu,("' 
presque  rien  des  événemencs  de  son  ie»pi  ^ 
n*ait  été  le  témoin,  on  même  à  quoi  it  n^aii  et  ^ 
part  ;  et  on  peut  dire  qu^â  cet  é}(afd  il  rc^f* 
lurt  il  César  et  k  Xénophou.  —  Les  critiqu^!' 
rien  n^échappe,  le  proposent  comme  un  lo^' 
modéralibii,  d*exaciitude,  d'équité,  de  boti»^» 

SCoLOMiA,  La  religion  chrétienne  aniaruèe ,  (^  ^ 
i  t.  —  Cf.  encore  Sbigmeux  dk  Coawvo^,  ^^ 
sur  Addiion,  section  vh,  §  6;  Felleb,  Bi^- 
universedet  article  Ammien  MaruUm;  W*»^*^^ 
Dissertation  sur  Us  tremblements  de  l^nt  ''^ 
éruptions  de  feu  qui  firent  échouer  le  V<Ô^  ^ . 
par  (^empereur  Julien  de  rebâtir  te  terMltéci^^ 
letn,  s,  cliap.  3.) 


I36S 


T£SI 


DICTIONNAIRE  ÂPOLOGETIQLE. 


TEM 


IÔ69 


Ton  a  de  rejeter  les  faits  qaî  nous  sont  con- 
traires, ou  d'admettre  ceux  qui  nous  sont 
tiTorables.  Son  histoire  nous  fournit  bien 
des  eiemples  d*un  caractère  tout  opposé.  Il 
a  rapporté  ladéfalie  de  Julien  à  tête  re^iosée, 
ayec  gravité,  avec  sagesse,  s'écartant  égale- 
ment et  de  ce  qui  pouvait  déshonorer  la 
mémoire  de  son  prince  en  disant  trop,  et 
de  ce  qui  pouvait  blesser  la  vérité  en  disant 
trop  |>eu.  Le  titre  qu'il  ambitionnait  le  plus 
était  celui  d'an  historien  fidèle  et  impartial  : 
c'est  par  ce  motif  qu'il  préféra  la  solitude  à 
Ja  cour.  »  (WABBOBTOïy  DiaerMian ,  etc., 
cnap.  m.) 

il  ne  faut  attendre  ni  de  Julien  ni  de  ses 
confidents  la  même  franchise  que  celle  du 
Irijai  soldat  dont  nous  venons  de  citer  l'écla- 
Caul  témoignage.  Le  zèle  qu'ils  déployèrent 
dans  la  réaction  païenne»  leurs  préjugés 
bien  connus,  leur  invincible  antipathie  pour 
les  chrétiens,  les  obligeaient  à  dissimuler 
autant  que  possible  l'évidence  d'un  événe- 
ment dont  on  pouvait  tirer  de  fortes  conclu- 
sions contre  leurs  opinions.  Ecoutons  Li- 
banius. 

Ce  sophiste  célèbre,  dévoué  aux  intérêts 
et  aux  projets  de  Julien,  dit,  en  parlant  de 
sa  mort,  que  «  les  Perses,  à  la  vérité,  furent 
informés  par  un  déserteur  de  l'état  où  la 
fortune  avait  réduit  les  affaires;  mais,  ajoute- 
t-il,  il  n'y  avait  pas  un  seul  homme  parmi 
nous  dans  la  ville  d'Antioche,  qui  en  sût  la 
moindre  chose. 

•  Il  esft  vrai  que  ce  malheur  (la  mort  de 
Julien)  paraissait  avoir  été  prédit  par  des 
trembUments  de  terre  arrivés  dans  la  Pales^ 
lint^  qui  avaient  renversé  quelques  villes 
et  endommagé  d'autres.  11  semblait  que  les 
dieux  nous  présageaient,  par  ces  désastres, 
quelque  événement  funeste.  En  effet,  pen- 
dant que  nous  adressions  nos  vœux  au  ciel 
IMjur  détourner  les  malheurs  qui  nous  me- 
naçaient, il  vint  un  courrier,  »  etc.  (Liba- 
.Tics,  son  Autobiographie.) 

Le  second  passaj^e  est  tiré  de  Toraison  fu- 
nèbre de  Julien.  Libanius  s'exprime  ainsi  : 
«  Le  temple  d'Apollon  fut  réduit  en  cen- 
tras. Cf^  ^ecoiMiei /errt6/e5  qui  ont  ébranlé 
'empire  étaient  des  présages  de  cet  acci- 
lent  (la  mort  de  Julien)  et  de  fous  les  maux 

Ce  nous  ne  tardâmes  pas  à  éprouver.  » 
KAJiiiJS.  Oraison  funèbre  de  Julien.) 

(1451)  Cf.  Au}tiE3  llAEcxLLia,  liv.  xm,  ek  10. 
-  L«ilHiDras  ignoraîi  si  peu  la  vnîe  daie  des  trem- 
lemeots  de  terre  qa*il  affecte  de  ooDfoodre  avec 
elai  de  Jénisalein,  quUf  avance,  dans  son  Diseamrs 

Théod&se^  que  ces  seeousses  terriMea  élaiest  ref- 
it tle  la  colère  des  dieax  irrités  de  voir  b  mort  de 
Blieo  restée  sans  vengeaDce. 

(1452)  U  est  évident  par  ce  passaj^e  que  les 
bréiicas  repciicbaient  à  Julien  d*avoir  été  eontrarié 
ans  ses  projets  par  une  intenrention  de  la  Provi» 
ence,  ce  qui  pnmve  que  du  vivant  même  de  Julien» 
B  oe  se  faisait  pas  illusion  sur  le  caractère  de  Té- 
êeeoient,  et  que  b  rumeur  puhUque  parvenait 
tsqu*à  raimstat  lui-même.  * 

i  f  455)  Warburton  ne  me  parait  pas  avoir  bien 

lisf  le  sens  de  ces  deux  mots  :  *  TpîTov  ôaMcrpoircv- 

c  Noas  adoptons  Topinion  du  savant  Fabiicius 

du  P.  de  U  Olciterie,  qui  pcns^^  que  Julien  avoue 


Lilianîus  confond  k  de.<sein  deux  événc- 
menis  trèsHiistincIs  :  le  tremblement  de  terre 
de  Jérusalem»  avec  \es  secousses  terribles 
qui  ébranlèrent  tout  Pempire  dix-huit  mois 
après  la  mort  de  Julien,  sous  le 'premier 
consulat  de  Valentinien  et  de  son  frère 
(1451). 

Quoique  Julien  affecte,  comme  Libanius, 
de  jeter  de  Tobscnrité  sur  le  grand  événe- 
roentde  Jérusalem,  il  est  facile  de  reconnaî- 
tre, au  milieu  des  précautions  dont  il  s*en-» 
vironne,  la  confusion  d'avoir  vu  son  projet 
échouer  devant  une  force  irrésistible.  Après 
avoir  justifié  les  dieux  sur  la  profanation  de* 
leur  temple  et  le  mépris  qu'on  avait  de  leur 
culte,  il  s'exprime  ainsi  : 

«  Que  ceux,  par  conséauent,  qui  ont  vu  ou 
qui  ont  entendu  parler  de  ces  hommes  assez: 
sacrilèges  pour  insulter  aux  temples  et  aux 
imases  des  dieux,  ne  forment  aucun  doute 
sur  la  puissance  et  la  supériorité  de  ces  mê- 
mes dieux QuHls  ne  prétendent  pas  nous 

en  imposer  par  leurs  iophismes  et  nous  épou'^ 
vanier parle  cri  de  la  Providenee  (14ffî).  11 
est  vrai  que  les  prophètes,  parmi  les  Juifs^ 
nous  ont  reproché  tous  ces  désastres.  Mais 
que  diront'ils  eux-mêmes  de  leur  propre 
temple^  enseveli  trois  fois  sous  ses  ruines^  et 
qu'on  n*a  pu  rétablir  jus^^à  présent  (1453)? 
Ce  n*est  pas  «{ue  je  veuille  insulter  à  leur 
infortune,  puisauefai  moi-^méme  voulu  raM- 
Itr  ce  temple  (lisi)  en  l'honneur  de  la  divi- 
nité qu*on  y  invoçiuait.  Je  ne  cite  cet  exem- 
ple que  pour  laire  voir  qu'il  n'est  rien  d& 
durable  dans  les  choses  humaines,  et  que  les 
prophètes,  qui  n'avaient  d'autre  occupatioi^ 
que  celle  d'amuser  les  bonnes  gens,  ne  nous 
ont  rapporté  que  des  rêveries.  Tout  '^la  ne 
prouve  pas,  à  Ja  vérité,  que  leur  Dtèu  ne 
soit  grand  (1U5);  :nais  il  est  certain  qu'il 
n'a  eu  parmi  les  Juifs  ni  de  bons  prophètes» 
ni  de  savants  interprètes  de  sa  volonté.  La 
raison  en  est  claire  :  i^s  ne  se  sont  jamais 
appliqués  à  cultiver  et  à  perfectionner  leur 
esprit  par  l'étude  des  sciences  humaines; 
ils  n'ont  jamais  tenté  d'ouvrir  des  yeux  que 
fermait  l'ignorance,  ni  de  dissiper  des  té- 
nèbres qu'entretenait .  leur  aveuglement.  Us 
sent  semblables  à  ces  hommes  qui,  à  tra- 
vers des  nuages  et  des'  exhalaisons  grossiè- 
res, aperçoivent  la  lumière  éclatante  dik 
firmament.  Cette  vue  trop  indistincte  leur 

par  ces  mots  sa  défaite  et  sa  honte.  On  trouvera  le 
développement  de  cette  opinion  dans  Bullet,  l/û- 
toire  die  fitahlisument  du  chn$liam$me^  note  78. 

(14Si)  'OffTi  TOtfovTOt;  vaztpv»  xpâvocç  Avcorme- 

99iu  hsioé^  cvTÔv —  Ces  paroles  sont  asses 

claires  et  contiennent  un  aveu  assez  formel  du 
projet  de  Julien  et  de  son  impuissance  à  le  réaliser. 

(1455)  Il  ne  faut  pas  être  surpris  de  cet  aveu ,  il 
est  tout  à  fait  en  harmonie  avec  te  syncrétisme  de 
récole  néo-platonicienne  dont  Julien  était  un  défeo-' 
seur  si  ardentJCf.  de  l4  BLCTTBaiB,  fU  de  tempe' 
remr  JmUea.  —  NAaudes,  Julien  ei  »on  époque.  — 
DocLLmCERy  Origineê  du  ehruiûmisme ^  II,  cb.  ii, 
et  IV.  —  Strauss  s*est  beaucoup  occupé  do  carac- 
tère de  Julien  dans  son  singulier  ouvrage  qui  a 
paru  à  Manbeim,  en  1S48,  )uwis  ce  titre  :  Le  ro- 
manliqîu  sur  le  îràne  de*  Césars ,  ou  Julien  CApoS' 


ISG7 


TEM 


DIGTKMINAIRB  APQLOGfiTIQUE, 


068 


tnit  OGDfondre  Ja  splendeur  élbérée  arec  un 
feu  terrestre  et  impur.  Aveugles  qu'ils  sont 
sur  tout  ce  qui  les  euTironne,  ils  s'écrient 
comme  des  forcenés:  Craignez^  iremblex/ha^ 
biianli  de  la  ierrty  le  feu^  ta  foudre^  le  glaive, 
et  la  mort  (1456)  I  employant  avec  emphase  les 
expressions  les  plus  terribles  pour  désigner 
la  chose  du  monde  la  plus  simple  :  lapro' 
priété  deêtruetive  du  feu  (iU7).  » 

Aux  témoignages  des  païens,  nous  pou- 
vons joindre  ceux  des  Juifs. 

Le  célèbre  rabbin  Gedaliah  ben  Joseph 
Jechaia  s'exprime  ainsi  dans  son  histoire 
intitulée  :  Échalechelelh  Hakkabbala  : 

«  Dans  les  jours  de  R.  Channan  et  de  ses 
frères,  environ  Tan  du  monde  4349,  nos 
annales  rapportent  qu*il  y  eut  un  grand 
tremblement  dans  toute  la  terre,  qui  dé* 
trui^it  le  temple  que  les  Juifs  avaient  élevé 
è  grands  frais  par  ordre  de  l'empereur  Ju- 
lien l'Apostat.  Le  lendemain  de  ce  désastre 
le  feu  du  ciel  tomba  fur  les  ouvrages,  mit 
en  fasion  tout  ce  qui  était  de  fer  dans  cet 
édifli;e,  et  consuma  un  grand  nombre  de 
Juifs  (1458).» 

Parmi  les  témoignages  chrétiens  (1459) 
qui  nous  restent  à  citer,  il  en  faut  distin- 
guer de  trois  classes  :  les  écrivains  con- 
temporains, les  écrivains  de  l'époque  &ui- 
rante,  et  enfln  ceux  qui,  plus  ou  moins  éloi- 
gnés de  l'événement,  l'ont  rapporté  d'après 
une  tradition  plus  ou  moins  sure.  Nous  ne 
ferons  qu'indiquer  lo  nom  i&  ces  derniers, 
sans  nous  appuyer  sur  leur  «autorité. 

Saint  Ambroise,  dans  une  lettre  adressée 
à  l'empereur  Théodose,  blâme  ce  prince  de 
vouloir  obliger  les  chrétiens  à  rebâtir  un 
temple  qui  appartenait  aux  païens,  et  qu'on 
avait  renversé:  «  Nesavez-vous  pas, dit-il, 
que  lorsque  l'empereur  Julien  ordonna  de 
rebfttir  le  temple  de  Jérusalem  les  ouvriers 
occupés  à  cet  ouvrage  impie  furent  frappés 
du  feu  du  ciel?  £t  ne  craignez-vous  point 

2ue  ce  même  ciel  n'en  fasse  autant  à  votre 
gard  dans   les  conjonctures  présentes  ?  » 
(S.  AiîBB.,  lettre  il.) 

Saint  Jean  Chrysostome,  dans  son  l>t5- 
cours  contre  le$  Juife  et  les  gentilSf  parle  de 

(U56)  Dans  ces  phrases  remplies  à  dessein  de 
réticences  et  d'obscurités,  Tempereur  a  sans  cesst 
en  vue  les  cbrétiens  «  et  il  essaye  d'affaiblir  rim- 
pression  des  menaces  qu'ils  faisaient  au  nom  du 
ciel  depuis  révéneroetit  de  Jérusalem.  Ces  mots  si- 
gnificatifs :  le  feu^  ta  foudre^  ta  mortj  rappellent  les 
principales  circonstances  du  miracle,  comme  nous 
le  verrons  dans  les  témoignages  des  Pérès. 

(1457)  Julien  paraissant  craindre  d*entrer  dans 
de  trop  longs  détails  et  restant  perpétuellement  sûr 
le  terrain  de  Tallusion  Insinue,  en  unissant ,  que  le 
prodige  qu'on  lui  oppose  est  un  événement  tout 
naturel  et  qu'il  ne  faut  pas  y  voir  tant  de  mystère. 
Quelques  rationalistes  modernes  ont  trouvé  plau- 
sible ceue  explication  qui  ne  se  soutient  pas  devant 
Texamen  approfondi  des  fails.  —  Le  passage  que 
nous  venons  de  citer  est  extrait  d'une  lettre  on  dis- 
cours de  Julien,  édité  par  le  P.  Pétau. 

(145Sj  c  In  diebus  R.  Chaunan  et  soclorum  ejus, 
anno  circlter  orbis  conditi  4549.  memorant  libri 
annalîum,  magnum  in  orbe  unîverso  fuisse  tcrrae 
«otum ,  colUpsumtiue  esse  tcmplum  quod  struxe* 


révénement  avec  la  même  condsion  qoe 
saint  Ambroise  : 

«  De  notre  temps,  dit-il,  celui  qui  a  sqn 
passé  tous  les  mortels  par  la  baine  qu*il  fior- 
tait  à  l'Evangile,  a  non-seulement  aidé  oos 
ennemis  |de  son  autorité,  mais  est  deveau 
lui-même  leur  associé  dans  Tentreprise  im- 

{)ie  de  rebâtir  le  temple.  Us  ont  commeiKé 
'ouvrage  et  n*ont  pu  faire  faire  aucun  pro- 
grès; carie  feu  qui  est  sorti  des  fondements 
a  écarté  et  dispersé  ceux  qui  voulaient  éle- 
ver ce  temple,  m  (S.  Jea5  Chbts.»  Conm  la 
Juifs  et  les  gentils.) 

Dans  un  autre  endroit  il  envoie  ses  au- 
diteurs aux  monuments  qui  subsistaient 
encore  de  ce  désastre  inouï: 

«  Allez,  dit-il,  à  Jérusalem,  et  vous  rrcr- 
rez  les  fondements  du  temple  dansTéiatoù 
je  viens  de  vous  les  dépeindre.  Si  vous  in- 
terrogez ceux  qui  sont  sur  les  lieui,  ils 
vous  diront  tous  :  Ces  choses  so  sont  patte» 
de  notre  temps  ;  nous  en  avons  été  témoint; 
il  n'y  a  pas  longtemps  quelles  sont  arrkiet» 
Comprenez  donc  maintenant  tout  le  im  de 
votre  victoire;  car  enfin  cet  éYénuweBlB'est 
point  arrivé  sous  i'empire  des  Céssrsre' 
commandables  par  leur  piété,  aCaqDonne 
pût  pas  dire  que  les  cbrétiens  soolnnus\ 
main  armée  détruire  Touvrage  des  luib; 
mais  cet  événement  est  arrive  lorsque  nos 
affaires  étaient  dans  la  situation  laplustrisUi 
lorsque  la  liberté  nous  était  ravie,  lorsque 
le  paganisme  était  dans  Vélat  le  plus  florîs* 
saut,  lorsque  les  fidèles  évitaient  les  p!aces 
publiaues  et  qu'ils  s  allaient  cacher,  les  uns 
dans  leurs  maisons,  les  autres  dans  les  fo- 
rêts et  dans  les  solitudes.  Telles  sont  l«s 
conjonctures  où  la  Providence  a  voulu  qoe 
cet  événement  soit  arrivé»  afin  d'Oter  lotii 

Crétexle  à  Timpudence  et  à  rincréduliié  to 
ommes.  »  (S.  Jean  Cbbts.,  X>t#c.  contre  Ut 
Juifs.) 

Saint  Grégoire  de  Nazianze  nous  fouwt 
des  renseignements  plus  étendus  et  ^ 
complets  :  «  Après  que  rempereor  luikn 
eut  mis  en  usage  tous  les  (moyens  une  si 
tyrannie  avait  pu  lui  suggérer;  que  I  expé- 
rience lui  eut  prouvé  combien  les  voies 

nini  Jodad  Hierosolymis  pneoepto  Caeaaris  Miuà 
Apostat»,  impeusis  maximis.  Postrldie  cjes  did 
(quo  mota  fuerat  terni)  de  cœlo  Ignis  mahis  cech 
dit,  lia  ut  omnia  ferramenta  illios  sulilici  IkpKsee* 
rent,  etcomburerentur  Judael  mald  aiqiie  adeo  ii- 
numerabiles.  >  —  Cf.  Waceiisbu.  ,  Tda  îfMt  S» 
tanœ^  10*  q.  —  Sans  doute,  ce  téraolnage  u'atifu 
contemporain ,  mais  récrivaîn  juif  ml  ryairgiy 
lui-même  qtrti  s*appaie  sur  la  iraditios  de  si  » 
tien  conservée  dans  ses  aiimles.  —  Le  P.  M^ri 
rapporte  «n  autre  témoignaae  des  Juifs  iîr«  * 
lleresi  h  rabba.  (Cf.  Moam,  taercUëtiamem  Nfcfts 
p.  2tô5.) 

(1451))  Nous  ne  nous  occupons  pas  iei  d*éB^ 
riiutoriié  de  ces  témoignages,  puismfils  sont,  ^ 
les  circonstances  principales,  eononnés,  sniyf 
les  aveux  des  païens,  soil  par  knr  silcoeeta^ 
Att  reste,  il  eat^ifllcile  d'ajouter  qudqae  cImmc  tm 
raisons  péremploires  fournies  par  WarÉMnoB,  ^ 
s:i  qualiié  de  protestant  ne  doit  pas  rendre  susport 
quand  il  s*agit  des  Pères  de  l*£glisc.  (Cf.  Wiasia^ 
TON  I,  cb.  7.) 


lat 


TEM 


DICTKKCNAIBE  APOLDGCTIQUC. 


TEM         IS70 


qall  «Tait  dboisies  étaient  odieuses  et  mé* 
prisables,  il  se  résolut  eaûn  à  soulever  con- 
tre nous  le  corps  entier  des  Juifs.  I^  peo- 
cbaol  qu'ils  ont  pour  les  nouveautés  pro- 
pres à  exercer  leur  esprit  séditieux,  et  sur- 
tout ia  haine  invétérée  qu'ils   portent  au 
nom  chrétien,  les  lui  fit  regarder  comme  les 
gens  les  plus  capables  de  devenir  les  instru- 
meols  de  sa  malice.  Sous  prétexte  de  leur 
marquer  sa  bienveillance  (car  c'était  sous  un 
tel  masque  qu'il  cachait  son  véritable  des- 
sein), il  s'efforça  de  les  convaincre,  par 
leurs   traditions  et   leurs  livres,    que  le 
f  emps  prédit  par  les  prophètes  était  enfin  ar* 
rivé  oh  ils  devaient  retourner  dans  leurpro- 
i»re  pays,  rebâtir  leur  temple  et  rétablir  les 
lois  dans  leur  ancienne  splendeur.  Après  s'ê- 
tre insinué  de  la  sorte  dans  l'esprit  de  ceux 
«la'il  voulait  gagner,  et  qu'il  gagna  en  effet 
iVar  rimposture  peut  toujours  se  flatter  d'un 
beureax  succès  lorsqu'elle  va  jusqu'à  flatter 
ntx  passions),  les  Juifs  entreprirent  de  rebâ- 
tir le  temple  avec  toute  l'ardeur  et  la  dili- 
gence |K>ssibles.  Ceux  que  le  souvenir  de 
ces  préparatifs  saisit  encore  d'étonnement  et 
i'admiratinn  rapportent  que  les  femmes  des 
Juifs  se  dépouillaient  de  leurs  bijoux  et  de 
leurs  pierreries  pour  contribuer  aux  frais  de 
entreprise  et  au  salaire  des  ouvriers;  que 
•es  plus  délicates  d'entre  elles  mettaient  la 
main  à  ToNivré  et  emportaient  les  décombres 
ians  leurs  robes  tes  plus  précieuses,  persua- 
lée»  que  toutes  leurs  richesses  n'étaient  rien 
?n  coiii|)araison  de  l'ouvrage  auquel  elles 
^'efforçaient  de  prendre  part.  Mais  un  tour- 
jiUon  de  vent  qui  s'éleva  tout  à  coup,  et  un 
violent  tremblement  de  terre,  obligèrent  de 
quitter  l'ouvrage.  On  courut  en  tumulte  se 
réfugier  dans  une  église  voisine .  les  uns 
pour  Mehir  la  colère  du  ciel,  les  autres 
}H>or  profiter  d'une  retraite ,  comme  il  est 
oaturel  de  le  faire  dans  ces  sortes  de  cas  ; 
/autres  enfin  malgré  eux,  parce  qu'ils»  étaient 
OTeloppés  dans  la  foule,  qui  les  entraînait, 
luelques-uns  rapportent  que  l'élise  refusa 
e  les  recevoir,  et  que  lorsqu'ils  lurent  arri- 
és  aux  portes,  qui  étaient  ouvertes  un  in- 
fant auparavant,  ils  les  trouvèrent  fermées 
j  bitement  par  une  main  secrète  etinvisitkley 
•  ns  doute 
etmfondre 
Mice.  Oooi 
n  iversellemeot  reçue,  et  dont  tout  le  monde 
envient Hnanimement,  c'est  aue,  lorsqu'ils 
>  ftjlurent  éviter  par  la  fuite  le  danger  qui 
^   menaçait,  un  feu,  sorti  des  fondements 
I    temple,  les  atteignit  bientôt ,  consuma  les 
1  s,  mutila  les  autres,  leur  laissant  à  tons 
s  marques  les  plus  visibles  de  la  colère  du 
si.  Ainsi  se  passa  cette  affaire.  Que  per- 
nne  Dd  soit  assez  incrédule  pour  révociuer 
I  doute  ce  prodige,  à  moinsqu'il  ne  veuile 
•uter  également  des  antres  œuvres  miracu- 
wses  de  Dieu.  Mais  ce  qu'il  v  eut  de  plus 
onnant  et  de  plus  remarauable,  ce  fut  une 

m 

'1460)  Pami  ces  derniers  il  faoi  citer  Seinieex 
CorrcTOD,  dans  ses  iVofet  but  Addésom^  £1  Néan- 
r.  dans  son  HUtaire  de  tEgtiu. 
i  -161  )  Cf.  Alxoc,  ai$lW€  umvtmilt  de  tEgHte^  i. 


lumièrequi  parut  dans  le  ciel,  sous  la  forme 
d'une  croix  renfermée  dans  un  cercle.  Ce 
signe  auguste,  que  les  impies  avaient  regardé 
comme  nn  opprobre  sur  la  terre,  était  main- 
tenant élevé  dans  les  cieux  et  présenté  k  la 
vue  de  tous  les  hommes  comme  un  trophée 
de  la  victoire  du  Tout-Puissant  sur  ses  enne- 
mis; trophée  le  plus  illustre  et  le  plus 
éclatant  qui  fu  tramais  I  11  y  a  plus  :  ceux  qui 
étaient  présents  et  spectateurs  du  prodige 
font  encore  voir  aujourd'hui  les  croix  qui 
furent  alors  imprimées  sur  leurs  vêlements. 
Lorsque  ceux  qui  étaient  présents,  soit  des 
nôtres  on  des  étrangers,  considéraient  ces 
marques  sur  ceux  qui  les  portaient,  ilsaper- 
cevaient  avec  surprise  la  même  chose  sur 
eux-mêmes  et  sur  leurs  voisins.  C'était  une 
lumière  brillante,  imprimée  sur  le  corps  ou 
sur  le  vêlement,  et  qui  surpassait,  par  son 
éclat  et  sa  beauté,  tout  ce  qqjp  l'art  et  l'halii- 
leté  peuvent  donner  à  la  peinture  ou  à  la 
broderie.  »  (&  Gbég.  de  Nai.,  Disc.  coMre 
Juliai,) 

Hes  écrivains  rationalistes,  et  même  quel- 

aues  savants  chrétiens  (1160),  ont  essayé 
'affaiblir  l'autorité  de  ce  témoignage.  Ils 
ont  été  surpris  de  trouver  dans  le  texte  de 
saint  Grégoire  de  Nazianze  des  circonstances 
qu'on  ne  trouve  dans  aucun  des  auteurs 
païens  et  juifs  que  nous  avons  cités,  et  sur 
lesquels  saint  Ambroîse  et  saint  Jean  Chry- 
sostome  gardent  un  profond  silence.  Ils  on^ 
conclu,  de  la  comparaison  de  ces  différents 
^moignages,  que  Téloquent  adversaire  de 
Julien  avait  accepté  sans  assez  d'examen 
quelques  traditions  exagérées  qui  s'étaient 
répandues  parmi  les  chrétiens  sur  i'événe-- 
ment  de  Jérusalem,  et  qu'il  fallait  absolu- 
ment retrancher  de  l'histoire  les  eirconstan* 
ces  dont  rien  ne  pouvait  solidement  démon- 
trer l'existence. 

Quand  même  nous  serions  obligé  d'accep- 
ter celte  hypothèse,  et  forc^  de  sacrifier  le$ 
circonstances  qui  nous  ont  été  transmises 
par  saint  Grégoire,  l'essentiel  du  miracle 
n'en  reste  pas  moins  inattaquable  et  è  l'abri 
des  efforts  de  la  critigue  la  rplus  malveil- 
lante. C'est  ce  que  Seignenx  de  Correvon  & 
bien  senti  :  quoiqu'il  n'admette  pas  cer*- 
tains  détails  de  l'événement,  il  est  parfaite- 
ment convaincu  que,  si  on  le  considère  dans 
son  ensemble,  il  est  impossible  d'en  donner 
une  explication  naturelle.  Nous  partageons 
complètement  la  conviction  de  ce  savant 
critique. 

Mais  nous  pensons  comme  le  célèbre  évè- 
que  de  Glocester,  comme  Bergier,  comme  le 
P.  de  Colonie,  comme  le  docteur  Dœllinger, 
comme  le  docteur  AIzog  (1461),  que  le  té- 
moirage  de  saint  Grégoire,  confirmé  par 
plusieurs  autres  écrivains,  par  Sozomène» 
par  Socrate,  par  Rufin,  par  Théodoret,  par 
Philoslorge,  présente  toutes  les  garanties  pro- 
pres à  satisfaire  un  esprit  judicieux  (IVgS). 

CEgiue  mous  Js/îm. 

(1462)  Nous  ne  doos  attacherons  pas  id,  pour 
justifier  saint  Grégoire,  à  essayer  de  dëmonirer, 
coiBmc  Dœtlioger  et  Warbunon,  quelles  croix  qjû 


157! 


TKII 


DICTIONNAIRE  APOLOGEtlQUE. 


TEM 


\Vï 


Nous  allons  inainlenant  examinercequon 
a  pensé  du  miracle  qui  déconcerta  les  pro- 
jets de  Julien  dans  les  temps  postérieurs  à 
celui  des  conterar?orains. 

«  L'empereur,  dit  Sozomène,  n'avait  pour 
les  Chrétiens  que  la  haine  la  plus  implaca- 
ble, tandis  qu'il  favorisait  les  Juifs  et  qu'il 
n«  cessait  de  donner  à  leurs  patriarches  des 
marques  de  sa  bienveillance.  II  écrivit  à  ces 
derniers  d'adresser  leurs  prières  au  ciel  pour 
la  prospérité  de  sa  personne  et  de  son  règne. 
Cette  conduite,  autant  que  je  puis  le  conjec- 
turer, n'était  pas  fondée  sur  une  estime  par- 
ticulière de  la  religion  judaïque,  puisqu'il 
n'ignorait  pas  que  celle  des  Chrétiens  en  ti- 
rait son  origine,  ayant  toutes  les  deux  les 
mêmes  prophètes  et  les  mêmes  patriarches  ; 
sa  prédilection  pour  les  Juifs  navait  d'autre 
but  que  de  mortifier  les  Chrétiens;  peut-être 
aussi  pensait-il  qu'en  leur  prodiguant  ses 
faveurs  il  viendrait  plus  aisément  à  bout 

d'en  faire  des  idolâtres Ayant  fait  venir 

les  principaux  de  la  nation,  il  les  pria  do 
pratiquer  les  préceptes  de  Moïse  et  les  cou- 
tumes de  leurs  ancêtres.  On  lui  répondit  que 
le  temple  de  Jérusalem  étant  détruit,  et  la 
nation  dispersée,  on  ne  pouvait  offrir  des 
siecririces  sans  prévariquer  aux  lois.  L'em- 
pereur leur  fit  aussitôt  donner  l'argent  né- 
cessaire pour  rebâtir  le  temple,  leur  enjoi- 
gnant d'observer  dans  les  cérémonies  et  les 
sacritlces,  la  même  forme  et  les  mêmes  rè- 
gles qui  avaient  été  en  usage  chez  leurs  pré- 
décesseurs. Ce  peuple,  assez  aveugle  pour 
ne  pas  voir  l'impossibilité  d'un  projet  for- 
mellement contraire  aux  prédictions  sacrées 
des  prophètes,  se  préparait  à  l'exécuter  avec 
tout  le  soin  et  l'ardeur  imaginables.  On  fit 
venir  des  architectes  •,  on  rassembla  des  ma- 
tériaux ;  on  nettoya  les  endroits  où  l'on  de- 
vait asseoir  les  fond<jments.  La  joie  qui  les 
animait  allait  si  loin,  qu'on  voyait  leurs 
épouses  mômes  transporter  dans  leurs  robes 
\qs  décombres  de  l'ancien  temple,  offrir  leurs 
colliers  et  leurs  ornements  les  plus  précieux 
pour  contribuer  aux  frais  de  l'entreprise. 
Enfin  les  Juifs,  les  gentils  et  Julien  lui- 
même,  sacrifièrent  à  cet  ouvrage  leurs  au- 
tres affaires;  ils  oublièrent  jusqu'à  leurs 
propres  animosilé5,persuadés*que  cette  en- 
treprise allait  bientôt  convaincre  les  hom- 
mes de  la  fausseté  des  prédictions  de  Jésus- 
Christ On  rapporte  que  le  jour  qui  pré- 
céda celui  où  Ton  de  vait  jeter  les  fondements, 

8^aUachèrent  »ux  vêtements  n'étaienl  qu'une  con- 
fté(|uence  naturelle  du  miracle.  Ces  deux  savants 
auteurs  citent  plusieurs  faits  curieux  à  Pappui  Je 
leur  opinion.  Nous  ne  croyons  cependant  nullement 
nécessaire,  pour  nionirer  l'auiorité  du  témoignage 
en  saint  évè(|ue ,  dVuirer  dans  tous  les  délails^de 
eeite  discussion.  Nous  nous  bornerons  donc  à  rap- 
porter ce  qu'a  dit  U-dessus  Dœllinger  :  c  Que  l'on 
ait  vu  sur  les  corps  et  sur  les  vêtements  des  per- 
sonnes présentes ,  des  croix  brillantes  pendant  la 
nuit,  d'une  couleur  sonfbre  pendant  le  jour,  ceci 
s'explique  très-bien  par  1  action  combinée  du  trem- 
blement de  terre,  de  Torageetde  la  foudie,  et  il  y 
en  a  d*autres  eicmples.     r  '' 

«  Dans  Tannée  i5U5,  la  foudre  ayant  frappe  rëglise 
de  VVeis  en  Angleterre,  les  personnes  qui  étaieut 


la  terre  trembla,  dispersa  les  pierres  mû  de. 
vaient  servir  à  l'ouvrage,  et  fit  jyénr  \me 
multitude  de  Juifs,  tant  de  ceux  qui  traTail- 
iaient,que  de  ceux  qui  étaient  acconruspoor 
être  spectateurs  des  travaux.  Les  maSocs 
du  voisinage  et  les   portiques  publics  qui 
renfermaient  beaucoup  de  monde  s*écrooV 
rent  tout  à  coup.  Parmi  ceux  qui  furent  e»- 
sevelis  sous  les  ruines,  les  uns  (etc'étaitle 
plus  grand  nombre)  furent  écrasés»  d'autres 
mouraient  à  mesure  quon  les  retirait,  ei 
d'autres  enfin  étaient  à  demi  morls,  ayant 
les  cuisses  fracassées,  ou  d*aotres  parties  tlti 
corps  mutilées.  Dès  que  Dieu  fit  cessera 
tremblement  de  terro»  les  Juifs  qui  aTaienl 
survécu  è  leurs  confrères,  se  remirenl  J 
Touvrage  ;  et  quoique  le  mauvais  succès  \li« 
leur  première  entreprise  fût  une  |)reuTeeûfl- 
vaincante  que  le  ciel  ne  Tavail  [)oiatapprou* 
vée,  ils  osèrent  néanmoins  reprendre  \m< 
travaux  avec  plus  d'ardeur  que  jamais.  Mi^ 
ce  fut  en  vain  ;  car  on  rapporte  qu'aussév 
q^u*ils  recommencèrent  à  travailler,  uo feu 
s  élança  des  fondements  du  temple,  et  coq* 
suma  beaucoup  d'ouvriers.  CeUtàmi- 
tance  est  rapportée  par  tout  le  mom/e.oola 
regarde  comme  certaine,  personne u^^it^ 
voque  en  doute.  11  y  a  néanmoins  qneHu- 
différence  dans  la  manière  dontonltu* 
conte;  les  uns  disent  que  laflaoïmeailtbti 
les  ouvriers  lorsqu'ils  voulurent  enimû' 
force  dans  un  temple  ;  d*antres  disenl  q\)t  i« 
chose  arriva  lorsqu'on  commença  de  ins^ 
ï)orter  les  décombres  ;  soit  que  Ton  5« 
tienne  à  ce  dernier  rapport,  soit  qu'on ad^i 
le  premier  sentiment,  la  chose  est  égaiefii^ 
surprenante.  On  vit  encore  un  aulreproiV. 
plus  étonnant  et  plus  évident  que  celui  >!%' 
nous  venons  de  faire  le  récit: les babibJa 
Juifs  se  trouvèrent  marqués  dusigoe(itJ 
croix;  on  voyait  leurs  vêtements pars^c^ 
d'étoiles  faites  avec  autant  d*art  que^"^  "^ 
y  avaient  été  mises  par  la  main  de  IVr'f- 
ce  qui  fut  cause  que  plusieurs  i\i^'-^ 
reconnurent  aussîtôl  que  le  Christ  éuû^ 
ritablement  Dieu,  et  se  repentirent  duife^^^ 
qu'ils  avaient  formé  de  rebâtir  le  lea^  ^ 
d'autres  accoururent  à  l'église,  furent  iQii'''= 
dans  les  mystères,  et  tacuèrent  de  flécU 
colère  du  ciel  par  leurs  hvronesel  leursin 
res.  Si  quelqu  un  refuse  de  croire  cescht»^ 
il  sera  lacile  de  le  convaincre  ;  preoiiè^ 
ment  par  les  témoignages  de  ceux  qu^  * 
ont  apprises  de  témoins  oculaires,  Aon\^^ 

en  ce  moment  dans  Téglise  »  trouvèrent  tw^^ 
croix  marquées  sur  diverses  parties  de  leur  <^ 
En  1660,  après  une  éruption  du  Vésn^e,  uo  >*^ 
grande  quatiiilé,  dans  plusieurs  endroits  du  ro^^ 
de  Naples,  des  croix  imprimées  à  des  véteiB^ 
à  des  nappes  d*uutel,  suivant   le  rapport  dei» 
cher,  qui  en  fui  témoin  ei  qui  a  exposé  b 
dans  un  écrit  iulilulé  :  Diatribe  de  prodigroè' 
cibus  quœ  tam  $upra  veste*  hontinum  quant  th^ 
non  pridem  posi  ultimum  incemiium  Yc4UTti, 
poti  comparuerunU  Or,  comme  ce  sont  prcc^ 
ces  croix  que  les  écrivains  chrétieDS  ooi  î^*^ 
sortir  et  qu*ils  oui  décrites  avec  un  soin  pi^*' 
il  est  évident  qu'ils  suivaient  sur  ce  point  <<^ 
cumenls  antlienliqnes  et  non  de  simples  i^^u^' 
(Do£LL)NGf  11,  Origines  du  christianiêmef  u^  ^'^ 


IST3 


TEM 


MCTIOXNAIIIE  APOLOGETIQUe. 


TOI 


IS» 


ques-uns virent  encore;  secondement,  par 
1  areu  des  Juifs  et  des  païens  qm  ont  aban- 
donné TuuTrage  sans  le  commencer»  ou  plu- 
tôt qui  se  sont  vus  dans  rimpossibilité  de  le 
commencer.  »  (S020M.,  Hi$t.  eccUs.^  liy.  t, 
chap.  Sa.) 

Le  témoignage  de  Sozomène  est  confirmé 
parceluide  RuGn.  Il  est  d*autanl  plus  re- 
marquable, que  ce  savant  homme  n  a  pu  co- 
•ier  le  passa^  que  nous  venous  de  citer, 
uisquir  écrirait  arant  Sozomène  II  est 
tussi  très-essentiel  de  remarquer  qu'il'passa 
rente  années  de  sa  rie  dans  la  Palestine  et 
|u*ii  araitpar  conséquent  pu  recueillir  par 
ui-mème  les  traditions  locales  sur  Tévéne- 
uenl  de  Jérusalem.  (Cf.  RuFiN,iri#/.  ecc/f'a., 
ii.37.) 

Nous  pourrions  compléter  les  renseigne- 
Dents  fournis  par  RuOnen  citant  en  notre  £<- 
euretSocrate  et  Tbéodoret(l%63).  N'arons- 
tous  pas  le  droit,  après  une  si  grande  multi- 
ude  défaits,  d'opposer  à  nos adrersaires les 
idicieuscs  réflexions  de  Téréque  de  Glo- 
ester? 

«  Arrêtons-nous  maintenant  pour  consi- 
érer  d'un  seul  coupd^ceil  ce  quenousarons 
\is  en  détail  sous  les  yeux  du  lecteur.  Pour 
PU  qu'on  réfléchisse  et  qu'on  examine  de 
>nne  foi  tout  ce  q^ui  nous  est  rapporté  sur 
t  grand  événement,  je  me  flatte  qu  on  aper- 
vra,  1*  runanimitéla  plus  exacte  entre  les 
ux  parties  qui  y  étaient  principalement  in- 
ressées,  les  Chrétiena  et  les  païens  ;  2*  une 
lîson  étroite  entre  le  phénomène,  tel  qu'il 
i  avoué  par  les  païens,  et  les  conséquences 
ti  devaient  s'ensuirre,  détaillées  par  les 
rétiens;  3*  l'accord  le  plus  parfait  entre  les 
iieurs  chrétiens  de  la  première  et  de  la  se- 
>nde  classe,  qui,  en  s'éclaircissant  mutuel- 
^mentles  uns  les  autres, nous  font  roirque 
nrs  contradictions  ap|)arentes  sont  la 
•eure  la  plus  forte  que  leurs  témoignages 
>nt  point  été  concertés,  mais  qu'ils  n'ont 
rlé  ou  aued*après  des  témoins  irréprocha- 
ïs,  ou  d*après  des  actes  authentiques;  en 

mot,  tout  ce  qui  doit  résulter  d'un  fait 
:>porté  par  une  multitude  d*auteurs,  reiar 
ement  au  temps,  aux  circonstances,  à 
ir  génie,  leur  caractère,  leurs  qualités 
tonnelles,  tout  se  présente  dans  k*  spec- 
le  que  nous  venons  d'exposer  ;  plus  on 
moiine,  plus  les  nuages  qui  couvraient 
irérité  se  dissipent,  ne  laissant  entrevoir 
un  tout  lié  et  enchaîné  dans  les  différen- 
partiesqui  le  composent,  et  capable  par 
séquent  de  forcer  le  plus  fier  incrédule  à 
^C4>nDaitre  le  doigt  delà  Providence. 
Far  exemple  Ammienllarcellin  parle  ou- 
ement  de  l'éruption  de  feu,  rien  de  plus 
t  orme  à  la  qualité  d'un  bon  historien; 
rapporte  le  fait  principal,  il  ne  dit  rien 

463)  Cf.  SocBÂTE,  Bui.  ecclés.,  liv.  ui;  Théo- 
T,  //tsf.  ecclés,^  liv.  m.  —  ^arburtou  a  expli- 
•le  la  manière  la  plus  satisfaisanie  les  préieR- 

coiilra*licuoos  quoa  a  voulu  trouver  entie 
témoignages  des  quatre  deroiers  auteur»  quo 

venons  de  cller  et  les  précéJeoli.  (Cf.W'At- 
o?i,  iHssert.  sur  le  ptàjet  dé  Julien^  1 ,  chap.  8. 

ioîD   il  répond  ioviuciblement  aux  objections 


des  conséquences  qui  ont  dô  an  résoller^ 
précaution  louable  dans  un  courtisan.  Julien 
parle  et  sedisculfie,  il  devait  le  fiiire;  maïs 
avec  une  otyscurité  affectée,  c'est  la  conduite 
qu'il  devait  tenir.  Lil>anius  n'en  dit  rien,  le 
silence  était  le  meilleur  parti  ;  mais  il  tâche 
de  tout  embrouiller,  c'est  le  caractère  d'une 
malice  qui  se  sent  écrasée.  Saint  Ambroise 
parle  du  fait,  mais  avec  la  même  concision 

Îu'il  devait  le  faire  dans  une  lettre.  Saint 
hryaoslome  va  plus  loin,  parce  qu'il  parle 
à  une  foute  de  people,  nais  il  ne  détaille  pas 
toutes  les  circonstances,  parce  qne  ce  peuple 
en  était  instruit.  Saint  Grégoire  de  Nazianze 
parle  en  historien,  prouve  ce  qu'il  avance, 
parle  à  tout  l'empire  romain,  avec  cette  har- 
diesse qu'inspire  la  vérité,  et  qui  ne  craint 
point  un  démenti.  Rufîn,  Socrale,  Sozomène 
et  Théodoret  rassemblent  ensuite  toutes  les 
circonstances  du  fait,  et  ces  circonstances 
dispersées  dans  leurs  ouvrages  font  voir, 
lorsqu'on  vient  à  les  confronter,  qu'elles 
doivent  avoir  été  des  suite?  les  unes  des  au- 
tres. Saint  Grégoire  de  Nazianze,  par  exem- 
ple, parle  des  croix  lumineuses  imprimées 
tant  sur  les  habits  que  sur  la  peau,  ce  qui 
vériGe  la  chute  de  la  fondre  rap[)0rtée  par 
Socrateet  par  les  Juifs;  Théodoret  rapporte 
nne  circonstance  incroyable  touchant  les 
terres  qui  se  transportaient  d'elles-mêmes 
dans  les  fondements,  mais  il  est  expliqué 

Kr  Rufin,  Socrate,  Sozomène  et  Cassiodore. 
inl  Grégoire  et  Socrate  semblent  contre- 
dire ce  qui  est  avancé  par  Théodoret  sur  la 
propriété  des  croix  lumineuses,  mais  nous 
avons  prouvé  qu'ils  avaient  raison  tous  les 
trois;  Rufin  et  Socrate  ajoutent  qu'on  ne 
iiouvait  les  effacer;  ce  qui  constate  encore, 
leur  nature,  par  celles  d'un  fait  semblable 
arrivé  à  Naples.  Et  de  toutes  ces  propriétés 
différentes  qu'ils  rapportent,  véritables  eu 
elles-mêmes  et  constatées  par  des  faits,  je 
conclus  qu'ils  ne  se  sont  pas  copiés  les  uns 
les  autres:  d'où  il  résulte  que  révéneroent 
est  aussi  attesté  et  aussi  avéré  qu'il  puisse 
rêtre  (146i).  » 

Mais  nous  n'aurions  pas  satisfait  à  toutes 
les  exigences  du  rationalisme,  si  nous  n'a- 
vions résolu  les  principales  difficultés  qu'on 
peut  faire  contre  le  miracle  de  Jérusalem. 

La  première  de  ces  objections,  c'est  le  si- 
lence à  peu  près  général  des  païens  sur  l'é- 
vénement de  Jérusalem.  Mais  si  Ton  exa- 
mine cette  difficulté  sous  son  véritable  jour, 
on  s'apercevra  facileiuent  que  cette  manière 
d'agir  des  historiens  attachés  au  paganisme 
fortiCe  notre  thèse  au  lieu  de  Taffaiblir.  C)a 
|)eut  en  effet  faire  deux  suppositions  :  on 
peut  supposer  que  Sextus  Rufus,  Eulrope, 
Aurélius  Victor,  Eunape,  Zozinie,  contem- 
porains des  Pères  et  des  littérateurs  chré- 

de  Basnage  sur  ce  point,  n,  chap.  10.) 

(14Gi)  WARBVRTofi,  D'uuTl,  suf  U  projet  de  J^- 
iietu  I,  tiiap.  8.—  Nuus  iravoi»  pas  parlé  des  té* 
moiguages  de  la  truisicme  cbs^e  c  est-à-><lire  «le 
ceux  a*Oro««,  de  Pbilosuirge,  de  Théopbaiie,  de  Ni- 
cépfaore,  de  Zanare  ei  de  (Grenus,  soil  parée  (^ue 
ces  écnvahis  sunt  trop  peu  evacts,  s:>il  parce  qa  \U 
u'étaieui  pa»  assez  nippri*cli<b  des  êvéDtmcut». 


1313 


TEM 


DICT10NNAIRK  APOLOGETIQUE. 


ma 


m 


tiens  dOBt  nous  avons  cité  les  t(^moignages, 
ignoraient  complètement  la  teulalivê  faite 
par  Tempereur  Juiien,  ou  qu'ils  avaient  un 
tel  mépris  pour  leurs  adversaires,  qu'ils 
iront  pas  même  jugé  à  propos  de  répondra 
aux  arguments  qu*ils  tiraient  en  faveur  du 
cliristianisme  de  la  malheureuse  tentative 
de  Tempereur.  Or,  il  est  clair,  dès  qu'on 
vient  à  examiner  les  faits,  qu^^Tune  ou  l'au- 
tre de  ces  suppositions  est  également  ab- 
surde. 

On  ne  peut  dire  en  effet  que  les  écrivains 
païens  cànteoipof  ains  n'ont  pas  connu  la  ten- 
tative de  Julien  pour  rebâtir  le  temple  de 
Jérusalem.  Les  écrits  d*Ammien  Marcellin 
n'étaient-îls  pas  dans  toutes  les  mains  7  Cet 
écrivain  célèbre  ne  faisait-il  pas  à  Rome 
même  des  lectures  publiques  de  son  ou- 
vrage (1465)7  Une  lettre  de  Libanius  lui- 
même  ne  nous  apprend-elle  pas  quel  cas  on 
faisait  d'Ammien  Marcellin,  quels  étaient 
ses  nombreux  rapiK)rts  avec  les  savants  de 
son-  temps  (1466)7  Julien  lui-môme  n'es- 
sayait pas  de  dissimuler  les  obstacles  qu'il 
avait  rencontrés  dans  Teiécution  de  son 
dessrin  :  J*ai  vou/u,  dit-il,  rebâtir  ce  temple 
en  rhonneur  du  Dieu  qu*on  y  adorait  (1467). 
Peut-on  supposer,  après  de  tels  faits,  que  lus 
écrivains  païens  ignorassent  les  événements 
de  Jérusalem  ?  Leur  silence  s'explique  donc 
naturellement  par  Timpression  pénible  qu'il 
leur  causait  et  par  l'envie  qu'ils  avaient  d'en 
eudeveâr  la  mémoire  dans  un  silence  éter- 
nel. 

On  ne  peut  pas  supposer  davantage  que 
leur  réserve  s'explique  par  le  mépris  des 
écrivains  chrétiens.  On  sait  quelle  a  été 
radiai  ration  des  hommes  les  (>lus  hostiles 
au  christianisme  et  de  Julien  lui-même  pour 
l'orateur  Proëres  (1468).  On  sait  quelle*  (pa- 
resses et  quelles  Qatteries  l'empereur  em- 
ploya pour  s'attacher  saint  fiasile,  saint  Gré- 
goire de  Nazianze  et  son  frère  Césaire  (1469L 
Où  donc  est  le  prétendu  mépris  des  chré- 
tiens qu'on  nous  oppose  7  £sl-ce  ainsi  qu'on 
traite  des  ennemis  qu'on  dédaigne 7  Liba- 
nius lui-même,  cet  ardent  admirateur  de 
Julien,  cet  infatigable  adversaire  des  chré- 
tiens, ne  reçonuais^ail-il  pas  son  égal  en 
éloquence  dans  saint  Basile  (1470)?  Ne  dé- 
signait-il pas  saint  Chrysostome  à  son  lit  de 
mort  comme  le  seul  orateur  digne  de  lui 

(i465)  Cf.  Yalesius,  In  Ammianum. 

(1406)  Cf.  Yalksius,  Prœfatio  in  Ammianum, 

(1467)  Noas  avoiit  ciié  précédemineut  tout  le 
texte  de  Juliee, 

(1468)  Le  séDat  de  Rame  lui  fit  élever  une  su- 
tue  avec  cette  inscriplion  :  c  Itome  la  reine  des  viiies 
au  roi  de  Téloquence.  >  Cf.  encore  la  lettre  de  Ju- 
lien à  Proéres  dans  féditiondes  lettres  de  Julien 
do  tnées  par  le  P.  Pétau. 

(1469)  Warburton  raconte  que  Julien  envoya  à 
saint  Basile  I  ouvrage  de  Diodore  de  Tarse  composé 
po.ir  la  défense  du  christianisme  avec  ces  simples 
paroles  :  J*al  lu,  j*ai  compris,  jHii  condanmé.  'AWyvMv, 
•Tv^Dv,  xotriyvwy.  Le  grand  évèqoe  de  Césarée  lui 
répondit  :  Vous  avez  lu,  mais  vous  n*ave2  pas  com- 
pris :  si  vous  aviez  compris,  vous  n^auriez  pas 
condamné  :  'Avcyv&i^ ,    âllVovx  «yv&>c^  it  y/^p  eyvMî» 


succéder  (1471)?  Le  silence  des  païens,  .„„, 
donc  de  prouver  contre  nous,  ne  serl  qui 
montrer  rimpnissance  oiï  il?  éteiem  dei- 
pliquer  d'une  manière  satisfaisante  le  fait 
que  leur  opposaient  les  chrétiens 

Le  silence  de  saint  Cyrille  de  Jérusalem 
n'est  pas  plus  difficile  à  expliquer.  En  effet, 
il  est  bien  vrai  que  personne  mieni  que  m 
illustre  docteur  n'était  à  même  de  conntltr! 
les  détails  de  Tévénement;  mais,  comme  b 
fait  très-bien  remarquer  Railly  (U7i),  saini 
Cyrille  écrivit  ses  vatéehèset  eni'anSWfl 
sa  Lettre  à  Constantius  en  Tan  351,  c'eM4- 
dire  avant  le  miracle  de  Jérasalem.  !ipv 
n'avons  de  lui  aucun  écrit  qu  il  ail  pulilK 
depuis  cet  événement. 

Il  rest.e  à  nos  adversaires  une  seule  m* 
source,  c*est  de  supposer  que  le  miracle  dt* 
Jérusalem  est  un  pur  effet  do  hasard.  Su» 
doute,  diront-ils,  il  est  impossible  d'aile 
blir  Tautorité  d'une  telle  multitude  deb 
rooignages;  mais  qu*y  a-t4l  dans  (ont  itla 
qu*on  ne  puisse  expliquer  par  desphéon- 
mènes  naturels  survenus  bien  à  proppflar 
déranger  les  projets  de  Julien?  Il  m /^u- 
jours  tenir  un  milieu  entre  le  seeptiiisaie 
historique  et  cette  crédulité  naïfcWï'w^ 
raune  aux  écrivains  chrétiens,  qunMciA 
dans  les  choses  les  plus  simples  la  ^ 
tuelle  intervention  du  gouvernemeni» 

Les  critiques  les  plus  distingués  el# 
quefois  les  moins  crédules,  après  afoirea- 
miné  avec  la  plus  grande  altenlion  Iim0 
les  circonstances  du  miracle,  se  sont  M 
gardés  de  porter  un  jugement  si  supefirf 
et  si  précipité.  Le  célèbre  Grolius  le  ren- 
dait comme  une  des  preuves  lesplusi»» 
teslablesrieraccomplissementde.sproplitfl'J 

de  Jésus-Christ  (1^73).  ïhomasias,  ^icC' 
cile  k  recevoir  les  faits  hasardés,  sisowi- 
leux  d'écarter  tout  ce  qui  lui  H*"^' 
fondé,  n'élève  pas  le  moindre  douleJfff* 
question  (tMit).  Mosheim  parle  avet^F 
grand  dédain  de  ceux  qui  ne  veuleB\'\4»'*' 
connaître  dans  cet  événement  unf3ii>«î*' 
turel  (1475).Baj  le,quicontesteloui(U'^«*^ 
su  contester  aucun  des  détails  de  iuj^ijj 
que  nous  avons  racontée  (1477).  «M.lJ'^ 
ton,  dit  Seigneux  de  Correvon,  déisle  t 
ulais,  et  très-beau  génie,  fut  converU|«j^ 
force  victorieuse  du  passage  d'Âiuw»<^^?5 
cellin;  et  le  célèbre  M.  Mojle,  qui  "«^ 

(1470)  Cf.  LiBAiiios,  Lettre  à  BatiU  àv^M 
vres 'le  saint  Basile.  .         i 

(1471)  Cf.  &»zoircKE,  Histâire  eecUstiii^V^ 
vrevui,  chap.  i  ;  et  LiBANHis,  LeUnâiei»J 
soêiome^  dans  saint  Isidore  de  Péliij»a,  ie^^e  «-j 

(  147i)  Cf.  Bailly,  De  religiane,  m,  Ik  wiof» 
tempU  Uieroiolynùiani,  , 

1475)  Cf.    SfilGNKUX     DR    CORAEVO!!,     '<^ 

Àddi$on,  section  vni,  {5.  .     u  i 

(1474)  Cf.  Tuomâsujs,  De  cauUtis  ctrca  h^^ 

ecclesituiicam^  aectio  iv,  cap.  15.  .     j 

*     (1475)  Cf.  MosBEiu,  Instituiiones  khi^nffl^^ 

nœ^  sect.  iv,  pars  prima.  J 

(1476)  Cf.  I>ans  les  A»na/€f  df  p*i(o$^^'" 
tienne,  3-  série,  l'article  intitulé  :  Piene  m- 

(1477)  Cf.  Baylk,  Dictionnaire  *i>rffu  ' 
que,  article  Alt^ptus. 


I37T 


TâM 


rien  moins  que  crédule,  ne  peut  s*einpècher 
favooer  que,  tjooiqu'il  ajoute  peu  de  foi 
iiit  miracles  rapportés  depuis  la  mort  des 
npôïrest  cependant  il  n'ose  les  rejeter  tous 
à  cause  de  celui  qui  arriva  du  temps  de 
Julien,  et  qui  est  si  extraordinaire  dons  ses 
cîrooDstances  et  si  pleinement  attesté,  qu'il 
ne  sait  pas  de  quel  front  on  pourrait  le  re* 
jeler  (1478).  » 

Mais  pour  qu*on  ne  nous  accuse  pas  de 
m\is  appuyer  sur  des  autorités  el  non  sur 
ies  raisonnements ,  abordons  de  plus  près^ 
Tobjection  proposée  par  nos  adversaires. 

\ou5  avouons  yolontiers  que  les  trerobie- 
mtnts  de  terre  et  les  éruptions  de  flammes 
amyent  quelquefois  par  des  causes  pure- 
Denl  naturelles,  mais  nous  prétendons  que 
e  bit  dont  il  s'agit,  consiaéré  dam  toutes 
n  circonstances^  ne  pourra  jamais  s'expli- 
Dcrde  cette  façon,  car  il  est  contraire  au 
ours  habituel  et  à  la  marche  bien  connue 
es  causes  purement  physiques.  En  effet, 
!s  choses  se  passèrent  dans  un  moment  so^ 
flflef  où  ]à  Providence  était  appelée  par  le 
i(i  de  Julien  à  prononcer  entre  deux  opi-» 
on5  quise{>arta^eaicnt  Tempiredu  monde, 
ilien  se  proposait  évidemment  de  montrer 
fausseté  des  prophéties  de  l'Ancien  et  du 
)uveau  Testament;  il  avait  rassemblé  dans 
but  les  Juifs  dispersés  par  un  arrêt  divin, 
io  Je  rel)âlir  avec  eux  un  temple  condam* 
S  ï  une  destruction  éternelle.  En  un  mot, 
{puissances  du  monde  conspiraient  évi- 
iniment  contre  le  Seigneur  et  contre  so» 
irist.  Dieu  lui-même  était  donc  en  cause, 
ireoir  du  christianisme  allait  se  décider 
iDsun  seul  jour. 

Tout  À  coup,  dans  ce  moment  même  choi- 
fM)ur  provoquer  rElernel,  des  globes  de 
Ht  s^éjincent  de  terre  ;  les  éruptions  de  la 
^sme  recommencent  toutes  les  fois  que  Von 
^recommencer  V entreprise;  la  place  du 
9/>le  devient  inaccessible  aux  travailleurs, 
H'élément  furieux  repousse  avec  obsli- 
lon;  les  ouvriers  sont  consumés  parla 
ère  divine  ;  lu  croix  duChristapparaît  dans 
airs.  Qui  ne  rcconoattrait  pas  ici  la  main 
n  Dieu  vengeur?  qui  pourrait  attribuer 
hasard  un  tel  concours  de  circonstances? 
u  pouTaiUil  plus  clairement,  plus  solen- 
ement  manifester  sa  volonté? 
es  Juifs  et  les  païens  le  comprirent  si 
I qu'ils  abandonnèrent  leur  projet  sacri- 
.Julien,  Julien  lui-même,  qui  compre- 
tout  le  parli  que  les  chrétiens  ne  man- 
daient pas  de  tirer  du  mauvais  succès 
>n  projet,  n^essaya  pas  de  nouyelles  ten- 
es.  Pouvait-il  confesser  plus  clairement 

78)  Cf.  SeiCNEVxM  CoBUBVON,  Nous  sur  Aédé" 
leciion  yiii,  S  5;  ei  MovtB,  Bi6/€  ratêonnie^i. 

>  pari.  11.  455. 

7JI)  Cf.  Baillt,  De  religions,  u.  De  templi  Hie- 
riMtfant  restauraiione,  —  L*opiiiion  du  tbéolo- 
frauçais  est  confirmée  par  celle  du  savant 
«r  l>œlliiiger.  i  Si  Ton  considère,  dit*il,  dans 
Dsemble  ces  piiénouiénna  et  leurs  effets  ;  éi 
lisenre  que  l«ft  jeto  de  flammes  qui  n'avaient 
I  apparu  auparavant  en  Palestine  el  qu'on  ii^'y 
AS  daos  la  suite,  se  reuouvelcreot  jufqu*à  ce 


DKTIONNAJilfi  APOLOGETIQUE.  TE»  197» 

sa  défaite  et  n'était-ce  pas  déjà  faire  cet 
aveu  qu'on  dit  qu'il  répéta  plus  tard:  «c  Tu 
as  vaincu,  Galiléenl  ^  (1^79). 
TEMPLES  PROTESTANTS.  Voy.   RteiA 

DE  FOI,  §VI. 

TEMPS.  Voy.  CuiATioii,  §  H. 

TÉNIA»  belles  découvertes  de  M.  Van  Be-* 
Beden>  conséquences.  Voy.  GtNÉAATioif 
spontanAk. 

TENTATION  DE  JÉSUS-CHRIST.  —  Nous 
lisons  dans  l'Evangile  de  saint  Mathieu  (iv, 
Ml)  :  Jésus  fui  conduit  par  l'esprit  dans  U 
désert  pour  y  être  tenté  du  diable.  Et  ayant 
jeûné  quarante  jours  et  quarante  nuits,  il  eut 
faim  ensuite,  ht  le  tentateur  s'approckant  de 
/ut,  lui  dit  :  Si  tu  es  le  Fils  de  Dieu^  dis  que  ces 
pierres  deviennent  des  pains.  Mais  Jésus  lui 
répondit  :  Il  est  écrit  :  Vhomme  ne  vit  pas 
seulement  de  pain,  mais  de  toute  parole  qui 
sort  de  la  bouche  de  Dieu,  Le  diable  alors  1$ 
transporta  dans  la  ville  sainte;  et  le  mettant 
sur  le  haut  du  temple^  il  lui  dit  :  Si  tu  es  le 
Fils  de  Dieu^  jette-toi  en  bas,  car  il  est  écrit 

Îu'il  a  ordonné  à  ses  anges  d*avo<r  soin 
e  toi,  et  qu'ils  te  soutiendront  de  leurs  mains^ 
de  peur  que  tu  ne  heurtes  U  pied  contre  quel* 
que  pierre,  Jésus  lui  répondit  :  il  est  écrit 
aussi  :  Tu  ne  tenteras  point  le  Seigneur  ton 
Dieu,  Le  diable  le  transporta  encore  sur  uns 
montagne  fort  haute^  et  lui  montrant  tous  les 
royaumes  du  monde  et  la  gloire  qui  les  accom" 
pagne^  il  lui  dit  :  Je  te  donnerai  toutes  c:t 
choseSf  si  en  te  prosternant  devant  moi  tu  f»*a«- 
dores.  Mais  Jésus  lui  répondit  :  Betirs-toif 
Satan^  car  il  est  écrit  :  lu  adorercu  le  Sei^ 
gneur  ton  Dieu,  et  tu  ne  serviras  que  lui  seuU 
Alors  le  diable  le  laissa;  et  en  même  temps  les 
anges  s'approchèrent ^  et  ils  le  servaient, 

§1. 
Li  tentation  ne  peat  être  ni  expHqoée  comme  un  evéne  • 
*   meal  oiuirel,  Interne  ou  eiteme,  ni  considérée  comma 
une  parabole. 


.Les  rationalistes  et  les  incrédules  ont  éga- 
lement attaqué  ce  récit,  mais  sous  des  points 
de  vue  différents.  Parmi  les  critiques  qui  ont 
adopté  plus  ou  moins  les  principes  du  ratio- 
nalisme, les  uns  n'y  ont  vu  qu'un  songt*, 
les  autres  qu'une  simple  parabole.  D'autres 
prétendent  que  c'est  mie  tentation  intérieure 
que  Jésus  éprouva  à  la  suite  de  mauvaises 
pensées  qtfil  avait  eues,  et  que  l'évangéliste 
attribue  au  démon,  r^arcc  qu'à  cette  époque 
on  lui  attribuait  toutes  les  mauvaises  tenta- 
tions. D'autres  entin  soutiennent  que  ce 
prétendu  démon  était  simplement  un  Juif. 
Mais  il  faut  vouloir  s'aveugler  soi-mômo 
volontairement  pour  émettre  de  pareilles 
idées.  D'abord,  rien  dans  le  teite  ne  oarle 

qoa  les  travailleurs  eunent  abandonné  Tcenvre 
commencée  ;  que  tout  le  théâtre  de  révénenufut 
était  renfermé  dans  le  petit  espace  de  collines  qui 
entouraient  le  temple  ;  que  1  nistoire  n*oÛ're  pas 
un  autre  eiempie  d  une  grande  entreprise  échouant 
de  cette  manière,  alors  on  demeurera  convaincu 
qu*il  y  a  U  un  miracle  et  des  plus  remarquables.  » 
(DocLLiNcea,  Origines  du  chriitianiime,  u ,  chap.  3.) 
— Cr.  F.  E.  Cbassat,  Le  docieur  Strauss  et  ses  ad- 
fenmres. 


IS79 


TEN 


D:CT:0NNA1RE  iPOLOGETlQUE. 


TEN 


m 


ni  directement  ni  indircetenient  de  songe; 
et  si  des  explications  de  cette  nature  étaient 
permises,  rien  n'empêcherait  de  regarder 
comme  autant  de  songes  tous  les  faits  évan- 
géiiques  les  plus  évidents.  Rien  également 
n'offre  moins  les  caractères  d'une  parabole  ; 
une  simple  lerture  du  passage  suiBt  pour 
s'en  convaincre.  Quant  a  la  tentation  inté- 
rieure, Eichhorn,  qui  Ta  inventée,  aurait  dû 
songer  que  la  sainteté  de  Jésus-Christ  exclut 
toute  tentation  intérieure.  Enfm,  les  mots 
Diable,  Satan  précédés  de  l'article  sont  tou<- 
jours  et  exclusivement  employés  dans  l'An- 
cien comme  dans  le  Nouveau  Testament 
}>our  la  personne  même  du  diable.  D.  J.  (1.  Ro- 
senmûlier,  auteur  de  la  dernière  explication, 
convient  que  cela  est  vrai  }K)ur  le  plus  ^and 
nombre  de  passages  (êœpius):  il  aurait  dû 
nous  dire  sur  quoi  fondé  il  aamet  des  excep- 
tions. Rretsehneider  est  plus  formel  ;  car  il 
dit  sans  restriction  gue  le  mot  diabolos,  pré- 
cédé de  l'article,  signifie  le  diable,  c'est-à- 
dire  le  prince  de$  mauvais  génies.  Ce  lexico- 
graphe ajoute,  à  la  vérité,  que  ce  même  mot 
se  prend  dans  l'Evangile  de  saint  Jean  (vi,  70) 
d'une  manière  figurée  pour  désigner  un 
homme  qui  s'oppose  aux  conseils  de  Dieu, 
un  pervers,  un  méchant,  une  espèce  de  dis* 
cipledu  diable;  mais  cet  exemple  vient  à 
l'appui  de  notre  thèse,  puisque  le  texte  sa- 
cré ne  porte  pas  l'article,  et  qu'il  dit  simple- 
ment diabolos  (1480). 

«  Les  rationalistes,  dit  Strauss,  choqués  de 
Tapparition  visible  et  extérieure  du  démon, 
ont  transporté  dans  Tintérieur  de  Tâme  de 
Jésus  toute  cette  scène  d'un  bout  à  l'autre. 
Dans  ce  cas  ils  ont  conçu  le  jeûne  de  qua- 
rante jours  comme  une  imagination  pure- 
ment intérieure  (Paulcs,  §  â79),  ce  qui  est 
l'arbitraire  le  moins  permis  contre  le  texte 
dont  le  sens  est  d'apparence  tout  à  fait  histo- 
rique :  ayant  jeâne  pendant  quarante  jours, 
M  eut  faim  dans  la  suite.  La  représentation 
intérieure  des  scènes  de  la  tentation  est  pla- 
cée par  les  uns,  pendant  la  durée  d*une  vi- 
sion extatique  à  laquelle  on  conserve  une 
origine  surnaturelle,  et  qu'on  attribue  soit  à 
Dieu,  soit  à  1  action  du  royaume  des  ténè- 
bres; par  d  autres  elle  est  conçue  plutôt 
comme  un  songe,  et  alors  ceux-là  cherchent 
un  motif  naturel  à  une  pareille  Tisiou  dans 
les  pensées  qui  avaient  occupé  Jésus  pen- 
dant fétat  de  veille  (Paulus,  §  379).  Plein 
encore  de  l'émotion  que  la  scène  de  son  bap- 
tême avait  excitée  en  lui,  Jésus,  dit-on  dans 
cette  manière  de  représenter  la  chose,  re- 
passe encore  une  fois  dans  son  esprit  son 
plan  messianique,  et,  à  côté  des  voies  légiti- 
mes, il  se  rappelle  la  possibilité  de  se  laisser 
aMer  dans  les  voies  opposées,  qui  sont  :  exa- 
gération de  la  foi  aux  miracles  et  ambition 
de  dominer,  mauvais  penchants  par  lesquels 
Thomme,  d'après  Topinion  juive,  devenait, 
d'instrument  de  Dieu,  instrument  des  des- 


(ItôO)  G.  G.  Bretschneider,  Lexicon   manuaie 
grœeo'latimim  in  libros   Arort  Testamenti,   sub  voc. 

Aift€«).o;  ;  eiiit.  tertia. 


seins  du  diable.  Tandis  qu'il  s'abandonna ^ 
ces  pensées,  son  organisation  délicate  suc- 
combe sous  une  aussi  forte  tension;  il 
tombe  pendant  quelque  temps  dans  un  aSals- 
sèment  complet,  et  de  là  dans  un  étal  de 
songe  où  son  esprit  transforme,  inscieio. 
ment,  les  pensées  précédentes  en  des  figura 
qui  parlent  et  qui  agissent* 

«  Pour  s'autoriser  à  transporter  loule  la 
scène  dans  l'intérieur  de  Jésus,  les  comoicn- 
tateurs  ont  cru  pouvoir  citer  Quelques  traiit 
même  delà  narration  évangélique.  Les ei- 
pressions  de  Matthieu  :  Jl  fut  emporté àm 
le  désert  par  l^ esprit,  àvnyjk  tk  T«y  tpnunvn 
r«o  irvffûfxftTor,  et  surtout  celles  de  Luc  :  H  [«i 
emporté  dans  l  esprit  wyiTo  i*  tô  îMiûftwi,  ksâ^ 
respondent,  ont-ilsdit,  compléleuientauik: 
mules  :  Tétais  en  esprit,  iyn^iu.^  h  Txvp?., 
Apocolypse,  i,  10  :  Il  m'emporta  daM  ité^^ 
en  esprit,  ccxpôvtyTti  fit  Ë-çfpnfiov  h  nw^Ufiliiii 
XVII,  3,  et  à  d'autres  dans  £zéchiel;or,(]ii:^ 
ces  passages,  il  n'est  question  qued'uuiMh 
tuition  intérieure;  il  ne  peut  donc  pas  être 
question,  non  plus,  dans  notre  passige,iié- 
vénements  extérieurs  et  réels.  Umouoit' 
jecté  avec  raison  (ihSi)  que  les  fonauiesiB- 
voquées  comme  exemples  et  autbrilê&|«4- 
vent  signiûer  les  deux  choses  :  ou  un  de; 4- 
cément  extérieur  et  réel  opéré  |)ar  ll^i^il 
de  Dieu  comme  dans  Act.  Ap.  viH,39;ii% 
II,  16,  ou  un  déplacement  simplement  iule 
rieur  et  visionnaire,  comme  dans  les  pa&v- 
ges  cités  de  i'Apoce^vpse  ;  qu'entre  ces deifi 
^igniQcadons,  c'est  le  contexte  qui  duii^ 
cider;  que,  dans  des  livres  remplie  de  visi^ 
d'un  bout  à  l'autre  comme  l'ipocalpt; 
Ezéchiel,  le  contexte  décide  qu'il  s'agit  u 
scènes  qui  n'ont  d'autre  théâtre  queiifitf- 
rieur  de  l'esprit;  mais  que,  dans  uQouffV 
historique  comme  nos  évangiles,  lecdoieif 
décide  qu  il  s'agit  de  scènes  réelles «l«i>^ 
Heures.  Les  songes ,  et  même  les  tm^ 
sont  toujours  indiqués  comme  teisfit^ 
remarques  expresses  dans  les  livresln^'^' 
ques  du  Nouveau  Testament;  et,  daB*^"^ 
passage,  il  devraity  avoir,  ou  bienba^^^î 
Jl  vit  envision,  en  ravissement,  ilofriji* 
fMCTi,  h  ixdTciau,  comme  Act»  Ap,iu^^'^^ 
10,  ou  bien  les  mots:  il  lui  apparut  en  mf 
ificm  flcvTû  xkt'  ovft/9,  comme  dans  Hailbieui 
20;  II,  là.  Mais  surtout  l'historien,  s\  i 
contait  un  songe,  aurait  dû  marquer  ia  M 
sition  à  la  teneur  subséquente  de  l'uu^io' 
réel  le  par  le  mot  s'étant  éveillé,  itijifStU^if»^ 
Matthieu,  i,  2^  ;  ii«  ik^  21  ;  ce  qui,  ^^^' 
Paulus  le  remarc|ue  avec  une  grande  v 
aurait  épargné  bien  des  peines  aux  inUri 
tes.  £n  outre,  ou  a  objecté,  non  sansra 
contre  la  conception  ûe  toute  la  scèneco^^ 
une  extase,  que  de  pareils  états  exutiqn^^ 
se  voient  plus  ailleurs  dans  la  vie  de  '^ 
contre  la  conception  de  la  scène  coib 
songe,  que  nulle  part  ailleurs  Jésus  u» 
conte  un  songe,  et  un  son^e  auquel  il  ^ 

(U81)  FBiTZ8CHE,m  ^Mauh.,  i^s^-i^^ 
Essai  pour  rexpiicaiiou  de  rtiistoire  de  u  ^ 
1.  c,  ^*  771  f. 


i»l 


TtN 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


TEN 


l3St 


donné  Unt  d*impor(aiice  (1482).  Enfin,  au 

point  de  Yae  de  l'effet  que  ces  étals  devaient 

^    opérer,  on  ne  comprend  pas  h  quelle  fin 

Diea  aurait  excité  en  Jésus  une  telle  Tision, 

pas  plus  gu'on  ne  comprend  que  le  diable 

ait  pu  avoir  puissance  et  qualification  pour 

la  produire  dans  le  Christ.  En  admettant  que 

tout  cela  est  un  songe,  résultai  des  propres 

pensées  de  Jésus,  il  ne  faut  pas,  justement 

du  côté  des  orthodoxes,  oublier  que  c'est 

sap|io$er,  à  de  fausses  idées  sur  le  règne  dn 

Messie,  une.grande  puissance  sur  TAme  de 

Jésus  (ltô3). 

>  La  discussion  précédente  ne  laissant 
f)1us  subsister  rhistoiredela  tentation  comme 
s^ène  de  vision  passée  tout  entière  dans 
l'âme  de  Jésus,  il  semble  ne  plus  rester  qu^à 
la  considérer  comme  un  événement  exté- 
rieur et  réel,  il  est  vrai,  mais  complètement 
naturel,  c'est-à-dire  qu*à  faire  du  tentateur 
un  simple  mortel.  Après  que  Jean-Baptiste 
eut  appelé  Taltention  sur  Jésus  comme  Mes- 
sie, dit  fauteur  de  VHisioire  naturelle  du 
prophète  de  Nazareih  {iiSk)^  le  parti  domi- 
nant à  Jérusalem  envo^'a  un  pharisien  rusé 
I90ur  mettre  Jésus  è  I  épreuve,  et  pour  re- 
.  coonattre  s'il  |)0ssédait  des  forces  merveil- 
leuses réellement  messianiques,  et  si  Ton 
ne  pourrait  pas  l'attirer  dans  les  intérêts  du 
saeerdoce  et  l'employer  dans  une  entreprise 
contre  les  Romains.  Certes,  c'est  là  conce- 
TOfi'  le  diable^  ^tâÇoX-iç^  d'une  manière  qui 
s'accorde  dignement  avec  celle  qui  repré- 
sente les  anges  apparaissant  après  le  départ 
de  Satan  |K)ur  soulager  Jésus,  comme  une 
eararane  qui  s'approche  avec  des  vivres,  ou 
comme   des  vents  doux  et  rafraîchissants 
(1^5}.  Mais  cette  explication,  d'après  Tex- 
fression  d'Usteri,  a  tellement  parcouru  ses 
phases  dans  le  monde  théologique,  qu'il  est 
ionli/e  de  perdre  une  parole  à  la  réfuter. 

t  Si,  d'après  ce  qui  vient  d'être  dit,  l'hîs- 
foire  de  la  tentation  telle  que  les  synopti- 
ques nous  la  racontent  ne  peut  se  concevoir 
uî  comme  scène  iVitéricure,  ni  comme,  évé- 
nement naturel,  il  faut  conclure  nécessaire- 
ment :  cette  histoire  ne  peut  pas  s'être  passée 
comme  les  évangélistes  la  rapportent. 

«  L'expédient  le  moins  inoffensif  est  d'ad- 
m  ettre  qull  j  a  au  fond  quelaue  fait  réel 
cic5  la  vie  de  Jésus,  raconté  par  lui  à  ses  dis- 
ci  pies,  mais  que  son  récit  ne  fut  pas  l'ex- 
pression complètement  précise  de  ce  qui 
sVtait  passé.  Des  pensées  de  tentation  qui 
s*éleTèrent  dans  son  âme,  soit  effectivement 
pendant  son  séjour  dans  le  désert  après  le 
haptéme,  soit  en  différents  temps  et  dans 
iidTérentes  circonstances,  mais  qui  furent 

(IMS)  La  première  oojeeiion  esi  irUlImaon,  sor 
l^iniprceabilité  de  Jésos,  dans  ses  Siudien^  1,  1.  S. 
>6  :  la  saronde  est  d'Usteri,  I  c,  S.  775. 

<iA%5)  UsTEBi.S.  776. 

«14S4)  I.Bd.  S.  54i  ir.;a|Kès  Hemiann  Von  der 
Xartlc,  Basedow,  et  d'anires;  tout  fécemmeat  Kui- 
oe0,  p.  81. 

14485)  La  première  opinion  est  dans  on^  mémoire 
u  JVoM  r«ni  magMtttjie  Henke^  4.  %  S.  352  ;  la  se- 
oi^Ue  dans  1*  Uisioire  naturelle^  vie,  I,  S.  59l.> 


aussitôt  subju^ées  par  la  force  et  la  pureté 
de  sa  volonté,  ont  été,  disent  certains  inter- 
prètes, représentées  fiar  lui  d'après  Ja  ma- 
nière orientale  de  concevoir  et  de  s'expri-» 
mer,  comme  des  tentations  diatMlique^s  ;  et 
ce  récit  figuré  a  été  entendu  au  propre  (i486). 
L'objection  principale  qu'on  a  fait  valoir 
contre  cette  explication,  c'est  que  l'impecca* 
bitité  de  Jésus  s'y  trouve  compromise  (1487), 
En  outre,  pour  composer  une  pareille  nar« 
ration,  Jésus  aurait  pris  à  l'histoire  de  sa 
rie  un  mélange  de  tîetion  et  de  vérité,  mé« 
lange  trouble  que  Ton  ne  doit  pas  attendre 
d'un  maftre  loyal  tel  qu'il  se  montre  d*ail« 
leurs,  surtout  si  l'on  n'admet  pas  que  les 
pensées  tentatrices  se  soient  soudainement 
élevées  en  son  esprit  après  un  séjour  de 
quarante  jours  dans  le  désert,  et  si  Ion 
range  ce  séjour  dans  les  accessoires  où  Jésus 
encadra  son  récit;  au  cas  contraire,  où  l'on 
admettrait  cet  intervalle  de  temps  comme 
une  donnée  historique,  le  jeûne  de  quarante 
jours  sutisisterait,  et,  avec  ce  jeûne,  l'une 
i\es  plus  considérables  difficultés  de  la  nar- 
ration. Dans  tous  les  cas,  si  Jésus  voulait 
simplement  raconter  une  scène  passée  dans 
riniérieur  de  son  Ame,  mais  en  même  temps 
l'attribuer  au  diable,  comme  les  Juifs  le  fai- 
saient pour  toute  mauvaise  pensée  par  nne 
conclusion  de  l'effet  à  la  c^use,  il  n'avait 
qu'a  dire  que  Satan  lui  avait  suggéré  telle 
ou  telle  pensée;  mais  il  n'avait  aucune  rai- 
son de  parler  d'une  apparition  personnelle 
de  Satan  et  d'une  course  avec  lui,  à  moins 
que,  à  côté  ou  en  place  de  l'intention  de 
faire  un  récit,  nous  ne  trouvions  une  autre 
intention  poétique  et  didactique. 

«  Or,  c^tte  autre  intention,  Jésus  l'avait, 
d'après  ceux  qui  entendent  l'histoire  de  (a 
tentation  comme  une  parabole  racontée  par 
lui,  mais  comprise  par  les  disciples  comme 
si  c'était  une  nisloire  réelle.  Cette  explica- 
tion a  du  moins  l'avantage  d'être  débarras- 
sée d'une  difficulté,  c'est  qu  elle  ne  suppose 
plus  que  des  visions  qui  auraient  réellement 
occupé  rame  de  Jésus  servent  de  fondement 
à  cette  histoire  (1488).  Jésus,  dit-on,  n'a  pas 
éprouvé  de  pareilles  tentations,  mais  il  veut 
mettre  ses  disciples  en  garde  là  contre,  en 
essayant  de  leur  inculquer,  comme  un  at>régé 
de  la  sagesse  messianique  et  a|K>stoliqne, 
les  trots  maximes  suivantes  :  1"  Ne  laire 
aucun  miracle  pour  son  intérêt  personnel, 
même  dans  les  circonstances  les  pins  ur- 
gentes; 2*  ne  jamais  rien  entreprendre  d'ex- 
travagant dans  l'espérance  d'un  secours  divin 
extraordinaire;  3*  ne  jamais  se  mettre  en 
commun  avec  le  méchant,  quand  même  le 

(14S6)  C'est  ce  qu^admetteot,  d*apres  plusieurs 
précédents,  que  Schmidt,  iîiuoisl  et  d'anirt-a  indi- 

Sueni,  Utlmaiio.  L  c,  S.  54>  tf;  Hase,  Leben  Jesu. 
55;  Neander,  L.  J.  Chr.,S.  101  f. 

(1487)  ScBLEiBtHACBu;  Leber  dttt  Lmkttê^  S,  54, 
UsTEBi,  Le,  S.  Î77.  . 

(1488)  Si,  en  at^metunt  ici  oue  paraMe,  en 
admet,  en  même  temps,  quelqoe  îropressioo  réelle 
éprouvée  par  Jésos.  un  retomlie  dans  rexplicaiion 
précédente,  comme  ou  le  voit  dans  llase. 


18» 


TCN 


DfCTIONMAlRg  ilPOLOGETlQOE. 


TES 


m 


B lus  içrand  avantage  ertdevraitrésuUer  (1489). 
lepuis  longtemps  on  a  objecté  contre  cette 
explication  qu'il  serait  difficile  de  recon- 
naltçe  dans  le  récit  une  |iarabole,  et  d'en 
extraire  renseignement  qu*elle  renferme 
(U90).  De  fait,  pour  un  enseignement,  la 
seconde  tentation  surtout  serait  un  exemple 
peu  convenablement  choisi  ;  mais  la  pre* 
mtère  remarque  reste  Kobjection  principale. 
Pour  montrer  que  ce  récit  ne  porte  pas  l'em- 
preinte d'une  parabole,  on  a,  dans  ces  der^ 
niers  temps*  précisé  les  caractères  qui  sont 
propres  à  ce  genre  de  composition  :  la  para- 
bolis  ayant  une  forme  essentiellement  his- 
torique, ne  peut  se  distinguer  de  l'histoire 
réelle  qu'autant  que  les  personnages  qui  y 
jouent  un  rôle  se  reconnaissent  aussitôt 
|X)iir  des  personnages  d'imagination  (1491). 
Or,  la  fiction  est  manifeste  lorsque  les  per- 
sonnages sont  désignés  d'une  manière  gé- 
nérale, comme  des  êtres  collectifs,  tels  que 
ie  iemeurf  ô  (rncipuy,  un  roi^^aatktùç^  et  autres 
dans  les  paraboles  de  Jésus;  ou  bien  quand 
ils  ont,  h  la  vérité,  un  caractère  individuel, 
mais  toi  qu'on  y  discerne  un  personnage 
chargé  de  jouer  un  rôle  dans  la  fiction,  et 
par  conséquent  un  personnage  non  histori- 
que :  c'est  à  cela,  coi\jointement  avec  les 
autres  traits  de  la  parabole  du  riche,  que 
l'on  reconnaît  comme  un  personnage  de  con«- 
vention  celui  même  qui  s'appelle  Lazare. 
Pour  ces  deux  raisons,  un  homme  corporel- 
lemeut  présent  ne  f»eut  servir  de  sujet  è  une 
(«rabole,  car  il  es^t  toujours  une  personne 
déterminée  et  manifestement  historique. 
Ainsi,  Jésus  ne  pouvait  prendre  ni  Pierre,  ni 
aucun  autre  de  ses  disciples,  ni  se  prendre 
lui-même  pour  sujet  d'une  parat>ole,  at- 
tendu que  celui  qui  raconte  une  parabole 
est,  plus  immédiatement  que  personne,  au 
Bombre  de  ceux  qui  sont  actuellement  pré- 
sents ;  et,  pour  ce  iuotif,  Jésus  ii  a  pu  rap- 
porter comme  parabole  Tliistuire  de  la  ten- 
tation, dans  laquelle  il  est  sujet.  Mais  ad- 
mettre que  la  {larabole  eut  primitivement 
un  autre  sujet,  à  la  place  duquel  Jésus  fut 
substitué  dans  la  tradition  orale,  n'est  pas 
possible;  car  le  récit,  même  comme  para- 
bole, n'a  pas  de  signitication,  si  le  Messie 
n'en  est  pas  le  sujet  (1492).  »  (Sthaoss,  Vit  de 
Jé»u$,  t.  J,  §54.) 

Ainsi  se  trouve  confondue  l'interprétation 
naturalisie  de  la  tentation.  L'explication  my^ 
$hiqu€  serait-elle  plus  heureuse?  Voyons. 

I  H. 

L'histoire  de  la  teouUon  ne  petit  être  contiiltTée  comme 

uu  myUic. 

Strauss  affirme  «  qu'au  point  où  en  est 
arrivée  la  nouvelle  école  critique,  il  ne  peut 
plus  être  question  d'anges  ni  ue  démons,  et 
comme  l'histoire  de  la  tentation  ne  peut 
s'expliquer  ni  d'une  manière  naturelle  ni 

(4489)  i.  E.  C.  ScHMiDT,  dans  sa  Biblhîhèaue, 
I,  1,  p.  60  seq.  ;  Schlciermaciier,  Ûeber  den  Lukas^ 
S.  54  f.  ;  UsTERi,  Sur  Jeun-Buptiste,  le  bapièine 
duCliristet  su  tentation,  duns  Théot.  Siutïien,  t, 
d,  S.  456  AT. 

(1490)  K.C.  L.  Scn»m,Fieg,  Beilrwpe^  !.S.  559. 


d'une  manière  sutnaturelle,  il  se  félicite  de 
pouvoir  avancer  qu'il  n'y  a  pas,  dans  ce  ré- 
cit,  un  seul  trait  qui  ne  tronre  son  eipljci. 
lion,  soit  dans  les  types  de  l'Ancien lesii. 
ment,  soit  dans  les  idées  du  temps  sur  le 
Messie  et.  sur  Satan  »  Pournous,  nous  ne 
lui  envions  point  ce  bonl^eur,  m  do» 
sommes  bien  convaincus  qu'il  fautseplicet 
ici  à  un  point  de  vue  tout  différent. 

Sans  doute  l'histoire  de  la  tenUlion  a  pour 
nous  un  fondement  invisible  qui  se  p, 
dans  le  mystère;  mais  nous  pouvons  cepen- 
dant y  trouver  un  côté  par  lequel  elle k 
rattache  à  l'œuvre  de  la  rédemption. 

£n  réunissant  le  f^etit  nombre  de  Hm* 
tions  sur  Satan  que  l'Ëvangiie  nous  olfiv, 
nous  pouvons  composer  la  notion  suivute: 

Appartenant  k  un  ordre  plus  éleré  «jot 
l'homme,  et  doué  de  liberté,  il  esl  ^tjm 
rebelle  à  Dieu  qui  l'a  banni  desa  urésen 
en  le  privant  de  sa  lumière  et  le  mtim 
de  malédictions  (H93).  Dans  sonégoisme^ 
dans  la  rage  de  sa  volonté,  il  s^estMin 
royaume  qui  lui  est  propre...  Mais, cofluie 
il  ne  peut  plus  s'opposer  itnmédjilemfi 
la  puissance  divine  et  transgress^roeso^ 
mahdements  oue  Dieu  ne  daigne  çl&O.it 
adresser,  il  cnerche,    par  rentreDiis«  de 
l'homme,  à  renverser  le  royaume  dsDa 
Sa  première  tentative,  en  corrompant  la  u* 
iure  humaine  par  le  péché,  a  intro^luii  n 
mort  dans  le  monde,  et  inoculé  à  la  uisn 
humaine  un  poison  oui  se  Iransuietrix 
perpétue  dans  les  générations.  En  ^ 
temps,  par  le  pèche,  il  s'est  ouvert  !«: 
toujours  le  chemin  du  cœur  deiboniâ 
Satan,  il  est  vrai,  ne  peut  rien  par  lui-otéA 
car  la  nature  et  ses  lois  sont  au-^essos* 
lui;  mais  il  acquiert  sa  puissance  en  |«^ 
vertissant,  par  son  souffle  empoi^fifi'Hr) 
liberté  donnée  à  l'homme  pour  lea>irriffi 
la  lumière,  et  en  poussant  la  voltiiy-^ 
maine  à  toutes  les  folies,  h  toulesl^''' 
reurs,  à  tous  les  vices  et  à  tous  lotn^. 
Le  niaisir  défendu  est  le  commencemc^^ 
péché,  et  l'orgueil  d'être  éjj&l  à  Vm'}M 
fe  complément,  comme  Moïse  lavait il)^^ 
bien  exposé  dans  l'histoire  de  la  leoM 

L'égoisme  est  le  caractère  foodaoK^^j 
que  le  péché  originel  a  imprimé  à  laniiij 
humaine,  mais  les  formes  mnUijjtes  eiv 
riables  que  revêt  ce  caractère  sVlab^^ 
dans  Tindividualité  de  l'homme.  LM 
du  péché  et  de  son  auteur  nous  émi 
nous  n'en  a(>ercevons  cjue  les  résultat^  i[ 
se  forment  par  la  combinaison  de  ïéf^^ 

et  de  l'individualité  de  Thomme ^j 

pourquoi,  dans  tous  les  genres  de 
leur  auteur  reste  caché  dans  Toiubre, 
que  ses  reflets  innombrables  ap|)arai! 
la  conscience  comme  des  produits  p 
h  l'homme.  Satan  est  la  cause  de  Teii^ 
du  péché  dans  l'humanité  ;  quant au\  )4 

(1491)  Hasert,  Remarques  sur  les  voes^'l^ 
et  U'IUten,  tonchanl  lliisloit  e  ite  launum"' 
(lien,  5,  1,5.  74  f. 

(149i)  Hasert,  /.  <r.,  8.  76. 

(U95)    Voy.    Dévon,     Possessio5S,  W^^ 

TlOî^S. 


I3tt 


TEM 


Mcnemiàuus  APOLoccnoDK. 


TKN 


138$ 


dëtenDînées  que  reTêt  le'péclié,  elles  sont 
dues  i  rhomme  lui-même. 

Far  rinfasioa  du  pécbé,  rhomanilé  a  en- 
town  une  déchéance  générale*  doul  elle 
o*est  pas  capable  de  se  relever  par  ses  pro- 
jTCS  forces;  de  là  la  nécessité  de  la  média- 
lion  d'un  Sauveur.  Mais  pour  que  Tœuvre 
(Je  la  rédemption  fût  durable,  il  fallait  que 
la  puissance  du  péché  fût  brisée ,  c'est-à- 
dire  que  l'auteur  du  péché  fût  démasqué  et 
ininini;  c'est  ce  qui  arriva  dans  la  tentation 
Je  Jésus  (vir  Satan. 

A  ce  |)Oint  de  vue,  la  tentation  se  trouve 
iatimeoient  liée  à  l'œuvre  de  la  rédemption. 

Mais,  dira-t-on,  à  quoi  bon  une  tentation 
\ioor  le  Messie? 

Sans  doute  les  lois  fondamentales  du  plan 
dirin  dans  l'histoire  universelle,  ainsi  que  la 
ruanière  dont  Dieu  répare  les  désordres  que 
a  liberté  humaine  introduit  dans  son  oeuvre, 
^int  au-dessus  de  la  portée  de  la  raison  et 
le  i  entendement  humain;  mais  cependant, 
n  considérant  Thistoire  universelle,  nous 
ovons  qae  Dieu  n'a  confié  les  grandes  dis* 
osi  lions  de  sa  }frovidenoe  qu'à  ceux  qui  se 
ont  montrés  di^es  de  lui  par  l'épreuve  de 

I  foi  et  de  la  résistance  au  mal.  Nous  voyons 

les  épreuves  de  ce  senre  précéder  l'institu- 

roo  da  judaïsme.  Abraham  subit  l'épreuve 

c  la  foi  et  de  Tobéissance  aux  commande- 

lents  divins,  et  c*est  quand  il  en  est  sorti 

urtorieux  que  l'ange  lui  apporte  la  grande 

romesse,  et  lui  annonce  que  le  Seigneur  â 

ris  la  résolution  immuable  de  mnltinlier  sa 

ostérîté  comme  les  étoiles  du  ciel,  et  de 

v'nir  en  elle  toutes  les  nations  de  la  terre. 

ous  trouvons  aussi,  dans  le  cours  de  l'fais- 

Vxre  judaïque,  une  foule  d'exemples  des 

Veis  puissants  de  la  foi,  et  Paul,  clans  son 

^pUreaux  Bébreux^  n,  lésa  mis  merveii- 

truscfuent  en  lumière.  Or,  s'il  en  a  été  ainsi 

a  commencement  et  pendant  la  durée  de 

asti  tut  ion  préparatoire,  que  ne  devons- 

>us  pas  attendre  an  commencement  de 

n^titution  principale?  Car  ici,  il  ne  s'agit 

us  seulement  de  l'image  et  de  la  figure  du 

Ife  qui  est  dû  au  Dieu  vivant,  il  sagit  de 

rédemption,  de  la  renaissance  de  toute  la 

^  baniaine  après  la  déchéance  qu'elle 
ait  encourue. 

II  est  dit  :  Mon  (après  le  baptême)  Jùu$ 
:  conduit  par  PuprU  dam  h  désert ^  pour 
'tre  tenté  par  U  dmbU.  La  tentation  nous 
Iserite  une  triple  progression  dont  voici  à 
1  près  le  sens  : 

I  Toi,  Fils  de  Dieu,  qui  as  toute  la  nature 
^s  ordres,  pourquoi  veux-tu  souffrir  de 
grandes  privations?  Parle,  et  ces  pierres 
iendroui  du  pain. 

Tu  dois  avoir  en  Dieu  assez  de  con- 
ice  pour  être  siïr  que,  quelque  chose 
i  lu  entreprennes,  serait-ce  de  te  pré- 
iier  du  pinacle  du  temple,  tu  ne  penlras 

un  seul  cheveu  de  la  tête;  au  co^ 
re,    les  anges  te  porteront  dans  leurs 

Vois,  le  monde  entier  est  là  devant  toi 
s  sa  pompe  et  sa  magnificence.  11  con- 
A    tout  ce  que  Thonneur,  la  gloire,  la 

DlCnO!f!liiaB  AP0i4>6ÉnQUB.   IL 


richesse,  la  considération  et  la  puissance 
peuvent  domier.  Il  est  à  moi,  et  je  te  le 
donne  si  lu  veux  seulement  me  faire  la  plus 
légère  offrande,  si  tu  veux  tomber  à  mes 
pieds  et  m'adorer.  *» 

Hais  Jésus  répondit  :  «  Retire-toi  de  moi, 
Satan  :  l'obéissance  et  ladoralion  n'appar- 
tiennent qu'à  Dieu  seul.  •  Alors  le  diable 
le  laissa  et  les  anges  s'approchèrent  pour  la 
servir. 

Cette  tentation  renferme  trois  points  im- 
portants :  i*  L'empire  que  les  sens  exercent 
snr  l'homme  ;  S*  1  audace  de  l'homme  contre 
Dieu  et  la  destinée  ;  3*  les  séductions  du 
monde  et  de  l'ambition.  Ce  sont  là  les  trois 

{;rands  ennemis  auxquels  l'homme  doit 
ivrer  en  lui-même  un  combat  incessant,  et 
que  l'ennemi  du  genre  humain,  l'auteur  du 
péché,  a  transplantés  originairement  dans 
la  nature  humaine.  Jésus,  en,  se  ftisant 
homme,  a  dû  se  soumettre  à  cette  tentation, 
afin  de  montrer  aux  hommes  par  un  exem- 
ple, comment  on  doit  combattre  ces  enne- 
mis. En  outre,  cette  tentation  était  réelle  et 
sérieuse  pour  Jésus.  Ce  péché  que  Satan  avait 
commis  un  jour  en  se  révoltant  conure  Dieu 
pour  fonder  un  royaume  indépendant  qui 
lui  fût  propre,  il  voulait  le  faire  commettre 
aussi  à  Jésus.  Satan  lui-même  est  un  ange 
tombé  par  l'abus  de  sa  lit>erté.  Pourquoi  Je 
Fils  n'aurait-ii  pas  voulu  se  constituer  indé- 
pendant et  régner  par  lui-même?  Cette  pen- 
sée était  dans  la  tentation  de  Satan. 

Les  plus  beaux  braits  de  l'Evangile  s^ 
trouvent  dans  l'humilité,  dans  l'abaissement 
etl'obéissance  de  Jésus  à  l'ég^ard  de  son  Père» 
et  dans  son  entière  soumission  à  sa  volonté» 
Mais  cette  déoendance  d'une  volonté  étran- 

fère  ne  semble-t-elle  pas  tovyours  pénible 
supporter,  et  quel  est  celui  qui  ne  âiercbe 
à  s'en  délivrer,  quand  il  en  a  l'entière  li- 
berté et  tous  les  moyens?  Or,  c'est  précisé- 
ment là  le  point  important  dans  lliistoiro  da 
la  tentation,  et  c'est  à  l'obéissance  constante 
de  Jésus  à  l'ésard  de  son  Père,  que  nous  de- 
vons notre  rédemption.  De  ce  moment,  Sa- 
tan et  son  royaume  furent  soumis  au  Christ» 
et  le  nom  du  Christ  possède  encore  aujour- 
d'hui une  vertu  qui  dompte  les  démons, 
vertu  à  laquelle  tous  ceux  qui  croient  peu- 
vent participer.  Tels  sont  ies  enseignemenis 
de  l'Évangile,  et  ils  nous  suffisent. 

En  jetant  un  coup  d*(Bil  sur  ce  récit,  nous 
nous  convaincrons  que  cette  tentation  est 

f>récisément  le  point  le  pkis  important  pour 
a  rédemption,  et  que  les  hommes  n'auraient 
pu  devenir  heureux  si  la  puissance  du  mal 
n'avait  été  brisée.  Cet  avènement,  auquel  la 
théologie  rationaliste  daigne  à  f>eioe  accor- 
der son  attention,  est  un  des  points  les  plus 
importants  dans  l'ensemble  du  plan  divin;  et 
il  laut  bien  reconuaStre  que  la  tentation  oc- 
cupe dans  l'Evangile  la  place  (|ui  lui  conve- 
nait au  commencement  de  l'histoire  propre- 
ment dite  de  la  vocation  de  Jésus. 

L'histoire  de  la  tentation  une  fois  consi- 
dérée à  ce  point  de  vue,  quelle  faiblesse  et 
quelle  petitesse  ne  trouve-i-on  pas  dans  les 
arguties  d'une  critique  qui  s'attache4  la  for- 


1387 


TEN 


DICTIODÎNAIRE 


Dic  grammaticale,  au  temps,  au  lieu,  à  l'or- 
dre des  événements  et  à  une  foule  de  cir- 
constances accessoires,  dans  le  récit,  sacri- 
"  fiant  ainsi  Tesprit  à  la  lettre  ?  Quand  on  ne 
U)mprend  pas  la  nature  i^ntime  du  princifie 
chrétien,  et  qu*on  n*én  aperçoit  que  les  phé- 
nomènes extérieurs,  on  ne  peut  voir  en  lui 
qu*énigmes,  que  manque  de  proportion  et  de 
convenance 

Les  critiques  divisent  en  mille  morceaux 
te  Christ  et  sa  parole,  et  ils  dissèquent  cha- 
cune de  ces  pièces  avec  la  plus  minutieuse 
AttenHon  :  ils  pensent  ainsi  avoir  satisfait  à 
toutes  les  exigences, sans  songer ciue,  parce 
procédé,  Ns  anéantissent  Tidée-etl  harmonie 
lie  rensemtile,  et  qu'il  ne  leur  reste  que  re- 
tourne que  la  fermentation  rejette  à  la  sur- 
face. L  apôtre  Paul  lui-m^me  nous  prévient 
contre  cette  n>éthode  qui  divise  le  Christ  et 
sa  parole  ;  mais  Técole  moderne,  Qère  de  ses 
progrès,  voit  les  choses  tout  autrement,  et 
applique  ce  déplorable  système  à  riiistoire 
de  la  tentation. 

•L*au(lace  avec  laquelle  la  critique  rejette 
tout  élément  saint,  met  la  Bible  au  rang  des 
livres  profanes,  et  traite  en  partie  les  évan* 
.gélistes  de  faussaires,  n*est  certainement  pas 
ia  moindre  des  tentations  par  lesquelles  le 
^itïi  îMchariotisme  se  per{>étue. 

Strauss  demande  comment  le  diable  peut 
pfir*ailre  sous  une  forme  corporelle  ?  Tout  ce 
qui  existe  doit-il  donc  être  visible  aux  jeux 
(le  noire  corps,  comme  le  monde  matériel? 
Bans  les  limites  mêmes  de  notre  nature,  n*y 
a-tnl  pas  déjà  une  multitmie  de  forces  bien 
réelFes,  quoique  nous  ne  puissions  pas  les 
percevoir  sensiblement?  A  combien  plus 
forte  raison  cela  ne  doit-il  pas  avoir  lieu 
'  daiisie  domaine  du  surnaturel,  puisque  dans 
ce  domaine  l'organisation  doit  nécessaire- 
ment revêtir  des  formes  différentes,  que  nos 
sens  ne  sont  pas  faits  ))0ur  percevoir? 

Or,  voici  le  propre  de  Satan  :  Le  premier 

I)éché  lui  avant  frayé  le  chemin  du  cœur  de 
*homme,  il  sort  sans  i^sse  invisiblement, 
"avec  ses  compajfnons,  de  son  royaume,  il 
s'adresse  tantôt  a  la  vanité,  tantôt  à  Tambi- 
tion,  tantôt  aux  subtilités  de  la  critique,  etil 
rassasie  les  hommes  des  fruits  de  Tarbre  de 
la  science,  pour  leurCaire  élever  leurs  idées 
ï  réj^al  de  Dieu,  et  mettre  le  Fils  de  Dieu  au 
rang  des  phénomènes  ordinaires  de  Tiiistoire 
universelle.  11  insinue  son  poison  au  cœur  de 
rhomme  d'une  manière  si  subtile  et  si  insen- 
sible, que  celui-ci  ne  s'aperçoit  |)as  de  la 
blessure  qu'il  a  reçue,  et  se  trouve  amené  à 
considérer  la  gloire  et  l'importance  littérai- 
res comme  le  plus  grand  des  biens  de  la 
terre,  comme  un  bien  auquel  on  doit  sacri- 
fier TEvangile  lui-même.  Or,  il  existe  une 
loi  psychologique  qui  régit  la  conscience  du 
moi.  Plus  le  moi  s  enfle  et  veut  se  faire  in- 
fini, moids  rSvangile  trouve  de  place  dans 
le  ccsuTi  moins  aussi  l'image  du  Christ  y.  est 
gravée  profondément  :  de  sorte  qu'elle  finit 
môme  par  disparaître  complètement  en  tant 
que  force  sanctifiante.  Mais  aussi,  plus  le 
moi  s'oublie  et  cherche  à  sexapetisser  dans 
son  Uufnilité,  plus  \&  parole  de  Dieu  trouve 


APOLOGETIQUE.  TEN  {si& 

de  place  dans  le  cœur,  plus  Tiniage de  Christ 

s'agrandit  pour  s'élever  jusqu'à  l«  plus hauiB 
puissance»  c'est-à-dire  jusqu'au  toini.  Vm 

ou  Tautre  de  ces  alternatives  devient  le. son 
de  l'homme,  selon  qu'il  néglige  d'arradier 
de  son  cœur  rai^zaillon  subtil  de  Salaii,  oa 
qu'au  contraire  ilsuit  le  précepte  du  Chrisi: 
<c  Veillezet  priez, de  peur  que  vousn'entria 
en  tentation.  »  Le  nom  du  Christ  et  la  prière 
sont  ties  seuls  moyens  de  se  préserver  «k^ 
attaques  de  Satan,  et  d'arriver  à  cooipier 
pour  rien  la  gloire  du  moude. 

Strauss  est  embarrassé  de  savoir  où  pem 
être  le  désert  dans  lequel  Jésus  fut  teob, 
puisque  Jean  était  dans  le  désert  eljûpii. 
sait.  Il  serait  peut-être  difficile d*endélemi- 
ner  avec  précision  la  position  géographique, 
mais  on  peut  affirmer  hardiment  que  le  di- 
sert est  dans  le  cerveau  qui  sert  de  dumicti^ 
à  l'esprit  de  critique  rationaliste. 

Strauss  trouve  une  contradiction  dasiff 
poque  assignée  à  la  tentation.  Les  syDo;^ 

Sues  nous  montrent  Jésus  conduit  uim le 
ésert  aussitôt  après  le  t>aptëme:tai)iiî5<|ae 
Jean  l'évangéliste  rattache  au  ba/ted* 
Jésus  une  autre  série  de  faits,  etuiàiim^ 
cune  mention  de  la  tentation. 

Cette  contradiction  disparaît  enadifiHii&i 
que  le  disciple  Jean  a  appris  de  la  Mf 
même  de  Jean-Baptiste  les  circonsUDCPïlu 
baotême  de  Jésus,  ce  qui  n'a  pu  avoir  liea 
qu  à  une  époque  postérieure  au  b«(tod 
à  la  tentation.  Selon  toute  vraisembiaote,]^ 
bruit  des  événements  c[ui  avaient  sigiitcif 
baptême  de  Jésus  devait  s'être  répandu  â 
loin  dans  toute  la  contrée.  Ce  bruit  déienria 
le  disciple  Jean  à  se  rendre  auprès  du  tn* 
curseur,  pour  prendre  lui-môme  des  ifif* 
mations  à  ce  sujet.  11  faut  bien  admeluttt 
laps  de  temps  de  six  semaines  au  moiostf^ 
tre  le  baptême  et  Tépoque  où  leur  eolrenie 
put  avoir  lieu.  A  ce  moment  \i\^^ 
était  déjà  unie.  Or,  il  est  naturel  àt^ 
pour  point  de  départ  à  la  série  dettsbti- 
contés  par  l'évangéliste  le  jour  où  «»-J 
apprit  tes  circonstances  du  baptêiuei'ii 
bouche  de  Jean-Baptiste;  et  cela  ao< '> 
admis,  tout  s'explique  naturel lecoeoi. 

Au  verset  29,  il  est  dit  :  «  Le  jour^uit?* 
(c'est-à-dire  le  jour  où  Jean  a|»pr;l  du  ^ 
curseur  les  cii-constaacesdubapl^iû^l*!^ 
vit  Jésus  qui  venait  à  lui*  et  il  dit:)t 
l'Agneau  de  Dieu  qui  porte  le  péché 
monde.  »  Par  ce  verset  et  les  suivaûi-s] 
qu'au  34%  il  est  facile  de  reconnaître  qi{< 
baptême  de  Jésus  avait  déjà  eulieUieK 
les  phénomènes  qui  ravalent  accom;^ 
avaient  pleinement  convaincu  le  PréiH 
de  la  dignité  messianique  de  Jésus.  Or, 
me  Strauss  avoue  que  cette  opinion  a^i 
par  Lucke,  p.  399,  n'est  soumise  ï  t^ 
difficulté,  on  ne  peut  en  vérité  comp>' 
pourquoi  il  perd  son  temps  et  sa 
discuter  les  autres  opinions  qui  sonl 
inadmissibles.  Demander  pourquoi  M 
vangéliste  ne  fait  aucune  mention  de  ■! . 
tatioD,  c'est  soulever  one  question  iout^ 
s'agiter  dans  le  vide  ;  car  la  rechercbï:-' 
raison  pour  laquelle  une  chose  ife^  i^ 


ISO 


TBE 


MCnOlINAIBE  APOLOGETIQUE. 


TEH 


1390 


arrif ée  permet  des  sopposilioos  iotenoina- 
hles.  h)or  ce  qui  regarde  Jeao  réfaagéliste, 
Doos  devons  ii«ms  fixer  à  eetteopiniotiy  qa*il 
connaissait  les  SYangiles  synofmqoes  anté- 
riears  ao  sien,  que  son  but  est  tonjours  de 
empiéter.;  qoe  les  détails  préeisqa*il  donne 
iceusent  toojoars  letémoia  oculaire,  et  qa*il 
laime  point  à  raconter  une  chose  qu'il  n*a 
K>iQt  apprise  par  lui-même.  Quant  à  Topi- 
lion  que  le  quatrième  £van^e  n*est  pas 
œuvra  de  Jean,  opinion  que  la  critique  a 
arfois  adoptée  dans  ses  ^rements,  il  est 
eureusement  fflicile  de  la  réfuter  victorieu* 
Bment,en  montrant  que  celui  qui  nous 
[>mmaoique  des  pensées  qui  ne  peurent 
ortir  que  de  Time  de  Jésus  ne  peut  être  au- 
re  que  le  disciple  Jean. 
Strauss  se  demande  dans  son  étonnement 
>mmenton  peut  soutenir  un  jeAne  de  qua- 
lote  jours  sans  mourir  de  ftirn?  Nous  de- 
ons  admettre  certainement  que  le  jeûne 
lait  poar  Jésus  une  privation,  et  sans  cela 
n'y  eût  point  eu  pour  lui  de  tentation;  mais 
est  inutile  de  démoiftrer  que  celui  qui  pou* 
lit  trouver  une  nourriture  spirituelle  dans 
parole  de  Dieu,  était  capable  de  supporter 
le  semblable  abstinence.  L'auteur  de  la  Vie 
I  Jésus  s'évertue  aussi  à  chercher  pourquoi 
durée 
nie 


i>u     , 

leJle  de  Jacob  ne  fàt pas  composée ^ 

ote  degrés  pour  qu  il  puisse  l'utiliser  et  en 
rmerson  mythe. 

Strauss  remarque  pareillement  que  le 
t  du  temple  étant  courert  en  entier  de 
cites  ai^illes  dorées,  il  ne  devait  rester 
if-une  place  où  Jésus  pût  se  tenir,  lorsqu'il 
fut  conduit  par  le  diable.  C'est  possiDle« 
ais  il  eût  été  plus  ingénieux  de  demander 
maient  Jésus  avait  pu  monter  sur  le  pi- 
cole du  temple?  car  il  est  bien  plus  difficile 
grimper  sur  le  haut  d'un  édifice  que  de 
tenir  une  fois  qu'on  y  est  arrivé.  Pour 
i ,  je  pense  oue  celui  qui  a  dit  :  «  Mtrui* 
?z  ce  temple  et  je  le  rebâtirai  en  trois 
urs ,  9  ne  devait  pas  être  embarrassé  d'y 
iver  une  place  pour  se  tenir  (Eschex* 
EB ,   lickafiotiime.  ) 

ENTATION  d'Adam.  Yoy.  Epuelvb  et 

■  é  OBIG11IBL. 

EIRRE,  SA  sPHÉaiciTÊ  et  so?r  houve- 
r.  — -  If.  Letronne  «  dans  la  Revue  des 
T'Mondes  du  15  mars  183i,  prétend  que 
l'esl  qu'après  que  les  immortelles  dé- 

^94)    Foy.  note  HXf,  ta  ten'attoa  de  Jésus- 
»i  d*apréA  le  doctcttr  Sepp,  i  la  fin  du  toI. 
^5>   Le  cardiuat  Cusa  est  mort   le  II   aoôt 
.  Coperoic  naquil  le  19  février  1473;  Galilée 

OQ)  Puisque  fal  nommé  Tycbo,  je  révélerai 
singulière  ioadvertaiice  de  M.  Letronne;  il 
des  obstaciei  qu^oppotèrtHi  tes  ihMogiemt  de 
r  aux  progrès  dis  $cieaces  d'obMeT9dtion^  m 
^Hi  ie  savmul  Tyeko  iaju  la  nécesdié  de^  recou- 
HA  nfsièmu  aurommuiqme  infimmeni  moine  rau 
tfU  que  ctlui  de  Ftolimée»  Or,  Tjcho  était  un 
*uêm  Juiliéckiis  Biariéf  vivant  en  Daoemarck« 


cou?ertes  de  Kepler,  de  Huyghens  et  de 
Nevrton  eurent  repoussé  de  protbe  en  pro- 
che dans  l'alisurde  toutes  ces  idées  puériles 
(la  ierre  plaie  t  immobile  f  etc.)  qu'on  avait 
défendues  pied  h  pied  comme  orthodoxes , 
qu'on  a  fini  par  reconnaître  comme  indiffé- 
rent à  la  foi,  ce  qu'on  avait  longtemps  dé- 
claré hérétique. 

Af.  Letronne  oublie  que  c^est  un  prince 
de  l'Eglise  romaine,  un  commentateur  de  la 
Genèse f  qui,  le  premier  parmi  les  moder- 
nes, a  fait  revivre  l'hypothèse  de  Pythagore 
et  d'Aristarque  de  Samos,  sur  le  mouve- 
ment de  la  terre.  Le  cardinal  de  Cusa  a  été 
cet  homme,  et  il  était  mort  neuf  ans  avant 
la  naissance  de  Copernic,  un  siècle  tout 
entier  avant  celle  de  Galilée  (li9S). 

Copernic  lui-même,  qu'était-il  f  Du  cha- 
noine catholique ,  et  son  glorieux  livre  De 
arbium  eœlesitum  revoluiiimttuMj^  fut  dédié 
au  Pape  Paul  III. 

Dès  le  temps  même  où  Tycho-Brahé  ve- 
nait de  protester  contre  Copernic  (1496),  où 
le  grand  Bacon  démentait  Galilée,  un  catho* 
lique,  dont  l'orthodoxie  ne  fut  jamais  sus- 
pecte, le  Minime  Mersenne,  commentateur 
de  la  Genèee^  éditeur  de  Galilée,  apologiste 
de  Desf:artes ,  publiait  le  traité  d'Aristarque 
de  Samos,  De  mumdi  $f$iemaie ^  pariibuM  et 
motibuê  ejuMdtm,  Un  autre  prêtre  français  ^ 
Gassendi,  professait  ces  pnncipes  et  parta- 
^it  arec  Galilée  la  gloire  de  la  restaura* 
tion  des  sciences  physiques  et  astronomi- 
ques. 

Je  ne  parle  point  de  Pascal ,  assez  bon 

lysicien,  je  crois,  bien  quMI  eût  foi  k 

l'Lcriture-Sainte  et  à  l'Eglise;  mais  je  rap- 

C lierai  que  la  gravitation,  méconnue  par 
ibnitz,  combattue  un  moment  par  Jean 
Bernoitilli,  ne  fut  naturalisée  (qn'on  me 
passe  le  terme)  dans  le  monde  savant,  que 

Kr  deux  minimes,  les  Pères  Jacquier  et 
seur,  tous  deux  professeurs  k  Rome  (U97). 
Quant  à  la  condamnation  -de  Galilée,  le 
fait  est  vrai;  mais  ne  doit  point  être  déna- 
turé, comme  on  le  fait  en  l'isolant.  Dans 
son  Uiêtoire  de  rastronomie  modemef  Bailly 
(j'en  citerais  un  antre,  si  j'en  avais  un 
moins  suspect  de  partialité  pour  le  Saint- 
OfGoe)  a  présenté  cette  condamnation  sous 
son  véritable  point  de  vue,  quand  il  a  dit  : 
«  Nous  ne  devons  pas  ju^er  cette  bute  avee 
les  lumières  de  notre  siècle;  leeyitimedê 
Copernic  n'avait  alon  de  pariieans  qu*en 
Allemagne;  la  masse  des  astronomes  était 

hors  <le  la  portée  des  ihéologieiis  de  Rome,  et  Ciferi 
do  roi  danois  Frédéric  II. 

(1497)  Le  P.  Jaeqaier  Bravait  ^oe  viosi-Jittic  ans 
lorsqall  imblia  le  preuiier  lome  de  sob  graBd  o«- 
vrage  :  futaci  Newtotd  pkUoêopkiét  umimraiiê  Prim- 
eipia  maibemmiiea.  De  ce  joar  aeeleflieel  Desearti^a 
fut  détréné,  iiial|fé  Tappai  toet^pausaat  alors  de 
Fontenelle.  L*înCiinité  «les  PP.  Lrseur  et  Jaeqaier 
est  nn  des  mils  les  plus  rares  ei  les  plus  BoWes  do 
lliisloire  des  scîenees  ;  ils  travaillaient  séparément 
et  8c  coromuniqnaieNt  ensaiie  le  résultat  :  aMis  Ja- 
mais on  n"*  sa  i  qoi  appartenait  la  lefoa  préCérée  : 
eai-méines  Tavaieat  oaldié. 


phvi 


ft-»! 


TKR 


DicrnffiGiuiK  ipeuKETiQmL 


ni 


€êmire.  •  Pourquoi  vouloir  que  rfaquisi* 
tioa  ffit  en  «Tant  du  siècle  en  ee  point ,  ^eC 
que  ses  inemhresfasseDt  meilfenrsastroDO' 
mes  que  Tjcho-Brahé  ou  Baeon  T 

0*ai!leBrs,  il  serait  lojal  de  s^entendre 
une  fois  sur  ee  qa*on  norame  la  çersécution 
de  Galilée.  Ce  grand  bomme^Tait  enseigné 
la  rotation  de  la  terre  dans  stL  chaire  et  dans 
«es  écriUt  sans  s'attirer  aucnine  censure 
ecclésiastique.  Mais,  en  161^  il  alla  plus 
loin,  et  entreprit  de  prouver  tbéologique* 
ment ,  dans  une  lettre  à  la  duchesse  de 
Toscane,  non-seulement  que  le  système  de 
Co|)ernic  était  conciliable  arec  la  Bible  (ce 
qni  est  très^rrai) ,  mais  qull  est  fondé  sur 
ITcrilure.  Il  eiigcait  que  le  Pape  en  fil 
presque  un  dogme  :  cest  le  témoigna^ 
formel  de  l'illustre Guichardin «  son  ami, 
'  alors  aml>assadeur  de  Florence  h  Rome 
(dépêche  du  i  mars  f  <16).  Les  théologiens 
du  Saint-Oftice,  dominés  par  les  idées  re* 
çues,  lui  firent  défense  de  professer  sa 
doctrine;  mais  aucune  rétractation  ne  fut 
exi^.  De  retour  à  Florence,  en  1617, 
Galilée  composa  ses  fameux  Dialoghi  s opni 
f  due  wwêMimi  »i$tem  del  mondo ,  Tolemaico 
ê  CoptmUanoj  qui  parurent  en  1633.  11 
surprit  même  une  approtiatiou  du  maître 
du  sacré-palais  t  pour  l'impression  de  cet 
ouvrage.  Mais  Tioquisition,  blessée  de  la 
)iersistance  de  Tastronome  florentin,  le  cita 
devant  elle;  ett  le  22  juin  1633 ,  elle  prohiba 
les  .Dkdogutê^  en  fit  rétracter  la  doclrine 
par  Galilée,  et  le  condamna  à  une  déten- 
tion qui  dura  six  mois.  C'était  trop,  sans 
doute;  mais  il  faut  reconnaître  que  le  Pape 
Urbain  VIU  allégea  cette  peine  par  tous  les 
adoucissements  dus  à  Tâge  et  à  la  gloire  de 
Galilée  (liiOS).  Quel  autre  tribunal  eût  puni 
moins  sévèrement  ee  qui  était  alors  eousi- 
déré  comme  une  hérésie  par  récidive  ? 

Toute  cette  atTaire ,  on  le  voit,  est  le  fait 
personnel  d'une  des  congrégations  dont  s'ai- 
dait le  Pape  dans  les  affaires  de  TEglise. 
Mais  il  n'y  eut  point  jugement  doctrinal  du 
Souverain  Pontife;  aucun  décret  fulminé  ex 
cathedra^  après  l'examen  solennel  fait  en 

(1498)  c  rarrivai  à  Rome,  écrit  Galilée,  le  lOfé. 
vrier  1635.  le  fus  mis  en  arrestation  «Lins  le  àéli  - 
eieux  palais  de  la  Trinilé  du  Moiii,  séjour  de  raiii- 
bassadisur  de  TMcajia.  Le  lendemaio,  je  reçui»  la 
visite  du  Père  Ldnrio,  commissaire  du  Saini-Dffiee. 
qui  me  prit  avec  lui  dausson  carrosse....  Nous  ar- 
riv&mes  au  palaisdu  Saint-Onice.  Je  fosprésenté par 
le  commissaire,  à  Tassesseur,  avec  lequel  je  trou* 
vai  deux  religieux  'dominicaîas  ;  ils  me  prévinrent 
civilement  que  je  serais  adoiis  à  expliquer  mes  rai- 
sons devant  la  congrégation,  et  qu  ensuite  on  en- 
tendrait mes  motifs  d*excuse,  si  j*étais  jugé  coupa- 
ble. Le  jeudi  suivant,  je  parus  en  effet  devant  la 
congrégation  ;  mate,  pour  mon  malUeur,  bms  preu- 
ves ne  fuient  pas  saisies,  i  La  30  avril,  pours:.it 
M.  Biof,  ou  envoya  Galilée  cliez  rambassadeur, 
avec  défense  de  sortir  du  palais,  mais  avec  per- 
mission de  se  promener  librement  dans  les  vastes 
jardins  ovi  en  faisaient  partie.  Durant  Tinsiruc- 
tion,  mi  lui  donna  peur  prison  la  logement  même 
d*an  des  ollQcicrs  supérieurs  du  iribuiial  avec  Ta- 
cuké  de  se  proaiCDer  dans  tout  le«paUis.  On  lui 
laissa  son  dmnestiqne,  ci  il  put,  tant  4|u'il  le  voulut, 
recevoir  dos  \isUes  et  écrire  à  ses  amis.  Après  le  ju- 


tt 


pareille  oomneme  par  lescaièian  b*m 

lotenmni  sur  la  qMstioB.  D  B>  t  é«c  rm 
là  dont  cm  pmase  ae  piéfalair,  wàmtm^ 

tre  an  altvMMmtaim  nov  abiUirrMMé 
de  VEffise  :  lo«t  se  rédaitèanecmariioii 
partagée  par  les  pi«s  «nads  csoritspirhs 
juges  les  plu  compétaMs^cli  lappUcatioa, 
extrémemeol  ODio^âe.  des  peines  poctmnr 
la  l^slatioB  sécaKére  alle«tae,  cooire 
les  novateurs  eo  Balièies  religieases.  C'est 
ce  qai  a  été  reeonini  par  oa  pntoiatcé- 
lèbre,  liallel-DiiMii»  dans  le  Iknm  it 
Framee^  du  17  jaillel  mk  (1191). 

Les  accosations  de  M.  Letroone  cntn 
relise  des  premieis  siècles  le  sont  |« 
plus  eoDciuanies. 

Sans  doute  la  sphéricité  delitemiM 
niée  par  plusieurs  Pères  de  l*B^;  mis 
par  cfuel  décret,  dans  quel  concile,  rfi^tise 
en  corps  s*est-elle  prononcée  coitrt  ee  théo- 
rème cosmographique  T  ITest-ee  pas  se  no- 
quer,  que  d  ériger  en  doctrine  paUkpede 
I  Eglise  les  o|iintons  pnUîéesaa  rt  sèàt 
de  notre  ère,  par  Cosmas,  ce  maitMtfJ- 
lexandrie,  qui  s*étail  fait  moine  ^mir 
liarcoum  le  monde  oriental,  ons^i'i 
été  revêtu  d'aucune  fonction ,  d  ii  if» 
d'ancune  autorité  dans  la  catbolicilt  (»- 
temporaine?  Cosmas  lui-même  ne  dit-il |« 
qu'il  tenait  son  système  d'un  ehaMéaip- 
peié  Patrice,  promu  plus  tard  »8eloQ  loi,»! 
siège  épiscopal  de  la  Perse,  et  n'aiVce  foitsi 
une  preuve  |ialpable  que  cette  théorie  bV 
vait  i)oint  cours  auparavant  à  Aleuadrie^ti 

3u*eile  était  loin  d  èlre  TopinioD  cpaanoM 
es  Chrétiens  sur  ces  matières  (1300)?  F«). 
CosMOGBAFnnE  de  la  Bible  et  des  Fèrts^ii 
rEglise. 

TERRE  SAINTE,  centre  des  granU^ 
pires  dans  Tantiquité;  conséquences,  h 
Salct,  §  II.  —  Terre  nouvede.  Foy.  ûbï 
ifouYBâux.  —  Terre,  sa  petitesse coiB|»tf 
à  Tuni  vers  ;  objection  tirée  de  cette  peisf^ 
contre  le  dogme  de  la  rédemption.  Vo|-^ 

TROMOMIB. 

TERTULLIEN,  a-t-ii  platonisé  aa  sujei^ 
la  Trinité.  Y09.  Note  XXU,  §  Vl,XeiM 

gemeni.  Il  habita  le  pala«s  de  rarcliefèqaedeSesBf* 
son  ami  et  sou  élève,  palais  aiagnifiqoe,  €^^ 
de  saperltes  jardins.  Enlln,  le  i6  déteoike  \S^ 
le  Pape  lui  permii  de  résider  Ubremeai  ^  ^^ 
pa^ne,  près  de  Florence,  et  nias  urd  1^"^^ 
cetie  viUe  lui  fnt  accordée,  (itto^r.  vmctn.  »  ^ 
CaiHée.)—  c  11  y  a  pour  Tenvie,  dit  à  ce  sojrt* 
Biot,  des  armes  propres  &  chaque  pays:  GiUff* 
Italie  fut  hérétique,  comme  DesoBries  es  ttda« 
fut  athée.  1  En  effet,  l*cne  de  ces  coiidainfiib»  ' 
prouve  pas  plus  contre  nooa  que  rentre  cstf(* 
protestants. 

Quant  à  la  première  comparution  de  £1^ 
vaut  rînquisitiou  en  1616,  Lalande  (A^rr^i?» 
vre  vl  reconnaît  que,  si  la  quesllon  ihèolil^ 
tiaiicuée  contre  lé  Florentin»  la  quesiioo  ^ 
que  fut  réservée,  et  qu^if  fui  ioujwLn  F'^^ 
lions,  ttadapier  le  système  de  Copernic  eomT^ 
thè^e.  On  sait  que  Lalande  se  piquait  «T^rl 

(1499)  V.  aussi  le  Journat  des  sowat»,*^ 
brr  17».  ,^ 

(1500)  Voy.  leS  paroles  de  Cosma<  di»<^ 
même  de  U.  Letroni.e. 


1999 


TK 


mcjwsnànE  apologétique. 


THE 


iSOi 


à  {«1  fin  do  Toioiiic.  — Belles  considéralions 
<|iril  fait  sur  la  résurrection  des  corps.  Yoy. 

RÉStRBBGTIO!!  DBS  COUPS. 

TESTAMENT  (ANCIEN).  Pass^Aes  appli- 
«fluës  auK  temps  messianiques^  réfutation  de 
Strauss.  Voy,  MvTaisiiBt  i  V.  —  Son  inler- 
préiatioii  mythique.  Yoy.  note  XllI,  à  la  un 
du  fol. 

TÊTK.  Ses  formes  établissent-elles  une 
(fîstjnction  s|:écifique  entre  les  race^.  Voy. 

«ACES  HCM AIXES,  {  111. 

TÉTRAGRAMME,  était  a?ec  la  formule 
)«îé.ile  le  lien  entre  la  science  acroamatique 
&-t  la  science  exotérique  cbez  les  Uébreui. 

Vof/.   ACBOAMATIQl'E. 

THÉODICËE  HUMANITAIRE.  -  L'école 
liamaailaire  a  donné  son  programme  au 
n»onde  dans  deux  ouvrages  importants  :  le 
Jirre  de  Vhumanité^  de  son  principe  et  de 
Mon  avenir,  par  M.  P.  Leroux;  et  1  Eiquiêse 
d'une  philosophie^  par  M.  F.  de  I^ameiinais. 
Cette  école  se  distingue  du  socialisme  var 
son  caractère  vraiment  scientiGque  et  pnî- 
hisopbique.  Je  ne  yeux  pas  dire  que  toutes 
ces  théories  soient  complètes  et  conséquen- 
tes; loin  de  le,  je  me  propose  de  vous  dé- 
nontrer  le  contraire  ;  mais  enfin  il  y  a  l'in- 
leni'îon  d'un  systèmei  et  on  fiiit  de  grands 
fffurts  pour  le  coordonner.  Dès  lors  nous 
pouvons  indiquer  les  rapports  et  les  diffé- 
rences qui  existent  entre  cette  école  et  la 
•hilosopnie  allemande.  Afin  de  les  caracté- 
iscr  d'une  manière  nette,  je  vais  reporter 
m  instant  votre  attention  sur  la  philosophie 
le  Tabsolu.  {Vojf.  ce  mot.) 
Nous  avons  r&umé  dans  cette  proposition 
:énérale  toute  la  philosophie  de  l'absolu  : 
ndéterminé  en  lui-même,  c'est-à-dire  dé- 
Kiuitléde  toute  propriété,  de  toute  qualité, 
le  tout  attribut,  pure  possibilité  d  être,  et 
ton  pas  être  réel,  rabsolu  se  dérelopiie  dans 
a  nature  et  dans  l'esprit,  et  arrive  par  l'hu- 
lanité  à  la  vie  intelligente  et  libre.  Cette 
otion  de  Tabsolu  est  l'essence  mémo  des 
léories  de  Fichte,  de  Hegel,  de  Schellinç, 
j    moins  dans  son  premier  système;  je 
>ijs  eo  ai  donné  des  preuves  certaines. 
ir  une  conséquence  inévitable,  la  nhiloso- 
lie  de  Tabsolu  soumet  Dieu  à  la  lof  de  la 
o^Tession,  à  la   perfectibilité;  Dieu  e$i 
r/^ctible.  De  là  résulte,  avec  une  évidence 
'csi^tible,  la  négation  de  la  personnalité 
riue.  En  elTetla  perrçonnalité,  impliquant 
ns    rhomme  l'intelligence  et  la  liberté, 
)plîaue  en  Dieu  fintelligence  parfaite,  la 
^rté  absolue.  Or,  dans  la  philosophie  que 
us   aroos  analysée.  Dieu  ne  possède  ni 
Qtelligence  parfaite  de  lui-mtaïc,  ni  ta 
«rlé  i^arlaîte. 

Il  oe  poesède  pas  Tintelligence.  En  effet» 
&u  ne  se  eonaatt  pas  anlérieucemeot  à 
xistence  do^  monde,  ni  séparément  du 
>nde^  puîsqpe»  séparé  du  monde,  Totisolu 
si  qo^ttoe  pure  possibilité  d'étrét  et  ooa 
^  rétre  rfel.  Après  tous  ses  dévelop- 
neats  dans  la  monde;  après  s'être 
iiJii  avec  Tespace,  s'être  déroulé  dans  le 
1  f  >s»  s*èlre  multiplié  dans  toutes  les  exis- 
ces  ;     même  après  être  rentcé  en  lui- 


même  par  la  conscience  humaine,  1  absolu 
n'arrive  pas  à  la  connaissance  parfaite  de 
lui-même,  puisque,  à  quelque  point  de  la 
durée  qu*il  s'envisage,  il  a  toujours  devant 
lui  une  infinité  de  développements  futurs, 
de  nouvelles  transformations.  Sa  science  , 
n*est  donc  jamais  entière  ;  et  sa  conscience 
ne  correspond  jamais  à  tout  son  être.  Ainsi, 
soit  hors  du  monde,  soit  dans  le  monde, 
l'absolu  ne  oossède  jamais  la  connaissance 
adéquate  de  fui -même. 

Privé  d'intelligence,  il  est  aussi  privé  de 
lil^erté.  Oui  placer,  en  effet,  au  milieu  do 
tous  ces  développements  nécessaires  de  la 
substance,  au  milieu  de  cette  série  de  trans- 
formations qui  s'engrènent  les  unes  dans  les 
autres,  qui  s'appellent  et  se  nécessitent  les 
unes  les  autres,  où  placer,  dis-je,  un  seul 
acte  de  liberté?  Tout  est  nécessaire;  la  fa- 
talité règne  |iartout,  et  l'idée  de  liberté, 
comme  faculté  de  choisir,  s'évanouit  sans 
retour.  Ainsi,  dans  la  théorie  de  l'absolu, 
point  de  liberté  parfaite,  point  d'intelligence 
parfaite,  point  de  personnalité  divine. 

Croyez-vous  qu'on  arrive  de  gaieté  de 
cœur  à  une  pareille  conséquence  7  Croyez- 
vous  qu'elle  n'excite  pas  d'abord  la  répul- 
sion de  la  conscience  et  de  tous  les  instincts 
de  notre,  nature?  Non  l'homme  ne  se  laisse 
pas  arracher  volontiers  l'idée  de  la  Provi- 
dence, la  croyance  à  la  Providence.  L'homme 
ne  courbe  pas  sans  regret  la  tête  sous  le 
joug  d'une  fatalité  aveugle  et  terrible,  qui 
vient  remplacer  ia  main  intelligente  et 
amie,  sur  laquelle  il  s*appuyait  avec  con- 
fiance dans  les  sentiers  difficiles  de  l'exis- 
tence? Quel  est  donc  le  motif  quia  pu  por- 
ter les  philosophes,  dont  nous  avons  exposé 
les  doctrines,  a  affronter  toutes  ces  suites 
si  répudiantes  au  cœur  humain?  Ces  hom* 
mes,  qui  pouvaient  être  égarés  par  un  or- 
gueil coupable,  cherchaient  cependant  la 
vérité;  et  ils  sont  arrivés  à  ae  funestes 
erreurs,  parce  que  la  logique  a  été  plus  forte 
que  la  conscience.  Places  à  un  point  de 
vue  faux,  et  partant  de  principes  erronés» 
ils  se  sont  d  autant  nlus  éMr&t  qu'ils  ont 
raisonné  plus  juste.  Ooaad  l'homme  se  dit , 
J'obéirai  à  la  loi  du  raisonnement,  j'irai 

Grtout  où  il  me  conduira,  quellesque  soient 
i  répugnances  de  ma  nature  et  de  mon 
cœur,  j'étoufferai  leur  voix  pour  ne  suivre 
que  celle  de  la  logique  ;  alors,  s'il  a  le  mal- 
heur de  poser  un  principe  bux,  rien  n  ar* 
rêtera  plus  la  chute  de  cette  intelligence  i  et. 
elle  descendra  rapidement  dans  l'abîme  de 
la  négation  et  du  chaos. 

Posez  pour  point  de  départ,  avec  la  phi- 
losophie de  Tabsolu,  l'unité  de  substance,, 
et  1»  seule  existence  de  l'absolu  :  dès  lors, 
le  monde  et  la  succession  infinie  des  êtres 
qu'il  renferme  ne  sont  que  les  développe- 
ments de  la  substance  unique,  les  mani- 
festations de  l'absolu  lui-même.  Hais  pour 
être  susceptible  de  ces  transformations  in- 
finies, l'absolu,  pris  au  |K>int  initial,  au 
point  de  départ  du  développement,  doit  être 
indétermine,  c'est-à-dire  sans  intelligence 
et  sans  conscience^  et  comme  un  dévelop- 


1395 


THE 


DICnONNAIIIE  APOLOGETIQUE. 


THE 


m 


pement  infini  n'a  jamais  de  terme;  comme 
jamais  yoas  ne  pouvez  lui  dire  :  Tu  n*iras 
pas  plus  loin»  et  je  t'arrête  là  ;  il  suit  rij^ou- 
reiisement  que  1  absolu  ne  jouit  jamais  ac- 
tuellement de  la  conscience  parfaite  do 
lol-méme.  D*un  autre  cMé»  tous  les  déve* 
Toupements  de  la.substance  nécessaire  étant 
nécessaires  comme  elle>  nulle  fiart  la  liberté 
n'existe.  Hais  ayec  rintelligence  et  la  liberté» 
s'évanouit  l'idée  de  la  personnalité  divine. 
Vous  voyez  donc  avec  quelle  rigueur  la  né- 
gation de  la  personnalité  divine  est  liée 
au  principe  fondamental  de  la  philosophie 
de  I  absoln»  l'unité  de  substance;  et  qu'il  y 
a  une  logique  de  Terreur,  comme  il  y  a  une 
logique  de  la  vérité. 

Maintenant  nous  pouvons  assigner  les 
rapiK)rts  et  les  différences  qui  existent  entre 
la  philosophie  de  l'absolu  et  Técole  huma- 
nitaire. Le  rapport  est  dans  le  point  de  dé- 
part» qui  est  le  même»  l'unité  de  substance; 
ou»  en  d'autres  termes»  la  négation  du 
dogme  chrétien  de  la  création.  Mais»  à  par- 
tir de  cette  négation  et  de  ce  principe»  les 
•  humanitaires  se  séparent  des  Allemands. 
La  négation  de  la  personnalité  divine  est 
liée  SI  évidemment  au  principe  de  l'unité 
de  substance»  qu'il  faut  abandonner  le  prin- 
cipe» ou  accepter  la  conséquence.  Les  phi- 
losophes alfemands  Tout  bien  senti  ;  mais 
les  philosophes  humanitaires  n*aceeptent 
pas  cette  disjonctive.  Ils  veulent  donc  le 

f principe  sans  ses  conséqnences.  Ils  veulent 
'unité  de  substance  et  la  personnalité  di- 
vine; un  Dieu  passant  dans  le  monde  et 
cependant  restant  en  lui-même;  un  infini 
devenant  fini»  se  faisant  fini»  et  cependant 
ne  cessant  pas  d'être  infini;  une  seule  sub- 
stance dans  le  monde»  la  substance  divine» 
et  cependant  un  Dieu  distinct  du  monde  et 
un  monde  distinct  de  Dieu.  Ainsi  ils  retien- 
nent la  notion  chrétienne  de  Dieu  et  rejet- 
tent celle  de  la  création  ;  ils  retiennent  la 
notion  chrétienne  de  l'infini^  et  repoussent 
la  théorie  chrétienne  des  rapports  du  fini 
et  de  l'infini.  Ont-ils  raison  f  Si  cela  était» 
la  philosophie  allemande  aurait  tort»  ei  le 
christianisme  aussi.  La  philosophie  alle- 
mande aurait  tort»  puisqu'elle  nie  la  per- 
sonnalité divine  qui  pourrait  se  concilier 
avec  son  piincipe.  Le  christianisme  aurait 
tort»  puisque  son  dogme  de  la  création  serait 
*  un  non  sens.  La  vérité,  par  conséquent, 
n'appartiendrait  qu'aux  humanitaires.  En 
est-il  ainsi?  C'est  la  question  que  je  propose 
maintenant  à  votre  sérieuse  attention. 

La  première  théorie  qui  se  présente  est 
celle  dru  livre  De  rhumanité.  Que  dit-on  de 
Dieudaus  ce  livre?  Comment  y  établit-on 
ses  rapports  avec  le  mondeT 

D'abord»  le  principe  de  l'unité  de  subs- 
tance est  enseigné  de  la  manière  la  plus  for- 
melle :  «  L'homme»  et  en  général  toutes  les 
créatures»  sont  de  nature  divine»  sont  de 
Dieu.  Dieu»  ou  l'Etre  intîni  ne  peut  créer 
qu*avec  sa  propre  substance....  Comme  Spi- 

(1501)  De  VhumanUé,  t.  L  p.  218. 

(1502)  Ibid,  p.  aiZ. 


nosa,  comme*  Schcllîng  et  Bégel,  on  a  rai- 
sou  de  dire  que  dans  l'iiomme  on  m\  Tèire 
la  substance  de  Dieu.  Mais  Spinosa,  Schel- 
ling  et  Hégcl  ont  tort  de  dire  pour  cela  m 
cet  êtresoitDieu.  IlestDieuaBtantquIlmi 
de  Dieu  et  qu'il  procède  de  Dieu;  mai;) il 
n'est  pas  Dieu  pour  cela  (1801).  i 

Dans  ce  passage»  vous  voy e^  toat  de  soiieli 
confirmation  de  ce  que  jeYiensdewsdlR, 
sur  les  rapports  et  les  différencesquiexistpoi 
entre  les  doctrines  allemandes  et  les dûclriiM 
humanitaires»  ces  dernières  affirmeol  uji; 
seule  substance,  et  cependant  maintienLt;! 
une  distinction  essenlielle  entre  Dieuetl! 
monde.  Mais  remarquez  comme  la  ym 
s'enveloppe;  après  avoir  ditqu'iltfy  ate 
le  monde  qu'une  seule  s»\ibslance,  il  éi\it 
tout  naturel  d'ajouter,  avec  SpiIlosae(B^ 
gel  :  l'homme  est  Dieu,  puisqu'il  eM  i 
substance  même  de  Dieu .  Maison  ne  i^iymt 
pas  ainsi»  on  se  sert  d'eipressions  bmcu<tj> 
plus  radoucies»  et  on  dit  :/<  esl  Duv  ta 
tant  qu'il  procède  de  Dieu. 

Nous  allons  retrouver  dans  toutelili^ 
rie  ce  caractère  vague  et  indéterw;  mi 
en  jugerez. 

On  nous  dit  d'abord  que  «  Dieaiiesiii^ 
hors  du  monde,  car  le  monde  n'est  i>t$kt) 
de  Dieu  (1502).  »  Cette  assertion  est  mit 
dans  un  sens»  fausse  dans  un  autre.StKo 
veut  dire  que  Dieu  est  iulimemeQl  piM 
au  monde  qu'il  a  créé  et  qu'il  soalieat» 
cesse»  on  a  raison.  Si  on  affirme,  auc** 
traire»  q%e  le  monde  est  en  Dieu,  )'arce<iii'il 
appartient  à  la  substance  de  Dieu,  oa est  dib 
la  plus  grave  des  erreurs. 

Hais  qu'est-ce  que  Dieu?  «  Lecie!«tf 
l'inCni  être.  Ce  n'est  pas  l'infini  créè§^'>'> 
deux  aspects  d'espace  infini  et  de  tmfsfi'^ 
nelf  c'est-à-dire  d'immensité  et  i^^'* 
non,  le  ciel  est  ce  qui  se  manifeste/TAii 
infini  créé»  l'infini  véritable  (}ui  esUff^^ 
infini  créé;  le  ciel  est  Dieu  lui-niènit^ 
est  infini  :  donc  il  n*est  contenu  dan'»-^ 
lieu;  il  est  éternel  :  donc  il  nestcr^^ 

dans  aucun  temps Le  ciel  (Dieui  i^> 

doublement»  pour  ainsi  dire,  enceseib^^ 
est  et  se  manifeste.  Invisible  il  est  ioiini 
est  Dieu.  Visible»  il  est  le  fini,  il  est!' 
l^ar  Dieu  au  sein  de  chaque  créature,  li) 
sible  devient  visible  sans  cesser  d'ètr«l' 
visible.  L'infini  se  réalise  sans  cesser  ii 
rinfiiii*.  Les  créatures  progressent  eu  D 
sans  que  Dieu  cesse  d'élre  avec  elles  «i 
le  rapport  de  Tintini  au  fini  (1503).  > 

Ailleurs,  on  assure  que  le  monde  e5i 
nel  et  infini  :  c  L'espace  est  infini  ei^ 
tinu;  le  temps  est  infini  et  continu,  i'c 
donc  qu'une  seule  vie  qui  unit  ens^^"" 
toutes  les  créatures  ;  et  la  nature  se  c 
avec  l'éternité  et  Tinfinité  (15M).  > 

Il  est  bon  de  remarquer  qne  cc  f 
assez  significatif  est  précédé  imœ^ 
ment  de  celui-ci  :  «  L'inlini  c^éé,  tnaoc 
tiou  de  l'infini  être»  ou  de  Dieu,  cbI' 

(1505)  De  VhumanUé,  t.  I,  p.  231. 
(1504)  lbid.,i^UZ. 


«391 


DiCffONIfAUlS  APOIjOGETIQ^ 


\ouit  eonticnt  lonU  esceplé  Dieu  (1505).  Ce 
jui  refient  à  dire  :  riufini  contient  tout, 
ambrasse  toul»  excepté  Finlini  (1506). 

Cette  théorie  est  renfermée  dans  quelques 
nurts  cbajiitres;.  et  tes  principes  en  sont 
Hi^és  comme  autant  d'axiomes,  oui  n'ont 
»'S  besoin  deprcures,  ni  môme  uexplica- 
i<in.  Cependant,  lorsqu'on  veut  en  déter- 
niiaer.  le  sens,  on  se  trouve  dans  un  grand 
^mliarras.  Après  avoir  posé  l'unité  de 
obstance,  le  livre  De  Thumanité  semble  en- 
eij:ner  qu'il  j  a  deux  inGnis  :  un  inlini 
.'«*ânt  et  un  inGni  créé.  Mais  l'auteur  ne 
'a|»er(oit  pas  que  dire  inCni  créé,  c'est  dire 
iQ  intiui  qui  n*est  pas  infini  ;  c'est  énoncer 
we  contradiction.  La  même  substance  se- 
3ii  donc  doublement  infinie,  ce  qui  ne  se 
inçoit  pas;  ou  liien,  en  même  temps,  finie 
r  infinie,  ce  qui  ne  se  conçoit  pas  non  plus. 
\9n\  infinis,  ou  un  infini  qui  devient  firil, 
résentent  la  même  contradiction.  Cette 
rossière  contradiction  est-elle  donc  la  l)a5e 
e  la  théorie  du  livre  Derhumanité? 
Si«  pour  éclaircir  un  peu  la  pensée  de  ce 
rre,  vous  vous  posez  ces  questions  :  lui 
lanifestation  de  I  infini  dans  le  fini,  dans  le 
londe,  est-elle  libre,  ou  est-elle  nécessaire 
iix  yeux  de  l'auteur?  L'infini  a-t-il  une 
listcDce  distincte  de  celle  du  monde,  ou 
I  vie  n'est-ellc  que  te  développement  de  sa 
ibslance  dans  le  monde? Le  livre  garde  un 
rofond  silence;  et  ces  questions  qui  sortent 
itarellemeot  du  sujeC  ne  se  font  remar* 
oer  que  par  leur  absence.  Cependant,  tant 
d'elles  ue  sont  pas  résolues,  il  n*y  a  pas  de 
léoilicée;  tant  qu'elles  ne  sont  pas  réso- 
les,  la  personnalité  divine  reste  dans  le 
tgae.On  a  l^au  la  supposer  et  Tinvoquer; 

est  toujours  douteux  qu'elle  puisse  se 
rjncîKer  avec  les  principes  établis. 
Tel  est  le  caractère  d'incohérence  et  d'ohs- 
jnté  que  présente  la  tbéodicée  du  livre  Dt 
Vumèomté^  vous  poursuivez  la  pensée,  elle 
^o5  échappe;  vous  croyez  la  saisir,  elle 
»us  fuit,  vous  ne  pouvez  distinguer  ni  ce 
f  OR  affirme,  ni  ce  qu'on  nie.  Après  avoir 
'Sé  un  principe,  tantôt  on  en  supprime  les 
Dséqaences;  tantôt  on  le  retire  par  une 
bile  restriction.  On  tombe  dans  les  plus 
-aoses  confusions.  Rien  ft'est  plus  fatigant 
•e  de  chercher  le  sens  de  cette  métapny- 
fne  avortée. 

Et  cependanlv  ceKe  théorie  à  peine  ébau- 
ée,  dépourvue  de  toute  preuve,  et  remplie 
contradi<iions,  est  la  base  d'un  livre  où 

propose  au  monde  ttne  loi  morale  nou- 
Ile,  où  on  veut  révéler  à  l'humanité  ses 
•îc»  destinées.  On  ignore  Dieu,  et  on  as- 
:ne  aa  moade  sa  loi  et  sa  fin.  Qui  le  croî* 
C  T  cette  même  école  et  ces  mômes  hom- 
'S  accusent  sans  eesse  le  christianisme 
fnpuissaacev  et  lui  jettent  è  tout  propos 
tsulte  et  le  dôdain.  Ah  1  de  grâce,  avant  de 
xxs   niontrer  si  superbes,  expliquez  vos 


I 
fl 


15)  De  tImmamU,  t.  I,  p.  951. 

Noos  erojoBi  iovlite  de  faire  avome  ré- 
rétniife  aiélapbysiiitte  qaLffégoe  dans 


doctrines  ;  et  que  rimmanité,  (|ae  ^oob  voir- 
iez régénérer,  puisse  du  moins  vous  com- 
prendre! Il  est  vrai  qu'exiger  de  certains 
écrivains  qu'ils  se  comprennent  eux-mêmes,, 
c'est  leur  imposer  une  tâche  difficile. 

Puisqu'il  est  impossible  d'établir  une  dis- 
cussion approfondie  avec  l'auteur  du  livre 
De  VhumaniU^  passons  à  FEêquisêe  iumê 
philosophie. 

Autant  il  règne  de  vague  et  d'obscurité' 
dans  le  livre  De-  rhunumité^  autant  tout  est 
arrêté,  net  et  précis  dans  rJÉsfMissa^.Ce  livre 
nous  présente  un  vaste  système,  un  système- 
complet.  C'est  vraiment  ici  qaon  fait  des 
efforts  sérieux  pour  échapper  aux  consé- 
quenites  qui  se  sont  développées  dans  la 
philosophie  de  l'absolu.  Oa  peut  dire  que 
ce  livre  a  pour  but  de  concilier  le  christia- 
nisme et  le  panthéisme  :  de  là  ses  beautés 
et  ses  défauts  ;  de  là  les  nombreuses  vérités 
qui  y  sont  semées  partout  et  exprimées  dans 
un  style  magnifique;  de  là  les  grossières 
erreurs  qui  le  déparent,  les  contradictions 
contre  lesquelles  on  va  se  heurter  presque 
à  chaque  page  ;  de  là  l'incohérence  de  tout 
le  système,  qui  ne  se  soutient  pas  et  n'est 
pas  uUj  quoique  l'unité  en  soit  le  but.  Ces 
incohérences  sont  telles,  qu  'un  philosophe 
a  pu  dire,  avec  raison,  qu'un  nouvel  ouvrage 
était  nécessaire  pour  expliquer  celui-ci 
(1307}.  Ici  donc,  nous  pouvons  étudier  ce 
milieu,  que  le  rationalisme  français  rêve,  à 
son  iusu,  entre  lliégélianisine  et  le  christia- 
nisme. 

«  Le  point  de  déiiart  de  FEêquisse  est  l'idée 
même  de  l'être  et  de  lasubstance,  où,  comme 
dans  un  vaste  réservoir,  tout  se  trouve  suto- 
tantiellement,  réellement;  l'infini,  le  fini  ; 
Dieu,  le  monde.  Dans  cette  masse  confuse, 
nous  ne  pouvons  rien  discerner;  tout  v 
existe  à  I  état  le  plus  indéterminé  j[i506j. 
Vous  reconnaissez  icile  point  de  départ  de 
la  philosophie  de  l'absolu.  Cette  philosophie, 
comme  nous  l'avons  ru,  lait  sortir  l'être  de 
son  indétermination  primitive  par  des  trans- 
formations successives  et  progressives  qui 
donnent  la  nature  et  ensuite  fesprit.  Au 
moyen  d'un  pnicédé  différent,  PEsquisse  t^e 
de  cette  primitive  indétermination,  non  (las 
la  nature,  non  pas  l'esprit,  mais  Dieu  lui- 
même,  la  Trinité  selon  le  sens  chrétien  du 
mot. 

Dès  ce  premier  pas,  on  peut  arrêter  la  dé- 
duction, comme  arbitraire  et  illogique.  Ea 
eflet,  remarauez  que  PEiquisse^  en  se  pla- 
çant dans  l'être  en  çénéral,  dans  la  subs- 
tance indéterminée,  à  la  foi  finie  et  infinie, 
sort  de  la  vie,  de  la  réalité  et  se  pose  dans 
l'abstraction.  Hais  dès  lors,  nous  pouvons 
lui  opposer  comme  à  Bégel,  que  t  abstrac- 
tion ne  donneque  l'abstraction;  qu'il  n'y  a  pas 
de  lien  entre  rêtre  purementtogique  et  l'être 
réel  ;  que  cet  être  posé  comme  l'indétermi- 
nation absolue  devrait  rester  éternellement 

(1507)  M.  Cous»  daas  sa  préface  ai»  Pensées  de 
Pascal. 
(flS98)  Vesqntsse,  1. 1»  I;  i  et  n. 


fo99 


THE 


DfCTI(K(NAIflE  AFQLOGETIQtE. 


tBE 


m 


dans  cet  élat;  qtiMl  n'en  prat  sortir.  Voilh 
(ionc  un  premier  écuefl  \fO\xr  la  théorie  de 
VEsquiae^  une  première  impossibilité.  Mais 
admettons,  pour  un  moment  la  légitimité  de 
ce  procédé,  et  poursuivons  notre  examen. 

l/ètre»  la  substance  indéterminée,  devient 
puissance  infinie, intelligence  infinie,  amour 
infini,  trois  personnes  subsistantes  dans  Tu- 
uité  divine.  Et  nous  avons  un  Dieu  réel,  vi- 
vant, se  suffisant  pleinement?^  lui-même.  Ici 
l*auteur  de  lEsquiste  ne  fait  autre  chose 
qu'emprunter  au  christianisme  la  théorie  de 
)a  Trinité.  Et  que  n*est-il  toujours  fidèle  à 
celte  doctrine  qui  Tinspire  si  bien,  l'élève 
si  haut,  et  lui  fait  parier  un  si  beau  lan- 
gage I 

De  Dieu  il  faut  passer  au  monde  ;  il  ne  suf- 
fit pas  d*expliquer  Dieu,  il  faut  aussi  expH- 
3uer  le  monde.  Dans  la  théorie  des  rapports 
u  monde  avec  Dieu,  Pauteur  s'égare  de 
plus  en  plus,  parce  qu'il  sort  tout  à  fait  du 
christianisme. 

D'abord  on  repousse  Tidée  de  création;  et 
par  deux  motifs  ;  premièrement,  parce  que, 
dans  la  doctrine  chrétienne  de  la  création, 
or.  fait  intervenir  un  terme  purement  néga- 
tif, le  néant;  secondement,  parce  que,  s'il 
fallait  admettre  la  création  comme  une  pro- 
dv^ctioB  réelle  de  substances,  l'être  s*accroi- 
trait  par  la  création,  et  qu'alors  Dieu  cesse* 
rait  d'être  infini.  Bientôt  nous  examinerons 
c«s  objections. 

Après  avoir  rejeté  l'idée  de  création,  et 
coniormément  au  i)rincipe  posé  en  tête  de 
Touvri^e,  Tunité  cie  substance,  on  affirme 
que  Diem  crée  avec  sa  propre  substance; 
toicx  en  résumé  comment  on  explique  cet 
acte  divin. 

L'intelligence  divine  conçoit  d'abord  tous 
les  types  de  la  création;  et  quand  Dieu  veut 
la  réaliser,  il  pose  une  limite  à  sa  puissance 
infkiie^  et  donne  ainsi  naissance  à  toutes  les 
forces  créées.  Il  pose  une  limite  à  son  in- 
telligence infinie,  et  engendre  ainsi  les  es- 
prits créés.  Enfin,  il  pose  une  limite  à  sa  vie 
infinie^  et  complète  ainsi  la  vie  par  l'attrac- 
tion dans  le  monde  physique,  par  l'amour 
dans  le  monde  supérieur.  Toute  force  dans 
le  monde  est  donc  la  puissance  et  la  force 
de  Dieu  même,  le  Père  avec  une  limite. 
Toute  intelligence  est  Tintelligence  divine  , 
le  Fila  avec  une  limite.  Enfin ,  toute  vie, 
tout  amour  est  la  vie  même  de  Dieu  avec 
une  limite.  Ainsi,  la  force  qui  est  en  moi, 
la  force  dent  je  dispose,  est  réellement  et 
substantiellement  la  force  même  de  Dieu  ; 
mon  intelligence  qui  cherche  la  vérité  avec 
tant  d'effort  et  de  peine  est  substantielle- 
ment nntetligenee  même  de  Dieu  ;  enfin , 
ma  Tolonté  faible  et  vacillante ,  cette  vo- 
lonté si  prompte  à  s'égarer  est  substantielle- 
ment la  volonté*  même  de  Dieu.  Quel  frois- 
'  sèment  pour  la  conscience  1  quel  outrage  au 
bon  sens  I 

Il  est  vrai  qu'on  veut  mettre  une  restric- 


tion à  cette  déification  absolue  du  monde  ft 
deThomme.  Tout  en  maintenant  Mléd^ 
substance,  on  veut  que  la  substance  iDfinie, 
en  devenant  finie,  et  précisément  à  cause  de 
la  limite  qu'elle  reçoit  dans  cet  état,  soit». 
ientiellemmt  différente  de  ce  qu'elle  est  dins 
son  état  infini.  Par  Ik  on  conscm  une  dil- 
férence  essentielle  entre  Dieu  et  le 
entre  la  créature  et  le  créateur.  Le 
étant  essentiellement  fiai,  Dieu  ne  pentj^ 
mais  être  nécessité  dans  la  création,  ni  con- 
fondu avec  elle. 

Toute  la  théorie  de  YEi^hte  repose  sur 
cette  distinction  d'une  différence  entre  le 
monde  et  Dieu,  non  pas  subilmuitllt,  m 
essentUlU,  Substantiellement,  ils  sont  Uea- 
tiques;  essentiellement,  ils  sont  diBerenb: 
substantiellement  identique  avec  TinGniJe 
fini  est  cependant  essentietlenient  distÎBct 
de  l'infini.  Quand  on  demande  à  Pauieor  de 
YEgquisse]a  raison  de  cette  distinction  en- 
tre une  différence  substantielle  et  uaediftl- 
renco  essentielle,  il  répond  par  le  ni/sli^re, 
eL  déclare  que  le  passage  de  rin&Diio&J 
est  absolument  incomprébensibic.Iim- 
le  parler  :  «  Il  reste  sans  doute  im^m 
comment  la  même  substance  neuleûsi»^ 
deux  états  divers^  l'un  fini,  raulre  iflk. 
Cestlàle  mystère  de  la  création, elil ^ 
rait  absurde  de  préfendre  le  pénétrer, poi»* 

Jue  nous  savons  que  la  substance,  pour  les 
très  finis,  est  radicalement  iQComiirfttt* 
sible  (1S09).  i> 

Ainsi  on  croit  avoir  concilié  ïmlii^ 
substance  avec  la  personnalité  et  la  ^m 
de  Dieu  ;  ainsi,  on  croit  avoir  établi  soïdf* 
ment  les  rapports  du  monde  et  de  te 
ainsi,  on  croit  avoir  fait  à  chacun  $a(wt^ 
vérité  :  au  panthéisme,  par  Tunité  deiofah 
tance  ;  au  christianisme,  par  la  réilit^^^ 
liberté  de  Dieu.  Cetto  théorie  esl-elleaa 
solide  qu'on  le  croit  et  qu'on  le  dPto» 
minons.  ^ 

D*abord,  écartons  en  |>eu  de  molsieifr 
Acuités  qu'on  oppose  à  la  théorie  chréw" 
de  la  création.  On  nous  reproche  deti 
intervenir  le  néant  comme  un  a^^tot  ue 
création.  Je  crois  m'êlre  expliq)^é  î» 
clairement  sur  ce  point  pour  nêlre" 
obligé  d'y  revenir  en  ce  moment  (15101 
la  seconde  difficulté,  on  nous  oppo^4 
si  la  création  est  une  production  de 
stances  hors  de  Dieu,  1  être  s'accroît  ^i« 
création,  et  Dieu  n'est  plus  infini.  Mit»- 
Dieu  possède,  dans  un  degré  émineul'icr 
à-dire  infini,  ce  qu*  il  donne  par  la  crHi 
dans  un  degré  limité,  les  substances  f 
duites  n'ajoutent  rien  à  la  substance  )n 

Îui  les  dépasse  et  les  déborde  de  toutes  f 
ette  difficulté,  en  réalité,  n'est  donc 
sérieuse  ;  et  cependant  toute  la  tbéor 
appuyée  sur  elle,  puisqu^à  cause  d^ 
affirme  l'unité  de  «ubslance. 

Cette  substance  infinie  en  Dieadefie^ 
dans  la  création  ;   et  comme  la  crin* 


(1509)  VEumkie^  I.  ii  p.  106.  Oa  remarquerii     trop  sensible, 
t  impropriélé  de  ce  terme  divers.  Mais  si  Ton  «Ot         (1510)    Vou. 


eoDployé  le  mol  propre,,  la  cootradictioo  cùl  éié 


(1510)    Vf>y,  Création,  }  IL 


m 


THE 


DiCTIONMAIRE  AROLOGBTIQDE. 


TBl 


1409 


coexiste  avec  Dieu,  la  s  ibstance  est  en  même 
temps  finie  cl  infinie»  et  existe  en  deux  élaU 
essentiellement  différents,  qaoique  siibslan- 
ijenemenl  identiques. 

NousflYODsdéjh  remarqué  queeeUeasser* 
tinn  est  le  fondement  de  toute  la  philoso- 
phie de  CEsquisse.  Par  cette  conception,  on 
sajw  la  iMise  de  tout  Tordre  surnaturel  et 
Jocbrislianisme;  |iar  elle  on  Teut  échap|)er 
toutes  les  conséquences  du  |ianthéisroe. 
Si  la  coniradtetfun  radicale  de  celte  concep- 
lion  est  démontrée ,  CEêquine  ne  se  distin-* 
;ue  plus  du  pur  panthéisme  ;  et  foutes  les 
lHkuliè$  qo  elle  oppose  k  la  doctrine  chré- 
ienne  s'éranouissent.  Il  faut  donc  examiner 
ftle  eoncej»tion,  dans  laquelle  se  concentre 
Dute  la  philosophie  de  rÈtquiue, 
Si  Ton  demande  k  Tauteur  :  la  sulislance 
ifinie,  pur  cela  même  qu'elle  est«inBnie, 
st-eltede  sa  nature  simple,  une,  éternelle» 
ifro55aire,  inaltérable?  Il  répondra*  oui. 
ion  lui  demande  ensuite:  cette  substance, 
t  sa  nature  essentiellement  une,  sim|ile, 
divisible,  éternelle,  nécessaire  et  parfaite, 
l-elle  en  même  temps  divisible,  multiple, 
mporelle,  contingente,  imparfaite  et  a!té« 
ble^  L'auteur  répondra,  oui.  Eh  bien  I  au 
m  du  sens  commun,  nous  affirmons  que 
uteur  de  VEsquUse  a  tort,  et  qu'il  se  con^ 
^IL  La  raison  se  refuso  absolument  k 
mcHtB  qu^une  même  substance  puisse 
ssédcr  à  la  fois  et  en  même  temps  des 
aillés  contraires  et  qui  s'excluent.  Je  ne 
t  persuaderai  jamais  que  plus  soit  moins, 
(joe  oui  soit  non. 

U  substance  divine  ne  peut  pas  être  à  la 
sfinie  et  infinie;  elle  est  touiours,  elle  est 
«otiellement  infinie.  Tous,  les  modes  de 
fibitance  divine  sont  nécessairement  in- 
il  comme  elle.  Donc,  si  le  monde  ap|iar* 
nlklà  substance  divine,  le  monde  est 
essaire  et  infini  comme  la  substance 
-même,  qui  est  son  essence.  Dieu  n*est 
!  libre  dans  la  création  du  monde  ;  on 
lusse  en  vain  cette  fatale  conséquence.  La 
)ne  y  pousse  inévitablement.  Mais  elle 
us  loin  encore;  suivons-la  jusqu'au  bout, 
monde  est  donc  infini  et  nécessaire 
Delà  substance  divine, dont  il  est  le  dé- 
)pement.  Nous  avons  donc  un  Dieuinflni 
monde  infini.  Nousavonsdeux infinis,  et 
Tenons  échouer  contre  la  plus  grossière 
^nfradictions.  Pour  lui  écnapper,ilfaut 
ter  un  seul  infini;  et  cet  infini  sera 
ou  le  monde.  S'il  est  Dieu,  le  monde^ 
lillé  de  réalité  substantielle,  disnarait 
ranouit.  S*il  est  le  monde,  Dieu  n  étant 
(ue  la  force  originaire  et  indéterminée 
^  développe  dans  le  rooBde,«la  perton- 
f  la  liberté  divines  ne  sont  plus  eoo- 
les.  ïfoiis  Toilà  donc  teajoers  ealre 
M  et  Hegel,  entre  an  Dieu  sans  moade* 
monde  sans  Dieu, 
nilieu  qo*on  propose  est  donclillusoire 
iradicloire.  En  réalité  nous  n'avons 
is  qu*enire  le  nihilisme  de  Hegel  et 
rine  chrélienoede  la  création  (15ii}. 


THjiOLOtffiE,  ce  qu*en  dit  J.  Reynaud 
dans  Y  Encyclopédie  noutelle  fourmille  d'er- 
reurs. Foy.  PaoGsfts  coiiti!ici.  —  Théologie 
de  Moïse,  comparée  avec  la  ptiilosophie  groc« 
que.  Vby.  Pbntatbi;ovb9  I  XL 

THÈOLO(ilENS  PROTESTANTS,  opinion 
sur  les  possessions.  Tay.  Possbs8Io?Ii  S  lil. 

THÉOPHILE,  évèque  d'Ale&andrie.  Voy. 

BiBLIOTHioOB  D*ALEx;iiisais. 

THÉOHiK  MYTHIQUE  appliqaée  à  iésus- 
Ghrist.  Voy.  Mythismc»  $  U. 

THEUTEBEKGE,  femme  de  I^tbaire  JI, 
divorce.  Voy.  Hincmaa,  |  IV. 

THIERRY  (AcG.),  réfutation  de  ses  er- 
reurs historiques  sur  sainte  Uadegonde, 
Fortunat,  etc.  Voy.  R4dbgotidb. 

THOMAS  d*AOUiN,  son  opinion  sur 
Torigine  des  idées.  Voy.  PsTcaoLoaiE,  | 
VII. 

TIEDMANN,  sa  manière  rationnelle  de 
comparer  le  rrâne  du  nèi^re  à  celui  uu  blanc. 
Voy.  Races  hijmai^es,  §  1. 

tlMËE  DE  LOCRÈS,  sou  panthéisme 
itléaliste.  Voy.  Panthéisme,  |I. 

TONANCÊ  FËKUÊOL,  erreur  de  M.  iiui-> 
zot  à  son  sujet,  Voy,  Aristocratie  gallo- 
romaine,  {Hl. 

TRADITION,  comment  renlendP.  Leroux, 
Voy.  Progrès  continu.  —  Traditions  sur 
rEiicliaristie.  Voy,  Eucharistie,  §  IIL  — 
Tradition  ou  science  secrète  et  acroamati- 
que  chez  les  Israélites.  Voy.  AcROAVATiQrE. 
—  Traditions  sur  le  déluge.  Voy.  Déluge, 
S  H.  —  Traditions  bibliques  tbea  les  nègres 
africains.  Voy.  Races  humaines.  $  IX. 

TRANSFORMATIONS  KMBRYOLOftI  - 
QUES.  Voy.  Embryologie. — Transrormations 

graduelles  des   espèces ,   réfutation.    Foy. 
OMME,  art.  I. 

TRANSMIGRATION  DES  AMES,  réfuta- 
tion de  cette  opinion.  Voy.  Enfer,  §  lit. 
TRANSMISSION  de  la  chute  primitive. 

Voy.  PÉCHÉ  OKIGlIfGL,  %  III. 

TRIMOURTI,  est-elle  Torigine  de  la  Tri- 
nité chrétienne.  Voy.  TRinrrÉ,  §  IL 

TRINITÉ.  —  Quand  on  examine  avec  at- 
tention la  conduite  de  Msus-Christ  pendant 
sa  prédication,  on  s'aperçoit  facilement  que» 

Îuand  il  parle  du  mystère  de  la  très-sainte 
rinité,  il  suppose  constamment  que  ce 
mystère  était  connu  des  Juifs  depuis  long- 
temps et  qu*ii  faisait  partie  de  la  tradition 
sacrée.  {Voy.  AcmoAMATiocE»  etc.)  It  ne  faut 
donc  pas  s'étonner  si,  toutes  les  fois  qu'il 

Earle  de  cette  importante  question,  il  se 
orne,  pour  ainsi  dire,  à  rindiqner  sana  y 
ajouter  les  développements  qui  auraient  -été 
certainement  indispensables,  s*il  se  fût  agi 
de  la  révélation  d'un  dogme  nouveau. 

Ba effet, depuis  Moïse  jusqu'à  Jéaiis-CbrisI, 
par  un  dessein  secret  de  la  Providence»  les 
traditions  de  la  Synagogue  s'étaient  divui- 
goéea  progressivement,  et  quand  le  Rédemp- 
teur commença  sa  prédication,  elles  avaient 
acquis  une  punllcite  si  grande»  qu'il  en  sup* 
posa  toujours  la  connaissance  dans  ses  aucii- 
te.urs. 


)  Vay.  Pn^LOsomiE  dc  l'asiolv. 


UQfi 


TRI 


DfCTlONMAIRE  AK>LOGETIQUE. 


TM 


U 


Conçoiuon,  après  de  pareil»  laits,  qufi 
M.  Pierre  Leroui,  qui  trouve,  dans  la  nais- 
sannede  Minerve,  la  divinité  du  Verbe,  qui, 
toujours  avec  la  même  naïveté,  présente  le 
Kneph  des  Egyptiens  comme  le  Fils  étemel 
du  Père  {1512),  conçoit-on  qu'il  ose  se  de- 
mander avec  le  plus  grand  sérieux,  si  les 
Juifs  avaient  quelque  notion  d'une  croyance 
répandue,  suivant  lai,  dans  tout  le  mondd 
ancien  (1513)?  C'est  avec  une  si  étrange  logi- 
que qu'on  attaque  sans  cesse  les  preuves  de 
la  révélation  divine  !  C'est  avec  une  si  pro- 
digieuse ignorance  qu'on  juge  des  (questions 
d'où  dépend  tout  l'avenir  de  la  société  mo- 
derne I  Bizarres  théologiens  qui  s'improvi- 
sent tous  les  jours  sous  nos  yeux,  ot  qui  ne 
soupçonnent  même  pas  les  éléments  de  la 
tradition  chrétienne!  Si  nous  parlions  avec 
une  telle  légèreté  des  philosophes  et  de  la 
philosophie,  on  n'aurait  pas  assez  de  colères 
et  d'aoathèmes  contre  noire  imprudence. 
Mais  tout  est  juste,  tout  est  rrai,  tout  est 
bon,  quand  il  sagit  d'éteindre  dans  notre 
France,  avec  les  dernières  traditions  catho- 
liques,  les  dernières  lueurs  du  sens  com- 
mun. 

§1 

La  Trinilu  chrcUenne  [vienl-elle  do  paganisme  oriental? 

Dès  qu'on  a  supposé  que  la  Trinité  chré- 
tienne na  pas  son  origine  dans  la  révélation 
patriarcale,  il  semblerait  assez  raisonnable 
d'admettre  que  c'est  le  Christ  et  les  ap6(rcs 

3ui  l'ont,  pour  la  première  fois,  prèchée 
ans  l'univers.  Mais  quand  on  a  décidé  a 
priori  que  le  christianisme  ne  pouvait  être 
qu'un  développement  naturel  des  religions  de 
i  ancien  monde,  on  est  bien  obligé  de  trouver, 
avec  plus  ou  moins  d'embarras  et  d'efforts 
ses  antécédents  au  sein  des  systèmes  théo- 
logiques ou  philosophiques  du  paganisme 
gréco-oriental.  Nos  adversaires  s  entendent 
sur  le  principe;  mais  ils  éprouvent,  dans 
l'application,  de  si  grandes  diflicultés,  qu'on 
}>eut  affirmer  dès  à  présent  au'ils  ne  pour- 
ront jamais  les  résoudre.  Si  le  dogme  chré- 
tien ne  vient  pas  du  ciel,  d'où  vient-il?  Est- 
ce  l'œuvre  d'uu  homme  isolé?  Est-ce  le 
travail  d'un  siècle  ou  celui  de  longues  gêné* 
rations  ?  Quelle  terre  fortunée  l'a  vu  naître? 
l>'où  vient  cette  pensée  féconde,  qui  a  fait 
sortir  du  sol  la  société  mcnlerue?  Questions 
capitales  dont  nous  avons  droit  de  demander 
une  solution  claire  et  posili.ve.  Les  plus 
Imbiles  antagonistes  du  catholicisme,  pour 
fuir,  s'il  était  possible,  les  conséquences  de 
«es  problèmes  embarrassants,  se  sont  tenus» 

(1513)  P.  Leroitx,  Du  ekrUtiamsme^  ICO  et  194: 
(4515  Tonte  i^Mitiquité  a  «onnn  cetia  méupliy- 

fiM|Hf>.  (p.  LBKOffx,  Du  cArtfiffOKisme,  165.) 

(1514)  MM.  Cousin,  Danuioii,  Jouffroy  ei  te  nou- 
veau Diciiomiûire  des  êcienceê  philoiopkiques. 

(1515)  M.  Clàvci.. 

(i5iG)  Je  citerai  eiilre  aalrcs,  Schuidt,  Manuel 
éth'uioire  de  CEglise  chrétienne.  —  Riiodë  partage 
aussi  cette  opinion. 

(1517)  Wii.Nciiti!8  et  H.  P.  Leroux. 

(1518  Cfr    Le  Clekc,  Biblioth,  utttv..  x,  400. 

(IS19)  C'est  ainsi  que  parle  le  socinien  Le  Clerc. 


sur  ce  \mnU  dans  des  généralité»  Ta.;ups  ei 
sonores  (151^).  D'autres,  plus  téméraires  i\ 
plus  francs,  comprenatit  qu  après  loul  nous 
pouvions  exiger  quelqut$  prfuoef,onl essayé 
de  découvrir  le^  origines  du  chrisllaDisuîe, 
comme  on  a  cherché  si  longtem{)s  la  source 
cachée  du  Nil .  Mais,  ce  qui  frappe  au  premier 
coup  d*<Bil  dans  ces  prélcndues  \mm 
de  la  révélation  clirétienne,  c'est  la  confusioa 
et  la  contradiction  perpétuelles  qa (in  y rcs- 
contre.   On  voas  dira  souvent  :  Toutes  l6 
religions  .sont  nées  dans  la  presautlc  in- 
dienne (1515).  Quelquefois  c*est  à lioflueQi» 
de  Zoroaslre  qu^>n  a|trihueraccrlainsdu3- 
mes  révélés  (1516).  D'autres  ont  vu,  dans  k 
mystérieuse  religion  de  TEgypte,  les  origi- 
nes du  christianisme  et  les  prédicato 
évangéliques   n>uraient  bit,  suivant  m, 
que  populariser  dans  le  monde  lesop\ni>)b 
si  longtemps  dissimuléesdu sacerdoce éji^^j- 
tien  (1517).  Enfin,   l'idée  la  plus  répanJu' 
parmi  les  faiseur^  d'utopies,  c'est  que  k 
christianisme    ne   serait  qu  oue  mmk 
forme  du  platonisme  (1518).  «  Le  ém- 
nisme,  dit  un  audacieux  sociniefl  è  ur 
siècle,  n'est  qu'un  mélange  de  la  Wtmo 
do  Jésus^brisl    et  de  la  philosopli^e  |ift 
Platon,  dont  les  Pères  avaient  adopte 
sentiments  par  suite  de  la  conforffi\Mttu* 
croyaient  trouver  avec  rEcrilureeidelc^ 
time  prodigieuse  qu'ils  faisaient  de  c«  p'^ 
losophe   (1519).  »  M.  P.  Leroux,  lui.i^ 
bine  ensemble  les  deux  derniers sjsw 
«  Je  dis,  MOI,  s'écrie-lril,  que  cesl  par  il- 
gyple  et  Platon  que  la  doctrine  du  >«» 
est  devenue  le  christianisme  U  Eiw»!** 
successivement  ces  assertions  conirajuiei- 
res 

Êsl-il  permis  de  supposer  que  Ic^i;;?» 
de  la  Trinité  est  d'origine  chinois?)  ;; 
vrai  que  le  savant  Jésuite  Prémare, fi Jf» 
dans  rétude  deâ  antiquités  chinoif  «^ 
que  les  Pères  B<mvet  et  Fouquel,  i^^^ 

Slus  habiles  sinologues  de  noire  i*^ 
[.  Abel  Rémusat,  avaient  cru  voir»^ 
dans  le  Tao-U-King  du  philosojAie  a; 
Xao-r«eu  (1520),  et  M,  P-  Leroux  sen; 
de  ces  opinions  pour  en  tirer  les  wu 
sions  les  plus  arbitraires  qu'on  pui-^ei 

ginf  r.  ,  V       n  I 

Nous  serions  assez  disposé  à  croire 
M.  P.  Leroux,  qui  fait  de  si  beaux  rais«fl 
menls  sur  le  Tao-te-Kinij,  n'en  aiaîuâ|> 
un  seul  exemplaire.  En  etfet,  cette  hyp  u 
no  peut  paraiti^ chimérique,  quand  onf 
à  remarquer  que  les  }>rétendus  ir»' 
qu'il  cite  du  livre  de  Lao-Tseu,  avec^^^ 


—  M.  Matter ,  dans  ton  Hiaioire  àu^^ 
M.  de  Potier,  dins  aoH  Hû/aire  de  Zi4^, 
mille  de  nouveta  le«  aiseniooa  des  ^/KXïà 
qui  conterne  le  prétendu  pblonisnie  d«  ^^^ 
ils  avaicnl  élé  précédés  dans  çcUe  voie  çri 
du  Ptaieniime  dévoilé,  et  par  Mosbcim»  <?» 
8«»nation  De  turbata  per    Pltttonic^t 
MM.  Guîzoï,  Vàchcrol  et  Satsset,  «H 
mêmes  assertions.  ^^  .       _^ 

(I5Î0)  Cfr    KM  B*iit»«,  llét«9'  "^' 
série,  i. 


m 


TRI 


DICilOMiAlRE  APOLOGETIQDE. 


TRI 


1406 


eeol  triomphal,  ne  so  trouTenl  nnlle  pari 

dans  le  livre  du  philosophe  chinoia.  Ce  qui 

eipliqne  ces  erreurs,  en  apparence  si  gros- 

5ière5,  c'est  que  le  théologien  montagnard, 

qui  est  crédule  toutes  les  fois  qu'il   s'agit 

o'iecepter  lès  objections  contre  la  révélation, 

a  confondu  la  légende  de  Lao-Tseuavec  les 

écrits  de  ce  philosophe,  ce  qui  n'est  pas 

prérjsëment  la  même  chose.  M.  P.  Leroui  a 

cop*éaf  ec  trop  de  naïveté  les  renseignements 

que  loi  a  fournis  M.  Pauthier;  mais  M.  Pan- 

thier,  jeune  encore  c|uand  il  écrivit  le  Jtfi^* 

motreticr  le  Tao,  était-il. alors  une  autorisé 

qn'onpùt  suivre  avec  une  confiance  aveugle, 

eoinmeil  fa  fait?  Les  Juges  les  plus  corn- 

|té/eots(|tti  eiistent  en  France  sur  cette  grave 

matière  ne  partagent  pas   la  crédulité  de 

ï.  Pierre  Leroux. 

«  Nous  devons  à  M.  Abel  Rémusat,  dit  le 
humai oMîatiquef  un  mémoire  fort  curieux 
iurli  vie  et  les  opinions  de  Lao-Tseu,  mé* 
Doire  dans  lequel  il  compare  les  opinions 
e  ce  philosophe  chinois  avec  celles  qui 
ont  communément  attribuées  à  Pythagore, 
Platon  et  è  leurs  disciples.  Notre  savant 
^feident  y  observe  que  la  doctrine  de  Lao- 
seu  a  été,  dans  les  temps  postérieurs,  niA- 
ede  traditions  bouddhiques,  et  qu'on  a 
éme  fait,  du  dernier  Bouddha,  une  incar- 
ttioQ  de  l'Ame  de  Lao-Tseu.  a  Cet  amas  de 
,  dit  M.  Abel  Rémusat,  peut  cepen- 
fournir  matière  à  quelques  observa- 
105  importantes  ;  comme  il  n'y  en  a  au- 
m  qui  ne  soit  d'une  époque  moderne, 
iDparativeoient  au  temps  où  vivait  Lao« 
leu,  elles  ne  représentent  pas  les  opinions 
ce  dernier,  qu*il  faut  puiser  exclusive- 
nt  dans  son   livre  (1521),  mais  celles  de 
s  «éclateurs  qu'il  ne  s'agit  pas  de  faire 
«nalire  en  ce   moment.   Seulement,  on 
fpfiique^  depuis  l'introduction  du  boud- 
isfnei  la  Chine,  les  idées  indiennes  sur 
aralars  ou     incarnations  ont   pu  être 
ptées  par  }es  Tao-sse,  et,  qu'après  avoir 
cet  emprunt  eux  bouddhistes,  il  ne  res- 
sbx  premiers*  pour  relever  l'excellence 
leur  religion,  qu'à  faire  de  Bouddha 
nôme  une  des  incarnations  de  Lao-Tseu. 
î  m'arrête  |>as  à  l'idée  que  les  bouddhis- 
n'aient  à  cet  é^ard  rien  reçu  des  Tao- 
parce  gue,  outre  l'antiquité  bien  ton- 
des opinions  indiennes  sur  les  avéne- 
s  de  to  Divinité,  ces  opinions  ne  tien- 
pas,  chez   les  Tao-sse,  à  un  système 
et  bien  lié*  comme  chez  les  bouddbis- 
ù  elles  sont  la  conséquence  du  dogme 
mental   de  l*émanation.  Ce  n'est  pas 
ne    paisse,  sans   invraisemblance, 
remonter  l'origine  de  l'influence  in- 
(f  sur  la  philosophie  chinoise  au  temps 
vTsea  t    et  même  h  une  époque  bien 
eure.  Peut-être  en  reconnaîtrons-nous 
ices    en  examinant  le  livre  de  ce  phi- 
e.  Mais  il  y  a  encore  loin  de  cette  in* 
i  iiDpartnite^  et  qui  peut-être  no  s'est 
:ercee  inamédiatement  dans  les  pre- 
lempSy  h  rimitation  grossière  des  fa- 


bles, des  dogmes  et  des  opinions  de  THin- 
doustan,  telle  qu'on  la  remarque  dans  les 
livres  des  Tao-sse  modernes.  » 

<i  Nous  pensons  que,  dans  Tétat  actuel  de 
nos  connaissances  «ur  la  doctrine  de  Lao- 
Tseu,  c'était  à  peu  firès  tout  ce  qu*on  pou* 
vait  dire  sur  les  rap|K)Pts  qui  peuvent  exis-^ 
ter  entre  cette  doctrine  et  l^s  dogmes  de 
rinde  ;  et,  si  un  homme  consommé  dans 
l'étude  de  la  littérature  chinoise  et  de  la 
philosophie  des  peuples  de  TAmc  orientale 
a  jugé  a  propos  de  se  borner  aux  réflexions 

au'on  vient  de  lire,  on  a  quelque  droit 
'être  étonné  qu'un  de  ses  élèves,  qui  n*a 
peut-être  pas  encore  bien  approfondi  les 
règles  de  la  grammaire  chinoise  ,  entre- 
prenne, en  se  fondant  sur  des  traductions 
erronées  d'un  texte  incorrect  et  rempli  de 
£iutes  d'impression,  de  pousser  plus  loin  des 
recherches  que  le  maltreacru  devoiraban- 
donner  ou  toucher  seulement  dans  son  en- 
seignement oral,  parce  que  les  matériaux 
nécessaires  lui  manquaient  pour  leur  dcm- 
ner  plus  de  développement  et  de  précision 
dans  ses  écrits. 

«  C'est  avec  regret  que  nous  nous  voyons 
forcé  de  dire  une  vérité  sévère  à  un  jeune 
littérateur,  estimable  par  son  zèle  et  par  les 
connaissances  qu'il  a  déjà  acquises.  Mais 
comme  son  livre,  rempli  de  citations  chi- 
noises et  sanscrites,  pourrait  porteries  per- 
sonnes qui  s'occupent  de  l'étude  de  la  phi- 
losophie asiatique  à  ureudre  comme  autant 
de  vérités  les  hypothèses  que  l'auteur  bas* 
sur  des  méprises  et  sur  des  explications  fau- 
tives de  mots  dont  il  n'a  pu  saisir  le  sens, 
nous  avons  cru  rendre  un  service  à  la  litté- 
rature, en  montrant  ce  qu'il  y  a  de  faible 
dans  son  travail ,  et  en  même  temps  dans 
les  Donséquences  qu'il  a  cru  en  pouvoir 
tirer. 

«  Outre  cet  ancien  Seou^chin^ki,  nous  con- 
naissons -encore  deux  autres  livres  qui  por- 
tent le  même  titre,  et  qu'on  attribue  égale- 
ment h  Yu-pao,  quoiqu'ils  soient  entière- 
ment différents  l'un  de  l'autre.  Le  premier, 
en  huit  sections,  contient  l'histoire  de 
trente -six  génies  et  hommes  déifiés,  et 
forme  un  petit  volume  de  cinquante  pages. 
On  n'y  trouve  pas  non  plus  la  vie  de  Lae- 
Tseu.  L'autre  [lorte  le  titre  deSan-kiaoyuan 
lieou  Cbingti,  Foe,  Szu, .  Seou  Chinky;  il 
est  plus  considérable  que  le  précédent ,  et 
traite  de  touteslesdivinitésdes  trois  religions 
qui  ont  cours  eu  Chine.  Il  a  été  rédigé  sous 
sa  forme  actuelle  dans  les  années  apiielées 
Wan  ly,  rers  la  fin  du  xvi*  siècle.  Nous  en 
avons  à  Paris  trois  éditions  ;  elles  diffèrent 

{>lus  ou  moins  entre  elles,  et  sont  toutes 
brt  mal  exécutées  et  remplies  de  .Cautos 
d'impression. 

<  C'est  dans  ce  dernier  ouvrage  lana  auto- 
rite  que  se  trouve  une  vio  de  Lao-Tseu  , 
fondateur  de  la  secte  des  Tao-sse ,  que  H. 
Pauthier  a  prise  pour  base  de  sa  disserta- 
tion. Une  traduction  anglaisedn  même  mor- 
ceau, faite  par  M.  R.  Morrisson  »  a  déjà  été 


I  Ost  précisément  ce  que  nous  avons  conseillé  à  M.  Pierre  Larom. 


1407 


TRI 


IHCTIONNAIHE  APOLOGETIQUE. 


TM 


m 


publiée  en  1813,  dans  ics  Uorœ  iinicœ.  Elle 
est  très-fiuilire,  i^omnic  la  plupart  des  tra- 
vaux de  ce  missionnaire.  Cependant  il  faut 
avouer  qa*il  a  encore  mieuscompris  le  sens 
de  rortgînal  gue  M.  Pauthier.  Pour  démon* 
trer  l'inexactilude  de  la  version  de  Tun  et 
de  Tautre,  le  meilleur  moven  nous  parait 
être  de  donner  une  nouvelle  traduction  du 
texte,  et  de  relever  dans  les  notes  les  erreurs 
dans  lesquelles  sont  tombés  et  iUnterprète 
de  Cantorl  et  celui  de  Paris  (1522).  » 

Mais  M.  Pierre  Leroux  ne  pourrait-il  pas 
répondre  pour  sa  défense  que  si  La  êamte 
légende  composée  sur  Lao-Tseu  au  xvi*  siècle 
n'a  nulle  autorité  dans  la  question  dont  il 
s'agit,  nous  ne  pourrons  du  moins  contester 
U  témoignage  du  Tao^to-king  lui-même , 
composé  par  le  célèbre  philosophe  chinois 
])lusieurs  siècles  avant  notre  ère?  Or,  si  Ton 
consulte  ce  monument  im|>ortant  de  la 
])hilosophie  des  temps  anciens,  n*y  trouve- 
t-on  pas  la  doctrine  de  la  Trinité  exprimée 
de  la  manière  la  plus  formelle  et  la  plus 
]  positive? 

<v  Celui  que  vous  regarde:^  et  que  vous  ne 
^oyez  pas,  dit  Lao-Tseu,  se  nomme  1;  celui 
que  vous  écoutez  et  que  vous  n*entèndez 
pas  se  nomme  Hi  ;  celui  que  votre  main 
«herche,  et  qu'elle  ne  peut  saisir,  se  nomme 
Weï.  Ce  sont  trois  êtres  qu'on  ne  peut  com- 
prendre et  qui,  confondus,  n'en  font  qu'un. 
Celui  qui  est  au-dessus  n'est  pas  plus  brib- 
lant,  celui  qui  est  au-dessous  n'est  pas  plus 
obscur.  C'est  une  chaîne  sans  interruption, 
qu'on  ne  peut  nommer.  C'est  ce  qu'on  ap- 

Svelle  forme  sans  forme,  image  sans  image, 
^tre  indéfinissable.  En  allant  au  devant  on 
ne  lui  voit  pas  de  principe  ;  en  le  suivant , 
on  ne  voit  rien  au  delà  (i523).  » 

Mais  cette  traduction  est  maintenant  gé- 
néralement considérée  comme  hypotheti^ 
que.  On  en  pourra  juger  en  la  comparant 
avec  la  version  que  M.  Stanislas  Julien  a 
donnée  du  même  passage  : 

«  Le  Tao  est  éternel,  et  il  n*apas  de  nom. 
Vous  le  regardez,  et  ne  le  voyez  pas  ;  on 
le  dit  incolore.  Vous  l'écootez,  et  vous  ne 
l'entendez  pas;  on  le  dit  aphone.  Vous 
voulez  le  toucher,  et  vous  ne  l'atteignez 
pas;  on  le  dit  incorporel.  Si  vous  allez  au- 
devant  de  lui,  vous  ne  voyez  point  sa  face  ; 
si  vous  le  suivez,  vous  ne  .voyez  point  son 
dos  (1524).  » 

La  traduction  de  M.  Pauthier,  comme  celle 
de  M.  Stanislas  Julien,  diffère  singulière- 
ment de  celle  d'Al>el  Rémusat,  et  le  savant 

(1522)  Nouveau  journal  aiiallque^  Vil,  année 
1831 

(15«3)  €fr  Abd  RAmiisat  ,  Mmoliw  êur  Ua- 
TsêH  40. 

{i&U)  Stanidat  JuLin,  TaoAe4àng,  XIV,  47. 

{Umi  Nommm  jamnal  «fialiçn^,  1831,  Vil, 
491. 

(1526)  Sunislas  Jcusu,  Tao-^e-king ,  cb,  43, 
p.  IS8.  —  àbei  Uémusat  iraduil  de  la  mèine  ma- 
iiiére. 

(1527)  Noas  demandons  pardon  de  celte  sappo- 
ftilioii  k  ta  Ritolution  démocratique  et  sociale  qui 
uiMîi  lécemmcflt  :  i  Montrez-nfttts  dans  vos  rangi 


qui  a  si  sévèrement  critiqué  le  mémoire  de 
M.  Pauthier  sur  le  Tao  parait  auandoooer 
en  grande  partie  l'hypothèse  diLbel  U- 
musat. 

«  Nous  devons  observer,  dit-il,  que  y 
Pauthier  n*approuve  pas  rinterprétalioaqQe 
mon  savant  ami,  M.  Abel  Rémusat,  a  propo- 
sée pour  les  trois  mots  I-Hi-Wei, qu'il  regarde 
comme  la  transcription  chinoise  du  nom  de 
Jéhova,  et  ce  n*est  pas  en  cela  le  seatimeQi 
de  M.  Pauthier  que  je  veai  combattre  ;  car, 
que  le  nom  «le  Jéhova  ait  été  porté  i  la  Cbioe, 
et  adopté  par  Lao-  Tseu,  je  n  y  fois  m  alo)- 
jK>ssiDiIite;  mais  je  ny  voii  patmmuf 
d'apparence  (1525).  » 

l^e  texte  que  nous  allons  citer,  i^araii  au 
premier  coup  d*œil,  plus  favorable  aui  pré- 
tentions de  nos  adversaires  : 

«  Le  Tao,  dit  Lao-Tseu,  a  produit  un,  uo 
a  produit  deux,  deux  a  produit  trois,  trois 
a  produit  tous  les  êtres  (1526).  » 

Ce  texte,  qui  parait  d  abord  favoriser  les 
prétentions  de  M.  Pierre  Leroux,  reorm 
au  contraire  t   toute  son  inlerpréM(ie 
Lao-Tseu.  En  effet,  dans  son  hypod)^.  le 
Tao  est  le  Verbe;  or,  ici,  dans  cette triaiié. 
ou  pour  mieux  dire,  dans  cette  mimt 
Tao,  loin  de  pouvoir  être  considéré comiBe 
le  Fils  de  Dieu,  devrait  bien  plutôt  être  re- 
gardé comme  le  Père.  Ainsi  aoDcU.tlart 
Leroux,  soit  qull  ait  connu  ce  texte,  soit 
qu*il  Tait  ignoré,  ce  qui  nous  parait  yl^ 

{>robable  (1527),  n'aurait  pas  le  droit  d'en 
aire  une  arme  contre  nous.  Mais,  coioiiH! 
d*aulres  rationalistes  s'en  emparerooipeui- 
être  un  jour,  il  n'est  peut-être  pas  inutile  12e 

E révenir  les  difficultés  qu*on  pourrait  t&:^ 
Taide  de  ce  passage,  et  d'essayer  «l'en  <l^ 
terminer  la  signification.  Ifallieureasea^ 
ce  n'est  pas  une  chose  facile,  que  de  in- 
ciser le  sens  d'une  formule  aussi  ^^ 
Pour  en  avoir  une  intelligence  iiupev^ 
tisfaisante,  il  faudrait  «lue  reosembra 
système  fdt  enveloppé  de  ténèbres  »i^' 
profondes.  Or,  le  Tao^e''kingf  qin  ^^ 
en  caractères  hiéroglyphiques,  est  ob  ^^ 
ces  ouvrages  qui  exerceront  encore,  et  pén- 
ètre toujours,  Tattention  des  savauts  jlâS^ 
Ce  qui  nous  parait  certain,  c'est  qu<»  ^'■ 
trouve  dans  l'ouvrage  de  Lao-Tseu  èm^ 
idée  dogmatique  qui  puisse  afoir  prA 
la  Trinité  chrétienne.  La  formule  ao^  o<«^ 
venons  de  citer  est  assez  semblable  ^  ^^ 
sieurs  autres  qu'on  trouve  dans  Técolev: 
thagoricienne,  surtout  aa  jbmeui  V^"^ 
naire  des  vers  dorés  (1529). 

des  savants  comne  Pierre  Leroax  !  >         . 

(I5M)  f  U  Tao^'kimg,  dit  IL  Soaiihil^ 
esl  regardé  avec  raison  eonmia  la  li*'*^' 
abstrait  et  le  plus  dilUcile de  la  huénÊomàt^ 
^  dette  opinion  est  celle  de  loes  les  ia«f  ^ 
Cfr.  Abel  KÉHiiSàT,  Mémoire  «sr  Leê-Ta^'^  \ 
—  Pauthies.  u  CAtM,  liL—  Staùsbi  )i^ 
livre  de  la  vote  et  de  la  vertu  (  Toa-te^r  '^ 
daction.  ^ 

(1529)  <  Par  le  qnalenntre  qei  a  doaaé  b  ^ 
dans  notre  Ame,  en  qei  sont  les  ladaei**^ 
ncllc  nature.  > 


im 


TRI 


MCIWNNAIRE  APOLOGETIQUE. 


TRI 


UtO 


En  fffeU  il  V  a  un  principe  antérieur  h 
l'unité  elle-même,  auquel  Lao-Tscu  donne 
le  nom  de  Tao.  Mais  quelle  est  la  nature 
do  Tao? C'est  là  ce  qui  parait  diflicile  à  dé- 
terminer. Voici  en  quels  termes  en  parle  le 
Tao'te-king^  dans  la  traduction  de  M.  Sta- 
nisliis  Julien  : 

fl  11  esi  un  être  confus  qui  existait  a?anl 
le  ciel  e(  la  terre.  Oh!  qiril  est  calme  !  Oh  ! 
qui!  est  immatériel  !  Il  subsiste  seul  et  ne 
change  jioint  !  Il  circule  jiartout  et  ne  péri- 
chte  point  !  Il  peut  être  regardé  comme  la 
mère  de  Tunivers.  Moi,  je  ne  sais  pas  son 
nom.  Pour  lui  donner  un  titre,  je  l  appelle 
Voie  (Tao);  en  m'efforçant  de  lui  faire  un 
nom,  je  rap|)elle  Grand  ;  de  Grand,  je  la])- 
/•elle  Fugace,  je  rap(felle  Eloigné;  d*Eloi- 
^néje  rap|)elle  TElre  qui  revient  (1530).  » 
Ailleurs  Lao-Tseu  s  écrie  :  «  Le  Tao  est 
Tîde  ;  si  Ton  en  fait  usage,  il  parait  inépui- 
sable. Oh!  qu'il  est  profond!  il  semble  le 
(patriarche  de  tous  les  êtres  (1531).  » 
Et  il  ajoute  :  <  Le  Tao  est  répandu  dans 

runiyers Je  suis  vague  comme  la  mer; 

je  flotte  comme  si  je  ne  savais  où  m*arrè- 
ter  (1532).  » 

Loin  de  contenir  le  point  de  départ  du 
monothéisme  chrétien  et  la  doctrine  de  la 
Trinité,  le  Tao-te-king^  comme  l'a  prouvé 
M.  Pauthicr,dansson  livre  intitulé  La  Chine^ 
paraît  renfermer  bien  plutôt  une  théorie 
assez  semblable  au  panthéisme  de  plusieurs 
<:vs»tèmes  hindous.  C'est  là  la  seule  inter- 
jTélation    raisoii.neblc  qu'on  puisse  donner 
de  cette  étrange  philosophie  qui  ne  présente 
j  as  la  moindre  analogie  sérieuse  avec  les 
idées  que  fe  christianisme  a  popularisées 
«ians  Tunivers.  D'ailleurs,  qui  pensera  que 
les  rudes  pécheurs  de  Galilée  ont  puisé  leur 
prédication  dans    nn  ouvrage  qui  épuise 
toute  la  sagacité  de  la  science  contempo- 
raine, qu*ils  se  sont  emparés  de  ces  inex- 
C  rieables  formules  pour  en  composer  l'Evan- 
L^ile  ?  Ce  sont  là  de  ces  suppositions  que  les 
^<ivants   peuvent  faire,  mais  que  la  foule 
«'acceptera  ni  ne  comprendra  jamais.  Le 
-on  sens  suffira  pour  faire  justice  des  sup- 
positions hasardées  de  nos  adversaires,  et 
/uand  même  elles  parviendraient  à  se  faire 
cc-epter  ^r  quelques  érudits,  elles  n'ac- 
uerroot  jamais  qu  une  popularité  trës-res- 
-einte,   quand  elles  ne  seront  pas  plus 
lausibles  que  celles  que  nous  venons  do 
I  ettre  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs. 
Kous  ne  nous  arrêterons  pas  ici  à  parler 
iS  analogies  qu'on  pourrait  trouver  entre 
Ibéodîcée  de  la  Perse  et  la  doctrine  de  la 
vélaiion.  Il  est  vrai  <ia*OD  a  supposé  plus 
une  fois  que  les  opinions  religieuses  de 
rail  a  raient  exercé  une  assez  grande  iu- 


.    J)  Men,  ibid.,  eh.  4, 16. 
f  5dS)  ldein,îHif.,  cfc.  20,  70. 
laS3^  Cfr  Volkct,  tàid.  —  Dorois ,  OrigiKe  de 
s  les  cwUreM, 

I  h3Â)   FaA!«ac,  dans  le  DieHannaire  det  scienees 
los^piriqurt^  art.  EgfipiienM. 
t:^3S>    Cfr  Jasibliq««,  De   mfst€ruê  iC^yivfta- 


fluence  sur  les  Juifs  et  sur  les  Ghrétiens(15%}h 
cependant  ce  n'est  pas  des  mages  que  Bl. 
Pierre  Leroux  parait  faire  venir  le  dognio 
de  la  Trinité  catholique,  mais  bien  plutôt 
de  rinde  par  l'intermédiaire  du  platonisme 
et  de  l'Egypte. 

M.  Pierre  Leroux  aborde  la  question  des 
doctrines  égyptiennes  avec  une  pétulance 

{deine  de  candeur.  Il  admet  naïvement 
es  contes  les  plus  insipides  et  les  légendes 
les  plus  apocryphes,  qu'il  donne  pour  de 
l'histoire  à  Fhonnéte  chrétien  qui  lui  sert 
d'interlocuteur.  Savez-vous  quelle  est  sa 
grande  autorité?  Ce  sont  les  livres  d'Her- 
mès Trismégiste  ;  c'est-à-dire  aue  le  direc- 
teur de  I  Encyclopédie  va  ehercner  les  ori- 
gines du  christianisme  dans  des  ouvrages 
«  composés  avec  des  lambeaux  de  la  Bible 
et  de  Platon  (1534)  !  %  Je  coatis  bien  qu'eu 
raisonnant  ainsi,  on  fasse  dire  à  l'histoire 
à  peu  près  tout  ce  qu'on  veut.  Une  science 
sans  méthode,  sans  critique,  sans  chrono- 
logie, est  un  instrument  complaisant  et  fle- 
xible dans  les  mains  des  passions.  On  sait 
par  expérience  au'à  l'égard  des  faits,  les 
préventions  anticnrétiennes  sont  assez  com- 
modes à  satisfaire.  Mais  c'est  compter  beau* 
coup  sur  notre  ignorance  que  de  croire  que 
nous  laisserons  passer  sans  réclamation  et 
sans  contrôle,  une  si  bizarre  manière  de  dé- 
figurer l'histoire  pour  la  faire  servir  aux  ca- 
prices d'une  imagination  sans  règle. 

M.  Pierre  Leroux  accepte  encore,  sans  la 
moindre  discussion  les  rêveries  des  Alexan- 
drins sur  l'ancienne  religion  de  TEgypie 
sacerdotale.  Il  copie  Jamblique  (1535)  sans 
le  comprendre,  et  il  défigure  encore,  jiarses 
singuliers  commentaires,  un  écrivain  déjà 
si  peu  exact.  Il  ne  sait  donc  pas  que  s'il  y  a 
au  monde  une  source  contestable  et  fautive, 
ce  sont  les  livres  des  néoplatonicieub  d'Ale- 
xandrie (1536).  Après  avoir  mêlé,  dans  un 
syncrétisme  compliqué,  l'Evangile  et  Pla- 
ton, ils  arrangèrent  à  leur  manière  toute 
la  science  de  1  antiquité  pour  donner  à  leur 
théologie   une  antiquité    vénérable  qu'ils 

Sussent  opposer  sans  ces 3e  à  la  tradition 
ivine  conservée  dès  l'origine  des  temps  par 
les  patriarches  et  les  prophètes  (1537).  Ce 
sont  CCS  faiseurs  de  légendes  que  le  philo- 
sophe français  prend  constamment  |iour 
guides  et  pour  modèles  I  Pourquoi  donc  ce 
vain  étalage  d'érudition,  quand  on  foule 
aux  pieds  la  critique  la  plus  vulgaire  les 
données  de  l'histoire  les  plus  incontestables  ? 
En  y  réfléchiaaant,  cela  s'expli9iie  assez. 
L'esprit  de  système  est  toujours  im|)érieux 
et  violent.  Il  saisit  avee  une  impétuosité 
vive  et  brutale,  les  premières  armes  qu'il 
rencontre  sous  ses  mains.  Une  pareille  ta«> 


«530)  Siaaislas  Jclibu,  U  Tao-^e-^mg^  ch.  S5,     rum 


(1530)  C*est  ce  qoe  M.  Franck  ap^le  avec  éecr- 
gie  €  les  raiftificatioas  de  l'école  dAlcxandrie.  » 
Cfr.  Didiômuùre  du  $ewun  ^kUotêpUiiMeê.  ÂtU 


(1557)  Cfr  DontaiHi ,  Exmmem  ftUiqaê  de  ndê- 
ioire  dTAlexatidrie^  dani  Uê  mmaUt  de  yài/anfiAia 
ekrétéemut  5*  série,  xu,  xui. 


un 


TRI 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


TRI 


m 


tiquet  qui  pourrait  compromettre  la  meil- 
leure cause»  n'est  pas  capable  de  faire  ac- 
cepter par  les  gens  instruits  les  prodigieux 
paradoxes  de  1  Encyclopédie  nouvelle» 

En  réalité  au  point  de  vue  d*une  sdiencc 
impartiale,  l'histoire  religieuse  de  TEgvpte 
présente  la  confusion  la  plus  étrange.  Il  ne 
faut  donc  pas  s*étonner  si  les  anciens  et  les 
luodernes  ont  imaginé  sur  ce  point  Içs  hy<- 
]>othèses  les  plus  contradictoires.  Plusieurs 
u*ont  guère  vu  dan^  la  religion  égyptienne 
que  le  culte  des  héros  délGes;  d'autres  ont 
cru  reconnaître  dans  toutes  ses  supersti- 
tions Tadoratiou  des  phénomènes  de  la  na- 
ture. Plularque  y  a  retrouvé  le  dualisme 
|)er$an  (1538;.  Les  néoplatoniciens  d^Ale- 
xandrie  n'y  voyaient  que  leur  propre  sys- 
tème. Diodore  de  Sicile  concevait  la  théolo- 
gie égyptienne  sous  une  forme  beaucoup 
plus  élémentaire.  Suivant  lui»  Osiris  et  Isis 
sont  les  dieux  suiirèmes;  Osiris»  le  soleil* 
donne  aux  êtres  1  esprit  (Jupiter  source  de 
vie)  et  [e  feu  (  Vulcain)  ;  Isis  (la  lune)  en- 
gendre la  Terre,  mère  des  hommes,  et  l'Eau 
(le  dieu  Océan,  le  Nil)  ;  tous  les  deux  en- 
semble produisent  Tair  (Minerve).  Sui- 
vant Horapollon,  Kncph  créa  un  œuf,  d'où 
^sortit  un  autre  dieu  nommé  Phtha.  D'après 
Jamblique,  à  la  tète  des  dieux  égyptiens 
on  doit  placer  une  intelligence  suprême 
(Kneph)  (1537)  ;  puis  vient  Tinlelligence  or- 
donnatrice (Pktba),  enfin  Tâme  du  monde, 
ou  l'esprit  vivificateur  (Hermès)  ^15i0]. 
Personne  ne  croit  que  cet  Hermès  soit 
l'auteur  de  l'ouvrage  apocryphe  qui  porte 
bon  nom.  Quoiqu'il  en  soit,  c'est  dans  cet 
ouvrage,  plein   d'idées   extravagantes,    et 

Çoiténeur  au  clirislianisme  (1541).  que  M. 
ierre  Leroux  puise  tous  ses  renseigne- 
ments 1 

.  Les  modernes  sont  aussi  profondément 
divisés  que  les  anciens.  Suivant  Jat)lons- 
ki  (1542),  les  Egyptiens  adoraient  des  dieux 
intelligibles  et  dos  dieux  sensibles.  M. 
Franck  a  soutenu  h  peu  près  la  même  opi- 
nion dans  le  Dictionnaire  des  iciences  philo- 
êophiques.  Pour  Creuzer,  le  culte  d*Osiris 
représente  la  symbolisalion  de  l'année  égyp- 
tienne; Osiris  lui-môme  est  le  caractère 
typique  du  prêtre  égyptien,  de  la  caste  sa- 
cerdotale (1543).  Champolliondit,  dans  ses 
Lettres  (ld44),  qu'il  ne  voyait  au  fond  de 
cette  religion,  qu'une  série  de  Triades  qui 
se  développent  depuis  Ammon,  le  dieu  ca- 
ché, jusqu'à  Horus  le  dernier  anneau  de 

(1558)  Cfr  Plutauquc,  ùelsideet  de  Osiride. 

(1559)  Remarqaez  que  le  Yertiede  M.  Pierre  Le- 
roux est  ici  U  première  personne  1 

(15i0)  Cfr  Jaiibliqi)Is«  De  mysterUs  jE^yptiorum* 

(1541)  Cfr  Douillet,  Dictionnaire  universel ^  ar- 
ticle Jamblique, 

(1542)  Cfr  Jablo?(ski,  Panlheéon  jEgypthrum. 
(1545)  Cfr  GiKUZBR,  Les  Religions  deVanliquité^ 

l*Egypte. 

(1544)  Cfr  Ciuiipollion,  Lettres  écrites  dEgyfh- 
te  et  de  Subie, 

(1545)  Cfr  Db  Bcrsen  ,  L'Egypte  dans  le  rôle  de 
VkunuÊHité, 

(1546)  Cfr  hthk^n  f  Démonstration  éMugélique, 

(1547)  Cfr  GuÉRiM  dc  Rocher  ,  Histoire  vériiabte 


la  chaîne  divine  et  le  plas  rapproché  de 
rhumanité.  Mais  M.  de  Bunsen  remarque 
fort  justement  qu'il  ne  s'agit  pas  f  une  W 
nité-une^  ni  de  trois  personnages  semlilt. 
bies  (154.5).  £nfin  Leiand  (15U),  Guérinda 
Rocher  (  15W),  Scbmith  (ISisî,  Brunel  (IM 
M.  Ott  (1550),  le  P.  Pianciani  (m  M 
Quinet  (1552),  H.  Glavel  (1553],  onl  sn«i 
tenu  tour  à  tour  des  o^Jinions  plus  oumoios 
fondées  et  plus  ou  moins conlradicloires. 

Nous  pourrions  donc  répondre  neltemett 
à  M.  Pierre  Leroux  qu'il  ne  sait  rien  k 
positif  sur  Thistoire  religieuse  de1'£;^te, 
et  Que,  s'il  lui  plaît  de  bitir  surcetemra 
les  nypothèses  les  plus  fantastiques  et  In 
plus  vaines,  nous  ne  sommes  pas  oblû 
de  le  suivre  dans  i$es  aberrations  qail 
donne  aux  ignorants  pour  de  la  sdenct. 
Cependant,  yoxxt  démontrer  plus complile- 
ment  la  fragilité  des  méthodes  qu*il  emploie, 
nous  allons  rétablir  la  notion  de  Kneph, 
d'après  des  autorités  que  les  ralicoalistes 
n'ont  pas  l'habitude  de  contester  conuoe 
suspectes  de  préventions  ultramonte. 

Notre  surprise  a  été  grande,  encoa$ii/(sir/ 
Creuzer,  de  trouver,  dans  sonouîraiei 
une  histoire  du  dieu  Kneph,  qû  ï£  as- 
semble guère  à  celle  que  M.  PiemLerm 
a  tracée  dans  son  livre  Du  dkn'KinwM, 
Pour  ce  dernier,  Kneph  était  le  VerbedlTio, 
la  splendeur  éternelle  du  Père ,  le  crétleot 
des  mondes,  l'image  prophétique  du  Chrisl 
Tiédempteur.  Dans  les  religions  de  rsstifim, 
Kneph  est  tout  simplement  un  desbiD^ 

f)his  protecteurs  de  l'Egypte.  En  pwffiièw 
igné  figure  Athor,  qui  représente  les  téo^ 
bres  irrévélées  et  immenses;  puis  ml 
Bouto,  principe  double  et  formé  dedeti 
puissances  ;  enfin  Kneph,  Phlba,  Phré,  dont 
il  est  difficile,  dit  Creuzer  de  détenDJoerlt 
caractère  (1551). 

M.  Guigniaut  (1555)    compare  ii^^^ 
Rhavani,  et  les  trois  Kaméphis  à  liôi»« 
Vichnou  etSiva.  Il  élimine  ainsi  psî^^* 
traction    le  second  principe,  dont  iei^ 
devient  alors  complètement  inexplicÂUt\> 
aurait  dû,  ce  semble,  pour  être  plus  consé- 
quent, assimiler  Athor,  le  prîncipeinco» 
au  Brahm  indéfini  de   l'Inde,  BouloàB)^^ 
vani  et  les  Karoéphis  aux  dieui  de  ia  Tri- 
mourti. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  toutes  ces  hypoiW- 
ses ,  que  nous  ne  prétendons  ni  juslitier,» 
défendre  ,  nous  demandons  è  lout  lecN 
impartial  si  c'est  cette  théologie  tënéhreiisi 

des  temps  fabuleux. 

(4548)  Cfr  Schmith,  De  la  rédemotitm  i*m 
tmmain  dans  les  DémonstraSions  de  II.  Mtfne*  J 

(f549)  Cfr   Brunet,  Parallèle  des  retigio».^ 

(4550J  Cfr  Ott,  Manuel  d'histoire  ancitiat.ï^ 
gypie. 

(1551)'  Cfr  PiANCiAm,  la  Cosmogonie  di  X^ 
/Aon,  dans  les  Annales  de  piiilosopkk  ckrétieKSi,ij^ 

(1552)  Cfr  E.  Quinet,  Génie  des  religi^>^ 
gypte. 

(1555)  Cfr;  Clavel,  Histoire  des  reli^M 

(1554)  Ces  trois  derniers  sont  les  Kam^P^ 

(1555)  Cfr  Ckevzek,  lieligioHs  de  rantiqtiùJ 

de  M.  Guigniaut  sur  Iccb.  10  du  m' liins 


1(13 


TRI 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


TRI 


1411 


qoid  réfété  à  sa«ni  Jcin  le  sublime  préam- 
bule du  qualrième  Erangilef 

U  Tiinié  (Se  IXvngile  TîeBirelle  de  b  THnmrU  bndi- 

ipanique  ? 

La  Miarre  conception  do  la  théologie 
liindooe  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  île 
Trimourti ,  a  éCé  mise  en  i^rallèle  avec  la 
Trinité  catholiqae  que  Ton  a  voulu   faire 

Cisserpourun  sim|ile  perfectionnement-dc 
grossière  triade  du  Brahmanisme.  Quoi- 
que II.  Clavel  ne  soit  nas  sur  ce  point  aussi 
dair  el  aussi  net  qn*il  l'esl  ordinairement , 
la  logique  générale  de  son  système  et  les 
CI  pressions  qu'il  emploie»  nous  obligent  à 
(T0Îrcqu*il  considère  laTrimourli  iles  Hin- 
dous comme  la  plus  ancienne  formule  rété- 
U'e  (IS36)  du  dogme  de  la  Trinité.  Il  parait 
snp(ioser  en  etfet  qu*avant  d'entrer  dans  la 
théologie  officielle  du  Brahmanisme  «  qull 
regarde  comme  la  première  révélation  ré- 
gulièrement organisée»   ce  dogme  s'était 
montré  d*une  manière  plus   confuse  à  la 
raison  humaine  dans  les  lois  de  la  nature 
el  de  l'intelligence.  Nous  ne  nous  arrête- 
rons pas  à  signaler  tout  ce'qu'il  y  a  de  véri- 
tablement étrange  dans  cette  théorie»  qui 
fait   plus   d*honneur   à    l'imagination  de 
M.  Clavel  qu'à  sa  pénétration  théologique. 
Il  nous  sufbra»  pour  atteindre  le  but  de  ce 
travail,  d'établir  mie  comparaison  sérieuse, 
basée  sur  les  faits  de  Tnisloire,  enire  la 
triade  du  système  brahmanique  et  la  Trinité 
catholique. 

Au  milieu  de  la  prodigieuse  confusion  de 

la  Ibéologie  hindoue,  il  est  difficile  de  se 

faire  une  idée  tant  soit  peu  exacte  du  dogme 

♦le  la  Trimourti.  Il  est  vrai  que  M.  Clavel, 

soit  pour  faire  disparaître  les  singulières 

^^ntradictions  de  cette  doctrine»  soit,  j'aîme 

laiieux  le  supposer,  pour  n'avoir  |>as  étudié 

/«^s  sources  ori^jinalcs  présente  la  théodicée 

d   e  la  Trimourti  sous  l'aspect  le  plus  fovo- 

r-^^le  à  son  hypothèse. 

€  A  la  tète  du  Panthéon  hindou»  dit-il,  se 
tr'OiJvent  trois  dieux  suprêmes  (1557)  : 
êrsiiiua»  qui  préside  h  la  création  de  l'uni- 
vers; Vicbnou  qui  veille  à  sa  conservation» 
f  t  Si  va,  qui  a  |K>ur  mission  de  le  détruire. 
Quoique  distincts  de  leur  personne  y  ils  ne 
fcircieot  en  réalité  qu'une  divinité  unioue: 
re  Moni  te$  Ir^i»  a$peeU  de  VElrt  éiemei,  et 
iiia4xessible  aux  sens  qui    les  produisit» 

(1556)  M.  Clavel  admet  en  elTei  une  révélaiioii, 
mais  celle  qui  se  fait  par  la  cnn^enee  el  par  les 
mire  voix  de  la  nature.  Il  cite  **u  faveur  de  relie 
éiraoge  hypothèse  un  texte  de  TerluUieo  qu*il  n'a 
[MIS  compris.    (Cfr  Clavel,  Bûioire  des  rtH^otu^ 

Benjamin  Constant  est,  an  fond,  de  cette  opinion, 
4  if  admet  la  rcTébtion  dans  ce  fens.  Quant  à  la 
rrinîlié«  il  la  trouve  partout,  ei  II  explique  cette 
ittiversalité  ca  la  considérant  comme  un  rësulut 
faittrei  de  U^  mélapbyûqH^  de*  castes  sacerdotales, 
>l>  ?  aH»le!  oh!  triste!  eomme  dit  Sbakspeare. — 
Cfr  BesBJamin  CD5SVA?rr»  De  la  religion^  t.  x,  c.  8 
uiicr .) 

i\5S7)  Trob  dieux  suprêmes,  le  mot  est  pblsant 


comme  on  Ta  vu»  par  son  union  arec  Mâyâ^ 
VHluêion  (1536).  Cette  triade  divine  est  la 
Trimourti  ou  la  triple  forme  de  Parabrahniâ. 
On  la  désigne  communément  par  le  mot 
Oûm  ri539) ,  dont  les  trois  lettres  en  expri* 
ment  les  trois  membres»  savoir  :  O  vicfanoo» 
D  Siva  et  M  Brahma  (1560).  » 

En  formulant  cet  exposé  systématiguo  » 
M.  Clavel  a  imité  tous  les  auteurs  qui  ont 
essayé  de  faire  une  histoire  des  mytbolo- 
gies.  Comme  les  systèmes  païens  présen- 
tent une  confusion  dont  il  est  impossibli; 
de  donner  même  une  faible  id^^e  •  on  a  «Hé 
amené,  |K)ur  tracer  un  tableau  intelligib'e  à 
peu  près  à  ne  faire  entrer  dans  l'analyse  des 
niythologies  que  les  éléments  les  moinn 
disparates  et  les  |>lus  homogènes.  Mais 
cette  méthode»  inventée  par  les  néoplato- 
niciens» et  introduite  chez  nous  par  les  né- 
cessités de  renseignement»  s  est  glissée 
malheureusement  dan$cequ*on  est  convenu 
d*appeler  la  philosophie  de  rhistoire.  Nous 
anrons  plus  a  une  fois  occasion  de  montrer 
la  solidité  de  ces  réflexions  dans  la  question 
qui  nous  occupe  »  si  étrangement  dé6gurée 
par  la  légèreté  des  uns  et  par  l'ignorance 
des  autres;  car  nous  écartons  toujours  de 
notre  esprit»  tant  que  la  chose  n  est  pas 
absolument  im|iOssible»  la  supposition  qu  on 
pourrait  porter  dans  ces  graves  sujets  cette 
mauvaise  foi  calculée  et  réfléchie  qui  serait 
le  déshonneur  de  la  science. 

On  nous  donne  la  Trimourti  comme  une 
expression  incontestable  de  Tunité  divine; 
mais,  au  lieu  de  trouver  en  elle  cette  bar* 
monie  parfaite  et  profonde  qui  est  le  carac* 
tère  essentiel  de  rintelligence  infinie  (1561)» 
nousviiyoris  plus  d'une  fois  régner  entre 
les  personnes  de  cette  monstrueuse  triade» 
pour  des  questions  d*intrigue  ou  de  vanité 
puérile»  une  anarchie  dégoûtante  qui  rap- 
pelle naturellement  ce  vers  de  Virgile  • 

.  •  •  •  .  Tautœne  mnmis  cœlesiîbms  irm! 

Dans  le  Scanda-Pou rana  (1563)»  les  trois 
dieux  de  la  Trimourti  se 'disputent  la  préé- 
minence avec  acharnement.  Vichnou»  d'une 
humeur  plus  paisible  et  plus  douce»  finit 
par  accepter  et  subir  d*assez  l)onne  grâce  la 
suprématie  de  Siva;  mais  Brabmâ»  dont 
l'orgueil  et  Tesprit  indomptable  remplissenl 
toutes  les  légendes  indiennes»  pousse  Siva 
k  de  telles  extrémités»  que  ce  dernier»  dont 
les  goûts  sout  belliqueux  •  se  voit  obligé» 

et  raren  naïf. 

(1558)  M.  Clafd,  qai  ae  manque  pas  de  fraochise» 
n^oiiUie  pas  la  mère  de  la  Tnnîie,  ni  le  slnfoli*  r 
mariage  qui  Ta  produite.  Si  Ton  ne  voulait  regar- 
der Brabmâ  que  comme  Brabm  manifesté,  oommebl 
alors  esp  Iquer  de  l«flles  noces? 

(1559)  M.  Gnigniaut»  grave  anlorilé  aux  yeux  de 
M.  Clavel»  regarde  Oûm  comme  le  Verbe  iucréê. 
Quand  donc  ces  messieurs  voudronl-ils  mieux  s*en- 
tendre? 

(1560)  CukVEL»  Eistcire  des  religions^  I»  46. 
(1561}  Cfr  Klee,  Manuel  de  Ckistoire  des  dogwus 

chrétietu^  traduction  Mabire. 
(I56i)  C*est  le  Ponraua  du  dieu  d^  guer/e. 


UI5 


TRI 


MCTUHQiAIRE  APOLOGETIQUE. 


m 


m 


malgré  leur  prétendue  fraternité»  de  lui 
couper  une  de  ses  tëles  et  d'abolir  son 
cuite  (1563). 

H.  Clavel  lui-même  ne  dissimule  pas  le 
moins  du  monde  les  incroyables  discordes 
de  la  trinilé  indienne,  et  je  ne  pourrais 
même  citer  aucun  écrivain  qui  se  soit  oc- 
cu|)(Vavec  tant  d'intérêt  des  querelles  de 
cette  famille  agitée. 

«  Lorsqu'il  eut  construit  les  mondes,  dit- 
îU  Brahmd,  enorgueilli  de  son  œuvre,  ou- 
blia que  le  souverain  £tre  en  avait  partagé 
le  gouvernement  entre  ses  deui  frères  et 
lui,  et  prélendit  accroître  son  domaine  aux 
dépens  du  leur.  A  l'insu  de  Siva  et  de  Vich- 
nou,  il  s'empara  d'une  partie  de  l'espace, 
colle  qui  était  destinée  à  recevoir  les  Nara- 
kras  ou  les  enfers.  Vichnou  et  Siva  ne  tar- 
dèrent iHis  à  s'apercevoir  de  ce  larcin,  et, 
pour  en  punir  l'auteur,  ils  réduisirent  d'une 
étendue  éaaie  la  mesure  qui  lui  avait  été 
assigiiûe.  l!ot*cé  de  se  soumettre,  il  ne  se  ré* 
signa  qu'en  frémissant.  Père  des  Védas  en 
môme  temps  que  du  monde,  il  se  croyait  de 
beaucoup  supérieur  à  ses  frères  pour  l'in- 
telligencc  et  la  capacité.  L'orgueil  n'était 
pas  le  seul  sentiment  mauvais  dont  il  fût 
animé;  son  cœur  était  brûlé  d'un  amour 
incestueux;  Saraswati,  sa  propre  fille,  était 
l'objet  de  cette  coupable  passion.  Il  l'obsé- 
dait de  ses  poursuites,  dont  elle  avait  hor- 
reur, et  auxquelles  elle  essayait  vainement 
de  se  dérober.  A  chaque  effort  qu'elle  fai- 
sait pour  se  soustraire  aux  regards  de  son 
père,  il  poussait  h  Brahniâ  une  nouvelle 
léte.  Loi'ssque  ces  têies  furent  au  nombre  de 
quatre,  tournées  chacune  vers  un  des  points 
cardinaux,  ne  trouvant  plus  autour  d'elle 
aucun  lieu  qui  lui  servit  de  refuse,  elle 
tenta  de  s'envoler  vers  les  cieux.  Mais  dans 
cet  asile  encore  les  regards  de  BrabmA  la 
suivirent;  car  une  cinquième  tète  lui  était 
venue.  Indigné  d'un  tel  excès  de  lubri- 
cité (15M),  Siva  dépêcha  près  de  BrahmA 
Veirava,  son  iils,  qui  lui  trancha  cette  cin- 
quième tète.  Là  ne  s'arrêta  pas  le  courroux 
de  Siva.  La  demeure  du  coupable,  le  Brabmâ- 
Loka  fut  précipité  de  la  hauteur  des  cieux 
jusqu'au  iond  de  l'abtme  (1365).  » 

Un  fait  qui  n'est  pas  indigne  de  lattention 
de  ceux  qui  veulent  juger  la  portée  pratique 
de  la  théologie  hindoue,  c'est  que  les  que- 
relles de  cette  édifiante  famille  descendirent 

(1563)  Cfr  Pàterioji,  Recherches  aiiatiqueê^  vni« 
^  é» 

(1564)  Il  est  difficile  de  concevoir  ce  scmpole  de 
Va  part  U*uti  d:eu  qui  se  persoiinlffaic  dans  le  révol- 
tant symbole  du  Lingam.  —  Cfr.  Guérin,  Ailrono- 
mif  indienne,  c.  17. 

(1565)  Clavel,  HUioire  det  religions,  livre  i, 
cb.  5. 

(1566)  Si  M.  Edgar  Qainet  avait  mieux  compris 
ce  fait,  qui  est  ordinaire  dans  la  mythologie  biti- 
doiîe,  il  h\'iurait  pas  accepté  sur  Indra  ie^  opiniuiis 
fantastiques  qu*oii  trouve  dans  son  Génie  des  reti^ 
tjivns.  La  comparaison  d'hiJra  et  de  Jéliovah,  con- 
bidérés  Tun  et  l'autre  comme  types  du  Dieu  de  la 
révélation  pripiitive,  e.st  une  des  cbo&es  les  plus 
naïves  que  MDUs  connaissions  dans  la  science*  Il 
iaut  rendre  cette  Justice  à  M.  Ciavtl  il  ce  retombe 


sur  la  terre*  jusque  dans  les  rangs  de  brs 
sectateurs.  Les  adoiirateurs  de  chacun  de 
ces  dieux  en  firent  l'objet  exclusif  de  leuis 
homuiages  et  de  leurs  adorations ,  et  lui  at- 
tribuèrent toutes  les  prémgaiifGs  de  la  Di- 
vinité  suprême  (ISM).  Cette  concorrenct 
entre  les  différents  cultes  finit  par  ranèao- 
tisseroent  de  celui  do  Brabmi  (isin]  et  pir 
le^trioraphe  teni|>oraire  du  siraisme  sur !e 
vichiiouïsme.  Hais  ce  succès  ne  tut  pas  de 
longue  durée.  Les  Vairagis  prirent  UH- 
fense  des  droits  de  Vichnou  contre  les  S86> 
nyasis,  et  plus  d*une  fois  ces  bordes  bnaii- 
ques  ensanglantèrent  la  presqu'île  \m\m 
combats  (1568). 

S'il  a  régné  dans  tous  les  temps,  non-jes- 
lement  entre  les  adorateurs  de  la  Trimouni, 
mais  même  entre  les  personnages  qui  k 
composent,  des  discordes  si  frappauleseï 
si  extraordinaires,  il  ne  faut  pas  s'éiooner 
que  la  théologie  brahmanique,  pour  eoi- 
{lécher  des  excès  trop  scandaleux  se  soii 
vue  obligée  d'assigner  dans  la  création  >ie$ 
habitations  tout  à  fait  distinctes  à  ces  trDL<i 
dieux  turbulents,  dont  on  voudrait eii  nia 
faire  une  seule  et  indivisible  dlTiotlé. 
;  «  Il  n  y  a  que  trois  dieux,  ditleU^^VUa 
en  parlant  de  la  Trimourti,  dontbvltc«& 
sont  la  terre,  la  région  mitoycnae  «i  !« 
ciel  (1569).  » 

M.  Clavel  ne  confirme-t-il  pas  aussi  l'op- 
nion  dont  nous  parlons  en  assi^anili 
BrahmA  une  habitation  séparée  de  celle  (k 
ses  frères  (1570)? 

M.  Edgar  Quinet«  qui  n*est  pas  généralr- 
ment  disposé  à  nous  fournir  des  arpoeQt^, 
loin  de  voir  dans  la  Trimourti  un  sjtoMe 
d'imt//,  est  disposé  à  la  regarder  m^ 
Texprossion  de  la  haineuse  sèparatioDôei 
castes,  qu'on  aurait  transportée das» i^ 
cieui  par  une  habitude  favorite  de  II  tii<!<'* 
logie  brahmanique,  afia  d'en  reodreif^ 
rée  éternelle.  .  , 

«  Dans  la  trinité  des  Brahmanes^  ^^^^ 
les  trois  personnes  composaient  uot  ^ 
de  |)olj théisme.  Trois  dieux  ou  plul&iifî|^^ 
religions  d'origine  diverse,  efineinies  b 
unes  des  autres,  éteraisaient  l'id^^'^j^ 
ditférence  essentielle  des  castes  dans  it- 
tat  (1571).  » 

Quand  on  ne  se  coaiteale  pas  '*^^^ 
les  choses  d'une  manière  vague  et  sepeft* 
cielle»  et  qu'on  pénètre  posr  ainsi  dire  ](&' 

jamais  dans  de  si  mdes  méprises,  et  ii  neprrt'F' 
un  Dieu  presque  toujours  seeomiaife  posr  ft^"^ 
sion  la  plus  élevée  d*an  système  religieiu. 

(«567)  Cfr  Beniamin  CmiTksr,  De  is  ^ 
dans  sa  source,  dans  ses  formée  et  dans  it*  ^'"^ 
peme^ts,  iv,  116. 

(156«)  Cfr  Paterson,  dans  les  Reduràti  o^ 
ques,  VIII,  4i  45.  ^ 

(1569)  CoLEBRooRE,  Mémoire  sur  tes  Véétt,' 
tes  Recherclies  asiatiques,  viii,  3dl.  .   . 

(157PJ    Cfr  Clavel,  Histoire  des  fW»j»*'^ 

(15*n)  Elgar  Quinet,  Génie  des  réligiou,^ 
Le  docteur  Creuier  recoiinaiU  aussi  daat»  A^ 
endroiu  trois  cultes  divers  dans  riiiik  :  k  "^ 
iiiaîsuie,  le  vicliaouisme  et  le  sivaisme. 


un 


TM 


WCTIONNAinE  APOLOGETIQrE;. 


Tîil 


uts 


qu*«Q  fofl^  d^  docirines  on  est  invoIonUii* 
rement  frapi>é  de  la  prodigieuse  légèreté 
des  adversaires  du  christianisme.  Les  es- 
prits les  plus  prévenus  doivent  comprendre 
futilement  la  majestueuse  grandeur  et  la 
niA^^oiifique  pureté  de  la  dogmatique  catho- 
lique. Quand  on  vient  dire  que  la  Trinité 
dérire  de  la  Trimourti  des  Hindous,  on  s'al- 
lend  oaturcilement  à  trouver  entre  ces  deux 
Jogmes  une  de  ces  profondes  analogies  mo- 
rales qui  frappent  les- regards  les  plus  dis- 
traits. Mais  il  s*en  faut  bien  qu*n  en  soit 
liosi  de  cette  théologie  des  Hindous,  dont 
jn  nous  vante  sans  cesse  la  sublimité  avec 
me  complaisance  incompréhensible.  On  a 
ru  plus  d'une  fois  les  hommes  qui  décla- 
oent  contre  Fidolâtrie  de  la  croix  (1572)  es- 
arer,  par  d*ingénîeuses  et  révoltantes  apo- 
r>^ies,  de  faire  saisir  la]  mystérieuse  signîG- 
alion  du  culte  obscène  au  lingam.  Mais, 
uelqnes  jugements  qu*on  doive  porter  sur 
e^  smgalières  théories,  on  fera  diflljcile- 
lent  comiirendre  aux  esprits  droits  et  sin- 
^resque  le  fleove  limpide  du  chiistianisme 
it  jamais  pu  sortir  de  la  source  empoison- 
ée  d*une  théologie  si  misérable  et  si  dégra- 
de. Ne  serait-il  pas  plus  facile  de  supposer 
ne  les  perles  divines  de  la  vérité  peuvent 
litre  dans  la  fange,  et  que  les  ténèbres 
.'a vent  produire  la  lumière? 
Mais  nous  n*aurions  donné  à  nos  lecteurs 
l'une  idée  très-incomplèle  de  la  théodicée 
ts  Hindous,  si  nous  nous  bornions  h  con- 
ilter  les  livres  des  savants  oui  n'ont  jamais 
(  THindoustan  ni  converse  avec  les  théo- 
^ens  du  brahmanisme.  C*est  dans  les  ré- 
^  naïfs  des  plus  anciens  voyageurs  qu'il 
it  chercher  un  tableau  impartial  et  corn- 
et des  bizarres  mystères  que  cache  sous 
i  symboles  variés  la  déplorable  fécondité 

brahmanisme.  Or,  si  nous  ouvrons  les 
ations  des  explorateurs  les  plus  conscien- 
ux  de  la  presqu'île  indienne,  nous  y 
avérons  sur  la  question  qui  nous  occu{)e 

plus  sérieuses  révélations.  La  théologie 
bmanique  nous  apparaîtra  alors  sous  son 

57S)  Cette  odieuse  expression  est  empruntée  à 
'éforme, 

573)  Comme  dans  le  P.  PaioUn  de  Saint-Banbé- 
r,  SyMtema  bratmameum^  04.  —  Bralim  ea 
ima  sansacceat. 

S  74)  CaraBie  dans  la  Trimmirti  d^Alexaadra 
,,  dans  sa  Diueriatiom  êur  ie$  brmhmanes. 
575)  Comme  dans  la  deuiième  Trimourti  da 
olgenee,  dans  son  Pagaui$me  iadUn, —  Ce  pré- 
K  mannscrii,  qui  n*a  jauiais  écé  imprimé  eu  en- 
a  été  révélé  au  public  par  fragmeois  pour  la 
iiére  fois  par  If.  Daniélo,  dont  les  publications 
Ues  reulermeai  uni  dé  rechercbes  d*ttne  si 
le  îniporunce. 

.7G)  CcMome  dans  la  troisième  Trimourti  da  P. 
eiure.  Ce  Caru  parait  assez  ressembler  ^  Vas- 
seuteineoi,  dans  le  système  où  on  le  rcncuB- 
i  y  a  des  extravagances  pariiculières.  Carta  se 
re  sous  la  forme  d*une  igare  bunuine  qui  a 
têtes*  dans  mille  bras  et  deux  mille  ïambes. 
loo  sort  da  nombril  de  ce  monstre,  Brabuii 
ta  nombril  de  Viebnoii,  et  Roodra  du  visage  de 
nib.  Dans  la  précédenle,  où  le  premier  person- 
l>orte  le  nom  de  Vastou,  on  trouve  cinq  dieux 
U  TrimovU  :  !•  Yaston,  t*  Cbivea,  3*  Brab-  { 

]>ICT102l3r4lEB  APOLOaBTIQUB.    II. 


véritable  jour,  c^st-ànlire  dans  toute  son 
étrange  confusion',  dans  sa  prodigieuse  li- 
cence. Quelque  bodne  volonté  que  nous  v 
mettions,  nons  ne  pourrons  jamais  établir 
un  ordre  complet  dans  ce  chaos  inextrica- 
ble; et  si  quelquefois  on  remarque  qnelqno 
désordre  dans  notre  exposition ,  il  j  aurait 
peut-être  de  Tinjustice  à  nous  en  rendre  res- 
ponsable. En  enet,  autant  il  est  facile  d'ex- 
[>oser  la  logique  et  la  marche  des  idées  chré- 
tiennes, autant  il  est  diiïicile  de  donner  une 
idée,  même  très-imparfaite,  des  folles  aber- 
rations du  paganisme. 

La  première  classe  de  Trimourtis  se  com- 
pose de  quatre  personnage»,  san^  qu'il  ap- 
paraisse aucune  intervention  du  sexe  fémi- 
nin. Le  principal  de  ces  personnages  s*a|>- 
pelle  tantôt  Brahm  (1573),  taotôt  Brih- 
ma(1574),  tantôt  Vastou  (1575),  tantôt  Car- 
ta (1576),  tantôt  Para-Brahraé  (1577). 

Par  compensation,  dans  d*antres  systèmes, 
le  ponvoir  paternel  est  remplacé  par  une 
mère  à  laquelle  on  prête  souvent  les  aven- 
tures les  plus  extravagantes  ou  les  pas- 
sions les  plus  effrénées.  Ainsi,  on  voit  la 
Trimourti  naître  tantôt  de  Paracbatti  (1578), 
tantôt  d'une  certaine  Sacti,  dévorée  d'une 
passion  incestueuse  pour  ses  enfants  (1579), 
tantôt  de  la  déesse  Gantiganadi  (1580),  tan- 
tôt de  Parasacti,  fille  de  Para-Brahmâ,  qui 
métamorphosa  ses  deux  premiers  fils,  obsti- 
nés i  repousser  son  amour  incestueux,  et 
qui  est  à  la  fin  dupée  par  Siva  de  la  manière 
la  plus  risible  (1581);  tantôt  de  la  prostituée 
Kondaki  (1582),  avec  des  circonstances  si 
révoltantes  qu  on  nous  laissera  volontiers 
renvoyer  au  récit  dn  naïf  et  savant  mission* 
naire  qui  remarque  ^r  que  les  Brahmes  se 
remettent  devant  les  yeux  et  font  entrer 
dans  leurs  prières  cette  sale  histoire,  qu'il 
n*est  permis  de  déclarer  que  {K)ur  rendre 
ce  paganisme  aussi  odieux  qu'il  le  mé- 
rite (1583).  > 

Dans  d*autres  traditions,  Brahmâ,  Vichnon 
et  Siva,  plus  favorisés,  sont  tout  à  la  fois 
pères  et  mères.  Ainsi  nous  voyons  le  dieu 

mi,  4*  ^tchnou,  5*  Rendra. 

(1577)  Comme  dans  une  des  trois  Triaoortit  dv 
P.  Pantin  de  Saini-Baribélemy,  dans  son  Vofnfe 
aux  inde*  orirMoles. 

(1578)  cre»t  la  versim  du  P.  Boucher,  dans  les 
LeitTtê  édifiaHie»^  t.  XL  — >  il  f^agit  ^liabkmeul 
de  Parasacii. 

(1579)  Comme  dans  la  einifuième  Trimourti  du 
P.  Fiiigeace,  Dans  h  sepiiéme  et  huitième  Tri- 
mourti, on  voit  aussi  en  téie  une  certaine  Sacti; 
nuiis  il  y  a  une  telle  compliraiion  de  généalofioj 
et  de  mariages  que  iious  ii*avons  jamais  pu  démêler 
des  coniradicitons  si  grossières. 

(I5a0)  Cest  le  Gange,  comme  dans  la  nentième 
Trimourti  du  P.  Fulg*  née.  Cette  lésende  est  des 
plus  curieuses  :  en  ef  et,  les  dieux  6*eiani  condaits 
de  la  manière  la  plus  indécente  vis-à-vis  de  lear 
mère,  eUe  les  réduisit  à  Peut  d^enfanee,  dont  ils  ne 
furent  délivrés  qu*à  la  prière  des  auties  dieux. 
*  (1581)  Comme  dans  la  diûéme  Trimoviti  do  P. 
Fuigence. 

(i58l)  Comme  dans  la  douiième  Trimourti  da  P* 
Fnigence. 

(1585)  FcLGcscc,  PaganUme  îadf<n,  p.  158  do 
lanoscriide  la  bibliothèque  Richdieo. 

45 


ni3 


Tni 


DICTtONNAlUE  APOLOGETIQUE. 


TRI 


m 


Paramcsouara  créer  avant  eux  la 'déesse 
Bhavani,  qui  devient  à  son  tour  leur  mè- 
re (1584}.  Ailleurs,  dans  des  légendes  plus 
curieuses  encore,  naissent  avec  les  trois 
personnages  de  la  Trimourti,  leurs  sœurs 
qui  deviennent  leurs  femmes  ou  celles  de 
leurs  frères. 

«  On  lit  dans  voire  plus  ancien  code,  di- 
sait le  père  Josèphe  de  Carignan,  qu'au 
commencement  Dieu  créa  une  femme,  et 
que  celle-ci  mit  au  monde  trois  enfants, 
Brahma,  Vichuou,  Mahadéva  (Siva),  qu'elle 
chargea  du  soin  de  crêper,  de  conserver  et 
(le  détruire;  qu'ensuite,  cette  même  femme, 
qui  était  leur  mère,  se  transforma  en  trois 
iilles,  et  épousa  chacun  de  ses  enfants. 

(1585)  tf  Dans  un  antre  mythe,  Parascati 
fait  sortir  d*un  œuf  Brahma  et  Saraswati, 
Vichnou  et  Lachkmi. 

Nos  adversaires,  ne  pouvant  pas  dissimu- 
ler des  faits  aussi  accablants  pour  leur 
théorie,  s'écrieront-ils  avec  le  docteur  Creu- 
zer  :  «  Quoi  de  plus  naïf  et  de  uliis  profond 
an  même  temps  aue  ces  symboles,  ces  allé- 
gories, ces  emblèmes  de  toute  espèce  qui, 
de  bonne  heure,  personnifièrent  et  révélè- 
rent aux  yeux  le  principe  de  la  nature  et 
les  forces  qui  en  émanent,  les  grandes  opé- 
rations accomplies  par  les  puissances  di- 
vines (to86)  1  »  ou  bien  encore,  avec  M.  Gui- 
gnUut,  que  c'est  là  «  un  panthéisme  ratio- 
nel  et  philosophique  combiné  avec  le  mo- 
nothéisme le  plus  pur,  le  plus  idéal,  le  plus 
absolu  qui  se  puisse  concevoir  (1587)?  » 

Ici  révidence  des  faits  l'emporte,  et  nos 
maladroits  apologistes  des  folies  brahmani- 
ques laissent  échapper  des  aveux  que  nous 
nous  empressons  de  recTucillir  de  leur 
bouche. 

«  Le  symbole  de  Brahma,  dit  le  docteur 
Crcuzer,* c'est  la  terre,  l'eau  de  Vichnou,ile 
feu  de  Siva.  Voila  les  trois  grands  dieux 
des  Hindoux;  ils  ont  pour  mère  Bhava- 
ni  (1588).  » 

a  Joyeuse  d'être  créée,  dit  M.  Guigniaut, 
Bhavani  exprime  sa  joie  i)ar  des  sauts  et 
des  bonds,  et  rt^ndant  quelle  dansait  ainsi 
avee  beaucoup  de  mouvenient,  tout  à  couu 
s'échappèrent  de  son  sein  trois  œufs  d'où 
sortirent  les  trois  dieux  (1589).  » 

C'est  là  évidenmienl  le  monothéisme  le 
plus  pur,  le  plus  absolu,  le  plus  idéal  que 
ion  puisse  concevoir! 

(1584)  Celte  Iradilion  est  tirée  du  P.  Paulin  de 
Sdiul'liarlhélcmy ,  Votfuge  dans  Icê  Indes  orien- 
tales   . 

(I5S5)  Ce  passage  est  ciié  dans  le  P.  Paulin 
fie  Saint-Barttiélemy,  Yoyage  aux  Indes  orient 
talés. 

(loSUyCREUzEn,  GuiGNuoT,  Les  religions  de  Can- 
tîquité,  L  1,  c.  â. 

^1587)  GtiGNiAUT,  noie  sur  la  page  151  de  Creu- 
zer,  t.  1*^'  de  Creuzer.  —  Dans  une  note  de  la  page 
150  il  ose  cuniparer,  sans  le^pect  pour  les  cLosesJes 
plas  saiates,  Tobscène  Lingam  avec  Parbre  de  vie  ! 
M.  Guigniaut  e«t  pourtant  un  modéré^  et  son  livra 
est  dédié  à  M.  l^ousiu. 

(1588)  CnEUZER,  Religions  de  rantiquité^  livre  i, 
cil.  2. 

(1^89)  GiiCMAt'T,  noie  sur  la  page  la7  du  t.  1*^ 


'!-(• 


(hvanas  hominum  mentes  etpedors  teu! 

M.  Creuzer  ne  veut  pas  le  céder  enlovanié 
h  M.  Guigniaut;  il  avoue  que  le  symbole  da 
lingam  et  celui  de  la  Trimourli  se  cunton- 
dent  ensemble.  Il  ne  s'en  élonne  nulle. 
ment,  parce  que  d'après  la  Iradilion  (m 
Hindous,  les  trois  dieux  sonl  nés  ila 
lingam,  auquel,  ainsi  que  M.  Cuigniau!, 
il  donne  l  éiâihèln  sacrilège  d*arbr€  ù 
vie  (1590)  I 

Croira-t-ou  maintenant  voJonlicrN  que 
Jésus-Christ  et  les  apôlres  ont  puisé  Ir 
dogme  de  la  Trinité  dans  ces  fables  pj^ 
si(^res  et  révoltantes?  Dira-t-on  que  le  pot- 
tife  immaculé  de  la  nouvelle  alliance $k 
fait  Je  plagiaire  de  cette  misérable  plifc 
phie,  écho  vulgaire  et  confus  despsioL 
les  plus  viles  et  Jes  plus  dégradées? 

.     §  IIL 

Bralunâ,  Vicbnoa,  Si?a  sont-Ils  les  trois  peisoD&cjdinM 

de  la  Trioilé  catholique? 

Brahma.  —  Prenons  les  unes  après  le^ 
autres,  les  trois  personnes  de  la  Trimoarti 
brahmanique,  et  voyons  s'il  est  possible  dV- 
tablir  entre  elles  et  la  Trinité  cbrélienLi 
un  rapport  sérieui  et  raisonnable.  Tu.. 
qu'on  reste  sur  le  terrain  des  €om\mimy 
vagues  et  superficielles,  il^est  si  facile  d'era- 
brouiller  les  questions,  que  les  esprits  lf< 
plus  sagaces  et  les  plus  pénétrants  penlest 
facilement  de  vue  l'état  de  la  question d 
se  laissent  imposer  avec  la  plus  grani. 
facililé  les  préventions  les  plus  biiarrcs. 

J'admets  pour  un  moment  que  la  Fr- 
mourti  hindoue  puisse  se  réduire  àt^.' 
membres  (1501),  et  qu'on  puisse  éliniisf 
facilement  de  son  seni  les  personnages «ji 
jouent  un  si  grand  rôle  clans  sa  fomalf»? 
Brahma  devra  dans  ce  cas  être  con>ii«' 
comme  le  Père,  Vichnou  comme  I«Fi'^' • 
Siva  comme  le  Saint-Esprit. 

Nous  avons  déjà,  en  parlant  des  imr^^ 
de  la  Trimourti ,   eilleuré   néccssairruiîfi^ 
quelques   traifs  du    portrait  de  Braii^' 
mais  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  n*; 
avons  considéré   sous   toutes  ses  kio 
physionomie  de  cet   étrange  personos^ 
Nous  avons  vu  que,  pour  punir  Brihiui 
(15d2)  de  sou   amour  incestueux  (1)''^ 
Siva  l'avait  précipité  de  sa  céleste  deoKïî  • 
mais  la  justice  nous  oblige  à  ajoulor(]a' 
sentit  alors  Ténormité  de  son  crime,  eiiJ!" 

de  Creuzer.  —  On  ironve  la  mène  léjpfn'f  '"^ 
Benjamin  Constant,  De  la  religion^  Ul,i'^.'^" 
de  curieuses  variant!  s. 

(1590]  Creuser,  Guigniaut,  Let  religkmé.  f'^* 
liquité^  1.  I,  c.  2. 

(1591)  Nous  avons  démontré  dans  le  panr^ 
prccé  lent  que  cette  hypothèse  était  ioauBih^^ 

(1592)  Siva,  si  Ton  en  croit  le  docteur  Cifi? 
trà  au  courant  de  ces  affaires  de  familte,  6^^^ 
pardonner  à  Brahma,  mais  il  ne  Toutm  fn^^* 
rendre  sa  cinquième  léle,  dont  il  se  fiiitf^ 
ment  plus  sinifulter  que  gracieux.  Lrs  <lv^  ^ 
rinde  ont  en  effet  une  caqueiterie  à  kof  ^^ 
(Creuzcr,  ibid.t  I.  i,  c.  4.) 

(1593)  D'après  le  docteur  Creui^er  et  OfA«^ 
Constant,  Tamour  de  BrahmA  pour  sa  filW*'^' 
pas  aussi  malheureux  i\UQ  le  croie  M.  Cl^^r^  •^' 


Ui\ 


Tpa 


DICTIONNAIRE  APOLOGETiQUE. 


TRI 


442i 


résolut  de  faire  une  sérieuse  et  sincère  péni- 
teoce.  Tout  le  monde  arouera  que  Tinlen- 
lion  était  bonne;  mais  ce  qui  ne  paraîtra 
pas  tout  à  fait  aussi  édifiant,  c'est  la  manière 
donlBrahmâ  s*y  prit  pour  expier  ses  dérè- 
glements. Il  résolut  de  s'incanier,  et  rerê- 
til  la  forme  d'un  corbeau  appelé  Kaka- 
Bhousonda  (1593^).  Il  proGta  du  gosier  har- 
monieux de  cet  oiseau  pour  chanter  la 
guerre  en^^agée  entre  Bhavanî,  l'épouse  de 
Siva,  et  les  Assouras  commandés  par  Ma- 
l:e('iiâsoura  (1595). 

Cependant  cette  incarnation  n'avait  pas 
ralmé  les  passions  et  les  convoitises  ardcn- 
\os  qui  dévoraient  le  cœur  de  ce  Dieu. 
Quand  il  reparut  dans  le  monde  sous  la 
furme  d'un  paria  nommé  Valmiki,  il  re- 
trouva dans  son  âme  les  inclinations,  per- 
verses qui  l'avaient  entraîné  à  tant  de  for- 
faits sur   le   trône   éternel   des  cicux.   Il 
construisit,  au  fond  d'une  ténébreuse  forêt, 
une  sorte  d'auberge  des  Adretif'jisLUS  laquelle 
il  attirait  et  égorgeait  les  voyageurs  pour 
s'emparer  de    leurs   richesses;  heureuse- 
ment qne  deux  t)onnes  âmes  eurent  pitié 
<!u  créateur  des  mondes.  Deux  richis  ou 
saints  pénétrèrent  dans  son  coupe-gor^e  et 
le    couveriirent    à    force    d'exhortations. 
L'incorrigible  Brahmft  reconnut  encore  une 
fois  rénormité  de  sa  conduite,  et  comme  le 
diable  qui,  devenu  vieux,  se  ût  ermite,  de 
roiipe-jarrets  il  devint  docteur.  Il  étudia 
ies  Védas,  se  rappela  dos  goûts  poétiques 
«II*  sa  vie  de  corbeau,  devint  un  chantre  ins- 
piré, célébra  dans  ses  vers  les  quatre  ava- 
tars de  Yichoou  et  enBn  composa  le  célèbre 
f  toëme  du  Ramajana  (1596),  un  des  chels- 
r  l'œuvre  littéraires  de  Tlnde,  dans  lequel  fl 
r^.ronfa  la  septième  iucarnation  de  Vich- 
Dou  (1597). 

Dans  une  nouvene  incarnation  BrahmA 
n'était  pas  encore  corrigé  des  faiblesses  de 
sn    vie  antérieure.  Il  nauuit  d*une  famille 

iiitoriié  est  très-grave  en  ce  qui  regarde  ces  anrc- 
oies  de  ménage.  Or,  ils  nous  apprennent  qne 
IriMbmk^  ne  saciiaiit  comment  leupier  rufiive.s« 
•pcMi&a  sa  fiUe  Saraswati,  el  qu*il  eut  cent  CIs.  (Cfr 
.ii^rzcn,  ibid.;  —  et  B.  Co.xstast,  De  h  religion^ 
U,  f79.)  —  Comme  tous  ceé  rx>nU:s  ressemblent  à 
A  f  Iféologle  de  TEvangile  ! 

(I59i)  C*est  lui  que  le  docteur  Crenzer  appelle 
Zagtossum^  après  relier.  M.  Guigniaut  lui  donne 
••oioie  nous  le  nom  de  Kaka-Bhousonda,  (Cfr 
'.BEuzcB,  GciG?(ucT»  Le*  religionê  de  lamtauité^ 
.  I.  c.  4.) 

f  159.5)  Cest  le  Mabasnsoura  de  Holwel).  (Cfr 
U»Lwcix,  traduit  dau)i  Oit,  Huioirc  aitcieuue  ae 
Inde.) 

1 1596)  Qae  M.  Tabbé  Gnérin  appelle  Ramayone. 
Zir.  GuÉRin,  Aêtronomie  indienne^  note  sur  le  Ha- 
tayone^  k  la  fin  du  volume^ —  Sur  les  piiémci 
.>t:|ue5  de  rinde,  Cfr  Edgar  QvmT ,  Cétde  desn- 
jion»;  —  Catitu,  Hietoire  umitertelle,  iv; —  Fré- 
-riik  i>K  ScHLEGEL,  Histoire  de  la  litiérature^  et 
i/ffi^ue  e€  philosophie  des  Hindoms;  —  Da^uIlo, 
tsioire  et  tableau  de  ruiiivers,  lU  ;  —  Gpic?iiadt, 
't  reiigions  de  rantiqnité,  n*  partie,  t.  1  ;  B.  Co!fS- 
^T.  Kl,  201  cH9i. 

itbBT)  Sinr  une  autre  inramalîon  de  Brabnik, 
ns  Vya<(a,  rédacteur  d«»  Yédas,  Cfr  Paixi.x  de 
r^r'AARTnrxcvv,    Yognge    dans  les    Indes  ^    11, 


pauvre  sous  le  nom  de  Kalidasa,  et  se 
laissa  aller  à  tous  les  désordres  d'une  jeu- 
nesse* déréglée;  mais,  cette  fois  enGn,  après 
avoir  charmé  la  cour  de  Vicramadity  a  (1598), 
par  la  magniliccnce  et  la  douceur  de  ses 
chants,  il  ut  une  pénitence  sincère  et  défi- 
nitive (1599). 

c  EnQn  la  peine  est  épuisée  ;  le  pèlerinage 
achevé,  Brahmâ  remonte  au  ciel,  où  il  re- 
prend sa  place  et  représente  rétcrnel(lGOO).» 

ViCH^oo.  —  Si  Ton  interrogeait  les  Pères 
sur  la  naUire  de  la  seconde  personne  de  la 
Trinitéy  ils  répondraient  avec  Tertuilien  et 
saint  Juslin  :  «  Dieu  de  Dieu,  lumière  do 
lumière.  »  Les  savants  vous  diront  liion 
aussi  que  Vicîinou  est  chez  les  Hindous  la 
personnîlication  la  plus  élevée  de  la  doctrine, 
de  l'incarnation  et  de  la  rédemption  du 
monde. 

«  Viclinou,  fils  de  TEternel,  dit  le  doc- 
teur Creuzer,  et  sa  seconde  révélation,  lieu 
visible  du  monde  avec  son  invisible  auteur» 
porte  dans  ses  incarnations  le  caractère 
d'un  m'édiateur  divin  qui  se  dévoue  pour  le 
salut  des  créatures  efrépare  lucessamment 
les  atteintes  dont  une  cause  destructive 
menace  incessamment  l'univers  fi601). 

Le  savant  et  religieux  Frédéric  de 
Schlégel,  emporté  par  son  admiration  su- 
perstitieuse pour  les  choses  indiennes,  par- 
tage un  peu  Tcnthousiasme  du  docteur 
Creuzer  (1602). 

«  Comme  roi,  comme  héros  qui  opère 
des  merveilles,  Vichnou  apparaît  souvent 
sur  la  terre;  il  pénètre  tous  les  mondes, 
mais  toujours  dans  le  but  de  dompter  le 
crime,  d'exterminer  les  géants  et  les  puis- 
sances ennemies  et  de  protéger  ies  hommes 
vertueux  et  les  esprits  terrestres,  de  con- 
cert avec  leur  divin  conducteur  le  bienveil- 
lant Indra.  Cette  haute  idée  de  l'incarnation 
démontre  la  profondeur  d'esprit  des  Indiens 
et  le  degré  où  leur  science  était  parvenue  ; 

(1598)  Sor  rère  de  Tîeramadiiya,  qui  est  le  aie- 
cle  d*Âugnste  de  Tlnde,  Cfr.  Caxtd.  His'oire  wu- 
rerselle,  it  ;  —  F.  de  Schlfxel,  Euai  sur  la  tangue 
el  la  philosophie  des  Uindous  ,  tradociion  Ha- 
znre. 

(1599)  On  trouvera  tons  ces  traits  dans  MM.  Cla- 
vel  et  Guigniaut,  qui  ne  sont  pas  suspects.  (Cfr 
Clivel,  Histoire  des  religions,  1.  i«  c.  3;  —  Gci- 
GXiAirr,  Les  religions  de  Camiquiié^  I.)  —  Ils  ont 
eux-inémes  suivi  le  savant  ouvrage  de  Potier,  My^ 
thologiê  des  Hindous,  I,  171  et  suir.  —  Benjamiii 
Confiant  n*est  -pas  moins  eiplictte.  (Cfr  Benjamia 
ConSTÂKV,  He  la  religion,  lit,  179-^10;  iv,  3i.| 
M.  Cliarma  présente  aussi,  mais  plus  en  abrégé,  tes 
mêmes  eirconsianc  s.  (Cfr.  Cbirha,  Essai  sur  la 
philosophie  orientale,  publié  par  Joachim  Menant, 
117.121.) 

(i6U0)  CHAnni.  Philosophie  onenta!e,  123.  —  Ea- 
re  pour  toujours?  OU  n  est  pas  assuré.  I!  doit  en 
itïïti  un  jour  être  remplacé  par  le  dieu  incarné  ffa- 
nounan,  ministre  dn  roi  des  singes  Sougriva,  singe 
lui-même,  et  qui  joue  un  grand  rôte  dnns  le  it«- 
mayana.  (Cfr  Abraham  Mayer,  p.  174.)  —  M.  G'^ii* 
gniant  a  raison  d'appeler  celle  tradition  singulUre; 
singulière;  je  le  crois  bien  l 

(itiOl)  CaEezEE,  Gtic^iACT,  Les  religions  di  tan- 
tiguité,  I.  t.  e.  3. 

(1602)  Benjamin  Constant  se  moque  avec  raisoa 
de  cette  admiration  asseï  mal  piacce 


t4i3 


TRI 


IMCTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


TÎW 


tai 


car  ces  transformations^  malgré  leur  diver- 
sité, se  ramènent  k  ce  noble  but,  toujours 
le  môme»  celai  de  prêter  secours  à  ceuxJqui 
veulent  le  bien  et  celui  de  traverser»  d  ex- 
terminer même  ceux  oui  pensent  et  qui 
pratiquent  le  mal.  11  est  Lien  vrai  que  dans 
aautrcs  mythologies,  surtout  quand  elles 
sont  devenues  plus  morales,  on  trouve  des 
modèles  de  héros  qui  s'approchent  de  Tidéo 
d'une  vertu  divine,  des  héros  qui,  en  sui- 
vant la  loi  el  leur  haute  vocation,  ne  com- 
battent que  le  mal  et  se  lient  d*araitié  avec 
tout  ce  qui  est  bien.  Mais  jamais  dans 
aucun  héros,  jamais  dans  THercule  des  tra- 
ditions poétiques  vous  ne  verrez  Tidée  de 
Tîncarnation  d'un  dieu  si  visiblemeat  expri- 
mée que  dans  Tlndien  Uama,  ce  doux  vain- 
queur dont  le  bannissement  volontaire,  la 
retraite  dans  la  solitude  et  famour  heureux 
et  malheureux  pour  Sita  sont  décrits  par  le 
poëte  avec  un  charme  si  vrai,  une  couleur 
poétique  si  belle  et  si  touchante.  » 

Sans  vous  arrêter  à  ces  expositions  sin- 
gulièrement systëmalicjues  et  bienveillan- 
tes (1603),  interrogez  les  théologiens  in- 
diens, et  tentez,  si  la  chose  est  possible,  de 
vous  faire  une  idée  exacte  de  Tindividualité 
de  la  seconde  personne  de  la  Trimourti.  Un 
écrivain  célèbre  dans  l'Inde  a  essayé  do 
résoudre  ce  problème,  et  nous  ne  sommes 

{)as  fâché  de  mettre  i:e  texte  étrange  sous 
es  yeux  du  lecteur  impartial,  aQn  de  le 
rendre  juge  de  la  valeur  do  nos  romans 
historiques. 

«  Je  te  dirai  In  nature  des  œuvres  divinos 
de  Vichaou,  dieu  infini  ;  il  a  mille  yeux» 
mille  bouches,  mille  pieds,  mille  bras, 
mille  mains,  mille  langues.  Seigneur  géné- 
reux et  resplendissant,  ses  mille  tètes  sont 
armées  de  mille  diadèmes.  Il  possède  tou- 
tes les  perfections  qui  U  rendent  le  premier 
des  êtres  (160^. 

«  Il  est  Tabliition,  l'offrande,  Tholocauste 
et  le  sacrificateur,  les  vases  consacrés,  les 
))uriûcations,  Tautel,  les  rites  préparatoires, 
Toblation,  la  cuiller,  le  jus  Soma  (1605),  la 

(1603)  Benjamin  Constant  a  ponssé  bien  plus  loin 
que  le  docteur  Creuz(>r  Tadoii ration  pour  les  ava- 
tars de  Yichnou.  U  de*  lare  que  non-beulemejit  la 
lliéorie  hindoue  fia  rien  de  déraisounabtef  mais  il  in- 
sinue rlairemetit  que  ccue  doctrine  large  et  tulé- 
r.inie  lui  conxîent  beaucoup  mieux  que  les  idées 
éirtites  du  christianisme  sur  rincarnation  du  Vf  rbe. 
(Cfr  Benîamin  Constant,  De  la  religion,  111,207- 
â08.) — Nous  traduisons  se^  réiiceucesen  langage 
ordinaire. 

(1604)  Dans  ce  iexte'^  \ichnou,  au  lieu  de  se  mon- 
trer comme  la  seconde  personne  de  la  Trimoûrii , 
se  plaee  au  premier  rang.  La  chose  est  trèd-fré- 
quenle,  et  une  cho:»e  plus  singulière  encore,  cV&t 
quMI  prend  même  quelquefois  IfS  attributs  de  Siva 
le  desirjucteur,  comme  Ta  reniaraué  très-judicieu- 
sement Palerson.  Cfr  Paterson ,  Origine  de  la  reli- 
gion hindoue,  dans  les  Recherchée  asiatiques ,  VlU. 
*—  Un  passage  du  Harivansa  peut  donner  une  idée 
«les  usurpations  de  Vicbnou.  c  Ni  les  grands  ttra- 
narcbis,  ni  Brahmà  lui-môme  ne  voient  Vichnou  en- 
seveli dins  le  sommeil  et  environné  de  ténèbres 

Les  anciens  riches  ont  autrefois  chanté  dans  les 
Pouranas  ces  mystères  qui  leur  avaient  été  révélés. 


corbeille,  le  pilon,  la  victime,  la  prome- 
nade autour  du  foyer  sacré,  le  prêtre  m- 
truit  de  TYadjour  (1606),  le  (ecleur  du 
Saina  (1607),  le  brahmane,  Taculytp,  ie 
temple,  rassemblée.» 

Siva.  —  Il  nous  reste  k  examiner  la  iroi- 
sième  personne  de  la  Trinité  himioue.qul 
devrait  naturellement  correspondre  ïïh- 
prit-Saint  des  Evangiles.  Mais  si  nos  lecteu» 
abordent  le  problème  avec  cette  préûccQ)4> 
tion,  ils  sontréservésà  d^étrangesaéceplions. 
En  effet,  il  n*est  peut-être  pas  de  conceplion 
dans  laquelle  se  dessine  plus  neUemenl  la 
tendance  effrénée  de  la  théolo^e  hindoue, 
que  dans  Tidée  qu'elle  présente  à  ses  sec- 
tateurs du  terrible  destructeur  des  for- 
mes. 

Nous  venons  de  dire,  diaprés  H.  Clave), 

Îue  Siva  est  la  troisième  personne  de  ia 
rimourti  (1608).  Hais  si  nous  accepta 
cette  hypotnèse,  c'est  pour  montrer  à  m 
adversaires  la  courtoisie  la  plus  irrépro- 
cbable.  Il  s*en  faut  en  effet  beaucoup  que  lo 
turbulent  Siva  reconnaisse  d'une  maiiièro 
loyale  la  suprématie  de  ceux  que  M.Claiei 
appelle  set  detur  jumeaux  (1609).  Ne  le  vojoib- 
nous  pas,  dans  un  de  ces  accès  de  ?iolei\ce 
oui  lui  sont  si  habituels,  faire  coupe^Ialéie 
de  Brahmâ  par  son  fils  Veirava,  parce  que 
Hrabmâse  considérait  comiue  le  plus  grâid 
des  dieux?  Veirava,  non  content  de  Irailer 
aussi  légèrement  le  Dieu  suprême,  seseml 

,  de  son  crâne  comme  d*une  coupe  poor  ^^ 
cevoir  le  sang' des  dévas  et  des  péoiteQU 
dont  il  voulait  cbfttier  l'orgueil.  1)  ne  faul 

^donc  pas  s'étonner  que  Siva,  avec  une  telle 
indépendance  de  caractère  vis-à-vis  des  au- 
tres personnages  de  la  Trimourti,  reçoive 
les  épithètes  dlswara,  de  Mahadéfe,  le 
grandf  Dieu ,  le  maître ,  le  seigneur  [tar 
excellence  (1610).  N'cst-il  pas  le  roi  des  cim^ 
le  maître  de  la  foudre»  Tarbilre  de  Vuimers 
et  des  cinq  éléments,  Tœil  vigilant  des  (ro.) 
régions  (1611).  Ce  que  veulent  dire  sa&s 
doute  ses  trois  grands  yeux,  son  triiienui 
les  cina  tètes  qu'il  porte  quelquefois  (1612): 

Ils  y  racontent  les  œuvres  de  Vlcbnoo  paraù  ks 
dieux  :  tous  ces  antiques  récits  s*accordetii  à  m»* 
uatire  sa  divine  prééminence.  Les  traditions, qs6^ 
soient  tirées  àes  Védas  on  transmises  par  \e$  hn- 
mes,  célèbrent  la  puissance  de  cet  être  soprëffit  » 
(Le  HarivansOf  traduction  Langloîs.) 

(1605)  Nous  avons  expliqué  pins  baut  U  %kpi^ 
cation  du  culte  du  Soma.  —  Cfr  aussi  A^ve,  Or* 
servalions  sur  les  chants  du  Sama-Véda^  daK  là 
Annales  de  philosophie  chrétienne.  Ut"  série,  vu- 

(IG06)  Cest  rVadjour-Téda. 

(l607)r;estlaSama-Yéda. 

(1608)  Cfr  Clavel,  Histoire  des  reUgi(M,y 
59. 

(1609)  Cfr  Clavel,  Ibid..  60. 

(1610)  Cfr  Clavel,  Histoire  ées  reUgions:- 
Creuzer,  Les  régions  de  l'aniiquité,  I.  i,  cl 

(t61t)  Creuzttr  avoue  tous  ces  faits,  (Cfr.  Csi* 


—  et  voyea  quelle  Trinité!) 
(IGI2)  L«s  cinq  létes  bout  un  aiu^îbut  deB.â2^'  ' 


un 


TRI 


mCTIONNAlRE  APOLOGETIQUC 


TRI 


un 


Malgré  ces  glorieux  priTiléucs  p^u*  les- 
quels Siva  s'élève  souvent  dans  les  légendes 
iiiodoues  au-dessus  de  tous  les  dieux  du 
PaolhéoQ  brahmanique,  il  éprouve  comme 
ses  frères  les  vicissitudes  de  la  fortune, 
et  bien  plus  qu'eux  toutes  les  honteuses 
faiblesses  des  passions.  Nous  n*en  unirions 
pas  si  nous  voulions  raconter  toutes  les  lé- 
gendes scandaleuses  dans  lesquefles  la  troir 
sième  personne  de  la  Trimourti  joue  souvent 
le  rAle  du  (Jus  misérable  des  Scapins.  M. 
CJavel,  nui  pourtant  à  le  goût  des  anecdo- 
tes, a  été  découragé  lui-même  par  la  multi- 
tude des  aventures  (1613)  du  formidable 
Mahadéva  (1614J.  Un  jour  que  ce  terrible 
Dit'U  se  trouvait  d'assez  bonne  humeur,  il 
accorda  par  pnre  distraction,  je  veux  bien 
ie  croire,  alin  de  ne  pas  insulter  sa  divine 
perspicacité  il  accorda  à  un  géant  le  mer- 
veilieux  pouvoir  de  réduire  en  cendre  tous 
ceux  sur  la  tète  desquels  il  daignerait  poser 
SCS  larges  mains.  Malheureusement  le  facé- 
tieux géant  voulut  faire  à  Tinstant  sur  Siva 
lui-même  Tépreuve  de  son  étrange  pouvoir. 
Cen  était  lait  de  la  troisième  personne  de 
la  Trimourti,  et  ce  dieu,  comme  les  om- 
bres de  Virgile,  allait  disparaître  en  fu- 
Ltée  : 


CommUim$  immg. 


Ceu  fnnan  ta  aum 


Vichnou  comprit  le  péril  de  son  frère  et 
vola  à  son  secours,  pendant  que  Siva,  ne 
sachant  comment  se  défaire  du  malencon- 
treux çéant,  s'était^  en  vertu  de  son  extrême 
t'Iasticité,  caché  dans  une  coquille  d'où  il 
oliservait  les  événements.  La  situation  de 
>'ichnou  n'était  guère  plus  commode  que 
relie  de  son  frère.  Le  géant,  incapable  de 
rien   respecter,  était  décidé  à  réduire  en 
r)oussière  toutes  les  divinités  du  monde.  Ne 
<  omptant  plus  sur  sa  force,  le  dieu  prit  la 
fonne  d'une  belle  femme;  il  s'aperçut  bien- 
tôt mie  le  géant,  comme  les  Tartares  d'un 
vaudeville,  «  n'était  barbare  qu'envers  ses 
r-nnemis.  »    Mais  la  séduisante  étranî;ère 
avant  d'agréer  les  hommages  du  géant,  l'en- 
L-age  à  réfiarer  le  désordre  de  s^  toilette,  et 
surtout  sa  chevelure  qu'il  n'entretenait  j)as 
lans  un  étal  d'irréprochable  propreté.  Le 
la'if  Polypbème  |X)rta  aussitôt  les  mains  sur 
>a  tête,  et  à  l'instant  il  tomba  réduit  en 
cndres,  pendant  que  du  fond  de  sa  coquille 
>\\SL  se  frottait  les  mains  de  voir  son  imbé- 
'ile  adversaire  si  bien  attrapé. 

Malheureusement,  rexpéri«>nce  ne  profite 
ruère  aux  dieux  de  l'Inde,  et  Siva  fut  dupe 
ai-mème  de  cette  excessive  sensibilité  que 
es  meilleurs  amis  lui  ont  si  souvent  repro- 

!  créateur.  —  Paienoa  bit  très-bien  remartiaer 
ue  oei  attribut  de  crëaiear  est  souvent  nsiirpé  par 
iva.  (Cfr  Patb»  os.  Origines  de  la  relimam  Ai»- 
Mir  •  dans  les  fkchercheê  mnatiques^  VIU  ;  Cfr 
iassi  Charma,  PMiowphie  orietoaU^  Siva.) 

i%StS)  Rous  ne  suivriMis  pas,  dii-U,  Sim  dans 
mM^M  les  péripéties  de  soa  existence  terrestre  :  li 
atMf«  ebt  trop  ationdante  et  nons  coftduîra  t 
op  M».  (Clavel,  Bhîùire  de*  reUgions,  I,  Cif .) 

(  €014)  lu  des  noms  de  Siva,  il  en  a  1008.  —  Il 


chée.  11  devint  amoureux  fou  du  fiintAiDa 
qui  avait  séduit  le  géant,  et  il  en  eut  uu 
fils  (1615)  qui  reçut  lcnomd*Arigarapootra. 
Quand  on  réfléchit  que  c*est  avec  ces  dé- 

Soûtantes  rêveries  que  les  brahmanes  en- 
orment  depuis  tant  de  siècles  Tintelligence 
des  millions  dliommes  asservis  à  leur  em- 
pire, on  ne  s'explique  pas  facilement  Tin- 
dulgence  qu'ils  ont  trouvée  auprès  des 
rationalistes  contemporains,  si  ardents  à 
déclamer  contre  ce  sacerdoce  catholique  qui 
a  donné  à  la  société  moderne  la  liberté, 
ré^aiité  et  la  fraternité. 

^  Habiles  instituteurs  de  la  jeunesse,  dit 
Hcrder,  les  brahmanes  ont  rendu  par  leur 
enseignement  un  service  inappréciable  au 
genre  humain...  L*idée  qu*ils  ont  de  la  di- 
vinité e$t  si  grande  et  si  kaute^  leur  morale 
si  pure  et  si  sublime  y  leurs  Cables  mêmes 
quand  on  les  soumet  à  un  examen  sérieux, 
sont  si  délicates  et  si  çrâcieuses^  qu'il  nous 
est  impossible  d'attribuer  aux  auteurs  de 
ces  conceptions,  même  les  plus  romanes- 
ques et  les  plus  désordonnées,  tant  d'ab- 
surdités qui  se  sont  multipliées  à  mesure 
qu'elles  ont  passé  par  la  bouche  du  peu- 
ple. » 

Mais  à  qui  donc  attribuer  cette  ardente 
frénésie  du  culte  de  Siva  qui  a  souillé  l'Inde 
tout  entière  de  tant  de  honteux  monuments 
et  de  tant  de  grossiers  simulacres  de  dé* 
bauche  et  d'inlamie?  Les  religions  de  l'Asie 
occidentale  (1616),  les  saturnales  de  la  Phé* 
nicie  et  de  Carthage  (1617),  les  orgies  du 
|dganisme  gréco-romain  (1618),  ont-elles 
jamais  présenté  à  la  raison  et  a  la  pudeur 
des  obscénités  plus  révoltantes  que  celles 
du  culte  de  Siva  aue  les  brahmanes  ont  de- 
puis tant  de  siècles  couvertes  d'un  patro- 
nage éclatant  et  d'une  protection  toute- 
puissante?  Le  formidable  Roudra,  dont  on 
voudrait  faire  le  Saint-Esprit  d'une  trinîté 
monstrueuse,  n'éiale-t-il  pas  dans  son  culte 
sur  les  autels  du  brahmanisme,  à  côté  des 
symboles  obscènes,  tous  les  attributs  d'une 
barbarie  sauvage  ? 

c  Sous  son  côté  noir  et  menaçant,  •  dit  le 
docteur  Creuzer  lui-même  ce  panégyriste 
bienveillantde  la  théologie  bindoue,«Uottdra 
se  plaît  dans  les  demeures  des  morts,  >*a- 
breuve  de  larmes  et  de  sang,  exerce  les  plus 
atroces  vengeances,  punit,  récompense  en 
matlre  absolu,  et  domine  sur  les  démous  et 
sur  les  Ames;  son  aspect  est  affreux,  le  feu 
sort  de  sa  bouche  armée  de  dents  aiguës  et 
tranchantes ,  des  crânes  humains  couron*^ 
nent  sa  chevelure  hérissée  de  flammes  et 
couverte  de  cendres,  et  forment  son  double 
collier  ;  des  serpents  cruels  lui  servent  de 

iant  les  lire  dans  roapnek1iatd*Amiaf  Ui.  —  t.aper- 
rofi  le  XIX*  Oapiiek*liat  snr  les  cent  noms  de  Siva. 

<16I5)  CCr  Clavel,  Histoire  de»  retigious^  U  I, 
e.  5. 

(1616)  Cfr  Edgar  Qouvet,  Càtie  des  reiigioKS^ 
ReligiùHt  de  PAtie  occidentale. 

(1617)  Cfr  MicBELCV,  Histoire  romaine. 

(1618)  Cfr  Got'GENOT  des  Mosseaix,  Le  monde 
avant  le  Christ, 


1427 


TRI 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


TIU 


m 


«KïinUire  et  tic  hracclets,  les  armes  les  plus 
tcrrvbles  »onl  dans  ses  mains  nombreuses 
(I619J.  « 

Un  homme  qui  avait  étudié  avec  une  rare 
pénétration  tous  les  mystères  de  la  théolo- 
gie brahmanique,  fait  sentir  avec  une  grande 
énerf^ie  toutes  les  conséquences  du  culte 
abominable  de  Siva.  Il  renverse  par  là  tous 
les  odieux  parallèles  que  certains  savants» 
distingués  aailleurs  par  l'étendue  de  leurs 
connaissances,  h*ont  pas  rougi  d'établir 
entre  la  doctrine  des  brahmanes  et  celle  de 
rEyangile. 

«  Ui;e  joie  obscène,  dit  Paterson,  devint 
le  (rait  principal  de  la  superstition  popu- 
laire, et  celte  superstition  finit  même,  dans 
ces  derniers  temps,  par  s'étendre  et  se  join- 
dre aux  sombres  rites  des  sacrifices  san- 
glants... Ce  fut  alors  que  s'éleva  une  «ombre 
superstition  qui  étendit  raf)idemerit  sa  si- 
nistre influenre  sur  Tliumanilé  tout  entière, 
dégrada  la  divinité  en  la  transformant  en 
tyran  incapable,  remplit  ses  adeptes  de  ter- 
reurs imaginaires  et  prescrivit  d'effroyables 
cérémonie!  (IG20).  » 

§iv. 

1-4  Triiiili^  clirclieiiiic  \iciil-cUc  ilo  ÏM;i!oii? 

n  Les  uns  se  sont  efforcés,  »  dit  y.i,  J.  Si- 
mon, *t  de  iransformor  ia  foi  clirêlicnne  eu 
uncsortede  plagiat,dc  la  doctrine  des  Alexan- 
dtins;  llièse  dése<^pér(;e  (|u'<»n  ne  |>ent  sou- 
tenir de  bonne  foi,  pour  peu  qu'on  ail  l'es- 
prit juste  et  une  légère  teinture  de  l'bis- 
loire.  » 

Les  paroles  que  nous  venons  de  citer 
tombent  de  Sont  leur  poids  sur  la  tôle  du  di- 
roiieur  de  V Encyclopédie  nouvelle.  M.  Pierre 
Leroui  suppose,  en  effet,  que  le  christia- 
nisme s'est  lirméb  Alciandrie,  sous  la  dou- 
ble influence  du  paganisme  égyptien  et  de 
la  philosophie  platonicienne.  Cette  étrange 
hypothèse  a  été  répétée  tant  de  fois,  qu'elle 
a'acquis  wïïq  certaine  importance  dans  ce 
Mu'on  appelle  aujourd'hui  le  monde  savant. 
On  l'a  reproduite  dans  un  si  erand  nombre 
do  livres,  do  revues  et  de  brocnuies,  qu'elle 
paraît  mériter  une  discussion  véritablement 
ff|tprofondie.  Nous  ne  sommes  pas  copen* 
dant  end»arrassés  de  la  multitude  et  de  l'au- 
dace de  nos  adversaires.  L'oninion  que  nous 
allons  combaltre  repose  en  dernière  analyse 
sur  des  raisons  si  faibles,  sur  des  inter- 

(1610)  rnnztn,  Ucllgious  de  VanliqnUé^  traduc- 
tion Cuîgniani,  I.  i,  c.S. —  M.  Clavel  Ini-incme  ne 
peint  pas  rc  prétendu  Saiiit-l!spnt  sous  des  traits 
plus  gracieux.  (Cl'r  Clavel,  Histoire  ^es  retigtons^ 
t.  I.  r.  5  ) 

(1620)  Paterson,  Origine  de  in  religion  hindoue, 
dans  les  Recherches  asiaiiaucs^  VHI.  —  La  traduc- 
tion de  ce  passage  est  de  M.  Daniélo. 

(16il)  c  11  n*y  a  aucune  raison  historique ^  dit 
m  Vaclicrnt,  de  croire  que  saint  Jean  ait  connu 
Platon  on  niémrs  les  livres  postérieurs  de  la  philo- 
«^ophie  platonicienne.  Il  est  d^illleurs  loui  à  fait 
jnniile 'de  le  supposer;  car  >a  doctrine  du  Vcrl>e 
proprement  dit,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le 
A«>o;  6cco;  de  r/a<o/i,  est.éirangèrei  laphilosQjdiic 
^rc<:<|nc.  » —  (Vaciiehot,  Histoire  critique  de  Vkcole 
d\\Uxandnef  1,  200.)  —  M.  Yaclicrul  a  reproduit  ici 


prëlalions  si  hasardées,  sur  une  i  norania 
des  faits  si  absolue,  qu'il  n'y  a  qu'unechosc 
qiii  doive  surprendre  ;  c'est  sa  populariié 
et  son  succès.  Au  reste,  cet  étonnerocnt  ces- 
sera bientôt  si  l'on  veut  j  songer;  comme 
nous  l'avons  fait  remarquer  plus  d'une  fois, 
le  parti  rationaliste,  qui  se  ])rétend  si  in')^ 
pendant  dans  ses  convictions  et  dans  sâ 
manière  d*agir,  accepte  sans  examen  les  ut<>- 
])ies  les  plus  vaines  et  les  plus  creuses,  dè^ 
qu'elles  s'accordent  avec  ses  préventions  s^ 
crêtes. 

Il  semble  qu*avant  de  s'enquérir  si  la  Tr- 
nité  chrétienne  était  prise  dans  Plalon(iGil\ 
il  eût  été  assez  simple  de  rechercher d'ah^r: 
si  T'illustre  fondateur  de  TAcadémic  m\\ 
jamais  professé  celte  doctrine.  Un  célèbre 
apologiste  du  dernier  siècle  avait  donné,  e*; 
faveur  de  la  négative,  les  raisons  lesnlu^ 
fortes  (1G22);  mais  la  légèreté  ralioninst' 
n  avait  pas   môme  pesé  quelques  inslani^ 
les  preuves  fournies  par  ce  théologien  d;- 
tingué.  Aujourd'hui  que  l'histoire  de  a 
philosophie  a  fait  d'incontestables  progrt-, 
la  solution  du  problème  ^devient  cerlaiD'^ 
ment  plus  facile  au*ollc  ne  l'était  au  ivnr 
siècle.  Or,  on  se  oemande  naturcllemenis 
quelque  fait  nouveau  est  venu  conlredirp, 
sur  quelque  point  fondamental ,  Topinion 
de  l'auteur  du  Dictionnaire  de  Théologu. 
Ecoutons  le  nlus  savant  interprète  deîb- 
ton  que  possède  la  science  conteroporaioe 
ft  11  m'a  été  impossible»  dit  le  traducteur <iu 
Timée]  de  découvrir  aucune  trace  du  dn^,^: 
de  la  Trinité,  soit  dans  le  Time'e,  soitiiau* 
aucun  autre  ouvrage  de  Platon  11023).» 

On  objectera  peut-ôlre  qu'un  Irès-grani 
nombre  d'auteurs,  païens  ou  chrétiens  (16^  ♦ 
ont  cru  voir  la  Trinité  dans  une  inflnilejj 
passages  des  œuvres  duphilosophegref.il 
est  vrai  ;  mais  ce  qui  prouve,  de  la  manier 
la  plus  évidente,  le  caractère  tout  à  lii' 
arbitraire  de  ces  commentaires,  c'est  <"yU 
ces  irinilés,  toutes  platoniciennes  qu'e! '^ 
se  prétendent,  diffèrent  complètement  eni' 
elles,  soit  i)Our  le  fond,  soit  pour  la  forni' 
Que  I  on  consulte  en  efïel  Alcinoûs,  Nutu- 
nias,  Plotin  et  Proclus  {1625J,  on  n'en  vrt:' 
[/as  deux  qui  s'accordent  sur  la  manitrr  î.^ 
concevoir  la  Trinité  divine,  si  môme  oi 
le  droit  d'appeler  Trinité  un  biïarrc  aw'J 
blage  de  folle  métaphysique  et  d  abstradi  ?:» 
insaisissables  (1626).  Cette  singulière  uv- 

Ics  opinions  émises  par  M.  Guùoi  d.ins  ses  note?  "s^ 
Gibbon. 

(1622)  Cfr  BEnciEn,  Dictionnaire  de  Théti^^ 
art.  Trinité. 

(1025)  Cfr   II.  Martin,  Etudes  sur  U  Ttatet.  A 
5i*   63 

[lOai)  Cfr  Proclus,  Sur  le  Timie;--  1^^-' 
Rnnéades ,  lU  ;  —  Euscbb  Préparation  étwgHir' 
XI  ;  —  MouRGi  ES,  Plan  ihéologique  du  Pnthag^ri^ 
—  J.  DE  Maistre.  Eclaircistemenis  sur  les  tacnfi^ 

(1625)  Cfr  H.  Martin,  U,  51-54.  _ 

(1626)  Cfr  Cav VIGNY  (Dupcrron).  Trimié^  ^ 
tin,  dttiis  les  Annales,  Z*  série,  XHI;— J-  ^^ 
llistoirede  P Ecole  d  Alexandrie,  II,  t»7.75.r^^ 
T.  iiiilc  d'Aniélius;  —  pour  relie  rte  PoripIrT^*.  'J^- 
110  123;  —  pour  celle  de  Jduibli<|n^.  M,  »-  ^ 
200  ;  enfin  pour  celle  do  Proclus,  4^-455;  -  ^ 


He9 


TPJ 


DICTlOXNAinE  APOLOCHTIQI i:. 


Ti;i 


i;::o 


diode  d^intorprétcr  Platon,  Ta- (-on  quelifue- 
fôis  ^«ncenlrée  ciiez  les  arndémiciens  fies 
anciennes  éeoies?  en  trouve-t-on  la  moindre^ 
trace  chez  \es  païens,  avant  Tapparilion  du 
rhrisfiaiiisfDe?Non.  Par  qui  donc  a-t-elle(^t6 
imaginée  et  propagée?  C  csl  en  partie  par  des 
juifs  et  par  des  cbr<^'tîens  qui  cherchaient  à 
montrer,  dans  les  livres  du  philosophe,  des 
emprunts  faits  aui  traJitions  hébraïques; 
en  partie  par  des  platoniciens,  qui  voulaient 
revendiquer,  au  profil  de  leur  école,  les 
dogmes  du  judaïsme  et  du  christianisme. 
«  La  première  trace,  »  dit  M.Martin,  «  que  je 
roonaisse  de  cette  fusion  de  la  théolo;;ic  de 
ces  deux  religions  se  troure  dans  Philon  le 
Juif,  antérieur  d'un  siècle  à  Aicinoûs.  Phi- 
lon confond  le  monde  idéal  de  Platon  avei^la 
raison  divine,  0«w.-  Aôyo;,  dont  Platon  parle 
souvent.  Il  considère  celle  raison  divine,  ce 
Verbff  Aéyoff,  comme  Fils  de  Dieu  et  comme 
une  personne  distincte  du  Père  ;  il  affecte, 
en  parlant,  d'emprunter  lour  à  tour  les  ex- 
pressions de  Bfôtso  et  celles  de  Plalon,  aux- 
fiuelles  il  prèle  ainsi  un  sens  qu'elles  n'ont 
las  (1627).  • 

Philon  n'avait  vu  dans  Plalon  que  la  doc- 
irine  du  Vérins.  Au  n*  siècîc  de  l'ère  chré- 
tienne, an  philosophe  païen,  «n  des  fonda- 
teurs du  syncrétisme,  crut  qu'il  y  avait  dans 
Plalon  une  trinité  complèle,  llntellecl  su- 
I  rèoie,  l'intellect  de  Tâme  du  monde,  enfin 
l'âme  du  monde  elle-même.  L'exemple  de 
Philonetd*Alcinoûs  trouva  de  nombreux  imt- 
ialeurs.  Les  éclectiquesde  l'école  d'Alexan- 
lirie  imaginèrent  aussi  des  Irinilés  discor- 
Jantes  ipii  ont  tontes  cela  de  commun,  qu'au- 
Mine  d'elles  n'est  la  Trinité  chrétienne.  Le 
P.  PélaaTa  victorieusement  démonlré(l028}. 

M.  Henri  Martin  signale,  avec  beaucoup 
le  justesse  et  de  solidité,  la  caî;se  de  ees 
iv|K>lbèses  singulières,  a  A  Tapnui  de  leurs 
ntcrprétalions  contradictoires  de  la  tliéolo- 
:ie  de  TIalon,  ils  allèguent  une  foule  de 
ïhra^es  détachées  de  ses  œuvres.  Il  serait 
♦>rl  long  de  discuter  une  à  une  toutes  ces 
•reuves  prétendues  ;  mais  voici  des  remar- 
|oes  qui  tn'en  dispensent  :  1*  chaque  attri- 
»nt,  ou  chaque  opération  du  Dieu  suprême 
|oe  Plalon  signale,  et  chacune  des  distînc- 
ions  que  les  Alexandrins  établissent  dans 
baeun  de  cçs  attributs,  ou  dans  chacune  de 
es  opérations  leur  donne  un  Dieu,  ou  bien 
me  hyposlase,  ou  tout  au  moins  une  subdi- 
ision  d'bypostase.  Ainsi,  quand  Plalon  dit 
|ue  l'intelligence  divine,  ô  Btioç  Novc,  ou  bien 
1  pensée  de  Dieu,  i  ^ixvocz  Gc»o,  ou  bien  la 
*u:>K»{i  divine,  ô  Oifsc  /.«yo;,  ou  bien  le  calcui 

t  fiEaoT,  nUloire  erittOHe  de  C  Ecole  d^AUxandrie, 
;  Poiin,  Théologie,  II;  Procliis.  Thvotogie. 
»l6i7)  CfrPniLo»,  De  it  forntntioii  du  monde, 
>;  -^AiiéaorU  de  la  loi.  II,  79;  —De  VagrieuU 
r^  ll;-..Yw?,  247;— Diffwwc.ili (Paris,  IWO, 

i-r*»tîo). 

MG28)  Cfr  Pétad,  De  Trinitate,  lib.  i,  r.  1  et  2. 

(IGiO)  Cfr  PLAT02I,  Timée^^9,  et  une  fouie  de 
A^^n^es  des  autres  dialogues. 

(fC30)  Cfr  H.  Maetui,  Kitides  snr  U  Timée,  l 
r::umcnt,  $  2  cl  4. 

0051).  ar  Platon  Tintée,  irad.  Ilariiu,  100. 


de  [Dieu,  du  céloslc  ^éomèlre,  l  l'jyuriiQç 
Of'.'ii  (1629),  a  ordonné  le  monde,  voilà  pour 
eux  une  ou  plusieurs  hypostases  distinctes 
de  Dieu  cause  première.  Quand  Platon  dit 
que  Dieu  est  Fauteur  et  le  père  du  monde, 
rocQTxc  x0ti  TTKripro'j  zocuov,  voilà  encore  deux 
hypostases.  2*  Une  autre  source  de  confu- 
sion ,  c'est  le  mélange  de  la  théorie  des 
idées  avec  la  théologie.  Les  néoplatoniciens 
renJent  que  tout  ce  qui  est  au-dessus  du 
monde  sensible,  comme  les  idées,  c-omnie 
le  modèle  du  monde,  soit  compris  dans  la 
hiérarchie  des  hypostases  divines.  Suivant 
Platon,  au  contraire,  les  espèces  intel!îj4Î- 
Mes  ne  sont  pas  plus  en  Dieu  que  la  matière 
|>remière,  tpii  est  éternelle  comme  elles  et 
comme  Dieu  même  (1630).  n 

Abordant  de  plus  près  nos  adversaires, 
M.  Martin  examine  les  principaux  textes 
qu'ils  nous  opposent  :  'iiç  Eé  yt/r.Bh  aO-ô  x«t 

e«t  (1631).  Telles  sont  les  paroles  de  Platon 
que  M.  Martin  traduit  ainsi  ;  «  Quand  le 
mouvement  et  la  vie  de  celle  image  produite 
ôes  dicuT  étemels  (1632)  parut  aux  yeux  du 
père  qui  Pavait  enp^endrée,  il  admira  son 
œuvre,  et,  plein  de  joie»  il  conçut  le  dessein 
de  la  rendre  plus  semblable  encore  à  son 
modèle  (1633).  m 

Ce  passa^^e  est  un  de  ceux  où  Ton  a  cru 
voir  quelque  chose  d'analogue  au  dogma 
chrétien  de  la  Trinité.  En  effet,  il  y  a  là,  dit- 
on,  trois  hypostases,  savoir.  Dieu  le  Père, 
rintelligonce  divine,  qui  contient  les  Idées 
el  le  monde  (ils  de  Dieu,  et  Dieu  lui-même. 
Mais,  1*  il  est  évident  qn*ici  Platon  donne  à 
l'Etre  suprême  le  nom  de  Père  du  monde, 
comme  nous  lui  donnons  celui  de  Père  iics 
hommes,  parce  que  le  monde  et  les  hom- 
mes sont  son  ouvrage;  2"  les  Idées  ^  ces 
espèces  intelligibles  que  Platon  ap{>elle  des 
dieux  éternels,  ne  résident  point,  suivant  lui, 
dans  le  Dieu  suprême  (163i^);  3*  il  considère 
le  monde  comme  un  dieu  subalterne  pro- 
duit, non  éternel  (1633)  ;  hr  il  n'admet  pas 
que  Dieu,  père  du  monde,  les  Idées  et  le 
monde  soient  un  seul  Dieu. 

On  lit  encore,  dans  le  Timée,  une  phrase 
qu'on  a  voulu  Iraduire  ainsi  :  *»  Le  Verbe,  ou 
la  pensée  divine,  voulant  créer  le  temps,  etc.: 

7tv6<rcy,  cvk  ymi%  ypi-â-iç,  x.  r.  >.   (1636).  Mais 

voici  la  traductiôn'complèle  de  cette  phrase» 
où  il  n'est  nullement  question  du  verbe  : 
«  C'est  donc  d'après  ce  raisonnement  et  celte 

(163i)  Ces  dieux  ctpmels  dmit  le  inonde  esl 
riinage  sont  évidemment  les  idées.  Voir  t^ude  «ar 
le  Timée,  arcument,  §  3. 

(li>35).  Cfr  Pi.ATO?i,  Timée,  101,  lia».  Maniii. 

(1654)  la  preine  d<;  ce  tait  ne  peul  être  déve- 
lop|)ée  ici  à  cause  de  son  éiendmï  ;  nous  somntet 
olilîgé  de  renvoyer  aux  S  2  et  5  île  rargumenl  iCia 
Tiinée,  1.  Voyez  encore  la  note  29'.  i.  Il,  SO,  sur- 
m  m  le  i*  renvoi  «le  cette  page;. 

{ l(*35)  La  preuveMe  celle  assorlion  se  troare  dasi» 
II.  Marti!!,  Il,  note  64,  sur  rurii^inedu  monde. 

(1630}  Cfr  Platon,  Thnce,  58. 


1431 


TIH 


j^cnsée  de  Dieu  et  la  proauclion  du  lemps^ 
auquel  il  voulait  donner  naissance,  que  le 
Soleil,  la  lune  et  les  cinq  autres  astres  nom- 
més errants,  sont  nés  pour  fixer  et  mainte- 
nir Jes  nombres  qui  le  mesurent  (1637).  » 

Nous  lisons  «u  commencement  du  vir 
livre  de  la  République  un  passage  que  le 
célèbre  auteur  do  la  Préparation  évcmoéli- 
me  (1638)  interprète  ainsi  :  <r  —  N^est-ce  pas 
le  soleil  qui  est  le  principe  de  la  lumière,  et 
û  est-il  pas  aperçu  à  la  faveur  de  cette  lu- 
mière qu'il  répand?  —  Oui,  sans  doute,  ré- 
pondit-il.  Eh  bien,  repris-je,  qu'il  me  soit 
donc  permis  d'appeler  ¥il$  de  iêlre  bon. 


D!CTlO!«i\AlRE  APOI-OGETIQCE. 


TRI 


tnî 


blés.  j> 

Ce  texte  fameux  parait  susceptible  de 
deux  interprétations  légèrement  diflërentes. 
fei  1  on  suppose  que  Platon  y  considère  Dieu 
comme  un  ôlFe  souverainement  puissant, 
intelligent  et  bon,  parfaitement  conforme  à 

I  idée  absolue  du  bien,  maisdislinct  de  cette 
Idée,  alors,  quand  Platon  nous  représente 
lidée  du  bien  comme  a^anl  engendré,  rr- 
xoOffOf-,  dans  le  .monde  visible  la  lumière,  et 
fe'ui  qui  la  dispense,  c'est-à-dire  le  so- 
leil {1639),  et  fournissant,  ffapex*f*w,  dans 
le  monde  invisilile  la  vérité  et  rinlelligence, 

II  faudrait  comprendre  que  l'idée  du  bien  est 
la  cause  exemplaire  de  la  lumière  et  du  se- 
ieif,  comme  aussi  de  la  lumière  de  l'âme  et 
de  rinteitigenee,  source  de  cette  lumière. 
Mais  SI,  avec  plus  de  vraisemblance  peut- 
être,  on  admet  que,  dans  ce  passage,  Platon 
considère  l'idée  du  bien  comme  n'étant  au^ 
tre  chose  que  Dieu  même  (1640),  alors,  cette 
espèce  intelligible  est  un  être  souveraine- 
ment puissant,  intelligent  et  bon,  cause 
emciente  de  ce  qu'il  y  a  de  bon  dans  tous 
les  objets  :  cette  idée,  c'est-à-dire  Dieu,  a 
produit  le  soleil  et  la  lumière,  en  les  tirant 
du  chaos,  comme  il  est  raconté  dans  le  Timée- 
ce  mémo  Dieu  fournit  lintelligence,  yoo,-! 
cette  émanation  de  lui-même,  que,  d'après 
je  Timée  (IdW),  i)  a  mise  lians  l'àme  de 
1  univers  pour  organiser  le  monde;  il  fournit 
la  vérité,  cette  lumière  que  Tinteiligence 
répand  dans  l'âme,  de  même  que  le  soleil 
réçand  la  lumière  physique  (1642).  11  n'y  a 
point  là  de  Trinité;  s^il  y  en  avait  uno>  la 
troisième  hypostase  serait  lesoleiL 

/îî^lî  SI''  ^  y^^^Ti^,  n.  note  29. 

(1038)  Cff .  Dimouilraihn»  étangétique%  ife  Miffiie. 
EosÈBE.  —  Nous  rcgretlons  que  M,  llarltn  n'ait  ims 
irjdoil  ce  texte,  —  La  traduction  de  M.  Cousin 
diffère  beaucoup  de  rinterpréiallon  d'Eusèbe.  — 
Crr  Cousin,  Œuvres  complètes  de  Platon,  X. 

'.'i!?**'LC*^^''"*»  Commentaire  sur  la  République^ 
p.  430  433.  rit 

(1640)  Cetie  interprétation  a  été  adoptée  par  Pl«- 
Urque,  Apulée,  et  presque  tous  les  néoplaionî- 
acns ;  —  TiEDEHAii ,  Arg.  Plat.  diaL,  p.  210;-^ 
^oiiGENSTERif,  Comm.  de  Platon.  Rep,,  p.  iU  :  — 
RicnTER.  De  ideis  Plat.,  p.  78  et  suiv.;  —  Tenne- 
«AXM,  Hut.  de  la  Phil.,  t.  Il,  p.  282  el  suiv.;  — 
btULEiERMAcm  R,  Inlxod,  ad  phil.,  pail.  ij,  vol.  111, 


Le  second  passage  a  disculer  se  \mn 
dans  la  seconde  lettre,  dont  je  m\  bi^ 
supposer  rauthenticité.(16M).  Uuleurlui 
î"r°?.®  îî^'^'^e  qu'ici  ses  parol«s  ne  m 
intelligibles  que  pour  ceux  qui  sont  mh 
à   tous   les  mystères  de  sa  doctrine,  b 

VOICI  (1644)  :  Ut^i  tÔv  irâ>rori  p^^àknw'  i„i, 
xflie  cxfbou  ht^ci  rrôvra,  rai  hêln  «Triw  ixt^ 
r^yneà&y'  3«ûr-/B:v  h  nspi  t«  itvztfoi,  ni  t^ 

mpt  Ta  ToÎTK.  Evidemment,  dans  la  dernièrt 
petite  phrase,  le  mot  «rno»  est  le  seulijnoii 
puisse  sous-entendre  avec  les  adjectifel». 
tfûo»  et  TpîTov.  Cela  posé,  voici  la  IradnclioB; 
«  Toutes  choses  sont  autour  du  roi  it\mi\ 
ehoses,  et  tout  est  à  cause  de  lui  ;  et  il  est 
cause  de  tout  ce  qui  est  1)0d.  Mais  celte 
enlise  n*eiiste  qu'au  second  degré  dans lei 
choses  qui   tiennent  le  second  rang.etio 
troisième,  dans  celles  <iui  tiennent  le  troi- 
sième. »  Âfainfenant  voici,  je  pense»  Mit- 
j>rétation  que  doivent  recevoir  ces  lime 
mystérieuses.   La  seule   divinité  suprtp 
reconnue  par  Platon,  c'est-à-dire  la  souve- 
raine intelliçcnce  (1645),  est  au  oenlre  dî 
tout,  est  le  principe  et  la  Gn  de  toutes  choses; 
die  est  la  cause  efficiente  du  hien;  elle 
pénètre    partout  pour  le  produire  ;  mau, 
semblable  à  la  lumière  et  à  l'action  liffi- 
veillante  du  soleil,  elle  ne  pénètre  pas psr- 
tour  également.  La  perfection  suprême  Jr 
rintelligence  ne  se  rencontre  que  ams  celu. 
qui  est  rintolligence  même,  cest-à-diree: 
Dieu.   Une  vive    émanatiofl  de  rinleilei 
divin  pénètre  dans  Tâme  du  monde  cl  di» 
l'âme  des  astres,  de  ces  dieux  produite, 
mais  immortels.  Une  émanation  moins  Tire 
pénètre  dans  les  Ames  des  animaux  mtUi 
et  intelligents,  c'est-à-dire  îles  hommes  es 
qui  il  y  a  encore  quelque  chose  de  la  divi- 
nité (1646).  Tel  me  parait  être  le  sens  de  ce 
passage,  qui  devient  plus  clair  quand  on  l*^ 
rapproche  d'une  phrase  du  Timée,  où  )t^ 
adjectifs  Bivxtù^v  et  rptrov sont  employés  d'oni 
manière  analogue.  Je  veux  parler  de  reti^ 
phrase  où  Platon  dit  que  les  élémenb  . 
l'Ame  humaine  ne  sont  pas  aussi  purs q;.* 
ceux  de  l'Ame  du  monde,  «!>«  2r>r/>i  » 
T/sfra,  mais  inférieurs  d'un  ou  de  deuxde^«: 
Nous  trouvons  donc,  dans   la  doctrine  do 
Platon,  le  germe  du  système  des  émanatioi^' 
et  il  ne  faut  ffSs  s'en  étonner,  puisquila^ui 
mal  défini  la  notion  de  substance  (16iTj. 

Nous  y  trouvons  aussi  une  sorte  de  *iu^ 
isme»  ou  plutôt  entre  les   deux  eitréoif 

p.  154;  --  et  tiTTER,  iftitofre  de  ia  pkiL,  ïrr.  »: 
c  4.  Hais  ces  auteurs  ont-ils  eu  raison  4*ro  <«• 
dure  que  la  même  docirîne  doit  se  trouver  w»u 
toutes  les  œuvres  de  Platon  ? 

(I6il)  CfV  Henai  Maitin,  noie  Sa,  |;3. 

(lG4â>  Cfr.  Julien,  Ilgmtieau  êoleil,  p.25-i7.>^ 
fiani  opéra  ;  Paris,  4585.) 

(1G43)  Sur  eeU<!  question  cfr  H.  MAim,!^  ^ 
tUe  biographique^  à  la  fin  de  son  oiivrajre. 

(1644)  Lettre  11,  p.  31i.  Cfr  PloUn.  daM  h^^ 
Prép,e9.,  XT»  17,  p.  555,  556. 

(I64&)  CoDunePluUrqttele  d^  fort  {bien  ils  ^^^ 
lin,  c.  9. 

(IGiri)  Cfrll.  ^lARTiN,  note  :\8. 

(I(îi7j  Cfr  U.  AlAUiL-y,  uote  22,  §  3,  6 


fiô5 


TRI 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUC. 


TIU 


iiZV 


safoir,  riolellt«t  principe  de  Tonlre  et  la 
matière  f >rioei|ie  de  riodélerminalion  et  du 
mai,  il  y  a  un  iQlërméJîaire  par  Je  mojen 
duquel  le  bon  principe  domine  sur  le  mau« 
Tais  :  cel  intermédiaire,  c*est  Tflme.  Platon 
n'est  pas  panthéiste;  car,  snivant  lui,  la 
matière  et  TAme  sont  bien  distinctes  de  IMeu. 
,  Cefiendaiit  il  admet  qtieleue chose d'analogne 
I.1U  panthéisme,  mais  dans  le  monde  des 
inleiligences  seulement;  car,  suivanl  lui« 
tout  ce  qu'il  j  a.d*inteiligence  dans  toutes 
les  âmes  ne  constitue  qu'un  seul  Dieu, 
supérieur  à  toutes  les  Ames,  et  se  nanifestani 
eo  elles  àdirers  d^;rës. 

Nous  laissons  de  côté  quelques  teites  de 
Platon  oui  n*ont  pas  une  grande  importance. 
Tel  est  reUraitdu*li?re  ri  de  la  m^ublifue^ 
que  M.  Pierre  Leroux  a  interprété  d'une 
manière  si  grotesque  (îGkS).  Ce  qui  est 
plaisant,  c*esl  que  le  naïi  théologien  n*a  pas 
su  saisir  les  plus  fortes  o^ections,  et  que 
nous  avons  été  obligé  de  lui  fournir  les  plus 
spécieuses  difficultés.  On  voit  que  nous  y 
mettons  de  la  bienveillance. 

Repétons,  en  finissant  cette  discussion 
Lien  longue,  mais  pourtant  nécessaire,  les 
l^aroles  du  savant  interprète  de  Platon,  bien 
plus  compétent  sur  de  pareilles  questions 
que  le  directeur  de  YEncyclapédit  nouvMe  : 
•  La  prétendue  Irinilé  platonique  est  le 
résultat  d  une  fausse  interprétation,  hasardée 
d*al>ord  par  des  juifs  et  des  chrétiens,  qui 
voulaient  considérer  Platon  comme  un 
disciple  de  Moïse,  adoptée  ensuite  par  toute 
récole  néoplatonicienne ,  et  bientôt  déve- 
[o|»pée  de  la  manière  la  plus  étrange  et  la 
i>lus  diverse  par  ces  philosophes  syncrétistes, 
^ui,  avec  leur  érudition  confuse  et  leur 
magination  désordonnée  ,  ont  amalgamé 
outes  les  doctrines  philosophiques  et  toutes 
es  religions  sans  les  comprendre  (16i9). 
*  Quoique  la  théodioée  de  Platon  soit  bien 
filTérente  de  la  Ihéodicée  chrétienne  (16S0), 
I  est  impossible  de  ne  pas  reconnaître,  entre 
a  doctrine  platonicienne  et  la  révélation, 
lus  d'une  analogie«dans  les  formules.  Mais 
es  similitudes  n'ont'  rien  de  surprenant 
our  ceux  qui  ont  étudié  tant  soit  peu  l'ori- 
ine  des  opinions  du  disciple  de  Socrate. 
lus  cloute  neus  n  allons  pas  jusqu'à  suppo- 
rr^comme  M.Saissel  nous  lefaitdire(i651), 
ue  Platon  a  copié  la  Bible  et  les^ophètes; 
lais  nous  avançons ,  sans  crainte  d'être 
SoQCQti,  que  Tinfluencc  des  traditions  se 

(1G48)  Cfr  PiEKBC  LcBOVX,  Dm  Chrisiiomume  et 
son  ûTi^€  démotfaùqme^  175-178.  —  On  peut 
e  toute  la  trailociion  de  ce  passage  dans  Coêsai, 
'mvreê  complèUê  dé  Ploton^  X. 
(tU49)  H.  Maktib.  I,  le.  —M.  Pierre  Leroox  dit 
f  '  même  avec  une  oiiveté  qui  n^eat  pas  sans 
arme  :  c  Quant  il  citer  des  passages  où  lidéal 
r)  soii  positivement  considéré  covune  étant  i  la 
s  I>teu  et  une  bjposUse  de  Dieu,  la  citose  e»t 
1^  etobarraêsaoïe.  i  Qaet  langage  Ibéolomoei! 
IO50)  Mgr  Affbb,  Introduction  à  fituàt  dm 
isti^mitmu;  —  Uaket  «  Théodicée  chrétienne;  — 
RTi:«,  Étmde$  êur  U  Tintée;  —  Axi»atJK?j^  ^^' 

li;i>l)  Cfr.  SaI5^£T,  netme  dci  Deux  Monda ^  15 


fait  partout  sentir  dans  renscignemenc  du 
philosophe  de  rAi:adémie. 

■  La  religion ,  dit  M.  Cousin ,  se  kiasaiC 
ex^oUer  par  la  raison  et  par  la  science ,  qui 
«lallaieitf  à  caniribuiiim  te$  tradiiians  et  y 
fmisaieni  avec  respect  et  indépendance.  Pla* 
ton  est  un  philosophe  qui,  selon  Técole  de 
Py  tbagore,  au  lieude  sWierriV d  la  iradiiian^ 
a'en  sert  comme  d'une  forme  pour  ses  pro- 
pres idées.  Il  lui  a  tmprunié  la  démonstra- 
tion de  l'immortalité  de  l'âmeTpar  son  acti- 
Yité  essentielle.  Le  mépris  marqué  pour  les 
livres  et  récriture,  Vafpd  à  «ne  iradiiion 
4e$  anciens ,  des  anciens  qui  seuls  savent  la 
térkéf  è  l Egypte^  aux  jMréires  de  Dodone, 
la  comparaison  de  la  simplicité  antique  avec 
la  frivolité  moderne,  prouvent  incontesta- 
blement un  retour  vers  ]e passée  et  attestent 
dans  le  Phèdre  une  teinte  pythagoricienne, 
mystique  et  orientale.  L'esprit  attique  sy 
développe  originalement  sur  la  base  du  py- 

thagonsme  et  des  traditions  éirsmgères 

Encore  une  fois ,  les  traditions  de  YOrient , 
celle  des  pythagoriciens,  par  leur  antiquité, 
leur  renommée  de  sagesse,  leur  caractère 
religieux  et  les  vérité  profondes  qu'elles 
renfermaient...  .  servaient  de  base  aux  con- 
ceptions  de  Platon  ;  c'est  pour  ainsi  dire  Té- 
toife  de  sa  pensée  (1652),  » 

c  Eofln  Platon, dit  M.  Bonnetty,  dans  une 
savante  réponse  à  M.  Saisset,  Platon  vient 
encore  chercher  la  sagesse  en  Orient;  il  de- 
meure treize  ans,  ou  au  moins  trois  ans 
en  Egypte,  il  va  pour  mettre  l'E^ptien 
Sechnuphis  d'Uéliopolis,  désire  visiter  la 
Cbaldée  et  la  Perse,  en  est  empAché  par  les 
guerres  actuelles,  et  revient  dans  sa  patrie, 
où  il  compose  ses  Dialogues  «  qui  sent,  dit 
M.  Saisset  V Evangile  de  la  philosophie.  ^ 

Or«  voici  ce  qui  s'était  passé  au  soin  du 
peuple  juif.  Salroanazar  avait  enlevé  les  dix 
tribus  et  les  avait  dispersées  dans  les  pro- 
vinces de  son  vastt  empire  (1653)  (715  ans 
avant  Jésus^Chrisl).  Nabuchodonosor  aussi 
emmène  à  trois  reprises  (602,  5di,  58ians 
avant  Jésus-Christ),  en  Babjlonie,  une  par- 
tie du  peuple  Juif.  Jérémie  prophétise  à  Je- 
rnsalem,  eu  Chaidée,  è  hàbyxone  t  en  Egypte; 
Daniel,  Saraias,  Baruch,  Ézéchiet,  appa- 
raissent tour  è  tour.  Leurs  prophéties  sonL 
éitrites  et  répandues  parmi  les  Juifs.  Les 
Juifs,  malgré  le  conseil  de  leurs  prophètes, 
font  alliance  avec  les  Egyptiens,  qui  en* 
voient  unearmée  à  leur  secours  (165^).  Après 

* 

(i65i)  Platos,  tradociiea  Ciasta,  \1»  notes  sur 
hPhHre. 

(1653)  Pytbagore  ne  naquit  que  581  ans  ou  60^ 
ans  avant  Jesas-Cbrist,  et  il  \isiu  la  Chaidée.  Or, 
qui  ne  sait  que  Pbtoii  avait  reçu  d^Arcliyias  toula 
b  trailition  pyiliagoricîenne? 

(1654)  On  voit  donc  que  lei  Juifs  mil  pu  dans  p!os 
d*uoe  occasion  comuiuiiiffacr  aux  Egyptiens  plu* 
sieura  de  leors  idées.  Les  rappurude  ces  ilen&  peu- 
ples remonlent  à  la  plus  bauie  aniiqaité  ;  Abraliam, 
le  père  de  la  iiition  juive,  vUite  rRgypie;  Moiae 
est  élevé  à  U  cour  des  l^baraons;  Joseph,  avant 
lui«  avait  éié  ministre  lout  puissant  sur  lea  bords 
lin  Nil.  Noos  avons  donc  le  droit  de  supposer  que 
les  E^yplirns  u*oiil  pas  pu  ignorer  les  dûcUriuesds 
Li  naliuii  jui^c. 


14M( 


TRI 


DICTÏONNAmE  APCLO:;ETÎQL  E. 


TRI 


iiy 


lù* 


leur  défaite  9  une  partie  du  peuple  juif  passe 
en  Egypte  (583  ans  avant  Jésus-Christ).  Da- 
niel est  nommé  gouverneur  de  la  province 
de  Babylone  et  chef  des  mages;  ses  amis 

riartagent  sa  fortune  et  prennent  part  h 
administration  de  Tempire  sous  trois  rois 
(1655);  il  est  nommé  un  dos  trois  chefs  de 
i'Ëtat  sous  Darius  le  MèJe,  qui  reconnaît 
le  Dieu  des  Juifs ,  et  défend  f  par  une  or* 
donnance  pui)liée  dans  tout  l'empire ,  de 
s'adresser  à  une  autre  divinité  qu*à  ce  Dieu 
(550  ans  avant  Jésus-Christ).  Cyrus  met  les 
Juifs  en  liberté  et  leur  permet  de  rebAtir 
Jérusalem  (543*ans  avant  Jésus-Christ(1656|. 
L'£gyp(e  est  conquise  par  les  Perses  (522). 
Assuérus  épouse  une  Juivf^;  il  abandonne  à 
son  favori  Aman  le  sort  des  Juifs ,  puis  ré- 
voque , cet  ordre,  permet  aux  Juifs  de  se 
venger  de  tous  leurs  ennemis,  et  ordonne 
de  respecter  leur  Dieu  (oOk  ans  avant  Jésus- 
Christ.)  Arlaxercès  avait  permisde  releverles 
portes  et  les  murs  de  Jérusalem  ;  le  temple 
avait  été  rebAli  et  inauguré.  Néhémie  et 
Zaeharie  publient  leurs  prophéties  (455  ans 
avant  Jésus-Christj,  qui  ont  cours  non- 
seulement  parmi  les  Juifs  de  Palestine,  mais 
encore  parmi  ceui  qui  en  grand  nombre 
habitaient  TEgypte.  Tous  les  Juifs  étaient 
obligés  de  posséder  le  livre  de  la  loi  et  de 
la  mettre  en  pratique. 

Or,  cela  étantainsi,nousdemandons  main- 
tenant si  c'est  une  chose  absurde  de  supposer 
(|ue  Solon ,  Pythagor©,  Platon,  ont  eu  con- 
naissance des  livixi<î  juifs,  ou  du  moins  ont 
conversé  avec  quelques  Juifs  instruits  et 
coimaissant  leur  loi,  comme  Ta  dit  Mur  de 
Taris  ?  Et  les  Pères  qui  ont  avancé  que  Platon 
avait  connu  les  doctrines  bibliques  sont-ils 
donc  si  coupables?  Tout  le  monde  avouera 
que  M.  Saissel  a  été  ici  un  peu  trop  tran- 
chant. Il  aurait  dû  prendre  exemple  sur  son 
maître,  M.  Cousin,  qui  dit  avec  plus  de 
circonspection,  tout  en  refusant  de  croire 
que  Platon  a  lu,  en  Egypte,  Moïse  et  les 
wrophèles  : 

«  Il  ne  faut  pas  non  plus  nier  un  rapport 
réel^  au  milieu  des  plus  profondes  différences 

C'est  nier  los  traditions  antiques  (1G57) 

:;|ui  ont  icrvi  de  fondement ,  en  Grèce ,  à 
I  art  comme  à  la  philosophie,  à  Timagination 

comme  à  la  raison Plus,  en  elfét,  on 

approfondira  les  Dialogues  de  Platon,  et 
plus  on  y  trouvera  d^éléments  réels  et  hislo- 

(IG55)  Nous  prions  les  lecteurs  de  remarquer  rcs 
faits,  qui  pruiivcni  ritifliience  que  les  doctrines  jui- 
ves oal  dû  exercer  sur  le  mazdéisme.  {Voy.  ce 
iiM:t.)    • 

•  (i056)  Ces  faits  sont  antérîeors  ù  la  prédication 
d<»  Zfiroaslre. 

(1057)  Nous  dii  ions  pnmiUvc(>-. 
'   (lôoi*)  Cfr  Platon,   iiad.  Cousin,  NoUs  sur  ie 
Uani/net, 

(1059)  VEpinomis  est  un  ciivrane  que  M.  Martin 
rc.^ardi*  comme  aporryplic,  el  qn'H  nUribneà  Phi- 
lippe ««*^ponfe;  mais  le  savant  traducteur  de  Pla- 
ton pense  que  TEpinoniis  reproduit  les  leçons  ora- 
les de  Platon. 

(iC60)  Cfr  Annah's,  III'  série,  ii  ei  xi.  —  Qu'on 
n^onblie  p:i8  que  les  Juirg  éta  etil  iJors  répandus 
dans  toute  l'Asie  o  cid»  ni.  le.  —  Cfr.  l*ia.v\Ti,  Dé- 


riques  librement  employés  (1638).  Âjoutoos 
en  outre  que  Platon  reconnaît  lui-mbr, 
dans  VEpinomis  (1659),  qu*une  grande  partie 
de  sa  science  sur  les  dicus,  il  la  doiUun 
barbare,  h  un  Chalééen  (16()0).  » 

Mais  rintlneuce  des  Juifs  s'étendit  bien  an 
delà  des  limites  de  l'Asie  occidentale  (tii(ij 
et  de  la  Grèce.  Nous  les  rojons,  bien  avant 
Jésus-Christ, établis  dans  rÂbyssinieilGbl. 
Ils  pénétrèrent  en  Cbine  et  sy  mainliDniii 
dans  un  état  florissant, peut-être  trois  sièries 
avant  le  christianisme  (1063).  Nous  les  toms 
dans  rinde  fonderdes  établissements  i^liJe^ 
aussitôt  après  la  captivité  de  Babylone(iG6l. 
W.  Jones  (1665)  HamîUon  et  Forster(166(. 
ont  admis  l'origine  hébraïque  des  Af|^W. 
Après  des  faits  aussi  nombreux  et  aussi 
concluants,  on  ne  peut  pas  s'emiiècbcr  de 
supposer  que  ce  peuple  missionnaire  iiw 
contrfbué  à  entretenir,  ou  à  réveiller  pa^ 
tout  les  traditions  sacrées  de  la  réTéialio^ 
primitive  (1667). 

Les  (varagraphes  qui  précèdent  sont  tirh 
de  réminent  auteur  du  Christ  et  r£raH]ii. 

IV. 

La  Trinité  vieotelle  de  PloUn,  des  riaiofikm<!(r 

«  Il  est  naturel  de  se  demander  quelle 
sont  les  analogies  entre  la  Trinité  chi- 
lienne et  celle  de  Plotin,  si  Plolin  s'esl  in- 
Pire  des  idées  chrétiennes,  ou  les  premier 
ères  de  celles  de  Ptotin.  Ces  recbereb« 
ont  été  faites  à  plusieure  reprises  arecv^ 
entraînement  passionné,  qui  n'a  paspeueofi- 
tribué  h  jeter  de  l'obscurité  sur  une  ques- 
tion d'ailleurs  délicate.  Il  n'v  avait iiasiitt 
à  tant  de  colères.  Il  s*agit  d'eclairciran^t 
historique,  et  rien  de  plus.  Quandonifoo- 
verait  que  la  trinité  de  Piotin  est  vrainteâ 
la  trinité  chrétienne,  il  n'en  résulterait  nei 
contre  Piotin  qui,  en  sa  qualité  de  philos<^ 
phe,  est  parfaitement  libre  de  prendrai 
vérité  où  il  la  trouve,  ni  même  coolrc  > 
christianisme,  à  moins  que  Ton  ue  pti* 
prouver  en  même  temps  que  ce  (lo;:ii 
n'existait  pas  dans  la  primitive  Eglise,  '. 
qu'il  y  a  été  transporté  peu  de  temps  s^«ri 
le  concile  de  Nicée  par  des  transfuges  ('« 
néoplatonisme.  Tout  ce  qui  attaque  la  \^' 
i)éluité  de  la  foi  porte  une  atteinte  mor^^ 
h  l'autorité  de  l'Eglise,  dont  Vunitéesi^ 
première  condition  et  la  première  néce^*-^' 
hors  de  là  elle  n'a  rien  à  craindre,  el  lo-w 

mon$trations  de  Migne,  XIV. 

(inet)  Cfr  Hrunati,  La  râvélaîion  parmi  l<«r 
lits,  dans  les  Démonttralivns  éoangétiqneiM^ 
•XIV,  490. 

(rC'jî)Crr  Box:«ETTV,  Annales  rfe  U  r*^i'»^' 
chréfienne,  i"  série   VI,  268. 

(l()63)Cfr  EicnaoRN,  /«.roc/itflton  «  rA«*tf»/ 
(ame^t, 

(1661)  Cfr  Buciunàn,  dans  VAnnuat'Rtfiiifl' 
4817. 

(1665)  Cfr  W.  Jones   Uccherchet  i»^"- 

II,  H^. 

(16  6)  <:fr  Hauilion  cl  FonsTEû,  ïïm*' 
Alghatis^Roliytlahs.         ,  , 

\MU»7)  Cfr  IVosstu.NOL,  Lettres  sur  Jei«C-i»'' 
le!  ire  5. 


(S37                    TRI                     DICTIOKIIAIRE  APOLOGETKîUE.                  TRt                       Ii38f 

Ws  analo.;irs  qu'on  poarratt  découvrir  entre  propre  à  Plotîn  et  ce!a  seuS  nn^f^i  t\^S9'Wnsi\-' 

la  doctrine  chrétienne  et  une  doctrine  pbi-  tae  à  ses  yeux  la  nature  de  la  Trinité. 

iosojihiqiie,  ne  proorent  ri^n,  ni  contre  la  «  Il  est  très-difficile  de  déterminer  le  sens* 

religion,  ni  contre  l'école.  du  mot  bjpostase.  Une  bypostase  n*est  fias! 

f  Parmi  les  écrivains  ecclésiastiques  oui  un  être  séparé»  puisqu'il  y  a,  selon  Plotin*' 

S4*  sont  préoccupés  de  cette  question*  les  un  seul  Dieu  et  trois  hyjxistases  dirines.  Ce 

uns  fi^ar  6ter  sans  doute  toute  vraisem-  n*est  pas  par  matière  vlq,  Ciroxrî^uvoy,  car 

bïance  à  l'opinion  qui  lait  sortir  la  foi  Chré-^  toute  matière  enferme  un  déreloppeinent , 

tienne  du  do^me  platonicien,  s'attachent  à  foute  matière  est  quelque  ôlre  en  puissance, 

innnircr  qu'il    n  existe  f)oint  d'analogies  et  Dieu  qui  est  en  acte  n*a  pas  même  de  ma*, 

entre  le  sjmbole  de  l'Eglise  et  Topinion  des  tière. 

Aleiandnns,  ou  reconnaissent  ces  analogies  «  Ce  n'est  pas  essence,  car  essence,  c'est 

et  sonliennent  que  Plotin  n'est  qu'un  cnré-  être  ou  du  moins  objet  spécial  et  séparé 

tien  apostat;  d'autres,  pour  montrer  au  con*  d'une  définition.  La  première  by|iOstase  est 

traire  combien  le  dogme  de  la  Trinité  est  tô  lirr/cri^  ovctccCen  est  pas  substance,  r.'est- 

nécessaireel  sacré,  le  retrouvent  non  seu-  k-dire  force  existante  en  soi,  produisant,  s'il 

lement  dans  Plotin,  mais  dans  Platon  lui-  y  a  lieu,  les  phénomènes,   et  constituant 

roéme;  et  parmi  ces  derniers,  il  faut  comp-  ridentité  de  l'être  sous  la  multiplicité  des 

terquelques-unsdes  Pères  les  plus  illustres,  phénomènes   produits.    La    séparation   de 

saint  Justin  le  martyr  (1668),  Kusèbe  (1669),  substance  étant  la  séparation  ta  plus  corn- 

Thécdoret  (1670),  saint    Augustin.    Nous  plète,  s'il  y  a  trois  substances,  il  y  a  trois 

irons  d'autant  moins  à  nous  occuper  de  ces  dieux,  et  d'ailleurs  il  n'y  a  de  iSvau'c^  de 

iéfflonstrations  contradictoires,  quenoscon-  force  capable  de  modifier  ou  de  produire  en 

rlusions  sont  toutes  négatives.  Nous  pensons  dehors  d'elle-même  que  dans  la  troisième 

]ue  te  dogme  de  la  Trinité  n'est  pas  dans  bypostase,  de  force  produisant  seulement 

^latoii,  et  que  la  Trinité  de  Plotin  n'a  que  en  soi  que  dans  la  seconde;  J'unité  absolue 

les  analogies  purement  verbales  avec  la  Tri-  qni  est  au-dessus  de  l'élre  et  qui  pourtant 

\iié  clirétienne.  est  une  bypostase  ne  saurait  être  une  force, 

«  Il  faut  donc  renoncer  k  trouver  la  Tri-  une  substance.  Ce  n'est  pas  non  plus  un 

lité  <ldiis  la  philosophie  grecque  avant  le  attribut  ou  fonction,  car  un  même  être  qui 

léoplatonisme.  Cette  riche  part  du  dévelop-  a^t  de  trois  façons  différentes  ou  qui  pos- 

*emenl  de  la  pensée  humaine  est  fermée  sède  trois  attributs,  n'est  pas  une  trinité, 

ii\  défenseurs  de  l'Eglise  qui  croient  de  c*est  un  seul  être  en  une  seule  bypostase. 

on  intérêt  de  trouver  partout  le  dogme  de  On  ne  distingue  [>as  ses  attributs  ou  ses 

a  Trinité,  il  ne  leur  reste  qu'à  se  rejeter  fonctions  avec  le  soin  que  Plotin  met  à  dis- 

ur  les  antiques  religions  de  l'Inde  et  de  tinguer  les  trois  bypostases  de  Dieu  ;  on 

Egypte  (1671)  D'un  autre  côté,  les  adver-  n'établit  entre  elles  ni  hiérarchie,  ni  ordre 

nîrcs  de  la  foi  chrétienne  ne  peuvent  soute-  de  génération^  Or,  si  le  mot  bypostase  ne 

fr  leur  thèse  favorite  du  platonisme  des  signifie  ni  essence,  ni  être,  ni  substance,  ni 

ères  (1672)  qu'à  condition  de  supposer  des  matière,  ni  force,  ni  puissance;  s'il  ne  signi- 

mprunts  faits  ai:x  écoles  contemporaines,  à  fie  ni  attribut, ni  fonction,  ni  manière  d'être, 

hilon,  à  Numénins,  aux  Egyptiens.  Malheu-  quel  en  est  le  sens  précis,  c'est  ce  qu'il 

Gisement  |K>ur  ces  prétentions  contradic-  paraît  impossible  de  déterminer.  Dans  le 

»i  res,  TOCTBS  ces  TRi!f  rrÉs  ît'ost  de  cou  m  un  premier  livre  de  la  cinquième  £fîn/ad«,(1673), 

7E  LE  ivoy.  Celle  de  Plotin,  la  plus  pro-  après  avoir  exposé  la  prétendue  trinité  do 

nde   parmi   les  trinttés   philosophiques,  Parménide, Plotin  ajoute:  «  Kafaûfi7<M)occvTfi 

>rte  des  carjclères  qui  la  séparent  à  jamais  «  xoJ  aC^içicu  mv  fyatvtratçzpw:»,  ainsi  Par- 

ï  la  Trinité  chrétienne,  et  excluent  toute  «  ménide,  est  d'accord  avec  nous  sur  la  doc- 

ÉE  DE  COMPARAISON «  tHue  dcs  troîs  natures.  »  Plotîn  dit  aussi 

dans  le  cinquième  livre  de  la  même  £nn/cM/c 

(167i)  en  parlant  de  rintelligcoce  divine, 

"  Lorsqu'il  démontre  qu'il  y  a  plusieurs  xaîOfô,-  aZm  n  fvotç.  Que  conclure  de  ces  j»as- 

f  *ostases  en  Dieu,  il  s'appuie  sur  le  dogme  sages  et  de  quelques  autres  du  même  genre? 

Tunité  de  Dieu  et  sur  la  nécessité  d'un  Que  le  mot  d'hypostases  n*offrait  pas  un 

terraédtaire  entre  Talisulu  et  le  mobile;  sens  précis  à  Plotin  lui-même,  puisqu'il  le 

^qu'i!  insiste  sur  la  triplicité  des  byjios-  remplace  |>ar  le  mot  de  ^tE^,  évidemment 

resv   il  le  fait  en  prouvant  que  les  trois  employé  dans  ces  circonstances  comme  un 

postases  ciu'il  a  reconnues  sont  nécessai-  terme  vague  destiné  à  exprimer  une  cer- 

$ ,     et  qu  une  quatrième  serait  inutile,  taine  séparation  dont  le  caractère  demeure 

rî>l  donc  surtout  la  nalure  des  hypostases,  inconnu,  et  non  dans  le  sens  précis  que 

irs  fonctions  et  leurs  rap|K)rts  que  nous  Plotin  lui  a  quelquefois  donné.  Cela  est  si 

rons  considérer  ;  car  c'est  cela  seul  uni  est  vrai,  que  Plotin,  dans  un  autre  passage,  dé- 

iepGSy  Apologie,  II,  5.  (IC7«)  F«9.,sur  le  prétendu  platonisme  drs  Pé- 

iOGO»  Prép.  évuug.  xi,20.  res,  le  1».  Baltcs,-  Défeme  det  SS.  Pères  •^^^ 

1  O7o}  Thérop,  i,  2.  de  ptaionisme.  Oii  V»  réimprimée  sous  ce  Uirc  ;  Ta- 

1671;  NcMif  avons  vu  ôw%  les  paragraplim  préré-  rcié  dujhrhtianhme. 

Ifs   ce  qu'il  faul  peiidcr  des  Iritilie»  de  lliilc  et  (Ittid)  Cli.  8. 

tgypie.  '1674.  Cil.  5. 


1439 


TRI 


DicTiomiaafi  AroLOceTiQDK. 


TRI 


v^ 


ciare  que  les  trois  njpostases  existent  d«ns 
la  même  nature  'iWir?/»  H  h  t^î  ^^ti  tpcrri 

Tfivic  gCTt  -ià  ilpvfilva  (1675). 


«  On  a  fait  diverses  hypothèses  pour  doq- 
ner  un  sens  à  la  trinité  de  Plotin.  Les  com- 
mentateurs (in  V*  siècle  ont  pensé  que  les 
trois  hjpostases  de  Plotin  étaient  trois  dieux 
distincts  inégaux  en  ran^  et  en  puissance, 
ce  qui  laissait  subsister  1  unité;  participant 
tous  trois  et  partici[)ant  seuls  à  la  nature 
divine,  ce  qui  laissait  subsister  le  lien  étroit 
qui  les  unit  et  labime  qui  les  sépare  des 
autres  existences;  mais  ce  n*est  pas  là  le 
sens  de  Plotin.  Plotin  parle  d'un  Dieu  et  non 
de  pIttsieuES  dieux  ;  il  prie  d'un  individu 
et  non  d'une  classe.  Entm  Ton  trouve  dans 
Proclus  quelques  traces  obscures  d'une  au* 
tre  explication  de  la  Trinité  qui  en  chanjge- 
rait  entièrement  le  caractère.  £lle  consiste 
à  prendre  les  trois  hypostases  divines  pouc 
les  trois  degrés  de  la  science  que  nous  pou- 
Tons  posséder  de  Dieu.  Dieu  reste  immobile 
dans  sa  nature  simple  et  toiJ\jours  identique; 
mais,  selon  la  force  de  notre  esprit  ou  la  puis- 
sance des  eiforts  que  nous  faisons  vers  lui, 
nous  ne  le  connaissons  que  par  ses  œuvres» 
ou  nous  nous  élevons  è  la  contemplation  de 
son  essence.  Les  hommes  les  plus  abandon* 
nés  à  leurs  sens  u*ignorent  pas  rexistenco 
d'un  Dieu,  cause  du  monde»  ils  ont  mémo 
quelque  grossière  idée  de  sa  nature;  rien  ne 
s  est  fait  sans  cause ,  il  faut  à  tout  ce  gui 
existe   une    cause    première   et    parfaite. 
Quelle  est  cette  perfection  divine?  C'est  ce 
que  ces  esprits  appesantis  ne  sauraient  con- 
cevoir ;  ils  se  construisent  un  Dieu  à  leur 
image,  un  inGui  qui  n'est  que  le  Qni  idéa- 
lisé, et  à  cet  être  chimériaue  ils  attribuent 
la  création  et  la  couservalion  de  1  univers. 
Tout  n'est  pas  i^ux  dans  leur  croyance. 
Dieu  est  pariaU  comme  ils  le  croient,  il  est 
cause  créatrice  et.  providentielle  comme  ils 
le  croient.  Ils  ont  raison  de  rapporter  tout  k 
lui  ;  ils  ne  se  trompent  pas  sur  sa  fonctiou, 
mais  seulement  sur  la  nature  de  son  acte  et 
sur  son  essence.  Qu'ils  apprennent  à  se  con- 
tenter moins  facilement,  qu'ils  cooij.arent 
d'une  façon  plus  attentive  et  plus  scii^nlili- 
que  la  nature  du  Uni  et  celle  de  rintini ,  ils 
|.ourront  alors  se  démontrer  à  eux-ii.èmes 
l'immutabilité  de  Dieu  et  arriver  jusqu'à  la 
conception  du  premier  intelligible'.   Knlin 
les  âuics  amoureuses,  après  avoir  traversé 
les  expiations  et  franchi   tous  les  degrés 
indiqués  dans  le  Banquet  de  Platon,  pénè- 
trent jusqu'à  l'idée  même  inaccessible  aux 
nrofanes,  où  resplendit  tout  entière  linefla- 
Lie  majesté  de  Dieu.  Cette  interprétation  a 
le  mérite  d  être  conforme  aux  idées  des 
alexandrins,  qui  distinguaient  l'opinion  vul- 
gaire ou  les  sciences  secondes,  la  science 
proprement  dite,  c'est-à-dire  la  philosophie 
et  enfin  Tcxtase,  et  qui  aportaient  si  peu  de 
ronslance  dans  leurs   spéculations,    qu'il 
n'est  pas  rare  de  voir  le  même  philosophe 

(ICTj)  Etnienil,^  V,  I.  i,  i-,  10. 


constrair^  un  jour  m  tliéorie  de  trois  prnats 
de  vue  et  un  autre  jour  de  tfois  points  de 
vue  différents.  Cependant  celte  iaterpi^tt- 
tion  même  doit  eéiler  devant  les  ^aisonn^ 
mentb  que  Plolin  accuroiile  puur  démoRtrer 
l'exisienee  de  l'âme,  celle  du  ««v.-,  celle  da 
X9  tv,  non  comme  trois  transformations  suc- 
cessives du  même  principe»  mais  comiM 
trois  hypostases  coexistantes  dans  le  iBtei 
Dieu,  a;^ant  chacune  ses  caractères diiribK 
nécessaires,  opposés  à  ceux  des  deniaairtt. 
Lorsque  Ton  passe  de  la  ceasidératioD  it 
l'âme  à  l'étude  de  l'esprit,  rame  ne  s^éw 
nouit  pas,  elle  reste  au-dessous  de  la  tyjo- 
velle  hypostase  à  laquelle  on  s'élève,  et  Plo- 
tin s'occupe  autant  d'établir  les  rapports 
oui  existent  entre  les  hypostases  divines (jot 
ae  démontrer  les  hypostases  eUes-mëiaes.  Il 
faut  donc  conclure  que  toute  tentaiita  imt 
donner  un  seais  précis  au  inotliyposU$e,e: 
par  conséquent  à  la  trinité  de  Plotio,  setiii 
vaine. 

€  Le  dogme  de  la  Trinité  est  obscur  m. 
le  christianisme  ;  mais  un  do^e  révélé,  il 
dogme  imposé  peut  être  obscur  ;  il  n'eo&t 
pas  de  même  d'un  dogme  trouvé  qui  » 
l^eut  être  admis  que  sur  démonstration  i 
Aussi  l'Eglise  a-t-elle  soin  d'appeler  ce dogibs 
un  mystère;  mais  un  mystère,  en  pbiius^v  , 
{>hie,  ce  n'est  pas  même  une  doctrioe  bottc, 
ce  n'est  rien.  < 

«  Dès  que  l'on  quitte  la  notion  nième<k  I 
la  Trinité,  le  nombre  trois»  le  mut<i't)/^>^ , 
lase,  etc....,  pour  entrer  dans  laconsidèn-| 
tion  des  diverses  hypostases  qui  constitoeB. 
la  nature  divine,  le  dogme  dirétien  ei  <  | 
dogme  alexandrin  deviennent  précis  et  > 
terminés,  et  en  même  temps  lot^posiiioc ^ 

F  lus  complète  se  manifeste  entre  Tub  ^» 
autre. 

*  «  La  première  nypostase  de  la  Trinité  ^ 
Plotin  a  pour  premier  caractère  tl'èirei^ 
dessus  de  Têtre,  liriicfiv«Tov  Svto;.  Plotio,  à  • 
vérité,  lie  va  pas  jusqu'à  diro  qu'elle  est  yi 
non-être,  mais  Proclus  le  dira  plus  tird  < 
ajoutant  seulement  que,  quoi  qu'elle  suiu.) 
non-êiro,  fi«  ov,  oa  ne  peut  |)as  dire  qaV.- 
n'est  rien,  fAn^cv. 

ft  Que  Plotin,  en  dépassant  laderDièreu 
mite  de  Têtre,  ait  entrevu  ^ue  le  r«  %f^^ 
ne  devait  pas  suhir  les  conditions  de  ce  t^i 
est  après  lui,  et  qu'il  ail  youIu  l'affriad'^ 
des  lois  que  notre  raison  impose  à  tout  t 
restft,  c'est  ce  qui  ressort  évidemmeo'* 
caractère  de  sà  doctrine....  mais  aatre  à  ^^ 
est  de  déclarer  que  l'être  n'est  pas  univo]^^ 
en  Dieu  et  dans  la  créature,  autre  c:>< 
d'établir  au  sommet  de  la  dialectique  ^'>' 
sorte  de  Dieu-néaut;  bt  c'est  cb  nia-^^i** 
QUE  PLOTIN  APMfiT.  Gomparoz-le  à  la  r 
niière (personne  de  la  trinité  chréiiers'» 
Dieu  le  Père  qui  s'exprime  ainsi  sur 
même  :  Je  suis  celui  qui  sius.Jc  suis  h\  * 
et  V oméga  î 

«  Il  est  vrai  que  cette  expression  do^- 
se  trouve  aussi  dans  Plotin.  Il  TempruD^ 
Platon  qui  s'en  est  servi  dans  le  Timéi.^- 


tu 


TM 


piGTlOXNAiRE  APOLOGETlQUe. 


TRI 


îm 


orsqiic  PMm  emploie  oe  mol  de  Père,  il 
eat  dire  Père  du  monde  et  non  pas  de  la 
eoonde  bjpostase.  Il  attribue  ee  caractère 
u  inntavfyhff  c*est-è-dire  à  la  Iroisième  per* 
onne  ei  non  à  ta  première.  Au  contraire,  le 
ymbole  approprie  au  Père  la  qualité  do 

îréateor  :  ÎUanvi*  te»  riv  ^«y,  «erri/iA  ircoro- 

MTofiCy  «omw  ov^voO  nai  yvc.  «  Je  cFoi^s  en 
Pieu  le  Père  tout-puissant.  Créateur  du 
ciel  et  de  la  terre....  et  en  Jésus-Clirrst  son 
Fîis.  9  Si  la  création  n'est  attribuée  à  Dieu 
)Père  gue  par  appropriation,  c'est-à-dire  si 
lie  est  rœuvre  commune  des  trois  person* 
es  divines,  c'est  une  dirt'érence  de  plus 
vec  la  philosophie  de  Piotin,  qm  attribue 
I  qualité  de  d^pov/syôc  à  la  troisième  h  ypo** 
a>e  et  à  elle  seule.  Ce  fut  à  partir  de  Plotiu 
ne  des  questions  les  plus  fréquemment 
•iiées  dans  Técote  de  savoir  si  c*est  l'esprit 
Q  lame  qui  produit  le  monde. 
«  Là  seconde  bypostase  de  la  trinité  de 
lalin  est  Tesprit,  ô  voOc,  c|u*il  appelle  aussi 
Uf^  ou  le  verl^e.  L'esprit  est  l'intelligence 
plus  parfaite  appliquée  à  la  connaissance 
1  inonde  intelligible  ou  de  i'troTôe^v. 
•  L  esprit  de  Dieu  connaît-il  autre  chose 
lece  monde  intelligible?  Connalt-il  ce  qui 
.1  au-dessous  de  loi,  les  hommes,  le  monde 
nsiblel  Non  certes,  il  n'y  a  rien  de  lei 
los  Plolin.  On  y  peut  trouver  quelques  pa- 
>s  éloquentes  sur  le  dogme  de  la  provi- 
nce, mais  ce  qu'elles  contiennent  de  sé- 
eosement  philosophique  doit  être  inter- 
^(é  dans  le  sens  de  l'ordre  universel  et  de 
diteetion  constante  du  xô^rfuc  vers  le  bien. 
ieu  est  le  bien  en  soi,  il  est  aussi  la  cause 
I  bien  parce  que  tout  émaue  de  lui  et  que 
lit  y  retourne  ;  mais  il  ne  fait  pas  volon* 
irement,  librement  le  bien  des  créatures, 
ne  les  aime  pas,  il  ne  les  connatt  pas.  S'il 
uoe  initiation,  une  action  proprement 
te,  ce  n'est  pas  le  t«  f/,  ce  n'est  pas  le  mv; 
li  leiercent,  c'est  la  ^x«  Mwpxoapof  by- 
stase  inférieure  au  vto^,  et  cette  troisième 
jiostase  est  reléguée  au  dernier  rang  pré- 
ément  parce  qu'elle  est  active.  Le  mc^ 
M  donc  pas  comme  le  Verbe  chrétien  uno 
ielligence    qui    connaît    directement   le 
mde  ;  ce  n*est  pas  surtout  une  providencov 
que  les  ebrétiens  appellent  la  sa<;esse  de 
eu.  Le  Dieu  de  Plotin  ne  gouverne  pas  et 
monde  auquel  il  préside  immobile  suit 
}:i  sa  partiel iiation  les  éternelles  lois  qui 
uUeut  à  la  fuis  delà  nature  de  Dieu  et  de 
te  mystérieuse  puissance  oui  fait  comme 
oa<J  du  paganisme,  et  que  les  alexandrins 
>i55aient  encore  maljjré  eux,  l'cifKa^ftf/v. 
uV  a  pa»  plus  de  différence  entre  celui 
i  est  et  ruuilé  supérieure  à  Tèlre  qu'en- 
te fv€  alisorbé  dans  la  contemplation  de 
taC^'m  et  Jésus-Christ  fait  homme,  c*est-à- 
e  unissaal  dans  la  méaie  bypostase  la  na- 
e  divine  et  la  nature  humaine,  la  nature 
uuable  et    une  nature    particulière   et 
bile.  Le  Verbe  chrétien,  exempt  de  mou- 
lent comme  DieUi  s'y  assujettit  par  un 

VflCt)  Joamt.,  IV.  Maîlk.^  xxvii. 

C77)  S^iil  Awistm,  ih  Trimtau,  1. 15,  eb.  7. 


mystère  et  établit  une  aUiance  incompré- 
hensible entre  la  terre  et  le  ciel.  Le  Verbe 
de  Plotin  reste  dans  son  éternité,  et  toute 
son  action  s'arrête  à  la  première  sphère  au- 
dessous  de  bii,  à  l'éternelle  émanation  de 
lui-même  qu'il  produit  nécessairement  et 
dans  sa  propre  sut)6taace. 

«  £aQn  la  troisième  bypostase  de  Plotin 
et  la  Iroisième  personne  de  la  Trinité  pré- 
sentent la  même  analogie  dans  les  noms  et 
la  même  différence  essentielle.  Le  nom  d'Es- 
prit, attribué  dans  la  langue  française  à  la 
trois^ième  personne  divine,  ne  doit  pas  faire 
illusion;  c'est  l'esprit,  le  souille,  spiriius^ 
«yMv  ;n»ivft«,  et  par  conséquent  c'est  le  ^v^i», 
ou  l'âme.  Ce  n'est  pas  comme  la  seconde 
personne  l'esprit,  la  raison,  rintelligence, 
menSf  verbum^  sapimlia^  »ov;,  \ôyùç.  La  troi- 
sième personne  de  la  Trinité  chrétienne 
s'appelle  l'Esprit -Saint, le  don  de  Dieu 
(1676),  l'amour  (1^77);  elle  partage  aussi 
avec  la  seconde  personne  les  noms  de  sa- 

f;esse  et  d'intelligence  ;  mais  tandis  que  tous 
es  effets  de  l'amour  de  Dieu  pour  les  hom- 
mes lui  sont  attribués,  tandis  .qu'elle  est 
l'auteur  de  la  charité,  la  source  cies  lumiè- 
res et  de  la  gr&ce  sanetiû^nte,  le  consola- 
teur eu  un  mot;  tandis  qu'on  la  rend  pré- 
sente à  l'esprit  et  au  cœur  de  Thomme,  ce 
qui  déjà  la  distingue  profondément  de  la 
^v;(«  viri^xôfffAioff,  jamais  la  qualité  de  Sq^iov^- 
yôff,  réservée  par  Plotin  à  la  troisième  bypo- 
stase n'est  attribuée  au  Saint-Esprit,  et  nous 
voyons  au  contraire  qu'elle  est  appropriée 
tantôt  au  Père  et  tantôt  au  Fils.  Il  ht  a 

DOZfC  PJlS  IDEKTrrÉ,  IL  H  Y  A  PAS  MÊME  ANALO- 
GIE ENTRE  LES  TROIS  PERSONHES  DE  LA  TRllflTÀ 
CBRÊTIESKE  ET  LES  TROIS  UYPOSTA^S  DE  PlO- 
TIN. 

«  L'unité  d'un  seul  Dieu  en  trois  per- 
sonnes OU  bypostascs  différentes,  voilà  jus- 
qu'ici toute  la  ressemblauce  que  nous  avons 
trouvée  entre  la  trinité  de  Plotin  et  la  trinité 
chrétienne.  Mais  chacune  des  hypostases  du 
Dieu  de  Plotin  diffère  radicalement  des  (per- 
sonnes divines  corres|)ondantes  dans  le 
dogme  chrétien,  et  Topposilion  n'est  pas 
moins  grande  quand  on  considère  non  plus 
les  personnes  elles-mêmes,  mais  leurs  rela- 
tions diverses.  Ainsi,  dans  la  doctrine  chré- 
tienne, le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  se 
connaissent  et  s'aiment  entre  eux.  Le  Père 
aime  le  Fils  et  il  en  est  aimé,  l'Esprit  <  on- 
nattlePère  et  le  fils;  il  a  de  lun  et  de 
l'autre  une  connaissance  également  com- 
plète, éj^alement  directe.  Dans  Plotin,  au 
contraire,  chaque  byiKiStase  connaît  et  aime 
exclusivement  rhy|)Ostase  qui  la  précède,  et 
demeure  étranijère  aux  hypostases  infé- 
rieures. L'unité»  qui  n'a  rien  au-dessu.» 
d'elle,  ne  connaît  et  n'aime  rien,  et  Plotin 
ne  prononce  qu'en  tremblant  qu'elle  si  aime 
et  se  connaît  elle-même  (1678).  Il  dirait  avec 
Spinosa  :  «  Nul  ne  ))eut  désirer  d'être  aimé 
«  de  Dieu,  car  ce  serait  désirer  que  Dieu 
«  cesse  d'être  parfait  (1679).  »  Dans  sa  tri- 

(!678)  Enn  VI.  1.  vni.ctS. 

(1679)  Sruioâà,  Ethique^  V  part.,  prap.  12. 


Ii43 


TRI 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


TRI 


\ii\ 


ntlé,  Tobjet  delà  connaissance  elde  Tamoiir 
de  la  troisième  hypostasey  c'est  la  seconde 
et  non  la  première.  L'flme,  chez  Plotin, 
émane  du  vovf,  comme  le  voCc  de  Tunité;  le 
Saint-Esprit  dans  la  doctrine  chrétienne  ne 
procède  pas  seulement  du  Fils,  mais  il  pro- 
celle  à  la  fois  du  Père  et  du  Fils.  Si  Plotin  dit 
dans  un  seul  passage  que  l'âme  vient  de 
Tun  et  de  l'esprit,  c'est  parce  que  l'esprit 
étant  lui-même  dérivé  de  l'un,  l'âme  en  dé- 
rive à  son  tour  par  une  sorte  de  seconde 
filiation;  ce  c'est  pas  le  sens  de  la  proces- 
sion du  Saint-Esprit,  qui  procède  également 
du  Père  et  du  Fils.  Enûu,  la  seconde  éma- 
nation hypostatique  est  pour  Plotin  fatale 
comme  la  première;  au  contraire  le  Saint- 
Esprit  est  produit  par  un  acte  de  la  volonté 
du  Père  et  du  Fils  qui  s'aiment  comme  étant 
rin&nie  perfection.  Le  Saint-Esprit  est  le 
résultat  de  cette  volonté  et  de  cet  amour. 

«  En  mémo  temps  que  l'appropriation  des 
fonctions  divines  est  plus  spéciale  chez  Plo- 
tin, la  distinction  des  hypostases  est  moins 
formelle.  L'incarnalion  de  Jésus-Christ,  To- 

Jéralion  par  laquelle  le  Saint-Es[)rit  féconde 
larie,  sans  rien  ôter  à  la  consubstantialité 
des  personnes  divines,  les  séi)ere  plus  pro- 
fondément que  Plotin  n'a  pu  le  iaire,  leur 
donne  en  quelque  sorte  à  chacune  une  phy- 
sionomie particulière,  et  justifie  le  nom  de 
ftfùwfonaf  que  TE^Iise  leur  a  donné  et  dont 
Plotin  n'a  j.as  fait  usage. 

«  Mais  ce  qui  constitue  une  différence 
radicale  entre  les  deux  doctrines,  ce  qui 
exclut  toute  idée  d'une  origine  commune, 
c'est  que  le  Dieu  de  Plotin  renferme  trois 
hypostases  inégales,  et  que  par  conséquent 
il  n'est  pas  un  dieu  parfait.  On  a  beaucoup 
disputé  sur  l'arianisme  prétendu  de  saint 
Irénée,  c'est-è-dire  sur  certaines  opinions 
émises  par  l'historien  des  premières  héré- 
sies, et  qui  auraient  pu  s  inlerpréler  dans  le 
sens  de  l'arianisme.  Nous  n'avons  pas  &  re- 
chercher ici,  sur  les  traces  du  P.  Petau  el  de 
Huet,  ces  phrases  équivoques  d'un  Père  de 
rEgliso  dont  l'orthodoxie  est  d'ailleurs  assez 
prouvée  par  l'ensemble  de  ses  écrits.  Qui  ne 
sait  que  sur  des  matières  aussi  délicates  on 
ne  doit  s'attacher  qu'au  sens  général  d'une 
doctrine,  et  qu'il  est  presque  impossible  de 
garder  toujours  dans  les  détails  cette  ré- 
serve, celte  juste  mesure  qui  côtoie  l'erreur 
sans  y  tomber,  et  qui  combat  une  hérésie 
sans  ûaraître  favorable  à  l'hérésie  opposée? 
Ce  n  est  pas  du  sentiment  d'un  Père  qu'il 
s'agit,  c'est  de  la  doctrine  même  du  christia- 
nisme, dont  l'Eglise  universelle  est  assuré- 
meut,  même  au  point  de  vue  de  la  fidélité 
purement  historique,  le  juge  le  plus  compé- 
tent et  le  plus  sûr.  Si  haut  que  1  on  remonte 
dans  Hiistoire  de  l'Eglise,  régalité  des  per- 
sonnes divines,  c'est-à-dire  la  perfection  de 
la  nature  divine  sous  les  trois  hypostases,  est 
évidemment  la  doctrine  orthodoxe  (1680)  ;  et 


(1680)  Nous  recommandons  ces  sages  réflexions  • 
MM.  de  Poiler,  Saisseï,  Vacherot,  et  à  laiit  d'aulies 
qui  prélvndeiit  que  les  Pères  aiilcnicéeBS  étaient 
ariens.  (  Voy.  sur  cette  grave  qaeslion  Moeller  , 


les  hérésies  même  qui  onl  en  pour  objet  ae 
subordonner  une  personne  à  une  autre,  et 
qui  toutes  ont  été  condamnées  dès  leur  uaiv 
sance,eB  sont  une  preuve  de  plus. Cest que 
la  pluralité  des  hypostases  intervient  dans  le 
christianisme  pour  s  appliquer  au  msika 
de  la  rédemption,  et  non  pour  rendre  compte 
de  la  production  du  monde.  Lorsque  (^ 
Pères  et  les  apologistes  essayent  de  rendr*» 
compte  du  mystère  de  la  Trinité,  ils  recou- 
rent à  des  analogies  tirées  de  la  nature 
humaine  ;  c'est-à-dire  qu'ils  font  eoleDirs 
alors  qu'il  y  a  trois  personnes  en  Dieo,parff 
que  la  puissance,  rinteliigence  el  ïmm 
sont  également  nécessaires  k  la  perfedwi 
du  souverain  bien.  Rien,  dans  «oui cela, ce 
ressemble  à  un  intermédiaire  entre  la  \^r 
lection  absolue  de  la  première  personne K 
1  imperfection  du  monde.  Si  Jésus-Christ  m 
médiateur,  il  n'en  est  pas  moins  Dico.  L 
accepte  la  fonction  de  médiateur  par  bontN 
par  condescendance;    il    revftt  la  nature 
humaine,  mais  il  conserve  entière  la  nalo^: 
divine;  il  n'est  pas  une  nature  inlerrae- 
çiiaire  entre  Dieu  et  l'homme  :  an  coDlram. 
la  théorie  de  la  Trinité  a  évidemmem  |>«j«r 
origine,  dans  l'école  d'Alexandrie,  le  bes-iD 
de  concilier  les  nécessités  de  la  dialecliqnt 
et  celles  de  la  production  du  monde. 

«  C  est  parce  que  la  dialectiqne  «  p^r 
terme  suprême  le  to  h  «ffV.Ov,  et  que  cd'-: 
unité  ne  peut  engendrer  le  monde  sari 
perdre  sa  définition,  c'est  pour  cela  qu.-  j 
nature  de  Dieu  enveloppe,  outre  la  i>erfr- 
tJon  absolue,  des  hypostases  inférieures uj 
rapprochent  Dieu  du  monde  en  le  tliiû- 
nuant.  Oter  à  l'école  d'Alexandrie  celte  h- 
postase  supérieure  à  l'être,  à  Pintelli^w^ 
et  dans  laquelle  ne  réside  aucune  fone,  m- 
eu  ne  puissance  créatrice,  c'est  lui  ôter  siî 
mysticisme,  que  celte  hypostase  seule hi. 
rendu  nécessaire;  c'e^t  lui  ôter  ce  vm\  -, 
devenu  célèbre,  que  rinteliigence  i^ark 
est  inférieure  h  l'unité,  et  la  force  créaln 
a  1  intelligence;  c'est  Ini  ôter  parcoD>^î<*- 
tout  ce  qui  la  constitue,  tout  ce  qui,iiH<^ 
1  histoire,  lui  imprime  un  caractère  ;  en  i. 
mot,  c'est  l'anéantir.  S'il  en  est  s^insu  *  ^^ 

TrTRE   POURRAIT-ON    RAPPROCHER    LA   TiHÏTÏ 
ALEXANDRINE     DE     LA     TRINITÉ     CHRÉTIt^^'* 

Entre  ces  dedx  doctrines  a  w'y  a  pa>»^ 
PRirrciPE  COMMUN.  Les  chrétiens  n  adrneirr 
ni  l'unité  supérieure  à  l'être,  ni  l'fnférior 
de  1  intelligence  par  rapport  à  runiiê, 
celle  de  la  puissance  par  rapport  à  I  initi. 
gence.  Ils  ne  proscrivent  ni  ne  subonlonu 
la  raison  ;  ou  s'ils  adraellcnt  un  principe  : 
la  surpasse  et  devant  lequel  elle  doit  si  - 
milier,  ce  n'est  aucune  faculté  de  la  nv 
humaine  :  c'est  la  voix  même  de  Dieu 
lant  aux  hommes  en  termes  explicita? . 
ses  prophètes  et  par  son  Fils.  Kufîn,  sV* 
vont  pas  chercher  la  perfection  dan* 
hauteurs  où  les  alexandrins  se  sont  ipr-. 

Athanase;   le  célètre  ouvmgc  de  Beats  [hi 
Defensio  fiéei  Nicœnœ;  Mgr  Oinouiluac,  Hiihvri^ 
dorjnie  caihotiqne. 


IU5 


UNI 


d:ctionnaire  apologétique. 


IM 


iU» 


ils  ëfitent  celte  triste  cODtradiction  d'une 
école  réduite  à  détruire  de  ses  mains  son 
propre  ouvrage,  à  démontrer  d*abord  que 
Dieu  doit  être  inactif  s'il  est  pariait,  et-  en- 
suite qu'il  agit  s'il  est  Téritablement  le  Dieu 
du  monde. 

a  Ce  n'est  pas  assez  de  dire  qu'aucun  des 
principes  essentiels  qui  caractérisent  l'école 
(i'Aleiandrie,  et  sur  lesquels  est  fondé  le 
dogme  de  la  trinité  dans  Plotio,  ne  se  re- 
trouve dans  le  chrisiianisme.  11  faut  aller 
plus  loin  :  il  fact  dibb  que  les  principes 

F0:«DAVB!fTAt'X    DU     CHRISTUNISVB    SONT    £91 
CONTRADICTION  DIRECTE  AVEC  CEUX  DE  L*ÉCOLE. 

La  première  personne  de  la  Trinité  cbré- 
tienne  possède  la  plénitude  de  l'être  et  de  la 
puissance;  loin  de  se  dé^ader  en  prenant 
la  condition  de  créateur,  le  Dieu  chrétien 
construit  le  monde  pour  sa  propre  gloire. 
Lorsque  son  Fils  revêt  la  nature  bumaine 
pour  devenir  médiateur  entre  la  terre  et  le 
ciel,  il  n'en  demeure  pas  moins,  dans  cette 
alliance  mystérieuse,  en  pleine  et  entière 
possession  de  la  perfection  absolue.  Il  est 
luédiateor  entre  la  terre  et  le  ciel,  pour  que 
les  hommee  puissent  mériter  la  vie  éter- 
nelle, pour  qu'ils  puissent,  par  lui,  s'élever 
jus<ju'à  la  connaissance  et  la  possession  du 
vrai  Dieu;  tandis  que  les  bypostases  infé- 
rieures du  Dieu  de  Plolin,  au  lieu  d'élever 
le  monde  à  Dieu,  font  incliner  la  nature  de 
Dieu  vers  le  monde. 

«  Il  est  donc  absolument  impossible  de  se 
servir  du  christianisme  d'Ammonius  pour 
donner  une  origine  chrétienne  à  la  philo- 
sophie de  Plotin,  ou  de  la  philosophie  de 


Plotin  pour  donner  une  origine  pbilosophi* 
que  à  la  doctrine  chrétienne.  11  n'v  a  entre 
la.  trinité  de  Plotin  et  la  Trinité  cnréticnne 
que  des  analogies  verbales,  que  l'histoire 
explique  aisément;  les  différences,  au  con- 
traire, sont  si  profondes,  que  quiconque 
n'est  pas  absolument  étranger  à  la  méta- 
physique et  aux  deux  doctrines  dont  il 
s'agit,  ne  peut  hésiter  à  les  nconnattre.  » 
(J.  Simon,  Histoire  de  V école  d^ Alexandrie^ 
1. 1.) 

.  Yoy  note  XXII,  à  la  lin  du  volume,  l'exa- 
men de  cette  question  :  Les  anciens  Pères  de 
r Eglise  ont-ils  pensé  ou  parlé  de  la  Trinité  à 
la  manière  des  platoniciens? 

TRINITE.  Opinion  de  M.  Saîsset  sur  son 
origine;  réfutation.  Foy.DOCMES,  §11. — Vient- 
elle  de  la  Chine?  loy.  TRiNrcé  §  I.  ~  De 
l'Egypte?  Jbid.  —  De  l'Inde  ?  /6/S.  SU  et  III. 

—  \>es  platoniciens,  iftid.,  {  IV  et  V.—  Yoy. 

—  URiTi  DE  DIEU.  —  Trinité  de  Platon  est 
une  invention  des  nouveaux* platoniciens 
inconnue  aux  anciens.  Yoy.  Note  XXII,  §  V, 
à  la  fin  du  volume. 

TYCUO-BRAHÉ.  Accusation  absurde, 
faite  aux  théologiens  de  Rome  à  son  sujet, 
par  M.  Letronne,   Yoy.  Terre. 

TYPE  de  Jésus-Christ,  n'existe  pas  dans 
la  nation  juive.  Yoy.  Jésus-Christ.  —  Types 
dans  les  races,  sont-ils  permanents,  lo^. 
Races  humaines,  §  V. 

TYPHON.  Le  même  que  Satan.  Yoy.  Dé- 
mon, i  1  et  II. 

TYR.  Accomplissement  des  prophéties 
d'Ezéchiel,  concernant  cette  ville.  Yoy.  Pro- 
phéties, i  III. 


u 


UNION  de  l'Âme  et  du  corps,  réponse  aux 
>bîections.  Voy.  Ave,  §  VI  et  IX.  —  Systè- 
mes divers  imaginés  pour  l'expliquer.  Yoy. 

iME,  i   IX. 

UNITÉ  DE  DIEU.  On  lit  au  verset  26'  du 
hap.  I  du  livre  do  la  Genèse;  Dieu  dit  :  Fai^ 
on$  r  homme  à  noire  image  et  à  notre  ressens 
lance ^  et  on  a  prétendu  que  le  verbe  plu- 
tel  faisans  impliquait  d'autant  plus  la  plu- 
alité  des  dieux  que  le  mot  Elobur  (dieux) 
on  sujet,  est  un  pluriel  lui-même,  et  que 
eux  autres  noms  de  la  Divinité,  Adonaï  et 
CHADDAÎ,  sont  également  des  pluriels. 

Quoique  les  trois  noms  Elohim,  Adohaï  et 
cuADUAï  aient  réellement  une  terminaison 
rarumaticale  plurielle,  ils  ne  désignent 
ourlant  qu'on  sujet  simple  et  unique,  un 
*u\  individu.  La  vérité  de  notre  assertion 
>t  fondée  sur  l'usage  constant  des  Hébreux 
employer,  comme  beaucoup  d'autres  pcu- 
les,  le  nombre  pluriel  au  lieu  du  singulier, 
^utes  les  fois  qu'ils  voulaient  prouver  l'ex- 
tllenctf,  la  su|>ériorité  d'une  personne  ou 
Il  no  chose,  usage  si  manifestement  et  si 
)i vcrsellement  rcconnn,  que  Ion  trouve 
ins  toutes  les  grammaires  et  tous  les  dic- 
iimairos  hébraï<[ues,  accomi>a^uée  de  nom- 


breux exemples ,  la^  dénomination  de  plu- 
rid  d'excellence^  pluriel  de  majesté^  pour  dé- 
signer un  nom  qui,  bien  qu'ayant  la  forme 
plurielle,  n'exprime  pourtant  quun  seul 
et  unique  objet.  J'ajouterai  que  le  mot 
Elohim  en  particulier,  quoique  au  pluriel, 
est  mis  fréquemment  en  opposition  avec 
JénovA,  nom  incontestablement  au  singu- 
lier. Enfin,  la  construction  grammaticale 
même  de  ces  trois  mots  confirme  notre  as- 
sertion; car,  lorsqu'ils  désignent  le  vrai 
DiEV,  celui  que  les  Hébreux  adoraient,  ils 
sont  généralement  construits  avec  un  verbe 
au  singulier 

H  est  vrai  que  le  verbe  faisons  semble  lui- 
même  donner  un  démenti  formel.  Mais  cette 
difficulté  est  plus  spécieuse  que  solide.  Car, 
d'atK>rd  est-il  possible  que  Moïse  ait  em- 
ployé une  locution  favorable  au  polythéis- 
me, lui  qui  a  mis  en  tête  de  ses  lois,  comme 
l'article  le  plus  important  et  le  pins  fonda- 
mental, le  monothéisme  le  plus  risoureux 
et  le  plus  exclusif;  lui  qui  punit  de  la  peine 
de  mort  l'adoration  de  toute  divinité  autre. 
queJÉBoVA? 

Mais  une  preuve  irrécusablelqne  le  mot /ai- 
êons  n'indique  pas  ici  la  pluralité  de  dieux  ; 


||.i7  UNI  DICTiaN.NAlRE  APOLOGLTIQDE  UM  i|^ 

eiease  (I68d^,  enseigne  posititement 


c'est  qu  immédialemcRt  après  on  Ht  au  sin- 
gulier :  «  Et  DiBU  Ui  créa...  Uibénii...  leur 
dUf  »  etc.  EnOa  une  troisième  preuve, 
non  moins  forte,  c*est  que  dans  un  autre 
passage  (ch.  ii,  19),  où  il  est  question  de 
cette  même  création  de  rhomiue,  Jêiiota 
dit  au  singulier  :  Je  lui  ferai  un^  campo' 
gne^  etc.,  au  lieu  de  nouê  ferons.  La  même 
particularité  se  trouve  dans  la  phrase  (iii, 
22)  :  Yoilà  que  Vhomme  e$l  détenu  comme 
Vundenous;  puisque  Moïse«ajoute  sans  ia- 
Icrruplion  ;  Jénov^  Duo  te  renvoya  du  jardin 
dEden...  l'exila^  etc.  ;  et  non  point  :  le  ran- 
voyèrentf  l'exilèrent. 

On  dira,  sans  doute,  que  ce  rapproche- 
ment prouve  au  moins  une  contradiction 
semblable  à  celle  que  nous  trouvons,  par 
exemple,  daqs  les  Védas  qui ,  d*un  côté,  en- 
seignent Tunité  de  Dieu,  et  de  l'autre  acoor- 
dent  les  attributs  divins  à  plusieurs  êtres 
différents,  en  prescrivant  même  aux  Miadous 
un  culte  en  leur  honneur. 

Mais  cette  conséquence  n'est  nullement 
légitime,  et  la  parité  qu*on  prétend  établir 
n'a  aucun  fondement.  D'abora,  si  cette  c^on- 
tradiction existait  réellement,  elle  pourrait 
bien  ne  se  trouver  que  dans  les  mois  seu- 
lement, et  n*ètre  que  l'effet  d*uA  pur  idio- 
tisme permis  par  fusage,  comme  il  arrive 
même  dans  nos  langues  de  rOcoident,le 
français,  l'allemand,  Tanglais ,  elc«,  qui  en 
offrent  de  tout  è  fait  semblables. 

Jbln  second  lieu,  il  n'v  a  aucune  aailogie 
entre  la  doctrine  des  Véilas  et  celle  du  Pen- 
tateuque,  par  rapport  à  l'unité  de  Dieu;  car 
les  premiers  n'enseignent  nulle  [)art  cette 
unité  d'une  manière  daire  et  précise.  Nous 
ajo*4terons  qu'ils  seraient  encore  dans  Tim- 
possibilité  de  l'enseigner,  lors  môme  qu'ils 
ne  reconnattraient  u&s  nominativement  plu- 
sieurs dieux,  et  qu  ils  ne  prescriraient  au- 
cun culte  en  leur  honneur. 

Au  contraire,  nous  trouvons  dans  le  Pen- 
tateuque  une  foule  de  passages  qui  procla- 
ment un  Dieu  seul  et  unique,  en  termes  les 
plus  clairs  et  les  plus  explicites;  et  loin 
d'autoriser  le  culte  d'adoration  en  faveur 
d'une  autre  divinité  ou  d'un  autre  être  quel- 
conque ,  Moïse  le  proscrit  soas  la  peine  la 
plus  grave,  la  peine  de  mort.  Mais  cette 
matière  importante  pour  être  traitée  conve- 
nablement exige  que  nous  entrions  dans 
quelques  détails.  }^ 

Un  savant  Ijrabmane,  converti  au  mono- 
théisme, Ram-Mohum-Hoy,  quia  composé 
plusieurs    ouvrages  de   controverse   reli- 

m 

(16SI)  R»in-Moliuii  Roy,  après  avoir  renencë  liii- 
néme  au  poivibétsme,  conçtii  le  projet  de  ramener 
$i!f  Gompatriôics  au  culte  <l'un  seul  Ûiair;  culte  pro- 
Uhwéf  selon  lui,  par  leurs  ancêtres.  Dans  ce  dessein, 
il  a  tfaduit  eu  plusieurs  lanaues  un  abrégé  du  Vé' 
dànta^  qui  est  lui-même  un  .ibrégé  des  Védas,  avoc 
la  conciUai>on  des  lexies  contradictoires ,  ei  il  a 
répandu  ces  iradueiions  pariut  ses  compatriotes.  Cet 
homme  célèbre  est  mort  en  Angleterre,  dans  la  force 
deriige,enlS55. 

(168^)  Le  Rig-Véda  est  le  premier  des  Védas  dans 
la  colli^tion. 

(ÎQ^)  Noiiceêur les Yédaê, par. H.T. Colebrook«*, 


idoiâtnequi  règne  aujourd'hui  chez  la  pis. 
part  des  Hindous  était  inconnue è  lenrs itères, 
et  que  les  Védas  proclament  un  Bieo  u^ 
que.  Examinons  cette  assertion  du  sartni 
Indien,  au  moins  pour  la  partie  relatin  aux 
Védas. 

Au  commencement  de  Tindex  dn  lu. 
Véda  (1682)  on  lit  :  «  Les  divinités  sont  sel 
lement  trois,  dont  les  demeures  sooi  !i 

terre,  la  ré^on  intermédiaire  et  le  ciel 

D'autres  divinités,  appartenant  k  cesdirer- 
ses  régions,  sont  des  portions  itrois)dieui... 
Mais  (dans  le  fait)  il  n'y  a  qu'une  seule  Di. 
vinilé,  la  6ea?idb  ahb  {AtiAdnàtmé);  elle  est 
nommée  le  soleil;  car  le  soleil  est  Ttoie 
de  tous  les  êtres...  Les  autres  divioités sont 
des  portions  ou  fractions  de  sa  personne 
(tesa).  «  On  lit  aussi  dans  le  Yadjour-T^; 
«  l'Etre  supEÊHB  UN1Q6E  (Bdah,  roniiéjoe 
«  se  meut  point,  quotqu*il  soit  plus  rapide 
«  que  la  pensée  {iÛSk),  a 

Au  premier  abord,  on  serait  en  effet  tenté 
de  considérer  ces  passades  comme  noosol^ 
frant  une  preuve  manifeste  de  i'uoitéde 
Dieu.  Cependant,  lorsqu'on  les  eutnioe 
avee  quelque  attention,  en  ne  manque  pis 
de  se  convaincre  qu'ils  prou vem  toat  le  con- 
traire, puisque  plusieurs  autru  diiM 
$oni  des  porlton»  ouftaeiions  de  safmw»k\ 
ce  qu'il  est  aljsolument  impossible  deoten- 
dre,  sans  la  supposer  composée  d'aatsfitde 
parties  qu'il  y  a  de  divinités  différentes,  qii 
ont  leur  demeure  sur  la  terrf^  danstert^ion 
intermédiaire  et  dans  le  ciel. 

«  Le  Védih  dit  Bam*Mohum-Rojr,  affirme. 
en  différents  endroits,  que  tous  les  Védas 
ne  prouvent  rien  que  1  unité  de  l'Etre  su- 
prême... Dieu  est i^ar conséquent  Uneisim 
second  (1685).  »  Rien,  ce  semtile,  n  est  plus 
clair,  rien  n  établit  d'une  manière  plus  so* 
lide  I  existence  d  un  Dieu  unique. 

Mais  d'un  autre  côté,  les  mêmes  VUas 
(c'est  la  propre  réflexion  de  rex-brahoaoe. 
regardant  comme  divioités  Tesiirit,  les sli* 
ments,  l'espnce  vide,  l^animal  quadrupède, 
les  esclaves  erles  fugîtife  (Slaves  md  frflu»} 
car  ils  disent  expressémeni  :  «  L'i^  ^ 
prème  est  un  animal  quadrupède  dai»  ob 
lieu,  et  dans  un  autre  il  eal  plein  de  çloirt 
L'esprit  (mind)  eat^l  l'Etre  suprémet  il  ^^^ 
être  adoré,  v  —  ^  Dieu  est  la  lettre  fa  m 
que  la  lettre  ifAo,  »  et  —  «  Dieu  est  soos  u 
forme  d'esclaves,  et  sous  celle  de  fugitif 
(1686).  »  De  ces  passages  et  du  quelqoo 
autres   analogues ,  les  Védas  coDcloeoi 

vnd.  de  raa^lais  par  G.  Paotbkr,  daas  fei  Ui^ 
sacrés  de  i'Onenî^  p.  515,  314. 

(1694)  G.  l>4DTttiu,  Les  Ueres  sasrisdefOv!^ 
p*  550.  —  La  Yadjour-Véda  esi  1«  deuxicaKVfr' 

(t6S5)  Essais  sur  la  pldloèophie  deh  Hvdo^f 
H.-T.  CotEBRooKB,  irad.  de  ranghis  per  G.  1^' 
TUUK,  p.  i84-!285.  —  U  faut  remarqner  qoei<s<"* 
dons  emploient  Indifféremment  le  sifi|ttt«eri^<' 
le  pluriel  eédas^  poar  marquer  la  coMMiiofl  ^^ 
livres  saerés ,  conune  noas  disons  neus-ff^  ' 
saillie  EcrilHce  ou  les  saimes  Ecriinrei. 

(  i686)  EssaU  sur  la  phUoê(mkie  dss  /lii^' 
p.  285. 


fi«9 


UM 


DICTIONMAIIIE  APOLOGETIQCE. 


UNI 


ÎAli9 


•  Tout  ce  qui  eiiste  est  par  conséquent  Dieu 
(1687).  • 

Nous  demanderons  si  c*ost  là   Tidée  que 
nous  nous  formons  d'un  Disc  unique?  N'est- 
ee  (tas,  au  contraire,  confondre  toute  notion 
dv  funité?  On  nous  dira  sans  doute,  i|ue 
puisque  les   Védas  donnent  à  Dibu  le  titre 
d*£(re  suprême,  ils  le  distinguent  suflisam- 
ment  par  là  de  tout  autre  être,  liais  du  mo- 
ment que  DiBo  est  tout  ce  qui  existe,  on  ne 
saurait  le  distinguer,  ni  le  séparer  de  rien. 
En  second  lieu,  le  titre  d*Ètre  suprême 
marque,  à  la  vérité,  la  supériorité  de  cet 
Etre  sur  tous  les  autres  ;  mais  cette  préé- 
minence ne  détruit  nullement  le  caractère 
dirin  des  autres  divinités,  portions  essen- 
tielles et  sul>sîantielles  de  la  personne  de 
TEtru  suprême,  d'après  les  Védas  eux-mê- 
mes. Ainsi,  par  exemple,  chez  les  Grecs  et 
les  Latins,  Jupiter  était  considéré  comme 
le  chef  et  le  mattre  do  tous  les  dieux  de 
roiynipe;  cependant,  tontes  ces  divinités, 
quoique  inférieures  à  ce  dieu ,  n*en  étaient 
pas  moins  adorées  comme  autant  de  dieux 
réels. 

En  un  mot,  lorsque  les  Védas  nous  par- 
lent d^unitif  de  Dieu  uniqtu^  ils  ne  peuvent 
i*entendre  que  dans  deux  sens,  savoir  :  que 
TEtre  suprême  est  simple,  sans  composition 
dans  son  essence,  en  lui-même,  ou  bien 
qu*ll  est  la  seule,  Tunique  Divinité  propre- 
ment dite.  Or,  ces  deux  explications  sont 
paiement  opposées  à  ce  qu  ils  nous  ensei- 
gnent d'ailleurs  eux-mêmes;  puisqu'ils  af- 
firment delà  manière  la  plus  positive  et  lapins 
explicite,  d*nn  côté,  qu  il  y  a  plusieurs  êtres 
(|*ii  oiéritent  les  honneurs  divins;  et  leur 
liturgie  aussi  bien  que  leurs  mystères  en 
fournissent  une  preuve  incontestable  ;  et  de 
l'autre,  que  TEtre  suprême  est  le  moins 
^injiile,  le  moins  un  de  tous  les  êtres,  puis- 
qu'il est  composé  de  tous. 

Toutefois  nous  trouvons  dans  les  Védas 
«les  i^assa^es  qui  semblent  restreindre  tout 
culte  divin  à  lEtre  suprême  ;  car  ils  décla- 
rent que  «  celui  qui  adore  un  dieu  quel- 
conque, excepté  l'Etre  suprême  et  qui  pense 
qu*i(  est  distinct  de  ce  Dieu  et  inférieur 
^  lui,  ne  connaît  rien,  et  il  est  considéré 
Dom  me  un  animal  domestique  de  ces  dieux.* 
Les  Védas  disent  encore  :  <  Adore  Dieu 
^cul.  V  ~  «  Connais  Dieu  seul.  /Et  le  Vé- 
lajita  ajoute  de  son  ce  té  :  «  Ou  trouve  dans 
es  Védas  qu'il  n'y  a  que  TEtre  suprême 
jui  doive  être  honoré  d'un  culte;  nul  autre, 
rxcepté  lui,  ne  doit  être  adoré  par  un  hom- 
ue  sa^e  (1688).  • 

Mais  ces  textes,  quelque  spécieux  ou'ils 
oient,  ont  bien  peu  de  valeur;  car  lEtre 
iipréme,  d'après  les  Vdéas  et  en  particulier 
rafirès  un  des  passages  allégués  dans  Tob- 
etrtion,  n'étant  point  distinct  de  tout  autre 
ïetf  fgueleonqu€t  mais  io\U  Dieu  quelconque 
laat  une  portion,  une  fraction  substantielle 


de  l'Etre  suprême,  l'adoration,  les  cultes 
prescrits  par  les  Védas  doivent  être  néces- 
sairement rendus  à  toute  divinité  gnelcoii- 
'  conque,  aussi  bien  qu'à  l'Etre  suprême  lui- 
même. 

Il  était  impossible  que  cette  considération 
ne  vint  pas  a  l'esprit  des  auteurs  des  Vêlas  ; 
aussi,  à  ce  té  de  ces  textes,  qui  semblent 
établir  l'unité  de  Dise,  nous  en  trouvons 
plusieurs  autres  qui  disent  le  contraire  ;  en 
voici  quelques-uns  :  «  Kriclina  (ou  Vichnou, 
le  dieu  de  la  conservation)  est  plus  grand 
que  tous  les  dieux  célestes  auxquels  l'esprit 
pourrait  s'appliquer.  »  —  «  Nous  adorons 
tous  Mahadeva  le  grand  dieu  ou  le  dieu  de 
la  destruction.  »  —  «  Nous  adorons  le  so- 
leil. 1»  —  «  J  adore  le  très-révéré  Varouna 
(le  dieu  de  la  mer).  »  -—  ^  Tu  dois  m'offrir 
un  culte,  dit  l'Air,  a  moi  qui  suis  la  vie  éter- 
nelle et  universelle.  »  —  «  Le  pouvoir  intel- 
lectuel est  Dieu  qui  doit  être  adoré.  »  — 
«  Et  YOudgîiâ  (ou  une  portion  du  Véda)  doit 
être  adoré  (1689). 

Ces  passades,  si  formels  en  faveur  du  po- 
lythéisme, n  embarrassent  pas  peu  Ram-Mo- 
hun-Roy;il  répond  cependant  :  «  Ces  textes, 
ans^i  bien  que  plusieurs  autres  de  la  même 
nature,  ne  sont  pas  des  commandements 
réels  d'adorer  ou  d'honorer  les  personnes 
et  les  choses  ci-dessus  mentionnées;  mais 
ils  recommandent  à  ceux  qui  sont  malheu- 
reusementincapables  d'adorer  rÊirjsuprèmu 
invisible,  d'appliquer  leur  intelligence  à 
quelque  chose  de  visible,  plutôt  que  de  la 
laisser  demeurer  inutile  (1690).  »  Cette  ré- 
ponse prouve  le  grand  désir  du  savant  In- 
dien de  vouloir  trouvera  tout  prix  l'unité 
de  DiKU  dans  les  Védas  ;  mais  est-ce  bien  là 
une  preuve  qu'elle  y  soit  réellement?  Le 
commandement  d'adorer  et  d'honorer  diffé- 
rentes divinités  pourrait -il  être  exprimé 
d'une  manière  plus  positive  et  plus  réelle? 
Moïse,  qui  proclame  fui  aussi,  dans  son  Pcn- 
tateuque,  I  unité  du  Dieu  d'Israël,  a-t-il  ja- 
mais recommandé  aux  Hébreux  d'adorer  le 
soleil,  la  lune,  lair,  la  mer,sous  prétexte  qu'é- 
tant incai/ables  d'adorer  le  vrai  Dieu  invisible^ 
ils  devaient  appliquer  leur  intelligence  à 
quelque  chose  de  visible?  Mais  n'anticipons 
point  sur  ce  que  nous  avons  à  dire  de  sa 
véritable  doctrine  relativement  au  dogme  de 
l'unité  de  Dieu;  bornons-nous  à  faire  obser- 
ver combien  sont  impuissants  tous  les  efforts 
de  Ram-Mohun-Roy  poor  éliminer  le  poly- 
théisme des  Védas;  puisque  si  quelques 
f>assages  de  ces  livres  semblent  pro«:lamer 
'unité  de  Dieu,  il  en  est  un  plus  grand 
nombre  qui  enseignent  le  contraire,  et  que, 
d'ailleurs,  la  doctrine  de  l'émanation  ou  le 
panthéisme  étant  le  fondement  de  la  reli« 

fion  des  Védas,  l'unité  de  Diec  devient  tout 
fait  impossible. 

Prouvons  maintenant  ce  que  nous  avons 
avancé  plus  haut,  que  le  Pentateuque  pro- 


(1687)  IM.,  p.  286.  (1689)  IM.,  p.  i69. 

(  1 686)  Et$m  $ur  la  phUoêoplûi  de$  Hindous ,         (1690)  Eiutu  $nr  U  pkHoiopkie  de$  Bindotm , 

_    p.  Î89. 


DlCn05NAIAB  APOLOGiTIQUB.  II. 


h6 


1451 


UM 


DICTiONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


UNI 


lV)i 


clame  un  Disu  seul  et  unique,  en  termes 
les  plus  clairs  et  les  plus  explicites,  et  que 
loin  d'autoriser  le  culte  d*aaoration  en  fa- 
veur d'une  autrç  divinité  ou  d'un  autre  être 
quelconque,  Moïse  le  proscrit  sous  peine  de 
mort.  La  démonstration  de  ces  deux  points 
prouvera,  à  son  tour,  qu'on  ne  peut  rien 
conclure  contre  l'unité  divine  de  l'emploi 
du  pluriel /a»on«,  que  Moïse  prête  à  Dieu,  et 
que,  par  conséquent,  la  contradiction  pal- 

Cable  que  nous  venons  de  signaler  dans  les 
èdas  ne  se  trouve  nulle  part  dans  le'  Pen- 
tateuque. 

Il  faut  remonter  jusqu'au  commencement 
de  la  (ren^e,  c'est-à-dire  jusqu'à  l'origine  du 
monde,  pour  trouver  la  première  preuve 
de  Tunité  de  I>ibu.  Adam  et  tous  les  patri- 
arches ses  descendants  ne  reconnaissent  et 
n'adorent  qu'un  Dieu.  Tous  les  discours, 
toutes  les  prières  qu'ils  adressent  à  la  Divi- 
nité supposent  qu'elle  est  unique  dans  son 
essence,  lis  n'implorent,  ils  ne  louent,  ils 
ne  bénissent  qu'un  seul  être  divin.  Jamais 
dans  leurs  invocations  ils  n'emploient  de 
formules  qui  supposent  plusieurs  dieux. 
Ainsi,  depuis  le  paradis  terrestre  jusqu'en 
Egypte,  sur  le  lit  de  mort  de  Joseph,  Jehava 
ou  Elohim  ne  paraît  que  comme  un  Dieu 
unique.  Quelques  traits  historiques  mettront 
cette  vérité  dans  tout  son  jour. 

Dans  son  second  livre,  appelé  VExode^ 
Moïse  après  avoir  raconté  comment  il  a  reçu 
du  ciel  la  mission  de  faire  sortir  de  l'Egypte 
les  Israélites  qui  y  gémissaient  sous  un  pé- 
nible et  humiliant  esclavage,  continue  ainsi 
son  récit  :  Eh  ftten,  je  vaii  aller  vers  les  en- 
fants disraèif  et  je  leur  dirai:  Le  Dieu  de  vos 
pères  m'a  envoyé  vers  vous.  Mais  s'ils  me  deman- 
dent quel  est  son  nom^  que  leur  répondrai-je  ? 
<t  Et  Dieu  lui  dit:  <(  Je  suis  celui  qur  je 
suis.  »  //  ajouta  :  i  Tu  diras  aux  enfants 
d'Israël:  Je  suis  m*a  envoyé  vers  vous...  Voici 
encore  ce  que  tu  diras  aux  enfants  d'Israël: 
JÉBOVA,  le  Dieu  de  vos  pires^  le  Dieu  d'Abra- 
ham^ le  Dieu  d'Isaac  et  le  Dieu  de  Jacobt  m'a 
envoyé  vers  vous.  C'est  là  mon  nom  à  tout 
jamais^  et  celui  qut  doit  me  rappeler  à  la  mé- 
moire de  chaque  génération,  [Exod.  m,  13-15). 
Voilà  l'essence  de  Dieu  définie  et  révélée 
par  Dieu  lui-même.  Or,  n'est-ce  pas  en  même 
temps  une  déclaration  manifeste  de  l'unité 
divine  {1691}  ? 

Ecoutons  encore  Dieu  parlant  au  peuple 
dlsraëi  :  Je  suis  Jéhova  ton  Dieu,  qui  t'ai 
retiré  de  la  terre  ^Egypte  où  tu  était  asservi 
à  un  dur  esclavage.  Tu  n'auras  point  d'autres 
dieux  que  moi.  Tu  ne  feras  point  didole 
sculptée^  ni  aucune  image  de  ce  qui  est  soit 
en  luiut  dans  le  cielf  soit  en  bas  sur  la  terre^ 
soit  dans  les  eaux  sous  la  terre.  Tu  ne  te 
prosterneras  pas  devant  elles  ^  et  tu  ne  leur 
rendras  aucun  culte;  car  mot,  Jéhova,  je  suis 
un  Dieu  ja/oux.  {Exod.  xx,  2-5.)  Certes,  il 
n'est  pas  oossible  de  proclamer  Je  mono- 

(1691)  Vojf.  Jéhovàh.  . 

(1692)  L*hébreu  porte»  en  effet,  à  la  letU'e,  un 
mnique. 


théisme  d'une  manière  plus  précise  et  plus 
expresse.  Mais  poursuivons  nos  preuves. 

Moïse,  s'adressant  à  ce  même  peuple,  luî 
dit  :  Ecoute,  Israël,  Jéhova  notre  Dieu,  h- 
Hoykestun  (1692)...  Crains  Jéhota  ton  Di£i\ 
n'offre  de  culte  quà  lui  seul,  et  ne  jure  qu€ 
par  son  nom.  Ife  cours  point  après  des  dieux 

étrangers parce  que  Jèhoya  ton  Diet 

est  un  Dieu  jaloux,  qui,  dans  sa  colère  allu- 
mée contre  toi,  t'exterminerait  de  dessus  la 
face  de  la  terre.  [Deut,  vi,  h,  13-15.) 

On  ne  nous  demandera  pas  sans  doute  de 
nouvelles  preuves  en  favenr  de  Tunîté  de 
Dieu,  et  on  n'osera  plus  comparer  les  phra- 
ses si  vagues  et  si  ambiguës  des  Vèdas  sar 
ce  point  ;  puisque  d'ailleurs  les  écrivaios 
sacrés  de  l'Ancien  Testament,  qui  font  toas 
profession  ouverte  de  ne  suivre  que  les  doc- 
trines de  Moïse ,  enseignent  unanimeffieiii 
et  clairement  cette  unité  de  Dieu.  Cepen* 
dant  l'Exode  nous  en  fournit  encore  une 
trop  importante  et  trop  décisive  pour  la  [tas- 
ser sous  silence. 

Pendant  que  Moïse  s*entretenait  avec  Jé- 
hova sur  la  montagne  de  Sinaî,  le  peuple 
jeta  en  fonte  un  veau  d'or  qu'il  adora  et 
auquel  il  offrit  des  sacrifices,  sur  l'autel 
qu'Aaron  venait  d'ériger.  Descendu  de  h 
montagne  et  indigné  à  la  vue  de  ce  specta- 
cle, l'homme  de  Dieu  brûla  le  veau  d*or,  le 
réduisit  en  poudre,  et  fit  passer  sur-le- 
champ  au  fil  de  l'épée  environ  trois  mille 
hommes,  Jéhova  se  réservant  de  punir  Iti 
reste  des  coupables  au  jour  de  sa  yengeafice. 
{Exod.  XXXII.} , 

Qu'il  y  a  loin  de  là  à  l'ordre  ex'près  dt> 
Vèdas  qui  prescrivent  aux  Hindous  de  ren- 
dre les  nonneurs  divins  au  dieu  de  la  de>' 
truction,  au  soleil,  à  Tair,  au  dieu  de  U 
mer,  etc.  I  En  vain,  nous  le  répétons,  Bam- 
Mohun-Roy  prétendrait-il  que  cet  ordrr 
n'est  pas  absolu  et  qu'il  ne  s'applique  qu  aux 
Indiens  incapables  d'adorer  FËtre  suprême 
invisible  ;  ce  n'est  là  qu'un  vain  subterfege 
par  leauel  le  savant  ex-brahmane  espère  se 
tirer  aune  difiiculté  réellement  insoluble 
fK)ur  lui,  au  point  de  vue  dogmatique  où  il 
s'est  placé.  Les  Israélites,  qui  érigent  un  veau 
d'or  et  qui  payèrent  de  leur  sang  ce  culte 
sacrilège,  étaient  absolument  dans  la  eatê- 
eorie  aes  Hindous  ignorants  et  grossiers 
dont  parle  Aam-Mohun-Roy. 

Quant  au  pluriel  faisons,  que  Dieu  empli>i^ 
en  parlant  de  lui-même,  il  n*y  a  aacBii 
moyen  de  l'expliquer  philologiquement«  tu 

3u']l  n'est  pas  un  seul  passage  de  la  Kble 
ans  lequel  un  personnage  unique,  pdiiaj^t 
exclusivement  en  son  nom,  emploie  le  doid- 
bre  pluriel  (1693).  Mais  comme  il  Cane  ur 
toute  nécessité  qu'il  y  ait  un  motif  ^  ceU^ 
locution,  qui  se  présente  d'ailleurs  en  iTy^ 
très  endroits,  pourquoi  ne  pas  adme&ir^ 
celui  qui  a  paru  si  naturel  à  tons  les  Pè*--^ 
de  l'Eglise,  a  tous  les  premiers  protesuiît^ 
aux  anciens  rabbins  eux-mêmes,    ente  * 


(1693)  Voy.  sur  cette  qoestion  Salon. 
PhUologia  sacra,  éd.  D.  J.-A.  Dathio,  I.  I  «  {k 


*  • 


i4:;s 


TER 


DICTIONNAIRE  APOLUGEllQtiE. 


Vie 


USI 


teus  les  interprèles  catholiques;  et  qui  con- 
si$(e  à  dire  que  Moïse  a  foulu  par  ïè  insi- 
nuer la  pluralité  des  personnes  en  Dieu,  la 
Trinité,  que  tout  le  Noureau  Testament 
su|i|K)$e  avoir  été  connue  au  moins  jusqu*à 
un  certain  point  dans  la  nation  juive  (169^). 
UNITÉ  de  composition,  examen  critique 
et  réfutation  de  ce  système.  Yoy.  Homme,  art. 
Il.~  Cnilé  de.substance  dans  la  Théodicée 
humanitaire.  Voy,  THÉODicÉEHUMAxrrAiBB.— 
Point  d*unité  entre  les  religions,  objection 
réfutée.  Voy,  Sca?iATUBALtSME  %  III.  —  Unité 
de  prophétie.  Ibid.  —  Unité  de  sacrement. 
ibià,  --  Unité  doctrinale  et  organique  du 
catholicisme,  principe  de  son  universalité. 
Voy,  Cathoucitb. 


UNIVERS,  son  immensité.  Voy.  Astbotto- 
MIE.  —  Grave  objection  réfutée.  Ibid. 

UNIVERSALITÉ  du  déluge,  est-elle  sou- 
tenable?  Voy,  Déluge  et  note  I,  à  la  fin  do 
J"  vol.  —  Universalité  de  la  croyance  au 
dogme  de  Fenfer.  Voy.  Eivfer  %  I  et  note 
II,  à  la  fin  du  I"  vol.  —  Universalité  de  la 
crovance  au  do^me  de  la  création.  Voy. 
CREATioif.  —  Universalité  de  la  religion  ca- 
tholique, a  surmonté  les  trois  obstacles  que 
Dieu  oppose  à  nos  envahissements  politi- 
qnes  et  religieux.  Yoy.  CATHOUcrrÉ;  est- 
elle  compatible  avec  l'amour  de  la  patrie  ? 
Ibid. 


V 


VàCHEROT,  réfutation  de  Pinterprétation 
qu*il  donne  du  i"  chap.  de  la  Genèse.  Voy. 

CRÉAT103I. 

VALDRADE,  femme  de  Lothaire  II.  Voy. 

Hl^CMâE,  I  IV. 

VALEUR  des  opinions  des  docteurs  et  des 
saints  qui  n'appartiennent  point  à  la  foi. 
Voy.  Cosmographie,  %  III,  iu6  /in. 

VAN-DALE,  réfutation  de  son  opinion  sur 
rorigine  des  oracles  païens.  Voy.  Démon  , 

§iv. 

VARIANTES  dans  le  texte  des  Evangiles. 
Voy.  Evangiles,  %  IV. 

VARIÉTÉS  dans  les  animaui  et  dans  les 
végétaux.  Voy.  Races  humaines,  {  IV. 

VEDANTA,  renferme  le  panthéisme  idéa- 
liste. Voy.  Panthéisme,  §  I. 

VEDAS.  Voy.  Pbntateuqoe,  S  '•  —  Nom- 
l»re  des  Védns  et  leur  authenticité.  Voy, 
l?roiANiSME,  J  I.  —  Interpolés.  Ibid.  —  On  ne 
peut  assigner  Tépoque  ni  de  leur  origine 
ni  de  leur  collection.  Ibid.  —  Proclament-ils 
un  Dieu  unique  ?  Voy.  Uiirré  de  Died. 

VÉGÉTAUX  nécessaires  aui  premiers 
hommes.  Voy.  Psychologie,  {  V. 

VELLA,  médecin  italien,  confimse  les  dé- 
couvertes de  M.  Van-Eeneden  contre  la  gé- 
nération spontanée.  Voy.  Géhébatioi»  spon- 
tanée, subfin. 

VENT,  a-t-il  suffi  pour  sécher  la  terre  lors 
du  déluge?  Voy.  Déluge,  $  H. 

VÉRACITÉ  du  Penlateuque.  Vov.  Penta- 
-TECQCE,  S  VIII  et  suiv.  *—  Véracité  des  pro- 
phéties confirmée  par  les  découvertes  des 
voyageurs  modernes.  Voy.  Paopbbties  ,  $ 
If  Tel  JcDÉE.  — Véracité  des  évangiles.  Voy. 
Eva^tgiij:,  §  V. 

VERBE,  est-il  un  ferver,  un  lianof  er,  le 
iioiiiv  etc.  Voy.  Mazdéisme,  §  IL 

{ÎG9Â)  Jésas-CliHst  ei  les  apAlres  parlent  conti- 
fiucileuieal  aax  lain»  dq  Père,  da  Fils  ei  do  Saini- 
S^prift,  sans  que  jamais  ils  paraisseni  étonnés  de  ce 
2.3gage  el  leur  demandent  ce  qu*il  signifie. D*uo  antre 
^lé,  ils  qaesiionnent  assez  soii?eni  le  divin  San- 
refir,  qiuiiid  il  énonce  quelqne  laii  ou  quelque  doc- 
rîi>e  qu'ils  D6  connaiseent  pas.  (  Voifez  entre  autres 
ka^saj^es,  Joan.  m,  3  ;  vi,  41,  4i;  vni,  53.) 


VÉRITÉS  SURNATURELLES,  leur  révé- 
lation. Voy.  Prophétie. 

VERS  INTESTINAUX,  belles  découvertes 
de  M.  VaU'^Beneden  et  réfutntion  de  la  gé- 
nération spontanée.  Voy.  Céxésation  spon- 
tatcée. 

VERSIONS  comparées  du  Pentateuque. 
Voy.  Peîitatecqce,  §  VU. 

VERTU,  n'est  possible  qu'à  la  condition 
du  mal.  Voy,  Mal,  art.  i,  §  III. 

VICHNOU  et  ses  incarnations.  Voy.  Iudia- 
NisME,  i  IV.  i—  Est-il  une  des  trois  person- 
nes de  la  Trinité  chrétienne?  Voy.  TEi5rr&, 

III. 

VICTOR  (Sawt),  Pape. 

§L 

EtaitrU  montauster 

Suivant  M.  Ampère,  «  l'Africain  Victor, 
cet  homme  d'un  caractère  emporté,  après 
avoir  donné  dans  les  erreurs  du  montanis- 
roe,  s'était  ensuite  précipité  avec  un  entête- 
ment pareil,  dans  Topinion  d'Anicet  sur  I9 
jour  de  la  Pâque  (1G95).  » 

Il  y  aurait  d'abord  une  extrême  iniustice 
à  accuser  saint  Victor  de  s'être  entêté  sur 
la  question  de  la  Pâque,  puisqu'il  céda  sans 
dimcuité  aux  réclamations  des  évêqucs,  et 
consentit  à  rester  uni  aux  quatuordécimans. 
Sozoroène  est  formel  sur  .ce  dénoûment  de 
la  discussion  (1696). 

Ensuite  ce  ne  serait  pas  une  inexactitude 
moins  grande  de  faire  de  t^  Pape  un  mon- 
taniste. 

M.  Ampère  croit  que  Tertullien  a  parlé  de 
saint  Victor  dans  le  passade  où  M.  Amédée 
Thierry  supi)Ose  qu'il  s*agit  d'Eleuthère. 

H  est  t.*ès-)>ossible  que  Tertullien  ait 
voulu  parler  du  Pape  Victor,  mais  il  est  cer- 

M695)  UUt.  /iff.,  t.  !•  p.  170. 

(1096)  SozoHÈNE,  Biii.  eecL^  I.  Vil,  c.  19: 
<  Porro  exortam  oliiii  bac  de  re  conlroversiani  sa- 
ptenlissiine  dissolvisse  niîbi  videtur  Victor....  Kx 
conniuni  consiiio  ptacuit,  al  sîngnli  restuia  proal 
cons«everaDt  célébrantes,  a  motoa  îjiier  se  cooudh- 
nione  nequaquam  dîsee4eitni.  > 


1&S5 


VÏC 


DICTIONS  AIRE  APOLOGETIQUE. 


¥iC 


lu 


tain  qa  il  ne  lui  attribue  pas  la  croyance  du 
montanisme.  Uilit  «  que  Vévéaue  de  Rome 
reconnaissait  les  prophéties  de  Montan.  » 
Or,  il  ;  a  bien  loin  des  prophéties  de  ce  thau- 
maturge aux  erreurs  dogmatiques  de  ses 
disciples.  Ce  lut  le  contraire  de  ce  que  nous 
a  montré  le  jansénisme,  commençant  par 
des  propositions  hétérodoxes  et  finissant 
par  des  convulsions. 

Pour  nous  faire  connaître  Montan,  les  an* 
ciens  nous  ont  conservé  des  extraits  de 
trois  auteurs  qui  le  combattirent,  auteurs 
contemporains  du  prophète  phrygien.  Us 
nousapprennentaue,  peuaprèsson  baptême, 
Montan  se  mit  a  prophétiser;  il  révélait 
leurs  fautes  à  ses  auditeurs.  Deux  femmes 
quittèrent  leurs  époux,  le  suivirent  et  pro- 
noncèrent aussi  des  oracles.  Le  public  s'é- 
mut et  se  divisa  d*opinioh;  les  uns  les 
croyaient  inspirés,  les  autres  possédés,  ci, 
tandis  qu'une  partie  se  rangeait  sous  leur 
triste  et  austère  discipline,  de  saints  évè- 
ques  accouraient  pour  les  exorciser.  Ces 
choses  se  passaient  pendant  la  persécution 
de  Marc-Aurèle. 

Or,  des  trois  adversaires  de  Montan,  ci- 
tés par  Eusèbe,  aucun  n*impute  à  ce  thau- 
maturge des  atteintes  aux  dogmes.  L'un  le 
dit  possédé  du  démon,  et  nomme  ses  sui- 
vantes des  prostituées  (1697)  ;  l'autre  appelle 
naïvement  toutes  ces  merveilles  «  de  1  igno- 
rance dégénérée  en  folie  (1698)  ;  et  un  troi« 
sième  fait  ces  remarques  décisives  :  Quel 
est  ce  nouveau  docteur?  Ses  actes  et  sa  doc- 
trine nous  le  disent  assez.  C'est  lui  qui 
enseigne  à  briser  le  lien  conjugal  ;  qui  éta- 
blit de  nouvelles  règles  pour  le  jeûne  ;  qui, 
pour  attirer  la  foule  dans  les  villes  de  Pe- 
puze  et  de  Tymium,  les  nomme  Jérusalem; 
qui  établit  des  collecteurs  d*argent;  qui, 
pour  recevoir  des  présents,  prétexte  gue  ce 
sont  des  ofTrandes  ;  qui  salarie  ses  mission- 
naires, afin  de  donner  à  la  doctrine  du  Verbe 
le  honteux  appui  de  l'abdomen  et  de  la 
gourmandise  (1699).  » 

Tel  furent  les  reproches  adressés  à  Mon- 
tan par  ses  adversaires;  ils  le  croyaient 
possédé  du  démon,  et  cherchaient  un  mau- 
vais côté  à  tous  ses  actes  (1700),  sans  rien 
indiquer  cependant  qui  f&t  contraire  aux 
enseignements  de  la  loi. 

Mais  combien  n'était-il  pas  facile  à  Victor 
de  se  méprendre?  Pourquoi  se  serait-il  méfié 
de  ces  jeûnes,  puisque  quelques  orthodoxes 
en  pratiçiuaient  de  plus  extraordinaires  ? 
Pourquoi  aurait-il  rejeté  ces  prophéties  , 
puisque,  au  témoignage  d'Eusèbe,  le  don 
de  prophétie  était  encore  à  cette  époque 
très-commun  dans  les  Eglises?  Si  deux 
femmes  avaient  quitté  leur  famille,  les  pro- 
diges qu'elles  opéraient  ne  semblaient-ils 
pas  prouver  que  l'Ësprit-Saint  les  avait  con- 

Î1697)  EusÈBB,  But.,  1.  V,  c.  17. 
1698>  Eusèbe,  v,  17. 
1699)  EosÈBE,  V,  18. 

(1700)  ie  ne  pfétends  certes  pas  Jusiiûer  Mon- 
Un  ;  je  Tais  seolement  observer  qae  ses  adversaires 
rhercbaient  un  mauvais  celé  a  loat  ce  qu*ii  faisait, 
Uudis  que  ses  parUsans  regardaient  loui  en  lui  d*un 


duites?  Des  réflexions  de  ce  genre  sur  Mu&. 
tan  furent  sans  doute  présentées  k  Victor, 
et  purent  momentanément  lui  faire  illusioni 
mais  sur  cela,  comme  sur  la  question  de  la 
PÂque,  il  v  eut  de  sa  part  si  peu  i'méit* 
menif  qu  aussitôt  qu'on  l'eut  détrompé,  il 
se  hâta  de  révoquer  les  lettres  de  paix  qui! 
avait  accordées. 

Ce  Pape,  admirateur  de  Montan,  ne  tat 
donc  pas  un  sectateur  du  montaDisme;  il 
crut  Montan  inspiré  par  le  Paraclet,  mais 
ne  le  crut  pas  le  Paraclet  en  personne,  cooi- 
me  le  firent  plus  tard  des  sectaires;  il  ne 
nia  pas  comme  eux  la  Trinité,  el  ne  se 
composa  pas,  à  leur  exemple,  une  effroya- 
ble eucharistie  avec  de  la  farine  détrempée 
du  sang  d'un  enfant  (1701).  Saint  Victor  oe 
fut  pas  montanistc. 

DiB8  .e  débal  sur  la  Pique,  tu  tenj»  de  aiet  Ir^ 
Victor  préteodaitrU  imposer  son  (^uiioa  panicnlièR? 

«  Notre  saint  (saint  Irénée;  se  montre, 
dit  M.  Ampère,  sous  un  jour  tout  nouveau, 
protestant  pour  rindé()endance  des  Eglises 
contre  une  des  premières  tentatÎTCs  des 
évèques  de  Rome,  tentatives  si  souTent  ^^ 
nouvelées  pour  faire  reconnaître  d'aborl 
leur  supériorité,  ensuite  leur  suprématie 
aux  autres    évoques.   Les  Eslises  étaient 
partagées  sur  cette  question.  Les  onesiii- 
saient  la  Pâque,  ainsi  que  les  juifs,  leqoa* 
torzième  jour  de  la  luùe;  les  autres  le  di- 
manche suivant.  Ce  débat  avait  été  souleré 
avant  le  temps  de  saint  Irénée.  AnicelaTait 
voulu   faire  adopter  Tusage  romain  m 
Eglises  d'Asie;  le  grand  saint  Poljcarpe était 
venu  à  Rome  en  conférer  avec  lui,  et  ils 
s'étaient  séparés  en  paix ,  chacun  conser- 
vant la  tradition  de  son  ^lise.  Hais  la  to- 
lérance d'Anicet  ne  fut  point  imitée  par 
l'Africain  Victor.  Cet  homme,  d'un  carac- 
tère emporté,  après  avoir  donné  dans  te 
erreurs  du  montanisme,  s'était  ensuite  pré- 
cipité, avec  un  entêtement  pareil,  dans  lo- 
finion  d'Anicet  sur  le  jour  de  la  Pâqne. 
lusieurs  évèques  d'Asie,  et  entre  autres 
l'un  des  plus  vénérables,  Polycrate,  éfèqne 
d'Ephèse,  trouvèrent  t  r  es -mauvais  qoe  lé- 
vèque  de  Rome  prétendit  imposer  è  tontei 
les  Eglises  de  la  chrétienté  une  opinion  <{Qe 
rien  ne  rendait  obligatoire,  sur  un  potst 

2ue  la  tradition  laissait  douteux.  Polycrat! 
crivit  une  circulaire  aux  autres  évèques... 
A  ces  nobles  paroles,  à  ces  m&les  acte&ts 
d'un  vieil  héritier  des  apAtres,  Victor  ré- 
pondit par  une  excomunication  qtii  attei- 
gnait tous  les  évèques  d'Asie,  et  mhm 
quelques  évèques  de  son  opinion  (1703).  > 
M.  Amédée  Thierry  a  sur  ce  sujet  quel 
ques  observations  que  nous  ne  devons  [a^ 
omettre  (1703). 

point  de  vue  favorable.  . 

(1701)  Sur  les  erreurs  des  montaiiîstes,  i«m^' 
LEMONT,  Mémoireê,  etc.,  t.  Il,  an.  MontMmita. 

(1702)  f/tsi.  /m.,  etc..  1. 1,  c.  il,  p.  iG9. 

(1703)  Hi$t.  de  ta  UauU  êou9  i'Qdm.ntLt^^ 
G.  6,  p.  i5i. 


1457 


TIC 


MCTlONNAinK  APOLOGETIQUE. 


Vie 


II5S 


«  Les  denx  opinions  [sur  la  Pâque)  se  pré- 
sentaient donc  arec  une  égaie  aolorité. 
L'Orient  se  conformait  généralement  &  la 
règle  des  Eglises  de  TAsie  mineure,  TOcci- 
dent  à  celle  de  l*Eg!ise  romaine.  Cette  dif- 
férence subsista  longtemps  sans  nuire  à  la 
concorde.  Déjà,  en  effet,  le  schisme  était 
imminent.  Héritière  de  lliabileté  adminis» 
tralfTC,  mais  aussi  de  Tinflexibilité  qui  avait 
donné  la  possession  du  monde  à  Rome  tem- 
porelle, Rome  chrétienne  cherchait  de  la 
même  manière,  et  avec  la  même  constance, 
à  faire  prévaloir  ses  institutions  et  son  esprit. 
Cette  coutume  de  fixer  la  Pâqpe  au  dimanche 
avait  eu  pour  but,  dans  Torique,  d*élargir 
te  séparation  entre  le  christianisme  et  le 
judaïsme  (17M)  ;  elle  était  bonne  en  Occi- 
dent, où  la  iMirenté  des  chrétiens  avec  les 
Juifs  ne  créait  que  des  embarras  pour  les 
premiers.  Aucune  nécessité  de  cette  nature 
n'existait  en  Orient.  Toutefois,  dans  une 
question  qui  pouvait  ainsi  se  débattre,  Vic- 
tor, successeur  d*Eleuthère  au  ^iége  épisco- 
pal  de  Rome,  s^attacha  plutôt  à  imposer 
qu'à  convaincre,  et  l'opinifltreté  de  son  in- 
sistance, le  ton  impérieux  de  ses  avertisse- 
ments, enfin  ses  menacesd'excommunication 
laissèrent  déji  entrevoir  ses  prétentions  de 
suprématie,  qui  éclatèrent  plus  tard  au  grand 
jour.  Moins  par  reconnaissance  d'un  pareil 
droit  que  par  crainte  de  sembler  iudaïser 
et  par  condescendance  fraternelle,  plusieurs 
orientaux  cédèrent,  et  plusieurs  conciles 
autorisèrent  le  changement  de  pratique 
(EcsèBB,  V,  23,  fk,)  Mais  les  ^lises  de  l'Asie 
miaeure,  fortes  de  leurs  traditions,  oppo- 
sèrent an  voeu  de  celle  de  Rome  une  résis- 
tance invincible,  et  Polycrate,  évêque  dlî- 
phèse,  fut  charâé  de  signifiera  Victor  ce 
refus  des  plus  illustres  communautés  d*0- 
rient...  Cette  lettre,  si  digne  et  si  belle,  ne 
fit  pourtant  quMrritcr  Victor  (Soceate,  ffû/. 
▼,  ;  EusiBB,  V,  2%  ;  Epiph.,  hœr.  60,  9),  qui 
se  sépara  de  la  communion  des  Eglises  dis- 
sidentes. La  dureté  d'un  tel  acte  afiligea 
vivement  la  chrétienté.  )» 

Ce  fut  Tan  196.  que  se  passa  Févéncment 
dont  il  s'agit.  Les  opposants  n'étaient  [iàs 
les  évêques  de  toute  iUsîe,  de  tout  VOrient^ 
comme  le  disent  MM.  Ampère  et  Amédée 
Thierry;  ce  n'étaient  pas  même  tous  les 
ëvèques  de  l'Asie  mineure,  c'étaient  seule- 
ment ceux  de  la  partie  qui,  dans  cette  pé- 
ninsule, porta  le  nom  d'Asie  proconsulaire, 
et  dontEphèse  était  la  principale  métropole. 
Il  en  est  souvent  parlé  dans  les  EpUres  des 
apôtres  qui  rangent  l'Eglise  d'Asie  parmi 
les  autres  Eglises  de  l'Anatolie  (1705).  Eu- 
^he  nous  prouvera  que  l'opposition  était 
L^irconscrite  dans  cette  Eglise  et  dans  quel- 

(1704)  Noie  de  M.  Amédée  Tncaaf  :  <  Blastos 
tatenler  judaisamm  voM»it  Introduoere  ;  Pascba 
Tiiiai  dicebat  nen  aliter  oatCiMlieiidvni  psse ,  oisi 
u^cttndnm  lecem  Moisis  siv  nensis.  >  (TcaTCLL., 
Dr  pTÉacripî.  f 

(1705)  AcU$  de$  apdiret^  c.  n,  9;  c.  vi,  9.  — 
«*  Epiire  de  %mmi  Pierre,  c.  f,  I.  —  Socraie ,  ttiti. 
'^ei.^  I.  v,tt,  dit  :  fl  gmtémm  igiior  in  mtnort  Asia, 
•i  jam  dixi,  quaitom  decimaoi  observabaat  dien.  • 
9elon  cet  Uuoricn,  il  y  avait  bien  encore  en  Orient 


ques  évèchés  voisins,  auand  il  nous  dira 
que,  hormis  Polycrate  d^phèse,  tous  pen- 
saient comme  Rome,  et  que,  parmi  les  con^* 
ciles  oi^  se  manifesta  cet  accord,  on  compta 
celui  de  l'exarchat  de  Pont,  appartenant  i 
la  même  péninsule  que  celui  d'Asie. 

Il  n'est  pas  douteux  que  les  apAtres  niaient 
eu  des  raisons  très-graves  pour  établir  les 
différents  usages  qui,  en  196,  existaient  en- 
core dans  l'I^lise  sur  la  Pflque  ;  mais  v  a- 
t-il  de  la  vraisemblance  que  les  Occiden- 
taux, en  choisissant  pour  célébrer  cette 
ffite  un  autre  jour  que  la  solennité  mosaïque, 
aient  voulu  empJfeher  de  confondre  les 
chrétiens  avec  les  Juib,  si  détestés  &  Rome? 
rhésite  beaucc'up  à  adopter  cette  opinion 
de  M.  Amédée  Thierry,  et,  puisque  ie  vois 
tout  rOrient,  moins  un  exarchat,  d  accord 
avec  rOccident,  je  préfère  chercher  une 
raison  unioue  pour  cet  usage  universel,  et 
croire  que  l'on  fêta  la  résurrection  du  Christ 
le  premier  dimanche  après  la  pleine  lune 
de  Mars,  parce  que  le  Christ  était  ressuscité 
ceiour-là. 

Quel  qu'ait  été  dans  le  principe  le  motif 
de  ce  cnoix,  il  était  bon  à  la  fin  du  n* 
siècle  que  tous  l'adoptassent.  Saint Epiphane 
a  tracé  le  tableau  de  la  confusion  présentée 
par  les  Eglises  où  nn  régnait  pas  la  règle 
commune,  et  qui,  d'ailleurs,  n  étaient  pas 
même  à  l'unisson  entre  elles  ;  il  le  termine 
de  la  sorte  :  «  En  un  mot,  c'était  un  prodi- 
gieux et  affligeant  désordre  (1706).  »  Il  fal- 
lait donc  un  changement,  et  pour  ce  chan- 
gement un  débat.  Les  Asiatiques  le  com- 
mencèrent entre  eux,  et  l'initiative  ne  vint 
pas  de  Victor,  qui,  selon  H.  Ampère  se 
serait  précipité  avec  entêtement  dans  les 
opinions  dAnicet.  Nous  apprenons  d'Eu- 
sebe  que  le  débat  prit  naissance  en  Orient, 
c  Sous  le  consulat  de  Dexter  et  de  Priscus, 
dit-il,  s  éleva  de  nouveau  en  Asie^  parmi  les 
évéques,  la  question  de  savoir  si  on  devait 
observer  la  PAgue  le  ik  du  mois,  selon  la 
loi  de  Moïse  :  Victor,  évéque  de  la  ville  de 
Rome,  et  Narcisse  de  Jérusalem,  ainsi  que 
Polycrate,  Irénée,  Bacchylle,  et  les  pasteurs 
d'un  grand  nombre  d'Eglises,  manifestèrent 

ar  lettres  ce   qui  leur  semblait  proba* 

le  :i7OT).  » 

Ce  fut  donc  en  Asie  que  naquit  la  discus- 
sion, ou  plutôt  qu'elle  sUleta  de  nouveau. 
En  effet,  Eusèbe  a  déjà  raconté  que  vingt- 
cinq  ou  trente  ans  auparavant,  «  &  Laodi- 
cée  [dans  V  exarchat  ^Asie),  Servilius  Paulus 
étant  proconsul,  une  ardente  controverse 
s'agita  sur  la  fête  pascale.  »  Méliton  écrivit 
en  faveur  de  l'usase  emprunté  des  Juifs,  et 
il  eut  Clément  dr Alexandrie  pour  adver- 
saire (1706).  Rome  n'intervint  pas  alors, 

d*aatrea  dîtsidenu,  mais  paortaot  ils  ne  fêlaient 
point  la  Pàqoe  aa  ménie  jour  que  les  Juifs,  quoi- 
qiills  ne  fassent  pourunt  pas  iraecord  avecla  géné- 
ralité des  chrétiens.  —  (  voir  aussi  saint  EnniAiiE, 
t.  1,0.  a2l,Hamsis70,e.  9.) 

(Ii06)  S.  EpiPHANivs,  Uœresiit  lsx,  Andtatu^ 
c.  II,  t.  f,  p.H2!. 

(1707)  Eosl^BE,  CAroiiic,  ad  ann.  iv  Severi,  DeX' 
lero  et  Prîsco  coss. 

(1708)  ErsteE,  Hist.  eccL,  1.  iv,  c.  26. 


c 


U59 


\IC 


DIGTiONNAmE  AP(ftX)GETiQVE. 


Vie 


m 


pas  plus  que  quand  la  lutte  s'engagea  entre 
Grescent  et  Alexandre,  évtque  «rAlexan- 
drie  (1709). 

Avant  ces  trois  débats  sur  la  Pâque,  il  y 
en  avait  eu  un  autre»  dont  les  champions 
furent  saint  Polycarpe  de  Siny rne  et  le  Pape 
Anicet.  M.  Ampère  en  a  parlé.  Il  va  sans 
dire,  selon  lui,  qu'Anicet  provoqua.  Cepen- 
dant saintirénée,  disciple  de  saint  Polycarpe, 
se  borne  à  dire  :  «  Le  bienheureux  Poly- 
carpe  vint  à  Rome  au  temps  d'Anieet.  Une 
légère  discussion  avant  eu  lieu  entre  eux 
sur  divers  sujets,,  ils  se  donnèrent  tout  de 
suite  le  baiser  de  paix  ;  relativement  à  la 
question  de  la  Pâquc,  ils  ne  discutèrent  pas 
beaucoup  ;  >»  mais  quoique  aucun  d'eux 
n'eût  pu  amener  l'autre  à  son  sentiment,  ils 
ne  laissèrent  pas  de  communier  ensemble 
(1710),.  Eusèhe  et  saintirénée  ne  disent  rien 
de  plus  (17il).  M.  Ampère  va  donc  trop  loin 
quand  il  nOirmc  que  le  Pape  entama  une 
lutte  tht'olof^iquo  qui  amena  saint  Polycarpe 
de  Smyrne  à  Rome.  Quelques  mots  sans 
résultat  auraient-ils  suffi  à  une  telle  lutte  ? 
Il  est  donc  bien  plus  probable  que  le  saint 
évêq^ue  de  Smyrne  était  seulement  venu 
comparer  les  usages  et  les  traditions,  en 
visitant  le  tombeau  et  la  chaire  du  chef  des 
apôtres,  comme  Origène  le  fera  quelques 
années  plus  tard. 

Mais  au  moins,  dira-t-on,  quand  Victor, 
en  196»  se  fui  mêlé  au  débat,  ne  vouIut-il 
pas  faire  violemment  triompher  son  senti- 
Dient?  ne  chercha-t-il  pas  bien  plus  àrim- 
poser  (jfu'd  convaincre  ? 

Le  Pape  ne  voulut  jamais  qu'imposer  le 
sentiment  de  la  majorité.  C'est  encore  le 
témoignage  d'Eusèbe.  «  Une  sérieuse  con- 
troverse s'éleva,  parce  que,  dans  l'Asie 
(1712),  toutes  les  Eç^lises,  appuyées  sur  une 
ancienne  tradition,  pensaient  qu'on  devait 
célébrer  la  fête  de  la  Pâque  salutaire  à  la 
quatorzième  lune,  le  même  jour  où  il  était 
commandé  aux  Juifs  d'immoler  l'agneau... 
c^uoique  cependant  les  autres  Eglises  de  tout 
1  univers  eussent  une  habitude  différente, 
qui,  venue  de  la  tradition  des  apôtres,  est 
encore  suivie...  Des  synodes  et  des  assem- 
blées d'évêques  se  réunirent  à  ce  suiet,  et, 
d'un  consentement  unanime,  donnèrent  à 
tous  les  fidèles,  par  lettres^  la  règle  ecclé- 
siastique à  savoir,  que  le  mystère  de  la  ré- 
surrection du  -  Seigneur  ne  se  célébrerait 
jnmais  un  autre  jour  que  le  dimanche,  et 
que  nous  ne  terminerions  qu'alors  le  jeûne 
pascal.»  L'historien  dit  ensuite  que  l'on 
possédait  encore  de. son  temps  les  lettres 
écriles  sur  ce  sujet  par  les  conciles  de  Pales- 
tine^ de  Borne,  du  Ponly  des  Gaules,  d^Osroène, 
en  Mésopotamie,  ainsi  que  les  épllres  de  Bà- 
rhylle  de  Corinthe  et  d'un  très-grand  nombre 
d'autres,  a  Tous,  en  proclamant  la  même  foi 

(1709)  S.  EpipRAKius,  ubi  supra. 
(17iO)  EosÈBG,  lli$t.  eccL,  v,  24. 

(1711)  Eu>ÈBE,  Ilisl.  eccL,  iv,  14.  —  S.  Jérôme, 
De  viris  fV/nsii t6us,  c.  17. 

(1712)  11  s'agilitc  PAsie  proconsiilaire  seulciucnl, 
CH)mme  on  Va  prouve  tin  pr u  plus  haut. 

(ilV>)  Uhl.eccL,  v,'25. 


et  la  même  doctrine,  publièrent  une  même 
sentence,  fit  cefutlà,  poursuit  Eusèbejear 
définition,  comme  je  1  ai  dit  (1713).  «  Keve- 
nant  un  peu  plus  loin  au  coDcile  de  Pales- 
tine, où  se  trouvaient  aussi  les  évêqaes  de 
Tyr  et  de  Ptolémaïs,  et  où  Ton  discuta  long- 
temps sur  la  tradition  du  jour  pascal,  «  tra- 
dition venue  dos  apôtres  sans  aucune  iuler- 
ruption,  i»  Ensèbe  transmit  la  fin  de  ia 
circulaire  de  ce  synode.  «  Ayez  soin,diseDi 
les  Pères  réunis,  que  des  exemplaires  de 
notre  lettre  soient  adressés  à  tontes  les^li- 
ses,  pour  que  ceux  qui  éloignent  lémêiain^ 
ment  leurs  âmes  du  sentier  de  la  vérilé,  ne 
puissent  nous  imputer  leur  crime.  Mous  vous 
annonçons  aussi  qu'à  Alexandrie  ou  célèbro 
la  Pâque  le  même  jour  que  nous.  Des  épl- 
tres  sont  mutuellement  envoyées  d'ici  a 
Alexandrie  et  d'Alexandrie  en  ces  lieux,  di* 
s'^rte  que  nous  sommes  d*accord  pour  célé- 
brer en  même  temps  le  très-saint  jour(i7U;.i 
Il  y  eut  aussi  un  concile  tenu  k  Kphèse.m 
la  demande  du  Pape,  comme  le  dit  espits^^ 
ment  Polycrate  ;  ce  fut  le  concile  de  l  o|)|H)- 
sition  (1715;[. 

Victor  exigea  donc  que  Ton  se  confnrniât 
non  pas  à  son  sentiment  particulier,  mais 
au  sentiment  qu*il  partageait  avec  r£i(li>€ 
universelle.  Que  peut-on  souhaiter  de  \ks 
canonique,  ou,  si  vous  l'aimez  mieu^,  ù 
plus  constitutionnel  ? 

On  a  dit  encore  que  la  question  de  la  Ti- 
que, au  deuxième  siècle»  pouvait  sedébaiirt 
et  qu'elle  roulait  sur  un  point  laissé dotum 
par  la  tradition.  C'est  vrai  ;  aussi  le  Pa|^ 
ne  trancha-t-il  pas  la  difficulté,  mais  ckr- 
cha-l-il  d'p^)ord  à  faire  dissiper  les  dou*.i> 
par  des  conciles. 

On  a  dit  que  rien  ne  rendait  cbligaloirt 
Vopinion  de  Victor.  Soit,  mais  la  décision  u 
la  majorité  n'était-clle  pas  obligaloire?  V^ 
avait-il  aucune  obligation  pour  la  minorie 
d'abandonner  ses  usages  :  cause  dcs/)rWi- 
gieux  désordres  décrits  par  saint  Epiptjaû  * 
Or,  Home  n'exigea  pas  au  ire  chose  qui  <-! 
soumission  aux  décisions  de  la  u.i<;  • 
rite. 

On  a  dit  que  plusiturs  conciles  orifnia-^ 
cédèrent.  Eusèbe  n'a  point  parlé  Je  celai" 
nous  a  montré,  depuis  la  Mésopotamiep 
que  dans  les  Gaules,  la  pratique  uuite'^ 
des  églises  appuyée  sur  une  ancienne  ir.^ 
dilion,  venue  sans  interruption  desa|>ôir^ 
eux-mêmes,  et  attestée  par  de  numbaJ^ 
conciles. 

On  a  dit  que  ce  furent  Us  plus  ill^'^y 
communautés  dfOrient  qui  résislèrcui.  ti* 
quoi,  je  vous  prie,  étaient-elles  i)lu>if'^'' 
très  que  celles  de  Jérusalem,  d'Alet,in.i'')' 
d'Antiocbe,  de  Rome?  C'est  qu'elles  ro- 
tèrent, n'est-ii  pas  vrai  ?  Alors  leur  su|«- 
riorité  fut  de  courte  durée,  puisqo  en  ^^ 

(1714)  EosÈBB,  V.  —  Eotycliiiis,  AlesMànsi  '• 
naies,  p.  565,  561,  Ul,  liit  que  Déméu-ios.  e-^'< 
d*Alexaiidrie  écrivil  aux  évèques  de  Itonie,  ^<^*' 
bulem  et  d'Âiil.oclie,  coiiforinéuienl  au  kb^o^ 
géHéral. 

(1715)  EtsÈBE,  HUL  eeçl.,  v,  ^4  :  i  Qoesçeu-ti 
ut  convocarein.  i 


Îi6\ 


w: 


mcnOMNàfllE  APOLOGETIQUE. 


Vie 


uc? 


au  concile  de  Micée,  ConstantiD  les  dta, 
eotre  autres  aux  qualuordécimans»  comme 
modèles  de  régularité  orthodoxe  sur  la  Pfl- 
quc  (1716). 

On  a  dit  que  cette  lettre  §i  digne  et  si  belle 
de  Polyerait,  que  ces  accents  si  nobles  tt  si 
mâles  ne  flrent  ou'irriter  le  Pape.  Suffit-il 
donc  è  un  parti  de  posséder  un  habile  ora* 
teur  pour  que  son  obstination  n'indigne  pas 
les  chefs  de  la  société  qu'il  trouble? 

On  a  dit  qu'Anicet  avait  été  plus  tolérant 

Îne  Victor  a  Téganl  des  qualuordécimans. 
Vst  vrai  ;  mais  Anicct  avait-il  sous  les  jeux 
les  décisions  de  tantdeconciles  ?  avait-il  sous 
les  jeux  Tépltre  de  Poljcrate,  où  Tusage 
des  Asiatiques  est  présenté,  non-seulement 
I  omme  toiérabte ,  mais  encore  comme  la 
règle  de  la  foi  (1717)?  avait-il  sous  les  jeux 
le  schisme  d'un  Blastus  qui ,  au  milieu 
même  de  Rome,  imposât  aux  Chrétiens  la  loi 
ile  Moïse  sur  la  Pâque  (1718)  ? 

On  a  dit  que  la  conduite  de  Victor  n'avait 
«"'té  qu'une  tentative^  du  reste  assez  malheu- 
reuse, pour  élever  la  papauté  è  l'autorité 
suprême  dans  l'Eglise.  Ce  fut  mieux  qu'une 
t'-ntat  ve,  ce  fut  une  éclatante  manifi^slation 
«!e  cette  autorité.  N'en  trouvons-nous  pas 
in  preuve  dans  la  convocation  des  sjnodes 
I i ont  Eusèbe  nous  a  parlé?  C'est  en   vain 
tfu'on  nierait  Tintervention  du  Pape  dans 
r<*iie  convocation.    Ces  assemblées  furent 
tenues  en  même  temps  et  pour  un  même 
l*ut  en  Europe,  en  Asie  et  en  Afrique.  Il  j 
pit  donc  parmi  les  évêques  quelque  per- 
sonnage u  une  puissante     inuuence  pour 
j  rofioser  ces  réunions,  et  cet  agent  inter- 
f!:<f;Jiaire  dut  nécessairement  être  le  pou- 
nnr  central,  s'il  en  existait  un.  Or,  ce  pou- 
%'oîr  central   existait,   et  saint  Irénée  le 
fi 0111  mai t  Véminenle  principauté  delà  chaire 
fi  rée  à  Rome  par  saint  Pierre  (1719).  Polj- 
crate,  d'ailleurs,   n'a-l-il  pas    avoué  que 
c'était  i  la  demande  de  Victor  qu'il  avait 
réuni  les   évêques  d'Asie?  Lautorité  uni- 
verselle de  la  papauté  s'est  donc  manifestée 
À    l'occasion  du  débat  sur  la  Pâque.  Sans 
«foute,  la  SHoériorité  de  Victor  ne  ressem- 
blait çuère  à  la  suprématie  d'Hildebrand  ou 
«Je   Pie  Vil.  Qui  donc  s'en  étonne,  sinon 
ceux  qui  n'auront  pas  compris  les  devoirs 
4I0  la  papauté?  Les  temps  divers  en  déter- 
«ijînent  diversement  faction;  au  milieu  des 
r)f  >otres  inspirés  aussi  bien  que  saint  Pierre, 

(1716)  Ecstae  ,  Vii.  Constaniiid ,  L  III  :  1  Per 
A  ^tanam  et  Poulicam  diœcesiui.  » 

(1717)  EosfeM,  Uist.  ecd  ,  v,  94. 

(1718;  EosÈBE,  l/isf.,  V,  13  cl  20.  —  TEavirLLiEii, 
/>r  prœscrtpt,,  c.  53. 

I  I7fl9)  (Vomira  hœre$e$^  ni,  3. 

(1720)  BossocT,  Defemio  dedarationis  deri  gatih- 
^ctni  ,  |Nirt.  u,  I.  XI,  c.  20  :  <  Coocedimns  in  jore 
<|U'<leni  fcclesiastico  papam  nibil  non  posse,  eum 
■k^cessilai  i«l  posiulaverii.  » 

(172t)  Cei  agencement  des  faits,  présenté  par 
T I llemont ,  n*es(  pas  aussi-  nettement  exposé  dans 
fCiJsêbe  ;  il  n'en  est  pas  moins  vrai.  Je  regrette  que 
T  i  llemont  ne  Tait  pas  lui-même  prouvé  ;  toîcî,  du 
wsoîns,  comment  il  me  semble  qu'on  peut  rétahlir. 
I*«iis4|ue  Victor  fit  assembler  les  conciles  de  toute 
1   l-C^U:c  pour  que  chacune  donnât  son  avis,  ctî- 


elle  se  borne  à  prendre  la  première  la  pa- 
role ;  mais,  au  moyen  Age,  elle  semble  touie 
l'Eglise.  Elle  peut  tout  quand  il  Iefaut(i720j. 
Son  autorité  est  comme  celle  de  noire  mère  ; 
elle  se  déploie  ou  se  contient  suivant  les 
besoins  de  ses  61s. 

Jai  suivi  dans  toutes  ses  ramidcations 
Terreur  de  MM.  Amédée  Thierry  el  Am)>ère 
sur  l'intervention  de  Rome  dans  le  débat  re* 
latif  à  la  Pâque;  j'ai  montré  comtnen cette  in- 
tervention avait  été  canonique  et  légale,  et 
combien  l'on  avait  tort  de  lui  donner  pour 
caractère,  dès  le  principe,  la  sévérité  à  la- 
quelle Victor  n'eut  recours  qu'à  la  fin. 

En  effet,  lorsque  tous  les  conciles  se  fu- 
rent prononcés,  «  Polycrate,  dit  Tiliemont, 
s'opposa  à  cette  résolution  universelle... 
Victor  lui  écrivit  pour  le  prier  d'assembler 
les  évêques  de  sa  province,  en  le  menaçaot 
même  de  le  séparer  de  sa  communion,  s*îi  ne 
se  rendait  au  sentiment  des  autres  (1721).  » 
Polycrate  assembla  effectivement  ses  con- 
frères en  grand  nombre...  Suivant  leurs  avis, 
Pol/crate  écrivit  à  Victor  et  à  l'Eglise  ro- 
maine«  ou  contre  Victor,  comme  traduit 
saint  Jérôme,  parce  qu'en  effet  il  refusait 
de  consentir  à  ce  qu'on  lui  demandait,  et 
témoignait  qu'il  ne  s^étonnait  pas  des  me- 
naces par  lesquelles  on  prétendait  Tépou- 
vanler  (1722). 

MM.  Tbierry  et  Ampère  n'ont  vu  dana 
toute  la  discussion  que  cette  sévérité  finale; 
aussi  leur  a-t-elle  paru  aussi  blâmable 
qu'elle  nous  semble  naturelle,  à  la  suite  des 
circonstances  qui  l'avaient  excitée. 


§111. 

Le  Pape  Victor,  dans  le  déliât  sor  1j  Pteoe, 
mooia-t-îl  ses  propres  partissnsf 


«  A  ces  nobles  paroles,  {de  Polycrate)  è  ces 
mâles  accents  d'un  vieil  héritier  des  apôtres, 
dit  M.  Ampière,  Victor  répondit  par  une 
excommunication  qui  atteignit  tous  les 
évêques  de  son  opinion  (1723).  » 

C'est  donc  à  dire  c]ue  Victor  était  fou  1 
qu'il  lançait  en  furieux  les  anathèmes, 
comme  un  ouragan  précipite  la  grêle  et  les 
éclairs,  sans  voir  où  il  frappe!  Qu'en  pense 
M.  Amédéa  Thierry,  lui  qui  vante  au  con- 
traire V habileté  administrative  passée  en 
héritage  de  Tempire  au  Pootife?  Je  n'ai  pas 
à  mettre  d'accord  ces  deux  opinions;  cest 

demment  il  ne  parji  pas  d*escommnnier  avant  que 
ces  avis  eussent  été  recueillis.  Ce  fut  donc  de  ti^ute 
nécessiié,  en  adressant  à  Polycrate  les  décrets  des 
divers  conciles ,  en  lui  demandant  de  réunir  ses 
Sttffraganis  pour  les  leur  commnniifoer,  qu'il  dut  le 
menacer  au  cas  ou  il  ne  suivrait  pas  la  pratique  de 
la  majorité.-  Vctr  aussi  Dumct, Cou/,  eect.^î.  I, 
art.  2 ,  d'une  disseruUon  sur  la  coiitesution  qui 
nous  occupe.  Il  raconte  les  fa  ils  comme  Tiliemont, 
mais  avec  cette  différence  qu'il  semble  croire  qu^ 
quelques  menaces  avaient  précélé  Fenvot  du  réàul* 
lat  des  conciles.  J*ai  montré  rinvraisemUance  d» 
celte  opinîon,  qui  ne  repose  sur  aueune  preuve. 

(17ii)  Uémoireê  pour  unir  à  thûtoire  tcdéëia^ 
tique  dei  six  premiers  sièdes^  t.  U,  Saiiil  Victor  « 
p.  ID7. 

(17iÂ)  LU  snpra. 


lias 


TIC 


nCTiONNAlllE  APOLOGETIQUE. 


Vie 


m 


8ssez  pour  moi  d*eipiiqfier  une  demi-ligne 
d*Eusèbe  mal  comprise  par  M.  Ampère. 

L'ancien  historien  de  l'Eglise  a  dit  qu'a- 
près avoir  reçu  la  lettre  de  Polycrate,  q  Vic- 
tor, évoque  de  Rome,  s*efforça  de  retrancher 
de  la  communion,  comme  ayant  des  senti- 
ments contraires  à  la  rectitude  de  la  foi , 
toutes  les  Eglises  d'Asie,  ainsi  que  celles 
des  provinces  voisines  (1724).  » 

M.  Ampère  imagine  que  ces  provinces 
voiiineif  excommuniées  en  même  temps 
que  l'exarchat  d'Asie,  étaient  pourtant  du 
sentiment  du  Pape.  Mais  il  sufiit  de  vouloir 
comprendre,  pour  être  convaincu,  que, 
d'après  Eusèbe,  un  même  motif,  l'oppoft- 
iion  à  la  rectitude  de  la  foi^  avait  fait  sévir 
contre  l'exarchat  et  son  voisinase.  Si  le 
Saint-Siège  n'avait  pas  plus  ménagé  ses  par- 
tisans que  ses  adversaires,  est-ce  que  les 
évèques,  dans  leurs  réclamations  contre  la 
sévérité  de  Victor,  n'auraient  pas  intercédé 
pour  leurs  frères  orthodoxes  injustement 
condamnés,  comme  ils  intercédèrent  pour 
leurs  frères  errants  condamnés  trop  préci- 
pitamment? Et  pourtant  ils  n'en  parlent  pas; 
nous  allons  le  voir. 

Victor  n'excommunia  donc  que  la  mino- 
rité qui  refusait  de  se  soumettre  aux  décrets 
du  plus  grand  nombre.. 

liV. 

Lee  évoques  s'opposèrenl-iU  à  l'arrél  de  saiat  Vietor 
eomme  à  un  eropiôLeoieut  sur  leur  iodéneiidance  ? 

ff  Ici  saintirénée  intervint,  dit  H.  Ampère, 
Il  était  sur  le  fond  de  la  question,  de  l'avis 
de  Victor;  il  croyait  la  Pâque  plus  conve- 
nablement filée  au  jour  adopté  par  l'Eglise 
Romaine.  Il  n'en  trouvait  pas  moins  intolé- 
rable la  prétention  qu'elle  proclamait  d'im- 
poser sa  décision  dans  un  cas  douteux.  Sans 
se  séparer  de  cette  Eglise,  Irénée  écrivit  h 
Victor  une  lettre  très-vive,  à  en  juger  par 
l'expression  d^usèbe,  qui  dit  qu  Irénée 
flagellait  très-rudement  son  adversaire.  Eu- , 
sèbe  a  conservé  quelques  i»assages  de  la 
lettre  ;  mais  probablement,  'd'après  ce  qu'il 
en  dit  lui-même ,  ce  ne  sont  pas  les  plus 
énergiques.  Irénée  écrivit  en  même  temps 
à  un  grand  nombre  d'évèquej,  pour  les 
exhorter  à  tenir  bon  et  à  maintenir  l'indé- 
pendance de  leurs  Eglises  (1725).  » 

Il  est  très-vrai  que  des  réclamations  vives 
s'élevèrent  contre. l'arrêt  de  Victor;  mais 
en  quel  sens?  Refusait-on  de  reconnaître 
au  Pape  le  droit  de  purlcr  une  sentence,  ou 
niait-on  seulement  l'opportunité  de  la  sen- 
tence? 

«c  Victor,  évèque  de  Rome,  dit  Eusèbe, 
proscrivit,  par  des  lettres  qu'il  publia,  tous 
les  frères  de  ces  contrées  (de  Vexarchat)  et 
les  déclara  absolument  étrangers  à  l'unité 
de  TEglise.  Mais  ceci  ne  plaisait  pas  à  tous 
les  évèques.  Aussi ,  tout  au  contraire , 
exhortèrent-ils  Victor  à  préférer  les  senti- 
ments (|ui  s'accordaient  avec  la  paix,  l'unité, 
la  charité  pour  le  prochain.  Maintenant  en- 


core existent  les  épltres  par  lesquelles  ils 
reprennent  très-fortement  Victor.  Irénée, 
l'un  d'eux,  dans  une  lettre  écrite  au  nom 
des  frères  qu*il  présidait  en  Gaule,  soulienl, 
à  la  vérité,  qu'on  doit  célébrer  le  mystère 
de  la  résurrection  de  Notre  Sei^eivr  senle- 
ment  le  Dimanche;  cependant  il  avertit  dé- 
cemment Victor  de  ne  pas  excommimier 
des  églises  entières  parce  qu'elles  sont  fi- 
dèles a  Tusage  que  leur  ont  lé^é  les  an- 
ciens. Et,  après  beaucoup  d'autres  diosesà 
Tappui  de  ce  qu'il  soutient,  Irénée  parle  de 
la  sorte...  » 

Dans  le  long  extrait  transcrit  par  Eosèbe, 
Tévéque  de  Lyon  rappelle  au  Pa()e  ses  tolé- 
rants prédécesseurs:  Anicet ,  Pie,  Hjgin, 
TélespLore,  Sixte;  il  s*arréte  surtout èTeo- 
trevue  de  Polycarpe  et  d'Anicet,  qui,  mV 
gré  la  difTérence  de  leurs  opinions  sur  k 
PAque,  ne  laissèrent  pas  de  communier 
ensemble.  Ensèbe  dit  ensuite  :  ïidèle  ï 
son  nom,  qui  signifie  amt  de  la  poix, Iré- 
née, tout  aussi  pacifique  par  ses  uabiludcs 
que  par  son  nom,  donna  ces  avis  et  allégua 
ces  exemples  pour  obtenir  l'union  des  Egli- 
ses. Et  même  ce  ne  fut  pas  seulement  ï 
Victor,  mais  encore  à  un  grand  norobre 
d'entre  les  autres  piésidents  des  Eglises, 
qu'il  écrivit  dans  ce  sens  sur  la  controTer>e 
alors  agitée  (1726).  » 

Il  est  maintenant  bien  facile  de  tronrer 
la  solution  que  nous  cherchons.  NausToroos 

3ue  saint  Irénée  n'accusa  point  le  Pap-c 
'empiétement,  ni  ne  pressa  lesévêquesde 
sauver  letir  indépendance;  il  les  appela  non 
pas  à  la  défense  de  leur  liberté  en  \jnl 
mais  au  maintien  de  l'union  que  >iclûr 
rompait  pour  un  motif  que  tous  ne  jugeaicot 
pas  suffisant. 

N'était-ce  donc  pas  scdéclarerindépeiidâiii 
que  de  ne  pas  souscrire  è  la  sentence  à 
Pape?  Certainement  non.  Par  cette  opposi- 
tion, les  évèques  empêchaient  ce  qoil^ 
croyaient  une  précipitation  de  Jautorité, 
mais  ils  ne  niaient  pas  cette  autorité;  il^ 
proclamaient  non  pas  leur  indé|»en(lâD(t, 
mais  leurs  vœux  pour  la  concorde;  ils<iî- 
saient  que  Victor  oublait  la  patiente  chariiv 
de  ses  prédécesseurs,  mais  ne  disaient  |^ 
qu'il  eut  fait  une  tentative  pour  usurper )5 
supériorité  et  la  suprématie;  en  un  niflj, 
ils  reconnaissaient  sa  primauté,  pui«)ûi|^ 
ne  la  mettaient  pas  en  doute,  mais  en  io^li- 
quaient  seulement  les  limites. 

S'il  était  possible  que  quelque  om 
voilât  encore  le  sentiment  de  saint  Irécce. 
elle  se  dissiperait  bientôt  devant  cespari*k; 

«  La  tradition  que  les  apôtres  on!  pr^'t'* 
dans  tout  l'univers,  il  faut  la  cberdetr.' 
chaque  Eglise,  si  nous  voulons  entendre ': 
vérité,  et  nous  devons  compter  les  év^o'^ 
institués  par  les  apôtres  dans  les  Bé^^\ 
leurs  successeurs,  qui  jusqu'à  nous  c^'P 
rien  enseigné  de  pareil  (d  ce  qued'n^^'! 
hérétiques)^  et  nont  point  connu  de  ^ 
(délires....  Mais  parce  qu'il  serait  trop  w% 


{\m)  EiîgfeBiE,  IlitLecci.,  V,  2i. 
tl7i5)  Hfii./fir,,  etc.,  •.!,?.  171. 


(!7i6)  EcsÈBE,  V,  Î4. 


1465 


TIN 


MCTION^iAIRE  APOLOG£TIQl  E. 


\ÏS 


U66 


dans  on  livre  comme  celui-ci  »  de  parcourir 
la  succession  de  toutes  les  Eglises,  nous  ci- 
tons de  FEgiise  très-f^ande,  très-ancienne, 
connue  de  tous,  fondée  et  constituée  à 
Rome  par  les  deux  plus  illustres  apôtres, 
Pierre  et  Paul,  la  tradition  qu'elle  lient  des 
apôtres,  ia  foi  atmaneée  aux  homme$  (i7i7), 
.et  qui  est  parvenue  jusqu'à  nous  par  la  suc- 
cession des  évéques,  nous  la  citons,  et  nous 
confondons  tous  ceux  qui,  pour  quelque 
motif  que  ce  soit,  ou  mauvaise  complaisance 
en  eux-mêmes,  ou  vaine  gloire,  ou  aveu- 

Î;lement,  ou  sentiment  erroné,  recueillent 
tes  ariiele$  de  leur  symbole)  ailleurs  qu'il  ne 
faut.  Car  c'est  avec  cette  Eglise,  à  cause  de 
sa  plus  puissante  primauté  {potauiorem 
orineipaliiaiem)^  quil  est  nécessaire  que 
toute  rEglise  s'accorde,  c'est-à-dire  les  fi- 
dèles répandus  en  tous  lieux  ;  et  toujours 
en  elle  les  fidèles  répandus  en  tous  lieux  ont 
conservé  la  tradition  apostolique  (17i8).  » 

Cet  extrait  est  bien  long,  mais  qu'il  est 
précieux  1  il  est  à  regretter  que  M.  Ampère 
n\y  ait  pas  pris  garde,  quoi  qu'il  ait  si  mu- 
nûtieusement  exploré  le  traité  du  saint 
évéque  de  Lyon. 

Or,  est-îl  possible,  quand  saint  Irénée 
veut  que  toute  l'Eglise,  que  chaque  chrétien 
suit  uni  à  Rome,  parce  qu'elle  conserve  in- 
tact le  dépôt  de  la  foi,  et  que  sa  prééminence 
est  plus  puissante  que  toute  autre  autorité 
ecclésiastique,  est-il  possible  de  dire  que 
cet  évéque  ait  voulu  liguer  ses  frères  contre 
Rome  et  les  .engager  à  tenir  bon?  Est-il  pos- 
sible de  se  dire  que  la  supériorité  des  Papes, 
au  II'  siècle,  n'ait  pas  été  autre  chose  qu*une 
ambitieuse  tentative^  que  le  premier  symp- 
tôme d*un  onnieilleux  vertige  donné  par  la 
splendeur  de  Rome  à  l'héritier  d'un  pêcheur 
de  Galilée? 

VIE  INTÉRIEURE.  Foy.  Eucharistie,  §11. 
—  Vie  intime  de  Jésus-Christ.  Voy.  Jésus- 
Chbist,  art.  I.  —  Vie  divine  en  nou5,  im^ 
}*o5sible  sans  le  sacrement.  Voy.  Suenj^ti;- 
RAUsyB,  g  V'I.  —  Vie  divine,  ses  fondements 
dans  l'humanité.  Voy.  Sacbement. 

VIE,  sa  durée  moyenne  chez  les  divers 
peuples.  Voy.  Races  hcmaixes,  g  VI. 

VIERGE,  doit  donner  le  jour  au  Me^e. 
Voy.  ROTS  XV,  S  lU,  à  la  fin  du  vol.  —  La 
mainte  Vierge,  son  cantique.  Voy.  note  XV, 
S  VIII ,  à  la  fin  du  volume. 

VIERGES,  l'Eslise  primitive  les  attirait- 
elle  par  la  vanité  au  célibat?  Voy.  Célibat, 

|iv. 

VIN,  y  en  avait-il  chez  les^yptiens  7  dif- 
lleulté  résolue.  Voy.  MoauMEirrs  corfib- 
mant  les  Bécrrs  de  la  Rible,  |  VIII. 

VINCENT  DE  LERINS  (Saint).  —  On 
ignore  le  temps  précis  et  le  lieu  de  sa  nais- 
d-ance:  on  sait  seulement  qu'il  naquit  en 
làaule  vers  le  commencement  du  v'  siècle. 
Jl  n*a  laissé  qu'un  petit  volume,  le  Corn- 

(I7%7)  Allusion  à  on  mot  de  sainl  Paul  aui  Ro- 
tnains  Èphl,  adRomonos^  c.  i«  8,  8. 

(t7i8)  Cotitra  hœreutt  m,  5. 

(I7i9)  I..e8  s«'nii-pélagiens  croîaîent  queriiommc 
peut  de  lui-mèuie,  taus  k;  secours  Ae  la  gràtc, 


moniioire ,  dans  lequel  l'auteur  établit  la 
rè^le  de  la  foi  orthodoxe,  laquelle,  selon 
lui,  est  Tautorité  ;  ce  que  les  chrétiens  ont 
cru  tous,  toujours  et  partout,  à  ses  yeux, 
voilà  le  dogme.  L'Eglise  n'a  jamais  autre- 
ment pensé. 

IL 

Saint  Viocem  a-lrH  éU  aemi-pélaglen  (1729)? 

«  Un  docteur,  à  qui  l'épithète  de  saint  n'a 
jamais  été  disputée,  dit  M.  Ampère,  se  pro- 
nonça aussi  contre  les  doctrines  de  la  pré- 
destination :  ce  fut  saint  Vincent  de  Lérins. 
Il  publia  dans  la  première  partie  du  v  siècle, 
lin  petit  traité,  espèce  de  résumé  et  de  con- 
clusion des  principales  discussions  et  des 
principales  hérésies  qui  avaient  jusque-là 
partagé  et  agité  l'Eglise.  Dans  ce  traité,  qui 
contient  la  solution  de  toutes  les  dilEcultés 
et  le  dernier  mot  de  toutes  les  controverses, 
et  qui  est  en  général,  d*une  orthodoxie  ri- 
goureuse, les  opinions  augustiniennes  sont 
|)eu  ménagées.  Dans  le  chapitre  2fc,  Vin- 
cent de  Lérins  censure  vivement  ceux  qui 
font  Dieu,  auteur  du  mal,  en  supposant' 
que  sa  prédétermination  nous  y  porte  in- 
vinciblement. Dans  le  chapitre  26  il  combat 
ridée  de  la  prédestination  des  élus.  (  Voy. 
WiGGBR  Vertuch^  etc.  t.  II,  p.  21i.)  On  n'en 
sera  pas  surpris,  si  Ton  se  rappelle  d'oii  est 
sorti  saint  Vincent  de  Lérins;  son  nom  le 
dit;  il  est  sorti  de  cette  illustre  abbaye  de 
Lérins  qui  a  fourni,  pendant  le  V  siècle,  à 
la  Gaule  méridionale,  tant  de  grands  hom- 
mes, d*évéques,  de  saints  illustres,  et  aussi, 
il  faut  le  dire,  les  prindpaux  appuis  du 
semi-pélagîanisiue.  Saint  Vincent  de  Lérins 

Faralt  être  ce  Vincent  qu'attaque  saint 
rosper  dans  un  traité  intitulé  :  Objeciionee 
Vineentianœ.  L'auteur  de  ce  délicieux  éloge 
de  la  Solitude f  si  cher  aux  habitants  de 
Port-Royal,  saint  Eucher,  avait  sur  la  grâce 
des  opinions  bien  différentes  des  leurs,  car 
il  était  aussi  semi-pélagien.  Il  en  fut  do 
même  de  Salvien,  Tliomme  le  plus  éloquont 
du  V*  siècle,  de  Valérianus,  évèquc  de  Cé- 
nusium,  de  l'historien  ecclésiastique  Gen- 
nade,  enfin,  du  célèbre  Faustus,  évêque  de 
Riez  (1790).» 

L'inexactitude  princii)ale  de  ce  fragment 
est  encadrée  dans  une  demi-douzaine  d'au- 
tres inexactitudes  accessoires. 

J'arrive  à  l'erreur  capilale  de  l'extrait  de 
M.  Ampère. 

Une  preuve  décisive  que  saint  Vincent  n'é- 
tait pas  semi-pélagien,  c'est  qu'il  cite  avec 
honneur,  et  comme  modèle  de  règle  catho- 
lique, une  lettre  du  Pape  Célestin  contre  le 
semi-fiélasianisme.  Il  dit  :  «  Le  saint  Pape 
Célestin,  dans  une  lettre  adressée  aux  évè- 
ques  des  Gaules,  après  les  avoir  accusés  de 
complicité  ,  parce  qu'en  se  taisant  ils  lais* 
salent  l'antique  foi  sans  défense,  et  n*em- 

irrifer  à  la  fol  et  désirer  faire  son  sahit.  Selon  euv, 
rbomine  commence,  la  gtàce  continue;  tandis  que 
rortiiodoxie  enseigne  que  Taide  de  Dieu  nous  e^i 
toujours  nécessaire,  même  imur  arriver  à  croin*. 
(t7;yO)  Uni,  lia.,  etc.,  t  11,  p.  i8. 


ltC7 


V!N 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


TIN 


m 


pèchaie'nt  pas  les  nouveautés  profanes  |de 
s'élever,  ajoute  :  Nous  sommes  grandement 
responsal)lcs  si  nolro  silence  favorise  i*er- 
reur.  Qu'on  réprimande  donc  de  tels  nova- 
teurs, et  qu'il  ne  leur  soit  plus  permis  de 
parler  à  leur  gré  (1731).  » 

Or  saint  Vincent,  s'il  eût  été  semi-péla- 
gien,  aurait-il  ainsi  loué  l'épltre  pontificale? 
aurait-il  ainsi  vénéré  la  verge  qui  le  frap- 
pait? 

Je  n'ignore  pas  l'observation  de  M.  Am- 
père sur  cette  lettre.  Selon  lui,  «  les  semi- 
pélagiens,  qui  ne  se  trouvaient  pas  nouveaux, 
et  qui  trouvaient,  au  contraire,  nouvelles 
les  expressions  et  quelques-unes  des  idées 
de  saint  Augustin  et  de  saint  Prosper,  se 
gardèrent  de  s'appliquer  les  paroles  vagues 
de  Célestin  (1732).  » 

Les  novateurs,  moins  heureusement  ins- 

firés  que  M.  Ampère,  ne  s'amusèrent  pas 
faire  sembianta'ignorerque  saint  Célestin 
parlait  d'eux.  Ils  te  reconnurent,  et  leur 
urétexte  pour  différer  la  soumission  fut  que 
tes  ouvrages  de  saint  Augustin,  dont  il  fal- 
lait embrasser  la  doctrine,  ne  se  trouvaient 
pas  spécifiés  dans  Tépttre  du  Pape.  Saint 
Prosper,  qui  leur  reproche  ce  détour  (1733], 
les  aurait  également  blâmés  de  celui  qu'i- 
magine M.  Ampère,  s'ils  l'eussent  employé. 
Et  comment,  d'ailleurs,  auraient-ils  pu 
s'imaginer  que  Téptlre  de  Célestin  blâmât 
saint  Augustin  et  saint  Prosper,  puisqu'ils 
y  apprenaient  gu'elle  avait  été  écrite  en 
faveur  du  premier,  et  à  la  sollicitation  du 
second  ?  Saint  Vincent,  semi-pélagien,  n'au- 
rait donc  pas  cité  comme  modèle  d'ortho- 
doxie et  de  fermeté  cette  lettre  oii  les  con- 
damnés lisaient  eux-mêmes  publiquement 
la  sentence  du  semî-pélagianismc.  Si  d'ail- 
leurs, il  n'avait  réellement  pas  su  à  qui  en 
voulait  celle  décrélale,  ou  si  Tinlention  de 
la  pièce  avait  disparu  sous  le  vague  et  la 
banalité  des  paroles,  l'aurait-il  choisie  pour 
en  faire  une  des  bases  de  la  thèse  dévelop- 
pée dans  son  Commonitoire  ? 

Je  le  répèle,  saint  Vincent  nb  fut  pas  semi- 
pélagien.  A-t-il  pu  le  déclarer  plus  expres- 
sément que  quand  il  a  dit  :  «  Qui  donc,  avant 
ce  profane  Pelage,  osa  présumer  de  la  force 
du  libre  arbitre  jusqu'à  croire  que  la  grâce 
de  Dieu  ne  lui  soit  pas  nécessaire  pour  l'ai- 
der au  bien  en  chacun  de  ses  actes?  Qui  ja- 
mais, avant  Célestius,  monslrueux  disciple 
de  cet  hérétique,  nia  que  la  race  humaine 
ait  été  enveloppée  dans  fa  prévarication 
d'Adam  (1734)?  »  C'est  donc  pour  chacun  de 
nos  acte^  surnaturels  que  saint  Vincent 
exige  le  concours  de  la  grâce,  aussi  bien 
pour  le  premier  pas  dans  la  carrière  de  la 
foi  que  pour  le  aernier,  pour  celui  qui  in- 
troduit au  ciel;  il  n'en  excepte  aucun.  Il 
n'était  donc  pas  oartisan  du  semi-pélagia- 

(f73l)  tommonit.,  c.  32. 
(1752)  HUt.  /i«.,  PIC,  f.  Il,  p.  28. 
1735)  Contra  Coltatorem^  n"  58,  dȕi$  saint  Au- 
pwsiin,  t.  X.  p.  132. 
(l'34)Cli.  24. 
\1735)  héfut,  du  catéc/i.  de  tanj,  c.  8. 


nisme,  qui  niait  la  nécessité  de  la  grâce  poor 
le  commencement  de  la  foi. 

Saint  Vinceot  a-t-il  attaqué  saint  ÀugasiiB? 

Il  ne  s'agit  pas  de  saint  Augustin  dans  1^ 
chapitres  indiqués  par  M.  Amoëresurlafoi 
de  Wigger.  Que  ne  les  a-t-il  étudiés  lui- 
même  !  Je  vais  en  extraire  les eodroiuaui' 
quels  on  fait  allusion. 

Chapitre  S4.  «c  Avant  le  magicien  Siiooo, 
frappé  du  glaive  apostolique,  et  de  oui  jus. 
quà  Priscillien,  dernier  rejeton  de  la  secte, 
est  descendu  ce  vieux  cloaque  de  turpitu- 
des, par  un  continuel  et  secret  écoulement, 
qui  donc  osa  jamais  soutenir  que  Dieu  e«t 
I  auteur  du  mal,  c'est-à-dire  de  D0scrimc>:, 
de  nos  impiétés  et  de  nos  forfaits?  Siioôa 
assure  que  Dieu  erre  de  ses  mains  la  naluN 
de  rhomme  de  telle  sorte  que,  par  unm&tt- 
vement  propre  et  sous  l'impulsion  duce 
volonté  nécessaire,  elle  ne  peut  et  ne  veit 
rien  autre  que  pécher,  une  convoitise  insa- 
tiable remportant,  agitée  et  embrasée  par 
les  furies  des  vices,  dans  les  abîmes  delco* 
tes  les  infamies,  i» 

Dans  cette  sortie  de  saint  Vincent  contre 
Simon  le  magicien  et  Priscillien,  nousoe 
trouvons  ni  le  nom  ni  la  pensée  de  rérèjut 
d'Hippone.  Jamais  saint  Augustin  ncmoD- 
naîtrait  pour  sa  doctrine  ce  blasphème  con- 
tre la  dignité  humaine  par  lequel  PrisciLiea 
nous  supposait  incapables  de  pouvoir,  oiéoie 
de  vouloir  le  bien. 

Saint  Augustin  croit/il  est  vrai,  quepoat 
gagner  le  ciel  il  faut  une  grâce  de  Dieu; 
mais,  outre  ces  vertus  surnaturelles  du  Chré- 
tien, il  y  a  le  bien  moral,  gui  est  accessihlh 
selon  le  grand  évoque,  même  aux  infiJf ie>. 

Il  a  dit,  dans  son  traité  De  V esprit  et  ât  /« 
lettre  f  que  Bossuet  appelle  un  dûctt  i'- 
vre  (1735)  :  «  Relativement  à  ces  infidèles  qù 
ne  rendent  pas  au  vrai  Dieu  uncuUevérh 
table  et  légitime,  nous  lisons  et  nous  coq- 
naissons  deux,  ou  nous  en  avons eDleoàu 
raconter  des  actions  çiue  non-seulemen'* 
d'ai>rès  les  règles  de  la  justice,  nous  ne  pou- 
vons blâmer,  mais  auxquelles  nous  dm^y 
des  louanges  bien  méritées...  Cest  que  IV 
mage  de  Dieu  n'a  [ms  été  si  complèlemeci 
effacée  de  Tâme  humaine  |)ar  la  souiliar^ 
des  affections  terrestres,  qu'il  n'y  en  «5U 
de  légers  linéaments  :  ce  qui  nous  perœti 
d'affirmer  que  l'âme,  mèrae  dans  linGiiéiiW 
de  la  vie,  peut.obéirà  quelques  presrnr 
tions  de  la  loi  et  de  la  sagesse,  quoique  ct'^ 
ne  puisse  lui  servir  pour  atteindre  h  ^^ 
promis  au  seul  Chrétien  (1736).  ■ 

Saint  Augustin  ne  croyait  donc  pas,  codidk 
Priscillien,  à  l'impuissance  radirâle  p'^cr 
l'homme  de  s'élever  à  la  vertu.  Ce  n'est  df 
pas  de  lui  que  saint  Vincent  a  voulu  parn' 

(1736)  De  spintn  et  littera^  c  57,  n*  «.-  î^^* 
Augustin  ne  louait  pas  dans  les  inCdèies  loai  «J" 
nous  y  admirons,  beaucoup  de  .leurs  ploj  ►^* 
actions  lui  semblaient  vicieuses  par  TorgiitiU"'  ^ 
inspirait.  Toutefois ,  U  croyait  que  nous  w^^*' 
plusieurs  de  leurs  actions  dei  louaitQtt  Wf»  «*'■'''" 


lo9 


VIN 


DICnONNAlIlE  APOLOGETIQUE. 


VW 


Ii7d 


inns  le  vingt*r]iialrième  chapitre  de  son  Corn- 
nontloire.  11  eneslde  même  de  Tautre  cha- 
ntre cité  par  H.  Ampère. 

Chapitre  26.  «  C'est  une  chose  surprenante 
{ue  la  manière  dont  les  hérétiques  ont  ac« 
»utuQié  de  surprendre  les  personnes  sim- 
ples par  les  promesses  dont  nous  allons 
)arler  :  Ils  ont  Taudace  de  promettre  et 
l'enseigner  que  dans  leur  église,  c'est-à-dire 
ians  le  conventicuio  de  leur  communion, 
e  trouve  une  grâce  de  Dieu,  grande,  spé- 
iale  et  tout  è  fait  personnelle,  en  sorte  que, 
ans  le  moindre  effort,  sans  la  moindre  ap- 
ilication,  sans  demander  même,  ni  chercher, 
lî  frapper  à  la  porte,  tous  ceux  qui  font 
lartie  ae  leur  société  sont  favorisés  du  ciel 
u  point  de  ne  pouvoir  jamais  heurter  leur 
•îeJ  contre  la  pierre,  autrement  de  n'être 
imais  scandalisés,  portés  qu*ils  sont  par 
es  mains  des  anges  et  préservés  par  leur 
rotection.  » 

Saint  Augustm  n'ayant  jamais  prétendu 
d'il  sufilt  do  se  ranger  parmi  ses  disciples 
our  être  élu  et  prédestiné,  il  n'a  donc  rien 

craindre,  ni  sa  doctrine  non  plus,  de  cette 
ir;oureuse  attaque  contre  je  ne  sais  quels 
>iis  dont  le  nom  échappe  à  l'histoire. 

M.  Ampère  croit  découvrir  encore  ailleurs 
es  traces  de  l'hostilité  du  moine  de  Lérins 
>n(re  l'évèque  d'Hippone. 

«  Dans  l'ouvrage  de  saint  Vincent,  dit-il, 
ans  cet  ouvrage  dont  le  byt  unique  est 
exposer  les  bases  de  l'orthodoxie,  ce  qui 
<:(  constamment  opposé  à  Thérésie ,  c'est 
Eglise  universelle ,  le  consentement  de 
»us  ou  de  presque  tous  les  prêtres,  des  doc- 
»urs,  desévêques;  mais  nulle  autre  auto- 
té  n'est  invoquée,  il  n'est  fait  allusion  à  la 
jprématie  d'aucune  église  particulière. 

<«  Les  paroles  de  saint  Vincent  sont  posi- 
vos  :  «  Il  n'appartient  à  aucun  évêque  d'im- 
poser une  décision  aux  autres;  nul  n'a  ce 
droit;  quoique  évéque  on  martyr^  tout  ce 
qu'il  aura  pensé  ou  écrit  en  dehors  de  l'o- 
pinion de  I^glise  unanime  doit  être  rejeté.» 
D  trait  peut  bien  avoir  été  spécialement 
rigé  contre  saint  Augustin,  qui,  aux  yeux 
?  saint  Vincent, avait  la  prétention  d'impo- 
*r  à  l'Ejglise  de  nouvelles  idées  sur  la  pré- 
?stination  et  la  grâce.  Ce  qui  prouve  l'hos- 
lité  du  moine  de  Lérins  contre  l'évèque 
Hippone,  c'est  que,  dans  Ténumération  des 
)rteursqui  font  autorité,  et  qui,  dit-il,  ont 
6  déclarés  au  concile  d'Ephèse  les  maîtres 

\es  régulateurs  de  la  foi,  il  ne  nomme  pas 
int  Augustin  (1737).  * 
Je  commence  par  la  seconde  réflexion  de 
.  Ampère. 

Si,  dans  rénumération  d^ts  docteun  déclarés 
Ephèse  les  régulateurs  de  ta  foù  saint  Vin- 
nt  ne  nomme  pas  saint  Augustin,  la  rai- 
»n,  c'est  qu'il  ne  trouve  pas  le  nom  de  cet 

(1757)  Bht.  lUt.^  etc.,  t.  n,  p.  65. 
1 738)  Si  le  concile  d*Epbèse,  avant  de  condamner 
storiaa,  Gl  lire  éos  extraits  de  quelques-Pères  de 
Iglise,  ce  D*étiit  pas  qu'il  crût  eeux-ci  supérieurs 
X  autres  Pères,  c^éiait  seulement  parce  ce  que 
irs  écrite  se  Iroutulent  sous  la  main,  (Ephes,^ 
t.  I.)  Saint  Augustin  avait  été  appelé  au  couciU 


évêque  dans  les  actes  du  concile  q|ii*il  ré- 
sume. Devait-il  donc  l'y  intercaler?  devait-il. 
donc  se  faire  faussaire  pour  honorer  le  gé- 
nie d'un  grand  homme  (1738)? 

Il  n'y  a  nuire  vraisemblance  non  plusquo 
saint  Vincent  ait  songé  à  saint  Augustin 

2oand  il  dit  que  Topinion  particulière  à  un 
vêque  ne  doit  pas  être  la  règle  univer- 
selle. 

Voici  le  passage  plus  au  long  : 

«  C'est  pourquoi  i\ès  qu'une  erreur  étend 
sa  contagion,  dès  qu'elle  s'approprie  pour 
sa  défense  les  |>aroles  sacrées  de  la  loi, 
qu'elle  les  interprète  avec  supercherie,  avec 
artifice,  il  faut  alors,  afin  d'éclaircîr  les  li- 
vres canoniques,  rassembler  les  sentiments 
des  anciens,  pour  mettre  i  nu  et  condamner 
sans  appel  toutes  ces  nouveautés  profanes 
qui  auront  levé  la  tête.  Mais  on  ne  devra 
rapporter  que  les  sentiments  de  ces  Pères 
qui,  après  avoir  vécu  saintement,  enseigné 
sainement  et  persévéré  constamment  dans  la 
foi  et  dans  la  communion  catholiques,  ont 
mérité  de  mourir  fidèlement  en  Jésus-Christ, 
ou  d'expirer  pour  lui  dans  un  heureux  mar- 
tyre; en  sorte  néanmoins  que,  si  l'on  se  fonde 
sur  leurs  paroles,  ce  que  tous  ou  la  plus 
grande  partie  auront  d'un  commun  accord 
établi  clairement,...  cela  passe  pour  indubi- 
table, pour  certain  et  pour  arrêté.  Au  con- 
traire, les  opinions  que  l'un  d'entre  eux* 
fût-il  saint  et  docteur,  fût-il  évêque,  lût-il 
confesseur  ou  martyr,  aura  manifestées  sans 
la  participation  ou  contre  l'assentiment  de 
tous,  doivent  être  séparées  de  la  doctrine 
commune,  publique  et  universelle,  et  relé- 
guées au  nombre  des  singularités  à  lut  par- 
ticulières (1739).  » 

Tout  est  trop  général  dans  ces  conseils; 
ces  titres  de  sainte  de  docteur^  d'/r^we,  do 
fonfesseury  de  martyr^  sont  trop  multipliés 
et  trop  divers,  pour  croire  qu  il  se  cache 
sous  tout  cela  une  épigramme  à  l'adresse  de 
saint  Augustin. 

Si  saint  Vincent  eût  été  hostile  è  l'évèque 
d'Hippone,  pourquoi  donc,  surtout  en  écri- 
vant après  la  mort  du  prélat,  ne  Taurait-il 
jamais  nommé  dans  ses  attaques?  pourquoi 
se  serait-il  plus  gêné  que  les  autres  adver- 
saires du  saint? 

Je  ne  multiplierai  pas  les  preuves  de  leur 
manque  de  respect  envers  saint  Augustin; 
qu'il  me  suflise  de  rappeler  que  le  Pape  Cé- 
lestin  crut  devoir,  dans  une  épttre  aux  évê- 
ques  de  la  Gaule  méridionale,  proléger  son 
nom,  contre  les  semi-pélagiens  (17&0). 

Il  n^existe  donc  dans  le  Commonitoire  au- 
cune dépréciation  indirecte  de  l'autorité  de 
saint  Augustin,  ni  aucune  allusion  critique 
à  ses  doctrines;  saint  Vincent  ne  s'est  donc 
pas  montré  opposé  au  glorieux  défenseur 
de  la  grâce.  £ul  comment  lui  aurait-il  été 

d*Epbése;  il  mourut  peit  avant  Touverture. 
r   1759)  Cap.  28.—  L'Bisi.  Htiir.  de  H.  Ampère  in- 
dique le  cbap.  88.  CVst  une  faute  d'impression. 

(1740)  Ep.  I  :  <  Qui  nitunlur  etiam  quiescentiom 
frairum  memoriam  dissipant.  Avgustlnum^sanctie 
iccorJationis  viniHi,  cic.  —  \vir  la.  note  175, 


ii7l 


YIN 


MGTIONNAlliE  APOLOGETIQUE. 


VIN 


liTi 


ce 


opposé,  puisqu'il  admeUait  aussi  !a  nécessité 
(Je  la  grflce  pour  chacun  de  nos  actes? 

|in. 

Saint  Yiaeeni  uVt-il  reconno  aucune  suprémaUe  dans 

r£glise  Romaine? 

ff  Dans  rouvrag[e  de  saint  Vincent,  dit 
M.  Ampère,  ce  qui  est  constamment  opposé 

h  rhérésie,   c'est  l'Eglise  universelle; 

mais  nulle  autorité  n'est  invoquée,  il  n'est 
l'ail  allusion  à  la  suprématie  d'aucune  Eglise 
{Nirticulière. 

«(  Les  paroles  de  saint  Vincent  sont  posi- 
tives :  «  Il  n'appartient  à  aucun  évèque  d'im- 
«  poser  une  oécision  aux  autres;  nul  n'a 
«  le  droit. ,  » 

«  Parmi  ces  doctnurs  (dont  le  concile  d'E- 
phèse  consulta  les  ouvrages),  sur  le  même 
ranç  que  saint  Ambroise,  saint  Grégoire  de 
Nazianze,  saint  Basile,  saint  Grégoire  de 
Nysse,  etc.,  etc.,  yers  le  milieu  de  la  liste, 
se  trouvent  deux  évoques  de  Rome,  saint  Fé- 
lix et  saint  Jules.  Tout  le  traité  est  fondé  sur 
:e  principe  :  «  La  tradition  de  la  foi  appar- 
(  tient  à  l'universalité  de  l'Eglise  et  n*est  le 
«  patrimoine  d'aucune  EglisQ  particulière.  » 
Que  telle  soit  la  pensée  de  ce  livre,  qui,  du 
reste,  passe  pour  un  chef-d'œuvre  d  ortho* 
doxie ,  c'  est  ce  qui  me  semble  incontes- 
table. 

«  Précisément  à  partir  de  Tépoque  à  la- 

Îuelle  nous  sommes  pai-venus,  l'Église  de 
orne  va  jouer  un  rôle  de  plus  en  plus  im- 
portant, déplus  en  plus  civilisateur;  mais 
en  même  temps  ses  prétentions  croîtront  de 
jour  en  jour,  et,  entre  autres,  celle  d'être 
j'iinique  arbitre  de  la  foi  catholique.  11  était 
donc  imporlant  de  constater  qu'un  saint 
gaulois  du  cinquième  siècle  n'identifiait 
pas  l'Eglise  Romaine  et  la  catholicité  (17^1).» 

Le  passage  de  saint  Vincent  dont  s'oc- 
cupe M.  Ampère  est  pour  cet  écrivain  un 
véritable  arsenal  ;  il  y  a  déjà  pris  des  armes 
contre  l'orthodoxie  de  saint  Augustin,  il  y 
en  trouve  encore  contre  la  suprématie  de 
Rome.  Ces  dernières  seront-elles  moins 
inoffensives? 

M.  Ampère  me  semble  s*6lre  également 
mépris  etsur  Tidée  que  la  papauté  se  forme 
de  son  pouvoir  et  sur  l'idée  qu'en  avait 
saint  Vincent. 

1"  Rome,  quoi  qu'en  dise  notre  historien, 
ne  se  croit  pas  seule  dépositaire,  seul  ar- 
bitre de  la  foi  (17^2);  elfe  ne  se  croit  pas 
seule  rSglise.  Que  quelques  théologiens 
aient  peut-être  voulu  faire  de  la  papauté 
une  dictature,  s'ensuit-il  que  telle  soit  la 
croyance  imposée  par  le  Saint-Siège  à  la 
chrétienté?  S'il  était;  vrai  que  depuis  saint 
Léon,  c'est-à-dire  pendant  quatorze  siècles, 
on  eût  vu  cette  prétention  croitre  de  jour  en 
yoMfy  il  va  longtemps  qu'elle  aurait  éclaté 
par  quelque  bulle  oil  nous  la  trouverions 
solennellement  consacrée.  M.  Ampère  a 
don<!  pris  le  système  de  je  ne  sais  quels  au- 
iouts  pour  la  doctrine  des  Papes. 

(1741)  Wst.  lin..  I.  Il,  p.  65. 

(1742)  V(*ir  la  24*  â^ct Lettres  tur  les  quatre  articles 


2*  Que  pensait  saint  Vincent  de  la  yîU- 
minence  des  papes?  Ne  la  niait-il  pas  quand 
il  n'opposait  h  l'hérésie  que  le  teœoigiup 
de  l'Eglise  universelle? 

Certainement  non,  ce  n'était  pas  nier  li 
papauté.  Car,  que  disait  l'auteur  du  Conno- 
nitoireî  II  soutenait  que  cela  seul  aprir- 
tient  à  la  foi,  qui  a  été  admis  toujours  êtes 
tout  lieu  par  tout  le  monde.  Or  de  que)  pri- 
vilège cela  dé|K)uille-t-il  les  papes?  A4-m 
jamais  dit  qu'ils  eussent  le  droit  d'obiiget 
a  croire  autre  chose  que  ce  gui  est  revèia 
du  triple  caractère  de  catholicité  indiqué {«r 
saint  Vincent?  A-t-on  jamais  soutenu  qutis 
fussent  seigneurs  suzerains  de  l'Evaogilet 
pouvant  tailler  la  foi  à  merci  ?  L'école  ul- 
tramontaine  elie^nème  n*a  jamais  attrilHié 
aux  papes  le  pouvoir  d*inventer  desdogm»; 
elle  leur  accorde  celui  seulement  de  procla- 
mer, tout  aussi  bien  que  les  conciles,  b 
dogmes  brimitivement  révélés.  Mais  rebiier 
au  pape  le  pouvoir  d'ajouter  au  svmbole  de 
l'Eglise,  est-ce  donc  lui  refuser  le  pouToir 
de  gouverner  l'Eglise?  Assurément  non.  \â 
Commonitoire  n'a  donc  rien  de  redoutable 
pour  la  papauté  :  bien  plus,  od  y  troufe 
quelques  précieuses  paroles  à  recueiilir 
(jhaque  fois  que  l'auteur  cite  les  papes,  il 
ajoute  certaines  réflexions  qui  le  moDireui 
comme  ayant  sur  les  successeurs  de  .^ain( 
Pierre  la  même  façon  de  voir  qu'on  avait  ik 
son  temps  dans  toute  l'Eglise^ 

Voulant  prouver  par  le  pape  saint  Elieooe 
qu'on  ne  doit  point  innover  en  religion,  U 
s  exprime  ainsi  :  «  Pour  n'être  pas  trop  loo?» 
nous  nous  bornerons  à  un  seul  {exemple  du 
soin  qu'on  a  toujours  eu  de  repousser  la 
nouveautés)^  et  nous  l'emprunterons  au  Sié^t 
Apostolique,  afin  que  tous  voient  plus  ci^- 
rement  que  le  jour  avec  quel  zèle,  avecqotl 
empressement  les  bienheureux  successeurs 
des  bienheureux  apôtres  n'ont  cessé  de  (Re- 
fendre l'intégrité  de  la  religion  une  îvn 
reçue. 

«  Or,  jadis  Agrippinus,  évoque  de  Cartba^e. 
pensait  qu'il  fallait  rebaptiser...  Comme  d< 
toutes  parts  on  se  récriait  contre  la  nouveauté 
de  la  chose,  et  que  tous  les  évoques  s'y  o(»- 
posaient,  chacun  suivant  la  mesure  de  s<.g 
zèle,  alors  le  pai'C  Etienne,  de  bienheureux 
mémoire,  pontife  du  siège  apostoiiçiae.  \>\ 
résistance  avec  ses  collègues,  mais  pfa< 
qu'eux  néanmoins;  jugeant  convenable*  et 
semble,  de  surpasser  tous  les  autres  (lar) 
dévouement  de  sa  foi,  autant  qu'il  les  sur- 
laissait  par  Tautorité  du  lieu  (1743).  » 

A  la  tin  du  Commonitoire^^  saint  Vinc-fr: 
de  Lérins  récapitule  les  preuves  que  I- 
ont  fournies  la  Bible  et  l'usage  constant  <t^ 
conciles,  puis  il  ajoute  :  «  Tout  cela  suiti' 
abondamment  et  surabondamment,  sac^ 
doute,  à  l'extinction  totale  des  profanes  r^  u 
vtautés;  cependant,  afin  qu'il  ne  parût  n.-c 
manquer  à  la  plénitude  des  preuves,  tjuci 
que  grande  qu'elle  soit  déjà,  noas  amr» 
rapporté,  en  terminant,  deux  aulorîté»  •!  < 

dils  du  clergé  de  France,  par  le  cardinal  Litt^ 
(1713)  Ch  6. 


Iiî3 


VIN 


ihctionnaire:  apoumetique. 


TIS 


U-4 


>îége  aposioliqae.  Tune  do  pape  Sixte,  qui 
fait  aujourd'hui  rornement  de  l*Egiise  Ro- 
naine,  et  un  autre  de  son  prédécesseur,  le 
?a{ïe  Célestin,  de  bienheureuse  mémoire^ 
|ue  nous  avons  jugé  nécessaire  de  répéter 
.^noore  ici  (1744).  » 

C'est  ainsi  que  TooTrage  du  moine  de 
Lérins  commence  et  se  termine  par  deux 
massages  élogieox  en  Tbonneur  de  la  pa- 
pauté; le  premier  nous  apprend  que  l'évê- 
lue  de  Rome  surpasse  tous  les  antres  éyé- 
juespar  l'autorité  que  donne  à  cette  Tille 
a  pr&ence  du  siése  de  saint  Pierre  (1745)  ; 
e  second  nous  présente  saint  Vincent  qui, 
(près  aToir  cite  la  Bible  et  les  conciles, 
i^irès  avoir  terrassé  l'hérésie  sous  ses  coups, 
ippréhende,  tout  rictorieux  qu'il  est,  de 
«araitre  n'avoir  pas  su  employer  toutes  ses 
irmes.  Qu'a-t-il  donc  oublié,  lui  qui  a  in- 
oaué  les  témoignages  de  l'Eglise  uni  ver- 
elle  et  de  l'Ecriture  sainte?  Pour  quelle 
lutorité  Y  a-t-il  donc  place  entre  ces  deux 
iracles  du  christianisme?  Quelle  est  donc 
ette  autre  parole  sacrée  que  les  fidèles  re- 
;retteraient  de  n'avoir  pas  entendue,  même 
.  la  suite  de  tant  de  ^laroles  infaillibles  et 
livines?  C'est  la  décision  de  la  papauté, 
laint  Vincent  la  donne,  et  se  réjouit  en 
oyant  que  rien  ne  manque  plus  à  sa  triom- 
phante démonstration. 

Par  conséquent,  ce  que  saint  Vincent  dit 
les  |>apes  suppose  en  eux  une  prééminence, 
t  ce  que,  d  accord  avec  tons  les  Chrétiens 
t  les  Papes  eux-mêmes,  il  leur  dénie,  ne 
Duche  en  rien  aux  privilèges  dont  on  croit 
3  Saint-Siège  investi. 

Mais,  si  saintiVincent  attribuait  aux  papes 
uelque  supériorité,  d'où  vient  que,  dans 
a  liste  des  auteurs  ecclèsâastiques  cités  à 
!phèse,  les  noms  des  Papes  Félix  et  Jules 
cnt  sur  le  même  rang  que  les  noms  des 
utres  évêques?  Saint  Vincent  a  mêlé  tous 
es  noms  comme  il  les  a  trouvés  mêlés  dans 
}s  actes  du  concile  qu'il  transcrit.  Je  com- 
rends  bien  que  cette  explication  ne  résout 
as  la  difficulté,  et  ne  fait  que  la  reculer  ; 
ir  maintenant  on  me  dira  :  Pourquoi  le 
oncile  d'Ephèse  n'a-t-il  pas  donné  une  place 
*hoimenr  aux  noms  et  aux  témoignages 
es  deux  Papes,  si  ces  Papes  en  occupaient 
ne  plus  distinguée  dans  la  hiérarchie?  Ce 
lélange  des  citations  ne  peut  laire  conclure 
ue  les  Pères  du  concile  n'admissent  pas  la 
upériorité  des  évêques  de  Rome;  autrement 
i  faudrait  aussi  soutenir  que  cette  supé- 
ioriié  est  inconnue  à  tant  d'écrivains  mo- 
ernes,  même  ultramontains,  aux  doctes 
-ères  Ballerini,  \w  exemple,  qui  citent,  en 
is  mêlant,  les  textes  empruntes  aux  Papes 
t  aux  Pères  de  l'Eglise.  Même  procédé  dans 
ouvrage  de  l'abbé  Barruel  sur  le  Pape  ei 
1$  droUê  (1746).  Non-seulement  les  évêques, 

(I7U)  Cb.  32. 

(1745)  Cml  la  minière  onfinaire  d*iiilerpréler 
^  mois  :  Auctorilaie  toci  êuperabat.  Il  e»l,  d'ail- 
tors,  plus  naturel  de  croire  que  saioi  Vincent  parle 
e  rautorilé  de  Rouie  «^omme  siège  apoilolique  plutôt 
lie  comme  eapiule  de  IVmpire,  puiiM|ue,  dans  tout 
:  paragraphe,  il  u*a  rappelé  des  privilèges  de  cette 


qu'après  saint  Athanase,  après  le  Pape  Joies 
et  d  autres  encore,  qu'il  aurait  dû  précéder. 
Faut-il  en  conclure  qu'ils  ne  connaissaient 
ai  l'histoire  ecclésiastique,  ni  l'époque  où 
vécut  l'illustre  évêque  de  Cartbage?  Certes, 
non;  i!  résulte  seulement  de  cela  que  le  per- 
sonnage charséde  lire  au  concile  des  extraits 
des  anciens  docteurs  cfarétiens  prit  les  ou- 
vrages comme  ils  se  présentaient  sous  sa 
main,  ce  qui  nous  explic^ue  Toubli  de  l'ordre 
chronologique  et  de  1  ordre  hiérardiique 
dans  cette  circonstance. 

Dn  autre  Pape  fut  encore  nommé  au  con- 
cile d'Ephèse,  et  cela  au  moment  où  Ton 
prononçait  la  sentence  contre  Nestorius. 
Voici  comment  on  en  parle  :  «  Forcés,  par 
les  canons  sacrés  et  par  1  épttre  de  notre 
Saint-Père  et  associé  dans  le  sacerdoce.  Ce- 
Icstin,  évêque  de  l*Eglise  romaine,  nous  pro- 
cédons les  yeux  en  pleurs,  disent  les  évê- 
ques, &  cette  lugubre  mais  nécessaire  con- 
damnation (1747).  »  Ainsi,  l'Eglise  univer- 
selle saluait  le  Pontife  romain  du  nom  de 
Père,  dont  l'ordre,  non  moins  puissant  que 
les  prescriptions  des  canons,  forçait  à  déposer 
un  patriarche  de  Constantinople.  Il  est  donc 
évident  que  si,  dans  ce  concile,  les  écrits 
des  anciens  Papes  ne  furent  pas  distingués 
des  autres  documents  consultés,  le-Pape  ré- 
gnant était  regardé  comme  le  chef  du  peu- 
ple chrétien. 

L'auteur  du  CommonUoire^  en  transcn- 
vant  cette  partie  des  actes  de  rassemblée 
d'Ephèse,  na  donc  pas  plus  nié  la  préémi- 
nence pontificale  qu  en  développant  sa  rè^la 
de  la  foi  chrétienne.  En  un  mot,  saint  Vin- 
cent n'est  pas  du  tout  hostile  à  la  primauté 
de  la  chaire  romaine  dans  les  endroits  cités 
par  M.  Ampère,  et  lui  est  favorable  dans 
d'autres  endroits  dont  M.  Ampère  n'a  pas 
cru  devoir  parler. 

VIREY,  nie  Tunité  des  races  humaines. 
Yoy.  Rages  humaihbs,  { I. 

VIRGILE,  évêque  de  Saitzbonrg,  com- 
ment entend-il  la  question  des  antipodes  7 
Voy.  AxTiPODBset  Fanatisme,  §  U. 

VIRGIUSTES,  réfutation  de  H.  Libri  au 
sujet  de  la  persécution  qu'ils  auraient  en^* 
durée.  Yoy.  Sciences,  {  II. 

VISION  de  Bernold,  comment  interprétée 
par  M.  Ampère.  Voy.  Hiugmas,  §L  —  Vision 
deZacharie,  pèrede  saint  Jean-Baptiste  :  peut- 
elle  s'expli«|uer  par  Thaï  luciuation  ?  Voy. 
Hallucination,  f  III. 

VISIONNAIRE;  snint  Paul  était-il  un  vi- 
sionnaire? Réfutation.  Voy.  Paul  (saint), 
apôtre.  —  Les  apôtres  élaient-ils  des  vision- 
naires ?  Voy.  Afôtres. 

▼ille  qne  celoi  de  posséder  la  chaire  et  b  soeeession 
de  saiut  Pierre  et  de  saint  PasI. 

(1746)  BALLEtim,  Devise  rëtkme^maîM»  Homm» 
normm  pomipeum^  c.  15.  —  Voir  le  Coun  eomiUei 
de  TkéoloyU.  par  M.  Migne.  —  BARaou.,  partie  II, 
e.  if,  III,  V.  —  Baillv,  passlin. 

1747)  Lasbe,  ConciL,  Coiicil.  EphcstnttBi,  sctf.  i. 


U75 


ZEN 


OICTIONMAIRE 


VOCATIONSUftNATURELLEderhomme. 
Voy.  Sacrement,  §  II. 

V0IG1\  réfutation  de  ses  erreurs  sur  Gré- 
goire VU.  Voy.  Grégoire  YH. 

VOIX  MYSTÉRIEUSES,  dans  l'hahucina- 
tion.  Foy,  Hallccination,  §  I.  —  Voix  pro- 
phétiques. Ibid.^  §  II. 

VOLNEY,(:ité  sur  la  désolation  de  la  Judée 
ac^tuelie  et  sur  l'accompUssejnent  des  pro- 
phéties concernant  cette <;ontrée.  Voy,  Jldée. 
—  Sur  les  ruines  de  Tyr.  Koy.  PROPHéxiES, 


APOLOGETIQUE.  ZOR  U7$ 

§111.  —  S'accorde  avec  les  prophètes  sur 
fétat  désolé  de  TEgjple.  Ibid.,  %  111. 

VOLTAIRE,  cité  sur  le  dogme  de  i*enfer. 
Voy,  Enfer,  |  I.  —  Cité  sur  rexislence  ds 
Satan.  Voy.  Démon. 

VOYAGES,  tableau  des  voyages  de  saint 
Paul.  Voy.  Paul  (saint),  apôtre. 

VOYAGEURS  MODERNES,  leurs  décou- 
vertes  confirment  les  prophéties  de  PAa- 
cien-Testament.  Voy.  Prophéties,  i\U. 


z 


ZACHARIE,  père  de  saint  Jean-Baptiste, 
sa  vision  peut-elle  être  expliquée  |»ar  la 
théorie  de  l'hallucination?  Voy,  Hallucina- 
tion, §  m.  —  Son  cantique  prophétique. 
Voy.  Note  XV,  §  VIII,  à  la  fin  du  volume. 

ZACHARIE  (le  pape),  dans  quel  sens  il  a 
condamné  les  antipodes.  Voy.  Antipodes.  . 

ZEND-AVESTA.  Foy.  Pentateuque,  §  1. 
—  Obscurité  et  incertitude,  ifrtd,  §11. 


ZODIAQUES  EGYPTIENS.  Voy.  Sculkv 
§  I  et  Pentateuqle,  §  IX.  —  Zodiaques  je 
Denderah  et  d'Esneh,  examen  cri  tique,  Yei 
Égyptiens  §  III. 

ZOROASTRE,  ce  quil  faut  penser  desûo 
antiquité  et  de  l'influence  de  ses  doctrines 
sur  le  mosaïsme  et  le  christianisme  ;  refa* 
tation  de  J.  Reynaud.  Voy.  Mazdéisme  et 
IPeutatecque  §  I. 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


NOTE  X. 

(Art.  Mal,  article  premier^  §  I.) 
PORTRAIT  DE  BAYLE. 


Plusieurs  écrivains  ont  essayé  de  peindre  le  ca- 
raclère  de  Bayle,  ainsi  que  son  cenre  d*esprlt  :  Yol- 
laire  (1748),  d^Aleu.berl  (i  749),  ravocat  général  Joly 
de  Fieury  (1750).  MM.  Picot  (1751),  Pierre  Le- 
roux (175!2),  Franck  (1753),  Renouvier  M75i), 
Buble  (1755),  Tenoemann  (1756),  en  ont  rail  des 
portraits  qui  r.e  se  ressemblent  guère.  Nous  croyons 
devoir  reproduire  ici  celui  que  nous  a  laissé  le  P. 
Porée.  Le  spirituel  Jésuite,  spds  vouloir  rabaisser 
les  immenses  ressources  de  Bayle,  fait  seuiir  avec 
raison  tout  ce  qu*il  y  a  d'injuste  à  tourner  contre 
le  ciel  les  talents  merveilleux  qu'on  a  pu  en  rece- 
voir. Il  est  à  la  fois  impartial  et  sévère. 

€  D'où  viennent  et  comment  se  sont  formés  parmi 
nous  ces  proarès  si  rapides  du  libertinage  et  de  Va* 
théisme?  Il  s  est  trouvé  un  bommed*un  génie  snpé- 
rieur  et  dominant,  à  qui,  de  tous  les  talents  qui  (ont 
les  grands  hommes,  il  u*a  manqué  que  le  talent  de 
n'en  pas  abuser  ;  esprit  vaste  et  étendu  qui  n'ignora 

{>resque  rien  de  ce  qu'on  peut  savoir,  qui  ne  vou- 
ut  apprendre  que  pnur  rendre  douteux  et  incertain 
tout  ce  qu'on  sait  ;  esprit  habile  à  tourner  la  vérité 
en  problème,  à  étonner,  à  confondre  la  raison  patrie 
raisonnement,  k  répandre  du  jour  et  des  grUces  sur 
les  matières  les  plus  sombres  et  les  plus  abstraites, 

(1748)  Picot,  Mém,  tur  le  a  vu*  stède,  Introduct.,  p. 

XXV. 

[1749)  Ibid,,  XXIV. 

1750)  Ibid  ,  t  II,  505. 

1751)  /Md.flolrodiMt.,  xxin. 
^1752)  Encyclopédie  mutelle,  art.  Bayle, 


à  couvrir  de  nuages  et  de  ténèbres  les  principe»  \f^ 
plus  purs  et  les  pius  simples,  esprit  aniquemeat  s^ 
pliqué  à  se  jouer  de  l'esprit  humain,  tantôt  occu}r 
à  tirer  de  l'oubli,  et  à  rajeunir  les  andenoes  er- 
reurs, comme  pour  forcer  le  monde  chrétien  à  re- 
prendre les  songes  et  les  superstitions  du  ok^ 
idolâtre,  tanlùt  heureux  à  saper  les  fonJecneot^  de^ 
erreurs  récentes.  Par  une  é^le  fadlilé  i  sonmi* 
et  à  renverser,  il  ne  laisse  nen  de  vrai«  parée  q^'st 
donne  .à  tout  les  mêmes  couleurs  de  la  vérité;  I9«- 
jours  ennemi  de  la  religion,  soit  qu'il  l'attaqua,  îfd 
qu'il  paraisse  la  défendre,  il  ne  développe  que  p^s" 
embrouiller,  il  ne  réfute  que  pour  obscurcir,  iJ  i^ 
vante  la  foi  que  pour  dégrader  la  raison ,  il  »eiiii- 
la  raison  que  pour  combattre  la  foi.  Ainsi,  par  v^ 
routes  dillérentes,  il  nous  mène  imperee|iitblt»ai 
au  même  terme,  k  ne  rien  croire,  à  ne  rie»  sa^vr: 
à  mépriserTautoritéet  à  méconnaître  la  véri^;  > 
ne  consulter  que  la  raison  et  à  ce  point  fécochT.) 
M.  Pierre  Leroux  s'indigne  d'un  tel  portrait  :  «  te 
homme  qui  aurait  été  sceptique  comme  Bayle  kj'< 
suivant  le  P.  Porée,  pour  le  seul  pliisir  de  ^^^ 

Kmr  l'amour  de  nier  tout  et  de  tool  déiruîre,  seni 
en  coupable.  Nais  cette  accnsatioa  esl-^^tk  vr^r 
ment  fondée?  Jusqu'à  quel  point  Bayle  folril  en  es^t 


(1753) 
Bmfle, 
(1754)  Manuel  de  phUoeoplàewodeTm,^. 
(  1 755)  fftsf .  de  la  pidlosophie.  , .       , 

(1756)  Sa  grande  Hia,  de  la  vhUoiopItte,  eti  tlie»^ 


Ii77 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


U78 


ïc^ptîqne?  Bst-41  juste  île  relier  eomme  on  ke  faîl 
;  »ii jours  :  le  soep^que  Ravie,  rinerédule  Bayle«  le 
^jrrliOiiien  Bayle  (1757)?  > 
'  lit^rau  que  nous  sommes  de  ne  pas  encenser  la 
uacue  de  lia  vie  en  mémi*  temps  que  celle  de  Spiiima  ! 
%u  rcsti*,  les  Jésni'cs  et  les  ullramontains  ne  sont 
[IIS  les  seuls  qui  aient  aot-usé  de  scepticisme  absolu 
es  doctrines  que  Bayle  a  proressées.  Laissons  lé- 
[Mindre  i  M.  P.  Leroux  un  écrivain  qui  n*est  pas, 
^tTt^s,  un  niocalhoiique.  Cest  ainsi  que  s'exprime 
^1.  Frant4i.  dans  le  nouveau  Dictionnaire  des  êcien- 
:€i  philosophiques  : 

<  Son  érudition  était  immense  et  elle  ne  manquait 
:ii  d'exactitude,  ni  Aa  profondeur.  Il  avait  d'ailleurs 
lutant  de  logique  que  de  scierice  ;  c'était  un  de  ces* 
Sommes  rares,  cbex  lesqui  Is  la  mémoire  ne  semlde 
»3S  nuire  au  raisonnement.  Malheureusement  touteê 
-es  forces  sont  dépensées  en  pure  perte^  au  profit  du 
far  tdoxe  et  du  scepticisme  (l7o9).  » 

L«^  professeur  univeisttaire,  afin  de  démontrer 
pM  la  dernière  plirafe  n^st  pas  une  assertion  gra- 
iiiie,  la  fait  suivre  d*ua  exposé  des  opinions  de 
)a\te  sur  la  ibéodioée,  la  cosmologie,  fanthropologie 
M  ia  mélli04le,  tirées  de  ses  propres  ouvrages.  Ce  pas- 
>  'ge  est  uae  curieuse  leçon  pour  ceux  qui  font  de 
histoire  a  priori^  comme  Tont  fait  M.  P.  Leroux 
la  lis  V  ttieyclopédie  nouvelle ^  et  M.  Charles  Renoo  • 
i.T  dans  son  Manuel  de  philosophie  modems  (1759). 
^4  timiiie  et  maladroUe  justification  que  ce  aemier 
-crivaiti  présente  des  internions  de  Bayle  se  trouve 
tMiiplétentent  réfutée  en  même  temps  que  Ls  hypo- 
héses  plus  ingénieuses  de  M.  P.  Leroux  parla  ci- 
aiion  que  nous  allons  faire  de  M.  Franck  : 

€  Toutes  les  questions  importantes  que  la  pbîlo- 
ophie  se  propose  de  résoudre  se  hérissent,  selon 
Uy\e,  d'inextricables  difficultés.  Cette  proposition  : 
lyaun  Dieu,  n*cst  pas  d*une  évidence  inconiesta- 
ple.  Les  meilleures  preuves  sur  lesquelles  on  a 
«utame  de  s*appujer,  comme  celle  qui  conclut  de 
idée  d*un  ôtre  pariailà  son  existence,  soulèvent  mille 
objections.  Il  peut  mène  y  avoir,  touchant  Texis- 
euce  divine,  une  invincible  ignoianee.  A  la  rigueiir, 
DUS  les  hommes  pourraient  encore  se  réunir  dans 
me  croyance  commune  à  Texisiencede  Dieu;  mais 
l  leur  sera  dilficile  de  s'entendre  sur  sa  nature; 
ar  jamais  ils  ne  pourront  accorder  son  immutabi- 
ité  a>ec  sa  liberté,  son  immatérialité  avec  son  im- 
«ensilé.  Son  unité  est  loin  d*étre  démontrée.  Sa 
•rescience  et  sa  bonté  ne  seconc;lient  pas  aisément, 
une  avec  les  actes  libres  de  Thomme,  Tautre  avec 
t  mal  physique  et  moral  qui  règne  sur  la  terre  et 
»  peines  étemelles  dont  1  enfer  menace  le  pé«.bé. 
*es  décrets  sont  impénétrables ,  sen  jugements  in- 
omprébensibles.  Nous  n*avons  que  des  Idées  pu- 
ement  négatives  de  ses  diverses  peifections  (17o0  . 

•  Qu'est-ce  que  la  nature?  Je  suis  fort  assuré 
1761)  au*it  y  a  très-peu  de  bons  physiciens  de  no- 
-e  siècle  qui  ne  soient  eonvenus  que  la  nature  est  un 
hliiie  impénétrable,  et  que  ses  ressorts  ne  soient 
ooiius  qn*à  celui  qui  les  a  faits  et  les  dirige.  Bayle 
e  voit  aucune  cootradiction  à  ce  que  la  matière 
uiâse  penser. 

<  L'homme  est  le  morceau  le  plus  diffic'ile  à  di- 
érer  qui  se  présente  à  tous  les  systèmes.  Il  est  Té- 
acU  du  vrai  et  du  faux  ;  il  embarrasse  les  nalura- 
s&es,  il  embarrasse  les  orthodoxes...  Je  ne  sais  si 
I  nature  peut  présenter  un  objet  plus  étrange  et 
tus  difficile  à  pénétrer  à  la  raison  toute  seule,  que 
t  que  nous  appelons  un  animal  raisonnable.  U  y  a 

uo  chaos  plus  embrouillé  que  celui  des  poé- 
*(1764).     ^  ^  "^ 

{ t7S7l  Enctfclopé^  nomette,  art.  Ba§le. 

i  1758)  Paahgk,  art  Bayle, 

i  1759)  Dans  l'endroit  où  il  parle  de  Bayle. 

<I7G0)  OB^ivret  divers»,  pa»im. 

i  1761)  Dict,hist.  etcril.,  art.  Pi/rrhon. 

i  t7G2|  Objea,  in  lit.  u,  c.  X 


.  c  Que  savons-nous  de  Tessenee  et  de  la  desti:  ée 
des  âmes?  On  étabSit  également,  avec  des  ur^n- 
ments  qui  se  valent ,  leur  maiérialiié  et  I  or 
iinmatérialilé,  leur  mortalité  et  leur  Immortalité.  No- 
tre liberté  ne  nous  e^ t  garantie  que  par  des  rais«)t«s 
d*une  extrême  faiblesse  ;  et  les  principes  .sur  lest- 
quels  la  morale  s*appuie  sont  encore  moins  assurée 
que  ceux  qui  donne»it  aux  sciences  physiques  leur 
base  ebancelanle  et  leur  mobile  foniemenU  Quoi 
qu*il  en  soit,  Thomme  peut,  sans  avoir  la  moindre 
idée  d*nn  Dieu,  distinguer  la  vertu  du  vice.  Souvei:t 
même  un  athée  portera  plus  loin  qu'un  croyant  la 
notion  et  la  pratique  du  bien  ;  et,  sous  ce  rapport, 
Tathéisine  semble  infiniment  préférable  k  la  supers- 
tition et  à  ridolàtrie  (1765). 

4  Que  résuite-t-ii  pour  IVsprit  humain  aes  incer- 
titudes dans  lesquelles  il  tombe  quand  il  médite  ces 
grandes  quistions?  Bayle  nous  dira  bien  des  lèvres 
que  la  suite  naturelle  de  cela  doit  être  de  renoncer 
à  prendre  la  raison  pour  guide  et  d'en  demander  un 
meilleur  à  la  cauu  de  toutes  choses.  Il  nous  donnera 
le  conseil  hypocrite  de  captiver  notre  entendement  à 
'^obéissance  de  la  foi  (1764);  mais  il  ne  nous  auia 
pas  plus  tôt  amenés  k  sacrifier  la  science  à  la 
croyance,  la  raison  à  la  révélation,  qu*il  se  liftiera 
de  Lriser  sous  nos  pieds  le  prétendu  support  sur  le- 
quel ses  artifices  nous  ont  attirés  ;  f  qu%m  ne  dise 
c  plus  que  la  tliéologie  est  une  reine  dont  la  pbilo- 
c  Sophie  n'est  que  la  servante  ;  car  les  théologiens 
c  eux  mêmes  témoignent,  pir  leur  conduite,  qu'ils 
c  regardent  la  philosophie  comme  la  reine,  rt  la 
c  théolrgie  comme  la  servante...  Ils  reconnaissent 
f  que  tuut  dogme  uni  n*est  point  homologuéy  pour 
<  ainsi  dire,  vérifié  et  enrci^istré  au  parlement  su- 
f  prème  de  la  raisfin  ti  de  la  lumière  nature  le,  ne 
f  peut  être  que  d'ut.e  autorité  cbanoelante  et  fragile 
c  comme  le  verre...  (I7G5);  i  son  scepticisme  eLic^ 
lonpnit  tout  (176^).  i 

vous  l'entendez,  bienveillants  commentateurs  de 
Bayle,  son  scepticisme  en reloppait  Iciil/ Etait  C'*.  in- 
conséquence dans  tin  esprit  aussi  di»ii<igi>é?  Nous 
ne  pouvons  pas  le  croire;  et  quanti  on  approfondit 
sérieusement  la  vie  ti  les  opinions  de  Bayle,  un 
s'aperçoit  qu'une  logique  inflexible  dit igea' cons- 
tamment ses  idées.  Buy!e  n'avjit-il  pas  com^  risqu'ea 
sortant  du  bercail  de  l'Lg  ise,on  se  condamne  ordinai- 
rement à  traîner  dorénavant  sa  vie  dans  les  déserts  du 
scepticisme.  Bayle  avait  infiniment  plus  d'esprit  que 
Spinosa  et  Clicrbury,  ses  audacieux  coiuemporains. 
Il  avait  trop  de  vigueur,  de  décision  dans  Huleili- 
gence  pour  embrassi  r  les  vains  fant6m<*s  du  pan- 
théisme et  du  déism?,  lui  qui  n'avait  pas  trouvé 
fondées  les  fortes  preuves  de  la  révélation  divine. 
Quel  est,  je  le  demande,  l'homme  elairvoyrnt  et 
sincère  qui  voudra  sacrifier  sa  vie  et  les  exigenci  s 
de  son  cœur  i  re  Dieu  fantastique  qu'on  appelle 
tour  à  tour  — Cimpératif  cat^orique^  —  religion  na* 
turelle,  ou  la  loi  du  devoir?  Pour  les  gens  d'esprit 
et  de  bon  sens,  on  ne  remplacera  jamais  le  bien 
de  la  tradition,  qui  est  le  Dteu  du  catholicisme.  On 
ne  fera  pas  adorer  l'ombre  à  qui  n*a  pas  voulu  de 
la  réalité  vivante.  Â  ce  point  de  vue,  qui  nous  sem- 
ble le  seul  conforme  à  respérienoe,  tout  sVxpllqoe 
et  s'éclaircit  dans  la  philosophie  de  Bayle.  J'écrirab 
volontiers  sur  les  œuvres  du  professeur  de  Rotter- 
dam :  catholicisme,  ou  uepiiasme. 

Le  rationalisme  de  nos  jours  se  débat  vainement 
entre  ces  deux  pôles  du  monde  moral  ;  mais  qu'on 
n'espèie  pas  faire  illusion  au  bon  sens  de  la  France. 
En  Allemagne,  dans  cette  terre  dassit|oe  des  termes 
moyens,  on  s'efforce,  par  de  prodigieux   cflorts 

(1765)  OBiwret  diverses,  passhn. 

(1764)  Dici.hisi.  efnif.,art.  Fgrrhon. 

(1765)  CommenL  philosoplâque  sur  ces  par.,  etc.  partie 
I,  c.  1. 

(1766)  M.  FaAHCK,  Dîrf.  phil.,  art.  Ffirrhou. 


1179 


DICTIOVXIURE  APOLOGETIQUE. 


l^ 


il*intellîgence,  dé  Jissimier  léviiienu:  soluUoa  da 
terrible  proUi'iM.  En  France,  toate  la  diplomalie  dn 
rati  inalUme  écbone  contre  Tévidence  des  faits.  Qol 
croii  aujourd'hui  sérieusemenl  à  qiii*li|aes  vérilés? 
Oui  a^ii  coDforinéniei.il  â  ses  dociriiies?  Qui  sait 
iMiaOnr?  Qui  ne  Toil  que  le  peu  de  charilé  q:ie 
U  tt^rre  consenra  encore  comme  an  parfuio  du  ciel 
n*esi  pas  le  fruit  Un  soepitcisme  ! 

0*ailleurt«  Thomme  esi-ii  fait  pour  une  telle  exis- 
tetiec?Oli!  non.  Il  y  a  quelque  chose  de  pins  pré* 
deux  et  de  plus  cher  que  la  vie  de  nos  corps,  c'est 
la  Tîe  pure  et  sainte  de  Tàme.  Comment!  Dieu  nons 
aurait  donné  cet  énergique  besoin  du  bien  et  du 
vrai  pour  ne  jamais  le  satisfiiire?  Est-ee  donc  le 
doute  qui  consolera  cet  InTÎncible  ennui  qui  ronge 
riiumanité?  Est-ce  là  le  pain  amer  que  le  ciel  jette 
avec  dédain  à  toutes  ses  créatort^?  Ecoutez  Bayle 
lui-métiie  Oëirir  sévèrement  la  méthode  qui  le  sé- 
para toute  M  \ie  du  catholicisme  : 

<  Pour  peu,  dît-tl,  qu*on  lâche  la  bride  à  la  pas- 
sion de  disputer»  on  se  fait  un  goût  de  ùiusse  gloire 


qnl  engago  à  trouver  tonjours  des  tajeu^  tas- 
tredire,  et  dés  lors,  oa  n^éeonle  pbs  le  Im^  oh 
et  Ton  s'abandonne  è  la  passion  depUMf  ^^ 

Eind  maître  de  subtilités On  ne  saanÉ  ne^ 
dide  ni  ses  soeccaseurs  d'avoir  Int  éecdikn 
capiul  toute  leur  vie,  et  d'avoir  voula  te  dbiî^»t 
par  des  Inventions  qui  ne  tendaient  q«)  eubnis. 
serresprlt.  Eiles  ne  seraient  de  rien  à  b  c«int- 
tion  du  Tîce.  Elles  ne  pouTaient  guérir  éW«é^ 
dut  important,  et,  outre  cela,  elks  a'aviaçtt»  a 
aucune  maniéré  la  eounaissanee  des  vMèt  sféab- 
tives  ;  elles  étaient  beaucoup  plu»  propres  à  b  n- 
tarder....  L*esprit  de  dispute  dégénère fadlenai a 
fausse  subtilité.  Ceux  qui  le  cultivent  toabenàn 
leurs  propres  ptqges  :  et  après  avoir  eataiiufé 
leur  antagoniste.  Ils  se  tniavent  cnaèii  iir». 
pablcsdese  soutenir  contre  les  sophîiB»  qs'ib 

ont  InTculés Celui  qw  n  dit  (17l>i)  qi'a  Unti 

de  contester  on  fait  perle  de  la  vériié,  l'éuiifii 
un  malhabile  homme  (I7G8).  i 


NOTE  XI. 

(Art.  Htthisiie»  §  M.} 
CARACTÈne  DU  UVRE  DE  STRAUSS  (1769). 


l.e  livre  le  puis  menaçant  qu'on 
ait  écrit  depuis  Voltaire. 

(LOUAKDSB.) 

Il  n'existe  pas  de  système  au  monde  qni  personni- 
fie mieuY  l'étrange  génie  du  peuple  allemand,  que  la 
théorie  du  docteur  Strauss.  C*est  un  mélange  in- 
définissable d'audace,  de  péJantisme,  d'éioarderie. 
L*auteur  est  tout  à  la  fois  subtil  et  naïf,  ami  des 
faits  et  passionné  pour  les  utopies  niétaphysifjues 
les  plus  insaisissables.  11  est  profondément  révo- 
lutionnaire avec  loul^  les  apmirences  de  la  can- 
deur et  du  sang-froid  (1770).  Pendant  qu'il  démo- 
lit avec  une  obstination  invincible,  il  prétend  assu- 
rer au  Christianisme  une  durée  éternelle.  La  lo- 
gique des  idées  protestantes  lui  a  tellement  donné 
l'babitudo  du  faux,  qu'il  s'y  met  à  l'aise  eomme  sur 
le  terrain  solide  du  sens  commun.  En  bouleversant 
toute  Thistoire  moderne  dans  ses  bases  les  plus 
profondes,  on  dirait,  tant  il  est  hûr  de  son  lait, 
qu'il  se  borne  à  répéter  quelque  axiome  banal  de 
la  science.  Mais  ou  n'ouraii  pas  compris  l'auteur 

(1767)  S^.ï(ftocc,  épist.  XL?,  p.  2t0. 

(1768)  Nouvelle  anaiwe  de  Bayle,jMX  Dubois  de  Lao- 
if  AT,  dans  les  Dém.  év.  àe  M.  Htgtie,  YI.  et  dans  le  DicL 
de  Bmâe,  art.  EwAide,  note  £. 

(1709)  Extrait  de  la  défeme  dn  Ckriêtàaniâme  /lisl.»  par 
M.  Tabbé  Cuassay. 

(1170)  c  J'ai  trouvé  en  lui.  sous  ce  masque  du  destin, 
lin  jeune  homme  plein  de  candeur,  de  douceur  et  de  mo- 
destie, et  une  âme  presque  mystique  et  comme  attristée 
du  bruit  au*elle  a  causé.  »  (£.  Quihbt,  Allemagne  et  Ita- 
lie,  u,  555. 

(1771}  I  C'est  une  diose  propre  à  rAllémagne,  que  ce 

Senre  d'impassibilité.  Les  savants  y  ont  tellement  peur 
e  toute  apparence  de  réclamation  qui  pourrait  déranger 
l'assiette  de  leurs  systèmes,  qu'ils  tomcent,  à  cet  égard, 
dans  un  défaut  opposé.  Ce  que  la  rhétorique  est  pour  nous 
en  France,  les  formules  le  sont  pour  les  Allemands  :  une 
prétention,  qui,  changée  en  habitude,  Gnit  par  devenir 
naturelle;  ils  prennent  volontiers  dans  leurs  livres  ta 
figure  ineiorable  de  la  latalité  sur  son  siège  d'airain,  i 
(Ë.  (juwBT,  Allemagne  ei  ïuUk,  u,  552.)  —  Cependant, 
malgré  la  aravité  qu'affecte  de  garder  coiistanunent  l'au- 
teur de  làVie  4e  Jénu,  il  est  impossible  de  ne  pas  re- 
coBuaitre,  sous  les  formules  imposantes  de  la  scienee,  le 
sourire  sardoolque  de  l'école  voltalrienne.  <  U  se  Joue, 
dit  le  docteur  Ilagéli,  de  ce  qui  est  sacré  aux  yeux  dn 
prochain,  avec  un  air  de  gravité  que  personne  ne  s'était 
ucore  permis  avant  l*ii  ;  mais  il  réussit  mal  à  cacher  le 


de  la  Vie  de  Jéiue  tout  entier,  si  l'oo  ae  se  rei- 
dait  pas  bien  compte  de  celle  iosensibiliié  qui  k 
regrette  rien  des  croyances  les  plus  cbéret  H  le» 
plus  respectées  (1771).  Voltaire  a  besoio  de  colè>t 
pour  maudire  l'Evangile  ;  Rousseau  pleunit  q«l- 
quefois  an  pied  des  saints  autels .  mais  il  d'j  a  ji- 
mais  dans  TAme  du  professeur  allemand  rien  fit 
rappelle  la  douleur  ou  la  haine.  Le  monde  mn\ 
s'écroule  autour  de  lui ,  sans  ^u'il  parais»  ù- 
percevoir  que  i  le  vide  ne  se  fait  pas  impaBénoi 
dans  la  conscience  dn  genre  humain  (lîfTf).  > 

Sous  les  dehors  d'une  modestie  d'eoipniot  g. 
sous  les  formes  arides  de  son  langage,  il  noi  pas 
difficile  de  saisir»  dans  Paoteur  de  la  ri>  de  iis»u 
un  dernier  trait  de  caractère.  H  est  évideot  qiJ 
professe  pour  lui-même  et  pour  ses  propres  peib» 
une  admiration  C|oi  n'est  pas  sans  qui^oe  taÂxe.t\ 
mais  c'est  en  valu  que  la  nouTtlle  exé^  se  fdt- 
cite  d'être  pour  amsi  dire  le  dernier  mot  de  ^ 
science  et  comme  le  résultat  nécessaire  du  p^» 
des  idées  (1775).  U  y  a  bien  des  sîèdes  que,  «» 

satyre  moqueur  derrière  ce  large  et  vaste  mMbv  <^ 

ravité  philosophique.  Loi  qui  se  complaît  crimineilnni 
élever  des  doutes  sur  la  naissance  céleste  da  rm  ^ 
l*homme,  lui  le  eontempteor  des  mlrades,  cet  hoane  » 
pudent  a  pourtant  le  noot  de  dire  dans  sa  pré&ce  :  U 
miêêonce  sumaiureUe  du  CkrieieMt  mmUtnét  ftnU.  l» 
grand  nombre  d'expressIoDs  et  de  toomnres  xnMastA^ 
sacrilège.  C'est  avec  dégoût  que  le  lalqne  Ini-aiéBC  uiu 
semblable  catalogue  de  tun>itudes,  en  eiprin»^  -^ 
même  temps,  le  désir  que  le  lecteur  chrétien  pastf  o«^r* 
Ceux  qui  ont  osé  recommander  un  tel  sujet,  coane  x,^ 
à  faire  progresser  les  hautes  études,  les  liront  sa»  i*** 
gir,  s'ils  le  peuvent.  »  (NAoéu,  Parele  dr^Hléftimli 
chrislologie  commune  à  Bégel  et  à  Sfrauts,  p.  ^i  lJ^ 
1836.) 

(1772)  Ces  remarquables  paroles  sont  de  IL  Cossia. 

(1773)  Cette  préteniion  est  solidement  rcnrerséj  p 
Ilofmann  dans  1  Introduction  de  son  livre  contre  Sns» 
c  Strauss  se  pr^nte,  dit  Tbulock,  avec  b  o"^^ 
que  le  chrislwttMme  eA  jugé  par  Caeprk  é$  kmft^  uf 
cette  persuasion,  il  frappe  à  droite  et  àgiack^^^' 
toujours  ces  phrai^es  à  la  bouche  :  Opônsn  aidmw^ 
friperieê  de  Vandeme  erfhodouae ,  unertfsw  éi^Êm 
de  caractères  êctentifiques;  ta  raîanu  anirif  de  tanf^ 
que,  etc  11  ne  pense  pas  que  toate  erreur,  Murri  ff  »| 
soit  épidémique,  reçoit  toujours  te  uom  nouDalw  ^ 
Raison! 


iM 


HOTES  ADMTIONNfiLLEHi 


I4M 


-s  écoles  de  VEgfpit  ei  de  la  Syrie,  les  esprits  lé- 
léraires  qui  se  aiialifiaiem  em-néiiies ,  avec  em- 
base,  d«  mmi  de  sawanu  par  eicelleace ,  lévcivBt 
insi  tmt  pvéïendae  réforme  dn  chrisUanisaie.  Le 
anthéuiBe  élaii  preM|«e  tomoars  la  base  de  kara 
péoiiatieas  cfaiâériqoes  (1774).  Us  élaieai  aassi  p 
omae  la  noaveile  éÎDDle ,  scandalisés  de  h  nat»- 
aoce  ci  de  la  croii  do  SaoTeor.  Us  eflaoèfcni  d'ua 
rail  de  plnmCt  de  Thisloire  de  sa  vie,  sa  crois 
omone  son  beroeaa.  Us  déJaignaienl  te  sinplkiié 
aive  et  la  eandeor  pnérile  des  Chrétiens  vulgaires. 
jt  ckrisiîanîsflM  bistoriqne  élaii  panr  eus  un  tissa 
ragile  de  légendes  polaires.  Ibis  Dien,  dans  la 
rotonJii  de  ses  dcssans,  a  choisi  ce  que  nui- 
sit le  monde  poor  confondire  la  pnissanee  des  forts 
I  r^^rooTer  ta  prndcnce  des  savanU  (1775).  Le 
hrisiianisme  faosii^nc,  on  innscendeniil,  n'a  pas 
aincn  le  monde ,  U  s'csl  évanoui  comme  nn  rêve 
éoébrenx  aptes  le  triomphe  définitif  de  la  vérilé 
Istoriqne.  Celte  victoire  gni  a  dominé  loot  le 
noode,  c*ca  notre  fol,  la  foi  qne  les  apôtres  ont 
léchée  à  ronivcrs,  qulls  ont  seeUée  de  leur 
»ni5(l776). 
Lfie  des  prétentions  qni  se  moniie  le  plus  son- 
eot  encore  dans  Tandaciens  professenr,  e*est  de 
réseiii^  h  la  science  eonlemporalne  on  système 
éfinitif ,  qui  échappe  lout  à  la  fols  aux  incooTé- 
iefibE  de  forthodoxie  et  ans  embarras  Inestricahlea 
^  ritiifrpréiation  naturaliste,  il  sembbit  qa*U  ne 
jkt  pas  possible  de  trourer  de  mUieu  entre  la  foi 
nx  faits  miraculeux  du  christianisme,  et  une  hypo- 
hése  qui  voulait  les  expUquer  comme  des  événe- 
nenis  natnrelr.  La  théologie  protestante  croyait 
ire  à  bout  de  sa  fécondité;  elle  croyait  avoir 
rouvé  les  eofonnes  d'Hercule;  elle  pensait  avoir 
lé  pour  réiemilé,  dans  un  dilemme,  le  prêtée  de 
mrit  humain,  liais,  en  temps  de  révolution,  il  est 
iiflicîle  d'imaginer  Favenir  et  de  le  mouler  sur  le 
nssé.  U  se  produit,  dans  les  idées  comme  daiu 
BS  faits,  de  ces  combinaisons  étranges  qui  déooi»- 
ene»t  toute  b  politique  des  partis.  Un  Jour,  le 
kMÎmir  de  Tobingue  vient  se  pîaeer  sur  la  frontière 
les  deux  écoles  :  c  Vous  avez  rason,  dit-il  aux 
ns,  de  croire  goe  rhistoire  de  r  Evangile  ne  ren- 
rrme  ni  miracles,  ni  mystères.  Vous  n'avex  pas 
on,  dit-il  anx  antres,  de  trouver  qu*on  a  mal  expli- 
|oé  ces  faits  endiarnssaiils.  Les  deux  partis  imt 
aiioa  dans  leur  nteilon;  mais  ils  se  tiompent 
es  qn'iU  afifUMoL  La  critique  est  plua  fadie  qne 
art.  La  christianisme  est  une  chose  as^x  sérieuse 
our  qu*OB  ne  s'en  débarrasse  pas  par  des  hypo- 
bèaca  avenlaiées.  Nul  n'a  trouvé  jnsqv*ici  le  dé- 
iitt  de  la  cuirasse  du  géant.  Les  explications  laites 
IqMb  dix-huit  siècles  n'ont  rien  expliqué;  c*est  a 
ions  qae  cette  gloire  est  réservée.  >  u  se  pose  doie 
icrement  entre  les  deux  camps  rivaux  comme  un 
nédialeur  suprême;  U  essaye  de  concilier  les  deux 
lariis  contraires,  en  les  traitant  Ton  et  Pautre  avec 
in  impnrtiel  dédîaio.  U  est  vrai  qu*U  met  en  pous- 


sière les  inlerpréutiooa  loot  à  la  fois  liiaises  e^ 
savantes  de  l'éenle  dn  docteor  Panlus,  reproduite* 
presqoe  toutes  par  les  médedns  français  qni  on' 
attaqué  le  christiaoifme  (1777).  Celle  partie  do 
sim  livre  foonûra  aux  défenseurs  de  TEvaiigile  des 
armes  irés-forteiuent  trempérs.  Mais  s'eitfuit-il  qtm 
son  système  soit  au  fond  difiérent  de  rinlerpréla- 
lion  nainraliste?  Cette  dillérenee  est  pIntiH  appa- 
rente que  profonde.  Qtt<?Ue  est,  en  effet,  la  tendance 
perpétuelle  de  Tex^ése  naturaliste?  N*esl-ce  pas« 
par  nue  intcrpréiauon  particulière  tirée  d*on  exa- 
men minulieux  du  texte  sacré  «  d'élîmiuer  tous  lis 
élémenu  surnaturels  de  la  vie  du  Sauveur?  Or  » 
Stransi^  préiend-il  pas  aussi  tirer  de  Pexamen 
même  de  ces  textes,  et  des  difficultés  qu'il  y  ren- 
contre, la  preuve  qu'ils  n'ont  pas  de  vakur  histo* 
riqne?  Loin  d*abandonner  les  fansesde  b  méthode 
naturaliste ,  il  la  complète  et  rexa^ère.  Son  scepti* 
dsme  est  plus  ardciit  et  phn  décidé;  sa  malveil* 
lance  est  plus  rude  et  moins  dissimulée.  U  dédaigne 
les  cauidenses  précauJons  do  ceruins  interprètes, 
liais  pourtant,  esKt  quil  ne  ramasse  pas  dans  la 
fNWssiére  les  armes  déjà  rooillées  de  l'exégèse  na- 
turaliste? On  conçoit  qne,  dans  rintérèt  de  sa  gloire, 
U  ait  désiré  paraître  s'écarter  des  traditions  d'une 
école  décriée  par  ses  Insipides  imacinalions.  Mais 
sous  l'ample  perruque,  le  chapeau  a  pluosea  et  les 
iMBuds  de  runns,  l'œil  malin  do  peuple  reconna!| 
toujours  le  bourgeois  gtniilhomme.  Quand  le  doc* 
leur  de  Tubingue  rient  nous  vanter,  dans  son  /n» 
troduaiam,  rimportanee,  la  profondeur,  la  supério- 
rité de  son  système,  j'ai  envie  de  lui  crior  avee 
Molirre  :  Vous  êtes  orfèvre,  monsieur  iosse! 

il  nous  est  impossible  encore  d'accorder  à  Fan- 
tour  de  te  Ftf  deJism$  l'épithèle  glorieuse  de  ifaéOi' 
logien,  qu'il  a  reçue  de  son  écofe.  il  est  bien  vrai 
qne  le  rationalisme  donne  I  ses  partisans  dévoués 
les  titres  les  plus  sonores  et  les  plus  ronflants.  U 
parait  que  c'est  en  AUemagne  comme  en  France. 
Cette  taâique  est  bonuCt  parce  quVUe  a  loujoura 
réussL  N'appelle-t-on  pu  ches  nous  Spino&a  un 
ikiolopen  de  preaner  ordre,  et  Tauleur  à'Âmphi^ 
iryom  un  momiêU  f  Lfs  disaples  de  rédeetismo 
iw  se  procbment-ib  pas  dans  loun  ttvres  Ls 
hommes  las  pfau  spirituds  et  les  plus  savanu  do 
ce  pysde  France?  liCS  organes  du  socialisme  In 
phis  stupide  ne  se  déclarent-ils  pas,  tous  les  jours, 
geitt  d'esprit,  maigné  réridence  gui  proteste?  Et 
cela,  dans  la  patne  de  L.a  Bruyère  /i778)!  Les 
masses  qui  ne  réfléchissent  guère,  même  oepuis 
Deseartes  et  Leibniu,  ace^tent  avee  une  étran|e 
nai^eié  toutes  ces  vaines  iUusioos  du  chariata- 
nisnm  rationaliste.  Un  des  adversaires  de  Strauss, 
le  docteur  Barless,  s'étonne,  avec  une  snmise  qni 
n*esl  pas  loinle»  de  voir  le  nrofessonr  de  Tubinguo 
et  son  école  se  déclarer  tkMagiemê,  U  leur  refubo 
imtinment,  sans  la  moindre  hésiuiion,  lasciencn 
des  choses  dirines  (1779).  U  est  probable  que  s  a 
venait  à  lire  le  magnifique  éloge  que  M.  E.  Qmnet 


(1774)  Cfr.  DonusMia,  Origûm  du  cftriifiantimf,  I; 
-  BLâsc,  Ttéiud^kkimre  ecdénatiiqme;  —  Auoc,  Bu- 
nre  wmrtneUe  de  VE^bte,  f  ;  Matiu,  art.  Gnosfîamie, 
ans  le  Pictfounatrfdes  fdrncses  phiiûêoptùqme». 

(1775)  c  Qoie  slolU  sont  mandi  etegil  Deos,  ot 
imftindal  sapienles;  et  tofimia  noondl  eleglt  Beos,  ut 
>nruik(lit  fortia;  et  igaobilia  inundi  et  eootemptibilia 
itvil  Devs,  et eagoc non  suai,  ui  ea qiw suol destnie» 
iu  è  {I  Cor.  I,  ti,  28.)  —  c  tbi  sapiens?  tbi  scribaT 
bi  oonqaîsilor  bnîns  necoli?  Nonne  stultatn  lecît  Ueus 
ipteniura  huias  BaDdiT  t  {Ibid.,  20.) 

MTTG)  El  hite  esf  wkwria  qmt  wmck  mandum,  fida 
ifira.  il  Joan.  v,  4.) 

nn]  MM.  Vinsy,  Cabneil,  Semai^eon,  etc.,  et,  en 
thon  de  la  Facolté  de  médecine,  Euaèbe  Salverte. 

•  1T76)  Cfr  La  ^imrtkMm,Ctmieiéres,  radmirable  chapitre 
«^  ftpriu  forfi. 

(XTi^)  <  lue  certaine  dose  de  plélé,  dit  WGauUe 

DiCTio55iinE  4roM>f>tTiQce.  IL 


étangéHqu  de  Berim.  avait  para  jasau*aloffs  il  neeesi^re 
à  an  ihéologîeD,  que  celui  qoi  en  était  dépourru  cher» 
ehoit  à  s'en  parer  hypocritement.  Kout  reneonlrona  ici 
l'eilioction  la  ploseomplète  de  Umlsealiaienl  des  choses 
divines,  et  l'anieor  se  bt  oièaie  gloire  de  ce  défrat,  jus- 

3 n'a  le  oon^dérer  comnie  ee  qui  le  diuingue  entre  tant 
'autres  qu'il  avooe  lui  être  sopérieure  en  iasiroction. 
Sirao  s,  et  ce  n*est  p»  peu  dire,  est  aossi  exempt  de 
préjagês  religieax  qn  il  est  rempli  de  préventions  inétl- 
gieases.  Il  aiJaqoe  avec  calme  et  sang-Aoid  Tolnt  da  Sel* 
gneor,  saos  être  Unidié  k  faspect  de  millions  d*lndi«idas 
qui  étaient  et  sont  encore  pnjsternés  devant  lai.  Cette 
larme  de  Iristesse  qoe  répand,  en  se  détachant  d'un  ami, 
quicoDqoe  a  un  cœor  sensible,  parce  qo*il  croit  s'être 
trompé  sor  loi,  ne  s'ècbafipe  pas  même  de  ses  vent; 
pourtant  qoel  ami  n'abandonne-l-il  pas  et  ne  flbale-l-i| 
pas  aax  pieds!...  i  {fj^  U  Jf  Sirimu  et  ses  advtruma» 
var  M.  l'abbé  CnAssAv.) 


im 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQIT. 


ni 


Uh  ^9  t^'^nir  ihh'tnpiw^  (t'^j  àft  IHub  ci  été 
HMétrmj^iter  /l7Sf  f.  le  éitettmr  JTriaa^ni  Mnil 
he§oin  &e  fmil  utn  te^peet  pour  reMeignemaM  mh 
pémvr  d«  CoDéye  de  France,  aio  de  ne  pet  bisier 
l»»HM»r  «or  Kf  lèvre»  qeelqse  loerire  defcepci- 
df  me.  Il  lui  foeértit  t«Mi  te  rappeler  t4Mrte  ta  iré- 
iMéraiNMi  povr  noire  Ecole  iNHvale,  qa^nA  il  liraH 
aree  qoelqoe  tnrprite,  é»n»  sn  arliele  de  M.  Saftaet, 
i|iie  le  livre  de  tHrat»t  f  ti  hêm  «ne  oevvte  on^v- 
na/e  (1792).  Ce  tout  de  eet  ebotet  qu*oa  éproMre  le 
betoin  de  faire  remarquer  plci«ie«rs  foit,  lani  elles 
toni  propret  à  noot  inttnrire  de  BOire  véritable 
•itoaikm  è  fégard  de  eerutat  bOBiMt  cf  d*aiie 
certaine  éeole. 

Il  D*ett  pat  tt  Bînee  penteor  qui,  aprét  avoir 
foulé  am  pieds  la  eruli«  devant  bqoelle  t*iiieli- 
nèrent  saint  Aupstin,  Newton,  Bossoef,  Pascal  et 
Leib:iitz ,  ne  s'imagine  marcher  à  ravaat-f  arde  de 
rhainauii^.  M.  E.  QoinM  dttail  k  ses  auditeurs  du 
Collège  de  France  :  On  pourra  krifer  cette  chahe^ 
mais  an  ne  tous  bruera  pms,  vous^  et  ma  parole  vi'- 
tra  en  vous!  Ne  diraîi-on  pat  que  le  nouvel  Evan- 
gile, prèrbé  par  Tauteur  de Proai/fAée ,  va,  porté 
sur  les  ailet  de  feu  du  libre  eiamen,  voler  jusqu^aus 
esirémitétdo  monde?  On  doit  b'en  pensier  quVn 
n*ett  pas  plus  modeste  dans  une  chaire  proieslante, 
qn*on  ne  Teet  au  Collège  de  France.  Strauss,  eu 
effet,  prétente  ton  tvtfème  comme  IVxpretsron  la 
plot  complète  et  to  plut  déddée  de  bi  pensée  tbéo- 
fogique,  et  comme  dettinè,  à  caute  de  cela,  è  faire 
avancer  la  tociété  chrétienne  dans  let  volet  glo- 
Heutet  de  Tavenir.  Quel  ett  cependant  le  livre  de 
Btraust?  On  simple  écho  de  Tavertion  ^ue  le  ratio- 
nalisme a  conçue  pour  la  Bible.  Se  laitter  entrai- 
ncrain^l  par  let  préveDCiont  éC:oiles  de  ton  èpoqnr, 
eti-ce'lli  véritablement  constater  son  génie?  Il  fut 
«Il  temps  où  Ton  croyait  montrer  un  goftt  très-pur 
en  mesurant ,  d*on  regard  dédaigneux  et  distrait, 
Notre-Dame  de  Parit  ou  la  flèche  de  Strasbourg. 
i}fiand  Maimonttfl,  Palittot,  La  Harpe,  M. 4.  Cbé- 
«lier  compotaient  leurt  court  de  littérature,  on  eût 
pflfttè  p'nir  petit  esprit  en  adminnl  la  Dhine  Corné-' 
tite,  il  y  a  plot  d^analogle  qu*on  ne  le  croirait 
irabord  entre  let  prévenilont  rationalittet  et  les 
préjugés  lltlétairei  :  toute  manière  fiiunse  crenvita* 
ger  let  faits  ou  les  idées  repote  en  dernière  ana- 
lyse sur  un  point  de  vue  metqutn  et  borné.  Or; 
tellet  tont  les  préoccupationt  du  tiècle  par  rapport 
à  la  Bible. 

M;iii,  de  toutet  let  prétentiont  de  Straust,  celle 
qui  nout  révolte  le  plut,  c*eti  qn*il  alDrme  n'être' 
pat,  comme  nout,  dominé  dant  Tétude  de  TEvan- 
gile  par  det  préjugea  qui  déterminent  à  Tavancc 
toutes  cet  conclutions  nistori<|ues.  Or,  il  ett  évi- 
duit  pour  tout  obtervateur  attentif  qu'il  ferme  To- 


à  In  voadrs  lûfs  les 
lieu  de 

as*ffcrceri 
la  vie  de  Jcms  par  b 
les  pjfilogiimfi  les  plus  c 


mil  apporta  à  Fciamw  des  E«atpk» ksmVkt^ 
de  trouver  le  moyeu  de  eautrsiflr  IcmaMnié.  U 
des  adversaires  de  Sinus,  k  dactnrlbtff,! 
montré  pur  quels  procédés  la  Muvdte  n£pe<v  pé- 
è  uau  bat  :  p'émcriiuiita  leitteuf . 
tiens  saas  teéemcac,  etalimMMtiU- 
îraires,'  esagérutiou  des  diflmuccs  rt  des  iiol- 
lés;  elle  évite  let  CKpHraiiuut  les  fm  vm^,ûc 
emploie  des  sophismes  de  louie  oyéce,  dk  xvk 
daus  rEvuigîle  ce  qui  bu  a*y  irtavc  ^.  dk  ir 
mutile  outrageuteuMUl.  Kluiber  décbie,  afrs  r« 
numération  de  CtS  crrtnrs  capiiales  t:i  sntcM 
mythique,  qull  est  sans  eiemple  qa'aa  fojttU> 
rlque  ait  jamais  été  Iraiié  caume  Sumss  a  nvi- 
sage  \à  vie  du  RÀ!cin|iuur.  B  ae  croh  »itiin>«. 
après  avoir  cooslaié  plusieurs  aatret  défauu  ivm 

Kives.  è  reprocbrr  à  Strauss  det  van  eNitafi 
ruées.  Il  bit  remarquer  (]ue  let  ibèolo^rH  é^ 
cette  école  ne  tont  pas  exigeants  ea  fait  de  prcim 

aoand  il  s'agit  dVpinioas  couforaiet  à  lein  ta- 
ances  secrètes.  Strauss  a  nié  la  penonialiiétlr 
Dieu  et  l'immortalité  des  ime»  (1785).  On  i  fe 
droit  de  t^étonner  que  des  bommet  qui  yiUnni 
aussi  facilement  des  hypothèses  laUeaieitiCDiitnim 
à  la  raison  et  à  la  tradition  tout  à  b  fois,  MttR- 
procheut  d'aeeepter  Jétos-Chris*,  saas  arcir  ^  «) 
divinité  det  preovet  tolidct  et  convaiocanics  !  (t^Si* 

Avant  de  patscr  à  rexamen  de  la  dociri&e  eni- 
vre de  Straots,  une  quettion  se  prétente  luiorf  ISe- 
m<*nt.  L'apparition  de  la  Vte  de  Jésus  peci-eil^  t<f 
conti  lérée  comme  un  malheur  pour  la  ons^deU 
révélât  on  chrétienne?  L^iisuint  parler  sor  twi  ft>v 
lion  si  grave  un  des  hommes  les  phis  éaiineau  ^ 
^E)^lt^e  luthérienne  :  c  11  est  heur<.us,  dit  ieccicite 
hiiloriea  Léo,  que  le  ratiônaîisme  ait  eafin  tep^ 
ce  degré  de  subtilité  qu^on  trouve  mûitenam  du» 
Vatke  (1785),  et  dans  Strauss,  et  qui  maactk 
ruine  tout  le  t}  ttème  de  la  ihéobigie  chréiieaBf.  % 
connali  enfin' la  racine  de  l*ârbre,  on  peut  don 
poiter  la  hache.  Hais  ï  qvoi  servira* lii  à  »<>^ 
théologie  chrélicmie  devoir  complètement gtp^^* 
procès  dans  quelques  dizaines  d'amiées,  â'i^«' 
remporté  la  victoire  contre  la  dësorganisailoo  «iat* 
les  règlent  les  plus  élevé.rs,  si  §es  adversairemKi- 
.dant  la  duiée  du  comt  at,  se  vaute.it  bautfmetf  de- 
vance de  bOn  issue;  s*ils  lépandoRt  daas  lesi^i»^ 
populaires,  incapables  de  les  juger,  des  dissertiiMûi 
scientifiques  (1886).?  i 

Le  ducletir  lUrless  partage  celte  opioioi.  I^ 


(1780)  Eu  France,  nous  sommes  trop  sosvenl  dupes 
de  6C8  sortes  de  complimenls  d'amis.  Ecoutons  ce  que 
pen^e  de  l'^ruditior  tl  vantée  de  Strauss  la  Catetie  évath 
yéliaue  :  c  il  est  ioconcevable  que  Ton  puisse  louer  si 

Scnuralement  ot  si  généreusement  l'auteur  sur  son  éru- 
ilioo.  Quiconque  a  la  sagacité  du  D' Strauss  et  un  vade 
tnecum,  comme  les  CoinmenUiires  de  Panlus  sur  le  Nou- 
veau Teitatnent,  les  moyens  de  se  procurer  la  foule  des 
ouvrages  qui  y  sont  cités,  ou  des  amis  pour  les  lui  prêter, 
peut  a  diiaque  instant,  et  sans  aucune  préparation  scien- 
tifique, procéder  à  la  composition  d*un  ouvrage  qui  pa- 
raîtra aussi  savant  que  celui  dont  nous  nous  occupons,  i 
iCtt  Le  V  Strauss  et  ses  adtersaires,  les  revues  et  les 
brochures,  ui.  ) 

(1781)  Crr  £.  O^i^n^*  Àttetnagne  et  Italie,  u,  De  Téiat 
du  christianisme  en  Allemagne. 

(1782)  c  Nous  entendons  dire  que  le  livre  de  M.  Mi- 
chelet  {Le  Trétre,  la  Femme  et  la  Famille)  est  hardi  : 
nullement!  ccsl  faible  et  violent  qu'il  faut  dire.  J'appelle 
hardi  un  livre  comme  le  Traité  Utéoiogico^politiqitef  où 
des  idées  vraiment  neuves  sur  la  religion  sont  appuyées 
sur  une  critique  pruroiide  des  saintes  Ecritures;  j  appelle 
liardi  un  livre  comme  la  Vie  de  JémSy  du  D'  Strauss... 
#û  une  ^'blTlo^  pomb  et  sqluib  est  mise  au  service 


d'une  CONCEPTION  originale,  i  (Saissct,  lUvrn  daPa:' 
Monacs,  1841,  597,598.) 

(1783)  Cfr  Strauss,  Dogmatique  chréliewteistaBts» 
la  science.  ,  , 

(1784)  Cfr  le  chapitre  sur  le  Vf  Klaiber,  dios  u  • 
Strauss  et  ses  adversaires. —  Un  autre  ihéologiffi  *- 
mand,  dans  un  ouvrage  qui  contient  plusieit?s  flbj*^'«; 
très-fortes  contre  le  système  tic  Strauss,  ^^^T], 
écrivain  ne  manoue  pas  de  foi,  mais  qu*aa  liea  ft^'** 
la  voix  de  la  tracliiion  chrétienne,  il  accepte  r^,'^ 
docilité  servile  les  inspiratioos  de  sou  maitr?  Hv 
(Cfr  Hoffmann.  Examen  de  la  Yk  deJiaa,  />f* 
fion.)— Le  D'  Slcudel  qirt,  après  av<ilr  èic  W  pr»fr* 
de  Strauss,  a  le  premier  pris  la  plume  po«r  le  o«w  ' 
fait  remarquer  que  la  prétendue  Impartiafil^*!*^'' 
n'est  autre  chose  qu'une  Iégèrei6cwopablr,fla^***' 
superbe  pour  des  convîctious  qui  Iboi  la  Ibfte  vr* 
la  consolation  d'un  si  gran  J  noinbn»  tTiaieiw  i\fr  ^^ 
Réflexions  pour  ^appréciation  de  ta  base  kki^'^  * 
myUû(iue  de  la  Vie  de  Jésus,  e4e0  • 

(1785)  Valke  est  un  des  plus  tèlcbrw  yht^^^ 
Fentateuquo. 

(1786)  Cfr  D'  hio,  dans  U  D*  Stfiut  K  «i  ^* 
jsaires. 


U9S 


NOTES  ADDITISONNELLES. 


ligG 


Jïire  effrayé  comme  Grûlicb  (1787),  de  rapparition 
de  roovrage  de  Strauss,  il  en  est  plotôi  saiisfaît.  On 
iwt  en  efrt  mainienant  dans  qoel  abtme  profond  le 
raiionaiisnieTeui  entraîner  les  esprhs.  Le  temps  des 
rêiiceDces  perfides  o*  est  déjà  plus*  Les  adversaires 
(kl  christianisme  ont  Jeté  le  masaiie  qui,  si  loas- 
Wnps,  cacha  leurs  traiis  odieui.  Ils  atooent,  à  la 
face  du  soMi,  leurs  espérances  ainsi  que  leurs  pré- 
leoiions.  Cest  an  christianisme  même  qu*ils  en 
veoleni,  et  tant  oue  Tétendard  du  Gruciflé  sera  de- 
Itout  au  milieu  de  notre  Europe  civilisée,  ils  ont 
juré  de  combnUre  jusqu*aa  dernier  de  ses  défen- 

Vaihinger  regarde  aussi  comme  ua  bonlieur  que 


les  adversaires  de  la  foi  cbrélienne  soient  poussés 
irréiiistiblempnt  dans  les  abîmes  du  scepticisme  bis<- 
tori<^oe.  La  guerre  hypocrite  et  sournoise  qu'on  fai« 
sait  a  la  révélation  prend  enfln  le  courage  de  ses  ac* 
tes  et  de  ses  doctrines.  Obligées  de  choisir  entre  le 
ekniiiamime  et  le  p^rrhonhme  le  plus  absolu  dans 
l'ordre  des  faits,  beaucoup  d'àmes  reculeront  à  la 
pensée  d*une  si  étrange  déraison  (I78S). 

c  L'oovragfi  du  professeur  de  Tubiiigue,  dit  avee 
raison  un  écrivain  juif,  a  surtout  uu  grand  sens 
comme  dernière  eipression  de  Tesprit  du  protes- 
tantisme. La  réforme s*étail  fait  illusion  h  elle-même, 
en  se  croyant  a»  mouvement  tout  chrétien,  un  re- 
tour pur  et  simple  aux  doctrines  évangéliques  (i789)» 


NOTE  XII. 

(Art.  Mtthisme,  §  IX.) 
ORKilNALIïE  DE  L'ÉVANGILE.  D'APRÈS  JOSEPH  DE  MAISTUE. 


c  Aucune  institution  dans  Funivers  ne  peut  être 
opposée  au  christianisme.  G*estpoor  chicaner  qu^on 
lui  compare  d*atttre8  religions;  plusieurs  caractères 
frappsnts  exclu6«it  timte  comparaison  :  ce  u*est  pas 
ci  le  lieu  de  les  détailler;  un  mot  seulement,  et 
:t$i  assez.  Qu*on  nous  montre  une  autre  religion 
ondée  sur  des  faits  miraculeux  et  révélant  des  don- 
nes ineompréhenslblesy  crus,  pendant  dix*huit  siè- 
ges, d*une  grande  partie  du  genre  humain,  et  dé» 
eodus  d*àge  en  i^ge  par  les  premiers  hommes  du 
emi»,  depuis  Origène  jusqu'à  Pascal ,  malgré  les 
«Tniers  efforts  d*une  secte  ennemie  qui  n'a  cessé 
c  rugir  depuis  Gelse  jusqu'à  Gondorcet.  Chose  ad* 
lirable  !  lorsqu*on  réfléchit  sur  celte  grande  institua 
ion,  rhypotbèse  la  plus  naturelle ,  celle  que  toutes 
'S  vrais«*roblaiice8  environnent,  c*est  celle  d'unéta- 
(issement  divin.  Si  rœnvre  est  humaine,  il  n*y  a 
lus  moyen  d*eo  expliquer  le  succès  :  en  excluant  le 
rodige,  on  le  ramené.  Toutes  les  nations,  dit-on» 
st  pris  d«  cuivre  pour  de  Tor.  F<»rt  bien  ;  mais  ce 
lif  re  a-t-il  été  dix-huit  siècles  soumis  à  notre  chi- 
ie  ob«ervntrice?  Ou  s'il  a  subi  cette  épreuve  s'en 
4-il  tiré  à  son  honneur?  Newton  croyait  à  Tincar- 
ition  ;  mais  Platon,  je  p  nse»  croyait  peu  à  la 
lissance  merYeilleuse  de  Bacchus. 
I  Le  ckrislianisme  a  été  prêché  par  des  ignorants 


et  cru  par  des  savants ,  et  c'est  en  qnoi  il  ne  ressem* 
ble  à  rien  de  connu.  De  plus,  il  a*est  tiré  de  toutes 
les  épreuves.  On  dit  que  la  persécution  est  un  vent 
qui  nourrit  et  propage  la  flamme  du  fanatisme  : 
soit!  Dioclétien  favorisa  lechiistianisme;  mais,  dans 
celte  supposition^  Constantin  devait  l'étouffer ,  et 
e*est  ce  qui  n*est  pas  arrivé  ;  il  a  résisté  à  tout  :  à  la 
paix,  à  la  guerre ,  aux  échafauds,  aux  triomphes,  aux 
poignards»  aux  délices,  à  l'orgueil,  à  rhnmllintion»  à 
la  pauvreté,  à  l'opulence,  à  la  nuit  du  moyen  àM,  et 
au  grand  jour  des  siècles  de  Léon  XetdeUouisjLiV, 
Un  empereur  tout*puissaut  et  maître  de  la  plus 
grande  partie  du  monde  connu,  épuisa  jadis  contre 
lui  toutes  les  ressources  de  son  génie;  il  n'oublia 
rien  pour  relever  les  dogmes  anciens  ;  ii  les  associa 
habilement  aux  idées  platoniques,  qui  étaient  à  la 
mode.  Cachant  la  rage  qui  ranimait  sous  le  masque 
d'une  tolérance  purement  extérieure,  il  employa 
contre  le  culte  ennemi  les  armes  auxquelles  nul  ou^ 
vrage  humain  n*a  résisté  :  il  le  livra  au  ridicule  ;  il 
appauvrit  le  sacerdoce  pour  le  faire  mépriser;  ii  le 
prtfa  de  tous  les  appuis  que  l'homme  paut  donner  à 
ses  œuvres  ;  diffamation,  cabales ,  injustices,  oppres- 
sion, ridicule,  force  et  adresse,  tout  fut  inutile  ;  le 
Galtléen  l'emporu  sur  Julien  ie  philosophe  ((7110), 


NOTE   XII  BIS. 

(Art.  Pjlssagb  de  la  mer  Rocge,  §  VL) 


Il  y  a  toujours  des  sens  et  même  des  savants,  qui 
ulent  nier  le  miracle  du  passage  de  la  mer  Rouge 
r  les  Uraélites.  C'est,  entre  autres,  M.  CharopoU 
o-Figeac  «'exprimant  en  ces  termes  :  c  Vis-à-vis 
Haliiroth,  ville  qui  existe  encore  sous  le  nom  de 
djéroth,  s'est  formé  un  ensablement  qui  a  séparé 
le  mer  Uu  vaste  bassin  qui  la  borde  au  nord ,  et 
int  que  cet  ensablement  fût  complet,  il  a  dû  n*étre 
lin  bas->foo  J  guéable  à  marée  basse.  Moïse,  qui 
lit  JonKleoips  nabité  les  bords  de  la  mer  Rouge, 
devait  pas  ignorer  cette  particularité  ;  il  en  pro- 
pour  sauver  le  peuple  de  Dieu  des  armes  du 
iraoo  égjpUeii.»  Voilà  ce  que  dit  M.  ChampoHion« 
eac,  dans  son  iivie  intitulé  E^^pte ,  page  17 , 
.  S»  et  faisant  partie  de  VUmtert  pinore$que ^ 
lectîon  pobltée  par  F.  Didot.  Paris,  i843, 
Jn  botaiibie  voyageur,  autrefob  libraire,  Aucher- 

787)  Cftt  Gaoïuicu,  dans  U  ïf  Stnms  et  $e$  adver» 

788)  C^r  les  chapitres  sur  Harloss  et  sur  Yaihlnger, 
»  Le  W  Strams  et  ie$  advertaircit  par  M..rabb6 
i^^f, C'est  aussi  ropiuiou  du  W  Julius  Aiitler. 


Eloi,  herborisait  le  28  mars  1851 ,  à  Snez ,  qui,  ce 
jour-là,  éuit  encombrée  de  pélerios.  «  Les  cha* 
meaux,  dit-il,  passent  à  gué  un  petit  bras  de  mer  à 
une  portée  de  fusil  au-dessus  de  Suez  quand  la 
marée  est  basse  :  le  passage  des  Israélites  et  Ten- 
gloutisscment  de  Tarmée  de  Pharaon  pourrait  ainsi 
s'expliquer,  i  Ainsi  parle  Aucher-Etoi ,  dans  ses 
Relations  de  Votfaget  en  Orient^  pag.  27. 

Ces  deux  auteurs  répètent  ce  qu*avait  dit  Dubois- 
Aymé,  qui  n'avait  rien  trouvé  de  mieux  que  ce 
qu'avaient  déjà  dit,  tant  de  liècie»  auparavant,  les 
véridiques  liabiunts  de  Mempbis.  Voilà  donc  ce  que 
répètent  les  rationalistes  ;  mais  puisque  ces  esprits 
forU  préfèrent  le  témoignage  dei  Mempnisols  à 
celui  (te  Moïse  avec  lequel  s'accorde  celui  des  Hé- 
liopolitains.  ils  devraient  bien  nous  apprendre 
comment  il  se  fit  que,  dans  Tespace  de  qucRiues 

(1789)  Salvados,  JépurChmi  et  ea  doctrine,  pié« 
face  XIX. 
(1790)'  Joseph  Di  MAtsTas,  CmMiraim^  wr  ta 

France^ 


US7 


DICTiONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


14tt 


heures  que  dura  le  reftax,  les  six  ceot  miUe  Israé- 
lites, vieillards,  et  puis  les  reinmes,  et  puis  les  en- 
fants, et  puis  leurs  nombreux  iroupeain ,  purent 
tous  arriver  au  bord  opposé. 

M.  le  comte  Jaubert,  par  les  soins  de  qui  les 
ndaîions  d*Aucher-Eloi  ont  é^é  publiées,  n'a  |iai 
voulu  laisser  passer  les  lignes  que  nous  avo^is  citées 
sans  indiquer  au  lecteur  un  moyen  de  s*éclairer 
mieux  sur  le  fait  en  question.  Il'  rengage  à  voir, 
i  dans  le  savant  Commentaire  de  M.  Léon  de  La- 
horde,  sur  rExode  et  ies  Nombre$,  une  dissertation 
étendue,  féunissanl  les  diverses  opinions  émises  sur 
le  passade  de  la  mer  Rouge.  »  Nous  allons  rappor- 
uar  ici  plusieurs  fragments  de  cette  dissertation. 

M.  de  Laborde  a  vu  les  lieux  dont  il  pnrle  dans 
son  commentaire  ;  il  les  a  observés  en  diiféreuts 
temps  ;  nul  ne  les  a  mieux  étudiés  que  lui.  Son 
témoignage  est  donc  du  plus  grand  poids. 

(Test  <ums  le  xiv*  chapitre  de  VExode  que  se 
trouve  rhistuire  du  passage  de  la  mer  Rouge. 
€  M  ise  était  avec  son  peuple  à  Elham,  et  comme  il 
se  disposait  4  continuer  sa  marche  par  le  chemin  or- 
dinaire. Dieu  lui  dit  (£x0</.'xiv,  2)  :  DiUsaux  enfanté 
4Pl$raél  qu'ili  $e  détournent  et  iu*H$  campent  (  re- 
vers! castrameientur  )  devant  Fiahahirotk  ,  entre 
Magdaium  et  la  mer ,  devant  Biel-Sephon;  vous 
camperez  «is-é-rtt  de  luù  prèe  de  la  mer.  {Ibid*^  3.; 
Et  Pharaon  dira  de$  enfante  d'Israël  :  ils  sont  em- 
karroêsés  (  ou  égarés  )  dans  le  pays  ei  enfermés  par 
ie  désert.  —  (/6id.,  5.)  Et  U  fut  annoncé  au  roi  des 
Egyptiens  ^«e  U  peuple  avait  pris  la  fuite....  6.  Il  fit 
donc  atteler  son  chariot^  et  prit  avec  lui  tout  son 
peuple.  —  7.  //  emmena  aussi  six  cents  ekariots  de 

Îuerre,  eio.  —  Leê  Eyyptietts  noursuivaut  donc  les 
sraélites^  ete.  i  U  faut  hre  ce  chapitre. 
Ah  verset  3 ,  M.  de  Laborde  fait  cette  remarque 
(pag.  75)  :  c  Le  mot  reverei  implique  un  chanâe- 
meut  de  direction,  et  prouve  que  c'est  ici  une  dé- 
viation de  la  rouie  que  Ton  suivait  di^puis  deux 
jours,  de  l'est  à  Touest*  Motse,  qui  conduisait  les 
Israélites  au  Sinai ,  était  le  seul,  dans  cette  troupe 
immbreuse ,  avec  son  frère  Aaron,  qui  connût  la 
route;  ils  suivaient  certainement  celle  oui  les  avait 
déjà  comlttits  au  tond  de  la  presqu'île  du  Sinai,  et 
ramenés  dans  ce  pays.  C'était  entre  les  deux  parties 
profondes  du  golfe,  sur  un  bas-lond  oui  n*était  alors 
que  faiblement  inondé,  et  qui,  dans  rétat  actuel  du 
golfe ,  n'est  recouvert  d*eau  que  pendant  quelques 
jours  de.  la  saison  des  pfuies.  C'est  le  chemin  suivi 
aujourd'hui  par  la  caravane  de  la  Mecque  (1791). 
Le  Seigneur  parle  à  Moïse,  et  lui  indique  la  direc- 
tion nouvelle  qn^il  faut  prendre,  etc.  > 

Sur  le  dire  du  Pharaon,  verset  5,  M.  de  Laborde 
s'exprime  en  ces  termes  (pag.  76,  col.  S  )  :  i  Placés 
ainsi,  il  est  bien  évident  que  les  Israélites  sont  res^ 
terrés  dans  un  défilé  ou  enlermés  par  le  déurt^  entre 
la  mer  el  1^  montagnes.  On  peut  même  traduire, 
comme  les  Septante,  tls  sont  égarés;  car  en  effet  ce 
n'e»t  pas  leur  rouie  :  en  apoarenoe  c*est  leur  perte. 
Un  chef  politique  commettait  là  une  faute  inexpn- 
cable  ;  Thomme  de  Dieu  manifestera  bientôt  aux  yeux 
des  Egyptiens  la  raison  de  sa  conduite  :  ils  recon* 
naîtront  la  mission  divine  dont  il  est  chargé  et  le 
bras  puissant  qui  le  soutient. 

c  4.  Ou  annonça  au  roi  d'Egypte  que  le  peuple 
avait  pris  la  fuite.  Pharaon  avait  autorisé  les  Ué- 
bietix  à  aller  sacrifier  à  trois  journées  dans  le  dé- 
sert ;  mais  on  vint  lui  prouver  qu^Hs  continueraient 
leur  r,.ute  et  ne  reviendraient  plus  en  Egypte  :  alors 
il  se  rq>ent  et  veut  les  ramener  sous  le  joug.  Quel- 
qa*^  vliesse  qu'on  accorde  à  ses  troupes,  il  ne  peut 
arriver  à  Phihahiroth  (Adjeroud)  que  le  second 


jour  au  soir,  c'est-à-dire  qu'il  dut  se  mettre  à  la 
poursuite  des  Israélites  le  lendemain  mène  de  leur 
départ.  Voici  comment  on  peut  exposer  levs  nou* 
vemenis  réciproques  : 

Le  iS  du  mois  de  nizan  : 

c  Les  Israélites  partent  d'Egypte  el  caaspeat  ï 
Succoih. 

I  Le  Pharaon  d'Egypte  laisse  partir  les  Isradîtc^ 

Uie  idem: 

t  Les  Israélites  partent  de  Sucooth  el  eanpeit  à 
Eiham. 

<  Le  Pharaon  est  averti  de  la  faute  qnil  a  cou- 
mise  en  laissant  partir  une  population  sonmise,  qn 
le  servait  utilement  dans  ses  travaux  ;  son  ttm 
s'endurcit  de  nouveau  ;  il  espère  arrêter  les  fvyanis 
avant  qu'ils  aient  quitté  les  frontîèrea  naturdi» 
de  l'Egypte  (la  mer  Rouge)  ;  il  se  met  à  leur  posr- 
suite. 

un  idem: 

t  Les  Israélites  partent  d*£tham  ;  ils  qaîtiem  U 
direction  qu'ils  ont  suivie  à  Test,  et  ne  dirigent  ^ 
au  sud,  inr  Phihahiroth .  vers  fiéel-Sephon  ei  U 
côte,  où  ils  arrivent  le  soir. 

4  Le  Pharaon,  suivi  de  ses  ehars  de  gnerre,  tn* 
verse  respaoe  qui  sépare  Mempbîs  de  Pbihaliîratk 
en  deux  journées.  Arrivé  dans  ce  lies,  il  s'arrête 
avec  sa  troupe  harassée,  en  vue  du  camp  des  iiraé- 
lites,  et  remet  Tattaque  au  lendemaîa. 

U  18  idem  : 

t  Les  Israélites,  saisis  de  frayeur  à  la  vue  éês 
Egyptiens  qui  arrivent  le  soir,  quittent  leur  fiap 
au  milieu  de  la  nuit  et  traverscal  b  aier  Rongt. 

I  Le  Pharaon,  à  b  tète  de  ses  troupes,  s*apercait 
au  point  du  jour  jiue  les  braéUtes  ont  mvene  h 
mer  sur  un  gué  miracukux,  dont  le  paanage  ie$t« 
ouvert,  et  cbns  lequel  il  aperçoit  eneorc  ei»g»cêe 
l'arriére-garde  de  leur  armée  ;  il  s'y  ytédtpiu  aitc 
ses  chars  de  guerre  :  il  est  englouti. 

I  7. 1/  emmena  six  cents  chara.  Le  iionibrr  de  os 
chars,  qui  suppoaent  en  Egypte  fe  double  de  es»- 
baitanu  et  parCob  le  triple,  eonme  ou  le  veit  dsK 
les  peintures  et  bas-rellels.  peut  très-bien  a'oppodrr 
à  SIX  cent  mille  braélites,  si  l'on  Cattla  part  éi 
l'effroi  causé  par  le  développement  de  ees  atlebges 
et  b  bruit  d'un  si  grand  nombre  de  ebcvan«  et  »» 
Ton  réfléchit  à  b  puissance  de  l'biiucTc  oierak 
des  maîtres  sur  les  esclaves.... 

€  9.  Les  Egyptiens  poursuivant  d&HC  iêa  lermètUtt^ 
etc.  C'est  bien  b  même  route.  Les  troms  4m  Pk»- 
raon  suivent  les  traces  des  Hélireux^et  îbatieipKiA 
ces  fugitifs  au  moment  où  ib  sont  campés  sw  k 
bord  de  b  mer,  prés  de  Béel-Sepbon ,  en  faoe  de 
Phihahiroth  ;  les  Egyptbns  s'arrêtent  à  rh&ahi- 
roth,  en  face  de  Béel-Sephon. 

I  Les  positions  respeetives  sont  bien  indii|Qêes . 
les  arméà  sont  en  présence ,  l'une  fatiguée  de  la 
route,  l'autre  craintive  à  b  vue  des  ennemis,  loaaes 


U 

H 


deux  remettant  au  lendemain  un  engafesneai  qp 
ne  peut  s'éviter. 

f  21.  Le  Seigneur  divisa  ta  mer  en  fat 
un  vent  violent  et  brûlant  (Hebr.,  d'Orient)^ 
direction  de  ce  vent  l  pag.  77,  coL  2)  ~ 
chaud  n'est  pas  indiquée  dans  b  Vdgaie; 
ne  pouvait  être  naturellement  autre  que  celle  êi 
chemin  des  Israélites ,  puisqu'il  dessécha  le  finid  di 
b  mer,  qu'ib  passèrent  à  pied  sec,  c^esl-^-dire  ^V 
souffla  entre  les  deux  remparts  formés  à 
gauche  par  les  vagues.  Le  vent  du  sud,  ai 
root  traduit  les  Septante,  soufibnt  sur  U 
eaux,  est  plutôt  Irais  que  chaud,  et  il  aras 
b  mer  dans  b  voie  tracée.  Le  vent  d^oneat, 
texte  hébreu,  répond  à  la  direction  qie  je 


HS 

S 


(1791)  Hoîse,  en  stfivant  la  route,  comptait  passer  la 
m<;r  k  marée  basse.  Or,  celte  ruute  est  éloignée  de  Suez 
<i  du  chemin  que  Dieu  oovril  aux  Israélites  ï  travers  les 
fl7is.  La  jnuLUlude  du  peuple'  eût  pu  la  suivre  et  sans 


miracle  passer  d'un  bord  ï  l'antre  de  1s  aer, 
croyait  noise,  qui  d'ailleurs  Ignoriit  encore 
le  poursuivait. 


liS9 


NOTES  ADDITIQNNELLES. 


U9Q 


par  le  ScâcMw  jMwr  opérer  le  ninde  du  passage,  • 
après  qum  il  lai  reMe  t  pea  de  imiU  à  dire  sur  les 
explieatioas ,  sei-dbaot  faciles,  d*aa  éféaeieat 
prelenda  aalarel.  »  Celle  partie  da  Imfa'l  de  M.  de 
Laboffde  oecape  de  six  à  sept  eokMiBcs  de  sop  aii- 
Trage»  ^i  est  ia4Diia.  Naas  picaoas  la  liberté  d*y 
leavojer  le  ledear. 

Les  évéaeiMBls  aec<wplis  daas  la  aner  Raage  <mt 
TtçiÊ  da  IKea  mèaM  des  explicatîaas  âgaificaiives 
ci  iaiponaaies  poor  rbnaaailé.  Ea  voio  deox  daai 
la  hiérviclfpiiiaae  cMiieBBe  s*est  emparée  poar 
riasirvciMM  des  idéies,  d  doirt  ridée  a  éié  paMe 
daas  ceax  des  litres  salals,aè  ces  éféoeaicats  soai 
rappelés  :  €  Pfcaraao  aaaeieii  daas  la  aMr  Reaae, 
dîiM.Cypr^a  Raben(t792),  deriat  la  prophéUe 


iiii  Uraélilcs  à  travers  la  aifr  :  il  passait  sar  les 
iMW%  da  désert  et  les  rocèers  érhaafts  par  le 
oleU. 

«  22-».  (  PaMsm§e  dt  U  mer  Hm§e.  )  Les  eaaii- 
nenuîres  qae  aaas  avoi»  ajoalés  k  ce  aai  préoède 
im  dd  rai  Ira  ialellinbles  les  posMaas  des  iieax  et 
dies  des  deax  anaées. 

«  Les  Isiaéiiles  soat  accalés  eatre  la  mer  d^aa 
ôié,  des  moalagaes  et  rannée  égypticaBcde  faalre  : 
I  ne  lear  reste  |4as  qa^a  laire  lear  seamissiôo  oa  à 
raverser  la  bmt.  Ub  miracle  lear  oovre  cette  voie  : 
a  comattademcet  de  Maise,  uae  large  oaTcrlars 
ead  praticable  le  passan  aa  miliea  des  tagaes  ;  et 
r-adaat  loaic  la  aait  le  feapl&  d^lsraêl  s*écoale 
sas  ee  défilé  et  gagae  la  nwt  apposée.  Pharaon,  aa 
oint  do  jaar,  s*apertolt  qae  renaerai  lai  échappe  ;     da  sort  ^âi  atiead  les  iTraas  ;  car,  dit  TEct  itère,  il 

se  met  h  sa  poarsaiie,  et  il  périt  avec  saa  arsiée,  ne  cra':gaait  aibica  ai  la  saciélé  11795).  Et  la  mer 
■  Bûlica  de  celle  bmt  qtû  se  refenae  sar  lai  et  Roage  igora  le  bapcéme»  oè  le  neH  bomam  s'aa* 
ir  ses  gaerriers.  »  gloaiit  avec  ses  erhaes ,  et  d*oà  sargit  rhomoM 

M.  de  Labordeeiamioe  easaiie  c  las  dillereaies  neaveaa  ,  laaché  par  la  verge  miraoalease  de  la 
aces  f  a*aa  a  désignées  camme  ayant  été  choisîrs     crmx  (1794). 

NOTE  XIH. 

(Arl.  Peîïtatei'qi'e,  $  VI.) 
SUR  LINTERPRÉTATION  MYTHIQUE  DE  L\\NaEN  TESTAMENT. 

B  s'est  troavé  ea  Allemagae  des  tbéohigieas  qai 
»«eiii  des  mjfthes  daas  presqae  tons  lesiéiâudela 
rnrse.  t*a  mythe,  c^ast,  oomme  oa  le  sait,  aae 
iJitfon  allégôriqae  dfstiaée  à' iraasmelire  an  fait 
viial»le«  H  qai,  plas  urd,  a  été  prise  par  errear 
«r  te  bit  aitee» 

La  raisoa  principale  sar  laquelle  se  fondent  les 
éleiitioa»  de  rialerprétadoB  mylhiqoe  de  1* Aaeien 
«laaieat,  se  Iroave  déjà  dans  ks  idées  de  Varron. 
«sii»  ea  eAît,  qae  les  àgea  da  amade  peaveat  se 
viwer  ea  icmps  obocars,  temps  mjtliîaBes  et  teaipa 
iOoriaaes.  Cbes  toas  les  peaples,  rhisioire  est 
itiofld  obscare  et  iaeerialBe,  easoiie  mythiqne  oa 
tf^oriqae,  Heafia  posilivcaMathislari^oe.  Et  poar- 
oi,  s*est-on  demandé,  si  ce  lait  esisie  partoat, 
tarait  il  pas  existé  cb«z  les  Hébrenx  ?... 

00  serait,  à  la  première  vae,  disposé  i  croire  qae 
.  léaMNas,  qai  pourraient  le  mieax  aoas  fixer  sar 
Idgitimilé  de  rinlernréialion  mylhiqoe  de  la  BiUe, 
rraieot  être  ces  Cbreiienf  primilifsqui,  eoxHaéams, 
maseacêfcat  par  être  paieas,  et  psrmi  lesqnels  se 
»oTaient  des  homaMS  savaau  et  philosophes.  Us 

parait  igaorer  le  principe  de  \arroa.  Ils  con- 
isaaîent  la  mythologie  des  Egypiiens,  drs  Grec^, 
f,  Bomains,  des  Persans,  mienx  sans  doaie  qne 
■a  aajoanThaL  Dés  lear  jeancsse,  les  noaveaox 
•Tcrtis  avaieat  pa  se  fkmiliariser  avec  ces  prodoiu 
rimagination  religiease;  ils  les  avaient  loagtemps 
iorrs  ;  ils  avaiear  po  étadier  et  pu  décoavrir  loales 

subtilités  d'ialerpréuiioa,  à  Taide  desqueDes  oa 
tît  cherché  k  soeteair  le  crédit  de  ces  mooaments. 
suite ,  lorme ces  aooveanx  coavertis  comaieaeè- 

1  â  lire  la  Bible,  n*esi-il  pas  pnrfttbie  qu^ils  eusaeni 
suite  recoaaii  et  démêlé  les  mjtbcs,  s*il  en  efit 
Uié  ?  C^ien^aot  Ils  ne  viient  dans  la  Bible  qo'aae 
^r-  et  simple  histoire.  Il  faiii  donc^snivaBl  Popinion 
iipéienle  de  res  juges  antiques ,  qu*il  y  au  une 
iMie  différence  entre  le  mode  mythique  det  peuples 
esas,  et  le  genre  de  la  BiUe. 
I  a  pa  arriver,  il  e&t  vrai ,  qae  ces  chrétiens  pri- 
«r^,  peu  versés  dans  la  bauie  critique»  peu  c-^pa- 
i  aassi  de  Tappliqaer,  et,  d*ao  aaiie  celé,  accoo- 


?. 


. .^1)  C0nrê d'iâéfûflmlL  ckriL, S* leçon, dans r Im- 
ité mlMâaic.  u».  VlII,  pas.  901,  ooL  ± 
793)  Nec  beoD  Urnebat,  nec  hooiÂoes. 
.73  4}  Hinc  nos  et  i|«um  non  perire  crcdimos 

CorpQs,  scpnlcro  q«od  Toraqdum  trjditac  ; 


tassés  aax  mythes  paieas,  fasseat  pea  frappés  des 
myihesde  la  Bible.  Toalôlbis,  il  est  permis  de  soa- 
leair  qae  plas  oa  est  familiarisé  avee  aae  chose,  plan 
oa  la  reeoaa^t  avec  rapidité,  méaw  daas  des  eir* 
coasiaaees  disseaddables  poar  la  fonae.  8i  doue 
les  histoires  hébrmqaes  saat  des  mvthes,  eamnseat 
les  chrétieas  primiiils  a*oatrils  pa  lea  décoavrir,  et 
sMs  ae  Pont  pa,  n'estrOR  pas  aae  areave  qae  ers 
mythes  éuleai  IdleaMiit  imperceptibles,  qae  ee  n*a 
été  qu'après  dis-<4ait  siècles  qa*oa  a  pa  ijes  signalerî 
Si  noas  en  revenons  k  la  divism  de  Varvoo, 
^n*on  a  cherché  h  anplioaer  à  la  BiUe,  aoas  sommes 
rappés,  d'abord,  de  Paibseaca de  ces  temps  olacars 
mi  iacertaimi,  qai  dareat  préeédei  Tapparition  df-s 
mythes,  temps  que  les  aaaalas  hébraiqaca  ae  pré- 
sapposeat  jaamis.  Lea  plan  aatkiaes  légcades  des 
aatres  peaples  déhaical  par  le  palyihéisaie;  aon- 
seulcBient  elles  parleat  d*alliaaees  eatre  les  dieux 
et  1rs  awttels,  mais  elles  aoas  rseonient  les  dépra- 
valions  et  les  aduliéres  câesles;  elles  décrivent  des 
gaerres  aalie  les  dieax;  elles  diviniseai  le  soleil,  la 
lune,  les  étoiles,  et  adaMtient  aae  Coule  &e  demi- 
dieax,  des  génies,  des  démoas.  Selon  HIes,  tnot 
iaveaiear  d'aa  art  aiile  obtieal  Papothéose.  Si  elles 
nous  montrent  une  chronologie,  elle  est,  on  pr^ae 
aalle,  ou  bien  gigaatesqiie;  lenr  géographie  s'étead 
coiuaM  aa  vaste  champ  praplé  de  cûaières  ;  loaies 
dioses,  selon  elles,  ont  saLi  les  plas  éinages  trans- 
formations, et  elles  s'abandonnent  sans  frein  à  ions 
les  élans  de  l'imagination  h  plus  variée  et  la  plas 
grotesque.  Mab  il  en  est  bien  antre  mtat  dan»  le% 
rédude  la  Bible.  La  Bible,  aa  eaatraire,  commeace 
par  décbrer  f|a'il  est  aa  Diea,  le  Créaieur,  dont  b 
paissanoe  eu  inésislible,  qai  veat,  et  à  riasiant  les 
dioses  sont,  ffoas  ae  trouvons  id,  ai  lldée  da  chaos, 
ni  d'ane  amtièfc  rebelle,  ni  d'un  Abnman,  génie  do* 
mal.  Ici,  la  lune,  le  soleil,  les  éloilcs,  loin  d'être  des- 
«itenx ,  servent ,  an  contraire,  à  Fusage  de  rhomme, 
lui  prodiguent  la  clarté,  et  lui  servent  de  oMsure  du 
temps.  Toutes  les  grandes  inventions  sont  faites  par 
des  homme»  qui  restent  Ids.  La  chronolope  procède 
par  séries  natarelles,  et  la  géi^srahîa  ae  s'élance  pas 

Osa  Chrt&lia  io  se  mortm»  eorpwi  cmce 
Secva  eiciUUun  rexil  ari  soUum  Patns, 
Vûiiiq«ic  cQocUs  ad  rf*siirgcnd«M  dedîL 


un 


t)ICTiONNAlRE  APOLOGETIQUE. 


un 


fo'l«:<n4>iil  au  delà  des  bornes  de  la  terre.  On  ne  voit 
ni  transmigrations,  ni  roélainorphoses,  rien  enfin  de 
i.e  qui  nous  montre  si  cUirement  dans  les  livres  des 
plus  anciens  peuples  profanes»  la  trace  de  rimagioa- 
t  on  01  du  myilie. 

Ctuie  conuaissauee  du  Gréateor,  ^aos  inélanire  de 
supersiitiori,  est  une  chose  des  plus  remarquables 
dans  des  doeumenta  aussi  antiques.  Qui  peut  douter 
qu*elle  ne  soit  due  à  rinfluence  d*uiie  révélation 
liivine?  Ce  qu'on  nous  dit  dans  tant  de  livres  mo- 
dernes, que  la  connaissance  du  vrai  Dieu  Unit  par 
sortir  du  milieu  même  du  polythéisme,  est  contredit 
par  toute  1  expérience  de  Tbistoire  profane  et  sacrée. 
Jamais,  au  contraire,  cela  n'arrive.  Même  les  philo* 
sophes  avancèrent  si  peu  la  connaissance  du  Dieu 
uniqne,  que  lorsque  la  foi  de  Jésus  parut»  ils  prirent 
li  polytliéisroe  sous  leur  protection.  Mais  quelle  que 
fut  i*origine  de  cette  idée  de  IHeu  dans  la  Bible^  il 
est  certain  qu'elle  y  est  tellement  sublime,  tellement 
pure,  que  les  idées  des  plus  éclairés  des  philosophes 
grecs,  qui  admettaient  une  nature  gcnéiale,  une 
àme  du  monde,  lui  sont  inférieures  de  beaucoup.  Il 
est  vrai  que  cette  reconnaissance  de  Dieu  n*est  pas 
parfaite,  bien  qu'elle  soit  eiacte,  et  cette  circons- 
tance dénote  qu'elle  fut  parfaitement  adaptée  à  l'état 
de  l'homme  dans  un  temps  aussi  antique.  Cette  im- 
perfection même,  et  le  langage  figuré,  mais  si  clair 
et  si  simple,  des  livres  qui  nous  en  parlent,  démon- 
trent qu<^  ni  Moïse,  ni  personne  depuis  lui,  ne  les  a 
inventés  pour  leur  attribuer  ensuite  une  antiquité 
qu'ils  n'auraient  réellement  pas  eue.  Cotte  connais- 
sance si  remarquable  de  Dieu,  a  dû  être  conservée 
dans  sa  pureté  depuis  la  plus  haute  antiquité,  ou 
plutdt  chez  quelques  familles  depuis  l'origine  des 
choses,  et  l'auteur  du  premier  livre  de  la  Bible  eut 
pour|  dessein ,  eu  l'écrivant,  d'opposer  quelque 
chose  de  certain  et  de  fondamental  aux  fictions  et 
aux  corruptions  des  autres  peuples,  dans  des  temps 
nuiius  anelens.  Quelle  nation  a  conservé  un  seul 
rayon  de  la  grande  vérité  que  proclame  le  premier 
chapitre  do  la  Genèse  ? 

Cliez  presque  tous  les  pruplfs,  la  mythologie  s'est 
e\(M'iée  dans  la  nuil  des  temps,  lorsque  t'iniagination 
ne  redoutait  pas  les  faits,  et  elle  s'est  éteinte  dès 
que  riitstoire  a  commeucé.  Les  anciens  monuments 
do^ileb/eux,  au  contraire,  sont  moins  remplis  de 
ch<»ses  prodigietises  dans  les  temps  antiques  que 
dans  les  temps  plus  modernes.  Si  l'écrivain  qni 
rassembla  la  tradition  des  faits,  eût  eu  pour  but  de 
nous  donner  un  amas  de  légendes  douteuses,  de 
actions,  de  myihet»,  il  les  ciU  placés  surtout  dans  les 
k  uipsaniiq  :cs  ;  il  no  se  fût  pas  exposé  à  être  contredit 


en  les  plaçanldans  un  siècle  plus  moderne,  o&rbisunre 
positive  aurait  eu  mille  moyens  de  les  cooihattre  et 
de  les  détruire.  Ainsi,  l'absence  de  prodiges  dans  les 
premiers  récits  de  son  liistoh^,  et  le  peo  de  dé:ails 
qu'elle  présente,  n'ont  pu  venir  que  cfo  soin  scnpiH 
leux  qu'il  mita  rejeter  tout  ce  ^j  lui  paml  doat*fui, 
exagéré,  extravagant,  comme  indice  il'étre  rebié. 
Il  a  peu  raconté,  parce  que  ce  qui  loi  t»amt  tswi  i 
fait  véritable  s'est  borné  à  ce  qu'il  raconte.  Riea  de 
plus  imposant  à  signaler  dans  la  Bible,  que  le  peu  de 
prodiges  très-antiques,  et  l'abondance  des  pradifci 
plus  modernes.  Cest  le  contraire  qui  arrire  chei  b 
autres  peuples.  Mais,  dans  la  Bible,  Fordie  est  m- 
▼ersé.  Il  y  existe  même  des  périodes  oè  Ton  ae 
trouve  aucun  miracle,  et  d'autres,  où  ils  édaleot  â 
chaque  pas.  Or,  les  périodes  plus  parfieBlièrenem 
miraculeuses,  le  siècle  d'Abraham,  de  Moïse,  in 
rois  idoUktres,  de  Jésus,  des  apdtres,  soni  iim)ovs 
ceux  où  il  était  nécessaire  qu'un  tel  spectacle  dis* 
terventiou  divine  conflrm&t  la  pro|)ag»tloo  de  ridée 
religieuse  nouvelle.  Les  miracles  de  FEcritore  oiit 
donc  constamment  un  but,  grand  et  louable,  Fanié- 
lioration  de  Tespèce  humaine,  et  ne  soni  aolleflKfii 
dérogatoires  à  la  m.^jesié  de  Dieu.  Qoe  l'on  vi^Uc 
bien  les  comparer  avec  les  mythes  et  les  l^en- 
des  des  autres  peuples,  nul  penseur  Impartial  m; 
pourra  confondre  des  choses  aussi  distÎACtes. 

Enfin,  une  autre  question  se  présente  ;  comuint 
peut-on  concevoir  que  ces  fragments  de  l*hîstf'ire 
primitive  aient  pu  se  conserver  sans  altération  J9<- 
qu'au  temps  où  ils  furent  rassemblés  par  M^mc? 
N'ont-ils  pu  être  grossis  des  additions  de  rimagiiii< 
lion  poétique?  Cela  n'est-il  pas  arrivé  peur  les  tra- 
ditions des  autres  peuples? 

0(1  peut  répondre  qu'il  est  extrèntement  ^t?:- 
semblable  que  les  traditions  bibliques  qui  ont  Un 
exceplion  quant  k  leur  supériorité  éviJeisi'* 
sur  i»'S  autres,  aient  aussi  fait  exception  qas^t 
âi  leur  mode  de  transmission,  l^ur  petite  eie^t- 
due  rendait  précisément  leur  consorvaiioa  (his 
facile  et  plus  concevable.  Elles  furent,  s^si 
doute,  écrites  à  une  époque  où  les  traditions  «if> 
autres  peuples  n'avaient  pas  encoi  e  clé  ré  t!«n^ 
Leur  forme  écrite,  leur  hingagc  simple,  leurs  nas- 
ges  précises  et  élémentaires,  tout  cela,  e<i  elles,  r4 
si  frappant,  que  si  l'historien  qui  tes  r:tS3enibla  rft 
essaye  de  les  interpoler,  il  se  fui  indubitahlefteiâ 
trahi  de  deux  manières,  par  ses  idées  plus  nrader- 
nés  :  et  par  son  langage  plus  profond  et  plus  recher- 
ché. Ce  que  je  viens  de  dire  suffira  pour  a^ei  tir  «es 
lecteurs  d'être  prévenus  contre  t'inicrprét  iai 
mythique  des  monuments  sacrés. 


NOTt;  XiV. 

fAîL  Pentatelql'e,  §  X.) 
SLR  QDELQLKS  OUVRAGES  RELATIFS  A  LA  LÉGISLATION  MOSAÏQUE. 


I«ê  seul  travail  complet,  profond  et  judicieux  qui 
ex^iste  sur  ee  Fujet,  est  le  mo$Mche$  Recht  de  Mi- 
cbaélis;  mais  six  volumes  allemands,  écrits  d'une 
manière  si  diOiise,  pleins  de  lourdes  et  immenses 
dio'ession.^,  trouvent  ehez  nous  peu  de  lecteurs  ; 
et  des  divers  littératrurs  qui  ont  entrepris  de  faire 
passer  cet  ouvrage  en  français ,  aucun  n'a  persé- 
vère» 

M.  Pat>ioreta  fait  un  livre  intéressant  sur  Moise 
conMéré  comme  iégiêfaleur  et  comme  moralisîe^^ 
mais  ee  ii'ebt  guère  qu'une  d*  soription  élégante  de 
l'extérieur,  et,  pour  ainsi  dirr,  du  matériel  de  la  lé- 
gislation. Lés  vues  secrètes  du  législateur,  ces 
n*KSorts  cachés  qui,  dans  toutes  les  institutions  po- 
liti([ues,  et  dans  celles  de  Moïse  surtout,  jouent  un 
Il  grand  i6le,  c*est  ce  querauieur  ne  dévoile  point, 


et  ifa  pas  môme  eu  en  vue  de  redierdier.  R  tf 
tombé  d'ailleurs  dans  des  erreurs  graves.  Aui  yen- 
tables  sources  de  la  législation  mosaïque;  îl  es  i 
joini  trois  autres  qui,  trop  impores,  deiaietii  ne 
cessairement  l'égarer.  Ce  sont  les  institutiocs  tfe 
âges  suivants,  institutions  qui  altèrent  11  l^slaii  >t 
au  lieu  de  la  développer  :  les  rabbins  et  la  mxsch:i. 
que  M.  Pastoret  traite  cependant  parfois  avcr  t- 
juste  dédain  ;  enfin  les  usages  actuels  des  iuîia,  dé- 
rivés des  commandements  d'hommes,  hiea  pte» 
que  de  l'ancienne  loi  de  IHea.  De  plus,  M.  Pasfeirrt 
semble  s'être  laissé  aveugler  par  ctriains  prQsÂ, 

Îu*il  eût  été  digne  de  lui  de  soumeure  à  Ye%Mmr9. 
Jnsi,  il  admet  que  le  grand  pontife  jtNÛssait  f  ^ 
pouvoir  co'.ossal,  et  dirigeait  en  grande  partie  \'^ 
miuistratiou  de  l'Etait.  —Ou  at-il  pria  cçla'  t'^' 


rjl 


im 


NOTES  ADOmOlSNELLES. 


1491 


rc  que  je  ne  puis  dexiner.  Ce  nVst,  du  moins^  ni 
dans  la  loi,  ni  dans  riiisloire. 

l'ouvrage  tout  moderne  de  Salvador  sur  la  lëgis- 
lalion  ipoaaïque  a  fait  quelque  sensation,  mais  il  no 
remplit  pas  davantage  le  vide  dont  je  me  plains 
(1795.)  L  auteur,  à  la  fois  défei.seur  de  Moïse  et  ad- 
versaire de  sa  révélation  divine,  s*est  placé  sur  un 
terrain  difGcile  à  défendre.  J*ose  croire  que  tout 
lecleur  versé  dans  ces  matières  trouvera,  comme 
moi,  dans  ce  livre,  d^abord,  en  ce  qui  tient  au  des- 
sein général  de  la  législation  mosaïque,  un  système  peu 
piiiiosophique*,    arrangé  d'avance,  auquel  Tautrur 
asservit  souveut  les  faits,  et  immole  parfois  la  r lurté, 
même  le  bon  sens;  puis  dans  ses  efforts  pour  élimi- 
ner toufe  Intervention  divine  du  nunisiére  de  Aloïse, 
des  invraisemblances  assez  choquantes  pour  se  ré- 
Tuier  elles-mêmes  ;  puis  cnûn,    dans  \\  iposé  dé- 
uillé  des  lois     mosaïques,    quelques   remarquas 
vraiment  neuves,  pleines  de  justesse  et   de  vérité, 
sur  la  narure,  les  effets  ou  les  ressorts  de  la  légis- 
lation. Mais  ce  ne  sont  que  des  observations  iso- 
/êes,  ou  plutôt  mal  réunies  par  un  lien   vicieui  ; 
IVns^'uiblc  rét  1  nVst  qu>ntrevu. 

l/auteur  est  parfois  plein  de  science,  de  feu,  de 
inl  1)1  ;  il  relève  avec  justice'  la  loi  de  Moïse  en  la 
itiofiirattt  telle  qu*elle  était,  douce  pottr  les  petits, 
r^iuiiable  pour  tous,  pleine  de  respect  pour  Thomnie 
ti  ses  dioits;  mais  il  g4 te  tout  par  les  absurdes 
I  lées  doiit  il  est  prévenu,  et  par  les  tristes  convic- 
tions dont  il  est  Tapôtre.  Sans  être  arrêté  par  Té- 
>i*t«n€e,  il    ioiroduii  dans  le  mosaï<me  la  philoso- 
phie du  xviir  siècle;  il  voit  dans  Jêbova  la'rai- 
MKi  abstraite  ou  Tunivers  ;  Il  ne  connaît  d*autre 
moi  aie  que  l'hygiéue;  il   nie  à  la  fois,  au  nom  de 
Moise  (et  pensant  lui  faire  bouueur).  Dieu,  ruine, 
f'a^eitir  et  ta  vertu. 

I  Les  patriarches,  a  dit  à  ce  sujet  un  journal 
iu>si  spirituel  que  savant  (1706),  rrétaient  pns 
l'auksi  intrépides  philosophes,  et  1  on  peut  se  le- 
tiser  à  croire  que  Moïse  ait  été  à  la  fois  Spinosa  et 
knibuQs  * 


Le  livre  de  Sahtdor  a  eu  du  svceés,  toutefois. 
Cet  étendard  de  libéralisme,  élevé  au  sein  de  la 
Ihéocratie  lUosaîque,  a  fait  sensation.  Jusqu'alors 
on  avait  cru,  je  ne  sais  pourquoi,  que  celle  tbéccra- 
tie  était  le  plus  assuré  rempart  du  pouvoir  sacer- 
dotal. Quand  les  lecteurs  introduits  dans  la  place, 
ont  vu  clairement  qu'il  n*en  était  rien,  qu*ils  pou- 
Tstient  même  s'en  faire  an  besoin  un  appui  pour  h^s 
idées  philanthropiques  ei  libérales,  cela  leur  a  fait 
Peffct  d'une  découverte  et  d*nne  conquête. 

Une  autre  cause  encore  a  fait  lire  cet  ouvrage.  U 
est  venu  à  propos  pour  satisfaire  un  besoin  iniellec- 
tiiel.   Les  plaisanteries  à  la  Voltaire  sont  usées  et 
dégoûtent.  La  génération  actuelle  veut  du  sérieux 
en  matière  de  croyance,  et  quelque  chose  qui  satis- 
fafs-;  le  sentiment  religîfux.  Ce  sentiment  se  réveille 
partout  chez  les  incrédules  eux-mêmes,   mais  les 
esprits  ne.sont  pas  rncore  éclairés.  On  a  contre  la 
.  révél:ition  des  p  éjugés  qu*on  ne  veut  pns,  on  pfui- 
être  qu'on  n*osc  pns  secouer.  En  attendant,  on  vou- 
drait mieux  connaître  cette  révélation  ;  on  est  porté 
à  lui  accorder  au  moins  un  certain  degié  de  respect  ; 
on  se  douta  que  TAncien  Testament,  comme    le 
Nouveau,  renferme  de  belles   chos<  s  oubliées,  ca- 
lomniées par  la  génération  précéilenle  ;  on  vi'ut, 
en  un  mot,  discuter  avec  un  ton  grave  et  des  for- 
mes décentes,  admirer    même,  sans  toutefois  8(* 
compro.i  ettre,  et  sans  se  faire  accuser  de  supersti- 
tion ou  de  préjugés.  Dans  cette  disposition  de  cer- 
tains esprits,  un  livre  qui.  sans  faire  de  Moïse  un 
envoyé  de  Dieu,  sans  demander  ia  croyance  aux 
uiii'acles  de  Tancienne  loi,  la  faisait  cependant  res« 
pecter  comme  une  belle  œuvre  humaine  associée  à 
1»  science,' amie  de  la  justire,  protectrice  de  la  fai* 
blesse  et  de  ia  liberté,  un  livre  de  ce  genre,  écrit 
Hvcc  soin,  rédigé  avec  talent,   avait  tout  ce  qu*fl 
fallait  pour  être  bien  reçu.  On  ne  |)eut  donc  s*étori«' 
lier  qu  on  ne  lui  ait  pas  demandé  un   comfte  bien 
cxnct  de  ses  raisonnements  et  de  ses  assertions. 


NOTE  XV. 

(.Vrt.  PnoPHÉTiESi   §  II.) 
ROPHÉTIES  DE  L* ANCIEN  TESTAMENT  QUI  ANNONCENT  LA  VENUE  DU  MESSIE. 


(7éuit  peu  pour  la  bonté  du  Seigneur  d*avoir 
ovë  de  Toubli  la  mémoire  du  passé,  en  ordon- 
iit  4  son  servitenr  Moïse  de  décrire  Torigine  des 
oses,  et  d*assurer  par  un  monument  durable  le 
p6i  des  traditions  primitives.  C'est  peu  encore  de 
urvoir  aux  besoins  prébOiits  de  son  peuple  chérij 
de  le  conduire  comme  par  la  main  au  milieu  des 
r.icles  toujours  renaissants.  Les  pensées  de  salut 
*a  conçues  le  Très  Haut  ne  doivent  se  borner  ni  à 
i'  94*nle  contrée  ni  à  un  seul  peuple,  et  ces  soins  d*une 
(vidrnc»!  toute  particulière  sur  les  enfants  dUsraél 
sout  que  Tannonce  et  la  figure  de  la  grande  œu- 
Je  miséricorde  Qu*il  médite  en  faveur  de  tous  les 
Aiits  des  liommes.  Des  niécles  s*écouleront  en* 
e  jusnit*à  ee  que  cette  œuvre  soit  consommée. 
%  voulant  la  marquer  à  des  traiu  qu'on  oc  poisse 
oniialtre.  et  coasoler  au  moins  la  terre  de  ses 
IX  par  Taliente  de  sa  délivrance,  \\  suscite  d^ège 

795)  Lot  de  Mtme,  par  S.  Salvaoos,  1  voMn-8, 
•  reirav.iUlê,  augmenté  et  publié,  en  i8S8,  en  3  vol. 
'm>u%  le  iHre  de  UitUÀre  de$  histiMcns  de  Moue  et 
moU  iBébreu.  On  se  souvient  du  scandale  donné  par 
ii/ux  chapitre  sur  le  procès  de  Jésus-Christ.  —  Cha- 
rtrauKe,  et  rcafernunt,  sous  une  modération  apua- 
de  \H»leote8  erreurs,  que  la  passion  seule  senible 
\r  pxp»iq"er.  Au  rosie,  M.  Salvador  est  juif,  ce  qui 
ppjii  a»*<-i*l«c(Jr.::Vdc  nous  aiuqucr,  m^îms  dans 


en  5ge  des  hommes  pleins  de  son  esprit  et  de  ses 
lumières,  devant  qui  11  soulève  le  voile  de  Tavenir, 
et  qu'il  charge  d*aller  dire  à  leurs  frères  ce  qu*ils 
ont  vu  et  entendu.  De  là  cette  suite  de  prophéties 
que  Ton  rencontre  en  si  grand  nombre  dans  les  li- 
vres de  Tancienne  loi,  et  où  Ton  peut  lire  d*avaoce 
rhistoire  des  événements  futurs. 

Pariiii  ces  prophéties,  les  unes  ne  reaardent  que 
le  peuple  juif  ou  bien  quelqu*ane  des  villes  et  des  na- 
tions dont  il  était  environné  :  les  autres,  et  c'est  k 
celb's-ci  que  je  m'arrête,  semblent  se  rapporter  à  on 
seul  et  unique  objet  sur  lequel  elles  reviennent  sans 
cesse,  et  qu'elles  représentent  soos  toutes  ses  for- 
mes et  dans  tous  ses  deuils,  comme  étant  d*une 
plus  haute  importance  et  d'un  intérêt  plus  univer* 
sel.  Les  Juifs  e  t  les  Chrétiens  s'accordent  à  voir,.dans 
ces  di^rniers  oracles,  la  promesse  d'un  lihërateur  oo 
d'un  Messie  qui  doit  venir  dans  la  plénitude  des 

la  partie  de  noire  fol  la  plus  sensible  et  h  plus  chère.  Il 
est  juif  patriote,  et  même  zélateur  ealbou«iasie  de  son 
peuple,  iooglenips  durement  et  inj|ustemcot  opprimé. 
Ne  nous  étonnons  pas  que,  pour  le  défendre,  il  se  laissft 
entraîner  au  deU  des  bornes. 

(1796)  Globe  do  18  avril  1829.  A  eette  époque  ce  jour^ 
nal,  sidt'rliu  de«)ois,  conservait  encore  ses  premiers  lé* 
«la  «leurs. 


tm 


blCTlOMNAtilE  ÂPOLOGEflQUE. 


um 


temps,  et  dont  bs  Uesbito  cmiime  Fempire  doivent 
innlHasser  tontes  les  oaiioos.  Mais  œux-cîassuieai 
que  cet  svgosle  personnage  est  déjà  veno  ;  que 
c*esi  JésttSf  (Us  de  Marie,  crucifié  à  Jéruialeui.  il  y 
adii-kutt  siècles  ;  eeox-U,  au  eoulraire^souticaiieiil 
qu*tl  Taut  Taliendre  encore. 

Ouvrons  donc  le  livre  des  prophéties»  ce  li^re 
eslraordinaire,  qui,  après  avoir  rempli  le  uiondean^ 
eion  du  bruit  de  ses  oracles,  remplit  encore  le  monde 
moderne  de  leur  accomplissemeot. 

I  L  -^  Prophéties  dam  le  livre  de  la  GeiiSse  concer^ 

nant  U  Meule, 

Le  premier  linéament  prophéimue  se  trouve  dans 
fe  versel  45»  chapitre  m»  de  la  Genèu,  Au  moment 
même  de  la  chute  do  praroier  homme  par  les  em- 
hftches  du  dénioUy  représenté  sous  la  figare  du  ser- 
pent. Dieu,  en  exerçant  les  châtiments  de  sa  jus* 
lice  sur  les  coupables  et  sur  leur  postérité,  insinue 
fa  téserve  d*une  réparation  future  qui  rendra 
l'homme  victorieux  de  son  ennemi,  i  Alors  le  Sei- 
Kneur  Dieu  dit  au  serpent  :  Je  mettrai  une  inimitié 
entre  loi  et  la  femme,  entre  u  semence  et  la  semence 
«le  la  femme;  cette  semciice  te  bsisera  la  tête,  et  tu 

CHERCHESAS  A  LA  MORDUE  AU  TALON.  I  Voîci  lelCXtCde 

la  Vulgale  :  Immicitias  ponam  inUr  te  et  mulierem^ 
et  semen  tuum  et  semen  illius  :  ipsa  conteret  caput 
iuum^  et  tu  insidiaberis  caleaneo  ejus. 

Assurément  nous  sommes  les  premiers  k  recon- 
i:tltre  oue,  prise  isolément,  et  abstraction  laite  de 
toutes  les  autres,  cette  première  indication  prophé- 
tique ne  mériterait  pas  qu*on  s*y  arrêtât,  liais  nous 
en  jugerons  différemment  lorsque  nous  Terrons  If 
rapport  de  développement  qui  existe  entre  elle  e* 
les  suivantes.  CVst  ce  qui  nous  porte  déjà  k  insistei 
|)our  faire  voir,  dans  ce  premier  germe,  Tintention 
et  la  tendance  dont  robjrt  va  nous  apparaître  dr 
plus  en  plus. 

i**  C*est  rameur  de  la  chute,  le  serpent,  dont  la 
tête  doit  être  écrasée  par  le  flls  de  la  femme,  et  qui 
ue  pourra  plus  que  machiner  des  embftclies  contre 
lion  vainqueur.  Evidemment  c*est  là  la  plus  haute 
eipression  de  la  réparation  pour  Thumanité. 

z*  Ce  n^est  pas  Adam  ni  Eve  directi^ment  qui  rem- 
porteront cette  victoire,  c  e»t  dans  leur  descendance 
qu'elle  doit  éclater,  semen  ;  cVst  par  conséquent 
I  avenir  qui  en  contient  raccomplissement. 

S*  Ce  n'est  pas  de  la  descendance  de  Vhomme 
qu'elle  doit  sortir,  ni  même  de  la  descendance  do 
Vhomme  et  de  la  femme  ;  mais,  chose  singulière  et 
bien  expresse  !  c'est  de  la  descendance  de  la  femme^ 
liEMEN  MULiERis.  G'cst  la  femme  même  dans  un  de  ses 
descendants,  selon  les  Septante  et  la  Vulgate  (ipsa 
conteret)^  qaï  opérera  cette  révolution  (1797)  :  inten- 
tion évidente  de  faire  de  la  réparation  la  contie- 
partie  de  la  chute  ;  et,  comme  la  femme  seule  avait 
offert  et  transuiis  le  mal,  de  lui  faire  seule  porter  et 
transmettre  le  reméJe.  C'ebt  à  quoi  saist  Paul  fait 
.«Husioo  dans  son  épitre  aux  Galaies,  quand  il  dit  : 
t  Lorsque  fut  venue  la  plénitude  des  jours.  Dieu 
envoya  sou  Fils,  fait  de  la  femnu^  pour  nous  rache- 
ter :  >  Àt  ubi  venii  plenitudo  temporis,  misil  Deus 
Fi/iiim  jutcm,  faciuu  ex  muliere,  ut  redimeret^  etc. 
079H).  Les  anciennes  paraphrases  chaldatques  ont 
bien  aperçu  comme  nous  qu'il  b'agissiit,  dans  ce 
passage,  du  Messie  devant  venir,  comme  dit  saint 
Paul,  dans  la  plénitude  des  temps.  La  paraphrase  de 
Jonathan  ben-Uzzel  dit  eii  effet  :  i  A  la  vérité,  il  y 
aura  un  remède  pour  eux  (Adam  et  Eve),  mais  pas 

(1777)  U  est  recoDiiu  de  tout  le  inonde  et  sans  contes- 
tation que,  dans  Thébreu,  ipsa  se  rapporte  à  semen  et  non 
pas  à  mulier;  mais  c'est  la  même  pensée  renforcée  dans 
l'ei  pression. 

(17961  Gâtai,  iv,  4. 

(1799)  Pissertations  swr  le  Messie,  par  Jacouclot, p.  ^7  ; 
-r* lettre  d'iwi  rabbin  conterù^\i.  57  ;  —  Traduction  po- 
tnglûtledes  paraphrases,  par  Waliow 


pottr  loi  ;  car  lis  t'écraseioal  «i  lÉlmi,  >  —  Et  h 
paraphrase  de  Jérusalem  amie  :  c  CcsI-à-direâb 
/En  des /ours,  aux  jours  du  Roi-Messk  (1799). 

PaïSims  à  la  seconde  prophétie. 

âiainienaot  nous  allons  voir  la  géttéralilé  décote 
prédiction  se  particulariser  et  plus  en  plv<- 

Dans  toute  Ilinfflanilé,  alam  iw^lée  à  produire 
«llérieorement  son  libérateur,  Dîea  vr»  ptêndre  u 
seul  homme,  Abraham,  et  de  cei  homme  il  vi  fûit 
un  peuple  distinct;  et  c'est  de  ce  pesple,  doiu  la 
fonction  spéciale  sera  de  raoaoneer  avant  et  de  ië 
.  servir  de  témoin  après ,  que  doit  sortir  ce  éesaB- 
dant  de  U  femme^  par  qui  doit  s*opéfer  le  salât  et 
genre  homain. 

Le  Seigneur  Dieu  dit  à  Abrahaia  :  t  Sortez  de 
"votre  pays  el  do  votre  parenté,  et  venex  ea  is  um 
qve  je  tous  montreraL  —  Je  ferai  sortir  étrmsu 
grand  venple.  —  Et  tous  les  peuplée  de  la  letre  se- 
ront bénis  CM  voos.  t —  In  te  benediceuîmr  wtitetyt 
'  caouaiones  (errœ,  {Gen.  xii,  3.) 

Phis  loin,  et  après  le  sacrifiée  d'Isaae ,  la  mèoc 
promesse  est  renouvelée  à  Abraham  avec  plus  de 
force  et  de  précision. 

f  Je  jure  par  moHiiéme,  dit  leSeiga'^ar,  qaepiii* 
<|ue  vous  avez  fait  ceue  act  on,  je  y<nis  héalr»  ;  — 
je  multiplierai  totre  rau  oomme  les  étoiles  es  6à 
et  comme  le  sable  des  mers  ;  —  et  lovies  ie$  matiên 
de  la  terre  seront  bénies  en  celvi  Qd  fioanai  m 
voos.  I  —  Benedicentur  in  SEmifE  tgo  oaiaes  fentet 
terrœ,  (Gen.  xxii|  18.) 

I  Opéiation  subitme!  par  suite  de  la  preoiière  pfo- 
messe,  et  pour  préparer  mnblement  de  loîo  sa  lêab- 
sation.  Dieu  fait  exprès  un  peuple.  A  cet  cfet,  il 
prend  un  homme,  comme  un  6/oc,  comaae  aae  ar- 
rière, selon  la  forte  expresoion  d'Iaaîe,  dans  laqatik 
il  Ya  tailler^  et  d'où  il  ya  extraire  (1800)  ce  gnnd 
peuple,  qui  ne  ressemblera  4  aocmi  autre  peeple,  ai 
dans  les  temps  anciens,  ni  dans  les  leoipa  moiMiiii, 
et  qui  sera  le  déposluire,  l'instntmeat  et  le  témoin 
perpétuel  de  la  bénédiction  qpi  doit  se^répendie  ua 
jour  sur  toutes  les  nations. 

Toutes  les  nations  de  la  terre  seront  héuies  » 

VOCS,— S!f  CELCI  om  SORTIIU  OE  V0I7S  (léÂl).  —  Td 

est  le  bol  précis  et  définitif  de  ce  ehoix  d^Ahraham 
et  de  la  formation  du  peuple  juif.  Ce  n^est  paspoor 
loi  et  par  une  faveur  capricieuse  et  graioiie  que  le 
choix  de  ce  peuple  est  fait,  c*est  comnae  laslmmem, 
et  pour  servir  à  la  manifestation  des  ^i^r^yjw  de  b 
miséricorde  de  Dieu  sttr  rhumanité  ea  géaénl: 
c'est  pour  nous  gentils^  pour  nous  tous  baBaains,que 
Dieu  a  tiré  ce  peuple  de  l'humanité,  eoni 
plan  choisi  et  cultivé  avec  soin,  d'où  devaûl 

un  jour  la  tige  bénie  sur  laquelle  nous  aerîou. 

entés;  ce  sont  tous  les  hommes,  ce  sont  loas  ki 
peuploi  que  Dieu  aimait  et  avait  en  vue  daes  le  m1 
Abraham,  dans  le  seul  peuple  juif;  I^Ancîen  Testa* 
ment  n*éuit  que  le  préambule  du  Nooveao,  et  ks 
'  Juifs,  en  tant  que  peuple  de  Dicu^  n'étaienl  ^ue  gre- 
vés de  substitution  envers  toutes  les  uationt  de  k 
terre,  appelées  k  recueillir  le  bénéfice  do  rrstamnef. 
C'est  ainsi  qu'il  laut  entendre  Vélectiou  da  pei^le 
juif  en  vue  de  la  vocation  des  gentils^  et  comme  de- 
vant s'absorber  dans  cette  vocation  potir  laqoeSe 
seule  elle  est  faite.  C*est  faute  de  saisir  ce  rsf^ort 
que  le  peuple  juif  a  donné  dans  rorgtieîlfease  pr^ 
teutiou  de  dominer  toute  la  terre,  et  que,  yar  Peflà 
de  cet  aveuglement  charnel,  il  a  été  rejeté  e»  dehors 
du  salut  commun.  C'est  aussi  faute  ée  saisir  cpue 
large  vue  que  rincrcdulité  se  choque  de  la 


(1800)  ÂUendite  ad  peiram  unde  exdêi  esiU^etod 
nam  laci,  de  qua  prwcisi  estfs.  AlUitdile  ad  Al — ^~ 
frem  t*eslrtmt,  et  ad  Saram,  quœ  jteperil  ros  ; 
vocavi  ewH,  et  benedixi  d,  et  multiplican  <mr.   iU« 
ti,l,2.) 

(1801  )  Cette  traduction  est  de  Sacy  ,  nou»  U  Jit^îil?«.r  \^ 
û»us  un  instuut. 


IW7 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


1198 


de  Ditu  ^  regard  de  ee  seul  peuple  dans  les  teni|it 
incient.  Certes,  Veut  misérable  de  ce  môme  peuple 
(faos  les  lempe  noderoes,  au  aein  de  la  béoédiaion 
•Direrselle  dont  il  est  seul  etein,  est  bien  propre 
crpemûmt  à  faire  Toir  que  ce  n*ett  pas  pour  lui  seul 

3»e  Dieu  en  naaii  ainsi  «  et  oue  les  yrals  héritiers 
Abraham  ne  sont  pas  tant  les  Juifs  que  tous  les 
Cbréliens,  soil  juif,  soit  gentil  (1803). 

Mais,  (fira  t-on,  pourquoi  Dieu  s*est-il  ainsi  servi 
dtt  peuple  Juif?Quielle  néœssllé  d*nn  tel  intermé- 
diaire? Ne  pouvait-il  pas  nous  appeler  tous  immé- 
diatement au  «ahit  qu*U  nous  réservait,  sans  tant 
d'ambages? 

Sans  diiuto  Dieu  pouvait  user  de  mille  antres 

moyens;  il  pouvait  se  passer  de  moyens  mémo,  et 

il  it*y  a  en  nen  de  nécessaire  en  soi  dans  la  voie 

qtril  a  suivie.  Mais  si  roneonsidère  qu^il  convenait 

pour  ncns  qu*U  a^t  de  telle  sorte  que  nous  le  mB-*' 

ûoHi  agir  assea  pour  reconnaître  sa  providence , 

sans  cependant  y  être  irrésistiblement  forcés,  nous 

»eroos  frappés  de  la  sagesse  de  ee  plan  de  la  reli* 

gion.  Le  salut  que  Dieu  nous  réservait,  pour  se 

rendre  plus  apparent  et  phis  sensible,  pour  donner 

lieu  à  notre  amour  et  k  notre  foi,  sans  lesquels  il 

M  pouvait  n«His  profiler,  devait  se  détacher  à  nos 

rci^ards,  devait  être  nnnoncé,  préparé,  personnifié, 

tie  loin,  dans  une  action  libro  et  visiblement  provi- 

deocielle  :  voilà  le  motif  d«  chois  d*Âbrabam ,  de 

.a  distinction  du  peuple  Juif,  el  de  la  piédiction  d« 

but  pour  lequel  ils  ont  été  faiu. 

Au  reste,  le  fait  Justifie  ici  rinlention.  *-  La  fbr- 
maiiou  spéciale  du  peuple  juif  pour  opérer  plus  tard 
b  conversion  des  gentils,  et  la  prédiction  de  ce 
luuble  fait  el  de  son  intention  expresse  plusieurs 
^it^les  avant  qyii  s'opérât,  constituent  une  grande 
t  belle  prophétie  qui  révèle  Tintervention  de  laDi- 
•  iniié,  et  sert  de  fondement  à  notre  fol. 

Ce  mnd  retour  de  toute  Thumanilé  k  Tunité 
ruoe  Toi  aainte,  après  les  écarts  de  plus  en  plus 
profonds  où  chaque  peuple  s'enfonçait  sous  le  poly» 
héisme,  voilà  ce  qui  était  ioconteslaMeraent  en  A- 
tors  de  toute  prévision,  de  toute  vraisemblauee,de 
ou  te  possibilité  naturelle  même;  et  voilà  cependant 
e  qui  est  prédit  ici  deui  mille  ans  avant  qu'il  soit 
ili,  et  ce  qui  va  être  répété  dans  les  autres  pro- 
tiéties  avec  one  infatigable  consiance. 
Cette  révolution  eitraordinaire  devant  sortir  spé- 
iaiement  du  peuple  juif  entre  tous  les  peuples,  et 
e  peuple  juif  devant  sortir  en  particulier  d*Abra- 
am,  entre  tous  les  hommes,  voilà  qui  ajoute  à  la 
ivine  slugttlariié  de  la  prédiction. 
£t  voyez  avec  quelle  suite  d'intention  ce  plan  est 
^oieoa  f 

Abrahani  eot  deux  fils  :  la  prophétie  s'appliquait 
ces  deux  fils  comme  die  s'appliquait  à  tous  les 
»mmee  avant  le  choix  d'Abraham;  mais  comme 
mbaia  foi  choisi  entre  tous  les  hommes,  Isaac  est 
«ofM  entre  les  fils  d'Abraham,  et  la  divine  promesse 
î  eai  dévolM  en  particulier  K  à  lui  seul. 
C'est  tTMsaaCf  dit  Diai  à  Abiaham,  que  sortira  ta 
ce  qui  doit  porter  votre  nom,  (Ven,  xxi,  12.) 

[I90S)  Toates  fcs  Idén  smit  rcnferroces  dans  ce  root 
Jean-BnpUste  aux  Juifs  :  «  Failes  donc  de  dignes  fruits 
péniienoe*  et  ne  \Otts  prenez  pas  toujoars  h  dire  : 
«M  aofffimen  les  enfanis  it Abraham.  Or,  je  vous  le  dis, 
ru  p4%iK  cSe  ces  pierres  méiues  sustiier  des  enbnts 
t»r«li«ni.  » 

|Hi)5)  Immaëi,  Taotre  fils  d*Abrahaffl,  est  Vc^ei  d'une 
«iirtion  spéciale.  Je  ne  iaisêerai  pae  néanmomSf  est-il 
à  A  hrabaiiB,  dé  rendre  te  IU$  de  voire  iervanle  chef  d'un 
ttd  vettMep  parce  quH  tr^  $orli  de  vons..  Ce  tera  an 
tmte  ûmtoemi^  ;  U  lèvera  la  main  contre  ions,  el  km* 
'rtfml  ta  emmin  contre  tnà  ;  el  U  dreuera  ses  paviUons 
M-MS   ^^  fi*>>*  MS  frères.  {Gen.  xii,  13-14;  iivi,  12.) 


dirtMa  Itasipante,  dans  lauueile  H  est  impossible  de 
rtnu«flcre    le  peuple  ismaélite  ou  arabe,  «t^i  se  Te^ 
K>nni  av>pl*4«>ée  k  lui-même. 
w»i;  IJ  eat  vrai  qu'il  a^ait  vendu  son  droit  d'alocsse  ; 


<  Je  serai  afcc  ? ous  et  vons  liënirai,  dit  Dieu  en- 
suite à  Isaac,  pour  accomplir  le  serment  que  j*ai 
fait  à  Abraham  votre  père*  —  Je  multiplierai  vos 
enfanu  comme  les  étoiîes  du  ciel;  et  êoutes  les  an- 
^ons  de  êa  terre  seront  bénies  dans  celui  qui  vibn- 
DSA  DE  voiTs.  >  (Gen.  xxvi,   5,  4.  |i805].) 

Même  élection  parmi  les  fils  d*Isaae.  Ils  étaient 
deut  :  Esaû  et  Jacob;  et  c*est  à  Jacob  en  particu- 
lier que  passe  Tantique  promesse  : 

f  Je  suis  le  Seigneur,  le  Dieu  d'Abraham  votre 

gère,  et  le  Dieu  d'Isaac...  Votre  postérité  sera  nom- 
rcuse  comme  la  poussière  de  la  terre...  et  loaiea 
les  nations  de  la  terre  seront  bénies  eu  celui  qui  vie5* 
DBA  de  vous.  I  (Gen.  ixviii,  15,14.) 

Remarquez  que  pour  donner  à  ce  cho:z  disaac 
d*abord  et  de  Jacob  ensuite  un  caraclére  plus  pro- 
vidt  miel,  plus  librement  électif,  le  cours  naturel  des 
eh(  ses  est  interverti.  Ainsi  la  vieillesse  de  Sara  est 
rendue  féconde  au  détriment  d*lsmaél,  et  la  surprihc 
faite  à  Isaac  de  sa  bénédiction  en  faveur  de  j:«cnb 
la  détourne  d*Esaû,  à  ^ui  elle  revenait  uatunlle- 
ment  comme  à  Falné  (1804). 

La  force  de  cette  prophétie  répétée  à  Abraham, 
à  Isaac  et  à  Jacob,  dans  les  mêmes  termes.  In  se- 
mine  tno  benedicentur  omnes  gentes^  est,  cou;  me 
nous  Tavons  observé,  dans  cette  vocation  des  gen- 
tils  anticipée  de  deux  mille  ans,  et  précisée 
dans  le  canal  par  lequel  elle  doit  s*ojpiérer  :  le  peuple 
Juif. 

La  troisième  prophétie  est  celle  de  Jacob. 

Nous  avons  vu  la  prédiction,  dont  Tobjet  est  le 
salut  de  toutes  les  nations,  se  particulariser  de  tous 
les  hommes  en  Abraham,  en  Isaac  el  en  Jacob.  Mais 
à  la  dificrence  d*Abrabam  et  disaac,  qui  n*avaient 
laissé  que  deux  enfants,  Jacob  en  laisse  douze  : 
lequel  de  ces  douze  enfants  sera  rhéritlrr  des  divi- 
nes promesses?  Les  chances  d'eiTeur,  humaine- 
ment parlant,  se  multiplient.  Cep4>ndaiit  la  prédic- 
tion, loin  de  s*euvelopper  de  termi-s  équivoques 
pour  leur  échapper,  va  devinir  plus  précise  et  plus 
daiiement  indicative  que  Jamais. 

f  Or,  Jacob  appela  ses  eitfai.ts  et  leur  dit  :  Assem- 
blez-vous tous  pour  que  je  vous  annonce  les  choses 
qui  vous  doivent  arri\er  dans  les  derniers  jours.  > 

Ainsi  c*est  bien  une  prophétie  que  nous  allons 
entendre,  et  une  piophétie  touchaui  la  On  des  Juifs 
Cette  fwy  nous  la  connaissons  déjà  par  les  ptopbé- 
ties  qui  précèdent.  Voyons  ce  que  va  nous  en  dire 
celle-ci. 

Tous  les  enfants  de  Jacob  sont  passés  en  revue 
par  le  saint  patriarche,  el  chicun  reçoit  sa  part  du 
propliétiques  bénédictions.  Venu  à  Juda,  ta  parole 
du  vieillard  8*élève. 

€  Toi,  Juda,  tes  frères  ta  loueront  ;  la  main  se 
posera  sur  le  cou  de  tes  ennemis  ;  les  fils  de  ton  père 
t*adoreront.  —  Juda  est  un  Lonceau;  vous  >ous 
êtes  dressé  sur  votre  proie,  mon  fils;  et,  vous  repo- 
sant, vous  vous  êtes  couché  fmiime  un  liuii  et 
comme  une  lionne.  —  Qui  réveillera? 

c  Le  sceptre  ne  sortira  point  de  Juda^  et  il  y  aura 

mais  la  tromperie  n'en  existait  pa»  moins  h  l*égard  d'Isaac. 
—  Cette  supercherie,  comme  mille  autres  traits  de  la 
Bible,  ascaudaltse  beaucoup  d'cKpi lis  légers;  mais  tous 
ces  ombrages  s'évanouiront  devant  une  distinction  toute 
natureUe.Il  y  a  toujours  deui  choses  dans  les  événements 
humains  :  la  liberté  de  l'homme  qui  peut  Taire  le  mal  ;  la 

{»ruvtdcnce  de  Dieu  qui,  par  ee  mjil  qu'il  réprouve,  atteint 
e  bien  qu'il  poursuit.  Il  n'y  a  nulle  solidarité  entre  ces 
deux  choses,  el  le  bien  que  Dieu  Ure  de  nos  mauvaises 
passions  ne  les  iiistlfle  pas  plus  que  celles-ci  ne  riocrimi- 
nent.  Cest  ainsi  que  la  réTolution  française,  toute  pleine 
de  crimes  qu'elle  a  été,  a  fonctionné,  peot-on  dire,  dans 
les  mains  de  Dieu  comme  une  machine  terrible  de  juslicu 
et  d'épuration.  Les  bourreaux  n'en  sont  pas  moins  restés 
avec  leur  responsabilité  relative,  les  victimes  avec  leur 
expiation  méritoire,  et  Dieu  avec  sa  uloirc  et  sa  sainteté 
in&Uibles. 


1493 


DICTIONNAIRE  APOLOCETIQtE. 


\M 


loujouri  ('es  cb^ft  de  sa  t  ace  jm»qm*à  te  que  vtrwie 

Cr.tLI  QLI  DOIT  ÊT«E  E.^VOtÉ  :  ET   C'EST  LL'I   Qtl   SEBA 

L'4iTt5TE  DEi  «ATI03I»  :  »  «  ip««  ertl  exàpecialîo  gen^ 
f fiifN,  f<;!o:i  les  Septante;  on  bien,  ce  qui  iresi  pas 
nioiiibrori,  «  et  il  sera  le  salliemext  de  toutes 
LES  KATioivi  :  »  et  ipiittê  erit  eongregatio  geuiium, 
{Cen.  xLiv,  8*10.) 

Kiifio,  iiarlant  à  Joseph  :  c  Les  bénÂlîciions  que 
vous  donne  voire  père  surpassenl  cclliis  qe^il  a  re- 
çues de  bes  pères  ;  ei  el!es  dureront  jusqu'à  ce  que 
ie  Désiré  de*  eoUineê  élcrnelUê  $oil  tenu,  »  (Ci7i., 
xi.i%,  2G.) 

Voila  lu  prophtilie  de  Jacob. 

Il  u  y  a  qu'une  \oix  dans  toute  rantMfttité  jaWe 
m>ur  y  recoiioaltre  le  Messie.  Tout  y  e»t  ciprês,  el 
le  coiiiiii«iiuire  ««st  hiuiile.  L*objel  de  ta  piédicUoii 
<  Si  le  même  que  dans  les  prophéties  précédentes  :  le 
êalui  du  monde,  la  conversion  de  toutes  les  nations 
au  vrai  Dieu.  Mais  vo/ez  comme  les  traits  soot  plus 
profonds  et  plus  explicites!  —  Celle  S'Smence,  ce 
ëciueVf  qui  éuit  colleclir  el  équivoque,  s*est  dégagé, 
précisé,  pert^oiinifié,  el  est  devenu  Scilo,  le  Messie» 
iiui  MiTTE^Dus  EtT  ;  Ic  tcriue  hébreu  a  tous  ces  seus 
^1805).  —  CV'St  en  lui,  semence  d*Âbrabam,  d*lsaac 
et  de  J;iCob  ;  en  lui,  semence  de  la  femme^  que  toutes 
les  nai.onsseiOiil  ramenées  à  Cunilé  d*un  seul  trou- 
ptau;  c*e»t  lui  qui  sera  l'attente  de  toutes  les  nations. 

—  C*est  lui  enflii,  lui  Sauveur  envoyé  de  Dieu,  Dé- 
être  des  co'lities  éternelles^  qui  sera  aussi  et  en  par- 
ticulier ratten:e  de  Jacob  :  Salltare  tuux  ex^pe- 
ctabo,  DuNi>E!(lli06) 

Mais  les  luéuies  traits  ne  sont  pas  seulement  plus 
achevés  que  dans  les  précédeiiles  prophéties  ;  de 
nouveaux  traits  sont  ajoutés,  et  qu*ils  sont  frappants  ! 

—  La  principauté,  le  sceptre,  dans  la  tribu  de  Juda, 
jusqu'à  ce  que  Vienne  (aonec  veniat)  celMtssie,  a/- 
tentCf  centre  de  ralliement  et  salut  de  toutes  les  na- 
lio:i8  ;  —  el,  (luand  il  sera  venu,  ce  sceptre  ôté  à  ja- 
mais. —  Quelle  lumineuse  précision  i 

Et  quel  liiièie  accomplissement!  Tout  le  monde 
sait,  eu  effet,  que  la  tribu  de  Juda  a  toujours  eu  la 
prééminence  chez  le  peuple  juif  dans  les  temps  an- 
cii'ns  ;  que  c'est  elle  qui  eut  le  privilège  de  lut  don- 
ner des  chefs,  des  rois,  et  enfin  son  nom,  et  cela  eu 
\Lrtu  de  la  bénédiction  de  Jacob  (1807). 

t!e  qui  n'est  pas  moins  clair,  c'est  que  ce  sceptre, 
iniijours  resté  dans  Judas,  lui  fut  enlevé  à  jamais 
lors  de  ravéiiement  de  Jésus-Christ,  avec  unecoin- 
4*iJence  remarquable,  et  jjui  justifie  à  la  lettre  le 
donec  veniat  de  la  prophétie.  —  Toute  l'histoire  pro- 

(1805)  Les  trois  paraphrasles  chaldueus,  Onkélos,  Jo- 
iiailiau,'ei  ceui  de  Jérusalem,  appliquent  cette  prophétie 
au  Messie,  qu*ils  cntcudeut  par  le  mol  de  Scilo  ;  —  dans 
le  traité  Dercschit  RabtM,  on  lit  :  Jusqu'à  ce  que  vienne 
SuLu  qui  est  ie  Msssic;— dans  le  livre  Berescliit  Katar  a, 
sect.  79(  on  lit  :  Jusqu'à  ce  Que  viemie  Scilo,  parce  qu*it 
doit  arriver  que  les  mtions  au  siècle  apporteront  des  pré- 
seuls  au  Messue,  /i/s  de  David;  —  c'est  aussi  le  seutimcnt 
du  rabbin  kimki,  en  kou  livre  des  racines  des  mots  sur 
S<:iu)  :  il  dit  que  c'est  une  prophétie  oiii  regarde  le  Mes- 
»ic.  —  Ou  peut  ajoutera  ceux-ci  les  Rn.  Isaac  Abrabanel, 
Saloniun,  itechai,  Lipmao  en  son  Nitsacon  ;  te  Taluiud 
sur  le  Sanliédrin,  cliap.  u  ;  le  R.  Isaac  en  son  Bouclier  de 
ta  foif  pari,  i",  chap.  1  i  ;  enfin,  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus 
eonsiderable  dans  1  auliquité  rabbiolque. 

(180G)  Tous  les  anciens  Juifs  ont  pareillement  expliqué 
du  Messie  ces  dernières  paroles  de  Jacob,  et  l'auteur  de 
la  paraphrase  chaldaîque,  Onkélos,  lui  bit  luôme  ajouter 

3UC  ce  n'est  ui  de  Gédéou  ni  de  Samson  qu'il  attend  la 
élivrance  de  sou  peuple,  mais  du  Christ  qui  lui  est 
promis. 

(1807)  Cette  tribu  es!  toujours  nommée  la  première 
quand  il  s'agit  de  quelque  préférence  cl  de  quelque  hon- 
neur. —  Elle  oilre  la  première  ses  dous  au  Seigneur.. 
{Num.  vil,  11)  —  Elle  a  sa  place  marauée  à  l'orient 
du  camp  vis-à-vis  l'entrée  du  taocrnai'le.  (Num.  ii,  2 ,  3  ) 

—  Et,  après  la  morl  de  Josué,  Dieu  étant  consulté  par 
tout  le  peuple  sur  le  choix  d'un  nouveau  chef,  ccsl  Juda 
qui  est  désigné. 

L'autorité  royale  fut  ensuite  accordée  k  cette  tribu  dans 


fane  dépose  de  ce  fait.  —  Les  Boamt,  pir  Vv 
tvpréaatie,  fl*éuîeiil  déjà  arrofé  phu  drwmànà: 
tuais  le  peuple  de  IMev  avail  loajvars  mb  ni,  qii 
éuii  allié  d^Augasle,  et  qvi  exerçait  escore  lei  énoâ 
les  plus  importants  de  la  rojraaié.  Le  premier  em- 
piéieroeot  d'Auguste  snr  cesifroiu  C«t  de  faire bire, 
a  répoque  de  â  naissance  de  Jêset-Chrisi,  le  ée- 
nombremeiit  de  tous  les   kabitaMs  de  liiadée; 
mais  il  ne  leva  pas  de  coatribalion.  Bérode  vint  a 
meurir,  el  chargea  Angosie  de  rexécatien  de  u» 
teslament,  noo-sealenieni  en  qualité  de  saaicnis, 
mais  de  tuienr  palsaaijt,  dont  ses  fils  avaieai  efec> 
tivemenl  besoin.  Arcfaéiaûs,  fils  d^Oérode,  lai  étaM 
par  Aagoste,  non  pas  roi,  mais  Itoar^ae  d*iiae 
partie  de  la  indée,  avee  promesae  de  rbonorcr  di 
Uire  de  roi,  s*il  s*en  rendati  digne.  Il  ne  a*ea  reiAi 
pas  digne,  an  iagement  de  la  poliUqiie  romaoïe,  «i 
hit  bieoiôt  exilé  à  Yienue,  dans  les  Ga«!eB.  Depsii 
lors  la  Judée  eal  un  proeureur  paitieBlier  (prots- 
rator),  mais  qui  foi  soumis  au  gouvemeor  de  Sjrie 
{prœses).  Ces  événeroeals,  oui  mirenl  fin  4  la  oaiiih 
naliié  juive  el  n*en  ûrenl  plus  qu^uiie  provinee  m- 
n  aine  (1808),  se  passérenidans  les  douae  preaûcre» 
années  delà  vie  de  Jésus  •Cbrisc.  Un  ira  t  de  eeiie  vie 
nous  fait  Toir  la  Judée  devant  rendre  à  Césnrufa 
est  à  César  ;  el,  enfln,  le  grand  drame  de  sa  awrt 
éelairc  le  dernît  r  anéantissement  de  la  naiioaaiiié 
juive,  qui,  malgré  sa  haine  conlre  lui,  n^mtoit  pas  a 
droit  de  le  faire  mourir^  el  fol  obliitée  de  faire  )ép- 
User  son  déicide  par  un  Humain.  Crucifige  /criaieai- 
ils  k  Pilale  :  ce  mot  résume  tout  rjicGoiiiplisâca«Li 
de  la  prophétie  (1809). 

Un  autre  Irait  cependant  attend  la  jo9(lficatiM  ée 
Taccomplissemenl,  c^est  celui-ci  :  Ipsius  erit  eeufre- 
aatio  gentium.  Mais  renoncer,  c^esl  le  jasiifier.  Toctes 
les  nations  civilisées  el  même  barbares,  pendant  qua- 
tre mille  ans  égalées  dans  les  ténèbres  de  ridolàtnc, 
reçurent  incontinent  la  loi  évangéliqtie,  et  fraterai- 
sérent  dans  le  titre  universel  de  cfarciim,  prndaat 
que  la  nation  juive  allait  de  plus  en  plus  en  s*alù- 
manl. 

Ainsi  te  sceptre  dans  Jnda^  jusqu^à  ravéseme:  i 
de  Celui  qui  devait  i  allier  à  lui  louies  les  aa- 
lions. 

Ce  sceptre  été  à  jamais  à  partir  de  cei  atéae- 
ment. 

Toutes  les  nations  converties  à  la  loi  de  ce  SauTecr 
iiiuncdiatemeui. 

Vom  la  prophétie,  —  voilà  révcnemcni.  —  Cl 
cependant  deux  mille  ans  les  séparent.  Cest  use 


la  personne  de  David  et  de  ses  descendaints.  Mai»  banA 
proclame  que  la  supériorité  de  la  Iribu  de  Jada  est  pu.^ 
ancienne  que  la  royauté.  Dieu,  dit-il,  a  ckom  des  ctr.i 
dans  Juda,  et  il  a  ensuite  choisi  la  maison  de  mon  pcrt 
pour  m'élever  au  tràne.  (i  Parai,  xxvui,  4.) 

Duraut  la  captivité  même,  une  partie  de  cette  trM 
demeura  en  Judée,  et  Fautre,  quoique  csptîTp,  àtmàmm^ 
Daniel  et  EzédM  au  peuple  juif,  et  avaii  un  de  se»  ■>«« 
avec  elle,  Joar/itm,  que  le  successeur  de  SsbuKkotktans^r, 
Etvimerodach,  Ëiisail  manger  à  sa  tadble,  et  deen  â  r»£1 

le  trône  ai^-dessus  du  tràne  des  autres  prmtes  ses  ÊréuLs- 
res.  {lUReg.xx,tl.} 

Enfin,  lors  du  retour  de  la  captivité,  qui  eut  htn  •»-. 
la  conduite  de  Zorobabel,  de  la  tribu  de  Juda,  crue  ^rCm 
Uïi  plus  dominante  que  jamais,  puisqu'elle  fui  |v««^w  u 
seule  qui  servit  de  base  et  de  fond  à  la  rrpobliq«e.  i^  ^ 

ellu  qui  fournit  les  magistrats,  et  les  -     

guerriers.  Ce  fut  elle  qui  communiqoa 

les  autres  tribus,  qui  ne  furent  plus  *v»^f*ffyN^ 

sous  le  nom  de  Jntfs, 

(1808)  Une  ombre  de  roi,  fiérode  Agrinpi, 
ment  sur  le  trône  de  Jérusalem  de  Tan  Akï 

\  1809)  Les  Juifs,  après  s'être  &il 
la  destruction  de  leur  nationalité,  ont  clé 
hi  reconnaître  ;  et  alors  ils  se  soni  prtsde 
que  la  prophétie  ne  s*aecomplisBUiiL  pas»  le 
Ils  rentendaicnl)  n'ayant  pas  paru:  <  La 
mud,  ce  cri  se  fit  entendre  :  Malheur  è  m 
cessé  dans  Juda  !  »  {Lellrg  ftrr  Jésus-Otrisi.  fwr  13 
cnoL,  p.  189.) 


1501 


NOTKS  ADDlTiONNELUS. 


1502 


belle  preuve,  ce  noiiâ  sembla!.  .  mais  poursuivons. 

I II,  —  Prophéiie  de  Dalaam,  —  Le  Messie  tortira  de 
îa  famille  de  David.  —  Le*  deux  gcttéalogtes  de 

Le  Messie  (Scilo),  attente  ei  Sauveur  fafur  des 
nations,  est  muinteuani  de  venu  Tobjet  distiiici  des 
propbéiies,  le  lermc  des  deslinées  de  Juda,  Tcspé- 
raiice  de  Jacob.  Désormais  nous  ne  le  perdons  plus 
de  rue,  et  celte  grande  Ûgure  va  ressortir  de  plus 
en  plus  sous  le  pinceau  des  prophètes. 

f  Je  le  verrai,  g*écrie  le  premier  qui  vient  ensuite, 
je  le  veiraî,  mais  non  poiat  maintenant;  je  le  regar- 
de'.il,  m:iis  non  de  prés  :  une  étoile  se  lèvera  de 
JiroB,  un  sceptre  se  dressera  d'Israël  ;  il  fraiipera 
il  8  princes  de  Moab,  et  renversera  ions  les  fils  de  OL'th,  i 

Voilà  ce  que  dit  tialaam,  fils  de  Oéor  :  voilà  ce  que 
dit  un  homnu  dont  tœil  est  fennec  qui  voit  les  visions 
du  Tont^Pnissant^  et  qui  en  tombant  a  les  yeux  om- 
rerts,  (Num,  ixvi,  17.) 

Ce  n*est  pas  nous  qui  appliquons  celte  prophétie 
au  Messie,  ce  sont  les  Juifs,  et  dès  avant  la  venue 
de  Jésus-Cbrîst.  Les  trois  premières  paraphrases 
chaldaîques  d'abori,  et  presque  lous  les  docteurs 
juifs  ensuite,  s*acrordeni  dans  cette  interprélalion. 
Pour  en  scnrîr  la  force,  il  faudrait  lire  Tensemble 
lie  la  prophéiie.  On  y  voit  d*abord  dans  un  premier 
«fegré  la  l)énédiction  piophétique  prononcée  sur 
Kraél  presque  dans  les  mêmes  termes  que  nous 
rivons  vue  dans  la.  prophétie  de  Jacob  :  c  Quand  il 
se  couche,  eet-il  dit,  il  dort  comme  un  lion  et  comme 
une  lionne,  que  personne  n*ose  éveiller.  »  La  pro- 
phétie est  interrompue  ensuite  :  puis  Balaam  com" 
mence  à  prophétUer  de  nouveau,  et  avec  plus  dVxal« 
biion  il  8*écr:e  :  Je  le  verrai,  etc...  Et  alors  ce  n*esl 
plus  de  Jacob  et  disraél  q»*il  parle,  maisd*une^loi7e 
]uisortiradeJacob,\Vune  verge  qui  s'élèvera  d'Israël, 
L'tqui  tfijniph»ra  uon-seulenieut  des  chefs  dcMoab, 
mais  de  tous  les  enfanté  de  Seth,  c*est-à^ire  de  ia 
fMralité  det  hommes  (i810),  ce  qui  ne  peut  appar- 
leuir  qu*à  celui  duquel  il  a  été  déjà  dit  que  tous  les 
rcuples  de  ia  terre  seraient  bénis  en  sa  personne,  et 
|u*il  rattieraii  à  lui  toutes  les  nations. 

Aussi  un  doct  ur  juif  dit^il  sur  ces  paroles  ;  ç  Nos 
focti'urs  les  expliquent  ainsi  :  Il  transpercera  les 
xtrémités  de  Hoab,  savoir,  David  ;  il  dctruira  tous 
e»  fils  de  S.tb,Xd  qui  appartient  au  àlessie  :  et  cela 
^i  véritable  de  toute  nécessité,  car  David  n*a  point 
''gné  sur  tous  les  lils  de  Seib.  Davantage  il  u*^  a 
u  aucun  de  lous  Ifs  rois  d'Israël  qui  ait  eu  IVmpire. 
iiiivcrsel  du  monde,  c'est-à-dire  qui  ait  été  le  roi  de 
auslctiU4deSetb(iSll).  » 

(1810)  (.*est,  en  effet,  conune  s*il  y  avait  tous  les  en- 
ini2>  iVAdam^  Setli  étant  le  seul  des  fils  d'Adam  dont  la 
^t.Tiléjpar  Noé  ait  constitué  l'espèce  humaine. 

(IHtl)  Voyez  IHssertalion  sur  le  Messie  par  Jacqublot, 
.  100,  où  Ton  trouve  plusieurs  autres  citations  rabblni- 

Il  n'e^i  nas,  selon  nous,  nécessaire  d'appliquer  la  con- 
iièie  de  lloab  à  David,  comme  le  font  len  docteurs  juifs, 
!  <Je  briser  par  là  ruoitê  de  cette  prophétie.  Il  est  plus 
■tnrel  d*applifluer  le  tout  au  Messie,  et  d  y  voir  une  pro- 
rrvt'oo  de  la  domination  de  Jésus-Christ,  qui  disait  lui- 
«^mc  à  ses  apAtrcs  :  Vous  me  rendrez  témoigitage  dans 
rruuûem,  el  dans  toute  la  Judée  et  la  Sotnarie,  et  jus- 
l'mix  extrémités  de  la  terre.  (ÀcL  i,  8.) 
\l8li)  Voyese  les  deux  généalogies  de  Jésus-Christ  dans 
*:vanf(ile  ;  la  première  (en  S.  Matthieu)  par  Joseph, 
•ou«  de  Marie  ;  la  seconde  (en  S.  Luc)  par  Marie,  mère 
'  Jrsus-Christ  Joseph  n*est  pas  pris  dans  ia  prendère  de 
Y  gén<'alogics  comme  père  de  Jesu»<^rist, puisque,  par 

latt,  il  ne  Tétait  pas  (le.i  généalogistes  eux-mêmes  le 
rbrent)  ;  mais  il  est  pris  comme  parenl  de  la  sainte 
i-rge,  parce  quHl  était  d*usaçe  que  la  femme  i-pousàt 
H  parent,  et  qce  la  généalogie  même  de  ta  fenune  se 
uifHàt  par  le  mari,  comme  le  plus  noble  représentant  do 
parenté  coamione  à  tous  deux.—  Aussi  saint  Matthieu, 

donnant  la  généalogie  de  Joseph,  donne-t-il  par  cela 
^mc  la  généalogie  de  Marie  par  rapport  à  leurs  ancé- 
•  '  communs  ;  et  rcriproquement  Minl  Luc,  on  donnant 


Au  reste  le  prophète  Dalaam,  comme  on  sait,  vi< 
vait  pirmi  les  nations  idolâtres,  et  quelques-uns  ont 
pensé  que  cVst  par  lui  qu'elles  avaient  été  prévenues 
de  la  venus  du  Messie,  et  que  s'ét  dt  enracinée  dans 
tout  rOrient  cette  antique  et  profonde  opinion  dont 

}»arlcnt  Tacite  et  Soéione,  que  de  la  Judée  sortirait 
e  Dominateur  universel;  paroles  qui  coïncident  eu 
elTtt  avec  les  termes  de  l:«  prophétie  de  Balaam. 

Ce  qui  est  incontestable,  c'est  qu'à  l'époque  de 
l'avènement  de  Jésus^lirist  tonte  la  Judée,  préoc- 
cupée de  cette  prophétie,  avait  Tœil  fixé  sur  l'hori- 
zon des  événements  ,  pour  voir  se  Icvt^r  cette  étoile 
de  Jacob;  et  nous  lisons  dans  Josèphe  et  dnns  le 
Talmud  que  le  succès  passager  do  Barknehébas ,  ce 
faux  Messie  dont  le  fanatisme  attira  les  derniers 
coups  portés  par  Adrien  sur  les  Juifs,  venait  en 
grande  partie  de  la  signification  de  son  nom  qui  veut 
dire  (ils  de  l* Etoile,  et  du  parti  nii'il  'en  avait  tiré 
pour  s*appliquer  la  prophétie  de  Balaam. 

Toutes  ces  interprétations  et  correspond-inces , 
prises  en  dehors  tie  toute  prévention  chrétien nf\ 
donnent  du  corps  à  cette  prophétie,  et  lui  font  pren- 
dre un  rang  important  dans  cette  chaîne  par  la- 
quelle nous  descendons  de  l'origine  du  monde  à  Je  • 
sus-Christ. 

En  suivant  l'or  're  des  lemps ,  nous  nvrns  vu  les 
prédictions  se  préciser,  'se  concentn  r  de  plus  m 
plus  en  Jésus^Christ.  D'abord  elles  ne  disent  autre 
chose  sinon  que  co  libérateur,  qui  doit  rc(>andre  les 
bénédictions  de  Dieu  sur  tous  les  peuples  de  la  l^rre, 
sortira  de  l'espèce  humaine,  r t  à  proprement  pari  r 
de  la  femme,  d'une  façon  particulére;  —  ensuite  de 
la  race  d'Abraham,  à  l'exclusion  de  toutes  les  au- 
tres nations; puis  delà  tribu  deJn  la,  préféra hlement 
auxautn^s  tribus; accord  de  pins  en  plus  frapp  nt  de 
singularité ,  car  aucune  autre  nation  que  la  nation 
Juive,  aucune  autre  tribu  que  la  tribu  de  Jttda,  n'a 

{trétendu  donner  ce  Sauveur  au  monde ,  et  toiitrs 
*ont  attendu  de  la  Judée,  et  dans  la  Judée  de  la 
tril)u  de  Juda,  d'où  il  est  sorii,  eu  effet,  au  moui.*nt 
précis  où  cette  tribu  a  perdu  le  sceptre  de  sa  nation  , 
qu'elle  a\  ait  porté  jusqu'alors. 
Mais  voici  qui  est  plus  remarquable  encore  :  la 

i'amille  d'entre  toutes  l<*s  familles  di)  la  tribu  de 
nda,  la  famille  dont  le  Messie  devait  sortir  en  par- 
ticulier, n'est  pas  moins  clairement  désignée  que  la 
tribu,  que  la  nation  et  que  respècc. 

Toutes  les  prophéties  subséquentes  s'arxordenl 

en  effet  pour  annoncer  que  c*est  la  famille  de  David 

qui  devait  donner  ce  Sauveur  au  monJe  :  ceUe  l'i- 

mille  d'oM  il  est  en  effet  sorti  (181i). 

Les  chants  sacrés  de  ee  grand  roi  résonnent  d'un 

la  généalogie  de  Marie,  donne  de  la  même  manière  la  ge* 
néalogie  de  Joseph,  ou  plutôt  tontes  deux  servent  à  ju»- 
tifler  doublement  que  Jésus  Christ,  par  Marie,  descendait 
bien  de  David,  puisque  non-seuleineut  cette  descendance 
est  prouvée  Uirecteincnt  par  Marie,  mais  encore  Indirecte- 
ment par  le  pareta  de  Marie,  Joseph  :  ce  qui  est  maniresio 
lorsqu^on  remarque  que  les  deux  branches  généalogiques 
se  nouent  dans  Zorobabel  une  première  fois,  et  se  confon- 
dent dans  David,  l'une  par  Salomon  son  Hls  aine.  1  autre 
par  Nathan  son  puiné.— Reste  une  légère  dinicullè: 
saint  Luc,  avons-nous  dit,  donne  la  généalogie  directe  de 
Marie,  el  salut  Matthieu  la  donne  par  Joseph.  Cependant, 
dira-t-on,  l'une  et  l'autre  généalogie  ne  parlent  nue  de 
Joseph.  Cela  est  vrai  ;  mais,  dans  S.  Malttiioo,  Josepfc 
figure  en  son  nom  et  comme  fils  de  Jacob,  Undis  que, 
dans  S.  Luc,  Il  figure  au  nom  de  Marie  et  comme  /ws 
dlléli,  ce  qui  veut  dire  ici  nécessairement  fils  par  alluma 
ce,  ou  bien  qendre  d'Héti,  puisque  Héli  ou  Joachtm  eUlt, 
comme  on  sait,  p^re  de  la  sainte  Vierpe.  AIns  ,  dans  celte 
seconde  gôn^^alogle,  sous  le  nom,  de  Joseph  liscx  Marie  . 
tout  le  reste  étant  d'ailleurs  la  Ugntje  propre  de  Marie. 
Voilà  la  clef  des  deux  généalogies  el  de  leurs  apparen- 
tes oppositions:  rien  n'csl  plus  simple  dès  quoo  la  tient. 
Il  éuil  dlftlclle,  do  reste,  aux  évanpéllsies  de  se  tromper 
aussi  grossièrement  que  les  premières  apparences  le  moi 
croire:  Cette  manière  de  compter  devait  être  usuelle  ;  le* 
familles  se  connaissaient  entre  elles,  et  alUchalenl  uo 
Irrtp  grand  prix  à  leur  g«^nCalogie  pour  qu'on  pût  en   ~ 


454»3 


DICTIONNAIRE  ÀPOf.OGETIQUE. 


I!i0i 


bout  à  Taolre  de  celte  propbr tique  espërancp,  et 
renfi*nneai  les  traits  les  plus  sublimes  sur  ce  règne 
et  mel  de  ton  fiU  qui  est  en  même  temps  son  Seî- 
gneur^  et  à  qui  lotîtes  lez  natioM  sont  données  en  hé- 
ritage. Nous  nous  abstenons  tontefois  de  Ws  citer, 
parce  que  le  siy  e  lyrique  et  figuré  dans  lequel  ils 
soitt  ciriis  leur  6te  ce  caractère  p:écis  et  décisif, 
nécessaire  pour  fixer  rincrédulUé. 
Mais  d^autres  prophètes  vont  parler  pour  lui  : 

—  f  Vu  rejeton  êortira  de  la  itge  de  Jcêsé  i  (Jcssë 
élait  le  père  de  David),  d:i  Isale,  qui  écrivait  long- 
temps aprèi  le  règne  de  David^^et  de  Salomon; 
f  une  fleur  s*élèvera  de  sa  racine,  et  Tesprlt  du  Sei* 

Sueur  se  reposera  sur  lui...  11  jugera  les  pauvres 
ans  la  jasiice,  et  se  portera  le  vengeur  des  hum- 
bles sur  la  terre.  Il  frappera  la  terre  par  la  verge  de 
sa  bouche,  et  tuera  Timpie  par  le  souffle  de  ses 
lèvres...  En  ce  jour-là,  ie  rejeton  de  Jeué  sera 
exposé  comme  uo  étendard  devant  toui  lei  jfeuplei; 
les  nations  viendront  lui  offrir  leurt-  prières,  i 
(/sa.  XI.) 

—  4  Le  temps  vient,  i  dil  le  Seigneur  par  la  bou- 
che d^  Jérémte,  i  où  J'accomplirai  les  paroles  favo- 
rables que  j*ai  données  d  la  maiwn  d*liraêl^ — à  la 
maiion  de  Juda.  En  ces  jours-U  et  en  ce  temps-là 
je  ferai  germer  de  David  un  germe  de  justice,».^  et 
voici  le  nom  qu'Us  lui  donneront:  le  Seigneur  (Je- 
hovah),  qui  est  notre  juste,  i  iJer.  xxiii,  5,  6 
[1813].) 

On  ne  peut  imaginer  rien  de  plus  complet  à  la 
fois  et  de  plus  précis  que  cette  prophétie.  L*avenir 
final  auquel  se  rapportent  les  ptymiesses  orîmitives 
y  est  indiqué.  Ces  promesses,  en  tant  qu*elles  regar- 
dent la  maison  d*hraél  (Israël  était  le  surnom  de  Ja- 
cob, c'est-à-dire  la  nation  juive  en  général,  puis  la 
tnaison  de  Juda  en  particuher),  sont  rappelées.  Re- 


de  David  (cette  famille  dont  Isaie  nous  a  déjà  dit  : 
Un  rejeton  sortira  de  Jeué)  que  Jérémie  nous  dit 
que  germera  ce  germe  de  justue^  lequel,  en  même 
temps  qu*il  sera  fils  de  David,  fils  de  Juda,  fils  d*ls- 
rail,  ttls  de  Thomme,  et  à  proprement  parler  de  U 
femme,  sera  en  même  temps  fils  de  Dieu,  Dieu  mê- 
me, car  son  nom  serai^Aoraà,  notre  juste  :  Yehova 
tsiDKÊii  ou  (1814). 

S  III.  -*->  Le  Messie  naîtra  d^une  vierge. 

Nous  poorriona  citer  un  grand  nombre  d*autres 
prophéties,  desquelles  il  résulte  que  le  Messie  doit 
être  à  la  fois  fils  de  David  et  fils  de  Dieu.  11  n'y  a 
rien  d'ailleurs  de  plus  formellement  reconnu  par 

poser  ;  enOn  le  recensement  général  qui  venait  d'êlre  fait 
avait  dû  éveiller  el  fixer  TaltenUon  sur  ce  sujet. 

Au  surplus,  la  qualité  de  fils  de  David  était  notoirement 
donnée  à  Jésus-Christ  ;  nous  le  voyons  non-seiiiemeiil 
dans  rEvangile,  mais  dans  les  écrits  de  plusieurs  hùréti- 
ques  :  Cériuthe,  les  carpocraticos,  les  ébionistcs,  bien 
qu'ils  niassent  qu'il  fâl  ne  d'une  vierge.  Et,  ce  qui  est 
plus  fort,  l'aveu  formel  en  est  consigné  dans  le  Talmtul. 
\Vogex  la  réfutation  du  Munimen  ffdei,  par  Gousset,  i" 
pari.,  chap.  i,  n°3.) 

(1815)  La  même  prophétie  est  répétée  dans  Jérémie, 
chap.  xxxui,  V.  14,  (S,  16. 

(l8U)  Les  paraphrases  chaldaiqaes  et  tous  les  rabbins 
juifs  (XMtérieurs  entendent  cette  prophétie  de  la  filiation 
humaine  et  divine  du  Mesme  absolument  comme  nous.  On 
peut  en  voir  les  nombreuses  citations  dons  la  V  Lettre 
d'un  rabbin  converti,  p.  125  et  suiv.  —  Ce  qui  est  encore 
'plus  surprenant  et  non  moins  incontestable,  c'est  que 
les  anciennes  paraphrases  cbaldaiques,  notamment  celle 
de  Jonathan  ben-Uuziel,  ainsi  que  beaucoup  d'autres 
eommentaires  juifis,  disent  formellement  qu*il  est  prédit 
que  le  Messie  sera  le  Verbe  de  Jéhovah  ;  et  ils  justifient 
cette  interprétation  par  la  signification  des  mots  hébreux 
oui  sont  employés  dans  le  texte.  Voyez  encore  2*  Lettre 
d'un  rabbin  converti,  p.  14  i  cl  suiv 


les  aiidrns  Interprètes  juif^.  Mais  ce  qsHl  inpor^ 
maintenant  de  noter,  c*est  que  d*autres  propliciK», 
non  moins  positives,  disrni  que  ce  Dieu  Santiî, 
fils  de  David,  sera  aussi  fils  d*une  vieroe. 

Cette  croyance  était  généralement  rqiaodoe  dam 
les  traditions  universelles.  Dans  la  nation  jmre  a 
particulier,  cette  naissance  mlraculeufle  éuit  le  n- 
ractère  distinctif  du  Messie;  aussi,  quand  Sfcmle 
Magicien  éleva  la  sacrilège  prétention  de  riniis'T 
avec  Jésus-Christ,  il  eut  soin  de  se  dona<>r  povr  mère 
une  vierge  (1815).  Enfin,  dés  les  premirrs  motnenu 
de  leur  prédication,  les  apôtres  ont  poMié,  u  h 
évangéliftes  ont  consigné  que  JésufrCbrisl  éuit  ne 
d*une  mère  vierge. 

Or,  c*est  ce  qui  a  été  prédif  dès  les  imps  les 
plus  reculés. 

D*abord,  dans  la  première  de  toutes  les  proptié- 
fies,  il  est  dit,  comme  nous  Tavons  remarqué,  qoe 
c^est  le  umen  mutieris  qui  écrasera  la  léle  Aiier- 
pent  ;  ce  que  les  Septante  ont  entends  d'soe  oa- 
niére  tellement  propre  et  exclasire,  qoHls  ont  iéa- 
tifié  cette  semence  de  la  femme  arec  ta  femiae  nèst 
et  que  c*est  à  elle  qu'ils  ont  fait  rapporter  le  vprl« 
conteret  :  ir.«A  conterct  capot  (traduction  bllênit 
des  Septanie)»  forçant  par  là  la  lettre  de  lexit,  a 
▼ne  de  son  véritable  esprit. 

Mais  cette  prophétie  devait  devenir  ^s  exptintt: 
et  comme  ces  eaux  encore  troubles  qui,  aprè^  fèn 
montrées  un  moment  à  la  surface  de  U  terre,  $> 
enfoncent  pour  reparaître  à  une  grande  distuee 
clarifiées  et  jaillissantes,  nous  la  voyons  soriirtoiii 
à  coup  dans  ce  célèbre  passage  d*lsate,  oà  selrerc 
tout  à  la  fois  la  filiation  naturelle  du  lieiôedeU 
maison  de  David, — sa  naissance  sumatureiUim^ 
fils  d*one  rler^fe,— et  sa  filiation  divine  cantoe  h:s 
de  Dieu, 

f  Ecoutez,  niAîsoK  de  David  :  Me  vous  snflit  il  |w 
de  lasser  la  patience  des  hommes  sans  lass«  ^ 
core  celle  de  mon  Dieu?— C'est  pourquoi  le  Se 
gneur  ;vous  donnera  lui-même  .un  prodige  :  ^ûo 

Îiue  la  vierge  (1816)  se  trouvera  enceinte;  eika- 
aniera  un  fils,  et  elle  lui  donnera  le  nom  d*/M«^ 
nouél  (Dieu  avec  nous),  t  — {Isa.  vu,  U.) 

—  c  Le  peuple  qui  marchait  dans  les  iénfWn  3 
TU  une  grande  lumière,  et  le  jour  s*est  levé  f^ 
ceux  qui  habiuient  dans  la  région  de  Tombre  de  h 
mon. 

€  Ils  se  réjouiront  lorsgue  vous  seret  vain,  am^ 
on  se  réjouit  pendant  la  moisson,  et  cornue  b 
victorieux  se  réjouissent  lorsqu*ils  ont  pillé  b  es- 
nemis  et  qu'ils  partagent  le  butin, 

€  Car  UN  PETIT  ENFANT  NOUS  EST  KÉ,  et  tMiffisWî 

a  été  donné  (181 7).  La  principauté  est  pobée  sur  «« 
épaule.  Ou  rappellera  Vadmirablc  (f  8«SJ,  le  conseiH^^. 

(1815)  S.  CLE)i.,tfilleroait.,lfib.  n,  C.1&.   . 

(1616)  Dans  le  latin  il  y  a  Ëeee  virgo  emâptet  ;  ^^* 
me  le  latin  n'admet  pas  d^artide,  «a  ne  SMinit  s»»^ 
traduire  la  pia>ge  ou  une  vierge  Aussi  les  fl&i«  fra^y 
ses,  fiikes  seulement  sur  le  texte  latin,  çwienim^' 
ge  ;  mais  le  Uxie  grec  des  Septante,  reppod«iiM«tte>' 
incnt  rhébreu,  poSrte  i  mfiiv^,  la  vterae  ;  sur  q««  *•* 
Chrysostome  feit  observer:  c  11  ne  dît  p«  swi»'; 
Y  met  oo'uNE  vierge,  mais  Voici  aue  la  viebgc.  avef  i  ^' 
de  ;  une  vierge  fameuse  et  unique,  celle  qui  aoasa 
annoncée.  > 

(1817)  Cest  au  pr^fdrtt  que  parte  le  prophète,  ei  • 
pendant  il  s'agit  d'un  événement  futur.  Celle  nnrtèf  *  ^ 
rencontre  quelquefois  dans  les  prophètes,  et  oo  b*»  *• 
rien  en  inférer  contre  la  réalité  de  la  prôdk*ira  w* 
qu'elle  ressort  de  l'ensemble  de  leurs  parok»^*  f* 
averUl,  au  contraire,  que  c'est  11  oocartclèrc  Wj^ 
de  la  véritable  inspiration.  Enlevés  sur  tes  «les  flerl^ 
Saint,  les  prophètes  volent  ce  dont  ils  parient  à  bl«^ 
de  Dieu,  qui  n'a  ni  matin  ni  soir,  et  diei  qui  n^m  v 
jour  éternel.  Cette  manière  de  s'exprimer  porte  «^  » 
cachet  de  ceriilude  Couraient  dooler d'wie eh«*  tj'" 
prophète  envisage  déjà  el  vous  miintrc  ceaase  «r'"-" 

plie?  ..  ^  ^ 

(1818)  Ou  plutôt  U  miracle  (Viii),  dit  M.  Dp«1 


l.'03 


NOTES  ADDIT10NXELLLS. 


iSOS 


)ti.r  rcisSAïiTy  le  pht  de  Vélermté^  le  prince  de  ia 


*QtJ. 


i  Son  empire  iêtendra  de  vint  en  p/iu,  eC  la  paix 
|iri}  éiaMira  sar  le  trône  del>4fi(l  n^aura  point  de 
m  ;  H  posséi!era  son  ruyaome  pour  raOermir  et  le 
iHlilifr  dans  Téqn^ié  el  dans  la  justice,  depuis  ce 
emp^;iu^*à  jamais,  t  {Isa.  ix,  2,  3,  6.) 

Qtidt|aes  tablifns  mmlernes,  précccapés  dfî  Tap- 
•lU-alio  i  que  kf  chrétiens  faisaient  de  eeite  pro- 
liéiie  à  la  naissance  miraculeuse  de  lésas,  ont  lealé 
Vn  détounier  le  s^ns  en  Pai^iqoant,  soll  an  Oti 
*lfaï>.  soil  an  roi  Ezécbias  ;  mais  leurs  efforts  ont 
lé  vains.  —  Cette  prophétie  se  compose  de  deoz 
arties,  celle  :  Voici  que  ia  vierge  enfantern^  ch.  th, 

I  celle  de  :  Vn  peiit  enfant  noue  est  ni^  chap.  ix. 
-i\e%  dfui  parties  sont  liées  entre  elles  par  le-méme 
ijet,  la  naissance  d'un  enfant^  et  d^on  enfant-Dieu  ; 
ir,  dans  la  première  partie.  Il  est  appelé  Dieu-- 
f^e-nwt,  et  dans  la  seconde,  Dieu  puissant.  Aussi. 
i  Taveu  de  tons  les  commentaires  rabbiniques,  la 
«on<le  partie  n'est  qa*an  développement  de  la  pre- 
iére.  —  Or,  comment  appliquer  à  on  enfant  ou  à 
i  homme  ordinaire,  comme  le  flls  d*lsaje  on  bien 
E«ïclii3s,  ces  express'ons  :  Cadmirable^  le  conseiU 
r,  bien  puissant^  père  de  Péternité^  prince  de  la 
[fx,  son  empire  s  étendrez  de  plus  en  plus  depuis  ce 
mps  jusqu^à  jamais^  et  la  paix  qu'il  établira  n'aura 
ini  de  fnf — Le  poids  de  loub  s  ces  expressions, 

II  épuisent  la  langue  de  Fadmiration  U  plus  en- 
Msiasle,  et  seraient  sacrilèges  et  blasphématoires 
elles  prodiguaient  ainsi  à  un  simple  mortel  le 
m  incommunicable;  le  poids,  dîs-je,  de  toutes  ces 
pressions,  n*eiiléYe-t-il  pas  leur  application  à  tout 
ire  qu'à  celui  que  les  prophéties  piécéJentes  nous 
t  déjà  accoutumés  à  regarder  comme  fils  de  D*eu, 
kotah  notre  justes — à  qui  toutes  les  nations  rien- 
mt  offrir  leurs  prières^  etc.,  en  un  mot,  le  Messie  ? 
%ussi,  c*est  ce  qo*affirment  sans  hésitation  les 
is  anciennes  traditions  judaïques,  telles  que  la 
^phrase  cbaldaiqoe  de  Jonathan  ben-Huziel, — 
Medraschrabba ,  sect.  debarim,  fol.  287,  col.  5, 
le  lirre  Ben-Cira^  fol.  41  verso,  édir.  d*Amstcr- 
D,  17G0,  et  les  caballstes.  ils  entendent  tous  cette 
aphélie  du  Meuie, 

Mais  ce  que  fadmire  le  pins,  dit  le  savant 
Draeh,  à  qui  nous  empruntons  cesrenseiguem*'iii», 
»t  Taveu  arraché  ao  R.  David  Kimbhi  par  la  forte 
a  vérité.  Ce  rabbin,  dont  les  efforts  pénibles  pour 
Jélendre  contre  la  clarté  importune  du  texte  font 
nover  je  ne  sais  quelle  fatigue  accal.lantt^,  traîne 

ei  plication,  comme  par  les  cheveux,  an  t*-avers  de 
5  chapitres.  Au  dernier  verset,  oft  il  me  semble  la 
'  arriver  tout  ensanglantée,  fauteur  rahandoniie, 
iiit  par  reconnalire  dans  notre  prophétie  Tan- 
ce des  temps  du  Roi- Messie;  c*est  là  qu*il  arrête 

prolise  commentaire.  On  dirait  que,  épuisé  de 
es,  snceombant  sous  le  poids  de  la  vériti,  il  se 
e  tomber  à  genoox,  avone  enfin  ce  qu*il  a  voulu 
,  et  pousse  un  long  soupir  (1819).  > 
est  donc  avec  yériîé  qoe  le  premier  évangélisle, 
L  Mattbiea,  racontant  la  conception  miraculiuse 
ésu  s 'Christ,  a  fait  lui-même  à  cet  événement 
ilication  de  notre  prophétie,  i  Or,  tout  cela  se 
i't  il,  pour  accom^T  ce  qoe  le  Seigneur  avait 
ar  le  prophète  en  cet  termes  :  Vne  vierge  con- 
r.  et  elle  enfantera  un  fils  à  qui  on  donnera  le  nom 
M  iNCEL,  c'est-à-dire,  Dieu  avec  kocs.  >  [Mattk. 
f  1820].) 

§  IV.  —  Le  Messû  naîtra  à  BetU^m. 
is  la  meilleure  explication  des  prophéties  se 

19)2'  LeUre  d'un  rabbin  converti,  p.  m. 
20}  L*usage  que  saint  Malthiec  (ecrirant  en  hébreu 
n  de  la  nalion  juive)  a  lait  de  cette  prophétie  est 
rande  garantie  de  la  signification  des  mots  qui  ia 
«sent  cian^  te  sens  làvorable  à  notre  foi,  qui  est  an 
comme  no«5  l'avons  vu,  celui  des  anciennes  tradi- 


trouve  dana'Ies  prophéties  mêmes;  elles  se  corroho 
reni  réciprojioement  par  des  eonsonnances  et  des 
rehtioDS  qui  témoipeni  dt  la  grande  unité  de  leur 
source  eideleorob|el.En  ajoutant  un  nonveau  trait, 
chacune  reprend  les  traits  déjà  avaneés  par  les  au- 
tres, et  les  relie  comme  en  vn  seul  tisso. 

(Test  ce  qui  ressort  de  la  prophétie  suivante,  quo 
nous  lisons  dans  Uichée  : 

c  Et  toi^  Bethléem,  Ephrala,  tu  es  bien  petite  entre 
les  mille  villes  de  Jnda,  et  'c*est  de  toi  néanmoins  que 
sortira  le  Douihateus  en  Israël,  celui  dont  la  gêné" 
ration  est  dès  le  commencement  et  dès  C  éternité. 

c  En  vue  de  cela,  il  les  abandonnera  pour  nn 
temps,  JUSQ|]*A  CE  qce  Celle  qli  doit  E.ir\3(TCR  4it 
EXFA.XTÉ  ;  et  alors  le  reste  de  ses  frères  se  converti- 
ront aux  fils  dMsraêl. 

«  Et  il  se  maintiendra,  et  il  paîtra  son  troupeau 
dans  la  force  du  Seigneur,  dans  la  sublimité  de  la 
majesté  du  Seigneur  son  Dieu  ;  et  ils  se  convertiront 
tons,  car  bientôt  sa  grandeur  édatera  jusqu'aux  ex* 
trémités  de  la  terre. 

c  Et  il  sera  leur  paix.  »  (Mick.^  v  S-5.) 

Cette  prophétie,  trop  pen  citée  dans  son  ensen- 
Ue,  est  admirable. 

Le  premier  trait.  Et  tm^  Bêtàléem^  etc.,  est  sai- 
sissant. Quoi  !  non-acolement  la  race,  la  tribo,  la 
famille,  mais  la  ville,  qoe  dis-je?  le  hameao,  et  jua- 
qu*à  réiable  de  BetiUéem,  la  pins  petite  ville  entre 
milie^  tu  désignée  I 

Pour  ee  qui  est  de  b  réalité  de  révcnement  (la 
naissance  de  iésos  à  Bethléem),  tm  ne  saurait  en 
douter  :  nons  ne  eilerom  pas  reniement  les  Evangi- 
le»,  qui  le  rapportent,  mais  la  notoriété^  que  aainl 
instin,  dans  le  premier  siècle,  invoquait  sans  qu'on 
la  lui  cnnteatàt,  et  les  registres  de  Péiat  cItîI  de  la 
Jndée,  déposés  aux  archives  de  Home. — i  Bethléem, 
disait-il  aux  païens  est  un  boorg  dans  la  terre  de 
Judée,  situé  à  trente-cinq  stades  de  Jérusalem; 
c*est  tt  que  le  Christ  est  iië  :  vous  pouvex  vous  en 
assurer  par  les  tables  de  recenaement  que  leva  en 
Judée  Quirinns,  le  premier  des  présidents  de  cetto 
provii;ce  (fSSl).  >  —  Et,  plus  tard,  Origène  disait  à 
Celse  :  i  S*il  se  trouve  (|oelqn*un  que  ne  puisse  per- 
suader rhi^iolre  de  Jésus  écrite  par  ses  disciples  ; 
s'il  Ini  faut  d'autres  preuves  de  la  naissance  de  Jé« 
sus  à  Bethléem,  il  n'a  qu'à  remarquer  qu'on  montre 
encore  la  grotte  où  il  est  né,  et  dans  cette  grotte  la 
crèche  où  il  fut  enveloppé  de  langes,  conformément 
au  récit  de  l'Evangile;  c'est  la  tradition  dn  lieu  {Us 
ennemis  de  notre  foi  en  conviennent)  que  dans  cette 
grotte  est  né  Jésus,  Tobjet  de  Tadmlration  et  de  l*a<« 
doratlon  des  Chrétiens  (I82i).  >  —  Lu  certitude  do 
révénemeat  est  donc  aussi  bien  établie  que  la  singu- 
larité de  la  prophétie,  et  leur  accord  est  vraiment 
prodigieux. 

La  qualité  de  Ft7s  de  Dieu  résulte  ensuite  mani- 
festement de  ecs  paroles  :  —  C'est  de  toi  (B«'tlitéem) 
qoe  sortira  le  Domlnaieor  en  kraél,  œluî  dont  la 

C^.3IÉRATI0?l    EST  »ÈS  LE  COUXE^ICEMEXT     ET   Dfes   L'£» 
TEEXITÉ.  I 

Puis  ces  mots,  f  En  vue  de  cela,  jcsqu'a  ce  ot^n 
Celle  qui  doit  esifantee  ait  e3ifaxt6,  »  sont  une 
véritable  allusion  ao  passage  d'Isaîe  pvécité  :  Voici 
que  la  Vierge  se  trouvera  enceinte^  et  elle  enfantera 
un  fils,  etc.  Us  eonlirment  l'aptilicalion  que  ni»ns 
avons  faite  de  ce  passage  an  Messie.  Les  qualifie:!- 
tiens  extraordinaires  qui  sont  données  de  part  et 
d*attlre  à  celui  qui  doit  être  enfanté,  sont  trop  sjmi- 
nymes  pour  que  ce  ne  soit  pas  au  même  sujet  qu>l- 
tel  s'adressent  :  Tenfaui-Dieu.  On  achèvera  d'en  étJ  e 

lions  jmves  resU-es  en  dehors  do  cfaristianisnie. 

(  1821  )  S.  Jcsici,  Apolog,,  n*  74. —Ces  mots,  U  premier 
des  ptésidenis,  coiàirment  «e  que  nous  avons  déjà  dit  ail- 
leurs, que  le  scatre  fut  été  de  Juda  a  Tépoque  de  la  nais» 
sance  die  Jésus*€hrist. 

(1822)  Omc,  ronl.  Celse,  liv.  i,  u.  51. 


1507 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


m 


couvainco,  lorsqu^on  saura  (ec  qui  a  été  géiiérale- 
mrnl  i  cmarmië)  qoe  Michée  marche  sur  les  traces 
d'Uaîe  josqu  à  le  répéler  mot  à  mol«  comme  on  le 
voit  dans  tout  le  chapitre  qui  précède  la  prophétie 
que  nous  rxawinons.  Celle  prophétie  re^^ardele  Mes- 
sie ;  le  Taimud  lui-même  a  éié  force  d*en  conve- 
nir (1823).  Donc,  il  en  est  de  même  de  la  prophétie 
clMsaîe,  dont  elle  n*est  qu*une  reproduction  assortie 
de  quelques  nouveaux  traits.  H  faut  dire  même  que 
cette  tournure  allusive  de  la  pn»pliétie  de  Michée, 
Jusqu'à  ce  que  Celle  qui  doit  enfanter  ait  enfanté, 
imprime  à  l*événement  un  caractère  solennel  4|ui 
ajoute  encore  à  Tidée  du  prodige  résultant  déjà  de  la 
prophétie  d^lsaîe. 

Il  n^est  pas  non  plus  sans  intérêt  de  remarquer  ce 
qu*il  y  a  d'heureux  et  de  frappant  dans  ce  rappro- 
chement de  la  désignation  de  la  petite  ville  de  Beth^ 
iéem  et  de  Venfanlement  miraculeux  qui  doit  y  faire 
naitre  te  Hominaleur  dont  la  génération  est  dès  le 
eommencement  et  dès  réiernité. 

Enfin,  pour  qu'il  soit  impossible  de  se  méprendre, 
la  prophétie  se  termine  en  peignant  d*une  manière 
sublime  Tégarenienl  des  gentils  (si  bien  appelés  le 
reste  de  ses  frères)  jiisqu*è  Tavéïif  meni  du  Messie,— 
liMir  «0  .fiTsion  aux  vrais  enfants  dMsraël,  noyau  de 
la  foi  nouvelle,  —  la  majestueuse  imissance  de  ce 
lègue  du  Dominateur  qui  s'étendra  jusqu'aux  extré- 
mités de  la  terre,  —  sa  gloire  et  notre  paix,  et  erit 
iSTE  PAX  :  dernier  trait  qui  vient  encore  heureuse- 
nifiit  planer  au-dessus  de  TiJée  de  Bethléem^  de 
Vierge,  et  é'enfant'  Dieu,  comme  le  prélude  de  ces 
chants  célestes  qui  devaient  s*y  faire  entendre  :  C/o- 
rta  in  allissimis  Deo,  et  in  terra  pax  kominibus  bO' 
uœ  voluntatis,  \^Luc.  ii,  ii.) 

§  V.  —  Prophéties  sur  la  réprobation  des  Juifs  et 
la  conversion  des  gentils 

Ce  tableau  de  la  conversion  des  gentils,  de  la  d«  s- 
t<  nction  du  paganisme,  et  du  retour  à  Fadoration 
d;i  vrai  Dieu  par  toutes  les  nations,  fait  le  fond  cl 
comme  Thorizon  de  toutes  les  prophéties.  A  ce  trait 
commun  à  toutes,  on  peut  les  reconnaître  aisément. 
C'est  la  grande  On  où  elles  viennent  aboutir  et  se 
confondre,  quel  que  soit  le  trait  particulier  qui  les 
distingue.  Un  autre  Ubieau  corrélatif  à  celui  de  la 
conveisioo  des  gentils, et  qui  en  est  comme  le  revers, 
est  celui  de  la  réprobation  des  Juifs  infidèles  et 
aveulies  à  la  lumière  qui  sort  de  leur  nation.  Cette 
lumicre,  qui  éclaire  les  uns  et  qui  aveugle  les  au- 
tres, est  toujours  personiiHiée  dans  le  même  suj<l  ; 
c'est  le  Messie,  le  Sauveur,  dout  nous  avons  tant  de 
fois  parlé. 

Je  ne  sairals  assez  vous  engager  k  méJiter  sur 
tout  ce  qu'il  y  avait  d'invraisemblable,  d'inimagina- 
ble dans  celte  double  révolution  ;  ce  qu'il  y  avait  de 
rontradîcloire  même  avec  l'état  du  monde  ancien  et 
du  peuple  juif  en  particulier,  par  rapport  aux  autres 
peuples.  Qu'à  un  temps  donné  tous  ces  peuples  si 
égaies,  si  perdus,  si  divisés,  depuis  quarante  siècles 
dans  les  voifsde  l'idolâtrie,  soient  rappelés,  rassem- 
blés, faits  un  dans  la  sublimis  sainteté  d^une  seule 
loi  divine,  et  que  le  peuple,  porteur  lui-même  de  la 
prom>^KSe  de  cette  loi,  le  peuple  qui  seul  avait  échap- 
pé à  ridolàlrie  dans  les  temps  anciens,  soit  précisé* 
metit  le  seul  rejeté  en  dehers  de  colle  bénédiction 
u  iverselle  partie  de  son  sein  :  voilà  qui  renverse 
toutes  les  idées,  et  que  l'habitude  seule  de  Tévéne- 
iitent  nous  empêche  d^aJmircr.  Il  n'y  a  qu'un  insensé 
qui  puis>e  coniesteV  le  fait  en  lui-même,  il  n'y  a 
ou'un  sophiste  qui  puisse  essaver  de  l'expliquer  par 
des  voies  naturelles. 

Or,  voilà  ce  qui  est  prédit  bien  longtemps  avant 
Tévéïiement,  et  du  sein  d'un  élat  de  choses  diamé- 
tralement inverse,  alors  gue  toute  la  terM  était  îdo- 
làire,  et  que  le  peuple  juifétait  peuple  de  Dieu  ;  prédit 

(183^)  Traiié  sanhédrin,  fol.  98,  verso. 


non  pas  une  fois,  mais  cent  fois^iMM  pssngii»!! 
et  çà  et  là,  mais  de  la  manière  la  plos  tipcnctli 
plus  suivie. 

En  voici  de  nouveaux  exemples,  de  mtoreà  taire 
une  vive  Impression.  Il  suffira  de  les  citer  umiiu 
long,  sans  rapprochement  et  sans  commenUiff. 

—  f  Vision  prophétique  d'Isaie. 

f  Dans  les  derniers  temps  la  maison  du  Së|!Bw 
sera  élevée  sur  les  collines, «f  affineront  à  elU  (oua 
les  nations.  Et  la  n:ultitude  des  peuples  iront  if tV, 
et  diront  :  Venez,  et  montons  à  la  nionugne  doSo 
gneur  et  à  la  maison  du  Dieu  de  Jacob,  el  il  mis 
enseignera  ses  voies  et  nous  marcheront  dans  sa 
sentiers,  parce  que  la  loi  sortira  DcSt09,BTun' 

ROLK  l»b  hEltiNEi:R  DE  JÉRUSALEM. 

f  Les  yeux  ailiers  de  l'homme  seront  1iusiilià;lt 
hauiessedes  grands  sera  abaissée,  le  SLignearsal 
paraîtra  grand  en  ee  jour-là  ;  —  l'idoutmc  sni 
ENTIÈREMENT  DÉTRiiiTE  :  idola  penittts  conUraiv.  i 
llsa.  Il,  1,  2,  S,  17,18.) — <  Depois  le  krer  è 
soleil  jusqu'à  son  couchant,  mon  nom  sera  {n»l 
parmi  les  nations  ;  et  en  tout  lieu  on  me  sioi- 
liera,  et  l'on  oOriral  en  mon  uom  une  hostie  piiiv.» 
{iîalach.  I,  11.) 

—  «  Le  Seigneur  me  parla  encore,  et  me  dii:  Ai- 
semblez-vous,  peuples  ;  peuples  éloignés,  foflait 
toute  la  terre,  écoutez.  Ne  dites  point  :  Faisoas  ne 
conjuration  tous  ensemble,  mais  rendez  fdoire  ï  b 
sainteté  du  Seigneur  des  armét s:  qu'il  soit IttinBéoe 
votre  crainte  et  votre  teneur,  et  il  detksdta  ciurr 
sanctification. —  Mais  il  seracne  pierre  »'ini<^ 

PEUENT,  une  pierre  DE  SCANDALE  POUR  LES  VUl  DI- 
SONS d'Israël  ;  vs  piège  et  un  siuet  de  rh»  icut 
DE  Jérusalem.  Plusieurs  d'entre  eux  s'YRCciTEtm. 
ILS  s'engageront  dans  le  filet,  et  SEBOXTPM!.- 
Que  ce  que  je  vous  déclare  demeure  secret  et  iceile 
entre  mes  disciples.  —  J'attendrai  donc  le  Sfipe« 
qui  cache  son  viiage  à  la  maison  de  Jocoft.Hj^^ 
vieurerai  dans  cette  attente.  »  (/sa.  viii,  5,  %  l'** 

—  c  Voici  mon  serviteur,  voici  mon  éla  ;  je  r^ 
pandrai  mon  esprit  sur  lui  :  c'est  lui  qui  eMsami 
la  justice  aux  nations...  pour  ouvrir  les  yeot  m 
aveugles,  pour  tirer  des  fers  ceux  qui  éimi  «■ 
chaînés,  et  faire  sortir  de  prison  ceu  qui  tuiest 
dans  les  ténèbres.  —  Mes  premières  prédictiousant 
été  accomplies  ;  j'en  fais  eucore  de  iiouvelles:  "h 
conduirai  les  aveugles  dans  une  voie  qw  tar  itàt  to' 
connue  ;  je  ferai  que  les  ténèbres  detaut  eux  u  àa- 
gérant  en  lumière,  et  que  les  chemins  tonus  ur»i  »* 
dressés  :  je  fc'rai  ces  merveilles  en  leur  h^fvt.^Y 
ne  les  abandonnerai  point.  Ceux  qui  nulieni  ii^ 
confiance  dans  des  images  taillées  retounuront  n  »- 
rière,  —  Ecoutez,  sourds;  aveugles,  ouvrez  Ui^^ 
et  voyez.  —  Qui  est  l'aveugle,  si  ce  s'est  k»»ûi 

MON  serviteur  ?  QUI  EST  LE  SOURD,  S\^f^y  CEUl  ^fl^I 
j'ai  envoyé  mes  PROPHÈTES  ?  VouS  OUI  vojei  Ufl^<^ 

choses,  n'observez -vous  point  ?  Le  SeiguesT  «!*i 
voulu  le  sanctifier  pour  rendre  sa  loi  célèbre  tt  j»*r 
en  relever  la  grandeur  :  cependant  mon  peupU  tu  ^ 
né,  il  est  pillé,  il  est  pris  dans  ks  filets,  j^ni  s/^( 
Jacob  à  la  destruction  et  Israël  à  la  i//r«Wfirï^' 
rCest'Ce  pas  le  Seigneur,  que  nous  avons  ofinu^^ 
ils  n'ont  pas  voulu  marcher  dans  ses  voies  nitsu^^' 
su  loi  :  c'est  pourquoi  il  a  répandu  si:r  lh  s0  i' 

DIGNATION  ET  SA  FUREUR  ;  t7  lui    a    déclûTi  *-<  f''*' 

guerre  ;  il  a  allumé  un  feu  autour  de  lui  si^so^'^ 
LE  sut;  h  Va  brûlé  dans  ses  flammes  sxsaf^'^^^ 
comprit.  I  (Isa.  xLii,  16-25.) 

—  i  Ecoutei-moi,  vous  qui  êtes  mon  people;  o: 
la  loi  sortira  de  moi,  et  majusfice  éelatrtra  m^^ 
peuples,  et  se  reposera  parmi  eux.  —  Il  ««•^^'^  * 
jour  où  je  dirai  :  Moi  qui  parlais  autrefois,  mtf^'^ 
présent. —  Le  Seigneur  a  fait  voir  son  bras  ssitAu^ 
yeux  de  toutes  les  nations  ;  et  tontes  les  fé^^  *' 
tu  terre  verront  le  Sauveur  que  notre  IHet  rfoi»'  f" 


I5«*J 


XOTCS  AL*DiTIONNEIXES. 


1M0 


if\inr.  Il  arrosria  beaucoup  de  naltons,  les  rots  te 
lu'ftdroiil  devant  lui  dans  le  silence  ;  |Miree  i|«e  ceux 
auxquels  il  ua  ^ni  HA  annoncé  le  rerrani^H  ceux 
ijui  naraieul  poiul  euuudm  parler  de  lui  lecaulemple- 
lonl.t  (Isa,  u,  i;  lu,  8,  10,  15.) 

—  «  Prêtez  rureille»  et  venez  à  moi  ;  éeoolei- 
moi.  et  Yoire  âme  iroufera  la  vie:  je  ferai  avec  yinis 
une  alliance  éternelle,  fidèle  eo  nés  muéiicordes 
SDr  David.  —  Je  rais  le  douner  pour  témoin  aux  peu- 
plet^  pour  chef  et  précepteur  aux  gentils.  Voici  que 
Ml  appelleras  fa  nation  que  tu  ne  connaissais  pas  ;  et 
Us  peuples  qui  ne  te  connaissaient  point  courront  à 
loi  k  cause  du  Seignenr  ton  Dieu,  et  du  Saiht  iT/j* 
raêl  qui  Ca  glorifié,  >  (Isa,  LV,  ^5.) 

—  f  Ceux  qui  ne  se  ineltaienl  point  en  peine  de 
me  connaître  sont  venus  vers  moi;  et  ceux  qtii  ne 
me  cbercliaient  point  m^onl  ironvë.  Tai  dit  :  lie 
^oici,  me  voici,  â  la  natioaqui  n'invoquait  pasDMm 
iiom  (les  gentils). 

«  Tai  étendu  mes  mains  tout  le  jour  vers  le  peu- 
ple incrédule  (le  peuple  juif)  qui  marche  dans  la  voie 
<|oi  n'est  pas  bonne,  en  suivant  ses  pensées.  —  Ils 
i2e%i«*ndtont  comme  une  fumée  au  joorde  ma  fureur, 
rcimme  un  feu  qui  brûlera  toujours.  —  Leur  pécbé 
e»t  écrit  devant  mes  yeui,  je  leur  rendrai,  je  verse- 
rai dans  leur  sein  ee  quils  méritent.  —  Je  punirai 
10S  iniquités,  dit  le  Seigneur,  et  tout  ensemble  ks 
iniquités  de  vos  pères. 

I  Comme  lorsque  Ton  trouve  un  beau  grain  dans 
une  grappe,  on  dît  :  Ne  le  gàlez  pas...,  je  ferai  sor- 
tir de  Jacob  une  postérité  fdéle  (la  petite  miiuiriié 
des  Juifs  qui  reconnurent  Jésns-€hrist).  Mais  pour 
tous  (grappe  pourrie)  qui  avez  abandonné  le  S  i- 
Kneur,  vous  périrez,  parce  que  j*aî  appelé,  et  Viius 
11*3% ex  point  répondu;  j'ai  parlé,  et  vous  n*avt>z 
|ioint  écoaic,  et  vous  ave/  voulu  tout  ce  que  je  i  e 
wiuiais  point.  —  C'est  pourquoi  voici  ce  que  dit  le 
Seigneur  Di»u  :  Mrs  serviteurs  mangeront,  et  vous 
iMuiiTi  irez  la  faim  ;  mes  serviteurs  boiront,  et  vous 
:urez  soif;  mes  serviteurs  se  réjouirmit,  et  vous  se- 
irz  couverts  de  confusion  (peinture  de  Télat  actud 
1rs  iot^s),  et  vous  rendrez  votre  «nom  i  mes  élus  on 
:i»m  dluiprécation  (le  nom  jn.f)  ;  le  Se  gncur  Dieu 
k(i2S  feia  périr,  et  il  donnera  i  ses  serviteurs  un 
lutre  nom  (le  nom  chrétien).  Ctlui  qui  sera  béni  en 
*e  nom  sur  la  terre  sera  béni  du  Dieu  de  vérité,  car 
e  vais  créer  de  nouveaux  deux  ei  une  terre  nou- 
etle,  et  tout  ce  qui  a  été  auparavant  sera  effacé,  t 
Isa,  Lxv,  1-17.) 

—  €  Malheur  î  Arid  (1824),  à  Âriel,  cetio  ville  oui 
\  été  prise  par  David  ï  Les  années  se  sont  succédé 
t  les  fêtes  se  sont  éccalées  (c*est-i-dire  les  temps 
ont  être  révolus)  :  j^environneral  Ariel  de  tran- 
bée«  ;  je  ferai  tout  autour  de  les  murailles  comme 
m  cercle  pour  te  tenir  assiégée.  Vous  serez  hnmi- 
iës  ,  et  vous  parlerez  eomme  de  dessous  terre.  Le 
loukbre  de  ceux  qui  vous  dissipmnt  sera  comme 
I  poussière.  Le  Seigneur  des  armées  visitera  cette 
ille  an  milieu  îles  foudres  et  des  tremblements  de 
erre,  parmi  les  bruits  effroyables  des  tourbillons  ei 
l<rft  tempêtes,  et  parmi  l<fS  flammes  d'un  feu  dcvo- 
anl.  —  Soyez  dans  Tétonnement  el  dans  la  sut^ 
rise  :  soyez  dans  Tagitation  et  le  tremblement  : 
(^lex  ivres,  mais  non  pas  de  vin  :  soyez  chance* 
ints,  mais  non  pour  avoir  bu.  Car  le  Seigneur  va 
r pondre  sur  tous  un  esprit  d'assoupissement  ;  il  vous 
-rmera  les  yeux,  il  couvrira  comme  d*mn  toile  ros 
rophètes;  et  les  prophéties  vous  seront  comme  les  pa-^ 
>/«  s  if  un  livre  fermé  avec  des  sceaux  ^  qu'on  donnera 

UM  isifmme  qui  sait  lire^  en  lui  disant  :  Lises  ee  H- 
re ,  «<  il  répondra  :  Je  ne  le  puis^  parce  quU  est  fer^ 
é  :  et  en  donnera  le  livre  à  un  homme  qui  ne  sait 
a*  Hre^  et  on  lui  dira  :  Lisez  ;  et  il  répondra  :  Je  ne 
lis  pas  tire.  —  Le  Seigneur  a  dit  :  Parce  que  ce 

(1821)  Cest  le  nom  de  l'autel  des  holocaustes,  qui  est 
ts  ici  pour  le  temple  et  pour  la  Tille  de  Jérusalem. 
(  I  ^25J  Le  retour  du  peuple  juif,  et  la  miséricorde  tinale 


peuple  s*approcbe  i?e  moi  de  botKhe,  maïs  que  son 
eœor  est  éloigné,  je  ferai  une  merveille  dans  ee  p*-» 
pie,  «n  prodige  étrange^  qui  surprendra  tout  le  mou , 
de:  car  Je  sagesse  des  sages  périra  ^tX  tintelli^ 
geuee  des  prudents  sera  obscurcie.  >  (Isa,  xxix, 
i-6,  et  9-ti.)  —  «  Va ,  et  dis  à  ce  peuple  :  En 
entendant,  vous  entendrez  el  vous  ne  comprend! ex 
point  ;  et  en  voyant,  vous  verrez  et  vous  ne  discer- 
nere::  point.  Engraisse  le  cœur  de  ce  peuple,  et 
rends  ses  oreilles  pesantes  et  bouche  ses  yeux...  El 
je  dis  :  Jusqu*à  quand ^  Seigneur,  durera  cet  aveu- 
glement? el  il  répondit  :  Jusqu^à  ce  que  la  terre  soH 
sans Habitants.9  (Isa,  xt,9Ai  |l9i5].) 

—  I  Les  yeux  du  Seigneur  sont  ouverts  sur  le 
royaume  qui  pèche.  J'exterminerai  ce  royaume  de 
dessus  la  face  de  la  terre ,  dit  le  Seigneur;  mais  en 
rexlerminanl,  je  n'exterminerai  cependant  pa4  In 
maison  tte  Jacob.  —  Car  void  que  je  vais  «kmner 
mes  ordres,  et  je  vais  faire  qu<^  bi  maison  d'Israël 

soit  SECOUÉE  PARMI  TOCTSS  LES  KATIOHS  UE  LA  TEtBC, 
GOUUE    OH    SECf:i]B    LS     ntOHERT   DAXS   C.V   CBIBLE.  • 

(Amos^  IX,  8,  9.) 

C*esi  aiusi  que  la  réprobaiion  des  Juifs  et  leur 
étal  moderne  d'aveuglement  et  de  dispersion,  —  la 
rourerston  des  gentils  et  notre  éfai  de  Lé«.édiclion  et 
de  lumière,  nous,  naiions  chrétiennes,  autrefois  p  r- 
dues  dans  les  lésèbres  de  ridoliirie,  —  ees  d«Mis 
grands  prodiges  que  rien  en  soi  n'annon^it,  et  qui 
remplissent  aujourd'hui  le  moade, — sont  prophéti- 
sées clairement  dans  les  livres  saiiits. 

Malheur  à  celui  qui  ne  se  seul  pas  ébranlé  de  la 
force  de  cette  preuve I  il  est  lui^nême  sous  te  coup 
de  cet  aveuglemeai  «les  Juils,  dont  le  spectacle  i.e 
le  convainc  pas  I 

i  ^L^Prophéties  sur  la  personne  même  du  Meuie^ 
sur  Us  circonstauees  de  sa  vie,  sur  ses  actions,  etc. 

Mais  il  faut  ramener  nos  regards  sur  le  hén;s  de 
toutes  ces  merveilles.  Les  pages  que  nous  %eiious 
de  citer  sont  entrecoupées  de  soupirs  après  sa  vf- 
nue,  el  de  promesses  répétées  qu'elle  ne  Urder  a 
pas.  Tout  est  comme  en  suspens  et  en  haleine  jusque- 
la.  Il  remplit  toute  cette  multitude  de  siècles  tle  son 
attenle,  et  cette  attente  est  si  vive  qu'elle  dévore 
ces  longs  siècles,  tt  les  franchit  comme  un  petit 
nombre  de  jours. 

—  t  Seigneur,  envoyez  Facvead  aouiXATEca  d<) 
la  terre!  t  (ha.  xvi,  1.)  — t  Jene  me  tairai  |to:nl 
eu  faveur  de  Sion,  je  n'aurai  point  de  repos  en  fa« 
veur  de  Jérusalem ,  jusqu'à  ee  que  so!c  Jc^te  pa- 
raisse comme  une  vive  lumière. — Les  nations  ver- 
ront voTBE  Je>TE,  totti  les  lois  verront  votre  prince 
éclatant  de  çloire,  el  on  vous  appellera  d'ua  nom 
fooveau.  (Isa.  lxii,  I.)  —  c  Cieox,  envoyez 
d'en  haut  votre  rosée,  et  que  les  nuées  fassint 
descendre  le  Juste  comme  une  pluie!  Que  la  lerie 
s'ouvre,  et  qu'elle  germe  le  SACVEtn!  >  (Isa. 
XLV,  8.)^0h!si  vous  vouliez  ouvrir  les  cieux  el  en 
descendre!...  Lorsque  vous  ferez  éclater  vos  mer- 
veilles, nous  ne  pourrons  les  supporter,  i  (Isa. 

LXIV,  1^ 

—  c  voici  ce  que  dit  le  Seigneur  qui  a  créé  les 
cieux,  le  Dieu  tiui  acréé  b  terre  :  Je  n'ai  point  parlé 
eu  secret;  ee  n  est  point  en  vain  que  j'ai  dit  à  la  race 
de  Jacob,  Itecherchez-moi.  —  C'est  moi  i|ui  annonce 
dès  le  commencemeni  ce  qui  ne  doit  antver  qu*à  la 
fin.  J'ai  juré  par  moi*méme  que  tout  genou  fléchira 
devant  moi,  el  que  toute  langue  jurera  par  mon 
nom.  Toutes  mes  résoluilons  sont  immuables,  el 
toutes  mes  volontés  s'exécuteront.  Je  l'ai  dît,  ei  je 
le  ferai; j'en  ai  formé  le  dessein,  el  je  l'accomplirai. 
Le  temps  d'envoyer  uà  justice  esl  proche,  je  ne  le 
différerai  pas,  et  le  Sacvece  que.  je  iK)is  esvoiee  i  e 
tardera  plus,  i  (Isa.  xlt,    xlvi.)  —  «Le  Jcstb 

QCE  JE  MIS  EXVOYEft  eSt  prOchc,  LE  SaUVEUE  QIE  j'aI 

doot  11  sera  l'objet,  sont  aussi  représentés  dans  le  loin* 
uln  des  prophéties.  (DeuL  c.  x&x,  3-8.  —  Isa.  sun,  & 
8,2l,2i,ttS,  i6,  etc.) 


15i1 

PROMIS  ?a  paraître,  et  mon  bras  fera  justice  aux| 
iMlioAS*  I  *{Ua.  Li,  5.)  —  c  Encore  un  peu  de 
temps,  eC^fébranlerai  le  ciel  et  la  terre,  la  mer  et 
tout  l*umTers ;  ^ébranlerai  tous  les  peuples;  et  le 
Désiré  de  toutes  les  mations  viehora.  i  (Agg. 
Il,  7,  8  [1826].)  i 

Ce  Désiré  de  toulei  les  nations^  fils  de  la  femme, 
de  la  race  d* Abraham*  de  la  tribu  de  iuda,  de*la 
famille  de  Da? td,  fruit  d^uue  vierae  et  enfant-Dieu^ 
i|ui  doit  uallre  à  Bethléem^  quand  le  sceptre  sera  M 
de  Juda,  pour  être  une  pierre  d'acboppsment  au  peu- 
p'e  juif  et  he  convenir  tous  les  autres  peuples,  nous 
val  sufri&amment  connu  dans  toutes  les  circons- 
tances de  sa  tenue  et  de  sa  mission.  —  Mais  sa 
personne  même,  sa  face,  ses  faits  et  oe<ies,  sont 
encore  recoufcrts  d*uu  voile  impénétrable.  Serait- 
il  possible  que  le  prodige  de  la  prophétie  ait  ^lé 
Jusqu*à  lever  ce  dernier  voile,  jusqu'à  nous  donlier 
non-seulement  uu  tableau  et  une  histoire,  mais  une 
biographie  et  un  périrait? 

«  Voici  mon  serviteur,  dont  je  prendrai  la  dé- 
fense; voici  mon  élu,  dans  lequel  mon  àme  a  mis 
toute  son  afiection.  Je  répandrai  mon  esprit  sur 
liH,  et  il  annonceia  ta  Juaieeaiix  nations.  —  //  ne 
criera  point  ;  il  n'élèvera  point  su  voix,  et  ne  la  fera 
point  entendre  dans  les  rues.—^Jl  ne  brisera  point  le 
roseau  félé^  et  u^éteindra  point  ta  mèche  qui  fume 
encore. — Il  ne  sera  point  abattu  ni  turbulent,  jus- 
qu'à ce  qu*il  ait  achevé  d'établir  sa  justice  sur  la 
terre.  Les  pays  lointains  subiront  sa  loi.  >  {Isa. 
XLii,  1*4.)  f  Alors  les  yeux  seront  ouverts  aux 
aveugles,  Touie  sera  rendue  aux  sourds,  les  paraly- 
tiques retrouveront  la  léfféreié  du  cerf,  et  la  langue 
des  muets  sera  déliée.  »  (àsa,  xxx,  5-7.) 

c  Mou  sei  viteur  sera  exalté,  élevé  ;  il  s'agrandira 
extrêmement.  //  paraîtra  d'abord  sans  glotre  devant 
les  hommes,  et  %Caura  rien  qui  le  distingue  parmi  les 
enfants  des  hommes,  11  arrosera  ensuite  beaucoup 
de  iiaiieiis,  et  les  rojs  se  tiendront  devant  lui  dans 
le  sileuce. 

i)  «  11  montera  comme  une  fréle  plante,  et  comme 
une  languîssanie  tige  d*une  terre  desséchée.  Il  n'y 
a  en  lui  ni  beauté  ni  éclat.  Mous  l'avons  vu  :  il  n'y 
avait  rien  dans  son  aspect  qui  nous  imposât. 

c  Mi'prisé,  le  dernier  des  hommes,  homme  de 
douleur,  et  qui  sait  ce  que  c'est  que  souffrir.  Sou 
visage  est  comme  obscurci  par  le  mépris,  au  point 
que  nous  n'en  avons  fait  aucun  cas 

c  Vraiment  11  a  pris  sur  lui  nos  langueurs,  et  il 
s*est  chargé  de  nos  douleurs  jusqu'à  devenir  à  nos 
yeux  comme  un  lépreux,  comme  un  maudit  de  Dieu, 
rt  un  abandonné. 

c  11  a  été  frappé  pour  nos  iniquités,  il  a  été  bri»é 
pour  nos  crimes.  Le  châtiment  expiatoire  qui  de- 
vait nous  procurer  la  paix  est  tombé  sur  lui,  et 
nous  avons  été  guéris  par  ses  meurtrissures. 

c  Tous  nous  avous  erré  comme  des  brebis;  cha- 
cun de  nous  a  décliné  de  sa  voie  :  et  tHeu  a  fait 
venir  sur  lui  seul  l'ii  iquilé  de  nous  tons. 

«  Mais  s'il  a  été  offert,  c'est  parce  qu'il  l'a  voulu  ; 
il  n'a  pas  ouvert  la  bouche  pour  se  plaindre  ;  il  a 
été  mené  à  la  tuerie  comme  un  agneau,  et  comme 
une  brebis  muette  devaqt  celui  qui  la  tond  :  il  n'a 
pas  même  ouvert  la  bouche.  »  —  Jesuê  autem  tace^ 
bat,,,  {Marc,  xiv,  61.) 

c  11  est  mort  dans  les  angoisses,  ayant  été  con- 
damné par  des  jug«îs;  mais  qui  racontera  sa  géiié- 
laiion?  11  a  été  retiauchéde  la  terre  des  vivants;. 
je  Cai  frappé  pour  les  crimes  de  mon  peuple. 

c  On  avait  ordonné  son  sépulcre  avec  les  méchants, 
et  il  a  été  avec  le  riche  dans  sa  mort  ;  car  il  n'avait 


DlCTi(»«NAIRE  APOLOGETIQUE. 


m 

fait  ancun  mal,  et  il  n'y  avait  poiat  es  de  îiuét 
dans  sa  bo«che. 

I  Mais  le  prix  de  ses  sooffraneeshriiendwé, 
il  en  sera  rempli  ;  et  ce  juste  par  eieeDeacc  juH- 
fiera  un  grand  nombre  d'hommes  par  la  eauuàumi 
qu'ils  auront  de  lui,  ayant  porté  lui4Béiiie  latn  iû- 
quilés. 

4  Le  Seigneur  lui  départira  une  nombreuse  p«. 
lérité,  et  il  parUgera  les  dépouilles  des  forts,  ^rce 
qu*il  sera  livré  lui-même  à  la  mort;  qa'il  em  éH 
mis  au  rang  des  scélérats  ;  qn^il  aura  poné  \n  \itéé 
de  plusieurs,  et  qu'il  aura  prié  pour  /ei  coupéia.  > 
{Jsa,  LUI  .) 

Qui  a  peint  ce  portrait  de  Jésus^hrisi?  ts^ 
«n  évangâisie,  ou  un  Fére  de  l'Egliie?  (Hstniis' 
quel  coloris!  quelle  expression!  qud  s«adavrt 
les  faits  !  quelle  jnstesse,  quel  naturel  ding  W  w- 
blémea  !  Que  dis-je?  ce  n*esi  poiut  sue  ^intire 
emblématique  d'un  avenir. fort  éloigaé; e'fU m 
représentation  fidèle  du  pn^i.t,  et  ce  qii  l'ot 
point  encore  est  peint  comme  ce  qui  est. 

L'accord  frappant  de  cet  Eccs  bomo,  montré  w 
Isaîe,  avec  celui  qui  fut  monti^  boitientssMpIë 
Urd  par  Pilaie,  est  d'autant  plus  décisif  pov  h  k 
que  robjet  en  soi  était  inimaginable  (carc*rstiàk 
propre  de  toutes  nos  prophéties),  et  qn'il  bit  m- 
cessairement  <)ue  le  prophète  Tait  vu  pour  le  r^ 
présenter  ainsi.  Natoreliement,  ridée  d'huBilixiM 
et  de  souffrance  ne  devait  pas  s'approcher  de  Tife 
de  Dieu,  et  ne  saurait  s'allier,  dans  toubm, 
avec  celle  de  domination  et  de  triomphe.  Oh  ot 
si  vrai,  que  c*est  à  cause  de  cet  eut  d'opprobR<iK 
Jésus-Christ  a  été  scandale  aux  Juifs  et  folk  m 
gentils^  et  que,  malgré  la  description  préciiefiiti 
avait  été  faite,  la  nation,  si  bien  averiie  wtmt 
description  qu'elle  avait  daoa  les  nains,  nW^ 
le  reconnaître,  et  s'est  fondée,  pour  le  ftrjeter.  w 
ce  qu'il  était  sans  éclat  :  Jetus  état  wiiie  «plai^m 
prœdilus ,  sed  reliquis  morialibus  ftàt  ûmiHmu 
Quamobrem  constat  non  esse  in  eum  credfjidiMi(tliÎ!. 
justifiant  par  là  doublement  la  prophétie  qui  Tmii 
représente  ainsi,  et  qui  avait  dit  qu'à  csosedecela 
on  ne  le  reconnaîtrait  pas.  Et  telle  est  la  répugottct 
invincible  à  admettre  cette  alliance  d'httiDWié<( 
de  divinité,  d'opprobre  et  de  gloira,  ea  ai  Béar 
sujet,  que  plus  Urd  ces  mêmes  ioifs,  fom,  W 
les  arguments  que  des  chrétiens  tîrajeat  de  kei 
prophetiest  à  raconnaltre  qoe  le  Messie  defiiiim 
humilié,  ont  Imaginé  deux  Mcssia  âifimii,  i» 
Missie  de  gloire  et  un  Messie  d*opprobre  et  d«  ^ 
leurs  (iSii)  :  unt  il  est  clair  que  le  Messie  ddvK 
être  humilié,  et  Unt  II  était  inimaginable  ea  ah» 
temps  qu'il  dût  étie  glorieux  et  triomphast.  Et 
cependant  c'est  dans  oe  double  êsat  ooaindicift 

Su  il  est  toujours  représenté  dans  les  pmpli^i<) 
e  sont,  dit  justement  saint  Augustin,  eomme^ 
fiùtes  rendant  des  sons  contraires,  ijooiqMtooi't 
deux  rmiplies  par  le  même  aoome.  (i'accord  »sp' 
lier  de  la  prophétie  av«c  révé*«emeot,  ea  ce  F*^ 
est  donc  eutie  emeni  surnaturel  et  divis. 

C'est  plus  particulièrement  à  Isaie,  si  jssMkbi 
appelé  le  cinquième  évangélisU,  qu*ll  a  âédoeaê<^ 
tracer  l'ensemble  de  ceue  physionomie  de  ksM- 
Christ,  Quelques  autres  traits  particuliers  et  ice^ 
soires  ont  été  laissés  aux  autres  prophètes  et  ^ 
gés  entre  eux,  comme  pour  mieux  faire  voirriKp»> 
ration  qui  les  dirigeait  tous,  semblables  à  desarti^<^ 
a4ix  ordres  d'un  grand  maître  qui  enpruoie  les- 
main  pour  peindre  en  déia.l  ce  que  lui  seol  i  ^ 
TespriL 

Ainsi  Zacharie  a  été  chargé  de  représenter  ï^ 


(1826)  Commovebo  cœlum,  ^  Urram,  ei  mare,ei  aridam, 
et  nwvebo  omnes  getites  :  et  vemet  Desidiratus  gukctis 
skutibus.  {Àgg,) 

Àdspice  coHvexo  nutaïUem  poiuîere  nncnduin, 
Terrasqwt  traciusque  maris,  cœlumquc  profundum  ; 


Àdspice  ventaro  UeUntur  ut  amma  sœcto. 

(1827)  Eilrail  d'où  livre  juifUré  du  Telêigi»^^ 
de  Waobhseil,  t.  H,  p.  il. 

(18:2»)  Cette  conception  des  rahbins  date  i  pco  F'  - 
xt*  siècle. 


I5i$ 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


I5ift 


ble  entrée  da  Sauveur  dans  Jérusaleio»  el  voilà 
comment  il  Ta  fait  : 

c  Fille  de  Sîod,  tressaillit  de  joie;  GUe  de  Jëm- 
salem,  poassex  des  cris  d*airëgresse  :  voici  votae 
Ri>i  qui  va  venir  à  vous,  — ce  roi  Juste  qui  est  le 
Sauveur; —  il  est  pauvre,  et  il  est  monte  sur  une 
àiicsse  et  sur  le  poulain  de  Tànesse.  »  {Zackark, 

is,  9.) 

Celle  prophétie  est  trait  pour  trait  eonforme  à 
révénemeiu  tel  qu*U  est  raconté  dans  les  quatre 
évangiles.  11  faudrait  s'inscrire  en  faux  contre  les 
évangiles  pour  anéantir  le  prodige  de  cet  accord. 
Or«  ce  que  nous  avons  dit  sur.  les  Evangiles  doit 
écarter  jusqu^à  fOmbre  d*une  défiance  légitime.  La 
naïveté  des  iiisloriens  de  Jésus-Cbrist  sur  ce  point 
particulier  de  leur  récit  est  même  à  remarquer  : 
chacun  d*eux  i  sconte  Tévénement  d'une  manière  qui 
nVst  ni  contradictoire  ni  cependant  identique  avec 
celle  des  autres,  n'obéissant  évidemment  qu*à  ses 
propres  souvenirs;  et  Fun  d*eux  dit,  avec  une 
granJe  simplicité  :  <  îLes  disciples  ne  pénétrèrent 
point  ces  cboses  du  premier  coup,  et  ce  ne  fut  que 
quand  Jésus  fut  glorifié  quM  leur  vint  en  mémoire 
que  tout  cela  avait  été  écrit  de  lui,  et  qu'eu  le  fai- 
sant Us  avaient  eui-inéines  accompli,  sans  le  savoir, 
la  prophétie,  t  {Joan.  xii,  16.)  (1829) 

Le  même  prophète  a  fait  allusion  aux  trente  piè- 
ces d'argent  pour  lesquelles  Judas  devait  veoilre 
son  mailre,  et  qu'il  devait  rapporter  ensuite,  dans 
rj|{itation  de  ses  remords,  aux  princes  des  prêtres, , 
qui  en  achèteraient  le  champ  d'un  potier.  {Maiih, 
xxvii.) 

t  Ils  pesèrent  alors  trente  pièces  d'argent,  »  (dît 
\à  pasteur  des  nâ/îo>rs  dans  la  vision  du  prophète) 
«  qu'ils  donnèrent  pour  ma  récompense.  Et  le  Sei- 
gneur me  dU  :  Allez  jeter  au  potier  cet  argen:,  cet  e 
Uîlle  somme  qu'ils  ont  cru  que  je  valais  lorsqu'ils 
nront  mis  à  prix  !  Je  pris  uonc  ces  trente  pièces 
d'argent  et  je  les  jetai  dans  le  temple  pour  un  po- 
tier. >  (2acA.  XI,  li,  13.) 

Il  serait  trop  long  de  relever  ici  en  détail  tous  les 
traits  particuliers  de  la  vie  et  surtout  de  la  passion 
du  Sauveur,  qui  ont  été  prédits  par  les  prophètes  : 
ils  ont  dit  de  lui  qu'il  devait  être  rejeté  {Ps,  c\ii, 
22) ,  méconnu  (Isa,^  Lin ,  3),  trahi  (P«.  xl.  10), 
Tendu  (Zach.  xi,  li),  souffleté  (/su.  l,G),  moqué  (ha. 
xxsiv,  16L  affligé  en  une  infinité  de  manières  (Ps, 
Lx  vui,  37),  abreuvé  de  fiel  (P«.  lxviii,  21)  ;  qu'il  au- 
rait les  pieds  et  les  mains  p«;rcés  (Ps.  xxi,  17)  ; 
qu'on  lui  cracherait  au  visage  (ha,  l,  (î);  qu'il  se- 
rait tué  (Dan,  xi,  20,  et  hâte  déjà  cité),  et  sqs  ha- 
liits  jetés  au  sort  (Ps,  xxi,  19);  que  son  sépulcre 
suerait  glorieux  (ha.  xi,  10),  el«:. 

Far  eux-mêmes  plusieurs  de  ces  traits  isolés  se« 
raient  sans  signification  et  sans  importance,  nous 
t*ii  convenons  ;  mais  lorsque  le  corps  de  la  prophétie 
exi:»te  déjà  d'une  manière  aussi  lucoutesuLie  que 
trous  l'avons  vu;  lorsque  le  véritable,  l'unique  oh- 
j«  i  des  Inspirations  prophétiques  est  si  fortement  mis 
cji  relief,  tous  ces  traits  particuliers  viennent  s'y 
rapporter  d'eux-mêmes,  comme  des  pierres  d'attente 
dont  la  saillie  et  l'irr^ularité  ne  les  rei.dent  que 
plus  propres  à  servir  de  lien  ;  car  il  leur  faut  un  ob- 
|es,  et  il  est  Impossible  de  leur  en  signaler  un  autre. 
—  L'événement,  je  ne  crains  pas  môme  de  le  dire, 
d«»lt  venir  en  aide  à  cette  ict«:rprétalion.  —  Sans 
doute  lj  prophétie  doit  avoir  en  soi  un  dearé  de 
clarté  suiflsant  pour  ne  pas  dépeudre  de  l'eféue- 
tneoi  ei  pouvoir  être  plie  à  sa  convenance;  mais 
lorsque  cette  clarté  existe  déjà  manlfeslement  sur 
l«*9  p«iifila  principaux,  lorsqu'il  est  certain  qu'il  j  a 
Jcja  prophétie  indépendamment  de  Févénement,  la 

(t8S9)  C'est  cetévénenent  qui  donna  lien  plus  tard  à 
*ACousaUon  portée  contre  JésosChrist.  qu'il  avait  vouhi 
«  faire  passer  pour  roi  des  JuiCi,  et  à  i-inacriptlon  que 
'I  aie  fit  niellrc  en  hébreu,  eu  grec  et  en  laiûi,  en  haut 
k*  la  croix  : 

DlCTIONXAinn   APOLOG^TIQrR,   II* 


connaissance  de  l'événement  peut  venir  ensuite 
achever  de  faire  appréi!ier  tous  lés  détails  de  la  pio* 

{)hétîe  en  les  objectivant,  en  montrant  dans  l'objet 
'intention  et  le  lien  qui  n'étaient  pas  tonjoun  visi- 
blement exprimés  dans  la  prophétie,  et  qu'on  y  re- 
trouve dès  lors.  La  prophétie  et  l'événement  s'é- 
clairent ainsi  réciproquement  f  t  se  font  connaître 
l'un  l'autre.  L'évidence  de  la  vérité  de  leur  accord 
est  moins  simple  et  moins  immédiate.  Il  est  vrai, 
mais  elle  est  pks  probante,  parce  qu'elle  part  des 
deux  cô:és,  parce  qu'elle  suppose  doublement  l'ac- 
tion divine  el  dans  la  prophétie  qui  n  clairement 
prédit  l'événement  encore  enveloppé  dans  les  obs- 
curités de  l'avenir,  rt  dans  l'cvédernent  qui  a  claire- 
ment accompli  la  prophétie,  même  dans  ce  qu'elle 
avait  de  plus  implicite  et  de  plus  confus.  L'obscu- 
rité de  la  prophétie  devient  ainsi,  dans  Tévénement 
qui  la  dissipe,  une  source  d'éviJenee  égale  à  celle 
qui  résulte  de  ses  clartés,  en  faisant  voir  qu'il  n'y  a 
ri4'n  de  fatal  ou  de  fortuit  dans  Tun  ni  dans  rauire, 
mais  que  de  toute  part  Dieu  seul  agit  librement, 
qfioi<|ue  iiiéviiablcment.  —  Par  exemple,  il  n'y^  a 
pas  de  prophétie  si  claire,  entre  toutes  celles  qu'on 
peut  citer,  qui  soit  au  si  probante  que  le  devint  la 
prophétie  obscure  touchant  le  fiel  et  le  vinaigre 
qu'on  devait  donner  à  boire  an  Sauveur,  lorsque 
cette  victime  voloniaire  des  iniquités  des  hommes 
suspendit  son  dernier  souffie  pour  donner  lieu  à 
l'accoinplissemeut  de  cette  prophétie  en  demandant 
à  boire,  et,  ap  es  avoir  ainsi  vétn  librement  jus- 
qu'aux particularités  les  plus  secrètes  des  prophé- 
f  les,  ferma  ses  lèvres  divines,  humectées  de  ce  fiel 
prédit,  parées  mots  souverains,  el  eu  qui  respire  le 
maître  des  prophéties  et  des  événements  :  ConsuM- 

MATVl  KST  ! 

C'est  ainsi  que  tout  tourne  à  évidence,  jusqu'aux 
obscurités,  pour  qui  sait  voir  les  choses  et  qui  veut 
les  pénétrer. 

11  semble  que  la  vérité  divine  ait  voulu  franchir 
toutes  les  limites  de  sa  manifestation  dans  une  der- 
nière prophétie  qui  nous  reste  encore  à  faire  con* 
nature,  et  après  laquelle  il  est  absolument  vrai  de  diru 
que  la  résurrection  même  d'un  mort  ne  convaincrait 
pas  celui  qui  serait  assez  obstiné  pour  ne  pas  se 
rendre. 

On  devine  que  nous  voulons  parler  de  la  prophé- 
tie de  Daniel. 

$  VU. — Prophéties  de  Daniel;  leur  admirable 

précision. 

Entre  tontes  les  prophéties  de  Daniel  il  y  en  a 
trois  de  célèbres  :  fa  première,  touchant  le  règne 
d'Anilochus  Epiphane;  la  seconde,  touchant  la  suc- 
cession des  royaumes  et  le  triomphe  du  christia- 
nisme, en  explication  de  la  statue  vue  en  sonce  par 
Nabuchodonosor  ;  la  troisième  et  la  plus  célèbre, 
qui  est  la  prophétie  dea  soixante  el  dix  semaines^  et 
qui  a  trait  direitement  à  Jésus-Christ.  C*est  à  la 
troisième  que  nous  allons  nous  attacher. 

Avant  de  Tabarder,  et  pour  fermer  derrière  noiui 
toute  issue  à  la  défiance  que  sa  clarté  niôine  pour- 
rait faire  naître,  remettons-nous  bien  dans  l'esprit 
toutes  les  preuves  d'antériorité  des  prophéties  que 
nous  avons  déjà  données.  Ces  preuves  liiviDci*)tes 
couvrent  les  prophéties  de  Daniel  comme  toutes  les 
autres.  C'^n  serait  donc  asaes.  Mais  la  Pro  Jdence 
a  voulu  que  des  garanties  parlirunéres  fussent  dén- 
uées à  ceile-ei.  fi  en  est  deux  bien  décisivet. 

La  première  est  l'aveu  forcé  du  paicn  IH>rpIiyre, 
qni,  dans  l'einporiement  de  sa  prévention,  int^ 
remisé  à  écarter  la  première  prophétie  de  Daniel  sur 
le  régne  d  Antiochus  Epiphane  (si  bien  justifiée  par 

jteS  M  KAlAaKTa, 

ROI  DES  iUtPS  ; 

conforraémcDt  à  la  prophétie  qui  avait  dit  : 

VOICI  TOrnc  aoi. 

48 


t»15 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


m 


I VvéïHtmnri  ^  i?//«  a  piutùt  raconté  dei  chout  pai' 
nées^  dil-il,  que  décrit  de$  évéucmenti  fulurt) ,  osa 
^ilé^uer.  gaiis  ombre  de  preuve,  que  le  livre  de  Da- 
niel avait  été  composé  par  ua  inconnu  sous  le  régne 
de  ce  prince  (1830).  Démenti  et  confoiidu  sur-le- 
champ  par  les  Juifs,  son  imputation  toml>a,  mais  la 
marque  en  est  restée  comme  le  plus  haut  point  ou 
ait  osé  monier  i*iucrédulité  à  Tendroit  des  pruphé- 
tifs,  4  la  grand?  juslilication  des  deux  autres  pro- 
phéties Uf"  Daniel  sur  Jésus-Chrisi,  que  Ct-tie  atta- 
que iuseisee  laissait  subsister  dan»  une  aiuériorité 
suffisante,  quoiquVlle  ne  fût  pas  complète,  sem- 
blable à  ces  crues  d*t  au  qui  recouvrent  un  moment 
les  piles  d*uii  pont  sans  atteindre  jusqu'à  ses  arches, 
el  dont  l'impuissante  et  passagère  furie  ne  sert 
qc^à  rehausser  la  prudence  de  1  architecte  qui  a  su 
la  prévoir  et  la  braver. 

La  seconde  garantie  e^t  dans  cette  déclaration  de 
Josèphe,  dont  ia  source^  la  date  et  ïoè  circonstances^ 
préviennent  toute  object  on  :  c  Tous  ces  malheurs 
l'oudirent  sur  notre  nation  sous  le  régne  d'Aniio- 
chus,  comme  D.iniel  Pavait  urédil  longtemps  âvpa- 
■avaxt;  —  il  a  parlé  aussi  de  la  puissance  des  Ro- 
n  ains  et  de  leur  empire,  —  et  il  a  prédit  les  vaux 

1»0NT    ILS    DKVAIE.^T  ACCABL^a  NOTRE  NATION  (1851). 

^  Tous  les  écrits  que  Daniel  nous  a  laibsé»  se  lisent 
encore  dans  nos  assemblées  (1832).  > 

Maintenant  voici  le  teste  certain  de  la  prophétie: 
il  ne  faut  pas  en  laisser  passer  iégéremeui  un  seul 
mot  :  nous  ne  soulignons  rien,  parce  que  tout  se- 
rait à  souligner. 

i  Ecoute  la  parole,  dit  l'Esprit  de  Dieu  au  pro- 
phète, et  vois  la  vision  : 

i  A  soixante  et  dix  scmau.es  se  réJult  le  temps 
décié;é  sur  ton  peuple  il  sur  la  ville  sainte  pour 
que  la  prévarication  soit  abolie,  que  le  péché  sV-x- 
pie,  que  Tiniquilé  soit  effacée,  que  la  justice  des 
siècles  soit  intro>Juite,  que  les  vivions  et  les  prophé- 
itfs  soient  consommées,  et  que  le  Saint  des  saints 
tdit  oint. 

c  Apprends  donc,  et  saisis  bien  : 

4  A  partir  de  Tédit  qui  sera  donné  pour  la  re- 
construction de  Jérusalem,  jnsqn*à  ce  que  le  Christ 
paraisse»  sept  semaines  et  soixante-deux  semaines 
s»*écouleroiit  :  et  de  nouveau  seront  li&iies  les  places 
et  les  murailles  de  la  ville  parmi  des  temps  fàcbeux« 

f  Et  après  les  soixante-deux  semaines,  le  Christ 
sera  mis  à  mort  :  et  le  peuple  qui  doit  le  rejeter 
ne  sera  plus  aîen.  Un  ^uple  avec  son  chef  à  venir 
doit  fondre  sur  la  \îlle  et  le  sanctuaire,  et  en  dis- 
perser les  débris  :  fia  dévastatrice!  et»  la  guerre 
finie,  la  désolation  prononcée  suivra. 

c  Cependant  il  (le  Christ)  confirmera  son  alliance 


solatioo  aéra  dans  le  temple,  et  la  désolation  qui 
doit  suivre  durera  jusqu'à  la  consommation  et  jus- 
qu'k  la  fin  (1853).  * 

Ou  a  peine  à  en  croire  ses  propres  yeux  lorsqu'on 
lit  cet  oracle,  qn*on  prendrait  |tour  une  chrunolo* 
gie  faite  après  l'événement;  et  on  est  saisi  de  ce 
mouvement  qui  fit  tomber  Nabuchodonosor  aux 
pieils  de  Daniel,  et  le  fit  s'écrier  :  Votre  Dieu  est 
véritablement  le  Dieu  des  dieux  et  te  Seigneur  des 

(1830)  PoBrani.,  apud  RitR05Tii..  Prœf.  in  D.miel. 

(1831)  Les  trois  grandes  p.uphelies  de  Daniel  sont 
dairemeot  indiquées  dans  celle  déclaration.  La  première 
en  effet  a  trait,  comme  nous  i*avons  dit,  aux  perséculioiu 
à*ÀntiockM$  ;  —  c'est  dans  la  seconde  qoll  est  parié  de  U 
puissance  des  Romains  :  ce  rogaume  de  fer  qui  Ifrisera 
UnUy  et  au  plus  fort  duquel  viendra  le  romane  qm  n'aura 
wrini  de  fin,  semMaMe  a  une  petite  pierre  qui  se  détache  de 
ta  montagne  voisine  sahs  la  ma»  d  aucuiv  iomib,  tnrisoni  ei 

mctioutouMlesrogaMmee^ets'étendanlàiamaiicommeune 
monôme  Ju»qu*aux  extrémités  du  monde  (piophéUe  que 
les  Jui;s  mêmes  amendent  du  règne  du  Messie)  ;  ^  rnfln 
ce  n*est  que  dans  la  troisième  prophétie,  celledes  soixante 


rois^  et  celui  qui  révèle  tes  mystères,  pn'n^  rMi 
avex  pu  découvrir  un  mystère  «  caeké  (4834). 

Toutes  les  prophéties  forment  comme  iHiechiloe 
de  montagnes  qui  priant  de  la  plaine  tom  se  sur- 
passant les  unes  les  antres  de  plos  en  pin,  h  4^ 
couvrent  du  haut  de  leurs  cimes  des  échapfiées  <)e 
vue  diverses  d*un  même  horizon,  selon  km  «ki 
respectifs;  mais  du  milieu  de  tontes  »*éhoceoidi>s 
pics Kéant<,  d'où  rœil  p'oige et eobrasie rborizin 
complei.  Tel  est  haïe,  tel  est  surtout  Daniel. 

Quanti  nous  réduirions  tont  ce  que  dobi  itok 
dit,  tout  ce  qu^on  peut  dire  en  favear  du  drisda- 
nisme,  à  ces  quelques  lignes,  c*en  scrsil  assez: j} 
n*y  a  pas  d'inte  ligence  raisonnable  qai  ne  dài  se 
soumettre.  Il  ne  faut  pas  id  de  raisonnemeniscoa- 
pliqaés  ni  des  investigations  profonde!,  il  m  bot 
que  des  yeux,  et  il  snffit  de  les  ouvrir.  Que  Tio- 
crédolité,  si  elle  est  sincère,  devrait  èire  bear«« 
d'avoir  enfin  rencontré  une  de  ee>  raisons  de  (roin 
comme  il  lui  en  faut,  comme  elle  en  deo  sif, 
qu'on  n*a  pas  besoin  en  quelque  sorte  de  ubir, 
mais  qui  vous  saisiss(^nt,  et  auxquelles  on  ne  peai 
résister  tans  résister  à  Tévidence! 

On  a  beao  cfiercher,  on  a  beau  faire  )e  loar  ie 
cette  éclatante  preuve  de  notre  sainte  rt  licion,  oo  m 
saurait  y  trouver  p;:Sse  à  objection  quelcoD^oe .  il 
faut  se  tendre,  ou  se  retirer  enfin  convainca  de  k 
vonloir  pas  Tétre. 

Quelques  exp!ieations  de  détail  TontmeUreecoe 
conclusion  dans  tout  son  Jour. 

Que  tes  seniaines  de  Daniel  soient  de$  semm 
&années^  c*est  sur  quoi  tout  le  monde  est  d'scrori 
La  lecture  seule  de  la  propbct.e  le  démontre;  a 
soixante  et  dix  semaines  de  jours  ne  lienMsl  qu 
seize  mois,  et  il  est  absurde  de  pbcer  Uni  dénue- 
ments considérables  et  si:ccessifs,  dont  parie  iep»- 
phète,  dans  un  ai  court  espace  de  tem|«.  Genepti 
donc  être  que  des  semaines  d*awiéet.  U  étati  d'ail- 
leurs d^usage  de  (ompier  ainsi  chez  le  peuple  jaT 
lions  le  voyons  clairement  en  maints  enJroiu,  oo- 
lamment  dans  ce  passage  du  Lévitvfue  qat  tiir 
Tannée  du  jubilé  :  Vous  compterez  sept  uanibi 
d'années^  c\st-à-dire  sept  foie  gept^qnifoàicMM 
quarante^neuf  ans  (chap.  xitv«  8).  Cette  mmt 
de  compter  n*était  pas  mémo  inconnue  au  ccn- 
vains  profanes  :  Arisiote  en  paile  oo^erteiBet.i,  ti 
\arron  surtout,  dans  ses  livres  intitolës  ^  V 
maims  (1835). — Mais  voici  qui  est  plus  dirca .  ccd 
au  cha|iiire  ix  que  Daniel  parle  ainsi  des  wsaskn 
dix  semaines  :  il  ne  dit  pas  là  si  ces  f  emaist:»  M 
de  jours  ou  d'années  (si  ce  n^est  par  retendue  to 
évéucmcnts  qu'il  y  renferme);  mais  vient  iniotéits- 
tement  aprt^s  le  chapitre  x,  où,  ajani  à  diie  ^ 
fut  dans  le  deuil  pendant  troit  semaines,  il  aJMl^ 
là  :  Semaines  de  jours,  tugcbam^  d.t-il,  très  A<*^ 
mîidas  DUERtu,  ce  oui  est  traduit  mot  pour  mot  dn 
Septante  :  xf,tiç  iCiofii^ç  ntupùv.  Or,  qui  oe  î«^ 
qu*il  n*a  quai  ûé  ainsi  les  semaines  de  sou  îed 

3ue  pour  les  différincier  des  luti-es  seiaaiors  dooi 
vient  de  parier  un  peu  plus  haut,  Icsqseilâ  h} 
conséquent  ne  sont  pas  des  semaines  de  jovs  uà 
des  semaines  d'années^  tout  comme  s*il  Ttât  dii  n- 
pressément?  Ce  point  est  donc  ineoniesiatde,'(i' 
faut  bien  qu'il  le  soit,  puisque  les  talniudiU)e»,  •( 
en  gros  tous  les  inils^  en  conviennent  (18^;. 

et  dix  semaines,  qui!  est  pari  A  de  ces  maci  dort  us  X* 
MAiics  MVAiniT  iccABLsa  LA  ]iATa>9i  lie  Josèphe,  elduui  i 
a  été  l'aveugle  historien. 

(1832)  Flav.  JosèPHi,  Àntiq.juâtneœ,  lib.  î,  op  li' 
Tous  ces  écrits  de  Daniel  font,  du  reste,  ptftic  de  j  u> 
duction  des  SeptatHe,  et  existaient  ?in«f  mtofrcaed  ^ 
le  monde  depuis  quatre  cents  *ny 

(i8S3)  lia».  IX. 

(1834)  Dan,  u. 

(1855)  Aaisr.,  «.t.,  lib.  vn  siib  finem.  -  1.  V*i».  ■ 
S,  10. 

(1856)  Jnsm  Msdcs^—.  jAcanA».  >*  AaAUàsm.-  I<* 
MASBis.  —  Ben  Israil. 


1517 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


ISIS 


Ce  fpiai  ncoann,  le  compie  tu  facile.  ChaqM 
seiuaioe  «Tannées  faisant  sèpi  ans  (comme  les  se- 
maines de  joors  font  sepi  jours),  les  soixante  ei  dis 
semaines  fooc  teptanU  (ou  tept  an$^  e^est-à-dire  en 
lont  qumtrt  cent  «ptMtre'tingi'dix  ans,  absoinmeni 
comme  le  Lémlique^  pour  fixer  Tancée  dv  jubilé, 
posait  la  règle. 

Mais  U  ne  snffisiU  pas  de  fixer  la  durée,  'd  faUait 
fixer  soo  point  de  départ  et  son  point  d^arrivée;  et 
c*cst  oe  que  fait  le  prophète,  en  termes  on  ne  peut 
plus  formels*  par  ces  mou  :  ▲  rAETm  de  Védit  pour 
ta  reeotuinutûm  de  Jénuaiem  jdsou*a  taUnememi 
du  Chriêt  (iB  exiiU  urmoms^  ut  iterum  œdijicetur 
JeruMëUm  csQrc  ad'CikrMfaa  dB««inl.  Cet  édit,  pcnir 
la  reoMUtmction  de  lémsalem,  fut  donné  par  Ar- 
iuserxh  à  la  tangue  main.  Cjnis  avait  déjà,  par  un 
décret  antérieor,  aulorisé  la  rccotistrudion  du 
temple  seul.  Ce  n^eU  qu*Artaxerxés  qui  permit  la 
réëdification  des  mun  et  des  piaeet  de  la  ville;  et 
ertie  permission  fut  donnée  fàr  loi  la  vingtième 
année  i*e  son  rècne,  eomme  on  le  lit  dairemenl 
dans  Eidrai^  lir.  Il,  cl^p.  il,  f,  et  dans  VEcrlé-^ 
Miaste^  chap.  xux,  15.  C*rst  donc  i  partir  de  la 
vingtième  année  dn  règne  d*Artaxerxès  que  les  se- 
maines doivent  compter. 

Or.  d'aptes  les  meilleurs  chrooologistes,  dont  le 
jt^ntiment  se  lire  de  circonslances  rappoctées  par 
Thucydide,  Cornélius  Nepos  et  Plotarque,  notam- 
ment le  bannissf  ment  de  Thémisiode  et  sa  retraite 
à  te  cour  des  rois  de  Perse,  le  eommencemf  nt  du 
rMie  d*Âruxerxés  doit  être  ê\é  11  te  demiêrR  an- 
rée  de  la  75'  oijimpiade,  oui  répond  à  Tan  380  de 
Kome,  ee  qui  fait  tomber  la  fiiigiiémc  année  de  ce 
régne,  et  le  l'épart  des  temaimes,  a  Tan  300  de  Riime 
envIroiL  Maintenant  ajoutez  11  ce  nombre  70  se- 
maines oa  490  ans«  et  tous  trouv*  rez  Tan  de  Rome 
790.  et  de  Vén  chréiienn  *  37. 

Keprencs  actuellement  la  prepbéiie,  et  voyez  le 
prodige  de  son  exaclilude. 

Soixante  et  dix  semaines  y  sont  d*abord  données 
comme  formant  la  dniée  loiale  qui  doit  s'écouler 
jusqu'à  Tavéoemeiit  de  b  jusiiee.  élpmelle ,  la  ré- 
demption de  nos  iniquités,  et  b  consommation  des 
prapbélies,  e*est-i-dirc  Jju^€S  ei  y  campriê  la  mort 
du  Christ:  œ  qui  est  en  parfait  accord  avee  Téréne- 
tuent,  lésos-Cbrist  éunt  mort  Tan  34,  et  la  soixante 
et  dixième  semaine  tombant,  eomme  nous  Tavons 
m.  Tan  37.  —  CompUnt  par  semaines,  il  était  im- 
poûsible  d*étro  plus  exact.  i 

Mais  le  prophète  ne  se  bom^  pas  là,  et  il  va  por-' 
ter  la.  précision  dans  la  précision  même.  Il  coupe 
en  elfet,imméJiatement  après,  les  urixamU  et  dix 
senaaines  en  sept.  —  soixante-deux.—^  une  dernière 
semaine;  il  fait*  p!ns,  il  coupe  cette  dernière  se- 
maine en  d!eKX  motfîét ,  pois  il  distribue  le  temps, 
ainsi  pnnagé,  aux  éténemenis,  de  la  manière  sui- 
Tjft'e  :  * 

Les Mpfnremières semaines,  soit  qnarante-nruf 
^ns,  sont  «mnées  à  bi  reeoostmctlon  de  Jérusalem 
parort  det  temps  fàclteux^  ee  oui  a  en  lien  en  eflët  i 
la  lettre,  sons  la  eondnite  de  Néhémias,  et  a  travers 
les  résistances  des  Samaritains,  des  Arabes  et  des 
Ammonites,  selon  qne  nous  le  lisons  dans  Esdras 
(tiv.  II.  chap.  IV,  5,  S,  7.) 

Viennent  ensuite  ks  so/jcanie^eiix  semaines,  opfH 
letqueUes,  dît  le  prophète,  le  Chsist  seba  mis  ▲ 
■onr;  ce  qui  place  la  mort  du  Christ,  de  compte 
général,  eprèi  la  unxaate-neuvième  et  dan*  la  soixan-- 
te  et  dixième  semaine,  soit  entre  Can  30  el  37  de 

(1857)  Une  chronologie  exacte  de  la  prophétie  de  Da-* 
nfteJ  a  été  drearàe  oar  M.  Coori  de  Gèbelin.  {l>iaaerUiLwm 
VIôêL  orîmC.p.  SI  et  soir) Les  ohserratioos  de  ce  mTsat 
montrent  en  tout  poinl  Taeeord  de  U  namtioo  sacrée  avec 
le  récit  de  lliistoire  pnAne.  —  Ce  qui  est  plus  fort,  selon 
ir*fis,  c'eit  que  le  désaceoid  des  chrooologistes,  duis  la 
siippttUlion  des  480  ans  de  eette  praphilie.ne  Sbit  que  de 
T  a  9  ansv  Ce  dusaecord  ne  vient  pas  de  la  prophétie 


Tère   dirétienne,    comme   die  "arriva   en  eflei. 

EoBn,  nprenant  cette  semaine,  soixante  et  diriè-* 
me  et  dernière,  comme  étant  digne  en  effet,  par  s«*n 
Importance  définitive,  d*étre  considérée  à  paît,  celte 
semaine,  qn^oo  peut  appeler  U  semaine  des  nrf  s/é- 
res^  le  prophète  y  concentre  tons  nos  regards  ;  et, 
par  on  dernier  coup  de  précision,  il  nous  en  repro- 
duit ainsi  Tobjet  :  —  <  Pendant  une  semaine,  dit-il, 
le  Christ  confirmera  son  alliance  avrc  plusieurs.  » 
Et  c*esl,  en  effet,  à  la  trentième  année  de  sa  vie  que 
le  Christ  Commença  ses  prédications,  qnf  ouvrirent 
le  règne  de  la  nouvelle  all'anee.  —  c  Et  à  partir  de 
la  moitié  àtceUt  dernière  semaine,  continue  le  pm« 
phète,  il  sera  mis  fin  an  sacrifice ,  Tabominaiion  de 
la  désolation  sera  dans  le  temple,  et  la  désolation 
ensuite  dorera  jusqn*à  la  fin.  •  Et  cVst,  en  effft,  k 
partir  de  la  mo'.tlé  de  la  dernière  s;*mame,  c'est  à- 
dire  de  la  ireiiie^putrième  ann^  de  Jésus-Christ, 
qne  soo  sacrifice  Tii.t  mettre  fin  au  sacrifice  mosai« 
qne,  et  qne  se  déroiib  sur  les  Juifs  rOite  série  de 
ca*amités  qui  aboutit  au  sac  de  Jérusalem  par  Titus, 
a  la  profanation  et  à  la  ruine  du  temple,  et  enfin  à 
CPtie  désolation  qoi  se  poursuit  encore  sous  nos 
yeux  (1837). 

C*est  ai'  si  qn*  la  prophétie  de  Danid  annonce  le 
letft  des  événements  at^nment  iromme  Tastrono- 
mie  annonce  le  lever  des  astres...  Hais  1rs  astres 
ont  deM  mouvements  réglés  et  périodiques  qoi  per- 
mettent à  la  science  de  les  saisir  par  ses  calculs, 
tandis  que  les  événements,  et  des  événennents  aussi 
en  dehors  du  conrs  naturel  ries  ti^oses,  et  aussi  com- 
plexes que  eenx  eonienns  dans  notre  prophétie,  ne 
pen^eat  être  prédits,  et  préoiis  avec  une  justes^  si 
mathématique,  que  par  cklci  gui  change  les  temps 
et  tes  siècles^  gui  transfère  et  établit  tout  les  royau- 
mes, gui  recèle  les  chnes  les  plus  cachées^  et  voit  tout 
ee  gui  sera  comme  ce  gid  est  (1838). 

Au  reste,  eette  exactitude  prophétique  est  si  réelle, 
Texplicaiion  par  laquelle  nous  Tavons  mise  en  lu- 
mière jusqu'à  pouvoir  la  qiialiiîer  dl'asiroHonugue^ 
esi  si  juste  et  si  liuérale,  que,  par  le  fait,  cest  sur 
elle  que  Tastrooomie  elle  -  même  est  venues  se  ré- 
gler. 

Un  Jeune  astronome  du  siède  dernier,  enlevé  à 
la  scienoe  par  une  mort  prématurée,  et  dont  les  rares 
et  nombreuses  connaissances,  dit  le  savant  philosophe 
no.inet,  étaietu  relevées  par  urne  modestie,  «ne  ron- 
deur  et  une  piété  plu&  rares  encore^  U,  de  Cheseaux, 
lit  d;  ns  tes  prophéties  de  Daniel  des  décoovenes 
astronomigues  qui  étonnèrent  deux  des  premiers  as- 
tronomes de  ce  siècle,  Matran  et  Cassini.  t  il  n'y  a 
pas  moyen  de  disconvenir  des  vérités  et  des  décoo- 
venes  qui  sont  prouvées  dans  votre  dissertation,  lui 
écrivait  Tillustre  Mairan  ;  mais  je  ne  pois  compren  • 
dre  (il  avait  le  malheur  d*étre  tncédule)  comment 
vt  pourquoi  elles  sont  aussi  réellement  renfermées 
fbtis  TEieritnre  sainte,  i  Cassini ,  sans  s^arrèier, 
comme  Mairan,  aux  commenf  et  aux  ponrfuot,  dé- 
clara, bientôt  après,  avoir  trouvé  toutes  ses  métho- 
di*s  pour  le  calcul  des  mouvemenlsdu  soleil  et  deb 
lune,  dédmtes  du  cgcle  de  nanid  et  de  Tarrivée  des 
é<|ttinoxes  et  du  SiHstiee  an  méridien  de  JérusmUm, 
três-démontrées,  et  parfaitement  cooformes  â  Tas- 
ironomie  b  pl^s  exacte.  «  Cd*-o«  soupçonné,  ajoute 
Bonnet,  que  Tétude  d^nn  prophète  eoricliiratt  Tas- 
tronomie  transcendante,  et  qu'elle  nous  vaudrait, 
sur  certains  points  irês-dilttciles  de  eeue  belle 
scienee,  un  d<>gré  de  précision  fort  snpérieor  à  ce- 
loi  qne  b  calcul  avait  donné  jusqu'alors  ?  (1839j  > 

même,  mais  du  débat  de  précision  de  b  chronologie  gé- 
nérale où  elb  vient  s'enchteer. 

(1838)  non.  n. 

(18S9)  Beckerckes  j^kHatoplàgues  war  la  frmnx  du 
ehrivtieatisme,  pr  C  Bomcr  ;  Amstenbm,  1785,  p  165, 
note.  —  Les  deceo vertes  de  M.  de  Cheseaax  qui  été  im- 
prioMêes  dans  ses  Méumires  posAumes  star  dmers  aujets 
d'astrmwnie  et  de  moÊhéumtigues  ;  Laosuine,  1754,  in  IT, 


I5fl9 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


m 


Qiielle  est  donc  colle  vérîlé  dont  les  preuves  ser- 
veiil  en  même  temps  aui  sciences  les  ptas  exactes, 
qui  n*)!! -seulement  est  justifiée,  mais  qui  justifie,  ou 
ptutAt  qui  n^esl  justifiée  que  parce  qu*elle  justifie 
toui  ?  N*eit-ce  pas  simplement ,  et  dans  le  sens  ab- 
solu du  mol.  Là  VKRiTf.?  Et  comment  ne  pas  la  re- 
c<>nnaitre  lorsque,  venant  à  la  vérifier,  au  point  de 
vue  moral  par  l.i  seule  méthode  possible,  la  prati- 
iique^  on  vient  à  découvrir  qu*elle  s^adaple  à  la 
terre  comme  aux  cieui,  et  qu*el!e  régie  les  désirs  de 
riiomme  comme  les  astres? 

Pour  suivre  la  partie  chronologique  de  la  prophé- 
tie, nous  avons  nf'gli|$é  la  partie  narrative;  mais 
qn*avons-nous  besoin  de  faire  remarquer? La  chose 
parle  d'elle  même,  et  le  silence  seul  de  Tadmiraiion 
convient.  Los  traits  se  pressent  et  se  succèifent  ra- 
pidement dans  ce  miroir  de  Tavenir,  avec  une  vé- 
rité de  plus  en  plus  saisissaiite,  et  qui  ne  laisse  pas 
respirer  Tétonnement ,  jusqu'à  ce  qu'après  Tavoir 
porté  à  son  comble ,  elle  Tabandonne  à  lui-même 
silir  le  vide  infini  de  toute  explication  natureHe ,  et 
le  force  en  quelque  sorte  à  se  prendre  à  la  foi. 

Ramassant  toutes  les  prophéties  antérieures,  le 
prophète  détermine  enfin  à  jour  fixe  le  iempt  promis 
sur  le  peuple  et  sur  la  ville,  ce  temps  que,  du-sept 
cents  ans  avant ,  Jacob  appelait  le  dernier  temp$^  et 
oui  avait  été  Tob/el  des  soupirs  des  patriarches  et 
«les  tiansports  des  prophètes,  ce  temps  dont  Patteute 
avait  occupé  tous  les  temps. 

Au  fond  de  cette  perspective  ainsi  arrêtée^  il  nons 
fait  apparaître,  en  premier  lieu,  la  recotiêtrucUon  de 
Jérusalem  en  des  temps  fâcheux. 

Puis  au  delà,  au  bout  de  soixante-neuf  semaines, 
et  dans  la  soixante  et  dixième,  est  introduite  Injus- 
tice des  siècles^  le  Saint  des  saints  ^  le  Christ;  —  on 
voit  son  baptême;  — son  alliance  confirmée  avec  p/u- 
sieurs;  —  u  Christ  mis  a  mort  ;  —  son  pettple^  qui 
dlitit  le  renier^  rejeté  lui-même;  —  la  consommation 
des  prophéties;  —  la  cassation  des  sacrifices. 

Enfin,  sur  rarrière-plan  accourt,  a>ec  son  cbef 
OUI  DO.T  YENiR,le  peuple  exécuteur  de  Parrêt  de  déso- 
lation déjà  porté  sur  le  peuple  et  sur  la  ville  (iSiO)  ; 
rabomLiation  de  la  désolation  est  dans  le  temple^  et 
la  ville  et  le  sanctuaire  sont  saccagés;  la  dévastation 
est  à  son  comble;  f(,  après  cette  guerre  ^  la  désola- 
tion^ tant  de  fois  prédite,  ne  cesse  plus,  et  se  poursuit 
et  se  poursuivra  jusqu'à  la  consommation  et  jusqu^à 
la  /in...  Et  post  hebdoxadàs  sexaginta  duas  occi- 

MSTUR  CbRISTUS  :  ET  NO.N  ERIT  ESVS  POPOLUS,  QUI  EtH 
NRGATt'UOSESr.  ËTCIYITATEU  ET  SANCTUARIUM  DISSIPA- 
BIT  I>0PULIIS  CUtf  DUCE  VENTIIRO  :  ET  FI.^IS  EJUS  VASTI  • 
TAS,  ET  POST  Fli\Rll  BELLI  STATUTA  DE'iOLATlO...  ET 
RRIT  IN  TF.MPLO  ABOIIINATIO  DESOLATIONtS  :  ET  USQUB 
AD  CO?ISIIlillATIONEy  ET  FINEU  PERSEVBRABlT  DfiSOLA- 
TIO. 

Pi'cnez  maintenant  riiisloire,  Thistoire  profane; 
voyez  dans  le  Talnind  et  dans  les  écrits  des  rabbins 
la  consignation  de  ce  fait,  que  la  dissolution  du  san- 
hédrin (du  sacerdoce  mosaïque)  arriva  quarante 
ANS  avant  la  ruine  de  Jérusalem  ,  c*est-à*dire  juste 
à  partir  de  la  nort  de  Jésus-Cbrist  (  1841 }  ;  qu'à 

ouvrage  profond,  et  nui  ne  saurait  être  entendu  que  des  ' 
savants  les  pins  iuiiiés  dans  les  secrets  de  la  haute  astro- 
nomie. 

(1840)  Voy.  la  prophétie  d'iaaîe  ci-dessus,  col.  1509  : 
Malheur  à  Ariel  !  etc. 

(iSil)  Traités  stodiédrin,  fo).  il,  recto  ;  Gnaboda-zara, 
fol.  8,  verso. 

(ia&2)  R.  David  Gans.  Clironiqu£,  an.  5718.—  Talmud, 
Traité  Toimf,fol.  57,  verso. 

(1815)  R.  J0HA5AM,  fils  de  Zacai,  Tr.  de  fest.  expiât. 
(!8U)  Jos.,  De  beli.jud.,  lib.  vu,  e.  12.  —  Tauit.jITu/., 

Ub.  V,  c.  15. 
(1845)  Jos  ,  De  belL  jud.,  lib.  vu,  c.  12. 

(1816)  On  sait  qu'il  lit  tout  ce  qu'il  put  pour  sauver 
le  temple,  comme  Julien  l'Apostat  plus  tard  pour  le  re- 
lever* 

(18Ï7)  Jos.,  De  belljud.,  lib.  vu,  c.  IG. 


cette  même  époque  le  sanctugiredu  tent^i'mm 
de  lui -même  (18^12),  qiron  neeesnh  li^  rairdi} 
choses  étranges,  de  sorte  qn*un  faiBeai  nîkm  s'c- 
cria  un  jour  :  f  0  temple,  6  temple!  (presl-ceoii 
l*émeut?  et  ponrqnoi  te  fats-tn  penr  i  isi'irèMt 
(1843)  >  Entendez,  snr  le  rapport  deJosèpbt^.ttde 
Tacite,  cette  voix  extraordinaire  qui  sefiioaieuite 
le  jour  de  la  Pentecôte ,  au  milieu  d'un  bnit  i- 
freux,  du  fond  da  sanctuaire  :  Sostoss  b*ici,soi. 
TONS  D*ici  (1844)!  Voyez  avec  tout  le  peuple  jnil, 
durant  sept  ans,  un  paysan  courant  (TliabiiQdeilaDs 
les  nues  de  la  vilfe,  et  pendant  tout  ce  tvmps  w  ces- 
satit  de  crier  ni  jour  ni  nuit,  quoique  en  pleine  piii: 
c  Une  voix  est  sortie  de  lX)rient,  one  voix  e»(  sor- 
tie de  lX)ccident ,  une  voix  est  sortie  da  cMé  dès 
quatre  venis  :  voix  contre  Jérusalem  et  contie  k 
temple,  voix  contre  les  nouveaux  mariés  et  les  no9> 
Vdlles  maiiées,  voix  contre  Irrotle  penple.  Miibnr 
autenopli*!   nialhenr  à  la  ville!  malbear à lool k 
peuple!  malheur,  malheur  k  Jérusalem!  i  josqu'i 
ce  que,  atteint  lui-même  d'un  coup  de  pierre  (tanii 
la  guerre.  Il  s^écria:  c  Malheur  i  moi-mèoBeilSiStli 
Voyez  et. fin  celte  guerre  inouïe  par  sa  devait ^tioD, 
le  peuple  romain  commandé  par  Kon  cbef  Titm, 
commandé  lui-même  par  ane  force  mystéririM  d 
Irrésistible  qui,  malgré  la  douceur  de  son  cane  è>e, 
le  rendit  Tinstrament  des  plus  épouvaiilables  l«r- 
rrurs,  sans  qu^il  lui  fût  possible  de  les  moiiétT 
(1846);  force  si  sensiblement  surnatuMIe,  que  lui- 
môme,  quoique  païen ,  ta    confessa,  disant  ï  tn 
amis  :  (yest  sous  la  conduite  de  Dieu  que  nom msi 
fait  la  guerre;  c'est  Dieu  qui  a  chassé  Us  J»(i  it 
ses  forteresses,  contre  lesquelles  ni  les  fitrces  taauh 
ues,  ni  les  machines  ne  pouvaient  rtcn  (IStlj.  U 
n^est  point  moi  qui  ai  vaincu,  disait-  il  encore  en  l^ 
poussant  les  couronnes  que  loi  apportaient  les  es- 
tions :je  n^ai  fait  que  prêter  mes  moins  k  U  ta- 
geance  divine  (1848).  Voyez  encore,  i  la  méiM  épo- 
que, l(s  feux  des  sacriGces  s^éteindre  i  jamak  fv 
tout  Tunivers,  Tesprit  prophétique,  soit  de  vffiif. 
soit  de  mensonge ,  rentrer  dans  on  silence  ilsofo, 
et  tellement  étrange  à  cette  époque,  qoe  PlQUtqie 
en  ftiit  Tobjet  d*un  traité  spécial  où  il  se  perd  i  a 
nTherclier  les  causes  (1849);  eufin,  voyez  Misait 
contractée  par  le  christ* anisme  avec  les  penplesa)^ 
derneSt  le  peuple  juif  rejeté ,  la  désolation  d^twi 
comme  Tétat  permanent  de  ce  peuple...,  et  ex- 
cluez. 

C  est  durant  la  captivité  aue  Daniel  At  cette  e»> 
morable  prophétie.  Les  Juifs  retoumétenl  wsw'* 
dans  leur  pays,  et  rééditèrent  le  temple ,  pu» l^ 
ville;  et  cest  pendant  la  construction  do  lesipk 
que  les  derniers  accents  prophétiques  se  fiiai  »> 
tendre,  encourageant  les  travailleurs. 

Toutes  les  prophéties  8>ncbatneot  par  u  nf* 

Î tort  merveilleux,  qui  fait  qu*elles  différât  eotK<^ 
es  par  des  traits  particuliers,  et  qu*dles  se  rt^ 
blent  par  la  rencontre  tt  la  fusion  de  tous  ces  tntB 
dans  le  grand  objet  qui  les  réunit  et  les  JB$»»fi'' 
c*est  comme  une  famille  de  sœurs  qni»  ^  l^^^ 
leur  pbysionennie  propre,  réQécbissent  diTCfvttft^ 

(1818)  PmLOsniAff,  Yied:ÀiMlUmim$de  TyB»**^^^^; 


voyons  celles  des  empereurs  qui  le  firent  éilger. 
passèrent  sous  cette  voûte  en  triomphe,  aajwî*- 
mutilées,  défigurées,  et  presque  arrachées  du  w««ct 
qui  devait  rappeler  la  grandeur  de  ceux  qo'elirs  r^f  ~ 
sentaient,  tandis  qoe  Te  flambeau  d*or  4u  tenpi* '•  - 
lampe  du  saint  témoignage  restent  encore  ajj»*^ 
d'elles  ;  autrerois  trophée  de  goerre,  aojoarfto  <^ 
prophétie.  Pour  ces  empereurs,  un  ga«e  de  ^w»»^  • 
pour  nous,  celui  d'one  force  sur  laqoene  aunoe  p* 
ne  prévaudra  jamais.  »  (9*  Discours,  sur  I'-a^<**7X- 
<i8i9)  Dis  oraclcs  qui  oat  csssé,  bt  wcKf» '  »* 
murales,  lome  Y.  —  Voy.  Dkvok. 


15il 


NOTES  aduit:onnexles. 


IS2t 


les  Iratu  de  lc«r  përr,  doublement  frappaoles  et  par 
cttle  diversité  et  par  ctrt  aceord  (1850). 

Aiasi,  les  dernières  prophétie  que  nous  alloos 
ciîtr  aanonceot.cIaîreiiieDt,  comoM  tootes  les  au- 
tres, la  Tenœ  du  divin  oéJiatdor.  Leur  arcord  sur 
m  objet  CMÉinaii  el  ioTarialrfe  est  dérisif  an  plus 
iuot  degré.  Nais  ce  qui  ne  Test  pas  moins,  ee  sont 
l«s  drconstaoces  panienliéres,  et  non  encore  indi- 
quées,  par  lesquelles  elles  s*en  approprient  la  pré- 
diclioQ, 

Ainsi,  pendant  la  reconstruction  pénîMe  da  se- 
cond l'iupie,  bumble  et  modeste  comparativement 
i  raneieo,  UNrt^  les  espérances  de  Jnda  sont  abat- 
tues, et  s<in  regard ,  jnsque-là  ûxé  sur  ravenîr,  se 
reporie  doulonrensement  sur  le  passé  ;  mais  le  re- 
gard d'Aggée,  perçant  les  apparences ,  puise  dans 
oftie  eiroonsunee  un  sujet  particulier  de  prédiction, 
en  précisant  qne  c*est  kientôt  et  dans  ce  second  Um- 
pu  qoe  se  réatibera  Tatteute  de  Jacob  ;  et  voyez  dans 
qtieJs  ternes  : 

c  Parlez  aux  anciens,  et  dites4enr:  Qui  est  ce- 
lui d'entre  vo<s  qui  a  vu  cette  maison  dans  sa 
pr«-mâére  gloire?  et  dans  quel  état  la  voyez-rous 
maintenant?  !le  parait-elle  point  à  vos  yeux  comme 
néunt  rien  an  prix  de  ce  qu'elle  a  été?  Mais  ar- 
m  '2-vous  de  force,  et  travaillez  hardiment,  dit  le 
S'igneur;  car  voici  ee  que  dit  le  Seigneur  des  ar- 
{Bées:  £5coaB  c!f  peu  ue  tchps,  et  j*ébi aolerai  le 
:el  et  la  terre,  la  mer  et  lout  famirers....  J^ébran- 
lerai  ious  U$  pempLu^  et  le  D^iai  ne  toctes  lis 
uTioxs  viEimsà  ;  et  je  rempUrai  de  gloire  celle  mai- 
an,  dit  le  Seignenr  des  armées....  La  glaire  de 
rtte  dernière  maison  ura  encore  plus  grande  que 
elle  de  la  ^emière,  dit  le  Se  gneor  des  années,  ef 
e  dommerai  la  paix  en  ce  lieu  (1851).  t 

Enfin,  le  dernier  prophète,  Ualacbie,  prédit  nne 
ircobscance  de  la  venue  de  lésos-Christ  inconnue 
usqi:*alofS,  et  qui  a  éié  merveiliensement  réservée 
fOur  ea:aciériser  en  lui  le  dernier  prophète  :  c^est 
ae  Jésos-Cbrist  aura  un  ffrécurseur  immédiat.  — 
fulachie,  qui  d*wi  cdié  termine  b  chaîne  des  pro- 
lictes,  en  remontant  jusqu'à  Jacob»  jusqu'à  Abra- 
jm,  jusqu'à  Dieu,  se  pedcbe  de  fautre  comme  ponr 
r>ttuer  la  main,  à  tra%ers  quatre  siècles  d  atienie 
cocieuse,  à  Jean^Bapiisie^  précufseur  immédiat 
i  Jésus-Christ.  —  i^es  termes  du  prophète  répon- 
i  it  admirablement  à  ce  caractère,  défiailivemeni 
Jieaiif  : 

<  Je  vau  vons  envoyer  mon  ange,  qui  pnérAEEXA 
a  voie  devant  ma  lace  ;  et  Acssixdr  le  Domina- 
jr  ^œ  vous  chercb-z,  et  Tange  de  ralUance  si 
sire  de  vons,  viendra  dans  son  temple.  LE  VOICI 
;i  VIENT...  (i85i).  » 

VIII.  —  Naissance  du  Messie.  —  Comiques  pro^ 
ip/té tiques  de  Zackarie^  de  Siméon  ei  delà  suinta 
Vierge.  —  Paroles  d*Elisakeik  el  de  Jean- Baptiste. 
—  Dernières  réflexions. 

Cependant  le  temps  auquel  Elisabeth  devait  ac- 
iclier  arriva»  et  elle  enfanta  un  fils....  Et  Zacha- 

B'yn  père,  prit  cet  enfant  dans  ses  bras  ;  et, 
ipli  da  Saint-Esprit,  il  prophétisa ,  disant  :  — 
eni  soit  le  Seignenr  qui  a  visité  son  peuple ,  et    . 

nous  a  suscité  un  puissant  Sauveur  dans  la 
soo  de  son  serviteur  David,  selon  qu*il  l'avait 
mis  par  la  bouche  dt-s  saints  prophètes  qui  ont 
dajift  le^  siècles  passés,  et  qu*il  l'avait  juré  h 
abam,  noire  père.  Et  toi,  petit  exfakt,  tu  se- 
apfielé  le  prophète  du  Tiés-Uant,  car  to  uarchc- 

iri^VAXT  LA   FACE  013  SeICVELE  rOVR  tCl  FntPABEU 

<iO) Furies  non  ommkus  wu, 

Hee  ditersa  tamen^  quaUm  decel  esse  sororum, 

(Om.,  Uetan.) 
C5I)  ^^0.  n,  5, 10. 
t*'^)  Mttlach.  m,  1. 
^:S3)  Luc.  I. 


SCS  VOIES,  pour  donner  â  son  peuple  la  connaissance 
dtt  safaK  par  les  entraillrs  de  la  nûaérieonle  de 
Dien,  qui  a  fait  que  ee  Soleil  levant  est  venu  nous 
visiter  d*en  haut  pour  éehiirer  eeax  q«  snnl  assis 
dans  les  ténèbres  et  dans  l'ombre  de  la  OMft,  ri 
poar  conduire  nos  pieds  dans  le  chemin  de  la 
pjui  (1855). 

Cet  enfant  était  JEAS-ttimsTC. 

Quelques  jours  avant  sa  naissance,  Marie,  cos- 
sine  d*£lisabeth,  et  enceinte  comme  die,  ét.iiit  vo> 
nue  la  visiter,  Jean  tff«anaili:t  dans  le  sein  mater- 
ne I  ;  et  Etisabeih,  remplie  de  resprit  de  Dien,  éleva 
la  voit ,  disant  h  Marie  :  Vous  ivss  uÈsax  Enns 
toctes  les  feuues,  et  le  raciT  k  votée  ssia  est 
BÉsi  <185i).  t 

Alors  Marie  dit  ces  paroles  : 

f  Mon  âmegtorifie  le  Seigneur  et  mon  esprit  tres- 
saille en  Dieu  mon  Sauveur,  parée  qu'il  a  jeté  les 
yeux  sur  la  bassesse  de  sa  servante;  et  voici  f^a 

TOCTES   LES  CÉnÉBATtOKS  TOUT  n'ArrCLCn   mEXUEL"- 

aensE,  parce  que  le  Tout-Puissani  a  lait  en  moi  do 
grandes  choses....  N  a  fait  édattr  la  puissance  do 
son  In  as....  Il  a  relevé  Israël  son  enlant,  se  souve- 
nant de  sa  miséricorde,  selon  le  serment  qu^il  en  a 
fait  à  nos  pèrr  s,  à  Abraham,  et  h  sa  postéiité,  pour 
toujours  (16S5).  » 

Cependant  celle  om  bbvait  e^vaetee  atakt  eu» 
FA!rré,  l'eufont  fut  appelé  Jésus  ;  et  le  temps  de  la 
purifiiation  arrivé,  Mario  et  Joseph  le  pmlèreot  à 
Jémsal*fm  pour  le  présenter  an  Seigneur.  Or,  il  j 
avait  dans  Jérusalem  un  homme  jn^ie  et  eraiguanc 
Dieu,  nommé  Simé(»n,  qui  éttit  dans  rattmie  de  la 
consolation  d*Isnôl,  K  le  Saint-Esprit  était  eu  hiâ. 
Il  lui  avait  été  révélé  pur  le  Ssiut-EspiU  qu'il  ne 
mourrait  point  qu'auparavant  II  n'f  et  vu  le  Cnnisr 
du  Seigneur.  Il  vint  doue  au  temple,  mù  par  l't:»- 
prit  de  D.eu.  Et  comme  Joseph  et  h  mèie  du  peiii 
enfant  Jésus  l'y  portaient  pour  laire  à  son  égard  oe 
qui  était  prescrit  par  la  loi,  le  saint  vieillard  le  prit 
on  ses  bras,  et  bénit  Dien,  disant  :  c  Maintenant, 
Seignenr,  vous  pouvez  laisser  aller  votre  seiviteur 
en  paix,  parce  que,  selon  votre  parole,  mes  jeux 
ont  vu  le  Sauveur  qiie  vous  nous  avez  donné,  celui 
dont  vocs  AVEZ  raÉPAaÉ  la  VEsrtiB  a  la  face  oe  tous 
LES  rrcpLEs,  rora  êtee  la  LcnikBB  qci  éclausea 

TOCTES  LES  KATI09IS  (1856).  • 

A  trente  ans  de  là,  Jean,  seioa  qu'il  est  écrit 
dans  le  prophèt«  :  Voici  que  femwoie  mon  ange  do- 
uant uoêre  face  fonr  préparer  oos  aoira,  était  dans  lu 
déstrt ,  baptisant  H  prêchant  le  bapiéme  de  péni- 
tence pour  la  rémission  des  péchés....  Alors  la  ville 
de  Jérusalem,  louie  la  Judée,  et  tout  le  pays  des 
environs  de  Jérusalem,  venaient  k  lui,  et  tous  ctaieui 
dans  une  granifu  suspension  d'esprit,  pensant  eu 
eui-aémes  si  Jean  no  serait  pas  le  Christ.  Mais 
Jean  dit  devant  tout  le  monde  :  c  Pour  moi,  je  voua 
baptise  dans  l'eau;  mais  il  eu  viendra  un  autre 
plus  poissant  que  moi,  et  dont  je  ne  suis  pas  digne 
de  ilaiouer  la  chaussure.  C'est  lui  qui  vous  bapii» 
sera  dans  hi  Saint-Esprit  et  dans  le  feu.  11  a  le  van 
eu  main,  et  il  purgera  son  aire,  et  il  recueillera  le 
Me  dans  sou  grenier;  umis  iwur  la  paille»  il  la 
fera  bréler  dans  un  feu  inextinguible»  •  Il  disait 
aussi  beaucoup  d'autres  choses.  évaugéUsant  ainsi 
le  peuple  il857j. 

Ea  ee  mémo  temps  Jésus  vînt  h  passer,  et  Jean 
le  désignant  dit  au  pMple  :  t  Voici  l'acseau  oe  Dieu, 

VOICI  CELCI  OCI  ÔTS  LES  PÉCUÉS  OU  M»»E  (1858).  • 

Et  Jésus  s'approchant  fui  baptisé  par  Jean  dans 
le  Jourdain. 
Et  après  que  Jean  eut  été  mis  ea  prison,  Jésus  re- 

(1854)  Id.,  Und. 
(I»55)  ur.  I. 
(1850)  fur.  n. 
(18571  jrerc.i. 

(Iâo8)y0«n.i. 


1525 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


Tînc  daos  la  Gftlilée»  prtchaul  TEvangile  da  royaume 
de  Dieo. 

(Test  ainsi  qu^après  quatre  siècles  de  silence,  de- 
puis que  le  dernier  prophète  Malaebie  avait  dit.  Le 
▼oici  QOi  TiBKT,  et  à  Texpiration  du  terme  Axé  par 
Ihiniel,  Jean-Baptiste,  le  Préeuneur^  pamC;  et* 
anssitôi  après,  Jésus-Glirisl ,  détiré  de  toniei  kt 
natioHi^  Tint  dans  son  temple  ei  commença  sa  uhs* 
sien. 

Quel  enchatnemenc  eC  quel  accord  merfcilleux! 

Depuis  trente  siècles  que  les  prophètes  se  succé- 
daieiit  annonçant  Tapparitlon  du  Messie,  régénéra- 
teur universel  de  t  lutes  les  nations,  aucune  appli- 
cation de  ces  prophéties  n*avait  été  faite  à  qui  que 
ce  soit  ;  et  le  Messie,  toujours  promis,  était  tou- 
jours attendu.  Jésus  vient  au  monde  dans  Tohscu- 
rité  la  plus  profonde,  et  aussitôt,  malgié  cette  obs- 
curité, il  est  pri;clamé  comme  Celui  dont  ia  venue 
avmt  été  préparée  à  la  face  de  ioui  Ui  pfupies^  par 
la  bouehe  de  tous  tes  prophètes  qui  avauM  précédé^ 
pour  être  la  lumière  qui  éclairera  toutes  fes  nations; 
et  révénement  vient  ensuite  Immédiatement  justi- 
fier eelte  application  prophétique  des  pifophéties. 

Si  les  prophéties  n*avaieut  été  appliquées  à  Jésus- 
Christ  que  lorsque  la  terre  fut  convertie  à  TEvan- 
ffUe,  sou  le  régne  de  Constantin  ou  de  Tbéodose. 
a  force  et  la  justec^se  de  TappUcation  eussent  été 
grandement  cooe^nantes ,  mais  cependant  on  aurait 
pu  dire  que  ré^énem*  nt  y  avait  fait  songer,  et  s*é< 
tait  fait  rapporter  après  coup  les  prophéties*  Mais 
il  n*en  est  rien.  Cesi  dès  la  premier  moment,  c*est 
au  plus  fort  Je  l'obscurité  et  de  Tignorance  natu- 
relle de  IMvénement,  (l.alors  que  tout  paraissait  le 
contredire,  que  les  prophéties  lui  sont  appliquées 
sans  hésitation,  et  dans  des  termes  tellement  ex* 
prejSsiCs  et  grandioses,  qn*au  plus  haut  point  de  la 
gloire  de  Jâu^i-Chrîst  sur  le  monde,  il  ne  s'en  trou- 
vera jamais  de  plus  dignes  pour  la  chanter. 

Sous  ce  rapport,  qdi  n*est  pas  assez  remarqué, 
1rs  cantiques  de  Zacharie,  de  biméon  et  de  la  sainte 
Vierge,  et  les  paroles  d*Ëliaabeth  et  de  Jean-Bap- 
tiste, sont  incomparablement  les  plus  gramlc»,  les 
plus  concluantes  de  toutes  h  s  prophéties.  Elles  ont 
par-dessus  toutes  les  autres  ce  caractère  décisif  que 
non>seulement  elltis  prédisent  clairement  Tavenir, 
mais  CDCora  qu'elles  appliquent  la  prédiction  à  tra- 
vers tontes  les  contradictions  apparentes  du  présent; 
que  non-seulement  elles  annoncent  le  Sauveur  en 
général,  mais  qu^elles  désignent  directement  sa 
personne. 

La  première  de  toutes  les  prophé.les  avait  dit 

au'il  naîtrait  de  U  femme  en  général  ;  et  les  autres, 
a  plus  en  plus  précises,  avaient  annonce  quil 
sortirait  du  peuple  juif,  de  la  tribu  de  Juda,  de  la 
Camille  de  David,,  de  la  petite  ville  de  Betliléeiu; 
Daniel  enftn  avait  prédit  Tépoque  lise  de  son  appa- 
rition. Mais,  quelque  précises  que  lussent  ces  pré- 
dictions, elka  pouvaient  encore  s'appliquer  à  un 
assex  grand  nombre  d'hommes  de  la  même  nation, 
de  la  même  tribu,  de  ia  même  famille,  de  la  même 
époque,  plus  ou  moins  osactement.  Mais  ici  la  pré* 
cision  de  la  prophé  le  est  k  son  comble  :  c'est  sur  la 
personne  même  du  Christ  qu'elle  met  le  djigt,  et  ^ 
elle  dit  C'EST  LUI;  voici  l'agxeau  de  Dieu  qui  ôte* 

LES  PÈCntS  DU  MONDE,  VOtCI  fXLUI  QUI  A  ÈTt  ANNONCÉ 

DEPUIS  LE  COUUENCCUENT.  Et  cUc  Ic  désigne  ainsi, 
alors  «{lie  rien  naturel  ement  ne  le  révèle,  ou  plulèt 
que  tout  semble  le  dérober  à  Tapplicat  on  des  pro- 
plieties  ;  alors  qu'il  n'est  qu'un  homme  ord  naire, 
•tiruii  enfant  obscur,  qu'un  fruit  caché  dans  le  sçiu 
maternel. 

Ainsi  tout  est  surnaturel  et  démonstratif  dani  les 
priiphéties.  Dieu  s'y  e^t  tout  iéi.*rvé,  pour  que  noua 
fussions  forcés  de  l'y  reconnaître.  Comme  il  avait 
fait  la  prophétie  il  a  fait  l'événement,  et  il  a  bit 
liiéme  lui  seul  l'application  de  la  prophétie  à  Févé- 
n  ment. 


m 

Biais  si  ces  réflexions  se  justiOeot,  eomme  mt 
venons  de  le  voir,  par  les  prophéliei  dont  Jésus. 
Christ  est  l'objet  immédiat,  leur  vérité  édaie  encore 
bien  davantage  dans  celles  dont  ilest  Itt-uiéne  Tu 
leur. 

c  Les  prophètes  ont  pré^Iît  et  n'oot  pu  été  pré* 
dits,  observe  Pascal.  Les  saints  ensaite  tost  pi^. 
dits,  mais  non  préJisauts.  JésuS'Christ  est  prédit 
et  prédisant.  » 

Jésus-Christ  est  pré^Usant,  soit  q«*il  l'applique  tei 
prophéties  anciennes,  soit  qu'en  e&teasioo  de  es 
prophéties  il  en  fas^e  luî-méme  de  nooTetles. 

L'application  des  prophétifis  I  l'évéacneBi  est 
elle-même  éiLinemmcni  prophétique,  eoome  loei 
venons  de  le  voir,  lorsque  l'évéïiemeot  eit  eàdt 
quoique  préscnL  Or,  qu'y  avait-il  de  pkii  caché,  d( 
plus  obscur,  de  pins  contiedit  par  les  appirencQ 
sensibles  que  la  divinité  de  JésusrChristiCdaAv 
vait  être  d'ailleurs  d'après  les  propbdiies,  qu 
avaient  dit  formellement  de  lui  qa'oa  dc  le  recoo- 
naîtrait  pas.  Aussi  avons-iioos  vu  que  ee  n'est  que 
par  inspiration  qu'il  fut  reconnu  par  Za<barif,S^- 
méon,  Marie,  Elisabeth  et  Jean-Baplisti*.  Miis  ra 
saints  personnages,  en  voyant  en  lai  le  llessi- pro- 
mis, ne  découvrirent  cepeiidant  pas  en  déuii  et 
point  par  point  tout  ee  qui  justifiait  en  lai  eeUe  tp- 
plicalion  des  prophéties,  l^reillement,  ionqiepns 
tard  ses  miracles  prouvèrent  sa  divioilé,  rokevné 
profonde  de  son  humanité  les  discréditait  avpiét  de 
phisieurs;  et  ceux  mêmes  que  ses  miraelet  etitnl- 
naient,  sesapétres,  étaient  loin  encore  de  décMnir 
en  lui  l'entier  objet  des  prophéties.  Posr  le  déttii- 
vrir  complètement,  i>  fallait  être  hti  -iiêBie.  Lii  ml 
avait  l'entier  secret  dont  les  plus  privilégiéi  iV 
valent  eu  que  des  communications  partielle»,  km 
une  des  plus  grandes  preuves  de  la  divinité  de  Jé- 
sus-Christ est  la  conscience  qu'H  en  avait  lui  ntec, 
et  qu*il  exprimait  si  simplement  à  traven  loutce 

aul  devait  lui  en  èter  la  persuasion  et  Is  csoliuc^. 
ien  n'est  beau  dans  TEvan^.le,  rien  i^est  per&o- 
sif  comme  ce  calme  réflédii,  cette  a^^soraiiee  irai- 
quille,  cette  absciice  complète  d'hérûtation  ei  4e 
préoccupation,  ee  discernement  profond  et  iiili.liiUe 
avec  lesquels  Jésus  Christ  voit  venir,  refait,  dé- 
pose lui-même  les  événements  qui  paraissesilepltt 
devoir  anéantir  ses  grands  desscius.  £ngi«à 
comme  dans  ,un  océan  dNgnominie,  il  di^jnnit  ' 
tous  les  regards,  k  ceux  mêmes  de  ses  disciples q» 
rabandoniient.  Il  est  d'autant  plus  anéanti  qa'ou  r^ 
tourne  les  emblèmes  de  sa  divin  té  eUHBènea 
stigmates  d'infamie  et  en  insiniments  de  ioppticf. 
et  que  l'irenie  la  plus  cruelle  lui  enlève  jufqi'iii 
dignité,  s'il  est  possible,  de  ses  douleurs.  Eb  bn! 
dans  cet  état,  que  pense-t-il,  que  dit-il  de  luHué». 
que  fait-il?...  Il  accomplit,  il  conaomae les.piop^ 
ties,  sciemment,  volonuireine;it,  libremeiii.  Ui 
seul  les  voit  toutes  pleinement,  jus«|u'avi  pltu  ^ 
cures;  lui  seul  se  voit  aussi  phsIuemcBt  lat«^ 
comme  leur  objet;  et  lui  seul,  dans  a  draoïedefi 
passion  et  de  sa  mort,  où  il  parait  être  accab!éio» 
la  nature  entière,  ne  cesse  pas  d'avoir  Piiitrliiftttt 
de  sa  vériuble  situation;  il  la  domine,  il  h  v«<t.ii 
la  hit,  il  la  plie  au  p:itron  des  prophéties;  A,if« 
en  paraissant  être  le  jouet  dts  pasûoos  dertii' 
nées  coutre  lui,  ,il  en  dispose  eu  maître  .so«k> 
ralnl 

11  est  inutile  de  lustiftcr  ces  réllexicas  pv  ^ 
textes;  tout  le  monde  a  présent  k  resprit  tespan^p 
et  les  actes  mémorables  de  Jésus-Chnst  ï  c 
égard. 

Ainsi  la  parikite  Intelligence  que  JésaM^v»* 
avait  de  lui-même,  comme  objet  des  yt^^ 
dans  la  situation  humainemenc  ia  plus  désôp»*- 
est  une  prophétie  supérieure  à  toutes  les  *^? 
qui  ne  peut  réellement  vaiirque  de  leureij^i^ 
les  belles  Eutdes  snr  le  christiamismef  pai  M.  ^^ 
5it:ous,  t.  IV.) 


rns 


ROTES  AHMTIONNEUJiS. 


f9i( 


NOTE  XVI- 


(ArU  PossBSSiOHS  9  {  II.) 


DES  POSSESSIONS  ET  0ES 

M.  de  Mimlle  a  jpoblié  Tuoét  denûëre  «n  savial 
««Traite  intitiité  :  Otê  espriu  ei  de  lemn  mmàftUm' 
lioMS  fëidifut^  dans  kâoel  il  pread  k  partie  loai 
NOS  ttf anu  BMMieniet,  amcdos  a«  aalrei,  qvi  pré» 
leiHieDl  noMfier  à  dés  saladies  ordiaaires,  baUo- 
(ioatia.s,  ddir»,  névrepaihies*  etc.,  ao  ordre  de 
pbéMNBénet  auiqaeb  la  reUaioo  atinboe  des  caatt^ 
^umaioreUes*  oa  aiieui,  bTpeniaiardles,  coroiae  les 
appelle  M.  de  Minrille.  Ce  lÎTie  est  aa  Mémûire 
aUfcssé  nr  Paalrur  à  VAcmàémie  des  idoieet  auira- 
Uê  et  po/fiifiies.  Noat  en  dooneroas  ici  qaelqaes  ex» 
i  JÎU  rtlalifs  aai  p0«estfoa«,  renvoTanl  le  lecleur 
a  l'oarrage  laî*Bièftie  poar  plat  de  détails. 

f  Le  comie  de  IloiaUli-ailieii,  iHill,  de  Mireille, 
reavrciail  detniéreiceai  loos  les  écritaiaf  callM»:i- 
qars  qai  anieni  iraTaillé  dans  ees  deraiers  l  mps 
a  la  re»LiaratloB  de  la  vér ilé  lMsiorii|ae,  pfailosî*- 
pbiqae  et  sociale,  cl  il  ajouiaîl  :  f  Cbaqoe  joar  ooos 
f  amène  à  aoe  appréciatioa  plus  Traie  de  ces  grands 
kit'clt-s  OB  PEglise  cuit  loai  ;  de  ees  grands  siècles 
si  luagicnips  oaU^ës  on  iusullés  par  b  plupart  des 
étrîTaiiis  relij^ieoi  (1859).  > 

«  5ant  Toyloir  plus  tfae  lui  ressusciter  le  anoyen 
â;rc,  nous  prétcnitoos  le  justifier  aujourd^bui  de 
i'accusaiioa  la  plus  gniTe  qu'on  ait  januis  portée 
contre  lui,  celle  d^avoir,  par  ignorance.  £alt  périr 
des  aiillicri  d'taaoceaK. 

f  Goonaissez-Toos,  en  cllei,  un  n  procbe  plus  M- 
quent  et  plus  saii^nt  que  celui  qu  on  adresse  de- 
puis deux  hiceles  a  l!Eg!ise,  à  propos  des  sortilèges, 
i«  »  possessions  et  des  exurdsines? 

i  u  bien  !  nous  Tenons  répondre  à  ce  rmocbe 
lo^ourd'liui.  La  réponse  sera  iiéremptoire,  absolue, 
'i  cette  fois  ee  ne  seront  plus  des  ignorants,  îles  en- 
JuMi^astâ-s  ou  des  enfsnts  perdus  qui  tous  la  four- 
Il  r  «Mit,  Jfessieur»;  ce  seront  tos  plus  bonorables 
ollêgues,  Tos  pairs,  cl  tous  ne  poiirrei  plus  tous 
v^olter  d^Tant  qoelqocs  biueiu»  magnétiqurs  iors- 
\ue  vous  les  entendrez  accepter  et  tliscuicr  les 
noTmiîés  qui  Toi»t  suitre. 

c  Puar  ne  pas  trop  abuser  de  vos  moments,  ni 
r«»ssir  mal  i  propos  le  nombre  de  nos  adversaires, 
«MIS  allons  prendre  11  prtie  le  premier  de  tons  nos 
•aoiaraplies  actuels,  H.  le  docteur  Calmcil,  méde- 
\u  des  aliénés  de  Cbarenton,  hin  de  c^  bommes 
■«  leur  position  cl  leur  talent  entourent  de  toute  la 
iMisiJéiatiun  voulue  pour  que  Ton  puisse  hardi* 
icnl  s*abrilflr  derrière  eus.  Après  les  études  sé- 
c  use  s,  les  rtchtrcbes  infatigablts  auzquellM  il  a 
»usacré  sa  vie,  qui  donc  oserait  «^inscrire  en  fans 
nàiw^  aea  alllmiatîuns  bisioriques?  Peraonne  assu- 
ujcni. 

€  Pour  nous,  il  sera  donc  le  représentant  de  toute 
îUe  anvvcJla  école,  que  Ton  pourrait  appeler  CécMê 
mget€*a€  eu  paué^  car  vousavez  d^  va,  Messieurs, 
le  les  docienrs  Briére  de  Boisnsoni,  Lenret,  Letat, 
lebea,  Moreau,  etc.,  s  ni  d'accord  avec  lui  pour 
pi^mer,  sinon  la  raison,  au  moins  la  probité,  i 
nie  ane  masse  de  Tictimes  caSomniécs  par  rbis* 


«  Oa  en  conviendra,  i«*eussions-ooiu  d*autre  but 
foord'lmi  que  de  cumplèto-  de  telles  rébabi;ita- 
BS  historiques,  ei  de  laira  comprendre  ne  peu 
eu  A   totti  ce  génie  do  moyen  àgc,  si  misérable- 

I  a-j9)  IVs  ialérâs  colMiflMS. 

imjOi  Oela  Icik... Exposé deêiimémmmimu  tmxqmUn 

CAftc  fnétOHRac  a  soarau  dmmé  ikn.  t  toL  g.  ia^(r,cbcz 


PHYSIOLOGISTES. 


travesti,  notre  travail  ne  manquerait  encore^  .1 
nous  semble,  ni  d'actualité  ni  d*une  assez  grande 
importance;  mais  nos  prétentions  sont  plus  sautes  - 
nous  espérons  qu*après  avoir  rétabli  la  vérité  dans 
ses  détails,  on  brge  pas  aura  été  fait  dans  les  voies 
ûê  U  fwnon  saemii/Ê^ue  ei  reUpemu^  puisqu'il  va 
rester  démontré  ^,  sous  des  noms  dMfiéfenu,  on 
s^occupe  tous  les  jours  encore  des  mêmes  càoses, 
et  que  Ton  combat  le  méaM  ennemi. 

f  Ourrons  donc  bârdimeni  le  bel  ouvrage  de  no- 
tre docteur  sur  la  folie  (1860);  mais,  avant  d^abor* 
der  le  chapitre  de  ces  grandes  épidémMes  de  détire, 
que  nous  appelons,  nous,  des  Invasions  ci  des  taio* 
sicetions  (1861)  tpêrkueUes,  choisissons  entre  mille 
un  ezemnie  et  une  preuve  asodèles  de  ce  que  nous 
venons  iTénoncer. 

t  Lcs  voici  : 

f  Veuillez,  Messieurs,  prêter  toute  votre  attention 
au  récit  qui  va  suivie,  surtout  à  sa  ratification  par 
le  docteur  Calmeil  et  à  fexplicaUon  qui!  en  propose. 
Si,  contrairement  li  toutes  nos  babitudes,  nous  d- 
tons  ee  fait  à  peu  prés  en  entier,  c*ea  que  son  in- 
tégrité nous  paraît  absolument  nécessaire,  et  qne 
ses  deuils  seuls  peuvent  bien  préciser  la  question. 
Nous  n*en  eonnaissoiis  pas  de  mieux  posée,  car  si 
^  folie  est  li,  sans  complirsiîon  et  poremeiA  natu- 
relK  nous  nous  tenons  iomédiatemeni  pour  baUo, 
et  n«  os  vous  prions  de  jeter  au  feu  à  Tiu^iaitt  mémo 
tout  le  fatras  que  nous  allions  tous  présenter. 

i  AitjouTd'bol,  dit  M.  Calmeil  (tome  II,  p.  417), 
les  ecclésiastiques,  qui  font  ta  traversée  des  u.ers 
pour  aller  répamire  les  lumières  de  la  foi  jusqoe 
dans  les  désens  do  nouveau  monde,  sont  souvent 
tout  surpris  de  rencontrer  des  énergumènes  parmi 
les  léophytes  dont  te  compose  leur  nouveau  trou* 
peau,  taudis  qu'il  est  rare,  de  leur  propre  aveu, 
que  le  démon  prenne  à  présent  possession  des  fi  Jè- 
les  an  sein  de  la  mèie-patiie.  La  lettre  que  je  vais 
rapnorter, et  qui  fut  adressée  i  Wiiblour  (célèbre 
mededn)  en  1738,  par  un  digme  niissionr.aire,  prouve 
que  le  défir»  de  h  démonopaïkie  peut  devenir  par* 
toot  le  pana^  des  âmes  faibles  et  timorées. 

c  Je  ce  pois  enfin  me  refuser  à  votr«.*  empresse* 
Bsent,  écrit  le  missionnaiie  Laeour^  d*avoir  par  écik 
le  détail  de  ce  qui  s'est  passé  au  sujet  du  Goibin- 
chinois  possédé  dont  j'ai  eu  rhonneur  de  vous  par- 
ler... L'an  1733,  environ,  au  mois  de  mai  ou  de 
juin,  éUnt  dans  la  province  de  Clrani,  royaume  de 
Cockhukime^  dans  Téglise  d*un  bourg  qu'on  LomoM 
Ckéu^  distant  d*tne  demi  Ueue  environ  de  la  capi- 
tale de  la  province,  on  m'amena  an  jeune  homme 
de  dix-huit  i  dix-neuf  ans,  chrétien...  Ses  parenu 
me  dirent  gu^il  ét^it  possédé  du  démno...  Un  pru 
incrédule,  je  pourrais  même  dire,  à  ma  confusion, 
trop  pour  lôrf ,  à  couse  de  aiva  peu  d'expérkmee  dai«s 
ces  sortes  de  choses,  dont  je  n'avais  jamais  en 
dVxemple,  et  dout  néanmoins  j'oLieiâdais  souvent 
parier  aux  chrét^as,  je  les  questionnai  p;>ur  savoir 
s'il  o*T  aurait  pas  de  la  simplicité  ou  de  la  aulice 
dans  fe  lait.  ¥oici  ce  qu'ils  me  dirent...  » 

c  kt  vient  le  récit  des  parents  dont  voici  h  sulis- 
tance  en  deux  mots  :  Le  jeune  homme,  après  avoir 
lait  une  oommuiîon  iiidigoe,  avail  disant  du  vil- 

Bjillière,  1845. 
(1861)  EmpoisoiuiemcaU. 


wn 


h\CflâX&MB£  APOkOGmQUE. 


im 


lage,  s*éiail  relire  daas  les  moaiagnes  ei  ne  s'appe- 
laii  plus  lui'jnèine  qoe  le  traître  Judas. 

i  Sur  cet  eiposé  el  après  quelques  difficallés^  r»* 
prend  le  missionnaire,  je  me  transportai  dans  fb^ 
pitai  où  ëiait  ce  jeune  bomroe,  bien  résolu  |de  ne 
rien  croire  k  moins  que  je  ne  visse  des  marques  au- 
dessus  de  la  nature,  et,  au  premier  abord,  je  Tin- 
terrogeai  en  latin  dont  iesavaisaii*ii  ne  ponvaii  avoir 
aucune  teinture.  Êcendo  quil  était  ï  terre,  bavant 
exiraordinairement  et  s'agitant  avec  force,  il  se  leva 
aruisitôt  sur  son  séant  et  nte  répondit  trés-dîstincte^ 
ment  :  Ego  nescio  loqui  ialine  (1862).  Ma  sorpri  e 
fut  si  grande  qoe,  tout  troublé,  je  me  retirai  qmv- 
vanté  suns  a\oir  fe  courage  de  rmierrogcr  davan- 
tage. 

« Toutefois,  quelques  fours  après,  je  recom- 
mençai par  de  uouveaifx  commamlements  prujMKoi- 
res^,  observant  toujours  de  lui  parLr  latin,  que  le 
jeune  bomme  ignorait;  et  entre  autres  apitt  com- 
mandé au  démon  de  le  jeter  par  tei  re  sur-lt^^^bamp. 
je  fus  obéi  dans  le  moment;  mais  il  le  renversa 
avec  vtne  si  grande  violence,  tous  ses  membres  ten* 
dus  et  roides  comme  une  barre,  qo\jn  aurait,  cru, 
par  le  bruit,  que  c^était  plutôt  une  poutre  qu*un 
iiomn»e  qui  tombait...  Lassé,  fatigué  de  sa  longue 
résistance,  je  piis  la  résolution  de  faire  un  dernier 
eflbrt;  ce  fut  dMmiier  Texemple  de  Mgr  Té^èque  de 
Tilopolis  en  semblable  occasion.  Je  m  avisai  donc, 
dans  un  exorcisme,  de  commander  au  démon,  en 
latin,  de  le  transporter  au  plancber  de  Téglise,  les 
pieds  les  premiers  et  la  tête  en  bas.  Aussitôt  son 
corps  devmt  roide,  et  comme  sMl  eût  été  impotent 
de  tous  ses  membres,  il  fat  traîné  du  mil  eu  de  Té- 

Î;Kse  i  une  colonne,  et  là  (écoutet  bien.  Messieurs), 
et  pUdt  joint» f  te  dos  cotte  à  ta  cotonne^  tant  $*ttider 
de  $e9  mains^  il  fut  transporté  en  un  clin  d*œil  au 
plancher,  comme  un  poids  qui  serait  atthé  d*en  haut 
avec  vitesse  sans  qu'il  pa  ût  qu*il  agit.  Suspendu  au 
plancher,  tes  pieds  cottes  et  la  fête  en  bas  (vous  ac- 
ceptez le  fait.  Monsieur?...)  je  fis  avouer  au  démon, 
comme  je  me  Tétais  propo&é  pour  le  confondre» 
rhumilier  et  Tobliger  à  quitter  prise,  la  fausseté  de 
ta  religion  païenne.  Je  lui  fis  confesser  qu'il  était 
un  trompeur,  et  en  même  temps  je  Tobligeai  d'a- 
vouer la  sainteté  de  notre  religion.  Je  le  tins  plus 
d*ane  demi-heure  en  fair  (la  tète  en  bas  et  les  pieds 
collés  au  plafoud),  et  n'ayant  pas  eu  assea  de  cons- 
tance pour  ry  tenir  plus  longtemps,  Unt  j*étais  ef- 
frayé moi-même  de  ce  que  je  voyais,  je  lui  ordon- 
nai de  le  rendre  à  mes  pieJs  sans  lui  faire  du  mal. 
Il  me  le  rejeta  snr-le-cbainp  comme  un  paquet  de 
linge  sale  sans  Tincommoder,  et  depuis  ce  jour-là 
mon  énerguméoe,  quoique  pas  entièrement  oéltvré, 
fut  beaucoup  soulagé,  et  cha(|ue  jour  ses  vexations 
diiuhiuaient,  mais'  surtout  lorsque  j'étais  à  la  mai- 
son ;  Il  paraissait  si  raisonnable  qu'on  l'aurait  cru 
entièrement  libre...  il  resta  Tespace  environ  de  cinq 
mois  dans  mon  église,  et  au  bout  de  ce  temps  ri  se 
trouva  enfin  délivré,  et  c'est  anionrd'bni  le  meilleur 
chrétien  peut-être  qu'il  y  ait  à  la  Cochlnchine.  i 

<  Qu*en  dites-tous.  Messieurs?  Le  la.t  vous 
parait -il  asscx  sérieux?  Au  point  de  vue  du  christia- 
nisme, c'est  un  de  ces  prodiges  dont  abondent  les 
lécits  évangéliques  et  les  annales  de  l'Eglise;  mais 
an  point  de  vue  médical  écoulez  bien  la  conclusion 
toute  natt^rette  que  Ton  eu  tire. 

c  On^  doit  savoir  gré  au  frère  Delaconrt,  dit 
N.  Calmeil,  de  n'avoir  pas  gardé  le  silence  sur  ce 
pi  étendu  fait  de  possession,  car  ce  missionnaire  a 
décrit  à  son  insu  les  phénomènes  de  la  nionomanie 
religieuse^  et  il  est  clair  pour  tout  le  monde  aujour- 
d'hui quHl  n'a  exorcise  qu'un  bomme  atteint  de 
détire...  » 

«  Vous  l*entendez,  Messieurs;  le  docteur  Calmeil 
est  obligé  d'admettre  un  tel  fait»  d*abord  parce  que 


l'aulorié  do  narratear  lui  parait  irrcfragalile;  ra- 
soit'2  parce  que  ce  n'est  qu'on  fait  de  pins  à  ajootrr 
à  mille  autres  do  même  genre.  Mais  ee  qa'ii  bat 
bien  conslatiT,  c'est  que  lorsqii*oo  se  trouve  alldot 
de  ce  certain  déthe  {déHre  $atu  ferre,  et  qai  vous 
laisse  après  des  années  parfaitemc  et  frais  et  dspM-, 
lorsqu'on  a,  disons-nous,  ce  certaim  délre,  il  a'i  a 
rien  de  plus  naturel  que  de  répondre  peadaM  ît 
mois  ea  latin^  torstju'on  n*en  gait  pas  U  premier  bm  ; 

Sue  de  |;rimper  jusqu'au  plafond  d'une  égCse,  les 
ieds  jomls>  le  dos  eontrt  la  eolomu  et  smu  s^mder 
de  ses  mmns;&j  rrsier  simpeiKhi  par  la  tnmpte  appii-^ 
cation  des  pieds  et  la  tête  e»  bas,  de  £aire  peiMtat:! 
mie  demi-beere  de  la  eontroverae,  dans  cette  posi- 
tion peu  commode,  et  d'être  enfin  rejeté  sans  la 
moindre  blessuie  de  ce  plafond  sur  le  pavé,  et  par- 
faitement gttéri  plus  tard  par  le  tiàÈ  nom  de  J黫- 
Christ? 

c  Quel  délire,  et  quel  treiteneni! 

c  Mais  novs  vous  comprenons.  Messieurs,  ^eos 
n*acceptez  pas,  vous,  ou  tel  fait;  vous  ii*appelea  pas 
cela  nne  nevripatkie^  vous  l'app!elez  un  conte  bleu. 
Soit;  ce  n'est  pas  contre vovs  que  noos  argnme&tnn. 
Seulement,  nmis  vous  avons  préveoos  qne  pov 
njrter  les  éléments  du  pnicès,  vons  serirx  obl^^ 
de  vous  brouiller  avec  l'élite  de  la  science,  et  oovs 
vous  avons  tenu  parole,  car  ce  n'e&l  pas  ta ,  notei-ie 
bien  encore  nne  fo  s»  mie  bistoii^e  isolés,  mat- dis* 
traction  de  profess  -u:-  ;  non,  c'est  nn  spicimemsàm^ 
rable,  choisi  parmi  mille  autres,  etediii  qui  noo»  le 
donne  est  le  chef  de  toute  une  école  qui  va  attffchcr 
sur  ses  traces.  > 

M.  de  Mfrville  s^appliqne  eiisuite  k  jostifier  la 
moyen  àee  si  dénaturé  parla  fausse  science  modêrBa 
et  par  linsoatenable  explieatioii  qu'elle  a  donnée 
aux  phénomènes  de  possession.  D  démentre  et  net 
btns  de  V  ute  discussion  la  complète  bonne  foi  4  s 
VrsuUnes  de  Loudun^  é^  Trembleurs  4ez  Céoènet,  tt 
des  Convuttionnaires  deSaint-Médard,  Nons  ne  p-je- 
vons  rcprodoire  ici,  à  caose  de  leur  longueur,  IVi- 
posé  et  la  discussitni  di^s  faits.  Noos  nous  boencr  os 
à  donner  les  de.  mères  pages  de  ce  chapitre 
qnable. 

c  Arrétons-BOOB,  dit  M«  de  Mirviite,  car 
croyons  en  avoir  dit  ass-  s  pour  prewt-r  d'nne  faa 
la  reconnaissance,  par  la  science  la  pins  avancée,  ^ 
faits  prodigieux  dénaturés  jusqula,  et  de  Taute 
son  impuissance  à  en  donmr  nne  semU  explîeati<is 
qui  ne  soit  mille  fois  moins  esp'Icative  q«ie  is 
fait  n*est  prodigieux.  Après  M.  le  doctenr  Calmeil, 
personne,  je  crois,  ne  sera  tenté  d'en  lûre  agiéer 
une  meilfeure,  et  certes,  s'il  a  échoué,  c'esi  qtst  Tes- 
treprise  était  surlivmaine. 

c  £t  cependant,  en  regard  de  ces  insuffisant  s 
théories,  il  avait  les  théories  de  ses  prriBiers  mai* 
très,  il  les  sait  par  cœur,  il  les  développe  à  a^r- 
veille;  et  ne  croyez  pas  qu'il  ies  m^tise,  U  vons 
démentirait  sur-le-champ.  Vous  qui  pntlez  awe  tant 
de  pitié  des  ténèbres  philosophiques  cl  &ctetatifiqaes 
des  sièeles  qui  sont  derrière  nous;  vous  qui,  s  «s  is 
rapport  médical  bortuut,  vous  croyex  Utmmmé»  pat 
rapport  à  CfS  grands  hommes,  vous  avez  ici  ta  ma^ 
leurs  des  leçons  à  reevdllhr.  Lîsex  M«  te  ôocitar 
Calmeil,  et  foyex  avec  quelle  justice  il  co  parle; 
voyez  quel  hommage  11  sait  rendre  à  leurs  tmvans  et 
même  a  eeites  de  leurs  théories  qu'il 
d'htti. 

c  Permettez-nous  encore  euelques  pegcs,  et 
verrez  si  nous  avions  raison  de  dire  en 


r- 


qu'il  n'y  avait  pas,  à  notre  avis»  nn  abîme  Infnf^ 
chissabie  entre  ses  propres  tendances  es  nocre  lU. 
Et  si  cette  possibilité  ne  vous  frappe  pas«  vi 
vieudrez  au  moins  que  la  loyauté  ae  sa  p 
ne  lui  permet  jamais  ce  mépris  ponr  les 
doctrines,  qui  parait  inspirer  chacun  de 


(1862)  Je  ue  sais  pas  parler  latin. 


l^U 


MOT£S  ADDITION.NELLKS. 


Î5M 


t  Oft  Mil  qn^tt  eonlnt,  cosane  eai»  la  doctrine 
ft'j  ctpriu;  WÊsth  on  ne  tail  pas  arec  quelle  réserve, 
•i  oorobieo  decîreoDsiaoecs  aitéouaiiUts  cl  presque 
«ToniMes  il  insère  dans  son  Teriiki  d*.-icciisaiioB. 

c  Ainsi,  quand  il  parle  ées  théologiens  des  der* 
M**rs  sicdeSv  on  rencontre  (ré«|aemuie«ii  des  plira- 
«s  comme  eelk**  d  :  c  Qu'on  se  donne  la  peine  de 
tMisttlier  au  moins  quelques-unes  de  ses  nombreu- 
4»  disftertalkms  iliculogiqiies  composées  depuis  le 
tgM  de  saint  Lonis  jusqu'à  celui  de  IxNÛs  )UV  ; 
(u'ou  daigne  surtout  parcourir  quelques-uns  de  cei 
vcueils  qui  serf  aient  de  guide  ans  ecdésiasiiques  .. 
t  ce  lie  sera  pas  sans  burpriffC  4iu*ou  y  appreniia  à 
outiaiire  le  rdie  que  la  tliéologie  et  la  pbilusupliie 
lanscendante  s'arcordaieut,  pendant  un  temf»»  à 
iiire  jouer  Ici -lias  aux  élres  surualorels...  Cetie 
naniére  d'iolerpiéler  les  efltts  qui  s*opéieii^  dans 
a  nainre^if  aisoil  étidemauia  de  fond  em  combie  la 
liéorie  ^ui  nous  terl  aelnelUment,..  Mais  il  était  plus 
Itflîcile  qtt*on  ne  le  pense,  aux  Ihéoli^^iens  do 
b\«  siéde  (1863),  de  ne  p:ks  se  jeter  à  cùrp$  perdu^ 
à  on  peut  le  dire,  dans  la  mtepbysique  dies  choses 
«rnainrelles  (1864). 

i  En  ellet,  de  quelque  cdté  qu'ils  portassent  leurs 
cgaids...,  passé  sacré  ou  profane,  philosophie^ 
toéûe,  croyances  populaires  ou  témoignages  des 
eus...,  toaf  résolvait  cette  question  par  raiirma- 

ive...  (P.  91). 

<  11$  itaknt  liés  far  le  texte  même  de$  Ecritures..* 
I8G5).  En  outre,  le  nombre  des  faits  parliculiers 
iui  pouvaient  sembler  propres  h  démoiiirer  ou  à 
unljriner  resistence  des  essences  spirituelles...  esi 
fresa:te  efrofiani  pottrl'iiu  gination... 

I  11  faut  donc  bien  TavoLer,  an  risque  d'encourir 
A  reproche  de  Tonloîr  lirer  la  logique  des  théolo- 
;iens  (I8(>€)  du  discrédit  où  elle  est  auji  urd'bui  si 
istenent  lombée.  Qujiid  une  fois  on  a  admis 
érieusemcit  rcxisteiice  d*on  grand  nombre  d'êtres 
piri(uf  Is,  tout  cet  é«'balaudagti  de  superstilion  n'est 
H/urtant  pas  aussi  abêurde  qu  on  est  uabord  porté  à 
e  le  figunr.  Bayle»  qu'on  n  accusera  pas  de  trop  de 
réJulité.  à  imprimé  quelque  part...  <  Je  ne  sais  ce 
ioi  arrivera,  mais  il  me  semble  que,  tdt  on  lard,*  on 
erra  contraint  d'abandonner  les  principes  mécani- 
[lies,  si  on  ne  leur  associe  les  TOlontés  de  quelques 
iitelligeuces,  et  franchement  il  n'y  a  pas  d'hypothèse 
>lus  capable  de  donner  raison  des  événeuienis...» 

A  ce  compte,  il  semblerait,  répond  II.  Calmeil 
p.  110),  que  le  plus  grand  tort  des  théologiens  éuit 
l'avoir  outré  les  conséquences  de  la  doctrine...  d 
nakment  on  est  bien  forcé  de  confesser  que  celte 
béorîe...  I  e  pouvait  paraître  que  séduisaule  à  des 
piritualistes  renforcés.  • 

<  £t  même...  i  Ces  anciens  théolooens  connais» 
aient  pourtant,  tant  bien  que  mal,  les  principales 

stinations  de  l'appareil  nerveux  dans  l'éoimomie 
ivan'ic,  et  ils  avaient  analysé  avec  assez  de  soin  le 
[lécani^me  de  l'action  nerveuse,  pendant  les  dilTé- 
enis  temps  de  chaque  sensation...  On  juge  même 
u'ils  possédaient  passablement  les  principes  de  la 
béorie  physiologique  qui  nous  sert  aujourd'hui  k 
xpUqn^r  'la  manifestation  des  sensations  mor- 
bides* » 

est  beaucoup,  sans  doute,  mais  ce  n'est  pas 


0863)  £t  ^  ceux  de  loos  les  sièdes. 

<i86tj  Causas  /^pernalkreiieiesi  niieux..Les  esprits  ne 
vol  qu  un  degré  pies  ôlerc  dans  la.  grande  écbeile  des 
txes  et  de  to  créalion.  N'admellons-nous  pas  une  moUi- 
sde  de  caoses  inappréciables  par  les  seus  ?  Il  ne  s*a^t 
cMie  que  de  savoir  si  panai  ces  denders  U  y  en  a  diotel- 
^nU.  Voilà  tout. 

4 186S)  Avis  a  beaucoup  de  théologiens, 

418^6)  Cest  ee  qui  va  bienl6t  arrlfer  sans  qu'on  ait  à 
-oindre  le  retour  aux  bûchers  de  ta  politique  On  peut 
ïloumerà  l'Evaugile  et  à  PlaUmsans  rélro^ader  jssqn*à 
taiMnpe  II  el  même  jusqu'à  Louis  XIV. 

ilH^)  Cest  le  détail  des  faits  qu'il  faut  lire.  Loi  seul 
iel  il  nu  la  force  étales  raisons  de  la  couviciion.  Voyez, 


assez.  U  fallait  dire  encore  avec  qn«l  soin  les  liiuels 
distinguaient  Us  affections  nerveuses,  simples,  leiks 
que  rbystérie,  l'épilepsie,  etc.,  de  celles  qui  pou- 
vaieut  offrir  le  caractère  magique  ;  il  (albii  mettre 
certaines  p^ges  de  pathologie  cléricale  en  regaid  des 
accusations  ordinaires  d'ign^.raiice,  et  ce  ne  serait 
pas  sans  étoo.  émeut  qu'on  parcounait  cei  laius  trai- 
tés émanant  des  sacria^tits,  1 1  que  Ton  croirait  plu- 
tôt fouvrage  d'une  plume  contemporaine.  Il  fallait 
insister  davantage  enecre  sur  l'excessive  pruiience 
avec  laquelle  le  clergé  recommandait  avant  tout  de 
recourir  aux  médecins  «  et  les  précautions  inOiiies 
qu'il  enjoignait  à  ses  nicmb;  es  punr  ne  jamais  agir 
que  sur  le  dire  de  ceux-ci.  C'e^t  donc,  s*il  y  avait 
envur  et  faute,  c'est  donc  suiioutstir  les  médecins 
qu'il  convenait  de  la  rejeter.  Il  nous  reste  à  \o\t 
comment  M.  Calineîl  en  va  parler  et  que'le  opinion 
il  va  nous  donner  de  ces  esprits  si  eménébrés, 
disait-on.  c  Parlons  avec  autant  de  vénération  que 
Ton  voudra  de  ceux  qui  leur  snccéJérciii,  niais 
voyons  enfin  ce  que  uons  devons  cioire  de  ces 
hommes  émL.ents  par  leur  talent  et  leur  savoir 
(c'est  U.  Calmeil  qui  parle),  placés  tout  à  fait  en 
dehors  de  la  eorpor.itio;i  du  clergé,  et  parmi  lt*M|uels 
on  peut  citer  surti^ut  Barthélémy  de  Lépiiie,  Feriicl» 
Ambroise  Paré,  Bodin,  Letoyer,  llogurl,!  «  te. 

•  FernrI,  qui  s'est  acquis  rimmortaLté,  non- seu- 
lement par  ses  ouvrages  de  médecine,  mais  encore 
en  procédant  expérimentalement  et  par  le  calcul,  à 
la  détermination  de  la  grandeur  de  la  terre,  posbéda 
queh(ues  iiotioas  sur  la  frénésie,  l'épil^ie,  la 
manie,  Thypocondrle  et  la  mélancolie^  dont  il  admet 
plusieurs  espèces...  Selon  lui,  les  possédés  n'isem- 
blent  aux  maniaques  ordinaires,  mais  ils  ont  1^  pri- 
vilège de  lire  dans  le  passé  et  de  deûiier  les  ch«)ses 
les  pins  sectétes...  Il  a  été  témoin  d*un  cas  de  cette 
sorte...  qui  fut  d*abord  méconnu  par  les  plus  doe- 
les  médecins  de  Tépoque  (1867). 

t  Ambreise  Pare,  ce  prince  de  la  cbimrgie  mo- 
derne, décrit  quels  signes  les  démons  peuvent  don- 
ner de  leur  présence...  mais  insi.^te  surtout  sur 
Fentassement  pir  eux,  dans  le  corps  des  jiersonnes 
vivantes,  et  notamimnt  ches  Ulric  Nenssesser,  de 
dous,  épines,  cheveux,  lames  de  fer,  etc. 

c  Bodm  n*a  qu'un  but,  clIuI  de  démontrer  que 
les  démonolàlres  ne  déraisonnent  pas,  que  leurs 
assertions  ne  dénotent  aucun  vice  de  la  sensibilité. 

c  IVier,  qui  n^est  que  trop  versé  dans  la  scienee 
des  démons,  n'en  po$e  pas  moins  les  vrais  fonde- 
ments de  la  pathologie  mentale.  (P.  190.) 

c  Leloyer,  malgré  ses  convictions  sumatni  elles» 
émet  néanmoins,  dans  son  chapitre  des  sens  corraoh 
pus^  été  remarques  d'une  haute  inipo:  tance  sar  len 
méprises  possibles  de  ta  vue,  de  l'ouïe,  etc. 

«  Plus  tard,  les  Pï^iir,  les  Sylvius,  les  Sennert,  len 
Willis  et  les  Bonnet  ayant  contribué  à  asseoir  U 
physiologie  et  la  pathologie  int;:llectuelles  sar  îeurt 
véritables  bases  (p.  359),  peut-être  va-t-il  nonsétm 
periuta  d'espérer  de  leur  pnri  une  réforme  radicaln 
sar  les  superstitions  en  question? 

«  Pas  le  moins  du  monde.  Félix  Plater,qni  dîf  « 
court  si  bien  sur  la  pathologie  cérébrale,  sur  l'épi- 
lepsie,  rhypocoudrie,  la  métancolie,  ta  manie.  In 
chorée,  n^eu  est  pas  moins  convaincu ,  d'aptes  œ 

par  exemple,  dans  les  Œuvres  oniverMlles  de  ee  Femel, 
le  rédt  de  la  maladie  d'un  gentilhomme,  i  maladie  ountre 
taqœUe,  dit-il,  nous  Ornes  luus  nos  efloris  pendint  deux 
mois,  étani  de  plus  de  cetU  lieues  éloi^iés  de  la  vraie 
cause,.,  lorsque,  le  troisième  mois,  l'espnl  se  déetara  do 
loi-méme,  parlant  par  ta  boocbe  du  malade,  du  grec  et  do 
taUn  à  foison,  encore  oue  ledit  matade  ne  rai  rien  en 
grée.  Il  décoo\Tit  alors  les  secrets  de  ceux  qui  étalent  là 
présenta,  et  principalement  des  médecins,  se  moquani 
d'eux  pour  ce  qu'il  les  avait  circonvenus,  et  qu'avec  leufa 
médecines  inutiles  Ito  avaient  presque  Ciii  mourir  leur 
malade,  i  etc.  Ce  fait  se  renouvelle  tous  les  jouri.  m  ta 
l'e^if  n*en  avertit  pas  les  médecins,  et  pour  cause. 


f551 


dictionnaire:  apologétique. 


f^ 


q(i*il  a  Iniméme  observé,  que  la  folie  démonbqae, 
loat  en  présenlani  à  peu  près  les  méroea  sympiômes 
qtie  ta  manie  ou  la  mélancolie  ordinaire ,  peut  ce-> 
|iendani  en  être  dialinguée  par  des  signes  presque 
certains.  (P.  375.)  Ces  signes  sont  :  c  Les  courbu- 
res eilrao:dinaires  du  corps,  la  prédkUon^  la  divi^ 
tiaiion  des  choses  cachées,  le  parler  det  tantjues  non 
sues  avant  la  maladie,  >  eic.  (P.  576.)  Et  des  lors  il 
fentnie  ces  derniers  malades  ans  ibéologiens. 

c  Et  pourtant  crouvragc  dePlater,  dit  M.  <:almetl. 
(P.  577),  s*il  éuit  possmle  d*en  retrancher  ei^  pars- 
bages,  pnraitrait  avoir  été  compoU  tout  récem" 
ment,  > 

4  Sennert,  (|ui  définit  si  bien  la  manie,  une  lésion 
de  rimagination  et  du  raisonnement  (p.  581),  n*en 
reconnaît  pas  moins  qu*il  existe  une  variéié  d'extase 
qui  est  provoquée  par  des  influences  diaboliques* 
(P.  583.) 

(  Enfln  Thomas  Wiltîs,  dont  les  écrits  concernant 
les  diflérenls  genres  d*aflectious  convulsi\es,  la  ma- 
nie, la  mélancolie,  la  frénésie,  le  délire  aigu,  Tapo- 
plexie,  la  paralysie,  le  cauclieuiar,  le  Yerti^c,  etc., 
refirésentent  un  traité  complet  de  pathologie  encé- 
phalique; Willis,  qui  excelle  en  général,  dans  la 
distinction  des  maladies  en  espèces,.,,  avec  lequel  il 
y  a  continuellement  et  beaucoup  k  aj)prendre,  tant 
sas  connaissances  en  analomie,  physiologie,  patho- 
logie de  l'appareil  ncrvc ui,  sont  des  plus  étendues 
(p.  588)  ;  Willis,  savant  du  premier  ordre  (t^f^i), 
névrotomiste  aussi  savaut  qu*habile,  et  qui,  poui  la 
première  fois ,  s*enipare  de  la  stimulation ,  la  fait 
voyager  dans  le  cer\eau,  le  cervelet,  à  travers  le 
bulbe  racliidîen  et  la  t*ge  rachidienne,  à  travers 
toutes  l**s  subdivisions  du  système  nerveux,  etc.  (u. 
400)  ;  Willis  enlln ,  f  qui  possédait.  Il  y  a  près  oe 
deux  fclècles,  la  plupart  des  C(  miaissances  que  nous 
sommes  si  tiers  de  posséder  aujourd'hui  (p.  406)...» 
£h  bitu!  Willis  «  en  ce  qui  concerne  taciton  dei  eê- 
prit$  sur  récoiiomie  humaine,  nes*en  prononce  pas 
moins  et  «niu  restriction  pour  Favis  des  logiciens.  11 
ne  répugne  nutkmeiii  à  la  raison  de  ce  théologien 
sévère...  d'admettre  que  l&m.e  peut  être  momenta- 
nément éclip^ée,  que  les  démons  peuvent,  en  quel- 
que sorte,  en* s*insinuant  dans  les  couloirs  nen eux, 
agir  à  sa  place,  au  moins  dans  certaines  limites,  et 
il  professe  que  c'est  à  l'action  stimulante  de  ces 
êtres  nuisibles,  ou  à  celle  des  poisons  subtils  qu'ils 
ont  Fadresse  n'introduire  dans  l'organisme,  que  sont 
dues  tniiie  lésions  fonctionnelles,  et  surtout  celles 
que  l'on  note  sur  les  véritables  éuirgumèues.  »  (P. 
407.) 

t  Quel  point  de  vue  tout  nouveau!  Quelle  léhabi- 
liiation  magnifique  !  Et  c'est  un  savant  du  premier 
ordre,  c'est  le  docteur  Calneil  qui  la  fait  !  En  vé- 
rité, de  là  à  changer  en  lumières  tontes  les  ténèbres 
du  moyen  &ge,  il  n'y  a  pas  loin! 

cNous  le  demandons  encore  avec  une  égale  oon- 
fianee,  après  de  tels  aveux,  avec  de  tels  complices, 
de  telles  illustrations,  auxaiielles  M.  Calmell  eût  pu 
ajouter  surtout  le  célèbre  Uoffroann,  et  même  plus 
d*uo  docteur  contemporain,  quelle  justice  y  aurait- 
il  maintenant  à  rendre  le  clergé  responsable  de  sa 
superstition  pneutuatologique  enié..ébrée  ?  D'un  eôté 
il  voyait  toute  l'anliquiie  profane  et  sacrée,  les  plus 

frands  génies  qui  aient  illustré  la  terre,  les  saioi^es 
Icritures  et  la  foi  évangélique,  les  professions  de 
foi  médicales  les  plus  iliusties,  les  jurisconsultes  les 
plus  célèbres,  le  témoignage  continuel  de  ses  sens, 
un  nombre  effrayant  de  faits  véritablement  prodi- 
gieux, et  par-dessus  tout,  les  aveux  constants,  uni- 
iormes,  explicites,  des  misérables  qui  confessaient 
leurs  crimes,  fruit  de  leurs  accointances  surnatu* 
relies...  De  l'autre  côté,  ilen,  absolument  rien,  si  ce 
n'est  Its  dénégations  maladroites  et  fondées,  corn* 
me  chez  Duncaii,  sur  des  suppositions  absurdes  et 
imposaitles  de^  jongleries*».  Que  vouliez- vous  qu'il  fit 


et  professât  à  son  loort ..  Vôos  Rôtis  Favez  dii, 
M.  Calmeit  :  f  11  n'était  pas  libre  de  choisir,  i 

«  Vous  nous  répète?  encore  plusieurs  Ma:  *  As* 
jourd^hui  la  puissance   magnéfsqoe  développe  ées 

{ihénomènes  tout  semblables,.. •  et  Pélat  4e  ces  na- 
ades  ressemble  f  rati  pour  irait  k  eelol  et  bos  sua* 
nambules  magnétiques.. •  •  Unis  lorsifiie  nous  cher» 
citons  à  deviner  votre  opinion  sur  cette  tpuissancett 
sur  ces  somnambules,  nous  noos  apefeevoos  qie 
pour  rendre  l'analogie  |>lus  complète,  vous  leur  ava 
lait  subir  le  même  traitement  qu'à  tos  malades, 
c'est-à-dire  que  vous  les  avez  motllés  jusqu'à  ce 

Îu'ils  s'ajustassent  parfaitement  sur  le»  premier*. 
.insi,  pour  vous  les  iJrsolines  acqaérsit'iil  nncphté- 
tration  iTesprit  tiififue,  et  les  somnambules  con- 
versent c  sur  des  objets  qui  leur  soni  nresquf  éiraa- 
gcrs;  t  mail  vous  vous;  gardes  bien  de  sorur  ^  tt 

Krogranime.  De  même  encore  que  vous  taisez  Hiei 
ts  premières  la  révélation  des  choses  secrcles,  Po- 
béi&sai  ce  aux  vœux  tacites,  le  par'er  des  langues 
étrangères ,  etc.  ;  de  même  ai^ Sai  vous  les  refusez  aux 
somnambules  ;  et  c'est  vraiuHïnt  beoreos ,  puisqae 
dans  le  cas  oà  une  »eule  de  c  s  mille  citations  (doftt 
un  grand  nombre  cependant  émanent  de  vos  pair») 
eût  trou\é  grâce  et  erédit  li  vos  y^'us,  vous  «.'éi-biez 
soiennelleiiieitt  i  qu'il  ne  vous  répugnerait  aocvce- 
ment  alors  d'ajouter  foi  aux  assenions  .le  To«rallia, 
des  possédés  de  Loudun,  etc.,  mais  quM  faudrait  en 
même  temps  se  lia  ter  de  jeter  sa  feu  loo^  lesécrH» 
modernes  sur  l'aliénation  mentale,  car  ils  ne  sr- 
raient  plus  alors  que  de  piloyabla  romaos-  f  (T.  H, 
p.  475.) 

f  Non,  non,  monsieur  Calmell,  ces  romans  rcnfef* 
ment  trop  d'histoires  ,  trop  de  recherebes ,  trop  de 

I^énie  scientifique  pour  être  ai  isi  sacrifiés,  et,  locs 
es  autr«!S  le  lussent  >ils,  les  nôtres  ne  le  seront  ja- 
mais, mais  vous  les  compléterez,  et  vons  ne  craia- 
diez  pas  de  revenir  à  Tavis  de  ces  grands  maliKsH 
noblement  venges  par  vous  tout  à  Tlieore;  comme 
eux  vous  finirez  par  séparer  soignrnsemesit  des  ne- 
vropathies  normales  ces  névropathks  msfuériemses 
qui  forment  uite  classe  toute  spéciale,  es  se  diiti»- 
guent  des  primiètes,  précisétnent  par  ces  méaies 
traits  qui  dislingurnt  le  somnambulisme  snm^tiqu 
du  somnambulisme  ordinaire, 
•  t  Et  si  vous  nous  permeuez  de  toos  le  dire,  vons 
les  distinguez  déjà  paifaitement,  et  vous  n'élrs  pâas 
séparé  de  la  vérité  que  par  un  cheveu  ;  car  voici, 
par  exemple,  un  fait  que  vous  admettez,  ei  s^ni  k  tat 
seul  déciderait  la  question:  c'est  celui  qui  consiste 
dans  racconiplisseraent  ponctuel  de  U  prédidioa 
somnambulique.  Oui,  vous  radmett*fz,  psusqaevoiis 
dites  :  «  On  s'aperçoit  bientôt  que  si,  daus  ée  um* 
blables  cas,  tes  prédictions  des  somnaoïbales  «'«(- 
compUssetit  ponctuelletnent ,  cela  tient...  (  vojow  !  t 
non  pas  à  ce  que  les  extatiques  voient  les  meuve* 
nients  qui  se  préparent  h  présent ,  sott  dans  Imrs 
organes,  soit  dans  les  organes  des  antrea,  mais  biea 
(voyons  encore!)  à  ce  que  l'action  du  eerrran  ai 
pour  ainsi  dire  reflétée  par  Tintermé  liairedcs  nerb 
sur  telle  et  tel!e  partie,  soit  de  leur  maehiae,  sea 
de  celle  d'autrui  (quel  aveu!)  C'est  doae  porct  que 
le  somnambule  e^t  convaincu  maintenant  fm'it  aara 
un  certain  jour  la  migraine,  des  attaques  oqwbI^ 
ves,  ou  parce  qu'il  a  réussi  à  persuader  q«i*an  aun 
tel  ou  tel  accident,  qu*en  réalité  tous  ces  accâdeut^ 
surviennent  à  potiii  nommé,  i  (T.  Il,  p*  483.) 

cAh  !  ceci,  par  exemple,  devient  un  peu  iiofi  l^rt. 
Pour  enlever  aux  somnambules  la  prévision  de  Tt- 
venir,  vous  leur  accordes  la  puissance  de  rîa- 
fluence! 

f  Nous  craignons  bien  que  de  Charybde  vous  ae 
soyez  tombé  dans  Scylla,  et  que  œ  denùer  êMam, 
ne  soit  bien  auirement  profond  que  le  premitt'. 

«  Mais,  encore  une  fois,  laissons  donc  Ùk  le  magM^ 
tisme,  qui  peut  nous  offrir  ^  coup  sAr  de  fr^qoeuies 
analogies ,  mais  analogies  en  miniature^  auprè»  éa 


«533 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


1551 


Jjrges  traiuqoenons  Tenons  d'esqaitser.  Dissimiile- 
i-il  ses  forces  sujourd'bni,  on  varie-i-il  ses  phéno- 
mènes soifant  les  temps,  les  individus,  les  théâtres? 
£n  uii  mot,  y  a-t-il  ideniité  pftrraite,  oa  seiilemenl 
une  sorte  d'élément  sptiltuel  et  commun  où  les  es- 
priu  bons  et  maoTais  pourraient  puiser  également 
lour  k  tour?  Ik  repose  toute  la  question ,  et  sans 
la  résoudre  enilèremcut  dans  ce  mémoire,  nous  ne 
le  terminerons  pas  sans  Tatoir  bardlmeni  atu  • 
qoée^l868). 

c  Notre  but  principal  est  atteint,  et  désormais 
Doos  n'aurons  plus  à  Tontinoer  qu'une  démonstra- 
liou  commencée.  Devant  ces  nouvelles  et  nombreu- 
ses confessions  d'une  science  interdite  et  rendue, 
qui  donc  oserait  roiitinoer  encore  les  pauvres  rail- 
leries de  Fontenelle  et  de  Voltaire  sur  ce  qu'ils  ap- 


pelaient les  sottes'crédulîtés  du  moyen  &ffe?  Vous 
ravez  entendu ,  c*est  la  science  la  plus  uaule  qni 
réhabilite  ces  sottises ,  et  pendant  que  ceruins  oé- 
positaires  de  la  vérité  détournent  eux-mêmes  la 
tète  en  souriant,  cette  science  nous  y  ramène,  nous 
les  retrace  avec  effroi,  et  se  demande  en  tremblant 
si  ces  terribles  ennemis  ne  se  cachent  pas  atijour- 
d'bui  sous  des  dehors  et  sous  des  noms  moins  re- 
doutables. Quelle  leçon  !  Le  comte  de  Maistrc  nous 
prophétisait,  il  y  a  quelques  années,  c  que  nous  rl« 
rions  bientôt  de  ceux  qui  riaieut  naguère  des  ténè- 
bres du  moyen  âge.  >  Or,  réiiélons-ie  bien  haut,  la 
prophétie  s  accomplit  tous  les  jours,  et,  |iour  sa 
part,  le  docteur  Calmeil  vient  de  l'accomplir  dans 
la  science  médicale.  > 


NOTE  XVII. 

(Art.  PsTcnoLOGiBy  §  VUI.) 
DE  L'ORIGINE  ONOMATOPÉIQUE  DU  LANGAGE. 


L'origine  onomatopéi<|oe  du  langage,  soutenue 
p;)r  Court  de  Gébelin,  et  encore  admise  par  quel- 
ques Français  (1869),  a  été  bravement  précisée  par 
rAn{{lais  li.iriay  en  neuf  monosyllabes  représentant 
ti>ute  sorte  de  coups  et  desquels  il  dérive  toutes  les 
langues  de  la  terre,  différentes  de  forme  et  de  fond, 
U  hasard  ne  céant  que  des  individualités  dépa- 
reillés. 

Cependant  les  calculs  d'un  mathématicien  (1870) 
^t;iblissent  que  six  mots  pareils  dans  deux  langues 
appnirnt  par  dix -sept  cents  chances  contre  une  la 
lirobabilita  qu'ils  sont  dérivés,  dans  l'un  et  Tauiie 
cas,  de  ^uelôue  langue-mère  ou  introduits  par  coui- 
inonicatiou.  Huit  mots  pa.eils  donnent  près  de  dix 
mille  chances  contre  une,  c*e8t-à-dira  une  certitude 
â  peu  près  entière.  Que  serait-ce  lorsque  les  mois 
et  racines  seuiblables  montent  à  plubicurs  milliers 
rn  des  langues  sépaiées  par  la  longueur  totale  de 
la  chronologie  ou  par  la  moitié  de  la  circonférence 
Ju  globe  (1871). 

L'argument  tiré  des  immigrations  est  surtout  fa- 
ioral)lj  à  la  dispersion  des  langues  rayonnant  d'un 
•ronc  commun.  11  ne  peut  aider  lo  système  de  la 
ijétiération  spontanée  et  universelle  du  langage» 
(u'en  faisant  étouffer  entièrement  l'idiome  aiitvCh- 
i«itte  par  le  langage  importé  ;  ainsi  tout  devrait  être 
lanois  dans  rangiais  après  la  conquête  danoise; 
ott  Iraoçais  apr&  Guillaume.  Eu  C3  cas  Tautoch- 
hone  se  présume,  mais  ne  se  prouve  pas.  Si,  par 
lasard,  on  en  découvre  des  tiaces,  elles  ne  doivent 
«ssembler  à  rien  ;  mais  l'anglo-saxon  est  goib,  le 
elte  est  sanscrit! 

Comme  dernière  ressource,  pour  soutenir  les 
leui  originalités,  malgré  la  ressemblance,  on  ad- 
iiet  la  sniilitude  des  résultats  par  la  similitude  des 
rganes  en  action  et  des  forces  en  travail.  Cela 
eut  dire  apparemment  que  les  alphabets  de  tous 
u  peuples  sont  bornés  à  une  quarantaine  de  sons, 
i  que  la  grammaire  générale  peut  être  enfermée  en 
ne  coutaiiie  de  propositions.  Lei  élémems  de  l'ins- 
'umeni  nommé  kaléidoscnpe  n'était  nt  pas  si  nom* 
reux,  el  1*00  a  estimé  à  plusieurs  millions  les 
omb.oaisous  possibles  avant  que  la  même  se  re* 

(  1868)  «  0«  verra  dans  la  suite  de  ce  mémoire  combien 
t  Dcvropalbles,  toutes  semblables,  subsisienl  eocore  à 
icore  qu'il  est  dans  nos  deux  bcmisphères,  el  combien 
i  malbeureiix  sont  victimes,  au  ux*  siècle,  de  Toubll 
un  vieux  dogme  et  des  obstacles  qu'il  savait  opposer  au 
bu.  > 

(1869)  Cam.  DoniL,  fsp/kalîon  des  kiêfO^fokeê. 
{ 1870)  L'Ioltblive  par  les  onomatopées  est  une  tooclion 
>p  miolme  pour  la  mettre  eu  balance  avec  la  masse 
Mirme  de  convenu,  c*esl-k-dlre  de  trodilionijel,  qui  lait 
fond  des  langues.  Les  lettres  clappantes  des  Urcassicus, 


produise  deux  fois!  La  génération  spontanée  et 
multiple  des  langues  ne  peut  doue  eipliquer  ni  les 
ressemblances ,  ni  les  différences  des  idiomes. 

Quand  les  questions  montent  dans  les  nuages 
métaphysiques,  il  y  a  des  chatoiements  capables 
de  mettre  en  contradic;iou  des  intelligences  aossi 
éminentes  par  leur  savoir  que  par  leur  force.  Fréd. 
Scblegvl  commença  par  croire  l'esprit  humain  ou- 
vrier primitif  du  lanf^ge  et  finit  par  admettre  ex- 
plicitement la  révélation  divine  du  langage.  Noos 
trouvons,  comme  lui,  une  afli  malien  sur  bonnes 
preuves  bien  préférable  à  des  discussions  sans  ftu 
et  à  des  vagabondages  dans  un  labyrinthe  sans 
issue.  Nos  bonnes  preuves  sont  déjà  fournies  :  nous 
avons  retrouvé  expérimentalement  les  débris  d'une 
langue  primitive  dans  les  trois  grandes  familles  sé- 
mite, indoue,  océanienne.  Nous  pouvons  liardi- 
ment  formuler  le  dogme  de  l'unité  de  l'espèce  hu- 
maine et  delà  imputation  de  la  lerie  par  une  famille 
graduellement  élargie.  Les  individus  cl  les  nations 
ont  largement  usé  de  leur  libre  initiative  en  combi- 
nant, coangeani,  rénovant  selon  les  forces  et  les 
caprices  de  leur  esprit  ;  mais  ils  travaillaient  tou  • 
jours  sur  une  trame  première,  sur  un  patron  pri- 
mordial et  traditionnel.  C'était  |>lus  que  le  valsseati 
de  Thébée,  puisque  plusieurs  pièces  n'ont  pas  été 
altéréi»  ;  plus  que  la  goutieli  tie  de  iFang,  béritafje 
matt  rnel  prétxistant  dans  l'œuf  avant  rébauebe  du 
poulet  (187i).  L*u  fait  non  nioiiis  certain  et  non 
moins  admirable  que  la  parenté  des  langues  est  la 
fabrique  de  plus  en  plus  savante  et  compliquée  de 
ces  langues  a  mesure  qu'on  en  rcnioule  la  généalo- 

Î[ie.  L'anglais  est  plus  simpte  que  le  français  et 
'allemand  ;  ecux-ci  {dus  simples  que  le  latin,  lu 
goth,  le  sauKrit.  L'aïeul  ou  les  aïeux  inconnus  du 
sanscrit  durent  être  plus  vastes,  plus  comprèbeu- 
sifs! 

Nous  pouvons  raisonner  ici  comme  ITerscbel  rem- 
plissant de  solrils  la  voie  lactée  explorée  |)ar  son 
télrscope  :  plus  nous  approchons  de  1>  oj  et  plus 
rimuieusiié  est  admissible  !  Ici  elle  a  de  plus  fa- 
vantage  de  se  trouver  à  la  portée  de  rintellii^euce 
commune. 

Caffres  otHottentols^ne  sont  qu'une  variation  dessehoin- 
tanles  slaves  et  s6mlies  ou  des  sUHantes  de  tous  ks  pays. 
Si  les  bruits  naturels  oot  eu  une  InOueoce  plus  latge,  eeC 
élément  humain  sera  de  plus  belle  impuissant  k  rendro 
compte  de  U  ressemblance  des  langues.  Les  bruits  natu- 
rels les  plus  umformes  partout,  sont  Justement  ce  que  les 
langues  ou  unomatopiîes  nationales  représentent  avec  U 
plus  iucroyiïile  variété. 

(iS7i)  TouxG,  Tramac.  oftke  ro^.  Soc* 

(1872)  Isid.  6ociiK»5,  Phyi,  eomp. 


I33S 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 

NOTE  XVIII- 

(Art,  Races  ucmaines,  S  111) 
HISTOIRE    DE    LA    PEAU. 


4S5( 


Les  variétés  dans  b  eon.eur  ei  la  ronieiittre  4cs 
tégitineiits  iniernes  el  eilernes  dépendt-iit  do  l'or- 
ganisalion  de  parties  qui  sont  en  quelque  sorte  ex- 
ira-cuiané  s.  C's  parties  appailiennciii  à  ce  quon 
appelle  quelquefois  Teiiveloppe  cernée  du  corps,  et 
elles  seul  souvent,  quoique  à  tort,  F.préaemefS 
comme  éianl  de  nature  inorganique,  ou  tout  au 
moins  comme  ne  possédant  pas  de  viulite  psopre. 
C  pendant  elles  sont  réellement  douées  de  proprie- 
lés  viulcs  particulières,  et  présent  nt  un  mode 
d'organisation  très- remarquable  et  irès^curifux» 
dont  Ips  principaux  caractères  ont  éié  réccfimieiU 
constatés  par  des  recherclies  microscopiques.  U  ail- 
•  leurs  ces  lechercheb  ne  peuvent  pas  encore  être 
considéiécs  comme  compléus,  el  il  reste  même 
l)eaucoup  à  faire  pour  que  le  suji^t  soit  complète - 
ment  élucidé. 

On  a  pensé  jusqu'à  présent  que  les  différences  de 
couleur  ou  de  tfint  sont  moins  importantes,  pour 
la  séparation  à  établir  entre  les  races,  que  quel- 
ques autres  caractères  et  p;irticu!ièreoient  que  l<*s 
différences  dans  la  forme  du  corps  et  dans  la^  coud- 
i(4iratîon  du  crâne.  Cepi-slaut  tHi  savani  français» 
incn  connu  pour  retendue  et  rexaclitude  dn  ses 
rechercfces  sur  divers  sujets  relatifs  à  TaBaiouiie  et 
à  la  phybiologle,  M.  Fiourens,  considère  les  diffé- 
rences de  couleur  comme  constituant,  pour  les  di- 
verses races,  im  caractère  plus  essentiel  qu'aucune 
autre  particularité.  Les  raisons  de  cette  opinion 
seront  développées  dans  tes  pages  suivantes. 

C'est  une  remarque  commune  qu'il  existe  entre 
la  couleur  de  la  peau  ou  le  teint,  et  la  couleur  des 
cheveux  et  a'ile  des  yeux ,  ou  plutôt  de  l'iris,  une 
certaine  correspondance.  Le  fait  est  yrai  comme 
obscnalîon  générale,  mais  il  est  sujet  à  beaucoup 
d'exceptions,  particulièrement  dans  les  individus  et 
dans  les  races  qui  ont  les  cheveux  noirs.  Parmi  le& 
Européens,  les  deux  variétés  les  plus  marifuées  de 
teint  sont  celles  qui  se  montrent  chez  les  indivi  us 
que  les  Français  désignent  par  les  mots  de  blondi  et 
tie  bruni.  Les  uns  ayant  les  yeux  bleus,  des  che- 
veux blond  clair  et  la  |>eau  blanche  ;  ks  autres 
ayant  les  yeux  noirs,  la  peau  brune  et  les  clieveux 
noirs.  A  ces  deux  variétés,  nous  ilevons  en  ajouter 
une  troisième,  qui  est  la  variété  albine,  regardée 
comme  une  sorte  de  monstruosité,  mais  seulement 
peut-  être  parce  quelle  est  kaucoop  plus  rare  que 
les  précédentes. 

Dans  les  contrées  du  centre  de  lEurope,  la  plu- 
prt  des  habitants  ne  sont,  à  proprement  parler,  ni 
blonds,  ni  bnins  ;  mais  leur  teint  tient  le  inili<  u 
entre  ces  deux  extrêmes  Les  blonds  prédominent 
dans  les  contrées  septentrionales,  et  les  bruns  dans 
les  contrées  méridionales.  Si  nous  divisons  les 
races  humaines  d'après  ces  trois  variétés,  fondées 
principalement  sur  la  couleur  des  cheveux,  nous 
devons  considérer  le  groupe  des  bruns  comme  com- 
prenant de  grandes  variétés  qui  se  montrent  dai.s 
la  couleur  de  l'iris  et  dans  la  teinte  de  la  peau. 
Chez  plus'eu  s  nations  qui  ont  généralement  les 
cheveux  noirs,  l'iris  est  souvent  d'un  brun  foncé  ou 
de  couleur  chocolat,  comme  parmi  les  Chinois; 
ehez  d'autres,  il  est  fréquemment  vcrdàtre  ou  noi- 
sette, comme  dan»  quelques  races  de  nègres  du 
'ISongO  ;  c  hez  quelques  populations  à  cheveux  ooîrs, 
1t  cat  gris  et  même  bleu.  Ce  sont  autant  de  dévia- 
tions de  lacouUur  dominante,  qui  estnoiràire  quand 
les  dieveux  ^ont  noirs.  La  tendance  au  développe- 
ment des  teintes  claires  n'apparaît  donc  quelque- 


fois que  dans  la  couleur  des  yeux,  la  peau  demeQ- 
raut  très -noire.  Dans  d'autres  cas,  ou  oUserre  eo 
outre  que  la  peau  est  blanche  ou  plutôt  éiîulée. 
Dans  quelques-uns  enlln,  le«  cheveux  eux-mèins 
varient  et  deviennent  jauues  ou  rouges,  ei  cela  ar- 
rive même  chez  les  races  à  peau  noire;  cependant, 
en  pareille  circonsUnce,  la  couleur  de  ia  p^tay 
prend  généralement  une  nuance  plus  claire. 

Ces  variations  apparaissent,  comme  noua  le  proo- 
verons  par  des  exemples,  chez  des  enfants  nés  éi 
p:irents  bruns  ou  même  chez  des  enfants  i^sas  de 
niées  noire»  ;  mais  des  changements  analogues  m 
manifestent  encore  chez  un  même  individu  consi- 
déré à  dâerfioles  époques  de  sa  vie.  Des  enfsnu  nés 
blonds  et  coulinuant  à  avoir  les  cheveux  brun  clair 
pendant  leur  enfance,  arrivent  souvent  h  avoir  d» 
cheveux  noirs  en  approchant  de  Tâge  adalte.  Une 
semblable  transition  tiaiisforme  qut'lquefois  en 
blonds  des  individus  qui  d'abord  ne  |>ouvaieBt  être 
compris  que  dans  la  variété  albine.  Dans  ceue  der- 
nière variété,  la  couleur  de  l'œil  est  rouge,  prre 
Îue,  en  raison  de  la  matière  colorante  de  nris«t 
6  celle  du  pigment  noir  qui  tapisse  le  chorokie.  la 
lumière  réfléchie  prend  une  teinte  rosgc&tre  ea  tr^ 
versant  les  vaisseaux  sanguins  iranspareois  de  Tins 
et  des  parties  internes  de  l'œil.  Ce  défaut,  joint  à 
l'absence  totale  de  matière  colorante  dans  les  che- 
veux et  dans  la  peau,  constiiae  le  véritable  aAk- 
nisme.  Quand  la  matière  colorante,  qui  n*exisuii 
pas  dans  Penfance,  vient  plus  tard  h  se  prodni  e, 
le  teint  du  blond  succède  à  celui  de  TallMBOS.  Il  est 
au  reste  plus  commun,  comme  nous  TaTcms  dit, 
de  voir  le  leint  de  brun  remplacer  le  teint  de  bloud. 
Les  observations  suivantes  qui  oflreiit  plusievracas 
auxquels  s'applique  celte  remarque,  sont  estmitoé 
d*un  e\celleHt  mémoire  du  professeur  Gravts,  de 

Dublin. 

<  L'année  passée,  dit  notre  auteur,  le  docteur 
A$cher5on  me  lit  part  d'un  cas  où  il  avait  va  .e 
pigment  de  l'œd  se  développer  chez  un  eoraot  albi- 
nos &gé  de  trois  ans.  Cet  enfant  avait  ea  Baissât 
les  cheveux  blancs  et  les  yeux  violets,  avec  les  po- 
pilles  rouge  foncé  ;  à  la  un  de  sa  ut>isièiiie  ansîêr, 
ses  cheveux  étaient  blonds  et  ses  yeux  étaieia  blee^, 
mais  ils  conservaient  encore  à  un  degré  trèa^reniar- 
quable,  quoique  moindre  qu'aup»ravant,  ccue  mo- 
bilité et  cette  agitation  particulière  à  l'albinos.  CTé  - 
lait  alors  le  seul  cas  «le  a^tte  nature  dont  i*eQs*e 
entendu  parler,  excepté  l'exemple  cité  par  Michaê- 
lis  dans  Blumenbach  (Bibt'Mthèque  de  médeeme^  vo- 
lume m,  page  679),  exemple  qni  encore  ne  n-pese 
que  sur  rautortté  inceiUine  de  quelques  paysaue. 
Par  un  hasard  assez  singulier,  j'eus  bieatét  la  benne 
fortune  de  rencontrer  moi-même  u:i  cas  seasbUlde, 
Dans  ma  jeunesse,  vivaient,  non  loin  de  chez  laoi, 
deux  enfants,  le  frère  et  la  sœur,  donl  les  }etfx, 
les  cheveux  et  le  teint  offraient  à  un  tel  de^ré  les 
caractères  de  la  Uiêcoëh,  qu'ils  étaient  redonnas 
pour  albinos  même  par  des  personnes  étratx^ères  a 
la  médecine.  Dernièrement,  j'eus  occasion  de  ins 
souvenir  d'eux  en  lisant  dans  un  jouinal  an  avrr- 
tiss'  ment  où  leur  nom  se  trouvait  :  j'apptîs  que  ^ 
frère  était  devenu  marchand  de  tabac;  en  amnt  le 
voir  je  trouvai,  k  mou  erand  étonneoient,  fve  «s 
yt  qx,  de  violet  rouge  qu  ils  avaient  été,  étaîeat  de* 
venus  gris,  et  que  ses  cheveux,  de  blancs  éuîeat 
devenus  blonds;  la  sensibilité  morbkie  Ue^  )cux» 
pour  la  lumière  avait  aussi  grandement  diminMée.  • 

Le  système  dans  lequel  touies  ces  vasiéiés  aat 
leur  siège  est  le  système  exira-corial  ou  esodenaal. 


1537 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


1358 


ieaw\  consiidic,  si  je  puis  nrexprimer  ainsi,  Ten- 
veloppe  externe  du  corps,  enveloppe  exiérieore 
inénie  à  U  vraie  peau.  Ce  sysiénie  auquel  appar- 
rienneni,  chez  les  animaux,  les  diverses  produciions 
cornées  «  comprend,  quand  on  le  considère  dans 
rensemble  des  veriébrés,  non-  senlemeni  li  s  cornes, 
mais  aussi  les  sabots  et  les  ongles  en  général,  ]i4 
(b'veux,  les  plunuss  et  autres  appendices  de  même 
nature.  Les  diversités  qu'il  nous  présente  dans  sa 
couleur,  sa  constitution  et  son  organisation  sont 
inOuies,  et  c*est  certaiuemeut,  de  tous  l(*s  tissus  du 
corps,  celui  qui  est  le  plus  variable.  On  a  fait,  de- 
puis quelques  années,  de  grandes  recherches  rela- 
tivement a  la  nature  et  à  la  texture  des  parties  d*«ià 
dépend  la  variété  de  couleur,  et,  aAn  d'obtenir  à 
cet  égard  des  notions  tant  soit  peu  satisfaisantes,  U 
sera  bon  d^embrasser  d*un  coupd'ceil  rapide  Tbis- 
loire  de  ces  investigations  <}ui  ont  conduit  leurs 
auteurs  à  des  opinions  qui,  il  faut  le  dire,  ne  sont 
pas  toutes  parfaitement  conformes  entre  elles. 

Les  anciens  auatomistes  ne  connaissaient  que 
deux  des  parties  dont  se  composent  les  t^uments 
communs;  ils  0*avaientaucut»e  idée<i*un  tissu  inter- 
posé entre  la  vraie  peau,  c*esl*à-dire  le  deime  (ap- 
pelé aussi  quelquefois  corium)^  et  la  peau  extérieure 
ou  superficielle,  c'est-à-dire  Tépi. terme;  ce  sont 
là  d'ailleurs  réellement  les  deux  parties  principales 
de  IVnveloppe  téguroentaire  commune,  tant  chez 
riionime  que  chez  tous  les  mamm.féres.  Eu  géné- 
ral, le  nom  d*épiderme  ne  ^'applique  qu*à  la  por- 
ti'tn  de  IVnveloppe  superfici«.'lle  qui  revêt  les  pariies 
vériUiblement  extérieures  du  corps,  et  celle  qui  se 
continue  sur  les  surfaces  intérieures  est  désignée 
plus  particulièrement  sous  le  nom  d'épUhélinm.  Au 
reste,  quelques  personnes  ne  font  point  cette  dis- 
lificiion,  et  emploient  le  root  épithélium  pour  dési- 
guer  iVpiderme,  aussi  bien  que  Tépilbélium  propre- 
uir*ut  dit. 

Le  célèbre  anatomiste  Malpigbi  fut  le  premier 
qui  découvrit  une  troisième  couche  interposée  entre 
le  derme  et  Tépiderme.  U  vit  que  le  siège  de  la  co- 
lotation  du  nègre  ne  se  trouve  ni  dans  répiderme, 
ni  dans  le  derme,  C'  s  deux  parties  de  la  peau  étant, 
clii'z  rhomine  noir,  de  même  couleur  que  chez 
TEuropécn.  Quelque  temps  auparavant,  Malpighi 
avait  découvert  dans  la  langue  du  bœuf  une  mem- 
brane muqueuse,  de  texture  réiiculaire,  située  au- 
dessous  de  l'épiderme,  et  il  supposa  que  la  mu- 
queuse qu'il  venait  de  trouver  en  pareille  situation 
daits  la  peau  du  nègre,  c'est-à  dire  placée  au-des- 
sus du  de  me ,  devait  avoir  la  même  disposition, 
l^e  cette  supposition  naquit  Texpression  restée  sî 
longtemps  populaire  de  rete  mucosum. 

Albjnus  rectifia  plus  tard  l'observation  de  Malpi- 
ghi, et  il  montra  que  la  substance  colorée  qui  s'é- 
tend entre  le  derme  et  l'épiderme  forme  une  mem- 
brane continue.  De  son  temps,  ou  admettait  ^ue  la 
peau  du  nègre  se  composait  de  trois  parties  distinc- 
i*-s  :  le  derme  blanc,  I  épiderme  de  couleur  cendrée, 
H  le  corps  muqneux  noir. 

Longtemps  après  Aibinus,  Cruikshauk,  dans  une 
éiie  (Tuiisenratious  sur  la  peau  d'un  nègre  atteint 
le  la  petite  véro'e,ne  découvrit  pas  moins  de  quatre 
ouchea  interposées  entre  Tépidermeet  h  vraie  peau; 
ttiix  placées  au-dessous  de  la  couche  colorée,  cette 
oucbe  elle-même  et  une  autre  placée  an-dessus.  Ces 
(Cbercbes  furent  continuées  par  G.  A.  Gaul- 
ier  (1875),  qui  s'appliqua  principalement  à  exami- 

(1875)  Recherchée  tur  CorgamstUion  de  la  peau  dé  Vhùnh 
^  :  Pjrin,  1809,  in-8'. 

(  (h7  i)  Recherches  anatomiqueê  sur  te  corvs  muqueux,  ou 
fpareil  pigmentai  de  la  peau  dans  V Indien  Charrua,  le 
'*jre  et  le  mutàtte,  par  M.  Flocbbns.  (Annales  des  sciaices 
nurellea^  ii*  série,  Zoologie,  t.  VU,  p.  156.) 
r  tmi)  Cette  race  a  été  (oui  à  fait  ex  terminée.  Les  deux 
•li\  ido»  qui  furent  examinés  par  M.  Flourens  avaienl.élô 
(••^cs  en  France  d'un  pavs  voisin  de  l'Uraguay.  Leur 


ner  les  effets  des  vésîcatoires  sur  la  peau  du  nègre, 
et  il  trouva  anssi  les  quatre  couches,  savoir  :  une 
composée  de  bourgeons  vascnlaires  sanguins,  qu'on 
a  nommée  le  corps  papillaire;  une  seconde,  que  cet 
auteur  nomme  membrane  albugviée  profonde  ;  puis 
un*',  autre  formée  d'une  substance  brune. (la  couche 
do  matière  colorante);  enûn  la  membrane  albuginés 
sunerlicielle. 

M.  Flourens  a  essayé  d'arriver  enciwe  &  une  plus 
grande  précision.  Dans  les  préparations  qu'il  a  mises 
sous  les  yeux  de  Tacadéniie  des  sciences,  il  a  montré 
entre  IVpiJerroe  et  le  derme  quatre  concbe^  distinc- 
tes, sans  compter  le  corps  papillaire  ou  vasculaire 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  Les  découvertes  de 
ce  célèbre  anatomiste  sont  extrêmement  curieuses 
et  l'ont  conduit  il  d'importants  résultats.  Les  quatre 
couches  qu'il  reconnaît  sont  :  1*  une  qui  repose 
immédiatement  sur  le  derme  (celte  première  mem- 
brane est  de  structure  celluleuse  et  forme  un  tissu 
réiiculaire)  ;  2«  une  membraut-  contio'.ie  et  qui  a 
l'aspect  des  muqueuses  ordinaires  ;  5*  le  pigmeni 
noir,  qui  repose  sur  celle-ci ,  et  qui  peut  être  con- 
sidéré comme  constituant  une  couche,  bi<n  qu'il 
n'ait  pas  assez  de  consistance    et  de   cohésion 

{>our  recevoir  le  nom  de  membrane  ;  4*  enûn,  la 
ame  interne  de  Tépiderme,  qui  est  placée  au-dessus 
du  pigment  coloré,  et  qui  forme  la  quairième  cou- 
che. 

De  ces  quatre  couches,  la  seconde  est  celle  qui 
doit  fixer  le  plus  particulièrement  l'attention,  d'au- 
tantmîeux  que,  selon  M.  FlOurens,  elle  constitue  un 
corps  organisé  distinct,  qui  se  trouve  seulement  cliez 
les  nommes  à  peau  colorée  et  manque  complètement 
chez  les  blancs;  chez  ces  derniers,  du  moins, 
M.  Flourens  dit  n*avoir  pu  la  découvrir  par  la  mé« 
tbode  ordinaire  de  la  macération  (1874). 

Le  pigmenium^  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  est 
étendu  sur  la  membrane  muqueuse,  et  lorsqu'il  est 
mis  à  nu  par  la  macération,  il  est  beaucoup  plus 
foncé  qu'il  ne  le  ftarait  h  travers  la  denù-trauspa- 
rence  des  deux  épidermes.  La  surface  interne  de  la 
couclie  muqueuse  est  hérissée  de  prolongements  qui 
passent  par  les  interstices  du  tissu  cellulaire  et  vont 
se  fixer  au  derme.  Ces  prolongements,  qui  forment 
la  gaine  des  poils,  se  portent  jusque  sous  leur  racine 
et  paraissent  constituer  la  lame  intei  nedeleur  bulbe. 
Ou  ne  les  trouve  que  dans  les  régions  où  il  y  a  des 
poils.  Quant  k  la  membrane  pigmenlak  même,  elle 
est  d'une  consistance  partout  k  peu  près  égale,  et 
assez  épaisse  pour  pouvoir  être  divisée  en  deux 
fcuilleu  :  c'est  sur  sa  face  extérieure  que  la  subs- 
tance colorante  est  étendue.  Cette  dernière  subsUnoe 
comme  nous  l'avons  observé,  ne  forme  point  une 
membrane  distincte,  mais  une  simple  couche,  uh 
dépôt,  une  sorte  d'enduit;  elle  est  recouverte  par 
une  véritable  membrane  continue,  qui  est  la  lame 
interne  de  l'épiderme. 

M.  Flourens  a  démontré,  au  moyen  de  la  macé- 
ration, l'existence  de  toutes  ces  coucbes  dans  U 
peau  d'un  nègre,  dans  celle  d'un  mul&tre,  et  aussi 
dans  celle  de  deux  In.liens  Cbarruas,  indigèoes  de 
l'Améf  ique  du  Sud  (1875)  qui  appartiennent  à  une 
race  de  couleur  tiès-foncée.  La  même  méthode  de 
macération ,  essayée  sur  la  peau  dune  personne 
blanche,  ne  pnt  lui  faire  découvrir  ni  la  membrane 
muqueuse,  ni  le  pigmeiitum  qui  y  est  déposé.  H  ne 
trouva,  entre  le  derme  blanc  et  la  lame  externe  de 
l'épiderme,  rien  autre  chose  que  cette  laine  Interne 

leinl  éuit  aussi  foncé  que  celui  de  berocoup  de  nègres, 
et  le  nom  de  peaux  rouges,  que  Ton  donne  assez  génè^ 
ralement  à  tontes  les  tribus  ami^ricaines,  n'aurait  pu  asso- 
rument  leur  convenir.  Don  Félix  d'Azara  a  lait  la  même 
remarque  sur  la  peau  des  Indiens  de  celte  même  tribu, 
l.es  Ôiamias  étaienl  des  hommes  tris-féroces,  d'un  ca- 
ractère Uçilume  et  sombre,  et  qui,  bien  dilTéreoU  en 
cela  de  leurs  voisins  îea  Guaranis,  parussal*^  w— ^ki^ 
de  recevoir  aucune  civilisation. 


fS30 


DlCTIOiNNAlRE  APOLOGETIQUE. 


m 


tie  répidertne  do;it  nous  av^ns  déjà  rjîi  meDtion  ; 
r'est,  pour  1«  remarquer  en  passant,  dans  ce  second 
épiderme  qu*il  croit  reconnaître  le  siège  de  la  cou- 
leur brune  qui  se  produit  dans  le  teint  des  blancs, 
p^r  suite  d*une  longue  exposition  à  la  chaleur  du 
soleil. 

M.  Flourens  n^est  pas  le  premier  anatomiste  qui 
ait  essayé  sans  succès  de  découTrir  le  rete  mucoêum 
dans  la  peau  des  blancs.  Il  y  a  longtemos  que  le 
docteur  Gordon  en  a  également  reconnu  rimpossî- 
bilitè  après  avoir  essayé  de  tous  les  moyens  ordi- 
naires. 

M.  Fllourer.s,  avons  nous  dit,  établit  dans  le  mé- 
moire dont  nous  venons  de  citer  des  et  traits,  one 
raliération  qui  se  produit  dai.s  les  pennx  Idancoes 
par  Tartion  du  soleil,  a  soa  siège  dans  la  lame  in- 
terne de  Tépider  me;  dans  un  mémoire  postérieur, 
Il  s*altache  à  démontrer  que  celte  même  membrane 
est  le  siège  de  la  coulenr  brune  que  Ton  observe 
chez  les  femmes  dans  Paréole  mammaire  (1876). 

Sœmmerring  a  depuis  longtemps  annoncé  que 
répiderme,  chez  le  nègre,  est  d  une  feinte  plus  brune 
et  plus  obscure  que  chez  TEuropéen  ;  mais  otfe 
assertion  ne  ctnncide  pas  avec  Topinion  h  Uquelle 
M.  Flourens  a  été  con  'uii  p.ir  ses  observations.  Ce 
dernier,  en  effet,  consiitère  raltéraiion  de  couleur 
qui  se  proJuit,  sous  Tinfluence  de  diverses  causes» 
dans  la  peau  des  blancs,  comme  étanl,  par  sa  nature, 
totalement  différente  de  celle  qui  est  natutelie  k  la 
peau  du  nèpe,  et  comme  nyant  son  siège  dans  un 
tout  autre  tissu.  La  première  altération,  selon  lui, 
dépend  simplement  d'une  teinte  accidentelle  de  Tépi- 
derme,  tandis  que  la  fouleur  du  nè^re  est  donnée 
par  une  membrane  particulière  qui  ne  se  tr«>uve 
point  chez  les  races  blanches.  M.  Flourens  é  ablit 
ainsi  une  ligne  de  séparation  très-distincte  entre  ces 
deux  divisions  du  genre  humain.  Il  considère  \n  di- 
versité en  question  comme  constituant  une  véritalle 
distinction  spécifique,  ou,  en  d*autres  mots,  comme 
prouvant  que  le  nègre  et  TEuropéen  appartiennent 
a  des  rspèces  différentes.  En  effet,  rexlsteiice  d*un 
tissu  tout  à  fait  particulier  â  une  race,  d^iin  tissu 
dont  on  ne  peut  trouver  aucune  trace  dans  les  races 
voisines,  constitue  une  différence  beaucoup  plus 
grande  que  celle  que  Ton  trouve  souvent  en  compa- 
rant les  espèces  qui  sont  placées  les  unes  auprès  des 
attires  dans  les  séries  zoologiques. 

Cependant  une  foule  de  faits  consignés  depuis 
longtemps  dans  les  ouvragt^s  de  médecine,  et  d  au- 
tres qui  se  présentent  jonrneilemetit  à  Pobservation, 
seraient,  pour  ainsi  dire,  inexplicables,  si  Ton  ad- 
mettait la  snpposition  de  M.  Flourens.  Far  exemple, 
on  sait  qu*il  y  a  diverses  affections  générales  qui, 
chez  les  Européens,  donnent  à  la  peau  une  teinte 
très-foncée;  chez  Leaucoup  de  femmes,  une  teinte 
brune  paraît  autour  des  mamelles,  et  s^éteiid  con- 
sidérablement peuflant  le  temps  de  la  grossesse, 
puis,  après  raccoucbement,  s*efface  p:*esque  complè- 
tement. L'altération  de  coideur  qni  se  produit  dans 
cette  circonstance,  varie  iion-fculemeni  quant  an 
degré  d*intei.siié  de  la  teinte,  et  à  Fespace  qu'elle 
occupe,  mais  aussi  quant  aux  régions  qui  en  sont  le 
siè^e  :  chez  certaines  femmes,  c*est  Tabdomen  seu- 

(  187G|  Uechereliês  anaiomiques  «tir  U$  Uructwres  compa- 
rées de  la  membrane  cutanée  ei  delà  membrane  mnmieiise, 
par  M.  Flouhbks.  (iântiofes  des  sciences  nattir€iles,n' série, 
Zoologiét,  t.  ri,  p.  259.) 

(1877)  Uomare,  dans  un  article  cité  par  Blumenbach, 
fait  mentiou  d*une  paysanne  française  dont  l'abdomen  de- 
venait complètement  noir  pendant  chaque  grossesse  ;  et 
Camper  parle  d'une  femme  de  baat  rang  qui  avait  natu- 
rellement la  peau  blanche  et  on  très-beau  teint,  mais  qui, 
chaque  fols  au*elle  devenait  enceinte,  commençait  fan^nè- 
diatement  à  branlr.  <  Vers  la  fln  de  sa  grossesse,  ajoute- 
t^l,  elle  devenait  une  véritable  négresse,  i  Après  Tac- 
couchement,  la  couleur  noire  s'effaçait  graduellement. 

Le  docteur  a  Slrack  lObiervatione^  médicinales  de  fe- 
brtbus  naermntentitus  ;  tlcini,  1791,  in-H")  fait  mention 


l*ment  qui  présente  cette  coloration,  cIki  4*aitm 
c*est  le  corps  tout  entier.  Ces  iaiu,  m  ae  ssntim 
rares,  sufBsent  pour  prouver  qilBdépeâdaisoent 
de  rinflneoee  de  la  cbalenr  solaire,  lipestsarvctir 
dans  la  constitution  tel  changement  qai  doue  à  U 
peau  une  couleur  noireienblableàeelleqiienii* 
tureile  à  la  race  africaine  (t877>. 

La  substance  coioranle  du  deme  est  d^aiOevi 
susceptible  d*étre  résorbée,  et  de  dispanlut  lios 
même  des  peanx  où  elle  se  trouve  astmtlleinenL 
On  a  vu  assez  fréquemment,  et  dans  dilBrasts  ^n^ 
des  nègres  perdre  leur  cou!eur  noire  et  derôir 
aussi  blancs  que  des  Européens  (1878). 

Ces  cas  de  développement  accidentel,  dtss  b  peai 
des  blancs,  d*uiie  substance  qui  la  colore  es  noir,  et 
ceux  de  disparition,  dans  la  peau  de  cerudot  pùn, 
du  pigment  coloré  qui  y  est  naturel,  soot,  je  le  lé- 
pète,  des  faits  qui  paraissent  ineiplicat)let  li  «t 
admet  les  idées  de  M.  Flourens  sur  la  composiikNi 
de  la  peau  dans  les  différentes  races.  Or,  les  hiis 
étant  constants,  en  est  naiarellement  leponé  vm 
Tantre  alternative  qui  parait  s*ètrepréseoiéeirii- 
bile  anatomiste  luimèmep  savoir  que  la  isàboda 
d*invcstigntlon  employée  par  lui  (les  prooidés  ordi- 
naires de  la  macération  et  Texamen  à  Pcûl  ni)  l'é- 
tait  pas  sonisattte.ponr  noas  (aire  péoéotrditaU 
structure  intime  de  la  peau. 

Les  rcctiercbes  microscopiques,  ea  eUei,  oom 
offraient  le  seul  mode  d'investigation  qvi  ptikier 
tous  nos  doutes  à  cet  ^ard,  et  nous  revélff  li 
structure  intime  des  organes  C^fumentaires.  Cat^ 
cherches  ont  été  entrepriaes  et  poursatvies  iw 
succès  par  plusieurs  anatomîstes  allenaarfs,  farni 
lesquels  nons  citerons  comme  les  plus  diÂupKS 
llenle.  Purkinje  et  Schwann.  11  résulte  de  raim- 
ble  des  travaux  de  ces  savants  que  la  pesa  n'est 
point  composée  de  membranes  coHtioncs,  waU 
qu*clle  est  de  structure  cellulaire,  c*est-è4ire  for* 
niée  de  nombreuses  couches  supérpotéesdeedli* 
les,  de  sorte  que  ces  diverses  parties  nt  soii  ^ 
aussi  nettement  séparées  les  nues  des  aatfttq«'« 
Tavait  jusqu'ici  supocwé. 

Les  anatomîstes  désignent  sons  le  non  de  <)(»> 
blattes^  ces  cellules  qui  offrent  dans  leur  amnf*^ 
ment  des  dispositions  très-rpmarquabks,ei^ 
rensemble  constitue  en  totalité  fenveloppet^ginei- 
taire.  Cette  enveloppe  n'est  pas  propre  eidian* 
mont  aux  surfaces  extérieures  du  corps;  elleieo»* 
tinuo  aussi  sur  les  membranes  muqueuses  ei  dm 
les  conduits  excréteurs  ;  elle  revêt  la  surûteeiitfeti 
polie  des  membranes  séreuses,  les  cavités  et  ec 
et  rintérieur  des  vaisseaux  sanguins,  jssqse  ém 
leurs  dernières  ramittcations. 

I^s  cellules  ou  cyioblastes  contrenneot  oo  m^ 
solide,  de  forme  ronde  ou  ovale  et  raarqsé  pw 
ou  deux  granules  ponctués.  .La  structnna  4e  tct 
noyaux  est  constante,  mais  celle  des  cellules  tm^* 
parentes  qui  les  enveloppent  est  variable,  et  de  ott 
variété  résultent  les  différences  qui  s*obserfeBif«n 
les  ^piiA^/tum  ou  tuniques  mefmbianeuscseiirtvï 
des  diverses  surfaces. 

Selon  Uenle,  on  peut  distinguer  tniis  sortes  d'è^* 
tliélium.  Dans  Tune,  les  cellules  sont  es  ounid 

d'un  homme  qui  devint  aussi  ndr  qu*on  aigre  ^  h  ^' 
d'une  fièvre.  Blnmenbacb  dit  qu'il  possède  uoiiwrtaa« 
la  pea*i  de  Tabdomen  d^on  mewliant,  laqwlle  eA  i^ 
noire  que  celle  d'un  Africain.  Haller,  Lodvig  d  ^^ 
ont  gèuéralemeut  cité  des  lails  de  ce  genre,— r^  10 
P.  Rateb,  Trmlé  Uiéorique  et  pratique  des mââinit^ 
peau  ;  Paris,  1855,  t.  ill,  p.  555,  et  pt.  xxn. 

(1878)  Un  exemple  de  ce  genre  est  cmuttjn*  ^^ 
L>ir  volume  des  Transactions  pkUosopbitpHS-  tb"'' 
cite  le  cas  d'uo  nègre  qui,  de  noir,  devint  jauoe.  H  u 
dani  nous  apprend  qn'un  nègre  qui  eier^U  t  ^ 
l'état  de  cornoauier,  et  qui  èiail  noir  lorsipi'oo  Ivi^ 
encore  enfant  dans  celte  vf Qe,  devint  en  gnubs*^  * 
moins  en  moins  foncé,  et  finit  par  avoir  le  teioi  (Tk'F 
sonne  affectée  d'une  légère  jaunisse. 


fS4l 


NOTLS  ADMTIONNEIXE». 


1543 


iamôJiH  avec  k  iiAyan  qsi  lês  rcmpSil,  el  soot  dit- 
posées  en  couche  eontiiiue.  Coomie  celle  disposition 
rappelle  celle  des  pierres  dans  les  pavés  de  nos 
rues,  Heiile  désigne  Tespéee  d*épilhé!iuni  qui  la  pié 
sente  sous  le  nom  dVpiiliéliuin  en  paré  {pfiMUT- 
epiiMium).  Cette  e<pece  irst  celle  qiil  recouvre  le 
derme  et  la  plupart  des  membrant^  séreuses,  y  com- 
pris la  conjoociiTe  qui  s^éiecd  sur  le  globe  de 
roeiL 

Des  celloîes  de  forme  conique,  disposées  de  diffé- 
rentes manières,  composent  les  deux  autres  espèces 
d^éptthéiiom  (répitliélîttm  rjlindrirornie  d  répilbé- 
lium  cilié),  qui  couvrent  différentes  surfaces  inter- 
nes du  corps. 

Dans  répitbélium  en  paie,  qui  forme  FfUTeloppe 
superficielle  de  la  peau,  on  yoit  les  ctllules  rangées 
par  coudies  snperp09À*s  placées  au-dessus  du 
derme,  et  présenUnt  des  fonnes  un  peu  diflërenles, 
selon  qu'elles  sont  plus  ou  moins  exténcurts,  et  par 
mile  plus  ou  moins  exposées  aux  compressions. 
Daas  les  couches  supérieures,  les  noyaux  et  les  cel- 
Iules  s'aplatissent  progressiTemcnt  et  finissent  par 
ress<*mbler  à  des  écailles.  Le  contour  des  cellul*^ 
de  rond  qn1l  était  dans  les  couches  profondes, 
l>a»se  par  suile  de  h  piession  à  la  forme  polygonale 
dans  les  couches  moyennes  ;  dans  les  couchrs  ex- 
len.es  de  réniderme,  les  nojaux  sont  à  peine  risi- 
kles,  et  les  lamelles  ou  écailles  soot  tellement  con- 
fondues, que  ce  n*est  qn*au  mojen  des  plus  forts 
^rnssissements  qu*on  peut  distinguer  la  vérilable 
structure  de  ces  pirtîes,  et  encore  y  panriendrait- 
Ml  diflicilemeni,  si  Vùù  n^avait  pu  suivre  les  change- 
n«-nis  graduels  île  forme  des  c>toblasies. 

On  voit«  d'après  cela,  que  Ton  ne  peut  plus  so 
^préscnier  Pappareil  t^nmeniaire  comme  composé 
r«n  nombre  déterminé  de  membranes  contlnnes» 
iHlépeiidanies  des  tis^^os  avrc  lesquels  elles  soiii  en 
'(■Biiguîté,  et  ayant  chacune  une  organbation  dis- 
mcte  ;  cette  idée  reposait  é^iJemme  it  sur  des  ob- 
servations incomplères  el  des  déductions  erronées. 
Heob  a  porié  aussi  son  invesliptimi  sur  ce  qu*uu 
lounm-  kîi  mrmhranes  pigmeniatresp  c'esl-ii-dire 
;«r  ces  parties  d'apparenee  membraneuse  qui  don- 
»eBi  la  couleur  à  diierenles  surfaces;  il  a  trou\é 
im'dles  olliraient  aussi  une  structure  oellubire,  ma's 
|a*elles  ne  constituaient  pdnt  de  véritables  mem- 
prunes.  La  couche  pigmeniaire  de  la  tunique  cho- 
otde  de  r«il  est  composée  de  ceHnles  polygonal«:s, 
flrai.t  chacune  i  leur  centre  un  noyau  incolore  d 
%aift  re«paee  •  nvironnant  rempli  en  partie  de  gra- 
il:les  du  pigment  coloié.  Le  niéoie  anatouiistea  fait 
ussi  des  observations  sur  la  peau  du  nègre,  et  il  a 
^couvert,  outre  les  cellules  dont  nous  venons  de 
aricr,  d^utres  cellules  recAnmant  le  pigment  noir 
ai  communique  sa  teinte  foncée  à  la  peau  de  TA- 
icain  :  il  les  a  trouvées  agglomérées  surtout  sur  les 
a  nies  saillantes  du  rete  malpighii  qui  correspon- 
eni  aux  rides  ou  aux  petites  èmiiiences  de  la  sur- 
ice  du  denne.  Crs  cellules  qui  ressemMent  pour  la 
irme,  à  celles  du  pigment  de  Toeil,  repréenieni 
ndqnefois  une  sorte  de  prismt*  à  six  pans  ;  mais  hs  ^ 
lus  communément  leur  birme  est  celle  d*un  polyè- 
r«».inégnller  arrondi  sur  les  angles.  Selon  les  moeu- 
rs prises  par  Heule,  leur  longueur  serait  de  0,0039 
O,00(Si  de  ligne,  ci  leur  largeur  d'cnviroa  0,005 

Postérieurement  aux  recherenrs  de  Henle,  le  doe- 
ur  G.  Simon,  de  Berlin,  en  a  entrepris  de  nouvel- 
s  dans  le  but  de  déterminer  si  les  diversités  de 
Ktlenr  qui  s'observent  dans  la  peau  des  Européens 
a  ni  celles  qui  ne  sont  autre  chose  que  des  variétés 
i  rurelles  du  teint  dans  féut  de  santé,  que  d^autres 

/  187S-)  McLum,  Àrdût. (mr dit  pkstctogic,  1810, bepL 
1W 

i  tifJ9)  Page  181,  Veher  die  snucfnr  der  warum  and 
<»^  iwjimfnl  kUdmÊg  m  die  limU^  von  D.  G.SuMm.  (Mlx- 
*^.itrdktr..l8i0.  M) 


qui  se  produisent  dans  reruins  étais  aa^lif»), 
dépendent  de  la  présence  de  semblables  eeihilrs 
remplies  de  pigment,  ou  proviennent  de  quelque 
autre  cause  (18i9). 

Paimi  les  variétés  normales  ou  naturelles  qui 
s*observent  à  cet  égard  dans  la  peau  dfs  Européens, 
il  faut  distinguer  surtout  la  coloration  de  Taréole 
mammaire.  Le  docteur  Simon  dit  qu*il  a  souvent 
examiné  Faréole  sur  des  cadavres  dont  la  p^au  était 
eUe-ménie  assez  forument  colorée  el  d*une  teinte 
brune  bien  décidée.  En  examinant  de  minces  lames 
séparées  an  mo}en  d'incisions  perpendiculaires,  il  a 
vu  que  la  cooleiîr  brune  était  causée  par  la  présence 
de  cdlules  remplies  de  p^gmentum.  Elles  sont  pla* 
cées  dans  le  rete  Maipéghii^ei  on  les  trouve  en  grand 
nombre  dans  les  espaces  compris  entre  les  papilles 
tactiles  {den  gemfûhiutarzcheM).  Lorsqu'il  isolait  les 
cellules  en  déachant  un  fragment  de  celle  pa.  tic  de 
b  peau,  il  n'avait  qu'à  enlever  l'épidcrme  ptiur  aper- 
cevoir bien  neitfmenl  le  pigmentum  qu'elles  con- 
tiennent sous  forme  de  petits  noyaux  :  qu  Iquefois 
il  aperçut  aussi  des  cellules  qui  n  avaient  de  noyaux 
pignieniaitesque  vers  leur  périphérie,  tandis  qu*on 
n'en  pouvait  découvrir  aucun  dans  leur  centre. 
Pour  la  forme  et  la  grandeur,  ces  crllules  de 
l'aréole  ressemblent  tout  à  fait  aux  oelloles  pig;nen- 
laires  du  nègre,  telle  que  les  décrit  Ueule.  Le  véri- 
table épiderme  paraissait  toujours  incolore^  ^oil  qu'on 
robserv^l  par  trans|areoce.  soit  qu*on  l'o.scrvât 
par  réflexiuii.  Afin  de  mieux  oifisiaier  le  fait,  le 
tlocteur Simon  eut  r  ciursà  la ntacération ;  un  mo-- 
ceau  de  peau  de  Taiéole  mammaire  fut  niaint-uu 
dans  l'eau  assez  longtemps  pour  que  Tépiderme  cimu- 
meoçàt  à  s  en  détacher  ;  or,  dans  cet  état  même» 
des  observations  répétées  ne  purent  faire  découvrir 
de  cellules  pigmentalnsdaus  les  lames  supeificieJlcs. 
(1880). 

.On  sait  qu*il  y  a  encore  d'autres  parties  de  la  pea« 
dans  lesquelles  on  trouve  chex  les  fcuro|iéens  une  co- 
loration semblable  à  celle  de  l'aréole  mammaire. 
i>%  parties  furent  aussi  pour  le  docteur  Simon 
l'objet  d'un  examen  attentif,  et  le  rénlut  de  ces 
cbservations  fut  exactement  te  même  que  pour  cel- 
les dont  nous  venons  de  pailcr. 

Dans  la  catégorie  des  coloiatinns  anormali*s  de  la 
peau  dues  à  b  présence  de  i  ellules  pigmeulaires,  Q 
laut  ranger  ea  première  ligne  plusieurs  espèces  de 
keri  moiemî  ou  lâches  de  naissance,  et  ce  que  Pou 
uoiume  les  lacbes  de  rousseur.  On  saitqu'dy  a  deux 
e»péees  de  nmti  wuaerni  ;  les  uns  vascnlaiies  et  les 
autres  pigmenuires.  Ces  derniers  coosisleut  unidt 
en  de  grandes  pbqnes  de  couleurs  variées  (ce  sont 
Ckux  qu'on  désigne  plus  sp^ialement  sous  le  nom 
de  tûcUeâ  de  uai$$aHce)^ti  tantôt  en  de  petites  taches 
brunes,  parfois  méii;eiout  à  fait  noires,  qui  ne  s*élé- 
venl  pas  du  tout  on  ne  s'élèvent  que  de  tiès-peu  au  • 
dessus  de  b  superficie  de  la  peau.  Ces  petites  uchf  s 
sont  géiiéralemenl  de  forme  arrondie  et  Irréguliére  ; 
on  les  désigne  quelquefois  sous  le  nom  de  ù^ntt^ 
nom  qu'on  donne  au^  aux  taciies  des  épbélide»,  ou 
pi$riûsii  urdcoloT  ^  a\ec  lesquelles  cependant  il 
but  éviter  de  les  coufon  Jre. 

Le  docteur  Simon  a  bit  des  observations  sur  deux 
cas  de  grandes  tache*  de  maiuamu  :  une  de  ces 
taches  éuil  d*un  brun  foncée!  l'autre  d'un  gris  noir. 
Il  trouva,  pour  toutes  les  deux,  b  subsunce  colo* 
tante  contenue  dans  les  cellules  pigroeniaires  du 
rrfe  MalpifkH,  Ces  cellules  sont  plus  confluenies  que 
celles  de  l'aréole  mammaire,  mais  d'ailleurs  eUes 
leur  ressemblent  parfaitement. 

Quant  aux  petites  taches  de  i^aissance  ou  signet^ 
le  docteur  Ssmon  a  pu  en  examine*-  un  grand  uum- 


(1880)  M.FIourens  lul-uiène,par  des  eipà 
rieures,  a  reeonau  Texislence  du  pigmemom  jusque  dans 
les  races  blanches.  (Toy.  Bcvrtm,  Mukfire  de  iettrnmtx 
etdeut  idéet.) 


fSl5 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


lire,  pulsiiti*il  8*eii  iroui^e  fréqueminenl  sur  le  corps 
humain.  Ceties  qui  ne  font  pas  saillie  au-dessus  de 
la  surface  de  la  peau,  lui  ont  offert  exactement  la 
même  structure  que  les  taches  en  plaques  dont 
nous  venons  de  parler.  Dans  celles  qui  sont  sail- 
lames,  oa  observe  qtril  s*éiève  de  petits  prolonge- 
ments qui  consistent  en  un  tissu  oelluleux  imparlai- 
temenl  ot  ganisé  ;  les  cellules  pigmeutaires  sont  dis* 
perséos  à  la  surface  de  ces  prolongements  et  recou- 
vertes par  répiderme.  Cette  dernière  membrane  a 
paru  au  docteur  Simon  être  incolore,  et  il  n*a  pu 
apercevoir  aucune  cellule  pigmentaire  dans  ses  cou- 
clies  superficielles. 

M. me  dans  les  tacbes  de  rousseur  (lentigo),  h 
substance  colorante  se  trouve  dans  le  rele  Malpi- 
ghii,  qui,  quand  on  Tobserve  par  transparence,  offre 
une  teinte  d'un  brun  clair  sur  les  points  où  existent 
ces  taches.  En  fairaut  usage  de  forts  grossisi^euients, 
il  est  facile  d'y  constater  la  présence  des  cellules 
pigmeutaires. 

Tontes  ces  colorations  anormales  de  la  peau, 
remarque  le  docteur  Simon,  o- 1  beaucoup  de  rap- 
p4krts  avec  les  colorations  normales  ou  naturelles  que 
nous  offi'ent,  chez  le  nègre,  Tenscmble  de  la  surface 
du  corps,  et  chez  rEuro|iéen,i;eriaines  parties  seu- 
lement de  cette  surface  ;  et,  de  plus,  elles  forment 
une  sorte  de  transition  à  cette  aflection  générale  de 
ren\eloppo  cutanée,  qu*on  désgne  sous  le  nom  de 
mélanose^  aO'ection  dans  laquelle,  comme  Ta  prouvé 
Mutler,  il  y  a  production  de  cellules  pigmciitaireSy 
production  qui  augmente  ou  dimiime  selon  les  pro- 
grès de  Tétat  maladif. 

Ce  que  Ton  doit  concinre  des  résultats  de  ces 
récbercbeé,  c*est,qu^il  n*y  a  point,  entre  la  peau  de 
r£uro|iéen  et  celle  des  autres  races,  de  diucrencos 
organiques  qui  puissent  faire  supposer,  dans  le 
genre  liumaln,  une  diversité  d^espèces,  et  qu^au  con- 
traire, indépendamment  même  des  effets  dus  à  Pac- 
tion  du  climat  ou  des  autres  causes  modificatrices 
principales,  il  y  a  véritablement  transition,  passage 
des  conditions  de  structure  qui  caraclériseirt  une 
race,  à  celtes  qui  en  caractérisent  une  autre. 

Avant  d*abandonner  ce  sujet,  il  ne  sera  pas  Inu» 
tile  de  foire  remarquer  que  le  système  épidermoïque 
ou  corne,  auquel  appartiennent  les  appendices  exira- 
cutanés  (poils,  plumes  écailles,  elc),  qui  sont  chez 
beauGoup  cranimaux  le  sié^e  des  \ariations  de  cou« 
leur,  ebt  précisément  de  tous  les  systèmes  organi- 
ques celui  qui  subit, les  altérations  les  plus  remar- 
quables <  les  plus  étonnantes.  Ainsi,  ce  sont  des  pro- 
uuciions  éptdermotques  que  ces  cornes  qui  arment 
la  tète  de  beaucoup  de  ruminants,  et  qui,  dans  une 
même  espèce,  offrent,  chez  les  diverses  races,  de  si 
grandes  dillérences  :  dans  quelques-unes,  les  cernes 
aitei^neut  des  dimensions  énormes;  dans  d*a  «très, 
elles  ma n(| tient  complètement;  et  non-seulement  ces 
d  Oirences  se  moi/treut  entre  des  races  qui  existent 
depuis  loiigtemps  comme  distinctes,  mais  on  les  voit 
1  aitre  parmi  les  descendants  de  parents  communs. 
Les  sabois,  qui  sont  des  piirties  de  même  nature, 
subissent  aussi  chez  divers  animaux  de  semblables 
changements.  Entre  tons  les  cas  que  Ton  peut  citer 
de  celte  deriiière  sorte  de  déviations,  ctliii  des  porcs 
iolijpedes  est  peut-être  le  plus  remarquable,  en  ce 
qu*il  parait  offrir  la  reproduction  des  caractères  spé- 
Ciliqucs  qui  appartiennent  à  i;iie  autre  famille  d*ani- 
maux.  Peisonne,  d*ailleurs,  n'a  jamais  eu  ridée  que 
celte  race,  qui  est  bleu  connue,  constituât  une  e$- 
pèce  distincte. 

Il  y  a  longtemps  que  Buffon  a  observé  que  la 
peau  présente  de  g  andes  variations  dans  beaucoup 
d^espéces  animales,  et  que  c>st  la  moditicalion  U 
plus  sensible  produite  par  Tétat  de  domtsiicité.  La 
peau  de  Tàue,  par  exemple,  s'adoucit  beaucoup 


ch'^z  les  races  domestiques.  L^àne  sioTage  de  b 
Perse  a  la  peau  rude  et  tubercuteuse;  elle  oeue  de 
Tétre  dans  la  domesticité.  C*est  avec  la  peaa  ée 
ràne  sauvage  que  les  Levantins  font  le  cur  creiw 
que  l'on  nomme  peau  de  chagrin  (1881). 

L'histoire  de  la  famitie  porc-épic  eut  ud  exen* 
pic  curieux  des  anomalies  que  Fon  peal  9\m\tt 
dans  les  appendices  épldennoiques  (te  la  peM,e( 
nous  montre  retendue  des  variaiioin  qui  k 
peuvent  produire  dans  J*enveloppe  exlérieiut  do 
corps. 

En  1731,  on  présenta  ï  la  Société  royale  deU». 
dres  un  garçon  âgé  de  quaioize  ans,  nédiusle 
Suffolk,  et  qui  présentait,  sous  le  rapport  derenti- 
loppe  t^gumentaire^  quelque  chosca*citiéiMavii 
tentarquable.  Yoilâ  U  descripUon  qa'eafaU  M.lla- 
chin  : 

€  Sa  peau,  si  on  peut  l'appeler  ainâ,  doBBaiiH- 
dee  d'une  sorte  de  caiapace  de  couleiir  obseurc 
exactement  appliquée  sur  les  diverses  paniesdi 
corps.  Cette  carapace,  qui  semblait  lonoée  duih* 
écorce  rugueuse  ou  d'un  cuir  grossier,  et  ipii^d 
quelques  poinu,  offrait  dn  soies  rudes,  recomnii 
lout4e  corps,  â  l'exception  de  la  facr,  de  la  pm 
des  mains  et  de  U  plante  des  pieds  ;  d'où  il  rmm 
que  ces  parties  avaient  l'air  d*étre  nues  et  u«i  k 
reste  couvert  d'une  sorte  de  vétemenL  Geue  eii6 
loppe  était  insensible  et  calleuse;  elk  oe  dono^it 
point  de  sans  quand  on  l'eniamalt  avec  riiistroi&e.t 
tranchant.  On  me  dit  qu'elle  se  détachait  rNic 
année  à  Tépoque  do  l'automne,  ayant  acoois  mm 
trois  quarts  de  pouce  d*épaisseur.  Quaiti  cette  dtf 
quamaiiiin  a  lieu,  c'est  que  sans  doute  one  ftii 
nouvelle  qui  s'est  formée  au  dessous  de  la  prcsiôt 
rerousse  celle-ci  et  la  lait  tomber,  i 

Quelques  personnes,  comme  on  vieotdeleToir, 
comparaient  cet  étrange  tégument  à  une  k^ 
d'arbre;  d'autres  trouvaient  qu*il  avait  de  rajuk^ie 
avec  la  peau  de  cet  tains  piioques  ;  quelques-uns  IV 
simibient  >  la  peau  de  l'éléphant  ou  ^  celle  ki 
jambes  du  rhinocéros;  bref,  il  était  difficile  «le  trou- 
ver dans  toute  la  >érie  des  êtres  organisés  qadq«i 
enveloppe  tcgumentaire  qui  pût  servir  cpQTeMkii^ 
ment  de  terme  de  comparaison,  et  les  person» 
qui  la  caractérisèrent  comme  ulo  immi-ose  fenvi 
ou  plutôt  comme  une  multitude  de  \ernirs  mi- 
gués  qui  s'étendaient  sur  tout  le  corps,  e.i  dùtm^ 
peut-être  une  plus  juste  idée.  Les  soies  coratfvs* 
tuées  principalement  sur  le  ventre  et  sur  les  flsiA 
lésounaient  au  touchir  comme  des  piquants  ctU- 
risson  qui  auraient  été  coupés  â  ua  pouee  de  '<a 
peau. 

De  nouveaux  détails  sur  cel  homme  étfspge  fs- 
r«  nt  communiqués  à  la  Société-royale  par  M.  Bi^f 
11  avait  alors  quarante  ans,  et  il  avait  éié  ntoRirr^ 
Londres  sous  le  nom  de  l'homme  parc  épie.  <  te 
tait,  dit  M.  Baker,  un  homme  de  bonne  mioe,  U^ 
fait,  au  teint  Henri,  et  qui  ne  paraissait  diflem»- 
cunement  dis  antres  hommes  lorsqall  éutt  bkiU 


même  nature  de  téguments  que  M.  Hacbia  a^ 
observée  en  1731,  et  je  m'en  réfère,  à  cet  éptl  i 
sa  description,  qu'il  serait  inutile  de  répéter  ui  V 
ferai  cependant  remarquer  que  la  couche  coru 
qui  revêt  la  peau  m'a  paru  formée  d'ane  foule  <y 
verrues  cylindriques,  brunâtres,  s'élevaot  a  if' 
même  hauteur,  et  naissant  aussi  près  que  p<is*-' 
les  unes  des  autres  ;  ces  excroissances  soat  rai<i«>'' 
élastiques,  de  sorte  que,  lorsqu'on  y  passe  U  bh^ 
elles  produisent  un  certain  bruisseoeot  a^.'^ 
fort, 
c  Lorsque  je  vis  cet  homme  au  mois  des-ptâs^ 


(  1881)  Le  grain  de  la  peau  de  chagrin  tient  surtout  à  un      procédé  particulier  qu'on  emploie  pour  Is  ^ff'^^  ^ 

cetiv  peau. 


r»i 


lO 


NOTES  AMNT10NNELI.KS. 


VM 


ilernkr,  tes  vtf  rues  lomlNiiml  Oaas  plosiears  en- 
droits, el  je  reaian|Dai  quVilf  s  éuient  remplacées 
par  de  novvelles  iTan  br«o  plas  pâle.  Il  éprouve,  à 
ce  qu'il  me  dit,  eeite  sorte  de  moe  chaque  année 
dans  on  des  mois  de  raotomne  on  de  rbirer;  alors 
il  a  riMbitnde  de  se  faire  saigner  poar  prévenir  nne 
certaine  indisposition  k  laquâle  il  est  alors  disposé. 
H  a  eu  la  petite  vérole,  et,  à  deux  reprises  dî0e  en- 
tes, il  s^est  soumis  k  des  frietlo^^  mercurielles  pons- 
sécs  jusqn^i  salivation,  espérant  par  là  se  débarras- 
ser de  celte  désagréable  enveloppe.  Pendant  Ténip- 
lion  et  pendant  la  période  de  salivation,  les  verrues 
étaient  tombées,  et  on  voyait  alors  sa  peau  Uanebe 
et  unie  comme  celle  d'une  personne  ordinairu  ;  mais 
à  peine  se  rétablissait-il  que  les  verrues  renais- 
sai*  nt  de  nouveau.  Hors  ces  trois  époques,  sa  santé 
a  clé  eonstamiDPnt  iré<-booiie. 

c  Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  extraordinaire  dans 
l'Iiisloire  de  cet  homme,  c'est  qu'il  a  eu  six  enfants, 
tous  avec  la  même  enveloppe  rugueuse,  et  chez  eux 
Det  état  anormal  de  la  peau  a  commencé  à  se  mon- 
trer neuf  semaines  environ  après  la  naissance,  pré- 
ûsémeut  GomnM  eeb  avait  eu  lieu  chex  lui.  Un 
^*ul  de  ses  enfants  est  vivant  :  c*esl  un  trés-joli 
?arçon  de  huit  ans,  que  j'ai  examiné  en  mtoe 
emps  que  son  père,  et  qui  est  exactement  dans  les 
némes  conditions  que  lui. 

c  11  parait  donc  nors  de  doute,  poursuit  M.  Ba- 
ifr^  que  cet  homme  pourrait  devenir  souche  d'une 
^ce  dunt  les  individus  auraient  la  même  nature  de 
ég]ttineiits.  Or,  si  cela  arrivait  et  qu'on  oubliât  l'o- 
ijçine  accidentelle  d«  cette  race,  il  esi  assez  proba* 
»le  qu*on  en  viendrait  à  la  considérer  comme  coosii- 
oant  dans  le  genre  humain  une  espèce  dis- 
ificte.  » 
Que  la  couleur  de  b  peau  ne  constitue  point  chez 
bomme  un  caractère  permanent,  c'est  ce  qui  est 


suffisamment  prouvé  par  les  faîls  nombreui  que 
nous  présente  î'hisioire  physique  de  certaines  races, 
sans  qu'il  soit  besoin  de  recourir  aux  phénomènes 
qoe  Ton  observe  chex  les  animaux,  et  qui  sont 
complètement  analogues  aux  premiers,  tant  par 
le  !r  origine  que  par  la  manière  dont  ils  se  propa  • 
gent  ensuite  dans  toute  nne  lignée.  Ces  phénomènes 
sont  en  nombre  infini,  et  parmi  tous  les  venébrés  à 
sang  chaud  il  est  à  peine  une  espèce  qui  ne  soit  su- 
jette h  ce  genre  de  variation.  Ces  exemples  sont  si 
multipliés  et  si  autbenii  lues,  qu'ils  ne  laissent  au- 
cun doute  sur  la  légitimité  de  la  conclusion  que 
nous  en  devrons  tirer  dans  la  p^nde  question  de 
l'unité  ou  de  la  diversité  de  l'espèce  humaine. 

Les  teintes  diverses  de  la  peau  bomaine  auraient 
besoin  d'un  instrument  spécial  dans  le  genre  de  ce- 
lui qu*imag'na  M.  de  Uumboldt  pour  mesurer  l'in- 
lensité  de  l'azur  du  ciel.  Il  commencerait  par  la 
camme  chromatique  du  carmin  dt*sceiMlant  vers  le 
fauve,  et  aurait  une  seconde  partie  graduant  les 
nnanops  du  fauve  au  noir  en  passant  par  les  va- 
riantes du  rouse  et  du  jatine.  Pour  cette  seconde 
div.sion,  le  café,  dans  ses  divers  états,  fournit  un 
chronomètre  grossier,  mais  commode,  parce  qoe 
tout  le  monde  connaît  avec  précision  ses  nuances. 

Le  café  cru  et  fauve  est  le  point  de  partage  des 
races  humaines  ;  cru  et  un  peu  vert,  il  représente  le 
trint  des  Guèbres,  de  qiielques  Indiens  du  Nord  et 
des  Malais;  un  peu  rotissi,  il  a  le  bistre  d'autres  In- 
dous,  des  Mongols  et  des  Egyptiens  septentrionaux  ; 
charbonné  très  clair  est  le  itiot  des  Abyssins,  encre 
pâle  ou  pomme  de  fenouillet,  comme  dit  Bruce; 
charbonné  brun,  eelui  des  Malabares  et  Ceylanais; 
plusenrs  races  nègres  ne  sont  pas  phn  foncées. 
Quelques  tribus  nubiennes  descendent  encore  plus 
bas  dans  l'échelle,  puisqu'elles  sont  aussi  tioires  que 
les  Voiofs. 


NOTE  XIX. 

(Art.  Races  HCMAiNESy  |  XIU.) 
APTITUDES  RESPECTIVES   DES  RACES 


La  science  européenne,  qui  accepte  Tiiiégalité  in- 
ilt^nelle  des  races,  se  fait  solidaire  d'une  sorte 
€»rgneil  national,  puisque  les  races  blanches  sont 
la  fois  jug'î  et  partie  dans  la  question.  Par  ce  trait 
les  ressemblent  déjà  à  d'autres  races  qui  se  sont, 
les  aussi,  faites  centre  du  monde  et  dernier  mot 
i  In  perfection  physique  et  morale.  Les  Chinois 
S4;nt,  en  parbnt  d^  Tartares,  camus  et  basanés  : 
aminés  de  belle  figure  et  semblables  aux  Chinois  ; 
^  Européens  sont  des  barbares  à  mil  cave,  à  nez 
illaiit  et  h  cheveux  pAles. 
L.*iiifatuation  morale  des  habitants  de  Pempire  cé- 
»t4^  ne  manquerait  pas  de  prétexte  dans  leur  babi- 
jc  politique,  et  dans  la  grandeur  des  spéculations 
■  ne  philosophie. qui  reproduisit  on  plutôt  devança 
aies  les  philosophies  de  la  Grèce.  Les  Indous  au 
^vue  titre  peuvent  fjréieodre  il  un  rang  supéri»*ur, 
r  Ils  eurent  Tinitiative  du  tmnsceodantalisme  dans 
Btes  les  scienoes  humaines;  et  les  Indous,  au 
lins,  tels  que  nous  les  voyons  aujourd'hui,  i^ont 
e  race  très  basanée  au  nord;  au  miJi,  aussi  noire 
?  les  n^res.  • 

ren  dis  autant  des  Egyptiens,  dont  tout  le  mooie 
nire  les  meuvemesls,  et  dont  la  civilisation  euro- 
•nne  est  une  émanation.  A  la  vérité»  les  savants 
;  eu  fort  hmgtemps  des  idées  très-confuies  sur  la 
ifbrmation  physique  des  nations  de  PAsie  mo- 
uie,  et,  à  plus  forte  raison,  sur  la  couleur  précise 
aatitMis  de  fantlquité.  Les  dernières  récoltes  de 
Toyaseurs  ont  étonné  même  les  naturalistes  et 
bropoTogues  séJenuires.  Il  faut  du  temps  pour 

DlCnOX?tAIBE   APOLOGETIQCB.    11. 


que  historiens,  philosophes  H   peuples  arran^e^it 
sur  ces  données  nouvelles  et  leurs  idées  et  leur  lan* 

On  peut  bisser  les  missionnaires  moraves  s'aflli  • 
g  r  sur  les  facultés  des  peuples  océaniens,  qui 
éprouvent  de  la  difficnlié  à  aller  au  debtle  la  sim* 
pie  imiution.  La  copie  est  racheminement  an  dessin 
original  ;  la  mémoire,  le  commencement  de  b  com- 
position.  Il  faut  pardomier  aux  blancs  Américains 
l'impénitence  finale  à  laquelle  ils  vouent  les  Peaux 
rouges,  dont  ils  prennent  la  terre  avec  ou  sans 
adiat.  EuxHDémes  ont  appelé  ces  Peaux  rouges  les 
premiers  des  sauvages,  pour  les  profondes  et  km- 
gués  combinaisons  ue  leurs  ruses  vindicatives.  L'es- 
prit de  suite,  même  dans  le  mal,  est  un  ulent  assex 
re:eTé;  c'est  par  la  que  Saun  s'appelle  Tanse  déchu. 
Mlll  voulant  rabaisser  à  tout  pnx  la  vieille  civili- 
sation indeue,  la  compare  perpétuellefflent  aux  ins- 
titutions des  Mexicains  et  Péruviens.  J'accepte  le 
rapprochement  comme  uès-honoraUe  pour  rAmé- 
rique* 

Mais  c'est  sur  la  race  nègre  que  semblent  s*éire 
acharnés  de  prélërence  les  dédains  pileux  oi  vIo- 
lenu.  Celle-li,  dit-on,  ne  fut  jamais  ctvilisde,  Fh  s- 
toire  du  passé  l'a  prouvé,  et  ne  le  sera  jamais,  Tbis- 
toire  moderne  le  démontre. 

Nous  avons  «u  ailleurs  que  b  définition  du  moi  es- 
pèce, même  telle  que  l'ont  employée  les  zoologues 
les  plus  rigoristes,  ne  peut  en  aucun  cas  s'appliquer 
aux  variétés  humaines;  le  nègre  ressemble  bien  plus 
au  bbnc  par  le  dehors  et  par  le  dedans  que  les  di- 

49 


154? 


JlCTiONNAIRE  APOLOGETIQUE 


m 


Terses  races  de  cliiens  ne  sa  ressemblent  entre 
elles  ;  et  de  plus  toutes  les  Tariélés  humaines  don- 
nerit  par  le  croisement  des  métis  féconds.  Les  blancs 
qui  ont  flétri  de  rappellation  de  mulâtre  (1882)  les 
produits  de  leur  mélange  arec  la  race  noire  j  au- 
raient-ils mêlé  quelque  idée  de  reproche  d'infécon- 
dité physique  ou  morale?  Les  présidents  Pétion, 
Boyer;  les  médecins  Halle,  Foumier,  Pescay;  le 
ministre  Latné,  le  général  Dumas,  Alexandre  Du- 
mas, son  fils,  yroWk  d^énergiqnes  et  brillantes  répon- 
ses. Dans  la  haute  antiquité,  une  civilisation  que 
bien  des  gens  s*obstinent  à  regarder  comme  la  pre- 
mièie  en  date,  et  à  qui  personne  ne  conteste  un 
magnifique  développement;  Tannean  primitif  des 
civilisations  grecque,  romairie,  étrusque  et,  par 
conséquent,  de  celles  de  l'Europe  moderne;  le 
monde  égyptien  fut  aussi  un  produit  métis  dont  la 
race  nègre  put  revendiquer  une  bonne  moitié.  Je  ne 
veux  pas  dire  seulement  que  quelques  reines  aient 
eu  des  nègres  pour  pharaons,  et  réciproguement 
beaucoup  de  pharaons  des  n^rcsses  pour  épouses. 
L*étude  sérieuse  des  monuments  aolioues  et  des 
races  actuelles  a  permis  dMiablir  (1883)  comme 
une  vérité  irréfragable  que  TAbyssinie  d*aoord,  TE- 
gypte  ensuite,  furent  colonisées  par  une  émigration 
qui  greffa  une  civilisation  lointaine  sur  la  race  du 
pays,  laquelle  n'était  autre  que  la  race  nègre. 

L*absence  de  civilisation  chez  les  nègres  propre- 
ment dits  n'est  pas  «luelque  chose  de  définitif  en 
supposant  que  ce  soit  quelque  chose  de  certain. 
Passons  sous  silence  les  essais  infructueui  d*HaIli 
et  des  trois  républiques  Farameka,  Luttika  et  Auka 
dans  la  Guyane  (1884).  Le  retard  extrême  du  réveil 
d'une  race  peut  tenir  au  non  établissement  d*une  co- 
lonie des  peuples  civilisés.  Les  blancs,  qui  s'enor- 
gueillissent aujourd'hui  de  leur  supériorité,  non** 
seulement  ne  durent  leur  civilisation  qu'à  une  im- 
po.  talion  pareille,  mais  ont  reçu  cette  importation 
fort  tard.  Qui  sait  si  les  Péiasges  d'Europe  ne  se- 
raient pas  restés  sauvages  comme  les  nègres  sans 
]*arrivee  des  Egyptiens  et  Phéniciens  en  Grèce,  en 
Italie,  en  Espagne?  Nos  aieux,  les  Atticots  d'Armo- 
rique  (1885)  étaient  encore  anthropophages  au  v* 
siècle.  Encore  aujourd'hui  les  Gareiiens  et  autres 
populations  finnoises  sont  aussi  abiutis  que  des 
sauvages. 

Le  pays  habité  par  les  nègres  énerve  l'activité  de 
l'homme* par  sa  douceur  et  sa  féi.oudité.  Il  est  meur- 
trier à  l'étranger  qui  importerait  une  idée  ou  un 
exemple.  Si  l'importation  n'a  pu  s'opérer  qu'impar- 
faitement par  les  races  métives  qui  s'élaborent  de- 
puis trente  siècles,  au  nord,  à  l'orient  et  au  snd  du 
continent  africain,  espérons  davantage  maintenant 
que  le  génie  remuant  des  Européens  modernes  a 
pris  possession  définitive  de  toutes  les  régions  tem- 
péiécs.  Ce  rapprochement  permettra  aussi  d'étudier 
avec  plus  de  soin  Ivs  races  qui  habitent  l'Afiique. 
Le  teint  pâle  et  les  cheveux  plats  des  Berbères  les 
ont  fait  houorablemeut  distinguer  des  Africains  vé- 
ritables ;  les  Nubiens,  Gall.is,  Boschimancs,  Hotten- 
lois,  Malgaches  ont  été  confondus  dans  Tanathètne 
qui  flétrit  le  nègre,  et  pourtant  ces  diverses  popula- 
tions portent  dans  leurs  traits  presque  autant  que 
certains  Berbères  un  certificat  d'origine  asiatique. 
On  vient  de  rattacher  à  la  même  origine  les  Foulles 
ou  FellaïaSy  race  entreprenante  et  voyageuse  qui 
traverse  en  tous  sens  le  cœur  de  l'Afrique  et  sem- 
ble appelée  à  y  propager  quel(|ue8  idées  d'organisa- 
tion hocrale.  La  tardive  révélation  émanera  donc 
du  centre  commun  d'où  la  lumière  a  rayonné  à  tous 

(1882)  l/idée  méprisante,  mit/iu,' mulet,  est  certaîne- 
menl  mêlée  à  celte  eipressiou  dans  le  sens  actuel,  puis- 
que la  charité  y  a  substitué  homme  de  couleur,  11  est  pos- 
sible, cependant,  que  rét^mologie  primitive  eut  un  autre 
sens.  Les  Espagnols  et  Portugais  qu>  l*employèrenl  les 
premiers,  disaieni  mulato.  que  Sitv.  de  Sacy  dérive  de 
tnalaouad,  engendré,  croise;  leroie  par  lequel  les  Arabes 


les  autres  peuples.  Dans  rAinériqQetrapkaIe,ii(s 
cauws  pareilles  à  celles  qui  énervent  l«s  nègre;  fi 
friqoe  produisent  déjà  de  semblable  effets  w\ 
race  blanche.  Des  chrétiens.  filsiodiiènesdiiPiMtv 
gai,  ont  été  trouvés  (1886)  virant  sans  uri»., 
sans  monnaie,  sans  sel  et  presoue  sans  yhi»m 
et  sans  religion,  dans  une  cotrtréedo  BrésA  oùlts 
troupeaux  sont  d^une  prodigieuse  féeondiié,  w<b 
vigne  donne  trois  récoltes  paran,  oèlelttoasierdi 
le  cotonnier  sont  toute  Tannée  eouvens  de  fieunfl 
de  fruits. 

Dans  quelques  siècles  d'ici,  les  eofanis  de  pt^ti 
blancs  auront  besoin  de  plusieurs  générations  èb- 
qoées  pour  ressaisir  les  hautes  nctdiés  de  km 
aieux  d'Europe.  Pourquoi  s'étonner  que  cesMitt 
ne  surgissent  pas  entières  dès  la  première  mhtt 
eonde  génération  des  nègres  de  nos  coionin?  Per- 
sonne ne  conteste  au  moins  que  Its  esluits  m 
créoles  ne  soient  supérieurs  par  rinteltigenee  i 
leurs  pères  importés.  Et  pourtant  si  le  tnvii)  de  re- 
celé a  été  complet,  il  manque  encore  à  rinflaerice^ 
la  famille  la  discipline,  le  point  d'bonaear,  iiper^ 
vérance,  la  dignité,  l'ambition  ! 

Avant  que  les  générations  aient  évalué  le  mtk 
entier  du  progrès,  assez  d*individuaHiés  pnTilé|}ée» 
ont  montré  que,  dans  le  procès  fait  à  la  nce  ncft, 
on  avait  tort  de  confondre  le  fait  de  réduoiiai 
avec  Faptitude  à  la  recevoir.  Un  seul  exemple  ér 
succès  suffirait  pour  mettre  l'éducabllilé  dehivï 
entière  hors  de  doute;  et  cesexemplesontétêBoe- 
breux.  On  cite  une  compilation  de  liltératare  oc^re 
(1887);  le  missionnaire  Oldendorp  Fa  grossie  d^paj 
d'un  choix  de  sermons  composés  par  des  prédica- 
teurs de  cette  race.  Commander  ou  assenir  h 
hommes  passe  poitr  une  combinaison  iotellecukik 
plus  haute  que  de  les  instruire,  et  la  race  w^tvj 
a  jamais  failli;  car  ses  tribus  n*ontiaiDa.sm)iM|M 
de  chefs,  ses  monarchies  de  roitelets,  ses  répsbt* 
ques  de  présidents'. 

Les  circonstances  au  milieu  desquelles sonU|t|»- 
rus  les  noirs  éminentspar  leur  caractère  ou  p^rteir 
esprit  sont  précisément  ce  que  rimpartialiié(k'.a4 
Considérer  pour  apprécier  les  résultats.  Au  lia  é-- 
cela,  le  préjugé  a  opposé  caractère  n^  î  ^«^' 
tère  blanc.  Un  ioumal  sodaliste  qui ,  à  aâi  ^< 
est  partisan  de  Végaliié  universelle ,  irottnitnasr 
vais  qu'on  cit4t  Toussaint  Louvertore  coflUKQ 
grand  homme  et  lui  opposait  son  contemporùiet 
son  vainqueur  Napoléon.  C*était,  oo  le  Toit,desa<^ 
der  à  Saint-Domingue  les  ressources  de  ïtm^^^ 
à  une  poignée  d'esclaves  révoltés  et  iUeitrcs  tesii 
lents  et  la  force  de  la  nation  française.  M.  d<?  Ai- 
les a  précisé  d'une  façon  plus  équitable  les  XfS^^ 
de  la  comparaison,  en  cherchant  dans  ijoeiqne  s^ 
dat' heureux  de  TOrient  et  dans  un  peuple Uane^ 
chu  depuis  plusieurs  siècles,  les  pantèsdesitttj^ 
les  résultats  dus  à  l'esprit  et  au  caractère  des  dtcis 
et  il  persiste  à  croire  que  ces  résultats  ne  snt  l^ 
tant  à  rhonneur  de  notre  peau  blandie  ai  li  ^^^ 
désavantage  du  masque  n^re. 

Qu'on  lise  comparativement  la  biograpbtf  <■ 
Toussaint  Louverture  dans  VUistoin  de  la  rmtr 
lion  de  Saint-Domingue,  par  le  général  PampbiM^ 
Lacroix,  et  les  biographies  d'Ibrabim-Pachi^* 
&léhémet^Ali  dans  les  livres  qui  ont  dit  U  Terûe^-' 
TEgypte  actuelle,  comme  ceux  de  Verûinhae  Si^- 
Maur,  Hamont,  Fontanier. 

Pi  ichard  a  noté  l'accord  universel  des  bwc  ' 
de  tonte  couleur  dahs  la  foi  à  usie  autre  vie,  ^^ 
des  peines  et  des  récoropeuses;  dans  le  re^S^  - 

afrioains  désignent  les  métis. 
(1883)  Pérégrinations  en  Orient,  par  Ecs.  m  ^»«^'^ 
(188*4)  Colombie  et  Gugane,  par  1*  amm. 

(1885)  Saint  JéiioiiE,<id  Jovin.,  lib.  n. 

(1886)  AcG.  DB  SAii«T-Hu.AfRE.  Vog  au  B»f^ 

(1887)  L*abbé  GaiGOiRB,  Littératures  deiftè§ro. 


.o . 


■  «.  ^   •»- 


ïoi» 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


ISTiO 


mortSf  en  un  mol  dans  Vidée  rdîgieate;  accord 
p(as  remarqoable  encore  par  la  nalare  iniime  de 
son  principe  d^acUon  que  par  les  manifesialions  de 
son  acthriié.  Ces  manifestations  peovent  èire  les  va- 
nations  des  tradiiiona;  la  ressenblance  des  senli- 
inents  iailmes  implique  Viinité  des  hommes  qui  les 
reçurent. 

Quel  dommage  que  IVidiard  ail  radiealemeol  af- 
faibli Teffet  de  ees  arguments  en  y  mélaol  el  tran- 
cbàiii  par  raflSrmatlTe  la  queslion  de  Time  des  bê- 
les !  L  échelle  des  âmes  esi  une  concession  lerrible 
aux  parlisans  de  Pécheile  des  organes.  Si  le  nègre 
est  intermédiaire  par  les  formes  au  blanc  el  aux 
singes,  son  àme  sera  aussi  la  moyenne  enlre  les  deux 
âmes  exirèmes. 


Priehard  est  on  peu  mieux  inspiré  quand  il  se 
fJicite,  au  nom  de  la  science,  de  Paccession  des 
races  noires  an  clirislianisme.  Lesvérilés  de  la  mo- 
rale cbrélienne ,  si  consolantes  pour  les  |humbles, 
sont  aussi  d*une  simplicité  à  la  portée  des  faibles 
d^esprit  :  il  n*esl  pas  besoin  de  hautes  facultés  pour 
les  comprendre.  Hais  le  Dieu  qui ,  dans  FEvangîle, 
la  dernière  formule  de  sa  manifestation ,  a  cessé 
d*admeUre  des  peuples  privil^iés  pour  proclamer 
tous  les  hommes  frères ,  a  ceruinement  impliqué 
que,  malgré  des  retards  temporaires,  le  jour  des 
mérites  el  de  la  dignité  sociale  luirait  enfin  ;po«r 
tous  (1888). 


NOTE   XX. 

'Art.  Sacrement,  §  II.) 
NOUVELLES  CONSIDÉRATIONS"  SUR  LA  NATURE  DU  SACREMENT. 


t»e  étude  consciencieuse  perce  bien  des  voiles  : 
ausbi  nous  fait-elle  découvrir  dans  rinstilution  des 
sacrements  des  raisons  aussi  solides  que  nom- 
breuses. 

La  première  et  la  plus  frappante  est  celle-ci  :  Si 
I^  homme  n*avait  point  eu  de  corps,  les  vrais  biens 
lui  eussent  été  donnés  dépouillés  de  toute  enveloppe 
étrangère  ;  mais  puisque  Tàme  est  unie  à  un  corps, 
il  fallail  que  les  choses  sensibles  fussent  pour  elle 
un  moyen  de  connaître  les  choses  invisibles.  C^est 
Tordre  de  la  nature  elle-même.  Rien  ne  nous  arrive 
à  rame  que  par  Tentremise  des  sens,  d*où  cet  ada- 
ge de  recelé  :  Sihil  est  in  inulUclu  quod  non  fnerit 
priuM  in  untu.  Je  ne  veux  pas  décider  que  celle  loi 
soit  absolue,  mais  enfin  elle  est  ordinaire,  naturelle; 
d*oà  il  suit  que  la  transmission  de  la  grâce  par  la 
▼oie  sensible  des  sacrements,  est  moins  étrange  que 
si  elle  avait  lieu  d*une  manière  immédiate  et  inu^ 
Cette  première  raison  se  fortifie  de  celle-ci  :  que 
la  grAce  ne  nous  étant  pas  acquise,  comme  la  con- 
capiscenee,  involontairement ^  ainsi  que  nous  Tavons 
observé,  il  faut  que  nous  y  correspondions.  Or, 
celle  correspondance  demande ,  de  la  part  de  Dieu, 
uo  avertissement  de  nous  y  disposer,  et,  de  notre 
pari,  la  manifestation  de  nous  y  soumettre;  ce  qui 
a  lieu  par  Tenlremise  des  sacrements,  qui  sont  com- 
me les  rendez- vous  de  la  grâce  de  Dieu  et  de  la  fi  • 
€l<'lité  de  Tbomme;  et  ce  qui  nécessite  d'autant  plus 
I  "emploi  de  ces  moyens  sensibles,  que  Tbommeest  |Kir- 
tie  correspondante  dans  celte  divine  communication. 
Notre  esprit,  d^ailleurs,  a  de  la  peine  à  croire  les 
choses  qui  ne  lui  sont  que  promises;  aussi  voyons- 
tious  que  tcute  Thi^ioire  de  la  religion,  depuis  sou 
ctiininencement,  présente  une  suite  de  signes  et  de 
ligures  par  lesquels  Dieu  rappelait  el  confirmait  h 
<*erlttude  de  ses  promesses,  il  était  donc  conforme 
^  O'tte  exigence  de  notre  esprit,  el  â  celte  conduite 
4Je  Dieu  que  Jesuc-Chrii^l,  en  nous  promettant  le 
pardon  de  nos  fautes,  la  grlœ  céleste,  et  la  com- 
fsiunication  du  Saint-Esprit,  élabUl  des  signes  sen- 
sibles qui  fussent  comme  des  gages  par  lesquels  il 
&.e  liait  envers  nous,  el  des  garants  infaillibles  de  sa 
iâUélité  k  exécuter  ses  promesses. 

N^oublions  pas,  ensuite,  que  Tbomme  est  appelé 
par  la  nature  ii  vivre  en  société  avec  ses  frères,  et 
Qtie  la  relision  a  pour  objet  de  rcssetrer  el  de  con- 
sacrer les  liens  de  celle  société.  Or,  aucune  société 
«i'^horomes,  à  quelque  religion  vraie  ou  fausse  qu'ils 
a  pp^rliennent,  ne  saurait  exister,  s'ils  ne  sont  liés 
p  âr  queb|ue  signe  ou  marque  sensible  qui  les  unisse 
c titre  eux,  el  qui  les  distingue  de  ceux  qui  sont  en 

(  1888)  Cf.  De  Salus,  ffisf .  génér.  des  races  iatmaims. 


dehors  de  celte  société.  Les  sacrements  produisent 
ce  ilouble  eflcl  :  ils  distinguent  les  chrétiens  d^  in- 
fid^es,  el  ils  sont  comme  un  lien  sacré  qui  les  relie 
entre  eux.  Par  les  sacrements,  nous  professons  ex- 
térieurement notre  foi,  et  nous  la  faisons  connaître 
devant  les  hommes.  Par  leur  commune  participa- 
tion, nous  sommes  d'auianl  plus  enflammes  de  celte 
charité  qui  doit  nous  animer  les  uns  pour  les  au- 
tres, qu'ils  nous  unissent  des  liens  les  plus  étroits  et 
les  plus  sacrés,  et  qu^ilt  nous  font  membres  d*nn 
seul  el  même  corps,  non-seulement  pour  Je  temps, 
mais  pour  Téieroité. 

Il  est  encore  une  antre  raison  de  rinslitution  des 
sacrements ,  bien  importante  aux  yeux  de  la  piété 
chrétienne  :  c'est  qu'ils  domptent  et  qu'ils  répri* 
nient  l'orgueil  de  l'esprit  humain,  et  qu'ils  nous 
forcent  à  h  pratique  de  Thu milité.  Nous  avions 
abandonné  Dieu  d'une  manière  outrageante ,  pour 
nous  livrer  aux  créatures  ;  et,  par  les  sacrements, 
nous  sommes  foic^  de  dépendre  des  choses  sensi^ 
blés  pour  obéir  aux  volontés  de  Dieu. 

Enfin,  il  est  une  raison  plus  profonde  et  plus  im- 
médiate encore. 

Par  le  fait,  — et  les  traditions  universelles,  d^accord 
avec  la  hante  philosophie,  nous  en  ont  assez  dit  la 
cause,  —  rhomme ,  intetligenee  servie  par  les  or- 
ganes, était  devenu  charnel  et  grossier  ;  son  kmn 
s'était  épissie  jusqu'à  s'identifier  avec  la  chair,  où, 
selon  l'expression  d'un  ancien,  cite  par  Cicéron,W/e 
est  eHS€pelie  comme  dans  un  tombeau  ;  de  plus  en 
plus  passée  dans  les  sens  et  lout  au  dehors,  elle 
ne  voyait  plus  rien  ,  elle  n'entendait  plus  rien 
des  choses  de  l'esprit,  et  les  portes  du  monde 
invisible  s'étaient ,  pour  ainsi  dire ,  refermées 
sur  elle.  Pour  se  redonner  â  l'homme,  il  fallail  que 
h  raison  divine  adaptât  ses  communications  à 
nuire  infirmité.  Il  fallait  qu'elle  sortit  elle-même  des 
profondeurs  de  l'invisible  el  de  l'absolu,  et  qu'elle 
se  signalât  à  nos  yeux  sous  une  forme  et  par  des 
attributs  extérieurs  el  sensibles,  afin  de  rentrer  en- 
suite par  les  portes  des  sens  au  dedans  de  nous,  et 
d'y  rééilifier  Vhomme  spiritueL  11  fallail  qu'elle  sui- 
vit rhomme  dans  la  voie  où  il  s'était  égaré,  et  que, 
le  prenant  à  celte  extrémité,  elle  le  Ot  remonter  par 
le  même  chemin,  de  la  chair  à  l'esprit,  du  visible  à 
riiivisible,  de  la  foi  à  rintelligence,  des  ténèbres  à 
la  lumière.  A  cet  eflet,  il  fallait  qu*elle-méme  se 
proportionnât  à  la  faiblesse  de  noire  vue  en  se  voi- 
lant, se  fît  visible  et  charnelle,  et  que  toutes  les 
vertus  qu'elle  voulait  nous  faire  pratiquer,  elle  les 
Ht  entendre  aux  oieilles ,  elle  les  représentât  aux 


1551 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


m 


TPus,  elleles  fil  loucher  aux  msiins,  elle  les  inocu- 
lai enfln  à  travers  celte  même  chair  spirilualLée  par 
la  grâce,  comme  dans  Téiat  de  nalure  fesprit  avaîi 
été  eharnalisé  par  le  péché...  Notre  étal  de  maladie 
exigeait  qu'elle  sinfusàt  ainsi  à  l'état  d*incaroation 
et  de  foi,  pour  éclater  ensuite  intérieurement  à  r<^ 
tat  de  raison  pure  et  dltilelitgence. 

L*union  intime  de  la  nature  divine  et  de  la  na- 
ture humaine,  le  Verbe  fait  chair,  est  le  fait  radical 
du  christianisme.  La  religion  tout  entière  doit  por- 
ter sur  cette  union,  elle  doit  être  toute  pénétrée 
des  conséquences  oui  en  découlent  :  on  doit  trou- 
ver dans  chacune  de  s'^s  partif  s  comme  un  rejail- 
lissement de  rincarnatiou  (iS89)  ! 

Jl  y  aurait  de  Tincons^uence  à  prendre  isolé- 
ment'le  dogme  de  Tîncarnation,  pour  admettre  en- 
suite des  communications  immâiates  et  purement 
spirituelles  entre  Dieu  et  Thomme;  car  pourquoi 
Dieu  se  serait -il  incarné,  si  ce  n*est  parce  que  la 
nature  humaine  avait  besoin  d*un  médiateur^  et 
d'un  médiateur  visible.  Le  Verbe  éternel  ne  serait 
donc  venu  un  moment  sur  cette  terre  que  pour  re- 
vêtir notre  chair  comme  un  manteau  de  théâtre,  et, 
son  rôle  historique  fini,  nous  laisser,  comme  de- 
Yant,  sans  communication  avec  le  monde  Invisible, 
et  obligés  en  quelque  sorte,  selon  la  belle  expres- 
sion de  saioi  raul,  de  chercher  Dieu  avec  ie$  maim 
et  comme  à  làtous  ?  Non  !  il  est  venu  fonder  un 
ordre  nouveau,  fondé  lui-même*  sur  rincarnatiou, 
sur  la  médiation  visible  de  la  vérité ,  qui,  selon  Fex- 
pr«*ssion  de  Bossuet,  est  devenue  personnellement 


résidante  parmi  les  hommes  ;  et  c*est  &  cHtc  fit 
qu'il  a  établi  une  Ëglise  dans  la  parole  de  Ut{^elk 
sa  doctrine  est  incarnée,  comme  sa  grâce  restau 
les  sacrements. 

C'est  ce  qui  fait  ou^il  D*y  a  de  vrai  cbrisltuime 
que  dans  le  catholicisme,  parce  que  le  catkoii* 
cisme.  porte  tout  entier  dans  rensôgnemesi  éc 
sa  doctrine,  dans  radminîstration  des  ucrfiieitts. 
et  jusque  dans  son  culte  et  ses  cérémonies,  sarda 
relations  du  même  genre,  et  qa*il  est  dans  ion  o- 
semble  comme  un  magnifique  rayonnemeoi  de  ru- 
carnation;  tandis  que  te  protestantisme,  en  il«- 
trayant  le  christianisme,  en  lui  retranchuitjUNiUi 
ses  relations  sensibles,  en  a  fait  une  incon&éqKOR 
dîsi^lvanie  ()ul,  de  proche  eu  proche,  a  g)|iK  p 
qu*an  principe,  jnsqu^au  dogme  de  rinarnitMa, 
lequel  a  expiré  dans  Tisolement  et  s'est  éfsim 
dans  le  vide,  ne  laissant  après  loi  que  le  sociiiiunsDC, 
que  le  déisme,  où  on  devait  aboutir  par  là  oéoei- 
sairement. 

Les  sacrements  sont  donc  comme  les  wpm 
divins  de  Tincarnation  ;  c'est  par  eux  <|ne  rionr- 
nation  divine  de  Jésus-Christ  se  particaUrise  ej 
chacun  de  nous,  et  que  tous  les  fidèles  devieBoefii, 
avec  leur  divin  Médiateur,  comme  un  sent  coqs 
mystique,  où  il  vit  en  eux  et  eux  en  lui. 

C'est  ainsi  que  l'institution  des  santmems  se 
justiûe  par  des  raisons  aussi  fortes  que  nomb  et». 
et  que  tout  concourt  à  nous  découvrir  danslediris- 
liaiiisme  bien  étudié  et  bien  compris  uue  ^^ 
phie  transcendante. 


NOTE  XXI. 

(Art.  Tentation  de  Jésus-Christ.} 

LA  TENTATION  DE  JÉSUS-CHRIST  D'APRÈS  LE  DOCTEUR  SBPP,  CÉLth»7 

ORATEUR  DE  L'ASSEMBLÉE  DE  FRANCFORT. 


;i.e  rejeton  d*Aaron,  sous  les  auspices  du  Dieu 
du  ciel,  avait  sacré  le  (ils  de  David  prêtre,  roi  et 
prophète  de  la  nouvelle  alliance,  et  Jésus,  mainte- 
nant consacré  pour  sa  mission  «  est  conduit  par  Vv%' 
Îirit  dans  le  désert.  Ce  désert  est  situé  dans  TAra- 
»ie  Pétrée,  au  delà  de  ce  gouifre  infernal  qui  p|urte 
le  triste  nom  de  mer  Morte,  puisque  Jean  baptisait 
dans  le  territoire  qui  s'étend  au  delà  du  Jourdain, 
l/ocuvre  qu'allait  accomplir  le  Messie  était  le  com- 
bat contre  l'enfer.  Le  prix  de  ce  combat  était  le 
salut  du  monde.  Le  Sauveur  allait  apprendre  à  tous 
les  hommes  à  vaincre  la  tentation  et  à  triompher 
du  corrupteur  de  l'humanité.  Dans  cette  lutte  for- 
midable, tous  avaient  échoué  jusqu'alors,  parce 
qii'i's  portaient  dans  leur  propre  chair  l'ennemi 
qu'ils  devaient  combattre.  Le  Nazaréen  pouvait  seul 
soutenir  ce  combat,  parce  qu'il  n'avait  pas  à  com- 
battre Satan  dans  son  propre  cœur.  S*il  ne  triom- 
phait pas,  l'humanité  était  perdue  sans  ressource, 
et  restant  sans  guide  ni  modèle,  peur  savoir  com- 
ment elle  devait  résister  à  la  tentation,  elle  tombait 
dans  l'abtme  éternel.  Le  tentateur  du  Fils  de  Dieu, 
né  de  la  femme,  s'approche  alors  et  vient  lui  faire 
subir  dans  la  triple  sphère  de  sa  personnalité  ter- 
restre, dans  la  région  des  sens,  dans  celle  de  la 
morale  et  dans  celle  de  l'esprit,  la  même  épreuve 
dans  laquelle  le  premier  représentant  du  genre  hu- 
main, Adam,  avait  naguère  succombé,  et  la  lutte 
commence  entre  le  dragon  infernal  et  le  descen- 
dant de  la  femme  qui  devait  lui  écraser  la  tète. 

Le  Rédempteur  commence  l'œuvre  de  la  déli 
vraiice  par  lui-même,  en  restant  quarante  jours 
sans  boire  ni  manger,  cpmme  ses  deux  modèles. 
Moïse  au  Sinaî  et  Elie  à  Horeb.  Il  demeure  pendant 


ce  temps-là  dans  la  retraite,  jpow  montrer  b  b^- 
cessité  de  se  rendre  d*aborJ  mailre  de  ses  i«- 
piessions  sensibles,  et  pour  attaquer  TigovreAc- 
ment  le  mal  dans  son  empire. 

Le  nombre  quarante  est  4in  espace  de  temps  «» 
sacré  par  de  grands  mystères  dans  tout  reosenh^ 
de  rancienne  alliance.  La  pluie  du  déluge  i^ri 
quarante  jours.  Joseph  pleura  son  pcreenEgyi^ 
pendant  autant  de  temps.  Les  eiploralears  csfl9}v> 

{lar  Moïse  mirent  quarante  jours  à  se  rendre  duL* 
e  pays  d*I&rac|.  Probablement  1^  apôtres  ei  » 
disciples  de  Jésus  en  mirent  autant  pour  aNer  7 
piêcher  le  royaume  de  Dieu.  Goliath  éiab  smô?- 
gued  pendant  quarante  jours,  jusqu'au  nonMoi  h 
David  le  terrassa.  Quarante  jours  sont  épkmm 
accordés  à  Ninive  pour  sa  conversion.  Li  pênoôe 
normale  de  la  fonction  de  juge  dans  l'âge  bêfi4*i' 
du  peuple  est  enfin  de  quarante  années.  Mms  « 
même  que  chaque  prophète  symbolisait  dais  a  «^ 
la  vie  même  du  peuple  de  Dieu,  de  mèm  k  ^ 
dempteur  passe  maintenant  quarante  jours  <i»»if 
désert,  à  l'image  des  quarante  années  pesdasl  h 
quelles  le  peuple  d'fsraél  s'était  préparé  dass  k^ 
sert  à  la  prise  de  possession  de  hi  terre  pn«K 
comme  aussi  pendant  quarante  sièdes  Yim»^ 
entière,  dans  sa  pérégrmation  terrestre,  ânK  ^ 
tendu  jusqu'à  ce  moment  avec  impatienfc  ii  if 
demption  et  rentrée  dans  le  royausne  de  Urfv.  ^' 
nombre  mystique  de  quarante  se  retrouve  wiÀ^ 

Ïdusieurs  circonstances  remarquables  de  U  ^  ' 
^hrist«  En  effet,  il  est  présente  an  temple  qu"** 
jours  après  sa  naissance  ;  quarante  jours  s^*^  "^ 
passion  il  esl  eicomroonié  par  la  Synagtigae;  ^t^ 
rante  jours  après  sa  mort  ii  monté  gloriesS'^ 


(1889)  InlTodwtion  à  Cétude  des  vérités  chuHiewies,  par  M.  l'abbé  Gebbet 


r,a5 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


I5>» 


su  ciel.  L*£|;tise,  animée  d*an  insUncl  divin,  a  senli 
Piroponance  de  ce  ifombre  mystique,  el  Ta  cunaacré 
par  le  jeûne  du  earème. 

A  respiration  du  jeàne  du  Sauveur,  le  tentateur 
apparaît  pour  corrompre  Ui  second  Adam,  comme 
il  avait  séduit  le  premier,  et  de  même  qn*il  avait 
entraioé  le  père  du  genre  humain  à  manger  le  finit 
J^feodo,  il  veut  pousser  le  Rédempteur  do  monde 
i  se  servir  de  sa  puissance  miraculeuse  pour  la  sa  • 
lisfaction  d*nn  besoin  corporel.  Il  le  presse ,  afin 
d'introduire  en  loi  Tardent  désir  de  la  ^ie  terrestre, 
lui  qui  devait  faire  sa  nourriture  véritable  de  la  vie 
Je  s«Mi  Père. 

Hais  le  nouvel  Adam  devait  apprendre  aux  hom- 
mes qu*ii  était  le  véritable  pain  de  vie.  Il  ne  voulait 
pas  nous  offrir  une  nouirilure  terrestre,  mais  il  se 
proposait  bien  plutôt  de  nous  mériter  un  sublime 
ilimenl  qui  vient  de  Dieu  et  quMl  assurait  k  Tbu- 
ma  ni  lé  (lar  son  incarnation.  Il  repousse  donc  le  ten- 
laleiir  par  ces  parol>>s  :  c  L*bomme  ne  vit  pas  seu- 
lement de  pain,  mais  de  la  parole  qui  vient  de  la 
[K>u€lie  de  Dieu,  i  Par  \k  il  d&larait  non-seul«*ment 
|u*il  était  le  Aôyoç  issu  de  Dieu,  mais  aussi  qu^il 
Hart  la  céleste  Eucharistie,  véritable  alimeut  de  vie 
Irstiné  à  rbuniaiiiié  languissante. 

I>e  li*iil»teur  emmène  alors  Jésus  sur  un  mont 
Hevé,  qui,  selon  Fopiuion  po|«ulaire  et  la  tradition, 
si  la  montagne  Quaraniama,  près  de  Jéricho.  (Test 
loe  grande  montagne  calcaire,  remplie  de  caver- 
M^,  dnut  le  sommet  est  difficile  à  atteindre,  et  qui 
»V<éTe  en  face  du  mont  Abarim,  du  sommet  duquel 
4 Oise  vit  la  terre  promise.  Le  uom  qo*elle  porte 
Micore  vient  de  la  tentation  de  quarante  jours. 
Jhauve  et  stérile  jusqu'à  son  sommet,  elle  s^élève 
Ml  face  de  la  montagne  où  furent  prècbées  les  sept 
téatiuides ,  comme  la  montagne  du  malheur ,  de 
nème  que  la  mer  Uorte  déroule  ses  eaux  croupis- 
santes en  face  du  lac  de  Gt^nésaretb.  Mais  de  son 
(ommet  la  vue  découvre  Fancien  pays  des  Amor- 
iLr%  jusque  bien  avant  vers  Test  ;  en  remontant 
rers  le  nord,  les  territoires  de  Galaad  et  de  Ba»ao, 
>:  vaste  héritage  des  tiibus  de  Ruben,  de  Gad  et  de 
lanassé;  vers  le  sud  et  vers  Touest,  dans  un  rayon 
rés-étendu,  les  montagnes  et  les  pays  voisins,  et 
e  regard  se  prolonge  même  jusqo*auz  frontières  de 
'Idomée.  Poeocke  regarde  cette  montagne  comme 

I  plus  haute  de  la  Judée.  C^est  sur  son  sommet 
[ue  le  tentateur  conduit  Jésus,  et  de  ià  lui  mou- 
rant tous  les  royaumes  du  monde,  il  lui  dit  :  c  Je 
e  doi.oerai  la  souveraineté  sur  tous  ces  pays,  si  tu 
eux  te  prosterner  devant  moî  et  m*adorer.  » 

Dans  ropiiiion  des  Orientaux ,  Jérusalem  est  le 
entre  de  la  terre.  Le  Quarantania  ou  ia  montagne 
le  la  Tentation,  éloignée  d'une  lieue  de  la  ville  des 
alctti^-rs,  <  si  id  comme  le  Mérou,  le  mont  mythique, 
éjuar  des  dieux  chez  les  Hindous,  le  sommet  le 
lus  élevé  de  THimalaya,  la  base  et  le  centre  de  la 
prre,  qu*eovironaent  les  sept  Dwipas,  ou  les  sept 
es  ées  peuples,  c*est-ài-dire  que  toute  la  nature 
^rrestre  entoure,  ei  d*où  les  quatre  fleuves  se  ré- 
andeot  virrs  les  quatre  parties  du  monde.  Le  prince 
e  l'enfer  présente  au  Messie  le  miroir  enchanté  dans 
^quel  apparaissent  à  ses  regards  tous  les  royaumes 
e  la  terre  :  il  lui  insinue  de  fonder,  en  qualité  de 
[t'ssie  du  monde  terrestre,  son  royaume  sur  ia 
r>iH|uète,  et  d*entrer  par  là  à  son  service  comme 
it  vassal  obéissant.  Il  lui  offre  même  son  appui 
vec  une  impudence  infernale,  %fin  d'essayer  de 
ffidre  la  rédemption  illusoire,  et  ébloui  par  les 
ommages  que  lui  rendent  les  nations  prosternées 

II  pied  de  ses  autels,  il  ose  se  mettre  à  la  place 
e  Dieu. 

Mais  rUomme-Dieu  résiste  à  la  tenution  d^élever 
n  royaume  terrestre  et  de  devenir  ce  puissant 
)uverain  qui,  comme  le  pensaient  les  Juifs,  devait, 
après  les  paroles  delj  pi  optiétie,  sortir  de  TOricnt. 

rcluse  de  recevoir  en  qualité  de  faux  messie  la 


foi  et  l'hommage  des  pt^uples,  et  dit  :  //  etf  écrit  : 
Tu  adoreroM  le  Seigneur  ton  Dku  et  tu  ne  serrtrns 
que  lui. 

Alors  le  tentateur  s*approclie  une  troisième  fols, 
il  remmène  et  le  place  sur  le  sommet  le  plus  élevé 
du  temple,  en  lui  disant  :  Si  f»  es  le  FiU  de  Dieu^ 
jette-toi  eu  ba$^  car  il  est  écrit  :  Il  a  ordonné  à  u$ 
auge$9  i^  ^  porteront  dan»  leur$  mains^  afin  que  tes 
ptêof  ne  u  heurtent  contre  aucune  fierté.  Câalt  la 
plus  grande  tentation  dirigée  contre  son  intellicence. 
Satan  se  servait  d'une  fausse  interprétation  de  TE- 
criture  pour  éveiller  dans  le  Sauveur  un  mouvement 
d*orgoetI  présomptueux.  Cest  cette  même  tciitaliou 
dont  le  calomniateur  se  servit  pour  perdre  le  pre- 
mier homme ,  lorsqu'il  lui  dit  :  Si  ton»  faite$  ceia^ 
tos  yeux  s'ouvriront  et  vous  serez  égaux  à  Dieu. 

Que  Ton  remarque  ici  comment  le  diable  cherche 
à  déterminer  son  esprit  au  moyen  de  sentence»  de 
la  Bible.  Et  comme  il  a  Fimpudeoce  de  lui  inter- 
préter rEcriture.  comme  s'il  prévoyait  l'époque  où 
le  protestantisme  devait  être  élevé  josqua  la  hau- 
teur d'une  religion,  et  l'abus  que  feraient  de  FEcri- 
lure  tous  ceux  qui,  a^t héraut  à  son  principe  de  cou- 
tradiaion,  s'arrogeraient  le  même  droX 

Satan  dit  :  Ils  le  porteront  sur  leurs  mains ^  afin 
que  ton  pied  ne  se  heurte  à  aucune  pierre.  Il  détache 
arbitrairement  une  sentence  qui  doit  ùvoriser  ses 
desseins,  mais  il  n'ajoute  pas  ce  qui  suit  immétlia- 
tement  après  :  Et  tu  marcheras  sur  le  serpent  et  U 
basilic^  ce  qui  propbéiisait  précisément  1^  ruine  du 
démon,  c'est-à-diie  que  le  Sauveur  écraseiait  !a 
tèle  du  serpent.  C'est  ainsi  qu'agisse  tl»shciési- 
arques  dans  tous  les  temps  ;  ils  disent,  par  eie»*ple, 
contre  le  jeûne  :  Ce  aui  entre  dans  la  bouche  ne 
souille  pas  Chomme.  Mais  ils  font  semblant  d'igno- 
rer une  le  fruit  défendu  a  causé  la  chute  d*Adam  ; 
que  le  Christ  lui-même  a  jeûné  dans  le  désert  ;  que 
la  désobéissance  sufiit  pour  souiller  l'Ame,  et  que 
Jésus^Christ  nous  a  ordonné  de  jeûner  lorsqu'il  se- 
rait au  ciel.  —  Ils  disent  que  l'humiliante  confession 
est  une  chose  insensée,  car  Dieu  sonde  les  cœurs 
et  les  reins  :  mais  ils  oublient  que  Ji*aii-B  ptisle 
déjà  Ta  exigée;  que  le  Christ  lui-même  s'est  mis  au 
rang  des  pécheurs  et  a  reconnu  être  chaque  des 
péchés  de  tous  les  hommes,  et  qu'il  est  dit  dans 
l'Ecriture  :  Les  péchés  seront  remis  à  ceux  à  qut 
tous  les  remettre]^  etc.  Ils  nient  toute  autorité' en 
matière  de  foi,  la  sentence  du  Christ  :  Tu  es  U 
pierre  sur  laquelle  [e  bâtis  mon  égliu^^  ne  b  ur  pa- 
raîj^sant  pas  assex  significative  ;  ils  ne  réfléchissent 
pas  assez  que  J^us-Chrjst  n*a  pas  hésité  à  dire  : 
Que  celui  qui  nUcoute  pas  fEaliu  soit  pour  toi  comme 
un  païen  et  un  publicain,  U  en  est  de  même  eu 
toute  chose!  ils  ont  toujours  rEcriture  daus  la 
bouche,  ils  s*en  servent  coinnio  Satan  quaud  il  cher- 
chait à  se  jouer  du  Christ. 

Sur  le  c6té  nord  du  temple  s'élevaient  à  une  pro- 
digieuse hauteur  les  créneaux  de  la  tour  Anton  ia, 
dont  on  voit  encore  aujourd'hui  les  fondations.  Crtie 
foiteresse  dominait  toute  la  sombre  vallée  qui  s'en- 
fonce entre  Sioo,  Muria  et  Acre ,  et  regardait  les 
quatre  p.rties  du  monde.  Elle  était  si  hardiment 
construite,  que  de  là  on  vovait  jusqu'à  ilébron,  dans 
les  provinces  du  sud.  i  C'était,  dit  Joséphe,  une 
construction  étonnante,  telle  qu'on  n*en  peut  voir 
nulle  part  de  plus  admiiable,  car  ce  vallon  était  si 
profond,  que,  lorsqu'on  regardait  en  bas,  la  vue  se 
perdait  dans  les  abimes.  Au  haui  de  la  tour,  Hérode 
fit  bâtir  encore  un  portique  d'une  telle  hardiesse, 
que,  lorsque  quelqu'un  montait  eu  dehors,  jusque 
sur  la  pointe,  pour  regard<  r  eu  «même  u  mps  les 
deux  monts  placés  au-dis&ous,  il  counit  danger 
d'être  pris  de  veitige  avant  que  ses  yeux  eussent 
aperçu  le  fond  de  la  vallée.  • 

C'ea  là  que  le  tentateur  avait  emmené  le  divin 
Sauveur,  et  qu'à  cette  hauteur,  faite  pour  donner 
des  vertiges,  il  avait  insisté  pi  es  de  lui  en  lui  di- 


15^5 


DUn  lONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


saiU  :  Jette-toi  dans  cet  abîme  effrayant ^  il  ne  C arri- 
vera aucun  mal. 

Mais  le  Seigneur,  méprisanC  la  fausse  lumière 
(|u<i  lui  présenie  Lucifer  et  dédaignant  ces  perGdes 
iiHjerprëtations  de  rEcrilure,  refusa  d*abuser  de  sa 
puissance  miraculeuse.  11  repoussa  donc  le  tenta- 
teur en  lui  disant  :  Retire  toi^  Satan,  car  il  est  écrit  : 
Tu  ne  tenteras  pas  le  Seigneur  ton  Dieu.  Comme  dans 
les  épreuves  précédentes,  il  le  repoussa  par  des  pa- 
roles de  TEcriture  sainte ,  interprétées  dans  leur 
i^éritabte  sens. 

Alors,  Tesprit  de  mensonge  s*enfuit.  Le  fantôme 
qui  ne  résidait  pas  seulement  dans  l'imagination  du 
Sauveur»  mais  que  Satan  lui  avait  réellement  fait 
apparaître,  disparut;  le  Sauveur  se  retrouva  seul 
dans  le  d^rt,  des  an^es  descendirent  et  le  servi- 
rent, il  se  trouva  au. milieu  des  bêtes  féroces;  mais, 
les  lions  et  les  chacals  ne  lui  flrent  point  de  mal. 
1^  rapport  primitif  qui  a  existé  entre  le  premier 
Adam  et  toute  la  création  du  monde  animal,  rapport 
«lui  s*est  établi  pour  quelque  temps  en  faveur  de 
rsoé,  le  second  père  du  genre  humain,  se  trouve 
maintenant  reconstitué  par  le  Hédempteur.  Les  bêtes 
féroCi'S  se  sentent  attirées  vers  lui.  Nous  rencon- 
trons à  plusieurs  reprises  ce  phénomène  dans  Tbis- 
ioire  de  beaucouu  do  saints,  chez  lesquels  les  bar- 
rières du  p^he  s^étaieut  abaissées  de  la  même 
manière,  |  ar  exemple,  chez  saint  François  et  saint 
l;;nace.  Les  anges  descendent  ici»bas  pour  servir  le 
Kédempteur,  d6  même  que  dans  les  anciens  temps 
ils  fréquentaient  les  patriarches  et  les  prophètes. 

Le  chacal  parcourt  encore  aujourd'hui  pendant 
la  nuit  les  rues  des  villages  de  la  Palestine.  Le  lion 
est  encore  aujourd'hui  le  roi  du  désert  d*Arabie, 
où  il  s*est  retiré,  tandis  que,  dans  le  xu'  siècle,  du 
temps  du  moine  Pliocas  (1690),  il  venait  jusque  sur 
les  bords  boisés  du  Jourdain.  On  le  rencontre  en- 
core dans  les  solitudes  du  Carmel,  taudis  que  la 
panthère,  le  tigre  et  le  léopard  errent  plus  iôin  à 
travers  la  terre  sainte. 

Ainsi  Ta  paix  du  monde,  la  paix  entre  le  Créateur 
et  la  créature,  était  provisoirement  rétablie,  et 
la  triple  tentation  sous  laquelle  Adam  succomba, 
savoir,  la  concupiscence  de  ta  chair^  la  curiosité  des 
f/eiio;  et  Corgueil  de  la  vie,  qui,  depuis  sa  faute,  s^é- 
taient  étendus  à  tout  le  genre  humain,  furent  vain- 
cus par  lé  second  Adam  Et  c'est  ici  eue  se  montre 
le  rapport  de  la  nature  humaine  et  divine  dans  le 
Christ.  Le  Fils  de  l'homme,  selon  la  parole  de  l'A- 
Pl^tre,  ne  regarde  pas  comme  un  vol  de  s'être  con- 
sidéré égal  a  Dieu  :  mais  ce  qui  fît  sa  gloire,  c'est 
qu'il  se  soumit  entièrement  à  la  volonté  de  son  Père 
céleste,  qu'il  dédaigna  de  rechercher  les  jouissances 
terrestres,  et  qu'il  ne  voulut  pas  obtenir  uu  royaume 
dans  ce  monde. 

Maii  quand  THercule  divin  eut  blessé  mortelle- 
ment le  dragon  qui  gardait  la  voie  céleste,  quand 
il  eut  écrasé  la  tète  du  serpent  infernal,  il  fut  donné 
alors  à  Thumanité  de  combattre  l'enfer  et  le  pécbéi 
et  d'accomplir,  sur  tes  traces  du  Christ  et  de  ses 
saints,  sur  le  sommet  des  montagnes,  le  pèlerinase 
qui  conduit  vers  la  sainte  cité  de  Dieu,  vers  la  Jé- 
rusalem céleste,  en  suivant  la  route  que  doivent 
parcourir  tous  ceux  qui  veulent  arriver  a  la  perfec- 
tion. 

L'esprit  de  Tablme  qui,  à  la  mort  de  Jésus,  se 
déclara  vaincu  par  la  bouche  de  ses  oracles,  cet  es- 
prit infernal  oui  avait  tenté  le  Messie,  apparut  plus 
tard,  sous  la  forme  d'une  lumière,  dans  la  caverne 
liera,  au  prophète  de  la  Mecque,  L'Arabe  aveuglé, 
en  se  prosternant  devant  lui,  rendit  hommage  au 
principe  du  mal,  en  sorte  qu'il  succomba  dans  cette 
épreuve  suprême,  et  que,  dans  la  suite  de  son  exis- 
teuce,  il  opposa  les  plaisirs  des  sens  à  l'abnégation 


chrétienne,  et  la  doctrine  de  la  fatalité  paieniK  i 
celle  de  la  providt^nce  divine.  Au  lien  de  conquérir 
b  terre  oar  la  puissance  pacifique  delà  religi(Ki,ii 
préféra  faire  appel  au  sabre,  il  devint  par  là  oiéne, 
tout  en  dominant  les  peuples,  un  vasial.d«  m 
•sombre  puissance  du  inal,  qui  loi  avait  dit:  itu 
donnerai  toute  cela  si  tu  te  prosterna  ieîw  noi 
et  si  lu  m'adores.  Le  matur»  de  l'abîme,  pràâpiiéiJfl 
trône  de  la  souveraineté  universelle,  s'est  dédom- 
magé plus  tard,  sur  une  moitié  de  la  terre,  de  Ii 
défaite  que  Jésus-Christ  lui  avait  fait  essuyer  dan> 
le  désert,  son  étrange  demeure. 

Quand  le  judaïsme  et  le  paganisme  eurent,  dans 
le  pays  du  midi,  réuni  leurs  forces  contre  ïF^xv, 
l'f^sprit  infernal  ne  resta  pas  pour  cela  dans  litDc- 
tion,  et  il  ne  cessa,  dans  les  régions  da  nord,  d'at- 
taquer l'empire  de  celui  qui  l'avait  auU'efoistemsÀ 
ei  de  faire,  autant  qu'il  le  pouvait,  rétrograder  le 
genre  humain  vers  le  passé,  quoiqu'il  nepjiljafliui 
reconquérir  tout  ce  qu'il  avait  perdu. 

L'esprit  de  discorde  qui,  dans  tons  les  séh, 
avait  attaqué  l'Eglise  de  Dieu,  comprit  an  jourli 
nécessité  de  concentrer  contre  elle  toutes  les  fortes 
de  l'erreur.  Pour  élever  en  face  de  rislamisme  see 
puissance  formidable,  il  réunit  toutes  les  no- 
tions du  nord  contre  TEglise  universelle;  il  cruniu 
de  nouveau  le  Christ  dans  son  EgUse  entre  dctii 
larrons,  entre  Mahomet  et  Luther! 

Quand  ce  projet  est  arrêté,  le  tentateur  se  pr^ 
sente  à  la  Wartbourg,  devant  le  moine  saxon.  Daii 
une  première  épreuve,  il  l'attaqua  par  1«  phiârt 
des  sens,  et  il  lui  dit  :  c  Si  tu  es  le  rélormatem 
que  la  terre  attend,  parle,  et  que  toute  chair  $« 
ranime.  >  Le  moine  alors,  tlévoré  par  le&  fetti  ^ 
l'enfer,  abolit  le  jeûne  et  la  conunaice,  à  iii^ 
desquels  le  Christ  lui-même  avait  vaincu  Sàta&.U 
lit  un  appel  à  toutes  les  passions  humâmes  :  il  a^ 
lit  le  célibat  des  clercs;  il  leur  donna  Ini-métoek 
premier  l'exemple  d'une  union  scandaleuse,  eib 
moitié  des  prêtres  se  rangea  sous  ses  éteidanb. 
Alors,  du  haut  de  cette  montagne  de  la  ^artboar;, 
le  tentateur,  lui  montrant  tous  les  ropaiac»  <^ 
nord,  lui  dit  :  i  Vois,  je  te  donnerai  tout  ceia»n 
me  leconnais  pour  ton  maître,  et  si  ta  confiais 
glaive  le  sort  du  nouvel  évangile,  i  Le  moine  t^^- 
tieux  souscrivit  à  la  demande  du  déoioo  :  il  sxnia 
à  l'Etat  la  liberté  de  l'Eglise  :  il  jeu  dans  m 
magne  un  brandon  de  diseorde.  Sa  parole  brûiaiiie 
fit  d*abord  appel  à  la  noblesse,  il  réunit  swij  i^ 
drapeaux  les  forces  de  raristocratie.  Sur  les  ^^^ 
du  Rhin,  il  leva  le  glaive  au  milieu  des  cbnai^ 
pour  enlever  la  pure  fiancée  du  Christ,  et  s'eniiff^ 
de  ses  trésors.  Ensuite  on  présenta  aux  sa^^  ^ 
tous  les  rangs  la  pensée  de  s^emparer  i  leur  p"*^ 
des  doctrines  de  sa  réforme.  Les  pasûous  dàsat»- 
giques  s'enflammèrent ,  et  la  guerre  des  pay^" 
éclata.  Les  princes  leur  arrachèrent  le  glaive  ^^ 
mains  après  leur  victoire,  ils  tournèrent  leirsIoR'» 
contre  la  monarchie,  et  une  guerre  civile  de^ 
ans  compléta  le  triomphe  du  nouvel  énm^  ^ 
séducteur,  après  avoir  attaqué  le  moioe  oas  'f^ 
sens  et  dans  la  volonté,  s'adress^i  à  son  iDtelliF<>^-< 
et  lui  dit  :  f  Si  tu  es  le  nouvel  apôtre,  mets-ti^» 
dessus  de  toute  autorité  ;  préeipite-toi  dans  fil» 
de  la  science  que  la  Bible  ouvre  devant  tes  ^ 
tu  liras  dans  le  livre  sacré  :  la  foi  seule  »Btt 
Le  Saxon  aveuglé  souscrit  à  oeue  perfide  dc0i^' 
il  ouvrit  le  livre  aux  &ept  sceaux  ;  il  éleva  U  ^ 
morte  au  rang  de  règle  de  la  foi.  La  griiœqv''- 
superflues  les  bonnes  œuvres  devint  ledraj^' 
toutes  les  sectes  et  l'étendard  d'un  nouvel  i^^ct^ 
contre  l'Eglise  de  iésus-Clartst,  que  les  p«»^^ 
de  l'enfer  ne  pourront  jamais  vaincre. 


(1890)  De  locis  sanctis,  cap.  23. 


1557 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


isôS 


NOTE    XXll. 

(An.  Tiii?iiTé,  s  V.) 

LES  ANaENS  PERES  DE  L'ÉGUSS  ONT-ILS  PENSÉ  OU  PARLE  P>U  MYSTÈRE 

DE  LA  TRINITÉ  A  LA  MANIERE  DES  PLATONICIENS? 

La  solitiîoQ  de  celte  question  complétera  ce  que 
nous  avions  à  dire  ponr  répondre  aux  objeciions 
Mittlevées  contre  le  domine  de  la  Trinité.  Noos  em- 
pninieronft  an  savant  Père  Ralttfs  la  réfutation  pé- 
remploire  qu'il  a  faite  des  accusations  que  i.  Le- 
clerc,  auteur  de  la  Bibliothèque  universelle  en  1693, 
a  publiées  contre  la  doctrine  des  Pérès  relativement 
au  dogme  fondamental  de  la  reliffion  cbrétienne* 
Outre  le  système  des  emprunts  du  christianisme 
qu'il  bat  en  ruine  avec  une  raison  si  irrésistible  et 
ht  victorieuse  dans  ses  preuves,  Ballus  nous  donne 
t-iicore  &ur  les  philosophes  anciens  et  sur  les  écoles 
de»  chrétiens  des  cou  naissances  qui  ont  besoin  d*è- 
tre  répandues  beaucoup  plus  qu'elles  ne  le  sont. 
II.  Matter,  dans  V Histoire  au  gtwtiicisme^  et  M.  Potter 
«Inns  celle  de  r Egliu  {l%Oi)^  ayant  formulé  de  nou- 
veau ktf  assertions  des  sodniens  en  ce  qui  con- 
cerne les  Pères,  les  apôtres  et  Jésus-Christ  lui- 
même,  leurs  formules,  pour  le  fond  identiques  à 
ceiles  de  leurs  ancéties,  se  trouvent  foudroyées  k 
Pavance  par  Touvrage  du  savant  jésuite.  Cet  ou- 
vrage de  Baltus  est  en  même  tenips  un  excellent 
correctif  du  célèbre  livre  de  fluet,  évèque  d*Avran- 
ches,  Alnetanœ  questiones^  lequel  n*a  pas  assez  mon- 
tré le  revers  de  la  médaille,  c*est-à-dire  les  absur- 
dités, \ts  extravagances,  les  écarts  des  philosophes 
de  Tantiquité,  et,  par  ce  vice  radical,  est  devenu 
pour  les  esprits  irréfléchis  peut-être  jplus  funeste 
qu'avantageux  à  la  cause  que  défend  1  illustre  évè- 

Îoe.  Le  livre  du  P.  Baltus  a  Dour  titre  :  Défense  des 
'ères  accusés  de  platonisme.  On  a  en  donné  en  1857 
une  nouvelle  édition  sous  le  titre  dePure/^^u  cAfûifa- 
nisme,  ou  le  christianisme  n*a  rien  empruntée  la  phi- 
losophie paienne.  Les  chapitres  que  nous  allons  citer 
soiitliré^  du  2*  vol.  et  du  4*  ii%re  dans  lequel  fauteur 
montre  la  mauvaise  foi  avec  Uquelte  les  ennemis  de  ta 
religion  ont  abusé  de  quelques  passages  des  sainis 
l*ercs  pour  les  calomnier  et  pour  attaquer  en  teurs 
(lersounes  le  mystère  adorable  de  la  Trinité. 

L  Réponu  à  fautorùéde  quelques  auteurs  récents^ 
qui  ont  cru  que  les  Pères  t.e  V Eglise  ataietU  été 
pleloniciens.  —  On  ne  peut  tirer  en  conséquence 
Cexemple  d'Origène  contre  eux ,  puisqu'ils  lui  ont 
toujours  reproché  son  trop  grand  attachement  pour 
!a  philosophie  profane:  au  contraire^  se*  malheurs 
prouvent  manifestement  F  horreur  que  l' Eglise  a 
toujours  eue  d'une  pareille  faute.  —  Sentiments 
véritables  du  P.  Pétau  sur  le  platonisme  des  saints 
Pères.  — //  faut  les  chercher  dans  la  préface  du 
deuxième  tome  de  ses  Dogmes.  —  //  jf  pronre  que 
les  saints  Pères  des  trois  prenJers  siècles  ont  ensei- 
gné le  dogme  de  la  Triniti  dans  touU  sa  pureté^  et 
qu'ils  n^'ont  point  été  platoniciens,  quoiqu'ils  se 
soient  servis  quelquefoit  des  termes  de  ces  philoso- 
phes. —  Exemple'  tité  de  saint  Athanase.  —  Pour 
bien  canta&îre  les  Pères  de  CEgliu ,  il  faut 
dis:ingu€r  leurs  différenu  ouvrages,  et  faire  atten- 
tion au  but  qu^ils  u  proposent,  et  aux  personnes  à 
qui  Us  parMl. 

Si  nous  n*avons  pas  eu  grand*peine  à  faire  voir 

i  1991  )  D  fiiat  j  joindre  MM.  GuiuH,  Vacherot  et  SalsseL 

(1*892)  Origenkma,  I.  n,  cap.  5,  f  17  :  t  Plaloois  quidem 
dc^ciptiiiam  asseetall  sont  veuisu  Paires  qnamplurimi, 
purtim  vetnstkires  Oiwene,  partim  eodem  receotiores, 
•^oicuoqne  prcserlim  Kicaenum  ooncilium  anteceaserunl. 


one  les  saints  Pères,  que  Ton  accuse  le  plus  d*avoir 
été  prévenus  d'estime  pour  b  philosophie  piaioni- 
cienne,  n*ont  rien  dit  qui  puisse  donner  un  prétexte 
suffis;int  à  cette  accusation,  il  nous  sera  beaucoup 
plus  facile  encore  de  répondre  à  Tautorité  de  quel- 
ques auteurs  récents  que  les  ennemis  de  la  religion 
nous  objectent  continuellement,  comme  ayant  re- 
connu dans  les  Pères  des  trois  premiers  siècles  ce 
même  platonisme  que  nous  avons  montré  n*étre 
qu*une  chimère. 

Et  premièrement,  quelle  force  peut  avoir  ici  le 
témoignage  de  ces  auteurs  récents,  quelque  savants 
et  quelque  illustres  qulls  puissent  être?  S*agit-il 
d^une  question  qui  doive  ou  qui  puisse  être  décidée 
par  Tautorité  beule  de  quelques  auteurs  du  dix-sep- 
tième siècle,  ou  par  des  témoignages,  des  preuves 
et  des  faits  tirés  de  ces  mêmes  Pères  des  premiers 
siècles,  que  Ton  accuse  d*avoir  été  platoniciens? 
Qui  ne  sait  que  sur  un  pareil  sujet,  comme  sur  tous 
ceux  qui  regardent  Fantiquité ,  un  auteur  nouveau 
n'es;  croyable  qu'à  proportion  des  preuves  quM  pro- 
duit pour  soutenir  son  sentiment?  Or,  quelles  preu- 
ves ces  auteurs  ont-ils  produites  pour  montrer  que 
les  sainis  Pères  avalent  été  attaches  à  la  philosophie 
platonicienne?  Je  n'en  ai  trouvé  aucune  dans  leurs 
livres,  où  ils  ne  parlent  de  ce  pr^ugé  qu'en  passant 
et  en  assez  peu  de  mots. 

L*un,  en  exposant  les  erreurs  d'Origéne ,  qu'il 
montre  avec  bcÂocoup  d^érudition  devoir  être  at- 
tribuées au  trop  grand  attachement  <]ue  cet  ancien 
auteur  a  eu  pour  la  philosophie  platonici«;niie,  ajoute 
simplement  :  c  Que  la  plupart  des  anciens  Pères , 
soit  qu'ils  aient  vécu  avant  ou  après  Ori^e,  sur- 
tout  ceux  qui  ont  précédé  le  concile  de  Mieée,  ont 
suivi,  à  la  vérité,  les  seniiroenls  de  Pbton ,  mais  ils 
n'ont  prisde  lui  que  ce  qui  était  conforme  aux  senti- 
menisde  rFiglise,au  liouqu'Origènesemblearoir  vou- 
lu transpotkN' dans  l'Eglise  toute  l'Académie  (1892).» 

Il  est  vrai  qu'Origene  a  eu  trop  d'attachement 
pour  la  Dhilosopbir  profane,  et  en  particulier  pour 
celle  de  Platon,  etquec*est  lli  la  source  de  plusieurs 
erreurs  dans  l^u«rlles  il  est  tombé.  Hais  c'est  ausbi 
le  retiroche  que  toute  l'antiquité  chrétienne  loi  a 
fait,  et  la  cause  de  toutes  les  disgrftces  qu'il  a  es- 
suyées. C'est  sur  ce  pied  que  ses  en*eurs  ont  été 
condamnées  dès  son  vivant  même,  et  par  toute  l'E- 
glise après  sa  mort.  C'est  enfin  ce  qu  il  parait  avoir 
condamné  lui-même.  Mais  parce  qu'Origéne  s'est 
trop  attaché  à  la  philosophie  platonicienne,  est-ce 
une  preuve,  esi-ee  une  conséquence,  que  les  autres 
Pères  de  l'Eglise  qui  Pont  précédé  ou  qui  Font  suivi, 
s'y  soient  attachés  aussi?  Au  contraire,  l'apologie 
qii'Origèiie  fut  obligé  de  faire  de  sa  conduite  sur  ce 
sujet ,  les  reproches  et  les  disgrâces  qu'il  s*auira 
parla,  les  censures  et  les  anaitièmes  dont  il  se  vit 
flétrir,  malgré  son  mérît?  extraordiitairc  et  les 
grands  services  qu'il  a\ait  rendus  à  l'Eglise,  ne 
sont- ce  pas  des  preuves  bien  certaiues  de  fhorreiir 
que  l'on  avait  daus  TEglise  de  cette  philosophie  pro- 
fane à  laquelle  il  s'était  trop  attaché,  quoique  avec 
la  nreilleure  intention  que  l'on  puisse  avoir?  Tout 

At  ca  solom  ab  illo  muUiati  sont,  que  decrelîs  Erclesis 
consentîebanl  ;  Origeues  vero  tolam  Academbm  %isus  est 
in  Ecclesiam  IraosioHsse  :  lirel  faleatur  alicubi  philo»»- 
ptiiam  neque  in  omnibus  le^  i  Deî  contrariam  esse,  nequo 
in  omnibus  oonsonam.  i 


iS59 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


1506 


ceta  ne  fal-il  pas  encore  dans  les  «ièeles  suivants 
une  terrible  teçon  pour  ceux  qaî  auraient  été  teniés 
de  suivre  son  exemple,  et  un  motif  infiniment  puis- 
sant pour  éloigner  tous  les  fidèles  de  cette  même 
philosophie  qui  avait  été  cause  de  ta  perte  de  ce 
grand  homme?  On  ne  peut  donc  tirer  en  conséquence 
Texemple  d'Origène  pour  prouver  que  les  sainis  Pè- 
res qui  ont  précédé  le  concile  de  Nicée  ont  suivi  la 
philosophie  platonicienne ,  et  beaucoup  moins  en- 
core pour  montrer  quMs  Font  suivie  jusqu^au  point 
de  mêler  les  sentiments  de  cette  philosophie  profane 
avec  les  dogmes  de  notre  religion.  11  est  éviJentque 
rillustre  et  savant  auteur  dont  nous  parlons  n'a  ja- 
mais eu  une  pareille  idée,  et  que  c*est  abuser  visi'i' 
bleinent  de  ses  paroles,  que  de  les  prendre  dans  ce 
sens  qu'elles  n'ont  pas,  et  qu'elles  paraissent  même 
exclure  positivement. 

Mais  les  ennemis  de  notre  religion,  qui  ne  cessent 
de  s*eu  prévaloir,  pour  nous  rendre  suspects  nos 
plus  adorables  mystères ,  abusent  encore  avec  plus 
d'injustice  et  de  mauvaise  foi  de  ce  que  le  savant  P. 
Péiaa  a  dit  à  Toccasion  de  quelques  expressions 
particulières,  dont  quelques-uns  de  ces  anciens  Pè- 
res se  sont  servis,  en  parlant  du  mystère  de  la  Tri- 
nité. En  effet,  ce  grand  homme  (1893)  ayant  misa 
la  tète  du  second  tome  de  ses  DogmM  théologiques 
une  longue  et  savante  préface  dans  laquelle  il  ex- 
plique clairement  ce  qu'il  a  prétendu  dans  le  corps 
de  son  ouvrase,  lorsqu'il  a  dit  (1894)  que  la  plupart 
des  anciens  Péies  ^euiblaient  avoir  pensé  ou  parlé 
du  mystère  de  la  Trinité  à  la  manière  des  platoni- 
ciens; et  ayant  prouvé  dans  le  même  endroit  (1895), 
Far  les  témoignag;es  les  plus  exprès  de  ces  mêmes 
ères  et  de  quantité  d'autres,  la  constante  et  |>erpé- 
tuelle  tradition  de  ce  même  dogme  cuiiformément 
à  ce  que  la  foi  nous  en  apprend;  malgré  toutes  ces 
précautions  qu'il  a  prises  pour  faire  connaître  ses 
véritables  sentiments,  les  ennemis  de  la  religion  ne 
cessent  néanmoins  de  nous  l'opposer ,  comme  un 


Est -il  donc  permis,  lorsqu'il  s'agit  de  connaître  ou 
de  rapporter  les  sentiuenis  d'un  auteur,  de  ne  faire 
aucune  aiientiou  à  une  préface  ou  plutôt  à  un 
traiié,  où  il  fait  profession  de  les  expliquer  avec  le 
plus  de  solo  et  d'étendue?  A  Dieu  ne  plaise  que  nous 
en  agissions  de  même  à  l'égard  de  ce  grand  homme, 
ou  de  quelque  autre  auteur  que  ce  paisse  être  : 
nous  sommes  bien  plus  disposés  à  le  défendre  contre 
ses  calomniateurs ,  et  pour  cela  nous  n'avons  qu'à 
exposer  ce  qu'il  dit  dans  cette  préface. 

En  effet,  après  avoir  produit  plusieurs  témoigna- 
ges de  saint  Justin ,  d'Aihénagore  et  de  Théophile 
d'Antioche,  par  lesquels  oa  voit  évidemment  qu'ils 
ont  cru  et  enseigné  expressément  le  dogme  de  la 
Trinité,  tel  que  la  foi  nous  le  propose  ;  il  dit  de  ces 
mêmes  Pères,  et  de  Tatien  (1890),  qu'ils  ont  soutenu 
ce  dogme  dans  toute  sa  pureté,  et  que  s'accordant 

(1895)  Petav.,  Prœf.  in  tom.  II,  Theolog.  Dogm. 

(1894)  idem,  1.  i,  De  Trinit.,  cap.  3:  <  Nunc  de  cxteris 
qui  vel  perpetuo  catliolici  fuerunt,  vel  inter  eos  a;iquando 
floruerunt,  prima  esse  débet  inquisilio  ;  ut  plerosque 
quosdixi,  constet  de  sanclissima  Trinilate  Platooico  peue 
more  sensisse,  vel  loqueudi  Rcnere  ipso  nonniliil  ad  eum 
itiiplicatos  vidcri  posse.  Quod  posienus  adsanclus  polis- 
simum  atqueomnl  veneratiooe  dignos  attinel,quos  neque 
culpare  debeo,  >  etc. 

(1895)  Idem  in  Prsfat.  ejusdem  toroi  H,  cap.  3,  4,  5. 

(1896)  Idem,  Prsfat.,  cap.  3  :  «  De  hoc  vero  (Théophile 
Auiiochensi)  idem  quod  de  Atbenagora  et  JusUno,  alque 
etiam  Tatiano,  secaudi  omnibus  sa^culi  scriptoribus,  asse- 
verandum  est  ;  eos  omnes  dogmatis  caput  et  substaniiam 
ipsam  shie  ulla  labe  tenuisse,  atque  ex  tam  concordi  de 
tribus  in  divinitale  senlentia,  quoquo  tandem  ea  génère 
loculionis  expresserint,viih  occulte  et  ab  aposlolis  iraos- 
fuss  iraditionis  culligi.  Ac  uiibi  videnlur  illi,  cum  adver- 
fus  gcntiles  dodos  et  philosophiic  dcdilos  pro  christiaiia 


tous  si  parfaitement  pour  le  fond,  quelque  di 
qui  paraisse  dans  leurs  eipressions,  on  ptm  avec 
certitude  prouver  par  leur  aoloriié  la  tradîlioB  per- 
pétuelle de  ce  dogme  depuis  les  apôtret  ;  que  s'ils 
ont  pai  lé  moins  exactement  dans  oertainrt  oorasioiis^ 
c'est  parce  qu'en  disputant  contre  les  pbikisopbesct 
les  autres  savants  paîens«  Us  voulaient  leur  faciliter 
la  croyance  de  ce  mystère,  en  le  leur  représêntaiit 
sous  les  idées  et  les  termes  de  la  philosoptiie  piatu- 
nicienne,  auxquels  ces  savants  étaient  accoutuDé^; 
qu'en  cela  ils  se  sont  comportés  connue  oa  a  ino- 
jours  fait  à  l'égard  des  catbéeoménes  «lue  Toii  vcet 
instruire  des  mysiéres  de  notre  religioD  ;  q«*OB  s'ap> 
pli(|ne  d'abord  à  leur  en  donner  une  idée  générale, 
tirée  autant  qu'il  est  possible,  dea  doUoos  les  plos 
communes  et  des  sentiments  les  plus  coimoi:  que 
l'apétre  saint  Paul  en  a  agi  de  cette  xDaniere  a  IV 
gard  des  Athéniens,  lorsque,  pour  s*accoromoder  à 
leurs  idées,  il  leur  a  annoncé  le  véritable  Dieu,  sous 
le  nom  du  Dieu  inconnu  qu'ils  adoraient,  quoique 
saint  Paul  fût  fort  éloigné  de  croire  que  le  l>ieauc< 
chrétiens  fût  l'un  de  ces  dJeox  inconnus  adords  dat» 
le  pavs  d'Athènes,  t  Nous  disons,  ajoute-t-îl«  ta  mê- 
me chose  de  ces  anciens  Pères  dont  nous  venons  ée 
parler,  que,  quoiqu'ils  aient  proposé  aux  paî«>na  le 
mystère  de  la  Trinité  i  n  se  servant  quelquelob»  ii<^ 
manières  de  parier  des  platoniciens,  ils  ne  l'ont  tiii 
néanmoins  que  pour  se  proportiuuiicr  à  la  capacité 
de  ceux  qui  les  écoutaient  ou  qui  lisa  eut  leurs  h- 
vres,  et  non  pas  pour  avoir  été  dan»  les  uiémes  sen- 
timents, et  avoir  eu  les  mêmes  idées  que  ces  phao 
souhes.  C'est  ce  que  nous  faisons  encoie,  cootinoe- 
t-il,  lorsque  nous  expliquons  aux  eatéciium.  ties  cm 
au  peuple  chrétien»  les  mystères  de  uotre  relipoti  leâ 
plus  dilliciles  et  les  plus' obscurs  :  nous  emptoyoi» 
l  s  comparaisons  les  plus  sensibles  et  les  plus  cota- 
munes  pour  leur  en  facditer  Tin tellîgencc  (1897).  i 

Pour  confiriner  ensuite  ce  qo^il  vient  de  dire,  qu*H 
ne  faut  pas  croire  que  les  Pe<*es  de  1  Egli<«e.  pom* 
avoir  cité  quelquefois  Platon  et  les  plattiuidens,  et 
empJoyé  leurs  manières  de  parler,  aient  M  pMu 
cela  dans  les  mêmes  sentimeuts,  le  P.  Pétau  pioJmt 
une  preuve  qui  met  la  chose  dans  une  parùute  évi- 
dence. C'est  qu  ;  les  sainis  Pères,  pour  nioatrtr  aax 
païens  que  la  foi  d'un  Dieu  en  trois  personnes  n'a 
rien  d'incioyable,  produisent  q^aleuient  le  leaMi- 
gnage  des  poètes  et  des  autres  auteurs  profanes  qui 
ont  dit  quelque  chose  d'approchant ,  comme  cent 
des  platoniciens.  Peut-on  les  soupçonner  néaumoîas 
d'avoir  eu  les  mêmes  idées  que  ces  poètes  sur  cet 
auguste  mystère,  ou  d'à  oir  cru  que  ce  que  ces 
païens  en  ont  dit  fût  la  mcuie  chose  que  ce  que  U 
loi  nous  en  apprend  ?  Qui  ne  voit  combien  eeitr 
imagination  serait  absurde?  U  est  donc  visible,  par 
la  môme  raison,  que  les  Pére.H  de  1  Eglise,  poar 
avoir  quelquefois  cité  aux  païens  le  témoignage  de 
Platon  et  des  platoniciens  sur  quelques  vérités  de 
notre  religion  ,  n'ont  pas  pour  tout  cela  adopte  1  ^ 
idées  de  ces  philosophes  sur  ces  vérités,  aa  eru  et 

flde  disceplarent,  quo  eam  veDdibllioreai  facercat  ac  m 
gis  persuade reul minus  accurateei  subtiliter  î.IIds  iniimj 
et  arcana  commisisse  libris  istis,  quos  emaojre  in  niû-^* 
cuperenl  :  alque  ad  IMalonis  deciela,  eamque  qtt^i  i.>i 
combiberant,  theologise  fornjttlam,  christiaDura  t^imi  cm 
formasse  niysierium,  >  etc. 

(1897)  Idi'm,  i(Hd  i  Ita  :  prorsus  de  il  lis  quos  tiocainan 
chrisliana;  legis  magislris  eidoctonbus  ex  isiiniMiius,  qiu» 
vis  Trinitalis  mysterium  sic  apud  geotiics  iBierpfVU(# 
t'uerinl,  ut  qua&dam  do  co  IMaiomco  pêne  more  d^i^Li- 
verini  ;  non  hanc  lamen  iuteriorem  fuisse  meateai  t< 
sentenliam  ipsonun  :  sed  declarandi  soJum,  et  ut  cssi^* 
erat  audienlium  aut  eorum  scripia  versaDliiim,  eus  ^- 
dum   interpretationis  adhibuisse.  Qua»  ratio  in  rueUcs 
non  m«Hlo  catechumenis,  sed  cjJam  Christian is  ii>>U4i»^ 
dis  hodieque  valet,  ut  eum  illis  paoio  recoudiUon<tâ£w  j 
traduntar,  ila  uti  capere  possunt.  et  it*rum  ustialaniB  •« 
gumeuUs  et  simililudinilms  expliccnlur. 


{^ 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


f5G2 


Biirane  manière  qae  ieitrs  sentiments  fassent  les 
m<^i»es  que  ceux  des  Chrétiens.  Voilà  néanmoins 
iur  qooi  les  ennemis  de  la  religion  les  ont  faits  pla- 
tfNiiciens.  Ils  pourront,  avec  la  même  facilité,  les 
faire  encore  stoïciens,  épicuriens,  péripatéticiens, 
poêles  et  païens,  quand  Us  le  jugeront  k  propos. 

L*ex6mple  que  le  P.  Pétau  apporte  de  cette  sage 
conduite  des  saints  Pères,  dont  nous  venons  de  par- 
ler, confirme  parfaitement  ce  qu'il  en  a  dit  II  est 
tiré  de  saint  Athaiiase^  que  Ton  ne  soupçonna  jamais 
d'avoir  pensé  ou  parlé  comme  les  platoniciens  sur 
le  mystère  de  la  Trinité,  et  çiue  Ion  sait  au  con- 
traire ravoir   toujours  expliqué  aussi  corrocie- 
ment  qu'il  l'a  défendu  couraitensement  contre  Tim- 
piété  des  ariens.  Cet  illustre  Père  néanmoins ,  dans 
son  livre  dé  l'/n^arnalton  du  Yerbe^  où  il  dispute 
contre  les  |iaïens  (1898),  leur  propose  ce  que  la  foi 
nous  enseigne  sur  ce  mystère ,  à  peu  près  sous  les 
mêmes  idées  que  les  platoniciens  s'étaient  formées 
du  Père,  du  Verbe,  et  de  Tàme  du  monde  dont  parle 
Ifor  maître.  D'où  vient  cela?  CVst  que  saint  Atha- 
nase,  dans  le  livre  dont  nous  parlons,  proportionne 
son  discours  à  ceux  qu'il  préleod  instruire,  et  qu'en 
s'accoromodant  à  leurs  idées ,  autant  qu'il  lui  est 
possible,  il  veut  par  là  les  conduire  insensiblement 
à  la  coonaîssance  de  ce  grand  mystère  des  cbré- 
liens.  Il  savait  qirautre  cuose  est  d*e\pliquer  les 
mystères  de  la  foi  à  des  ignorants  ou  à  des  païens, 
qui  n'en  ont  aucune  idée,  et  autre  cbose  d'expliauer 
ces  mêmes  mystères  à  des  lidèles,  ou  de  les  déreu* 
tire  contre  les  sophismes  des  hérétiques. 

Ce  sont  en  effet  deux  ministères  bien  différents, 
ei  qui  demandent  par  conséquent  dans  ceux  qui  en 
tout  ch.irgés,  une  conduite  fort  différente.  Et  c'est 
parce  qu'on  les  confond  dans  les  saints  Pères,  ou 
par  malice  ou  faute  d'attention,  qu*on  leur  atiribue 
tous  les  jours  tant  d^erreurs,  ou  tant  de  sentiments 
particuliers  qu'ils  n*ont  jamais  eus.  On  veut  qu'ils 
parlent  aux  païens  des  mystères  de  notre  religion, 
de  la  même  manière  et  dans  les  mêmes  termes 
qu^ils  en  parlaient  au  milieu  de  l'assemblée  des 
lîdèles;  et  qu'ils  en  disputent  avec  ceux-ci  avec  li 
même  atteiilion  et  la  même  subtilité  qu'ils  pour- 
raient faire  CD  combattant  les  hérétiques.  Et  si,  par 
t  apport  aux  uns  ou  aux  autres,  ils  omettent  la 
moindre  circonstance,  s'ils  se  servent  de  quelques 
termes  qoi  ne  sont  plus  en  usage,  s'ils  emploient 
quelques  comparaisons  qui  ne  nous  paraissent  pas 
justes  en  tout,  on  fait  attention  à  ces  omissions,  on 
ii^ueille  soigneusement  ces  tenues  inusités,  on 
prend  en  toute  rigueur  ces  comparaisons,  et  on  ne 
manque  pas  de  leur  en  faire  un  procès.  Enfin,  si, 
en  parlant  aux  païens,  ils  leur  citent  les  témoignages 
de  leurs  philosophes  et  de  leurs  poètes,  pour  les 
(^rendre  par  leurs  propres  principes,  et  les  amener 
pius  doucement  à  la  connaissance  de  la  vériié,  on 
les  accuse  d*avoir  été  dans  tous  les  mêmes  senti- 
ments que  ces  auteurs  païens,  de  n'avoir  point  eu 
d'autres   idées  de  nos  mystères  que  celles  qu'ils 
puisaient  djos  leurs  livres;  ou  au  moins  d'avoir 
confondu  ces  idées  avec  celles  Qu'ils  prenaient  dans 
les  divines  Ecritures.  Quoi- de  plus  injuste  que  celte 
conduite  ? 


Mais  S!  on  ne  veut  point  foire  attention  à  ce  que 
demandaient  d'eux  les  personnes  à  qui  ils  parlaient, 
les  circonstances  où  ils  se  trouvaient,  le  dessein  et 
le  but  qu1ls  se  proposaient  dans  certains  ouvrages, 
on  devrait  au  moins  Jeter  les  yeux  sur  d'autres  qu'ils 
ont  composés,  et  où  ils  se  comportent  d*une  manière 
fort  différente,  parce  que  le  but  dç  ces  ouvrages,  les 
personnes  pour  qui  particulièrement  ils  les  compo- 
saient, et  toutes  les  autres  circonstances  étaient  en 
effet  fort  différentes.  Alors  on  jugerait  bien  plus 
sainement  des  uns  «et  des  antres,  on  admirerait  la 
sagesse  de  leurs  auteurs,  et  on  ne  pourrait  plus  se 
tromper  sur  leurs  véritables  sentiments.  Le  P. 
Pétau  vient  de  nous  apprendre  à  connaître  les  vé- 
ritables sentiments  de  saint  Athaiiase  touchant  le 
mystère  de  la  Trinité,  en  nous  appreitant  à  distin- 
guer ses  ouvrages.  Veut-on  faire  la  même  chose  par 
rapport  aux  autres  Pères  de  TEglise?  Veut-on  con- 
n'attre,  par  exemple,  Clément  d^Alexandrie,  et  dis- 
siper en  un  moment  toutes  les  fausses  idées  que 
M.  Le  Clerc  sVfforce  de  nous  en  donner,  en  nous  le 
représentant  comme  un  homme  qui  copiait  perpé- 
tnelleroent  les  dogmes  des  philosophes  païens,  et  qui 
était  beaucoup  plus  stoïcien  ou  platonicien  qu'il 
n'était  chrétien?  On  n'a  qu'à  lire  son  Pédagogue ^ 

au'il  a  composé  pour  instruire  les  chrétiens  sur  leurs 
evoirs,  ou  l'excellent  traité  qu'il  a  lait  :  Du  bon 
usage  des  richesses  ((899);  alors  on  connaîtra  com- 
bien ce  grand  homme  était  rempli  de  la  science  des 
divines  Ecritures,  combien  ses  sentiments  étaient 
purs,  et  ses  maximes  saintes  et  chrétiennes.  Et  ce 
que  je  dis  de  Clément  d'Alexandrie,  je  le  dis  de  tous 
les  autres  Pères  de  l'Eglise.  Je  les  vois  tous  si  at- 
tachés à  l'Ecriture  sainte,  la  posséder  si  parfaite- 
ment, y  conformer  avec  tant  de  soin  leurs  sentiments 
et  leurs  expressions  mêmes  ;  je  les  vois  tous  si  pé- 
nétrés de  l'excellence  de  la  religion  chrétienne,  et  si 
convaincus  des  égarements  des  philosophes  païens, 
que  je  n'ai  besoin,  pour  mon  particulier,  d'aucune 
autre  preuve  de  la  calomnie  qu'on  leur  fait,  en  les 
accusant  d*avoir  été  attachés  à  la  philosophie  pla- 
tonicienne. 

Ou  vuit  donc  par  Texposition  que  jo  viens  de  faite 
des  véritables  seniimeots  du  P.  Pâau,  combien  il 
a  été.  éloigné  de  croire  que  les, saints  Pères  eussent 
suivi  sur  le  mystère  de  la  Trinité  les  idées  de  la 
philosophie  platonicienne.  Et  comment  l'aurait-il 
cru,  puisque,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué,  il 
fait  voir  gue  les  mêmes  Pères,  par  réluignemeiit 
qu'ils  avaient  pour  tous  les  philosophes,  avaient  re- 
jeté et  combattu  leurs  sentiments  les  plus  certains, 
sur  des  matières  de  physique,  pour  s'attacher  uni- 
quement à  l'Ecriture  : 

§  11.  —  Réflexions  sur  te  smtimenl  du  P.  Pélau 
que  VoH  vieni  d'exposer,  —  On  ne  peut  tomber  d'ac- 
cord avec  /m,  qu*tt  se  trouve  dch  expressions  ptato- 
niciennes  dans  tes  passaget  des  Pères  de  l'Egtise 
dont  il  parle,  —  On  ne  voit  aucun  rapport  entre  les 
êxpresstons  de  ces  anciens  Pères^  et  celles  de  ces 
philosophes,  —  ils  n'ont  pu  rien  emprunter  d*eux 
sur  cette  matière,  —  Cest  uniquement  deCEctilure 
sainte  qu'ils  ont  tiré  leurs  sentiments,  leurs  exprès- 


(tK98)  Saint  Athunase  montre  précisément  dans  cctcn- 
Imit  que  les  païens  ont  tort  de  regarder  i'iiicaroalion  du 
l^'erbe  comme  une  cbose  imiiossible  ou  absunie,  puisque 
luelques-uDs  de  leun  philosophes  soutenaient  que  Dieu, 
ni  le  Verbe  de  Dieu  qu'ils  adniellaient,  se  trouvait  réel- 
ernent  dans  tous  les  corps  et  dans  toutes  les  ditrêrentes 
nrties  lie  l'univers.  Cétaitle  scniiuicnt  des  platonicicos 
*i  des  stoicieos  que  Virgile  a  exprimé  dans  ces  vers  du 
V'  ihte  des  Géorgiqaes  : 

DeuM  namaue  ire  per  omnes 
Terrasque,  tractus(pic  maris.cœlumtfue  profundum. 
r  ti.ini»  ceux-ci  du  sixième  de  \  Enéide  : 

Pt  itwipio  cidnm,  ac  terras,  camjfosqne  liqncntes, 
Lfuxnteniqw  globum  /una*.  tilamaquc  astra 


Spiritus  intus  atit,  totamque  infusa  per  arins 
Mens  agitut  motenit  et  magno  se  corpore  miscei 

Mais  ce  n*est  point  1^  parler  k  la  plâtonicirnoe  du  mv^- 
tcre  de  la  Trinité,  ni  le  représenter  aux  païens  8ous  les 
termes  et  les  idées  auxquelles  ils  étaient  acroulumés  : 
c*cst  simplement  un  argument  que  l'on  appelle  ad  homi' 
uem,  tiré  du  sentiment  de  ces  philosoplies,  pour  leur  faire 
voir  qu'étant  dans  ce  scnlimenl,  ils  ont  tort  de  iratier 
d'absurde,  ou  d'impossible, l'union  du  Verbe  de  Dieu  avec 
la  nature  humaine.  (Athanas.,  De  itu^arn.  Veibi  />ri,  pag. 
83,  nqvap  edit.  PF.  Beiiedicl.  ) 

{\H\]^\  In  t  pirie  Am  Unit  Bibtiotlt,  VV  ruMiuns.  tlc- 
inenti?)  Àlexandiini,  tib  \%  •  fvXjk*'  <»,  -.•  ., 


1 


1583 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


\%\ 


itoifi,  teun  comparaUonê^  €f  i/«  tCont  rien  dit  que 
d'orthodoxe  sur  ce  sujets 

Au  reste,  quoique  j'approuve  forl  tout  ce  que  dit 
ce  savant  homme  dans  sa  préface  sur  le  sujet  dont 
il  s*agU,  il  y  a  néanmoins  une  chose  dont  je  ne  puis 
convenir  avec  lui  :  c'est  en  ce  qu*il  suppose  toujours 
qu*il  y  a  de  la  ressemblance  entre  la  manière  dont 
les  anciens  Pères  qu*il  cite  dans  le  corps  de  son  ou- 
vrage, se  sont  exprimés  sur  la  divinité  du  Verbe  et 
le  mystère  de  i^  Trinité,  et  celle  dont  les  platoni- 
ciens se  servaien  pour  expliqi:er  leurs  imagmations 
sur  le  Père  et  le  ^  erbe  dont  Platon  a  parlé,  inavoué, 
pour  moi,  que  je  n*y  en  vois  aucune  :  car,  pour 
nous  en  tenir  à  la  manière  dont  le  P.  Péiau  lui- 
même  explique  le  sentiment  de  ces  anciens  dans  le 
corps  de  son  ouvrage,  il  dit  :  c  Qu'ils  croyaient  qu'il 
n'y  avait  qu'un  seulDieu,  invisible  et  non  engendré, 
qui  avait  produit  hors  de  soi  le  Verbe  qui  était  en 
lui  ;  ct^u*!!  Tavait  produit  comme  une  parole  vocale 
et  sonnante,  qui  ne  passe  pourtant  pas,  ainsi  qu*uB 
son  qui  s*évanouit  et  se  dissipe;  mais  qui  demeure 
comme  une  chose  subsistante  et  solide,  afin  qu'é- 
tant tel,  il  créât  tous  les  èlres  :  et  qu'enfin  le  Père  et 
le  Dieu  suprême  produisit  ainsi  cette  Parole  oh  ce 
Verbe,  quand  il  voulut  créer  Tunivers,  afin  de 
ravoir  pour  aide  et  pour  compagnon  dans  la  produc- 
t'oii  de  tous  ses  ouvrages  (1900).  i  VoiU  comme  le 
P.  Péiau  expose  le  sentiment  de  ces  anciens  tou- 
chant la  génération  du  Verbe. 

Sur  quoi,  sans  examiner  si  cette  exp«jsition  est 
exacte,  je  soutiens  premièrement  qu'en  l'admettant 
telle  qu'elle  est,  on  ne  trouvera  point  que  Platon  ni 
les  platoniciens  aient  jamais  rien  dit  de  semblable 
de  la  génération  du  Verbe,  ni  qu'ils  aient  employé 
sur  ce  sujet  cette  comparaison  de  la  Parole  interne 
et  externe.  Pour  8*eu  convaincre,  on  n'a  qu'à  par- 
courir l'exposition  que  le  même  auteur  a  faite,  dans 
le  premier  chapitre  de  son  ouvrage  M901)  des  ima- 
ginations différentes  de  ces  philosophes  touchant  le 
Verbe  de  Platon,  et  de  cette  espèce  de  Trinité  qu'ils 
s'étaient  avisés  d^établir  à  l'imiution  de  celle  des 
chrétiens;  on  n'y  verra  rien  qui  ail  rapporta  et  s 
manières  de  parler,  ou  à  cette  cx>inparaison  du  Verbe 
interne  ei  eiteme,  dont  ces  anciens  Pères  se  sont 
servis. 

Seciindement,  ces  anciens  Pères  sont  surtout, 
comme  le  dit  le  même  auteur,  Athéuai^oro,  Ta  lien, 
Théophile,  Tertullien  et  Lactance.  Or,  les  qua- 
tre  premiers  étant  antérieurs  à  Plutin  et  à  ses 
disciples,  que  l'on  doit  reconnaître  pour  inven- 
teurs de  toutes  ces  imaginations  et  de  toutes  ces 
idées  platoniciennes,  ils  n*out  pu  adopter  ni  leurs 

(1000)  PcTAV.  De  Trinil.t  1. 1,  càp.  5,  num.  8  :  c  Igilur 
nonnullis  velerum  illa  de  DiviDiUle  se  personarum  io  ea 
divers! taie  insederat  opinio,  unum  esse  summum,  inge- 
nilum,  neque  aspeclabilem  Deum  (qui  x^to*)  id  est 
Verbum  vel  Sermonem ,  quem  mImIctov  ,  inlns  iaclu- 
sum  tenebat,  ex  sese  foras  prodaieril  vocalem  et  scoan- 
leiD,  nec  tamen  vocis  instar  sonique  transeunlem  ac 
dissipabilem,  sed  ejusmodi  ut  velul  corporalus  ac  subsi- 
slens  estera  deinceps  efliceret.  Tum  aulem  a  suprême 
Deo  ac  Paire  produclum  esse  dixerunt,  cum  banc  rerum 
univeisitatem  moliri  slaluil,  ul  illum  velul  adminblrum 
adhiberet.  i 

(1901)  Idem  PBTAvnjs.  cap.  1  eiusdem  1.  i.  De  TrURt. 
Nous  exposerons,  plus  bas,  la  pluparl  des  imaginations 
des  platoniciens  sur  leurs  trois  dieux  principaux.  Nous 
les  avons  tirées  de  la  même  source  que  le  P.  Pét.u, 
c'est -îh dire  de  Procfus,  qui  les  produit  dans  son  Corn- 
vicnUtire  sur  le  Timée.  El  l'on  jugera  si  ces  iroaginalions 
païennes  et  platoniciennes  ont  la  moindre  ressetnbtance 
avec  le  seiiUmeut  des  Pères,  ou  avec  les  expressions  et 
les  comparaisons  dont  ils  se  servent. 

(190i)  EcclesiafÂicix\iY,tS:  E^exore  AUi$$imi  pro- 
divi  primogenita  ante  onmem  crealuram.  C'est  de  là  que 
toute  rEg'.ise  parle  encore  ainsi  du  Fils  de  Dieu  :  0 
SipieiiUa,  quœ  ex  ore  Ailmimi  prodiisli,  altmqens  a  fine 
usque  ad  finem  (ortiter,  guaviterque  disfwnem  otmiia.  Je 
me  souviens  toujours  avec  plaisir  de  ces  beaux  vers  de 


sentiments,  ni  leurs  expressions,  quand  même  ih 
auraient  été  disposés  à  le  faire ,  et  qu*its  «'aoraiefit 
pas  donné,  comme  Lat:Unce,  mille  preuves  du  c«b- 
traire. 

Troisièmement,  je  sootiens  que  ces  anciens  P«res 
n'ont  point  pris  ailleurs  que  dans  rEcritarc  ces  sea- 
timents  qu'ils  ont  eus,  et  les  termes  mêmes  oo  les 
comparaisons  dont  ils  se  sont  servis  pour  les  expB- 
quer.  Gela  parait  non-seulement  par  ce  que  nooi 
avons  dit  de  leur  aversion  pour  toute  la  philosophie 
païenne,  et  de  leur  attachement  inviolable  pour  l'E- 
criture sainte,  où  ils  puisaient  tous  leurs  senUineou 
sur  les  matières  mêmes  les  plus  indifférentes,  ci  du 
langage  de  laquelle  ils  ne  8*écariaieiil  jamais,  k>r». 
qu*il  s'agissait  de  religion  ;  mais  encore  tMraucosp 
plus,  parce  <|[U6dans  les  endroits  mêmes  où  ilsexpo^ 
sent  ces  sentiments  dont  nousparlons,  ils  emploitai 
les  propres  termes  de  rEcriture  et  en  citent  les  pa** 
sages  (jul.les  ont  obligés  de  s'exprimer  comme  \\i 
ont  fait.  Cest  ce  (|ue  Ton  voit  dans  les  eitriits 
mêmes  que  le  P.  Petau  a  prodoits  de  leurs  oovn- 
ges. 

Quatrièmement,  je  dis  que,  comme  il  n'y  a  riea 
dans  toutes  leurs  paroles  qui  ressente  le  piaiouts- 
me,  il  n'y  a  rien  aussi,  dans  le  fond,  qui  n'ait  au 
très-lK)n  sens  et  qui  ne  soit  trèsM>rtbodoxe,  ainsi 

Î|ue  le  même  P.  Pétau  le  soutient  dans  sa  pre- 
ace.  En  effet,  si  on  examine  leurs  paroles  avec  at- 
tention; on  verra  qu'ils  enseignent  tous  réternité  d 
la  consubsiantialiié  do  Verbe,  lorsqu'ils  disent  qœ 
le  Verbe  était  dans  son  Père  comme  sa  Sagesse  ou 
sa  Parole  interne  ;  et  qu^en  ajoutant  que  son  Péie 
le  produisit  au  dehors  lorsqu'il  voulut  créer  Vuui- 
vers,  comme  sa  parole  ou  son  Verbe  externe,  iU  u>: 
veulent  rien  dire  autre  chose,  sinon  que  le  FiU  de 
Dieu  sortit  du  sein  de  son  Père  pour  se  manile»i(T 
par  la  création  du  monde,  de  la  même  maniéFe 
qu'ils  disent  encore,  et  que  nous  disons  après  eui, 
qu'il  en  sortit  plusieurs  siècles  aptes  pour  se  mam- 
fi  ster  par  son  incarnation.  Noos  ne  trouvons  point 
de  difficulté  dans  cette  expression  méiapbonqne, 
lorsque  nous  parlons  de  rincamation  ;  pourquoi  ^ 
en  trouverions-nous  lorsque  ces  anciens  parlant  ik 
la  création  ?  Ne  s'expriment-ils  pas  tous  comme  1 E- 
criture  (1902),  lorsqu'elle  dit  de  la  sagesse  éter- 
nelle, par  qui  tout  a  été  fait,  qu'elle  est  sortie  àt 
la  bouche  du  Très-Haut?  Et  ce  qu'ils  disent  du 
Veibe  proféré  ou  poussé  au  dehors,  n*est4l  pas  lin 
des  premières  paroles  du  psaume  xliv,  que  TEgli^ 
a  toujours  expliqué  et  entendu  du  Fils  de  Dieu? 
(1905). 
Je  pourrais  m'étendre  davantage  sur  ce  sujet  ; 

Prudence,  qui  expriment  parfaitement  le  sentiment  rv- 
ibodoxe  des  plus  anciens  Pères  de  l'Eglise  dontaiMa 
parlons.  Ils  sont  pour  la  fêCë  de  Noël. 

Èinerge  dulcis  pusio, 
Quem  nuarit  editcusUuu 
Varem  et  expen  conjugis 
Mediaior  et  duplex  geiuts. 
Ex  ore  quamlibei  Patris 
Sis  ortus,  et  verbo  editus, 
Tamen  palemo  m  pectore 
Sophia  cdUebas  prtus, 

Quœ  prompta  cœtum  contUdH^ 
Noctem,  diemque  et  ndera. 
Virtule  Verbi  e/fecta  sunt 
Uwc  cuncîa  :  ttam  Verbuiu  Dmt. 

Sed  ordifialis  sœculU, 
ïïerumqtie  digeslo  statu, 
Fundator  içse  et  artifex 
Pernuuuil  m  Patris  mu. 
Donec  rotala  annalhim 
Transvolverentur  mi7/i/i, 
Alque  ipse  peccmtism  diu 
Di^iutus  orbem  viseret. 
(1005)  Psat.  xLiv,  f  1.  Eructdtit  cor  meum  terhmm  l* 
num.  Septuag.  È^t»E«T»  i  upi»  ftm  14|««  «7«Wv.  Cest  le  ^o^ 
même  dont  quelques-uns  de  ces  anaens  Pères,  et,  eatrt 
autres,  Théophile  d*ÀnUoche,  se  sont  servis. 


«.rS 


.NOTES  ADDITIONNELLES. 


irM 


foi 


mais  il  me  suflil  d*avoir  monlré  que  les  passages 
elles  par  le  P.  Péuu  ii*ont  rien  de  commun  avec 
les  imaginations  ou  les  manières  de  parler  des  pla- 
io:iicJeii$  ;  qoe  les  Pères  n*ont  suivi,  dans  les  sen- 
timenls  quMls  y  e&primt'nt,  que  rauioriié  et  les  ex- 
pressions mômes  de  TEcrilure;  et  qu'enCn  c'est 
avrc  beaucoup  d'injustice  que  les  ennemis  de  notre 
religion  nous  opposent  coniinui^llement  le  savant 
P.  Pétau,  comme  sll  avait  été  persuadé  du  pré- 
tendu platonisme  des  anciens  Pères  touchant  le 
mystère  de  la  Trinité. 

$  (IL  —  Réfutation  du  paradoxe  impie  des  sociniem 
contre  le  mystère  de  la  Trinité,  —  Conduite  diffé- 
rente  de  deux  auteurs  récents  qui  tout  débité,  et 
pourquoi  on  préfère  M .  Le  Clerc  à  i' auteur  du  Pla- 
tonisme dévoi4é.  —  Système  de  cet  auteur  sur  le 
vlatonistne  de  Jésus-Christ^  des  apôtres  et  des 
tainls  Pères. —  D'oii  il  tire  le  prétendu  platonisme 
Ul's  premiers  chrétiens,  —  Fausses  suppositions 
sur  lesauetles  il  rapi^uie,  —  Il  n'y  a  point  eu  de 
secte  platonicienne  dans  les  premiers  temps  du 
christianisme.  —  C'est  Plotin  qui  est  rauteur  de 
cette  secte.  —  Quel  a  été  son  dessein  en  l  établis- 
sant. —  Les  idées  de  Plotin  sur  les  trois  principes 
n'ont  pu  se  glisser  dans  le  christianisme. 

li  n'y  a  pas  lieu  néanmoins  de  s*en  étonner,  puis- 
iMs  se  comportent  avec  encore  plus  de  mauvaise 
ei  d*iojustice  à  l'égard  des  Pères  de  TËglise  mê- 
mes. Aveuglés  par  la  passion  furieuse  qui  les  anime 
contre  le  mvsiere  adorable  dont  nous  venons  de 
parler,  et  dont  les  saints  Pères  nous  ont,  par  une 
tradiiiOQ  constante  et  perpétuelle,  transmis  le 
dogme  qu^ils  avaient  reçu  des  apôtres,  et  puisé  dans 
les  Ecritures;  iln*y  a  point  de  calomnies  qu'ils 
n'inventent  pour  ruiner  leur  autorité;  point  de 
mauvais  sens  et  d'interprétations  malignes  qu'ils 
n'emploient  pour  éluder  ou  pour  corrompre  leurs 
passages  les  plus  clairs  ;  point  d'artilices  enfin  et  de 
déloun  qu'ils  ne  mettent  en  usage  pour  nous  per- 
suader que  les  saints  Pères  ne  nous  ont  débité  sur 
ce  mystère  que  les  idées  de  Platon  ;  et  que  ce  mys- 
tère méme^  qui  est  le  fondement  de  notre  religion, 
n'est  rien  autre  chose  qu'un  platonisme  gros- 
sier. 

C*esl  ce  que  prétend  tout  ouvertement  l'auteur  de 
l'impie  ei  extravagant  ou\  rage  qui  porte  pour  titre  : 
Le  platonisme  dévoilé.  M.  Le  Clerc  va  au  même  but 
que  ce  socînien  déclaré,  mais  d'une  manière  plus 
«.achée  et  plus  adroite.  Celui-là  est  un  furieux,  qui 
confond  tout,  suppose  tout  et  ne  prouve  rien,  ou 
qui  ne  donne  pour  preuves  que  des  emportements 
et  des  injures  grossières  contre  les  saints  Pères. 
Celui-ci  est  plus  modéré  en  apparence;  il  se  cachi», 
il  se  déguise  et  ne  marche  que  par  des  voies  détour- 
nées. 11  tàcbe  de  prouver  ou  au  moins  de  rendre 
vraisemblable  ce  qu'il  avance,  ou  plutôt  ce  qu*il  in- 

;t90i)  Bibliothèque  universelle^  tome  X,  pag.  402. 

(1905)  OmoftifB  contra  Celwin,  L  vi,  pag.  279.  Vide 
euiiidcm  Origenem,  pag.  280,  283,  288,  350,  etc. 

(1906)  AuGUST  ,  epist.  3t,  \et.  edit.,  ad  Paulittum  : 
i  Libros  beatisKsimi  paps  Âmbrosii  credo  habcre  sancUla- 
iifin  luam,  eos  aulem  multum  dcsidero,  quos  adversus 
itoiiDullos  tnipcrilissimos  et  superbissimos,  qui  de  Pla- 
[ouis  libris  Domlnum  profccisse  conleodunl,  diligenlis- 
slme  et  copiosissime  Kripsit.  i  —  Idem,  1.  u  De  doct. 
Chriêi  ,  cap.  %  :  i  De  utililate  autem  historié,  ul  omit- 
jm  Gr»cos.  quantam  nosier  Ambrosius  qusslionem  solvii 
-alamniantibus  Platonis  lectorlbus  et  dilectoribus,  qui 
iic*-re  aasi  sunt,  omnes  Domiui  nostri  Jesu  Chrisli  sen- 
i*ntias,  quas  mirari  et  pr»dicare  cogaolur,  de  Platonis 
ibrjs  euin  didiciise,  qaoniam  looge  an  te  humanum  ad- 
f^utum  Dominl  Platonem  fuisse,  negari  non  potest. 
»o/ine  memoratus  episcopus  cousiderata  hisloria. ... 
robabilius  esse  oslendit  quod  Plato  polius  nostrrs  lilteris 
»vr  Jeremiani  fuerii  Imbulus,  ut  iUa  p<i6set  docerc  et 
iTibf^re  quas  vere  laudanlur...  ila  considérât istemporibiw 
i  tfiulio  rredibtiius.  istos  potius  de  lilteris  nostris  ha- 
tuHse  quaM:iU(|ue  booa  et  Tcra  diseruati  quam  de  Pla- 


sinue.  Pour  cet  effet,  il  produit  des  passages  des 
saints  Pères,  qu'il  tourne  et  qu'il  interprète  d'une 
manière  qui  pourrait  assurément  tromper  des  sens 
peu  attentifs.  C'est  ce  qui  m'a  obligé  de  le  préférer 
partout  à  son  ami,  dont  l'ouvrage  confus,  grossier 
et  emporté  ne  fera  jamais  beaucoup  de  tort It  la  re- 
ligion. 

Continuons  donc  à  examiner  ce  que  dit  M.  Le 
Clerc,  et  voyons  comment  il  s'y  prend,  pour  nous 
insinuer  adroitement  que  le  mystère  de  la  Trinité 
n'est  rien  autre  chose  qu'une  idée  de  Platon  adop- 
tée mal  à  propos  par  les  Pères  de  l'Eglise.  D'abord 
il  renouvelle  l'extravagante  calomnie  des  païens, 
qui,  dans  les  premiers  siècles  de  r£glise,  ont  osé 
avancer  que  les  auteurs  des  livres  sacrés  du  Vieux 
Testament,  et  ensuite  Jésus-Christ  même  et  les  apô- 
tres avaient  emprunté  beaucoup  de  choses  de  Pla- 
ton. M.  Le  Clerc  (i90i),  cenl'ormément  i  cette  idée* 
la  plus  insensée  et  la  plus  chimérique  qui  fut  jamais* 

Ç retend  que  Ton  trouve  dans  le  Yieux  et  le  Nouveau 
estament,  et  surtout  dans  ce  que  Jésus-Christ  dit 
de  lui-même  en  plusieurs  endroits  de  l'Evangile, 
quantité  de  phrases  platoniciennes.  Orij^ène  s'est 
moqué  de  l'épicurien  Celse  (1905),  qui  répétait 
continuellement  cette  fable  dans  son  ouvrage  contre 
les  chrétiens,  et  l'a  convaincu,  sur  ce  point,  de  la 
plus  grossière  ignorance.  Saint  Âinbroise  l'avait 
réfuté  aussi  dans  un  livre  composé  exprès  sur  ce 
sujet;  et  saint  Augustin,  parlant  de  cet  ouvrage  de 
saintÂmbroise  et  de  cette  calomnie  des  païens  (1906), 
traite  ceux  qui  Tavançaient  de  ^ens  souverainement 
ignorants  et  superbes,  et  leur  imagination  de  folie 
et  d'extravagance  achevée. 

.M.  Le  Clerc  ajoute  ensuite  <  Que  les  païens  qui 
embrassaient  alot  s  I  Evangile,  et  qui  avaient  queK 
que  étude  de  la  philosophie  païenne,  remarquant 
cette  ressemblance  de  termes,  se  persuadaient  que 
les  apôtres  avaient  cru  la  même  chose  sur  ces  ma- 
tières que  les  platoniciens  juifs  et  païens.  Et  c'est 
c^.  qui  semble,  continue- t-il,  avoir  attiré  plusieurs 
philosophes  de  cette  secte  d^ns  la  religion  chré- 
tienne et  donné  aux  premiers  chrétiens  tant  d'es- 
time pour  Platon  (1907).  »  Cet  auteur  suppose, 
comme  l'on  voit,  que  la  secte  platonicienne  était 
fort  considérable  dans  les  premiers  temps  du  chris'* 
tianisme,  au  lieu  que  nous  avons  montré  qu'il  n'y 
en  avait  alors  aucune  qui  portât  ce  nom,  et  que  les 
académiciens,  qui  étaient  les  successeurs  et  les  sec- 
tateurs de  Platon,  avaient,  depuis  longtemps,  lait 
disparaître  entièrement  tous  les  dogmes  de  ce  phi- 
losophe ;  en  soutenant  qu'il  iren  avait  point  tenu, 
et  en  combattant  tous  ceux  qui  en  admettaient.  On 
ne  commence,  en  effet,  à  entendre  parler  de  philo- 
sophes qui  aient  pris  le  nom  de  platoniciens,  que 
sous  les  Antonins  :  et  il  est  certain  une  c*est  à  Plo- 
tin f  1908),  qui  vivait  sous  l'empire  de  G.illien,  que 
la  philosophie  platonicienne  doit  ou  sa  naissance  ou 

lonis,  Domlnum  Jesom  Chrislum  ;  quod  drnicntisvimuui 
est  credere.  i 

(1907)  Biblioth,  univers.,  tom.  X,  pag.  403. 

(1908)  Les  platoniciens  nouveaux,  témoins  dignes  de 
creauce  en  cette  uialièrc,  ne  recoiuiaissaicnt  pour  vrais 
platoniciens  que  ceux  qui  avaient  porté  ce  nom  depuis 
Plotin.  Hicrocl^s  dit  clairement  que  tous  ceux  qui 
avalent  précédé  ne  s'étaient  appliqués  qu*2i  eorrompru 
les  dogmes  et  les  ii\res  de  Platon,  et  à  combattre  les 
péripatéliciens  :  conduite  qu'il  condamne  et  dont  il  se 
plaint  amèrement.  H  lûouUlt,  dans  son  septième  discours, 
que  les  vrais  platoniciens,  et  qui  s*èUieot  atuch^s  :i 
suivre  la  doctrine  de  Platon  dans  toute  sa  pureté,  élaieut 
Plotin,  Origène  (fort  différent  da  rOrigëne  chrétien), 
Porphyre,  Jamblique.et  les  autres,  dit-  il,  de  cette  sacrée 
fiostéfitè  qui  leur  ont  succédé,  jusqu'à  Plutaraue  l'A- 
thénien. H  dit  que  celui-ci  a  été  stm  maître,  et  l'on  sait 
que  le  même  Plutarque  a  été  aussi  celui  de  Proclus.  On 
voit  d4»nc  toute  la  suvcession  des  platoniciens  piistérleure 
au  christianisme,  qui  n'a  été  qu'une  cabale  d'ennemie 
déclarés  de  la  religion  chrétienne,  de  magiciens  et  de 
païens  entêtés,  s'il  en  fut  jamais.  Elle  a  eommoart  par 


1567 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


VM 


son  rétablissemciil,  avec  tous  ces  discours  guindés, 
ces  raisonnements  mélapbysiquos,  ces  dogmes  et 
ces  mystères  de  magie  qa*elle  n*aTalt  pas  aupara* 
vant.  On  sait  enfin  que  ce  philosophe  et  ses  disci- 
ples, après  avoir  ajouté  ainsi  à  leur  philosophie  tout 
ce  Qu'ils  crurent  propre  à  lui  donner  du  relief  et  à 
la  faire  paraître  toute  divine,  après  avoir  contrefait 
iians  cette  vue  plusieurs  mystères  du  christianisme, 
dont  ils  étaient  parfaitement  instruits,  et  réformé, 
sur  les  lumières  qu'ils  en  avaient  tirées,  plusieurs 
de  leurs  dogmes  et  de  leurs  sentiments,  n'omirent 
rien  pour  les  établir  partout,  et  supplanter  par  là, 
sM  eût  été  possible,  le  christianisme  même. 

Cette  léfleiion  seule  devrait  suffire  pour  renver- 
ser entièrement  toutes  les  prétentions  de  M.  Le 
Cleic,  et  le  convaincre  parfaitement  que  les  idées 
platonîcii  unes  de  Plotin,  et  en  particulier  celle 
qu'il  s'était  formée  de  ses  trois  principt^s,  n*ont  pu 
se  glisser  parmi  les  dogmes  du  christianisme  ;  puis- 
que le  christianisme  était  depuis  longtemps  établi 
et  répandu  par  toute  la  terre,  et  le  mystère  adora- 
ble de  la  Triniié  cru  et  enseigné  par  tous  les  chré- 
tiens, avant  que  l'on  entendit  parler  des  trois  prin- 
cipes de  Ploiin  et  de  toutes  les  autres  chimères  de 
sa  philosophie  platonicienne. 

§  IV.  —  Conduite  ariificteuie  de  M.  Le  Clerc.  — 
Sentiments  qu'il  attribue  aux  Pères  de  VEglise^ 
et  que  nous  entreprenons  de  réfuter,  —  Passages 
de  PlatoUy  qui,  selon  M.  Le  Clerc,  ont  persuadé 
les  saints  Pères  que  le  sentiment  de  ce  philosophe, 
et  celui  des  apôtres  sur  la  Trinité,  était  le  même, 
—  Passage  tiré  du  Timée  de  Platon,  —  Passage 
de  VEpinomiSf  où  Platon  parle  du  Verbe  trèn-di- 
vin,  qui  a  arrangé  Vunivers.  —  Passage  tiré  de  la 
lettre  à  Hermias,  ett  Platon  parle  d'un  Di(tu  auteur 
et  conducteur  de  toutes  choses,  et  du  S^yneur  qui 
est  le  père  de  ce  Dieu.  —  Passage  du  Jtmée  ton- 
chant  rame  du  monde.  —  Passage  di  la  lettre  à 
DenySf  tyran  de  Syracuse. —  M.  Le  Clerc  reproche 
à  ces  pères  de  l'Eglise  de  s'être  trompés  grossière- 
nient  en  trouvant  dans  ces  passages  de  Platon  le 
mystère  deja  Trinité, 

àc.  passe  néanmoins  légèrement  sur  celte  réflexion, 
l'Oiir  remarquer  que  M.  Le  Clerc  avance  ici  deux 
propositions  fort  difféi  entes,  qu^il  mêle  entiemble 
adroiteiuent.  L'une  est  que  les  premiers  chrétiens 
se  persuadaient  que  les  Apôtres  avaient  cru  sur  le 
mystère  de  la  Trinité  la  même  chose  que  les  philo- 
hophes  platoniciens  ;  et  Tautre,  que  ces  mêmes 
chrétiens  avaient  conçu  une  haute  estime  pour  Pla- 
ton. La  raison  de  cette  conduite  adroite  de  M.  Le 
Cl<  rc,  outre  le  dessein  qu'il  a  de  se  cacher,  et  de 
ite  parler  pas  si  crûment  que  l'auteur  du  Platonisme 
dévoilé;  ckêi  que  les  passages  des  saints  Pérts, 
qu'il  produit  ensuite,  s'ils  prouvent  quelque  «  hose, 
prouvent  tout  au  plus  que  les  chrétiens  des  premiers 
siècles  estimaient  Platon,  à  quoi  nous  avons  déjà 
répondu  ;  et  que  néanmoins  il  veut  conclure  de  c*  s 
mêmes  passages,  que  ces  chrétiens  ont  cru  que  le 

Plotin,  qui  en  a  été  le  chef,  et  elle  a  fini  par  les  disciples 
cl  les  amis  de  Proclus,  tels  que  Damascius,  Isidore  de 
Ctaze,  Siinplicius  de  Ciiicie,  aoul  nous  avons  des  com- 
mentaires sur  les  ouvrages  d'Aristote,  où  il  donne  sou- 
vent des  marques  de  sa  haine  contre  les  chréllens, 
Kulamius  de  Phrygie,  Priscianus  de  Lydie,  Hermias  cl 
Diogène  de  Phéuicie.  Ceux-ci,  voyant  le  paganisme  eu- 
ticrement  ruiné  el  la  religion  chrelienne  triomphante 
p.irlout,  cherchèrent  en  Perse  un  asile,  où  ils  pusseul 
exercer  en  toute  liberté  leurs  superstitions  de  magie  et 
d*idolâtrie.  Mais  u  ayant  pu  s'y  établir,  ils  en  reviurent 
cl  se  dissipèrent  bienlôl  après.  Cest  ce  que  Ton  peul 
apprendre  d'Âgaltiias  lllistorien,  au  livre  u  de  son 
histoire  du  règne  de  Tcmpcreur  Justiuien,  de  Suidas 
qui  Ta  copié,  av  mot  n^Cm  :  et  pour  ce  qui  regarde 
liiéroclès,  de  Photius  dans  Tabrége  qu'il  a  iàil  de  Tuu- 
vrage  de  ce  philosophe  platonicien  sur4a  destinée  cl  la 
providence,  page  1^5  de  sa  Bibliothèque^  de  l'édiiion 
grecque  d'Uœsciieiius.  Ou  ne  doit  pas  cire  surpris  au 


sentiment  de  Platon  sur  la.Triiiîté  et  ceM  des  apà^ 
très  était  le  même.  Mais  ce  sont  là  deux  choses  ia- 
finimeut  difTérentes,  et  dont  Tune  ne  8*eiisutt  nui- 
/  lement  de  l'autre.  Les  premiers  chrétiens  pouvaient 
estimer  Platon,  comme  je  Pestime  mot-méoie  beau- 
coup, lorsque  je  le  compare  à  quelques  autres  phi- 
losophes  païens,  sans  croire  néanmoins,  non  pUts 
que  moi,  que  les  idées  de  ce  philosophe  ou  celles  de 
Plotin  sur  ces  trois  principes,  fiuseni  b  némc 
chose  que  le  mystère  de  la  Trinité  que  les  ap4kres 
nous  ont  enseî|[ué.  Peut-on  les  souoçonner  ou  soup- 
çonner le  dernier  des  Cbiétiens  d  un  pareil  égare- 
ment? 

C'est  néanmoins  le  sentiment  gue  M.  Le  Clerc 
leur  attribue  ;  car  voici  la  conclusion  qa*il  tire  des 
cinq  ou  six  passages  quMI  rapporte  sur  ce  sujet  : 
c  On  pourrait,  dit-il,  citer  plusieurs  autres  passv 
gcs  par  où  l'on  verrait  que  plusieurs  d*entre  les 
Pères  des  trois  premiers  siècles  ont  cru  que  le  sea- 
t'ment  de  Platon  et  celui  des  apôtres  était  le  méoie.  i 
Nous  allons  examiner  si  cette  conclusion  «st  jastc: 
car  si  nous  la  laissions  passer,  elle  eu  entraînerait 
infailliblement  une  autre  qui  suivrait  beaucoup  plus 
naturellement,  et  que  notre  auteur  a  surtout  en  voe, 
()uoiqu*il  n'ose  pas  la  déclarer  ouvertement  :  c'est 
que  les  Pères  de  l'Eglise,  dans  cette  persuasiM, 
ont  suivi  sur  le  mystère  de  la  Trinité  les  imagiia- 
tious  de  Platon,  et  que  ce  dogme  même,  Id  qnûs 
nous  l'ont  transmis ,  et  que  nous  le  croyons . 
iè*est  rien  autre  chose  qu*un  platonisme  mal  es» 
tendu. 

Au  reste,  M.  Le  Clerc  soutient  encore  b  nàne 
chose  dans  sa  septième  Lettre  critique  (1909),  où  il 
prétend  prouver  que  Platon  n'a  rien  tiré  du  Vieux 
Testament  ;  que  surtout  sa  doctrine  des  trois  prur > 
pes  n'en  vient  pas,  et  qu'elle  n'est  pas  la  mèoie 
chose  que  la  Trinitié  des  chrétiens,  t  quoique  les 
Pères,  ajoute-t-il,  l'aient  cru,  par  le  trop  grand  dé- 
sir qu'ils  ont  eu  d'attirer  à  eux  les  philosophes,  i 
Nous  pourrons  examiner,  en  Gnissaut  ce  livre,  le 
reste  de  cette  Lettre,  qui  n'est  toute  remplie  que  de 
fausses  suppositions  ;  mais,  pour  ne  nous  attacher 
ici  qu'à  ce  qui  regarde  le  ])Oint  dont  il  s'agi',  nn 
voit  que  notre  auteur  y  soutient  encore  que  le> 
saints  Pères  ont  cru  que  la  Trinité  des  chrétiens 
était  la  même  chose  que  les  trois  principes  dont 
Platon  a  parlé.  Et  de  fait,  pour  prouver  cttie 
créance  qu'il  attribue  aux  saints  Pères,  il  cite  uo 
passage  d*Eusèbe  (iS^iO),  que  nous  ajouterons  à 
cçux  qu'il  produit  dans  le  x*  tome  de  sa  Biblioike- 
que,  et  dont  nous  allons  montrer  l'étrange  abus 
qu'il  fait. 

Pour  nous  mettre  mienx  en  état  d'en  juger,  rap- 
portons  d'abord  les  passages  de  Platon,  qui,  seltia 
notre  auteur,  ont  persuadé  les  Pères  de  rÈgliseqac 
les  trois  principes  dont  parle  ce  philosoptie  étau'  i 
la  même  chose  que  le  mystère  de  la  Trinité  réféé 
dans  les  saintes  Ecritures. 

Le  premier  se  trouve  dans  le  Timée  (1911), (à 
Platon,  recherchant  la  raisou   pourquoi  Dieu  n'a 

reste  de  voir  Simplicius  e»  quelques  autres  ont  pasefll 
pour  aristotéliciens,  mis  an  nombre  des  pUtooiriefi^. 
puisque,  comme  nous  l'avons  appris  d'Hiérocl^,  tous  rt^ 
philosophes  prétendaient  quArislote  ne  s*étail|K«<i( 
éloigné  des  senUmenls  de  Platon,  et  qu'ils  s'appliqoaîeBt 
presque  également  à  commenter,  k  souteoir  et  a  fjîr» 
valoir  les  ouvrages  de  l*un  et  de  t  autre,  dans  la  vue  <V- 
donner  plus  d  éclat  et  de  force  à  leur  platonisme,  o* 
plotêl  an  pasanisme,  dont  ils  s'efTorçaieni  par  toute  sof^r 
de  moyens  ae  réparer  les  mines. 

(1909)  Epislola  7  critica  Joannis  Oerici  ad  L.  Cand}- 
dum  Verum. 

(1910)  EpisL  7  crit.,  pag.  246. 

(1911)  Plato  in  Timœo,  pag.  5t,  cdil.  Serrani.  Plal^p 
ajoute  que  Dieu  ayant  mis  une  àme  dans  ce  vaste  cor;*, 
et  l'ayant  étendue  dans  toutes  ses  parties,  fit  rii&o  <i.i 
monde  un  Dieu  bienheureux  :kA  ««^t*  i^  t«v««  t.l»p»««  t^ 


I V:*) 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


îb:o 


(Hiifit  d*>niié  de  pieds  au  ciel  on  aa  monde,  ce  gros 
et  vaste  animal  qoi  était  en  même  temps  on  Ji-s 
plos  grands  dieox  de  ce  philosophe,  il  dit  grave- 
ment que  Dieo  loi  ayant  donné  un  monTement  cir- 
nilaire.  il  est  clair  qo^ii  ne  devait  point  lui  donner 
do  pieds  dont  cet  antmal  n*aTait  pas  besoin  ponr  un 
l»areil  moovemeni.  c  Cest  poorqnoi,  continae-t-il, 
le  raisonnement  de  Dieo,  c*est-â-Jir^  Dieu,  ayant 
bien  examiné  ce  qnl  convenait  k  cel  animal,  qui 
devait  être  Dieo  lui-même.  Ta  fait  rond  et  uni  de 
tons  les  cétés,  et  lui  a  doiué  on  corps  parfait  com- 
posé d*autres  corps  parfaits,  i  Voilà  le  premier  pas- 
Mge  qoi,  sdon  M.  Le  Clerc,  a  persuadé  les  Pères 
lie  rE^'lifse  que  oe  qne  rEcriiore  nous  apprend  do 
Y«».  lie  éiernel  de  Dieu  éiail  la  même  chose  que  ce 
que  Plalun  dit  ici. 

Le  secoB.I  passage  est  tiré  do  dialogue  Intitulé  : 
Epinomis  (1912).  Platon  y  décide  que  le  ciel,  les 
pUnètes  et  tontes  les  étoiles  fixes  doivent  être  éga- 
lement honorées,  parce  que  ee  sont  des  divinités 
fort  amies  ei  fort  semblables  entre  elles  :  c  L^est 
pourquoi,  dit-îL  soit  que  ces  astres  se  mtovent  par 
eux-mêmes,  soit  qu'ils  soient  entraînés  par  le  mou- 
vement des  sphères  oà  ils  sont  attachés,  que  per- 
sonne de  nous  n*en  ait  de  différents  sentiments,  et 
ne  s*imagine  qoe  les  uns  sont  des  dieox  et  que  les 
autres  n*en  sont  pas  ;  ou  qoe  ceux-là  sont  vrais  el 
Ic/itimes  et  les  aotres  non  :  chose  on'il  n'est  pas 
même  permis  à  personne  de  penser,  liais  disons  et 
assomns  qn*ils  sont  tous  frères,  parfaitement  égaux, 
vi  bon<irons-les  tous  également,  de  sof  le  qoe  nous 
ne  consacrions  pas  à  l'un  Tannée  et  à  Tauire  le 
mois,  et  que  les  autres  niaient  aucun  honneur  ni 
aucun  temps  consacré  dans  tout  cet  espace  qu*ils 
«-oiploient  à  faire  leur  course  avec  cet  univers  que 
le  Verbe  très-divin  a  arrangé  et  rendo  visible.  Ce- 
lui, coniiooe  Platon,  qoi  est  bieiiheoreux  admire 
premièrement  ee  Verbe,  et  après  cela  II  est  enflaii»- 
nné  du  désir  d'apprendre  ce  qui  peut  être  connu  par 
one  naiore  iitorielle.  i  M.  Le  Clerc  s*arrête  à  ces 
paroles  :  Que  le  Yerbt  trét^ivin  a  arrangé  cel  uni - 
ttrs;  et  il  croit  que  les  Pères  y  ont  trouvé  U  se- 
conde personne  de  la  sainte  Trinité  exprimée  si 
parfaitement,  qu'ils  n*ont  point  douté  que  ce  ne  fût 
absolument  la  roèoie  chose  que  ce  que  rEcrîlure  ^ 
nous  en  apprend. 

Il  faut  ajouter  à  ce  passage  celui  que  notre  aoteor 
rapporte  encore  dans  sa  Btbliotfièque  pour  prouver 
ÏA  même  chose.  Il  est  tiré  de  la  Uttre  à  Bermias, 
a  EraiU  et  à  Coritqne,  f  Platon  leur  ordonne  de 
faire  une  espèce  de  pacte  entre  eux,  en  prenant  a 
témoin  le  Dieu  qui  est  le  conducteur  des  choses 
I  résenles  H  futures,  et  le  Seigneur  qui  est  le  Père 
de  ce  cooducieur  et  de  cette  cause  (1913).  • 

Pour  ce  qoi  est  do  troisième  principe  de  Platon, 
dans  leqoil  M.  Le  Clerc  croit  qoe  les  Pères  ont 
trouvé  le  Saint  Esprit,  il  produit  un  passage  du 
Timée  où  il  est  dit  i  que  TÂuteur  de  Punivers  a  créé 
le  monde,  et  qu'il  en  a  fait  un  dieo  bienheoreox  ; 
qu'il  loi  adonné  une  àme  plos  ancienne  que  son 
corps,  et  quM  l'a  faite  d'une  subsunce  mitoyenne 
entre  celle  qui  est  indivisible  et  tooioors  la  même, 
el  celle  qui  est  divisible  et  matérielle  M914).  >  Qui 
iMiurrail  s'imaginer  qoe  les  Pères  de  rEglise  eus- 
sent trouvé  le  Saini-Ësprit  dans  ces  paroles  de  Pto- 
u>n?  M.  Le  Clerc  le  soutient  néanmoins,  et  cite  la- 
dessus  Eosèbe,  quoique  cet  ancien  auteor  n'eu  dise 
rien,  etqu*il  parle,  à  l'occasion  d'un  autre  passage 
qne  voici,  tel  qoe  M.. Le  Clerc  le  rapporte  dans  sa 
bibliothèque,  il  est  tiré  delà  lettre  à  iNsnis  le  Jeune, 

(191Î)  Uem,  m  Epmtmûde,  pag- 986,  lôm.  If. 
'  (1913)  Idem  Pukio*,  epIsL  6,  ad  Hemaam,  Eratium  et 
C4>risaim,  in  fine.  .     .  •     ,  ,. 

(191  i)  Idem,  tn  ToMTo,  sUtun  faifra  locum  sopra  (ita- 

inm.  . 
{1913;  Plaio,  episl.  5,00  Ihonys.  ,      .   -„ 

41916)  Epist.  7  crilica,  pag.  246.  f  Al  lenuis  smull- 


où  Platon  s'exprime  ainsi  :  <  Tout  est  autour  du 
roi  de  toutes  choses,  et  tout  est  à  cause  de  lui.  Il 
est  la  cause  de  tous  les  biens  ;  les  choses  du  secoml 
ordre  sont  aotoor  do  second,  les  choses  do  troi- 
sième sont  autour  du  troisième  (1915).  > 

Voilà  quels  sont  les  passages  de  Platon  dans  les- 
quels M.  Le  Clerc  assure  que  les  Pères  de  l'Eglise 
ont  trouvé  le  dogme  de  la  Trinité  :  voilà,  selon  loi, 
ce  qoi  les  a  persuadés  qoe  les  apôtres  avaient  conço 
ce  mystère  de  la  même  manière  qoe  ce  philosophe 
païen'.  Il  les  combat  là-dessos  dans  sa  septième 
Lettre  critique  avec  one  facilité  merveilleose,  et  il 
Wor  montre  admirablement  (1916)  qu'ils  ont  eu 
grand  tort  de  donner  dans  une  pareille  imagination, 
sur  one  aussi  légère  ressemblance  que  celle  qui  se 
trouve  ici,  et  de  soutenir  ensuite  que  Platon  avait 
tiré  de  TEcritore  ee  dogme  des  trois  principes, 
qu'ib  se  sont  persuadé  si  mal  à  propos  n'être  rien 
autre  chose  que  la  Trinité  des  chrétiens.  Voyons  à 
prient  s'il  a  raison  de  leur  faire  ce  reproche,  et  si, 
selon  u  méilr^de  ordinaire,  il  ne  leur  en  prête  pas 
beaucoup,  pour  avoir  occasion  de  les  combattre,  ou 
plutôt  de  combattre  en  leurs  personnes  le  mjjsière 
adorable  de  la  Trinité.  Pour  cet  effet,  examinons 
les  passages  qu'il  cite  de  leurs  ouvrages ,  en  roin- 
mençant  par  ceux  qnll  produit  dans  sa  Bibliothè- 
9ve(1917). 

S  V.  —  Examen  des  pastages  des  sainte  Pères  sur 
lesquels  Jf .  Le  Clerc  prétend  qu^its  ont  cru  que  le 
sentiment  de  Platon  et  celui  des  apêtres  sur  la 
Trinité  était  le  même.  —  Passages  de  saint  Jus- 
tin, aiiCon  ne  wnt  aucune  trace  des  conclusions 
qne  M.  Le  Clerc  en  tire.  —  De  quels  dogmes  de 
Platon  parle  saint  Justin,  lorsqu'il  dit  qu'ils  ne 
-  sont  pas  éloignés  de  ceux  deJésus-Ckrist.  —  Pas^ 
sages  de  saint  Augustin  également  mal  expliqués 
par  Jf .  Le  Clerc,  ^  Ce  que  les  platoniciens  non-- 
veaux  entendaient  par  leurs  principes,  —  Abus  que 
fait  M.  Le  Clerc  des  paroles  de  saint  Augustin.  — 
Intfriété  des  platonieiens  ofposée' à  celle  des  sabel- 
liens  et  condamnée  par  satnt  AugusHn.  —  Ce  saint 
Père,  dans  le  premiet  pauage,  ne  parle  que  des 
anciens  platoniciens,  qui  n^ontjamaii  fait  o|eiili«« 
de  Dieu  le  Père,  de  Dieu  le  Fils,  et  de  rame  du 
monde,  comme  de  trois  principes.  —  Preuves  de 
cette  vérité.  —  Les  principes  de  Platon  et  des  an- 
ciens platoniciens  ont  été  fort  diférents  de  ceux 
des  platoniciens  nouveaux.—  Les  auteurs  anciens 
qui  ont  exposé  les  sentimenu  de  Platon,  nont 
point  fait  mention  de  ces  trois  principes,  ou  de  ces 
trois  dieux  principaux.  —  Ces  trois  dieux  princi- 
paux, assemblés  ensemble  en  forme  de  Trinité, 
sont  une  invention  des  platoniciens  nouveaux,  sin- 
ges et  ennemis  des  chrétiens. 
Je  trouve  d'abord  celui  de  saint  Justin,  que  nous 
avons  déjà  rapporté,  en  faisant  voir  qo*il  ne  contient 
rien  de  particulier  à  la  louange  de  Socraie  on  de 
Platon.  U.  Le Qerc le  donie  néanmoins,  non-seu- 
lement comme  un  témoignage  de  la  grande  estime 
qne  saint  Justin  faisait  de  Platon,  mail  encore 
comme  une  preuve  que  ce  saint  martyr  a  cru  que 
le  st*ntiment  de  ce  philosophe  et  celui  des  apôtres 
sur  la  Trinité  éuit  le  même.  Voyons  donc  si  noos 
pourrons  découvrir  dans  ce  nassa^e  quelques  tra- 
ces de  cette  idée  étrange  qu'il  attriboe  à  ce  Père; 
le  voici  tel  qu'il  le  tradoit  :  <  Jostin,  martyr,  dans 
sa  première  ÂpohgU,  '  dît  qne  Jésus-Christ  était 
conno  eo  partie  par  Sorrale.  Car  la  raison  était  et 
est  encore  la  même  qoi  cit  en  chaque  homme.  C*est 

tudo  qo»  înler  principia  tria,  seu  ires  deos  nmmos 
PUtonis  prima  fironie  esse  videlur,  non  debuit  lia  ani- 
mum  Eosebii  aliorumque  atficere,  ut  illico  se  Tnoitalem 
cbrislianam  Palris,  FUU,  et  Spiritns  sancU,  in  cjus  veib» 
agooâcere  profiterenUir,  etc.  t  •  . 

(1017)  Bibliothèque  univers,  tom.  X,  pag.  M& 


1571 


PlCTlO.NNAltU:  APOLOGETlQtJE. 


m 


elle  qlii  a  prédît  ravenir  par  les  prophètes,  et  qui, 
deyenne  sujette  aux  mêmes  infirmités  qae  nous, 
nous  a  instruits  par  elle-même.  ,>  Je  Us  et  relis  ce 
passage  avec  toute  Tattention  dont  je  suis  capable  ; 
mais  plus  je  fais  d'efforts  pour  y  trouver  les  princi- 
pes de  cette  conclusion  :  Donc  êainl  Juitin  a  cru 
Îme  le  sentiment  de  Platon  et  celui  de$  apôtres  était 
e  même;  moHis  j'y  découvre  quoi  que  ce  soit  qui  y 
ait  quelque  rapport.  Il  faut  que  M.  Le  Clerc  ait  une 
logique  toute  particulière  et  fort  différente  de  celle 
des  autres  hommes.  Prions-le  donc  de  nous  en  faire 
part,  afin  qu'il  ne  soit  pas  le  seul  qui  découvre  dans 
ces  paroles  de  saint  Justin  ce  qu'il  est  impos- 
sible d'y  trouver  par  les  règles  de  la  logique  ordi- 
naire. 

En  attendant,  souvenons-nous  que  saint  Justin  ne 
dit  rien  ici,  sinon  que  Socraie  ou  Platon,  de  même 
que  les  autres  philosophes  et  quelques  poètes  même, 
ont  suivi  dans  quelques-uns  de  leurs  sentiments  les 
lumières  de  la  droite  raison,  qui  est  un  don  ou 
une  communication  de  la  raison  souveraine,  de  la 
sagesse  subsistante  et  du  Verbe  étemel  de  Dieu, 
qui  est  Jésus-Christ,  et  que,  par  conséquent,  on 
\\Bui  dire  qu'ils  ont  suivi  et  connu  en  partie  Jésus- 
Christ. 

Saint  Justin  dit  encore,  continue  H.  Le  Clerc, 
c  que  les  dogmes  de  Platon  ne  sont  pas  éloignés  de 
ceux  de  Jcsus-Chrisl.  >  Cela  est  vrai,  mais  saint 
Justin  ajoute  en  même  temps  :  i  Non  plus  que  ceux 
des  stoïciens,  de  quelques  poètes  et  d'un  i^rand 
nombre  d'autres  auteurs  païens,  i  Pourquoi  M.  Le 
Clerc  relranche-t-il  ces  paroles,  qui  fout  voir  si 
clairement  que  saint  Justin  n'accorde  ici,  non  plus 

au'ailleurs,  aucun  privilège  particulier  à  Platon? 
[ais  rapprochons  la  conclusion  de  notre  auteur  de 
oes  paroles  de  saint  Justin,  d'où  il  la  tire.  Saint  Jus- 
lin  a  dit  que  les  dogmes  de  Platon  ne  sont  pas  éloi- 
gnés de  ceux  de  Jésus-Christ,  non  plus  que  les  dog- 
mes des  stoïciens,  de  quelques  poètes  et  de  plu- 
sieurs autres  auteurs  profanes  ;  donc  saint  Justin 
a  cru  que  le  dogme  des  trois  principes  de  Platon 
était  le  même  que  le  dogme  de  la  Trinité  des  chré- 
tiens :  quelle  conséquence? 

Qui  a  dit  à  M.  Le  Clerc  que  les  dogmes  de  Pla- 
ton, des  stoïciens  et  des  poètes,  dont  parie  ici  saint 
Justin,  sont  jiislemeni  ceux  oui  regardent  les  trois 
principes  de  Platon,  Dieu,  Tldee  et  l'Âme  du  monde? 
Qui  ne  voit  au  contraire  qu'il  ne  parie  point  de  ceux- 
là,  puisqu'il  prétend  que  ces  dogmes  de  Platon,  qui 
ne  sont  pas  éloignés  des  dogmes  de  Jésus-Christ, 
sont  ceux  qui  sont  communs  k  ce  philosophe,  ainsi 
qu'aux  stoïciens,  à  quelques  poètes  et  à  d*autr(*s 
écrivains  du  paganisme?  Or,  les  stoïciens,  les  poè- 
tes et  ces  autres  écrivains  ont-ils  parlé  comme  Pla- 
ton, ou  plutôt  comme  les  platoniciens  nouveaux  ont 
{>:)rlé  sur  leurs  trois  principes  ?  Si  cela  est, .  voilà 
es  stoïciens,  Ks  poètes  et  la  plupart  des  autres  au- 
teurs païens  devenus  philosophes  platoniciens, 
même  avant  que  le  platonisme  fabriqué  dans  l'école 
de  Plotin  eût  paru  au  monde.  Aloquons-nons  de 
toutes  ces  chimères  de  M.  Le  Clerc,  et  reconnais- 
sons que  ces  dogmes  de  Platon,  que  saint  Justindit 

(  191 8)  JcsTi?(cs,  iifColiort.  ad  Grœcos  ;  Clemens  Âlexandr. , 
in  Protrept,  et  Strom.;  MticoTtus  Félix  in  Octavio;  Theo- 
nf^ntTVê  in  Semumibus  ad  Grœcos;  Lactaut.,  in  Instit. 
Ohin.f  etc.  On  sait  ce  que  dit  Lactaoce,  à  l'occasion 
de  l'ouvrage  de  saint  Cyprien,.  adressé  à  Démétrius  : 
<  Nam  sicut  inbos  solidi  ac  fortis  cibi  capere  \im  non 
poiest,  ob  stomachi  teneriludinem  :  sed  liqoore  lactis  ac 
roollitudine  alilur,done€  firmatis  yiribus,  vesci  fortioribus 
possit  :  ita  el  huic  (Demetriaao)  oportebat,  quia  nondum 
polerat  capere  divioa,  prius  bumana  ieslimonia  offerri, 
id  est  philosophoruro  et  hisloricoaom,  ut  suis  potissimum 
refuUrelur  auctoribus.  Quod  quia  ille  (Cjpnanus)  non 
fectl,  raplus  eximia  eradilione  divinarum  lilteranim,  ut 
\{n  fiolifl  contentas  essel,  quibus  fides  constat,  aoeessi  Deo 
liivniranle  ut  ego  fj^cerem,  et  simul  ut  yiam  csBteris  ad 
Idiituiidmn  pararem.  »  (Lactam.,  Divin.  ïustil,,  1.  v. 


n*être  pas  éloignés  de  ceux  de  Jésus-Christ,  »«( 
l'existence  de  Dieu,  sa  Providence,  rimiDonaiîié  de 
l'âme,  les  récompenses  et  les  ch&ibiients  de  rwre 
vie;  dogmes  communs  à  tout  ce  qu'il  y  a  eu  mire, 
fois  de  plus  sensé  parmi  les  écrivains  do  papuis- 
me,  quoiqu'ils  les  aient  mêlés  tous  de  beaucoup  it 
fables  et  de  mensonges  ;  dogmes  enfin  6\k  tt  sou- 
vent par  saint  Justin  et  les  autres  Pères  de  TEglise 
(1918),  pour  prouver  aux  païens,  par  le  tdooi- 
gnage  de  leurs  propres  auteurs,  la  vérité  de  eeii 
çiue  le  christianisme  enseigne  sur  les  mèm»  su- 
jets. 

Le  troisième  passage  cité  par  notre  aoteur,  poir 
prçuver  que  les  Pères  de  l'Eglise  se  persuadaieat 
que  les  apôtres  avaient  cru  la  même  chose  qsePb- 
ton  et  les  platoniciens  sur  ce  qui  regarde  b  Trimié, 
est  celui  de  saint  Augustin,  qui  dit  :  i  Qoesi  ka  »• 
ciens  platoniciens*  étaient  tels  qu'onlesdécrinit,a 
s'ils  venaient  à  ressusciter,  ils  embrasseniestsuis 
peine  le  christianisme,  en  changeant  qoelqne  pea 
de  mots  et  de  dogmes;  ce  que  b  plupart  m  plaio- 
niciensnouveaux  etde  son  temps  avaient  &it  (1919).  t 
Ne  faut-il  pas  avoir  encore  ici  de  bons  veai  pour 
voir  dans  ces  paroles  de  saint  Augustin  la  ooocii- 
sion  que  M.  Le  Clere  en  tire?  Mais  que  lui  importe 
de  raisonner  juste,  pourvu  qu*il  vienne  ibottl,  en 
citant  à  tort  et  à  travers  des  passages  oà  it  est  park 
de  Platon  et  des  platoniciens,  de  faire  Dalireqirl' 
ques  soupçons  dans  l'esprit  de  quelque  ignonol, 
que  le  mystère  de  U  Trmilé  pourrait  bien  o'éire 
qu'une  imagination  de  ces  philosophes,  adoptée  oai 
à  propos  par  les  Pères  de   l'Eglise?  0*aifiea^ 
comme  il  parle  sans  ce^se  dans  ses  livres  desgruils 
avantages  que  l'on  retire  d^une  bonne  logique,  e& 
soutenant  que  les  Pères  en  manquaient  beancosp, 
et  qu'ils  raisonnaient  par  conséquent  fort  mil;  n*a 
est-ce  pas  assez  pour  persuader  tout  le  moBd^, 
qu'il  raisonne  lui-même  toujours  avec  beaDcoup  de 
justesse,  et  qu'il  ne  s'écarte  jamais  des  règles  de  li 
logique  la  plus  exacte,  lors  même  que  I  on  ne  nÀ 
aucune  liaison  entre  ses  principes  et  sei  condB- 
sion  s? 

Tâchons  néanmoins  de  deviner  sur  quoi  est  fondée 
celle  qu'il  tire  des  paroles  de  saint  Aogostin  qiie 
nous  venons  de  rapporter.  Il  faut  sans  doute  quM 
suppose  que  ce  saint  docteur  ne  comprend  poimdiss 
ce  peu  de  dogmes  que  les  platoniciens  devraieit 
chjo^er,  pour  se  faire  chrétiens,  celui  dts  iitt& 
principes  ou  des  trois  dieux  principaux  qu'ils  ad- 
mettaient. 11  faut  qu'il  prétende  que  ces  ttt)is  pri&* 
cipes  ou  ces  trois  dieux  s'acconient  parfaiiemeiH 
avec  ce  que  la  fbi  nous  enseigne,  et  ce  que  a^ 
croyons  avec  saint  Augustin,  touchant  an  seul  Dia 
en  trois  personnes. 

Mais  sur  quoi  appuie-t-ll  cette  prétention  chine 
rique?  Où  a-t-il  trouvé  que  saint  Augustin  recob- 
nùt  trois  dieux  ou  trois  principes  ?  Ce  saiut  docteai. 
au  contraire,  ne  condamne-t-ii  pas  dans  toutes  !e> 
pages  de  ses  livres,  de  même  qui;  tous  les  aao^ 
Pères  de  l'Eglise,  cette  impiété  si  nioiistnieose,  a 
si  directement  opposée  au  premier  dogn»'-  de  U  (»> 
chrétienne?  Ne  la  combat-il  pas  en  particslier  dl&^ 

cap.  4.)  Eosèbe,  dans  son  grand  oorrage  de  li  Prj; 
Ewmg.,  fait  profession  plus  que  tout  autre  de  réfolff  itf 
païens  par  leurs  propres  auteurs,  philosophes,  tnst^xKff. 
poètes  el  autres.  Théodoret  a  marché  sur  ses  tnas.  '• 
dit  à  ce  sujet  que,  pour  guérir  les  païens  de  leurs  em»^ 
U  a  employé  les  livres  de  leurs  poètes^  ^"*^^* 

Î philosophes,  à  peu  près  comme  les  médecuis  ew^^* 
es  serpents  et  les  vipères,  pour  en  composer  de  «^ 
mèdes  saluUires.  Mais  quand  les  Pères  de  rEgiBe  k 
prétendaient  plus  combattre  ou  instruire  les  paie».  ^ 
tsieot-iis  encore  les  auteurs  profanes?  U  n'y  »",')^ 
dont  ils  fussent  plus  éloignés,  comme  ou  le  voit  cwfi- 
ment  par  leurs  autres  ouvrages,  où  ils  ne  a*app«iwt.  » 
raisonnent  et  ne  parlent  que  sur  l'Ecriture. 
(11M9)  Ace,  (.  De  vera  relig,»  loco  supra  reiilo 


k 


ir»T3 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


i57i 


les  platosid^t*  {lartout  où  il  leor  refiroclie  ce  po- 
ythéisme  eiiraTagant,  qgi  lair  faisait  mHtre  au 
iiombire  des  dieas  le  monde  et  ses  principales  par- 
ties, comme  le  soleil  et  tomes  les  antres  planètes  : 
le  moode,  dis-je»  on  Tàme  do  monde,  le  troisième 
de  ces  dienx  principani  qo^ils  reconnaissaient?  Ne 
la  combat4I  pas  encore  eipressément,  lorsqn^il 
sooiieiit  contre  ces  mêmes  philosophe^  dans  tes 
livres  De  la  Ciié  de  Diem^  qall  n*y  a  qu'on  seul  prin- 
cipe ooi  pnriBe  Tàme,  M  non  pas  trois,  comme  ils 
le  prétendaient. 

Il  ne  sera  pas  inotlle  de  rapporter  ce  passage, 
paisqoe  notre  auteur,  toujours  semblable  i  lui- 
même,  soit  qo^il  parle  en  son  nom,  soit  qu'il  se  ca- 
che sons  celui  de  Joannes  Phereponuê^  en  aliose 
comme  de  tous  les  antres,  dans  ks  notes  impies 
f]a*il  a  faites  sor  les  ouvrages  de  saint  Augustin, 
tie  saint  docteor  dispute  en  cet  cAdroit  contre  Por- 
phyre (1920),  qui  enseignait,  selon  les  maiimes  de 
sa  philosophie  théur^qoe,  que  les  sacriflces  que 
Ton  faisait  aux  principes,  purifiaient  Tâme  ;  gnoi- 
qoe  ceux  que  Ton  offrait  à  la  lune  et  au  soleil  ne 
pussent  point  la  purifier  :  en  quoi  il  s*éloignait  do 
sen liment  des  autres  plalontciens  nouveaux  ses  col- 
lègues dans  la  profession  qu1ls  faisaient  tous  de  la 
magie,  mais  plus  fous  et  plus  impies  que  lui  sor  ce 
point. 

Saint  Augustin  dit  donc,  en  réfuunt  toutes  ces 
impiétés  :  f  Nous  savons  ce  que  Porphyre,  comme 
philosophe  platonicien,  entend  par  les  principes. 
Car  il  dit  que  c'est  Dieu  l«  Père,  et  Dieu  le  Fils, 
qu'il  appelle  la  pensée  oo  renleniement  du  Père. 
Quant  au  Saint-Eiprit,  il  n*en  dit  rien,  ou  ce  qo*ii 
eu  dit  n*est  pas  clair,  quoique  je  ne  comprenne  pas 
quel  est  cet  aotre  qoll  dit  tenir  le  milieo  entre  le 
Père  et  le  Fils;  carsMI  voolait  parier,  comme  fait 
Plolin,  de  la  troisième  substance  principale  qoi  est 
Tàme  raisonnable,  il  ne  dirait  pas  qu'elle  tient  le 
milieu  entre  le  Père  et  le  Fib;  puisque  Plotin  ne  la 
met  qu'après  rentendement  du  Père,  au  lieu  que 
Porphyre  mettant  ceile  dont  il  parle  ao  milieu,  ce 
u*eM  pas  la  mettre  après,  mais  entre  deux,  t 

Cest  ainsi  que,  ces  nouveaux  platonicieiu,  vrais 
singes  des  chrétiens,  comme  Tliéodoret  appelle  Por- 
phyre eu  particolier  (1921),  faisaient  tous  leurs 
efloru  pour  mettre  à  la  tête  de  tous  leurs  dieux  une 
espèce  de  Trinité  à  Timitation  de  celle  des  chrétiens. 
Cest  ainsi  qoe  dans  rexécotîon  de  ce  dessein,  ils 
ne  s'entendaient  pas  entre  eux,  chacun  suivant  son 
caprice  dans  rarrangement  de  ces  trois  principes, 
et  débiunt  âi  ce  sujet  quantité  d'erreurs  et  de  con- 
tradictions. C'est  ce  que  saint  Augosiin  reproche 
-  ici  \  Porph^e,  lorsqu'il  ajoute  :  c  Mais  ce  philo- 
sophe, dit-il,  s*est  exprimé  comme  il  a  po,  oo 
comme  il  a  voulo,  pour  dire  ce  qoe  noos  disons, 

3 ne  le  Saint-Esprit  n'est  pas  seulement  l'Esprit 
a  Père  ou  du  Fils,  mais  de  tous  les  deux  ;  car  les 
expressions  de  ces  philosophes,  continue- 1 -il,  sont 
fort  libres,  et  ils  ne  craignent  point  de  blesser  les 


(1920)  Idem,  1.  x.  De  cmi.  Dei,  cap.  23  :  c  Dicil  eliam 
rori>hmiis  dirinis  oracalis  fuisse  responsoin  uoa  dos 
purgari  laïue  leletis  alqoe  solis...  eodem  dicil  oracolo 
eipressoiD,  principii  posse  pargare...  i)ux  auiem  dtcal 
esse  princîpia,  lanquam  Plalootcus,  noTimus.  Dicil  enim 
Deum  Patrem,  el  Deom  Fiiiam,  qaem  Graece  appellal 
palemum  Inlellectum,  Tel  paiemam  raenlem;  de  Spiriiu 
aolem  sanclo,  aat  nibil,  aut  non  aperle  aUqaid  dicil  : 

SoamTis  qaem  aliura  dicat  borum  mediom,  non  iiitelligo. 
i  eoim  lertiam,  sicnl  Plotinns  ubi  de  tribus  principalilNis 
snbstaoliis  disputai,  aainuB  naluram  etiam  isie  vellel 
telêlligi  :  non  ulîque  dicerel  borum  médium,  id  esi, 
Patris  el  FilU  médium.  Postpouilquippe  Plolinus  aoimae 
oaUiram  pateroo  toléUecUii  :  isle  anlem,  cum  dicil  me- 
dtam,  DOB  posipooil,  sed  inlerponit  t 

(1921)  Tbodoixtcs,  ad  Grœcoiy  teruL  7. 

(1922)  AccosT.,  ÎM.  cap.  25,  I.  x.  De  caU.  :  cEl  ni- 
miromboe  dicil  ul  polnil.  sive  ol  voloSl,  qood  nos  Spi- 
ntuiD  saoctom  nec  Palris  lanlom,  nec  Filii  lanlum,  se-J 


oreilles  pieuses,  lorsqu'ils  parlent  des  choses  extrê- 
mement dfliciles  à  concevoir.  Pour  nous,  nous 
sommes  plus  réservés  en  ces  matières,  et  il  ne  nous 
est  pas  permis  de  non»  écarter  do  langage  de  TEglîse, 
de  peor  qoe  la  liberté  des  expressions  no  produise 
quelque  opinion  Impie.  Quand  donc  nous  parions 
de  Dieu,  nous  ne  disons  pas  deux  oo  trois  prin- 
cipes. Il  ne  noos  est  pas  permis  non  plus  de  dire 
deux  oo  trois  dieux,  qooiqoo  nous  reconnaissions 
qoe  chacune  des  trois  personnes  divines  est 
Dieo  (1922).  > 

H.  Le  Clerc,  sor  ces  paroles  (1923),  ne  lait  point 
difficulté  d'avancer  que  saint  Augustin  ne  condamne 
ici  qoe  le  langage  des  platoniciens,  et  point  do  tout 
leur  sentiment  sur  leurs  trois  dieux  ou  lairs  trois 
principes  :  que  loi-mème,  i  parler  proprement,  a  I- 
mettait  trois  dieux  comme  eux,  et  que  s'il  ne  s*es- 
primait  pas  ainsi,  c^était  précisément  parce  qu*il 
craignait  d^offenser  les  oreilles  pieuses  qui  n'étaient 
pas  aceoutomées  à  cette  expression  inusitée  dans 
TEerilore,  et  non  pas  qo*a  âti  qoe  ce  dogme  des 
trois  dieox  fût  faux. 

Voilà  one  réflexion  digne  de  notre  auteur,  et  de 
celui  do  Ptaiamsme  dévoilé ^  qui  parle  comme  lui. 
Tout  le  monde  en  voit  llmpiélé,  mais  poor  en  con- 
naître encore  b  fausseté  ,  on  n*a  qu'à  faire 
attention  à  la  raison  qui  empêche  saint  Augustin  de 
parler  sor  le  mystère  de  la  Trinité,  comme  les  pb- 
tonidens  sor  leors  trois  principes.  <  Cest,  dit-îl, 
de  peor  que  b  licence  des  expressions  ne  produise 
une  opinion  impie  sur  le  sujet  même  auquel  on  les 
emploie  (1924).  •  Ce  n*éuit  donc  pas  la  liberté  seule 
des  expressions  qoe  saint  Augustin  condamnait  dans 
les  platoniciens',  mais  encore  Timpiété  renfermés 
dans  leurs  expressions.  Il  ne  croyait  donc  pas  de- 
voir s'abstenir  de  dire  trois  dieux  oo  trois  princi» 
pes,  précisément  parce  qoe  ce  bngage  n*était  pas 
conforme  à  celui  de  TEcriture,  mais  encore  parce 

2u*il  aurait  prodoii  ime  opinion  impie,  qoi  est  celle 
e  croire  trois  dieox  oo  trois  principes.  Cétait 
donc  enfin,  sekm  saint  Aogostin,  one  opinion  impie, 
de  dire  troi«  di«*ux,  et  non  pas  seulement  dne 
expression  trop  libre,  oo  peo  conforme  à  TEcri* 
tore. 

Nouvelle  preovede  cela,  c*est  qoe  saint  Angiisiin, 
à  cette  opinion  impie  des  pbtoniciens  qui  recon- 
naissaient trois  dieux  oo  trois  principes,  oppose  une 
autre  opinion  impie,  qui  est  rherésie  dés  sabelKens, 
en  montrant  clairement  qne  les  orthodoxes  étalait 
également  éloignés  de  Tune  et  de  Paoïre.  Noos  ne 
disons  pas  néanmoins,  ajoote-til,  ce  qoe  disent  les 
hérétiques  sabelliens,  qui  M>otienneiit  que  le  Père 
est  le  même  qne  le  Fîb,  et  que  le  Saint-Esprit  esi 
le  même  que  le  Filsetqoo  le  Père  (I925).f  Saint  Au- 
gustin croyait-il  qne  rbérésie  dt  s  sabelliens  ne  con- 
sistât que  dansb  liberté  de  leurs  expressions?  Non, 
sans  doute.  Il  savait  parfaitement  qu*on  n*est  pas 
hérétique,  précisémeni  parce  qu*on  s*expriine  mal  ; 
il  ne  CtOy^ii  donc  pas  non  plus  qull  n*y  eût  rien  à 

niriuaqae  Spirilom  dicimns.  LIberis  enim  verbis,  i  etc., 
ul  supra. 

(1925)  ioannes  Pubbdokts,  slve  Cixbiccs,  m  Àmmadv. 
ad  Au^mm  opérai  lomo  XU,  edlL  blao  dicUe  Anloer^ 
pian*,  pag.  385. 

(1^4)  ArccsT.,  Mtupra  :  c  Nobis  aalem  ad  ceriam 
regolam  loqui  îa%  est,  ne  verfoonim  licenlia.  etiam  de 
rebos  que  bis  finiiCcanUir,  Implam  gf gnal  opiniooeni.  ) 

(1925)  Idem,tM.:  c  Nosilaque  oondidmus  duo  vel 
tria  prindpb,  cum  de  Deo  loquimur  ;  sicol  nec  duos  deos 
Tel  1res  nobb  lidlom  est  dfcere  :  qoamvis  de  nnoopoque 
loquenles,  Tel  de  Paire,  vel  de  Filio,  Tel  de  Sptnln 
sancto,  etIam  slngulom  qoemqne  Deom  esse  &teamor. 
Nec  didmos  tamen  quod  bcrelici  SabelliaDi,  euindem 
esse  Palrem  qoi  est  el  Fillus  :  el  eomdem  esse  Spiriluio 
sanclum  qoi  est  el  Paler  el  Filins,  sed  Palrem  esse  Filii 
Palrem,  el  Filiom  Palrb  Filiom,  et  Palris  el  FilU  Spirt- 
luoi  sanctum  noc  Palrem  esv  nec  Kîllnm.  » 


\ipio 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


1.76 


reprendre  dans  ropinion  des  pialODÎcieiis,  que  la  li- 
berté de  leurs  eipressions,  puisuu^il  les  oppose  aux 
sabellieos,  comme  ayant  donne  dans  une  impiété 
opposée  à  celle  de  ces  hérétiques.  Saiut  Augustin 
aj6ule«  pour  exprimer  le  sentiment  orthodoxe  égale- 
ment opposé  à  riiérésie  dessabelliens  et  i  rimpîèté 
des  platoniciens  :  c  Nous  disons  que  le  Père  est  le 
Père  du  Fils,  et  que  le  Saint-Esprit  est  rEsjprit  du 
Père  et  du  Fils ,  sans  être  néanmoins  ni  le  Père  ni 
le  Fils.  I  Saint  Augustin  prétend-il  ici  exposer  seu- 
lement comment  les  orthodoxes  s'exprimaient? 
Non,  sans  doute ,  mais  beaucoup  plus  encore  ce 
qu'ils  pensaient.  Or ,  ils  ne  pensaient  pas  comme 
les  sabeiliens,  qui  n*admetiaient  pas  trois  personnes 
eu  Dieu  ;  ils  ne  pensaient  pas  non  plus  comme  les 
platoniciens  ,  qui  reconnaissaient  trois  dieux  :  que 
croyaient-ils  donc ,  pour  tenir  le  milieu  entre  ces 
deux  opinions  impies?  trois  personnes  en  un  seul 
Dieu. 

Revenons  à  présent  au  passage  du  même  saint 
Augustin  (192C),  cité  par  M.  Le  Clerc,  dans  sa  Bi- 
bliothèque ;  et  pour  détruire  en  un  root  toutes  les 
conséquences  qu'il  en  tire,  remarquons  que  ce  saint 
docteur  ne  parle  en  cet  endroit  que  des  anciens 
platoniciens  qui  ont  précédé  la  naissance  de  Jésus- 
Christ:  c'est  ce  qui  parait  évidemment  par  toute  la 
suite  de  ce  passage.  Or,  ni  Platon ,  ni  les  anciens 
platoniciens  ou  académiciens,  ne  se  sont  jamais  avi- 
sés de  choisir  trois  de^  principaux  dieux  qu'ils  ad- 
roetuient  pour  en  faire  une  espèce  de  Trinité,  ni 
d'établir  Dieu  le  Père ,  Dieu  le  Fils ,  et  l'Ame  du 
monde,  comme  trois  principes.  C*est  là ,  ainsi  que 
saint  Aiignstio  nous  Ta  fait  entendre,  et  que  nous 
l'avons  tléjà  remarqué ,  une  invention  des  platoni- 
ciens nouveaux,  qui  se  sont  efforcés  de  contrefaire 
le  christianisme  pour  donner  plus  de  vogue  à  leur 
platonisme. 

En  effet,  on  ne  trouve  rien  dans  Platon  qui  mar- 
que qu'il  ait  reconnu  ces  trois  principes,  ni  qu'il  les 
ait  joints  ensemble  en  manière  de  système.  11  parle 
à  la  vérité  d'un  Verbe  qui  a  arrangé  l'univers,  mais 
voflà  tout  :  ce  sont  des  paroles  qu'il  répète  après 
ceux  de  qui  il  les  avait  entendues,  et  qn  il  ne  com- 
prenait pas  plus,  comme  le  remarque  Théodore t 
(1927),  de  même  que  quelques  autres  manières  ('e 
parler  dont  il  se  sert,  et  qu'il  avait  tirées  de  la  mê- 
me source,  qu'un  perroquet  qui  répète  les  paroles 
qu'on  lui  a  apprises.  Pour  ce  qui  est  du  monde,  il 
est  vrai  qu'il  en  fait  un  Dieu,  mais  ce  Dieu,  chex 
Platon,  n'a  rien  qui  le  distingue  du  soleil,  de  la 
lune,  des  planètes  et  des  autres  dieux  supérieurs 
que  ce  philosophe  reconnaissait ,  si  ce  n'est  qu'il 
est  plus  monstrueux  que  tous  les  autres. 

Enûn  Platon  n'a  point  reconnu  d'autres  principes 
que  ceux  dont  nous  avons  parlé  après  tous  les  Pè- 
res, dans  les  livres  précédents  ;  savoir,  Dieu,  la 
matière  et  l'idée;  et  il  est  ceruin  qu'il  ne  s'est  ja- 
mais avisé  de  faire  de  la  matiéie  un  Dieu.  Pour  l'i- 
dée, s'il  l'a  regardée  comme  une  substance  sépara 
et  distinguée  de  Dieu,  comme  je  le  crois,  après  les 
saints  Pères,  et  s'il  en  a  fait  un  Dieu,  ee  que  je  ne 
puis  pas  assurer,  il  est  au  moins  bien  certain  que 
cette  idée  n'était  pas  unique ,  mais  qu'il  y  en  avait 
autant,  selon  lui  ei  ses  disciples,  qu'il  y  a  d'espèces 
diffél^ntes  dans  tous  les  animaux  et  dans  toutes  les 
autres  productions  de  l'univtTs.  Il  s'ensuivra  donc, 
s'il  a  cru  que  l'idée  fût  un  Dieu,  ou'il  aura  admis  au- 
tant de  dieux  de  cette  sortOt  qu  il  admettait  d'idéts 

(ll>96)  Idem  Ace,  I.  De  vera  reUg.^  cap.  ki 

(1927)  TiiEODoaET.,  serm.  i,  ad  GrœcoSf  relato  Plalonis 
loco  ex  Phœdone. 

(1928)  CicERo,  1. 1,  De  nat.  deanan  :  f  Jam  de  Plato- 
nis  inconslanlb  lotigiini  est  dicere,  qui  in  Timœo  pal  rem 
hujus  luandi  uoiniuari  negat  posae  :  in  Lrgum  autem  iibris 

Î[uidsil  omnino  Deus,  inquiri  oportere  non  censet... 
dem  et  in  Timcso  dicU  et  in  Legious,  et  mundum  Deom 
esse,  et  ca'lum,  et  astra,  et  terrami  et  animos,  et  eos 


différentes  dans  son  monde  arcbétype  et  iitldleciod, 
c'est-à-dire  un  million.  Où  sont  donc  lêi  troittfid^ 
ou  les  tniis  principes  qu'on  lui  attriboe,  et  d*oi  foi 
prétend  avec  autant  d'impiété  que  d'eiinTinitoe 
que  leff  Pères  ont  tiré  le  mystèrexle  la  Trinif^?  * 
Hais  ce  qui  prouve  encore  f^lus  chiremeu  qte 
cette  chimérique  Trinité  des  trois  dieax  ou  des  uois 
principes  n'est  qu'une  invention  de  la  cabak  des 
platoniciens  postérieurs  au  christianisiDe,  c'est  qie 
tons  les  auteurs  qui  ont.précédé  la  naissasee  de  Jé- 
sus Christ,  et  qui  ont  parié  des  seotimeoisde  PtatoQ 
sur  la  Divinité*,  ainsi  que  Ocux  qui  ont  lécu  après, 
et  qui  n'ont  pas  été  de  cette  cabale,  n'ont  junis 

Ïiarlé  de  ces  trois  dieux  principaux  de  Pbloo,  a; 
ait  mention  de  ces  trois  principes,  ooinmed^ttode 
ses  sentiments  (1928);  par  exemple,  ce  grand  adni- 
râleur  de  Platon,  qui  1  avait  tant  étudié,  et  qui  ara,i 
traduit  on  imité  les  plus  considérables  de  ses  ou- 
vrages, lorsqu'il  expose  les  sentiments  de  cepiiiio* 
so]>be  sur  la  Divinité,  fait-il  jamais  meolioodecn 
trois  dieux  principaux?  Dit-il  un  mot  par  où  il  ^ 
raisse  qu'il  ait  pris  le  Verbe  dout  parle  Platon  poer 
le  second  des  dieux  que  ee  philosophe  adaiettiii?  h 
parle-t-il  pas,  au  contraire,  de  toute  cette  mnliiisde 
de  dieux  introdu.ls  par  ce  philosophe ,  eomise  Dm 
an  avons  parlé,  et  sans  jamais  distinguer  ces  \m 
dieux  principaux  dont  il  s'agit  ?  Aristote  en  a-tnldit 
quelque  chose  en  ex|)Osant  ott  en  réfutant  les  senii- 
âientsdeson  ma!ire  (1929)  ?  Lui  a-^t-il  iamsistitiitaé 
d'autres  principes  que  Dieu,  la  matière  et  te  idér» 
dout  il  se  moque?  Plutanfue ,  dans  le  recoôieurt 
qu'il  a  fait  des  sentiments  de  tous  les  ancieag  philo- 
sophes, a-t-il  jamais  attribué  à  Platon  ceUe  DO«\d:e 
imagination  des  troisdieux  (i 930)  ?  Diogéoe  Uêtcea 
a-t-il  dit  un  seul  mot  dans  Texposition  qu^il  i  hiie 
des  dogmes  et  de  la  vie  de  ce  philosophe  (1931  j! 
En  trouve-t-on  quelques  traces  dans  Apulée  (lS5i  ^ 
Qui  ne  voit  donc  la  vérité  de  ce  que  duos  iToïâ 
avancé,  que  ces  trois  principes  ou  ces  trois  dieai 
principaux  unis  ensemble  en  forme  de  Trioiié,  « 
sont  qu'une  production  extravagante,  s'il  en  fot  ja- 
mais ,  de  la  cabale  des  platoniciens  postérieon  is 
christianisme,  et  que  par  conséquent  ui  saint Ab- 
gitstin,  ni  les  autres  Pères  de  TEgHsc  n'ont  iwrat- 
tribuer  à  Platon ,  et  beaucoup  moins  encore  Tap- 
prouver,  ou  s*imaginer,  sans  an  prodigieux  reore.- 
aement  de  raison,  que  M.  Le  Clerc  et  raoleurdi 
Platonisme  dévoilé  sont  seuls  capables  de  leur  lAxv 
buer,  que  cette  imagination  Insensée  (At  la  méfie 
chose  que  le  mvstère  adorable  de  la  Trinité  Ae^ 
chrétiens.  Quoi  I  les  Pères  auraient  pu  croire  que  k 
monde,  ce  prodigieux  animait  ce  dieu  monUnirifi 
de  Platon,  fût  la  même  chose  que  le  Sainl-Esprilt 
Où  en  sommes-nous  réduits;  d'être  obligés  de  rëh 
ter  sérieusement  des  impiétés  et  des  exuavagiRces 
pareilles!  Mais  quelle  doit  être  la  témérité  deeni 
qui  les  avancent  aujourd'hui  4  la  face  de  loot  k 
christianisme  I 

§  VI.—  Passage  de  TertuUien  cité  par  M.  UCUu. 
—  //  ^interprète  d*une  manière  maligne.  —  Tt- 
tuUien  dans  ce  passage  ne  parie  point  de  Plait^ 
ni  des  platoniciens  ^  mais  de  Zenon  et  de  CUafl» 
stoïciens.  —  Pourquoi  M,  Le  Clerc  a  iwpfntt 
une  partie  de  ce  passage,  —  Tertullien  a  été  f«n 
éloigné  de  croire  que  U  sentiment  de  Zinvs  H  de 
Cléanlhe  sur  le  Verbe,  fût  le  même  que  cM  éa 
apôtres.  —  Paroles  de  TertuUien.  —  Prmm  ^ 

2006  majorum  Inslitutis  aceepimns  :  qoae  et  per  «  nai 
dsa  perspicue,  et  inter  sese  vebementer  refNignaatii.  * 
(1929)  AaisTOT.  1. 1  et  xm  Metapkfs.;  1.  i^fs^* 
etc. 
M9S0)  Plutabcb.  1.  i  De  placiUê  pkilosoph.,  o^  ^ 

'(19SI)*DiooER.  Lakst.,  in  Fifa  H  dogm.  PlOrns, l  ■> 
De  rilis  phii, 
(1932)  Apcisics,  l.  De  dogmate  Plalonis. 


1577 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


I57sf 


la  c  tôiHuif  domi  31.  Le  Clerc  charge  Teriuilien. 
—  CoHiêii»u*Hfes  absurdes  du  raisoHttemiui  de 
a.  U  Clerc. 

Conlinnons  cf  pendaiil  à  ««lantîner  Ips  aiitrps  pas* 
^gt'S  que  M.  Le  Clerc  pro  luit  dans  sa  Bibiiulheque^ 
si  >nYtiiis  &*il  les  explique  av  c  plus  àft  bonne  foi  et 
it  sincérité  que  l't  pnk-éleuLs.  Celui  qui  suit  im- 
nialiau  ment  <  st  tiré  de  Teitulliea,  et  voici  cmnme 
lotre  auteur  l'expose.  <  Tertullien*  dit-il ,  lëaioigne 
h>  t  son  Apologéiique .  que  lorsque  \ir%  Chrétiens 
lisi»atqoi*  Dieo  a  f;iii  PuoiTers  par  sa  raiseu  et  par 
4  ie.ta ,  ils  ne  parUnt  qu*aprés  les  ta^es  paieiis, 
loi  assaraieni  qne  Dieu  a  produit  le  moude  par  son 
/>/9C,  son  discours  et  sa  raison  (195)).  • 

Je  pourrais  d'abord  n^ontrer  que  celle  traduction 
les  paroles  de  Tertullien  n*est  point  juste ,  et  que 
4'(  aiKi.n  auteur  ne  dit  puisque  L-s  Cbrctiens«  lors- 
|o*ils  disent  que  Dieu  a  créé  Tunlvers  par  son  Verbe, 
Toui  parlé  qu*9prés  I  s  sages  païens-  Tertullien  et 
ous  les  autre»  Cliréik-ns  ont  parié  du  Verbe  par  qui 
oot  a  été  fait*  après  les  ap^kres  et  les  propbétt*s 
nsfNrés  de  Dieu,  qu'ils  écoutaient  comme  leurs 
iialirrs  et  comme  les  organes  du  Saint-E-prit  qui 

parlé  par  leur  bonclie  ;  et  non  pas  après  lei  sa}s<  s 
Qiît'os,  d(Nit  iL»  counal&saie  4  Ti^orance  et  1  s  ega- 
•'uients,  et  qu*i!s  ne  legardairni  tout  au  plus,  Mir 
i  poiui  dont  11  s'agit,  que  comme  des  plagiaire»  ci 
*'s  cm  rupieurs  de.*  propbét<-s.  Que  s*ti  se  trouvait 
ti«*  les  pféieiidns  sajses  du  paganisme  eussent  dit 
u«-|4|iie  cbose  de  semblable  a  ce  qu^ont  dit  Iesap6- 
(*s  et  les  propbéles,  les  Chrétiens  se  serraient  à  la 
('•rite  de  I.  ur  iéraoigi>age  contre  les  paiens,  comme 
cruillien  fait  kà ,  mais  ils  ne  les  suîTaient  pas 
imr  crb ,  et  ne  parlaient  pas  après  eus  ,  dans  ie 
{^s  que  notre  aulear  Tondrail  nous  faire  prendre 
Pf  dernières  fiarolcs.  Nais  j«)  néglige  et%  sorti  s  de 
éfltfiious  que  je  pourrais  fa  re  8lir  la  manière  ca|t> 
eiise  dont  il  traduit  k»  passages  des  satillS  Pên!:s« 
our  m'attache*  à  ce  i|tiî  est  de  plus  important. 

Je  demande  donc  ii  H.  Le  Clerc,  en  latssani  sa 
'aduction  telle  qo*elle  est,  en  ouel  endroit  de  ce 
sssage  il  est  fait  mention  de  Platon,  et  par  qnel 
rt  et  quel  secret  de  sa  h>gi4{tte  il  en  peut  conclure, 
>inme  il  fait,  que  Tertniben  a  cm  que  le  senti- 
ent  da  ce  phibikOphe  sur  le  Uysc,  on  le  Verbe, 
ait  le  mente  que  celui  des  apôûcsT  Tertullien  ne 
te  id  que  Zenon  et  Cléauibe;  ainsi ,  si  cet  ancien 
iieora  parlé  après  quelque  philosophe  sur  hs  Ver* 
i  ;  si  Ton  peut  conclure  de  ses  |nroles  que  l^ 
kréti*  ns  ont  suIti,  dans  ce  qn*ils  ont  cru  du  Verbe 
emd  de  Dîen,  les  sentimenu  de  quelques  sages  du 
iganisme,  ce  sont  ceux  de  Zenon  et  de  Oéanthe, 
Mit  Tertullien  parle,  et  non  pas  ceux  de  Platon  et 
-s  platxNiiciens,  dont  il  ne  dit  mot.  Vmlii  donc  les 
iretiens  déreous  stoiiiens  sur  le  Vabe;  par  la 
é:iie  raison  ils  drviendront,  quand  on  Toudra, 
cuicurs  des  autres  philosophes  et  des  poêles  mè- 
es.  En  effet,  ce  ne  t  oot  pas  les  pUioniaens  ni  les 
»îciefis  seuls  qui  aient  parlé  du  Verbe,  ni  les  seuls 
le  les  cbrétiens  aient  atés  aux  païens  sur  ee  sujet, 
rant  Pbiton  cl  Zenon,  Béracliie  (1934),  et  Fanteur 
rs  ancien  des  fcn  attribués  à  Orphée  (1935).  en 
airni  parlé. 
Mais  ces  andens  anteurs  ne  conviennent  pas  plus 

s>>iéaie  de  M.  Le  Clerc  que  les  stoïciens  ;  ils  le 
inéfii  entictement,  puisqu*ds  font  voir  que  les 

1955)  TKnru.,  m  Âpolûg.  cap.  21. 

\*X>i)  ileajcLiTiis  dlaias  ab  Amelio.  lûco  tMprarelnto, 

,1955)  Oarascs,  apod  Jcsnx.,  io  Porusned  au  Orttatê* 

*•*♦•  t|«l^  9t  wmijfi^  wî»  fêl*t*M  «fftw», 
UvaB  wi9fmi  dhans  fais  «r^fî^BT*  fnhmtç» 

Cadem  Orpliel  carmîna  citai  Clemens  Alesaodr.,  1.  t 
om  ,  p.  607  et  Eoseb.  L  iiu.  Prwp  ewmq.^  c  15,  et 
t»  i  .lenienlp. 

rJÔG)  TcjntxL.  in  Apoiog.  cap.  21  :  «  iam  edi\iai«s 
luiâ  uui\i*rsiUleB  haîic  mundi  verbo,  el  nlioue,   ei 

DlCTtOX!IAinC   ÂFOLOfîÉTIQL'K.    IL 


saints  Pères  citaiettt  indiflercmnpnt  aux  païens 
leurs  philosoph  -s  et  leurs  poètes,  et  qjoe  par  couse- 
qui^nt  ils  n'étaient  pas  plus  pUtonlcieus  que  stoï- 
ciens, p«  êtes  ou  paî  -ns  ;  c*csirà-dire  qu'ils  étaient 
infiniment  doiguÀ  de  Fétre.  C'est  pour  c  lie  raison 
que  noire  auteur  a.ju/é  II  propos  de  retrancher  une 
pnie  du  passag-*  de  Zenon  et  de  Cléanthe,  et  de 
nous  en  proposer  seulement  les  premières  paiolrs, 
oi»mnie  si  ol  ancien  aaieur  chrétien  avait  pi  étendu 
jiarirr  de  Pbton  et  des  platoniciens,  afin  de  pouvoir 
eonclu  e  de  ce  passage,  comme  de  tous  les  aunes, 
<  que  les  Pères  ont  cru  que  le  sentiment  de  Platon 
et  ci'lui  des  ap6lres  élan  le  même,  t  Voilà  qtiflie 
est  Tadresse  de  M.  Le  Qerc,  voilà  quels  sont  scs^ar- 
tifiees. 

Qu'importe,  après  tout,  me  dira-t>il,  que  Tertul- 
lien parle  dâ  stoïciens  ou  des  pbtoniciens»  s'il  a 
cru  que  le  sentiment  des  premiers  sur  le  Veibe  fât 
le  même  que  et  lui  des  apôtres?  PTai-je  pas  droil 
d*argumAiiter  de  Tun  à  raotrr,  et  de  supposer  que 
si  Tertullien  a  cru  cela  du  sentiment  des  st'  idens, 
il  a  bien  pu  croire  la  uiénie  chose  de  celui  des  pla  • 
touiciens  T  A  h  bonne  heure,  N.  Le  Clerc,  mettes 
eu  usage  vos  suppo<(iitoiis  et  vos  possibilités  uiit 
qu'il  vous  plaira,  j'y  coHsens  volontiers.  Oui,  je 
veux  bien  vous  accoider  que  si  Tertullieu  a  cru  que 
ce  que  Zenon  et  Cléaniiie  o.itdiidu  Verbe  «st  la 
luéine  chose  que  ce  qu.*  les  apôtres  U'Nis  ont  appris, 
vous  t««niez  cet  ancien  auteur  chrétien  pour  biM  et 
dûment  convaincu  du  platonisme.  Examinons  donc 
ce  qui  en  est.  Voici  comme  Tertullien  parle  aux 
paî»  ns  dans  son  Apolofféiique» 

c  U  est  ceruin ,  dil-d ,  que  vos  sages  mêmes  ont 
cm  que  ks  Verbe,  c'est-à-diie  la  parole  et  la  raison, 
a  formé  Funivers.  Car  Zenon  décide  4(ue  le  Verbe 
est  rauteur  qui  a  formé ,  arrangé  et  disposé  tontes 
choses.  Il  dit  que  ce  Verbe  s'appelle  aussi  le  destin. 
Dieu,  rame  de  Jupiur,  et  la  néeessilé  de  tontes cbo» 
ses.  Cléanthe  aj«>ule  de  plus  que  c'est  l'esprit  qui 
s'insinue  et  qui  ^e  mêle  dans  toutes  les  p  .ni8«s  «le 
funivers.  Kt  nous,  nous  soutenons  ausi  que  eeit«i 
parole,  cette  raison ,  e^-tte  venu  par  iaqnello  nous 
avons  dit  que  Dieu  a  iait  toutes  choses,  est  dans  sa 
propre  substance  un  esprit  en  qtli  SC  Ironve  la  pe- 
nde, ponr  piéd*re  l'avenir  ;  la  raison,  pour  arrafig.r 
toutes  choses;  la  vertu,  pour  leur  donner  leur  |h;i* 
feciion.  Voilà  hs  passage  de  Tertn;lien  dout  aI  s'agit 
(1936).  • 

Je  demande  donc  à  II .  Le  CSetc  si  TertnUi  n  croyait 

lies- 
qui 
rtene  dans  toutes  chÎMies,  fAt  fort  eonloinM  à  ce  que 
r&riture  nous  appruid  du  Verbe  étemel  de  Di  n? 
le  hii  demande  si  Tertullien  était  persuadé  que  Se 
Verbe  ira  le  Filsde  Dieu,  tel  que  lui  et  les  antns 
Chrétiens  le  reconnaissaient,  fAt  la  même  ehuse  que 
oet  Esprit,  qui ,  selon  Cléanthe,  les  sloiciens  et  ks 
platonicieos  mêmes,  sinsinne  et  se  mêle  dans  toutes 
les  parties  de  runivers  ?  Fera-tril  Tertullieu  stoïcien 
jusi|u*à  lui  faire  admeure  la  destinée  et  cette  néees- 
silé laiale  et  inévitable  que  ees  philooophes  sonte- 
imient?  Le  fera-t  il  paies ,  Jusqu'à  reconnaître  qim 
le  Verbe  et  l'àme  de  Jupiter  sont  la  même  cb  seT 
Ne  voit-il  pas,  dans  les  paroles  de  Tertullien ,  que 
t-.ul  ce  que  ce  Père  approuve  dans  ces  philosophes, 
c'est  le  nom  de  Verbe ,  la  qualité  de  Dieu  et  la  na- 
ture spritu  lie  qu'ils  donnent  à  Fauteur  de  l'uni» 

Tirtolc  n  olUoni.  Apvd  veslros  qnoque  sapienles  unv  id 
est  flennonen  atque  ralione»,  consul  artiliceoi  videri 
uniTersîtalis.  Houe  entm  Zeno  delerminal  laclitatorea, 
qui  cunelj  In  disposiiiooe  tbmiaveril,  eumdeiB  et  fatum 
vocari,  el  lleiûn,  el  antmuni  JotIs,  et  neeesilafeui  om- 
nium rerum.  U9C<.leanlhes  in  spiriUim  oongenl,  qoem 
pennes  oreni  unirerâlalb  aÛirjal.  El  nos  elism  semoni, 
al»|ue  raiioni,  îtêmque  virUiU,  per  qn»  omiia  aotHum 
lleam  cdiviraus,  propriam  subslaatian  spirilum  insin- 
bimus.  cui  et  senne  Insîl  prcuttoUanU,  el  ratio  adsit 
dispooentii  el  ilnus  prcsit  perfideniL  » 


qne  ce  une  Zenon  dit  id  du  Verbe,  qu'il  est  .fai  i! 
tnée,  làoM  de  Jupiter  et  la  néeoMitd  laiale  ( 


50 


1370 


OIGTIOMNAIRE  APOLOGETIQUE. 


m 


vers  7  Ne  voiMl  pns  enfln  que  Tcriullien  rejelle 
toutes  les  idées  païennes  sons  lesquelles  ces  pliUo- 
ftophrs  conce? aient  ce  Verbe  dont  ils  ont  Tait  m^n- 
lion  T 

Au  reste,  m  c'esi  ass  z  que  TcrtuUien  ait  cité  ce 
rjne  Zénnn  «H  CK^aiithe  ont  dit  du  Veibe,  pour  a\an- 
cer  qu  il  était  dans  les  mêmes  sentiments  que  les 
hloiciens  ou  les  platoniciens,  et  qu'il  croy.iit  \e%  scn- 
timerls  d«»  ces  ph  Isophes  fort  conrornit  si  ceux  des 
ap^Atres;  il  faudra  croire  par  conséquent  qu'il  a  été 
persuadé  t\\v^  rn8cet)sion  de  Jésus-Christ  au  ciet 
nViait  guère  «lifférei  te  de  c<^  que  le?  Knmains  pu- 
hliaient  de  leur  liomnlus,  qu'ils  assuraient  v  ét^e 
monté  aussi.  Il  faudra  croire  qa  il  regardait  Jésus- 
Christ  à  peu  près  sur  le  même  pied  que  les  païens 
regardaient  leur  Orplée»,  leur  Troplionius  et  leur 
Nunia.  Pourquoi  cela?  C'est  parce  que  Tertol- 
!i«u  (1957),  uu  peu  plus  bas,  ne  propose  pas  muins 
aux  païens  ce  qu'ils  croyaient  truchant  a  s  héros  et 
ces  divinités  prétendue?  ,  qu'il  leur  a  proposé  aupa- 
ravant ce  que  les  sloiriens  soutet»aient  touchant  Ï9 
Verlie  auteur  de  Tunivers.  Qui  Sf*raii  néanmoins 
assez  dérnisoAual.le  et  assez  injuste  pour  attribuer  à 
«et  ancien  au'eur  chrétien  des  idées  si  profanes  et 
SI  païennes  ?  Concluons  donc  contre  M.  le  tierc  qu'il 
nV«  t  pas  moins  injuste  de  supposer  que  Tertullien 
n  cru  le  s^iitin^ent  des  stoïciens  ou  des  platontciins 
•ur  le  Verbe  entièrement  conforme  à  celui  des 
npAtres ,  parce  qu*il  cite  aui  païens  Tantorité  de  ces 
pliîlosoph*  s ,  rour  les  amener  plus  dourement  à  la 
coimaissAnf  e  de  Jésus-Christ ,  qn*il  le  serait  de  croire 
qii<^  le  même  Ti  rtull*«^n  a  été  persua^fé  que  Romoins 
H  N«ma«  Orplé*et  Tnipbonius  tt^avaient  pas  été 
Sort  diflcrems  de  lésss^lirisl. 

I  VII.  ^  Sî  CUmtuÊ  éTAIesnérie  acru^e  PUiam 
•tt  9t^-se9tlemetn  tmmm  Im  téimU  Trinité ,  mais 
mÊ€9rê «me  to  tfi»ernw  $mr  <r  $M'fei  fii  Im  wéme 
f  «e  cr'>  en  Lkréiknt.  —  iUfuUiiim  éê  foaf  cê 
f««  tf il  JT  U  Citn ,  pMir  •fftnfer  €HU  cai^m- 
nif .  —  HclM,  Mî  lt$  mmtftt  pkiiostfpkn  omeitHê^ 
»*MI  fM»  éil  fmi  ait  rapport  tm  &Riir-£^l.  — 
M«f»n  tt*«  jmmmiê  m$$ocié  ie  mcrnée  «i  Diem  ton- 
ffer«:a.  —  PrtmH  éê  €HU  vérité  pmr  Im  tmmmièrt 
ému  a  fmit  pmrUrU  Dieu  êmtrerainàee  Dieu  pré^ 
ifiNlv,  uçfeté  ii  monée^  on  tàme  dm  monée.  — 
Pttr^let  éê  PiêtoH.  -^Héfiexion  de  $aint  Avgmstm 
sur  ces  paroles  de  Platon.  —  Quelle  restemblmnce 
sê  trouve  entre  les  termes  de  Platon  et  ceux  ées 
Chrétiens  snr  la  Trinité,  —  M.  Le  Clerc,  après 
avoir  supposé  cette  ressemblance  dans  sa  Biblio- 
llièquc,  tVn  moque  dans  sa  septième  lettre  crilifue. 
-«  //  ne  la  prouve,  dans  ta  Bibliott>èqii'*,i7«*eii  al- 
tribuant  à  Platon  les  idées  de  Plolin  et  de  Por^ 
phyrc.  —  Les  saints  Pèren  ont  convaincu  ces  pla^ 
toniciens  nouveaux  d^avoir  pris  plusieurs  choses 
de  la  théologie  des  ehrétienn.  —  Témoignage  de 
Théodoret  iur  ce  sujet»  —  ÂL  Le  Clerc  dans  un 
endroit  cite  Plolin  comme  un  fort  bon  interprèle 
des  sentiments  de  iUaton,  et  ailleurs  il  se  moque 
de  lui.  —  Il  veut  nous  persuader  que  les  Chrétiens 
ont  pris  des  nlatoniciens  le  terme  de  cousu b- 
alantioi.  —  bausseté  de  la  conclusion  qu'il  lire 
des  paroles  de  Clément  d'Alexandrie.  —  But  que 

(1957)  Idem  Tsutull.,  ibtd»  :  «  Deam  eolinios  per 
ChriNium.  itlum  hominem  pu  taie.  Per  eum  et  in  eo  se 
cûgnosci  vult  Deus  et  a>Ii,  ul  Judxis  respondeamus,  et 
Ipsi  Deiim  per  hominem  Moisem  colère  didiccrunt  ;  ut 
urBcis  occ:jrr:im»  Orpheus  Pierriaa,  Musœus  AUicnis, 
Melampus  ArgU.  Trophonius  BuH>li«,  iniliuliontbus  ho- 
mines  obligarunt  :  ul  ad  vos  quo^ue,  domioatores  gen- 
tJum,  aspiciaro,  bomo  fuil  Pompiâus  Numa,  etc.  Paulo 
superius  de  eodem  Thristo  toquens  Tertuilianus,  ait  : 
i)ehtuc  ordinaliii  eis  (apostolis)  ad  oflicium  priedicandi 
per  orbcm,  tnreumfusa  nube  iu  cœlum  est  eroplus,  multo 
niatius  quaui  apud  vos  asseverare  de  Komuiis  procull 

soient.  I 
HiblioUi.  univers,  lom.  X,  pag.  207. 


cet  ancien  auteur  se  propose  dent  teudméfut 
Stromates,  dont  M.  Le  Clerc  abuse,  pour  /ni  q  ui. 
buer  tontes  sortes  d'erreurs  el  de  ctùuèfft,  » 
Nouvelles  conséquences  absurdes^  qni  \c>t.i  nû 
rignorance  ou  la  malignité  de  Jf .  Le  Clerc,  - 
Clément  d'Alexandrie^  loin  d'avoiv  cm  qneltà»- 
ctrine  de  Platon  fût  la  néme  elmeilutctWtitt 
Chrétiens  ,  ne  dit  pas  n.éme  que  ce  pt,Houfiht  tH 
'  connu  la  Trinité ,  comme  il.  Le  Cierc  le  fn' 
fait  dire. 

M.  Le  Clerc  continue,  et  dît  :  i  C'éffleni  Aku- 
drio  a  cru  au  si  que  Platon  avait  connu  U  siiok 
Trinité,  comme  on  Ta  remarqué  dans  la  Viedt  ce 
Père.  I  Consttlions  eeiie  Vie,  et  vovotis  cnmoifni 
notre  auteur  y  parh:  sur  ce  sujet,  i  Platon,  di(-ii. 
ayant  parlé  des  trois  divinités  suprêmes  qQ*il  recoo- 
naissait ,  comme  on  le  fera  voir  ailleurs,  i»  ét$ 
t'armes  semblables  h  e'ux  dont  se  servainu  lespr** 
inîers  Chrétiens,  en  parlant  du  Pére,'ihi  Fih  dét 
Saint-Esprit ,  Clément  a  cru  que  la  doctrine  de  f« 
philosophe  était  la  même  que  celle  an  M- 
liens  (1938).  i  Rien  de  plus  artjlicieur  qve  ce  d^»- 
covrs;  mais  rien  en  même  tetips  de  ptnstni, 
comme  nous  le  ferons  voir. 

Premièrement,  il  esi  faui  que  Platon  a;t  parlé  des 
trois  divinités  suprêmes  qu'il  reconnaissait,  en  <*ts 
termes  semblables  à  ceux  dont  se  srrvaieDi  les  pre- 
miers ChréJ^'us*  en  parlant  do  Père,  da  FVi eiéi 
Saint-Esprit.  Je  délie  M.  Le  Clerc  de  me  prodsiren 
seul  erdrait  de  Platon  où  il   soii  fait  infuiion  di 
Sainl-Esprit ,  on  qui  contienne  quelque  terme  sab- 
blable  à  ceus  dont  se  servaient  l«'8  premlen  Chré- 
tiens en  parlant  de  cette  adorable  persofuw  dt  h 
sainte  Trinité.  11  en  produit  un  dans  sa  sepiine 
lettre ,  qoe   mvs  avons  déjà  rapportée,  ei  cà 
PlatOD  parle  de  la  manière  dent  Dieu  com[Kisiie 
deux  sobstaflces  différentes  fàme  du  monde.  Kis 
quel  terme  irouvM  on  dans  ce  passste  qui  {niac 
appartenir  au  Saint-Esprit?  Quel  est! ancien cbré- 
li#D  oa  le  Père  de  rEgltse  qui  TaH  cité,  pow  prww 
que  Platna  a  eo  melque  connaissaBce  de  cette  per- 
sowie  divine!  M.  Le  Glere  n'en  p-oduil  aica. 
qH<rqii*il  les  aeoose  totts  en  général  0*y  avoir  imn 
le  Siim-Cs^,  par  Teitrôvie  aiuehement  qaiit 
avaieBl  povr  la  poilosophle  de  Platon.  Mais  smi  a 
croirons  p*«lôt  saîut  Augustin  et  l)idvmed*AIeiiB- 
drie«  qai  assursol ,  en  parlaiH  des  pbilosopbesifr; 
ciens  •  et  surioot  de  Platon ,  quMs  i  ont  phikwf W 
sans  aveir  jamais  rien  dit  du  Saint- Esprit,  qam^ià 
ne  s;  soîesi  pas  tus  do  Père  ni  du  Fils  (I9d9).  > 

Sccûndemeot ,  nous  avons  déjà  fait  voir  qte  Pb* 
ton  n*a  jaBials  rien  dit»  de  ces  trois  divimiés  »• 
prêrne^,  qui  marque  qu*il  les  ait  associées  eiisea^- 
Au  contraire,  il  est  certain  qu^ll  a  mis  une  diffcreMe 
Infinie  entre  la  première  el  la  Ircisiéme  de  cfs  divi- 
nités, qui  est  le  mon^ie.  Et  quelle  union,  qoelie  m* 
semblaiice  pouvait-il  supposer  entre  ce  Dieu  ottr 
trueox,  lié  à  un  corps  aussi  vaste  et  aussi  ft»\ 
que  Test  le  ciel  el  la  terre,  ex  le  Dieu  sosveraia.a 
qui  il  reconnaissait  une  natore  spirituelle,  ia^l^ 
rable,  immortelle  et  ittfmlmtu?!  élevée  as^tistf*^ 
toia  ce  qui  est  matéiiel,  divisible  et  corportl!  Ibi 
écoutons  comment  il  fait  parler  le  Dieu  sosveriiit 

(1939)  kVQtsT,,  QuoM.  in  Exodum,  1.  n,  qBv«i  ^ 
Commendatur  paiai  fortame  Trioitas,  et  qoâd  stnm'^ 
suranii  philosophi  grntiuiD,  quanlura  in  eoromliUem» 
dagalur,  sine  Spirila  sancio  philosophati  suai,  ^a»  s 
de  Paire  cl  Ftio  non  tacueriol  :  quodetia»  i)M>w«« 
libre  suo  meminit,  quem  scrifisii  De  Spirilu  sok»  t^^' 
illum  Did^mi  iihrum  apud  Hierouynium,  ipuio  W.  t^ 
Froben,  pjtg.  397.  Uujus  libri  initlo  sUlim  l(^>u;  ^^ 
interprel.  sancU  Hicrouvmi  ;  i  Appellatio  Spiriui  s**» 
et  ea  quse  monstralur  ex  ips^i  ^ppetlatioue  siÈ^ss^^^ 
penilu^  ab  his  ignora  tu  r,  qui  extra  aaeram  S(ti{«*x 
philosophantur.  Soluromodo  eaim  in  uusiratiNs  ••i'*' 
et  notio  ejas  et  vocabulum  refenur,  lam  In  do*u  i'^^^ 
veterfbus.  » 


k 


Ijifl 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


iSM 


cet  m  Ir  D'en  prétt^mlii ,  a|>pelë  le  mond*;  ou  Tànie 
«lu  nrti'e,  et  à  toutes  Irs  au  tir»  divin*  lés  pareilles, 
qni  éi lient,  comme  loi,  comp«iséf>s  d(*  corps  et 
d'àme  :  rien  ne  marque  mieux  combien  Platoo  était 
éloigné  de  les  associîT  ensemble  ou  de  les  comparer 
Ton  ï  rentre.  Origène  (1940;,  saint  Aogosiin  (lOil) 
VI  sailli  Cyrille  (1912)  se  smit  moqu  '*<:  avpc  l*eiocoup 
«le  raison  du  discours  que  ee  philosophe  fait  leoir  a 
IMt^u  en  ci*fle  occasion,  discours  en  c  ff  «t  Ip  pins  im- 
néri?Qi  et  le  plus  hautiiii  qui  fut  'ani  *is.  SI.  Dacier 
le  trouve  au  c^iiitraire  fort  l.eao  ;  ël  ^oici  à  pro  ptès 
comme  il  le  tra  luit,  en  fadoocissaoi  et  en  le  chris- 
lianisrn*,  selon  sa  coulome»  autant  qn^il  lui  est  pos- 
sible. 

f  Kfifanis  des  dîem ,  toutes  les  oraTres  qui  sont 
sort 'es  de  mes  mains  sont  iiidissolubli  s  au  lai- 1  que 
j»*  le  tondrai ,  et  peadaut  que  je  les  sou*iendrai.  Ce 
n'eii  lias  que  tout  ce  qui  a  été  lié  ne  soit  d*une  na- 
ture à  ctr^  dé  uni,  maïs  il  n'est  pas  d'un  Cn'^aU'ur 
iiifinime  ii  bon  de  dct  oire  son  ouvra^ ,  lorsque  cpt 
orivrage  n*a  rien  de  mauvais  en  lui.  Vous  a\ez  été 
créés  et  par  conséquent  tous  ne  sauriez  être  entière- . 
ment  tmmoT<'ls  et  indis^oIuMes  (1^43).  » 

Saint  Aiigusrin  dit  ici  fort  a^ableusent  (1944) 
que  ces  pauvres  di(*ux ,  enlendaut  res  dernières  pa- 
roles ,  qui  les  menaçaient  de  la  mort  d'une  manière 
H  capalrie  de  h  s  effiayer,  ne  purent  sans  doute 
sVmpécher  de  trembler  de  tout  leur  corps.  Pour- 
quoi ?  Parce  qu'ils  dé.-irniert  tous  d'éln*  immortels, 
et  qu*ifs  ne  voulaient  p*  int  mourir.  Je  laisse  à  yen- 
ser  en  quel  état  se  trouvait  alors  le  monde  ou  1  ànic 
ffu  monde,  qui,  s^ns  co:itr^it,  était  celui  de  tous 
c  s  dieni  qui  éfait  le  p*us  attaché  à  son  co'  p),  et  qui 
devait craio  Ire  davantage  de  le  perdre;  car  que  se- 
rait-il devenu ,  et  où  aurait-il  pu  se  retirer,  si  ca 
meilleur  lui  fttt  arrivé?  c  Cependant,  pour  les  re- 
mettre tous  de  leur  fraveur,  continoe  saint  Augustin, 
le  Dieu  souverain  de  t^lalon  ajoute  :  Vous  ne  serez 
f»éanmoins  jamais  séparés  de  vos  corps ,  et  la  roori 
ii*jura  sur  tous  aucun  empire ,  ma  volonté  étant 
quelque  chose  de  plus  fort  pour  assurer  votre  im- 
mortalité, que  la  nature  des  corps  auiquels  vous 
avez  été  attachés  à  votre  naissiDre.  (Test  ainsi ,  dit 
MLini  Augustin ,  que  le  Dieu  souverain  de  Platci 
I  assure  tous  ees  dieux  qu'il  a  faits  en  leur  promet- 
tant r immortalité ,  et  eo  leur  faisant  espérer  qu'ils 
n^  quitteront  point  les  globes  de  leur  ci»rps.  » 

Ou  peut  juger  de  N  si  P.aton,  après  avoir  lait  par- 
ler I  •  Dieu  itouvcranavec  tant  de  h:éUte'ur  au  monde, 
af>rés  avoir  m's  uiie  si  prodigieuse  inégalité  entre  l'un 
H  Tautr  %  éla  t  fort  disposé  à  donner  à  Dieu  ce  niém€ 
iiioiiJe  pour  compagnon ,  et  à  les  mettre  tous  deux 
Jans  le  même  rang  et  dans  la  même  catégorie. 

Troisième  ncnt,  M.  Le  Clerc  nous  renvoie  à  sa  Vie 
l'Eusébe ,  pour  apprendre  que  Pfatou  a  parlé  des 
rois  divinités  suprêmes  en  des  termes  sembbibles  à 
vox  des  pretuieri  Ctirétiens  ;  mais  dans  cette  Vie  il 
le  dit  rit  n  qui  prouve  celte  conformité.  11  produit 
.«^uleroeni  l*s  passages  de  Platon  que  dous  avons 
apportés  ci-d^ssns,  et  Ton  p^ut  voir  si,  à  l'exoep- 
ion  de  deux  ou  trois  mo's,  et  en  particulier  de  eelui 
ie  Verbe,  (;ue  Phton  avait  emprunté  de  la  docirine 

(1940)  Obicccks,  eoaira  Cel$xm,  1.  Tt,  pag.  M. 

(tU4tl  Av«rsT..  bomil.  149,  [le  lempore, 

(  1942;  Cmiixcs,  i:oRfra  JaiioiMm,  1.  u. 

(1945)  Fi0  de  JPtoim,  pag.  2i3. 

{ 1944)  AcccsT.,  homil.  supra  cit.  :  <  Indocitur  Deus  a 
'latone  ipso  ailoqui  deos  quns  fedl  de  corporali  et  Incor- 
r^rali  substantia,  atqne  ioter  estera  dicere  II  lis  :  Qoo* 
ijoi  esUs  orti,  immortaies  esse  et  fodissolubiles  non 
utestjs.  Jam  ad  islam  vocem  illl  intremiscere  polerant. 
)uare7  Quia  iouniirtales  esse  copiebant,  et  mori  noie- 
ant.  Ergo  ut  eis  aoferret  tinM>rem,  secotus  acSunxU 
tque  ail  :  Non  tamen  dîsaoWemini,  oeque  vos  ulla  mortis 
ta  periineul,  nec  eront  valeuUora  quam  ooosiliuB 
leuin,  quod  roajos  est  Tînculum  ad  perpeluilatem  vestm 
iium  il  la  quibus  colligati  eslis.  Lcce  Deus  secoritatem 
a  Uiis  a  se  Ciclis;  securitalem  illis  dal  immoralitatis,  se- 


d»*s  Hébreux ,  on  y  trouve  cette  grande  ressem- 
blance que  notre  auteur  suppose  ici ,  et  dont  il  se 
moque  ouvertement  dans  sa  septième  leur**.  Aussi 
a-t-il  soin  de  sauter  încontinenl  de  ces  textes  de 
Platon,  qu'il  rapporte,  a  la  manière  doi  t  Plotîn  et 
Porphyre  les  ont  expliqués,  et  dans  laquelle  on 
trou\e  en  effet  un  peu  de  cette  vraiscmlilmee  dont 
il  parle.  Hais  il  y  a ,  comme  rous  l'avons  fait  voir, 
une  très-grande  diffi'rence  à  mettre  entre  Platon  »'t 
ces  Donveaur  platoniciens,  qui  ont  été  les  ennemis 
et  les  singes  du  christianisme  en  tout  ce  quMs  oui 

Eu.  Les  Pères  de  l'Eglise  y^  en  ont  toujours  rois 
t>aucoiip,  en  remzrqoant  soigneusement  que  ceux- 
ci,  ayant  vécu  longtemps  après  la  inissince  de  Jésus- 
Christ,  on  trouve  dans  leurs  livrirs  plusieurs  choses 
qu'ils  ont  visibtemrnt  empruntées  d  ;  l.i  thénlogit^ 
des  Chrétiens  et  qu'Us  ont  mêlées  avec  leurs  dii- 
mères  platoniciennes* 
Ecoutons  ent/e  autres  Icpieux  et  savant  Tliëodotet 
'  (1945)9  qui,  après  avoir  cite  quelques-uns  de  eespa^- 
sages  a^  Platon  dont  nous  venons  de  pailer,  en  fai- 
sant remarquer  que  Ton  y  voit  des  traces  des  to!.4 
que  ce  philosophe  avait  faits  dans  les  livres  des  pn»- 
pVèle^,  produit  ensnite  les  explications  qi!e  les  p!a- 
t*mieiciis  nouveaux  en  avalent  donr.é.'s  ronniie  il 
leur  avait  plu,  et  surtout  celle  que  Plot  in  a  î  marine  *. 
duns  Sun  livre  des  Trois  Uypoâiases.  c  Ceux-ci,  dit 
ce  savant  évèque,  ayant  vécu  après  la  naissance  d«^ 
notre  Sauveur,  ont  mêlé  dans  leurs  bvres  plusieurs 
choses  de  la  théologie  des  Chrétiens.  Ain»i,  Plotîn 
cl  Numénlus  expliquant  le  sentiment  de  Platon,  di- 
sent qu  il  a  établi  trois  principes  élerLcls,  le  Bleu, 
l'EnteiHlement  et  i'Ame  du  monde,  en  appelant  Wt 
Bien  celui  que  nous  appelons 'le  Pèie;  rËnieode- 
ment,  celui  que  nous  appelons  le  Fils  et  le  Verbe  ; 
et  enfin  la  Vertu  qui  anime  et  qui  viviûe  tout,  celui 
que  les  divines  Ecritures  appellent  le  Saint-  Espr:t. 
Tout  cela,  comme  je  l'ai  dit,  a  été  pillé  de  b  théolo* 
giedes  Hébreux;  car  David  a  dit  que  les  ci«ux  oi.t 
été  affermis  par  la  parc^le  de  Dieu,  et  que  toute  leur 
vertu  est  la  production  de  son  Esprit.  Mais  I!l«>tin  oi 
Plularque  ont  de  plus  entendu  quelque  chose  des 
saints  Evangiles,  et  on  en  a  nue  preuve  bien  claire 
dans  ce  que  dit  Amélius,  l'un  des  principaux  con  • 
disciples  de  Porphyre.  »  Tbéodorei  rapporte  ^nsnibi 
le  passage  d' Amélius  que  nous  avons  cité  ailleurs, 
et  dans  lequel  on  voit  évi  Jemment  que  ce  platoni- 
cien avait  paraphrasé  à  sa  maniéfetout  leoummeii- 
cementde  rEvangile  de  sa'int  Jean. 

Le  même  Théodoret  dit  eaciire,  en  parlant  de  ce 
philosophe,  de  Plotin,  et  des  autres  qu'il  a  nomuics 
auparava4tt(1946)  :  c  Puis  doue  que  Ses  ennemis  de 
la  véritable  doctrine  ne  laissent  pas  de  Tadmirer 
jusqu'à  ce  poîikt  que  d'ejirichir  leurs  livres  des  mor- 
ceaux quils  en  oût  déroliés,  et  que  ces  petites  pai» 
lies,  quoique  luèlces  avec  quantité  d'erreurs,  lit: 
perdent  pas  pourtant  leur  éclat,  mais  brillent  au 
contraire  au  milieu  de  tous  ces  mensonges,  comme 
de^  pierreries  dans  du  fuiuier,  ou,  pour  p-irler  avec 
TEvangilè,  comme  la  lumière  au  mili«  u  destétièbFbi; 
on  peut  juger  de  là  combien  la  doctrine  cb retienne, 
qui  est  iuliuiment  pure  cl  exempte  de  toutes  Hiiles 

eurilatem  illis  dal  quod  non  relioquanl  globos  corpcrum 
suomm.  • 

(1945)  THcoDoarr.,  sera.  2  ad  Grœeo$.  Théodoret, 
dans  son  sixième  discours,  prouve  eoeore  que  Plotina 
tiré  plusieurs  choses  des  saints  lLvangiies,.ei  en  particu- 
lier ce  qu'il  dit  dans  son  livre  De  ta  FranéoÊce,  que  le 
Verbe  a  lait  tout  ce  qui  est.  Il  le  prouve,  dfa-je,  avec 
suio,  parce  qu'il  juge  cette  vérité  importante,  et  attn  que 
Ton  ne  soit  point  surpris  de  trouver  dans  ce  pliilosoplM 
plusieurs  choses  qui  approchent  des  vérités  chrétiennes. 
Loin  donc  que  les  Chrétiens  aient  emprunté  quoi  que  ee 
suit  des  platonldeas,  ce  sont  les  platoolcietts,  au  cou- 
tndie,  et  surtout  Plothi  et  ceux  de  sa  cabale,  qui  ont 
pillé  et  oocrompu  plusieurs  dogmes  des  Chrétiens. 

(1916)  IdeATnEOiK»ET.,serm  3  eodem. 


1585 


DICTIONNAIRE  APOLOGETIQUE. 


m 


d'erreurs,  est  digne  de  noire  amour  cl  de  ooire  ad- 
miration. Et  de  fait,  il  y  a  erande  différence  entre 
nne  pei  le  qui  est  dans  un  fumier,  et  cette  même 
perle  lorsqu'elle  est  mise  sur  le  diadè.ne  d'un  roi. 
Aimons  donc  à  contempler  la  vérité  dans  toute  sa 
pureté,  car  si  elle  ne  bisse  pas  de  briller  au  milieu  de 
tout  ce  qui  lui  est  le  plus  contraire,  il  est  clair 
qu*elle  est  encore  bien  plus  belle  et  bien  plus  écla- 
tante, lorsqu'elle  est  séparée  de  tout  ce  qui  peut 
Tobscurcir.  i 

On  Tolt,  par  ces  paroles  de  Tliéodorct,  qu'il  met- 
tait une  grande  différence  entre  Platcm  et  les  plato- 
niciens nouveaui,  comme,  en  effet,  il  y  en  a  une 
très-grande  en  toutes  manières;  et  qu'il  ne  donuH 
pas  que  ceux-ci  n*eus8ent  emprunté  plusi  ors  cho- 
S(*s  d»*s  Chrétiens,  et  surtout  ou'ils  n*eussent  con- 
trefait, autant  qu'il  leur  avait  été  possible,  le  mys- 
tère de  la  Trinité  dans  le  nouveau  ayslème  de  leurs 
trois  principes.  Mais  qu'est-il  arrivé  de  là?  Ce  que 
dit  ailleurs  le  même  Théodcr.t  à  roccasioo  de  Por- 
phyre (1947)  :Qu'^  les  singes  peuvent  bien  contrefaire 
les  hommes,  mais  qu'aprâ  tout  ils  restent  toujours  ce 
qu'ils  sont,  c'est-à-dire  de  très-vilains  animaui; 
({u'ai  >si  Porphyre  et  les  autres  platoniciens  ont 
bien  pu  conttefaire  les  dogmes  des  Chrétiens,  mais 
aue  pour  triul  cela  il  n'ont  pas  cessé  d'être  ce  qu'ils 
étaient;  c'est-à-dire  des  aveugles  engagés  dans  les 
err*'urs  les  plus  grossières,  et  que  leur  dogme  des 
trois  principes  n'a  pas  laissé  d'être  une  opinion 
monstrueuse  et  une  fable  très -mal  concertée. 

Mais,  j)our  revenir  à  M.  le  Clerc,  s'il  a  cru  pou- 
voir dans  sa  Biblioihèque  joindre  aux  passages  de 
Platon  les  im«iginaiioiis  de  Plolin,  comme  des  té- 
nioignaj^es  fort  propres  pour  montrer  que  Platon  a 
reconnu  les  trois  principes  dont  il  s'agit,  et  qu'il 
en  a  parlé  dans  det  termes  temblables  à  ceux  dont  se 
servaient  ie$  premien  Chrétiens^  en  parlant  du  Père^ 
dit  FU$  et  du  Maint  Eiprit ,  il  ne  devait  donc  pas, 
dans  sa  septième  lettre,  se  moquer  de  ces  mêmes 
témoignages,  et  assurer  qu*t7  ne  croit  pas  plus  Plom 
tb  sur  les  véritables  sentiments  de  Platon^  que  les 
moines  du  septième  siècle  sur  Us  doames  de  Jésus* 
Christ  et  des  apôtres  (1948).  Quoi  qu  il  en  soit,  on 
voit  par  là  que  notre  auteur  établit  et  renverse  sans 
façon  les  mêmes  autorités,  suivant  qu'elles  peuvent 
servir  ou  nuire  à  ses  desseins  et  à  ses  vues.  Les 
raisofuements  de  Plotin  sur  les  trois  principes  oo 
l'*s  trois  bypostases,  l'aceoinmodent  fort  dans  sa 
Bibliothèque;  il  les  produit  donc,  il  les  expose  fort 
au  long,  il  les  fait  valoir  de  sou  mieux;  ces  nêmtts 
raisonnements  l'incommodent  dans  sa  sefHième 
lettre  critique:  il  s'en  moque  et  les  traite  de  fictions 
et  d'imaginations  creuses,  sans  se  mettt-e  en  peine 
s'il  s'accorde  là-dessus  avec  lui-même,  ou  s'il  se 
contredit.  Ainsi  donc,  quoiqu'il  traite  indignement 
dans  cette  même  lettre  les  moines  du  vu*  siècle, 
n'entreprenons  pas  néanmoins  de  le  réfutier;  il  se 
réfutera  lui-même  à  la  première  occasion  qui  se 
présentera  ;  <|u'il  trouve  seulement  dans  un  manus- 
ciit  du  VII*  siècle  auelque  passage,  ou  quebjue  dif- 
férente leçon,  qui  favorise  ses  erreurs  sociniennes, 
alors  ces  moines,  dont  il  parle  ici  avec  le  dernier 
mépris,  seront  de  saints  et  de  savants  p*  rsonnages, 
qui  auront  conservé  inviolabiement  le  dépôt  de  la 
saiue  doctrine. 

Je  voudrais  pouvoir  suivre  M.  Le  Clerc  dans  ce 

(1917)  Idem,  serm.  7,  toeo  supra  deseripto.  Théodoret 
compare  en  cet  endroit  les  platoniciens  nouveaux  à  la 
corneille  d'Esope. 

(1918)  Joannes  CLEniciis,  Eptst.  7,  crltiei,  pag.  247. 

(1949)  Bibtioth.  uMvers  ,  tom.  X,  pag.  S94. 

(1950)  Saint  Denis  d'Alexandrie  dans  sa  LeUre  contre 
Paul  de  Samosate,  nous  apprend  que  les  saints  Pères  qui 
Tavaient  précédé,  avaient  appelé  le  Fils  de  Dieu  con- 
substantiel  k  son  Père  :  Tiv  ftni  «(ftov  «si  u^wt*!  ««rf9(\ai<ii« 

MiVn'  «tfi  -.Af  Bc«G  iffj^  4ïtlcS««.  {BiblioUi.  Patrum  Grœco- 
io/.;  Paris,  toino  11,  pag.  270.)  Ou  pful  consulter  sur  le 


qu'il  dit,  dans  sa  Bibliothèque^  sur  ces  eiplintiou  de 
Pinlin,  de  Porphyre  et  tie  Janiblique,  qu'il  y  pn- 
dult  (1919).  Nous  se  ions  surpris  des  reoiarqiiesa 
di*s  réllexioiis  impôt  tantes  dont  il  les  afcomptpe. 
Nou9  verrions  surtout  l'admirable  découverte^')! 
a  faite  du  terme  de  consubstantiel,  dans  un  endroit 
du  dernier  de  ces  trois  pbilosopbes,  où  penonie 
avant  lui  ne  s'était  avisé  de  l'aller  chereber.  ^ 
ailmireiions  l'usage  qu'il  en  fait  et  les  eonséqueim 
qu'il  prétend  en  tirer.  Mais  quand  fiitirioos-oous^fi 
nous  voulions  suivre  cet  auteur  dans  toas  set  Vi- 
rements ?  Nous  l'avertirons  seulement  Ici  en  ptwii, 
que  le  terme  de  consubstantiel  était  en  usage  pinni 
les  Pères  de  TEglise,  pour  exprimer  ce  que  nooi 
croyons  de  la  divinité  étemelle  du  Fils  de  Din, 
avnntqoePiotin  et  Jambliquefuss*  ntaoinoo46(l9% 
f  t  oue  s'il  se  trouve  dans  les  ouvrages  de  ces  philo- 
sophes quelque  chose  de  semblable  à  ce  que  i^ts 
Cbrétieus  ont  dit,  c'est  de  la  doctrtiiÊ  des  nbm 
chrétiens  qu'ils  l'ont  pris,  ainsi  qie  nous  FiTeus 
déjà  dit  et  prouvé  plus  d'une  fois. 

Quatrièmement,  pour  achever  ce  qoe  noos  trois  à 
dire  sur  le  passage  de  Clément  d'Aleiandrieciiép^r 
notre  auteur,  non-seulement  il  est  (aui,  roiDP<e 
nous  menons  de  le  faire  voir,  que  Platon  ail  pr'è 
des  trois  divinités  suprêmes,  en  des  terni«s  srnbb- 
blés  à  ceux  dont  se  servaient  les  Chrétiens,  en  pr- 
iant du  Père,  du  Fils,  et  du  Saint-Ësprii  ;  nnisb 
conclusion  quo  H.  Le  Clerc  tire  de  la  est  racire 
beaucoup  p'us  fausse  :  Que  Clément  fAtasndmi 
cru  que  la  doctrine  de  ce  philosophe  était  Is  wm 
aue  celle  des  Chrétiens.  Clément  d*Âlexin«lrie  parle 
a  l'occasion  de  ce  passage  de  Platoo  :  i  Tooid 
choses  sont  autour  as  leur  roi,  elles  sont  à  catsc 
de  lui,  et  il  est  seul  la  cause  des  bonnes  cboies,l^ 
cond  pour  les  srcoiides,  troisième  pour  les  irai* 
sièmes  (1951).  i  Cestainsi  que  M.  Dader  a  iradoa 
ce  passage;  et  voici  ce  que  Clément  d'Aleiaslhe 
ajoute  ensuite,  de  la  manière  dont  M.  Le  Geic  in- 
duit ses  paroles  :  i  Je  conçois,  dit  cet  ancien  »• 
t<ur,  que  Platon  n'a  entendu  parla  autre  chose  ^ 
la  sainte  Trinité,  et  que  le  troisième  Etre  doni  il 
parle,  est  le  Saint-Esprit,  comme  le  second  est  k 
Fils,  par  lequt-l  toutes  choses  ont  été  faites,  scIm 
la  volonté  du  Père  (1952).  » 

Pour  rtconnalire  d'abord  la  fausseté  de  h  o^ 
clusion  que  M.  Le  Clerc  tire  de  ce  passage  déce- 
rnent d'Alexandrie,  noos  n'avons  qrà  nous  so•^^ 
nir,  qu*il  se  trouve  dans  le  métne  endroit  qne  hm^ 
les  autres  que  nous  avons  examinés  Jusqu'à  préstf. 
et  dont  nous  avons  fait  voir  que  notre  aoteor  a  $i 
indignement  abusé.  Il  se  trouve,  db-je,  dansai 
endroit  du  cinquième  livre  des  Stro.mat»>8  de  CH* 
ment  d'Alexaudrie,  ou  cet  ancien  Père  de  rEfIse 
fait  profession  de  rapporter  les  vols  qoePlaioart 
tous  les  autres  auteurs  païens,  tant  poètes  qoe  pk* 
losophes,  ont  faits  dans  les  livres  saints.  Or.  ^ 
avons  d^à  niontié,  par  des  preuves  certaines,  m 
du  même  endroit,  et  par  d  autres  témoignages  n- 
ptès  du  même  Père,  qu'il  a  été  persuade  qoe  f|i- 
ton  et  tons  les  autres  auteurs  païens  STaient  ^ 
mal  compris  les  vérités  quHs  avaient  tirées  ^}^ 
doctrine  des  Hébreox ,  et  qu'ils  les  avaient  alt««^ 
et  corrompues  par  un  grand  nombre  de  i*^*^ 
d'erreurs  qu'ils  y  avaient  mêlées.  Donc,  Clé«^ 
d'Alexandrie  n'a  point  cru  que  la  doctrine  ds  ^^ 

même  terme  ceqoe  dit  saint  Athanase,  1.  De  decrelii^ 
Sicœnœ,  pag.  XSO,  tom.l,  novae  edlU  Palnn»  Bea«i<'i^ 
9i\,De  sentenUa  [>iony<ft,  pag  iS6. 
(i951)  Plato,  ep.  9,  odlHon^f  .Stfriiciis.,lO€eiapnnf' ^ 
(1952)  Clbums  Alex.,  Strom..  1.  v,pag.  896,cdh->^ 
Ion.  Clément  d^Alevandrie  ne  dit  pas  que  m»ii^^f^ 
la  sainte  Trinité,  mais  seulement  qoe  lui,  OémeoUii^'" 
prèle  ainsi  les  paroles  de  ce  philosophe,  et  qvHlcnitpj 
voir  les  appliquer  à  ce  mystère,  en  oonséqoenoe  dn  '<=^ 
autres  passages  qu*ii  rapporte,  et  où  Platon,  en  ^^  * 
doctrine  des  Hébreux,  a  eu  je  ne  sais  quelle  idé«^^' 
a  en  Dieu  un  Père  et  on  Fils. 


\:m 


NOTES  ADDITIONNELLES. 


158G 


ton,  contenue  dans  le  passage  dont  il  s*agit.  fût  la 
méiiie  chose  que  celle  des  citrétiens  sur  le  myslère 
de  la  Trinité. 

Motttmns  cette  môme  vërhé  d*une  manière  encore 
plus  palpable.  Clément  Alnandiin  rapporte  incon- 
tinent apiés  on  autre  passage  de  Platon  (1953),  oit 
Cl*  philosophe  raconte  que  Zoroastre  était  ressuscité 
douze  jours  après  sa  mort  ;  et  ce  Père  ajonte  que 
l>pni-ètre  Platon  a  voulu  par  là  signifier  la  résurrec- 
tion des  morts  nue  nous  attendons.  Il  rapporte  en- 
core plus  haut,  dans  le  même  endroit  (1954),  ainsi 
que  nous  Pavons  déjà  remarqué,  ce  que  le  même 
philosophe  a  dit  après  tous  les  poètes,  du  Cocyte, 
de  rAciiéron  et  du  Pyriphlegeihon  ;  et  il  ajoute  que 
Ton  voit  par  là  que  Platon  a  connu  ce  que  rEcrilure 
appelle  [géhenne.  Il  produit  ensuite  ce  que  le  même 
philosophe  enseigne  parmi  les  autres  fables  de  sa 
métempsycose  (1955),  que  la  parque  Lachésis  as- 
socie à  toutes  les  âmes  qui  retournent  sur  la  terre 
pour  prendre  de  nouveaux  corp ^  un  démon  qui  les 
conduit,  et  qui  les  oblige  de  demeurer  dans  ces 
corps  ;  et  il  ajoute  que  cela  se  rapporte  à  ce  que 
TEeriture  nous  apprend  des.  anges  gardiens  qui  ont 
soin  de  nous,  et  que  peut-être  le  démon  de  Socraie, 
dont  Platon  parle  si  souvent,  marque  encore  la 
môme  chose. 

S*il  est  permis  de  raisonner  eomn^e  notre  auteur, 
il  faudra  conchtre  de  là  que  Clément  d*A!exandrie 
a  cru  que  ce  que  Platon  dit  de  la  résurrection  pré- 
tendue de  Zoroastre  ou  d*E*us  Armênius,  du  Cocyie 
et  de  TAchéroii,  de  la  parque  Lachésis  et  de  ses 
<îéoions,   ainbi  que  de  celui  de  So^^rate,  était  la 
même  chose  que  ce  que  T Ecriture  nous  apprend  de 
la  résurrection,  de  Tenfer  it  des  anges  gardiens  ;  et 
<|ui-,  dans  cette  persuasion,  il  a  adopté  toutes  ces  fj- 
l>les,  et  nous  les  a  transmises,  a\en  tous  les  autres 
Fci  es  de  rEglise,  comme  autant  d^articles  de  foi.  Qui 
itc  serait  étonné  de  Finjustite  et  de  rexlrava^ance 
il* une  pareille  conclusion?  Ne  (aut-il  pas  être  igno- 
rant au  dernier  point,  pour  ne  pas  reconnaître  que 
Clément  d'Alexandrie,  dans  citte  exposition  qu'il 
fati  des  vois  de  Platon,  ne  prétend  rien  autre  chose, 
«'«ininie  il  le  déclare  si  souvent  et  si  préciséitimt» 
Mil  on  que  IHa:on  et  tous  les  autres  anciens  philoso- 
phes et  poètes  païens  ont  eu  que l<jue  conitaissance 
4lct«  vérités  contenues  dans  les  divines  Ecritures,  et 
fine,  malgré  kts  fables  et  le^  erreurs  qu*ils  ont  vaé^ 
l«*e»  avec  c^s  vérités,  on  en  dé«^ouxre  encore  des  Ira- 
ce^   dans  leurs  ou^fa/es?  Voilà  ce  que  Cléuietit 
d*Alex«<ndrie  a  prét^mLii  nni^iuenituit,  ainsi  que  les 
attires  Pères  de  TE^lise,  qui  ont  travaillé  sur  le 
xitéfue  dessein,  afin  de  porter  les  païens  à  ouitt'  r  les 
I  uîsseaus  bourbeux  de  leurs  poètes  et  de  Iturs  phi- 
lo «opiies,  pour  s'attacher  à  la  source  de  toutes  les 
\  érités,  qui  est  TEcriture  sainte. 

<jiie  si,  pour  avoir  entretins,  dans  cette  vtie,  de 
pro«luire  les  passages  des  philosophes  et  des  poètes» 
Uafss  lesquels  ou  trouve  c^s  traces  de  la  doctrine 
«|<*s  Hébreux,  on  peut  soupçonner  les  Pères  de 
I  KglîM  d'avoir  cru  que  la  doctrine  de  ces  païens 
^t^it  la  niému  chose  que  celle  des  Chrétiens;  on 
l>  ftira  encore  les  soupçonner  d^avoir  cru  nue  la 
I «»!>!«  de  Prométhée,  celle  de  Pandore,  celle  des 

rca«its  qui  entreprirent  d^escalader  le  ciel,  celle  de 
K*ue^lion  etdePyrrha  ;  que  tcules  ces  fables,  dis- 
le,  et  quantité  d'autres  pareilles  outils  rapportent, 
bo»>c  l>  même  chose  que  ce  que  rÈcriture  nous  ap- 
nr^MMÔ  touchant  la  création  de  Thomine,  la  tour  de 
[Sal>3i<>nc  et  le  déluge  :  oi  pourra  dire  qu'ils  ont 
ft«l«»pté  t4>uies  ces  fables,  et  qu'ils  nous  les  ont  en- 
»  ta  ii«  proposées  dans  leurs  écrits  comme  étant  la 
rérs  table  doctrine  de  l'Ecriture  sur  tous  ces  points. 
^ #f oore  une  fois  a 't-on  jamais  eu  une  imagination 
^.trc^illc?  Qui  que  ce  soit  s'est-il  jamais  trompé  sur 
«;    t>cit  que  les  Pères  de  TEgllse  ^e  sont  piopo»é,cn 


rapportant  tous  ces  passages  des  poètes  et  des  phi- 
losophes ? 

Amsi  donc,  quand  Clément  d'Alexandrie  a  rap- 
porté celui  de  Platon  dont  il  s*agit,  il  est  évident 
quil  a  été  fort  éloigné  de  croire  que  la  doctrine  de 
ce  philosophe  fût  la  même  que  celle  des  Chiétiens; 
ou  de  prétendre  que  Platon  ait  connu  le  Père,  le  Fils 
et  le  Saint-Esprit,  comme  les  Chrétiens  connaissent 
ces  trois  adorables  personnes.  Tout  ce  qu'il  a  pré- 
tendu, est  que  Ton  voit  dans  les  passages  de  Platon 
qu*il  rapporte,  quelques  traces  et  quelques  vestiges 
qui  peuvent  faire  croire  que  ce  philosophe  a  eu 
qfielque  connaissance  imparfaite,  quelque  idée  gros- 
sière et  mêlée  de  plusieurs  erreurs,  de  ce  que  rEcri- 
ture nous  apprend  sur  ce  sujet  ;  de  la  même  ma- 
nière que  Ton  volt  par  les  fables  des  poètes,  dont 
nous  venons  de  parler,  qu'ils  ont  eu  quelque  con- 
naissance de  ce  que  la  même  Ecriture  nous  ensei- 
gne de  la  création  de  l'homme,  de  la  tour  de  Ba- 
bel et  du  déluge  ;  de  la  même  manière  enfin  que 
Platon  lui-même  parait  avoir  eu  quelque  idée  de  la 
résurrection,  des  récompenses  et  des  châtiments  de 
Vautre  vie,  et  de  phisicnrs  autres  vérités  pareilles 

Î[tie  l'on  trouve  dans  ses  ouvrages,  mêlées  et  con- 
ondues  avec  un  grand  nombre  de  fables  et  d'er- 
reurs^ 

En  effet,  remarquons  que  Clément  d'Alexandrie, 
dans  le  passage  que  M.  Le  Clerc  cite  de  lui,  ne  dit 

Çis  que  Platon  ait  connu  les  trois  personnes  dts  la 
rintié,  ou  même  qu'il  les  ait  voulu  marquer  par 
ce  quM  dit,  mais  seulement  que,  pour  lui,  il  con- 
çoit que  les  paroles  de  ce  pltilosophc  peuvent  être 
prises  en  ce  sens,  et  qu'il  croit  pouvoir  les  expli- 
quer en  les  rapportant  à  ct*s  trois  adorai  Ivîs  per- 
sonnes. Et  s'il  croit  pouvoir  leur  donner  cette  ex- 
plication, ce  n'est  pas  sur  la  rccsemblance  qu'il 
trouve  dans  ce  passage  avec  ce  que  les  chrétiens 
disent  ou  croient  de  ce  mystère.  Car,  comment  et 
en  quoi  aurait-il  pu  y  apercevoir  cette  ressemblance? 
Y  a-t^il  rien  de  plus  obscur  que  ces  paroles  de 
Platon,  et  de  plus  susceptible  de  tous  Tes  sens  qu'on 
voudra  leur   donner?  Mais,  c'est  en  conséquence 
de  deux  aulres  passages  de  ce  philosophe,  et  siir- 
tDui  de  celiit  que  i>ous  avo  is  rapporté  de  sa  lettre 
à  Eraste  et  à  Coriftque,  où,  comme  dit  Clément 
d'Alexandrie,  t  il  parait  clairement  que  Platon,  en 
suivant  la  doctrine  des  lléltreox,  a  désigné,  je  ne 
sais  comment,  le  Père  et  le  Ftls,  de  même  (jue, 
dans  soD  Timée^  il  donne  encore  l;s  nom  de  Père  à 
l'Auteur  de  Puni  vers.  C'est  pourquoi,  continue  cel 
ancien  Père,  quand  ce  même  philosoplie  dit  :  Que 
tout  est  autour  du  roi  de  toutes  choses,  et  que 
toutes  choses  sont  à  cause  de  lui;  quand  il  Tap- 
ptslle  la  cause  de  tout  ce  qu'il  y  a  de  bon  ,  et  qu'il 
ajoute,  second  autour  des  secomtes,  troisième  at»- 
tour  des  troisièmes  ;  pour  mot,  je  conçois  que  ce» 
paroles  ne  marquent  rien  autre  elMse  que  le  mys- 
tère de  la  Trinité,  i  C'est  ainsi  que  Clément  d'AlexaiK 
drie  croit  pouvoir  expliquer  ces  paroles  de  Platon,, 
comme  il  en  explique  une  infinité  d'autres  du  même 
philosophe,  des  poètes  et  des  autres  anciens  au- 
teurs païens;  parce  que  supposant,  comme  il  esl 
vrai,  qu'ils  ont  eu  quelque  connaissance  des  vérités 
contenues  dans  les  divines  Ecritures,  il  croit  pou- 
voir rapporter  à  ces  vérités  plusieurs  de  leurs  scn- 
timenu,  de  leurs  paroles  et  de  bsurs  fables  mêmes. 

§  VIII.—  Pa$$age  (POriaène^  et  manière  artift- 
cicHse  dont  M.  Le  Clerc  le  tourne.  —  Quelle  idée 
ce  tour  artificieux  pré;ienie  d'abord  à  reiprit.  — 
Ce  qu'Origène  dit  en  effet,  et  à  quelte  occasion,— 
Fauiêeté  du  commentaire  que  M.  Le  Clerc  fait 
tur  les  paroles  d^Oriyène,  —  Autre  artifice  dans  la 
manière  dont  il  expose  ce  que  dit  Origè.,e. 

£n  voilà  trop  sur  ce  sujet.  Venons  enfin  aux» 


i  f  *^->'^)  Idem  (:leme?(s,  Ioc.  c\t,  (WSi)  Idem,  o»Icm  p:ig. 

%  I  'M\S  Idem,  paulo  stipirius,  p.  592|  loco  iupra  retato. 


4587 


DICTfONNAlIlE  APOLOGETIQUE. 


m 


autres  passages  cités  par  notre  auteur,  et  voyons 
s'il  les  explique  avec  ptus  de  sincérité  et  de  bonne 
foi.  Celui  qu  il  |>roJuit  ensuite  «"st  tiré  d^Origène,  et 
voici  conuïient  il  Teipose  :  «  Origène  contre  Celse 
ne  nie  point  que  Platon  u^ait  dit  la  vérité  en  parlant 
de  Di  u  et  de  son  Fils;  il  soutient  seuleuient  qu'il 
n*a  pas  fait  Tusage  qu*il  devait  de  ses  lumières.  Il 
ne  dit  point  que  le  fond  de  la  doctrine  chrétienne 
est  différent  en  cela  de  celle  de  Platon,  mais  que  ce 
philosophe  Tavait  apprise  des  Juifis.  i  Vi  ilà  un  nou- 
veau tour,  un  nouvel  artifice  de  M.  Le  Clerc. 

En  effet ,  à  Tentendre  parler  de  la  sorte ,  qui  ne 
eroirail  qu'Orîgène  a  examiné  fort  au  long  ce  que 
Platon  du  de  Dieu  et  de  son  Fils  ;  et  qu*après  avoir 
comparé  les  paroles  et  les  sentiments  de  ce  philo- 
sophe avec  ce  que  la  foi  nous  apprend  de  ces  di  ux 
adorables  personnes  de  la  sainte  Trinité,  il  n'y  a 
trouvé  aucune  différence  ;  et  que  convaincu,  au  con- 
traire» que  c^était  eiilièrcmenl  la  même  chose,  et 
que  Platon  avait  i>ar(aiiement  bien  entendu  sur  ce 
&ujet  le  sens  des  Ecritures ,  il  n*a  trouvé  rien  à  re- 

Ïirendre  dans  ce  philosophe  •  sinon  qu'il  n'avait  pas 
ait  Tusage  qu'il  devait  de  ses  lumières  ?  C'est  là 
ridée  que  les  paroles  artificieuses  de  M.  Le  Cleic 
présentent  d'abortàTespriLOn  p<mrraits*y  tromper 
fcans  doute  si ,  avec  le  talent  merveilleux  qu'a  cet 
écrivain  d'interpréter  et  d*esposer  roalignemeot  les 
passages  des  Pères  de  TEglise,  il  avait  encore  celui 
de  fasciner  les  yeux  de  ceux  qui  les  llteut  dans 
leurs  sources;  mais,  par  malheur  pour  lui,  en  con- 
sultant dans  eux-mêmes  les  auteurs  qu'il  cite,  ou 
découvre  iucoutinent  ses  artiticco  et  hes  subtilités 
capiieubcs. 

Voici  donc  sur  quoi  il  fait  parler  Origéiie  de  la 
nuiiiière  que  nous  venons  d'entendre.  Cet  ancien 
Père  répond  à  Celse  qui  objectait  aux  Chrétiens  que 
tout  ce  qu'ils  disaient  de  raeilleur  avait  été  dit  long- 
temps auparavant  par  Plaion,  sans  que  oe  philo- 
sophe néaninoius  mélàl  rien  d'incroyable  et  de  pro« 
digieux  dans  ses  discours,  sans  qu'il  exigeât  que  Ton 
s  y  soumit  aveuglément,  et  enfin  sans  vouloir  au*avant 
foules  choses  on  crût  qu  un  tel  était  Fils  do  Dieu, 
et  qu'il  avait  enseigné  telle  doctrine.  Sur  quoi 
Cel»e  produisait  plusieurs  endroits  de  Platon  comme 
contenant  une  morale  et  une  doctrine  bien  plus  par« 
faite  que  celle  des  Chrétiens.  Origène  donc,  répon- 
dant à  toutes  ces  calomnies  de  CO'Se  avec  cette  exae- 
litude  et  cette  force  que  l'on  a  toujours  admirée 
dans  son  ouvrage,  dit  en  passant  :  «  Qu'il  s  étonne 
que  Celse,  qui  veut  paraître  savoir  tout  et  qui  atl'ecte 
de  produire  tant  de  passages  de  Platon ,  dissimule 
celui  où  ce  philosophe  pa  le  du  Fils  de  Dieu  dans 
aa  lettre  à  Hermias  et  à  Curisque ,  où  il  dit  :  Il  faut 

Sue  vous  preniez  à  témoin  le  Dieu  souverain,  maître 
e  toutes  les  choses  qui  sont  et  de  celles  qui  seront, 
et  Père  du  souverain,  qui  est  la  cause  de6  êtres  que 
nous  connaîtrons  aussi  clairement  qu'il  est  possible 
à  des  liommes  heureux ,  si  nous  nous  appliquons 
comme  il  faut  à  la  philosophie  (1956;.  i 

Voilà  tout  ce  que  dit  Origène  sur  ce  passage  de 
Platon,  et  c^est  là-dessus  que  M.  Le  Clerc,  raison- 
nant à  son  gré  et  faisant  des  commentaires  d'une 
façon  tonte  nouvelle,  dit  :  c  Qu'Oiigène  ne  nie  point 

3ue  Platon  n*ait  dit  la  vérité  en  parlant  de  Dieu  et 
e  son  Fils  :  qu'il  ne  dit  pas  que  le  fond  de  li  doa- 
trine  chrétienne  soit  différent  en  cela  de  celle  de 
de  Platon,  •  11  est  vrai  qu'Origène  ne  dit  lien  de 
tout  ce  que  M.  Le  Clerc  lui  fait  dire  ici ,  et  néan- 
moins, par  ce  nouveau  idur  de  phraae  :  Origène  ne 
nie  point,  Origène  ne  dit  pas,  M.  Le  Clerc  a  trouvé 
le  moyen  de  faire  dire  à  Origène  tout  ce  qu'il  juge  à 
propos  ;  il  a  trouvé  le  secret  de  lui  faire  dire,  ou  au 
moins  de  nous  faire  entendre,  qu'Origène  a  cru  que 
Platon  a  dit  ta  mérité  en  parlant  du  Fils  de  Dieu  ,  et 


que  le  fond  de  la  doctrine  cl&rétienne  n'est  pat  diSi- 
rent  de  celle  de  ce  philosophe.  Qui  n'admirmlt  U 
subtilité  de  notre  auteur  et  ce  rare  secret  qu'il  a  de 
faire  dire  aux  Pcn  s  de  l'Eglise  ce  qtillsuedi&eiitjtti, 
sans  qu'on  puisse  néanmoins  l'accuser  hi-mène 
d'avoir  dit  faux?  Mais  que  si  quelqu'un  s'avisait  de 
proUler  de  son  secret  et  d'employer  contre  lui  cette 
nouvelle  métho  le  de  citer  les  Pères  de  FEdige,  se 
pourrait  il  pas  lui  prouver,  par  raulorlté  d'Origâie 
et  de  tous  le*  autres  saints  Pères,  qu'il  est  kmM- 
vaise  foi  et  qu^il  cherche  partout  à  noaseniiopoMir? 
Comment  cela!  La  chose  eNt  évidente  :  c'est  qu'Oii- 
gène,  ni  les  autres  saints  Pècea  ne  le  oieui  pas,(i 
ne  disent  pas  certainement  le  contraire. 

Découvrons  encore  un  autre  artifice  de  M.  Le 
Clerc.  11  consiste  en  ce  qu'il  dit  (|u'Origène  uipoiat 
nié  que  Platon  n  ait  dit  la  vérité  en  parU&tdeDioi 
ei  de  hOtt  FiU.  Ces  dernières  p. rôles  sont  use  addi- 
tion de  M.  Le  Clerc,  qui  ajoute  i  qu*Origèiie  twitie&i 
seulement  que  Platon  n'a  pas  fait  l'u&age  qu'il derait 
faire  de  ses  lumières,  i  Notre  auteur  fait  entiodre 
par  U,  comme  on  le  voit,  (]u'Oiigèoe  soutient  ose, 
quoique  Platon  ait  dit  la  vérité  eu  parlant  île  DIcq 
et  de  son  Fils ,  il  n'a  pas  su  néanmoins  profila  dci 
lumières  qu'il  avait  sur  Tune  et  sur  l'auue  de  ces 
adoribles  persooues.  Mais  Origèuene  parie  ttaiaiisi 
(1957),  car,  quand  il  suutieni  c^ue  Platon  u'a  pas  fait 
l'usage  qu'il  devait  de  ses  lumières;  quand  il  assure 
qu*il  s'est  rendu  coupable  de  la  plus  grossière  ido- 
l&lrie;  quand  il  lui  applique  eufui ,  comme  tous  ks 
les  autres  Pè;  es  de  l'EgHs^ ,  les  paroles  de  IWpdirt 
saint  Paul  aux  Uoniains,  Origène  ne  parle  que  lieU 
connaissance  que  Platou  a  eue  d  \  Dieu ,  cl  poiot^ 
tout  de  celle  qu*il  a  eue  de  son  Fils.  Mais  il  ^it 
nécessaire  que  M.  Le  Clerc  fit  n  eniion,  en  cet  en- 
droit, du  Fils  de  Dieu,  dont  Origène  ne  dit  rosi,  afi» 
de  pouvoir  conclure  de  là  avec  quelque  appareoet. 
quoique  toujours  sasis  rais'in,  qu^Origèiveacmquf 
le  &eiitiment  de  Platon  et  ctltii  d(*s  apôir^s $ur  a- 
Fils  de  D  eu  et  sur  le  mystère  de  h  Triulic  cuti  le 
même. 

§  iX.  —  Témoignage  de  i'empereur  CQnmntw,t9ar 
nient  iraduii  ci  expliifué  par  M.  Le  CiiTC,  —Cm» 
clusionque  M.  Le  Clerc  lire  de  ce  fouAqt.ti  tt 
qu'il  suppose  pour  avoir  lieu  de  la  tirer,  —  fMt- 
seté  de  ces  suppositions^  —  Réponse  à  nu  o^/ff- 
lion.  —  Preuve  évidente  que  Constantin  tCwffffntî 
point  entièrement  ce  qu'il  rapporte  ici  de  f  (<t|*- 
—  De  quelle  nature  sont  ions  tes  passefa  citti 

ear  àl.  Le  Clerc  dans  le  dixième  tome  h  t*^ 
lioth  qui»,  pour  prouver  que  les  smnts  Vira  ^ 
cru  que  le  seuliment  de  Platon  et  celui  ia  tf^ 
très  était  le  même.  —  Injustice  évidente  ii  ff^ 
auteur. 

Le  dernier  passage  cité  par  notre  autcoi  dan»  m 
Bibliothèque  est  tiré  du  discoiiia  que  Vempercâr 
Constantin  fît  aux  Père:»  du  conc  île  de  Nic«c, et  vou 
comme  il  le  traduit  :  c  Constantin ,  dit-il,  diQii  » 
haranjçue  aux  saints,  après  avoir  louéPlaiOfidea 
que  c*est  le  premier  philosophe  qui  a  piirl^  k> 
hommes  à  la  contemplation  «les  choses  iiii<^^' 
blcs,  continue  ainsi  :  U  a  pailô  d'un  prtnuerPi'* 
qui  est  au-dessus  de  toutj  essence,  en  quoi  iia  ^^^'i 
bien  fait.  11  lui  en  a  encore  soumis  un  »coni,eit 
distingué  en  nombre  deux  essences,  la  i)crfe<twa>k 
Tune  étant  la  môme  qné  celle  de  rautrc,  ei  Pesifif 
du  s  cond  Dieu  tirant  son  existence  du  premier,  (««f 
c'c.>t  cclni-ci  qui  est  l'auteur  et  le  dincifuf'^ 
toutes  choses,  étant  au-*dessus  de  tous  ;  «Ui  «l"'"' 
ap.  èa  lui ,  ayant  exécuté  ses  ordres ,  lui  aitri*^ 
comme  à  la  cause  suprême  la  prodti«iioH  dtfl^'* 
vers.  Il  n'y  en  a  donc  qn*un  à  propremmi  parler  r* 
ait  soin  de  tout  et  qui  y  pourvoie;  savoir,  \znt"'^ 
qui  est  Dieu  et  qui  a  mi;!^  toutes  choses  htî  1»» 


(l9o6)  OmcE,>Bs  adversus  Cctsum,  l.  m,  pog,  280,  cdit. 
Cantahrig-Spencerl, 


(199?)  OaiGBKES,  codem,  i.  >i,  pag.  276. 


15SI 


!IOTES  ADDITHHINCLtES; 


ISM 


onli«.  Cttte  reisctt  éunl  Die*  ea  aossi  Fils  de  Dic«  ; 
ear^vi  ^uinti  Tapi^icr  aotreBient  sans  conneure 
«a  graM  pédié?  Celui  qui  cal  le  Père  de  UNilea 
cbaaea  eU  cei.ac  a^ee  laison  le  Péfe  de  sa  propre 
raîMM.  Jusque  ta  Plalén  n*a  rien  dit  que  de  sage  » 
mais  il  s*est  éloigné  de  la  vérilé  en  Inlrôduisani  une 
■ittliiiode  de  dieux ,  ti  eu  leur  donoaut  à  eliacon  sa 
forme  (1958).  • 

Il  y  aurait  bien  des  remarques  à  faire  sur  la  ma- 
nière artifitieose  ei  maligiie  dont  M.  Le  CU  rc  a  ir»- 
duit  ce  passage  ;  mais  je  me  borne  à  ce  qui  n'garde 
la  conclusion  f}u*il  en  lire,  et  qui  est  que  Constantin, 
aîn»i  que  plusieurs  Pérès  de  ICgliie  des  trois  pre- 
miers siècles,  a  cru,  sur  ee  qu'il  rapidité  iei  de  Pla- 
Ion ,  que  le  >eetinif  nt  de  ce  pliilosi»pbe  sur  le  Fils 
de  Diro  était  le  même  que  celui  des  spolies.  Pour 
cela,  y.  Le  Cl«:re  suppose,  en  premier  Leu,  que  loui 
ce  que  Constantin  dit  ici  n'est  qu*nne  fcinip*e  expo- 
sition qn^îl  fait  du  seuliment  de  Platon.  Il  suppose  , 
en  8i*eoQd  lien ,  que  le  même  Constantin  approuve 
entièrement  ce  seoliment,  et  ce  qn*il  prétend  prou- 
ver par  ces  paroles  qu'il  a  mises  en  lettre  italique , 
ei  qu'il  a  même  rapportées  en  grec  ;  jusque  là  Platon 
b*a  lien  dit  que  de  sage.  Mais  ces  deux  suppositions 
sootfiu-aes;  car  je  soutiens  que  Constanim  léfole 
ici  le  senliaient  de  Platon  oo  plutôt  des  plalooîciena 
nouveaux  y  autaoi  et  plus  qo*u  nerapproore.  Il  Tex- 
pose  à  Sa  Tériié  pur  cet  premiémi  pûroka  :  PloÊnm 
a  enm§Hé  ifme  le  premier  Diem  émit  na-detsas  de^ 
lomie  êtt^êiBHce^  et  il  approuve  ee  sentiment,  en  ajou- 
tant qiiVn  eda  PUton  a  bien  fait ,  c'est-à-dire  qo*il 
;i  eu  raison  de  reconnaître  que  Dieu  était  d'une  na- 
ture fort  éirvée  au-dessus  de  tontes  les  autres  sub- 
stano  s  ;  mais  il  s*en  Uut  bien  que  Constantin  dise 
U  mênn:  clioie  de  ce  qui  soit  :  i  A  œ  premier  Dieu 
l^taton  en  a  ajon;é  un  second ,  et  a  distingué  deux 
essences  en  itombc e  :  >  Il  s>n  faut  bien,  dis-je,  qu*il 
appiouve  ces  deux  essences  qud  Platon  ou  les  pla- 
Sunicens  n  connaisj^^ifiit  dans  leurs  premiers  dieux, 

Kisqu'il  ajooie  iiiconlineni ,  en  reprenant  ces  pbi- 
(ophes ,  <  qu'il  u>  a  qu'une  essence  également 
parfaite  dans  fur  et  dans  Taotre,  le  second  Dieu  ti- 
rant son  e&t&lence  et  procédant  du  premier.  •  Con- 
s:nntin  ne  se  conlenle  pas  de  cela  ;  mais  coniiauaot 
son  raisonnement  contre  ces  philosophes ,  il  ne  veut 
jiasqulli  distinguent  deux  «iieux,  le  ptcmieret  le 
second  ;  mais  il  ajoute  :  i  Que  s'ils  veident  i aisiiii- 
uer  eiactemecl ,  il  doiveot  reconnaître  que  le  Pcre 
oi  le  Verbe  ne  font  qu'un  m^'^roe  Dieu  (1U5U).  > 

Hais  |ui»que  l'empereur  Coustantio  corrige  aiitsi 
le  se«.t  ment  de  Platon ,  *n  luontrani  qu'il  n'a  point 
Cù  admettre  deux  dieux  ni  deux  «ssences  difle- 
leiâus,  pourquoi  donc  ajoute  t- il  :  c  Jusqu'ici  Ha- 
li>u  a  é:é  sa|$e  (liNÎO;?  »  Je  léponds  qu'il  ne  |)ar!e 
ainsi  que  patce  qu'il  va  cxpostT,  incoiilioeut  après, 
une  V  renr  bien  plus  éltaii^e  de  PLti>n,  qui  coosisie 
dans  allé  multiiui!e de  divjuiiéâ  de  toutes  sortis  de 
f «jnues ,  de  Gf^nris  et  d'espèces ,  que  ce  f  bilosophe 
a  iatroduttes  :  erreur  eiiravagante ,  par  rapport  à 
laquelle  Platon  peut  p;:sser  pour  sage  en  ce  qu'il  a 
dit  de  Dieu  et  du  Verte.  L:i  effet ,  c'est  tieaucoup 
«|ue  ce  pliilobophe  ail  eu  quelque  iLé\  quoique  tré»- 
«•bseure  et  tié>'iin parfaite,  du  Fils  de  D'wu  ou  du 
Vcrl»e,  par  qui  toutes  ebos's  oitl  été  tait*!S  :  (^n  doit 
lui  panioiiiier  d'avoir  n»a!  compris  ce  qu'tl  en  avait 
entcinlii  dire;  mais  il  est  tr.eicusab:i:  d'avoir  en- 
S4*i^i é  ui  pidyilieisjiie  aus&i  exttavagant  que  celui 
qu'.l  Mia tient  dans  ses  ouvrages.  Se>  liiiiiiére»  na- 
ture Iles  siillisaicnt  pour  i'erai^'her  de  tomber  dans 
un  si  prodigieni  également  ;  msts  elles  ne  suflbaiiut 
pas  puur  lui  faire  bien  comprendre  ce  qu'il  avait  lu 

(1008)  Cn5STi5Ti5ts  MagnuS;  rn  Orat,  êâ  umctonÊm  cœ^ 
tUTH,  cap.  9. 

(193)  Idem,  tWrf.  On  sera  d'autant  plus  convainca  que 
Tcmpereur  Constant ia  censorc  M  les  erreurs  de  Platon 
«m  des  pljtoniHcDs,  que  l'on  «aura  que  le  bot  qn1l  ne 
I»  <t|v.  c  djus  ce-  diapiire  est  de  montrer  que  les  pbiloso 


ou  ce  qu'il  avait  oui  dire  de  ce  Ve.bc,  auteur  ce 
Tunivers ,  dont  il  par!e. 

Mais ,  pour  ôler  à  M.  Le  Clerc  tcat  lieu  de  i  nos 
chicatier  sur  cette  esplication  que  noos  venons  de 
donner  au%  paroles  de  l'empereur  Constantin ,  ajou- 
tons qu'on  ne  peut  pas  supposer  que  cet  empereur 
ait  jugé  autrement  du  seniimeiit  de  Platon  sur  1^ 
Verbe,  qu'il  juge  de  celui  qu'il  rapporte  incontinent 
après  du  même  philosopLe  toccbam  1«  s  récompenses, 
et  les  châtiments  de  l'auire  vie.  tu  «Cfet,  il  ne  se 
contente  pas  id  de  dire  simplenirnt  que  Platon  a 
été  sage  ;  mais,  ce  qui  eit  bien  pins  f<Tt,  il  ne  fait 
point  difficulté  de  dire  que  fai  do<  trine  <'e  Platon  sur 
ce  sujet  est  tout  à  fait  digne  d'admiration.  <  Ce  phi- 
losophe ,  dit-Il,  enseigne  ensuite  admirablement  que 
ceux  qui  ont  bien  vécu,  c'est-à-dire  que  les  âmes  df  s 
gens  de  bien ,  an  sortir  de  leu  s  corpf,  sont  placées 
dans  les  endroits  les  plus  beaux  du  ciel,  te  centi- 
mcnt  de  Platon ,  contîuue-t-il ,  n'est  pas  seolemcLl 
admirable,  mais  rncore  aès-utile.  Car,  qui  est  celui 
qui ,  ajoutant  foi  à  ses  paroles ,  et  attendant  le  bon- 
heur qu'il  promet,  ne  pratique  la  veito  et  n'évite  le 
mal?  D'autant  plut  que  ee  philosophe  ajooie 
eonséquemment  que  les  âmes  des  médiants  sont 
entraînées  dans  les  Oots  de  TAchéron  cl  du  Py- 
riphléféthon,  où  elles  sont  poussées  coi*tinnt  lle- 
lueni  de  cdté  et  d'autre  «  t  tcurnN  niées  bort  itle  - 
mi  nt  (1961).  »  11  est  bien  visible  que,  quoique  Cons- 
tantin loue  extrêmement  Platon  d'avoir' enselcné 
qu'il  y  avait  dis  récompenses  à  espérer  oo  des  euA- 
timeiits  k  craindre  après  la  moïC,  il  était  cependant 
inlinimcnt  éloigné  de  croire  que  les  récompenses  ou 
les  cb&timenls  dont  fiarle  oe  philosophe  fussent  Ui 
même  choie  que  ceux  que  la  foi  chrélienre  nous 
propose.  U  ne  croyait  |ôs  sans  doute  que  la  lélicité 
que  nous  attendons  après  cette  vie  consistât  à  être 
pïa  é  dans  quelqu'une  des  étoiles  mi  des  planètes , 
et  à  contempler  Its  IJées  et  les  révolutions  du  ciel» 
Il  ne  croyait  pas  sans  doute  que  l'Acbéron  et  le  Py- 
riphlégétbon  lussent  le  lieu  où  les  âmes  des  n^éehants 
sont  tourmentées,  jusqu'à  ce  qu'étant  paifaitenieni 
purifiées  par  là,  elles  passassent  au  cicl^et  du  ciel  sur 
la  ferre ,  pour  y  entrer  dans  de  nouveaux  corps. 
Toutes  ces  chimères  plati>n:c:ennes  ne  fa  if  aient  pas^ 
sans  doute  un  aiticle  de  la  créance  de  Conslantiu  ; 
il  ne  croyait  donc  pas  que  le  sentiment  de  Platon 
sur  le  Veîbe  fût  le  mcme  que  celui  des  Apôtres. 

Ce  sont  U  tous  It  s  passages  que  M.  Le  Cteic  pro- 
duit dans  le  tome  X  t'e  sa  Bibliotkèqne  mnitcrulte^ 
pour  montrer  que  ;  iuticurs  tTenire  L*  Pères  des  trois 
premiers  siècles  cnl  cru  que  le  utHiment  de  Platon  it 
celui  des  apôtres  était  le  même.  Oo  voit  que ,  malgré 
la  mauvaise  foi  avec  lac^nelle  il  les  cite,  malgré  tous 
les  artifices  et  les  subti.ités  captieuses  qu'il  emploio 
p^iur  en  détourner  le  vérital  le  s<  ns ,  il  n'y  en  a  au- 
cun qui  prouve  ce  qu'il  préiend,  ni  qui  puisse  roénie 
arrêter  un  seul  moment  un  lectour  alteutif.  Oo  ^o,t 
que  tous  ces  i  assages  i.e  contiennent  que  des  cita- 
tions ou  de  simples  eipositioos  que  fent  les  saints 
Pères  de  quelques  paroles  et  de  qiH*lques  sentiments 
de  Platon,  eouiiiie  de»  autres  philos.ipbes  paîeasit 
des  pcêtes  mêmes,  pour  mof.trer  qu'iU  eut  eu 
quelque  connaissance,  quoique  très-împarfaiie  et 
mêlée  de  quantités  d'erreuis,  des  véf  iiés  contenues 
dans  In  divines  Ecritures.  Or,  quelle  ii  justice  de 
prétend!  e  qu'un  auteur  approuve  tout  ce  qui  e^t  con- 
tenu dans  tes  citations  q«i'it  fait ,  et  qu'il  soit  dans 
tous  les  mêmes  i>eiit:n>eiits  que  les  icri\ ai uS  d'où  il 
les  tire,  quoiqu'il  i.e  tes  cite  que  pour  un  seul  pi/int, 
et  souvent  pour  un  seul  mot  qu'ils  ont  dit?  Où  est 
l'auteur  ancien  ou  nouveau  que  Ton  ne  puisse  accu- 

pbcs  en  général,  et  Platon  en  particulier,  avant  >oulu 
raisonner  sur  lout,  se  som  trompés  dans  leurs  epiujoiis. 

Dcft  tA*  fJU»i';i>,  iX  ttà  ti  ssvia    yin/t%%i  iilh«,  t^u^l  tv-i    {«^sf, 

(t%0)  Idem,  ibid. 
,     (1961)  Idem, 


1591 


D1GTI0NNA1R£ 


ser,  sur  ce  préteite ,  devoir  tenu  len  opinions  let 
plus  exlravaganies  et  les  plus  impies  7  Pou rral-je  me 
p:iraiitir  moi-même  de  celte  acciisaiioo ,  et  sur  tant 
d*opinions  de  Platon  et  des  platoniciens  que  j*ai  ci-* 
lé.'S  ou  exposées  dans  cet  ouvraj^e,  M.  Le  Clerc  ne 
itracetisera-l-il  pas  de  les  «voir  crues  entièrement 
eonfomies  à  la  foi  de  FËglise  catholique  ? 

§  X.  —  Réfutation  de  ce  aueM.  Le  Clerc  ajoute  pour 
prouver  que  les  sainte  Perte  f  en  parlant  de  la  di" 
vinité  de  Jésus  Chriet^  ne  se  sont  pas  éloigttés  des 
expressiotu  des  platoniciens,  il  en  apporte  deux 
exemples  f  Tufi  tiré  de  Laclance,  et  C autre  de  Ter» 
fti//t>N«—  //  explique  le  preinjier  avec  beaucoup 
dlgnoranee  ou  de  mauvRise  foi.  -^  Le  second  est 
^utièrentent  exempt  de  platomstne  et  d' hétérodoxie» 
—  Platon  ni  les  platonicies  n'ont  jamais  rien  dit  de 
siemb'able,  en  parlant  de  leurs  trois  principes. 

Je  laisse  tout  ce  quil  ajoute  ensuite  touchant  les 
ébioiiites,  les  snliollieiis  et  Paul  ife  SamoLate,  dOBt 
il  evmise  ou  escuse  le$  erreurs  avec  autant  de  mali- 
gnité et  d'artilicps,  qu'il  vient  d*e\po^er  les  seiit^ 
iitenisdes  sainte  Pè  es.  Je  i.e  m'arièiotal  pas  même 
î  réfuter  en  détail  tout  ce  <pril  dit  i^ticore  île  ccuih:! 
incontinent  après,  pour  montrer  i\n^ils  ne  se  sauf  pas 
éloianés  des  expressions  des  pUttoniciene,  en  parlant 
de  U  divinité  de  Jésus-Christ.  JVxamtMerai  seule- 
nient  les  deux  passag*  s  q*ril  cite  pour  prouver  C(*lte 
courorniilé  pi  étendue  rtUOi),  et  sur  lequeU  seuls  il 
Tappuie.  0<i  verra  qu*il  les  expose  avec  lea  mêmes 
ai  tilices  ei  la  mémo  mauvaise  foi  dont  nous  Tavons 
déjà  couvaincu  t'i  souvent.  Après  eela«  nous  vien* 
di'uiis  à  SI  septième  Lettre  critique^  par  laquelle  nous 
li  niions. 

Le  pro.hi^r  passage  qu*il  produit  ici  est  tiié  de 
t^tiaiice,  qui,  patlant  des  deux  gé;-éraiions  du  Fils 
do  Dieu,  ih  su  gêné  aiion  éiernelle  en  qiui  ilé  de 
]>.eu,et  de  sa  gé.icratiou  temporelle  en  tant  qu*liom- 
uie,  sVxpiim.;  ainsi  :  i  De  iiiôme  que,  par  une  mer- 
veille qui  n*a  jamais  eu  d*exeinpte,  la  Mère  a  engen- 
dré iion  CiésAeur,  ainsi  il  faut  croire  que  le  Péiea 
eiigi  n.lré  o*une  mamdre  ineffable  son  Fils  qui  lui  est 
Ciietcin  I.  Ce  Fils  est  né  de  sa  Mère,  çuoii|uHi  fût 
avant  elle ,  il  est  né  de  son  Père,  qui  iqu*U  ait  été 
un  temps  aui|U  «l  il  n^cxistait  pas  encore.  Que  la  foi 
croie  ce  mystère,  que  la  raiso.i  ne  rexainiiie  pas, 
d<^  crainte  que  n'en  pouvant  trouver  rintelligence, 
elle  ne  le  Juge  incroyable  ;  ou  que  Tayaut  compris, 
elle  ne  s*imaginenu*H  n*a  rien  de  singulier  (1963).i 
Qui  croirait  que  M.  Le  Clerc  ait  pu  produire  ce  pas- 
sage, pour  p.  Oliver  que  les  Pères  de  TEglise  ont 
pensé  et  parlé  comme  les  platoniciens  sur  la  divi- 
nité de  Josus-ChrisL?  Quel  rapport  ou  quelle  con- 
foimité  a-t-il  jamais  pu  trouver  entre  toutes  les 
imaginations  et  les  discours  alambiqués  de  ces  phi- 
losophes ,  et  ces  belles  et  ingénieuses  paroles  de 
Laciaiice,  qui  expriment  si  parfaitement  ce  ijne 
nous  croyons  des  deux  générations  de  Jésus-Christ, 
vrai  Dieu  et  vrai  homme?  Le  mystère  adorable  de 
son  incarnation,  comme  le  remarque  saint  Augus- 
tin (19l»4),  nVt-il  pas  toujours  été  pour  Timpiété 
de  ces  philosophes,  une  pieri  e  de  scandaleet  uti  cctieil 
fatal  où  ils  oui  échoué?  G*est  néanmoins  là-dessus 
que  M.  Le  Clerc,  continuant  à  débiter  ses  illusions, 
avance  qu^  les  Pères  de  TEglise  qui  ont  précédé  le 

(1962)  Bibtioth,  universelle,  tome  X,  pag.  iU. 

(1965)  Laotakt,  1.  n.  IHvin.  Instit.,  cap.  9  :  c  Sicut  ma- 
ter sine  excmplogenuitÀuctorem  suum,  sic  ioelTabiHter 
Pater  geouisse  credendus  est  cosleraum.  De  Maire  natus 
est,  qui  aute  iam  fuit  :  de  Paire,  qui  allquaodo  non  foiu 
Hoc  lides  rredat  ;  iiitelligenlia  nttn  requirat,  ne  aut  non 
i:iveulum  pulet  incredibile.  aut  reperium  uoo  credat  sio* 
gulare.  > 

(196i)  AoGcsT  ,  1.  X,  De  eivit.t  cap.  29. 

(1965)  Idem  LACTA^T,  1.  iv,  cap.  H,  9,  10,  et  seqq.  : 
c  Oclavi  capitis  hoc  argiimeniiun  est  :  quod  Filius  bis 
Dâtus  est  aelemalilcr  de  PalrCi  ienii:ora!uer  de  Virgioe« 


AP0L0G£T1QIJE.  i^ji 

concile  de  Nicée ,  cooferméweni  aux  vaiinf  mi  « 
aux  expres^MHlS  des  platoniciens,  tanibt  tfiwMfi'ji 
y  a  est  un  temps  auquel  le  Fiis  n*éteit  mi;  lonti 
quil  est  éternel  auui  bien  que  le  Père,  L'est  iànies- 
suh  quM  dit  en  particulier  de  Lactanee,  qu^m- 
qn'U  dise  que  le  Fils  est  coéteruel  au  Pèrt^ilàtliuie 
pas  de  dire  qu*it  y  a  ea  km  lemps  auquel  il  rimini 
pas, 

£h  quoi!  toutes  ces  proposiiioits  ne  lost^ies 
pas  indubitables?  Ne  sont-elles  pa«  trrs*oitbtidoin 
dans  le  sens  des  Pères  de  TEgliseet  de  Lactat»! 
N*est*il  pas  oerlain  (|u*il  y  a  eu  un  taapi  ivqitl 
le  Fils  de  Dieu,  considéré  en  Unt  q«'liemBf«i*u»i 
pas?  N*est-il  pas  indubitable  que  le  méaie  fils,  a 
Unt  que  Dieu  et  Fils  de  IMea,  est  étemel  assii  biei 
que  son  Père?  M.  Le  Clerc  ?ent  ici  nous  foire  ilk 
aion,  comme  partout  alUeurs.  U  prétONl  iHwspar* 
suader  qaeLactaneea  avancé  ces  deux  pro^oûûtu 
si  opposées  touchant  le  même  objet,  je  vesx  Are 
loucliant  la  diviDité  seule  du  Fils  de  Dieu;  Mîiil 
nVn  viendra  pas  à  bout.  Ilest  trop  évident  qieLic- 
tance  parle  ici  par  aiitltlièse  de  la  divûitéciée 
rhiimanité  de  J&us -Christ,  comme  ooesiTomM» 
couiiimé  d*en  parler  nous-mêmes  tous  les  join, 
alin  de  mieux  «taire  sentir  rexcellence  de  ikysim 
adorable  de  Thonime  D  eu,  ei  que  giua4  il  liiiqv 
le  Fils  est  né  de  sa  mère,-  quoiqu'on  fût  etfïïl  tiU,  y 
sous  entend  certaîneinetil,  en  qualité  de  Di?a.  n 
par  ctinséquent,  qnaod  il  ajoute  que  te  wènt  Ftii 
eaf  ué  de  son  Père^  quoiqu'il  ait  été  un  Iah^m- 
quel  il  n'existait  pas ,  U  ious-entend  de  laénie  id, 
en  qualiiéd'homme  et  par  rapport  à  l'hnomiléfc* 
loii  laquelle  il  a  été  nu  temps  en  eflel  auquel  le  Fils 
de  Dieu  u*existait  pa<s. 

Voilà  indubitablement  le  véritable  sens  de  ce  ^- 
sagede  Laotance,  qui  dit  en  peu  de  motseeqv'il 
enseigne  plus  au  long  dans  son  qiiatrièmelivr<'(l!lo3\ 
auquel  il  renvoie,  et  où  il  prouve,  coiifonDéme<ii  ite 
que  la  foi  nous  apprend,  que  le  Fils  lie  Die«  i  eu 
deux  naissances,  Vune  éternelle  de  srni  Père, er> 
tant  que  Dieu,  et  Tautre  tempordle  de  U  Vmpri 
méie,en  tant  qu'homme, 

Après  cela,  il  n*est  personne  qui  ne  émve  imr 
beaucoup  de  plaisir  de  voir  M.  Le  Clerc  esofoser 
sérieusement ,  en  apparence,  me  espèce  de  ivvf- 
uiion  sur  ce  passage  de  Lactance,  pour  pnunr 
q<i*il  -est  véritablement  de  cet  ancien  aiiirer,  el  ^t 
1  On  a  eu  tort  de  soupçonner  qu*il  eût  été  forT«e^ 
par  «fuelque  hérétique ,  ajoutant  eue  :  c  sli  se  a 
trouve  dans  quelques  uianuscrils,  dans  d^autmo»- 
droits  où  tous  les  manuscrits  s^aecordent,  UfiaKt 
sVxpriuie  de  la  même  m'.:niêre,  et  que  l\>ii  p  oïdirf, 
avec  autant  de  vraisemblance,  que  ce  sonl  k^'> 
pistes  orthodoxes  qui  ont  retraiidtéce  4;!i*iis<»> 
jugé  à  propos.  I  11  ajoute  ei.lin,  <  qu^oo  a  aibâ ac- 
cusé Laclance  d*hétéi  otioxie  depuis  longtemps,  u» 
qu*à  cet  égard  il  n*est  pas  pHis  coupable  que  i^n- 
très  Pères  «(ui  oni  vé-  u  avant  le  concile  de  Nif  t 
dont  les  expressions  sont  aussi  direrses  que  td'^ 
des  platoniciens,  sur  la  matière  delà  sainte  Triut^* 
Bon  Dieu!  qu*il  y  a  de  nialtgniié  et  de  dissimub(i« 
en  tout  cela  !  Combien  d^artiftces  inotileoieBi  »- 
ptoyés  pour  nous  ôter  de  devant  les  yeux  le  ^ 
naturel  de  ce  passage ,  et  pour  nous  |iersttader<[i*J 
favoii:»e  rimpiêlé  socinlenne!  Mais  que  M.  Le  Cbrc 

scdnaliritale  ineicogitabili  et  inefTablli.  bi  priiDrt> 
quit,  testlUcabtmor  iilum  (Dei  KiliomJ  bh  e^se  »'«« 
primum  in  spiritu,  postes  in  came.  Lt  cap.  xn  l<l^'' 
etiam  Filium  ois  nascl^portuit,  ulipse  fieret  «««'^i^' 
^rmf.  In  prima  eaim  oatintale  splrilali  é>iiii?fiHi.  ^* 
sine  oflicio  mains  a  solo  Deo  Paire  progenerjti^  e^^ 
scvunda  vero  camali  immtf  fuit,  quoniam  siae  Pain**'^ 
do  in  vîrgioali  utero  procreatus  est  :  ut  mcdùv  ^** 
l)eum  ot  bomiuem  subslaiiUam  gereos,  nostran  ^^^ 
gilem  irobeciliemque  naturam,  quasi  mauu  adlon>*'^ 
tatem  fiosait  educeie.  Faetus  est  Dei  Flllos  perqir;t«. 
et  bonUols  pcr  caraem,  id  est,  Dcus  cl  hono.  i 


1595 


NOTES  AMNTiONNeLLESu 


1594 


aille  rberd^r  aillMn  été  dopes  qa^îl  paitse  amu- 
ser par  ti*«t  eea  vaiiia  discours;  nous  le  cofiuais- 
sfiDS  Irof  piHir  BOUS  y  laisfier  aurprandre.  El  Iota 
de  irooTor  de  rMérodosIe  on  du  pbionisnM  daus 
ce  pasisfe  de  Ladauee,  eomnie  il  voudrait  nous  le 
Uwt  soupçoauer,  uous  B*y  voyons  au  eootrairequ^ane 
professiou  aKrégée,  analatués-cUire  ei  irèsHiIsliiicie 
deja  M  onbodaiCt  el  une  etmdamnatioo  lrè»-«i- 
presse  des  errevs  de  N.  Le  Clerc  lui-même ,  et  de 
tous  les  autres  ennemis  de  la  divlnilé  et  de  Tincar- 
naliuu  du  Fils  de  Dieu. 

Le  sccottd  passage  cité  par  M.  Le  Clere  est  de 
Tertullicn  dans  sou  Afologiiiqme^  où  cet  ancien  au- 
teur clirétien.  eiptiqu^ot  aussi  la  génération  âiemelle 
du  Verbe.diicrs  paroles  :  t  Nous  savons  qa*ii  a  été 
pndéré  de  Oîeu  rt  ei.gendré  par  cette  proUaifin,  1 1 
que  par  roo^neot  il  est  Jt\U  de  Dieu  et  Dieu,  à 
cause  de  l*unile  de  sobsunce  qu'il  a  avec  son  Pér«  ; 
car  Dieu  aussi  est  Esprit,  1 1  quand  le  rayon  part  <iu 
soWil,  c'est  une  partie  du  tout;  mais  le'  soleil  mê- 
me f«t  daim  le  rayon,  parée  que  cVst  k  rayon  du 
seL'il;  sa  siiësianoe  nVst  pas  divisée,  niaîs's«*ule- 
meut  plus  étendue.  Ainsi  le  Fils  est  Esp:it  de  l*Ks- 
prit.  Dieu  de  Dieu.  Et  comme  lorsque  Ton  allume 
une  lumière  d'une  autre  lumière,  la  lumière  oui  a 
allumé  loutre  demeure  entière  et  n'est  pas  épuisée, 
quoiqu*en  y  en  allume  plusieurs  ;  de  même  ce  qui 
est  engendré  de  Di.u  est  Dieu  et  Fils  de  Dieu ,  et 
tou^deui  ne  sont  qu'un  (f9Gd).  i 

Yoilà  le  passage  de  Tertullien  dont  il  s*agft,  dans 
lrq«iel  je  trou%e  bien  quelque  obscurité,  qui  vient 
du  style  dur  et  serré  de  cet  ancien  Père  ;  mais  Je  n*y 
vois  rien  absolument,  soit  dans  le  sens,  soit  dans 
I  s  paroles,  quoi  qu'en  puisse  dire  M.  Le  Clerc,  oui 
soit  liétérodoxe,  ou  qui  ressente  le  platonisme.  Ja- 
mais Platon  a-t-il  parlé  du  Verbe  dont  il  Tait  men- 
tion? Y  a-t  il  un  seul  mot,  dans  tout  ce  qu'il  en  dit, 
qui  puisse  avmr  rapport  à  cet  expressioDS  et  à  eea 
comparaîsens  que  TertulUeo  empioîe?  Les  platoni« 
c;eus  postérieurs  su  Ghristîaoisiiie  pourraient  peut- 
être  avoir  parlé  ainsi.  Car,  que  n*oiitHUs  pas  con- 
irefiiît  ou  emprunté  de  la  leiigion  ebréiieuttc,  pour 
lu  sopplanler,  s'il  cAt  été  possible,  et  mettre  en  sa 
place  leur  platoiiisme  insensé?  Néanmoins,  si  l'en 
eu  eieepte  certains  vols  manifestes  de  Plotîn,  de 
Porpbyre ,  d*Âmélius  et  de  quelques  autres  dont 
nous  avens  dqà  parlé,  et  dont  nous  pourrons  dire 
encore  un  mot  dans  la  suite;  il  n'y  a  rien  dans  tout 
ce  qu'ils  ont  dit  de  leurs  trois  principes,  et  dans 
toutes  les  dillerenies  explications  qu'ils  ont  données 
de  ee  famême  de  Trîniie  qu'ils  avaient  imaginé,  qui 
agiprocbe  de  ce  que  Ti^rti-Ulen  dit  ici,  ou  de  ce  que 
Jes  autres  Pères  de  FEglise  ont  dit  en  expliquant  le 
mystère  adorable  de  Li  Trinité,  ou  la  génération 
étemelle  du  Fils  de  Dieu.  Produs ,  daus  ses  coui- 
luenuirfls  sur  le  TiwUe  (1967),  rapporte  toutes  ces 
explications  diflérentes  des  platoniciens  qui  IV 
valent  précétié,  et  il  ne  sera  pas  inutile  de  donner 
Ici  un  |«eiit  abi^  de  ce  qu'il  dit  sur  ce  sujet.  Par 
là  on  sera  convaincu  de  la  témérité  extravagante  de 
ceux  qui  nous  objectent  la  conformité  de  ces  ima- 
l^inations  platoniciennes  avec  la  manière  dont  les 
saints  Pères  ont  parlé  du  mystère  de  la  Trinité,  et 
j|ui  ajoutent  en  conséi|ueiioe,  que  les  mêmes  saints 
l*éres  ont  cru  que  ees  ima|;inaiiims  païennes  et  cet 
adorable  mystère  étaient  entièremeui  la  mêin**  chose, 
^oos  revieudruiis  iiicoiitineut  au  passage  de  Tertul- 

(19K6)  Tebtcxlum:»^  i;iofo<fer..cap.  il  :  t  Hnoc  et  Deo 
|<Tiilatutii  didiirinius,  et  prolaliooe  gîmeralinn,  el  idcireo 
l-lliuaiDei,  elDcum  dicluin^ex  unilate  substanlw.  Nam  et 
J  9eus  spftftlus.  £t  com  radiiû  ex  sole  p*  rrigilur,  purlio  ex 
99IIIIIUI  ;  sed  sol  eril  io  radio,  quia  solis  esl  railiiis,  nrc 
sr4-pantar  sab^tantia,  sed  exienditur.  Ita  de  Spiriiu  Spiri- 
f  «f^.  el  de  t)eo  Deus,  ul  lumen  de  lumine  accensum.  Ma- 
rs ^*  intégra  et  iudefeirla  maleri»  mairiv,  elsi  plure»  inde 
tx  Jiiucesqoalilatum  motueris.  lia  et  qaod  de  Deoprofevtum 


§  XI.  —  Couru  exposition  det  imapnolions  dt%  plm^ 
loHÎcifH»  nourroHX  sur  Uur$  trois  dieux  principaux^ 
—  Opinions  de  yuménius^  d'Hurpoeralion^  d^M- 
iicuâ^  de  Ploiin.  d'Améiius,  de  Porphure,  de  iam- 
hli^ue^  de  Théodore  Asiueus^  de  Procius^  et  de  son 
maître  Syrianus.  —  Autorilés  par  lesquelles  Pfo- 
dus  prouve  son  opinion,  —  Extratagarue  de  ceux 
qui j^ré tendent  trouteer  dans  ces  imaginations  pla^ 
loHtcienues  de  la  ressemblance  arec  ce  que  les  saints 
Pires  ont  dit  du  mystère  de  la  Trimté.  —  //  a'« 
a  ni  platonisme^  m  stoïcisme  dans  te  passage  de 
Tertullien. 

Le  premier  dont  Prot-lus  expose  le  sentiment  est 
Numenius,  dimt  nous  avons  i^éji  parlé  plus  d'une 
fitis ,  comme  d'un  bomme  qui  avait  beai^coup  lu  les 
livres  des  chrétiens,  et  qui  en  avait  emprunté  plu- 
si«  urs  choses.  Il  se  disait  pytbaporieien,  et  après  Py- 
tba^re  II  n'estimait  rien  tant  que  Platon,  dont  il  se 
plaint  fort  que  les  acadi^icicus  aient  renversé  les 
dognii*s  et  la  Secte,  comme  ils  avaiint  fait,  c Celni- 
ri,  dit  Prorlus,  célèbre  trois  dieux.  Il  appelle  le  pie- 
mier  le  Pèr.*,  le  second  l'Ouvrier ,  et  le  troisième 
l'Ouvrage;  car,  selon  li^i,  le  monde  est  le  troisième 
dieu.  Par  là  il  reconnaît  deux  auteurs  ou  deux  on- 
vrieis  du  monde,  le  premier  et  le  second  dieti;  le 
troisième  eU  l'ouvrage  des  d.  ux  premiers.  » 

Proclus,  aptes  avoir  réfulé  ce  sentiment  de  Nu- 
menius, passe  i  celui  d*Harpocration.  t  il  fuit,  dit- 
il.  Niiiiiénîos  fionr  ce  qui  esl  des  tfois  dieux ,  et  eu 
ce  qu*il  reconnaît  deux  ouvriers  du  monde.  Il  donne 
le  nom  de  Cl«d  on  de  Sditume  au  premier  dieu  ;  le 
set-ond,  il  Tapieile  Jupiter;  le  troisième ,  le  Ci'-I  ou 
le  Moisde.  Ensuite,  ehangtmnl  d'ordre  et  d<ï  mé  lio  • 
de,  il  appelle  le  premier  dieu  Jupiter  et  1**  roi  du 
monde  lutel'igible;  le  scciml,  il  l'appelle  If  Gouver- 
neur ;  et  chez  lui  Jupiter,  Saiumc  et  le  Ciel  sont  la 
même  chose  ;  il  donne  ces  trois  différents  noms  au 
premier  Être. 

<  Auicus,  son  maître,  dit  qnt  1  Ouvrier  du  mon  *e 
est  le  même  que  celui  qui  s'appelle  le  Biei.,  quoique 
Phton  itc  l'appelle  pas  le  Bien,  mais  le  brui  et  l'en- 
teiidemeiil,  et  qu'il  cfâblisse  celui  qu'il  nomme  le 
Bien,  pour  le  principe  de  tontes  les  sulistauces,  en 
l'élevant  htaucoiipau  dessus  de  tous  les  êtres,  quels 
qu'ils  soient,  ainsi  que  nous  l'apprenons  de  sa  Ré^ 
publique. 

I  Plolin  établit  parein«*uieiitdeux  ouvriers  ou  deux 
auteurs;  Tun  du  monde  intelligible,  et  l'autre  du 
monde  sensible;  en  quoi,  dit  Proclus,  il  a  raison; 
car  il  est  vrai  que  daus  un  sens  l'Entendemenl  qui 
esl  dans  l'univers  esl  l'auteur  1 1  l'ouvrie-r  de  runi- 
vers.  Aristote  l'a  reconnu  ausi^i  pour  le  premier 
Etre,  et  lui  a  donné  le  nom  de  Destin  et  cilui  dj 
iupiier. 

t  Améîius.  continue  t-ll,  reconnaît  trois  ouvriers, 
trois  entendements,  trois  rois  :  celui  qui  est,  celui 
qui  contient  tout,  celui  qui  voit  tout.  Ce  sont  h»  trois 
rois  dont  parle  Platon  (1^68),  1 1  les  trois  dont  Or- 
phée fait  aussi  mention  :  k  Soleil,  le  Ciel  et  Sa- 
turne. Le  ScMI  surtout  est  celui  qu*Aniélius  recon- 
naît pour  le  principal  des  trois. 

c  Après  Amélius,  Porpbyre  crovant  être  de  même 
sentiment  avec  Ploun,  reconnaît ,  pour  auteur  du 
monde,  l'Ame  qui  est  au-dessus  du  monde ,  et  que 
sou  eniendemeiit,  vers  lequel  elle  se  tourne,  est  ce 
qui  s*appelle  PAuimal  même  ou  ridée ,  et  que  celle 
Idée  est  son  modèle. 

esl,  Deos  est  Dei  Filios,  el  unus  ambo.  lu  el  de  Spiritn 
Spîritus,  el  de  Deo  Deus  ;  itiuduin  aUerttni,iion  miniem  ; 
graihi,  non  statu  fcctl  ;  el  a  matrictt  non  recessil,  ted  e\- 
ceaslL  • 

{VXl)  PaocuTs,  iu  Tuffirum,  1.  ii,  p.  95;  edil.  Gnee«  Basil . 

(1068)  Procius  entend  par  là  ce  que  dit  Plaira  dans  sa 
sei-onde  l<  lire  à  Denrs  de  STracusc  :  c  Tout  c^l  autour  du 
roi  de  toutes  choses,  >  de. 


1S95 


DlCTiONNAmE  APOLOGET.*QUE. 


m 


c  Après  Porphyre,  te  divin  Jambliqne,  ayant  réfulé 
ce  seiilimcpt  de  Porphyre,  comme  élani  aussi  celui 
de  Plotiu,  nous  propose  ensuite  sa  propre  théolpgî^^, 
et  reconnaît  pour  auteur  de  Tuuivers  tout  le  monde 
intelligible,  en  quoi  il  parait  s*accorder  avec  Plotiu.» 
Roinarquonà  ici  que  Proclns  nous* apprend  un  peu 
p!us  basque  ce  monde  intelligible  de  Jambli-^ue  con- 
tenait je  ne  sais  combien  de  trinités  loutrs  difleren- 
tes;  car  il  :«  plu  à  ce  philosophe  visionnaire  de  ran^ 
ger  toutes  les  di^inilés  du  monde  archétype  de  Pla- 
ton en  trinilés,  et  de  conipo.^er  de  ces  trinités  jus- 
qu'à sept  ord  es  différents,  entre  lesquels  le  Dieu« 
auteur  deTunivers,  ne  se  trouvait  qu'au  troisième.» 

Proclus  expose  ensuite  le  sentiment  de  Théodore, 
surnommé  Âsinéus.  i  Celui-ci,  dit-il,  admi  t,  comme 
Amclius,  trois  ouvriers,  ou  trois  auteurs  de  Puni- 
vers.  11  ne  les  range  pas  néanmoins  l'un  après  Tau* 
Ire,  mais  il  les  mêle  a>ec  tous  les  autres  dieux,  tant 
intelligibles  qulntellectuels.  11  appelle  Tun  rEnien- 
dement  substantiel  ;  lautie,  TEsbcnce  intelligible; 
le  troisième  enfin,  la  Source  ou  la  Foitaine  des 
âmes.  Le  p  emitr,  selon  lui,  est  indivisible;  le  se- 
cond est  divisé  dans  toutes  les  difTérentes  espèces 
oui  se  trouvent  dans  Tunivers;  le  troisième  eiifin 
étend  cette  même  division  du  second  dieu  jusqu'aux 
individus.  » 

Continuons  à^ényouter  Proclus ,  qtil  •  après  avoir 
rériilé  tous  ces  difTérentit  sentiments ,  les  uns  après 
les  autres,  expose  ensuite  c*lul  de  son  maJtre  Sy- 
rianus,  qu^l  juge  le  seul  véritable,  et  le  plus  con- 
forme à  la  théologie  de  Platon,  c  U  n'y  a  donc,  dit- 
il  ,  ou'un  seul  auteur  de  toutes  choses ,  fort  élevé 
au-dessus  de  tous  les  dieux  intellectuels ,  et  qui 
renferme  toutes  les  unités  et  toutes  les  fontaines  (!e 
U  vie,  qui  est  la  source  et  le  principe  de  toutes  les 
productions,  le  Maître  et  le  Seigneur  de  tous  les 
autrts  Pères  particuliers,  ou  des  autres  dieux  à  qui 

(  1969)  Proclus  ne  nomme  pas  ici  son  maître  :  comme  11 
en  a  deux,  Syriaous  et  Plutarque  rAtiiéoieu,  on  peut 
r.lH>i$ir  celui  que  l'on  voudra. 

(1970)  Ces  vers  d'Orpbcc  sont  entre  autres  ceux-ci  : 

2«v<  K(;«3ii|)  Zrj:  ^i  ««,  ài,7S  ê  U  «âvta  vlivatTi. 

Zcvc  §a9i>iù<,  Zc''f  «Ot^  àcav  mv  àf-/^  ftv  (»-(. 
Kv  iip«T-(|  U{  iu(;iw  »-,i-<.T'}.  |a1y9{  «f/e;  ir.i*rmé. 

IKf  Mil  timf,  i-uX  7«ta,  xsi  al^,f    vue  ti  aai  \f^f» 

Apulée  rapporte  ces  mêmes  vers  avec  quelque  dilTércn- 
res  (nnéralemcnt  tous  les  platoniciens  étaient  fort  en- 
têtés (les  vers  attribués  h  Orphée,  qu  Ts  appelaient  par 
excellence  le  Théoiogien,  comme  Proclus  fait  ici.  Suidas 
nous  apprend  de  pins  que  Proclus  avait  fait  des  Commen- 
taires sur  les  vers  ou  sur  la  théologie  de  ce  poète,  et 
Îu*il  avait  montra  dans  un  autre  ouvr:  ge,  qu*Orphée, 
^ythagorc,  et  Platon  s'accordaient  mcrveilletisomenl. 
Suidas  dit  la  même  chose  de  Svrianus, maître  de  Proclus. 
Cesl  de  là  que  quelques  u:is  des  saints  Pères,  comme 
entre  autres  saint  Justin,  ou  l'auteur  du  livre  Demormr- 
chia  Deif  Clément  d'Alexandrie,  Eiisèbe  qui  rapporte  ces 
mêmes  vers  de  Porphyre  qui  les  avait  aussi  commentés, 
Théodoret,  saint  Cvrillé»  ctc  ,  se  servent  de  rautorité  des 
vers  d'Orphée  contre  les  païens,  fionr  les  c^>mbattre  par 
leurs  propres  armes.  H  s'en  f^tnt  bien  néanmoins  qu'ils 
crussent  que  ces  vers  fussent  de  Pancien  Orphée,  puisque 
ce  sont  eux  au  contraire  qui  nous  onl  appris  qn  ils  étaient 
supposés,  et  que  leur  véritable  autour  était  un  certain 
Onomacritus  d'Athènes.  C'est  ce  que  dit  Tjtien  :  à^^j^  èi 

f4|uv«  f*.9Vf   vxh    Ô  e:«««f 'T6-i  ««v   A(i(v«'.o-J   ov.«xt^x9«i  Yivofiivs  »aT« 

nii«t«T9«f.l«»v  s^xv  vifi  ti^iv  ic:v.i)«'>«tv  ôXutiviÂ^st.  Ck*mentd'Al- 
iexan  lie  a  fait  la  môme  remarque  au  livre  i  de  ses  Stro- 
tnaffs,  pag.  352. 
(1071)  HoMERUs,  l'.'uii.,  1.  vni,  inil  : 

n«VT(<  r  I^wtcqIi,  libt  ftimiÀ  it  OiatMii|  CtC 

Voilà  C  inme  l'on  voit  une  excellente  preuve  du  senti- 
ment de  Proclus.  Mais  ces  plalonicicus^  allégorisaient 


il*  donne  le  soin  des  différentes  parties  de  Ymhm 
Ponr  lui»  il  est  immobile  et  deroeare  éte^Kll^ 
ment  sur  le  sommet  de  TOlympe,  où  il  pràide  m 
denx  mondes,  intelli«;ib!e  et  sensible;  conteoint en 
loi  le  principe,  le  milieu  et  la  fin  de  tooU  Aa  reste, 
comme  il  v  a  trois  sortes  de  produeiiosi  diflcm- 
tes,  Tunite  démiurgiqoe,  qui  en  est  le  priBclp«,W 
réumt  en  elle ,  et  les  renferme  tonles  eii  gàiêral 
sous  sa  providence  nniverselle.  C*est  d^elle  que  dé- 
pend la  trinité  démiurgique,  qui  préside  usivenr). 
lement,non  pas  à  tout  en  (rénéral,  mais seoleoient 
aux  parties  en  particulier  (19G9;.  * 

Proclus  continue,  et  dans  son  Phéhus  plaiomeu, 
qu*il  n*est  pas  possible  de  tendre  en  fnnçaîs,  aï 
même  en  latin  d*une  manière  intelligib'e,  ils'efforeo 
de  montrer  que,  quelque  ordre,  quelque  amo^p- 
nient  que  Ton  mette  entre  les  divinités  do  tmk 
inielligiblâ  et  celles  du  mon^e  sensible,  il  fnii)c- 
cessairement  mettre  à  la  tète  de  tons  ces  dilTérpHts 
ordres  de  dieux ,  de  pères,  d*auteurs  et  d^onmen 
des  deux  mondes ,  un  seul  Père  et  un  scsl  Auteur 
de  tout.  Ce  qn*il  prouve  admirablement  par  fisH^ 
rite  d*Orphée  (1970),  que  Platon ,  selon  lui,  a  sai^i 
beaucoup,  et  qui  met  le  Jupiter  dont  il  parle,  à b 
lôie  des  trois  enfants  de  Saturn(\  en  le  cdosiiliisoi 
le  principe,  le  milieu  et  la  fin  de  tout.  Il  ajoois 
quiloroère  enseigne  évideronipni  la  même  vérité 

il971),  lorsqu'il  introduit  Jupiter,  aoi  se  fait  fo>t 
le  tiier  à  lui  toutes  les  divinités  célestes  et  Irnts- 
très  avec  la  terre  et  la  mer,  par  le  moyen  d*aDe 
cbalne  (|u'il  leur  propose  défaite  descendre  du bi;! 
du  eiel  jusqu'en  terre,  et  à  laquelle  il  lear  p^rart 
de  s*attacher,  en  la  tirant  de  tontes  leurs  iocn 
cont.'e  lui.  Qu*eniln,  c*est  le  s<  miment  des  prtbi- 
goriciens  (1972)  chez  qui  toutes  les  divinitèi  qy  tis 
rangeaient  en  différents  ordres,  et  dont  ils  eom{K>- 
salent  leur  fameuse  décade,  tiraient  leur  OTigine,  ei 

toutes  les  sottises  qu'Homère  avait  dites.  Porphre  cl 
Proclns  se  sont  surtout  distingués  parlenr  lèie  «urci' 
point.  On  en  voit  assez  la  raison.  Les  chrétiens  se  Blo- 
quaient des  fables  exiravaganies  qne  cet  aadcB  tbèoirH 
gien  du  pa^ranisme  avait  débitées  des  dieux  qiierti&> 
adorait.  Il  fallait  donc  tâcher  d>a  couvrir  la  htnsrri 
rindignité  par  des  allégories.  C'est  ce  qu'ils  oui  bit.  »( 
c'est  sur  quoi  aussi  les  Pères  de  l'Eglise  Les  onl  comkili^ 
avec  beaucoup  de  force,  comme  entre  autres  Eus^«  «; 
saint  Augustin,  en  faisant  voir  le  ri.licule  et  l'absunliiî 
de  toutes  ces  allégories.  Ils  leur  o^iposcnt  aussi  Mwjî 
la  conduite  de  Platon  même,  qui,  sans  avoir  cra«l  iu« 
ces  admirables  mystères  de  théologie  et  de  philosopÈn. 
que  ces  platoniciens  soutiennent  être  renfermes  davis  «» 
àbles  d'Homère,  n'a  pas  laissé  de  <  basser  re  poète  de  u 
République.  Il  y  a  plaisir  de  voir  les  efforts  que  Dit  IV 
dus  dans  ses  coramenUiircs  sur  cet  ouvrage  de  PîaKt 
pour  réunir  et  réconcilier  entre  eux  ces  deui  gn&is 
tliéologiens  du  paganisme. 

•  (197Î)  Voici  les  vers  des  pylhafçorlciens,  cHés  pw  Pro- 
clns, mais  en  meilleur  ordre  qn'it  ne  les  rapporte  es  Ri 
endroit. 

M'yvv^oi  icti  is   xt'th  *»>•«  à  T^rvj,  tr«*  «v   œ^w* 
n«y*ft/,ui.  nfliÇi  f«v    Cj-.v  itt^i  v&m  T*4it«««» 

Voici  ce  que  Proclus  conclut  de  là  pour  son  seuiiB^B^ 
et  celui  de  son  maître  :  Htt4'Ki«OT«f««i»«««ii'*«^ 5^'? 

l'on  voit  qu'il  ne  rec^'unalt  pt)int  trois  dieux  pnoops»'. 
mais  au  moins  quatre,  à  qui  il  donne  le  nom  de  Vèrti  ^ 
d'Auteurs  de  l'univers,  marqué  par  le  nombre  de  Ai.*"' 
qu'il  met  à  la  tête  de  ces  quatre  dieux  priocipanx  tia  as- 
tre  qui  leur  est  supérieur,  et  qu'il  appelle  rioilc  H'^''' 
nelle.  En  vérité,  tous  ces  platoniciens  étaienl  a»  1'^*' 
visionnaires.  L'en  vie  qu'ils  ont  eue  de  raisonner  >ur  ;' 
qu'ils  n'entendaient  pas,  leur  a  fiiil  avancer,  avec  un  ^' 
rieox  surprenant  et  les  tenues  les  plus  magninqcrv  i^ 
plus  grandes  absurditi s.  J'ai  remarque  quo  tvu\  mvi  '^ 
ont  beaucoup  lus  et  qui  se  sont  attarh  js  ^  leur  H*''  " 
phie,  comme  entre  autre  Marsile  Fiiia,  ont  ci^uirj.it  ♦ 
peu  près  le  même  défaut." 


1597 


TABLE  ALPHABETIQUE  ET  ANALYTIQUE. 


fSM 


dqMMbiecl  entièremeol  d^on  aevi  père  »  à  qui  ils 
miuieni  le  nom  d* Unité. 

Voilà  an  petit  ei»ai  de  U  théoloffie  p'^tonieienoe 
rar  les  trob  dieux  principaux  ou  les  trois  prinri» 
pcs.  N'y  voit-on  pas  uu  rapport  meiTWI'tetix  ei  une 
confomiilé  parfaite  avf*c  la  U.é«>logie  des  Cbrétienfc? 
Iles  trois  dieux  principaux,  sur  lesquels  c*  s  pliîlo- 
f4>pbes  s'aerordeiit  si  aJuiiraM  méat;  ce  Cîcl/  ce 
S;itiiNie«  ee  Jupiter,  c^s  quatre  ou  cinq  dieux  de 
Pmrlos,  ne  sont-ils  pas  euliéeimrnt  la  même  ciiofie 
qne  ee  que  la  foi  nous  apprend  des  trois  adorabi:  s 
perbonnes  de  la  Trinité?  Lt»  expressions  que  les  Pé- 
rès de  TEglise  rmploi*  nt  lorsquMs  parlent  de  ce 
n^ystéi-e,  et  IfS  aat»>iités  dont  ils  se  st  r^enl  pour  le 
proHTrr,  ne  soiit-ce  p^  les  lucmcs  que  celles  de 
CCS  philosophes  ?  Peut-on  eniri'preodre  il'eu  imposer 
si  Indtgnemefct  i  toni  le  cliristianisme?  Pettt*oa 
STancer  «ne  exlrtTafpnce  et  une  impiélé  pareille? 

Revenons  an  passage  de  Tertu!ll:*n,  et  demandons 
à  M.  Le  Clerc  ce  qu*il  v  trouve  de  conforme,  soit 
poar  le  sens,  soit  pour  Vexpressinn ,  à  ee  phtonls- 
uie  insensé  et  h  toutes  les  autres  cbiniérrs  que  Pîa- 
Ion  on  les  pblonicîens  out  avancées  dans  leurs  on- 
vrai^es.  Tennllien, diiil (1975),  ne  parle ainsîqnV 
près  mwoir  dit  amparawaml  qull  éimt  émnê  ie  ientimemi 
de  PiàUm  iouckami  U  rmiiitm.  Voilà  la  seule  preuve 
que  notre  aotcor  pnidotse  du  platonisme  ao'il 
trouve  et  qu*il  veut  nous  faire  trouver  avec  lui  dans 
le  passage  de  Tertonieo  dont  nous  parlons.  Elle  est 
npp«)éc  sur  lâ*s  paroles  qui  précédent  immédiate- 
m«  nt  ce  passage  «  et  qne  nous  avons  déjà  rappor* 
tel  s.  c  Cliez  vos  sages  mêmes,  dit  Tel  tiillicn  en  par* 

(!e73)  Bibiiolk.  muren.,  tome  X,  pwe  41S. 

<197i)  Noos  le  ferions  encore  sans  dMite  nous-mêmes 
H  nous  i^ioos  des  païens  S  instruire  ou  à  combattre. 
L*i|lustre  M.  Hnet  la  6ft  de  nos  joors  avec  beaucoup 
d'énHii'ion  et  d'étemlue  pour  les  Cbri  tiens  mêmes,  dans 
le  Urrr  qn'il  a  oooipmé.  De  la  conconle  delaf&i  ofu  la 
rmuoH  11  a  mardié  en  cela  sur  les  traces  des  saints  Pères, 


bnt  aux  païens,  il  est  constant  qnn  le  Terbe  est 
cen^é  fantear  de  Tunivers.  Zenon  le  détermine 
ainsi»  en  ajoutant  que  le  Yerle  s'appelle  aussi  Des- 
tin«  Dien,  TAme  «le  Jupiter  «  et  la  Néiessité  qui  se 
trouve  en  tontes  choses.  >  Sur  quoi,  pour  répondre 
à  11.  Le  Clerc,  j'avance,  en  n cueillant  en  pen  dm 
mots  ce  qne  f  ai  déjà  dit  sur  ce  passage  :  1*  qu*il 
est  évident  qne  dans  ors  pamles  de  Trrtullien  il  n'est 
point  fait  mention  do  sentiment  de  Platon,  mais 
seulement  de  celui  de  Zenon ,  et  que  si  ellet  sufli- 
saient  pour  croire  aue  Tertulli  m  a  suivi  sur  le  Verbe 
d*auire  guide  qne  1  Ecriture  sainte  et  la  tradition  de 
toute  rSglise,  il  faudrait  dire  qu*il  suivait  le  senti- 
ment des  stoïciens  o«*il  nomme,  je  veux  dire  de 
Zenon  et  de  Clénnine,  et  ncn  pas  celui  de  Platon 
dont  il  ne  dit  mot.  2*  J'ajoute  qull  n*cst  pas  moins 
évident  qne  Tettullien  n  était  pas  plus  dans  le  sen- 
timent de  ces  philosophes  toncbant  le  Verbe,  qne 
dans  ccini  de  Platon ,  puisqu'il  ne  croyait  pas,  sans 
doute,  qne  \e  Verbe  fût  la  même  chose  qne  la  Des- 
tinée ou  TAme  de  Jupiter.  3*  Je  dis  enfin  que  tout 
ce  que  Tertnllien  approuve  dans  ces  philosophes, 
c'est  précisément  ce  nom  de  Verbe,  de  Dieu  et  d'Es- 
prit, qu'ils  donnaient  à  l'auteur  de  Tunivets;  et  qne 
s'il  les  dte  à  ce  sujet,  ee  n'est  pas  qu'il  lasse  cas  de 
leur  autorité,  mais  parce  qu'en  parlant  aux  païens, 
il  était  obligé  de  leur  produire  leurs  propr*  s  auteui  s 
dans  ee  qu'ils  avaient  d'approchant  des  vérités  que 
nous  croyons  (f974),  pour  les  amener  plus  douce- 
ment par  là  à  la  connaissance  parfaite  de  ces  mè- 
nes vérités. 


quoiqu'il  ne  se  soit  pas  trouvé  dbns  les^mêmes  cmii^oiic- 
tares  ni  dans  la  même  néeesaMé.  Uoit-on  pour  ceb  areti- 
•er  ce  savant  éTèqoe  d'avoir  cru  que  toutes  les  fables  des 
poêles,  et  toutes  les  opinions  des  anciens  philosophes 
quH  rapporte  ^ans  son  ouvrage,  font  b  même  chose  qixo 
les  ventés  et  les  mystères  de  notre  religion  ? 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE 

DES  ARTICLES  CONTENUS  DANS  LE  TOXE  SECOND 

DU    DIGTI0INNA1RE    APOLOGETIQUE. 


[Lii  noies  indiquées  ]par  des  chiffres  romains  sont  à  la  fin  des  volumes  ) 


M 

XACROBE,  examen  critique  du  'paange  oê  il  parle 
dn   maamcre  des  Innocents.  V.   Hmwunu  de  Jims- 


Hases  venant  adorer  iésns-Gbrist;  objections  résolues. 
V.  Hamemee  de  Jésmê-ChriA.  —  Les  anrieos  mages  ont 
reçu  l'iofloence  des  Jui&,  suivant  M.  Salfador.  V.  Jfns- 
si^tsmf,§1L   . 

Magnétisme.  A-t-ll  quelque  rapport  avec  les  miracles 
de  iésos-Thrist?  Y.  Jésu^ChriU.  art.  Il,  §  III. 

MAHOMET,  jugé  par  Napoléon.  V.  UtfAimeJi  IX. 

Mahomélisme.  Sa  profonde  inQrmité  et  sou  iocapadlé 
logique.  V.  Snrwtfm^o/ûme,  S IV. 

MAISTRE  (comte  de).  Ce  qu*tl  dit  da  rorigiDalitc  de 
l'Evangile.  V.  note  M.  L  U. 

Mal. 

Abt.  I.  Objections  de  AiU/c  ei  réfutation. 
$  1.  —  Etat  de  b  question.  —  Manichéens.  —  Phîloso- 
f^te  et  catbolicisme.cn  prébcnce  de  U  quc!>liou  du  mal. 


—  Voltaire.  —  Objections  de  Bayl-t  et  résumé  de  ses  ar- 
guments. —  Double  conclusion  de  b  philosophie. 

I  II.  —  Inconséquence  et  faux  raisonnement  des  phi- 
losophes. —  Impoiamnce  dn  déiste,  de  Talbée,  du  scepti- 
que dans  b  solution  de  b  question  dn  mal.  —  Vice  de 
I  argumentation  de  fiajrle  démontré  par  le  rai5>ionemenl 
el  par  les  faits. 

S 111.  —  Mal,  instrument  de  perfecthm  dans  l'œuvre  du 
Créateur. — Dangers  éviiés,  source  d'éternelles  félidlés. 

—  Communauté  de  mérite  et  de  gloire  des  élus  consoro  • 
mée  dans  le  Verbe  étemel.  —  Problème  divin  :  élever  à 
b  gloire  b  Ciiblesse  et  b  corruption.  —  Sans  le  mal  mo- 
ral et  physique,  pas  de  vertu.  —  Comment  nous  acqué- 
rons des  mérites.  —  Béponse  à  cette  objection  :  Les  mé- 
chants sont  saiTiliés  — Rôle  de  Salan  dans  le  plan  ibvin, 
et  avantages  de  b  lutte  des  dcui  cités. 

%  IV.  —  Eiamon  de  relie  question:  Dieu  a-t-il  le  dmil 
de  donner  à  son  oii%ri|ee  une  perSertioD  îmoussible  sar.s 
rpiistence  du  nul  ei  le  chitiuieiil  élt  riiel  uu  cooiabU*  ? 

—  Monde  sans  la  lilierUi*.— Monde  a vcfuu*;  liberté  imprc- 
cabic  —  Monde  avec  la  liberté  du  mal  prcférable  à  tout 


î}m 


TARLE  ALPHABETIQUE  ET  ANALYTIQUE. 


m 


autre.  —  Amour,  lien  de  la  société  des  élus  par  Jésus- 
(  hrist,  —  Mérites  de  Jésus-Christ  donnent  ï  la  création 
une  dignité  iofinie.  ^  L'incaniaUon  du  Plis  de  Dieu  aurait- 
elle  eu  lieu  si  l*homme  n*éuit  pas  tonil>é?  Coosidératioa 
sur  ce  mystère.—  Satan,  vaincu  par  l'incarnation.  —  Ré- 
ponses à  quelques  objections. 

{  V.  —  Objection.  —  Disproportion  infinie  entre  le  mé- 
rite des  créatures  et  la  récompense.  Soiiilton  par  Tincar- 
nation  du  Yerbe.  —  Chair,  comment  devenue  moyen  de 
réliabiliUtion.  —  Comment  Jésus-Christ  a-t-il  pu  mériter 
éunt  impeccable  ?  —  Solution  de  tous  les  problèmes  de  la 
création  par  rincarnation  et  la  mort  du  hauvnur.  Consi- 
dération sur  ces  mystères.  Loi  de  la  Sotidariié  ou  com- 
munion universelle  des  biens  et  des  maux. 

Anv.  II.  hnfmiuanu  de  la  plùhiopkie  à  retondre  la 
question  du  mat.  Béponse  à  M,  de  Umaamê. 

S  T.  —  Impuissance  des  philosophes  qui  admettent  Tim- 
nortalité  de  l'âme. 

I  IL  —  Impuissance  des  philosophes  qui  n'admettent 
que  la  vie  présente. 

1 141.  —  OlMections  de  M.  de  Lamennais  et  réponses. 

Mal.  Sa  prépondérance  en  nc»us  sur  le  bien.  Y.  Cluue^ 
I  L  —  Son  origine,  ibid.^  §  II.  —  Mal  permis  pour 
un  plus  grand  bien.  V.  Création,  {  lY.  —  Nécessité  de  la 
lutte  entre  le  bien  et  le  mal.  Y.  Salut,  %  H. 

Maladies  naturelles.  Les  possessions  peuvent-elles  étro 
regardées  comme  des  malaaies  naturelles?  Y.  Posmkmni, 

S  ni. 

MALEDRAiNCaS.  Son  optimisme  réfuté.  Y.  Opti- 
nùême, 

MALTEBRL'N  montre  Taccord  de  Mcise  avec  les  plus 
anciens  historiens  sur  l'origine  des  peuples.  Y.  Psycho- 
lom,  I  lY. 

MANKTHON.  Ce  qii*il  faut  penser  de  ses  listes  dyna- 
stiques égyptiennes.  Y.  £frapf i6N<,  §  L 

Manichéens  réfutés.  Y.  mal,  art.  1, 1 1. 

Manichéisme.  Y  CkuU,  I  II,  et  Mdf,  art  I,  J I. 

Manou.  Lois  de  Manou,  livre  indien ,  examen  critique. 
Y.  Indùmvm,  §  il. 

MARC  (saint). 

Mariage.  Type  de  perfection  présenté  au  prêtre  catho- 
lique par  Airoe-Martin  :  réfutation.  Y.  Prêtre. 

MARIE,  MKRR  DE  DIEU.  Type  de  la  femme  chré- 
tienne. —  Omment  a  mérité.  Y.  Ufferiét  §  1 

MARMONTEL.  cité  sur  Jésus^brlst.  Y.  JéêUM-Chritt. 
—  Bel  hommage  qu'il  rend  à  la  divinité  de  Jésus-Christ. 
Y.  MythiMU.  |  X. 

MARTIt'S,  ciié  sur  les  peuples  indigènes  de  Timéri- 
que.  Y.  Uaceê  tmmainet,  $  VIII. 

Martyrs.  Inscripito'ns  qui  en  prouvent  le  gnnd  nom- 
bre. Y.  Mottumentt  confirnuaU  le*  réciu  de  la  Bible,  §  Yl. 

Massacre  des  Innocents.  DiOicultés  et  solutions.  Y. 
Nai$9ance  de  Jétm-CliriU,  §  It 

Masse  gazeuse,  germe  de%  mondes.  Y.  Coemoqame. 

Matérialisme.  Solution  qu'il  donne  à  U  question  de  IV 
ligine  du  mal.  Y.  C/nOe,  |  IL  —  Y.  ausri  les  an.  Boirnne 
ft  Ame,  où  il  est  réfuté,  ainsi  qu'au  mot  Panthéisme, 

sn. 

Mathématiques.  Propc«Hions  démontrées  et  qui  parais- 
sent absurdes.  Poorouoi  dans  la  religion  n'y  aurait-il  pas 
de  mystères?  Y.  Kuenaristie,  §  1. 

MATTHIEU  (saint)  KévangéUste.  Difficultés  au  sujet 
des  deux  premiers  chapitres  de  son  évangile.  Y.  noie  Y, 
1. 1,  ^  la  Gn  du  volume.  —  Examen  des  difllcultés  que 

Crésenie  le  récit  des  circonstances  qui  accompagnèrent 
I  naissance  de  Jésus-ChrisL  Y.  Sauêonce  de  Jéiuê-ChrUt. 

Matière.  Y.  Création,  §  IL  —Y  a-t-il  en  elle  un  tranil 
progressif  qui  explique  le  principe  pensant  dans  lliommet 
V.  Ame.  —  Soi  essence,  Y.  Monde, — Estelle  incapable 
de  connaître  ?  Ibid,  —  Est-elle  éternelle?  Y.  Genèse  ma- 
fé''iati8te 

MAIPIED  (M.  rabbé).  Son  interprétaUon  du  texte  de 
la  Genèse  relatif  i  l'universalité  du  déluge,  Y.  note  1,  t. 
1,  ^  la  fin  du  volume. 

MAI  RY  (M.).  Communications  divines  traitées  par  lui 
d'hallucitialiofis.  Y.  Halludnation,  —  Compare  la  foi  des 
martyrs  3i  celle  des  sorciers  suppliciés.  Y.  itid.  —  Ce 
qu'il  dit  des  possessions,  ibid, 

.^laj-a.  Déesse  de  rillusion  chez  les  Indiens  Y.  Jntfta- 
nisme,  §  Y. 

Mazdechianites.  Secte  de  la  Perse.  Y.  Acroama^que. 

Mazdéisme. 

1 1.  —  Examen  critique  de  l'opinion  de  M.  J.  Reynand 
«nr  rantiqulté  de  Zoroastre.  —  Est  rejetée  p«r  les  orieii- 
I  (listes  les  plus  illustres.  -—  Zoroastre  est  du  vi*  siècle 


avant  Jésus-Christ.  —  Aurait  été  disciple  d'un  propbrie 
hébreu. 

{  IL  —  Le  Christ  et  les  apôtres  ont-ils  puisé  dim  h 
doctrines  du  mazdéisme?  —  Le  Yerbe  est-il  uo  ¥fntr, 
nn  Hanover,  le  Hom,  etc.  ?  Emtnrras  et  miHn(lirinr4. 

—  Mithra  est-il  le  Saint-Esprit?  —  Traditioii  prisitùf 
conservée  parmi  les  Mèdes  et  les  Perses.  —  Infloeaie 
des  Juib  sur  les  mages,  reconnue  pjr  M.  Salvador. 

MédaUles  confirmant  le  récit  du  déluge  par  Mcise.  T. 
Monuments  confirmant  les  récits  de  la  fiMe,}  IV. 

Médecins  phvsiolo^stes.  Leurs  théories  ssr  nalted- 
nation.  Y.  Batlucinatfon. 

Mèdes  et  Perses.  Ont  mienz  conservé  la  tndiliM  pri- 
miUve.  Y.  MatUéiame,  §  II. 

Menou.  Y.  Manou. 

Mer  Rouge.  Passage  miraculeux  des  Uraéliifs  i  tra- 
vers cette  mer.  Y.  Passage  de  ta  mer  ÊUwqe.  —  TMiti*  a 
chez  les  nègres  d'Afrique  concernant  le  tnffiagedoti 
mer  Rouge.  Y.  Baces  hmwànes,  §  X,  note  1  ISS. 

Mérites.  Peut-il  y  en  avoir  sans  épreure  no  siasit- 
boné?  Y.  liberté.  $  L  — Comment  ils  s'ai-quièrfal  \. 
Mat,  ««rL  I,  S  lil.  -•  Mérites  de  Jcsus-Clirist.  \.  fd. 
art.  1,  §  lY. 

MESSIE.  Prophéties  qni  l'annoncent.  Y.  note  Ij.  i.  H, 
\  la  fin  du  volume.—  Doit  naître  d*une  Tierce,  tHd..|  (11. 

—  Doit  naître  à  Bethléem,  Und.,  §  lY.  —  Propbéiiesair 
la  personne  même  du  Messie.  Y.  note  XY,{  Tl,  t  II,  à  la 
fin  du  vol.  —  Sur  les  circonstances  de  sa  vie,  isrses 
acti<»ns,  ibid.  —  Sa  naissance.  Cirronalanfes  pn»pliétiqQes 

Îui  raccompagnent,  cantiques,  etc.  ibid.,  §  Ylll- 
redit  par  les  pro|diètes.  Y.  PropIMes,  (  IL  -  (Miet 
de  Faltente  universelle.  Y.  Mythisme,  |  IX. 

MICHELET.  Réfutation  de  son  upinion  sur  rnrigiot  et 
le  dogme  de  TEucharislie.  Y.  Dogmes,  %  IlL— Rfruuiim 
de  ses  appréciations  sur  la  controverse  entre  Hiacojrft 
Gotiheschalk.  Y.  ITmcmar.  B  YI  et  YIL  — Seseirtun 
sur  le  pouvoir  des  évéques  sous  Qiaries  le  (Juihf.  \. 


CJuirles  le  Chauve.  —  Réfuté  sur  le  prétendu  scf{iiid«r)' 
de  Grégoire  VU  et  de  Jésus Cbrisl.  Y.  Grémmt  ril,  | 
YIL 


l 


Microscope.  Omment  il  comltat  l'argomeiit  fonrsipar 
le  télescope  contre  l'insignifiance  de  notre  planète  V 
AUronomte. 

Milieux  dans  lesquels  ont  vécu  les  fossiles.  Elaieot  iU 
les  mémt*.s  qu'auj^iurd'hui?  Y.  Homme,  art  1,|  V 

Ministère  de  Jésus-Christ.  Eclaircissement  sur  sa  du- 
rée. Y.  Luc  {sain:),  f  III. 

Miracles. 

51.  —  Possibilité  des  miracles.  —  Leur  rapport  avct  le 
gouvernement  de  Dieu  dans  le  monde.  —  Leur  rslecr 
démonstrative.  —  La  part  qu*y  peat  avoir  Vétéoxftt  ta- 
turel.  —  Leur  rapport  avec  Tœuvre  rédempliice. 

8  IL  —  Pourquoi  les  miracles  oni-ils  diiuiuuc  à  pa.'tir 
de  rétablissement  du  christbnisme? 

Miracles.  Mode  de  manifestation  de  Dieu  à  ilHwiPf 
V.  Jésus-Christ,  arU  II,  U  —  Jésus-<  hrist  a-t-il  ppj>: 
des  mirailes?  Témoignages  des  Juifs  et  des  paieos,  iM . 
I  IL  —  Sont-ils  des  prestiges  ou  le  fhiit  de  rimpustcrr? 
tbid.  —  Le  miracle  est- il  impossible?  ibid.,  $  IIL  —  (^ 
]<^rtioiis.  Toutes  les  doctrines  ont  eu  des  miraclw.  L« 
miracles  sont  le  résultat  d*unc  science  occulte,  M - 
Magnétisme,  ibid.  —  Miracle  de  rétablisscmenl «tafi»™- 
tianisme.  Y.  Propagation  du  christitmisme.  —  MirKÎf  du 
temple  ôo  Jérusalem.  Y.  Temple  de  Jérusalem.— Itin- 
des  de  Jésus  Christ.  Objeriions  et  réponses.  V.  note  ^'. 
à  la  fin  du  t.  L  et  Bvangue,  §  YL 

Miséricorde  infinie  de  Dieu  manifestée  par  rincanutiec 
et  la  rédemption.  Y.  Astroiumiie.' 

Miséricordieux. 

Mithra    Kst-11  le  Sainl-Ksprit ?  Y.  Mazdéisme,  1 0 

Mode.  Ne  peut  être  dt»agé  de  la  substance  qw'M 
UMvyen  du  signe.  Y  Psgehowqif,  f  Xlt. 

Mtrurs  patriarcales.  Y.  Patnarciies»  —  Coopai^ 
aux  mœurs  homériques,  ibid. 

Moi.  Qu'eslH-e  djns  la  philosoplile  de  Ficbte?  V.  T'a- 
losoplne  de  l'abêulu.  —  Sa  nature.  Y.  Ame. 

MOISR.  Historien,  thiVologien ,  législateur,  ctr.  ^ 
Pentateuque,  —  Ce  qn>n  disent  1rs  .tuteurs  paiei:*,  «W 
§  lY.  —  Son  caractère  et  sa  conduite  dans  lr«  t^ 
grande  actes  de  son  ministère,  ibid.,  §  X.  —  Sa  smr-^ 
dans  le  récit  du  passage  de  la  mer  Rouge.  Y.  ftfs^ff  ^' 
la  mer  Rouge.  §  Y.  —  Toutes  les  sriences  rendit  ^*' 
mage  ï  sa  véracité.  Y.  Sciences,  i  I,  et  Peatalf^ 
§  IX.  —  Son  porirait,  ibid.  —  Son  récit  du  d^tme  \ 
J}éluge.  —  A>t-il  pu  s*assurer  du  fait  foiWUmental  «l»>  ^" 
luçei  ibid.,  §  Il  --  D'accord  avec  les  plus  anrifiiN)'.^ 
rieus  sur  l'cV-ginc  des  peuples.  V.  rsycfto/ejfk*,  ^^K  - 


i€Ot 


TABLE  ALPHABETIQLE  ET  ANALYTIQUE. 


fC02 


Tr»IilKMi  dm  les  nègres  d*AIHt|oe  concernaot  Moïse.  V. 
Mofts ênumdnes,  gl,  miettS 

Molécules  organiques.  V.  Hamme^  «rL  1, 1 1. 

Monastères.  Leurs  bibllollièques  m  uujeo  Ige.  Y. 
5ctflicft,  I IIL 

Monde.  N'existe  pts  par  luHn^nie.  ~  RéftiUtk»  de 
rsihéisme  el  du  dualisme. 

Monde  anden.  Ses  rirhes^es  inlellectoelles  et  ses  dis- 
posilioos  à  l'écard  du  dinsUanisme.  V.  Mffikisme,  I  VL 

Muode  pigrsiqae.  Hardiesse  des  iuvestigalions  de  la 
science.  T.  Smnahtraiitme,  §  V. 

Monde  adael.  Est-Il  le  meilleur  possible?  V.  Onfj- 
mi jme. — Doit  être  délroil  pour  renaître.  V.  Palmgéiiésie. 
—  Monde  sans  liberté,  monde  avec  une  liberté  impecca- 
ble, monde  arec.la  liberté  du  mal.  V.  Mal,  art.  I.  {  IV. 

Mondes.  Suppositions  relatives  à  leurs  liatilants.  V. 
JsIroMMNte. 

Monnaie  du  temps  ilo  ^iriarcbe  Jardi.  roncillalion  de 
deux  passages  de  la  Ceiifse  et  des  Actes  des  apôtres,  Y. 
MomimaÊis  amprmmu  Us  réâts  de  la  Bible,  %  I. 

Montagnards  de  t793  Onl-fU  en  pour  ancêtres  Gré- 
goire VU?  M  Quinet  réAité.  Y.  Grifoire  fil.  §  VII. 

Montagnes  couvertes  par  les  eaux  dn  déluge.  Quelles 
éUient-eilesT  V.  Déiw§t. 

MONTAIGNE.  Qté  contre  les  Incrédules  en  bveur  des 
mif^les.  Y.  Miracles,  §  L 

Monlanûme  du  Pape  saint  Victor.  Errenr  de  M.  Ara- 
père  réfutée.  Y.  Viclor  {saha),  |  L 

MONTESOtlEL*.  Son  erreur  relative  h  la  nubilité  diei 
les  divers  peuples.  V.  Races  lutmahies,  g  Yl. 

Monuments  conflmiaol  les  rt'rciis  de  b  Bible. 

{I.  —  CondlialioH  de  deux  passages  conlradidoires  en 
a|;'Mrence  de  la  Genèse  et  de»  Àties  des  aoàires, 

Jt  11.  —  Sur  le  titre  de  premier  roi  des  Grecs  attribué  à 
Alexandre. 

§  111.  —  Solution  d'une  diffioilté  suf  la  mort  d*Anlio- 
diiis. 

§  lY.  —  Médailles  d'Apamée  rappelant  le  souvenir  da 
déluge. 

I  V.  —  Sur  le  titre  de  Basilkm  que  l'on  tnmve  dans 
Sbmt  Jean. 

§  Vi,  —  Qui  doit  être  cru.  de  la  Bible  qui  dît  qu'il  y 
avait  du  tin  en  Egjrple,  ou  d*llérudote  qui  dit  express^»- 
meut  qn*il  n'y  en  avait  pas? 

§  Vil.  —  Croyances  égyptiennes.  —  Immortalité  de 
rime.  —  Arts  domestiques.  —  Arts  d'agrément.  —  Mu^ 
sique.  —  Banquets.  —  iea  des  femmes.  —  Combats  de 
tau  eauv. 

MDORii:  (sir  Thomas).  Réfnié  sur  la  question  des  antl- 
|/odes.  V.  JUaipodes, 

Moral,  i'niits  du  cbristianisme  dans  Tordre  moral.  Y. 
rfnlrorfKtioR  en  tète  dn  premier  volume,  |  XL  ~  L'ordre 
moral,  dans  ses  rapports  avec  la  peine  et  la  jouissance. 
V  «/ht, IL 

■orale  du  fburiérisne.  Y.  Fomiénsme. 

Mort  (b). 

|1.  —  L'existence  de  b  mort  avant  le  péflié  dn  pre- 
mier homme  est  prouvée  par  TorganisatiDn  et  les  mœurs 
des  animaux  carnivores,  vivants  et  fossiles. 

i  IL  —  Sagesse  et  blenveilbnce  de  Dieu  dans  b  créa- 
tion des  aninnax  carnivores,  chargés  de  b  police  de  b 
■atnre. 

I  IIL  —  L'kmnme,  exempt  de  b  mort  par  privilège,  y 
n  été  condamné  en  punition  de  sa  chute. 

Mort  de  Dieu,  comment  il  but  l'entendre.  Y.  Képara- 
^omA  IIL— Mort,  conmie  chittanent,  moyen  de  réintêgra- 
tiim.  Y.  Béparation,  |  IIL  —  Mort  de  JésusOrist.  Put- 
dle  réelle?  Y.  JUtHrrectron. 

Mortiflcatlon.  Y.  Ame,  |  L 

Moru.  Les  âmes  des  ntrts  étaient-elles  les  démons 
chpf  les  andens?  Y.  FofiessioHS,  |  lY. 

Motl6  de  b  création.  Y.  Créofton, }  lY. 

Monvement  de  b  terre.  RefnUtlon  de  M.  Letrmme  k 
ce  «ijVl  y.  Terre, 

Moyen  fige.  Ce  qn'ea  dit  M.  Libri.  RéAiUtion.  Y. 
Sdcncn,  (  II. 

MnIeL  Y.  Homme,  art  L 

Multiplicité  des  emèees  dans  Ilimnanîté.  RêfuUtion  de 
cette  hypothè>e.  Y.  Èaees  tammei,  i  II. 

Musique  cbet  les  Egyptiens.  Y.  MmmmetiU  amfrmaiH 
U»  redis  de  la  BîMcTyUL 

MUSSARD.  RéAite  Straom.  Y.  Mgdàam,  { lY. 

Mystères. 

I L  —  UUlité  dn  mysière.  —  Faiblesse  de  l'homme 
grec  et  romain  derant  l*boauM  dirétien  apportant  Tift- 
compréhensible. 

(  11.  —  Rationabilité  du  mystère,  prouvée  parrincom- 
prehensible  dans  tous  les  ordres  de  phénomènes  :  la  ma- 
uère,  l'e^t,  Dieu.  —  Le  sceptkisaw.  —  Le  cfaristin- 


nisme  parle  dogmatiquement;  donc  son  dogme  est  nne 
idée  rationnelle. 

§  IIL  —  Nouveaux  développements  sur  le  mystère.  -  - 
Point  de  science  sans  nMere.  —  £xisiem«  et  mj  stère 
de  Vinfmmetd  fond,  ->  L'inOni  dans  l'étendue.  —  L'in- 
fini dans  b  durôe.—  Existence  et  mystère  de  Viulbrimeul 
vetk,  —  Les  incrédules  ne  peuvent  se  refuser  k  croire  à 
la  religiim,  à  cause  de  ses  mystères. 

MySe.  Y.  M^Udsme.  —  Sa  définition,  ÎM,  { il.  —  Sa 
véritable  nature,  tM.^La  tenUlion  de  Jésus-Christ  e»t- 
eUe  un  mythe?  Y.  Tetdaiim  de  Jim»-CkriU,  §  11. 

Mylhisme.  Symbolisme,  Légende. 

§  L  —  Réalité  historique  de  Jésus43irisl.  —  NaUre  el 
Ms  de  l'histoire.  —  Les  trob  élémenU  de  l'histoire  : 
écriture  publique,  bits  publics,  trame  publique.  —  Appli- 
cation des  caractères  de  l'histoire  à  b  vie  de  JêsusOrîsL 

—  Tadte,  Pline  le  Jeune.  —  Proportion  surhumaine  de 
l'histoire  de  Jésus-Christ. 

i  11.  —  Définition  dn  mythe.  —  Mythe  de  Prométhée. 

—  Applicatioo  de  b  théorie  mythique  ^  Jésus-CMst  et 
anx  Evangiles. —Le  Christ  c'est  l'humanité.  — Rêruutioa 
de  Strauss.  —  Formation  et  véritable  nature  dn  mythe. 

—  Caractère  sciipturri  de  Jésus-Christ.  —  Les  érangé- 
llstes  —  Le  cercueil  des  ennemis  du  Christ 

4111.  —  Caractère  et  critique  do  livre  de  Strauss,  par 
ar  QuiueL 
iV.  —  Preuves  Intemes  en  laveur  de  Forigine  apo- 
sifilique  des  Evangiles.  — L'origine  apostolique  des  Evan- 
giles combat  l'hypothèse  du  myihe.  —  Faits  secondaires 
eonOrmant  b  réalité  historique  des  récits  contenus  dans 
les  Evangiles  :  Prédication  et  miracles  des  apôtres;  saiil 
Paul  et  ses  épitres;  établissement  du  chrislbnisme. 

§  Y.  —  Formation  des  premières  communautés  dire- 
tiennes.  —  Caractère  des  évangé listes.  —  Application 
des  passages  de  l'Anden  Testament  aux  tem|k  messia- 
niques. 

f  VL  —  L'Orient  au  temps  de  b  prédfcatioo  de  i*Evan- 
«:e.  —  Richesses  intellectuelles  cm  monde  ancien  ;  ses 
dispositions  à  l'égard  du  christnnisoM.  —  L'Asie  occident 
U!e  au  siècle  d'Auguste. 

§  Vil  — X'esprit  du  temps  en  Judée  chez  les  mnds  el 
chei  le  peuple.  —  N'a  pu  senir  de  calque  à  l'idéal  mes- 
sianique—  L'idée  d'incarnation. 

I  Vlll.  —  Oirislianisme  et  mytholocie. 

S  l\.  —  Publicité  des  biU  érang^liqnes.  —  Attente 
universelle  du  Mesi4e.  —  Mahomet  Jugé  par  Napoléon.-* 
Les  apôtres.  — Jean-Baptiste. 

f  X.  —  l'nité,  originalité,  sublimité,  sincérité,  oniver- 
salllé  de  l'Evangile. 

Mylhisme.  Y.  Bnfiomrfbnie,  {  IL 

Mythologie.  Le  christianisme  est-il  une  mythologie?  Y. 
JTylJlîtfaie;)  VllL 

N 

IfAHL'M.  Accomplissement  de  ses  prophéties  sur  Ni- 
Bive.  Y.  PnmlMes,§4IL 

Naissance  de  Jésus-Christ.  Orcooslances  qui  l'accom- 
pagnèrenL 
^  I.  —  De  rétoUc  qui  stpfOÊuX  aux  mages. 

S  II.  —  De  la  venue  des  mages  à  Bethléem,  et  des  &IU 
qui  s'y  rattachent 

NAPOLEON.  Comme  quoi  il  n'a  jamais  existé.  Y.  Jf  y- 
Hàtme,  —  Belle  parole  sur  Jésus  Christ  Y.  Jému-Ckrisi, 

»rt.  1. 1  IL  ^  . 

Naturalisme  de  l.-J.  Rousseau.  V.  Cfailf,  {II.  —  Déve- 
loppements sur  ce  systèsM.  Y.  AnTiomi/ûnir,  1 111. 

Naïunlistes  ou  Naturistes  ^  ^    . 

Nature.  Y.  Crénlfon.  —  Eut  de  nature.  Y.  PsyrMofie. 

—  Pbf-ée  avant  l'esprit  dans  le  système  phllosophiqne  et 
Schelling  y .  PhUesophie  de  tiésolu. 

Naturistes.  V   Sabifolnies, 

NEANDER.  Objection  eonire  l'Eucharistie.  Y. 

Néant  Tirer  du  néant,  sens  ridicule  donné  par  le 
tionalismek cette  expression.  Y.  Créoltoii,  J  IL— Qu'est  ce 
que  le  néant  dans  b  philosophie  deUégel?  V.  Fkdetephe 

de  rahehSt  §  IL 
Nébuleuses.  Résoinbl»  en  étoiles  par  le  télescope  de 

NègrnTafricadSiHr^^^  bibllqees  conservén  ch« 
eux.  Y.  Bures  tanmes,  |  X.  —  Leur  pvcfcoi<«*«r> - 
Maces  kmmtmes,  I X.  —  Leurs  prath|ues  religieuses,  ma. 

—  Obsèques,  cérémonies  publiques,  pèlerinms,  iW.— 
Récompenses  et  chAtimenis  après  b  mort,  tM.  —  Mé- 
tempsycose, Mf.  -  Sont  tts  dépourvus  faptitnde  aux 
sdeneês,  aux  lettres,  eu?  Y.  note  XIX,  t  II,  I  b  fin  du 
volume.  ^  .     „„ . 

NIEBUHB.  Son  opinioB  sur  l'endroit  où  les  Héfareus 


1G05 


TABLE  ALPUAQETIQUË  ET  ANALYTIQUE. 


160i 


pissèrenl  la  mer  Rouge.  Y.  Passage  de  ia  mer  Uauge, 

Nihilisme.  C*esl  k  lui  qu'abouUl  la  ihuorie  de  Tabsolu. 
Y.  PhUosophU  de  rabsotu,  $  II. 

Ninive.  Yéraciié  des  proptiéties  qui  la  concernenL  Y. 
Propftéùes,  §  Ilf .  —  Importance  de  ta  découverie  de  ses 
raiues  pour  couûrmer  la  véracité  de  Tbistoire  biblique, 
ibid. 

NOE.  Traditions  des  peuples  sur  ce  patriarche.  Y.  Vé- 
fttjK»!  II.— -A-t-il  pu  constater  retendue  de  ce  cataclysme? 
ibtd. 

Noir.  Hommes  de  la  race  sémiiîque  affectés  de  cette 
couleur.  Y.  Races  hununnes,  §  Y. 

Nubilité  chez  les  divers  peuples.  Y.  Races  kuminnes. 

Numismatique.  Yient  an  seconrs  de  saint  Lac  accusé 
d'inexactitude.  Y.  Luc  (sainl), 

0 

Objections  de  Bayle  sur  le  mal.  Y.  ÈlaL 

Obsession.  Y.  Possessions,. 
^  Obstacles  physiques  vaincus  par  la  catholicité.  Y.  CaUio- 
ikité.  —  Obstacles  à  la  propagation  du  christianisme.  Y. 
Propagation  du  christianisme. 

Océan.  A-t-il  envahi  leii  continents  lors  du  déluge?  Y. 
Déluge  et  note  1.  k  la  fin  du  tom.  I.  —  Son  inva- 
sion aurait-elle  détruit  les  animaux  mari.is,  fluviatiles  et 
lacustres?  Yoyez  la  note  1,  tom.  I,  k  la  fin  du  volume. 

OCKIXUS  DE  LICAME.  Son  panthéisme  liéaiiste . 
Y.  PanUiéisme,  j$  ï. 

OËuvre  de  la  régénération.  Pourquoi  progressive.  Y. 
Salut,  §  H. 

OMAH.  A-t-il  défait  la  bibliothèque  d'Alexandrie?  Y. 
Bibliothèque  d* Alexandrie,  §  lY. 

Onomatopée.  Est-elle  l'origine  dn  langage?  Y.  note 
XYll  à  la  fin  du  L  II  et  Psychologie,  §  Ylli. 

Ophir.  Y.  Psychologie,  8  lY. 

Optimisme. 

Orang-Outang.  L'homme  en  descend-il?  Y.  Homme, 
•ri.  I,  §  ir. 

Ordre  surnaturel.  Y.  Surnaturalisme.  —  Ordre  humain 
exige  la  foi  comme  Tordre  divin.  Y.  Foi, 

Organe»^es  animaux.  Sout-ils  restés  les  m^mes  dans 
les  différents  âges  géologiques?  \.  Homme,  art.  I,  §  IV 

prient  au  lenips  de  ia  pré  Jicalion  évangélique.  Y.  ifjf- 
thismeA  YI.  —  Berceau  du  genre  hum;»îu.  Y.  Psychologie, 

ORIGENE.  Ses  parotes  sur  Platon  faussement  inter- 

5 Pétées  par  Leclerc  relativement  à  la  Trinité.  Y.  note 
XII.  $  Via,  k  la  fin  du  L  II. 
•    Or^inalité  de  l'Evangile.  Y.  note  XII,  t.  II,  3i  la  fin  do 
Tolume. 

'  Origine  de  Thomme  et  des  êtres  organiques.  Y. 
Homme.  —  Origine  des  peuples.  Y.  Psychologie,  $  lY. 
I  Origine  de  nos  conna^sances.  Y.  Psychologie,  $  IX. 
—  Origine  de  nos  idées,  ibid,  §  X  et  suiv. 

•Origine  du  mal.  Examendes  théories,  et  solution  par 
le  christianisme.  Y.  Chute,  §  II. 

OROSE  (Paul).  V.  BibtwUièque  d'Alexandrie. 


Païens.  Témoi^^nent  de  la  multitude  de  Chrétiens  dans 
les  premiers  siècles.  Y.  Propagation  du  chnstimiisme, 
I  ill.  —  Ont-ils  parié  du  passage  de  la  mer  Rouge?  V. 
Passage  de  la  mer  Rouge,  §  lY.  —  Ont-ils  p.;rlé  des  mi- 
racles de  Jésiis-Cbrist  et  des  apotrrs.  V.  note  VI,  à  la  fin 
du  t.  î.  —  (  ités  en  faveur  de  rauthenlicilé  «les Evangiles. 
Y,  Evangile^  §  I.  — Leurs  aveux  sur  la  cessation  des  ora- 
cles. Y.  Démon,  5  IV.  —  Reconnaissent  les  possessions. 
V.  Po««MJOM,§§Ilellll. 

Pain.  Sacrifice  du  pain  chez  les  ma^es  et  chez  presque 
tous  les  anciens  peuples.  Y.  Eucharistie,  §  III. 

Paléontoloffie.  Fournil-elle  des  preuves  en  faveur  du 
déluge.  Y.  Déluge,  §  I.  —  Les  décou\ertes  de  cette 
science  ont  anéanti  Thypothèse  du  panthéisme  sur  l'ori- 
gîne  des  êtres  organisés.  Y.  Homme,  art.  l",  S  Y. 

•  Palestine.  Y.  Judée. 

T  din^éuésie  [Regeneratio,  renaissance). 
}  jnlhéisme. 

I.  — Du  panthéisme  idéaliste. 

II.  —  Du  panthéisme  matérialiste. 
UL  —  Cons/*quence  et  réfutation  du  panthéisme. 

panthéisme  des  relirions  dans  l'Inde.  V .  Indianisme, 
fc  Y.—Nouvelle  réfuUtion  d*i  panthéisme.  Y.  Etres,  com- 
ment ils  sotU  en  Dieu  (scholie).  —  Réfuté  dans  ses  théo- 
rie» historiques.  Y.  Philosophie  paiithéittique  de  r histoire, 

•  -  Panthéisme  matérialiste  réfuté.  Y.  Homme. 


Papauté.  Kn  avait-on  entendu  parler  ami  la  eoate* 
nation  de  saint  Hilaire  d'Arles?  erreurs  rélbiéei  T.  i^ 
/mre  (saint),  §  VIL  —  Sa  perpétuité  et  sa  stabilité.  1. 
Vlmroduction,  §  XY.  —  Y.  l'art  Pave 
Pape.  Sa  primauté  et  son  autorite  doctrinale. 
§  L— Ce  qu'il  faut  entendre  par  la  suprématie  dn  Pipr. 
—  Elle  a  pour  fondement  la  pnmauté  ahODûeur  et  de  ju- 
ridiction aont  saint  Pierre  a  été  revêtu.  —  Exameo  cri- 
tique des  textes  évangéliques  qui  prouvent  cette  supri 
matie  de  saint  Pierre^  —  Objections  et  répooses. 

9  IL  —-Cette  primauté  d'honneur  et  de jurididioo n'é- 
tait pas,  dans  saint  Pierre ,  une  8imp!e  prérogative  per- 
sonnelle. —  Preuves  qu'elle  devait  être  et  qu'elle  i  éië 
de  fait  transmise  k  ses  successeurs.  —  Témoigiages  dn 
Pères.  —  Conséquences  qui  s'ensuivraient  pourtedhs- 
tianisnie,  de  la  supposition  que  la  suprégiatie  dn  Sovfe- 
rain  Pontite  est  contre  nature  et  sans  faadeqienl  dus  li 
consiitution  de  l'Eglise  chrétienne.—  Rchabinutioa  des 
Papes  au  moyen  ^e  par  les  historiens  protestants,  Voigt, 
Hurter,  etc. 

§111.  —  Du  chef  suprême  de  l'Eglise  ooDiiiie  autorité 
doctrinale.— Il  est  le  déjKKitaire  de  t'autorité  de  l'Eglise, 
comme  pouvoir  dogmatique.  —  Des  grandeurs  de  la  aïs- 
sion  doctrinale  drnt  il  est  investi. 

Papyrus.  Manuscrits  sur  papjrus  trouvés  en  Egjple.  T. 
Sciences,  §  L  —  A  servi  à  écrire  le  Pentateaque,  iW.- 
L'n  manuscrit  de  la  loi  mosaïque  a  pu  être  retnwvé  après 
mille  ans  dans  le  temple  de  Jérusalem,  puisqu'on  a  da 
contrats  sur  papynis  de  l'époque  des  Pharaons,  îMd. 

Pâque.  Débat  h  ce  sujet  sous  le  pontifical  du  hpe 
saint  Victor;  erreurs  de  IIM.  Ampère  et  Am.  Ihien^  ré- 
futées. Y.  Victor  {saint). 

Parabole.  Les  paroles  de  Jésus-Christ  dans  l'iostitii- 
tion  de  l'Eucharistie  sont-e.tes  une  parabole?  y.  Sacfcs- 
ristie,  S  111. 
Paradis  terrestre.  Sa  situation.  Y.  Psychoto^,  |  T. 
PARAYEY  (M.  de).  Ingénieux  rappnicbemcDtaa sujet 
de  la  lourde  Babel.  V.  Babel. 

PARCHAPPE  (le  docteur).  Nie  le  sumatoraltsaie.  V. 
Démon. 

Parole.  A-t-elle  pu  être  intentéeT  \.PsyMogie,Vf\. 
^-  Considérée  dans  ses  rapports  avec  la  raison  Y.  f^- 
cliolome,  S  XL  —  Parole  ae  Dieu  manifestant  ï  Hmoiic 
des  vérités  de  l'ordre  surnaturel.  Y.  Prophétie. 
Passage  de  la  mer  Rouge. 
§  I.  —  De  la  route  par  laquelle  les  Hébreux  arrivèrent 
i  la  mer  Ronge. 

§  II.  —  De  l'endrûit  où  les  Hcbreax  passèrent  la  ser 
Rooffe. 

§  Tll.  —  Du  passage  réel  de  la  mer  Ronge  par  la  Hé- 
breux. 
§  lY.  —  Du  passage  miraculeux  de  la  mer  Ronge. 
I  Y.  —  De  la  sincérité  de  Moïse  dans  tout  le  rédt  da 
passage  de  la  mer  Bouge. 

{  YL  —  De  la  vraiseaiblaiice  de  tout  le  rédt  dn  pasnge 
de  la  mer  Rouge. 
Passage  du  Jourdain.  ^ 

Pasteurs  (peuples).  Y.  Patriarches. 
Patriarches. 
PAUL  (saint),  apdtre. 

PAUL  (saint).  Que  pensait-il  du  célibat?  Y.  CMM- 
Ses  EpUres,  Y.  Mythisme,  1 1 Y.  —  Ses  prétendus  débiu 
avec  saint  Pierre,  suivant  M.  Quinet.  Y.  Pierre  {l'spUrt 
sabil),  §  n. 

PAULIN  (saint).  Erreur  de  H.  Beugnot  i  son  siqeL  T. 
Aristocratie  gallo-romaine.  §  IL 
PAULUS.  Théologien  naturaliste.  V.  Naturaliski. 
PAUTHIER.  Ses  idées  sur  rtnAuence  religieuse  àt 
rinde  réfutées.  Y.  Indianisme, 
Pauvre.  Y.  Elus,  §  IL 

Peau.  Son  histoire  au  point  de  vue  de  la  diversité  des 
races  humaines.  Y.  note  X V III,  L  II,  à  la  fin  du  lolue. 
Péché  originel. 

§  I.  —  De  la  tentation  do  premier  homme.  —  Biénr- 
chie  des  êtres ,  progression  ascendante  et  progressai 
descenrlante.  —  Les  esprits  supérieurs,  bons  et  mauvais. 
—  Relations  entre  les  êtres  spirituels.  —  Esprits  sofé> 
rieurs  soumis  k  l'épreuve  ;  leur  chute.  —  Le  serpent. 

§  IL  —  Eclaircissements.  —  Avons-nous  commis  ^' 
aonnellement  la  faute  de  notre  premier  père?— Sort  dit 
enfants  morts  stns  baptême. 

§  UL— 0)nsidérationssur  la  transmliasloo substaaticC' 
de  la  chute  primitive.  —  Effet  de  Taae  maavais  v 
l'âme ,  sur  le  corps.  —  De  la  phréoologie  an  point  de  »h< 
de  la  théologie. 

§  lY.  —  Loi  de  l'hérédité  ou  de  la  tmnsmissibiUtcd:» 
l'ordre  organique  comme  dans  l'ordre  moral.—  Vonf^ 
Dieu  envoie-t-il  une  âme  pure  dans  un  corps soaill^f 
§  V.  —  Comment  l'humanité  est-elle  coupaUCiCii^^ 


1605 


TABLE  ALPnADETlQLE  ET  ANALYTIQUE. 


qocijMinic  d'une  faute  qui  ne  lui  eii  pas  pennanclle?  -~ 
Loi  de  la  solidarilé  :  Entre  l*à:iie  et  le  conis  ;  dans  les 
familles;  daM  les  oalions;  dans  Hiunanilé. 

I VI.  —  Ol^eciioos  de  U.  di^  Lamennais. 

Péché.  Unis  quel  sens  il  a  inlrodiiii  la  moit  dans  le 
monde.  V.  Mori.  —  Pent-il  élre  expié  apr{«  la  morit  V. 
£f^^.|IIL  "^      "^ 

P€diaUu$  mqnlarum,  on  pou  des  oègres.  OlMocUon  el 
réfiiUUon.  V.  lUres  êmmmtÊeê,  |  V. 

Peines  lemponires.  Conséquences.  V.  Elenùté  tUê 
pemet,  f  1. 

PELLETAN.  Ses  idées  sur  Hiomme  priroiiiC.  V.  Psy- 
^hologie,  8  I  et  XIII.  —  Son  opinion  sur  Torisine  de  la 
parole,  ilS,,  §  VUI.  ^ 

Pénitence. 

i  L  — L'Evangile  ne  prêcbe-i-il  pas  b  pénilen.-et 

1  II.  —  Quelle  a  été  la  doctrine  de  Bouidaloue  sur  la 
pénitence? 

i  Jll.— La  doctrine  de  la  pénitence  a-lrelle  rendu  Ros- 
suet  fauliste  et  cruel  ? 

$  IV.  —  Quels  sont  les  résultais  sodaus  de  la  doctrine 
de  la  pénitence? 

P.-nitence.  V.  Confession. 

Pensée.  Son  origine.  Eiamen  critique  des  sjstèmes. 
V.  P$9ckoiogU,  §1  VUI  et  XIV. 

Pentateuque. 

1 1.  —  Des  livres  cbipols.  Sont  sans  anlhenlicité ;  ont 
subi  des  altérations  profrindes.  —  Des  livres  indiens. 
Manquent  d'autAentidié;  témoignage  de  R  Consunt;  ont 
été  altérés.  —  Li\res  persans.  Le  Zend-Avesta  ne  re- 
monte qu'à  la  fin  du  %t*  siècle  avant  Jésus-Christ. 

S  IL  —  Les  annales  des  peuples  chinois,  indiens,  per- 
saas.  etc.,  k  Texception  de  celles  des  Juifs,  ne  présenient 
qu'obscurité  et  iucertilude,  et  n*ont  aucun  caractère  his* 

S 111.  —  Incontestable  sup^iorité  du  Penlateuqne.  — 
Aveuglement  de  ceux  qui,  dédaignant  de  le  consulter,  se 
Citigueni  à  poursuiire  des  ombres.  —  Problèmes  insoin* 
blés  en  dehors  du  Pentateuque.  —  Chaos  des  éléments 
polv  théistes. 

,§  IV.  —  Authenticité  du  Pentateuque.  Preuves  extrin- 
sèques. —  TradiMon  oonstante  et  unanime  des  Juifs  et 
des  Chrétiens.— Pentateuque  samaritain.  —  Témoignage 
de  l'antiquité  profane. 

I  V  —  Authenticité  du  Pentateuque.  Preuves  intrin* 
nèôues. 

I  Vl.  —  Anthentidlé  du  PenUteuque.  Preuve  indi* 
reete.  —  Dans  lldstoire  des  Jui6,  il  u'j  a  aucune  époque 
h  laquelle  on  puisse  placer  la  supposition  du  PenlaUn- 
qoft.  —  N'a  pu  être  fabriqué  par  Ejdras. 

i  VIL  —  Intégrité  du  Penuieuque.  —Il  n'a  été  altéré 
ni  avant  la  oooclosiiia  du  canon  ni  depuis.  —  Versions 
compréet. 

§  VUl.  ^  Véracité  du  Penlateuqne.  —  Caractères  tirés 
de  la  nature  des  choses,  du  langage,  de  la  vraisemblance 
eosmogooione,  de  la  vniseaibbnce  archéologique. 

f  IX.  —  Véracité  du  Pentateuque.  «— Conlirmation  par 
les  découvertes  modernes.  —  Bestrictionset  explications. 

—  Exemples.  —  Confirmations  cfarouologiques^ — Exten- 
sion passible  de  la  chronologie.  —Coïncidences  hiéroglj- 
phimiea.  —  Autorité  croissante  de  la  Genèse. 

I  X.  —  Dirinilé  du  Pentateuque.  —  Caractère  et  con- 
duite de  Moïse  dans  les  trois  grands  actes  de  son  minis- 
tère :  1*  la  délivrance  des  Hébreux  ;  V  le  voyage  au  dé- 
sert ;  5*  la  lég^lation. 

$  XL  —  Divioiié  du  Pentateuque.  —  Théologie  de 
ll<fise.  —  Comparaison  aveo  la  philosophie  grecque. 

Pères  de  Tl^gli^e.  Ont-i.s  pansé  ou  parlé  du  mystère 
de  la  Trinité  à  la  manière  des  platoniciens?  V.  note'XXIf, 
t.  Il,  à  la  fin  du  volume.  —  Cités  sur  K-s  possessions.  Y. 
Posieision.— Sur  les  oracles  des  païens.  Y.  Diinmt,  §  lY. 

—  Réfelation  des  accusations  de  M.  Letronne  à  leur  su- 
jet. V.  Coêmographie.  —  Leurs  témoignages  démontrent 
rorigine  de  la  Trinité  et  de  TEucharislie.  V.  Dogmes^ 
I  II  et  I IL  —  Témoignages  en  bveor  de  la  primauté  du 
Pape.  V.  Pape,  f  IL  —  Témoignages  en  laveur  de  l'au- 
tbenticilé  des  Evangiles.  Y.  Bwangiiet  IL—  teur  témoi- 
cnace  démontre  la  règle  d'autorité  comme  règle  de  Ifoi. 
V.  Bè^  de  foi,  |  111.  —  Attaqués  par  M.  Aimé-Martin. 
Réfutation  par  Im-mème.  V.  PinUaice,  $  IV.— Pères  des 
premiers  siècles  t.;moignent  de  la  multitude  des  Chré- 
tiens. V.  Propigaiiott  du  ehrisliattumef  {  III. 

Perfectibilité  el  progrès.  V.  PhUoiopiâe  panUiéiMUqae 

Perfection  a  pour  instrument,  le  mal,  dans  l'œuvre  du 
rréatenr.  V.  Mai,  art  ï.  §  IV. 

Perfectionnemeat  graduel  des  espèces,  réfutation.  V. 
Bmmmt^  art.  L  —  Pèriectiomcment  de  Hiomme  et  des 

.*es  humaines  ;  rircocstances  qui  y  concooreat.  V.  Bures 


1606 


.  §  XIL  —Perfectionnement  iulelSectael  et  pby- 
sioue  de  l'homme  d'après  Fourier.  V.  FouriérUme, 
Périodes  astronomiques.  V.  Paiimgénésie, 
Perjianence  des  espèces.  Y.  ttonmu*^  art  I. 
Perpétuité  et  stabilité  du  christianisme.  Y.  l'inirorfa^ 
fion,  {  XY. 

Persans,  leurs  livres  ne  remontent  ou'à  Zoroastre, 
c'cst-^ire  à  la  fin  du  vl*  siècle  avant  Jésos-ChrisL  Y. 
Pentaieumêf  |  L  —  Ils  ne  présentent  'qu'obscurité  et 
incertitude,  ibid..  ^  II. 

Personnages  célèbres  de  l'antiquité  taxés  dlnllnctaa- 
tion.  Y.  BaUucmaikm,  f  IL 

Personnalité  dîme  niée  dans  la  théodicée  huoianltaife. 
Y.  Théodicée  hMnuotiUnrâ. 

PETAU  (  le  P.  )  Son  sentiment  sur  le  platonisme  des 
saints  Pères  Y.  note  XXII,  §|  I  et  II,  1. 11,  i  la  fin  du  vo- 
lume. 

Peuple.  N'y  avait-fl  que  le  menu  peuple  qui  filkt  chré- 
tien au  fv*  et  an  v*  siècle?  Réfutation  de  M.  Guizot  V. 
Arisiocraiie  gai(o-romam(,  S  L  —  ^^  dispositions  en  Ju- 
dée, au  temps  de  JésusUàirist,  étaient-elles  favordiles  à 
la  formation  du  mythe?  V.  M^isme,  S  VIL 

Peuples.  Onirils  commencé  par  TeUt  de  nature  ?V. 
Psifckoiogie,  fS  II  et  III.  —  Accord  de  Moïse  et  des  pins 
anciens  historiens  snr  leur  origine.  Y.  Ptguholofpt^  i  IV. 
Phalanstère.  Y.  Fouriérisme. 
Philosophie  de  l'absolu. 

§  L  ^  Philosophie  allemande;  son  unité,  malgré  la  di- 
versité de  ses  qrstèraes  ;  son  origine  ;  ses  principes  gé- 
néraux ;  ses  principaux  résultats;  opposition  absolue  en- 
tre celte  philosophie  et  le  diristianisme. — Origine  imnié<^ 
diate  de  l'idéalisme  subjectif  de  Fichte  ;  de  l'idéalisme 
objectif  de  Schelling;  du  ^stème  purement  liigiquede 
Hegel.  —  Ficfale;  but  de  sa  théorie;  point  de  départ;  le 
moi  créateur  et  unique  réalité  ;  le  moi  individuel  et  le 
moi  absolu  ;  application  des  principes  posés.  —  Notion  de 
Dieu  d'après  ce  s}'slème.  —  Réfutation  du  principe  te- 
damentaf  de  cette  théorie. 

I  IL  —  Point  de  départ  de  Schelling;  il  place  la  na- 
ture avant  l'espriL  —  La  nature  est  vivante;  elle  est  In 
premier  développement  de  l'absolu  et  ne  doit  jamais  éCre 
s**paree  de  lui.  —  Loi  du  développement  de  l'absolu.  — 
Comment  l'absolu  arrive  à  rintelliîgeiiee  et  h  la  liberté. 
—  Loi  du  progrès  inJélinL  —  L'absolu  n'existe  que  pas 
son  développement  dans  b  nature  el  dans  TeifirîL  — 
Observations  générales  sur  cette  ihéorie.  —  Il  but  cher- 
cher, <bns  Hegel,  les  preuves  qui  manquent  dans  Schel- 
ling. —  Méthode  et  métaphysique  de  H^l.  —  Point  de 
départ  dans  la  nnre  abslrscUon.  —  Eliminatlan  de  toutes 
les  idées  corrélatives.  —  L'être  méaut:  le  denfatr;  apnli- 
Cition  du  principe.  —  Réfulatien  de  Hegel.  ^  bnpooqbl- 
lité  d'expliquer  le  meurenent  réel  et  logique  de  l'être; 
de  rendre  raison  de  la  réalité.  —  Le  deremr  est  llnini, 
on  le  néant  abeolu;  dans  les  deux  hypothèses,  la  théorie 
de  l'absoln  croule  ;  réponse  aux  diflicullés  de  Hegel.  — 
La  Uiéerie  de  Fabsolu  n'est  que  le  mbUisme 
Philosophie  panibéistiqne  de  l'histoire. 
IL  —  Première  époque  du  dévebippemenl  religieux, 
le  fétichisme.  —  L'hypothèse  d'un  éut  primitif  sauvage 
ou  de  bartarie  est  remersée  par  l'histoire  cnnune  par  la 
saine  métaphysique. 

f  IL  —  Epoques  secondaires  du  développement  reli- 
gieux. —  On  n  y  trouve  pas  le  lien  de  succession  et  dn 
progrès  exigé  par  les  théories  panthéistiqnes.  —  Emana- 
tion. —  Dualisme. 

S  111.  —  L'existence  du  christianisme  renverse  toutes 
ces  théories  historiques;  vains  efforts  pour  l'expliquer. 

I  lY.  — Théorie  du  symbolisme;  ses  impossibilités.  — 
Rapport  de  la  religion  el  de  la  philosophie.  —  La  peHîec- 
tibilué  el  le^progrês.  —  Illusion  des  panihébtes. 
§  V.  —  L'état,  Tart,  b  sdence,  I  avenir, au  point  de  vue 


panthéiste. 

Philosophie  et  catholicisme  en  présence  de  b  question 
du  mal.  Y .  Mal.  —  Impuissance  de  la  philosophie  i  ré- 
soudre la  question  du  mal.  Y.  Ifol,  art  II.  —  Philosophie 
spiritualiste  ;  sa  solution  de  b  question  de  l'origine  du 
mal.  Y.  CAnle,  I  IL— Pib'IofodUe  poâûre  de  MM.  t^imte 
el  Liltré;  son  amreux  matérialisme:  V.  Déwum.  —  Philo- 
sophie grecque:  comparaison  avec  b  théologie  de  Mnïse. 
Y.  Pentaleuque,  %  XL  —  Impuissance  radicale  de  b  philo- 
sophie pour  remplacer  le  cbristbnisme  dansb  société.  T. 
VtntrodmcAm^  S  Y  et  suiv  —La  philosophie  a  produit, 
suivant  M.  JonlTroy,  tous  les  maux  de  la  société,  v.  Tln- 
frodnrlKM,  §  IX. 

Phrénologie  au  point  de  vue  théol<«lqne.  V.  Pécké  ùri- 
fM,  S  in. 

Phrénologisme.  V.  Ame,  |  L 

Physiologie  inteileclueUe.  Y.  Âme.  —  Difficultés  e^ 
systèmes  de  b  physiologie  sur  le  principe  vilal.  Y.  A.*iia 


IG07 


TABLE  AU>IIAU£T1QI3£  ET  ANALYTIQUE. 


I  VIL  —  Physiolo^e  des  races  bumaines.  V.  Raeu  hn- 
moitiés,  S  VI. 

Physiologistes  (les  iné«lechis)  et  les  possessions.  Y. 
note  t6,  à  la  fin  da  t.  11.  —  Imouissaiice  des  physiolo- 

f»tes  pour  expliquer  le  priunpe  pensant.  V.    AiHe, 
Itl. 

Physionomie  des  religions.  V.  Sumaturali$me,  %  IV. 
I*h[Ysique  des  Hébreux.  V.  Déluge^  S I. 
Physique  et  moral;  leur  rapport.  Y.  Ame,  |  IX. 

PfERRE  (rapôtre  saint). 

8  I  —  Voulait-il  que  les  Chrétiens  judaîfuissent? 

I  li.  —  Y  eut-il  antagonisme  de  doctrines  entre  saint 
Pierre  et  saint  Paul? 

S  Ul. — Ou'est-ce  que  le  christianisme  indépendant 
attribué  à  saint  Paul? 

Pierres  monumentales. 

Pigment.  Exisle-t-il  chex  les  blancs?  V.  Bace$  /iiiiwiitN>t, 
f  I II. —Recherches  anatomiques.  V.  note  XVllI,  t.  11,  à  la 
un  du  vohime. 

Plan.  Ya-t-il  unité  de  plan  dans  \e  r^c[nc  animal?  V. 
Honune,  art.  11.  —  Variéti  de  plans.  V.  ibid, 

PLATON.  La  Trinité  chrétienne  vient-elle  de  ce  philo- 
sophe grec?  V.  Trimiéf  S  IV.  —  Examen  des  divers  p»s- 
8ag*»de  ses  écrits  relalirs  à  la  Trinité,  etc.  V.  note  XXll, 
§  Al,  t.  II,  k  la  fin  dn  volume. 

Platonii^ieiLs.  Le  do;^nie  de  la  Trinité  leur  a-t»il  été 
em^n-unté?  V.  Trinité,  §  V.  —  Platoniciens  nouveaux. 
1. eu  Ri  imaginations  au  sujet  de  la  Trinité. ^V.  note  XXli 
§  XI,  à  la  tin  du  t.  H. 

Pi.lNK  LK  JEl  ^E.  Ce  qu*U  a  dit  des  Chrétiens.  V. 
âtuttiiniie,  S  I. 

PLOTIX.  Son  opinion  sur  Porigine  de  la  Trinité  ;  ré- 
ftil;itiou.  V.  Triuitâ,  $  V  et  note  XXII,  §  111,  à  la  Un  du 
t.  II.  —  Son  panihéisroe  idéaliste.  V.  Fu%ttiiéi$me,  S  I 

Pluie.  Est-elte  Tunique  cause  du  déluge?  V.  Déluge, 

aiiein. 

PLUTARQUE.  Cité  sur  les  déronns  et  sur  leur  in- 
fluence. Y.  Pomemion,  §  11.  —  A  quoi  il  attrilme  la  cessa- 
tion des  oracles.  V.  Déitum,  §  IV. 

Polythéisme.  Chaos  qu'il  présente  au  point  de  vue  de 
l'histoire  de  l'humanité.  V.  Penuaeuqti€,  \  Ul. 

Populace.  Dans  les  comniencemenis  n'y  a-t-il  eu  qu'elle 
qui  ait  cru  aux  miracles  de  Jésus-Uirist?  V  note  YLt.  I, 
k  la  tin  du  volume. 

Population  du  globe  avani  le  di^luge.  V.  Déluge. 

Porc-épic  (l'homme).  V.  note  XVllI,  t.  Il,  à  la  fin  du  vo- 
lume. 

PORPHYRE.  Cité  sur  la  cause  de  la  cessulion  des  ora- 
cles. V.  Pémm,  S  IV. 

Portrait  de  Jesus-Christ.  V.  Jé^sni-CArfor.  —  Portrait 
du  prêtre  catholique  par  Aimé-Martin.  V.  Prêtre. 

Possession. 

S  1.  —  Certitude  du  fait  de  possession  mt  le  démon.  ^ 
Preuves  tirées  de  l'Evangile,  des  actes  des  apétres,  des 
Pi*res  de  TEglIse  primitive,  du  silence  ou  de  Taveo  des 
païens. 

S  il.  --  ExpMcition  du  phAnom^ne  des  possessions.  — 
Croyance  uniit*rselle  k  l'existence  et  à  rlnfluem^  des 
déinuus.  —  Possessions  au  temps  de  Jésus-tlirist  ser\'ent 
à  manifester  la  divinité  du  Libérateur;  contribuent,  après 
Jésus-Christ,  à  rétabtisseiuent  du  christianisme.  —  Pour- 
quoi elles  ont  cessé. 

I  m.  —  Th<>ories  explicatives  de  qiielqaes  théo|o$;iens 
protestants:  les  possessions  ne  sont  que  des  maladies  na- 
turelles; Jésus-Christ  et  les  apdtrcs  ont  conformé  leur 
langage  à  un  préjugé  vulgaire.  —  Réftitatlon. 

S  IV.  —  Examen  critique  de  la  théorie  de  Jahn  et  ré- 
futation de  ses  arguments. 

Possessions  et  médecins  physiologistes.  T.  note  XVI, 
t.  II,  à  la  fin  du  volume. 

Pou  des  nègres.  V.  Races  humaines,  %  V. 

Pouranas.  Livres  indiens,  examen  crilique.  V.  IndUt' 
nisme,  §  II. 

Pouvoir  dogmattqne  dans  l'Egli^^e.  V.  Pape,  §  1(1. 

Prédestination. 

Prédiction  d'événements  ftiturs,  eti'..  V.  Prophéties. 

Présence  réelle  de  Jésu5HChrist  en  phisleurs  lieux, 
phénomène  naturel  qui  aide  à  le  faire  comprendre.  V. 
Eucliarislie,  §  1  et  111,  et  Dogmes,  $  III.  —  Kxamen  des 
.textes  de  TEvangile  relatifs  a  Tinstitution  eucharistique 
iet  réponse  aux  objec  ions.  V.  Dogmes,  S  Ul.  —  Démon- 
trée par  la  tradition,  ibid.,  §  III. 

Prî^tre. 

PniCH4RD.  Cité  sur  tes  caractères  des  races  humai- 
nes. V.  Wtces  Immaines,  §111. 

Primauté  du  Pape.  V.  Puptf. 
.  Princes.  La  justice  prèchée  aux  princes  par  Hioemar 
«ttit-elle  moins  humaine  que  celSe  de  Bossue!  ?  afpre- 


m 

dations  de  M.  Ampère  9i  ce  sujet  réfutées.  V.  Bimm, 
!  XVIIL 

Priorité  des  races.  V.  Rares  kmmmes,  |  XI. 

Problèmes  insolubles  dans  le  polytiiiislsme.  Y.Peabtn- 
que^  !  m.  —  Aucun  de  ceux  qui  tounnement l'Mprit ho- 
niain  n'a  été  résolu  par  b  philosophie.  Y.  Vlvirodmtm, 
ti  YIII. 

Pnigrès  continu. 

Progrès  impossible  dans  les  systèmes  de  palingiV'ti^. 
V,  Ptatugéuéste.  —  Progrès,  matériel  et  morsi,  w  ^'\\ 
faut  en  penser.  V.  Wflfea  humuntes,  §  XIII.  —  Pnwn's  e\ 
surcession  dans  le  d4''vel4i(>pement  rc ligimt  de  Iduibi- 
nité;  extslent-its?  V.  Phtlfàouhie  pmHhéiaiqui  île  Ont- 


losophiques  que  ce  mythe  présente  sur  la  chute  primi- 
Uve.  Y.  /)^moK.$I. 

Propagation  du  christianisme. 

5  I.  —  Première  merveille.  }^  cenceplim  de  1j  doc- 
trine du  christianisme  par  doute  hommes  igimaals  et 
grossiers. 

§  11.  —  Seconde  merveille.  La  réaofnlioN  de  ivédier 
le  christianisme  a  Tunivers. 

I  ||(._  Troisième  merveille.  Le  mucH  qui  usm^ 
gne  en  tous  lieux  la  prédication  des  apôtres. 

§  IV.  —  Cette  étonnante  propagation  du  chrisUinlsK 
ne  peut  être  regardée  que  comme  l'ouvrage  de  Dieu. 

§  V.  —  Dernières  considérations  sur  réiablisKiBMl 
du  chnslianisme. 

Prophètes  (faux).  Lliumanité  a-t-elle  été  trompée  par 
eux  en  matière  de  religion?  T.  Snrmifnra/fSNC,  1  11.- 
Prophètes  assimilés  à  des  malades  et  è  des  somoanèiilK; 
réfnUtion  du  docteur  Leuret.  V.  Ha(lnciiMlM«,Sll. 

Prophétie. 

Prtmhétie,  essence  du  culte.  V.  &icniafiiniftimr,  1 1.- 
Son  unité,  tWd.,  §  fil.  —  Objection  dn  ratiomUsme  imi- 
tée, ibid,,  \  V.  —  Est  le  complément  de  notre  lanière 
naturelle,  iwd. 

Prophéties.  (Prédiction  d*événemen  s  futurs  sottsl*» 
pirai ion  divine.)  ,  . 

j  I.  —  C^iractèrcs  et  définition  de  la  prophétie.  —  tlie 
est  possible.  —  Klle  est  surnaturelle.  —  Conséqn«ic«. 
—  VraÎJ's  et  fausses  prophéties.  Leurs  caractères  distiiK- 
lifs.  —  Difiicultés  et  objetliuns  résolues. 

j  If.  _-  Progrès  et  caractère  de  l'idée  mesnuàqu 
oliex  le  peuple  juif,  —  Prophéties  et  traditioiii  nam; 
selles  sur  la  venue  d'un  Médiateur,  le  Uessie,  le  Dèsr^ 
des  nations.— Accomplissement  des  propbétâescn  Jèn»- 
i  hrist,  l'âme  des  âges  qui  l'ont  précède  awsi  Uea  tp« 
des  temps  qui  Tont  suivi. 

I  lil.  —  Accomplissement  IHléra!  des  pro|*élies  « 
l'Anrien  TesUment  concernant  Ninive,  Babjlooe.  Tyr. 
l'Egypte;  lenr  véracité  confirmée  par  l«  découvertes*! 
voyageurs  modernes. 

Prophéties  concernant  le  Messie,  comment  It^terp- 
tées  par  Salvador.  V.  Judmsme  ef  cAriafMïiifW*.  —  n«- 
pbéties  sur  la  destruction  du  temple  de  Jérasalem  f  «rn* 
fiées.  V.  Temple  de  Jérusalem. 

PROSPER  (saint). 

f  L  —  Est-ce  par  anticipation  qne  saint  Prosper  ik^ 
bra,  au  v*  siècle,  la  suprématie  de  Rome? 

S  IL  —Le  témoignage  de  saint  Prnnper  snr  Usapr-^ 
matie  romaine  estnl  contredit  par  l'hisunre  de  la  fon»- 
tion  de  la  hiérarchie  ecclésiaslique? 

I  iii.  _-  l/exactitude  historique  de  saint  P^Jq>er  «i- 
elle  douteuse? 

Protestantisme.  RéftiUUon.  V,  Règle  de  foi.  V.  wri 

Srtlui,  §  IL  .  i_  j. 

Protestants.  Pourquoi  ne  peuvent  avoir  le  canftM«  « 
la  catholicité.  V.  Catholiàté,  —  ObiecUims  ou  ils  Wit  ros- 
tre rEucharistie.  V.  Eucharistie,  SS  II  et  IIL  et  0^ 

S  IIL— Aveux  de  quelques  docteurs  protesUnt$sUT> 
tilité  de  la  confession.  V.  Coufeswm. 

Psvcbologie,  ou  l'homme  intellectael  et  moral. 

8  L  —  Lliomme  lie  ta  fuUure  suivant  i.-J.  Roas«* 
Examen  critique  et  réftilatlon. 

j  [(.-.Origine,  progrès  et  eonsé<|ueDces  ftmestwde 
la  croyance  en  Tétat  de  nature.  ^ 

g  IIL  —  Les  monuments  historiques  «ir  Vorigiae  « 
tous  les  peuples  prouvent  que,  par  le  fait,  Téut  de  n* 
ture  n'a  jamais  existé.  . 

j  IV.  —  Le  merveilleux  accord  de  Moïse  et  des  Fi« 
anciens  historiens  sur  l'origine  des  peuples  ne  penart  p* 
d*admettrc  la  barbarie  oomme  point  de  départ  de  U  «- 
ciété  k  l'époque  du  déluge. 

§  V.  —  Conditions  que  devait  réunir  le  *P'*«^^rjJ[! 
jour  de  l'homme,  — Cx)nsidéniliens  fféiiérales.  —  tjf**** 
animales.  —  Espèces  végétales.  —  Faasse  tnlerprêiiiiM 


KM» 


TABLE  ALPHABETIQUE  ET  AXALYTIUl  C 


ICIO 


de  qoelqnes  jasages  de  la  Geoèse  douve  par  M.  «le 
Brotowie  ;  rèmUCîoo. 

<  VI.  —  La  nature  et  les  (acoltés  de  l*boaime  pronveol 
que  réut  de  natore  o'a  pu  exister. 

§  VII.  —  Séeeswté  d'nae  réTétolioo  primiUre  pour 
révolotion  iatellecUielle  et  morale  de  llMMnBie. 

%  VllL  —  Eut  de  la  question  sur  l'origine  de  la  pensée 
et  du  îu^p^.  —  Examen  critk|iie  de  la  théorie  de 
M.  E.  Reaan. 

I  IX.  —  Le  fût  unrrersel  de  renseignement  est  l'ori- 
sine  de  la  connaissance  et  la  condiUoo  première,  néces> 
sai^  et  tans  eioêption,  de  l'eToloUon  rationnelle  daiK 
rindiridu  humain.  —  Principes  généraux  qui  dominent 
toute  recherche  sur  la  nature  des  êtres  et  sur  les  lois.de 
leur  dérelopperaenL  —  Application  de  ces  Drinctpes, 
1*  à  la  Tie  o^nique  dans  lliomme;  S*  à  sa  faculté  de 

V  X.  —  Suite  des  développements  de  b  thèse  posif e  en 
tète  du  paragraphe  orécéoent.  —  Application  des  princi- 
pes dép  éncmcés  3k  la  raison  ou  à  Vorigine  de  nos  idtes. 
—  Que  Cittt-il  entendre  par  idées  ùêm&s?  —  Est-ce  dans 
robserration  interne,  ou  dans  les  (ails  ei teneurs,  qu*il 
but  chercher  Torigine  de  nos  connaissances?  Erreur  de 
l'école  écossaise.  —  Loi  du  déreloppement  de  l*iotrUi- 
genee  dans  TenfioiL  —  Exemples  d'individus  humains 
séquestrés  de  la  société  avant  Fosage  de  la  raison.  — 
Sourds-mnels.  —  Impuimanee  du  rationalisme  qui  place 
l'ongine  de  nos  connaisBances  dans  la  spontanéité  et  Tin- 
dépendance  ifcsolue  de  b  raison. 

I  XI.  —  Suite  de  b  thèse  sur  l'origine  de  nos  con- 
naissances. —  De  b  parole  dans  ses  rapports  avec  b 
raisoh.  —  Est-ee  la  raison  qui  forme  le  langage  ou  le 
bngace  qui  tonne  b  raison? 

9  XIL  —  BAIe  du  langage  dans  b  constitution  de  b 
raison.  —  Sans  le  signe,  le  mode  ne  peut  être  dégagé  de 
b  substance.  —  Par  eonséqoeot,  sans  le  signe,  pas 
d'abstraction,  —  pas  de  généralisation.  —  pas  de  joge- 
ment,  —  pas  de  raisonnement,  —  et  finalement  pas  de 
raison. 

$  XnL  —  Nature  du  lien  qui  unit  b  parole  à  b  pensée  ; 
belles  harmonies. 

$  XI Y.  —  Le  seul  fait  de  surdMnntisme  aui/anlit 
HiVpothèse  de  Tétat  de  naùtre.  ^  Témoignages  des  écoles 
d4^  soords-moeu  de  Pjris,  de  Bordeaux,  de  Dublin,  de 
GroQîngue,  de  Berlin,  de  Leipsick,  etc.»  —  du  B.  P.  La- 
eofdaire. 

Ps]rcfaologiedesrare<indigèoesde  TAmérique.  T.  Baces 
temotnfs,  f  VIII.  —  Des  nations  africaines,  Hotteniots, 
etc.,  ttaf.  S  IX.  —  Des  nègres  africains,  ihid,  t  X. 

PCPPENDORF.  Erreur  sur  l'eut  de  nature.  V.  TsnclHh 

me,  I  H. 

PTTHAGORE.    Son    panthéisme  idéaliste.  V.  Pun- 

Aac,§L 

Pnhun.  Le  même  que  Typhon.  Dieu  du  mal.  T.  Dé- 
|IV. 

Q 


QL'IXET  (M.  Edgar)  prétend  que  saint  Piene  Toubil 
ooe  les  Chrétiens  jndaisament;  réfutation.  V.  Pierre 
(tapitre  mai)  §  I  ;  —  admet  un  antagonisme  de  doctrine 
cstrc  saint  Pierre  et  saint  Paul,  îM.,  S  D;  —  attribue 
■a  christianisme  mdépendant  à  samt  Paul,  IM.,  |  ai. 
—  Ses  erreure  sur  saint  Grégoire  VU  réfutées.  Y.  Gré" 
faire  m.—  Or^ine  de  l'EudiarisUe  ;  réfhutlon.  Y.  £v- 
râurîilif,  |  lY.  —  Se  contredit  et  contredit  J.  Rernand 
UBT  b  théologie  des  m^es.  Y.  Masdéisme,  §  IL  —  Ses 
erreors  sur  Oément  XI  et  b  bulle  UmgemiMs  ;  réfutatioo. 
▼.  Ciémem  It.  —  Cité  sur  la  fllbtion  des  langues.  V. 
Bflttshmnmi.  $  V.  —  Réfute  Strauss.  Y.  M^fdàsme,  5  HI 
etX. 

QLESNEL.  T.  Oément  II. 

QLlRimrS.  Gouverneur  de  Syrie:  difBcuItés.  Y.  Ue 


*\, 


—  Coup  d*oeil  sur  lldsloire  de  b  race  humaine 

Bliunilè  et  dans  les  temps  modernes.  —  Qassifi- 

étaMie  par  les  Grées,  —  par  les  E^TpUens.  — 

réeeats  :  système  de  Camper;  aiysteme  de  Bln- 

b.  Distribution  géographique  des  imûllcs  hu- 

—  Eeritains  qui  nient  I  unité  de  b  née 

Desmoulins.  Bory  de  Saint-^ 

Paul  de  RémnsaL 


LamarcfcyP. 


—  La  théorie  d'une  création  multiple  ne  peut  se 
arec  le  sentiment  universel  die  b  fraternité 
;  —  ni  arec  le  but  unique  vers  lequel  tend  ITiu- 
;  —  ni  aree  le   centre  ou  flbyer  commun  d*oè 
lyoncBl  toutes  les  popubtions  historiques  et  ciTilisées  ; 

DiCnOXKAIRE   APOLOGCTIQCE.    IL 


—  ni  avec  la  simplicité  de  b  création  et  b  solidarité  des 
honmes  dans  rompre  commune  ;  —  ni  avec  les  n^oyens 
de  conservation  et  de  développement  dont  le  premier  sé- 
jour de  lliumaiiité  dut  être  pourvu;  — ni  enifai  avec 
les  traditions  des  peuples  sur  leur  point  de  départ  pri- 
miUf. 

}  III.  —  Caractères  distinctils  des  races,  couleur,  che- 
velure, configuration  du  corps;  se  résument  dans  une 
organisation  unique.  '-  Existence  du  pigmeatMm  démon- 
trée chez  les  blancs  comme  chez  les  nègres.  —  Les  che- 
veux du  nègre  ne  sont  pas  de  la  laine.  -^  Les  fonces  de 
b  tète  et  de  ses  parties  n'élablissenl  pas  entre  les  races 
une  distinction  spécifique.  —  Unité  de  re3^>è€e  humaine 
conclue  des  caractères  de  l'espèce  en  général. 

{  IV.  —  Variétés  dans  les  végétaux  et  les  aninoaux.  — 
Le  chien.  —  l.es  troupeaux. —  Le  bonit  —  Lt  chamean, 

—  Le  mouton,  etc.  —  Caractères  d'une  race  se  dévelop- 
pant dans  une  autre.  —  Famille  arabe  des  bords  du  Jour- 
dain, dans  laquelle  se  présentent  tous  les  traits  nègres. 

—  Lambert  ou  l'homme  pofc-épic.  —  Familles  i  duigts 
suniuméraires  ou  $édi^. 

]  V.  —  Identité  d*ongine  des  différentes  r^ces  tirées 
de  b  eomparalson  des  laiu;uts.  —  Faiis  prouvant  b  pos- 
sibilité d'un  changement  &  couleur  jusqu'au  noir  :  In- 
dous.  Abyssiniens,  Arabes  de  Souakio,  Foulahs.  etc.  — 
Exemple  apparent  d'une  Iransiîion  actueile.  —  ElTeis  de 
b  civilisation  :  Sellooks,  UongoU,  Gennains.  —  Iniluenon 
de  l'habitude.  —  Peimanence  des  t>pes.  —  Réponse  à 
robjeciion  tirée  du  pedicmlus  niqriuirmm.  —  Coônexîoo 
des  diflTérentcs  races;  division  en  nuances  graduées  de 
différence  dans  chacune  :  Polynésiens,  Malais,  etc. 

f  VI.  —  Comparaison  pli^siologique  des  races  hu- 
maines. —  Loi  d'adaptation.  —  Durée  moyenne  de  la 
vie.  —  Loi^évité.  —  Température  propre  du  corps.  «« 
Fréouence  do  pouls. —  Nubilité,  etc. 

§  Vil  —  Comparaison  des  races  humaines  sous  le  rap- 
port des  lacnitt's  inteilectuelles. 

S  IX.  —  Histoire  psychologique  des  nations  africaines, 
Hotteniots,  nègres,  etc. 

$  X.  —  Traits  physiologiques  concernant  les  nations 
oèsres  de  l'Afrique  occidentale. 

S  XI.  —  Priorité  des  races. 

I  XIl.  —  Educabilité  des  races.  —  Etat  sauvage.  — 
CJrconsUnces  qui  ooncoorent  au  perfectionnement  ou  à 
b  dégénération  des  races. 

§  Xlll.  —  Destinée  des  races.  —  Progrès  :  progrés 
matériel  ;  pro^p^  moral  ;  ce  qu1l  fant  en  penser. 

Baces  humâmes,  leurs  aptitudes  respectives.  V.  note 
IX,  L  I,  i  b  fin  do  vol. 

RADEGONDE  (samte). 

$  I.  —  Quand  uotaire  épontt  sainte  Badegoode,  avait- 
il  d'antres  femmes? 

§  n.  —  EUitrce  une  société  plus  polie  ou  une  sodétè 
plus  dévote  que  b  reine  Radegonde  recherchait  auprès 
,  des  dercs? 

I  ni.  —  Se  oonsacra-t-elle  à  Dieu  contre  le  gré  de  mm 
époux? 

I  lY.  —  Sainte  Radegonde.  après  s'être  couacrée  à 
Dieu,  prit  elle  b  fuite  pour  éviter  le  ressentiment  de 
Qotaire? 

I  Y.  —  Ootaîre  a-t-n  protesté  contre  b  consécration 
de  sainte  Badegoode  à  b  vie  religieuse? 

I  Yl.  —  La  vie  de  sainte  Radegonde,  à  Poitiers,  lut- 
elle  un  compromis  entre  le  monde  et  le  couvent? 

S  VU.  —  La  règle  de  sainte  Radegonde  tolérait-eUe 
certains  plaisirs  de  b  vie  mondaine? 

I  Ylil.  -^  A  quelle  époque  saint  Fortunat  derint-il 
piètre? 

I  IX.  —  Les  poésies  de  saint  Fortunat  prouvent-elles 
nue  b  paresse  et  la  gourmandise  fonnassent  le  fond  des 
monm  du  couvent  de  sainte  Radegonde? 

§  X.  —  Saint  Fortunat  s'abandonnait-il  sans  mesure 
aux  plaisirs  de  b  Uble? 

$  XL  —  L'intimité  de  saint  Fortunat  et  de  l'abbesse 
Agnès  parut-elle  suspecte? 

§  XII. — Quelle  jnrt  saint  Fortunat  a-l-ll  pu  avoir 
au  n'Mit  que  sainte  Radegonde  a  fait  de  ses  malheurs? 

$  Xlll.  —  La  cioae  du  divorce  de  sainte  Radegonde  et 
de  sa  %îc  dans  le  cloître  fht-elle  une  passion  secrète  pour 
l'nn  de  ses  parents? 

S  XIV.  —  Sainte  Radegonde  se  plb  t-eUe  dUBcaeneat 
à  ta  n'-signation  chrétienne? 

Raiicon  ou  esprit  propre;  difficultés  qu'elle  oppquatt  a 
l'établissement  du  règne  de  Jésus-Christ.  Y.  Jém^Ckritt^ 
art.  5.  S  I. 

Raison,  n'a  pu  fonder  un  culte,  même  rationnel.  Y. 
SvriMfifrafâaïf,  §  IL  —  Son  hnpuiâance  à  connatlre  nos 
destinées  et  nos  rapports  avec  Dieu.  V.  SuiiMinrtfltsme. 
$  Y.  —  ^e  peut  atteindre  par  elle-même  les  térilés  né* 

51 


16H 


TABLE  ALPHABETIQUE  ET  ANALYTIQUE. 


i6H 


•'•  .-».'.• 


cessaires  à  raocomplUsement  de  nos  destinées.  V.  Pro- 
phétie», —  N'entre  en  exercice  et  ne  se  développe  que 
par  Itenseignement.  V.  Révélalion  ffrimitive.  —  Son  ori- 
gine et  sa  nature.  Y.  PtychotogiCt  S  X  et  suivant.  —  La 
raison  dans  ses  rapports  avec  la  parole.  Y.  Psychologie, 
I  XI.  —  Impossible  sans  le  signe.  Y.  Psychologie,  §  XW. 
Raisonnement,  impossible  sans  le  signe.  Y.  Psycho- 
loaie,  I  Xir. 


lAli-MOH UN-ROY  (le  brahmane),  a-t-il  démontré  le 
monothéisme  dans  les  Yédas?  Y.  UmU  de  Dieu. 

RAOUL-ROCHETTE  Son  opinion  sur  la  tour  de  Babel. 
Y.  Hôte/. 

Rapport  du  physique  et  du  moral.  Y.  Ame,  §  IX. 

Rationalisme. 

I  I.  —  Systèmes  philosophiques  nés  des  tendances  ra- 
tionalistes et  leur  imprimant,  a  leur  tour,  une  force  et 
une  direction  nouvel  les. 

In.  —  Naturalisme. 
IIL  —  Mythisme. 
ationalisme,  ses  objections  contre  Vordre  surnaturel 
réftitées.  Y.  Swmaiuralwne. — Ses  aberrations  en  matière 
de  religion  réfutées.  Y.  Sumaturalismet  §  If.  —  Ses 
objections  contre  la  prophétie  et  le  sacrement;  réfuta- 
tion. Y.  Surnaturalisme.  f§  Y  et  YI.  —  Ses  objections 
contre  la  révélation  divine  par  la  parole.  Y.  Prophétie, 

—  Sa  théorie  sur  Torigine  ae  la  pensée  et  de  la  parole. 
Y.  Psychologie,  i  YIII. 

Rationalistes.  Fausseté  de  leur  méthode  pour  recher- 
cher l'origine  des  idées  et  des  croyances.  Y.  Acroama" 
tique. 

Régénération  dans  l'humanité  :  Pourquoi  est-ce  une 
œuvre  progressive.  Y.  So/iif,  |  II. 

Règle  de  foi. 

§  L  —  Il  n'existe  aucune  preuve  que  l'Ecriture  ait 
servi  de  règle  de  foi  au  temps  des  apAtres.  —  Dans  les 
temps  apostoliques,  la  seule  règle  de  foi  était  l'autorité 
inihulible  de  UÉglisé  enseignante.  —  Conduite  des  apô- 
tres relativement  aux  nouveaux  convertis. 

§  II.  —  La  discipline  de  l'Eglise,  ï  l'égard  de  ses  nou- 
veaux convertis,  oans  les  premiers  siècles,  démontre  la 
règle  d'autorité.  —  Témoignage  d'un  célèbre  docteur 
protestant. 

§  III.  -*  La  règle  d'autorité  démontrée  par  le  témoi- 
gnage des  premiers  Pères  de  l'Eglise. 

§  lY.  —La  méthode  suivie  par  l'Eglise  réunie  en  con- 
cile démontre  la  règle  d'aulorlié. 

§  Y.  —  Objections  contre  la  règle  de  foi  basée  sur 
l'autorité  infaillible  de  l'Efflise. 

§  YI.  —  Quel  est  le  tanleau  historique  du  christia- 
nisme d'après  le  protestantisme;  d'après  le  catholicisme. 

—  Les  temples  protestants.  —  Les  églises  de  Rome.  — 
Conclusion. 

Règnede  Jésus-Christ,  son  établissement  sur  la  terre. 
Y.  Jésus-Christ,  art.  III.  —  Diflicultés  de  cet  établisse- 
ment, ihid  ,  §§  I  et  U. 

Religieux  et  moines  ;  leur  zèle  pour  former  des  biblio- 
thèques au  moyen  âge  Y.  Sciences,  §  IIL 

Religion  naturelle. 

Religion.  Son  universalité  et  sa  perpétuité.  Y.  Surtio- 
luralistne,  §  I.  —  Sa  nature,  en  ce  qu  elle  a  d'essentiel, 
est  identique  chez  tous  les  peuples,  ihid.  —  La  vraie  ne 
peut  être  discernée;  réfutation.  Y.  5tcrfia(Kra/t»ne,| 
IV. —  Ce  que  les  sciences  positives  lui  doivent.  Y. 
Sciences,  §  I.  —  La  religion  progressait-elle  dans  l'anti- 
quité païenne?  Y.  Révélation  primitive.  —  Religion  de 
TEvangile,  ne  date-tpelle  que  de  Fénelon?  Y.  Fénelon.  — 
Religion  vengée  du  reproche  de  fanatisme.  Y.  Fanatisme. 

—  Religion  et  philosophie,  leur  rapport.  Y.  Philosophie 
panthéisU  de  msloire,  §  iV. 

Religions.  Sont-elles  le  produit  de  l'imposture?  Y. 
Surnaturalisme,  S  IL  —  Caractères  des  trois  principales 
religions,  idolâtrie,  islamisme  et  christianisme.  Y.  Sur- 
tuituralisme,  §.  lY.  >-  Facilité  du  choix,  ibid.  —  Reli- 
gions de  rinde.  Y.  Indianisme,  §§  IV  et  Y;  leur  multi- 
plicité, ibid.,  §  Y;  aboutissent  au  panthéisme,  ibid,, 
§  V. 

REMUSAT  (Paul).  Nie  l'unité  de  la  race  humaine  Y. 
Races  humaines,  %  I. 

Renaissance  dans  l'humanité. 

RENAN  (Ernest).  RéftiUtionde  sa  théorie  sur  l'origine 
tSe  la  pensée  et  de  la  parole.  Y.  PsyduUogie,  §  YIII. 

Renouvellement  continuel  des  éléments  constilutiGs  du 
icorps  humain  ;  objection  contre  la  résurrection  des  corps. 
lY-  Résurrection  lies  corps. 

Réparation.  Incarnation. 

S  L  —  La  loi  de  réparation  est  une  loi  de  justice,  d'a- 
Imour  et  de  liberté.  «^|.a  mort  comme  châtiment,  moyen 
ide  réintégration. 


f  II.  —  Application  du  côté  de  Dieu,  de  la  loi  de  ré- 
paration, au  salut  du  genre  humain.  —  La  loi  génénle 
de  U  communicabilité  de  la  vie  dans  I*baiRinKé,  nom 
aide  à  comprendre  l'incorporation  de  Dieu  à  la  natiee 
humaine.  —  Rapport  de  l'incarnation  avec  la  réhabiiiift- 
tion  humaine.  —  Prédestination. 

g  III.  —  Réfutation  de  quelques  objections. 

Réprobation  au  point  de  vue  du  bien  générai.  V.  Créé- 
tion,  I  lY. 

Réprouvés  ;  bonté  de  Dieu  k  leur  égard.  Y.  Etermié 
des  panes,  S  IL 

Respiration.  Les  organes  qui  y  servent  ont-Ils  été  les 
mêmes  dans  tous  les  âges  géologiques?  Y.  Somme, 
art.  1,1  Y. 

Résurrection  de  Jésus-Christ. 

I  1.  —  La  résurrection  de  Jésus-Christ  prouvée  par  la 
tradition  constante  et  la  foi  publique  de  l'Église, 

g  IL  —  La  résurrection  de  Jésus-Christ  prouvée  mt 
la  prédiction  qu'il  en  avait  Ciite  ;  par  le  témoignafe  des 
écrivains  sacres,  des  apôtres,  des  disciples  et  des  iutts 
eux-mêmes. 

§  III.  —  La  résurrection  de  Jésus-Christ  prouvée  par 
sa  liaison  nécessaire  avec  plusieurs  autres  fiuts  incostes- 
tables  et  inexplicables  sans  elle. 

Résurrection  du  Lazare,  de  b  fille  de  iàir^  expfio- 
tion  naturaliste  réfutée  par  Strauss.  Y.  JVafMrnltsfes. 

Résurrection  des  corps. 

Révélation  primitive. 

Révélation  des  vérités  surnaturelles.  Y.  Propi^ 
considérée  comme  l'un  des  éléments  de  l'ordre  snit- 
turel.  —  Révélation  primitive.  Y.  Salut,  |  I.  —  Réfec- 
tion primitive,  nécessaire  pour  révolution  iatellectM&e 
de  l'homme.  Y.  Psychologie,  §  YII. 

REYNAUD  (J.).  Sa  théorie  sur  Torigine  des  dermes 
mosaïques  et  dirétiens  réfutée.^ Y.  Jfaaif^tame.—RclBié 
sur  le  dogme  de  l'éternité  des  peines.  Y.  Enffr,  |  Ifl. 
—  Objectfons  contre  la  création  de  ta  lumière  suivant  la 
Genèse.  Y.  Création,  g  Y.  —  Son  opinion  sar  le  prenôer 
homme.  Y.  Psychologie  sab  init.  —  Son  opinion  sur  'l'o- 
rigine de  l'Eucharistie;   réfuution.  Y. EmekarUhe,\Vi ^ 


rigine 

—  M.  Proudlion  a  émis,  sur  l'ouvrage  de  1.  Reynaad 
intitulé  :  Cid  et  terre,  le  jugement  suivant  :  c  Toqtes 
ces  belles  phrases  mystiques  ne  sont  que  de  U  u^m- 
phéomanie.  i  Y.  Cid  et  terre. 

RHOTADE.  Fut-il  despotiquement  déposé  par  fGne- 
mar?  —Appréciations  par  M.  Guizot  réfutées.  Y.  Hiacmar, 
gg  XI  et  XII. 

RITTER.  Son  juj^ement  et  ses  appréciations  des  Imes 
indiens.  Y.  Indiamsme. 

ROROAH.  Découverte  du  nom  et  du  portrait  de  ce 
roi  de  Juda,  en  Egypte,  par  Champullion.  Y.  Fenlaieuque, 
g  IX. 

Romains.  Leurs  philosophes  admettent  sa  état  de  na- 
ture. Y.  Psychologie,  g  H. 

ROUSSEAU  (J.-J.).  Relies  paroles  sur  Jésus-Oirlst.  T. 
Jésus-Christ,  art.  1,  g  II.  —  Portrait  de  Jésos-ilinst.  V 
Mythinne,  g  X.  —  Examen  de  sa  théorie  d'un  état  de  aa- 
ttire.  Y.  Psychologie,  g  I. 

S 

Saads.  Secte  de  l'Inde.  Y.  AcroamaUquet  etc. 

Sacrement. 

g  1.  —  Le  sacrement  est  on  organisme  qni  ontient 
une  force.  —  Qu'est-ce  que  la  force?  —  Force 
dans  rhomme,  dans  les  nations,  dans  Tnnivers 

—  Force  d'expansion  et  de  concentration.  — 
naturel  et  sacrement  surnaturel. 

g  IL  —  Yocation  surnaturelle  de  l'homme:  —  Par  le 
sacrement  surnaturel  Dieu  nous  verse  ses  trésors  poar 
nous  élever  jusqu'à  sa  vie.  —  Aliment  des  corps  et  ali- 
ment de  l'âme.  —  Les  forces  oommuniqnées  à  l'âne  ont 
pour  principe  la  charité.  —  Objection  tirée  de  la  propor- 
tion entre  la  cause  et  l'effet  dans  le  sacrement  aatarel; 
réponse.  —  Prophétie  et  sacrement,  fondemeat  de  la  vie 
divine  dans  l'humanité. 

Sacrement,  essence  du  culte.  Y.  SwrmaùarsdisssÊe^  S  1. 

—  Unité  des  sacrements,  tMd.,  g  IH.  —  Réfntalioa  d'one 
objection  du  rationalisme  contre  le  sacrement.  V.  Sauna' 
turalisme,  g  Y.  —  Est  le  complément  de  notre  activiu?' 
libre,  ibid.  —  Nouvelles  considérations  sur  sa  r-*- — 
Y.  not.  XX,  t.  U,  â  la  On  du  volume. 

Sadducéens.  Nient  la  résnrrectiott  des  corps.  V. 
rection  des  corps. 

Sacrifices  anciens,  figures  de  rEocbsrisUe.  Y. 
rtilf«,  g  IL 

Sainteté. 

Sainteté.  N'est  possible  que  sous  le  régne  da 
tianisme.   Y.   l'iMlrodiicfton,  g  XL  —  Le    1 


1613 


TABLE  ALPHABETIQUE  ET  ANALYTIQUE. 


HU 


goire  Vil  emjtU-Q  k  celle  de  toas  les  pontifes  romaUis? 
rélvution  de  M.  QatoeU  V.  Grégoire  VII,  g  I  «t  11. 

SAISSET.  Admel  un  développement  dam  le  dogme 
catholique  ;  réfuiatk»  de  md  opioioo  sur  Torigine  da 
docme  de  la  Trinité.  V.  Hoomes,  f  if. 

Salles  (M.  Rus.  de)  tHc  sor  la  permanence  des  types 
dans  les  races  bomaines.  V.  tLaca  kMimdtieh,  {  V. 

SaloL 
•  II.  —  Le  christianisme  date  do  moment  de  la  chute 
originelle.  —  Dogme,  loi,  sacranent,  révélés  par  b  pa- 
role; Adam  les  possédait.  —  Tous  ses  descendants  n  ont 
pas  fidèlement  gardé  le  sgrmbole  patriarcal.  —  L'idolâtrie 
eomparée  ans  héré^es  modernes  —  La  raison  et  la  tra- 
dition perpéUiaient  les  troto  moyens  de  salut  primitiTe- 
BWtttmnés. 

{ II.  —  La  Terre-Sainte,  centre  des  grandi  empires. — 
VicissiUides  dn  peupje  élu.  —  Le  dôme,  la  loi,  le  sa- 
crement «écrits  au  Sinaî,  pais  incames  dans  le  VetiM, 
Fib  de  Bien.  —  Réponse  à  cette  objectiim  :  pourquoi 
Dieu  n*a-t-tl  travaUle  que  progremiTement  à  rccurre  de 
notre  régénérmtiont  ^  Concours  de  THomme-Dieu  dans 
cette  grude  oeuTre.  —Autre  objection  :  l'ineflicadié  du 
christttnisme  dans  le  passé  et  dans  le  présent  ;  réponse. 
—  Néccariléde  la  hitie  entre  le  bien  et  le  mal.  —  Vo- 
lupté de  Tige  patriarcal.  idoUtrie,  arianisme,  islamisme, 
protertanli«me,  etc. —  UMichision. 

SALYADOB.  Insinae  la  fraude  dans  la  conduite  des 
apôlres;  rëfuUtion.  V.  4ndfres.— Béltaution  de  sa  théorie 
sur  fe  judaôsme  et  le  christianisme.  Y.  Jmiâwm  et  duw- 
fMMme.  —  Est  panthéiste,  iWd. —RqeUe  le  surnaturel, 
tM.  —  Comment  t!  interprète  les  prophéties  sur  le 
Uessie,  tMd.  —  Comment  if  explique  ronçine  du  chris- 
tianisme, tM.—  Suppose  que  la  mort  de  Jesos-Christ  ne 
fat  Qu'apparente  ;  rénlation  :  V.  Bé$Mrreelion  de  JéstU" 
CknU.  —  Fausse  idée  qull  donne  des  institutions  mosai- 


aoes.  V.  ilcrosMafine,*etc.  —  Reconnaît  rinOoence  des 
Joib  sortes  mages.  V.  Mmadéume,  |  If.  —  Jugement  sur 
son  livre  intitulé  :  Biitoire  de*  huâmtkms  de  Moue.  V. 
Bole XIY,  t.  Il,  à  b  fin  dn  toL.  —  RéfaUlion  de  son 
i^pothèse  sor  la  conversion  et  Tapostolat  d^saint  Paul. 
V.  FmA  (joâti)  apôtre. 

SALYERTE  (M.  Eus.).  Sa  théorie  natureHe  réfatée. 
T.  Hetardutn. 

Samarie.  Yérifie  la  prophétie  de  Hichée.  Y.  J^dée. 

Samaritain  (PenUteoqoe).  Y.  Pfnfnffliçw,  {  lY. 

Sanction  du  gouTemement  divin*  Y.  Enfer,  f  11. 

Sang,  èotre  U  $tmg.  Si^ification  de  ces  mots  dans  la 
Inncoe  sainte.  Y.  EÊUàanalie,  f  1. 

SanscriL  Prouve-t-11  une  très-haute  ^ntiquilé.  Y.  In- 
ékta,  I IIL 

Satan.  Y.  Mnon.  —  âa  lutte  contre  Dieu  dans  !e  gou- 
vernement moral  des  choses  d*ici4MS.  Y.  Astronomie.  — 
Son  rôledans  le  plandirin.  Y.  Jfol.  Art  1*',!  HL  ^ 
Vaincu  par  Tincarnation.  Y.  Jfol.  Art.  I",  {  lY.  —  Y. 


Saovages.  Etat  de  barbarie,  point  de  départ  de  llio- 
■lanité,  réibution.  Y.  Fkiloêopkie  pmlkéule  de  TAis- 
foire,  1 1.  —  Sauvages  comparés  à  lliomme  civilisé.  Y. 
rmfcliloqie, II.  —  Leur camrtère  et  leur  dégradation. 
Y.FmMogie,  %  IIL  —  Nécessité  qu'ils  passent  par 
l'hérédité  pour  arriver  à  la  civilisation,  iM.  Ne  peuvent 
s'élever  (feui-niémes  è  la  civilisation,  ibid.  I YIL  — 
Sont-ils  la  vraie  origine  de  Tespêce  humaine?  Y.  Baces 
kmmamtê,  I  XII.  —  Peuvent-ils  s*élever  d'eui-mémes  à 
la  civilisation  Y  tM. 

Seeptidsme  prétendu  du  xni*  siècle  et  de  saint  Louis  ; 
réibution  de  MichcleL  Y.  Umtll,  %  I  et  soiv.  —  Scep- 
licisnK  moderne,  date-t-il  du  lur  siècle  T  V.  Louh  IX, 
f  III.  —  Scppticisnie  de  Gregoire  VII  et  de  JésuM:hriHi, 
^Huvant  M.  Hichelet;  réftiUUon.  Y.  Grémnre  ri/,(  1\ 
SCUELLING.  Sa  philosophie,  y .  Fldowpkk  de  Cob^ 
soiUt  I  II  et  Panthéttne  $  I. 

SCHLEGEL.  Débat  avec  De'lambre  au  sujet  de  Taslro- 
lie  des  Indiens.  Y.  indien»,  —  Ses  apprédations  des 
es  indiens.  Y.  iMiimâsme,  |  lY. 
Sciences  considérées  dans  leurs  rapports  avec  la  reli- 


f  L  —  Sciences  positives,  ce  oQ'elles  doivent  à  la  reli- 
^loo. — ^Leurs  progrès  et  leurs  découvertes  d*aceord  avec 
^MM  livres  saints.  —  Tontes  rendent  hommage  à  la  véra- 
cité de  Moïse. 

f  II.  —  Le  christianisme  a-t-fl  nul  an  développement 
connaissances  humaines? —  Réfutation  des  erreurs  de 
Libri.  —  Extraits  de  son  Biitoire  de»  science»  malhé^ 
\,  etc.  —  Passages  sor  le  moyen  Ige  c-n  particu- 
1  îer.  '—  Morceans  qui  semblaient  promettre  une  appré- 
«:  iniiOD  plus  juste  et  plus  généreuse.  —  Un  mot  sur  les 
KMbHotbeques  ecclésiastiques  des  premiers  siècles. 

§  m.  —  Les  éelùes  et  les  monastères  eurent  des  bi- 


btiuthèques  rassemblées  avec  ose  sollicltode  exIrêaM.— 
Ces  btbfiothèqoes  farent  soovent  très-eonsidérables  pour 
leur  temps.  —  La  formation  des  bibUothèf^ues  n'était 
pas  un  luxe  arbitraire,  mais  une  sorte  de  neeesité  qui 
permet  d'étendre  par  analogie  les  biis  positifiL  et  oui 
s'oppose,  parconséquenl,aox  oonclosions  générales qoVm 
voudrait  inférer  des  bits  nécatll^  —  Indication  de  quel- 
ques-unes des  bibliothègnes  les  pins  remarquables. 

Science.  Exige  la  foi.  Y.  Foi.  —  La  sdence  an  point 
de  vne  panUiéîstique.  Y.  PAtlMopMf  pmdk^têe  de  rAts- 
tmre,  |  Y.  —  Sdenee  acroamatiqoe  et  exotériqoe.  Y. 


Sciences  modernes.  Comment  elles  se  concilient  avec 
le  V  chap.  de  la  Genèse.  Y.  Crémkm,  |  Y. 

Sdenees  morales.  Sont-elles  du  domaine  de  la  phy- 
sique? Y.  Ame,  II. 

SCOT  ERIGENE.  Son  panUiéisme  idéaliste.  Y.  Pmi- 
tkéismef  il. 

SEDIGITI,  ou  familles  à  doigts  surnuméraires.  Y. 
BMce»  hmmmne»,  f  lY. 

Seikhs  on  Sylli.  Secte  de  Tlnde.  Y.  Aeromm 
tiqne. 

SEH.  Peuples  qui  en  descendent.  Y.  Pnfckotogie, 

Semaine.  Son  ancienneté  et  son  universalité.  Y.  Créa- 
tion, I  Y.  —  M.  J.  Rejnaud,  dté  à  ce  sujet,  veut  loi  sob- 
slituer  le  quaternaire,  ibid. 

Semblables.  K*v  a-i-il  action  qu'entre  les  senblables? 
Y.  Ame,  %  YL 

Semi-pélagianisnie  de  saint  Vilaire.  Réftitalion.  Y. 
nilmre  isaim),  §  X.  —  De  saint  Vincent  de  Lérins.  Y. 
Vincent  de  Lérm»,  §  I. 

Sensibilité.  Principe  coordonnateor  de  la  science  dans 
le  règne  animal.  \.  Homme,  art.  II. 

Sensualisme.  Son  impuissance  pour  expliquer  le  prin- 
cipe pettsmL  Y.  ilmf ,  I III. 

Séquestration  d'indhidus  bomains.  Ce  qu'elle  pronve. 
Y.  Fs9ciulogU,iX. 

Sénpéuffl!  Y.  BibUothègne  d'Atexondrie. 

Serpent.  Traditions  universelles  sur  ce  reptile  conune 
objet  d'adoration  et  d'horreur. 

SPONDRATE.  Discussion  sur  son  opinion  au  sujet  des 
enCuits  morts  sans  baptême.  Y.  Pénitence,  |  III. 

SICARD  (Le  P.).  Son  opinion  sur  l'endroit  oâ  leslsraè- 
lites  traversèrent  la  mer  Rouge  Y.  Passage  de  ta  mer 
Bonge,  8  I  et  IL 

SÎDOInE  APOLLINAIRE  (Saintl. 

Siècle  actuel.  Tableau.  V.  MgUàsme,  |  YIII. 

Signe.  Son  r5le  dans  la  eonstitntion  de  la  raison.  V 
PpscMo^,  {  XII. 

«  Siméon.  Son  cantique  prophétique.  V.  note  15,  §  YIII, 
t.  U,  è  la  fin  du  volume. 

SIMON  (Jules).  Réfute  l'opinion  qui  prétend  que  la 
Trinité  chrétienne  vient  de  Plotin,  des  platoniciens.  V 
Trinité,  {  Y. 

SIMOXDE  DE  SISMONDI. 

SISVONDI  (M.  Simonde  de).  Y.  Simonde  de  Sis- 
mondi. 

Siva.  Son  coite.  Y.  Indiamsme,  |  lY.  —  Est-il  une  des 
trois  personnes  de  b  Trinité  chrétienne?  Y.  Trinité, 

S  m. 

Société.  Qoels  sont  les  résultats  sociaux  de  la  doctrine 
de  la  pénilence  ?  Y.  Pémlence,  { lY.  —  Société  au  xix' 
siècle,  spectacle  qu'elle  présente  sans  le  christianisme. 
Y.  rincrorfn^tfon,  $  1,  II,  111  et  lY.  —  Société  nécessaire 

rmr  l'évolution  rationnelle  de  l'homme.  Y.  Psgctiotogie, 
XL  —  Société  civile,  comme  la  religion,  a  pour  base  U 
prophétie  et  le  sacrement.  Y.  Sumatnrdisme,  §  I. 

Sodniens.  Le  Qerc,  etc.,  leur  opinion  sur  la  Triollt'-  ; 
réfuUUon.  Y.  note  XXU,  { 111  et  suiv.,  t.  Il,  à  la  fin  du 
volume.  ' 

SOCRATE.  Talé  dliallucinatioo.  Y.  Uatluc'mation.  — 
Socrate  et  Noise.  Y.  Penlatenqne,  §  XI. 

Solidarité,  sa  loi  daot  rindiUdo.dans  les  fhmilles,  dans 
les  nations,  dans  l'humanité.  Y.  Péché  originet,  §  Y. 

Sorciers  suppliciés.  Lenr  foi  dans  un  CMomerce  avec  le 
démon  comparée  par  M.  Maury  à  celle  des  martyrs.  Y. 
Haf/nctHOftOR. 

Soonls-muets.  Ce  que  prouve  leur  élat  moral.  Y.  Psg- 
dtolome,  §  XIY.  —Témoignages  des  instituteon  det 
sounto-muets  français  et  étrangers,  sM.  —  Du  R.  P. 
Larordaire,  iM.  —  Y.  Béwétaùon  prumOse. 

Sphéridlé  de  la  terre.  RéfuUtion  de  H.  Letronno.  Y. 
Terre  et  CotmojrrnpMc,  §  III. 

SPINOSA.  Erreur  sur  TéUt  de  nature.  Y.  Pt^chotogtet^ 
S  II.  Son  panUiéisme  matérialiste.  V.-  Panthéisme  ^ 
^  IL 

Spiritualité  de  lame.  Preuves.  Y.  Ame,  §  1. 


«615 


TABLE  ÂEJPHABËTIQUE  ET  ANALYTIQUE. 


161^ 


SponUaéiU.  On  lai  aUribae  à  tort  le  développement 
iuiellectuel  de  Thomme.  V.  Révéltuion  primitive,  reut-on 
lui  attribuer  roriirine  de  la  pensée  et  de  la  parole?  V, 
Psffckotogie,  §  VIII. 

STRAUSS.  Réfuiu  sur  les  anges  V.  Anges.  —  Réfuta- 
tiou  de  sa  théorie  du  mythe.  Y.  MyUiittne,  §  H  et  suiv. 

—  Réfuté  par  M.  Quinet,  ibid,,  §  111.  —  Réfutation  de  ses 
objections  contre  Vévangéliste  saint  Luc.  V.  Luc  (MtnX), 
^  Réfuté  sur  les  miracles.  Y.  Miracles^  1 1.  —  Réfute  les 
iolerprétatioos  naturalistes  des  faits  évangéliques.  V. 
Naturalistes,  Tentaliçn  de  JésuS'-Christ  eiJNaissance  de 
Jésus-Christ,  §  1.  —  Réfute  la  théorie  de  l'hallucination 
i^mme  explication  de  la  vision  de  Zacharie,  père  de 
saint  Jean-Baptiste.  Y.  HalUu^nation,  %  111.  —  Réfuté  sur 
Texplication  qu'il  donne  de  la  tentation  de  Jésus-Christ. 

—  Y.  Tentation  de  Jésus-Christ,  %  II.  —  RéfuUtion  de 
ses  attaques  contre  Tauthenticité  de  TËvangile  de  saint 
Jean.  Y.  Jean  (saint).  —  Ce  qu'il  objecte  sur  la  con- 
duite de  Jésus-<Uirist  avant  le  crucifiement.  Y.  Jean 
{saint),  §  II.  —  Réfuté  sur  saint  Paul.  Y.  Paul  [saint), 
apùtre,  —•  Caractère  du  li\Te  de  Strauss,  Vie  de  Jésus. 
V.  note  11»  à  la  tin  du  t.  il.  —  Réfute  rexplication  natu- 
raliste du  récit  de  saint  Matthieu  sur  rétoile  et  la  venue 
des  mages  k  Bethléem.  Y.  Naissance  de  Jésus^hrist,  § 
L  —  Réfutation  de  sa  propre  interprétation  du  même 
récit,  iind. 

SI] AREZ.  Son  opinion  sqr  le  renouvellement  des  cieux 
et  de  la  terre.  Y.  Cieux  nouveaux. 

Suprématie  do  Pape.  Y.  Pape.  —  Suprématie  de  TE- 
glise  romaine.  A-t-elle  été  méconnue  par  Yincent  de 
Lérins?  Errear  de  M.  Ampère  réfutée.  Y.  Vincent  de 
I^ins.  —  Est-ce  par  antiapalion  oue  saint  Prosper  ce- 
lébra,  au  v'  siècle,  la  suprématie  de  Rome?  Erreurs  de 
M.  Ampère  réfutées.  Y.  rrospet  (saint). 

Surnaturalisme  ou  ordre  surnaturel. 

(I.  —  L'humanité  religieuse  est  un  fait  universel  et 
peroétuel.  —  Isolement  et  impuissance  de  Fincrédulité. 

—  Prophétie  et  sacrement,  essence  .de  tout  culte  ;  —  ont 
résisté  à  l'épreuve  de  la  publicité;  — base  de  la  religion, 
ils  le  sont  aussi  de  la  société  civile. 

$  II.  —  La  raison,  impuissante  pour  fonder  un  culte 
même  rationnel,  n'a  pu  créer  une  forme  religieuse  dont 
elle  n*a  ni  la  conscience  ni  l'intelligence.  —  Le  rationa- 
lisme suppose  une  aberration  universelle  qui  cependant 
n'aurait  aucune  racine  dans  la  constitution  de  l'homme. 

—  Nouvelle  contradiction  du  rationalisme.  —  L'humanité 
a-t-elle  été  victime  d'imposleun? 

f  III.  —  Objection  :  L'universalité  et  la  perpétuité  de 
la  prophétie  et  du  sacrement  ne  sont  qu'apparentes; 
point  d  unité.  —  Réponse  :  Si  la  liberté  humaine  a  rompu 
l'nnilé  dans  la  religion,  elle  n'a  pas  davantage  respecté  la 
nature  et  larais(m.— Le  scepticisme  nie  l'unité  rationnelle 
comme  l'unité  surnaturelle;  mais  il  déflffure,il  ne  sanrait 
détruire.  —  Unité  des  prophéties,  uniUi  des  sacrements. 

—  La  nature  a  résisté  aux  mutilations,  la  raison  aux  sysr 
tèmes,  la  religion  à  Tincroyance. 

S  IV.  —  Objection  :  Si  parmi  tous  les  coites  il  en  est 
un  qui  soit  vrai,  il  est  impossible  de  le  discerner.  —  Ré- 
ponse :  Toutes  les  religions  se  ramènent  à  trois:  l'idotâ- 
irie,  le  christianisme  et  le  mahométisme  ;  —  nature  et 
différence  de  ces  trois  cultes; — facilité  du  choix  ;  comme 
tout  homme  a  sa  physionomie  qui  le  fait  connaître,  ainsi 
en  est-il  d'une  religion^  —  misère  et  immoralité  de  Tido- 
lâtrie;  profonde  infirmité  de  l'islamisme. —  IncaoiBcité 
Ipgique  de  ces  deux  cultes.  —  La  vraie  religion  ;  tableau 
du  ctiristianisme. 

§  Y.  —  Objection  :  Le  surnaturalisme  introduit  dans  le 

1>lan  de  la  création  des  ressorts  arbitraires  et  superflus, 
a  prophétie  et  le  sacrement.  —  Réponse  :  La  prophétie, 
premier  élément  de  l'ordre  surnaturel,  est  le  complément 
de  notre  lumière  naturelle.  —  Hardiesse  des  investiga- 
tions du  genre  humain  dans  l'ordre  des  phénomènes  du 
monde  physique.  —  L'homme  s'élevant  a  la  notion  de 
l'infini.  —  Obscurités  de  la  raison  et  impuissance  de  la 
sagesse  humaine  pour  connaître  nos  destinées,  nos  rap- 
ports avec  Dieu,  etc. 

§  YI.  —  Objection  :  Le  sacrement  introduit  an  ressort 
arbitraire  et  superflu  dans  le  plan  de  la  création.  —  Ré- 
ponse :  Le  sacrement,  deuxième  élément  de  l'ordre  sur- 
naturel, est  le  complément  de  notre  activité  libre.  — 
L'activité  c'est  la  vie,  mais  l'activité  qui  ne  produit  point 
en  nous  la  vie  mAme  de  Dieu,  est  néant.  —  Impuissance 
de  nos  forces  naturelles  pour  nous  faire  vivre  d'une  vie 
divine.  —  Amour  surnaturel  puisé  dans  le  sacrement. 

Surnaturel.  Distingué  du  naturel.  Y.  Révélation  prt- 
vttUve. 

Substance.  Dieu  devait-il  se  manifester  par  sa  sub- 
stance? V.  Jésus  Christ,  art.  II,  §  T.  —  Substance  spiri- 
tueUe  et  substance  matérielle  comparées    Y.    ^me, 


§  Y.  —  Peut-on,  sans  le  ^igne.  dégager  le  mode  de  la 
substance?  Y.  Pstfchologie,^ XII. 

Symbole  ptriarcal.  Y.  Salut,  il.—  Symhple  écrits 
Sirmt,  ibid,  |  II.  —  Symbole  incarné'd-ns  le  Yerbe,  iM^ 

Symbolisme.  Ses  impossibilités.  V.  PhUosaMe  m- 
théiste  de  rhtstohre,  §  lY ,  et  UuUiisme. 

Syrie.  Désolation  de  cette  contrée  prédite  par  lespn- 
pbètes.  Y.  Judée. 

Système  philosophique  de  P.  Leroux.  Y.  trogrès  na- 
titm.  —  Aboutit  au  panthéisme,  Und.  —  Systèmes  andes 
sur  l'origine  des  êtres  or{,*miséa.  Y.  Bomme^  art  U.  - 
Systèmes  organisés  pour  expliquer  le  monde.  T.  Ifoii^. 
—  Système  de  la  pbilosophie  allemande.  T.  Ph^Jmuàk 
de  rabsolu. 


TAQTE.  Ce  qu'il  dit  des  Chrétiens.  Y.  Myihism,  1 L 

—  Son  opinion  sur  le  culte  héitraïque  Y.  Corporéitééê 
Dieu. 

Télescope.  Coounent  l'ai^menl  qu'il  fournit  à  llan^ 
Ouïe  contre  la  rédemption  est  réfute  par  le  microscope. 
Y.  Âstrononàe. 

Témoignages  des  poêles,  des  philosophes,  etc.,  eo  &- 
veur  du  dogme  de  l'enfer.  Y.  Enfer,  §  1. 

Température  propre  du  corps  humain.  Y. 
nwines,  §  YI. 

Temple  de  Jérusalem. 

Temples  protesUnts  Y.  Règle  de  foi,  §  YI. 

Temps.  V.  Création,  §  II. 

Ténia.  Belles  découvertes  de  H.  Van  Bénedeo. 
quences.  Y.  Génération  spontanée,  §  II.  « 

Tentation  de  Jésus-Christ. 

§1.  —  La  tentation  ne  peut  être  ni  expliquée  confie 
un  événement  naturel,  interne  ou  externe,  ni  coosidérée 
comme  une  parabole. 

g  11.  —  L'histoire  de  la  tentation  ne  peut  être  consàiê' 
rée  comme  un  mythe. 

Tcnuiion  d'Adam.  Y.  Epreuve  et  Péché  origind. 

Terre.  Sa  sphéricité  et  son  mouvement. 

Terre-Sainte.  Centre  des  grands  empires  dans  laoti- 
quité.  Conséquences.  \.\Salut,  g  II. 

Terre  nouvelle.  Y.  Cieux  nouveaux. 

Terre.  Sa  petitesse  comparée  k  l'univers.  Objection  ti- 
rée de  cette  petitesse  contre  le  dogme  de  U  réâempUon. 
Y.  Astronomie, 

T£RTULLIEN.  A-t-il  platonisé  au  sujet  de  la  Trinité  1 
Y.  note  22,  $$  VI,  X  et  Xil,  t.  Il,  i  la  tin  du  volume.  - 
Belles  considériilions  ou'il  fait  sur  la  résurrection  d  *> 
corps.  V.  Résurrection  des  corps. 

Testament  (Ancien).  Passages  appliqués  aux  teDo» 
messianiques.  Kéfutation  de  Strauss.  Y.  Mgtkisme^  {  t. 

—  Son  interprétation  mythique.  Y.  note  15,  L  II,  ii  la  fia 
du  volume. 

Tête.  Ses  formes  établissent-elles  une  distinction  ipr- 
cifique  entre  les  races?  Y.  Races  Immainêë,  fin. 

'Tétragramnie.  Etait,  avec  la  formule  idèele,  te  bf& 
entre  la  science  acroamatique  et  la  science  esoiénf^s 
chez  les  Hébreux.  Y.  Acroamatique. 

Théodicée  humanitaire. 

Théologie.  Ce  qu'en  dit  J.  Renaud  dans  VEMCffciepé- 
die  muvetle,  fourmille  d'erreurs.  Y.  Progrès  cmtnm.  — 
Théologie  de  Moïse,  comparéeavec  la  philosophiegrecqoe. 
Y.  PefOateuqne,  g  XL 

Théologiens  protestants.  Opinion  sur  les  possessions. 
Y.  Possession  g  III 

THEOPHILE,  é'vêque  d'Alexandrie.  V.  INIrfiolJirqw 
d^Alexandrie. 

Théorie  mythique  appliquée  à  Jésus-Chriil.  Y.  Mm- 
thisme,  g  U. 

THEIjTEBERGE,  femme  de  Lotbaire  IL  Divorce  V 
}Iincmar,i  lY. 

THIERRY  (Aug,).  RéfuUtion  de  ses  erreurs  histfir^ 
quessur  sainte  Radegonde,  Fortunat,  etc.  Y.  Radegmdc. 

THOMAS  D'AQUlN.  Son  opinion  sur  l'origioe  de^ 
idées.  Y.  PfMchologie,  §  Yli. 

TIEDMANn.  Sa  manière  rationnelle  de  comparer  te 
crâne  du  nègre  à  celui  du  blanc.  Y.  Races  Anwnnwt,  g  I 

TIMEE  DE  LOCRES.  Son  panthéisme  idéaliste.  > 
PantliéismeJk  I. 

TONANCE  FERREOL.  Erreur  de  H.  Gufa»t  à  son  ss- 
jet.  Y.  Aristocratie  goûo-romatne.  g  Ul. 

Tradition.  Comment  Tentend  P.  Leroux.  V  Profr 
continu.  ~  Traditions  sur  l'Eudiaristic.  Y.  tsickerutÊiA 
m.  —  Tradition  ou  science  secrète  et  acroamatique  cv' 
les  Israélites.  Y,  Acroamatique.  —Traditions  w  I«  ^ 
loge.  Y.  Muge,  g  IL  —  Traditions  bibliques  chei  te* 
nègres  africains.  Y.  Races  hunudnes,  g  IX. 
.  TraAsformalious  embryologiques.   Y.  Emtpfifo^" 


!r.i7 


TAMJ:  ALMIABETIQUE  ET  ANALYTIQUE^ 


f6lS 


TninsTonnaUoot  gndiieUes  des  ctpèees.  RéfiiUtSoa.  Y. 
Hoihme,  art.  1. 

Trausmixnilioo  des  âmes.  RéftiUtioo  de  celle  opinion. 
V.  Enfer,  i  ni 
•  Trjiismissioa  de  U  chule  primlUve.  Y.  Fécké  anamd^ 

MH 
Trimourli.  Est-elle  t'origioe  de  la  Trinité  chrâUenne? 

V.  Tr'misé,  |  ». 

Trtnilé. 

f^  |.  —  la  Trinité  chrétienne  vienirelle  do  paganisme 
orienlai  f 

S  11  ^  U  Trinité  de  rSTangile  fient-elle  de  la  Tri- 
mouni  brahmaniquét 

§  m.  —  Br^hma,  Yichnou,  Sira  sool-ils  les  Ifois  per- 
sonnes divines  de  la  Trinité  callioliqne  ? 

$  IV.  ~  La  Trinité  chrétienne  rient-elle  de  Plalon  7 

^  V.  —  La  Trinilé  vient-elle  d«t  Plolin,  des  platoni- 
ciens, clc.  ?* 

Trinius.  Opinion  de  M.  Saisseï  sor  son  origine.  Réfo- 
ution.  V.  Uogmn,  S  II.  —  Vient-elle  de  la  Chine?  V. 
TrimU.  §  I.— De  r£gypl« ^  ÎM.—  Ue  rindef  iM.,  fi  II 
Cl  lli.— DesplalonidensT  iHd.,  B IV  et  Y.—Y.  Vmfde 
tneu.  —  La  Trinité  de  Plalon  est  une  înTenlion  des  nou- 
\ezu%  platonicieits  inconnue  aui  anciens^  Y.  note  XXII, 
î  V,  L  II,  à  la  lin  du  volume. 

TYCHO-BRAHK.  Accusation  absurde  bile  aui  tkéolo- 
gîpos  fJe  Rome  k  son  sujet,  par  H.  Letroone.  V.  Terre, 

Type  de  iésos-ChrisL  N'e liste  pas  dans  la  nation  juive. 
Y.  Jégaê-Ckrîu,  né  irnl.  —  T^rpes  dans  les  races.  Sont- 
ils  permanents?  V.  Racet  /nmutnet, }  Y. 

TYPHON.  Le  même  que  fulan.  Y.  Démm,  B I  et  II. 

Tyr.  Accomplissemenl  des  prophéties  d*£xâhiel  oon- 
cemanl  celte  ville.  Y.  PropkéUe»,  f  III. 

u 

Union  de  Tâme  et  du  corps.  Réponse  anx  objections. 
Y.  Ame,  B  VI  et  IX.  —  Systèmes  divers  imaginés  pour 
l'expliquer.  Y.  Ame,  §  IX. 

Iniit^  de  Dieu. 

Loilé  de  ooraBosition.  Examen  critk|iie  et  réiotadoo 
de  ce  s^-sitee.  V.  HtmoHe,  art.  IL  —  Dnité  desobslanee 
dans  la  ihéodicée  humanitaire,  Y.  Théodicée  Immam* 
taire.  —  Point  d'unité  entre  les  religions.  Objection  ré- 
fulc-e.  Y.  SiiniafnralîsiNC,  {  III.  ^  Cnilé  de  prophétie, 
i&id.  ~  Unité  de  sacrement,  ikHd.  —  Unité  doctrinale  et 
organique  do  catholicisme.  Principe  de  son  universalité. 
V.  CaàolklU. 

UoiTers.  Son  immensité.  Y.  Asfronomie.  —  Grave  ob- 
jection réfutée,  iMd. 

Universalité  do  déluge.  Est-elle  soolenable?  Y.  Mw^e 
et  Ddtle  1.  à  b  fin  du  Xool  I. — Universalité  de  la  croyance 
au  doeroe  de  l'enfer.  Y  Aifer,  { I  et  note  II,  à  la  fin  du 
t.  I.  —  UniverBlIlé  de  la  croyance  au  dogme  de  la  création. 
V.  CriatàiM.  —  Universalité  de  la  religion  catholique.  A 
Mivrooolé  les  trois  obstacles  que  Dieu  oppose  à  nos  en- 
vahissements politiques  et  religieni.  V.  CalhoUcUé.  - 
Ësi-elle  compatible  avec  Tamour  de  la  patrie?  ÎM. 

V 

VACHEROT.  Réfutation  de  rinterpréUtlonqq'il  donne 
Jd  premier  chapitre  de  U  GeHhe.  Y.  Créutkm^  §  Yl. 

V ALDRADE,  femme  de  Lothaire  II.  Y.  imamr^  f 
IV. 

Valeur  des  opinions  des  docteurs  et  des  saints  qui 
D'apparUennent  point  à  b  foi.  Y.  Cœmographie,  %  Ai, 
s«». /fn. 

VAN  DALE.  RéfuUUon  de  son  opinion  sor  l'origine 
des  oracles  païens.  Y.  Démtm^  {  lY. 

Variantes  dans  le  texte  des  Evangiles.  Y.  BvmgUa, 
|IV. 

Variétés  dans  les  animaux  et  dans  les  vitaux.  Y. 
Rates  Awnaâws,  S  i Y. 

VedanU.  Renferme  le  panthéisme  idéaliste.  Y.  Pon- 
théiMme,  $  L 

Vêdas.  V.  Pflifalaifae,!  L— Nombre  des  Yèdas  et  leur 
jiulheniicilé.  Y.  /ndimitfiiif,  i  I.  —  Interpolés,  ibid.  — 
On  ne  peut  assigner  l'époque  ni  de  leur  origine  ni  de  leur 
rolleclioo,  iMd.  —  Proclament-ils  on  Dieu  upique?  Y. 
Unité  de  Dieu. 

Végéuox  nécessaires  aux  premiers  hommes.  Y.  Fs§- 
ekcioqie,  |  Y. 

VM.LA,  médedn  italien,  confirme  les  déeoovertes  de 
M.  Van  Reneden  contre  b  génération  spontanée.  V.  Gé- 
nération ipankuiée  [appendice). 

Vent  A-t-il  suffi  ponr  sécher  b  terre  lors  du  déluge? 
V.  Vélmt.  I  IL 

Véracité  du  Pentateoque.  Y.  PaïUdenfie,  B  Yltl  et 
saiv.  —  Véracité  des  prophéties,  confirmée  par  les  dé< 
couvertes  des  voyageurs  moderne^.  Y  PropMicêt  §  IH» 


~  Véracité  des  EvangHet.  Y.  Ewngite,  %  Y 
Est-il  un  lèrver,  un  IttnoTer,  le  hom,  etc.  \. 


et  Jndéf .  — 

Verbe 
Muzdéiune,  S  IL 

Vérités  surnaturelles.  Leur  révélatioD.  V.  Proptiélie, 

Vers  inlestinanx.  Belle  découverte  de  M,  Van  RÎeoedeti 
*  et  réfutation  de  b  génération  spontanée.  V.  GénértUhn 
ipcntaaée,  §  II. 

Versions  comparées  do  Pentateoque.  Y.  PttdaUmme, 
%  VII. 

Vertu.  Test  possible  qo'k  b  condition  du  mal.  Y.  Jlnl, 
art.  V\  %  III. 

VICHNOU  et  ses  inramaUons.  V,  Indianisme,  (  IV.  — 
Est-il  une  des  trois  personnes  de  U  Trinilé  cbrétieciieT  Y*. 
TrimU,  1  m. 

VICTOR  (saint).  Pape. 

1 1.  —  Kuil-il  moDlaniste? 

fil.  —  Dans  les  Jébats  sur  b  Pique,  au  temp^t  de  sa^nt 
Irénée,  Victor  préiendait-U  imposer  son  opiuiou  parlicu- 
Mrre? 

§  III.  ^  I.e  Pape  Victor,  dans  le  débat  sur  b  Pâque, 
exroramonb-t-il  ses  propres  partisans? 

{IV.  —  Les  évéques  s o|>posèreot- ils  à  larrél  de  saint 
Victi>r  comme  à  an  emptéiemeot  sur  leur  indépen- 
dance? 

Vie  intérieure.  V.  Enctoislte,  |  II.  —  Vie  intime  de 
Jésus-Christ.  V.  Jésus-Christ,  art.  I".  —  Me  diviue  en 
nous,  impossible  sans  le  sacrement.  V.  Surmturutisme,  1 
VI.  —  Vie  divine,  ses  fbndements  dans  lliumanilé.  V. 


Vie.  Sa  dorée  movenne  chei  les  divers  peuples  Y. 
Baees  kumahies,  %  Vf. 

Vierge.  Doit  donner  le  jour  an  Meeîe.  Y.  note  XVJ| 
III,  à  b  An  du  L  II.  —  La  sainte  Vierge,  son  cantique.  V. 
iMie  i5,  S  VIII,  Il  b  fin  du  II*  volume. 

Vierges.  L'Eglise  primitive  les  attirait-elle  parb  vanité 
au  cél£at?  V.  Céiibat,  |  IV. 

Vin.  Yen  avait-il  cfaei  les  égyptiens?  Difficulté  résolue. 
Y.  JroRMMms  cim^mmd  Us  réciu  de  In  BiUe^  S  YUL 

VINCENT  DE  LERiNS  (sainl). 
L  —  Safait  Vincent  a-t-il  été  semi-pélagien? 
II.  _  Saint  Vincent  a-t  il  attaqué  saint  Augnstfai? 

^  III.  —  Saint  Vincent  n'a-l-II  reconnu  aucune  snpiénue 
lie"  dans  l'Eglise  romaine? 

YIRET.  Nie  l'ouité  des  races  bomalnet.  Y.  Bnces  ksh 

VIRGILE,  évêque  de  Saltiboorg.  Omiment  enlend-tHl 
b  quesiioa  des  antipodes?  V.  Antipodes  et  PmiaftMie* 

§11- 
Virgillstes.  RéfoUtioo  de  M.  Libri  au  sujet  de  b  per 

sccution  qu'ib  auraienl  endurée.  Y.  Sciences,  §  II. 

Visicm  lie  Remold.  Conmient  interprétée  par  H.  Am- 
père. V.  B'manar,  8  I-  —  Yision  de  Zacharie,  p^re  de 
sjint  Jean-RapUste;  peut-elle  s'expliquer  par  rhalliidna- 
lion?  V.  HaUudnatkm,  §  III. 

Vbionnaire.  Saint  Paul  éUlMI  un  visionnaire?  Réfuta- 
tion. Y.  Paul  ismnt)  opélre.— Les  apôtres  éuient-ib  des 
visionnaires?  Y.  Apôtres. 

Vocalk»   somatnrelle  de  l'homme.  Y.  Sacremenl . 

IIL 
VOIGT.  RéfuUUon  de  ses  erreurs  sur  Grégoire  VIL 

Y.  Grégoire  Vil. 

Voix  mystérieuses,  dans  l*halluclnalion.  Y.  Hailucma- 
tion,  il.  —  Vois  prophétiques,  îMd.,  1  IL 

VOLNET.  Cité  sur  b  désobtion  de  la  Judée  actuelle 
et  sur  Taceompli vement  des  prophéties  concernant  cette 
contrée.  Y.  Judée.  —  Sor  les  ruines  de  Tyr.  Y.  Prophé- 
ties, (  III.  —  S'accorde  avec  les  prophètes  sor  l'eut  dé- 
solé de  rEnrpte,  iWd..  i  III.  ,     ^ , 

VOLTAIRE.  Qtésur  le  dogme  de  l'enfer.  Y.  Ei^er,  §  L 
~  Cité  sur  reiistence  de  Saun.  V.  Démon. 

Voyages.  Tableau  des  voyages  de  saint  PanL  Y.  Pnai 
(snnf  )  apôtre. 

Voyageurs  modernes.  Leurs  déeosvertet  confirment 
les  nophéUes  de  rAnricn  TesUmeat.  Y.  Prophètes, 
S III. 


ZACHARIE,  père  de  saint  Jean-Rapliste.  Sa  vbion 
peut-elle  élreespliqnée  par  b  théorie  de  l'halludnation? 
V.  BaUncimdon,  I  IIL  --  Son  cantique  prophétique.  Y. 
note  15,  IVIII,  à  b  fin  du  L  II.  ^       ,  , 

ZACHARIE  (le  Pape).  Dans  quel  leas  U  aoondamne  les 
antipodes.  V.  Antipodes. 

Zend-AvesU.  Y.  Pentideuifue,  |  L  —  Obseunté  et  in- 
certitude, ihid,  §  IL 

Zodiaques  égyptiens.  Y.  Scienca.th  et  PenUtteuque, 
{ IX.  -- Zodiaques  de  Dendenh  et  d'Esoeh,  examen  cri- 
tique. V.  Eg^iens,  §  UI. 


I 

L 


f6l9 


TAOLË  ALPiUBLTIQUE  ET  ANALYTIQUE. 


m 


ZOBOASTRE  O  «iii'll  Citit  penser  de  ton  aniiquilé  et      dihslbnfame ;  rvftiUlkm  de  J.  ReynMid.  T.  ira:rfifiinv  ci 
de  rinflueoce  de  tes  dutlrittes  sur  le  diosû^nie  et  le      PenialeMiMt  î  I. 

NOTES   ADDITIONNELLES  DU   SECOND  VOLUME. 


Note  X  (art.  Mai.,  art.  I,  J  f)  :  Portrait  de  Bayle. 

Note  XI  (art.  Mythiuib,  |  U)  :  Caractère  du  livre  de 
Strauss. 

Note  Xlf  (art.  MrniisiiK,  {  IX)  :  Originalité  de  l'Evan- 
gile, (faprès  toepli  de  Maislre. 

Note  tf  I  bi$  (art.  Passage  de  la  me»  Rouoc,  {  VI). 

Note  XIII  (art.  Pektatsuol-b,  {  Yl)  :  Sur  l'interpréla- 
tioo  mytliique  de  TAncien  Testament. 

Note  XlV  (art.  1*n!«TATsrouK,  |  X)  :  Sur  quelques  ou- 
rrases  retatib  à  la  li^gislalion  iiiofiaique. 

|$»te  XY  (arr.  Pbophictibs,  }  il)  :  Propliéties  de  l*An- 
den  Testament  qui  annoncent  la  venue  du  Messie. 

1 1.  —  Propliêties  dans  le  livre  de  la  Genèse  concer- 
nant le  Messie. 

§  II.  —  ProphiUie  de  Balaaro  —  Le  Messie  sortira  de 
la  famille  de  David.  —  Les  deux  généalogies  de  Jésus- 
Christ. 

H  Ul.  —  Le  Messie  naîtra  d*une  vierge. 

i  IV.  —  l.c  Messie  naîtra  ï  Bethléem. 

S  V.  ~  Prophéties  sur  la  réprobation  des  Jaib  et  la 
cm  version  des  gentils. 

S  VI.  -^  Propliêties  sur  la  personne  même  du  Messie* 
sur  tes  circouslances  de  sa  vie,  sur  ses  aetioos,  etc. 


I  Vil.  —  Prophéties  de  Daniel  ;  leur  adminale  prêfi- 
sioii. 
S  Yllf .  —  Naissance  ou  Messie.  —  Canllqnes  prauirti. 

?ues  de  Zacharie,  de  Siméoa  et  de  la  ninie  \\tm  - 
"aroles  d'Elisabeth  et  de  Jean-BapUsIe.  —  Dénieras  n- 
flexIoiM. 

Noie  XVI  (art  Possessioics,  |  11)  :  Des  ponesionspi 
des  médecins  physiologistes. 

Note  XVII  (art.  PsvcaoLOCK,i  Ylll)  :  De  l'origioe  mkh 
ni;ito|iéique  du  langage. 

Note  XVIU  (an  Hacbs  mmau»,  $  iD)  ;  Hiitnnde b 
peau. 

Note  XIX  (art.  Races  wnAiiaBs,  $  Xlll)  :  Apliltidesff. 
8peciive<«  des  races. 

Note  XX  (art.  SAcnBmirr,  {  II)  :.  Nouvelles  eoesidén- 
tiens  sur  la  nature  do  sacrement. 

Note  XXI  (art  Tbktatioh  bs  Jéscs-Cntml'.Ubiib- 
lion  de  Jésiis-i  Jirlst  d'après  le  docteur  Sc^p,  cétèbre 
orateur  de  l'assemblée  de  Francfort. 

Note  XXII  (art  Tntuné,  |  V]  :  Les  aadeos?^(^ 
l*Egii8e  ont-ils  pensé  ou  parlé  du  austère  de  bTiWcJ 
la  manière  des  platoniciens?! 


FLN. 


Imprimerie  MIGNE,  au  Peiit-Moiiif^uef 


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