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'*m.
■1,
JOHN M. KELLY LIBDADY
Donated by
The Redemptorists of
the Toronto Province
from the Library Collection of
Holy Redeemer Collège, Windsor
University of
St. Michael's Collège, Toronto
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V DciSrl-»«,
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PREMIERE
ENCYCLOPEDIE
THÉOLOGIQUE, "''
ou PREMIÈRE
SÉRIE DE OIGTIONNÂIRES SUR TOUTES LES PARTIES DE L& SCIENCE RELIGIEUSE
OFFMAMT EN rSAHÇA», BT PAS ORDKB ALPHABÉTIQUE,
LA PLUS CLAIUK, LA PLUS FACILE, LA PLUS COMMODE, LA PLUS VARIÉE
ET LA PLUS COMPLÈTE DES THÉOLOGIES.
CES DICTIONNAIRES SONT, POUR LA PREMIÈRE SÉRIE, CEUX :
m'kcKITIIHK SAI.NTK, — liE l'IllI.Ol.OGlE SACRÉK, — BE LITURGIE, — l(E DROIT CANON, —
IIKS lIÉKÉSfES, liKS SCIIISMIS, DES LIVRES JANSÉNISTES, DES PROPOSITIONS ET DES LIVRES CONDAMNÉS,
— DES CONCILES, — DES CÉliÉHOMES ET DES RITES, —
DES CAS DE CONSCIENCE, — DES ORDRES RELIGIEUX (lIOMMES ET EEMMES), — DES DIVERSES RELIGIONS, —
DE GltOGRAPIIIE SACRÉE ET ECCLÉSIASTIQUE, — DE THÉOLOGIE DOGMATIQUE, CANONIQUE,
LITURGIQUE ET POLÉMIQUE, — DE T1IÉOI,0(;IE MORALE ET MÏSTIQUE,
— DE JURISPRUDENCE CIVILE-ECCLÉSIASTIQUE,
— DES PASSIONS, DES VERTUS ET DES VICES, — d'iIAGiOGRAPIIIE, — DES PÈLERINAGES RELIGIEUX, —
d'astronomie, de PHYSIQUE ET DE MÉTÉOROLOGIE RELIGIEUSES, —
D'l<:UI>IOGnAPIIIE CHRÉTIENNE, — DE CHIMIE ET DE MINÉRALOGIE RELIGIEUSES, — DE DIPLOMATIQUE CHRÉTIENNE, -
DES SCIENCES OCCULTES, — DE CÉOLOIME ET DE CHRONOLOGIE CHRÉTIENNES:
Publication tans luquelle on ne saurait parler, lire et écrire uiilement, n'importe dam quelle situation delà vie:
PUBLIÉE
PAU M. L'ABBÉ MIGNP,
ÉDITEUB DE LA BIBLIOTHt'^UE IJNIVEBSRtL.E DU CLERGÉ
ou
DES COURS COmPI.STa sur chaque branche de la science ECCLÉSIASTIQUE.
PPIX : 6 FB. LE VOL. POUR LE SOUSCRIPTEUR A LA COLLECTION ENTIÈRE, OU A 50 VOLUMES CHOISIS DANS LES TROIS
Encyclopédies; 7 fr. et même 8 fr. pour le souscripteur a tel ou tel dictionnaire particulier.
52 YOLIMES, PRIX : 312 FRANCS.
TOME QUARANTE-HUITIÈl
ATARI
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
rOME PREMIER.
2 VOL., PRIX : 16 FRANCS.
S'IMPRIME ET SE VEND CHEZ J.-P. MIGNE, EDITEUR,
AUX ATELIERS CATHOLIQUES, RUE D'AMBOISE, 20, AU PETIT-MONTROUGE,
AUTREFOIS BARRIÈRE D'ENFER DE PARIS, MAINTENANT DANS PARIS.
1861
^
DICTIONNAIRE
DKS
SCIENCES OCCULTES
SAVOIR,
DE : AltllOMAXCIE, AI.CIIIMIE, ALECTIIVOMANXIE, ALEL'ROMANCIF.,
ALFRIDARIE, AL0MA^(■.1E, ALOPÉCIE, ALPIIITOMANCIE, AMMO-
NA.NCIE, A.NTlinOPOMANCIE, APAMOMANClEjARlTIlMANCIE, ARMOMANClE.AfPlDO-
MA.NClK, ASTI1AGAL0MA^CIE, BASCANIE, BÉL0MA>C1E, BIBLIOMANCIE, ROTA-
NOMAMCIE, BOUSANTIIRDPIE, BRIZOMANCIE, CABALOMANCIE, CAPNOMANCIE, CARTOMANCIE,
CATOPTROMA.NCIE, CAl'SIMANClE, CÉPIIALO.NOMANCIE, CÉRAll^O^COPlE, CÉROMANCIE,
CHlftl.lE, CHIROMANCIE, CLÉDONISMaNCIE, CLÉIDOMANCIE, CLÉROMAiNCIE, COSQUINOMANCIE, CRIS'IA-
LOMANCIE, CRlTOMAiNCIE, CRdMNlOMANCIE , CUBOMANCIE , CÏNANTUROPIE , BACTÏLOUANCIE,
BAPhPiOMA.NClE, DKM. KOCRATIE, BÉMONOGRAPIIIE, DÉMONOMANCIE, ENGASTBIMISME, FANTASMAGORIE, FATA-
LISME, GASTBOMANCIE, GÉLOSCOPIE, GÉJIATRIE, GÉOMANCIE, GÏROMANCIE, IIÉPATOSCOPIE, IIIPPOHANCIK,
UVURdHANCIË, ICIITIIÏOMANCIE, ILLUMIXISME, LAMPADOMANCIE, LÉCANOHANCIE, LIBANOMANCIE, LITIIIlMANCIE, LÏCAÎI-
THHOPIE, LYSIHACIIIE, MAGIE, MAGNÉTISME, MAHGARITOMANCIE, HATRIHONANCIE, HÉCANOMANCIE, HCGA-
iaNTimOPOGÉNÉSIE, MÉTOSCOPIE, MIMIQUE, MONARCHIE INFERNALE, M\OMAr(CIE, NAIBANCIE, NÉCROMANCIE,
NICROMANCIE, OCULOMANCIÏ, OENOMANCIË, OLOLVGMANCIE, OMOMANCIE, OMPIIALOMANCIE,
ONtWOCRITIQCE, ONOMANCIE, ONÏCHOMANCIE, OOMANCIE, OPIIIOMANCIE, OPHTIIALMOSCOPIE, ORDA-
LIE, ORNITHOMANCIE, PALINGÉNÉSIE, PALMOSCOPIE, PARTHÉNOMANCIE, PÉCOMANCIE,
PE ICHIMANCIE, PETTIMANCIE, PHARMACIE, PHRÉNOLOGIE, PHÏLLORHODOMANCIE, PHVSIO-
GNOMONIE, PIERRE PIIILOSOI'HALE, PÏROMANCIE, RABDOMANCIE, RBAP-
SODOMANCIE, SCIAMANCIE , SEXOMANCIE, MDÉROMANCIE , SOMNAMBULISME,
SPODOMANCIE, STÉGANOGRAPHIE, bTKRNOMANCIE, STOÏCHÉO-
MANCIE, STOLISOHANCIE, SCPEBSTITIONJ, S\COMANCIE, SYMPATHIE,
TACITURNOMANCIE, TAUPOMANCIE, TÉPHRAMANCIE,
T^RATOSCOPIE, THALMCDANCIE, THÉOMANCIE, THÉURGIE,
THURIFIJMIE, TIROMANCIE, UROTOPÉGNIE,
UTÉSÉTLRE, VAMPIRISME, VENTRILOQUIE, VISIO-
HANCIE, XVLOMANCIE, ZAIRAGIE;
Dlj
RÉPERTOIRE UNIVERSEL
IHB ËTRKS, DES PEnSONNAGES, TES LIVRES, DES FAITS ET DES CHOSES QUI TIE>NEST AUX ArPABITIOKS, AUX DIVINATIONS, A LA MAGM
AW commerce de l'eNFEB, aux démons, aux SORCIERS, AUX SCIENCES OCCULTES, AUX GRIMOIRES, '
A LA CABALE, AUX FSPRITS Él£mENTAIBES, AU GRAND CEUVRE, AUX PRODIGES, AUX ERREURS, AUX PRéjCGES,
aux impostures, aux arts des bohemiens, aux superstitions diverses, aux contes populaires, aux prohostics,
et généralement a toutes les croyances fausses, merveilleuses, surprenantes,
mvstériec:>es ou subnaturelles ;
suivi uu traité historioue des dieux et des démons du paganisme, par binet ; et de la réponse a
l'histoire des oracles de fOntinelle, par baltus :
'public par îOÎ. l'abbé SDÎtgne,
tolTEUm DE I.A BIBLIOTBÈQVX aNXVERHEULB DU CLEROA.
TOME PREMIER.
2 VOL. PRIX : 16 FRANCS.
S'IMPRIME ET SE VEND CHEZ J.-P. MIGNE, EDITEUR,
AUX ATELIEIIS CAl'HOLIQUES, RUE D'AMBOISE, 20, AU PETII -MONTIIOUGE»
AUTREFOIS BARRIÈRE D'ENFER DE PAHIS, MAINTENANT DANS PARIS.
1861
Paris. — Iniprimerio J.-P. MIGNE.
DICTIONNAIRE
OES
SCIENCES OCCULTES
ET DES
IDEES SUPERSTITIEUSES
-tsSEOl,
AAMON. Voy. Amox.
AARON, magicipii du Bas-Empire, qui
vivait du lemps de l'empereur Manuel Com-
nène. On conle qu'il possédait les Clavicules
de Salomon , qu'au moyen de ce livre il avait
à SCS ordres des légions de démons, et se
mêlait de nécromancie. On lui fit crever les
yeux; après quoi on lui coupa encore la
langue. Mais n'allez pas rruire que ce fût
une victime de quelque fanatisme ; il fut
condamné comme bandit : car on trouva
chez lui un cadavre qui avait les pieds en-
chaînés, le cœur percé d'un clou , el d'autres
abominations (Nicélas, Annales, liv. k.)
ABADDON, ou le destructeur, chef des
démons do la septième hiérarchie. C'est le
nom de l'ange exterminateur dans l'Apoca-
lypse.
ABADIE (Jeannette), jeune fille du village
de Siboure, en Gascogne. Dclancre, dans
son Tableau de l'inconstance des démons, ra-
conte que Jeannette Abadie, dormant, un
dimanche, pendant la messe, dans la maison
de son père, un démon profila du moment et
l'emporta au sabbat (quoiqu'on ne fît le sab-
bat ni le dimanche ni aux heures des saints
offices, temps où les démons ont peu de joie).
Elle trouva au sabbat grande compagnie et
vit que celui qui présidait avait à la lêle deux
visages, comme Janus. Du resie, elle ne fit
rien de criminel et fut remise à son logis par
le même moyen de transport qui l'avait em-
menée. Elle se réveilla alors et ramassa une
petite relique que le diable avait eu la pré-
caution d'ôter de son cou avant de l'empor-
ter. Il parait que le bon curé à qui elle con-
fessa son aventure lui fit comprendre qu'elle
n'avait fait qu'un mauvais rêve; car elle ne
futaucunemenl recherchée, quoique Delancre
dise qu'elle avait commencé là le métier de
sorcière. Voy. Crapaud.
ABALAM, prince de l'enfer, très-peu con-
II) Hérodote, Jambliqup. Clément d'Alexandrin elc
(2; Le livre très-rare d'Abdeel est intitnlé : Das Buch
aer verstegetlen rede des proplieten Danielis, etc. — Le
DlCTlONN. DES SCIENCES OCCULTES. I.
nu. Il est de la suite de Paymon. Vov. ce
mot. •'
ABANO. Voy. Pierre d'Apone.
ABARIS, magicien scythe et grand-prêtre
d Apollon, qui lui donna une flèche d'or sur
laquelle il chevauchait par les airs avec la
rapidité d'un oiseau ; ce qui a fait que les
Grecs 1 ont appelé VAérobale. 11 fut, dit-on
maiIredePythagore, qui lui vola sa flèche,
dans laquelle on doit voir quelque allégorie
On ajoute qu'Abaris prédisait l'avenir, qu'il
apaisait les orages, qu'il chassait la peste;
on conte même qu'il vivait sans boire ni
manger. Avec les os de Pélops, il fabriqua
une figure de Minerve, qu'il vendit aux
froyens comme un talisman descendu du
ciel: c'est le Palladium qui avait la réputa-
tion de rendre imprenable la ville où il se
trouvait (1).
ABDEEL (Abraham), appelé communé-
ment Schœnewald (Beauchamp), prédicateur
a Custrin, dans la marche de Brandebourg
fit imprimer à Thann,enl572, le Livre delà
parole cachetée, dans lequel il a fait des cal-
culs pour trouver qui est l'antechrist el à.
quelle époque il doit paraître. Celle méthode
consistée prendre au hasard un passage du
prophète Daniel ou de l'Apocalypse, et à
donnera chaque lettre, depuis o jusqu'à z,
sa valeur numérique. A vaut 1, b vaut 2, e
vaut 3, et ainsi de suite. Abdee! déclare que
1 antechrist est le pape Léon X. Il trouve de
la même manière les noms des trois anges
par lesquels l'antechrist doit être découvert.
Ces trois anges sont Hiiss, Huthen et un cer-
tain Noé qui nous est inconnu. Ces trois
insensés ne s'en doutaient probablement pas.
A la fin de son livre, Abdeel prend l'engage-
ment de découvrir le vrai nom de ce certain
Noé, ainsi que d'autres secrets, par les nom-
bres cabalistiques du prophète Daniel ; il ne
paraît pas qu'il ait jamais rempli cette pro-
messe (2).
livre de la parole cachetée du proplièle Daninl au xir clia-
pitre , exposant clairement comment on peut reconnaître
i antechrist.
tl
IICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
«
ABDEL- AZYS, aslroloum- aralic ilu
diiièmfi sièclf, plus ronnu en Eiiropi' sous
le nom d'Aichabilius. Sou Trniié d'aslroloiiic
indicinire a été Irailuil en latin par Jean de
Séviile (Uifpalensis). L'édition la plus re-
cherchée de ce livre : Alchubitius. cum com-
tnento, est celle de Venise, 1503, in i° de
140 pages.
ABDIAS DE BABYLONE. Ou attribue à un
éirivain de ce nom l'histoire du combit
merveilleux nue livra saint Pierre à Simon
le magicien. Le livre d'Abdias a clé traduit
par Jules l'Africain, sous ce litre : Uisloriu
cerlaminis apostolici , loCG, in-8°.
ABEILAUD. Il est plus célèbre aujourd'hui
par ses tragiques amours que par ses ou-
f rages Ihéologiques, qui lui atiirèrrnt juste-
ment les censures de saint Bernard , et qi:i
étaient pleins d'erreurs très-dang.-rcuses. Il
mourut en lli2. Vingt ans après, Héloïse
ayant été ensevelie dans la niôuie tombe, ou
conte qu'à st)n approche la cendre froide
dAbeilard se réchauffa tout à coup, et qu'il
étendit les bras pour recevoir celle qui av.iit
été sa femme. Leurs restes étaient au Para-
clet , dans une précieuse tombe gothique que
ion a transportée à Paris en 1799, et qui est
présentement au cimetière du Père- La-
chaise.
ABEILLES. Cetail l'opinion de quelques
démonographes que si une sorcière, avant
d'être prise, avait mangé la reine d'un essaim
d'abeilles, ce cordial lui donnait la force de
supporter la torture sans confesser (1) ; mais
celte découverte n'a pas fait iorlune.
Dans certains cantons de la Bretagne, on
prétend que les abeilles sont sensibles aux
plaisirs comme aux peines de leurs maîtres,
et quelles ne réussissent point si on néglige
de leur faire part des événements qui inté-
ressent la maison. Ceux qui ont cette
croyance ne manquent pas d'attacher à leurs
ruches un morceau d'étoffe noire lorsqu'il y
a une mort chez eux, et un morceau d'étoffe
rouge lorsqu'il y a un mariage ou toute
autre fête (2).
Les Circassiens, dans leur religion mêlée
de christianisme , de mahomélismeet d'ido-
lâtrie, honorent la Mère de Dieu sous le nom
de Mérième ou de Melissa. ils la regardent
comme la patronne des abeilles, dont elle
sauva la race en conservant l'une d'elles
dans sa manche , un jour que le tonnerre
menaçait d'exierminer tous les insectes. Les
revenus que les Circassiens tirent de leurs
ruches expliquent leur reconnaissance pour
le bienfait qui les leur a conservées.
Solin a écrit que les abeilles ne peuvent
pas vivre en Irlande; que celles qu'on y
amène y meurent tout à coup ; et que si l'on
porte de la terre de celte île dans un autre
pays, et qu'on la répande autour des ruches,
les abeilles sont forcées d'abandonner la
place, parce que celte terre leur est mor-
telle. On lit la môme chose dans les Oiiyincs
d'Isidore. « Faut-il examiner, ajoute le père
Lebrun (3), d'où peut venir cette mali-
(1) Wierus, Dh Praestigii-s lil). VI, cap. 7.
(30 Caii'bfi', Vojage dans le l'iriUlèrc, I. II, p. IG.
gnilé de la terre d'Irlande? Non, car il sullil
de dire que c'est une fable , et qu'on trouve
en Irlande beaucoup d'abeilles.»
ABEL, fils d'Adam. Des docteurs musul-
mans disent qu'il avait quarante-huit pieds
de haut, il se peut qu'ils aient raisonné d'a-
près un tertre long de cinquante-cin(| pieds,
que l'on montre auprès de Damas, et qu'on
nomme la tombe d'Abel.
Les rabbins ont écrit beaucoup de rêveries
sur le compte d'Abel. Nos anciens, qui
croyaient tant de choses , lui attribuent un
livre d'astrologie judiciaire qui lui aurait
été révélé et qu'il aurait renfermé dans une
pierre. Après le déluge. Hermès-Trismégiste
le trouva : il y apprit l'art de faire des talis-
mans sous l'influence des consteilations. Ce
livre est intitulé : Liber de virtutibus planeta-
rum et omnibus rerum mundmiarum virtuti-
bus. Voy. le traité De Ks.ientiis essenliarum ,
qu'on (iécore faussement du nom de saint
"Thomas d'Aquin , pars 4, c:ip. 2. Voy. aussi
Fabricius , Codex pseud. Yet. Testain.
ABEL DE LA BUE, dil le Cosseur, save-
tier et mauvais drôle qui fut arrêté, en lo82,
à Coulommiers , et brûlé comme voleur,
sorcier , magicien , noueur d'aiguillettes.
\'oici sa légende:
Le noueur d'oigtiilleltes.
C'était grand deuil à Coulommiers, dans la
maison de Jean Moureau , le 15 juin de l'an
de grâce 1582. Le petit homme s'était marié
la veille, plein de liesse et se promettant
heureux ménage avec Fare Fleuriol, son
épousée. Il élail vif, homme de tête, persé-
vérant dans ses affections comme dans ses
haines ; et il se réjouissait sans ménagement
de son succès sur ses rivaux. Fare, qui
l'avait préféré, semblait partager son bon-
heur et ne se troublait pas plus que lui des
alarmes que les menaces d'un rival dédaigné
avaient fait naître chez leurs convives. Fare
Fleuriot, habile ouvrière en guipure, n'avait
pu hésiter dans son choix entre Jean Mou-
reau, armurier fort à son aise, et ce concur-
rent redouté, nommé Abel de la Rue, sur-
nommé le Casseur, à cause de sa mauvaise
conduite; homme réduit au métier de save-
tier, et qu'on accusait de relations avec le
diable à cause de ses déportements; circon-
stance mystérieuse qui effrayait les amis de
l'armurier.
— Vous avez supplanté Abel, lui disaienl-
ils; il vous jouera quelqu'un de ses mauvais
tours.
— Les gens de justice de notre roi, Henri
troisième, nous sauront bien rendre raison du
Casseur , répondit Jean Moureau.
— Et qui sait, dit une vieille tante, s'il ne
vous jetterait pas un sort?
— Patience : telle avait été la réponse du
jeune marié.
Mais Fare était pourtant moins rassurée :
la noce toutefois s'était faite joyeusement.
Or, le lendemain, comme nous avons dil,
c'était dans la maison grand deuil cl pleine
(3) Ilisioire criiique des pratiques supcrslilieuses,
liv. 1, tliap 5.
13 ABE
tristesse. Les deux époux, si honrnix la
veille, paraissaient effarés do trouble ; on
.Tnnonçail timidemciU ce qui était survenu :
le résultat eu paraissait pénible. Le mari et
la femme cnsorci lés sentaient l'un pour l'au-
tre autant déloignement qu'ils s'étaient lé-
nioigné d'aff(Ction le jour précédent. Celle
nouvelle se répandit en peu d'instants dans
la petite ville : le second jour, l'éloignement
devint de l'antipathie, qui, le jour d'après,
eut tout l'air de l'aversion. Cependant les
jeunes mariés ne parlaient pas de demander
une séparation ; seulement ils annonçaient
que quelque ennemi endiablé ou quelque
sorcière maudite leur avait noué l'aiguillello.
On sait que ce maléfice, qui a fait tant de
bruit aux seizième et dix-seplicme siècles,
rendait les mariés repoussants l'un pour l'au-
tre, et les accablant au physique comme au
moral, les conduisait à se fuir avec une sorte
d'horreur.
Il ne fut bruit dans tout Coulommiers que
de l'aiguillelte nouée à Jean Moureau. Abel
de la Rue, le savetier dédaigné, en avait ri si
méchamment, qu'il fut à bon droit soupçonné
du délit ; il était assez généralement détesté.
La clameur publique prit une telle consis-
tance, que les jeunes époux ensorcelés se
crurent autorisés à déposer leur plainte.
Mcssire Nicolas Qualre-Sols était lieutenant
civil et criminel au bailliagede Coulommiers.
Il fît comparaîlre Aliel devant lui.
Le chenapan, qui était hypocondro et mo-
rose, avoua qu'il avait recherché Fare Fleii-
riot, mais il nia qu'il eût rien fait contre elle
et contre son mari. Comme il était malheu-
reusement chargé de la mauvaise réputation
qu'on faisait alors à ces vauriens qui cher-
chaient dans la sorcellerie une prétendue
puissance et de prétendues richesses toujours
insaisissables, on le mit au cachot, en l'invi-
tant à faire ses réflexions ; et le lendemain,
sur son entêtement à ne rien avouer, on l'ap-
pliqua à la question; il déclara qu'il allait
confesser.
— Ayez soin, dit Nicolas Quatre-Sols, que
votre confession soit entière et digne de no-
tre indulgence. Pour ce, vcus nous expose-
rez dès le commeiicement toutes vos affaires
avec Satan.
Il fil donner au savetier un verre d'eau re-
levé d'un peu de vinaigre, afin de ranimer
ses esprits; et il s'arrangea sur son siège
dans la position d'un homme qui écoute une
histoire merveilleuse.
\bel de la Rue, voyant que son juge était
prêt, recueillit ses esprits et se disposa à
parler. D'abord il se recommanda à la pitié
et à ta compassion de la justice, criant merci
et prolestant de sa repentaiice; puis il dit ce
qui suit :
, — Je devrais élre moins misérabieque je ne
suis et faire autre chose que mon pauvre mé-
tier. Etant petit enfant, je fus mis par ma
mère au couvent des Gordeliers de Meaux.
Là, le frère Caillet qui était maître des no-
vices, m ayant corrigé, je ino fâchai si iu-
rieuseracnt conlre lui, (lue je ne rêvais plus
autre cliose, sinon la possibililéde me venger.
i?,K
II
Comme j'élais en cette mauvaise volonté, un
chien barbet , maigre et noir, parut (oui à
coup devant moi : il me sembla qu'il me
parlait, ce qui me troubla fort ; qu'il me pro-
mettait de m'aider en toutes choses et de no
me faire aucun mal, si je voulais me donner
à lui...
—Ce barbet, interrompit le juge, était cer-
tainement un détnon.
— C'est possible, messire : il me sembla qu'il
me conduisait dans la chambre du couvent
qu'on appelle la librairie. Là il disparut, et
je ne le revis jamais.
— Et quelle vengeance avez-vous eue du
frère Caillet?
— Aucune, messire, ne l'ayant pas pu.
—Que files-vou< alors dans la librairie?
— Je pris un livre, car on rn'a enseigné la
lecture ; mais voyant que c'était un missel, je
le refermai ; je sortis et je demeurai quelques
semaines triste et pensif. Un jour je pris un
autre livre, c'était un grimoire. Je l'ouvris
au hasard, et à peine avais-je lu quelques
lignes que je ne comprenais point, quand je
vis paraître devant moi un homme long el
mince, de moyenne stature, blême de visage,
ayant un effroyable aspect, le corps sale el
l'haleine puanle.
— Sentait-il le soufre?
— Oui, messire; il était vêtu d'une longue
robe noire à l'italienne, ouverte par devant;
il avait à l'eslomac et aux deux genoux
comme des visages d'hommes, de pareille
couleur que les autres. Je regardai ses pieds
qui étaient des pieds de vache.
Tout l'auditoire frissonnait.
— Cet homme blême, poursuivit l'accusé,
me demanda ceque je lui voulais etqui m'avait
conseillé de l'appeler. Je lui répondis avec
frayeur que je ne l'avais pas appelé, el que
j'avais ouvert le grimoire sans en prévoir les
conséquences. Alors cet homme blême, qui
était le diable, m'enleva et me transporta
sur le toit de la salle de justice de Meaux,
en me disant de ne rien craindre. Je lui de-
mandai son nom, et il me répondit : Je m'ap-
pelle maître Rigoux. Je lui témoignai ensuite
le désir de m'enfuir du couvent; là-dessus il
me reporta au lieu où il m'avait pris ; du
moins, je m'y retrouvai comme sortant d'une
sorte d'étourdissement. Le grimoire était à
mes pieds. Je vis devant moi le Père Pierre
B. rsnn,docteur en théologie, elle frère Caillei,
qui me reprirent d'avoir ludans le grimoire el
me menacèrent du fouet, si je louchais en-
core à ce livre. ToU'* les religieux se rendi-
rent à la chapelle et chantèrent un Salve à
mon intention. Le lendemain, comme je des-
cendais pour aller à l'Eglise, maître Rigoux
m'apparut encore : il me donna rendez-vous
sous un arbre près do Vaulxcourtois , entre
Meaux clCoulommiers. Là je fus séduit. Je re-
pris, sans rien dire, les habits quej'avais à mou
entrée dans le couvent, el j'en sortis secrèle-
ment par une petite porte de l'écurie. Rigoux
m'attendait sous la figure d'un bourgeois ; il
me mena chez maître Pierre , berger, de
Vaulxcourtois, qui me reçut bien, et j'allais
conduire les troupeaux avec lui. Deux mois
iil'ics. re borpcr, qui élail sorcier, me promet
(le me présenliT à Vasseinblée, Jiyant besoin
de s'j rendre lui-mémo, parce qu'il n'avait
plus lie poudre à maléfices. L'assemblée de-
vait so leiiir dans trois jours : nous étions ù
l'avent de Noël 1575. Maître Pierre envoya
sa femme coucher dehors, et il me fit mettre
an lit à sept heures du soir; mais je ne ilor-
mis puère. Je remnrquai qu'il plaçait au coin
du feu un trè>i-long balai de genêt sans man-
che; à onze heures du soir, il fil grand bruit
et me dit qu'il fallait partir : il prit de la
graisse, s'en frolla les aisselles et me mit sur
le balai, en me recommandant de ne pas
quitter cette monture. Maître Rigous p n ul
alors ; il enleva mon maître par la cheminée :
moi je le tenais au milieu du corps, ( t il me
sembla que nous nous envolions. La nuit
était très-obscure, mais une lanterne nous
précédait. Pendant ((ue je voyageais en lair
de la sorte, je crus apercevoir l'abbaye de
Rebais : nous descendîmes dans un lieu plein
d'herbe où se trouvaient beaucoup de gens
réunis.
— Qui faisaienl le sabbat, interrompit le
juge.
— Oui , mcssiro. J'y reconnus plusieurs
personnes vivantes et quelques nurts, no-
tamment une sorcière qui avait été pendue à
Lagny. Le maître du lieu, qui était le diable,
ordonna, par la bouche d'un vieillard, que
l'on nettoyât la place. Maître Rigoux prit in-
continent la forme d'un grand bouc noir, se
mit à gronmielcr et à tourner; et aussitôt
l'assemblée commença les danses, qui se fai-
saient à revers, le visage dehors et le derrière
tourné vers le bouc.
— C'est conforme à l'usage du sabbat,
comme il est prouvé par une masse de dépo-
sitions. Maisnechanta-l-on point? et quelles
furent ces chansons?
— On ne chanta point, messire. Après la
danse, qui avait duré deux heures, on pré-
senta les hommages au bouc (Ij. Chaque
personne de l'assemblée s'en acquitta. Je
m'approchai du bouc à mon tour, il me de-
manda ce que je voulais de lui? Je lui répon-
dis que je voulais savoir jeter des sorts sur
mes ennemis. Le diable m'indiqua maître
Pierre, comme pouvant mieux qu'un au-
tre m'cnseigner cette science. Je l'appris
donc.
— Et vous on avez fait usage contre plu-
sieurs, notamment contre les époux qui se
plaignent? Avez-vous eu d'autres relations
avec le diable?
— Non , messire, sinon en une circon-
slance. Je voulais rentrer dans la voie.
Un jour que j'allais en pèlerinage à
Saint-Loup, près de Provins, je fis rencon-
tre du diable, qui chercha à me noyer : je lui
échappai par la fuite.
Tout le monde dans l'assemblée ouvrait de
grandes oreilles, à l'exception d'un jeune
homme de vingt ans, le neveu du lieutenant
civil et criminel. 11 faisait les fonctions d'ap-
prenti greffier.
(I) Histoire lie kl magie en l'rance, par M. Jules Gari-
uel. Voui l'arlidc Uouc*.
niCTIOXN.\mE DES SCIENCES OCCULTES. 1«
— Mon oncle, dit il en se penchant à l'o-
reile de maître Nicolas Quatre-Sols, ne pen-
sez-vous pas que le patient n'est i|u'un drôle
qui a le cerveau malade, qui est sujet peut-
élrc à de mauvais rêves?
Pendant que i'iMicle réprimandait le ne-
veu à voix basse, Abel de la Rue levant la
tétc :
— De tout ce que j'ai fait de mal, dit-il, je
suis repentant et marri, et je crie merci et
miséricorde à Dieu, au roi , à monseigneur
cl à la justice.
— C est bien, dit Nicolas Qualre-Sols,
qu'on le ramène au cachot.
Le soir de ce même jour, le maléfice de
Jean Moureau se trouva rompu. L'antipa-
thie qui avait surgi entre lui et sa jeune
épouse s'évanouit. Le corps du principal dé-
lit avait donc disparu. Néanmoins, peu de
jiiurs après, le 6 juillet, sur les conclusions
du procureur fiscal, la Rue fut condamné à
être brûlé vif. Il appela de sa sentence au
parlement de Paris ; et le 20 juillet to82, le
parlement de Paris, prompt a expédier ce*
sortes d'affaires, rendit un arrêt qui porte
qu'Abel de la Rue, appelant, ayant jeté des
sorts sur plusieurs, prêle son concours au
diable, communiqué diverses fois avec lui,
assisté aux assemblées nocturnes et illicites,
pour réparation de ces crimes la cour <ou-
damne l'appelant à être pendu et étranglé à
une potence qui sera dressée sur le marché
de Coulommiers, et le renvoie au bailli
chargé de faire exécuter leilit jugement, et
de brûler le corps après sa mort. — Cet ar-
rêt, qui adoucissait un peu la senicuce du
premier juge, fut exécuté selon sa teneur,
au marché de Coulommiers, par le maître
des hautes-œuvres de la ville de Meaux, le
2'{ juillet 1582. — « Au reste, dit uii auteur
sensé, ces sorciers qu'on brûlait méritaient
toujours châtiment par quelques vilains et
odieux crimes. » — Voyez les articles S ibbàt.
Ligatures, etc.
ABEN-EZRA. Voy. Mâcha Halli.
ABEN - RAGEL , astrologue arabe , né à
Cordoue , au commencement du cinquième
siècle. 11 a laissé un livre d'horoscopes d'a-
près l'inspection des étoiles, traduit en latin
sous le titre De Judiciis seii fatis stellarum,
Venise, 1485 ; très-rare. On dit que ses pré-
dictions, quand il en faisait, se distinguaient
par une certitude très-estimable
ABIGOR, démon d'un ordre supérieur, grand-
duc dans la monarchie infernale. Soixante
légions marchent sous ses ordres (2j. Il se
montre sous la figure d'un beau cavalier
portant la lance, l'étendard ou le sceptre; il
répond habilement sur tout ce qui concerne
les secrets de la guerre, sait l'avenir, et en-
seigne aux chefs les moyens de se faire aimer
des soldats.
ABIME, cl plus correctement abysme. C'est
le nom qui est donné, dans l'Ecriture sainte,
1" à l'enfer, 2* au chaos ténébreux qui pré-
céda la création.
ABOU-RYHAN, autrement appelé Moham-
mcd-hen-Alimed , astrologue arabe, morl en
(2) Wierus, iii Pscudomonarciiia Dxm., elc.
17
ABR
3'JO, qui passe pour avoir possédé à un Irès-
liaut degré le don de prédire les choses futu-
res. On lui doil une introduction à l'astrolo-
gie judiciaire.
ABRACADABRA. Avec ce mol d'enchante-
ment, qui esi très-célèbre, on faisait, surtout
en Perse et en Sjirie, une figure magique à
laquelle on attribuait le don de charmer di-
verses maladies et de guérir particulièrement
la fièvre. Il ne fallait que porter autour du
rou cette sorte de philaclère écrit dans la dis-
position que voici :
ABRACADABRA
ABRACADABR
ABRACADAB
ABRACADA
ABRACAD
ABRACA
ABRAC
ABRA
ABR
AB
A
ABRACAX ou ABRAXAS, l'un des dieux
(te quelques théogonies asiatiques , du nom
duquel on a tiré le philactère abracadabra.
Abracax est représenté sur des amulettes
avec un fouet à la main. Lesdémonographcs
ont fait de lui un démon, qui a la tète d'un
roi cl pourpieds des serpents. Lesbasilidiens,
hérétiques du deuxième siècle, voyaient en
lui leur dieu suprême. Comme ils trouvaient
que les sept lettres grecquesdont ils formaient
son nom faisaient en grec le nombre 365, qui
est celui des jours de l'année, ils plaçaient
sons SCS ordres plusieurs génies qui prési-
daient aux trois cent soixante-cinq cieux, et
auxquels ils attribuaient trois cent soixante-
cinq vérins, une pour chaque jour. Les basili-
(liens disaient encorequeJésus-Christ, Notre-
Seigneur, nélait qu'un fantôme bienveillant
envoyé sur la terre par Abracax. Us s'ccir-
taient de la doctrine de leur chef. Voy. Ba-
SILIDK.
ABRAHAM. Tout le monde connaît l'his-
toire de ce saint patriarche, écrite dans les
livres sacrés; maison ignore peut-être les
contes dont il a été l'objet.
Les Orientaux voient dans Abraham un
habile astrologue et un puissant magicien.
Suidas et Isidore lui attribuent linvenlion
de l'alphabet et de la langue des Hébreux.
Les rabbins font encore Abraham auteur
d'un livre De l'explication des songes, que
Joseph, disent-ils, avait étudié avant d'être
vendu par ses frères. On met aussi sur son
compte un ouvrage inUiulé Jetzirah, ou la
Création , que plusieurs disent écrit par le
rabhin Akiba. Voy. ce nom. Les Arabes pos-
sèdent ce livn- cabalistique, qui traite de l'o-
rigine du monde: ils l'appellent le Sepher.
On dit que Vossius , qui raisonnait tout de
travers là-dessus, s'étonnait de ne pas le voir
dans les livres canoniques. Postel l'a traduit
en latin : on l'a imprimé à Paris en 1532 ; à
M.mtoueen 1562, avec cinq commentaires ;
a Amsterdam en 164-2. On y trouve de la ma-
irie et do l'astrologie. — « C'est un ouvrage
cabalistique Irèi-aiicien et Irès-céicbre, dit le
ADit
tu
docteur Rossi. Quelques-uns en font auteur
Akiba; d'autres le croient composé par un
écrivain antérieur au Thalmud , dans lequel
il en est fait mention. » — Le litre de l'ou-
vrage porte le nom d'Abraham ; mais ajou-
tons qu'il y a aussi des opinions qui le croient
écrit par Adam lui-même.
Légendes orientales d'Abraham.
Les Orientaux ne racontent donc pas l'his-
toire d'Abraham au si simplement que nos
livres saints. Ils disent que Nemrod, régnant
à Babylone, vit en songe une étoile dont l'é-
clat effaçait le soleil. Ses devins lui conseil-
lèrent là-dessus de prendre garde à lui, parce
qu'un tel songe annonçait qu'il devait naître
d ins son royaume un enfant de qui il aurait
tout à craindre.
Nemrod ordonna aussitôt qu'on épiât bien
les femmes enceintes , et qu'on mît à mort
tous les enfants mâles qui viendraient à naî-
tre. Adna (appelée Kmlelaïdans le Thalmud),
fenune d'Azan, l'un des principaux seigneurs
du pays, était grosse; mais aucun indice
n'accusait sa grossesse. Elle s'en alla un
jour dans une grotte écartée, mit au monde
Abraham, et s'en revint à sa maison, après
avoir soigneusement fermé l'entrée de la
grotte. Elle allait tous les soirs visiter son
enfant pour l'allaiter elle trouvait toujours
occupé à téter ses deux pouces, dont l'un lui
fournissait du lait et l'autre du miel. Elle ne
fut pas moins surprise de reconnaître (ju'il
croissait en un jour comme les autres enfants
en un mois. Dès qu'il fut grand, elle le con-
duisit à la ville, où son père lui fit voir Nem-
rod, qu'on adorait. Il le trouva trop laid pour
être un dieu; et miraculeusement éclairé, il
tira ses parents de l'idolâtrie (1).
Gomme il faisait des choses prodigieuses,
on l'accusa de magie. Nemrod, excité par
se» devins, condamna Abraham à être jeté
dans une fournaise ardente. Mais la four-
naise se changea en fontaine, la flamme en
eau limpide, et Abraham ne prit qu'un bain.
Un courtisan, frappé de cette merveille, dit
à Nemrod :
— Seigneur , ce n'est pas là un magicien ,
mais uu prophète.
Nemrod, irrité, fit jeter le courtisan dans
une autre fournaise, qui se changea pareil-
lement en une source deau fraîche ; et le
voyageur Thévenot rapporte qu'on montre
encore ces deux fontaines auprès dOrfa.
Il y a sur ce point une autre version.
Des écrivains mahomélans content qu'Abra-
ham, ayant connu le vrai Dieu, saisit le
moment où son père était absent pour
mettre en pièces toutes ses idoles, excepté
celle de Baal, au cou de laquelle il pendit la
hache qui avait fait tout le dégât. Son père
étant de retour, il lui dit que ses idoles s'é~
talent querellées à l'occasion d'une offrande
de froment, et que Baal, le plus gros, avait
exterminé toutes les autres... C'est pourccla,
ajoutent quelques doctes, que Nemrod vou-
lut brûler Abraham.
Suidas et Isidore attribuent à Abraham,
(l) Ciljliolhèqiic oritiulalc de d'IIcrbcloU
19 IICTIONNAIRE DES
cumme nous l'avons dil. l'invention de l'al-
ph.ibeleldi" la langue dos Hébreux. LfisRab-
hins nictlcnl sur son conipie des livres caba-
li^ti |ucs <'l magiques , dos psaumes , un
lolaincnt et beaucoup d'autres pièces apo-
cryphes. Les Guèbres soutiennent qu'il est
le même que leur Zoroaslre, qu'ils appellent
Zerdusl, c'e»t-à dire l'ami du feu, nom qui
lui fut donné, disenl-ils, à cause de l'aven-
ture de la fournaise. Pliilon fait d'Abraham
un habile astrologue. Jusèphe dit (1) qu'il
légna à Damas, (>ù il tirait des horoscopes
et pratiquait les arts magiques des Chal-
déens. Tous ces doctes , venus longtemps
après Moïse, savent toujours des histoires
maintes beaucoup plus de particularités que
Mo'i'se même. Ils racontent gravement que
le patriarche Abraham était profondément
versé dans l'aruspicine ; qu'il enseignait
une prière au moyen de laquelle on empê-
chait les pics de manger les semailles; et
qu'il eut alfairc avec le diable en dis tenta-
tions dont il sortit toujours à son hon-
neur.
Voici la plus curieuse de ces aventures :
Le diable un jour, considérant le cadavre
d'un homme que la mer avait rejeté sur
le rivage, et dont les bêles féroces, les oi-
seaux de proie et les poissons avaient dé-
voré des lambeaux, songea que c'était une
lielie occasion pour tendre un piège à
Abraliam sur la résurrection : il ne com-
prendra jamais, disait-il, que les membres
de ce cadfavre, séparés et disséminés dans le
ventre de tant d'animaux différents, puissent
se rejoindre pour former le même corps,
au jour de la résurrection générale.
Dieu, sachant le projet de l'ennemi du
genre humain, le seconda aussitôt; car il
dit à Abraham d'aller se promener au bord
de la mer. Le patriarche obéit. Le diable ne
manqua pas de se présenter à lui sous la
figure d'un homme inquiet; et lui mon-
trant le cadavre, il lui proposa le doute où
il était au sujet de la résurrection. Mais
Abraham, après l'avoir écouté, lui répon-
dit :
— Quel motif raisonnable pouvcz-vous
avoir de douter ainsi? Celui qui a pu tirer
toutes les parties de ce corps du néant, n'aura
pas plus de peine à les retrouver dans l'univers
|)Our les rejoindre. Le potier met eu pièces
un vase de terre, et le relait de la même terre,
quand il lui plalt.
Dieu, satisfait d'Abraham, voulut achever
de le convaincre. Il lui dit, s'il faut mainte-
nant en croire le Coran : — Prenez quatre
oiseaux , mettez-les en pièces, et portez-en
les diverses parties sur quatre montagnes
séparées; appelez-les ensuite, ces oiseaux
viendront tous quatre à vous.
Les interprètes musulmans ajoutent que
ces quatre oiseaux étaient une colombe, un
coq, un corbeau et un paon; que le patriar-
che, après les avoir mis en pièces, en fit un
partage exact : quelques-uns disent même
qu'il les pila dans un mortier, n'en flt qu'une
(1) AiiUqiiiiésjud., liv. l, cil. 8.
(2) Bibllutliè-jue oriïulali; de d'Ucrbclut.
SCIEiNCES OCCULTES.
20
masse et la divisa en quatre portions qu'il
porta sur la cime de quatre montagnes dif-
icrentcs. Après cela, tenant à la main les
quatre têtes qu'il avait réservées, il appela
séparément les quatre oiseaux par leurs
noms; chacun d'eux revint incontinent se
rejoindre à sa tête et s'envola (2).
Abraham était devenu le père des pauvres
du pays qu'il habitait. Une famine l'obligea
de vider ses greniers pour les nourrir. Lors-
qu'il eut épuisé cette ressource, il envoya
ses gens et ses chameaux en Egypte, pour
acheter du grain à un de ses amis qui était
puissant dans la contrée ; mais cet ami ré-
pondit : « Nous craignons aussi la famine.
D'ailleurs, Abraham a des provisions suffi-
santes, et je ne crois pas qu'il soit juste,
pour nourrir les pauvres de son pays , de lui
envoyer la subsistance des nôtres. »
Ce refus causa beaucoup de chagrin
ans gens d'Abraham. Pour se soustraire à
l'humiliation de reparaître les mains vi-
des , ils remplirent leurs sacs de sable
très -blanc et très -fin. Arrivés à la mai-
son de leur matlre, l'un d'eux lui dit à l'o-
reille le mauvais succès de leur voyage.
Abraham cacha sa douleur et entra dans son
oratoire. Sara reposait et n'avait rien appris;
voyant à son réveil des sacs pleins, elle en
ouvrit un, vit de la bonne farine, et sur-le-
champ se mit à cuire du pain pour les pau-
vres.
Abraham, après avoir fait sa prière, sen-
tant l'odeur du pain nouvellement cuit , de-
manda à Sara quelle farine elle avait em-
ployée. — « Cel'.e de votre ami d'Kgypte, ap-
portée par vos chameaux.
— Dites plutôt celle du véritable ami, qui
est Dieu ; car c'est lui qui ne nous aban-
donne jamais au besoin. »
Dans ce moment qu'Abraham appela Dieu
son ami. Dieu, disent les musulmans, le prit
aussi pour le sien.
Il y aaussi des traditions orientales qui pla-
cent Abraham en qualité déjuge à la porte
de l'enfer (3), tandis que l'Eglise chrétienne,
avec plus de vérité, met les élus dans son
sein.
ABRAHEL , démon succube , connu par
une aventure que raconte Nicolas Remy
dans sa Démonolâtrie , et que voici : — En
l'année 1581, dans le village de Dalhem , au
paysdeLimbourg, un méchant pâtre, nommé
Pierron , conçut un amour violent pour une
jeune fille de son voisinage. Or, cet homme
mauvais était marié; il avait même de sa
femme un petit garçon. Un jour qu'il était
occupéde la criminelle pensée de son amour,
la jeune fille qu'il convoitait lui apparut
dans la campagne : c'était un démon sous sa
figure. Pierron lui découvrit sa passion ; la
piélendue jeune fihe promit d'y répondre,
s'il se livrait à elle et s'il jurait de lui obéir
eu toutes choses. Le pâtre ne refusa rien, et
son abominable amour fut accueilli. — Peu
de temps après, la jeune fille , ou le démon
qui se faisait a|ipe!er Abrahel par son ado-
(3) Sciiio Sgaml>alus, iii aitUiv. vct. Teslam., p. 19*>
19S.
SI
ACC
ADA
21
ratcur , lui demanda, pour gage do son
atiachement , qu'il lui sacrifiât son fils. Le
pdtre recul une pomme qu'il devait faire
manger à l'enfant; l'enfant, ayant mordu
dans la pomme, tomba mort aussitôt. Le
désespoir de la mère fit tant d'effet sur Pier-
ron, qu'il courut à la recherche d'Abrahel
pour en obtenir reconfort. Le démon promit
de rendre la vie à l'enfant, si le père voulait
lui demander celte {^râce à genoux, en lui
rendant le culte dadoration qui n'est dû
qu'à Dieu. Le paire se mit à genoux, adora,
et aussitôt l'enfant rouvrit les yeux. On le
friclioniia, on le réchaulTa ; il recommença
à marcher ci à parler. Il était le mémo
qu'auparavant , mais plus maigre , plus
hâve, plus défait, les yeux battus et enfoncés,
les mouvements plus pesants. Au bout d'un
an , le démon qui l'animait l'abandonna avec
un grand bruit ; l'enfant tomba à la ren-
verse... — Cette histoire décousue et incom-
plète se termine par ces mots dans la narra-
lion de Nicolas Uemy : « Le corps de l'enfant,
d'une puanteur insupportable, fut tiré avec
un croc hors de la maison de san père cl en-
terré dans un champ. » Il n'est plus question
du démon succube, ni du pâtre.
ABSALON. On a écrit bien des choses
supposées à propos de sa chevelure. Lepel-
Iclior, dans sa disserlation sur la grandeur
de l'arche de Noé, dit que toutes les fois
qu'on coupait les cheveux à Absalon , on lui
en ôlait Irenle onces....
ABSTINENCK. On prétend, comme nous
l'avons dit, qu'Abaris ne mangeait pas et
que les magiciens habiles peuvent s'abstenir
de !Tianger ut de boire.
Sans parler des jeûnes merveilleux dont il
est fait mention dans la vie de quelques
Rainis , M irie Pelet de Laval , femme du
Hainaut, vécut Irenle-di'ux mois (du 6 no-
vembre 1751 au 25 juin 1757) sans recevoir
aucune nourriture, ni solide, ni liquide.
Anne Hirley, d'Orival, près de Rouen, se
soutint vingl-six ans eu buvanl seulement
un peu de lait qu'elle vomissait quelques
moments après l'avoir avalé. On citerait
d'aulres exemples.
Dans les idées des Orientaux, les génies
ne se nourrissent que de fumées odorantes
qui ne produisent point de déjections.
ACCIDENTS. Beaucoup d'accidents peu
ordinaires , mais naturels , auraient passé
autrefois pour des sortilèges. Voici ce qu'on
lisait dans un journal de 1841 : — « Made-
moiselle Adèle Mercier ( des environs de
Saint-Gilles), occupée il y a peu de jours à
arracher dans un champ des feuilles de
mûrier, fut piquée au bas du cou par une
grosse mouche qui, selon toute probabilité,
venailde sucer le cadavre putréfié de quelque
animal, et qui déposa dans l'incision faite
par son dard une ou quelques gouttelettes
de suc morbifique dont elle s'était repue. La
douleur, d'abord extrêmement vive, devint
insupportable. 11 fallut que mademoiselle
Mercier fût conduite chez elle et qu'elle se
(t) De SlralagciualiDus Sataiije in rolifçionis ncgolio,
pi'i suiicrstitioauai, «rroreiii, Iio-Tosim, wlium, ratuimiiani,
mît au lit. La pirtie piquée s'enfla prodigieu-
sement en peu de temps : l'enflure gagna.
Atteinte d'une fièvre algide qui acquit le
carac;ère le plus violent, malgré tous les
soins qui lui furent prodigués, el quoi((uo sa
pi(iûre eût été cautérisée et alcalisée, made-
moiselle Mercier mourut le lendemain dans
les souffrances les plus atroces. »
Le Journal du Rhône racontait ce qui suit,
le 3 juin : — « Un jeune paysan des envi-
rons de Boui'goin , qui voulait prendre un
repas de cerises, commit l'impruilence, lundi
dernier, de monter sur un cerisier que les
chenilles avaient quille après en avoir dé-
voré toutes les feuilles. Il y avait vingt mi-
nutes qu'il satisfaisait son caprice ou son
appétit, lorsque presque instantanément il
s<î sentit atteint d'une violente inflammation
à la gorge. Le malheureux descendit en
poussant péniblement ce cri : J'étotiffe !
j'étouffe ! Une demi - heure après il était
mort. On suppose que les chenilles déposent
dans cette saison sur les cerises qu'elles tou-
chent une substance que l'œil distingue à
peine , mais qui n'en est pas moins un poi-
son. C'est donc s'exposer que de manger ces
fruits sans avoir pris la sage précaution de
les laver. »
ACCOUCHEMENTS PRODIGIEUX. Voy.
Imagination, Couches, Aétite, etc.
ACHAM, démon que l'on conjure le jeudi.
Voy. CONJUBATION*.
ACHARAI-RIOHO, chef des enfers chez
les Yakouls. Voy. Mang-taar.
ACHÉRON , fleuve de douleur dont les
eaux sont amèrcs ; l'un des fleuves de l'enfer
des païens. Dans des relations du moyen-
âge, l'Acliéron est un monstre. Voy. Tondal.
ACUÈRUSIE. Marais d'Egypte près d'Hé-
liopolis. Les morts le traversaient dans une
barque , lorsqu'ils avaient été jugés dignes
dos honneurs de la sépulture. Les ombres
des morts enterrés dans le cimetière voisin
erraient , disait-on , sur les bords de ce ma-
rais, que quelques géographes appellent un
lac.
ACHMET. Devin arabe du neuvième siècle,
auteur d'un livre De l'interprétation des son-
ges, suivant les doctrines de l'Orient. Le texte
original de ce livre est perdu; mais Rigault
en a fait imprimer la traduction grecque et
latine à la suite de VOniro critique d'Artémi-
dore; Paris, 1C03, in-4°.
ACONCE (Jacques), curé du diocèse do
Trente, qui , poussé par la débauche , em-
brassa le protestantisme en 1537, et passa en
Angleterre. La reine Elisabeth lui fit une
pension. Aussi il ne inanijua pas de l'appeler
diva Elisabetha, en lui dédiant son livre Des
Stratagèmes de Satan (1). Mais nous ne men-
tionnons ce livre ici qu'à cause de son titre :
ce n'est pas un ouvrage do déujonomanie ,
c'est une mauvaise et détestable diatribe
contre le catholicisme.
ADALBERT, hérétique qui fit du bruit
dans les Gaules au huitième siècle, regardé
par les uns comme un habile faiseur de mi-
schisma, etc., lil). VIII. Râle, IbGu. Souvent réimp; iiné al
traduit on l'tusiuurs lanjjm'S.
*,
DICTIONNAIUE DES SCIENCES OCCLLTES.
•i
racles, et p<ir les antres comme un grand
cabalislc. Il distribiiail les ro<;nures de ses
ongles et de ses cheveux, disant (|ue c'étaient
de puissants préservatirs; il contait qu'iiu
ange, venu des extrémités du niunde , lui
avait apporté des reli(|ues cl des amulettes
d'une sainteté prodigieuse. On dit même qu'il
se consacra des autels à lui-même et qu'il se
fit adorer. Il prétendait savoir l'avenir, lire
ilans la pensée et cunnaitrc la confe<sion des
pécheurs rien qu'en les reg.irdant. il mon-
trait impudemment une lettre de Notre Sei-
gneur Jésus-Christ, disant qu'elle lui avait
été apportée par saint Michel (1) ; el il ensei-
gnait a SCS disciples une prière qui commen-
çait ainsi :
— « Seigneur, Dieu tout-puissant, père
de Notre Seigneur Jésus-Christ, Alpha et
Oméga, qui êtes sur le trône souverain,
sur les chérubins el les séraphins, sur l'ange
Uriel, l'ange Ragucl, l'ange Cabuel . l'ange
Michel, sur l'ange Inias, l'ange Tabuas ,
l'ange Simicl el l'ange S.ibaolh, je vous prie
de m'accorder ce que je vais vous dire. »
C'était, comme on voit, très-ingénieux.
Dans un fragment conservé des mémoires
qu'il avait écrits sur sa vie , il raconte que sa
mère, étant enceinte de lui, crut voir sortir
de son côté droit un veau ; ce qui était, dit-il,
le pronostic des grâces dont il fut comblé en
naissant par le ministère d'un ange. On
•irréla le cours des extravagances de cet
insensé en l'enfermant dans une prison, où il
mourul.
ADAM, le premier homme. Sa chute de-
vant les suggestions de Salan est un dogme
de la religion chrétienne.
Les Orienlaux font d'Adnm un géant dé-
mesuré, haut dune lieue ; ils en font aussi un
roag*ien, un cabaliste; les rnbbins en font
de plus un ahhimiste et un écrivain. On a
supposé un testament de lui (2) ; et enfin les
musulmans regrettent toujours dix traités
merveilleux que Dieu lui av.iil dictés. Il avait
aussi inventé l'alphabet. Voy. Abraham.
' Légendes d'Adiun, chez les Orienlaux.
Selon les traditions des Arabes, Dieu, vou-
lant créer l'homme , chargea l'ange Gabriel
de prendre une poignée de chacun des sepl
lits de la terre. La lerre effrayée représenta
que Dieu avait tort de faire l'homme, parce
qu'un jour il se révoUerait contre son créa-
teur. Gabriel fit part à Dieu de celle obser-
vation ; niais l- Seigneur n'en tint compte , et
il enjoignit à Michel d'exécuter sa volonté.
La terre se plaignit derechef el dit que, si
on faisait l'homme, elle serait maudite à
cause de lui. Michel fui louché de compas-
sion; Dieu, voyant cela, chargea de ses
ordres le terrible Azraël, qui , sans écouler
( ) ) Baluie. dans son appendice aux Capitulaires des rois
francs, a |.ul)lié celle Itiire, doiil voici le lilre : — « Au
nom d« Dieu : Ici coiiiuieiico la lettre de Nulre-Sciifiieur
Jesus-Clirisi, qui est loiiibée ï Jérusalem, et qui a &1&
trouvée par l'Arcliaiige saint MicUe! , lue el copiée par
la main d un prêlro nommé Jean , qui l'a envoyée à la
ville de Jerémic ii uu aulre piètre, noimiié Talasius; et
ialaMus I a envoyée en Araljie à un autre prôlre, numnié
LCobïUj et Léoliau l'a cuuvvée àU>illc de Bt-isaïuic.
les plaintes delà lerre, arracha violemment
de son sein les sept poignées que Dieu de-
mandait el les porta dans l'Arabie, où devait
se consommer le grand œuvre de la création
de l'homme. Dieu fut si satisfait de la prompte
et sévère obéissance d'Azraël , qu'il lui donna
la charge de séparer les âmes. C'est pour
cela qu'il est appelé l'ange de la mort.
Cependant Dieu avait pétri celle lerre, dont
il fit une figure de sa propre main ; il la laissa
sécher, et les anges se plaisaient à consi-
dérer celte figure. Eblis (ou Lucifer, ou Sa-
lan) ne se contenta pas de la regarder, il
la frappa sur le ventre, et voyant qu'il était
creux , il fit son calcul , et se dit en lui-même :
« Celle créature, formée vide, aura besoin
de se remplir souvent, et sera par consé-
quent sujette à beaucoup de tentations. »
Alors il demanda aux autres anges ce qu'ils
feraient, si Dieu voulait les assujettir en
quelques choses à ce souverain qu'il allait
donner à la terre. Tous répondirent qu'ils
obéiraient. Eblis parut du même sentiment ;
mais il résolut de n'en rien faire.
Le corps du premier homme étant donc
formé. Dieu l'anima d'une âme intelligente,
et lui donna des habits merveilleux. Ensuite
il ordonna aux anges de s'incliner devant
lui; ce qu'ils firent, à l'exception d'Eblis,
que sa désobéissance fil chasser du paradis,
et dont la place fut donnée à Ad;im. M lis ou
lui avait défendu de manger du fruit d'un
certain arbre; Eblis s'associa avec le paon et
le serpent , el fit tant, par ses discours arti-
ficieux, qu'Adam désohéil. Du momeul qu'il
eut mangé du fruit défendu , ses habits mer-
veilleux tombèrent à ses pieds, et la vue de
sa nuililé le couvrit de honte. 1! ne larda pas
à recevoir la sentence qui, le précipitant du
paradis, le condamnait au travail cl à la
mort. Dans sa chute du ciel, il tomba sur la
montagne de Sérendib, en l'île de Ceyian,
où se voit encore aujourd hui la moniagno
appelée le Pic-d'Adam. Eve, sa femme , qui
avait péché avec lui, tomba près de l'endroit
où fut depuis bâtie la ville de la Mecque. Eblis
arriva comme elle en Arabie; le paon avait
été jeté dans l'Indoustan, el le serpent dans
la Perse. L'état de misère et de solitude où se
trouva réduit le malheureux Adam lui fil
sentir sa f.iule; il implora la clémence de
son Créateur, cl Dieu fit descendre du ciel
un pavillon, qui fut placé jiisie dans l'en-
droit où, depuis , Abraham bàlii la Caaba
(saillie maison de la Mecque). Gabriel lui
enseigna les céicmonies qu'il devait prati-
quer autour de ce saiictu;iiie pour obtenir
son pardon, et le conduisit ensuite à la
montagne d'Arafat, où il retrouva Eve après
trois cents ans de séparation. Ou montre
encore , à une lieue de la Mecque , une petite
colline sur le sommet de laquelle les Musul-
où elle a été reçue par le piètre Macarius, qui l'a ren-
voyée à la montagne du saint Archange Michel ; et par lu
moyen d'un ange , la lettre est arrivée à la viil ; de Kome,
au sépulcre de saint Pierre, ou sont les clefs du royaume
des cieux ; et les douze prêtres (pii sont à Rome ont fail
dos veilles de trois jours, avec des jeûnes et des prières
jour el nuit, » elc.
(2) Voyez Kabricius, Codex Pseudep.
23
ADA
ADA
50
mans croient qu'Eve élail assise, lorsqu'Adam
la retrouva (1).
D'autres légendes de l'Orient disent que
Dii'U forma le corps d'Adam et le plaça d'a-
bord dans l'Eden. Son âme, qu'il avait créée
plusieurs siècles auparavant , eut ordre
d'aller l'animer. Elle représenta à Dieu com-
bien cette masse périssable était peu digne
de l'élévation de son être. Dieu , qui ne vou-
lait pas, en cette occasion, employer la vio-
lence, ordonna à son fidèle ministre Gabriel
de prendre son flageolet et d'en jouer un air
ou deux auprès du corps d'Adam. Au son de
cet instrument, l'âme parut oublier ses anti-
pathies; elle SD prit à tourner en cadence
autour du corps , et enfin , dans un moment
de délire, elle y entra par les pieds qui se
mirent aussilôt en mouvement. Dès lors il
ne lui fut plus permis de quitter sa nouvelle
habitation sans un ordre exprès de l'Eternel.
Les Juifs, peuple de Dieu, conservèrent
intactes It'S saintes Ecritures jusqu'à la
venue du Messie. Peuple réprouvé après le
déïcide , ils les ont altérées des plus étranges
absurdités. Leur Thalinud a défiguré tout, et,
dans leur sens dépravé, les plus grossières
erreurs ont remplacé chez eux la vérité. Les
Ihalraudisles, entre autres singulières rêve-
ries , rendent comiJte de la manière dont fu-
rent employées les douze heures du jour où
Adam fut créé. A la première heure, di-
sent-ils. Dieu assembla la poudre dont il
devait le composer; et il en fit un embryon.
A la seconde heure, Adam se tint sur ses
pieds. A la quatrième. Dieu l'appela et lui
dit de donner aux animaux les noms qu'ils
devaient porter. Quand il eut fait cela , Dieu
lui demanda : Et moi, comment m'appel-
leras-tuî Adam répondit : Jéhovah [c'est toi
qui es ). La septième heure fut occupée par le
uiariaged'AdamavecEve.queDieu lui amena
après l'avoir frisée. A la dixième heure, Adam
désobéit. Il fut jugé à la onzième et condamné
à sortir d'Eden. Enfin, à la douzième, ii sen-
tait déjà la peine et les sueurs du travail...
Dieu, ajoutent les rabSiins^ avait fait Adam
si grand, que sa tête touchait le ciel, ils as-
surent que l'arbre de vie, planté dans le pa-
radis terrestre, était si gros, qu'il aurait
fallu cinq cents ans à un bon piéton pour en
faire le tour, et que la taille d'Adam était
proportionnée à la grosseur de cet arbre. Les
anges étonnés murmurèrent et dirent au
(I) c G&lda ouDjedda (ponde la mer Rouge, jolie ville
de 13,000 bal)ilarils) ne reiileriiie pas l)eauioiip de ciirio-
si.és; cependaut c'est a l'entrée de la ville, du côié du
N.-l£., (lue se trouve le prétendu lonilioau de uolre coni-
imiiie aïeule, Kve. J'ai recueilli loutis le-i vieilles chroni-
ques : Il eu résulte que les savants du pays sont encore
dans une espèce de doute; le peuple cl tous les dévols y
croieni fermement.
a Eu entrant par la grande porte du grand cimetière,
on trouve à gauctie un petit mur de trois pieds de hauleur,
Ibruianl Ou carré de dix à douze pieds; là repose la lèle
de notre_ première mère. Au milieu du einiclière se trouve
nne espèce de coupole où repose le milieu du corps, et
à l'autre biml, près d'une porte de sortie, se trouve un
autre petit mur, aussi de trois pi.ds de hauleur (ail en
losange; c'est là que louchenl les pieds. Dans ee petit
espace se trouve paeé un grand morceau d'étolK; sur
laquelle les fidèles dé, osent leurs oU'ianries , <pii servent
i hiûler des pailums sir son corps (et à nuunir le ^m-
Seigneur, qu'il y avait deux souverains, l'un
au ciel, l'autre sur la terre. Alors Dieu ap-
puya sa main sur la lête d'Adam et le réduisit
à la hauteur de mille coudées (cinq cents
mètres).
11 y a encore chez les Juifs beaucoup de
traditions , variées dans leurs merveilles.
Ainsi quelques rabbins disent que Dieu da-
bord avait fait Adam double, et qu'il sépara
les deux corps d'un coup de hache.
Tous les peuples de l'Orient entourent
l'histoire d'Adam de fables différentes. Les
Persans content que Dieu le plaça dans le
quatrième ciel, lui permettant d'en manger
tous les fruits excepté le froment, qui ne pou-
vait se digérer par les pores. Adam et Eve,
séduits par le diible, en mangèrentpourtanl;
et avant qu'ils n'infectassent le paradis,
l'ange Gabriel vint les mettre dehors.
Les habitants de Madagascar exposent le
fait plus rudement encore. Adam mangea,
disent-ils, ce qui lui était défendu. On recon-
nut son crime, aux suites nécessaires. Le
diable qui l'avait séduit courut l'accuser et
Dieu le chassa. Sans doute il n'était pas ma-
rié encore, car ils ajoutent que, quelque
temps après, il lui vint à la jambe une tumeur
d'oîi il tira une femme qu'il épousa (2).
Les Espagnols de l'Amérique méridionale
croient que le banane , certain fruit de ce
pays, dont les fibres représentent une croix,
est le fruit défendu, dans lequel Adam dé-
couvrit le mystère de la Rédemption.... Les
habitants de lîle Saint-Vincent pensent que
le fruit fatal est le tabac...
Après son péché, Adam fut chassé du pa-
radis terrestre. Les rabbins cabaiistes ajou-
tent qu'il fut jeté dans les enfers d'où il ne
se tira qu'au moyen du très-saint mot Lave-
rererareri, qu'il savait prononcer convena-
blement (3).... On dit encore que pour faire
pénitence, il se plongea jusqu'au nez dans
le fleuve Gehon, macérant son corps à coups
de fouets , avec si peu de ménagement qije
lorsqu'il sortit de là, sa peau était percée
comme un crible. Il vécut cent trente ans
ainsi dans l'expiation. A sa mort, il se vit
entouré de ses enfants, qui étaient au nom-
bre de quinze mille, sans compter les fem-
mes (4).
On dit encore qu'Adam, pendant quelque
temps, adora la lune ; que les anges l'instrui-
s^irent; qu'il écrivit un commentaire sur les
dien); la distance des pieds à la lête est de 400 pieds
Comuie nous avons diminué de taille depuis la création \
léserais presque tenté de me croire un Lilliputien. Gedda,
en arabe, veut dire grand'inère; les savants prétendent
que la ville porte ce nom, parce qu'elle a l'honneur de
posséder le corps d'Eve. Les irariilioiis orientales perlent
qu'après la mort de sa femme , Adam se mil en voyago ; it
partit pour les Indes et il mourut à l'Ue de Ceylaii , où son
loinbeau existe encore sous le Pic-d' Adam. Les Musul-
mans, même ceux qui ne possèdent pas la foi nécessaire
à un (i lèle , ne forment pas le moindre doute sur ce der-
nier fait. » (Lettre de M. A. D., consul de France en
Abyssinie, 12 janvier I8H.)
(2) D'Herbidol, Bibliothèque orientde.
(3) Basnage, Hisl. des Juifs, loin. III.
(l) Adam, anle m'jrteni ejus, coiivocavil omnes lihos
suus qui eraiil in numéro .xv millia virorum absque mulie-
iilms. Vka Aclœ el tia;, cilo par U.Peigiiul, livre des
i>iiii,'ularil6s, p. 37.
51
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
noms des animaux ; qu'il prophélisa ; qu'il
fut astrologue ; qu'il prédit le déluge par
rinspoclion des aslros; qu'il coniiaissail na-
lurellciiieiit toutes les sciences; qu'il avait
un pouvoir magique sur toutes les créatures;
qu'il eut une apocalypse; qu'il composa des
psaumes : ils ont élé imprimés dans quehiucs
thalriiuds. On lui attribue aussi un livre de
cabale intitulé Sepher-llnziel. Les Juifs di-
sent que re livre lui fut donné par l'ange Ra-
phaël; le livre Ae Jetzirah passe même pour
<!tre de lui ; il écrivit, disent les adeptes , sur
l'alchimie.
D'autres assurent que l'ange Raziel fut le
précepteur d'Adam, qu'il lui donna dans un
livre la connaissance de tous les secrets de
la nature, la puissance de converser avec le
soleil et la lune, de guérir les maladies, d'ex-
citer des tremblements de terre, de comman-
der aux p\iissances de l'air, d'interpréter les
songes et de prédire tous les événements. Ce
livre passa dans la suite entre les mains de
Salomon; c'est là qu'il apprit la manière de
composer le fameui talisman de son anneau,
arec lequel il opéra dans tout l'Orient des
choses étonnantes...
Parmi les troubadours et les poêles du
moyen-âge, plusieurs, infectés de la grossiè-
reté des Vaudois et des Albigeois qui rame-
naient si vite l'humanité à l'état sauvage, si
l'Eglise romaine n'eût sauvé alors, comme
toujours, la civilisation menacée, traitaient
fort mal et fort lâchement les femmes; et si
nou* citons à ce propos la satire assez plate
de Pierre de Suint-Cioud, dans son début du
poëme du Renard, c'est qu'elle s'étaye d'une
légende d'Al.ira.
Lorsqu'Adacn, dit le poêle, fut chassé du
paradis terrestre. Dieu, par pitié, lui donna
une baguette merveilleuse, qui était douée
dételle vertu que toutes les fois qu'il aurait
besoin d'un animal quelconque, il lui suffi-
rait, pour le voir pariitlreà l'instant mène,
de frapper la mer avec sa baguette. Adam
l'ayant frappée, vit sortir aussiiôt une bre-
bis. Eve Voulut à son lour essayer l'inslru-
mcnt; mais sous sa m.iin un loup s'élança,
qui saisit la brebis et l'emporta dans les bois,
notre première mère pleurait son malheur,
quand Adam reprit la baguette et fit naître
un chien , qui courut après le loup, lui
enleva la brebis et la rapporta.
Il en fut de même des autres animaux,
tous ceux qui durent leur naissance à Eve
furent sauvages el malfaisants (le renard en-
tre autres); et ils se retirèrent dans le bois
avec le loup. Ceux que produisit Adam res-
tèrent tous auprès de lui et devinrent domes-
tiques (I)...
ADAM ( l'àbbé ). Il y eut un temps où l'on
voyait le diable en toutes choses et partout,
et peut-élre n'avait-on pas tort. Mais il nous
semble qu'on le voyait trop matériellement.
Le bon et naïf Césaire d'Heisterbach a fait
un livre d'histoires prodigieuses où le diable
«'St la machine universelle; il se montre s.ins
cesse et sous diverses figures palpables. C'é-
(1) M. Odavi' Di'l|>iiTre, préliminaires de sa Iraductiou
(lu W-iturd (Je J.-l''. Willcuis, j). 57.
28
lait surtout à l'époque OÙ l'on s'occupait en
France de l'extinction des Templiers. Alors
un certain abbé Adam, qui gouvernait l'ab-
baye duVanx-deCernay.au diocèse de Pans,
avait l'esprit tellement frappé de l'idée (juc
le diable le guettait, qu'il croyait le recon-
naître à chaque pas sous des formes que sans
douie le diable n'a pas souvent imaginé de
prendre. — Un jour qu'il revenait de visiter
une de ses petites métairies, accompagné
d'un serviteur aussi crédule que lui, l'abbé
Adam racontait comment le diable l'avait
iiarcelé dans son voyage. L'(!sprit malin s'était
montré sous la figure d'un arbre blanc de
frimas, qui semblait venir à lui. —C'est sin-
gulier! dit un de ses amis; n'éliez-vous pas
la proie de quelque illusion causée par la
course de votre cheval?— Non, c'était Satan.
Mon cheval s'en effraya; l'arbre pourtant
passa au galop el disparut derrière nous, il
laissait une certaine odeur qui pouvait bien
être du soufre. — Odeur de brouillard, mar-
motta l'autre. — Le diable reparut et, celte
fois, c'était un chevalier noir qui s'avançait
vers nous pareillement. — Eloigne-loi, lui
criai-je d'une voix étouffée. Pourquoi m'at-
taques-tu? Il passa encore, sans avoir l'air
de s'occuper de nous. Mais ilrevint une troi-
sième fois ayant la forme d'un homme grand
et pauvre, avec un cou long et maigre. Je
fermai les yeux et ne le revis que quelques
instants plus tard sous le capuchon d'un pe-
tit moine. Je crois qu'il avait sous son froc
une rondache dont il me menaçait. — Mais,
interrompit l'autre, ces apparitions ne pou-
vaient-elles pas être des voyageurs naturels?
— Comme si on ne savait pas s'y rcctmnaî-
tre! commesinonsnel'avions pasvuderechet
sous la figura d'un pourceau, puis sous celle
d'un âne, puis sous celle d'un tonneau qui
roulait dans la campagne, puis enfin sous la
forme d'une roue de charrette qui, si je ne
me trompe pas, me renversa, sans toutefois
me faire aucun mal. — Après tant d'assauts,
la route s'était achevée sans autres malcn-
conlres 2).
ADAMANTIUS, médecin juif, qui se fit
chrétien à Constanlinopte, sous le règne de
Constance, à qui il dédia ses deux livres sur
\aPhysiognomonie ou l'art de juger les hom-
mes par leur figure. Cet ouvrage, plein do
contradictions et de léveries, a élé imprimé
dans quelques collections, notamment dans
les Sciiplores phi/siognomoniœ veteres, grec
et latin, cura J.-G.-F. Franzii-.AlXembourg,
1780, in-8.
ADAMIENS ou ADAMITES. Hérétiques du
second siècle, dans l'espèce des Basilidicns.
Ils se mettaient nus et professaient la pro-
niiscuilé des femines. Clément d'Alexandrio
dit qu'ils se vanlaient d'avoir des livres
secrets de Zoroasire, ce qui a fait conjectu-
rer à plusieurs qu'ils étaient livres à la ma-
ge.
ADELGREIF (Jean-Albert ), fils naturel
d'un pasteur allemand, qui lui apprille laliu,
le grec, l'hébreu cl plusieurs langues moQcr-
(2) Uoljcrl Gagiiiii, riiilipi..
29
ADR
nés. 11 devint fou et crut avoir des visions; il
disait <iue sept anges l'avaient chargé de
représenter Dieu sur la terre et de châlierles
souverains avec des verges de fer. Il se don-
nait les noms d'empereur universel, roi du
royaume des deux, envoyé de Dieu le Père,
juge des vivants et des morts. l\ causa beau-
coup de troubles par ses extravagances, qui
trouvèrent, comme toujours, des partisans.
On lui attribua des prodiges, et il fut brûlé à
Kœnigsberg comme magicien, hérétique et
perturbateur, le 11 octobre 1636. Il avait pré-
dit avec assurance qu'il ressusciterait le
troisième jour; ce qui ne s'est pas du tout vé-
rifié.
ADÉLITES, devins espagnols qui se van-
taient de prédire, par le vol ou le chant des
oiseaux, ce qui devait arriver en bien ou en
mal.
ADELUNG (JEAN-CnniSTOPHE;, littérateur
allemand, mort à Dresde en 1806. Il a laissé
un ouvrage 'in\i[u\é: Histoire des folies hu-
maines, ou Biographie des plus célèbres né-
cromanciens, alchimistes, devins, etc., sepi
parties; Leipzig. 1785-1789.
ADEPTES, nom que prennent lesalchimis-
tes qui prétendent avoir trouvé la pierre phi-
losophale et l'élixir de vie. Ils disent qu'il y
a toujours onze adeptes dans ce monde; et,
comme l'élixir les rend immortels, lorsqu'un
nouvel alchimiste a découvert le secret du
grand œuvre, il faut qu'un des onze anciens
lui fasse place et se retire dans un autre des
mondes élémentaires.
ADÈS, roi de l'enfer. Ce mot est pris sou-
vent chez quelques poètes anciens, pour
l'enfer même.
ADHAB-ALGAB, purgatoire des musul-
mans où les méchants sont tourmentés par
les anges noirs Munkir et Nékir.
ADJURATION, formule d'exorcisme par
laquelle on commande, au nom de Dieu, à
1 esprit malin de dire ou de faire ce au'on
exige de lui.
ADONIS, démon brûlé. Selon les démo-
nologues, il remplit quelques fonctions dans
les incendies (Ij. Des savants croient que
c'est le même que le démon Thamuz des Hé-
breux.
ADUAMELECH, grand chancelier des en-
fors, intendant de la garde-robe du souve-
rain des démons, président du haut conseil
des diables. Il était adoré à Sépharvuïm,
ville des Assyriens, qui brûlaient des enfants
sur ses autels. Les rabbins disent qu'il se
montre sous la figure d'un mulet elquclquc-
fois sous celle d'un paon.
ADRIEN. Se trouvant en Mésie, à la tête
d'une légion auxiliaire, vers la fin du règne
de Domilien, Adrien consulta un devin ( car
il croyait aux devins et à l'astrologie judi-
ciaire), lequel lui prédit qu'il parviendrait
un jour à l'empire. Ce n'était pas, dit-on, la
première foisqu'on lui faisait cette promesse.
Trajan, qui était son tuteur, l'adopta, et il
régna eu effet.
' (l) AVierus, de l'rsest. ,lacin., lih. I.
(2) Wienis, de l'i*>t. &,vm-, lib. Il, cap. xii.
(SjKraiic. îorre llUoca Cordub, Epil. dcliot. sivc do
.\G.\ 50
Ou lui attribue en Ecosse la construction
de la muraille du Diable.
Fulgose, qui croyait beaucoup à l'astrolo-
gie, rapporte, comme une preuve de la soli-
dité de cette science, que l'empereur Adrien,
très-habile astrologue, écrivait tous les ans,
le premier jour du premier mois, ce qui lui
devait arriver pendant l'année, et que, l'an
qu'il mourut, il n'écrivit que jus(iu'au mois
de sa mort, donnant à connaître par son
silence qu'il prévoyait son trépas. Mais
ce livre de l'empereur Adrien , ((u'on ne
montra qu'après sa mort, n'élail qu'un jour-
nal.
AEOROMANCIE, art de prédire les choses
futures par l'examen des variations et des
phénomènes de l'air (2). C'est en vertu de
cette divination qu'une comète iiunonce la %
mort d'un grand homme. Cependant ces pré-
sages extraordinaires peuvent rentrer dans
la tératoscopie.
François de LaTorre-Blanca (3) dit que
l'aéromancie est l'art dédire la boime aven-
ture en faisant apparaître des spectres dans
les airs, ou en représentant, avec l'aide des
démons, les événements futurs dans un nua-
ge , comme dans une lanterne magique.
« Qiiant aux éclairs et au tonnerre, ajoute-
t-il, ceci regarde les augures, et les aspects du
ciel et des planètes appartiennentà l'astrolo-
gie.»
AETIi'E, espèce de pierre qu'on nomme
aussi pierre d'aigle, selon la signification de
ce mot grec, parce qu'on prétend qu'elle se
trouve dans les nids des aigles. On lui attri-
bue la propriété de faciliter l'accouchement
lorsqu'elle est attachée au-dessus du genou
d'une femme, ou de le retarder, si on la lui
met à la poitrine. — Dioscoride (4) dit qu'on
s'en servait autrefois pour découvrir les
voleurs. Après qu'on l'avait broyée, on en
mélaitla cendre dans du pain fait exprès; on
en faisait manger à tous ceux qui étaient
soupçonnés. On croyait que si peu d'aétito
qu'il y eût dans le pain, le voleur ne pou-
vait avaler le morceau. Les Grecs modernes
emploient encore celte vieille superstition ,
qu'ils rehaussent de quelques paroles mysté-
rieuses.
MVOLl (César), auteur ou collecteur d'un
livre peu remarquable, intitulé: Opuscules
surles attributs divins et sur le pouvoir qui
a été donné aux démons de connaître les
choses secrètes et de tenter les hommes.
Opuscula de divinis atlribulis et de modo et
potestate quam dœmones habent inteiligendi
et passiones animi ejccitandi, in-4; Venise,
1389.
AGABERTE. « Aucuns parlent, dit Torqué-
mada, d'une certaine femme nommée Aga-
berte, fille d'un géant qui s'appelait Va-
gnosle, demeurant aux pays septentrionaux,
laquelle était grande enchanteresse. Et la
force de ses enchuiUemenls était si variée,
qu'on ne la voyait presque jamais en sij
propre figure : quelquefois c'était une petite
MaL;i.i, lib. I, cap. xx, posl Picloiiiiin cl Psellum.
(i) Cil é par le père Lcbiuii, Hial. des l'ralinucs superst.,
liv. 1, cb. XIV.
M
DICTIONNAIRE DES
▼ ioille forl riilée, qui somblait ne se pouvoir
remuer, ou bien une p;uivre femme malade
el sans forces; d'autres fois elle était si haute
qu'elle paraissait toucher les nues arec sa
télé. Ainsi elle prenait telle forme qu'elle
voulait, aussi aisément que les auteurs écri-
vent d'Urgande la Méconnue. Et, d'après ce
qu'elle faisait, le monde avait opinion qu'en
un instant elle pouvait obscurcir le soleil,
la lune et les étoiles, aplanir les monts, ren-
verser les montagnes, arracher les arbres,
dessécher les rivières, el faire autres choses
pareilles, si aisément qu'elle semblait tenir
tous les diables altachés et sujets à ses vo-
lontés (1).» -- Celle femme ne serait-elle
pas la mime qu'AcBAFÉNA? Voy. ce mot.
AGARÈS, grand-duc de la contrée orien-
* taie des enfers. Il se montre sous les traits
d'un soigneur, à cheval sur un crocodile,
l'épervierau poing. Il fait revcnirà la charge
les fuyards du parti qu'il prolége et met
l'ennemi en déroute. Il d^nne les dignités,
enseigne toutes les langues, et fait danser les
esprits de la terre. Ce chef des démons est
de l'ordre des verlus: il a sous ses lois trente
el une légions (2).
AG.ATE , pierre précieuse à laquelle les
anciens attribuaient des qualités qu'elle n'a
pas, comme de fortifier le cœur, de préserver
de la peste et de guérir les morsures du
scorpion el de la vipère.
AGATHION , démon familier qui ne se
montre qu'à midi. Il paratten forme d'Iiomme
ou de bêle; quelquefois il se laisse enfermer
dans un talisman, dans une bouteille ou dans
un annenu magi(]ue (3).
AGATHODÉMON, ou bon démon, adoré
des Egyptiens sous la figure d'un serpent à
tête humaine. Les dragons ou serpents exilés,
que les anciens révéraient, s'appelaient aga-
thodemonts, ou bons génies.
AGLA , mot cabalistique auquel les rab-
bins attribuent le pouvoir de chasser l'esprit
hialin. Ce mot se compose des premières
lettres de ces quatre mots hébreux : Athah
gabor leolam, Adonai; « Vous êtes puissant
et éternel, Seigneur. » Ce chnrme n'était pas
seulement employé par les Juifs et les caba-
listes, quelques chrétiens hérétiques s'en
sont armés souvent pour combattre les dé-
mons. L'usage en était fréquent au seizième
siècle (4), el plusieurs libres magiques en
sont pleins, principaieaient Y E nchiridion ,
attribué ridiculement au pape Léon 111. Voy.
Cabale.
AGLAOPHOTIS, sorte d'herbe qui croit
dans les marbres de l'Arabie, et dont les
magiciens se servaient pour évoquer les dé-
mons (5). Ils employaient ensuite l'ananci-
tide et la syrrochile, autres ingrédients qui
retenaient les démons évoq-.;cs aussi long-
temps qu'on le voulait. Voy. Baaras.
AGNAN, démon qui tourmente les Améri-
cains par des apparitions et des méchan-
(l)IIex.iméron de Torqnémada , traduit par Gal)riel
Cliapruis, Tourangeau, sixième journée.
(2) Wicnis, in Pscudomonarch. dsem.
(3) Lcloyer, Disc, el liisl. dos spectres, liv. III, cli. v.
Uj Lcloycr, Disc, el Uisi. des sj^cctres, liv. Vlll. cIj. vi.
SCIENCES OCCULTES. S2
celés : il se montre surloul au Brésil et chez
les Topinamboux , et parait sous toutes
sortes de formes, de façon que ceux qui
veulent le voir peuvent le rencontrer par-
tout (6).
AGOBARD, archevêque de Lyon au neu-
vième siècle. Il a écrit contre les épreuves
judiciaires et contre plusieurs superstitions
de son époque.
AGRAFÉNA-SHIGANSKAIA. L'une des
maladies les plus générales sur les cAtes
nord-est de la Sibérie, surtout parmi les
femmes , est une extrême délicatesse des
nerfs. Cette maladie, appelée mirak dans ce
pays, peut être causée par le défaut absolu
de toute nourriture végétale ; mais la super-
stition l'attribue à l'inlluence d'une magi-
cienne nommée Agraféiia-Shiganskaïa, qui,
bien que morte depuis plusieurs siècles,
continue à répandre l'effroi parmi les habi-
tants et passe pour s'emparer de la malade.
— M. de Wrangel, qui rapporte ce fait dans
le récit de son expédition au nord-est de la
Sibérie, ajoute que parfois on trouve aussi
des hommes qui souffrent du mirak ; mais
ce sont des exceptions.
AGRIPPA (Henri-Corneille), médecin et
philosophe, contemporain d'Erasme, l'un des
plus savants hommes de son temps , dont on
l'a appelé le Trismégisie, mais doué d'ex-
travagance ; né à Cologne en H86, mort en
1535, après une carrière or.igeuse, chez le
receveur général de Grenoble , et non à
Lyon, ni dans un hôpital, comme quelques-
uns l'ont écrit. 11 avait été lié avec tous les
grands personnages et recherché de tous les
princes de son époque. Chargé souvent de
négncialions politiques, il fil de nombreux
voyages, que Thevel, dans ses Vies des
hommes illustres, attribue à la manie «do
faire partout des tours de son métier de
magicien ; ce qui le faisait reconnaître et
chasser inconlinenl. »
Les démonologues, qui sont furieux contre
lui, disent qu'on ne peut le représenter que
comme un hibou, à cause de sa laideur ma-
gique ; et de crédules narrateurs ont écrit
gravement que, dans ses voyages, il avait
coutume de payer ses hôtes en monnaie ,
fort bonne en apparence, mais qui se chan-
geait , au bout de quelques jours, en petits
morceaux de corne, de coquille ou de cuir,
et quelquefois en feuilles d'arbres.
Il est vrai qu'à vingt ans il travaillait à la
chrysopée ou alchimie ; mais il ne trouva
jamais le secret du grand œuvre. Il est vi'ai
aussi qu'il était curieux de choses étranges,
et qu'il aimait les paradoxes : son livre de
la Yanilé des sciences, que l'on considère
comme son chef-d'œuvre, en est une preuve.
Mais au chapitre xiii de ce livre, il dé-
clame contre la magie cl les arts supersti-
tieux. Si donc il fut obligé plus d'une fois de
prendre la fuite pour se soustraire aux
(5) Pline, Hist. nat., liv. XXIV, ch. xvn.
(6) Wierus, Di! l'rseslig., lib. I, cap. xxii. T'.-evel,
OI)S. sur l'Amérique, cl), xxxv el xxxvi. Boguil. D'ac
dus sorciers, cli. vu.
I
I
l
53 AGK
mauvais traitements de la populace, qni
l'accusait de sorcellerie, n'est-il pas permis
de croire ou que son esprit caustique, et
peut-être ses mœurs mal réglées, lui faisaient
des ennemis , ou que son caractère d'agent
diplomatique le mettait souvent dans des
situations périlleuses, ou que la médecine
empirique, qu'il exerçait, l'exposait à des
catastrophes ; à moins qu'il ne faille croire,
en effet, que cet homme avait réellement
étudié la magie dans ces universités mysté-
rieuses dont nous ne savons pas encore les
secrets? Voy. Universités. Quoi qu'il en
soit, Louise de Savoie, mère de François l*',
le prit pour son médecin. Elle voulait qu'il
fût aussi son astrologue, ce qu'il refusa. Et
pourtant on soutient qu'il prédisait au trop
.'ameux connétable de Bourhon des succès
contre la France. Si cette allégation est vraie,
c'était semer la trahison, et Agrippa était un
fripon ou un fourbe.
Mais on établit encore l'éloignement d'A-
grippa pour le charlatanisme des sorciers
en rappelant ce fait, que, pendant le séjour
qu'il fil à Metz, remplissant les fonctions de
syndic ou avocat général (car cet homme fit
tous les métiers), il s'éleva très- vivement
contre le réquisitoire de Nicolas Savin, qui
voulait faire brtiler comme sorcière une
pavsanne. La spirituelle et vive éloquence
d'Agrippa fit absoudre cette fille. A cela les
partisans de la sorcellerie d'Agrippa répon-
dent qu'il n'est pas étonnant qu'un pareil
compère ait défendu ceux qui pratiquaient
la magie, puisqu'il la pratiquait lui-même.
— Ils ajoutent que, tandis qu'il professait à
l'université de Louvain, il infecta ses écoliers
d'idées magiques. « Un de ses élèves, lisant
auprès de lui un certain livre de conjura-
tions, fut étranglé par le diable. Agrippa,
craignant qu'on ne le soupçonnât d'être
l'auteur ou la cause de cette mort arrivée
dans sa chambre, commanda à l'esprit malin
d'entrer dans le corps qu'il venait d'étouffer,
de ranimer le jeune homme et de lui faire
faire avant de le quitter sept ou huit tours
sur la place publique. Le diable obéit; le
corps du jeune étranglé , après avoir paradé
pendant quelques minutes , tomba sans vie
devant la multitude de ses camarades, qui
crurent que ce n'était là qu'une mort su-
bite (1).»
Ce ne fut pas pourtant à cause de sem-
blables faits qu'il partitde celte ville savante.
Ce fut parce qu'il s'y était fait des ennemis,
à qui il donna un prétexte par la publication
de son ouvrage de la Philosophie occulte. On
accusa ce livre d'hérésie et de magie ; et, en
attendant qu'il fût jugé, l'auteur passa une
année dans les prisons de Bruxelles. Il en
fut tiré par l'archevêque de Cologne, qui
avait aciepté la dédicace du livre, dont il
reconnut publiquement que l'auteur n'était
pas sorcier. Les pensées de ce livre et celles
que le même savant exposa dans son com-
mentaire In ariem brevem Itaymundi Lullii ,
ne sont (pie des rêveries. Ce qui surtout a
(1) Deirio, Disquisit. mag., lib. Il, quœsl. 39.
(2) Vqjez Apoiie.
AGR
U
fait passer Agripf a pour un grand magicien,
c'est un fatras plein de cérémonies magiques
et superstitieuses qu'on publia sous son nom,
vingt-sept ans après sa mort, qu'on donna
comme le quatrième livre de sa Philosophie
occulte, et qui n'est qu'un ramassis de frag-
ments décousus de Pierre d'Apone, de Picto-
rius, et d'autres songe -creux (2).
Cependant Dclancre ne porte son accu-
sation que sur les trois premiers livres.
«Agrippa, dit-il (3), composa trois livres
assez grands sur la magie dé.noniaque ; mais
il conifessa qu'il n'avait janiais eu aucun
commerce avec le démon, et que la magie cl
la sorcellerie (hors les maléfices) consis-
taient seulement en quelques prestiges, au
moyen desquels l'esprit malin trompe les
ignorants. » — Thevel n'admet pas ces pal-
liatifs. «On ne peut nier, dil-il, qu'Agrippa
n'ait été ensorcelé de la plus fine et exécrable
magie, de laquelle, au vu et au su de chacun,
il a fait profession manifeste. Il était si
subtil , qu'il grippait de ses mains crochues
des trésors que beaucoup de vaillants capi-
taines ne pouvaient gagner par le cliquetis
de leurs armes et leurs combats furieux. Il
composa le livre de la Philosophie occulte,
censuré parles chrétiens, pour lequel il lut
chassé de Flandre, où il ne puldorénavant être
souft'ert; de manière qu'il prit la route d'Ita-
lie, qu'il empoisonna tellement que plusieurs
gens de bien lui donnèrent encore la chasse,
et il n'eut rien de plus hâtif que de se retirer
à Dôle. Enfin il se rendit à Lyon, dénué de
facultés ; il y employa toutes sortes de moyens
pour vivoter, remuant le mieux qu'il pouvait
la queue du bâton ; mais il gagnait si peu,
qu'il mourut en un chélif cabaret, abhorré de
tout le monde, et délesté comme un magicien
maudit, parce que toujours il menait en sa
compagnie un diable sous la figure d un
chien noir. »
Paul Jove ajoute qu'aux approches de sa
mort, comme on le pressait de se repentir, il
ôla à ce chien, qui était son démon familier,
un collier garni de clous qui formaient des
inscriptions nécromantiques, et lui dit : Va-
t'en , malheureuse bête , c'est toi qui m'as
perdu; qu'alors le chien pril aussitôt la fuite
vers la rivière de Saône, s'y jeta la tête en
avant et ne reparut plus.
Delancre rapporte autrement celte mort,
qui n'eut pas lieu dans un cabaret de Lyon,
mais , comme nous l'avons dit , à Grenoble.
« Ce misérable Agrippa, dit-il, fut si aveuglé
du diable, auquel il s'était soumis, qu'encore
qu'il connût très-bien sa perfidie et ses arti-
fices, il ne les put éviter, étant si bien enve-
loppé dans les rets d'icelui diable, qu'il lui
avait persuadé que, s'il voulait se laisser
tuer, la mort n'aurait nul pouvoir sur lui, et
qu'il le ressusciterait et le rendrait immor-
tel ; ce qui advint autrement, car Agrippa
s'élant fait couper la tête, prévenu de celle
fausse espérance, le diable se moqua de lui
et ne voulut (aussi ne le pouvait-il) lui re-
(3) Tableau de l'inconstance des démons, liv. V.
ss
DICTIONNAIIŒ DES SCIENCRS OCCULTES.
ss
donner la vie pour lui laisser le moyen de
déplorer ses crimes. »
Wiériis , qui fui disciple d'Agrippa . dit
qu'en effet cet homme aviiil beaucoup d'af-
fection pour les chiens, qu'on en voyait con-
stamment deux dans son cluilc, donl l'un se
nommait Monsieur et l'autre Mademoiselle ,
et qu'on prélendail que ces deux chiens noirs
étaient deux diables déguisés. — Tout cela
n'empêche pas qu'on ne soit persuadé, dans
quelques provinces arriérées, qu'Agrippa
n'est pas plus mort que Nicolas Flamel, et
qu'il se conserve dans un coin, ou par l'art
magique, ou par l'élixir do longue vie. Voy.
ClRAJfO.
AGUAPA, arbre des Indes orientales dont
on prétend que l'ombre est venimeuse. Un
homme velu, qui s'endort sous cet arbre, se
relève tout enflé; et Ion assure qu'un hom-
me nu crève sans ressource. Les habitants
altribuenl à la méchnnclé du diable ces
cruels effets. Voy. Bouon-Upas.
AGUEKUE. Sous Henri IV, dans cette par-
tie des Basses-Pyrénées qu'on appelait le
pays de Labour, on fit le procès en sorcelle-
rie à un vieux coquin de soixante-treize ans,
qui se nommait Pierre d'Aguerre, et qui cau-
sait beaucoup de maux par empoisonne-
ments, dits sortilèges. On avait arrêté, en
même temps que lui, Marie d'Aguerre et
Jeanne d'.\guerre, ses petites-filles ou ses
petites-nièces, avec d'autres jeunes filles, et
les sorcières qui les avaient menées au sab-
bat. Jeanne d'Aguerre exposa les turpitudes
qui se commettaient dans les grossières or-
gies où on l'avait conduite; elle y avait vu
le diable en forme de bouc. .Marie d'Aguerre
déposa que le démon adoré au sabbat s'ap-
pelait Léonard, qu'elle l'avait vu en sa forme
de bouc sortir du fond d'une grande cruche
placée au milieu de l'assemblée , qu'il lui
avait paru prodigieusement haut, et qu'à la
6n du sabbai il était rentré dans sa cruche.
— Deux témoins ayant affirmé qu'ils avaient
TU Pierre d'Aguerre remplir au sabbat le
personnage de maître des cérémonies, qu'ils
avaient vu le diable lui donner un bâton doré
avec lequel il rangeait, comme un meslre-
de-camp , les personnes et les choses , tt
qu'ils 1 avaient vu à la fin de l'assemblée
rendre au diable son bâton de commande-
ment (1), Pierre d'Aguerre fut condamné à
mort comme sorcier avéré. Voy. Bouc et
Sabbat.
AIGLE. L'aigle a toujours été un oiseau
de présage chez les anciens. Valère-Maxime
rapporte que la vue d'un aigle sauva la vie
au roi Déjotarus , qui ne fiisait rien sans
consulter les oiseaux : comme il s'y connais-
sait, il comprit que l'aigle qu'il voyait le dé-
tournait d'aller loger dans la maison qu'on
lui avait préparée , et qui s'écroula la nuit
suivante. De profonds savants ont dit que
l'aigle a des propriétés surprenantes , entre
autres celle-ci , que sa cervelle desséchée ,
«lise en poudre , imprégnée de suc de ciguc
(1) DcljiHTe, Tableau Je l'inconstaiicedcs démons, etc.,
liv. Il, discours l.
(2) Admiraljles secrets d'Albert le Granit, liv. Il, ch. m.
et mangée en ragoût , rend si furieux ceux
qui se sont permis ce régal , qu'ils s'arra-
chent les cheveux et se déchirent jusqu'à ce
qu'ils aient complètement achevé leur diges-
tion. Le livre qui contient cette singulière
recelte (2) donne pour raison de ses effets
que «la grande chaleur de la cervelle de
l'aigle forme des illusions fantastiques en
bouchant les conduits des vapeurs et en rem-
plissant la tète de fumée. » C'est ingénieux
et clair. Voy. Pierre d'Aigle.
On donne en alchimie le nom d'aigle à dif-
férentes combinaisons savantes. L'aigle cé-
leste est une composition de mercure réduit
en essence, qui passe pour un remède uni-
versel ; l'aigle de Vénus est une composition
de vert- de-gris et de sel ammoniac, qui for-
ment un safran ; Vaigle noir est une composi-
tion de celle cadmie vénéneuse qui se nomme
cobalt, et que quelques alchimistes regardent
comme la matière du mercure philosophi-
que.
AIGUILLES. On pratique ainsi, dans quel-
ques localités, une divination par les aiguil-
les. — On prend vingt-cinq aiguilles neuves ;
on les met dans une assiette, sur laquelle on
verse de l'eau. Celles ()ui s'affourthcnt Us
unes sur les autres annoncent autant d'en-
nemis. On conte qu'il est aisé de faire mer-
veille avec de simples aiguilles à coudre, en
leur communiquant une vertu qui enchante.
Kornmann écrit ceci (3) : « Quant à ce que
les magiciens cl les enchanteurs font avec
l'aiguille dont on a cousu le suaire d'un ca-
davre, aiguille au moyen de laquelle ils peu-
vent lier les nouveaux mariés , cela ne doit
pas s'écrire , de crainte de faire naître la
pensée d'un pareil expédient... »
AIGUILLETTE. On appelle nouement de
l'aiguillette un charme qui frappe tellement
l'imagination de deux époux , ignorants ou
superstitieux , qu'il s'élève entre eux une
sorte d'antipathie dont les accidents sont
très-divers. Ce charme est jeté par des mal-
veillants qui passent pour sorciers. Voy.
Ligatures.
AIMANT (Magnes), principal producteur
de la vertu magnétique ou attractive. — Il
y a sur l'aimant queliiues erreurs populaires
qu'il est bon de passer en revue. On rap-
porte des choses admirables, dit le docteur
Brown (4), d'un certain aimant qui n'attire
pas seulement le fer, mais la chiiir aussi.
C'est un aimant très faible, composé surtout
de terre glaise semée d'un petit nombre de
lignes magnétiques et terrées. La lerre glaise
qui en est la base fait qu'il s'altathe aux
lèvres, comme Ihémalite ou la terre de
Lemnos. Les médecins qui joignent celle
pierre à l'aélile lui donnent mal à propos la
vertu de prévenir les avortements.
On a dit, de toute espèce daimanl, que
l'ail peut lui enlever sa propriété attractive;
opinion certainement fausse , quoi(]u'elle
nous ait été transmise par Solin, Pline, Plu-
tarque, Mathiole, etc. Toutes les expériences
(.■5) De Mirab. mort., pars V, c;ip. smi.
(îj Lssai sur les erreurs, etc., liv. li, ch. ui.
57
AIM
l'ont démentie. Un fil d'archal rougi, puis
éteint dans le jus d'ail, ne laisse pas de con-
server sa vertu polaire; un morceau d'ai-
mant enfoncé dans l'ail aura la même puis-
sance attractive qu'auparavant ; des aiguilles
laissées dans l'ail jusqu'à s'y rouiller n'en
retiendront pas moins celle force d'attrac-
tion.
On doit porter le môme jugement de cette
autre assertion, que le diamant a la vertu
d'empêcher l'attraction de l'aimant. Placez
un diamant (si vous en avez) entre l'aimant
et l'aiguille, vous les verrez se joindre, dus-
sent-ils passer par-dessus la pierre précieuse.
Les auteurs que nous combattons ont sûre-
ment pris pour des diamants ce qui n'en était
pas.
Mettez sur la même ligne, continue Brown,
cette autre merveille contée par certains rab-
bins, que les cadavres humains sont magné-
litiues, et que, s'ils sont étendus dans un
bateau, le bateau tournera jusqu'à ce que la
tête du corps mort regarde le septentrion. —
François Rubus, qui avait une crédulité très-
solide, reçoit comme vrais la plupart de ces
faits inexplicables. Mais tout ce qui tient du
prodige, il l'attribue aux prestiges du dé-
mon (1), et c'est un moyen facile de sortir
d'embarras.
Disons un mot du tombeau do Mahomet.
Beaucoup de gens croient qu'il est suspendu,
à Mcdine, entre deux pierres d'aimant pla-
cées avec art, l'une au-dessus et l'autre au-
dessous ; mais ce tombeau est de pierre
comme tous les autres, et bâii sur le pavé
du temple. — On lit quelque part, à la vérité,
que les mahométans avaient conçu un pa-
reil dessein; ce qui a donné lieu à la fable
que le temps et l'éloignement des lieux ont
fait passer pour une vérité, et que l'on a es-
sayé d'accréditer par des exemples. On voit
dans Pline que l'architecte Dinocharès com-
mença de voûter, avec des pierres d'aimant,
le temple d'Arsinoé à Alexandrie, afin de sus-
pendre en l'air la statue de cette reine; il
mourut sans avoir exécuté ce projet, qui eût
échoué. — Ilufin conte que dans le temple
de Sérapis il y avait un chariot de fer que
des pierres d'aimant tenaient suspendu ; que,
ces pierres ayant été ôlées, le chariot tomba
e! se brisa. Bède rapporte également, d'après
des contes anciens, que le cheval de Belléro-
phon, qui était do fer, fut suspendu entre
deux pierres d'aimant.
C'est sans doute à la qualité minérale de
l'aimant qu'il faut attribuer ce qu'assurent
quelques-uns, que les blessures faites avec
des armes aimantées sont plus dangereuses
et plus dirn<:i;es à guérir, ce qui est détruit
par l'expérience; les incisions faites par des
ciiirurgiens avec des instruments aimantés
ne causent aucun mauvais eflVi. Rangez dans
la même classe l'opinion qui fait de l'aimant
un poison, parce que des auteurs le placent
dans le catalogue des poisons. Garcias de
Huerta, médecin d'un vice-roi espagnol, rap-
(1) Discours sur les pierres précieuses dunl il est fait
menliOQ daiu l'Apocalypse.
AJO r,8
porte, au contraire, que les rois de Ceyiau
avaient coutume de se faire servir dans des
plats de pierre d'aimant, s'imaginanl par là
conserver leur vigueur.
On ne peut attribuer qu'à la vertu magné-
tique ce que dit ^tins, que, si un goutteux
tient quelque temps dans sa main une pierre
d'aimant, il ne se sent plus de douleur, ou
que du moins il éprouve un soulagement.
C'est à la même vfrlu qu'il faut rapporter
cetju'assure Marcellus Empiricus, que l'ai-
mant guérit les maux de tête. Ces effets mer-
veilleux ne sont qu'une extension gratuite
de sa vertu attractive , dont tout le monde
convient. Les hommes s'élant aperçus de
celle force secrète qui attire les corps ma-
gnétiques, lui ont donné encore une attrac-
tion d'un ordre différent, la vertu de tirer la
douleur de toufes les parties du corps ; c'est
ce qui a l'ail ériger l'aimant en philtre.
On dit aussi que l'aimant resserre les
nœuds de l'amitié paternelle et de l'union
conjugale, en même temps qu'il est très-
propre aux opérations magiques. Les basi-
Ildiens en faisaient des talismans pour chas-
ser les démons. Les fables qui regardent les
vertus de cette pierre sont en grand nom-
bre. Dioscoride assure qu'elle est pour les
voleurs un utile auxiliaire; quand ils veu-
lent piller un logis, dit-il, ils allument du
feu aux quatre coins et y Jettent des mor-
ceaux d'aimant. La fumée qui en résulte est
si incommode, que ceux qui habitent la mai-
son sont forcés de l'abandonner. Malgré l'ab-
surdité de cette fable, mille ans après Diosco-
ride, elle a été adoptée par les écrivains qui
ont compilé les prétendus secrets merveil-
leux d'Albert" le (îrand.
Mais on ne trouvera plus d'aimant com-
parable à celui de Laurent Guasius. Cardan
affirme que toutes les blessures faites avec
des armes frottées de cet aimant, ne cau-
saient aucune douleur.
Encore une fable : je ne sais quel écri-
vain assez grave a dit que l'aimant , fer-
menté dans du sel, produisait et formait
le petit poisson appelé réniore, lequel pos-
sède la vertu d'attirer l'or du puits le plus
profond. L'auteur de cette recette savait
qu'on ne pourrait jamais le réfuter par l'ex-
périence (2) ; et c'est bien dans ces sortes de
choses qu'il ne faut croire que les faits
éprouvés.
AIMAR. Voy. Baguette.
AJOURNEMENT. On croyait assez généra-
lement autrefois que, si quelque 0|)primé, au
moment de mourir, prenait Dieu pour juge ,
et s'il ajournait son oppresseur au tribunal
suprême, il se faisait toujours une manifes-
tation du gouvernement temporel do la Pro-
vidence. Nous ne parlons de l'ajournement
du grand mailre des Templiers, qui cita le
pape et le loi de France, que pour remar-
quer que cet ajournement a été inventé après
coup. Voy. Templiers.
Mais le roi d'Aragon , Ferdinand IV, fui
(2) Brown, au lieu cilû
DICTIONNAIIIE DES SCIEiNCEà OCClLThS.
40
ajourné par deux gentilsliommcs injuslc-
inent con(i<tinncs,ct tnourul au bout de trente
jours.
Enéfis Sylvius raconte que François I",
iluc df Brciagiic, ayant fait assassiner son
fièrc (en IV' 0), ce prince, en mourant, ajonr-
ua son nieurlricr devant Dieu, et que le duc
expira au jour fixé.
On avait autrefois grande confiance en ces
njournenicnts , et les dernières paroles des
mourants étaient redoutées. On cite même
une foule d'exemples qui feraient croire
qu'un condamné peut toujours, à sa der-
nière heure, en api>eler ainsi d'un juge ini-
que ; si ce n'était qu'une idée, dans les temps
barbares elle pouvait être salutaire. Mais
n'élait-ee qu'une idée? Uelancre dit qu'un
innocent peut ajourner son juge , mais que
l'ajourncnient d'un coupable est sans effet.
Comme les sorciers ajournaient leurs con-
damnateurs, il raconte, d'après Paul Jove,
que Gonzalve de Cordoue ayant condamné
à mort un soldat sorcier, ce soldat s'écria
qu'il mourait injustement, et qu'il ajournait
(ironzalve à comparaître devant le tribunal
de Dieu. — Va, va, lui dit Gonzalve, hâte-
toi d'aller et fais instruire le procès ; mon
fière Alphonse, qui est dans le ciel, compa-
raîtra pour moi. — L'ajournement ne lui fut
pas falul.
Ballade de l'ajournement.
La Revue de Paris a publié en 1831 l'analyse
d'une singulière ballade espagnole. Nous
reproduisons ici celle pièce pathétique en
résumé.
Solisa, l'infante, seule dans son oratoire,
versait des larmes et se disait avec déses-
poir qu'il n'y aurait plus de mariage pour
elle. Le roi son père la surprit en ce mo-
ment, et, cherchant à la consoler, il apprit
d'elle que le comte Alarcos l'avait aimée ;
puis qu'il l'avait oubliée pour en épouser
une autre depuis trois ans. Le roi fait venir
le comte et le somme de tenir la parole qu'il
a donnée jadis à sa fille.
— Je ne nierai pas la vcrilé, répond Alar-
cos ; je craignais que Votre Majesté ne vou-
lût jamais consentir à m'accorder la main de
ga fille. Je me suis uni à une autre femme.
— Vous *ous en débarrasserez, dit le roi.
— Epargnez, sire, celle qui est innocente ;
ne me condamnez pas à un ailreux assas-
sinat.
Le roi est inflexible; il faut que la com-
tesse meure cette nuit même, ou que le comte
ail la tèle tranchée le lendemain.
Alarcos retourne à sa demeure, triste pour
sa femme et pour ses trois enfants. Il aper-
çoit la comtesse sur sa porte (Un jeune page
avait pris les devants pour la prévenir du
retour de son époux).
— Soyez le bicn-v<nu, mon Seigneur, dit-
elle. Hélas I vous baissez la tète? Dites-moi
pourquoi vous pleurez? '
— Vous le saurez ; mais ce n'est pas
l'heure, répondit-il ; nous souptrons el je
vous dirai tout plus tard.
On sert le souper ; la comtesse se place
auprès d'Alarcos, pâle et triste , mais elle ne
mange ni ne boit. Ses enfants étaient silen-
cieux auprès de leur père. Tout à coup il
penche sa léle sur la table el cache avec ses
mains son visage en larmes.
— J'ai besoin de dormir, dit-il.
H savait bien qu'il n'y aurait pas de som-
meil pour lui cette nuit-là.
Les deux époux entrent dans la chambre
et y demeurent seuls avec leur plus jeune
enliinl encore à la mamelle. Le comte
ferme les portes aux verroux , ce qu'il n'a-
vait p.Ts l'habitude de faire.
— Femme malheureuse I s'écrie-t-il , et
moi le plus à plaindre des hommes 1
— Ne parlez pas ainsi , mon noble sei-
gneur; elle ne saurait être malheureuse celle
qui est l'épouse d'Alarcos.
— Trop malheureuse cependant, cardans
le mol que vous venez de prononcer est
compris tout votre malheur. Sachez qu'avant
de vous connaître j'avais juré à l'infiinte que
je n'aurais jamais d'autre épouse qu'elle; le
roi, notre seigneur, sait tout; aujourd'hui l'in-
fante réclame ma main ; el, mol fatal à pio-
noneer, pour vous punir d'avoir été préfé-
rée à l'infante, le roi ordonne que vous mou-
riez celte nuit.
— Ksl-ce donc là , répondit la comtesse
effrayée, le prix de ma tendresse soumise ?
Ahl ne me tuez pas, noble comte, j'em-
brasse vos genoux ; renvoyez-moi dans la
maison de mon père, où j'étais si heureuse ,
où je vivrai solilairc, où j'élèverai mes trois
enfants.
— Cela ne se peut... mon serment a été
terrible... Vous devez mourir avant le jonr.
— Ahl il se voit bien que je suis seule sur
la terre ; mon père est un vieillard infirme...
ma mère est dans son cercueil, et le fier don
Garcia est mort... lui, mon vaillant frère,
que ce lâche roi fit périr. Oui , je suis
seule el sans appui en Espagne... Ce n'est
pas la mort que je crains, mais il m'en coûte
de quilier mes fils... Laissez-moi du n)oins
les presser encore sur mon cœur, les embras-
ser une dernière fois avant do mourir.
— Embrassez celui qui est là dans son
berceau ; vous ne reverrez plus les autres.
— Je voudrais au moins le temps de dire
un Ave.
— Dites-le vite.
Elle s'agenouilla.
— 0 Seigneur Dieul dit-elle, en ce moment
de terreur, oubliez mes péchés , ne vous
souvenez que de votre miséricorde.
Quand elle eut prié, elle se releva plus
calme.
— Alarcos, dit-elle, soyez bon pour les
gages de notre amour et priez pour le repos
de mon âme... Et maintenant donnez-moi
noire enfant sur mon sein, qu'il s'y puisse
désaltérer une dernière fois, avant que le
froid de la mort ait glacé le lait de sa mère.
— Pourquoi réveiller le pauvre enf.iiit?
Vous voyez qu'il dort. Préparez-vous ; le
temps presse ; l'auroro couimence à pa-
raître.
— Eh bien 1 écoute-moi, comte Alarcos;
41
ALB
ALn
42
je te pardonne. Mais je ne puis pardonner à ce
roi si cruel, ni à sa fille si fière. Que Dieu
les punisse du meurtre d'une chrétienne. Je
les nppelle , de ma voix mourante, devant
le trône de l'Eternel, d'ici à trente jours.
Alarcos, barbare et ambitieux, étrangla
la pauvre comtisse avec son mouchoir. Il la
recouvrit avec les draps du lit ; puis, appe-
i;int ses écuycrs, il leur fit un faux récit
pour les tromper, et s'en alla épouser l'in-
fanie.
Mais la vengeance céleste s'accomplit au-
delà des malédictions de la comtesse; car,
av.nnl que le mois fût expiré, trois âmes cou-
pables, le roi, l'infante et le comte, parurent
devant Dieu...
AKHMlN,villedelamoyenneThcbaïde,qui
avait autrefois le renom d'être la demeure des
plus grands magiciens (1). Paul Lucas parle,
dans son second voyage (2), du serpent mer-
veilleux d'Akhmin, que les musulmans ho-
norent comme un ange , et que les chré-
tiens croient être le démon Asmodée Voy
Haridi.
AKIBA, rabbin du premier siècle de notre
ère, qui, de simple berger, poussé par l'es-
poir d'obtenir la main d'une jeune fille dont
il était épris, devint un savant renommé. Les
Juifs disent qu'il fut instruit par les esprits
élémentaires, qu'il savait conjurer, et qu'il
eut, dans ses jours d'éclat, jusqu'à quatre-
vingt mille disciples... On croit qu'il est au-
teur du Jelzirah, ou livre de la création, at-
tribué par les uns à Abraham, et par d'au-
tres à Adam même. Voy. Abraham.
ALAIN DE L'ISLE (Insulensis), religieux
bernardin, évêque d'Auxerre au douzième
siècle, auteur àe l'Explication des prophéties
de Merlin (Explanalionesin prophetias Mer-
Uni Angli; Francfort, 1608, in-8°). Il composa
ce commentaire, en 1170, à l'occasion du
grand bruit que faisaient alors lesdites pro-
phélies. Un autre Alain ou alanus, qui vi-
vait dans le même siècle, a laissé pour les
alchimistes un livre intitulé : Dicta de lapide
philosophico , in-8°; Leyde, 1600.
ALARY (François), songe-creux, qui a
fait imprimer à Rouen, en 1701, la Prophétie
du comte Bombaste, chevalier de la Rose-
Croix, neveu de Paracelse, publiée en l'année
1609, sur la naissance de Louis le Grand.
ALASTOR, démon sévère, exécuteur su-
prême des sentences du monarque infernal.
Il fait les fonctions de Néinésis. Zoroastre
l'appelle le bourreau; Origène dit que c'est
le même qu'Azazel; d'autres le confondent
avec l'ange exterminateur. Les anciens ap-
pelaient les génies malfaisants Alastores ; et
Plutarque dit que Cicéron, par haine contre
Auguste, avait eu le projet de se tuer auprès
du foyer de ce prince pour devenir son alas-
tor.
ALBERT LE GRAND , Albert le Teuto-
nique, Albert de Cologne , Albert de Ralis-
bonne , Alberlus Grolus , car on le désigne
tous tous ces noms (le véritable était Albert
ft) D'Hcrbflot, Bibliollièque orieiilale.
2) Liv. V, l. II, p. 85.
s) Veycz., dans les légemlei de la sainte Vierge, la
DlCTlONN. DES SCIENCES OCCULTES. L
(le Groot), savant et pieux dominicain, mis
à tort au nombre des magiciens par les dé-
monographes, fut, dit-on, le plus curieux de
tous les hommes. 11 naquit dans la Souabe,
à Lawigen sur le Danube, en 1203. D'un es-
prit fort grossier dans son jeune âge, il de-
vint, à la suite d'une vision qu'il eut de la
sainte Vierge, qu'il servait tendrement et qui
lui ouvrit les yeux de l'esprit, l'un des plus
grands docteurs de son siècle. Il fut le maître
de saint Thomas d'Aquin. Vieux, il retomba
dans la médiocrité, comme s'il dûl être évi-
dent que son mérite et sa science étendue
n'étaient qu'un don miraculeux et tempo-
raire. — D'anciens écrivains ont dit, après
avoir remarqué la dureté naturelle de sa
conception, que d'âne il avait été transmué
en philosophe ; puis, ajoutent-ils, de philo-
sophe il redevint âne (3).
Albert le Grand fut évêque de Ratishonne
et mourut saintement à Cologne , âgé de
quatre-vingt-sept ans. Ses ouvrages n'ont été
publiés qu'en 1631 ; ils forment 21 volumes
in-fol.Enles parcourant, on admire un savant
chrétien; on ne trouve jamais rien qui ait
pu le charger de sorcellerie. Il dit formelle-
ment au contraire : « Tous ces contes de dé-
« mons qu'on voit rôder dans les airs, et de
« qui on tire le secret des choses futures,
« sont des absurdités que la saine raison
« n'admettra jamais (4). » — C'est qu'on a
mis sous son nom des livres de secrets mer-
veilleux, auxquels il n'a jamais eu plus de
part qu'à l'invention du gros canon et du
pistolet que lui attribue Matthieu de Luna.
Mayer dit qu'il reçut des disciples de saint
Dominique le secret de la pierre philoso-
phale, et qu'il le communiqua à saint Tho-
mas d'Aquin; qu'il possédait une pierre
marquée naturellement d'un serpent, et douée
de cette vertu admirable, que si on la met-
tait dans un lieu que les serpuits fréquen-
tassent, elle les attirail tous; qu'il employa,
pendant trente ans, toute sa science de ma-
gicien et d'astrologue à faire, de métaux bien
choisis, et sous l'inspection des astres, un
automate doué de la parole, qui lui servait
d'oracle et résolvait toutes les questions
qu'on lui proposait: c'est ce qu'on appelle
l'androïde d'Albert le Grand; que cet auto-
mate fut anéanti par saint Thomas d'Aquin.
qui le brisa à coups de bâton, dans l'idée
que c'était un ouvrage ou un ag^ent du diable.
On sent que tous ces petits faits sont des
contes. On a donné aussi à Virgile, au papo
Sylvestre II, à Roger Bacon, de pareils an-
droïdes. Vaucanson a montré que c'était un
pur ouvrage de mécanique.
Une des plus célèbres sorcelleries d'Albert
le Grand eut lieu à Cologne. Il donnait uu
banquet, dans son cloître, à Guillaume II,
comte de Hollande et roi des Romains; c'é-
tait dans le cœur de l'hiver; la salle du fes-
tin présenta, à la grande surprise de la cour,
la riante parure du printemps; mais, ajoute-
t-on, les fleurs se flétrirent à la tin du repas.
vision fie l'écolier.
(4) De Soinii. (■tïig.,Iib. III, tricl. I, cap. vui.
il
niCTlONNAlRE DES SCIENCES OCCULTES.
4i
A une époque où l'on ne connaissait point
les serres chaudes, l'élégante prévenance du
bon et savant roligiiux dut surprendre. —
Os qn'il appelait lui-même ses opérations
magiques n'élaient ainsi que de la magie
Manche.
Finissons en disant que son nom d'Albert
le Grand n'est pas un nom acquis par la
fîloire, mais la simple traduction de son nom
de famille, Albert de Groot.
On lui attribue donc le livre intilulé : les
Admirables secrets d'Albert le Grand, conle-
iiant plusieurs traités sur les vertus des her-
bes, des pierres précieuses et des animaux,
rtc, augmentés d'un abrégé curieux de la
physiognononiie et d'un préservatif contre la
peste, les fièvres malignes, les poisons et
l'infection de l'air, tirés et traduits des an-
riens manuscrits de l'auteur qui n'avaient
pas encore paru, etc., in-18, in-24, in-12.
lîxcepté du bon sens, on trouve de tout dans
ce fatras, jusqu'à un traité des fientes qui ,
« quoique viles et méprisables, sont cepen-
« dant en estime, si on s'en sert aux usages
• prescrits. » Le récoliecteur de ces secrets
débute par une façon de prière ; après quoi
il donne la pensée du prince des philosophes,
lequel pense que l'homme est ce qu'il y a de
meilleur dans le monde, attendu la grande
sympathie qu'on découvre entre lui et les si-
gnes du ciel, qui est au-dessus de nous et,
par conséquent, nous est supérieur.
Le livre 1" traite principalement, et de la
manière la plus inconvenante, de l'influence
des planètes sur la naissance des enfants, du
merveilleux effet des cheveux de la femme,
des monstres, de la façon de connaître si une
femme enceinte porte un garçon ou une Olle,
du venin que les vieilles femmes portent
dans les yeux, surtout si elles y ont de la
chassie, etc. Toutes ces rêveries grossières
sont fastidieuses, absurdes et fort sales.
On voit, dans le livre II, les vertus de cer-
taines pierres, de certains animaux, et les
merveilles du monde, des planètes et des
aslrps. — Le livre III présente l'excellent
traité des fientes, de singulières idées sur
les urines, les punaises, les vieux souliers
et la pourriture; des secrets pour amollir le
fer, pour manier les métaux, pour dorer l'é-
tain et pour nettoyer la batterie de cuisine.
Enfin, le livre IV est un traité de physio-
gnomonie, avec des remarques savantes, des
observations sur les jours heureux et mal-
heureux, des préservatifs contre la fièvre,
des purgatifs, des receltes de cataplasmes et
autres choses de même nature. Nous rappor-
terons en leur lieu ce qu'il y a de curieux
dans ces extravagances ; et le lecteur trou-
vera, comme nous, étonnant qu'on vende
chaque année par milliers d'exemplaires les
secrets d'Albert le Grand aux pauvres habi-
tants des campagnes.
Le solide Trésor du Petit Albert, ou secrets
merveilleux de la magie naturelle et cabalis-
tique, traduit exactement sur l'original laliu
intitulé : « Alberli Parvi Lircii liber do mira-
bilibus naturœ arcanis, » enrichi de figures
«lyslérieuses, et la manière de les faire (ce
sont des figures de talismans). Lyon, chez
les héritiers de Beringos fratres, à l'enseigne
d'Agrippa. In-18, 6516 (année cabalistique).
— Albert le Grand est également étranger
à cet autre recueil d'absurdités, plus dange-
reux que le premier, quoiqu'on n'y trouve
pas, comme les paysans se l'imaginent . les
moyens d'évoquer le diable. On.y voit la
manière de nouer et de dénouer l'aiguillette,
la composition de divers philtres, l'art do
savoir en songe qui on épousera, des secrets
pour faire danser, pour multiplier les pi-
geons , pour gagner au jeu , pour rétablir le
vin gâté, pour faire des talismans cabalisti-
ques, découvrir les trésors, se servir de la
main de gloire, composer l'eau ardenle et lo
feu grégeois, la jarretière et le bâton du voya-
geur , l'anneau d'invisibilité , la poudre de
sympathie, l'or artificiel, et enfin des remè-
des contre les maladies, et des gardes pour
les troupeaux.
ALBERT D'ALBY. Voy. Cartomancie.
ALBERT DE SAINT-JACQUES, moine du
dix-septième siècle, qui publia un livre inti-
tulé : Lumière aux vivants par l'expérience
des morts, on d\\ erses apparitions des âmes
du purgatoire de notre siècle. In-8',Lyon,
1675.
ALBIGEOIS, espèce de manichéens très-
perfides, dont l'hérésie éclata dans le Lan-
guedoc, et eut pour centre Albi. Ils admet-
taient deux principes, disant que Dieu avait
produit de lui-même Lucifer, qui était ainsi
son fils aîné ; que Lucifer, fils de Dieu, s'é-
tait révolté contre lui ; qu'il avait entraîné
dans sa rébellion une partie des anges ; qu'il
s'était vu alors chassé du ciel avec les com-
plices de son crime; qu'il avait , dans son
exil , créé ce monde que nous habitons, où
il régnait et où tout allait mal. Ils ajoutaient
que Dieu, pour rétablir l'ordre, avait pro-
duit un second fils , qui était Jésus-Christ.
Ce singulier dogme se présentait avec des
variétés, suivant les différentes sectes. Pres-
que toutes niaient la résurrection de la chair,
l'enfer et le purgatoire, disant que nos âmes
n'étaient que des démons logés dans nos corps
en châtiment de leurs crimes. — Les albigeois
avaient pris, dès la fin du douzième siècle,
une telle consistance, cl de si odieux excès
marquaient leur passage, que, les remon.
trances et les prédications étant vaines, il
fallut faire contre eux une croisade, dont
Simon de Montfort fut le héros. On a déna-
turé et faussé parles plus insignes menson-
ges l'histoire de cette guerre sainte; on a
oublié que, si les albigeois eussent triomphé,
l'Europe retombait dans la barbarie. 11 est
vrai que leurs défenseurs sont les protestants,
héritiers d'un grand nombre de leurs erreurs,
et les philosophes, amateurs assez souvent
de leurs désordres.
ALBIGERIUS. Les démonngraphes disent
que les possédés, par le moyen du diable,
tombent quelquefois dans des extases pen-
dant lesquelles leur âme voyage loin du
corps, et fait à son retour des révélations de
choses secrètes. C'est ainsi , comme dit
Lcloyer , que les corybantcs devinaient et
4E âLB
prophélisaicnt. Saint Augustin parle d'un
Carthaginois, nommé Albigérius, qui savait
par ce moyen tout ce qui se faisait hors de
chez lui. Chose plus étrange, ajoule-t-il, cet
Albigérius, à la suite de ses extases, révé-
lait souvent ce qu'un autre songeait dans le
plus secret de sa pensée. Etait-ce du ma-
gnétisme?
Saint Augustin cite un autre frénétique
qui, dans une grande fièvre, étant possédé
du mauvais esprit, sans extase , mais bien
éveillé, rapportait fuièlement tout ce qui se
faisait loin de lui. Lorsque le prêtre qui le
soignait était à six lieues de la maison, le
diable, qui parlait par la bouche du malade,
disait aux personnes présentes en quel lieu
était le prêtre à l'heure qu'il parlait et ce qu'il
faisait, etc. Ces choses-là sont surprenantes.
Mais l'âme immortelle, suivant la remarque
d'Aristoie, peut quelquefois voyager sans le
corps (1).
ALBINOS. Nom que les Portugais ont
donné à des hommts d'une blancheur ex-
trême, qui sont ordinairement enfants Je nè-
gres. Les noirs les regardent comme des
monstres, et les savants ne savent à quoi at-
tribuer celte blancheur. Les albinos sont pâ-
les comme des spectres ; leurs yeux, faibles
el languissants pendant le jour, sont brillants
à la clarté de la lune. Les noirs, qui don-
nent aux démons la peau blanche, regardent
les albinos comme des enfants du démon. Us
croient qu'ils peuvent les combattre aisé-
ment pendant le jour, mais que la nuit les
albinos sont les plus forts et se vengent. Dans
le royaume de Loango, les albinos passent
pour de.s démons champêtres el obtiennent
quelque considération à ce titre.
Vossius dit qu'il y a dans la Guinée des
peuplades d'albinos. Mais comment ces peu-
plades subsisteraient-elles, s'il est vrai que
ces infortunés ne se reproduisent point? Il
paraît que les anciens connaissaient les al-
binos. « On assure, dit Pline, qu'il existe en
Albanie des individus qui naissent avec des
cheveux blancs, des yeux de perdrix , et ne
voient clair que pendant la nuit.» Il ne dit
pas que ce soit une nation, mais quelques
sujets affectés d'une maladie particulière.
« Plusieurs animaux ont aussi leurs albinos,
ajoute M. Salgues ; les naturalistes ont ob-
servé des corbeaux blancs , des merles
blancs , des taupes blanches ; leurs yeux
sont rouges, leur peau est plus pâle et leur
organisation plus faible (2). x
ALBOKACK. Voy. Borack.
ALBUAIAZAU, astrologue du ix" siècle, né
dans le Kborassan, connu par son traité as-
trologique intitulé Milliers d'années, où il
affirme que le monde n'a pu être créé que
quand les sept planètes se sont trouvées en
conjonction dans le premier degré du Bélier,
et que la fin du monde aura lieu quand ces
sept planètes (qui sont aujourd'hui au nom-
bre de douze) se rassembleront dans le der-
nier degré des Poissons. On a traduit en la-
Îl) Leioyer, Hisl. el dise, des spectres, liv. IV.
îj Dus erreurs et des pri'jiigés, eto , l. I, p. 179.
ALC
40
tin el imprimé d'Albnmazar le Tractatns fin-
rum astrologiœ; in-4°, Augsbourg, 1V88. On
peut voir dans Casiri, Bibliolh. arab. hispan.,
I. I, p. 351, le catalogue de ses ouvrages.
ALBUNÉE. Voy. Sibylles.
ALGHABITIUS. Voy. Abdel-Azys.
ALGHliMIE. L'alchimie ou chimie par ex-
cellence, qui s'appelle aussi philosophie her-
métique, est cette partie émincnte de la chi-
mie qui s'occupe de l'art de transmuer les
métaux. Son résultat, en expectative, est la
pierre philosoohalo. Voy. Pierre piiiloso-
PHALE.
ALCHINDUS, que Wiérus (3) met au
nombre des magiciens, mais que Delrio (k)
se contente de ranger parmi les écrivains
superstitieux , était un médecin arabe du
xi"^^ siècle , qui employait comme rentède les
paroles charmées et dos combinaisons de, chif-
fres. Des démonologues l'ont déclaré suppôt
du diable à cause de son livre intitulé : Théo-
rie des arts magiques, qu'ils n'ont point lu ;
car Jean Pic de la Mirandole dit qu'il ne con-
naît que trois hommes qui se soient occupés
de la magie naturelle et permise : Alchin-
dus , Roger Bacon et Guillaume de Paris.
Alchindus était simplement un peu physi-
cien dans des temps d'ignorance. — A son
nom arabe, Alcendi, qu'on a latinisé, quel-
ques-uns ajoutent le prénom de Jacob ; on
croit qu'il était mahométan. — On lui repro-
che d'avoir écrit des absurdités. Par exem-
ple, il croyait expliquer les songes en disant
qu'ils sont l'ouvrage des esprits élémentaires,
qui se montrent à nous dans le sommeil et
nous représentent diverses actions fantasti-
ques , comme des acteurs qui jouent la co-
médie devant le public.
ALCOUAN. Voy. Koran
ALCYON. Une vieille opinion, qui subsiste
encore chez les habitants des côies, c'est que
l'alcyon ou martin-pôcheur est une girouette
naturelle, et que , suspendu par le bec, il
désigne le côté d'où vient le vent, en tournant
sa poitrine vers ce point de l'horizon. Ca
qui a mis cette croyance en crédit parmi le
peuple, c'est l'observation qu'on a laite que
l'alcyon semble étudier les vents el les devi-
ner lorsqu'il établit son nid sur les flots, vers
lesolsticed'hiver. Mais cette prudence est-elle
dansl'alcyonuneprévoyancequi lui soitpar-
ticulière ? N'est-ce pas simplement un instinct
de la naiure qui veille à la conservation do
cette espèce? « Biin des choses arrivent, dit
Brown, parce que le premier moteur l'a
ainsi arrêté, el la nature tes exécute par des
voies qui nous sont inconnues. »
C'est encore une ancienne coutume de
conserver les alcyons dans des coffres , avec
l'idée qu'ils préservent des vers les étoffe.'J
de laine. On n'eut peut-être pas d'autre but
en les pendant au plafond des chambres. «Je
crois même , ajoute Brown , qu'en les sus-
pendant par le bec on n'a pas suivi la mé-
thode des anciens qui les suspendaient par
le dos , afin que le bec marquât les veate.
(5) De Praesligi'u, lib. II, cap. m.
(4) Disquisit. M^iaiiLC. lib. I, cap. m.
tn
I K.TIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
iZ
Car c'est ninsi que Kiikor a décrit l'hiron-
delle de mer. » Disons aussi qu'autrefois ,
en tonservanl cet oiseau, on croyait que ses
plumes se renouvelaient comme s'il eût été
. "ivant, et c'est ce qu'Albert le Grand espéra
I inutilement dans ses expériences (1).
' Outre les dons de prédire le vent et de chas-
ser les vers, on attribue encore à l'alcyon la
précieuse qualité d'enrichir son possesseur,
d'entrenir l'union dans les familles et de
communiquer la beauté aux femmes qui
portent ses plumes. Les Tartares et les Os-
tiaks ont une très-grande vénération pour
cet oiseau. Us recherchent ses plumes avec
empressement, les jettent dans un grand
«ase d'eau, gardent avec soin celles qui sur-
nagent , persuadés qu'il suffit de toucher
quelqu'un avec ses plumes pour s'en faire ai-
mer.Quand un Ostiak est assez heureux pour
posséder un alcyon, il en conserve le bec,
les p.ittes et la peau , qu'il met dans une
bourse , et , tant qu'il porte ce trésor, il se
croit à l'abri de tout malheur (2). C'est pour
lui un talisman comme les fétiches des nè-
gres.
ALDON. Voy. Granson.
ALECTORIENNE (Pierre). Voy. Coq.
ALECTRYOMANCIE ou ALECTROMAN-
CIE. Divination par le moyen du coq, usitée
chez les anciens. Voici quelle était leur mé-
thode : — On traçait sur le sable un cercle
que l'on divisait en vingt- quatre espaces
égaux. On écrivait dans chacun de ces es-
paces une lettre de l'alphabet; on mettait
sur chaque lettre un grain d'orge ou de blé;
on plaçait ensuite, au milieu du cercle, uu
coq dressé à ce manège ; on observait sur
quelles lettres il enlevait le grain ; on en
suivait l'ordre, et ces lettres rassemblées
formaient un mot quidonnait la solution dece
que l'on cherchait à savoir. Des devins ,
parmi lesquels on cite Jamblique , voulant
connaître le successeur de l'empereur Va-
lens, employèrent l'alectryornancie ; le coq
lira les lettres Théod.... Valens, instruit de
cette particularité , fit mourir plusieurs des
curieux qui s'en étaient occupés, et se déOl
même , s'il faut en croire Zonaras , de tous
les hommes considérables dont le nom com-
mençait par les lettres fatales. Mais, malgré
ses efforts , son sceptre passa à Théodose le
Grand. Cette prédiction a été faite après
coup.
Ammien-Marceilin raconte la chose au-
iremeiit. Il dit que sous l'empire de Valens
un comptait, parmi ceux qui s'occupaient
de magie, beaucoup de gens de qualité et
<]uelques philosophes. Curieux de savoir
quel serait le sort de l'empereur régnant,
ils s'assemblèrent pendant la nuit dans une
des maisons affectées à leurs cérémonies :
ils commencèrent par dresser un trépied
•le racines et de rameaux de laurier, qu'ils
(1) Brown, Erreurs populaires, liv. Ht, cti. x.
(2) M. Salgucs, Des Erreurs el dos préjugés, t. Ht,
|>. 374
(5) Jean Buri'l,tn, so|'lilsle du quartorrième siècle, qui
wuluuail i^u'uu iuc pusé juste au uiilieu du deux picutius
consacrèrent par dhorrihles imprécations •
sur ce trépied ils placèrent un bassin fortni
de différents métaux, et ils rangèrent autour,
à distances égales, toutes les lettres de l'al-
phabet. Alors le sorcier le plus savant de la
compagnie s'avança , enveloppé d'un long
voile, la tète rasée, tenant à la main dis
feuilles de verveine , et faisant à grands cris
d'effroyables invocations qu'il accompagnait
deconvulsions.Ensuite,s'arrétanltoutàcoup.
devant le bassin magique, il y resta immo-
bile , tenant un anneau suspendu par un fil.
C'était de la dactylomancie. A peine il ache-
vait de prononcer les paroles du sortilège,
qu'on vit le trépied s'ébranler, l'anneau se
remuer, et frapper tantôt une lettre, tantôt
une antre. A mesure que ces lettres étaient
ainsi frappées , elles allaient s'arranger
d'elles-mêmes, à côté l'une de l'autre, sur
une table où elles composèrent des vers hé-
roïques qui étonnèrent toute l'assemblée.
Valens, informé de cette opération , et
n'aimant pas qu'on interrogeât les enfers sur
sa destinée, punit les grands et les philoso-
phes qui avaient assisté à cet acte de sorcel-
lerie : il étendit même la proscription sue
tous les philosophes et tous les sorciers
de Rome. 11 en périt une multitude ; et les
grands, dégoûtés d'un art qui les exposait à
des supplices, abandonnèrent la magie à la
populace et aux vieilles, qui ne la firent plus
servir qu'à de petites intrigues et à des ma-
léfices subalternes. Voy. Coq, Mariage, etc.
M. de Junquières, au k^ chant de Caquet-
Bonbec, la Poule à ma tante , donne des dé-
tails exacts et curieux sur les opérations des
alectryomanciens. Ou nous permettra do
Is citer :
Leur coutume est, en rendant leur oracles,
De se servir de coqs, et c'est, dit-on,
De là qu'en grec est dérivé leur nom.
D'abord ces coqs doivent être coqs vierges ;
Puis dans un coin, au milieu de trois cierges.
Est élevé, sur des pieds en sautoir.
Comme un autel rond, plat, de marbre noir.
Au bord duquel, dans deux circonférence»,
Sont vidés, à d'égales distances.
Vingt-quatre creux ayant chacun devant
De l'alpliabet une lettre d'argent.
Quand au sorcier arrive une pratique,
Il prend d'abord sa baguette magique.
Roule les yeux, et trace sans compas
Un cercle en l'air, prononce à demi bas
Qnq ou six mots inconnus et qu'il forge.
Dans chaque case il dépose un grain d orge.
Choisit son coq à jeun, le met debout
Sur cet autel, bien au centre surto'it.
Du centre aux grains, dont l'odeur l'éleclrise.
Le coq bientôt s'avance (quoi qu'en dise
Jean Buridan) (3), en croque deux ou trois,
Ou plus, ou moins. De ceux dont il fait choix
Le sorcier suit les lettres sans rien dire,
El puis, feignant que quelque dieu l'inspireL
D'après cela débite hardiment
Une réponse. On paie honnêloment
Et l'on s'en va très-instruit. Dans la suite.
S'il s'est trouvé menteur, il eu est quitte
Pour dire aux gens qu'ils ne l'ont pas compris.
Notre devin, grand, sec, à cheveux gris,
Avait l'honneur, disaii-on, de descendre,
Du côté gauche, il est vrai, du Cassandre.
d'avoine également pleins et agissant avec une même
force sur ses organes, se laisserait mourir de fain, ne
pouvant jamais se déterminer à l'un plutôt ([u'ii l'autre.
Or, dans l'exemple présent tous les mvoiis soiii éj-aux
(lYole du poêin*. j
49 ALE
(iileinbredain (1) élail son nom. Le sort
Semblait toujours être avec lui d'accoril,
Il n» s'était, assuie la chronique,
Jamais trompé, hors une fois unique,
Ou'un jeune gars, croyant beaucoup valoir,
Vint tout exprès le trouver pour savoir
Quel rang, un jour, il aurait dans le monde.
Le coq, posé lors sur la table ronde,
Prit sans choisir, quatre grains qu'il croqua,
Dont le devin les lettres reniar(|ua.
Elles formaient le mot frip, mot barbare
Et propre i faire enrager un ignare.
Le grand docteur, maître Calembredain,
D'après ce mot, au jeune homme sondiiiii
Dit qu'il serait fripier ; niais notre drôle,
Se sentant né pour faire un autre rôle,
lit d'un métier si vil ayant horreur.
Prit une étude et se fit procureur.
Donc, pour n'avoir trouvé frip analogue
Ou'au iwol fripier, cet habile astrologue
Pour cette l'ois prit à gauche. En tout cas,
Quel est celui qui ne se trompe pas?
ALÈS (Alexandre), ami de Mélanchlhon,
né en 1500 à Edimbourg. Il raconte que, dans
sa jeunesse, étanl moulé sur le sommet d'une
très- haute montagne, il Dt un faux pas et
roula dans Un précipice. Comme il était près
de s'y engloutir, il se seutil transporter en
un autre lieu, sans savoir par qui ni com-
ment, ei se retrouva sain et sauf, exempt de
contusions et de blessures. Quelques-uns
attribuèrent ce prodige aux amulettes qu'il
portait au cou, selou l'usage des enfants de
ce temps-là. Pour lui, il l'attribue à la foi et
aux prièi'es de ses parents, qui n'étaient pas
hérétiques.
ALESSANORO ALESSANDRI, en latin
Alexander ab Alexandro, — jurisconsulte na-
politain, mort en 1523. Il a publié un recueil
rare de dissertations sur les choses merveil-
leuses (2). Il y parle de prodiges arrivés ré-
cemment en Italie, de songes vériQés, d'ap-
paritions et de fantômes qu'il dit avoir vus
lui-même. Par la suite, il a fondu ces disser-
tations dans son livre Genialium dierutn, où
il raconte toutes sortes de faits prodigieux.
Nous en citerons un qui lui est personnel.
Il fit, un soir, la partie d'aller coucher, avec
quelques amis, dans une maison de Rome
que des fanlômcs et des démons hantaient
depuis long-temps. Au milieu de la nuit,
comme ils étaient rassemblés daus la même
chambre, avec plusieurs lumières, ils virent
paraître un grand spectre, qui les épouvanta
par sa voix terrible et par le bruit qu'il fai-
sait en sautant sur les meubles et en cassant
les vases de nuit. Un des intrépides de la
compagnie s'avança plusieurs fois avec de
la lumière au-devant du fantôme; mais, à
mesure qu'il s'en approchait, l'apparition
s'éloignait; elle disparut entièrement après
avoir tout dérangé dans la maison
Peu de temps après, le même spectre ren-
tra par les fentes de la porte. Ceux qui le
virent se mirent à crier. Alessandro, qui ve-
nait de se jeter sur un lit, ne l'aperçut point
d'abord, parce que le fantôme s'était glissé
sous la couchelte. Mais bientôt il vit un
grand bras noir qui s'allongea sur la table,
1) Calembredain. C'est son nom oui a mis en vogue les
calembredaines. (Sole du poi.iie.)
t2j Alexandfi jurisperiti noapulilaui , Diisertatioucs
ALE
50
éteignit les lumières et renversa les livres
avec tout ce qui s'y trouvait. L'obscurité ren-
dit l'effroi plus violent encore. Les amis d'A-
lessandro hurlèrent. Pendant qu'on appor-
tait des flambeaux, il remarqua que le fan-
tôme ouvrit la porte et s'échappa, sans être
vu des domestiques, n'ayant fait du reste le
moindre mal à personne (.3). Elait-ce une
hallucination de jeunes gens ivres ou une
espièglerie?
ALEUROMANCIE, divination qui se pra-
ti(iuait avec de la farine. On mettait des bil-
lets roulés dans un tas de farine; on les re-
muait neuf fois confusément. On partageait
ensuite la masse aux différents curieux, et
chacun se faisait un thème selon les billets
qui lui étaient échus. Chez les païens, Apol-
lon était appelé Aleuromantis, parce qu'il
présidait à cette divination. Il en reste quel-
ques vestiges dans certaines localités, où l'on
emploie le son au lieu de farine. C'est une
amélioration.
ALEXANDERab ALEXANDRO. Voy. Ales-
SANDRO.
ALEXANDRE LE GRAND, roi de Macé-
doine, etc. H a été le sujet de légendes pro-
digieuses chez les Orientaux, qui ont sur lui
des contes immenses. Ils l'appellent Isken-
der. Les démonographes disent qu'Arislole
lui enseigna la magie; les cabalistes lui at-
tribuent un livre sur les propriétés des élé-
ments; les rabbins écrivent qu'il eut un
songe qui l'empêcha de maltraiter les Juifs,
lorsqu'il voulut entrer en conquérant dans
Jérusalem.
La ligure d'Alexandre le Grand, gravée
en manière de talisman sous certaines in-
fluences, passait autrefois pour un excellent
préservatif. Dans la famille des Macrins, qui
usurpèrent l'empire du temps de Valérien,
les hommes portaient toujours sur eux la
figure d'Alexandre; les femmes en ornaient
leurs coiffures, leurs bracelets, leurs an-
neaux. Trebellius PoUio dit que cette figure
est d'un grand secours dans toutes les cir-
constances de la vie, si on la porte en or
ou en argent... Le peuple d'Anlioche prati-
quait celte superstition , que saint Jean-
(ihrysostome eut beaucoup de peine à dé-
truire.
Légendes d'Iskender Zulcarnain ,
(Alexandre le Grand.)
Les Orientaux ont construit sur Alexan-
dre le Grand [Iskender Zulcarnain, dans
leurs idiomes), de longues et merveilleuses
fables assez semblables aux romans de che-
valerie du moyen-âge européen , où des
exploits imaginaires étaient attribués à des
personnages véritables, comme dans les ro-
mans de la Table ronde et des douze pairs de
Gharlcmagne. La fiction européenne s'est
aussi approprié le héros macédonien, entre-
mêlant de bizarres inventions les récils au-
thentiques de Quinte-Curce et d'Arrien. Nous
(inatuor de rébus adinirabilibus, etc. Rome, sans date,
in-i».
(3) Genialium dicrum, lib. V, cap. xxui.
m
f laminerons plus loin quelqurs-uncs de ces
compositions ; occupons-nous d'abord de
l'histoire persane et arabe d'Alexandre.
L'auteur du manuscrit que nous dé^iirons
analyser (1) commence ab ovo, comme dirait
Horace, par la mortdu grand-père d'Alexan-
dre, Bahman, roi de Perse. Sa femme Bornai,
qu'il a laissée enceinte, cache, dans des vues
ambitieuses, la naissance de son (ils Darab,
et l'cspu^e dans une auge en bois sur les
eaux du Tigre; il est recueilli par un teintu-
rivr, qui l'élève comme son enfant et lui
permet d'entrer dans l'armée persane, à l'oc-
casion d'une guerre avec les Grecs. La va-
leur du jeune Darab le fait remarquer, et il
est reconnu pour le fils de la reine Homai,
^ui résigne la couronne en sa faveur. Il
épouse la fille du roi de la Grèce, Filosùf;
c'est le nom sou» lequel Philippe de Macé-
doine est toujours désigné dans cet ouvrage.
Lareine^u(iin/iayanlélé renvoyée à son père
par Darab son époux, c'est à la cour de Ma-
cédoine que naît hkender, le héros de la lé-
gende.
L'histoire de Bucépbale est racontée pres-
que dans les termes des biographes grecs et
romains, avec celle différence que le cour-
sierayantsurle corps l'empreinle d'une tête,
on l'avait appelé Zulrasayn (à deux têtes),
comme qui dirait Bicéphale au lieu de Bucé-
phale :
« Certains marchands de chevaux avaient
fait présent au roi Filosùf d'un cheval ma-
gnifique de taille et de forme, plein de feu et
d ardeur, mais si farouche qu'on ne pouvait
le monter qu'à l'aide d'une bride de fer et de
rênes à chaînons d'acier, qui lui tenaient la
tête penchée sur le cou. On disait qu'il man-
geait de la chair humaine. Iskender l'admira,
et le fit enfermer dans un édifice dont les fe-
nêtres étaient garnies de grilles en fer, afin
qu'il pût s'habituer à la vue de l'homme et fût
moins ombrageux. Sur le point de partir
pour une expédition, il vint voir le cheval ;
il passa sa main à travers les grilles, et l'a-
nimal la caressa. Alors il le fit manger; et
comme il n'en reçut aucun mal, il le fit sor-
tir, et le cheval le lécha, agitant la queue
comme un jeune chien. Iskender le capara-
çonna et le monta. »
Quand Filosùf envoya demandera ses au-
guresquel serait son héritier, il lui fut répondu
que le royaume passerailà un enfant de samai-
son, qui dompterait un cheval que personne
n'aurait pu dompter, et que le nom de ce
cheval serait Zulrasayn.
Le refus que fait Iskender de payer le tri-
but aux ambassadeurs persans, est suivi
d'une invasion de la Perse. La veille d'une
bataille, au milieu des préparatifs, sa mère
le prévint de son arrivée.» Par Allah ! dit-il,
elle ne peut venir que pour un sujet impor-
tant! » Il l'attendit donc, et à la nuit elle ar-
riva; elle entra dans l'intérieur de la tente.
Quand il la vit, il s'avança pour la recevoir,
disant : — O ma mère ! pourquoi tant de fa-
(1» Àddiiionat MSS. in Ihe Britiih Uuscum.
DICTIONNAIRE DKS SCIENCKS OCCLILTES 52
tigue? Qui vous a engagée â ce voyage long
et dangereux? Pourquoi ne m'avez-vous pas
fait savoir vos intentions par un message ?
Elle lui répondit; — O mon fils 1 la cause (|ui
m'amène vers vous ne m'a laissé ni tranquil-
lité ni repos ; car mon bonheur en dépend.
O roi 1 qu'avez-vous fait de Dara (Darius)?
En apprenant que Dara était sauf, elle res-
sentit une grande joie, et se prosterna la face
contre terre pour remercier Dieu. — 0 mon
fils! reprit-elle, gardez bien le secret tiue je
vais vous confier:sachez donc que celui que
vous poursuivez en ce moment est votre
frère, le fils de votre père. Iskender, éionné,
la baisa au front, disant : — Puisque le roi
est mon frère, je lui rendrai ses provinces de
Perse et je retournerai en celles de Roum.
Elle lui dit encore : Mon fils, ne révélez
rien de ce secret, jusqu'à ceque leTout Puis-
sant vous ait fait rejoindre le roi. Isk-jnuer
garda son secret; il dormit cette nuit-là, el
le matin il se rcaiit en marche pour chercher
sor. frère.
L'avis est arrivé trop tard; Dara périt de
la main des traîtres, dont Alexandre tire une
éclatante vengeance.
Après la réduction complète de la Perse, il
retourne en Macédoine; enllé de ses succès,
il aspire aux honneurs divins et veut être
adoré. L'explication de ce désir impie soufflé
par Iblis (le Satan des Orientaux), ne se
trouve dans aucun écrivain classique.
« En contemplant la grandeur de sa puis-
sance, l'éclat de ses conquêtes, tant de peu-
ples soumis ou qui venaient se soumettre,
Iskender fut plongé dans les cinq enivrements
de la jeunesse, des richesses, de la victoire,
du nieurtre de son rival et de son propre
courage dans les combats. Iblis trouva au-
près de lui un accès plus facile. Le maudit
se présenta sous les traits d'un vieillard,
vêtu de laine grossière, et s'appuyant sur un
bâton. 11 dit ; O roi! Dieu le garde, je te
salue ! Ton front ne se courbera point de-
vant les autels à cause de ta magnificence.
Aie confiance en toi-même et en ton grand
pouvoir. » Ces paroles étonnèrent Iskender;
jamais encore il n'avait entendu de salut
semblable. Regardant le vieillard, il vit que
son accoutrement était étrange , et quand
tout le monde fut sorti, il l'emmena dans une
pièce particulière, et lui dit: — Vieillard, je
n'ai jamais entendu salut plus extraordinaire
que le tien.
« Quel est le sens de ces mots : Ton front ne
se courbera plus devant les autels à cause de ta
magnificence? Le maudit se mit à rire: Elève
d'Aristote, dit-il, comment se fait-il que ton
précepteur l'ait caché ce que je viens de dire ?
Sache donc que le sens de mes paroles est
ceci : que je n'ai pas vu de ton temps un
homme au-dessus de toi, ou un homme (|ui
mérite plus l'adoration que toi ; et que cel
les-ci : Aie confiance en toi-même et en ton
grand pouvoir , veulent dire que tu es lo
conseil de cel âge, le dieu de ce temps, le
seigneur de celle période. Iblis ne cessa de
parler ainsi jusqu'à ce qu'il eût subjugué hi-
léricuremenl son cœur. »
C3
ALE
ALE
5*
Mciis, selon d'aulrcs écrivains musulmans,
Alexandre était un vase d'élection que Dieu
avait résolu de tirer des ténèbres de l'idolâ-
trie pour en faire un apôtre de l'islamisme.
Dans cette autre version apparaît un impor-
l.int personnage, qui, sous le nom de Khizzer
(l'Elie de la Bible), accompagne Iskender dans
toutes ses conquêtes, et l'aide efficacement
de ses conseils et de son pouvoir surnatu-
rel :
« Dieu le Très-Haut révéla à Khizzer qu'il
devait aller trouver Iskender pour lui ensei-
gner la vraie voie, et lui annoncer qu'il le
ferait le maître du monde, de l'orient à l'oc-
cident, tant de la terre que des mers, depuis
le coucher du soleil jusqu'à son lever; qu'il
soumettrait des contrées que nul n'aurait
parcourues, et pénétrerait dans des pays où
personne n'avait pénétré avant lui, pas même
Soliman ben Daoud. Quand le Très-Haut lui
eut révélé tout cela, il partit des îles pour
Makeduniah; car Khizzer servait Dieu dans
les îles de la mer, et quand il vint à Make-
duniah, il se présenta à la porte et demanda
où se tenait l'assemblée du conseil présidée
par Iskender, et on le lui enseigna. Or, celte
assemblée se tenait deux fois chaque se-
maine; Khizzer y assista la première fois,
et il entendit les discours du peuple et ses
discussions; le roi les écoutait, et quand ils
différaient d'opinion sur un point difficile, on
l'expliquait à Iskender par une interprétation
fidèle. Khizzer garda le silence et ne proféra pas
un mot dans cette assemblée. Il y revint une
seconde fois de la même manière, et une troi-
sième fois. Quand il sortit la troisième fois,
Iskender dit: Quel magnifique vêtement por-
tail ce jeune homme qui vient d'assister pour
la troisième fois à mon assemblée, et que nous
n'avons pas entendu prononcer un seul motl
Ceci dénote qu'il est homme de grand sa-
voir, ou qu'il ne sait rien du tout. L'un de
ceux qui étaient présents, dit: «Je l'accos-
terai et le questionnerai. » L'assemblée ré-
pondit : « Au nom de Dieu. »
t< Quand arriva le jour de l'assemblée,
Khizzer vint pour la quatrième fois ; il s'as-
sit, et Iskender lui dit : — Quel est ton nom,
jeune homme? Il répondit: — Elle. — Quel
est Ion prénom? Il répondit: — Abdulabbas.
— Et d'où viens-tu? Il répondit : — De la
terre des Philistins. II lui demanda encore:
— Qui l'a conduit ici? et il répondit: — C'est
loi-même qui m'as conduit ici. O roi ! je suis
venu à ton assemblée; j'ai entendu les pa-
roles des hommes qui parlaient devant loi ;
j'ai reconnu qu'elles étaient des paroles sans
but. Sache, ô roi 1 que les cieux et cette
terre, et le firmament, qui marche la nuit
et le jour, ont un Créateur haut et puissant,
vivant et éternel; sache qu'il yaun artisan de
ce mondequiafaitle ciel, qui gouverne la ré-
volution des astres et des cieux, le soleil, la
lune et les étoiles, bienfaisant, infiniment
sage, miséricordieux, entendant, voyant,
existant de toute éternité, ne finissant point
et ne devant jamais finir ni changer, trop ma-
gnifique pour être compris par l'intelligence,
*t trop grand pour qu'il lui soit trouvé des
bornes ou aucune limite connue; prévoyant
tout ce qui peut être prévu; qui nous traite
selon nos mérites, nous fait entreprendre ce
qui nous est ordonné, nous secourt dans nos
difficultés, nous répond quand nous le prions,
nous juge quand nous nous révoltons contre
ses ordres. »
Or, personne n'avait osé dire un mot sem-
blable dans l'assemblée d'Iskender depuis
l'arrivée d'Iblis. Iskender cria à haute voix à
ses jeunes hommes de le prendre, et de l'em-
prisonner dans une chambre de son palais.
Iblis, le maudit, vint alors. « 0 Hakim 1 lui
dit Iskender, il m'est venu un jeune homme
qui m'a dit des choses prodigieuses. J'ai ap-
pris cela, répondit Iblis, el je venais te par-
ler de lui pour te tenir en garde, car c'est un
enchanteur et un devin; et si lu voulais en
purifier la terre, il serait bien que lu le fisses
mourir. Iskender lui dit : — Il est en prison ;
et la nuit prochaine on lui tranchera la
têle. »
Khizzer, délivré par intervention surnatu-
relle, est porté sur une montagne de Macé-
doine: il est trouvé là par un balrik (géné-
ral) qu'Alexandre avait envoyé à sa recher-
che. Ce général perd la plus grande partie de
sa troupe, qui est détruite par le souffle de
Khizzer. Sur une invitation plus amicale,
Khizzer retourne à la cour d'Iskender, expose
les ruses du démon, el finit par convaincre
le roi , qui , après avoir confessé l'unité
de Dieu, prend en même temps pour son
conseiller futur et son ami l'apôtre de sa con-
version.
Aussitôt commence la relation de la mar-
che triomphante d'Alexandre à travers l'Eu-
rope, en passant par Rome, où il rencontre
Bélinas (Pline), qui l'accompagne dans son
expédition.
Bélinas fait un anneau royal qui a la pro-
priété de s'élargir dans la proximité d'un
poison. Ce présent rend bientôt au roi un
éminent service , car un de ses courtisans
essaie de le faire mourir, el le roi, prévenu
par son anneau, échappe au danger.
«Takaphanes (le courtisan empoisonneur),
est interrogé parKhizzer. Quand le crime est
prouvé : — 0 envoyé de Dieu 1 dit Iskender,
que te semble-l-il que nous devions faire en
un tel cas? C'est ici un crime qui ne mérite
aucune pitié, répond Khizzer, et un criminel
qui n'a ni jugement ni prudence; il est juste
qu'il serve d'exemple aux hommes et d'avis
salutaire à tous ceux qui oseraient tenter
contre le roi un crime semblable. Qu'une
grande fosse soit creusée pour lui à côté
du camp; qu'elle soit remplie de bois, et
qu'on y mette le feu; puis, qu'on apporte
les viandes empoisonnées, et quand le cou-
pable les aura mangées, qu'il soit précipité
dans les flammes. Le roi dit : — Voilà qui est
juste. En conséquence, il donna l'ordre de
ramasser le bois. Quand il fut allumé, on ap-
porta à Takaphanes la viande qu'il avait pré-
parée pour le roi; on la lui fit manger, el
lorsque le poison commença à faire son effet,
Iskender dit : — Je resterai, afin de voir ce
iiui me serait arrivé. Eisa fucc enfla, ainsi
ss
DICTIONNAinE DES SCIENCLS OCtUl.TES.
53
qae son corps, jusqu'à ce qu'il crovâl ; un
liquide jnune coula de tout son corps. Alors
îskeniler s'en all.i, ordonnant qu'il fût jeté
dans le feu. Ce qui fut fait en présence de
toute l'année, et il n'en était pas un qui ne
le maudit. »
Nous trouvons ensuite le héros en Espa-
ene, où le roi de ce piiys, Naamah, embrasse
la religion d'Iskender et l'aide dans ses con-
quéles en .\frique. La construction d'un pont
à travers le détroit de Gibraltar, attribuée
Ici au « fou macédonien, » est sérieusement
rapportée par les écrivains orientaux, qui,
lorsqu'ils croient, étendent leur croyance à
ses extrêmes limites. Quelques chroni(|ueurs,
à la vérilé, racontent ces exploits dilTérem-
inent. Selon eux Alexandre trouva l'Atlanti-
que et la Médilerranéeséparés par un isthme,
et il prit la peine de le percer aux dépens de
quelques-unes des plus belles villes des cAtes
méridionales de l'Europe, que détruisirent
soudain les flots en se précipitantde la grande
mer.
« Arrivé an détroit de Gibraltar, Iskender
demande à un vieillard quelle est la distance
de ce rivage au bord opposé? — Par le che-
min le plus court, ce serait la journée d'un
cavalier ; mais par la mer, c'est selon le temps
et le vent : — Quelle est sa profondeur? De
cinquante verges à quelques endroits; elle
diminue vers les bords comme une rivière :
— L'eau est-elle dormante ou courante?
L'eau est immobile, et son mouvement vient
du vent : — Est-elle salée ou douce? — G
roi! elle est salée; car si elle, ne l'était pas,
elle se corromprait et détruirait le monde.
Les paroles du vieillard plurent à Iskender ;
il so tourna vers Khizzer et lui dit : O en-
voyé de Dieu 1 j'ai demandé toutes ces choses
à ce vieillard, parce que j'ai formé dans mon
esprit le projet de construire un pont sur ce
passage, afln qu'on se souvienne de moi
dans les siècles reculés. Quelle est ton opi-
nion? Il répondit : Dieu n'a rien mis dans
Ion cœur qui ne soit d'un bon augure. Aie
courage; lu es un roi protégé et victo-
rieux.
« Le roi appela Bélinas et lui commanda de
rassembler les géomètres et les philosophes,
afin qu'ils pussent exécuter son plan; en mê-
me temps il fit venir des ouvriers en pierre,
en fer et airain. Il fit étendre des tapis sur
lesquels on répandit de l'argent; des livres
decomptefurentdistribués,etil fit faire dans
l'armée Cette proclamation : — 0 tribus des
hommes I réunissez-vous; que pas un seul
ne demeure en arrière, mais que tous pren-
nent part à celte entreprise; que celui qui
est pauvre prenne mon argent pour éta-
blir ses enfants ; que celui qui est riche agis-
se pour obéir à la volonté de Dieu. Tous
répondant à cet appel , ils commencèrent à
laillerdes pierres, à fondre l'airain et ne ces-
sèrent de travailler pendant l'espace de trois
mois. A la lin de co temps, les géomètres
passèrent dans les navires sur l'autre bord
I)our choisir la place des fondations des ar-
ches; Khizzer et Bélinas les précédaient; et
Muand l'ouvrage était dificile, Dieu le leur
rendait facile. Ils comptèrent les arches d(i
pont , qui étaient au nombre de mille
trois cents, et la largeur du pont fut de soi-
xante et dix verges. Quand ils eurent posé
ces fondations, ils commencèrent à bâtir, el
quand ils eurent achevé le pavage, Iskender
passaàchevalavec dix des principaux chefs,
il traversa le pont d'un bout à l'autre en un
jour; il employa un autre jour pour revenir
au camp. Alors on l'orna de parapets de
chaque côté dans toute sa lonjjueur; et ce
pont, appelé pont deSanjah, fut achevé en
huit mois....»
Les aventures d'Alexandre en Afrique sont
peu variées. Le principal incident est le si-
lence des idoles.
« Khizzer alla en silence jusqu'à ce (jue le
peuple vînt à l'idole; quand ils en approchè-
rent, le roi (des idolâtres ) cria à haute voix :
— 0 Dieu 1 seigneur et maître, tu sais ce qui
arrive et entends ce qui se passe , fais donc
de toi-même quelque manifestation de ta
colère, afin que cet homme reconnaisse que
tues un monarque puissant.... Alors il se
retira et dit à Khizzer : — Approche mainte-
nant, et vois ce que tu vas voir. — Khizzer
approcha, disant : — O Dieu ! sois loué I toi
qui as donné pouvoir à Satan sur les fils des
hommes ; à toi, ô Dieu, les actions de grâ-
ces el les louanges 1 II n'y a de pouvoir et de
salut qu'en toi. Dieu haut et puissant, je me
réfugie en toi contrôles traits de Satan. Il
cracha ensuite au visage de l'idole , et, lui
arrachant ses ornements et sa lance, il l'eu
frappa à la tête et elle se brisa ; il frappa
la main droite et la main se cassa ; il mil en
pièces son pied gauche et les ornements qui
le recouvraient. Le roi idolâtre était demeu-
ré dans le silence et l'élonneinent, ne disant
pas un mol. Khizzer se tourna vers lui, et
lui dit que s'il était fâché, ce devaitêlre con-
tre lui-même. — Tu viens de voir de tes
yeux ce que j'ai fait de ton idole et com-
ment je l'ai irailée; que m'est-il arrivé et
qu'as-tu vu ? — 0 loi I dont la face est belle,
dit le roi, le démon s'est retiré à ton appro-
che. Khizzer reprit : — Satan parlait par la
bouche des idoles, et c'était lui qui s'adres-
sait à vous; quand je suis venu vers vous ,
il a pris la fuite et s'est éloigné de ce royau-
me. Les yeux du roi se mouillèrent de lar-
mes, et il dit: — Maintenant je reconnais
ce que tu as dit; j'entends ta mission, et je
comprends ta parole: va dans la paix du Sei-
gneur.»
Cinq rois confédérés, persuadés par les
succès d'Alexandre et par des preuves évi-
dentes de sa mission divine, se soumettent à
sa loi el embrassent sa religion. Enfin il va
jusqu'aux confins de l'Occident, où il entend
le bruit que fait le soleil couchanten se plon-
geant dans l'océan ; il trouve la fontaine de
la vie ; mais il ne lui est pas permis d'en boire.
Son visir Khizzer, plus favorisé, obtient la
don d'immortalité; cette partie de la légende
est fondée, selon louie apparence, sur l'en-
lèvement d'Elisée au ciel :
« Quand Zulcaruainapprochadc celle plaine
67
ALB
ALE
83
et voulut y entrer, elle s'agita comme par un
tremblement de terre et le soi se crevassa, et
quand il s'éloigna, elle reprit sa tranquilité.
Mais quandKhizzer approcha ety entra, elle
demeura itnmobile, et il ne cessa pas de s'a-
vancer. Zulcarnain le regarda jusqu'à ce
qu'il disp.irût à sa vue. Alors une voix ve-
nue du ciel cria à Khizzer : — Saisis ce qui
est devant toi, c'est-à-dire hâle-loi d'avan-
cer. 11 avança donc rapidement jusqu'à ce
qu'il arrivât à l'endroit où devait être la fon-
taine de vie ; la voix lui commanda d'y boire.
On dit qu'il regarda l'eau: elle tombait du
ciel dans une piscine et rien n'en sortait ; il
y Gt ses ablutions, et il s'écria : — Eau di-
vine, où vas-tu ? Une voix lui répondit du
ciel : — Sois silencieux ; ta science sur ce
sujet est arrivée à ses limites. Khizzer revint
donc jusqu'à la place d'où il s'était élevé, et
il vil Zulcarnain qui l'attendait ; il lui dit ce
que Dieu lui avait permis, de boire à la fon-
taine de vie et de s'y purifier, lui accordant
de vivre jusqu'au premier son de la trom-
pette. — Et maintenant , ajouta-t-il, retour-
nons, ô Zulcarnain 1 »
De là, Alexandre, qui apprend la révolte
des Perses, tourne vers l'Est. Chemin fai-
sant, il prend l'Egypte et construit la ville
d'Alexandrie :
« Et ils vinrent au royaume d'Afrikiah ; et
quand la reine de Sikilyah , qui se nommait
Ghidakah, apprit l'approche d'Iskender, elle
vint à sa rencontre avec toute son armée. Is-
kender, qui en fut prévenu, ordonna au fils
de cette reine, ainsi qu'aux rois des nations,
d'aller au devant d'elle; lui-même il vint à
la porte de satentcpour la recevoir;et quand
ils furent assis, Khizzerà côté du roi, la rei-
ne fit apporter ses présents, qui étaient nom-
breux. Iskender lui donna un vêlement
d'honneur, ainsi qu'à ceux qui étaient avec
Cile, et se tournant vers Salem, le fils de la
reine, il lui dit de partir en compagnie de sa
mère et de la reconduire dans ses Etats. Sa-
lem, lui baisant la main, répondit : — En-
tendre, c'est obéir. Le jour suivant , les rois
de l'Occident partirent pour leurs royaumes,
hkender leur fit à tous des présents, et les
congédia avec honneur.
«Le lendemain, les trompeKes sonnèrent le
départ, et l'armée, ayant Khizzer à sa tête ,
se mit en marche pour les pays qu'elle n'a-
vait pas encore visités; et elle marcha jus-
qu'à ce qu'elle eût atteint une ville souter-
raine. Le roi Safwan, qui gouvernait cette
ville , sortit à la têle de son peuple; il
commanda à ses nobles de préparer au -
tant de présents qu'ils pourraient , et il
s'avança jusqu'à ce qu'il rencontrât l'avant-
garde de l'armée d'Iskender où était le vizir
Khizzer. Celui-ci demanda au roi le motif de
sa venue. Le roi lui répondit : — J'étais im-
patient de voir la face du roi Iskender. Khiz-
zer le prit par la main et le conduisit, ainsi
que dix de ses compagnons, à la tente roya-
le. Puisse présentant devant Iskender, il lui
dit l'arrivée du roi Safwan, et reçut l'ordre
de l'introduire. Quand Safwan fut entré, Is-
kender, lui rendant son salut, l'invita à s'as-
seoir près de lui, et ordonna que ses com-
pagnons fussent introduits. Le roi Safwan,
se tenant debout, demanda la permission do
faire apporter les présents, ce qui lui fut ac-
cordé. La plupart de ces présiMits étaient des
objets d habillement ; ils furent reçus gra-
cieusement par Iskender, qui en fit de sem-
blables à son tour, et commanda au roi de
retourner à sa ville.
«Lejoursuivant, Iskender ordonna de plan-
ter sa tente sur le bord de la mer, près de la
cité, et quand il vit qu'elle était sous terre ,
il s'en étonna grandement; il assembla les
philosophes, les géomètres et les hommes sa-
ges ; il leur dit qu'il désirait bâtir une ville
sur le sol, et qu'on la nommerait de son pro-
pre nom. Alors Bélinas, se levant, s'écria :
— O roi 1 je vais m'empresserde la construire,
et, s'il plaît à Dieu, cela s'accomplira glo-
rieusement. I-kender le loua pour ces paro-
les, lui recommandant de faire toute dili-
gence ; Bélinas répondit: — Entendre, c'est
obéir. Il s'éloigna de la présence du roi, et
ordonna de couper des pierres et de tailler
des colonnes. Les ouvriers exécutèrent promp-
tement ces ordres ; ils en amenèrent des mon-
tagnes. Ensuite, comme il avait lu dans cer-
taines chroniques qu'il était impossible de
bâtir en ce lieu une ville au-dessus du sol
sans qu'elle fût aussi tôt dévastée par desmons-
Ires marins, Bélinas ordonna à des sculp-
teurs de sculpter sur d'énormes blocs de
pierre les images de ces monstres marins ,
et il en fit placer sur le rivage, à l'endroit où
la mer borde la ville. Quand ces talismans
furent faits, il alla vers les ouvriers, et leur
commanda de construire les murs. Il fit aussi
proclamer par la ville souterraine que cha-
cun de ceux qui avaient une maison sous
terre eût à en construire une nouvelle sur
le sol au-dessus de l'ancienne; à celui qui
était pauvre, il offrait assez d'argent pour
le faire. Les habitants de la ville élevèrent
leurs voix pour célébrer Iskender, et ils se
hâtèrent de faire ce qui leur était commandé.
« Khizzer commanda d'étendre des lapis et
de verser dessus des pièces de monnaie; il
en fit une distribution parmi les personnages
élevés elles hommes obscurs, et les travaux
marchèrent rapidement. Le peuple connut
qu'ïskender était assisté du pouvoir de Dieu.
Et Dieu envoya dans ses mains chaque chose
qui était utile. Les constructions ne cessè-
rent de s'élever et les ouvriers de travailler
diligemment jusqu'à ce que tout fût terminé.
Alors, les habitants supplièrent Iskender de
leur procurer la quantité d'eau douce qui
leur était nécessaire. Pour cela , il comman-
da aux nobles, au peuple et aux soldats de
creuser un canal, à partir du Bahr-al-Kébir,
( qui est le Nil ). Tous se partagèrent les
travaux; et il ne s'était point écoulé beau-
coup de jours avant que l'eauarrivâtdu Bahr-
al-Kcbir à Iskenderya. Alors Iskender vint à
Bélinas, le loua beaucoup pour ce qu'il avait
fait, et dit : — Je veux que lu me bâtisses
sur le bord de la mer un minaret ; que tu y
déploies toute tasiigesse; et que lu en fasses
89
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCILTF.S
mémoire
00
ma
lin monument qni conserve
jusqu'à la Gn des temps »
Viennent ensuite les récils de la vi-iite
d'Alexandre à Jérusalem et du siège de Tyr ;
puis des relations de batailles et de victoires
en Syrie, en Perse et dans l'Inde. Il est parlé
du roi Porus, mais son nom est écrit de ma-
nière que, par l'addition d'un point, il se
trouve changé en celui de Fouz. On trouve
aussi un passage curieux au sujet îles Tar-
lares, qui sont appelés les nations des Yad-
jouj el des Madjouj, enfermés par une puis-
sante muraille pour les empêcher de faire
des incursions sur leurs voisins du côté du
sud. On les bat, quoiqu'ils soient montés sur
des gazelles. On leur fait des prisonniers ,
auxquels on demande quelle est leur reli-
fiiin? L'un des prisonniers répondit : — Quant
notre religion, il en est parmi nous qui
adorent le soleil et d'autres la lune, et d'au-
tres qui adorent l'un et l'autre ; et il en est
qui ne savent pas ce que c'est qu'une reli-
gion. Khizzer demanda ensuite: — Que man-
gez-vous îLeprisonnier répondit: — Les uns
parmi nous mangent la chair du daim, d'au-
tres la chair des charognes, d'autres mangent
l'une et l'autre, et d'autres un serpent qui
leur descend du ciel, et dont ils conservent
la chair d'une année à une autre année, et
quelques-uns de nous ont jusqu'à mille en-
fants avant de mourir. Quand Iskcnder en-
lendit cela , il rendit grâces au Dieu tout-
puissanletdità Khizzer : — O mou Seigneur 1
faites une rude guerre à ces gens-là.
 la fin, Alexandre parvient au lieu où se
lève le soleil sur la montagne de Kaf, qui
est la limite de ses victoires, et il retourne à
Babylone. Là, sa mort, qui est très-briève-
ment racontée, est attribuée à du vin empoi-
sonnéqui lui aurait été servi par la trahison
d'un noble macédonien, que la reine-mère
avait menacé de la vengeance de son Gis.
Quelque pâle que soit ce résumé, il sufGt
à montrer que l'histoire orientale de ce hé-
ros, dont la renommée remplit le monde,
diffère sur quantité de points, des histoires
de l'Occident. Dans son ensemble, elle a du
rapport avec nos romans du moyen-âge.
Ainsi, des deux côtés , on nie qu'Alexandre
soit Qls de Philippe. La chronique europé-
enne lui donne pour père un roi d'Egypte,
nommé Nectanebus , qui se changeait eu
dragon par art magique. Au lieu de faire ar-
rêter le héros à l'endroit où se lève le soleil,
la limite de ses conquêtes devient une mon-
tagne sur laquelle est un palais magniGque,
avec les arbres du soleil el de la lune ; les
premiers portent des feuilles d'or et les se-
conds des feuilles d'argent. Ces arbres par-
lent à Alexandre en langue grecque et per-
sane, et ils lui prédisent sa mort prochaine.
Les romans de l'Europe contiennent aussi
<iuelques fables gros:>ières et ridicules. Par
(1) Dans le voyage aérien d'Alexandre, un romancier
^u moyen-ige aïlèle !i un trône sur lequel s'assied le
Jiéros, des griOuns que l'on fait jeûner plusieurs jours.
Alexandre lient en l'air des gigols au bont d'une lance
<luM élè»e au-dessus de leurs têtes, el les griffons l'eiii-
jiortoiit eu cherchant h atteindre la pâliirc qu'il leur offre ;
Mtiiiui il a couleiui'lé assex touijteinjis le ii\obt terrestre
exemple, il y est dit qu'Alexandre, enfermé
dans une caisse de verre que l'eau ne pou-
vait pénétrer, se Gt descendre au fond de la
mer, où, ajoute l'auleur, il vit beaucoup de
choses qu'il ne voulutjainais dire, car il com-
prit qu'on ne voudrait pas les croire. On le
f.iit encore s'enfermer lui-même dans une
grande cage de fer treillagée ( une autre his-
toire met une cage de cuir ), et , se laissant
emporter dans les airs par deux griffons ,
Alexandre s'élève assez haut pour que toute
la terre, sous la forme d'une pomme , soit
embrassée par un regard (1). Alors la natu-
re, alarmée de ce qu'un mortel ose tenter
si hardiment de contempler ses mystères,
descend aux enfers et obtient de Béelzébub
le poison qui termine les jours du hcros(2) ..
ALEXANDRE DE PAPHLAGONIE , im-
posteur, né au deuxième siècle, en Paphla-
gonie, dans le bourg d'Abonotique. Ses pa-
rents, qui étaient pauvres, n'ayant pu lui
donner aucune éducation, il profita, pour se
pousser dans le monde, de quelques dons
qu'il tenait de la nature. Il avait le teint
blanc, l'œil vif, la voix claire, la taille belle,
peu de barbe et peu de cheveux, mais un
air gracieux et doux. Se sentant des dispo-
sitions pour le charlatanisme médical , il
s'attacha, presque enfant, à une sorte de
magicien qui débitait des secrets et des phil-
tres pour produire l'affection ou la haine,
découvrir les trésors, obtenir les succes-
sions, perdre ses ennemis, et autres résul-
tats de ce genre. Cet homme ayant reconnu
dans Alexandre un esprit adroit, une mé-
moire vive et beaucoup d'effronterie, l'initia
aux ruses de son métier. — Après la mort
du vieux jongleur, Alexandre se lia avec un
certain Coconas , dont les récils font un
chroniqueur byzantin el un homme aussi
malin qu'audacieux. Ils parcoururent en-
semble divers pays, étudiant l'art de faire
des dupes.
Ils rencontrèrent une vieille femme riche,
que leurs prétendus secrets charmèrent, et
qui les Cl voyager à ses dépens depuis la
Bithynie jusqu'en Macédoine. — Arrivés en
ce pays, ils remarquèrent qu'on y élevait de
grands serpents, si familiers, qu'ils jouaient
avec les enfants sans leur faire de mal ; ils
en achetèrent un des plus beaux pour les
scènes qu'ils se proposaient de jouer. Ils
avaient conçu un projet hardi. L'embarras
était de décider quel lieu serait leur théâtre.
Coconas, qui s'attribuait le personnage de
prophète en titre, préférait Clialcédoine, ville
de Paphiagonie, à cause du concours de di-
verses nations qui l'environnaient. Alexan-
dre aima mieux son pays, Abonotique, parce
que les esprits y étaient plus grossiers. —
Son avis ayant prévalu, les deux fourbes ca-
chèrent des lames de cuivre dans un vieux
temple d'Apollon qu'on démolissait ; ils
d'un point très-élevé, il abaisse sa lance et les coursier»
ailés le ramènent vers la terre. — Voici, dit un critUiue,
un aérostat aussi lugéuieusement inventé que tes aigloui
d'Esope.
(2) Asialic journul, traduit avec plus d'étendue par lei
auteurs de la Revue britannique.
61
ALE
ALE
69
avaient écrit dessus quEsculape et son père
viendraient bientôt s'établir dans la ville.
Ces lames ayant été trouvées, le bruit s'cm
répandit aussitôt dans les provinces; les ha-
bitants d'Abonotique se hâtèrent de décerner
un temple à ces dieux, et ils en creusèrent
les fondements. — Coconas , qui s'apprélait
à faire merveilles, mourut alors, de la mor-
sure d'une vipère. Alexandre se hâta do
prendre son rôle, et, se déclarant prophète
avant de se rendre au lieu de sa naissance,
il se montra avec une longue chevelure bien
peignée, une robe de pourpre rayée de blanc;
il tenait dans sa main une faux, comme on
en donne une à Persée, dont il prétendait
descendre du côté de sa mère ; il publiait un
or.=ic!e qui le disait fiis de Podalyre, lequel,
à la manière des dieux du paganisme, avait
épousé sa mère en secret. Il faisait débiter
en môme temps une prédiction d'une sibylle
qui portait que, des bords du Pont-Euxin, il
viendrait un libérateur de i'Ausonie.
Dès qu'il se crut convenablement annoncé,
il parut dans Abonotique , où il fut accueilli
comme un dieu. Pour soutenir sa dignité, il
mâchait la racine d'une certaine herbe qui
le faisait écumer, ce que le peuple attribuait
à l'enthousiasme surhumain dont il était
possédé.
Il avait préparé en secret une tête habile-
ment fabriquée , dont les traits représen-
taient la face d'un homme, avec une bouche
qui s'ouvrait et se fermait par un Gl caché.
Avec cette tête et le serpent apprivoisé qu'il
avait acheté en Macédoine, et qu'il cachait
soigneusement, il prépara un grand prodige.
11 se transporta de nuit à l'endroit où l'on
creusait les fondements du temple, et déposa,
dans une fonlaine voisine, un œuf d'oie où
il avait enfermé un petit serpent qui venait
de naître. Le lendemain matin, il se rendit
sur la place publique, l'air agité, tenant sa
faux à la main, et couvert seulement d'une
écharpe dorée. Il monta sur un autel élevé,
et s'écria que ce lieu était honoré de la pré-
sence d'un dieu. A ces mots, le peuple, ac-
couru pour l'entendre, commença à faire des
prières, tandis que l'imposteur prononçait
des mois en langue phénicienne, ce qui ser-
vait à redoubler l'étonnement général. — Il
courut ensuite vers le lieu où il avait caché
.son œuf, et, entrant dans l'eau, il commença
à chanter les louanges d'Apollon et d'Escù-
lape, et à inviter ce dernier à se monlreraux
mortels; puis, enfonçant une coupe dans la
fontaine, il en relira l'œuf mystérieux. Le
prenant dans sa main, il s'écria : « Peuples,
voici votre dieu I «Toute la foule attentive
poussa des cris de joie, en voyant Alexandre
casser l'œuf et en tirer un petit serpent, qui
s'entortilla dans ses doigts.
Chacun se répandit en bénédictions, les
uns demandant au dieu la santé, les autres
les honneurs ou des richesses. —Enhardi
par ce succès, Alexandre fait annoncer le
lendemain que le dieu qu'ils avaient vu si
petit la veille, avait repris sa grandeur na-
turelle.
lise plaça sur un lit, après s'être revêtu
de ses habits prophétiques ; et. tenant dans
son sein le serpent qu'il avait apporté de
Macédoine, il le laissa voir entortillé autour
de son cou et traînant une longue queue;
mais il en cachait la tête sous son aisselle,
el faisait paraître à la place la léte postiche
à figure humaine qu'il avait préparée. Le
lieu de la scène était faiblement éclairé; on
entrait par une porte et on sortait par une
autre, sans qu'il fût possible de s'arrêter
longtemps. Ce spectacle dura quelques jours;
il se renouvelait toutes les fois qu'il arrivait
quelques étrangers. On fit des images du
dieu en cuivre et en argent.
Lo prophète, voyant les esprits préparés,
annonça que le dieu rendrait des oracles, et
qu'on eût à lui écrire des billets cachetés.
Alors, s'enfermant dans le sanctuaire du tem-
ple qu'on venait de bâtir, il faisait appeler
cuLX qui avaient donné des billets, et les
leur rendait sans qu'ils parussent avoir été
ouverts, mais accompagnés de la réponse du
dieu. Ces billets avaient été lus avec tant
d'adresse qu'il était impossible de s'aperce-
voir qu'on eût rompu le cachet. Des espions
el des émissaires informaient le prophète de
tout ce qu'ils pouvaient apprendre, et l'ai-
daient à rendre ses réponses, qui d'ailleurs
étaient toujours obscures ou ambiguës, sui-
vant la prudente coutume des oracles.
On apportait des victimes pour le dieu et
des présents pour le prophète.
Voulant nourrir l'admiration par une
nouvelle supercherie, Alexandre annonce uu
jour qu'Esculape répondrait en personne
aux questions qu'on lui ferait : cela s'appe-
lait des réponses de la propre bouche du
dieu. On opérait cette fraude par le moyen
de ((uelques artères de grues , qui aboutis-
saient d'un côté à la tête du dragon postiche,
et de l'autre à la bouche d'un homme caché
dans une chambre voisine ; — à moins pour-
tant qu'il n'y eût dans son fait quelque ma-
gnétisme ; — les réponses se rendaient en
prose ou en vers, mais toujours dans un
style si vague , qu'elles prédisaient égale-
ment le revers ou le succès. Ainsi l'empe-
reur Marc-Aurèle, faisant la guerre aux Ger-
mains, lui demanda un oracle. On dit même
qu'en 174, il fit venir Alexandre à Rome , le
regardant comme le dispensateur de l'im-
mortalité. L'oracle, sollicité, disait qu'il fal-
lait, après les cérémonies prescrites, jeter
deux lions vivants d.ms leDanube, et qu'ainsi
l'on aurait l'assurance d'une paix pro-
chaine, précédée d'une victoire éclatante. On
exécuta la prescription. Mais les deux lions
traversèrent le fleuve à la nage, les barbares
les tuèrent et mirent ensuite l'armée de l'em-
pereur en déroute; à quoi le prophète ré-
pliqua qu'il avait annoncé la victoire, mais
qu'il n'avait pas désigné le vainqueur.
Une autre fois, un illustre personnage fit
demander au dieu quel précepteur il devait
donnera son fils, il lui fut répondu : — Py-
Ihagore et Homère. L'enfant mourut quelque
temps après. — L'oracle annonçait la chose,
dit le père, en donnant au pauvre enfant
deux précepteurs morts depuis longtemps.
6S
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
ri
S'il oui vécu, on l'eût inslniit avec les ou-
vrages de Pylhagore et d'Hoaière , et l'ora-
cle aurait encore eu raison.
Quelquefois le prophète dé'.laignail d'ou-
rrir les billets lorsqu'il se croyait instruit de
la demande par ses agents, il s'exposait à de
singulières erreurs. Un jour il donna un re-
mède pour le mal de côté, en réponse à une
lettre qui lui demandiit quelle était vérita-
blement la patrie d'Homère.
On ne démasqua point cet imposteur, que
l'accueil de Marc-Aurèle avait entouré de vé-
nération. Il avait prédit qu'il mourrait à cent
cinquante ans, d'un coup de foudre, comme
Esculape : il mourut dans su soixante-
dixième année, d'uii ulcère à la jambe, ce
qui n'empêcha pas qu'après sa mort il eut,
comme un demi-dieu, des statues et des sa-
crificcs
ALEXANDRE DE TRALLES, médecin, né
à Traites, dans l'Asie-Mineure, au sixième
siècle. On dit qu'il était très-savant, ses ou-
vrages prouvent au moins qu'il était très-
crédule. Il conseillait à ses malades les amu-
lettes et les paroles charmées. Il assure, dans
sa Médecine pratique (1), que la Ggure d'Her-
cule étouffant le lion de la forôt de Némée,
gravée sur une pierre et enchâssée dans un
anneau, est un excellent remède contre la
colique. Il prétend aussi qu'on guérit parfai-
tement la goutte, la pierre et les fièvres par
des philaclères et des charmes. Cela montre
au moins qu'il ne savait pas les guérir autre-
ment.
ALEXANDRE III, roi d'Ecosse, qui épousa,
en l'28o. Volette, fille du comte de Dreux.
Le soir de la solennité du mariage, on vit
entrer à la fin du bai, dans la salle où la
cour était rassemblée, un spectre décharné
qui se mit à danser. Les gambades du spec-
tre troublèrent les assistants; les fêtes furent
suspendues, et des habiles déclarèrent que
cette apparition annonçait la mort prochaine
du roi. En effet, la même année, dans une
partie de chasse, Alexandre, montant un
cheval mal dressé, fut juté hors de selle et
mourut de la chute (2).
ALEXANDRE VI, élu pape en 1492 ; pon-
tife qui a été jugé souvent avec beaucoup
d'exagération (3). Quelques sols écrivains af-
firment qu'il avait à ses ordres un démon
familier (4) qui passa ensuite aux ordres de
César Borgia.
ALFADER, dieu très-important dans la
théogonie Scandinave. Avant de créer le ciel
cl la terre, il était prince des géants. Les
âmes des bons doivent vivre avec lui dans
Simle ou Wingolfjf; mais les méchants pas-
sent à Hélan, de là à Niflhcim, la région des
nuages inférieursau neuvième monde. L'Edda
lui donne divers noms : Nikar (le sourcil-
leux), Svidrer (l'exterminateur), Svider [l'in-
cendiaire), Oske (celui qui choisit les
morts), elc — Le nom d'Alfader a été donné
aussi à Odin.
ALFAKES, génies Scandinaves. Les bons
? (l)Liv. X, cb. I.
(2) Hiiclor (le Boëce, iii Aniiallbus Scol. ^
(3) Voi'ui Koscoé, dans »uii Uisioire Ju [loiiliûcat dô
sont appelés lios ou lumineux, les méchants
docka ou noirs.
ALFRIDARIE, espèce de science qui tient
de l'astrologie et qui attribue successive-
ment quelque influence sur la vie aux di-
verses planètes, chacune régnant à son tour
un certain nombre d'années. Voyez Planè-
tes.
ALGOL. Des astrologues arabes ont donné
ce n^m au diable.
ALIS DE TÉLIEUX, nonne du monastère
de S liiit-Pierre-de-Lyon, qui s'échappa de
son couvent au commencement du seizième
siècle, en un temps où cette maison avait
besoin de réforme, mena mauvaise vie et
mourut misérablement, toutefois dans le re-
pentir. Son âme revint après sa mort. Cette
histoire a été écrite par Adrien de Montalem-
bert, aumônier de François I".
Légende d'Alis de Télieux.
C'est un extrait fidèle d'un livre très-rare,
imprimé à Paris, en 1528, petit in-k" gothi-
que, et intitulé : — La merveilleuse histoire de
Vesprit qui, depuis naguère , s'est apparu au
monastère des religieuses de Saint- Pierre-de-
Lyon, laquelle est pleine de grande admira-
lion, comme on pourra voir par la lecture de
ce présent livre, par Adrien de Montalembert,
aumônier du roi François l"
Avant que le monastère des nonnes de
Saint-Picrre-de-Lyon sur le Rhône fût ré-
formé ( en 1513 ) , il y avait en ce couvent
grands désordres, chacune vivant à son plai-
sir; et il ny avait abbé, abbesse ou évêque
qui pût régler le gouvernement desdiles non-
nes. Elles menaient donc piteuse religion,
désolée et méchante; et quand arrivèrent là
d'autres bonnes religieuses qui vivaient sain-
tement, les nonnes déréglées emportèrent ce
qu'elles purent, et s'en allèrent.
Entre les autres , il en était une nommée
Alis de Télieux, sacristine de l'abbaye, qui
avait les clefs des reliques et des ornements.
Celle-là sortit du monastère à telle heure
malheureuse que jamais depuis en vie n'y
rentra. Saisie d'aucuns parements d'autel,
elle les engagea pour certaine somme. Je ne
voudrais pour rien au monde raconter la
déplorable vie que depuis elle mena. Elle y
gagna de grandes maladies dont son pauvre
corps fut mis en telle sujétion, qu'il n'était
nulle part sans ulcères et sans douleurs.
Notre-Seigneur, par sa bonté, rappela pour-
tant cette malheureuse , et lui représenta sa
grande miséricorde en lui inspirant la pen-
sée de réclamer sa douce Mère. 11 est bon
d'avoir servi Noire-Seigneur quelquefois,
car il en fait récompense, et à l'heure que
l'on en a le plus grand besoin. La pauvre
sœur Alis soupira, pleura, et pria dévote-
ment la sainte Mère de Dieu qu'elle fût son
avocate envers son cher Fils. Elle rendit l'es-
prit alors, non pas en l'abbaye, non pas en
la ville ; mais abandonnée de toul le monde,
en un petit village, où elle lut enterrée sans
Léon X.
(4) Ciiriosilés de la lilléralure, irad. de Vanglai» l'"'
Bcruu, t. I, !>. 5t.
55
ALI
ALI
C8
funérailles, ni obsèques, ni prières, comme
la plus méprisée créature ; cl, pendant l'es-
pace de deux ans, elle a été ainsi enterrée
sans que mémoire d'elle eût régné en la sou-
venance d'aucun.
Mais en cette abbaye, il y avait une jeune
religieuse de l'âge d'environ dix-huit ans,
nommée Anioineltc Grollée, gentil-femme, na-
tive du Dauphiné, sage, dévoteet simple. Seu-
le, elle gardait mémoire d'Alis et priait pour
elle. Une nuit qu'elle était toute seule dans
ea chambre, en son lit couchée, et qu'elle
dormait, il lui sembla que quelque chose lui
levait son couvre-chef, et lui faisait au front
le signe de la croix; elle se réveille, non
point grandement effr;iyée, mais seulement
ébahie, pensant à part soi qui pouvait être
celle qui l'aurait de la croix signée; enfin
elle n'aperçoit rien, et ne sait ce qu'elle doit
faire. Elle crut qu'elle avait songé, et ne
parla à personne.
Un autre jour qu'elle entendait autour
d'elle quelque chose faisant des sons, et sous
ses pieds frappant de petits coups, comme si
on eût heurté d'un bâton sous un marche-pied;
quand elle eut plusieurs fois ouï ce bruit
étrange, elle commença à s'étonner, et tout
épouvantée le conta à la bonne abbesse, la-
quelle la sut réconforter. Ledit esprit ( car
c'en était un ) faisait signe de grande réjouis-
sance, quand on chantait le service divin et
quand on parlait de Dieu, à l'église ou autre
part. Mais jamais il n'était entendu si la
jeune fille n'était présente; jour et nuit il
lui tenait compagnie, et jamais depuis ne
l'abandonna en quelque lieu qu'elle fût.
Je vous dirai grand'merveille de cette
bonne âme. Je lui demandai, en la conjurant
au nom de Dieu, si, incontinent qu'elle fut
partie de son corps, elle suivit cette jeune
religieuse? L'âme répondit que oui vérita-
blement, ni jamais ne l'abandonnerait que
pour la conduire au ciel.
Après que la bonne abbesse eut aperçu la
vérité et pris conseil, car le cas lui était fort
admirable, grand en fut le bruit par la ville
de Lyon, où accoururent maints hommes et
maintes femmes. Les pauvres religieuses fu-
rent éperdues de prime face, ignorant encore
ce que c'était. Antoinette fut interrogée pour
savoir ce qu'elle pensait de celte aventure?
Klle répond qu'elle ne savait ce que ce pour-
rait élre, si ce n'était sœur Alis, la sacristine;
d'autant que depuis son trépas souvent elle
avait songé à elle et l'avait vue en dor-
mant. L'espril, conjuré alors, répondit qu'il
étaiten effet l'esprit de sœur Alis,etendonna
signe évident. L'abbesse envoya donc qué-
rir le corps de la trépassée, et pour ce fut
enquise l'âme, premièrement, si ellevoudrait
que son corps lut enterré à l'abbaye ? Elle
donna signe qu'elle le désirait. Alors la bonne
dame abbesse le fit emmener honnêtement.
L'âme faisait bruit autour de la jeune fille, à
mesure que son corps approchait de plus en
plus; quand il fut à la porte de l'église du
monastère, l'esprit se démenait en frappant
cl en heurtant plus fort sous les pieds d'Au-
luiaetle.
Le samedi, seizième jour de février mil
cinq cent vingt-sept, monseigneur l'évéque
coadjuteur de Lyon et moi partîmes le plus
secrètement qu'il nous fut possible , vers
deux heures après midi pour l'abbaye. Le
peuple nous aperçut ; ils accoururent hâti-
vement et cheminèrent après nous en dili-
gence, au nombre de près de quatre mille
personnes, tant hommes que femmes. Silôt
que nous arrivâmes, la presseétail si grande,
que nous ne pouvions entrer en l'église des
religieuses ; lesquelles étaient averties de
notre venue ; et incontinent vint à nous leur
père confesseur, auquel fut charge d'ouvrir
un petit huis pour entrer par le chœur. Lo
peuple s'en aperçut, et par force voulut en-
trer aussi. Nous trouvâmes l'abbesse accom-
pagnée de ses religieuses, qui se mirent à
genoux en grande humilité et saluèrent le
révérend évêqne et sa compagnie. Après le
salut rendu par nous, elles nous menèrent
en leur chnpitre. Incontinent la jeune sœur
fut présentée à l'évéque, qui lui demanda
comment elle se portail; elle répondit :
— Bien, Dieu merci I
Il lui demanda ensuite ce que c'était que
l'esprit qui la suivait? Aussitôt ledit esprit
heurta sous les genoux de la sœur, comme
s'il eût voulu dire quelque chose. Il fut te-
nu maints propos concernant la délivrance
de cette pauvre âme. Plusieurs disaient
qu'elle soutenait grande peine. Nous avisâ-
mes que premièrement on prierait Dieu pour
elle, et l'évéque commença le De profundis.
Pendant ce psaume, la jeune religieuse de-
meura à genoux devant lui; l'esprit heur-
tait incessamment comme s'il eût été sous
terre.
Après que le psaume fut achevé et les orai-
sons dites, il fut demandé à l'esprit s'il était
mieux? 11 fit signe que oui. Je fus chargé
alors de régler celte affaire, c'est-à-dire les
cérémonies, exorcismes, conjurations et ad-
juremenls qu'il convenait d'employer pour
savoir la pure vérité de cet esprit et pour
connaître si c'était véritablement l'âme de la
défunte ou bien quelque esprit malin, fei-
gnant d'être bon pour abuser les religieuses.
Ce tut un vendredi, fête de la Chaire de
saint Pierre, le 22 février 1527, que nous ren-
trâmes au monastère. L'évéque, après qu'il
se fut confessé, s'appareilla de son rochet
épiscopal. Tous ceux de l'assemblée s'étaient
mis en état. Après l'oraison, l'évéque prit
une étole, la mit à son cou, et fit l'eau bénite ;
et quand tous furent assis, il se leva, et com-
mença à jeter de l'eau béni te çà et là, invoquant
tout haut l'aide de la majesté divine ; nous lui
répondions; et après qu il eut dit l'oraison :
Omnipotens sempiterne Veus, etc., et que l'on
eut dit amen, il se rassit conmie devant. In-
continent l'abbesse et une religieuse des an-
ciennes amenèrent la jeune sœur que l'esprit
suivait. Après qu'elle fut agenouillée, chacun
se prit à écouler attentive^uent ce qu'on al-
lait dire. Le seigneur évêque commença par
imprimer sur le front d'Antoinette le signe de
la crois, et, mettant les mains sur sa lète, la
ténit, en disant ;
«7
DICTIONNAIUE DES SCIENCES OCCULTES.
68
« Bénôdiclion sur la lêlo de la jeune sœur.
« Que la bénédiction de Dieu lout-puissant,
« Fère, Fils et Saint-Espril, descende sur
« vous, ma fille, et y demeure toujours; par
« laquelle soient repoussées loin les forces et
« machinations de l'ennemi. Que la vertu de
« Dieu le frappe par nos mains, jusqu'à ce
a qu'il s'enfuie, et vous laisse paix et repos,
« à vous, servante de Dieu, banissant toutes
« frayeurs 1 J'adjure l'ennemi par celui qui
« viendra jnger les vivants et les moris, et le
« siècle par le feu. Amen. »
Après que tous eurent répété amen, l'évé-
que dit aux assistants :
« iMes chers frères, il est notoire que l'ange
de ténèbres se change souvent en espèce
d'ange de lumière, el, par subtils moyens,
déçoit et surprend les simples. De peur que,
par aventure, il n'ait occupé la demeure do
ces femmes religieuses, nous voulons le jeter
dehors, s'il y est; et pour cela, du glaive spi-
rituel il nous convient trancher sa cruelle
léle, afin qu'il ne nous empêche et ne nous
trouble en aucune chose. »
L'évéque se leva alors contre le mauvais
esprit, lui faisant cet adjurement :
— « Viens donc en avant, ténébreux es-
« prit, si tu as usurpé entre ces simples fem-
« mes religieuses aucun siège. Entends-moi,
« prince de menteries, de mauvais jours en-
« vieilli. Tu es destructeur de vérité et con-
« trouveur d'iniquité; écoute donc quelle
« sentence aujourd'hui nous prononcerons
« contre les fraudes. Pourquoi donc, ô esprit
» diimné, ne seras-tu pas soumis à notre
« Créateur? Par la vertu de celui qui toutes
« choses a créé, va-t-en d'ici, fugitif, en nous
« laissant les sièges du paradis pour les rem-
« plir ; c'est d'où procède ta rage contre nous.
« Par l'autorité de Dieu, nous le cominan-
« dons que si tu n'as bâti aucune trahison par
« tes cautelles contre les servantes de Jésus-
« Christ, lu t'en ailles subitement, elles laisses
« servir Dieu en paix. Adjuré de par celui qui
« viendra juger les vivants el les morts, el le
Il siècle par le feu. Amen. »
Après qu'il eut ainsi conjuré le mauvais
esprit, il prononça l'excommunication sui-
vante :
— « Ohl maudit esprit, reconnais que ta
« es celui qui jadis fus, aux délices du paradis
« de Dieu, parfait en tes œuvres, depuis le
« temps que tu fus créé jusqu'au temps qu'il
« a été trouvé mauvaiseté en toi. Tu as pé-
« ché, el tu as été jeté de la sainte montagne
« de Dieu jusqu'aux abîmes ténébreux et aux
« gouffres infernaux. Tu as perdu ta sagesse
« et recouvré en place les ruses dainnables.
« Maintenant donc, misérable ciéalure, qui
« que lu sois, ou de quelque infernale hié-
« rarchie tu puisses être, qui, pour alfiiger le
« numainS', as pris puissance de la permis-
« sion divine, s'il est ainsi que, par si sublili;
• fraude, lu as délibéré de te jouer de ces re-
« ligieuses, nous invoquons le Père toul-
« puissant, nous supplions le Fils notre Ré-
« ilempteur, nous réclamons le Sainl-Esprit
« consolateur contre toi, afin que de sa droite
« [)uissante il commande que la mauvaiseté
s de tes efforts soit annihilée, afin que tu ne
« suives plus les pas de notre sœur Antoi-
« nette, si, par ci-devant, tu les as suivis; et
« nous, serviteurs de Dieu lout-puissant,
« quoique pécheurs, quoique indignes, tou-
« tefois en nous confiant en sa spéciale misé-
« ricorde, nous te condamnons, par la vertu
a de Notre-Si'igneur Jésus-Christ, que lu
« laisses en paix ces pauvres religieuses. Oh 1
« antique serpent, en t'anathéinatisant,nous
« l'excommunions, el en te dcleslanl el re-
« nonçi'inl à tes œuvres, sous l'extermination
« du souverain jugement, nous l'exécrons,
« l'interdisant ce lieu el ceux el celles qui f
« demeurent, te maudissant au nom de Notre-
« Seigneur Jésus-Christ, afin que, par ces im-
« précalions, perturbé, confus, exterminé, lu
« l'enfuies hâtivement aux lieux étrangers ,
« déserts el inaccessibles, et là lu attendras
« le terrible jour du jugement dernier, en te
« cachant et rongeant le frein de ton mor-
« tel orgueil; et là sois enfermé et muselé
« avec ta fureur damnable, adjuré, excom-
« munie, condamné, analhèmatisé, interdit
« et exterminé par ce même Dieu Notre-Sei-
• gncur Jésus-Christ, qui viendra juger les
« vivants et les morts, el le siècle par le
« feu. i>
Tous répondirent : Amen.
Lors, en signe de malédiction, furent étein>
les les chandelles, la cloche en déleslation
fui sonnée, el l'évéque frappa la terre plu-
sieurs fois du talon, en exécrant le diable,
l'excommuniant el chassant s'il était autour
de la jeune sœur. 11 prit de l'eau bénite, la
répandit et la jeta en l'air, el sur nous et sur
la terre, criant à haute voix : — Discedite
omnes qui operamini iniquitatem! De plus, il
envoya trois prêtres, vêius daubes el ayant
chacun l'étole au cou, pour répandre l'eau
bénite par tous les lieux de l'abbaye. Ils fu-
rent longuement en ce labeur, parce (|ue le
couvent est assez spacieux ; et, comme ils
jetaient leur eau bénite, disant : — Discedite
omnes qui operamini iniquitatem, voilà subi-
tement aucuns diables, esprits mauvais,
fuyant et chassés par eux, qui vinrent pren-
dre une jeune religieuse encore novice, gen-
til-femme qui, outre son gré, par ses pa-
rents, là dedans avait été mise.
C'élail horreur de la voir. Tous furent
épouvantés el troublés, et les plus hardis
eussenl voulu être bien loin. Les pauvres re-
ligieuses pâlirent, ayant peur incomparable;
elles se serraient l'une contre l'autre, comme
brebis au troupeau desquelles le loup s'est
subitemenl jeté. La jeune fille se déi'endail
comme elle pouvait. J'ordonnai que l'un prit
trois éloles dont elle fut liée; el lorsque nos
prêtres furent revenus, je leur donnai en
garde ladite religieuse démoniaque. L'évé-
que s'appareilla de lous ornements pour cé-
lébrer la sainte messe, cl quand ce vint à
l'offrande, la sœur que l'âme suivait se leva
el vint uffrir un pain blanc et un pot de vin,
laquelle offrande fut incontinent donnée aux
pauvres pour l'amour de Dieu.
Comme nous étions tous assis, void qua-
tre persounes qui apportèrent les ossemcnls
69
MA
AU
I
(ie sœur Alis, étant dans un cercueil de bois
couvert d'un drap mortuaire. Silôl que le
mauvais esprit, qui était au corps de la reli-
gieuse novice, aperçut icsdils ossements ,
tans autrement s'émouvoir, il dit :
— Ah! pauvre méchante, es-tu là?
Puis il se tint tout coi (1 .
Cependant monseigneur se préparait à con-
jurer l'esprit de ladite défunte, dont les osse-
ments étaient présents; et premièrement en
bénissant le nom de Dieu, dit tout haut en
latin : Sit nomen Domini benediclum. Puis :
Adjutorium noslrutn in noinine Domini. Et
les assistants lui répondaient. Il commença
ensuite à conjurer en cette manière :
« — 0 esprit, quel que tu puisses être,
« d'adverse partie ou de Dieu, qui de long-
« temps suis celte jeune religieuse, — par
« celui qui fut mené devant Caïphe, prince
« des prêtres juifs, là fut accusé et interrogé,
« mais rien ne voulut répondre jusqu'à ce
« qu'il fût conjuré au nom de Dieu vivant,
« auquel il répondit que véritablement il
«était Fils de Dieu le tout- puissant ; à
« l'invocation duquel terrible nom, au ciel,
« en terre et en enfer, soit révérence fiile,
« par la vertu d'irelui même Dieu, Notre-
« Seigneur Jésus-Christ (alors tous s'age-
« nouillèrent) : jeté conjure et te commande
« que tu me répondes apertement, ainsi que
« tu pourras et que par la volonté divine il
« te sera permis, de tout ce que je te deman-
« derai, sans rien sceller, tellement que je
« puisse entendre clairement toutes tes ré-
« ponses, et avec moi tous les assistants, afin
« que chacun de nous ait occasion de louer
« et magnifier les hauts secrets de Dieu, no-
« tre Créateur, qui règne à 'amais et par
« tous temps infiniment. »
Et nous répondîmes amen.
Alors tous les assistants, désirant entenare
les réponses de l'esprit, se délibérèrent de
prêter grand silence, et vous n'eussiez pas
ouï créature en celte compagnie qui fit au-
cun bruit, mais tous ouvraient les oreilles et
tenaient leurs yeux fixés sur la sœur Antoi-
nette.
Premièrement, il lui fût demandé en cette
manière : — Dis-moi, esprit, si tu es vérita-
blement l'esprit de sœur Alis, depuis long-
temps morte?
— Oui, répondit l'esprit.
— Dis-moi si de ton corps ces ossements
ont été ici apportés?
— Oui.
— Dis-moi si incontinent que lu sortis de
ton corps, tu vins suivre celte jeune sœur?
— Oui.
— Dis-moi s'il y a aucun ange avec toi?
— Oui.
— Dis-moi, cet ange est-il des bienheu-
reux?
— Oui.
— Dis-moi, ce non ange te conduit-il par--
tout ou il te convient d'aller?
(1) Adrien de Montalembert dit ici qu'il parlera dans un
autre ouvrage de la possession de celle jeune démoniaque
(mais cet auire ouvrage n'a point paru), et il ne s'occupe
pLu) que (lu bceiir Àlis, dont il traite lungueiuent l'histoire.
70
— Oui.
— Dis-moi, n'est-ce pas le bon ange qui en
la vie avait été député à te garder par la pro-
vidence divine?
— Oui.
— Dis-moi, comment a nom ce bon ange?
Point de réponse.
— Dis-moi si le bon ange n'est pas de la
première hiérarchie?
Point de réponse.
— Dis-moi s'il est de a seconde hiérarchie?
Point de réponse.
— Dis-moi s'il est de la tierce hiérarchie?
— Oui.
— Dis-moi si ce bon ange fut séparé de toi
incontinent quand tu fus morte?
— Non.
— Dis-moi s'il ne t'a point laissée quel-
quefois?
— Non.
— Dis -moi si ton bon ange te reconforte
et te console en tes afflictions et peines?
— Oui.
— Dis-moi si tu peux voir d'autres bon»
anges que le tien et si tu en vois?
— Oui.
— Dis-moi si l'ange de Satan n'est poinl
avec toi?
Point de réponse.
— Dis-moi, ne vois-tu point le diable?
— Oui.
— Dis-moi, adjuré par les hauts noms de
Dieu, s'il y a véritablement un lieu particu-
lier qui soit appelé purgatoire, auquel puis-
sent être toutes les âmes qui par la justice
divine là sont condamnées?
-Oui.
— Dis-moi, n'as-tu point vu punir aucu-
nes âmes en purgatoire?
— Non.
— Dis-moi, n'as-tu point vu an purgatoire
aucuns que tu aies vus en ce monde?
— Oui.
— Dis-moi s'il y a douleur ou affliction en
ce monde, qui puisse être comparée aux pei-
nes du purgatoire?
Point de réponse.
— Dis-moi si tu as eu repos le jour du
Vendredi-Saint, en révérence de la Passion
de Noire-Seigneur?
— Oui.
— Dis-moi si tu fus en repos le jour de
Pâques, pour l'honneur de la glorieuse ré-
surrection?
— Oui.
— Dis-moi si repos te fut octroyé le jour
de l'Ascension?
— Oui.
— Dis-moi, si le jour de la Pentecôte?
-Oui.
— Dis-moi si le jour de Noël tu as reposé?
— Oui.
— Dis-moi si, pour l'honneur de la sainte
vierge Marie tu as eu repos en ses fêtes?
— Oui.
Si on trouve cet arUcle nn peu étendu, c'est que cpl
ouvrage très- curieux nous a semblé digne d'être enlièré-
rement analysé.
71
PICTIOISNAIRE DES SCIENCES OCCULTrS.
72
— Dis-moi si tu as eu allègcmenl à la
Toussaint?
— Oui.
— Dis-moi, connai— tu le temps où lu se-
ras délivrée de ta peine?
— Non.
— Dis-moi si tu pourrais être délivrée par
jeûnes?
~ Oui.
— Dis-moi si tu pourrais être délivrée par
oraisons?
— Oui.
— Dis-moi si par aumdnrs tu serais déli-
vrée?
— Oui.
— Dis-moi si par pèlerinages lu réchap-
perais?
— Oui.
— Dis-moi, le pape a-t-il puissance de le
délivrer par son aulorilé papale?
— Oui.
A chaque réponse de oui ou de non, l'évê-
que avait encre et papier pour marquer ce
que l'âme répondait.
Après qu'il eut ainsi interrogé et examiné
ladite âme, il lui dit: — Ma chère sœur, celte
pieuse compagnie est assemblée pour prier
Dieu qu'il lui plaise mettre fin aux peines et
douleurs que vous souffrez, et qu'il vous
veuille recevoir parmi les anges et les saints
de paradis.
Comme il disait ces paroles, elle heurtait
très-fort. L'évêque ayant ôlé les ornements, ex-
replé l'aube et l'étole, il commença le psaume
Miserere met, Deus; et les religieuses et nous
répondions. Quand ce psaume fut chanté, la
sœur Antoinette se tourna vers la Mère de
Dieu, en chantant un verset avec une autre
religieuse: 0 Maria, Stella maiisi Puis elle
récama dévotement la glorieuse Madeleine,
et après les réponses des religieuses, le révé-
rend évéque, en donnant de l'eau bénite au
corps, dit : A porta inferi , et d'autres orai-
sons, lesquelles achevées, la jeune sœur s'a-
genouilla au chef du cercueil. Tous les assi-
stants pareillement se mirent à genoux ; et
lors commença doucement la sœur : Creator
omnium rerum, Deus, ce qu'elle acheva avec
la compagnie ; et ensuite l'évêque dit:
— Mes bonnes dames, mes sœurs et mes
filles, notre pauvre sœur Alis ne peut être en
repos, si préablement vous ne lui pardonnez
toutes de bon cœur.
Incontinent qu'il eut dit, voilà Antoniette
Grollée qui se lève, parlant pour la défunte,
et s'en va aux pieds de l'abbesse, piteusement
lui crio merci, en disant:
— Ma révérende mère, ayez merci de moi,
en l'honneur de celui qui est mort sur la
croix pour nous racheter.
La bonne abbesse lui répondit :
Ma fille , je vous p.irdonne et consens à
votre absolution.
La jeune nonne s'alla mettre ainsi aux
pieds de chaque religieuse pour qu'elles lui
voulussent pardonner et consentir à son ab-
solution. Après qu'elle eut rcqtiis pardon à
toutes entièrement, l'évêque se leva de nou-
veau, et dit .
« — Ah 1 sire Dieu, bon Jésus, qui êtes
« prince de tous les rois, qui nous avci tant
« aimés , que vous nous avez lavés de nos
« péchés en votre précieux sang, je vous
« appelle en témoin de vérité au nom de votre
« pauvre créature. Je vous invoque contre
« le faux ennemi accusateur de notre sœur,
« comment la mère abbesse présentement et
et toutes les religieuses lui ont pardonné et
« consenliàson absolution.» Puis dit: Amen.
Dominus rétribuât pro te, soror charissima.
La jeune sœur, qui était à genoux, se leva,
et, en joignant les mains, chanta hautement
Dec gralias. Après quoi, elle dit le Confileor,
et sitôt qu'elle eut achevé, l'évêque reprit :
« — Que le Dieu tout-puissant ait merci do
« vous , très-chère sœur ; qu'il vous veuille
« pardonner tous vos péehés , et en vous dé-
« livrant detoutmal, qu'il veuille vous mener
« à la vie éternelle ! »
El la sœur répondit : Amen.
Le seigneur évèque étendit alors sa main
droite sur le cercueil en disant :
« — Que Noire-Seigneur Jésus-Christ, par
« sa sainte et très-pieuse miséricorde, et par
« le mérite de sa passion , vous absolve,
« ma sœur ; et moi, par l'autorité apostoli-
« que qui m'a été confiée, je vous absous de
« tous vos crimes et péchés, et de tous autres
« excès quoique graves et énormes, vous
« donnant plénière absolution et générale,
« vous remettant les peines du purgatoire,
« vous rendant à votre première innocence
« en laquelle vous avez été baptisée, autant
« que peuvent s'étendre les clefs de la sainte
« Eglise, notre mère, au nom du Père, et du
« Fils, et du Saint-Esprit. »
La jeune sœur répondit à haute voix : Amen ;
et tous s'en allèrent en paix.
Adrien de Montalembert raconte ensuite
que l'âme délivrée mena depuis grande joie
dans le monastère ; qu'elle venait le recevoir
avec joie lorsqu'il y arrivait; qu'elle conti-
nua de frapper, non plus sous terre, mais
en l'air. Elle révéla, ajoute-t-il, qu'elle n'é-
tait plus dans le purgatoire , mais que cer-
taines raisons qu'on ne sait pas l'empêchaient
encorepour quelque temps dêtre reçue parmi
les bienheureux.
Elle apparut encore à la sœur Antoinette,
rnais en habit de religieuse, et tenant un
cierge à la main ; elle lui apprit, dans sa der-
nière visite, cinq petites invocations que l'au-
teur croit composées par saint Jean l'Evan-
géliste, chacune commençant par une des
lettres du saint nom de Marie, les voici :
« Médiatrice de Dieu et des hommes, fon-
« lai ne vive répandant incessamment des ruis-
« seaux de grâce, ô Marie !
« Auxiliaire de tous et source de la paix
« éternelle, ô Marie I
« Réparatrice des faibles, et médecine Irès-
« efficace de l'âme blessée, ô Marie 1
« Uluminalrice des pécheurs, flambeau de
« salut et de grâce, ô Marie I
« Allégeance des malheureux opprimés,
« c'est vous qui finissez tous nos maux, ê
« Marie I »
Qui dira chaque jour pieusement ces cinq
ft
aLl
ornisons, ajoula l'espril, jamais ne tombera
en damnation éternelle (1).
Peu de jours après, l'âme de sœur Alis fit
ses adieux et ne fut plus ouïe ni vue en ce
monde.
ALKALALAI, cri d'allégresse des Kamts-
rhndaics; ils le répèlenl trois fois à la fêle
des balais, en l'honneur de leurs trois grands
dieux, Filiat-Chout-Chi , le père; Tou'Ha ,
son fils, et Gaëlch, son pelit-fils. La fête des
balais consiste , chez ces peuples sales, à
balayer avec du bouleau le foyer de leurs
cabanes.
ALIETTE. Voy. Etteila.
ALLELUIA , mot hébreu qui signifia
.ouange à Dieu. Les bonnes gens disent en-
core dans plusieurs provinces qu'on fait pleu-
rer la sainte Vierge lorsqu'on chante alleiuia
pendant le carême (2)
Il y avait à Chartres linc singulière cou-
tume. A l'époque où l'on en cesse le chanl,
l'AUeluia était personnifié et représenté par
une toupie qu'un enfant de chœur jetait au
milieu de l'église et poussait dans la sa-
cristie avec un fouet. Gela s'appelait VAlkhda
fouetté
On appelle trèfle de l'Alléluia une plante
qui donne, vers le temps de Pâques, une pe-
tite fleur blanche étoilée. Elle passe pour un
spécifique contre les philtres.
ALLIX. Voici un de ci>s traits qui accu-
sent l'ignorance et la légèreté des anciens
juges de parlement. — Allix, mathématicien,
mécanicien et musicien , vivait à Aix en Pro-
vence, vers le milieu du dix-septième siècle ;
il fit un squelette qui, par un mécanisme ca-
ché, jouait de la guitare. Bonnet, dans son
Histoire de la Musique, page 82, rapporie
l'histoire tragique de ce pauvre savant. Il
mettait au cou de son squelette une guitare
accordée à l'unisson d'une autre qu'il teii.iit
lui-même dans ses mains, et plaçait les doigts
de l'automate sur le manche; puis, par un
temps calme et serein, les fenêtres et la porle
étant ouvertes, il s'installait dans un coin de
la chambre et jouait sur sa guitare des pas-
sages que le squelette répétait sur la sienne.
Il y a lieu de croire que l'instrument réson-
nait à la manière des harpes éoliennrs, et
que le mécanisme qui faisait mouvoir les
doigts du squelette n'était pour rien dans la
production des sons. (Nous citons M.Fétis (3)
sans l'approuver, et nous le renvoyons aux
automates musiciens de Vaucanson , qui
n'étaient pas des harpes éoliennes). — Quoi
qu'il en soit, poursuit le biographe, ce con-
cert étrange causa de la rumeur parmi la
population superstitieuse de la ville d'Aix ;
Allix fut accusé de magie, et le Parlement fit
instruire son procès. Jugé par la chambre
de la Tournelle, il ne put faire comprendre
que l'effet merveilleux de son automate n'é-
tait que la résolution d'un problème mécani-
que. L'arrêt du Parlement le condamna à
(1) Parce que celui qui dit pieusement les cinq invoca-
lioiis, vit |)rol)al)lenienl eu conséipience.
(2) Tliiers, Traité des superstitions.
(.■5) Biograpliie universelle des musiciens.
ii) l.'Atnanach de Matthieu l.jeiisbergli commença U
DiCTIONN. DES SCIENCES OCCULTES. I
ALM 74
être pendu cl brûlé en place publique, avec
le squelelle complice de ses sortilèges; la
sentence fut exécutée en 1664. »
ALMANACH. Nos ancêtres du Nord tra-
çaient le cours des lunes pour toute l'année
sur un petit morceau de bois carré qu'ils
appelaient al-mon-agt (observation de toutes
les lunes) : telles sont , selon quelques au-
teurs, l'origine des almanachs et l'étymologiu
de leur nom.
D'autres se réclament des Arabes , cliei
qui al-manack veut dire le mémorial.
Les Chinois passent pour les plus ancien*
faiseurs d'almanachs. Nous n'avons que
douze constellations; ils en ont vingt-huii.
Toutefois leurs almanachs iressemblent à
ceux de Matthieu Laensbergh par les prédic-
tions et les secrets dont ils sont farcis (4).
Bayie raconte l'anecdocle suivante, pour
faire voir qu'il se rencontre des hasards pué-
rils qui éblouissent les petits esprits sur la
vanité de l'astrologie. Marcellus, professeur
de rhétorique au collège de Lisieux. avait
coiuposé en latin l'éloge du maréchal de
Gassion, mort d'un coup de mousquet au
siège de Lens. 11 était près de le réciter en
public, quand on représenta au recteur de
l'Université que le maréchal était mort dans
la religion prélendue reformée, et (jue son
oraison funèbre ne pouvait être prononcéa
dans une université catholique. Le recteur
convoqua une assemblée où il fut résolu, à
1.1 pluralité des voix, que l'observation était
juste. Marcellus ne put donc prononcer son
p-inégyrique; et les partisans de l'astrologie
triomphèrent en faisant remarquer à tout lo
monde que, dans l'almànach do Pierre Lar-
rivey pour celte même année 1648, entre
autres prédictions, il se trouvait écrit en
gros caractère : LATIN PERDU I
ALMANACH DU DIABLE, contenant de»
prédictions très-curieuses pourles années 1731
et 1738, aux enfers, in-24. Cette plaisanterie
contre les jansénistes était l'ouvrage d'un
certain Quesnel, joyeux quincaillier de Di-
jon, affublé d'un nom que le fameux appe-
lant a tant attristé. Elle est devenue rare,
attendu qu'elle fut supprimée pour quelques
prédictions trop hardies. Nous ne la citons
qu'à cause de son titre. Les jansénistes y ré-
pondirent par un lourd et stupide pamphlet
dirige contre les jésuites et supprimé égaie-
menl. Il était intitulé: Âlmanach de Dieu,
dédié à M. Carré de Montgeron , pour l'an-
née 1738, in-24, au ciel...
ALMOGANENSES, nom que les Espagnols
donnent à certains peuples inconnus qui,
par le yol et le chant des oiseaux, par la
rencontre des bêtes sauvages et par divers
autres moyens, devinaient tout ce qui de-
vait arriver. « Ils conservent avec soin ,
dit Laurent Valla, des livres qui traitent d •
celte espèce de science; ils y trouvent d«g
règles pour toutes sortes de pronostics.
paraître en 1G3G. Mais avant lui on avait déjà des annuain-s
de même nature. Fischer a découvert à Mayence, en lédi..
un âlmanach imprimé pour 1437 tout b fait tt la naissa». j
de l'imiiriraerie,
n
DICTIONNAIRE DES SCIENXES OCCULTES.
Leurs devins sont divisés en doux classes :
l'une de chefs ou de maîtres, cl l'autre de
disciples ou d'aspirants. » — On leur attri-
bue aussi l'art d'indiquer non-seulement par
où ont passé les clievaus et les autres bêles
de somme égarées, mais encore le chemin
qu'auront pris une ou plusieurs personnes;
ce qui est très-utile pour la poursuite des
voleurs. Les écrivains qui parlent des Almo-
ganenses ne disent ni dans quelle province
ni dans quel temps ont vécu ces utiles de-
vins.
ALMUCHEFI. Voy. Bacon.
ALMULUS (Salomon), auteur d'une expli-
cation des songes en hébreu; in-8°. Amster-
dam, 16^2.
ALOCER, puissant démon, grand-ducaux
enfers j il se montre vêtu en chevalier, monté
sur un cheval énorme ; sa figure rappelle les
traits du lion; il a le teint enflammé, les
yeux ardents; il parle avec gravité; il en-
seigne les secrets de rasiroflomie et des arts
libéraux ; il domine trente-six légions.
ALOGRICUS. Voy. Alrdy.
ALOMANCIE, divination par le sel, dont
les procédés sont peu connus. C'est en rai-
son de l'alomancie, qu'on suppose qu'une
salière renversée est d'un mauvais présage
ALOPECIE, sorte de charme par lequel
on fascine ceux à qui l'on veut nuire. Quel-
ques auteurs donnent le nom d'alopécie à
l'arl de nouer l'aiguillette. Voy. Ligatures.
ALOUETTK. Voy. Casso.
ALPHITOMANCIE , divination par le pain
d'orge. Celte divination imporlanleest très-
ancienne. Nos pères, lorsqu'i's voulaient
dan» plusieurs accusés reconnaître le cou-
pable et obtenir de lui l'aveu de son crime ,
faisaient manger à chacun des prévenus un
rude morceau de pain d'orge. Celui qui l'a-
valait sans peine était innocent : le crimi-
nel se trahissait par une indigestion (1).
C'est même de cet usage, employé dans les
épreuves du jugement de Dieu, qu'est venue
l'imprécation populaire: — Je veux, si je
vous trompe, que ce morceau de pain m'é-
Iranglel
Voici comment se pratique cette divina-
tion, qui, selon les doctes, n'est d'un effet
«ertain que pour découvrir ce qu'un homme
a de caché dans le cœur. Ou prend de la
pure f;irine d'orge; on la pétrit avec du lait
et du sel; on n'y met pas de levain; on en-
veloppe ce pain compacte dans un papier
graissé, on le fait cuire sous la cendre ; en-
suite on le frotte de feuilles de verveine et
on le fait manger à celui par qui on se croit
trompé, et qui ne digère pas si la présomp-
tion est fondée.
Il y avait, près de Lavinium, un bois sa-
cré où l'on pratiquait l'alphitomaneie. Des
prêtres nourrissaient dans une caverne un
serpent, selon quelques-uns; un dragon, se-
lon d'autres. A certains jours on envoyait
des jeunes filles lui porter à m.mgei ; elles
avaient les yeux bandés et allaient à la
grotte, tenant à la main un gâtenu fait par
elles avec du miel et de la farine d'orge. « Le
(1) Deirio, disquisil. msgic, lib, IV, cap i, quaest. 7.
diable, dit Deirio, les conduisait leur droit
chemin. Celle dont le serpent refusait de
manger le gâteau n'était pas sans repro-
che. »
ALPHONSE X, roi de Castille et de Léon,
surnommé l'astronome et le philosophe ,
mort en 1284. On lui doit les Tables Alphon-
sines. C'est lui qui disait que, si Dieu l'avait
appelé à son conseil au moment de la créa-
tion, il eût pu lui donner de bons avis. C«
prince extravagant croyait à l'astrologie.
Ayant fait tirer l'horoscope à ses enfants , Il
apprit que le cadet serait plus heureux ([ue
l'aîné, et le nomma son successeur au trône.
Mais malgré la sagesse de cet homme, qui se
jugeait capable de donner des conseils au
Créateur, l'alné tua son frère cadet, mit son
père dans une étroite prison et s'empara de
la couronne; toutes choses que sa science
ne lui avait pas révélées.
ALPIEL, ange ou démon qUi, selon le
Talmud . a l'iiilendance des arbres frui-
tiers.
ALRINACH , démoTi de rOccident, que les
démonographes font présider aux tempêtes ,
aux tremblements de terre, aux pluies, à la
grêle, elc. C'est souvent lui qui submerge
les navires. Lorsqu'il se rend visible , il
parait sous les traits et les habits d'une
femme.
ALRUNES, démons succubes o sorcières,
qui furent mères des Huns. Elles prenaient
toutes sortes de formes, mais ne pouvaient
changer de sexe. — Voy. aussi Mandra-
gores.
ALRUY (David), imposteur juif, qui, en
1199, se prétendant de la race de David, se
vanta d'être le Messie destiné à ramener
les Juifs dans Jérusatem.Le roi de Perse le
fit mettre en prison ; mais on voit, dans Ben-
jamin de Tudèle, qui le cite, qu'il s'échapjia
en se rendant invisible. 11 ne daigna se rc-
monlrer qu'aux bords de la mer. Là, il éten-
dit son écharpe sur l'eau, planta ses pieds
dessus et passa la mer avec une légèreté in-
croyable, sans que ceux qu'on envoya avec
des bateaux à sa poursuite le pussent arrê-
ter.— Cela le mil en vogue comme grand
magicien. Mais enfin le Schcick Aladin ,
prince turc, sujet du roi de Perse, fit tant à
force d'argent, avec le beau-père de David
AIruy ou Alroy, lequel beau-père élail peu
délicat, que le prétendu Messie fut poignardé
dans son lit. « C'est toujours la fin de telles
gens, dilLeloyer; et les magiciens juifs n'en
ont pas meilleur marché que les autres
magiciens, quoi que leur persuadent leurs
talmudistes, qu'ils sont obéis de l'esprit ma-
lin. Car c'est encore une menlerie duTalmud
des Juifs, qu'il n'est rien do difficile aux sages,
maîtres et savants en leurs lois, que les es-
prits d'enfer et célestes leur cèdent, et que
Dieu même (ô blasphème Ij ne leur peut ré-
sister (2)...» — Ce magicien est appelé encore
dans de vieux récils \logricus. Il est enterré
dans une île mystérieuse. Voy. Corbeau.
ALTANGATUFUN, idole des Kalmoutls,
qui avait le corps el la tête d'un serpent ,
(2) Leioyer, discours des spectres, liv. IV, cb. i.
n
AM.V
AMA
•JS
Qvcc quali'c pieJs de lézard. Celui qui porte
avec vépéralion son image est invulnérable
tliins les coiiibals. Pour en faire l'épreuvo,
un khan fit suspendre celle idole attachée à
un livre, et l'exposa aux coups des plus ha-
biles archers ; leurs traits ne purent attein-
dre le livre, qu'ils percèrent au contraire dès
.■>(ue l'idole en fut détachée. C'est là une lé-
gende de Cosaques.
ALVEIIOMANCIE , ou ALEUROMANCIE.
Voy. ce mot.
AMADEUS, visionnaire qui crut connaî-
tre par révélation deux psaumes d'Adam :
le premier , composé en transport de joie
à la création de la femme, le second en triste
dialogue avec Eve, après la chute (1).
AMAIMON. Voy. Amoym )N.
AMALARIC , roi d'Espagne, qui épousa la
princesse Clolilde, sœur du roi des Frar.6 s
Childeberl. La pieuse reine, n'approuvant
pas les excès de son mari, tombé dans l'aria -
uisme, le barbare, après d'autres mauvais
traitements, lui fit crever les yeux. Ciotilde
envoya à son frère un mouchoir teint de son
sang, et Childebert marcha aussitôt avec une
armée contre Amalaric. La justice des hom-
mes fut prévenue par la justice éternelle.
Tandis que le bourreau de Clolilde s'avan-
çait au-devant des Francs, il tomba percé
d'un trait lancé par une main invisible. Des
légendaires ont écrit que cette mort était
l'ouvrage du diable; mais le trait ne venait
pas d'en bas (2).
AMALARIC (Madeleine) , sorcière qui al-
lait au sabbat et qui, accusée de onze homi-
cides, fut mise à mort à soixante-quinze ans
dans la baronnie de la Trimouille, à la fin
du seizième siècle (3).
AMAUANTHE, fleur que l'on admet parmi
les symboles de l'immortalité. Les magiciens
attribuent aux couronnes faites d'amaran-
Ihe de grandes propriétés, et surtout la vertu
de concilier les faveurs et la gloire à ceux qui
les portent.
AMASIS. Hérodote raconte qu'Amasis, roi
d'Egypte, eut l'aiguillette nouée, et qu'il fal-
lut employer les plus solennelles impréca-
tions de la magie pour rompre le charme.
Voy. Ligatures.
AMAZONES, nation de femmes guer-
/ières, dont Strabon regarde à tort l'cxis-
lence comme une fable. François de Terre -
Blanca dit (4-) qu'elles étaient sorcières; ce
qui est plus hasardé. Elles se brûlaient la
mamelle droite pour mieux tirer de l'arc; et
le père Ménestrier croit que la Diane d'E-
plièse n'était ornée de tant de mamelles qu'à
cause que les Amazones lui consacraient
telles qu'elles se retranchaient. On dit que
celle république sans hommes habitait la
Cappadoce et les bords du Thermodon. Les
modernes ont cru retrouver des peuplades
d'amazones en voyant des femmes armées
tur les bords du Maragnon, qu'un a nommé
(t) Ces deux psaumes sont imprimés dans le Codex
pseudepigrapbus velerisTeslamenti de Fabricius.
(2) Laml>ertinl de Cruz-Uoucn , Tliealrmn regium bis-
(laiiicum, ad ann. 510.
(3) Uikius. Disc, sommaire des sortilèges, véncflces.
pour cela le fleuve des Amazones. Des mis-
sionnaires en placent une nalion dans les
Philippines, et Thévenot une autre dans la
Mingrélie. Mais, dit-on, une république d.j
femmes ne subsisterait pas six mois, et cis
états merveilleux no sontque fictions inven-
tées pour récréer l'imagination. Cependant,
voici un curieux passage qui nous est fourni
par les explorations récentes de M. Texier
dans l'Asie Mineure :
«J'ai lieu d'être satisfait de mon voyage,
écrit M. Texier à M. Albert Leiioir, car j'.ii
découvert sur les frontières de la Galalie
une ville de la plus grande importance. Fi-
gure-toi plus de trois mille carrés de ter-
rain , couverts de monuments cyclopéens
d'une belle conservation, des citadelles, des
palais, les murailles avec les portes ornées
de têtes de lions, et des glacis comme ceux
de nos places, inclinés à 35 degrés, et de dix
à douze mètres de penle, un temple immense
dont l'appareil est admirable. Il est entouré
de part et d'autre de dllules ou chambres
dont une seule pierre forme la paroi , et qui
cependant ont six à sept utètres de longueur.
Avant d'arriver à ces superbes ruines,
M. Texier avait reconnu dans la ville mo-
derne de Galagik, Galalon-Teikos, l'ancienne
cité des Gallo-Grecs , Galatœ. Il avait en-
suite suivi le cours de l'Halys, et, Ueux jours
après l'avoir quitté, il était arrivé à ces rui-
nes. « Si les géographes, écrit-il à M. Dureau
de la Malle, n'étaient pas aussi unanimes
pour placer Tavia aux bords de l'Halys, je
croirais que j'ai trouvé Tavia. Ce temple ne
serait pas autre chose que le temple de Jupi-
ter avec l'asile. Mais la découverte de cette
ville, fort importante par elle-même, est
effacée par celle d'un monument que j'ai
trouvé dans les montagnes voisines , et qui
doit se placer au premier rang des monu-
ments antiques.
« C'est une enceinte de rochers naturels ,
aplanis par l'art, et sur les parois de la-
quelle on a sculpté une scène d'une impor-
tance majeure dans l'histoire de ces peuples.
Elle se compose de soixante figures, dont
quelques-unes sont colossales. On y recon-
naît l'entrevue de deux rois qui se font mu-
tuellement des présents.»
Dans l'un de ces personnages , qui esC
barbu , ainsi que toute sa suite , et dont l'ap-
pareil a quelque chose de rude, le voyageur
avait d'abord cru distinguer le roi de Paphla-
gonie ; et dans l'autre, qui est imberbe
ainsi que les siens, il voyait le roi de Perse,
monté sur un lion et entouré de toute la
pompe asiatique. Mais sa dernière lettre,
datée de Constantinople, nous apprend qu'il
à changé son interprétation. En communi-
quant ses dessins et ses conjectures aux
antiquaires de Smyrne, qu'il a trouvés fort
instruits, il s'est arrêté à l'opinion que celte
scène remarquable représentait l'entrevue
idolâtries, tiré des procès criminels jngés au siège riiyal
de Montmorillon , en Poitou, la présente année tOTit,
p. 29.
(4) Kpisl.Delict. sive ilemagia, lib. I, cap. 8.
79
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
so
annuelle des Am;izoiics avec le peuple voi-
sin, qui sprail les Louco-Sjricns ; cl la ville
voisine, où le témoignage des géographes
l'avait empôtlié de reconnaître Tavia, se-
rait ThémIsrjTO, capitale de re peuple.
Celle explication nous paraît offrir toute
espèce de probatiililés. Plusieurs auteurs
«nnciens, que M. Texicr n'a pu consulter à
Conslaniinoplo, parlent en efîcl de celle en-
trevue annuelle des Amazones avec les
liomnies d'un pays voisin. Piinc dit qu'elle
durait cinq jours. Au bout de neuf mois, on
faisait parmi les enfants qui naissaient un
triage, à la suite duquel un gardait les (îlles,
et l'on renvoyait les garçons au peuple qui
avait fourni les pères. Pline nomme ceux-ci
(jynœcocralumeni, moi dont l'énergique com-
position indique la sujétion où ils étaient
vis-à-vis des Amazones, leurs voisines.
La pompe qui entoure le personnage im-
berbe, suivi d'un magnifique cortège égale-
ment imberbe, indique naturellement les
Amazones et leur supériorité, tandis que la
barbe, la massue et l'appareil beaucoup plus
simple de l'autre corlége s'applique très-
bien aux Louco - Syriens , tributaires de
leurs superbes voisines. Ce monument si
antique serait dune un nouveau témoignage,
bien imposant de l'existence des Amazones,
longtemps traitée de fable, et dont de savan-
tes rechcrciies ne permettent guère aujour-
d'hui de douter, malgré sou invraisem-
blance.
AMBROSIUS ou AMBÏIOISE, roi d'Angle-
terre. — Voy. Merlin.
AMDUSCIAS, grand-duc aux enfers. Il a la
forme d'une licorne; mais lorsqu'il est évo-
(|ué, il se montre sous une figure humaine.
11 donne des concerts si on les lui com-
mande; on entend alors, sans rien voir, le
son des trompettes et des autres instru-
ments de musique. Les arbres s'inclinent
à sa voix. Il commande vingt -neuf lé-
gions.
AME. — Tous les peuples ont reconnu
l'immorlalilé de l'âme. Les hordes les plus
barbares ne l'ont jamais élé assez pour se
rabaisser jusqu'à la brute. La brute n'est
attachée qu'à la terre : 1 homme seul élève ses
regards vers un plus noble séjour. L'insecte
est à sa place dans la nature; l'homme n'est
pas à la sienne. Chez certains peuples, on
altachail les criminels à des cadavres pour
rendre leur morl plus affreuse : tel est ici-bas
le sort de l'homme. Cette âme qui n'aspire
qu'à s'élever, qui est étrangère aux accidents
(lu corps, qui les vicissitudes du temps ne
peuvent altérer , ne s'anéantira pas avec la
matière.
La conscience, le remords, ce désir de pé-
nétrer dans un avenir inconnu, ce respect
que nous portons aux lombcaux, cet cITroi
de l'autre monde , celte croyance aux â(nes,
qui ne se distingue que dans l'homme , tout
nous instruirait déjà, quand mcn)e la révé-
lation ne Serait pas là pour repousser nos
doutes. Les miilérialistes qui, voulant tout
juger par les yeux du corps, nient l'existence
de l'âme , parce qu'ils ne la voient poinl , ne
voient pas non plus le sommeil ; ils ne voient
pas le vent; ils ne comprennent pas la lu-
mière, ni cent mille autres faits que pourtant
ils ne peuvent nier.
On a cherché de tout temps à définir ce
que c'est que l'âme, ce rayon, ce souffle de
la Divinité. Selon les uns, c'est la conscience,
c'est l'esprit; selon d'autres, c'est cet espoir
d'une autre vie qui palpite dans le cœur de
tous les hommes. C'est, dit Léon l'Hébreu, le
cerveau avec ses deux puissances, le senti-
ment et le mouvement volontaire. C'est une
flamme, a dit un autre. Bieéarque affirme
que l'âme est une harmonie et une concor-
dance des quatre élémenls.
Quelques-uns sont allés loin, et ont voulu
connaître la figure de l'âme. Un savant a
môme prétendu, d'après les dires d'un reve-
nant, qu'elle ressemblait à un vase sphéri-
(|ue de verre poli, qui a des yeux de tous les
côtés.
L'âme , a-l-on dit encore, est comme une
vapeur légère et transparente, qui conserve
la figure humaine. Un docteur talmudique,
vivant dans un ermitage avec son fi's et
quehjues amis, vit un jour l'âme d'un de ses
compagnons qui se détachait tellement de
son corps, qu'elle lui faisait déjà ombre à la
(êle. Il comprit que son ami allait mourir, et
fit tant par ses prières, qu'il obtint que cette
pauvre âme rentrât dans le Ci)rps qu'elle
abandonnait. « Je crois de cette bourde ee
qu'il faut en croire, dit Leioyer (1) , comme
de toutes les autres bourdes et baveries des
rabbins.»
Les Juifs se persua'lcnt, au rapport du
Hollandais Hoornbeeek, que les âmes ont
toutes été créées ensemble , et par paires
d'une âme d'homme cl d'une âme de feuuuc;
de sorte que les mariages sont heureux et
accompagnés de douceur et de paix, lors-
qu'on se marie avec l'âme à laquelle on a
élé accouplé dès le commencement; mais ils
sont malheureux dans le cas contraire. On
a à luller contre ce malheur, ajoutc-t-il, jus-
qu'à ce qu'on puisse être uni, par un secon l
mariage , à lâmc dont on a été fait le pair
dans la création ; et cette rencontre est rare.
Philon, juif, qui a écrit aussi sur l'âme,
pense que, comme il y a de bons et de mau-
vais anges, il y a aussi de bonnes et de mau-
\ aises âmes, el que les âmes qui descendent
dans les corps y apportent leur bonnes ou
mauvaises qualités. Toutes les innovations
des hérétiques el des philosophes, et toutes
les doctrines qui n'onl pas leur base dans les
enseignements de l'Eglise , brillent par du
semblables absurdités.
Les musulmans disent que les âmes de*
meurent jusqu'au jour du jugement, dans I<J
tombeau, auprès du corps qu'elles ont animé.
Les pa'ïcns croyaient que les âuies, séparées
de leurs corps grossiers el terrestres, conser-
vaient après la mort une forme plus subtile cl
plus déliée, de la figure du corps qu'eues
quittaient, mais plus grande et plus majes-
tueuse; que ces formes étaient lumineuses
et de la nature des aslrcs; que les âmes gai-
(I) Leioyer, Disc, et liist, des spectres, liv. IV, cli. 1.
81
AME
AME
Si
d licnldcrinclinalion pour les choses qu'elles
av.iienl aimées pendant leur vie, cl que sou-
vent elles se montraient autour de leurs tom-
beaux.
Quand l'âme de Palrocle se leva devant
Achille, elle avait sa voix, sa taille, ses yeux,
ses habits, du moins en apparence, mais
non pas son corps palpable.
Origène douve que ces idées ont une source
respectable , et que les âmes doivent avoir
en effet une consistance, mais subtile; il se
fonde sur ce qui est dit dans l'Evangile du
Lazare et du mauvais riche, qui ont tous
deux des formes puisqu'ils se parlent et se
voient, et que le mauvais riche demande une
goutte d'eau pour rafraîchir sa langue. Saint
Irénée , qui est de l'avis d'Origèiie , conclut
du même exemple que les âmes se souvien-
nent après la mort de ce qu'elles ont fait en
celte vie.
Bans la harangue que fit Titus à ses sol-
dats poui les eng.iger à monter à l'assaut de
la tour Antonia, au siège de Jérusalem , on
remarque une opinion qui est à peu près
celle des Scandinaves. Vous savez, leur dit-
il, que les âmes de ceux qui meurent à la
guerre s'élèvent jusqu'aux astres, et sont re-
çues dans les régions supérieures, d'où elles
apparaissent conmic de bous génies; tandis
que ceux qui meurent dans lour lit, quoique
ayant vécu dans la justice, sont plongés sous
terre dans l'oubli et les ténèbres (1).
Il y a, parmi les Siamois, une secte qui
croit (jue les âmes vont et viennent où elles
veulent après la mort ; que celles d.s hommes
qui ont bien vécu acquièrent une nouvelle
force, une vigueur extraordinaire, et qu'elles
poursuivent, attiqueul et maltraitent celles
des méchants partout où elles les rencon-
trent. Platon dit, dans le neuvième livre de
ses Lois, que les âmes de ceux qui ont péri
de Diort violente poursuivent avec fureur,
dans l'autre monde, les âmes de leurs meur-
triers. Cette croyance s'est reproduite sou-
vent et n'est pas éteinte partout.
Les anciens pensaient que toutes les âmes
pouvaient revenir après la mort, excepté
les âmes des noyés. Servius en dit la
raison : c'est que l'âme, dans leur opinion,
n'était autre chose qu'un feu, qui s'éteignait
dans l'eau, comme si le matériel pouvait dé-
truire le spirituel.
On sait que la mort est la séparation de
l'âme d'avec le corps. C'est une opinion de
l:>us les temps et de tous les peuples que les
Auies en quittant ce monde passent dans un
autre meilleur on plus mauvais, selon leurs
œuvres. Les aucions donnaient au bnle'ier
Ciiron la charge ûc conduire les âmes au sé-
jour des ombres. On trouve une tradilion
analogue à celte croyance chez les vieux
Itreluns. Ces peuples plaçaient le séjuur des
âîucs dans une île (jui doit se trouver entre
l'Angleterre et l'Islande. Les bateliers et pé-
cheurs, dit Tzelzès , ne payaient aucun tri-
but, parce qu'ils étaient chargés de la corvée
de passer les âmes; et voici comment cela se
il) Jost'iilie, De Bollo jud., liv. VI, cap. I, cilé dans
Quliiiii, iircmièrc jiarlic du U'aiU de» Aiipariiions, cli. \fi.
faisait:— Vers minuit, ils entendaient frapper
à leur porte; ils suivaient sans voir personne
jusqu'au rivage ; là ils trouvaient des navires
qui leur semblaient vides, mais qui étaient
chargés d'âmes ; ils les conduisaient à l'île
(les ombres, où ils ne voyaient rien encore ;
mais ils entendaient les âmes anciennes qui
venaient recevoir et complimenter les nou-
velles débarquées; elles se nommaient par
leurs noms, reconnaissaientleurs parents, etc.
Les pêcheurs, d'abord étonnés, s'accoutu-
maient à ces merveilles et reprenaient leur
chemin. — Ces transports d'âmes, qui pou-
vaient bien cacher une sorte de contrebande,
n'ont plus lieu depuis que le christianisme
est venu apporter la vraie lumière.
Ou a vu parfois, s'il faut recevoir tous les
récits des chroniqueurs, des âmes errer par
troupes. Dans le onzième siècle, on vit passer
près de la ville de Narni une multitude infinie
de gens vêtus de blanc, qui s'avançaient du
côté de l'Orient. Celle troupe défila'depuis le
matin jusqu'à trois heures après midi. Mais
sur le soir elle diminua considérablement.
Tous les bourgeois montèrent sur les mu-
railles , craignant que ce ne fussent des
troupes ennemies; ils les virent passer avec
une extrême surprise. Un ciladin, plus résolu
que les autres, sortit de la ville ; remarquant
dans la foule mystérieuse un homme de sa
connaissance, il l'appela par son nom et lui
demanda ce que voulait dire cette multitude
de pèlerins. L'homme blanc lui répondit: —
Nous sommes des âmes qui, n'ayant point
expié tous nos péchés et n'étant pas encore
assez pures, allons ainsi dans les lieux saints,
en esprit de pénitence : nous venons de visi-
ter le tombeau de sainlMartin, et nous allons
à Notre-Dame de Farfe (2).
Le bourgeois de Narni fût tellement effrayé
de cette vision, qu'il en demeura malade pen-
dant un an. Toute la ville de Narni, disent
de sérieuses relations, fut témoin de cette
procession merveilleuse , qui se fit en plein
jour.
N'oublions pas, à propos du sujet qui nous
occupe, une croyance très-répandue en Alle-
magne : c'est qu'on peut vendre son âme au
diable. Dans tous les pactes faits avec l'esprit
de ténèbres, celui qui s'engage vend son
âme. Les Allemands ajoutent même qu'après
cet horrible marché le vendeur n'a plus
d'ombre. On conte, à ce propos, l'histoire
d'un étudiant qui fit pacte avec le diable pour
devenir l'époux d'une jeune dame dont il ne
pouvait obtenir la main. Il réussit avec l'aide
du diable. Mais au moment de la célébration
du mariage, un rayon de soleil frappa les
deux époux qu'on allait unir; on s'aperçut
avec effroi que le jeune homme n'avait pas
d'ombre : on reconnut qu'il avait vendu son
âme, et tout fut rompu.
Généralement les insensés qui vendent
leur âme font leurs conditions et s'arrangent
pour vivre un certain nombre d'anntTes après
le pacte. Mais si on vend sans fixer de terme,
le diable, qui est pressé de jouir, n'est pas
(i) De Cura pro morluis, cilé parCalmet, preiuièra
puiiio, (.1). 1 1.
13
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
8)
toujours délicat; et voici un trait qui mérite
altenliun :
Trois ivrognes s'entretenaient, en buvant,
de rimuiorliililé de l'âme et des peines do
l'enfer. L'un deux commença à s'en moquer
et dit là-dessu< des slupidités dignes de la
circonstance. C'était dans un cabaret de vil-
lage. Cependant survient un homme de haute
sinture, velu gravement, qui s'assied près
dos buveurs, et leur demande de quoi ils
rient. Le plaisant villageois le met au fait,
ajoutant qu'il fait si peu de cas de son âme,
qu'il est prêt à la vendre au plus offrant et à
bon marché, et qu'ils en boiront l'argent.
— Et combien me la vcus-tu vendre? dit le
nouveau venu. Sans marchander, ils con-
viennent du prix ; l'acheteur en compte l'ar-
gent, et ils le boivent. C'était joie jusque-là.
Mais, la nuit venant, l'acheteur dit : — 11 est
temps, je pense, que chacun se retire chez
soi; celui qui a acheté un cheval a le droit
de l'emmener. Vous permettrez donc que je
prenne ce qui est à moi. — Or, ce disant, il
empoigne son vendeur tout tremblant, et
l'emmène où il n'avait pas cru aller si vite;
de telle sorte que jamais plus le pays n'en
ouït nouvelles. Voy. Mort.
AMES DES BETES. Dans un petit ouvrage
très-spirituel sur l'âme des bêles , le Père
Bougeant , jésuite a développé cette sin-
gulière ideede quelques philosophes anciens,
que les bétes étaient animées par les démons
les moins coupables, qui faisaient ainsi leur
expiation. Voy. albigeois.
AMETHYSTE, pierre précieuse, d'un violet
foncé, autrefois la neuvième en ordre sur le
pectoral du grand prêtre des Juifs. Une vieille
opinion populaire lui attribue la vertu de
garantir de l'ivresse.
AMIANTE, espèce de pierre incombusti-
ble, que Pline et les démonographes disent
excellentecontre les charmes de la magie (1).
:AM1LCAR, général carthaginois. Assiégeant
Syracuse, il crut entendre pendant son som-
meil, une voix qui l'assurait qu'il souperait
le lendemain dans la ville. £n conséquence,
il Gt donner l'assaut de bon matin, espérant
enlever Syracuse et y souper, comme le lui
promettait son rêve. Il fut pris par les assié-
gés et y soupa en effet, non pas en vainqueur,
ainsi qu'il s'y était attendu, mais en captif:
te qui n'empêcha pas le songe d'avoir pré-
dit iuste (2).
Hérodote conte encore qu'Amilcar, vaincu
par Gélou, disparut vers la fin de la bataille,
et qu'on ne le retrouva plus; si bien que les
Carthaginois le miienl au rang de leurs
dieux et lui offrirent des sacrifices.
AMMON. Voy. Jupiter-Ammon.
A.MN10MANCIE,divinationsurla coiffe ou
membrane qui enveloppe quelquefois la tête
des enfants naissants, ainsi nommée de celte
coiffe que les médecins appelaient en grec
nmnios. Les sages-femmes prédisaient le sort
fulur du nouveau-né par l'inspection de cette
coiffe; elle annonçait d'heureuses destinées
(!) Delancre, de l'Inconstance, clc, liv. IV, dise 3
(1) Valère-Maxime.
t^ Wicrus, in IVudomouarcbia cUeiu.
si elle était rouge, et des malheurs si elle
présentait une couleur plombée. Voy, GoifFU.
AMON, ou AAMON, grand et puissant
marquis de l'empire infernal. Il a la figure
d'un loup, avecunequeuede serpent; il vomit
de la flamme ; lorsqu'il prend la forme hu-
maine, il n'a de l'homme que le corps; sa lêlo
ressemble à celle d'un hihou etson bec laisse
voir des dents canines très-effilées. C'est le
plus solide des princes des démons : Il sail
le passé et l'avenir, et réconcilie, quand il le
veut, les amis brouillés. Il commande à qua-
rante légions (3).
AMOUR. Parmi les croyances superstitieu-
ses qui se rattachent innocemment à l'a-
mour, nous citerons celle-ci, qu'un homme
est généralement aimé quand ses chevenx
frisent naturellement. A Roscoff en Breta-
gne, les femmes après la messe balayent la
poussière de la chapelle de la Sainte-
Union, la soufflent du côté par lequel leurs
époux ou leurs fiancés doivent revenir ,
et se flattent, au moyen de cet inoff nsif
sortilège, de fixer le cœur de celui qu'elles
aiment (4). Dans d'autres pays, on croit stu-
pidement se faire aimer en attachant à son
cou certains mots séparés par des croix
Voy. Philtres. Voy. aussi Rhombus.
Il y a eu des amants entraînés parleurs pas-
sions qui se sont donnés au démon pour être
heureux. On conte qu'un valet vendit son
âme au diable, à condition qu'il deviendrait
l'époux de la fille de son maître, ce (jui le
rendit le plus infortuné îles hommes.
On attribue aussi à l'inspiration des démons
certaines amours monstrueuses, romme la
pnssion de Pygmalion pour sa statue. Un jeu-
ne homme devint pareillement éperdu pour
la Vénus de Praxitèle; un Athénien se tua do
désespoir aux pieds de la statue delaFortune,
qu'il trouvaitinsensible.Ces traits ne sontque
dis folies déplorables, pour ne pas dire pluj.
AMOYMON ou AMAIMON , l'un des qua^
tre rois de l'enfer, dont il gouverne la partie
orientale. On l'évoque le matin, de neul
heures à midi, et le soir de trois à six heu-
res. Asmodée est son lieutenant et le pre-
mier prince de ses états (3j.
AMPHIARAUS, devin de l'antiquité, qui se
cacha pour ne pas aller à la guerre de Thè-
bes, parce qu'il avait prévu qu'il y mour-
rait; ce qui eut lieu lorsqu'on l'eut décou-
vert et forcé à s'y rendre. Mais on ajoulo
qu'il ressuscita. Oa lui éleva un temple dans
l'Atlique, près d'une fontaine sacrée par la-
quelle il s'était coulé en revenant des enfers.
Il guérissait les malades en leur indiquant
des remèdes dans des songes, comme font
de nos jours ceux qui pratiquent le som-
nambulisme magnétique. Il rendait aussi
p.'ir ce moyen des oracles, moyennant argent.
Après les sacrifices, le consultant s'endor^
mait sur une peau de mouton ; et il lui ve-
nait un rêve qu'on savait toujours interpré>
1er après l'événement. On lui attribue des
proplicties écrites en vers, qui ne sont pas
(4) Voyage de M. Canibry diins le Fliiisière, t I.
(oj Witius, io PsL'uUomunaicliia Jaiu.
25
A\;U
A MU
86
venues jusqu'à nous. Il inventa la pyroman-
cie. Voyez ce Mot.
AMPHION, Pausanias, Wierus et beau-
ponp d'autres mollenl Amphion au rang des
habiles magiciens, parce qu'il rebâtit les
•nurs de Thèhcs au son de sa lyre.
AMPHISBÈNE, serpent auquel on attribue
lieux têtes ans doux extrémités, par lesquel-
les il mord également. Le docteur Brown a
combattu celle erreur, que Pline avait adop-
tée. « On ne nie point, dit Brown (1), qu'il
n'y ait eu quelques serpents à deux lôtes ,
dont chacune était à l'extrémilé opposée.
Nous trouvons dansAbidovrand un lézard de
cette même forme, et tel était peut-être l'am-
phisbène dont Cissien du Puy montra la
figure au savant Fuber. Gela arrive quelque-
fois aux animaux qui font plusieurs petils à
la fois, cl surtout aux serpents, dont les œufs
étant attachés les uns aux autres peuvent
s'unir sous diverses formes el s'éclore de la
sorte. Mais ce sont là des productions mons-
trueuses, contraires à celle loi suivant la-
quelle toute créature engendre son sembla-
ble, et qui sont marquées comme irréguliô-
res dans le cours général de la nature. Nous
douterons donc que l'amphisbène soit une
race de serpents à deux têtes, jusqu'à ce que
le fait soil confirmé. »
AMULETTE, préservatif. Ou appelle ainsi
certains remèdes superstitieux que l'on
porte sur soi ou que l'on s'allache au cou
pour se préserver de quelque maladie ou de
quelque danger. Les Grecs les nommaient
phylactères, les Orientaux talismans. G'é-
t lient des images capricieuses ( un scarabée
chez les Egyptiens ), des morceaux de par-
chemin, de cuivre, d'étain, d'argent, ou en-
core de pierres particulières où l'on avait
tracé de certains caractères ou de certains
hiéroglyphes.
Comme cettesuperstilion est néed'un atla-
chemcnt excessif à la vie el d'une crainte
puérile de tout ce qui peut nuire, le christia-
nisme n'est venu à bout de la détruire que
chez les Ddèles (2). Dès les premiers siècles
de l'Eglise, les Pères et les conciles défen-
dirent ces pratiques du paganisme. Ils repré-
sentèrent les amulettes comme un reste ido-
lâtre de la confiance qu'on avait aux préten-
dus génies gouverneurs du monde. Le cure
Tliiers (3) a rapporté un grand nombre de
passages des Pères à ce sujet, et les canons
de plusieurs conciles.
Les lois humaines condamnèrent aussi
l'usage des amulettes. L'empereur Constance
défendit d'employer les amulettes el les
charmes à la guérison des maladies. Cette
loi, rapportée par Ammien Marcellin, fut exé-
cutée si sévèrement, que Valenlinien fit punir
de mort une vieille femme qui ôtait la fièvre
avec des paroles charmées, et qu'il fit cou-
per la tête à un jeune homme qui touchait
un certain morceau de marbre en pronon-
çant sept lettres de l'alphabet pour guérir le
mal d'estomac (4).
(I) Essii sur les errcors, liv. HI, cli. 13.
(i) Itergicr, Dictionnaire tliéoloj;iiiiie.
(g; ïiaiié des supcrslilions, liv. V, tli. 1
Mais comme il fallait des préservatifs aux
espriis fourvoyés, qui sont toujours le plus
grand nombre, on trouva moyen d'éluder la
loi. On fit des amulettes avec des morceaux
de papier chargés de versets de l'Ecriture
sainte. Les lois se montrèrent moins rigides
contre cette coutume, et on laissa aux prê-
tres le soin d'en modérer les abus.
Les Grecs modernes, lorsqu'ils sont mala-
des, écrivent le nom de leur infirmité sur
un papier triangulaire qu'ils attachent à la
porto de leur chambre. Ils ont grande foi à
celte amulette.
Quelques personnes portent sur elles le
commencement de l'Evangile de saint Jean
comme un préservant contre le tonnerre; et
ce qui est assez particulier, c'est que les
Turcs ont confiance à cette même amulelte,
si l'on en croit Pierre Leloyer.
Une autre queslion est de savoir si c'est
une superstition de porter sur soi les reli-
ques des saints, une croix, une image une
chose bénite par les prières de l'Eglise , un
Agnus Dei, elc, et si l'on doit mettre ces
choses au rang des amulettes, comme le
prétendent les protestants. — Nous recon-
naissons que si l'on attribue à ces choses la
vertu surnaturelle de préserver d'accidents ,
de mort subite, de mort dans l'état de
péché, etc., c'est une superstition. Elle n'est
pas dumême genre que celle des amulettes,
dont le prétendu pouvoir ne peut pas se rap-
porter à Dieu ; mais c'est ce que les théolo-
giens appellent vaine observance, parce que
l'on attribue à des choses saintes et respec-
tables un pouvoir que Dieu n'y a point atta-
ché. Un chrétien bien instruit ne les envisage
point ainsi; il sail que les saints ne peuvent
nous secourir que par leurs prières el par
leur intercession auprès de Dieu. C'est pour
cela que l'Eglise a décidé qu'il est utile et
louable do les honorer et de les invoquer. Or
c'est un signe d'invocation et de respect à
leur égard de porter sur soi leur image ou
leurs reliques; de même que c'est une mar-
que d'affection et de respect pour une per-
sonne que de garder son portrait ou quel-
que chose qui lui ait appartenu. Co n'est
donc ni une vaine observance ni une folle con-
fiance d'espérer qu'en considération de l'af-
l.'clion el du respect que nous témoignons à
un saint, il intercédera el priera pour nous.
Il en est de même des croix et des Agnus Dei.
Bergier, Dictionnaire théologique.
On lit dans Thyrœus (5) qu'on 1568, dans
le duché d>; Juliers, le prince d'Orange con-
damna un prisonnier espagnol à mourir; que
ses soldats l'attachèrent à un arbre et s'ef-
forcèrent de le tuer à coups d'arquebuse;
mais que leurs balles ne l'atteignirent point.
On le déshabilla pour s'assurer s'il n'avait
pas sur la peau une armure qui arrêtai le
coup; on trouva une amulette portant la fi-
gure d'un agneau; on la lui ou», el le pre-
mier coup de fusil l'éteudit raide mort.
U) Voyez Ammi -Marcellin, lib. XVI, XIX, XXIX, el
le P. Lubruii, liv. III, cb. 2.
(îij Uisp de Dœmouiac. pars UI, wp. 43.
8T
I ICTIONNAIUE DES SCIENCES OCCULTES.
On voit, dans la vieille chronique de dom
IJrsino, QUC quand sa mère l'envoya, tout
petit enfant qu'il était, à Saint-Jacques de
Compostelle, elle lui mit au cou une amu-
litlc que son époux avait arrachée à un che-
valier maure. La vertu de celte amulelle
était d'adoucir la fureur des bêles cruelles.
En traversant une forél, une ourse enleva
le petit prince des mains de sa nourrice et
l'emporta dans sa caverne. Mais, loin de lui
faire aucun mal, elle l'clcva avec tendresse;
il devint par la suite très-fameux sous le
nom de dom Ursino, qu'il devait à l'ourse,
sa nourrice sauvage, et il fut reconnu par
son père, à qui la légende dit qu'il succéda
sur le Irdne de Navarre.
Les nègres croient beaucoup à la puis-
sance dis amulettes. Les Bas-Bretons leur
attribuent le pouvoir de repousser le démon.
Dans le Finistère, quand on porte un enfant
au baptême, on lui met au cou un morceau
de pain noir, pour éloigner les sorts cl les
maléfices que les vieilles sorcières pourraient
jeter sur lui (1). Voy. Alès.
AMY, grand président aux enfers, et l'un
des princes de la monarchie infernale. Il pa-
rait là- bas environné de flammes, mais il af-
fecte surlalerredes traits humains. Ilenseignc
les secrets de l'astrologie et des arts libé-
raux ; il donne de bons domestiques; il dé-
couvre, à ses amis , les trésors gardés par
les démons;^ il est préfet de trcnle-six lé-
gions. Des anges déchus et des puissances
sont sous ses ordres. 1! espère qu'après deux
cent mille ans il retournera dans le ciel pour
y occuper le septième trône; ce qui n'est
pas croyab'e, dit Wierus (2),
AMYRAUT (Moïse I, théologien protestant,
né dans l'Anjou, en 1596, mort en 16Gi. On
lui doit un Traité des songes, aujourd'hui
peu recherché.
ANAGRAMME. Il y eut des gens, surtout
dans les quinzème et seizième siècles, qui
prétendaient trouver des sens cachés dans
les mets qu'ils décomposaient, et une di-
vination dans les anagrammes. On cite
comme une des plus heureuses celle que l'on
fit sur le meurtrier de Henri 111, Frère dit
Jacques Clément, où l'on trouve : C'est l'en-
fer qui m'a créé. — Deux religieux en dis-
pute, le père Proust et le père d'Orléans,
faisaient des anagrammes; le père Proust
trouva dans le nom de son confrère : l'Asne
d'or, et le père d'Orléans découvrit dans celui
du père Proust: Pur sot.
Un nommé André Pujon, de la haute Au-
vergne, passant par Lyon pour se rendre à
Paris, rêva la nuit que l'anagramme de son
nom était pendu à liiom. En effet, on ajoute
(l) On lil dans les sages observalions de Thomas C.im|)-
bcll sur Alger ; — « 11 y a dans l'Algérie quelques Maures
et quelques Juils qui se préleiidenUIOLleiirs, el des femmes
qui se disent accoucbeuses. Mais les médecins et les chi-
rurgiens du pays ne savent pas un mot d'anatomie; ils
ignorent jusqu'au nom des drogues qu'ils prennent ÎJ tort
et à travers. En chirurgie, ils ne savent pas même manier
la lancette. Eu médecine, ils viennent au secours d'une
colique, de la pierre et de la pleurésie, par rapplicatiOf
d'un fer rouge sur la partie souffrante : ce traitement
force souvent le patient à crier qu'il est guéri , alin qu'on
çi;sse le remède. Ils saisncat avec un rasoir, el ancleu
que le lendemain il s'éleva une querelle entre
lui et un homme de sou auberge, qu'il tua
son adversaire, et qu'il fut pendu huit jours
après sur la place publique de Riom. —
C'est un vieux conte renouvelé. On voit
dans Delancre (3) que le pendu s'appelait
Jean de Pruom, dont l'anagramme est la
même.
J.-B. Rousseau, qui ne voulait pas re-
connaître son père, parce que ce n'é'.ail
qu'un humble cordonnier, avait pris le nom
de Vernictics, dont l'anagramme fui faite;
on y trouva : Tu te renies.
On fit de Pierre de Ronsard, rose de Pin-
dare.
On donna le nom de cabale à la ligue des
favoris de Charles 11 d'Angleterre, qui étaient
Clifford , Ashley , Buckingham, Arlinglon,
Lauderdale, parce (;ue les initiales des noms
de ces cinq minisires formaient le mot cabal.
On voulut présenter comme une prophétie
cette anagramme de Louis quatorzième, roi
de France et de Navarre: « Va, Dieu con-
fondra l'armée qui osera te résister... »
Parfois les anagrammes donnent pourtant
un sens qui étonne. Qu'est-ce que la vérité?
Quid est veritas? demande Pilate à 1 Homme-
Dieu; et il se lève sans ,it endre la réponse.
Mais elle esl dans la question dont l'ana-
gramme donne exactement : est vir qui adest.
C'est celui qui est devant vous.
Les Juifs cabalisles ont fait des anagrammes
la troisième partie de letir cabale : leur but
est de trouver, dans la transposition des let-
tres ou des mots, des sens cachés ou mysté-
rieux. Voy. Onomancie.
ANAMELECH, démon obscur, porteur de
mauvaises nouvelles. 11 était adoré à So-
pliarvaïm, ville des Assyriens. Il s'est mon-
Irésouslafignred'une caille. Son nomsignifle,
à ce qu'on dit, bon roi; et des doctes assu-
rent que ce démon est la lune, et Adramolcch
le soleil.
ANANCITIDE, Voy. Aglaophotis.
ANANIAou ANAGNl (Jean u"), juriscon-
sulte du quinzième siècle, à qui on doit
quatre livres De la Nature des démons (4), et
un traité De la Magie et des mali' fiées (5). Ces
ouvrages sont peu connus. Anania mourut
en Italie en 1458.
ANANISAPTA. Les cabalisles disent que ce
mol, écrit sur un parchemin vierge, est un
talisman très-efficace contre les maladies.
Les lettres qui le composent sont, à leur
avis, les initiales des mots qui forment la
prière suivante : Antidotum Nazareni Au-
ferat Necem Intoxicationis, Sanctificet Ali-
menta Poculaque Trinitas Aima.
ANANSIÉ. C'est le nom de l'araigoée gi-
les liémorrhagies avec de la poix !
« Le docteur Abernelliy, dans une leçon sur le goîire,
disait qu'il ne savait comment guérir cette maladie, el
que peut-être la meilleure ordonnance serait de siffler. Il
ebt possible en vérité que les amulettes données aux
Algériens par leurs marabouts soient les remèdes les plui
innocents de leur pharmacie. »
(2) In Pseudomon. dsemonum..
(3) L'Incrédulité et mécréance, etc., traité S.
(4) De Naturadjemonum, lib. IV, in-12; Keapoli, VXii,
(5) De Magia et njaieficiis, iu-l»; Luiçduni, 1663.
8*)
ANA
AND
90
gantcsqiie et loute-puissanfo à qui les nègres
«le la Côtc-dOr atlribuenl la création de
l'homme. Voy. Araignée.
ANARAZEL, l'un des démons chargés de
la garde dos trésors souterrains, qu'ils trans-
portent d'un lieu à un autre pour les dérober
aux recherches des hommes. C'est Annrazel
qui, avec ses compagnons Gazicl et Fécor,
ébranle les fondements des maisons, excite
les tempêtes, sonne les cloches à minuit, fait
paraître les spectres et inspire les terreurs
nocturnes.
ANATHÈME.Ccmol, tiré du grec, signifie
exposé, signalé, dévoué. On donnait chez les
païens le nom d'anathèmes aux filets qu'un
pêcheur déposait sur l'autel des nymphes de
la mer, au miroir que Laïs consacra à Vénus,
aux offrandes de coupes, de vêtements, d'in-
struments et de figures diverses. Ou l'appli-
qua ensuite aux objets odieux que l'on ex-
posait dans un autre sens, comme la tête ou
les dépouilles d'un coupable; et l'on appela
anathème la victime vouée aux dieux infer-
naux.
Chez les Juifs l'analhème a été générale-
ment pris ainsi en mauvaise part. Chez les
chrétiens c'est la malédiction ou l'être mau-
dit. L'homme frappé d'anathèmc est retran-
ché de la communion des fidèles.
Il y a beaucoup d'exemples qui prouvent
les effets de l'anathème; et comment expli-
quer ce fait constant, que peu d'excommu-
niés ont prospéré? — Voy. Excommunica-
tion, Pierres d'anathème, etc.
Les magiciens et les devins emploient une
sorte d'anathème pour découvrir les voleurs
et les maléfices: voici cette superstition.
Nous prévenons ceux que les détails pour-
raient scandaliser, qu'ils sont extraits des
grimoires. — On prend de l'eau limpide; on
rassemble autant de petites pierres qu'il y a
de personnes soupçonnées; on les fait bouil-
lir dans cette eau; on les enterre sous le seuil
rie la porte pur où doit passer le voleur ou
la sorcière, en y joignant une lame d'clain
sur laquelle sont écrits ces mots : Christus
vincit, Christus régnât, Christus imperat. On
a eu soin de donner à chaque pierre le nom
de l'une des personnes qu'oii a lieu de soup-
çonner. — On ôte le tout de dessus le seuil
de la porte au lever du soleil; si la pierre
qui représente le coupable estbrûlante, c'est
déjà un indice. Mais, comme le diable est
sournois, il ne faut pas s'en content'^; on
récite donc les sept psaumes de la pénitence,
avec les litanies des saints : on prononce
ensuite les prières de l'exorcisme, contre le
voleur ou la sorcière; on écrit son nom dans
un cercle; on plante sur ce nom un clou
d'airain , de forme triangulaire, qu'il faut
enfoncer avec un marteau dont le manche
soit de bois de cyprès, et on dit quelques
paroles prescrites rigoureusement à cet
(I) Jusius es, Domine, et justa sunt jiidicia tua.
i'ï) Comme la première, c'est une inconvenance. On
ajnu;e aux l'aroli s saintes du sij^ne de la croix : — Drocli,
Wirroch, Esenarotli, Bétuijarocli, Assmaarotli, qu'on cn-
11 umOI» de sig.içs de ciyix.
effet (1). Alors le volcar se trahit par un
grand cri.
S'il s'agit d'une sorcière, et qu'on veuille
seulement ôicr le maléfice pour le rejeter
sur celle qui l'a jeté, on prend, le samedi,
avant le lever du soleil, une branche de cou-
drier d'une année, et on dit l'oraison sui-
vante : « Je le coupe, rameau de cetteannée,
« au nom de celui qae je veuxblcsser comme
« je te blesse. » On met la branche sur la
table, en répétant trois fois une certaine
prière (2) qui se termine par ces mots : Qiio
le sorcier ou la sorcière soitanathèmp,etnous
saufs (3)1
ANATOLIUS, philosophe platonicien, maî-
tre de Jamblique, et auteur d'un traité des
Sympathies et des antipathies, dont Fabricius
a conservé quelques fragments dans sa Bi-
bliothèque grecque.
ANAXILAS, philosophe pythagoricien qui
vivaitsous Auguste. On l'accusa de magie,
parce qu'il faisait de mauvaises expériences
(!e physique, et Auguste le bannit. Il fut l'in-
venteur du flambeau infernal, qui consiste
à brûler du soufre dans un lieu privé
de lumière, ce qui rend les assistants fort
laiils.
ANDERSON ( Alexandre ). Voy. Vampi-
res, à la fin.
ANDRADË, médecin qui eut des révéla-
lions en 853. Elles sont peu curieuses; cepen-
dant Duchesne les a recueillies dans sa col-
lection des historiens français [k).
ANDRAS, grand marquis aux enfers. On
le voit avec le corps d'un ange, la tête d'un
chal-huani , à cheval sur un loup noir, et
portant à ïa main un sabre pointu. 11 ap-
prend à ceux qu'il favorise, à tuer leurs en-
nemis, maîtres et sirvitcurs; c'est lui qui
élève les discordes et les querelles; il com-
mande trente légions.
ANDRÉ (Tobie), auteur d'un livre sur le
pouvoir des mauvais anges, rare et peu recher-
ché (5). Dix-sep;ième siècle.
ANDRE^E (Jean-Valentin), luthérien, né
dans le durhede Wurtemberg en 1593, mo: t
en 1654. Sis connaissances confuses, son
activité mal réglée, les mystérieuses allu-
sions qui se remarquent dans ses premiers
ouvrages, l'ont fait regarder comme le fon-
dateur du fameux ordre des Roses-Croix.
Plusieurs écrivains allemands lui attribuent
au moins la réorganisation de cet ordre se-
cret, affilié depuis àceluidis Francs-Maçons,
qui révèrent encore la mémoire d'Andreœ.
— Ses ouvrages, au nombre de cent, prê-
chent généralement la nécessité des sociétés
secrètes, surtout la République Chrialianopo'
litaine, la Tour de Babel, le Chaos des juge-
ments portés sur la Fraternité de la Rose-
Croix, Vidée d'une Société Chrétienne, la
lié forme générale du Monde , et les Noces
chimiques de Chrétien Jiosencreulz. — On
(ô) Wierns, De Prœ-stig. daem., lib. V, cap. v.
(4) Excer|]ta liiiri revelationum Andradi medicl, anno
833, tomo II, Scriptorum And. Ducliesne.
(o) Tuliia; AnJrea; Exercitaliones pliilosophic» de anfre»
SuJ'uiu maloruni iiotculia iii torpora, in 12; Au'Slel., llîU
PI
nA:TlO;SNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
93
attribue à Andreœ des voyages merveilleux,
une existence pleine de mystères et des pro-
diges qu'on a copiés récemment en grande
partie dans lu peinture qu'on nous a faite
des tours de passe passe di; Caglioslro.
ANDRIAGUE, animal fabuleux, espèce de
cheval ou de griffon ailé, que les romans de
chevalerie donnent quelquefois aux magi-
ciens, qu'ils prêtent même à leurs héros , et
qu'on relrouYC aussi dans des contes de
fées.
ANDROALPHUS , puissant démon , mar-
quis de l'empire infernal ;il se montre sous
la figure d'un paon à la voix grave. Quand
il parait avec la forme humaine , on peut le
contraindre à donner des leçons de géométrie.
li est astronome, et il enseigne de plus à er-
goter habilement. 11 donne aux hommes des
figures d'oiseaux ; ce qui permet à ceux qui
commercent avec lui d'éviter la griffe des ju-
ges. Trente légions sont sous ses ordres (1).
ANDROGINA. Bodin et Delancre content
(2) qu'en 1536, à Casai, en Piémont, on re-
marqua qu'une sorcière , nommée Andro-
gina, entrait dans les maisons, et que bien-
tôt après on y mourait. Elle fut prise et li-
vrée aux juges ; elle confessa que quarante
sorcières , ses compagnes , avaient composé
avec elle le maléfice. C'était un onguent dont
elles allaient graisser les loquels des portes ;
ceux qui louchaient ces loquets mouraient
en peu de jours. — « La mémo chose advint
à Genève en 1363 , ajoute Delancre , si bien
qu'elles y mirent la peste , qui dura plus de
sept ans. Cent soixante-dix sorcières furent
exécutées à Rome pour cas semblable som
it consulat de Claudius Marcellus et de Va-
lerius Flaccus : mais la sorcellerie n'élant
pas encore bien reconnue, on les prenait
simplement alors pour des empoisonneu-
ses »
ANDROIDES, automates à Ggure humaine.
^-Voy. MÉCANIQUE et Albert lb Grand.
ANE. Les Égyptiens traçaient son image
sur les gâteaux qu'ils offraient à Typhou ,
dieu du mal. Les Romains regardaient la ren-
< outre de l'âne comme un mauvais présage.
Mais cet animal était honoré dans l'Arabie.
Certains peuples trouvaient quelque chose
de mystérieux dans celte innocente bête , et
«n pratiquait autrefois une divination dans
laquelle on employait une tête d'âne. Voy.
Képhalonomancie.
Ce n'est pas ici le lieu de parler de la fêle
lie l'âne. Mais relevons une croyance popu-
laire qui fait de la croix noire qu'il porte sur
le dos une distinction accordée à l'espèce, à
cause de l'ânesse de Belhphagé. C'est un fait
singulier. Mais Pline, qui était presque con-
temporain de l'ânesse qui porta Noire-Sei-
gneur , et qui a rassemblé avec soin tout ce
r\ai concerne l'âne, ne parle d'aucune révolu-
lion'survenue dans la distribution de la cou-
leur et du poil de cet animal. On peut donc
croire que les ânes ont toujours porté celte
marque.
(1) Wienis, in Pseudomor daemon.
(i) Déinonoinauie, liv. fV, cli. iv. Tableau de l'incoii-
tiliace, cic., iJv. n, Uibc, i.
Chez les Indiens du Maduré, une des pre-
mières castes, celle des cavaravadouks, pré-
tend descendre d'un âne ; ceux de celte caste
traitent les ânes en frères, prennent leur dé-
fense, poursuivent en justice et font condam-
ner à l'anieiide quiconque les charge trop ou
les bat et les outrage sans raison. Dans les
temps de pluie, ils donneront le couvert à un
âne et le refuseront à son conducteur, s'il
n'est pas de certaine condition M).
Voici une vieille fable sur l'ane : Jupiter
venait de prendre possession de l'empire ; les
hommes, à son avènement, lui demandèrent
un printemps éternel, ce qu'il leur accorda ;
il chargea l'âne de Silène de porter sur la
terre ce présent. L'âne eut soif, et s'appro-
cha d'une fontaine ; le serpent qui la gardait,
pour lui permettre d'y boire, lui demanda le
trésor dont il était porteur, et le pauvre ani-
mal troqua le don ducici contre un peu d'eau.
C'est depuis ce temps, dit-on, que les vieux
serpents changent de peau et rajeunissent
perpétuellement.
Aiais il y a des ânes plus adroits que ce-
lui-là : à une demi-lieue du Kaire se trou-
vait, dans une grande bourgade, un bateleur
qui avait un âne si instruit que les manants
le prenaient pour un démon déguisé. Son
maître le faisait danser ; ensuite il lui disait
que le soudan voulait conslruire un bel édi-
fice, et qu'il avait résolu d'employer tons les
ânes du Kaire à porter la chaux , le mortier
et la pierre. Aussitôt l'âne se laissait tomber,
raidissait les jambes et fermait les yeux
comme s'il eûl été mort. Le bateleur se plai-
gnait de la mort de son âne , et priait qu'on
lui donnât un peu d'argent pour en acheter
un autre.
Après avoir recueilli quelque monnaie :
Ah ! disait-il, il n'est pas mort, mais il a fait
semblant de l'être, parce qu'il sait que je n'ai
pas le moyen de le nourrir. — Lève-toi,
ajoutail-il. — L'âne n'en faisait rien. Ce que
voyant , le maître annonçait que le soudan
avait fait crier à son de trompe que le peuple
eût à se trouver le lendemain hors de la ville
du Kaire, pour y voir de grandes magnificen-
ces.— Il veut, poursuivait-il, que les plus
nobles dames soient montées sur des ânes...
— L'âne se levait à ces mots , dressant la
tête et les oreilles en signe de joie. — Il est
vrai , reprenait le bateleur , que le gouver-
neur de mon quartier m'a prié de lui prêter
le mien pour sa femme , qui est une vieille
roupilleuse édenlée.
L'âne baissait aussitôt les oreilles et com-
mençait à clocher , comme s'il eût élc boi-
teux*(2).
Ces ânes merveilleux , disent les démono-
graphes, élaient, sinon des démons, au moins
des hommes métamorphosés ; comme Apulée,
(jui fut , ainsi qu'on sait , transmué en âne.
Vincent de Beauvais (3) raconte la légende de
deux femmes , qui tenaient une petite au-
berge auprès de Rome, et qui allaient vendre
(1) Saint-l'^oÎT, t. IF des Essais sur Paris.
(2) Léo Àfricanus, pari. 8 délia Africa, elle dans Lcr
loyer.
^3) lu Si)ccul. nalur., Ul). III, cap. «ii.
85
ANC
-\NG
>Ji
I
leurs hôtes au marché après les avoir chan-
gés en cochons de lail, en poulets , en mou-
lons. Une d'elles, njoutc-l-il , transforma un
comédien en âne ; et, comme il conservait
SCS tîilents sous sa nouvelle peau, elle le me-
nait dans les foires des environs, où il lui ga-
gnait beaucoup d'argent. Un voisin acheta
très-cher cet âne savant. En le lui livrant, la
sorcière se borna à lui recommander de ne
pas le laisser entrer dans l'eau, ce que ic
nouveau maître de l'âne observa quelque
temps. Mais un jour le pauvre animal, ayant
trouvé moyen de rompre son licou , se jeta
dans un lac , oiî il reprit sa forme naturelle,
au grand étonncminl de son conducteur.
L'allaire, dit le conte, fut portée au juge, qui
fil châtier les deux sorcières.
Les rabbins font très grand cas de Tânesse
de Balaara. j'est , disent-ils , un animal pri-
vilégié que Dieu forma à la fin du sixième
jour. Abraham se servit d'elle pour porter
le bois destiné au sacrifice d'Isaac ; elle
porta ensuite la femme et le fils de Moïse
dans le désert. Ils assurent que celle ânesso
est soigneusement nourrie et réservée dans
un lieu secret jusqu'à l'avénemenl du Mes-
sie juif, qui doit la monter pour soumellre
toute la terre. Voy. Borack.
ANGAT. Nom du diable à Madagascar, oiî
il esl regardé comme un génie sanguinaire
et cruel. On lui donne la figure du serpeiU.
ANGELIERI, Sicilien du dix-septième siè-
cle, qui n'est connu que par un fatras dont
il publia deux volumes, et dont il en promc t-
lait vingt-quatre , sous le tilrc de Lumière
Tnayi(/ue, ou origine, ordre et gouvernement
de toutes les choses célestes, terrestres et in-
fernales, etc. (1). Mongitore en parle dans le
lomc I" d:t sa Bibliothèque sicilienne.
ANGÉLIQUE, plante qui passe pour un
prcscrv.iiif contre les fascinations de la ma-
gie. On la mettait en manière d'amulclle au
cou des petits enfants pour les garantir des
maléfices.
ANGERBODE ou ANGURBODE, femme gi-
gantesque qui se njaria avec le diable, selon
l'opinion des Scandinaves, et qui enfanta
trois monstres : le loup Fenris , le serpent
Jormungandur et la démone Héla, qui garde
le monde souterrain.
ANGES. Les Juifs, à l'exception des sadu-
céens , admettaient cl honoraient les anges ,
en qui ils voyaient, comme nous , des sub-
stances spirituelles, intelligentes, et les pre-
mières en dignité entre les créatures.
Les rabbins , qui depuis la dispersion ont
tout altéré, et qui pla( eut la création des an-
ges au second jour, ajoutent (ju'ayant été ap-
pelés au conseil de Dieu, lorsqu'il voulut fur
mer l'homme, leurs avis furent partagés, et
que Dieu fil Adam à leur insu, pour éviter
leurs murmures. Us reprochèrent néanmoins
à Dieu d'avoir donné trop d'empire à .\dam.
Dieu soutint l'excellence de son ouvrage ,
parce que l'homme devait le louer sur la
(1^ Lux magica acaili'mic.i, cœleslium, terresuium rt
infernorum origo, ordo cl subordiiialio cuiiclorum quoad
esse, fieri el operari , JXIV voluminibus divisa. Pars 1,
Teuise, 1C86, sous le i^om de Livio Bctani; pars %, Yc-
terrc , comme les anges le louaient dans la
ciel. 11 leur demanda ensuite, s'ils savaient
le nom de toutes les créatures ? Us répondi-
rent que non ; el Adam, (lui parut aussitôt ,
les récita tous sans hésiter , ce qui les con-
fondit.
L'Ecriture sainte a conservé quelquefois
aux démons le nom d'anges , mais auges de
ténèbres, anges déchus ou mauvais anges.
Leur chef est appelé le grand dragon et l'an-
cien serpent , à cause de la forme qu'il prit
pour tenter la femme.
Zoroastre enseignait l'existence d'un nom-
bre infini d'anges ou d'esprits médiateurs ,
auxquels il attribuait non-seulement un
pouvoir d'intercession subordonné à la pro-
vidence continuelle de Dieu , mais un pou-
voir aussi absolu que celui que les païens
prêtaient à leurs dieux (2). C'esl le culte
rendu à des dieux secondaires que saint Paul
a condamné (3).
Les musulmans croient que les hommes
ont chacun deux anges gardiens , dont l'un
écrit le bien qu'ils font, et l'autre, le mal. Ces
anges sont si bons, ajoutent-iln, que, quand
celui qui est sous leur garde fait une mau-
vaise action , ils le laissent dormir avant du
l'enregisirer, espérant qu'il pourra se repen-
tir à son révtil.
Les Persans donnent à chaque homme cinq
anges gardiens , qui sont placés : le premier
à sa droite pour écrire ses bonnes actions, le
second à sa gauche peur écrire les mauvai-
ses, le troisième devant lui pourle conduire,
le quatrième derrière pour le garantir des
démons , et le cinquième devant son front
pour tenir son espril élevé vers le prophète.
D'autres en ce pays portent le nombre des
anges gardiens jus(]u'à cent soixante.
Les Siamois divisent les anges en sept or-
dres, et les chargent de la garde des planètes,
des villes, des personnes. Us disent que c'est
pendant qu'on étcrnue que les mauvais an-
ges écrivent les fautes des hommes.
Les théologiens admettent neuf chœurs
d'anges, en trois hiérarchies : les séraphins,
les chérubins, les trônes; — les domina-
tions, les principautés, les vertus des cieux j
— les puissances, les archanges et les anges.
Parce que des anges, en certaines occa-
sions où Dieu l'a voulu, ont secouru les Juifs
contre leurs ennemis, les peuples modernes
ont quel(iuefois attendu le même prodige. Lo
jour de la prise de Constantinople par Ma-
homet 11, les Grecs schismatiquos , comptant
sur la prophétie d'un de leurs moines, se per-
suadaient que les Turcs n'entreraient pas
dans la ville, mais qu'ils seraient arrêtés aux
murailles par un ange armé d'un glaive, qui
les chasserait et les repousserait jusqu'aux
frontières de la Perse. Quand l'ennemi parut
sur la brèche , le peuple et l'armée se réfu^
gièrent dans le temple de Sainte-Sophie, sans
avoir perdu tout espoir; mais l'ange n'arriva
pas, et la ville fut saccagée.
nise, 1687. Ces deui vol. sont in-4".
(2) 13prgier, Dicliomiaire lliéologique.
(.lj Coloss-, cap. u, vers. ly.
!)5
MCTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
W
cardan raconle qu'un jour qu'il était à
Milan, le bruit se répandit tout à coup qu'il y
avait un ange dans les airs au-(!essus do la
ville. Il accourut et vit, ainsi que deux mille
personnes rassemblées, un ange qui planait
dans les nuages , armé d'une longue épée et
les ailes étendues. Les habitants s'écriaient
que c'était l'ange exterminateur; et la con-
siernation devenait générale , lorsqu'un ju-
risconsulte fit remarquer que ce qu'on voyait
n'était que la représentation qui se faisait
dans les nuées , d'un ange de marbre blanc
placé au haut du clocher de Saint-Gothard.
Vov. Armées prodigieuses.
ÂNGEWEILLER. Voy. Fées.
ANGUEKKOK, espèce de sorcier auquel les
Groenlandais ont recours dans tous leurs
embarras. Ainsi, quand les veaux marins ne
se montrent pas en assez grand nombre , on
va prier l'anguekkok d'aller trouver la femme
prodigieuse qui, selon la tradition, a traîne
la grande île de Disco, de la rivière de IJaal,
où elle était située autrefois , pour la placer
à plus de cent lieues de là, à l'endroit où elle
se trouve aujourd'hui. D'après la légende,
cette femme habite au fond de la mer , dans
une vaste maison gardée par les veaux ma-
rins; des oiseaux de mer nagent dans sa
lampe d'huile de poisson , et les habitants de
l'abîme se réunissent autour d'elle, attirés
par son éclat, sans pouvoir la quitter, jusqu'à
ce que l'anguekkoK la saisisse par les che-
veux , et , lui enlevant sa coiffure , rom;:e le
charme qui les retenait auprès d'elle.
Quand un Groenlandais tombe malade, c'est
encore l'anguekkok qui lui sert de médecin ;
il se charge également de guérir les maux du
corps et ceux de l'âme (1). Voyez Torngar-
SUK.
ANGUILLE. — Les livres de secrets mer-
veilleux donnent à l'anguille des vertus sur-
prenantes. Si on la laisse mourir hors de l'eau,
qu'on mette ensuite son corps entier dans du
fort vinaigre mêlé avec du sang de vautour,
et qu'on place le tout sous du fumier, cette
composition « fera ressusciter tout ce qui lui
sera présenté, et lui redonnera la vie comme
auparavant (2). »
Des autorités de la même force disent en-
core que celui qui mange le cœur tout chaud
d'une anguille , sera saisi d'un instinct pro-
phétique, et prédira les choses futures.
Les Egyptiens adoraient l'anguille, que
leurs prêtres seuls avaient droit de manger.
On a beaucoup parlé, dans le dernier siècle,
des anguilles formées de farine ou de jus de
inonton ; c'était une de ces plaisanteries qu'on
a))pelle aujourd'hui un canard.
N'oublions pas le petit trait d'un avare,
rapporté par Guillaume de Malmesbury,
doyen d'Elgin , dans la province de Murray
en Ecosse, lequel avare fut, par magie, changé
en anguille et mis en matelotte ^3).
ANIMAUX. — Us j;!)ucnt un grand rôle
«Il us les anciennes mythologics. Les païens
en adoraient plusieurs , ou par terreur , ou
(I) l^xpéilition du capitaine Graaii dans le Groenland.
(2| Admirables Secrets (l'Albert le Grand, liv. Il, cl). i:i.
(5J Ciié par M. Salgues. .Des Erreur] et des l'réjuges,
par reconnaissance , ou par suite des doc-
trines de la métempsycose. Chaque dieu
avait un animal qui lui était dévoué. Les
anciens philosophes avaient parfois , au su-
jet des animaux, de singulières idées. Celse,
qui a été si bien batlu par Origène , soute-
nait très sérieusement que les animaux ont
plus de raison, plus de sagesse, plus de vertu
que l'homme (peut-être jugeait-il d'après lui-
même), et qu'ils sont dans un commerce plus
iiiiimc avec la Divinité. Quelques-uns ont
cherché Jans de telles idées, l'origine du cullo
que les Egyptiens rendaient à plusieurs ani-
maux. Mais daulres mythologues vous diront
que ces animaux étaieni révérés, parce qu'ils
avaient prêlé leur peau aux dieux égyp-
tiens en déroule et obligés à se travestir.
Voy. Ame des bêtes.
Divers animaux sont très-réputés dans la
sorcellerie , comme le coq , le chat , le cra-
paud , le bouc , le loup , le chien , ou parce
qu'ils accompagnent les sorcières au sabb.it,
ou pour les présages qu'ils donnent, ou parce
que les magiciens et les démons empruntent
I urs formes. Nous en parlerons à leurs ar-
ticles particuliers.
Dix animaux sont admis dans le paradis do
Mahomet : la baleine de Jonas, la fourmi do
Salomon, le bélier d'ismacl, le veau d'Abra-
ham , l'âne d'Aasis , reine de Saba , la cha-
melle du prophè;e Saleh , le bœuf de Moïse,
le chien des sept dormants , le coucou de
Belkis et l'âne de Mahomet. Voy. Borack.
Nous ne dirons qu'un mot d'une erreur
populaire qui, aujourd'hui, n'est plus très-
enracinée. On croyait autrefois que toutes
les espèces qui sont sur la terre se trouvaient
aussi dans la mer. Le docteur BroTvn a prouvé
que cette opinion n'était pas fondée. « 11 se-
rait bien difficile, dit-il, de trouver 1 huître sur
la terre ; et la panihère , le chameau , la
taupe ne se rencontrent pas dans l'histoire
naturelle des poissons. D'ailleurs le renard,
le chien , l'âne, le lièvre de mer ne ressem-
blent pas aux animaux terrestres qui portent
le même nom. Le cheval marin n'est pas plus
un cheval qu'un aigle ; le bœuf de mer n'est
qu'une grosse raie ; le lion marin, une espèce
d'écrevisse; et le chien marin ne représenie
pas plus le chien de terre que celui-ci ne res-
semble à l'étoile Sirius , qu'on appelle aussi
le chien (4). »
Il serait long et hors de propos de rappor-
ter ici toutes les bizarreries que l'esprit hu-
main a enfantées par rapport aux animaux.
Voy. BÊTES, etc.
ANJORRAND. — Voy. Denis.
ANNEAU. — Il y avait autrefois beaucoup
d'anneaux enchantés ou chargés d'amulelies.
Les magiciens faisaient des anneaux constel-
lés avec lesquels on opérait dos merveilles.
Voy. Eléazar. — Cette croyance était si ré-
pandue chez les païens, que leurs prêlres ne
pouvaient porter d'anneaux , à moins qu'ils
ne fussent si simples qu'il était évident qu'ils
ne contenaient pas d'amulettes (5).
t. I, p. 323.
(l) Brown, Des Erreurs populaires, 'iv. lU, cli. xxir.
{y, Aitiu-Cclle, lib. ,X, cap. xxv.
97
ANC
AÎSG
rs
Les anneaux magiques devinrent aussi de
quelque usage chez les chrétiens, et même
beaucoup de superstilions se ruUachèrent au
simple anneau d'alliance. On croyait qu'il y
avait dans le quatrième doigt , qu'on appela
spécialement doigt annulaire ou doigt destiné
à l'anneau, une ligne qui répondait directe-
ment au cœur; on recommanda donc de inet-
Ire l'anneau d'alliance à ce seul doigt. Le
moment où le mari donne l'anneau à sa jeune
épouse devant le prêtre , ce moment , dit un
vieux livre de secrets , est de la plus haute
importance. Si le mari arrête l'anneau à l'en-
trée du doigt et ne passe pas la seconde join-
ture , la fLMTime sera maîtresse; mais s'il en-
fonce l'anneau jusqu'à l'origine du doigt, il
sera chef et souverain. Cette idée est encore
en vigueur, et les jeunes mariées ont géné-
ralement soin de courber le doigt annulaire
au moment où elles reçoivent l'anneau , de
manière à l'arrêter avant la seconde jointure.
Les Anglaises , qui observent la même su-
perstition, font le plus grand cas de l'anneau
d'alliance , à cause de ses propriétés. Elles
croient qu'en mettant un de ces anneaux dans
un bonnet de nuit, et plaçant le tout sous leur
chevet , elles verront en songe le mari qui
leur est destiné.
LesOrienlaux révèrcnllcsanneauxetles ba-
gues, cl croient aux anneaux enchantés. Leurs
coules sont pleins de prodiges opérés par ces
anneaux. Ils citent surtout, avec une admiration
sans bornes, Vanneau de Salomon, par la force
duquel ce prince commandait à toute la nature.
Le grand nom de Dieu est gravé sur celle
bague, qui est gardée par des dragons, dans
le tombeau inconnu de Salomon. Celui qui
s'emparerait de cet anneau, serait maître du
monde et aurait lous les génies à ses ordres.
Voy. Sakhar. — A défaut de ce talisman pro-
digieux, ils achètent à des magiciens des an-
neaux qui produisent aussi des merveilles.
Henri VIII bénissait des anneaux d'or, qui
avaient, disait-il, la propriété de guérir de la
crampe (1).
Les faiseurs de secrets ont inventé des ba-
gues magiques ([ui ont plusieurs vertus. Liurs
livres parlent de Vanneau des voyageurs. Cet
anneau, dont le secret n'est pas bien certain,
donnait à celui qui le portait le moyen d'aller
sans fatigue de Paris à Orléans, et de revenir
d Orléans à Paris dans la même journée.
Mais on n'a pas perdu le secret de Vanneau
d'invisibilité . Les cabalistes ont laissé la ma-
nière de faire cet anneau, qui plaça Gygès au
trône de Lydie. Il faut entreprendre cette opé-
ration un mercredi de printemps , sous les
auspices de Mercure , lorsque cette planète
se trouve en conjonction avec une des autres
planètes favorables, comme la Lune, Jupiter,
Vénus et le Soleil. Que l'on ait de bon mer-
cure fixé et purifié; on en formera une bague
où puisse entrer facilement le doigt du mi-
lieu; on enchâssera dans le chaton une petite
pierre que l'on trouve dans le nid de la huppe,
et on gravera autour de la bague ces paro-
(1) Misson, Voyage d'Italie, t. IH, p. IC, à la marge.
(2) Sailli Luc, ch. iv, verseiSO.
les : Je'sus passant f an milieu d'eux f s'en
alla (2) ; puis, ayant posé le tout sur une pla-
que de mercure fixé , on fera le parfum de
Mercure; on enveloppera l'anneau dans un
taffetas de la couleur convenable à la planète,
on le portera dans le nid de la huppe d'où
l'on a lire la pierre, on l'y laissera neuf jours ;
et quand on le retirera, on fera encore le par-
fum comme la première fois; puis on le gar-
dera dans une petite boîte faite avec du mer-
cure fixé, pour s'en servir à l'occasion. Alors
on mettra la bague à son doigt. En tournant
la pierre au dehors de la main, elle a la vertu
de rendre invisible aux yeux des assistanis
celui qui la porte; et quand ^n veut être vu.
il suffit de rentrer la pierre en dedans de la
main, que l'on ferme en forme de poing.
Porphyre, Jamblique, Pierre d'Apone et
Agrippa, ou du moins les livres de secrets
qui leursont attribués, soutiennent qu'un an-
neau fait de la manière suivante a la même
propriété. Il faut prendre des poils qui sont
au-dessus de la tète de la hyène, et en fairo
de petites tresses avec lesquelles on fabrique
un anneau, qu'on porte aussi dans le nid du
la huppe. On le laisse là neuf jour»; on le
passe ensuite dans des parfums préparés soui
les auspices de Mercure (planète). On s'en
sert comme de l'autre anneau, excepté qu'oii
rôle absolument du doigt quand on ne veut
plus être invisible.
Si, d'un autre côlé, on veut se précaution-
ner contre l'effet de ces anneaux cabalisti-
ques, on aura une bague faile de plomb raf-
finé et purgé; on enchâssera dans le chaton
un œil de jeune belette qui n'aura porté des
petits qu'une fois; sur le contour on gravera
les paroles suivantes : Apparuit Dominus Si-
moni. Celte bague se fera un samedi, lors-
qu'on connaîtra que Saturne est en opposi-
tion avec Mercure. On l'enveloppera dans
un morceau de linceul mortuaire qui ait en-
veloppé un mort; on l'y laissera neuf jours ;
puis, l'ayant retirée, on fera trois fois le
parfum de Saturne, et on s'en servira.
Ceux qui ont imaginé ces anneaux ont rai-
sonné sur le principe de l'antipathie qu'ils
supposaient entre les matières qui les com-
posent. Rien n'est plus aniipalhique à la
liyène que la beletle, et Saturne rétrograde
presque toujours à Mercure; ou, lorsqu'ils
se rencontrent dans le domicile de quelques
signes du zodiaque, c'est toujours un aspect
funeste et de mauvais augure (3J.
On peut faire d'autres anneaux sous i'in-
nuencc des planètes, et leur donner des ver-
tus au moyen de pierres et d'herbes mer-
veilleuses. « Mais dans ces caraclèrus, her-
bes cueillies, constellations et charmes, le
diable se coule, » comme dit Leloyer, quand
ce n'est pas simplement le démon de la gros-
sière imposture. « Ceux qui observent les
heures des astres, ajoute-t-il, n'obsencut
que les heures des démons qui président aux
pierres, aux herbes et aux astres mêmes, »
— Et il est de fait que ce ne sont ni des
(3J Pclil Albert.
niCTIONNAIRE DES SCIENCES OCCl LTES
100
sninis ni des cœurs lionnélcs qui se môlcnt
tic ces superstitions.
ANNEBERG, — démon des mines; il lua
un jour de son soufllc doure ouvriers (jui
travaillaient à une mine d'argent dont il
iivait la garde. C'est un démon méclianl, ran*
cunier et terrible. Il se montre surtout en
Allemagne; on dit qu'il a la figure d'un che-
val, avec un cou immense et des yeux ef-
froyables (1).
ANNÉE. — Plusieurs peuples ont célébré,
par des cérémonies plus ou moins singuliè-
res, le retour du nouvel an. Chez les Perses,
un jeune homme s'approchait du prince et
lui faisait des offrandes, en disant qu'il lui
apportaitla nouvelle année de la part de Dieu.
Chez nous, on donne encore des élrennes.
Les Gaulois commençaient l'année par la
cérémonie du gui de chêne, qu'ils appelaient
le gui de l'an neuf ou du nouvel an. Les drui-
des, accompagnés du peuple, allaient dans
une forêt, dressaient autour du plus beau
chêne un autel triangulaire de gazon, et gra-
vaient sur le tronc et sur les deux plus gros-
ses branches de l'arbre révéré les noms des
dieux qu'ils croyaient les plus puissants :
J'Iieutatès, IJésus, Tarants, Belenus. Ensuite
lun d'eux, vêtu d'une blanche tunique, cou-
pait le gui avec une serpe d'or; deux autres
druide:» étaient là pour le recevoir dans un
linge et prendre garde qu'il ne touchât la
terre. Ils distribuaient l'eau où ils faisaient
tremper ce nouveau gui, et persuadaient au
peuple qu'elle gucriss^iil plusieurs maladies
i-t qu'elle était efficace contre les sortilè-
ges (2).
On appelle anne'e platonique un espace de
temps à la Gn duquel tout doit se retrouver
à la même place (3). Les uns comptent seize
mille ans pour cette révolution , d'autres
trente -six mille. Il y en eut aussi qui
croyaient anciennement qu'au bout de celle
période, le monde serait renouvelé, et que les
âmes rentreraient dans leurs corps pour
commencer une nouvelle vie semblable à la
précédente. On conte là-dessus celle petite
auecdote :
Deux Allemands, arrêtés dans une auberge
de Châlons-sur-Marne, amenèrent la con-
versation sur cette grande année platonique
uù toutes les choses doivent retournera leur
premier état; ils voulurent persuader au
niailre du logis qu'il n'y avait rien de si vrai
que celte révolution; « de sorte, disaient-ils,
que, dans seize mille ans d'ici, nous serons
à boire chez vous à pareille heure et dans
celte même chambre. »
Là-dessus, ayant très-peu d'argent, en
vrais Allemands qu'ils étaient, ils prièrent
l'hôte de leur faire crédit jusque-là.
Le cabarelier champenois leur répondit
qu'il le voulait bien. — Mais, ajouta-l-il,
parce qu'il y a seize mille ans jour pour jour,
iicurc pour heure, que vous étiez pareille-
ment à boire ici, comme vous faites, et que
(1) Wierus, De Prx'sl., lib. I, cap. un.
(2) Saint-Foix, EssaU, etc., t. II.
(3) Uiicl()ues-uns diraient que les cor|» rélesles scule-
nicul«e relrouveraieni au wèuic point au buut de la grande
vous vous en allâtes sans payer, acquittez le
passé, et je vous ferai crédit du présinl...
Le préjugé des années climalériques sub-
siste encore, quoiqu'on en ait à peu près
démontré l'absurdité. Auguste écrivait à son
neveu Caïus, pour l'engager à célébrer le
jour de sa naissance , attendu qu'il avait
passé la soixanle-lroisiènic année, — qui est
celle grande climalérit)uc si redoutable pour
les humains. — Beaucoup de personnes crai
gnent encore l'année climalcriquc ; cepen-
dant une foule de relevés prouvent qu'il ne
meurt pas plus d'hommes dans la soixante-
troisième année que dans les années qui la
précèdent. Mais un préjugé se détruit avec
peine. Selon ces idées, que Pythagore fit
naître par ses singulières rêveries sur les
nombres, notretempéramenléprouve tous les
sept ans une révolution complète. Quelques-
uns disent même qu'il se renouvelle entière-
ment. D'autres prétendent que ce renou-
vellement l'a lieu que tous les neuf ans :
aussi les années clim.itériques se comptent
par sept et par neuf. Quarante-neuf et qua-
tre-vingt-un sont desannées très-importanles,
disent les partisans de celte doctrine ; mais
soixante-trois est l'année la plus fatale, p.in e
que c'est la multiplication de sept par neuf.
Un Normand disait: Encore un des miens
pendu à quarante-neuf ans ! et qu'on dise
qu'il ne faut pas se méfier des années clima*
tériqucs !
« On ne doit pourtant pas porter trop loin,
dit M. Salgues, le mépris de la période septé-
naire, qui marque en effet les progrès du dé-
veloppement cl de l'accroissement du corps
humain. Ainsi, généralement, « les dents de
l'enfance tombent à sept ans, la puberté se
manifeste à quatorze, le corps cesse de croî-
tre à vingt-un. » — Mais celte observation
n'est pas complètement exacte.
ANNIUS JjE VITEUBE (Jean Nansi), — sa-
vaut ecclésiastique, né à Vilerbe en 1432. Il
a publié une collection de manuscrits attri-
bués à Bérose, à Fabius Pictor , à Galon, à
Archiloque,à Manéthon,etc., et connus sous
le nomii'AnHquitésd'Annius. Ce recueil a peu
de crédit. On prétend qu'il contient beaucoup
de fables; mais plusieurs de ces fables sont
d'antiques légendes.
— On doit encore à Annius un Traité de
V empire des Turcs, cl un livre des Futurs
triomphes des chrétiens sur les Turcs et lis
Sarrasins , etc. Ces deux ouvrages sont des
explications de l'Apocalypse. L'auteur pense
que iMahomel est l'anlechrist, et que la Gn du
uionde aura lieu quand le peuple des saints
(les chrétiens) aura soumis entièrement les
Juifs et les mahoméians.
ANOCCUIATUUA, — fascination involon-
taire qui s'exerce, soit par les yeux, soit par
les paroles , selon les croyances populaires
des Corses , mais dans un sens très-bizarre,
les puissances mystérieuses qui président à
l'anucchiatura ayant la singulière habitude
année. Ciecron, dans un pas5.ige de son Hnrlensius, luii-
servé par Servius, l'ait celte grande année de douze nulle
neuf cent cinquanie-qualre des uAires.
101
ANT
ANT
m
d'exécuter le contraire de ce qu'on souhaite.
Aussi, dans la crainte de fasciner les enfants,
en leur adressant des bénédictions ou des
éloges , le peup!e qui leur veut du bien le
leur prouTe par des injures et des souhails
d'autant plus favorables qu'ils sont plus af-
frcHsemenl exprimes (1).
ANPIEL, — l'un des anges que les rabbins
chargent du gouvernemenl des oiseaux ; car
ils mcttnnt chaque espèce créée sous la pro-
tection d'un ou de plusieurs anges.
ANSELME DE PAUME, — astrologue, né
à Parme, où il mourut en 1440. Il avait écrit
des Institutions astrologiques , qui n'ont pas
été imprimées. Wierus (2) et quelque s dénio-
nographes le mettent au nombre des sorciers.
Des charlatans, qui guérissaient les plaiesau
moyen de paroles mystérieuses que l'on pré-
tend inventées par lui, ont pris le nom d'an-
selmistes ; et, pour mieux en imposer, ils se
vantaient de tenir leur vertu de guérir, non
d'Anselme de Parme, mais de saint Anselme
de Cantorbéry.
ANSUPEROMIN, — sorcier des environs
de Saint-Jean-de-Luz, qui, selon des infor-
mations prises sous Henri IV par le conseiller
Pierre Delancre (3), fut vu plusieurs fois au
sabbat, à cheval sur un démon qui avait
forme de bouc , et jouant de la flûte pour la
danse des sorcières. Voy. fioucs.
ANT^US. — Il y a , comme dit Boguet,
des familles où il se trouve toujours quel-
qu'un qui devient loup-garou. Evanthes, et
après lui Pline, rapportent que dans la race
d'un certain Anthœus, Arcadien, on choisis-
sait par le sort un homme que l'on condui-
sait près d'un étang. Là, il se dépouillait,
pondait ses habits àun chône ; et, après avoir
plissé l'eau à la nage, s'enfuyait dans un dé-
sert où, transformé en loup, il vivait et con-
versait avec les loups pendant neuf ans. 11
fallait que durant ce temps il ne vit point
d'hommes ; autrement le cours des neuf ans
fût recommencé. Au bout de ce terme il re-
tournait vers le même étang, le traversait à la
nage et rentrait chez lui, où il ne se trouvait
pas plus âgé que le jour de sa transmutation
en loup : le temps qu'il avait passé sous cette
forme ne faisant pas compte dans le nombre
des années de sa vie.
ANTAMTAPP. enfer des Indiens, plein de
chiens enragés eld'insoctes féroces. On y est
couché sur des branches d'épines et conti-
nuellement caressé par des corbeaux qui ont
des becs de for. Les Brames disent que les
supplices de cet enfer sont éternels.
ANTECHRIST. Par Antéchrist on entend
ordinairement un tyran impie et cruel, en-
nemi do Jésus-Christ. Il doit régner sur la
terre lorsque le monde approchera de sa fin.
Les persécutions qu'il exercera contre les
élus seront la dernière et la plus terrible
épreuve qu'ils auront à suWr ; et même
Nolrc-Seigneur a déclaré que les élus y suc-
Ci) P. Mérimée, Colomba.
(S) In lihro apologelico.
(3) Tableau de l'inconslaiice des démons , .iv. lit ,
dise, i,
(1) Discours des spectres, liv. IV, ch. xv.
comberaient, si le temps r. en èiail abréiçé oh
leur faveur ;car il se donnera pour le Messie
et fera dos prodiges capables d'induire en er-
reur les él:(s mêmes.
Leloyer (4) rapporte celte opinion popu-
laire, que les démons souterrains ne gardent
que pour lui les trésors cachés, au moyeu
desquels il pourra séduire les peuples ; et sa
persécution sera d'autant plus redoutable,
qu'il ne manquera d'aucun moyen de séduire
et agira beaucoup plus par la corruption que
par la violence brutale. C'est à cause des
miracles qu'il doit faire que plusieurs rap-
pellent le singe de Dieu.
L'Antéchrist aura beaucoup de précurseurs;
il viendra peu de temps avant la fin du monde.
Saint Jérôme dit que ce sera un homme fils
d'un démon. D'autres ont pensé que ce serait
nn démon revêtu d'une chair apparente et
fantastique. Mais, suivant saint Irénée, saint
Ambroise,saint Augustin, et plusieurs autres
Pères, l'Antéchrist doit être un homme de la
même nature que tous les autres, de qui il ne
différera que par une malice et une impiélé
dignes de l'enfer.
Il sera Juif, et de la tribu de Dan, selon
Malvenda (5), qui appuie son sentiment sur
ces paroles de Jacob mourant à ses fils :
Dan est un serpent dans le sentier (6); sur
celles-ci de Jérémie : Les armées de Dan dé-
voreront la terre; et sur le chapitre 7 de
y Apocalypse, où saint Jean a omis la tribu do
Dan dans l'énumération qu'il fait des autres
tribus.
« L'Antéchrist sera toujours en guerre ; il
fera des miracles qui étonneront la terre; il
persécutera les justes ; et, comme lediablo
marque déjà ses sujets, il marquera aussi les
siens d'un signe au front ou à la main (7). »
Eiie et Enoch viendront enfin, suivant
Malvenda, et convertiront les Juifs. L'Anté-
christ leur fera donner la mort qu'ils n'ont
pas encore reçue, et qu'ils ne doivent rece-
voir que de lui. Alors Jésus-Christ, Notre-
Seigneur, descendra des cieux et tuera l'An-
téchrist avec l'épée à deux tranchants qui
sortira de sa bouche.
Quelques-uns prétendent que le règne ac
l'Antéchrist durera cinquante ans ; d'autres,
qu'il ne durera que trois ans et demi; après
quoi les anges feront entendre les trompolles
du dernier jugement.
Le mot <le passe des sectateurs de l'Anté-
christ sera, dit Boguot : Je renie le baptême.
Ce qui est assez grotesque, assurément,
c'est que les protestants, ces précurseurs de
l'Antéchrist, donnent le nom d'Antéchrist au
pape, comme les larrons qui crient au voleur
pour détourner d'eux les recherches. Voy.
Abdekl.
Pondant un moment, dans le peuple, on a
craint que Napoléon ne fût l'Antéchrist. Nous
mentionnons cette petite circonstance comm'*
un simple fait.
(5) Dans un long 'et curieux ouvrage en 13 livres sur
fAntcclirisl. Uahau-Maur, au neuvième siècle, a fait aussi
un livre sur la Vie et les mœurs de l'AiitechrisU
(6) Genèse, cli. ilux.
Il) Bouiiel. Discouis des sorciers, cti. i.
|« DU.TIONNA.RE DES
Le troisième traité Je l'Histoire des trois
possédées de Flandre , par Sébastien Mi-
chaëlis, donne des éclaircissements sur l'An-
Icclirist, d'après les dires des démons exor-
cisés. « Il sera méchant comme un enragé.
Jamais si méchante créature ne fut sur terre.
Il fera (les chrétiens ce qu'on fait en enfer
des âmes;ce ne sera pas un m.irlyre humain,
mais un martyre inhumain. Il aura une foule
de noms de synagogue; il se fera porter par
les airs quand il voudra ; Belzébut sera
son père. »
Une sorcière, qui avait des visions, dé-
clara que l'Antéchrist parlerait en nais-
sant toutes sortes de langues, qu'il aurait des
griffes au lieu de pieds et ne porterait
pas de pantoufles; que Belzébut, son père,
se montrera à ses côtés sous la Ggure
d'un oiseau à quatre pattes, avec une queue,
une tête de bœuf très-plaie, des cornes, et
un poil noir assez rude; qu'il marquera les
siens d'un cachet qui représentera celle gra-
cieuse figure en petit.
Nous pourrions citer beaucoup de choses
pareilles sur l'Antéchrist; mais les détails
burlesques et les plaisanteries ne vont qu'à
moitié dans une pareille matière; et peul-
étre faut-il demander pardon au lecteur de
leur avoir déjà donné trop de place.
On a raillé l'abbé Fiard, qui regardait
Voltaire et les encyclopédistes comme des
précurseurs de l'Antéchrist. Il est possible
que les railleurs aient tort.
ANTESSEH, démon. Voy. Blokcla.
ANTHROrOMANCIE, divination par l'ins-
pection desentraillesd'homnusoude femmes
cventrés. Cet horrible usage était très-an-
cien. Hérodote dit que Ménélas, retenu en
Egypte par les vents contraires, sacriDa à sa
barbare curiosité deux enfanis du pays, et
chercha à savoir ses destinées dans leurs
entrailles. Héliogabale pratiquait cette divi-
nation. Julien l'Apostat, dans ses opérations
magiques et dans ses sacrifices nocturnes,
faisait tuer, dit-on un grand nombre d'en-
fanls pour consulter leurs entrailles. Dans
sa dernière expédition, étant à Carra en Mé-
sopotamie, il s'enferma dans le temple de la
Lune; et, après avoir fait ce qu'il voulutavrc
les complices de son impiété, il scella les
portes, et y posa une garde qui ne devait
être le\ée qu'à son retour. Il fut tué dans la
bataille qu'il livra aux Perses, et ceux qui
entrèrent dans le temple de Carra, sous le
règne de Jovien, son successeur, y trouvè-
rent une femme pendue par les cheveux, les
mains étendues, le ventre ouvert et le foie
arraché.
ANTHROPOPHAGES. Le livre attribué à
Enoch dit que les géants nés du commerce
des anges avec les filles des hommes furent
les premiers anthropophages. Marc-Paul
rapporte que de son temps, dans la Tartarie,
les magiciens avaient le droit de manger la
chair des criminels ; et des écrivains ont re-
levé ce fait notable qu'il n'y a que les chré-
tiens qui n'aient pas été anthropophages.
SCIENCES OCCULTES.
10S
a) Yojvï les BollaBJi'-.tcs, 25 juin,
etc.
ANTIDE. Une vieille tradition populaire
rapporte que saint Antide, évéque de Besan-
çon, vit un jour dans la campagne un démon
fort maigre et fort laid, qui se vantait d'avoir
porté le trouble dans l'église de Rome. Le
saint appela le démon, le fit mettre à quatre
pattes, lui sauta sur le dos, se fit par lui
transporter à Rome, répara le dégât doiU
l'ange déchu se montrait si fier, et s'en revint
en son diocèse par la môme voiture (1).
ANTIOCHUS, moine deSéba, qui vivait au
commencement du septième siècle. Dans ses
190 homélies, intitulées Pandectesdes divines
Ecritures, la Sï" de Insomniis, roule sur les
visions et les songes (2).
ANTIPATHIE. Les astrologues prétendent
que ce sentiment d'opposition qu'on ressent
pour une personne ou pour une chose est
produit par les astres. Ainsi deux personnes
nées sous le même aspect auront un désir
mutuel de se rapprocher, et s'aimeront sans
savoir pourquoi ; de même que d'autres se
haïront sans motif, parce qu'ils seront nés
sous des conjonctions opposées. Mais con>-
ment expliqueront-ils les antipathies que les
grands hommes ont eues pour les choses les
plus communes? on en cite un grand nombre
auxquelles on ne peut rien comprendre. —
Lamolhe-Levayer ne pouvait souffrir le son
d'aucun instrument, et goûtait le plus vif
plaisir an bruit du tonnerre. César n'enten-
dait pas le chant du coq sans frissonner. Le
chancelier Bacon tombait en défaillancî
toutes les fois qu'il y avait une éclipse de
lune. Marie de Àlédicis ne pouvait supporter
la vue d'une rose, pas même en peinture, et
elle aimait toute autre sorte de fleurs. Lu
cardinal Henri de Cardonne éprouvait la
môme aversion, et tonibait en syncope lors-
qu'il sentait l'odeur des roses. Le maréchal
d'Albret se trouvait mal dans un repas où
l'on servait un marcassin ou un cochon de
lait. Henri 111 ne pouvait rester seul dans
une chambre où il y avait un chat. Le maré-
chal de Schombcrg avait la môme faiblesse.
Ladislas, roi du Pologne, se troublait et pre-
nait la fuite quand il voyait des pommes.
Scaliger frémissait à l'aspect du cressoa.
Enisme ne pouvait sentir le poisson sau'^
avoir la fièvre. Tycho-Brahé défaillait à la
rencontre d'un lièvre ou d'un renard. Leduc
d Eiiernon s'évanouissait à la vue d'un le-
vraut. Cardan ne pouvait souffrir les œii's;
le poêle Arioste, les bains ; le fils de Crassus,
le pain ; César de Lescalle, le son de la
vielle.
On trouve souvent la cause de ces antipa-
thies dans les premières sensations de l'en-
l'ance. Une dame qui aimait beaucoup les
tableaux cl les gravures s'évanouissait lors-
qu'elle en trouvait dans un livre ; elle en dit
la raisiMi ; élanl encore petite, son père l'a-
perçut un jour (|ui feuilletait les volumes de
sa bibliothèque pour y chercher des im.igcs ;
il les lui relira brusquement des mains, et
lui dit d'un ton terrible qu'il y avait dans ces
livres des diables qui l'clrangleraicnt si elle
(2) Vojei l. \tl de Ij BiLiliolbwa p.Uruin, cJ. I.in;lun
105
AP.\
APO
IM
osait y toucher... Ces menaces absurdes, or-
dinaires à certains parents, occasionnent tou-
jours de funestes effets qu'on ne peut plus
détruire.
Pline assure qu'il y a une telle antipa-
thie entre le loup et le cli(!val, que si le
cheval passe où le loup a passé, il sent aux
jambes un engourdissement (jui l'empêche
de marcher. Un cheval sent le ligrn en Amé-
rique, et refuse obstinément de traverser une
forêt où son odorat lui annonce la présence
de l'ennemi. Les chiens sentent aussi très-
bien les loups avec qui ils ne sympathisent
pas; et peut-être serions-nous sages de sui-
vre jusqu'à un certain point, avec les gens
'que nous voyons la première fois, l'impres-
sion sympalhiqueou antipathique qu'ils nous
font éprouver; car l'instinct existe aussi chez
les hommes mêmes, qui le surmontent ce-
pendant par la raison.
ANTIPODES. L'existence des antipodes
était regardée naturellementcommeun conte,
dans le temps où l'on croyait que la terre
était plate. Mais il n'est pas vrai, comme on
l'a perfidement écrit, que le prêtre Virgile fut
excommunié par le pape Zacharie pour avoir
soutenu qu'il y avait des atitipodes : ce Vir-
gile au contraire, à cause de sa science, fut
comhléd'honneurs par le saint-siége et nom-
mé à l'évêché de Salzbourg. D'ailleurs le
pape Zacharie savait probablement qu'il y a
des anlipodi's, puisqu'avant lui Origène, le
pape saint Clément et d'autres en avaient
parlé. Saint Basile, saint Grégoire de Nysse,
saint Athanase et la plupart des Pères n'igno-
raient pas la forme sphérique de la terre.
Voy. Philoponus , De Mundi créât, lib. v,
c. j3.
La plupart des hommes, à qui l'éducation
n'a pas étendu les bornes du l'esprit, croient
encore que la terre n'est qu'un grand pla-
teau ; et il serait difficile de leur persuader
qu'on trouve au-dessous de nous des hu-
mains qui ont la tête en bas , et les pieds
justement opposés aux nôtres (1).
Les anciens mythologues citent, dans un au-
tre sens, sous le nom d'Antipodes, des peuples
fabuleux de la Libye, à qui ont attribuait
huit doigts aux pieds, et les pieds tournés en
dehors. On ajoute qu'avec cela ils couraient
comme le vent.
ANTOINE. Saint Antoine est célèbre par
les tentations qu'il eut à subir de la part du
diable. Ceux qui ont mis leur esprit à la
torture pour donner à ces faits un côté plai-
sant, n'ont pas toujours eu autant d'esprit
qu'ils Oiit voulu en montrer. Us n'égalent
certainement pas le lion légendaire, qui conte
qu'Antoine, .'lyanl dompté Satan, le contrai-
gnit à demeurer auprès de lui, sous sa forme
la plus conv<'nablc, qui était celle d'un co-
chon. Voy. Abdents.
APANTOMANCIE, divination tirée des ob-
jets qui se présentent à l'improvisle. Tels sont
les présages que donne la rencontre d'un
lièvre ou d'un aigle, etc.
APARCTIENS, peuples fabuleux que d'an-
'1) M. Salgues, des Erreurs et des préjugés, l. Il, p. 72.
DiCTIONN. DES SCIENCES OCCOI.TEÏ4 L
ciens cnntcurs ont placés d.ins le Septen-
trion.Ils étaient transparents comme du cris-
tal, et avaient 1rs pieds étroits et tranchants
comme des patins, ce qui les aidait merveil-
leusement à glisser sur leurs lacs gelés.
Leur longue barbe ne leur pendait pas au
menton, mais au bout du nez. lis n'avaient
point de langue, mais d ux solides râteliers
de dénis, qu'ils frappaient musicalement
l'un contre l'autre pour s'exprimer. Ils ne
sortaient que la nuit, et se reproduisaient
par le moyen de la sueur, qui se congelait
et formait un petit. Leur dieu était un ours
blanc (2).
APOCALYPSE. Dans cette clôture redou-
table du saint livre, qui commence par la
Genèse , l'esprit de l'homme s'est souvent
égaré. La manie de vouloir tout expliquer,
quand nous sommes entourés de tant de
mystères que nous ne pouvons comprendre,
a fourvoyé bien des esprits. Apres avoir
trouvé la bête à sept têtes et l'Antéchrist
dans divers personnages, jusqu'à Napoléon,
qui prête du moins à des aperçus piquants,
on est aussi peu avancé que le premier jour.
Newton a échoué, comme les autres, dans
l'interprétation de l'Apocalypse. Ceux qui
lont lue comme un poëme hermétique ont
leur excuse dans leur folie. Pour nous, at-
tendons que Dieu lève les voiles.
Il y a eu plusieurs Apocalypses suppo-
sées, de saint Pierre, de saint Paul, de saint
Thomas,desaint Etienne, dEsdias, deMoïse,
dElie , d'Abraham, de Marie, femme de
Noé, d'Adam môme. Por(>hyre a cité encore
une Apocalypse d^; Zoroastre.
APOLLONIUS DE TYANE , philosophe
pythagoricien , né à Tyane en Cappaduce,
un peu de temps après Notre-Seigneur Jé-
sus-Christ. Philostrato , au cammencemont
du troisième siècle, plus de cent ans après
la mort d'Apollonius , dont personne ne
parlait absolument plus, imagina le roman
de sa vie pour opposer quelque chose de
prodigieux à lEvangile, qu'il croyait détrui-
re. 11 dit qu'il écrit sur des mémoires laissés
par Damis, ami et secrétaire d'Apollonius.
On peut juger du degré de confiance que
méritaient ces sortes d'écrivains par ce trait
de Damis , qui assure avoir vu, en traver-
sant le Caucase, les chaînes de Prométhée
encore fixées au rocher.
Philoslrate admit tout, et embellit les ré-
cits de Damis.
La mère d'Apollonius fut avertie de sa
grossesse par un démon ; un salamandre fut
son père , selon les cabalistes. Les cygnes
chantèrent quand il vint au monde, et la
fondre tomba du ciel. Sa vie fut une suite
de miracles. Il ressuscitait les morts, déli-
vrait les possédés, rendait dt-s oracles,
voyait des fantômes, apparaissait à ses amis
éloignés, voyageait dins les airs, porté par
des esprits , et se montrait le même jour en
filusieurs endroits du monde. Il comprenait
e chant des oiseaux.
Philostrate conte qu'étant venu an tom*
(2) Suppléffleal à Pbisloire véritable de Lucien.
J07
DlCTlONNAinE DES SClEîSCES OCCULTES
108
beaud'Acliille, h qui il voulait parler, Apol-
lonius évoqua ses mânes; qu'après un Irem-
Memenl de terre autour du l mbcan, il vil
paraître d'abord un jeune homme di; sept
pieds et demi; que le fantômo , qui était
d'une beau'é singulière , s'éleva ensuite à
dix-huit pieds. Apollonius lui fil des ques-
tions frivoles. Comme le spectre répon-
dait grossièrement, il comprit qu'il était pos-
sédé d'un démon, qu'il chassa ; après quoi il
cul sa conversation réglée.
Un jour qu'il était à Rome, où il avait ren-
du la vie à une jeune ûllc morte le matin du
ses noces, il y eut une éclipse de lune ac-
compagnée de tonnerre. Apollonius regarda
le ciel , et dit d'un ton prophéli(iue : —
Quelque chose de grand arrivera et n'arri-
vera pas. — Trois jours après, la foudre
tomba sur la lable tic Néron, et renversa la
coupe qu'il portait à sa bouehc; ce qui étail
l'accomplissement de la prophétie.
Dans la suite l'empereur Domitien, l'ayant
soupçonné de sorcellerie, lui fit raser le poil
pour s'assurer s'il ne portait pas les mar-
ques du diable, comme dit Pierre Delancre ;
mais Apollonius disparut alors, sans qu'on
sût par où il s'était sauvé. Ce n'était pas la
première fois qu'il s'échappait ainsi. Sous
Néron , on avait dressé contre lui un .'Cte
d'accusation ; le papier se trouva tout blanc
au moment où lu juge voulul en prendre
lecture.
De Rome il se rendit à Ephèse. La pe<le
infestait celte ville; les habilanls le prièrent
de les en délivrer. Apollonius leur comman-
da de sacrifier aux dieux. Après le sacrifice,
il vil le diable en forme de gueuv toul dé-
guenillé; il commanda au peuple de l'as-
sommer à coups de pierre, ce qui fut fait.
Lorsqu'on ôta les pierres, on ne trouva plus
à la place du gueux lapidé qu'un chien
noir, qui fui jeté à la voirie; et la peste
cessa.
Au moment où Domitien périt, Apollo-
nius, au milieu d'une discussion publique,
s'arrêta, et, changeant do voix, s'écria, ins-
piré par le diable : —C'est bien fait, Sté-
phane, couragel tue le lyranl — Ensuite,
après un léger intervalle, il reprit : — Le ty-
ran est mort. Stéphane en ce moment assas-
sinait Dotnilien.
Ce fut alors, à ce qu'on croit, que le sor-
cier Tespésion , pour montrer qu'il pouvait
enchanter les arbres, commanda à un orme
de saluer Apollonius , ce que l'orme fil ;
mais d'une voix grêle et efféminée (1). C'é-
tait bien excusable do la part d'un orme.
Apollonius étail, dit-on encore, habile
faiseur de talismans; il en fit un grand nom-
bre à Tyane, à Rome, à Byzance, à An(io-
che , à Babylone et ailleurs ; tantôt contre
les cygognes cl les srorpions, tantôt contre
les debord .mcnts et les incendies. Il fui re-
gardé par les uns Comme un magicien, com-
mo un dieu par les autres; on l'honora
même après sa mort. Mais sa vie, nous le
répétons, n'est qu'un roman calculé. Apol-
(U Jacques d'Aulun, rincriidiilité savaiile et la crédu-
lité i^noranie.
lonius est annoncé pir un démon. Les cy-
gnes clianlenl A sa naissance. Tous les autres
prod ges sont combinés ainsi de manière à
pouvoir être comparés aux faits divins de
la plus auguste histoire , avec cette diffé-
renc", entre autres, que ceux d'Apollonius
ne méritaient pas même le peu de succès
qu'ils ont eu.
La foudre qui tombe du ciel est opposée
à l'étoile qui parut en Bethléhem; les lettres
de félicitalion que plusieurs rois écrivirent
à la mère d'Apollonius répondiuit à l'adora-
lion des mages; les discours (|u'il pronon-
çait, fort jeune, d ins le temple d'Esculape, à
la dispute de Jésus enfant parmi les doc-
teurs ; le fantôme qui lui apparut en traver-
sant le Caucase , ù la tentation du diable
dans le déserl, etc. « Ces parallèles montrent
la malice grossière el la finesse mal lissuo
do Pliiloslrate ( pillard de Lucien (2);) et le
cas qu'on doit faire de ces fables n'est pas
de les rapporter à la magie , comme a fait
François Pic, mais de les nier totalement (3)
comme des stupidités niaises.»
Hiéroclès, qui osa faire sous Dioclélion,
d ins un écrit spécial , la comparaison d'A-
pollonius el de Noire-Seigneur Jésus-Christ,
a été dignement réfuté par Eusèbe, qui veut
bien regard t Apollonius comme un magi-
cien. Leloyer pense que C' l'ut Simon qui lui
enseigna la magie noire ; et Ammien
Marcellin se contente d; le mettre dans le
nombre dt's hommes qui ont été assistés de
quelque démon familier, comme Socrate cl
Numa.
On sait peu de chose sur la fin de la vie
d'Apollonius. On assure qu'à l'âge de cent
ans il fut emporté par le diable, qui était
son père, quoique Hiéroclès ait eu le front
de soutenir qu'il avait été enlevé au ciel.
Vopiscus dit que , par la suite , le spectre
d'Apollonius apparut à l'empereur Aurélien,
qui assiégeait Tyane, et lui recommanda
d'épargner sa ville, ce que fit Aurélien.
11 y a eu des gens qui ont trouvé Apol-
lonius vivant au douzième siècle. Voy. Ar-
TEPHIDS.
APOMAZAR. Des significations et événe-
ments des songes , selon la doctrine des In-
diens, Perses el Égyptiens, par Apomazar.
Vol. in-8°; Paris, 1580. Fatras oublié, mais
rare.
APONE. Voy. Piehre b'Apone.
APPARITION. On ne peut pas très bien
préciser ceque c'est qu'une apparition. Doni
Calmet dit que , si l'on voit quelqu'un en
songe , c'est une appariiion. « Souvent ,
ajoute- t- il, il n'y a que l'imagination de
frappée ; ce n'en est pas moins quelque-
fois un fait surnaturel , quand il a des re-
lations. »
Dans la rigueur du terme, une apparition
est la présence subite d'une personne ou d'un
objet contre les loisdela nature: par exem-
ple, l'apparition d'un mort, d'un ange, d'un
démon, etc.
Ceux qui nient absolument les apparitions
(2) Dgus Alexandre de r.ipldngmiie.
(3) Naiidé, A):ol. pour lus yrauds personnages, cl), f S.
109
APP
APP
410
sont léméraires. Spinosa, malgré son alliéis-
me, roconnaissail qu'il ne pouvait nier les
apparitions ni les miracles.
On ne raisonne pas mieux, lorsqu'on dit
qu'une chose qui est arrivée aulrefois de-
vrait arriver encore. Il y a bien des choses
qui ont eu lieu jadis et qui ne se renou-
vellent pas, d;ins le système même des ma-
lérialisics , comme il y a bien des choses
qui ont lieu aujourd'hui, et que jadis on
n'a pas soupçonnées.
Nous devons admettre et croire les appa-
rilions rapportées dans les sainles Ecritu-
res. Nous ne sommes pas tenus à la même
foi dans les simples histoires; et il y a des
apparitions qui, réelles ou inlelleciuelles,
sont fort surprenantes. Ou lit dans la vie de
saint Macaire, qu'un homme ayant reçu un
dépôt le cacha sans en rien dire à sa femme, et
mourut subitement. On fut très-embarrassé
quand le maître du dépôt vint le réclamer.
Saint Macaire pria, dit la légende, et le
défunt apparut à sa femme, à qui il dé-
clara que l'argent redemandé était enterré
au pied de son lit, ce qui fut trouvé vrai.
Ce sont les apparitions des morts chez les
anciens qui ont donné naissance à la nécro-
mancie. Voy. NÉCROMANCIE.
Nous ne songerons à nous occuper ici que
des apparitions illusoires ou douteuses, et le
nombre en est immense. Nous suivrons un
moment les écrivains qui ne doutent de rien,
et qui, dans leurs excès mêmes, sont encore
moins stupides et moins à quatre pattes que
ceux qui doutent de tout. Quelquefois, di-
sent-ils, les apparitions ne sont que vocales :
c'est une voix qui appelle. Mais dans les
bonnes apparitions l'esprit se montre. —
Quand les esprits se font yoir à un homme
seul, ajoutent les cabalistes, ils ne présagent
rien de bon ; quand ils apparaissent à deux
personnes à la fois, rien de mauvais; ils ne
se montrent guère à trois personnes en-
semble.
Il y a des apparitions imaginaires causées
par les remords; des meurtriers se sont crus
harcelés ou poursuivis par leurs victimes.
Une femme, en 1726, accusée, à Londres,
d'être complice du meurtre de son mari, niait
le fait; on lui présente l'habit du mort, qu'on
secoue devant elle; son imagination épou-
vantée lui fait voir son mari même; elle se jette
à ses pieds et déclare qu'elle voit son mari.
Mais on trouvera des choses plus inexplica-
bles.
Les apparitions du diable, qui a si peu be-
soin de se montrer pour nous séduire, faibles
que nous sommes, ont donné lieu à une mul-
tiluile de contes merveilleux. Des sorciers,
brûlés à Paris, ont dit en justice que, quand
le diable veut se faire un corps aérii'U pour
se montrer aux bommee, « il faut que le
vent soit favorable , et que la lune soit
(ileine. » Et lorsqu'il apparaît, c'est tou-
jours avec quelque défaut nécessaire, ou
trop noir, ou trop pâle, ou trop rouge, ou
trop grand, ou trop petit, ou le pied four-
(1) Gabriel Nuiidé , Àpol. pour les grands personnsgcii
cb. li.
chu, ou les mains en griffes, ou la queue au
derrière et les cornes en tête, etc.; à moins
qu'il ne prenne une forme bizarre. Il parlait
à Simon le magicien et à d'autres, sous la fi-
gure (l'un chien; à Pylhagore, sous celui
d'un fleuve; à Apollonius, sous celle d'un
orme (1). etc.
Excepté les démons de midi, les démons et
les spectres apparaissent la nuit plutôt que le
jour, et la nuit du vendredi au samedi de
préférence à toute autre, comme le témoigne
Jean Bodin.
Les apparitions des esprits, dit Jambliqae,
sont analogues à leur essence. L'aspect des
habitants des cieux est consolant, celui des
archanges terrible, celui des anges moins
sévère , celui des démons épouvantable. Il
est assez difficile, ajoute-t-il, de se reconnaî-
tre dans les apparitions des spectres; car il
y en a de mille sortes. — Delancre donne
pourtant les moyens de ne point s'y tromper.
« On peut distinguer les âmes des démons,
dit-il. Ordinairement les âmes apparaissent
en hommes portant barbe, en vieillards , en
enfants ou en femmes, bien que ce soit en
habit et en contenance funeste. Or les dé-
mons peuvent se montrer ainsi. Mais, ou
c'est l'âme d'une personne bienheureuse, ou
c'est l'âme d'un damné. Si c'est l'âme d'un
bienheureux, et qu'elle revienne souvent, il
faut tenir pour certain que c'est un démon,
qui, ayant manqué son coup de surprise, re-
vient plusieurs fois pour le tenter encore.
Car nne âme ne revient plus quand elle est
satisfaite, si ce n'est par aventure une seule
fois pour diremerci.» — «Si c'est une âme
qui se dise l'âme d'un damné, il faut croire
encore que c'est un démon, vu qu'à grande
peine laisse-t-on jamais sortir l'âme des
damnés. » Voilà les moyens que Pierre De-
lancre donne comme aisés (2).
Il dit un peu plus loin que le spectre qui
apparaît sous une peau de chien ou sous
toute autre forme laide est un démon; mais
le diable est si malin, qu'il vient aussi sous
des traits qui le font prendre pour un ange.
Il faut donc se défier. Voy. pour les anecdo-
tes. Visions, Spectres, Fantômes, Halluci-
nations, Esprits, Lutins, Vampires, Reve-
nants, Songes, Armées prodigieuses, etc.
Voici, sur les apparitions, un petit fait qui
a eu lieu à La Rochelle, et que les journaux
rapportaient. en avril 18i3. « Depuis quelque
temps, la population se préoccupait des re-
venants qui apparaissaient tous les soirs
sous la forme de flammes phosphorescentes,
bleuâtres cl mystérieuses. Ces revenants onl
été pris au trébuchet : c'étaient cinq gros
réjouis de paysans des environs ((ui, grimpés
tous les soirs sur des arbres très-élevés, lan-
çiient des boulettes phosphoriques avec un
fil imperceptible. Pendant la nuit, ils don-
naient le mouvement et la direction qu'ils
voulaient à leurs globes de feu, et quand
les curieux couraient après une flamme, elle
devenait aussitôt invisible; mais, à l'instant,
il en surgissait une autre sur un point op-
(2) L'incoostance des démons, liv. V diK. 3.
■
fit
posé pour détourner l'attenlion. Ce jeu s'ef-
fectuait ainsi pendant quelques instants suc-
cessivement, et puis simullanéinenl, de ma-
nière à produire plusieurs flammes à la fois.
^ Celte jonglerie trompa bien des incrédu-
les effrayés; mais enfln il se trouva un es-
prit rassis. Caché derrière une haie, il ob-
serva attentivement la mise en scène et
devina le secret de la comédie. Suffisamment
édifié, il alla quérir la gendarmerie, et les
linq mystificateurs furent arrêtés au moment
i>ù ils donnaient une nouvelle représenta-
tion. Quel était leur but? On l'ignore ; le
plus curieux de l'histoire, c'est qu'une com-
mission scientifique avait déjà préparé un
rapport sur l'étonnant phénomène météoro-
logique de ces mauvais plaisants.
Disserlation sur ce qu'on doit penser de Vap-
parition des esprits, à l'occasion de l'aven^
lure arrivée à Saint-Muur en 1706, par
M. Poupart, chanoine de Saint-Maur, près
Paris. Paris, 1707.
L'auteur croit, avec la modération conve-
nable, aux apparitions. Il raconte l'aventure
de Saint-Maur; elle a fait tant de bruit à Pa-
ris dans sa nouveauté, que nous ne pouvons
la passer sous silence. M. de S*"*, jeune
homme de vingt cinq ans, fixé à Saint-Maur,
entendit plusieurs fois la nuit heurter à sa
porte, sans que sa servante, qui y courait
aussitôt, trouvât personne. On lira ensuite
les rideaux de son lit; cl le 22 mars 1706,
sur les onze h< nres du soir, étant dans son
cabinet avec trois domestiques, tous quatre
entendirent distinctement feuilleter des pa-
piers sur la table. Ou soupçonna d'abord le
chat de la maison ; mais on reconnut qu'il
n'était pas dans le cabinet. Ce bruit recom-
mença quand M. de S**' se fut relire dans sa
chambre, il voulut rentrer dans le cabinet
avec une lumière, et sentit derrière la porte
une résistance qui finit par céder; cepen-
dant il ne vit rien , seulement il entendit frap-
per un grand coup dans un coin contre la
muraille; ses domestiques accoururent au
cri qu'il jeta; mais ils ne firent aucune dé-
couverte.
Tout le monde s'étant peu à peu rassuré,
«n se mil au lit. — A peine M. de S*" com-
mençait-il à s'endormir, qu'il fut éveillé su-
bitement par une violente secousse ; il appela;
on rapporta deux flambeaux, et il vil avec
surprise son lit déplacé au moins de quatre
pieds.
On le remit en place; mais aussitôt tous
les rideaux s'ouvrirent d'eux-mêmes, et le
lit courut tout seul vers la cheminée. En
vain les domestiques tinrent les pieds du lit
pour le fixer; dès que M. de S"" s'y cou-
chait, le lit se promenait par la chambre.
Celte aventure singulière fui bientôt pu-
blique; plusieurs personnes voulurent en
être témoins, et les mômes merveilles se ré-
pélèrcnt la nuit suivante; après quoi il y eut
deux nuits paisibles.
(I) S» défense se trouve dans ses œuvres sous le litre
Je Oratio de nmgia.
li) Discours des sorciers, cli. bô.
DiCTlONNAlUE DES SCtENCfiS OCCIII.TKS. 112
L'esprit se remit à faire du bruit le 2G; il
verrouilla les portes, dérangea les meubles,
ouvrit les armoires; et pendant que M. de S*"
Ireiiiblail de tous ses membres, l'esprit, sai-
sissant l'occasion, lui parla enfin à l'oreille
et lui commanda de faire certaines choses
qu'il tint secrètes, et qu'il fil quand il fui
sorti de l'évanouissement que ta peur lui
avait causé. L'esprit revint au bout de quinze
jours pour le remercier, frappa un grand
coup de poing dans une fcnélre en signe
d'actions de grâces ; — et voilà l'aveniure de
l'esprit de Saint-Maur, que M. Poupart a le
bon esprit de regarder comme inexplicable,
à moins qu'elle ne soit l'enfantement d'un
cerveau visionnaire. Voy. Meter , Cal-
MET , etc.
APULEE. Philosophe platonicien, né en
Afrique, connu par le livre de l'Ane d'or.
Il vécut au deuxième siècle sous les Anto-
nins. On lui attribue plusieurs prodiges aux-
quels, sans doute, il n'a jamais songé. Il dé-
pensa loul son bien en voyages, et mil tous
ses soins à se faire initier dans les mystèies
des diverses religions païennes; après quoi
il s'aperçut qu'il était ruiné. Comme il élait
bien fait, instruit et spirituel, il captiva l'af-
fection d'une riche veuve de Carlhage, nom-
mée Pudenliila, qu'il parvint à épouser. Il
était encore jeu ne, et sa femme avait soixante
ans. Cette disproportion d'âge et la pauvreté
connue d'Apulée firent soupçonner qu'il avait
employé, pour parvenir à ce riche mariage,
la magie elles philtres. On disait même qu'il
avail composé ces philtres avec des filets de
poissons, des huîtres et des pattes d'écre-
visses. Les parents , à qui ce mariage ne
convenait pas, l'accusèrent de sortilège; il
parut devant ses juges, et quoique les préju-
gés sirr la magie fussent alors en très-grand
crédit, Apulée plaida si bien sa cause qu'il la
gagna pleinement (1).
Boguet (2) et d'autres démonographes di-
sent qu'Apulée fut métamorphosé en âne,
comme quelques autres pèlerins , par le
moyen des sorcières de Larisse, qu'il était
allé voir pour essayer si la chose était pos-
sible et faisable (3). La femme qui lui dé-
montra que la chose était possible en le
changeant en âne, le vendit, puis le rachiia.
Par la suite, il devint si grand magicien (luil
se métamorphosait lui-même, au besoin, en
cheval, en âne, en oiseau. Il se peiçait le
corps d'un coup d'épée sans se blesser, il se
rendait invisible, étant très-bien servi par
son démon familier.«C'est même pour cou-
vrir son asinisme, dit encore Delancre, qu'il
a composé son livre de l'Ane d'or. »
Taillepied prétend que lout cela est une
confusion, et que s'il y a un âne mêlé dans
l'histoire d'Apulée, c'est qu'il avait un esprit
familier qui lui apparaissait sous la forme
d'un âne (4). Les véritables ânes sont peut-
élre ici Delancre et Boguet.
Ceux qui veulent jeter du merveilleux sur
toutes les actions d'Apulée, affirment que,
(5) Delancre. Talileau de l'inconstaace des démons, etc.
liv. iV, .h. i".
(i) De l'ipparilion des es;Tits cti. 15,
113
ÂIIA
AUD
4lt
p;tr un effel de ses charmes, sa icmine clail
obligée de lui tenir la ciiandelle pendant
qu'il travaillait; d'autres disent que cet of-
fice était rempli par son démon familier.
Quoi qu'il en soit, il y avait de la complai-
sance dans cette femme ou dans ce dé-
mon.
Outre son Discours sur la magie, Apulée
nous a laissé encore un petit traité du dé-
mon de Socrate, De deo Socratis, réfuté par
saint Augustin ; on en a une traduction sous
le litre : De l'Esprit familier de Sacrale,
avec des remarques, in-12. Paris, 1038.
AQUIRL. démon que l'on conjure le di-
niaiiclip. Voj/. Conjurations.
AQUIN (Mardochée d'), rabbin de Carpen-
Iras, mort en 1650, qui se fit chrétien, et
changea au lîaptéine son nom de Mardochée
en celui de Philippe. On recherche de lui
l'Interprétation de l'arbre de la cabale des
Héhreux: Paris, in-8', sans date.
ARACHDLA, méchant esprit de l'air chez
les Chinois voisins de la Sibérie. Voyez
Lune.
AUAEL, l'un des esprits que les rabbins
du Taltnud font, avec Anpiel, princes et
gouverneurs du peuple des oiseaux.
ARAIGNÉES. Les anciens regardaient
comme un présage funeste les toiles d'arai-
gnées qui s'attachaient aux étendards et aux
st.itues des dieux.
Chez nous, une araignée qui court ou qui
file promet de l'argent; les uns prétendent
que c'est de l'argent le matin, et le soir une
nouvelle; d'autres, au contraire, vous cite-
ront ce proverbe-axiome : Araignée du ma-
tin, petit chagrin ; araignée de midi, petit
profil; araignée du soir, petit espoir. « Mais,
comme dit M. Salgues (1), si les araignées
ét.iient le signe de la richesse, personne ne
serait plus riche que les pauvres. »
Quelques personnes croient aussi qu'une
araignée est toujours î'avant-coureur d'une
nouvelle heureuse, si on a le bonheur de l'é-
craser. M. de T"*, qui avait cette opinion,
donna, en 1790, au tliéâtre de Saint-Péters-
bourg, une tragédie intitulée Abaco et Moïna.
La nuit qui en précéda la représentation, au
moment de se coucher, il aperçut une arai-
gnée à côté de son lit. La vue de l'insecte lui
fit plaisir; il se hâta d'assurer la bonté du
présage en l'écrasant ; il avait saisi sa
pantoufle, mais l'émotion qu'il éprouvait Ht
manquer le coup , l'araignée disparut. Il
passa deux heures à la chercher en vain, fa-
tigué de ses efforts inutiles, il se jeta sur son
lit avec désespoir : — Le bonheur était là,
s'écria-t-il, et je l'ai perdu! Ahl ma pauvre
tragédie! Le lendemain il fut tenté de retirer
sa pièce, mais un de ses amis l'en empêcha;
la pièce alla aux nues, et l'auteur n'en de-
meura pas moins persuadé qu'une araignée
porte bonheur lorsqu'on l'écrase {2).
Dans le bon temps de la loterie, des fem-
mes enfermaient le soir une araignée dans
une boîte, avec les quatre-vingt-dix numéros
(1) Des Erreurs et des préjusés, t. I, p 510.
(2J Auuulcs Uiaffluliquus , ou Uiclioniiuire des tiié&lrus,
écrits sur de petits carrés de papier. L'arai-
gnée , en manœuvrant la nuit , retournait
quelques-uns de ces papiers. Ceux qui
étaient retournés de la sorte, étaient re-
gardés le lendemain matin , comme numé-
ros gagnants
Cependant les toiles d'araignées sont uti-
les : appli(iuées sur une blessure . elles ar-
rêtent le sang et empêchent que la plaie ne
s'enflamme. Mais il ne faut peut-être pas
croire, avec l'auteur des Admirables secriïs
d'Albert le Grand , que l'araignée pilée cl
mise en cataplasme sur les tempes guérisse la
fièvre tierce (3).
Avant que Lalande eût fait voir qu'on
pouvait manger des araignées, on les re-
gardait généralement comme un poison. Un
religieux du Mans disant la messe, une arai-
gnée tomba dans le calice après la consécra-
tion. Le moine, sans hésiter, avala l'insecte.
On s'attendait à le voir enfler; ce qui n'eut
pas lieu.
Il y a de vilaines histoires sur le compta
des araignées. N'oublions pourtant pas que,
dans son cachot, Pélisson en avait appri-
voisé une que Delille a célébrée. Mais la ta-
rentule est aussi une araignée ! . . .
Le maréchalde Saxe, traversant un village,
coucha, dans une auberge infestée, disait-on,
de revenantsqui étouffaient les voyageurs. On
citait des exemples. Il ordonna à son domes-
tique de veiller la moitié de la nuit, promet-
tant de lui céder ensuite son lit et de faire
alors sentinelle à sa place. A deux heures
du matin, rien n'avait encore paru. Le do-
mestique, sentant ses yeux s'appesantir, va
éveiller son maître, qui ne répond point;
il le croit assoupi et le secoue inutilement.
Effrayé, il prend la lumière, ouvre les draps,
et voit le maréchal baigné dans son sang.
Une araignée monstrueuse lui suçait le sein
gauche. Il court prendre d<>s pincettes pour
combattre cet ennemi d un nouveau genre,
saisit l'araignée et la jette au feu. Ce ne fut
qu'après un long assoupissement que le ma-
réchal reprit ses sens ; et depuis lors on n'en-
tendit plus parler de revenants dans Tau-
berge. — Nous ne garantissons pas celte
anecdocte , conservée dans plusieurs re-
cueils.
Au reste, l'araignée a de quoi se consoler
de notre horreur et de nos mépris. Les nègres
de la Côte-d'Or attribuent la création de
l'homme à une grosse araignée qu'ils nom-
ment Anansié, et ils révèrent les plus belles
araignées comme des divinités puissantes.
ARBRES. On sait que dans l'antiquité les
arbres étaient consacrés aux dieux : le cyprès
à Pluton , etc. Plusieurs arbres et plantes
sont encore dévoués aux esprits de l'enfer :
le poirier sauvage , l'églantier, le figuier, la
verveine , la fougère , etc.
Des arbres ont parlé ; chez les anciens ,
dans les forêts sacrées, on a entendu des
arbres gémir. Les oracles de Dodone étaient
des chênes qui parlaient.
p.nr une sociale do gens de lettres, t. I, an mot Abaco.
(3J Les Admirables secrets d'Albert le Grand, liv. IIJ.
f(B
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
416
On entendit, dans une forêt d'Angleterre,
lin arbre qui poussnil des gémissemenls; on
le disait enchanté. Le propriétaire du terrain
lira beaucoup d'argent do tous les curieux
qui venaient voir une chose aussi merveil-
leuse. A la fin, quelqu'un proposa de couper
l'arbre ; le maître du terrain s'y opposa ,
non par un inolif d'inlérét propre, disall-il,
mais de [)eur que celui qui oserait y mettre
lacognée n'en mourût subitement; on trouva
un homme qui n'avait pas peur de la mort
subite , et qui abattit larbre à coups do
hache : alors on découvrit un tuyau qui
formait une communication à plusieurs toi-
ses sous terre, et par le moyen duquel ou
produisait les gémissements que l'on avait
remarqués.
ARC-EN-CIEL. LechapilrelXde la Genèse
semble dire, selon des commentateurs, qu'il
n'y eut point d'arc- en-ciel avant le déluge :
mais jt! ne sais (1) où l'on a vu qu'il n'y en
aura plus quarante ans avant la fin du
monde, « parce que la sécheresse qui pré-
cédera l'embrascinenl de l'univers consu-
mera la matière de ce météore. » C'est
pourtant une op'uion encore répandue chez
ceux ijui s'occupent de la fin du monde.
L'arc-en-ciel a son principe dans la na-
ture ; et croire qu'il n'y eut point d'arc-en-
ciel avant le déluge, parce que Dieu en fit le
«igné de son alliance, c'est comme si l'on
di>ait qu'il n'y avait point d'eau avant l'insti-
tution du baptême. Et puis, Dieu ne dit point,
au chapitre IX de la Genèse, qu'il place son
arc.-en-ciel,mais son arc en si^ne d'alliance;
et comment attribiicra-t-on a l'arc-en-ciel
re passage d'Isaïe : J'ai mis mon arc et ma
pêche dans les nues?
ARDENTS (mal des), appelé aussi feu in-
fernal. C'était au onzième et au douzième
siècle une maladie non expliquée , qui se
manifestait comme un l'eu intérieur et dévo-
rait ceux qui en ét;iient frappés. Les per-
sonnes qui voyaient là un effot dj la colère
céleste l'appelaient feu sacre'; d'autres le
nommaient feu infernal; ceux qui l'attri-
buaient à rinfluence des astres le nommaient
sidération. La reliques de saint Antoine,
que le comte de Josselin apporta de la Terre
Sainte à la Mothe-Saint-Diilier, ayant guéri
plusieurs infortunés atteints de ce mal , on
le nomme encore feu de saint Antoine.
Ou fêlait à Paris sainte Geneviève des Ar-
dents, en souvenir des cures merveilleuses
opérées alors par la châsse de la sainte (2)
sur les infortunés atteints de ce mal.
ARDENTS , exhalaisons enflammées qui
paraissent sur les bords des lacs et des ma-
rais, ordinairement en autouinc , et qu'on
prend pour des esprits follets , parce qu'elles
sont à fleur du terre et qu'on l( s voit quel-
quefois changer de place. Souvent on en est
ébloui el on se perd. Ldoyer dit que lors-
qu'on ne peut s'empôchcr de suivre les ar-
dents, ce sont bien en vérité des démons (3).
il y eut, sous le règne de Louis Xlll, une
(l) Brown, Erreurs popnlairps, liv. VII, cli. o.
(i) Lf iml des ardeiUs. i\u\ se iioiiim.iii aussi f,;u infer-
nul. et feu SaiiU-A.iiloiiie, claili Paris uue affreuse m^taJie
histoire de revenant qui fit assez de bruit- a
Marseille ; c'était une espèce de feu ardent
ou d'homme de feu. Le comte et la comtesse
d'Alais voyaient toutes les nuits un spectre
enflammé se promener dans leur chambre ,
et aucune force humaine ne pouvait le forcer
à se retirer. La jeune dame supplia son mari
de quitter une maison et une ville où ils nu
pouvaient plus dormir. Le comte, qui se
plaisait à Marseille, voulut employer d'abord
tous les moyens pour l'expulsion du fantôme.
Gassendi fut consulté ; il conclut que ce fan-
tôme de feu qui se promenait toutes les nuits
était formé par des vapeurs enflammées que
produisait le souffle du comte et de la com-
tesse ;.... d'autres savants donnèrent des ré-
ponses aussi satisfaisantes. On découvrit
enfin le secret. Uue femme de chambre ,
cachée sous le lit , faisait paraître un phos-
phore à qui la peur donnait une taille et des
formes effrayantes; et la comtesse elle-même
faisait jouer cette farce pour obliger son
mari à partir de Marseille , qu'elle n'aimait
pas....
ARGENS ( BoYER d' ) , marquis , né en
170i , à Aix en Provence. Ou trouve, parmi
beaucoup de fatras, des choses curieuses
sur les gnomes, les sylphes, les ondins el les
salamandres, dans ses « Lettres Cabalistiques,
ou Correspondance philosophique, historique
et critique entre deux cabalisies, divers es-
prits élémentaires et le seigneur Astaroth. »
La meilleure élition est de 1769 , 7 vol. in-
12. Ce livre, d'un très-mauvais esprit, est
infecté d'un philosophismc que l'auteur a des-
avoué ensuite.
ARGENT. L'argent qui vient du diable
est ordinairement de mauvais aloi. Deirio
conte qu'un homme , ayant reçu du démon
une bourse pleine d'or, n'y trouva le lende-
main que des charbons et du fumier.
Un inconnu, passant par un village, ren-
contra un jeune homme de quinze ans, d'une
figure intéressante el d'un extéiieur fort
simple. Il lui demanda s'il voulait être riche ;
le jeune homme ayant répondu qu'il le dési-
rait, l'inconnu lui donna un papier plié, et
lui dit qu'il en pourrait faire sortir autant
d'or qu'il le souhaiterait, tant qu'il ne le
déplierait pas ; el que s'il domptait sa curio-
sité, il connaîtrait avant peu son bienfaiteur.
Le jeune homme rentra chez lui, secoua son
trésor mystérieux, il en tomba quelques
pièces d'or.... Mais, n'ayant pu résister à la
tentation de l'ouvrir, il y vit des griffes de
chat, des ongles d'ours, des pattes de cra-
pauds, et d'autres figures si horribles, qu'il
jeta le papier au feu , où il fut une dtuni-
hruresans pouvoir se consumer. Les pièces
d'or qu'il en avait tirées disparurent , et il
reconnut qu'il avait eu affaire au diable.
Un avare, devenu riche à force d'usures,
se sentant à l'article do la mort, pria sa
femme de lui apporter sa bourse, afin qu'il
pût la voir encore avant de mourir. Quand
il la tint, il la serra tendrement, el ordonna
éplJému|ue, une sorte de lèpre brûlaute , dont oo dut U
giiciisoii à sainte Geneviève.
(5J Discours des spectres, Hv I, cb. 7.
W7
ARG
A m
1'3
qu'on l'entorrâlavoc lui, p.irce qu'il trouvait
l'idée de s'en séparer déchirante. On ne lui
promit rien précisément; et il mourut en
contemplant son or. Alors on lui arracha la
bourse des mains, ce qui ne se fit pas sans
peine. Mais quelle fut la surprise de la fa-
mille assemblée , lorsqu'en ouvrant le sac
on y trouva, non plus des pièces d'or, mais
deux crapauds 1 Le diable était venu , et
en emportant l'âme dcl'usurier, il avait em-
porté son or, comme di'ux choses insépa-
rables et qui n'en faisaient qu'une (lU
Voici autre chose: un homme qui n'avait
que vingt sous pour toute fortune se mit à
vendre du vin aux passants. Pour gagner
davantage, il mettait autant d'eau que de vin
dans ce qu'il vendait. Au bout d'un certain
temps, il amassa , par cette voie injuste, la
somme de cent livres. Ayant serré cet argent
dans un sac de cuir, il alla avec un de ses
amis faire provision de vin pour continuer
son trafic; mais, comme il était près d'une
rivière, il tira du sac de cuir une pièce de
vingt sous pour une petite emplette; il tenait
le sac dans la main gauche et la pièce dans
la droite; incontinent un oiseau de proie
fondit sur lui et lui enleva son sac , qu'il
laissa tomber dans la rivière. Le pauvre
homme, dont toute la fortune se trouvait
ainsi perdue , dit à son compagnon : — Dieu
est équitable; je n'avais qu'une pièce de
vingt sous quand j'ai commencé à voler; il
m'a laissé mon bien, et m'a ôté ce que j'a-
vais acquis injustement (2).
Un étranger bien vêtu , passant au mois
de septembre 1606 dans un village de la
Franche-Comté, acheta une jument d'un
paysan du lieu pour la somme de dix- huit
ducatons. Comme il n'en avait que douze
dans sa bourse, il laissa une chaîne d'or en
gage du reste, qu'il promit de payer à son
retour. Le vendeur serra le tout dans du
.papier, elle lendemain trouva la chaîne dis-
parue , et douze plaques de plomb au lieu
des ducalons (3).
Terminons < n rappelant un stupide usage
de quelques villageois qui croient que, quand
on fait des beignets avec des œufs, de la fa-
rine et de l'eau, pendant la messe de la Chan-
deleur, de manière qu'on en ait de faits après
la messe, ou a de l'argent pendant toute
l'année (i).
On en a toute l'année aussi, ([uind on en
porte sur soi le premier jour où l'on entend
le chant du coucou, — et tout le mois, si on
on a dans sa poche la première fois (ju'oii
voit la lune nouvelle.
ARGKNT POTABLE. Si vous êtes versé
dans les secrets de l'alchimie et que vous
souhaitiez possédercette panacée, prenez <lu
soufre bleu céieste; mettez-le dans un vase
de verre; versez dessus d'excellent esprit
de vin; faites digérer au bain pendant vingt-
quatre heures; et quand l'esprit de vin aura
attiré le soufre par distillation, prenez une
(1) Caosariillisl.demorifîntibns, cap. 30 Mirac.lib. II.
(2) Sailli OréKoire de Tours, livre des Miracles.
(5j I5iigii(M, Discours (les sorcii.TS.
(4J ï'Iiii.rs^ Ujili des siipersl., elc.
part de ce soufre; versez dessus trois fois
son poids d'esprit blanc mercuriel extrait
du vitriol minéral; bouchez bien le vase;
faites digérer au bain vaporeux jusqu'à ce
que le soufre soit réduit en liqueur; alors
vrrsez dessus de très-bon esprit de vin à
poids égal; digérez-les ensemble pendant
quinze jours; passez le tout par l'alambic ;
relirez l'esprit par le bain tiède, et il restera
une liqueur qui sera le vrai argent potable,
ou soufre d'argent, qui ne peut plus être re-
mis en corps. Cet élixir blanc est un remède
à peu près universel , qui fait merveilles en
médecine, fond l'hydropisie et guérit tous les
maux intérieurs 5).
ARGOUGES. Voy. Fées, à la fin.
ARIGNOTE. Lucien conte qu'à Corinthe,
dans le quartier de Cranaûs , personne n'o-
sait habiter une maison qui était visitée d'un
spectre. Un certain Arignote, s'étant muni
de livres magiques égyptiens, s'enferma dans
celle maison pour y passer la nuit, el se mit
à lire tranquillement dans la cour. Le spectre
parut bienlât ; pour effrayer Arignote, il prit
d'abord la figure d'un chien, ensuite celles
d'un taureau et d'un lion. Mais, sans se
troubler, Arignote prononça dans ses livres
des conjurations qui obligèrent le fantôme à
se retirer dans un coin de la cour, oii il
disparut. Le lendemain ou creusa à l'endroit
où le spectre s'était enfoncé; on y trouva un
squelette auquel on donna la sépulture, et
rien ne parut plus dans la maison. — Cette
anecdote n'est autre chose que l'aventure
d'Athénodore, que ^ucien avait lue dans
Pline, el qu'il accommode à sa manière pour
divertir ses lecteurs.
ARIMANE , prince des enfers chez les
anciens Porses, source du mal, démon noir,
engendré dans les ténèbres (6), ennemi d'O-
romaze, principe du bien. Mais celui-ci est
éternel, tandis qu'Arimane est créé et doit
périr un jour.
ARiOCH , démon de la vengeance, selon
quelques démonographes; différent d'Alas-
lor, et occupé seulement des vengeances
particulières de ceux qui l'emploient.
ARIOLISTES, devins de l'antiquilé, dont
le métier se nommait ariolntio, parce qu'ils
devinaient par les autels {ab aris). Us con-
sultaient les démons sur leurs autels, dit
Daugis(7); ils voyaient ensuite si l'autel
tremblait ou s'il s'y faisait quelque merveille,
et prédisaient ce que le diable leur inspirait.
ARISTEE, — charlatan de l'île de Proco-
nèse, qui vivait du temps de Crésus. Il disait
que son âme sortait de son corps (|uand il
voulait, et qu'elle y retournait ensuite. Les
uns content qu'elle s'échappait, à la vue de
sa femme et de ses enfants , sous la figure
d'un cerf, Wierus dit sous la figure d'un
corbeau (8). —Hérodote rapporte, dans son
quatrième livre, que cet Aristée, entrant un
jour dans la boutique d'un foulon, y tomba
mort; que le foulon courut avertir ses pa-
(5) Traité de chimie pliilosopli. et hermétique
(6) Plutarqiie, sur Isis el Usiris.
(7) Traité sur la magie, elc, p. 66.
(8) De PrKjiigiis (Jxiii., lib. 1, cai>. li.
p. 16â.
119
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
420
renis, qui arrivèrent pour le faire enterrer.
M.iis on ne trouva plus le corps. Toute la
▼ ille étail en grande surprise, (juand des gens
(|ui revenaient de quel()uc voyage assurèrent
qu'ils aviiienl rcnronlré Arislée sur le che-
min de Crolone (1). 11 paraît que célail une
I spècf de v.itnpire. Hérodote ajoulo qu'il re-
parut au bout de S' pi ans à Proconèse, y
coin[iosa un poëuie el uiourut de nouveau.
Lenoyer, (|ui regarde Aristéc comnie un
sorcier à exlasos (-2) , elle une aulorilé d'a-
près laquelle, à l'heure môme ou ce vamiiire
disparut pour la seconde fois , il aurait élé
transporté en Sicile, et s'y serait fait maître
d'école.
Il se montra encore trois cent quarante
ans après, dans la ville de Métaponle , et il
y fit élever des monuments qu'on voyait du
temps dHérodole. Tant de prodiges engagè-
rent les Siciliens à lui consacrer un temple,
où ils l'honoraient comme un demi-dieu.
ARISTODEME , roi des Messéniens. Voy.
Ophioneus et Ololygmancie.
ARISTOLOCHIE , ou paille de sarrasin,
ou plutôt espèce de plante appelée pistoloche,
avec laquelle Apulée prétendait qu'on pou-
vait dénouer l'aiguillette, sans doute en l'em-
ployant à des fumigations. Voy. Ligatures.
ARISTOMENE , général messénien , si
habile et si adroit que, toutes les fuis qu'il
tombait au pouvoir des Athéniens, ses enne-
mis, il trouvait moyen de s'échapperdc leurs
mains. Pour lui ôler celte ressource , ils le
firent mourir; après quoi on l'ouvrit et on
lui trouva le cœur tout velu el tout couvert
de poils (3).
ARISTOTE , que l'Arabe Averroës ap-
pelle le comble de la perfection humaine. Sa
philosophie a toujours été en grande véné-
ration, el son non» ne peut recevoir trop
d éclat. Mais il ne fallait pas se quereller pour
ses opinions et emprisonner dans un temps
ceux qui ne les partageaient pas , pour em-
prisonner dans un autre ceux qui les avaient
adoptées. Ces querelles, au reste, n'ont élé
élevées que par les hérétiques.
Delancre semble dire qu'Aristote savait la
magie naturelle (4); mais il ne parle guère
en homme superstitieux dans aucun de ses
écrits. Quant à la vieille opinion, soutenue
par Procape et quelques autres, qu'Aristote,
ne pouvant comprendre la raison du flux et
du reflux de l'Euripe, s'y précipita en faisant
de désespoir ce mauvais calembourg: — Puis-
que je ne puis te saisir, saisis-moi (5) ; —
cette opinion est aujourd'hui un conte mé-
prisé.
Aristote joue, dans un vieux fabliau fran-
çais, un rôle assez ridicule. Un jour, dit le
conteur, il reprocha à son élève le trop grand
amour qu'il portail à une jeune Indienne, et
l'oubli de tout devoir où le jetait cette pas-
(1) Pjularque, dans la Vie d« Romulus.
(2) Discours des spectres, liv. IV, cli. ti.
(3) Valère-Maiiine, liv. I, cU 8, exl. u- \f}.
(i) Tableau du l'iucoiistaiice dos mauvais ances pic
liv. Vl.ilisc. 2. '' • •
(fi). Si quidtni ego non capio lo, lu capies nie
(6J H. Lcrouï Ue iiiicjf, Léacude dUii.pocriil^-
sion. Le Macédonien, écoutant les leçons (i«
la sagesse , promit de rompre d'indignes
liens. L'Indienne connut la cause de ce chan-
gement subit et prit la résolution de s'en
venger. Elle alla trouver le philosophe, et
comme il n'était protégé que par sa pauvre
philosophie, clic; l'eut bienlôl séduil par ses
agaceries. Quand elle eul tourné l'esprit du
vieillard, elle exigea, pour prix de ses sou-
rires, qu'il satisfit à un désir qu'elle avait
toujours eu ; c'était qu'il consentît à la lais-
ser se mtltre à cheval sur son dos. Arislole,
chauve cl ridé, n'i ut pas la force de refuser
une demandeaussi absurde. La fine Indienni-,
allant chercher aussilôt une selle et une
bride, plaça la selle sur le dos du philosophe,
et la bride dans sa bouche; puis elle sauta
sur lui comme sur un roussin. En ce mo-
ment, Alexandre, qui étail prévenu, parut à
une fenêtre, et put adresser à son maître les
mêmes leçons que ce dernier lui donnait peu
de jours auparavant (6).
On ne sail trop la source de cet autre conte.
On a prétendu qu'Aristote ayant épousé la
nièce ( d'autres disent la fille ou la petile-
fille ) d'Hermias, son ami, il en devint si
épris, qu'il alla jusqu'à lui offrir des sacri-
fices. En tout cas, l'aventure du fabliau est
citée dans les Amours d'Euriale, d'^Encas
Sylvius. Spranger , peintre de l'empereur
Rodolphe II, en a fait, au commencement du
dix-septième siècle, un tableau que Sadeler
a gravé. Le vieil amoureux est représenté
marchant à quatre pattes , avec le mors en
bouche, et portant sur son dos la dame qui,
d'une main tient la bride, et de l'autre, un
fouet (7).
Nous ne citerons ici des ouvrages d'Aris-
toie que ceux qui ont rapport aux matièri s
que nous traitons : 1° De la Divination par
les songes; 2° Du Sommeil et de la veille, im-
primés dans ses œuvres. On peut consulter
aussi les remarques de Michel d'Ephèsc sur
le livre de la Divination par les songes (8j, cl
la Paraphrase de Thémistius sur divers trai-
tés d'Aristole, principalement sur ce même
ouvrage (9).
ARITHMANCIE ou ARITHMOMANCIE.
Divination par les nombres. Les Grecs exa-
minaient le nombre et la valeur des lettres
dans les noms de deux combattants, el en
auguraient que celui dont le nom renfer-
mait plus de lettres et d'une plus grande va-
leur remporlerail la victoire. C'est en vertu
de cette science que quelques devins avaient
prévu qu'Heclor devait être vaincu par
Achille.
Les Chaldéens, qui pratiquaient aussi l'a-
rithmomancie, partageaient leur alphabet en
trois parties, chacune composée de sept let-
tres, qu'ils attribuaient aux sept planètes,
pour en tirer des présages. Les platoniciens
et les pythagoriciens étaient fort adonnés i
(7) Fabliaux de Legrand d'.iussv, t. I.
(S) MiLbaelis Ë|.liesii AnnutJtiunes in Âristotelem, de
soinno, iJ est, de diviiialioiie per soiunum. Veuise, iu-8°,
10^7.
(9J Tbemistii Paraphrasls in Aristoleleni de niomoria et
reniiui.sccntia, île in.suiiiniis, de dlvinalioiie per soinuun!,
laUii > iiileriirele lleiiuuUo Uarbaio. Bàle, m-S% 13iW.
121
ARM
ARN
l'Jfi
cette divination, qui comprend aussi une
partie de la cabale des Juifs (1).
ARIUS, fameux hérétique qui niait la di-
vinité de Jésus-Clirist, Nolre-Scigneur. Voici
comment on raconte sa mort : — Saint
Alexandre, évêciue de Byzance, voyant que
les sectateurs d'Arius voulaient le porter en
triomphe, le lendemain dimanche, dans le
temple du Seigneur, pria Dieu avec zèle
d'empêcher ce scandale, de peur que si
Arius entrait dans l'église, il ne semblât que
l'héresic y fût entrée avec lui. Et le lende-
main dimanche, au moment où l'on s'atten-
dait à voir Arius, l'hérétique ivrogne, sen-
tant un certain besoin qui aurait pu lui élre
fort incoiiiniode dans la cérémonie de son
triomphe, fut obligé d'aller aux lieux se-
crets, où il creva par le milieu du ventre,
perdit les intestins, et mourut d'une mort
infâme et malheureuse, frappé, selon quel-
ques-uns, par le diable, qui dut en recevoir
l'ordre, car Arius était de ses amis.
ARMANVILLE. Une dame d'Armanville, à
Amiens, fut battue dans son lit en 17i6. Sa
servante attesta que le diable l'avait maltrai-
tée. La cloche de la maison sonna seule ; on
entendit balayer le grenier à minuit. Il sem-
bla même que les démons qui prenaient cette
peine, avaient un tambour et faisaient en-
suite des évolutions militaires. La dame, ef-
frayée, quitta Amiens pour retourner à Pa-
ris ; c'est ce que voulait la femme de cham-
bre, il n'y eut plus de maléfice dès lors, et
l'on a eu toit de voir là autre chose que de
la malice.
ARMÉES PRODIGIEUSES. Au siège de
Jérusalem par Titus, et dans plusieurs au-
tres circonstances, on vit dans les airs des
armées ou des troupes de fantômes, phéno-
mènes non encore expli(iués, et qui jamais
ne présagèrent rien de bon.
Plutarque raconte, dans la vie de Thémis-
tode, que pendant la bataille de Salamine,
on vit en l'air des armées prodigieuses et
des figures d'hommes qui, de l'île d'Egine,
tendaient les mains au-devant des galères
grecques. On publia que c'étaient les Eaci-
dcs , qu'on avait invoqués avant la ba-
taille.
Quelquefois aussi on a rencontré des trou-
pes de revenants et de démons allant par ba-
taillons et par bandes. Voy. Retz, etc.
En 1123, dans le comté de Worms, on vit,
pendant plusieurs jours, une multitude de
gens armés, à pied et à cheval, allant et ve-
nant avec grand bruit, et qui se rendaient
tous les soirs vers l'heure de none, à une
montagne qui paraissait le lieu de leur réu-
nion. Plusieurs personnes du voisinage s'ap-
prochèrent de ces gens armés, en les conju-
rant, au nom de Dieu, de leur déclarer ce
que signifiait cette troupe innombrable et
quel était leur projet. Un des soldats ou f;in-
tbmes répondit : Nous ne sommes pas ce que
(1) Delancre, Incrédulilé el mécréanco du sortilège
pleinement convaincue, traité 3.
(^) Clironique d'Ursperg.
(5) Tableau de l'inconstance des mauvais anges, etc.,
liv. I.
VOUS vous imaginez, ni de vrais fantômes,
ni de vrais soldats. Nous sommes les âmes
de ceux qui ont été tués en cet endroit dans
la dernière bataille. Les armes et les chevaux
que vous voyez sont les instruments de notre
supplice, comme ils l'ont été de nos péchés.
Nous sommes tout en feu, quoique vous n'a-
perceviez en nous rien qui paraisse en-
flammé. — On dit qu'on remarqua en leur
compagnie le comte Enrico el plusieurs au-
tres seigneurs tués depuis peu d'années, qui
déclarèrent qu'on pouvait les soulager par
des aumônes et des prières (2). Voy. Appa-
ritions, Phénomènes, Visions, Aurore bo-
réale, etc.
ARMIDE. L'épisode d'Armide, dans le
Tasse, est fondé sur une tradition populaire
qui est rapportée par Pierre Delancre (3).
Cette habile enchanteresse était fille d'Arbi-
lan, roi de Damas ; elle fut élevée par Hi-
draote, son oncle, puissant magicien, qui en
fit une grande sorcière. La nature l'avait si
bien partagée, qu'elle surpassait en attraits
les p'us belles femmes de l'orient. Son oncle
l'envoya comme un redoutable ennemi, vers
la puissante armée chrétienne que le pape
Urbain JI avait rassemblée sous la conduite
de uudefroi de Bouillon; et là, comme dit
Delancre « elle charma en effet quelques
chefs croisés ; » mais elle ne compromit pas
l'espoir des chrétiens.
ARMO.MANCIE, divination qui se faisait
par l'inspection des épaules ('i^). On juge en-
core aujourd'hui qu'un homme, qui a les
épaules larges, est plus fort qu'un autre qui
les a étroites.
ARNAUD DE BRESSE, moine du douzième
siècle, disciple d'Abeilard. Turbulent et am-
bitieux, il se fit chef de secte II disait que
les bonnes œuvres sont préférables au sacri-
fice de la messe ; ce qui -est absurde ; car le
sacrifice de la messe n'empêche pas les bon-
nes œuvres , il les ordonne au contraire ; et
ra comparaison n'avait pas le sens commun.
11 avait jeté le froc, comme tous les réfor-
mateurs. Ayant excité de grands troubles, il;
fut pris et brûlé à Rome en 1155. On l'a mis
au rang des sorciers; il ne l'était guère,
mais il était dissolu et il fit beaucoup de mal..
ARNAULD ( Angélique ). Apparition ds
la mère Marie-Angétique'*Arnauld , abbesse
de Port-Royal de Paris, peu avant la mort
de la sœur Marie-Dorothée Perdereau, ab-
besse intruse de ladite maison; rapportée
dans une lettre écrite en 1683, par M. Du-
fossé, à la suite de ses. mémoires sur Port-
Uoyal. — t Deux religieuses de Port-Royal,
étantà veiller le Saint Sacrement pendant la
nuit, virent tout d'un coup la feue mère An-
gélique, leur ancienne abbesse, se lever du
lieu où elle avait été inhumée , ayant eu
main sa crosse abbatiale, marcher tout la
long du chreur et s'aller asse lir à la place
où se met l'abbesse pendant les vêpres.
(t) Du mot latin annus, épaule. Les anciens apijli-
quaicnl surtout celle divination aux animaux. Ils ju-
geaient par t'armouiancic si la victime était Iwnne [>om,
les dieux.
t2S
DICTIONNAIKE DES SCIENCES OCCULTES.
lii
« Etant assise, elle appela une religieuse
qui paraissait au même lieu, et lui orilonna
d'aller chercher la sœur Dotolhée, laquelle,
ou du moins son esprit, vint se présenter
devant la mère Angélique , qui lui parla
pendant que!<|ue lemps, sans qu'on pût en-
tendre ce qu'elle lui disait; après quoi, tout
disparut.
« On ne douta point que la mère Angé-
lique n'eût ('ité la sœur Dorothée devant
Dieu; et c'est la manière dont elle l'inier-
préta eilo-mérne, lors(iue les deux religieu-
.ses qui avaient été ténioiusde celte appari-
tion la lui rapporièieiit. Elle s'écria: — Ah 1
je mourrai bientôt. El en effet, elle mourut
(|uinze jours ou trois semaines après. »
Voilà !
ARNAULD DE VILLENEUVE, médecin,
astrologue et alchimiste, qu'il ne faut pas
confondre, cotnme on l'a fait quelquefois,
avec Arnaud de Bresse. H était né auprès de
Montpellier; il mourut dans un naufrage en
13U.
La chimie lui doit beaucoup de découver-
tes ; il ne cherchait, à la vérité, que la pierre
philosophale et ne songeait qu'à faire do
l'or; mais il trouva les trois acides sulfuri-
que, muriatique et nilri(iue. Il composa le
premier de l'alcool et du ratafia; il lit con-
naître l'essence de térébenthine, régularisa
la distillation, etc. Il mêlait à ses vastes
connaissances en médecine des rêveries as-
trologiques, et il prédit la fin du monde pour
l'année 1335.
On l'accusa aussi de magie. François Pe-
gna dit qu'il devait au démon tout ce qu'il
savait d'alchimie, et Mariana (1) lui repro-
che d'avoir essayé de former un homme avec
de certaines drogues déposéi-s dans une ci-
trouille. Mais Deirio justifie Arnauld de Vil-
leneuve de ces accusations; et le pape Clé-
ment V ne l'eût pas pris pour son médecin
s'il eût donné dans la magie. — L'inquisi-
tion de Tarragone fit brûler ses livres, trois
ans aprè^ sa mort, mais el'e les fit brûler
comme étant empreints de plusieurs senti-
uients hérétiques.
On recherche d'Arnauld do Villeneuve un
traité de l'explication des songes (2) : mais
on met sur son compte beaucoup d'ouvrages
d'alchimie ou de'magie auxquels il n'a pas
eu la moindre part. Tels sont : le livre des
Ligatures physiques (3), qui est une traduc-
tion d'un livre arabe ; et celui des Talismans
des douze signes du zodiaque (i). On lui at-
tribue aussi faussement le livre stupide et
infâme des Trots imposteurs.
ARNOUX, auteur d'un volume in-12, pu-
blié à Rouen, en 1630, sous le titre des Mer-
veilles de l'autre monde , ouvrage écrit dans
un goût bizarre et propre à troubler les
imaginations faibles, par des contes de vi-
sions et d • revenants.
A RNUI'UIS, sorcier égyptien. Voyant Marc-
Aurèle et suu armée engagés dans des défilés
(11 Reriim liispaiiic. llb. XIV, cap. ix.
(2) Annldi de Villanova til)ellus de somiiifiruin inter-
{TeUitionc ul soiuuia Daiiielis.
Uès-rai'u.
iu-i". Aucieuuc cdiliou
dont les Quades fermaient l'issue, et mou-
rant de soif sous un ciel brûlant, il fit tom-
ber, par le moyen de son art, une pluie pro-
digieuse qui permit aux Romains de se dés-
altérer, pemlant que la grêle et le tonnerre
fondaient sur les Quades et les contraignaient
à rendre les armes. C'est ce que racontent,
dans un but intéressé , «luelques auteurs
pa'ii'us. D'autres font honneur de ec proilige
aux impuissantes prières do iMarc-Aurôle.
Lis auteurs chrétiens, lis seuls ('ui soii'nt
ici dans la vérité, l'attribuent unanimement,
et avec toute raison, à la prière des soldats
chrétiens qui se trouvaient dans l'armée ro-
maine.
ARNDS, devin tué par Hercule, parce qu'il
faisait le métier d'espion. Apollon vengea la
mort d'Arnus, qu'il insfiirail, en mettint la
peste dans le camp des Héraclides. 11 fallut,
pour faire cesser le fléau , établir des jeux eu
i'iionneur du défunt.
A ROT. Voy. Marot.
ARPUAXAT, sorcier perse, qui fut tué
d'un coup de foudre , si l'on en croit Abdias
de B.ibylone (2) , à l'heure même du martyre
de saint Simon et de saint Judo. — Dans uni-
possession qui fil du bruit à Loudun (6), on
cite un démon Arphaxal.
ART DE SAINT ANSELME. Moyen super-
stitieux de guérir, employé par des impos-
teurs ()ui prenaient le no u d'anseluiistes. ils
se contentaient de toucher, avec certaines
paroles, les linges qu'on appliquait sur les
blessures. Ils devaient le secret de leur art,
disaient-ils, à saint Anselme de Cantorbéry.
Aussi l'appelaienl-ils l'art de saint Anselme,
voulant de la sorte se donner un certain >er-
nis. Mais Deirio assure que leur véritable
chef de file est Anselme de Parme.
ART DE SAINT PAUL. Moyen de prédire
les choses futures , que des songes creux ont
prétendu avoir été enseigné à saint Paul ,
dans son voyage au troisième ciel. Des char-
latans ont eu le front de s'en dire héritiers.
ART DES ESPRITS, appelé aussi art an-
gélique. Il corisiste dans le talent d'évoquer
les esprits, et de les obliger à découvrir les
choses cachées. D'autres disent que l'art an-
gélique est l'art de s'arranger avec son ange
gardien, de manière à recevoir de lui la ré-
vélation de tout ce qu'on veut savoir. Cet art
superstitieux se pratique de dc:ix manières,
ou par des extases, dms lesquels on reçoit
des avis, ou par des entreliens avec l'ange
que l'on cvo(|ue, qui apparaît, et qui, «n
celte circonstance, n'est pas, sans doute, un
ange de lumière. Yoij. Evocatiox.
ART NOTOIRE , espère d'encyclopcilic
inspirée. Le livre superstitieux, qui coniii'nt
les principes de l'art notoire, promet la
connaissance de toutes les sciences en qu'i-
ti>rze jours. L'auteur du livre dit elTroiilc-
menl que le Saint-Esprit le dicta à s.iint
Jérôme. Il assure en( ore que Salooion n'a
obtenu la sagesse el la sciL-ncc universelle
(.") De Ptiysicis ligaliiris.
(i) t)e Si^illisduuileciiii hignorum.
(■>) C.irlaiiiiTiis aiioslulici, lib. M.
(G) Voyei Uranditr.
t25
ART
ART
US
qne pour avoir lu en une seule nuit ce mer-
veilleux livre. Il faudrait qu'il eût déjà été
dicté à quelque enfant d'Israël; car ce serait
un prodige trop grand, que Salomon eût lu
le manuscrit de saint Jérôme. Mais les fai-
seurs d'écrits de ce genre ne reculent pas
pour si peu.
Gilles Bourdin a publié, an seizième siècle,
un grimoire obscur, sous le titre de l'Art no-
toire. Il n'est pas probable que ce soit la
"îonne copie, qui sans doute est perdue.
Dcirio dit que, de son temps, les maîtres
de cet art ordonnaient à leurs élèves une
certaine sorte de confession générale, des
jeûnes , des prières , des retraites , puis leur
faisaient entendre, à genoux, la lecture du
livre de VArt notoire, et leur persuadaient
qu'ils étaient devenus aussi savants que Sa-
lomon, les prophéties et les apôtres. Il s'en
trouvait qui le croyaient.
Ce livre a été condamné par le pape Pie V.
Mêlant les choses religieuses à ses illusions,
l'auteur recommande entre autres soins de
réciter tous les jours, pendant srpl semaines,
les sept psaumes de la pénitence, et de chan-
ter tons les malins, au lever du soleil, le
Veni, Creator, en commençant un jour de
nouvelle lune , pour se préparer ainsi à la
connaissance de VArt notoire (1). Erasme,
qui parle de ce livre, dans un de ses col-
loques, dit qu'il n'y a rien compris; qu'il
n'y a trouvé que des figures de dragons, de
lions, de léopards, des cercles, des triangles,
des caractères hébreux , grecs , latins , et
qu'on n'a jamais connu personne qui eût rieu
appris dans tout cela.
Des doctes prétendent que le véi itabîe Ars
noloria n'a jamais été écrit, et que l'esprit
te révèle à chaque aspirant préparé. (.Mais
quel esprit? ) Il leur en fait la lecture pen-
dant leur sommeil , s'ils ont sous l'oreille la
nom cabalistique de Salomon , écrit sur une
lame d'or ou sur un parchemin vierge. Mais
d'autres érudits soutiennent que VArs no-
toria existe écrit, et qu'on le doit à Salomon.
Le croira qui pourra.
ART SACERDOTAL. C'est, selon quelques
adeptes, le nom que les Egyptiens donnaient
à l'alchimie. Cet art, dont le secret, recom-
mandé sous peine de mort, était écrit en
langue hiéroglyphique , n'était communi-
qué qu'aux prêtres , à la suite de longues
épreuves.
ARTÉMIDOllE , Ephésien qui vécut du
temps d'Anlouin le Pieux. On lui attribue le
traité des songes, intitulé Oneirocriticon ,
publié pour la |iremière fois , en grec, à Ve-
nise, 1518, in-8°. Ou recherche la traduc-
(1) Franc. Torreblanca, cap. xiv, episl. de mag.
(2) Arlemidori E|iliesii Oniiirocritica, seu de souiniorum
iiilerprelaiione, grœc-lat. cuni notis Nie. KigalUi, in-i".
Paris, 160.'!.
(3) Ané!!iidore, De l'Explication des songes, avec le
livre d'Augus' in Nviilms, des Divinations, in-lB. Rouen,
liiOO ; édition augmenté», IfiOt.— lîpitome des cinq livres
d'Arléinidore, tiMitant des son;.50s, iradiiit du grec, par
Cbarles Fontaine ; avec \m recueil de Valére-Maxinie sur
le ni^'me sujet, traduit du latin, iii-S". lyon, tooo.
(l) Clavis ni;iji)ris sapientiae , imprimé dans le Théâtre
cliitninue. Frandorl, tOU, in-8° ou Strasbourg, 1009,
lion latine de Rigaut (2) , et quelques tra-
ductions françaises (3).
ARTÉPHIUS , philosophe hermétique du
douzième siècle, que les alchimistes disent
avoir vécu plus de mille ans , par les secrets
de la pierre philosophale. François Pic rap-
porte le sentiment de quelques savants qui
affirment qu'Artéphius est le même qu'Apol-
lonius de 'Tyanes, né au premier siècle, sous
ce nom , et mort au douzième , sous celui
d'Artéphius.
On lui attribue plusieurs livres extrava-
gants ou curieux : 1° VArt d'allonger sa vie
{ De Yita propaganda ) , qu'il dit , dans sa
préface, avoir composé à l'âge de mille vingt-
cinq ans ; 2" la Clej'de la Sagesse suprême^ (4) ;
3" un livre sur les caractères des planètes,
sur la signification du chant des oiseaux, sur
les choses passées et futures, et sur la pierre
philosophale (5). Cardan , qui parle de ces
ouvrages, au seizième livre de la Variété des
choses, croit qu'ils ont été composés par
quelque plaisant , qui voulait se jouer de la
crédulité des partisans de l'alchimie.
ARTIIÉMIA, fille de l'empereur Dioclélien.
Elle fut possédée d'un démon qui résista aux
exorcistes païens, et ne céda qu'à saint Gy-
riaque, diacre de l'Eglise romaine.
L'idée de rire et de plaisanter des posses-
sions et des exorcismes de l'Eglise est venue
quelquefois à des esprits égarés, qu'il eût été
bon peut-être d'exorciser eux-mêmes.
AllTHUS ou Artus , roi des Bretons , cé-
lèbre dans les romans de la Table-Ronde, et
dont la vie est entourée de fables. On pré-
tend qu'il revient la nuit , dans les forêts de
la Bretagne, chasser à grand bruit, avec des
chiens, dfs chevaux et des piqueurs, qui ne
sont que des démons ou des spectres, au sen-
timent de Pierre Delancre (6). Quand lo
grand-veneur apparut à Henri IV, dans la
forél de Fontainebleau , quubiues-uns dirent
que c'était la chasse du roi Arthus.
La tradition conserve , aux environs de
Huelgoat, dans le Finistère, le souvenir cu-
rieux de l'énorme château d'Arlhus. On
montre des rochers de granit eiitassés ,
comme étant les débris de ses vastes mu-
railles. Il s'y trouve, dit-on, des trésors
gardés par des démons qui souvent traver-
sent les airs, sous la forme de feux follets ,
en poussant des hurlements répétés par les
échos du voisinage (7'. L'orfraie, la buse et
le corbeau sont les hdles sinistres qui fré-
quentent ces ruines merveilleuses, où de
temps en temps apparaît l'âme d'Arthus avec
sa cour enchantée. Voy. Merlin.
Nous emprunterons à Legrand d'Aussy
(o) De Cliaracteribus ptanelarnm, canlu et motibus
avium, rerum praîieruarum et fulinarum, laiiideipie ()lii-
losophico Le Traité d'Ailcpbjus sur la pierre pliilusoiiliale
a été traduit en français par P. AruauU, et imprimé avec
ceux deSynésiiis et de Kliniel. P.irs, 161'2, tG"39, 168-2,
lii-4°. Ou attribue encore à Arlé|iliius, le Miroir des
miroirs, Spéculum speculorum, et le Livre secret. Liber
secretus.
(6) Tableau de l'inconstance des mauvais anges, liv. lY,
dise. 3.
(7; Cawtry, Voyage dans le Finistère, 1. 1, p. 277.
■
(tome !•• de ses Fabliaux), quelques noies
intéressantes sur le roi Artus.
Ce héros, fiimeux dans nos vieux romans,
qui le font régner dans la Graïuic-Brelagne,
fil beaucoup de conquêtes, et porta au plus
haut degré de gloire l'urdrc prétendu des
Chevaliers de la Table-Ronde , institués par
son père, et nommés ainsi d'une table mys-
térieuse que leur avait donnée l'enchanteur
Merlin. Artus possédait une épée magique
nommée Escalibor, à laquelle nulle arme ne
pouvait résister. Pour enseigne il avait un
dragon d'acierquivomissait des flammes, etc.
Malgré tous ces avantages merveilleux, il
fut tué dans une bataille avec un grand
nombre de chevaliers. On p'-ut voir dans La
Colombièie (1), le nom et les armoiries de
ces braves, la merveille du monde.
On a remarqué que le personnage d'Artus
est le fruit il'une jalousie nationale. Ce héros
prétendu de la romancerie anglaise, imaginé
pour suppléer Charleniagne, le héros de la
nôtre , n'en est qu'une copie maladroite.
Guerres, conquêtes, beaux faits d'armes, ca-
ractères, actions, tout est calqué. Si les ro-
manciers français donnent à Charles des
paladins, les romanciers bretons en font des
chevaliers de la Table-Ronde. La Vurandal,
cette épée fameuse que les premiers prôlenl
à leur héros, chez les seconds c'est VEscali-
bor. Il n'est pas jusqu'aux personnages se-
condaires, qui ne soient une imitation. Chez
nos poètes, le plus célèbre d'entre les pala-
dins est Roland, le neveu de Charlemagne;
chez nos rivaux, c'est Gauvain, le neveu
d'Artus. Enfin, ce qui, plus que tout le reste
encore, trahit ceux-ci, c'est qu'au couron-
nement de leur Artus, ils font assister les
douze pairs de Charlemagne (nos romanciers
appellent ainsi les douze chevaliers les plus
braves du monarque français).
On peut au reste alléguer ici, en faveur
de notre antériorilé, un témoignage irrécu-
sable : celui d'un auteur anglais, Warton,
qui a écrit sur l'origine des romans en Eu-
rope. Voici ce qu'il raconte au sujet de sa
patrie.
* Au commencement du douzième siècle,
on certain Gualter, ou Gautier, archidiacre
d'Oxford, ayant eu occasion de faire un
voyage dans notre Bretagne, y eut connais-
sance d'une vieille chronique, intitulée :
Brul-y-Brenhined (Histoire des rois bretons).
Aucun livre ne devait flatter davantage un
Anglais : aussi Gautier fit-il copier celui-ci,
et il l'emporta en Angleterre, dans le dessein
de le publier. A la vérité, l'ouvrage était
écrit en bas-breton ; mais Gautier savait que,
parmi ses compatriotes, les habitants de la
province de Galles enlendaient cette langue,
et il s'adressa, pour faire traduire sa chro-
nique, à un moine gallois, nommé Geoffroi
de Monmoulh. Geoffroi la traduisit en effet,
et, quoiqu'on ignore quand elle fut publiée,
néanmoins ce fut postérieurement à l'année
1138 ; mais le translateur, pour embellir son
sujet, se permit d'y faire des additions, et
d'y insérer certaines traditions populaires,
M Théâtre d'Honneur, l. II, p. 136
niCTlUN.NAlIlE DES SCIENCES OCCULTES. HH
tirées, soit de la province de Galles, sa pa-
trie, soit de la Bretagne oiî il les avait ap-
prises. Au nombre de ces choses intercalées,
étaient les prétendues prophélies de Mirliu,
enchanteur à qui Geoffroi faisait jouer un
grand rôle; enfin, il s'étendait beaucoup
sur It? couronnement d'Artus; et il y faisait
assister les douze pairs de Charlemagne.
(History of english puelry.) »
Tel est, en abrégé, le récit de \Varlon.
D'après cet exposé, il est aisé de concevoir
quel parti purent tirer de Merlin cl d'Artus
les romanciers qu'enfanta dans l'Angleterre
la chronique de Geoffroi. Quant à celte chro-
nique, je crains que Warton ne se soit trom-
pé, et que son Brul-y-Brenhined ne soit
notre Roman du Brut, ouvrage composé en
effet dans le. douzième siècle, mais composé
en Normandie, et qui contient une préten-
due histoire des rois d'Angleterre, dont le
premier, selon l'auteur, fut un certain Bru-
tus. Au reste, que le Brut-y- Brenhined soit
dû à la Bretagne ou à la Normandie, il n'en
esl pas moins une production de nos pro-
vinces septentrionales; et, à ce titre, elles
peuvent revendiquer tous ceux des romans
de chevalerie anglais qu'il a produits.
Donnons aussi, comme échantillon, un des
mille romans de chevalerie à enchantements,
qui ont célébré le roi Artus. Nous choisissons
le plus court que l'écrivain, à qui nous
avons emprunlé les notes précédentes , à
mis au commencement de son choix (d'ail-
leurs Irès-grossier, très-inconvenant et très-
mauvais) d'anciens fabliaux.
La mule sans frein,
Artus, aux fêles de la Pentecôte, tenait
cour plénière dans sa cité de Carduel; et
tout ce que ses états renfermaient de hauts
barons et de chevaliers, s'y était rendu. Le
second jour, au moment qu'on se levait de
table, on aperçut au loin, dans la prairie, une
femme qui paraissait venir vers le château, et
quiétaitmontéesur une mulesanslicolet sans
frein. Cet objet piqua la curiosité. Le roi, la
reine, tout le monde accourut aux fenêtres;
et chacun, cherchant à deviner, faisait sa
conjecture. Quand la dame fut plus à por-
tée, tous les chevaliers volèrent au-devant
d'elle : on l'aida à descendre. Son visage
était mouillé de pleurs et annonçait un graud
chagrin.
Introduite devant le prince, elle le salua
respectueusement, et s'élant essuyé les yeux,
lui demanda pardon de venir l'importuner
de ses douleurs ; mais on lui avait pris, di-
sait-elle, le frein de sa mule. Depuis ce jour
elle pleurait et se voyait condamnée aux
larmes, jusqu'à ce qu'il lui lût rapporté. Il
n'y avait que le plus brave des chevaliers
qui pût le conquérir et le lui rendre ; et où
chercher ce héros ailleurs qu'à la cour d'un
si grand roi? Elle pria donc Artus de per-
mettre que quelques-uns des braves qui
l'écoulaienl voulussent bien s'intéresser à
son malheur. Elle assurait !e chevalier qui
consentirait à devenir son champion, qu'il
serait conduit sûrement au lieu du cOMibal
par sa mule.
129
ART
ART
150
Tous allaient s'offrir et briguer l'honneur
du choix; mais le sénéchal messire Queux
saisit le premier la parole, et il fallut bien
accepter son appui. Il jura donc de rapporter
le frein, fût-il à l'exlrémitédu monde : il prit
(les armes et partit, se laissant conduire par
la mule, comme on le lui avait recommandé.
A peine fut-il entré dans la forêl, que des
troupeaux affamés de lions, de tigres et de
léopards, accoururent avec des rugissements
affreux pour le dévorer. Le pauvre Queux se
repentit bien alors de son indiscrète fanfa-
ronnade ; et, dans ce moment, il eût pour ja-
mais renoncé de grand cœur à tout l'hon-
neur de son entreprise. Mais, dès que ecs
animaux terribles reconnurent la mule, ils
se prosternèrent devant elle pour lui lécher
les pieds, et retournèrent sur leurs pas.
Au sortir de la forêt se présenta une vallée
si obscure, si profonde ei si noire, que l'hom-
me le plus brave n'eût osé y entrer sans fré-
mir. Ce fut bien pis encore , quand le séné-
chal y eût pénétré, et qu'entouré deserpents,
de scorpions et de dragons vomissant des
flammes, il ne marcha plus qu'à la lueur fu-
nèbre de ces feux menaçants. Autour de lui
tous les vents déchaînés mugissaient à la fuis,
des torrents grondaient comme le tonnerre ;
des montagnes s'écroulaient avec un fracas
horrible. Aussi , quoique l'air y fût plus froid
et plus glaçant que celui de mille hivers en-
semble, la sueur ruisselait sur tout son corps.
Il sortit pourtant, à la faveur de sa monture.
Après avoir encore marché quelque temps,
il arriva enfin à une rivière large et profonde
dont les eaux noires n'offraient ni pont ni
bateau, mais seulement une barre de fer en
forme di; planche. Queux, ne voyant point là
de passage, renonça à l'aventure et revint sur
ses pas. Malheureusement, il fallait repasser
par la vallée et la forêt. Les serpents et les
lions s'élançaient sur lui avec une espèce de
joie, et il en eût été dévoré mille fois , s'ils
l'eussent pu faire sans toucher à la mule.
Du plus loin qu'on l'aperçut du château ,
on s'apprêta à rire. Les chevaliers s'assem-
blèrent , comme pour le recevoir avec hon-
neur ; Artus lui-même vint au devant de lui;
hommes et femmes enfin, chacun le plaisan-
ta , et le malheureux sénéchal , ne sachant
plus à qui répondre, et n'osant lever les
yeux, disparut et alla se cacher.
La dame était plus affligée que lui encore.
Déchue de son espoir, elle pleurait amère-
ment et s'arrachait les cheveux. Le brave
Gauvain fut touché de ses douleurs. Il s'ap-
procha, lui offrit avec assurance son épée ,
promit de tarir ses larmes, et partit à son
tour sur la mule.
Les mêmi s dangers se représentèrent : il
n'en fit que rire. Les serpents cl les lions vin-
rent fondre sut lui : il tira son épée et allait
les combattre. Il n'en eut pas besoin ; les
moiistres, s'inclinant (le nouveau à l'aspect
de l'animal , se retirèrent tranquillement.
Enfin il arrive à la rivière, voit la barre, se
recommande à Dieu et s'élance sur ce pont
périlleux. Il était si étroit, qu'à peine la mule
Douvail-cUe y poser les pieds à moitié. Tout
autour du héros les vagues écumanles s'éle-
vaient en grondant, et s'élançaient sur lui
pourle renverserel l'engloutirimaisilfutiné-
branlableet aborda heureusement au rivage.
Là se présenta un château fortifié , garni
en dehors d'un rang de quatre cents pieux ,
en forme de palissades , dont chacun portait
sur sa pointe une tête sanglante, à lexcepliou
d'un seul qui, nu encore, semblait attendre
cet ornement terrible, La forteresse, entou-
rée d(! fossés profonds, remplis par un torrent
impétueux, tournait sur elle-même comme
une meule sur son pivot, ou comme le sabot
qu'un enfant fait pirouetter sous sa courroie.
Elle n'avait d'ailleurs aucun pont et parais-
sait interdire à Gauvain tout (noycn d'exer-
cer sa valeur. 11 résolut d'attendre néan-
moins, espérant que la forteresse peut-être,
dans une de ses révolutions , lui offrirait
quelque sorte d'entrée, et déterminé en tout
cas à périr sur le lieu, s'il le fallait, plutôt
que de retourner honteusement. Une porte
s'ouvriten effet: il piqna sa mule, lui fit sauter
ce large fossé, et se trouva dans le château.
Tout semblait y annoncer une dépopula-
tion récente : des rues vides (1), personne
aux fenêtres, partout le silence affreux de la
solitude. Un nain paraît enfin et le regarde
avec attention. Gauvain lui demande quel est
son seigneur ou sa dame , où l'on peut les
trouver, et ce qu'ils exigent. Le nain ne ré-
pond rien et se retire. Le chevalier poursuit
sa route et voit sortir d'une caverne un géant
d'une laideur affreuse, les cheveux hérissés,
et ariné d'une hache. Celui-ci applaudit à son
courage; mais il le plaint d'être venu tenter
une aventure dont l'issue ne peut que lui
être funeste, et que la palissade terrible eût
dû l'avertir d'éviter. Il lui offre ses services
cepi ndant, le fait manger, le traite bien , le
mène à la chambre où il doit coucher ; mais,
avant de soriir, il ordonne au héros de lui
abattre la télé, en annonçant qu'il viendra le
lendemain à son tour lui en faire autant.
G;iuvain prend son cimeterre, et fait rouler
la tête à ses pieds. Mais quel est son élonne-
ment de voir celui à qui elle appartient la
relever, la replacer sur ses épaules et sortir.
Il se couche néanmoins et dort tranquille-
ment, peu effrayé du sort qui l'attend le len-
demain. Au point du jour le géant arrive
avec sa hache pour effectuer sa promesse; il
éveille le chevalier; et selon leurs conditions
de la veille, lui ordonne de présenter sa tête,
Gauvain tend le cou sans balancer: ce n'é-
tait qu'une épreuve pour tenter son courage :
on le loue, on l'embrasse. Il demande alors
où il pourra aller chercher le frein , et cj
qu'il lui faut faire pour l'avoir.
— Tu le sauras avant la fin du jour, lui
dit-on; mais prépare toute ta valeur : jamais
tu n'en eus plus besoin.
A midi, il se rend au lieu du combat, et
voit un lion énor(ne qui , en écumant , ron-
geait sa chaîne , et de ses griffes creusait la
terre avec fureur. A la vue du héros, lo
monstre rugissant hérisse sa crinière; sa
(Ij Un château, au nioycii-5ge, éuil un bourg. Ou lui
doiiuïil aubsi ce uoin.
1S1
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
132
chalnotombecl il s'élnncc sur Gaïuain, dont
il ilécliiro le lia«l)ort. Après un long combat
cependant il est tué. Un autre est détaché
plus gr;ind et plus furieux encore : il périt de
même. Gauvain, ne voyant plus d'ennemis
paraître, demande le frein. Le géant, sans lui
répondre, le reconduit à sa chambre. 11 lui
fait servir à manger pour rétablir ses forces,
et lui présente ensuite un autre ennemi.
Gétait un chevalier redoutable, celui - là
môine qui dvait planté les pieux de l'enceinte,
et qui de sa main y avait ntlacbé les télos
dos (jualre cents chevaliers vaincus. On leur
amène à chacun un cheval; on leur donne
une forte lance ; ils s'éloignent pour prendre
carrière et fondent I un sur l'autre. Du pre-
mier choc leurs lances volent en éclats , et
les sangles de leurs chevaux se rompent. Ils
se rfc!èveiit aussitôt pour commencer à pied
un combat nouveau. Leurs armes releulis-
sent sous leur épée redoutable , leur écu
étincelle, et pendant deux heures entières la
victoire reste incertaine. Gauvain redouble
de courage : il assène sur la tête de son ad-
versaire un si terrible coup, que, lui fendant
le heaume jusqu'au cercle , il l'étourdit et
l'abat. C'en était (iùt du chevalier : il allait
périr s'il ne se fût avoué vaincu , et déjà on
lui arrachait les lacets de son heaume. Mais
il rendit son épée et demanda la vie. Dès ce
moment, tout fut terminé. Le vainqueur avait
droit au frein; on ne pouvait le lui refuser :
il ne restait plus que la ressource de l'y faire
renoncer lui-même , et voici comment on
espéra réussir.
Le nain, venant le saluer avec respect,
l'invita, de la part de sa maîtresse, à manger
avec elle. Elle le reçut très-paréc, assise sur
un siège magnifique dont les pieds étaient
d'argent, et que surmontait un pavillon orné
de broderie cl de pierres précieuses. Pen-
dant le repas, elle lui avoua que la dame
dont il servait la cause était sa sœur, et
qu'elle lui avait enlevé le frein.
— Mais si vous voulez renoncer aux
droits de votre victoire, ajuuta-l-elle, si vous
voulez vous fixer auprès de moi et me vouer
ce bras invincible dont je viens d'éprouver
la force, ce château et trente-huit autres plus
beaux encore sont à vous avec toutes leurs
richesses; et celle qui vous prie de les accep-
ter, s'honorera elle-même de devenir l'é-
pouse du vainjueur.
Gauvain ne fut point ébranlé par ces offres
séduisantes. 11 persista toujours à exiger le
frein ; et quand il l'eut obtenu, il repartit sur
sa mule, au milieu des cris de joie d'une
foule de peuple qui, à son grand élonnement,
accourut sur son passage : c'étaient les habi-
tants du château qui, confinés jusqu'alors
dans leurs maisons par la tyrannie de leur
dame, ne pouvaient en sortir sans être aus-
sitôt dévorés par ses lions, et qui, maintenant
libres, venaient baiser la main de leur libé-
rateur.
De retour à Carduel, le chevalier fut reçu
de la dame avec les transports et la recon-
naissance que devait inspirer un pareil ser-
OJ Wierus, de Prasl Jaein., lil). I, cap. vu
vice. Mais elle fit tout préparer aussitôt pour
son départ. En vain Artus et la reine la pres-
sèrent d'attendre que les fêtes fussent termi-
nées; rien ne put la retenir : elle prit congé
d'eux, monta sur sa mule et repartit...
Tels étaient généralement les romans de
chevalerie et de féerie si chers à nos pères.
Voy. FÉES. Enchantements, etc.
AllUNDEL (Thomas). Comme il s'était op-
posé (quatorzième siècle) aux séditions des
wickleffites, Chassaignon, dans ses Grandi et
redoutables jugements de Dieu, imprimés à
Morges en 1581, chez Jean Lépreux, impri-
meur des très-puissants seigneurs de Berne,
Chassaignon, réformé et défenseur de tous
les hérétiques, dit qu'il mourut cruellement,
la langue tellement eiidée qu'il ne pouvait
plus parler, « lui qui avait voulu empêcher
dans la bouche des disciples de Wickicff, le
cours de la sainte parole.... » Mais il n'ose
pas rechercher si Thomas Arundel fut ,
comme Wickleff, étranglé par le diable.
ARUSPICES, devins du paganisme, dont
l'art se nommait aruspicine. Ils examinaient
les entrailles des victimes pour en tirer des
présages; il fallait être de bonne maison
pour exercer cette espèce de sacerdoce. Ils
prédisaient 1° par la simple inspection des
victimes vivantes; 2" par l'état de leurs en-
trailles après qu'elles étaient ouvertes; 3° par
la flamme qui s'élevait de leurs chairs brû-
lées. — La victime qu'il fallait amener avec
violence, ou qui s'échappait de l'autel, don-
nait des présages sinistres; le cœur maigre,
le foie double ou enveloppé d'une double lu-
nique, et surtout l'absence du cœur ou du
foie, annonçaient de grands maux. On croi-
rait que les aruspices étaient habiles dans
l'art d'escamoter, car le cœur manqua aux
deux bœufs immolés le jour qu'on assassina
César. — C'était encore mauvais signe quand
la flamme ne s'élevait pas avec force et n'é-
tait pas transparente et pure; et si la queuo
de la bête se courbait en brûlant, elle mena-
çait de grandes difficultés dans les affaires.
Voy. Hépatoscopie.
AUZELS. Voy. Cheval.
ASAPHINS, devins ou sorciers chaidéens,
qui expliquaient les songes et liraient les
horoscopes.
ASCAROTH. C'est le nom que donnent les
dénionographes à un démon peu connu, qui
protège les espions et les délateurs. Il dépead
du démon Nergal.
ASCIK- PACHA, démon turc, qui favorise
les intrigues secrètes , facilite les accouche-
ments, enseigne les moyens de rompre les
charmes (1) , etc.
ASCLETARION, sorcier qui prédit à l'em-
pereur Domilien qu'il serait mangédes chiens;
sur quoi l'empereur le fit tuer, « ce qui ne
l'empêcha pas d'être mangé des chiens , ca-
sueliemenl, après sa morl (2).»
ASELLE. — L'aselle aquatique, espèce de
cloporte , était révérée des hlandais, qui
croyaient qu'en tenant cet insecte dans la
bouche, ou son ovaire desséché sur la langue,
ils obtenaient tout ce qu'ils pouvaient dé •
(i) Boguet, Discours des sorciers, cb. u.
rs
ASM
ASR
13!
sirer. Ils appelaient son ovaire sec jnerre à
soulunls.
ASHMOLE ( Eue), antiquaire et alchimis-
te anglais, né en 1617. On lui doit quelques
ouvriifîPS utiles, et le Musée asiimoléen d'Ox-
ford. Mais il publia à Londres, en 1652, un
volume in-4% intitulé : Thealrum chemicum
hrilannicum, contenant différents poënies des
philosophes anglaisqui ont écrit sur les mys-
tères hermétiques. Six ans après, il fit im-
primer If! Chemin du bonheur, in-4-% 1C58.
Ce traité, qui n'est pas de lui, mais auquel
il mit une préface, roule aussi sur la pierre
philosophale. Voy. Pierre philosophale.
ASILK. Les lois qui accordaient droit
d'asile aux criminels dans les églises, excep-
taient ordinairement les sorciers qui, d'ail-
leurs ne cherchaient pas trop là leur recours.
ASIMA, démon qui rit quand on fait le
mal. Il a été adoré à Emath, dans la tribu
de Nephtali, avant que les habitants de celte
ville fussent transportés à Samarie.
ASMODÉE, démon destructeur, le même
que Samaël, suivant quelques rabbins. U est
aux enfers surintendant des maisons de jeu,
selon l'esprit de quelques démonomanes, qui
ont écrit comme s'ils eussent fait en touristes
le voyage de l'autre monde. Il sème la dissi-
pation et l'erreur. — Les rabbins content
qu'il détrôna un jour Salomon; mais que bien-
tôt Salomon le cliargea de fers , et le força
de l'aider à bâtir le temple de Jérusalem. —
Tobie, suivant les mêmes rabbins, l'ayant
expulsé, avec la fumée du fiel d'un poisson,
du corps de la jeune Sara qu'il possédait,
l'ange Raphaël l'emprisonna aux extrémités
de l'Egypte. Paul Lucas dit qu'il l'a vu dans
un de ses voyages. On s'est amusé de lui à
ce sujet ; cependant on a pu lire dans le
Courrier de l'Egypte que le peuple de ce
pays adore encore le serpent d'Asmodée, le-
quel a un temple dans le désert de Ryanneh.
On ajoute que ce serpent se coupe par mor-
ceaux, et qu'un instant après il n'y paraît
pas.
Gel Asmouée est , au jugement de quel-
ques-uns, l'ancien serpent qui séduisit Eve.
Les Juifs, qui l'appellent Asmodai, faisaient
de lui le prince des démons, comme on le
voit dans la paraphrase chaldaïque. C'est
aux enfers, dans Wierus,un roi fort et puis-
sant, qui a trois létes : la première ressem-
ble à celle d'un taureau, la seconde à celle
d'un homme, la troisième à celle d'un bélier.
Il a une queue de serpent, des pieds d'oie,
une haleine enflammée. Il se montre achevai
sur un dragon, portant en main un étendard
et une lance. Il est soumis cependant , par
la hiérarchie infernale, au roi Amoymon.
Lorsqu'on l'exorcise, il faut être ferme sur
SCS pieds, et l'appeler par son nom. Il donne
des anneaux constellés ; il apprend aux hom-
mes à se rendre invisibles et leur enseigne
la gcoa.étrie, l'arithmétique, l'astronomie et
les arts mécaniques. Il connaît aussi des Iré-
(t) Wierus, in Pseiidomonarcliia dsmon.
\i) Saxo Giaiimial. Daiiioa; liisl lib. V.
(3} Inçréiiulilé el Qiétréance du soriilégo, elc.
sors qn'on peut le forcer à découvrir; soi-
xante-douze légions lui obéissent (1). On lo
nomme encore Ch;imm;idaï el Sydonaï. — Le
Siige a fait d'Asmodée !i' héros d'un de ses
roioans ( le Diable boiteux ).
ASMOND et ASWITH, compagnons d'ar-
mes danois. Liés d'une étroite amilié, ils
convinrent, par un serment solennel , de ne
s'abandonner ni à la vie, ni à la mort. As-
■wilh mourut le premier et, suivant leur ac-
cord, Asmond, après avoir enseveli son ami,
avec son chien el son cheval dans une grande
caverne, y porta des provisions pour une
année et s'enferma dans ce tombeau. Mais
ajoute gravement un historien (2), le diable,
qui était entré dans le corps du mort, tour-
menta le fidèle Asmond, le déchirant, lui dé-
figurant le visage el lui arrachant même une
oreille, sans lui donner de raisons de sa fu-
reur. Asmond, impatienté, coupa la léte du
mort, croyant rogner aussi le diable qui
s'était logé là. — Sur ces entrefaites, préci-
sément, le roi de Suède, Eric, passant devant
la caverne murée et entendant du vacarme,
crut qu'elle renfermait un trésor, gardé par
des démons. Il la fil ouvrir, et fut bien sur-
pris d'y trouver Asmond, pâle, ensanglanté,
auprès d'un cadavre puant ; il lui fil conter
son histoire, el, ravi de sa fidélité et de son
courage, il l'obligea , par de bons procédés,
à le suivre à sa cour.
ASMOUG, l'un des démons qui , sous les
ordres d'Arimane , sèment en Perse les dis-
sensions, les procès el les querelles.
ASOORS. C'est le nom que les Indiens don-
nent à certains mauvais génies qui font toai-
ber les voyageurs dans des embûches.
ASPAMIil. « Zorobabel était épris d'un si
fol amour pour Aspame, qu'elle le souffle-
tait comme un esclave et lui ôlait le diadème
pour en orner sa tête, indigne d'un tel orne-
ment, dit Delancre (3) ; elle le faisait rire et
pleurer, quand bon lui semblait, le tout par
philtres et fascinations. » Les belles dames
font tous les jours d'aussi grands excès et
produisent d'aussi énormes stupidités, sans
fascination et sans philtre.
ASPICULETTE (Marie d'), sorcière d'An-
daye.dans le pays de Labour, sous le règne
de Henri IV. Elle fut arrêtée à l'âge de dix-
neuf ans , el avoua qu'on l'avait menée au
sabbat, que là elle avait baisé le derrière du
diablean-dessons d'une grande queue, el que
ce derrière était fait comme le museau d'un
bouc. ['*)
ASPIDOMANCIE , divination peu connue
qui se pratique aux Indes, selon quelques
voyageurs. Delancre dit (5) que le devin oti
sorcier trace un cercle, s'y campe assis sur
un bouclier, marmotte des conjuralions, de-
vient hideux , el ne sort de son extase que
pour annoncer les choses qu'on veut savoir,
el que le diable vient de lui révéler.
ASRAFIL, ange terrible qui, selon les mu-
sulmans, doit sonner de la trompette cl ré-
(4) Incrédulité el mécréance, etc , IP. S.
(5) Delancre, Tal)leau de l'icoonslance de» mauvais
angis, elc, liv. II, dise. 1.
135
veiller lous les morts pour le jugement der-
nier. On le confond souvent avec Asraël.
ASSA-FOKTIDA. les Hollandais appfl-
Icnl relto pl.inle/îeH/e du diable (duivelsdrek).
ASSASSINS , secte d'Ismaéliens qu'on eni-
vrait de hracliick et ;1 qui on faisait un dogme
de tuer. Le souverain des Assassins s'appe-
j.iit le chfii k ou vieux de la Montagne. Il est
réièhre dans l'histoire des croisades. Voy.
ÏHUGGISME.
ASSHETON (Guillaume) , Ihéologien an-
glican, mort en 1711. Il publia, en 1691, un
petit ouvrage peu recherché, intitulé: /a Pos-
sibilité des apparitions.
ASTAROTH, grand-duc Irès-puissant aux
enfers. Il a la figure d'un ange fort laid, et
se montre chevauchant sur un dragon infer-
nal ; il tient à la main droite une vipère.
Quelques magiciens disent qu'il préside à
l'Occident, qu'il procure l'amitié des grands
seigneurs, et qu'il faut l'évoquer le mercredi.
Les Sidoniens, les Philistins et quelques sec-
tes juives l'adorèrent. Il est, dit-on, grand-
trésorier aux enfers, et donne de bons avis
quand on émet des lois nouvelles. Wierus
uous apprend qu'il sait le passé, le présent
et l'avenir, qu'il répond volontiers aux ques-
tions qu'on lui fait sur les choses les plus
secrètes, et qu'il est facile de le faire causer
sur la création, les fautes et la chute des an-
ges, dont il connaît toute l'histoire ; mais
dans ses conversations il soutient que pour
lui il a été puni injustement. 11 enseigne à
fond les arts libéraux et commande quaran-
te légions. Celui qui le fait venir doit pren-
dre garde de s'en laisser approcher, à cause
de son insupportable puanteur. C'est pour-
quoi il est prudent de tenir sous ses narines
un anneau magique en argent, qui est un
préservatif contre les odeurs fétides des dé-
mons (I). Astarolh a figuré dans plusieurs
possessions.
ASTARTÉ, femelle d'Astarolh, selon quel-
ques démonomancs. Elle porte des cornes ,
non difformes couune celles des autres dé-
mons, mais façonnées en croissant. Les Phé-
niciens adoraient la lune sous le nom d'As-
tarlé. A Sidon, c'était la môme que Vénus.
Sanchoniaton dit qu'elle eut deux fils : le
Désir et l'Amour. On l'a souvent représentée
avec des rayons, ou avec une tête de génisse.
Des érudils prétendent qu'Astaroth, qui don-
ne les richesses, est le soleil, et Astarlé la
lune; mais danslesancicnsmonumensoricn-
•aux, Astarté est le même qu'Astaroth, et
Astarolh le même qu'Astarté.
ASTIAGES , roi des Mèdes. Quand Cyrus .
eut vaincu l'Asie, on publia qu'Astiuges ,
son grand-père, avait songé en dormant que
dans le sein de sa fille Mandanc croissait une
vigne qui, de ses feuilles, couvrait l'Asie en-
tière; présage de la grandeur de Cyrus, fils
de Mandane.
ASriUGALOMANCIE, divination parles
dés. Prenez deux dés, marqués comme d'u-
sage des iiuraéros 1, 2, 3, d., 5, 6. On peut
jeter à volonté un dé seul, ou les deux dés
à la fois ; on a ainsi la chance d'amener les
(1) Wiorus, in Pseudomonarthia dsein.
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCIXTES. 156
chiffres 1 à 12. V^ous voulez deviner quel-
que affaire qui vous embarrasse, ou pénétrer
les secrets de l'avenir ; posez la question
sur un papier que vousaurezpasséau-drssu»
de la fumée du bois de genièvre; placez ce
papier renversé sur la table, et jetez les dés.
— Vous écrirez les lettres à mesure qu'elles
se présentent. En se combinant, elles vous
donneront la réponse : 1 vaut la lettre A ; 2
vaut E; 3 vaut I, ou Y; 4 vaut 0 ; 5 vaut U;
6 vaut B, P, ou V; 7 vaut G, K, ou Q; 8
vaut D, ou T - 9 vaut F, S, X, ou Z ; 10 vaut
G, ou J; Il vaut L, M, ou N; 12 vaut R. —
Si la réponse est obscure, il ne faut pas s'en
étonner ; le sort est capricieux. Dans le cas
où vous n'y pouvez rien comprendre, recou-
rez à d'autres divinations. — La lettre H
n'est point marquée, parce qu'elle n'est pas
nécessaire. Les règles du destin se dispen-
sent de celles de l'orthographe. PH s'expri-
me fort bien par la kllrc F, et CH par la
lettre X.
Les anciens pratiquaient l'aslragaloman-
cie avec des osselets marqués des lettres de
l'alphabet, et les lettres que le hasaid ame-
nait faisaient les réponses. C'est par ce
moyen que se rendaient les oracles d'Her-
cule en Acha'ie. On mettait les lettres dans
une urne et on les tirait comme on lire les
numéros des loteries.
ASTRES. La première idolâtrie a com-
mencé par le culte des astres. Tous les peuples
fourvoyés les adoraient, au temps de Moïse.
Lui seul dit aux Hébreux : « Lorsque vous
élevez les yeux vers le ciel, que vous voyez
le soleil, la lune et les autres astres, gardez-
vous de tomber dans l'erreur et de les ado-
rer, car c'est Dieu qui les a créés » ( Deulé-
ronome, chap. 4 ).
Ceux qui ne croient pas à la révélation
devraient nous apprendre comment Moïse a
été plus éclairé que les sages de toutes les
nations dont il était environné (1)
Mahomet dit dans le Koran, que les étoiles
sont les sentinelles du ciel, et qu'elles em-
pêchent les démons d'en approcher et dé
connaître les secrets de Dieu. Il y a des sec-
tes qui prétendent que chaque corps céleste
est la demeure d'un ange, — Les Arabes,
avant Mahomet, adoraient les astres. Les
anciens en faisaient des êtres animés; les
Egyptiens croyaient qu'ils voguaient dans
des navires à travers les airs connue nos
aéronautes ; ils disaient que le soleil, avec
son esquif, traversait l'Océan toutes les nuits
pour retourner d'occident en orient.
D'autres physiciens ont prétendu que les
étoiles sont les yeux du ciel, et que les lar-
mes qui en tombent forment les pierres pré-
cieuses. C'est pour cela, ajoutent-ils , que
chaque étoile (ou plutôt chaque planète) a sa
pierre favorite.
ASTROLABE, instrument dont on se sert
pour observer les as très et tirer les horoscopes.
Il estsouvent scmblableà unesphèrearmillai-
re. L'astrologue, instruit du jour, de l'heure,
du moment où est né celui qui le consulte, ou
pour lequel on le consulte, met les choses à
(t) Bergicr, DiiU. (liéolug., au mot Astres.
izl
AST
A8T
136
la place qu'elles occupaient alors, cl dresse
son (hème suivant lu position des planètes
et des constellations.
Il y a eu dos gens autrefois qui faisaient
le métier de découvrir les voleurs par le
moyen d'un astrolabe. « Le ciel, disaient-ils,
est un livre dans lequel on voit le passé, le
présent et l'avenir; pourquoi ne pourrait-on
pas lire les événements de ce monde dans
un instrument qui représente la situation
des corps célestes (1) ?»
ASTROLOGIE, art de dire la bonne aven-
ture et de prédire les événements, par l'as-
pect, les positions elles influences des corps
célestes. — On croit que l'astrologie , qu'on
appelle aussi astrologie judiciaire, parce
qu'elle consiste en jugements sur les per-
sonnes et sur les choses, a pris naissance
dans laChaldée, d'où elle pénétra en Egypte,
en Grèce et en Italie. Quelques antiquaires
attribuentrinvenlionde celle science àCham,
fils de Noé. Le cemmissaire de Lamarre, dans
son Traité de police, litre 7, chap. 1", ne
repousse pas les opinions qui établissent
qu'elle lui a été enseignée par le démon.
Diogène Laërce donne à entendre que les
Egyptiens connaissaient la rondeur de la
terre et la cause des éclipses. On ne peut
leur disputer l'habilelé en astronomie; mais,
au lieu de se tenir aux règles droites de cette
science, ils en ajoutèrent d'autres, qu'ils fon-
dèrent uniquement sur leur imagination; ce
furent là les principes de l'art de deviner cl
de tirer les horoscopes. Ce sont eux, dit
Hérodote, qui enseignèrent à quel dieu cha-
que mois, chaquï jour est consacré, qui ob-
servèrent les premiers sous quel ascendant
un homme est né, pour prédire sa fortune,
ce qui lui arriverait dans sa vie, cl de quelle
uiorl il mourrait.
« J'ai lu dans les registres du ciel tout ce
qui doit vous arriver à vous et à votre fils, »
disait à ses crédules enfants Bélus, prince
de Babylone. Pompée , César , Crassus ,
croyaient à l'astrologie. Pline en parle
comme d'un art respectable. Cette science
gouverne encore la Perse et une grande par-
tie de l'Asie. « Rien ne se fait ici, dit Taver-
nier dans sa relation d'Ispahan, que de l'avis
des astrologues. Ils sont plus puissants et
plus redoutés que le roi, qui en a toujours
quatre attachés à ses pas, qu'il consulte sans
cesse et qui l'avertissent du temps où il doit
se promener, de l'heure où il doit se renfer-
mer dans son palais, se purger, se vêtir de
ses habits royaux, prendre ou quitter le
sceptre, etc. Ils sont si respectés dans cette
cour, que le roi Schah-Sophi étant accablé
depuis plusieurs années dUnfirmités que l'art
ne pouvait guérir, les médecins jugèrent
qu'il n'était tombé dans cet état de dépéris-
sement que par la faute des astrologues, qui
avaient mal pris l'heure à laquelle il devait
être élevé sur lo trône. Les astrologues re-
connurent leur erreur : ils s'assemblèrent de
nouveau avec les médecins, cherchèrent dans
le ciel la véritable heure propice, ne man-
(t| Le père Lebrun, Hist. des pratiques superst.. 1. 1,
p. 220.
DlCTIO.NK. DES SCIENCES OCCULTES. I.
quèrent pas de la trouver ; et la cérémonie
du couronnement fut renouvelée, à la grande
satisfaction de Schah-Sephi , qui mourut
quelques jours après. »
11 en est de même à la Chine, où l'empe-
reur n'ose rien entreprendre sans avoir con-
sulté son thème natal.
La vénération des Japonais pour l'astrolo-
gie est plus profonde encore; chez eux per-
sonne n'oserait construire un édifice sans
avoir interroge quelque astrologue sur la
durée du bâtiment. 11 y en a même qui, sur
la réponse des astres, se dévouent et se
Inent pour le bonheur de ceux qui doivent
habiter la nouveliejnaison (2).
Presque tous les anciens, Hippocrate, Vir-
gile, Horace, Tibère, croyaient à l'astrologie.
Le moyen-âge en fut infecté. On tira l'horos-
cope de Louis XIII et de Louis XIV ; et Boi-
leaudit qu'un téméraire auteur n'atteint pasie
Parnasse, si son astre en naissant ne l'a formé
poëte
En astrologie, on ne connaît dans le ciel
que sept planètes, et douze constellations
dans le zodiaque. Le nombre de celles-ci
n'a pas changé ; mais il y a aujourd'hui
douze planètes. Nous ne parlerons que des
sept vieilles, employées par les astrolo-
gues. Nous n'avons, disent -ils, aucun
membre que les corps célestes ne gouver-
nent. Les sept planètes sont, comme on sait,
le Soleil, là Lune, Vénus, Jupiter, Mars ,
Mercure et Saturne. Le Soleil préside à la
tète ; la Lune, au bras droil; Vénus, au bras
gauche; Jupiter, à l'estomac; Mars, aux par-
ties sexuelles ; Mercure, au pied droit, et
Saturne, au pied gauche; — ou bien Mars
gouverne la tête, Vénus le bras droit, Jupi-
ter le bras gauche, le Soleil l'estomac, la
Lune les parties sexuelles. Mercure le pied
droit et Saturne le pied gauche.
Parmi les constellations, le Bélier gouver-
ne la tête; le Taureau, le cou; les Gémeaux,
les bras et les épaules; l'Ecrevisse, la poitrine
et le cœur; le Lion, l'estomac; la Vierge, lo
ventre; la Balance, les reins et les fesses; lo
Scorpion, les parties sexuelles; le Sagittaire,
les cuisses; le Capricorne, les genoux; le
Verseau, les jambes; et les Poissons, les
pieds.
On a mis aussi le monde , c'est-à-dire les
empires et les villes, sous l'influence des
constellations. Des astrologues allemands, au
seizième siècle, avaient déclaré Francfort
sous l'influence du Bélier, Wurtzbourg sous
celle du Taureau, Nuremberg sous lès Gé-
meaux, Magdebourg sous l'Ecrevisse, Ulm
sous le Lion , Heidelberg sous la Vierge,
Vienne sous la Balance , Munich sous le
Scorpion, Stuitgard sous le Sagittaire, Augs-
bourg sous le Capricorne, Ingolstadt sous
le Verseau, et Rastibonne sous les Poissons.
Hermès a dit que c'est parce qu'il y a sept
trous à la tête, qu'il y a aussi dans le ciel
sept planètes pour présider à ces trous : Sa-
turne et Jupiter aux deux oreilles. Mars et
Vénus aux deux narines, le Soleil et la Lune
(2) Essai sur les erreurs et les superstilion» , wr
M. L. C, ch. 5. ' .
139
DICTIONNAIRE DES SCir.NCKS OCCULTKS.
liO
aux deux yeux, el Mercure à la bouche.
Léon rUcbreu, dans sa Philosophie d'amour,
Iniduile parle sieur Duparc, champenois,
admet relie opinion, qu'il précise très-bien :
« Le Soli'il préside à l'œil droit, dit-il , < l
la Lune à lœil gauche, piirce que tous les
deux sont les yeux du ciel ; Jupiter gou-
verne l'oreille gauche ; Saturne, la droiti- ;
Mars, le pertuis droit du nez ; Vénus, le per-
tuis gauche; cl Mercure, la bouche, parce
qu'il préside à la parole. »
Ajoutons encore que Saturne domine snr
la vie, les changements , les édifices el les
sciences ; Jupiter, sur l'honneur, les sou-
haits, les richesses et la propreté des habiis;
Mars, sur la guerre, les prisons, les maria-
ges, les haines ; le Soleil, sur l'espérance, le
bonheur, le gain, les héritages; Vénus, sur
les amitiés el les amours ; Mercure, sur les
maladies, les perles, les dettes, le commerce
et la crainte; la Lune, sur les plaies, les son-
ges elles larcins. Aussi, du moins, le décide
le livre des admirables secrets d'Albert le
Grand.
En dominant de la sorte lout ce qui arrive
à l'homme, les planètes ramènent le même
cours de choses loules les fois qu'elles se
retrouvent dans le ciel au lieu de l'horos-
cope. Jupiter se retrouve au bout de douze
ans au môme lieu, les honneurs seront les
mêmes; Vénus, au bout de huit ans, les
amours seront les mêmes, elc, mais dans
un autre individu.
N'oublions pas non plus que chaque pla-
nète gouverne un jour de la semaine; le So-
leil le dimanche, la Lune le lundi. Mars
le mardi, Mercure le mercredi , Jupiter le
jeudi, Vénus le vendredi, Saturne le samedi;
— que le jaune est la couleur du Soleil, le
blanc celle do la Lune, le vert celle de Vénus,
le rouge celle de Mars, le bleu celle de Jupi-
ter, le noir celle de Saturne, le mélangé
celle de Mercure ; — que le Soleil préside à
l'or, la Lune à l'argent, Vénus à l'étain, Mars
au fer, Jupiter à l'airain, Saturne au plomb,
Mercure au vif-argent, elc.
Le Soleil est bienfaisant et favorable ; Sa-
turne, triste, morose et froid ; Jupiter, tem-
péré el bénin ; Mars, ardenl ; Vénus, bien-
veillante; Mercure, inconstant; la Lune,
mélancolique.
Dans les constellations, le Bélier, le Lion et
le Sagittaire sont chauds, secs et ardents; le
Taureau, la Vierge el le Capricorne, lourds,
froids el secs ; les Gémeaux, la Balance et
le Verseau, légers, chauds el humid<s; l'E-
crevisse, le Scorpion et les Poissons, humi-
des, mous et froids.
Au moment de la naissance d'un enfant
dont on \eut tirer l'horoscope , ou bien au
jour de l'événement dont on cherche à pré-
sager les suites, il faut d'abord voir sur l'as-
trolabe quelles sont les constellations et pla-
nètes qui dominent dans le ciel , et tirer les
conséquencesqu'indiquenl leurs vertus, leurs
qualités el leurs fonctions. Si trois signes de
la même nature se rencontrent dans le ciel ,
comme , par exemple , le Bélier, le Lion et
le Sagittaire, ces trois signes forment le trin
aspect, parce qu'ils parla geni le < iel en trois,
et qu'ils sonl séparés lun de l'autre par
trois autres constellations. Cet aspect est bon
el favorable.
Quand ceux qui partagent le ciel par
sixième se renconlrenl à l'heure de l'opéra-
tion , couimc le Bélier avec les Gémeaux , le
Taureau avec lEcrevisse , etc. , ils forment
Vaspect sextil, qui est médiocre.
Quand ceux qui partagent le ciel en qua-
tre , comme le JJclicr avec lEcrevisse , lo
Taureau avec le Lion , les Gémeaux avec la
Vierge , se rencontrent dans le ciel , ils for-
ment Vaspect carré, qui est mauvais.
Quand ceux qui se trouvent «tux parties
opposées du ciel , comme le Bélier avec la
Balance , le Taureau avec le Scorpion , les
Gémeaux avec le Sagittaire , etc., se rencon-
trent à l'heure de leur naissance, ils forment
Vaspect contraire, qui est méchant el nuisi-
ble.
Les autres sonl en con/onc/i'on, quand deux
planètes se trouvent réunies dans le même
signe ou dans la même maison, el en oppo-
sition quand elles sont à deux points oppo-
sés.
Chaque signe du zodiaque occupe une
place qu'on appelle maison céleste ou maison
du soleil; ces douze maisons du so!ei! coupent
ainsi le zodiaque eu douze parties. Chaque
maison occupe trente degrés, pui'^que le cer-
cle en a trois cent soixante. Les astrologues
représentent les maisons par de simples nu-
méros , dans une Ggure ronde ou carrée , di-
visée en douze cellules.
La première maison est celle du Bélier,
qu'on appelle l'anj/e oriental, en argot astro-
logique. C'est la maison de la vie, parce que
ceux qui naissent quand cette constellation
domine, peuvent vivre longtemps.
La seconde maison est celle du Taureau ,
qu'on appelle la porte inférieure. C'est la
maison des richesses el des (i)Ojens de for-
tune.
La troisième maison est celle des Gémeaux
appelée /o demeure des frères. C'est la maison
des héritages et dog bonnes successions.
La quatrième maison est celle de l'Ecre-
visse. On l'appelle le fond du ciel, l'angle de
la terre, la demeure des parents. C'est la mai-
son des trésors et des biens de patrimoine.
La cinquième maison est celle du Lion ,
dite /a demeure des enfants ; c'esi la maison
des legs el des donations.
La sixième maison est celle de la Vierge ;
Gn l'appelle l'amour de Mars. C'esl la maison
des chagrins , des revers et des maladies.
La septième maison est celle de la Balance,
qu'on appelle V angle occidental. C'est la mai-
son des mariages et des noces.
La huitième maison est celle du Scorpion,
appelée la porte supérieure. C'est la maison
de l'fffroi , des craintes et de la mort.
La neuvième maison est celle du Sagit-
taire, appelée l'amour du soleil. C'est la mai-
son de la piété , de la religion , des voyages
et (le la philosophie.
La dixième maison est celle du Capricorne,
ni
ilite le milieu du
AST
ciel. C'est la maison des
AST
U-2
charges , dos dignités et des couronnes.
La onzième maison est celle du Verseau ,
/lu'on appelle l'amour de Jupiter. C'est la
maison des amis , des bienfaits et de la for-
lune.
La douzième maison est celle des poissons,
appelée l'amour de Saturne. C'est la plus
mauvaise de toutes et la plus funeste ; c'est
la maison des empoisonnements , des misè-
res , de l'envie , de l'humeur noire et de la
mort violente.
Le Bélier et le Scorpion sont les maisons
chéries de Mars; le Taureau et la Balance ,
celles de Vénus ; les Gémeaux et la Vierge ,
celles de Mercure ; le Sagittaire et les Pois-
sons , celles (le Jupiter; le Capricorne et le
Verseau , colles de Saturne; le Lion , celle
du Soleil ; l'Ecrevisse, celle de la Lune.
Il faut examiner avec soin les rencontres
des planètes avec les constellations. Si Mars,
par exemple , se rencontre avec le Bélier à
l'heure de la naissance, il donne du courage,
de la fierté et une longue vie ; s'il se trouve
avec le Taureau, richesses et courage. En un
mot, Mars augmente l'influence des constel-
lations avec lesquelles il se rencontre, et y
ajoute la valeur et la force. — Saturne , qui
donne les peines , les misères, les maladies,
augmente les mauvaises influences et gâte
les bonnes. Vénus , au contraire , augmente
les bonnes influences et affaiblit les mauvai-
ses.— Mercure augmente ou affaiblit les in-
fluences suivant ses conjonctions. S'il se ren-
contre avec les Poissons , qui sont mauvais,
il devient moins bon; s'il se trouve avec le
Capricorne , qui est favorable, il devient
meilleur. — La Lune joint la mélancolie aux
constellations heureuses; elle ajoute la tris-
tesse ou la démence aux constellations fu-
nestes. — Jupiter, qui donne les richesses et
les honneurs , augmente les bonnes influen-
ces et dissipe à peu près les mauvaises. —
Le Soleil ascendant donne les faveurs des
princes ; il a sur les influences presque au-
tant d'effet que Jupiter ; mais descendant il
présage des revers.
Ajoutons que les Gémeaux , la Balance et
la Vierge donnent la beauté par excellence ;
le Scorpion, le Capricorne et les Poissons
donnent une beauté médiocre. Les autres
constellations donnent plus ou moins la lai-
deur. — La Vierge, la Balance, le Verseau et
les Gémeaux donnent une belle voix; l'Ecre-
*isse, le Scorpion et les Poissons donnent une
voix nulle ou désagréable. Les autres cons-
tellations n'ont pas d'influence sur la voix.
Si les planètes et les constellations se trou-
vent à l'Orient, à l'heure de l'horoscope, on
éprouvera leur influence au commencement
de la vie ou de l'entreprise; on l'éprouvera
au milieu si elles sont au haut du ciel, et à la
fin si elles sont à l'Occident.
Afin que l'horoscope ne trompe point, il
faut avoir soin d'en commencer les opéra-
tions précisément à la minute ou l'enfant est
né, ou à l'instant précis d'une affaire dont
on veut savoir les suites. — Pour ceux qui
Il cxijjoiit pas une exactitude si sévère, il y a
des horoscopes tout dressés, d'après les cons -
tellalions de la naissance. Voy. Horoscope.
Tels sont, en peu de mots, les principes de
cet art, autrefois si vanté, si universellement
répandu, et maintenant un peu tombé en dé-
suétude. Les astrologues conviennent que le
globe roule si rapidement, que la disposition
des astres change en un moment. 11 faudra
donc, pour tirer les horoscopes, que les sa-
ges-femmes aient soin de regarder attentive-
ment les horloges, de marquer exactement
chaque point du jour, et de conserver à celui
(\u\ naît ses étoiles comme son patrimoine.
« Mais combien de fois, dit Bardai, le péril
des mères empêche-t-il ceux qui sont autour
d'elles de songer à cela 1 Et combien de fois
ne s'y trouve-t-il personne qui soit assez su-
perstitieux pour s'en occuper! Supposez ce-
pendant qu'on y ait pris garde, si l'enfant est
longtemps à naître, et si , ayant montré la
tôte, le reste du corps ne parait pas de suite,
comme il arrive, quelle disposition des astres
sera funeste ou favorable? sera-ce celle qui
aura présidé à l'apparition de la léte, ou celle
qui se sera rencontrée quand l'enfant est en-
tièrement né?... »
Voici quelques anecdotes sur le compte des
astrologues :
Un valet, ayant volé son maître, s'enfuit
avec l'objet dérobé. On mit des gens à sa
poursuite, et, comme on ne le trouvait pas, on
consulta un astrologue. Celui-ci , habile à
deviner les choses passées, répondit que le
valet s'était échappé parce que la lune s'é-
tait trouvée, à sa naissance, en conjonction
avec Mercure, qui protège les voleurs, et que
de plus longues recherches seraient inutiles.
Comme il disait ces mots, on amena le do-
mestique , qu'on venait de prendre enfin ,
malgré la protection de Mercure.
Les astrologues tirent vanité de deux ou
trois de leurs prédictions accomplies, quoi-
que souvent d'une manière indirecte, entro
mille qui n'ont point eu de succès. L'horos-
cope du poëte Eschyle portait qu'il serai»
écrasé par la chute d'une maison; il s'alla.
dit-on, mettre en plein champ, pour évileir
sa destinée; mais un aigle, qui avait enleva
une tortue, la lui laissa tomber sur la tétc
et il en fut tué. Si ce conte n'a pas été fait
après coup, nous répondrons qu'un aveugle,
en jetant au hasard une multitude de flèches,
peut atteindre le but une fois par hasard.
Quand il y avait en Europe des milliers d'as-
trologues qui faisaient tous les jours de nou-
velles prédictions , il pouvait s'en trouver
quelques-unes que l'événement, par cas for-
tuit, justifiait; et collesci, quoique rares ,
entretenaient la crédulité (jUt; des millions
de mensonges auraient dû détruire.
L'empereur Frédéric -Barberousse , étant
sur le point de quitter Vicence, qu'il venait
de prendre d'assaut, défia le plus fameux
astrologue de deviner par quelle porte il sor-
tirait le lendemain. Lecharlatan répondit au
défi par un tour de son métier; il remit à
Frédéric un billet cacheté, lui recommandant
de ne l'ouvrir qu'après sa sortie. L'empereur
fit abattre, pendant la nuit, quelques toises
1^
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
tu
(Je mur, cl sorlil par la brèche. Il ouvrit en-
suite le billet, et ne fut pas peu surpris «l'y
lire CCS mots : — « L'empereur sortira par
la porte neuve. » C'en fut assez pour que
laslrologue et l'astrologie lui parussent in-
finiment respectables.
Un homme, que les astres avaient con-
damné en naissant à être tué par un cheval,
avait grand soin de s'éloigner dès qu'il aper-
cevait un de ces animaux. Or, un jour qu'il
passait dans une rue, une enseigne lui tomba
sur la tête, et il mourut du coup : c'était, dit
le conte , l'enseigne d'un auberge où était
représenté un cheval noir.
Mais il y a d'autres anecdotes. Dn bour-
geois de Lyon, riche et crédule, ayant fait
dresser son horoscope, mangea tout son bien
pendant le temps qu'il croyait avoir à vivre.
N'étant pas mort à l'heure que l'astrologue
lui avait assignée, il se vit obligé de demander
l'aumône, ce qu'il faisait en disant : — Ayez
pitié d'un homme qui a vécu plus longtemps
qu'il ne croyait.
Une dame pria un astrologue de deviner
un chagrin qu'elle avait dans l'esprit. L'as-
trologue, après lui avoir demandé l'année,
le mois, le jour et l'heure de sa naissance,
dressa la figure de son horoscope, et dit beau-
coup de paroles qui signifiaient peu de
chose. La dame lui donna une pièce de quinze
^>ous.
— Madame, dit alors l'astrologue, je dé-
couvre encore dans votre horoscope que
vous n'êtes pas riche.
-^ Cela est vrai, répondit-elle.
— Madame , poursuivit-il en considérant
de nouveau les flgures dos astres, n'a vez-vous
rien perdu?
— J'ai perdu , lui dit-elle , l'argent que je
viens de vous donner.
Darah, l'un des quatre fils du grand-mogol
Schah-Géhan, ajoutait beaucoup de foi aux
prédictions des astrologues. Un de ces doctes
lui avait prédit, au péril de sa tête, (ju'il por-
terait la couronne. Darah comptait la-dessus.
Comme on s'étonnail que cet astrologue osât
garantir sur sa vie un événement aussi in-
certain : — Il arrivera de deux choses l'une,
répondit-il, ou Darath parviendra au trône,
et ma fortune est faite; ou il sera vaincu;
dès lors sa mort est certaine, et je ne redoute
pas sa vengeance.
Hcggiage, général arabe sa; s le calife Va-
lid, consulta, dans sa dernière maladie, un
astrologue qui lui prédit une mort prochaine.
— Je compte tellement sur votre habileté,
lui répondit Heggiage, que je veux vous avoir
avec moi dans l'autre monde, et je vais vous
y envoyer le premier, afin que je puisse me
servir de vous dès mon arrivée. El il lui fit
couper la téle, quoique le temps fixé par les
astres ne fût pas encore arrivé.
L'empereur Manuel, qui avait aussi dos
prétenlions à la science de l'astrologie, mit
en mer, sur la foi des astres, une flotte qui
devait faire des merveilles et qui fui vaincue,
brûlée et coulée bas.
Henri VII , roi d'Angleterre , demandait à
un astrologue s'il savait uû il passerait les
fêtes de Noël. L'astrologue répondit qu'il
n'en savait rien. — Je suis donc plus habile
que toi, répondit le roi; car je sais que lu
les passeras dans la Tour de Londres. Il l'y
fit conduire en méuie temps. Il est vrai quu
c'était une mauvaise raison.
Un astrologue regardant au visage Jean
Gaiéas, duc de Milan, lui dit : — Seigneur,
arrangez vos affaires , car vous ne pouvez
vivre longtemps.
— Comment le sais-lu? lui demanda le
duc.
— Par la connaissance des astres.
— Et toi, combien dois-tu vivre?
— Ma planèle me promet une longue vie.
— Oh bieni lu vas voir qu'il ne faut pas
se fieraux planètes ; et il le fit pendre sur-le-
champ. Voy. Louis XI, TrasuÙe, etc.
ASTRONOMANCIE, divination par les as-
tres. C'est la même chose que l'astrologie.
ASTYLE, devin fameux dans l'histoire des
Centaures. On trouve dans Piutarque un au-
tre devin nommé Asiyphile. Voy. Gimon.
ASWITH, Voy. Asmond.
ATHENAGOliE, philosophe platonicien,
qui embrassa le christianisme au deuxième
siècle. On peut lire son Traité de la résur-
rection des morts, traduit du grec en français
par Gaussart, prieur de S;iinte-Foy, Paris,
1574, et par Dulèrrier, Bordeaux, 1577, in-8 .
ATHENAIS, sibylle d'Erythrée. Elle pro-
phétisait du temps d'Alexandre. Voy. Sibyl-
les.
ATHENODORE, philosophe stoïcien du
siècle d'Auguste. On conte qu'il y avait à
Athènes une fort belle maison où personne
n'osait demeurer, à cause d'un spectre qui
s'y montrait la nuit. Aihénodore, étant arrivé
dans celle ville, ne s'elTraya point de ce
qu'on disait de la maison décriée, et l'achela.
— La première nuit qu'il y passa, étant oc-
cupé à écrire, il entendit toul à coup un bruit
de chaînes, et il aperçut un vieillard hideux,
chargé de fers, qui s'approchait de lui à pas
lents. Il continua d'écrire. Le spectre l'appe-
lant du di)igt, lui fit signe de le suivre. Allié-
nodore répondit à l'esprit, par un autre signe,
qu'il le priait d'alkndre , et continua sou
travail; mais le spectre fit retentir ses chaî-
nes à ses oreilles, et l'obséda tellement, que
le philosophe, fatigué, se détermina à voir
l'aventure. Il marcha avec le fantôme, qui
disparut dans un coin de la cour. Aihénodore
étonné arracha une poignée de gazon pour
reconnaître le lieu, rentra dans sa chambre,
et le lendemain il fil part aux magistrats de
ce qui lui était arrivé. On fouillii dans l'en-
droit indiqué; on trouva les os d'un cadarre
avec des chaînes, on lui rendit les honneurs
de la sépulture, et dès ce moment, ajoute-I-
on, la maison fut tranquille (1). Voy. Ayola
et Abigniitë.
ATINIUS, Tile-Live raconte que, le malin
d'un jouroùl'on représentait les grands jeux,
un citoyen de Rome conduisit un de ses es-
claves à travers le cirque, en le faisant battr<.'
de verges; ce qui divertit ce grand peuple
romain. Les jeux commencèrent à la suite
(t) PliD. juD., Episl. lib. VII, ep. 27, ad Suran.
TT3 AUB
(le celte parade; mais quelques jours après
Jupiter Capiloliii apparut la nuit, en songe, à
tin homme du peuple nommé Atinius (1), et
lui ordonna d'aller dire de sa part aux con-
suls qu'il n'avait i)as clé content de celui qui
menait la danse aux derniers joux , et que
l'on recommençât la fêle avec un autre dan-
seur. — Le Romain, à son réveil , craignit
de se rendre ridicule en publiant ce songe ;
et le Icndomain son fils, sans être malade,
mourut subitement. La nuit suivante, Jupi-
ter lui apparut de nouveau et lui demanda
s'il se trouvait bien d'avoir méprisé l'ordre
des dieux, ajoutant que s'il n'obéissait, il lui
arriverait pis. Alinius, ne s'étant pas encore
décidé à parler aux magistrats , fut frappé
d'une paralysie qui lui ôta l'usage de ses
membres. Alors il se fit porter en chaise au
sénat , et raconta tout ce qui s'était passé. Il
n'eût pas plutôt fini son récit, qu'il se leva,
rendu à la sanlé. — Toutes ces circonstances
parurent miraculeuses. — On comprit que le
mauvais danseur était l'esclave battu. Le
maître de cet infortuné fut recherché et puni ;
on ordonna aussi de nouveaux jeux qui fu-
rent célébrés avec plus de pompe que les pré-
cédents. — An de Rome 265.
ATROPOS, l'une des trois Parques ; c'est
elle qui coup lit le fil. Hésiode la peintcomme
très-féroce; on lui donne un vêtement noir,
des traits ridés et un maintien peu séduisant.
ATTILA , dit le Fléau de Dieu , que saint
Loup, évêque de Troyes, empêcha de ravager
la Champaf^p. Comme il s'avançait sur Rome
pour la détruire, il eut une vision : il vit en
songe un vieillard vénérable, vêtu d'habits
sacerdotaux, qui, l'épée nue au poing, le
menaçait de le tuer s'il résistait aux prières
du saint pape Léon. Le lendemain, quand le
pape vint lui demander d'épargner Rome, il
répondit qu'il le ferait, et ne passa pas plus
avant. Paul Diacre dit, dans le livre xv de
son Histoire de Lombardie, que ce vieillard
merveilleux n'était autre , selon l'opinion
générale, que saint Pierre, prince des apô-
tres.
Des légendaires ont écrit qu'Attila était le
Qls d'un démon.
ATTOUCHEMENT. Pline dit que Pyrrhus
guérissait les douleurs de rate en touchant
les malades du gros doigt de son pied droit ;
et l'empereur Adrien, en touchant les hydro-
piques du bout de l'index, leur faisait sortir
l'eau du venlre. Beaucoup de magiciens et de
sorciers ont su produire également des cures
merveilleuses par le simple attouchement.
Voy. Charmes, Écrouelles, etc.
AUBIGNÉ (Nathan d), en latin Albineus,
fils du fameux huguenot d'Aubigné. Il était
partisan de l'alchimie. lia publié, sous le
litre de Bibliollièque chimique (2), un recueil
de divers traités, recherché par ceux qui
croient à la pierre philosophale.
AUBREY (Jean), Alberius , savant anti-
quaire anglais, mort eu 1700. Il a donné, en
1696, un livre intitulé : Mélanges sur les sujets
(1) Pluiarque le nomme lilus Latinus dans la Vie de
Goriolao.
AL'G
US
suivants : Fatalité de jours, fatalité de Heur,
présages , songes , apparitions , merveilles et
prodiges; réimprimé en 1721, avec des addi-
tions.
AUBRY (Nicole), possédée de Laon au
seizième siècle. Boulvèse, professeur d'hé-
breu au collège de Montaigu , homme qui
croyait facilement et qui était facilement
dupé , a écrit l'histoire de cette possession ,
qui fit grand bruit en 1506.
Nicole Aubry, de Vervins, fille d'un bou-
cher et mariée à un tailleur, allait prier sur
le tombeau de son grand-père , mort sans
avoir pu faire sa dernière confession. Elle
crut le voir sortir du tombeau, lui demandant
de faire dire des messes pour le repos de son
âme , qui était dans le purgatoire. La jeune
femme en tomba malade de frayeur. On s'ima-
gina alors que le diable avait pris la forme
de Vieilliot, grand-père de Nicole, et qu'elle
était maléficiée. Si cette femme jouait une
comédie , elle la joua bien ; car elle fit croire
à toute la ville de Laon qu'elle était possédée
de Belzébut, de Baltazo et de plusieurs autres
démons. Elle disait que vingt-neuf diables ,
ayant formes de chats et taille de moutons
gras, l'assiégeaient de temps en temps. Elle
obtint qu'on l'exorcisât ; et on publia que les
démons s'étaient enfuis , Astarolh sous la
figure d'un porc , Cerbcrus sous celle d'un
chien, Belzébut sous celle d'un taureau. Ou
ne sait trop comment juger ces faits inconr
cevables, si fréquents au seizième siècle.
Nicole Aubry parvint à se faire préscnier,
le 27 août 1566, au roi Charles IX, qui lut
donna dix écus d'or.
AUGEROT, sorcier. Voy. Chorropique.
AUGURES. Les augures étaient chez les
Romains les interprètes des dieux. On les
consultait avant toutes les grandes entrepri-
ses : ils jugeaient du succès par le vol , le
chant et la façon de manger des oiseaux. On
ne pouvait élire un magistrat , ni donner
une bataille, sans avoir consulté l'appétit
des poulets sacrés ou les entrailles des vic-
times. Annibal pressant le roi Prusias de
livrer bataille aux Romains, celui-ci s'en
excusa , en disant que les victimes s'y oppo-
saient. — C'esl-à-dire, reprit Annibal , que
vous préférez l'avis d'un mouton à celui d'ua
vieux général.
Les augures prédisaient aussi l'avenir, par
le moyen du tonnerre et des éclairs , par les
éclipses et par les présag<s qu'on tirait de
l'apparition des comètes. Les savants n'é-
taient pas dupes de leurs cérémonies , ei
Gicéron disait qu'il ne concevait pas que
deux augures pussent se regarder sans rire .
Quelques-uns méprisèrent, il est vrai , la
science des augures; mais ils s'en trouvèrent
mal, parce que le peuple la respectait. On
vint dire à Claudius Pulcher, prêt à livrer
bataille aux Carthaginois, que 1rs poulets
sacrés refusaient de manger. — Qu'on les
jette à la mer, répondit-il , s'ils ne mangent
pas, ils boiront. Mais l'armée fut indignée de
(2) Bil)lioltieca cliimica coni.racia ex delectu et einenda-
lioiie Nalliaiiis Albiiiei, in-8. Genève, 1031 el 1675.
!i7
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES
{(3
cp s.icrilége, cl Claudius perdit la bataille.
Les oiseaux ne sont pas, chez nos bonnes
gens, dépourvus du don de prophélie. Le cri
de la chouclle annonce la mort. Le chant du
rossignol promet de la joie ; le coucou donne
de l'argent, quand on porte sur soi quelque
monnaie le premier jour qu'on a le bonheur
de l'entendre, etc.
Si une corneille vole devant vous, dit Car-
dan, elle pré -âge un malheur futur; si elle
vole à droite , un malheur présent ; si elle
vole à gauche, un malheur qu'on peut éviter
par la prudence ; si elle vole sur la tête, elle
annonce la mort, pourvu toutefois qu'elle
croasse : car, si elle garde le silence, elle ne
présage rien....
On dit que la science des augures passa
des Chaldéens chez les Grecs, et ensuite chez
les Romains. Elle est défendue aux Juifs par
!e chapitre XXIX du Lévitique.
Gaspard Peucer dit que les augures se
prenaient de cinq choses : 1° du ciel ; 2° des
oiseaux ; 3° des bêtes à deux pieds ; 4° des
bêles à quatre pieds ; 5° de ce qui arrive au
corps humain, soit dans la maison, soit hors
de la maison.
Mais les anciens livres auguraux, approu-
vés par Maïole dans le deuxième colloque du
supplément à ses Jours caniculaires, portent
les objels d'augures à douze chefs princi-
piux , selon le nombre des douze signes du
zodiaque : 1° l'entrée d'un animal sauvage ou
domestique dans une maison ; 2° la rencontre
d'un animal sur la route ou dans la rue;
3° la chute du tonnerre ; k° un rat qui mange
une savate , un renard qui étrangle une
poule , un loup qui emporte une brebis, etc.;
5° un bruit inconnu entendu dans la maison,
et qu'on attribuait à quelque lutin ; C° le cri
de la corneille ou du hibou, un oiseau qui
tombe sur le chemin , etc. ; 7» un chat ou tout
autre animal qui entre par un trou dans la
maison : on le prenait pour un mauvais gé-
nie ; 8° un flambeau qui s'éteint tout seul, ce
que l'on croyait une malice d'un démon ;
9° le feu qui pétille. Les anciens pensaient
que Vulcain leur parlait alors dans le foyer;
10" ils tiraient encore divers présages lorsque
la flamme étincelait d'une manière extraor-
dinaire; 11° lorsqu'elle bondissait, ils s'ima-
ginaient que les dieux Lares s'amusaient à
l'agiter; 12° cnGn, ils regardaient comme un
motif d'augure une tristesse qui leur surve-
nait tout-à-coup.
Nous avons conservé quelques traces de
CCS superstitions , qui ue sont pas sans
poésie ?1).
Les Grecs modernes tirent des augures du
cri des pleureuses à gages. Ils disent que si
l'on entend braire un âne à jeun, on tom-
bera infailliblement de cheval dans la jour-
née,— pourvu toutefois qu'on aille à cheval.
Voyez Ornithomancie , Aigle , Corneille ,
Hibou , Arcspices , etc.
AUGUSTE. Leloyer rapporte , après quel-
|1) Dictionnaire plillosophiqiie, au mot Augures.
(2) Discours des sorciors, ch. 7.
t3j In Auguste, cap. 90.
qucs anciens , que la mère de l'empereur
Auguste, étant enceinte de lui, eut un songe
où il lui sembla que ses entrailles étaient
portées dans le ciel, ce qui présageait la fu-
ture grandeur de son fils. Ce nonobstant,
d'autres démonographes disent qu'Auguste
était enfant du diable. — Les cabalistes n'ont
pas manqué de faire de ce diable une Siila-
mandre.
Il y a des merveilles dans le destin d'Au-
guste ; et Boguet conte, avec d'autres bons
hommes , que cet empereur, él;int sur le
point de se faire proclamer maître et sei-
gneur de tout le monde, en fut empêché par
une vierge qu'il aperçut en l'air, tenant en ses
bras un enfiint (2)....
Auguste était superstitieux ; Suétone rap-
porte (3) que , comme on croyait de son
temps que la peau d'un veau marin préser-
vait de la foudre, il était toujours muni d'une
peau de veau marin. Il eut encore la faiblesse
de croire qu'un poisson qui sortait hors de
la mer, sur le rivage d'Actium , lui présa-
geait le gain d'une bataille. Suétone ajoute
(ju'ayant ensuite rencontré un ânier, il lui
demanda le nom de son âne ; que l'ànicr lui
ayant répondu que son âne s'appelait Nicolas,
qui signifie vainqueur des peuples, il ne douta
plus de la victoire; et que, par la suite, il
fit ériger des statues d'airain à l'ânier, à l'âne
et au poisson sautant. Il dit même que ces
statues furent placées dans le Capitole.
On sait qu'Auguste fut proclauié dieu de
son vivant , et qu'il eut des temples et des
prêtres.
AUGUSTIN (saint), évéque d'Hippone, l'un
des plus illustres Pères de l'Eglise. On lit
dans Jacques de Varasc une gracieuse lé-
gende sur ce grand saint :
Un jour qu'il était plongé dans ses médi-
tations, il vit passer devant lui un démon
qui portait un livre énorme sur ses épaules.
Il l'arrêta et lui demanda à voir ce que con-
tenait ce livre. — C'est le registre de tous
les péchés des hommes, répond le démon ; je
les ramasse où je les trouve , cl je Us écris â
leur place pour savoir plus aisément ce que
chacun me doit. — Montrez-moi , dit le
pieux évéque d'Hippone , quels péchés j'ai
faits depuis ma conversion?.... Le démon
ouvrit le livre, et chercha l'article de saint
Augustin , où il ne trouva que celle petite
note : — Il a oublié tel jour de dire les com-
piles. Le prélat ordonna au diable de l'at-
tendre un moment ; il se rendit à l'église ,
récita les compiles, et revint auprès du dé-
mon , à qui il demanda de lire une seconde
fois sa note. Elle se trouva effacée. — Ah 1
vous m'avez joué, s'écria le diable,.... mais
on ne m'y reprendra plus En disant ces
mots, il s'en alla peu content (4).
Nous avons dit que saint Augustin avait
réfuté le petit livre du Démon deSocrate, d'A-
pulée. On peut lire aussi de ce Père le traité
de l'Antéchrist et divers chapitres de sou ad-
(4) Legpnda aurea Jac. de Yoragine, aucia a Claudiuo t
Rota, leg. 119.
«19 AlP
inirable ouvrage de la Cité de Dieu, qui ont
rapport au genre de merveilles dont nous
nous occupons.
AUMONE. — Le peuple croit en Angleterre
que, pour les voyngeurs qui ne veulent pas
s'égarer dans leur route, c'est une grande
imprudence de passer auprès d'une vieille
femme sans lui donner l'aumône, surtout
quand elle regarde en face celui dont elle
sollicite la pitié (1).
Nous rapporterons sur l'aumône une anec-
dote qui ne tient pourtant pas aux supersti-
tions. C'est celle de cet excellent pèreBri-
daine, missionnaire toujours pauvre, parce
(lu'il donnait tout. Un jour il alla demander
0 coucher au curé d'un village, qui n'avait
qu'un lit et qui le lui fit partager. Le père
CriJaine se leva au point du jour, selon son
usage, pour aller prier à l'église. En sortant
du presbytère, il trouva un pauvre mendiant
qui lui demanda l'aumône. — Hélas 1 mon
ami, je n'ai plus rien, répondit le bon pré-
Ire, en louchant cependant son gousset, où
il fut Irès-élonné de sentir quelque chose;
car il n'y avait rien laissé. 11 fouille vive-
ment, tire un petit rouleau de quatre écus,
crie miracle, donne le rouleau au mendiant
et court remercier Dieu.
Au bout d'un instant, le curé arrive : le
père Bridaine, dans l'obscurité, avait mis la
culotte du curé pour la sienne. Les quatre
écus étaient le bien, le seul trésor peut-être
du pauvre bon curé. Mais le mendiant avait
disparu; il fallut bien qu'il se consolât de la
perte de sou argent, et le père Bridaine de la
perte de son petit miracle. — Une aventure
semblable a été attribuée à un curé de
Bruxelles au dix-septième siècle.
AUPETlï (Pierre), — prêtre sorcier, du
village de Fossas, paroisse de Paias, près la
ville de Chalus, en Limousin, exécuté à l'âge
de cinquante ans, le 25 mai 1398. — Il ne
voulut pas d'abord répondre an juge civil; il
en fut référé au parlement de Bordeaux, qui
ordonna que le juge laïque connaîtrait de
celte affaire, sauf à s'adjoindre un juge d'é-
glise. L'évéque de Limogîs envoya un mem-
bre de l'officialilé pour assister, avec le vice-
sénéihal et le conseiller dePeyrut,à l'audi-
tion du sorcier. — Interrogé s'il n'a pas été
au sabbat de Menciras, s'il n'y a pas vu
Antoine Humons de Saint-Laurent, chargé de
fournir des chandelles pour l'adoration du
diable; si lui, Pierre Aupelit, n'a pas tenu le
fusil pour les allumer, etc.; il a répondu que
non, et qu'à l'égard du diable, il priait Dieu
de le garder de sa figure : ce qui signifie, au
iugement de ])elancre, qu'il était sorcier. —
nterrogé s'il ne se servait pas de graisses,
et si, après le sabbat, il n'avait pas lu dans
un livre pour faire venir une troupe de co-
chons qui criaient et lui répondaient : « Ti-
» ran, îiran, ramassien, ramassien, nous
» réclamons cercles et cernes pour faire l'as-
» semblée que nous t'avons promise; » il a
répondu qu'il ne savait ce qu'où lui deman-
dait. — Interrogé s'il ne sait pas embarrer
(1) FieUling, Tom Joncs, liv. XIV, ch. 2.
Al'R
l'iO
ou désembarror, et se rendre invisible étant
prisonnier, il répond que non. — Interrogé
s'il sait dire des messes pour obtenir la gué-
rison des malades, il répond qu'il en s^l dire
en l'honneur des cinq plaies de Notre-Sei-
gneur et de monsieur saint Côme. — Pour
tirer de lui la vérité, selon les usages d'alors,
on l'appliqua à la question. 11 avoua qu'il
était allé au sabbat; qu'il lisait dans le gri-
moire ; que le diable, en forme de mouton,
plus noir que blanc, se faisait baiser le der-
rière; que Gratoulet, insigne sorcier, lui avait
appris le secret d'embarrer, d'étanchor et
d'arrêter le sang; que son démon ou esprit
familier s'appelait Belzébul, et qu'il avait
reçu en cadeau sou petit doigt. Il déclara
qu'il avait dit la messe en l'honneur de Bel-
zébut, et qu'il savait embarrer en invoquant
le nom du diable et en mettant un liard dans
une aiguillette; il dit, de plus, que le diable
parlait en langage vulgaire aux sorciers, et
que, quand il voulait envoyer du mal à quel-
qu'un, il disait ces mots : « Vach, veçh, slet,
sly, stul » Il persista jusqu'au supplice dans
ces ridicules révélations, mêlées d'indécentes
grossièretés (2j. Pour comprendre ces cho-
ses, voy. les articles Saebat, Boucs, etc.
AURORE BOREALE, — espèce de nuée
rare, transparente, luoiiueuse, qui parait la
nuit du côié du nord. On ne saurait croire,
dit Siiinl-Foix, sous combien de formes l'i-
gnorance et la superstition des siècles pas-
sés nous ont présenté l'aurore boréale. Elle
produisait des visions différentes dans l'es-
prit des peuples, selon que ces aijparitions
étaient plus ou moins fréquentes, c'est-à-dire,
selon qu'on habitait des pays plus ou moins
éloignés du pôle. Elle fut d'abord un sujet
d'alarmes pour les peuples du nord; ils cru-
rent leurs campagnes en feu et l'ennemi à
leur porte. Mais ce phénomène devenant
presque journalier, ils s'y sont accoutumés.
Ils disent que ce sont des esprits qui se que-
rellent et qui combattent dans les airs. Cette
opinion est surtout très-accréditée en Sibérie.
Les Groiinlandais, lorsqu'ils voient une au-
rore boréale, s'imaginent que ce sont les
âmes qui jouent à la boule dans le ciel, avec
une tête de baleine. — Les habitants des pays
qui tiennent le milieu entre les terres arcti-
ques et l'extrémité méridionale de l'Europe,
n'y voient que des sujets tristes ou uiena-
çants, affreux ou terribles; ce sont des ar-
mées en feu qui se livrent de sanglantes
batailles, des têles hideuses séparées de leur
tronc, des chars enflammés, des cavaliers qui
se percent de leurs lances. On croit voir des
pluies de sang ; on entend le bruit de la mous-
qneleric, le son des trompettes, présages fu-
nestes de guerre et de calamités publiques.
Voilà ce que nos pères ont aussi vu et en-
tendu dans les aurons boréales. Faut-il
s'étonner, après cela, des frayeurs alfreuses
que leur causaient ces sortes de nuées quand
elles paraissaient?— La 6' Aronù/ lie (/e />0M!sJ/
rapporte qu'eu 1463 on aperçut à Paris une
(i) Delaiicre, Tableau do
anges, liv. VI, dise. 1.
riiicuiistancc des mau\uij
151
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
isa
aurore boréale, qui fit parallrn toute la ville
en feu. Les soldats qui faisaient le guet en
furent épouvantés, et un homme en devint
fou. On en porta la nouvelle au roi, qui
monta à cheval et courut sur les remparts.
Le bruit se répandit que les ennemis qui
étaient devant Paris se retiraient et mettaient
le feu à la ville. Tout le monde se rassembla
en désordre, et on trouva que ce grand sujet
de terreur n'était qu'un phénomène.
AUSITIF, — démon peu connu, qui est cité
dans la possession de Loudun, — en 16i3.
AUSPICES, — augures qui devinaient sur-
tout par le vol et le chant des oiseaux. Yoy.
AUGDRES, ArUSPICES, ctc.
AUTOMATES. — On croyait aulrefois que
ces ouvrages de l'art étaient l'œuvre du dé-
mon. Voy. Albert le Grand, Bacon, En-
chantements, MÉCANIQUE, etc.
AUTOPSIE, — espèce d'extase où des fous
se croyaient en commerce avec les esprits.
AUTRUCHE. — Il est bien vrai qu'elle
avale du fer, car elle avale tout ce qu'elle
rencontre; mais il n'est pas vrai qu'elle le
digère, et l'expérience a détruit cette opinion
erronée (1).
AUTUN (Jacques d'). — Voy. Chevanes.
AVENAR, — astrologue qui promit aux
Juifs, sur la foi des planèles, que leur messie
arriverait sans fau(eenl41'i',ou,au plus tard,
en 1464. « Il donnait pour ses garants Sa-
turne, Jupiter, l'Ecrevisse et les Poissons.
Tous les Juifs tinrent leurs fenêtres ouvertes
pour recevoir l'envoyé de Dieu, qui n'arriva
pas, soit que l'Ecrevisse eût reculé, soit que
les Poissons d'Avenar ne fussent que des pois-
sons d'avril (2). »
AVENIR. — C'est pour en pénétrer les se-
crets qu'on a inventé tant de moyens de dire
la bonne aventure. Toutes les divinations ont
principalement pour objet de connaître l'a-
venir.
AVERNE, — marais consacré à Pluton,
près de Bayes. Il en sortait des exhalaisons
si infectes, qu'on croyait que c'était l'entrée
des enfers.
AVERROÈS, — médecin arabe et le plus
grand philosophe de sa nation, né à Cordoue
dans le douzième siècle. Il s'acquit une si
belle réputation de justice, de vertu et de
sagesse, que le roi de Maroc le fit juge de
toute la Mauritanie. Il traduisit Aristote en
arabe, et composa plusieurs ouvrages sur la
philosophie et la médecine. Quelques démo-
nographes ont voulu le mettre au nombre des
magiciens et lui donner un démon familier.
Malheureusement Avcrroès était un épicu-
rien, mahomélan pour la forme, et ne croyait
pas à l'existence dus démons (3). L'empereur
de Maroc, un jour, lui fit faire amende hono-
rable à la porte d'une mosquée, où tous les
passants eurent permission de lui cracher au
visage, pour avoir dit que la religion de Ma-
homet était une religion de pourceaux.
AVICENNE, — célèbre médecin arabe,
(t) Voyez Brown, Des Erreurs populaires, liv. III,
ch. 32.
(2) M. Salgues, Des Krreurs et des préjugés, t. I, p. 90.
(3) Magiam dsemooiacam pleno orc negarunt Âverroes
mort vers le milieu du onzième siècle, fameux
par le grand nombre et l'étendue de ses ou-
vrages, et par sa vie aventureuse. On peut
en quelque sorte le comparer à Agrippa. Les
Arabes croient qu'il maîtrisait les esprits et
qu'il se faisait servir par des génies. Comme
il rechercha la pierre plillosophale, on dit
encore dans plusieurs contrées de l'Arabie
qu'il n'est pas mort; mais que, grâce à l'é-
lixir de longue vie et à l'or potable, il vit
dans une retraite ignorée avec une grande
puissance. — Il a composé divers traités
d'alchimie recherchés des songe-creux. Son
traité de la Congélation de la pierre et son
Tractalutus de Alchimia se trouvent dans les
deux premiers volumes de l'Ars aurifera.
Râle, 1610. Son Ars chimica a été imprimé à
Berne, 1572. On lui attribue encore deux
opuscules hermétiques insérés dans le Thea-
trum chimicum, et un volume in-8°, publié à
Râle en 1572, sous le titre de la Porte des élé-
ments. Porta elementorum. — Les livres de se-
crets merveilleux s'appuient souvent du nom
d'Avicenne pour les plus absurdes receltes.
AXINOMANCIE, divination par le moyen
d'une hache ou cognée de bûcheron. Fran-
çois de Torre-Rlanca, qui en parle (4), ne
nous dit pas comment les devins maniaient
la hache. Nous ne ferons donc connaître que
les deux moyens employés ouvertement dans
l'antiquité et pratiqués encore dans certains
pays du Nord.
1° Lorsqu'on veut découvrir un trésor, il
faut se procurer une agate ronde, faire rou-
gir au feu le fer de la hache, et la poser de
manière que le tranchant soit bien perpen-
diculairement en l'air. On place la pierre
d'agate sur le tranchant. Si elle s'y tient, il
n'y a pas de trésor; si elle tombe, elle roule
avec rapidité. On la replace trois fois, et si
elle roule trois fois vers le même lieu, c'est
qu'il y a un trésor dans ce lieu même; si elle
prend à chaque fois une route différente, on
peut chercher ailleurs.
2° Lorsqu'on veut découvrir des voleurs,
on pose la hache à terre, le fer en bas et le
bout du manche perpendiculairement en
l'air; on danse en rond à l'entour, jusqu'à
ce que le bout du manche s'ébranle et que la
hache s'étende sur le sol : le bout du manche
indique la direction qu'il faut prendre pour
aller à la recherche des voleurs. Quelques-
uns disent que pour cela il faut que le fer do
la hache soit fiché en un pot rond : « Ce qui
est absurde tout à fait, comme dit Dclan-
cre (o) ; car quel moyen de ficher une cognée
dans un pot rond, non plus que coudre ou
rapiécer ce pot, si la cognée l'avait une fois
mis en pièces! »
AYM. Voy. Habortm.
AYMAR (Jacques), paysan né à Saint-Vé-
ran, en Dauphiné, le 8 septembre 1662, entre
minuit et une heure. De maçon qu'il était, il
se rendit célèbre par l'usage de la baguette
divinatoire. Quelques-uns, qui donnaient
et alii epicurei, qui, una cum Saduca;is dœmones esse
negaruot. (Torrebtauca , Denis magiques, liv. Il, cb. v.)
(i) Epist. delicl. slve de magia, lit). I, cap. 24.
(5) L'Incréduliti et mécréaocc, etc., traité 5.
IS3
6AÂ
DAA
15i
dans l'astrologie, ont attribué son rare talent
à l'époque précise de sa naissance; car son
frère, né dans le môme mois, deux ans plus
lard, ne pouvait rien faire avec la baguette.
Voy. Baguette divinatoire.
AYMON (les quatre fils). Siècle de Char-
lemagne. Ils avaient un cheval merveilleux.
Voy. Bâtard.
AYOLA (Vasques de). Vers 1570, un jeune
homme nommé Vasques de Ayola étant allé
à Bologne, avec deux de ses compagnons,
pour y étudier en droit, et n'ayant pas trouvé
de logement dans la ville, ils habitèrent une
grande et belle maison, abandonnée parce
qu'il y revenait un spectre qui épouvantait
tous ceux qui osaient y loger; mais ils se
moquèrent de tous ces récits et s'y installè-
rent. — Au bout d'un mois, Ayola veillant
un soir seul dans sa chambre, et ses compa-
gnons dormant tranquillement dans leurs
lits, il entendit de loin un bruit de chaînes,
qui s'approchait et qui semblait venir de
l'escalier de la maison ; il se recommanda à
Dieu, prit un bouclier, une épée, et, tenant
sa bougie en main, il attendit le spectre, qui
bientôt ouvrit la porte et parut. C'était un
squelette qui n'avait que les os; il était, avec
cela, chargé de chaînes. Ayola lui demanda
ce qu'il souhaitait? Le fantôme, selon l'usa-
ge, lui fit signe de le suivre. En descendant
l'escalier, la bougie s'éteignit. Ayola eut le
courage d'aller la rallumer, et marcha der-
rière le spectre, qui le mena le long d'une
cour où il y avait un puits. Il craignit qu'il
ne voulût l'y précipiter, et s'arrêta. L'esprit
lui fit signe de continuer à le suivre; ils en-
trèrent dans le jardin, où la vision disparut.
— Le jeune homme arracha quelques poi-
gnées d'herbe, pour reconnaître l'endroit; il
alla ensuite raconter à ses compagnons ce
qui lui était arrivé, et le lendemain malin il
en donna avis aux principaux de Bologne.
Ils vinrent sur les lieux et y firent fouiller.
On trouva un corps décharné, chargé de
chaînes. On s'informa qui ce pouvait être;
mais on ne put rien découvrir de certain. Ou
fit faire au mort des obsèques convenables;
on l'enterra, et depuis ce temps la maison ne
fut plus inquiétée. Ce fait, rapporté par An-
toine de Torquemada, est encore une copie
des aventures d'Alhénodore et d'Arignote.
AYPEROS , comte de l'empire infernal.
C'est le même qu'Ipès. Voy. ce mot.
AZAEL, l'un des anges qui se révoltèrent
contre Dieu. Les rabbins disent qu'il est en-
chaîné sur des pierres pointues, dans un en-
droit obscur du désert, en attendant le juge-
ment dernier.
AZARIEL, ange qui, selon les rabbins du
Talmud, a la surintendance des eaux de la
terre. Les pêcheurs l'invoquent pour pren-
dre de gros poissons.
AZAZEL, démon du second ordre, gardien
du bouc. A la fêle de l'Expialion, que les
Juifs célébraient le dixième jour du septième
mois (1), on amenait au grand prêtre deux
boucs qu'il lirait au sort : l'un pour le Sei-
gneur, l'autre pour Azazel. Celui sur qui
tombait le sort du Seigneur était immolé, et
son sang servait pour l'expiation. Le grand
prêtre mettait ensuite ses deux mains sur la
tête de l'autre, confessait ses péchés et ceux
du peuple, en chargeait cet animal, qui était
alors conduit dans le désert et mis en liberté ;
et le peuple, ayant laissé au bouc d'Azazel,
appelé aussi le bouc émissaire, le soin de ses
iniquités, s'en retournait en silence. — Selon
Milton, Azazel est le premier porte-enseigne
des armées infernales. C'est aussi le nom du
démon dont se servait, pour ses prestiges,
l'hérétique Marc.
AZER, ange du feu élémentaire, selon les
Guèbres. Azer est encore le nom du père do
Zoroastre.
AZRAEL ou AZRAIL, ange de la mort. On
conte que cet ange, passant un jour sous
une forme visible auprès de Salomon, re-
garda fixement un homme assis à côté de
lui. Cet homme demanda qui le regardait
ainsi, et ayant appris de Salomon que c'était
l'ange de la mort : — Il semble m'en vouloir,
dit-il; ordonnez, je vous prie, au vent de
m'emporter dans l'Inde. — Ce qui fut fait
aussitôt. Alors l'ange dit à Salomon : — Il
n'est pas étonnant que j'aie considéré cet
homme avec tant d'attention : j'ai ordre d'al-
ler prendre son âme dans l'Inde, et j'étais
surpris de le trouver près de toi en Pales-
tine... — Voy. Mort, Ame, etc. — Mahomet
citait cette histoire pour prouver que nul ne
peut échapper à sa destinée. — Azraël est
différent d'Asrafil.
<l) Le septième mois chez les Juifs répondait à sep-
tembre.
B
BAAL , grand duc dont la domination est
très-étendue aux enfers. Quelques démono-
raanes le désignent comme général en chef
des armées infernales. Il était adoré des
Qhaldéens, des Babyloniens et dcsSidoniens;
il le fut aussi des Israélites lorsqu'ils tom-
bèrent dans l'idolâtrie. On lui offrait des
victimes humaines. On voit dans Arnobe que
ses adorateurs ne lui donnaient pointdesexc
déterminé. Souvent, on Asie, il a été pris pour
le soleil.
BAALBÉRITH, démon du second ordre ,
maître ou seigneur de Valliance. 11 est ,
selon quelques démonomanes, secrétaire gé-
néral et conservateurdes archives de l'enfer.
Les Phéniciens, qui l'adoraient, le prenaient
à témoin de leurs serments.
BAALZEPHON , capitaine des gardes ou
DICÏIONNMUF, DKS SCIENCES OCCULTES.
i:6
scnliiicllcs de l'enfer. Les Egyptiens l'aiio-
raient et lui reconnaissaient le pouvoir d'em-
pêcher leurs esclaves de s'enfuir. Néanmoins,
(lisent les rabhins, c'est pendant un sacrifi-
ce que Pharaon faisait à cet idole que les
Hébreux passèrent la mer Rouge, et on lit
dans le Targum que l'ange exterminateur,
ayant brisé les statues de tous les autres dieux,
ne laissa debout que Baaizephon.
BAAUAS, plantemerveilleuse, queles Ara-
bes appellent herbe d'or, et qui croît sur le
mont Liban, lis disent qu'elle paraît au mois
de mai, après la fonte des neiges. La nuit,
elle jette de la clarté comme un petit flam-
beau, mais elle est invisitile le jour ; et mê-
me, ajoutent-ils, les feuilles qu'on a enve-
loppées dans des mouchoirs disparaissent ,
ce qui leur fait croire qu'elle est ensorcelée,
d'autant plus qu'elle transmue les métaux en
or, qu'elle rompt les charmes et les sortilè-
ges, etc. — Josèphe , qui admet beaucoup
d'autres contes, parle de celle plante dans
son histoire de la guerre des Juifs (1). « On
ne la saurait toucher sans mourir, dit-il , si
on n'a dans la main de la racine de la même
plante; mais on a trouvé un moyen de la
cueillir sans péril : on creuse la terre tout
alentour, on attache à la racine mise à nu
un chien qui, voulant suivre celui qui l'a at-
taché , enlève la plante et meurt aussitôt.
Après cela, on peut la manier sans danger.
Les démons qui s'y logent, et qui sont les
âmes des méchants, tuent ceux qui s'en em-
parent autrement que par le moyen cju'on
vient d'indiquer ; et, ce qui d'un autre côté
n'est pas moins merveilleux, ajoute encore
Josèphe, c'est qu'on met en fuite les démons
des corps des possédés aussitôt qu'on appro-
che d'eux la plante baaras. »
BABAILANAS, Voy. Catalonos.
BAB.\U , espèce d'ogre ou de fantôme dont
les nourrices menacent les petits enfants
dans les provinces du midi de la France ,
comme on les effraie à Paris de Croquemi-
taine, et en Flandre de Pier-Jan Claes, qui
est Polichinelle. Mais Babuu ne se contente
pas de fouetter, il mange en salade les enfants
qui sont méchants.
BABEL. La tour de Babel fut élevée cent
quinze ans après le déluge universel. On
montre les ruines ou les traces de celte tour
auprès de Bagdad. — On sait que sa con-
struction a.'iiena la confusion des langues. Le
poêle juif Emmanuel, à propos de celte con-
fusion, explique dans un de ses sonnets com-
ment le mot sac est resté dans tous les idio-
mes. « Ceux qui travaillaient à la tour de
B.ibel avaient, dit-il, comme nos manœuvres,
chacun un sac pour ses petites provisions.
Quand le Seigneur confondit leurs langages,
la peur les ayant pris, chacun voulut s'en-
fuir, et demanda son sac. Ou ne répétait par-
tout que ce mol ; et c'est ce qui l'a fuit pas-
ser dans toutes les langues qui se formèrent
alors. »
BAGCHDS. Nous ne rapporterons pas ici
(I) Liv. VII, ch. 23. Elieii , de Animal., liv. XIV,
ch. xxvii, accorde les mêmes vertus à la (ibiiic aylaoïitio-
lis. Vojei ce mot.
les fables dont l'ancienne mythologie a orné
son histoire. Nous ne faisons mention de Bac-
chus que parce queles démonographes le
regardent comme l'ancien chef du sabbat,
fondé par Orphée ; ils disent qu'il le prési-
dait sous le nom de Sabasius. « Bacchus, dit
Leloyer, n'était qu'un démon épouvantable
et nuisant, ayant cornes en tête et javelot en
main. C'était le maître guide-danse (2), et
dieu des sorciers et des sorcières ; c'est leur
chevreau, c'est leur bouc cornu, c'est le prin-
ce des bouquins, satyres et silènes. Il appa-
raît toujours aux sorciers et sorcières, dans
leurs sabbats, les cornes en tête ; et hors des
sabbats , bien qu'il montre visage d'homme,
les sorcières ont toujours confessé iju'il a le
pied difforme, tantôt de corne solide comme
ceux du cheval, tantôt fendu comme ceux du
bœuf (3). »
Les sorciers des temps modernes l'appel-
lent plus généralement Léonard, ou Satan ,
ou le bouc, ou maître Rigoux.
Ce qui sans doute appuie celte opinion ,
que le démon du sabbat est le même que
Bacchus, c'est le souvenir des orgies qui a-
vaient lieu aux bacchanales.
BACIS, devin de Béotie. Plusieurs de ceux
qui se mêlèrent de prédire les choses futu-
res portèrent le même nom de Bacis {'*). Le-
loyer dit que les Athéniens révéraient les
vers prophétiques de leurs bacides, t qui é-
taienttrois insignes sorciers très-connus (5).»
BACON (rogek) parut dans le treizième
siècle. C'était un cordelier anglais. 11 passa
pour magicien , quoiqu'il ait écrit contre
la magie, parce qu'il étudiait la physique
et qu'il faisait des expériences naturel-
les. 11 est vrai pourtant qu'il y a dans ses
écrits de singulières choses, et (ju'il voulut
élever l'astrologie judiciaire à la dignité de
science. Onlui attribue l'invention de la pou-
dre. Il paraîtrait même qu'on lui doit aussi
les télescopes et les lunettes à longue vue.
Il était versé dans les boaux-arls, ei surpas-
sait tous ses contemporains par l'étendue de
ses connaissances et par la subtilité de son
génie. Aussi on publia qu'il devaitsa supério-
rité aux démons, avec qui il commerçait.
Cet homme savant croyait donc à l'astrolo-
gie et à la pierre philosophale. Delrio, qui
n'en fail pas un magicien, lui reproche seu-
lement dessuperstitions. Par exemple, Fran-
çois Pic dit avoir lu, dans son livre des six
sciences, qu'un homme pourrait devenir
prophète et prédire les choses futures par
le moyen d'un miroir, que Bacon nomme «/-
muchefi, composé suivant les règles de per-
spective, pourvu qu'il s'en serve, ajoule-
t-il, sous une bonne constellation, et après
avoir tempéré son corps par l'alchimie.
Cependant Wiérus accuse Bacon de magie
goétique ; et d'autres doctes assurent que
l'Antéchrist se servira lie ses miroirs magiiiue»
pour faire des miracles.
Bacon se fit , dit-on , comme Albert le
(2) Jllscours des spectres, liv. Vit, cli. iii.
(5) Discours des spectres, liv. VIII, cli. v.
(i) Cicoro, De Divin., lib I, cap. xxxiv.
(3) Discours des spectres, liv. VU, cli. u.
iS"?
BAC
B.VC
irîs
Grand , un androïde. C'était, assurent les
conteurs, une tête de bronze qui parlait dis-
tinctement , et môme ([ui propliétisait. On
ajoute que , l'ayant consultée pour savoir
s'il serait bon d'entourer l'Angleterre d'un
gros mur d'airain, elle répondit: il est temps.
Un savant de nos jours (M. E. J. Dciécluze)
a publié sur Bacon une remarquable notice,
dont nous citerons quelques passages cu-
rieux. Bacon s'est beaucoup occupé , avant
Montesquieu, de l'influencedos climats, mais
il en tire des inductions plus précises. Lais-
sons parler M. Delécluze :
« Tout le morceau où il est question des
climats, et qui mène droit à faire une science
de l'astroiogio judiciaire, est on ne peut plus
ingénieux et justifie jusqu'à un certain point
le préjuge entretenu si longtemps en Europe,
eu faveur de ces idées étranges. Ainsi, par-
tant des grandes divisions de la terre, qui
parle cours du soleil déterminent les cli-
mats dont personne ne conteste la réalité et
l'influence f.rise en grand, Bacon arrive, de
proche en proche, à établir des subdivisions
pour les pays, pour les contrées, les pro-
vinces, les villes et même pour les hommes
pris un à un, qu'il place sous l'influence
d'un cône plus ou moins étroit , dont le cer-
cle supérieur comprend ceux des astres qui
influent sur la naissance , la nature et la
destinée des lieux, des objets et des êtres qui
se trouvent sur certains points du globe. »
Le savant moine est plus hardi encore sur
d'autres croyances, par exemple sur l'art de
prolonger la vie. Sur la parole d'un homme
en qui il avait pleine confiance, il cite ce fait
« qu'un savant célèbre de Paris, après avoir
coupé un serpent par tronçons, en ayant eu
.•ioin toutefois de conserver intacte la peau
de son ventre, lâcha ensuite l'animal, qui se
mita ramper sur des herbes dont les vertus
le guérirent aussitôt. L'expérimentateur ,
ajoute Bacon, alla reconnaîlre les lierbes ,
qui étaient d'un vert extraordinaire. D'après
l'autorité d'Artephius , il répète comment
un certain magicien, nommé Tantale, atta-
ché à la personne d'un roi de llnde , avait
trouvé, par la connaissance qu'il possédait
de la science des astres , le moyen de vivre
plusieurs siècles. Différentes anectodes de
la même force, empruntées à Pline ou à quel-
ques auteurs modernes, suivent celle de Tan-
tale, puis il s'étend longuement sur la thé-
riaque, qu'il regarde comme propre à pro-
longer excessivement la durée de la vie ; il
vante la chair des serpens ailés comme un
spécifique contre la ca'lucilédi; l'homme, et
recommande surtout l'hygiène d'Artephius
qui, à ce que l'on assure, dit-il, a vécu mille
vingt-cinq ans, ce qui doit faire préférer sa
méthode à toute autre. Quant à Aristote et à
Platon, ajoute-t-il encore, on ne doit pas s'é-
tonner de ce qu'ils n'ont pas su prolonger
leur vie , puisque ces philosophes fameux
ainsi quêtant d'autres no connaissaient pas
cette grande doctrine médicale, et qu'Ari-
.stole déclare même dans ses averlissemenis
<;u'il ignore la quadrature du cercle, secret
fort inférieur à celui d'Artephius. »
« Ce n'est pas , du reste, le seul passage
où Bacon parle avec cette assurance de la
(luadrature du cercle ; car à l'occasion d'A-
vicenne et d'Averrhoës , il fait observer
que ce dernier « avoue qu'il ignorait la qua-
drature du cercle , chose, dit Bacon, qui est
su.' complètement aujourd'hui.» — ./Vfim qua-
dratiiram circulise ignorasse confilelur, quod
his dicbus sciCur veraciler.
« Pour donner une idée complète de tous
les secrets, vrais ou prétendus, sur l'appli-
cation des(|uels Bacon voulait appeler l'at-
tention de ses contemporains, je rapporterai
quelques phrases tirées d'une lettre de ce
philosophe (1), par lesquelles il indique dos
idées de machines extraordinaires, dont plu-
sieurs en effet ont été mises en pratique de-
puis lui et particulièrement de nos jours.
Après s'être efforcé de prouver que, par le
secours des sciences, on peut exécuter réel-
lement des choses que la magie prétend pro-
duire, mais auxquelles elle n'atteint pas ef-
fectivement, il dit: — « Par la science et l'art
» seulement, on peut faire des machines pour
» naviguer sans le secours de rameurs, do
» manière à ce que les bâtiments soient por-
» tés sur les fleuves et sur la mer avec une
» vélocité extraordinaire, et sous la dire-
» ction d'un seul homme. Il est également
» possible d'établir dos chars mis en mou-
» vement avec une promptitude merveilleu-
» se, sans le secours d'animaux de tirage,
» semblables à ce que l'on croit qu'étaient
» les chars de guerre armés de faux chez les
» anciens. Ou pourrait faire aussi des mé-
» caniques pour voler ; l'homme serait as-
» sis au milieu et développerait quelqu'in-
» vention au moyen de laquelle des ailes ar-
» tificiclles frapperaient l'air. On p-ut faire
» un instrument très-petit, pour élever et
» abaisser des poids immenses ( la grue, le
» cric ). Et avec le secours d'un instrument
» de trois doigts cubes et même moindre ,
» il serait facile à un homme de s'échapper
» en sélevant ou en descendant avec ses
» cotnpagnons, d'un cachot ou d'une prison.
» Ou pourrait encore composer un appa-
)>,reil avec lequel un seul homme entraîne-
» rait violemment et malgré eux une foule
» immense d'autres. Il est d'autres machi-
» nos qui serviraient à se promener au fond
» des fleuves et de la mer, sans aucun dan-
» gcr pour la vie. Ces choses ont été faites
» anciennement et dans nos temps. Ou peut
» encore en faire beaucoup d'autres, com-
» me des ponts sans piles (suspendus) etc.,
» etc. »
« L'alchimie, dit-il ailleurs, néglige les
moyens fournis par l'expérience ; aussi ar-
rive-t-il rarement qu'elle donne de l'or à
vingt-quatre degrés (karats). Encore y a-
t-il eu peu de personnes qui aient porté l'al-
chimie à ce point. Mais au moyen du secret
des secrets d'.iristote, la science expérimen-
tale (la chimie) a produit de l'or non-seule-
ment de vingt-quatre degrés, mais de trente,
de quarante, et d'aussi fin que l'on veut.
(1) Epislola Frat. RoRcrii Baconis de secrelis opi-rflms
arlis lit lutuiie et de iiullilalc uiaaiae. Hambourg, ISJlS.
159
C ICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
IflO
El c'est à cette occasion qu'Aristote dit à
Alexandre: — Je veux le faire connaîlre le
plus grand des secrets, car non-seulement il
procurerait le bien-être de la république et
des particuliers , mais il prolongerait en-
core la vie ; car l'opération qui purgerait
les métaux les plus vils des parties corrom-
pues qu'ils contiennent, do manière à ce
qu'ils devinssent de l'argent ou de l'or pur,
sérail jugée susceptible par tous les savants
d'enlever les parties corrompues du corps
humain si complètement , qu'elle prolonge-
rait la vie humaine pendant plusieurs siè
clés. »
Passons en revue quelques autres secrets.
« Le nombre des moyens trouvés pour re-
fiousscr et pour détruire les ennemis de
'Etat sans armes et sans même les toucher
est grand, dit Bacon. On pratique des opé-
rations qui blessent exclusivement l'odorat ;
non pas en modifiant la qualité de l'air,
comme l'a fait Alexandre, mais en l'infec-
tant. On possède aussi d'autres moyens pour
blesser et pervertir les autres sens. Par le
contact seul de certaines matières on com-
promet, on peut même ôter la vie.
» La malche, espèce de bitume fort con-
nue, lancée bouillante surdes hommesarmés,
les brûle. Les Romains , dans leurs guer-
res , en ont fait un fréquent usage, comme
l'atteste Pline. L'huile de bitume (oleitm ci-
trinum pelreolum), que l'on tire de la pierre,
consume tout ce qu'elle rencontre lors-
qu'elle est préparée d'après certaine recelte,
et le feu qu'elle produit ne peut être éteint,
même par l'eau.
» D'autres opérations étonnent et blessent
tellement l'ouïe, que si l'on en fait usage
avec adresse et pendant la nuit, une ville pas
ftlus qu'une armée n'en peuvent supporter
es terribles effets. Aucun bruit de tonnerre
ne peut être comparé à celui que produisent
ces préparations.
» On peut aussi imprimer la terreur par
la vue, en produisant des éclats de lumière
qui jettent le trouble dans toutes les âmes.
Nous empruntons cette expérience d'un jeu
d'enfant en usage dans presque tout le
monde. Il consiste à faire un instrument
(cartouche) de la longueur du pouce d'un
homme, avec lequel on produit par la vio-
lence de ce que l'on nomme sel de pierre {sal
pelrœ) un bruit si horrible , bien que l'in-
strument ne soit qu'un petit morceau de
parchemin , que le bruit du tonnerre et l'é-
clat de l'aurore ne sont ni plus grands, ni
plus brillants que ceux que cet instrument
occasionne (1).
» Il y a aussi plusieurs choses (res) dont
le contact le plus léger fait mourir les ani-
maux venimeux ; en ne formant même
qu'un cercle avec ces choses , les bêles ve-
nimeuses que l'on y renferme ne pourront
en sortir et mourront sans en être touchées.
Ces choses , réduites en poudre , deviennent
un spécifique sûr pour guérir tout homme
(1) On pense que Bacon a trouvé la recelte de la pou-
dre â canon dans le iraitii d'un cenain Grec nommé Marco,
Intitulé le Livre det {eux.
qui aurait élé blessé par un animal veni-
meux , fait que Bçda avance dans son hi-
stoire ecclésiastique et que nous savons par
expérience. Tout cela prouve qu'il y a une
foule de choses étrangères dont nous igno-
rons les propriétés , faute d'avoir recours à
l'expérience. »
Voici d'autres idées de Bacon :
« De tous les exemples que l'on pour-
rait ciler en faveur de la supériorité de la
sagesse sur la force , je choisirai celui que
me fournil la vie d'Alexandre. En quittant la
Grèce pour aller conquérir le monde, il n'a-
vait que trente-deux mille fantassins et qua-
tre mille cinq cents cavaliers. Cependant, dit
Orosius, lorsque l'on considère cet homme
allant porter la guerre au monde avec une
si petite armée , on se demande ce qui doit
étonner le plus de la hardiesse de son pro-
jet ou de sa réussite. Dans le premier enga-
gement qui eut lieu entre lui et Darius , six
cent mille Perses tombèrent, tandis que le
Macédonien ne perdit que cent vingt cava-
liers el neuf fantassins. A la seconde ba-
taille, Alexandre mit quarante mille Perses
hors de combat , et de son côté il perdit cent
trente piétons et cent cinquante cavaliers ;
mais le résultat fut qu'il frappa facilement
et tout à coup le monde entier de terreur.
Toutefois , ajoute Orosius , ce fut autant par
la science que par le courage que le Macé-
donien devint victorieux. Eh ! comment au-
rait-il pu en être autrement lorsque nous li-
sons dans la vie d'Aristote que ce philoso-
phe accompagnait Alexandre dans ses expé-
ditions guerrières? Sénèque tient le même
langage, et, selon ce dernier, si le Macédo-
nien remporta constamment la victoire, c'est
qu'Aristote et Callislhène étaient réellement
les chefs, les conducteurs de ces entreprises
et qu'ils enseignaient toute espèce de scien-
ces à Alexandre.
» Mais Aristote a livré principalement le
monde à Alexandre ; Aristote qui connaissait
toutes les voies de la science dont il est le
père... »
Les curieux recherchent, de Roger Bacon,
le petit trailé intitulé Spéculum Alchimiœ ,
traduit en français par J. Girard de Tour-
nus, sous le titre de Miroir d'Alchimie, in-12
et in-8°, Lyon , 15o7 ; Paris, 1612. Le même
a traduit l'Admirable puissance de l'art et de
la nature, in-8', Lyon, 1357; Paris, 1729. De
potestate mirabili artis et nalurœ (2).
On ne confondra pas Roger Bacon avec
François Bacon , grand chancelier d'Angle-
terre , mort en 1626, que Wal pôle appelle
« le prophète des vérités que Newton est
venu révéler aux hommes. »
BACOTI. Nom commun aux devins et aux
sorciers de Tunquin. On interroge surtout le
bacoli pour savoir des nouvelles des morts.
Il bat le tambour, appelle le mort à grands
cris, se lait ensuite pendant que le défunt
lui parle à l'oreille sans se laisser voir, et
(2) Ce n'est qu'un cliapitrc de l'ouvrage inlilulé : Epi-
slola Fralris Kogerii Itaconis de secrelis operihus arlis et
nauine el de nullilalc inagis. In-t*. Paris, 1342: Uam-
Iwurg, 1008 Cl 1018, in-8».
161
BAG
BAG
46%
donne ordinaircmont de bonnes nouvelles,
parce qu'on les paie mieux,
BAD. Génie des vents et des tempêtes chfz
les Persans. Il préside au vingt-deuxième
jour de la lune.
i BADUCKE. Plante dont on prétend que le
fruit , pris dans du lait, glace les sens. Les
magiciens l'ont quelquefois employé pour
nouer l'aiguillette. Il sufQt, dit-on, d'en faire
boire une infusion à celui qu'on veut lier.
BAEL. Démon cité , dans le Grand Gri-
moire , en tête des puissances infernales.
C'est aussi par lui que Wiérus commence
l'inventaire de sa fameuse Pseudomonarcina
dœmonum. Il appelle Bael le premier roi de
l'enfer ; ses Etats sont dans la partie orien-
tale. Il se montre avec trois têtes, dont
l'une a la flgure d'un crapaud , l'autre
celle d'un homme , la troisième celle d'un
chat. Sa voix est rauque ; mais il se b<it
très-bien. Il rend ceux qui l'invoquent Ans
et rusés, et leur apprend le moyen d'être in-
visibles au besoin. Soixante-six légions lui
obéissent. — Est-ce le même que Baal ?
BiETILES. Pierres que les anciens consul-
taient comme des oracles et qu'ils croyaient
animées. C'étaient quelquefois des espèces
de talismans. Saturne, pensant avaler Jupi-
ter, dévora une de ces pierres emmaillotée. Il
y en avait de petites, taillées en forme ronde,
que l'on portait au cou; on les trouvait sur
des montagnes où cites tombaient avec le
tonnerre.
Souvent les baetiles étaient des statues ou
mandragores. On en cite de merveilleuses
qui rendaient des oracles, et dont la voix
siffl.iit comme celle des jeunes Anglaises. On
assure même que quelques bsetiles tombèrent
directement du ciel ; telle était la pierre
noire de Phrygie que Scipion Nasica amena
à Rome en grande pompe.
On révérait à Sparte , dans le temple de
Minerve Chalcidique, des bœtiles de la forme
d'un casque , qui , dit-on , s'élevaient sur
l'eau au son de la trompette, et plongeaient
dès qu'on prononçait le nom des Athéniens.
Les prêtres disaient ces pierres trouvées
dans l'Eurotas (1).
BAGOÉ. Devineresse que quelques-uns
croient être la sybille Erythrée. C'est, dit-on,
la première femme qui ait rendu des oracles.
Elle devinait en Toscane, et jugeait surtout
des événements par le tonnerre. Voy. Bi-
coïs.
BAGUE. Voy. Anneau.
BAGUEFTE DIVINATOIRE. Rameau four-
chu de coudrier,(]'aulne,de hêtre ou de pom-
mier, à l'aide duquel on découvre les métaux,
les sources cachées, les trésors, les maléfices
et les voleurs.
Il y a longtemps qu'une baguette est répu-
tée nécessaire à certains prodiges. On en
donne une aux fées et aux sorcières puis-
santes. Médée, Circé, Mercure, Baccbus, Zo-
(1) Tome III' des Mémoires de 1 Académie des inscrip-
tions.
(î) Disquisil. magisc, lib. HI, secl. ult.
(3) Dans ses Le'.lres qni découvrent rilliislon des iiliilo-
so;ilies sur la baguette el qui délruiseoi leurs sysiemes,
roastrc, Pythagorc, les sorciers de Pharaon,
voulant singer la verge de Moïse, avaient
une baguette ; Romulus prophétisait avec
un bâton augurai. Les Alains, et d'autres
peuples barbares , consultaient leurs dieux
en fichant une baguette en terre. Quelques
devins de village prétendent encore deviner
beaucoup de choses avec la baguette. Mais
c'est surtout à la fin du dix-septième siècle
qu'elle fit le plus grand bruit : Jacques Ay-
mar la mit en vogue en 1692. Cependant,
longtemps auparavant, Delrio (2) avait indi-
qué, parmi les pratiques superstitieuses,
l'usage d'une baguette de coudrier pour dé-
couvrir les voleurs ; mais Jacques Aymar
opérait des prodiges si variés et qui surpri-
rent tellement, que le Père Lebrun (3) et le
savant Malebrancho (4) les attribuèrent au
démon , pendant que d'autres les baptisaient
du nom de physique occulte ou d'électrjcité
souterraine.
Ce talent de tourner la baguette divina-
toire n'est donné qu'à quelques êtres privi-
légiés. On peut éprouver si on l'a reçu de
la nature ; rien n'est plus facile. Le cou-
drier est surtout l'arbre le plus propre. Il
ne s'agit que d'en couper une branche four-
chue, et de tenir dans chaque main les deux
bouts supérieurs. En mettant le pied sur
l'objet qu'on cherche ou sur les vestiges qui
peuvent indiquer cet objet , la baguette
tourne d'elle-même dans la main , et c'est
un indice infaillible.
Avant Jacques Aymar, on n'avait employé
la baguette qu'à la recherche des métaux
propres à l'alchimie. A l'aide de la sienne,
Aymar fit des merveilles de tout genre.
Il découvrait les eaux soiiterraines , les
bornes déplacées, les maléfices , les voleurs
et les assassins. Le bruit de ses talents s'é-
tanl répandu, il lut appelé à Lyon , en 1672,
pour dévoiler un mystère qui embarrassait
la justice. Le 5 juillet de celle même année,
sur les dix heures du soir, un marchand de
vin et sa femme avaient été égorgés à Lyon,
enterrés dans leur cave, et tout leur argent
avait été volé. Cela s'élait fait si adroitement
qu'on ne soupçonnait pas même les auteurs
du crime. Un voisin fit venir Aymar. Le lieu-
tenant criminel et le procureur du roi le con-
duisirent dans la cave. Il parut très-ému en
y entrant; son pouls s'éleva comme dans
une grosse fièvre ; sa baguette , qu'il tenait
à la main , tourna rapidement dans les deux
endroits où l'on avait trouvé les cadavres
du mari et de la femme. Après quoi , guidé
par la baguette ou par un sentiment inté-
rieur, il suivit les rues où les assassins
avaient passé, entra dans la cour de l'arche-
vêché , sortit de la ville par le pont du
Rhône, et prit à main droite le long de ce
fleuve. — Il fut éclairci du nombre des as-
sassins en arrivant à la maison d'un jardi-
nier, où il soutint opiniâtrement qu'ils étaient
in-12. Paris, 1693, et dans son Hisloire des pratiques
superstitieuses. ....
(4) Dans ses réponses au père Lel)run. On écrivit une
multitude de brocliures sur celle raalière.
1(3 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
Irois, qu'ils avaient cnlonré une tab!e cl vide
une botileilie sur iaquoilc la bagueUo lour-
nail. Cos circonsiancos furent confinnéos
par l'aveu de deux eiil'aiils de neuf à dix
ans, qui déclarèrent qu'en effet trois hom-
mes de mauvaise mine éiaienl entrés à la
maison et avaient vidé la bouteille désignée
par le paysan. On eoniinua di^ poursuivre les
meurtriers avec plus de cc)nfianc<'. La trace
de leuîs pas, indiqués sur le sable par la
baguette, montra qu'ils s'étaient emb;irqués.
Aymar les suivit par eau , s'arrétanl à tous
les endroits où les scélérats avaient pris
terre, reconnaissant les lits où ils avaient
couché , les tables où ils s'étaient assis, les
vases où ils avaient bu.
Après avoir longtemps étonné ses guides,
il s'arrêta enfin devant la prison de Beau-
caire et assura qu'il y avait là un des crimi-
nels. Parmi les prisonniers qu'on amena, un
bossu qu'on venait d'enfermer ce jour mémo
pour un larcin commis à la foire fut celui que
la baguette désigna. On conduisit ce bossu
dans tous les lieux qu'Aymar avait visités :
partout il fut reconnu.
En arrivant à Bagnols, il finit par avouer
que deux Provençaux l'avaient engagé, com-
me leur valet, à tremper dans ce crime; qu'il
n'y avait pris aucune part; que ses deux
bourgeois avaient fait le meurlre et le vol, et
lui avaiinl donné six écus et demi.
Ce qui sembla plus étonnant encore, c'est
que Jacques Aymar ne pouvait se trouver
auprès du bossu sans éprouver de grands
maux de cœur, et qu'il ne passait pas sur un
lieu où il sentait qu'un meurtre avait été
commis, sans se sentir l'envie de vomir.
Comme les révélations du bossu confir-
maient les découvertes d'Aymar, les uns ad-
miraient son étoile et criaient au prodige,
tandis que d'autres publiaient qu'il était sor-
cier. Cependant on ne put trouver les deux
assassins, et le bossu fut rompu vif.
Dès lors plusieurs personnes furent douées
du talent de Jacques Aymar, talent ignoré
jusqu'à lui. Des femmes mêmes firent tour-
ner la baguette. Elles avaient des convul-
sions et des maujc de cœur en passant sur un
endroit où un meurtre avait été commis; ce
mal ne se dissipait qu'avec un verre de vin.
Aymar faisait tant de bruit, qu'on publia
bientôt des livres sur sa baguette et ses opé-
rations. M. de Vagny, procureur du roi à
Grenoble, fit imprimer une relation intitulée :
Histoire merveilleuse d'un maçon qui, conduit
par la baguette divinatoire, a suivi un meur-
trier pendant quarante-cinq heures sur la
terre, et plus de trente sur l'eau. Ce paysan
devint le sujet de tous les enircliens. Des
philosophes ne virent dans les proiiigi'sde la
baguette (lu'un effet des émanations des cor-
puscules,d'autres les attribuèrent à Satan. Le
père Lebrun fut do ce nombre, et Malebran-
che adopta son avis.
Le fils du grand Condé, frappé du bruit de
tant de merveilles, fit venir Aymar à Paris.
On avait volé à mademoiselle de Condé deux
petits flambeaux d'argent. Aymar parcourut
(quelques rues de Paris en faisant tourner la
\a
baguette; il s'arrêta à la boutique d'un orfèvre,
qui nia le vol et se trouva très-offensé de
l'accusation. Mais le lendemain on remit à
l'hôtel le prix des (lambeaux; quelques [ler-
sonnes dirent que le paysan l'avait envoyé
pour se donner du crédit.
Dans de nouvelles épreuves, la baguette
prit des pierres pour de l'argent, elle indi-
qua de l'argent où il n'y en avait point. En
un mot, elle opéra avec si peu de succès,
qu'elle perdit son renom. Dans d'autres ex-
périences, la baguette resta immobile quand
il lui fallait tourner. Aymar, un peu confon-
du, avoua enfin qu'il n'était qu'un charlatan
adroit, que la baguette n'avait aucun pou-
voir, et qu'il avait cherché à gagner de l'ar-
gent par ce petit procédé...
Pendant ses premiers succès, une demoi-
selle de Grenoble, à qui la réputation d'Ay-
mar avait persuadé qu'elle était douée aussi
du don de tourner la baguette, craignant que
ce don ne lui vînt de l'esprit malin, alla con-
sulter le père Lebrun, qui lui conseilla de
prier Dieu eu tenant la baguette. La demoi-
selle jeûna et prit la baguette en priant. La
baguette ne tourna plus; d'où l'on conclut
que c'était le démon ou l'imagination trou-
blée qui l'agitait.
On douta un peu de la médiation du dia-
ble, dès que le fameux devin fut reconnu
pour un imposteur. On lui joua surtout un
tour qui décrédila considérablement la ba-
guette. Le procureur du roi au Châtelel de
Paris fit conduire Aymar dans une rue où
l'on avait assassiné un archer du guet. Les
meurtriers étaient arrêtés, on connaissait les
rues qu'ils avaient suivies, les lieux où ils
s'étaient cachés : la baguette resta immobile.
On fit venir Aymar dans la rue de la Harpe,
où l'on avait saisi un voleur en flagrant dé-
lit ; la perfide baguette trahit encore toutes
les espérances.
Néanmoins la baguette divinatoire ne périt
point ; ceux qui prétendirent la faire tourner
se multiplièrent même, et ce talent vint jus-
qu'en Belgique. Il y eut à Heigne, près do
Gosselies, un jeune garçon (jui découvrit les
objets cachés ou perdus au moyen de la ba-
guette de coudrier. Cette baguette, disait-il,
ne pouvait pas avoir plus de deux ans de
pousse. — Un homme, voulant éprouver l'art
de l'enfant de Heigne, cacha un écu au bord
d'un fossé, le long d'un sentier qu'on ne fré-
quentait presque pas. Il fit appeler le jeune
garçon et lui promit un escalin, s'il pouvait
retrouver l'argent perdu. Le garçon alla
cueillir une branche de coudrier, et tenant
dans ses deux mains les deux bouts de celle
baguette, qui avait la forme d'un Y, après
avoir pris différentes directions, il marcha
devant lui et s'engagea dans le petit sentier.
La baguette s'agitait plus vivement. Il passa
le lieu où l'écu était caché; la baguette cessa
de tourner. L'enfant revint donc sur ses pas;
la baguette sembla reprendre un mouvement
très-vif; elle redoubla vers l'endroit qu'on
cherchait. Le devin se baissa, chercha dans
l'herbe cl trouva le petit écu, à l'admiration
de tous les spcclalcurs.
icn
BAG
BAG
let
Sur l'obsorvalion que le bourgoois fi(, pour
rssayer la bagiietio, qu'il avait perdu encore
d'autre argent, le jeune garçon la reprit, mais
elle ne tourna plus. — On se crut ronvaincu
lie ta réalité du talent de l'enfant. On lui de-
manda qui l'avait instruit. « C'est le hasard,
dit-il; ayant un jour perdu mon couteau en
gardant les troupeaux de mon père, et sa-
chant lout ce qu'on disait de la baguette de
coudrier, j'en fis une qui tourna, qui me fit
retrouver re <iuc je cherchais et ensuite beau-
coup d'autres ohjels perdus. »
Celait très-bien. Malheureusement d'au-
tres épreuves, examinées de plus près, ne
réussirent pas, et on reconnut que la ba-
guette divinatoire était là aussi une petite
supercherie. Mais on y avait cru un siècle et
des savants avaient fait imprimer cent volu-
mes pour l'expliquer.
« Faut-il rassembler des arguments pour
prouver l'impuissance de la baguette divina-
toire? ajoute M. Salgues (1). Que l'on dise
quel rapport il peut y avoir entre un voleur,
une source d'eau, une pièce de métal et un
bâton de coudrier. On prétend que la ba-
guette tourne en vertu de l'attraction. Mais
par quelle vertu d'attraction les émanations
qui s'échappent d'une fontaine, d'une pièce
d'argent ou du corps d'un meurtrier tordent-
elles une branche de coudrier qu'un homme
robuste tient fortement entre ses mains?
D'ailleurs, pourquoi le même homme trou-
ve-t-il des fontaines, des métaux, des assas-
sins et des voleurs quand il est dans son pays,
et ne trouvc-t-il plus rien quand il est à Pa-
ris ? Tout cela n'est que charlatanisme. Et ce
qui détruit totalement le merveilleux de la
baguette, c'est que lout le monde, avec un
peu d'adresse, peut la faire tourner à vo-
lonté. Il ne s'agit que de tenir les extrémités
de la fourche un peu écartées, de manière à
faire ressort. C'est alors la force d'élasticité
qui opère le prodige. »
Cependant on croit encore à la baguette
divinatoire dans le Dauphiné et dans le Uai-
naul; les paysans n'en négligent pas l'usage,
et elle a trouvé des défenseurs sérieux. For-
mey, dans V Encyclopédie, explique ce phé-
nomène parle magnétisme. Ritter, professeur
de Munich, s'autorisait récemment des phé-
nomènes du galvanisme pour soutenir les
merveilles de la baguette divinatoire; mais
il n'est pas mort sans abjurer son erreur.
L'abbé de La Garde écrivit au commence-
ment avec beaucoup de foi l'histoire des pro-
diges de Jacques Aymar; en 1692 même,
Pierre Garnier, docteur-médecin de Mont-
pellier, voulut prouver que les opérations de
la baguette dépendaient d'une cause natu-
relle (2); cette cause naturelle n'était, selon
lui, que les corpuscules sortis du corps du
meurtrier dans les endroits où il avait lait le
meurtre et dans ceux où il avait passé. Les
galeux vt les pestiférés, ajoute-t-il, ne tran-
spirent pas comme les gens sains, puisqu'ils
sont contagieux; de môme les scélérats la-
it) Des Errpiirs et dos préjugés, elc, t. I, p IG").
(2) Dans sa Disscrlalloti iilivsiiiue en formt> île Icllreh
11. Je Sèvrp, seigneur de l'Iiclièrcs, etc. Iii-li. Lyon,
client des émanations qui se reconnaissent,
et si nous ne les sentons pas c'est qu'il n'(>st
pas donné à tous les chiens d'avoir le ne;!
lin. Ce sont là, dil-il, p.ige 23, des axiomes
incontestables. « Or, res corpuscules qui en-
trent dans le corps de l'homnie muni de la
baguelle l'agitent tellement, qui- de ses mains
la matière subtile passe dans la baguette mê-
me, et, n'en pouvant sortir assez prompie-
ment, la fait tourner ou la brise : ce qui me.
paraît la chose du monde la plus facile à
croire... »
Le bon père Ménesirier, dans ses Ti:-
flexions sur les indications de la baguriie,
Lyon, 1C94', s'étonne du nombre de gens qui
devinaient alors par ce moyen à la moile.
« A combien d'effets, poursuit-il, s'étend au-
jourd'hui ce talent 1 11 n'a point de limites.
On s'en sert pour juger de la bonté des étof-
fes et de la différence de leurs prix, pour
dcmê'er les innocents des coupables, pour
spécifier le crime. Tous les jours celte vertu
fait de nouvelles découvertes inconnues jus-
qu'à présent. »
11 y eut mémo en 1700, à Toulouse, un
brave homme qui devinait avec la baguette
ce que faisaient des personnes absentes. 11
consultait la baguette sur le passé, le pré-
sent et l'avenir; elle s'abaissait pour ré-
pondre oui et s'élevait pour la négative. Ofi
pouvait faire sa demande de vive voix ou
mentalement; « Ce qui serait bien prodi-
gieux, dit le père Lebrun, si plusieurs ré-
ponses (lisez la plupart) ne s'étaient trouvées
fausses (3). »
Un fait qui n'est pas moins admirable,
c'est que la baguette ne tourne que sur les
objets où l'on a intérieurement l'intention
de la faire tourner. Ce serait donc du ma-
gnétisme ? Ainsi , quand on cherche une
source, elle ne tournera pas sur autre chose,
quoiqu'on passe sur des trésors enfouis ou
sur des traces de meurtre.
Pour découvrir une fontaine, il faut mettre
sur la baguette un linge mouillé : si elle
tourne alors, c'est une preuve qu'il y a de
l'eau à l'endroit qu'elle indique. Pour trou-
ver les métaux souterrains , on enchâsse
successivement à la tète de la baguette di-
verses pièces de métal, et c'est un principe
constant que la baguette indique la qualité
du métal caché sous terre, en touchant pré-
cisément ce même métal.
Nous répétons qu'on ne croit plus à la ba-
guette, et que cependant on s'en sert encore
dans quelques provinces. Il fallait autrefois
qu'elle fût de coudrier ou de quelque autre
bois .spécial ; depuis , on a employé (oulo
sorte de bois, et même des côtes de baleine;
on n'a plus même exigé que la baguette fût
en fourche. •'''
Secret de la baguette divinatoire et moyen
de lu faire tourner, tiré du Grand Grimoire,
pane 87 {k).
IJès le moment que le soleil paraît sur l'ho-
rizon, vous prenez de la main gauche une
mi.
(.■5) Histoire des pr.iliques superstitieuses, t. II, p. 337.
(4) Ce secret est aussi daus le Uragoii rougo, p. 85.
167
DICTIONNAIRE DKS SCIENCES OCCULTES.
1G8
bflgucUe vierge de noisetier sauvage, et la
coupez de la droilc en trois coups, en disant :
« Je te rainasse au nom d'Eloïni, Mulralhon,
Adonay et Sémi|>horas, afin que tu aies la
vertu de la verge de Moïse cl de Jacob pour
découvrir tout ce que je voudrai savoir. »
Et pour la faire tourner, il faut dire, la te-
nant serrée dans ses mains, par les deux
bouts qui font la fourche : « Je te com-
mande, au nom d'Eloïm, Mutrathon, Adonay
elSéniiphoras, de me révéler... » (on indique
ce qu'on veut savoir).
Mai^ voici encore quelque chose sur cette
matière qui n'est pas épuisée. Nous emprun-
tons te qui suit au Quarlerty Magazine :
La baguette divinatoire n'est plus em-
ployée à la découverte des trésors, mais on
dit que, dans les mains de certaines per-
sonnes, elle peut indiquer les sources d'eau
vive. Il y a cinquante ans environ que lady
Newaik se trouvait en Provence dans un
château dont le propriétaire, ayant besoin
d'une source pour l'usage de sa maison,
envoya chercher un paysan qui promettait
d'en faire jaillir une avec une branche de
coudrier; lady Newark rit beaucoup de l'idée
de son hôte et de l'assurance du paysan ;
mais, non moins curieuse qu'incrédule, elle
voulut du moins assister à l'expérience, ainsi
que d'autres voyageurs anglais tout aussi
philosophes qu'elle. Le paysan ne se décon-
certa pas des sourires moqueurs de ces étran-
gers; il se mit en marche suivi de toute la
société, puis tout à coup s'arrétant, il dé-
clara qu'on pouvait creuser la terre. On le
fil; la source promise sortit, et elle coule en-
core. Cet homme était un vrai paysan, sans
éducation : il ne pouvait expliquer quelle
était la vertu dont il était doué, ni celle du
talisman ; mais il assurait modestement
n'être pas le seul à qui la nature avait donné
le pouvoir de s'en servir. Les Anglais pré^
sents essayèrent sans succès. Quand vint le
tour de lady Newark, elle fut bien surprise
de se trouver tout aussi sorcière que le pay-
san provençal. A son retour en Angleterre,
elle n'osa faire usage de la baguelte divina-
toire qu'en secret, de peur d'être tournée en
ridicule. Mais en 1803, lorsque le docteur
Hulton publia les Recherches d'Ozanam, où
ce prodige est traité d'absurdité (tom. IV. p.
260), lady Ncwark lui écrivit une lettre si-
gnée X. Y. Z., pour lui raconter les faits qui
étaient à sa connaissance. Le docteur ré-
pondit, demandant de nouveaux renseigne-
ments à son correspondant anonyme. Lady
Newark le satisfit, et alors le docteur désira
être mis en rapport direct avec elle. Lady
Newark alla le voir à Wooiwich, el, sous
«es yeux, elle découvrit une source d'e;;u
dans un terrain où il faisait construire sa
résidence d'été. C'est ce même terrain que
le docteur Hulton a vendu depuis au collège
de Woolwik, avec un bénéfice considérable
à cause de la source. Le docteur ne put ré-
sister à l'évidence lorsqu'il vit, à l'approche de
l'eau, la baguette s'animer tout à coup pour
ainsi dire, s agiter, se ployer, et même se bri-
f er dans les doigts de lady Newaïk. On cite
encore en Angleterre sir Charles H. et miss
Fenwik comme étant doués de la môme f;i-
culté que lady Newark, et à un degré plus
élevé encore. Cette faculté inexplicable est
tout à fait indépendante de la volition; elle
a une grande analogie avec celle qui dis-
tingue les Zuhories espagnols; mais ceux-ci
ne se servent pas de la baguette de cou-
drier. (
Ajoutons à tout ce qui précède, la sérieuse
défense de Jacques Aymar, par l'auteur de
La Physique occulte, ou traité de la baguette
divinatoire. Lahaye 17C2 :
« Depuis que les hommes se mêlent de
philosopher, on n'a point examiné une ma-
tière plus curieuse et plus importanle, que
celle qui est traitée ici ; et je puis dire que
si l'on avait une fois expliqué clairement la
cause du mouvement de la baguette divina-
toire sur les sources d'eau, sur les minières,
sur les trésors cachés et sur les Iraccs des
criminels fugitifs, il n'y aurait plus rien de
* si occulte dans la nalure, qui ne fût bientôt
développé et mis dans un grand jour.
» Car si l'on connaissaitcomment les écou-
lements des corpuscules qui s'exhalent des
eaux souterraines, des métaux et du corps
de certains hommes, s'insinuent par la res-
piration insensible dans les pores d'un autre
homme, on comprendrait bientôt pourquoi
les maladies contagieuses et populaires atta-
quent les uns et épargnent les autres ; on dé-
couvrirait cette roule invisible par où coule
ce flux et reflux d'humeurs malignes qui
sortent d'un corps par la transpiration et
que la respiration fait rentrer dans un autre.
Et si ce chemin était bien reconnu, la méde-
cine trouverait ensuite facilement le secret
de préserver ou de guérir les hommes de
tant de maladies dont la propagation se fait
par les écoulements des corpuscules conta-
gieux qui sont répandus dans l'air. Cela est,
ce me semble, de la dernière importance.
» Mais de quelle ulililé ne serait point
l'usage de la baguette divinatoire pour la
découverte des sources d'eau, dont on ne
saurait se passer dans la vie, el pour la re-
cherche des métaux les plus nobles, qui font
aujourd'hui tout le lien de la société hu-
maine.
» Certainement le grand éclat que l'hi-
stoire du paysan du Dauphiné ( Jacques
Aymar) a l'ait dans le monde, et l'empresse-
ment que chacun a marqué pour s'en infor-
mer, montrent mieux que ce que je pourrais
dire, combien le public croit qu'il est impar-
tant d'expliquer cette physique si surprcn-
nante
» Je sais bien que certains savants om-
brageux ne feront pas grand cas de tout ce
qu'un pourrait dire de bon sur ce qui regarde
le mouvement de la baguelte el qu'ils conli-
nueront de la regarder comme la chose du
monde la moins digne de leur attention. Ils
en penseront ce qu'il leur plaira , mais je
puis leur citer d'autres savants qui n'ont pas
cru employer mal leur temps de tourner
leurs études de ce côté-là. Nous voyons par-
mi les mémoires de l'académie royale des
ÏC!)
nAc.
nsG
m
scienros d'Anglclrrro, le dessein que celte
illustre société a pris de s'informer de tout
ce qui concerne la baguette divinatoire pour
la recherche des minières. En effet, parmi
cent articles que M. Boylo a dressés sur le
chapitre des minières, le x.vni« représente le
plan sur quoi il souhaitait qu'on se réglât
pour faire des recherches sur la baguette.
Le voici : Utrum virgula divinaloria adhibea-
tiir ad investigntionctn vcnarum proposilarum
fodinarum : et si sic, quo id fiât, sitccessu?
art. 18. C'est ainsi qu'il est rapporté dans
les Actes philosophiques de la société royale
dos sciences d'Angleterre, du mois de No-
vembre t6C6, pag. 344.
» Il y a donc des gens qai n'ont pas si
fort méprisé la chose. Plus sincères que ces
savants dont je viens de parler, ils confessent
que les phénomènes de la baguette divina-
toire sont merveilleux, et qu'ils méritent
bien l'attention des hommes les plus sages.
Mais parmi ceux-là, quelques-uns , se lais-
sant prévenir par des terreurs paniques, s'i-'
maginent que la baguette n'a point d'autre
mouvement que celui que le démon lui im-
prime. Ils ne peuvent pas croire qu'il so
puisse faire quelque chose dans la nature
au delà de leur connaissance. Tout ce qu'ils
no comprennent pas ne peut être naturel.
» C'est de là que le monde s'est rem-
pli de tant de fables grossières cl ridicules
louchant les sorciers. Ceux qui savaient un
peu de grec et d'hébreu , il y a quelques
centaines d'années, passaient pour des ma-
giciens. Il est arrivé plusieurs fois à des
ignorants de prendre des figures de mathé-
matiques pour des caractères magiques. Jean
Shiphower, de l'ordre des ermites de saint
Augustin, du couvent d'Ofenburg, dans le
comté d'Edimbourg, parlant de l'imprimerie
vers l'an 1440, dit que, dans ces premiers
commencements, les superstilieuxel les igno-
rants la faisaient passer pour un art où il y
pouvait avoir de la magie la plus criminelle,
il n'y a point de bateleurs dont les subtilités
ne passent pour des sorcelleries auprès de
bi-aucoup de monde. C'est encore par le
même esprit que nous voyons aujourd'hui
accuser de magie les opérations de la ba-
guclle, parcequela cause n'en est pas connue.
» Van-Helmonl a fort bien remarqué qu'on
ne saurait trop déplorer le mal que ces pré-
jugés font dans les sciences, et surtout dans
la physique. Y a-t-il rien, dit-il, de plus sur-
prenant et de plus déplorable, que de voir
les arts vils et mécaniques se perfectionner
tous les jours, pendant que la physiiiue de-
meure toujours quasi dans le même état ?
Rien ne retarde tant le progrès de la science
naturelle, qtse les criaillerieset les censures
injustes des ignorants, parce qu'elles épou-
vantent, arrêtent et font môme recu!er ceux
que quelque ouverture d'esprit et une lon-
gue étude auraient mis en état de contribuer
à pcrfeclioniner la physique.
» Je déclare que je n'ai point été retenu
par cet épouvantail, car enfin nous sommes
dans un siècle éclairé, de qui on doit atlen-
drc [)!us de justice que de ceux sur lesquels
DiCTIONXAÏRK DES SCIIÎXCES OCCUI.TKS.
l'ignorance et la barbarie avaient répandu
de si épaisses ténèbres. J'ai eu en vue surtout
de montrer qu'outre les utilités qu'on peut
tirer de la baguette, ces nouveaux phéno-
mènes peuvent apporter beaucoup de lu-
mières à la physique et à la médecine. Le
public jugera si mes efforts doivent être
comptes pour quelque chose.
» Cette matière, assez obscure d'elle-même,
est égayée par des expériences curieuses,
tout à fait propres pour accoutumer l'esprit
à croire que la nature en)pioie des agents
invisibles quand elle opère ses plus grandes
merveilles. C'est ce que j'appellela Physique
occulte, pour la disiinguer de ce que la na-
ture fait à découvert, et par des causes sen-
sibles.
» J'ai cru que pour expliquer la physique
occulte de la baguette divinatoire, je devais
préférer la [ihilosophle des corpuscules à
toutes les auties, non -seulement parce
qu'elle csl la seule qui puisse servir utile-
ment à développer les secrets de la nature,
mais parce qu'elle est encore plus ancienne
que toutes celles dont la connaissance est
venue jusqu'à nous. Car avant Leucippc,
maître de Démocrile, le premier, selon Mi-
nucius Félix, qui ait employé les atomes
dans la philosophie, un certain Moschus ,
originaire de Phénicie, expliquait les phéno-
mènes de la nature par les corpuscules,
c'est-à-dire par les particules, ou petites
parties insensibles de la matière. Strabon,
qui rapporte cela, ajoute que Moschus vivait
avant la guerre de Troie, et par conséquent
plusieurs siècles avant qu'aucun des philo-
sophes grecs parût dans le monde.
» Voilà l'ancienne origine de la philoso-
phie des corpuscules ; et. puisqu'elle est phé-
nicienne, on a tout sujet de croire que c'a
été celle des Hébreux, d'où elle a passé chez
les Grecs.
» Personne, dans ces derniers temps, n'a
si bien cultivé la philosophie que M. Boyle,
comme on le peut voir par tant de beaux en-
droits de ses observations que j'ai rapportés
dans ce traité. Et si le P. Lana, jésuite, n'é-
tait pas mort sitôt, il l'aurait encore portée
beaucoup plus loin, comme il est aisé de le
juger par son grand el excellent ouVrage, in-
titulé : Magisteriam artis et niiturai,(iii l'on
peut remarquer que cet homme si laborieux
philosophait, comme on dit, les expériences
à la main, sans quoi, en matière de physi-
que, on ne sait pas où conduisent les raison-
nements ; comme on ne sait pas si l'on ne s'é-
gare point qu.ind on marche sans guide dans
un pays inconnu. Un physicien, disait le P.
Kirker, jésuite, qui philosophe sans faire des
expériences, est comme un aveugle qui au-
rait la folie de vouloir disputer des couleurs :
Jn physicis rébus sine expérimenta philoso-
phari, idem est ne si cœcus de colore judicium
ferre insipientius prœsumeret. Mund. sabler,
l. X, 3,/). 188.
» 11 semble qu'il m'aurait toujours manqué
quelque chose, si je n'avais raisonné quo
sur des relations dont tout le monde ne s'ac-
commode p is. Enfin cet homme, si fameux
I. G
<71
DiCTIO.NNAlUK DES SCIENCES OCCULTES.
ri
(Jacques Aymar) est venu à Paris lo 21 de
janvier 1693, par l'ordre d'un grand prince.
Je l'ai vu deux heures par jour, presque un
mois <turanl; cl on peut croire que, dans
lout ce lemps-là, jo l'ai tourné et retourné
roinme je devais. I! est certain que la ba-
{•uptte divinatoire lui tourne entre les mains
sur les traces des voleurs et des meurtriers
rii<Titil's. Il n'en sait pas la raison, et s'il en
cDiinaissait la cause physique, et qu'il eût
assez d'étendue d'esprit pour raisonner là-
ilessus, je puis assurer que quand il cntre-
hrendrail une expérience, il n'y manquerait
j.'itnais. Mais un paysan, qui ne sait ni lire
ni écrire saura bien moins ce que c'est
•<|u'fl(mospftè/c, volume, écoulements de cor-
piisc.iles répandus dans l'air. Il ignore encore
j)lus comment ces corpuscules peuvent se
déranger el cesser de produire le mouve-
4i;i'nl cl rinclinaisi>n de la baguette. Il n'est
p.'is capable non plus de reconnaître coinbion
il lui importe, pour réussir, de savoir s'il est
lui-incmc dans un état tel qu'il faut pour
être sensible aux impressions des corpuscu-
les qui s'exhalent des corps sur lesquels la
baguette s'incline; car il ne faut presque
rien pour déranger l'ordre des causes nalu-
Tclles et pour faire manquer une expérience.
IVI. Boyle a fait un traité entier sur cette nia-
lière. On y peut apprendre comme une seule
■tirtoostance de plus ou de moius empêche
l'action ordinaire de la nature.
» Ainsi, quoique Jacques Aymar soit un
homme simple et de bonnes mœurs, il lui
peut arriver d'entreprendre ce qu'il n'exé-
cutera pas toujours bien, par la raison qu'il
ne sait pas qu'il doit être dans une cer-
taine disposition présente de sensibilité, afin
<]ue les corpuscules répandus dans l'air puis-
sent lui causer quelque sensation; et que
cette disposition si rare peut être facilement
renversée par un mouvement de crainte
ou par d'autres émotions subites el véhé-
4uentes.
» Quoiqu'il ne puisse pas démêler tout
cela, cependant il reconnaît qu'il se peut
bien tromper, et qu'il ne sait pas précisé-
ment, toutes les fois que sa baguette tourne,
si c'est sur de l'eau, sur du métal, ou sur
uu cadavre, parce qu'elle se meut sur tout
ce qui transpire beaucoup. S'il assure que
c'est un meurtrier qu'il suit, c'est qu'il re-
connaît que la sensation qu'il a prise au lieu
(le l'assassinat, est la même qui dure le long
du chemin, et dont il est toujours également
agité. Voilà son Critérium.
• Si Jacques Aymar se hasarde donc à
des essais qui ne lui réussissent pas, on ne
s'en étonnera point, pour peu qu'on se soit
formé une juste idée de la conduite de la na-
ture, et qu'on ait étudié la physique par les
ei.périences. Car on saura que le mécanisme
de la nature demande une proportion si
exacte dans l'arrangement, dans la force et
dans le mouvement des causes, que le moin-
dre obstacle en renverse les effets. Les meil-
leurs chiens de chasse ne tombent-ils pas
quelquefois en défaut? Pourquoi donc veut-
Il) Voyci Verge.
on qu'Aymar soit toujours cgalemeul sensi-
ble aux impressions de l'air? Mais, afin de
redifier les idées de ces gens qui voudraient
qu'il réussît toujours, il n'y a qu'à les ren-
voyer à Vinclinaison de la verge do fer ai-
m.mlée. Ils verront que la mélhode dont on
se sert pour trouver cette inclinaison de-
mande une exactitude si scrupuleuse, que,
d'ordinaire, de vingt expériences il ne s'en
rencontrera [las quatre qui SDienl enlière-
iiicnt semblables. Ainsi le bon sens veut que
les essais qui ne réussissent pas, i.e fassfiit
point de préjugé contre les expériences con-
stantes.
» Je ne nie pourlant pas qu'il n'y ait des
fourbes qui en donnent à croire, et qui
poussent l'usage de la baguette à trop de
choses, comme il arrive aux charlatans qui
ayant erfictivement un bon remède parlicu-
lier, le rendent eux-mêmes méprisable, en
voulant le faire passer pour universel.
M lit j'ajoute à cela qu'on découvrira des
gens qui, ayant une sensibilité plus vive et
plus délicate, auraient encore plus abon-
damment que lui la faculté de trouver les
sources, les minières, les trésors cachés, les
voleurs et les meurtriers fugitifs. On nous
mande déjà de Lyon qu'il y a un garçon de
dix-huit ans. qui, là-dessus, surpasse de
beaucoup Jacques Aymar; et chacun peut
voir à Paris, chez M. Geolîroi, ancien écho-
vin de cette ville, un jeune homme qui trouve
l'or caché en terre par une violente émolioii
qu'il ressent, du moment qu'il marche des-
sus »
BAGUETTE MAGIQUE. On voit , comme
nous l'avons dit, que louies les fées ou sor-
cières ont une baguede magique avec la-
quelle elles opèrent. Boguet rapporte (I) que
Françoise Sicrétain et Thévenne Paget fai-
saient mourir les bestiaux en les touchant de
leur baguette; el Cardan cite une sorcière
de Paris, qui tua un enfant en le frappant
doucement sur le dos avec sa baguette ma-
gique.
C'est aussi avec leur baguette que les sor-
ciers Iracent les cercles, fout les conjura-
lions et opèrent de toutes les manières. Celle
baguette doit être de coudrier, de la pousse
de l'année. Il faut la couper le premier mer-
credi de la lune, entre onze heures el mi-
nuit, en prononçant certaines p.iroles {-2).
Le couteau doit élie neuf et retiré en haut
quand oncoupe.On bénit ensuite la baguette,
disent les formulaires supersiilieux ; on écrit
au gros bout le mol Agla f, au milieu O/if;
et Tetragammaton f au petit bout, el l'on
dit : Conjuro le cilo mtlii oOedire, elc,
BAHAMAN, génie ijui, suivant les Perses,
apaise la colère, et, en conséquence, gou-
verne les b(cufs, les moutons et tous les
animaux susceptibles d'être apprivoisés.
BAH1R , litre du plus ancien livre des
rabbins, où, suivant Buxlorf, sonl traité»
lis profonds mystères de la haute cabale des
Juifs.
BAIAN. Wiérus et vingt autres démnno-
gra|)hes comptent que Baïan ou Bajan, fils
(■2) Discours des sorciers, ch. xxx.
\
173 BAL
de Siméon, roi des Bulgares, iiUiil si grand
magicien, qu'il se transformait on loup,
quand il voulait, pour épouvanter son peu-
ple, cl qu'il pouvait prendre toute autre fi-
gure de bétc Icroce, et même se rendre invi-
sible ; ce qui n'est pas possible sans l'aide de
puissants démons, comme ditNinauld dans sa
J.ycdnthropie.
lîAIKR (Jean-Guillaume), professeur de
théologie à Allorf, mort en 1729. Il a laissé
une thèse intitulée : Dissertation sur Behe-
iiiulh el Lc'vialhati, l'élcplumt et la baleine,
d'après le livre de Job, cliap. 40 et 41, avec la
réponse de Stieber (1). Baïer ne voyait que
druK animaux, monstrueux daus Behcmoth
et Lévialhan.
BAILLEMENT. Les femmes espagnoles,
lorsqu'elles bâillent, ne manquent pas de so
signer quatre fois la bouche avec le pouce,
de peur que le diable n'y entre. Cette su-
perstition remonte à des temps reculés, et
chez beaucoup de peuples, on a regardé le
bâillement comme une crise périlleuse.
BAILLY (Pierre), médecin, auteur d'un
livre publié à Paris en 1634, in-8°, sous le
titre de Songes de Phestion, paradoxes phy-
siologiques, suivis d'un dialogue sur l'immor-
laliié de l'âme.
BALAAM , sorte de magicien madianitc ,
qui florissait vers l'an du monde 2515. Lors-
que les Israélites errants daus le désert se
disposaient à passer le Jourdain , Balac, roi
de Moab, qui les redoutait, chargea Balaani
de les maudire. Mais le magicien, ayant con-
sulté le Seigneur, qu'il connaissait, quoi-
qu'il servît d'autres dieux , et que surtout il
redoutait, reçut une défense précise de céder
à cette invitation. Cependant, les magnifiques
présents du Uoi l'ayant séduit, il se rendit à
son camp. On sait que l'ange du Seigneur
arrêta son ânesse , qui lui parla. Balaam ,
après s'être irrité contre la béte , aperçut
l'ange , se prosterna , promit de faire ce que
commanderait le Dieu d'Israël , et parut au
camp de Balac , très-embarrassé. Lorsqu'il
fut devant l'armée dos Israélites , eu pré-
sence de la «our de Balac fort surprise, pen-
dant qu'on s'attendait à entendre des malé-
dictions , il se sentit dominé par un enthou-
siasme divin , et prononça , malgré lui , une
uiagnifique prophétie sur les destinées glo-
rieuses du peuple de Dieu. Il annonça même
le Messie. Bal-jc , furieux, le chassa ; par la
suite les Hébreux , ayant vaincu les Ma-
rîianites, firent Balaam prisonnier et le tuè-
rent.
BALAI. Le manche à balai est la mou-
lure ordinaire des sorcières lorsqu'elles se
rendent au sabbat. Kcini conte à ce sujet que
la femme d'un cordonnier allemand, ayant ,
sans le savoir, fourré le bout de son manche
à ()alai dans un pot qui contenait l'onguent
des sorcières, se mit machinalement aussitôt
à califourchon sur ce manche , et se sentit
(1) Dissertalio deBeliemolh et de Leviatlian, eleplias
Pl baix'iia.e Jn'b xt, 41. Kespond. G. SlejU. Slitber.
lu-l°, Altnrr. 1708.
(2i llciiiit'ius, lil). II. DiTiiion., cap. m.
fîAL
174
transportée à Bruck , où se faisait le sab-
b;it (2). Klle profita de l'occasion , se fit sor-
cière , et peu après fut arrêtée comme telle.
il y a sur le balai d'autres croyances. Ja-
mais, dans le district de Lcsnevcn , en Bre-
tagne , on ne balaie une maison la nuit : ou
prétend que c'est en éloigner It bonheur j
»iuc les âmes s'y promènent, et que les mou-
vements d'un balai les blessent et les écar-
tent. Ils nomment cet usage proscrit balaie-
ment des morts. Us disent que la veille du
jour des Trépassés (2 novembre) il y a plus
d'âmes dans chai|ue maison que de grains de
sable dans la mer et sur le rivage (3).
BALAN , roi grand et terrible dans les en-
fers. Il a trois têtes : l'une faite comme celle
d'un taureau, l'autre comme celle d'un
homme, la troisième comme celle d'un bélier.
Joignez à cela une queue de serpent et des
yeux qui jettent de la flamme. Il se montre
à cheval sur un ours , et porte un épervicr
au poing. Sa voix est rau(|ue et violente. Il
répond sur le passé, le présent et l'avenir.
— Ce démon , qui était autrefois de l'ordr»!
des dominations , et qui commande aujour-
d'hui quarante légions infernales , enseigne
les ruses, la finesse, el le moyen commode
de voir sans être vu (4).
BALANCE , septième signe du zodiaque.
Ceux qui naissent sous cette constellation ai-
ment généralement l'équité. C'est, dit-on,
pour être né sous le signe de la Balance qu'où
donna à Louis XIU lu surnom du Juste.
Les Persans prétendent qu'il y aura au
dernier jour une balance , dont les bassins
seront plus grands el plus l;irgcs t]ue la su-
perficie des cieux, et dans laquelle Dieu pè-
sera les œuvres des hommes. Un des bassins
de celte balance s'appellera le bassin de lu-
mière, l'autre le bassin de ténèbres. Le livre
des bonnes œuvres sera jeté dans le bassin
de lumière, plus brillant que les étoiles ; et
le livre des mauvaises dans le bassin de té-
nèbres, plus horrible qu'une nuit d'orage. Le
fléau fera connaître qui l'emportera, et à quel
degré. C'est après cet examen que les corps
passeront le pont étendu sur le feu éternel.
BALCOIN (Marie), sorcière du pays de La-
bour, qui allait au sabbat du temps de Henri
IV. On lui fit son procès, où elle lut convain-
cue d'avoir mangé, dans une assemblée noc-
turne, l'oreille d'un petit enfant (5). Elle fut
sans doute brûlée.
BALEINE. Mahomet place dans le ciel la
baleine de Jonas.
BALI, prince des démons et roi de l'enfer,
selon les croyances indiennes. Il se battit au-
trefois avec Wishnou, qui le prccipila dans
l'abîme, d'où il sort une lois par an pour faire
du mal aux hommes ; mais Wishnou y met
ordre.
Les Indiens donnent aussi le nom de Bali
aux farfadets , à qui ils oQ'rcnt du riz, que
ces lutins ne manquent pas de venir manger
la nuit.
(3) Voyage do Cambry dans le Finistère, t. II, p. 32.
(4j Wjerus, in l'scuildiiioiianliia Uaeiii.
(3) Di^lancrc.Talileau de l'iiicoa'slaïKO dMdimous, etC ,
p. l'J(J, liv. 111.
175 niCTiONNAinE DES SCIENCES OCCl LTES
liALLKS. On a cru autrefois que rpitaiiis
guerriers avaionl un charme contre les bal-
f-6
les, parce qu'on tirait sur eux sans les atlein
drc. Pour les tuer, on mettait dans les carlou-
rlios «les pièces d'argent, car rien, dit-on, ne
peut ensorceler la monnaie.
BALTAZO , l'un des démons de la posses-
sion de Lion. Voy. Aubrï. Il paraît que ce
doiiion, ou quelque chenapan qui se fil pas-
ser pour tel, alla souper avec le mari de Ni-
cole Aubry , la possédée, sous prétexte de
combiner sa délivrance, qu'il n'opéra pas.
On remarqua en soupant qu'il buvait tres-
sée ; ce qui prouve, dit Leloycr, que l'eau est
contraire aux démons (1).
BALTHAZAU. dernier roi de Babylone ,
petit-fils de Naburhodonosor. Un soir qu'il
prutanait dans ses orgies les vases sacrés de
Jcrusalein , il aperçut une main qui traçait
sur la muraille , en lettres de feu , ers trois
mots : Mane, thecel, phares. Ses devins et ses
astrologues ne purent expliquer ces cara-
ctères ni en interpréter le sens. 11 promit de
grandes récompenses à qui lui en donnerait
l'interprétation. Ce fut Daniel qui, méprisant
ses récompenses, lui apprit que les trois
mois signiGaient que ses années étaient
comptées , qu'il n'avait plus que quelques
moments à vivre, et (lue son royaume al-
l.iil être divisé. Tout se vérifia peu de jours
/ après.
BALTUS (Jeax-François), savant jésuite,
mort en 1743. Lisez sa Réponse à l'Histoire
des oracles de Fontenelle, in-8°, Strasbourg ,
17C9,oii il établit que les oracles des an-
ciens étaient l'ouvrage du démon , et qu'ils
furent réduits au silence lors de la mission
di- Jésus-Christ sur la terre.
BANIANS, Indiens idolâtres, répandus sur-
tout dans le Mogol. Ils reconnaissent un Dieu
créateur ; mais ils adorent le diable, qui est
chargé , disent-ils , de gouverner le monde,
lis le représenicnt sous une horrible figure.
Le prêtre de ce culte marque au fronl, d'un
signe jaune , ceux qui ont adoré le diable ,
qui dès lors les reconnaît et n'est plus si
porté à leur faire du mal (2).
BAPTÊME. On dit que les sorcières, dans
leurs cérémonies abominables , baptisent au
sabbat des crapauds et de petits enfants. Les
crapauds sont habillés de velours rouge, les
petits enfants de velours noir. Pour celte
opération infernale , le diable urine dans un
trou ; on prend de celte déjection avec un
goupillon noir, on en jeite sur la télé de l'en-
fant ou du crapaud, en faisant des signes de
croix à rebours avec la main gauche, et di-
sant : Jn nomine patrica. matrica , araguaco
pelricu agora, agora Valenlia ; ce qui veut
•lire : « Au nom de Palrique , de Matrique ,
Pétrique d'Ara};on , à celte heure , à celte
heure, Valenlia. » Cette stupide impiété s'ap-
pelle le baptême du diable.
BAPTÊME DE LA LIGNE. Lorsqu'on tra-
verse la ligne, les matelots font subir aux
M) Disc, elhist. des spectres, liv. III, ch. x.
12) Histoire de la religion des B.iniaiis , tirée de leur
livre sii.islcr, ne, Iraduit de raii;;l:iis de lleiirv Lord,
r»- is, 16G7. 111-12. ■'
personnes qui la passent pour !,i première
fois tiiie cérémonie qu'ils appellent le bap-
tême de la ligne , et qui consiste en une as-
persion plus ou moins désagréable, dont on
évite souvent les ennuis p;ir une générosité.
Les personnages qui font la plaisanterie so
travestissent ; le Père la Ligne arrive dans
un tonneau, escorté par un diable, un cour-
rier , un perruquier et un meunier. Le pas-
siiger qui ne veut pas donner pour boire aux
matelots est arrosé ou baigné, après avoir él6
pondre et frisé. On ne sait trop l'origine do
cet usage, ni pourquoi le diable y figure.
BARAT , maladie de langueur, ordinaire-
ment le résultat d'un sort jeté , «lui conduit
infailiibleinent à la mort , et qui , selon les
opinions bretonnes, est guérie par les eaux
de la fontaine de Sainle-Caiidide , près de
Scacr, dans le Finistère. Il n"esl |ias d'cnfiint
qu'on ne trempe dans cette font line quel-
ques jours ai)rès sa naissance ; «m croit qu'il
vivra, s"il étend les pieds, et qu'il mourra
dans peu, s'il les retire (3).
BARBAS, démon. Voy. MARBAS. '
BARBATOS, grand et puiss.int démon,
comie-tluc aux enfrrs , type de Robin-des-
Bois ; il se montre sous la figure d'un archer
ou d'un chasseur ; on le rencontre dans les
foréis. Quatre rois sonnent «lu cor devant
lui. Il apprend à deviner par le chant des
oiseaux , le mugissemenl des taureaux , les
aboiements des chiens et les cris des divers
animaux, il connaît ks trésors enfouis par
les magiciens. Il réconcilie les amis brouillés.
Ce démon, qui était autrefois de l'ordre des
vertus des cieux ou de celui des dominations,
est réduit aujourd'hui à commander trente
légions infernales. Il connaît le passé et le
futur (V).
BARBE. Les Romains gardaient avec un
soin superstitieux leur première barbe. Né-
ron faisait conserver la sienne dans une
boîte d'or enrichie de pierreries (5).
BARBE-A-DIEU. Tliiers , dans son Troiié
des superstitions , rapporte la prière dite la
Barbe-à-Dieu ; c'est une prière superstitieuse
encore populaire , et qui se trouve dans di-
vers recueils. La voici : « Pécheurs et péche-
resses, venez à moi parler. Le cœur me dut
bien trembler au ventre , comme fait la
feuille au tremble , comme fait la Loisonni
quand elle voit qu'il faut venir sur une pe-
tite branche, qui n'est plus grosse ni plus
membre que trois cheveux de femme grosse
ensemble. Ceux qui la 5arfce-d-Z>j«u sauront,
par-dessus la planche passeront, et ceux qui
ne la sauront, au bout de la planche s'assise-
ront, crieront, braieront : Mon Dieu- hélas !
malheureux état 1 Est comme petit enfant
celui qui la Barbe-à-Dieu n'apprend. »
BARBELOTH. Des gnostiques appelés
barbeliols ou barboricns disaient qu'un Éon
immortel avait eu commerce avec un esprit
vierge appelé Barbclolh, à qui il avait suc-
cessivement accordé la prescience, l'incor-
(3) r.iinibry, Voyage dans le Fiiiislèro, l. III, p. iSl.
(4) Viprus, in l'seuiiouioiiarcliia dsem.
(5) M. Kisard, Suce.
177
BAR
BAR
17»
rupUbililé et la vie éternelle; que Barbeloth,
un jour, plus gai qu'à l'ordinaire, avait en-
gendré la lumière, qui, perfectionnée par
l'onction de l'esprit, s'appela Christ; que
Christ désira rinleliigence et l'obtint; que
l'intelligence, la raison, rincorruptibilité et
Christ s'unirent; que la raison et l'intelli-
gence engcn'irèriint Autogène ; qu'Autogène
engendra Adainas, l'homme parfait, et sa
femme la connaissance parfaite; qu'Adamas
et sa femme engendrèrent le bois; que le
premier ange ciigendra le Saint-Esprit, la
sagesse ou Prunic; que Prunic engendra
Prolarchonte ou premier prince, qui fut in-
solent et sol; que Protarchonte et Arrogance
engendrèrent les vices et toutes leurs bran-
ches. Les barbeliots débitaient ces merveilles
en hébreu, et leurs cérémonies n'étaient pas
moins abominables que leur doctrine était
extravagante (1).
BAUUIER. Pline le jeune (2) avait un af-
franchi, nommé Marc, homme quelque peu
lettré, qui couchait dans un même lit avec
son jeune frère. Marc, diins le sommeil, crut
voir une personne assise au chevet du lit,
qui lui coupait les cheveux du haut de la
tète. A son réveil il se trouva rasé, et ses
cheveux jetés au milieu de la chambre. — La
même chose arriva, dans le môme temps, à
un jeune garçon qui dormait avec plusieurs
autres dans une pension. Il vit entrer par la
fenêtre deux hommes vêtus de blanc, qui
lui coupèrent les cheveux comme il dormait.
A son réveil, on trouva ses cheveux répan-
dus sur le plancher. — « A quoi cela peut-il
être attribué, dit D. Calmet (3), si ce n'est à
des follets? » — ou aux compagnons de lit?
Il y a quelques lutins, du genre de ceux-
là, qui ont fait pareillement les fonctions de
barbiers. Les contes populaire» de l'Allema-
gne vous apprendront que les revenants
peuvent ainsi faire la barbe aux vivants.
BARlilEKI. Dialogues sur la mort et sur
les âmes séparées : Dialoijhi delta morte e
dell' anime separate, di Barbieri. Jn 8°. Bulo-
gna, 16C0.
BAHBU. On appelle démon barbu le démon
qui enseigne le secret de la pierre philoso-
phale; on le connaît peu. Sou nom semble-
rait indiquer que c'est le même que Barba-
los, qui n'a rien d'un démon philosophe. Ce
n'est pas non plus Barbas, qui se mêle de
mécanique. On dit que le démon barbu est
ainsi appelé à cause de sa barbe remar-
quable.
BAUESTE (EuGiiS;NE), auteur de la Fin des
l'emps et de quelques prophéties du moins
très-spirituelles. Il est le réducteur de i'Alma-
nach prophétique, pittoresque et utile, la plus
remarquable assurément de ces légères pro-
ductions que chaque année ramène.
BAUKOKEBAS ou BAIlCHOCHliBAS, im-
posteur qui se fit passer pour le Messie juif,
sous l'empire d'Adrien. Après avoir été vo-
leur de grand chemin, il changea son nom
de Barkoziba, fils du mensonge, en celui de
(1) HiTgier, Dict. lliéolog. au mot Barbelios.
1%) l.ib. XVI, epist. 27.
(i) Dissurtallofl sur lusapiiariUous,
Barkokebas, fils de l'étoile, et prétendit qu'il
était l'étoile annoncée par Balaam. Il se mit
à faire des prodiges. Saint Jérôme raconta
qu'il vomissait du feu par la bouche, au
moyen d'un morceau d'étoupes allumées
qu'il se mettait dans les dents, ce que font
maintenant les charlatans des foires. Les
Juifs le reconnurent pour leur Messie. Il se
fit couronner roi, rassembla une armée, et
soutint contre les Romains une guerre assez
longue; mais enfiii, en l'année 136, l'arméo
juive fut passée au (il de l'épée et Barkoke-
bas tué. Les rabbins assurent que, lorsqu'on
voulut enlever son corps pour le porter à
l'empereur Adrien, un serpent se présenta
autour du cou de Barkokebas, et le fit res-
pecter des porteurs et du prince lui-même.
BAIINAUD (Nicolas), médecin protestant
du seizième siècle, qui rech(!rcha la pierre
philosophalc. Il a publié sur l'alchimie di-
vers petits traités recueillis dans le troisième
volume du Tlientrum chimicum, compilé par
Zetzner; Strasbourg, 1639.
BARRABAS. « Quand les sorcières sont
entre les mains de la justice, dit Pierre De-
lancre [k], elles font semblant d'avoir le dia-
ble leur maître en horreur, et l'appellent par
dédain Barrahas ou Barrabam. »
BAllTHOLlN (TuoMAs), né à Copenhague
en 1619. On rec herche de lui le livre De Un-
guento armario. Ce traité de la poudre de
sympathie se ressent du temps et de la cré-
dulité de l'auteur; on y trouve cependant
des choses singulières et qui ne sont pas in-
dignes de quel(|ue attention.
BARTHOLE, jurisconsulte, mort à Pérousc
en 1356. Il commença à mettre de l'ordre
dans la jurisprudence; mais on retrouve les
bizarreries de son siècle dans quelques-uns
de ses ouvrages. Ainsi, pour faire connaître
la marche d'une procétlure, il imagina un
procès entre la sainte Vierge et le diable,
jugé par Notre-Seigneur Jésus-Christ (5).
Les parties plaident en personne: Le diable
demande que le genre humain rentre sous
son obéissance; il fait observer qu'il en a été
le maître depuis Adam; il cite les lois qui
établissent que celui qui a été dépouillé
d'une longue possession a le droit d'y ren-
trer. La sainte Vierge lui répond qu'il est
un possesseur de mauvaise foi, et que les
lois qu'il cite ne le concernent pas. On épuiso
des deux côtés toutes les ressources de la
chicane du quatorzième siècle, et le diablu
est débouté de ses prétentions.
BARTON (Elisabeth), religieuse de Kent,
qui prévit et révéla, en 1323, les excès où
tomberait bientôt le schisme qu'elle voyait
naître en Angleterre. Les partisans de
Henri VllI s'écrièrent (ju'elle était possédée
du diable. La protection de Thomas Morus,
loin de la sauver, la perdit : en 1333, celte
pieuse et sainte Gllo fut mise à mort avec
beaucoup d'autres, sous prétexte de sorcel-
(4) Taliloau de l'iiiconstaace des maavais anges, etc.,
liv. VI, dise. 3. l'aris, 1612.
(5) Ce siniîulier ouvrage, intitulé: Processus Sat:iii m
cniilra Virgiiiem curain judice Jesu, esl impriiui djuo 1*
Processus jurisjocoserius. Iu-8°. Haiiau, 1611.
niCTlONNAlBE DES SCIENCES OCCULTES
réformés , qui se vantaient
f73
Irric , par les
d'apporter la Itiniicre et la liberté
BAS. Qui a chaussé un de ses bas à l'en-
vers, recevra dans la journée un conseil, —
probablement celui de le retourner.
BASCANIE, sorte de fascination employée
par les magiciens grecs; elle troublait lelle-
ment les yeux, qu'on voyait tous les objets à
rebours : blanches les choses noires, rondes
les choses pointues, laides les plus jolies
figures, et jolies les plus laides.
BASILE. Michel Glycas (1) raconte que
l'empereur Basile, ayant perdu son Gis bicn-
aimè, obtint de le revoir peu après sa mort,
par le moyen d'un moine magicien; qu'il le
vil en effet et le tint embrassé assez long-
temps, jusqu'à ce qu'il disparût d'entre ses
bras. « Ce n'était donc qu'un fantôme qui
parût sous la forme de son fils (2). »
BASILE-VALENTIN , alchimiste, qui est
pour les Allemands ce que Nicolas Flamcl
est pour nous. Sa vie est mêlée de fables qui
ont fait croire à quelques-uns qu'il n'a ja-
mais existé. On le fait vivre au douzième, au
treizième, au quatorzième et au quinzième
siècle; on ajoute même, sans la moindre
preuve, qu'il était béuédictiu à Erfurt. C'est
lui qui, dans ses expériences chimiques, dé-
couvrit l'antimoine, qui dut son nom à cette
circonstance , que , des pourceaux s'étant
prodigieusement engraisses pour avoir avalé
ce résidu de métal, Basile en fil prendre à
des religieux, qui en moururent.
On comple que, longtemps après la mort
de Basile-Valcntin, une des colonnes de la
cathédrale d'Erfurt s'ouvrit comme par mi-
racle, et qu'on y trouva ses livres sur l'al-
chimie. Les ouvrages de Basile, ou du moins
ceux qui portent son nom, écrits en haut
allemand, ont été traduits en latin, et quel-
ques-uns du latin en français. Les adepti'S
recherchent de lui VAzoth (3) , les Douze
Clefs de la philosophie de frère Basile-Valen-
lin, traitant de la vraie médecine métalli-
que (k), à la suite de la traduction de l'Azoth,
iu-12, 1660; in-S", 1669; \ Apocalypse chimi-
que (5) ; la Révélation des mystères des tein-
tures essentielles des sept métaux et de leurs
vertus médicinales (6), in-4°, Paris, 1646; du
Microcosme, du grand mystère du monde et
de la Médecine de l'homme (7); Traité chi-
mico -philosophique des choses naturelles et
surnaturelles des minéraux et des mé-
taux (8); Ilaliographiti, de la préparation, de
l'usage et des vertus de tous les sels miné-
raux, animaux et végétaux, recueillis par
Antoine Solmincius, dans les manuscrits de
Basilc-Valentin (9j, etc. La plupart de cis
ouvrages ont fait faire des pas à la chimie
utile.
il) Annal., part. t.
i) \). Cahnei, Dissprtalion des revenants en corps,
cb. XVI.
(3) Aïolh, sive aureli» philosopborutu. Francfort, 1613.
In-4», traduit en français eu t660.
(4) Praciica, una cuui duodeciin clavibiis et appendice.
Francfort, 1618. ln-4».
iS) Apocalypsis chimica. Erfurt, 162i. In-8".
6) Manifeslalio arlificioiiim, etc. Erfurt, lG2i. \a-i°,
Ll traduction dont ou indique le titre est de J. Israël.
180
BASILIC, petit serpent, lOng d'un demi-
mètre, qui n'a été connu que des anciens. Il
avait deux ergots, une tôtc et une crôte do
coq, des ailes, une queue de serpent ordi-
naire, etc. Quelques-uns disent qu'il naît de
l'œuf d'un coq couvé par un serpent ou par
un crapaud. Boguet, au chapitre li de ses
Discours des sorciers, le fait produire de l'ac-
couplement du crapaud et du coq, comme le
mulet naît d'un âne et d'une jument.
C'est une opinion encore répandue dans
les campagnes , que les vieux coqs pondent
un œuf duquel naît un serpent. Ce petit œuf,
imparfait , n'est , comme on sait , que l'effet
d'une maladie chez les poules ; et l'absurdité
de ce coule bleu n'a plus besoin d'être démon-
trée.
Il est possible que les anciens, dans leurs
expériences, aient pris des œufs de serpent
pour des œufs de coq. Voyez Coq. — Quoi
qu'il en soit, on croit que le basilic tue de ses
regards; et Malhiole demande comment on a
su que le basilic tuait par son regard , s'il a
tué tous ceux qui l'ont vu. On cile toutefois
je ne sais quel historien , qui raconte qu'A-
lexandre le Grand, ayant mis le siôge devant
une ville d'Asie, un basilic se déclara pour
les assiégés, se campa d^ms un trou des rem-
parts , et lui tua jusqu'à deux cents soldats
par jour. Une batterie de canons bien servie
n'eût pas fait mieux.
« Il est vrai , ajoute M. Salgues (10) , que si
le basilic peut nous donner la mort, nous
pouvons lui rendre la pareille en lui présen-
tant la surface polie d'un miroir : les vapeurs
empoisonnées qu'il lance de ses yeux , iront
frapper la glace, et, par réllexion, lui renver-
ront la mort qu'il voudra donner. C'est Ari-
slote qui nous apprend celte particularité. »
Des savants ont regardé en face le serpent
qu'oa appelle aujourd'hui basilic, et qui n'a
pas les accessoires dont les anciens l'ont
embelli; malgré tous les vieux contes, ils
sont sortis bien portants de celte épreuve.
Mais, nous le répétons, le replile auquel les
modernes donnent le nom de basilic, n'est
peut-être pas le basilic des anciens ; car il y
a des races perdues.
BASILIDE , hérétique du deuxième siè-
cle, qui se fit un système en mêlant les prin-
cipes de Pythagoré et de Simon, les dogmes
des chrétiens et les croyances des Juifs. Il
prétendit que le monde avait é;é créé par
les anges. « Dieu (Abracax), disait-il, pro-
duisit l'Intelligence , laque le produisit lu
Verbe, qui produisit la Prudence; la Pru-
dence eut deux filles : la Puissance et la Sa-
gesse, lesquelles produisirent les vertus, les
princes de l'air et les anges. Les anges étaient
de trois cent soixante-cinq ordres ; ils créèrent
(7) De microscomo, deque magno niundi niystcrio et
medicina hoiiiinis. Marpur;;, 1609. In-S".
(8) Tractalus cliimico-pliilosopliicus de rébus natnrali-
bus et prseterualuralibui uietallorum et iniaeraliniD. Franc-
fort, 1676. In-8°.
(9) Haliographia , de Prseparationc , usu ac vlriulibu»
omuiuui saliuui miueralium, animaliuiii ac vegetabilimn ,
ex nianuscriplis lîasilii Valcutini collecta ab Antonio Sal-
tnincio. Bologne, 16<4. tn-8°.
(10) DssLrreurs et dos préjugés, etc.t t, p. 113.
ist
BAT
BAU
im
trois cent soixante-cinq deux ; les anges du
•lornier ciel firent le monde sublunairc ; ils
s'en partagèrent l'empire. Celui auquel ccliu-
renl les Juifs étant puissant, Qt pour eux
beaucoup de prodiges; mais, comme il vou-
lait soumettre les autres nations, il y eut des
querelles et des guerres , rt le mal fit de
grands progrès. Dieu , ou l'Elre supérieur,
touohé dos misères d'ici-bas, envoya Jésus,
son premier Fils, ou la première intelligence
créée, pour sauver le momie. Il prit la ligure
d"un honune, fit les miracles qu'on raconte,
et , pendant la passion , il donna son appa-
rence à Siméon le Cyrénéen, qui fut crucifié
pour lui, pendant que, sous les traits de Si-
méon, il se moquait des Juifs; après quoi il
remonta aux cicux sans avoir été précisé-
ment connu. »
Basilidc, à cô'é de ce système étrange, en-
seignait encore la niéleiripsycoso, et il don-
nai! aux hommes deux âmes , pour accorder
les combats qui s'élèvent sans cesse entre la
raison et les passions.
11 était irès-habiie, ajoule-t-on, dans la ca-
bale des Juifs. C'est lui qui inventa le puis-
sant talisman Abracadahra , dont nous avons
parlé, et dont l'usage fut longtemps extrême-
ment répandu. 11 fit un évangile apocryphe et
des prophéties qu'il publia sous les noms de
Barcabas et de Barcoph. il plaçait Dieu dans
le soleil, et révérait prodigieusement les trois
cent soixante-cinq révolutions de cet astre
autour de la terre. Voy. Abràcax.
BASILICS. Il y eut à Rome, du temps
de saint (Irégoire , un sénateur de bonne et
ancienne famille, nommé Baslliu'*, magicien,
scélérat el sorcier , lequel , s'étanl rendu
moine pour éviter la peine de mort, fut en-
fin brûlé avec son compagnon Prétextatus,
comme lui sénateur romain et de maison
illustre : « Ce qui montre, dit Delancre (1),
que la sorcellerie n'est pas une tâche de sim-
ple femmelelle, rustiques et idiots. »
BASSANTIN (Jacques) , astrologue écos-
sais qui, en 1562, prédit à sir Robert Melvil,
si l'on encroitles mémoires de JacquesMelvil,
son frère, une partie des événements arrivés
depuis à MarieStuart, alors réfugiée enAngle-
terre. Il ne fallait pour cela que quelque con-
uaissancedu temps et des hommes. Les autres
prédictions de Bassanlin ne se réalisèrent pas.
San grand traité A' Astronomie , ou plutôt
d'ylsïro/or/te, a été publié en français et en la tin.
3n cherche l'édition laiine de Genève , 1599,
que les éditeurs appellent ingens et doctum
votumen. Tous ses ouvrages présentent un
mélange d'heureuses observations et d'idées
superstitieuses (2).
BATELEURS, faiseurs de tours en plein
air , avaleurs de couleuvres , d'étoupes et de
baguettes , qui passaient autrefois pour sor-
ciers , comme les escamoteurs et môme les
comédiens.
BATHYM. — Voy. Marthvm.
BATON DU DIABLE. On conserve, dit-
(1) Delancre, de l'Ioconslauce des démons, etc., liv. IV,
p. 416
(2i Aslronomia Jaeobi Basjjaniini Scoli, etc. la-fol. Ge-
oéve. 19t)'J' l'aiaplirasu de l'a^Urulabe, avec lum exphca-
on , à Tolentino , dans la marche d'Ancône,
un bâton dont on prétend que le diable a fait
usage.
BATON DU BON VOYAGEUR. « Cueillez,
le lendemain de la Toussaint, une forte branche
de sureau, que vous aurez soin de ferrer par
le bas; ôli'z-en la moelle; mettez à la place
les yeux d'un jeune loup, la langue et le cœui
d'un chien, trois lézards verts et trois rœun
d'hirondelles, le tout réduit en poudre par la
chaleur du soleil , entre deux papiers sau-
poudrés de salpêtre ; placez par-dessus, dans
le cœur du bâion , sept feuilles de verveine,
caeiilies la veille de la Saint-Jean-Baptiste,
avec une pierre de diverses couleurs qui se
trouve dans le nid de la huppe; bouchez en-
suite le bout du bâlon avec une pomme à
votre fantaisie, et soyez assuré que ce bâton
vous garantira des brigands , des chiens en-
ragés , des bêtes féroces , des animaux veni-
meux, des périls, el vous procurera la bien-
veillance de ceux chez qui vous loge-
rez... »
Le lecteur qui dédaigne de tels secrets , ne
doit pas oublier qu'ils ont eu grand crédit,
el qu'on cherche encore, dans beaucoup de
villages, à se procurer le bâlon du bon voya-
geur...
BATRACHYTE, pierre qui , suivant que
l'indique son nom grec , se trouve dans le
corps de la grenouille, el qui a , disent les
bonnes gens , de grandes vertus contre les
poisons el contre les maléfices.
BATStJUM-BASSA ou BATSCUM-PACHA,
démon turc que l'on invoque en Orient
pour avoir du beau temps ou de la pluie. Ou
se le rend favorable en lui offrant des tarti-
nes de pain grillé, dont il est très-friand.
BAUME UNIVERSEL, élixir composé par
les alchimistes : c'est, disent-ils, le re-
mède souverain el infaillible de toutes les
maladies, li peut même, au besoin, ressusciter
des moris. Voy. Alchimie.
On conte , dans la Franche-Comté , sur lo
baume universel , une facétie fort triviale,
que pourtant nous pouvons citer, en récla-
mant l'indulgence du lecteur.
Un alchimiste de Besançon avait trouvé la
pierre philosophale, l'élixir de longue vie et
le baume universel. Avec la première décou-
verte, il était sûr d'être l'homme le plus riche
de la terre; et comme son élixir lui assurait
une vie qui ne finirait pas de longtemps , il
n'atiachail d'intérêt à soiî baume, qu'autant
qu'avec ce puissant remède il pourrait étro
utile à ses semblables. Ce baume guérissait
toute espèce de blessure aussi vile que la
pensée; il ne laissait aucune trace de cica-
trice. Mais la foule douta. Pour prouver l'ef-
ficacité de son remède, l'alchimisle se fit des
plaies, se coupa la main , et même la tête, s;
l'on en croit la chronique, puis il rétablit parfai-
tement les choses. 11 n'avait pas encore ga-
gné avec tout cela la confiance générale. Les
ignorants disaient : — C'est un magicien qui
lion de l'usage de cet inst riimenl. In-8°. Paris, 1617. SiipfT
nialhemalica genetliliac;i; aiilliinetica; luusica secuudui*
i'IaloiieiB ; de iiiaUifii iii geuere, etc.
«S5
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
tu
nous fascine les yeux ; les médecins : — C'est
un charlatan et un imposleur. Le savant,
piqué , promit une grosse somtne d'argent à
quiconque voudrait se laisser couper quelque
membre, qu'il s'engageait à remellre au péril
(le sa vie. L'appât du gain lui amena Irois
Savoyards. A l'un il coupa la main gauche;
il arracha les yeux à son camarade ; il relira
les intestins du troisième, après quoi il posa
du baume sur les plaies, et les trois patients
ne sentirent pas la moindre incommodité.
Pour rendre le prodige plus éclatant, quel-
qu'un ayant demandé qu'on laissât un inter-
valle entre le dégât et le rétablissement, l'al-
chimiste , sûr de ses moyens , voulut bien
attendre au lendemain. 11 lit porter à son
logis les pièces enlevéï'S , et les recommanda
à sa servante, qui négligea la commission.
Pendant qu'elle était dehors, ayant laissé le
tout dans un saladier , un chien mangea les
intestins et le reste. Dans la peur d'une ré-
primande , la servante soupçonnant le chat,
l'assomma, prit ses yeux, qu'elle mit sur une
assiette, acheta les tripes d'un cochon qu'on
venait de tuer , et courut au gibet , où elle
coupa la main d'un Clou qu'on avait pendu
le matin.
Le lendemain, tout Besançon se rassembla
à la porte de l'alchimiste. Les trois compa-
gnons arrivèrent. Le savant remit au pre-
mier la main du pendu; par un hasard qui
n'a rien de surprenant, la servante avait pris
au filou sa main droite, tandis qu'il fallait
une main gauche , ce qui parut singulier ;
cependant un passa outre, en soutenant au
Savoyard que c'était bien sa main. Les yeux
du chat s'ajustèrent dans la tête du second ;
les intestins étrangers furent remis au troi-
sième. Toutes les plaies disparurent; tout le
monde cria au prodige. La réputation de l'al-
chimiste fut faite.
Ou ajoute que les trois hommes rajustés se
rencontrèrent un an après. — C'est singulier,
dit le premier, la main qu'on m'a raccommodée
ne peut plus s'empécherde voler loutceiju'elle
rencontre.— Et moi, dit l'autre, depuis qu'on
m'a remisles yeux, je vois plus clair la nuit que
le jour. — Pour mon comple, dit le troisième,
mon aventure m'a donné des goûts inconce-
vables : je ne puis pas voir une auge à porcs
•ans être tenté d'y aller prendre ma part.
BAVAN (Madeleine), sorcière du dix-
septième siècle, qui raconta en justice les
orgies infâmes du sabbat, auxquelles, comme
tant d'autres âmes perdues elle avait pris
part. Voy. sabbat, boucs, etc.
BAXTER, écrivain anglais qui publia, à la
fin du dix-septième siècle, un livre intitulé :
Certitude du monde des esprits.
BAYARD, cheval des quatre fils Aymon.
Il avait la taille d'un cheval ordinaire lors-
qu'il ne portait qu'un des frères, et s'allon-
geait lorsqu'il les fallait porter tous quatre.
Ou comple beaucoup de merveilles sur celte
monture célèbre, qui se distinguait surtout
par une vitesse incroyable, et qui a laissé la
trace d'un de ses pieds dans la forél de Soi-
gne en Brabant. On trouve aussi la marque
d'un de ses fers sur un rocher près de l)i-
nant.
BAYEMON. Le grimoire attribué stupi-
dement au pape Honorius donne ce nom
à un roi de l'occident infernal. On le conjure
par cette prière : « Oroi Bayemon, très-fort,
qui règnes aux parties occidentales, je t'ap-
pelle et invoque au nom de la Divinité ; je le
commande, en vertu du Très-Haut, de m'cn-
voyer présentement devant ce cercle (on
nomme l'esprit dont on veut se servir Pas-
siel, Rosus, etc.), et les autres esprits qui le
sont sujets, pour répondre à tout ce que je
leur demanderai. Si tu ne le fais, je te tour-
menterai du glaive du feu divin ; j'augmen-
terai tes peines et te brûlerai. Obéis, roi
Bayemon (1).»
BAYER. En 1726, un curé du diocèse de
Constance, nommé Bayer, pourvu de la cure
de Rutheim , fut inquiété par un spectre
ou mauvais génie qui se montrait sous la
forme d'un paysan mal velu, de mauvaise
mine et très-puant. 11 vint frapper à sa
porte; étant entré dans son poêle, il lui dit
qu'il était envoyé par le prince de Constance,
son évêque, pour certaine commission qui
se trouva fausse. Il demanda ensuite à man-
ger. On lui servit de la viande, du pain et du
vin. 11 prit la viande à deux mains et la dé-
vora avec les os, disant : «Voyez comme je
mange la chair et les os; faites-vous de
même (2)? «Puis il prit le vase où était le
vin, el l'avala d'un trait; il en demanda
d'autre qu'il but de même. Après cela il se
retira sans dire adieu; et la servante, qui le
conduisait à la porte, lui ayant demandé
son nom, il répondit : «Je suis né à llutsin-
gue, et mon nom est Georges Kaulin;» ce
qui était faux encore.
Il passa le reste du jour à se faire voir
dans le village, et revint, le soir à minuit, à
la porte du curé, en criant d'une voix terri-
ble : Mynheer Bayer, je vous montrerai qui
je suis...
Pendant trois ans, il revint tous les jours
vers quatre heures après midi, et toutes les
nuits avant le point du jour. Il paraissait
encore sous diverses formes, tantôt sous la
figure d'un chien barbet, tantôt sous celle
d'un lion ou d'un autre animal terrible;
quelquefois sous les traits d'un homme, sous
ceux d'une femme; certains jours il faisait
dans la maison un fracas semblable à celui
d'un tonnelier qui relie des tonneaux; d'au-
trefois, on aurait dit qu'il voulait renverser
le logis par le grand bruit qu'il y causait.
Le curé fit venir comme témoins le marguil-
1er el d'autres personnes du village. Le spec-
tre répandait partout une odeur insuppor-
table, mais ne s'en allait pas. On eut recours
aux exorcismes qui ne produisirent aucun
effet; on résolut de se munir d'une branche
bénite le dimanche des Rameaux, el d'une
épée aussi bénite, et du s'en servir contre
le spectre. On le til deux fois, et depuis ce
temps il ne revint plus. Ces choses rappor-
(1) Grimoire du pape Honorius.
m Dom Calmci, Traittt sur les apparilioas, clc, t. II, Cm. 48.
tas
BEA
BEII
18}
tées par dota C.ilrnel, peuvent s'expliquer
par.lfs frayeurs qu'un garnement aura cau-
sées au curé, frayeurs qui ont pu lui don-
ner des visions.
BAYER (Jeas), ministre protestant, né à
Augsbourg au seizième siècle. On reclicrche
de lui une thèse sur cette question : « Si l'exi-
slence des anges peut se démontrer par les
seules lumières naturelles (1)?»
BAYLE (François), professeur de méde-
cine à Toulouse, mort en 1709. Nous ne ci-
terons de ses ouvrages que la Relation de
l'état de quelques personnes prétendues possé-
dées, faite de l'autorité du parlement de Tou-
louse, in-12; Toulouse 1682. Il veut prouver
que les démoniaques, s'ils ne sont pas des
charlatans, sont très-souvent des fous ou des
malades.
BAZINE, célèbre reine des Tongres, qui
épousa Childéric et qui fut mère de Clovis.
Elle est représentée par les vieux historiens
comme unehabiie magicienne. Onsaitqu'ellc
était femme de Bising, roi des Tongres ; que
Childéric, chassé de ses Etats par une révo-
lution et réfugié à la cour de Bising, plut à
sa femme; que lorsqu'il fut rétabli sur le
trône, B;izine quitta tout pour venir le trou-
ver. Childéric l'épousa. Le soir de ses noces,
quand elle fut seule avec lui, elle le pria de
passer la première nuit dans une curieuse
observation. Elle l'envoya à la porte de son
palais en lui enjoignant de venir rapporter
ce qu'il y aurait vu. — Childéric, connais-
sant le pouvoir magique de B,izine,qui était
un peu druidesse, s'empressa d'obéir. 11 ne
fut pas plutôt dehors, qu'il vit d'énormes
animaux se promener dans la cour ; c'étaient
des léopards, des licornes, des lions. Etonné
de ce spectacle, il vint en rendre compte à
son épouse; elle lui dit, du ton d'oracle
qu'elle avait pris d'abord, de ne point s'ef-
frayer, et de retourner une seconde fois et
même une troisième fois. 11 vit à la seconde
fois des ours et des loups, et à la troisième des
chiens et d'autres petits animaux qui s'en-
tre-déchiraient. — «Les prodiges que vous
avez vus, lui dit-elle, sont une image do
l'avenir; ils représentent le caractère de
toute notre postérité. Les lions et les licor-
nes désignent le (ils qui naîtra de nous ; les
loups et les ours sont ses enfants, princes
vigoureux et avides de proie; et les chiens,
c'est lepeuple indocile aujougde ses muîlres,
soulevé contre ses rois , livré aux passions
des puissants et souvent victime (2j.» — Au
reste, on ne pouvait mieux caractériser les
rois de cette première race; et si la vi-^ion
n'est qu'un conte, il est bien imaginé (3j.
BEAL. — Voy. Bérith.
BEALVOYS de CHAUVINCOUKT , gentil-
homme angevin, (il imprimer en 1509 un
volume intitulé : Discours de la Lycanthro-
pie ou de la Iransmulalioa des hommes en
loups.
(1) An Aiipetonitn exislenlla a solo luiniiie naliirali pos-
sU (Jemonsirari? ln-i°.Witii bergje. lUo8.
(2) Selon il'autres cliroiiiciues, eils ilil ((lie les lions et
los licornes représenlaienl Cluvis, les loups el les ours
SCS eulanls, cl les cliicns lea Jerniors rui» de U race, nui
BEBAL, prince de l'enfer, assez inconnu.
Il est de la suite de Paymon. Voy. ce n.ol.
BEGHARÏ), démon désigné dans les Clavi-
cules de Sa/omon comme ayant puissance sur
les vents et les tempêtes. 11 fait grêler, ton-
ner et pleuvoir, au moyen d'un maléfice qu'il
compose avec des crapauds fricassés et au-
tres drogues.
BECHET, démon que l'on conjure le ven-
dredi. Voy. Conjurations.
BEDE (le vénérable), né au septième
siècle, dans le diocèse de Durham, en An-
gleterre. 11 mourut à soixanle-trois ans. On
dit qu'il prévit l'heure précise de sa mort.
Un instant avant d'expirer, il dictait quel-
ques passages qu'il voulait extraire des œu-
vres de saint Isidore ; le jeune moine qui
écrivait le pria de se reposer parce qu'il par-
lait avec peine : — Non, répondit Bède, pre-
nez une autre plume, et écrivez le plus vite
que vous pourrez. — Lorsque le jeune homme
eut dit : — C'est fait. — Vous avez dit la vé-
rité, répli(iua Bède; et il expira. Peu de
temps après sa mort, on dit qu'il se fit voir
à un moine nommé Gamèle, à qui il témoi-
gna le désir d'être enterré à Durham au-
près de saint Cuthbert. Ou se hâta de le sa-
tisfaire, car ou avait un grand respect pour
sa mémoire.
BEHEMOTH, démon lourd et stupide,
malgré ses dignités. Sa force est dans ses
reins, ses domaines sont la gourmandise et
les plaisirs du ventre. Quehjues démonoma-
nes disent qu'il est aux enfers sommelier et
grand échanson. Bodin croit (4) quc-Béhé-
moth n'est autre chose que le Pharaon d'E-
gypte qui persécuta les Hébreux. 11 est parlé
deBéhémoth dans Job, comme d'unecréatare
monstrueuse. Des commentateurs préten-
dent que c'est la baleine, et d'autres que
c'est l'éléphant ; mais il y eut d'autres mon-
stres dont les races ont disparu. On voit dans
le procès d'Urbain Grandier que Béhémoth
est bien un démon. Delaiicre dit qu'on l'a
pris pour un animal monstrueux, parce qu'il
se donne la forme de toutes les grosses bê-
tes. 11 ajoute queBéhémoih se déguise aussi
avec perfection en chien, en renard et en
loup.
Si Wierus, notre oracle en ce qui concerne
les démons, n'admet pas Béhémoth dans son
inventaire de la monarchie infernale, il dit,
livre I", des Prestiges des démons , chapitre
21, que Béhémoth ou l'éléphant pourrait bien
être Satan lui-même, dont on désigne ainsi
la vaste puissance.
Enfin, parce qu'on lit dans le chapitre 40
de Job que Béhémoth mange du foin comme
un bœuf, les rabbins ont fait de lui le bœuf
merveilleux réservé pour le festin de leur
Messie. Ce bœuf est si énorme, disent-ils,
qu'il avale tous les jours le foin de mille
montagnes immenses, dont il s'engraisse de-
puis le commencement du monde. 11 ne quitte
seraient un jour renversés du Irôiie par tes grands et la
peuple, dont les pelils anim.aix éwieiit la ligure.
(5) Ureux du liadier, Tableiles des reines de l'"rauce.
(tj Dciuonoinauiedes sorciers, liv. I, cb. i.
IS7
DICTIONNAIIIE DES SCIENCES OCCL'LTKS.
<•?»
jamais ses mille monlagiies, ou l'hprbe qu'il
a inaiigce le jour repousse la nuit pour lo
lendemain. Ils .ijonlent (|ue Dieu tua la fe-
melle de ce bœuf au eonimenconiont; car on
ne pouvait laisser multiplier une telle race.
Les Juifs 9(! proniellonl bien de la joie au
festin oti il fera la pièce ilo résistance. Ils
jurent par leur part du bœuf Béhéniolli.
BEHIiRIT, démon sur lequel on a très-
peu de renseilîlicmenISjà moins qu'il ne soit
le même que Bérith. Voy. ce mot. Il est cité
dans la possession deLoudun. Il avait même
promis d'enlever la culotte du situr commis-
saire, et de la tenir en l'air à la hauteur de
deux piques ;ceiqui n'eut pas lieu, à sahon te (1).
Remarquons pourtant que, sur celte pos-
session de Loudun, le calviniste Saint-Albin
a imaginé beaucoup de quolibets, pour écor-
nider d'autant l'Eglise romaine, qu'il vou-
lait, comme tant d'autres, démolir un peu,
— mais qu'on ne démolit pas.
BEKKER(BALTnsAn), docteur en théologie
réformée, et ministre à Amsterdam, i)é en
1G34. « Ce Ballhasar Bckkcr, grand ennemi
de l'enfer éternel ri du diable, et encore plus
delà précision, dil Voltaire, fil beaucoup de
bruit en son temps par son gros livre du
Monde enchanté. » A\ors la sorcellerie, les
possessions , étaient en vogue dans toute
l'Europe, ce qui le détermina à combattre le
diable. « On eut beau lui dire, en prose et en
vers, qu'il avait tort de l'attaquer, attendu
qu'il lui ressemblait beaucoup, étant d'une
laideur horrible: rien ne l'arrêta; il com-
mença par nier absolument le pouvoir de
Satan , et s'cnhardil jusqu'à soutenir qu'il
n'existe pas. « S'il y avait un diable, disait-
il, il se vengerait de la guerre queje lui fais.»
Le laid bonhomme se croyait important. «Les
ministres, ses confrères, prirent le parti de
Satan et déposèrent Bckker. »
Il avait déjà fait l'esprit fort dans de prc-
rédenls ouvrages. Dans l'un de ses catéchis-
mes, le Mets de carême (2), il réduisait les
peines de l'enfer au désespoir des damnés,
cl il en bornait la durée. On l'accusa de
socinianisme , et son catéchisme fut con-
damné par un synode. Il publia, à l'oeca-
sion de la comète de 1680, des recherches
sur les comètes, imprimées en flamand, in-8,
Leuwarde, 1683. — 11 s'efforce de prouver
«jue ces météores ne sont pas des présages de
malheurs, el combat les idées superstitieu-
ses que le peuple attache à leur apparition.
Va'I ouvrage fut reçu sans opposition. 11 n'eu
fut pas de même de son livre De Betooverde
I (1) Saint-Albin, Histoire des dialilesde Loudun.
(2) Il publia deux espèces de caiéciiisme en langue hol-
landaise, Vasle spiie (le Mets d* carême), et Gesneden
brood (le Pain coupé).
(3) Bekker élail si laid que La Monnoye Ot sur lui celle
épigrainme :
Oui, par toi, de Satan la puissance est bridés;
Mais lu n'as cependant pas encore assez fait :
Pour nousôler du diable entièrement l'idée,
Bfilter supprime ton portrait,
(i) Pendant que les ministres d'Amsterdaiji prenaient
le parti du diable, un ami de l'auteur le dél'eudit dans
on ouvrage intitulé : Le Diable Iriowpltant , parlant sur
le mont Parnasse; mais le synode , qui avait déposé
Bekker, uerévo(iua passa scutencc. Ou écrivit conuc lui
wereld (le monde ensorcelé), imprimé plu-
sieurs fois, et traduit on français sous ce
litre : « Le monde enchanté, ou examen des
communs senlimonts toucliant les esprits,
leur nature, leur pouvoir, leur administra-
tion et leurs opérations, et touchant les
effets que les hommes sont capables de pro-
duire parleur communication et leur verlu;
divisé en quatre livres; » k forts volumes pe-
tit in-12, avec le portrait de l'auteur (3),
Amsterdam, 169i.
L'auteur, dans cet ouvrage, qui lui fit per-
dre sa place de ministre (4), cherche à prou-
ver qu'il n'y a jamais eu ni possédés ni sor-
ciers; que tout ce qu'on dil des esprits malins
n'est que superstitions, etc. Un peu pins
tard pourtant, dans une défense de ses opi-
nions, il admit l'existence du diable; mais il
ajouta qu'il le croyait enchaîné dans le»
enfers el hors délai do nuire.
11 ne fallait pas, pour des calvinistes qui se
disent si lolérantsel qui le sonlsi peu, pour-
suivre si sérieusement un livre (jue sa pro-
lixité seule devait rendre illisible. « Il y a
grande apparence, dil encore V^oltaire, qu'on
ne le condamna que par ledépit d'avoir perdu
son temps à le lire. » — Dans lo livre 1". ou
premier volume, qui a quatre cents pages,
l'auteur examine les^ sentiments que les pou-
pies ont eus dans tous les temps ot qu'ils ont
encore aujourd'hui louchant Dieu et les
esprits; il parle des divinations, de l'art ma-
gique, des manichéens et des illusions du
diable; il entre en malièredèsle tome second.
Ce tome ou livre second a 733 pages énor-
mes. L'auteur traite de la puissance des es-
prits, de leur influence, des effets qu'ils sont
capablesdeproduire.il prétend qu'il n'y a
aucune raison de croire qu'il y ait des dé-
mons ou auges, ou vice-dieux ; il s'embarrasse
cependant avec les anges d'Abraham et de
Loth; ildit que le serpent qui tenta nos pre-
miers parents n'était pas un diable, mais un
vrai serpent; il soutient que la tentation do
Notrc-Seigiieur par le diable est une allégo-
rie, ainsi que le combat du diable avec saint
Michel : que Job ni saint Paul n'ont pas été
tourmenlés corporellement par le diable; il
dit que les possédés sont des malades, que
les vrais diables sont les hommes méchants ,
etc.
Dans le troisième volume, Bekker veut
démontrer, dans le méoïc style prolixe, que
le commerce avec le diable et les pacles des
sorciers sont des idées creuses; il remarque
que les livres saints ne font aucune mention
uuc multitude de libelles. Benjamin Binet l'a réfuté dans
un volume intitulé : Traité historique des dieux du pa-
ganisme, avec desreniarques criliques sur le système de
]lalthasar Bekker. Delft, 1696, in-12. Ce volume se joint
ordinairement aux quatre de Bekker; il a aussi été im-
primé suus le titre d'Idée générale de la théologia
païninie, servant de réfutation au système de Balliiasar
itf kker, etc. Amsterdam et Trévoux , 1699. Les autres
rél'uialions du Monde enchanté sont : Melchioris Leydi'k-
keri dissertalia de vulgalo nuper Bekkeri volumine, etc.
lu-S" Ultr;]jecll, 1695. Brevis nieditalio academica de spi-
riluum actionibus in homiurs spiri-'.ualibus, cujus doclrin»;
usus conlra Hckkemm et alios fanaticos exhibelur a i. Zi-
pt'liio. lu 8". Fraucorfuili, 1701, elc.
189
15KL
IJEL
loa
d'.icU's il(' société avec le dialile, que les do-
vins de l'antiquilé claieiit des iinlicciles sans
lalenlet sans pouvoir. — 11 se moi|ue, dans
le qualriènie volume, de ceux qui croient à
la magie, et des juges qui condamnent les
sorciers.
BEL, divinité suprême des Chaldéens.Wié-
rus dit que c'est un vieux démon dont la
voix sonne le creux (1). Les peuples qui en
firent un dieu conlaientqu'au commencement
le monde n'était qu'un chaos liahilé par des
monstres; que Bel les tua, arrangea l'u-
nivers, se fit couper la tête par un de ses
serviteurs, détrempa la terre aven son sang
cl en forma les animaux et les hommes.
BELAAM, démon donloii nesait rien sinon
qu'en 1C32 il entra dans le corps d'une des
possédées de Loudun, avec Isaacarum et
Béliémoth : on le força de déloger (2).
BELBACHou BELBOG. Voy. Belzebuth.
BELEPHANTES, astrologue chaldécn qui
prédit à Alexandre, selon Diodore de Sicile,
que sou entrée à Babylone lui serait funeste:
ce qui advint, comme chacun sait.
BELETTE. Les anciens croyaient que la
belette faisait ses petits par la gueule, parce
qu'elle les porte souvent entre ses lèvres,
comme font les chattes.
Plularque remarque que les Thébains hono-
raient la belette, tandis que les autres Grecs
regardaient sa rencontre comme un présage
funeste.
On prétend que sa cendre, appliquée en
cataplasme, guérit les migraines et les ca-
taractes; et le livre des Admirables Secrets
<rAlbert le Grand assure que, si on fait man-
ger à un chien le cœur et lu langue d'une
belette, il perdra incontinent la voix. Il
ajoute imprudemment un secret qu'il dit
éprouvé, et qu'il certifie infailliblo : c'est
qu'un amateur n'aqu'àmanger Icrœur d'une
belette encore palpitant pour prédire les cho-
ses à venir (3)...
BELLVL, démon adoré des Sidonicns. L'en-
fer n'a pas reçu d'esprit plus dissolu, plus
crapuleux, plus épris du vice pour le vice
menu;. Si son âme est hideuse et vile, s m
extérieur est séduisant, lia le maintien plein
de grâce et de dignité. Il eut un culte a So-
dome et dans d'autres villes; mais jamais on
n'osa trop lui ériger des autels. Delancre dit
que son nom signifie rebelleou désobéissant.
— Wiérus, dans son inventaire de la monar-
chie de Satan, lui consacre un grand article.
« On croit, dit-il, que Bclial, l'un des rois de
l'enfer, a été créé immédiatement après Lu-
cifer, et qu'il entraîna la plupart des anges
dans la révolte : aussi il fut renversé du ciel
un des premiers. Lorsqu'on l'évoque, on l'o-
blige par des offrandes à répondre avec sin-
cérité aux questions qu'on lui fait. Mais il
conte bien vite des mensonges, si on ne 1 ad-
jure pas, au nom de Dieu, de ne dire que la
vérité. Il se montre quelquefoissous la figure
d'un ange plein de beauté, assis dans un char
de feu; il parle avec aménité; il procure les
(I) De Prœstigiis daem., lib. I, cap. y
(•i) Hialoire des diables de Loudun.
(j) Les Admirables Sccicls U'Alberl lo Grand, liv. Il,
dignités et les faveurs, fait vivre les amis en
bonne intelligenee, donne d'habiles servi-
teurs. Il commande quatre-vingts légions de
l'ordre des Vertus et de l'ordre des Anges. Il
est exaet à secourir ceux qui se soumettent
à lui; s'il y manquait, il est facile de le châ-
tier, comme fil Salomon, qui l'enferma dans
une bouteilleavec toutesses légions, lesquel-
les font une armée de cinq cent vingt-deux
mille deux cent quatre-vingts démons.» Il
fallait que la bouteille fût de grande taille.
Mais Salomon était si puissant que, dans
une autre oj:casion, il emprisonna pareille-
ment six mille six cent soixan'e-six millions
de diables qui ne purent lui résister. — Des
doctes racontent encore que Salomon mit la
bouteille où était Bélial dans un grand puits,
qu'il referma d'une pierre, près de Babylone ;
que les Babyloniens descendirent dans co
puits croyant y trouver un trésor; qu'ils
cassèrent la bouteille, que tous les diables
s'en échappèrent, et que Bélial , qui avait
peur d'être repris, se campa dans une idole
qu'il trouva vide , et se mil à rendre des
oracles ; ce qui fit que les Babyloniens l'ado-
rèrent ('i-).
BELICHE. C'est le nom qu'on donne au
diable à Madagascar. Dans les sacrifices,
on lui jette les premiers morceaux de la
victime, avec la persuasion qu'il ne fait
point de mal tant qu'il a de quoi mettre sous
la dent.
BÉLIER. Le diable s'est quelquefois trans-
mué en bélier, et des maléficiés ont subi
celle métamorphose. C'est même sur une
vieille tradition populaire de cette espèce
qu'Hamillon a bâti son conte du Bélier.
Il paraît que le bélier a des propriétés
magiques ; car, lorsqu'on accusa Léonora
Galigaï, femme du maréchal d'Ancre, d'avoir
fiit des sorcelleries , on prétendit que, pen-
dant qu'elle &'occupait des maléfices, elle ne
mangeait que des crêtes de coq et des ro-
gnons di- bélier
Pour l'inlluence du bélier, signe du zodia-
que, voyez Astrologie et Horoscopes.
BELIN (Albert), bénédictin né à Besan-
çon en 1(510. On recherche parmi ses ou-
vrages : r le Traité des talismans, ou
Figures astrales , dans lequel il est montré
que leurs effets ou vertus admirables sont
naturels, ensemble la manière de les faire
et de s'en servir avec profil, in-12, Paris,
1671. On a joint à l'édition de 1709 un traité
du même auteur, de la Poudre de sympathie
justifiée ; 2° les Aventures du philosophe in-
connu en la recherche et invention de la pierre
philosophate , divisées en (juatre livres, au
dernier desquels il esl parlé si clairemeul de
la manière de la faire que jamais on n'en a
traité avec tant de candeur. In-12 ; Paris,
IGG'i. et 1674.
BELINUNCIA, herbe consacrée à Belenus,
dont les Gaulois employaient le suc pour
empoisonner leurs flèches. Us lui altribuiiienl
lu yerlu de faire tomber la pluie. Lorsque le
cha
ap. III.
(î) \Yi
Wicrus, iu PseudoSnon. daernci
I*!
DICTIONNAIEK DES SCIIiiNCES OCCULTES.
<9î
pays étnit affligé d'une sécheresse, on cueil-
lait celle herbe avec de grandes cérémonies.
Les femmes des Druides clioisis-tnient une
jeane vierge qui déposait ses vêletnenls et
marchait à la télé des autres femmes, cher-
chant l'herbe sacrée ; quand elle l'avait
trouvée, elle la déracinait avec le petit doigt
de la main droite ; en même temps ses com-
pagnes coupaient des branches d'arbres et
les portaient à la main en la suivant jusqu'au
bord d'une rivière voisine ; là , on plongeait
dans l'eau l'herbe précieuse, on y trempait
aussi les branches que l'on secouait sur le
visage de la jeune fille. Après celte cérémo-
nie, chacun se relirait en sa maison ; seule-
ment la jeune vierge était obligée de faire à
reculons le reste du chemin.
BELLOC (Jeanne), sorcière du pays de
Labour, prise à vingt-quatre ans, sous Henri
IV. Pierre Delancre . qui l'interrogea, dit
qu'elle commença d'aller au sabbat dans
l'hiver de 1609 ; qu'elle fut présentée au
diable, dont elle baisa le derrière, car il n'y
avait que les notables sorcières qui le bai-
sassent au visage. Elle conta que le sabbat
est une espèce de bal masqué où les uns se
promènent en leur forme naturelle, tandis
que d'autres sont transmués en chiens, en
chats, en ânes, en pourceaux et autres bêles.
Voy Sabbat.
BELMONTE, conseiller du parlement de
Provence, qui eut au pied une petite plaie
où la gangrène se mit ; le mal gagna vite, et
il en mourut. Comme il avait poursuivi les
sorciers protestants et les perturbateurs ré-
formés, les écrivains calvinistes virent dans
sa mort prompte un châtiment et un pro-
dige (1). C'était au seizième siècle.
BELOMANCIE. Divination par le moyen
des flèches. On prenait plusieurs flèches, sur
lesquelles on écrivait des réponses relatives
à ce qu'on voulait demander. On en mellait
de favorables et de contraires ; ensuite on
mêlait les flèches, et on les lirait au hasard.
Celle que le sort amenait éUn't regardée
comme l'organe de la volonté des dieux. —
Celait surtout avant les expéditions mili-
taires qu'on faisait usage de la bélomancie.
Les Chaldéens avaient grand'foi à cette di-
vination.
Les Arabes devinent encore par trois
flèches qu'ils enferment dans un sac. Us
écrivent sur l'une: Commandez-moi, Sei-
gneur; sur l'autre : Seigneur, empêchez-moi,
et n'écrivent rien sur la troisième. La pre-
mière flèche qui sort du sac détermine la
résolution sur laquelle on délibère. Voy.
FLÈcnEs.
BKLPHÉGOR , démon des découvertes et
des inventions ingénieuses. 11 prend souvent
un corps de jeune femme. 11 donne des ri-
chesses. Les Moabiles, qui l'appelaient Baal-
phégor, l'adoraient sur le monl Pliégor. Des
rabbins disent qu'on lui rendait hommage
sur la chaise percée , et qu'on lui offrait
(t) Cbassanion, Des Grands ei redoutables jugements
de Dieu. Morges. 1581, p. 61.
(2) Nnii,!-Sei^'neiir Jésus Clirisl mêrriR lui donne oe
noiu fsaint MaUtiii'U, uli. xn, v. 2t; saim Lui-, cli. xi.
l'ignoble résidu de la digestion. C'était digne
de lui. C'est pour cela que certains doctes
ne voient dans Belphégor que le dieu Pit ou
Crepitus ; d'autres savants soutiennent qne
c'est Priape. — Selden, cité par Banier. pré-
tend qu'on lui offrait des victimes humaines,
dont ses prêlres mangeaient la chair. Wiérus
remarque que c'est un démon (jui a toujours
la bouche ouverte; observation qu'il doit
sans doute au nom de Phégor, lequel signifie,
selon Leioyer, crevasse ou fendasse, parce
qu'on l'adorait quelquefois dans des ca-
vernes, et qu'on lui jetait des offrandes par
un soupirail.
BÉLUS, premier roi des Assyriens ; on dit
qu'il se fit adorer dans des temples de son
vivant. Il était grand astrologue: «J'ai lu
dans les registres du ciel tout ce qui doit
vous arriver, disait-il à ses enfants, et je
vous dévoilerai les secrets de vos destinées.»
11 rendit des oracles après sa mort. Bélus
pourrait être le même que Bel.
BELZEBUTH ou BELZEBUfl ou BEELZE-
BUTH, prince des démons, selon les Ecri-
tures (2); le premier en pouvoir et en crime
après Satan , selon Milton ; chef suprême de
l'empire infernal, selon la plupart des dé-
monographes. — Son nom signifie seigneur
des mouches. Bodin (3) prétend qu'on n'en
voyait point dans son temple. C'était la di-
vinité la plus révérée des peuples de Cha-
naan, qui le représentaient (iuel(iuefoi'î sous
la figure d'une mouche, le plus souvent avec
les attributs dj la souveraine puissance. 11
rendait des oracles, et le roi Ochozias le
consulta sur une maladie qui l'inquiétait;
il en fut repris par le prophète Elisée, qui
lui demanda s'il n'y avait point de Dieu en
Israël, pour aller ainsi consulter Belzébulh
dans le pays des Philistins. On lui attribuait
le pouvoir do délivrer les hommes des mou-
ches qui ruinent les moissons. — Presque
tous les démonomanes le regardent coimno
le souverain du ténébreux empire ; et chacun
le dépeint au gré de son imagination. Milton
lui donne un aspect imposant, et une haute
sagess' respire sur son visage. L'un le fait
haut comme une tour; l'autre d'une taille
égale à la nôtre ; quelques-uns se le figurent
sous la forme d'un serpent ; il en est qui lo
voient aussi sons les traits dune femme.
Le monarque des enfers, dit Palingène
in Zodiaco vitœ, est d'une taille prodigieuse,
assis sur un trône immense , ayant le front
ceint d'un bandeau de feu, la poitrine gonflée,
le visage bouffi, les yeux élincelants, les
sourcils élevés et l'air menaçant. 11 a les
narines extrêmement larges, et deux grandes
cornes sur la tête; il est noir comme un
Maure : deux vastes ailes de chauve-souris
sont attachées à ses épaules ; il a deux larges
pattes (le canard, une queue de lion, et de
longs ()oils depuis la tête jusqu'aux pieds.
Les uns disent de plus ([ue Belzébulh est
encore Priape ; d'autres, comme Porphyre,
v. 15). Los scribes reproclialent au Sauveur qu'il cliassait
li'S (Ijulilos au uoiii (le Bi.'lz;l>iilli, prince des démons.
(.") OJiiiouoMiauif des surciors, liv. IV. ch. m.
m niN
Je confondent avec Baiclius. On a cru le re-
trouver dans le Beibog, ou Bolbach (dieu blanc)
{les Slavons, parce que son ima^c ensan-
glanlée était toujours couverte de mouches,
comme celle de Bclzébulh chez les Syriens.
On dit aussi que c'est le même que Tlulou.
Il est plus vraisemblable de croire que c'est
B;;al, que Wiérus fait empereur des enfers;
d'autant mieux que Belzébuih ne figure
pus sous son nom dans i'invcn!aire de la
monarchie infernale.
On voit, dans les Clavicules de Salomon,
que Beizébuth apparaît quelquefois sous de
monstrueuses formes , comme celles d'un
veau énorme ou d'un bouc suivi d'une longue
queue; souvent, néanmoins, il se montre
sous la figure d'une mouche d'une extrême
grosseur. Quand il est en colère, ajoutet-on,
il vomit des flammes et hurle comme un
loup. Quelquefois enfin Astarolh apparaît à
ses côtés, sous les traits d'un âne.
BENEDICT (Jean), médecin allemand du
seizième siècle. On lui doit un livre sur les
Visions el les révélations naturelles et surna-
turelles, qui n'est presque pas connu (1).
BtNOlT VIII, ce lit quarante-huitième pape,
élu en 1012, mort en 102'». On lit dans Pla-
tine, cité par Leloyer et par Wiérus (2), que
quelque temps après sa mort, Benoît VllI
apparut, monté sur un cheval noir, à un
saint évêque dans un lieu solitaire et écarté ;
que l'évéque lui demanda comment il se fai-
sait, qu'étant mort, il se montrât ainsi sur un
cheval noir. A quoi le pape répondit que,
pendant sa vie, il avait été convoileux d'a-
masser des biens ; qu'il était en purgatoire ;
mais qu'il n'élail pas damné, parce qu'il avait
fait des aumônes. 11 révéla ensuite le lieu où
il avait caché des richesses, et pria le saint
évêque de les distribuer aux pauvres. —
Après cela, le fantôme (selon le récit) se
montra pareillement au pape son succes-
seur, et le supplia d'envoyer en diligence un
courrier à Oiiilon, abbé de Cluny, pour l'a-
vertir qu'il priai Dieu pour le r( pos de son
âme. Odilon le fil ; et peu de jours après on
vit un homme lumineux entrer dans le
cloître, avec d'autres personnes habillées de
blanc, et se mettre à genoux devant Odilon.
Un religieux demanda qui était cet homme
de si haute apparence, qui faisait tant
d'honneur à l'abbé- Il lui fut répondu que
c était Benoît VIII qui, parles prières d'Odi-
lon. jouissait de la gloire des bienheureux.
BKNOIT IX , cent cinquantième pape, élu
en 1033, dans un temps de troubles, où les
partis se disputaient Rome. Il eut à lutter
contre des anti|)apes qui l'ont fort noirci. On
a dit qu'il était magicien, et que, renversé du
saint-siége par ses ennemis , il y remonta
deux fois par son pouvoir magique. C'est un
peu niais. On a dt encore avec autant de bon
sens qu'il prédisaît les choses futures, el qu'il
était habile enchanteur (3). — L'auleur cal-
viniste desGranUs et redoutables jugements
(t) Joannis Beriedicli I.ihellusdfi visionibus el revela-
tioiiibiis iialuralibiis el iJiviiiis. lu-S". Mogiinli;e, 15ii0.
(2) Leloyer, Discours des speclres, liv. VI, cli. xiii.
Visrus, De l^rscit., lib. 1, cap. xvi.
BEN
f9«
de DiiVi ajoute n.énu' qui! fol éirr.itglé par
le diable , et qu'après sa mort, son ime fut
condamnée à errer dans les foiéls , sous la
forme d'une bête sauvage, avec un corps
d'ours à longs poils , une queue de chat et
une tête d'âne. Un ermite qui le rencontra lui
demanda pourquoi il avait celle figure. « J'é-
tais un monstre, répondit Benoît, et vous
voyez mon âme telle qu'elle a toujours été. »
Voilà qui est très gracieux. Mais Benoît IX,
au contraire, mourut dans la retraite sous le
ciliée, pieusement et saintement, en 105'*. Il
est encore là une des victimes de la calomnie
historique.
BKNSOZIA. Certains canonistes des dou-
zième et treizième siècles s'élèvent fortement
contre les femmes d'alors qui allaient à une
espèce de sabbat sur lequel il ne nous est
parvenu que très-peu de notions. On disait
que des fées ou des démons transformés en
femmes s'associaient toutes les dames qui
voulaient prendre part à leurs plaisirs; et
que toutes, dames el fées ou démons, moulées
sur des bêtes ailée», allaient de nuii faire des
courses et des fêtesdaiis les airs. Elles avaient
pour chef la diablesse ou fée Bensozia, à
qui il fallait obéir aveuglément avec une sou-
mission sans réserve. Celait, dit-on, la Diane
des anciens Gaulois ; on l'appelait aussi No-
cticula, Hérodias ou la Lune. On voit, dans
des manuscrils de l'église de Cousérans, quo
des dames au quatorzième siècle avaient le
renom d'aller à cheval aux courses noctur-
nes de Bensozia. Toutes, comme les sorcières
au sabbat, faisaient inscrire leur nom sur un
catalogue, et après cela se croyaient fées. On
remarquait encore au dernier siècle, à Mont-
morillon eu Poitou, sur le porlicjue d'un an-
cien temple , une femme; enlevée par deux
serpents dans les airs. C'était sans doute le
modèle de la contenance des sorcières ou
fées dans leurs courses de nuit (4).
BENTHAMÉLÉON. Titus, ayant pris Jéru-
salem, publia un édit qui défendait aux Juifs
d'observer le sabbat et de se circoncire , et
qui leur ordonnait de manger toute espèce de
viande. Les Juifs consternés envoyèrent à
Titus le rabbin Siméon, qui passait pour un
homme très-habile. Siméon s'étant mis en
chemin avec le rabbin Eléazar, ils rencon-
trèrent un diable, nommé Benthaméléon, qui
demanda à les accompagner, leur avouant
quelle éîail sa nature, mais se disant enclin
à rendre service aux Juifs et leur promettant
d'entrer dans le corps de la fille de Titus, et
d'en sortir aussitôt qu'ils le lui commande-
raient, afin qu'ils pussent g.igner l'empereur
par ce prodige. Les deux rabbins acceptèrent
sa proposition avec empressement ; et, Ben-
thaméléon ayant tenu parole, ils obtinrent
en effet la révocation de l'édit.
BKRANDE, sorcière brûlée à Maubec, près
Beaumont de Lomaignie, en 1577. En allant
au supplice, elle accusa une demoiselle d'a-
voir été au sabbat ; la demoiselle le nia : Bé-
{?>) Naudé, Apolrij^ie pour lous les grands personnages
souiiçonnésdc magie, ch. xix,
(i) Dom Uurlin, i(elii;iou des Gaulois, l. II, p. 59 et Gti.
195
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCILTES.
1)6
rande lui dit : —Oublies-tu que la dernière
fois que nous fîmes la danse, à la croix du
pâle, tu portais le pot de poison?... Et la de-
moiselle fut réputée sorcière , parce qu'elle
ne sut que répondre (1)
BERBIGUlEll. Alexis-Vincent-Charles Ber-
biguior de Terre-Neuve du Thym, né à Car-
pentras, est un auteur qui vit peut-être en-
core et qui a publié en 1821 un ouvrage dont
voici le titre : Les Farfadets, ou Cous les dé-
mons ne sont pas de l'autre monde, 3 v. in-8°,
ornés de huit lithographies et du portrait de
l'auteur, entouré d'emblèmes, surmonté de
cette devise: Le F/^au des Far/'adets.— L'auteur
débute par unedédicaceàtous les empereurs,
rois, princes souverains des quatre parties
du monde. — « Réunissez vos efforts aux
miens, leur dit-il, pour détruire l'influence
des démons, sorciers et farfadets qui désolent
les malheureux habitants de vos Etals. »
11 ajoute qu'il est tourmenté par le diable
depuis vingt-trois ans : et il dit que les far-
fadets se métamorphosent sous des formes
humaines pour vexer les hommes. Dans le
chapitre 2 de son livre , il nomme tous ses
ennemis par leur nom, soutenant que ce sont
des démons déguisés, des agents de Beizé-
buth ; qu'en les appelant infâmes et coquins,
ce n'est pas eux qu'il insulte, mais les démons
qui se sont emparés de leurs corps. « Ou me
fait passer pour fou, s'écrie-t-il ; mais si j'é-
tais fou, mes ennemis ne seraient pas tour-
mentés comme ils le sont tous les jours par
mes lardoires, mes épingles, mon soufre, mon
sel, mon vinaigre et mes cœurs de bœuf. »
Les trois volumes sonten quelque sorte les
Mémoires de l'auteur, que le diable ne quitte
pas. 11 établit le pouvoir des farfadets ; il
conte, au chapitre k, qu'il s'est fait dire la
bonne aventure en l'î96 par une sorcière
d'Avignon, appelée la Mansottc, qui se ser-
vait pour cela du jeu de tarots. « Elle y ajou-
ta, dit-il, une cérémonie qui, sans doule , est
ce qui m'a rais entre les mains des farfadets.
Elles étaient deux disciples femelles de Sa-
tan ; elles se procurèrent un tamis propre à
passer de la farine, sur lequel on fixa une
paire de ciseaux par les pointes. Un papier
blanc plié était posé dans le tamis. La Man-
sottc et moi nous tenions chacun un anneau
des ciseaux, de manière que le tamis était ,
par ce moyen, suspendu en l'air. Aux divers
mouvements du tamis, on me faisait des ques-
tions qui devaieut servir de renseignements à
ceux qui voulaient me mettre eu leur posses-
sion. Les sorcières demandèrent trois pois :
dans l'un elles enfermèicnt (juclques-uns dos
tarots jetés sur la table, et prèférahlcment
les caries à figures. Je les avais tirées du jeu
les yeux bandés. Le second pot fut garni de
sel, de poivre et d'huile ; le troisième de lau-
rier. Les trois pots, couverts, furent déposés
dans une alcôve, et les sorcières se retirè-
rent pour attendre l'effet... Je rentrai chez
mot à dix heures du soir ; je trouvai mes trois
croisées ouvertes, et j'entendis au-dessus de
ma tétc un bruit extraordinaire. J'allume
mon flambeau; je ne vois rien. Le bruit que
j'entendais ressemblait au mugissement des.
bétcs féroces; il dura toute la nuit. Je souf-
fris trois jours diverses tortures, pendant les-
quelles les deux sorcières préparaient leurs
maléfices. Elles ne cessèrent , tant que dura
leur manège , de me demander de l'argent.
Il fallait aussi que je fusse là pour leur don-
ner du sirop , des rafraîchissements et des
comestibles ; car leurs entrailles étaient dé-
vorées par le feu de l'enfer. Elles eurent be-
soin de rubans de différentes couleurs, qu'el-
les ne mont jamais rendus. Pendant huit
jours que dura leur magie, je fus d'une tris-
tesse accablante. Le quatrième jour, elles se
métamorphosèrent en chais , venant sous
mon lit pour me tourmenter. D'autres fois
elles venaient en chiens : J'étais accablé par
le miaulement des «ns et l'aboiement des au-
tres. Que ces huit jours furent longs 1 »
Berbiguier s'adressa à un tireur de cartes,
qui se chargea de combattre les deux sorciè-
res ; mais il ne lui amena que de nouveaux
tourments.
Dans les chapitres suivants, l'aulcur se fait
dire encore sa bonne aventure et se croit ob-
sédé; il entend sans cesse à ses oreilles des
cris de bêles affreuses ; il a des peurs et des
visions. Il vient à Paris pour un procès, fait
connaissance d'une nouvelle magicienne, qui
lui tire les cartes. « Je lui demandai, dit-il,
si je serais toujours malheureux ; elle me
répondit que non ; que, si je voulais, elle me
guérirait des maux présents et à venir, et
que je pouvais moi-même faire le remède. —
Il faut, me dit-elle, acheter une chandelle de
suif chez la première marchande dont la bou-
tique aura deux issues, et tâcher, en payant,
de vous faire rendre deux deniers. » Elle rao
recommanda de sortir ensuite par la porte
opposée à celle par laquelle je serais entré ,
et de jeter les deux deniers en l'air ; ce que
je fis. Je fus grandement surpris d'entendre
le son de deux écus au lieu de celui des deux
deniers.
L'usage qu'elle me dit de faire de la chan-
delle fut d'allumer d'abord mon feu, de jeter
dedans du sel, d'écrire sur un papier le nom
de la première personne qui m'a persécuté,
de piquer ce papier dans tous les sens, d'en
envelopper la chandelle en l'y fixant avec
une épingle, cl de la laisser brûler entière-
ment ainsi.
Aussitôt que j'eus tout exécuté, ayant eu
la précaution de m'armer d'un couteau en cas
d'altaque, j'enlemlis un bruit effroyable dans
le tuyau de ma cheminée ; je m'imaginai que
j'étais au pouvoir du magicien Moreau, que
j'avais consulté à Paris. Je passai la nuit à
alimenter le feu, en y jetant de grosses poi-
gnées de sel et de soufre, pour prolonger le
supplice de mes ennemis... »
M. Berbiguier fit neuf jours de suite la
même opération, sans se voir débarrassé des
farfidets et des magiciens.
Ses trois volumes sont partout de cette
force, el nous ne dirons rien de trop en ran-
(1) H. Jules GarincI, Uistoire (le la oiagic en Frani^c , p. 1:^2.
<07
RER
«,'eant cet ouvrnpo pnin)i les plus rxlrnva-
saiites produclions. L'auleur se croyait en
forrespoiidance avec des sorciers et des dé-
mons. II rapporte dos lettres faites par des
plaisants assez malhabiles , et qu'il atlribue
à Lucifer, à Rolhomago et à d'autres dont
elles portent les signatures. En voici une qu'il
a transcrite scrupuleusement.
A M. Berbiguier.
« Abomination de la délestation, trenible-
nienl de terre, déluge, tempête, vent, co-
mèle, planète, Océan, flux, reflux, génie,
sylphe, faune, satyre, Sylvain, driade et
liamadriadc !
» Le mandataire du grand génie du bien et
du mal, allié de Belzébuth et de l'enfer, com-
pagnond'armes d'Aslaroth, auteur du péché
originel et ministre du Zodiaque, a droit de
posséder, de tourmenter, de piquer, de pur-
ger, de rôtir, empoisonner, poignarder et li-
tifier le très-humble et très-patient vassal
Berbiguier, pour avoir maudit la très-hono-
rable et indissoluble société magique : en foi
de quoi nous avons fait apposer les armes do
la société.
» Fait au soleil, en face de la lune, le grand
officier, ministre plénipotentiaire, le S818'
jour et la 5819* heure de nuil, grand'croix et
tribun de la société magique. Le présent pou-
voir aura son effet sur son ami Coco (C'était
l'écureuil de M. B rbiguior).
» THÉSAUUOCUUYSONICOCnRYSIDès.
» Par son ex ellencc le secrétaire,
» PiXCHICni-PiNCHI.
» 30 mars 1818.
* P. Sf Dans huit jours tu seras en ma
puissance; malheur à loi, si lu fais paraître
ton ouvrage 1 »
BEUENGEU, hcrétifjue du onzième siècle.
Guillaume de Malmesbury raconte (1) qu'.î
son lit de mort Bérenger reçut la visite de
son ancien ami Fulbert, lequel recula de-
vant le lit (lù gisait le malade, disant qu'il
n'en pouvait approcher, parce qu'il voyait
auprès de lui un horrible et grand démon
Irès-puanl. Les uns disent qu'on chassa ce
démon; d'autres assurent qu'il tordit le cou
à l'hérétique mal converti et l'emporla.
BERGERS On est encore persuadé, dans
beaucoup de villages, que les bergers com-
mercent avec le diable, et qu'ils font adroi-
tement dos maléfices. Il est dangereux, as-
sure-t-on, de passer près d'eux sans les saluer;
ils fourvoient loin de sa route le voyageur
qui les ofl'ense, font naître des orages devant
ses pas et des précipices à ses pieds. On conte
là-dessus beaucoup d'histoires terribles. Vov.
Dakîs. •'
Un voyageur, passant à cheval à l'entrée
d'une forêt du Mans, renversa un vieux ber-
ger qui croisait sa route, et ne s'arrêta pas
pour relever le bonhomme. Le berger, se
loui-nant vers le voyageur, lui cria qu'i'l se
youviendrait de lui. L'homme à cheval ne fit
pas d'abord allenlion à cette menace ; mais
tiientôt, rélléchlssant que le berger pouvait
lui jelcr un maléfice, et tout au moins l'éga-
(1) In Uistoria Anglor. sub Gulliclmo I.
i;r:R
m
rrr, il eut rrgrcî de n'avoir pas été jilus hon-
néle. — Comme il s'occupait de ces pensées
il entendit marchorderrière lui : il se retourne'
cl entrevoit un spectre nu, hideux, qui le
poursuit... C'est sûremonl un fanlôme en-
voyé par le berger... Il pique son cheval qui
no peut plus courir. Pour comble de frayeur
e spectre saute sur la croupe du cheval, en-
lace de ses deux longs bras le corps du cava-
lier, et se met à hurler. Le voyageur fait de
vains efforts pour se dégager du monstre,
qui continue de crier d'une voix rauque Le
cheval s'efiraie et cherche à jeter à terré sa
double charge; enfin une ruade de l'animal
renverse le spectre , sur lequel le cavalier
ose à peine jeter les yeux. Il a une barbe sale
le teint pâle, les yeux hagards; il fait d'ef-
froyables grimaces... Le voyageur fuit au
plus vite : arrivé au prochain village, il ra-
conte sa mésaventure. On lui apprend que
le spectre qui lui a causé tant de frayeur est
un fou échappé qu'on cherche depuis quel-
ques heures (2).
Les tnaléfiocs de bergers ont eu quelque-
fois des suites plus fâcheuses. Un boucher
avait acheté des moutons sans donner lo pour-
boire au berger de la ferme. Celui-ci se ven-
gea; en passant le pont qui se trouvait sur
leur roule, les moutons se ruèrent dans l'eau
la léte la première.
On conie aussi qu'un certain berger avait
fait un sort avec la corne des pieds de ses
bétes, comme cela se pratique parmi eux
pour conserver les troupeaux en santé. Il
portait ce sort dans sa poche : un berger du
voisinage parvint à le lui escamoter; et,
comme il lui en voulait depuis longtemps, il
mille sort en poudre et l'enterra dans une
fourmilière avec une taupe, une grenouille
verte et une queue de morue, en disant :
mauclilion, perdition, destruction; et au bout
de neuf jours il déterra son maléfice et le
sema dans l'endroit où devait paître le trou-
peau de son voisin, qui fut détruit.
D'autres bergers, avec trois cailloux pris
en différents cimetières et certaines parole?
magiques, donnent des dyssenleries, en voient
la gale à leurs ennemis, et font mourir au-
tant d'animaux qu'ils souhaitent. C'est tou-
jours l'opinion des gens du village. Quoique
les bergers ne sachent pas lire, on craint si
fort leur savoir et leur puissance, dans quel-
ques hameaux, qu'on a soin de recommander
aux voyageurs de ne pas les insulter, cl do
passer auprès d'eux sans leur demander
quelle heure il est, quel temps il fera, ou
toile autre chose semblable, si l'on ne veul
avoir des nuées, être noyé par des orages,
courir de grands périls, et se perdre dans des
chemins les plus ouverts.
11 est bon de remarquer que, dans tous
leurs maléfices, les bergers emploient des
Pater, des .,4t«, des ncuvaines de chapelet.
Mais ils ont d'autres oraisons et des prières
pour la conservation des troupeaux. V'uy.
ÏROLPEAUx; et pour l'histoire des bergers ua
Brie, Voy. Hococe.
(2) Madame Gabrielle de P"', Hist. dos Faciûme», eic.,
p. 20o. •
irfl
DIOTIONNAIUE DES SCIENCES OCCULTES.
■ÎOC
BERITH.duc aux onfors, prand el terrible.
Il osl connu sous trois nom';; quelques-uns
le nomment Béai, les Juifs Bérilh et les né-
cromaneiens Bolfri. Il se montre sous les
traits d'un jeune soldat habillé de rouge des
pirds à la léte, monté sur un cheval de
même couleur, portant la couronne au front ;
il répond sur le passé, le présent et l'avenir.
On le maîtrise par la vertu des anneaux ma-
giques; mais il ne faut pas oublier qu'il est
souvent menteur. 11 a le (aient de changer
tous les métaux en or : aussi on le nganle
quelquefois comme le démon des alchimistes.
Il donne des dignités et rend la voix des
chanteurs claire et déliée. Vingt-six légions
sont à ses ordres.
C'était l'idole des Sichemites, et peut-cire
est-ce le même que le Béruth de Sanchonia -
(on , que des doctes croient être Pallas ou
Diane.
L"auleur du Solide trésor du Petit Albert,
conte de Bérilh une aventure qui ferait croire
que ce démon n'est plus qu'un follet ou lutin,
si toutefois c'est le même Bérilh.
« Je me suis trouvé, dit-il, dans un château
où se manifestait un esprit familier, qui de-
puis six ans avait pris soin de gouverner
l'horloge el d'étriller les chevaux. Je fus cu-
rieux un malin d'examiner ce manège : mon
étonnement fut grand de voir courir lélrille
sur la croupe du cheval , sans qu'elle parût
conduite par aucune main visible. Le pale-
frenier me dit que pour attirer ce farfadet à
son service, ii avait une petite poule noire,
qu'il avait saignée dans un grand cliemin
croisé ; que du sang do la poule, il avait écrit
sur un morceau de papier : « Bérith fera ma
besogne pendant vingt ans, el je le récom-
penserai; » qu'ayant ensuite enterré la poule
à un pied de profondeur, le même jour le far-
fadet avait pris soin de l'horloge et des che-
vaux, et que de temps en temps lui-même
faisait des trouvailles qui lui valaient quel-
que chose.... y>
L'historien semble croire que ce lutin était
nnc mandr;igore. Les cabalisles n'y voient
autre chose qu'un sylphe.
BERKELEY. Nous empruntons cet article
à M. Michel Masson :
« George Berkeley passe, à bon droit, pour
l'un des plus grands métaphysiciens du 18*
siècle. L'Irlande s'honore de l'avoir vu naî-
tre : il a laissé de beaux ouvrages ; les
sciences lui doivent des découvertes utiles.
Ces laborieux travaux suffiraient pour lui
assurer une incontestable célébrité; mais,
aveuglé par un fol amour de la gloire, Ber-
keley ne se contenta pas de l'calime de ses
cond'mporains, il voulut attacher à son nom
l'admiration de la postérité ; el, pour l'obte-
nir, il conçut l'exlravaganl projet de former
un géant. Ayant lu dans l'Ecriture sainte
que le fils d'Enas Og , roi de Basan, avait
plus de quinze pieds de haut, il s'imagina
qu'au moyen d'un régime alimentaire conve-
nable, il parviendrait à f;iiro croître artifi-
ciellement un individu ;iu point que celui-ci
pourrait le disputer en hauteur de taille avec
le géant de la Cible. Mais pour arriver à ce
but, il fallait que le ùneteur irlandais eût en
sa possession une créature humaine, dont il
ne dût plus rendre compte que devant Dieu.
Le point embarrassant était de savoir où
rencontrer le sujet nécessaire à son auda-
cieuse expérience. Berkeley se mit donc en
campagne pour le trouver ; el, plus d'une fois,
au moment où il croyait le tenir, son espoir
fut trompé, cl il se vit forcé d'aller chercher
plus loin la victime qu'il voulait offrir en sa-
crifice à la science. »
Enfin, après bien des recherches el bien
des tentatives infructueuses, « il a en sa pos-
session une créature abandonnée des hom-
mes , sur laquelle il croit pouvoir , sans
crime, fonder son impérissable célébrité I
Maîire absolu de cet enfant, qui se nom-
mait Mac Gralh,le docteur cotnmença l.i
série d'expériences qui devait faire revivre
drjns l'Europe moderne les grandes races
d'hommes de l'antiquité biblique. Berkeley
avait observé que les plantes les plus élevées
sonl celles qui croissent là où ii y a le plus
de chaleur humide; que les arbrisseaux de-
viennent arbres quand ils accomplissent k
l'ombre et dans des terrains chauds et maré-
cageux les phénomènes de la végétation ; il
savait que la croissance est plus développée
chez les habitants des pays boisés que parmi
les hommes qui vivent dans des contrées ex-
posées au vent el au soleil. Fort de ces obser-
vations, Berkeley relégua son élève dans uu
lieu où il eut soin d'entretenir une températu-
re humide et chaude, où les rayons de l'astre
du jour ne venaient frapper qu'obliquement;
il le soumit à l'usage abondant de la bière,
du lait et de l'hydromel. 11 lui pro ligua des
aliments chauds et délayants; il l'obligea à
se nourrir de tout ce ()ui pouvait engraisser,
détendre , ramollir les mailles de ses tissus
organiques; il le sevra de toute société cl il
éloigna tout ce qui pouvait éveiller l'imagi-
nation de Mac Gralh,ou donner quelque ac-
tivité à son esprit; enfin , il le condamna à
la vie animale ; car, dans sa futile el coupa-
ble vanité, Berkeley ne demandait à la science
que le pouvoir de former un animal prodi-
gieux.
L'orgueil du grand docteur dut être sa-
tisfait : à l'âge de seize ans, Mac Grath avait
déjà sept pieds de hautl Ce fait extraordi-
naire fui consigné dans toutes les gazettes de
l'Europe; les poètes du temps firent des vers
à la louange de Berkeley ; de toutes parts il
recul le nom d'immortel ; on osa ménie dire
qu il était le régénérateur de l'espèce hu-
maine, tandis qu'il n'était que le bourreau
d'un enfant 1
En instruisant son élève, en cherchant à
former son coeur el son esprit, le docteur eût
doté la société d'un homme de plus; mais
il ne songeait qu'à forcer le corps de Mac
Gralh à grandir outre mesure, sans soup-
çonner, l'impitoyable savan(, qu'il allait dou-
der au monde le spectacle de l'infirmité hu-
maine la plus hideuse : l'idiotisme.
« A mesure que Mae Grath continuait à
grandir, SCS facultés morales l'abandonnaient
de plus en plus ; il avait culièrcmcul perdu
201
BER
la mémoire. A force de se lenir la I6(e cour-
bée , il avait, pour ainsi dire , oublié que
l'homme est né pour regarder le ciel. Ses or-
ganes étaient si débiles, si disproportionnés,
qu'il ne pouvait plus se tenir debout; ses
yeux étaient sans mouvements et ne voyaient
plus ; sa vois grondait dans sa poitrine ,
mais SCS lèvres n'articulaient aucun son. On
lui parlait et il n'entendait pas ; on lui soule-
vait le bras, il le laissait machinalement re-
tomber; ses doigts, singulièrement allongés,
ne se ployaient plus; ses larges mains ne
savaient plus se tendre pour prendre ce qu'on
lui présentait. Insensible à la joie comme à
la souffrance , il ne sentait ni le bien ni le
mal qu'on pouvait lui faire. Ni les caresses,
ni la douleur ne le réveillaient de son stupide
engourdissement ; mais il grandissait tou-
jours!
« Berkeley, que l'intérêt de la science, pour
parler plus vrai, que celui de sa vanité avait
rendu tout à fait inhumain, ne tenait aucun
compte del'affuiblissëmentdesa victime; tou-
jours dominé par la même pensée, il ne son-
geait qu'au jour désiré ou, dans l'Europe
entière, retentirait ce cri : — Og, le roi de
Basan, est retrouvé; le géant de Berkeley a
quinze pieds! Pour l'honneur de l'humanité,
Dieu ne permit pas que l'orgueil du savant
sortît victorieux de cette latte insensée.
L'heure de la délivrance sonna pour Mac
Grath ; l'heure du remords sonna pour le
docteur. Sa victime mourut d'épuisement,
comme on peut mourir après une agonie qui
a duré plus de quinze ans.
« Espérons, pour le repos de l'âme de Ber-
keley qu'indigné contre lui-même, il eut
horreur du crime où la science, détournée
de son véritable but, avait pu le conduire,
ft qu'en déplorant le sort du malheureux
Mac Grath, ce n'est pas le sujet d'étude que
la mort lui enlevait trop tôt qu'il regrettait
en lui, mais bien la créature de Dieu dont il
avait creusé la tombe, à force d'avoir voulu
faire violence à la nature. »
BEHNA (BeneDetto), sorcier qui, au rap-
port de Bodin (1) et de quelquesautrcs démo-
nographes, avoua, à l'âge de quatre-vingts
ans, qu'il avait eu des liaisoi\s pendant qua-
rante années avec un démon qu'il nommait
Hermione ou Hermeline, et qu'il menait par-
tout avec lui sans que personne l'aperçût :
il s'entretenait fréquemment, dit-on, avec cet
esprit qu'on ne voyait pas ; de manière qu'on
le prenait pour un fou (et ce n'était pas au-
tre chose). 11 confessa aussi avoir humé le
sang de divers petits enfants, et fait plusieurs
méchancetés exécrables. Pour ces fails atro-
ces il fut brûlé.
BERNACHE ou BERNACLE, voy. Macreu-
ses.
BERNARD. Cardan pense que la sorcelle-
rie ne fut souvent qu'une espèce de maladie
(1) D#nionomanie des sorciers, liv. ii, p. 27;).
(2) Voyez dans les Léijendes de la sainte Vierge , l'en-
faiil de cli'pur de Nnlre-Uame du Puy.
(3) De Plijloso[/liiii lirrmelica, lib. IV. Strasbourg, 1jG7,
1C82 ; Nuremberg, 1613. — Opiis liistorleo-dogiiiaiicum
fieri cliymeias, cuin J.-F. l'ici libris Iritius de auro. Ursel-
lis, 1398. I11-8". — Traclalusde secrelissiino |)liilosoplioruin
DlCTIONX. DES SCIENCES OCCUtTES. I.
BER ioi
hypocondriaque , causée par la mauvaise
nourriture des pauvres diables que l'on pour-
suivaitcommesorciers.Ilraconlequesonpère
sauva un jour uu paysan nommé Bernard,
que l'on allait condamner à mort pour sor-
cellerie, en lui changeant sa façon ordinaire
de vivre; il lui donna le matin quatre œufs
frais, et autant le soir avec de la viande et
du vin; le bonhomme perdit son humeur
noire, n'eut plus de visions et évita le bû-
cher.
BERN.\RD (Samuel), voy. Poule noire.
BERNARD DE ÏHURINGE, ermite alle-
mand qui, vers le milieu du dixième siècle,
annonçait la fin du monde. Il appuyait son
sentiment sur un passage de l'Apocalypse,
qui porte qu'après mille ans l'ancien serpent
sera délié. Il prétendait que ce serpent était
l'antrchrist; que par conséquent l'année 9S0
étant révolue, la venue de l'anlechrist était
prochaine. Il disait aussi que quand le jour
(le l'annonciation Je la sninie Vierge se ren-
contrerait avec le vendredi saint, ce serait
une preuve cerlaine de la fin du monde;
celte prédiction a eu vainement des occasions
de se vérifier (2).
BERNARD-LE-TRÉVISAN, alchimiste dU
quinzième siècle, que quelques-uns croient
avoir été sorcier, né à Pudoue, en 1406. Il a
beaucoup travaillé sur le grand œuvre, et
ses ouvrages inintelligibles sont recherchés
des alchimistes; i's roulent tous sur la pierre
philosophale (3).
BERNOLD. Voy. Berthold.
BERQUIN (Louis), gentilhomme artésien j
conseiller de François S", qui, entraîné par
de mauvaises mœurs, se mit à déclamer con-
tre les moines et à donner dans le luthéra-^
nisme. Ses livres furent brûlés, et la protec-
tion du roi le sauva seule d'une abjuration
publique; mais on le reprit bientôt. Il se mê-
lait aux orgies des sorciers ; on le convainquit
d'avoir adoré le diable; on produisit conlrè
lui de si tristes griefs, que le roi n'osa plus
le défendre, et il fut brûlé en place de Grève
le 17 avril 1529.
BERRID. Voy. Purgatoire.
BERSON, docteur en théologie et prédica-
teur visionnaire de la cour, sous Henri III.
Il s'imaginait être Enoch, et il voulait aller
porter l'Evangile dans le Levant, avec un
prêtre llamand qui se vantait délre Elle.
Taillepied dit avoir entendu Berson prêcher
cette bizarrerie devant le frère du roi. à
Château Thierry (k).
BERTHE. Voy. RoBERt, roi.
BERTHIER (Guillaume-François), célèbre
jésuite, mort en 1782. Voltaire a publié la
relation de la maladie, de la mort et de l'ap-
parition du jésuite Bcrlhier; mais ce n'est
qu'une assez mauvaise plaisanterie. Le pèro
Berthier vivait encore.
BERTHOLD. Après la mortaeOharles-le-
opere cliimico, et respoiisio ad Tbomam de Çononia. Bàle,
1600. — Opuscula cheinica de lapide pliilosoplioruin , en
français. Anvers 15G7. — Beriiardus redivivus, vel opus de
cliiiiiia, liislorico-doijmalicura, 0 gallico in laliuuni verS'jm;
Francfort, \0io
(U Psychologie ou Traité de l'apparition deJ espritè»
ch. 5.
«03
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
Chauve, un bonrgcois de Reims, nommé
Bcrlholci ou BeinolJ, gravement malade,
ayant reçu les sacremenls, fut quatre jours
sans prendre aucune nourriture et se sen-
tit alors si faible, qu'à peine lui trouvait-
on un peu de palpitation et de respiration.
Vers minuit , il appela sa femme et lui dit de
faire promptemenl venir son confesseur. Le
prêtre était encore dans la cour, que Borlhold
dit : « Mettez ici un siège, car le prêtre
vient. » Le confesseur, étant entré, récita
quelques prières, auxquelles Berthold répon-
dit; puis il tomba dans une longue extase;
rt, quand il en sortit, il raconta un voyage
que son âme venait de faire.
M était allé en purgatoire , cotiduit par un
esprit ; il y avait vu beaucoup de gens, qu'on
faisait geler et bouillir (our à tour. Parmi les
prélats se trouvaient Ebbon , archevêque de
il(i;is; Léopardelle ou Pardule, évêque de
Laon, et l'évêquc Euée, qui étaient vêtus
il babils déchirés et roussis ; ils avaient le
visnge ridé, la figure basanée. Ils l'appelè-
rent:
Recommandez à nos amis, direnl-ils, de
prier pour nous.
Berthold le promit. Revenu à lui , il fit
faire la commission , tomba derechef en ex-
tase, cl, retournant en purgatoire, il trouva
à la porte Ebbon avec lis autres prélats qui
en sortaient , habillés de blanc, et qui le re-
mercièrent, il vit ensuite l'âme du roi Char-
li's-le-Chauve étendue dans un bourbier, et
tellement décharnée, qu'on pouvait compter
ses os et ses nerfs.
Priez l'archevêque Hincmar de me soula-
ger dans mes maux , dit le roi.
Volontiers, répondit Berthold.
Il fit encore la commission, et le roi Char-
les fut soulagé. De plus , il fit écrire aux
parents du monarque défunt l'état dé-
plorable où il se trouvait.
Un peu plus loin, Berthold avait vu Jessé,
évêque d'Orléans, que quatre démons plon-
geaient allernativemenl dans la poix bouil-
lante et dans l'eau glacée.
Ami , priez les miens de s'intéresser à moi,
avait-il dit à Berthold.
Le bonhomme se chargea encore de celle
prière; et il vit le comte Olhnire qui était
dans les tourments. Il fit dire à la femme
d'Othaire, à ses vassaux et à ses amis de
faire des prières et des aumônes pour lui.
Après tout cela, Berthold se porta mieux et
vécut à nouveau quatorze ans , comme le lui
avait promis celui qui l'avait conduit devant
tous ces personnages (l).-.-
BERTHOMÉ DU UGmN,àHChnmpagnal,
sorcier jugé à Montmorillon, en Poitou, dans
l'année 1599. Il avoua que son père l'avait
mené au sabbat dès sa jeunesse; qu'il avait
promis au diable son âme et son corps ; qu'à
la Saint-Jean dernière, il avait vu un grand
sabbat où le diable les faisait danser en rond;
qu'il se mettait au milieu de la danse , eu
(l) Hinotnari archiep. Epist., t. II, p. 806. Leloyer,
Disc, et hisl. des speclres, liv. VI, cli. xm. Dom Caliiiel,
Trailé sur les apparit.. ch. 46. M. Garinet, Histoire île la
Qiagie eu France, p. S6.
504
forme de bouc noir, donnant à chacun une
chandplle allumée, avec laquelle ils allaient
lui baiser le derrière; que le diable lui oc-
troyait à chaque sabbat quarante sous en
monnaie, et des poudres pour faire des ma-
léfices ; que quand il le voulait , il appelait le
diable qui venait à lui comme un tourbillon
de vent; que la nuit dernière il était venu le
visiter en sa prison et lui avait dit (]u'il n'a-
vait pas moyen de le (irer d'où il était; que
le diable défendait à tous de prier Dieu, d al-
ler à la messe, de faire les Pâques ; et que
pour lui, il avait fait mourir plusieurs per-
sonnes et plusieurs bêles, au moyen des pou-
dres qu'on lui donnait au sabbat i'-2].
BERTHOMÉE DE LA BEDOUGUE. Voy.
BONNEVAULT.
BÉRUTH. Voy. Bérith.
BETES. Il y a, dans les choses prodigieu-
ses de ce monde, beaucoup de bêles qui figu-
rent avec distinclion. Les bêtes ont élé long-
temps des instruments à présages : les sor-
ciers et les démons ont emprunté leurs for-
mes ; et souvent on a brûlé des chats et dos
chiens dans lesquels on croyait reconnaître
un démon caché ou une sorcière.
Dans les campagnes, on effraie encore les
enfants avec la menace de la Bêle à sept têtes,
dont l'imagination varie en tous lieux la
laideur. L'opimon de cette bête monstrueuso
remonte à la Bêle de l'Apocalypse.
Des personnes accoutumées aux visions
extraordinaires ont vu quelquefois des spec-
tres de bêles. On sait la petite anecdote do
ce malade à qui son médecin disait : —
Amendez-vous, car je viens de voir le diable
à votre porte.— Sous quelle forme? demanda
le moribond. — Sous cille d'un âne. — Bon ,
répliqua le malade, vous avez eu peur de
votre ombre.
Des doctes croient encore que les animaux,
à qui ils n'accordent point d'âme, peuvent
revenir, et on cite des spectres de ce genre.
Meyer, professeur a l'Université de Halle,
dans son Essai siu- les apparilions , § 17, dit
que les revenants et les spectres ne sont peut-
être que les âmes des bêles qui, ne pouvant
aller ni dans le ciel ni dans les enfers, restent
ici errantes et diversement conformées. Pour
que cette opinion eût quelque fondement, il
faudrait croire, avec les péripatéticiens, que
les bêles ont une âme quelconque, ce qui
n'est pas facile.
Les pythagoriciens sont allés plus loin; ils
ont cru que par la métempsycose les âmes
passaient successivement du corps d'un
homme dans celui d'un animal. Ils respec-
taient les brutes, et disaient au loup :
Bonjour, frère.
Le père Bougeant , de la compagnie do
Jésus , dans un petit ouvrage plein d'esprit,
\' Ainusp.menl philosophique sur le langage des
bêtes , adopta par plaisanterie un sysièaie
assez singulier. Il trouve aux bêles trop
(2) Discours sonim.tire des sortilèges et véiiéDces liri
des proci^s criminels jugés au siège royal de MouUnoiil'
Ion, en Poitou, en l'auiiec 1^99, p. 29.
205
ni.v
DIE
206
d'esprit et (le sentiment pour n'avoir pas une
âme; mais il prétend qu'elles sont animées
par des démons qui l'ont pénitence sous celte
enveloppe, en attendant le jugement dernier,
époque où ils seront plongés en enfer. Ce
système est soutenu de la manière la plus
ingénieuse : ce n'était qu'un amusement; on
le prit trop au sérieux. L'auteur fut grave-
ment réfuté et obligé de désavouer publique-
ment des opinions qu'il n'avait mises au jour
que comme un délasst'ment.
Cependant, le père Gaston Pardies , de la
même société de Jésus avait écrit, quel-
que temps auparavant, que les bêles ont une
certaine âme (1), et on ne lavait pas repris.
Mais on pensa, qu'auprès de certains esprits,
l'ingénieux amusement du père Bougeant
pouvait faire naître de fausses idées.
BEURRE. On croit, dans plusieurs villages,
empêcher le beurre de se faire en récitant
à rebours le psaume Nulite fieri (2). Bodiu
ajoute que, par un effet d'antipathie natu-
relle, on obtient le môme résultat en met-
tant un peu do sucre dans la crème ; et il
conte qu'élanlàChelles, en Valois, il vit une
chambrière qui vouhiil faire fouetter un petit
laquais, parce qu'il l'avait tellement maléfi-
ciée, en récitant à rebours le psaume cité,
que depuis le matin elle ne pouvait faire sou
beurre. Le laquais récita alors naturellement
le psaume, et le beurre se fit (3).
Dans le Finistère, dit-on , l'on ensorcelle
encore le beurre. On croit aussi dans ce pays
que si l'on offre du beurre à saint Hervé, les
bestiaux qui ont fourni la crème n'ont rien
à craindre des loups, parce que ce saint étant
aveugle se faisait guider par un loup (V).
BEURRE DES SORCIÈRES. Le diable don-
nait aux sorcières de Suède, entre autres
animaux destinés à les servir, des chats
qu'elles appelaient emporleurs, parce qu'elles
les envoyaient voler dans le voisinage. Ces
emporteurs, qui étaient très-gourmands ,
profitaient de l'occasion pour se régaler
aussi, et quelquefois ils s'emplissaient si
fort le ventre, qu'ils étaient obligés en che-
min de rendre gorge. Leur vomissement se
trouve habilucUemcnl dans les jardins pota-
gers. « Il a une couleur aurore et s'appelle
\e leurre des sorcières {^). »
BEVERLAND (Adrien) , avocat hollandais,
de Middelbourg, auleur des Recherches phi-
losophiques sur le péché originel (6) , pleines
de grossièretés infâmes. Les protestants mê-
mes , ses co-religionnaires, s'en indignèrent
et mirent cet homme en prison à Leyde; il
s'en échappa et mourut fou, à Londres, en
1712. Sa folie était de se croire constamment
poursuivi par deux cents hoaunes qui avaient
juré sa mort (7).
(1) Dans son Disc, (le la connaissance des bôles. Paris,
t' é.l., 1696.
(2) Thiers, Traité des superaliUons, t. I". Il n'y a pas
de lisanme Nolite fieri. Ce n'csl qu'uae (Ji\i:>ion du
psaume 31.
(3) Démononianic dos sorciers, liv. H, cli. 1".
il) Canibry, Voyage dajis le Fioislèrc, l. 1", p. 14 et 13.
bi\ Bekker, Le Momie eiirhanlé, liv. IV, cli. 21.
(6) Hadriaui Boverlandi peccaluin originale pliilolo-
gice eluciibratum , a 'l'iieuiidis alumno, EleviUicropoli in
BEYREVRA , démon indien, chef des âmes
qui errent dans l'espace, changées en démons
aériens. On dit qu'il a de grands ongles très-
crochus. Brahma ayant un jour insulté un
dieu supérieur, Beyrevra, chargé de le punir,
lui coupa une tête avec son ongle. Brahma ,
humilié, demanda pardon, et le dieu Es-
wara lui promit , pour le consoler, qu'il ne
serait pas moins respecté avec les quatre
têtes qui lui restaient, qu'il ne l'était aupa-
ravant avec cinq.
RIAULE, berger sorcier. Voy. Hocque.
BIBLE DU DLVBLE. C'est sans doute le
grimoire ou quelqu'autre fatras de ce genre.
Mais Delancre dit que le diable fait croire
aux sorciers qu'il a sa Bible, ses cahiers sa-
crés, sa théologie et ses professeurs; et un
grand magicien avoua, étant sur la sellette
au parlement de Paris, qu'il y avait à Tolède
soixante-treize maîtres en la faculté de magie,
lesquels prenaient pour texte la Bible du
diable (8).
BIBLIOMANCIE , divination ou sorte d'é-
preuve employée autrefois pour reconnaître
les sorciers. Elle consistait à mettre dans un
des côlés d'une balance la personne soup-
çonnée de magie, et dans l'aulre la Bible :
si la personne pesait moins, elle était inno-
cente ; si elle pesait plus, elle était jugée
coupable; ce qui ne manquait guère d'arri-
ver, car bien peu d'in-folio pèsent un sor-
cier.
On consultait encore la destinée ou le sort ,
m ouvrant la Bible avec une épingle d'or,
rt en tirant présngc du premier mot qui se
présentait.
BIETKA. Il y avait en 1597, à Wilna en
Pologne , une fille nommée Bietka, qui était
recherchée par un jeune homme appelé Za-
charie. Les parents de Zacharie ne consen-
tant point à son mariage, il tomba dans la
mélancolie et s'étrangla. Peu de temps après
sa mort, il apparut à Biclki, lui dit qu'il ve-
nait s'unir à elle et lui tenir sa promesse do
mariage. Elle se laissa persuader ; le mort
l'épousa donc, mais sans témoins, (iette sin-
gularité ne demeura pas longtemps secrète,
on sut bientôt le mariage de Biclka avec un
esprit, on accourut de toutes parts pour
voir la mariée; et son aventure lui rapporta
beaucoup d'argent, car le revenant se mon-
trait et rendait des oracles; mais il ne don-
nait ses réponses que du consentement de sa
femme, qu'il fallait gagner, il faisait aussi
beaucoup de tours ; il connaissait tout 1«
présent, et prédisait un peu l'avenir. 't^ :
Au bout de trois ans, un magicien italien
ayant laissé échapper depuis ce temps uu
esprit qu'il avait longtemps maîtrisé , vint
en Pologne, sur le bruit des merveilles de,
liorlnHesperidum, typis Adami et Evai, tcri*lil. in-8*,'
1678. La Justa dctestalio lihelli sccleralissimi Hadriani
Beverlandi do peccaloorigiuali. In-S". Gorincliemii, 1680,
est une réfntalion de cet écrit déleslable, dOiit on a pti-
hlié en 173^, iii-12 , une iinitaliou mêlée de contes aussi
méprisés.
(7) fjabriel Peignot, Dict. des livres condamnfesaii .eu,
(8) Delancre,Iiu-rcdiilitéclmécréancedusorlilége,elc.,
Irailc 7. Voyeï UniversUc.
i07
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
208
l'époux de Riclka, dt^clara que le prétendu
revenant était le démon qui lui appartenait,
le renferma de nouveau dans une bague, et
le remporta en Italie, en assurant qu'il eût
causé de très-grands maux en Pologne s'il
l'y ciit laissé (1). De sorte que la pauvre
Bietka en fut pour trois années de mariage
avec un démon. Le fait est raconté par un
écrivain qui croit fermement à ce prodige,
et qui s'étonne seulement de ce que ce dé-
mon était assez matériel pour faire tous les
jours ses trois rcp;is. Des critiques n'ont vu
là qu'une suite de supercheries, à partir de
la prétendue strangulation de l'homme qui
fil ensuite le revenant.
BIFRONS, démon qui parait arec la figure
d'un monstre. Lorsqu'il prend forme hu-
maine, il rend l'homme savant en astrologie,
cl lui enseigne à connaître les influences des
planètes ; il excelle dans la géométrie ; il
connait les vertus des herbes , des pierres
précieuses et des plantes ; il transporte les
cadavres d'un lieu à un autre. On l'a va
aussi allumer des flambeaux sur les tom-
beaux des morts. Il a vingt-six légions à ses
ordres.
BIFROST. L'Edda donne ce nom à un pont
tricolore, qui va de la terré aux cieux , et
qui n'est que l'arc-en-ciel , auquel les Scan-
dinaves attribuaient la solidité. Ils disaient
qu'il est ardent comme un brasier, sans quoi
les démons l'escaladeraient tous les jours.
Ce pont sera mis en pièces à la fin du monde,
après que les mauvais génies sortis de l'en-
fer l'auront traversé à cheval. Voy. Surtlr.
BIGOIS ou BIGOTIS, sorcière toscane qui,
dil-on , avait rédigé un savant livre sur la
■connaissance des pronostics donnés par les
éclairs et le tonnerre. Ce savant livre est
perdu, et sans doute Bigoïs est la môme que
Bagoé.
BILIS. Les Madécasses désignent sous ce
nom certains démons, qu'ils appellent aussi
anges du septième ordre.
BILLARD (Pierre). Né dans le Maine en
1653, mort en 172G, auteur d'un volume in-
12, intitulé la Béte à sept têtes, qui a paru
en 1693. Cet ouvrage lourd, dirigé contre les
jésuites, est très-absurde et très-niais. Se-
lon Pierre Billard , la bêle à sept tétos pré-
dite par l'Apocalypse était la société de
Jésus.
BILLIS, sorciers redoutés en Afrique , où
ils empêchent le riz de croître et de mûrir.
Les nègres mélancoliques deviennent quel-
quefois sorciers ou billis ; le diable s'em-
fiare d'eux dans leurs accès de tristesse, et
eur apprend alors, disent-ils, à faire des
maléfices et à connaître les vertus des piau-
les magiques.
BINET (Benjamin), auteur du petit volume
intitulé : Traité des dieux et des démons du
iiayanisme, avec di's reniarciues critiques sur
le système de Bekker; Delfl, 1(;96, in-12.
BINET (Claude). On recherche de Claude
Binel, avocat du seizième siècle, les Oracles
des douze sibylles, extraits d'un livre antique,
avec les figures des sibylles portrailes au vif,
par JeanRabcl, traduit du lalin de Jean Do-
rat en vers françnis, Paris, 1380, in-fulio.
BIRAGIJES (Flaminio ire.), auteur d'une
facétie inlilulée : l'Enfer delà mère Cardine,
traitant de l'horrible bataille qui fut aux en-
fers aux noces <ia portier Cerberus et de Car-
dine, in 8°, Paris, 1585et 1597. C'est unesalire
qui ne tient, que si on le veut bien, à la dé-
monographie. P. Diilot l'a réimprimée à cent
exemplaires en 1793. L'auteur était ne-
Teu du chancelier de France, René de Bi-
ragiies.
BIRCK (Humbert), notable bourgeois
d'Oppenheim et maître de pension , mort eu
novembre 1620. peu de jours avant la Saint-
Martin. Le samedi qui suivit ses obsèques ,
on ouït certains bruits dans la maison où il
avait demeuré avec sa première femme; car,
étant devenu veuf, il s'était remarié. Son
beau-frère soupçonnant que c'était lui qui
revenait, lui dit :
— Si vous êtes Humbert , frappez trois
coups contre le mur.
En effet, on entendit trois coups seule-
ment ; d'ordinaire il en frappait plusieurs.
Il se faisait eulendre aussi à la fontaine où
l'on allait puiser de l'eau, et troublait le voi-
sinage, se manifestant par des coups redou-
blés, un gémissement, un coup de silflel ou
un cri lamentable. Cela dura environ six
mois.
Au bout d'un an, et peu après son anni-
versaire, il se fit entendre de nouveau plus
fort qu'auparavant. On lui demanda ce qu'il
souhaitait ; il répondit d'une voix rauque et
basse : — Faites venir, samedi prochain, le
curé et mes enfants.
Le curé étant malade ne put venir que le
lundi suivant, accompagné de bon nombre
de personnes. On demanda au mort s'il dé-
sirait des messes? il en désira trois ; s'il vou-
lait qu'on fît des aumônes? il dit : — Je sou-
haite qu'on donne aux pauvres huit me-
sures de grain ; que ma veuve fasse des ca-
deaux à tous mes enfants, et qu'on réforme
ce qui a été mal distribué dans ma succes-
ision, — somme qui montait à vingt florins.
Sur la demande qu'on lui fit, pourquoi il
infestait plulôl celte maison qu'une autre,
il répondit qu'il était forcé par des conjura-
tions et des malédictions. S'il avait reçu les
sacrements de l'Eglise? — Je les ai reçus, dit-
il , du curé, votre prédécesseur. — On lui fit
dire avec peine le Pater et r.4t'c, parce qu'il
en était empêché, à ce qu'il assurait, par le
mauvais esprit, qui ne lui permettait pas de
dire au curé beaucoup d'autres choses.
Le curé, qui était un prémontré de l'abbnye
de Toussaints , se rendit à son couvent afin
de prendre l'avis du supérieur. On lui donna
trois religieux pour l'aider de leurs conseils.
Ils se rendirent à la maison, et dirent à Hum-
bert de frapper la muraille ; il frappa assea
doucement. — Allez chenher une pierre ,
lui dit-on alors, et frappez plus fort. Ce qu'il
fit.
Quelqu'un dit à l'oreille de son voisin, lo
plus bas possible : Je souhaite qu'il frappe
'.!) Adrieo Regenrobius, Systems liislorico-cliroDologicum ecçlesiarum sclavonicarum. L'ireclit, 1652, p. 93
^>9 BIS
sept fois , et aussitôt lànic frappa sept
fois.
On dit le lendemain los trois messes que
le revenanl avait dcmaïuiées ; on se disposa
aussi à faire un pèlerinage qu'il avait spé-
cifié dans le dernier enirelien qu'on avait eu
avec lui. On promit de faire les aumônes au
premier jour, et, dès que ses dernières vo-
lontés furent exécutées. Humhcrt Birck ne
revint plus (1) — Celte histoire n'est
pas autrement expliquée.
BIRON. Le maréchal de Biron, que Hen-
ri IV Ht décapiter pour trahison, en 1602,
croyait aux prédictions. Pendant le cours de
son procès, il demanda de quel pays était le
bourreau? On lui répondit qu'il était Pari-
sien.—Bon, dit-il. —Et il s'appelle Bour-
guignon.—Ah 1 je suis perdu, s'écria le
maréchal ; on m'a prédit que si je pouvais
éviter par derrière le coup d'un Bourgui-
gnon, je serais roi.
M. Chabot de Bouin a écrit très-agréable-
ment cette légende , développée dans l'AI-
uianach prophétique de 1846.
BISCAIl (Jeannette) , sorcière boiteuse
du Labour, que le diable, en forme de bouc,
transportait au sabbat, où, pour le remer-
cier, elle faisait des culbutes et des ca-
brioles (2).
BISCAYENS, vagabonds de l'espèce des
Bohémiens, qui disaient la bonne aventure
dans les villes et dans les villages.
BISCLAVARET. C'est le nom que donnent
les Bretons au loup-garou. On le dérive de
bleiz-garv (loup méchant). Nous emprunte-
rons aux legrendes françaises da M. Edouard
d'Anglemonl, dont on n'a pas oublié le suc-
cès, la légende du bisclavaret, célèbre dans
un pays où l'on croit que Dieu punit certains
crimes par la transformation du coupable en
loup-garou.
Mes pas de l'Armorique ont foulé les rivages;
J'ai vu Sf'S.liauls genêts et ses landes sauvages;
J'ai vu ses grands marais peuplés de mille oiseaux,
Oui se croisaienl d^ins l'air ou fuyaient sous les eaui ;
J'ai vu ses liabiiants former de lourdes danses,
Dont l'aigre liiniou (ô) mesurait les cadences;
Et souvent, sous l'abri d'un gothique manoir,
Tandis que dans le lait je Irenipils un pain noir.
Que la crêpe pour moi, sous la main d'une femme.
Naissait eu frémissant au nidien de la flamme,
Sur l'tscabeau de bois auprès de lâlre assis.
J'ai du paire breton entendu les récits;
Et l'un d'eux est surtout resté dans ma mémoire.
Si l'étrange vous plaîi, écoulez cette histoire :
I.
Non loin du champ témoin d'un combat immortel (f),
S'élevait autrefuis un superbe castel ;
Là, près de son épouse aimable, jeune et belle.
Le comte de Kervan, brûlant d'amour pour elle,
Bienfaisant, adoré de ses vassaux nombreux ,
Vivait, et de ses jours le cours semblait heureux ;
Mais pourtant (|uel,]uelois la charmante Comtesse
Surprenait sur son Iront des maniues de tristesse,
Surtout quand, sorti seul, il rentrait chaque soir,
Kpuisé de fatigue et pressé de s'asseoir.
Et. comme il rivenait u'une course nocturne,
Son épouse à l'aspect de son air taciturne :
— La souffrance so peint sur ton front obscurci !
Oui peut donc, cher époux , le chagriner ainsi '?
Et pourquoi vers la nuit chercher la solitude.
(1) Livre des prodiges, édil. de 1821, p. 73.
(2) Delaucre , Tableau de l'inconstance des mauvais
.inges, etc., liv. Il, dise. 4.
BIS
2t0
Onand de te consoler je ferais mon éludeT
Paile.... — Je ne le puis, cessons cet entretien.
— rrouve-nioi ton amour, ne me déguise rien ;
La peine est pins légère alors qu'on la partage :
Ah! ne me cache pas la tienne davantage.
-^Tu le veux, apprends donc un horrible secret :
Ton époux chaque soir devient bisclavaret,
— 0 cIpI! qu'as-tu donc lait? — Je suis exom|it di' rriiue ;
Dn forfait d'un aïeul vois en moi la victime :
Il égorgi-a son frère, et le ciel en courroux
Le jeia pour sa vie au rang des loups-garoux ;
Et, qui plus est, depuis, les mal s de sa race
Sont une heure par jour soumis ii sa disgrâce;
Et si par un hasard que je ne prévois point.
Vu ennemi cruel dérobait le pourpoint
Que je dépouille et cache en un secret asile.
Avant que dans les bois chaque soir je m'exile.
Il me faudrait, dit-on, rester bisclavaret.
Tant que de cet habit le sort nie priverait.
La Comtesse, à ces mots, [lar un tendre langage,
Aux yeux de son époux doux et précieux gage
D'un amour éternel, d'im avenir serein.
Ecarte de son front le voile du chagrin.
11 éprouve en son âme une joie inconnue ;
Ainsi lorsqu'emportant une orageuse nue.
Le vent chasse la pluie, aussilôt les forêts
Se parent d'un éclat plus riant et plus frais.
II.
Homme, que je te plains situ livres Ion âme
A l'es^ir d'être aimé sans cesse d'une femme,.
Surtout lorsque son cœur une fois a changé !
Sous les drapaux français depuis un an rangé,
Arlliur, jeune Breton, d'une origine illustre,
Dans la guerre de Nanle a trouvé quelque luslre.
Il revient chevalier aux champs de ses alenx ;
C'est la que de longs pleurs ont scellé ses adieux ;
Qu'une jeune beauié, lorsqu'il s'éloigna d'elle.
Lui promit par serment de lui rester lidèle.
Il accourt, il revoit le paternel séjour ;
Il apprend que l'objet d'un fanatique amour
De ses engagements n'avait point tenu compte I
Cette amante parjure est l'épouse du Comte !
Saisi par les transports d'nn désespoir sans frein.
Sous les habits grossiers d'un obscur pèlerin,
A voir celle qu'il aime Arthur se détermine ,
Vers le château du Comte aussitôt s'achemine;
Il vole; au jour mourant il frappe; on l'introduit.
Et dans la grande salle un varlet le conduit :
Là, devant des drapeaux, des portraits de famille,
La belle châtelaine, animant une aiguille.
De la laine avec art variant la couleur.
Sur un tissu de lin fait éclore une fleur,
Et cherchant à cacher le trouble qui l'agite :
— Pèlerin, pour la nuit, vous deijiandez un gite?
— Ce n'est pas pour cela. Madame, que je vien».
A'ous souvient-il d'Arthur? — 0 ciel! — Tu t'en souviens
Tu le souviens aussi que tu me fis entendre,
An jour de mon départ, le serment le plus tendre....
Il était vain 1... Au pied du Christ, à Ploërmel,
'Tu l'avais pourtaiilfait au nom de saint Arniell
Ai-je donc mérité cette cruelle injure?
Devais-je donc m'atteudre à le trouver parjure.
Lorsque, pour t'obtenir d'un pèreamlùiieux,
Je cherchais des combats les honneurs périlleux?
Eh bien! J'oubliai tout, si le sort nous rassemble!
Qu'ensemble nous vivions , que nous mourions enseinbjo !
— Arthur, pardonne-moi ; l'on a forcé mes vœux ;
Celle qui t'aime encor cède à ce que lu veux.
— Exilons-nous, cherchons quelque plage ignorée.
— Non, ma faute peut être auiremcnt réparée :
Le Comte maintenant erre dans la forêt;
Viens, viens, que mon mari reste bisclavaret.
Et, pleine du dessein que sa bouche lui conte.
Elle court et saisit les vêtements du Comte;
Et sous la forme humaine 11 ne reparut pas.
Sou épouse sema le bruit de son lré|)as.
Montra de la douleur l'apparence trompeuse.
Ordonna les apprêts d'une messe pompeuse.
Et (il, sur le perron, exposer un cercueil.
Entouré de varlets vêtus d'habits de deud.
Et couvert d'un drap noir semé de blanches larmes,
Oii du Comte gisaient le mautel cl les armes.
t3) Espèce de cornemuse.
(1) Le combat des Tienlo.
811
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
SI3
Le convoi funéraire, aux Iupuis dés dantheaux,
Parlil le lendemain po'ir le champ des tombeaux ;
A ce lugubre aspect tous les cœurs se serrèrent,
Les villageois surtout s'émurent et pleurèrent;
El lorsque le cercueil de la torde glissa ,
El sous des ûoln de terre au tombeau s'enfonça.
Sur le faite anguleux du mur du cimetière.
Un énorme loup noir dressant sa tôte allière,
Aux prières des morts mêla des hurlements.
Dont l'église trembla jusqu'en ses fondements!
iir.
Deux jours ont fui : non loin du chêne de Mi-voie,
Des limiers pleins de feu courent sur nui' voie,
Et le duc de Bretagne et quelques chevaliers,
Les suiveni à travers les taillis, les l.alliers,
Courbés sur leurs chevaux que la sueur sillonne,
Ouo de ses coniJS pressés l'éperon aiguillonne.
Mais quel est l'animal dont 1j puissante odeur
De la meute du prince excite ainsi l'ardeur ?
C'est encore un loup noir et grand ! Comme il va vite !
]l rit en cent détours des limiers qu'il évite;
Et bornant tout a coup son essor vagabond ,
Près du coursier ducal se jette d'un seul bond,
Prend un air suppliant, pousse des cris étranges,
Mais qui rappellent ceux d'un enfant sous les langes '
Contre lui Us épieux sont tournés sur-le-champ,
Mais le Duc, attendri par son aspect touchant.
Le fait charger vivant des nœuds d'une courroie,
Et Nantes le revoit bientôt avec sa proie,
Uui, docile à son frein, douce comme nu agneau,
Semble s'accommoder de sou destin nouveau.
IV.
C'est toujours vainement que l'enfant de la terre
Enveloppe un forfait du plus secret rujslère !
Celui dont eu tous lieux l'œil veille incessamment.
Fait luire tôt ou lard le jour du châtiment !
Un an s'est écoule ; sur les rives que l'Erdre
Baigne, en cherchant la Loire où ses eaux vont se perdre,
Dans le pré d'Aniane, un cirque est préparé ;
Sur les bancs de velours dont il est entouré,
La noblesse bretonne en silence se place;
Tandis qu'en bouillonnant d s Bots de populace
Garnissent les coteaux, les arbres d'aleutour,
El de la cathédrale envahissent la tour.
Au nord on a dressé des arcades fleuries,
An sud un riche dais décoré d'armoiries,
De rouges panonceaux, d'armes, de boucliers.
Sous lequel, au milieu de pages, d'écuyers.
Le Duc siège, vêtu d'or, de pourpre ei de soie;
Sur sa toque écarlate, un blanc panache ondoie;
On voit, auprès de lui, cet énorme loup noir
yu'il trouva près des lieux uii vainquit Beaumanoir,
Qui, devenu depuis animal domestique,
Lï nuit veille en la cour de son palais gothique,
El le jour à la chasse, aux lêies, aux repas,
Comme un Ddèle chien accompagne ses pas. '
Mais des clairons bruyants la fanfare guerrière
lletentit ; aussitôt l'on ouvre la barrière :
Sous les arches de Deurs; couvert d'or et d'acier,
Arthur passe monté sur un brillant coursier ;
Pour saluer le Duc il aliaisse sa lance,
Et le loup aussitôt dans l'arène s'élance.
D'un coup rapide et stir éventre le cheval 1
Arthur surpris combat cet étrange rival ;
Il se sert contre lui de la lance et du glaive,
11 le frappe ; le lonp tombe, puis se relève.
Saisit son adversaire à la gorge et l'abat;
El c'est en vain qu'Arthur contre lui se débat.
Et cherche à repousser son ardente furie ;
C'est en vain que la foule et s'épouvante et crie,
A l'aspect du danger que le chevalier court,
Que pour le secourir on se hâte, on accourt ;
Les dents de l'animal déchirent sa cuirasse.
Impriment dans ses flancs une profonde trace ;
Et, srntant s'approcher 1? moment de la mort,
Le chevalier, vaincu par le cri du rcmord.
Fait le public aveu de la coupable trame.
Tandis qu'en l'écoulant la Comtesse rend l'àmel
On retrouva bientôt les vêtements soustraits,
El du Comte à l'instant le loup reiirit les traits.
BITHIES, sorcières fameuses chez les Siy-
Ihcs. Pline liil qu'clli s avaient le regard si
dangereux, quelles i)ouvaieiil tuer ou en-
sorceler ceux qu'elles lixuicnl. Elles avaient
h l'un dos yonx la prunelle double, l'autre
prunelle était marquée de la figure d'un
clioval (I).
BITRU. Voy. Sytby.
BLANC D'OEUF (Divination par le]. Voy.
OOMANCIE.
BLANCIIÂRD (Elisabeth), l'une des dé-
moniaques de Loudun. Elle se disait possé-
dée de plusieurs démons : Astarolli , Belzé-
bu(h, Pérou et Marou, etc. Voy. Grandieb.
BLASPHE.ME. Souvent il est arrivé mal-
fieur aux gens grossiers qui blasphémaient.
On en a vu, dans des accès de colère, mou-
rir subitement. Elaicnt-ils clouffés par la fu-
reur? ou frappés d'un coup d'apoplexie? ou
cliâliés par une puissance suprême? ou ,
comme 01) l'a dit quelquefois, étranglés par
le diable? Torquemada parle, dans la troi-
sième journée de son Hexaméron, d'un blas-
phémateur qui fut tué un jour par le ton-
nerre ; et l'on reconnut avec stupeur que Li
foudre lui avait arraché la langue. Si c'est
un hasard, il est singulier.
Monslrelet conte qu'un bourgeois de Pa-
ris, plaidant au palais , reniait Dieu, lors-
qu'une pierre tomba de la voûte, et, sans
blesser personne, mit en fuite les juges, les
plaideurs et l'audience. C'est encore uno
coïncidence bizarre. Au reste, le blasphème
a toujours été en horreur.
BLENDIC. On exorcisa à Soissons , en
1582 , cinq énergumèncs. La relation de
leurs réponses et de leurs convulsions a été
écrite par Charles Blendic, Artésien.
BLETTON, hydroscope qui, vers la fin du
dernier siècle, renouvela à Paris les prodi-
diges de la baguette divinatoire, apprujuée à
la recherche des sources cl des métaux. Sa
gloire s'est promplement évanouie.
BLOEMARDINE. Pendant qu'on bâtissait
à Bruxelles le gracieux édifice gothique du
Petit-Sablon, et que les bourgeois se remet-
taient un peu de la rudedéfaite qu'ils avaieiil
subie en voulant combattre leur duc Jean 11,
dans les plaines de Vilvorde, l'esprit d'agita-
tion continuait à fermenter dans leBrabant ; et
toutes sortes d'idées nouvelles se rcpandaicnl
comme des épidémies qui troublaient les
létes. Le fanatisme, châlimcnt de l'insubor-
dination déraisonnable, s'emparait des esprits
et les tournait à tous les vents. 11 élait fo-
menté par des bandes d'Albigeois et de Vau-
dois qui, chassés du midi de la France, s'é-
taient réfugiés en grand nombre dans les
provinces belges cl y semaient toutes sortes
de doctrines saugrenues.
Des associations et des sectes se multipliè-
rent pour réformer la religion et la politi-
que. Les Lollards n'étaient pas les moins cu-
rieux. Gauthier LoUard, leur chef, était un
Albigeois progressif, qui enseignait que les
démons avaient éié chassés du ciel injuste-
ment; qu'ils y seraient rétablis un jour; que
saint Michel, pour lors, et tous les anges fi-
dèles seraient damnés à leur tour, et que
tous ceux de ses auditeurs qui ne suivraient
pas sa doctrine seraient damnés pareille-
ment. Il suiiprimail les bacremcnls, les priè-
(M Viine, liv, ■\11, th. 2.
815
Bl.O
BLO
SU
res, les bonnes œuvres, condamnait le ma-
riage cl la propriété. Père des communistes,
il av.'iil inventé tout leur syslômo; et on n'a
fuit récemment que le copier. Il s'était fait
une armée de disciples de tous coux qui n'a-
vaient rien et de tous ceux qui aimaient la
débauche et le désordre.
A côté des Lollards , se dressaient les Beg-
gards, divisés en plusieurs sections. Ceux-là
venaient de l'Allemagne et tiraient leur nom
du mot allemand Begghen, qui signifie men-
dier. D'abord, sous un masque rigide, ils
s'étaient présentés en façon de gens qui re-
noncent à tout dans le monde; bientôt ce-
pendant ils mendiaient par bandes, du ton
de ces hommes qui vous attendent au coin d'un
bois, et qui vous disent, un gourdin à la
main : J'ai besoin de dix francs. Pendant
quelque temps, ils se prétendirent soumis à
la règle de saint François. Ils l'abandonnè-
rent bientôt, déclarant qu'ils avaient soif
d'une plus haute perfeclion, imaginant des
théories bizarres et faisant mille folies.
Ces Beggards ne se recrutaient pas d'hom-
mes seulement; des multitudes de femmes et
de jeunes filles se joignaient à eux, parlaient
en public^ prophétisaient et se subdivisaient
tous les jours en une foule de petites sectes
qui souvent avaient peine à s'entendre. Alors
une Bruxelloise perça tout à coup, avec un
certain lustre, parmi les femmes libres, ses
compatriotes. Elle était fille d'un lampiste,
nommé Bloemaerd, et prétendait que son
origine lui donnait le droit de distribuer la
lumière. On l'appelîiit Bloemardine (1).
Son père l'avait fait élever au Béguinage,
fondé à Bruxelles depuis l'an 1250. Plusieurs
foisles béguines avaient mal auguré de la va-
nité étourdie de leur élève, de son esprit vaga-
bond, de son imagination folle et de son hu-
meur indépendante ; plusieurs fois elles
avaient annoncé que Bloemardine ne ferait
jamais une bonne et sage ménagère , qu'elle
commettrait des extravagances, et que son
antipathie pour toute espèce de frein la mè-
nerait de travers. Le lampiste et sa famille
avaient ri de ces prévisions; ils admiraient
l'esprit singulier de Bloemardine, sans sa-
voir qu'un esprit mal réglé est un guide de
l'espèce des feux-follets, qui ne conduisent
que dans les précipices.
Cependant le bon sens public aurait dii
offrir un contrepoids à l'engouement du père
Bloemard; car sa fille entrait dans sa vingt-
cinquième année sans avoir trouvé un mari.
Ce fut pour lors que, dérivant tout à fait,
entraînée par sa tête folle et peut-être par le
dépit, Bloemardine se mit à la léte des Bag-
gardcs et prêcha une vaste morale qui ral-
lia plusieurs sectes autour d'elle. Elle réu-
nissait des assemblées d'hommes et de fem-
mes, les présidait hardiment et parlait avec
chaleur. Elle enseigna d'abord que le ma-
riage était inutile; puis elle le condamna
comme une intolérable chaîne et comme un
obstacle à la perfection. Les mauvais ména-
ges l'approuvèrent; les filles délaissées se
(IJ rrononcci Blouiuardiue.
jetèrent dans ses bras ; les garnements bat-
tirent des mains.
Elle disait que l'homme peut devenir ici-
bas si parfait, qu'il n'a plus besoin de grâce ;
que devenu parfait, il peut faire librement
tout ce qu'il veut; que les Lois et les pré-
ceptes ne sont établis que pour les pécheurs ;
que la pratique des vertus n'est utile qu'aux
âmes imparfaites; que ses disciples ne de-
vaient se contraindre en rien au monde, atr
tendu que tout ce qu'ils pouvaient faire
était bien.
Elle appelait ceux qui la suivaient frères
et sœurs du Libre-Esprit, flatteuse désignation
que reçurent avec empressement tous les
Beggards et tous les Lollards, ceux qui affec-
taient les haillons, comme ceux qui recher-
chaient les jouissances du luxe.
Ces divagations ne se bornèrent pas au-
Brabant. Les frères et les sœurs du Libre-Es-
prit se répandirent de tous côtés. En quel-
ques lieux, on les nomma frérots et fratri-
celles ou petits frères, en Italie bizochi, qui
veut dire besaciers, en France, par altéra-
tion de leur nom, bigards et picards, dans le
Midi, turlupins à cause de leurs facéties. On
se mit aussi à les appeler béguins et bégui-
nes, sans doute à cause de Bloemardine,
leur grande prêtresse, qui portait encore
l'habit de béguinage, quoiqu'elle n'y demeu-
rât plus, et que les honnêtes béguines de
Bruxelles répudiassent ses erreurs.
On ferait un livre curieux de tous les ex-
cès déplorables auxquels se livrèrent ces fa-
natiques, qui croyaient se sanctifier par les
débauches et les emportements. En 1308, ils
s'étaient jetés sur les Juifs, avaient pillé
leurs maisons, et voulaient si ardemment les
exterminer, que le duc Jean II avait dû ac-
corder aux enfants d'Israël le château de
Genappe pour refuge. Une multitude en fu-
reur, où l'on remarquait surtout les frères
du Libre-Esprit du métier des savetiers et
ceux du métier des tisserands , les avait
poursuivis jusque-là, les avait tenus assiégés
et ne s'était dispersée que devant l'armée na-
tionale, commandée par le duc en personne.
Il y eut d'autres faits audacieux qu'il fal-
lut réprimer par la violence et par les sup-
plices. Mais l'esprit de rébellion changeait
de batteries et ne s'éteignait pas. Devant les
prédications de Bloemardine, les mœurs se.
perdaient, les ménages étaient troublés, les
familles désunies; et le parti de cette femme
était devenu si nombreux, que l'-iuloritQ
contre elle se sentait impuissante.
Comme il y eut en France récemment do
jeunes existences empoisonnées par le saint-
simonisme et le fouriérisme, alors assuré-
ment chez les Brabançons plus d'un cœur
fut froissé dans ces innovations. Nous n'ca
citerons qu'un souvenir. Une jeune fille,
Elisa Moerinkx, allait épouser Bernard Drug-
man. Dans l'aisance de sa famille et dans
l'heureux caractère de celui qu'elle aimait,
elle ne voyait qu'un riant avenir, quand Ber-
nard fut eniraîné par ses amis à une assem-
blée des frères cl des sœurs du Libre-Esprit;
protégé par son auiour, il se crut assez
915
di(:tiomnah\e des sciences occultes.
2(6
fort ; honnélc cliiélicn jusqu'alors, il se crut
assez affermi pour assister là en simple cu-
rieux. Il ignorait qu'on ne brave pas impu-
nément certains dangers. Dans l'atmosphère
de la licence, il en respira les premiers en-
ivrements ; et comnK> il était aussi faible
qu'il se croyait solide, il y prit goût.
Pour la première fois il dissimula avec sa
fiancée; il lui cacha son apparition parmi les
Beggards; il retourna aux assemblées et s'y
laissa initier. Il en eut regrctune heurcaprès,
et il pressa son mariage.
Mitis la jeune fille apprit que Bernard
avait été vu dans les réunions des fratriccl-
les. Ardente, indignée, elle lui fit de vifs
reproches. Elle pleura avec colère de ce qui
lui paraissait un o[iprobre, et ce n'était pas
autre chose. Pourtant, voyant Bernard tou-
ché et confus, elle admit ses excuses, dé-
plora sa faiblesse et finit par se calmer , en
ne lui imposant d'autre peine et d'autre
épreuve qu'un retard de quinze jours pour
les noces; peut-être eût-elle dû, au con-
traire, en avancer le moment. Bernard, vé-
ritablement revenu de son égarement, se
sentit plus épris que jamais; il se promit
bien d'éviter désormais ses pernicieux amis,
d'autant plus que l'on connut, sur ces entre-
faites, à Bruxelles, une décision du saint-
siége, qui condamnait les frères et les sœurs
du Libre-Esprit.
Les vraies béguines avalent été fort déso-
lées d'apprendre qu'on les confondît avec les
femmes du parti des Beggards. Elles s'étaient
adressées fidèlement au souverain pontife.
Déjà au concile de 'V^ienne, en 1311, les dé-
sordres de ces hérétiques avaient été frappés
d'anathèmeparlcpapeClémentV. Jean XXII,
son successeur, venait de déclarer spéciale-
ment, dans une déerélale, que celle censure
ne regardait aucunement les béguines des
Pays-Bas, qui étaient restées pures d'erreurs,
<'t qui ne liraient pas leur origine des Beg-
gards dissolus , mais du vénérable Latn-
bergBcygh, prêtre de Liège, fondateur des
béguinages en 1180.
L'ignorance oti ils ont été de cette déeré-
lale a fourvoyé la plupart des historiens, qui
Ont reproché confusément aux pieuses bé-
guines des infamies qu'elles ont toujours
abhorrées. La même pièce aggravait encore
les condamnations portées contre les sectai-
res de Bloemardine.
Bernard évita donc toute occasion de re-
tourner aux assemblées; mais il luttait con-
tre la tentation; une fois qu'on a mis le
pied dans le mal, il est rare qu'on n'y sente
pas un attrait de retour , qui est comme
une puissance magnéliiiue, contre laquelle
ce qui est bon dans le cœur doit résister avec
force. Il voyait tous les jours Elisa, puisait
dans son enlrelien de la constance, et s'oc-
cupait de son mariage. Il se promellail tou-
jours qu'une fois uni à celle qu'il aimait, il
ne songerait plus aux frères libres 11 eût pu
remarquer cependant que plus d'un heureux
piari était tombé dans le piège, et \l se fai-
sait illusion en cherchant son appui ailleurs
i\wç dans une vertu solide.
Dans la semaine qui précédait le inomenf
fixé pour son mariage, un jour qu'il venait
de quitter sa fiancée, il rencontra deux de
ses amis qui lui reprochèrent gaîmenl sa
fuite, qui le raillèrent un peu sur le lien
qu'il allait contracter, cl qui lui lurent des
passages de deux écrits que venait de rédiger
Bloemardine, l'un s«r/'es/)riirfc/(6erf^,raulre|
sur l'amour séraphique. Ces lectures paru-
rent le frapper. Ils lui contèrent alors qu'ils
se rendaient à une séance curieuse. Un jeune
prêtre, qui venait d'être ordonné, et qui se
nommait Jean de Uuysbroeck, allait com-
battre dans une discussion publif^ue Bloe-
mardine et ses doctrines. D'autres curieux
arrivaient à chaque instant et se joignaient
aux trois amis; ils entraînèrent Bernard,
qui composa avec lui-môme, en se proposant
d'applaudir le défenseur des mœurs et de la
vérité.
Le voilà donc de nouveau parmi les esprits
libres. Jean de Ruysbroeck parla dignement
et savamment. Mais son langage sérieux et
grave fut éloufté par les répliques de Bloe-
mardine, qui ne s'adressait qu'aux passions,
et qui n'en réprimait aucune. Le jeune prê-
tre fut hué par l'assemblée ; les plus éveillés
de la bande firent même contre lui des cli in-
sons burlesques et détestables, que l'on
chanta aussiiôt dans les rues de Bruxelles.
Bernard ne prit pas sa défense, et il crut s'ac-
quitter avec lui-même , en ne le sifflant
pas.
Tiraillé entre le bien et le mal, il sentait
qu'il devait se retirer, donnant raison dans
ce qui lui restait de droiture à Jean de Uuys-
broeck, lorsqu'un de ses amis lui dit: — Vous
allez voir quelque chose de nouveau.
En attendant cette nouveauté si vaguement
annoncée, on se mil à danser ; Bernard ,
emporté dans ce tourbillon désordonné , s'y
abandonna. Après la danse, on but de la
bière forte, et les têtes s'échauffaient, lorsque
la nouveauté parut: c'était un siège en ar-
gent, offert à Bloemardine par ses disciples.
On l'apportait sur un brancard qui s'abaissa
devant elle. On fil monter la femme libre
sur celle espèce de trône, on Téleva, eu
quelque sorte, sur le pavois, puis ou la pro-
mena en triomphe par les rues de Bruxelles,
en même temps qu'on chansonnaitson pieuv
adversaire.
Les disciples marchaient trois à trois, se
tenant par le bras, chantant et hurlant, pré-
cédés de drapeaux et de tambours. Bernard,
entre ses deuxamis qui ne le quittaient point,
étourdi, à demi-ivre, ne s'aperçut pas qu'il
passait sous les fenêtres d'Elisa. — Elle
le reconnut, recula et ferma la verrière.
Après avoir traversé Bruxelles, la bande,
portant toujours sa reine sur son Irôiie d'ar-
gent, marcha jusqu'à Vilvorde, où l'on entra
au clair de la lune. Il fallut y coucher. A son
réveil, Bernard honteux s'échappa et revint
à Bruxelles. Après avoir rajusté sa toilette ,
il courut chez sa future. Elle était absente,
la maison fermée, et personne ne sut lui dire
où il trouverait Elisa et sa mère.
Plusieurs jours passèrent ainsi.
217
BLO
BOB
218
Pendant re temps-là, le scandale des di-
sciples de Blocmardine allait en croissant;
les sectaires faisaient tous les jours des pro-
grès ; ils en venaient aux nudités des adami-
ti's et rentraient à grands pas dans l'état sau-
vage. I.a partie saine de Bruxelles, qui fai-
sait pourtant la majorité, s'alarma sérieuse-
ment.
Les magistrats, soutenus par les honnêtes
bourgeois, prirent des mesures sévères, chas-
sèrent Bloemardine, et dispersèrent les frères
elles sœursdu Libre-Esprit. Ceux deces inat-
lieureux (jui ne voulurent pas renoncer à
leurs écarts se retirèrent sur le Rhin, où les
Bcggards se maintinrent pour former d'autres
hérésies.
Ce ne fut qu'un mois après sa promenade
do Vilvorde, que Bernard désolé retrouva
lilisa. Elle s'était réfugiée au béguinage. Le
pauvre jeune homme ne put reconquérir le
cœur qu'il avait perdu. A tout ce qu'il put
dire pour obtenir son pardon, la jeune (ille
resta inflexible ; et lorsqu'illui rappela qu'une
première fois elle lui avait fait grâce, elle
se contenta de répondre : On revient de la
colère, on ne revient pas du mépris.
Bloemardine en vieillissant perdit son lu-
fluence et tomba dans le décri. Après sa
mcri, on fit présent de son fauteuil d'argent
à la duchesse de Brabant. Mais comme les
partisans de la femme libre assuraient que
ce siège avait des vertus merveilleuses el
qu'il faisait des miracles, on jugea qu'il fal-
lait détruire cet aliment de superstitions vai-
nes ; on l'envoya à la fonte, et c'est dommage,
c'était un curieux monument de la folie hu-
maine.
Longtemps après les événements que nous
venons de rapporter, vers l'année 1330, sous
le règne de Jeanne, un homme courbé par
l'âge et plus encore par le chagrin pleurait
el sanglotait amèrement , à l'enterrement
d'une béguine.
La défunte si regrettée était Elisa Moe-
rinckx, morte fiUe; Thommo désolé était
Bernard Drugman, qui n'avait jamais pu flé-
chir sa rigueur el qui n'avait pas voulu re-
chercher une autre femme. — Singulier mé-
lange de faiblesse el de force.
BLOKULA. Vers l'année 1670, il y eut en
Suède , au village de Mohra , dans la pro-
vince d'Elfdalen , une afl'aire de sorcellerie
qui fil grand bruit. On y envoya des juges.
Soixante-dix sorcières furent condamnées à
mort ; une foule d'autres furent arrêlées, et
quinze enfants se trouvèrent mêlés dans ces
débats.
On disait que les sorcières se rendaient de
nuit dans un carrefour, qu'elles y évoquaient
le diable à l'entrée d'une caverne, en disant
trois fois :
— Antesser, viens ! et nous porte à Blo-
kula I
C'était le lieu enchanté et inconnu du vul-
gaire, où se faisait le sabbat. Le démon An-
lesser Icurapparaissait sous diverses formes,
mais le plus souvent en justaucorps gris ,
avec des chausses rouges ornées de rubans,
lu Baldiaïar Bekkcrj Le Monde euqbauic, liv. IVj ch,
des bas bleus, une barbe rousse, un cha-
peau pointu. Il les emportait à travers les
airs à Blokula, aidé d'un nombre suffisant de
démons , pour la plupart travestis en chè-
vres; quelques sorcières, plus hardies, ac-
compagnaient le corlégc , à cheval sur des
manches à balai. Celles qui menaient des
enfants plantaient une pique dans le der-
rière de leur chèvre; tous les enfants s'y per-
chaient à califourchon , à la suite de la
sorcière , et faisaient le voyage sans en-
combre.
Quand ils sont arrivés à Blokula, ajoute la
relation , on leur prépare une fêle; ils se
donnent au diable, qu'ils jurent de servir;
ils se font une piqûre au doigt et signent do
leur sang un engagement ou pacte ; on les
baptise ensuite au nom du diable, qui leur
donne des raclures de cloches. Ils les jettenl
dans l'eau , en disant ces paroles abomi-
nables :
— De même que cette raclure ne retour-
nera jamais aux cloches dont elle est venue,
ainsi que mon âme ne puisse jamais entrer
dans le ciel.
La plus grande séduction que le diable
emploie est )a bonne chère; et il donne à ces
gens un superbe festin, qui se compose d'un
potage aux choux el au lard, de bouillie d'a-
voine, de beurre, de lait et de fromage. Après
le repas, ils jouent et se battent; et si le dia-
ble est de bonne humeur, il les rosse tous
avec une perche, «ensuite de quoi il se met à
rire à plein ventre. » D'autres fois il leur
joue do la harpe.
Les aveux que le tribunal obtint apprirent
que les fruits qui naissaient du commerce
des sorcières avec les démons étaient des
crapauds ou des serpents.
Des sorcières révélèrent encore cette par-i
ticularité, qu'elles avaient vu quelquefois le
diable malade, et qu'alors il se faisait appli-
quer des ventouses par les sorciers de la
compagnie.
Le diable enfin leur donnait des animaux
qui les servaient et faisaient leurs commis-
sions, à l'un un corbeau, à l'autre un chat,
qu'ils appc\idcnlemporteur, parce qu'on l'en-
voyait voler ce qu'on désirait , et qu'il s'en
acquittait habilement. Il leur enseignait à
traire le lait par charme, de cette manière ;
le sorcier plante un couteau dans une mu^
raille, attache à ce couteau un cordon qu'il
lire comme le pis d'une vache ; et les besr
tiaux qu'il désigne dans sa pensée sont traits
aussitôt jusqu'à épuisement. Us employaien(
le môme moyen pour nuire à leurs ennemis,
qui souffraient des douleurs incroyables pen-
dant tout le temps qu'on lirait le cordon. Ils
tuaient même ceux qui leur déplaisaient, cq
frappant l'air avec un couteau de bois.
Sur ces aveux on brûla quelques centaines
de sorciers, sans que pour cela il y en eût
moins en Suède (1). — Voilà des faits; pour
les comprendre, voy. Boucs et Sabbat.
BOBIN (Nicolas), sorcier jugé à Montmo-
rillon, en Poitou, dans l'année 1599. Il fit a
peu près la même confession que Bcrthomô
23, J'après les iclalioas oriaiiiules.
St9
DICTiONNAUlE DES SCIENCES OCCULTES.
22a
du Lignon. Il ctai( allé, comme lui, au sab-
bat el s'élait doiii'é au diable, qui lui avait
fait renier Dieu , le baptême et ses parents.
11 conta qu'après l'offramie, le diable se mon-
trait quelquefois en forme d'homme noir,
ayant la voix cassée d'un vieillard; que,
quand il appelait le diable, il venait à lui en
homme ou en bouc ; que lorsqu'il allait au
salibat , il y était porté par un vent; qu'il y
rendait compte de l'usage de ses poudres,
qu'il avait toujours fidèlement employées à
mal faire ; qu'il portait la marque du diable
sur l'épaule; que quand il donnait des mala-
dies, il les donnait au nom du diable , el les
guérissait au même nom; qu'il en avait fait
mourir ainsi, et guéri plusieurs (1)...
BOCAL , sorcier qui fut arrêté à vingt-
sept ans dans le pays de Labour, sous
Henri IV, comme convaincu d'avoir été vu
au sabbat, vêtu en prêtre, el servant de dia-
cre ou desous- diacre les nuils desirois jours
qui précédèrent sa première messe dans l'é-
glise deSibour (car ce malheureux était prê-
tre) ; et, comme on lui demandait pourquoi
il disait plulôt la messe au sabbat qu'à l'é-
glise, il répondit que c'était pour s'essayer
et voir s'il ferait bien les cérén>onies. Sur la
déposition de vingt-quatre témoins, qui di-
saient l'avoir vu au sabbat , chantant la
messe , il fut condamné à mort après avoir
été 'légradé. Lorsqu'il allait être exécuté, il
était tellement tendu à rendre son âme au
diable, auquel il l'avait promise, que jamais
il ne sut dire ses prières au confesseur qui
l'en pressait. Les témoins ont déclaré que la
mère, les sœurs et toute la famille de Bocal
étaient sorciers , et que quand il tenait le
bassin des offrandes, au sabbat, il avait don-
né l'argent desdites offrandes à sa mère, en
récompense, sans doute, de ce qu'elle l'a-
vait, dès sa naissance, voué au diable,
comme font la plupart des autres mères sor-
cières (2).
BODEAU (Jeanne) , sorcière du pays de
Labour qui, au rapport de Pierre Delancre,
conta qu'à l'abominable cérémonie, appelée
la messe dti sabbat , on faisait l'élévation
avec une hostie noire , de forme triangu-
laire (3'.
BODILIS. Cambry, dans son Voyage au
Finistère, parle de la merveilleuse fontaine
de Bodilis, à trois quarts de lieue de Landi-
visiau. Les habitants croient qu'elle a la
propriété d'indiquer si une jeune fille n'a
pas fait de faute. Il faut dérober à celle
dont on veut apprécier ainsi la sagesse,
lépine qui attache sa collerette en guise
d'épingle, el la poser sur la surface de l'eau :
tout va bien si elle surnage ; mais si elle
s'enfonce, c'est qu'il y a blâme.
BODIN (Jea.n), savant jurisconsulte et dé-
monographe angevin , mort de la peste en
l.o9G. L'ouvrage qui fil sa réputation fut sa
llépuliliquc, que La Harpe appelle le germe
de ['Esprit des lois. Sa Démonomanie lui
donne ici une place ; mais il est difficile de
(I) Discours soiiim:iire itcs sortilèges cl vénéliccs tirés
di s pri'cès Cl itiiiiiits jiig/'s au siège ro.wil de Uuiilmui illoii,
cil i'oilou, en raunco tyjy, ji. ôO.
juger Bodin. On lui attribue un lirre inti-
tulé : Colloquium heptaplomeron de ahditis
rcrum sublimium arcanis, dialogues en six li-
vres, où sept interlocuteurs de diverses re-
ligions disputent sur leurs croyances , de
manière que les chrétiens cèdent souvent
l'avantage aux musulmans, aux juifs, aux
déistes. Aussi l'on a dit que Bodin était à la
fois protestant, déiste, sorcier, juif et athée.
Pourtant, ces dialogues sont-ils vraiment de
lui? On ne les connaît que par des copies
manuscrites ; car ils n'ont jamais été impri-
més. — Sa Démonomanie des sorciers parut
in-4% à Paris, en 1581; on en a fail des édi-
tions sous le titre de Fléau des démons el des
sorciers (Niort, 161G). Cet ouvrage est divisé
en quatre livres ; tout ce qu'ils contiennent
de curieux est cité dans ce dictionnaire.
L'auteur définit le sorcier, celui qui se
pousse à quelque chose par des moyens dia-
boliques. Il démontre que les esprits peu-
vent s'associer et commercer avec les hom-
mes. 11 trace la différence d'humeurs et do
formes qui distingue les bons esprits des
mauvais. Il parle des divinations que les dé-
mons opèrent , des prédictions licites ou il-
licites.
Dans le livre II il recherche ce que c'est
que la magie; il fait voir qu'on peut évoquer
les malins esprits, faire pacte avec le diable,
être porté en corps au sabbat, avoir, au
moyen des démons , des révélations par ex-
tases , se changer en loup-garou; il termine
par de longs récits , qui prouvent que
les sorciers ont pouvoir d'envoyer les mala-
dies, stérilités, grêles et leiiipcles, el de tuer
les bêles et les hommes.
Si le livre 11 traite des maux que peuvent
faire les sorciers, on voit dans le livre III
qu'il y a manière de les prévenir : qu'on
peut obvier aux charmes et aux sorcelleries;
que les magiciens guérissenl les malades
frappés par d'autres magiciens. Il indique
les moyens illicites d'empêcher les maléfices.
Rien ne lui est étranger. Il assure que , par
des tours de leur mélier, les magiciens peu-
vent oblenir les faveurs des grands el de
la fortune, les dignités, la beauté et les
honneurs.
Dans le livre IV il s'occupe de la manière
de poursuivre les sorciers, de ce qui les fait
reconnaître, des preuves qui établissent le
crime de sorcellerie, des tortures , comme
excellent moyen de faire avouer. Un long
chapitre achève l'œuvre, sur les peines que
méritent les sorciers. II conclut à la mort
cruelle ; et il dit qu'il y en a tant , que les
juges ne suffiraient pas à les juger ni les
bourreaux à les exécuter. «Aussi, ajoule-t-il,
n'advient-il pas que de dix crimes il y en
ait un puni par les juges, et ordinairement
on ne voit que des bélîtres condamnés. Ceuii.
qui ont des amis ou de l'argent échappenl.»
L'auteur consacre ensuite une disserlatioa
à réfuter Jean Wicrus, sur ce qu'il avait dit
que les sorciers sont le plus souvent des ma-
(i) Delancre. Tableau de l'inconstance des démon», elc.,
liv. VI, pageiiO.
{7,) lUiil., liv. VI, dise. 3.
851
BOF
noG
222
ladcs on des Tous, cl qu'il ne fallait pas les
brûler.
— Je lui répondrai, dit Bodin, pour la dé-
fense des juges, qu'il appelle bourreaux.
L'auleur de la Démonomanie avoue que
ces horreurs lai font dresser le poil en la
télé , et il déclare qu'il faul exterminer les
sorciers et ceux qui en ont pitié , et brûler
les livres de Wierus (1).
BODRY. Voy. Revenants.
BOEGE, L'un des plus illustres Romains
du sixième siècle, auteur des Consolations
de la philosophie. Il s'amusail, dans ses mo-
ments de loisir, à faire des instruments de
mathématiques, dont il envoya plusieurs
pièces au roi Clolairc. Il avait construit des
cadrans pour tous les aspects du soleil, et
des clepsydres qui, quoique sans roues, sans
poids et sans ressorts , marquaient aussi le
cours du soleil , de la lune et des astres , au
moyen d'une certaine quantiié d'eau renfer-
mée dans une boule d'élain qui tournait
sans cesse, eniraînée, dit-on, par sa propre
pesanteur. C'était donc le mouvement per-
pétuel. Théodoric avait fait présent d'une de
ces c'cpsydres à Gondebaud, roi des Bour-
guignons. Ces peuples s'imaginèrent que
quelque divinité, renfermée dans cette ma-
chine, lui imprimait le mouvement : c'est là
sans doute l'origine de l'erreur où sont tom-
bés ceux qui l'ont accusé de magie. Ils en
donnent pour preuves ses automates ; car on
assure qu'il avait fait des taureaux qui mu-
gissaient, des oiseaux qui criaient et des
serpents qui sifflaient. Mais Delrio dit (2)
que ce n'est là que de la magie naturelle.
BOEHM (Jacob), né en 1573, dans la
Hiule-Lusace. De cordonnier quil était il se
fit alchimiste , homme à extases et chef
dune secte qui prit le nom de boehmistes.
Il publia, en 1612, un livre de visions et de
rêveries, intitulé l'Aurore naissante, que l'on
poursuivit. Il expli:|uait le système du monde
par la philosophie hermétique, el présentait
Dieu comme un alchimiste occupé à tout
pro.luire par distillation. Les écrits de cet il-
luminé, qui forment plus de cinquante vo-
lumes inintelligibles, ne sont pas connus en
France , excepté ce que Saint-Martin en a
traduit : L'Aurore naissante, les Trois prin-
cipes et la Triple vie. Ce songe-creux était
authropomorphite (3) et manichéen ; il ad-
mettait pour deuxième principe du monde la
colère divine ou le mal , qu'il faisait éma-
ner du nez de Dieu. On recherche, parmi
ses livres d'alchimie, son Miroir temporel de
l'éternité, ou de la Signature des choses, tra-
duit en français, in-8'; Francfort, 16(39 (4).
Ses (loclrinus phllO'>o|)lii()ues ont encore des
partisans en Allemagne.
BOEUF. Le bœuf de Moïse est un dis dix
animaux que Mahomet place dans son pa-
radis.
On attache à Marseille quelques idées su-
(I) Joiimis Hodiiii universte n.itiirsp thoalriim, in qtio
ri rimi OMiniiiin effijclrices oiisu; tl liui« co.ileiiiplauLbr.
J 1-8". I.ugilsiiii, Uoiissiii, lo'J6.
1:2) Disiiuisilion. niigic, p. .10.
(,"! Les alllhroflOlllO^|.hil(^s éliiifiil J'ji liOiùLiqMos ([ni
duuiijïcul il Diuu la Ibi'iiiu humuiiic.
perstitieuses au bœuf gras qu'on promène,
dans cette ville, au son des flûtes et des tim-
bales, non pas comme partout le jour du
carnaval, mais la veille et le jour de la Fête-
Dieu. Des savants ont cru voir là une trace
du paganisme; d'autres ont prétendu que
c'était un usage qui remontait au bouc émis-
saire des Juifs. Mais Ruffi, dans son His-
toire de Marseille , rapporte un acte du qua-
torzième siècle qui découvre l'origine ré(;ll(î
de celte coutume. Les confrères du Saint-
Sacrement , voulant régaler les pauvres ,
achetèrent un bœuf et en avertirent le peu-
ple en le promenant par la ville. Ce festin fit
tant de plaisir qu'il se renouvela tous les
ans ; depuis il s'y joignit de petites croyan-
ces. Les vieilles femmes crurent préserver
les enfants de maladie en leur faisant baiser
ce bœuf; tout le monde s'empressa d'avoir
de sa chair, et on regarde encore aujour-
d'hui comme très-heureuses les maisons à
la porte desquelles il veut bien, dans sa
marche, déposer ses excréments.
Parmi les bêtes qui ont parlé, on peut
compter les bœufs. Fulgose rapporte qu'un
peu avant la mort de César un bœuf dit à
son maître qui le pressait de labourer : —
Les hommes manqueront aux moissons ,
avant que la moisson manque aux hommes.
On voit, dans Tile-Live et dans Valère-
Maxime, que pendant la seconde guerre pu-
nique un bœuf cria en place publique : —
Rome, prends garde à toi 1 — François do
Torre-Blanca pense que ces deux bœufs
étaient possédés de quelque démon (o).
Le Père Engplgrave {Lux evangelica, pag,
286 des Dominicales) cite un autre bœuf qui
a parlé. Voy. Béhémoth.
BOGAHA. Arbre-Dieu de l'île de Goylan.
On conte que cet arbre traversa les airs afin
de se rendre d'un p;iys très-éloigné dans
cette île sainte, et qu'il enfonça ses racines
d lus le sol pour servir d'abri au dieu Bud-
hou; qu'illecouvritde son ombrage tout le
temps que ce dieu demeura sur la terre.
Quatre-vingt-dix-neuf rois ont eu l'honneur
d'être ensevelis auprès du grand arbre-dieu.
Ses feuilles sont un excellent préservatif
contre tout maléfice et sortilégo. Un nombre
considérable de huttes l'environnent pour
recevoir les pèlerins ; et les habitants plan-
tent partout de petits bogahas, sous lesquels
ils placent des images et allument des lam-
pes. Cet arbre, au reste, ne porte aucun fruit
et n'a de recommandable que le culte (ju'on
lui rend.
BOGARMILES. BOGOMILES et BONGO-
MILES. Sorte de manichéens qui paru-
rent à Gonstanlinoplc au douzième siècle. Us
disaient que ce n'est pas Dieu, mais un mau-
vais démon qui avait créé le monde. Ils
étaient iconoclastes.
BOGUET (Henri), grand juge de la terre
de Saint -Clauiie au comté de Bourgogne,
(i) On peut voir encore .laoobi Bieluni, alias dicti len-
louici pliilosoplii , clavis praecipnarnin rerum ((u* in reli-
qnis suis scriplis occurrunl pro incipii'.utibiis ad ullOTiorem
coiisldoralioneni rcvebtioni:. divin» conscripla, l(J2l, uu
vid. in-i'.
(:>) Kpil. di-'litlor. sivu de uiiiji-i, Ub. II, cap. S.\.
8i5
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
i3ri,
mort en 1619 , autour d'un livre pitoyable,
plein d'une crédulité puérile et d'un zôie
outré contre les sorciers. Ce livre, publié au
commencement du dix- septième siècle, est
inlilulé : Discours des Sorciers, avec six
avis en fait de sorcellerie et une instruction
pour un juge en semblable matière (1). —
C'est une compilation des procédures aux-
quelles , comme juge, l'auteur a générale-
ment présidé. On y trouve l'hisloire de
Louise Maillât, possédée de cinq démons à
l'âge de tiuit ans; de Françoise Secretain ,
sordère, qui avait envoyé lesdils démons ;
des sorciers Gros-Jacques et Willermoz, dit
le Baillu ; de Claude Gaillard , de Rolande
Duvernois et de quelques autres. L'auteur
détaille les abominations qui se font au sab-
bat ; il dit que les sorciers peuvent faire
tomber la giéle ; qu'ils ont une poudre avec
laquelle ils empoisonnent ; qu'ils se grais-
sent les jarrets avec un onguent pour s'en-
voler au sabbat ; qu'une sorcière tue qui
elle veut par son souffle seulement ; qu'elles
ont mille indices qui les feront reconnaître :
par exemple , que la croix de leur chapelet
est cassée , qu'elles ne pleurent pas en pré-
sence du juge , qu'elles crachent à terre
quand on les force à renoncer au diable ,
qu'elles ont des marques sous leur cheve-
lure, lesquelles se découvrent, si on les rase;
que les sorciers et les magiciens ont tous le
talent de se changer en loups ; que sur le
simple soupçon mal lavé d'avoir été au sab-
bat , même sans autre maléfice , on doit les
condamner ; que tous méritent d'être brûlés
sans sacrement, et que ceux qui ne croient
pas à la sorcellerie sont criminels.
Il faut remarquer qu'en ces choses ce n'é-
tait pas le clergé qui était sévère , mais les
juges liiïques qui se montraient violents et
féroces.
A la suite de ces discours viennent les Six
avis, dont voici le sommaire :
1° Les devins doivent être condamnés au
feu , comme les sorciers et les hérétiques , et
celui qui a été au sabbat est digne de mort.
11 faut donc arrêter sur la plus légère accu-
sation la personne soupçonnée de sorcelle-
rie , quand même l'accusateur se rétracte-
rait ; et l'on peut admettre en témoignage
contre les sorciers toutes sortes de person-
nes. On brûlera vif, dit-il, le sorcier opi-
niâtre, et, par grâce , on se contentera d'é-
trangler celui qui confesse.
2" D;m» le crime de sorcellerie, on peut
condamner sur de simples indices , conjec-
tures et présomptions ; on n'a pas besoin
pour de tels crimes de preuves très-exactes.
3° Le crime de sorcellerie est directement
contre Bieu (ce qui est vrai dans ce crime,
s'il existe réellement, puisque c'est une né-
galion de Dieu et un reniement) : aussi il
faut le punir sans ménagement ni considé-
ration quelconque...
4° Les biens d'un sorcier condamné doi-
vent être confisqués comme ceux des héré-
tiques; car sorcellerie est pire encore qu'hc-
(I) Un vol. in-8°. Paris, 1603; Lyon, 1002, !G07, 160M,
1610; Itoueii, 1606. 'foules ces éJitions sont très-rares,
résie, en ce que les sorciers renient Dieu.
Aussi on remet quelquefois la peine à l'héré-
tique repenti; on ne doit jamais pardonner
au sorcier...
5" On juge qu'il y a sorcellerie, quand la
personne accusée faitmétier de deviner, cequi
est l'œuvre du détnon; les blasphèmes et im-
précations sont encore des indices. On peul
poursuivre enfin sur la clameur publique.
G" Les fascinations, au moyen desquelles
les sorciers éblouissent les yeux, faisant pa-
raître les choses ce qu'elles ne sont pas ,
donnant des monnaies de corne ou du carton,
pour argent de bon aloi , sont ouvrages da
diable; et les fascinateurs , escamoteurs et
autres magiciens doivent être punis de mort.
Le volume de Boguel est terminé par l'in-
struction pour un juge en fait de sorcellerie.
Cet autre morceau curieux est connu sous le
nom de Code des sorciers. Voy. Code.
BOHÉMIENS. Il n'y a personne qui n'ait
entendu parler des Bohémiennes et de ces
bandes vagabondes qui , sous le nom de Bo-
hémiens, de Biscaïens et d'Egyptiens ou Gi-
tanes , se répandirent au quinzième siècle
sur l'Europe, dans l'Allemagne surtout, la
Hollande , la Belgique , la France et l'Espa-
gne, avec la prétention de posséder l'art do
dire la bonne aventure et d'autres secrets
merveilleux. Los Flamands les nommaient
heyden, c'est-à-dire païens, parce qu'ils les
regardaient comme des gens sans religion.
On leur donna divers autres sobriquets.
Los historiens les ont fait venir sur de si m pies
conjectures, del'Assyrie, de laCilicie.duCau-
case,do la Nubie, de l'Abyssinie, delaChal-
dée.Bellon, incertain de leurorigine, soutient
qu'au moins ils n'étaient pas Egyptiens; car
il en rencontra au Caire, où ils étaient re-
gardés comme étrangers aussi bieu qu'en
Europe. Il eût donc été plus naturel de croi-
re les Bohémiens eux-mêmes sur leur paro-
le, et de dire avec eux que c'était une race
de Juifs, mêlés ensuite de chrétiens vaga-
bonds. Voici ce que nous pensons être la vé-
rité sur ces mystérieux nomades.
Vers le milieu du quatorzième siècle, l'Eu-
rope et principalement les Pays-Bas, l'Alle-
magne et la France , étant ravagés par la
poste, on accusa les Juifs, on ne sait pour-
quoi , d'avoir empoisonné les puits et les
fontaines. Celte accusation souleva la fureur
publique contre eux. Beaucoup de Juifs s'en-
fuirent et se jetèrent dans les forêts. Ils se
réunirent pour être plus en sûreté et se mé-
nagèrent des souterrains d'une grande éten-
due. On croit que ce sont eux qui ont creu-
sé ces vastes cavernes qui se trouvent encore
en Allemagne et que les indigènes n'ont ja-
mais eu intérêt à fouiller.
Cinquante ans après, ces proscrits ou leurs
descendants ayant lieu de croire que ceux
qui les avaient tant ha'is étaient morts, quel-
ques-uns se hasardèrent à sortir de leurs
tanières. Les chrétiens étaient alors occupés
des guerres religieuses suscitées par l'hérésie
de Jean Uuss. C'était une diversion favorable.
Ii:ircc que la famille do Bogiiot s'cffurça d'en supprimer
les ex(Mnplaire3.
22S
Bon
Sur le rapport de leurs espions, les Juifs
cachés quillèrent leurs cavernes, sans au-
cune ressource, il est vrai, pour se garantir
de la misère ; mais pendant leur demi-siècle
de solilude, ils avaient étudié les divinations
et particulièrement l'art de dire la bonne a-
ventare par l'inspection de la main ; ce qui
ne demande ni instrumenl , ni appareil, ni
dépense aucune ; et ils complèrenl bien que
la chiromancie leur procurerait quelque ar-
gent.
Ils se choisirent d'abord un capitaine ,
nommé Zundel. Puis comme il fallait décla-
rer ce qui les amenait en Allemagne, qui ils
étaient , d'où ils venaient , et qu'on pou-
vait les questionner aussi sur leur religion ;
pour ne pas se découvrir trop clairement,
ni pourtant se renier, ils convinrent de dire
que leurs pères habitaient autrefois l'Egyp-
te, ce qui est vrai des Juifs ; et que leurs an-
cêtres avaient été chassés de leur pajs pour
n'avoir pus voulu recevoir la Vierge Alarie
et son fils Jésus. — Le peuple comprit ce re-
fus, du temps où Joseph emmena le divin En-
fant en Kgypte pour le soustraireaux recher-
ches d'Hérode; au lieu que les vagabonds
juifs l'entendaient de la persécution quils
avaient soufferte cinquante ans auparavant.
De là vient le nom d'Egyptiens qu'on leur
donna et sous lequel l'empereur Sigismoud
leur accorda un passe-port.
Ils s'étaient formé un argot ou un jargon
déguisé, mdié d'hébreu et de mauvais alle-
mand, qu'ils prononçaient avec un accent é-
tranger. Des savants qui ne voyaient pas plus
loin, furent flattés de reconnaître certains
termes de la langue allemande dans un pa-
tois qu'ils prenaient pour de l'égyptien. Ils dé-
naturaient aussi plusieurs appellations ; ils
appelaient un enfant im criard , un manteau
un preneur de vent, un soulier un marcheur,
un oiseau un volant. Toutefois, la multitude
de mois hébreux qui est restée dans le lan-
gage dos Bohémiens suffirait seule pour
trahir leur origine juive.
Ils avaient des mœurs particulières et
s'étaient fait des lois qu'ils respectaient.
Chaque bande se choisissait un roi, à qui
tout le monde était tenu d'obéir. Quand par-
mi eux une femme se mariait, elle se bor-
nait, pour toute cérémonie, à briser un pot
de terre devant l'homme dont elle voulait
devenir la compagne ; et elle le respectait
comme son mari autant d'années que le va-
se avait produit de morceaux. Au bout de ce
temps, les époux étaient libres de se quitter
ou de rompre ensemble un nouveau pot do
terre. On citerait beaucoup de bizarreries de
ce genre.
Dès que les nouveaux Egyptiens virent
qu'ils n'étaient pas repoussés, ils implorèrent
la pitié des Allemands. Pour ne pas paraître
à charge, ils assuraient que, par une grâce
particulière du ciel, qui les protégeait eii-
eore en les punissant , les maisons où ils
étaient une fois reçus n'étaient plus sujcl-
(t) Il y avait des Boliômiens dans les Ardeiines, au
Cûinmenceiiicnl du dix-huitième siècle. Une légeuiie po-
pulaire coule qu'uu îausciueiicl, allaul à la cliissc de les
«011 22Î
(eà à l'incendie. Ils se mirent aussi à dire»
la bonne aventure, sur l'inspeclion du visa-
ge, des signes du corps, et principalement
sur l'examen des lignes de la main et des
doigis. Ils annonçaient de si belles choses,,
et leurs devineresses déployaient tant d'à-'
dresse, que les femmes et les jeunes filles
les traitèrent dès lors avec bienveillance.
Cependant la fureur contre les Juifs s'é-
tait apaisée ; ils furent admis de nouveau
dans les villages, puis dans les villes. Miis
il resta toujours de ces bandes vagabondes
qui continuèrent la vie nomade, découvrant
partout l'avenir, et joignant à celte profes-
sion de nombreuses friponneries plus ma^
térielles. Bientôt, quoiiiue la nation juive
fût le noyau de ces bandes, il s'y fil un tel
mélange de divers peuples, qu'il n'y eut pas
plus entre eux de religion dominanle qu'il
n'y avait de patrie. Ils pircoururent les
Pay-Bas et passèrent en France, où ou les
appela Bohémiens, parce qu'ils venaient de la
Bohême.
Pasquier, dans ses Recherches, raconte à
peu près ainsi leur apparition mystérieuse
sur le sol français et leur arrivée aux por-
tes de Paris eu 1427; — Ils étaient au nom-
bre de centyingt; l'un de leurs chefs por-
tait le titre de duc, un autre celui de comte;
ils avaient dix cavaliers pour escorte. Ils
disaient qu'ils venaient de la Basse-Egypte,
chassés de leur pays parles Sarrasins, qu'ils
étaient alléj à Rome confesser leurs péchés
au pape, qui leur avait enjoint pour péni-
tence d'errer sept ans par le monde , saiis
coucher sur aucun lit. ( Les gens éclairés
n'ajoutèrent s.ins doute pas foi à ce conte. )
— On les logea au village de La Chapelle,
près Paris ; et une grande foule alla les voir.
— Ils avaient les cheveux crépus , le teint
basané, et portaient aux oreilles des an-
neaux d'argent. Comme leurs femmesdisaient
la bonne aventure et se livraient à des pra-
tiques superstitieuses et mauvaises, l'évéque
de Paris les excommunia , défendit qu'on
les allâtconsulteret obtint leur éloignement.
Le seizième siècle fut infecté de Bohé-
miens. Les Etalsd'Orléans, en 1560, les con-
damnèrent au bannissement sous peine des
galères , s'ils osaient reparaître, Siiufferls
dans quelques contvées que divisait Ihéré-"
sie, chassés en d'abiies lieux comme des-
cendants deCham, inventeur de la magie,
ils ne paraissaient nulle part que comme
une plaie. Ou disait enFlandre qu'ils étaient
si experts en sorcellerie, que dès qu'cm leur
avait donné une pièce de n)onnaie, toutes
celles qu'on avait eu poche s'envolaient aus-
sitôt et allaient rejoindre la première, opi-
nion populaire qui peut se traduire en dait-
Ires termes et qui veut dire que les Bohé-
miens étaient des escrocs. — Leurs bandes
diminuèrentau dix-septième siècle (1). Pour-
tant on en voyait encore quelques rares dé-
tachements il y a soixante ans. Sous les nou-
velles lois de poiice des Etats européens, les
vagabonds, vit uii Bohémien crépu avec deux femmes ef
un eul'anl. Le Uoliéniien l'ajiislaiL de son esi-ingole ; lui,
ajusta le Boliéinien de sou niousnuel. Le JJubéuiiju lui
227 DICTiONNAIRI', DKS
sociétés bohémionnes sont dissoules. Mais il
y a toujours çà et là des individus qui di-
sent la bonne aventure, et des imbéciles qui
vont les consulter. Voy. Chiromancie.
Voici une anecdote de Bohémienne qui a
fait quelque bruit sous Louis XIV^; Dufres-
iiy l'a mise au nombre de ses Nouvelles.
Plusieurs grands hommes, dit-il, ont ajouté
foi aux diseurs de bonne aventure. Tel capi-
taine qui affronte mille périls craindra les
présages quune Bohémienne verra dans sa
main ; pardonnez donc cette f.iiblesse à une
femme ; c'est une riche bourgeoise , que je
nommerai Bclisc. La Bohémienne qui l'abu-
sa , et qui est présentement au Châlelet , a
de l'esprit comme un démon, le babil et l'ac-
cent bohémiens et le langage propre à faire
Cl cire l'incroyable. Sachant que Bélise allait
souvent chez une amie , la Bohémienne la
guette un jour, passe comme par hasard au-
près d'elle , la regarde , s'arrête, recule trois
pas , et fait un cri d'élonnement :
— Est-ce que vous me connaissez ? lui dit
Bélise en s'arrétant aussi.
— Si je vous connais ! répond la Bohé-
mienne dans son jargon , oui , madame , et
je suis sûre que vous serez heureuse de me
connaître aussi.
— Je vois , lui dit Bélise avec bonté , que
vous avez envie de g.igner la pièce en me di-
sant la bonne aventure : je n'y crois pas;
mais ne laissez pas de me la dire.
Bélise la fit entrer chez son amie , et lui
présenta la main : la Bohémienne , en l'ob-
servant , feignait d'être de plus en plus sur-
prise et réjouie d'avoir rencontré une per-
sonne qu'elle cherchait depuis plusieurs an-
nées ; elle devina , par les règles de son art,
diverses particularités dont elle s'était fait
instruire par une femme qui avait servi Bé-
lise : mais ce qu'elle voyait de plus certain ,
c'était , disait-elle , une fortune prochaine.
— Je vois bien des mains à Paris , ajoula-
l-elle , je n'en vois point comme la \ôlre.
Peu à peu , elle disposa Bélise à donner
avec confiance dans le piège qu'elle lui ten-
dait. Après avoir persuadé aux deux bour-
geoises qu'elle avait des liaisons avec les es-
prits et les génies , elle leur conta l'histoire
d'une princesse qui était venue mourir à Pa-
ris , il y avait cent ans; elle leur dit que
cette princesse étrangère avait enterré un
trésor dans une cave, et qu'ensuite, vou-
lant faire son héritièie une bourgeoise de ce
lemps-là , qu'elle avait prise en iiftVclion,
elle était morte subitement sans avoir pu
l'instruire du lieu où était ce trésor caché.
C'est ce que je liens de la princesse même,
continua la Bohémienne.
— Vous devez savoir, ajouta-t-elle , que
personnedc l'autre monde ne peut parler aux
gens de celui-ci que par l'entremise des es-
prits ; or, le mien connaît la princesse; et je
suis chargée de lui trouver dans Paris quel-
tiié. Les deux femmes, les mains liées, furrnl emmenées
avec le ppiit gaiç .n. Comme les pieds de ce pclil, qui sui-
vait l'Iiomiiie à cIm'VbI, se décliiiaieul sur les cailloux, le
lausqueiK'l en eut pitié; il le mit eu croupe derrière lui.
L'une des deux femmes lui passa adroilemeut lui poi-
gnard, qu'elle portail caclié dans son sein, et le petit gar-
SCIE.NCES OCCLLTES. «3
que femme de la famille de la défunte bour-
geoise qu'elle voulait faire son héritière ;
vous êtes celle que je cherche...
A ce récit extravagant, Bélise ne riait que
pour faire l'esprit fort , car le désir d'être
héritière augmentait sa crédulité.
— Mais , reprit-elle, comment savoir si je
suis parente de la bourgeoise qui vivait il y a
cent ans?
— Kt si j'étais aussi parente? dit l'amie de
Bélise.
La Bohémienne n'y trouva point d'appa-
rence ; ravie pourlant de faire l'épreuve
double, elle demanda à rinslanl deux verres
de cristal, qu'on alla remplir d'eau claire;
elle les mit sur deux tables éloignées l'une
de l'autre , et dit aux bourgeoises de fermer
un œil , et de regarder attentivement avec
l'autre.
— Celle qui est parente de la bourgeoise ,
dit-elle , doit voir un échantillon du trésor
dont elle héritera , cl l'autre rien.
La Bohémienne avait mis dans chaque
verre une pelile racine ; leur disant que c'é-
tait la racine des enchantements qui attirait
les génies ; l'une de ces racines était apprê-
tée avec une composition chimique qui , dé-
trempée , devait , par une espèce de fenn mi-
talion , former des bulles d'air et des petits
brillants de différentes couleurs , avec des
paillettes dorées. C'en était assez pour faire
voir à une femme prévenue tout ce que son
imagination lui représentait déjà. Bélise , à
la première bulle d'air, s'écria quelle voyait
quantité de perles.
— Vous en allez voir bien d'autres , dil la
Bohémienne.
Effeclivcment, à mesure que la fermenta-
tion augmentait , Bélise , transportée , ache-
vait de perdre l'esprit. Elle sauta au cou de
celle qui la faisait si riche ; et , croyant déjà
tenir des millions , elle lui promit de l'enri-
chir ; la Bohémienne lui jura que dans deux
jours elle posséderait le trésor.
— Mais, ajoula-t-elle , il y a de grandes
difficultés à vaincre: le diable, qui est gar-
dien de tous les trésors enfouis, en doit jiren-
dre possession au bout de cent ans ; c'est la
règle. Par bonheur, il n'y a que quatre-
vingt-dix-huit ans que la princesse a enterré
le sien. Je crains pourtant qu'il ne nous dis-
pute la date... Encore votre main , ajouta-t-
elle , je me trompe fort si le même diable ne
vous a pas déjà Iulinéc.
— Justement, dit Bélise ; car, cel clé, à la
campagne , il revenait un esprit dans ma
chambre : il faul être sorcière pour avoir de-
viné cela.
La Bohémienne savait que la femme de
chambre de Bélise , s'ennuyant, s'était avi-
sée de faire peur à sa maîtresse pour l'obli-
ger de revenir à Paris.
— Menez-moi chez vous , dit-elle en re-
gardant le verre ; le tiésor se trouve dans la
çou l'cnronçaul par derrière dans le cou du lansquenet,
au-dessus de sa cuirasse, le poussa jusqu'il la garde ; le ca-
valier louilia mort. Les deux fennues et l'eiifiiil, modaiit
sur son cheval, s'enfuireul dans la forêt. Ccii était nrrivé
près de Saint-Huberl.
iV)
BOH
BOIl
S30
cave de la maison que vous habitez, et je
vois qu'il consiste eu deux caisses , dont
l'une est pleine, de vieux ducats et l'autre de
pierreries.
Bélise, ravie, emmena chez elle son amie
et la Bohémienne , qui l'avertit , chemin fai-
sant, que , pour adoucir le malin esprit,
elle allait faire des conjurations , des fumi-
gations, et qu'il fallait amorcer le diable par
une petite effusion d'or.
— En avcz-vous chez vous , conlinua-t-
elle ?
— J'ai cinq louis d'or, répondit Bélise.
— Fort bien , répondit l'autre ; je ne veux
toucher de vous ni or ni argent , avant que
j'en aie rempli vos coffres; vous mettrez
vous-même l'or dans le creuset , au fond de
la cave , et vous le verrez fondre à vos jeux
par un feu infernal qui sortira des entrailles
de la terre , en vertu de certaines paroles
que je prononcerai. Je veux que vous soyez
témoin de ces merveilles.
On arriva chez Bélise , où le reste de la
fourberie était préparé; les caves en ques-
tion n'étaient séparécsdes caves voisines que
par un vieux mur où la servante avait fait un
trou. La Bohémienne, aidée par elle , com-
posa un spectre semblable à celui qui s'était
montré à la campagne , et disposa son appa-
reil. Bélise prit les cinq louis qu'on devait
fondre au feu infernal. En arrivant à la cave,
elle aperçut, avec effroi , le spectre qu'elle
connaissait, et s'évanouit. On la trouva, à
son réveil , disposée à tout croire.
La Bohémienne emporta les cinq louis. Le
lendemain elle revint et dit à Bélise, en
l'embrassant, que la princesse s'était rendue
chez elle; qu'elle approuvait tout: que quant
au diable , il avait voulu , par un faux cal-
cul , escamoter les deux ans qui lui man-
quaient, mais qu'on s'était accommodé avec
lui, en promettant de lui donner mille écus;
en conséquence , qu'elle les trouvât dans la
journée.
— Vous les lui donnerez vous-même , dit-
elle; car vous pourriez croire que j'ai moyen
de gagner sur cette somme.
Bélise répondit qu'elle avait toute con-
fiance en elle, et qu'elle la priait de se char-
ger de lui remettre elle-même l'argent.
Cependant , la Bohémienne demanda en-
core qu'on lui donnât force robes, coiffures ,
jupes, draps et serviettes, afin de tapisser la
cave où la princesse devait se rendre, comme
elle l'avait promis. Les robes devaient ser-
vir à vêtir les génies qui l'accompagneraient.
Bélise aida elle-même à porter ses hardcs
dans la cave.
La Bohémienne lui recommanda de fermer
la porte à double tour, de peur que quel-
qu'un ne vînt troubler la séance. Elle ne
pouvait ainsi vien soupÇ(mner,car elle igno-
rait la communication des caves voisines ,
par où les génies plièrent la toilette. Ainsi ,
les-Bohé(niennes eurent toute la nuit pour
sortir de Paris avec le butin ; et l'Iiérilière ,
en chemise , fut se coucher en attendant la
succession de la princesse. Elle reconnut le
lendemain qu'elle était dupe. La Bohémienne
fut poursuivie sur sa plainte , et condamnée
pour fait d'escroquerie et de sorcellerie.
Marthe la bohémienne. — C'est une tradi-
tion populaire, traduite de l'anglais de Théo-
dore Hook.
Dans le voisinage de Bedford-Square, vi-
vait le respectable Harding , qui tenait un
rang honorable, et remplissait une place dans
Sommerset-House. Cet homme avait une
fille, appelée Maria, qui était le modèle de la
piété filiale , mais d'une complcxion extrê-
mement délicate. A l'âge de dix-neuf ans ,
Maria fixa les affections d'un jeune homme
qui se trouvait allié à sa famille , et qui se
nommait Frédéric Longdale ; les parents des
deux familles convinrent de ne pas presser
cette union, â cause de la jeunesse des futurs.
M. Harding, se rendant un jour à Sommer-
set-House, selon sa coutume, fut accosté par
une de ces Bohémiennes qui mendient en
Angleterre. — N'oubliez pas la pauvre Mar-
the, la Bohémienne 1 — dit la bonne femme.
M. Harding, qui n'avait pas de monnaie, ré-
pondit qu'il n'avait rien sur lui, et qu'il était
pressé. Mais sa réponse ne rebuta pus cette
femme qui le suivait en réitérant ses lamen-
tations. — N'oubliez pas la pauvre Marthe 1
— Irrité de cette persévérance, le père de Ma-
ria, contre sa coutume, se retourna et pro-
nonça , d'un ton de colère , une malédiction
contre la vagabonde.
— Ah ! s'écria Marthe, en s'arrélant avec
fierté , vous me maudissez ! Ai-je vécu jus-
qu'aujourd'hui pour m'entendre maudire ?
Homme méchant et dur, homme faible et
hautain, regardez-moi !
Elle répéta si vivement cette apostrophe,
que M. Harding subjugué , la regarda avec
émotion. 11 vit dans toute sa contenance
l'expression de la fureur. Ses yeux noirs
lançaient sur lui des éclairs ; ses cheveux
noirs tombaient sur ses joues olivâtres ; un
rire effrayant et un ricanement de mépris
laissaient apercevoir des dents p!us blanches
que l'ivoire. Il considérait Marthe, partagé
entre l'élonnement et le trouble. — Uegar-
dez-moi , monsieur , dit encore la Bohé-
mienne ; vous et moi devons nous rencon-
trer encore ; vous me verrez trois fois avant
de mourir ; mes visites seront terribles, et la
troisième sera la dernière
Ces paroles frappèrent vivement le cœur
de M. Harding ; voyant quelques passants
s'approcher, il fouilla dans sa poche, en tira
de l'argent qu'il voulut donner à Marthe :
— De l'argent à présent , répondit la sor-
cière 1 Ne suis-je plus maudite ? 11 est trop
tard. La malédiction est à vous maintenant.
— Ces paroles prononcées , elle s'enveloppa
de son vieux manteau et disparut.
M. Harding , de retour chez lui , raconta
l'aventure à sa femme, qui lui répondit,
comme il devait ratt(!ndre, de sa tendresse et
de sa raison ; et après une discussion sur la
faiblesse d'esprit qui fait ajouter foi aux dis-
cours de ces malheureuses , on alla se cou-
cher. M. Harding, accablé par de tristes ré-
flexions, finit par s'endormir. Le lendemain
et les jours suivants il se rendit à son ira-
SSl
DICTlONNAinE DES SCIENCES OCCULTES.
232
Vail comme de coiilumo, toujours inquiel et
l'esprit rempli de Marthe , mais honteux de
l'empire qu'il laissait prendre sur lui à ces
idées superstitieuses.
Cependant Frédéric s'occupait conlinuellc-
mont de son aimable Maria, en qui les sym-
ptômes de la consomption se développèrent
avec tant de force , que les médecins , quoi-
qu'ils n'en parlassent que comme d'un mal
peu sérieux , montrèrent , par leurs soins ,
qu'ils n'étaient pas sans inquiétudes. Trois
mois s'étaient écoulés depuis la fatale ren-
contre de Marthe, le temps et une distraction
constante avaient délivré presque entière-
ment l'esprit de M. Harding de la terreur que
celteBohémiennelui avait inspirée, lorsqu'un
jour le jeune Frédéric , qui était venu voir
sa fiancée, fut obligé de la quitter prompte-
ment, son carritk l'attendait pour le con-
duire à une vente de chevaux, où son père
lui avait donné commission d'en examiner
qu'il avait l'intention d'acheter. M. Harding
proposa au jeune homme de l'accompaguer
aux criées de HydePark, puisqu'il n'était pas
occupé ce jour-là. Celte proposition fut ac-
ceptée , et ils partirent ; mais M. Harding ,
qui tenait les rênes , reconnut bientôt que
son adresse ne pouvait suppléer à ses forces
pour maîtriser les coursiers ardents de Fré-
déric; il le pria donc de les prendre. Celui-ci,
par trop de précipitation, laissa échapper les
guides; les chevaux ne sentant plus de frein
se cabrèrent , cl mirr nt en pièces le fragile
équipage , après avoir lancé M. Harding
ainsi que Frédéric sur le pavé.
,Pendant qu'ils entraînaient les débris de la
voiture sur la place qu'ils venaient de quit-
ter , M. Harding aperçut avec horreur Mar-
the la Bohémienne
Cette horrible vision, qui se rapportait à
la menace de la sorcière , fit une telle im-
pression sur lui , que son effroi , joint aux
douleurs qu'il ressentait , lui fit perdre con-
naissance. Cependant les deux infortunés
furent promplemcnt secourus. Le jeune Fré-
déric fut longtemps dans un état trèsalar-
manl : quant à M. Harding, il recouvrait de
jour en jour la santé ; mais son jugement
semblait l'abandonner, l'aspect de sa pauvre
fille presque mourante contribuait encore à
troubler chaque instant de sa vie. Elle de-
manda à voir Frédéric, qui alors se trouvait
mieux ; on lui donna la certitude qu'elle le
verrait dans quelques heures. Au moment
où l'on s'entretenait de cette entrevue pro-
chaine et désirée , comme les rayons du so-
leil, qui brillait alors de toute la force, tom-
Lilent sur la malade : — Mon ami, dit mis-
Iriss Harding, fermez un peu le volet, je vous
prie. — M. Harding se leva , et , ouvrant la
Croisée , il poussa un cri d'horreur en s'é-
crianl : — Elle est là 1 —Qui '? répliqua mis-
Iriss Harding, surprise et effrayée. — Elle,
elle, elle ! <H le malheur 111...
Mislriss Harding courut à la fcnCtre et vit,
dans ia rue, Marthe la Bohémienne.
Etant relournée vivement au lit de Maria,
elle poussa un gémissement plaintif : Maria
était morte... Ses parents désolés, se retirè-
rent à Lausanne ; mais l'absence ne calma
point leurs regrets, et au bout de deux ans,
ils revinrent à Londres pour assister au ma-
riage de leur fils , à qui M. Harding avait
fait obtenir sa place. On donna un grand
souper, où toute la famille fut invitée. Après
la collation , comme on priait la mariée de
chanter , on entendit un bruit effrayant ,
Semblable à celui d'un poids qui aurait roulé
sur toutes les marches de l'escalier : la porte
du salon s'entr'ouvrit , conime enfoncée par
un coup de vent. M. Harding pâlit, regarda
sa femme, et dit, en se tournant vers l'as-
semblée , que ce bruit venait de la rue , et
qu'il ne fallait pas s'en troubler ; mais on vit
bien qu'il frissonnait , et après que tout le
monde se fut retiré, Harding soupira, et s'a-
dressant à sa femme , il l'engagea à se pré-
parer à une nouvelle calamité. — J'ignore,
quel malheur nous menace, dit-il ; mais il
est suspendu sur nos têtes ; il y tombera
Cl tte nuit même. — .Mon ami, dit mistriss
Harding, que voulez-vous dire ?.... — Ma
chère, je l'ai vue pour la troisième fois 1 —
Qui ? — Marthe la IBohémienne.... Lorsque la
porte s'ouvrit d'une manière surnaturelle ^
je la vis 1 Ses yeux effrayants étaient atta-
chés sur moi....
Il embrassa tendrement sa femme, et,
après avoir éprouvé quelques instants lé
frisson de la fièvre, M. Harding tomba dans
Un sommeil dont il ne réveilla jatnais....^
Histoire qui assurément est un conte.
BOHINUM , idole des Arméniens , qui
était faite d'un métal noir, symbole de la
nuit. Son nom vient du mot hébreu boliu,
désolation, à ce que dit Leloycr. C'est le dé-
mon du mal.
BOHMIUS (Jean). Quelques-uns recher-
chent sa Psi/chotoyie , ou Traité des esprits,
publiée en 1032, à Amsterdam (1), livre qui
ne manque pas d'hérésies.
BOHON-HUPAS, arbre poison qui croît
dans l'île de Java, à trente lieues de Batavia.
Los criminels condamnés allaient autrefois
recueillir une gomme qui en découle, et qui
est un poison si prompt et si violent, que les
oiseaux qui traversent l'air au-dessus de cet
arbre , tombent morts ; du moins ces choses
ont été contées. Après que leur sentence était
prononcée, lesdits criminels pouvaient choi-
sir, ou de périr de la main du bourreau , ou
de tenter de rapporter une boîte de gomme
de l'hupas.Foerscch rapporte qu'ayant inter-
rogé un prêtre malais qui habitait ce lieu sau-
vage, cet homme lui dit qu'il avait vu passeron-
vironsept cents criminels, sur lesqucis il n'en
était revenu que vingt-deux ; (ju'il n'y avait pas
plus de cent ans que ce pays était habile par
un peuple qui se livrait aux iniquités do
Sodome et de Gomorrlie; que Mahomet ne
voulut pas souffrir plus longtemps leurs
mœurs abominables ; qu'il engagea Dieu à
les punir; et que Dieu fit sortir de la terre le
bohon-hupas, qui délruisit les coupables, et
rendit le pays à jamais inhabitable. Les
Malais regardent cet arbre comme l'instru-
(I) Joaimis Bolunii Psychologia, cuni vcra api.licarione
Joanuis Aiigcli. Iu-24. Âuisl-el., 103^.
233
l'OL
BON
ment de la colère du Prophète; et, toulefois,
la mort qu'il procure passe chez eux pour
honorable; voilà pourquoi les criminels qui
vont chercher le poison , se rcvèlenl en gé-
néral (le leurs plus beaux habits (1).
BOIS. — Les anciens avaient une divina-
tion qui se pratiquait par le moyen de quel-
ques morciaux de bois. Voy. Xylomancik.
Ils croyaient les forêts habitées de divinités
bizarres; et dans les pays superstitieux, on
y redoute encore les lutins. Les Kamslcha-
dales disent que les bois sont pleins d'esprits
malicieux. Ces esprits ont des enfants qui
pleurent sans cesse pour attirer les voya-
geurs , qu'ils égarent ensuite , et à qui ils
ôlenl quelquefois la raison. — Enfln, c'est,
généralement dans les bois que les sorciers
font le siibbal.
BOiS DE VIE. — C'est le nom que les al-
chimistes donnent à la pierre parfaite du
grand œuvre, plus clairement appelée baume
universel ou panacée , qui guérit tous les
maux, et assure à ceux qui la possèdent une
jeunesse inaltérable.
Les Juifs nomment bois de vie les deux
bâtons qui tiennent la bande roulée sur la-
quelle est écrit le livre de leur loi. Ils sont
persuadés que l'attouchement de ces bâtons
affermit la vue et rend la santé. Ils croient
aussi qu'il n'y a pas de meilleur moyen de
faciliter l'accouchement des femmes, que de
leur faire voir ces bois, qu'il ne leur est pas
permis de toucher.
BOISTUAU ou BOAISTUAU (Pierue), dit
Launay, Nantais, mort à Pans in 15Gb. Ou
recherche de lui deux ouvrages rares el
curieux : 1° Histoires prodigieuses, extraites
de divers auteurs, in-»% 1301. Aux quarante
histoires de Buistuau, Tesseranl en ajouta
quinze. Belleforêt, Hoyer et Marionville les
firent réimprimer avec une nouvelle conti-
nuation, en 1573, six vol. in-16; — 2" His-
toires tragiques, e\\.ràH.es des œuvres italien-
nes de Bandel, el mises en langue française,
1568 et années suivantes, 7 vol. in-16. Il n'y
a que les six premières histoires du premier
volume qui aient été traduites par Boisluau ;
les autres sont de la triiduclion de Bellefo-
rêt, qui lui était bien inférieur. Voy. Visions,
SïMPiTHiE, Apparitions.
BOJANI (Michel). On peut lire de lui une
Histoire des songes (2), publiée en 1587.
Nous ne la connaissons que par le titre.
BOLACRÉ {GiLLEsJ, bonhomme qui habi-
tait une maison d'un faubourg de Tours, oii
il prétcnditqu'il revenait des esprits qui l'em-
péchaient de dormir. C'était au seizième siè-
cle. Il avait loué cette maison ; et comme il
s'y faisait un bruit et tintamarre d'esprils
invisibles, sabbats el lutins, qui ne lui lais-
saient aucun repos, il voulut à toute force
faire résilier le bail. La cause fut portée de-
vant le siège présidial à Tours, qui ca-.sa le
bail. Le propriétaire en appela au parlement
do Paris; sou avocat, maître René Chojjin,
(1) Extrait des Voyages de M. Foersech, Hol!:ui(i;iis,
Mélanges de la liUéralurn étrangère, t. I, p. G3.
(-2) Micbaelis Uojaiii, Umoria de Somuiis. Iii-S". W il
leui'berg, 15H7.
DICT10^N. DES SCIENCES OCCLXTE.'i. 1.
25*
soutint que les visions d'esprits n'étaient au-
tre chose que des contes de vieilles, éponvan-
tails depelils enfants. Le parlement ne décida
rien el renvoya la cause au tribunal de la
Tournelle,qui par son arrêt maintint la rési-
liaiion du bail (3).
nOLFRI, Voy. Bérith.
BOLINGBROKE, Voy. Glocester.
BOLOMANCIE. C'est la Bélomancie. Voy.
ce mol.
BOLOTOO. Ile imaginaire où les naturels
des îles de Tonga placent leur paradis. Ils
croient que les âmes de leurs chefs y devien-
nent des divinités du second ordre. Les ar-
bres de Bolotoo sonl chargés, disent-ils, des
meilleurs fruits et toujours couverts des plus
belles fleurs, qui renaissent toutes les foi»
qu'on les cueille. Ce séjour divin est rempli
d'animaux immortels que l'on ne tue que pour
la nourriture des dieux et des élus; mais
aussitôt qu'on en tueun, un autre le remplace.
BONA (Jean), savant et pieux cardinal,
mort en 1674. On recherche de lui un Traité
du discernement des esprits, in-12, publié en
1673 et traduit par l'abbé Leroy de Haute-
fontaine, 1676. Le chapitre 20 de cet ouvrage
traite avec beaucoup de lumières de ce qu'il
y a de plus difficile dans la matière des vi-
sions et des révélations particulières (k).
BONASSES , Voy. Gullets.
BONATi (Gui) , astrologue florentin du
treizième siècle. Il vivait, dit-on, d'une ma-
nière originale, et possédait l'art de prédire
l'avenir. Les troupes de Rome, sous le pon-
tifical de Martin IV , assiégeaient Forli ,
ville de la Romngno, défendue par le comte
de Montferral. Bonati, qui s'y était retiré,
voyant la ville prête à faire une sortie, an-
nonça au comte qu'il serait blessé dans la
mêlée. L'événement justifia la prédiction ;
et le comte de Monlferrat, qui avait porté
avec lui ce qu'il fallait pour panser sa bles-
sure, fit depuis le plus grand cas de l'astro-
logie. Bonati, sur la fin de sa vie, reconnut
pourtant la vanité de sa science, se fit fran-
ciscain, et mourut pénitent en 1300. Ses ou-
vrages ont été recueillis par Jacques Cautc-
rus, sous le titre de Liber aslronomicus,in-l*'',
rare. Augsbourg IWI.
BONGOMILES. — Voy. Bogarmiles.
BONICA, île imaginaire de l'Amérique, où
Déudatus, médecin spagirique , place une
fontaine dont les eaux, plus délicieuses que
le meilleur vin, ont la vertu de rajeunir.
BONIFACE VIII, pape, élu le 2i décembre
129'*. On a conté que, n'étant encore que
cardinal, il fil percer une muraille qui avoi-
sinait le lit du pape Célestin, et lui cria au
moyen d'une sarbacane, qu'il eût à déposer
la tiare s'il voulait être sauvé; que le bon
pape Célestin obéit à cotte voix qu il croyait
venir du ciel, et céda la placi; à Buniface. —
Mais ce récit n'est qu'une imposlurc entiè-
rement supposée par les protestants, qui
ont imaginé celle calomnie comme tant d'au-
(3) Lelojcr. Disc, dos spectres, liv. vi, cli. 15.
(l) Jo.miies ennlinalis Boiia, De discritlune spiriluiim.
tii-1:;. l'jris, 1G7.?.
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DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCl LTES.
23j
dos. La vérité est quo le pape Célcslin dé-
posa la liare pour sorciipcr uniquement de
son âme. Le cardinal Cajelan (depuis Boni-
lace VIII) n'y fut pour rien.
BONNE AVENTURE. Les diseurs de bonne
aventure cl les magiciens étaient devenus
si nombreux à Rome du lomps des premiers
empereurs, qu'ils y avaient une confrérie ; el
le lemiemain du jour où fui tué (laliRu'a, des
magicii ns venus d'Egypte et de Syrie de-
vaient donner sur le théâtre une représen-
tation des enfers (1). Pour l'art de dire la
bonne aventure, voy. CninoMA.>crE, Carto-
mancie, Astrologie, Métoposcopiiî, Horos-
copes, Cranologie, et les cent autres ma-
nières.
BONNES. On appelle bonnes, dans certai-
nes provinces, des fées bienveillantes, des
espèces de farfadets femelles sans malice,
qui aiment les enfanls el qui se plaisent à
les bercer. On a sur elles peu de détails ;
mais c'est d'elles, dil-on, que vient aux ber-
ceuses le nom do bonnes d'cnfanls. Habondia
est leur reine.
BONNET fJEANNE), sorcière de Boissy en
P'orcz, brûlée le 13 janvier 1583 pour s'êire
vaniée d'avoir eu des liaisons avec le diable.
BONNET BLEU. Voy. Dévouement.
BONNET POINTU, ou esprit au bonnet ;
vny. Hecdeckin.
BONNEVAULT. Un sorcier poitevin du
«eizième siècle, nommé Pierre Bonncvaull,
fut arrêté parce qu'il allait au sabbat. Il con-
fessa que la première fois qu'il y avait élé
mené par ses parents, il s'était donné au
diable , lui permettant de prendre ses os
après sa mort; mais qu'il n'avait pas voulu
donner son âme. Un jour, venant de Mont-
morillon où il avait acheté deux charges
d'avoine qu'il emportait sur deux juments,
il entendit des gens d'armes sur le chemin;
craignant qu'ils ne lui prissent son avoine, il
invoqua le diable qui vint à lui comme un
tourbillon de vent, et le transporta avec ses
deux juments à son logis. Il avoua aussi
qu'il avait fait mourir diverses personnes
avec ses poudres; enfin il fut condamné à
mort. Voy. Tailletroux.
Jean Bonnevault, son frère, fut aussi ac-
cusé de sorcellerie ; et le jour du procès, de-
-vant l'assemblée, il invoqua le diable qui
l'enleva de terre environ quatre ou cinq
pieds, cl le laissa retomber sur le carreau
comme un sac de laine sans aucun bruit,
quoiqu'il eût aux pieds des entraves. Etant
relevé pardeuxarchers, onlui trouva la peau
decouleur bleue tirant sur le noir ; il écumait
et souffrait beaucoup. Interrogé là-dessus, il
répondit qu'syant prié le diable de le tir( r
de peine, il «'avait pu l'enlever , attendu
que, comme il avait prêté sermint à la jus-
tice, le diable n'avait plus pouvoir sur lui.
Mathurin Bonnevault, parent des deux
précédents, accusé eomme eux de sorcelle-
rie, fut visiié par experts. On lui trouva sur
l'épaule droite uiic niarque de la figure
d'une petite rose, dans la(|uellc on planta
une longue épingle, sans qu'il en ressentît
(1) Grailler de Cassngnac, Lilléraiure des esclaves.
aucune douleur, d'où on le jugea bien sor-
cier. Il confessa qu'ayant épousé en pre-
mières noces Bcrihomée de la Béilouche,
qui était sorcière comme ses père et mère,
il l'avait vue faire sécher au four des ser-
pents et des crapauds pour des maléfices ;
qu'elle le mena alors au sabbat, et qu'il y
vit le diable, ayant des yeux noirs, ardents
comme une chandelle. Il dit que le sabbat
se tenait quatre fois l'an : la veille de la
Saint-Jean-Bapliste, la veille de Noël, le
mardi-gras el la veille de Pâques. On le con-
vainquit d'avoir fail mourir sept personnes
par sortilège; se voyant condamné, il avoua
qu'il élait sorcier depuis l'âge de seize ans.
— Il y aurait de curieuses études à faire sur
tous ces procès, si nombreux pendant les
troubles de la réforme.
BONZES. Les bonzes chinois font généra-
lement profession de prédire l'avenir el
d'exorciser les démons ; ils cherchent an*si
la pierre philosophale. Lorsqu'un bonze
promet de faire pleuvoir; si dans l'ispice
de six jours il n'a pas tenu sa promesse, on
lui donne la bastonnade.
Il existe des bonzes au Congo. On croit
que leurs âmes sont errantes autour d^ s
lieux qu'ils ont habités. Quand on voit un
tourbillon balayer la plaine cl faire lever la
poussière et le sable, les naturels s'écrient
que c'est l'esprit des bonzes.
BOPHOMET, voy. Tête de Bopuomkt.
BORAK, jument de Mahomet qu'il a mise
dans son paradis. Elle avait une fiice hu-
maine,et s'allongeait âchaqtic pas aussi loin
que la meilleure vue peut s'étendre.
BORAX, sorte de pierre qui se trouve,
disent les doctes, dans la lêle des crapauds ;
on lui attribue divers effets merveilleux ,
comme celui d'endormir. Il est rare qu'on la
puisse recueillir, el il n'est pas sûr qu'elle
soit autre chose qu'un os durci.
BOHBORITES, voy. Génies.
BORDELON ( Laurent) , né à Bourges en
16;j3, mort en 1730; écrivain médiocre, qui
toutefois savait beaucoup de choses, et s'é-
tait occupé de recherches sur les supersti-
tions, les sciences occultes et les erreurs po-
pulaires. Il est fâcheux qu'il ail écrit si
pesamment. On achète encore ses entretiens
sur V Astrologie jiidiciiiirc, qui sont curieux.
Le plus connu de ses ouvrages (el il a été
réimprimé plusieurs fois) est intitulé : «His-
toire des imaginations extravagantes de Mon-
sieur Ou fie, causées par la lecture des li\res
qui traitent de la magie, du grimoire , des
démoniaques , sorciers , loups-garoux , in-
cubes , succubes , et du sabbat , des fées,
ogres, esprits, follets, génies, fantômes et
autres revenants ; des songes, de la pierre
philosophale , de l'astrologie judiciaire, des
horoscopes, talismans, jours heureux el
malheureux, éclipses, comètes et aimnnachs;
enfin de toutes les sortes d'apparitions, de
divinations, de sortilèges, d'enchantements,
cl d'autres superstitieuses pratiques. »
On voit par ce titre, que nous avons copié
tout entier, que l'auteur avait pris un cadre
assez vaste. Dans ses deux volumes in-t2.
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BOR
BOR
23Ï
ornés de figures, il s'est trouvé à l'étroit;
pt son travail , qui se modèle un peu sur le
Don Quichotte, n'est recherché que pour les
noies , très-nombreuses , lesquelles valent
niieux que le texte.
Nous tiierons pourtant deux fragments de
ce livre singulier.
Monsieur Oufîe, devenu loup-garou.
Monsieur Oudc avait une femme, deux fils,
dont r. îné était abbé et le cadet financier ;
deux filles et un frère marié. Madame Ouflc,
espèce d'esprit fort , corttrairement aux in-
clinations ordinaires des personnes de son
sexe, formait un contraste frappant avec son
mari, qui adoptait sans restriction les opi-
nions dune foule de savants sur la magie et
la sorcellerie, sur les spectres et les fantô-
mes, les loups g.iroux, les esprits follets, les
fées, les ogics, l'astrologie judiciaire, les di-
vinations , les apparitions , etc. L'abbé Dou-
dou , fils aillé de M. Oufie , faisait un mé-
lange très - mal assorti de science et de
trcdulité. 11 croyait que tout ce qu'il trou-
vait d'extraordinaire dans les livres était
vrai, ne se pouvant persuader que l'on fût
d'assez mauvaise foi pour faire imprimer des
clios s surprenantes , si elles n'étaient pas
véritables; tl le peu qu'il avait de doctrine
ne lui servait qn'.à trouver dans son esprit
des preuves forcées de possibilité pour tout
ce qu'il voulait absolument croire. Sansugue,
le second fils, avait pris le parti de la finance,
et ne cherchait que les moyens et les occa-
sions de s'enrichir. Quand on lui parlait des
diables qui faisaient trouver des richesses,
l'eau lui en venait si fort à la bouche, qu'il
ne 1;'S aurait pas renvoyés , malgré les for-
mes épouvantables dont on se sert pour les
représenter. Il n'était pas si crédu'c sur l'ap-
parition des âmes des défunts, parct; que,
disait-il , ces fantômes de morts ne parais-
sent d'ordinaire que pour faire des demandes
aux vivants , ou pour donner des frayeurs
qui n'aboutissent qu'à glacer le sang de ceux
qui les voient. Venons à ses deux filles.
L'aînée , nommée Camèle, croyait to;il ce
que lui disait sou père quand il lui parlait,
et ensuite elle n'en croyait rien quand el!e
s'était entretenue avec sa mère.
Uuzine, la cadelle, s'accommodait, comme
sa sœur, au goût de sou père et de sa mère;
mais ce que celle-ci faisait par simplicité,
celle-là le faisait par artifice ; c'était une
fine mouche, qui jouait, en quelque manière,
loiilc sa famille.
Noncrède, frère de M. Oufie, passait dans
l'esprit de tous ceux qui le connaissaient,
pour un homme plein de sagesse et de pro-
bité, mais qui adoptait peut-être trop facile-
ment les opinions téméraires des prétendus
philosophes. 11 faisait à son frère cl à l'abbé
Doudou, sou neveu, une guerre continuelle
sur leur confiance et leur penchant en ma-
tière d'apparitions et de sortilèges. Après
ayoir dépeint Us caractères , venons sur-le-
champ aux .ivenlures.
Il y a longtemps qu'on parle des loups-
gnroux : les anciens et les modernes en rap-
portent grand nombre d'histoires qui pas-
saient, dans l'esprit de M. Ouftc. pour in-j
contestables. 11 ne doutait point qu'il n'y eût'
des familles entières, oii il y a ait toujours
quelqu'un qui devenait loup-garou ; qu'on
le devenait aussi quelquefois en mangeant
les entrailles dun enfant s.icrifié. 1! croyait
encore fermement qu'on pouvait se changer
en chat, en cheval, en arbre, en bauî. e:i
vipère, en mouche, en vache ; enfin indiffé-
remment en toutes sortes de formes.
11 croyait avec la même certitude qu'il n'é-
tait pas difficile de faire ce changement sur
d'autres ; que l'on pouvait changer , par
exemple, un marchand de vin en grenouille.
11 ne trouvait aucune difficulté à ces trans-
mutations , parce qu'il avait lu qu'elles
avaient été exécutées. Il croyait que des
roses pouvaient rendre la première forme
à ceux qui avaient subi ces transforma-
tions.
Un des jours de carnaval, M. Oufie donna
à souper à toute sa famille et à quelques-
uns de ses amis. On y mangea abondam-
ment , on y but de même ; car il ne laissait
pas d'aimer la bonne chère et la joie, à con-
dition pourtant qu'on ne renverserait point
de salière , qu'on ne mettrait point do cou-
teaux en croix, qu'on ne serait point treize
à table. 11 mit ce soir-là tout le monde en
train : pour exciter à boire, il portait conti-
nuellement des santés , satisfaisait à celles
qu'on lui portait ; de sorte qu'il prit plus de
vin que sa tête n'en pouvait porter.
Après le repas tous se retirèrent très-con-
tents les uns des autres. M. Oufie fil de son
mieux les honneurs du départ de ses hôtes,
al gagna ensuite sa chambre. Sansugue,
aussitôt qu'il fut rentré chez lui , prit un de
ses habits de masque , dont il avait grand
nombre, et alla courir le bal avec d'autres
jeunes gens qui l'attendaient.
Mais à peine .M. Oufie se fut-il retiré, qu'il
lui prit une de ces inquiétudes qui ne per-
mettent pas que l'on reste en place , sans
qu'on puisse dire pourquoi on se met en
mouvement. Après s'être promené quelque
temps dans sa chambre , il en sort, et cela
seulement pour en sortir; il monte un es-
calier; passant devant l'appartement de S.in-
sugue, qu'il trouve ouvert , il y entre , ou
pour savoir s'il y était, ou pour jaser avec
lui. N'y trouvant personne, mais seulement
les habits de masque que son fils avait ou-
blié de serrer, il en remarqua un fait exprès
pour se déguiser en ours; il le considéra
attentivement. 11 était fait de peaux d'ours
avec leur poil, cousues de manière qu'elles
donnaient, depuis la tétc jusqu'aux pieds, l<>
ressemblance de cet animal à celui qui eik
était couvert. Après l'avoir retourné , il lui
vint dans l'osprii de s'en servir pour l'aire
une plaisanterie à sa femme. Celle plaisan-
terie était de vélir cet habit, et ensuite do
lui aller faire peur. On ne peut croire com-
bien il s'applaudissait à lui-même d'avoir
imaginé celle gaillarde supercherie. Mais son
idéeeut un succès différent décelai (ju'il s'en
promettait.
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DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTKS.
240
11 prit donc cet habit , l'emporta dans sa
chambre, s'en couvrit, cl puis alla Irès-dou-
cemcnt vers l'appartement de sa femme, pour
y jouer le rôle que l'occasion et son imagina-
lion lui avaient fait inventer. Comme il était
près de commencer la scène , il entendit du
bruit, et reconnut que la femme de chambre
de madame Oufle était encore avec elle. Ce
contre-temps le chagrina ; cependant il ne
quitta point son dessein , il retourna sur ses
pas et rentra chez lui . pour y aUendre que
cette fille fût partie , afin de faire plus sûre-
ment son coup ; et pour s'anmser et se
désennuyer, après s'être assis devant le feu,
il prit sur une table le premier livre qui se
trouva sous sa main : c'était la Démonoma'
nie de Bodin : il l'ouvre, et tombe par hasard
sur un endroit qui traitait des loups-garoux.
il passa environ une demi-heure djns cette
lecture et dans celle de quelques autres su-
jets analogues. Enfin, le vin, le feu et la si-
tuation tranquille où i! était, l'assoupirent et
le plongèrent insen>iblemcnt dans un som-
meil si profond , qu'il ne songeait plus à ce
qu'il avait fait, ni à ce qu'il avait résolu de faire.
Madame Oufie, qui n'avait aucun soupçon
'de ce qu'on machinait contre elle, ne man-
qua pas, comme on juge bien, de se coucher,
et de dormir de son côlé aussi trauquillement
^uc son mari.
La femme de chambre , dont on vient de
parler, avait son logement au-dessus de
l'appartement de M. Oufle ; comme elle s'é-
tait peut-être trop ressentie de la fête à la
seconde table , ou qu'elle ne se souciait pas
de respecter le sommeil de son maître , ou
par un hasard tout à fait imprévu , un vase
qu'elle tenait à la main tomba par terre et fil
si grand bruit, que M. Oufle en fut éveillé en
sursaut. Il se lève tout troublé de dessus sa
chaire ; et comme il se trouvait vis-à-vis la
<;heminée, sur laquelle il y avait une glace, il
se vit dans cette glace avec l'habit d'ours dont
il était revêtu. Et ainsi, le vin et le feu qui
lui avaient échauffé la tête, son sommeil in-
terrompu si subitement , l'habit qu'il se
voyait sur le corps , tout cela joint avec la
leciure qu'il venait de faire , lui causa un tel
bouleversement dans la cervelle, qu'il se crut
être véritablement, non pas un ours, mais un
loup-garou. Ce bou'everscment était si fort,
qu'il avait entièrement détruit la mémoire de
l'endroit OÙ il avait trouvé l'habit ; et de l'u-
sago qu'il avait projeté d'en faire ; il ne lui
resta que l'idée de sa prétendue transmuta-
lion en loup , avec le dessein d'aller courir
les rues, d'y hurler de son mieux , d'y mor-
dre, et de mettre en pratique tout ce qu'il
avait ou'i dire que les loups-garoux avaient
coutume de faire. Il part donc sans différer,
sort dans la rue, et commence à hurler d'une
manière ( ffroyable.
Il est bon de faire remarquer que c'était un
homme grand , gros , robuste , bien empoi-
trailié, et dont la voix était naturellement
haute , ferme et tonnante. La poussant pen-
dant la nuit aussi loin qu'elle pouvait aller ,
avec 1rs tons effroyables qui accompagnent
d'ordinaire les hurlements , on ne doit pas
douter que quand il hurlait il n'erTrayât Ions
ceux qui l'entendaient. En effet , il en fit la
première expérience sur une sérénade qui
bruissait dans la première rue qu'il parcou-
rut. Quand les musiciens entendirent un des
hurlements de M. Oufle, la terreur que leur
inspira cette horrible symphonie, à laquelle
ils ne s'attendaient pas, glaça leur sang de
telle sorte que, demeurant immobiles, ils
firent tous en même temps une pause. Ils
écoutèrent pour connaître d'où pouvait
venir une voix si extraordinaire ; le loup-
garou se mit à hurler encore plus fort, et
s'approcha d'eux, ils le prirent tous pour ce
qu'il pensait être lui-même, et s'enfuirent
ide toutes leurs forces.
En ce moment quatre jeunes gens, qui de-
puis peu de temps étaient délivrés de la vie
gênante des collèges, sortant du cabaret, où
ils avaient vidé plus de bouteilles que Irurs
petites têtes n'étaient capables d'en porter ,
venaient d'imaginer un projet qui leur pa-
raissait héro'ique. C'était de se donner de
grands mouvements, pour arracher les cor-
des dis sonnettes , pour ôter les marteaux
des portes ; ou , «"ils n'en pouvaient venir à
bout , de sonner , de heurter de toutes leurs
forces, de déranger les bornes, de briser les
sièges de pierre , de brouiller des serrures ,
et de faire d'autres actions aussi dignes de
leur courage et de leur valeur. Quand ils
avaient arraché le marteau d'une porte , ils
auraient hardiment fait assaut de gloire avec
les généraux d'armée les plus sages et les
plus intrépides , tant ils étaient pénétrés de
leur mérite.
Lesoirdoncquenotreloup-garou faisait des
siennes, ces guerriers nocturnes et vineux fai-
saient aussi des leurs, et comme ils se rendaient
compte les uns aux autres de leurs faits et
gestes , et qu'ils on montraient les marques
et les preuves, M. Oufle, que son chemin con-
duisait à eux, se mit à hurler. Nos héros de
bouteille, devenus plussagcs, ou plus timides,
songent à reculer à mesure que la bête s'ap-
pruehait d'eux ; et comme elle continuait de
venir à grands pas de leur côté, et que la peur la
leur fil paraître avec des dents d'une lon-
gueur effroyable, ils prirent le parii de la
fuite, bien résolus de courir si fort qu'elle ne
pourrait pas les atleindre.
Après avoir parcouru quelques rues, M.
Oufle s'arrêta, apparemment pour se reposer
devant une maison , où plusieurs personnes
jouaient gros jeu. Je ne sais par quelle fan-
taisie il s'obslina à hurler plus fort et plussou'
vent qu'il n'avail encore fait: un coup n'atten-
dait presque pas l'autre, tant ses hurlements
étaient promplemenl répétés. Les joueurs
l'entendirent ; ceux qui perdaient parurent
n'y laire pas grande attention ; ceux qui ga-
gnaient furent plus inquiets et plus troublés.
Un de» joueurs sort l'épéo à la main , afin de
chasser le loup-garou ; mais dès qu'il le vil
dans la rue , la frayeur le saisit ; il rentre ,
ferme la porte avec tous les verroux qu'il
peut trouver, souhaitant même pour sa sû-
reté qu'il y en eût encore davantage. ; il se
liul quelque temps sur l'escalier pour rap-
VA
Bon
peler ses esprits, et ne paraître pas si effrayé.
Heureusement pour lui ,M. OuHe prit parti
ailleurs. On ne tombera point dans une
description exacte de toutes les frayeurs qu'il
(il cette nuit-là en qualité de loup-garou ; on
p.isse sous silence les petites aventures pour
s'arrêter seulement à une de plus grande
importance que voici.
Un homme de considération courant la
poste dans une chaise, étant escorté de deux
cavaliers qui couraient avec lui, trouva dans
son passage le loup-garou. Les chev.iux re-
culent si promptement, et se cabrent de telle
sorte , qu'ils renversent les cavaliers par
terre. L'homme de la chaise voyant la bête ,
sort avec précipitation : le loup se jette tan-
tôt sur l'un , tantôt sur l'autre , puis sur les
chevaux , sans leur faire pourtant d'autre
mal que de la peur. Après les avoir houspil-
lés à son aise (car ils étaient si effrayés que
pas un n'eut le courage de se défendre) , il
se met à hurler, comme s'il eût voulu chan-
ter la victoire qu'il venait de remporter. Les
chevaux cependant prennent le mors aux
dents et s'enfuient avec tant de légèreté ,
même ceux qui traînaient la chaise, qu'on
aurait cru qu'ils sortaient de l'écurie, et qu'il
y avait plus d'un mois qu'ils n'avaient mar-
ché. Les hommes de leur côté ne furent pas
moins diligents à courir, et M. Oufle à les
suivre. EiiGn ils se jettent lousdans une allée
qu'ils trouvèrent ouverte, et ferment la
porte sur eux. Le loup, qui n'avait pu entrer
avec eux dans cette allée, hurle plusieurs
fois de toutes ses forces ; une infinité de télés
en bonnet et en cornettes de nuit paraissent
aux fenêtres, avec des bras avancés dehors,
tenant une chandelle pour voir ce qui cau-
sait un aussi grand fracas ; mais toutes ces
têtes se retirent bien vile; et malheureuse-
ment une se trouva prise sous un châssis qui
tomba, parte que celui qui l'avait levé ne
s'était pas donné le temps de l'arrêter. Cette
pauvre lête criait épouvantablement, et au-
tant que le patient pouvait pousser d'air pour
respirer ; le loup-garuu répondait à cette
voix plaintive par des hurlements; ce qui
faisait la plus horrible musique du monde ;
on n'avait jamais entendu un pareil duo. Per-
sonne n'osait plus ouvrir sa (enctre et regar-
der dans la rue, parce qu'entendant les cris
de ce voisin affligé, on croyait que c'était la
bête qui avait grimpé, et qui le tenait à la
gorge. Par bonheur, le valet de celle tôle,
Uonl le cou était à moitié étranglé, étant entré
dans la chambre, voit son maître dans telle
d.>ulourcuse situation , lève promptement le
châssis et le délivre du supplice que lui avait
causé sa curiosité funeste.
Que de bruits se répandirent pendant plu-
sieurs jours au sujet de ce loup-garou! que
le contes on en Otl comme il avait parcouru
presque toute la ville , il avait été entendu
par une infmilé de gens, dont la plupart fu-
rent plus que jamais persuadés qu'il y avait
véritablement des loups-garoux. On ne peut
croire combien on fil de fausses histoires à
cette occasion. Ceux qui n'avaient pas osé
ouvrir leurs fenêtres pour le voir étaient des
BOH Ui
premiers à assurer qu'ils l'avaient vu, traî- f
nant des chaînes d'une grosseur el d'une lon-
gueur prodigieuses, el si grand que sa tête-
atteignait presque jusqu'aux premiers éta-
ges ; car, comme dit le proverbe, on n'a ja-
mais vu de petit loupj on veut toujours per-
suader que ceux que l'on trouve sont d'une
grandeur démesurée, et cela apparemment ,
parte que l'on proportionne son étendue à
celle de la crainte que l'on a. D'aulres assu-
raient qu'on lui avait cou[)é une patte en se
défendant contre ses violences ; que, comme
c'était un sorcier changé en loup, on l'avait
le lendemain trouvé dans son lit, sans main,
et qu'on lui allait faire son procès. M avait
dévoré la tête d'une fille de dix-huit ans,
prêle à se marier ; son futur, après avoir
donné plusieurs coups d'épée au loup , était
tombé mort de douleur sur la place. Dans utt
autre quartier, on faisait des lamentations
sur un ecclésiastique qui, étant en chemin
pour assister un mourant, avait été obligé de
s'en retourner chez lui , parce que le loup
l'avait poursuivi ; de sorte que le malade
était mort sans secours. Selon quelques-
uns, un courrier avait été arraché de dessus
son cheval, el sa valise avec toutes ses let-
tres avaient été déchirées par cette furieuse
bêle. Il y en avait encore qui proteslaient
pour l'avoir ouï dire par des gens très-dignes
de foi, que le loup-garou était entré dans un
bal, qu'il y avait dansé , et qu'ensuite il s'é-
tait jeté sur plusieurs femmes dont il avait
déchiré le visage. D'aulres niaient qu'on eût
blessé le loup-garou , prétendant que ces
sortes de sorciers sont invulnérables. On
voulait encore qu'il eût couru plusieurs nuits
de suite. Enfin chaque rue avait son histoire.
La vérité est que M. Oufle fut ramassé enfin
par une patrouille qui le ramena chez lui.
Visions et terreurs de M. Oufle.
M. Oufle, l'esprit toujours rempli de dia-
bles el de diableries, s'était imaginé que les
diables le suivaient partout cl lui apparais-
saient sous je ne sais combien de formes dif-
férentes.
En conséquence, ayantpris dessein de faire
faire des tablettes magnifiques, pour y placer
dignement les livres sur la démonomanie dont
la lecture faisait sa principale elsa plus agréa-
ble occupation, il envoya quérir un menui-
sier des plus habiles de sa profession, pour
lui exposer son dessein et le lui faire exécu-
ter. Gel homme vint le trouver sur-le-champ,
il était suivi d'un gros chien barbet; ce qui
n'est pas extraordinaire; la plupart des ar-
tisans se font une coutume de nourrir des
chiens pour leur amusement.
Le menuisier étant entré dans le cabinet
de M. OuHe, celui-ci jetant plutôt la vue sur
le chien que sur le maître, parut d'abord
tout stupéfié et comme immobile. 11 fut long-
temps sans parler, mais ayant toujours la
vue allachée sur le chien. L'ouvrier ne sa-
vait que penser du silence profond, de l'é-
loniiement et de l'immobilité de celui qui l'a-
vait envoyé chercher avec tant d'empresse-
ment, qu'il semblait que difficilemeut pou
243
DlCïlONNAMîE DES 8CIKNCES OCCllLTKS.
U'é
vail-il arrirer nssoz lot pour sa salisfaclion.
Il lui demanda enfin co qu'il souhaitait de
son service. Point de réponse; on ne parlait
que des yeux, encore n'était-ce qu'au chien.
Le menuisier s'impalienlant enfin de voir une
taciturnilé si obstinée :
— Est-ce , lui dit-il, monsieur, que vous
m'avez fait venir seulement pour regarder
mon chien? Vous n'aviez qu'à me le de nan-
der,je n'aurais pas pris la peine de venir;
je vous l'aurais envoyé avec la liberté de le
regarder à votre aise, tant que vous auriez
voulu, sans qu'il vous en eût coûté un
sou.
M. Oufle, qui n'avait regardé avec tant
d'attention ce chien, que parce qu'il lui était
venu dans l'esprit, par le ressouvenir de ses
lectures (1', que ce pauvre animal était un
diable, et qu'il se croyait en quelque manière
insulté par l'artisan, rompit enfin le silence,
en élevant la voix avec fureur, pour lui dire
qu'il était un magicien, qui lui amenait un
démon pour le tourmenter et mettre le dés-
ordre chez lui.
Jamais surprise ne fut pareille à celle du
menuisier. Comme il ne connaissait pas la
foiie de ce pauvre homme, il repoussa ce re-
proche par un ton de voix qui n'était pas
moins élevé que celui dont on venait de se
servir.
M. Oufle répliqua avec le même emporte-
ment, mais cependant n'ôtant point du tout
sa vue de dessus le chien, tant il craignait
qu'il ne l'attaquât et le mît en pièces.
Lechiendesou côté, qui semblait entendre
finesse, et connaître ce qu'on s'imaginait de
lui, se tenait à côté de son maître, la tête
alerte et élevée, regardait M. Oufle avec au-
tant d'attention qu'il en était regardé. On au-
rait dit, à le voir, qu'il était émerveillé de
l'extravagance qu'on faisait paraître à son
occasion.
Ces deux hommes cependant s'animaient si
fort l'un contre l'autre, qu'ils semblaient en-
Irerdansuneprochaine disposition de ne s'en
pastynir à des paroles, pourmarquerleurres-
sentimenl. En effet, M. Oufle s'approcha du
menuisier, et le poussa rudement pour le
chasser de chez lui. Le barbet se mit à aboyer
d'une grande force, témoignant à son maître
qu'il était prêt à le bien défendre ; de sorte
que M. Oufle menaçant avec fureur le me-
nuisier, le menuisier répondant aux mena-
ces sur le même ton, et le chien aboyant
sans relâche, il se faisait un vacarme épou-
vantable dans cette chambre.
Camèle qui entendit tous ces différents
cris, vint à la porte pour mieux connaître C3
qui se passait; mais croyant qu'on égorgeait
son père, et n'ayant pas assez de hardiesse
pour entrer, elle appelle au secours sa sœur
Ruzine et le valet Mornand , parce qu'ils
étaient plus à portée que les autres pour
l'entendre. Ils montent avec précipitation ; ils
la trouvent presque évanouie de frayeur; et
(1) Zoroasire , par forme d'énigme , disait que les
cliiens se monlrcnt souvent b ceux qui se dépouillent de la
7iiorlalilé, c'est-à-dire, les dijliles, à ceux qui sont près
de mourir, ou aux gens de bien, (jui abandonnant le
comme ils entendent le même bruit qui l'a-
vait épouvantée, ils ouvrent la porte avec
une telle violence que les trois couibaltants
en furent eux-mêmes effrayés.
M. Oufle leur crie aussitôt, en montrant le
chien, qu'ils se donnassent bien de garde de
l'approcher, parce que c'était un diable.
L'artisan se tourmente pour leur prouver
que ce n'était point un diable, m.iis un chien,
un chien véritable, un chien fait comme les
autres, qu'il l'a élevé fort petit, et qu'il y a
plus de trois ans qu'il mange de son pain,
sans qu'il ait paru qu'il y eût la moindre dia-
blerie dans sa conduite.
Le chien n'aboyait plus, il ne disait pas
un mot, comme s'il eût voulu donner à son
maître tout le temps qui lui était nécessaire,
pour détruire l'atroce médisance qu'on faisait
de lui, et pour bien entendre un éloge qu'il
croyait mériter. Mais M. Oufle soutenait tou-
jours, sans en vouloir démordre, que c'était
un vrai diable qui avait pris la forme d'un
chien.
Ruzine fit signe au menuisier de se taire,
lui dit tout bas que son père haïssait tant les
chiens, qu'il ne pouvait pas plus les souffrir
que des démous, et enfin l'engagea à se reti-
rer sans bruit.
Camèle, qui crut que ce chien était vérita-
blement un diable, parce que son père l'avait
dit, et que Mornand paraissait le croire;, alla
tout effarée trouver sa mère, et l'assurer qu'un
magicien déguisé en menuisier, avait amené
chez son père un diable sous la forme d'un
(bien d'une laideur effroyable, et qui faisait
des cris horribles.
Madame Oufle jugea bien que cette histoire
n'était que l'effet d'une imagination exaltée.
Elle se la fit conter par Ruzine et Mornand ;
et ils ne manquèrent pas de la confirmer
dans le jugement qu'elle avait fait. On laissa
M. Oufle en repos, quelque envie qu'on eût
de raisonner avec lui pour le tirer de son er-
reur ; comme on avait souvint expérimenté
qu'on ne gagnait rien sur son esprit, on
aima mieux ne lui en point parler. Camèle,
de son côté, après que sa mère lui eut parlé,
ne crut plus que ce chien était un diable;
car la bonne fille croyait et décroyait avec
une égale facilité.
Le menuisier ne manqua pas de raconter
celte bizarre avenlure; elle devint si publi-
que que presque tout le monde en parlait
dans la ville. Pour peu qu'on en vît quelqu'un
qui eût une mauvaise physionomie, on s'ima-
ginait y trouver quelques traits des malins
esprits (car le vulgaire a de la peine à se
persuader que les diables n'aient pas des
corps visibles et sensibles en différentes ma-
nières); et cela est si vrai, qu'il y eut bien
dos femmes qui ne souffraient plus qu'avec
une certaine répugnance des chiens qu'elles
avaient tendrement aimés.
Si un chien s'avisait de hurler la nuit, c'é-
tait pour elles un loup-garou, uu démou
monde, sn retirent dans la solitude.
P.ir le nom de chiens, les démons étaient queViucfois
(iésignés ; et même en la magie de Zoroasti e, ils scat ap-
pcli'S cliicns terrestres.
2*5
tiOR
BOR
24(!
que quelque magicien envoyait courir les
rues, pour maltraiter les passants, ou tordie
le cou à ceux qui seraient assez iiiiprudenls
pour regarder par la fenêtre. Il y eut plu-
sieurs personnes qui n'approchiiient du
ichiiMi du menuisier qu'avec crainle, et qui
pr( naient autant de précautions eu le voyant
que s'ils avaient vu !e diable.
M. Oufle se persuada encore, parce qu'il
l'avait lu, que parmi les pourceaux, il y en
avait beaucoup qui étaient de vrais diables,
quand il en voyait un, il frémissait d'hor-
reur. Pendant tout le temps que durèrent
ces imaginations, il ne voulut point manger
delà chair de ces animaux, quoique aupa-
vanl elle fût fort de son goût.
Leur épouvantable figure, disait-il, n'est-
clle pas véritablement diabolique?Leurs cris
sonl-ils moins effroyables que ceux des diables
qui tourmentent les damnés dans les enfers?
N'avons-nous pas vu souvent dans des spec-
tacles les diables armés de vessies de cochon
tendues et enflées dont ils se servaient pour
battre et pour faire peur? Le plaisir que ces
animaux prennent à se plonger dans l'or-
dure, n'est-ce pas parce que le diable
n'aime rien tant que la vileniecl l'impureté?
Toute puanteur était pour lui une preuve
de la présence de quelque démon; et quand
il satisfaisait à ses indispensables nécessilés
naturelles, il élait dans de continuelles alar-
mes, tant il craignait que quelque diable,
habitant selon lui du lieu où il était, ne pro-
filât de sa silualion pour le tourmenter.
Aussi n'y restait-il que le moins de temps
qu'il pouvait, et n'y allait-il que quand il ne
lui était plus possible de s'en défendre.
En même temps, rien n'égalait la frayeur
qu'il avait des mouches; il prétendait encore
que le diable apparaissait souvent sous la
forme de ces insectes; il ne voulait souffrir
aucun fruit sur sa table, de peur qu'il ne les
atlirâl. Quelqu'un lui en ayant fait considé-
rer une dans un microscope, quand il vit ses
cornes, sa trompe, ses yeux de couleur de
pourpre, ses jambes velues, les pinces de ses
pieds, enfin tout son corps ensemble, repré-
sentant une figure qui paraissait d'autant
plus hideuse qu'il ne s'était jamais persuadé
qu'elle fût telle qu'il la voyait, il la trouva
• rès-propre pour devenir la demeure d'un
diable. Il avait la même opinion des papil-
lons; et malheur à ceux qui se trouvaient à
sa portée : il ne les épargnait pas.
Il se défiait encore des enfants que por-
taient les gueux, pour exciter les passanis à
leur faire des aumônes. Une histoire rappor-
tée dans un de ses livres, où l'on veut per-
suader que le diable était un jour sous la
figure d'un de ces enfants, lui donnait celte
défiance. C'est pour la même raison qu'il
était fort circonspect quand il prenait un
valet ou une servante à son service; il en
faisait aupara^'ant plusieurs exactes infor-
mations, afin qu'étant bien instruit de leur
conduite, il ne se mît point en danger do se
faire servir par quelque démon.
Si quelqu'un qui ne le connaissait point
l'appelait par son nom, un soupçon de dia-
blerie s'emparait aussitôt de son esprit; il
prétendait encore être autorisé en cela par
des exemples.
Il se lassa enfin de ces prétendues perse,
cutions. Ses livres vinrent à son secours,
pour le garantir des tourments qu'il crai-
gnait du pouvoir et des artifices de ces mau-
vais esprits.
La première ressource dont il s'avisa est
celle qu'on attribue à la racine baaras, qu'on
assure avoir la vertu de chasser les mauvais
esprits. 11 ne la mit pourtant pas en usage,
car il lui fut impossible de la trouver. Les
herboristes, loin de la lui fournir, ne la con-
naissaient point du tout et n'en savaient pas
même le nom. C'est peut-être qu'elle n'a
point eu d'autre existence que dans les livres
qui en ont parlé; aussi bien qu'une certaine
pierre qui se trouve, dit-on, dans le Nil, et
qu'il souhaitait extrêmement avoir pour le
même sujet. Quoi (\u'\\ en soit, il s'en consola
d'autant plus aisément, qu'il avait, disait-il,
en lui-même des moyens qui ne lui pou-
vaient pas manquer pour arriver à ses fins.
Le premier, c'était de se servir d'une épée :
ses lectures lui ayant appris qu'il n'y a rien
que les diables craignent tant que des épéos
dég;aîuées et mises en mouvement. Non con-
tent de celle qu'il avait, parce que ce n'était
que ce qu'on appelle un petit couteau, il en
acheta de longues, larges, et de la meilleure
trempe. De temps en temps il en faisait dans
sa maison un exercice qui étonnait singu-
lièrement ceux qui le rencontraient dans ce
manège; et afin d'être plus sûr de remporter
de si belles victoires, il mettait à sou doigt
un gros diamant avant que d'armer sa m;:iu
d'une épée. La raison de cette précaution,
c'est qu'un de ses auteurs l'avait assuré que
les démons trouvent les diamants insuppor-
tables. 11 ajouta aux épées et au diamant,
toujours par le conseil de ses livres, plu-
sieurs coqs qu'il fit élever et nourrir dans sa
maison, sans dire à personne pourquoi il
s'était avisé de faire une telle ménagerie. M:iis
sa femme, voyant chez elle tant de coqs inuti-
les, s'avisa aussi de son côté, comme une
bonne ménagère, de leur donner plusieurs
poules, afin de se dédommager du bruit que
faisaient les coqs, par l'utilité qu'elle pour-
rait tirer des poules. Ce mélange, que
M. Oulle voulut bien souffrir parce qu'il ne
pouvait l'empêcher sans donner par sa ré-
sistance occasion à quelques troubles dans
sa famille, l'inquiéta pourtant.
Afin donc qu'il n'eût point sujet de se re-
procher d'avoir rien négligé des instructions
que lui donnait sa bibliothèciue, pour empê-
cher les démons de le tourmenter et de lui
apparaître, il mit encore en usage tout ce
qu'il put apprendre. Il eut sur lui de l'herbo
qu'on appelle armoise; il se servit de celle
que l'on nomme verveine; il chercha deux
cœurs de vautour, qu'il porta l'un lié avec
un poil de lion, l'autre avec un poil de loup ;
il fit faire une image qui représentait deux
têtes, l'une d'un homme qui regardait en
dedans, cl l'autre d'une femme qui regardait
en dehors; il se tint le plus gai qu'il put.
-*'' DICTIONNAIRE DES
^"n que la méhiucolie ne donnât aucune en-
trée aux démons, comme on en menace ceux
qui s'abandonnent à la tristesse; et pour
surcroît, ou plutôt, selon lui, pour consoni-
iniilion l'I perleclion de remèdes à ses inquié-
tudes, le tonnerre étant tombé dans la cour
de sa maison, il se ressouvint d'une opinion
bizarre de certains peuples, et crut avec eux
que le ciel avait banni pour toujours les
diables de cbez lui. Il se trouva, par la force
de son imagination, délivré de la crainte des
apparitions des mauvais esprits. Les cliicns,
les pourceaux, les mouches, les papillons,
les lieux puants, etc., ne furent plus pour lui
lies sujets de trouble, d'agitations etd'inquié-
tud s. Mais il n'en fut pas pour cela plus
tranquille; car de ces terreurs il passa à
d'autres qui n'étaient pas moins virus.
Jamais homme ne fut plus tourmenté que
lui de tout ce qui est du ressort des sortiié-
pes et enchanlemcnts. Ses meilleurs amis
l'inquiétaient; les personnes qu'il n'avait
pas coutume de voir, et qui avaient un exté-
rieur extraordinaire ou qui montraient quel-
que difformité étrange, le jetaient dans de si
grandes défiances , qu'il se tenait en garde
avec autant de circonspiction que s'il avait
eu à soutenir un violent combat contre de
cruels ennemis. Si on le heurtait par hasard,
si on lui frappait sur l'épaule, il rendait sur-
le-champ la pareille, sans ménager aucune
bienséance ; si on le regardait Gxement , il
fuyait avec autant de vitesse que si des dards
avaient dû partir des jeux qui étaient fixés
sur lui. Malheur à ceux qui lui faisaient
quelque grimace; ils risquaient d'être aussi
sévèrement traités que s'ils avaient voulu lui
arracher la vie. Lui envoyer un présent,
c'était lui donner un sujet d'inquiétude, tant
il craignait qu'il ne fût accompagné de quel-
que sortilège.
Ayant appris qu'un sorcier avait maléOcié
lu pain qu'un boulang(:r mettait dans son
four, il se mit dans l'esprit que tout le pain
qui n'était pas très-blanc, pouvait avoir été
sujet au même inconvénient ; car, disaiuil,
le noir est la couleur fivorite des sorciers :
c'est avec des robes noires que les magiciens
paraissent; les diables sont toujours repré-
sentés noirs.
S'il entendait prononcer par quelqu'un
ce mot : frappe , frappe , son expériencis lui
disait que dans ce moment quehjue homme
mourait de mort violente , ou qu'il arrivait
alors quelque aventure tragique.
La flûte était dans son opinion un instru-
ment véritablement magique. Aussitôt qu'il
en entendait jouer, on le voyait aussi ému
que si l'on avait voulu l'arruclier du lieu où
il était pour le transporter à mille lieues de
là et le faire entièrement disparaître.
Si un homme portait une écharpe , il ju-
geait d'abord que c'était dans le dessein de
s'en servir, au lieu de navire, pour passer
les mers.
11 no voulut jamais permettre qu'on fît
son portraH, de crainte qu'on ne s'en servît
pour tourmenter et faire mourir l'original.
Uien n'égale la frayeur qu'il eut un jour
SCILNCES OCCrLTES.
:>43
dans une rue, se trouvant au passage d'un
lioiHuie qui bâilla de toute l'étemluo de sa
bouche, qui était fort grande. M. Oufle se re-
cula plus de trois pas en arrière : voyant cet
étrange bâilleur, il crut que c'était un sorcier
qui l'allail avaler tout vif. Et, s'il arriv(> que
les lecteurs se moquent de celte ap[)réhen-
sion ; qu'ils se moquent donc aussi des au-
teurs qui la lui ont suggérée.
On sait (et je ne doute pas que le lecteur
ne l'ail quelquefois éprouvé ) qu'il y a des
gens qui , en parlant , éclaboussent souvent
de leur salive ceux ((ui les écoutent, s'appro-
cliant d'eux le plus près qu'ils peuvent. C'est
une impolitesse des plus incommodes et des
plus condamnables; c'est de plus une mal-
propreté. M. Oulle évitait autant qu'il pou-
vait ces maussades; mais c'était bien moins
par aversion pour leur importunité que parce
qu'il se croyait averti par ses lectures qu'ils
pouvaient être des sorciers, et sorciers d'au tant
plus dangereux qu'il était à craindre, comme
il pensait, qu'ils ne fissent mourir leurs au-
diteurs en leur crachant ainsi au visage.
Un homme à larges manches l'étant venu
voir pour une affaire importante et sur la-
quelle on avait fait depuis plusieurs jours de
grands mouvements, fut obligé "de le quitter
sans avoir pu li; faire discourir sur ce dont
il s'agissait. M. Oufle eut sans cesse les yeux
attachés sur les manches de cet homme, pour
voir s'il n'en sortirait point du feu, et s'il n'y
entendrait point gronder le tonnerre.
Un chien qui tenait un grand os dans sa
gueule , passait devant sa maison dans lo
temps qu'il en sortait; il le regarde et le suit,
redoublant ses pas de toute sa force, et cou-
rant même quelquefois afin de ne pas le per-
dre de vue. Le chien , qui se voyait ainsi
suivi, se retournait de temps en temps, gron-
d int comme il aurait fait si un autre chien
avait paru vouloir lui arracher sa proie, ou
du moins en avoir sa part. M. Oufle s'arrêtait
quand le chien s'arrêtait; et celui-ci, à cha-
que pas qu'il faisait , regardait son specta-
teur du coin de l'œil, dans la crainte où il
était d'en recevoir quelque supercherie. En-
fin il entra chez son maître, et notre hoamie,
après être resté près d'une heure à la porte,
ne le voyant plus paraître , jugea qu'il ap-
partenait à quelqu'un de celte maison. Il s'in-
forma du voisinage , et sut que c'était lo
chien d'un savant, logé dans une qualrièmo
chambre sur le derrière , qui avait donné
plusieurs ouvrages au public, et que presque
tous les jours cet animal allait parla ville,
et revenait d'ordinaire la gueule pleine de
quelque os ou de quelques bribes dont il se
nourrissait. M. Oufle secoua la tête, ne dou-
tant point que le savant ne lût un m.igicien,
et (]u'il se servait des os que son chien allait
clieriher, pour lui servir de voiture quand il
aurait des voyages à faire sur mer. Non-
seulement .M. Oufle , mais encore les démo-
ni>graphes assurenlqu'on ne manque <le rien,
qu'on vient à bout de tout, pourvu qu'on ait
un sorcier à sa disposilio!), pourvu qu'on sa-
che les pouvoirs de la magie et qu'on c?)
veuille faire usage.
249 BOR
Le livre de Lnurciil Bordciun est tcnniné
pnr une descri|itioii du sabbat. Ou lu trou-
Tcra ici plus complèlo. Voy. Sabbat.
BOUDI ou AL-BOKDI, inonl;igiie qui, se-
lon les Perses, est l'œuf de la terre; il» disent
qu'aille étiiil d'abord Irès-pclite, qu'elle gros-
sit au commencement, produisit le monde et
s'accrut tellement, qu'elle supporie aujour-
d'hui le soleil sur sa cime. Ils la pincent au
milieu de notre globe. Us disent encore qu'au
bas de cette montagne rounnillcnt quantité
de dives ou mauvais génies; et qu'au-des-
sous est un pont où les âiue-i passent pour
aller dans l'autre monde, après qu'elles ont
rendu compte de ce qu'elles ont fait dans
celui-ci.
BORGIA (CÉSAii). On lui attribue l'honneur
d'avoir eu un démon familier.
BOHRI (Joseph-François), imposteur et
alchimiste du dis-septième siècle, né à Milan
en 1627. Il débuta par des actions qui l'obli-
gèreni à chercher refiif;e dans une église
jouissant du droit d'asile. Il parut depuis
changer de conduite ; puis il se dit inspiré
du ciel, et prétendit que Dieu l'avait choisi
pour reformer les hommes et pour rétablir
son règne ici-bas. Il ne devait y avoir, disait-
il, qu'une seule religion soumise au pape, à
qui il fallait désarmée-, dont lui. Bori'i, serait
le chef, pour exterminer tous les non c.aîjo-
liques. Il montrait une épée iiiiraculenso que
saint Michel lui avait donnée; il dirait avoir
vu dans le ciel une palme iuaiineuse <|u'on
lui reservait.il soutenait que la sainte Vierge
était de nature divine, conçue par inspira-
lion, égale à son Qls et présente comme lui
dans l'eucharistie, que le Saint-Esprit s'était
incarné dans elle, que la seconde et la troi-
sième personne de la Trinité sont inférieures
au Père, que la chute de Lucifer entraîna
celle d'un grand nombre d'anges qui habi-
taient les régions de l'air. Il disait que c'est
par le ministère de ces anges rebelles que
Dieu a créé le monde et animé les brutes,
mais que les hommes ont une âme divine;
que Dieu nous a faits malgré lui, etc. H finit
par se dire lui-même le Saint-Esprit in-
carné.
Il fut arrêté après la mort d Innocent X,
et. le 3 janvier 1661, condamné comme héré-
tique et comme coupable de plusieurs mé-
faiis. Mais il parvint à fuir dans le nord, et il
Ht dépenser beaucoup d'argent à la reine
Christine, en lui promettant la pierre philo-
sophale. Il ne lui découvrit cependant pas
ses secrets. Il voulait passer en Turquie,
lorsqu'il fut arrêté de nouveau dans un pe-
tit village comme conspirateur. Le nonce du
pape le réclama, et il fut conduit à Kome, où
il mourut en prison le 10 août 1G93.
11 est l'auteur d'un livre intitulé: La Clef
du cabinet du chevalier Burri, où l'on trouve
diverses lettres scientifi(jues, chimujues et très-
curieuses, ainsi que des instructions potili-
■' ques, autres choses dijnes de curiosité, et beau-
* coup de beaux secrets. Genève, l(i81, petit
(l) La Cliiavedel gabinelto del cavagliere G. F. Borri,
col lavor délia qiiiile si veiloiio varie lelteie sdeiiUlice,
lUwice. t cunOiiisi.ue, cuu \arie inslruïioui iiolilicUe, ej
«OU
sro
in-12 (1). Ce livre est un recueil de dix let-
tres, dont les deux premières roulent sur
les esprits élémentaires. L'abbé de Villars en
a donné un abrégé dans l'ouvrage intitulé :
Le Comte de Gabalis.
BOS (Fkançoise), Le 30 janvier 1606, le
juge de Cueille proeéda contre une femme
de mauvaise vie, que la clameur publique
accusait d'avoir un commercis abominable
avec un démon intube. Elle était miriée et
se nommait Françoise Bos. De plus elle avait
séduit plusieurs de ses voisines et les avait
engagées à se souiller avec ce prétendu dé-
mon, qui avait l'audace de se dire capitaine
du Siinl-Esprit; mais qui , au témoignage
desdites voisines, était f.irt puant. Celte dé-
goûtante affaire se termina par la condamna-
lion de Françoise Bos, qui fut brûlée le 14
juillet 1606. — On présume, par l'examen
des pièces, que le séducteur était un misera-
ble vagabond.
BOSC (Jean du), président de li cour des
aides de Rouen, décapité comme rebelle
en 1562. On a de lui un livre intitulé : Traité
de ta vertu et des propriétés du nombre sep-
ténaire.
BOTANOMANCIE, divination par le mnyvn
des feuilles ou rameaux de verveine et de
bruyère, sur les(|uelles les anciens gravaient
les noms et les deniandes du consultant.
On devinait encore de cette manière:
lorsqu'il y avait eu un grand vent pendant la
nuit, on allait voir de bon matin la dispo-ti-
lion des feuilles tombées, et des charlatans
prédisaient ou déclaraient là-dessus ce que
le peuple voulait savoir.
BOTIS, Voy. Otis.
BOTKIS ou BOTRIDE, plante dont les
feuilles sont velues et découpées et les fleurs
en petites grappes. Les gens à secrets lui
attribuent des vertus surprenantes, et par-
ticulièrement celle de faire sortir avec faci-
lité les enfants morts du sein de leur mère.
BOUBENHOREN, Voy. Pacte.
BOUC. C'est sous la forme d'un grand bouc
noir aux yeux éiincelants, que le diable se
fait adorer au sabbat; il prend fréquemment
cette figure dans ses entrevues avec les sor-
cières, et le maître des sabbats n'est pas
autrement désigné, dans beaucoup de pro-
cédures, que sous le nom de bouc noir ou
grand bouc. Le bouc et le manche à balai
sont ausisi la montureordinaire des sorcières,
qui parlent par la cheminée pour leurs as-
semblées nocturnes.
Le bouc, chez les Egyptiens, représentait
le dieu Pan, et plusieurs démonographes
disent que Pan est le démon du sabbat. Chea
les Grecs on immolait le bouc à Baeclius; j
d'autres démonomanes pensent que le dé- '■
mon du sabbat est Bacchus. Enfin le bouc
^'inissairc des Juifs (Âzazel) hantait les forêts
et les lieux déserts consacrés aux démons :
voilà encore, dans certaines opinions, les
motifs qui ont placé le bouc au sabbal. Voy,
Sabisat.
aliro co'ie liogne di curiosita e molli scgretl bcllissimi. C»
luijiic (GcièvO, m\.
2.M
DICTIONNAinE DKS SCIENCES OCCILTES.
252
L'auteur des admirabl s secrets d'All)eit
le Grand dit, au chapitre 3 du livre II, que
hi on se frotte le visage de sang de bouc qui
aura bouilli avec du verre et du vinaigre,
DU aura incontinent des visions horribles et
épouvantables. On peut procurer le inéiue
plaisir à des étrangers qu'on voudra trou-
i)ler. Los vill.igeois disent que le diable se
montre fréquenunent en forme de bouc, à
ceux qui le l'oiil venir avec le grimoire. t"e
fut sous la figure d'un grand bouc qu'il em-
porta Guillaume le Roux, roi d'Angleterre.
Voici une avenlur(! de bouc qui peut tenir
ici sa place. Un voyageur, couché dans une
chambre d'aubprgf, avait pour voisin.igc,
sans le savoir, une compagnie de chèvres et
de boucs, dont il n'était séjiaré que par une
cloison de bois fort mince, ouverte en plu-
sieurs endroits. Il s'était couché sans exa-
miner son gîte et dormait paisiblement,
lorsqu'il reçut la visite d'un bouc son voi-
sin : l'animal avait profilé d'une ouverture
pour venir le voir. Le bruit de ses sabots
éveilla l'étranger, qui le prit d'abord pour
un voleur. Le bouc s'approcha du lit et mit
ses deux pieds dessus. Le voyageur, balan-
çant entre le choix d'une prompte retraite
ou d'une attaque vigoureuse, prit le parti de
se saisir du voleur prétendu. Ses pieds, qui
d'abord se présentent au bord du lit, com-
mencent à l'intriguer; son effroi augmente,
lorsqu'il touche une face pointue, une lon-
gue barbe, des cornes... Persuadé que ce ne
peut être que le diable, il saute de son lit
tout troublé. Le jour vint seul le rassurer,
en lui faisant connaître son prétendu démon.
V^oy. Grimoihk.
La chapelle des boucs.
Ce qui va suivre explique quehiue chose
des mystères de la sorcellerie et surtout du
sabbat. Nous devons ce récit intéressant à
M. André Van Hasselt, qui l'a publié à
Bruxelles, dans Y Emancipation.
Nous voici en l'année 1773.Par une chaude
journée du mois d'août, nous suivons lente-
ment l'ancienne route de Maëstricht à Aix-
la-Chapelle; celte voie nonchalante et pares-
seuse qui se traîne, par de longs détours, à
travers les villages de M<"ersen et de Hou-
tliem, louche au bourg de Fauquemonl, puis
se dirige par Hecck, Climmen el Gunroot
vers Heelen, d'où elle s'avance sur Aix-la-
Chapelle, après avoir traversé Kerkraede et
llictcr.ck.
Nous venons de sortir de Fauquemonl;
voici à noire gauche le clocher pointu de
Heeck avec sa croix. Après avoir dépassé
Climmen, quittons la grande route cl descen-
dons dans ce vallon où glisse la rivière de
Geleen, charmante à suivre. Si le lecteur
n'est pas fatigué, il entrera dans un taillis
et y trouvera les ruines d'un petit manoir,
près de la croix plantée au bord du sentier
qui se dirige de Hoeiisbroek à Vaesraedt.
— Ces ruines, que l'on ne découvre pas sans
peine sous les ronces et la mousse qui les
couvrent, sont celles du châicau de Schcu-
reuhof, manoir habité en 1773 pur les restes
de l'ancienne famille, réduite maintenant à
deux têtes, le vieux chevalier de Scheu-
renhof et sa fille.
Rarement les habitants du village voyaient
le vieux chevalier; il vivait dans la retraite
la plus profonde. Sa fille, Mathilde, avait dix-
huit ans, et on la citait, dans rette contrée,
connue par la beauté et la fraîi heur de i-es
jeunes filles, comme la plus fraîche et la plus
belle. Elle était encore un ange de bonté. Il
fallait voir avec quels soins, avec quelle al-
fectueuse piété, elle s'appliquait à adoucir les
derniers jours de son vieux père. — Et ce
nétait pas trop de tout cet amour pour don-
ner la résignation au vieillard ; car les dou-
leurs et les infirmités de la vieillesse ne trou-
blaient pas seules la vie du chevalier du
Siheurenbof.Un autre motif, el un motif plus
grave, ne lui laissait poiiil de repos.
A l'époque où se passe l'événement que
nous al Ions raconter, cette partie du Li m bourg
était singulièrement agitée, non point par une
guerre, mais par quelque chose de pire, par
unebandede brigandsdont lesouveniralaissè
des traces dans loul le pays. Cette bande éten-
dait le théâtre de ses exploitsdans toutlevasle
carré compris entre Aix-la-Chapelle, Maës-
tricht, Rurcmonde et Wassemb;'rg. Elle dé-
borda même souvent jusque dans la Campinc
liégeoise. Elle avait à elle tous les villages,
tous les hameaux, tous les bourgs compris
dans les quatre angles de ce territoire, el
elle y régnait par la terreur et l'épouvante.
Ceux qui la composaient, habitants de ces
bourgs, de ces hameaux, de ces villages, se
reconnaissaient entre eux par un mot d'or-
dre et par une petite carie loarquée d'un si-
gne hiéroglyphique. Le jour, ils travaillaient
aux champs, ou buvaient dans les tavernes
(car l'argent ne leur manquait jamais). La
nuit, ils se rassemblaient au signal d'un
coup de sifflet qui partait du fond d'un hal-
lier ou qui retentissait dans les solitudes
d'une bruyère. Alors l'effroi se répandait de
toutes parts. Les fermes tremblaient. Les
églises étaient dans l'inquiétude. Los châ-
teaux frémissaient d'anxiété. Partout ou se
disait avec terreur et tout bas :
— Malheur I voilà les Boucs qui vont ve-
nir.
El les bandits allaient, dévalisant les fer-
mes, dépouillant les châteaux , pillant les
églises, souvent à la lueur de l'incendie, tou-
jours les armes à la main el un masque au
visage.
Le matin, tous avaient disparu. Chacun
avait repris son travail de la journée, tandis
que l'incendie allumé par eux achevait de
s'éteindre el que les victimes de leurs vols et
de leurs déprédaiions se désolaient sur les
ruines de leurs fortunes.
Le grand nombre d'expéditions qui se mul-
lipliaienl de tous côlés et souvent dans la
même nuit, avaient fail naître parmi le peu-
ple une singulière croyance. On disait que
les bandits possédaient le pouvoir de se trans-
porter enuu instant d'un point de la province
à l'autre, et qu'un pacte, conclu avec l'enfer,
meltail ù leurs ordres le démon qui, sous la
I
-253
BOU
BOIJ
•iH
forme d'un bouc, les emporlail sur son dus
à travers les airs. De là le nom de Boucs qui
leur fui donné.
L'origine de cellebandedoitélrcatlribuée à
quelques déprédations isolées commises avec
succès. Miiis plus tard , quand le nombre im-
mense des Boucs se fulaccru au point d'inspi-
rer des craintes sérieuses à la république des
Provinces-Unies, on soupçonna des ramilua-
lioiis si étendues et des plans si étranges, que
l'historien doit douter de la vérité des convi-
ctions acquises par plus d'un des juges qui siégè-
rent pour examiner les brigands dont la jus-
lice parvenait à s'emparer. On allait jusqu'à
dire que Frédéric le Grand, pour avoir les
coudées franches en Allemagne et occuper
les Provinces-unies, entretenait lui-même
par des agents secrets ce terrible incendie.
On ajoutait même que l'initiatio:) dos adep-
tes se faisait d'après un moyeu inventé par
d'Alemberl.
Voici commentées initiations avaient lieu.
— Dans (luclque chapelle perdue au fond d'un
bois ou d'une bruyère, s'allumait une petite
lampe, au milieu d'une nuit obscure et ora-
geuse.
L'adepte était conduit par ses deux par-
rains dans ce bois ou dans celle bruyère, et
la chapelle s'ouvrait. 11 en faisait trois fois le
tour à quatre pattes; puis il y entrait à recu-
lons, après une copieuse libation de liqueur
forle. Deux brigands affubSés de vêtements
cabalistiques recevaient son serment et con-
cluaient avec lui le pacte infernal. Ou le
hissait alors sur un bouc de bois placé sur
un pivot. Le récipiendaire assis, on se met-
tait à tourner le bouc. Il tournait, il tournait
toujours, il ne cessait de tourner.
Le malheureux, déjà le cerveau pris par
la boisson, devenait de plus en plus ivre. 11
bondissait sur sa monture, la sueur ruisse-
lait le long de ses tempes, il croyait traverser
l'air à cheval sur un démon. Quand il avait
longtemps tourné ainsi, on le descendait ha-
rassé, n'en pouvant plus, dans un vertige
inexprimable. 11 était Bouc; il était incen-
diaire, il était voleur, il était bandit, il était
assassin. Il appartenait à tous les crimes. Il
était devenu un objet de terreur, un être
exécrable. La soif de l'or avait fait tout
cela.
Mais, si les Boucs répandaient ainsi l'épou-
vante, la justice ne demeurait pas inactive.
Ce fut dans le pays de RolJuc que les pre-
mières poursuites eurent lieu. Et, ces pour-
suites commencées, on alla bon train. La
seigneurie de Fauqucmont, l'ammanie de
Montforl, tout le territoire de Juliers, se
couvrirent de roues, de gibets, de bûchers;
ileelen lit construire deux potences. La Sei-
gneurie de Schaesberg, Noensbroek, Ubach,
Nuth, presque chaque village en firent ériger
une au moins. Et plus on rouait, plus on
pendait, plus on écartelail, plus on brûlait,
|)lus aussi les Boucs devenaient redoutables
par leur nombre et par leur audace. Ou eût
(lit ({u'une lu te s'était établie entre le crime
el la lui, cl que l'un rivalisait avec l'autre,
comme s'il se (ût ,)gi de savoir à qui des deux
resterait la victoire.
Cela dura vingt ans tout entiers. Celui qui
voudrait, comaie nous avons eu le cour.ige
de le faire, interroger les registres formida-
bles des différentes justices qui, dans le Liin-
bourg, eurent à s'occuper des procès des
Boucs, serait stupéfait devant le chiffre énor-
me dos malheureux, coupables ou non (car
la justice se trompait quelquefois), qui péri-
rent de par la loi dans cet espace de temps.
Dans un rôle du tribunal de Fauquemont
seul, nous avons compté cent quatre pen-
dus et écartelés en deux années, de 117-2 à
1774.
Le manoir de Scheurenhof était situé pré-
ciséinenl au milieu du foyer de ces briganda-
ges.—Le vieux chapelain entra dans la salle.
— Nous apportez-vous de mauvaises nou-
velles, mon père? lui demanda vivement le
seigneur.
— Il est difficile d'en espérer de bonnes,
répondit le prêtre. La nuit passée, l'incendie
a éclaté sous les loits de Bingeiraedt.
Ainsi l'orage s'amasse de plus en plus ;
celte nuit Bmgelraedt, il y a trois jours
Schinveidt , il y a six jours Neueuha-
gen.
Et en disant ces mots , le vieillard baissa
tristement les yeux vers la terre.
Le jour était entièrement tombé et l'ob-
scurité avait envahi le ciel de toutes parts.
La jeune fille , au bord de la fenêtre ,
ouvrit tout à coup de grands yeux et jeta un
cri terrible :
— Le feu 1 le feu !
Le vieillard bondil sur son siège.
— Le feu, dis-tu? el de quel côté?
— Du côlé de Hegen, répondit Mathilde
avec un profond serrement de cœur.
— Ce n'est rien, dit le vieillard froide-
ment.
Ces paroles poignantes firent rouler une
lai'me sur chacune des joues de la jeune fille.
Elle suffoquait à ce tableau sinistre cl à l'i-
dée que la peut-être une tête bien chère al-
lait tomber sous les haches impitoyables des
Boucs.
Le petit château de Hegen, situé à l'est de
Scheurenhof, était habité par une famille
qu'une haine héréditaire faisait vivre dans
une inimitié héréditaire aussi avec la famille
de Scheurenhof. Le voisinage, le temps, les
mille rapports que doit nécessairement éla- :
blir le contact continuel de deux maisons
situées, pour ainsi dire, côte à côte, rien de
tout cela n'avait pu dominer celle haine. Au
contraire, elle devenait plus ardente d'année
en année. Mais, si citle division acharnée
s'éiait mise entre ces deux châteaux, il y
avait pourtant un lien secret et caché qui K's
réunissait. Mathilde était aimée du Wailer de
Hegen.
Le vieux châtelain de Scheurenhof ne son-
geait guère, il est vrai, à donner le litre de
gendre à Walter, comme le maître du ma-
noir de Hegen repoussait de toutes ses forces
l'idée que son fils pût donner un jour à Ma-
thilde le lilre d'cpuuso. En dépil do la liaiiiu
25=!
DlCTlONNAIItE DK8 SCIKN< ES OCCULTES.
2K6
des deux pères, ni le fils ni la fille ne quit-
taient cet espoir. El c'était la crainte d'un
dançer pour Walter qui avait fait couler les
larmes des yeux de rhérilicre de Scheuren-
hof, au moment où l'inceudie éclata devant
elle du rôle du manoir.
— Vous avez do.ic pris vos mesures ? de-
manda le chapelain en se tournant vers le
sire de Srlieurenhof.
— Mes murailles sont assez fortes encore
pour que nous puissions repousser la pre-
mière attaque, répondit celui-ci.
A peine le chevalier eut-il achevé ces
mots, qu'un serviteur de la maison, Job,
entra tout effaré dans la saile.
— Eh bien! Job, que veut dire celte pâ-
leur? fit le mailrc du manoir.
— Messire, dos hommes du village dési-
rent vous parler.
— Et qui est à leur tôle?
— Le bailli de Hoensbrork.
— Qu'on les laisse entrer.
Quand les habitants de Hoensbroek se
trouvèrent devant le châ'elain de Scheureu-
hof, le bailli prit la parole :
— Noble seigneur, nous venons vous of-
rir nos services en ce moment de danger.
Vous avez toujours été pour nous charitable
et bon. Il est juste que nous vous soyons re-
connaissants.
Le visage du vieillard s'éclaircil à ces pa-
roles; il jeta un regard rapide sur les braves
accourus à son secours en les nommant cha-
cun par leur nom comme d'anciennes con-
naissances. Mais ses yeux s'arrêtèrent avec
étonnernent sur une figure cachée à demi
dans un des coins les plus obscurs de la salle.
C'était un vigoureux jeune homme dont le
front était bruni par le soleil, dont les bras
eussent déraciné un arbre du sol et dont les
prunelles trahissaient à la fois la ruse et l'au-
dace.
— Eh! Martin, exclama le sire di; Siheu-
renhof, comment se fait-il que je te rencon-
tre ici parmi mes amis?
— Châtelain de Scheurenhof, répondit
l'autre sans manifester la moindre surprise,
je n'ai jamais été que l'ennemi du gibier de
votre chaise, parce que je suis d'avis que
Dieu n'a pas donné de mailre à ce qui vit
dans l'eau, dans l'air et dans les forêts, et
qu'il a créé pour le valet aussi bien que
pour le seigneur, le lièvre de la forêt, l'oi-
seau du ciel et lejjoisson de la rivière. Vous,
messire, ne pensez pas de même, et plus
d'une fois vous me l'avez montré par votre
justice, sans cependant que vous ayez jamais
à mon égard agi avec inhumanité comme vos
luis vous permettaient de le faire. Or, je vous
en suis reconnaissant aussi, et mon bras est
à voas.
Le vieillard contint l'émotion qui agitait
son cœur; et, se tournant vers les au-
tres :
— Mes amis, je n'ai que deux souhaits à
former ; le premier, c'est le salut de ma fille ;
\e second, c'est que le ciel me melte un jour
à même de récompenser votre loyauté. Vos
services, je ne puis les accepter, parce que
vous avez vos maisons, vos femmes, vos en-
fants. Si l'on vous savait ici, on brûlerait
vos maisons, on dévasterait vos champs,
on ruinerait vos biens , on vous réduirait à:
la misère. Toi, Martin, demeure. Tu n'as^
rien à perdre. Je te nomme , dès ce moment, ,
mon premier garde-chasse. Tu t'acquitteras
bien de cette charge, car nul mieux que
toi ne connaît les sentiers de mes bois. Vous,
mes amis, rentrez dans vos demeures.
En disant ces mots, il tendit la main au
bailli et à tous ses compagnons, qui ne se
retirèrent qu'à regret.
A peine furcnl-ils parvenus au bas du sen-
tier qui conduit à H:)ensbrock. qu'ils enten-
dirent un cavalier glisser à côlé d'eux, mais
ils ne parent le distinguer suffisamment pour
le reconnaître à cause de l'obscurité de la
nuit.
— Qui va là? s'écria le bailli.
— Ami ! répondit une voix qu'ils ne recon-
nurent pas davantage.
Le cavalier avait déjà gravi la hauteur, el
le bruit de son coursier s'était éleint du côié
de Scheurenhof.
Peu de minutes après, la poignée d'une
é|iée frappa vivement à la porte du ma-
noir.
— Qui frappe ainsi? demanda Martin, ar-
mé d'un fusil de chasse de son maître.
— Un ami, qui veut parler au sire de Solieu-
renhof, répondit la voix que les hihilanls
de Hoensbroek avaient déjà interrogée.
La porte s'ouvrit, et le cavalier entra.
Martin, tenant le canon de son fusil tourné
vers l'étranger, lui dit :
— Avancez jusque sous cette lanterne et
dites ce que vous voulez.
— Je te l'ai dit, parler à ton maître.
— Qui êtes-vous?
— Ton maître le saura.
Martin ab lissa son arme. Il avait reconnu
la figure de l'étranger.
— Ah! c'est vous, messire? murmura-t-il
avec étonnement. Suivez-moi.
Ils se dirigé) eut vers la salle où se tenaient
le sire de Scheurenhof, sa fille et le chape-
lain, regardant l'incendie qui diminuait et
la Hamme qui devenait de plus en plus
faible.
— Attendez ici que je vous annonce, fit
Martin à son compagnon.
A ces mots, il ouvrit la porte de la salle
et dit à haute voix :
— Messire Walter de Hegen I
— Walter! exclama Mathilde avec une
émotion indicible.
— De Hegen! s'écria le vieux châtelain
avec un accent inexprimable.
Le jeune homme s'avança d'un pas ferme
vers le vieillard.
— Messire, lui dit-il, je ne suis plus main-
tenant le fils de votre ennemi. L'incendie
m'a chassé de ma maison el m'a fait orphe-
lin sur la terre; mon père est mort; ma
mère est morte; toute ma famille est tombée.
Je n'ai plus de toit et je viens vous demander
une place sous le vôtre.
— Jeune homme , l'hospitalité est une
257
nou
i;ou
iSS
vieille habilude de nin maison ; qu'elle soit
la lienne ; je t'y offre un asile qui dem.iin
n'appartiendra plus à nous-niénics peut-
être.
— Messirc, si mon cœur est fort, mon
épce est forte aussi, répli(iua le jeune homme
avi'C fermelé.
On «l'ait inviter Walter à prendre plare
à table pour partager le repas du soir, quand
Martin reparut et s'avança vers le châlelain
on jetant sur Hegen un regard de défiance.
— Que désires-tu, Martin? demanda le vieil-
lard.
— J'ai quelque chose à vous confier, mes-
sire.
— Parle à haute voix. Cet homme est mon
hôte; il peut savoir tout ce qui nous in-
téresse.
— Voici donc, reprit Martin. Mon ange
gardien m'inspira, sans doute, de m'en aller
au dehors et d'écouter ce qui se passe autour
de la maison; car j'ai avisé près de notre
porle Jean-le-Bancal, le ménétrier; il ne
liante que les tavernes, et à chaque fête ilc
village on est sûr de trouver son violon. Il
me reconnut ; comme nous nous sommes
rencontrés plus souvent dans les cabarets
que dans les églises, il me demanda si je vou-
lais l'aider à espionner le château et à pré-
parer les mojen>i de faire tomber Schcuren-
hof par surprise aux mains des Boucs.
— Ils ne me prendront pas comme un rat
dans une souricière! s'écria le vieillard. La
colère m'a rendu les forces que l'tlgc m'avait
ôlées. Us sentiront ce que pèse mon bras, si
mon épée Csl bien pointue et si mes cara-
bines visent juste. Cet homme est-il parti?
— Non, messire! J'ai feint d'entrer dans
SOS projets et je l'ai pris comme un renard
dans une trappe.
— Qu'on le pende à l'instant même à la
tour la plus haute de ma maion 1
— Ne croyez-vous pas, messire, (]u'i! se-
rait plus prudent de se borner à le tenir en-
formé dans un de nos souterrains, pour ne
pas donner l'éveil à ses compagnons? Nous
aurons loujours le temps de lui faire faire
des enircchals entre ciel ei terre...
— Tu as raison, fit le sire de Scheuren-
hof. Dans le cas où nous somtnes, prudence
vaut mieux peut-être que témérité. Or, voiti
le moyen qui me semble préférable. Martin
fera semblant d'entrer dans les vues de l'es-
pion. Il sortira avec lui du château et le con-
duira secrètement dans le bois du Calvaire,
en lui disant qu'une troupe de gens d'armes
doit venir, celte nuit, à notre secours. Tous
nos hommes armés et à cheval feront en si-
lence un détour à travers le bois et rentre-
ront au manoir en passant près de l'endroit
où Martin se sera posté avec son compagnon,
afin de faire croire ainsi aux bandits que ce
secours nous est réellement arrive.
Cette ruse s'exécuta aussitôt et elle réus-
sit. Avant que minuit eût sonné, un bruit si-
nistre circula parmi les brigands.
— Il est arrive une troupe de soldats à
Schcurenhuf.
— Une troupe nombreuse de cavalicrs.Iré-
péta Jean-lc-Bancal, tous armés jusqu'aux
dents et prêts à nous tailler une rude be-
sogne.
— Combien ea as-tu compté? reprit le ca-
pitaine.
— Un grand nombre, fit le ménétrier.
L'obscurité ne m'a pas iiermis de les distin-
guer suffisamment. Mais j'ai vu luire leurs
armes à la faible clarté do la lup.e et j'ai en-
tendu leurs (hevaux hennir comme après
une longue course.
Le récit du Bincal et les assurances qu'il
ne cessait de donner augmentèrent dans l'es-
prit des bandits la conviction que Schcurcn-
hof venait de recevoir une garnison capable
d'une longue défense. — Le capitaine était
le seul qui doutât des paroles du ménétrier.
— Jean, lui dit-il, tu as vu, tu as entendu,
seulement tu as oublié de compter combien
ils étaient. Tes yeux avinés auront, à coup
sûr, doublé, triple, décuplé le nombre. lîn
tout cas, nous allons aviser à un autre
moyen. Quatre hommes se rendront à Scheu»
renhof pour demander la place. Cinquante
hommes, toi, Picrrc-le-Diable, avec ta com-
pagnie, vous les accompagnerez pour les
protéger contre toute attaque. Vous ferez
halte dans le bois du Calvaire et vous atten-
drez le retour de mes députés.
Le chef ayant fait choix de ses quatre
messagers, qu'il munit de ses instructions,
Picrre-le-Diable rassembla ses hommes et la
troupe se mit en route vers le château. —
Parvenus au pont-levis du manoir, ils don-
nèrent un coup de sifflet pour s'annoncer.
Martin passa la gueule de son fusil par une
des meurtrières.
— Faut-il faire feu? dcmanda-t il à son
m;i!tre. — Et sans attendre la réponse, il lâ-
cha la détente. La balle siffla à l'oreille d'un
des envoyés des Boucs.
— Trahison 1 s'écrièrent les quatre voix
toutes ensemble.
— Arrière, M.irtin I s'écria le châtelain en
repoussant le garde chasse.
Puis s'adressanl aux députés :
— Ce n'est qu'une méprise, compagnons,
leur dit il. On va vous ouvrir la porte, et loi
de gentilhomme 1 vous sortirez sains et saufs
de ma maison.
Aussitôt le pont-levis s'abaissa; la porte
s'ouvrit. — Les envoyés des Boucs entrè-
rent.
— Que voulez-vous ? demanda le châte-
lain.
— Deux choses, répondit l'un d'eux.
— La première?
— C'est que vous nous rendiez toutes les
armes qui se trouvent en vos mains, répli-
qua le bandit.
— La seconde ?
C'est que vous nous remettiez tout l'argent
qui est gardé en ce château.
— Allez dire à ceux qui vous envoient
qu'ils viennent prendre les armes et l'argent,
s'ils le peuvent, répondit le seigneur de
Scheurcnhof.
La porle se rouvrit et les députés sorti-
rent. Le pont-levis relevé derrière eux. Mar-
2:,9 DICTIO.NNAIftE, DES
tin se rcinil devant la meurtrière, dans la-
quelle il ropliiça son fusil rechargé.
— Faut-il faire feu. maîlreî
— Ce ne sont pas des lièvres, Mirlin. Ces
hommes sont sous ma sauve-garde de gen-
tillioniine.
1-e braconnier ne céda qu'à regret à cet
ordre et relira son fusil , dont le chien était
déjà sur le [loint de faire partir la balle.
Maintenant la position du ciiàlelain était
dessinée tout entière. Le danger était pres-
sant. Aussi l'on s'occupa de tout disposer
pour une vigoureuse défense. Les domesli-
i|urs furent armés de bons fusils et de fléaux
et placés près de la porte, les murailles du
manoir étant assurées par leur élévation
contre l'attaque des bandits. Tout cela fait,
on ouvrit les caveaux et le souterrain qui,
conduisant du château au bord du ruisseau
de Grieen, offrirait une retraite assurée, si le
MiiMioir était enlevé.
Deux heures pouvaient s'être écoulées,
quand les abords deSchenrenhof se trouvè-
rent cernes d'une multitude de bandits. Ou
n'entendait que des armes qui s'enlrc-cho-
qiiaient, que des silflets qui s'interrogeaient
cl se répondaient de toutes parts, que des
voix qui se parlaient et des ordres qui cou-
raient de rangea rang. Le gros de la troupe
avait atteint le pont-levis.
— En avant! s'écria aussitôt le capitaine.
— Et les bandits s'avancèrent.
Mais, au même instant, une détonation
terrible partit de toutes les tncurtrières du
château, qui était demeuré jusqu'alors dans
le plus profond silence.
Bien visé, Martin, dit le châtelain, en
voyant chanceler le chef des ass.iillauts
qu'une balle avait frappé à la poitrine.
— Le bandit tourna sur lui-même et leva
son épée en l'air ; puis il tomba au milieu
des siens en murmurant d'une voix rauquc :
— En avant 1
Les brigands hésitèrent un moment et n'o-
sèrent avancer. — Une deuxième détun.ition
illumina les meurtrièns , et six hommes
mordaient la poussière à côté du cadavre do
leur capitaine. — Alors le trouble redoubla.
Mais un cri de vengeance éclata presque aus-
sitôt parmi la foule exaspérée :
— Hourra 1 bourrai
Et ils se ruèrent en avant avee une in-
croyable fureur. C'était une masse compacie
et serrée où portaient toutes les balles (|ui
partaient du château comme une grêle de
plomb. Une partie des Boucs, descendus dans
le fossé , s'étaient hissés au pont-levis au
moyen do Cordes et travaillaient à scier les
clialnes qui le retenaient. Un moment après
le pont s'abaissa avec fracas. La porto cra-
quait sur ses gonds, entamée par le tran-
chant du fer. Chaque coup grondait sous la
voûte d'entrée et mêlait son bruit sourd au
bruit des armes à feu et aux blasphèmes qui
tonnaient dans la foule romme un orage. La
porte tomba déracinée et la multitude se pré-
«ipita en hurlant sous la voûte ténébreuse.
Tout à coup une explosion terrible éclata et
ébraula les murailles du manuir jus(iuc dans
SCIK.NCtS OCCULTES.
2(5fJ
leurs fondements. Ce ne fut qu'un instant,
ce ne fut qu'une seconde. Puis tout était re-
tombé dans une obscurité épaisse, et vous
n'eussiez plus entendu que des cris, des gé-
missements de blessés et de mourants. Une
clameur générale couvrit bientôt ces gémis-
sements et ces cris : — Victoire I victoire 1
Et les bandits se ruèrent par la brèche, en
passant sur quarante cadavres des leurs, que
l'explosion de la mine, pratiquée sous la
porte, avait broyés. Les Boucs s'étaient jetés
dans la cour du châtc >u. Mais plus uu coup
de fusil qui leur répondit, plus un homme
qui fût là pour leur tenir tête.
— N'avancez pas trop vite , compagnons,
s'écria Pierre-le- Diable, qui avait pris le
commandenient de ia troupe. Soyons sur nos
gardes avant tout!
Car il craignait ((u'unc au're mine, prati-
quée sous le sol où ils marchaient, ne fit un
nouveau carnage parmi les siens.
— Ne redoutez rien 1 avancez, si vous n'êtes
des lâches! répondit aussitôt une voix que vous
eussiez reconnue pour celle de Waller de
Hegen.
— A l'attaque! reprit Pierre-Ie-Diable.
Et les bandits se rangèrent en un vaste
cercle autour du jeune homme qui, son épée
à la main , se tenait sur le seuil de l'habita-
tion dont il essayait de défendre l'entrée.
Alors recommença un combat terrible.
Les mains vigoureuses de Walter brandis^
saient sa redoutable épée, qui semblait se
multiplier et faire une roue de fer autour de
lui. Cependant le cercle qui l'enveloppait se
rétrécissait de plus en plus et le serrait de
plus près. Un moment arriva où les bandits
triomphèrent de cet homme seul et jetèrent
un hurlement de joie : — 11 est pris !
On le renversa sur le sol. Dix haches, dix
sabres étaient levés sur lui, dix canons do
fusils étaient braqués sur sa poitrine.
— Arrêtez, s'écria le capitaine en écartant
les brigands. Cet homme ne jcut mourir
comme un brave.
— Qu'on le pende aux bras du pont-levis!
dit Jean-le-Bancal.
— Qu'on le jette dans le Geleen , continua
un autre.
— Je sais mieux que cela, reprit Pierre-
le-Diable. Qu'on aille chercher son cheval,
et qu'on m'apporte l'un des câbles qui ont
servi à monter le pont.
Alors on jeta le prisonnier en travers du
cheval, sur lequel on se mit en devoir de
l'attacher avec force, après lui avoir noué
les bras et les jambes. Puis au moyen des
cordes on se mit à frapper le pauvre animal;
et, quand on l'eut frappé longtemps :
— Maintenant qu'on le lâche! s'écria le
capitaine.
Le cheval fut lâché, et il partit comme un
éclair, à travers les buissons, à travers les
halliers, courant comme si un ouragan l'em-
porlail. Le cheval et le cavalier ayant dis-
piru, on se mit à fouiller dans le château;
on brisa toutes les portes, on força tous les
meubles, en interrogea tous les réduits.
— C'est une chose inconcevable, se dirent
56 1
ROU
nou
26'2
los bandits, qua.iiî, après avoir loul foui'lé,
ils n'eurent rien trouve, ni hommes ni ar-
gent.
— Commf^iit ont-ils pu s'enfuir d'ici ? de-
manda le clief.
— J'ai vu à la (ourdie de l'est une échelle
de corde a!t.ii'hce au mur et qui descend jus-
que dans le fossé, dit un homme de la troupe.
— Ils se sont donc sauvés par là, reprit
Pierre.
— Vers Amsienracdt , ajouta Jean-le-
15 incal.
— Nous les rejoindrons, continua Pierre-
le-Diahlc.
F.ttous les bandits prirent la route d'Ams-
lenraedt.
Après avoir donné le signal de l'explosion
qui fit sauter la porte d'entrée, le seigneur
de Scheurenhof et 1rs siens s'étaient retirés
par le souterrain qui conduisait au bord du
ruisseau de Geleen. Waiter avait refusé de
les suivre, afin de proléger leur retraite.
Une échelle de corde avait clé attachée à la
tourelle de l'est pour faire supposer que les
fugitifs s'étaient échappés di' ce côté. Le sire
do Scheurenhof et toute sa maison marchaient
dans l'obscur souterrain, éclairés par ta lu-
mière d'une lanterne sourde que Martin por-
tait devant eux. Ptirvenus à l'issue au o;ilieu
d'un épais fourré, Martin éteignit sa lan-
terne, et tous virent les pâles étoiles au ciel.
On entendait de loin la rumeur des Boucs
qui s'éloignait et s'éteignait dans la nuit
vers le village d'Amslenraed, dans une di-
rection opposée à celle que suivaient les fu-
gitifs.— Mais à peine le châtelain eut-il
mis le pied hors du souterrain, qu'il recula,
saisi d'effroi, et que Mathilde jeta un cri. il
s'était fait un grand bruit dans les buissons,
comme celui d'un cavalier dont le cheval,
effrayé par un coup de tonnerre, aurait pris
le mors aux dents. Ce bruit devenait de plus
en plus distinct. C'éiaient des branches qui
se cassaient, des feuillages qui se froissaient,
des hennissements étouffés. Au môme in-
stant quelque chose de lourd vint s'abattre
aux pieds de la jeune fiile.
— Waiter de Hegen 1 dit Mathilde.
C'était lui en eflet ; les chairs à demi dé-
chirées par les cordes qui le nouaient au
cheval, mais sain et sauf. Une larme de joie
roula sur les joues de l'héritière de Scheu-
renhof, et tous se mirent en devoir de défaire
les nœuds (jui étreignaient Waiter.
— Comment cela s'est-il fait? demanda le
vieillard à peine revenu de son élonnement.
— Je vous dirai cela plus tard, répondit le
jeune homme. Songeons d'abord à nous met-
tre en sûreté. Je connais près d'ici le meu-
nier d'Hullebroeck. Nous y trouverons des
chevaux. Nous nous dirigerons vers Geulh ,
où nous passerons la Meuse.
Kl, sans se dcmner le temps de reprendre
haleine, il conduisit la troupe.
Ils avaient laissé à leur gauche le Tillage
de Hceck, et descendaient un étroit ravin
vers h; clocher de Saint-Peter. Us n'y furent
pas plutôt engagés (jue Martin, (|ui marchait
à la tête de la troupe en guise d'éclaireur,
s'arréla brusquement et dit à voix basse :
— Arrêtez.
Tous firent halte, parce que tous savaient
combien était développé dans ce braconnier
cet instinct de bêle fauve qui ll.iire le danger,
qui comprend le langage du venl, qui entend
au frôlciuenl des feuillages d'un hallier si
c'est un ami ou un ennemi qui l'a produit.
Après s'être assuré de la direction d'où ve-
nait la rumeur qui le frappait, le garde-
chasse mit son fusil en bandoulière et se
disposa à grimper le long de la berge du ra-
vin. Sans déranger un caillou, sans froisser
une plante, sans rompre la branche d'un
buisson, il atteignit avec la légèreté d'un chat
la crête de la berge et regarda autour de lui
en écoutant de toutes ses oreilles, il recon-
nut aussitôt quel éîait ce bruit; car il avisa
à quelque dislance la sinistre petite lampe
qui ne s'allumait qu'au sein des nuits téné-
breuses pour éclairer l'initiation des Boucs.
Un cri de terreur se fût échappé de la bouche
des fugitifs, s'il leur eût dit: — Nous sommes
près de la chapelle des Boucs. — Mais il se
pencha au bord du ravin, et leur Dt signe de
marcher avec précaution :
— Avancez à pas de loup, leur dit-il (oui
bas; nous sommes ici dans un etidrolt ph in
de péril.
Toute la (roupe desc -ndit le ravin dans le
plus grand silence. Us laissèrent à leur gau-
che les toits d'Oasle, et entrèrent après une
demi-heure de marcIie à Fauquemont.
— Grâce au ciel ! nous voici sauvés , s'écria
le sire de Scheurenhof.
Pendant ce temps , Martin s'était glissé à
travers les buissons et les hautes herbes jus-
qu'auprès de l'entrée de la chapelle. 11 y vit
accomplir les mystères d'une initiation. De-
vant l'autel se tenait debout ce fameux juif
Abraham Nathan, qui joua un rôle si terri-
ble dans l'hisloire de la bande. U était vêtu
d'une espèce de chasuble brodée d'or et rece-
vait le serment d'un pauvre vacher que l'on
venait de descendre du bouc de bois.
— Tu renies Dieu? lui demandait le juif.
— Oui , repondit le paysan d'une voit
avinée.
— Et la Vierge et les saints?
— Oui , la Vierge et les saints.
— Tu consens à donner ton âme au démon,
afin qu'il t'accorde en échange les biens de
la terre , l'or, les richesses et le pouvoir de
te transporter par ta volonté partout où tu
voudras?
—Oui.
— Eh bien 1 j'accepte au nom de l'enfer ton
âme à ce prix , dit Nathan. Et maintenant tu
es des nôtres. Voici la carte qui te fera re-
connaître des frères.
Puis , après lui avoir remis une carie mar-
quée d'un signe hiéroglyphique, le juif lui
donna l'accolade fraternelle et lui répéta :
— A ce soir.
— Cela ne sera pas, se dit Martin en lui-
même.
Et, passant le canon de son fusil entre les
branches d'un buisson, derrière lequel il se
tenait caché, il ajusta Nathan qui se penchait
i65
DICTIONNAIHE DES SCIENCES OCCLUES.
2G&
vers son compagnon cl lui dunnnit le baiser
(l'inilinlion. Au môiiic inslant la détente par-
lit; une balle fracassa la tèlc du nouvel ini-
tie ol entra dans les chairs du bras droit du
juif.
Un cri pffroyable rclcnlil dans la chapelle :
— Trahison I traiiisonl
Le nouveau Bouc roula sur les marches de
l'auiel, se tordit un instant et rendit le der-
nier soupir. Le juif éleva son bras ensan-
glanté et dit aux deux compagnons qui lui
restaient en montrant le mort : — Frères ,
vengez- moi cl vengez cel homme.
Les deux parrains prirent leurs carabines
et sortirent de la chapelle, dirigeant leurs
armes vers l'endroit ou ils avaient aperçu le
feu du braconnier. Leurs deux balles paru-
rent à la fois.
— Mil visél mes compères, s'écria Martin,
qiii av.iil rechargé son fusil double et tenait
deux coups cà la portée de ses adversaires.
Il lâcli I le premier, et l'un des hommes
tomba. H lâcha le second, et l'autre tomba
aussi. Il ne restait plus que le juif. Mais Na-
than s'enfuit à travers les fourrés du bois et
disparut dans les dernières ténèbres de la
nuit.
Martin rentra avec l'aube à Fauqucmont.
Il instruisit le bailli de ce qui s'était passé.
La justii e se rendit avec une forte escorte à
la chapelle d'iniiialion et n'y trouva que les
cadavres, qui furent enterrés ignominieuse-
ment par le bourreau sous le gibet ini'àme.
Nalnan fut pris quinze jours plus tard, et
pendu le 24 septembre 1772, à Hccck, sur
la bruyère de Gracd.
Malgré la sévérité des juges , malgré les
placards nombreux publiés par les nobles
et puissants seigneurs des Provinces-Unies
et les mesures prises par les princes évêiiues
de I-iége, les Boucs ne purent être entière-
ment exlermiiés. Quelques écrivains con-
ti'mporains font remonter cette b.mde à l'an
1730. On ne parvint à la dompter ((u'en 1779.
Elle eut un grand nombre de chefs, parmi
lestiuels figurent surtout le fameux chirur-
gien de K., du pays de Rolduc , le juif Abra-
ham Nathan, Hcrman L. et Anioine B., sur-
nommé lu Mox. Elle possédait même un cha-
pelain qui prêchait tous les crimes ; il por-
tait le nom de Léopuld L. Les chapelles où
les initiations avaient lieu ordinairement
étaient celle de Sainte-Rose, près de Siltard ,
celle de Saint-Léonard, près de Kolduc, et
une autre située aux environs d'Urmon, près
de la Meuse. Tijus ces endroits sont encore
redoutés aujourd'hui des villageois voisins,
qui trouvent dans l'histoire des Boucs de quoi
défrayer amplimenl leurs longues soirées
d'hiver. — Mathilde de Seheurenhofet Waller
de Hegcn se marièrent et obtinrent une nom-
breuse postérité.
Ceux d'entre nos lecteurs qui désirent de
plus amples détails sur l'histoire delà bande
lies Boucs, peuvent consulter un pclil livre
contemporain qui fut publié en 1771), à M.iës-
tricht, sans lieu ni date, cl qui porte ce titre
Arrêts nol.iblis de P. Dclanorc.
Ce bouiiloa so met dans une ouirc de peau de bouc.
curieuT : Oorspong, Oorzneke , bettys, etc.
« Origine, cause, preuve et découverte d'une
bande impie et conjurée de voleurs de nuil
et de brigands dans les pays doulre-Meuse
et contrées adjacentes, avec une indication
exacte des exécutés et des fugitifs, par S.-P.-
J. SIeinada. a
BOUCHER.— Ambroise Paré raconte, dans
son livre des Monstres, chapitre 28, qu'un
valet nommé B.)ucher, étant plongé dans des
pensées impures, un démon ou spectre lui
apparut sous la figure d'une lémine. Il suivit
le lenlaleur; mais incnniinent son ventre et
ses cuisses s'enflammèrent, tout son corps
s'embrasa, el il en mourut misérablement.
BOUCHEY (MAnccEniTE Ragum) , femme
d'un maçondelaSi)logn<',\ers la fin du seiziè-
me siècle; elle montrait une sorte de n)arion-
nette animée, que les gens experts découvri-
rent être uniulin. En juin 1()03, le juge ordi-
nairede Uomorantin, homme avisé, se mit en
devoirdeprocédcrcontrcla marionnette. Elle
confessa que maître Jehan , cabaretier de
Blois, à l'enseigne du Cygne, chez qui elle
était servante, lui avait fait gouverner trois
mois cette marionnette ou mandragore, qu'elle
lui donnait à manger arec frayeur d'abord,
car elle était fort méchante, que quand son
maître allait aux champs, il lui disait : — Je
vous recommande ma béte, et que personne
ne s'en approche que vous.
Elle conta qu'une certaine fois Jehan étant
allé en voyage, elle demeura trois jours sans
donner à manger à la bêle, si bien qu'à son
retour, elle le frappa vivement au visage....
Elle avait la forme d'une guenon, que l'on
cachait bien, car elle était si hideuse, que
personne ne l'osait regarder. Sur ces dépo-
sitions, le juge fit mettre la femme Bouchcy
à la question, el plus lard le parlement du
Paris la condamna comme sorcière (1). Il est
assez probable que la marionnette était sim-
plement une vraie guenon.
BOUILLON DU SABBAT. Pierre Delancre
assure, dans i'IficréUulité el tnécréance du
sortilège pldnemenl convaincues, traité di-
xième, que les sorcières , au sabbat, font
bouillir des enfants morts et de. la chair de
pendu, qu'elles y joignent des poudres en-
sorcelées, du enilltl noir, des grenouilles:
qu'elles tirent de tout cela un bouillonqu'elles
boivent, en disant: «J'ai bu dulympanun(2j,
el me voilà professe en sorcellerie. » On
ajoute qu'après qu'elles ont bu ce bouillon,
les sorcières prédisentl'avenir, volent dans les
airs, et possèdent le pouvoir de faire des sor-
tilèges.
BOULES DE MAROC. 11 existe à Maroc
une tour surmontée de trois boules d'or, si
artislement fixées au monument, que l'on a
vainement (enté de les en détacher. Le peu-
ple cioit qu'un esprit garde ces boules et
frappe de mort ceux qui essayent de les en-
lever (3).
BOULLÉ (Thomas), — vicaire de Picard,
sorcier comuie lui , et impliqué da.is l'af-
qui sert qurlqnofois de Ivmpanon ou de 'ambour.
(3) H. l'jillel, Hisl. de l'oiupirc de Maroc, p. G9.
iC5
lîOU
BOX
260
faire de Madeleine Bavan. On le convainquit
d'avoir noué et dénoué l'aiguillette, de s'élre
mis sur des charbons ardents sans se brûler
et d'avoir fait plusieurs abominations. 11
souffrit la question sans rien dire, parce qu'il
avait le sort de laciturnilé , comme l'ob-
serve Boisroger. Cependant, quoiqu'il n'eût
rien avoué, parce qu'il avait la marque des
sorciers et qu'il avait commis des actes in-
fâmes en grand nombre, il fut, après amende
honorable, brûlé vif, à Rouen sur le Vieux-
Marché , le 22 août 1647 (1).
BOULLENG (Jacques), astrologue à Bou-
logne-la-Grasse , né au diocèse de Dol en Bre-
tagne. Il fit plusieurs traités d'astrologie que
nous ne connaissons pas; il prédit les trou-
bles de Paris sous Charles VI, ainsi que la
prise de Tours par le Dauphin. Il dressa ausi,
dit-on, l'horoscope de Pothon de Saintrailles,
en quoi on assure qu'il rencontra jusle (3).
BOULVÈSE , professeur d'hébreu au col-
lège rie Montaigu. Il a écrit l'histoire de la
possession de Laon, en 1556; c'est l'aventure
de Nicole Aubry. C'était un homme excessi-
veint'nt crédule.
BOUNDSCHESCH, livre de V éternité, très-
révéré des anciens Persans. C'est là qu'on
voit qu'Orniusd est l'auteur du bien et du
monde pur, Ârimane l'auteur du mal et du
inonde impur. Un jour qu'Ormusd l'avait
vaincu, Arimane, pour se venger, tua un
bœuf qu'Ormusd avait créé : du sang de ce
bœuf naquit le premier homme, sur lequel
Ormusd répandit la force et la fraîcheur d'un
adolescent de quinze ans , en jetant sur lui
une goutte d'eau de santé et une goutte d'eau
de vie. Ce premier homme s'appela Kaid-
Mords ; il vécut mille ans et en régna cinq
cent soixante. Il produisit un arbre, des
fruits duquel naquit le genre humain. Ari-
mane, ou le diable, sous la figure d'un ser-
pent, séduisit le premier couple elle cor-
rompit; les premiers hommes déchus se
couvrirent alors de vêlements noirs et atten-
dirent tristement la résurrection; car ils
avaient introduit le péché dans le monde.
On voit là une tradition altérée de la Ge-
nèse.
BOURIGNON (Antoinette), visionnaire,
née à Lille en 1616, morte en 1680 dans la
Frise. Elle était si laide, qu'à sa naissance
on hésita si on ne l'étoufferait pas comme
un monstre. Elle se consola de l'aversion
qu'elle inspirait par la lecture mal digérée
de livres qui enflammèrent son imagination
vive et ardente. Elle eut des visions et dis
extases. A vingt ans, comme elle était riche,
il se trouva un homme qui voulut bien l'é-
pouser; mais, au moment d'aller à l'autel,
elle s'enfuit déguisée en garçon. Elle voyait
partout des démons et des nuigiciens. Elle
parcourut la Hollande et fréquenta les héré-
(t) H.Jules Gariaet, Hisloire de la magie en France,
p. U6.
(2) Extrait d'iin manuscrit de la Bibliollièque du roi,
ra|i[iorlé à la fin des Keniarquus de Joly sur Bjyle.
(3) Xliiers, Trailé des supersl., t. I, p. 445.
(4) Sniilli, Notes aux Joyeuses commères de Siiaks-
peare, acte m.
(5) Dans un petit volume iulitulé : La Terre esl un
Dictionnaire pes sciences occultes.
tiques , les rabbins, les sorciers ; car il y
avait alors à Amsterdam des sorciers de pro-
fession. Ses nombreux ouvrages, qui furent
tous imprimés sous ses yeux, en français,
en flamand et en allemand, combattent tout
culte extérieur et toute liturgie, en faveur
d'une perfection mystique inadmissible. Les
plus célèbres de ses écrits sont le trailé du
Nouveau Ciel et du règne de l'Antéchrist, et
son livre de VAveuglement des hommes et de
la lumière née en ténèbres
BOURY. Voy. Flaque.
BOURRU. Les Parisiens faisaient autrefois
beaucoup de contes sur un fantôme imagi-
naire qu'ils appelaient le moine bourru; il
parcourait les rues pendant la nuit, tordait
le cou à ceux qui mettaient la léle à la fe-
nêtre, et se permettait un grand nombre de
tours de passe-passe. Il paraît que c'était une
espèce de lutin. Les bonnes et les nourrices
épouvantaient les enfants de la menace du
moine bourru. Croque-mitaine lui a suc-
cédé.
BOURREAU. Le maître des hautes-œuvres
avait jadis diverses prérogatives. On lui at-
tribuait même, dans plusieurs provinces, le
privilège de guérir certaines maladies, en
les touchant de la main, lorsqu'il revenait
d'une exécution de mort (3). On croit encore,
dans nos campagnes, que le bourreau est
un peu sorcier, et il n'est pas rare que des
malades superstitieux se fassent traiter par
lui , quoiqu'il n'ait plus dégraisse de pendu.
BOUSANTHROPIE, maladie d'esprit qui
frappait certains visionnaires, et leur per-
suadait qu'ils étaient changés en bœuf. Mais
les bousanthropes sont bien moins com-
muns que les loups-garous ou lycanthropes,
dans les annales de la superstition. Voy. Lt-
canthropib.
BOUTON DE BACHELIER. Les jeunes
paysans anglais prétendaient autrefois savoir
d'avance quels seraient leurs succès auprès
des jeunes filles qu'ils voulaient rechercher
en mariage, en portant dans leur poche une
plante nommée bouton de bachelier, de l'es-
pèce des lychnis, et dont la fleur ressemble à
un bouton d'habit. Ils jugeaient s'il fallait
espérer ou désespérer, selon que ces boutons
s'épanouissaient ou non (k).
BO VILLE ou BOVELLES, Bovillus (Char-
les de), Picard, mort vers 1553. Il veut éta-
blir, dans son livre De sensu, cette opinion
que le monde esl un animal, opinion d'ail-
leurs ancienne, renouvelée plusieurs fois
depuis et assez récemment par Félix Noga-
ret (5). On cite encore de Bovillus ses Let-
tres (6), sa Vie de Raymond Lulle, son Traité
des douze nombres et ses Trois dialogues sur
l'immortalité de l'âme, la résurrection et la
fin du monde (7).
BOXHORN (Marc Zuerihs), critique hol-
anirnul.
(6) Epislolse complurcs super mathemalicum opus qua-
dripanitum, recueillies avec l>-s traités De duodecini [iu-
nieris, de numeris perlei'lis, etc., a la suite du Lil)er du
intelleclu, de sensu, etc. In-lol., rare. Paris, li. Estienue,
lolO.
(7) Vita Raymundi eremilae, i la suite du Commenta-
rius in primordiale evangelium Jo:in:iis. Iii-4". Paris,
I. 9
Î67
niCTIONNAlUE DES SCIENCES OCCl'LTES.
2C8
landais, né à Berg-op- Zoom , en 1C12. On
recherche de lui un Traité des songes , qui
passe pour un ouvrage rare et curieux (1).
BRACCESCO (Jean), alchimisle de Brescia,
qui florissait au seizième siècle. Il commenta
l'ouvrage arabe de Geber, dans un fatras
aussi obscur que le livre commenté. Le plus
curieux de ses traités est Le bois de vie, où
l'on apprend ta médecine au moyen de laquelle
nos premiers pères ont vécu neuf cents ans (2).
BUAGADINI (Marc-Antoine), alchimiste
originaire de Venise, décapité dans la B;i-
vière, en 1595, parce qu'il se vantait de faire
de l'or, qu'il ne tenait que des libéralités d'un
démon, comme disent les récils du temps.
Son supplice eut lieu à Munich , par l'ordre
du duc Guillaume II. On arrêta aussi deux
chiens noirs qui accompagnaient partout
Bragadini, et que l'on reconnut être ses dé-
mons familiers. On leur flt leur procès ; ils
furent tués en place publique à coups d'ar-
quebuse.
BRAHMANES. Brames et Bramines, sec-
tateurs de Brahma dans l'Inde. Us croient que
l'âme de Brahma passa successivement dans
quatre-vingt mille corps différents, et s'arrêta
un peu dans celui d'un éléphant blanc avec
plus de complaisance ; aussi révèrcnl-ils
l'éléphant blanc.
Ils sont la première des quatre castes du
peuple qui adore Brahma. Ces philosophes,
dont on a conté tant de choses, vivaient au-
trefois en partie dans les bois, où ils consul-
taient les astres et faisaient de la sorcellerie,
et en partie dans les villes pour enseigner
la morale aux princes indiens. Quand on
allait les éceuter, dit Strabon, on devait le
faire dans le plus grand silence. Celui qui
toussait ou crachait était exclus.
Les brahmanes croient à la métempsycose,
ne mangent que des fruits ou du lait, et ne
peuvent toucher un animal sans se rendre im-
mondes.Ils disent que les bêles sont animées
par les âtnes des anges déchus , système dont
le père Bougeant a tiré un parti ingénieux.
Il y avait , dans les environs de Gua , une
secte de brahmanes qui croyaient qu'il ne
fallait pas attendre la mort pour aller dans
le ciel. Lorsqu'ils se sentaient bien vieux ,
ils ordonnaient à leurs disciples de les en-
fermer dans un coffre et d'exposer le coffre
sur un fleuve voisin qui devait les conduire
en paradis. Mais le diable était là qui les
gueitail; aussitôt qu'il les voyait embarqués,
il rompait le coffre, empoignait son homme;
et les habilants du pays, retrouvant la boite
vide, s'écriaient que le vieux brahmane était
allé auprès de Brahma.
Ce Brahma , chef des brahmanes ou brah-
mes, ou brahmines, est, comme on sait, l'une
des trois personnes de la Irinilé indienne. Il
resta plusieurs siècles, avant de naître, à
1514. — Dialogi 1res de aninis immorlalilale, de resur-
rectlone, do nmndi excidio et illius iiislauratiuiie. lu 8',
Lyoïi, Gryphius, 15?)2.
(1) Maici Zuerii Boxhornii Oralio de somiiiis. LuL'duni
Il ilav., 1G3U, vol. in-i".
(2) Leijno délia vila, ncl quale si dicliiara la medicina
Mrla quale i iiosiri priml padri vivevano nove cpiito amil.
l;on:e, 1512, lu 8*. — La esposiïioao di Celier lilosofo,
réfléchir dans un œuf dor, de la coquille
duquel il fil le ciel et la terre. Il avait cinq
têtes; il en perdit une dans une bataille, el se
mit ensuite à produire quatorze mondes,
l'un de son cerveau, l'autre de ses yeux , le
troisième de sa bouche, le quatrième de son
oreille gauche , le cinquième de son palais, le
sixième de son cœur, le septième de son
estomac, le huitième de son ventre, le neu-
vième de sa cuisse gauche, le dixième de ses
genoux, le onzième de son lalon, le douzième
de l'orteil de son pied droit, le treizième de
la plante de son pied gauche et le dernier do
l'air qui l'environnait. Les habitants de cha-
cun de ces mondes ont des qualités qui les
distinguent, analogues à leur origine; ceux
du monde sorli du cerveau de Brahma sont
sages et savants.
Les brahmines sonl fatalistes; ils disent
qu'à la naissance de chaque être mortel,
Brahma écrit tout son horoscope qu'aucun
pouvoir n'a plus moyen de changer.
Des livres indiens reconnaissent un dieu
suprême, dont Brahma et Wishnou ne sont
que les plus parfaites créatures. Pondant qu»;
ces deux divinités secondaires épouvantaient
le monde par leur combat terrible. Dieu pa-
rut devant eux sous la figure d'une colonnn
de feu qui n'avait point de fin. Sun aspect les
calma tout à coup;et, cessant toute querelle,
ils convinrent que celui qui trouverait le
pied ou le sommet de la colonne serait le pre-
mier dieu. Wishnou prit la forme d'un san-
glier et se mit à creuser; mais, après mille
ans d'efforts, n'ayant pas trouvé le pied delà
colonne, il reconnut le Seigneur. Brahma,
sous la figure d'un oiseau, parcourut en
vain les airs pendant cent mille ans. Il finit
aussi par se soumettre.
On lui donne plusieurs enfants qu'il mit
au Jour tous d'une façon singulière; par
exemple, Pirrougou sortit de son épaule et
Anghira de son nez. Mais il serait trop long
de répéter tous les contes absurdes de sa
légende.
Ajoutons seulement que les brahmines ,
toujours astrologues et magiciens, jouissent
encore à présent du privilège de ne pouvoir
êlre mis à mort pour quelque crime que ce
suit. Un indien qui aurait le malheur de tuer
un brahmine ne peut expier ce crime que
par douze années de pèlerinage, en deman-
dant l'aumône et faisant ses repas dans le
crâne de sa victime.
Les brahmanes de Siam croient que la
terre périra par le feu, et que, de sa cendre,
il en renaîtra une autre qui jouira d'un prin-
temps perpétuel.
Le juge Boguet, qui fut dans son temps le
fléau des sorciers, regarde les brahmanes
comme d'insignes magiciens, qui faisaient le
beau temps el la pluie en ouvrant ou l'er-
nella quale si dichiarano molli Doliilissimi secreti délia
oalura. Iii-8°. Venise, lo4i. — Ces deux oiwragcs, lraduiL<
en latin, se trouvenl dans le recueil de Gratarple. Yen
alcliemise dociriua, et dans le tome I" de la BibUotliè(|ui«
diiminue du Manget; ils sqni aussi publiés séparémeid
sous le titre : De Alctieiiiia dialugi duo. In-i", l.ugj ,
13«.
2G9
BRI
DRO
Î70
manl deux tonneaux qu'ils avaient en leur
puissance, I.eloyer assure, page 337, que
les brahmanes, ou brahmines, vendent tou-
jours les vents par le moyen du diable; et il
cite un pilote vénitien qui leur en acheta au
\ seizième siècle.
' BRANDEBOURG. On assure encore, dans
les viliapes de la Poméranie et de la Marche
Electorale, que toutes les fois qu'il doit mou-
rir quelqu'un de la maison de Brandebourg,
un espril apparaît dans les airs, sous l'appa-
rence d'une grande statue de marbre blanc.
Mais c'est une femme animée. Elle parcourt
les appartements du château habité par la
personne qui doit mourir, sans qu'on ose
arrêter sa marche. 11 y a très-longtemps que
cette apparition a lieu; et l'on conte qu'un
page ayant eu l'andace un jour de se placer
devant la grande femme blanche , elle le jeta
à terre avec tant de violence, qu'il resta mort
sur la place.
BRAS-DE-FER , berger sorcier. Voyez
HOCQUE.
BREBIS. Voy. Trodpeadx.
BRENNUS , général gaulois. Après qu'il se
fut emparé de Delphes , et qu'il eut profané
le temple d'Apollon , il survint un tremble-
ment de terre, accompagné de foudres et
d'éclairs, et d'une pluie de pierres qui tom-
bait du mont Parnasse ; ce qui mit ses gens
en tel désarroi, qu'ils se laissèrent vaincre ;
etBrennus, déjà blessé, se donna la mort.
BRIFFAUT, démon peu connu, quoique
chef do légion , qui s'était logé dans le corps
d'une possédée de Beau vais, au commence-
ment du dix-septième siècle.
BRIGITTE. Il y a, dans les révélations de
sainte Brigitte , de terribles peintures de
l'enfer. Les ennemis de la religion ont trouvé
dans ces écrits un thème à leurs déclama-
tions. Mais ce ne sont pas là des livres ca-
noniques; l'Eglise n'ordonne pas de les croire,
et ils ne s'adressent pas à toute sorte de lec-
teurs.
BRINVILLIERS (Marie-Marguerite, mar-
QCisK de), feiume qui. de 1666 à 1672, em-
poisonna, ou du moins fut accusée d'avoir
empoisonné, sans motifs de haine, quelque-
fois même sans intérêt , parents, amis, do-
mestiques; elle allait jusque dans les hôpi-
taux donner du poison aux malades, il faut
attribuer tous ces crimes à une horrible dé-
mence ou à cette dépravation atroce dont on
ne voyait autrefois d'autre explication que la
possession du diable. Aussi a-t-ou dit qu'elle
s'était vendue à Satan.
Dès l'âge de sept ans, la Brinvillicrs com-
mença, dit-on, sa carrière criminelle, et il
a été permis à des esprits crédules de redou-
ter en elle un affreux démon incarné. Elle fut
brûlée en 1676. Les empoisonnements con-
tinuèrent après sa mort. Voy. Voisin.
Dans i'Almanach prophétique de 18i2 ,
M. Eugène Barestc à tenté de justifier la mar-
quise de Brinvilliers, et il n'est pas impossi-
ble qu'on ne l'ait fort noircie.
BRIOCHÉ (JeanJ, arracheur de dénis, qui.
vers l'an 1G50, se rendit fameux par son ta-
lent dans l'art de faire jouer les marionnet-
tes. Après avoir amusé Paris et les provinces,
il passa en Suisse et s'arrêta à Soleure, où il
donna une représentation en présence d'une
assemblée nombreuse, qui ne se doutait pas
de ce qu'elle allait voir, car les Suisses «(i
connaissaient pas les marionnettes. A peine
eurent-ils aperçu Pantalon, le diable, le mé-
decin, Polichinelle et leurs bizarres compa-
gnons, qu'ils ouvrirent des yeux effrayés. Do
mémoire d'homme, on n'avait point entendu
parler dans le pays d'êtres aussi petits, aussi
agiles et aussi babillards que ceux-là. Ils s'i-
maginèrent que ces petits hommes qui par-
laient , dansaient, se battaient et se dispu-
taient si bien ne pouvaient être qu'une
troupe de lutins aux ordres de Brioché.
Cette idée se confirmant par les confiden-
ces que les spectateurs se faisaient entre eux .
quelques-uns coururent chez le juge, et lui
dénoncèrent le magicien.
Le juge, épouvanté, ordonna à ses ar-
chers d'arrêter le sorcier, et l'obligea à com-
paraître devant lui. On garrotta Brioché, ou
l'amena devant le magistrat qui voulut voir
les pièces du procès; on apporta le théâtre
elles démons de bois, auxquels on ne tou-
chait qu'en frémissant; et Brioché fut con-
damné à être brûlé avec son attirail. Cette-
sentence allait être exécutée, lorsque survint
un nommé Dumont , capitaine des gardes
suisses au service du roi de France : curieux
de voir le magicien français , il reconnut 1.;
malheureux Brioché qui l'avait tant fait rire
à Paris. Il se rendit en toute hâte chez le
juge : après avoir fait suspendre d'un jour
l'arrêt, il lui expliqua l'affaire, lui fit com-
prendre le mécanisme des marionnettes, et
obtint l'ordre de mettre Brioché en liberté.
Ce dernier revint à Paris, se promettant bien
de ne plus songer à faire rire les Suisses
dans leur pays (1).
BRIZOMANTIE, divination par l'inspira-
tion de Brizo, déesse du sommeil ; c'était l'art
de deviner les choses futures ou cachées
par les songes naturels. Voyez Oméirocri-
TIQUE.
BROCÉLIANDE, forêt enchantée. Voyez
Merlin.
BROHON (Jean), médecin de Coutances,
au seizième siècle. Des amateurs recherchent
de lui : 1° Description d'une merveilleuse et
prodigieuse comète, avec un traité présagi-
que des comètes, in-8', Paris, 15C8. — 2* Al-
manach, ou Journal astrologique, avec les
jugements pronostiques pour l'an 1572 ,
Rouen, 1571, in-12.
BROLIG (Corneille), jeune garçon du
pays de Labour, que Pierre Delancre inter-
rogea comme sorcier au commencement du
dix-septième siècle. Il avoua qu'il fut vio-
lenté pour baiser le derrière du diable. « Je
ne sais s'il dit cela par modestie, ajoute De-
lancre; car c'est un fort civil enfant. Mais il
ajouta qu'il soutint au diable qu'il aimerait
mieux mourirque lui baiser lederrière, si bien
U) LeUres de Saint- André sur la magie, Déiiioiiiana.Uicilounaire d'aneciloies suisses.
S71
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
rtî
qu'il ne le baisa qu'au visage ; et il eut beau-
coup de peine à se tirer du sabbat, dont il
n'approuvait pas les abominations (1). »
BROSSIER (Marthe), fille d'un tisserand
de Romorantin , qui se dit possédée et con-
vulsionnairc en 1569, à l'âge de vingt-deux
ans. Elle se fit exorciser; les eiïets de la pos-
session devinrent de plus en plus merveil-
leux. Elle parcourait les villes; et le diable,
par sa bouche, parlait hébreu, grec, latin,
anglais, etc. On disait aussi qu'elle décou-
vrait les secrets ; on assure que dans ses ca-
brioles, elle s'élevait quelquefois à quatre
pieds de terre.
L'official d'Orléans qui se défiait d'elle, lui
dit qu'il allait l'exorciser, el conjugua, dans
Despaulère, les verbes nexo et texo. Le dé-
mon aussitôt la renversa à terre, où elle fit
ses contorsions. Charles Miron, évêque d'An-
gers, devant qui elle fut conduite, la fit gar-
der dans une maison de confiance. On mit, à
son insu, de l'eau bénite dans sa boisson, qui
n'opéra pas plus d'effet que l'eau ordinaire ;
on lui en présenta dans un bénitier, qu'elle
crut bénite, et aussitôt elle tomba par terre,
se débattit et fit les grimaces accoutumées.
L'évêque, un Virgile à la main, feignit de
Touloir l'exorciser, et prononça d'un ton
grave : Arma virumque cano. Les convulsions
.de Marthe ne manquèrent pas de redoubler.
Certain alors de l'imposture, Charles Miron
chassa la prétendue possédée de son diocèse,
comme on l'avait chassée d'Orléans.
A Paris, les médecins furent d'abord par-
lagés sur son état; mais bientôt ils pronon-
cèrent qu'il y avait beaucoup de fraude, peu
de maladie, et que le diable n'y était pour
rien : Nihil a dœmone, inulta ficla, a morbo
pauca. Le parlement prit connaissance de
l'affaire, et condamna Marthe à s'en relour-
ner à Romorantin, chez ses parents, avec dé-
fense d'en sortir, sous peine de punition cor-
porelle.
Cependant, elle se fit conduire quelque
temps après devant lévéque de Clermonl
qu'elle espérait tromper ; mais un arrêt du
parlement la mit en fuite. Elle se réfugia
à Rome, où elle fut enfermée dans une com-
munauté ; là finit sa possession. On peut voir
sur cette affaire les lettres du cardinal d'Os-
sat et une brochure intitulée : Discours véri-
table sur le fait de Marthe Brossier, par le
médecin Marescot, qui assista aux exorcis-
uies (in-8°, Paris, 1599).
BUOUCOLAQUES. Voy. Vampires.
BROUETTE DE LA MORT. C'est une opi-
nion généralement reçue parmi les paysans
de la Basse-Bretagne que, quand ([uilqu'un
est destiné à rendre bienlôl le dernier sou-
pir, la brouette de la Mort passe dans le voi-
sinage. Elle est couverte d'un drap blanc, et
des spectres la conduisent ; le moribond en-
tend même le bruit de sa roue (2). Dans cer-
tains cantons, celle brouette est le char de la
Mort, carrick an JS'ankou, et le cri de la frc-
£aic annonce son passage (3).
(1) Tableau de l'inconslance dus mauvais anges, de,
(>. 7S.
(2) Voj.ige de SI. Dnibrj dans le Fiuistère, t. I
BROWN (Thomas), médecin anglais, mor'
en 1C82. Il combattit les erreurs dans un sa-
vant ouvrage (!*■) que l'abbé Souchny a tra-
duit en français sous le titre d'Essai sur les
erreurs populaires, ou examen de plusieurs
opinions n çues comme vraies et qui sont
fausses ou douteuses. 2 vol. in-12. Paris,
1733 et 1742 Ce livre, utile quand il parut,
l'est encore aujourd'hui, quoique beaucoup
de ces erreurs soient dissipées. Les connais-
sances du docteur Brown sont vastes, ses ju-
gements souvent justes ; quelquefois cepen
dant il remplace une erreur par une autre.
L'Essai sur les erreurs populaires est di-
visé en sept livres. On recherche dans le
premier la source des erreurs accréditées ;
elles doivent naissance è la faiblesse de l'es-
prit humain, à la curiosité, à l'amour de
l'homme pour le merveilleux, aux fausses
idées, aux jugements précipités
Dans le second livre on examine les erreurs
qui attribuent certaines vertus merveilleuses
aux minéraux el aux plantes : telles sont h s
qualités surnaturelles qu'on donne à l'ai-
mant et le privilège de la rose de Jéricho qui,
dans l'opinion des bonnes gens, fleurit tous
les ans la veille de Noël.
Le troisième livre est consacré aux ani-
maux et combat les merveilles qu'on débite
sur leur compte et les propriétés que des
charlatans donnent à quelques-unes de leurs
parties ou de leurs sécrétions.
Le quatrième livre traite des erreurs rela-
tives à l'homme. L'auteur détruit la vertu
cordiale accordée au doigt annulaire , le
conte populaire qui fait remonter l'origine de
saluer dans les éternuments à une épidé-
mie dans laquelle on mourait en éternuant,
la puanteur spéciale des Juifs, les pygmées,
les années ciimalériques.
Le cinquième livre est consacré aux er-
reurs qui nous sont venues par la faute des
peintres; comme le nombril de nos premiers
parents, le sacrifice d'Abraham où son fils
Isnac est représenté enfant, tandis qu'il avait
quarante ans.
L'auteur discute, dans le livre sixième, les
opinions erronées ou hasardées qui ont rap-
port à la cosmographie et à l'histoire. 11
combat les jours heureux ou malheureux,
les idées vulgaires sur la couleur des nègres.
Le septième livre enfin est consacré à l'exa-
men de certaines traditions reçues, sur la
mer Morte, la tour de Babel, les* rois de l'E-
piphanie, etc.
Le savant ne se montre pas crédule; ce-
pendant il croyait, comme tout chrétien, aux
sorciers et aux démons. Le docteur Hutrhin-
son cite de lui un fait à ce sujet dans son Es-
sai sur la sorcellerie. En lC6i, deux person-
nes accusées de sorcellerie allaient êire ju-
gées à Norwich ; le grand jury consulta
Brown, dont on révérait l'opinion el le sa-
voir. Brown signa une attestation dont ou a
conservé l'original, dans lu(iuelle il recon-
naît l'existence des sorciers et l'influence du
(3) M. KÉmlry, Le Dernier dos Beanm.inoir, cl), ixvi.
(i) Pseuiiodoxia epidciiiii a or ciuiiiirics tlic vulgar t r
jors, ne. Iii-lol. Londres, ICiG.
i75
BUU
BUC
47*
dinble; il y cite mémo des faits analogues à
ceux qui faisaient poursuivre les deux accu-
sés, et qu'il présente comme incontestables.
Ce fut celle opinion qui détermina la con-
damnation dos prévenus.
BROWNIE, lutin écossais. Le roi Jacques
regardait Brownie comme un agent de Sa-
tan; Kirck en fait un bon génie. Aux îles
d'Aïkney, on fait encore des libations de lait
dans la cavité d'une pierre appelée la pierre
de Brownie, pour s'assurer de sa protection.
Le peuple de ces îles croit Brownie doux et
pacifique; mais si on l'otlense, il ne reparaît
' plus.
BRUHESEN (Pierre Van), docteur et as-
trologue de la Campine, mort à Bruges en
irill. 11 publia dans celte ville, en 1350, son
Grand et perpétuel almanach, où il indique
scrupuleusement, d'après les principesdel'as-
Irologie judiciaire , les jours propres à purger,
baigner, raser, saigner, couper les cheveux
et appliquer les ventouses. Ce modèle de
l'almanach de Liège fil d'autant plus de ru-
meur à Bruges, que le magistral, qui don-
nait dans l'astrologie, fit très-expresses dé-
fenses à quiconque exerçait dans sa ville le
métier de harberie, de rien entreprendre sur
le menton de ses concitoyens pendant le»
jours néfastes.
François Rapaërt, médecin de Bruges, pu-
blia contre Bruhesen le Grand et perpétuel
almanach, ou fléau des empiriques et des char-
latans (1). Mais Pierre Haschaerl, chirurgien
partisan de l'astrologie, défendit Bruhesen
dans son Bouclier astrologique contre le fléau
des astrologues de François Rapaërt (2), et
depuis on a fait des almanachs sur le modèle
de Bruhesen, et ils n'ont pas cessé d'avoir un
débit immense.
BRULEFER. C'est le nom que donnent les
Véritables clavicules de Salomon à un démon
ou esprit qu'on invoque quand on veut se
faire aimer.
BRUNEHAU'i", reine d'Austrasie, au sixiè-
me siècle, accusée d'une multitude de crimes
et peut-être victime historique de beaucoup
de calomnies. Dans le siècle oii elle vécut,
on ne doit pas s'étonner de trouver au nom-
bre de ses forfaits la sorcellerie et les malé-
Cies
BRUNO , philosophe , né à Noie dans le
royaume de Naplis , au milieu du seizième
siècle. Il publia à Londres, en 158'», son li-
vre de l'Expulsion de labéte triomphante (3).
Ce livre fut supprimé. C'est une critique stu-
pide dans le fond, maligne dans les détails,
(le toutes les religions, et spécialement de la
religion chrétienne.
L'auteur ayant voulu revoir sa patrie, fut
arrêté à Venise en 1598, transféré à Rome,
condamné et brûlé le IVfévrier de l'an 1600,
luoins pour ses impiétés flagrantes, que pour
(I) Mai;niim et perpeluiiin almanacli , seu empiricoruin
cl iiiedicustrorutn llj;;ellaiii. Ici-12, 1351.
[i) Cijiieus asliolugicus contra flagellum astrologorum
Francisa Kapardi. In-12, 1531.
(3) Spaccio de la beslia Iriompliaiite, proposto da Giowe,
cffetuato dal consugio, revclalo da Mercurio, racilalo lia
Sofia, ddilo da Saidiiio, registralo dal Nolino, diviso in
Ite dialogi, subdivisi ia trc parti. lu l'ariai LoiiJrcs.
ses mauvaises mœurs. 11 avait consumé beau-
coup de temps à l'étude des rêveries herméti-
ques; il a même laissé des écrits sur l'alchi-
mie (4), et d'autres ouvrages, dont quelques-
uns ont partagé son bûcher (a). On s'étonnera
peut-être de cette rigueur ; mais alors les
crimes que l'on poursuivait ainsi et qui trou-
blaient la société inspiraient plus d'horreur
que n'en inspire aujourd'hui chez nous l'as-
sassinat.
BRUNON. « L'empereur Henri III allait en
bateau sur le Danube, en son duché de Ba-
vière, accompagné de Brunon, évêque de
Wurtzbourg, et de quelques autres sei-
gneurs. Comme il passait près du château de
(jrein, il se trouva en danger imminent de
se noyer lui et 1rs siens dans un lieu dange-
reux ; cependant il se tira heureusement de
ce péril. Mais incontinent on aperçut au
haut d'un rocher un homme noir qui appela
Brunon, lui disant : — Evêque , sache que
je suis un diab'e, et qu'en quelque lieu que
tu sois, tu (S à moi. Je ne puis aujourd'hui
te mal faire ; mais tu me verras avant peu.
Brunon, qui était homme de bien, fit le
signe de la croix, et après qu'il eut conjuré
le diable, on ne sut ce qu'il devint. Mais
bientôt comme l'empereur dînait à Ebers-
berg, avec sa compagnie, les po'utres et pla-
fond d une chambre basse où ils étaient, s'é-
croulèrent; l'empereur tomba dans une cuve
où il ne se fit point de mal, et Brunon eut
en sa chute tout le corps tellement brisé qu'il
en mourut. — De ce Brunon ou Bruno nous
avons quehiues commentaires sur les Psau-
mes (C). D — 11 n'y a qu'un petit malheur
dans ce conte rapporté par Leloyer, c'est
que tout en est faux.
BRUTUS. Plutarque rapporte que peu de
temps avant la bataille de Philippes, Brulus
étant seul et rêveur dans sa tente, aperçut
un fantôme d'nne taille démesurée, qui se
présenta devant lui en silence, mais avec un
regard menaçant. Brulus lui demanda s'il
était dieu ou homme, et ce qu'il voulait. Le
spectre lui répondit : — Je suis ton mauvais
génie, et je t'attends aux champs de Philip-
pes. — Eh bienl nous nous y verrons 1 ré-
pliqua Brulus.
Le fantôme disparut; mais on dit qu'il se
montra derechef au meurtrier de César , la
nuit qui précéda la bataille de Philippes, où
Brulus se tua de sa main.
BUCAILLE (Marie), jeune Normande de
Valogne, qui , au dernier siècle, voulut se
faire passer pour béate. Mais bientôt ses vi-
sions et ses extases devinrent suspectes ;
elle s'était dite quelquefois assiégée par les
démons ; elle se faisait accompagner d'un
prétendu moine, qui disparut dès qu'on vou-
lut examiner les faits ; elle se proclama pos- 1
sédée. Pour s'assurer de la vérité des pro-
taSi. In-S".
( l) De compendiosa arcliiteclura et complemento arlii
Liil'ii, etc. ln-16. Paris, 1382, etc.
(j) l'arliculièrement La Cena de lu ceneri, descrilï in
ciruiue dialogi, etc. In-8°. Londres, 1381.
((i) Leloyer, Disc, et liist. des sueclres, llv. 111
ch. XVI.
«75
iliges qu'elle opérait, on la fit enfermer au
secret. On reconnut que les visions de Ma-
rie Bucaille n'étaient que fourberies; qu'elle
n'était certainement' pas en commerce avec
les anges. Elle fut fouettée et marquée, et
tout fut fini (1).
BUCER (ÀIartin), grand partisan de Lu-
(Iter, mort a Cambridge en 1351. « Etant aux
nhois de la mort, assisté de ses amis, le dia-
ble s'y trouva aussi, l'accueillant avec une
figure si hideuse, qu'il n'y eut personne qui,
de frayeur, n'y perdît presque la vie. Icelui
diabk l'emporta rudement, lui creva le ven-
tre et le tua en lui tordant le cou , et em-
porta son âme, qu'il poussa devant lui, aux
enfers (2). »
BUCKINGHAM (George Villiebs, duc de),
f.ivori de Jacques 1", mort à Portsmouth en
1628, illustre surtout par sa fin tragique. —
On sait qu'il fut assassiné par Felton, offi-
cier à qui il avait fait des injustices. Quelque
temps avant sa mort, Guillaume Parker, an-
cien ami de sa famille, aperçut à ses côlés
en plein midi le fantôme du vieux sir George
Viliiers, père du duc, qui depuis longtemps
ne vivait plus. Parker prit d'abord cette ap-
parition pour une illusion de ses sens ; mais
bientôt il reconnut la voix de son vieil ami,
qui le priaîl'avertir le duc de Buckingham
(l'être sur ses gaides , et disparut. Parker,
demeuré seul, réfléchit à celle commission,
et, la trouvant difficile, il négligea de s'en
acquitter. Le fantôme revint une seconde
fois et joignit les menaces aux prières, de
sorte que Parker se décida à lui obéir; mais
il fut traité de fou, et Buckingham dédaigna
son avis.
Le spectre reparut une troisième fois, se
plaignit de l'endurcissement de son fils, et
tirant un poignard de dessous sa robe : —
Allez encore , dit-il à Parker ; annoncez à
l'ingrat que vous avez vu l'instrument qui
doit lui donner la mort.
Et de peur qu'il ne rejetât ce nouvel aver-
tissement, le fantôme révéla à son ami un des
plus intimes secrets du duc. — Parker re-
lournaàla cour. Buckingham, d'abord frappé
ile le voir instruit de son secret, reprit bien-
tôt le ton de la raillerie , et conseilla au
prophète d'aller se guérir de sa démence.
Néanmoins, quelques semaines après, le duc
de Buckingham fut assassiné. On ne dit pas
si le couteau de Felton était ce même poi-
gnard que Parker avait vu dans la main du
fantôme.
On peut, du reste, expliquer cette vision.
On savait que le duc avait beaucoup d'enne-
mis, et quelques-uns de ses amis , craignant
pour ses jours, pouvaient fort bien se faire
des hallucinations.
BUCON , mauvais diable , cité dans les
Clavicules de Salomon. Il sènae la jalousie
et la haine.
BUDAS, hérétique qui fut maître de Ma-
lt) Lettres du mérlecin Saint-André sur la magie et sur
les malétiees, p. 188 et 431.
(2) Delaiicre, Tableau de l'inconstance des démons, etc.,
liv. I, dise. 1.
t3J Discours des spectres, liv. VIII, ch. v.
DICTIONNAIttE DES SCIKNCES OCCLLIES. S76
nés , et auteur de l'hérésie manichéenne.
C'était, dit Pierre Delancre (3), un magicien
élève (les Brahmanes, et en plein commerce
avec les démons. Un jour qu'il voulait faire
je ne sais quel sacrifice magique, le diable
l'enleva de terre et lui tordit le cou (4) : di-
gne récompense de la peine qu'il avait prise
de rétablir par le manichéisme la puissance
de Si tan 1
BUER , démon de seconde classe, prési-
dent aux enfers ; il a la forme d'une éloile ou
d'une roue à cinq branches, et s'avance en
roulant sur lui-même. Il enseigne la philoso-
phie, la logique et les vertus des herbes médi-
cinales. Il donne de bons domestiques, rend
la santé aux malades, et commande cinquante
légions.
BUGNOT ( Etienne ) , gentilhomme de la
chambre de Louis XIV, auteur d'un livre
rare intitulé : Histoire récente pour servir
de preuve à la vérité du purgatoire, vérifiée
par procès-verbaux dressés en 1663 et 1634,
avec un Abrégé de la Vie d'André Bugnot,
colonel d'infanterie, et de son apparition
après sa mort. In-12 , Orléans , 1663. Cet
André Bugnot était frère d'Etienne. Son
apparition et ses révélations n'ont rien d'o-
riginal.
BUISSON DEPINES. Selon une coutume
assez singulière, quand il y avait un malade
dans une maison, chez les anciens Grecs, on
allachait à la porte un buisson d'épines pour
éloigner les esprits malfaisants.
BULLET (Jean Baptiste), académicien de
Besançon, mort en 1773. On recherche ses
Dissertations sur la mythologie française et
sur plusieurs points curieux de 1 histoire de
France. In-12, Paris, 1771.
BUNE, déirion puissant, grand-duc auxen-
feis. Il a la forme d'un dragon avec trois tê-
tes, dont la troisième seulement est celle d'un
homme. Il ne parle que par signes ; il déplace
les cadavres, hante les cimetières et rassem-
ble les démons sur les sépulcres. Il enrichit
et rend éloquents ceux qui le servent; on
ajoute qu'il ne les trompe jamais Trente
légions lui obéissent (5).
Les démons soumis à Bune , et appelés
Bitnis, sont redoutés des Tartares, qui les
disent très-malfaisants. Il faut avoir la con-
science nette pour être à l'abri deleur malice;
car leur puissance est grande et leur nombre
est immense. Cependant les sorciers du p.iys
Ses apprivoisent, et c'est par le moyen des
Bunis (lu'ils se vantent de découvrir l'avenir.
BUNGEY (Thomas), moine anglais, ami de
Roger Bacon , avec qui les démonographcs
l'accusent d'avoir travaillé sept ans à la mer-
veilleuse tête d'airain qui parla, comme on
sait (6). On ajoute que Thomas était magi-
cien, et on en donne pour preuve qu'il publia
un livre de la magie naturelle, de Magia na-
turali, aujourd'hui peu connu. Mais Deirio
l'absout de l'accusation de magie (7), et il
{i) Sncrate, Ilislor. eccles., lih. I, cap. xxi.
(3) Wierus, in Pseudonionarcliia daemoa.
(6) Voyez Baco.i.
(7i Dis(iuisil. magie, lib. I, cap. i!i, qu. 4.
Ht
BUX
LTR
178
avoue que son livre ne contient qu'une cer-
taine dose d'idées superstitieuses. Une autre
preuvs qu'il n'était pas magicien , mais
seulement un pou mathématicien , c'est
qu'on l'élut provincial des franciscams en
A 11 el et erre (1).
BUNlS.Voy.BDNE.
BUPLAGE ou BDPTAGE. « Après la ba-
taille donnée entre le roi Antiochus et les
Romains, un officier nommé Buplage, mort
dans le combat , où il avait rrçu douze
b'essures mortelles, se leva tout d'un coup
au milieu de l'armée romaine victorieuse ,
et cria d'une voix grêle à l'homme qui le
pillait :
Cesse, soldat romain, de dépouiller ainsi
Ceux qui soûl descendus dans l'enfer obscurci...
« Il ajouta en vers que la cruauté des Ro-
mains serait bientôt punie, et qu'un peuple
sorti de l'Asie viendrait désoler l'Europe; ce
qui peut marquer l'irruption des Francs ou
celle des Turcs sur les terres de l'empire.
Après cela, bien que mort, il monta sur un
chêne, et prédit qu'il allait être dévoré par un
loup; ce qui rut lieu quoiqu'il fût sur un
chêne : quand le loup eut avalé le corps, la
(été parla encore aux Romains et leur défendit
de lui donner la sépulture. «Tout cela paraît
très-incroyable (2). Ce ne furent pas les peu-
ples d'Asie, mais ceux du nord qui renversè-
rent l'empire romain.
BURGOT (Pierre), loup-garon brûlé à
Besancon en 1521 avec Michel Verdun.
BURROUGH (George) , ministre de la reli-
gion anglicaneàSalfm,dans la Nouvelle-An-
gleterre , pendu comme sorcier en 16'J2. On
l'accusait d'avoir maléficié deux femmes qui
venaient de mourir. La mauvaise habitude
qu'il avait de se vanter sottement qu'il savait
tout ce qu'on disait de lui en son absence fut
admise comme preuve qu'il communiquait
avec le diable (3).
BURTON (Robert) , auteur d'un ouvrage
intitulé: Ànutomie de la mélancolie, par JJé-
tnocrite le jeune, in-4°, 1624; mort en 1639.
L'astrologie était de son temps très-respeclée
en Angleterre, sa patrie. Il y croyait et vou-
lait qu'on ne doutât pas de ses horoscopes.
Ayant prédit publiquement le jour de sa
mort, quand l'heure fut venue il se tua pour
la gloire de l'astrologie et pour ne pas avoir
un démenti dans ses pronostics. Cardan et
quelques autres personnages habiles dans la
science des astres ont fait, à ce qu'on croit,
la même chose (4-).
BUSAS, prince infernal. Voy. Pruflas.
BUTADIEU , démon rousseau, cilé dans
des procédures du dix -septième siècle.
BUXTORF (Jean) , Westphalien , savant
(1) Naudé, Apol. pour les grands personnages, etc.,
p. i^^.
(2) Tr:iitâ dogmatique des apparitions, t. II, p. 155
Lelojrp.r, p. 2o3.
(51 GoJwin, Vie des Nécromanciens.
il) Curiusii&i de la liiléralure, trad. de l'anglais, par
dans la littérature hébraïque, mort en 1629.
Les curieux lisent son Abrégé du Talmud, sa
Bibliothèque ralbinique et sa Synagogue ju-
daïque (5). Cet ouvrage, qui traite des dog-
mes et des cérémonies des Juifs, est plein des
rêveries des rabbins, à côté desquelles on
trouve des recherches curieuses.
BYLETH, démon fort et terrible, l'un des
rois de l'enfer, selon la Pseudomonarchie de
Wicrus. Il se montre assis sur un cheval
blanc, précédé de trompettes et de musiciens
de tout genre. L'exorciste qui l'évoque a be-
soin de beaucoup de prudence, car il n'obéit
qu'avec fureur. Il faut, pour le soumettre,
avoir à la main un bâton de coudrier; et,
se tournant vers le point qui sépare l'orient
du midi , tracer hors du cercle où l'on s'est
placé un triangle; on lit ensuite la prière qui
enchaîne les esprits, et Bylelh arrive dans le
triangle avec soumission. S'il ne paraît pas,
c'est que l'exorciste est sans pouvoir, et que
l'enfer méprise sa puissance. On dit aussi
que quand on donne à Byleth un verre de vin,
ii faut le poser dans le triangle; il obéit plus
volontiers, et sert bien celui qui le régale.
On doit avoir soin, lorsqu'il paraît , de lui
faire un accueil gracieux, de le complimen-
ter sur sa bonne mine, de montrer qu'on fait
cas de lui et des autres rois ses frères : il est
sensible à tout cela. On ne négligera pas non
plus, tout le temps qu'on passera avec lui,
d'avoir au doigt du milieu de la main gau-
che un anneau d'argent qu'on lui présentera
devant la face. Si ces conditions sont (lilficiles,
en récompense celui qui soumet Byleth de-
vient le plus puissant des hommes. — Il était
autrefois de l'ordre des puissances ; il espère
un jour remonter dans le ciel sur le septième
trône, ce qui n'est guère croyable. 11 com-
mande quatre-vingts légions.
BYRON. Le Vampire, nouvelle traduite de
l'anglais de lord Byron, par H. Faber ; in-8%
Paris , 1819. Celte nouvelle, publiée sous
le nom de lord Byron, n'est pas l'ouvrage
de ce poëte, qui l'a désavouée, L'auteur n'a
pas suivi les idées populaires sur les vampi-
res; il a beaucoup trop relevé le sien. C'est
un spectre qui voyage dans la Grèce, qui fré-
quente les sociétés d'Athènes, qui parcourt
le monde, qui se marie pour sucer sa femme.
Les vampires de Moravie étaient extrême-
ment redoutés; mais ils avaient moins de
puissance. Celui-ci, quoiqu'il ait l'œil gris-
mort, fait des conquêtes. C'est, dit-on, une
historiette populaire de la Grèce moderne
que lord Byron raconta dans un cercle, el
qu'un jeune médecin écrivit à tort ; car il re-
mit à la mode, un instant, des horreurs qu'il
fallait laisser dans l'oubli.
Berlin, 1. 1, p. 51.
(H) Operis talmudicl brevisrecensio et Bibliotheca ral>-
binica. In-S" , Bàle , 1613. — Synagoga judaka. lii-8» ,
Bàle, 1603, eu allemand et en laliu. Uanau, 1604. UMe,
16il.
«79
DlCT10^NAi!lE DES SClEiNCES OCCULTES.
aao
c
CAABA. Voy. Kaaba.
CAACRINOLAAS, nommé aussi Caasst-
molar el Glassialabolas, grand président aux
enfers. II se présente sous la forme d'un
chien, el il en a la démarche, avec des ailes
de griffon. Il donne la connaissance des arls
libéraux, et, par un bizarre contraste, il
inspire les homicides. On dit qu'il prédit
bien l'avenir. Ce démon rend l'homme invi-
sible et commande Irenle-six légions (1). Le
grand Grimoire le nomme Classyalabolas, et
n'en fait qu'une espèce de sergent qui sort
quelquefois de monture à Nébiros ou Nabe-
rus. Voy. Cerbère.
CABADÈS. Voy. Zoubdadeter,
CABALE ou CABBALE. Pic de la Miran-
dole dit que ce mot qui , dans son origine
hébraïque, signifie tradition, est le nom d'un
hérétique qui a écrit contre Jésus-Christ, et
dont les sectateurs furent nommés caba-
listes (2)
L'ancienne cabale des Juifs est, selon quel-
ques-uns , une sorte de maçonnerie mysté-
rieuse; selon d'autres, ce n'est que l'expli-
cation mystique de la Bible , l'art de trou-
ver des sens cachés dans la décomposition
des mots (3), et la manière d'opérer des pro-
diges par la vertu de ces mots prononcés
d'une certaine façon. Voyez Thémura et
Théomanci*,. Cette science merveilleuse , si
l'on en croit les rabbins, affranchit ceux qui
la possèdent des faiblesses de l'humanité,
leur procure des biens surnaturels, leur comT
niunique le don de prophétie, le pouvoir de
faire des miracles, et lart de transmuer les
métaux en or, c'est-à-dire la pierre philoso-
phale. Elle leur apprend aussi que le monde
Eublunaire ne doit durer que sept mille ans,
et que tout ce qui est supérieur à la lune en
doit durer quarante-neuf mille.
Les Juifs conservent la cabale par tradi-
tion orale; ils croient que Dieu l'a donnée à
Moïse, au pied du mont Sinaï ; que le roi
Salomon, auteur d'une figure mystérieuse
que l'on appelle l'arbre de la cabale des Juifs,
y a été très-expert , et qu'il faisait des ta-
lismans mieux que personne. Tostat dit
même que Moïse ne faisait ses miracles
avec sa verge, que parce que le grand nom
de Dieu y était gravé. Valderame remarque
que les apôtres faisaient pareillement des
miracles avec le nom de Jésus, et les psrtisans
de Ci système citent plusieurs saints dont le
nom ressuscita des morts.
La cabale grecque, inventée, dit-on, par
Pythagore et par Platon, renouvelée par les
Valenliniens, tira sa force des lettres grcc-
!\) Wiérus, in Pseudomonarcliia daem.
2) « Ua critique ignorant voulait faire des alTaires à
Xome au prince Pic de la Miraudole, |iarllculièiement
pour le nom de cabale qu'il trouvait dans les ouvra^'es du
ce prince. On demanda à ce critique ce qui l'indignait si
fort dans ce mot de cabale. — Ne savcz-vous pas, répondit
le slui ide , que ce Cabale était un scélérat tout ii fuit dia-
ques combinées, et fit des miracles avec i'al-
phabet.
La grande cabale, ou la cabale dans la
sens moderne proprement dite , est l'art do
commercer avec les esprits élémentaires ;
elle tire aussi bon parti de certains mots
mystérieux. Elle explique les choses les plus
obscures par les nombres , par le change-
ment de l'ordre des lettres et par des rap-
ports dont les cabalistes se sont formé des
règles.
Or, voici quels sont, selon les cabalistes,
les divers esprits élémentaires:
Les quatre éléments sont habités chacun
par des créatures particulières, beaucoup
plus parfaites que l'homme, mais soumises
comme lui aux lois de la mort. L'air, cet
espace immense qui est entre la terre et les
cieux , a des hôtes plus nobles que les oi-
seaux et les moucherons. Ces mers si vastes
ont d'autres habitants que les dauphins et
les baleines. La profondeur de la terre n'est
pas pour les taupes seulement; et l'élément
du feu , plus sublime encore que les trois
autres, n'a pas été l'ait pour demeurer inu-
tile et vide.
Les salamandres habitent donc la région
du feu; les sylphes, le vague de l'air; les
gnomes, l'intérieur de la terre ; et lesondins
ou nymphes, le fond des eaux. Cfs êtres sont
composés des plus pures parties des éléments
qu'ils habitent. Adam, plus parfait qu'eux
tous, était leur roi naturel; mais depuis sa
faute, étant devenu impur et grossier, il
n'eut plus de proportion avec ces substances,
il perdit tout l'empire qu'il avait sur elles ,
et en ôta la connaissance à sa postérité.
Que l'on se console pourtant ; on a trouvé
4ans la nature les moyens de ressaisir ce
pouvoir perdu. Pour recouvrer la souverai-
neté sur les salamandres, et les avoir à ses
ordres, on attire le feu du soleil, par des mi-
roirs concaves, dans un globe de verre; il s'y
forme une poudre solaire qui se purifie elle-
même des autres éléments, el qui , avalée,
est souverainement propre à exhaler le feu
qui est en nous, et à nous faire devenir pour
ainsi dire , de matière ignée. Dès lors, les
habitants de la sphère du leu deviennent nos
inférieurs , et ont pour nous toute l'amitié
qu'ils ont pour leurs semblables, tout le
respect qu'ils doivent au lieutenant de leur
créateur.
De même , pour commander aux sylphes,
aux gnoms^s, aux nymphes, on emplit d'air,
de terre ou d'eau, un globe de verre; on le
l-aisse, bien fermé, exposé au soleil pendant
bolique, qui eut l'impiété d'écrire beaucoup de choses
contre Jésus-Christ même , qui forma une hérésie déles-
t:ible et dont les sectateurs s'appellent encore cabalistes?»
(Gabriel Naudé, Apologie pour les grands personnages ac-
cusés de magie. Adrien Baillet, Jugements des savant^
Chap. Mil, § -1 des Jugements sur les livres en général.),
(5) Voye» Àbtleel.
m
CAB
CAB
S^
un mois. Chacun de ces éléments, ainsi pu-
rifié , est un aimant qui attire lus esprits qui
lui sont propres.
Si on prend Ions les jours , durant quel-
ques mois, de la drogue élémentaire formée
ainsi qu'on vient de le dire dans le boi'al ou
globe de verre, on voit bientôt dans les airs
la république volante des sylphes, les nym-
phes venir en foule au riv.igc, les gnomes ,
gardiens des trésors et des mines, étuler leurs
richesses. On ne risque rion d'entrer en com-
mené avec eux, on les trouvera honnêtes,
savants, bienfaisants et craignant Dieu. Leur
âme est morlelle, et ils n'ont pas l'espérance
de jouir un jour de l'Etre suprême, qu'ils
connaissent et qu'ils adorent. Ils vivent fort
longtemps, et ne meurent qu'après plusieurs
siècles. Mais qu'est-ce que le temps auprès de
l'éternité?.... Ils gémissent donc de leur con-
dition. Mais il n'est pas impossible de trou-
ver du remède à ce mal ; car, de même que
l'homme , par l'alliance qu'il a contractée
avec Dieu, a élé fait participant de la divi-
nité, les sylphes, les gnomes, les nymphes et
les salamandres , deviennent participants de
l'immortalité , en contractant alliance avec
l'hoiiime. (Nous transcrivons toujours les
docteurs cabalistes.) Ainsi, une nymphe ou
une sylphide devient immortelle, quand elle
est assez heureuse pour se marier à un sage ;
et un gnome ou un sylphe cesse d'être mor-
tel, du moment qu'il épouse une fille des
hommes. On conçoit par la que ces êtres se
plaisent avec nous quand nous les appelons.
Les cabalistes assurent que les déesses de
l'antiquité, et ces nymphes qui prenaient
des époux parmi les mortels , et ces démons
incubes et succubes des temps barbares, et
ces fées qui, dans le moyen âge, se mon-
traient au clair de la lune , ne sont que des
sylphes , ou des salamandres , ou des on-
dins.
Il y a pourtant des gnomes qui aiment
mieux mourir que risquer, en devenant im-
mortels, d'être aussi malheureux que les dé-
mons. C'est le diable (disent toujours nos
auteurs) qui leur inspire ces sentiments ; il
ne néglige rien pour empêcher ces pauvres
créatures d'immortaliser leur âme par notre
alliance.
Les cabalistes sont obligés de renoncer à
tout commerce avec l'espèce humaine, s'ils
veulent ne pas offenser les sylphes et les
nymphes dont ils recherchent l'alliance. Ce-
pendant, comme le nombre des sages caba-
listes est fort petit, les nymphes et les syl-
phides se montrent quelquefois moins déli-
cates, et emploient toutes sortes d'artifices
pour les retenir.
Un jeune seigneur de Bavière était incon-
solable de la mort de sa femme. Une syl-
phide prit la figure de la défunte , et s'alia
présenter au jeune homme désolé, disant que
Dieu l'avait ressuscitée pour le consoler de
son extrême affliction. Ils vécurent ensemble
plusieurs années, mais le jeune seigneur
n'était pas assez homme de bien pour rete-
nir la sage sylphide; elle disparut un jour,
Vl ne lui laissa que ses jupes et le repen'ir
de n'avoir pas voulu suivre ses bons con-
seils.
Plusieurs hérétiques des premiers siècles
mêlèrent la cabale juive aux idées du chris-
tianisme , et ils admirent entre Dieu et
l'homme quatre sortes d'êtres interméiliai-
res, dont on a fait plus tard les salamandres,
les sylphes , les ondins et les gnomes. Les
Chaldéens sont sans doute les premiers qui
aient rêvé ces êtres; ils disaient que les es-
prits étaient les âmes des morts , qui , pour
se montrer aux gensd'ici-bas, allaient pren-
dre un corps solide dans la lune.
La cabale des Orientaux est encore l'art
de commercer avec les génies , qu'on évoque
par des mots barbares. Au reste, toutes les
cabales sont différentes pour les détails ;
mais elles se ressemblent beaucoup dans le
fond.
On conte sur ces matières une multitude
d'anecdotes. On dit qu'Homère, Virgile, Or-
phée furent de savants cabalistes.
Parmi les mots les plus puissants en ca-
bale, le fameux mot agla est surtout révéré.
Pour retrouver les choses perdues, pour ap-
prendre par révélations les nouvelles des
pays lointains , pour faire paraître les ab-
sents, qu'on se tourne vers l'orient, et qu'on
prononce à haute voix le grand nom Agla.
Il opère toutes ces merveilles, même lorsqu'il
est invoqué par h s ignorants. Voyez AoLi.
On peut puiser sur les rêveries de la ca-
bale des instructions plus étendues dans di-
vers ouvrages qui en traitent spécialement,
mais qui sont peu recommandables : 1° Le
comte de Gabalis, ou Entretiens sur les scien-
ces secrètes , par l'abbé de Villars. La
meilleure édition est de 1742, in-12; 2° Les
Génies assistants, suite du Comte de Gabalis,
in-12, même année ; 3° Le Gnome irréconci-
liable, suite des Génies assistants; k" Noti-
veaux Entretiens sur les sciences secrètes,
suite nouvelle du Comte de Gabalis, même
année ; 5° Lettres cabalistiques, par le marquis
d'Argcns, La Haye, 1741, 6 volumes in-12. Il
faut lire dans cet ouvrage, plein, beaucoup
plus que les précédents, de passages con-
damnés, les lettres du cabaliste Abukiback.
Voy. Gnomes, Ownircs, Salamandres, Syl-
phes, ZÉDÉCHiAS, etc.
CABIRES, dieux des morts, adorés très-
anciennement en Egypte. Bochard pense qu'il
faut entendre sous ce nom les trois divinités
infernales : Pluton, Proserpine et Mercure-
D'autres ont regardé les Cabires comme
des magiciens qui se mêlaient d'expier les
crimes des hommes, et qui furent honorés
après leur mort. On les invoquait dans les
périls et dans les infortunes. Il y a de gran-
des disputes sur leurs noms, qu'on ne décla-
rait qu'aux seuls initiés (Ij. Ce qui est cer-
tain, c'est que les Cabires sont des démons
qui présidaient autrefois à une sorte de sab-
bat. Ces orgies, qu'on appelait fêtes des Ca-
bires, ne se célébraient que la nuit : l'initié,
après des épreuves effrayantes, était ceint
dune ceinture de pourpre, couronné de
branches d'olivier et placé sur un trône illu-
(tj Dclancline. L'Eiifer des pcuiili s :m<;ions cl), xix.
tss
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCl'LTCS.
284
miné, pour représenter lo m.iîlre du snbbat,
penilanlqu'on exécutait autourdckiides dau-
ses hiérn{;lyphiqucs plus ou inoins infâmes.
CACODÉMON, mauvais démon. C'est le
nom que les anciens donnaient aux esprits
malfaisants. Mais ils appelaient spécialement
ainsi un monstre effrayant, un spectre hor-
rible, qui n'était pas assez reconnaissable
pour être désigné autrement.
Chaque homme avait son bon et son mau-
vais démon, eudémon et cacodémon.
Les astrologues appelaient aussi la dou-
zième maison du soleil, qui est la plus mau-
vaise de toutes, cacodémon, parce que Sa-
turne y répand ses malignes influences, et
qu'on n'en peut tirer que des pronostics re-
doutables.
CACTONITE, pierre merveilleuse, qui, se-
lon quelques-uns, n'est autre chose que la
cornaline. On lui attribue de grandes pro-
priétés. Les Anciens en élisaient des talis-
mans qui assuraient la victoire.
CACUS , espèce d'ogre de l'antiquité. Il
était fils de Yulcain et vomissait du feu par
la gueule. Ce monstre, de taille gigantesque,
moitié homme et moitié bouc, m.mgeail les
passants dans sa caverne, au pied du mont
Aventin, et accrochait les têtes à sa porte.
Il fut étranglé par Hercule. — C;icus a été
peint quelquefois avec une tête de bétc sur
un corps d'homme.
CADAVRE. Selon la loi des Juifs, quicon-
que avait touché un cadavre était souillé; il
devait se purifier avant de se présenter au
tabernacle du Seigneur. Quelques censeurs
des lois de Moïse ont jugé que cette ordon-
nance était superstitieuse. Il nous parait au
contraire, dit Bergier, qu'elle était très-sage.
C'était une précaution contre la superstition
des païens , qui interrogeaient les morts
pour apprendre d'eux l'avenir ou les choses
cachées : abus sévèrement interdit aux Juifs,
mais qui a régné chez la plupart des na-
tions. Voy. Aimant, Cercueil, etc.
CADMEE ou CADMIE, qu'on appelle plus
généralement calamine, fossile bitumineux
qui donne une teinte jaune au cuii^re rouge,
et que certains chimistes emnloicnl pour
faire de l'or.
CADIEIIE. Voy. Girard
CADUCEE. C'est avec cette baguette, or-
née de deux serpents entrelacés, que Mer-
cure conduisait les àmns aux enfers et qu'il
les en lirait au besoin.
GADULUS, pieux soldat, dont la légende
rapporte qu'il était obsédé par le diable en
forni" d'ours (1). Il s'en délivra par la prière.
CiECULUS. petit démon né d'une étincelle
qui vola de la foigc de Vulcain dans le sein
de Prenesta. 11 fut élevé parmi les bêtes sau-
vages. On le reconnut à cette particularité,
qu'il vivait dans le feu comme dans son élé-
ment ; ses yeux, qui étaient fort petits,
étaient seulement un peu endommagés par
la fumée. Les cabalistes font de lui un sala-
mandre.
CAF. Voy. Kaf.
I) Bollaudi Acu ïaiiclorum, 21 jprili^
CAGLIOSTRO. Tout le monde connaissait
a Palerme, en 1700, un orfèvre nommé Ma-
rano, descendant des Juifs ou des Maures,
qui ont laissé tant de vestiges dans le midi
de l'Europe. On citait son avarice et sa eré-
dulité superstitieuse. Enrichi par l'usure et
la mauvaise foi, il faisait assez souvent des
brèches à sa fortune par des tentatives in-
sensées qui devaient, au moyen de l'alchi-
mie ou de la magie, lui donner des millions,
et avec ces millions le fameux clixir qui em-
pêche de mourir.
En 1760, pourtant, Marano était devenu
moins facile. Il avait cinquante ans; l'expé-
rience lui était venue, et il fallait, pour l'at-
traper dans quelque piège , un peu plus
d'h ibileté. Toutefois, depuis quelque temps,
il prêtait une oreille attentive aux relations
qu'on lui faisait des merveilles opérées par
un jeune Sicilien plein de mystères. Celui-ci
ne commerçait pas avec les dénions et ne re-
cheroh;iit pas la pierre philosophale; il s'en-
tretenait avec les anges : il daminait ainsi
les esprits des ténèbres, et de grands secrets
lui étaient révélés. On le nommait Joseph
Balsamo. Tous les bourgeois de Palerme, où
il était né, voyaient en lui le fils très-intelli-
gent de parents obscurs; mais quelques jeu-
nes gens, qui paraissaient mieux instruits,
disaient que sa famille apparente était sup-
posée, et qu'il était fils d'une grande prin-
cesse d'Asie. Ce jeune homme extraordinaire
avait dix-sept ans; il parlait peu; sa figure
et ses regards exerçaient une sorte de fasci-
nation. On ne savait rien de sa vie intérieu-
re; seulement, plusieurs l'avaient entendu
s'entretenir en hébreu avec les anges. Lui
seul, disait-on, les voyait; mais ceux qui
l'épiaient avaient pu tout entendre, à la vé-
rité sans y comprendre autre chose que les
sons de plusieurs voix qui leur avaient sem-
blé très-mélodieuses.
L'orfèvre, que sans donte on voulait sé-
duire, rêvait de Joseph Balsamo. C'était là
enfin l'homme qu'il lui fallait pour réparer
d'un seul coup toutes ses pertes. Il ne man-
quait aucune occasion de le voir, le considé-
rait avec une vénération profonde, mais
n'osait lui adresser la parole.
Bientôt il n'y tint plus : il pria l'un des
admirateurs ou des compères de Joseph, qui
se vantait d'être dans ses bonnes grâces, de
le présenter au jeune ami des esprits céles-
tes. Celui-ci lui amena Balsamo, qui, malgré
ses privilèges surnaturels , toujours logé
chez ses pauvres parents, n'jivait pas encore
une salle où il pût recevoir. Il n'en était pas
moins fier et superbe : il laissa dignement
l'orfévrj se mettre à genoux devant lui, le,
releva ensuite avec une bienveillance très-
grave, et lui demanda ce qu'il voulait.
— La nature de vos relations pourrait
vous le dire, jeune seigneur, répondit Mara-
no. J'ai été trompé par divers imposteurs
qui m'ont enlevé une partie des biens gagnés
par mon travail persévérant. Il vou» sérail
facile de réparer ces dégâts
— Je le p;,is,si vous croyez, dit Joseph
S83
CAG
CAG
28fi
— Si je crois? répliqua l'orfèvre : je crois
cl j'ai confiance.
— Trouvez-vous donc detnain à cent pas
de la porle de Palcrme, sur le chemin des
deux chapelles de sainte Rosalie, à six lieu-
res du matin.
Sans ajouter un mot de plus, Joseph Bal-
samo se relira.
Le lendemain, Marano fut scrupuleuse-
ment exact : dix minutes avant l'heure pre-
scrite, il comptait ses pas Irèsatlenlivement,
l'I s'arrêtait au centième avec une précision
mathématique. Comme six heures sonnaient
aux horloges de la ville, le favori des anges
él.iit devant lui; il salua l'orfèvre en silence
ot le conduisit sans dire un mot à une grotte
qui se trouvait écartée dans une espèce de
solitude, à la distance d'environ truis-quarls
«le lieue.
— Ici, lui dil-il en ouvrant enfin la boti-
clu", repose un trésor de grand prix, sous la
gnrde des esprits infernaux. Deux des anges
<jui viennent à ma voix savent les dompter.
Miiis je ne puis enlever co trésor moi-même,
ni le toucner, ni m'en servir, sans perdre
ma pureté et ma puissance.
— Et moi? qui en cela n'ai rien à perdre,
demanda l'orfèvre.
— Le trésor peut être à vous, si vous fai-
tes ce qui sera exigé.
— Ohl je le ferai, ji'une seigneur; dites
seulement.
— Ce n'est pas moi qui puis le dire, ré-
pondit Balsamo; mais je prie Uriel de vous
éclairer.
Eu achevant ces mots, le jeune homme se
mit à genoux; il fit prendre à Marano la
même posture. Aussitôt on entendit dans le
v.igue une voix harmonieuse et claire qui
«lisait : — Le trésor contient soixante onces
«te perles, soix.iiilc onces de rubis, soixante
onces de diau>auts,daiis une boite d'or ciselé
du poids de cent vingt onces. Les démons
<|ui le gardent le remettront aux mains de
riiummc que présente notre ami, s'il a cin-
quante ans...
— Je li!s ai depuis huit jours, interrompit
joyeusement l'orfèvre.
— S'il a des enfants...
— J'en ai deux, vivants.
— S'il porle quelques poils gri*...
— J'en possède abuiidammeul dans mes
cheveux et dans ma barbe.
— S'il n'a pas coupé ses ongles depuis sept
jours...
— Je ne \cfi ai pas coupés depuis quinze.
— S il s'est lavé les mains et le visage...
— Je les laverai.
— El s'il dépose à l'entrée de la grotte,
avant d'y mettre le pied, soixante onces d'or
pur, pour les gardiens.
Un profond silence succéda à ces paroles :
l'orfèvre , frappé de stupeur , fermait les
d.'nts et les lèvres. Balsamo s'éiait relevé;
l'orfèvre écoutait encore à genoux.
— Vous avez entendu? reprit le jeune
homme.
— Soixante onces d'or! dit M.irano avec
«Il immense soupir.
L'ami des esprits célestes ne releva pas
celle exclamation; il reprit silencieusement
le chemin de la ville; l'orfèvre le suivait
sans rien dire, mais évidemment en proie, A
de grandes méditations et à de profonds
calculs.
Ils marchèrent ainsi une demi-heure comme
deux muets. En arrivant à l'endroit de la
roule oCi ils s'étaient donné rendez-vous , le
|eune homme s'arrêtanl dit à l'avare :
Nous nous séparerons ici; et vous saurez
que, sur votre tête, vous ne devez jamais
dire un mot de ce qui vient de se passer.
En même temps, il fit un mouvement pour
s'éloig-ner.
— Ùu seul instant, jeune seigneur, s'écria
Marano , d'un ton suppliant; soixante onces
d'ori est-ce donc le dernier mol?
— Je le pense, répliqua froidement Joseph ;
et il refit le mouvement d'un homme qui s'é-
loigne.
— Un seul instant, reprit encore l'orfèvre,
qui avait supputé toute la valeur du trésor,
à «luelle heure demain matin?
— A six heures, au même lieu.
Et le merveilleux jeune homme quitta di-
gnement Marano , qui se contenta d'ajouter
eu gémissant :
— Je serai prêt.
Il fut aussi exact que le premier jour, ayant
rempli toutes les prescriptions indiquées,
lavé, peigné, muni de ses soixante onces
d'or, qu'il serrait convulsivement sur sa
poitrine. Joseph Balsamo le joignit , comme
la veille, à l'instant où six heures sonnaient.
Us se dirigèrent en silence vers la grolte. Les
anges furent interroges de nouveau ; ils firent
exactement les mêmes réponses que le jour
précèdent.
L'orfèvre lira son or, qui lui. tenait au
cœur et aux mains, et dont il lui paraissait
triste de se dessaisir.
— N'enlrez-vous pas avec moi dans cette
grotte profonde? demanda-t-il.
— Non, répondit Balsamo; je dois rester
ici, jusqu'au moment où les esprits noirs,
dépossédés de leur trésor, viendront se ruer
sur vos soixante onces.
— N'y a-t-il aucun danger?
— Aucun, si le compte est fidèle.
L'orfèvre déposa son précieux fardeau à
l'entrée de la grotle; il fil quelques pas ,
puis il revint; le jeune homme était immo-
bile en silence; il rentra , revint encore , fil
plusieurs fois ce même manège, dans une
l'Spèce de lutte inlérieure. Il ne recevait
aucun encouragement de son guide, «(ui pa-
raissait aussi froid que silencieux, surtout
auprès des dupes que ses compères avaient
sullisamment travaillés.
Enfin le pauvre orfèvre alla jusqu'au fond ;
et cette fois, lorsqu'il voulut reculer encore,
il en fut empêché. Trois êtres noirs, qu'il
eût pris pour des charbonniers , s'il ne se
fût pas attendu à rencontrer des dénions, lui
barrèrent le chemin avec des grondements
sinistres et se mirent à le faire pirouetter
dans la grotte. 11 pous.sa des cris, auxquels
personne n'accourul et que les trois gaillardîJ
f87
DICÏIONNAinE DES SCIENCES OCCl'LTES.
'J8S
réprinièrcnl prompleinent en lo rouant de
«oups. Brisé (l'effroi el de douleur, Marano
tomba ventre à terre. Il lui fut signifié, en
lan^ngc intelligible el clair, de rester là sans
niouvemonl, s'il ne voulait pas être assommé.
Après qnoi il se trouva abandonné à lui-
uiémc et n'entendit plus aucun bruit.
Pendant un quart d'heure, il n'osa remuer
ni les mains, ni la léle; il s enhardit enfin ,
se souleva tremblant , rampa , se traSna et
gagna l'issue de la grotte, étonne de ce qui
se passait en lui. Les soixante onces d'or,
Balsamo, les trois démons supposés , tout
avait disparu. Le pauvre homme, commen-
çant à croire qu'il était la victime d'une
nouvelle friponnerie, plus hardie et plus
violente que les anciennes , revint pénible-
ment à Palerme , et alla déposer sa plainte.
Mais on ne retrouva plus Joseph Balsamo,
qui évidemment avait quitté le pays.
Le 19 septembre 1780, dans une guinguelle
extérieure de Strasbourg, au milieu d'un
groupe de modestes buveurs (|ui regardaient
par les fenêtres la foule immense, agitée par
l'attente de quelque événement extraordi-
naire , on remarquait une vieille figure
chauve et ridée, qui accusait ses soixante-
dix ans el son origine méridionale : c'était
l'orfèvre Marano. Des pertes successives et
des delt. s qu'il n'avait pas jugé convenable
de payer l'avaient contraint à quilter Pa-
lerme; et après avoir tenté la fortune à Lon-
dres et à Paris, il était venu s'établir à Stras-
bourg où il était toujours orfèvre. Il venait
\oir, comme toule la ville, le personnage
prodigieux que l'on attendait. Cet homme,
qui produisait plus de sensation qu'un grand
monarque, était le comte de Cagliostro. 11
venait, par l'Allemagne , de Varsovie où il
avait amassé de grandes richesses en trans-
muant en or de vils métaux. Car il savait le
secret de la pierre philosophale el possédait
tous les inappréciables talents des alchimistes.
— Nimporie 1 dit un chapelier, je suis bien
aise d'avoir vécu jusqu'ici, puisque je vais
Yoir le fameux mortel, si c'est un mortel.
— On assure, ajouta un droguiste, qu'il
est fils de la princesse de ïrébisonde, et
qu'il a tout à fait les beaux yeux noirs de sa
mère.
— El qu'il desrend en droite ligne de
Charles- Martel, dit un écrivain public.
— II date de plus loin, interrompit un cor-
dier, car il a assisté aux noces de Cana.
— C'est donc le juif-errant? dit Marano.
Mieux que cela. Des gens à qui on peut
avoir foi prétendent qu'il est né avant le
déluge.
— Voilà qui est fort; si c'était le diable?....
Ces idées, que nous rapportons fidèlement
el qui s'enrichissaient des plus singuliers
commentaires , étaient alors en effet géné-
ralement répandues dans le peuple , sur
Ihomnie mystérieux qu'on appelait le comte
de Caglioslro. Les uns le regardaient comme
un saint, un inspiré, un faiseur de miracles,
un être tout à fait extraordinaire el hors de
la nature; on n'expliquait pas les cures nom-
breuses qui lui étaient atlribuées. Les autres
ne voyaient en lui qu'un adroit charlatan.
On dis.iil qu'un hermétique nommé Allotas,
qui avait longtemps voyagé avec lui , qu'il
avait perdu à Malte el dont il parlait comme
du plus sage des hommes, lui avait appris
les arts magiques- On parlait encore d'un
joueur de gobelets avec qui Cagliosli*o avait
été Irès-lié; ce joueur de gobelets étaitassisié
d'un esprit ; et ce! esprit était l'âme d'un juil
cabaliste, qui avait tué son père par nécro-
mancie avant la venue de Notre-Seignenr.
Cagliostro disait intrépidement que tous les
prodiges qu'il opérait se faisaient unique-
ment par l'effet d'une protection spéciale du
ciel; il ajoutait que l'Etre-Suprême , pour
l'encourager , avait daigné lui accorder la
vision béalifiqiie; qu'il venait convertir les
incrédules et relever le catholicisme Avec
une si haute mission, il disait la bonne aven-
ture , donii.'iit l'art de gagner à la loterie,
expliquait les rêves, el faisait des séances de
fantasm.'igorie transcendante. Aussi le bon
abbé Fiard est-il excusable de n'avoir vu
dans Caglioslro qu'un démon détaché du
sombre empire; en le jugeant ainsi , l'abbé
Fiard se conformait à l'opinion populaire de
la majorité.
— Mais, reprit vivement le cordier , cet
homme ne peut pas élre le diable, puisqu'il
a des entreliens avec les anges
— Ah ! il a aussi des entretiens avec les
anges 1 s'écria Marano , frappé de cette cir-
constance. Pour lors je dois absolument le
voir. Quel âge a-t-il?
— Est-ce qu'un être pareil peut avoir un
âge? dit le droguiste. On dit qu'il paraît
porter trente-six ans.
— Oh 1 oh 1 marmotta l'orfèvre , si c'était
mon coquin? mon coquin en a trente-sept.
Comme le vieux Sicilien ruminait ainsi
son triste passé , un grand tumulte de voix
vint fixer son attention. L'être surhumain
arrivait. Il parut bientôt, entouré d'un nom-
breux cortège de courriers, de laquais et de
valets de chambre en livrées magnifiques;
lui-même avait l'air d'un prince. A côté de
lui, dans sa voiture découverte , se pavanait
Lorenza Féliciani , sa femme, qui le secon-
dait dans tout ce qu'on appelait modérément
ses intrigues. Son luxe expliquait ce que di-
saient les gens sensés, que Cagliostro n'était
autre chose qu'un membre voyageur de la
maçonnerie templière, constamment opulent
par les secours nombreux qu'il recevait des
dilTérentes loges de l'ordre. Quelques-uns
donnaient au faste qu'il étalait une source
encore moins honorable. Toutefois, il exer-
çait la maçonnerie élevée; et c'était lui qui
avait institué les mystères de ce qu'on appelle
la maçonnerie égyptienne. On dit même qu'il
avait toujours été un charlatan suballerne,
jusqu'au moment où il avait pu se faire ad-
mettre en Angleterre dans les hauts grades
de la franc-maçonnerie. Il avait compris dès-
lors tout le parti qu'il pouvait tirer de l'as-
sociation; et il avait imaginé ce rite particu-
lier, dont il prétendait avoir reçu les élé-
ments dans les pyramides d'Egypte. Le fait
est qu'il avait emprunté au manuscrit d'un
989
CAG
CVG
290
L
nommé Georges Coston le plan de sa ma-
çonnerie égyptienne , moilic jonglerie et
cabale , moitié science hermétique et four-
berie, arec quelque magnétisme dont il abu-
sait d'autant plus aisément que l'on ne con-
naissait pas encore cette puissance.
Son institution avait pour but de conduire
les adeptes qu'il recevait à la perfection, par
la régénération physique et la régéncralion
morale. La première rendait les formes de la
jeunesse et empêchait de vieillir; il la prati-
quait au moyen de son élixir universel, re-
mède qu'il appliquait à tous les maux. La
seconde restituait l'innocence perdue et con-
duisait l'homme à létal d'ange. Elle s'obte-
nait, non par le repentir et l'humilité, mais
par la foi aux promesses du grand Cophle
( c'est le grade que s'était donné Caglioslro ),
et en conséquence di- cette foi qui devait élre
absolue, par des visions et des extases, par
révocation des esprits, par des com(nunica-
tions avec les anges.
Mais le grand Cophte n'avait de puissance
que par l'intermédiaire d'un jeune garçon
ou d'une jeune (ille, qu'il appelait ses pupil-
les ou ses colombes et qui devaient être de
l'innocence la plus pure. Après que ces en-
fants avaient reçu ce que le grand Cophte
appelait la consécration, ils prononçaient
devant une carafe pleine d'eau les paroles
qui évoquent les anges. Les anges venaient
dans la carafe; quelquefois on les entendait
donner leurs réponses; le plus souvent il
fallait que les pupilles lussent ces réponses
qui arrivaient dans la carafe à fleur d'eau
et qui n'étaient visibles que pour eux (c'était
du somnambulisme).
Ce qu'il y a de plus merveilleux dans tout
ceci , c'est que la maçonnerie égyptienne
éleva tout-à-coup Caglioslro au niveau de
ce qu'il y avait de plus grand en Europe. En
France surtout, à côléde l'esprit philosophi-
que qui niait les saintes merveilles, ces mer-
veilles absurdes furent accueillies avec une
admiration qui allait jusqu'au fanatisme. Le
périrait de celui qu'on osait appeler le divin
Cagliostro fut partout, jusque sur les éven-
tails, sur les bagues, sur les tabatières. On
coula son buste en bronze, on le sculpta en
marbre. Les plus grands personnages de
cette époque de philosophie se Grent admet-
tre dans ses loges ; tout le monde voulut
assisleraux séances publiques de ses colom-
bes.
Un grand cri retentit lorsque le comte
de Cagliostro passa devant la guinguetie.
Marano l'avait nconnu et il avait arrêté les
chevaux de sa voiture.
— C'est Joseph Balsamo, disait-il; et l'a-
postrophant avec colère, il répétait ces seuls
mots : Mes soixante onces d'or!
Cagliostro regarda à peine l'orfévre, ne
montra aucune émotion; mais au sein du
profond silence que ce singulier incident
avait jelé dans la foule épaisse, on entendit
sur-le-champ une voix qui paraissait venir
des airs et qui disait :
— Ecartez du chemin cet insensé, que les
esprits infernaux possè'Ient.
Une partie du peuple tomba à genoux;
une autre parties'empaca du pauvre orfèvre,
et le brillant coriége poursuivit sa niarche
triomphale. De tels faits certainement excu-
sent l'abbé Fiard d'avoir vu le diable dans cet
homme.
Arrivé dans Strabourg en fête, Cagliostro
s'arrêta devant une grande salle oîi les cor-
nacs qui le précédaient partout avaient ras-
semblé un grand nombre de malades. Le fa-
meux empirique y entra et les guérit tous,
les uns par le simple attouchement, les au-
tres pardes paroles, ceux-ci par le moyen
d'un pourboire en argent, ceux-là par son
remède universel. Il est vrai que les arran-
geurs de ces cures surprenantes avaient
choisi leurs mal.ides et qu'ils n'avaient pas
admis certains cas sérieux auxquels ils
avaient promis des secours à domicile.
« Quant au savoiren médecine de Caglios-
tro ( dit l'auteur anonyme de sa notice,
danslabibliographieuniverselledeMiehaud),
il paraît constant que ce savoir était très-
borné. Comme tous les partisans des doctri-
nes hermétiques et paracelsiques, il faisait
grand usage desarom.ites et de l'or. Nous
avons eul'occasion de goûter sonélixir vital,
ainsi que celui du fameux comie de Siinl-
Germain; ils n'avaient point d'autre base. »
Quoi qu'il en soit, Cagliostro sortit de la
salle des m.ilades, au milieu des acclama-
tions et des trépignements de la foule; il alla
s'installer dans le m.ignitique hôtel qui était
préparé pour lui, il admit à sa table snmptueust!
l'élite de la société de Strasbourg; et le soir
il voulut bien donner une séance de ses co-
lombes.
On amena dans le salon de Caglioslro,
éclairé par des procédés oîi ropli(iue et la
fantasmagorie jouaient un grand rôle, plu-
sieurs petits garçons et plusieurs petites filles
de sept à huit ans. Le grand Cophte choisit
dans chaque sexe la colombe qui lui parut
montrer le plus d'intelligence; il livra les
deux enfants à sa femme, qui les einms-na
dans une salle voisine où elle les parluma,
les vêtit de robes blanches, leur fit boire un
verre d'élixir elles représenta ensuite prépa-
rés à l'initiation.
Cagliostro ne s'était absenté qu'un mo-
ment pour rentrer sous le costume de gr.ind
Cophle. C'était une robe de soie noire, sir
laquelle se déroulaientdes légendes hiérogly-
phiques brodées en rouge; il avait une coif-
fure égyptienne avec les bandelettes plissées
et pendantes après avoir encadré la tête; ces
bandelettes étaient de toile d'or. Un cercle de
pierreries les retenait au fionl. Un cordon
vert éiiieraude, parsemé de scarabées et de
caractères de toutes couleurs en mélaux ci-
selés, descendait en sautoir sur sa poitrine.
A une ceinture de soie rouge pendait une
large épée de chevalier, avec la poignée en
croix. Il avait une figure si formidablement
imposante sous cet appareil , que toute
l'assemblée fit silence dans une sorte de ter-
reur.
On avait placé sur une pelile table ronde
en éhènc la carafe decrisl.il. Suivant le rite,
<9I
ItICÏIO.NNAIRE DES SCIENCES OCCllLTES.
29i
on mit derrière les deux enfants, transfor-
més en pupilles ou colombes, un paravent
pour les abriter.
Deux valt'ls de chambre, vêtus en esclaves
égyptiens, comme ils sont représentés dans
les sculptures de Tlièbes, fonctionnaient au-
tour de la l.'ible. Ils amenèrent les deux eii-
faiils devant legraiidCoi)h(c,qui Icurimposa
les mains sur la tète, sur les yeux et sur la
poitrine, en faisant silencieusement des si-
gnes bizarres, qui pouvaient figurer aussi des
hiéroglyphes, el que l'ordre appelait des my-
thes ou symboles.
Aprèscelte première cérémonie (magnéti-
que), un des valets présenta à Cagiioslro la
petite truelle d'or, sur un coussin de velours
blanc. Il frappa du manche d'ivoire de sa
truelle sur la table d'ébène et demanda:
— Que fait en ce moment l'homme qui ce
malin , aux portes de la ville, a insulté le
grand Gophte?
Les colombes regardèrent dans la carafe;
et apparemnienl qu'elles y virent quelque
chose; car la petite fille s'écria : — Je l'aper-
çois qui dort.
On a prétendu que le dessous de la table
était préparé de manière à faire passer sous
la carafe des figures et des caractères. Ce
qui le ferait croire, c'est que dans les cas
qui sortaient du cours ordinaire des répon-
ses banales, les enfants ne voyaient rien.
Mais alors la voix des anges invisibles répon-
dait.
Sur l'invilalion de Cagiioslro, qui annonça
qu'on pouvait faire lonte question, plusieurs
dames s'émurent. L'une demanda ce que
faisait sa mère, alors à Paris? La réponse fut
qu'elle était au spectacle entre deux vieil-
lards. Une autre voulut savoir quel était
l'âge de son mari; il n'y eut point de répon-
se ; ce qui fitpousserdescris d'enthousiasme,
car cette dame n'avait point de mari; et l'é-
chec de cette tentativede piège Qt qu'on n'en
lendit pas d'autres.
Une troisième dame déposa un billet ferme.
Le petit garçon lut aussitôt dans la carafe
ces mots : — Vous ne l'obtiendrez pas. —On
ouvrit le billet, qui demandait si le régiment
que la dame sollicitait pour son fils lui serait
accordé. Cette justesse eleva encore l'admi-
ration.
Un juge, qui pourtant doutait, envoya se-
crètement son fils à sa maison, pour savoir
ce que faisait en ce moment sa femme; puis
quand il fut parti, il fit celte question au
grand Cophle. La carafe n'apprit rien, mais
une voix annonça que la dame jouait aux
cartes avec deux voisines.
Cellevoix mystérieuse, qui n'était produite
par aucun organe visible, jeta la terreur
dans une partie de l'assemblée; et le fils du
magistral étant venu confirmer l'exactitude
de l'oracle, plusieurs dames eflrayées se reli-
rèrcnl.
On raconte que d'autres merveilles signa-
lèrcul cette soirée ; mais les détails en sont
très-vagues.
Pendant le peu de temps, que le comte de
Cagiioslro resta à Strasbourg, il fut comblé
de tontes les marq-uesde la vénération. Lors-
qu'il fut parti, on remarqua enfin que l'or-
fèvre Marano n'avait pas reparu chez lui; on
le retrouva dans un fossé où il avait été
noyé, le jour de l'arrivée de l'illustre voya-
geur. On considéra sa triste fin comme un
chdtimi'nt mérité.
Cagiioslro parcourut de nouveau, dans un
grand éclat, la France, l'Angleterre, l'Italie,
la Suisse, faisant partout des cures dites
merveilleuses, étalant sa fastueuse bienfai-
sance avec une affectation habile, qui fit
dire à la marquise de Créquy cju'il avait de
l'esprit de plus d'une sorte, opérant des pro-
diges surprenants, s'il faut en croire les re-
lations. Car on a conté qu'il fit paraître de-
vant quelques grands seigneurs de Paris et
de Versailles , dans des glaces, sous des
cloches de verre et dans des bocaux, des
spectres animés el se mouvant, des person-
nes absentes, et différents morts qu'on lu!
désignait. On a mémeraiiporlé, comme chose
très-véridique, que dans <les soupers qui
firent alors grand bruit à Paris, Cagiioslro,
nouveau Fausl, avait évoqué les plus illus-
tres morts, Socrale, Platon, Charlemagne,
Pierre Corneille, el môme Volt tire et d'Alem-
bert. Mais depuis que la fantasmagorie est
devenue à Paris un spectacle public, on a
compris ces illusions.
Il est bon toutefois de lire les éloges qu'on
faisait alors du grand homme. Bordes, dans
ses Lettres sur la Suisse, le qualifie d'homme
admirable. « Sa figure, dit-il, annonce l'es-
pril, décèle le génie; ses yeux de feu lisent
au fond des âmes. Il sait presque toutes les
langues de l'Europe et de l'Asie : son élo-
quence étonne et entraîne, même dans celles
qu'il parle le moins bien. •
Le mar(|uis de Ségur et MM. deMéroménil
et de Vergennes, en 1783, rccoinmandaieiil
Cagiioslro dans les termes les pins flatteurs.
Cependant lorsqu'il revint à Paris en 1783,
ses rapports avec les anges ne le préservè-
rent pas d'une aventure fort désagréable. Il
se trouva très-gravement compromis avec le
prince dcRohan.dans la malheureuse affaire
du collier. La comtesse de La Molthe l'accu-
sait d'avoir reçu le collier des mains du
prince et de l'avoir dépecé pour grossir le
trésor occulte de sa fortune inouïe. Le grand
Cophle fut arrêté le 22 août et mis à la Bastille.
Il publia un mémoire où, pour justifier ses
dépenses, il nomme les banquiers qui dans
l lUS les pays de l'Europe, lui fournissent des
fonds. Mais il ne fait connaître ni l'origine,
ni la source de ses richesses.
Ce mémoire, très-adroilemenl rédigé, était
allribué à unmagislrat cé!èbre;el il augmen-
tait le poids de celle réflexion que la con-
science et les talents de certains avocats sont
choses qui se vendent, puisque, moyennant
argent, ils défendent toute cause quelcon-
que, juste ou injuste, loyale ou déloyale.
Comme on avait détaché dans le faclum
quelques-unes des aventures romanesques
de Cagiioslro, il fut accueilli dans le public
avec tout l'empressemenl qu'inspirait le per-
sonnage.
995
CAG
CAG
»*
L'arrêt da parlement de Paris, du 31 mai
1786, déchargea Cagliostro des accusations
intentées contre lui, et il fut mis en liberté,
mais avec ordre de quitter Paris dans les
vingt-quatre heures et le royaume dans trois
semaines. Lorsqu'il s'embarqua à Boulogne,
il était suivi d'un cortège de quatre à cu\t\
mille personnes qui lui demandaient sa béné-
diction...
Il passa en Angleterre, oii il séjourna di'nx
ans, continuant délablir ses loges égyptien-
nes et propageant son rite particulier, qu'il
appelait aussi le rite de Mizraïm.
Elle matin du 7 avril de l'année 1791. à
Rome, au milieu d'une afduence avide de
curieux, le tribunal du saint-office jugeait iin
homme important. Cet homme avait un nom
européen, diversement estimé, ange pour les
uns, démon pour les autres, bienfaiteur de
l'humanité et divin philosophe devant les
tètes légères, charlatan saugrenu et redou-
table imposteur devant les personnes gra-
ves. Cet homme était le comte de Cagliostro.
De Londres il était encore retourné en
Suisse; puis il était venu en Savoie, puis à
Gènes, à Varsovie, à Trente d'où il s'était
fait chasser; puis à Rome où il avait eu l'au-
dace d'ouvrir des loges et de faire des récep-
tions pour sa n>açonncrie égyptienne. On
l'avait arrêté avec sa femme, le 27 décembre
1789, et transféré au château Saint-Ange.
Quoique accusé de franc-maçonnerie, denia-
gie, d'apostasie, d'hérésie et même de fréné-
sie, un avait mis plus de seize mois à in-
struire sa cause, que les renseignements re-
cueillis chargeaient de toutes sortes de cri-
mes.
— Mais, disait le jeune Matteo Ferrante à
Paolo Rambaldi, son oncle dans la cour du
saint-office, il est étonnant que l'inquisilion,
qui est ici un tribunal si doux, poursuive
criminellement ce gentilhomme. Qu'a-t-il
donc fait? Tant de rapports s'accordent aie
peindre comme un élre vénérable, dont la
conduite est exemplaire! On l'a vu guérir les
malades, soulager les pauvres, répandre les
consolations et prodiguer les bienfaits, dans
le seul but de soulager l'huinanilé.
— Ce que vous dites là , mon enfant ,
répliqua Paolo, n'est que de l'exagéralion,
à propos d'un Irôs-adroil charlatanisme. Cet
étalage de bienfaisance cachait tous les vices.
Que direz-vous, si l'on vous établit que l'ar-
gent qu'il distribuait ainsi était de l'argint
volé? 11 est facile de la sorte d'être charitable.
Que direz-vous, si l'on vous fait voir qu'il
empoisonnait par ses remèdes empiriques
ceux qu'en apparence il soulageait un mo-
ment? Que direz-vous, lorsqu'on vous aura
montré que cet homme est le plus dangereux
des escrocs?
Vous vous étonnez de le voir accusé de
magie : mais c'est lui-même qui s'est donné
pour magicien, dominateur des esprits in-
fernaux.
Il s'est dit en correspondance avec lis
anges, faisant lui-même les demandes et les
réponses; car il est VENTRILOQUE.
Il a feint, par fantasmagorie et jeux d'op-
tique , des apparitions qui ont troublé do
paisibles consciences.
Il a renié le catholicisme et s'est levé contre
lui en établissant sa maçonnerie égyptienne.
Savez-vous quels mystères impurs et scan-
daleux se pratiquaient dans ses loges téné-
breuses ?
En s'excitant par des potions violentes ponr
se donner l'air inspiré, il s'est rendu fréné-
tique; et pour ce motif seul, il devait êtro
surveillé.
Vous l'appelez le comte de Cagliostro. Mais
apprenez que ce nom même est une de ses
innombrables impostures. Son nom, à Pa-
lerme où il est né, est Joseph Balsamo. A
Venise, il s'appelait le marquis de Pellegrinl.
Il s'est nommé encore Tischio , Belmonté ,
Harat, Melissa, Fénix; il a été docleur, co-
lonel, gentilhomme, danseur, sans parler de
lirofessions moins honorables. Il a volé avec
une grande adresse des sommes énormes; à
peine adolescent , il a escroqué d'un seul
CDup soixante onces d'or à un orfèvre de Pa-
lerme, pauvre idiot que les séides du conilc
de Cagliostro ont noyé à Strasbourg. Il serait
triste et de mauvais exemple de publier toute
la vie de cet homme.
— Mais, reprit encore Maltéo, dans sa lettre
au peuple français, datée de Londres le 20
juin 1786, Cagliostro prédit que la Bastille
serait démolie et deviendrait un lieu de pro-
menade. Comment expliquer cela?
— D'une manière bien naturelle. Cette dé-
molition était déjà dans les projets de
Lous XIV; et en 1786, la Bastille tombait en
ruines. Croyez bien que Joseph Balsamo,
avec tous ses noms et tous ses titres, n'est
qu'un imposteur dangereux et un fripon.
L'oncle et le neveu entrèrent alors dans la
salle où se plaidait la cause de Ihomme fa-
meux. Les faits de sa vie, en se déroulant,
ne présentaient que des vices et des crimes.
Les juges, après avoir tout pesé, condam-
nèrent Cagliostro à la peine de mort.
Mais à Rome on donne aux condamnés le
temps du repentir. Le pape Pie VI commua
la peine de Cagliostro en une prison perpé-
tuelle; on mit sa femme dans une maison de
pénitence; on l'enferma lui dans le château
Saint- Ange.
On lui laissait une liberté de mouvement
assez étendue ; mais on reconnut bientôt qu'il
ne fallait pas oublier un des motifs de son
mandat d'arrêt, la frénésie; car on le surprit
un jour occupé à étrangler un bon prêtre,
qu'il avait demandé sous prétexte de se con-
fesser, et sous les habits duquel il méditait
son évasion. On arriva assez tôt pour empé-^
cher la consommation de ce nouveau forfait;
et, depuis, l'ami des anges fut surveillé avec
grand soin.
Quand les Français entrèrent à Rome
en 1797, quelques officiers se rappelèrent
Cagliostro, qu'ils avaient vu à Paris. Ls vou-
lurent le visiter dans sa prison. Mais alors il
y avait deux ans que l'homme prodigieux,
ne pouvant plus nuire à personne, s'était
étranglé lui-même.
Ou met sur le compte de Cagliostro une
l-«8
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
296
détestable brochure qui apprend aux vieilles
remnîcs l'arl de prévoir les numéros gagnants
jcs loteries , par l'interprétaiion de leurs
jéves. Avant la suppression de la loterie en
France, on vendait tous les ans un nombre
inouï d'exemplaires de ce fatras dont voici
le liire : Le Vrai C uglio sir o, ou le Régulateur
des aclionnnires de la loterie , augmenté de
nouvelles cabales faites par Cagliostro ; volume
in-8% orné du portrait de Cagliostro, au bas
duquel on lit ces treize syllabes, que l'éditeur
a probablement prises pour un vers majes-
tueux et qui ne sont qu'un noble vers défl-
guré et souillé dans son application :
Pour savoir ce qu'il est, il faudrait être lul-môme.
Nous avons emprunté à un journal le pas-
sage suivant; c'est un des mille traits attri-
bués à Cagliostro. Nous n'en citons pas
l'écrivain, qui n'a pas signé
Cagliostro et la tempête.
« Au milieu des premiers symptômes de
la révolution, on parlait autant, à Paris, de
Cagliostro, de Mesmer, de Swedenborg el du
comte de Saint-Germain, que de l'assemblée
des notables qui venait d'avoir lieu , et de
l'assemblée des états-généraux qu'on allait
bientôt avoir.
» Les philosophes de l'école de Voltaire
et de Rousseau étaient fort répandus dans la
société; chaque grand seigneur en avait un
chez lui, qu'il nourrissait et hébergeait. Dans
toutes les familles les Cabanis, les d'Holbach,
les Hi'lvélius, les Raynal, les Diderot, étaient
devenus intimes. Les aventuriers el les im-
posteurs avaient beau jeu. Aussi Cagliostro
faisait- il fureur; tout le monde se le dispu-
tait. Le marquis de Choiseul-Beaupré, menin
de M. le dauphin , l'ayant rencontré chez
madame la duchesse de Grammont, et l'ayant
entendu assurer qu'il avait le pouvoir d'évo-
quer les morts, il avait pris le magicien à part,
et lui avait dit à l'oreille qu'il désirait voir
sa femme, qui venait de mourir à vingt ans.
> — Vous la verrez , avait répondu Ca-
gliostro; séquestrez-vous du monde, restez
chez vous, jeûnez et priez , et, dans trois
nuits, j'irai vous prendre à votre hôtel.
» Je lui donnai mon adresse , dit M. de
Choiseul , dont le récit a été recueilli dans
une lettre du comte de Motteville; — et ef-
fectivement, la troisième nuit, Cagliostro
vint vers les onze heures.
» Il dut me trouver pâle et faible ; car, sans
ajouter beaucoup de foi à ce qu'on m'avait
raconté de lui , j'avais cependant obéi à son
ordonnance; depuis trois jours, je n'étais pas
sorti de chez moi, j'avais jeûné el prié de mon
mieux, Quand je le vis entrer dans mon salon,
je sonnai pour faire avancer ma voilure;
mais il me dit :
» — M. le marquis , c'est inutile , la
niioniic est à voire porte, et si vous le pcr-
niellez, c'est elle qui nous conduira où nous
devons aller.
» — Est-ce loin? demandai-je.
» — Je ne sais, mes chevaux s'arrêteront
où ils (îcivcnf «'arrêter.
» — C'est donc à eux qu'il faut se confier?..
» — Silence, M. le marquis; ne distrayons
pas noire pensée par des idées accessoires;
n'oublions pas que c'est au devant des morts
que nous allons...
» Je me tus; pendant quelque temps, je
reconnus les rues par où nous passions ; mais
bientôt les lumières disparurent peu à peu;
bientôt les roues de la voiture ne retentirent
plus sur le pavé; nos lanternes s'éteignirent,
et l'obscurité fut complète. Me penchant à la
portière, je cherchais, à travers la glace, à
distinguer où nous étions; mais pas la plus
petite lueur ne tombait des étoiles; je ne
voyais, je ne reconnaissais rien. Cependant,
j'ai toujours cru que c'était à la plaine des
Sablons qu'il m'avait conduit.
» Au bout d'une heure et demie d'une
course très-rapide, la voiture s'arrêta.
— « C'est ici , » me dit Cagliostro, — et,
comme il prononçait ce mot, la portière s'ou-
vrit d'elle-même, le marchepied se baissa
sans que personne y mil la main ; je descen-
dis le premier, non sans émotion.
« L'espace, autant que je pouvais le dis-
tinguer, était vaste, el, dans tout ce vide noir
que j'avais devant moi, il me sembla qu'un
seul bâtiment s'élevait... El nous y touchions.
« Pendant que nous étions en voiture, j'a-
vais entendu quelques rafales de vent; quand
j'eus mis pied à terre, je sentis qu'il en fai-
sait beaucoup, et je m'enveloppai dans mon
manteau.
— « Vous aurez moins froid ici , » me dit
mon guide.
» Et comme il parlait, une porte s'ouvrit
sans bruit.
» Alors je vis autre chose que le noir de la
nuit. L'intérieur de la maison ou de la bara-
que, de la grange ou de la chapelle où Ca-
gliostro me commandait d'entrer, était fai-
blement éclairé par une lumière qui me sem-
blait à une grande distance du seuil; celte
lumière bleuâtre et vacillante était à une
certaine hauteur du sol. Par instant, el com-
me par bouffées, sa lueur, se ravivant, lais-
sait voir un autel mortuaire, entouré de plu-
sieurs cercueils, el tout à coup ces objets lu-
gubres disparaissaient dans les ombres.
» J'avais fait une vingtaine de pas en avan-
çant du côlé de la lumière, quand un coup
de vent , plus bruyant que tous ceux qui
avaient soufflé depuis une heure, ébranla ré-
difice où nous nous trouvions.
— « Cette tourmente va passer, » dilCaglio-
slro.
» II se trompait, clic ne fît que redoubler
de furie. Bientôt le tonnerre se mêla à la tem-
pête. Jamais de ma vie je n'avais entendu
d'ouragan rugir de la sorte. En ce moment ,
j'acquis la cerlilude que le bâtiment, qui nous
abritait encore, n'était pas de pierres, mais
simplement construit en planches ; il cra-
quait de toutes parts, et le vent, passant
dans les jointures de ces murs de sapin, sou-
levait les tentures noires qui drapaient l'in-
térieur.
» Cagliostro, voyant que la lampe allait
s'éteindre, venait d'allumer une torche; à sa
ftiv
CAl
CAL
398
ftaiiimc agilée et rougcâlrc, je distingnal lû's
télt'S (le morl et des ossemenls croisés, tran-
chant en blanc sur les draperies funèbres.
Tous ces emblèmes, loules ces figures du sé-
pulcre , soulevées , abaissées par le vent ,
avaient quelque chose d'effrayant : on eût
dit une autre danse macabre.
— « Nous ferions mieux de remettre à un
autre jour la vision, » dis-je à l'homme qui
m'avait promis d'intervertir pour moi l'ordre
de la nature.
— « Non, dit-il, je vais conjurer l'orage ;
il cessera bientôt. »
» Il n'avait pas achevé ces paroles, que
l'ouragan, plus furieux, plus rugissant, plus
terrible que jamais, enfonça toute une des
parties latérales ; et la légère charpente de la
couverture, n'étant plus soutenue que d'un
côté, s'écroula sur l'autel mortuaire et sur
les cercueils qui l'environnaient. A cet in-
stant, Caglioslro, effrayé, s'écria :
— « Sauvons-nous. »
» Et je fis bien de suivre ce conseil ; car,
à peine étais-je sorti, que tout le frêle édifice
fut renversé.
» Cagliostro, honteux de n'avoir pu faire
cesser la tourmente , s'étant élancé avant
moi , hors du sanctuaire de ses évocations ,
avait dit à son cocher : — « Vous conduirez
la personne que vous avez amenée ici avec
moi, où elle vous le dira; » puis il avait dis-
paru. Je le cherchais, quand le cocher m'ap-
prit l'ordre qu'il venait de recevoir. Alors, je
montai en voiture, et à deux heures du ma-
tin, j étais de retour chez moi...
» Je dormis peu ; dès qu'il fit jour, j'ordon-
nai (le mettre mes chevaux à la voilure , et
de prendre le chemin de la plaine des Sa-
blons. Quand j'y arrivai, on commençait à
voir un peu; ce fut en vain que je cherchai
des débris de la baraque funèbre ; après
avoir parcouru la plaine dans tous les sens,
j'ai acquis la certitude que ce n'était pas là
qu'elle avait élé construite. J'allai aux envi-
rons de Grenelle et, là encore, je ne trouvai
rien.
» Je racontai tout cela à un adepte ardent
de Cagliostro; ce crédule disciple de l'aven-
turier me dit :
— « C'est bien dommage que l'ouragan ait
snuiné celte nuit-là; sans la tourmente, no-
tre maître à tous vous aurait fait voir que la
mort lui obéit. »
» Quelques semaines après cette mystifica-
tion, Cagliostro élait chez la duchesse de
Gramniont, quand on y annonça le marquis
de Ciioiseul. A ce nom, il disparut comme si
un autre ouragan l'emportait. »
CAGOrS, individus des Pyrénées qui y sont
des sortes de parias. Les autres habitants les
évitent comme gens maudits. Ce sont, dit-on,
des restes de la race des Goihs, appelés Cd-
Gotlis, en abréviation de canes Gotiti, chiens
de Goths.
GAIN. Les musulmans et les rabbins dirent
qu'Eve ayant deux fils, Caïn et Abel, et deux
(I) Syncclli Chronn|;r;iplii:p, p. 80.
|2) Mi'niorie liisinriclm ili'll'a|i|iarllione (ielle croci | ro-
di^iose dj (jrlo Cala. lii-i°. lii Njpoli, tOGl.
•Dictions des sciences occiltk:. 1.
filles, Aciima et Lébuda, voulut unir Gain
avec Lébuda, et Aciima avec Abcl. Or, Ca'in
élait épris d'Aclima. Adam, pour mettre ses
fils d'accord , leur proposa un sacrifice ; et ,
comme on le sait , l'offrande de C'iïn fut re-
jctée. Il ne voulut pourtant pas céder Aciima;
il résolut, pour l'avoir plus sûrement, de tuer
son frère Abel ; mais il ne savait comment s'y
prendre. Le diable, qui l'épiait, se chargea
de lui donner une leçon. Il prit un oiseau
qu'il posa sur une pierre, et avec une autre
pierre il lui écrasa la léle. Caïn, bien instruit
alors, épia le moment oij Abel dormait, el lui
laissa tomber une grosse pierre sur le front.
A la suite de ce crime, disent les mêmes doc-
teurs, il se trouva dans un autre embarras;
il ne savait que faire du corps. Il l'enveloppa
dans une peau de bête, el l'emporta sur ses
épaules pendant quarante jours. L'infection
l'obligea à la fin de déposer son fardeau, qu'il
enterra; après quoi, il mena une vie errante
et vagabonde, jusqu'à ce qu'il fût tué par un
de ses petits-fils, qui, ayant la vue courte, le
prit pour une bête fauve...
II y a eu , dans le deuxième siècle , une
secte d'hommes effroyables qui glorifiaient le
crime et qu'on a appelés caïnites. Ces misé-
rables avaient une grande vénération pour
Gain, pour les horribles habitants de Sodome,
pour Judas et pour d'autres scélérats. Ils
avaient un évangile de Judas, et mettaient la
perfection à coaimetlre sans honte les actions
les plus infâmes.
Les mêmes hérétiques avaient aussi, on ne
sait comment, ni dans quel but, un livre
apocryphe de l'Ascension de sainl Paul, con-
tenant tout le voyage de saint Paul dans le
ciel, avec le détail de ce qu'il y avait vu...
CAINAN. On attribue à Caïnan, fils d'Ar-
phaxad, la conservation d'un traité d'Astro-
nomie, qu'il trouva gravé sur deux colonnes
par les enfants de Seth, ouvrage antédiluvien
qu'il transcrivit. On prétend aussi que Gaï-
nan découvrit encore d'autres ouvrages écrits
par les géants, lesquels ouvrages ne sont pas
venus jusqu'à nous (1).
GAIÙMARATH ou KAID-MORDS. Le pre-
mier homme selon les Persans. Voy. Bouikds-
CHESCH.
GALA (Charles), Galabrois qui écrivait au
dix-septième siècle. On recherche son Mé-
moire sur l'apparition des croix prodigieu-
ses (2), imprimé à Naples en IGGl.
CALAMITÉS. On a souvent attribué aux
démons ou à la malice des sorciers les cala-
mités publiques. Pierre Delancre dit que Icsj
calamités des bonnes âmes sont les joies et
les festoiemcnts des démons pipeurs (3). •
CALAYA. Le troisième des cinq paradis
indiens. Là réside Isora ou Eswara, toujours
à cheval sur un bœuf. Les moris fidèles le
servent; les uns le rafraîchissant avec des
éventails, d'autres portant devant lui la chan-
delle pour l'éclairer la nuit. Il en est qui lui
présentent des crachoirs d'argent quand il
veut expectorer.
Tjl)leau de riiiconsiance des mauvais anges, elc,
liv.
l>. iJ.
iO
?09
DICTIONNAIRL OES SCIENCKS OCCULTES.
-00
CALCEUAND ROCIIEZ. Pondant que Hu-
gues de Moncadc était vice-roi de Sicile pour
le roi Ferdinand d'Aragon, un gentilhomme
espagnol, nommé Calccrand-Rochcz, eut une
vision. Sa maison était située près du port de
Palerme. Une nuit qu'il ne dormait pas, il
crut entendre des hommes qui cheminaient
et faisaient grand bruit dans sa hasse-cour;
il se leva, ouvrit la fenêtre, et vit, à la clarté
du crépuscule, des soldats et des gens de pied
en bon ordre, suivis de piqu-eurs; après eux,
venaient des gens de cheval divisés en esca-
drons, se dirigeant vers la maison du vice-
roi. Le lendemain, Cnlccrand conta le tout à
RIoncade, qui n'en tint compte ; cependant,
peu après , le roi Ferdinand mourut, et ceux
de Palerme se révoltèrent. Cette sédition,
dont la vision susdite donnait clair présage,
ne fut apaisée que par les soins de Charles
d'Autriche (Charles-Quint) (t).
CALCHAS , fameux devin de l'antiquité,
qui prédit aux Grecs que le siège de Troie
durerait dix ans , et qui exigea le sacrifice
dlphigénie. Apollon lui avait donné la con-
naissancedu passé, du présent cl de l'avenir.
Il serait curieux de savoir s'il aurait prédit
aussi la prise de la Bastille. Sa destinée était
de mourir lorsqu'il aurait trouvé un devin
plus sorcier que lui. Il mourut en effet de dé-
pit, pour n'avoir pas su deviner les énigmes
de Mopsus.
CALEGUEJERS.I.es plus redoutables d'en-
tre les génies chez les indiens. Us sont de
taille gigantesque , et habitent ordinaire-
ment le patala ou l'enfer.
CALENDRIER. L'ancien calendrier des
païens se rattachait au culte des astres; et
presque toujours il était rédigé par des as-
trologues.
Ce serait peut-être ici l'occasion de parler
du Calendrier des bergers , de VAlmanncli du
bon laboureur, liu Messager boiteux deBdleen
Suisse, et de cent autres recueils où l'on voit
exactement marqués les jours où il fuit bon
rogner ses ongles et prendre médecine; mais
ces détails mèneraient trop loin. Voy. Alma-
MACH.
CALI, reine des démons et sultane de l'en-
fer indien. On la représente tout à fait noire,
avec un collier de crânes d'or. On lui offrait
autrefois des victimes humaines.
CALICE DU SABBAT. On voit, dans Pierre
Delancre , que lorsque les prêtres sorciers
disent la messe au sabbat, ils se servent d'une
hostie et d'un calice noirs, et qu'à l'élévation
ils disent ces mots : Corbeau noir i corbeau
noir! invoquant le diable.
CALIGULA. On prétend qu'il fut empoi-
sonné ou assassiné par sa femme. Suétone
dit qu'il apparut plusieurs fois après sa mort,
et que sa maison fut infestée de monstres et
dje spectres , jusqu'à ce ((u'on lui eût rendu
les honneurs funèbres (2).
CALMET (DoM Augustin), bénédictin de la
congrégation de Suiut-Vanues , l'un des sa-
(1) I.plnyer, Disc, cl hist. des spectres, p. 272.
(2) Delaiidine , Kiiler des peuples anciens , cb. ii ,
p. 3lt!. Dulancre, L'iiicouiianco desdûmous, elc., liv. VI,
p. iGl.
vants les plus laborieux cl les plus utiles du
dernier siècle, mort en 1757, dans son ab-
b.iye de Senoncs. Voltaire même mit ces qua-
tre vers au bas de son portrait :
Des oracles sacrés que Dieu daigna nous rendre
Son travail assidu perça l'ohscurilé;
Il (il plus, il les crul avec siiupliciié,
El l'ut, par ses vertus, digne de les entendre.
Nous le citons ici pour sa Dissertation sur les
apparitions des anges, des démons et des es-
prits, et sur les revenants et vampires de Hon-
grie,de Bohême, de Moravie et de Silésie, in-i2,
Paris, 1746. La meilleure édition est de 1751;
Paris , 2 vol. in-12. Ce livre est fait avec
bonne foi ; l'auteur est peut-être trop crédule,
il admet facilement les vampires. Il est vrai
qu'il rapporte ce qui est contraire à ses idées
avec autant de candeur que ce qui leur est
favorable. Voy. Vampires.
CALUNDRONIUS, pierre magique dont on
ne désigne ni la couleur ni la forme, mais
qui a la vertu d'éloigner les esprits malins,
de résister aux enchantements , de donnera
celui qui la porte l'avantage sur ses ennemis,
et de chasser l'humeur noire.
CALVIN (Jean), l'un des chefs de la ré-
forme prétendue , né à Noyon , en 1509. Ce
fanatique , qui se vantait , comme les autres
prolestants , d'apporter aux hommes la li-
berté d'examen , et qui fit brûler Michel Ser-
vet , son ami, parce qu'il différait d'opinion
avec lui, n'était pas seulement hérétique, on
l'accuse encore d'avoir été magicien. « Il fai-
sait des prodiges à l'aide du diable qui, quel-
quefois ne le servait pas bien : car un jour il
voulut donner à croire qu'il ressuscitait un
homme qui n'était pas mort ; et, après qu'il
eut fait ses conjurations sur le compère, lors-
qu'il lui ordonna de se lever, celui-ci n'en fit
rien, et on trouva qu'icelui compère était
mort tout de bon , pour avoir voulu jouer
cette mauvaise comédie (3). » Quelques-uns
ajoutent que Calvin fut étranglé par le dia-
b.e ; il ne l'aurait pas volé.
En son jeune âge , Calvin avait joué la co-
médie et fait des tours d'escamotage.
CAMBIONS. Enfants des démons. Delancre
et Bodin pensent que les démons incubes
peuvent s'unir aux démons succubes, et qu'il
naît de leur commerce dts enfants hideux
qu'on nomme comblons, lesquels sont beau-
coup plus pesants que les autres, ava-
lent tout sans être plus gras, et tariraient
trois nourrices qu'ils n'en profiteraient pas
mieux [h). Luiher, qui élait très-superstitieux,
dit dans ses Colloques que ces enfants-là ne
vivent que sept ans ; il raconte qu'il en vit
un qui criait dès qu'on le touchait , et qui
ne riait que quand il arrivait dans la maison
quelque chose de sinistre.
Muïole rapporte qu'un mendiant galicien
excitait la pilié publique avec un cambion ;
qu'un jour un cavalier, voyant ce gueux très-
embarrassé pour passer un fleuve, prii , par
compassion , le petit enfant sur son cheval,
(5) Bognet, Discours des sorciers, ch. xvm.
[i) Delancre, Talileau de riiiioastauce des démons,
(iv. III, il la lin Ujtiiir, Dcuionomauic, liv. Il, cli. vu.
SOI
CAM
CAN
mais qu'il était si lourd que le cheval pliait
sous le poids. Peu de temps après , le men-
diant,étanl pris, avoua que c'était un petit de
démon qu'il portait ainsi, et que cet alîreux
marmot, depuis qu'il le traînait avec lui,
avait toujours agi de telle sorte que personne
ne lui refusait l'aumône (1).
CAMÉLÉON. Démocrite , au rapport de
Pline, avait fait un livre spécial sur les su-
perstitions auxquelles le caméléon a donne
lieu. Un plaideur était sûr de gagner son pro-
cès, s'il portait avec lui la langue d'un ca-
méléon arrachée à l'animal pendant qu'il
vivait.
On faisait tonner et pleuvoir en brûlant
la léle et le gosier d'un caméléon sur un feu
de bois de chêne, ou bien en rôtissant son
foie sur une tuile rouge. Boguel n'a pas man-
qué de remarquer celte merveille , dans le
chapitre 23 de ses Discours des sorciers.
L'œil droit d'un caméléon vivant, arraché
et mis dans du lait de chèvre, formait un ca-
taplasme qui faisait tomber les taies des yeux.
Sa queue arrêtait le cours des rivières. On se
guérissait de toute frayeur en portant sur
soi sa mâchoire, etc.
Des curieux assurent encore que cette es-
pèce de lézard ne se nourrit que de vent.
Àlais il est constant qu'il mange des insoctcs;
et comment aurait-il un estomac et tous les
organes de la digestion , s'il n'avait pas be-
soin de digérer? Comment encore, s'il ne
mange pas , produit-il des excréments, dont
les anciens faisaient un remède magique pour
nuire à leurs ennemis?
La couleur du caméléon paraît varier con-
tinuellement, selon la rélluxiim des rayons
du soleil et la position où l'animal se trouve
par rapport à ceux qui le regardent : c'est
ce qui l'a fait comparer à l'homme de cour.
— Delancre dit , d'un autre côté , que le ca -
méléon est l'emblème des sorciers, et qu'on
en trouve toujours dans les lieux oiî s'est
tenu le sabbat.
CAMÉRARIUS (Joachim), savant allemand
du seizième siècle. On recherche son traité
De la nature et des affections des démons (2)
et son Commentaire sur les divinations (3).
Nous indiquerons aussi de Barihélemi Ca-
merario, Bénéventin, mort en l'ÔQï, un livre
sur le feu du purgatoire (4) ; les Centuries de
Jean-Rodolphe Camérarius, médecin alle-
mand du dix-septième siècle, «ur /m /joroscopes
et l'astrologie (o), et le fatras du même auteur
sur les secrets merveilleux de la nature (6).
Ënnn,Elie Camérarius, autre rêveur de
Tubingue , a écrit en faveur de la magie et
des apparitions, des livres que nous ne con-
naissons pas.
CAMPANliLLA (Thomas), homme d'esprit,
(1) Boguct, Discours des sorciers, rli. xiv.
(2) De naliira et aflecUoiiibus daemouiim libri duo. Liu-
siœ, 1576 In-8°.
(3) Commentarius de gcneribus divinalionum, ac griBCis
lalinisqiie cariim vocabiilis. I.ipsiae, 1576. Iii-8°.
(4) De purgalorio igné. Itornse, 13"i7.
(3) Horarum ii^italium cenUiriae II pro cerlitudine as-
Irologiae. In-4°. Francfoit, 1607 el 1610.
(6) Sylloge memorahilinin mediciiia; et mirabilinm iia-
lurae arcanorum ceutiiiiae Xll. In-Il ,Sira.s!;ourg, IGit.
502
mais de peu de jugement, né dans un bourg
de la Calabre en 15C8. Tout jeune, il rencon-
tra, dit-on , un rabbin qui l'initia dans les
secrets de l'alchimie, et qui lui apprit tou-
tes les sciences en quinze jours , au moven
de l'Art Notoire.
Avec ces connaissances, Campanella, en-
tré dans l'ordre des dominicains, se mit à
combattre la doctrine d'Arislote , alors en
grande faveur. Ceux qu'il attaqua l'accusè-
rent de magie ; et il fut obligé de s'enfuir de
Naples. On s'empara de ses cahiers ; l'inqui-
sition y trouvant des choses répréhensibles.
condamna l'auteur à la retraite dans un cou-
vent: notez que c'était l'inquisition d'Etal et
que la vraie cause qui lui fît imposer le si-
lence dans une sorte de séquestration , fut
une juste critique qu'il avait faite, dans son
Traité de la monarchie espagnole, des torts
graves de cette nation, dominée alors par
un immense orgueil. Il sortit de sa retraite
par ordre du pape, en 1620, et vint à Paris,
où il mourut chez les jacobinsde la rue saint
Honoré, le 21 mai 1639.
On a dit qu'il avait prédit l'époque de sa
mort.
Nous ne citerons de ses ouvrages que ses
quatre livres Du sens des choses et de la ma-
gie (7), et ses six livres ^'astrologie (8); l'au-
teur, qui faisait cas de cette science, s'effor-
ce d'accorder les idées astrologiques avec la
doctrine de saint Thomas.
CAMPETTI, hydroscope, qui renouvela, à
la fin du dernier siècle, les merveilles de la
baguette divinatoire. 11 était né dans le Ty-
rol. Mais il a fait moins de bruit que Jacques
Aymar. Au lieu de baguette pour découvrir
les sources, les trésors cachés et les traces de
vol ou de meurtre, il se servait d'un petit
pendule formé d'un morceau de pyrite, ou
de quelque autre susbstance métallique sus-
pendue à un fil qu'il tenait à la main. Ses
épreuves n'ont pas eu de suites.
CAMUZ (Philippe), romancier espagnol
du seizième siècle. On lui attribue la Vie de
Rubert-le-Diable (9), qui fait maintenant par-
tie de la Bibliothèque Bleue.
CANATE , montagne d'Espagne , fameu.'^e
dans les anciennes chroniques ; il y avait au
pied une caverne où les mauvais génies fai-
saient leur résidence, et les chevaliers qui
s'en approchaient étaient sûrs d'être enchan>
tés s'il ne leur arrivait pas pis.
CANCER OU L'ECREVISSE, l'un des si-
gncs du zodiaque. Voy. Horoscope.
CANG-HY, dieu des cieux inférieurs, cluz
les Chinois. Il a pouvoir de vie et de mort.
Trois esprits subalternes sont ses minislre.s:
Tankwam,qui pré.side à l'air, dispense la
pluie ; Tsuikwam, qui gouverne la miT el
L'édition ln-8° de Tubingue, 1685, est augmentée et con-
tient XX centuries.
(7) De sensu rerum et magia libri IV, etc. Id-4". Franc-
fort, 1620.
(8) Aslrologlcorum libri VI. In-i". Lyon, 1629. L'édition
du Francfort, 1630, est plus recliorcliée, parce qu'elle
conUeul nn sopllèiiclivrciutiliilé: De falo siilerali vitando.
(0) La Vida de Uuberto el Diablo, etc. In-folio. Sivillc,
iC23.
5<'5
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
r.oi
les eaux, envoie les veiils cl les orages ;
Tcikwam, qui préside à la terre , surveille
l'agriculUire et se mêle des batailles.
CANICULE, constellation qui doit son nom
à l'étoile Syrius ou le chien, et qui doiriine
dans le temps des grandes chaleurs. Les Ro-
mains , persuadés de la malignité de ses in-
fluences, lui sacrifiaient tous les ans un chien
roux. Une vieille opinion populaire exclut
les remèdes pondant cette saison, et remet à
la nature la guérison de toutes les maladies.
C'est aussi une croyance encore répandue,
mais dénuée de fondement, qu'il est dange-
reux de se baigner dans la canicule.
CANIDIA, magicienne dont parle Horace;
elle enchantait et envoûtait avec des figures
de cire, et , par ses conjurations magiiiucs
forçait la lune à descendre du ciel.
GANTERMK , nom que donnaient les an-
ciens à certains enchantements et malé-
fices
GANTWEL (Anuré-Samuel-Michel), mort
iiililiothécairc des Invalides le 9 juillet 1802.
Il est auteur d'un sot rom.in intitulé : le Clid-
leau d'Albert ou le Squelclle ambulant, 1709,
2 vol. in-18.
CAOUS. Les Orientaux donnent ce nom à
des génies malfaisants qui habitent les ca-
vernes du Caucase.
CAPNOMANCIE, divination par la fumée.
Li s anciens en faisaient souvent usage : on
brûlait de la verveine et d'autres plantes sa-
crées : on observait la fumée de ce feu, les
figures et la direction qu'elle prenait, pour
en tirer des présages.
On distinguait deux sortes de capnoman-
cie : l'une qui se pratiquait en jetant sur des
charbons ardents des grains de jasmin ou de
pavot, et en observant la fumée qui en sor-
tait ; l'autre, qui était la plus usitée, se pra-
tiquait par la méthode que nous avons in-
diquée. Elle consistait aussi à examiner la
fumée des sacrifices. Quand cette fumée était
légère et pou épaisse, c'était bon augure. Oii
respirait même cette fumée; et l'on pensait
qu'elle donnait des inspirations.
CAPPAUTAS, grosse pierre brute qui,
dans les croyances populaires, guérissait
de la frénésie ceux qui allaient s'y asseoir ;
elle se trouvait à trois stades do Gythcum eu
Lncnnie.
■ GAPPEUON. doyen de Sainl-Mjixant. 11
publia, dans le Mercure de 1726, une lettre
sur les fausses apparitions, que Lenglet-Du-
fresnoy a réimprimée dans son recueil. Il
montre peu de crédulité et combat les faus-
ses apparitions avec des raisons assez bon-
nes. Il conte qu'un jour il fut consulic sur
une femme qui disait voir chaque jour, à
midi, un esprit en figure d'Iijomme, velu de
gris, avec des boulons jaunes, lequel la mal-
tiailail fort, lui donnant même de grands
soufflets ; ce qui paraissait d'autant plus cer-
tain qu'une voisine prolestait qu'ayant mis
sa main contre la joue de cette femme dans
le temps qu'elle se (lisait maltrailéc, elle
avait scnîi quchjuc chose d'invi->ible qui la
(1* M. Salguc», Des erreurs ut des préjugés, elc, l. I,
p. iiOU.
repoussait. Ayant rcconiiu que celle fcninn"
était fort sanguine, Capperon conclut qu'il
fallait lui faire une saignée, avec la précau-
tion de lui en cacher le motif; ce qui ayant
éié exécuté. L'apparition s'évanouit.
Tous les traits qu'il rapporte, et tous ses
raisonnements, prouvent que les vapeurs ou
l'imagination troublée sont la cause de la
plupart des visions. Il admet les visions rap-
portées dans les livres saints; mais il re-
pousse les autres assez généralement. Il
parle encore d'une autre femme à qui un es-
prit venait tirer toutes les nuits la couver-
ture. Il lui donna de l'eau, en lui disant d'en
asperger son lit , et ajoutant que cette eau,
pirticulièrement bénite contre les revenants,
la délivrerait de sa vision. Ce n'était que do
l'eau ordinaire; mais l'imagination de la
vieille femme se rassura parce petit strata-
gème, qu'elle ne soupr.onnait pas, et elle ne
vil plus rien.
CAPRICORNE. L'un des signes du zodia-
que. Voy. Horoscopes.
CAPUCIN. Ce sont les protoslants qui ont
mis à la mode ce stupide axiome supersti-
tieux, que la rencontre d'un capucin était un
mauvais présage. Un jour que l'abbé de Voi-
senon était allé à la chasse sur un terrain
très giboyeux, il aperçut un capucin. Dès ce
moment il ne tira plus un coup juste, et
comme on se moquait de lui : — Vraiment,
messieurs, dit-il, vous en parlez fort à votre
aise; vous n'avez pas rencontré un capu-
cin (1).
CAQUEUX ou CACOUX. Les cordicrs ,
nommés caqueux ou cacoux, en Rretagne,
sont relégués dans certains cantons du pays
comme des espèces de parias ; ou les cvile;
ils inspirent môme de l'horreur, parce (jui's
font des cordes , autrefois instruments de
mort et d'esclavage. Us ne s'alliaient jadis
«lu'entre eux , et l'entrée des églises-leur
était interdite. Ce préjugé commence à .'■e
dissiper; cependant ils passent encoie pour
sorciers. Ils profilent de ce renom ; ils ven-
dent des talismans qui rendent invulnéra-
ble, des sachets à l'aide desquels on est in-
vincible à la Julie; ils prédisent l'avenir;
on croit aussi qu'ils jettent de mauvais
vents.
On les disait, au quinzième sièc'.e, juifs
d'origine, et séparés par la lèpre du reste des
hommes. Le duc de Bretagne, François II,
leur avait enjoint de porter une marque de
drap rouge sur un endroit apparent de leur
robe. On assure que le vendredi saint tous
les caqueux versent du sang par le nombril.
Néanmoins on ne fuit plus devant les cor-
diers ; mais on ne s'allie pas encore aisé-
ment avec leurs familles (2). N'est-ce pas ici
la même origine que celle des cagolhs? Voy.
ce mot.
CARABIA ou DECARABIA. Démon peu
connu, quoiqu'il jouisse d'un grand pouvoir
au soiniirc empire. Il est roi d'une partie de
l'enfer, et comte d'une autre province con-
sidérable. Il se présente sous l.i figure d'une
(2) Oiinliiv, Voy.iye iJaiis lo FiiiislèrL-, l. !11, p liij;
l I. (W.
SOS
cm
CAR
506
éloilc à cinq rayons. Il conn.iîl les vcrlus des
planlcs et des pierres précieuses; il domine
sur les oiseaux, qu'il rend familiers. Trente
légions sont à ses ordres (1).
CARACALLA. L'empereur Caracalla ve-
nait d'être lue par un soldat. Au moment où
l'on n'en savait encore rien à Rome, on vil
un diable en forme humaine qui menait un
âne, tantôt au Capilole, tantôt au palais de
l'Empereur, en disant tout haut qu'il cher-
chait un maître. On lui demanda s'il cher-
chait Caracalla ; il répondit que celui-là était
mort, sur quoi il fut pris pour être envoyé à
l'Empereur, et il dit ces mots : «Je m'en vais
donc, pu squ'il le faut, non à l'empereur que
vous pensez, mais à un autre ; » et là-dessus
on le conduisit de Rome à Capoue, où il dis-
parut, sans qu'on ait jamais su ce qu'il de-
vint (2).
CARACTÈRES. La plupart des talismans
doivent leurs vertus à des caractères sacrés
que les anciens regardaient comme de sûrs
préservatifs. Le fameux anneau de Salomon,
qui soumit les génies à la volonté de ce roi
magicien, devait toute sa force à des carac-
tères cabalistiques. Origène condamnait chez
quelques-uns des premiers chrétiens l'usage
de certaines plaques de cuivre ou d'élain
chargées de caractères, qu'il appelle des res-
tes de l'idolâtrie. VEnchiridion du pape
Léon III, le Dragon Rouge, les Clavicules de
Salomon, indiquent dans tous leurs secrets
magiques des caractères incompréhensibles,
tracés dans des triangles ou dans des cer-
cles, commodes moyens puissants et certains
pour l'évocation des esprits.
Souvent aussi des sorciers se sont servis
de papiers sur lesquels ils avaient écrit avec
du sang des caractères indéchiffrables ; et
ces pièces, produites dans les procédures,
ont été admises en preuve de maléfices jetés.
Nous avons dit quel était le pouvoirdes mots
agla, abracadabra, etc. Voy. Talismans.
CARDAN (JÉRÔME ). Médecin, aslrolo!,'ue
rt visionnaire, né à Pavie en 1301, mort à
Rome en 1S7(). Il nous a laissé une histo re
de sa vie, où il avoue sans pudeur tout ce
qui peut tourner à sa honte. 11 se créa beau-
coup d'ennemis par ses mœurs; du reste, ce
fut un des hommes habiles de son temps. Il
fil faire des pas aux matliématiques, et il pa-
raît qu'il était savant médecin; mais il avait
une imagination presque toujours délirante,
cl on l'a souvent excusé en disant qu'il était
fou.
Il rapporte, dans le livre De vita propria,
que, quand la nature ne lui faisait pas sen-
tir quelque douleur, il s'en procurait lui-
même en se mordant les lèvres, ou en se ti-
raillant les doigts jusqu'à ce qu'il en pleu-
rât, parce que s'il lui arrivait d'être sans
douleur, il ressentait des saillies et dos im-
pétuosités si violentes, qu'elles lui étaient
plus insupportables que la douleur même.
D'ailleurs, il aimait lo mil physique à cause
du pliàsir qu'il éprouvait ensuite quand ce
mal cessait.
(1) Wicrus, iu rsuudomonarcliia dsem.
Il dit, dans le livre 8 de la Variété des
choses , qu'il tombait en extase quand il vou-
lait, et qu'alors son âme voyageait hors do
son corps, qui demeurait impassible etcomnie
inanimé. — Il prétendait avoir deux âmes,
l'une qui le portait au bien et à la science,
l'autre qui l'entraînait au mal et à labrulis •
sèment.
il assure que, dans sa jeunesse, il voyait
clair au milieu des ténèbres; que l'âge affai-
blit en lui cette faculté : que cependant quoi-
que vieux, il voyait encore en s'éveillant au
milieu de la nuit, mais moins parfaitement
que dans son âge tendre. 11 avait cela de
coirimun, disait-il, avec l'empereur Tibère ;
il aurait pu dire aussi avec les hiboux.
Il donnait dans l'alchimie, et on reconnaît
dans ses ouvrages, qu'il croyait à la cabale
et qu'il faiuail grand cas des secrets cabalis-
tiques. Il dit quelque part que, la nuit du lî
au 14 août 1491, sept démons ou esprits élé-
mentaires de haute stature apparurent à Fa-
zio Cardan, son père ( presque aussi fou que
lui ), ayant l'air de gens de quarante ans,
vêtus de soie, avec des capes à la grecque,
des chaussures rouges et des pourpoints cra-
moisis; qu'ils se dirent hommes aériens, as-
surant qu'ils naissaient et mouraient; qu'il*
vivaient trois cents ans; qu'ils approchaient
beaucoup plus de la nature divine que les
habilanls de la terre ; mais qu'il y avait néan-
moins entre eux et Dieu une distance infinie.
Ces hommes aériens étaient sans doute des
sylphes.
Il se vantait d'avoir, comme Socratc, un
démon familier, qu'il plaçait entre les sub-
stances humaines et la nature divine, et qui
se communiquait à lui par les songes. Ce dé-
mon était encore un esprit élémentaire ; car,,
dans le dialogue intitulé Telim, et dans li^
traité De libris propriis , W AU que son dé-
mon familier tient de la nature de Mercure
et de celle de Saturne. On sent bien qu'il s'a-
git ici des planètes. 11 avoue ensuite qu'il
doit tous ses talents, sa vaste érudition et
ses plus heureuses idées à son démon. Tous
ses panégyristes, en faisant son éloge, ont
fait la part de sou démon familier, ce qu'il est
bon de n m n quer pour l'honneur des esprits.
Cardan assurait aussi que son père avait été
servi trente ans par un esprit familier.
Comme ses connaissances en astrologie
étaient grandes , il prédit à Edouard VI, roi
d'Angleterre, plus de cinquante ans de rè-
gne, d'après les règles de l'art. Mais par mal-
heur Edouard VI mourut à seize ans.
Ces mêmes règles lui avaient fait voir clai-
rement qu'il ne vivrait que quarante-cinq
ans. Il régla sa fortune en conséquence; ce
qui l'incommoda fort le reste de sa vie. Quand
il dut avouer s'être trompé dans ses calculs,
il reQt son thème, et trouva qu'au moins il
ne passerait pas la soixante-quinzième an-
née. La nature s'obstina encore à démentir
l'astrologie. Alors, pour soutenir sa réputa-
tion, et ne pas supporter davantage la honte
d'un démenti (car il pensait que l'art est in-
faillible cl que lui seul avait pu se troni.pcr),
(-2) Leloyer, Hist. et dise, des spectres, llv. 111, th. xvi.
607
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
503
on assure que Cardan se laissa mourir Je
taitn.
a De tous les événements annoncés par les
astrologues, jo n'en trouve qu'un seul qui
soit réellement arrivé tel qu'il avait été
prévu, dit un écrivain du d>'rnier siècle (1),
c'est la mort de Cardan, qu'il avait lui-même
prédite et Dxée à un jour marqué. Ce grand
jour arriva : Cardan se portait bien; mais il
fallait mourir ou avouer l'insuffisance et la
vanité de son art; il ne balança pas ; et, se
sacriGant à la gloire des astres, il se tua lui-
même ; il n'avait pas expliqué s'il périrait
par une maladie ou par un suicide. »
Il faut rappeler, parmi les extravagances
astrologiques de Cardan , qu'il avait dressé
l'horoscope de Notre-Seigncur Jésus-Christ,
qu'il publia en Italie et en France. Il trou-
vait, dans la conjonction de Mars avec la
Lune au signe de la Balance, le genre de
mort de l'Homme-Dicu; et il voyait le ma-
liométisme dans la rencontre de Saturne
avec le Sagittaire, à l'époque de la naissance
du Sauveur.
En somme, Jérôme Cardan fut un homme
saperstilieux, qui avait plus d'imagination
que de jugement. Ce qui est bizarre, c'est
que, croyant à tout, il croyait mal aux seu-
les merveilles vraies, celles que l'Eglise ad-
met. On le poursuivit à la fois comme magi-
cien et comme impie...
Delancre dit qu'il avait été bien instruit en
la magie par son père, lequel avait eu trente
ans un démon enfermé dans une cassette, et
discourait avec ce démon sur toutes ses af-
faires (2).
On trouve donc des choses bizarres dans
presque tous ses ouvrages, qui ont été re-
cueillis en dix volumes in-folio, principale-
ment dans le livre de la Variété des choses,
de la Subtilité des démons, etc., et dans son
Traité des Songes (3). Foyez Métoposcopie.
CARENUS (Alexandre), auteur d'un Trai/^
de» songes (4-) publié à Padoue en 1575.
CARLOSTAD (André Bodenstein de), —
archidiacre de Svitlemberg, d'abord parti-
san, ensuite ennemi de Luther, mais toujours
dissident comme lui. Il nia la présence réelle
de Noire-Seigneur Jésus-Christ dans l'eucha-
ristie, après avoir gagé avec Luther, le verre
à la main, qu'il soutiendrait cette erreur. H
abolit la confession auriculaire, le précepte
du jeûne et l'abstinence des viandes. Il fut
le premier prêtre qui se maria publique-
ment en Allemagne; il permit aux moines de
sortir de leurs monastères et do renoncer à
leurs vœux; il Gl de mauvais ouvrages, au-
jourd'hui méprisés de toutes les sectes, et
voici ce qui lui arriva, selon le récit de Mos-
Irovius :
Le jour que Carloslad prononça son der-
nier prêche, un grand homme noir, à la Ggure
triste et décomposée, monta derrière lui l'es-
(1) Essai sur los superslilions, par M. L. G. In-11
(i\ L'incrédulité el micréance, elc, Irailé 1", p. 13,
cic.
(3) Ilieronymus Carilanus , De Somniis. Bâie, 1583.
^4) Alex. Carcnus, DcSouiniis, in i". Palavii, 1575.
calier de la chaire et lui annonça qu'il irait
le voir dans trois jours. D'autres disent que
l'homme noir se tint devant lui le regardant
d'un œil Oxe, à quelques pas de la chaire el
parmi les auditeurs. Ouoi qu'il en soit, Car-
loslad se troubla; il dépêcha son prêclie, et,
au sortir de la chaire, il demanda si l'on con-
naissait l'homme noir qui en ce moment sor-
tait du temple. Mais personne que lui ne
l'avait vu. — Cependant le même fantôme
noir était allé à la maison de Carlostad el
avait dit au plus jeune de ses Gis :
— Souviens-loi d'avertir ton père que je
reviendrai dans trois jours, et qu'il se tienne
prêt...
Quand l'archidiadre rentra chez lui, son
(Ils lui raconta celle aulre circonstance. Car-
lostad épouvanté se mit au lit, et trois jours
après, le 25 décembre 1541, qui était la fête
de Noël, le diable, dit-on, lui tordit le cou.
L'événement eut lieu dans la ville de Bàlc (5j.
CAIIMENTES, déesses tulélaires des en-
fants chez les anciens. Elles ont été rempla-
placées par nos fées ; elles présiiiaicnt à la
naissance, chantaient l'horoscope du nou-
veau-né, lui faisaient un don, comme les fées
en Bretagne, el recevaient de petits présents
de la part des mères. Elles ne se montraient
pas ; cependant on leur servait à dîner dans
une chambre isolée pendant les couches.
On donnait aussi, chez les Romains, le nom
de carmentes (ou charmeuses) aux devineres-
ses célèbres; et l'une des plus fameuses pro-
phétesses de l'Arcadie s'est nommée Carmen-
tie. On l'a mise dans le ci-devanl Olympe.
CARNAVAL. Voy. Mascarades.
CARNOET. Voy. Trou du château.
CARNUS, devin d'Acarnanie, qui, ayant
prédit de grands malheurs sous le lègnede
Codrus, fut tué à coups de flèches comme
magicien. Apollon envoya la peste pour ven-
ger sa mort.
CARON. — La fable du batelier des enfers
vint, dil-on, de Memphis, en Grèce. Fils de
l'Erèbe et de la Nuit, il traversait le Cocyto
el l'Achéron dans une barque étroite. Vieux
et avare, il n'y recevait que les ombres de
ceux qui avaient reçu la sépulture el qui lui
payaient le passage. Nul mortel pendant sa
vie ne pouvait y entrer, à moins qu'un ra-
meau d'or consacré à Proserpine ne lui servît
de sauf-conduit; et le pieux Enée eut besoin
que la sibylle lui en fil présent lorsqu'il vou-
lut pénétrer dans le royaume de Plulon. Long-
temps avant le passage de ce prince, le no-
cher infernal avait été exilé pendant un an
dans un lieu obscur du Tartare, pour avoir
reçu dans son baleau Hercule, qui ne s'était
pas muni du rameau.
Mahomet, dans le Koran, chap. 28, a con-
fondu Caron avec Coré, que la terre englou-
tit lorsqu'il outrageait Moïse. L'Arabe Mu-
tardi, dans son ouvrage sur l'Egyple, fait de
(5) Celte anecdote se trouve encore dans les écrits ilc
Lullier, et dans un livre du dernier siècle, inliliilé : l-;i
Baliylone démasquée, ou Entretiens de deux dames hol-
laudaises sur la religion callioliiiue romaine, etc., p. 226;
éditioa de Pépie, rue St-Jacqucs, à Paris, 1727.
50'»
CAR
CAR
5»0
Caron un oncle du Icgislaleur des Hébreux,
et, comme il soutint toujours son parii avec
zèle, ce dernier, dit-il, lui apprit ralchimie
et le secret du grand œuvre, avec lequel il
amassa des sommes immenses.
Hérodote nous a indiqué l'opinion la plus
sûre : Caron fut d'abord un simple prêtre de
Vulcain, mais qui sut usurper en Egypte le
souverain pouvoir. Parvenu au faîte de la
grandeur, il voulut rendre son nom immor-
tel par un ouvrage qui pût attester, dans tous
les siècles, l'étendue de sa magniGcence. Le
tribut qu'il imposa sur les inhumations lui
fournit des trésors qui facilitèrent sou des-
sein. C'est à lui que l'on doit ce labyrinthe
égyptien, qui fut d'abord le palais qu'il se
plut à habiter, et qui passa ensuite, dans l'o-
pinion vulgaire, pour faire partie des en-
fers (1).
Histoire populaire de Caron, tirée du second
voyage de Paul Lucas.
« Le lac de Kern, autrefois Achérusia, en
Egypte, était, dit-on, dans les temps reculés,
beaucoup plus grand qu'il n'est aujourd'hui.
Alors les Pharaons avaient près de là une
grande ville où ils faisaient lenr résidence.
Une femme de cette ville, se promenant un
jour sur les bords du lac, y vit une vache qui
venait de mettre bas son veau. Cette femme
n'avait point d'enfants : la réflexion qu'elle
fit sur la stérilité dont elle était affligée, pen-
dant que tant de brutes faisaient tous les
jours des petits, l'entraîna dans une espèce
de fureur; elle éclata en injures contre la
vache, qui ne s'en inquiéta point, et contre
les dieux, à qui elle reprochait de ne savoir
pas discerner la juste valeur des choses. Aus-
sitôt elle entendit une voix forte comme un
tonnerre, qui semblait partir des nuages;
cette voix lui annonçait qu'elle aurait un
fils, qu'il s'appellerait Caron, et qu'il devien-
drait même Pharaon d'Egypte.
» A ce prodige, l'imprudente femme ren-
tra en elle-mêuie, moitié désespérée d'avoir
outragé les dieux, moitié consolée par l'es-
poir de voir un jour ses vœux exaucés. Au
bout de neuf mois, elle mit au monde un (ils
qu'elle nomma Caron. 11 croissait à vue d'œii,
mais la malice de son esprit surpassait inQ-
niment la force de son corps.
» Dès qu'il fut grand, ses mauvaises incli-
nations le portèrent aux crimes les plus af-
freux. Voyant qu'on ne fait rien dans ce
monde sans argent, il s'avisa de camper sur
les bords du lac, à l'endroit où l'on passait
les morts pour les ensevelir dans les grottes
destinées aux momies. Là, pour chaque mort
qui traversait, il exigeait, bon gré malgré,
une somme assez considérable ; et, afin qu'on
ne lui fît point de résistance, il publiait qu'il
était chargé par le roi de lever cet impôt. A
mesure qu'il gagna de l'argent, il prit avec
lui d'autres biigands pour le soutenir dans
la collecte de la taxe qu'il avait imaginée (2).
11 tu ce uiélier plusieurs années, sans qu'un
M) Dtilandine, Enfers des peuples anciens, cli. ix.
(î) C'élail une laxe sur les eiiterrcmeuls, cninine il y
en ï à Taris ilc si cuoriucs. — Dans notre dernière rcvo-
l'en empêchât. Mais enfin, le fils du roi étant
mort, soit que Caron le prît simplement pour
le fils de quelque seigneur, soit que les ri-
chesses qu'il avait acquises enflassent son
auilace, il arrêta le prince comme les autres,
prétendit avoir son droit; et, se moquant de
toutes les raisons qu'on lui put alléguer, il
jura que le fils du roi ne passerait pas le lac
s'il ne payait pas.
» Les officiers qui accompagnaient le corps
mort, persuadés que le fils du roi devait être
exempt de toutes sortes d'impôts, et d'ailleurs
irrités par l'impudence d'un homme qu'ils
traitaient de valet subalterne, coururent por-
ter leurs plaintes au Pharaon. Ils lui repré-
sentèrent que, depuis qu'il faisait lever un
tribut sur les morts, quoiqu'il semblât que
leurs corps, n'étant plus de ce monde, ne
devaient pas causer la misère de ceux qui y
restaient, cependant aucun Egyptien n'avait
refusé de payer; et qu'en cela, comme en
toute autre chose, ils s'étaient toujours fait
un plaisir de contribuer à la gloire et aux
richesses de leur roi; mais que, dans l'occa-
sion présente, ils seraient coupables de se
taire, et qu'il n'était pas supportable qu'un
officier qui portail l'insolence jusqu'à refuser
le passage au fils du souverain, et à maltrai-
ter les premiers officiers de la couronne, de-
meurât impuni.
» Le Pharaon, qui n'avait rien compris
dans le discours de ses officiers, parce qu'il
n'avait jamais entendu parler de Caron, fut
fort surpris lorsqu'on lui expliqua quel était
cet homme et de quelle nature était l'impôt
exigé. Il s'écria qu'il n'avait jamais donné
de pareils ordres, et il envoya aussitôt un
détachement de ses gardes pour arrêter l'iu-
solenl qui osait usurper les droits de son roi.
» Caron, qui ne se piquait pas de timidité,
se présenta effrontément. Le Pharaon lui
demanda qui lui avait donné la permission
de piller ainsi le public. H répondit d'un ton
ferme que ce qui était permis aux grands
seigneurs ne pouvait être un crime pour lui.
» Le roi allait ordonner qu'on l'enipalûl;
mais Caron, sans se troubler, lui dit :
— « Ecoutez-moi, sire, il ne faut pas Irai^
ter si lestement les choses. Ce n'est pas pour
moi que j'ai tiré ce tribut de vos sujets, c'est
pour vous, dont on ne prend pas assez les
intérêts. Qu'ai-je besoin de ces richesses, moi
qui sais me rendre heureux à si peu de frais?
et peut-on dire que c'est pour en jouir dans
les délices, lorsqu'on me voit tous les jours
exposé aux insultes de ceux qui mènent les
convois funèbres? Vous allez, sire, approu-
ver ma conduite : je me suis persuade que,
puisque vos intendants vous volaient, il fal-
lait du moins que quelque sujet fidèle remU
dans vos coffres ce qu'ils en étaient. J'ai
voulu être ce fidèle sujet; je vous ai acquis
déjà de grandes richesses, et j'espère vous
en donner encore de plus grandes; »
» Le roi envoya aussitôt au lieu où Carou
déposait le produit de l'impôt qu'il levait sur
liilion, on proposa d'établir un im(.ftt sur les corcncils.
L'julcur de celte motion peusail (pi'au moins let imiiOl uc
l'erjii pas crier ceux (jui usoraieul de l'objet taxé.
su
DlCTIONNAlRli DES
les morts; on y trouva de grosses sommes,
qu'il fil mettre dans ses colTres, et au lieu de
faire mourir cet homme, il en fit son pre-
mier ministre, lui donna un palais somp-
tueux, et le confirma dans son emploi, dont
il fil la première dignité de l'Etat. Ce fui alors
que l'impôt s'exigea par ordre du roi. Caron
gagna des sommes énormes, cl devint en-
suite si puissant , qu'il fil assassiner le roi et
se mil la couronne sur la lêle. Ainsi la pro-
phétie qui avait consolé sa mère fut accom-
plie. »
Cette histoire n'est qu'une tradition popu-
laire rapporlée à Paul Lucas par des Egyp-
tiens, sur les bords du lac do Kern ; mais ces
sortes de traditions servent quelquefois à dé-
brouiller les faits obscurs de la vieille his-
toire; cl l'on pourrait douter si c'est de ce
que nous venons d'extraire que les poêles
ont tiré la fable de Caron, le batelier des en-
fers, ou si c'est des poêles que les Egyptiens
lieuncnl leur conte populaire.
CARPENTIEIl (RicnAun) , bénédictin an-
glais du dix-septième siècle. On recherche de
lui : 1° la Ruine de l'Antéchrist, in-S", 1C48 ;
2' Preuves que l'astrologie est innocente, utile
et précise, in-i", Londres, 1653. Il a publié
une autre singularité intitulée , la Loi par-
faite de Dieu, sermon qui n'est pas sermon,
qui a été prêché et n'a pus été prêché, 1632.
CARPOCRATIENS, hérésiarques du ii* siè-
cle , qui reconnaissaient pour chefCarpo-
crate , professeur de magie, selon l'expres-
sion de saint Irénée. ils contaient que les
anges venaient de Dieu par une suite de
générations infinies, que lesdits anges s'é-
taient avisés un jour de créer le monde et
les âmes, lesquelles n'étaient unies à des
corps que parce qu'elles avaient oublié Dieu.
Carpocrate prétendait que tout ce que nous
apprenons n'est que réminiscence. Il regar-
dait les anges comme nous les démons ; il les
disait ennemis de l'homme, et croyait leur
plaire en se iivrant à toutes ses passions et
aux plaisirs les plus honteux. Sjs disciples
cultivaient la magie, faisaient des enchante-
ments cl avaient des secrets merveilleux. Ils
marquaient leurs sectateurs à l'oreille et
commettaient beaucoup d'abominations. Celle
secte ne subsista pas longtemps.
CARRA (Jean-Louis), aventurier du der-
nier siècle, qui se fit girondin , et fui guillo-
tiné en 1793. 11 a laissé, entre autres ou-
vrages , un Examen physique du magnétisme
animal, in -8", 1783.
CARREFOURS, lieux où quatre chemins
aboutissent. C'est aux carrefours que les sor-
ciers se réunissent ordinairement pour faire
lo sabbat. On montre encore, dans plusieurs
provinces , quelques-uns de ces carrefours
redoutés , au milieu desquels étaient placés
des polcaux que les sorciers ou les démons
entouraient de lanternes pendant la fêle noc-
turne. On fait remarquer aussi sur le sol un
large rond oîi les dénions dansaient; et l'on
préiend que l'herbe ne peut y cruîlrc.
C'est aussi dans un carrefour (]u'ou tue la
poule noire pour évoquer le diable.
SCllLNCliS OCCULTES. S12
CARTAGRA, région du purgatoire. Voy.
Gamygyn.
CARTES, voy. Cartomancie.
CARTICEYA, divinité indienne qui com-
mande les armées des génies et des anges ;
il a six faces, une multitude d'yeux et un
grand nombre de bras armés de massues, do
sabres et de flèches. Il se prélasse à cheval
sur un paon.
CARTOMANCIE, divination par les car-
tes, plus connue sous le nom d'art de tirer
les cartes.
On dit que les caries ont été inventées
pour amuser la folie de Charles VI; mais
Allielle , qui écrivit sous le nom d'EUeilla ,
nous assure que la cartomancie, qui est l'art
de tirer les cartes, est bien plus ancienne. Il
fiil remonter celte divination au jeu des bâ-
tons d'Alpha (nom d'un Grec fameux exilé
en Espagne, dit-il). Il ajoute qu'on a depuis
perfectionné celte science merveilleuse. On
s'est servi de tablettes peintes; et quand Jac-
quemin Gringoneur offrit les caries au roi
Charles le Bien-Aimé, il n'avait eu que la
peine de transporter sur des cartons ce qui
était connu des plus habiles devins sur des
planchettes. Il est fâcheux que celte asser-
tion ne soit appuyée d'aucune preuve.
Cependant les cartes à jouer sont plus an-
ciennes que Charles VI. Boissonade a re-
marqué que le petit Jehan de Saintré ne fut
honoré de la faveur de Charles V que parce
qu'il ne jouait ni aux cartes ni aux dés. Il
fallait bien aussi qu'elles fussent connues en
Espagne lorsque Alphonse XI les prohiba
en 1332, dans les statuts de l'ordre de la
Bande.
Quoi qu'il en soit, les cartes, d'abord tolé-
rées , furent ensuite condamnées; et c'est
une opinion encore subsistante dans l'esprit
de quelques personnes crédules que qui lient
les cartes tient le diable. C'est souvent vrai ,
au figuré. « Ceux qui font des tours de cartes
sont sorciers le plus souvent, » dit Boguet.
Il cite un comte italien qui vous mellail en
main un dix de pique, et vous trouviez que
c'était un roi de cœur (1). Que penserait-il
des prestidigitateurs actuels?
Il n'est pas besoin de dire qu'on a trouvé
tout dans les cartes, histoire, sabéisme, sor-
cellerie. 11 y a même eu des doctes qui ont
vu toute l'alchimie dans les figures ; el cer-
tains cabalisles ont prétendu y reconnaître
les esprits des quatre éléments. Les carreaux
sont les salamandres , les cœurs sont les
sylphes, les trèfles les ondins, et les piques
les gnomes.
Arrivons à l'art de tirer les caries.
On se sert presque toujours , pour la car-
tomancie, d'un jeu de piciuet de trente-deux
cartes. Les cœurs et les trèfles sont générale-
ment bons el heureux ; les carreaux el les
piques , généralement mauvais et malheu-
reux. Les figures en cœur et en carreau an-
noncent des personnes blondes ou châtain-
blondes ; les ligures en pique ou en trcflu
annoncent des personnes brunes ou châ-
(U Discours Jcs sorcier;, ch. un.
513
CAR
tain-brunes. Voici ce que signiQe chaque
carte :
Les huit cœurs. — Le roi de cœur est un
homme honorable (;ui cherche à vous faire
(lu bien; s'il est renversé, il sera arrêté dans
SCS loyale.'! intentions. La dame de cœur est
une femmt honnête et généreuse de qui vous
pouvez allendre des services; si elle est ren-
versée, c'est le présage d'un relard dans vos
espérances. Le valet de cœur est un brave
jeune homme, souvent un militaire, qui doit
entrer dans voire famille et cherche à vous
être utile ; il en sera empêché s'il est ren-
versé. I^'as de cœur annonce une nouvelle
agréable; il représente un festin ou un re|)as
d'amis quand il se trouve entouré de figures.
Le dix de cœur est une surprise qui fera
grande joie; le neuf promet une réconcilia-
lion, il resserre les liens entre les personnes
qu'on veut brouiller. Le huit promet de la
satisfaction de la part des enfants. Le sept
annonce un bon mariage.
Les huit carreaux. — Le roi de carreau est
un homme assez important qui pense à vous
nuire, et qui vous nuira s'il est renversé. La
(lame est une méchante femme qui dit du mal
de vous et qui vous fera du mal si elle est
renversée.
Le valet de carreau est un militaire ou un
messager qui vous apporte des nouvelles
désagréables; et s'il est renversé, des nou-
velles fâcheuses. L'as de carreau annonce
une lettre ; le dix de carreau, un voyage né-
cessaire et imprévu ; le neuf, un retard d'ar-
gi'ut ; le huit, des démarches qui surpren-
dront de la part d'un jeune homme ; le sept,
un gain de loterie ; s'il se trouve avec l'as de
carreau, assez bonnes nouvelles.
Les huit piques. — Le roi représente un
commissaire, un juge, un homme de robe
éivcc qui on aura des disgrâces; s'il est ren-
versé , perte d'un procès. La dame est une
veuve qui cherche à vous tromper : si elle
est renversée , elle vous trompera. Le valet
est un jeune homme qui vous causera des
désagréments; s'il est renversé, présage de
trahison. L'as, grande tristesse; le dix, em-
prisonnement ; le neuf, retard dans les af-
faires ; le huit, mauvaise nouvelle ; s'il est
suivi du sept de carreau, pleurs et discordes.
Le sept , querelles et tourments , à moins
qu'il ne soit accompagné de cœurs.
Les huit trèfles. — Le roi est un homme
juste, qui vous rendra service; s'il est ren-
versé, ses inlentions honnêtes éprouveront
du retard. La dame est une femme qui vous
aime; une femme jalouse , si elle esl ren-
versée. Le valet promet un mariage, qui ne
se fera pas sans embarras préliminaires, s'il
est renversé. L'as, gain, profit, argent à re-
cevoir ; le dix , succès ; s'il est suivi du neuf
de carreau, retard d'argent; perte s'il se
trouve à côté du neuf de pique. Le neuf,
réussite ; le huit, espérances fondées ; le sept,
faiblesse; et s'il est suivi d'un neuf, hé-
ritage.
Quatre rois de suite, honneurs; trois rois
de suite, succès dans le commerce; deux
rois de suite , bons conseils.
C.\R 511
Quatre dames de suit(!, grands caquets;
trois dames de suite, tromperies; deux da-
mes de suite, amitié.
Quatre valets de suite , maladie conta-
gieuse; trois valets de suite, paresse ; deux
valets de suite, dispute.
Quatre as de suite , une mort ; trois as de
suite, libertinage; deux as de suite, inimitié.
Quatre dix de suite, événements désa-
gréables ; trois dix de suite , changement
d'état; deux dix de suite , perte.
Quatre neuf de suite, bonnes actions; trois
neuf de suite , imprudence ; deux neuf de
suite, argent.
Quatre huit de suite, revers ; trois huit de
suite, mariage; deux huit de suite, désagré-
ments.
Quatre sept de suite, intrigues; trois sept
de suite, divertissements ; deux sept de suite,
petites nouvelles.
Il y a plusieurs manières de tirer les car-
tes. La plus sûre méthode est de les tirer par
sept, comme il suit :
Après avoir mêlé le jeu, on le fait couper
de la main gauche par la personne pour qui
on opère; on compte les cartes de sept en
sept, mettant de côté la septième de chaque
paquet. On répèle l'opération jusqu'à ce
qu'on ait produit doUze cartes. Vous élendoz
ces douze cartes sur la table les unes à côté
des autres, selon l'ordre dans lequel elles sont
venues ; ensuite vous cherchez ce qu'elles si-
gnifient, d'après la valeur et la position de
chaque carte, ainsi qu'on l'a expliqué.
Mais avant de tirer les caries, il ne faut pas
oublier de voir si la personne pour laquelle
on les tire est sortie du jeu. On prend ordi-
nairement le roi de cœur pour un homme
blond marié; le roi de trèfle pour un homme
brun marié ; la dame de cœur pour une dame
ou une demoiselle blonde; la dame de trèfle
pour une dame ou une demoiselle brune ; le
valet de cœur pour un jeune homme blond ;
le valet de trèfle pour un jeune homme brun.
— Si la carte qui représente la personne pour
qui on opère ne se trouve pas dans les douze
cartes que le hasard vient d'amener, on la
cherche dans le reste du jeu , et on la place
simplement à la fin des douze cartes sorties.
Si, au contraire, elle s'y trouve, on fait tirer
à la personne pour qui on travaille (ou l'on
tire soi-même si c'est pour soi que l'on con-
sulte) une treizième carte à jeu couvert. On
la place pareillement à la fin des douze cartes
étalées , parce qu'il est reconnu qu'il faut
treize cartes.
Alors, on explique sommairement l'en-
semble du jeu. Ensuite, en partant de la
carte qui représente la personne pour qui
on interroge le sort, on compte sept et on
s'arrête ; on interprète la valeur inlrinsèquo
et relative de la carte sur laquelle on fait
station ; on compte sept de nouveau, et de
nouveau on explique, parcourant ainsi tout
le ji'u à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'on
revienne précisément à la carte de laquelle
on est parti. On doit déjà avoir vu bien des
choses. 11 reste cependant une opération im-
porlanle.
s:5
DICTIONNAIRE DES SCIENCKS OCCULTES.
316
On relève les treize cartes, on les môle ,
on fait à nouveau couper delà main gauche.
Après quoi on dispose les cartes à couvert
sur six paquets, 1° pour la personne ; 2° pour
la maison ou son intérieur ;3° pour ce qu'elle
attend ; 4" pour ce qu'elle n'attend pas -jS" pour
sa surprise; G°pour sa consolation ou sa
pensée. — Les six premières cartes ainsi
rangées sur la table, il en reste sept dans la
main. On fuit un second tour, mais on no
met une carte que sur chacun des cinq pre-
miers paquets. Au troisième tour, on pose
les deux dernières cartes sur les numéros 1
et 2. On découvre ensuite successivement
chaque paquet, et on l'explique en commen-
çant par le premier, qui a trois cartes ainsi
que le deuxième, et finissant par le dernier
qui n'en a qu'une.
Voilà tout entier l'art de tirer les cartes ;
les méthodes varient, ainsi que la valeur
des caries, auxquelles on donne dans les li-
vres spéciaux des sens très-divers et très-ar-
bitraires ; mais les résultats ne varient pas.
Nous terminerons en indiquant la manière
de faire ce qu'on appelle la réussite. — Pre-
nez également un jeu de piquet de trente-
deux cartes. Faites huit paquets à couvert
de quatre cartes chacun, et les rangez sur la
table; retournez la première carte de cha-
que paquet; prenez les cartes de la mémo
valeur deux par deux , comme deux dix ,
deux rois, deux as, etc., en retournant tou-
jours à découvert sur chaque paquet la carte
qui suit celle que vous enlevez. Pour que la
réussile soit assurée, il faut que vous retiriez
de la sorte toutes les cartes du jeu, deux par
deux, jusqu'aux dernières. — Ou fait ces
réussites pour savoir si un projet ou une af-
faire aura du succès, ou si une chose dont
on doute a eu lieu.
Alliette, sous le nom d'Etleilla , a publié
un long traité sur cette matière. Citons en-
core V Oracle par fait, o\x nouvelle manière de
tirer les cartes, au moyen de laquelle cha-
cun peut faire son horoscope, ln-12, Paris ,
1802. Ce petit livre, de 92 pages, est dédié au
beau sexe par Albert d'Alby. L'éditeur est
M. de Valembert, qui f.iit observer que 10-
racle parfait devait paraître en 1788; que la
censure l'arrêta, et qu'on n'a pu qu'en 1S02
en gratifier le public. La méthode de ce livre
est embrouillée ; l'auteur veut qu'on emploie
vingt cartes disposées en cinq tas, de cette
manière: un au milieu, un au-dessus, un
au-dessous, et un de chaque côté; ce qui
l'ait une croix. Les cartes d'en haut signitieiit
ce qui doit arriver bientôt, les cartes de
droite ce qui arrivera dans un temps plus
éloigné; les cartes d'en bas sont pour le pas-
sé; les caries de gauclie pour les obstacles ;
les cartes du milieu pour le présent. On ex-
plique ensuite d'après les principes.
(1) Cet ouvrage est connu aussi sous le litre de Traité
des esprits , des sorciers et des opérations surnaturelles,
vn anglais. Londres, 167:2. In-8°.
(2) Angclograpbia , 2 vol. iu-8°. Francfon , lo97 et
1603.
(ô) Nucicus niTsieriorum natura: cuuclcatus , iCOj.
Il -a».
Mais c'en est assez sur la cartomancie.
Nous n'avr)ns voulu rien laisser ignorer du
fondement de celle science aux dames qui
consultent leurs cartes etquidoulcntde Dieu.
Cependant nous les prierons d'observer que
ce grand mojen de lever le rideau qui nous
cathe l'avenir s'est trouvé quelquefois en
défaut. Une des plus fameuses tireuses de
cartes fil le jeu pour un jeune homme sans
barbe qui s'était déguisé en fille. Elle lui pro-
mit un époux riche et bien fait, trois gar-
çons, une fille, des couches laborieuses mais
sans danger. — Une dame qui commençait à
hésiter dans sa confiance aux cartes se lit un
jour une réussite pour savoir si elle avait
déjeuné. Elle était encore à table devant les
plats vides; elle avait l'estomac bien garni ;
toutefois les cartes lui apprirent qu'elle était
à jeun, car la réussile ne put avoir lieu.
CASAUBON (MÉDÉR.ic),fils d'Isaac Casau-
bon, né à Genève en lo9i). On a de lui un
Traité de l'Enthousiasme , publié en 1655 ;
in-8\ Cet ouvrage est dirigé contre ceux qui
attribuent l'enthousiasme à une inspiration
du ciel ou à une inspiration du démon. On
lui doit aussi un Traité de la crédulité et de
l'incrédulitédana les choses spirituelles, in-8%
Londres, 1670. 11 y établit la réalité des es-
prits,des merveilles surnaturelles et des sor-
ciers (1). Nous citerons aussi sa Véritable et
fidèle relation de ce qui s'est passé entre Jean
Dée et certains esprits, 1639, in-fol.
CASl. — C'est le nomd'uoe pagode fameuse
sur les bords du G.inge. Les Indiens recher-
chent le privilège d'y mourir; carEswara no
manque pas de venirsouffler dansleuroreillo
droite an dernier instant pour les purifier :
aussi ont-ils grand soin du mourir couchés
sur le côté gauche.
CASMANN (Othos), savant Allemand
du seizième siècle, auteur d'un livre sur les
anges, intitulé : Angélographie (2). Il a laissé
un autre ouvrage, que quelques personnes
recherchent, sur les mystères de la nature (3).
CASSANDRE. — Fille de Priara, à qui
Apollon accorda le don de prophétie pour la
séduire ; mais quand elle eut le don , elle ne .
voulut pas répondre à la tendresse du dieu ,|
et le dieu discrédita ses pronostics. Aussi ,|
quoique grande magicienne et sorcière ,
comme dit Delancre(4), elle ne put pas em-
pêcher la ruine de Troie, ni se garantir elle-
même des violences d'Ajax.
CASSIUS DE PARME. — Antoine venait de
perdre la bataille d'Aclium; Cassius de Par-
me , qui avait suivi son parti , se retira dans
Athènes: là, au milieu de la nuit, pendant
que son esprit s'abandonnait aux inquiétu-
des, il vit paraître devant lui un homme noir
qui lui parla avec agitation. Cassius lui de-
manda qui il était. — Je suis ton démon (5),
— répondit le fantôme. Ce mauvais démon
(4) Tableau de l'iDConstance des mauvais anges, etc.,
liv I, dise. 3.
(3) foriginal portii cacodaimon, mauvais démon. Chei
les Grecs Uaiinoii, simiilement, signlliail un qéiiie, mie
homie inieliitjeiice , comme le démon de Socrate cl linéi-
ques autres.
r.i7
CAS
CAS
51»
étail la peur. A celte parole, G.issius s'ef-
fraya et appela ses esclaves; mais le démon
disparut sans se laisser voir à d'autres yeux.
Persuadé qu'il révail, Cassius se recouclia
et chercha à se rendormir ; aussitôt qu'il fut
seul, le démon reparut avec les mômes cir-
constances. Le Romain n'eut pas plus de for-
ce que d'abord ; il se ût apporter des lumiè-
res,passa le reste de la nuit au milieu de ses
esclaves, et n'osa plus rester seul. Il fut tué
peu de jours après par l'ordre du vainqueur
d'Actium (1).
GASSO ou ALOUETTE. — On assure que
celui qui portera sur soi les pieds de cet oi-
seau ne sera jamais persécuté ; au contrai-
re, il aura toujours l'avantage sur ses enne-
mis. Si on enveloppe l'œil droit de l'alouette
dans un morceau de la peau d'un loup ,
l'homme qui le portera sera doux, agréable
et plaisant ; et si on le met dans du vin , on
se fera chérir de la personne qui le boira (2).
CASSOTIDE.— Fontaine de Delphes, dont
la vertu prophétique inspirait des femmes
qui y rendaient des oracles.
CASTAIGNE (Gabriel de), — aumônier de
Louis XIII, cordelier et alchimiste. On lui
doit l'or potable qui guérit de tous maux ,
in-8% rare, Paris, 1611; le Paradis terrestre,
où l'on trouve la guérison de toute maladie,
in-S", Paris , 1615; « le Grand miracle de na-
« ture métallique, que, en imitant icelle sans
« sophistiqueries , tous les métaux impar-
« fails se rendront en or fin, et les maladies
« incurables se guériront , » in-S", Paris .
1615.
GASTALIE. — Fontaine d'Antioche , au
faubourg de Daphné ; ses eaux étaient pro-
phétiques , et il y avait auprès un oracle cé-
lèbre qui prédit l'empire à Adrien. Quand cet
oracle fut accompli, Adrien fit boucher la
fontaine avec de grosses pierres, de peur
qu'un autre n'y allât chercher la même fa-
veur qu'il avait obtenue.
CASTALIN (Diego). — « Discours prodi-
gieux et épouvantable deiTO\sEiiiagno\s et ano
Espagnole, magiciens et sorciers, qui se fai-
saient porter par les diables de ville en ville,
avec leurs déclarations d'avoir fait mourir
plusieurs personnes et bétail par leurs sor-
tilèges, et aussi d'avoir fait plusieurs dégâts
aux biens de la terre. Ensemble, l'arrêt pro-
noncé contre eux par la cour de parlement
de Bordeaux, in-8° (rare). Paris, 1626.»
« Trois Espagnols , accompagnés d'une
femme espagnole aussi sorcière et magicien-
ne , se sont promenés par l'Italie , Piémont ,
Provence, Franche-Gomlé, Flandre, et ont,
par plusieurs fois , traversé la France, et,
lout aussitôt qu'ils avaient reçu quelque dé-
plaisir de quelques-uns, en quelques vil-
les,ils ne manquaiint.par le moyen de leurs
pernicieux charmes, de faire sécher les blés
et les vignes; et pour le regard du bétail, il
languissait quelques trois semaines, puis
demeurait mort, tellement qu'une partie du
Piémont a senti ce que c'était que leurs mau-
dites façons de faire.
(1) Valère-Maxime, cl d'autres ancions.
(2, Aduiiiablfs secrcU d'Albert le Grand.
» Quand ils avaient fait jouer leurs char-
mes en quelques lieux par leurs arts perni-
cieux . ils se faisaient porter par les diables
dans les nuées , de ville en ville , et quelque-
fois faisaient cent lieues le jour Mais comme
la justice divine ne veut pas longuement
souffrir les malfaiteurs. Dieu permit qu'un
curé, nommé messire Benoît la Fave, pas-
sant près de Dôle, rencontrât ces Espagnols
avec leur servante, lesquels se mirent en
compagnie avec lui, et lui demandèrent où
il allait. Après leur avoir déclaré et conté
une partie de son ennui pour la longueur du
chemin, un de ces Espagnols, nommé Diego
Gastalin , lui dil : — Ne vous déconfortez
nullement, il est près de midi ; mais je veux
que nous allions aujourd'hui coucher à Bor-
deaux.
» Le curé ne répliqua rien, croyant qu'il
le disait par risée, vu qu'il y avait près de
cent lieues. Néanmoins, après s'être assis
tous ensemble, ils se mirent à sommeiller.
Au réveil du curé, il se trouve aux portes de
Bordeaux avec ces Espagnols. Un conseiller
de Bordeaux fut averti de celte merveille; il
voulut savoir comment cela s'était passé : il
dénonce les trois Espagnols et la femme. On
fouille leurs bagages, où se trouvent plu-
sieurs livres , caractères , billets , cires , cou-
teaux, parchemins et autres denrées servant
à la magie. Ils sont examinés; ils confessent
le tout, disant, entre autres choses , avoir
fait, par leurs œuvres , périr les fruits de la
terre aux endroits qu'il leur plaisait , a-
voir fait mourir plusieurs personnes et bes-
tiaux , et qu'ils étaient résolus de Diire plu-
sieurs maux du côté de Bordeaux. La cour
leur fit leur procès extraordinaire, qui leur
fut prononcé le 1" mars 1610, et condamna
Diego Gastalin , Francisco Ferdillo.Vincen-
tio Torrados et Galalina Fioscla à être pris
et menés par l'exécuteur de la haute justice
en la place du marché au porcs, et être con-
duits sur un bûcher, pour là, être brûlés tout
vifs, et leurs corps être mis en cendres,'
avec leurs livres, caractères, couteaux,
parchemins, billets et autres choses propres
servant à la magie.
» L'Espagnole qui les servait, nommée
Galalina Fiosela, confessa une infinité de
méchancetés par elle exercées, entre autres
que par ses sortilèges, elle avait infecté ,
avec certains poisons, plusieurs fontaines ,
puits et ruisseaux, et aussi qu'elle avait fait
mourir plusieurs bétails, et fait, par ses
charmes , tomber pierres et grêles sur les
biens et fruits de la lerrc.
» Voilà qui doit servir d'exemple à plu-
sieurs personnes qui s'étudient à la magie ;
d'autres, sitôt qu'ils ont perdu quelque cho-
se, s'en vont au devin et sorcier, et ne con-
sidèrent pas qu'allant vers eux, ils vont vers
le diable, prince des ténèbres. »
GASTELLINI (Luc), frère prêcheur du dix-
seplièine siècle. On rencontre des prodiges
infernaux dans son Traité des miracles (3).
GASTOll. G'est une opinion très-ancienne
(3) Tractatus de Miraculis. Uome, IG20.
sn
DICTIONNAIRE DES SCIENCLS OCCUi-TES.
3-20
ri très commune que le castor se mutile
pour se dérober à la poursuite des chas-
seurs. On la trouve dans les hiéroglyphes
des Egyptiens, dans les fables d'Esope, dans
Pline, dans Aristote, dans Elicn ; mais cette
opinion n'en est pas moins une erreur au-
jourd'hui recOMUue (1^.
CASTOR et POLLUX , fils de Jupiter et de
Léda.On en fit des dieux marins; et, dans
l'antiquité, les matelots appelaient feux de
Castor et Pollux ce que nos marins appel-
lent feux Saint-Elme.
Les histoires grecques et romaines sont
remplies d'apparitions de Castor et PoUux.
Pendant que Paul-Emile faisait la guerre en
Macédoine, Publius Valinius, revenant à
Kome.vit subitement devant lui deux jeunes
{,'ens beaux et bien faits , montés sur des
chevaux blancs, qui lui annoncèrent que le
roi Persée avait été fait prisonnier la veille.
Vatinius se hâta de porter au sénat cette
nouvelle; mais les sénateurs, croyant déro-
ger à la majesté de leur caractère en s'arrô-
tant à des puérilités, firent mettre cet homme
on prison. Cependant, après qu'on eut re-
connu par les lettres du consul que le roi
de Macédoine avait été effectivement pris ce
jour-là, on tira Vatinius de sa prison; on le
gratifia de plusieurs arpents de terre, et le
sénat reconnut que Castor et Pollux étaient
les protecteurs de la république. Pausanias
explique cette apparition : « C'étaient, dit-il,
des jeunes gens revêtus du costume desTyn-
darides, et apostés pour frapper les esprits
- crédules. » — On sait que Castor et Pollux
sont devenus la constellation des Gémeaux.
CASTRO (Alphonse de) , célèbre prédica-
teur né au Pérou, et l'un des plus savants
théologiens du seizième siècle, auteur dun
livre contre les magiciens (2).
GATABOLlQUliS. « Ceux qui ont lu les
anciens savent que les démons cataboliques
8ont de» démons qui emportent les hommes,
les tuent, brisent et fracassent, ayant cette
puissance sur eux. De ces démons cataboli-
ques, Fuigence raconte qu'un certain Gun--
pcstcr avait écrit un livre particulier qui
nous servirait bien si nous l'avions, pour
apprendre au juste comment ces diables
trait lient leurs suppôts, les magiciens et les
gorciers (3). »
CAÏALDE, évêque de Tarente ausixièno
siècle. Mille ans après sa mort , on raconte
qu'il se montra une nuit, en vision, à un
jeune Tarcntin du seizième sièele, ot le
chargea de creuser en un lieu qu'il lui dési-
gna, où il avait caché et enterré un livre
écrit de sa main pendant qu'il était au
monde, lui disant qu'incontinent qu'il aurait
recouvré ce livre, il ne manquât point de le
faire tenir à Ferdinand, roi d Aragon et do
Napics, qui régnait alors. Le jeune homme
n'ajouta point foi d'abord à cette vision,
quoique CalalJe lui apparût presque tous
(1) Biown, Des Erreurs populaires, liv.III,ch. iv.
(2) l>e Sorlilegis ac lualelicU, eoruuiiiuo puiiilionc.
Lyi'ii, I5G8.
(7>\ I. ("loyer, Hist. cl dise, des spectres, liv. VU, eu. iv.
(Aj liis.oirgs piodigiCuseb de Uuisluaiix, loin. I.
les jours pour l'exhorter à faire ce qu'il lui
avait ordonné. Enfin , un matin avant le
jour, comme il était en prière, il aperçut C.i-
talde vêtu de l'habit épiscopal, lequel lui dit
avec une contenance sévère : — Tu n'as pas
tenu compte de chercher le livre que je t'a-
vais enseigné et de l'envoyer au roi Ferdi-
nand ; sois assuré, celte fois pour toutes, qa-.
si tu n'exécutes ce que je t'ai commandé, il
t'en adviendra mal.
Le jouvenceau , intimidé de ces menaces,
publia sa vision ; le peuple ému s'assembla
pour l'accompagner au lieu marqué. On y ar-
riva, on creusa la terre; on trouva un petit
coffre de plomb, si bien clos et cimenté que
l'air n'y pouvait pénétrer, et au fond du cof-
fre se vit le livre où toutes les misères qui
devaient arriver au royaume de Naples, au
roi Ferdinand et à ses enfants, étaient décri-
tes en formes de prophétie, lesquelles ont eu
lieu; car Ferdinand fut tué au premier con-
flit; son fils Alphonse, à peine maître du
trône, fut mis en déroute par ses ennemis,
et mourut en exil. Ferdinand, le puîné, périt
misérablement à la Heur de son âge, acca-
blé de guerres, et Frédéric, petit-fils du dé-
funt Ferdinand, vit brûler, saccager cl rui-
ner son pays (i).
GATALONOS ou BABAILANAS. prêtresses
des Indiens des îles Philippines. Elles lisent
dans l'avenir et prédisent ce qui doit arri-
Ter. Quand elles ont annoncé le bien ou le
mal à ceux qui les consultent, elles font le
sacrifice d'un cochon qu'elles tuent d'un coup
do lance et qu'elles offrent en dansant aux
mauvais génies et aux âmes des ancêtres,
lesquelles, dans l'opinion des Indiens, fixent
leurs demeures sous de grands arbres.
CA-TANANCÉE, plante que les femmes de
Thessalie employaient dans leurs philtres.
On en trouve la description dans Diosco-
ridc
GATARAMONACHIA, anathème que ful-
minent les papas grecs. Dans quelques îles
de la Morée, on dit que cet anathème donne
une fièvre lente dont on meurt en six se-
maines.
CATEL.\N ( Laurent ) , pharmacien de
Montpellier au dix-septième siècle. Il a lais^ié
une Histoire delà nature, chasse, vertus,
propriétés et usarjes de la Licorne , Montpel-
lier, in-8% 1(524., et un Rare et curieux Dis-
cours de la plante appelée Mandragore, Paris,
in-12, 1639.
CATHAllIN (Ambroise), dominicain dj
Florence, mort à Home en 1553, auteur d'une
réfutation des prophéties de Savonarole (5),
et d'un Traité de la mort et de la résurrec-
tion.
CATHERINE. Voy. Revenants.
CATdERlNK ( sainte ). Voy. Incombus-
tibles.
CATHERINE DE MÉDICIS, célèbre reine
de France, singulièrement maltraitée dans
(5) Discorso comra la dotlrina « le profelie di Girolaino
Savouaroia, da Amlirosio Ca ariiio poliio. ln-8". Venise,
1518. Tliouias Neri coinbailil cel ouvrage! dans un livre iih
lilulé ; AïKjloyia di 'l'oiuiiso Neri , iu difesa délia doUniia
di Uii'oluiiio ^javouarolu. l.i-8\ t'Ioieuco , Itidi.
5-21
CAT
CAU
3ÎS
riiistiiirc, où l'esprit tic la réforme n'a p.ns
iiionagé les princes calholiqucs ; née à Flo-
rence en 1319, morte en 1589. Elle croyait
iion-sruloment à l'astrologie judiciaire, mais
encore à la magie. Elle portait, dit-on , sur
i'csiomnc une peau de vélin, d'aulres disent
d'un enfant égorgé, semée de figures, de let-
tres cl de caraclcrcs de diffcrenles couleurs.
Klle était persuadée que celte peau avait la
vcriu de la garantir de toute entreprise con-
tre sa personne.
Klle fil faire la colonne de l'hôtel de Sois-
sons (1) , dans le fût de laquelle il y avait un
escalier à vis pour monter à la sphère ar-
millairc qui est au haut. Elle allait y con-
sulter les astres avec ses astrologues, dont
elle s'entoura jusqu'à sa mort.
Celle princesse que l'on a fort noircie, eut
beaucoup d'ennemis, surtout les proteslanis,
qui n'ont reculé devant aucune calomnie. Ils
la représentent comme ayant élé Irès-verséc
dans l'art d'évoquer les esprits; ils ajoutent
()ue sur la peau d'enfant qu'elle portail au
cou, étaient représentées plusieurs divinités
païennes. Etant tombée gravement malade,
elle remit, disent-ils, à M. de Mesmes , une
boite hermétiquement fermée, en lui faisant
promettre de ne jamais l'ouvrir et de la lui
rendre si elle revenait à la vie. Longtemps
après, les enfants du dépositaire ayant ou-
vert la boîte, dans l'espoir dy trouver des
pierreries ou un trésor, n'y découvrirent
qu'une médaille de forme antique, large et
ovale, où Catherine de Médicis était repré-
sentée à genoux, adorant les Furies et leur
j)iésenlant une offrande. Ce conte absurde
•loniic la mesure de vingt autres. Catherine
de Mcilicis survécut à M. de Mesmes , et elle
n'aurait pas manqué de retirer la cassette.
Elle avait allaclié à sa personne plusieurs
asirologues, parmi lesquels il ne faut pas
oublier l'illustre Luc Gauric. Ils lui prédirent
que Saint-Germain la verrait mourir. Dès
lors elle ne voulut plus demeurer à Saint-
Germain-en-Laye cl n'alla plus à l'église de
Saint-Gcrmain-d'Auxerre, Mais Nicolas de
Saint-Germain, évêqucde Nazarclh, l'ayant
assistée à l'heure de sa mori, on regarda la
prédiction comme accomplie.
CAÏHO (Angelo), sav.int habile dans
l'astrologie , qui prédit à Charles-le-Témé-
raire sa mort funeste. Le duc de Bourgogne
n'en tint compte, et perdit tout, comme on
sait. M.ilheureusement rien ne prouve que
la prédiction ait été faite en temps utile.
Louis XI estimait tant Angelo Calho, à
cause de sa science, qu'il lui donna l'arche-
vêché de Vienne en Daupbiné.
CATILLUS. Voy. Gilbert.
CATOBLEBAS, serpent qui donne la mort
à ceux qu'il regarde, si on en veut bien
croire Pline. Mais la nature lui a fait la tête
fort basse, de manière qu'il lui est difficile de
tjxer quelqu'un. On iijoule que cet animal
h.'ibite près de la fontaine Nigris, en Ethio-
pie , que l'on prétend être la source du Nil.
CATON LE CENSEUR. Dans son livre,
(l) Ci>îlc colonne existe encore à Taris; elle est adossée
à 1j Iliille au blé.
De Re Rustica, il enseigne, parmi divers re-
mèdes, la manière de remettre les membres
démis, et donne même les paroles enchan-
tées dont il faul se servir.
CATOI'TROMANCIE , divination par !<,
moyen d'un miroir. On trouve encore, dans
beaucoup de villagrs, des devins qui em-
ploient celle divinalion, autrefois fort répan-
due. Quand on a fait une perte, essuyé un
vol, ou reçu quelques coups clandestins dont
on veut connaître l'auteur, on va trouver le
sorcier ou devin, qui introduit le consultant
dans une chambre à demi éclairée. On n'y
peut entrer qu'avec un bandeau sur les
yeux. Le devin fait les évocations, et le dia-
ble montre dans un miroir le passé, le pré-
sent et le futur. Malgré le bandeau, les cré-
dules villageois, dans de telles occasions, ont
la tôle tellement montée qu'ils ne manquent
pas de voir quelque chose.
On se servait autrefois, pour cette di-
vination, d'un miroir que l'on présentait,
non devant, mais derrière la tête d'un en-
fant à qui l'on avait bandé les yeux...
Pausanias parle d'un autre effet de la ca-
toplromancie. « Il y avait à Patras, dil-il,
devant le temple de Cérès, une fontaine sé-
parée du Icmple par une muraille; là, on
consultait un oracle, non po»r tous les év^
ncments, mais seulement pour les maladies.
Le malade descendait dans la fontaine un
miroir suspendu à un fil, en sorte qu'il ne
touchât la surface de l'eau que par sa base.
Après avoir prié la déesse et brûlé des
parfums, il se regardait dans ce miroir, et,
selon qu'il se trouvait le visage hâve et dé-
figuré ou gras et vermeil, il en concluait
trèscerlaincment que la maladie était mor-
telle ou qu'il en réchapperait. »
CATTANI (François), cvêque de Fiésoles,
mort en 1595, auteur dun livre sur les su-
perstitions de la magie (2).
CAUCHP-MAR. Ou appelle ainsi un em-
barras dans la poitrine, une oppression et
une difficulté de respirer qui surviennent
pendant le sommeil, causent des rêves fati--
gants, et ne cessent que quand on se ré-
veille.
On ne savait pas trop, au quinzième siècle,
ce que c'était que le cauchemar, qu'on ap-
pelait aussi alors c/iattc/te-pou/e^On en fit un
monstre ; c'était un moyen prompt de résou-
dre la diîficulté. Les uns imaginaient dans
cet accident une sorcière ou un spectre qui
pressait le ventre des gens endormis , leur
dérobait la parole et la respiration, et les
empêchait de crier et de s'évcilier pour de-
mandi-r du secours ; les autres, un démon qui
étouffait les gens. Les méilccins n'y voyaient
guère plus clair. On ne savait d'autre rcniètle
pour se garantir du cauchemar, que de sus-
pendre une pierre creuse dans Iceuriede sa
maison; et Dehio, embarrassé, crut décider
la question en disant que Cauchemar éla\l un
suppôt de Belzébulh; il l'appelle ailleurs in-
ctibits morbiis.
Dans les guerres de la république fran-
|-2) Sopra ta siiuerslilionc dell' arle magica. Floiencc.
mi.
%.
3-23
niCTlONNAlRE DES SCIENCES OCCILTES.
3«l
çaise en Iialio, ou caseriia dans une église
abandonnée un régimcnl français. Les
paysans avaient averli les soldais que la nuit
on se senlail presque suffoqué dans ce lieu-
là, el que l'on voyait passer un gros chien
sur sa poitrine; les soldats en riaient. Ils se
couchèrent après mille plaisanteries. Minuit
arrive, tous se sentent oppressés, ne respi-
rent plus et votent chacun sur son estomac
un chien noir, qui disparut enfin, et leur
laissa reprendre leurs sens. Ils rapportèrent
le fait à leurs officiers, qui vinrent y con-
cher eux-mêmes la nuit suivante, el furent
tourmentés du même fantôme. — Comment
expliquer ce fait?
« Mangez peu , tenez le ventre libre , ne
couchez point sur le dos , et votre cauche-
mar vous quittera sans grimoire , » dit M.
Salgues (1). Il est certain que dansles pays où
l'on ne soupe plus, on amoinsdccauchemars.
Bodin conte (2j qu'au pays de Valois , en
Picardie , il y avait de son temps une sorte
de sorciers el de sorcières qu'on appelait
cauchemares , qu'on ne pouvait chasser qu'à
force de prières.
GAUCHON (Piebre), évêque de Beauvais
au quinzième siècle. 11 poursuivit Jeanne
d'Arccommesorcière, et la fil brûler à llouen.
11 mourut subitement en lil*3. Le pape Ca-
lixte IV excommunia après sa mort ce prélat
déshonoré, dont le corps fut déterré et jeté à
la voirie.
CAUSATHAN, démon ou mauvais gé-
nie que Porphyre se vantait d'avoir cliassé
d'un bain public.
CAUSIMOMANCIE , divination par le
feu, employée chez les anciens mages. C'é-
tait un heureux présage quand les objets
combustibles jetés dans le feu venaient à n'y
pas briîler.
CAYET ( Pierrk-Victok-Palma ) , savant
écrivain tourangeau du seizième siècle. Ou-
tre la Chronologie novennaire el la Chronolo-
gie seplennaire , il a laissé VHistoire prodi-
gieuse et lamentable du docteur Faust , grand
magicien, traduite de l'allemand en français,
Paris, 1603, in-12 ; et l'Histoire véritable
comment l'âme de l'empereur Trajan a été dé-
livrée des tourments de l'enfer par les prières
de saint Grégoire le Grand , traduite du lalin
d'Alphonse Chacon. in-8°, rare ; Paris, 1007.
Voy. Faust et Trajan.
Cayet rechercha toute sa vie la pierre phi-
losophale, qu'il n'eut pas le talent de trou-
ver ; on débita aussi qu'il était magicien ,
mais on peut voir qu'il ne pensait guère à
se mêler de magie , dans l'épîlre dédicaloire
qu'il a mise en tête de l'histoire de Faust.
Les huguenots , dont il avait abandonné le
parti, l'accusèrent d'avoir fait pacte avec le
diable, pour qu'il lui apprît les langues ;
c'était alors une grande injure ; Cayet s'en
vengea vivement dans un livre où il défendit
(1) M. Salgues, Des Erreurs el des préjugés, t, I,
p. 332.
(2) Démonomanie des sorciers, liv. II, ch. vu.
(3) La fournaise arrionlc el le four liu réverbère pour
évaporer les prélendues eaux de Siloé, el pour corrobo-
rer le purijaioire couire les bcrcsies. calomuics, fau:>-
contre eux la doctrine du purgatoire (3),
CAYM , démon de classe supérieure',
grand président aux enfers; il se montre
habiluellement sous la figure d'un merle.
Lorsqu'il paraît en forme humaine, il répond
du milieu d'un brasier ardent ; il porte à la
main un sabre effilé. C'est, dit-on , le plus
habile sophiste de l'enfer ; el il peut, par
l'astuce de ses arguments , désespérer le lo-
gicien le plus aguerri. C'est avec lui que
Luther eut cotte fameuse dispute dont il nous
a conservé les circonstances. Caym donne
l'intelligence du chant des oiseaux , du mu-
gissement des bœufs , de l'aboiement des
chiens el du bruit des ondes. Il connaît l'a-
venir. Ce démon, qui fut autrefois de l'ordre
des anges, commande à présent trente légions
aux enfers (4).
CAYOL, propriétaire à Marseille, morl
au commencement de ce siècle. Un de ses
fermiers lui apporta un jour douze cents
francs ; il les reçut et promit la quittance
pour le lendemain, parce qu'il était alors oc-
cupé. Le paysan ne revint qu'au bout de
quelques jours. M. Cayol ven.iit subitement
de mourir d'apoplexie. Son fils avait pris
possession de ses biens ; il refuse de croire
au fait que le paysan raconte, et réclame les
douze ccnis francs en justice. Le paysan fut
condamné à payer une seconde fois. Mais la
nuit qui suivit cette sentence, M. C;iyol ap-
parut à son fils bien éveillé , et lui reprocha
sa conduite : — J'ai été payé , ajouta-l-il ;
regarde derrière le miroir qui est sur la che-
minée de ma chambre , tu y trouveras mon
reçu.
Le jeune homme se lève tremblant, met la
main sur la quittance de son père et se hâte
de payer les frais qu'il avait faits au pauvre
fermier, en reconnaissant ses torts (5).
CAZOTTE Jacques) , né à Dijon en 1720,
guillotiné en 1793, auteur du poëme d'Oli-
vier, où beaucoup d'épisodes roulent sur les
merveilles magiques. Le succès qu'obtint
cette production singulière le décida à faire
paraître le Diable amoureux. Comme il y a
dans cet ouvrage des conjurations et autres
propos de grimoire, un étranger alla un
jour le prier de lui apprendre à conjurer lo
diable, science que Cazotle ne possédait pas.
Ce qui lui obtient encore place dans ce re-
cueil , c'est sa prophétie rapportée par La
Harpe, où l'on a cru longtemps qu'il avait
pronostiqué la révolution dans la plupart de
ses détails. Mais on n'avait imprimé, dit-on,
qu'un fragment de celte pièce. On a pensé
plus lard la découvrir plus entière, el quel-
ques-uns disent à présent que celle prophé-
tie a été supposée. Cependant, on a publié en
l'an VI, à Paris, une correspondance mystique
de Cazolte, saisie par le tribunal révolution-
naire, et où brille un certain esprit prophé-
tique inexplicable.
setés et cavillations inepics du prétendu tnlnislre Hi)-
moulin. Paris, 1603. I11-8". Dumoulin venail de publier
les Eaux de Silué, pour éteindre li^ feu du purgaloiri^
coi. Ire les misons d'uu cofilclier ponuijais. In-8', lb03.
(tj Wierus, in I'seuili)nioiiarchia (ia?iu.
(o) Iiirenialiaiia, p. 2i6.
5'^5
en
CEN
CÉBUS ou CEPHUS , monslro adoré dos
Égyptiens. C'était une espèce de satyre, ou
singe qui avait, selon Pline, les pieds et les
mains semblables à ceux de l'homme. Dio-
(lore lui donne une lêle de lion , le corps
d'une panthère, et la taille d'une chèvre. On
tijoule que Pompée en fit venir un à Rome,
el qu'on n'en a jamais vu que cette fois-là.
CECCOD'ASCbH (FniNçois Stabim, dit],
professeur d'astrologie , né dans la mar-
che d'Ancônc au treizième siècle. Il se mê-
lait aussi de magie cl d'hérésie. On dit, ce
qui n'est pas certain, qu'il fut brûlé en 1327,
avec son livre d'astrologie, qui est, à ce qu'on
croit , le commentaire sur la sphère de Sa-
crobosco (1).
11 disait qu'il se formait dans les cicuxdes
esprits malins qu'on obligeait, par le moyen
des constellations , à faire des choses mer-
veilleuses. 11 assurait que l'influence dos as-
tres était absolue, et reconnaissait le fata-
lisme. Selon sa doctrine, Notre-Seigneur Jé-
sus-Christ n'avait été pauvre et n'avait souf-
fert une mort ignominieuse que parce qu'il
était né sous une constellation qui causait
iiécessairemcnl cet effet... ; au contraire,
l'antcchrist sera riche etpuissant, parce qu'il
naîtra sous une constellation favorable.
« Une preuve que Cecco était fou , disent
Naudé el Dcirio , c'est, 1° qu'il interprète le
livre de Sacrobosco dans le sens des astrolo-
gues, nécromanciens cl cliiroscopistes ; 2°
qu'il cite grand nombre d'auteurs falsifiés ,
comme lès ombres des idées de Saloinon ,
le Livre desesprits dHipparc bus, les Aspects
des étoiles, d'Hippocrate , etc. »
On demandait un jour à Cecco ce que c'é-
lairque la lune ; il répondit : « Cesl une
terre comme la nôtre , ut terra terra est. »
On a beaucoup disputé sur cet astrologue,
connu aussi sous le nom de Cectts Ascutan,
et plus généralement sous celui de Chicus
jEsculanus. Delrio ne voit en lui qu'un
homme superstitieux, qui avait la tête mal
timbrée. Naudé, ainsi que nous l'avons noté,
le regarde comme un fou savant. Quelques
auteurs, qui le mettent au nombre des né-
cromanciens, lui prêtent un esprit familier,
nommé Floron, de l'ordre des chérubins, le-
quel Floron l'aidait dans ses travaux et lui
donnait de bons conseils, ce qui ne l'cmpé-
cha pas de faire des livres ridicules.
CÉCILE. — Vers le milieu du seizième
siècle, une femme, nommée Cécile , se mon-
trait en spectacle à Lisbonne ; elle posséiiait
l'aride si bien varier sa voix, qu'elle la fai-
sait partir tanlôl de son coude, tantôt de son
pied, tantôt de son ventre. lîlle liait conver-
sation avec un être invisible , qu'elle nom-
mail Pierre-Jean , et qui répondait à toutes
ses questions. Cette femme ventriloque fut
réputée sorcière et bannie dans l'île Saint-
Thomas (2).
CEINTUIUÏSMAGIQUKS.— Plusieurs livres
de secrets vous apprendront qu'on guérit tou-
tes sortes de maladies intérieures en faisant
(1) Cummeiiiarii ia s|iliseram Joannls de Sacrohoscn.
lu- loi. Kàlc, USo.
(2, M. Sal{;ucs, Ues Erreurs, elc, 1. I/, p. 2^7,
526
porter an malade une ceinture de fougère
cueillie la veille de la Saint-Jean, à midi , et
tressée de manière à former le caractère ma-
gique HVTY. Le synode tenu à Bordeaux, en
16;)0 , a condamné ce remèd* , et la raison ,
d'accord avec l'Eglise , le condamne tous les
jours.
CELSE , philosophe éclectique du deu-
xième siècle, ennemi des chréliens. En
avouant les miracles de Jésus Christ , il di-
sait qu'ils avaient été opérés par la magje,
et que les chrétiens étaient des magiciens. Il
a été réfuté par Origène.
CELSIUS (André), Suédois mort en 17W;
auteur d'une Lettre sur les comètes, publiée
à Upsal l'année de sa mort.
CENCHROBOLES, nation imaginaire dont
parle Lucien. Il dit que les Cenchroboles
allaient au combat montés sur de grands oi-
seaux , couverts d'herbes vivaces au lieu de
plumes.
CENDRES. —On soutenait , dans le dix-
septième siècle, entre autres erreurs, qu'il y
avait des semences de reproduction dans les
cadavres , dans les cendres des animaux et
même des plantes brûlées ; qu'une grenouille,
par exemple, en se pourrissant , engendrait
des grenouilles, et que les cendres de roses
avaient produit d'autres roses. Voy. Palin-
GÉNÉSIE.
Le Grand Albert dit que les cendres de
bois astringent resserrent, el qu'on se relâ-
che avec des cendres de bois contraire.» Et,
ajoulc-t-il, Dioscoride assure que la lessivede
cendres de sarments, bue avec du sel, est un
remède souverain contre la suffocation de
poitrine. Quant à moi, ajoute-l-il, j'ai guéri
plusieurs personnes de la peste , en leur fai-
sant boire une quantité d'eau où j'avais lait
amortir de la cendre chaude , cl leur ordon-
nant de suer après l'avoir bue (3). »
CENETHUS, second roi d'Ecosse. Désirant
venger la mort de son père, tué par les Pie-
tés, il exhortait les seigneurs du pays à re-
prendre les armes ; mais, parce qu'ils avaient
été malheureux aux précédentes batailles,
les seigneurs hésitaient. Cénéthus, sous pré-
texte de les entretenir des affaires du pays ,
manda les plus braves chefs à un conseil. Il
les fit loger dans son château, où il avait ca-
ché dans un lieu secret quelques soldais ac-
coulrés de vêtements horribles, faits de gran-
des peaux de loups marins, qui sont Irès-
fréquenls dans le pays à cause de la mer. Us
avaient à la main gauche des bâtons de ce
vieux bois qui luit la nuit, et dans la droite
des cornes de bœufs percées par le bout. Us
se tinrent reclus jusqu'à ce que les seigneurs
fussent ensevelis dans leur premier sommeil :
alors ils commencèrent à se montrer avec
leurs bois qui éclairaient , el firent résonner
leurs cornes de bœufs, disant qu'ils étaient
envoyés pour leur annoncer la guerre contre
les Pietés : — Leur victoire , ajoutaient-ils,
était écrite dans le ciel. Ces fantômes jouè-
rent bien leur rôle , et s'évadèrent sans être
(3) Les admirables secrets d' Albert le Grand, liv. III,
cil. I.
I
DICTIONNAIUF. DES SCIENCES OCCULTES.
.-Î3
3Î7
découverts. Les chefs émus vinronl trouver
le ro^. amiuel ils con.m.m quèronl leur v,-
sion- et ils assaillirent si v.vemcn les P.c-
U-squ-ils ne les délirent pas seulement en
bataille, mais qu'ils en exterminèrent la
"cEPHALONOMANClE. Voy. KÉPiiAi.oNO-
CERÀM, l'une des îles Moluques. On y re-
marque sur la côte méridionale, une mon-
tagne où résident , dit-on . les mauvais gé-
nies Les navigateurs de lîle d Amboine. qui
sont tous irès-superslilicus. ne p;;ssenl jîuere
en vue de celle montagne sans faire une ol-
frande à ces mauvais génies , qu «'s C'"P«-
chent ainsi de leur susciter des empdles. Le
iour, ils déposent des Heurs el une petite
ijiècè de monnaie dans une coque de coco;
Il nuit ils Y metlenl de Ihuile avec des pe-
lues mèchel allumées , el ils laissent ttotter
celte coque au gré des vagues.
CERAUNOSCOPIE. Divination qui se pra-
tiquait, chez les anciens, par l'observation
de la foudre et des éclairs, et par 1 examen
des phénomènes de l'air.
CEUBEUE. Cerberus ou Nabcrus est chez
nous un démon. Wierus le met au no.nbre
des marquis de l'empire '"fernal. Il est fort
et puissant; il se montre sous la forme d un
corbeau; sa voix est rauque : néanmoins il
donne l'éloquence et l'amabililé ; i enseigne
les beaux-arts. Dix-neuf légions lui obeis-
"on voit que ce n'est plus là le Cerbère des
anciens, ce redoutable chien a trois tètes .
portier incorruptible des enfers, appelé aussi
fa bête aux cent têtes , centiceps bellua , a
cause de la multitude de serpents dont ses
trois chevelures étaient ornées. Hésiode lui
donne cinquante tôles de chien; mais on
s'accorde généralement à ne lui en recon-
naître que trois. Ses dents étaient noires et
tranchantes , et sa morsure causait une
^'oTcroU^que la fable de Cerbère remonte
aux Egyptiens, qui faisaient garder les tom-
beaux par des dogues.
C'ea principalement ici du dcmon Cerbe-
rus qu'il a fallu nous occuper. En lo8l), il tit
pacte d'alliance avec une Picarde nommée
Marie Martin. Voy. Martin.
CEUCLES MAGIQUES. On ne peut guère
évoquer les démons avec sûreté sans s êire
placé dans un cercle qui garantisse de leur
atteinte, parce que leur premier mouvement
serait d'empoigner, si l'on n'y «"f'')' «'■''f»
Voici ce qu'on lit à propos dans le fatras in-
titulé : Grimoire du pape Honorius :
Les cercles se doivent faire avec du char-
bon, de l'eau bénite aspergée, ou du bois ( e
la croix bénite... Quand ils seront faits de la
sorte, et quelques paroles de l'Evangile écri-
tes autour du cercle, sur le sol, on jettera de
l'eau bénite en di-^ant une prière supersti-
tieuse dont nous devons citer .lUclqutfs mois :
— « Alpha , Oméga , tly, Elohé, Zebahol,
• Elion , Saday. Voilà le lion qui est vam-
li\ Boisluaui, Histoires [irodiaieuscs, 1. 1.
racine de Dn-
ses sept si-
queur de la tribu de Juila,
« vid. J'ouvrirai le livre et
« gnes... y
Il est fâcheux que l'auteur de ces belles
oraisons ne soit pas connu, ou pourrait lui
faire des compliments.
On récite après la prière quelque formu'c
de conjuration, et les esprits paraissent. Voy.
Conjuration.
Le Grand Grimoire ajoute qu en entrant
dans ce cercle il faut n'avoir sur soi aucun
métal impur , mais seulement de lor ou de
l'argent, pour jeter la pièce à l'esprit. On
plie celte pièce dans un papier blanc, sur le-
quel on n'a rien écrit; on l'envoie à l'esprit
pour lempécher de nuire; et, pendant qu il
se baisse pour la ramasser devant le cercle,
on prononce la conjuration qui le soumet.
Le Dragon rouge, recommanda les mêmes
précautions.
Il nous reste à parler des cercles que les
sorciers font au sabbat pour leurs danses.
On en montre encore dans les campagnes ;
on les appelle cercle du sabbat ou cercle des
fées, parce qu'on croyait que les féi^^s tra-
çaient de ces cercles magiques dans leur»
danses au clair de la lune. Ils ont quelque-
fois douze ou quinze toises de diamètre, et
contiennent un gazon pelé à la ronde de la
largeur d'un pied, avec un gazon vert au
milieu. Quelquefois aussi tout le milieu est
aride et desséché, et la bordure tapissée
d'un gazon vert. Jessorp et Walker, dans les
Transactions philosophiques , attribuent ce
phénomène au tonnerre : ils en donnent
pour raison que c'est le plus souvent après
des orages qu'on aperçoit ces cercles.
D'autres savants ont prétendu que les'Cer-
cles magiques étaient l'ouvrage des fourmis,
parce qu'on trouve souvent ces insectes qui
y travaillent en foule.
On regarde encore aujourd'hui , dans les
campagnes peu éclairées , les places arides
comme le rond du sabba!.. Dans la Lorraine,
les traces que forment sur le gazon les tour-
billons des vents cl les sillons de la foudre
passent toujours pour les vestiges de la danse
des fées, el les paysans ne s'en approchent
qu'avec terreur (21.
CERCUEIL. L'épreuve ou jugement de
Dieu par le cercueil a élé longtemps en
usage. Lorsqu'un assassin, malgré les in-
formations, restait inconnu, on dépouillait
entièrement le corps de la victime ; on menait
ce corps sur un cercueil , et tous ceux qui
étaient soupçonnes davoir eu part au meur-
tre étaient obligés de le toucher. Si l on re-
marquait un mouvement, un changement
dans les yeux, dans la bouche ou dans toute
autre partie du mort, si la plaie saignait, —
celui qui touchait le cadavre dans ce mouve-
ment extraordinaire élait regardé et pour-
suivi comme coupable. Richard Cœur-de-
Lion s'éiait révolté contre Henri II son père,
à qui il succéda. On rapporte qu'après la
mort de Henri II . Richard sétant rendu a
Fontevraull, où le l'eu roi avait ordonné sa
(2) M;i.lame Disc Yciarl, NoUsau livre I" ■le la Vierij
i'Xniuiac.
329
CER
sépulture, à l'approclio du fils rebelle, le
corps du malheureux père jeta du sang par
la bouche cl par le nez, et que ce sang jaillit
sur le nouveau souverain. On cite plusieurs
exemples semblables, dont la terrible morale
n'était pas trop forte dans les temps bar-
bares.
Voici un petit fait qui s'est passé en
Ecosse :
Un fermier, nommé John Makintos, avait
eu quelques conteslalions avec sa sœur
Fanny Mac-Allan. Peu de jours après il
mourut subitement. Les magistrats se ren-
dirent chez lui, et remarquèrent qu'il avait
sur le visage une large blessure, de laquelle
aucune goutte de sang ne s'échappait. Les
voisins de John accoururent en foule pour
déplorer sa perte; mais, quoique la maison
de sa sœur fût proche de la sienne, elle n'y
entra pas, et parut peu affectée de cet événe-
ment. Cela suffit pour exciter parmi les mi-
nistres et 1rs baillis , le soupçon qu'elle n'y
était peut-être pas étrangère. En consé-
quence, ils lui ordonnèrent de se rendre près
du défunt et de placer la main sur son cada-
vre. Elle y consentit; mais avant de le faire,
elle s'écria d'une voix solennelle : Je sou-
haite humblement que le Dieu puissant qui
a ordonné au soleil d'éclairer l'univers, fasse
jaillir de cette plaie un rayon de lumière dont
le reflet désignera le coupable. Dès que ces
paroles furent achevées , elle s'approcha ,
posa légèrement un de ses doigts sur la bles-
sure, cl le sang coula immédiatement. Les
magistrats crurent y voir une révélation du
ciel , et la malheureuse Fanny fut exécutée
le jour même.
On voit dans la vie de Charles-le-Bon, par
Gualbert {Collect. des Bollandistes, 2 mars),
que les meurtriers en Flandre, au douzième
siècle, après avoir tué leur victime, man-
geaient et buvaient sur le cadavre, dans la
persuasion qu'ils paralysaient par celle céré-
monie toute poursuite contre eux à l'occa-
sion du meurtre. Les assassins de Charles-
le-Bon avaient pris cette précaution; ce qui
ne les empêcha pas d'être tous mis au sup-
plice.
CERDON, hérétique du deuxième siècle,
chef des cerdoniens. Il enseignait que le
monde avait été créé par le démon , et ad-
•metijiit deux principes égaux en puissance.
CÉKÈS. « Qu'étaient-ce que les mystères
de Cérès à Eleusis , sinon les symboles de la
sorcellerie, de la magie et du sabbal? A ces
orgies, on dansait au son du clairon, comme
au sabbat des sorcières, et il s'y passait des
choses abominables, qu'il était défendu aux
profès de révéler (1). »
On voit, dans Pausanias, que les Arcadiens
représentaient Cérès avec un corps de femme
et une tête de cheval.
On a donné le nom de Cérès à une planète
découverte par Piazzi en 1801. Celte planète
n'a encore aucune influence sur les horosco-
pes. Voy. Astrologie.
CERF. L'opinion qui donne une Irès-lon-
cin
'■'9
{\\ T.eloyor, Disc, cl bist. des spectres, p. 689, 768.
{3J Browii, Essais sur les erreurs, elc, t. 1", liv. III,
DlCTIONN. DES SCIENCES OCCULTES. 1,
guc vie à cerfains animaux, et principale-
ment aux cerfs, est fort ancienne. Hésiode
dit que la vie de Ihomme finit à quatre-vingt-
seize ans : que celle de la corneille est neuf
fois plus longue, et que la vie du cerf est
quatre fois plus longue que celle de la cor-
neille. Suivant ce calcul, la vie du cerf est de
trois mille quatre cent cinquante-six ans.
Pline rapporte que cent ans après la mort
d'Alexandre on prit dans les forets plusieurs
cerfs auxquels ce prince avait attaché lui-
même des colliers. On trouva, en 1037, dans
la forêt de Senlis, un cerf avec un collier
portant ces mots : Cœsar hoc me donavil,
« C'est César qui me l'a donné; » mais quei
César? Ces circonstances ont fortifié toute-
fois le conte d'Hésiode. Les cerfs ne vivent
pourtant que trente-cinq à quarante ans. Ce
que l'on a débité de leur longue vie, ajoute
Buffon, n'est appuyé sur aucun fondement;
ce n'est qu'un préjugé populaire, dont Aris-
tote lui-même a relevé l'absurdité. Le col-
lier du cerf de la forêt de Senlis ne peut pré-
senter une énigme qu'aux personnes qui
ignorent que tous les empereurs d'Allemagne
ont été désignés par le nom de César.
Une autre tradition touchant le cerf, c'est
que la partie destinée à la génération lui
tombe chaque année. Après avoir ainsi ob-
servé ce qui a lieu par rapport à son bois,
on s'est persuadé que la'même chose arrivait
à la partie en question. L'expérience et la
raison détruisent également une opinion si
absurde (1).
CERINTHE , hérétique du temps des apô-
tres. Il disait que Dieu avait créé des génies
chargés de gouverner le monde; qu'un do
ces génies avait fait tons les miracles de
l'histoire des Juifs; que les enfants de ces
esprits étaient devenus des démons, et que
le Fils de Dieu n'était descendu sur la terre,
que pour ruiner le pouvoir des mauvais an-
ges. Il avait écrit des révélations qu'il pré-
tendait lui avoir été faites par un an^e de
bien, avec qui il se vantait de couvers<°r fa-
milièrement. « Mais cet ange, comme dit Le-
loyer, était un vrai démon, et pas autre
chose. »
CERNE, mot vieilli. C'était autrefois le
nom qu'on donnait au cercle que les magi-
ciens traçaient avec leur baguette pour évo-
quer les démons.
CEROMANCIE ou CIROMANCIE. Divina-
tion par le moyen de la cire, qu'on faisait
fondre et qu'on versait goutte à goutte dans
un vase d'eau, pour en lirer, selon les figures
que formaient ces gouttes, des présages heu-
reux ou malheureux. Les Turcs cherchaient
surtout à découvrir ainsi les crimes et les
larcins. Us faisaient fondre un morceau de
cire à petit feu, en marmottant quelques pa-
roles; puis ils ôtaient celle cire fondue de
dessus le brasier et y trouvaient des figures
qui indiquaient le voleur, sa maison et sa
retraite.
Dans l'Alsace, au seizième siècle, et peut-
être encore aujourd'hui, lorsque quelqu'un
'^^\^« n T^"'^!'.?*' '^''^ Erreurs el des i-réjujjés, l. II.
p. Ho. Buffoii, Hisl. liai., clc.
il
DlCTlONNAinK DES SCILNCES OCCL'LTES.
«1
est malade et que les bonnes femmes veulent
découvrir qui lui a envoyé sa maladie, elles
prennent autant de cierges d'un poids égal
nu'elles soupçonnent d'êtres ou de person-
nes ; elles les allument, et celui dont le cierge
est le premier consumé passe dans leur es-
prit pour l'auleur (1).
CERVELLE. On fait merveille avec la cer-
velle de certaines bêles. L'auteur des Admi-
rables secrets d- Albert le Grand diî.au liv III,
uuc la cervelle de lièvre fait sortir les dents
aux enfants, lorsqu'on leur en frotte les gen-
cives. Il ajoute que les personnes qui ont
neur des revenants se guérissent de leurs
terreurs paniques, si elles mangent souven
de la cervelle de lièvre. La cervelle de chat
ou de challc, si on s'en frotte les dehors du
Bosier, guérit en moins de deux jours les in-
flammalions qui s'y font sentir, mais après
une crise de fièvre violente. ,
Les premiers hommes ne mangeaient a
rervelle d'aucun animal, par respect pour a
tête, qu'ils regardaient comme le siège de la
vie et du sentiment. „„ ,„ ,
CESURE ou CESARIUS (Pierre), moine
de Citeaux, mort en 12W. On lui doit un re-
cueil de miracles où les démons figurent
très-souvent (2). Ce recueil, on ne sait trop
pourquoi, a été mis à l'index en Espagne. 11
e<t cité plusieurs fois dans ce dictionnaire.
CESAIRE (St). Voy. Mirabilis lip.er.
CESALPIN (AsDRfe), médecin du seizième
siècle, né à Are^zo en Toscane, auteur de
Recherches sur les Démons, ou 1 on explique
le passage d'Hippocrate, relatif aux causes
surnaturelles de certaines maladies (3). Ce
traité, composé à la prière de 1 archevêque
de Pise, parut au moment ou les religieuses
d'un couvent de cette ville étaient obsédées
du démon. L'archevêque demandait a tous
les savants si les contorsions de ces pauvres
filles avaient une cause naturelle ou surna-
turelle. Césalpin, particulièrement consulte,
répondit par le livre que nous citons. Il corn-
Picnce par exposer une immense multitude
de faits attribués aux démons et a la magie,
ensuite il discute ces faits ; il avoue qu il y
a des démons , mais qu'ils ne peuvent guère
.ommuniquer matériellement avec l homme;
il termine en se soumettant à la croyance de
VEslise. 11 déclare que la possession des reli-
gieuses de Pise est surnaturelle; que les se-
cours de la médecine y sont insufùsanls , et
qu'il est bon de recourir au pouvoir des exor-
cistes.
CESAR (Caios Jxjlics). On a raconté do
et homme fameux quelques merveilles sur-
^Tétone rapporte que César étant avec
son armée sur les bords du Rubicon que ses
soldats hésitaient à traverser , il apparut
un inconnu de taille extraordinjiire , qui
s'avança en sitnant vers le général. Les
soldats accourent pour le voir; aussitôt le
(1) Delancre , IncrédulUé et mécréance du sortilège
pletiemenl convaincu^, traiié S-Hî'.'™'.''^- '^- „„„,,,„•
Hi lllusTiiim miraculorura et liisloriariim memoraln-
dmlsl^clo'.'lui» luw" fia., 1603. NurVmberg, 1481.
5i5
fantôme saisit la trompette de l'un d'eux,
sonne la charge, passe le fleuve; el César
s'écrie, sans délibérer davantage : — Allons
où les présages des dieux et Tinjusticede nos
ennemis nous appellent. — L'armée le sui-
vit avec ardeur.
Lorsqu'il débarqua en Afrique pour faire
la guerre à Juba, il tomba à terre. Les Ro-
mains se troublèrent de ce présage; mais
César rassura les esprits en embrassîint le
sol et en s'écrianl, comme si sa chute eût été
volontaire : — Afrique, lu es à moi, car je
te liens dans mes bras.
On a vanté l'étonnante force de ses re-
gards; on a dit que, des côtes des Gaules, il
voyait ce qui se passait dans l'Ile des Prê-
tons. Roger Baron , qui ne doute pas de ce
fait, dit que Jules César n'examinait ainsi
tout ce qui se faisait dans les camps et dans
les villes d'Angleterre qu'au moyen de
grands miroirs destinés à cet usage.
On assure que plusieurs astrologues pré-
dirent à César sa mort funeste ; que sa
femme Calpurnie lui conseilla de se défier
des ides de mars; que le devin Artémidore
lâcha également de l'effrayer par de sinistres
présages lorsqu'il se rendait au sénat, où il
devait être assassiné; toutes choses contées
après l'événement.
On ajoute qu'une comète parut à l'instant
de sa mort. On dit encore qu'un spectre
poursuivit Brulus,son meurtrier, à la ba-
taille de Philippes ; que, dans la même jour-
née. Cassius crut voir au fort de la mêlée
César accourir à lui à toute bride, avec un
regard foudroyant, et qu'effrayé de cette vi-
sion terrible, il se perça de son épée.
Quoi qu'il en soit, Jules César fut mis au
rang des dieux par ordre d'Auguste, qui
prétendit que 'V^énus avait em.porté son am«
au ciel. On le représentait dans ses temples
avec une étoile sur la têle, à cause de la co-
mète qui parut au moment de sa mort.
CESAR , charlatan qui vivait à Pans
sous Henri IV, et qui était astrologue, nécro-
mancien , chiromancien, physicien, devin,
faiseur de tours magiques. Il disait la bonne
aventure par l'Inspection des lignes de la
main. Il guérissait en prononçant des paro es
et par des attouchements. 11 arrachait les
dents sans douleur, vendait assez cher de pe-
tits joncs d'or émaillés de noir, comme talis-
mans qui avaient des propriétés naerveilleu-
scs contre toutes les maladies. Il escamotait
admirablement et faisait voir le diable avec
ses cornes. , . .i ut
Quant à cette dernière opération, il semble
qu'il voulait punir les curieux d'y avoir cru ;
car ils en revenaient toujours si bien rossés
par les sujets de Belzébulh, que le magicien
lui même était obligé de leur avouer qui!
était fort imprudent de chercher a les con -
1131 ' rc
Le bruit courut à Paris, en 1611, que l en-
chanteur César el un autre sorcier de ses
Iii-fol Cologne, 1599.111-8°. Douai, 1601.
' (3) D^lnum iuvesligaiio t'oripalelica , in qua exrl.u»-
lur locus HiiiiK)craiis si quid diùuum m morbis lial)ealur.
ln-4°. Florence, 1380.
535
CHA
amis avaient élé étranglés par le diable. On
publia même, dans un petit imprimé, les dé-
tails de celle aventure infernale. Ce qu'il y a
de certain, c'est que César cessa tout à coup
de se montrer. Il n'était cependant point
mort ; il n'avait même pas quitté Paris. Mais
il était devenu invisible , comme quelques
autres que l'Étal se charge de loger (1).
CëSARA. Les Irlandais croient remon-
ter à Césara , pelile-fîlle de Noé , disent-ils,
qui se réfugiadans leur île, où pargrâcc spé-
ciale, elle fut à l'abri des eaux du déluge.
CltSONlE , femme de Caligula. Suétone
conte que, pour s'assurer le cœur de son au-
guste époux , elle lui fil boire un phillrc qui
acheva de lui faire perdre l'esprit. On pré-
tend qu'il y avait dans ce philtre de l'hippo-
mane , qui est un morceau de chair qu'on
trouve quelquefois, dit-on, au front du pou-
lain nouve.'iu-né. Voy. Hippomane.
CEURAWATS , sectaires indiens, qui ont
si grande peur de détruire des animaux,
qu'ils se couvrent la bouche d'un linge pour
ne pas avaler d'insccles. Ils admettent un bon
et un mauvais principe , et croient à des
transmigrations perpétuelles dans différents
corps d'hommes ou de bêles.
CEYLAN. — Les habitants croient que
celte île fut le lieu qu'Adam et Eve habitè-
rent, après avoir élé chassés du jardin de
délices.
CHACON (Alphonse) , en latin Ciaconius,
dominicain espagnol du seizième siècle ,
auteur du traité traduit par Cayet : Comment
l'âme de Trajan fut délivrée de l'enfer (2).
CHAGRAN , tonnerre de Wishnou. Les
Indiens le représentent sous la figure d'un
cercle qui vomit du feu de tous côtés, comme
nos soleils d'arlifice.
CHAINE DU DIABLE. — C'est une tradi-
tion parmi les vieilles femmesdela Suisse que
saint Bernard tient le diable enchaîné dans
quelqu'une des montagnes qui environnent
l'abbaye de Clairvaux. Sur cette tradition est
fondée la coutume des maréchaux du pays
de frapper tous les lundis, avant de se met-
tre en besogne , trois coups de marteau sur
l'enclume pour resserrer la chaîne du diable,
afin qu'il ne puisse s'éi happer.
CHAIS ( Pierre ), ministre protestant, né
à Genève en 1701. Dans son livre intitulé le
Sens Huerai de l'Ecriture sainte, etc., traduit
de l'anglais, de Slackhouse, 3 volumes in-8',
1738, il a mis une curieuse dissertation, dont
il est l'auteur, sur les démoniaques.
CHALCEDOINE. — On conte qu'après que
les Perses eurent ruiné Chalcédoine , sur le
Bosphore, Constantin le Grand voulut la re-
bâtir, parce qu'il en aimait le séjour. Mais
des aigles vinrent, qui, avec leurs serres,
enlevèrent les pierres des mains des ouvriers.
Ce prodige se répéta tant de fois, qu'il fallut
renoncer à reconstruire la ville, si bien que
l'empereur alla bâtir Constanlinople....
CHALDEENS. — On prétend qu'ils trou-
vèrent l'astrologie ou du moins qu'ils laper-
(1) Charlaians célèbres, t. I, p. 202.
(2) Tracliilus de liberaiione anima Trajani iniperïloris
a l'œiiisinferni, etc. Rome, lo70. Rcggio, 1583
CHA 33<
fectionnèrent. ils étaient aussi habiles ma-
giciens.
CHAM , troisième fils de Noé, inventeur
ou conservateur de la magie noire. Il per-
fectionna les divinations et les sciences su-
perstitieuses. Gecco d'AscoIi dit, dans le
chapitre k de son Commentaire sur la Sphère
de Sacrobosco , avoir vu un livre do magie
composé par Cham, et contenant les élémentt
et la pratique de la nécromancie. 11 enseigna
celte science redoutable à son fils Misr.iïm,
qui, pour les merveilles qu'il faisait, fut ap-
pelé Zoroastre, et composa , sur cet art dia-
bolique, cent mille vers, selon Suidas, eltrois
cent mille, selon d'uulres. —
Les monstruosités de Cham lui attirèrent,
dit-on, un châtiment terrible ; il fut emporté
par le diable à la vue de ses disciples. —
Bérose prétend que Cham est le même que
Zoroastre. Annius de Vilerbe, dans ses notes
au texte supposé de cet écrivain , pense que
Cham pourrait bien être le type du Pan dis
anciens pa'iens (3). Kircher dit que c'esl leur
Saturne et leur Osiris. D'autres prétendent
que c'est lui qui fut adoré sous le nom de
Jupiter-Ammon. Ils le confondent avec Cha-
mos.
On dit encore que Cham a inventé l'alchi-
mie , et qu'il avait laissé une prophétie dont
l'hérétique Isidore se servait pour faire des
prosélytes. Nous ne la connaissons pas autre-
ment que par un passage de Sand , qui dit
que Cham, dans cette prophétie , annonçait
l'immortalité de l'âme (4).
CHAMANS , prêtres sorciers des Ya-
coiits. Voy. Mang-Taar.
CHAMBRliS INFESTEES. — Voy. Cuat,
Desiioulières , Dbspilliers , Atuénagure,
Ayola, Château, etc.
CHAMEAU. — Les musulmans ont pour
cet animal une espèce de vénération ; ils
croient que c'esl un péché de le trop charger
ou de le faire travailler plus qu'un cheval.
La raison de ce respect qu'ils ont pour le
chameau, c'est qu'il est surtout commun
dans les lieux sacrés de l'Arabie, et que c'est
lui qui porte leKoran, quand on va en pèle-
rinage à La Mecque.
Les conducteurs de ces animaux, après les
avoir fait boire dans un bassin, prennent
l'écume qui découle de leur bouche et s'en
frottent dévotement la barbe, on disant: a G
père pèlerin I ô père pèlerin! » Ils croient
que cette cérémonie les préserve de niéchef
dans leur voyage. —
On voit dans les Admirables Secrets d'Al~
hert le Grand, livre II, chap. 3, qu-î «si le
sang du chameau est mis dans la peau d'un
taureau, pendanlqueles étoiles brillent, la fu-
mée qui en sortira fera qu'on croira voir un
géantdont la tête semblera toucherleciel,Her -
mes assure l'avoir éprouvé lui-même. Si quel -
qu'un mange dece sang, il deviendra bieniôl
fou; et si l'on allume une lampe qui aura
(3) Comment, ad Berosi lib. III. WlerJS , da Praesliglis,
dit que Pan est le prince des démons incubes.
(4) Ctiristop. Sandii lib.. de Origine anim», p. 99.
M5
nCTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
S.'fl
été frottée de ce même sang, on s'imaginera
que tous ceux qui seront présents auront
des têtes de chameau, pourvu cependant qu'il
n'y ait point d'autre lampe qui éclaire la
clianibre. » Voy. Jean-Baptiste.
CHA.MMADAl, le même t\{\'As>no(Iée.
CIIAMOS, démon de la flatterie, membre
du conseil infernal. Les Ammonites et les
Moabiles adoraient le .'oleil, sous le nom de
Chamos , Kamosch ou Kemosch ; et Milton
l'appelle l'oftsccne terreur des enfants deMuab.
D'autres le confondent avec Jupiter-Ammon.
Vossius a cru que c'était le Comus des Gn es
et des Romains, qui était le dieu des jeux,
des danses et des bals.
Ceux qui dérivent ce mot de l'hébreu Ka-
mos prétendent qu'il signifie le dieu caché,
c'est-à-dire Pluton, dont la demeure est aux
enfers.
CHAMOUILLARD, noueur d'aiguillette
qui fut cond.imné, par arrêt du parlement de
Paris, en 1597, à être pendu et brûlé, pour
avoir maléficié une demoiselle de la Barrière.
Voy. Ligatures.
CHAMP DU RIRE. — Annibal , lorsqu'il
faisait le siège de Rome, se relira, dil-on, de
devant cette ville , épouvanté de vaincs ter-
reurs et de fantômes qui troublèrent ses es-
prits. Les Romains, lui voyant lever le siège,
poussèrent de tels cris de joie et firent de si
grands éclats de rire , que le lieu d'où il dé-
camp.i s'appela le Champ du Rire.
CHAMPIER (Symphorien), Lyonnais du
quinzième siècle, qui a publié en 1303 la Nef
des Daines vertueuses, en quaire livres mêlés
de prose et de vers, dont le troisième contient
les prophéties des sibylles. On l'a soupçonné
à tort d'être l'auteur du traité des Trois Im-
posteurs; mais il a laissé un petit livre inti-
tulé: De TripHci disciplina, in-8% Lyon, 1308.
On lui doit aussi des Dialogues sur la néces-
sité de poursuivre les magiciens (1).
CHAMPIGNON.— LesHollandaisappellent
le champignon pain du diable l duivels-
brood).
CHANDELLE. —Cardan prétend que, pour
savoir si un trésor est enfoui dans un souter-
rain où l'on creuse pour cela , il faut avoir
une grosse chandelle, faite de suif humain,
enclavée dans un morceau de coudrier, en
forme de croissant, de manière à Oçurer avec
les deux branches une fourche a trois ra-
meaux. Si la chandelle, étant allumée dans le
lieu soulcrrain, y fait beaucoup de bruit en
pétillant avec éclat, c'est une marque qu'il y
a un trésor. Plus on approchera du trésor,
plus la chandelle pétillera ; enfin elle s'étein-
dra quand elle en sera tout à fait voisine.
Ainsi il faut avoir d'autres chandelles dans
des lanternes , afin de ne pas demeurer sans
lumière. Quand on a des raisons solides pour
croire que ce sont les esprits des hommes
défunts qui gardent les trésors, il est bon de
tenir des cierges bénits au lieu de chandelles
communes; et on les conjure de la part de
(I) Dlalojfus in magirarum arlium deslructioDem. In-4*.
Ljoii, Bjls.iriii, San» date (vers 1507).
(î} Le Sollile iréior Uu Telil Albert.
Dieu de déclarer si l'on peut faire quelque
chose pour les mettre en lieu de repos ; il ne
faudra jamais manquer d'exécuter ce qu'ils
auront demandé (2)... —
Les chandelles servent à plus d'un usage.
On voit dans tous les démonogrnphes que
les sorcières , au sabbat, vont baiser le der-
rière du diable avec une chandelle noire à la
main. Boguet dit qu'elles allument ces chan-
delles à un flambeau qui est sur la léte de
bouc du diable; entre ses deux cornes, et
q u'clles s'éteignent ets'évanouissent dès qu'on
les lui a offertes (3). —
N'oublions pas que trois chandelles ou
trois bougies sur une table sont de mauvais
augure; et que quand de petits charbons se
détachent de lu lumière d'une chandelle, ils
annoncent, selon quel(]ues-uns , une vi-
site (4); mais, selon le sentiment plus géné-
ral, une nouvelle, agréable s'ils augmentent
la lumière, fâcheuse s'ils t'affaiblissent.
CHANT DU COQ. Il dissipe le sabbat. Voy.
Coq.
CHAOMANCIE, art de prédire les choses
futures par le moyen des observations qu'on
fait sur l'air. Cette divination est euiployéo
par quelques alchimistes qui ne nous en ont
pas donné le secret.
CHAPEAU VENTEUX, voy. Eric.
CHAPELET. On a remarqué pertinemment
que tous les chapelets de sorcières avaient
une croix cassée ou endommagée : c'était
môme un indice de sorcellerie qu'une croix
de chapelet qui n'était pas entière.
CHAPELLE DU DAMNÉ. Raymond Dio-
cres, chanoine de Notre-Dame de Paris, mou-
rut en répulalion de sainteté vers Tan 1084.
Son corps ayant été porté dans le chœur de
la cathédrale, il leva la tête hors du cercueil
à ces graves paroles de l'office des morts :
— Réponds-moi; quelles sont tes iniquités?
Responde mihi quantas habes iniquitates ? etc.,
et qu'il dit : Juste judicio Dei accusatus sum.
(J'aiétécilédevant lejusle jugement de Dieu.)
Les assistants effrayés suspendirent le ser'>
vice et le remirent au lendemain. En atten-
dant, le corps du chanoine resta déposé dans
une chapelle de Notre-Dame, la même qu'où
appelle depuis la Chapelle du Damné.
Le lenclemain, on recommença l'office;
lorsqu'on fut au même verset, le mort parla
de nouveau, et dit : — Justo Dei judicio ju-
dicalus sum. (J'ai été jugé au juste jugement
de Dieu.)
On remit encore l'office au jour suivant;
et au même verset, le mort s'écria : — Justo
Dei judicio condemnalus sum. (J'ai été con-
damné au juste jugement de Dieu.)
Là-dessus, dit la chronique, on jeta le
corps à la voirie; et ce miracle effrayant fut
cause, selon quelques-uns, de la retraite de
saint Bruno, qui s'y trouvait présent.
Quoique celle anecdote soit contestée, elle
est consacrée par des monumiïnts. La pein-
ture s'en est emparée, et Le Sueur en a tiré
parti dans sa belle galerie de saint Bruno.
CHAPUIS (Gabriel), né à Amboise en 15i6.
(3) Discours des Sorciers, lU. xxii,
(4) arown, liv. V, cli. xxm.
337
CHA
CHA
S58
Nous citerons de ses ouvrages celui qui porte
ce litre : les Mondes célestes, terrestres et in-
fernaux, etc., tiré des Mondes de Doni. in-S",
Lyon, 1583. C'est un ouvrage satirique.
CHAR DE LA MORT, voy. Brouette.
CHARADRIUS, oiseau immonde que nous
ne connaissons pas; les rabbins disent qu'il
est merveilleux, et que son regard guérit la
jaunisse. Il faut, pour cela, que le malade et
l'oiseau se regardent fixement ; car si l'oiseau
détournait la vue, le malade mourrait aus-
sitôt.
CHARBON D'IMPURETÉ, l'un des démons
de la possession de Loudun. Voy. Gbandier.
CHARLATANS. On attribuait souvent au-
trefois aux sorciers ou au diable ce qui n'é-
tait que l'ouvrage des cliarlalans. Si nous
pensions comme au seizième siècle, tous nos
escamoteurs seraient sorciers.
Tout ce que nous voyons n'est rien pour-
tant en fait de tours de passe-passe ; et les
hautes sciences dégénèrent. M. Comte, à
Paris, escamote à peine des oiseaux. On vit
sous l'Empire un habile opérateur, qui se
faisait appeler le grand enchanteur Caliin-
Caha, annoncer dans un programme imprimé
qu'il escamoterait sa femme et la changerait
en dindon; il est vrai qu'il n'y put réussir,
et que les spectateurs dirent unanimement
que lui-même était le dindon. Ne l'étaient-
ils pas un peu plus, eux qui avaient donné
leur argent? Wierus, dans son deuxième li-
vre des Prestiges, nous raconte que de son
temps, au seizième siècle, un savant magi-
cien s'escamota lui-môme, avec des circoa-
slances merveilleuses. Voici le fait.
Ce magicien, ou si vous l'aimez mieux,
cet escamoteur adroit gagnait sa vie à Mag-
debourg, en faisant des tours de son métier,
dos fascinations et des prestiges, sur une es-
trade élevée au milieu de la place publique.
Or, un jour qu'il montrait pour quelque
monnaie un petit cheval, à qui il faisait exé-
cuter, p.ir la force de sa magie, des choses
vraiment miraculeuses, comme de deviner la
pensée, de désigner dans la foule le mari le
plus doux, la femme la moins parleuse, la
personne la plus belle, la plus riche, la plus
meuleuse, la plus spirituelle de la société;
après avoir fini son jeu, le prestidigitateur
s'écria qu'il gagnait trop peu d'argent avec
les hommes d'ici-bas, et qu'il allait monter
à la lune. Ceci se faisait, comme d'ordinaire,
par une belle soirée, à la clarté de quelques
chandelles.
Le magicien ayant donc jeté son fouet en
l'air, le fouet coimnença de s'élever. Le petit
cheval ayant saisi avec ses dents l'extrémité
du fouet s'enleva pareillement. L'»Michanteur
ne voulant pas abandonner son bidet, le prit
par la queue et fut emporté de même. La
femme do C( t habile homme empoigna à son
tour les jambes île son mari, qu'elle suivit;
la servant!' s'accroch.i aux pieds de sa mal-
tresse; le valel, qui faisait les parades, se
pendit aux jupons de la servante; el bientôt
Je fouet, lo petit cheval, le sorcier, sa fomino,
la cuisinière, le paillasse, tous les éléments
de la troupe arrangés coiuinc une bande de
grues s'élevèrent si haut qu'on ne les vit
plus.
Pendant que tous les assistants demeu-
raient ébahis d'un tel prodige, il vint un
homme qui leur demanda la cause de leur
stupeur. Et quand il la sut : — Soyez en paix,
leur dit-il, votre sorcier n'est pas perdu; jh
viens de le voir à l'autre bout de la ville,
qui descendait à son auberge avec tout sou
monde.
Un philosophe, qui cite ce fait comme un
tour de magie, el qui n'admet pas qu'on
puisse en douter, termine parcolteréQexion:
— Il faut convenir que le diable fait pour se»
amis des facéties bien extraordinaires.
Voici ce qu'on lit dans le Voyage deSchou-
ten aux Indes orientales :
« 11 y avait au Bengale un charlatan qui,
en faisant plusieurs tours de souplesse, prit
une canne longue de vingt pieds, au bout do
laquelle était une petite planche large do
trois ou quatre pouces; il mit cette canne à
sa ceinture, après quoi une fille de vingt-
deux ans lui vint sauter légèrement par der-
rière sur les épaules, et, grimpant au haut
de la canne, sassit dessus, les jambes croi-
sées et les bras étendus. Après cela, l'homme,
ayant les deux bras balancés, commença à
marchera grands pas, portant toujours cette
fille sur le bout de la canne, tendant le ven-
tre pour s'appuyer, et regardant sans cesse
en haut pour tenir la machine en é(iuilibre.
La fille descendit adroitement, remonta de-
rechef et se pencha le ventre sur le bâton,
en frappant des mains et des pieds les uns
contre les autres. Le charlatan ayant mis
alors le bâlon sur sa télé, sans le tenir ni dt^s
mains ni des bras, cette même fille et une
autre petite Moresque de quinze ans moulè-
rent dessus l'une après l'autre; l'homme les
porta ainsi autour de la place, en courant et
se pencbant, sans qu'il leur arrivât le moin-
dre mal. Ces deux mêmes filles marchèrent
sur la corde la tête en bas, et firent une mul-
titude d'autres tours de force très-merveil-
leux. Mais, quoique plusieurs d'entre nous
crussent que tous ces tours de souplesse
fussent faits par art diabolique, il me semble
qu'ils pouvaient se faire naturellement; car
ces filles, qui étaient très- adroites, subtiles,
et dont les membres étaient grandement agi-
les, faisaient tout cela à force de s'y être ac-
coutumées el exercées. »
Il y a eu des charlatans de toutes les espè-
ces : en 1728, du temps de Law, le plus fa-
meux des charlatans, un autre, nommé Vil-
lars, confia à quelques amis que son oncle,
qui avait vécu près de cent ans, et qui n'était
mort que par accident, lui avait laissé le siî-
crel d'une eau qui pouvait aisément prolon-
ger la vie jusqu'à cent cinquante années,
pourvu qu'on fût sobre. Lorsqu'il voyait
passer un enterrement, il levait les épaules
do pitié. « Si le défunt, disail-il, avait bu
de mon eau, il ne sérail pas où il est. » Ses
amis, auxquels il en donna généreusement,
el qui observèrent un p: u le régime prescri!.
s'en trouvèrent bien et le prônèrent; alors il
vendit la bouteille six francs; le débit en fut
539 DICTIONNAIIIE DES SCltNCES OCCULTES
prodigieux. C'élail de l'eau de Seine <ivec un
peu do iiilre. Ceux qui en prirent et qui s'as-
Ireigiiireiil au régime, surtout s'ils étaient
nés avec un bon leiupérainent, recouvrèrent
en peu de jours une santé parfaite. Il disait
aux autres : — C'est votre faute si vous n'ê-
tes pas entièrement guéris. — On sut enfin
que l'eau de Villars n'était que de l'eau de
rivière; on n'en voulut plus et on alla à
d'autres charlatans. Mais celui-là avait fait
sa forlune. Voy. Ane, Chèvbe, Alexandre
DE PaPRL4Gi)NIE, CIC.
CHAULES-MARTEL. Saint Euchcr, évêque
d'Orléans, eut une vision, dans laquelle il se
crul transporté par un ange dans le purga-
toire. Là, il lui sembla qu'il voyait Charles-
Martel, qui expiait les pillages qu'il avait
3M
faits et ceux qu il avait soufferts.
A cette vision, on ajoute ce conte que le
tombeau de Charles-5lartel fut ouvert, et
qu'on y trouva un serpent, lequel n'était
qu'un démon. Et là-dessus les philosophes,
s'en prenant au clergé, l'ont accusé de frau-
des. Mais le tombeau de Charles-Martel n'a
été ouvert à Saint-Denis que par les profa-
nateurs de 1793.
CHAHLEMAGNE. On lit dans la légende
de Berthe au grand pied, que Pépin le Bref
voulant épouser Bi'rthe, fille du comte de
Laon, qu'il ne connaissait pas, ceux qui la
lui amenaient lui substituèrent une autre
femme que Pépin épousa. Ils avaient chargé
des assassins de tuer la princesse dans la fo-
rêt des Ardenncs. Ayant ému leur pitié, elle
en obtint la vie, à condition de se laisser
passer pour morte. Elle se réfugia chez un
meunier, où elle vécut plusieurs années.
Un jour Pépin, égaré à la chasse, vint
chez ce meunier ; son astrologue lui annonça
qu'il se trouvait là une fille destinée à quel-
que chose de grand. Berthe fut reconnue, ré-
tablie dans ses droits; elle devint mère de
Charlemagne. — La légende ajoute que la
première épouse de Pépin avait donné le jour
à un fils, lequel, par la suile, élu pape sous
le nom de Léon III, couronna Charlemagne
empereur d Occident (1).
Il serait long de rapporter ici tous les pro-
diges que l'on raconte de Charlemagne. Son
règne est l'époque chérie de nos romans che-
valeresques. On voit toujours auprès de lui
•les enciianleurs, des géants, des fées. 0 a a
niéuie dit qu'il ne porta la guerre en Espagne
que parce que saint Jacques lui apparut
pour l'avertir qu'il retirât son corps des
mains des Sarrasins.
Ses guerres de Saxe ne sont pas moins fé-
condes en merveilles, et les circonstances de
sa vie privée sont rapportées également d'une
manière extraordinaire parles chroniqueurs.
On dit qu'en sa vieillesse il devint si éper-
dûment épris d'une Allemande, ((u'il en né-
gligea non-seulement les affaires de son
royaume, mais même le soin de sa propre
personne. Cette femme étant morte, sa pas-
sion ne s'éteignit pas, de sorte qu'il continua
d'aimer son cadavre, dont il ne voulait pas
(1) Voyfz, dans IfS li^^endes des commandoinenis de
Dieu , la légende de la terne Berlhe m( yrand pieU. \o)i:i
se séparer. L'archevêque Turpiii, ayant ap-
pris la durée de cette effroyable passion,
alla un jour, pendant l'absence du prince,
dans la chambre où était le cadavre, afin de
voir s'il n'y trouverait pas quelque sort ou
maléfice qui fût la cause de ce dérèglement.
Il visita exactement le corps mort, et trouva
en effet, sous la langue, un anneau, qu'il
emporta. Le même jour Charlemagne, étant
rentré dans son palais, fut fort étonné d'y
trouver une carcasse si puante; et, se réveil-
lant comme d'un profond sommeil, il la fit
ensevelir promptement.
Mais la passion qu'il avait eue pour le ca-
davre, il l'eut alors pour l'archevêque Tur-
pin, qui portait l'anneau : il le suivait par-
tout, et ne pouvait le quitter. Le prélat, ef-
frayé de cette nouvelle folie, et craignant
que l'anneau ne tombal en des mains qui en
pussent abuser, le jeta dans un lac afin que
personne n'en pût faire usage à l'avenir. Dès
lors Charlemagne devint amoureux du lac,
ne voulut plus s'en éloigner, y bâtit auprès
un palais et un monastère, et y fonda la ville
d'Aix-la-Chapelle, où il voulut être enseveli.
On sent que tout ce récit n'est qu'un conte,
mais il est foil répandu. Voy. Vétin, etc.
CHARLES LE CHAUVE, deuxième du nom
de Charles parmi les rois des Francs. Il eut
la vision suivante, dont on prétend qu'il a
écrit lui-même le détail. — La nuit d'un di-
manche, au retour des matines, comme il
allait se reposer, une voix terrible vint frap-
per ses oreilles. — Charles, lui dit celte voix,
ton esprit va sortir de ton corps; tu viendras
et verras les jugements de Dieu, qui le ser-
viront ou de préservatif ou de présage. Ton
esprit, néanmoins, te sera rendu quelque
temps apiès.
A l'instant il fut ravi ; celui qui l'enleva
était d'une blancheur éclatante. 11 lui mit
dans la main un peloton de fil qui jetait une
lumière extraordinaire : — Prends ce fil, lui
dit-il, et l'attache fortement au pouce de la
main droite, par ce moyen je te conduirai
dans les labyrinthes infernaux, séjour de
peines et de souffrances.
Aussitôt, le guide marcha devant lui avec
vitesse, en dévidant le peloton de fil lumi-
neux. 11 le conduisit dans des vallées pro-
fondes, remplies de feux et pleines de puits
enllammés , où l'on voyait bouillir de la poix,
du soufre, du plomb, du bitume.
« Je remarquai, dit le monarque, des pré-
lats et des chefs qui avaient servi mon père
et mes aïeux. Quoique tremblant, je ne lais-
sai pas de les interroger, pour apprendre
d'eux quelle était la cause de leurs tourments.
Ils me répondirent : — Nous avons été les
officiers de votre père et de vos aïeux ; et,
au lieu de les porter eux et leurs peuples a
la paix et à l'union, nous avons semé parmi
eux la discorde et le tiouble : c'est pourquoi
nous sommes dans ces souterrains. C'est ici
que viendront ceux qui vous environnent it
qui nous imitent dans le mal. »
Pendant que, tout tremblant, le roi coa-
aussl, dans les légendes de l'Hisloire de France , ta iKjis-
taitce (le Cliurlcmagne.
Si(
CHA
CIIA
34-:
sidérait ces choses, il vit fondre sur lui d'af-
freux démons, lesquels, avec des crochets de
fer enflammé, voulaient se saisir de son pe-
loton de fil et le lui enlever des mains ; mais
l'exlrêtne lumière qu'il jetait les empêchait
de le happer- Ces mêmes démons cherchèrent
à saisir le roi et à le précipiter dans les puits
de soufre ; son conducteur le débarrassa des
embûches qu'on lui tendait, et le mena sur
de hautes montagnes d'où sortaient des tor-
rents de feus qui faisaient fondre et bouillir
toutes sortes de métaux.
« Là, dit le roi, je trouvai les âmes de plu-
sieurs seigneurs qui avaient servi mon père
et mes frères : les uns y étaient plongés
i'usqu'au menton, et d'autres à mi- corps.
!s s'écrièrent, en s'adressant à moi : —
Hélas ! Charles, vous voyez comme nous
sommes punis pour avoir malicieusement
semé le trouble et la division entre votre
père, vos frères et vous...
« Je ne pouvais, dit le monarque ( qui a
tout l'air de faiie là une brochure poli-
tique , dans l'esprit de son époque), je ne
pouvais m'empêcherde gémir de leurs peines.
« Je vis venir à moi des dragons dont la
gueule enflammée cherchait à m'engloutir;
mon guide me fortifia par le fil du peloton
lumineux dont il m'entoura, et cette clarté
offusqua si bien les dangereux animaux qu'ils
ne purent m'atteindre.
« Nous descendîmes dans une vallée dont
un côié était obscur et ténébreux, quoique
rempli de fournaises ardentes. Je trouvai le
côté opposé très-éclairé et fort agréable. Je
m'attachai particulièrement à examiner le
côté obscur : j'y vis des rois de ma race tour-
mentés par d'étranges supplices. Le cœur
serré d'ennui et de tristesse, je croyais à tout
moment me voir précipité moi-même dans
ces gouffres par de noirs géants. La frayeur
ne m'abandonna pas.
« De l'autre côté du vallon je remarquai
deux fontaines, dont l'une était d'une eau
très-chaude, et l'autre plus douce et plus
tempérée. Je vis deux tonneaux remplis l'un
et l'autre de ces eaux ; dans l'un je reconnus
mon père, Louis-le-Débonnaire, qui y était
plongé jusqu'aux cuisses. 11 me rassura et
me dit : — Mon Dis Charles , ne craignez
rien, je sais que votre esprit retournera dans
votre corps ; Dieu a permis que vous vins-
siez ici pour voir les peines que mes péchés
ont méritées. Si, par des prières et des au-
mônes, vous me secourez, vous, mes fidèles
évéques et tout l'ordre ecclésiastique, je ne
tarderai guère à être délivré de ce tonneau.
Regardez à votre gauche, ajouta mon père.
« A l'instant je tournai la tête ; je vis deux
grands tonneaux d'eau bouillante.— Voilà ce
qui vous est destiné, conlinua-t-il, si vous ne
vous corrigez et ne faites pénitence. — Mon
guide me dit alors : — Suivez-moi dans la
partie qui est à droite de ce vallon, où se
trouve toute la gloire du paradis.
« Je ne marchai pas longtemps sans voir
au milieu des plus illustres rois mon oncle
Lolhaire, assi? sur une topaze d'une gran-
deur extraordinaire et couronné d'un riche
diadème ; son fils, Louis, était dans un éclat
aussi brillant. A peine m'eul-il aperçu que,
d'une voix fort douce, il m'appela et me parla
en ces termes : — Charles, qui êtes mon troi-
sième successeur dans l'empire romain , ap-
prochez. Je sais que vous êtes venu voir les
lieux de supplices et de peines où votre père
et mon frère gémissent encore pour quelque
temps. Mais, parla miséricorde de Dieu, ils
seront bientôt délivrés de leurs souffrances,
comme nous-mêmes en avons été retirés, à
la prière de saint Pierre, de saint Denis et de
saint Rémi, que Dieu a établis les patrons
des rois cl du peuple français. Sachez aussi
que vous ne tarderez pas à être détrôné ;
après quoi vous vivrez peu.
« Et Louis, se tournant vers moi : — L'em-
pire romain, dit-il, que vous avez possédé,
doit passer incessamment entre les mains de
Louis, fils de ma fille. — A l'instant j'aper-
çus ce jeune enfant. — Remettez-lui l'aulo-
rité souveraine, continua Louis, et donnez-
lui-en les marques en lui confiant ce peloton
que vous tenez.
« Sur-le-champ je le détachai de mes
doigts pour le lui remettre. Parla lise trouva
revêtu de l'empire, et tout le peloton passa
dans sa main. A peine en fut-il mailre, qu'il
devint brillant de lumière ; mon esprit rentra
en même temps dans mon corps. — Ainsi,
tout le monde doit savoir que, quoi qu'on
fasse, il possédera l'empire romain que Dieu
lui a destiné ; et quand je serai passé à une
autre vie, c'est ce qu'exécutera le Seigneur,
dont la puissance s'étend dans tous les siècles
sur les vivants et les morts (1). »
Nous le répétons : brochure politique.
CHARLES VI, — roi de France. Ce prince,
chez qui on avait déjà remarqué une raison
affaiblie, allant faire la guerre en Bretagne,
lut saisi en chemin d'une frayeur qui acheva
de lui déranger entièrement le cerveau. Il vit
sortir d'un buisson, dans la forêt du Mans,
un inconnu d'une figure hideuse, vêtu d'une
robe blanche, ayant la tête et les piei's nus,
qui saisit la bride de son cheval, et lui cria
d'une voix rauque : — Roi, ne chevauche
pas plus avant ; retourne, tu es trahi I — Le
raonaniue, hors de lui-même, lira son épée
et ôla la vie aux quatre premières personnes
qu'il rencontra, en criant : — En avant sur
les traîtres 1
Son épée s'étant rompue et ses forces épui-
sées, on le plaça sur un chariot et on le ra^
mena au Mans.
Le fantôme de la forêt est encore aujour-
d'hui un problème difficile à résoudre. Etait-
ce un insensé qui se trouvait là par hasard ■;
Etait-ce un émissaire du duc de Bretagne
contre lequel Charles marchait? Tous les
raisonnements du temps aboutissaient au
merveilleux ou au sortilège. Quoi qu'il en
soit, le roi devint tout à fait fou. Un médecin
de Laon, Guillaume de Harsely, fut app;'lé
au château de Creil, et, après six mois de
(IJ Viiio Caroli Caivi de tocls pœiiarum el felitilale juslorum. Mun'jscrii>l3 liibl. reg., c' iUl, p. 188,
5i5
DlCTIUNNAiriE DES SCIENCES OCCULTES.
IM
joins et de ménagemiuls, la santé du Roi se
trouva rétablie. — Mais, en 1393, son élal
ilevint désespéré, à la suite d'une autre itn-
nruilence. La Reine, à l'occasion du mariage
J'une de ses fcmincs, donnait un bal masqué.
Le Roi y vint déguisé en sauvage, conù;:isaiit
;ivec lui de jeunes soigneurs dans le même
lostume, attachés par une clinîne de fer.
Leur vêtement était fait d'une toile enduite
•le poix-résine, sur laquelle on avait appliqué
des éloupes. Le duc d'Orléans , voulant con-
natlre les masques, approcha un flambeau :
la flamme se communiqua avec rapidité, les
cinq seigneurs furent brûlés ; mais un cri
"étant fait entendre, — Sauvez le Roi . —
Ch;irles dut la vie à la présence d'esprit de
duchesse de Berri, qui le couvrit de son
manteau et arrêta la flamme.
L'étatduRoi empira decelte frayeurets'ag-
srrava de jour en jour ; le duc d'Orléans fut
soupçonné de l'avoir ensorcelé. Jordan de
Wejer, de Divin., cap. 43, écrit que ce duc,
voulant exterminer la race royale, conQ.i ses
armes et son anneau à un apostat, pour les
consacrer au diable et les enchanter par des
prestiges ; qu'une matrone évoqua le démon
dans la tour de Montjoie , près de Lagny ;
qu'ensuite le duc se servit des armes ensor-
celées pour ôter la raison au roi Charles,
non frère, si subtilement, qu'on ne s'en aper-
çut pas d'abord.
Le premier enchantement, selon colle ver-
sion, se fît près de Beauvais ; il fut si violent
que les ongles et les cheveux en tombèrent
au Roi. Le second, qui eut lieu dans le Maine,
fut plus fort encore ; personne ne pouvait
assurer si leRoi vivait ou non. Aussitôt qu'il
revint à lui : — Je vous supplie, dit-il, en-
levez-moi cette épée, qui me perce le corps
par le pouvoir de mon frère d'Orléans. —
C'est toujours Mejer qui parle. Le médecin
qui avait guéri le Roi n'existait plus ; on Gt
venir du fond de la Guienne un charlatan
qui se disait sorcier, et qui s'était vanté de
guérir le Roi d'une seule parole; il apportait
avec lui un grimoire qu'il appellait Simago-
rad, par le moyen duquel il était maître de la
nature. Les courtisans lui demandèrent de
qui il tenait ce livre ; il répondit effronté-
ment que « Dieu, pour consoler Adam de la
mort d'Abel, le lui avait donné, et que ce li-
vre, par succession, et lit venu jusqu'à lui. »
Il traita le Roi pendant six mois et ne fit
qu'irriter la maladie. — Dans ses intervalles
lucides, le malheureux prince commandait
qu'on enlevât tous les instruments dont il
pourrait frapper. — J'aime mieux mourir,
disait-il, que de faire du mal. — Il se cro-
yait de bonne foi en-forcelé. Deux moines
empiriques, à qui on eut l'imprudence de
l'abandonner, lui donnèrent des breuvages
désagréables , lui firent des scarifications
magiques ; puis ils lurent pendus, comme
ils s'y éiaient obligés en cas que l-i santé du
Hoi ne fût point rétablie au bout de six mois
de traitement. Au reste, la mode du ce temps-
Ci) M. GariiiPl, Hisloirc do la magie eu Frame, p. 87.
C2j Curiosités ae 1) liUcialuri;, Uwduil de raiiglab par
là était d'avoir près de soi des sorciers ou
des charlatans, comme depuis les grands
curent des fous, des nains et des guenons (1).
CH.VRLES IX, — roi de France. Croirait-on
qu'un des médecins astrologues de Charles
IX. lui ayant assuré qu'il vivrait autant de
jours qu'il pourrait tourner de fois sur son
talon dans l'espace d'une heure, il se livrait
tous les matins à cet exercice solennel pen-
dant cet intervalle de temps, et que les prin-
cipaux officiers de l'Etat , les généraux, le
chancelier, les vieux juges pirouettaient tout
sur un seul pied pour imiter le prince et lui
faire leur cour (2] 1
On assure qu'après le massacre politique
de la Saint-Barlhélemi, et par suite aussi de
l'effroi que lui causaient les conspirateurs,
Charles IX vit des corbeaux sanglants, eut
des visions effroyables, et reçut par d'affreux
tourments le présage de sa mort prématurée.
On ajoute qu'il mourut au moyen d'images
de cire faites à sa ressemblance, et maudi-
tes par art magique, que ses ennemis, les
sorciers protestants, faisaient fondre tous les
jours par les cérémonies de l'envoûtement,
et qui éleignaient la vie du roi à mc!<ure
qu'elles se consumaient (3).
En ces temps-là, quand quelqu'un mou-
rait de consomption ou de chagrin, on pu-
bliait que les sorciers l'avaient envoûté. Les
médecins rendaient les sorciers responsa-
bles des malades qu'ils ne guérissaient pas ;
— à moins qu'il n'y ait, dans ce crédit uni-
versel des sorciers, un mystère qui n'est pas
encore expliqué.
CHARLES II, duc de Lorraine. Voy. Sab-
bat.
CHARLES-LE-TÉMÉRAIRE, duc de Bour-
gogne. Il disparut après la bataille de Nancy;
et, parmi les chroniciueurs, il en est qui di-
sent qu'il l'ut emporté par le diable , comme
Rodrigue; d'autres croient qu'il se réfugia
en une solitude et su fit ermite. Celte tradi-
tion a fait le sujet du roman de M. d'Arliu-
court, intitulé te Solitaire.
CHARLES II, roi d'Angleterre. Quoique
fort instruit, Charles II eîait, comme son
père, plein de confiance dans l'astrologie
judiciaire. Il recherchait aussi la pierre phi-
losophale. Voy. Alchimie.
CHARMES, enchantement, sortilège, cer-
tain arrangement de paroles, en vers ou en
prose, dont on se sert pour produire dés ef-
fets merveilleux.
Quelquefois les cnarmeurs ont été des em-
poisonneurs.
a Dans tous les temps, dit un écrivain an-
glais, le crime d'empoisonnement a été un
iléau pour la société; au^si les législateurs
ont-ils cherché à le frapper des plus rudes
châtiments. Dès les pretniers siècles de Rome,
on trouve déjà en vigueur des lois fortement
répressives de ce crime; mais deux cents
ans avant l'ère chrétienne, les mœurs étaient
lellenienl relâchées , et l'empoisonnemenl
si généralement répandu à Rome, qu'au rap-
Dcrlin, l. I, p. 2i!t.
(5) Utliio, Disquisit. mag., lib. 111, cap. I, quœst. î.
3 45
CHA
CIIA
-M
porl de Tite-Livc, cenl cinquante dames ro-
maines furent poursuivies et condamnées
pour avoir employé le poison.
Néanmoins , l'art de l'empoisonnement
avait fait tant de progrès en Italie, qu'il s'é-
tablit à Rome une société de jeunes femmes
mariées, dans le but de l'exploiter. Elles
avaient pour présidente Hiéronime Sparra,
diseuse de bonne aventure; elles aidaient de
leurs mystères les héritiers impatients, et les
femmes mariées qui voulaient se débarras-
ser de leurs maris.
Elles furent cependant toutes arrêtées, et
toutes elles confessèrent leur crime, à l'ex-
ception de Sparra qui fut pendue avec trois
autres, tandis que, pour le reste, le fouet ou
le bannissement parut un châtiment suffi-
sant
Eu France, la Brinvilliers. la Voisin et la
Vigoreux, ne turent pas moins célèbres par
leurs crimes et par le supplice qui y mit un
terme ; et si les annales de la justice anglaise
n'offrent pas des noms aussi infâmes, on
trouve cependant partout la preuve que le
crime de l'empoisonnement n'y était pas
moins fréquent qu'en France et en Ita-
lie.
La manière dont le père d'HamIet fut em-
poisonné, bien que rapportée par un reve-
nant, jette quelque lumière sur un des mo-
des d'empoisonnement qui étaient alors usi-
tés, et la scène des sorcières, dans la tragé-
die de Macbeth, caractérise aussi parfaite-
ment cette époque superstitieuse et barbare.
Il ne sera peut-être pas sans intérêt de la
reproduire ici.
PREMIÈRE SORCIÈRE.
Tournons en rond anlour du cliaudron qui bouillounc,
Jelons y le poison d'immondes inteslins...
Crapaud, qui, dormant sous la pierre,
As durant trente jours éctiaulfé tes venins,
Bous le premier dans la chaudière.
CUCECR.
Redoublons de travail et de soin,
Lp myslère nous environne,
Nous n'avons que l'enfer pour lénioin ;
Feu brûle ! et chaudière, bouilltnin; !
SECOHDE £ORC!ÈRE.
OËil des lézards dans l'eau pourri,
Filet d'un seriienl aiiuatique,
Poil infect de chauve-souris,
Bouillez dans le chaudron magique !
Aile lugubre des hiboux.
Aiguillon fourchu de vipère.
Pour que l'enchanternenl s'opère
Djus la niarmile niClcz-vousl
Ain>i qu'une infernale soupe
Ijouillez dans cette immense coupe
lit Ibrmez un charme falal
De tous les éléments du mal !
CUOCDR.
Le mystère nous environne,
Nous u avons que l'enfer pour lémuin;
Redoublons de travail et de soin ;
Feu, brûle! el chaudière, liouillo .ne '
TRO SIÈUE SOROIÈHE.
Dent de loup et langue de chien
Mon)ie impure desurcirre, '
Foie ou de juif ou de p,.îen,
Gueule de requin sanguniaire.
Fiel de bouc, branche de cviirès,
Coupée aux éclipses de lune ;
(1 ) Traduction de niad. Louise Collet.
lîj Bodin, Déiuouomajiie, eic. liv. H, ih.ip. u.
Ci)?uè arr.iihéc k la brune.
Peau de grenouille de marais
Ecaille d'im dragon biz.irre,
Nez de Turc, lèvre de Tartare,
Doigt d'un enfant mort en naissant.
Qu'on étouffa tout vagissant I
Remplissez la chaudière ardente
Fraise de tigre, pattes, yeux.
Et faites, ingrédients hideux,
La bouillie épaisse et gluante (1).
Mais il y a des charmes moins affienK.
Une femme, de je ne sais quelle contrée,
ayant grand mal aux yeux, s'en alla à une
école publique et demanda à un écolier quel-
ques mots magiques qui pussent charmer
son mal el le guérir, lui promettant récom-
pense.
L'écolier lui donna un billet enveloppé
dans un chiffon et lui défendit de l'ouvrir.
Elle le porta et guérit. Une des voisines
ayant eu la même maladie porta le billet et
guérit pareillement. Ce double incident ex-
cita leur curiosité, elles développent le chif-
fon et lisent : « Que le diable t'écarquille les
deux yeux et te les bouche avec de la
boue... »
Delrio cite an sorcier qui, en allumant
une certaine lampe charmée, excitait toutes
les personnes qui étaient dans la chambre,
quelque graves el réservées qu'elles fus-
sent, à danser devant lui. « Ces sortes de
charmes, dit-il, s'opèrent ordinairement par
des paroles qui font agir le diable.»
Toute l'antiquité a remarqué que les sor-
ciers charmaient les serpents, qui quelque-
fois tuent le charmeur. Un sorcier de Salz-
bourg, devant tout le peuple, fil assembler
en une fosse tous les serpents d'une lieue à
la ronde, el là, les fit tous mourir, hormis le
dernier qui était grand, lequeî sautant fu-
rieusement contre le sorcier, le tua.
« En quoi il appert que ce n'est pas le mot
hipokindo, comme dit Paracelse, ni autres
mots semblables, ni certaines paroles du
psaume 91, qui font seules ces prodiges ; car
comment les serpents eussent-ils ouï la
voix d'un homme d'une lieue à la ronde, si
le diable ne s'en fût mêlé (2)?»
Nicétas indique à ce propos un charme
qui s'opère sans le secours des paroles : « On
tue uu serpent, une vipère et tout animal
portant aiguillon, dit-il, en crachant dessus
avant déjeuner.... » Figuier prétend qu'il a
ttié diverses fois des serpents de cette ma-
nière, mouillant de sa salive un bâton ou
une pierre, et en donnant un coup sur la tête
du serpent
On cite un grand nombre d'autres charmes
dont les effets sont moins vrais qu'étonnants.
Dans quelques villages du Finistère, on em-
ploie celui-ci : on place secrètement sur l'au-
tel quatre pièces de six liards, qu'on pulvé-
rise après la messe; el cette poussière, ava-
lée dans un verre de vin, de cidre ou d'eau-
de-vie, rend invulnérable à la course et à la
lutte (3). Ces charmes se font au reste à l'insu
du cure ; car l'Eglise a toujours sévèrement
interdit ces superstitions.
Le grand Grimoire donne un moyen de
charmer les armes à leu et d'en rendre l'el-
(ô) Canibry, Voyage dans le Fiuisière, t. 111, p. 105.
S»7
Dir.TIONNAlKE DES SCIENCES OCCl LTES.
■48
fi'l infaillible; il fiiul dire en Ips chargeant :
« Dieu y ail part, el li- diable la sorlf ; » et,
lorsqu'on met en joup.il faut dire imi croisant
la jambe gauche sur ta droite: Non tradas...
Mathon. Amen, etc.
La plupart des charmes se font aussi par
drs paroles dites ou tracées dans ce sons;
charme vient du mol latin carmen, qui signi-
fia non-seulement des Vit» cl de la poésie,
mais une formule de paroles délerniiuécs
dont on ne doit point s'écarter. On nommait
carmina les lois, les formules des juriscon-
sultes, les déclarations de guerre, les clau-
«es d'un traité, les évocations des dieux (I).
Ïile-Live appelle lex horrendi carminis la
loi qui condamnait à mort Horace meurtrier
de sa sœur.
Quand les Turcs ont perdu un esclave qui
s'est enfui, ils écrivent une conjuration sur
un papier qu'ils attachent à la porte de la
hutte ou de la cellule de cet esclave, et il est
forcé de revenir au plus vite devant une
main invisible qui le poursuit à grands coups
de bâton (2.
Pline dit que, de son temps, par le moyen
de certains charmes, on éteignait les incen-
dies, on arrêtait le sang des plaies, on re-
mettait les membres disloqués, on guérissait
la goutte, on empêchait un char de ver-
ser, etc. — Tous les anciens croyaient ferme-
ment aux charmes, dont la formule consis-
tait ordinairement en certains vers grecs ou
latins.
Bodin rapporte, au chap. 5 du liv. 3 de la
Démonomanie, qu'en Allemagne les sorcières
tarissent par charmes le lait des vaches, cl
qu'on s'en venge par un contre-charme qui
est tel :
On met bouillir dans un pot du lait de la
vache tarie, en récitant certaines paroles
(Bodin ne les indique pas] et frappant sur le
[ et avec un bâton. En même temps le diable
irappe la sorcière d'autant de coups, jus-
qu'à ce qu'elle ait ôté le charme.
On dit encore que si, le lendc-main du jour
où l'on est mis en prison, on avale à jinn
une croûte de pain sur laquelle on aura
écrit : Senozam, Gozoza, Gober, Dom, el
qu'on dorme ensuite sur le côté droit , ou
sortira avant trois jours.
On arrête les voitures en mettant au milieu
du chemin un bâton sur lequel soient écrits
ces mots : Jérusalem, omnipotens, etc., con-
vertis-toi, arrête-toi là. 11 faut ensuite tra-
verser le chemin par où U'on voit arriver les
chevaux.
On donne à un pistolet la portée de cen'
pas, en enveloppant la balle dans un papiei-
où l'on a inscrit le nom des trois rois. On
aura soin, en ajustant, de retirer son haleine,
el de dire : « Je te conjure d'aller droit où je
veux tirer. »
Un soldat peut se garantir derattcinle d.s
Prmes à fi'U avec un morceau de peau de
loup ou de bouc, sur lequel on écrira, quand
(!) ll'rtrier, Dictionnaire lli6ol(ifrii|ue, au mol CImnne.
P) Lelojer, Hist. et dise, des sncclros , liv. lY,
cb. ixi.
(5; lliitrs, Trailé des stiperiiilion».
le soleil entre dans le signe da bélier : « Ar-
quebuse, pistolet , canon ou autre armi> à
feu, je te commande que tu ne puisses tirer
de par l'homme, etc. »
On guérit un cheval encloué en mettant
trois fois les pouces en croix sur son pied,
en prononçant le nom du dernier assassin
mis à morl, en récitant trois fois certaines
prières (3j...
Il y a une infinité d'autres charmes.
On distingue le charme de l'enchantement,
en ce que celui-ci se faisait par des chants.
Souvent on les a confondus. Toy. Coktre-
ChaRMES, ENCnAlSTEMENTS, MiLÉFICES, TA-
LISMANS, Pariiles, Philactères, Ligatures,
Chasse, Philtres, elc.
CHAHTII'R (Alain), poëte du commence-
snent du quinzième siècle. Ou lui attribue
on traité sur la Nature du feu de l'Enfer, que
que nous ne sommes pas curieux de connaî-
tre.
CHARTUMINS, sorciers chaldéens , qui
étaient en grand crédit du temps du prophète
Daniel.
CHASDINS, astrologues de la Chaldée. Ils
tiraient l'horoscope, expliquaient les songes
et les oracles, et prédisaient l'avenir par di-
vers moyens.
CHASSANION (Jean de), écrivain protes-
tant du seizième siècle. On lui doit le livre
« Des grands et redoutables jugements et pu-
nitions de Dieu advenus au monde, princi-
palement sur les grands, à cause de leurs
méfaits. » In-8*, Morges, 1581. Dans cet ou-
vrage liés -partial, il se fait de grands mira-
cles en faveur des protestants; ce qui est
prodigieux. Chassanion a écrit aussi un vo-
lume sur les géants {'*).
CHASSE. — Secrets merveilleux pour la
chasse.
Mêlez le sucre de jusquiame avec le sang
et la peau d'un jeune lièvre; celte comiio-
silion attirera lous les lièvres des envi-
rons.
Pendez le gui de chêne avec une aili! d'hi-
rondelle à un arbre ; lous les oiseaux s'y
rassembleront de deux lieues et demie.
On dit aussi qu'un crâne d'homme, caché
dans un colombier y attire tous les pigeons
d'alentour.
Faites tremper une graine, celle que vous
voudrez, dans la lie de vin, puis jelez-la aux
oiseaux ; ceux qui en lâteronl s'enivreront,
et se laisseront prendre ù la main.
Et le Petit Albert ajoute :
B Ayez un hibou que vous attacherez à un
arbre: allumez toi-t près un gros nambcau,
faites du bruit avec un tambour; tous les oi-
seaux viendront en foule pour faire la guerre
au hibou et on en tuera autant qu'on voudra
avec du menu plomb. »
Pour la chasse de Saint-Hubert, voyez Ve-
neur. Voyez aussi Artuus, AI. de Laïo-
RÉT, etc.
Les chasseurs des monts Ourals sont su-
Ci) De Gigantiliiis eoruinque rcliqniis at(|us ils i]nse
anlo aniios alimiol noslra itlale in G;illia roi/crli -^iiut.
lii-S«. B41i', Votti.
5)»
CIIA
CIIÂ
550
perslitieuT, comme tous les chasseurs. Ainsi
un chasseur de ces sauvages contrées ne
cherchera tout le jour les écureuils qu'au
haut des sapins roufres, si le premier qu'il a
tué le malin s'ost trouvé sur un arbre de cette
espèce; et il est fcrniement convaincu qu'il
en chercherait en vain ailleurs. Il ne porle
ses regards, pendant toute la journéis que
sur les arbres de la nature de celui qui lui a
offert son premier gibier.
En 1832, on vit à Francfort, aux premiers
jours du printemps, un ch;.sseur surnaturel
qui est supposé habiter les ruines du vieux
château gothique de Rodenslein. Il traversa
les airs dans la nuit, avec grand fracas de
meules, de cors de chasse, do roulements de
voitures , ce qui infailliblement annonce
la guerre selon le préjugé du peuple.
CHASSEN (Nicolas), petit sorcier de Fra-
neker, au dix-septième siècle; il se distingua
dès l'âge de seize ans. Ce jeune homme ,
Hollandais et calviniste, étant à l'école, fai-
sait des grimaces étranges, roulait les yeux
cl se contournait tout le corps; il montrait à
ses camarades des cerises mûres au milieu
de l'hiver; puis, quand il les leur avait offer-
tes , il les retirait vivement et les man-
geait.
Dans le prêche, où les écoliers avaient une
place à part, il faisait sortir de l'argent du
banc où il était assis. Il assurait qu'il opérait
tous ces tours par le moyen d'un esprit ma-
lin qu'il appelait Sérug. — Ballhazar Bekker
dit, dans le Monde enchanté (Ij, qu'élant allé
à cette école, il vil, sur le plancher, un cer-
cle fait de craie, dans lequel on avait tracé
des signes dont l'un ressemblait à la tête
d'un coq; quelques chiffres étaient au milieu.
Il remarqua aussi une ligne courbe comme
la poignée d'un moulin à bras; tout cela
était à demi effacé.
Les écoliers avaient vu Chassen faire ces
caractères magiques. Lorsqu'on lui demanda
ce qu'ils signiliaient, il se lut d'abord; il dit
ensuite qu'il les avait faits pour jouer. On
voulut savoir comment il avait des cerises et
de l'argent; il répondit que l'esprit les lui
donnait.
— Qui est cet esprit?
— BeelzébiUh, répondit-il.
Il ajouta que le diable lui apparaissait sous
forme humaine quand il avait envie de lui
f.iire du hii'U, d'autres Tiis s lUs forme de
bouc OU de veau; qu'il avait toujours un
pii'd conlrefail; etc.
Mais, dit Bekker, ou finit par reconnaître
que tout cela n'était qu'un jeu que Chassen
avait essayé pour se rendre considérable
parmi les enfints de son âge; on s'étonne
seulement qu'il ait pu le soutenir devant
tant i\e personnes d'esprit pendant plus d'une
année.
CHASSI , démon auquel les habitants des
(t) Tome IV, p. loi.
(2j Discours soiimiairc des sortlléj^es et vôiiéfices, tirûs
des procès criminels jugés au siège royal de iMoiiliiiorilIciii,
eu Poitou, en l'année 1399, p. 19.
(,')) Sainle-Foix, Essais sur Paris, t. Il, p. ôOO.
(il 'Quelquefois ils bissent ii leur cUat pat tcslaïueut
lies Mariannes attribuent le pouvoir de tour-
menter ceux qui tombent dans ses mains.
L'enfer est pour eux la maison de Chassi.
CHASTENET (Léonarde), vieille femme
de quatre-vingts ans, mendiante en Poitou ,
vers 1391 , et sorcière. Confrontée avec Ma-
thurin Bonni'vault, qui soutenait l'avoir vue
au sabbat, elle confessa qu'elle y était allée
avec son mari; que le diable, qui s'y mon-
trait en forme de bouc , était une bote fort
puante. Elle nia qu'elle eût fait aucun malé-
fice. Cependant elle fut convaincue, par dix-
neuf témoins , d'avoir fait mourir cinq la-
boureurs et plusieurs bestiaux. Qu.ind elle
se vil condamnée, pour ces crimes reconnus,
elle confessa qu'elle avait fait pacte avec le
diable, lui avait donné de ses cheveux, et
promis de faire tout le mal qu'elle pourrait;
elle ajouta que la nuit, dans sa prison, le
diable était venu à elle, en forme de chit,
« auquel , ayant dit qu'elle voudrait être
morte, icelui diable lui avait présenté deux
morceaux de cire, lui disant qu'elle en man-
geât, et qu'elle mourrait; ce qu'elle n'avait
voulu faire. Elle avait ces morceaux de cire;
on les visita , et on ne put juger de quelle
matière ils étaient composés. Cette sorcière
fut donc condamnée, et ces morceaux de cire
brûlés avec elle (2). »
CHASTETÉ. Les livres de secrets mer-
veilleux, qui ne respectent rien , indiquent
des potions qui, selon eux , ont pour effet
de révéler la chasteté, mais qui, selon l'ex-
périence, ne révèlent rien du tout.
CHAT. Le chat tient sa place dans l'his-
toire de la superstition. Un soldat romain
ayant tué, par mégarde, un chat en Egypte,
toute la ville se souleva ; ce fut en vain que
le roi intercéda pour lui , il ne put le sau-
ver de la fureur du peuple. Observons que
les rois d'Egypte avaient rassemblé, dan»
Alexandrie, une bibliothèque immense, et
qu'elle était publique : les Egyptiens culti-
vaient les sciences , et n'en adoraient pas
moins les chats (3j.
Mahomet avait beaucoup d'égards pour
son chat. L'animal s'était un jour couché sur
la manche pendante de la veste du prophète,
et semblait y méditer si profondément, que
Mahomet, pressé de se rendre à la prière,
et n'osant le tirer de son cxlase , coupa ,
dil-on, la manche de sa veste. A son retour,
il trouva son chat qui revenait de son assou-
pissement, et qui, s'apercevant de rallention
de son maître, se leva pour lui l'aire la révé-
rence, et plia le dos en arc. Mahomet com-
prit ce que cela signifiait ; il assura au chat,
qui faisait le gros dos, une place dans son
paradis. Ensuite, passant trois fois la main
sur l'animal, il lui imprima, par cet attou-
chement , la vertu de ne jamais tomber que
sur ses pattes. Ce conte n'est pas ridicule
chez les Turcs (4J.
une rente viagère. Il existe au Caire , lonl près de Bd-el
Naz:i (porte de la Vicioire) an liôpllat de ces animaux ; oji
)■ recueille les clials malades et sans asile; les Icriftlres
sont souvent cncond)i ées U'Iioninn's et de feuinies iiui leur
dontiLiil à manger à travers les barreaux.
851
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCL'LTES.
asi
Voici une anccdole où le chat joue un
mauvais rôle ; il est vrai que c'est un chat
sauvage.
Un aide-de-camp du maréchal de Luxem-
bourg vint log<'rdans une auberge, dont la
réputation n'était pas rassurante. Le diable,
disail-on. arrivait toutes les nuits dans une
certaine chambre, tordait le cou à ceux qui
osaient y coucher, et les laissait étrangiéj
dans leur li!.
Un grand nombre de voyageurs remplis-
sant lauberge quand l'aide-de-camp y en-
tra, on lui dit qu'il n'y avait malheureusement
de vide que la chambre fréquentée par le
diable, où personne ne voulait prendre gîle.
— Oh ! bien , moi, répondit-il, je ne serai
pas fâché de lier connaissance avec lui ;
qu'on fasse mon lit dans la chambre en ques-
tion, je me charge du reste.
Vers minuit, l'orficier vit descendre le dia-
ble par la cheminée , sous la Ggure d'une
bêle furieuse, contre laquelle il fallut se dé-
fendre. 11 y eut un combat acharné, à coups
de sabre de la part du militaire, à coups de
griffes et de dents de la part de la bêle ; cette
lutte dura une heure. Mais h- diable Cuit par
rester sur la place ; l'aide-de-camp appela
du monde : on reconnut un énorme chat
sauvage , qui , selon le rapport do l'hôte,
avait déjà étranglé quinze personnes (1).
11 y avait jadis à Paris, un usage peu gra-
cieux et dont on n'a jamais bien expliqué
l'origine. On brûlait une ou deux douzaines
de chats dans le feu de la Saint-Jean. Ce feu
de joie s'allumait autour d'un mât élevé sur
la place de Grève. Les clials, retenus dans
des paniers, étaient lâches lorsque le feu
flamboyait tout autour d'eux. Ils n'avaient
de retraite que le mât. au haut duquel ils
grimpaient en Irisle désespoir, pour être
élouffés par la fumée, ou retomber dans les
flammes. M. Frédéric Soulié mentionne celle
coutume dans un de ses récits :
« Cependant, le roi Charles IX était ar-
rivé. On lui avait remis une torche de cire
blanche de doux livres, garnie de d( ux poi-
gnées de velours rouge. Sa Majesté s'était
approchée de l'arbre de la Saint-Jean, en
avait allumé les premiers fagots, puis était
remontée à l'Hôlel-de-Ville. Peu à peu le
feu gagna les bourrées - cotlerels et les
tonneaux vides accumulés à une grande
hauteur autour de l'arbre; et alors, tandis
que Michel Noiret, trompette-juré du roi,
et six compagnons trompettes sonnaient des
fanfares , on vit un spectacle réjouissant.
Les chats, amarrés et retenus jusque-là au
pied de l'arbre, se prirent à s'élancer de tou-
tes façons; les uns grimpant jusqu'au plus
haut de l'arbre pour retomber dans la four-
naise allumée au pied; d'aulres s'y précipi-
tant de rage et s'y débattant avec des hurle-
ments quidominaicnl le bruil des Irompetles.
Tout à coup, du milieu des flammes, on vit
s'élancer un maîlro chat qui gravit jusqu'à
la plus One pointe du mât, et qui, de celte hau-
(1) Gabrielle (11-, P"", Uist. des faiilômes et dos dé-
nions, etc., p. iOj.
(2) Chap. IV, hv 11 |). 2o7,
teur, tournait autour de lui des yeax aussi
flamboyants que 1« feu lui-même, et en
même temps on entendit par-dessus les rires
de la multitude la voix d'une vieille femme
qui criait de tontes ses forces :
« Le voilà Martial, mon chat Martial,
Martial! Martial 1 »
« La vieille avaitreconnuson chat. L'animal
reconnut aussi la voix de sa maîtresse; car.
au moment où il était près de disparaître
dans les tourbillons de flammes, il se lança
d'un bond prodigieux et tomba au delà du
cercle de feu qui entourait l'arbre. Les ser-
gents qui veillaient autour pour l'attiser ,
voulurent frapper le chat; mais il s'enfuit
du côté de sa maîtresse au milieu des rires
de la cour et du peuple, ravis de voir cet
animal sauvé par son intrépidité. »
On lit dans la Démonomanie de Bodin (2) ,
que des sorciers de Vernon , auxquels on fit
le procès en 1566, fréquentaient et s'assem-
blaient ordinairement dans un vieux châ-
teau sous la forme d'un nombre infini de
chais. Quatre hommes, qui avaient résolu
d'y coucher, se trouvèrent assaillis par celte
multitude de chats ; l'un de ces hommes y fut
tué, les autres blessés; néanmoins ils bles-
sèrent aussi plusieurs chattes, qui se trou-
vèrent après en forme de femmes, mais bien
réellement mutilées...
Ou sait que les chais assistent au sabbat,
qu'ils y dansent avec les sorcières, et que
lesdites sorcières, aussi bien que le diable
leur maîlre, prennent volontiers la figure de
cela ni mal. On lit dans Boguet qu'un laboureur
près de Strasbourg fut assailli par Irois gros
cha's, et qu'en se défendant il les blessa sé-
rieusement. Une heure après, le juge fit de-
mander le laboureur et le mit en prison
pour avoir maltraité trois dames de la ville.
Le laboureur étonné assura qu'il n'avait
mallraiié que des chats, et en donna les preu-
ves les plus évidentes : il avait gardé de la
peau. On le relâcha, parce qu'on vit que le
diable était coupable en CL-lle affaire.
On ne finirait pas si on rappelait tout ce
que les démonomanes ont rêvé sur les chats.
Boguet dit encore que la chatte, étant frottée
d'uue herbe appelée népeta, conçoit sur-le-
champ, cette herbe suppléant au défaut du
mâle (3). Les sorciers se servent aussi de la
cervelle des chais pour donner la mort; car
c'est un poison, selon Bodin et quelques-au-
tres (4).
Les matelots américains croient que si
d'un navire on jette un chat vivant dans la
mer, on ne manque jamais d'exciter une fu-
rieuse tempêle. Voy. Blokula , Beurre des
SORCIÈRES, MÉTAMORPHOSES, CiC.
CHATEAU DU DIABLE. Plusieurs vieux
manoirs portent ce nom dans des traditions
et des contes populaires.
Le château de Ronquerolles.
Dans les Mémoires du Diable, livre dont
nous ne pouvons, malgré le talent de l'auteur,
recommander la lecture, M. Frédéric Soulié
(n) Disœurs dessofciRrs, ch. xtv, p. 81.
(l) Uodin, Déiuoiiomaiiie lies sorciers, liv. III, cli. ii,
II. 3iti.
S53
CHA
CIIA
S!H
déhute par une scène eldcs détails qui récla-
inenl leur place dans ce livre. Nous croyons
devoir les transcrite en partie.
« Le 1" janvier 18..., le baron François-
Armand de Luizzi était assis au coin de son
leu, dans son château de Ronquerolles. Quoi-
que je n'aie pas vu ce château depuis plus de
vingt ans, je me le rappelle parfaitement.
Contre lordinaire des châteaux féodaux, il
était situé au fond d'une vallée ; il consistait
alors en quatre tours liées ensemble par
quatre corps de bâtiment, les tours et les
bâtiments surmontés de toits aigus en ar-
doise, chose rare dans les Pyrénées.
«Ainsi, quand on apercevait ce château
du haut des collines qui l'entouraient, il pa-
rais'^ait plutôt une habitation du seizième ou
du dix-septième siècle qu'une forteresse de
l'an 1327, époque à laquelle il avait été bâti.
« Aujourd'hui que nous savons que de tous
les matériaux durables le fer est celui qui
dure le moins, je me garderai bien de dire
que Ronquerolles semblait être bâti de fer,
tant l'action des siècles l'avait respecté;
mais ce que je dois afGrmer, c'est que létal
dcconser>ation de ce vaste bâtiment était
véritablement très-remarquable. On eût dit
que c'était quelque caprice d'un riche ama-
teur du gothique qui avait élevé la veille ces
murs, intacts, dont pas une pierre n'était
dégradée, (|ui avait dessiné ces arabesques
fl. uries dont pas une ligne n'était rompue ,
dont aucun détail n'était mutilé. Cependant,
de mémoire d'homme on n'avait vu personne
travailler à l'entretien ou à la réparation de
ce château.
« Il avait pourtant subi plusieurs change-
ments depuis le jour de sa construction, et
le plus singulier est celui qu'on remarquait
lorsqu'on approchait de Ronquerolles du cô:é
du midi. Aucune des six fenêtres qui occu-
paient la façade de ce côté n'était semblable
aux autres. La première à gauche était une
fenêtre en ogive, portant une croix de pierre
à arêtes tranchées qui la partageaient en
quatre comparliments garnis de vitraux à
demeure. Celle qui suivait était pareille à la
première, à l'exception des vitraux, qu'on
avait remplacés par un vitrage blanc à lo-
sanges de plomb porté dans des cadres de fer
mobiles. La troisième avait perdu son ogive
et sa croix de pierre. L'ogive semblait avoir
été fermée par des briques, et une épaisse
menuiserie, où se mouvaient ce que nous
avons appelé depuis des croisées à guillotine,
tenait la place du vitrage à cadres de fer.
La quatrième, ornée de deux croisées, l'une
intérieure, l'autre extérieure, toutes deux à
espagnoleltos et à petites vitres, était en ou-
tre défendue par un contrevent peint en
rouge. La cinquième n'avait qu'une croisée
à grands carreaux, plus ua^ persienne peinte
en vert. Enfin, la sixième était ornée d'une
vaste glace sans tain, derrière laquelle on
voyait un store peint des plus vives cou-
leurs. Cette dernière fenêtre était en outre
fermée par des contrevents rembourrés.
« Le mur uni continuait après ces fenêtres,
d'Jut lu dernière avait paru aux regards des
habitants de Ronquerolles le lendemain de la
mort du baron Hugues-François de Luizzi ,
père du baron Armand-François de Luizzi ,
et le malin du 1" janvier is!.., sans qu'on
pûtdirequi l'avait percée et arrangée coinuie
elle l'était.
« Ce qu'il y a de plus singulier, c'estque la
tradition racontait que toutes les autres croi-
sées s'étaient ouvertes de la même façon et
dans une circonstance pareille, c'est-à-dire
sans qu'on eût vu exécuter les moindres tra-
vaux, et toujours le lendemain delà mort de
chaque propriétaire successif du château. Un
fait certain, c'est que chacune de ces croi-
sées était celle d'une chambre à coucher qui
avait été fermée pour ne plus se rouvrir, du
moment que celui qui eût dû l'occuper toute
sa vie avait cessé d'exister.
« Probablement si Ronquerolles avait été
constamment habité par ses propriétaires,
tout cet étrange mystère eût grandement
agité la population ; mais depuis plus do
doux siècles, chaque nouvel héritier des
Luizzi n'avait paru que durant vingt-quatre
heures dans ce château, et l'avait quitté
pour n'y plus revenir. Il en avait élé ainsi
pour le baron Hugues-François de Luizzi ;
et son fils François -Armand de Luizzi ,
arrivé le 1" 18..., avait annoncé son départ
pour le lendemain.
« Le concierge n'avait appris l'arrivée do
son maître qu'en le voyant entrer dans le
château; l'élonnemenl de ce brave homme
s'était changé en terreur, lorsque, voulant
faire préparer un appartement au nouveau
venu, il vit celui-ci se diriger vers le corri-
dor où étaient situées les chambres mysté-
rieuses dont nous avons parlé, et ouvrir avec
une clef qu'il tira de sa poche une porte que
le concierge ne connaissait pas encore, et
qui s'était percée sur le corridor intérieur
comme la croisée s'était ouverte sur la fa-
çade. La même variété se remarquait pour
les portes comme pour les croisées. Chacune
était d'un style différent, et la dernière était
en bois de palissandre incrusté de cuivre. Le
mur continuait après les portes dans le cor-
ridor, comme il continuait à l'extérieur après
les croisées sur la façade. Entre ces deux
murs nus et impénétrables, il se trouvait
probablement d'autres chambres. Mais des-
tinées sans doute aux héritiers futurs des
Luizzi, elles demeuraient, comme l'avenir
auquel elles appartenaient, inaccessibles cl
fermées. Celles que nous pourrions appeler
les chambres du passé étaient de même clo-
ses et inconnues, mais elles avaient cepen-
dant gardé les ouvertures par lesquelles on
y pouvait pénétrer; la nouvelle chambre, la
chambre du présent si vous voulez, était
seule ouverte; et durant toute la jouruée
du 1" janvier; tous ceux qui le voulurent y
pénétrèrent librement.
« Ce corridor, qui en vérité nous parait
un peu sentir l'allégorie, ne parut sentir à
Armand de Luizzi que l'humidité et le froid ;
et il ordonna qu'on allumât un grand feu
dans la cheminée en marbre blanc de sa
nouvelle chambre. Il y resta toute la journéo
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
r,5(!
pour régler les co.np'cs de la propriélé de
Roiiqucrollps ; pu ce qui concernail le châ-
teau, ils ne fun-iil pas longs. Ronquorolles
ne rapportait rien el ne coûlail rien. Mais Ar-
mand de Luizzi possédait aux environs quel-
ques fermes dont les baux étaient expirés et
qu'il voulait renouveler...
« La journée enlicre se passa à discuter
et à arrêter les bases des nouveaux contrats,
et ce ne fut que le soir venu qu'Armand de
Luzzisetrouvaseul.il était assis au coin do son
feu; une table sur laquelle brûlait une seule
bougie était près de lui. Pendant qu'il restait
plongé dans ses rcdcxions, la pendule sonna
successivement minuit, minuit et demi, une
heure. Luizzi se leva et se mil à se promener
avecagitation. Armand était un homme d'une
taille élevée; l'allure naturelle de son corps
dénotait la force, et l'expression habituelle de
•es traits annonç.iil la résolution. Cepen-
dant il tremblait, et son agitation augmentait
à mesure que l'aiguille approchait de deux
heures. Quelquefois il s'arrêtait pour écou-
ter si un bruit extérieur ne se faisait pas en-
tendre; mais rien no troublait le silence so-
lennel dont il était entouré. Enfin , Armand
entendit ce petit choc produit par l'éctiappe-
ment de la pendule et qui préiède l'heure
qui va sonner. Une pâleur subite et profonde
se répandit sur son visage: il demeura un
moment immobile et ferma les yeux comme
un homme qui va se trouver mal. A ce mo-
ment le premier coup de deux heures ré-
sonna dans le silence. Ce bruit sembla réveil-
ler Armand de son affaiblissemint; et avant
que le second coup ne fût sonné, il avait
saisi une petite clochette d'argent posée sur
sa table et lavait violemment agitée en di-
sant ce seul mot:
« — Vi( ns.
« Tout le monde peut avoir une clochette
d'argent; tout le monde peut l'agiter à deux
heures précisesdu matin elen disantcemol: —
Viens 1 — Mais très-probablemenl il n'arrivera
personne, ce qui arriva à Armand de Luizzi. La
clochette qu'il avait secouée ne rendit qu'un
son faible et ne frappa qu'un coup unique qui
vibra trisleuicnlet sans éclat. Lorscju'il pro-
nonça le mot — vieiisl — Armand y mil tout
l'effôrl d'un homme qui crie pourétre entendu
deloin.et cependant sa voix poussée avec vi-
gueur de sa poitrine, ne put arriver à ce ton
résolu et impératif qu'il avait voulu lui donner;
il sembla que ce fût une timide supplication
qui s'échappait de sa bouche; et lui-même
s'étonnait de cet étrange résultat, lorsqu'il
aperçut à la place qu'il venait de quitter un
éire, qui pouvait élre un homir)e, car il en
avait l'air assuré; qui pouvait être une
femme, car il en avait le visage et les mem-
bres délicats; et qui était assurément le
diable, car il n'était entré par nulle part et
avait simplement paru.
« Son costume consistait en une robe de
chambre à manches plates, qui ne disait rien
du sexe de l'individu qui la portait.
« Armand de Luizzi observa en silence ce
singulier personnage, tandis qu'il se casait
coiiMiiodémeut dans le fauteuil à la Voltaire
qui était près du feu. Le diable, car c'iHait
lui-même, se pencha négligemment en ar-
rière et dirigea vers le feu l'index et le pouce
de sa main blanche et effilée; ces deux doigts
s'allongèrent indéfiniment comme une paire
de pincettes et prirent un charbon dans le
feu. Le diable, car c'était le diable en per-
sonne, y alluma un cigare qu'il prit sur la
table. A peine en eut-il aspiré une bouffée,
qu'il rejeta le cigare avec dégoût, et dit à
Armand de Luizzi : — Est-ce que vous n'a-
vez pas de tabac de contrebande?
« Armand ne répondit pas.
— « En ce cas, acceptez du mien, reprit le
diable.
« Et il tira delà poche de sa robe de cham-
bre un pelil porte-cigares d'un goût exquis.
Il prit deux cigarettes , en alluma une au
charbon qu'il tenait toujours et le présenta
à Luizzi. Celui-ci le repoussa du geste, et le
diable lui dit d'un ton fort naturel : Ah 1 vous
faites le dédaigneux, mon cher, tant pis.
« Puis il se mit à fumer, sans cracher, le
corps penché en arrière et en sifflotant de
temps en temps un air de contredanse, qu'il
accompagnait d'un petit mouvement de tête
tout à fait impertinent....
« Armand demeurait toujours immobile
devant ce diable étrange. Enfin il rompit le
silence; et s'armant de ceUe voix vibrante et
saccadée qui constitue la mélopée du drame
moderne, il dit :
— « Fils de l'enfer, je t'ai appelé....
— « D'abord, mon cher, dit le diable en
l'interrompant, je ne sais pas pourquoi vous
me tutoyez. C'est de fort mauvais goût. C'est
une habitude qu'ont prise entre eux ceux
que vous appelez les artistes. Faux semblant
d'amitié, qui ne les empêche pas de s'envier,
deseha'ir et de se mépriser. C'est uneformede
langage que vos romanciers et vos drama-
turges ont affectée à l'expression des passions
poussées à leur plus haut degré, et dont les
gens bien nés ne se servent jamais. Vous qui
n'êtes ni homme de lettres ni artiste, je vous
serai fort obligé de me parler comme au pre-
mier venu; ce qui sera beaucoup plus con-
venable. Je vous ferai observer aussi qu'en
m'appelant fils de l'enfer, vous dites une de
ces bêtises qui ont cours dans toutes les lan-
gues connues. Je ne suis pas plus le fiis de
l'enfer que vous n'êtes le fils de voire cham-
bre parce que vous l'habitez.
« Tu es pourtant celui que j'ai appelé, ré-
pondit Armand en affectant une grande puis-
sance dramatique.
« Le diable regarda Armand de travers et
répondit avec une supériorité mar()uée :
— « Vous êtes un faquin. Est-ce que vous
croyez parler à votre groom ?
— « Je parle à celui qui est mon esclave,
s'écria Luizzi en posant la main sur la clo-
chette qui était devant lui.
« — Comme il vous plaira, monsieur le
baron, reprit le diable. Mais, par ma foi, vous
éles bien un véritable jeune homme de notre
époque, ridicule et butor. Puisque vous élos
si sûr de vous faire obéir, vous pourriez bi:n
me parler avec politesse, cela vous coûterail
Zl't
CHA
pi'u. D'ailleurs, ces manières là sont bonnes
pour les manants parvenus qui, parce qu'ils
se vautrent dans le fond de leur calèche, s'i-
maginent qu'ils ont l'air d'y être habitués.
Vous éies de vieille ramillc; vous portez un
assez beau nom, vous avez très-bon air, et vous
pourriez vous passer de ridicules pour vous
fuire remarquer.
— « Le diable fait de la morale 1 c'est
étrange...
« Ce dialogue avait eu lieu entre ce per-
sonnage surnaturel et Armand de Luizzi ,
sans que l'un ou l'autre eût changé de place.
« Jusqu'à ce moment Luizzi avait parlé
plutôt pour ne point paraître interdit que
pour dire ce qu'il voulait. 11 s'était remis peu
à peu de son trouble et de l'étonnement que
lui avaient c;iusé la figure et les manières de
son interlocuteur; et il résolut d'aborder un
autre sujet de conversation, sans doute plus
important pour lui.
« Il prit donc un second fauteuil, s'assit de
l'autre côté de la cheminée, et examina le
diable de plus près. Il acheva son inspectiim
en silence, et, persuadé qu'une lutte d'esprit
ne lui réussirait pas avec cet être inexplica-
ble, il prit sa clochette d'argent et la fit son-
ner encore une fois. — A ce corumamlcment,
car c'en était un, le diable se leva et se tint
debout devant Armand de Luizzi dans l'atti-
tude d'un domestique qui attend les ordres
de son maître. Ce mouvement , qui n'avait
duré qu'un dixième de seconde , avait ap-
porté un changement complet dans la phy-
sionomie et le costume du diable. L'être fan-
tastique de tout à l'heure avait disparu, et
Armand vit à sa place un rustre en livrée
avec des mains de bœuf dans des gants de
colon blanc, une trogne avinée sur un gilet
rouge, des pieds p'als dans sis gros souliers,
et point de moilets dans ses guêtres.
« — Voilà, ra'sieur, dit le nouveau paru.
« — Qui es-lu? s'ccria Armand, blessé de
cet air de bassesse insolente et brûle, carac-
tère universel du domestique français.
— « Je ne suis pas le valet du diable, je
I 'en fais pas plus qu'on ne m'en dit ; mais je
.. is ce qu'on me dit.
« — Et que viens-tu faire ici?
« — J'ailcnds les ordres de m'sieur.
« — Ne sais-tu pas pourquoi je l'ai appelé?
« — Non, m'sieur.
« — Tu mens?
« — Oui, m'sieur.
« — Comment te nommes-tuT
« — Comme voudra m'sieur.
« — N'as-tu pas un nom de baptême?
• Le diable ne bougea pas; mais tout le
château se mit à rire depuis la girouette jus-
qu'à la cave. Armand eut peur, et pour ne
pas le laisser voir, il se mit en colère. C'est
un moyen aussi connu que celui de chanter.
« — Enfin, réponds, n'as-tu pas un nom?
« — J'en ai tant qu'il vous plaira. J'ai servi
sous toute espèce de nom...
« — Tu es donc mon domestique?
« — 11 a bien fallu. J'ai essayé de venir
vers vous à un autre titre; vous m'avez parlé
comme à un latiuais. Ne pouvant vous forcer
CIIA 5W
à être poli, je me suis soumis à dire insolente,
et me voilà comme sans doute vous me dési-
rez. M'sieur n'a-l-il rien à m'ordonner?
« — Oui, vraiment. Mais j'ai aussi un con-
seil à te demander.
« — M'sieur permettra que je lui dise que
consulter son domestique c'est faire de la
comédie du XVll' siècle.
« — Où as-tu appris ça?
« — Dans les feuilletons des grands jour-
naux.
« — Tu les as donc lus? Eh bien ! qu'en
penses-tu?
« — Pourquoi voulez-vous que je pense
quelque chose de gens qui ne pensent pas?
« Luizzi s'arrêta encore, s'apertevant qu'il
n'arrivait pas plus à son but avec ce nou-
veau personnage qu'avec le précédent. 11
saisit sa sonnette; mais avant de l'agiter, il
dit au diable ;
« — Quoique tu sois le même esprit sous
une forme différente, il me déplaît de traiter
avec toi du sujet dont nous devons parler,
tant que lu garderas cet aspect. En peux-tu
changer?
« — Je suis aux ordres de m'sieur.
« — Peux-tu reprendre la forme que tu
avais tout à l'heure?
« — A une condition : c'est que vous me
donnerez une des pièces de monnaie qui sont
dans cette bourse.
« Armand regarda sur la table et vit une
bourse qu'il n'avait pas encore aperçue. Il
l'ouvrit, et en lira une pièce. Elle était d'un
métal inestimable, et portait pour toute ins-
cription : UN MOIS DE LA VIE DU BARON FRAN-
ÇOIS-ARMAND DE LUIZZI. Armand comprit sur-
le-champ le mystère de cette espèce de paie-
ment, «t remit la pièce dans la bourse, qui
lui parut très-lourde, ce qui le fil sourire.
« — Je ne paie pas un ci priée si cher.
« — Vous êtes devenu avare?
« — Comment cela?
« — C'est que vous avez jeté beaucoup de
cette monnaie pour obtenir moins que voui
ne demandez.
« — Je ne me le rappelle pas.
« — S'il m'était permis de vous faire votre
compte, vous verriez qu'il n'y a pas un mois
de votre vie que vous ayez donné pour quel-
que chose de raisonnable.
« — Gela se peut ; mais du moins j'ai vécu.
« — C'est selon le sens que vous attachez
au mot vivre.
« — Il y en a donc plusieurs ?
« — Deux très-différents. Vivre, pour beau-
coup de gens, c'est donner sa vie à toute»
les exigences qui les entourent. Celui qui vit
ainsi se nomme, tant qu'il est jeune, un bon
fin/an<; quand il devient mûr, on l'appelle
un brave homme, et on le quai fie de bon
homme quand il est vieux. Ces trois noms ont
un synonyme connnun : c'est le mol dupe.
« — Et tu penses que c'est en dupe que
j'ai vécu?
« — Je crois que m'sieur le pense comme
moi, car il n'est venu dans ce château que
pour changer de façon de vivre, cl prendre
ianlrc.
?5t.-
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCLLTES.
SGO
« — Et celle-là, peux-tn me la définir T
■ — Comme c'est le sujet du marché que
nous allons faire ensomble...
« — Eiiseniblel... Non, reprit Armand en
interrompant le diable, je ne veux pas traiter
avec toi ; cela me répugnerait trop. Ton as-
pect me déplaît souverainement.
« — Cétail pourtant une chance en votre
faveur : on accorde peu à ceux qui déplai-
sent beaucoup. Un roi qui traite avec un
ambassadeur qui lui plalt lui fait toujours
quel(]ue concession dangereuse... Pour ne
pas être trompé, il ne faut faire d'affaire
qu'avec les gens déplaisants. En ce cas, le
dégoût sert de raison.
« — ^t il m'en servira pour le chasser ,
dit Armand en faisant sonner la cloche ma-
gique qui lui soumettait le diable.
« Comme avait disparu l'être androgyne
qui s'était montré d'abord, de même disparut,
non pas le diable, mais cette seconde appa-
rence du diable en livrée ; et Armand vit à sa
place un assez beau jeune homme. Celui-ci
était de celte espèce d'hommes qui changent
de nom à tous les quarts de siècle, et que,
dans le nôtre, on appelle fashionables. Tendu
comme un arc entre ses bretelles et les sous-
pieds de son pantalon blanc, il avait posé
ses pieds en boites vernies et éperonnécs sur
le chambranle de la cheminée , et se tenait
assis sur le dos dans le fauteuil d'Arm md.
Du reste, ganté avec exactitude , la man-
chette retroussée sur le revers de son frac
à boutons brillants, le lorgnon dans l'œil et
la canne à pomme d'or à la main, il avait
tout à fait l'air d'un camarade en visite chez
le baron Armand de Luizzi.
« Celte illusion alla si loin, qu'Armand le
regarda comme quelqu'un de connaissance.
« Il me semble vous avoir rencontré quel-
que part?
« — Jamais 1 Je n'y vais pas.
a — Je »ous ai vu au bois à cheval.
* — Jamais 1 Je fais courir.
« — Alors c'était en calèche?
« — Jamaisl Je conduis.
« — Ahl pardieul j'en suis sûr, j'ai joué
avec vous chei M""'...
« — Jamaisl je parie.
« — Vous valsiez toujours avec elle.
a — Jamaisl je galope.
a — Vous ne lui faites pas la cour?
« — Jamaisl J'y vais ; je ne la fais pas.
« Luizzi se seniit pris de l'envie de donner
à ce monsieur des coups de cravache poor
lui ôler un peu de sottise. Cependant la ré-
Hcxion -venant à son aide, il commença à
comprendre que s'il se laissait aller à discu-
ter avec le diable, en vertu de toutes les for-
mes qu'il plairait à celui-ci de se donner, il
n'arriverait jamais au but de cet entrelien.
Armand prit donc la résolution d'en finiravec
celui-ci aussi bien qu'avec un autre, et il s'é-
cria en faisant encore tinter sa cluchette :
— « Satan , écoute-moi et obéis.
« Ce mot était à peine prononcé , que l'être
surnaturel qu'Armand avait appelé se montra
dans sa sinistre splendeur. C'était bien l'ange
iléthu que la poésie a rêvé. Type de beauté
flétri par la douleur, altéré par la haine, dé-
gradé par la débauche, il gardait encore ,
tant que son visage reslait immobile, nne
trace endormie de son origine céleste; mais
dès qu'il pariait, l'action de ses traits déno-
tait une existence où avaient passé toutes
les mauvaises passions. Cependant, de toutes
les expressions repoussantes qui se mon-
traient sur son visage, celle dundégoiît pro-
fond dominait les autres.
Au lieu d'attendre qu'Armand l'interro-
geât, il lui adressa la parole le premier.
« — Me voici pour accomplir le marché
que j'ai fait avec ta famille et par lequel je
dois donnera chacun des barons de Luizzi,
deRonqueroUes, ce qu'il me demandera; tu
connais les conditions de ce marché, je sup-
pose ?
« — Oui, répondit Armand ; en échange de
ce don, chacun de nous t'appartient, à moins
qu'il ne puisse prouver qu'il a été heureux
durant dix années de sa vie.
<t — Et chacun de tes ancêtres , reprit
Satan , m'a demandé ce qu'il croyait le
bonheur, afin de m'échappera l'heure de sa
mort.
« — Et tous se sont trompés, n'est-ce pas î
« — Tous. Ils m'ont demandé de l'argent,
de la gloire, de la science, du pouvoir, elle
pouvoir, la science, la gloire, l'argent, les
ont tous rendus malheureux.
« — C'est donc un marché tout àton avan-
tage, et que je devrais refuser de conclure?
« — Tu le peux.
« — N'ya-t-il donc aucune chose à deman-
der, qui puisse rendre heureux?
« — Il y en aune.
« — Ce n'est pas à loi de mêla révéler, je
la sais; mais ne peux-tu pas aie dire si je la
connais?
« — Tu la connais; elle s'est mêlée à tou-
tes les actions de la vie, quelquefois en toi,
le plus souvent chez les autres, et je puis
l'affirmer qu'il n'y a pas besoin de mon aida
(lour quela plupart des hommes la possèdent.
« — Esl-ceuiie qualité morale? est-ce une
chose matérielle?
« — Tu m'en demandes trop. As-tu fait
Ion choix? Parle vite ; j'ai hâte d'eu finir.
« — Tu n'étais pas si pressé tout à l'heure.
« — C'est ijue tout à l'heure j'étais sous
nne de ces mille formes qui me déguisent à
moi-même, et me rendent le présent suppor-
table. Quand j'emprisonne mon être sous les
traits d'une créature humaine, vicieuse oli
;néprisable, je me trouve à la hauteur du
siècle que je mène, et je ne souffre pas du
misérable rôle auquel je suis réduit. La va-
nité se satisfait de grands mots, mais l'or-
gueil veut de grandes choses, et tu sais qu'il
fut la cause de ma chule; mais jamais il ne
fut soumis à une si rude épreuve. Après
avoir lutté avec Dieu, après avoir mené tant
dévastes esprits, susciléde si fortes passions,
fait éclater de si grandes catastrophes, je
suis honteux d'en être réduit aux basses
inirigucset auxso:tespiétcn(ious de l'époque
actuelle, et je .me ciiclie à moi-même ce ([ue
j'ai été, pour oublier, autant que je puis, ce
3J1
nu
niA
Sfî
mis (Icvt'iin. Ci'Ue forme q;!0 !ii m'ns
(le prendre m'i'sl parcoiiséqucnt oriieuse
ot insuppor(,il)le. HilU'-toi donc, cl dis-moi
ce que lu veux.
« — Je ne le s;iis pas encore, el j'.ai complé
sur loi pour m'aider dans mon ctioix.,
« — Je l'ai dil que c'était impossible.
« — Tu peux cependanl faire pour moi ce
que lu as fait pour mes ancêtres; tu peux fiie
nionlrertinu les passions des antres ho:ii-
nics, leurs espérances, leurs joies, leurs dou-
leurs, le secret de leur existence , afln que
je puisse tirer de cet enseignement une lu-
mièie qui me gruide.
< — Je puis faire tout cela; mais lu dois
savoir que les ancêtres se sont engagés à
ni'apparipnir avant que j'aie commencé mon
récit. Vois ci't acte; j'ai laissé en l)lanc le
nom de la cliose que lu me demanderas:
signe-le; et puis après m'avoir entendu, tu
écriras loi-même ce que tu désires être, ou
ce (|ue lu désires avoir.
" — Armand signa et reprit :
« — Maintenant je l'écoute. Parle.
« — Pas ainsi. La solenuilé que m'i>npo-
serait à moi-même celle l'orme primitive fa-
liguerail la fri\ole attention. Ecoute : mé!é
à la vie liumaini>, j'y prends plus de part que
les hommes ne pensent. Je te coulerai mon
liistoire, ou plutôt je le conterai la leur.
« — Je serai curieux de la connaître.
« — Garde ce sentimenl; car du moment
que lu m'auras demandé une confidence, il
faudra l'entendre ju^(^u'au bout. Opendant
lu pourras refuser de leiilendre en me don-
nant une des pièces du monnaie de celte
bourse.
« — J'accepte, si toutefois ce n'est pas une
condiiioii pour moi de demeurer dans une ré-
sidence lixe.
« — Va où tu voudras; je serai toujours
au rendez-vous partout où tu m'appelleras.
Mais songe que ce n'est qu'ici que tu peux
me revoir sous ma véritable forme. Tu m'ap-
pelleras avec cette sonnette à toute heure,
en tout lieu, sur (|uel<iue place que ce soii...
Trois heures sonnèrent, el le diable dispa-
rut.
Armand deLuizzi se retrouva seul. La bourse
(;ui contenait ses jours était sur sa lible.
Il eut envie de l'ouvrir pour les compter,
mais il ne put y parvenir, et il se couciri
après l'avoirsoigneusement placée sous son
clievet...
Nous le répétons, il est fScheux que les
histoires racontées par le dlal)le soient géné-
ralemenl de nature à ne pouvoir cire lues
d'un lecleur chrétien; cir, dans ce c.idre,
l'auteur, dont on ne saurait nier le grand
mérite, eût pu faire un très-bon livre.
Nous d )nnerons, dans un autre genre, un
conte fantastique où se retrouvent plusieurs
éléments de la poésie salanique ou infernale.
Le château du Diable.
S'il fini en croire des récils populaires,
on montrait encore en lli'iO, dans le granl-
duclié de Luxembourg, tout auprès d'Aioii,
les ruines d'un ancien château féodal, d.puis
long-temps inhabile, el qu'on appelait le ciià •
riCTIO>\. UIC' SCIENCES OCCILTS-.S. 1.
leau du diable. Dos monstres, des damné-,
des démons à longucqueueformaient,disaii-
on, en bas-reliefs et en peintures, les déco-
rations intérieures de ce manoir. Depuis hi(>ii
des années, nul ne l'avait visiié. On ajoutait
que le 13 de chaque mois, l'enfer venait v
faire ses orgies; on citait vingt personnes
qui autrefois s'élanl réfugiées là parmcgard<'
n'en étaient jamais sorties. L'opinion com-
mune assurait qu'elle avaient eu lecou lordu.
On racontait des choses effrayantes. î
Cependant un jeune si-igneur, méprisant
les leçons de l'expérience, rc^olut d'aller
au château du diable el d'y passer la nuit. Il
décida deux de ses domestiques, qu'il savait
intrépides, à l'accompagner; il se fit suivre
encore prudemment ri un so cier ou char-
mcui-, qui passait pour un homme très-habile
dans l( s circonstances di? maléfice. S'il faut
en croire les récits, le 13 octobre de l'aiiiiée
1022. il se rendit bien armé, avec ses trois
compagnons, dans l'enceinte redoutée du
château du diable. Le silence de la mort ré-
gnait <lans les cours et dans les galeries.
ALiis à II porte de la première salie, une
vieilli' se présenta, branlant la tête et leur
défendant d'une voit c isvéed'allerpiusavant.
Le charmeur fil une conjuration qui ne nous
a pas été conservée; la vieille s'éloigna en
groiidint; néanmoins elle escamota les deux
valets, qu'elle emmena à la cave, où elle les
retint et que le sorcier jura de faire rendre.
Un ours qui gard iit la seconde porte s'enfuit
devant une allumelle que lui présenta le sa-
vant. L'ours ne l'ut pas plulôi dehors que le
jeune seigneur vit tomber, du milieu du pla-
fond, des gouUes de sang qui se succédaient
trois par irois, de seconde en sccomle, avec
des géaiisscmints. La terreur qui le saisi!
devint au comiile, lorsqu'il aperçut dans un
coin du salon, couché sur un lit, un squeietie
chargé de cliaîiies, dont le cœur, par un pro-
d ge inouï', battait au milieu des ossements
desséchés. S>'S yeux, qui seuls vivaient en-
core, roui lient avec une lueur horrible dans
leurs orbites décharnés. Le sorcier, craignant
une faiblesse de la p'irt du jeune homme, fit
un charme à la hâle; le sa'on changea d as-
pect : le repaire d viiilun magnifique a|ipir-
temenl; un souper dé i' al parut loul servi
sur une table somptueuse; le jeuni> seigneur
el son mentor se mirent à table.
Comme ils louchaient au dessert, un grand
mouvement cxiéri-ur auieni subit 'meut la
nuil, mais u:ic nuit orné ' de tonnerres et
d'écUiirs.avecun bruit t -1, q"ue jamais le fr.;-
cas d'une ai ti;lerie comiilète n'égala le va-
carme qui s ■ lit alors dans le château du
diable. La table disparu'; la salle semii!a
eiiflaminée; le plaTind s'cntr'ouvril; il en
tomba une légion de figuri's bizarres qui for-
mèrent di^s dans 's griiesiiues. Des démons
ailés, des déuious ardents, des dé nous cor-
nus, dessorciers à cheval sur des boucs, dos
sorcières à calil'ourchou sur des inanciies à
balai, arrivaient par le mémo chemin el d m-
sai.'iil de toutes 1;miis forci'S. au>sii(k <[;i'ils
avaient mis pied à terre.
Le charmeur, ai moyen d'une fis inalion,
12
5(i:
DICTIONNAIRE DKS SCIENCES OCCl'LTES
r>c,(
sV'lait remlu invisible, ainsi que son jeune
compagnon. Unevieillesorcièrc parut, costu-
mée comme on les voitdctns les esquisses de
Téniers;eUeportail un enfantqu'elle fit rôtir
pour le banqutt. Alors il tomba d'en haut
une vaste cruche noire, devant laquelle cha-
cun se prosterna; le diable on sortit, et les
danses recommencèrent.
Au moment où les réjouissances se sus-
pendirent pour radoration de Satan, le jeune
seigneur remarqua que le diable, qui était
en formede bouc, avait au derrièreun visage
humain, que les sorcières allaient baiser. Il
fut frappé d'horreur, et ne se put retenir de
faire un signe de crois. Tout s'envola.
— Vous m'avez fait bien mal , dit le sor-
cier de Naiiiur. Mais allons nous coucher....
En disant cela, il se jeta sur le lit du spec-
tre et y attira le jeune homme.
Le squelette se le» a debout sur-le-champ,
éclairant la salle di feu de ses jeu\.— Mal-
heur, dit-il d'une voix sourde, à qui trouble
le repos dos morts!
Et comme ilallongcait lesos de ses mains,
le sorcier l'arrêta:
— Je t'ordonne, dit-il, de nous dire qui
tu es, ce que tu veux, d'où tu viens?
— Pourquoi me forcez-vous, dit le sque-
lette, à rompre un silence que je garde de-
puis cent ans ? Je me nomme Lrnderborn.
Celui qui possédait ce château me prit à son
service dans ses jeunes années 11 n'était pas
marié. Un soir qu'il se baignait au elair de
la lune, il aperçut à quelques pas au-dessous
de lui une jeune danie qui se notait. Voler à
sn\ secours, la saisir, la sauver, tout cela
ni! fut qu'un inouveincnl. La jeune dame lui
plut, il l'épousa. Elle lui donna un fils; mais
à peine fut-il au monde, qu'elle disparut
aveclni. Les sages du temps, consultés là-
dessus, répondirent <|ue mon maître , eu
croyant épouserune femme, avait épousé un
ilémon succube. Celle nouvelle le frappa si
Yiven)cnt , que, renonçant au monde , il
passait sa vie à la chasse.
Un jour que j'étais avec lui dans la forêt
voisine, il m'aperçut derrière un arbre
touffu, ise prit pour un loup et me tua. Je
ne sais pas où j'allai; mais je me tmu-
Tai après ma mort face à face avec nia maî-
tresse.
— Lenderborn, me dit-elle, mon mari
tn'est infidèle, je le sais. Retourne atichàleaii,
je t'en donne le pouvoir, mais à condition
qu'il mourra de ta main. ^
J'obéis; et depuis vous voyez l'existence
que je mène sur la terre. J'ai étranglé tous
ceux qui soKl venus ici. Pour ma délivrance,
il faut qu'va'.3 main innocente sacrifie une
poule noiro 'minuit sur le seuil du château.
— Si lu vcax, dit le sorcier, nous rendre
les deux valets que la vieille ncius a ôlés,
demain à minuit, je te rends libre.
Ce que le charmeur demandait fut fait à
l'instant. Les quatre compagnons sortirent
du château. Le lendemain, à minuit, une
jeune fille, conduite par le magicien, immo-
lait une poule noire. Après la formule caba-
listique (pi'il prononça, il se (il grand bruit,
le château du diable s'écroula; et c'est â
peine aujourd'huisi l'on reconnaît la place...
CHAT-HUANT, Voy. Hibou, Chouette,
Chassf, Chevesche, etc.
Chauche-poulet. Voy. Cauchemab.
ClUUDlEKi:. C'est ordinairement dans
une chaudière de fer que, de temps immé-
morial, les sorcières composent leurs malé-
fices, qu'elles font bouillir surun feu de ver-
veine et d'autres plantes magi(|ues.
CHAUDRON (Madeleine Micuelle), Ge-
nevoise, accusée d'être sorcière en 1652. O^i
dit qu'ayant rencontré le diable en sortant
de la ville réformée, il reçut son hommage,
elimprima sur sa lèvre supérieure son seing
ou marque. Ce petit seing rend la peau in-
sensible, comme l'affirment les démonogra-
phes. — Le diable ordonna àMichelle Chau-
dron d'ensorceler deux filles; elle obéit; les
parents l'accusèrent de diablerie, les filles
interrogées attestèrent qu'elles étaient pos-
sédées. On appela ceux qui passaient pour
médecins; ils eherrhèrent surMichelle Chau-
dron le sceau du diable, que le procès-ver-
bal appt-'We \es marques salimiques; ils y en-
foncèrent une aiguille. Michclle fil connaître
par ses cris que les marques satani(|uts ne
rendent point insensible. — Les juges, ne
voyant pas de preuve complète, lui firent
donner la question. Celte malheureuse, cé-
dant à la violence des tourments, confessa
tout ce qu'on voulut. Elle fut brûlée, après
avoir été pendue et étranglée.
CHAUDRON-DU-DlABLli, gouffre qui se
trouve au sommet du pic de Ténériffe. Les
Espagnols ont donné le noai de Chaudrou-
du-Diable à ce gouffre à cause du l»ruit que
l'on entend lorsqu'on y jette une pierre; elle
y rclentit comme un vaisseau creux de cui-
vre contre lequel on frapperait avec un mar-
teau d'une prodigieuse grosseur. Les natu-
rels de l'île sont persuadés que c'est l'enfer,
et que les âmes des méchants y font leur sé-
jour (1).
CHAUVE -SOURIS. Les Caraïbes regar-
dent les chauves-souris comme de bons an-
ges qui veillent à la sûreté des maisons
durant la nuil; les tuer, chez eux, est un
sacrilège : chez nous, c'est un des animaux
qui figurent au sabbat.
CHAVIGNY (Jean-Aimé de), astrologue,
disciple de Nostradamus, mourut en 160i
Il a composé: la Première face du Jnnus
français, contenant les troubles de France de-
puis 1534 jusqn'en 1589; Fin de la viaisun
vulésienne, exttrdle et coUigée des centuries et
commentaires de Micliel Nostra<l(innts ( eu
laiiii et en français), Lyon, 1594, in-8°; et
nouvelle édition, augmentée, sous le litre de
Commentaires sur les centuries et prunostica-
lions de Nostradamus, Paris, in-S", rare; les
Pléiades, divisées en sept livres, prises des an-
ciennes prophéties, et conférées avec les ara -
des de Nostradamus, Lyon, 1003; la plus
ample édition est de 1000. C'est un recueil
de prédictions, dans lesquelles l'auteur pro«
(I) La Ilarpc, Alirégé de l'Ilisloirc générale de» voja-
grs.l.l.
«65
ai F.
CIIE
^^60
met à Henri IV l'empire de l'unirers. Voy.
NOSTRADAMUS.
CHAX ou SCOX, démon. Voy. Scox.
CHEKE, professeur de grec à Cambridge,
morl en 1S57. Il a écrit un livre (1) qu'il
adressa au roi Henri VIII, et qu'il plaçaà la
tète de sa traduction latine du Trailéde Plu-
tarquerfc la Superstition. 11 avait des con-
naissances en astrologie, et croyait ferme-
ment à l'inlluenee des astres , quoiqu'ils lui
proiiiisseiil du bonheur tout juste dans les
ui'C^isions où il éliilt lo plus malheureux.
CHEMKN.S, génies ou esprits que les Ca-
raïbes supposent chargés de veiller sur les
hommes. Ils leur offrent les premiers fruits,
et pb'iceul ces offrandes dans un coin de leur
Imite, sur une table faite de n.itles, où ils
prclcndcnt que les génies se rassemblent
pour boire et manger; ils en donnenl pour
preuve le mouvement des vases et le bruit
qu'ils se persuadent que font ces divinités en
soupant.
CHEMISE DE NÉCESSITÉ. Les sorcières
allem;in<les porlaiml autrefois une chemise
fiiile d'une façon dclestable, et chargée de
croix mêlées à des caractères diaboliques,
par la vertu de laquelle elles se croyaient ga-
ranties de tous maux (2j. On l'appelait la
chemise de nécessité.
Les habitants du Finistère conservent en-
core quelques idées superstitieuses sur les
chemises des jeunes enfants. Ils croient que
si elles enfoncent dans l'eiiu de certaines
fontaines, l'enfant meurt dans l'année ; il vit
longtemps, au contraire, si ce vêtement. sur-
nage.
CHEUIOURT, ange terrible, chargé de pu-
nir le crime et de poursuivre les criminels,
se'oii la doctrine des guèbres.
CHE5NAYE DES BOIS (François-Alexan-
»re-Al'bert delà), capucin, mort en 1784.
On a de lui, V Astrologue dans le puits, 1740,
in-12; et Lettres critiques, avec des songes
moraux, sur les songes [ihilosophiques de
l'auteur des Lettres juives (le marquis d'Ar-
gens), in-12, 1745.
CHETEB on Cl
iCHEUER, Voy. Debkr.
CHEVAL. Cet animal était, chi z les an-
ciens, un instrument à présages pour la
guerre. Les Snèves, qui habitait nt la (jer-
manie, nourrissaient à frais communs, dans
des bois sacrés, des chevaux dont ils tiraient
des augures. Le grand-prélrc et le chef de
la nation étaient les seuls qui pouvaient les
toucher : ils les attachaient aux chariots
sacrés, et observaient avec attention leurs
hennissements et leurs frémissements. Il n'y
avait pas de présages auxquels les préIres et
les principaux de la nation ajouianscnt |)lus
de foi.
On voit encore que chez certains peuples
on se rendait les divinités favorables en pré-
cipitant des chevaux dans les fleuves. Quel-
quefois on se contentait de les laisser vivre
en liberté dans lesprairies voisines, après les
avoir dévoués. JulesCésar, avantde passer le
(I) De Su|>erslilioiie, ail rcj,'ein )Ieiiricuiii.
(i) Itoiiiii, Uéiiioiiomaiiie, liv. I, cli..!
(il Wieriis, in l'scudoiLonjreli. ilaui., ;i(i (iiifrn.
Rubicon,vouaàcefleuveun grand nombre de
chevaux, qu'il abandonna dans les pâturages
des environs.
Une tradition superstitieuse portait qu'une
espèce de chevaux, qu'on nommait arzels, ci
qui ont une marque blanche au pied de der-
rière du côté droit, était malheureuse et fu-
neste dans les combats.
Anciennement on croyait aussi que les
chevaux n'avaient pas de fiel; mais c'est une
erreur aujourd'hui presque généralement
rc' onnue. Voy. Drapk;, Bavard, Troupeau.
etc.
CHEVALIER IMPÉRIAL, Voy. Espagmet.
CHEVALIER DE L'ENFER. Ce sont des
démons plus puissants que ceux qui n'ont
aucun litre, mais moins puissants que les
comtes, les marquis et les ducs. On peut les
évoquer depuis le lever de l'aurore jusqu'aw
lever du soleil, et depuis le coucher du soleil
jusqu'à la nuit (3).
CHEVALlIill (Guillaume), genliliiomme
béarnais, auteur d'un recueil de quatrains
moraux, intitule ; tt Décès ou Fin du monde,
divisé m trois visions, in-8°, 15*^4.
CHEVANES ( Jac<}Ues ) , capucin, plus
connu sous le nom de Jacques d'Autitti, du
lieu de sa naissance, mort à Dijon en 1078.
On a de lui VIncrédulilé savante et la crédu-
lité ignorante, au sujet des magiciens et des
sorciers. Lyon, 1671, in-4*. Ce recueil, plein
d'extravagances curieuses, dont nous rap-
portons en leur lieu b s p.issages remarqua-
bles, estune réponse à l'apologie de Naudé
pour tous les grands personnages soupçon-
nés de magie. Heureusement pour l'aul'eur,
dit l'abbé Papillon, l'irascible Naudé était
mort depuis long-iemps quand ce livre pa-
rut.
CHEVESCHE , espèce de chouette, que
Torquemada définit un oiseau nocturne fort
bruyant, lequel tâche d'entrer où sont le«
enfants; et, quand il y est, il leur suce le
sang du corps et le boit.
Les démonographes ont donné le nom de
chevesche aux sorcières, parce que, sembla-
bles à cet oiseau, elles sucent le sang de ceux
qu'elles peuvent saisir, et principalement
des petits enfants (4). C'est sans doute là l'i-
dée mère des vampires. Les sorcières qui
sut ent le sang ont aussi quelque analogie
avec les gholes des Arabes. Voy. Lamies.
CHEVEUX. « Prenez des cheveux d'une
femme dans ses jours de maladie; nittiez-les
sous une terre engraissée de fumier, au com-
mencement du printemps, et, l()rs(|u'ils se-
ront échauffés par la chaleur du soleil , il
s'en formera des serpents (5)... »
Quelques conteurs assurent que Its mau-
vais anges étaient amoureux des cheveux des
femmes, et que les démons incubes s'alta-
( hent de préférence aux femmts qui ont de
beaux cheveux.
Les sorcières donnent i!c leurs cheveux au
diable, comme arrhes ilu contrat qu'elles font
avec lui; le démon les coupe très-menu, puis
( l) Tnrqiioniada, II(!x:iti,ûron, iroisièmc journée,
(fi) Secrets d'Allicrl le Grand, p. i7.
SOT
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCl LT£S.
.-f8
les mêle avec cerlainos poudres : il les remet
Hiix sorciers, (iiii s'en servent pour faire
tomber la grêle; d'où vient qu'on trouve or-
dinairement dans la grélc de petits poils,
qui n'ont pns une nuire origine.... On fait
encore, avec ci'S mômes clicvcux, divers
maléfices (1).
On croit en Bretagne qu'en soufflant des
cheveux en l'iiir on les nictamorpliose en
animaux; les petits garçons de Plougasi'.ou,
qui font des échanges entre eux, coniirm nt
la cession en souffliinl au vent un cheveu,
parce que ce cheveu était autrefois remblèuie
de la [)ropri6té. Des cheveux, d^ins les temps
modernes, ont mémo été trouvés sous des
sceaux : ils tenaient lieu de signatures (2).
Enfin il y a des personnes superstitieuses
qui croient qu'il f.iul observer les temps
pour se couper les cheveux et se rogner les
ongles. — Autrefois on vénérait le toupet,
par lequel les Romains juraient, et qu'on of-
frait aux dieux. 11 parait qu'ils étaient sen-
sibles à CCS présents, puisque, quand Béré-
nice eut offert sa chevelure, ils en firent une
constellation.
Chez les Francs, c'était une politesse de
donner un de ses cheveux , et les familles
royales avaient seules le privilège de les lais-
ser pousser dans tout leur développement.
En Hollande , beaucoup de gens croient
qu'en vendant leurs cheveux à un perru-
quier, ils auront par sympaihie les maux de
lélc de ceux qui les porteront. Une dame
âgée, il y a peu de temps, se faisait couper à
La Haye de beaux cheveux blancs d'argent,
très-abondants et très-longs. Le tondeur lui
en offrit 20 florins (i2 l'r. ). Elle aima mieux
les brûler. — J'aurais, dit-elle, toutes les
douleurs que mes cheveux couvriraient.
CHEVILLKMENT, sorte de maléfice em-
ployé par les sorciers et surtout par les ber-
gers. Il empêche d'uriner. Le nom de ce ma-
léfice lui vient de ce que pour le faire on se
sert d'une cheville de bois ou de fer qu'on
plante dans la muraille, en faisant maintes
tonjuratien-s.
« J'ai connu une pereonne, dit Wecker,
qui mourut du chevillemenl : il est vrai
qu'elle avait la pierre. » El le diable, qui
parfois aime à se divertir, chevilla un jour
la seringue dun apothicaire en fourrant sa
queue dans le piston. Voy. Noals.
Pour empocher l'effet de ce charme, il faut
cracher sur son soulier du pied droit avant
que de s'en chausser. Ce qui approche do ce
qu'on lit dans Tibulle, que les anciens cra-
chaient dans leur sein par trois fois pour se
désensorceler ou empêcher le sortilège. On
voit dans un livre, intitulé l'Urotopégnie ou
ehevillcmcnt, que les tonneaux, les fers, les
fours, les lessives, les moulins à vent et
ceux qui sont sur les ruisseaux et rivières,
peuvent être pareillement liés et maléficiés.
Voy. l.lGATUriES.
CHÈVllES. Ces animaux étaient fort révé-
rés à Mendès en Egypte. Il était défendu d'en
|1) Bomicl, Discours des sorciers, cli, 23, p. l.SG.
(i) M. C;miU}-, Noy^igedaus le Fiiiblùro, t. 1'». ii. 174
ei 193. ' '
tuer, parce qu'on croyait que Pan, la granule
divinilé de cette ville, s'était ca( lie sous la
figure d'une chèvre; aussi le représeiilait-ou
avec une face de chèvre, et un lui iuuiiolait
des brebis.
Souvent des démons ou des sorciers ont
pris la forme de chèvre. Claude Chappuis de
Saint-Amour, qui suivit l'ambassadeur de
Henri III près la sublime Porte, conte qu'il
vil sur une place publique de Constanti-
nopledes bateleurs qui faisaieel faire à des
chèvres plusieurs tours d'agilité et de passe-
passe tout à fait admirables; après (juoi,
leur mettant une ccuelle à la bouche, ils leur
commandaient d'aller demander, pour leur
entretien, tantôt au plus beau ou au plus
laid, tantôt au plus riche ou au plus vieux
de la compagnie : ce qu'elles fais lient dcxln-
ment, entre quatre à cinq mille personnes,
et avec une façon telle, qu'il semblait qu'elles
Youlusseiit parler. Or, qui ne voit clairement
que ces chèvres étaient hommes ou femmes
ainsi transmués, ou démons déguisés (3)?
Voy. BoL'c.
CHIBADOS, secte de sorciers qui font mer-
veille au royaume d'Angola.
CHICOTA, oiseau des lies Tonga, quia
l'habitude de descendre du haut des airs en
poussant de grands cris. Les naturels sont
persuadés qu'il a le don de prédire l'avenir.
Quand il s'abaisse près d'un passant , ou
croit que c'est pour lui annoncer quelque
malheur.
CHICUS ^SCULANUS, voy. Cecco d'As-
COLI.
CHIEN. Les chiens étaient ordinairement
les compagnons fidèles des magiciens. C'é-
tait le diable qui les suivait sous cette forme,
pour donner moins à soupçonner, Mais on le
reconnaissait malgré ses déguisements. Léon
de Chypre écril que le diable sorlit un jour
d'un possédé, sous la figure d'un chien no'r.
— C'est surtout la couleur noire qui dénote
le diable sous une peau de cliien.
De bonnes gens se noient assez fréquem-
ment à Quimper. Les vieilles et les enfants
assurent que c'est le diable, en forme de gros
chien noir, qui précipite les passants dans
la rivière (4).
Il y a beaucoupdesuperstilionsqui tiennent
au chien dans le Finisère, où les idées drui-
diques ne sont pas toutes éteintes. On croit
encore, dans lecinton sauvage de Saint-Ilo-
nal , que l'âme des scélérats passe dans le
corps d'un chien noir.
Les anciens m :ges croyaient aussi que les
démons se montraient en forme de chiens ;
et Plutarque, dans la vie de Cimon, raconte
qu'un mauvais génie, travesti en chien noir,
vint annoncer à Cimon qu'il mourrait bien-
tôt.
Un charlatan, du temps de Jusiinien, avait
un chien si habile, que, quand toutes les
personnes d'une assemblée avaient mis à
terre leurs anneaux, il les rendait sans su
tromper, l'un après l'autre, à ([ui ils appar-
(5) Dc'IJiicre, Inc rédulil(5 et méirtance du sortilégi! ptei-
neiiiciii toiivaiiicnes, Uaité 0, p. 318.
(4) Caniliry, Voyii^-e dans le Fiiiislère, l. III, p. 22.
îr.':9
cm
cm
37«
tenaient. Ce chien di<liiigu,iil aussi dans la
fouie, lorsque son m.iîlie le lui ordonnait,
les riches et les pauvres, les gens honnêtes
et les fripons : « Ce (jui fait voir, dit Lcloyer,
qu'il y avait là (ie la magie, et que ce chien
était un démon (1). »
Dclancre conte qu'en 1S30 le démon, par
le moyen d'un miroir, déc()uvrit, à un pas-
teur de Niircniberg, des trésors cachés dans
une caverne près d'", la ville, et enfermés
dansdes vases de cristal. Le pasteur prit avec
lui un doses amis pour lui servir de compa-
gnon ; ils se mirent à fouiller et découvrirent
une es|)CC(' de coffre, auprès duquel élait
couché un énorme chien noir. Le pasteur
s'avança avec empressement pour se saisir
du trésor; mais à peine fut-il entré dans la
caverne (lu'elie s'enfonça sous ses pieds et
l'engloulil (2).
Noiez que c'est un conle et que personne
n'a vu ce grand chien. Mais on peui juger
par ces traits quelle idée avaient des chiens
les peuples mal civilisés.
Chez les anciens, on appelait les furies les
chiennes de l'enfer; on sacrifiait des chiens
noirs aux divinités infernales. Chez nos
pères on pendait entre deux chiens les plus
grands criminels.
Quelques peuples pensaient pourtant au-
trement; on a même honoré le chien d'une
manière distinguée. Elien parle d'un pays
d'Iilhiopie dont les habitants avaient pour
roi un chien; ils prenaient ses caresses et
ses aboiements pour des marques de sa bien-
veillaace ou de sa colère.
Les guèbres ont une grande vénération
pour les chiens. On lit dans Tavernicr que ,
lorsqu'un guèbre est à l'agonie, les parents
prennent un chien dont ils appliquent la
gueule sur la bouche du mourant, afin qu'il
reçoive son âme avec son dernier soupir.
Le chien leur sert encore à faire connaître
si le défunt est parmi les élus. Avant d'ense-
velir le corps, on le pose à terre : on amène
un chien qui n'ait pas connu le mort, et , au
moyen d'un morceau de pain, on l'attire le
plus près du corps qu'il est possible. Plus
le chien en approche, plus le défunt est heu-
reux. S'il vient jusqu'à monter sur lui et à
lui arracher de la bouche un morceau do
pain qu'on y a mis, c'est une marque assu-
rée que le défunt est dans le paradis des
guèbres. Mais l'éloignement du chien est un
préjugé qui fait désespérer du bonheur du
mort.
Il y a aussi des gens qui tiennent à hon-
neur de descendre d'un chien. Les royaumes
de Pégu et de Siam reconnaissent un chien
pour chef de leur race. A Pégu et à Siam on
a donc grand respect pour les chieqs, si
maltraités ailleurs (H).
La population du Liban , qui s'élève à
quaire cent mille âmes est composée de
trois races, les Ansariés , les Druscs el Us
Maronites. Les Ansariés sont idolâtres. Les
(l)Leloyer, Hist. ot dise, des spectres, liv. 1'», ch. 8.
(2) Madame Gabijclle de P ... Histoire des faiilômes,
p. 27.
(3) llexaiiiéroii dcTorcineiiiadj, traJuil p.ir G. Chai^puis,
uns parmi eux professent le culte du soleil j
les autres celui du chien (4).
On a toutefois honoré quelques individus
de celte race : tel est le dogue espagnol Bé-
recillo, qui dévorait les Indiens à Saint-Do-
mingue, et qui avait, par jour, la paye do
trois soldats...
Il y aurait encore bien des choses à dira
sur les chiens. En Bretagne surtout, les hur-
lements d'un chien égaré annoncent la mort.
Il faut que le chien de la mort soit noir; el
s'il aboie tristement à tuinuit, c'est une mort
inévitable qu'il annonce à quelqu'un de la
famille pour la personne qui l'entend.
■Wiérus dit qu'on chasse à jamais les dé-
mons, en frollant les murs de la chambre
qu'ils infestent avec le fiel ou le sang d'un
chien noir (5). 'Voy. Agrippa, Bragaoi.mi ,
Dormants, etc.
La petite chienne blanche, conte populaire.
On remarquait , dit-on , au dix-septième
siècle , dans la forêt de Bondi , deux vieux
chênes que l'on disait enchantés. Dans la
creux de l'un de ces chênes on voyait tou-
jours une petite chienne d'une éblouissante
blancheur. Elle paraissait endormie , et no
s'éveillait que lorsqu'un passant s'approchait;
mais elle élait si agile, que personne ne pou-
vait la saisir. Si on voulait la surprendre ,
elle s'éloignait de quelques pas, et, dès qu'on
s'éloignait, revenait à sa place avec opiniâ-
treté. Les pierres et les balles la frappaient
sans la blesser; enfin, on croyait dans le pays
que c'était un démon , ou l'un des chiens du
grand veneur , ou du roi Arlhus , ou encore
la chienne favorite de saint Hubert, ou enfin
le chien de Monlargis, qui, présent à l'assas-
sinat de son maître dans la forci de Bondi ,
révéla le meurtrier et vengea l'homicide au
quatorzième siècle. On disait aussi que des
sorciers faisaient assurément le sabbat sous
les deux chênes.
Un jeune garçon de dix à douze ans , dont
les parents habitaient la lisière de la forêt ,
faisait ordinairement de petits fagots à quel-
que distance de là. Un soir qu'il ne revint
pas, son père, ayant pris sa lanterne el sou
fusil, s'en alla avec son fils aine battre le bois.
La nuit élait sombre. Malgré la lanterne, le»
deux bûciierons se heurtaient à chaque ins-
tant conire les arbres, s'embarrassaient dans
les ronces , revenaient sur leurs pas et s'é-
garaient sans cesse. — Voilà qui est sin-<
gulier, dit enfin le père; il ne faut qu'une
heure pour traverser le bois , et nous mar-
chons depuis deux sans avoir trouvé les chê-
nes; il faut que nous les ayons passés.
En ce moment, un tourbillon ébranlait la
forêt. Ils levèrent les yeux, et virent, à vingt
pas , les deux chênes. Us marchèrent dan«
cette direction; mais à mesure qu'ils avan-
cent, il semble que les chênes s'éloignent :
la forêt parait ne plus finir; on entend du
toutes parts des sifQements, comme si le bois
était rempli de serpents ; ils sentent rouler à
première journée.
U) Voyages du duc de Bagcse.
("jj Un l'iacit. dxm., lilj. v. cap. M.
57 1
DîCTION.N.MIlE DKS SCIKNCES OCCULTES.
S71
leurs pieds des corps inconnus ; des grilTes
enlouront leurs jambes et les elTIciircnl; une
odeur intcrlt- les environne ; ils oroienl
sentir des éircs inipiilpables errer autour
d'eus....
Le hûclieron. exténué de fatigue, conseille
à son nis de s'asseoir un instant ; mais son
nis n'y est pla^». Il voit à quelques pas, dans
les buissons, la lumière vacillante de la lan-
lernc; il remarque le bas des jambes de son
(ils, qui l'appelle; il ne reconnaît pas la voix.
U se lève; alors la lanterne disparaît; il ne
!<ait plus où il se trouve ; une sueur Troide
ilécoule de tous ses membres; un air glacé
l'rappe son visage , comme si deux grandes
ailes s'agitaient au-dessus de lui. Il s'appuie
contre un arbre , laisse tomber son fusil, re-
commande son âme à Dieu , et tire de son
sein un crucifix ; il se jette à genoux et perd
connaissance.
Le soleil était levé lorsqu'il se réveilla; il
vil son fusil brisé et macéré , comme si ou
l'eût mâché avec les dents; les arbres étaient
teints de sang; les feuilles noircies; l'herbe
desséchée; le sol couvert de lambeaux; le
bûcheron reconnut les débris des vêlements
de ses deux fils , qui ne reparurent pas. Il
rentra chez lui épouvanté. On visita ces lieux
redoutables. On y vérifia toutes les traces du
sabbat; on y revit la chienne blanche insai-
sissable. Oii purifia la pla<:e; on abattit les
deux chênes , à la place desquels on planta
deux croix, qui se voyaient encore il y a peu
lie temps ; et, depuis, celle partie de la forêt
cessa d'éire infestée par les démons (1 .
CHIFFLIÎT (Jean), chanoine dcTournay,
uéàBesançon vers 1611. Il a publié: Joaniiis
Macarii Abraxas , sei» Apislopistus, quœ est
nntiquaria de gcmmis basilidianis disi/uisilio,
commenlaiiis itiust. , Anvers , 1657 , in-4°.
Cette dissertation traite des pierres gravées
portant le nom cabalistique Abraxas, par le-
i|uel Basilide, hérétique du deuxième siècle,
ilésignail le Dieu créateur et conservateur,
lille est rurieuse,et le commentaire que Chlf-
llet y a joint est estimé.
CHIJA ou CHAJA (Abraham Ben), rabbin
espagnol du onzième siècle, il a écrit, en hé-
breu , le Volume du Révélateur , où il traite
de l'époque où viendra le Messie, et de celle
où se fera la résurrection générale. Pc de la
Mirandole cite cet ouvrage dans sou traité
contre les astrologues.
CHILDÉRIG i". Voy. Basile et Cristal-
LOMANCIE.
CHILDÉRIG III, fils de Chilpéric II, etder-
nier des rois de la première race. Il publia,
en 742 , un édit contre les sorciers, où il or-
ilonneque chaque évêque,aidé du magistral
défenseur des églises, mette tons ses soins à
empêcher le peuple de son diocèse de tomber
dans les superstitions païennes. Il défend les
sacrifices aux mânes, les sortilèges, les phil-
tres, les augures, les enchantements, les di-
vinations, etc.
CHILPÉRIC I", roi de France, fils de Clo-
laire I". Saint Grégoire de Tours rapporte ,
(t) Infernaliana, p. 153.
(9) Greg. Turou., Ilist. Franc, lib. \11I, cap. 3.— Leu-
sur le témoignage de Gonirand , frère de
Chilpéric, cette vision merveilleuse. Gontrand
vit l'âme de son frère Chilpéric liée et char-
gée de chaînes, (lui lui fut présentée par trois
évêques.L'unétaitTétricus, l'autre Agricola,
le troisième Nicétius de Lyon. Agricola et
Nicélius, plus humains que l'autre, disaient:
— Nous vous prions de le détacher, et, après
l'avoir puni , de permettre qu'il s'en aille. —
L'évéque Tétricus répondit avec amertume
de cœur: — Il ne sera pas ainsi ; mais il sera
châtié à cause de ses crimes. — Enfin , dit
Gontrand , le résultat fut de précipiter celle
pauvre âme dans une chaudière bouillante
que j'aperçus de loin. Je ne pus retenir mes
larmes , lorsque je vis le misérable état de
Chilpéric , jeté dans la chaudière , où tout à
coup il narut fondu et dissous (2).
CHIMÈRE, monstre imaginaire, né en Ly-
cie.que les poêles disent avoir été vaincu par
Bellérophon; il avail la tête et l'estomac d'un
lion, le ventre d'une chèvre el la (|ueue d'un
dragon. Sa gueule béante vomissait des H mi-
mes. Les démonographes disent que c élait
un démon.
CHIMIE. On la confondait autrefois avec
l'alchimie. La chimie, selon les Persans, est
une science superstitieuse qui tire ce qu'il y
a de plus subtil dans les corps terreàîres pour
s'en servir aux usages magiques. Ils font Ca-
ron (le Coré du Pentaleuque) inventeur de
cette noire science qu'il apprit, disent-ils, de
Mo'ise.
Louis de Fonteneltcs, dans l'épilre dédica-
toire de son Hippocrnte dépaysé , dit que
« d'aucuns prétendent que la chimie, qui est
« un art diabolique , a été inventé par
« Cham. »
CHION , philosophe d'Héraclée , disciple
de Platon. Il fut averti en songe de tuer
Cléarque , tyran d'Héraclée , qui était son
ami. Il lui sembla voir une femme qui lui
mit devant les yeux la bonne renommée qu'il
acquerrait par le meurtre du tyran ; et ,
poussé par cetlevision, il letua. Mais ce qui
prouve que c'élailune vision diabolique, c'est
queCléarque, tyran lolérable, ayant été tué,
fut remplacé par Satyre , son frère , bien
plus cruel que lui , et que ri "n ne pouvait
adoucir.
CHIORGAUR. Voy. Gauric.
CHIRIDIRELLÈS , démon qui secourt les
voyageurs dans leurs besoins, el qui leur en-
seigne leur chemin lorsqu'ils sont égarés.
Ou dit qu'il se montre à ceux qui linvo-
qiicnl , sous la forme d'un passant à cheval.
CHlRO.MANCIE.artde dire la bonne aven-
ture par l'inspection des lignes de la main.
Celte science, que les Bohémiens ont rendue
célèbre, est, dit-on, très-aneienne. Nous eu
exposons les principes à l'article Main.
CHODAR , démon que les nécromanciens
nomment aussi Bélial ; il a l'Orient pour
district, et commande aux démons des pres-
tiges.
CHOQUET (Louis) , auteur d'un mystère
tièi-rarc, intitulé : L'Apocalypse de saint Jean
tjIcl-Dufiesnoy, Recueil de (lisberlauons sur les sppari-
liuus, |i. 72 do lu prébce.
J75
Cl 10
CIC
r4
Zébédée , où sont comprises les visions el
révélations qu'icelui saint Jean eut en l'île
de P.'ilmos; in-fol., Paris, lo4>l.
CHORROPIQUE (Mabie) , sorcière borde-
laise du temps de Henri iV , qui confessa
s'èlre donnée au di.ible par le moyen d'un
nommé Augcrot d'Armore, qui la niona dans
une lande uù elle trouva un grand seigneur
velu de noir, dont la Ogure était voilée. 11
était entouréd'une infiniié clegcns richement
habillés. Marie Chorropique ayant prononcé
le nom de Jésus , tout disparut incontinent.
Son guide ne vint la reprendre que trois
heures après , la tança d'avoir prononcé le
nom do Notrc-Seigneur , el la conduisit au
sabbat, près d'un moulin , où elle retrouva
le mén)e seigneur noir , avec un nommé
Menjoin, qui portait un pot de terre où il y
avait de grosses araignées enflées d'une
drogue blanche, et deux crapauds qu'on tua
à coups de gaule , et qu'on cliargea Marie
d'écorchor.
Ensuite , Augerot pila ces araignées dans
un mortier avec les crapauds. Ils jetèrent
celte composition sur quelques pâiur.igcs
pour faire mourir les bestiaux. Après quoi ,
ils s'en allèrent au bourg d'Irauris , où ils
prirent sans bruit un enfant au berceau.
Augerot et Menjoin l'étranglèrent elle mi-
rent entre son père et sa mère qui dormnient.
afin que le père crût quç sa femme l'avait
étouffé, et que la mère à son tour accu-ât
son niari. lis en empoisonnèrent d'.iulri'S.
A toutes ces exécutions, Marie Chorropique
attendait les deux bandits à la porte des mai-
sons. Que penser de ces récils?
Elle dit encore que, dans un autre sabbat,
plk" vil deux sorcières qui apporlèrenl le
coeur d'un enfant dont la mère s'était fail
avorter, el qu'elles le gardèrent pour en faire
un sacrifice au diable. Cette horrible sor-
cière fut brûlée le 2 octobre 1576 (1).
CHOUETTIi;, espèce de hibou de la gros-
seur d'un pigeon, qui ne paraît qu'au point
du jour ou à l'approche de la nuit. Chez les
Athéniens et les Siciliens , cet oiseau était
d'un bon augure; partout ailleurs, la ren-
contre d'une chouette était d'un mauvais
prcsag''. Gi'lte superstition vit encore dans
plusieurs p lys. Voy. Chevesche , Chat-haant.
CHOUN.divinité adorée chez les Péruviens,
qui racontaient ainsi son histoire :
Il vint des parties septentrionales du monde
un homme qui avait un corps sans os el
sans muscles, et qui s'appelait Clioun; il
abaissait les montagnes, comblait les vallées,
et se frayait un chemin dans les lieux iii.ic-
cessiblcs. Ce Choun créa les premiers habi-
tants du Pérou; il leur apprit à se nourrir
des herbes et des fruits s;iuvages. Mais un
jour, offensé par quelques Péruviens, il con-
vertit en Siibles arides une partie de la terre,
auparavant Irès-ferlile partout; il arrêta la
pluie, dessécha les plantes; el ensuite, ému
de compassion , il ouvrit les fontaines et fit
couler les rivières, pour réparer le mal qu'il
(1) Delaiicpe. Tablfnu de l'iucoiislaiicc des démous, etc.,
l<. 107.
(;;) Tliiers Trailâ des superslilions, l. t.
avait causé... C'est un système qui n'est pas
plus bétequecelui des philosophes modernes.
CHOUX. Une croyance qui n'est pas ex.trô-
memenl rare, c'est qu'on ne doit pas manger
de choux le jour de saint Etienne, parce qu'il
s'étail caché dans un carré de choux pour
éviter le martyre (2).... Conte très-slupide et
superstition irès-absurde.
CHRISOLYTES , hérétiques du sixième
siècle, qui disaient que Nolre-Seigncur avait
laissé son corps el son âme aux enfers , el
qu.'il n'était remonté aux cieux qu'avec sa
divinité....
CHRISTOPHE. Autrefois, d'après une opi-
nion exprimée parce vers:
ClirislO|ihoriim videas, poslea tulus pas,
on croyait que celui qui avait vu quelque
image de saint Christophe le matin était en
sûreté toute la journée.
CHRISTOVAL DE LA GARRAUE. Voy.
Marissane.
CHRYSOLITHE , pierre précieue qu'Al-
bert le Grand regarde comme un préservatif
contre la folie. Elle a encore, dil-il, la vertu
de meltrele repentir dansle cœurde l'homme
qui a fait des fautes....
CHRYSOMALLON , nom du fameux bélier
qui portait la toison d'or. On dit qu'il volait
dans les airs , qu'il nageait en perfection ,
qu'il courait avec la légèreté d'un cerf, et
<iue Neptune , dont il était fils , l'avait
couvert de soie d'or au lieu de laine. 11
avait aussi l'usage de la parole , el don-
nait de bons avis. H esl le premier signe du
zodiaque.
CHRYSOPÉE, œuvre d'or. C'est le nom grec
que les alchimistes donns'ul à la pierre plii-
losophale , ou à l'art de transmuer tous les
métaux en or pur.
CHRYSOPOLE, démon. Voy. Olive.
GHRYSOPRASE, pierre précieuse à laquelle
la superstition attachait la propriété de for-
tifier la vue, de réjouir l'esprit el de rendre
Ihommc libéral et joyeux.
CICÉRON ( Marcos Tullius ). Leloyer dit
qu'un spectre apparut à la nourrice de Cicé-
ron : c'était un démon de ceux qu'on appelle
génies fumiliers. Il lui prédit qu'elle allaitait
un enfant qui , un jour à venir , ferait grand
bien à l'État. « Mais d'où tenait-il tout cela,
me dira-t-on ? Je répondrai : C'est la cou-
tume du diable de bégayer dans les choses
futures. » Cicéron devint en effet ce qu'on
sait (3j.
C'est lui qui disait qu'il ne concevait
pas que deux augures pussent se regarder
sans rire.
Il a combattu les idées superstitieuses dans
plusieurs de ses ouvrages , surtout dans les-
trois livres de la Nature des dieux , dans les
Tuseulanes , et dans les deux liv -«s de la
Divination.
Régnier Desmarais , en tête de sa trailnc-
lion de l'ouvrage de Cicéron, de Divinulione,
(5) Lcloyor, Hist. cl dise, des spectres, liv. Il, cli. 5;
liv. III, du 17.
S75
DICTIUNNAHŒ DES SCIENCliS OCCULTES.
576
a donné de ce liailé un sommaire que nous
transcrivons ici:
« Chez les Romains , dit-il , la divination
(c'est-à-dire le ptesscnlimenl cl la préiliclion
de l'avenir ) était inincipalement Coniiée sur
\» fonction de ceux qu'on appelait Arujipiccs,
qui consistait dans l'inspection des entrailles
des victimes et dans l'interprétation des pro-
diges et des foudres, et sur la fonction des
Auijuies, qui prônaient les auspices par l'ob-
servation du vol des oiseaux , par celle de
leur chant, et de Irur manière de manger. A
CCS deux sortes de divinations , qui tenaient
en même temps à la religion et au gouver-
nement de la république , il faut ajouter les
livres de la sibylle Erithrée, auxquels le
sénat avait quelquefois recours ; les réponses
des oracles; les prédictions des personnes
qu'on croyait éprises de fureur divine; les
visions dans les songes; les présages tirés de
certaines choses dites au hasard; ceux des
astrologues ; et les sorts , qu'on appelait les
sorts de Préneste.
» C'est de toutes ces différentes divinations
qu'il s'agit dans les deux livres de Cicéron.
IJans le premier, il introduit son frère , qui ,
étant stoïcien , les soutient toutes avec cha-
leur et s'appuie pour cet effet sur l'autorité
des anciens philosophes, sur divers exemples
de l'antiquité, sur la pratique universelle de
toutes les nations ; sur les arguments par
lesquels les stoïciens, grands partisans de la
divination , prétendaient la prouver. Dans le
second livre, Cicéron réfute toui ce que son
fière avait avancé dans le premier: d'abord
il commence par démontrer la vanité , l'inu-
lilité et même l'Impossibilité de toute divi-
nation en général ; ensuite examinant chaque
sorte de divination en particulier, il découvre
l'origine , la nature et les abus de chacune.
Voilà en gros quel est le sujet des deux livres
de la Divination. » Voy. Divination.
Valère-Maxime conte que Cicéron , ayant
été proscrit par les triumvirs , se retira dans
sa maison de Formies , où les satellites des
tyrans ne tardèrent pas à le poursuivre. Dans
ces moments de trouble, il vit un corbeau
arracher l'aiguille d'un cadran : c'était lui
annoncer qui; sa carrière é'.ait finie. Le cor-
beau s'approcha ensuite de lui, conmie pour
lui faire sentir qu'il allait bientôt être sa
proie , et le prit par le bas de sa robe , qu'il
ne cessa de tirer que quand un esclave vint
dire à l'orateur romain que des soldats arri-
vaient pour lui donner la mort. Les corbeaux
d'aujourd'hui sont plus sauvages.
CIEL. Un tel article ne peut entrer dans ce
dictionnaire qu'à propos de quelques foies
«•ro> in('es. Les musulmans admettent m uf
eicux; il y eut, parmi les chrétiens, des
hérétiques qui en annonçaient trois cent
soixante-cinq, avec des anges spétialement
maîtres de chaque ciel. Voy. Basilide.
IJodin assure qu'il y a dix cieux, qui sont
marqués nar los dix courtine» du tabernacle
(1) Préfacé lie la Déiiioiinmanio des sorciers,
(i) Voyaye tlii Caiiibry iluiis le KinisICre, l. III, p. lof).
(.',.1 Di'Saiurnalium origiue cl ccl biaiiili liiu umiU Ue-
aiauui, 17a3. *
et par ces mots : « Les ciiMix sont les œu-
vres de les doigts, » qui sont au nombre de
dix(l).
Les rabbins prétendent que le ciel tourne
sans cesse, et qu'il y a au bout du monde un
lieu où le ciel touche la terre. On lit dans le
Talmud que le rabbin Bar-Chana , s'étant
arrêté en cet endroit pour se reposer, mit
son chapeau sur une des fenêtres du ciel, et
que, l'ayant voulu reprendre un moment
après , il ne le retrouva plus , les cieux
l'ayant emporté dans leur course : de sorte
qu'il fallut qu'il attendît la révolution des
mondes pour le r.itlraper.
CIEKGKS.On allume deux cierges à Scaer,
en Bretagne, au moment du mariage; on en
place un devant le mari, l'anlre devant la
femme : la lumière la moins brillante indi-
que celui des deux qui doit mourir le pre-
mier. L'eau et le feu, comme chez les an-
ciens, jouent un grand rôle chez les Bretons.
Du côté de Guingamp, et ailleurs, quand on
ne peut découvrir le corps d'un noyé, on
met un cierge allumé sur un pain qu'on
abandonne au cours de l'eau : on trouve,
dit-on, le cadavre dans l'endroit où le pain
s'arrête (2).
GIGOGNE. On croit que les cigognes pré-
servent des incendies les maisons où elles se
retirent. Cette erreur n'est plus très-ré(ian-
due. On a dit aussi que les cigognes ne s'é-
tablissaient que dans les Etats libres; mais
les Egyptiens, qui eurent toujours des rois,
leur rendaient un culte; et c'était un crime
capital en Thessalie, qui était monarchi(iui>,
de tuer une cigogne, parce que le p lys est
plein de serpents, et que les cigognes les dé-
truisent. Elles sont enfin très-communes en
Turquie, en Egypte et en Perse, où l'on ne
songe guère aux idées républicaines.
CILANO ( Georges-Chrétien -Maternus
de). Hongrois du dix-huitième sièc'e, qui a
écrit un livre del'Origine el de la Célébration
des saturnales chez les Romains (3), et (sous
le nom d'Antoine Signatelli) des Recherches
sur les géants (4).
C1MERIÈ3, grand et puissant démon, mar-
quis de l'empire infernal. Il commande aux
parties africaines. Il enseigne la grammaire,
la logique et la rhétorique; il découvre les
trésors et révèle les choses cachées; il rend
l'homme léger à la course, el donne aux
bourgeois la tournure fringante des militai-
res. Le marquis Cimeriès, capitaine de vingt
légions, est toujours à cheval sur un grand
palefroi noir (5).
CIMETIÈKE. Il n'était pas permi j en Espa-
gne, au quatrième siècle, d'allumer des cier-
ges en plein jour duis les cimetières, de ;jewr
d'inquiéter les esprits. On croyait que les
âmes des lré[)asses fréquentaient les cime-
tières où leurs corps étaienl enterrés (6); et
le clergé eut quelque peine à détruire cotle
opinion.
On croit encore aujourd'hui, dans les cam-
(l) De CiyauUbus nova disquisilio liistoii-ica cl cillica,
17o6.
("i) Wierus, iii RseiiJomoriarcliia dsin.
[ti; Duiu Caliiicl,Iiailésur Icsapi-aiitious, cit., tli. u
577
tlP
CiV
578
pagne<, que les âmes du purgatoire rc>u>n-
lU'iit dans les cimetières; on dit même (jue
hs démons aiment à s'y montrer, et que c'est
pour les écarter qu'on y plante des croix.
On conte des anecdotes effrayantes. Peu de
villageois traverseraient le cimetière à mi-
nuit : ils ont toujours l'histoire de l'un d'en-
tre eux qui a été rossé par une âme (ou plu-
tôt par un mauvais plaisant) qui lui a re-
proché de troubler sa pénitence. Voy. Appa-
ritions.
Henri Estienne et les ennemis du catholi-
cisme ont forgé aussi des aventures facclieu-
ses, où ils attribuent de petites fraudes aux
gens d'église pour maintenir cette croy.ince;
mais ces historiettes sont des invtnliuus ca-
lomnieuses.
On a vu quelquefois, dans les grandes
chaleurs, des exhalaisons enflaminccs sortir
des cimetièies; on sait aujourd'hui qu'elles
ont une ciuso naturelle.
CIMMÉUIENS, peuples qui habitaient au-
tour des Palus-Méotides, et dont les Cimbres
étdientJes descendants. Beaucoup de savants
ont placé dans ce pays l'antre par le(|uel on
allait aux enfers. Leloyer dit que les Cimmé-
riens étaient de grands sorciers, et qu'Ulysse
ne les alla trouver que pour interroger, par
leu'' moyen, les esprits de l'enfer.
CIMON, général athénien, (ils de Miltiade.
Ayant vu en songe une chienne irritée qui
aboyait contre lui et qui lui disait d'une voix
humaine : — « Viens; lu me feras plaisir, à
moi et à mes petits, » — il alla consulter un
devin nommé Aslyphile, qui interpréta sa
vision de cette manière ; — « Le chien est
ennemi de celui contre lequel il aboie; or,
on ne pourrait faire à son ennemi u i plus
grand plaisir que de mourir; et ce mélange
de la voix humaine avec l'aboi dénote un
Mède qui vous tuera. »
Les Grecs étaient en guerre avec les Per-
ses et les Mèdcs : il y avait donc chance.
Malheureusement pour le devin, le songe ne
s'accomplit pas, et Cimon ne mourut que de
maladie.
CINCINNATULUS ou CINCINNATUS {le
petit frisé), esprit (|ui, au rapport de Uhodi-
ginus, parlait par la bouche d'une femme
nommée Jocaba, — laquelle était ventri-
loque.
CINQ. Les Grecs modernes se demandent
excuse en prononçant le nombre cinq, qui
est du plus mauvais augure, parce qu'il ex-
prime un nombre indéfini, réprouvé par les
cabalisles.
ClOiNES. Voy. Kiones.
ClPl'US VENKLIUS, chef d'une partie de
rilalie, qui, pour avoir assisté à un combat
de taureaux et avoir eu toute la nuit l'ima-
ginalion occupée de cornes, se trouv.i un
front cornu le lendeuuiin. jj'autrcs disent
(lue ce prince, entrant victorieux à Rome,
s'aperçut en se penchant au-dessus des eaux
du Tibre, car il n'av;iit pas de miroir, qu'il
lui était poussé des cornes. 11 consulta les
devins pour savoir ce que lui prés;igeiiit une
circonstance si extraordinaire. Ou pouvait
expliquer ce prodige de pluscurs f^içons; on
lui dit seulement que c'était une marquo
qu'il régnerait dans Home; mais il n'y vou-
lut plus entrer. Celle modération est plus
merveillj'U^e que les cornes
CIRCE, fameuse magicienne qui changea
les comp.igiKin.s d'Ulysse en jiourceaux. Elle
savait composer des potions magiques et des
enchantements par lesquels, au moyen du
diable, elle troublait l'air, excitait les grêles
et les tempêtes, et donnait aux hommes des
malailies de corps et d'esprit. S.sinl Jean
Chrysoslome regarde la rriélamorphose des
compagnons d'Ulysse comme une vive allé-
gorie.
ClItCONCELLIONS, fanatiques du qua-
trième siècle, de la secte des donalisles. ils
parurent en Afriijue. Armés d'abord de bâ-
t'ons qu'ils appelaient bâtons d'Israël , ils
commeltaienl tous les brigandages sous pré-
texte de lélablir l'égalité. Us prirent bientôt
des armes plus offensives pour tuer les ca-
tholiques. On les appelait aussi scotopètos.
Ils faisaient grand cas du diable et l'hono-
raient en se coupant la gorge, en se noyant,
en se jetant, eux et leurs femmes, dans les
précipices. A la suite de Frédéric Barh;'-
rousse, au treizième siècle, on vit reparaître
des circoncellions qui damnaient les catho-
liques. Ces violents secluires, à l'une et l'au-
tre époque, ne durèrenl pas longtemps.
CIRE. C'est avec de la cire que les sorciè-
res composaient les petites figures magiques
qu'elles faisaient fondre lorsqu'elles vou-
laient envoûter cl faire périr ceux qu'elles
avaient pour ennemis. On décapita à Paris,
eu lo7i , un gentilhomme chez qui l'on
trouva une petite image de cire ayant la
place du cœur percée d'un poignard. Voy.
En\outement.
CiRUliLO (Pierue), savant nragonais du
quinzième siècle, à qui l'on doit un livre
(i'aslrologie (1), où il défend les astrologues
el leur science contre les raisonnumcnts do
Pic de la Mirandoie.
CITATION, formule cmployci? pour appe-
ler les esprits el les forcer à paraître. V. y.
Evocation.
CiTU, fête au Pérou, dans laquelle tous
les habitants se frottaient d'une pâle où ils
avaient mêlé un peu de sang tiré de l'entre-
deux des sourcils de leurs enfants. Us pen-
saient par là se préserver pour tout le mois
de tout malaise. Les prêtre» idolâtres fai-
saient ensuilc dos conjurations afin d'éloi-
gner les maladies, et les Péruviens croyaient
que toutes les lièvres étaient chassées dès
lors à cinq ou six lieues de leurs habita- >
lions.
CIVILE (François de), gentilhomme nor-
mand, né en lo3 i, dont la vie fut remplie de
catastrophes, pour la plupart imaginées par
les écrivains prulestants, qui ont si souvent
fabriqué des romans cl des historiettes, dans
le but de faire lire leurs écrits. Comme ou
classe cette vie prodigieuse dans les impos-
tures historiques, nous en donnerons un po-
lit précis.
(l) Apoteliisiiiiila iisirologi.iî Imiuaiiae , lioo esl de muta-
UoiiibiS icanioiuui. Atcal.1, lo21.
579
La mère de François de Civile ^lanl niorle
rnccinte, pendant l'absence de son mnri,
avail élé enterrée sans qu'on songeât à tirer
l'enfant par l'opéralion césarienne. Un peu
après l'enterrement, le mari arrive; il ap-
prend avec surprise la mort de sa femmo,
fl le peu d'attention qu'on a eu pour le fruit
qu'elle portait; il la fait exhumer; on lui
ouvre les entrailles, doù l'on tira François
de Civile encore vivant.
Cet homme, entré ainsi dans la vie, se
trouvant en 1302, capitaine de cent hommes
de pied, dans la ville de Rouen, que Char-
les IX assiége.iil, reçut dans la joue une
halle qui lui traversa le cou ; et il tomba du
haut du rempart dans le fossé. Des pion-
niers, le croyant morl. le mirent dans une
fosse, avec un autre corps qu'ils jetèrent sur
lui, et ils les couvrirent d'un peu de terre. 11
resta ainsi lnutc la journée. Son valet vint
le soir chercher son corps pour lui donner
une sépulture plus honorable. Il le déterra
et ne le reconnut pas, tant il était défiguré.
Cependant, un diamant qu'il avait au doigt
ayant frappé les yeux de ce domestique, il
sut par là qu'il avait retrouvé son maître, et
enleva le corps.
Après l'avoir lavé, il l'embrassa en pleu-
rant; il crut sentir encore quelque chaleur;
il porta bien vite le corps aux chirurgiens de
l'armée qui, le regardant comme mort, ne
voulurent pas en prendre soin. Civile fut ainsi
cinq jours et cinq nuits abandonné, sans par-
ler ni donner aucun signe de mouvement,
mais toujours ardent de fièvre. Un médecin
consentit alors enfin, à lui faire prendre un
peu de bouillon; le lendemain, le malade
enlr'ouvril les yeux. Mais sur ces entrefai-
tes, la ville ayant été prise d'assaut, le bruit
qui se fit lui ôta de nouveau toute connais-
sance. Dans le pillage, on le jeta par la fenê-
tre; il tomba sur un fumier, où il resta trois
jours en chemise, sans être secouru de per-
sonne.
Enfin un de ses parents vint le voir, et fut
très-élonné de le trouver encore vivant. Ci-
vile demanda à boire par signes; on lui
donna de la bière, qu'il avala trôs-avide-
meni; on l'emporta dans un château où il
fut soigné, et au bout de six semaines, il se
trouva bien portant.
Il fut proscrit comme protestant , snus
Henri III, et se réfugia en Angleterre, où la
reine Elisabeth lui fit conter son histoire; ne
sachant pas peut-être qu'il y a des Gascons
ailleurs qu'aux bords de la Garonne, elle
donna son portrait au conteur. Le règne de
Henri le Grand lui permit de rentrer en
France. DAubigné dit qu'il l'a vu souvent
« aux assemblées nationales, député de Nor-
mandie, à lâgc do soixante-six ans, et qu'il
signait toujours ; François de Civile, trois
fois mort, trois fois enterré, et trois fois, par
la grâce de Dieu, ressuscité. » Il était octogé-
naire, lorsqu'il mourut d'une fluxion du
poitrine.
Nous avons tiré la plupart de ces détails
de l'histoire du capitaine François de Civile,
extraite de ses mémoires ruanuscrits, cl pu-
riC.TIONNAlUE DES SCIENIES OCCULTES. 3S0
bliée par Misson, qui aurait dû yvoir le pen-
dant des aventures de M. de Crac.
CLAIRON (Claire-Josèphe-Leyris de La-
TUDE. connue sous le nom d'Hippolyte), tra-
gédienne française, morte en 180'{. Dans ses
Mémoires, publiés en 1790, elle raionle l'his-
toire d'un revenant qu'elle croit èlic l'âme
de M. de S...., fils d'un négociant de Breta-
gne, dont elle avait rejeté les vœux, à c ause
de son humeur haineuse et mélancolinue,
quoiqu'elle lui eût accordii si>ii amilié. Celle
passion malheureuse avail conduit le jeune
insensé au tombeau. Il avait souhaité de la
voir dans ses derniers moments ; mais on
avait dissuadé mademoiselle Clairon de faire
cette démarche ; et il s'était écrié avec dés-
espoir : — Elle n'y gagnera rien , je la pour-
suivrai autant après ma mort que je l'ai
poursuivie pendant ma vie l...
Depuis lors, mademoiselle Clairon enten-
dit, vers les onze heures du soir, pentlant
plusieurs mois, un cri aigu; ses gens, ses
amis, ses voisins, la police mèine, enlendi-
la même heure.
rent ce bruit, toujours a
toujours partant sous ses fenêlies, (!t ne pa-
raissant sortir que du vague de l'air.
Ces cris cessèrent quebjue temps. Mais ils
furent remplacés, toujours à onze heures du
soir, par un coup de fusil tiré dans ses fenê-
tres, sans qu'il en résultât aucun dommage.
La rue fut remplie d'espions, et ce bruit
fut entendu, frappant toujours à 1 1 même
heure, dans le même carreau de vitre, sans
que jamais personne ail pu voir de quel en-
droit il parlait. A ces explosions succéda un
claquement de mains, puis des sons mélo-
dieux. Enfin, tout cessa après un peu plus
de deux ans et demi (1).
Voilà ce que «lisent les mémoires publiés
par mademoiselle Raucourl. Ce qui n'empê-
che pas que celait n'est qu'une mystification,
qui eût fait un peu plus de bruit à Paris si
c'eût été autre chose.
CLARUS. Saint Augustin rapporte qu'un
jeune homme de condition, nommé Glarus,
s'élant donné à Dieu dans un monastère
d'Hippone, se persuada qu'il avail commerce
avec les anges. 11 en parla dans le couvent.
Comme les frères refusaient de le croire, il
prédit que la nuit suivante Dieu lui enver-
rait une robe blanche avec laquelle il paraî-
trait au milieu d'eux. En effet, vers minuit,
le monastère fut ébranlé, la cellule du jeune
homme parut brillante de lumière; one/-
tendit le bruit de plusieurs personnes qui
allaient, venaient et parlaient entre elles,
sans qu'on pût les voir. Clarus sortit de sa
cellule et montra aux frères la tunique dont
il était vêtu : c'était une étoffe d'une blan-
cheur admirable et d'une finesse si extraor-
dinaire, qu'on n'avait jamais rien vu ùcsem-
blable. Ou passa le reste de la nuit à chan-
ter des psaumes en actions de grâces; en-
suite on voulut conduire le jeune homme à
saint Augustin; mais il s'y opposa, disant
que les anges le l«i avaient défendu. Cepen-
dant on ne l'écouta point; et, comme on l'y
(1) Mémoires d'Hippolyte riairon , élil ili' Biilssuii.
p. Ili7.
581
CLE
CLE
58t
conduisait malgré sa résistance, la tunique
disparut aux yeux des assistants; ce qui fit
juger que le tout n'était qu'une illusion de
l'esprit d(' ténèbres
CLASSYALABOLaS, Voy. Caacrinolaas.
CLAUDE, prieur de Laval, fil imprimer à
\i fin du seizième siècle un livre intitulé :
Dialogues de la Lycanthropie.
CLÀUDER (Gabriel), savant saxon, mort
en 1691, membre de l'académie des Curieux
de la Nature. Il a laissé, dans les Mémoires
de cette société, divers opuscules singuliers,
tels sont :«loRemède diabolique du délire, »
"il a les Vingt cinq ans de séjour d'un démon
sur la terre (1). »
Son neveu, Frédéric-Guillaume Clauder, a
donné, dans les Éphémérides de la même
académie, un traité sur les nains (2).
CLAUNECK , démon qui a puissance sur
les biejjs, sur les richesses ; il fait trouver
des trésors à celui qu'il sert en vertu d'un
pacte. Il est aimé de Lucifer, qui le laisse
maître de prodiguer l'argent. Il rend com-
plaisance pour complaisance à qui l'ap-
pelle (3).
CLAUZETTE. Sur la fin de 1681, une fille
insensée, Marie Clauzelte, se mit à courir les
champs aux environs de Toulouse, en se ré-
clamant du nom de Hubert, qu'elle disait
être le maître de tous les diables. On la crut
possédée, et tout le monde voulut la voir.
Quatre jeunes filles, qui assistèrent aux pre-
miers exorcismes, se crurent possédées pa-
reillement. Le vicaire-général de Toulouse,
voulant éprouver si la possession était vraie,
fit employer d'abord des exorcismes feints ;
et l'eau commune, la lecture d'un livre pro-
fane, le ministère d'un laïque habillé en prê-
tre, agitèrent aussi violemment les préten-
dues possédées, qui n'étaient pas prévenues,
que si un prêtre eût lu le rituel avec des as-
persions d'eau bénite. Les médecins décla-
rèrent que le diable n'était pour rien dans
celle affaire. Les possédées vomissaient des
épingles crochues ; mais un remarqua qu'elles
les cachaient dans leur bouche pour les re-
jeter devant les spectateurs. Le parlement
de Toulouse proclama la fraude et dissipa
celte ridicule affaire.
CLAVICULES DE SALOMON , Voy. Sa-
LOMON.
CLAY (Jean), littérateur allemand, mort
en 1392. (Jn retherche son Alkiimislicd, petit
poëme en vers allemands contre la folie des
alchimistes et faiseurs d'or.
CLÉDONISMANCIE , divination Urée de
certaines paroles qui, entendues ou pronon-
cées en diverses rencontres, étaient regar-
dées comme bons ou mauvais présages. Celte
divination était surtout en usage à Smyrne ;
il y avait un temple où c'était ainsi qu'on
rendait les oracles. Un nom seul offrait quel-
quefois l'augure d'un bon succès. Léoty-
chide, pressé par un Samien d'entreprendre
la guerre contre les Perses, demanda à ce
(1) Do Diabotico dclirii remedio. — De Diabolo per
viiçinli quiiique aii^-s fréquentante cum inulicre, aulld
Tcneficii opéra.
(3) De uaiiorum gcucralioue.
Samien son nom; et, apprenant qu'il s'ap-
pelait Hégésisirate, mot qui signifie conduc-
teur d'armée, il répondit -.j'accepte l'augure
d'Hégésistrale.
Ce qu'il y avait de commode en tout ceci,
c'est qu'on était libre d'accepter ou de refu-
ser le mol à présage. S'il était saisi par ce-
lui qui l'entenilail et qu'il frappât son ima-
gination, il avait toute son influence ; mais si
l'auditeur le laissait tomber, on n'y faisait
pas une prompte attention, l'augure était
sans force.
CLEF D'OR. On a publié, sous le litre de
la Clef d'or, plusieurs petits volumes slupi-
des qui enseignent les moyens infaillibles de
l'aire fortune avec la loterie, et qui, quand la
liiterie existait, ne faisaient que des dupes.
[m Clef d'or on le Véritable trésor de la for-
tune, qui se réimprimait ilc temps en temps
à Lille, cliezCastiaux, n'est pas autre chose
que la découverte des nombres sympathi-
ques, (|ue l'auteur se vante d'avoir trouvés,
ce (lui lui a valu trois cent mille francs en
deux ans el demi. Il est mal de mentir aussi
impunément pour engager les pauvres gens
à se ruiner dans les loteries. Or, les cinq
nombres sympMthiques ne manquent pas de
sortir, dit-il effrontément, dans les cinq tira-
ges qui suivent la sortie du numéro indica-
teur. Il faut donc les suivre pendant cimj ti-
rages seulement pour faire fortune. Par
exemple, les nombres sympathiques de k
sont 30, 40, 50, 70, 76. Ces cinq numéros
sortiront dans les cinq tirages qui suivront
la sortie de k, non pas tous à la fois peut-
être, mais au moins deux ou trois ensemble.
Du reste les nombres sympathiques sont
imaginaires, et chacun les dispose à son gré.
CLEIDOMANCIE ou CLEIDONOMANCIE,
divination parle moyen d'une clef. Ou voit
dans Deirio el Delancre qu'on employait cette
divination pour découvrir l'auteur d'un vol
ou d'un meurtre. On lorlillait autour d'une
clef un billet contenant le nom de celui qu'oit
soupçonnait; puisonatlachaitcetteclef à une
Bible, qu'une fille vierge soutenait de ses
mains. Le devin marmottait ensuite tout bas
le nom des personnes soupçonnées; et on
voyait le papier tourner et se mouvoir sen-
siblement.
On devine encore d'une autre manière par
la cleidumiiiicie. On attache élroilemenl une
clef sur 1,1 première page d'un livre ; on ferme
le livre avec une corde, de façon que l'an-
neau de la clef soit dehors; la personne qui
a quelque secret à découvrir par ce moyen,
pose ledoigt dans l'anneau de la clef, en pro-
nonçant tout bas le nom qu'elle soupçonne.
S'il est innocent, la clef reste immobile ; s'il
est coupable, elle tourne avec une telle vio-
lence, qu'elle rompt la corde cjui attache le
livre (4-).
Les Cosaques et les Russes emploient sou-
vent celle divination; mais ils meltent la clef
en travers cl non à plal, de manière que la
(3) Obedi:is illi, cl obediol. Clavicules de Salomon,
p. II.
( t) Delancre , Incrédulilé el mécréante du sorliléya
l'Iciiiemeut convaincue, Uaiié 'ô.
sss
DlCriONNAmE Di: s SCIENCKS OCCULTAS.
S84
compression lui fail Hiiic le qtiarl de loiir.
Us croient savoir par là si la maison ou ils
Boiil est riche, si leur famille se porte bien
en leur absence, si leur p<^re vil encore, etc.
Ils font usage surtout de celte divination
pour découvrir les trésors. On les a vus plu-
sieurs fois en France recourir à cet oracle de
la clef sur lEvangile de saint Jean , durant
l'invasion de 18I4.
CLÉONICE. Fausanias, p;éiiéral lacédcmo-
nien, ayant tué à B.\ sauce une vertueuse
jeune fille, nommée Cléoiiice. qui lui avait
résisté, vécut dans un eftroi continuel et
ne cessa de voir, jusqu'à sa mort, le specire
de celte jeune fille à ses côiés. — Si l'on con-
naissait ce qui a précédé Us visions, on en
trouverait souvent la source dans les re-
mords.
CLÉOPATRE. C'est, dil-on , une erreur
que l'opinion où nous sommes, que Ciéopâtrc
se fit mourir avec deux aspics. Pliitarque dit,
dans la vie deMarc-Anloine, que personne
n'a jamais su comment elle élait morte. Quel-
ques-uns assurent qu'elle prit un poison
qu'elle avait coutume de porter dans ses
cheveux. On ne trouva point d'aspic dans le
lieu où elle élait morte; on dit seulement
qu'on lui remarqua au bras droit deux pi-
qûres imperceptibles; c'est là-dessus qu'Au-
guste hasarda l'idée qui est devenue popu-
laire sur le genre de sa mort. Il est probable
quelle se piqua avec une aiguille empoi-
sonnée (1).
CLÉROMANCIE, art de dire la bonne aven-
ture par le sort jeté, c'est-à-dire avec des
dés , des osselets , des fèves noires ou blan-
ches. On les agitait dans un vase, et après
avoir prié les dieux on les renversait sur une
table et l'on prédisait l'avenir d'après la dis-
position des objets. 11 y avait à Dura, en
Achaïe , un orale d'H<'rejle qui se Tcndiit
sur un tablier avec des dés. Le pèlerin, après
avoir prié, jetait, quatre dés, dont le prêtre
d'Hercule considérait les points, et il en lirait
la conjecture de ce qui devait arriver. Il fal-
lait que ces dés fussent fails d'os de bêles
sacrifiées (2).
Le plus suuvent on écrivait sur les osse-
lets ou sur de petites tablettes qu'on mêlait
dans une urne ; ensuite on faisait lirer un
lot par le premier jeune garçon qui se ren-
contrait; et si l'inscription qui sortait avait
du rapport avec ce qu'on voulait savoir,
c'était une prophétie certaine.
Celte divination élait commune en Egypte
et chez les Romains; et l'on trouvait fré-
quemment des cléromanciens dans les rues
et sur les places publiques, comme on trouve
dans nos fèies des cartomanciens. Voy. As-
tkàgalomancie.
CLÈVES. On dit que le diable est chef de
celle noble maison et père des comtes de
Cicves. Les cabalistes prétendent que ce fut
un sylphe qui vint à Clèves par les airs , sur
un navire merveilleux traîné par des cygnes,
et qui repartit un jour, eu plein midi, à la
(tl Voyez Brnwn, Des Erreurs populaires, liv.V, cti. 12.
(2) Dolaiicic;, l'Iiicrédulilé cliiiéoréaiice, elc ; ir.iUé 5.
(3J L'al)LȎ tic \ illars, dans le CoiiiU- Je Galiulls.
vue de tout le monde, sur son navire aérien.
« Qu'a-l-il fait aux iloeleurs qui les ol)lij;e
à l'ériger en démon'? » dit l'abbé de Vil-
lars (3j. C'est en mémoire de celle origine
merveilleuse, diversement ex])liiiiice. qu'on
avait fondé an pays de Clèves, Tordre des
chevaliers du Ogne (V
Cl.lM ATERIOÙE, Voy. A:^ske.
CLlSTilKRET. démon (lui fail paraîire la
nuit au milieu du jour, el le jour au milieu
de la nuil, quand c'est son caprice, si vous
en croyez U'S Clavicules de Salomon.
CLOCHES. Les anciens connaissaient lei
cloches, dont on attribue l'invention aux
Egyptiens. Elles étaient en usage à Alhôncs
et chez les Romains.
Les musulmans n'ont point de cloch-s dans
leurs min.irets; ils croient que le sondes
cloches effraierait les âmes des bienheureux
dans le paradis.
Les cloches ne furent généralement em-
ployées, dans les églises chrétiennes, que
vers le septième siècle. On voit , dans Alctiin,
que la cérémonie du liaplèiue qui les con-
sacre avait lieu déjà du temps de Cbarle-
magnc.
C'esi, dit-on, parce qu'elles sont baptisées,
que les cloches sont odieuses à Salan. Oa
assure que quand le diable porte ses suppôts
au sabbat, il est forcé de les laisser tomber,
s'il entend le sondes cloches. Torqueinada
raconte . dans son //^j;am^;on, qu'une femme
revenant du sabbat, portée dans les airs par
l'esprit malin , cnleiulit la cloche qui sonnait
VAiigelus. Aussitôt le diable l'ayant lâchée,
elle tomba dans une haie d'épines, au bord
d'une rivière. Elle aperçut un jeune homme
à qui elle domanda secours, et qui , à force
de prières, se décida à la reconduire en sa
maison. 11 la pressa tellement de lui .avouer
les circonstances de son aventure, qu'elle la
lui apprit ; elle lui fit ensuite de petits pré-
sents, pour l'engager à ne rien dire : mais la
chose no mamiua pourtant pas de se ré-
pandre.
On croit, dans quelques contrées, que c'est
le diable qui excite les tempêtes , et que, par
ainsi, les cloches conjurent les orages. Les
paysans sonnent donc les cloches dès qu'ils
entendent le tonnerre, ce qui maintenanl est
reconnu pour une imprudence. Citons à ce
sujet un fait consigné dans les Mémoires de
l'Académie des sciences : « En 1718, le 15 août,
un vaste orage s'étendit surit Basse-Rre-
lagne; le tonnerre tomba sur vingt-qu.atre
églises situées entre Landernau el Saint-
Pol-de-Léon ; c'était précisément celles où
l'on sonnait pour écarter la foudre ; celles où
l'on ne sonna pas furent épargnées. » M. S li-
gues pense cependant que le son des cIcm lies
n'attire pas le tonnerre , parce que leur mou-
vement a peu d'intensité; mais le bruit seul
agile l'air avec violence, et le son du tam-
bour sur un lieu élevé ferait peut-être lo
môme effet d'attirer la foudre. '*.-
On a cru encore, dans certains pays, qu'on
(t) Voyez, dans les Légendes descomimndemetils de D.eu
le elievaUcr du Cygne.
■RS
CIX)
con
.■>8C
Si' iiu'llailà r<ibri deloutn allcinlcdcs orn^ps
en porlaiil sur soi un niorcoMu d,» la corde
ati/itliéo à la cîocîic au iiKimeiU de soi) l)a|>-
lêii.c.
Il nous rcslc àdin- un mot de la Cloche du
Diable. Dusaulx, visitant les Pyrénées à pied,
son guide, qui élail un IVaiic montagnard,
le conduisit dans un niaiécage coinnie poiir
lui montrer (|ueli]tie clr>se de curieux. Il
prétendit qu'une cloche avait jadis é!6 en-
foncée dans cet endroit; que «-eut ans après,
le diable à qui apparlenai;'nt alors tous les
métaux souterrains, s'était emparé de celte
cloche, et qu'un pâtre depuis peu de temps
l'avait entendu s.onner pendant la nuit de
Noël dans l'intérfeur de la montagne.
— Fort bien, dit Uusaulx ; ce qu'on a pris
pour le son d'une cloche ne viendrait-il pas
plutôt des eaux souterraines qui s'engouf-
frent dans quelque cavité?
— Oh 1 que non, répliqua le guide.
Il y a des cloches célèbres. On respecte
beaucoup dans les Pyrénées, la cloche de la
vallée; on lui donne toutes sortes d'origines
merveilleuses : la plus commune, c'est qu'el'c
a été fondue par les auges. On l'entend,
ou peut-être on croit l'entendre quelquefois :
mais on ne sait pas où elle est siisfcndue.
C'est cette cloche qui doit, à ce que disent les
montagnards, réveiller leurs patriarches en-
dormis dans les creux des rochers, et appe-
ler les hommes au dernier jugement.
Lorsque Ferdinand le Catholique fut atta-
qué de la maladie dont il mourut, la fameuse
cloche de la Villela (qui a dix brasses de lour)
sonna, dit-on, d'ellc-niénie; ce qui arrive
quand l'Espagne est menacée de quelqutî
malheur. On publia aussi tôt (|u'el!e annonçait
la mort du roi, qui mourut effectivement peu
après.
GLOFYE , oiseau d'Africinc, noir et gros
comme uu étourneau. C'est pour les nègves
un oiseau de présage. 11 prédit les bons évé-
nements, lorsqu'on chantant il s'élève dans
les airs; il en pronosliciue de mauvais s'il
s'abaisse. Pour annoncer à quelqu'un une
mort funeste, ils lui disent que le Clofyc a
chanté sur lui.
CLOTHO. L'une des troisParquesella plus
jeune. C'est elle qui file les destinées ;on lui
donne une quenouille d'une hauteur prodi-
gieuse.La pluparides mjthologuesla placent
avec ses sœurs à la porte du repaire de Plu-
Ion. Lucien la met dans la bar()ue à Caron ;
mais Plularcjuc dit (lu'ello est dans la lune,
dont elle dirige les luouveuicnls.
CLOU. 11 y a, sur les clous, quelques pe-
tites superstitions dont on fera son profit.
Les Grecs modernes sont persuadés qu'en
fichant le clou d'un cercueil à la j)orte d'une
maison infestée, on en écarte à jamais les
revenants et les i'antônies.
Bogui't parle d'une sorcière qui , pour un
cheval blessé, disait certains mots en lorme
d'oraison, et plantait en terre uu clou qu'elle
lie retirait jamais.
(I) lîogucl, Discours des sorcifrs, cli. W.
(2\ Sur le roi Clovis 1", \ovez ses Icjjeiiilrs, dans les
Uijeinits de CULioiix de t'rwicc.
Les Roniaius , pour chasser la peste ,
fichaient un clou d nis une pierre qui était
au côlé droit du temple de Jupiter; ils en
faisaient autant contre les charmes et sorti-
lèges, et pour apaiser les discordes qui sur-
venaient entre les citoyens.
II y en a pareillement qui , se voulant
prévaloir contre leurs ennemis, plantent uu
clou dans un arbre. Or, quelle force peut
avoir ce clou ainsi planté (1)?
CLOVIS, fils de Chilpéricl'"-. Il ne restait
à Chilpérie que ce fils de sa première femme;
le jeune homme fut assez indiscret pour
s'expliquer sans ménagement sur Frédé-
gonde, qu'il regardait comme son ennemie.
Elle résolut de se débarrasser de lui. Clovis
aimait une jeune fille de bass(! extraction;
un émissaire de Frédégonde vint dire au roi
que c'était la fille d'une magicienne; que
Clovis av.ill employé les artifices de cetîc
femme pour se défaire de ses deux frères
(empoisonnés, à ce qu'on croit), et qu'il tra-
mait la mort de la reine. La vieille femme ,
mise à la question , lut forcée d'avouer
qu'elle élail sorcière. Clovis, convaincu, su
vil dépouillé de ses riches vêtements et con-
duit dans une prison , où des assassins le
poignardèrent , si les historiens disent vrai;
et on fit accroire au monarque qu'il s'était
tué lui-même. La rnagicienne, dont la fille ve-
nait aussid'êtremise àmorl,fulépouvanlcedo
ses aveux, qu'elle rétracta ; mais on se hàla
do lui imposer sili-nce en la conduisant au
bûcher. C'est du moins ainsi que racontent
les choses, des chroniqueurs peu favorables,
il est vrai, à Frédégonde (2).
COBALKS, génies malins et trompeurs de
la suite de Bacchus, dont ils étaient à la fois
les gardes et les bouffons.
Selon Leloyer, les cobales, connus des
Grecs, étaient des démons doux et paisibles,
nomiTiés par (|uel(iues-uns bonhomels ou
petits bonshommes des montagnes , parce
qu'ils se montrent en vieux nains de bas>«
stature ; ils sont velus court , demi-nus, l.'i
manche retroussée sur l'épaule , et portent
un tablier de cuir sur les reins.
« Cette sorte de démons est prcsealement
assez plaisante, cartauiôtvous les verrez rire,
tantôt se gaudir, tantôt sauter de joie, et
faire mille tours de siuge ; ils contreferont
et imiteront les singes , et feront tant et
plus les embesognés, combien qu'ils ne fas-
sent rien du tout. A cette heure, vous les
verrez bêcher dans les veines d'or ou d'ar-
gent, amasser ce ([u'ils auront bêché, et le
mettre en des corbeilles et autre^ vaisseaux
pour cet effet préparcs, tourner la corde et
la poulie afin d'avertir ceux d'en haut de
tirer le mêlai, cl fort rarement voil-on qu'ils
offensent les ouvriers, s'ils ne sont grande-
ment provoques de brocards , injures et ri-
sées dont ils sont impatients. Alors ils jetle-
roul premièrement de la terre et des petils
cailloux aux yeux des pionniers, et quelque-
fois les blesseront (3). »
(ôj l.elojer, Hisl. et Disc, des spectres, fie, p. 315;
posl Wioruni, Uo pra-sl., lib. I, cup. xxii.
fSJ OICTIONNAIRF, OKS S(
Los Allemands appollont ces mômes dé-
mons familiers Kobold. Voy. ce mot.
COBOU; (îénies ou démons révérés par
los anciens Sarmales. Ils croyaient que ces
esprits habitaient les parties les plus se-
crètes des maisons , et mémo les l'entes du
bois. On leur offrait les mets les plus déli-
cats. Lorsqu'ils avaient l'inlenlioii de se fixer
dans une habitation, ils en prévenaient ainsi
le père de famille : la nuit ils assemblaient
des las de copeaux et répandaient de la Qente
de divers anitnaux dans les vases de lait ;
gracieuses manières de s'annoncer. Si le len-
demain le maître de la maison laissait ces
copeaux en un tas , et faisait boire à sa fa-
mille le lait ainsi souillé, alors les coboiis se
rendaient visibles cl habitaient désormais
avec lui ; mais s'il dispersait les copeaux et
jetait le lait, ils allaient chercher un autre
glle.
Les coboiis, sont encore, ainsi queles gobe-
lins et les cobales , le kobold des Allc-
manils.
COCGONAS. Voy. Alexanore de Paphla-
GOME.
COCHON. Est-il vrai , comme le croit le
peuple, que de tous les animaux le cochon
soit celui dont l'organisation ail le plus de
ressemblance avec celle de l'homme ? Sur ce
point, dit M. Salgues , on ne saurait mieux
faire que de s'en rapporter à Cuvier. Or,
voi.i ce que lui ont révélé ses recherches.
L'estocnac de l'homme et celui du eochon
n'ont aucune ressemblanie : dans l'homme,
ce viscère a la forme d'une cornemuse ; dans
le cochon, il est globuleux ; dans l'homme,
le foie est divisé en trois lobes ; dans le co-
chon , il est divisé en quatre : dans 1 homme,
la rate est courte et ramassée ; dans le co-
chon, elle est longue et plate ; dans l'homme,
le canal intestinal égale sept à huit fois la
longueur du corps ; dans le cochon, il égale
()uinze à dix-huit fois la même longueur.
Son cœur présente des différences notables
avec celui de l'homme ; et j'ajouterai, pour
la satisfaction des savants et des beaux-es-
prits , que le volume de son cerveau est
aussi beauc<»up moins considérable , ce qui
prouve que ses facultés intellectuelles sont
inférieures à celles de nos académiciens.
Il y aurait bien des choses à dire sur le
cochon. Le diable s'est quelquefois montré
.sous sa figure. On coule, à Naples, qu'autre-
fois Il apparaissait souvent avec cette forme
dans le lieu même où l'église de Sainte- Ma-
rie-Majeure a depuis été bâtie, ce qui ré-
jouissait peu les Napolitains. Dès que l'église
fut commencée, la singulière apparition ne
se montra plus. C'est en mémoire de cet
événement que l'é^êque Pomponius fit faire
le pourceau de brome qui est encore sur le
portail de cette église.
Camérarius raconte que, dans une ville
d'Allemagne, un Juif miiladu étant venu chez
une vieille, et lui ayant demandé du lait de
femme, qu'il croyait propre à le guérir, la
(1) CaniPrariiis, De nal. el affecl. d;einon., in proœiriio.
(2) M. Salgues, l)<s lirrciirs el des préjugés.
(3) Déliionomaiiie, liv. Il, di. vu.
■.lENCrS OCCULTES. 58S
sorcière s'avisa de traire une truie et en
porta le lait au Juif, qui le but. Ce lait com-
mençant à opérer, le Juif s'aperçut qu'il
grognait et devina la ruse de la sorcière,
qui voulait sans doute lui faire subir la mé-
tamorphose des compagnons d'Ulysse. Il jeta
le reste du lait sans le boire, et incontinent
tous les cochons du voisinage moururent (1).
... Voy. Baume universel.
COCLÈS (Barthélémy), chiromancien du
seizième siècle. Il avait aussi des connais-
sances en astrologie el en physiognomonie. Il
prédit à Luc Gauric, célèbre astrologue du
même temps, qu'il subirait injustement une
peine douloureuse et infamante ; et Luc
tîauric fut en effet condamné au supplice de
l'estrapade, par Jean Benlivoglio, tyran de
Bologne, dont il avait pronostiqué l'expul-
sion prochaine.
Codés prophétisa qu'il serait lui-même
assassiné, et périrait d'un coup sur la tête.
Son horoscope s'accomplit ponctuellement ,
car Hermès de Benlivoglio , fils du tyran,
ayant appris qu'il se mêlait aussi de prédire
sa chute , le fit assassiner par un brigand
nommé Caponi, le 24 septembre 1304. (ij.
On assure même que , connaissant le sort
qui le menaçait, il portait depuis quelque
temps une calotte de fer, et qu'il ne sortait
qu'armé d'une épée à deux mains. On dit
encore que celui qui devait l'assassiner étant
venu le consulter peu auparavant , il lui
prédit qu'avant vingt-quatre heures il se
rendrait coupable d'un meurtre. Il est plus
que probable que ces prophéties n'ont été
faites qu'après coup.
Codés a écrit sur la physiognomonie et la
chiromancie , mais son livre a subi des mo-
difications. L'édiiion originale est : Pliy-
siognoinoniœ ac chiromanciœ Anaslasis , sive
compendiumex pluribus e( pêne infiaitis auc-
toribus, cum approbalione Akxandri Achil-
Uni; Bologne, 1504, in-fol. La préface est
d'Achillini.
COCOTO, démon succube, adoré aux In-
des oi'ciilentaies, et mentionné par Bodin (3J.
COCYTE, l'un des fleuves de l'enfer des
anciens. Il entourait le Tarlare, et n était
formé que des larmes des méchants.
CODE DES SORCIEUS. Voy. Sorciers.
CODUONCHI (Baptiste), médecin d'imola,
au seizième siècle. 11 a laissé un traite des
années climatériques, de la manière d'en évi-
ter le danger , et des moyens d'allonger sa
vie (4).
CORLICOLES. secte juive qui adoiait les
astres et les anges gardiens des aslres.
COKUR. Des raisonneurs modernes ont
critiqué ce qui est dit dans VEcclésiaste,
que le cœur du sage est au rôle droit, et ce-
lui de l'insensé au côié gauche. Mais il faut
entendre celle maxime comme le mot de Jo-
nas, à propos de ceux des Ninivites qui ne
savaient pas faire la différence de leur main
droite et de leur main gauche , c'ist-à-dire
du bien et du mal. Que le cœur de l'homme
(i) De annis climatericis, nec iioii de ralione viuindi
eoruiii pcricula, ileiiii)uu de iiiuuist vilain produceiidi coiu-
iiienlariu». In-8°. Bologne. 1620.
58!) COL
soil situé au côlé gauche delà poilriiio, c'est
un sontiment qui, à la rigueur, peut être
réfuté par l'inspection scmUî, dit le docluur
lîrowM ; car ii est évident i]ue la b.isc cl le
Cfiilre du cœur sont cxacleuiciit pl.icés au
milieu.
La pointe à la vérité incline du côlé gaii-
f lie ; mais on dit de l'aiguille d'un c;idran
qu'elle est siluée au contre, (iuoi(|ue la
pointe s'étende vers la circonférence du
cadran.
Nous rappellerons que quelques hommes
ont eu le cœur velu. Voy. Aristomène.
COIFFE. On s'est formé dilTérentes idées
sur la menibr.ine appelée tioiffe, qui couvre
quel<iuefi)is la tète des cnlants lorsqu'ils
sortent du sein de leur mère. Les personnes
superstitieuses la conservent avec soin, com-
me un moyen de bonheur, et on dit d'un
homme heureux qu'il est né coiffé. On a
même avancé que celte coiffe étend ses effets
favorables jusque sur ceux qui la portent
avec eux. Spartien parle de celle super-
stition dans la vie d'Antonin. Il dit que les
sages-femmes vendaient ordinairement ces
coiffes naturelles à des jurisconsultes cré-
dules, qui en attendaient d'heureux résul-
tats pour leurs afl'aires. Ils étaient persuadés
que ce talisman leur ferait gagner toutes les
causes (1). On se les disputait cher nous au
seizième siècle.
Dans quelques provinces, on croyait que
la coiffe révélait une vocation à la vie mo-
nastique (2). Les sages-femmes prédisaient
aussi, chez nos pères, le sort de l'enfant qui
apportait la coiffe sur la léle. Voy. Amnio-
MINCIE.
Avant (lue l'empereur Macrin montât sur
le liôiic. Sa femme lui donna un fils qui na-
quit coiffé. On prédit qu'il s'élèverait au rang
suprême, et on le surnomma Diademalm.
Mais quand Macrin lut lue, il arriva de Dia-
demalus qu'il fut pro.-cril et tué comme son
père.
COIRIERES (Claude), sorcière du sei-
zième siècle. Pendant qu'elle était détenue en
prison, elle donna une certaine graisse à
un nommé François Gaillard , pareillement
prisonnier, lequel s'en étant frollé les mains,
fut enlevé de sa prison par l'assistance du
diable, qui toutefois le laissa reprendre (3).
COLARBASSE , hérélique valenlinien ,
qui prêchait la cabale et l'astrologie comme
sciences religi( uses. Il était disciple de Va-
lentin. Il disait que la génération et la vie
des hommes dépendaient des sept planètes,
et que toute la pcrfecllon et la plénitude de
la vérité était dans l'alphabet grec, puis-
que Jésus -Christ élail nommé Alpha et
Oméga (k).
COLAS (Antioe), sorcière du seizième
siècle, qui, faisant commerce avec le diable,
(t) Browi), (1rs Erreurs popul, I. Il, p. 8S.
{i) Sal^iii's, t>cs ErroiirsPl des préjiir;(''s.
iô) BogucI, liiscoiirsiii^s sorciers, cli. 5i, p. 3i7.
+) Bcrgier, Dirl. itu'olog.
ï) ItuKU'jl Discours «les sorciers-, eh. 15, p. 32j.
COL
590
qu'elle nommait Lizabet, fut appréhendée el
mise en prison, sur l'avis de Nicolas Millière,
chirurgien. Elle confessa qu'étant détenue à
BetoncourI, le diable s'était apparu à elle en
forme d'homme noir et l'isvait sollicilée à s ■
jeier par une fenêtre, ou bien à se pendre ;
une autre voix l'en avait dissuadée. Con-
vaincue d'être sorcière, mais aussi d'avoir
commis beaucoup de turpitudes celte femme
fut brù ée à Dôle en 1593 5j ; et c'est ainsi
que se terminent ordiniiiremcnt les histoi-
res racontées par Boguet.
COLËY (Henry), astrologue anglais,
mort en 1690. On a de lui, la Clef des élé-
ments de l'astroloçjie, Londres, 1675, in-S"
C'est un traité complet de celle science fan-
tastique. On y trouve l'art de dresser toutes
sortes de tliômcs d'horoscopes , avec des
exemples de n.ilivilés calculées.
COLLANGES ( Gabriel de ) , mathéma-
ticien né en Auvergne en 1524. Il n'employa
ses connaissances qu'à ia recherche des se-
crets de la cabale et des nombres. Il e^t tra-
ducteur (le la Polygraphic et universelle Ecri-
ture cabalistique de Trithèine, Paris, 1561,
in-4°. On cite plusieurs ouvrages de lui, dont
aucun n'a é é imprimé, non plus que sa ver-
sion de la Philosophie occulte d' Agrippa. Il a
laissé manuscrit un Traité de l'heur et mal-
heur du mariage.
COLLEHITES , pierre que l'on assure
être propre à chasser les démons et à pré-
venir les charmes (6), mais on aurait dii la
désigner.
COLMAN ( Jea> ) , astrologue , né à
Orléans ; le roi Ciiarles VII en faisait grand
cas. Louis XI, dit-on, lui donna des pen-
sions, parce qu'il lui apprit à supputer des
almanachs. On dit que Colloman étudiait si
assidûment le cours de la lune, qu'à force
d'application il en devint lépreux (7)...
COLLYRE.— On voit, dans la Lycanlhro-
pie de Nynauld, qu'un sorcier composait un
certain collyre, avec le fiel d'un homme, les
yeux d'un chat noir el quelques autres cho
ses que l'écrivain ne nomme pas ; « lequel
collyre appliqué aux yeux faisait voir el
apparaître en l'air ou ailleurs les ombres des
démons. »
COLOKYNTHO-PIRATES . pirates nains
fabuleux, qui, dans l'histoire véritable de
Lucien, naviguaient sur de grandes citrouil-
h s ou coloquintes, longues de six coudées
l Irois mètres ). Lorsqu'( lies étaient sèches,
ils les creusaient ; les grains leur servaient
de pierres dans les combats, et les feuilles
de voiles, qu'ils atlauhaienl à un mât de
roseau.
COLOMBES.— Il y avait dans le temple de
Jupiler, à Dodone, deux colombes que l'on
gardait soigneusement ; elles répondaient
(lune voix humaine lorsqu'elles étaient con-
sultées. Mais ou lit dans Pausanias que c'é-
(6) Delancre.Tableaudt' l'Liconslaiice îles (Jémous.olo.
liv IV, p. 297.
(7) Ancien manuscrit «le ta Bil)Iiot!iè(p]C royale. Vo}'"
/oly, Remarques sur Bayte, à la lin.
-91
OiCTIONNAIRE DES SCIENCES OCCl'LTES.
392
l.iipiit (1rs f( mines prêtresses qu'on appelait
folDuihcs doiloiileniics.
Les Perses, persuadés qtie le soleil avait en
horreur les coloinbes blanches, les regar-
daient comme des oiseaux de mauvais au-
gure, et n'en souffraient point dans leur
piys.
COLMA , cliâteau fort sur le Danube ,
nui, selon la tradilinn, est sorli de lerre tout
coiistruil, pnr une puissance niagiqui-.coinme
f'-ulrefoisdans la Mjlbolo};ie grectpic, Pégase
soiis le pied di' Minerve. Des savants disent
qu'en réalité il a été bâii en une nuit par la
puissante armée sarmale du roi Dencaos.
COLONNE nu DIABLE. — On conserve à
Prague trois pierres d'une colonne que le
diable appoita de Uoine pour écraser un pré-
Ire avic lequel il avait fait pacte, et le tuer
penilant qu'il disait la messe. Mais saint
Pierre, s'il faut en croire la léiiende popu-
laire, étant survenu, jeta trois fois de suite
le diable et sa colonne dans la mer, et cetSe
diversion donna ati prêtre le temps de se re-
pentir. Le diable en fut si désolé, qu'il rom-
pit la colonne et se sauva (1).
COMBADAXUS, divinité dormante des
Japonais. C'était nn bonze dont ils racontent
Tanecdote suivante. A huit ans, il fil cons-
truire un temple magnifique; et, prétendant
être las de la vie, il annonça qu'il voulait se
retirer dans uu'' caverne et y dormir dix
mille ans : en conséquence, il y entra; l'is-
sue fut scellée surle-cbamp : les Japonais
le croient encore vivant.
COMEDIENS. « 11 serait bon, comme dit
fioguet, de chasser nos comédiens et nos jon-
gleurs, attendu qu'ils sont pour la plupart
sorciers et magiciens, n'ayant d'autre but
que de vider nos bourses et de nous débau-
cher. » Boguet n'est pas tout à fait dans son
tort.
COMENIUS ( Jean-Amos ), philologue du
dix-septième siècle. Il a laissé la Lumière
dans les ténèbres. Hollande, 16^7, in-4% idem
augmentée de nouveaux rayons. 1665, 2 vol.
in-4', fig. C'est une traduction latine des pré-
tendues prophé'ies et visions de Kotter, de
Dabricius et de Christine Ponialowska, habi-
les gens que nous ne connaissons point.
COMÈTES. — On a toujours vu dans les
comètes les signes avant-courenrs des plus
tristes calamités. Une comète parut quand
Xerxès vint en Europe avec dix-huit cent
mille honnnes ( nous ne les avons pas comp-
tés ) ; el'e prédisait la défaite de Salamine.
Il en parut une avant la guerre du Pélo,)o-
nèse ; nue, avant la défaite des Athéniens en
Sicib' ; une, avant la victoire que les Tlié-
Itaius remportèrent sur les Laréilémoniens ;
une, quand Phili|ipe vain()uit les Athéniens;
une, avant la prise de Cirihage parScipion;
une, avant la guerre tivile de César et de
Pompée; une, à la mort de César; une, â la
prise de Jérusalem par Tilus ; une, avant 'a
dispersion de l'empire romain par les Gotlis;
une, avant l'invasion de Maiininet, etc.; une
enfin, avant la chute de Napoléon.
(I) Voynge du docteur Patin.
Tous les peuples regardent également les
comètes comme un mauvais présage; cepiMi-
daiit, si le présage est funeste pour les uns ,
il est heureux pour les autres , puisqu'en
accablant ceux-ci d'une grande défai'o il
donne à c<'ux-là une grande victoire.
Cardan expliijue ainsi les causes de i in-
Huence des comètes sur l'économie du globe.
« Elles rendent l'air plus subtil et moins
dense, dil-il, en l'échaulTant plus qu'à l'or-
dinaire : les personni'S qui vivent au sein de
la mollesse, qui ne donnent aucun exercice à
leur corps, qui se nourrissent trop délicate-
ment, qui sont d'une santé faible, d'un âge
avancé et d un sommeil pt u tranquille, souf-
frent dans un air moins animé, et meurent
souvent par excès de faiblesse. Cela arrive
plutôt aux princes qu'à d'autres, à cause du
genre de vie qu'ils mènent; el il suffit que la
superstition ou l'ignorance aient attaché aux
coinè'es un pouvoir funeste , pour qu'on
remarque, quand elles paraissent, des acci-
dents qui eussent été fort naturels en tout
autre temps. — On ne devrait [)as non plus
s'étonner de voir à leur suite la sécheresse et
la peste, puisqu'elles dessèchent l'air, et ne
lui laissent pas la force d'empêcher les exha-
laisons pestiférées. Enfin les comètes produi-
sent les séililions et les guerres en échauffant
le cœur de l'homme et en changeant les hu-
meurs en bile noire. »
On a dit de Cardan qu'il avait deux âmes ,
l'une qui disait des choses raisonnables,
l'autre qui ne savait que déraisonner. Après
avoir parlé comme on vient de voir, l'astro-
logue retombe dans ses visions. Quand une
comète paraît auprès de Saturne, dit-il, elle
piésage la peste, la mort des souverains
pontifes et les révolutions dans les gouver-
nements ; auprès de Mars, les guerres ; au-
près du soleil, de grandes calamités surtout
le globe ; auprès de la lune, des inonda-
tions et quelquefois des sécheresses ; auprès
de Vénus, la mort des princes et des nobles;
auprès de Mercure, divers malheurs en fort
grand nombre.
Wiston a fait de grands calculs algébri-
ques pour démontrer que les eaux extraor-
dinaires du déluge furent amenées par une
comète, et que quand Dieu décidera la fin
du monde , ce sera une comète qui le brû-
lera....
COMIERS (Claude) , docteur en théolo-
gie, mort en 1C93. Il est auteur d'un Traité
des prophéties, vaticinations, prédictions el
prognosticutions. 11 a écrit aussi sur la ba-
guette divinatoire et sur les sibylles.
COMPITALES , fêtes des dieux Lares ou
lutins du foyer, chez ie-;anciens Romains. Ou
leur sacrifiait dans l'origine des enfants, aux-
quels Briitus substitua des têtes de pavois.
COMTES DE L'ENFER , démons d'un
ordre supérieur dans la hiérarchie infernale,
et qui commandeul de nombreuses légions.
On les évoque à toute heure du jour, pourvu
que ce soit dans un lieu sauv.ige, (jnc les
hommes n'aient pas coutume de fréquea-
ter (2).
(1) Wienis, iii Pscu'ioiho!iJrclii;i ilairn
-95 CON
CONCLAMATION, cérémonie romnino, ilu
temps (lu paganisme. Klle consislail à appe-
ler à grands cris l'individu rjui venait de
mourir, aGn d'arrèlir 1 aine ftigilivc ei de
,ui indiquer son ciicmin, ou de la réveiller
si elle était encore trop allachéc au cor[)S.
CONDÉ. On lit dans une lettre de ma-
dame de Sévigné au président de Monceau
que, trois semaines avant la mort du grand
Condé, pendant qu'on l'allendait à Fonlai-
neblcau, M. de Vernillon, l'un de ses gen-
tilshommes, revenant de la chasse^ sur les
trois heures, et aporoehant du château de
Cliantiliy (séjour ordiu:»ire du prince), \'n, à
une fenêtre de son cabinet, un faiilôme re-
vé'iu d'une armure, qui semblait garder un
homme enseveli ; il descendit de (heval, et
s'approcha, le voyant toujours; son valet vit
la môme chose et l'en avertit. Ils demandè-
rent la clef du cabinet au concierge; mais
ils en tiouvèrent les fenêtres fermées, et un
silence qui n'avait pas été troublé depuis six
mois. On conta cela au prince, qui en fut un
peu frappé, qui s'en moqua cependant ou
parut s'en moquer; mais tout le monde sut
cette histoire et trembla pour ce prince, qui
mourut trois semaines aprô'^
CONDOR.MANTS, si ctiires qui parurent
en Allemagne au treizième et au seizième
siècle, et qui durent leur nom à l'usage qu'ils
avaient de coucher tous ensemble, sous pré-
texte de charité. On dit que les premiers
adoraient une image de Lucifer et qu'ils en
tiraient des oracles.
CONFERENTES, dieux des anciens, dont
parle Arnobe, et qui étaient, dit Lelojer,
des démons incubes.
CONFUCIUS. On sait que ce philnsonhe
est révéré comme un dieu à la Chine. Ou lui
offre surtout en sacrifice de la soie, dont les
restes sont distribués aux jeunes filles, dans
la persuasion où l'on est que, tant qu'elles
conservent ces précieuses amulettes, elles
sont à l'abri de Ions (lang(!rs.
CONJUKATlilUUS, magiciens qui s'attri-
buent le pouvoir de conjurer les démons et
les tempêtes.
CONJURATION, exorcisme, paroles et cé-
rémonies par lesquelles on chasse les dé-
mons. Dans l'Eglise romaine, pour faire sor-
tir le démon du corps des possédés, on em-
ploie certaines formules ou exorcismes, des
aspersions d'eau bénite, des prières et des
cérémonies instituées à ce dessein (i). — Les
personnes superstitieuses et criminelles qui
s'occupent de magie abusent du mot, et
nom.ment conjuration leurs sortilèges im-
pies. Dans ce sens, la conjuration est un
composé de paroles souvent sacrilèges et de
cérémonies détestables ou absurdcis. ailoptées
[)ar les sorciers pour évoquer les démons.
Ou commence par se placer dans le cercle
magique (Voy. ceecle); puis on récilc les
foruiulcs. Voici (juclquc idée de res procé-
dés. Nous les empruntons aux Grimoires.
Conjuration universelle pour les esprits.
« Moi (on se nomme), je te conjure, esprit
(on nomme l'esprit qu'on veut évo(iuer), au
(I) Bcriçier, Diclii(iin;iire lli.'olog.
Diction?), drs sciejjcks occcltes. I.
TON
591
nom du grand Dieu vivani, de m'apparaîtro
en telle forme (on l'indique) ; sinon, saint
Michel archange, invisible, te lounroiera
dans le plus profond des enfers; viens donc,
(on nomme l'esiirit', viens, viens, viens, pour
faire ma volonté. »
Conjuralioîi d'un livre magique,
a Je vous conjure et ordonne, esprits, tous
et autant que vous éles, de recevoir ce livre
en bonne part, afin que toutes fois que nous
lirons ledit livre, ou qu'on le lira étant ap-
prouvé et reconnu être en forme et en va-
leur, vous ayez à paraître en belle forme
humaine, lorsqu'on vous appellera, selon que
le lecteur le jugera, dans toutes circon-
stances. Je vous conjure de venir aussitôt la
conjuration faite, afin d'exécuter, sans re-
tardement, tout ce qui est écrit et menlionné
en son lieu dans ce dit livre : vous ohéirez.
vous servirez, enseignerez, donnerez, feri z
tout ce qui est en votre puissance, en utilité
de ceux qui vous ordonneront, le tout sans
illusion. — El si par hasard quelqu'un des
esprits appelés parmi vous ne pouvait venir
ou paraître lorsqu'il serait requis, il sera
tenu d'en envoyer d'autres, revêtus de son
pouvoir, qui jureront solennellement d'exé-
cuter tout ce que le lecteur pourra deman-
der; en vous conjurant tous, par les Irès-
saints noms du tout- puissant Dieu vi-
vant, etc
Conjuration des démons.
« Alerte, venez tous, esprits. Par la vertu
et le pouvoir de votre roi, et par les sept cou-
ronnes et chaînes do vos rois, tous esprits
des enfers sont obligés d'apparaître à moi
deva it ce cercle, quand je les appellerai.
Venez tous à mes ordres, pour faire tout ce
((ui est à voire pouvoir, étant recommandés ;
venez donc de l'orient, rnidi, occident et sep-
tentrion ; je vous conjure et ordonne, par la
vertu et |)uissance de celui qui est Dieu, etc.
Conjurations pour chaque jour de la semaine.
Pour le lundi, à Lucifer. Celte expérieneo
se fait souvent depuis onze heures jusqu'à
douze, et depuis trois heures jusqu'à quatre.
11 faudra du charbon, de la craie bénite,
pour faire le cercle, autour dti(|uel on écrira:
« Je le défends, Lucifer, par le nom (pie tu
crains, d'entrer dans ce cercle. » Ensuite on
récite la formule suivante : — «Je te con-
jure, Lucifer, par les noms ineffables On.
Alpha, Ya,lley, Soi, Messias, Ingndum, etc. .
que tu aies à faire, sans me nuire (on dési-
gne sa demande).
Pour le mardi, à Nambroth. Celte expé-
rience se fait la nuit, depuis neuf heures
jusqu'à dix; on doit donner à Nambroth la
première pierre que l'on trouve, pour étri'
reçu de lui en dignité et honneur. On procé-
dera de la façon du lundi ; on fera un cercle
autour dii(]uel on écrira : «Ohéis-moi, Nam-
broth, obéis-moi, par le nom que tu crains. »
On récite, à la suite, celte formule : — >< Je
te conjure, Nambroih, et te commande! par
tous les noms par lesquels lu peux être con»
Irainl et lié, de faire telle chose. »
13
39t.
Pour II" iiii'ic r«'tii, à Aslaroili. CcUo expé-
rience se l'ail lu nuit, deiiuis dix heures jus-
qu'à onze; on le conjure pour avoir les
bonnes grâces du roi el des autres. On écrira
dans le cercle : « Viens, Aslarolh ; viens, As-
tarolh; viens, Astarolh ; » ensuite on réci-
tera cette formule : — « Je te conjure, Asta-
roth, méchanl esprit, par les paroles et
vertus de Dieu, elc. »
Pour le ji'udi, à Acham. Celte expérience
se fait la nuit, de trois heures à (jualre ; il
paraît en forme de roi. 11 faut lui donner un
morceau de pain lorsqu'on vcul qu'il parte.
On écrira autour du cercle : « Par le Dieu
saint—, Nasim, 7, 7, H. M. A.; » ensuite ou
récitera la Ibrmule <iui suil : — « Je le con-
jure, Acham; je le commande par tous les
royaumes de Dieu, agis, je t'adjure, etc. »
Pour le vendredi, à Béchet. Celte expé-
rience se fait la nuit, de onze heures à douz<';
il lui faut donner une noix. On écrira dans
le cercle : « Viens, Béchet; viens, Béchet;
viens, Béchet ; » et ensuite on dira cette con-
juration : — « Je te conjure, Béchet, et te con-
trains de venir à moi ; je te conjure de re-
chef, de faire au plus tôt ce que je veux, qui
est, etc. »
Pour le samedi, à Nabam. Cittc expérience
se fait de nuit, de onze heures à douze, et
silôl qu'il parait il lui faut donner du pain
brûlé, et lui demander ce qui lui fait plai-
sir : on écrira dans son cercle : « N'entre
pas, Nabam; n'entre pas, Nabam; n'enln^
pas, Nabam ; » et puis ou récitera la conju-
raiion suivante • — » Je te conjure Nabam, au
nom de Satan, au nom de Béelzcbulh, au
nom d'Astarolh cl au nom de tous les es-
prits, elc. »
Pour le dimanche, à Aquiel. Celle expé-
rience se fait la nuit, de minuit à une heure;
il demandera un poil de votre tête ; il lui
faut donner un poil de renard ; il le prendra.
On écrira dans le cercle : « Viens, Aquiel;
viens, Aquiel ; viens, Aquiel. » En.suite on
récitera la conjuration suivante : — « Je te
conjure, Aquiel, par tous les noms écrits
dans ce livre, que sans délai tu sois ici tout
prêt à m'obéir, etc. »
Conjuration très- forte, pour tous les jours
et à toute heure du jour et de la nuit, pour
les trésors cachés tant par les hommes que
par les esprits.
« Je vous commande, démons qui résidez
en ces lieux, ou en quelque partie du monde
que vous soyez, et quelque puissance qui
vous ait été donnée de Dieu el des saints
anges sur ce lieu uiénie, je vous envoie au
plus profond des abiines infernaux. Ainsi,
allez tous, maudits esprits et damnés, au
leu éternel qui vous est préjiaré et à tous vos
compagnons. Si vous mêles rebelles el déso-
liéissan's, je vous contrains et commande
par toutes les puissances de vos supérieurs
•tenions, de venir, obéir et répondre positi-
vement à ce que je vous ordonnerai au nom
de J.-C, elc. » Voy. Pierre d'Atone, etc.
Nous n'avuns f.iil t]uindi(iuer ces slupidi-
lés inconcevables. Les coiumentaires so'.il
'uutilcs. Vov. K\ocAiioNs.
LICTIONNAIRK DES SCIENCES CCCL'LTES. S96
CONJUUKUHS DE TEMPÊTF.S. Les ma-
rins superstitieux donnent ce nom à cer-
tains ôlres, marins comme eux, mais en
commerce avec le diable, de qui ils obtien-
nent le pouvoir de commander aux vents.
Ce pouvoir réside dans un anneau de fer
qu'ils portent au petit doigt de la main
droite, et les soumet à certaines conditions,
comme de faire des voyages qui ne dépassent
pas lin mois lunaire, de n'être jamais à terre
plus de trois jours. Si ces conditions n'ont
pas été observées, on n'apaise l'esprit maître
de l'anneau qu'en luttant avec lui, cetjui est
périlleux , ou en jetant un homme à la mer.
CONSTANTIN. Tout le monde sait que,
frappe de l'apparition d'une croix miracu-
leuse, et de l'avis qui lui était donné qu'il
vaincrait par ce signe, Constantin le Grand
se convertit et mil la croix sur ses étendards.
Jusqu'au seizième siècle, aucun écrivain
n'avait attaqué la vision de Constantin ; tous
les monuments contemporains attestent ce
miracle. Mais les protestants, voyant qu'il
pouvait servir à autoriser le culte de la
croix, ont entrepris d'en faire une ruse mi-
litaire Les philosophes du dernier siècle
n'onlpas manqué de copier leurs déraison-
nements.— J.-B. Duvoisin, évêque de Nantes,
el l'abbé de TEslocq, docteurs en Sorbonne,
ont publié des dissertations sur la vision do
Consiantin.
Dissertation historique sur la vision de Con"
slanlin. [Par le Père Du Moulinet, biblio~
ihécaire de sainte Geneviève (1).
La recherche des médailles cl leur expli-
cation ne sont pas une curiosité vaine et
inutile. On y trouve de grands secours pour
les lettres, pour les coutumes el les usages
des anciens, et particulièrement pour l'His-
toire. Les lumières que le cardinal Baroiiius
el les autres historiens en ont reçues en plu-
sieurs occasions, ne donnent pas lieu d'en
douter. Nous en avons une nouvelle preuve
dans la confirmation que le Père du Mouli-
net tire de ces sortes de monuments pour
l'apparition que l'empereur Consiantin eut
de la Croix de Noire-Seigneur avant de don-
ner le combat contre Maxence.
« L'Histoire nous fournit trois témoigna-
ges si authentiques de celle vision, qu'il y a
sujet de s'étonner qu'un auteur qui a écrit
depuis quatre ans (2) sur les médailles, ail
eu la témérité d'avancer que ce n'était qu'une
illusion.
« Eusèbe nous assure qu'il en avait appris
l'histoire de la bouche môme de Constantin.
S. Aricmius qui avait porté les armes sous
cet empereur en sa jeunesse, se souvenait
encore très-bien sur le déclin do son âge, du
cette apparition, dont il avait été ipectaluiii'
avec toute l'armée. Lactance, précepteur du
fils de Constantin, en fait mention dans son
traité de la Mort des Persécuteurs. Ces trois
(l| Journal des Savants, année tC8t, n» 11.
(2) Cl' ne peut être (iiie Jacipies Olselins qui piililia en
11177, à Aiiis:er(J:iiii soii Tliesduiut seli'Ctoruin Nmmsnuh-
Uiin âitt.quurum, iii-i".
807
CON
CO.N
à»!i
témoins (1) qui dcposrnt de ce (i<i'i!s onl vu,
f t de ce qu'ils onl ouï dans le Irnips m<^me,
ne sonl-ils pns plus croyables que les centu-
rialours de M/igdebourg, qtii conlestciit ce
miracle si authentique, pour déroger à l'hon-
neur que l'on doit à la croix de Jé«us-Christ
et à la véiiéralion <|ue les infidèles mdme lui
ont toujours rendue?
« Les chrétiens reconnaissant que c'est de
la croix qu'ils ont tiré la vie, l'ont toujours
regardée comme la source de leur bonheur;
ils lui ont rendu leur culte et leurs adora-
tions, et ont élevé partout ce trophée de leur
salut dès le conime.ncement même de l'E-
glise. On a trouvé en effet depuis un siècle
en la ville de Meliapour aux Indes, les ves-
tiges d'une église, dressée à ce qu'on tient
par l'apôtre saint Thomas, où il y avait des
croix. Tertullien remarque que les chrétiens
avaient mis en plusieurs endroits la figure
de ce signe salutaire; et Constantin le plaça
sur la porte de son palais, tout enrichi d'or
et de pierreries; mais il lui rendit encore
des honneurs plus particuliers; il le fit pas-
ser, comme dit saint Augustin, a loco sup-^
pliciorum ad frontem imperatorum, depuis
qu'il eut vu ce signe miraculeux qui lui pro-
mettait la victoire contre Maxence.
« Voici comme le tout se passa au rapport
d'Eusèbe qui l'avait appris, comme nous l'a-
vons dit, de la bouche même de cet empe-
reur. Il leur avait donc dit, comme le rap-
porte cet historien, que la veille du jour qu'il
devait donner le combat, savoir le 26 octo-
bre de l'an 312, il vit clairement au ciel, un
peu après midi, le signe de la croix tout bril-
lant de lumière, avec cette inscription: Tu
seras victorieux par la vertu de ce signe (2) ;
ce qui le surprit fort, aussi bien que toute
son armée, qui vit comme lui ce phénomène
miraculeux. La nuit suivante Jésus-Christ
s'apparut à lui durant son sommeil, avec ce
signe céleste ; il lui enjoignit de le faire gra-
ver sur les boucliers de ses soldats , et Con-
stantin le porta depuis sur son casque, comme
on le voit dans plusieurs médailles de cet
empereur.
« Le même Eusèbe fait aussi la peinture
du labarum ou étendard que Constantin fit
faire en cette manière. C'était un grand bâ-
ton en forme de pique, qui en avait un autre
plus petit en travers, lequel composait une
croix, et d'oii pendait une bannière carrée
d'une élofTe de pourpre fort précieuse, enri-
chie de broderie d'or, éclatante de pierre-
ries; au-dessus de cette bannière, il y avait
une couronne d'or, qui portait le mono-
gramme de Jésus-Ciirist.
« Constantin se servit de cette mystérieuse
enseigne qu'on appelait /a&«rum, non seule-
ment dans la guerre qu'il cul contre Maxen-
ce, mais encore contre ses autres ennemis,
et il en ressentit toujours des effets merveil-
leux. Il destina cinquante des plus braves
officiers de son armée pour la porter tour à
tour, et pour la garder : ceux qui lu portaient
(1) Ou pont ajouter à ces Irnis témoins Socrale, Soto-
Dipiies, Pliilostorgp , tous trois lilstorieus de l'Eglise,
îaiiitOiégoIrcdt'Saziaiizcqui en a [lareilleiiient parlé, etc.
étaient aussi gardés e'. préservés par sa vertu
divine. Car Eusèbe dit qu'il a ou'i raconter à
cet e.-npereur, qu'un jour celui qui la portait
sur son épaule à la tête de l'armée, enten-
dant les cris des ennemis qui venaient avec
fureur, en fut si étonné qu'irdoniia le laba-
rum à un de ses camarades pour prendre la
fuite, mais qu'il n'alla pas loin ayant été
percé d'une flèche. Au contraire, celui qui
avait pris cet étendard, et qui le portait élevé
devant lui ne reçut aucun mal, quoi(iue les
ennemis tirassent sur lui de tous côtés, et
que le bâton qu'il tenait fui tout coiiverl de
flèches, qui y élaienl demeurées atlacliées.
On voit même une médaille de Constantin, qui
a pour revers le labarum orné du monograiri-
me du Christ, gardé par deux soldats, avec
ces mois pour légende : Gloria exercilus.
Les enfants de Constanliu ayant re<-oiiiui
les effets el la vertu de ce signe u.iracnleiix,
s'en servirent à l'exemple de leur père dans
les occasions. Témoin la médaille de Con-
stantin le Jeune, qui a pour revers le labarum
qu'il lient en main avec ces mots: Hocsigno
Victor eris.
« Telle est la vérité de la vision que Con-
stantin eut de la sainte croix; et comme elle
est appuyécî sur des témoignages si authen-
tiques el des preuves aussi solides et aussi
anciennes que le fait même, il y a sujet de
s'étonner qu'on veuille aujourd'hui révo-
quer en doute cet insigne miracle, qui a été
vu en plein jour par tant de personnes, el
par une armée des plus nombreuses.
« Ce qui est constant dans toute celte hi-
stoire est l'apparition en elle-même. Quel-
ques circonstances (|ui varient dans les au-
teurs, montrent qu'ils ne se sont pas copiés
servilement, et prouvent du moins que le
fond en était certain, ce qui suffit pour la
vérité de l'apparition. »
Combien de remarciues ne pourrait-on
pas ajouter à celte dissertation du P. du
Moulinet? ajoute Lenglel Dufresnoy, dans
son Traitédes Visions. On peut voir ce qu'ont
dit de celle-ci le savant Père Pagi sur Baro-
nius, et Tillemonl dans son Histoire si exacte
des Empereurs. Ces témoignages, rendus à la
vérité par de tels écrivains, doivent l'empor-
ter sur les doutes des critiques, à qui rien
ne plaît, que ce qui part de leur incrédule
imagination. Volontiers pour se distinguer
du commun, ils adoptent des fables qui peu-
vent préjudicier à quelque doctrine généra-
lement avouée; mais ils se gardent bien de
croire des points d'histoire, appuyés sur les
preuves communément reçues dans la dis-
cussion des faits historiques.
CONSTANTIN COPRONYME , empereur
iconoclasie de Constanlinople. Il était, dit-
on, magicien. Il conjurait habilement les
démons, dit Leloyer; il évoquait les morts,
et faisait des sacrifices détestables el invoca-
tions du diable. Il mourut d'un l'eu qui le
saisit par tout le corps, et dont la violence
élail telle, qu'il ne faisait que crier (3).
(5) Hoc signe vinces.
(3) l.eloyer, Hisl. des spcclres et des apparitions dos
eipnls, liv. IV. cil. vi, p. ZOÎ.
'99
DlCTIONNAtUE DES SCIENCES OCCtLTES
^00
CONSTELLATIONS. 11 y en a douze, qui
yonl les douze siiïiies du zodiaque, et que
les îisirologucs appellent les douze maisons
du soleil, savoir; le bélier, le laureau, les
pcnieaux, lécrevisse, le lion, la vierge, la
balance, le scorpion, le sagillaire, le capri-
corne, le verseau et les poissons. On les dé-
signe Irès-bien dans ces deux vers lechni-
ques, que loul le monde connaît :
Snnl arios, taurus, gemini, cancpr, Ico, virgo,
Libiaque, scorijius.arciU'npiis.capcr, ampliora, pisces.
On dit la bonne aventure par le moyen de
ces constellations. Voy. Houoscopes et As-
trologie.
CONTUE-CHARMES. charmes qu'on em-
ploie pour détruire l'effet d'autres cbarmes.
Quand les charmeurs opèrent sur des ani-
maux ensorcelés, ils l'ont des jets de sel pré-
parés dans une écuclle avec du sang tiré
d'un des animaux maléGciés. Ensuite ils ré-
citent pendant neuf jours certaines formules.
Voy. Gratianne, Amulettes, Sort, Malé-
fices, Ligatures, etc.
CONVULSIONS. Au neuvième siècle, des
personnes suspectes déposèrent dans une
église de Dijon des reliques qu'elles avaient,
disaient-elles, apportées de Rome, et qui
étaient d'un saint dont elles avaient oublié
le nom. L'évêque Théobald refusa de rece-
voir ces reliques sur une allégation aussi
vague. Néanmoins, elles faisaient dus prodi-
ges. Ces prodiges étaient des convulsions
dans ceux qui venaient les révérer. L'oppo-
sition de l'évêque Ot bientôt de ces convoi-
tions une épidémie; les femmes surtout s'em-
pressaient de leur donner de la vogue. Théo-
bald consulta Amolon, archevêque de Lyon,
dont il était suffragant. « Proscrivez, lui ré-
pondit l'évêque, ces fictions infernales, C( s
hideuses merveilles, qui ne peuvent être que
des prestiges ou des impostures. Vit-on ja-
mais, aux tombeaux des martyrs, ces funes-
tes prodiges qui , loin de guérir les malades,
font souffrir les corps et troublent les es-
prits?... »
Cetle espèce de manie fanatique se re-
nouvela quelquefois; elle fil grand bruit au
commencement du dix-huitième siècle; et
on prit encore pour des miracles les convul-
sions, les contorsions et les grimaces d'une
foule d'insensés. Les gens mélancoliques et
atrabilaires ont beaucoup de dispositions à
tes jongleries. Si dans le temps surtout où
leur esprit est dérangé, ils s'appliquent A
lever fortement, ils finissent toujours par
tomber en extase, et se persuadent qu'ils
peuvent ainsi prophétiser. Cetle maladie se
communique aux ';sprils faibles, et le corps
s'en ressent. De là vient, ajoute Rrueys (Ij,
que, dans le fort de leurs accès, les convul-
sionnaires se jettent par terre, où ils demeu-
rent quelquefois assoupis. D'autres fois, ils
sagitenl extraordinairenient; et c'est en ces
différents états qu'on les entend parler d'une
(I, Préfacpde PHisloire du FanatisniP.
(i) Carré de Monlgeron a recueilli ces merveilles en
iriiis f-ros Yoliinios iii-4°, avec ligurc"!. Voici un de ces
minicles raj'porlû dans unp cIi;jii50ii île inaJ.ime la Uu-
voix étouffée, et débiter toiiles les extrava-
gnncesdoiit leur folle iiiinginalioiiest remplie-
Tout le monde a entendu parler des con-
vulsions et des merveilles absurdes qui
euri'nl lieu, dans ia capitale de la Fr.inec,
sur le tombeau du diacre l'âris. homme in-
connu pendant sa vie, et trop célèbre après
sa mort (2). La frénésie fanatique alla si
loin, que le gouvernement fut obligé, en
1732, de fermer le cimetière Sainl-iMcdard,
où Paris était enterré." Sur quoi un plaisant
fit ces deux vers :
De par le roi, défense à tJieu,
D'opérer miracle en ce lieu.
Dès lors les convulsionnaires tinrent leurs
séances dans des lieux particuliers, et se
donnèrent en spectacle cerlains jours du
mois. On accourait pour les voir, et leur ré-
putation surpassa bientôt celle des bohé-
miens ; puis elle tomba, tuée par l'excès et
le ridicule.
COi'EKNIC, astronome célèbre, mort en
15't3. On dit communément que son système
fut condamné par la cour de Rome : ce qui
est faux et controuvé. 11 vivait à Rome d'un
bon canonical, et y professait librement Ga-
stronomie. Mais voyez à ce sujet larlicle Ga-
lilée.
COQ. Le coq a, dit-on, le pouvoir de met-
tre en fuite les puissances infernales; et
comme on a remarqué que le démon, qu'on
appelle le lion d'eafer, disparaît dès qu'il
voit ou entend le coq, on a répandu aussi
cette opinion que le chant ou la vue du coq
épouvante et fait fuir le lion. C'est du moins
le sentiment de Pierre Delancre.
« Mais il faut répondre à ces savants, dit
M. Salgues (3), que nous avons des lions
dans nos ménageries; qu'on leur a présenté
des coqs; que ces coqs ont chanté , et qu'au
lieu d'en avoir peur, les lions n'ont témoigné
que le désir de croquer l'oiseau chanteur;
que toutes les fois qu'on a mis un coq dans
la cage d'un lion, loin que le coq ait tué le
lion, c'est au contraire le lion qui a mangé
le coq. »
On sait que tout disparaît au sabbat aus-
sitôt que le coq chante. On cite plusieurs
exemples d'assemblées de démons et de sor-
cières que le premier chant du coq a mises
en déroule; on dit irêoie que ce son, qui est
pour nous, par une sorte de miracle perpé-
tuel, une horloge vivante, force les démons,
dans les airs, à laisser tomber ce qu'ils por-
tent : c'est à peu près la vertu qu'on attribue
au son des cloches. Pour empêcher le coq de
chanter pendant leurs assemblées nocturnes,
les sorciers, instruits par le diable, ont soin
de lui frotter la tête et le front d'huile d'o-
live, ou de lui mettre au cou un collier de
sarment.
Beaucoup d'idées superslitieuses se ratta-
chent à cet oiseau , symbole du courage el
chesse du Maine :
Un dikroUeur à la royale.
Bu l:ilon gmiclie esiropié,
Oliliiit, pour grâce spéciale.
D'être lioitpux île l'aulro pié.
{'>) Vus Erreurs cl d'-s préj'igc^, eic, pr<f^ce.
40 f
COR
COR
4»J
de la vigilance, vieil emblème des Françiiis.
On dil qu'un jour Vitellius rendant la jus-
lice à Vienne en Dauphiné , un coq vint se
percher sur son épaule; ses devins décidè-
rent aussitôt que l'empereur tomberait sûre-
ment sous un Gaulois ; et , en effet, il fut
vaincu par un Gaulois de Toulouse.
On devinait les choses futures parle moyen
du coq (Voy. Alectryomancie).
On dit aussi qu'il se forme dans l'estomac
des coqs une pierre qu'on nomme pierre alec-
loriennc, du nom grec de l'animal. Les an-
ciens accordaient à cette pierre la propriété
de donner le courage et la force : c'est à sa
vertu qu'ils allribuaicnt la force prodigieuse
de Milon de Crotone. On lui supposait enco-
re le don d'enricliir, et quelques-uns la re-
gardaient comme un philtre qui modérait la
soif.
On pensait encore autrefois qu'il y avait
dans le coq des vertus propres à la sorcelle-
rie. On disait qu'avant d'exécuter ses malé-
fices, Léonora Galigaï ne mangeait que des
crêtes de coq et des rognons de bélier qu'elle
avait fait charmer. Ou voit, dans les accusa-
tions portées contre elle, qu'elle sacriQail des
coqs aux démons (1).
Certains Juifs, la veille du chipur ou jour
du pardon, chargent de leurs péchés un coq
blanc qu'ils étranglent ensuite , qu'ils font
rôtir, que personne ne veut manger, et dont
ils exposent les entrailles sur le toit de leur
maison.
On sacrifiait, dans certaines localités su-
perstitieuses , un coq à saint Christophe ,
pour en obtenir des guérisons.
On croyait enfin que les coqs pondaient
des œufs, et que, ces œufs étant maudits , 11
en sortait un serpent ou un bas'.lic. « Cette
superstition fut très-répandut; on Suisse; et,
dans une petite clironi(iue de BâiL' , Gross
raconte sérieusement qu'au mois d'août li7'i.
un coq de celte ville , ayant été accusé et
convaincu de ce crime, fut condamné à mort.
Le bourgeois le biûla publicjuemcut avec sou
œuf, dans un endroit nommé Kablenberg, à
la vue d'une grande multitude de person-
nes (2). » Voy. Basilic, Mariage, etc.
CORAIL. Quelques auteurs ont écrit que
le corail a la vertu d'arrêter le sang et d'é-
carter les mauvais génies. Marsile Ficin pré-
tend que le corail éloigne les terreurs pani-
ques et préserve de la foudre et de la gréie.
Liceti en donne celte raison, que le corail
exhale une vapeur chaude qui, s élevant en
l'air, dissipe tout ce qui peut causer la grêle
ou le tonnerre.
Brown, dans ses Essais sur les erreurs po-
pulaires, Ml qu'il est lanlé de croire que l'u-
sage de mettre des colliers de corail aa cou
des enfants , dans l'espérance de leur faire
sortir les dcnls, a une origine superstitieuse,
et que l'on se servait autrefois du corail
comme d'une amulette ou préservatif contre
les sortilèges.
CORBEAU, oiseau de mauvais augure, qui,
(I) M. GariiK'l, llisloirp de la m;igie en France, p. 100.
{i) OicUoiiuaiie d'jiiCL'Oulns suisses, p. Ui.
dans les idées superstitieuses , annonce des
malheurs et quelquefois la mort. Il a pour-
tant des qualités merveilleuses. Le livre des
Admirables secrets d'Albert le Grand dit que
si l'on fait cuire ses œufs, et qu'ensuite orj
les remette dans le nid où on les aura pris,
aussitôt le corbeau s'en ira dans une île où
Alogricus, autrement appelé AIruy, a été en-
seveli , et il en apportera une pierre avec
laquelle, touchant ses œufs, il les fera reve-
nir diins leur premier étal ; « ce qui est tout
à fait surprenant. » Cette pierre se nomme
pierre indienne, parce qu'elle se trouve or-
dinairement aux Indes.
On a deviné, par le chant du corbeau, si
son croassement peut s'appeler chant. M. Bo-
ry de Saint-Vincent trouve (jue c'est un lan-
gage. On l'interprète en Islande pour la con-
naissance des affaires d'Etat. Le peuple le re-
garde comme instruit de tout ce qui se passe
au loin, et annonçant aussi très-bien l'avenir.
Il prévoit surtout les morts qui doivent frap-
per une famille, et vient se percher sur le
toit de la maison, d'où il part pour faire le
tour du cimetière, avec un cri continu et des
inflexions de voix. Les Islandais disent qu'un
de leurs savants, (|ui avait le don d'entendre
l'idiome du corbeau , était , parce moyen,
instruit des choses les plus cachées.
Hésiode avance que la corneille vit huit
cent soixante-quatre ans, tandis que l'hom-
me ne doit vivre que quatre-vingt-seize ans,
et il assure que le corbeau vit trois fois plus
que la corneille : ce qui fait deux mille cinq
cent (juatre-vingl-douze ans.
On croit, dans la Bretagne, ([uedelix cor-
beaux président à chaque maison, et qu'ils
annoncent la vie et la mort. Les habitants du
Finistère assurent encore que l'on voit, sur
un rocher éloigné du rivage, les âmes de leur
roi Gralon et de sa fille Dahut, qui leur ap-
paraissent sous la forme de deux corbeaux ;
elles disparaissent à l'œil de ceux (jui s'en
approchenl (3). Voy. Odin, Cicéron , Augu-
res, etc.
Légende du jugement des corbeaux.
Au haut du chemin de Saint-Jacques, qu'on
nomme aujourd'hui à Bruxelles la rue de la
Madeleine , il y avait jadis un cabaret de
grande renommée. On l'appelait le caban t
de la Haute-Pinte. On croit qu'il llorissait
déjà au dixième siècle. Quand l'empereur
Othon II habitait cette ville alors peu éten-
due, on voyait dans son voisinage une mai-
son de plaisance où l'on se rendait par un
chemin qui est à présent la rue de l'Empe-
reur; et déjà l'on ajoute que l'estaminet de
la Uaule-Pinte était prospère.
Vers l'an 9o0 , il n'y avait pas encore d&
puissance organisée dans ce pays; proba-
blement, ce fut Hi'uri 1" qui commença la
série des ducs de Bi abant, (luoique des ama«
leurs fassent remonter ce litre jusqu'à Pépin
de Landen, cl d'autres môme jusqu'à Salvius-
Brabo, qui, investi par César du pouvoir su»
(5) Omibry, voyage dans le FinislèrB, t. II, p. 2Si-.
iO-> DiCI lONNAUlE UES SCIENCES OCCULTES.
nrêiiie sur ces contrées, donna son nom à
a principale [)rovince de la Belgique. C'était
404
Conrad le Roux, qui, duc de la France lllié-
naneeu 9a0, devait passer pour suzerain de
Itruxclles. C«'tle ville, née dans l'île de Sainl-
(:éry, s'avançait à peine juscîu'à la Graude-
IMatc actut'llê, qui était un élan;; ses envi-
rons app.irlenaient à sept puissants sei-
gneurs. Possesseurs du sol et souverains des
iiabilants , ils n'y purent cepend.inl aussi
«•oinplétcment qu'en Allemagne établir la
hiérarchie féodale.
Le premier de ces seigneurs était Huygs ,
seigneur de la Kantcrsteen, dont le nom n'a
pas encore péri dans Bruxelles; son château
s'élevait au coin de la rue des Sols, vis-à-vis
le cabaret; l'avenue large et spacieuse qui
conduisait à ce manoir en a gardé le nom.
Après lui venait ser Leeuws, ou sire Lion,
seigneur de Maxitnilianstecn, de qui vient le
nom de la rue Maximilienne, et non de l'em-
pereur allemand, comme quelques-uns l'ont
cru. On a dit aussi que ser Leruws ayant un
lion pour insigne, avait donné à son pays le
Lion Belgique; c'est une autre erreur. Vous
pouv<z lire dans la chronologie de Thomas
Biaise, que le pi ux Hililegard , (]ui vivait à
la cour de Sunnon, l'un des rois francs, pré-
décesseurs doMérovée, prédit que les aigles
romaines seraient un jour terrassées par le
Lion Franco -Belge; et en effet, depuis l'éta-
blissement des Francs dans la Campine en
t:80, on vous soutiendra que les fiaules du
Nord ont toujours eu le lion à leur bannière.
Les cinq autres seigneurs, beaucoup moins
importants, étaient Steenwegs, seigneur de
Valkenbourg ; Caudenberg, seigneur de
Zouthujs, ou, selon d'autres, Zouthuys, sei-
gneur de Caudcnberg ; Uoelofs ou Uodolphe,
seigneur de Hoysteen; Sweerts , seigneur de
l'aëhuys ; et Hotlenbeek , seigneur de Plat-
t sticn. Son château était à la rue de la
Pierre Plate (plallesteen) qui a conservé son
nom. Plusieurs autres ruesportent encore en
ilamand les noms de ces seigneurs.
Or , en celte même année 950 , les hommes
moins inventifsquenoas ne le sommes deve-
nus, trouvèrent pourtant (car ils trouvaient
quelquefois) le secret de fabriquer celte bièic
exquise que, depuis le seizième siècle, on ap-
pelle faro, et qui est demeurée sans contre-
dit l'une des premières bièriîs du monde. On
a dit à tort qu'elle n'avait été inventée qu'au
treizième siècle, puisqu'on en buvait à la
cour de Jean 1". On a avancé qu'elle se
nommait faro, d'un vieux mot français qui
s'écrit faraud aujourd'hui , et qui veut dire
élégant et riche, parce que cette bière, per-
fectionnée au treizième siècle, n'était desti-
née qu'aux gens aisés ; mais elle fiit nommée
faro par les espagnols venus à la suite de
tlharles-Quint, parce qu'au premier aspect
i!s 1.1 prirent pour du vin de Faro en Portu-
gal, dont el'c a la couleur dorée.
(j'est aussi des Esp.ignols quVst venu le
mol estaminet, cstaminetlo dans leur langue,
roulant dire réunion ou petite assemblée.
Dans tous les cas , César et Tacite nous
apprennent que de leur temps, on faisait de
bonne bière en tout ce pays; que déjà on en
employait l'écume à la levure du pain. Alors
pareillement, il y avait de grands vignobles
à Etterbeek et à Saint-Josse-len-Noode.
Mais revenons à notre simple histoire
Nous remettrons donc en avant ce fait, qu'er.
950, deux Bruxellois de la banlieue ou de
Vexlra muros, habitant l'un la seigneurie de
Kantersteen, l'autre les domaines de sir
Steenwegs , prétendirent tous deux avoir
trouvé le secret du faro. LeseigneurHugues,
qui était grand buveur, et pour qui, dans la
suite , on fit le lembeek , avait promis une
récompense encourageante à celui de ses
voisins qui perfectionnerait la bière Cette
prime était l'exemption à perpétuité de tout
impôt. Maître Géry Knaps , maître de l'esta-
minet de la Haute-Pinte, fut, à ce qu'on croit,
le véritable inventeur. Mais Jean Munters ,
qui tenait cabaret dans la rue de IaKanter-.
steen, se présenta comme l'ayant imaginée
aussi. Il avait pour enseigne ; La bouteille
de Brabant. Sir Hugues qui se faisait vieux,
fit comparaître les parties en sa présence et
dégusta longuement et gravement leurs li-
quides. La comparaison qu'il en voulut ana-
lyser dura trois jours ; plusieurs brocs y
passèrent. Les deux cabaretiers ayant eu
également bon succès, sir Hugues ne sut rien
décider et confessa en conscience qu'ils
avaient tous deux parfaitement travaillé.
Ne voulant pourtant récompenser qu'un
seul industriel , il déclara qu'il fallait , pour
connaître qui avait inventé le premier,
s'en rapporter à une épreuve, par le juge-
ment de Dieu. On sait que ce jugement se
rendait par le sort ou par le combat. Les ca-
baretiers sont peu guerroyeurs : la pinte et
la bouteille ne se soucièrent pas de se heur-
ter. On chercha l'autre moyen.
11 y avait encore dans le pays une vieille
coutume qui venait des Druides, et qu'on
employait (luelquefois. Dans les querelles
embrouillées, où les plaideurs ne voulaient
se battre ni à l'épée ni au bâton, deux cor-
beaux devenaient arbitre du procès. Les
parties mettaient sur une planche deux gâ-
teaux de farine, détrempée avec de l'huile,
dos œufs et un peu de vieux vin ; ils por-
taient ces deux gâteaux au bord du lac,
d'ixelles, après quoi on lâchait deux cor-
beaux qui mangeaient un des gâteaux en
entier etéparpillaicnt l'autre. La partie dont
le gâteau n'élaitqu'éparpillégagnaitsa cau-e.
Il est facile de l'aire de l'esprit. Saint-Fuix
a dit que cette ordalie était un emblème par
lequel les Druides ont prophétisé la façon
dont on rendrait un jour la justice chez nous.
« Les corbeaux sont voraces , ajoute-l-il ;
leur plumage est noir, et la partie qui gagne
est presque toujours aussi ruinée que celle
qui perd. »
Quoiqu'il en soit , Jean Munters qui était
fin , ayant mis du vin d'Kiterbeck dans son
gâteau, les deux corbeaux mangèrent celui
de Géry Knaps et ne firent qu'éparpiller le
gâicau de la grosse Bouteille. Munters eut
donc l'excniflion dont il nejouit(iuc jusqu'à
l'avciiemcnt de Jean 1", duc de B:abanl , d^
»os
con
cori
rfl
la maison de Louv<Tiii, qui aiiimil la pieler-
inaii. Mais Icslamiiul do la Bi)uteille de
iBrabant, dans la Kantersieen , a loujours
!ou depuis le corbeau pour emblème. 11 n'en
(reste plus que l'enseigne; le cabaret s'est
) iransporlé ailleurs.
' COKBIÎAU NOIR. Voy. Cauce du sabbat.
COUDE DE PENDU. Les gens crédules pré-
lenda'enl autrefois qu'avec de la corde de
pendu on échappait à tous les dangers et
((u'on était heureux au jeu. Ou n'avait qu'à
se serrer les tempes avec une corde de pendu
pour se guérir de la migraine. On portail un
morceau de cette corde dans sa poche pour
SI- garantir du mal de dents. EnQn, on se sert
de cette expression proverbiale, avoir de la
corde de pendu, pour indi(iuer un bonheur
constant, et les Anglais du menu peuple cou-
rent encore après la corde de pendu (1).
COUDELIERS DOllLÉANS.On a fait grand
bruil de l'affaire descordeliers d'Orléans, qui
eut lieu sousFrançois 1". Les proleslauls s'en
emparèrent; et d'un tort qui est assez mal
établi, on fit un crime, aux moines. C'était
peut-être faire leur éloge que de s'étonner
qu'ils ne fussent pas tous des anges. Voici
l'histoire.
Le seigneur de Saint-Mesniin, prévôt d'Or-
léans, qui donnait dans les erreurs de Luther,
devint veuf. Sa femme élaitcomme lui luthé-
rienne en sccrcl. Il la flt enterrer sans (lam-
beaux et sans cérémonies. Elle n'avait pas
reçu les derniers sacrements. Le gardien et
le custode des cordeliers d'Orléans, indignés
de ce scandale, firent cacher, dit-on, un de
leurs novices dans les voûtes de l'église, avec
des instructions. Aux matines, ce novice fit
du bruit sur les voûtes. L'exorciste, qui pou-
vait bien n'être pas dans le secret, prit lo ri-
tuel, et croyant que c'était un esprit, lui de-
manda qui il était?
Point de réponse.
— S'il était niuef?
Il frappa trois coups.
On n'alla pas plus loin ce jour-là. Le len-
demain et le surlendemain ; le même incideul
èe répéta.
Fantôme ou esprit, dit alors l'exorcisîe,
cs-tu l'âiiie d'un tel?
Point de réponse.
— D'un tel.
Point de réponse.
On nomma successivement plusieurs per-
sonnes enterrées dans l'église. Au noin do
Louise de Mareau , femme de François de
Saint-Mesmin, prévôt d'Orléans, l'esprit
frappa trois coups.
Es-lu dans les flammes ?
Trois coups.
— Es-lu damnée pour avoir partagé les
erreurs de Luther?
Trois grands coups.
Les assistants étaient dans l'effroi. On se
disposait à signifier au seigneur de Saint-
Mesmin denlever de l'église sa luthérienne ;
mais il ne se déconcerta pas. Il courut à
Paris et obtint des commissaires du conseil
M) Salguns, Des Erreurs cl des préjugés, i. I, p. [53.
d'Etat un arrêt qui condamnait huit corde-
liers d'Orléans à faire amende honorable,
pour avoir supposé de fausses apparitions
(i;m).
Une preuve que celte faute était indivi-
duelle, c'est qu'elle fut cnndimnce par l'au-
torité ecclésiastique, tt(iue les huit condam-
nés, dont deux seulement étaient coupables,
le gardien et le custode, furent bannis sans
que p Tsonne n'appelât ni ne réclamât.
CORÉ, compagnon de Dathan cl d'Abiron.
Les mahoinéîans, qui le confondent avec le
batelier Caron, le font cousin-germain do
.Md'isf, qui, le voyant pauvre , lui enseigna
l'alchimie, par le moyeu de laciuelle il acquit
de si grandes richesses qu'il lui fallait qua-
rante chameaux pour porter son or et sou ar-
gent. Il y en a qui prétendent même que
plusieurs chameaux étaient chargés seule-
ment des clefs de ses coffres-forts.
Mo'i'se ayant ordonné aux Israélites de payer
la dîme de tous leurs biens (nous suivons
toujours les auteurs musulmans), Coré refusa
d'obéir, se souleva môme contre son bienfai-
teur jusqu'à répandre sur lui des calomnies
qui allaient lui faire perdre son autorité
parmi le peuple, si Mo'ise ne s'en fût plaint à
Dieu, qui lui permit de punir l'ingrat ; alors
.Mo'ise lui donna sa malédiction, et ordonna
à la terre de l'engloutir, ce qui s'exécuta.
CORNEILLE. Le chant de la rorneill; était
regardé des anciens comme un très-inauvais
présage puurceluiqui commençait une entre-
|)rise : ils l'invoquaient cependant avant le
mariage, parce qu'ils croy.iient que les cor-
neilles, après la mort de l'un ou de l'autre
(•ouple, observaient une sorte de veuvage.
Voy. Corbeau, Auguhes, etc.
Les sorcières ont eu quelquefois des cor-
neilles à leur service, comme on le voit par
la légende qui suit, et qui, conservée par
Vincent de Guillerin {Specl. Iiist. , lib. 20), a
inspiré plus d'une ballade sauvage, en .Angle-
terre et en Ecosse.
La Corneille de Barkleij.
Une vieille Anglaise, de la pciile ville do
Barkiey, exerçait en secret, au onzième siècle,
la magie et la sorcellerie avec grande habi-
leté. Un jour , pendant qu'elle dînait, une
corneille ([u'elle avait auprès d'elle et dont
personnene soupç:)nnail l'emploi, lui croassa
je ne sais quoi de plus clair qu'à l'ordinaire.
Elle pâlit, poussa de profonds soupirs et s'é-
cria : — J'apprendrai aujourd'hui de grands
malheurs.
A peine achevait-elle ces mots, qu'on vint
lui iinnonccr que son fils aîné et toute la fa-
mille de ce (ils étaient morts de mort subite.
Pénétrée de douleur, elle as.scmbia ses autres
enfants , parmi lesquels était un l-on moine
el une sainte religieuse ; elle leur dit en gé-
missant:
Jusqu'à ce jour, je me suis livrée, mes en-
fants, aux arts magiques.Vous frémissez; mais
le passé n'est plus en mon pouvoir. Je n'ai
d'espoir que dans vos prières. Je sais que les
démons --ont à la veille de me posséder pour
me punir de mes crimes. Je vous prie^comma
407
DICIION.NAIUE Di:S SCIENCLS OCCILTES.
403
voire mère, do soulager les toiirnicnls quo
j'endure déjà. Sans vous, ma perle me paraît
assurée, car je vais mourir dans un inslanl.
Renfermez mon corps, enveloppé d'une peau
de cerf, dans une bière de pierre recouverte
de plomb qui; vous lierez par (rois tours de
chaîne. Si, pendant trois nuits, je reste Iran-
<|uille, vous m'ensevelirez la quatrième, quoi-
que je craigne que la terre ne veuille point re-
cevoir mon corps. Pendant cinquante nuits,
chanlci des psaumes pour moi, et que pen-
dant cinquante jours on dise des messes.
Ses enfants troublés exécutèrent ses ordres;
in. lis ce fut sans succès. La corneille, qui sans
douten'élaitqu'undémon, avait disparu. Les
deux premières nuits , tandis que les clercs
chantaient des psaumes , les démons enlevè-
rent, comme si elles eussent été de paille, les
portes du caveau et emportèrent les deux
premières chaînes qui enveloppaient la caisse:
la nuit suivante, vers le chant du coq, tout
le monastère sembla ébranlé par les démons
qui entouraient l'éilifice. L'un d'entre eux, le
plus terrible, parut avec une taille cobissale,
et réclama la bière. Il appela la morte par
son nom; il lui ordonna de sortir. Je ne le
puis, répondit le cadavre, je suis liée.
— Tu vas être déliée , répondit Satan; et
aussitôt il brisa comme une ficelle la troi-
sième chaîne de fer qui restait autour de la
bière; il découvrit d'un coup de pied le cou-
vercle, et prenant la morte par la main, il
l'entraîna en présence de tous les assistants.
Un cheval noir se trouvait là, hennissant fiè-
rement, couvert dune selle garnie partout
de crochets de fer; on y plaça la malheureuse
et tout disparut; on entendit seulement dans
le lointain les derniers cris de la sorcière.
CORNÉLIUS, prêtre païen de Padoue,
dont parle Aulu-Gelle. Il avait des extases, et
son âme voyageait hors de son corps ; le jour
de la bataille de Pharsale, il dit en présence
de plusieurs assistants, qu'il voyait une forte
bataille , désignant les vainqueurs et les
fuyards ; et, à la fin, il s'écria tout à coup que
César avait vaincu (1).
CORNES. Tous les habitants du ténébreux
empire portent des cornes; c'est une parlie
essentielle de l'uniforme infernal.
On a vu des entants avec des cornes, et
Harlholin cite un religieux du monastère de
Saiiii-Jusiin, qui en avait deux à la léle. Le
maréchal de Lavardiu amena au roi un hom-
me sauvage qui portail des cornes. On mon-
trait à Paris, en 1C99 , un Français, nommé
Trouillon,(lont le Iront élailarmé'd'unecorue
de bélier (2). Voyez Cippcs.
Dans le royaume de Naples cl dans d'au-
trescoiilrées, les tomes passent pour un pré-
servatif contre It s sortilèges. On a dans les
maisons des cornes ornées ; et dans la rue ou
dans les conversations, lorsqu'on sou|içoiine
un sorcier, on lui lait discrèiemcnl des cornes
avec les doigts pour paralyser scn intentions
magiques. Ou pend au coii des enfants, com-
me oinemeul, une paire de petites cornes.
(1) Lcloyer, Histoire des spectres, ou Xumr. Ji's
II». IV, tli. jiv, p. ijG.
(■s| nis.
CORNET D'OLDENHOURG, Voy. Olden-
BOt'llG.
CORRESPONDANCE avec l'enfer. Voy.
BiCIlBIGUIRR.
CORSNED, sorte d'épreuve chez les Anglo-
Saxons, qui consistait à faire manger à l'ac-
iMisé à jeun une once de pain ou de fromage
consacré, avec beaucoup de cérémonies. Si
l'accusé était coupable, cette nourriture de-
vait l'étouffer en s'arrêtant dans le gosier;
mais si elle passait aisément, l'accusé était
déclaré innocent.
CORYBANTIASME, espèce de frénésie.
Ceux qui en étaient attaqués s'imaginaient
voir des fanlômes devant leurs yeux, et en-
tendaient continuellement des siïflements. Ils
ouvraient les yeux lorsqu'ils dormaient. Ce
délire sanguin a souvent été jugé possession
du diable par lis démouomanes.
COSINGAS, prince des Cerrhéniens , peu-
ples de Thrace, et prêtre de Junon. Il s'avisa
d'un singulier expédient pour réduire ses su-
jets rebelles. Il ordonna d'attacher plusieurs
longues échelles les unes aux autres, et fil
courir le bruil ((u'il allait monter au ciel, vers
Junon, pour lui demander raison de la déso-
béissance de son peuple. Alors les Thraces,
supersiitieux el grossiers, se soumirent à Co-
singas, et s'engagèrent par serment à lui rester
fidèles.
COSQUINOMANGIE,sorlededivinatiouqui
se pratique au moyen d'un crible, d'un sas,
ou d'un tamis. On mettait un crible surd(s
tenailles, qu'on prenait avec deux doigts; en-
suite on nommait les personnes soupçonnées
de larcin ou de quelque crime secret, et on
jugeait coupable celle au nonade qui le crible
lournait ou tremblait, comme si celui qui te-
nait les tenailles, ne pouvait pas remuer le
crible à sa volonté 1
Au lieu du crible, on met aussi (car ces
divinations se pratiquent encore) un tamis
sur un pivot, pour connaître l'auteur d'un
vol ; ou iioiiimc de même l 'S personnes soup-
çonnées, et le lamis fourneau nom du voleur.
C'est ce qu'en appiille, dans les campagnes,
tourner le 5os. Cette superstition est surtout
Irès-répandue dans la Bretagne (3j. Voy.
Cbible.
COTE. Dieu prit une côle d'Adam, pour en
faire noire mère Eve. Mais il ne faut p<is
croire pour cela, comme f.iit le vulgaire, que
dans les desci ndants d'.Vdain l(;s hoiiiuies ont
une côle de moins que les femmes.
COU. Ou regardait chez les anciens com-
me uu augure favorable une palpitation
dans la parlie gauche du cou, el comme lu
ncsle celle qui avait lieu dans la partie
droite.
COUCHES. On prétendait, en certains pays,
faire accoucher aisémeiil les femmes en liant
leur ceinture à la cloche de l'église, et en soii-
iiaiil trois coups. Ailleurs, la femme en cou-
ches meltail la culotte de son mari. Voy.
AÉTITE.
COUCOU. On croit eu Bretagne, qu'en
(2) M SMigiH'.s, Di^sICrreiir.seldi'siiréjiigés. I. Ht, p. ii>i
tôj .M. CaiiiUry, Vny,i;ji' daus le Fiuialèio, t. tll, ['■ ii ■
iO'»
cou
cou
4ta
complanl le clianl du coucou, on y trouve
l'aDiionce de l'année précise où l'on doil se
marier (l). Silchantclroisfois.onse mariera
dans trois ans, etc.
On croit aussi, dans la plupart des provin-
ces, que si on a de l'argent avec soi la pre-
mière l'ois qu'on entend le chant du coucou,
01) en aura toute l'année. — Le coucou de
Belkis, dontnous ne savonsguère quelenom,
est un des dix animaux que Mahomet place
dans son paradis.
COUCOULAMPONS. anges du deuxième
ordre, qui, quoique matériels, selon les ha-
bitants de Madagascar, sont invisibles et ne
se découvreiilqu'àceuxqu'ils honorent d'une
protection spéciale. 11 y en a dis deux sexes;
ils conlraclent le mariage cnlre eux, et sont
sujets à la mort; mais leur vie est bien plus
longue que celle des hommes, cl leur santé
n'est jamais troublée par les maladies. Leur
corps est à l'épreuve du poison et de tous les
accidents.
COUDRIER. Les branches de cet arbre ont
ser> i à quel(jues divinations. Voy. Baguette
D|l INâTOIHE.
COULEUUS. Pline le naturaliste nous ap-
prend que les anciens liraient des augures et
desprésag 'S de la couleur des rayons du so-
leil, de la lune, des planètes, del'.ilr, etc. Le
noir est le signe du deuil, dit Rabelais, parce
que c'est la couleur des ténèbres, qui sont
tristes, et l'opposé du blanc, qui est la cou-
leur de la lucnière cl de la joie.
COUPE (divination par la), très-usitée
en Egypte dès le temps de Joseph, employée
encore! aujourd'hui. Voy. Hydromancie.
COUPS. En 1582, dit Pierre Delancre (2),
il arriva qu'à Conslanlinople, à Rome et à
Paris, certains démons et mauvais esprits
frappaient des coups aux portes des maisons ;
cl c'était un indice de la morl d'autanl de
personnes qu'il y avait de coups.
COUR INFERNALE. Wierus et d'autres
démonomanes, versés dans l'iiilime connais-
sance des enfers, ont découvert qu'il y avait
là des princes, des nobles, des olliciers, etc.
Ils ont même compté le nombre des démons,
et distingué leurs emplois , leurs dignités el
leur puissance.
Suivant ce qu'ils ont écrit, S ilau n'est plus
trop le souverain de l'enfer; He zébulh règne
•i sa place. Voici l'état aciuel du gouver-
nement infernal.
Princes et granch dignitaires. Belzébuth ,
chef suprême de l'empire infernal, fondateur
de l'ordre de la Mouche.
Satan, chef du parti de l'opposition.
Eurynome, prince de la mort, grand'croix
de l'ordre delà Mouche.
Moloch , prince du pays des larmes ,
grand'croix de l'ordre.
Pluton , prince du feu.
Léonard , grand-maître des Sabbats, che-
valier de la Mouche.
Baalberilh , maître des alliances.
Proserpine , archidiablesse , souveraine
princesse des esprits malins.
(I) M Caiiiliry, Voyage clans lo Ftnisièrp, t. I, p. 173.
{,2} Iiicrédulué Kl iiiéciéancc du surli é;{i', elc, iraita 7,
Ministères. Adrameleck, grand chancelier,
grand'croix de l'ordre de la Mouche.
Astaroth . grand trésorier.
Nergal, chef de la police secrète.
Baal, général en chef des armées infer-
nales , grand'croix de l'ordre de la Mouclio.
Léviathan , grand amiral , chevalier de la
Mouche.
Ambassadeurs. Belphégor, ambassadeur en
France.
Mammon , ambassadeur en Angleterre.
Bélial, ambassadeur en Turquie.
Rimmon, ambassadeur en Russie.
Tliamuz , ambassadeur en Espagne,
Hutgin, ambassadeur en Italie.
Martinet , ambassadeur en Suisse.
Justice. Lucifer, grand-justicier.
Alastor, exécuteur des hautes-œuvres.
Maison des princes. Verdelet, maître des
cérémonies.
Succor-Benoth , chef des eunuques.
Chamos, grand-chambellan, chevalier de
la Mouche.
Melchom , trésorier-payeur.
Nisroch , chef de la cuisine.
Béhemoth, grand échanson.
Dagon , grand panetier.
Mullin, premier valet.de chambre.
Menus-plaisirs. Kobal , directeur des spec-
tacles.
Asmolée, surintendant des maisons de jeu.
Nybbas, grand-paradisle.
Antéchrist , escamoteur el nécromancien.
Boguel l'appelle le singe de Dieu.
On voit que les démonomanes se montrent
assez gracieux envers les habitanis du noir
séjour. Dieu veuille qu'après tant de rêveries
ils n'aient pas mérité d'aller en leur société !
M. Berbiguier a écrit en 1821, après avoir
Iranscrit cette liste des princes de la cour
infernale :
« Celle cour a aussi ses représentants sur
la terre : Moreau , magicien et sorcier à
Paris , représentant de Belzébuth. — Piuil
père, médecin à la Salpêtrière, rep'-ésenlaiit
de Satan. — B innet , employé à Versailles ,
reprc>eiitant d'Eurynome. — Bouge, associé
de Nicolas, représentant de Plutoii. — Ni-
colas, médecin à Avignon , représcntaiit de
Moloch. — Baptiste Prieur, de Moulins , re-
présentant de Pan. — Prieur aîné, son frère,
marchand droguiste , représentant de Liliih.
— Etienne Prieur, de Moulins, représentant
de Léonard. — Papon-Lominy , cousin des
Prieur, représentant de Baalberilh. — Jean-
neton Lavalette, laMansolte el la Vandeval,
représentant de i'archidiablesse Proserpine,
qui a voulu mettre trois diablesses à mes
trousses , elc. (3) » Voy. Berbiguier.
COURILS , petits démons malins, corrom-f
pus et danseurs, dont M. Cambry a trouvé ta
croyance établie sur les côtes du Finistère.
On les rencontre au clair de la lune, sautant
autour des pierres consacrées ou des monu-
ments druidiques. S'ils vous saisissent par la
main , il faut suivre leurs niouvenients ; ils
vous laissent exténués sur la place «luaud ils
p. 57.
(")) Les FarMels, elc , t. I, \k i et 3.
ill
DICTIONNAIRE DES SCIENCKS OCCULTES.
in
1,1 quittent. Aussi les Bretons, dans la nuil,
évitent avec soin les lieux habités par celte
espèce de démons.
On ajoute que les Courils perdirent une
gr.indc partie de leur puissance à l'arrivée
des apôires du catholicisme dans le pays.
Vov. SViLis.
COURONNE NUPTIALE. Chez les habi-
tants de l'Eiitlebuch, en Suisse, le jour des
noces, après le festin et les danses, une
femme velue de jaune demande à la jeune
épousée sa couronne virginale, qu'elle briile
en cérémonie. Le pétillement du feu est ,
dit-on , de mauvais augure pour les nou-
veaux mariés (1).
i COURROIE DE SOULIER. C'était un mau-
vais présage ciiez les Romains , de rompre
la courroie de son soulier en sortant de chez
soi. Celui qui avait ce malheur croyait ne
pouvoir terminer une affaire commencée,
et ajournait celles qu'il s'était proposé d'en-
treprendre.
COURÏINIÈRE. Un gentilhomme breton,
nommé M. de La Courtinière, ayant reçu un
jour dans son château plusieurs seigneurs
ses voisins, les traita bien pendant quelques
jours. Aorès leur départ , il se plaignit à sa
femme de ce qu'elle ne leur avait pas fait
assez bon visage; et, quoiqu'il fît sans doute
ces remontrances avec des paroles honnêtes,
cette femme , d'une humeur hautaine , ne
répondit mol, mais résolut intérieurement
de se venger.
M. de La Courtinière s'étant couché et
dormant profondément, la dame, après avoir
corrompu deux de ses domestiques , leur fit
égorger son mari, dont ils portèrent le corps
dans un cellier. Ils y firent une fosse, l'en-
terrèrent; et ils placèrent sur la fosse un
tonneau plein de chair de porc salée.
La dame , le lendemain, annonça que son
mari était allé faire un voyage. Peu après ,
elle dit qu'il avait été tué dans un bols, en
porta le deuil, montra du chagrin et fit faire
des services dans les paroisses voisines.
Mais ce crime ne resta pourtant pas im-
puni : le frère du défunt, qui venait consoler
sa belle-sœur et veiller à ses affaires , se
protneiianl un jour dans le jardin du châ-
teau , et contemplant un parterre de fleurs
en songeant à son frère, fut pris d'un saigne-
ment de nez qui l'étonna , n'ayant jamais
éprouvé cet accidenl. Au même instant il lui
sembla voir l'ombre de M. de La Courtinière,
qui lui faisait signe de le suivre. Il suivit le
spectre jusqu'au cellier, où il le vit dispa-
raître.
Ce prodige lui ayant donné des soupçons ,
il en parla à la veuve, qui se montra épou-
vantée. Les soupçons du frère se fortifiant
de ce Iroiihle, il fit creuser dans le lieu où il
iivail vu (ilsparaîlrc le fanlôme. On décuu-
>rit le cadavre , qui fut levé et reconnu par
le juge de Quii,i,jer-Corentin. Les coupaliles,
arréiés, furent cniidamiiés, la veuve ( Marie
de Sornin ) , à avoir la tcli- tranchée et tous
les membres de son corps dispersés , pour
(1) Dlctioiiiiairo d'aiieeildles suisses, an mol fions.
Clf) Ariéiduparlonieiililc UicUijrie, t. Il des UissciU-
êlre ensuite brûlés et les cendres jetée» au
vent; les deux domestiques, à avoir la main
droite coupée , et , après , être pendus et
étranglés , leurs corps aussi brûlés (2). —
Cet événement eut lieu vers la fin du sei-
zième siècle.
COURTISANES. Les chrétiens sont bien
étonnés de voir des courtisanes servir de
prétresses dans les Indes. Ces filles . juste-
ment déshonorées chez nous , sont privilé-
giées là depuis l'aventure de l'une d'elles. De-
vendiren, dieu du pays, alla trouver un jour
celte courtisane, sous la figure dun homme,
et lui promit une haute récompense si elle
était fidèle; pour l'éprouver le dieu fit le
mort. La courtisane , le croyant véritable-
ment mort, se résolut à mourir aussi dans
les flammes qui allaient consumer le cada-
vre, malgré les représentations qu'on lui
faisait de ce qu'elle n'était pas mariée. Elle
allait se mettre sur le bûcher déjà ennamiiié,
lorsque Devendiren se réveilla, avoua si
supercherie, prll la courtisane pour sa femme
et l'emmena dans son paradis
CRACA, magicienne qui , au rapport de
Saxon-le-Grammairien , changeait les vian-
des en pierres ou autres objets , aussitôt
qu'elle les voyait posées sur une table.
CRACHAT. Lorsque les sorciers renon-
cent au diable, ils crachent trois fois à
terre. Ils assurent que le diable n'a [ilus
alors aucun pouvoir sur eux. Ils crach;!nl
encore lorsqu'ils guérissent des écrouelles
et font de leur salive un remède.
Les anciens avai<nt l'habitude de cracher
trois fois dans leur sein pour se préserver
de tous charmes et fascinations.
Cracher sur soi : mauvais présage. Voy.
Chevillement.
CRACHAT DE LA LUNE. Les alchimistes
appellent ainsi la matière de la pierre plillu-
sophale avant sa préparation. C'est une
espèce d'^au congelée, sans odeur et sans
saveur, de couleur verte , qui sort de terre
pendant la nuil ou après un orage. Sa sub-
stance aiiueuse est lrès-vol;itlle cl s'évapore
à la moindre chaleur, à travers une peau
extrêmement mince qui la contient. Elle no
se dissoul, ni dans le vinaigre, ni dans l'eau,
ni dans l'esprit de vin ; mais si on la ren-
ferme dans un vase bien scellé, elle s'y dis-
sout d'elle-même en une eau puante. Les
philosophes hermétiques la recueillent avant
le lever du soleil, avec du verre ou du bois,
et en tirent une espèce de poudre blanche
semblable à l'amidon, qui produit ensuite ou
ne produit pas la pierre pliilosophale.
CRAMPE. Les morses ont sur les babines,
comme au-dessous, plusieurs soies creuses.
Il n'y a point de matelot qui ne se fasse une
bague de ces soles , dans l'opinion qu'elles
garantissent de la crampe (3).
CRANOLOGIE. Voy. Phrénologie.
CRAPAUD. Les crapauds tiennent une
pl;ice dans la sorcellerie. Les sorcières les
almeiil et les clioicnt. Elles ont toujours
tiiMisdp l.cngliU-Diifresiioy; «I Leioyer, liv. III, cli. iv.
(j) U. Leliruii, »hrc£t: il.'S Voyages au t'éle-Nord, eb.l.
4)5
eu A
CRI
4U
soin (l'en avoir quelques-uns, qu'elles hiibi-
luenl à les servir, el qu'elles accoutrent de
livrées di; velours vcri.
Pierre Delancre dit que les grandes sor-
cières sont ordinairement assistées de quel-
que démon, qui est toujours sur leur épaule
gauche, en l'orme de crapaud, ayant deux
p(litcs cornes en tête; il ne peut être vu
que de ceux qui sont ou qui ont été sorciers.
Le diable baptise ces crapauds au sabbat.
Jeannette Abadie , et d'autres lemnx'S , ont
révèle qu'elles avaient vu de ces crapauds
habillés de velours rouge , et <]ue!(iues-uns
d- velours noir; ils portaient une sonnette
au cou et une autre aux jambes de derrière.
Au mois de septembre IGIO, un homme se
promenant dans la campagne, près de Bazas,
\il un chien qui se tourmentait devant un
liou; ayinl fait creuser, il trouva deux
grands pots renversés l'un sur l'autre , liés
ensemble <à leur ouverture el enveloppés de
loilo ; le chien ne se calmant pas , on ouvrit
les pots, ijui se trouvèrent pleins de son , au
d dans duquel reposait un gros crapaud velu
lie lalTelas vert (1). C'était à coup sûr une sor-
cière gui l'avait mis là pour quelque malénce.
Nous rions de ces choses à présent; mais
c'étaient choses sérieuses au seizième siècle,
et choses dont l'esprit ne nous est pas bien
expliqué.
l^e peuple est persuadé, dit M. Salgues (2),
que le crapaud a la faculté de faire évanouir
ceux qu'il regarde fixement , et cette asser-
tion est accréditée par un certain abbé Rous-
seau, qui a publié, dans le cours du dernier
siècle, quelques observations d'histoire na-
turelle; il prétend que la vue seule du cra-
paud provoiiue des spasmes, des convul-
sions, la mort même. Il rapporte qu'un gros
crapaud, qu'il tenait renfermé sous un bocal;
l'ayant regardé fixement, il se sentit aussitôt
saisi de palpitations, d angoiises, de mouve-
ments contulsifs , et qu'il serait mort infail-
liblement si l'on n'éiaitvenuàson secours
Klien, Dioscoride, Nicandre, jEiius, Gesner,
ont encore éciit que l'haleine du crapaud
était (norlelle, et qu'elle infectait les lieux
où il respire. On a cité l'exemple de deux
amants qui, ayant pris de la sauge sur la-
quelle un crapaud s'était promené, mouru-
rent aussitôt. Mais ce sont là des contes ,
démentis, comme tant d'autres, par les ex-
j)fcrienccs.
Sur les bords de l'Orénoque , s ms doute
pour consoler le crapaud de nos mépris ,
i!e> indiens lui rendaient les honneurs d'un
culte ; ils gardaient soigneusement les cra-
pauds sous des vases, pour en obtenir de la
pluie ou du beau temps, selon leurs besoins ;
et ils étaient tellement persuadés qu'il dé-
pendait de ces animaux de l'accorder, qu'on
les fouettait chaque fois que la prière n'était
pas exaucée (3).
GRAPAUDINE, pierre qui se trouve dans
la tête des crapauds ; les sorcières la recher-
(t) DiOanore/rableaude l'inconstance des démons, ele.
liv. II. (lise. 4, p. 153.
(i) [)e< l>ri"irs eldcs pr(;iii);é«, etc., l. I. p. 42,".
(oj l'i)i;s, Vo>;iyo à la iiariie oiluiilali' do la icrrc ferme
chenl pour leurs maléfices. Plusieurs écri-
vains assurent que c'est un objet très-rare,
et si rare, que quelques-uns nient l'existence
de cette pierre. Cependant Thomas Bro\rn
ne croit pas le fait impossible, puisque, dit-il,
tous 11 s jours on trouve des substances pier-
reuses dans la léte des morues , des carpes,
des gros limaçons sans coquilles. Il en est
qui pensent que ces crapaudines sont des
(oncrélions minérales que les crapauds re-
jettent après les avoir avalées, pour nuire à
l'homme (i). Mais ce ne sont là encore que
des contes ridicules.
CRA POULET, Voy. Zozo.
CRATÉIS, déesse des sorciers el des en-
chanteurs, mère de la fameuse Scylla.
CRESCENCE, cardinal, légat du Saint-
Siège au concile de Trente, qui mourut pai-
siblement en 1532. Jean de Chassanion, hu-
guenot, n'aimant pas ce prince de l'Eglise ,
parce qu'il s'était élevé contre les protes-
tants, a écrit que le diable, en forme de chien
noir, était venu le voir à son dernier moment
et l'avait étranglé (3), ce qui n'est pas vrai.
Mais Voy. Carlostad et Luther.
CRESPET (Pïerue), religieux célesiin ,
mort en 15%, auteur d'un traité contre la
magie , intitulé : Deux livres de la haine de
Satan et des malins esprits contre l'homme, etc.
Paris, 1590, in-8°. Cet ouvrage est rare et
curieux.
CRIBLE. Parler au crible est un ancien
proverbe qui signifi.iit faire danser un lamis
par le moyen de paroles mystérieuses. Théo-
crite nommait les gens qui avaient ce pou-
voir crible-sorciers ou sorciers du crible.
Je me suis trouvé, dit Bodin (6), il ya vingt
ans, dans une maison à Paris , oii un jeune
houune fil mouvoir un lamis sans y toucher,
par la vertu de certaines paroles françaises,
et cela devant une société; et la preuve* dit-il,
que c'était par le pouvoir de l'esprit malin,
cesl qu'en l'absence de ce jeune homme on
essaya vainement d'opérer en prononçant les
mêmes paroles. Voy. GosQui50M.4NcrE.
GRlERlIiNS, faniôines des naufragés, que
les habitants de l'île de Sein, en Bretagne,
croient entendre demander la sépulture, à
travers ce bruit sourd qui précède les orages.
Les anciens Bretons disaient : « Fermons les
portes, on entend les criériens; le tourbillon
les suit. »
CRISTALLCMANCIE, divination par le
moyen du cristal. On lirait des présages des
miroirs et des vases de cristal, dans lesquels
le démon faisait, dit-on , sa demeure. Le roi
Childeric cherchait l'avenir dans les prismes
d'un petit globe de cristal. Voy. ChieiIï.
Les devins actuels prédisent eticore parle
miroir. L'anecdote suivante fera connaître
leur méthode. — Un pauvre laboureu-r des
environs de Sézannc, à qui on avait volé sit
cents francs, alla consulter le devin ; c'était
en 1807. Le devin lui fit donner douze francs,
de, l'Amérique méridionale, t. I.
(tj lliomas Brown, Essai sur les erreurs populaires,
t. I, liv. m, cil. xiii, p. 01:2.
(3) Des (jrands el redoutables jiigempnts de Dieu, p. 6(>
(tj) Démonunuiiie des sorciers, liv. 11, p. \"y\j.
115 DlCTIO^^AmE des
lui mil trois mniiclioirs plies sur les yeux ,
un blanc, un noir il un bleu, lui dit de re-
garder .ilors dans un grand miroir où il fai-
ti.iil venir le diable el tous ceux qu'il voulait
évoi|uer. — Que vojez-vous? lui demaudu-
l-il. — Ri.'n , répondit le paysan.
Là-dessus le sorcier parla fort et long-
temps ; il recommanda au bonhomme de
songer à celui qu'il soupçonnait capable de
l'avoir volé , de se représenter les choses et
les personnes. Le paysan se monta la tète,
et, à travers les trois mouchoirs qui lui ser-
raient les yeux , il crut voir passer dans le
miroir un homme qui avait un sarrau bleu,
un chapeau à grands bords et des sabots. Un
moment après il crut le reconnaître, et il
s'écria qu'il voyait son voleur,
— Eh bien! dit le devin, vous prendrez un
cœur de bœuf, cl soixante clous à laites, que
vous planlo.ez en croix dans ledit cœur ; vous
h? ferez bouillir dans un pot neuf, avec uu
crapaud et une feuille d'oseille : trois jours
après, le voleur, sil n'est pas mort, viendra
vous apporter voire argent, ou bien il sera
ensorcelé.
Le paysan fit tout ce qui lui était recom-
mandé. Mais son argent ne revint pas ; d'où
il conclut que sou voleur pouvait bien être
ensorcelé....
CRITOMANCIE , divination qui se prati-
quait par le moyen des viandes et lies gâ-
teaux. On considérait la pâte des gâteaux
qu'on offrait en sacrifice , et la larine d'orge
qu'on répandait sur les victinies , pour eu
tirer des présages.
CROCODILES. Les Egyptiens modernes
assurent que jadis les crocodiles étaient des
animaux doux ; el ils racontent de la ma-
nière suivante l'origine de leur férocité. Hu-
nieth, gouverneur d'Egypte sous Gisar Al-
Wutacil, calife de B.gdad, ayant fait mellre
eu pièces la statue de plomb d'un grand
crocodile (figure lalismanique) que l'on avait
trouvée en creusant les fondements d'un
ancien temple de païens, à l'heure même du
celle exécution les crocodiles sortirent du
Nil, el ne cessèrent, depuis ce temps, de nuire
par leur voracité (1). Voy. Talismans.
Pline et Plularque témoignent que les
Egyptiens connaissent, par l'endroit où les
crocodiles pondent leurs œufs , jusqu'où ira
le débordeu)eiit du Nil. Mais il serait difficile,
dit Thomas Brown, de comprendre comment
ces animaux ont pu deviner un elTet qui ,
dans ses circonstances , dépend de causes
extrêmemenl éloignées , c'est-à-dire de la
mesure des pluies i*ans l'Elhiopie.
Les habitants de Thèbes el du lac Mœris
rendaient un culte particulier aux croco-
diles. Ils leur mettaient aux oreilles des
pierres précieuses et des ornements d'or, et
les nourrissaient de viandes consaciées.
Après h'ur morl , ils les embaumaient et les
dé|)osaient en des urnes que l'on portait dans
Je laltyrintlK; qui servait de sépulture aux
rois. Les Ombiies poussaient méuie la su-
'.I) l.eiover, Ilist. et ilibc. des siiec.lres, cLc, liv. IV,
th. XX!, [).'il7.
(i) f'ruiiçnis de Tunc-Iil.una, I^iit. dolicl., elc, [i. lio
SCIENCES OCCULTES.
410
perstitîon jusqu'à se réjouir de voir leurs
enfants enlevés par les crocodiles. Mais ces
animaux étaient en horreur dans le reste de
l'Egypte. I
Ceux qui les adoraient disaient que, pen-
dant les sept jours consacrés aux fêtes de la
naissance d'Apis, ils oubliaient leur férocité
naturelle, et ne faisaient aucun mal; mai:>
que le huitième jour, après midi , ils rede-
venaient furieux.
CROIX. Ce saint nom qui est la terreur
i!c l'enfer, ne devrait pas non plus figurer ici.
ALiis la superstition ()ui abuse de tout, ne l'a
pas respecté. 11 y a des croix dans toutes les
formules des grimoires ; et aucun sorcier ne
s'(-st jamais vanté de commander au moindre
dc>uon sans ce signe.
Les croix que les sorcières portent au cou
et à leurs chapelets , el celles qui se trou-
vent aux lieux où se fait le sabbat, ne sont
jamais entières, comme on le voit par celles
que l'on trouve dans les cimetières iiift^slés
de sorciers , el dans les lieux où les sabbats
se tiennent. La raison en est , disent les dé-
monomanes , que le diable ne peut appro-
cher d'une croix intacte.
CROIX (Epreuves de la), Voy. Epreuves.
CROIX (Madeleine de La), religieuse de
Curdoiie, qui mena mauvaise vie au seizième
siècle, se disant sorcière el se vantant d'avoir
pour l'atuilicr un déjuon. François de Torre-
Rlanca raconte qu'elle avait à volonté des
roses en hiver, du la neige dans le mois
d'août, et qu'elle passait à travers les murs,
qui s'ouvraient devant elle. Elle fut arrêtée
par l'inquisition ; mais ayant tout confessé,
elle fut admise à pénitence (2) ; car les inqui-
siteurs d'oui jamais eu la férocilé que leur
prêtent certains livres.
CROMERUACH , idole principale des Ir-
landais, avant l'arrivée de suint Patrice eu
leur pays. L'a{)proche du saint la fit tomber,
(lisent les légendes , tandis que les divinités
inférieures s'enfoncèrent dans la terre jus-
)|u'au menton. Suivant certains récils , en
mémoire de ce prodige, ou voit encore leurs
lêles à fleur de terre dans une plaine, qui no
se trouve plus.
CROMNIOM.VNCIE, divination par les oi-
gnons. Ceux qui la pratiquaient uiettaicnt,
la veille de Noël, des oignons sur un autel.
Us écrivaient sur les oignons le nom des per-
sonnes dont on voulait avoir nouvelle. L'oi-
gnon qui germait le |)lus vite annonçait que
la personne dont il portail le nom jouissait
d'une bonne santé.
Cette divination est encore en usage dans
plusieurs cantons de l'Allemagne, parmi les
jeunes filles, qui cherchent à savoir ainsi qui
elles auront pour époux (3).
CROQUE -MITAINE, espèce d'ogre dont on
épouvante à Paris les petits enfants indociles.
Aujourd'hui que ses dents sont tombées, il
se contente de le-, mettre au cachot el de leur
donner le fouet, malgré les lumières du siècle.
Voy. Babau.
et li6.
(5) Uolaucre, Iiicrédiilité et mécrijaiicc, etc., traite v*
11. ibl.
tI7 ClIR
CRUSEMBOURG ( Guy de ) , alchimiste.
Voy. PlEHRE PHILOSOPHALE.
CUBOMANGIE , divinalion par le moyen
des dés. Auguste et Tibère avaient grande
confiance en celle manière de consulter le
sorl. Les Grecs s'en servaient aussi. C'est à
peu près la même chose que l'astragalo-
mancie. Voy. ce mot.
CUIVRE. Thcocrile assure que le cuivre
pur a naturellemi'nt la vertu de chasser les
spectres et fantômes ; c'est pourquoi les La-
codémoniens frappaient sur un chaudron
toutes les fois qu'un de leurs rois venait à
mourir.
CULTE. Les démons recevaient un culte
par tout l'univers , avant le christianisme.
Jupiter et les autres dieux n'étaient vérila-
hlement que des démons ; mais lediablea reçu
un culte plus spécial de gens qui savaient
bien qu'ils s'adressaient à lui et non à un
(lieu. Ainsi, les sorciers au sabbat adorent le
diable par son nom. Le culte qu'ils lui ren-
dent consiste principalement à lui baiser le
derrière, à genoux, ayec une chandelle noire
à la main.
Certains peuples de l'Afrique ne rendent
aucun culte à Dieu , qu'ils croient bon , et
font des sacrifices au diable pour la raison
contraire.
CUNÉGONDE , femmo de Henri H , empe-
reur d'Allemagne. Elle fut accusée d'adultère
par des calomniateurs, et se purgea de l'ac-
cusation en marchant pieds nus, sans acci-
dent , sur des socs de charrue rougis au feu.
Voy. Epreuves.
CUPAL Voy. CuPâi.
CuRDEs. — Voy. Kurdes.
CUREAU DE LA CHAMBRE , habile mé-
decin, mort en 1GG9. On a de lui un discours
sur les principes de la chiromancie et de la
méloposcopie. Paris, li'33, in-8".0n l'a aussi
imprimé sous le litre de l'Art de connaître
les hommes.
CURMA. Du temps de saint Augustin , un
paysan des environs d'Hippone , nommé
Gurma , mourut un malin et demeura deux
du trois jours sans sentiment. Comme on al-
lait l'enterrer, il rouvrit les yeux et demanda
ce qui se passait chez un autre paysan du
voisinage qui , comme lui , se nommait
Curma : on lui répondit que ce dernier venait
de mourir à l'instant où lui-môme était res-
suscité.— Cela ne me surprend pas, dit-il ; on
s'était trompé sur les noms; on vient de me
dire que ce n'était pas Gurma le jardinier ,
mais Curma le maréchal, qui devait mourir.
— 11 raconta en même temps qu'il avait
entrevu les enfers ; et il mena depuis meil-
leure vie.
CURSON. Voy. Pursax.
CURTIUS , fils d'un gladiateur romain. On
dit qu'un spectre lui annonça ainsi sa mort :
Il avait accompagné en Afrique un lieutenant
du gouverneur de ce pays conquis. H vit un
jour, dans une galerie, le spectre d'une
fe:nnie de haute stature , qui lui dit qu'elle
était l'Afrique, et qu'elle venait lui annoncer
le bonheur. Elle L'assura <\a"\\ aurait de
f-rands honneurs à Rome: qu'il reviindrait
CYR
418
encore sur le sol africain , non plus comme
valet , mais avec la qualité de commandant
en chef, et qu'il y mourrait. Cette prédiction
s'accomplit entièrement; Curtius fut ques-
teur, puis préleur; il eut les privilèges du
conulat , et fut envoyé comme gouverneur
en Afrique : mais en débarquant il se sentit
frappé d'une maladie dont il mourut (l).ll est
très-probable que ce conte a été fait après
coup. Pour un autre Curtius, Voy. Dévoue-
ment.
CYLINDRES, sortes d'amulettes ( irculaires
que les Perses et les Egyptiens portaient au
cou, et qui étaient ornées de figures et d'hié-
roglyphes.
CYMBALE , c'est le nom que les sorciers
donnent au chaudron dans lequel ils man-
gent leur soupe au lard parmi les fêtes du
sabbat.
CYNANTHROPIE, espèce de frénésie dont
ceux qui en sont attaqués se persuadent
qu'ils sont changés en chiens. C'est , comme
la bousanlhropie , une nuance de l'état de
loup-garou. Voy. Lycanthropie.
CYNOBALANES , nation imaginaire , que
Lucien représente avec des museaux de
chien , et montés sur des glands ailés.
CYNOCÉPHALE . singe que les Egyptiens
nourrissaient dans leurs temples pour con-
naître le temps de la conjonction du soleil et
de la lune. On était persuadé que, dans cette
circonstance, l'animal , devenu aveugle, re-
fusait toute nourriture. Son image , placée
sur les clepsy<lres , était purement hiérogly-
phique. On prétendait qu'à chaque heure du
jour le cynocéphale criait très-exactement.
CYPRIEN. Avant de se convertir au chri-
stianisme, saint Cyprien s'occupait de magie.
On voit, dans la Légende dorée, qu'il évo-
quait les démons, et que ce furent les épreu-
ves qu'il fit de leur impuissance contre le
simple signe de la croix qui l'amenèrent à la
foi.
CYRANO DE BERGERAC, écrivain remar-
quable du dix-septième siècle. On trouve ,
dans sesOEuvres, deux lettres sur les sorciers.
Nous n'avons pas besoin d'indiquer ses his-
toires des empires du soleil et delà lune. 11 a
fait aussi un voyage aux enfers ; c'est une
petite plaisanterie :
« Je me suis trouvé cette nuit aux enfers,
dit-il ; mais ces enfers-là m'ont paru bien dif-
férents des nôtres. J'y vis les gens fort socia-
bles ; c'est pourquoi je me mêlai à leur com-
pagnie. Ou était occupé alors à changer de
maison tous les morts qui s'étaient plaints
d'être mal assuciés; l'un d'eux , remarquant
que j'étais étranger , me prit par la main et
me conduisit à la salle des jugements. Nous
nous plaçâmes tout proche de la chaire du
juge , poiir bien entendre les querelles de
toutes les parties.
« D'abord j'aperçus Pythagore qui , Irès-
ennuyé d'une compagnie de comédiejis , re-
présentait que leurs caquets continuels le
détournaient de ses hautes spéculations. Le
juge lui dit que, l'estimanl homme de grande
(1) Leloyer, Histoire dos sproircs ou apparitions Ji'S
«Sjiils. Ilv. 111, di. XVI, p. '2(j&.
ito
DlCTlONNAlltE DES SCIENCES OCCULTK.S.
■ITC
mémoire , puisque après quinzo cents ans il
s'était souvenu d'avoir été au siéjîe dcTroie,
lin l'avait îïppareillé avec des personnages
qui n'en sont pas dépourvus. On entendit
lontifois ses raisons , et on le fil inarciicr
«nilieurs.
« Arislote, Pline, jElian, et beaucoup d'au-
tres naliiraiisles. furent mis avec les Maures,
parce qu'ils ont connu les bêtes ; le médi'cin
IJioscoride , avec les Lorrains , parce qu'il
connaissait parfaitement les simples. Esope
et Apulée ne firent qu'un ménage , à cause
de la conformité de leurs prodiges ; car E-ope
d'un âne a fait un liumnie en le faisant par-
ler, et Apulée d'un homme a fait un âne en
le faisant braire.
* Caliguia voulut élre mis dans un appar-
tement plus magiiiliiiue (]ue celui de Darius,
conune ayant couru des aventures plus glo-
rieuses ; car , dit-il , moi , Caligtila . j'ai l'ait
mon cheval consul, et Darius a clé fait empe-
reur par le sien. Dédale eut pour confrères
les sergents , les huissiers , les procureurs ,
personnes qui comme lui volaient pour se
sauver. Thésée suivit quelques tisserands ,
se promettant de leur apprendre à conduire
le fil. Néron choisit Erostrate, ce fameux
insensé qui brûla le temple de Diane, aimant
comme lui à se chaufTer de gros bois. Achille
prit la main d'Eurydice :— Àlarchons, lui dit-
il, marchons ;ausst bien ne saurait-on mieux,
nous assortir, puisque nous avons tous deux
l'âme au talon.
« il ne fut jamais possible de séparer les
Furies des épiciers , tant elles avaient peur
de manquerde flambeaux. Les tireurs d'armes
furent logés avec les cordonniers „ d'autant
que la perfection du métier consiste à bien
faire une butte; les bourreaux , avec les mé-
decins , parce qu'ils sont payés pour tuer;
Echo , avec nos auteurs modernes , qui ne
disent, comme elle, que ce que Us aulrcs
ont dit ; Orphée, avec les chanteurs du Pont-
Neuf, parce qu'ils avaient su attirer les bêtes.
« On en mit quelques-uns à part , entre
lesquels fut Alidas, le seul homme qui se soit
plaint d'avoir été trop riche; Phocion , qui
donna de l'argent pour mourir ; et Pygma-
lion , pareillement , n'eut point de co^ipa-
gnnii , à cause qu'il n'y a jamais eu que lui
qui ait épousé une femme muette.... »
Dans les lettres de Bergerac sur les Sor-
ciers, on trouve ce curieux morceau :
Un grand sorcier.
« Il m'est arrivé une aventure si étrange ,
que je veux vous la raconter. Vous saurez
qu'hier, faligué de l'attention que j'avais
mise à lire un livre de prodiges, je sortis à la
promenade , pour dissiper les ridicules ima-
ginations dont j'avais l'esprit rempli. Je
m'enfonçai dans un petit bois obscur , où je
marchai environ un quart d'heure. J'aperçus
alors un manche à balai , qui vint se mettre
entre mes jambes, et sur lequel je me trouvai
à califourchon. Aussitôt je me sentis volant
par le vague des airs.
« Je ne sais quelle roule je fis sur celle
monture: mais ic me trouvai arrêté sur ims
pieds, au milieu d'un désert ou je ne rencon-
trai aucun sentier. Cependant je résolus de
pénélrer et do reconnaître les lieux. Mais
j'avais beau pousser contre l'air, mes efforts
ne nie faisaient trouver partout que l'iuipos-
sibililé de passer outre.
« A la fin , fort harassé, je tombai sur mes
genoux ; et ce qui m'élonna , ce fut d'avoir
passé en un moment de midi à minuit. Je
voyais les étoiles luire au ciel avec un feu
bleuettant ; la lune était en son plein , mais
beaucoup plus pâle qu'à l'onlinaire ; clic
s'éclipsa trois fois , et trois fois dépassa son
cercle. Les vents étaient paralysés , les fon-
taines étaient muettes; tous les aninianx
n'avaient de mouvement que ce qu'il leur en
faut pour trembler; l'horreur d'un silence
effroyable régnait partout , et partout la na-
ture semblait attendre quelqu.- grande aven-
ture.
« Je mêlais ma frayeur à celle dont la face
de l'horizon paraissait agitée, lorsqu'au clair
de la lune , je vis sortir d'une caverne un
grand et vénérable vieillard , vêtu de blanc ,
le visage basané, les sourcils touffus et rele-
vés, l'œil effrayant, la barbe renversée par-
dessus les épaules. Il avait sur la tête un
chapeau de verveine , et sur le dos une cein-
ture de fougère de mai Iressée. A l'endroit du
cœur était attachée sur sa robe une chauve-
souris à domi-morle , et autour du cou un
carcan chargé de sept différentes pierres
précieuses , dont chacune portait le cara-
ctère de la planète qui la dominait.
« Ainsi mystérieusement habillé , portant
à la main gauche un vase triangulaire plein
de rosée, et à la droite une baguette de sureau
en sève , dont l'un des bouts était ferré d'un
mélange de tous les métaux, il baisa le pied
de sa grotte, se déchaussa, prononça en grom-
melant quelques paroles obscures , et s'ap-
procha à reculons d'un gros chêne, à quatre
pas duquel il creusa trois cercles l'un dans
l'autre. La nature , obéissant aux ordres du
nécromancien, prenait elle-même en frémis-
sant les figures qu'il voulait y tracer. Il y
grava les noms des esprits qui présidaient au
siècle , à l'année , à la saison , au mois , au
jour et à l'heure. Ceci fait , il posa son vase
au milieu des cercles , le découvrit , mit un
bout de sa baguette entre ses dents , se
coucha la face tournée vers l'orient , et
s'endormit.
« Vers le milieu de son sommeil , je vis
tomber dans le vase cinq grains de fougère.
11 les prit quand il fut éveillé , en mit deux
dans ses oreilles , un dans sa bouche ; il re-
plongea l'autre dans l'eau , et jeta le cin-
quième hors des cercles. A peine fut-il parti
de sa main , que je le vis environné de plus
d'un million d'animaux de mauvais augure.
Il toucha de sa baguette un chat-huant , un
renard et une taupe , qui entrèrent dans les
cercles en jetant un cri formidable. 11 leur
fendit l'estomac avec un couteau d'airain ,
leur ôta le cœur , qu'il enveloppa dans trois
feuilles de laurier et qu'il avala ; il fit ensuite
de longues fumigations. 11 trempa un gant de
parchemin vierge dans un bassin plein de
494
DAB
DAB
4?î
ri)s<''e et df sann; , mit ce panl à sa main
(Ifoile , et après quatre ou cinq htirlcmonls
horribles, il ferma les yeux et commença les
évoealions.
« 11 ne remuait presque pas les lèvres ;
jVnteiuiis néanmoins dans sa gorge un bruit
semblable à celui «le plusieurs voix entremê-
lées. Il fut enlevé de terre à la hauteur d'un
demi-pied, et de fois à autre il atlachait
allenlivement la vue sur l'ong'.c de l'index
de sa main gauche; il avait le visage en-
flammé et se tourmentait fort.
« Après plusieurs contorsions effroyables,
il tomba en gémissant sur ses genoux; mais
aussitôt qu'il eut articulé trois paroles d'une
certaine oraison , devenu plus fort qu'un
homme, il soutint sans vaciller les violentes
secousses d'un vent épouvantable qui souf-
flait contre lui. Ce vent semblait lâcher de le
faire sortir des trois cercles. Les trois ronds
tournèrent ensuite autour de lui. Ce prodige
fut suivi d'une grêle rouge comme du sang,
et cette grêle fit place à un torrent de feu ,
accompagné de coups de tonnerre. — Une lu-
mière éclatante dissipa enfin ces tristes mé-
téores. Tout au milieu parut un jeune hom-
me , la jambe droite sur un aigle, la gauche
sur un lynx , qui donna au magicien trois
fioles de je ne sais quelle liqueur. Le magi-
cien lui présenta trois cheveux, l'un pris au
devant de sa tête, les deux autres aux tem-
pes; il fut frappé sur l'épauled'un petit bâton
que tenait le fantôme; et puis tout disparut.
a Alors le jour revint. J'allais me remettre
en chemin pour regagner mon village; mais
le sorcier, m'ayant envisagé, s'approcha du
lieu où j'étais. Quoiqu'il parût clieminer à
pas lents, il fut plus tôt à moi que je ne l'a-
perçus bouger. 11 étendit sur ma main une
main si froide , que la mienne en demeura
longtemps engourdie. Il n'ouvrit ni les yeux,
ni la bouche; et dans ''.e profond silence il
me conduisit à travers des masures, sous les
ruines d'un vieux château inhabité , ou les
siècles travaillaient depuis mille ans à mettre
les chambres dans les caves. Aussitôt que
nous fûmes entrés:
— « Vante-loi , me dit-il en se tournant
vers moi , d'avoir contemplé face à face le
sorcier Agrippa, dont l'âme est par métemp-
sycose celle qui animait autrefois le savant
Zoroaslre , prince des Bactriens. — Depuis
près d'un siècle que je disparus d'entre les
hommes , je me conserve ici , par le moyen
ie l'or potable , dans une sanlé qu'aucune
maladie n'a interrompue. De vingt ans en
vingt ans , je prends une prise de cette mé-
decine universelle , qui me rajeunit et qui
reittitue ù mon corps ce qu'il a perdu de ses
forces. Si tu as considéré trois fioles que m'a
présentées le roi des Salamandres , la pre-
mière en est [)leine , la seconde contient de
la poudre de projection , et la troisième de
l'huile de talc. — Au reste , tu m'es obligé ,
puisque, entre tous les mortels, je l'ai choisi
pour assister à des mystères que je ne célè-
bre qu'une fois en vingt ans. — C'est par
mes charmes que sont envoyées , quand il
me i)laît , les stérilités et les abondances, .le
suscite les guerres en les allumant entre les
génies qui gouvernent les rois. J'enseigne
aux bergers la patenôtre du loup. J'apprends
aux devins la façon de tourner le sas. Je fais
courir les feux follets. J'excite les fées A
danser au clair de la lune. Je pousse les
joueurs à chercher le trèfle à quatre feuilles
sous les gibets. J'envoie à minuit les esj)rits
hors du cimetière, demander à leurs héri-
tiers l'accomplissement des vœux qu'ils o:it
faits à la mort. Je fais brûler aux voleurs
des chandelles de graisse de pendu, pour en-
dormir leurs hôtes pendant qu'ils exécutent
leur vol.Je donne la pistole volante, qui vient
ressauter dans la pochette quand on l'a em-
ployée. Je fais présent aux laquais de ces
bagues qui font aller et revenir d'Orléans à
Paris en un jour. Je fais tout renverser dans
une maison par les esprits follets , qui cul-
butent les bouteilles , les verres , les pl;its ,
quoique rien ne se casse et qu'on ne voie
personne. Je montre aux vieilles à guérir la
fièvre avec des paroles. Je réveille les villa-
geois la veille de la Saint-Jean, pour cueillir
son herbe à jeun et sans parier. J'enseigne
aux sorciers à devenir loups-garous. Je tords
le cou à ceux qui , lisant dans un grimoire,
sans le savoir, me font venir et ne me don-
nent rien. Je m'en retourne paisiblement
d'avec ceux qui me donnent une savate, un
cheveu ou une paille. J'enseigne aux nécro-
manciens à se défaire de leurs ennemis , en
moulant une image de cire, et la piquant ou
la jetant au feu, pour faire sentir à l'original
ce qu'ils font souffrir à la copie. Je montre
aux bergers à nouer l'aiguillette. Je fais sen-
tir les coups aux sorciers, pourvu qu'on les
balte avec un bâton de sureau. Enfin , je
suis le diable Vauvert, le Juif errant, et le
grand veneur de la forêt de Fontaine-
bleau.... »
« Après ces paroles, le magicien disparut,
les couleurs des objets s'éloignèrent... ; je
me trouvai sur mon lit, encore tremblant de
peur. Je m'aperçus que toute celte longue
vision n'élail qu'un rêve: que je m'étais en-
dormi en lisant mon livre de noirs prodiges,
et qu'un songe m'avait fait voir tout ce qu'on
vient de lire. »
D
DABMDA. Les naturels de Panama ont
une idole de ce nom, qui était née de race
mortelle, et qu'on déifia après sa mort. Quand
il tonne on qu'il fait des éc'airs,c'estDabaïda
qui e!!t fâchée ; alors on brûle des esclaves
en son honneur.
423
niCTION.NAIRK DKS SClENCKS OCCULTES
m
DACTYLOMANCIE, divination qui se pra-
tiquait au moyen do bagues ou anneaux fon-
dus sous l'aspect de certaines constellations,
et auxquels étaient attachés des charmes et
des caractères magiques (V'oy. Alectrtoman-
cie). C'est, dit-on, avec un de ces anneaux
que Gygès se rcndiiit. invisible, en tournant
le rhalun dans sa main.
Clément d'Alexandrie parle de deux an-
neaux que possédaient les tyrans de la Plio-
ciile, et qui les avertissaient par un son du
temps propre à certaines affaires; ce qui ne
les empêcha pas de tomber dans les grilTesdu
démon, lequel leur tendait un piège par ses
artifices (Ij. Voy. Anneaux.
DADJAL,nomde l'Anlechrist chez lesChal-
déens; il signifie dans leur langue le men-
teur et l'imposteur par exiellence.
UAtiOBEKT 1". roi de France, mort en
638, à l'âge de trente-sept ans. Une vieille lé-
gende élablit qu'après (ju'il fut mort un bon
ermite , nommé Jean, qui s'élait retiré dans
une petite lie voisine des côtes de la Sicile,
vit en songe, sur la mer, l'âme du roi Dago-
bert enchaînée dans une barque, et des diables
qui la maltraitaient en la conduisant vers la
Sicile, où ils devaient la précipiter dans les
gouffres de l'Etna. On croyait autrefois que
le cralère de ce volcan était une des entrées
de l'enfer; et il n'est pas encore vérifié que
ce soit une erreur. L'âme appelait à son se-
cours saint Denis, saint Maurice et saint Mar-
tin , que le roi, en son vivant, avait fort ho-
norés. Les trois saints descendirent, revêtus
d'habits lumineux, assis sur un nuage bril-
lant. Ils se jetèrent sur les malins esprits ,
leur enlevèrent la pauvre âme , et l'empor-
tèrent au ciel (2).
Uti monument curieux, le tombeau de Da-
gobert, sculpté vers le temps de saint Louis,
retrace ces circonstances merveilleuses. La
principale façade est divisée en trois bandes.
Dans la première on voit quatre diai)les
(deux ont des oreilles d'âne) qui emmènent
l'âme du roi dans une barque; la seconde
représente saint Denis, saint Maurice et saint
Martin, accompagnés de deux anges, avec
le bénitier et le goupillon; ils chassent les
démons. Sur la troisième bande, on voit
l'âu/e qui s'enlève ; et une main généreuse
sort d'un nuage pour l'accueillir.
Les farceurs ont glosé sur celle poésie du
moyen âge , sur cette légende, et sur le mo-
nument, qui est toujours dans l'église de
Saint-Denis. Mais quel mal y a-t-il donc
dans ces récits, que l'Eglise n'a jamais im-
posés, et qui sont toutefois des fleurs? Ce
qu'il y a de mal, c'est que ces fleurs tom-
bent quelquefois devant des pourceaux.
DAGON, démon de second ordre, boulan-
ger et grand panetier de la cour infernaîe.
Les Philistins l'adoraient sous la forme d'un
monstre réunissant le buste de l'homme à la
queue de poisson. Ils lui attribuaient l'in-
vention de l'agriculture, qu'on a attribuée à
tant d'autres.
On voit, dans le premier livre des Rois ,
M) Oi'l.iiicrp, Iiinfiliiliiu pl,Mrcié;inrcs tlu sorljlége
[ Itfineiia'iit couvaiiici;oj, lijilé 5, p. 2til.
que les Philistins s'clanl rendus maîtres de
l'arche du Seigneur, et l'ayant placée dans
leur temple d'Azot, à côté de l'idole de Da-
gon, on trouva le lendemain cette idole mu-
tilée, et sa tète avec ses deux mains sur le
seuil de la porte. « C'est pour cela, dit l'au-
teur sacré, que les sacrificateurs de Dagon
et tous ceux qui entrent dans son temple ne
marchent point sur le seuil de la porte. »
DAHUT, Vqj. Is.
DAMNETUS, ou DAMACHUS, loup-girou
de ranti(]uité. Ou conte (ju'ayaut mangé le
ventre d'un petit enfant sacrifié à Jupiter Ly-
cien en Arcadie, il lut cliaiigé en loup. Ma's
il reprit sa première forme au bout de dix
ans. Il rcipporta même depuis le prix de la
lutte aux jeux olympiques (3).
DANIEL, l'un des quatre grands prophè-
tes. On lui attribue un traité apocryphe de
l'Art des suntjcs. Les Orientaux le regardent
aussi coiiiiiic l'inventeur de la géomancie.
DAMS, sorcier du dernier siècle. Le ven-
dredi, 1" mai 1T05, à cinq heures du soir,
Denis Milanges de la itichardière , fils d'un
avocat au parlement de Paris, fut attaqué,
à dix-huit ans, de léthargies et de démejici»
si singulières, que les médecins ne surent
qu'en dire. On lui donna de l'émélique ,
et ses paren s l'emmenèrent à leur maison
de Noisy-le-Grand, où son mal devint plus
fort; si bien qu'on déclara qu'il était ensor-
celé.
On lui demanda s'il n'avait pas en de dé-
mêlés avec quelque berger; il coula (|ue lo
18 avril précèdent, comme il traversait à
cheval le village de Noisy, son chi'val s'était
arrêté court dans la rue de Feret, vis-à-vis
la l'hapelle, sans qu'il pût le faire avancer ;
qu'il avait vu sur ces entrefaites un berger
qu'il ne connaissait pas, lequel lui avait
dit: — Monsieur, retournez chez vous, car
votre cheval n'avancera point.
Cet homme , ([ui lui avait paru âgé d'une
cinquantaine d'années, était de haute taille,
de mauvaise physionomie, ayant la barbe et
les cheveux noirs, la houletle à la main , et
deux chiens noirs à courtes oreilles auprès
de lui.
Le jeune Milanges se moqua du propos du
b; rger. Cependant il ne put faire avancer
son cheval et il fut obligé de le ramener
par la bride à la maison, où il tomba ma-
lade. Etait-ce l'effet de l'impatience et de la
colère? ou le sorcier lui avait-il jeté un sort?
M. de la Richardière le père fit mille choses
en vain pour la guérison de son fils. Comme
un jour ce jeune homme rentrait seul dans
sa chambre, il y trouva son vieux berger,
assis dans un fauteuil, avec sa houlette et
ses deux chiens noirs. Cette vision l'épou-
vanta ; il appela du monde; mais personne
que lui ne voyait le sorcier. Il soutint tou-
tefois qu'il le voyait très-bien; il ajouta mê-
me que ce berger s'appelait Danis, quoiqu'il
ignorât qui pouvait lui avoir révélé son nom.
Il continua de le voir tout seul. Sur les six
(2) Ticsla D:ignl).'rli ri'gis. Pic.
(ô| L)el:in(TP, tulik^aii du l'incuDsiance des démons, etc.,
liï. l\ , dis'. 5, 11. i(j'.
125
DW
DAN
ii'i
heures du soir , il lomba à terre en disant
que le berger était sur lui et lécrasait; el, en
présence de tous les assistants , qui ne
voyaient rien, il tira de sa poihe un couteau
pointu, dont il donna cinq ou six coups dans
le visage du malheureux par qui il se croyait
assailli (1).
Enfin, au bout de huit semaines de souf-
frances, il alla àSaint-Maur, avec confiance
qu'il guérirait ce jour-là. Il se trouva mal
trois fois; mais, après la messe, il lui sembla
qu'il voyait saint Maur debout, en habit de
bénédictin, et le berger à sa gauche, le vi-
sage ensanglanté de cinq coups de couleau ,
sa houletti^ à la main et ses deux chiens à
ses côtés. Il s'écria qu'il était guéri, et il le
fut en effet dès ce moment.
Quelques jours après, chassant dans les
environs de Noisy, il vit effectivement son
berger dans une vigne. Cet aspect lui fit hor-
reur; il donna au sorcier un coup de crosse
de fusil sur la lêle : — Ahl monsieur, vous
me tuezl s'écria le berger en fuyant; mais le
lendemain il vint trouver M. de l'a Uichar-
dière, se jeta à ses genoux, lui avoua qu'il
s'appelait Danis, qu'il était sorcier depuis
vingt ans, qu'il lui avait en effet donnéle sort
dont ilavailéléaffligé.quece sort devait durer
un an; qu'il n'en avait été guéri au bout de
huit semaines qu'à la faveur des neuvaines
qu'on avait faites; que le maléfice était re-
tombé sur lui Danis, et qu'il se recomman-
dait à sa miséricorde. Puis, comme les ar-
chers le poursuivaient , le berger tua ses
chiens, jeta sa houlette, changea d'habits, se
réfugia à Turcy, fit pénitence et mourut au
bout de quelques jours...
Le père Lebrun , qui rapporte (2) longue-
ment celte aventure, pense qu'il peut bien y
avoir là sortilège. Il se peut aussi , plus
vraisemblablement, qu'il n'y eût qu'hallu-
cination.
DANSE DES ESPRITS.— Olaiis Magnus, au
troisième livre de son Histoire des peuples
septentrionaux, écrit qu'un voyait encore de
son temps , en beaucoup de ces pays-là , des
esprits el fantômes dansant et sautant,
principalement de nuit, au son de toutes sor-
tes d'instruments de musique. Cette danse
est appelée , par les gens du pays : choreu
«/«arum (danse des elfes). Saxon-le-Grammai-
rien fait mention de ces danses fantastiques
dans son Histoire de Danemarck. Pompo-
nius Mêla, dans sa description de l'Ethiopie,
dit qu'on a vu quelquefois , au delà du mont
Atlas , des flambeaux , el entendu des flûtes
et clotheltes , el , que le jour venu , on n'y
trouvait plus rien (3). On ajoutait que les
fanlômes faisaient danser ceux qu'ils ren-
conlraienl sur leur chemin, lesquels ne man-
quaient pas de se tenir pour avertis qu'ils
inuurraieni bientôt. Ou ne rencontre plus
guère de ces choses-là. Voy. Follets , Cou-
RiLs, WiLis.elc.
DANSE DES FÉES.— Ou prétendait, chez
nos pères , que les fées liabilaient les forets
désertes , et qu'elles venaient danser sur le
(1) Voycï HnllHcinalioiis.
(2) Hisioiif (les iiialiques supprslilieuses, tom. I ,
DlCTlONK. DBS SCIENCES OCCULTKS. 1.
gazon au clair de la lune. Voy. Fées.
DANSE DES GEANTS. — Merlin , voulant
faire une galanterie de courtisan , fit venir,
dit-on, d'Irlande en Angleterre, des rochers
qui prirent des figures de géants , et s'en al-
lèrent, en dansant, former un trophée pour
le roi Ambrosius. C'est ce qu'on appelle la
danse des géants. Des écrivains soutenaient,
il n'y a pas longtemps, que ces rochers dan-
saient encore à l'avéncment des rois d'An-
gleterre.
DANSE DES MORTS. -L'origine des dan-
ses des morts , dont on fit le sujet de tant de
peintures , date du moyen âge ; elles ont été
longtemps en vogue. D'abord on voyait fré-
quemment , pendant le temps du carnaval ,
des masques qui représentaient la mort ; ils
avaient le privilège de danser avec tous ceux
qu'ils rencontraient en les prenant par la
main , et l'effroi des personnes qu'ils for-
çaient de danser avec eux amusait le public.
Bientôt ces masques eurent l'idée d'aller
dans les cimetières exécuter leur danse en
l'honneur des trépassés. Ces danses devin-
rent ainsi un effrayant exercice de dévotion;
elles étaient accompagnées de sentences lu-
gubres, et l'on ne sait pourquoi alors elles
prirent le nom de danses macabres. On fil des
images de ces danses qui furent révérées par
le peuple.
Les danses macabres se multiplièrent à
l'infini , au quinzième et au seizième siècle:
les artistes les plus habiles furent employés
à les peindre dans les vestibules des cou-
vents et sur les murs des cimetières.
La danse des morts de Bâle fut d'abord
exécutée dans cette ville en 1435 par l'ordre
du concile qui y était rassemblé. Ce qui l'a
rendue célèbre , c'esl qu'elle fut ensuite re-
faite par Holbein.
« L'idée de cette danse est juste et vraie ,
disait, il y a quelque temps , M. Saint-
Marc-Girardin. Ce monde-ci est un grand
bal où la mort donne le branle. Ou danse
plus ou moins de contredanses , avec plus
ou moins de joie ; mais celte danse enfin ,
c'est toujours la mort qui la mène : et ces
danseurs de tous rangs et de tous étals ,
que sont-ils 7 Des mourants à plus ou moins
long terme.
«Je connais deux danses des morts, pour-
suit le même écrivain : l'une à Dresde , dans
le cimetière au delà de l'Elbe; l'autre en
Auvergne , dans l'admirable église de la
Chaise-Dieu. Cette dernière est une fresque
que l'humidité ronge chaque jour. Dans ces
deux danses des morts , la mort est eu tête
d'un chœur d'hommes d'âges et d'états di-
vers : il y a le roi et le mendiant, le vieillard
et le jeune homme, el la mort les entrainn
tous après elle. Ces deux danses des morts
expriment l'idée populaire de la manière la
plus simple. Le génie d'Holbein a fécondé
cette idée dans sa fameuse Danse des Morts
(lu cloitre des Dominicains : à Bâle, c'était
un(! fresque, el elle a péri comme périssent
peu à peu les fresques. Il eu rcsle au Musée
p. 281.
(3) Tjillepled, Psychologie, p. 175.
14
427
DICTIONNAIHE DES SCIENCES OCCULTES.
428
<](> Râle quelques débris et des miniatures
coloriées. La dnnse d'Holbein n'est pas ,
comme celles de Dresde et de la Chaise-
Dieu , une chaîne continue de danseurs me-
nés par la Mort ; chaque danseur a sa mort
costumée d'une façon difTérente , selon l'état
du mourant. De celte manière, la danse
d'Holbein est une suite d'épisodes réunis
dans le même cadre. Il y a quarante et une
scènes dans le drame d'Holbein , et , dans
les quarante et une scènes , une variété in-
finie. Dans aucun de ces tableaux vous ne
trouverez la même pose, la même attitude, la
même expression : Holbein a compris que
les hommes ne se ressemblent pas plus dans
leur mort que dans leur vie, et que, comme
nous vivons tous à notre manière , nous
avons tous aussi noire manière de mourir.
« Holbein costume le laiil et vilain sque-
lette sous lequel nous nous figurons la mort,
et il le costume de la façon du monde la
plus bouffonne , exprimant , par les attri-
buts qu'il lui donne , le caraclère et les ha-
bitudes du personnage qu'il veut représen-
ter. Chacun de ces tableaux est un chef-
d'œuvre d'invention. — Il est incroyable
avec quel art il donne l'expression de la
vie et du sentiment à ces squelettes hideux,
à ces figures décharnées. Toutes ses morts
vivent, pensent , respirent; toutes ont le
5 este , la physionomie, j'allais presque dire
es regards et les couleurs de la vie.
« Holbein avait ajouté à l'idée populaire
de la Danse des Morts : le peintre inconnu
du pont de Lucerne a ajouté aussi à la Danse
d'Holbein. Ce ne sont pas des peintures de
prix que les peintures du pont de Lucerne;
mais elles ont un mérite d'invention fort
remarquable. Le peintre a représenté, dans
les triangles que forment les poutres qui
soutiennent Iç toit du pont, les scènes ordi-
naires de la vie, et comment la mort les in-
terrompt brusquement.
« Dans Holbein, la mort prend le costume
et les attributs de tous les états, montrant
par là que nous sommes tous soumis à sa
nécessité. Au pont de Lucerne, la mort vit
avec nous. Faisons-nous une partie de cam-
pagne, elle s'iiabille en cocher, fait claquer
son fouet; les enfants rient et pétillent : la
mère seule se plaint que la voiture va trop
vite. Que voulez-vous? C'est la mort qui
t-onduil; elle a hâ(e d'arriver. Allez-vous au
bal, voici la mort qui entre en coiffeur, le
peigne à la main. Hâtez-vous, dit la jeune
tille, hâtez-vous 1 je ne veux point arriver
trop tard. — Je ferai vite! — Elle fait vite;
car à peine a-t-elle louché du bout de son
doigt décharné le front de la danseuse, que
ce front de dix-sept ans se dessèche aussi
bien que les fleurs qui devaient le parer.
a Le pont de Lucerne nous montre la mort
à nos côtés et partout : à table, où elle a la
ïervielle autour du cou, le verre à la main,
et porte des santés; dans l'atelier du peintre,
où, en garçon barbouilleur, elle tient la pa-
(t) DeljucrcTalilpau de l'iiiconslance des démons.elc,
liv. Ill.diii. i, |). 201.
l?i Boiliu. DciuuiiotQunle, lir. 1, cb. it.
letlc et broie les couleurs; dans le jardin,
où, vêtue en jardinier, l'arrosoir à la main,
elle mène le maître voir si ses tulipes sont
écloses ; dans la boutique, où, en garçon
marchand, assise sur des ballots d'étoffe, elle
a l'air engageant et appelle les pratiques;
dans le corps-de garde, où, le tambour en
main, elle bat le rappel; dans le carrefour,
où, en faiseur de tours, elle rassemble les
badauds; au barreau, où, vêtue en avocat,
elle prend des conclusions : le seul avocat
(dit la légende en mauvais vers allemands
placés au bas de chaque tableau) qui aille
vite et qui gagne toutes ses causes; dans
l'antichambre du ministre, où, en solliciteur,
l'air humble et le dos courbé, elle présente
une pétition qui sera écoutée; dans le com-
bat, enfin, où elle court en lête des batail-
lons ; et, pour se faire suivre, elle s'est noué
le drapeau autour du cou... »
DANSE DU SABBAT. Pierre Delancre as-
sure que les danses du sabbat rendent les
hommes furieux et font avorter les femmes.
Le diable, dit-on, apprenait différentes sor-
tes de danses aux sorciers de Genève. Ces
danses étaient fort rudes, puisqu'il se servait
de verges et de bâtons, comme ceux qui font
danser les animaux. Il y avait dans ce pays
une jeune femme à qui le diable avait donné
une baguette de fer qui avait la vertu de
faire danser les personnes qu'elle touchait.
Elle se moquait des juges durant son procès,
et leur protestait qu'ils ne pourraient la
faire mourir; mais elle déchanta (1).
Les démons (2) dansent avec les sorcières,
en forme de bouc ou de tout autre animal.
On danse généralement en rond au sab-
bat, dos à dos, rarement seul ou à deux. Il y
a trois branles : le premier se nomme le
branle à la bohémienne; le second s'exécute
comme celui de nos artisans dans les cam-
pagnes, c'est-à-dire en sautant toujours, le
dos tourné; dans le troisième branle, on se
place tous en long, se tenant par les mains
et avec certaine cadence, à peu près comme
dans ce qu'on appelle aujourd'hui le galop.
On exécute ces d.inses au son d'un petit
tambourin, d'une flûte, d'un violon ou d'un
autre instrument que l'on frappe avec un bâ-
ton. C'est la seule musique du sabbat. Cepen-
dant des sorciers ont assuré qu'il n'y avait
pas de concerts au monde mieux exécutés...
DANSE DU SOLEIL. C'est une croyance
encore répandue dans beaucoup de villages
que le soleil danse le jour de Pâques. Mais
Celte gracieuse tradition populaire n'est que
de la poésie, comme les trois soleils qui se
lèvent sur l'horizon le matin de la Trinité.
DANSES ÉPIDÉMIQUES. Au quatorzième
siècle, il y eut une secte de danseurs qui
parcoururent le Luxembourg, le pays de
Liège, leHainaut et les provinces Rhénanes,
dansant avec fureur et se prétendant favori-
sés pendant leurs danses devisions merveil-
leuses. On croit qu'ils étaient possédés, puis-
qu'on ne les guérit que par les exorcismes (3).
(3) Voyei le Uétiélrier li'F.chtermcIt, dans Us Légendes
des cniniiiaiideaienls de Dieu.
tî9 n.w
DAPHNÉPHAGES, devins qui, avant de
répondre aux questions qu'on leur faisait,
mangeaient des feuilles de laurier, parce
que cet arbre étant consacré à Apollon, ils se
croynient de la sorte inspirés de ce dieu.
DÂPHNOMANCIE, divination par le lau-
rier. On en jetait une branche dans le feu :
si elle pétillait en brûlant, c'était un heureux
présage; mais si elle brûlait sans faire de
bruit, le pronostic était fâcheux.
DARDS MAGIQUES. Les Lapons, qui pas-
saient autrefois pour de grands sorciers et
qui le sont à présent bien peu, lançaient,
dit-on, des dards de plomb, longs d'un doigl,
contre leurs ennemis absents, et croyaient
leur envoyer, avec ces dards enchantés, des
maladies et des douleurs violentes. Voy.
Ttre. ^
DAROUDJI. C'est le nom que les Persans
donnent à la troisième classe de leurs mau-
vais génies.
DAUGIS, auteur peu connu d'un livre con-
tre les sorciers, intitulé -.Traité sur la magie,
le sortilège, les possessions, obsessions et ma-
léfices, où l'on en démontre la vérité et la
réalité ; avec une méthode sûre et facile
pour les discerner, et les règlements contre
les devins, sorciers, magiciens, etc. Paris,
in-12, 1732.
DAUPHIN. On ne sait pas trop sur quoi
est fondée celte vieille croyance populaire,
que le dauphin est l'ami de l'homme. Les
anciens le connaissaient si imparfaitement,
qu'on l'a presque toujours représenté avec
le dos courbé en arc, tandis qu'il a le dos
plat comme les autres poissons; à moins que
nous nedonnionslt'nomdedauphinà un pois-
son qui ne serait pas celui des anciens. 11 y
a des races perdues.
On trouve dans Élien et dans d'autres na-
turalistes, des enfants qui se promènent en
mer, à cheval sur des dauphins apprivoisés;
ce sont de ces merveilles qui ne sont plus
faites pour nous.
On sait que le dauphin est le symbole de
la rapidité : et c'est dans un sens emblémati-
que, pour rappeler qu'il faut se hâter avec
prudence, qu'on a peint le dauphin entortillé
à une ancre; car il est faux que par affi'Clion
pour l'homme il la conduise au fond de la
mer, comme le contaient nos pères (i).
DAVID. Selon les Orientaux, ce prophète-
roi se faisait obéir des poissons, des oiseaux
et des pierres; ils ajoutent que le fer qu'il
tenait dans ses mains s'amollissait, et que les
larmes qu'il versa pendant les quarante
jours qu'il pleura son péché faisaient naître
les plantes. Adam, disent les musulmans,
avait donné soixante ans de la durée de sa
vie pour prolonger ceile de David, dont il
prévoyait le règne glorieux.
DAVID-GEORGE, vitrier de Gand, qui, en
1525, se mil à courir les Pays-Bas, en disant
qu'il était le Messie envoyé sur la lerre pour
remplir le ciel, qui avait beaucoup trop de
vide. On le signala comme un fou dange-
(IjBrowii, des Erreurs popul., liv. V, ch. ii.
DEC
4:^0
reux; mais il changeait de nom pour se met-
tre à couvert des poursuites. On croyait qu'il
avait intelligence avec les oiseaux; car il
parlait avec eux en différentes langues, et
ces oiseaux, disait-on, lui portaient parfois
de la proie pour ses aliments. A Bâle, il so
fit appeler Jean Bruch, se disant neveu de
Dieu, qu'il appelait son oncle, ajoutant tou-
tefois qu'il était né en Hollande. Il voulut
aussi se faire passer pour le prophète Daniel,
que Dieu envoyait en ce monde afin de réta-
blir le royaume d'Israël et le tabernacle de
Jacob.
11 ensorcelait les esprits, dit Delancre, tan-
dis que les autres sorciers ensorcelaient les
corps. Au bout de treize ans qu'il séjourna à
Bâle, il mourut, ayant abusé tellement le
peuple, qu'on lui fil de magnifiques obsèques
et qu'il fut enterré en l'église de Saint-Léo-
nard. Ses disciples furent étonnés de sa
mort; car ils le croyaient immortel : il avait
prédit qu'il ressusciterait trois jours après
son trépas. Comme on vil que cette pro-
phétie, au bout de trois ans, ne s'accom-
plissait point, on le reconnut pour impos-
teur. On le tira de son cercueil et on le porta
sur un échafaud, où il fut brûlé avec les li-
vres qu'il avait composés, le 26 août 1559 (2).
DAVID-JONES. Les matelots anglais ap-
pellent de ce nom le mauvais génie qui pré-
side à tous les esprits malfaisants de la mer.
Il est dans tous les ouragans; on l'a vu quel-
quefois d'une taille gigantesque, montrant
trois rangs de dents aiguës dans sa bouche
énorme, ouvrant de grands yeux effrayants
et de larges narines, d'où sortaient des Ham-
mes bleues.
DEBER. Des théologiens hébreux disent
que Deber signifie le démon qui offense la
nuit; et Cheteb ou Chereb, celui qui offense
en plein midi.
DRCARABIA. Voy. Carabu.
DÉCIUS (Publics). Pendant la guerre des
Romains contre les Latins, les consuls Pu-
blius Décius et Manlius Torquatus, campés
près du Vésuve, eurent tous deux le même
songe dans la même nuit : ils virent en dor-
mant un homme d'une figure haute, qui leur
dit que l'une des deux armées devait descen-
dre chez les ombres, et que celle-là serait
victorieuse dont le général se dévouerait
aux puissances de la mort.
Le lendemain, les consuls, s'étant raconté
leur songe, firent un sacrifice pour s'assurer
encore de la volonté des dieux; et les en-
trailles des victimes confirmèrent ce qu'ils
avaient vu. Ils convinrent donc entre eux
que le premier qui verrait plier ses batail-
lons s'immolerait au salut de la patrie.
Quand le combat fui engagé , Dècius, qui
vit fléchir l'aile qu'il commandait, se dévoua,
et avec lui toute l'armée ennemie, aux dieux
infernaux, et se précipita dans les rangs des
Latins, où il reçut la mort en assurant à
Rome une victoire éclatante (3).
Si ce double songe des consuls et les pré-
(2) Deluncrc,Tableau de rinconsUnce des damons, eic.,
liv. V, p. 557.
(3J Tile-Uve el Valère-Maiime.
f.l
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
at
sages dos yictimes publiés dans les dcus
années n'étaient qu'un coup de politique, le
dévouement de Décius était un arte de pa-
liiotisniebirn grand, mémechcz les Romains.
DECREMPS, escamoteur du dernier siècle,
qui publia un Traité de la magie blanche.
DEDSCHAIL, le diable cbcz plusieurs tri-
bus arabes.
DEIPHOBE, sibjlle de Cumes. Voy. Sibyl-
les.
DEJECTIONS. — Le médecin deHaën, dans
le dernier chapitre de son Traité de la magie,
dit que si l'on voit sortir de quelques parties
que ce soit du corps humain , sans lésion
considérable , des choses qui naturellement
ne puissent y entrer, comme des couteaux,
des morceaux de verre, du fer, de la poix,
des touffes de crin, des os, des insectes, de
grosses épingles tordues, des charbons, etc.,
on doit attribuer tout cela au démon et à la
magie. Voy. Excréments.
DELANCRE (Pierre) . démonographe re-
nommé, né à Bordeaux dans le seizième siè-
cle. Il fut chargé d'instruire le procès de
quantité de vauriens accusés de sortilèges.
Son esprit crédule en demeura convaincu de
toutes les extravagances du sabbat et des
sorciers. Il mourut à Paris, vers 1630. On a
de lui deux ouvrages recherchés sur ces
matières :
1° r Incrédulité et mécréance du sortilège
pleinement convaincues, où il est amplement
et curieusement traité de la vérité ou illusion
du sortilège, de la fascination, de l'attouche-
ment, du scopéiisme, de la divination, de la
ligature ou liaison magique, des apparitions
et d'une infmité d'autres rares et nouveaux
sujets, par P. Delancre, conseiller du roi en
son conseil d'Etat. Paris, Nicolas Buon, 1612,
in-4° de près de 900 pages, assez rare, dédié
au roi Louis XIII ; divisé en dix traités.
Dans le premier traité, l'auteur prouve que
tout ce qu'on dit des sorciers est véritable.
Le second , intitulé De la fascination , dé-
montre que les sorcières ne fascinent, en
ensorcelant , qu'au moyen du diable. Par le
troisième traité , consacré à Y attouchement,
on voit ce que peuvent faire les sorciers par
le toucher, bien plus puissant que le regard.
Le traité quatrième, ou il s'agitdu scopéiisme,
nous apprend que, par cette science secrète,
un maléficie les gens en jetant simplement
■les pierres charmées dans leur jardin. Le
magnétisme explique aujourd'hui la plupart
de ces prodiges. Le traité suivant détaille
toutes les divinations. Au sixième traité, on
s'instruit de tout ce qui tient aux ligatures.
Le septième roule sur les apparitions. L'au-
leur, qui ne doute jamais de rien, en rap-
porte beaucoup. Il tombe , dans le huitième
traité, sur les juifs, les apostats et les athées.
Dans le neuvième, il s'élève contre les héré-
tiques , dont l'apparition dans tous les temps
n produit en effet des fanatismes plus ou
inoins absurdes ou abominables. 11 se récrie,
dans le dernier traité, contre l'incrédulité et
(I) Il y a une [iréface de Jean (l'Espagnot.
(3) Aiidnn iiiaiiuiicriule la Itilillullièqiic du roi,rappor-
ié i lii ttii deii Heniarques de Joly sur B^yle.
mécréance des juges en fait de sorcellerie.
Le tout est suivi d'un recueil à'Arréts no-
tables contre les sorciers.
2° Tableau de l'inconstance des mauvais
anges et démons, où il est amplement traité
de la sorcellerie et des sorciers; livre très-
curieux et très-utile, avec un discours con-
tenant la procédure faite par les inquisiteurs
d'Espagne et de Navarre à cinquante-trois
magiciens, apostats , juifs et sorciers, en la
ville de Logrogne en Caslillc, le 9 novembre
1610; en laquelle on voit combien l'exercice
de la justice en France est plus juridique-
ment traité et avec de plus belles formes
qu'en tous autres empires, royaumes, répu-
bliques et Etats, par P. Delancre, conseiller
du roi au Parlement de Bordeaux; Paris,
Nicolas Buon, 1612, in-i" d'environ 800
pages (1), très-recherché, surtout lorsqu'il
est accompagné de l'estampe qui représente
les cérémonies du sabbat.
Cet ouvrage est divisé en six livres; le
premier contient trois discours sur l'incon-
stance des démons, le grand nombre des sor-
ciers et le penchant des femmes du pays de
Labour pour la sorcellerie. Le second livre
traite du sabbat, en cinq discours. Le troi-
sième roule sur la même matière et sur les
pactes des sorciers avec le diable, pareille-
ment en cinq discours. Le quatrième livre,
qui contient quatre discours, est consacré
aux loups-garous; le livre cinquième, en
trois discours, aux superstitions et appari-
tions ; et le sixième, aux prêtres sorciers, eu
cinq discours.
Tout ce que ces ouvrages présentent de
curieux tient sa place dans ce Dictionnaire.
DELANGLE (Locis), médecin espagnol
et grand astrologue. On raconte qu'il prédit
au roi de France Charles VII la journée de
Foimigny, en 1450; il prédit aussi , selon
quelques auteurs, l'emprisonnement du petit
prince de Piémont, ainsi que la peste de Lyon
l'année suivante. On l'accusa de superstition,
quoiqu'il ne se dit qu'astrologue. Le roi le
retint à quatre cents livres de pension, et
l'envoya pratiquer sa science à Lyon. Il fit
plusieurs livres , et traduisit, d'espagnol en
latin, les Nativités, de Jean de Séville. On
ajoute qu'il prévit le jour de sa mort. 11 fit
faire , dit-on , quinze jours d'avance , son
service, que l'on continua jusqu'à l'heure
marquée, où en effet il mourut (2).
DELRIO (Martin-Antoine), né à Anvers
en 1351, savant jésuite, auteur d'un livre
intitulé : Recherches magiques (3) , en six li-
vres, où il est traité soigneusement des arts
curieux et des vaines superstitions; in-i",
Louvain, 1599, souvent réimprimé. Ce livre
célèbre, qui eut dans son temps beaucoup
de vogue, a été abrégé et traduit en français
par André Duchesne, Paris, in-i" et in-8°,
2 vol., 1611, très-recherché. L'auteur se
montre généralement un peu crédule, mais
plus éclairé que la plupart des écrivains de
son siècle. Son ouvrage est divisé en six li-
(3) Disqiilsliionuin maglcariim lihri scx, eir., auctor«
Martine Uilrl'i, etc.
r>5
DEM
DEM
iV.
vres; le premier Iraite de la magie en géné-
ral, naturelle et artîGcielle, et des prestiges ;
le second, de la magie infernale; le troisième,
des maléfices; le quatrième, des divinations
ol prédictions; le cinquième, des devoirs du
juge et de la manière de procéder en fait de
sorcellerie; le sixième, des devoirs du con-
fesseur et des remèdes permis ou prohibés
contre la sorcellerie. En général, ces disqui-
sitions magiques sont un recueil de faits
bizarres, niêiés de raisonnements et de cita-
tions savantes.
DELUGE. Voy. Is.
DEMOCRITE , philo.sophe célèbre , qui
florissait en Grèce environ trois cents ans
après la fondation de Rome. Les écrivains du
Quinzième et du seizième siècle l'ont accusé
e magie; quelques-uns lui ont même attri-
bué un traité d'alchimie. Psellus prétend
qu'il ne s'était crevé les yeux qu'après avoir
soufflé tout son bien à la recherche de la
pierre philosophale.
La cécité de Démocrite a embarrassé bien
des personnes. TertuUien dit qu'il se priva
de la vue parce qu'elle était pour lui une
occasion de mauvaises convoitises. Piutarque
pense que c'était pour philosopher plus à
son aise, et c'est le sentiment le plus répandu,
quoiqu'il soit aussi dénué de fondement que
les autres.
Démocrite ne fut point aveugle, si l'on en
croit Hippocrate, qui raconte qu'appelé par
les Abdérilains pour guérir la folie prétendue
de ce philosophe, il le trouva occupé à la
lecture de certains livres et à la dissection
de quelques animaux; ce qu'il n'eût point
fait s'il eût été aveugle.
De jeunes Âbdéritains , sachant que Dé-
mocrite s'était enfermé dans un sépulcre
écarlé de la ville pour philosopher, s'habil-
lèrent un jour en diables arec de longues
robes noires, et portant des masques hideux ;
puis l'allèrent trouver, et se mirent à danser
aulour de lui ; Démocrite n'en parut point
effrayé, il ne leva pas même les yeux de
dessus son livre et continua d'écrire (1).
Il riait de tout, nous dit-on , mais son rire
était moral, et il voyait autrement que les
hommes dont il se moquait. Croyons donc ,
avec Scaliger, qu'il était aveugle morale-
ment, quod aliorummore oculis non uteretur.
On a dit qu'il entendait le chant des oi-
seaux, et qu'il s'était procuré cette faculté
merveilleuse en mangeant un serpent en-
gendré du sang mélangé de certains oisillons ;
mais que n'a-t-on pas dit ! On a dit aussi qu'il
commerçait avec le diable, parce qu'il vivait
solitaire.
DEMON BARRU. Voy. Barbu.
DEMONIAQUES. Voy. Possédés.
DEMONOCRATIE, gouvernement des dé-
mons , influence immédiate des esprits mal-
faisants , religion de quelques peuplades
américaines, africaines, asiatiques, sibérien-
nes, kamtschadales , etc., qui révèrent le
diable avant tout , comme par exemple les
Kurdes.
(I) Lployer, Ilisloire des »;>ectres ou apparition des cs-
pnls. liï. r, ch. IX, p. 80.
DEMONOGRAPHIE , histoire et descrip-
tion de ce qui regarde les démons. On appelle
démonographes les auteurs qui écrivent sur
ce sujet, comme ûelancre, Leloyer, Wié-
rus etc.
DEMONOLATRIE, culte des démons. On a
publié à Lyon, vers 1819, un volume in-12,
intitulé : Superstitions et Démonoldtrie de»
philosophes. Ce livre a le tort d'être trivial
quelquefois, mais il contient de bonnes choses
et de tristes vérités.
DEMONOLOGIE, discours et traité sur
les démons , pour la démonologie du roi Jac-
ques. Voy. ce nom. Voy. aussi Wiltkh
Scott.
DEMONOMANCIE , divination par le
moyen des démons. Celte divination a lieu
par les oracles qu'ils rendent ou par les ré-
ponses qu'ils font à ceux qui les évoquent.
DEMONOMANIE , manie de ceux qui
croient à tout ce qu'on raconte sur les dé-
mons et les sorciers, comme Bodin, Leloyer,
Delancre, etc. L'ouvrage de Bodin porte le
titre de Démonomanie des sorciers ; mais là
ce mot signifie diablerie. Voy. Bodin.
DÉMONS. Ce que nous savons d'exact sur
les démons se borne à ceque nous en enseigne
l'Église : que ce sont des anges tombés, qui,
privés de la vue de Dieu depuis leur révolte,
ne respirent plus que le mal et ne cherchent
qu'à nuire. Ils ont commencé leur règne
sinistre parla séduction de nos premiers pè-
res ; ils continuent de lutter contre les anges
fidèles qui nous protègent, et ils triomphent
de nous quand nous ne leur résistons pas
avec courage, oubliant de nous appuyer sur
la grâce de Dieu.
Nous ne pouvons faire ici un traité dog-
matique sur les démons. Nous devons nous
borner à rapporter les opinions bizarres et
singulières auxquelles ces êtres maudits ont
donné de l'intérêt.
Les anciens admettaient trois sortes de dé-
mons, les bons, les mauvais et les neutres.
Mais ils appelaient démon tout esprit. NoUs
entendons par démon un ange de ténèbres,
un esprit mauvais.
Presque toutes les traditions font remon-
ter l'existence des démons plus loin que la
création du monde matériel. La chute des
anges a eu lieu en effet, selon la croyance
commune, avant que Dieu ne fit le monde
visible. Parmi les rf'veurs juifs, Aben-Esra
prétend qu'on doit fixer cette chute au second
jour de la création. Menasse Ben-Israël, qui
suit la même opinion, ajoute qu'après avoir
créé l'enfer et les démons. Dieu les plaça
dans les nuages et leur donna le soin de
tourmenter les méchants (2). L'homme n'é-
tait pas créé le second jour ; il n'y avait donc
pas encore de méchants à punir. Les démons
d'ailleurs ne sont pas sortis noirs de la main
du Créateur ; ils ne sont que des anges do
lumière devenus anges de ténèbres par leur
crime.
Origène et quelques philosophes soutien-
nent que les bons et les mauvais esprits sont
(2) D« Husurrectloae niortvioruin, lib. III, cap. vi.
t3S
DICTIONNAIRE DKS SCIENCES OCCULTES.
456
beaucoup plus vieux que noire monde ; qu'il
n'est pas probable que Dieu se soit avisé tout
d'un coup, il y a seulement sis ou sept mille
ans (1), de tout créer pour la première fois ;
que les anges et les démons étaient restés
immoricis après la ruine des mondes qui
ont précédé le nôtre, etc.
Manès, ceux qu'il a copiés et ceux qui ont
adopté son système, Tont le diable éternel et
le regardent comme le principe du mal, ain-
si que Dieu est le principe du bien. Il a été
suftisamment réfuté. Nous devons donc nous
«•n tenir, sur les démons, au sentiment de
l'Eglise universelle.
Dieu avait créé les chœurs des anges. Tou-
te cette milice céleste était pure et non portée
au mal. Quelques-uns se laissèrent aller à
l'orgueil ; ils osèrent se croire aussi grands
que leur Créateur, et entraînèrent dans leur
crime une partie de l'armée des anges. Satan,
le premier des Séraphins et le plus grand de
tous les êtres créés (2), s'était mis à la tète
des rebelles. Il jouissait dans le ciel d'une
gloire inaltérable et ne reconnaissait d'autre
maître que l'Éternel. Une folle ambition cau-
sa sa perte; il voulut régner sur la moitié du
ciel, et siéger sur un trône aussi élevé que
celui du Créateur. L'archange Michel et les
anges restésdans le devoir lui livrèrent com-
bat. Satan fut vaincu et précipité dans l'a -
btme avec tous ceux de son parti (3).
Dieu exila donc les anges déchus loin du
ciel, dans un lieu que nous nommons l'enfer
ou raMme.
Quelques opinions placent l'enfer au cen-
tre enflammé de notre globe. Plusieurs rab-
bins disent que les démons habitent l'air,
qu'ils remplissent. Saint Prosper les place
dans les brouillards. Swinden a voulu dé-
Diontrerqu'ils logeaient dans le soleil; d'au-
tres les ont relégués dans la lune. Bornons-
nous à savoir qu'ils sont dans les lieux infé-
rieurs, bien loin du soleil et de nous, comme
dit Milton, et que Dieu leur permet toutefois
de tenter les hommes qui sont sur la terre, et
de les éprouver.
Tout chrétien connaît la dure et incontes-
table histoire du péché originel, réparé, dans
ses effets éternels, par la divine rédemption.
On sait aussi que, depuis la venue du Messie,
le pouvoir des démons, resserré dans de plus
étroites limites, se borne à un rôle vil et té-
nébreux, qui a produit quelques tristes récils
mêlés souvent de mensonge.
On n'a aucune donnée du nombre des dé-
mons. Wiérus toutefois, comme s'il les avait
comptés, dit qu'ils se divisent en six mille six
cent soixante-six légions, composés chacune
de six mille six cent soixante-six anges lé-
nébreux; il en élève ainsi le nombre à qua-
rante-cinq millions, ou à peu près, et leur
donne soixante-douze princes, ducs, marquis,
prélats ou comtes. — Mai» il y en a bien da-
vantage, et ils ont leur large part dans le
mal qui se fait ici-bas, puisque les mauvaises
(t) La version drs Septanle donne au monde quinze ou
di\-liuil cenis ans de plus que nous. Les Grecs uio<1eriies
oui suivi ce calcul, ei le 1'. Pezron l'a uu peu réveillé
ii;in!> VAnliqutlé Riltablie.
inspirations viennent d'eux seuls. Honte et
malheur à qui les écoule!
Selon Michel Psellus, les démons se divi-
sent en six grandes sections. Les premiers
sont les démons du feu, qui en habitent les
régionséloignées ; lessccondssont lesdémons
de l'air, qui volent autour de nous, et ont le
pouvoir d'exciter les orages; les troisièmes
sont les démons delà terre, qui se mêlent
avec les hommes et s'occupent de les tenter;
les quiitrièmes sont les démons des eaux,
qui habitent la mer et les rivières, pour y
élever des tempêtes et causer des naufrages;
les cinquièmes sont les démons souterrains,
qui préparent les tremblements de terre,
soufflent les volcans, font écrouler les puits
et tourmentent les mineurs ; les sixièmes
sont les démons ténébreux, ainsi nommés
parce qu'ils vivent loin du soleil et ne se
montrent pas sur la terre.
On ne sait trop où Michel Psellus a trouvé
ces belles choses; mais c'est dans ce systè-
me queles cabalistes ont imaginé les sala-
mandres, qu'ils placent dans les régions du
feu ; les sylphes qui remplissent l'air: les on-
dins, ou nymphes, qui vivent dans l'eau, et
les gnomes, qui sont logés dans l'intérieur
de la terre.
Des doctes ont prétendu que les démons
multiplient entre eux comme les hommes;
ainsi, leur nombre doit s'accroître, surtout
si l'on considère la durée de leur vie, que
quelques savants ont bien voulu supputer ;
car il en est qui ne les font pas immortels.
Hésiode leur donne une vie de six cent qua-
tre-vingt mille quatre cents ans. Plularque,
qui ne conçoit pas bien qu'on ait pu faire
l'expérience d'une .«i longue vie, la réduit à
neuf mille sept cent vingt ans...
Il y aurait encore bien des choses à dire
sur les démons et sur les diverses opinions
qu'on s'est faites d'eux. On trouvera géné-
ralement ces choses, à leurs articles, dans
ce Dictionnaire.
Les Moluquois s'imaginent que les démons
s'introduisent dans leurs maisons par l'ou-
verture du toit, et apportent un air infect
qui donne la petite-vérole. Pour prévenir ce
malheur, ils placent àl'endroitoù passent ces
démons certaines petites statues de bois pour
les épouvanter, comme nous hissons des
hommes de paille sur nos cerisiers pour
écarter les oiseaux. Lorsque ces insulaires
sortent le soir ou la nuit , temps allrislé
par les excursions des esprits malfaisants ,
ils portent toujours sur eux comme sauve-
garde un oignon ou une gousse d'ail ,
un couteau, quelques morceaux de bois; et
quand les mères mettent leurs enfants au
lit, elles ne manquent pas de mettre l'un ou
l'autre de ces préservatifs sous leur tête.
Les Chingulais, pour empêcher que leurs
fruits ne soient volés, annoncent qu'ils les
ont donnés aux démons, dès lurs, personne
n'use plus y toucher.
(i) Quique creaturse praefulsil ia ordine primus... Al<i
Avili pueui., lib. H.
(3) Apocalypse, ili. v, vers. 7 el 9.
437
DEM
OEM
43S
Les Siamois ne connaissent point d'autres
démons que les âmes des méchants qui, sor-
tant des enfers oîi elles étaient détenues, er-
rent un certain temps dans ce monde et font
aux hommes tout le mal qu'elles peuvent.
De ce nombre sont encore les criminels
exécutés, les enfants mort-nés, les femmes
mortes en couches et ceux qui ont été tués
en duel. Voy. Diablb.
Le démon de l'incendie.
« Un jour, dit Flodoard (historien, né à
Epernay en 89i, et qui a écrit l'histoire de
l'église de Reims), un jour, saint Rémi, ar-
chevêque de Reims, était absorbé en prières
dans une église de sa ville chérie. 11 remer-
ciait Dieu d'avoir pu soustraire aux ruses
du démon les plus belles âmes de son dio-
cèse, lorsqu'on vint lui annoncer que toute
la ville était en feu. Alors la brebis devint
lion, la colère monta au visage du saint, qui
frappa du pied les dalles de l'église avec une
énergie terrible et s'écria : Satan, je te re-
connais ; je n'en ai donc pas encore Gni avec
ta méchanceté !
« On montre encore aujourd'hui, encas-
trée dans les pierres du portail occidental
de Saint-Remi de Reims, la pierre où sont
très-yisiblement empreintes les traces du
pied irrité de saint Rémi.
( Le saint s'arma de sa crosse et de sa
chape, comme un guerrier de son épée et
de sa cuirasse, et vola à la rencontre do
l'ennemi. A peine eut-il fait quelques pas
qu'il aperçut des gerbes de flammes qui dé-
voraient, avec une furie que rien n'arrêlait,
les maisons de bois dont la ville était bâtie et
les toits de chaume dont ces maisons étaient
couvertes. A la vue du saint, l'incendie sem-
bla pâlir et diminuer. Rémi, qui connaissait
l'ennemi auquel il avait à faire, Qt un signe
de croix, et l'incendie recula.
« A mesure que le saint avançait en fai-
sant des signes de croix, l'incendie lâchait
prise et fuyait, comme fasciné devant la
puissance de l'évêque; on aurait dit un être
intelligent et qui comprenait sa faiblesse.
Quelquefois il se roidissait; il reprenait cou-
rage; il cherchait à cerner le saint dans une
enveloppe de fou, à l'aveugler, à le réduire
en cendres. Mais toujours un redoutable
signe de croix parait les attaques et arrêtait
les ruses.
« Forcé de reculer ainsi, de lâcher succes-
sivement toutes les maisons qu'il avait en-
tamées, l'incendie vint s'abattre aux pieds
de l'évêque, comme un animal dompté; il
se laissa prendre et conduire, à la volonté du
saint, hors de la ville, dans les fossés qui
fortifient encore Reims. Là, Rémi ouvrit une
porte, qui donnait dans un souterrain; il y
lirécipita les flammes, comme on jette dans
un gouffre un malfaiteur, et fil murer la
porte.
« Sous peine d'anathème, sous peine de la
ruine du corps et de la mort de l'âme, il dé-
fendit d'ouvrir à jamais cette porte. Un im-
(1) M. Didi'on, Uisloire du diable.
(2) Uicliouuairc U'aiiccdotes suisses, p. 82.
prudent, un curieux, un sceptique peut-être,
voulut braver la défense et entr'ouvrir la
gouffre. Mais il en sortit des tourbillons do
flamme qui le dévorèrent et rentrèrent en-
suite d'elles-mêmes dans le trou où la volonté
toujours vivante du saint les tenait enchaî-
nées... »
« Voilà bien le démon de l'incendie ; voilà
bien, comme le fait remarquer M. Guizot,
dans la préface de Flodoard qu'il a traduit,
une bataille épique, aussi belle que la ba-
taille d'Achille contre le Xante : Le fleuve
est un demi-dieu, l'incendie est un démon.
C'est aussi beau que dans Homère (1). »
C'est que les légendaires, en dépit du mé-
pris que les écrivains froids des derniers
siècles s'efforçaient de leur témoigner ,
étaient des poètes et des croyants ; ils repré-
sentaient souvent par l'allégorie les der-
nières luttes du paganisme grossier contre
le christianisme naissant; ils révéraient l'es-
pèce humaine ; ils se refusaient à croire que
des âmes sorties de la main de Dieu pussent
concevoir de mauvaises actions ; ils attri-
buaient à Satan tout le mal et tous les
crimes.
DEMONS BLANCS. Voy. Femmes blan-
ches.
DEMONS FAMILIERS, démons qui s'ap-
privoisent et se plaisent à vivre avec les
hommes qu'ils aiment assez à obliger.
Voy. BÉRiTH.
Un historien suisse rapporle qu'un baron
de Regensberg s'était retiré dans une tour de
son château de Bâle pour s'y adonner avec
plus de soin à l'étude de l'Ecriture sainte et
aux belles-lettres. Le peuple était d'autant
plus surpris du choix de cette retraite, que
la tour était habitée par un démon. Jusqu'a-
lors le démon n'en avait permis l'entrée à
personne; mais le baron était au-destus
d'une telle crainte. Au milieu de ses travaux,
le démon lui apparaissait, dit-on, en habit
séculier, s'asseyait à ses côtés, lui faisait des
questions sur ses recherches, et s'entrete-
nait avec lui de divers objets, sans jamais
lui faire aucun mal. L'historien crédule
ajoute que, si le baron eût voulu exploiter
méthodiquement ce démon, il en eût tiré
beaucoup d'éclaircissements utiles (2). Voy.
Esprits, Lutins, Farfadets, Kobold, etc.
DEMONS DE MIDL On parlait beaucoup
chez les anciens de certains démons qui se
montraient particulièrement vers midi à ceux
avec lesquels ils avaient contracté familia-
rité. Voy. Agateion. Ces démons visitent
ceux à qui ils s'attachent, en forme d'hom-
mes ou de bêtes, ou en se laissant enclore
en un caractère, chiffre, fiole, ou bien en un
anneau vide et creux au dedans. « Ils sont
connus, ajoute Leloyer, des magiciens qui
s'en servent, et, à mon grand regret, je suis
contraint de dire que l'usage n'en est que
trop commun (3) . » Voy. Emposb.
DENIS ANJORAND, docteur de Paris, mé-
decin et astrologue au quatorzième siècle. Ce
fut lui qui prédit la venue du prince de Gal-
(3) liisluire des spcclres, liv. lU, cli. iv, p. 198.
4".9
DICTIONNAIRE DKS SCIENCES OCCliLTES.
4:0
li's, et qui conngara d'avance par astrolo-
gie la prise du roi Jean à Poitiers. Mais on
n'en tint pas compte. Néanmoins, ;iprès que
la chose fut advenue, il fut grandement es-
timé à la cour fl).
DENIS-LE-CHARTREDX, écrivain pieux
du quinzième sit^cle, né dans le pays de Liège.
Nous ne cilerons que son ouvrage Des Qua-
tre dernières fins de l'homme, où il traite du
purgatoire el de l'enfer. Vny. Enfer.
DENIS DE VINCENNES, médecin de la
Faculté de Montpellier et grand astrologue.
Appelé au service du duc Louis d'Anjou, il
fut fort expert en ses jugements particuliers,
entre lesquels il en fit un audit duc, qui était
gouverneurdu petit roi Charles VI, au moyen
duquel il trouva le trésor du roi Charles V, qui
était seulement à la connaissanced'un nommé
Errart de Serreuze, homme vertueux, discret
et sage. 11 y avait dans ce trésor, que Denis
de Vincennes découvrit par son art, dix-huit
millions d'or. Aucuns (attendu que ce roi
avait toujours eu la guerre) disent que Jean
deMeung, auteur du roman de la Rose, lui
avait amassé ce trésor par la vertu de la
pierre philosophale (2).
DENTS. Il y a aussi quelques histoires
merveilleuses sur les dents; el d'abord on
a vu des enfants naître avec des dents;
Louis XIV en avait deux lorsqu'il vint au
monde. Pyrrhus, roi des Epirotes, avait au
lieu de dents un os continu en haut de la
mâchoireet un pareil en bas. Il yavait même
en Perse une race d'hommes qui apportaient
ces os-là en naissant (3).
La république des Gorgones devait être
bien laide, comme dit M. Salgues, s'il est
vrai que ces femmes n'avaient pour elles
toutes qu'un œil et qu'une dent, qu'elles se
prêtaient l'une à l'autre.
En 1591, le bruit courut en Silésie que, les
dents étant tombées à un enfant de sept ans,
il lui en était venu une d'or. On prétendait
qu'elle était en partie naturelle et en partie
merveilleuse, et qu'elle avait été envoyée du
ciel à cet enfant pour consoler les chrétiens
affligés par les Turcs, quoiqu'il n'y eût pas
grand rapport entre cette dent et les Turcs,
el qu'on ne voie pas quelle consolation les
chrétiens en pouvaient tirer. Cette nouvelle
occupa plusieurs savants; elle éleva plus
d'une dispute entre les grands hommes du
temps, jusqu'à ce qu'un orfèvre ayant exa-
miné la dent, il se trouva que c'était une
dent ordinaire à laquelle on avait appliqué
une feuille d'or avec beaucoup d'adresse :
mais on commença par disputer et faire des
livres, puis on consulta l'orfèvre.
Nous ajouterons que dans le village de
Senlices il y a une fontaine publique dont on
dit que l'eau fait tomber les dents, sans flu-
xion et sans douleur. D'abord elles branlent
dans la bouche comme le battant d'une clo-
che, ensuite elles tombent naturellement.
(1) Ancien manuscrit de la BiblioUièque du roi, cité par
Jol.f, Remarques sur Bajle.
(2) Torqueniada, Hpxaniéron, p. 29.
(3) Sainl-Foix, Essais, 1. 1.
(i) Manuscrit de la.Blbli()thèque, cité par Joly dans ses
Remarques sur Bayle.
Plus de la moitié des habitants de ce village
manquent de dents C»).
On voit dans les Admirables secrets d'Aï-
bert-le-Grand qu'on calme le mal de dents en
demandant l'aumône en l'honneur de saint
Laurent. C'est une superstition.
Les racines d'asperges sont, dit-on, un très-
bon spécifique : séchées et appliquées sur les
dents malades, elles les arrachent sans dou-
leur. Nous ne l'avons pas éprouvé.
DÉRODON (David), dialecticien du dix-
septième siècle. On conte qu'un professeur,
pressé par un argumenlateur inconnu, lui
dit sur le point de se rendre : « Tu es le dia-
ble, ou lu es Dérodon. » Ce savant a laissé
un Discours contre l'astrologie judiciaire,
in-8°, 1663.
DERSAIL, sorcier du pays de Labour, qui
portait le bassin au sabbat, vers l'an 1610.
Plusieurs sorcières ont avoué l'y avoir vu
recevant les offrandes, à la messe du sab-
bat; elles ont assuré de plus qu'il employait
cet argent pour les affaires des sorciers et
pour les siennes (5).
DESBORi)ES, valet de chambre du duc de
Lorraine Charles IV. Ce valet fut accusé, en
1628, d'avoir avancé la mort de la princesse
Christine, mère du duc, et causé diverses
maladies que les médecins attribuaient à des
maléfices. Charles IV avait conçu de violents
soupçons contre Desbordes, depuis une partie
de chasse où il avait servi un grand dliier au
duc, sans autres préparatifs qu'une petite
boite à trois étages, dans laquelle se trouvait
un repas exquis. Celait peut-être un auto-
clave. Dans une autre occasion , il s'était
permis de ranimer trois pendus (car il fai-
sait toujours tout par trois) qui, depuis trois
jours, étaient attachés à trois gibets; et il
leur avait ordonné de rendre hommage au
duc, après quoi il les avait renvoyés à leurs
potences. On vérifia encore qu'il avait or-
donné aux personnages d'une tapisserie de
s'en détacher et de venir danser dans le salon...
Charles IV, effrayé de ces prodiges, voulut
qu'on informât contre Desbordes. On lui fit
son procès el il fut condamné au feu (6) ;
mais soyez assuré qu'il y avait à la charge
de cet homme, autre chose que des tours do
gibecière et des tours de passe-passe.
DESCARTES (René), l'un des hommes les
plus célèbres du dix-septième siècle. Il fut
persécuté en Hollande lorsqu'il publia pour
la première fois ses opinions. Voët {Voetiusj,
qui jouissait de beaucoup de crédit à Utrecht,
l'accusa d'athéisme; il conçut même le des-
sein de provoquer sa condamnation, sans lui
permettre de se défendre, el, avec la man-
suétude protestante, de le faire brûler à
Utrecht sur un bûcher très-élevé, dont la
flamme serait aperçue do toutes les Provin-
ces-Unies (7)...., pays assez plat pour une
telle tentative.
DÉSERTS. C'est surtout dans les lienxdé-
(b) Delancre, Tableau de l'inconstance des démons,etc.,
etc., p. 90.
(6) M. Saignes, des Erreurs et des préjugés, et M. Ju-
les Garinet, Histoire de la magie en France, p. 204.
(7) Curiosiiés de littérature, trsd. de l'anglais, parBer
lin, t. I, p. 53.
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DES
DtS
{SI
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serts et abandonnés que les sorciers font
leur sabbat et les démons leurs orjçies. C'est
dans de tels lieux que le diable se montre à
ceux qu'il veut acheter ou servir. C'est là
aussi qu'on a peur et qu'on voit des fantô-
mes. Voy. Carrefours.
DESFONTAINES. En 169o , un certain
M. Bézuel (qui depuis fut curé de Valogne),
étant alors écolier de quinze ans, fit la con-
naissance des enfantsd'un procureur nommé
d'Abaquène, écoliers comme lui. L'atné était
de son âge; le cadet, un peu plus jeune s'ap-
pelait Desfontaines; c'était celui des deux
frères que Bézuel aimait davantage. Se pro-
menant tous deux en 1696, ils s'entretenaient
d'une lecture qu'ils avaient faite de l'hiisloire
de deux amis, lesquels s'étaient promis que
celui qui mourrait le premier viendrait dire
des nouvelles de son état au survivant. Le
mort revint, disait-on, et conta à son ami
des choses surprenantes.
Le jeune Desfontaines proposa à Bézuel de
se faire mutuellement une pareille promesse.
Bézuel ne le voulut pas d'abord; mais quel-
ques mois après il y consentit, au moment
où son ami allait partir pour Gaen. Desfon-
laincs tira de sa poche deux petits papiers
qu'il tenait tout prêts , l'un signé de son
sang, où il promettait, en cas de mort, de
venir voir Bézuel ; l'autre où la même pro-
messe était écrite, fut signée par Bézuel. Des-
fontaines partit ensuite avec son frère, elles
deux amis entretinrent correspondance.
Il y avait six semaines que Bézuel n'avait
reçu de lettres, lorsque, le 31 juillet 1697, se
trouvant dans une prairie, à deux heures
après midi, il se sentit tout d'un coup étourdi
et pris d'une faiblesse, laquelle néanmoins
se dissipa; le lendemain, à pareille heure, il
éprouva le même symptôme; le surlende-
main, il vit pendant son affaiblissement son
ami Desfontaines qui lui faisait signe de ve-
nir à lui Comme il était assis, il se recula
sur son siège. Les assistants remarquèrent
te mouvement.
Desfontaines n'avançant pas , Bézuel se
leva enfin pour aller à sa rencontre ; le spec-
tre s'approcha alors, le prit par le bras gau-
che et le conduisit à trente pas de là dans un
lieu écarté.
Je vous ai promis, lui dit-il, que si je mou-
rais avant vous, je viendrais vous le dire :
je me suis noyé avant-hier dans la rivière,
à Caen, vers cette heure-ci. J'étais à la pro-
menade; il faisait si chaud, qu'il nous prit
envie de nous baigner. Il me vint une fai-
blesse dans l'eau, et je coulai. L'ablié de
Ménil-Jean , mon camarade, plongea ; je sai-
sis son pied, mais soit qu'il crût que ce fût
un saumon, soit qu'il voulût promptement
remonter sur l'eau, il secoua si rudement le
jarret, qu'il me donna un grand coup dans la
poitrine, et me jeta au fond delà rivière qui
est là très-profonde.
Desfontaincs raconta ensuite à son ami
beaucoup d'autres choses.
Bézuel voulut l'embrasser, mais alors il
ne trouva qu'une ombre. Cependant, son
bras était si fortement tenu qu'il en conserva
une douleur.
Il voyait continuellement le fantôme, un
peu plus grand que de son vivant, à demi
nu, ))ortantenlortillé dans ses cheveux blonds
un écriteau où il ne pouvait lire que le mot
in Il avait le même son de voix ; il ne pa-
raissait ni gai ni triste, mais dans une tran-
quillité parfaite. Il pria son ami survivant,
quand son frère serait revenu, de le charger
de dire certaines choses à son père et à sa
mère ; il lui demanda de réciter pour lui les
sept psaumes qu'il avait eus en pénitence le
dimanche précédent, et qu'il n'avait pas en-
core récités; ensuite il s'éloigna en disant :
Jusqu'au revoir, qui était le terme ordinaire
dont il se servait quand il quittait ses ca-
marades.
Celte apparition se renouvela plusieurs
fois. Quelques-uns l'expliqueront par les
pressentiments, la sympathie, etc. L'abbé
Bézuel en raconta les détails dans un diner,
en 17; 8, devant l'abbé de Saint-Pierre, qui
en fait une longue mention dans le tome IV
de ses OEuvres politiques.
DESFORGES (Pierre Jean BaptisteChou-
dard), né à Paris en llkG, auteur plus que
frivole. Dans les Mille et un souvenirs ou
Veillées conjugales, livre immoral qu'on lui
attribue, il raconte plusieurs histoires de
spectres qui ont été reproduites par divers
recueils.
DESHOULIÈRES. Madame Deshoulières
étant allée passer quelques mois dans une
terre, à quatre lieues de Paris, on lui permit
de choisir la plus belle chambre du château;
mais on lui en interdisait une qu'un revenant
visitait toutes les nuits. Depuis longtemps
madame Deshoulières désirait voir des reve-
nants; et, malgré les représentations qu'on
lui fit, elle se logea précisément dans la
chambre infestée. La nuit venue, elle se mit
au lit, prit un livre selon sa coutume; et, sa
lecture finie, elle éteignit sa lumière et s'en-
dormit. Elle fut bientôt éveillée par un bruit
qui se fit à la porte, laquelle se fermait mal ;
on l'ouvrit, quelqu'un entra, qui marchait
assez fort. Elle parla d'un ton très-décidé,
car elle n'avait pas peur. On ne lui répondit
point. L'esprit fit tomber un vieux paravent
et tira les rideaux avec bruit. Elle harangua
encore l'âme, qui s'avançant toujours lente-
ment et sans mot dire, passa dans la 'ruelle
du lit, renversa le guéridon et s'appuya sur
la couverture.
Ce fut là que madame Deshoulières fit pa-
raître toute sa fermeté. — Ah I dit-elle, je
saurai qui vous êtes 1.... Alors, étendant ses
deux mains vers l'endroit où elle entendait
le spectre, elle saisit deux oreilles velues ,
qu'elle eut la constance de tenir jusqu'au
matin.
Aussitôt qu'il fut jour, les gens du château
vinrent voir si elle n'était pas morte. Il se
trouva que le prétendu revenant était un gros
chien, qui trouvait plus commode de cou-
cher dans cette chambre déserte que dans la
basse-cour.
DESPILLIEUS. Le comte Despilliers le
HZ
DlCTIONNAinF, DKS SCIENCES OCCULTES.
l'.i
père, qui mourut avec le grade de maréchal-
de-cain|) de l'empereur Ch.irles VI, n'étiiit
encore que ca()ilaliie de cuirassiers, lors-
«que, se Irouvaiil en quartier d'hiver en
Flandre, un de ses cavaliers vint un jour le
prier du le changer de logcinenl, disaul que
toutes les nuits il revenait dans sa chambre
un esprit qui ne le laissait pas dormir.
Despilliers se moqua de sa simplicité, et le
renvoya. Mais le militaire revint au bout de
quelques jours, et répéta la même prière; il
fut encore nioi]ué. EuTin il revint une troi-
sième fois, et assura à >oii capitaine qu'il se-
rait obligé de déserter si on ne le changeait
pas de logis. D>'spilliers, qui connaissait cet
nomme pour bon soldat, lui dit en jurant:
— Je veux aller cette nuit coucher avec toi,
et voir ce qui en est.
Sur les dix heures du soir, le capitaine
se rend au logis de son cavalier; ayant mis
SCS pistolets a^més sur la table; il se couche
tout véta. son épée à côlc de lui.
Vers minuit il entend quelqu'un qui entre
dans la chambre, qui, en un instant, met le
lit sens dessus dessous, et enferme le capi-
taine et le soldat sous le matelas et la pail-
lasse.
Après s'être dégagé de son mieux, le comte
Despiiliers, qui était cepend;int très-hrave,
s'en retourna tout confus et fit déloger le ca-
valier.
Il raconta depuis son aventure, pensant
bien qu'il avait eu affaire avec quelque dé-
mon. Néanmoins il se trouva, dit-on, que le
lutin n'était qu'un grand singe.
DESRUES, empoisonneur, rompu et brûlé
à Paris, en 1777, à l'âge de trente-deux ans.
11 avait été exécuté depuis quinze jours,
lorsque tout à coup le bruit se répandit qu'il
revenait toutes les nuits sur la place de
Grève.
On voyait un homme en robe de chambre,
tenant un crucifix à la main, se promenant
lentement autour de l'espace (ju'avaient oc-
cupé son écbafaud et son bûcher, et s'écriant
d'une voix lugubre : — Je viens chercher ma
chair et mes os.
Quel({uos nuits se passèrent ainsi, sans
que personne osât s'approcher d'assez près
pour savoir quel pouvait être l'auteur de
«;etle farce un peu sombre.
Plusieurs soldats de patrouille et de garde
-en avaient été épouvantés. Mais enfin la ter-
reur cessa; un intrépide eut le courage de
s'avancer sur la place; il empoigna le spec-
tre et le conduisit au corps-de-garde, où
l'on reconnut que ce revenant était le frère
de Desrues, riche aubergiste de Senlis, qui
était devenu fou de désespoir.
DESTINÉE. Voy. Fatalisme.
DESVItiNES, parisienne qui avait, au com-
mencement du dix-septième siècle, des atta-
-«lues de nerfs dont elle voulut tirer parti
pour se faire une ressource. Les uns la di-
-saient sorcière ou possédée, les autres la
croyaient prophélesse. Le père Lebrun, qui
|)arle d'elle dans son Histoire des Supersti~
4ion$, reconnut comme les médecins qu'il y
avait dans son fait une grande fourberie. Le
bruit qu'elle avait fait tomba subitement.
DEUIL. Les premiers poètes disnient que
les âmes après la mort allaient dans le som-
bre empire : c'est peut-être conformément à
ces idées, dit Saint-Foix, qu'ils crurent que
le noir était la couleur du deuil.
Les Chinois et les Siamois choisissent le
blanc, croyant aue les morts deviennent des
génies bienfaisants.
En Turquie, on porte le deuil en bleu ou
en violet ; en gris, chez les Ethiopiens; on
le portait en gris de souris au Pérou, quand
les Espagnols y entrèrent.
Le blanc, chez les Japonais, est la marque
du deuil, et le noir est celle de la joie. En
Castille, les vêtements de deuil étaient au-
trefois de serge blanche.
Les Perses s'habillaient de brun, et se ra-
saient avec toute leur famille et tous leurs
animaux. Dans la Lycie, les hommes por-
taient des habits de femme pendant tout le
temps du deuil.
Chez nous, Anne de Bretagne, femme de
Louis Xll, changea en noir le deuil, qui jus-
que-là avait été porté en blanc à la cour.
A Argos, on s'habillait de blanc et on fai-
sait de grands festins. A Délos, on se cou-
pait les cheveux, qu'on mettait sur la sépul-
ture du mort. Les Egyptiens se meurtris-
saient la poitrine et se couvraient le visage
de bouc. Us portaient des vêtements jaunes
ou feuille-morte.
Chez les Romains, les femmes étaient obli-
gées de pleurer la mort de leurs maris, et
les enfants celle de leur père , pendant une
année entière. Les maris ne pouvaient pleu-
rer leurs femmes; et les pères n'avaient
droit de pleurer leurs enfants que s'ils
avaient au moins trois ans.
Le grand deuil des Juifs dure un an; il a
lieu à la mort des parents.
Les enf.ints ne s'habillent pas de noir;
mais ils sont obligés de porter toute l'année
les h tbits qu'ils avaient à la mort de leur
père, sans qu'il leur soit permis d'en chan-
ger, quelque déchirés qu'ils soient. Ils jeû-
nent tous les ans à pareil jour. Le deuil
moyen dure un mois ; il a lieu à la mort des
enfants, des oncles et des tantes.
Ils n'osent, pendant ce temps, ni se laver,
ni se parfumer, ni se raser la barbe, ni même
se couper les ongles; ils ne mangent point
en famille.
Le petit deuil dure une semaine : il a lieu
à la mort du mari ou de la femme.
En rentrant des funérailles, l'époux en
deuil se lave les mains, déchausse ses sou-
liers, et s'assied à terre, se tenant toujours
en cette posture, et ne faisant que gémir et
pleurer, sans travailler à quoi que ce soit
jusqu'au septième jour. Ces usages n'ont lieu
que cht z les juifs pur sang.
Les Chinois en deuil s'habillent de grosse
toile blanche, et pleurent pendant trois mois.
Le magistral n'exerce pas ses fonctions; lu
plaideur suspend ses procès. Les jeunes
gens vivent dans la retraite, et ne peuvent
se marier qu'après trois années.
Le deuil des Caraïbes consiste à se coupée
us
DEV
DKV
UO
les cheveux cl à jeûner rigoureusement jus-
qu'à ce que le corps du dcfunl qu'ils pleurent
soit pourri; après quoi ils font la débauclif,
pour chasser toute tristesse de leur esprit.
Chez certains peuples de l'Amérique, le
leuil était conforme à l'âge du mort.
On était inconsolable à la mort des en-
fants, et on ne pleurait presque pas les vieil-
lards. Le deuil des enfants, outre sa durée,
était commun, et ils étaient regrettés de tout
le canton où ils étaient nés.
Le jour de leur mort, on n'osait point ap-
procher des parents, qui faisaient un bruit
effroyable dans leur niaison, se livraient à
des accès de fureur, hurlaient comme des
désespérés, s'arrachaient les cheveux, se
mordaient, s'égratignaient toul le corps. Le
lendemain, ils se renversaient sur un lit
qu'ils trempaient de leurs larmes.
Le troisième jour, ils commençaient les
gémisscmenis qui duraient toute l'année ,
pendant laquelle le père et la mère ne se la-
vaient jamais. Le reste de la ville, pour com-
patir à leur affliction, pleurait trois fois le
jour, jusqu'à ce qu'on eût porté le corps à
la sépulture (1). Voy. Funérailles.
DEUMUS ou DEUMO , divinité des habi-
tants de Calicnt, au Malabar. Cette divinité,
qui n'est qu'un diable adoré sous le nom de
Deumus, a une couronne, quatre cornes à la
tête et quatre dents crochues à la bouche,
qui est fort grande ; elle a le nez pointu et
crochu, les pieds en pattes de coq, et lient
entre ses griffes une âme qu'elle semble
prête à dévorer (2).
DEVAUX, sorcier du seizième siècle, à
qui l'un trouva une marque sur le dos, de la
forme d'un chien noir. Lorsqu'on lui enfon-
çait une épingle dedans, il n'en éprouvait
aucune douleur; mais lorsqu'on se disposait
à y planter l'aiguille, il se plaignait beau-
coup, quoiqu'il ne vil pas celui qui portait
les doigts au-dessus de la marque (3).
DEVINS, gens qui devinent et prédisent
les choses futures. Dans un siècleaussi éclairé
que le nôtre prétend l'être, il est encore des
personnes qui croient aux devins; souvent
même ces personnes si crédules ont reçu une
éducation qui devrait les élever au-dessus
des préjugés vulgaires.
Deux dames d'un rang distingué entendi-
rent parler d'une devineresse pour qui l'ave-
nir n'était point caché; elles résolurent de la
consulter, el se rendirent chez elle en allant
au spectacle, c'est-à-dire dans toute leur pa-
rure. Les bijoux qu'elles étalaient frappè-
rent la sorcière : — Mesdames, leur dit-elle,
si vous voulez lire dans l'avenir, il faut vous
armer décourage. Apprenez que nous avons
tous, dans ce monde, un esprit qui nous ac-
compagne sans cesse, mais qui ne se ccmiuu-
nique qu'autant qu'il y est forcé par une
puissance supérieure. H ne tient qu'à moi
de vous procurer un entretien particulier
M) Muret, des Cérémonies funèbres, elc.
(2) Leloycr, Histoire di s spectres ou apparitions des es-
prils, liv. m, (Il IV, |i. 2o7.
(3) Delancre.'i'abk'aii u.' l'iiiconslance des démons, df..
liv. III, p. ma.
avec le vôtre; mais il ne cédera point à mes
conjurations, si vous ne consentez à certai-
nes conditions absolument nécessaires.
Les dames demandèrent arec empresse-
mint quelles étaient ces conditions : — Les
voici, poursuivit la vieille; il s'agit de dé-
pouiller les vêtements qui vous couvrent, el
de déposer un instant ces ouvrages de luxe,
qui prouvent combien le genre humain s'est
perverti. Adam était nu quand il conversait
avec les esprits.
Les deux dames hésitent ; elles sont d'abord
tentées de se retirer; mais elles s'encoura-
gent, el la curiosité l'emporte. Les robes et
les bijoux sont déposés dans une chambre,
et chacune des curieuses passe dans un cabi-
net séparé. Elles y restèrent deux heures
dans une impatience difficile à exprimer.
Enfin, ne voyant point paraître l'espril, elles
commencent à croire qu'elles ont été trom-
pées. La frayeur les saisit, elles poussent
des cris ; leur» gens, les voisins accourent,
el on les lire de leur prison. La prétendue
sorcière, après les avoir eufermées, avait dé-
ménagé avec leurs hardes el les siennes (l*).
Un plat d'argent ayant été dérobé dans la
maison d'un grand seigneur, celui qui avait
la charge de la vaisselle s'en alla avec un de
ses compagnons trouver une vieille qui ga-
gnait sa vie à deviner. Croyant déjà avoir
découvert le voleur et recouvré le plat, ils
arrivèrent de bon malin à la maison de la
devineresse, qui, remarquant en ouvrant sa
porte qu'on l'avait salie de boue el d'ordure,
s'écria toul en colère : — Si je connaissais le
gredin qui a mis ceci à ma porte pendant la
nuit, je lui rejeterais tout au nez.
Celui quila venait consulter regardant son
compagnon : — Pourquoi, lui dit-il, allons-,
nous perdre de l'argent ? cette vieille nous
pourra-l-elle dire qui nous a volés, quand
ellenesait pas les choses qui la louchent (5j?»
Un passage des Confessions de saint Au-
gustin {Liv. IV, cliup. 2) nous donne une
idée de ce que faisaient les devins de son
temps.
(( J'ai un souvenir bien distinct, dit-il,
quoiqu'il y ait longtemps que la chusi; suit
arrivée , qu'ayant eu dessein de disputer un
prix de poésie, qui se donnait publiquement
a celui qui avait le mieux réussi, un certain
homme qui faisait le métier de devin voulut
traiter avec moi pour me faire remporter le
prix. Saisi d'horreur pour les sacrifices abo-
minables que les gens de cette profession
offraient aux démons, je le renvoyai au plus
loin, et lui fis dire que, quand la couronne
dont il s'agissait ne se devrait jamais flétrir,
quand même ce serait une couronne d'or, je
ne consentirais jamais que pour me la pro-
curer il en coûtât la vie à une mouche. »
Aujourd'hui, chez nous, dans beaucoup du
départements encore, les jeunes villageois
que le recrutement militaire menace dans la
(4) Madame Gabrielle de P'", Démoniana, p. 24. C'eal
peul-êlre l'hisloire coulée p:ir Dufi esiiy cl qu'on peut
voir au mot Bohémien.
(.')) Bardai, oaus l'.4rg nis.
iir
DICTIONNAIUE Di:S SCIENCES OCCULTES.
41»
plus sainle des libertés, voni trouvor les de-
vins pour obtenir un heureux numéro au
timide.
Voyez Cat"Ptr"m\sîcie, Cristimomancie,
Cartomancie , Main , Divination , PnÉnic-
TiONs, etc.
DEVOUEMKNT . mouvement de ceux qui
se dévouent, ou sort de ceux qu'on dévoue.
Les histoires grecque et romaine fournissent
beaucoup de traits de dévouement. Nous ne
rappellerons pas ici le dévouement de Décius
(Voyez ce nom), ni celui de Codrus, ni tant
d'autres. Il y avait aussi des villes où l'on
donnait des malédictions à un homme pour
lui faire porter tous les maux publics que le
peuple avait mérités.
Valère-Maxime rapporte l'exemple d'un
chevalier romain, nommé Curtius, qui vou-
lut attirer sur lui-même tous les malheurs
dont Home était menacée. La terre s'était
épouvanlablement enir'ouverte au milieu du
marché ; on crut qu'elle ne reprendrait son
premier état que lorsqu'on verrait quelque
action de dévouement extraordinaire. Le
jeune chevalier monte à cheval , fait le tour
de la ville à toute bride , et se jette dans le
précipice que l'ouverture de la terre avait
produit, et qu'on vil se refermer ensuite
presque en un moment.
On lit dans Servius, sur Virgile, qu'à Mar-
seille , avant le christianisme, dès qu'on
apercevait quelque commencement de peste,
on nourrissait un pauvre homme des meil-
leurs aliments ; on le faisait promener par
toute la ville en le chargeant hautement de
malédictions, et on le chassait ensuite afin
que la peste et tous les maux sortissent avec
lui (1).
Les Juifs dévouaient un bouc pour la ré-
mission de leurs péi'hés. Voy. âzazel.
Voici des traits plus modefn(;s : Un inqui-
siteur, en Lorraine , ayant visité un village
devenu presque désert par une mortalité,
apprit qu'on attribuait ce fléau à une femme
ensevelie, qui avalait peu à peu le drap
mortuaire dont elle était enveloppée. On lui
dit encore que le fléau de la mortalité cesse-
rait lorsque la morte, qui avait dévoué le
village, aurait avalé tout son drap. L'inqui-
siteur, ayant assemblé le conseil, fit creuser
la tombe. On trouva que le suaire était déjà
avalé et digéré. A ce spectacle, un archer
tira son sabre, coupa la tête au cadavre, la
jeta hors delà tombe, et la peste cessa. Après
une enquête exacte , on découvrit que celle
femme avait été adonnée à la magie et aux
sortilèges {2). Au reste , cette anecdote con-
vient au vampirisme.
On lit ce qui suit dans les Grands et redou-
tables jugements de Dieu, de Chassanion : « Un
soldat qui passait par l'Allemagne , se sen-
tant malade, demeura dans une hôtellerie,
et donna son argent à garder à son hôtesse ;
quelques jours après qu'il fut guéri, il le re-
demanda à celle femme, laquelle avait déjà
délibéré avec son mari de le retenir : elle le
lui nia donc et l'accusa comme s'il lui eût
(1) Lcl)rufi, Hisloiio lies supcrslilions, l. I, cliap, iv.
p. 413.
fait injure. Le soldat, de son côlé, taxa l'hô-
tesse d'infidélité ; ce que l'hôte ayant en-
tendu, il jela le pauvre homme hors de sa
maison , lequel tira son épée et en donna de
la pointe contre la porte. L'hôte commença
à crier au larron, disant qu'il voulait forcer
sa maison, ce qui fut cause que le soldat fut
mis en prison et son procès fait par le magis-
trat, qui le voulut condamner à mort.
Le jour étant venu que la sentence devait
être prononcée et exécutée, le diable entra
en la prison, et annonça au prisonnier qu'il
était condamné à mourir ; toutefois, que s'il
se voulait donner à lui, il lui promettait qu'il
n'aurait aucun mal. Le prisonnier répondit
qu'il aimerait mieux mourir innocent que
d'être délivré par ce moyen. Le diable dere-
chef lui ayant représenté le danger où il était,
et voyant qu'il perdait sa peine , lui promit
de l'aider gratis, disant qu'il ferait tant qu'il
le vengerait de ses ennemis. Il lui conseilla,
lorsqu'il serait appelé au jugement, de re-
montrer son innocence, en déclarant le tort
qui lui était fait ; et que, pour cette cause, il
priait le juge de lui bailler pour avocat celui
qu'il verrait là présent avec un bonnet bleu :
c'est à savoir, lui , démon, qui l'assislerait.
Le prisonnier accepta celle offre. Etant donc
au jugement, après qu'il eut entendu l'accu-
sation qui lui était faite, il ne faillit point à
demander l'avocat qui s'était présenté à lui :
ce qui lui fut accordé. Alors ce fin docteur
ès-lois commença à plaider et à défendre sub-
tilement sa partie, disant qu'elle était faus-
sement accusée, et par conséquent mal jugée;
que l'hôte lui retenait son argent et l'avait
forcé ; et il conta comme le tout s'était passé.
Qui plus est, il déclara le lieu où l'argent
avait été mis. L'hôte, étonné, ne s'en défen-
d;iil pas moins fort et ferme, el niait impu-
demment en st donnant au diable; c'éiail là ce
qu'attendait le gentil docteur au bonnet bleu,
qui, ne demandant pas plus, laissa la cause,
empoigna l'hôle, l'emporta hors du parquet,
et i'éleva si haut en l'air, que jamais depuis
on n'a pu savoir ce qu'il est devenu.
Ainsi le soldat fut délivré de peine, et mis
hors de procès par un moyen étrange, au
grand étonnement de tous les assistants.
On cite beaucoup d'histoires de ce genre ,
entre autres , l'aventure d'une riche demoi-
selle d'Anvers, coquette et orgueilleuse, qui
vivait au temps où le duc d'Alençon domi-
nait pour quelques jours en Brabant. Irritée
de certains contretemps, survenus à sa loi-
lelte, dont elle s'occupait fort, elle se mit en
fureur et se donna au diable dans son em-
portement. Elle tomba étranglée.
Nous allons donner une légende qui ex-
plique ce fait dans un autre sens.
La jolie fille d^ Anvers.
I.
L'union d'Utrecht avait déclaré Philippe
II déchu de toute souveraineté dans les Pays-
Bas. Mais la nationalité belge sommeillait en'
core ; car d'imprudents traités avaientappelé
au pouvoir le duc d'Alençon , quatrième fils
(2) Sprongcr, Malicus inaluOc.,pirl. I, quaesl. 15. Voyij
aussi EmoiUement.
U9
DEV
DKV
4SA
deCalherinedc Mcdicis, frère du roi de Fran-
co Henri III, de triste mémoire. François de
Valois , duc d'Alençon , débnrqua donc le 10
février 1582, à Flessingue. Il venait de Lon-
dres, où son mariage avec Elisabeth parais-
sait d'autant plus assuré qu'on avait dressé
les articles du contrat , cl que la reine d'An-
gleterre lui avait mis au doigt son anneau ,
en présence de toute sa cour. Quoique Elisa-
beth eiit alors quarante-huit ans , et le duc
d'Alençon vingt-cinq, cette alliance était si
brillante pour leur nouveau souverain, que
lesBrabançons et lesFIamands n'en voyaient
pas le côté ridicule.
François de Valois était assez laid. Il avait
le nez gros et enflé, un peu aquilin, rappro-
ché de la bouche, le menton court et pointu,
les joues faneés et boufûes , les yeux rouges
et presque toujours à moitié fermés, les che-
veux, châtains ard(;nts, les moustaches fau-
ves et clair-semées. Une pareille têle, enca-
drée dans une fraise énorme à gros tuyaux ,
avait-elle pu plaire à la reine d'Angleierre ,
qui, de son côié, était rousse et laide aussi,
mais se jugeait une beauté? 11 s'habillaitavcc
élégance. Son caractère humoriste et in-
quiet aurait pu se révéler dans son teint
bilieux, s'il n'avait pas mis du rouge et des
mouches.
Ce prince sans éloffe fil son entrée à An-
vers le 19 février, accompagné de plusieurs
gentilshommes anglais et d'une suite nom-
breuse de jeunes seigneurs français, qui gou-
vernaient son esprit et qui n'avaient de re-
marquable que leur étourdorie. Il alla se lo-
ger à l'abbaye de Saint-Michel, oii il fut re-
connu et proclamé duc de Brabant et mar-
grave du saint Empire. Des fêtes publiques
animèrent Anvers pendant plusieurs jours
à l'occasion de cet événement. Cependant
beaucoup de bourgeois , tout en préférant la
France a l'Espagne, avaient espéré mieux.
Ils regardaient le duc d'Alençon comme une
espèce d'aventurier qui venait exploiter le
pays. On parlait avec surprise du prince
d'Orange , qui lui avait remis le chapeau et
le manteau ducal, et qui le premier l'avait
salué duc de Biabant. On avait remarqué
encore que le nouveau souverain avait
paru peu gracieux en jurant de maintenir
les privilèges acquis.
Parmi les officiers français qui accompa-
gnaient le duc d'Alençon , on avait observé
surtout le sieur de Rochepot , courtisan de
haute taille, fat de quarante ans, dont la
figure effrontée contrastait singulièrement
avec les bonnes faces anversoises, et qui s'é-
tait raillé des prérogatives du peuple, de fa-
çon à inspirer d'avance de l'ombrage.
Le 1" mars , on annonça d'une manière
presque officielle le mariage du nouveau duc
avec la reine d'Angleterre. Toutes les clo-
ches sonnèrent à cette occa-ion. Mais peu de
jours après, l'amiral Howard et le lord Ley-
cesler déclarèrent au duc de Brabant que
leur souveraine voulait rester libre; qu'elle
n'avait fait mine de consentir à l'épouser que
pour lui procurer une souveraineté indépen-
«lante; qu'il y était parvenu , et qu'il devait
lui en savoir gré. Après quoi , ils rolournè-
rent à Londres.
Celle nouvelle désenchanta quelques-uns
des partisans du duc d'Alençon. Il avait beau
s'appeler , par la grâce de Dieu, duc de Lo-
thier , de Brabant , de Limbourg et de Guel-
dre , comte de Flandre , marquis du Saint-
Empire,seigneur de Malines.etc... On savait
qu'il lui fallait conquérir la plupart des pays
dont il prenait les titres; et il avait pour ad-
versaire Alexandre, prince de Parme, fil»
de la gouvernante Marguerite, que les Belges
avaient aimée. Le prince de Parme , alors fort
jeune , avait fait en 15C0 un séjour de quel-
ques mois à Anvers , oii il s'était montré si
aimable , qu'on ne l'avait point oublié. Il y
avait donc deux factions.
L'un des plus chauds partisans du duc d'A-
lençon, était un très-riche négociant d'An vers,
qui se nommait André Vynck et qui habitait
une sorte de palais sur la place de Meir.
Malgré les sommes considérables que lui
avait prêtées la reine Elisabeih, le nouveau
duc se trouvant sans argent, en attendant les
subsides que lui fournirent les Etats , André
Vynck lui avança deux cent mille florins ,
dont il se trouva sans doute dédommagé par
les fêtes brillantes qu'il donna, et que le duc
d'Alençon voulut bien honorer de sa pré-
sence.
André Vynck avait , pour unique héritière
de son immense fortune, une fille d'une
beauté si éblouissante , qu'on ne l'appelait
pas autrement que la jolie fille d'Anvers.
Elle se nommait Sabine, ayant eu la comtesse
d'Egmond pour marraine , en 1564. On ne
saurait faire le portrait de celte jeune fille ;
mais ce que les récits en disent la porte aux
nues. Elle avait été élevée avec un cousin ,
Paul Leenaer, né à Anvers en 1561, qui n'a-
vait jamais connu son père et qui était or-
phelin depuis trois ans. Ce jeune homme , à
qui sa mère jusqu'à sa mort n'avait cessé de
recommander l'affection et l'attachement au
prince de Parme , ne partageait pas les opi-
nions d'André Vynck; et depuis l'avénemcnt
du duc d'Alençon , le vieux négociant , ex-
clusif comme on l'est si impitoyablement en
politique , ne recevait plus Paul dans sa
maison.
H avait près de lui un autre adversaire ,
qu'il ne pouvait pas traiter si cruellement ,
mais qu'il s'eiïorçaitde soumettre ; c'était Sa-
bine. Èlleavait adopté les sentimentsde Paul,
llyavait mémcuncopinionrépanduelout bas
dans le public, que la jolie fille d'Anvers n'au-
rait jamais d'au treépoux que son jeune cousin;
quoique le fier André Vynck , plein de la
morgue hautaine que donne l'aristocratie
d'argent , fût loin de soupçonner que sa fille
pût s'allier à un homme sans fortune ; d'au-
tant plus que Sabine se montrait à tous les
yeux superbe , altière , excessivement co-
quette et fière, qualités que son père admi-
rait avec orgueil.
Or, le 18 mars de ladite année 1582, pen-
dant que la cour fêtait le jour natal du duc
d'Alençon, le prince d'Orange sortant de ta-
ble à son hôtel, un jeune Espagnol , nommé
4M
DICTIONNAIRE DES SCIhNCES OCCl'LTES.
451
^'
litrreguy , lui tira un coup de pistolet dnns
la lêle. La ballo entra sous l'oreille gauche,
traversa le palais sous les dents supérieures
et sortit par la joue droite. L'assassin fui tué
sur la place par les gens du prince , qui se
guérit assez vile et continua d'être l'un des
plus assidus courtisans du duc d'Alençon.
Mais au premier bruit de ce crime, la partie
du peuple qui aimaille prince d'Orange, at-
tribuanl l'attentai aux Français , courut en
armes investir l'abbaye de Si-Michel, avec l'in-
tention d'y mellreleleu etdemassacrerlenou-
veau duc et sa suite. Fort heureusement, Ândié
Vynck, se trouvant chez le prince d'Orange,
fouilla l'assassin , trouva sur lui des lettres
qui prouvaient qu'il était Espagnol , et qu'il
n'availtenléle forfait que parce que Philippe
11 avait promis qualre-vingl mille ducats
pour ce meurtre. 11 courut éclairer la foule,
dont la colère changea d'objet , et qui se re-
tira vomissant des imprécations contre l'Es-
).Mgne. II parait , au reste, que François de
/alois avait eu peur; car le lendemain, il
alla avec sa cour chez André Vynck pour le
remercier.
Le sieur de Rochepot, que les pompeux
éloges qu'on faisait de la beauté de Sabine
avaient déjà rendu pensif, sollicita l'honneur
de la saluer; il en fut si ébloui qu'abaissant
sa fierté devant le riche négociant , il profita
de l'occasion pour la demander en mariage.
Le sieur de Hochepot était un gentilhomme
distingué pur sa position et sa naissance; le
duc, qui l'aimait, pour favoriser cette union,
promit de lui donner le gouvernement d'An-
vers; et, bien différent delà plupart des
pères , dans ce pays où toute espèce de ty-
rannie est un phénomène, André Vynck,
sans consulter Sabine, répondit qu'une telle
alli.ince l'honorait et qu'il y donnait les
mains. La jolie fille, consternée, se retira
pour pleurer dans sa chambre. Le duc d'A-
lençon, avant de quitter André Vynck, l'in-
vita avec Sabine à un grand bal qu'il voulait
donner, pour annoncer ce mariage.
Une heure après , une lettre mouillée de
larmes fut apportée mystérieusement par la
nourrice de la jolie fille d'Anvers à Paul Lee-
naer qui habitait une petite maison du Mar-
ché-aux-Gants.
IL
Nous éprouvons ici quelque embarras. Les
documents qui nous ont guidés jusqu'à pré-
sent deviennent incomplets ,.pour la conti-
nuation de l'histoire impartiale de la jolie
fille d'Anvers.
Nous avons dit qu'il y avait dans cette
ville deux factions. Les partisans du prince
de Parme étaient ennemis acharnés d'André
Vynck, qui s'était attaché au duc d'Alençon ;
et nous tenons d'eux les seuls matériaux de
celte seconde partie. On doit donc s'attendre
à y rencontrer de l'animosilé. Ces matériaux
sont des fragments manuscrits, appuyés d'un
petit volume imprimé à Paris , avec permis-
sion, chez Benoît Chaudet, et intitulé : «Dis-
cours oiiraculoux , inouï et épouvantable ,
advenu à Anvers, d'une jeune fille fiamande.
qui par la vanité et trop grande curiosité do
ses habits et collets à fraise, goudronnés à
la nouvelle mode, fut étranglée du diable en
1582, traduit de la langue lîamande en fran-
çais , avec une remontrance aux dames el
filles. » Nous n'avons pu nous procurer cet
ouvrage en flamand.
Il parait donc que Sabine Vynck alla au
bal offert par le duc d'Alençon. Elle y frappa
toute la cour. Elle s'aperçut aussi de l'empire
qu'elle exerçait; ne p')uvant espérer d'atten-
drir »on père, elle obtint de Hochepot lui-
même un peu de temps pour se préparer au
mariage.
Plusieurs fêtes se donnèrent en son hon-
neur. Le vingt-septième jourde mai de l'année
1582 , le contrat de Sabine el de Rochepot
devait enfin se signer. « Cette jeune el belle
au possible el tant aimable fille (dit la rela-
tion imprimée, qui du reste la traite fort m.il),
fière et orgueilleuse de son opulence, com-
plaisait par sa rare beauté el ses habits
somptueux à une infinité de seigneurs, qui
tous lui faisaient la cour. Pour le festin qui
lui fut donné ce jour-là, voulant paraître en
bonnes grâces par-dessus toutes les dames
cl filles, elle résolut de se parer de ses plus
riches vêlements , de friser sa chevelure et
de l'orner d'épingles d'argent , comme fai-
saient les Italiennes ; et attendu que les Fla-
mandes surtout aiment le beau linge, elle fit
faire qualreou cinq collets ou fraises en toile
fine , dont l'aune coûtait neuf écus. Elle
manda une empeseuse, la priant de lui en
préparer deux magnifiquement , et lui pro-
mettant pour la peine vingt-quatre sous de
Brabant.
« L'empeseuse, au mieux qu'il lui fut pos-
sible, arrangea lesdits collets. Mais ils ne se
trouvèrent pas au gré de ladite fille coquette,
quiàrinstanlenvoyaquériruneautrefemme,
à qui elle promit un écu, si elle accommodait
bien ses fraises. Celle-ci ne réussit pas mieux ;
el la jeune fille, dépitée, jeta tout par terre,
jurant el disant qu'elle aimerait mieux se
donner au diable que d'aller à la cour, parée
de si mauvaise sorte.
« La pauvre et forcenée fille n'eut pas plu-
tôt achevé ce propos, que le diable, qui était
aux aguels , ayant pris la figure d'un secret
amoureux qu'elle avait , se présenta devant
elle, portant à son cou une fraise dressée en
perfection. Ah! mon ami, lui dit-elle, que
vous avez une belle fraise 1 voulez-vous me
la donner, à moi qui suis toute à vous?
L'esprit malin l'ôle aussitôt de son cou , la
met joyeusement à celui de la jolie fille, puis
l'embrassant, lui lord misérablement le cou,
et la laisse morte et désanimée sur le plan-
cher de sa chambre. »
Quand son père vint la chercher pour la
conduire à la cour, il la trouva gisante, roido
morte , el si défigurée, si tordue, si affreuse,
qu'il ne l'eût jamais reconnue, si sa nourrice,
avec un monde de sanglots, ne lui eût conté
l'horrible aventure, dont le récit lui fil dresser
les cheveux sur la tête. Après qu'il se fut la-
mente avec angoisse, André Vynck fit ense-
velir sa fille; ou la mil dans un cercueil, cl
*;;5
DEV
DEV
IKi
on dit auxToisins que lapnuvre Sabine était
morte subitement d'une apoplexie.
Le seigneur de Rorhepot se consola de
cette perte ; ce qui a fait croire qu'il aimait
encore mieux, dans la jolie fille d'Anvers, ses
grandes richesses que sa rare heaulé.
On ne voyait presque plus Paul Lenaer.
Deux mois après cet événement , il entra un
jour dans l'église de Saint-J.icques, où cer-
tain ministre huguenot faisait le prêche; car
en ces temps mauvais , les catholiques n'a-
vaient pas le dessus à Anvers. Ledit ministre,
qui est, à ce qu'on croit, l'auteur de la rela-
tion imprimée, se dressant contre l'orgueil et
les parures miMidaines , racontait la cruelle
mort de Sabine , ajoutant sur sa sépulture
d'horribles détails. Il Giiit par celte pieuse
exhortation : « Par cet exemple véritable el
tout nouvellement advenu, vous devez, mes-
dames, prendre garde à vous , el croire que
le ciel vous avertit de corriger vos vices el
modérer vos habits effrénés el voluptueux ,
si vous voulez finir par une mort honorable.»
A ce discours, Paul Leenaer se mit à rire
tout bas , d'une façon si singulière, que le
bedeau voulut l'arrêter à cause du scandale.
Mais un gantier qui le reconnut se prit à
dire : Laissez-le sortir en paix. C'était le fu-
tur époux de Sabine ; el la perte de la jolie
ûlle l'a rendu insensé.
IIL
Le 16 janvier 1583 , le duc d'Alençon, mé-
content du peu d'autorité qu'il avait en Bel-
gique, résolut de s'emparer militairement des
villes pour les gouverner ensuite, comme on
faisait alors en France, sous le régime du
bon plaisir. Quoique fatigué par les fêles, il
s'était personnellement chargé d'An vers. Mais
ce projet n'alla pas comme il l'avait espéré.
Ses troupes , repoussées avec perle , furent
obligées d'évacuer Anvers; le sieur de Ro-
chepot.qui avait pris beaucoup de peine pour
tendre un piège aux bourgeois, fut tué; le
duc d'Alençon s'enfuit , l'esprit affaibli , le
corps malade, el s'en alla mourir à Château-
Thierry. Le prince d'Orange, d'un autre côté,
avait été tué par Balthazar Gérard. La posi-
tion s'était donc bien simplifiée.
André Vynck qui , malgré sa dureté de
cœur, ne s'était pas consolé encore de la
mort de sa fille, était furieux contre le duc
d'Alençon. Le petit souverain était parti sans
lui rendre ses deux cent mille florins. Le
vieux négociant sentait ses opinions, singu-
lièrement miiigées , se rapprocher tous les
jours du prince de Parme, qui, dans l'été de
1584, reconnu de la plupart des provinces bel-
ges, vint commencer ce fameux siège d'An-
vers, l'un des plus mémorables de l'histoire.
Alexandre, prince de Parme, était fils d'Oc-
tave Farnèse el de Marguerite d'Autriche ,
fille de Charles-Quint. Cette circonstance,
jointe à beaucoup de qualités éminontes, lui
.ivait ramené de nombreux amis. Cependant
il avait aussi des opposants ; il lui fallut pour
entrer dans Anvers poursuivre un siège qui
dura plus d'un an.
Marnix de Sainte-Aldegonde , celui qui ,
comme on disait, avait ouvert la scène aux
troubles des Pays-Bas, commandait à Anvers.
Les assiégés et les assiégeants se surveil-
laient s;ins relâche : dans les guerres d'alor»
les surprises offraient de vastes ressources.
Le prince de Parme avait surtout établi dans
son camp une austère discipline.
Or, une nuit qu'un des officiers de ce
prince faisait la ronde, il trouva dans les
postes avancés une sentinelle endormie. On
sait que ce délit, dans les codes militaires,
est un crime qui mérite la mort; car il peut
perdre une armée. Le lendemain m.itin, un
conseil de guerre condamna l'infortuné à
mourir. C'était Paul Leenaer, qui, toujours
partisan du prince de Parme, s'était rangé
sous ses drapeaux. Mais se considérant
comme volontaire, souvent il s'absentait du
camp durant le jour; on ignorait absolument
le but de ses courses : il était présent lors-
qu'il fallait se battre ; il faisait la nuit son
service. Cette fois, fatigué sans doute, il
avait, sans le savoir, succombé au sommeil.
Pouvait-il vaincre la nature? et les lois qui
tuent pour cela ont-elles été faites par des
hommes?
Quoi qu'il en soit , l'exemple cl la disci-
pline demandaient son sang. On le vil pleu-
rer, presque demander grâce, hésiter sur un
aveu qu'il ne fit pas. On s'en étonna, car il
était brave. Il supplia qu'on lui permit d'é-
crire une lettre d'adieu, qu'il remit à l'un de
ses camarades ; après quoi il marcha à la
mort , conduit par six vieux arquebusiers,
que commandait un archer du prévôt mili-
taire. Son régiment, suivant l'ordre, l'accom-
pagna sans armes au terrain choisi pour
l'exécution, et forma un carrésur trois faces.
Les tambours battirent un ban ; un officier
rappela aux soldats, d'une voix haute et
grave, qu'il était défendu, sous peine de
mort , de crier Grâce I Paul se mit à genoux
devant un prêtre, pendant qu'un soldat disait
à ses voisins : Allongez-vous un peu par là,
vous autres, et ne laissez pas voira ce pauvre
garçon ces figures d'infirmiers qui viennent
déjà chercher son corps pour l'enterrer.
Quand le prêtre eut entendu la confession
du jeune condamné, sa figure se décomposa.
On battit un second ban; le greffier lut
à Paul sa sentence; il en passa la moitié
pour abréger son agonie. Le prêtre n'eiilen-
(lait rien; il paraissait hors des choses de ce
monde Leenaer demanda , d'un ton altéré,
à commander lui-même le feu. On lui ac-
corda cette faveur : il ne savait pas que cet
affreux exercice se commandait en signes ,
et que par humanité on exécutait toujours
un temps d'avance. Il dit adieu à ses amis
el fit face aux mousquets.
Mais au moment où les soldats appuyaient
leur arme sur l'épaule , lorsqu'il n'y avait
plus pour Paul Leenaer qu'une seconde de
distance entre la vie et la mort , le prêtre
sortant tout à coup d'une sorte de rêve hor-
rible , se jeta avec un grand cri au-devant
du corps de Paul. Il avait aperçu, accourant
échevelée, la jeune femme dont il venait de
lui parler dans sa confession. Elle parutans-
silôt , criant Grâce 1 Toutes les armes loin-
iHS
DICHONN.MRE DES SCIENCES OCCULTES
4S6
hèrcnl à Icrre. C'était Sabine, la jolie fille
d'Anvers , qui s'était échappée par strata-
gème à la recherche du sieur de Rochepol,
et que Paul avait épousée en secret.
Le vieux André Vjnik pleura de joie en
retrouvant sa fille , dont il approuva le
mariage; et à la capitulation d'Anvers, qui
eut lieu le 17 août 1585, il fêta son gendre
par des fêles plus joyeuses que celles du
duc d'Aiençon ; car personne n'y souffrait.
DL\BLË. C'est le nom général que nous
donnons à toute espèce de démous. Il vient
d'un mot grec qui désigne Satan , précipiié
du ciel. Mais on dit le diable lorsqu on parle
d'un esprit malin, sans le distinguer particu-
lièrement. On dit le diable pour nommer spé-
cialement l'ennemi des hommes.
On a fait mille contes sur le diable. Nous
en citerons un.
Un chartreux , étant en prières dans sa
chambre, sent tout à coup une faim non ac-
coutumée, et aussitôt il voit entrer une fem-
me, laquelle n'était qu'un diable. Elle s'ap-
proche de la cheminée , allume le feu , et ,
trouvant des pois qu'on avait donnés au re-
ligieux pour son dîner, les fricasse , les met
dans l'écuelle et disparaît. Le chartreux con-
tinue ses prières , puis il demande au supé-
rieur s'il peut manger les pois que le diable
il préparés. Celui-ci répond qu'il ne faut jeter
aucune chose Cl éée de Dieu, pourvu qu'on la
reçoive avec action de grâces. Le religieux
mangea les pois , et assura qu'il n'avait ja-
mais rien mangé qui lût mieux préparé (1).
Nous pourrions former des volumes sur
les traditions populaires dont le diable est
l'objet. Nous choisissons trois légendes, dans
le recueil piquant que M. le comte Amédée
de Beauforla consacré au midi de la France.
Le Saut de l'Ermite.
A quelques lieues de Louvois , près d'un
poétique hameau nommé Ville-en-Selve , il
existait encore, il y a plusieurs années, une
sombre excavation , qui avait été autrefois
une carrière, et qui portait le nom singulier
de Saut de l'Ermite. Les habitants des envi-
rons racofilent des choses étranges et mer-
veilleuses au sujet de ce précipice. Il est vrai
que sa position a dû singulièrement prêter
aux récits fantastiques des couleurs du lé-
gendes. Le Saut de l'Ermite est situé au mi-
lieu d une forêt séculaire, loin de toute habi-
tation ; d'épaisses broussailles en défendent
l'entrée, et des cavités profondes semées tout
alentour rendent son accès dangereux à ceux
que les bruits populaires n'en éloignent pas.
Pendant les troubles delà terreur, une bande
de brigands avait choisi cet abîme pour re-
paire, ce qui n'a pas médiocrement contribué
à augmenter sa mauvaise réputation. Aussi,
quand les rudes labeurs de la journée sont
terminés , le gouffre fatal fournit toujours à
la veillée quelques-uns de ces mystérieux ré-
cits qui resserrent autour de l'âtre à demi
éteint le cercle effrayé des jeunes filles de
Ville-en-Selve. Tantôt ce sont les terribles
aventures d'une jeune princesse enlevée à
ton père en passant dans la forêt, et dont on
<1) Le carUiniil Jacques de Vilry.
n'a jamais pu retrouver les traces; tantôt les
crimes épouvantables de monstres à formes
humaines, qui ont porté le ravage et la mort
jusi|uedans le village même. Quelquefois le
narrateur rustique raéle des images riantes
à ces sombres tableaux; c'est ainsi qu'il se
plall à conter comment une femme d'une
majestueuse beauté s'est élevée un jour du
fond du Saut de l'Ermite, et a calmé la tem-
pête qui avait déjà détruit la moitié deVilIe-
ei»-Selve. Mais parmi ces récils, l'origine du
Saut de l' Ermite e&t celui qu'il reproduit avec
le plus d'amour. Le voici dans toute sa sim-
plicité.
Vers la fin du neuvième siècle, vivait dans
les bois de Germanie un vénérable ermite ,
qui avait nom Fulgunde. Ce saint homme
passait sa vie à prier Dieu et à parcourir les
hameaux voisins. A dix lieues à la ronde il
était connu et chéri de tous. Aux riches , il
recommandait les pauvres ; aux malades, il
apportait quelques secours ; à tous , il don-
nait des consolations. Le bon ermite ne de-
mandait rien pour lui-même , et cependant
une idée fixe le préoccupait ; il avait nu dé-
sir, un désir aussi saint qu'il était ardent:
il voulait élever une chapelle en l'honneur
de la sainte Vierge, c'était le seul vœu de sa
vie; il se mêlait à tous ses rêves, à tous ses
travaux, à toutes ses prières.
Un soir que Fulgunde s'était endormi ,
bercé parcetledouce pensée, unjeune homme
luiapparut; il était vêlud'une robe blanche, et
avaitcevisageëclatantet radieux qui n'appar-
tientqu'aux anges. — Bon ermite, lui dit-il, le
FilsdeDieua entendu vos prières; ce que vous
désirez s'accomplira comme vous le voulez.
Prenez cette image de sa sainte Mère; par
elle vous opérerez des prodiges. Souvenez-
vous seulement des paroles du Fils de Dieu:
Veillez et priez.
Fulgunde , éveillé par cette vision, trouva
seulement auprès de son chevet une petite
image de la Vierge. Il la prit, la plaça dans le
lieu le plus apparent de son oratoire; puis
il se jeta à genoux. Avec quelle effusion
il remercia la Vierge sainte! comme il était
heureux et reconnaissant ! Tout à coup une
idée soudaine traversa son esprit: Je punirai
Satan, pensa-t-il, c'est lui gui édifiera la
chapelle de la Vierge.
Aussitôt Fulgunde prit l'image mystérieu-
se, et ordonna à Satan de paraître.
Au même, instant la terre s'ouvrit , et le
diable parut. Quoiqu'il n'eût pas l'air tout à
fait humble et soumis, il ressemblait plutôt à
un serviteur indiscipliné qu'à un ange déchu.
Pourtant , à le considérer attentivement, on
pouvait apercevoir en lui quelque chose
d'étrange et en même temps de terrible. Or
çà , maître Satan , lui dit l'ermite , ia bonne
Vierge m'a permis de lui édifier une chapelle,
j'ai pensé à toi pour la lui bâtir.
On peut imaginer quelle horrible grimace
fit le monstre à cet ordre Lui , Satan , bâtir
une chapelle à la Mère de son juge , sortir
de son repos pour voir abaisser son orgueil
à uneœuvre d'esclave; c'était trop. Il essaya
d(3 fuir, l'image de la Vierge le retint comme
457
MA
m\
458
nne chaîne brûlante. Depuis longlcmps,rer-
niite avait choisi le lieu où il désirait que sa
cliapellefûl élevée; c'était une riante colline,
couronnée au sommet d'un bouquet d'arbres
touffus, et qui dominait les villages voisins.
Arrivé là avec Satan, Fulgunde lui ordonna
de creuser les fondements. Quand ce travail
fulterminé,rermite se rendit dans un vallon,
dont le sol pierreux lui paraissait propre à
fournir les matériaux dont il avait besoin. Il
avait pris avec lui l'image sainte; il n'ont
qu'à la tourner vers la lerre , et aussitôt le
vallon s'cntr'ouvrit , et les pierres en sorti-
rent avec un grand fracas. On raconte que
le démon ne mil que trois jours à les trans-
porter sur la colline et à les tailler. Il est
vraique l'ermite ne lui laissaitpas un instant
d;; relâche; chaque fois que Satan voulait se
reposer, Fulgunde tournait vers lui l'image
miraculeuse, et le démon se remettait aussi-
tôt au travail en faisant d'horribles contor-
sions. C'était merveille de voir avec quelle
habileléil maniait la pierrecl lui donnait une
forme élégante et pleine de vie; sous ses
griffes elle se découpait en rosaces brodées
comme une fine dentelle , elle s'élançait en
clochetons aériens , en longues colonnettes
semblables à des tuyaux dorgucs , elle se
sculptait en bas-reliefs, en figurines de toute
espèce. Jamais ouvrier n'avait mis la main à un
chef-d'œuvre aussi accompli. A chaque nou-
velle pierre qui enrichissait sa chère cha-
pelle, Fulgunde souriait de bonheur et de
joie, il en aurait presque moins ha'ï Satan ,
si cela eût été possible.
Cependant la nuit du quatrième jour ap-
prochait, et l'ermite n'avait pas pris un ins-
tant de repus. Malgré lui, le sommeil fermait
ses paupières: il avait beau redoubler d'ef-
forts , il ne pouvait plus surveiller le diable
avec autant d'attention. Disons-le, à la honte
de la faiblesse humaine . Fulgunde s'en-
dormit.
A cette vue, un sourire épouvantable con-
tracta le visage de Satan. Le sommeil du
maître lui rendait sa liberté; il ne pouvait en
profiler que pour la vengeance. Ce n'était
))lus cet esclave soumis qui obéissait au
moindre signe, c'était l'ange du mal déchaîné,
joignant à son indomptable orgueil la rage
d'avoir été asservi. Il se trouvait alors sur le
faite du clocher, dont il achevait d'effiler
l'aiguille percée à jour; il glissa doucement
le long de la pente extérieure, comme un en-
fant qui se laisse aller sur le penchant d'une
verte colline; en passant, il jetait un regard
moqueur et une insulte à chaque statuette
de saint qu'il avait sculptée; on dit même
<iu'il porta l'audace jusqu'à promener sa
queue sur le visage de ces saintes images.
Arrivé au bas du clocher, il poussa un rire
épouvantable, ei renversa d'un coup de pied
la merveilleuse chapelle.
Le fracas de la chute éveilla le pauvre er-
mite. Pour juger de sa désolation , figurez-
vous la douleur d'un homme qui voit échouer
au port le vaisseau qu'il avait chargé de ses
biens. Fulgunde était consterné. Au même
instant le messager de la Vierge parut; il •
Dictions, des sciences occultes. I,
avait l'air triste et affligé.— Pauvre ermite,
lui dit-il , vous avez été vaincu par Satan ;
vous êtes son esclave. Vous n'avez pas su
veiller et prier jusqu'à la fin.
La figure horrible du diable remplaça pres-
que aussitôt celle de l'ange auprès de Ful-
gunde.— Marche, marche, lui disait-il, lu as
creusé un précipice , tu y tomberas.
Et ce disant , il le poussa dans un vallon
qui avait servi de carrière , et l'y précipita.
Le pauvre ermite ne mourut pas de sa chute:
le bon ange le soutint sur ses ailes ; il inter-
céda même si ardemment pour lui auprès de
la Vierge , qu'au bout de deux ans d'expia-
tion, Fulgunde fut rendu à son cher ermita-
ge. La miséricorde de la sainte Vierge ne se
borna pas au pardon ; elle fil redevenir Satan
esclave, et cette fois l'ermite sut se montrer
si vigilant qu'avant la nuit la chapelle était
construite cl le diable replongé dans l'enfer.
Le Pas de Souci.
En remontant les rives pittoresques du Tarn,
on arrive à un bassin d'un aspect si sauvage,
qu'on le dirait bouleversé par une main sur-
naturelle etmalfaisante. Figurez- vous une es-
pèce de cirque fermé presqu'cutièremenl par
des rochers inaccessibles. Aucune trace de
culture, aucune végétation n'adoucissent aux
yeux leur âpre nudité; le lierre et le buisson
ne croissent pas même dans leurs fissures.
Seulement, quelques lichens verdâlres, des
arbustes rares et rabougris, rampent au pied
de ces masses désolées; et pourtant il y a
quelque chose de riche et d'énergique dans
ces pics aigus et dépouillés, dans ces roches
tantôt à pans larges et lourds, tantôt décou-
pées en dentelures délicates, comme par la
fantaisie d'un artiste. Le soleil fait éclater
les chaudes teintes dont elles sont colorées.
Ici , des aiguilles d'un ton ardent et rou-
geâtre s'enlèvent en lumière sur le fond
sombre et béant de cavités profondes; là,
une immense pierre, coupée comme une mu-
raille, offre les teintes grises d'une ruine ;
plus loin, et par de larges ouvertures, d'au-
tres rochers, disposés en perspective, pas-
sent d'un bleu foncé au bleu le plus transpa-
rent. Tous ces jeux de l'ombre et de la lu-
mière à travers ces formes bizarres animent
celte nature si âpre, et peuvent fournir à l.t
palette du peintre les plus piquantes opposi-
tions.
L'enceinte que forment ces masses abruptes
est parfaitement en harmonie avec leur as-
pect sauvage; tout y indique un effrayant
cataclysme : les rochers y sont entassés dans
le plus étrange désordre, et c'est à peine si
le voyageur peut se frayer un passage à Ira-
vers leurs débris.
Jadis deux immenses pyramides se dres-
saient dans ce lieu aune hauteur prodigieuse:
l'une se nomme le roc d'Aiguille, et son nom
indique sa forme ; celui-là seul est resté de-
bout. L'autre s'appelle le roc de Lourdes ; de
celui-ci il ne reste plus que la base, il s'est
écroulé dans la vallée. C'est à travers les dé-
bris de ce géant terrassé que le Tarn a dû
se frayer un passage ; arrêté à chaiiue pas
15
«se
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
400
p.ir mille obstacles, tantôt serré entre deux
couches, il s'élance avec fracas de leur ex-
trémité, tantôt faible et inaperçu, il sest
creusé sans bruit un étroit canal. Ce n'est
j>lus une seule rivière, mais une multitude de
sources , dont le murmure trouble seul le
silence de la vallée.
Le bassin désolé que nous venons de dé-
crire a reçu des babilanls des montagnes
voisines le nom de Pas de Souci. L'imagina-
tion naïve et pittoresque du moyen âge n'a
pas manqué de s'exercer sur un lieu qui
prétait si bien à la légende ; aussi, quelle
(lue 8t>il la cause que la science pourrait at-
tribuer au cataclysme dont celle vallée a clé
le ihéâlre, voici celle que lui a assignée la
pieuse crédulité des anciens temps.
A peu de distance du Pas de Souci, il existe
un village dont la siluation pittoresque est
parfaitement en harmonie avec le sileqni
l'environne ; seulement, le paysage est plus
varié que dans le bassin de Souci, et abonde
en oppositions charmantes. Ici , la môme
nature sauvage et grandiose; là, sur les
bords de la Junte, une verdure émailléc de
fleurs, des eaux limpides et murmurantes ,
puis, derrière, un rideau de peupliers. Au-
dessus de rochers moussus, s'élève le village
de Sainte-Enimie et le clocher pointu de sa
petite église. La civilisation n'y a point en-
core passé; plaise à Dieu qu'elle en oublie les
rustiques habitants 1
C'est dans ce village que vivait, au hui-
tième sièele, un saint homme, nommé Guil-
laume. Un jour , on l'avait vu arriver , seul
et grave, un bâton blanc à la main, velu d'un
simple habit de bure. D'où venait-il? On \'i-
giiorail. Avait-il un autre nom? Personne
ne put jamais le savoir. Mais, certainement,
il avait été habitué à porter d'autres habits
(|ue ceux qui le couvraient ; dans son air
noble et fier , el qu'il cherchait à rendre
humble et modeste, on lisait l'habitude du
con>mandement. Il choisit sa demeure dans
l'excavation profonde d'un rocher, et sa vie
fut bientôt admirée comme le modèle d'une
grande perfection. Le village de Sainle-Eni-
inie ne tarda pas à rescutir dhi ureux elTets
du voisinage du saint homme ; il se connais-
sait mcrveilleusenicnl en simples, et sa
haute sagesse le faisait consulter dans les
affaires les plus difficiles. Il fut bientôt vé-
néré comme l'ange du village; chaque jour
quelque nouveau bienfait, quelque prodige
inouï, que l'un racontait à la veillée, ve-
Baienl augmenter sa réputation.
Le village de Sainte-Enimie était alors le
centre qu'avaient choisi les populations voi-
sines pour les ventes et les marches. Ces
réunions ressemblaient assez à nos foires.
Ces jours-là, le seul endroit guéable de la
Junte qui conduisait à Sainte-Enimie se trou-
vait encombre, et alors des rixes sanglantes,
des blasphèmes el des jurements éclataient
à chaque instant. Un de ces jours que le bon
Guillaume passait toul auprès de ce lieu ai-
mé de Satan, il fut grandement surpris den-
t«Mnlre comment le nom de Dieu était pcu^
respecté. Deux paysans, monte» chacun sur'
une mule, s'interpellaient violemment, et des
menaces ils allaient bientôt en venir aux
coups. Le saint homme fut obligé d'interve-
nir, et comme il ne put apaiser leur colère,
il se mit à genoux, priant Dieu de les éclai-
rer.
— Mort Dicul dit l'un des paysans , mes-
sire ermite, mieux vaudrait prier le ciel do
nous bâtir ici un pont.
— Mon fils, dit le saint. Dieu est tout-pqis-
sanl ; mais il ne faut pas le tenter.
Puis à force d'instances, il apaisa la que-
relle. Mais depuis lors, il passait les jours
de marché à pleurer et à jeûner, s'offrant
en expiation pour tous les péchés qui so
cominettaient à ce fatal passage de la Junte.
Dieu tenait son serviteur en trop grande
estime pour ne pas prendre en cousidcratinn
ses prières et ses vœux ardents. Un soir ,
Guillaume était en prières; un ange lui ap-
parut. Il portait une blanche tunique; son
front était ceint de la célisle auréole, son
visage respirait la doureur et la bonté. —
Dieu a ouï ta prière, dit-il au saint ; il en a
été touché. Mais , Guillaume, qu'est-ce quo
la foi qui n'agit point? A l'œuvre donc; Dieu
t'aidera.
11 n'en fallut pas davantage pour enflam-
mer le zèle du saint. Il se rend aussitôt à
l'église, el après une homélie sublime dune
éloquente simplicité, il entraîne les hal)itants
de Sainte-Enimie sur les bords de la Junte
pour y consiruire un pont. Le secours de Dieu-
fui visible. En peu de jours, le pont s'éleva
comme par enchantement. Les habitants bé-
nissaienl Guillaume, qui s'humiliait en ren-
voyant toutes les louanges à Dieu.
Mais ce succès merveilleux ne faisait pas
le compte de mons Satan ; il se voyait enlever
ainsi désormais toutes les âmes qui se dam-
naient au passage de la Junte. Il eut l'audace
de s'adresser à Dieu pour se plaindre de ce-
lui qu'il regardait comme son ennemi, Guil-
laume; il lui renouvela le même discours
qu'il lui avait tenu autrefois au sujet du saint
homme Job (1). — Ce n'est pas gratuitement
que Guillaume craint votre droite, lui dit-il;
n'avez-vous pas béni l'œuvre de ses mains?
Le Seigneur lui répondit : — Va, détruis
le pont de Guillaume; je t'en abandonne
jusqu'à la dernière pierre.
Satan ne perdil pas de temps, il se rendit
sur les bords de la Junte, et d'un souffle il
ronversa le pont. La ruine en fut si romplèto
qu'il était impossible que les matériaux qui
avaient servi à l'édifier fussent employés une
seconde fois.
Guillaume ne fut pas découragé un instant ;
il adressa une fervente prière au ciel,el les
ouvriers se remirent à l'œuvre. Mais au mo-
ment où le pont allait être fini, le saint se
douta bien que Satan allait renouveler ses
infernales manœuvres ; il passa donc la nuit
en prières elen oraisons dans son ermitage.
Vains efforts 1 le malin le pont était renver-
sé.
Cette fois la terreur était à son comblu
( I ) On retrouve coiistammenl le souvenir de l'Ëcriture
mêlé .m« uadiiions [.oi'ulaires.
(Cl
DIA
DIA
iOi
dans la contrée, el Guillaume ne put réunir
les ouvriors pour rocommenccr encori; les
conslruclious. — A (ju^>i bon , disairnt-ils ,
fatiguer nos bras? Satan est plus fort que
nous.
L'ermite usa d'un dernier moyen; il se
rendit à l'église cl prôi ha une belle homélie
sur 11 s rujes de l'esprit malin, sur la con-
fiance en Dieu el sur la nécessité de la per-
sévérance; les habitants se laisseront lou-
cher; un troisième [)ont vint bientôt rempla-
cer les deux premiers.
Celle fois le saint voulut défendre son
ORUvre. Dès qu'il fut nuil, il se rendit sur les
bords de la Junte, se cacha derrière un ro-
cher, d'où il pouvait voir ce qui allait se
passer, et aliendil en redoublant d'oraisons.
Il élail à peine minuit, lorsqu'il vit se
dresser une grande figure à quelques pas du
pont. Ce personnage, à mine suspecte, regar-
da de tous les côlés, poussa un sauvage éclat
de rire el s'avança vers le pont. 11 était im-
possible de ne pas reconnaître Satan à cet air
insolent de réprouvé. D'ailleurs , malgré
l'obscurité profonde, Guillaume aperçut le
pied fourchu de l'esprit de ténèbres. Il n'hé-
sita pas un instant et marcha droit à lui. Sa-
tan, étourdi des nombreux signes de croix
dont il était assailli, ne vit de salut que dans
la fuile; mais celte victoire ne parut point
assez décisive au saint : il voulut lerrasser
Satan el le forcer de renoncer à son infernal
projet. Il se mit donc à le poursuivre sans se
laisser intimider ni par les obstacles, ni par
l'obscurilé profonde de la nuil. Il élait guidé
dans sa course par une foi ardente cl par un
certain rayonnement qui s'échappait du front
de l'ange maudit. Celle course dura long-
temps. Pcul-étic l'espace d'une nuil humaine
ne lui suffit-il pas. Quoi qu'il en soit, ils ar-
rivèrent, l'homme de Dieu et Satan, dans les
lieux où le Tarn s'étendait en large el pro-
fond bassin au pied des rocs de Lourdes et
ù'Aiguille. Parvenu au bord de l'eau, Satan
se retourne ; se voyant serré de près par son
adversaire, il n'hésite pas et s'élance dans le
Tarn, ni plus ni moins que si l'eau eût été
son élément naturel. A peine y est-il plongé
qu'elle s'élève en gros bouillons et sort de
son lit. Mais déjà Satan a alleint l'autre
bord; déjà il a posé une main sur la base du
roc de Lourdes. C'en est fait, il va échapper.
Guillaume ne perd pas courage, il se jette à
genoux et implore le ciel. Au même instant
un craquement affreux se fait entendre. Le
roc de Lourdes, ébranlé jusque dans ses fon-
dements, se balance un instant sur sa base,
et, s'écroulant avec fracas, couvre de ses
débris le lit du Tarn et la vallée tout entière.
Salan était pris.
Cependanl le roc d'Aiguille, qui était resté
debout, craignit un instant qu»; son frère ne
lût point assez fort pour contenir l'esprit in-
fernal. — Frère, s'écria-t-il, est-il besoin que
je descende?
— Ehinon, répondit l'autre, je le tiens bien.
Celle vicloire préserva non-seulement le
pont de Guillaume, mais encore le village de
Saiulc-EDiuaie des maléfices de Satan. Seule-
ment, comme celui-ci se plaignit à Dieu, lo
bassin où coulait le Tarn lui fut laissé ru
propriété. On l'entend souvent la nuit pous-
ser des gémissements lamentables sous les
rochers qui le tiennent captif.
Guillauute mourut longtemps après eu
odeur de sainteté, laissant la contrée parfai-
tement rassurée. S'il lui était donné de repa-
raître dans ce monde, peut-être trouverait-il
que Lourdes a lâché sa proie.
Saint Guillem du Désert,
A quelques lieues de Monlpellier, entre
Aniano et Lodève, on trouve une vallée
riante qui forme une sorte d'oasis au milieu
d'un pays âpre et sauvage. De hautes monta-
gnes couvertes de planles aromatiques l'en-
tourent de toutes pnrls, et la dérobent aux
yeux du voyageur. La vigne et l'olivier crois-
sei»l dans la jilaine, et rendent le paysage
aussi riche que varié. A la seule extrémité
accessible, couk' l'Hérault, qui, resserré en-
tre deux rochers, s'élance avec fracas d'une
assez grande hauteur. Ses eaux, dans leur
course rapide, font jaillir une écume bleuâ-
tre qui reçoit du soleil l'éclat d'une poussière
transparente et dorée; plus bas, devenues
calmes et limpides, elles réfléchissent l'azur
des cieux el les leintes plus sombres des ro-
chers. Un pont jeté d'un bord à l'autre sur
deux énormes masses calcaires taillées à pic
joint le désert à la fertile plaine d'Aniane ;
on l'appelle le pont de Saint-Jean de Fos, Lo
lieu que nous décrivons se nommait autre-
fois Gcllone; il porte aujourd'hui le nom de
Saint Guillem du Désert.
A l'entrée de cette vallée, et comme pour
faire contraste avec la culture qui atteste
partout la main de Ihomme, s'élève une an-
tique abbaye à moitié ruinée , el au-dessus
de cette abbaye, un château féodal dont il
reste encore moins de vestiges. Le monastère
a eu pour fondateur le duc Guillaume. On
ignore par qui fut bâti le château ; il nous
parait à peu près contemporain de l'abbaye.
Voici deux légendes que la tradition a con-
servées jusqu'à nous sur les lieux que nous
venons de décrire.
Guillaume, duc de Toulouse, et parent de
Charlemagne , célébré par les poêles du
moyen âge sous le nom du Marquis-au-Court
Nez, pacifia l'Aquitaine, et la défendit contre
les Sarrazins d'Espagne. Après d'aussi glo-
rieux travaux, il aurait pu goûter en paix
les charmes du repos; mais son esprit était
trop actif pour se complaire en une molle oi-
siveté; il voulut, à la gloire d'un conquérant,
joindre celle d'un pieux fondateur d'abbaye.
La solitude de Gellone lui ayant para favo-
rable à son projet, il résolut de s'y fixer.
Au neuvième siècle, Gellone était un dé-
sert aride, couvert de buis, de chênes et de
sapins ; les ronces y étendaient partout uno
luxuriante végétation, et il n'avait pour lia-
bilanl qu'un géant à forme humaine, dont
les meurtres el les déprédations répandaient
au loin la terreur. Un poëme du moyen âge
le dépeint ainsi : « A travers le pays, se dé-
mène un géaul horrible à voir, égalcmeul
l'es DICTlONNAinE DES SCIENCES OCCULTES
rruel pour les femmes et les enfîinls : quand sit son monasièrc
il les surprend, il les étrangle ; quand la laim
le presse, il les manjïe... Il rôde à travers ro-
chers et monlapnes, et toute la conlrée est
tremblante d'effroi. Le païen a quatorze
pieds de stature ; sa lélc est monstrueuse;
ses yeux sont grands et ouverts. Jl a déjà tué
dans le jour quatre hommes qui n'ont pas eu
le temps de se confesser, et un abbé avec sept
de ses moines. 11 est armé d'une massue si
bien ferrée, qu'un homme, quelle que fût sa
force, ne la soulèverait point sans se rompre
les nerfs. »
Le duc Guillaume, qui, pour être moine,
n'avait point oublié qu'il clail gouverneur
d'Aquitaine, fil sommer le monstre par deux
hérauts d'armes de venir lui faire hommage
de son château. Le géant répondit par des
bravades. Le duc emporté par son courage
lui offrit alors le combat ; mais le félon lui fil
répondre qu'il l'attendail dans son castel, et
qu'il ne ferait pas un pas vers lui. Le duc vil
le piège, et ne s'y laissa pas prendre : ne
pouvant employer la force, il eut recours à
la ruse.
Un jour qu'il rôdait autour du Verdus
(c'était le nom du château du géant), il vil
venir à lui une jeune fille qui portait un vase
sous le bras, et allait puiser de l'eau dans la
rivière A qui apparlenez-vous? lui dit le
Duc.
— Beau sire chevalier, répliqua la jeune
fille, je suis au service de monseigneur le
géant.
Une pensée soudiiine traversa l'esprit de
Guillaume. —Maudit soit le géant, s'écria-
t-il,carsa soif le perdrai...
Et s'adressant à la servante : — Vous allez
changer d'habits avecmoi,ct,cefaisanl, vous
me rendrez un servicedont vous serez large-
ment récompensée.
— Mais, beau sire, mon maître me tuera.
— Il sera mort avant de pouvoir le tenter.
La jeune fille n'osa pas résister; elle se re-
lira derrière un quartier de roche. Guillaume
lui passa une à une les pièces de son armure,
cl en reçut en échange ses grossiers vêle-
ments dont il s'affubla. Cela fait, il attendit
que la nuit fût venue ; puis il prit le vase sous
son bras, el à la faveur de son déguisement,
il s'introduisit dans le château.
Mais à ce moment, son projet faillit échouer
par une circonstancequ'il n'avait pu prévoir.
Une maudite pie le reconnut, et aussitôt elle
se mit à crier : — Gare, Guilleml Gare
Guilleml...
Le géant, qui ne se doutait pas que le dan-
ger fût si proche, courut à une des fenêtres
pour observer les dehors du château. Au
môme instant, Guillaume saisit le monstre
par les pieds, elle précipita sur les rochers,
où il se brisa. — Quant à la pie, le saint vou-
lut aussi la punir. Il prononça contre elle un
anathème qu'il étendit à toutes les [tics de
la contrée. Les vieillards du pays assurent
que depuis lors elles ne peuvent jamais y vi-
vre [dus de trois jours.
Délivré de son ennemi, Guillaume construi-
rai
et le cbâieau du Verdus
en devint une des dépendances.
Cependant l'esprit du mal n'avait pas en-
tièrement disparu avec le géant. Guillaume,
qui allait souvent visiter son ami saint Benoit
au couvent d'Aniane, voulut construire un
pont sur l'Hérault au lieu ordinaire de sa tra-
versée ; mais là encore il trouva le génie
malfaisant, qui tenta de s'y opposer. Le di;i-
blc veillait dans les ténèbres, et renversait la
nuit ce que l'homme de Dieu avait édifié à
grand'peine pendant le jour. Celui-ci ne se
décourageait pas : il espérait à force de con-
stance faire lâcher prise à Satan. H n'en fut
rien : la nuit venue, des sifflements se fai-
saient entendre, et toutàcoupun grand bruit
annonçait que l'œuvre de la journée avait
disparu dans le gouffre. Guillaume se lassa
de celte lutte sans fin : il appela le diable en
conférence, el fit un pacte avec lui. Il en ob-
tint qu'il pourrait construire son pont, à con-
dition que le premier passager lui appartien-
drait. Le saint, plus rusé que Satan, fit con-
nailre le marché à tous ses amis pour les en
préserver; puis il lâcha un chat qui le pre-
mier traversa le pont, et dont Satan fut bien
forcé de se conlenter. — Depuis ce temps, dans
ce pays, les chats appartiennent au diable ,
el le poul à saint Guilleni. — Voyez Ponts.
Voici, dans un genre analogue une légende
que M. Henry Berlhoud a donnée dans le pre-
mier volume du Musée des familles.
La Chaire Grise.
Le château d'Esnes, dit M. Henri Berlhoud,
est une de ces vieilles habilalions féodales
que l'on rencontre si fréquemment dans la
Flandre. Au rebours de la plupart des aulres
forteresses, on a bâti celle-là au fond d'une
vallée que des hauteurs dominent de loules
parts; et ses murailles de pierres blanches
énormes, loin d'être noircies par le temps, se
détachent éblouissantes sur la verdure som-
bre d'un bois immense.
On ne connaît pas l'époque précise où fut
construit le château d'Esnes, el son archi-
tecture, pleine de bizarrerie et d'un caractère
particulier, ne donne aucune lumière à cet
égard.
A l'extrémité septentrionale du châleaa.cl
par une exception dont il est difficile de se
rendre compte, s'élève une petite tourelle
construite en grès; ses formes élégantes et
légères présentent avec le reste du manoir
un contraste singulier. Ses ogives, à triples
colonnclles, sont unies entre elles par une
têled'uneexpression bouffonne, et, sur les pa-
rois, des figurines d'un travail exquis joi-
gnent leurs mains dans l'attitude de la prière.
L'œil, blessé par la blancheur uniforme do
tous les objets qui l'entourent, se repose avec
charme sur celle délicieuse petite construc-
tion qui rappelle par sa forme ce que l'on
nomme, en architeclure militaire, un nid
d'hirondelle, mais qui ne peut servir en au-
cune façon à la défense du manoir. Les ha-
bitants du pays désignent cet objet sous le
nom de caiere grise (chaire grise) ; sans doute
«IS
DIÂ
DIV
46(t
à cuise (le la couleur des grès avec les;juels
on l'a construite.
Les Flamands aiment trop le merveilleux
pour ne point expliqner par l'intervention
(lu diable l'origine de la Chaire grise ; et voici
la tradition répandue à cet égard. — Lorsque
saint Vaast, l'apôtre de la Flandre, vint prê-
cher le chrislianisme dans ce p^iys alors bar-
bare, ses niiracb's, plus encore que ses pré-
dications, convertissaient les sauvages Ner-
viens. Satan poussa des cris de douleur en
vovanl ceux qu1l regardait n;iguère comme
une proie certaine courir au-d(!vanl du saint
évéque, et recevoir de lui le b.iptéme el la
foi. Il résolut, pour maintenir sa puissance
chancelante, d'opposer miracle à miracle;
pour cela, il fit tomber le feu d i ciel sur le
château d'Esnes, dont il ne resta bientôt plus
pierre sur pierre.
Le baron d'Esnes, propriétaire de ce ma-
noir, était un nouveau converti; il courut se
jeler aux pieds de saint Vaast, en le suppliant
de reconstruire son château par un miracle.
Le saint répondit au nouveau chrétien par
une remontrance paternelle, et lui prêcha la
résignation aux d(^crels de la volonté divine.
Comme le baron d'Esnes s'en revenait triste
el désappointe, le diable lui apparut. Il s'of-
frit de reconstruire en une nuit le château
brûlé, si le baron voulait abjurer sa religion
nouvelle. Le baro:i accepta le parti, et, le
lendemain, à la grande surprise de tout le
pays, le château d'Esnes, reconstruit d'une
façon nouvelle, apparut au lieu des ruines
fumantes el des (iébris qui la veille couvraient
la lerre. — Une merveille si graade ébranla
beaucoup les témoins du refus qu'avait fait
saint Vaast d'en opérer une semblable. L'a-
pôtre, pour détruire cette mauvaise impres-
sion, se rendit au château d'Esnes; et, comme
on lui en refusa l'entrée, il s'adossa contre
les fortifications, pour parler à la foule ac-
courue de toutes parts. Tandis que le saint
faisait une exhortation à ces chrétiens chan-
celants, un rayon brûlant de soleil vint tom-
ber sur sa tête chauve : soudain, des anges
descendirent et construisirent autour de lui
la Chaire grise. A ce miracle, dont plus de
quatre mille personnes furent témoins, dit la
tradition, les blasphèmes se changèrent en
prières ; et tous ceux qui n'avait point encore
reçu le baptême le reçurent aussitôtdes mains
de saint Vaast. Le baron d'Esnes ne put ré-
sister lui-même à une telle preuve de la puis-
sance de Dieu ; el le diable, confus el chassé,
s'en retourna aux enfers.
La vieille femme de Mans,
I.o dinble en aura sur Irs iloigls...
MïSTÈUE DE Li PATIENCE DE JoB.
Qu'il nous soit permis de rapporter du bon
saint Ghislain, vénéré en Hainaut, une lé-
gende qui frise le petit conte. Un fabliau
a demi perdu, a rendu célèbre ce trait, à la
fois merveilleux et naïf. On le voyait encore,
il n'y a pas beaucoup d'années, représenté
d'une manière piquante, dans un tableau du
quinzième siècle, que possédait l'ahbnye de
tsaiiil-Clhislaiu. Pauvre abbaye! clic a, fait
place sans doute à quelque usine . comme
les joyeuses légendes se sont effacées pour
un temps devant les Irlsles systèmes des
philosophes.
Or, voici l'aventure !
Une vieille femme de Mons, qui avait mené
une vie dissipée, mais (|ui tous les jours s'é-
tait recommandée à saint Ghislain, se trou-
vjiit sur son lit de mort.
Au moment où elle allait rendre l'âme, le
diable arriva à son chevet cl se posta à sa
gauche. Prcsqu'aussilôt saint Ghislain parut
de l'autre côté. Le diable le regarda de tra-
vers : le saint ne baissa pas les yeux : il était
accoutumé à affronter l'ennemi. Après avoir
liiussé un peu avec un certain embarras, le
diable dit :
— J'imagine que vous ne venez pas en-
core m'enlever celle-là?
— Au contraire, répondit Ghislain.
— C'est ce que nous verrons. Vous n'avez
pas de droits.
— Pas de droits! s'écria le saint; celle
femme a été à moi toute sa vie.
— A vous! hurla le diable avec un éclat
de rire ; vous n'êtes pas difficile. Je vous ci-
terai cent chrétiens qu'elle a scandalisés. Je
ne compterais pas tous les péchés qu'elle a
faits. Il y a longtemps que nous la choyons
comme notre gibier.
— 11 est possible qu'elle ait péché souvent,
dit le saint , mais elle s'est longuement re-
pentie ; elle s'est confessée; elle meurl pé-
nitente. Je ne suis pas venu pour l'aban-
donner et je l'emmène.
Le saint parlait d'un ton si assuré, que le
diable commença â concevoir des alarmes.
Cependant il reprit du cœur el il se mit à dé-
tailler avec tant de soin toutes les fautes de
la pauvre pécheresse, que le saint craignit
à son tour.
Pendant qu'ils disputaient, la pauvre
femme mourut.
— Voilà qui est au mieux, dit le diable
en se frottant les ergots ; elle vient de passer ;
et elle a oublié de se purger d'un péché mor-
tel. A moi donc 1
Et il allongea la griffe.
— Un instant, dit doucement Ghislain.
Quel péché mortel s'il vous plaît?
Et il étendit la main pour proléger l'âme.
— Mais a-l-elle dit qu'il y a trente ans,
un certain dimanche, le premier du carême,
elle mantiua la messe pour aller à une fête '?
— Vous avez bonne mémoire, répondit le
saint avec un sourire triste. Mais vous êtes
mal informé. La pauvre femme s'est con-
fessée de cette faute grave et l'a réparée.
La dispute recommença vive et animée. Le
diable enfin proposa un moyen d'en finir.
— Voici trois dés, dit-il, nous réclamons
tous deux l'âme de cette femme ; jouons à
qui l'aura.
— Je le veux bien ; à vous les honneurs.
Le diable parut flatté de celle politesse. Il
salua le saint, remua les dés et les jeta.
— Trois six! s'écria-t-il. Elle est à moi.
— Un instant, dit Ghislain.
Mais le diable derechef se frollail les griffes..
467
DlCTIONiNAinE DES SCIENCES OCCULTES.
«es
— Vous ne ferez du moins pas mieux, di-
sait-il.
— Qui sait ?
Le bon saint agita les dés, Ips lança : il se
fit quelque chose comme un petit prodige :
trois sept sortirent du cornet, et Ghislaiu
emporta l'âme de la défunte.
Comment le diable fut attrapé.
11 nous faut reculer à une époque assri
ancienne ; c'était au moins ver» le n^gne de
Henri IH. Si tous êtes allé jamais sur la
route de Sainl-Gloud , qui n'était pas alors
la somptueuse résidence roy;ile que nous
admirons aujourd hui, vous aurez remarqué
à mi-chemin un groupe de maisons qu'on
appelle, je ne sais pourquoi , le Point du
jour , sans doute de quelque enseigne de
cabaret; plusloin, à droite, est Boulogne-sur-
Seine.
Or, au temps d'autrefois il y avait au Poiiit
du jour un vieil homme de noble race, mais
un de ces gentilshommes avancés qui ne
dédaignaient pas de faire cux-mômes valoir
leurs terres. Les terres de culture étaient plus
rares alors que maintenant; le pays était
presque couvert de bois.
Le vieil homme se nommait Egidius
Cressère, bon viveur, allant aux fêles ,
buvant au cabaret, familier avec les simples
gens, traitant bien ses serviteurs, mais
exigeant un grand travail , car il travaillait
beaucoup lui-même , et disait que la terre
gardait rancune quand on la négligeait. Il
avait en sa maison une jeune et robuste ser-
vante , qu'on appelait Gritte, abréviation
de Marguerite ; elle avait vingt ans. Elevée
dans le manoir , elle plaisait à tous ; on la
vantait commo une fille laborieuse , qui
jamais n'avait reculé devant le travail.
Mais vint le jour de la fête de Sainl-Cloud,
déjà courue alors. C était un beau jour, lon-
guement attendu. Les ménétriers du village
avaient graissé la roue de leurs vielles ; ils
s'étaient renforcés de jout'urs de rebec et de
tambourin , venus de Paris ; ils avaient
deux flûtes, une cornemuse et un corde
chasse ; on annonçait gramles joies ; et la
bonne Gritte se promettait de l'agrément
depuis quatre heures jusqu'à huit, car pour
un tel jour on retardait jusque-là le couvre-
feu, que nous appelons aujourd'hui la clo-
che de retraite.
Malheureusement , au retour de la messe ,
Egidius qui n'oubliait rien , se rappela que
la veille il avait mené , avec ses garçons,
plusieurs charrettes de fumier , sur le che-
min des Bons-Hommes , dans un champ qu'il
voulait labourer le lendemain pour y semer
du seigle. Il fallait disperser avec soin tous
les tas d'engrais qui , répandus ainsi et cou-
vrant toute la surface du champ , devaient
l'échauffer et le rendre fertile. Gelait la
besogne de Marguerite ; la pauvre fille son-
geait aux moyens qui pourraient encore
rehausser sa toilette pour la fctc, quand son
maître l'appela.
— Allons , Gritte , dil-il , tu prendras ta
fourche et tu iras répandre le fumier dans
le champ de Saint-Gilles. Quand ce sera fait,
tu reviendras à la fête.
Marguerite ne répliqua rien. Mais poar la
première fois l'idée du travail l'ainigea. Elle
ôla tristement sa cornette à pointe de fine
toile, son jupon de drap rouge, mit une roite
de grosse loile et des sabois, pauvre fille 1
elle prit sa fourche et partit. En arrivant au
champ, adieu la fêle 1 Elle calcula rapidement
l'ouvrage qu'elle avait à faire, et reconnut
qu'il nepouvaitétre achevé qu'à lanuit noire.
Son cœur se serra. Elle n'en commença pas
moins en soupirant sa triste et pénible be-
sogne.
il y avait une heure qu'elle se hâtait, sans
poivoirse consoler; elle apercevait aveccha-
grin, sur la route, les boimes gens de Paris
qui se rendaient joyeusemeutà la fête, et gé-
missait (le penser qu'elle n'y paraîtrait pa^,
lorsqu'elle vit venir à elle un petit homme
qui semblait vouloir lui parler. Il était fait
un peu do travers et marchait en se balan-
çant. Ses pieds étaient enfermés dans des
bottes noires. 11 avait un haut de chausses
écarlate, un pourpoint gris taillé a la bour-
geoise avec les basques continues, un cha-
peron à deux cornes de môme couleur. Si
ce chaperon eût été jaune , il eût ressemblé
de loin à celui des fous de la Bazoche. A
mesure que le petit homme s'approchait,
Marguerite le considérait avec plus d'étoo-
nement. C'était une figure qu'elle n'avait
jamais vue, une tête énorme, un visage pâle
comme les murailles, sur lequel dominait
un long nez qui tournait évidemment sa
pointe à gauche. Les mains de l'homme ùtaieiit
cachées dans de grands gantelets noirs. Il
s'arrêta devant la jeune fille, et faisant un sou-
rire qui avait quelque chose de singulier.
—Eh 1 mais, ma fille, dit-il, vous voiià
bien occupée, pour un dimanche?
— C'est vrai, messire: mais ily adispense
de vêpres, aux travaux des champs.
— 11 y a sans doute aussi disjM-nse de la
fête qui va être si animée et si gaie ?
— Oh I pardon, messire. Mais je ne suis
pas ma maîtresse. Il faut que je fasse tout
le champ.
— Vous n'aurez pas fini au coucher du
soleil. Si vous vouliez faire un marché ave<;
moi, j'ai là dans le bois des camarades ; nous
vous aiderions tous; et dans un instant vous
pourriez retourner au Point du jour.
— Eh 1 quel marché, messire, voulez-vous
qu'une pauvre fille fasse avec vous?
11 y avait de l'inquiétude dans la parole de
Marguerite, et un sourire sardonique sur
les lèvres pâles du petit honnie.
— Le marché ne vous gênera guère, re-
prit-il ; je demande seulement que vous me
donniez demain malin la première botte que
vous lierez à votre réveil.
—Oh 1 si ce n'est que cela, je vous le pro-
mets de bon cœur.
Elle n'eut pas plutôt dit ce mot que le petit
homme siffla; aussitôt une troupe de nains
bizarres sortit du bois voisin. Il s'en trouvait
un pour chaque tas de fumier. Ils se mi-
rent rapideuiint à l'ouvrage ; et de leurs
ACO
DIA
niA
470
pieds et de leurs mains ils opérèrent si vi-
vement, qu'en peu de minutes tout le fumier
fut répandu, avec symétrie. Après (|uoi ils se
retirèrent; autant en fit le petit honrime, qui
dilà Marguerite, en la quittant brusquement :
—Vous voyez qu'uu peu d'aide fait grand
bien 1
La jeune servante resta un moment con-
sternée de ce qui venait de se pnsser sous ses
yeux? Etait-ce un homme, était-ce un esprit
qui l'avait obligée si merveilieusemenl? Elle
se ressouvint de tous les contes dont on l'eii-
Ireionail aux lonj^ues veillées du manoir,
lorsqu'on file le chanvre et la laine dans les
soirées d'Iiiver. Souvent on lui avait dit qu'il
y avait des lutins, des farfadets, et d'autres
bons démons qui se plaisaient à rendre d u-
tiles services aux gens en peine. Elle avait
refusé de le croire ; elle ne pouvait plus en
douter, àmoins que, cependant, lepetit hom-
me et ses camarades ne fussent une com-
pagnie de farceurs, comme il y en avait quel-
quefois dans le Paris d'alors, (i«i jouaient des
moralités (comédies du temps), qui disaiciît
la bonne aventure, escamotaient et chan-
taient, faisaient souvent de bons tours et par-
fois se plaisaient à étonner gracieusement
par quelque subite obligeance.
— Quoiqu'il en soit, dit-elle, ce bonhomme
s'est contenté de peu; et je puis tranquille-
ment me réjouir ma pleine soirée.
Elle s'en retourna , sans pouvoir bannir
pourtant les Ilots de piînsées qui venaient l'as-
saillir ; — Pour(]uoi le petithomme lui avait-
il demandé la première botte qu'elle lierait
le lendemain? et qu'en voulait-il faire? Puis
elle se répondait à elle-même : — C'est sûre-
ment une plaisanterie.
En rentrant au manoir, elle n'y trouva plus
personne. Tout le monde était parti pour la
fête, à l'exception d'un vieux serviteur, qui
ne pouvait plus marcher, et qui gardait le lo-
gis avec deux chiens solides. Elle se hâia de
remettre sa coiffe et sa jupe des dimanches,
ses bas jaunes et ses souliers. Elle arriva au
moment où les réjouissances commençaient.
Depuis deux bonnes heures, Marguerite
n'était plus qu'au plaisir; il semblait niéiue
qu'elle eùl complètement oublié son aven-
ture du champ, quand son maître crut la re-
connaître. Il se frolia les yeux, s'approcha,
et vil qu'il ne s'était pas trompé. Un air sé-
vère contracta sur le champ tous les traits
de sa figure. 11 appela la jeune Qile, qui vint
aussitôt.
— Eh bien! Gritle, dit-il d'une voix aus-
tère, et l'ouvrage ?
— Il est fait, messire Egidius.
— Fait! tu aurais fait en unehenre ce qu'un
homme ferait à peine en une demi-journée!
— S'il faut vous dire tout, messire, j'ai eu
un peu d'assistance....
Et la servante conta ce qui lui était arrivé.
Le gentilhomme surpris ne répliqua pas
un mot; mais croyant que Gritte le trom-
pait et qu'elle avait laissé sa besogne à moi-
tié laite, il courut à son champ, fit une ex-
clamation de grand étonnemcnt et s'en re-
vint émerveillé.
—Ma fille, dit- il à Marguerite en l'appe-
lant de nouveau, le diable est fin : c'est àlui
que nous avons à faire.
La servante pâlit.
— Allons trouver le curé de Boulogne, re-
prit Egidius ; lui seul peut nous tirer de là.
Le vieil homme et la jeune fille se rendi-
rent, sans perdre un instant, au presbytère ;
Marguerite expliqua la chose au bon curé.
— Vous avez été bien avisés de me venir
trouver, dit-il; car vous étiez en péril. Mais
rassurez-vous. QuoiqueSatan soit bien rusé,
il trouve encore assez souvent plus rusé que
lui. Il vous a fait promettre la première
botte que vous lieriez demain matin à votre
lever; ayez soin, aussitôt que vous serez
éveillée, de vous rendre à la grange, d'y lier
une botte de paille et de la jeter à l'homme
qui viendra. Mais évilcz sur toutes choses de
serrer le cordon de volrejupe, ou votre bon-
net ou vos jarretières ; car alors vous seriez
vous-même la butte qui lui appartient
Allez, mon enlant, vous eu serez quitte pour
un moment de frayeur.
Marguerite et son maître remercièrent le
curé et s'en retournèrentau manoir. La jeune
fille ne songeait plus à la fêle ; elle passa
la soirée en prières et la nuit sans ilormir.
Dès que le jour parut, elle se leva, sans lier
son jupon, ni rien qui touchât à son corps,
et se rendit à la grange, oii elle vit entrer
en silence, un instant après elle, celui qui
la veille lui avait rendu un si dangereux sei-
viec.
Il n'avait changé ni de forme, ni decos-
tume.Mais son teint paraissait plus pâle en-
core ; ses yeux étincelaienl ; ses lèvres trem-
blaient d'inquiétude. Dans un mouvement
qu'il fit, son chaperon s'abattit par derrière;
la servante alors remarqua deux petites cor-
nes parmi sescheveux crépus. EUefrissonna,
lia en tremblant une botte de paille, et la
jeta au monstre, qui la saisit en grinçant des
donts. Il hurla, bondit sur lui-même, sortit
par un trou qu'il fit au toit de la grange ;
et Marguerite alla s'habiller.
On dit que le champ où les démons avaient
travaillé produisitabondamment ; car le tra-
vail est toujours lécoud,de quelque main
qu'il vienne.
On ajoute que le trou de la grange, qui à
présent n'existe plus, ne put jamais se ré-
parer.
On dit encore que le diab'e, embarrassé de
sa botte de paille, vint pour la vendre à
Paris. Il espérait qu'ayant passé parses grif-
fes, sa bolic de paille ferait mourir les va-
r.hes qui la mangeraient et pousserait les
fermiers à quelque blasphème. Mais il avait
si mauvaise mine que jusciu'au soir, il ne
trouva personne qui voulût l'acheter. Il la
broya de colère et en jeta les débris dans
les égoûts de la capitale qui depuis lori
puent toujours. Voy. Grange du diablb.
Voici d'autres hiiUoires qui font voir ((u'on
a pris souvent pour le diable des gens qui
n'étaient pas de l'autre monde.
Un marchand breton s'embarqua pour io
comuierce des Indes, et laissa à sa l'emœc le
471
DICTIONNAmE DES SCIENCES OCCULTES.
♦72
soin de sa mnison. Cette remme étnit sage;
le mari ne craignit pas de proloiigor le cours
de son voyage et d'être absent plusieurs an-
nées. Or, un jour de carnaval, ladame voulant
s'égayer un peu donna à ses parents et à ses
amis un petit bal qui devait être suivi d'une
collation. Lorsqu'on se mil au jeu, un mas-
que babillé en procureur, ayantdcs sacs de
procès à la main, entra et proposa à la dame
déjouer quelques pistoles avec elle ; elle ac-
cepta le défi et gagna : le masque présenta
encore plusieurs pièces d'or, qu'il perdit
sans dire mot. Quelques personnes ayant
voulu jouer contre lui perdirent; il ne se
laissait g.'igner que lorsque la dame jouait.
On fit d'injurieux soupçons sur la cause
qui l'engageait à perdre. — Je suis le dieu des
richesses, dit alors le masque, en sortant de
ses poches plusieurs bourses pleines de louis.
Je joue tout cela , madame , contre tout ce
que vous avez gagné.
La dame trembla à cette proposition et re-
fusa le défi en femme prudente. Le masque
lui oiïril cet or sans le jouer; mais elle ne
voulut pas l'accepter. Cette aventure com-
mençait à devenir extraordinaire. Une dame
âgée, qui se trouvait présente, vint à s'ima-
giner que ce masque pouvait bien être le
diable. Celte idée se communiqua dans l'as-
semblée, et comme on disait à demi-voix ce
qu'on pensait, le masque qui l'entendit se
mil à parler plusieurs langues, pour les con-
firmer dans celle opinion; puis il s'écria
tout à coup qu'il était venu de l'autre monde
pour venir prendre une dame qui s'était
donnée à lui, et qu'il ne quitterait point la
place qu'il ne se lût emparé d'elle, quelque
obstacle qu'on voulût y apporter...
Tous les yeux se fixèrent sur la maîtresse
du logis. Les gens crédules étaient saisis de
frayeur, les autres à demi épouy.intés; la
dame de la maison se mit à rire. Enfin le
faux diable leva son mas(|ue, et se fit recon-
naître pour le mari. Sa femme jeta un cri de
joie en le reconnaissant. J'apporte avec moi
l'opulence, dit-il. Puis se tournant vers les
joueurs : Vous êtes des dupes, ajoula-l-il;
apprenez à jouer.
Il leur rendit leur argent, et la fête devint
plus vive et plus complète.
Un vieux négociant des Etals-Unis, retiré
du commerce, vivait paisiblement de quel-
ques rentes acquises par le travail II sortit
un soir pour toucher douze cents dollars qui
lui étaient dus. Son débiteur , n'ayant pas
davantage pour le moment, ne lui paya que
la moitié delà somme. En rentrant chez lui,
il se mit à compter ce qu'il venait de rece-
voir. Mais pcndantqu'il s'occupait de ce soin,
il entend quelque bruit, lève les yeux, et
voit descendre de sa chominéedans sa cham-
bre le diable en personne. 11 était en cos-
tume .• tout son corps couvert de poils rudes
et noirs, avait six pieds de haut. De grandes
cornes surmontaient son front, accompagnées
d'oreilles pendantes; il avait des pieds four-
chus,des griffes au lieu de mains, une queue,
un museau comme on n'en voit point, cl des
yeux cuuimc on n'en voit guère.
A la vue de ce personnage, le vieux mar-
chand eut le frisson. Le diable s'approcha
et lui dit : Il faut que tu me donnes sur
l'heure douze cents dollars, si tu ne veux
pas que je l'emporte en enter.
Holas i répondit le négociant, je n'ai pas
ce ((uc vous demandez...
Tu mens, interrompit brusquement le dia-
ble; je sais que lu viens de les recevoir à
l'instant.
Dites que je devais les recevoir; mais on
ne m'en a pu donner que six cents. Si vous
voulez me laisser jusqu'à di-main, je promets
de vous compter la somme...
Eh bien! ajouta le diable, après un mo-
mi'Ulde réflexion, j'y consens; mais que de-
main, à dix heures du soir, je trouve ici les
douze ci'Uts dollars, ou je l'entraine sans
miséricorde. Surtout que pi-rsonnc, si tu liens
à la vie, ne soit instruit de notre entrevue.
Après avoir dit ces mois, le diable sortit
par la porte.
Le lendemain malin, le négociant, qui était
de bonne pâle, comme on voit, alla trouver
un vieil ami, et le pria de lui prêter six cents
dollars. Son ami lui demanda s'il en était
bien pressé"? Oh 1 oui, très-pressé; il me les
faut avant la nuit. Il y va de ma parole et
peut-être d'auire chose.
Mais n'a vez-vous pas reçu hier une somnne?
J'en ai disposé.
Cependant je ne vous connais aucune af-
faire qui nécessite absolument de l'argent.
Je vous dis qu'il y va de ma vie...
Le vieil ami, étonné, demande l'éclaircis-
sement d'un pareil mystère. On lui répond
que le secret ne peut se trahir. — Considé-
rez, dit-il au négociant effaré, que personne
ne nous écoute; dites-moi votre alTaire : jo
vous prêterai les six cents dollars.
Sachez donc que le diable est venu me
voir; qu'il faut que je lui donne douze cents
dollars ce soir, et que je n'en ai que six
cents.
L'ami ne répliqua plus; il savait l'imagi-
naiion de ce pauvre ami lac ile à effrayer. 11
tira de son coffre la soinn)e(]u'oa lui deman-
dait, et la prêta de bonne grâce ; mais à huit
heures du soir, il se rendit chez le vieux
marchand.
Je viens vous faire société, lui dit-il, et
attendre avec vous le diable, que je ne serai
pas fâché de voir.
Le négociant répondit que c'était impossi-
ble, ou qu'ils s'exposeraient à être emportés
tous les deux. Après des débals, il permit
que son ami attendit l'cvénemenl dans un
cabinet voisin.
A dix heures précises, nn bruit se fait en-
tendre dans la cheminée : le diat)le parait,
dans son costume de la veille. Le vieillard se
mil en tremblant, à compter les ccus. En
même temps, l'homme du cabinet entra. Es-
tu bien le diable? dil-il à celui qui dc.nan-
dail de l'argent...
Puis, voyant (ju'il ne sepressail pas de ré-
pondre, et que son ami frissonnait, grelollait
cttrcmblollail, il tira de sa poche deuv longs
475
DIA
DIA
f,T\
pistolets, et, les présenlanl à la gorge du dia-
ble, il ajouta :
— Je veux savoir si lu es à l'cprcuve du
feu...
Le diable recula , et chercha à gagner la
porte.
— Fais-toi connaître bien vite, ou tu es
mort...
Le démon se hâta de se démasquer et de
iTKîttre bas son costume infernal. On trouva,
sous ce déguisement, un voisin du bon mar-
chand, qui faisait quelquefois des dupes ot
qu'on n'avait pas encore soupçonné. 11 fut
jugé comme escroc, et le négociant apprit
par là que le diable n'est pas le seul qui soit
disposé à nous nuire.
Nous nous représentons souvent le diable
comme un monstre noir : les nègres lui attri-
buent la couleur blanche. Au Japon, les par-
tisans de la secte de Sintos sont persuades
que le diable n'est que le renard. En Afrique
le diable est généralement rospcdé. Les nè-
gres de la Côte-d'Or n'oublient jamais, avant
de prendre leurs repas, de jeter à terre un
morceau de pain qui est destiné pour le mau-
vais génie. Dans le canton d'Auté, ils se le
représentent comme un géant d'une prodi-
gieuse grosseur, dont la moitié du corps est
pourrie, et qui cause infailliblement la mort
par son attouchement; ils n'oublient rien de
ce qui peut détourner la colère de ce mons-
tre. Us exposent de tous côtés des mets pour
lui.
Presque tous les habitants pratiquent une
cérémonie bizarre et extravagante, par la-
quelle ils prétendent chasser le diable de
leurs villages : huit jours avant cette céré-
monie, on s'y prépare par des danses et des
festins; il esl permis d'insulter impunément
les personnes même les plus distinguées. Le
jour de la cérémonie arrivé, !c peup'e com-
mence dès le matin, à pousser des cris hor-
ribles; les habitants courent de tous côtés
comme des furieux, jetant devant eux des
pierres et tout ce qu'ils trouvent sous leurs
mains ; les femmes furètent dans tous les
coins de la maison, et récurent toute ht vais-
selle, de peur que le diable ne se soit fourré
dans une marmite ou dans quehiue autre
ustensile. La cérémonie se termine quand on
a bien cherché et qu'on s'est bien fatigué;
alors on est persuadé que le diable est loin.
Les habitants des îles Philippines se van-
tent d'avoir des entreliens avec le diable. Us
racontent que quelques-uns d'entre eux,
ay a nt hasardé de parler seuls a vrclui, a valent
été tués par ce génie malfaisant : aussi se
rassemblent-ils en grand nombre lorsqu'ils
veulent conféreravec le diable.
Les insulaires des Maldives mettent tout
en usage lorsqu'ils sont malades pour se
rendre le diable favorable. Us lui sacrifient
des coqs et des poules.
Le diable nous est singulièrement dépeint
par le pape saint Grégoire, dans sa Vie de
saint Benoît. Un jour que le saint allait dire
ses prières à l'oratoire de Saint-Jean, sur le
mont Cassin, il rencontra le diable sous la
forme d'un vélcrindire, avec une fio'c d'une
main et un licou do l'autre. Le texte disait :
inmiilotnedici specie ; pav l'introduction d'une
virgule qui décompose le mot : in rnulo, me-
dicispecie, un copiste! fit du diable ainsi dé-
guisé un docteur monté sur sa mule, comme
cheminaient les docteurs en médecine avant
l'invention des carrosses: et un tableau di*
cet épisode ayant été exécuté d'après ce texte
corrompu, Satan a été souvent représenté
avec la robe doctorale et les instruments de
la profession en croupe sur sa monture.
Une autre fois, on dénonça à saint Benoît
la conduite légère d'un jeune frère, apparte-
nant à l'un des douze monastères affiliés à la
règle du réformateur. Ce moine ne voulait ou
ne pouvait prieravec assiiluité; à peine s'é-
tait-il mis à genoux, qu'il se levait et allait
se promener. Saint Benoît ordonna qu'on le
lui amenât au mont Cassin; et là, lorsque le
moine, selon son habitude, interrompit ses
devoirs et sortit de la chapelle, le saint vit un
petit diable noir qui le tirait de toutes ses
forces par le pan de sa robe.
Parmi les innombrables éfiisodes de l'his-
toire du diable dans les Vies des Saints, quel-
ques-uns sont plus comiques, quelques au-
tres plus pittoresques. Saint Antoine vit Sa-
tan dresser sa tête de géant au-dessus des
nuages, et étendre ses larges mains pour in-
tercepter les âmes des morts qui prenaient
leur vol VOIS le ciel. Parfois le diable est un
véritable singe, et sa malice ne s'exerce qu'en
espiègleries. C'est ainsi que, pendant des an-
nées, il se tint aux aguets pour troubler la
piété de sainte Gudule. Toutes ses ruses
avaient été vaines, lorsqo'enfin il se résolut
à un dernier effort. C'était la coutume de
cette noble et chaste vierge de se leyer au
chant du coq et d'aller prier à l'église, pré-
cédée de sa servante portant une lanterne.
Que fit le père de toute malice? il éteignit la
lanterne en soufi1:int dessus. La sainte eut
recours à Dieu, et, à sa prière, la mèche se
ralluma, miracle de la foi qui suffit pour ren-
voyer le malin honteux et confus.
U n'est pas sans exemple que le diable se
laisse tromper par les plus simples artifices,
et une équivoque suffit souvent pour le ren-
dre dupe dans ses marchés avec les sorciers :
comme lorsque Nostradamus obtint son se-
cours à condition qu'il lui appartiendrait tout
entier après sa mort, soit qu'il lût enterré
dans une église, soit qu'il fût enterré dehors.
Mais Nostradamus ayant ordonné par testa-
ment que son cercueil fût déposé dans la mu-
raille de la sacristie, son corps y repose en-
core, et il n'est ni dans l'église, ni dehors.
Le vieil Heywood a rédigé en vers une no-
menclaturecurieuse de tous les petits démons
de la superstition populaire : il y comprend
les farfadets, les follets, les alfs ou elfs, les
Robin Goodfellows, et ces lutins que Shak-
speare a donnés pour sujets à Oberon et à
Titania. On a prouvé que le roi ou la reine
de féerie n'est autre que Satan lui-même,
n'importe son déguisement. C'était donc un
démon que ce Puck qui eut longtemps son
domicile chez les dominicains de Scliwcriu
dans le Meckicmbourg.
Malgré les tours
475
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
i76
qu'il jouait aux étranf^ers qui venaient visi-
lor le monastère. Pue k, soumis aux moines,
élait pour eux un bon serviteur. Sous la
forme d'un singe, il tournait la broche, tirait
le vin, balayait la cuisine. Cependant, mal-
gré tous ces service», le religieux à qui nous
(levons la Yeridica relatio de dœmonio Puck
ne reconnaît en lui qu'un esprit malin. Le
l'iick de Si-liwerin recevait [lour ses gages
deux pois d'ét;iin et une veste bariolée de
grelots en guise de boutons.
Le moine Rush de la légende fruéiloise, et
Bronzel , de l'abbnye de Montmiijor, près
d'Arles, sont encore Puck sous d'aulres no«n«.
On le reirouvc en Angleterre sous la forme
de Robin GoodfcUow ou de Robin Hood (Ro-
bin des bois), le fameux banilil de la forél de
Sherwood ayant reçu ce surnom à cause de
sa ressemblance avec ce diable populaire.
Enfin Robin Hood est aussi le Red Cap d'E-
cosse, et le diable saxon Hudcken, ainsi ap-
pelé de l'boodiwen , ou petit chaperon rouge
qu'il porte en Suède lorsqu'il y apparaît sous
la foruM; du Nisse ou Kissegodrcng. — Puck,
en Suède, se nomme Nissegodrcng (ou Nisse
le bon enfantl, et vit en bonne intelligence
avec Tomtegoobe, ou le Vieux du Grenier,
qui est un diable de la même classe. On
trouve Nissegodreng et Tonit(>gobbe dans
presque toutes les fermes, complaisants et
dociles si ou les traite avec douceur, mais
irascibles et capricieux : malheur à qui les
offense 1
Dans le royaume voisin, en Danemark, les
Pucks ont un rare talent conmie musiciens.
Il existe une certaine danse appelée la gigue
du roi des Elfs, bien connue des mcnéiricrs
de campagne, et qu'aucun deux n'oserait
exécuter. L'air seul produit le môme effet
que le cor d'Oberon : à peine la première
note se fait-elle entendre, vieux et jeunes
sont forcés de sauter en mesure; les tables,
les chaises et les tabourets de la maison com-
mencent à se briser, et le musicien impru-
dent ne peut rompre le charme qu'en jouant
la même danse à rebours sans déplacer une
seule note, ou bien en laissant approcher un
des danseurs involontaires assez adroit pour
passer derrière lui et couper toutes les cor-
des du violon par-dessus son épaule.
Les noms des esprits de cette classe sont
très-significatifs : de Gob le vieillard, devenu
un nom du diable, les Normands semblent
avoir fait Gobelin(\). Voyez ce mol. Voyez
aussi Faust, Drame, Pactes, etc.
On a publié à Amsterdam une Histoire du
diable, 2 vol. in-12, qui est une espèce de
mauvais roman, où les aventures du diable
sont plus que médiocrement accommodées à
la fantaisie de l'auteur. M. Frédéric Soulié
a prodigué, dans les Mémoires du Diable,
beaucoup de talent à l'aire un livre, qui au-
rait pu être fort singulier et fort piquant, si
l'auteur avait respecté les mœurs. Voy. Dé-
mons.
DIABLE DE MER. — « Grand bruit parmi
(1) Essai sur les U'odllious populaires, publié dans le
Qitmleiiy rcvicw.
(2) L'jubé lie riiuis}-, RehliOQ de l'ambassade (.'c Siam.
matelots; on a crié tout d'un roiip : Voilà h
diable, il faut l'avoir. Aussitôt tout s'est ré-
veillé, tout a pris les armes. On ne voyait
que piques, harpons et mousquets; j'ai couru
moi-même pour voir le diable, et j'ai vu un
grand poisson qui ressemble à une raie ,
hors (ju'il a deux cornes comme un taureau,
lia fait quelques caracoles, toujours accom-
pagné d'un poisson blanc qui, de temps en
temps, va à la petite guerre, et vient se re-
mettre sous le diable. Entre ses deux cornes,
il porte un petit poisson grts,<|u'on appelle
le pilote du diable, parce qu'il le conduit, et
le pique quand il voit du poisson ; et alors le
diable part comme un trait. Je vous conte
tout ce que je viens de voir (ii). »
DIAMANT. — La superstition lui attribuait
des vertus merveilleuses contre le poison, la
peste, les terreurs pani.^ues, les insomnies,
les prestiges et les enchantements. 11 calmait
la colère et cnlreteiiiiit l'union entre les
époux, ce qui lui avait fait donner le nom de
pierre de réconciliation. 11 avait en outre
cette propriété talismanique de rendre in-
vincible celui qui le portail, pourvu que sous
la planète de Mars, la figure de <!e dieu, ou
celle d'Hercule surmontant l'hydre , y fût
gravée. On a clé jusqu'à prétemlre que les
diamantsen engendraient d'aulres ;el Ruérus
parle sérieusement d'une princesse de Lu-
xembourg qui en avait d'héréditaires, qui en
produisaient d'aulres en certains temps (3).
— Enfin les savants du seizième siècle cro-
yaient qu'on pouvait amollir le diamant avec
du sang de bouc (4).
DIAMBILICHE, nom du diable dans l'île
de Madagascar. Il y est plus révéré que les
dieux mêmes : les [>rctres lui offrent les pré-
mices de tous les sacrifices.
DIDIER, imposteur bordelais du sixième
siècîe, qui parut vers ce temps-là dans la
ville de Tours. Il se vantail de communiquer
avec saint Pierre et saint Paul ; il assurait
même qu'il était plus puissant que saint
Martin, et se disait égal aux apôlns. Ayant
su gagner le peuple, on lui amenait de t.ius
côtés des malades à guérir; et voici, par
exemple, comment il traitait les paralytiques.
Il ordonnait qu'on étendît le inaladu à
terre, puis il lui faisait tirer les membres si
fort que quelquefois il en mourait ; s'il gué-
rissait, c'était un miracle.
Didier n'était pourtant qu'un magicien et
un sorcier, comme dit Pierre Delancre; car
si quelqu'un disait du mal de lui en secret, il
le lui reprochait lorsqu'il le voyait; ce qu'il
ne pouvait savoir que par le moyen du dé-
mon qui lui allait révéler tout ce qui se pas-
sait. Pour mieux tromper le public, il avait
un capuchon et une robe de poil de chèvre.
Hélait sobre devant le monde; mais lors-
qu'il se retrouvait en son particulier, il man-
geait tellement qu'un homme n'aurait pu
supporter la viande qu'il avalait. Enfin ses
fourberies ayant clé découvertes, il fut ar-
(5) IncréJulilé el mccréance du sorlilégo, etc., traité .",
p. .^7.
(tj Erasme, Discours sur rcii.'aiit Jcsus.
477
DIO
nio
i-n
rété et cha'sé de lîi Tille de Tours ; et on
n'enlemlil plus parler de lui.
DIDRON , savant archéologue qui a pu-
blié récemment une curieuse JJisloire du
diable.
Dl DYME. — Voyez Possédées de flanuhk.
DIÉMaTS. — Petites images chargées do
caractères que les guerriers de l'île de Java
portent comme des talisman*, et ave les-
quelles ils se croient invuliiérahles : persua-
sion qni ajoute à leur intrépidilé.
DIGBY, fou et imposteur, connu sous le
nom du Docteur Sympathique. 11 avait le se-
cret d'une poudre sympathique avec l.iquelle
il guérissait les malades sans les voir, et don-
nait la fièvre aux arbres. C^tle poudre com-
posée de rognures d'ongles, d'urine ou de che-
veux du malade, et placéedansun arbre, com-
muniquait, (ii<ail-il, la maladie à rarbre(l).
DINDAKTE (Marie>, jeune sorcière de
dix-sept ans, qui confessa avoir été souvent
au sabbat. Quand elle se trouvait seule et
que les voisines étaient déjà parties ou ab-
sentes, le diable lui donnait un onguent dont
elle se frottait, et sur-le-champ elle se trans-
portiiit par les airs. Elle voyageait ainsi la
nuit du27 septembre 1609 ; on l'aperçut et on
la prit le lendemain. Elle confessa aussi
avoir mené des enfants au sabbat, lesquels
se trouvèrent mar()ués de la marque du dia-
b!e (2). Voy. Sabbat.
DINDONS. — On a dit long-temps que les
dindons nous ont été apportés des Indes par
les pères jésuites ; c'est pourtant une erreur.
Les poules d'Inde furent apportées en Grèce
l'an du monde 355'J, comme le prouvent les
marbres d'Arundel, et elles se naturalisèrent
en Béotie. Aristote a même décrit V Histoire
physique et morale des dindons; les Grecs les
appelaient mélé.igriJes, parce qu'ils avaient
été introduits dans leur pays par le roi Mé-
léagre. Ils étaient fréquents chez les Romains ;
mais leur race, par la suite, devint plus rare
en Europe, et on les monlr;iit comme des
héles curieuses au commencement du sei-
zième siècle. Les premiers qu'on vit en France
y furent apportés par JacqucsCa;ur,en li59.
Améric Vespucene les fit connaître que cin-
quante-quatre ans après. Ou en attribua en-
suite l'importation aux jésuites, parce qu'ils
en envoyèrent beaucoup en Europe (3).
DINSCOPS , sorcière et sibylle du pays de
Clèves, dont parle Bodin en son quatrième
livre. Elle ensorce'ait et maléficiait tous ceux
vers qui elle étendait la main. On la brûla;
et quand sa main sorcière et endiablée fut
bien cuite, tous ceux qu'elle avait frappés de
quelque mal revinrent en santé.
DIOGLÉTIEN. N'étant encore que dans les
grades inférieurs de l'armée , il réglait un
jours ses comptes avec une cabaretière de
Tongres , dans la Gaule Belgique. Comme
cette femme, qui était druidesse , lui repro-
chait d'être avare: « Je serai plus généreux,
lui dit-il en riant , quand je serai empereur.
— Tu le seras , répliqua la druidesse , quand
(1) Cliarlalaas réièbres, fie M. Gouriet, t. l, p 2G3.
m DclaïK're, Tableau de l'iiiconsWiice U;s diSmons, etc ,
liv. IV.p. 117.
tu auras tué un sanglier. «Dioclélien, étonné,
sentit l'anibition s'éveiller dans son âme , el
chercha sérieusement à presser l'accomplis-
sement de cette prédiction , qui nous a été
conservée par Vopiscus. Il se livra partiru-
lièrement à la chasse du sanglier. CepenJant
il vit plusieurs princes arriver au trône sans
qu'on songeât à l'y élever; el il disait sans
cesse: « Je tue bien les sangliers; mais les
auttes en ont le profit. » Il avait é'é consul,
el il occupait des fonctions importantes.
Quand Numérien eut été tué par son beau-
père, Arrius Aper, toutes les espérances de
Diodétien se rév<'ilièrent : l'armée le porta
au trône. Le premier usage qu'il fit de son
pouvoir fut de tuer lui-même, de sonéiiée.le
perfide Aper , dont le nom est celui du san-
glier, en s'écriant qu'il venait enfin de tuer
le sanglier fatal. — On sait que Dioclétien fut
ensuite un des plus grands persécuteurs de
l'Eglise.
DIOGRES. Voy. Chapelle du damné.
DIODORE DE CATANE , sorcier et magi-
cien , dont le peuple de Catane garda long-
temps le souvenir. C'était le plus grand ma-
gicien de son temps ; il fascinait tellement le»
personnes qu'elles se persuadaient être chan-
gées en bêtes: il faisait voir en un instant ,
aux curieux, ce qui se passait dans les pays
les plus éloignés. Comme on l'eût arrêté en
qualité de magicien, il voulut se faire passer
pour faiseur de miracles. Il se fit donc trans-
porter , par 1(' diable, de Catane à Conslanli-
nople , el de Constantinople à Catane en un
seul jour, ce qui lui acquit tout d'un coup,
parmi le peuple, une grande réputation; mais
ayant été pris , malgré son habileté et sa
puissance, on le jeta en un four ardent où il
fut brûlé (4;.
DION DE SYRACUSE. Etant une nuit cou-
ché sur son lit , éveillé et pensif, il entendit
un grand bruit et se leva pour voir ce qui
pouvait le produire. Il aperçut au bout d'une
galerie une femme de haute taille , hideuse
comme les Furies , qui balayait sa maison.
11 fit appeler aussitôt ses amis et les pria de
passer la nuit aufirès de lui. Mais le spectre
ne reparut plus. QucKjues jours après le fils
de Dion se précipita d'une fenêtre et se tua.
Sa famille fut détruite en peu de temps , et ,
« par manière dédire, ajoute Leloyer, balayée
et exterminée de Syracuse, comme la Furie ,
qui n'était qu'un diable, avait semblé l'en
avertir par le balai. »
DIONYSIO DAL BORGO, astrologue ilalie»
qui professait la théologie à l'université de
Paris au treizième siècle. Villanicon te (iivreX)
qu'il prédit juste la mort de Castruccio, tyran
de Pistoie.
DlOPirE, bateleur, né à Locrcs, qni, après
avoir parcouru la Grèce , se présenta sur le
théâtre de Thèbes pour y faire des tours. Il
avait sur le corps deux peaux de bouc, l'une
remplie de vin, et l'autrede lait, par le moyen
desquelles il fuisaitsortirde ces deux liqueurs
(3) M. Salguos, des Erreurs el des préjugés, l. III, p. ?«7.
(i) Leloyer, Histoire des spectres et apiiarillons des
cspril);, liv. 111, ch. vui, p. 516.
♦7i»
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
im
si bien (ju'on l'a mis au rang
par sa bourho,
ile< sorciers (1
DISCOURS. Discours des esprits follets, yt»-
blié dans le Mercure (jalunt de 16H0. — Dis-
cours épouvantable d'une étrauje apparition
de démons en la maison d'i(n gentilhomme , en
Silésie, ii(-8", Lyon, par Jean (îaze.iu, 1600,
brochure (le 7 pages. — Discours sur la vanité
des songes, et sur l'opinion de ceux qui croient
que ce sont des pressentiment s. Voy.Si'TfGV.s, etc.
DISPUTES. L'abominable Henri VllI avait
une telle passion pour l'arguinfiilalion, qu'il
ne dédaigna pas d'argninenleravec un pauvre
argumeiilaU'ur nommé Lambert. Une assem-
blée extraordinaire avait clé convoquée à
Wesminsler pour juger des coups. Le roi ,
voyant qu'il avait affaire à forlo partie, et ne
voulant pas avoir le dernier , donna <à Lam-
bert le choix d'être de son avis ou d'être
pendu. C'est ainsi qu'un dey d'Alger, faisant
un cent de piquet avec son vizir , lui disait :
« Joue cœur, ou je l'étrangle. » Lambert ne
joua pas cœur; il fut étranglé.
DIVES. Les Persans nomment ainsi les
mauvais génies; ils en admettent de mâles et
de femelles , et disent qu'avant la création
d'Adam, Dieu créa les Dites ou génies mâles,
et leur confia le gouvernement du monde
pendant sept mille ans; après quoi, les Péris
ou génies femelles leur sucédèrent , et pri-
rent possession de l'univers pourdeux autres
mille ans , sous l'empire de Gian-ben-Gian ,
leur souverain; mais ces créatures étant
tombées en disgrâce pour leur désobéissance,
Dieu envoya contre eux Éblis , qui , étant
d'une plus noble nature , et formé de l'élé-
ment du feu, avait é'é élevé parmi les anges.
Éblis, chargé des ordres divins, descendit du
ciel , et fit la guerre contre les Dives et les
Péris , qui se réunirent pour se défendre ;
Éblis les défit et prit possession de ce globe ,
lequel n'était encore habité que par des gé-
nies. Éblis ne fut pas plus sage que ses pré-
décesseurs ; Dieu , pour abattre son orgueil ,
fit l'homme , et ordonna à tous les anges de
lui rendre hommage. Sur le refus d'Êblis ,
Dieu le dépouilla de sa souveraineté et le
maudit. Ce ne sont là, comme on voit , que
des altérations de l'Ecriture sainte.
DIVINATION. Nous trouvons dans Cicéron
{de Uivinatione, lib. I] ce que nous devons
penser de la divination chez les anciens. Nous
reproduisons ce court exposé, en nousservanl
de la traduciion de Uegnier-Dcsmarais.
« C'est une opinion aussi ancienne que les
siècles les plus reculés, et qui n'est pas
moins reçue du peuple romain que des autres
nations , qu'il y a une divination parmi les
hommes, c'est-à-dire un pressentiment et une
connaissance des choses futures. Et si cela
est, il faut avouer que la nature humaine
jouit par là d'un grand et noble avantage qui
l'approche fort de la nature divine. C'est
pourquoi, lorsijue du mol de divinité nous
avons formé celui de divination, nous avons
en cela bien mieux rencontré que les Grecs,
qui n'ont exprimé la même prérogative que
))ar un mot qui, selon Platon, dérive de celui
(I) Leloyer, Hist. Ues spectres, etc., liv. l, [>. C3.
de fureur. Ce qui est indubitable , c'est qu'il
n'y a aucune nation dans le monde , ni si
polie et si savante , ni si barbare et' si peu
cultivée, qui ne croie qu'il y a des signes de
l'avenir, et des gens qui le connaisscn' et qui
le prédisent.
« Pour remonter jusqu'à la source de cette
opinion, comme les Assyriens qui habitent de
vastes plaines, d'où ils découvrent le ciel de
toutes parts , ont les premiers observé le
cours des astres, ils ont été aussi les premiers
<|ni ont appris à la postérité les effets qu'ils
ont cru leur devoir attribuer. Et les (ihal-
déens , ainsi nommés , non à cause de leur
profi'ssion , mais à cause de la Chaldéc, pro-
vince de l'Assyrie, passent pour avoir élé lis
premiers de tous les Assyriens qui , en ob-
servant continuellement le cours des astres ,
aient fait de leurs observations une science
par laquelle ils prétendent pouvoir prédire à
chacun ce qui lui doit arriver, et quelle des-
tinée lui est préparée dès sa naissance.
« On tient que les Egyptiens ont eu la mé'
me science, et qu'ils l'onl acquise par uni;
longuesuile de siècles presque innombrables.
Les provinces de Cilicie, de Pisidic et do
Pam|)hylie, oiî j'ai commandé comme pro-
consul, prétendent que par le vol et par le
chant des oiseaux, ou a des signes indubita-
bles de l'avenir.
« D'ailleursquelle colonie la Grèce a-t-elle
jamais envoyée en Eolie, en lonie, en Asie,
en Sicile, ou en Italie, sans s'être adressée
auparavant ou à l'oracle d'Apollon Pjthien,
ou à celui de Dodone, ou à celui de Jupiter-
Ammon? et quelle guerre a-l-clle jamr.is
entreprise, sans avoir consulté les dieux ?
On ne s'en est pas même tenu à un seul
genre de divination : et jiour ne rien dire des^
autres peuples, combien le nôtre n'eu a-l-ii
point mis en usage ?
« Premièrement, c'est une tradition con-
stante parmi nous, que Romulus, le père et
le fondateur de Rome, non-seulement ne la
fonda qu'après avoir pris les auspices ;
mais qu'il était un Irès-cxeellcnt augure lui-
même. Les autres rois après lui se servirent
d'augures; et quand les rois eurent été chas-
sés, on ne fit rien à Rome, dans la suite, par
autorité publique, ni en paix ni en guerre,
sans l'inlerveiition des auspices. Et comme
on crul que l'arl des aruspiccs pourrait
être d'une grande utilité, tant pour faire
réussir les choses sur lesquelles on aurait à
consulter les dieux, que pour interpréter les
prodiges, et pour en délourner l'effet, tout ce
(|ue lesElruriens enseignaient là-dessus, fut
aussi mis en pratique, afin qu'il n'y eût au-
cune sorte de divination qui parût avoir été
négligée.
« De plus, parce que l'esprit peut de lui-
même, par un mouvement libre, et sans luo
la raison ni la science y aient part, être agi-
té de deux manières, ou en songe, ou par
une espèce de fureur divine ; la pensée qu'on
eut que les vers de la Sibylle étaient remplis
de celle sorte de divination, porta le sénat à
choisir dans toute la ville dix personnes,
pour eu être les interprètes; et souvent il a
I8t
DIV
DOJ
4S'i
eu égard à d'aulres prédictions faites par des
devins en fureur, lelles que furent celles de
Cornélius Cullcolus, qu'on crut devoir écou-
ter dans le temps de la guerre Octavienne.
ii n'a pas même négligéles songes, lorsqu'ils
lui ont paru avoir quelque relation au bien
de la république; et de notre temps, sur le
rapport d'un songe qu'avait fait une certaine
Cécilie, fille d'un homme des îles Baléares (1),
les consuls Lucius Julius, et Publius llu-
lilius furent charriés de refaire le teinpie
de J'inoii consei'vatrice. Mais selon mon
sentiment les anciens dans tout ce qu'ils ont
fait en cela, se sont plutôt fondés sur l'évé-
nement des choses que sur aucune raison
véritable.
« Quant aux philosophes, on a recueilli
d'eus divers arguments par lesquels ils ont es-
sayé de prou ver qu'il y avait effectivement une
divination. Mais Xcnophane deColophon, un
des plus anciens d'entre eux niaitabsolument
q u'il pu I y en a voir aucune, quoiqu'il nelaissâl
pas d'admettre des dieux. Tous les autres,
hormis Epicure, qui n'a fait que bégayer en
parlant de la nature des dieux, ont iidniis
une divination; les uns d'une façon, les au-
tres d'uneautre. Car Socrate et ses sectateurs,
Zenon, el tous ceux de son école, avec l'an-
cienne académie, et les peripatéliciens, ont
été là-dessus de l'opinion des anciens philo-
sophes, à laquelle Pylhagore, qui prétendait
même passer pour augure , avait donné
avant cela une grande autorilé. Démocrilc
s'est aussi déclaré en plusieurs endroits pour
le pressentiment des choses futures : mais
Dicéarque péripatéticien, n'a reconnu que
deux sortes de divination; l'une parles son-
ges, l'autre par la fureur de l'esprit : après
lui Cralippe, avec qui j'ai eu une liaison
Irès-familièrc, et que je liens égal aux pé-
ripaléticiens les plus fameux, a rejeté aussi
tonte autre divination que les deux que
Dicéîirque admettait.
« Comme toutefois les sto'jeicns I( s reçoi-
vent presque toutes, parce que Zenon a
jeté dans ses écrits je ne sais quelles semen-
ces de celte doctrine, que Cléanthe dans la
suite a plus étendue , Cralippe, homme d'un
esprit ardent el vif, est venu depuis qui a
traité en deux livres loute cette matière, ou-
tre un livre qu'il a composé des oracles el
on autre des songes. Diogène le Babylonien,
son disciple, a fait aussi un livre de la divi-
nation : Aniipater ensuite en a fait deux; et
notre ami Possidonius en a fait cin(i.
« M. lis Pana3lius maître de Possidonius. et
disciple d'Antipater, a élé là-d ssus d'un
sentiment bien différent du leur, el de celui
lie tous les stoïciens; quoique pourtant il
n'ait pas osé nier positivement qu'il y eût
une divination, el qu'il so soit contenté de
dire qu'il en doutait. Or ce qu'un stoïcien
comme lui. s'est permis en cela, au grand
regret des stoïciens, les stoïciens ne le pcr-
metli ont-ils pas à un académicien; surtout
puis()u'iis sont IfS seuls à qui il paraisse ijue
la même chose que Pariîelius met en dnuie,
ioit plus claire que le jour? Quoi qu'il en
(1) Aujourd'liiU .Mojnriiuo cl Miiiur<iiie,
soit, c'est toujours un grand avantage pour
l'académie, d'avoir pour elle le jugement et
le témoignage d'un si excellent philosophe.
« Cependant puisque nous cherchons quel-
le opinion nous devons avoir de la divina-
tion ; que c'est un sujet sur lequel Garnéade
a écrit avec beaucoup de force el de péné-
tration contre les stoïciens; et qu'il ne faut
acquiescer imprudemment, ni à quelque
chose de faux, ni à ce qu'on ne connaît pas
assez; je crois que nous ne pouvons mieux
faire (jue d'examiner, avec soin, les raisons
qu'on allègue de part et d'autre, pour ou
contre la divination ; car si l'iraprudence et
l'erreur sont honteuses en toutes sortes de
jugements; elles le sont encore principa-
lement, quand il s'agit déjuger jusqu'à quel
point on doit déférer aux auspices, et à tout
ce(iui regarde la religion, de peur de tomber
ou dans l'impiété, en n'en faisant pas assez
d'état, ou dans la superstition, en se laissant
alliT à une mauvaise crédulité. »
DIVINATIONS. — il y en a de plus de cent
sortes. Voy. Alectryomancie , Alphitoman-
CIE, ASTRAGALOMANCIE, ASTUOLOGIE , BoTA-
NOMANCIE, CaUTDMANCIE, CaTOPTROMANCIE ,
Chiromancie , Cristallomancir, Cranologik,
Daphnomancie, Gastromancie, Hïdhoman-
ciiî, Lampauomancie, Métop.iscopie, Mimi-
que , Nécromancie, Onomancie, Ornitho-
mancie, Physiognomonie, Pyromancie, IIab-
DDMANciE, TnÉoMANCiE, dc, etc., elc.
DOGDO, ou DODO, el encore DODU.—
Voy. Zoroastbb.
DOIGT. — Dans le royaume de Macassar ,
si un malade est à l'agonie, le prêtre idolâ-
tre lui prend la main el lui frotte doucement
le doigt du milieu, i/fin de favoriser par cette
friction un chemin à l'âme, qui sort toujours,
selon eux, par le bout du doigt.
Les Turcs mangent habituellement le riz
avec les doigts; ils n'emploient pour cela que
le pouce, l'index et le médius ; ils sunl per-
suadés que le diable mange avec les deux
autres doigts.
Dans certaines contrées de la Grèce mo-
derne, on se croit ensorcelé, quand on voit
quelqu'un étendre la main en présentant les
cinq doigts.
DOIGT ANNULAIRE. — C'est une opinion
reçue que le quatrième doigt de la main
gauche a une vertu cordiale , que celte
vertu vienl d'un vaisseau, d'une artère ou
d'une veine qui lui est communiquée par le
cœur, et, par cette raison, qu'il mérite prc-
férablement aux autres doigts de porter l'an-
neau, Levinus Lemnius assure que ce vais-
seau singulier est une artère, el non pas une
veine, ainsi que le prétemlenl les anciens. Il
ajoute (pie les anneaux (jui sont portés à ce
doigt influent sur le cœur. Dans les éva-
nouissements il avait coulume de frotter ce
doigt, pour tout médicament. Il dit encore
que la goutte l'attaque rarement, mais tou-
jours plus lard que les autres doigts, et que
la fin est bien proche quand il vient à se
nouer.
DOJARTZABAL, jeune sorcière de quinze
à seize ans qui confessa , vers ICOi) , avoir
483
DlCTIONNAinE DES SCIENCES OCCtîLTES.
484
Clé menée au sal)bat par une antre sorciôrc,
laquelle était détenue en prison (1) ; ce que
celle-ci niait, disant qu'claiit altachce à de
grosses chaînes de fer et surveillée , elle ne
(xiuvail être sortie de son cachot ; et que, si
rlle en était sortie, elle n'y serait pas rentrée.
La jeune personne expliqua toutefois que,
comme elle était couciiée près de sa mère,
celle sorcière l'était venue chercher sous la
forme d'un chat...., pour la transporter au
sablial, et que, malgré leurs fors, les sorciè-
res peuvent aller à ces assemblées, bien que
le diable n'ait pas moyon de les délivrer dos
mains de Ja justice. Elle assura encore que
le diable , qui la faisait enlever ainsi d'au-
près de sa u)ère, mettait en sa place une
figure qui lui ressemblait. Celle prétendue
sorcière, qui n'exerçaitprobablement qu'une
petite vengeance, si elle n'élait pas en proie
à quelque Illusion, ne fut pas châtiée.
liOAIFRONT (Guérinde), fils de Guil-
laume de Bellême, seigneur di; Domfiout ;
ayant tratlrcusemenl fail couper la léte à
son ennemi endormi chez lui, il fut, dit-on,
étouffé par le diable (2).
DO.\llNGII?fA-MALETANA, sorcière qui,
dans une joute qu'elle Dt avec une autre
sorcière, sauta sans se blesser , du haut de
la montagne de la Rhunc, qui borne les trois
royaumes de France , d'Espagne et de Na-
varre, et gagna le prix (3).
DOMITIEN. — Un jour qu'il donnai! ua
festin aux sénateurs de Rome, à l'occasion
de son triomphe sur les Daces, Douiilien,
qui avait de singuliers caprices, les fil entrer
dans une salle qu'il avait fail tendre en noir,
et qui élaitéclairéc par des lampes sépulcrales.
Chaque convive se trouva placé vis-à-vis d'un
cercueil , sur lequel il vil son nom écrit....
Une troupe d'enfants barbouiliés de noir re-
présentaient une danse des ombres inferna-
les. La danse finie, ils se dispersèrent, cha-
cun auprès du convive qu'il devait servir.
Les mets furent 1rs mêmes que ceux que
l'on offrait aux morts dans les cérémonies
funèbres. Un morne silence régnait dans
celle assemblée. Domitien pariait seul ; il ne
racontait que des histoires Siinglantes et
n'entretenait les sénateurs que de mort. Les
convives sortirent enfin de la salle du festin,
et furent accompagnés , chacun à leur mai-
son par des honnnes vêtus de noir, armés et
silencieux. — A peine respiraient-ils , que
l'empereur les fit redemander ; mais c'était
pour leur donner la vaisselle qu'on avait
servie devant eux , et à chacun celui de ces
petits esclaves qui les avaient servis. C'était
Lieu là un plaisir de tyran.
DOPPET ( François-Amédée ), — membre
du conseil des Cinq-Cents, auteur d'un Trailé
théorique et pratique du magnétisme animal ;
Turin , 1784, un voL in-S" ; d'une Oraison
funèbre de Mesmer , avec son testament ; Ge-
nève, 178o, in-8° ; d'une Médecine occulte ou
Traité de la magie naturelle et médicinale ,
1786, in-V°.
(1) Delancre,TableauderincoosUnce des démons, etc.,
liv. Il, p. 101.
Cij Mémuirts de Tliébsiul de Cbampassais sur la ville de
DOREE f CATHERiTtE ) , sorcière du dix-
septième siècle, qui fut brûlée vive pour
avoir tué son entant par ordre du diable;
elle jet/lit des poudres et guérissait les en-
sorcelés en leur mettant un pigeon sur l'es-
lomac.
B.irbe Dorée, autre sorcière, était parente
de Catherine.
DORMANTS. — L'histoire des sept Dor-
mants est encore plus faniense chez les Ara-
bes que chez les chrétiens. Mahomet l'a in-
sérée dans son Koran, et les Turcs l'ont em-
bellie.
Sous l'empire de Décius, l'an de notre ère
250 , il y eut une grande persécution contre
les chrétiens. Sept jeunes gens, attachés au
service de remi)ereur , ne voulant pas désa-
vouer leur croyance et craignant les suppli-
ces , se réfugièrent dans une caverne située
à quelque dislance d'Ephèse. Par une grâce
p;irliculière , ils y dormirent d'un sommeil
profond pendant deux cents ans. Les Maho-
métans assurent que, durant ce sommeil, ils
eurent des révélations surprenantes, et qu'ils
apprirent en songe tout ce que pourraient
savoir des hommes qui auraient employé un
pareil esp-ice de temps à étudier assidûment.
Leur chien, ou du moins celui d'un d'en-
tre eux, les avait suivis dans leur retraite ;
il mit à profit, aussi bien qu'eux, le temps
de son sommeil. Il devint le chien le plus
instruit du monde.
Sous le règne de Théodose le Jeune, l'an
de Noire-Seigneur 450, les sept Dormants se
réveillèrent et entrèrent dans la ville d'E-
phèse, croyant n'avoir fait qu'un bon somme ;
mais ils trouvèrent tout bien changé. H y
avait longtemps que les persécutions contre
le christianisme étaient finies ; des empe-
reurs chrétiens occupaient les deux (rôncs
impériaux d'Orlenl et d'Occident. Les ques-
tions des frères et l'étonnement qu'ils témoi-
gnèrent aux réponses qu'on leur fil surpri-
rent tout le monde. Ils cnnlèrent naïve«iient
leur histoire. Le peo|ile, frappé d'admiration,
les conduisit à l'évoque, celui-ci au pa-
triarche et le patriarche à l'empereur. Ses
sept Dormants révélèrent les choses du
monde tes plus singulières, et en prédirent
qui ne l'étaient pas moins. Ils annoncèrent
cnire autres, l'avènement de Mahomet, l'c-
. tablissement et les succès de sa religion,
comme devant avoir lieu deux cents ans
après leur réveil.
Quand ils eurent satisfait la curiosité de
l'empereur, ils se retirèrent de nouveau
dans leur caverne et y moururent tout de
bon : on montre encore celle grotte auprès
d'Ephèse.
Quant à leur chien Kratim ou Kalmir, il
acheva sa carrière et vécut autant qu'un
chien peut vivre , en ne comptant pour rien
les deux cents ans qu'il avait dormi en corn-
pagnie de ses maîtres. C'était un animal dont
les connaissances surpassaient celles de tous
les philosophes , les savants et les beaux-
Doml'roiit.
(3) Deiancre, Tableau de l'iiiconslance des démons, cit.,
liv. III, p. :210.
483
DRA
DRA
iK6
I
esprits de son siècle ; aussi s'empressait-on
(le le fêler et de le régaler ; et les niusul-
iiiiins le placent dans le paradis de Mahomet,
I ntre l'âne de Balaam et celui qui portait
Notre-Seigneur le jour des Hameaux.
Cette liisloriette a tout l'air d'une contre-
partie de la fable d'Epimcnides de Crète, qui,
s étant endormi sur le midi dans une caverue
en cherchant une de ses brebis égarée, ne se
réveilla que quatre-vingt-sept ans après , et
se remit à chercher ses brebis comme s'il
n'eût dormi qu'on peu de temps.
Uelrio parle d'un paysan qui dormit un
automne et un hiver sans se réveiller (1).
DODRDANS. — Voy. Revenants.
DOURLET (Simone). — Voy. Possédées de
Flandre.
DOUZE, — c'est un nombre heureux. Les
apôtres étaient douze, dit Césaire d'Hester-
bach , parce que le nombre douze est com-
posé de quatre fois trois, ou de trois fois
quatre. Ils ont été élus douze, ajoulc-l-il,
pour annoncer aux quatre coins du monde
la foi de la sainte Trinité. Les douze apôlres,
dit-il encore , sont les douze signes du Zo-
diaque, les douze mois de l'année, les douze
heures du jour, les douze étoiles de la cou-
ronne de l'épouse. L<'S douze apôtres sont en-
core les douze Ois de Jacob, les douze fon-
taines du désert , les douze pierres du Jour-
dain, les douze bœufs de la mer d'airain, les
douze fondements de la Jérusalem céleste.
DUAC. — Voy. Oghe*!.
DRACOMTES ou DUACONTIA. — Pierre
fabuleuse que Pline et qitelqui'S naturalistes
anciens ont placée dans la léte du dragon ;
pour se la procurer, il fallait l'endormir
avant de lui couper la tête.
DRAGON. — Les dragons ont fait beau-
coup de bruil ; et , parce que nous n'en voyons
plus, les sceptiques les ont niés:mais Cuvier
et les géologues modernes ont reconnu que
les dragons avaient existé. C'est seulement
une race perdue. C'étaient des sortes de ser-
pents ailés. Pbilostrate dit que, pour deve-
nir sorciers et devins , les Arabes man-
geaient le cœur ou le foie d'un dragon vo-
lant.
On montre , auprès de Beyrouth , le lieu
où saint Georges tua un monstrueux dragon;
il y avait sur ces lieux , consacrés par le
courage de saint Georges , une église qui ne
subsiste plus (2).
Il est fait mention de plusieurs dragons
dans les légcndts ; il est possible que quel-
ques-unes soieni des allégories , et que , par
le dragon , il faille entendre le démon , que
les saints ont vaincu. Le diable , en effet ,
porte souvent le nom d'ancien dragon, et
quelquefois il a pris la forme de cet animal
merveilleux : c'est ainsi qu'il se montra à
sainte Marguerite.
On dit que le dragon , dont parle Possido-
nius, couvrait un arpent de terre , et qu'il
avnlait , comme une pilule, un cavalier tout
armé; mais ce n'était encore qu'un petit
^1) Daus les Di>qtiisition3 magiques.
^ti Voyage de Moncoiiis, de Tliévenol pl du P. Goujon.
3) Voyage dans le Fiuislère, l. III, p. 112
il!
dragon en comparaison de celui qu'on dé-
couvrit dans rinde, et qui, suivant Ma\in>e
de Tyr, occupait cinq arpents de terrain.
Les Chinois rendent une espèce de culte
aux dragons. On en voit sur leur* vêle-
ments , dans leurs livres , dans leurs ta-
bleaux. Ils le regardent comme le principe
de leur bonheur ; ils s'imaginent qu'il dis-
pose des saisons et fait à son gré tomber la
pluie et gronder le tonnerre. Ils sont persua-
dés que tous les biens de la terre ont été con-
fiés à sa garde , et qu'il fait son séjour oïdi-
naire sur les montagnes élevées.
Le dr<igon était aussi très-importanl chez
nos aïeux ; et tous nos coules de dragons
doivent remonter à une haute antiquité.
Voici la chronique du dragon de Niort (3).
Un soldat avait été condamné à mort pour
crime de désertion ; il apprit qu'à Niort, sa
patrie, un énorme dragon faisait depuis trois
mois des ravages, et qu'on promctiail bonne
récompense à celui qui pourrait en délivrer
la contrée. Il se présente; on l'admet à com-
baltrc le monstre , et on lui promet sa grâce
s'il parvient à le détruire. Couvert d'un mas-
que de verre et armé de toutes pièces, l'in-
trépide soldat va à l'antre obscur où se tient
le monstre ailé , qu'il trouve endormi. Ré-
veillé par une première blessure , il se lève ,
prend son essor et vole contre l'agresseur.
Tous les spectateurs se retirent , lui seul
reste et l'attend de pied ferme. Le dragon
tombe sur lui et le terrasse de son poids ;
mais au moment qu'il ouvre la gueule pour
le dévorer, le soldat saisit l'instant de lui en-
foncer son poignard dans la gorge. Le mons-
tre tombe à ses pieds. Le brave soldat allait
recueillir les fruits de sa victoire , lorsque,
poussé par une fatale curiosité , il ôta son
mastjiie pour considérer à son aise le redou-
table ennemi dont il venait de triompher.
Déjà il en avait fait le four, quand le mons-
tre , blessé mortellement, et nageant dans
son snng, recueille des forces qui paraissaient
épuisées , s'élance subitement au cou de son
vainqueur, et lui communique un venin si
malfaisantqu'il périt au milieu de son triom-
phe. — On voyait encore , il y a peu de
temps , dans le cimetière de l'hôpital do
Niort , un ancien tombeau d'un homme tué
par le venin du serpent. Est-ce aussi une al-
légorie ?
A Mons, on vous contera l'histoire du dra-
gon qui dévastait lu Hainant [k) , lorsqu'il
fut tué par le vaillant Gilles de Chin . en
11.32. Et que dircz-vous du dragon de Rho-
des , qui n'est certainement pas un conte?
— Voy. Trou du château de Carnoet.
DRAGON ROUGE. — Le Dragon rouge, ou
l'art de commander les esprits célestes, aé-
riens, terrestres, infernaux, avec le vrai
secret de faire parler les morts , de gagner
toutes les fois qu'on met aux loteries, de dé-
rouvrir les trésors cachés, etc. , etc. , in- 18,
1521.
On a réimprime très-fréquemment cefalra»
ji) Voyez celle légende dans les douze cotivivet du clia-
vuiiie de Tuws.
187
absurde. Nous en donnons ici quelques ex-
traits , pris dans l'éililion qui çorle le nom
di' Gauile , imprimeur-libraire a Nisme (sic)
1823. Ou la vend à Paris sur les étalages pu-
blics , au grand scandale de ceux qui pen-
saient que nous étions dans le progrès
On lit textuellement en tétc de ce livre , ce
prélude ; c'esl le nom que le compilateur
donne à sa préface :
« L'homme qui gémit sous le poids acca-
blant des préjugés de la présomption , aura
peine à se persuader qu'il m'ait été possible
de renfermer dans un si petit Ili'cueil l'es-
sonee do plus de vingt vo'umes , qui , par
leurs dits , redits et ambiguïtés , rend;ii<nt
l'accès des opérations pliilosophiques pres-
que impraticable. Mais que l'incrédule et le
prévenu se donnent la peine de suivre pas à
pas la roule que je leur trace , et ils verront
la vérité bannir de leur esprit la crainte que
peut avoir occasionnée un tas d'essais sans
fruits , ét.int faits hors de saison , ou sur
indices imparfaits.
« C'esl encore en vain qu'on croit qu'il
n'est pas possible de faire de semblables opé-
rations sans engjiger sa conscience ; il ne
faut, pour être convaincu du contraire, que
jeter un clin d'oeil sur la vie de saint Cy-
prien.
« J'ose me flatter que les savants attaches
aux mystères de la science divine , surnom-
mée occulte , regarderont ce livre comme le
plus précieux trésor de l'univers...
«Ce livre est si rare, si recherché dans nos
contrées, que pour sa rareté on le peut ap-
peler, d'après les rabbins : le véritable
Gband Œuvre , et c'est eux qui nous ont
laissé ce précieux original que tant de char-
latans ont voulu contrefaire inutilement ,
pour attraper de l'argent des simples. On a
copié celui ci d'après les véritables écrits de
Salomon, que l'on a trouvés, par un pur ef-
fet du hasard , ce grand roi ayant passé tous
les jours de sa viç dans les recherches les
plus pénibles et dans les secrets les plus ob-
scurs el les plus inespérés : mais enfin il a
réussi dans toutes ses entreprises , et il est
venu à bout de pénétrer jusqu'à la demeure
la plus reculée des esprits , qu'il a tous fixés
et forcés de lui obéir, par la puissance de son
Talisman ou Clavicule. Quel autre homme
que ce puissant génie aurait eu la hardiesse
de mettre au jour les foudroyantes paroles
dont Dieu se servit pour consterner et faire
obéir les esprits rebelles , à sa première vo-
lonté; ayant pénétré jusqu'aux voûtes céles-
tes pour approfondir les secrets el les puis-
santes paroles d'un Dieu terrible el respec-
table , il a , ce grand roi , pris l'essence de
ces secrets , et nous a découvert les influen-
ces des astres, la constellation des planètes
el la manière de faire paraître toutes sortes
d'esprits, en récitant les grandes appellations
que vous trouverez ci-après, de mèirie que la
vérilable composition delà Verge foudroyante,
elles effets qui font trembler les espriis.»
(l) On nous pardonnera de donnrrces absurdités cou-
paUcs el plus léputiilucs qu'on no croit.
niCTlO.NNAlRE DHS SCIENCES OCCL'LTES. 4S?l
Opérations pour forcer les esprits à paraître.
«Armez- vous d'intrépidité , de prudence ,
de sagesse el de vertu pour pouvoir enlre-
preiulre ce grand el immense ouvrage, dans
lequel j'ai passé soixante-sept ans , travail-
lant jour el nuit ; il faut donc faire exacte-
ment ce qui est indiqué ci-après.
« Vous passert z un quart de lune entier
sans fréquenter aucune compagnie.
Vous commencerez votre ()uart de lune ,
en promettant au grand Adonay, qui est le
chef de tous les esprits, de ne faire que deux
repas par jour, ou toutes les vingt-quatre
heures iludil quart de lune , lesqui-ls vous
prendriz à midi el à minuit , ou , si vous ai-
mez mieux, à sept heures du malin et à sept
heures du soir, en faisant la prière (super-
stilieuse), ci-après , avant que de prendre
vos repas , pendant tout ledit quartier (1 :
« Je l'iiii(ilorc , grand el puissant Adonay,
maître de tons les esprits , je t'implore , ô
Elciïin. Je l'implore , ô Jehovam. 0 grand
Adonay 1 je te donne mon âme, mon cœur,
mes entrailles , mes mains , mes pieds , mes
soupirs el mon être : ô grand Adonay, dai-
gne m'clre favorable. Ainsi soil-il. Amen.
« Prenez ensuite votre repas , et ne vous
déshabillez ni ne dormez que le moins qu'il
vous sera possible, pendant tout ledit quar-
tier de lune , pensant conlinuellemcnl à vo-
tre ouvrage ; le lendemain de la première
nuit dudil quart de lune , vous irez chez un
droguiste pour acheter une pierre sanguine
dite ématille (2) , que vous porterez conti-
nuellement avec vous , crainte d'accident ,
attendu que dès lors l'esprit que vous avez
en vue de forcer el de contraindre , fait tout
ce qu'il peut pour vous dégoûter par la
crainte , pour faire échouer votre entre-
prise, croyant par celle voie se dégager des
iilels que vous commencez à lui tendre ; il
ne faut être qu'un ou trois , y compris le
Kurcist, qui esl celui qui doit parler à l'es-
prit, tenant en main la verge foudroyante ;
vous aurez soin de choisir pour l'endroit du
l'action un lieu solitaire el écarté, alin que
le Karcist ne soit pas interrompu ; après
quoi vous ai hélerez un jeune chevreau
vierge ; vous le décorerez , le troisième jour
delà lune, d'une guirlande de verveine, que
vous attacherez à son cou , avec un ruban
vert ; vous le transporierez à l'endroit mar-
qué pour l'apparition ; cl là, le bras droit nu
jusqu'à l'épaule, armé dune l.ime de pur
acier, le feu étant allun:é avec du bo s bJanr,
vous direz les paroles suivantes avec fer-
meté :
« Je l'offre celle victime , 6 grand Eloïm ,
Ariel et Jehovam, et cela à l'honneur, gloire el
puissance de ton être supérieur à tous les es-
prits ; daigne le prendre pour agréable.
Amen.
« Ensuite vous égorgerez le chevreau et
lui ôterez la peau , et mettrez le reste sur
le feu , pour y élre réduit en cendres que
vous ramasserez, et les jetterez du côl6 du
(2) Ou éiiiatite.
4^0
DRA
DU A
490
soleil lovant, en disant les paroles suivantes :
C'est pour l'honneur, gloire et puissance de
Ion nom , ô grand Kloïni , Aritl et Jcho-
vain 1 que je répands le sang do. celle vic-
time ; daigne recevoir ces cendres pour
agréables.
« Pendant que la victime brûle, vous pou-
vez vous réjouir, ayant soin de conserver la
peau de chevreau vierge , pour former le
rond ou cercle cabalistique , dans lequel vous
vous mettrez le jour de la grande entre-
prise.
« La veille de la grande entreprise, vous
irez chercher une baguette ou verge de noi-
setier sauvage, qui n'ait jamais porié, l;idite
baguette devant faire fourche en haut; sa
longueur doit élre de dix-neuf pouces it
demi ; après que vous l'aurez trouvée, vous
ne la loucherez que des yeux, attendant jus-
qu'au lendemain, jour de l'ac'.ion, que vous
irez la couper positivement au lever du so-
leil : vous la dépouillerez de ses feuilles et
petites branche-^, si elle en a, avec la mémo
lame d'acier qui a ser»i à égorger la victime,
qui sera encore teinte de son sang, attendu
que vous devi'z faire attention de ne point
essuyer ladite lame. Vous direz :
« Je te recomm;indi', ô grand Eloïm, Ariel
et Jehovam, de m'êlre f^ivorable et de donner
à celte baguelle que je coupe, la force et la
vertu de (elle du grand Josué ; jo te recom-
mande aiis>i de renfermer dans celle baguette
touie la for(e de Samson et les foudres du
grand Zarialnatmik, qui vengera les injures
des hommes. Amen.
« Après avoir prononcé ces terribles pa-
roles, ayant toujours la vue du côté du soleil
levant , vous achèverez de couper votre ba-
guette, et remporterez chez un serrurier
{)Our faire ferrer les deux branches fourchues
avec la lame d'acier qui a servi à égorger la
victime ; vous prendrez ensuite une (lierre
d'aimant que vous ferez chauffer pour ai-
manter les deux pointes de voire baguette;
puis, vous vous réjouirez, étant sûr que vous
possédez le plus grand trésor de lumière ; le
soir, vous prendrez voire baguette, votre
peau de chevreau, votre pierre ématille.deux
couronnes de verveine, deux chandeliers et
deux cierges de cire vierge, faits par une
fille vierge. Vous prendrez aussi un batte-feu
neuf, deux pierres neuves avec de l'amadou
pour allumer voire feu , une demi-boulcille
<l'esprit de vin, du camphre, quatre clous
(jui aient servi à la bière d'un enf.int mort ;
vous vous transjiorlerez à l'endroit où doit
se faire le grand œuvre, et ferez ce qui suit :
« Vous commencerez par former un cercle
avec la peau du chevreau, que vous cloue-
rez avec les (juatre clous; vous prendrez
votre pierre ématille et tracerez un triangle
au deilansdu cercle, en commençant du côté
(lu levant ; vous tracerez aussi avec la pierre
éinalille le grand A, le petit e, le petit a, de
même que le saint nom de Jésus au milieu de
deux croix (f JHSf ), afin que les esprits
ne vous puissent rien par derrière ; après
quoi le Karcist fera rentrer ses confrères
dans le triangle à leur place, y entrera lui-
DlUTIONXAlKE DES SCIENCES OCCULTES.
même sans s'épouvanter, quelque bruit qu'il
entende , plaçant les deux chandeliers et les
deux couronnes de verveine à la droite et à
la gauche du triangle intérieur : cela fait,
vous allumerez vos deux cierges et aurez ua
vase neuf devant vous , c'est-à-dire devant
le Karcist, rempli de charbon de bois de
saule, que l'on aura fait brûler le même jour;
le Karcist l'allumera , y jetant une partie de
l'esprit de vin et une partie du can)phre que
vous avez, réservant le reste pour entretenir
un feu continuel pendant la durée de la
chose ; tout ce (|ui est marqué ci dessus étant
fait, vous prononcerez les paroles suivantes:
« Je le présente, ô grand Ariel, ces char-
bons comme sortant du plus léger bois. Je
l'olTre au giand et puissant Eloïm, Ariel et
Jehovam , de toute mon âme et de tout mon
cœur; daigne le prendre pour agréable.
Amen.
a Vous ferez aussi attention de n'avoir sur
vous aucun métal impur, sinon de l'or ou de
l'argent, pour offrir la pièce à l'esprit, la
ployanl dans un papier que vous lui jette-
rez, afin qu'il ne vous fasse aucun mal,
quand il se présentera devant le cercle. Pen-
dant qu'il ramassera la pièce, vous commen-
cerez la prière suivante, en vous armant de
courage, de force et de prudence; faites at-
tention qu'il n'y ait que le Karcist qui parle,
les autres doivent garder le silence , quand
même l'esprit les interrogerait et les mena-
cerait.
« 0 grand Dieu vivant I en une seule et
mémo personne, le Père, le Fils et le Saint-
Esprit, je vous adore avec le plus profond
respect, et me soumets sous votre sainle et
digne garde avec la plus vive confiance : je
crois, avec la plus sincère foi, que vous éies
mon créateur, mon bienfaiteur, mon soutien
et mon maître, et je vous déclare n'avoir
d'autres volonlés que celle de vous apparte-
nir pendant toute l'éternité. Ainsi soit-il.
« O grand Dieu vivant ! qui avez créé
l'homme, qui avez formé toute chose pour
ses besoins, et qui avez dit : Tout sera sou-
mis à l'homme , soyez-moi favorable , et ne
permettez p is que des esprits rebelles pos-
sèdent des trésors qui ont été formés pour
nos besoins temporels. Donnez-moi la puis-
sance d'en disposer par les puissantes et ter-
ribles paroles de la clavicule. Adon.iy, Eloïm,
Ariel, Jehovam, Tagla, Mathon , soyez-moi
favorables. Amen.
« Vous aurez soin d'entretenir votre feu
avec l'esprit de vin et lo cam,/hre ; et vous
reprendrez :
« Empereur Lucifer, prince et maître des
esprits rebelles, je te prie de quitter ta de-
meurodaiis quelque pariiedu monde qu'eUe
puisse être, pour venir ci e parler ; je te com-
mande et conjure de la part du grand Dieu
vivant, de venir sans faire aucune mainaise
odeur, pour me répondre à haute et inlelli-
gible voix, article par article, sur ce que je le
demanderai, sans quoi tu y seras conlraint
par la puissance du grand Adonay, Eioïiii,
Ariel, Jehovam, Tagla, Mathuu et de tous ks
1 16
491
DICTIONNAIHK DES SCIENCES OCCULTES.
in
autres esprits supérieurs qui fy conlraiu-
dronl malgré toi.
« Venite. Venite
« Submiritillor LUCIFUGE, ou lu vns élro
tourmenté étcrnellenipnl par la ^raiido force
de celle bnguelle foudroyanle. In subito.
« Je te commande et conjure, eniperenr
Lucifer, de la part du grand Dieu vivant, et
par la puissance d'Kmmanue!, son (ils uni-
que, ton inaîlre et le mien, je t'ordonne de
quitter ta demeure dans quelque partie du
monde qu'elle soit, jurant que je ne te donne
qu'un quart d'heure de repos, si lu ne viens
me parler au plus tôt à hiutc et intelligible
Toix; ou si tu ne peux venir toi-même, m'en-
voyer ton messager Aslarol en signe hu-
main, sans bruit et mauvaise odeur, sans
quoi je te vais frapper, loi et toute ta race,
do la redoutable baguette foudroyante jus-
qu'au fond des abîmes, et ce, par la puis-
sance de ces grandes paroles d • la clavicule :
Par Adonaïf, Eluim, Ariel, Jehovam, Tagla,
Mnlhon, Almousin, Arios, Pythoiui, Magots,
Silpliœ, Cabost, Sulamandrœ, Giiomus, Ter-
ra, Cœlis, Godens, Aqun. In subito.
« Avant que de lire la troisième appella-
tion, si l'esprit ne comparaît pas, vous frap-
perez tous les esprits en niellant les deux
botils fourchus de voire baguelle dans le feu,
et dans ce moment ne vous épouvanlez pas
des hurlements effroyables que vous enlen-
drez, car tous les esprits paratironl; alors,
pendant le bruit que vous entendrez, vous
direz la troisième appellation.
« Je t'ordonne, cher Lucifer (1), delà part
du grand Dieu vivant, de son cher fils et du
Saint-Esprit, et par la puissance du grand
Adonay, Eloïm, Aricl et Jehovam, de com-
paratlrc dans la minute, ou de m'envoyer
ton messager Aslarot, l'obligeant de quitter
ta demeure, dans quelque parlie du monde
qu'elle soit, te déclarant que si tu ne parais
pas dans ce moment , je vais le frapper de-
rechef, toi et toute ta rare, avec la baguelle
foudroyante du grand Adonay, Eloïm, Ariel
et Jclioram.
« Si l'esprit ne paraît pas jusqu'ici, mettez
encore les deux bouts de voire baguelle au
feu, cl lisez les puissantes paroles ci-après
de la grande clavicule de Salomon.
« Je te conjure, ô esprit 1 de paraître dans
la minute, par la force du grand Adonay,
par Eloïm, par Ariel, par Jehovam, par Agla,
Tagla, Maillon, Oarios, Almouzin, Arios,
Mcmbrol. Varios, Pitliona, Migots, Silpha;,
Cabost, Salamandrœ, ïabots, Guomus, Tcr-
las, Cœlis, Godens, Gingua, Janua, Elitua-
uius, Zarialnatinik.
« Après avoir répété deux fois ces grandes
ri puissantes paroles, vous éles sûr que l'es-
prit p.iraîtra, disant :
« Me voici, que me demandes-tu? pour-
quoi Iroubles-tu mon repos? Ne me frai)pe
plus de Colle terrible baguelle.
« Vous répliquerez :
« Si tu eusses piru quand je t'ai appelé, je
ne l'aurais point frajipé; <l si lu ne m'ac-
(1) Nous iransaivous loujourg GJiileinenl.
cordes ce (]ueje vais te demander, jo le tour-
menterai éternellement.
« L'esprit dira :
« Ne me tourmente plus; dis-moi au plus
tâtce que lu me demandes.
« Je te demande, reprendrez-vous, que lu
me viennes parler deux fois tous les jours de
la semaine, pendant la nuit, à moi ou à
ceux qui auront mon présent livre, <iue tu
approuveras et signeras, le laissant la vo-
lonté de choisir les heures qui le convien-
dront, si lu n approuves pas celles ({ui sont
marquées par moi.
« De plus, je le commande de me livrer le
trésor le plus près d'ici , te promeltani pour
récompense la première pièce d'or ou d'ar-
gent que je toucherai lous les premiers jours
de chaque mois : voilà ce que je te demande.
« L'esprit répondra :
« Je ne puis l'accorder ce que tu me de-
mandes sous ces conditions ni sous aucune
autre, si lu ne te donnes à moi dans cin-
<{uaiile ans, pour faire de ton corps et de ton
âme ce qu'il me plaira.
« Vous remettrez ici le bout de la baguelle
foudroyante au feu , et relirez la grande
appellation de la clavicule, jusqu'à ce que
l'esprit se soumellc à vos désirs, ce qu'il fera
en disant : — Ne me frappe pas davantage,
je le promets de faire toul ce que lu voudras,
deux heures de nuit de chaque jour de la se-
maine.
« Je m'engage aussi à te livrer le trésor
que tu me deuiandrs, pourvu que tu gardis
le secret, que lu sois charitable envers les
pauvres, et que tu me donnes une pièce d'or
ou d'argent tous les premiers jours de cha-
quemois:si luy manques, tu seras à moi pour
toujours. » Voy. Pactes.
DRAMES. — Le théâtre n'a pas négligé les
merveilleuses ressources <]ue lui offraient les
démons, les follets, les revenants, la magie
et les sciences occultes. De nos jours ou a fait
les 5e/)/ châteaux du Diable, les J'iUules du
Viable, la Pari du Diable; on a même mis en
vaudeville les mémoires du Diable, de M. Sou-
lié. L'Esprit Follet de Collé; le spectre de
Sémiramis, celui d'Hamlcl, les sorcières de
Macbelh; la Sylphide, le inagicien du Pied'
de-Mouton, et une foule d'autres données
sont prises, comme Robin des bois, le Chas-
seur rouge, Trïlbij , le Vampire, les Wit-
lis, clc etc., du vaste répertoire de prodi-
ges qui alimenlonl ce dictionnaire.
L'un des drames les plus célèbres en ce
genre est connu eu Esp.igiie sous le litre du
Diable prédicateur. On ignore le poêle qui a
jirodiiil ce singulier ouvrage, mais il l'a
puisé, comme tjOîilie a puisé Fuusl, dans les
lég<ndi'S populaires. N'oy. Faust. Nous de-
vons donner une rapide analyse du Diable
prédicateur, dans un livre où le diable, li
magie cl les sciences occnlies dévelop|)Ciil
toutes leurs phases. Nous empruiitei>ons no-
tre résumé aux curieuses éludesqueM. Louis
de Vicilcastcl a publiées sur le Ihcàlre es-
pagnol.
-103 DHA
Le Diable prédicateur.
L'aclion ilu dr.nme intitule le Diable prédi-
cateur, se passe à Lucqucs.
« Le prinrede l'iibîme, Lucifer, monté sur
un <lragon cTlic, fait en ce moment un voyage
autour du monde pour s'assurer par lui-
même de l'étendue de sa puissance. Il ap-
pelle Asniodée, à qui il a laissé en son ab-
sence le gouvernemeni de l'empire infernal;
il lui raconte ce qu il a vu et les projets nou-
veaux que lui ont suggérés ses observations.
Parmi les ordres religieux qui, par leurs
prières, désarment la colère du Ciel, il en est
un qui a surtout frappé l'attention de Luci-
fer, et dont il ne parle qu'avec un doulou-
reux emportement, parce qu'il y voit le prin-
ci[)al obstacle au succès de ses efforts : c'est
loidre des Franciscains. Le poëte place ici
dans la bouche du démon un résumé des lé-
gendes et des traditions qui ont popularisé
dans la Péninsule la mémoire de saint Fran-
çois, et fait un magnifique éloge du zèle et
de la piélé des religieux franciscains. 11 voit
en eux ses pins redoutables ennemis. Son or-
gueil s'en irrite autant que son ambition :
— il ne faut pas le dissimuler, Asmodée, dit-
il à son confident; si je ne me hâte d'y pour-
voir, il n'y aura bientôt plus un seul lieu où
ces mendiants déguenillés n'aient arboré la
b.mnicre de celui (]ui, par son héroïque hu-
iiiililc, a niérilé d'être appelé le grand lieute-
nant du Christ, et d'occuper la place que m'a
fnit perdre jadis ma téméraire présoniplion.
Voici l'entreprise où je t'appelle; certes, elle
n'est pas aisée. La règle que suivent ces
hommes, c'est, tu ne l'ignores pas, la vie
apostolique. Celte règle n'a pas été établie
par une simple inspiration d'en haut; c'est
Dieu lui-même qui, de sa propre bouche, l'a
dictée à François, et lorS(]ue François, ému
de pitié pour ses successeurs, lui demanda
où des êtres soumis aux faiblesses humaines
puiseraient la force nécessaire pour observer
les vingt-cinq préceptes dont elle se com-
pose, préceptes si rigoureux (|u'aucun ne
peut être enfreint sans péché mortel : Ne
l'en inquiète pas, lui répondit le Seigneur; je
me (Jiarge de susciter ceux qui les garde-
ront. — Mais il n'a pas dit que tous sans ex-
ception y seraient fidèles; s'il l'eût dit, tous
nos efforts seraient vains. Pars donc pour
l'Espagne, dirige-toi sur Tolède, qui en est au-
jourd'hui la principale cité; jettes-y les ger-
mes de l'impiété parmi les hommes d'une
condition moyenne et dans le corps des mar-
chands, auxquels ces moines doivent prin-
cipalement les aumônes qui les font vivre ;
empêche que la dévotion ne prenne racine
dans leurs cœurs, car les Espagnols tiennent
fortement aux impressions qu'ils ont une fois
reçues. Quant aux riches, ne l'in(]uièle pas
d'eux, leurs désirs immodérés agiront plus
clficacement sur leur âme que toutes tes in-
sinuations. Eussent-ils sous les yeux des mil-
liers de pauvres, ils n'y feront aucune atten-
tion. Comme ils n'ont jamais vu de près le
besoin, ils ne le comprennent pas : je parle
du plus grand nombre; on trouve partout
on A
494
des exceptions. Pour moi, je reste dans cette
ville de Lucques, où je travaille, par mes ar-
tifices, à eiupêclier ces moines de conserver
uiicouTcnl qu'ilsyonl fondé. Je m'elTorce d'en-
gager les habitauis à changer en mauvais trai-
tements et en injures les aumônes qu'ils leur
accordaient. Pars donc pour l'Espagne. Ces
malheureux ont beau implorer la protection
divine : je ferai si bien que ce nouveau vais-
se.iu de l'Eglise échouera contre les écueil»
impies et les cœurs rebelles. Se voyant refu-
ser le strict nécessaire, ils auront peine à se
dcfendrcdesentraînements de la faiblesse hu-
maine. Leur confiance sera pour le moins
ébranlée, et le navire qui les |)orle, s'il ne so
perd pas tout à fait, sera au moins maltrailé
par la tempête; il s'égarera dans les bas-
fo ids, s'il ne se brise complètement. »
« Asmodée, obéissant aux ordres de son
souverain, s'éloigne à l'instant. Depuis ce
moment, il n'est plus question de lui ni do
sa mission. Toute l'action du drame se con-
centre dans l'attaque que Lucifer lui-même
dirige contre les religieux de Lucques. Le
plan qu'il vient d'annoncer s'exécute de point
en point. Les bourgeois, cédant aux sugges-
tions secrètes du démon, deviennent sourds
aux prières des malheureux religieux ; les
aumônes cessent complètement. Un certain
Ludovic, le plus riche, mais aussi le plus im-
pie des habitants de Lucques, se distinguo
surtout par la brutalité de ses refus. Vaine-
ment le père g.irdien s'efforce de ranimer
p.ir ses exhortations la ferveur des fidèles.
Son insistance ne fait qu'irriter des esprits
prévenus. Poursuivi, menacé, il se voit forcé
de rentrer dans son couvent, dont les portes,
se refermant à l'instant sur lui, peuvent à
peine le soustraire, lui et ses moines, aux
outrages de la foule. Le gouverneur lui-
même, s'associant à la haine populaire, es-
saye d'abord d'engager les religieux à quitter
une ville où on ne veut plus les supporter,
et bientôt il prétend les y obliger. Privés de
toutes ressources, épuisés par la faim qui les
presse, le courage des religieux faiblit. Déjà
on parle de vendre les vases sacrés, d'aller
chercher ailleurs une terre plus hospitalière.'
Le père gardien, dont la pieuse et noble fer-
meté a jusqu'à ce moment résisté aux ins-
tances de ses frères, commence à chanceler.
Lucifer triomphe. Il se croit au moment
d'atteindre le but qu'il s'était proposé, mais
sa joie est de courle durée. Tout à coup une
clarté éclatante vient l'éblouir. L'IùifantJé-
sus lui apparaît, le visage couvert d'un
voile. Auprès de lui est saint Michel, qui
ajioslroplie ainsi l'ange déchu.
Saint Michel. — Serpent infernal, j'humi-
lierai ton orgueil.
Llcifeu. — Michel 1
Sai.nt Michel. — Comment, connaissant la
promesse que le Créaieura faite à François,
as-tu pu croire que tes fourberies enlève-
raient à ces religieux leurs u.oyens d'exis-
lenre?
Lucifer. — Nul ne sait mieux que moi que
l'immense parole de Dieu ne peut man(|uer
d'élre accomplie, mais la confiance qu'un
1
m
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
490
place en elle peut faillir, et déjà il est Lion
sûr que, si ce srnlimeul n'esl pas tout à fait
détruit dioz ces moines, il est au moins fort
ébranlé. Il n'est pas indispensable, pour que
je triomphe, qti'ils soient privés de ce qui
leur est nécessaire ; il suffit que j'aie décidé
le peuple ci le leur refuser.
Saint MicuEL. — Eh bien 1 lu déferas toi-
inême Ion ouvrage. P.ur punir ta faute , tu
l'S chargé d'amener Ludovic à se repentir, à
se soumettre à la loi sainte.
Lucifer. — Moi 1 lutter contre moi-inéme,
malheureux que je suis 1
Saint Michel. — Ce n'esl pas tout ; il faut
encore que tu construises un auire couvent
où en dépit de toi, François comptera d'au-
tres disciples.
LuciFEB. — Comment ?
Saint Michel. — Ne réplique pas. Il faut
que tu fasses ce que ferait François. Entre
dans son couvent. Reproche à ses moines
d'avoir pu penser un instant à l'abandonner.
C'est à toi qu'il appartient désormais d'assu-
rer leur subsist'uice, et en outre de leur
fournir des moyens de secourir un certain
nombre de pauvres, comme le prescrit la
règle que Dieu leur a dictée. Va donc, et jus-
()u'à ce que lu reçoives de nouveaux ordres,
exécute scrupuleusement ceux que je viens
de le donner. Tu apprendras ainsi à ne plus
l'attaquer à François dans ses moines.
« Lucifer reste accablé. Son désespoir
s'exhale en plaintes douloureuses contre la
partialiié du Très-Haut, qui, non content
d'avoir donné aux hommes tant de moyens
de résister à ses attaques, le force ainsi à se
combattre lui-même. Ccpendani il faut obéir.
Revélu d'un froc de franciscain, il se pré-
sente à l'improvisle au milieu des religieux,
qui déjà se préparent à quitter leur retraite
cl à s'éloigner. »
Lucifer. — Deo gratias , mes frères.
(A part.) Quel supplice 1
Le père gardien. — Dieu me soit en aide 1
Quiétes-vous, mon père? Gomment étes-vous
entré ici ?
Frère Nicolas. — Il n'a pu entrer par la
porte, je l'avais fermée.
Lucifer. — Aucune porte n'est fermée
pour la puissance divine. C'est elle qui, sans
que je pusse m'y refuser, m'a amené ici d'un
pays tellement éloigné, que lu soleil lui-
même ignore son existence ou dédaigne de
le visiler.
Le père gardien. — Votre nom ?
Lucifer. — Je m'appelle frère Obéissant
forcé. On me nommail jadis Chérubin.
Le frère Antolin [le gracioso). — C'est
sans doute un Basque.
Le père gardien. — Mon père, dites-nous
ce qui vous amène. Vos paroles, le prodige
de votre entrée dans ce couvent, malgré la
clôture des portes , nous remplissent do
trouble et d'inquiélule. Je crains quelque
piège de notre grand ennemi.
Lucifer. — Ne craignez rien. C'est par
l'ordre de Dieu que je viens, c'est lui qui
m'a chargé de vous reprocher voire peu de
fui. Les soldats enrôlés sous lu banuicre du
grand lieulenant du Christ doivent-ils abaii
donner ainsi lâchement la place qu'il leur a
confiée? 11 n'y a pas encore deux jours que
l'ennemi vous tient assiégés, et déjà votre
force, votre espérance, se sont évanouies l
Ceux qui devaient résister comme des rocs
aux adaques de l'iinpiéié, en qui la moindre
hésitation serait déjà cnupahle, reculentainsi
à la simple menace du danger 1 Sachant que
Dieu a promis à notre père que le néces-
saire ne manquerait jamais à ses enfants ,
ils ont pu se rendre coupables au point de
douter de l'accomplissemcnl d'une promesse
divine I [Apart.) Esl-il bien possible que ce
soit moi qui parle ainsi ! Je me sens tout
brûlant de colère. (Haut.) Croyez qu'alors
même quedans l'univers entier les êtres rai-
sonnables fermeraient sans exception leur
cœur à la pitié, les anges vous apporteraient
lau unt requi vousa éiépromise;le démon
lui-même s'en chargerait au besoin.
Le frère Antolin. — Il parle avec tant
de chaleur, que la flamme sort par ses yeux.
Le père gardien. — Mon père , je vois
bien que vous êtes un envoyé de Dieu; je le
reconnais à l'empire que vos paroles exer-
cent sur nous. Je sens que maintenant j'ex-
pirerais de faim mille fois plutôt que d'aban-
donner la maison de mon père saint Fran-
çois.
Le frère Pierre. — Il n'est pas un de ses
vrais enfants qui ne soit prêt à donner sa
vie pour Dieu.
Le frère Nicolas. — Et ils se repentent
tous, mon père, d'avoir pu un seul instant
pensera tourner le dos au danger.
Lucifer, à part. — Ainsi donc, la peur na-
turelle à laquelle ils ont un moment cédé
devient peureux une occasion de s'acijuérir
de nouveaux titres à la faveur du ciel l Ceux
que Dieu protège rentrent bien vite dans la
bonne voie... [Haut.) M 'S frères, apaisez par
des sacrifices le juste méeonlentemenl du
Créateur , qui vous porte tant de tendresse.
Pour moi, je nie charge de pourvoir à votre
subsistance ; je serai voire aumônier.
Le frère Antolin. — Vous espérez trou-
ver des aumônes dans celte ville? Vous me
faites rire.
Lucifer. — Vous serez bientôt détrompé.
Père gardien, ne craignez rien ; faites ouvrir
ces portes.
Le père gardien. — C'est un ange, il faut
lui obéir... Miiis le ciel m'éclaire. Dieu me
soit en aide... Cachons ce prodige à mes re-
ligieux.
Lucifer. — Allez tous au chœur, et cessez
de craindre. Tant que je vous assisterai , le
bercail de Franc )is sera à l'abri des atta-
ques des loups.
Le père gardien. — Oui, puisque Dieu a
ch.ingé le poison eu contre-poison.
« Lucifer se met à l'œuvre, et loul a bien-
tôt changé de face. Les aumônes arrivent de
toules parts au couvent, les moyens ordinai-
res ne suffisent plus pour les y transporter.
Du surplus des produits de la charité publi-
que, un autre monastère s'éève avec rapi-
dité. Le prétendu moine se multiplie. On le
t97
DR\
Bïlk
41)3
voit partout à la fois , pnrfonrant la ville
pour stimuler la générosité des fiilèles, diri-
geaiilla construction du nouvel édifice, pres-
sant les ouvriers, faisant preuve en tous
lieux d'une activité , d'une adresse , d'une
force miraculeuse. Les religieux, frappés de
ces qualités extraordinaires auxquelles se
mêle dans l'inconnu quelque chose d'étrange
et de mystérieux , se de.nanderit qui il
peut être. L'un croit voir en lui un être
étranger à l'humanité; l'autre, à son (on
(J'aulorilé et à unecertaineâpreté deiangage,
le prend pour le prophète Elle. Le père gar-
dien, qu une révélation divine a instruit de
la véi ilé , conseille à ses fières de ne pas
chercher à pénétrer les secrets du ciel, et de
se contenler d'obéir aux ordres de celui en
qui ils ne peuvent méconnaitie ua envoyé
de Dieu.
« Le rôle du père gardien est d'unegrande
heaulé. Lasimplicilé, l'abnégation du moins
se réunissent en lui à la fermeté calme et
prudcnie sans laquelle il n'est pas possible
de diriger utilement d'autres hommes. 11 y
a eiilre lui et Lucifer une scène remar-
quable. »
Le pèke gardien. — Père Obéissant , le '
convint que vous construisez est-il bien
avancé ?
LuciFRR. — Il est achevé.
Le PKnEGABuiEN. — Entièrement ?
LcciFER. — Il ne reste plus qu'à le blan-
chir.
Le père gardien. — La rapidité de celte
construction me surprend, je l'avoue.
Lucifer. —Il y a pourtant cinq mois qu'on
en a posé la première pierre , et ces cinq
mois m'onl paru cent années. Je n'y ai con-
tiiluié que par roa présence assidue aux
Irav.iux, en cherehiinl l'argent nécessaire et
en traçant le plan de l'édifice ; mais, si le
Créateur me l'eût permis, j'eusse l'ail en cinq
jours et en moins peut-être plus que cent
hommes n'ont fait en cinq mois.
Le père gardien, à part. — Il vaut mieux
ne pas paraître comprendre. [Haut.) Je vous
crois ; mais Dieu ne fait pas de miracles
sans nécessité.
Lucifer. — Ce miracle, je l'aurais fait à
moi seul ; je suis assez puissant pour cela ,
si Dieu ne m'en eût eaipcché.
Le père gardien. — Je sais qui vous êies.
Vous n'avez pas besoin de me le faire enten-
dre.
Lucifer. — Je ne l'ignore pas.
Le père gardien. — El je sais aussi que
voire puissance n'égale pas celle de mon | ère
s.iini François.
Lucifer.* — Père gardien, la faveur dont
votre père jouit auprès du roi du ciel fait
iDiite sa force, cl, sous ce rapport, elle est
grande , je l'avoue ; mais ce n'est pas une
l'ui>sance vériiable que celle qui a besoin de
recourir à la prière.
Le père gardien. — Quelle est donc la
puissanee qui ne procède pas de Dieu ?
Lucifer. — N'argumentons pas , soyez
iitiinble ; auprès de moi, le piuj savant eu
sait bien peu.
Le père gardien. — Je n'en ai jamais
douté ; mais il n'est pas moins vrai qu'avec
toute sa puissance , avec toute sa science,
celui qui me parle n'a pu atteindre l'objet de
ses vreux les plus ardents.
Lucifer. — Non ? Eh bien ! mon père,
pourquoi pensez-vousdonc(iueDieumepunil?
Le père gardien. — Pour votre inten-
tion.
Lucifer. — Père gardien , vous êtes un
bon religieux , mais votre intelligence est
faible. Lorsque je suis venu vous trouver,
vous et vos moines, n'étiez- vous pas résolus
à abandonner lâehement le couvent ? En ce
qui vous concerne, j'avais donc atteint mou
but , pui.-que le Créateur ne s'est interposé
que lorsqu'il vous a vus vaincus. Rendez-
lui donc grâce de sa miraculeuse interven-
tion ; mais croyez que si vous aviez eu plus
de courage , mon châtiment serait moindre.
Le père gardien. — cresl en toute justice
que vous m'avez humilié.
Lucifer. — Je suis condamné à faire ce
que lerail François, s'il vivait encore. Jugex
s'il était possible de m'iniposer une uiorlifi-
calion plus douloureuse , sans compter l'i-
gnominie d'être contraint à me couvrir de sa
bure.
Le père gardien. — Jamais vous n'avea
été plus honoré depuis que vous êtes tombé
du ciel.
Lucifer. — L'orgueil vous aveugle et vous
fait perdre la mémoire. Oubliez-vous donc
votre origine ? ignorez-vous que vous êtes
sorti de la boue et de la poussière?
Le père gardien. — Je ne l'oublie pas:
je sais que Dieu a formé le premier homme
de ses propres mains, avec un peu de terre ;
mais la création de l'ange lui a coûté moins
encore, puisque d'une seule parole ...
Lucifer. — Laissons cela; de telles ma-
tières ne peuvent être traitées entre aous :
vous les ignorez, et il ne m'est pas permis
de vous répondre. Quand voulez-vous quo
nous commencions la fondation nouvelle ?
Le père gardien. — Sur-le-champ, si vous
le trouvez bon.
Lucifer. — C'est ce que je désire. Quels
sont ceux des frères ((ui y travailleront ?
Le PÈRE gardien. — Je ne puis les dési-
gner; c'est à vous qu'il app.irlienl de les
choisir et d'eu fixer le nombre. Mon devoir
est seulement d'exécuter tout ce que vous
aurez ordonné.
Lucifer.. — Quelle liypocrile humilité 1
Mais le lemps viendra hieiiiôt où on le verra
passer d'un extiême à l'autre.
Le père gardien. — Dieu permettra que
vus artifices nous fournissent de nouvelles
occasions de mériter sa grâce.
Lucifer. — Si Dieu y intervient, cela sera
facile sans doute. Autrement je sais par ex-
périence comment vous coinballez.
Le père gardien. — J'avoue que je nesuis
que poussière.
Lucifer. — Allez, allez faire paître vos
brebis. Je les vois qui atlendenl leur pas-
leur. Prenez garde qu'il ne s'en égare quel-
qu'une ;, elle pourrait :e perdre.
499 DICTIONNAIRE DES
Le père gardien. —Ce soin ser;iilsiiprr(ln
lie ma part. C'est ci vous de les garder s'il
survient (iiiclqiie danger, puisque Dii'u ne
vous a envoyé parmi nous que pour 6lre le
chien de garde de son Iroupi'au. (Il sort.)
LuciFEii. — Il le tant bien, hélas 1 puis-
qu'il ne ni'esl permis de iiiortire aucune de
ces hrebis. ,M;iis un jour viendra où, le ber-
ger el 11. oi , i.ous nous verrons dune autre
iaçon.
« Il y a, ce me semble, quelque chose d'6-
niinouiinenl dramaliquc dans cet étrange
dialogue, vu le ciel et l'enfer, forcés, pour
ainsi dire, d'exister un momentàcôlé l'un de
l'autre, (le su-ipei.dre leurs hostilités , de
concourir au même but , se dédommagent
d'une aussi pénible contrainte par un assaut
d'ironie aiiiere .si profondément empreint de
leur insuriiionlable antipathie. C'est une
très-belle iiiée, imp;trfaitemont esquissée, il
est vrai, par l'auteur espagnol, que de mon-
trer la simplicité d'une âme ferme , pure et
religieuse, liiliant contre toutes les ressour-
ces du génie infernal, et le déconcertant
niénie <iuel(|ui'fois par la seule force de la
vertu cl de la vérité. Ce qui, dans le texte ,
ajoute encore à l'effet de celte scène , mais
ce que nous n'avons pu transporter dans la
traduction, c'est que les deux interlocuteur*
ne se parlent qu'à la troisième personne.
<]elte forme autorisée par legénicdela langue
espagnole, donne à leur entretien une teinte
vague et mystérieuse parfaiteineul appro-
priée au sujet.
• Cependant Lucifer, en raffermissant le
courage des religieux, en leur élevant un
nouveau couvent, en réchauffant la ferveur
du peuple di; Lucqiies, n'a accompli qu'une
partie de sa lâche. Nous avons vu (jue saint
Michel lui a aussi prescrit de travailler à
convertir le mauvais riche Ludovic. Mais ici
tous ses efforts échouent contre l'avarice de
cet homme pervers, contre son impiélé, et
surtout contre la haine particulière qu'il
porte à l'ordre de saint François. L'élo-
quence du démon réussit bien à le troubler,
à l'erfraycr, à le remplir d'une sorle de res-
pect dont il ne sait comment se rendre
compte; mais rien ne peut le déterminer à se
ilépartir de la moindre parcelle de son im-
tiiensc fortune.
« Ludovic vit'nt de se marier. Sa jeune
femme Octavie, douce, charmante, pieuse,
forme avec lui le coiitiaste le plus parfait.
Avant d'épouser Ludovic, elle avait donné
son cœur à un homme plus digne d'elle-
Forcée de renoncer à lui, elle se consacre
désormais tout entière à l'indigne époux que
ses parents l'ont forcée d'accepter; elle ne
se permet ni un regret, ni un souvenir.
Néanmoins, la jalousie de Ludovic ne larde
pas à s'éveiller, et dans son emportement il
se résout à donner la mort a la m;ilheureuse
Uclavie. Avertie, par plusieurs indices, du
ïNurt qu'il lui prépare, elle se refuse à fuir :
elle croirai! se rendre coupable. Le scélérat
l'attire dans un lieu écarté où il espère pou-
voir cacher son crime; il la frappe d'un
tuu]j de poignard, elle tombe en iuvo<iuanl
SCIENCES OCCULTES. 500
le nom de la Vierge. Lucifer, qui avait ordre
diî la sauver, mais qui n'a pu y parvenir, est
auprès d'elle ; il reconnaît bienlôt iiu'un
prodige va s'opérer. — Klle est morte, et ce-
pendanl, dit-il, son âme n'est ni montée au
ciel, ni descendue dans l'enfer, et elle n'est
pas non |)lus entrée dans le purgatoire. —
Toiil à coup, au son d'une musique céiesie,
la Vierge apparaît au milieu d'un cliœdr
d'angi's; elle s'a|)proclie d'Oclavie et la lou-
che de ses mains. Le seul Lucifer a aperçu la
reini' des rieux , invisible pour les yrux
morlels. A l'aspect de fa plus puissante en-
nemie, de celle qui a brisé son empire, de
douloureux souvenirs s'agitent en lui ; il
sent plus vivement les angoisses du dési'S-
poir éternel, et pourtant, subjugue par une
puissance surnaturelle, il se prosterne, il
gémit de ne pouvoir s'associer au culte que
l'univers rend à la mère de Dieu; il célèbre
comme involontairement ses |)erfectioiis in-
finies, sa puissanci! illimitée, les récompenses
qu'elle accorde à ceux qui lui ont voué une
dévotion particulière. Ses transports, le trem-
blement (jui l'agite, le feu qui sort de ses
yeux, les paroles entrecoupées qui s'échap-
pent de sa bouche, étonnent d épouvantent
un moine présent à cette scène, mais pour
(lui l'apparition céleste est restée non ave-
nue. Le miracle est enfin accompli; la Vierge
s'éloigne, et Octavi(ï ressuscite.
« Irrité, mais nun persuadé par ce mira-
cle, Ludovic persiste dans son impiété. Vai-
nement Lucifer tente un dernier effort pour
le convertir ; vainemi ni il lui annonce la
mort (|ui le menace, la damnation qui doit la
suivreel qu'une aumône faite à saint François
peut détourner. Ludovic , averti qu'il n'a
plus qu'un moment pour se repentir, brave
encore la puissance divine. Au signal enfin
donné par saint Michel, Lucifer s'empare de
sa proie, et Ludovic disparaît au milieu des
flammes. Le démon croit avoir accompli
toute sa mission ; déjà il vient rejeter le froc
qui pèse tant à son orgueil; mais. saint Mi-
chel lui déclare qu'il lui reste encore à faire
restituer aux pauvres tout ce ([ue leur a dé-
robé 11! scélérat qui vienl de périr. Pour exé-
cuter ce nouvel ordre, Lucifer appelle Asta-
rolh, un de ses lieutenants. Ce dernier prend
la figure de Ludovic, fait convoquer tous
ceux qui ont à se plaindre de ses spoliations,
et leur partage ses richesses. Lorsque cette
œuvre de réparation est terminée, Lucifer,
dépouillant enfin le costume rnonacal, ra-
conte en peu de mots au peuple, accouru de
toutes parts sur le bruit de la prétendue
conversion de Ludovic, les étranges événe-
ments qui viennent de se passer. — Demain,
dit-il, le père gardien, qui a tout vu, à qui
Uieu a tout révélé, vous donnera, d ais un
sermon, des explications plus complètes, lit
maintenant, François, la trêve est expirée
entre tes enfants el moi. Je redeviens ion
plus grand ennemi. Veille sur eux : puis-
qu'il ne m'est pas permis de les priver de
leur subsistance , c'est en atta(|uant leur
vertu (jue je satisferai ma haine.
« Ainsi se termine le Diable prédicateur. »
501 DUT]
DHAPE. On donne à Aigiirs-M-r'cs le nom
do Lou Drapé à un diev.il falmlrux, qiti osl
la li'iTcnr des cnfanis, qui ics rclionl un [>eu
sons l'aile rie leurs parents, e( réprime la né-
çligenre des mères. On assoie que (juand
Lou Drapé vient à passer, il ramasse snr son
dos, l'un après l'aulre, (oiis les cnf;;iils éga-
rés; el que sa croupe, d'abord de laille ordi-
naire, s'allonge au besoin jus(iuà contenir
cinquante et cent enfanis, qu'il emporte on
lie sait où.
DIUFF, nom donné à la pierre de Butdrr,
à laquelle on attribuait la propriélc d'attirer
le venin; elle était, dil-on , composée de
mousse formée sur des têtes de mort, de sel
niaiin, de vitriol euivreux empâté avec de la
colle (le poisson. On a poussé le merveilleux
jusqu'à prétendre (ju'il suffisait de toucher
cette pi( rrc du bout de la langue pour être
guéri des maladies les plus redoutables. Vau-
Helmont en fait de grands éloges.
DHOLLUS. Les drolles sont des démons ou
lutins (jui, dans certains pays du nord, pren-
nent soin de panser les chevaux, font tout ce
quon leur commandi> cl avertissent des dan-
gers. Voy. Farfadets, Bérith, Kobold, etc.
DUUl DES, prêtres des Gaulois. Ils ensei-
gnaient la sagesse et la morale aux princi-
paux personnages de la nation. Ils disaient
que les âmes circulaient éternellement de ce
monde-ci dans l'autre; c'est-à-dire que ce
qu'on appelle la mort est Tentrée dans l'au-
lre monde, et ce qu'cm appelle la vie eu est
la sortie pour re\enir dans ce monde-ci (1).
Les druides d'Autun aitribuaieni une
grande vertu à l'œuf de serpent ; ils avaient
pour armoiries dans leurs bannières, d"azur
<à la couchée de serpents d'argent, surmontée
d'un gui de chêne garni de ses glands de si-
nople. Le chef des druides avail une clef
pour sytnbole (2).
Dans la petite î'e de Sena , aujourd'hui
Sein, vis-à-vis la eôe de Quimper, il y avait
un collège de druidesses, que les Gaulois ap-
pellent Senes (prophétesses). Elles étaient au
nombre de neuf, gardaient une perpétuelle
virginité, rendaient des oracle^ cl avaient le
pouvoir de retenir les vents el d'exciter les
tempêtes; elles pouvaient aussi prendre la
forme de toute espèce d'animaux, guérir les
maladies les plus invétérées et prédire l'a-
venir.
Il y avait d'autres druidesses qui se ma-
riaient; mais elles ne sortaient qu'une fois
dans l'année, cl ne [lassaient qu'un seul jour
avec leurs maris (3). Voyez aussi Dioclétien,
Veli.éoa, ('te.
DRUSUS. Chargé par l'empereur Auguste
du commamlement de l'armée romaine qui
faisait la guerre en Allemagne, Diusiis se
préparait à passer l'Elbe, après avuir déjà
remporté plusieurs victoires , lorsqu'une
femme majestueuse lui apparut et lui dit :
— Où cours-tu si vile, Drusus? Ne seras-tu
jamais las de vaincre? Apprends que tes
jours louchent à leur terme...
(1) Diodnrofie Sicile.
(2) Sailli Koiï, lissais, rtc , I. II
(3) Sai:il l'oix, Lssuis sur l'jiis, l III, p.
J8*.
DUE .102
Drusus troublé tourna bride, fil sonner la
retraite el mournl au bord du Hhin.
On vit en même temps deux chevaliers in-
connus qui faisaient caracoler leurs chcvanx
autour des tranchées du camp romain, et on
Ciilendit aux environs des plaintes e| dos gé-
missemeiits de femmes (•'(); — ce qui n'est
pas merveille dans une déroute.
DKYDEN (Jean), célèbre poêle anglais,
mort en 1707. On rapporle qu'il tirait aux
dés, le jour de la naissanc ■ de ses enfants,
pour deviner s'il aurait un garçon ou une
fille; el sa prédiction relative au sexe de son
fils Charles se réalisa (5), ce qui n'est pas
fort étonnant. Voy. Asthagalomancie.
DUALISME. Il y a des tremblements de
terre, des tempêtes, des ouragans, des débor-
dements de rivières, des maladies pestilen-
tielles, des bêtes venimeuses, des animaux
féroces , des honnnes naliirellemenl mé-
chants, perfides et cruels. Or, un être bien-
fai>ant, disaient les dualistes, ne peut être
l'auteur du mal. Donc il y a deux êtres, deux
principes, l'un bon, l'autre mauvais, égale-
ment puissants, roéternels, cl qui ne cessent
point de se combattre.
Dieu a donné à l'hommcle libre arbitre :
c'est à lui de choisir enire le bien et le mal;
il n'en aurait pas le moyen, si le bien seul
existait. L'homme sans passions el obligé
de faire le bien sans pouvoir fiire le mal, se-
rait vertueux sans mérite. Dans un monde
sans dangers et sans besDins, l'honime vi-
vrait sans plaisirs. La vertu ne brille que
par le contraste d,i vice; les hommes, mor-
tels depuis leur chute, sont dans ce monde
comme dans un lieu d'épreuves : on ne ré-
compense point une machine qui ne va bien
que parce qu'elle est montée de manière à
ne pouvoir aller autrement.
Si l'on rélléchit bien snr le dualisme, dit
Sainl-Foix, je crois ([u'on le trouvera encore
plus absurde que lidolâtrie.
Los Lapons disent que Dieu, avant de pro-
duire la terre, se consulta avec l'esprit ma-
lin, afin de déterminer comment il arrange-
rait chaciue chose. Dieu se proposa donc du
remplir les arbres do moelle, les lacs de lait,
et de charger les pl.intcs el les arbri s de Ions
les' plus beaux fruit*. Par malheur, un plan
si convenable à l'homme dé|.lut à l'esprit
malin, (lui fit toutes sortes rie niches; et il
en résulia que Dieu n'établit pas les choses
aussi bien ([u'il l'aurait voulu...
Un certain Ptolomée soutenait que le
granil Être avait deux femmes; que, par ja-
lousie, ell(>s se contrariaient sans cesse, et
que le mal, tant dans le moral que dans le
pbysi(|uo, venait uniciuemeut de leur mésin-
telligence, l'une se plaisant à gâter, A chan-
ger on à détruire tout ce que faisait l'autre...
Voy. TRAniTioNs.
DUENDIi. « Le Duenrle, lulin espagnol,
correspond au Goholifi normand et au Tom-
tegobbe suédois. Duendo, selon Cobaruvias,
est une contraction de diteno de casa, maître
(i) Dii>ii Cas«iiis.
(5j Bciliii, OiiiusUûs de la litléraUiro, t. I, p. 2ti.
503
il(> la maison. Ci" rfiaMc csiia^'nol fui île tout
ti-nips filé pour la furililé d; ses inélaiiior-
piiiiscs. »
DUFÎIUIAKS. « Los diables nains ou ()u<t-
gars (le la Scamliiiavio sont de la ni^'ine fa-
mille q.uc les elfs de la nuit. Les Norwégiens
nllribucnl la foriiic régulière et le poli <l('s
pierres cristallisées aux travaux des petits
tiabitanls de la iiionlagnc, dont l'écho n'est
autre chose que leur voix. Cette prrsonuifi-
cation poétique adonné naissance à uu mè-
tre parlirulier en Islande, appelé le gal.lra-
tng, ou le lai diabolique, dans lequel le der-
nier vers de la première slance termine
toutes les autres. Et lorsciue, dans une saga
d'Islande, le poëlc introduit un esprit ou un
fantôme qui chante, c'est loujours avec le
(jaidralay. Dans une autre variélé du gaUlra-
Uig, c'est le premier vers qui est répété de
stance en slance. On retrouve ce système
métrique dans quelques-unes des incanta-
lious superstiiicuse-i des Anglo-Saxons. Ce
rhylhme a un son monotone, mais solennel,
qui, sans le sci'ours de la Iraililion mytholo-
gique, l'a fait employer par Its poêles, de-
puis Virgili' jusqu'à Pope. Le Dante se sert
du galdraliKj pour l'inscription placée sur
les portes di' l'en for.
« On a dit que 1rs véritables protolypes
(les duergnrs sont les liabitanis de la vieille
Finlande. N.ms commençons à douter de
cette origine. Il est certain que les Finlan-
dais se vantèrent longtemps de leur com-
merce intime avec le diable jusqu'à ce que
ce commerce fût Irailé de contrehande. On
n'a pas cessé de les redouter comme sor-
ciers ; mais, malgré leur talent eu magie et
eu métallurgie, on doit les distinguer, des
liahiles ouvriers qui fabriquèrent le marteau
(le Thor, les tresses d'or de Siva et !a bague
d'Odin, toutes choses fameuses dans la bi-
zarre cosmogonie des Asi. Si nous voulions
interpréter ces mystères selon la sagesse
liicroglyphique des rose-croix, uous dirions
que les duergars étaient des personnifica-
tions de l'cléiiient mét.illique ou des gaz qui
en sont les véhicules dans les entrailles de
la terre, fécondant les veines de la mine et
se mêlant à la circulation de la vie élcciri-
que et magnétique du macrocosme. Du reste,
ce sont des êtres trop allégoriques pour
qu'on les confonde avec les magie iens finlan-
dais dispersés sur la surface dos régions
septentrionales. Leur cachel d'antiquité pri-
mitive parait d'autant plus marqué, selon
nous, qu'on les retrouve dans les vieilles ira-
ditions des Teutons, consacrées par les Ni-
bdungs et le Livre des JJérus. Or, les Nibe-
lungs et le Livre des Héros nous vionnenl de
pays où Jamais le Finlandais errant ne dressa
t>a (ente.
« Les pays de mines ont défendu Irès-long-
lemps leur mythologie populaire contre les
lumières de la saine philosophie et de la re-
ligion. On peut citer, par exemple, le cumté
de Cornouaillis; et le Harzwald di' Hanovre,
reste de l'ancienne forêt d'Hercynie, est en-
core une terre enchantée. Les gobelins des
mines ont loujours eu uue très-niauvaisu ré-
DICTIONNAIRK DES SCIENl.ES OCCULTES.
60 J
pulation. Le démonologue cité par Reginald
Scott nous apprend « qu'ils sont très-jaloux
de leurs trésors cachés; qu'ils en veulent
beauioup à ceux qui les découvrent , et
chen lient à lu r ou là blesser ceux qui vien-
nent les leur enlever, hantant d'ailleurs avec
persévérance les caves où l'argent est dé-
posé. » Un nommé Peters, du comté de De-
vonshire, ayant trouvé le secret de deviner
les lieux où les gnbclins couvaient des tré-
sois, fut brûlé rt réduit en cendres par les
dém ins irrités... Quant aux mineurs, ils ne
peuvent trop se défier de ces esprits malveil-
lants qui leur tendent toutes sortes de pièges
pour les détruire : tantôt ils inondent leurs
travaux, tantôt ils les étouffent par des va-
peurs pestilentielles, parfois ils leur appa-
raissent sous des formes effrayantes. Tel
était Vnnnnberge, animal terrible, qui fut si
funeste aux ouvriers employés dans la p'us
riche mine d'argent de l'Allemagne, ajipelée
Corona Rusacea.
« L'annaberge se montrait sous la forme
d'un bouc avec des cornes d'or, et se préci-
pitait sur les mineurs avec iinpéluosilé, ou
sous la forme d'un cheval, qui jetait la 11 iin-
me et la peste par ses naseaux. » Ce terrible
annabergc pouvait bien n'être qu'un esprit
très-connu aujourd'hui des chimistes sous
le nom de gpz hydrogène ou feu grisou. La
lampe de sûreté d'Humphrey-Davy auiait
été un talisman précieux aux mineurs de la
Couronne de roses; et James Walt, en leur
prêtant une de ses machines à vapeur, les
aurait certainement bien défendus contre les
inondaiions suscitées par les kob>dds (1). »
DUFAY (CuARLEs-Ji RiiME DE Cisteunay) ,
chimiste, quoique homme de guerre. Il s'oc-
cupait du grand œuvre; et il ilepensa beau-
coup d'argent à la recherche de la pierre
philosophale. Il mourut en 1723.
DUFFUS, roi d'Ecosse. Pendant une mala-
die de ce prince, on arrêta plusieurs sorciers
de son royaume, qui rôtissaient, auprès d'un
petit feu, une image faite à la resseinblanee
du iloi, sortilège qui, selon leurs confessions,
causait le mal du monarque. En elïel, après
leur arrestation, la santé de Uulïus se ré-
tablit (2).
DULOT, magicien. Yoy. Marigny.
DUMONS (Antoine), sorcier du dix-sep-
lièii.e siècle, accusé de fournir dos chandel-
les .111 s ibbal pour l'adoration du diable.
DUPLEIX (Scipion), conseiller d Etat et
historiographe de France, mort en IGUl.
Parmi ses ouvrages très-remarquables , on
peut voir la Cause de la veille et du sommeil,
des soTKjes de la vie et de la mort. Paris, 1615,
in-12; Lyon, 1020, in-8°.
DURANDAL, épée merveilleuse de Char-
lemagno. Celait, selon les romans de che-
valerie, un ouvrage dos fées.
DURER (Aldert) , peintre illustre, né à
Nuremberg en 1171, mort en 1328, avec la
gloire assez rare d'avoir laissé beaucoup du
(1) Qiiarlcrly revieuw. Essai sur les tradili iis ii(]|.u-
lairf's.
(2) i.ctoyir. Histoire et dise, des S|icclrcs, etc., Ijv. IV,
cb sv, p. 5l)9.
605
EAT
EAT
eoG
chefs (l'œuvre où son pinceau, son crayon el
ion burin n'onl jamais offensé en rien la re-
ligion, ni les mœurs. On raconte de lui une
vision que nous rapporlcrons ici :
« Albert, le pieux artiste, rêvait quelque
nouveau chef-d'œuvre; il voulait se surpas-
ser lui-même, niais le génie de riiomme a
ses limiles que jamais il ne peut franchir
sans se perdre dans les abîuK s du tiionde in-
teilecluel. Pendaiil une belle nuit dclé, Al-
bert avait commenté et recomnieiicé l'es-
quisse des quiire évangé!i>tes. Il voulait
retracer les traits des hommes inspirés qui
furent trouvés dgnes de devenir les histo-
riens de l'Honinie-Dieu.
« Mais rien de ce que sa njain produisait
ne rendait à son gré les traits qui se pei-
gnaient dans son âme. Comme nous parlons
dans la musi(]uc une langue inconnue, dont
nous ne comiirenons pas le sens, et dont
nous ressentons néanmoins fortement les
elî;'ts, de môme nous possédons en nous un
savoir que nous ne saurions rendre par des
mois ; nous portons dans notre âme des
images que nos mains souvent ne peuvent
tra'iluire malérieHtment. Las, épuisé par ce
combat entre ses forces intellectuelles et ses
forces matérielles, Albert jette son pinceau,
ouvre la fenêtre et cherche à reiroinprr son
âme dans la contemplation de la nature.
C'était à Nurenberg.
« La nuit était superbe, la lune éclairait
de sa mafjique lumière les églis(S de Sainl-
Sébald el de Saint Laurent, ainsi que d'au-
tres grandes œuvres d'architecture qui se
présentaient aux yeux de l'artislc. Des mil-
liers d'étoiles brillaient à la voûte céleste
an-dessus de celle ville silencieuse el de ses
rues désertes. Dieu, s'écria Albi rt, a permis
à des hommi'S de transformer ici des débris
de rochers en bâtiments magnifiques, pleins
d'harmonie dans leur ensemble et dans toutes
leurs parties, élevant majeslueusemenl leurs
lonrs vers le ciel, cl il ne me permellrail pas
à moi de rendre sur la toile et en son hon-
neur les portraits de ses sainls envoyés, por-
traits que cependant je porte en mon âme 1
Albert se sent profondément ému, rappro-
ché de la Divinité; ses mains se rejoignent
pour prier, son âme adore.
« El en ce moment l'église de S.iinl-Sébaid
se colore de feu et de (lamme ; des nuages
bleus forment le fond sur lequel se dessinent
les figures imposantes des quatre évangélis-
tes. Oh! voilà, voilà, dit-il, les traits que j'ai
en vain cherché à retracer, qui échappaient
à mon nrtdébillll (;roil entendre les sons
rav ssants de l'harmunie des sphères ; il se
voit entouré d'anges el de célestes esprits.
Un d'eux lui présente sa toile abandonnée,
l'aiiire ses pinceaux. Albert les saisit, tra-
vaille avec une ardeur surhumaine, bientôt
l'esquisse est terminée. Il ne sera pas diffi-
c le au grand artiste d'achever dignement
son œuvre.
« Enfin la vision disparaît; il se retrouvait
dans sa chambre solitaire, rafraîchie par 1 air
vif el pur de l'aurore. Il fixe ses regards sur
son travail; il prévoit que sei quatre évan-
gélisles seront ce qu'il a voulu qu'ils fus-
sent , un chef-d'œuvre. Un pressentiment
lui dit qu'il a travaillé pour la poslérité, pour
les siècles futurs. Il termine par des actions
de grâces la séance qu'il avait commencée
par une prière d'invocation 1
« Durer croyait et voyait. Voilà pourquoi
il sol créer drs chefs-d'œuvre d'un(! si pure
spiritualité. B'aucoup de ceux qui voulurent
marcher sur ses trae.es échouèrent s.iuvenl,
ncn parce que le lalenl leur manquait, mais
parce qu'ils n'avaient point sa foi na'i've et
inébranlable. Le ciel et ses merveilles res-
tèrent cachés pour eux, derrière les sombres
nuages du monde matériel (1). »
DSIGOFK, partie de l'enfer japonais, où les
méchants sont lourmentés. suivant le nom-
bre ou la qualité de leurs crimes. Leurs sup-
plices ne durent qu'un certain temps, au
bout duquel leurs âmes sont renvoyées dans
le monde , pour animer les corps des ani-
maux impurs dont les vices s'accordent avec
ceux dont ces âmes s'étaient souillées. De là
elles passent successivement dans les corps
des animaux plus nobles, jusqu'à.ce qu'elles
rentrent dans les corps humains , où elles
peuvent mériter ou démériter sur nouveaux
frais.
DYSEIIS, déesses des anciens Celtes, que
l'on supposait employées à conduire les
âmes des héros au palais d'Odin , où ces
âmes buvaient de la bière dans des coupes
faites des crânes de leurs ennemis.
E
EATUAS, dieux subalternes des Olaïliens,
enfants deleur divinltésiiprême, Taroalaihé-
loomoo, et du rocher Lepapa- Les ICaluas,
dit-on, engendrèrent le premier homme.
Ces dieux sont des deux sexes: les hom-
mes adorent les dieux mâles, et les femmes
les dieux femelles. Ils ont des temples où les
personnes d'un sexe différent ne sont pas
admises, quoiqu'ils en aient aussi d'autres
où les hommes et les femmes peuvent en-
trer.
Le nom d'Eatua est aussi donné à des oi-
seaux, tels que le héron et le inartin-pô-
chcur. L(!s Otaïtiens cl les insulaires, leurs
voisins, honorent ces oiseaux d'une atlenlion
pirliculière; ils ne les tuent point et ne leur
font aucun m;il; mais ils ne leur rendent
pourtant aucune espèce de culte, et parais-
sent n'avoir à leur égard que des idées su-
perstitieuses, relatives à la bonne ou mau-
vaise fortune, telles que le peuple parmi
nous en a sur le rouge-gorge et sur l'hiron-
delle.
(I) Nouvelle revue de Bruxcllei, Février I8ii.
507
Les Olalflions rroioul
Iiii-mémc rsl soumis imi ccriains cas aux !;é-
iiios inférieurs à qui il a donné l'exisleuce,
<iuiis le dévorent souvent, mais qu'il a tou-
jours le pouvoir de se rcrréer.
KAU. Presque tous les anciens peuples
ont fait une divinité de cet élément, qui, sui-
vai't certains philos 'piies, était ic principe
de toute chose. Les Guébres ie respectent ;
un (le leurs livres sacrés leur défend d'em-
p'oyer l'eau la nuit et de jamais emplir tout
à fait un vase d'eau pour la faire bouillir,
de peur d'en renverser quelques gouttes.
Les cabalistes peuplent l'eau d'Oudins.
Voy. ce mot.
EAU AMÈRE (Epreuve de l'). Elle avait
lieu ainsi chez les anciens Juifs : lorsqu'un
homme soupçonnait sa femme en mal, il de-
mandait qu'elle se purgeai selon la loi. Le
juge envoyait les parties à Jérusalem, au
grand consistoire, composé de soixante vieil-
lards. La femme était exhortée à bien regar-
der sa conscience, avant de se soutnetlre au
hasard de boire les eaux amères. Si elle per-
sislail à dire qu'elle était nette de péché, on
la menait à la porte du Saint des S.ints, el
on la promenait afin de la faliguer et de lui
laisser le loisir de songer en elle-même. On
lui donnait alors un vêlement noir. Un prêtre
était chargé d'écrire son nom et toutes les
paroles qu'elle avait dites ;puis, se faisantap-
liorleruu pot de terre, il versait dedans, avec
une coquille, la valeur d'un grand verre
d'eau ; il prenait de la poudre du tabernacle,
avec du jus d'herbes amères, raclait le nom
écrit sur le parchemin, et le donnait à boire
à la femme, qui, si elle était coupable, aus-
sitôt blêmissait; les yeux lui tournaient, et
elle ne tardait pas à mourir (1); mais il ne
lui arrivait rien si elle était innocente.
EAU BENITE. C'est une coutume très-an-
cienne dans l'Eglise, et de tradition apostoli-
que (2), de bénir, par des prières, des exor-
cismes et des cérémonies, de l'eau dont on
fait des aspersions sur les fiilèles et sur les
choses qui sont à leur us.igc. P.ir cette bé-
nédiction, l'Eglise demande à Dieu de puri-
fier du péché ceux qui s'en serviront, d'é-
carter d'eux les embûches de l'ennemi du
salut el les fléaux de ce monde {-i). Dans les
constitutions apostoliques, l'eau bénite est
appelée un moyen d'expier le péché et de
Illettré en fuite le démon.
On se sert aussi au sabbat d'une eau bé-
nite particulière. Le sorcier qui fait les fonc-
tions sacrilèges (qu'on appelle la messe du
sabbat) est chargé d'en asperger les assis-
tanis (4.J.
EAU BOUILLANTE (Epreuve de l'). On
l'employait autrefois pour découvrir la vé-
rité dans les tortures qu'on appelait témé-
rairement jugements de Dieu. L'accusé plon-
geait la main dans un vase plein d'eau
bouillante, pour y prendre un anneau sus-
(1) Leloyer, Hist. des spectres el des appariiioiis des
e.'ii"'il8, liv. IV, cil. XXI, p. i-08.
(2) l^e H. Lebrun, E\|ili(alioii des cércm,, l. I, p 7l).
(5) BiTgitT, Dict tliéi)liig.
(«i Uuguut, Discours des sorciers, cti. xxii, p. lit. el
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. SUS
que le grand Eatua pendu plus ou moins profondément. Ensuite
on enveloppait la main du patient avec \u\
linge sur lequel le juge et la partie adverse
apposaient leurs sceaux. Au bout de trois
jours on les levait; s'il ne paraissait point
de marques de brûlure, l'accusé était ren-
voyé absous.
EAU D'ANGE. Pour faire de bonne eau
d'ange, ayez un grand alambic, dans lequel
vous mettez les drogues suivantes : benjoin.,
quatre onces; slyrax, deux onces; saailal
citrin, une once; rlous de girofle, deux
drachmes; deux ou trois morceaux d'iris de
Florence ; la moitié d'une écorce de cilron ;
deux noix muscades; cannelle, demi-once;
deux pintes de bonne eau de roche; chopine
d'eau de fleurs d'orange; chopine d'eau de
mélilol ; vous mettez le tout dans un alambic
bien scellé, et vous distillez au bain-marie;
celte dislillation sera une eau d'ange ex-
quise (5), ainsi nommée parce que la ncelte
en fut enseignée par un ange... Elle guérit
beaucoup de maladies, disent ses piôneurs.
EAU FROIDE (Epreuve de l'). Elle élail
fort en usage au neuvième siècle, et s'éieii-
dait non-seulement aux sorciers et aux hé-
rétiques, mais encore à tout accusé dont le
crime n'était pas évident. Le coupable, ou
prétendu tel, était jeté, la main droite liée au
pied g.iuche, dans un bassin ou dans une
grande cuve pleine d'eau, sur laquelle ou
priait pour qu'elle ne pût supporter un cri-
minel : de façon que celui qui enfonçait
élail déclaré innocent.
EAU LUSTRALE. Eau commune dans la-
quelle, chez les peuples païens, on éteigniit
un tison ardent tiré du f.iyer des sacrifices.
Quand il y avaitun mort dans une maison, on
meltaitàla porte un grand vase rempli d'eau
lustrale, apportée de qucbjue autre maison
où il n'y avait point de mort. Tous ceux qui
venaient à la maison en deuil s'aspergeaient
de celle eau en sortant. — Les druides em-
p'oyaient l'eau lustrale à chasser les malé-
fices.
EBERARD, archevêque de Trêves, mort
en 10o7. Ayant menacé les Juifs de les chas-
ser du sa ville, si dans un certain temps qu'il
leur accorda pour se faire instruire, ils
n'embrassaient pas le christ innismc, ces mi-
sérables, qui se disaient réduits .iu désespoir,
subornèrent un sorcier ([ui, i»our de l'argent,
leur baptisa du nom de l'évêquc une iuiaj;e
de cire, à laquelle ils atlachèrenl des mè-
ches et des bougies; ils les allumèrent le sa-
medi saint, comme le prélat allait doiiner le
baptême. Pendant qu'il était occupé à celte
sainte fonction, la statue étant à moitié con-
sumée, Ebérard se sen'.il extrêmement mal;
on le conduisit dans la sacristie, où (dit lu
chronique) il expira bientôt après (G).
EBLIS, nom que les mahomélans donnent
au diable. Us disent qu'au moment de la nais-
sance de leur prophète, le trône d'Eb.is fut
Di-bncre, Tableau de l'incoiisiance des dimoiis, etc.
liv. VI, dise. 5, p. i.')?.
(!i) «l'rrcis du Petit Albert, p. 162.
(CJ Uisluiru des ai-chc\ô.iucs de. Trêves, cli. tïu.
609
ECU
précipité au fond de l'enfer, cl (juc les idoles
des ^cnlils fiirenl renversées.
EIJUOIN. On lit ceci dins Jacques de Vora-
[;ine (legenda 1 li) : — Une pelite troupe de
pieux cénobites regagnait de nuit le nionas-
lère. Ils arrivèrent au bord d'un grand fleuve,
et s'arrélèrenl sur le gazon pour se reposer
un instant. Bientôt ils entendirent plusieurs
rameurs qui dcsrendaient le II "uve avec une
grande inipétnosilé. L'un (ie< moines leur de-
manda qui ils étaient : « Nous sommes des
démons, répomlirenl les raoïeurs. et nous
emportons aux enfers l'âme d'Iîhr'iïn, maire
du palais, qui lyrannis.i la Fran.-e et qui
abandonna U; monasière do Sànt-Gall pour
rentrer dans le momie. »
EliRON, démon honoré à Totirnny, du
temps de C'ovis. 11 csl cité parmi les démons
dans le roman de Godefruid de lioxùllon,
vieux pocme dont l'auleur était du Hainant.
ECHO. Presque tous les physiciens ont at-
tribué la form.ition de l'écho à une répercus-
sion de son, s>'ml)lable à crlle qu'éprouve la
lumière quand elle tomiie sur un corps poli.
L'écho est donc pro luit par le moyen d'un
ou de plusieurs obsîacles qui interceptent le
son et le font rebrousser en arrière.
11 y a des échos simples et drs échos com-
posés. Dans les premiers, on entend une
simple répétition du son , dans les autres, on
l'entend une, deux, trois, (juatre fois et da-
vantage. 11 en est ()ui répètent plusieurs mots
de suite les uns a|)iès les autres; ce phéno-
mène a lieu toutes les fois qu'on se trouve à
une distance de l'écho, telle qu'on ait le
temps de prononcer plusieurs mots avant
que la répétition du premier soit parvenue à
l'oreille. Dans la grande avenue du château
de Villebertain, à deux lieues de Troyes, on
entend un écho qui répète deui fois un vers
de douze syllabes.
Quelques échos ont acquis une sorte de
célébrilé. On cite celui de la vigne Simonetta,
«lui répétait quarante fois le même un)!. A
SVoodstock, en Angleterre, il y en avait un
qui répétait le même son jusqu'à cin()uante
fois. A (luelques lieues de Glascow, en Ecosse,
il se trouve un écho encore plus singulier.
Un homme joue un air de trompette de huit à
dix notes; l'echo les répète fidèleaient, mais
une tierce plus bas, cl cela jusqu'à trois fois,
interrompues i)ar un petit silenc;'.
Il y eut des gens assez simples pour cher-
cher des oracles dans les échos. Les écrivains
d('S derni'rs siècles nous ont conserve ((ucl-
ques dialogui s de mauvais goût sur ce sujet.
Un am.inl : Dis-moi, cruel amour, mou
bonhi'ur est-il évanoui?
L'écho: Oui.
L'amant: Tu ne parles pas ainsi, quand tu
séduis nos cœurs, et que les promesses les
entraînent dans de funestes engagements.
L'écho : Je mens.
Lamanl: f.ir pitié, ne ris pas de ma peine.
Réponds -moi, me resle-l-il quel(|ue espoir
ou non?
L'echo : Non.
L'amant: Eh bien! c'en csl fait, tu veux
iiiu mort, j'y cours.
i:CL 510
L'écho : Cours.
L'amant: La contrite, instruite de les ri-
gui'urs,iie s<'ra plus assez insensée pour dire
de toi un mol d'éiog S.
L'écho : Déloge.
Les anci( ns Ecossais croyaient que l'érho
était un esprit (jui se plaisait à répéter les
sons. Voy. Lavisaki.
ECLAIUS. Ou rendait nutri'fois une espère
de culte aux éclair-, en faisant du bruit avec
la bouche; et les llomains honoraient, sons
It; noin d." Papysma, une divinité champétie,
pour qu'elle en préservât les biens de la
terre. Les Grecs de l'O.ienl les redoutent
beaucoup.
ECLIPSES. C'était une opinion générale,
chez les païens, (jue les éclipses de lune pro-
cédaient de la vertu magique de certaines
paroles, par lesquelles on arrachait la lune
du ciel, et on l'attirait vers la terre pour la
contraindre de jeter l'écume sur les hi-rbe.»,
qui devenaient, par là, plus propres aux sor-
tilèges des enchanteurs. Pour délivrer la
lune de son tourment et pour éluder la force
du charme, on empêchait qu'elle n'en enten-
dît les paroles en faisant un bruit horrible.
Une éclipse annonçait ordinairement de
grands malheurs, et on voit souvent, dans
l'antiquité, des armées refuser de se battre à
cause d'une éclipse.
Au Pérou, quand le soleil s'éclipsait, ceux
du pays disaient iju'il était fâché contre eux,
et se croyaient menacés d'un grand malheur.
Ils avaient encore plus de crainte dans
l'éclipsé de lune. Ils la croyaient malade
lorsqu'elle paraissait noire; ils comptaient
qu'elle mourrait infailliblement si elle ache-
vait de s'obscurcir; qu'alors elle tomberait
du ciel, qu'ils périrai(M>t tous, et que la Gn
du monde arriverait. Ils en avaient une telle
frayeur, qu'aussitôt qu'elle commiMiçait à
s'éclipser, ils faisaient un bruit tei-rible avec
des trompettes, des cornets et des tambours;
ils fou et talent des chiens pour les faire aboyer,
dans l'espoir que la lune, qui avait de l'af-
fection pour ces animaux, aurait pitié do
leurs cris ( l s'éveillerait de l'assoupisscmenl
que sa maladie lui causait. En mcm:? temps,
les hommes, les femmes et les enfants la
suppliaient, les larmiss aux yeux cl avec de
grands cris, <le ne point se laisser mourir, de
peur que sa mort ne fût cause de leur perle
universelle. Tout ce bruit ne cessait que
quand la lune, reparaissant, ramenait le
calme dans les esprits épouvantés.
Les Talapoins prétendent que quand la
lune s'éclipse, c'est un dragon qui la dévore;
et que quanil elle reparaît, c'est le dragon
qui rend son dîner.
Dans les vieilles myihologiesgermaniques»
deux loups poursuivaient sans cesse le soleil
et la lune ; les éclipses étaient des luttes con-
tre ces monstres.
Les lùiropéens, crédules aussi, regardaient
autrefois les écli|)ses comme drs signes fâ-
cheux ; une éclipse d;' soliiil, qui eut lieu lo
13 août IGGi, fut annoncée comme l'avant,
coureur d'un déluge semblable à celui qui
était arrivé du temps de Noé, ou plutôt d'un
g,) DirTlONNAinE DES SCIF.NTF.S OCCULTES
(lélnsc d.> foi), qui divail amener la On du
lÉidude. C<'ltc prédiction épouv.nita li'lleineiit
1(S ni.issi's, qu'un curé de cimip.ijîne (c'est
un petit conte que nous rapportons), ne
pouvant >unire à confesser tous ses parois-
siens, qui craignaient de mourir dans celte
circonstance, et sachant ijue tout ce qu'il
pourrait leur dire de raisonnable à cet égard
ne prévaudrait pas contre les prédictions
filciieuses, fut contraint de leur annoncer au
prôue qu'ils ne se pressassent pus tant, et
que l'éelipse avait été remise à quinzaine(l).
Dans les Indes, on est persu;idé, quand le
soleil ou la lune s'éclipse, qu'un certain
démon aux griffes noires les élenii sur l'as-
tre dont il veut se saisir; pendant ce temps,
on voit les rivières couvertes de lêtes d'In-
diens qui croient soulager l'astre menacé en
se tenant dans l'eau jusqu'au cou.
Les Lapons sont convaincus aussi que les
éclipses de lune sont l'ouvrage des démons.
Les Chinois prétendaient, avant l'arrivée
des missionnaires jésuites, qui les éclairè-
rent, <|uc les éclipses étaient occasionnées
par un mauvais génie, lequel cachait le soleil
de sa main droite et la lune de sa main gau-
che.
Cependant celle opinion n'était pas géné-
rale, puisque quelques-uns d'entre eux di-
saient qu'ilyavaitaumilieudusoleil un grand
(rou, et que, quand la lune se rencontrait vis-
à-vis, elle devait naturellement être privée de
lumière.
Dieu , disent les Persans, lient le soleil
enfermé d.ins un tuyau qui s'ouvre et se ferma
au bout par un volet. Ce bel œil du monde
éc'aire l'univers et l'échauffé par ce trou; et
quand Dieu veut punir les hommes parla pri-
vation de la lumière, il envoie l'ange Gabriel
fermer le volet, ce qui produit les éclipses.
Mais Dieu est si bon, qu'il n'est jamais fâché
longtemps. Les Mandingues, nègres maho-
niétansde l'intérieur de l'Afrique, altribuenl
les éclipses de lune à un chai gig;inles(iue
qui met sa patte entre la lune et la terre; et,
pendant tout le temps que dure l'éclipsé, ils
ne cessent lie chanter et de danser eu l'hon-
neur de Mahomet .
LesMexicains, effrayés, jeûnaient pendant
les éclipses. Les femmes se mallrailaient, et
les filles se tiraient du sang des bras. Ils s'i-
maginaient que la lune avait été blessée par
le s<deil pour quelque querelle de ménage.
ECHEGORES, pères des géants, suivant un
livre apocryphe d'Enoch. Les anges qu'il
nomme ainsi s'assemblèrent sur le mont Hé-
mon du temps du palriarche Jared, et s'en-
gagèrent par des anallièmes à ne se point
sépirer qu'ils n'eussent enlevé les filles des
lioinmes.
EC]UT\]l{E. Art (le juger les hommes par
leur écriture, d'après Lavater. — Tous bs
mouvements d.- notre corps reçoivent leurs
inoilificalioDS du tempérament et du carac-
tère. Le mouvement du sage n'csl pas celui
de l'idiot, leporl et ladémarche dilTèrenlsen-
siblement du ci)léri(]ue au flegmatique, du
sanguin au mélancolique.
(1) l.rjjall.. Calciul. véiibbl", {). 46.
51?
De Ions les mouvements du corps , il n'en
est point d'aussi variés que ceux de la main
'et des doigts, et de tous les mouvements de la
main et des doigts, les plus diversifiés sont
ceux que nous faisons en écrivant. Le moindre
mot jeté sur le papier, combien de points ,
combien de courbes ne renferme-t-il pas!...
Il estévidentencore, poursuit Lavaler, (|ue
chaque tableau, que chaque figure détachée
et, aux yeux de l'observateur et du connais-
seur, ciiaque trait, conservent el rappellent
l'idée du peintre. — Que cent peintres, que
tous les écoliers d'un mômemaiire dessinent
la même figure, que toutes ces copies res-
semblent à l'original de la manière la plus
frappante, elles n'en auront pas moins, cha-
cune, un caractère particulier, une teinte et
une touche qui les feront distinguer.
Si l'oneslobligéd'admeltre une expression
caractéristique pourles ouvrages de peinture,
pourquoi voudr.iit-on (|u'ellc disparût enliè-
reinenl d.ins les dessins el dans les figures
que nous traçons sur le pipier? Chacun de
nous a son écriture propre, individuelle et
Inimitable, ou qui du moins ne saurait être
contrefaite que très-difficilement et très-im-
parfaitement. Les exceptions sont en trop
petit nombre pour détruire la règle.
Celte diversité incontestable des écritures
ne serait-elle point fondée sur la différence
réelle du caractère moral?
On objectera que le même homme, qui
pourtant, n'a qu'un seul el même caractère,
peut diversifier son écriture. Mais cet honmie,
malgré son égalité de caractère, agit ou du
moins parait agir souvent de mille manières
différentes. De même qu'un esprit doux se
livre quelquefois à des emportements, de
même aussi la plus belle main se permet, dans
l'occasion, une écriture négligée; mais alors
encore celle-ci aura un caraclère tout à fait
différent dugriffonnaged'un homme qui écrit
toujours mal. On reconnaîtra la belle main
du premier jusque dans sa plus mauvaise
écriture, tandisque l'écriture la plus soignée
du second se ressentira toujours de son bar-
bouillage.
Celte diversilé de l'écriture d'une seule el
même personne ne faitque confirmer la liièse;
il résulte de là que la disposition d'espril oîi
nous nous trouvons influe sur notre écriture.
Avec la même encre, avec la môme plume ,
et sur le même papier, l'homme façonnera
tout autrement son écriture quand il traite
une aff.iire désagréable, ou quand il s'enlre-
ticiit curdialemeut avec son ami.
Chaque nation, chaque pays, chaque ville
a son écriture particulièro, tout comme ils
ont une physionomie el une forme qui leur
s int propres (2). Tous ceux qui ont un com-
nierc(; de lettres un peu étendu pourront
vérifier la justesse de cette remarque. L'ob-
servateur intelligent ira plus loin, et il jugera
déjà du caractère de son correspondant sur
la seule adresse (j'entends l'écriture de l'a-
(2) Quand Lavater écrivait, on n'avait pas encore inlro-
dnil l'écriture mécanique, dite écriture anglaise ou aiuéri-
caiiiu.
E\7.
ECR
EDR
r,\i
rfre.Mff, cnr le slyle fournit dos indices plux
positifs encore), à peu près comme le titre d'un
livre nous f;iit connatlre souvent la tournure
d'esprit de l'auteur.
Une belle éeriliire suppose nécessairement
nue certaine justesse d'esprit, et en particu-
lier l'amour de l'ordre. Pour écrire avec une
belle main, il faut avoir du moins une veine
d'énergie, d'indusirie.de précision et de goût,
ch ique effet supposant une cause qui lui est
analogue. Mais ces gens, dont l'écriture est
si belku't si élégante, la peindraient peut-éire
encore mieux si leur esprit était plus cultivé
et plus orné.
Ou distingue, dans l'écriture, la substance
et le corps des lettres, leur forme et leur ar-
rondissement, leur hauteur et leur longueur,
leur position, leur liaison, l'intervalle qui
les sépare, l'intervalle qui est entre les li-
gnes, la netteté de l'écriture, sa légèreté ou
sa pesanteur. Si tout cela se trouve dans une
parfaite harmonie, il n'est nullement diflicile
de découvrir quelque chose d'assez précis
dans le caractère fondamental de l'écrivain.
Une écriture de travers annonce un ca-
ractère faux, dissimulé, inégal. Il y a la plu-
part du temps une analogie admirable entre
le langage, la dém;irche et l'écriture.
Des lettres inégales, m;il jointes, mal sépa-
rées, mal alignées, el jetées en quelque soVte
séparément sur le papier, annoncent un na-
turel flegmatique, lent, peu ami de l'ordre et
de la propreté.
Une écriture plus liée, plus suivie, plus
énergique et plus ferme annonce plus dévie,
plus de chaleur, plus de goût. 11 y a des écri-
tures qui dénotent la lenteur d un homme
lourd et d'un esprit pesant.
Une écriture bien formée, bien arrondie,
priimct de l'ordre, de la précision et du goût.
Une écriture extraordinairemenl soignée an-
nonce plus de précision et plus de fermeté,
mais peui-étre moins d'esprit.
Une écriture lâche dans quelques-unes de
ses parties, serrée dans quelque-, autres, puis
longue, puis étroite, puis soignée, puis né-
gligée, laisse entrevoir un caractère léger,
incertain et flottant.
Une écriture lancée, des lettres jetées, pour
ainsi dire, d'un seul trait, et qui annoncent
la vivacité de l'écrivain, désignent uu esprit
ardent, du feu et des caprices.
! Une écriture un peu penchée sur la droite,
et bien coulante, annonce de l'activité et de
la pénétration.— Une écriture bien liée, cou-
lante et presque perpendiculaire, promet de
la finesse et du goût. Une écriture originale
et hasardée d'une certaine façon, sans mé-
thode, mais belle et agréable, porte l'em-
preinte du génie, etc.
Il est inutile d'observer combien, avec
quelques remarques judicieuses, ce sysième
est plein de témérités et d'exagérations. Voy.
PhY.-'IOGNOMONIE.
ECUOUELLES. — Delancre dit que ceux
qui naissent Icgilimenieiit septièmes mâles,
sans mélanges de filles, ont le don inné de
t;uérir les écroucKes en les louchant.
Les anciens rois d'Angleterre, suivant cer-
tains auteurs, avaient ce pouvoir fl), mais
d'une autre source. Quand Jacques II fut re-
conduit de Rochesterà White-Hall, on pro-
posa de lui laisser faire quelque acte de
royauté, comme de toucher les écrouelles. 11
ne se présenta personne.
On attribua aussi aux rois de France le
don d'enlever les écrouelles par l'iiMpositic n
des mains, accompagnée du signe de la croix.
Louis XIII, en 1C;J9, toucha, à Fontaine-
bleau, douze cenis scrofuleux, el les mé-
moires du temps attestent que plusieurs fu-
rent guéris. On fait remonter celle préroga-
tive jusqu'à Glovis. Voy. Lancinet, Cha-
cuiT, etc.
ECUREUILS. — Les Siriancs, peuplades de
la Russie d'Europe, ont pour la chasse de
l'écureuil une superstitieuse idée qu'on ne
peut déraciner. Ils ne cherchent, dans toute
la journée, les écureuils qu'au haut des sapins
rouges, si le premier lue le malin s'est trouvé
sur un arbre de cette espèce; et ils sont fer-
mement convaincus qu'ils en < hercheraienl
en vain ailleurs. Si c'est au contraire sur un
sapin sylvestris qu'ils ont aperçu leur pre-
mier écureuil, ils ne porteront leurs regards
que sur celle s rie d'arbres pendant tout le
jour de chasse.
EDELINE(GuiLL4,uME),docteuren théologie
du quinzièmesiècle, prieur deSaiut-Germain-
en-Laye. Il fut exposé el admonesté publi-
quement à Evreux, pour s'être donné au
diable afin de satisfaire ses passions mon-
daines. Il avoua (|u'il s'était transporté au
sabbat sur un balai (2); que, de sa bonne vo-
lonté, il avait faii hommage à l'ennemi, qui
était sous la forme d'un nioulon ; qu'il lui
avait alors baisé brutalement sous la queue
son derrière, en signede révérence et d'hom-
mage (3). Le jour du jugement élant arrivé,
il l'ut conduit en place publique, ayant une
mitre de papier sur la léle ; l'inquisiteur
l'engagea à se repentir, et lui la sentence
qui le condamnail à la prison, au pain el à
l'eau. « Lors ledit maître Guillaume coin-
mença à gémir cl à condouloir de son mé-
fait, ciianl merci à Dieu, à l'cvéque el à jus-
tice (k). »
EDRIS, nom que les musulmans donneijt à
Enoch ou Héiioch, sur lequel ils ont forgé
diverses traditions. Dans les guerres conti-
nuelles que se faisaient les enfants de Seth
et de Ca'i'n, Hénoch, disent-ils, fut le premier
qui introduisit la coutume de faire des es-
claves ; il avait reçu du ciel, avec le don de
science et de sagesse, trente volumes rem-
plis des connaissances les plus abstraites;
lui-même en composa beaucoup d'autres,
aussi peu coimus que les premiers. Dieu ,
l'envoya aux Caïnites pour lesramener dans
la bonne voie. Mais ceux-ci ayanl refusé de
(1) Polyiioro Virgile.
(-2) tvloclus sco[);mi sumere, el inler femora equitis
iiisuir (lonere, quo volebal brevi tnornculo, etc. Ougui»»
(V,)'Monslrrlel, AlniiiCharlier, à Vannée li?53.
(4) Moiislrolfl , cilé lar M. Gaiiiul, Histoire de \»
niatiie en FiauCi-, [i. 11)7.
RIS
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
51G
l'ôcoiilpr, il leur fit la guerre, el réduisit
leurs femmes ri leurs ciif mis en esclavage.
LesOiicnlaiis lui allrihueiil l'invention de
la coulure et de 1 ecrilurc, <le l'astronomie,
de rarilhiT)éliquo, et encore plus particuliè-
reuient de la génmancie. On dit de plus qu'il
lut la cause iiinocenlc do l'idolâtrie. Un de
ses amis, affligé de son enlèvement, forma de
lui, par l'instigalion du démon, une repré-
senlallon si vivement exprimée, qu'il s'entre-
tenait des jours entii-rs avec elle, et lui ren-
dait des honunages particuliers , qui peu à
peu dégénérèrent en superstition. Voy. HÉ-
NOCH.
liFFUONTÉS , hérétiques qui parurent
dans la première moitié «lu seizième siècle.
Ils niaient le S.iintEspril, pratiquaieni di-
verses superstitions, rejetaient le baptême
el le remplaçaient par une cérémoiwe qui
consistait à se racler le front avec un clou
jus(|u'à eiïiision de sang, puis à le panser
avec de l'huile. C'est cette marque qui leur
restait au front qui leur a fait donner leur
nom d'effrontés.
ÉGÉKIE, nymphe qui seconda Numa Pom-
pilius dans son projet de civiliser les Ro-
mains. Les dérnonomancs en ont lait un dé-
n)on succube, et les cabalisles un esprit élé-
mentaire, une ondinc selon les uns, une sala-
mandre selon les autres, qui la disent Gllc de
Ve-t:i. Voy. ZonoASTRE el Numa.
ÉGIPANS, démons que les païens disaient
habiter les bois et les montagnes, et i)u'ils
représentaient co:nmc de petits hommes ve-
lus, avec des cornes el des pieds de chèvre.
Les anciens parlent de certains monstres de
Libye, auxquels un donnai! le même nom ;
ils avaient un museau de chèvre avec une
queue de poisson : c'est ainsi qu'on repré-
sente le capricorne. Ou trouve celte même
figure dans plusieurs monuments égyptiens
et romains.
ÉGITHE, sorte d'cpervicr boiteux , dont
«ne idée bizarre avait répandu l'opinion chez
les anciens, que sa rencontre était du plus
heureux présage pour les nouveaux mariés.
ÉLAIS, une des (illesd'Annius, laquelle, en
qualité de sorcière, changeait en huile tout
ce «lu'elle louchait.
ÉLASTICITÉ. Il y a des pierres élastiques
et des grès flexibles. Une poutre en marbre,
qui fait l'étonnement des curieux à la cathé-
drale de Lincoln, est élasti(|ue (1). De telles
raretés ont passé autrefois pour œuvres de
féerie.
ÉLÉAZAU, magicien, juif de nation, qui
cittachait au nez des possédés un anneau où
était enchâssée une racine dont Salomon se
servait, el que l'on présume être la squille(2).
A peine le démon l'avait-il flairée, qu'il je-
tait le possédé par terre et l'abandonnait. Le
magicien récitait ensuite des paroles que Sa-
lomon avait laissées par écrit; et, au nom de
ce prince, il défendait au dcmoT\ île revenir
dans le même corps ; après ()uoi il remplis-
sait une cruche d'eau, el commandait audit
(1) Montlily MaRaziiip, oct. 1823, p. 221.
(ï) Uodin, DciiioiioiiP.nni(!, etc., liv. 1, cli. m, p. 88.
(.ï) llicjiiias Itruwii, lissais sur les erreurs jio('uUiros,
démon de la renverser. L'esprit malin ohéis-
sail;ce signe était la preuve qu'il avait (juitié
son gtic.
ÉLÉAZAR DE GAUNIZA, auteur hébreu,
(]ui a laissé divers ouvrages dont plusieurs
ont élé impiimés, el d'autres sont restés nia-
iiuscriis. On dislingue de lui un Traite de
l'âme, cilé par Pic de La Mirando'e dans son
livre conirc les Astrologues, et un Commen-
taire cnlinlislique sur le Pentateiiqne.
ÉLÉMENTS. Les éléments sont peuplés do
substances spirituelles, selon les cabalisles.
Le feu est la demeure des salamandres ; l'air,
colle des sylphes; es eaux, celle des ondiiis
on nymplies, el la terre celle des gnomes.
— Selon les démonomanes, les éléments sont
abondamment peuplés de démons et d'es-
prits. Et il est certain du moins (|ue les puis-
sances (te l'air ne le laissent pas vide.
ÉLÉPHANT. On a dit des choses merveil-
leuses de l'éléphant. On lit encore dans de
vieux livres qu'il n'a pas de jointures, et
que, parcelle raison, il est obligé de dormir
debout, appuyé contre un arbre ou contre un
mur; que s'il tombe, il ne peut se relever.
Cette erreur a été accréditée par Diodore de
Sitile, par Strabon et par d'autres écrivains.
Pline conte aussi que l'éléphant prend la
fuite lorsqu'il entend un cochon : et, enellVl,
on a vu en 17C9, qu'un cochon ayint été in-
Iroduit dans la ménagerie de 'Versailles, son
grognement causa une agitation si vio'enle
à un éléphant qui s'y trouvait, qu'il eût
rompu ses barreaux , si l'on n'eût retiré
aussitôt l'animal immonde.
iElien assure qu'on a vu un éléphant qui
avait écrit des sentences entières avec sa
trompe, et même qui avaii parlé. Christophe
Acosia assure la même chose (;j).
Dion Cassius prê'e à cet animal des senli-
menls religieux. Le matin, dit-il, il salue le
soleil de sa trompe; le soir il s'agenouille;
et, quand la nouvelle lune paraît sur l'hori-
zon, il rassemble des fleurs pour lui en com-
poser un bouquet.
On sait que les éléph;ints ont beaucoup de
goût pour la musique; Arrien rapporte qu'il
y en a eu un «lui faisait danser ses camara-
des au son des cymbales. On vil à Rome des
éléiïhints danser la pyrrhiijuc, el exécuter
di'ssauts péi illeiix sur la corde. ..Enfin, avant
les fêles données par Germanicus , douze
éléphants en costume dramatique exéculè-
renl un ballet en action. On leur servit eii-
suile une collation ; ils prirent place avec
décence sur des lits qui leur avaient été pré-
parés. Les éléphants mâles étaient revêtus
de la loge; les femelles, de la tunique. Ils se
comportèrent avec toute l'urbanilé de convi-
ves bien élevés, choisirent les mels avec dis-
cernement, et ne se firent pas moins remar-
quer par leur sobnélô que par leur poli-
tesse (i).
Au Biiigale l'éléphant blanc a les honneurs
de la divinité; il ne mange jamais que dans
de la vaisselle de vermeil. Lorsqu'on le con-
Hv. III, ch. I, p. 211.
(i) iM. Saljjuos, ats Erreurs, etc., l. 111, p. 196.
517
ElE
ELF
ns
(luit à la promcn.ide, dix personnes de dis-
tinction portent un dais sur sa Icte. Sa mar-
che est une espèce de triomphe, et tous les
instruments du pays l'aicotrpagnent.
Les mêmes cérémonies s'observent lors-
qu'on le mène boire. Au sortir de la rivière,
un seigneur de la cour lui lave les pieds dans
un bassin d'argent.
Voici, sur l'élcpiiant blanc, des détails
plus étendus : — Un Européen, établi à Cal-
cutta depuis deux ans, écrivait dernièrement
au Sémaphore de iMarseille une lettre dont le
passage suivant rappelle une des |)lus étran-
ges superstitions des peuples de l'Inde :
« Je veux vous envoyer le récit que vient
de me faire M. Smilhson, voyageur anglais,
arrivé tout récemment de Juthia, capitale du
royaume deSiam. M. Stnithson m'a beaucoup
amusé aux dépens de ces Siamois qui conti-
nuent toujours à adorer leurs é'épfianls
blancs. Depuis plusieurs mois, la tristesse
était à la cour et parmi tous les habitants de
Julhia : un seul éléphant blanc avait survéc u
à une espèce de contagion qui s'était gliss-éc
dans les écuries sacrées. Le roi fil publier à
sonde trompe qu'il donnerait dix esclaves,
autant d'arpents de terre qu'un éléphant
pourrait en parcourir dans un jour, et une
de ses filles en mariage à l'heureux Siamois
(|ui trouverait un autre éléphant blanc. —
Jl. Smilhson avait pris à son service, pour
lui faire quel()i!cs commissions dans la ville,
un pauvre hère borgne, bossu, tout exténué
de misère, qui s'appelle Tuiigug-Poura. Ce
Tungug-Poura avait touché le cœur compa-
tissant du voyageur anglais, ((ui l'avait lait
laver, habiller, et le nourrissait dans sa cui-
sine. Tungug, malgré sa chétive et titupidc
apparence, nourrissait une vaste ambition
dans sa chemise de toile, son unique vête-
ment ; il entendit la proclamation de rem|)e-
reur de Siam, et vint, d'un air r( cueilli se
présenter à M. Smithson, qui rit beaucoup
en l'entendant lui déclarer (ju'il allait cher-
cher un éléphant blanc, et qu'il était décidé
à mourir, s'il ne trouvait pas l'animal sacic.
«Tungug-Poura ne faisait pas sur M. Smilh-
son l'effet d'un chasseur bien habile : les élé-
phants blancs se trouvent en très-petit nom-
bre dans des retraites d'eaux et de bois d'un
accès difficile. Mais rien ne put changer la
résolution de Tungug, qui, serrant avec re-
connaissance une petite somme d'argent dont
son maître le gratifia, partit avec un arc, des
flèches et une mauvaise paire de pistolets. —
M. Smilhson, que je vais laisser parler, me
disait donc l'autre soir :
« Cinq mois après, je me réveillai au bruit
de tous les tambours de l'armée du Roi; un
tintamarre affreux remplissait la ville. Je
m'iiabille et descends dans la rue, oii des
hommes, des femmes, des enfants couraient
en poussant des cris de joie. Je m'informai de
la cause de tous ces bruits ; on me répondit
que l'éléphant blanc arrivait.
« Curieux d'assister à la réception de ce
grand et haut personnage, je me rendis à la
porte de la ville, que précède une pUn e im-
mense entourée d'arbres et de canaux ; la
foule la remplissait. Sous un vaste dais, des
officiers richement vêtus allendinent le mo-
narque, qui a bientôt paru avec tous ses
ministres et ses esclaves : on agitait devant
lui un vaste éventail de plume. — L'éléphant
sacré, arrivé la veille, avait passé la nuit
sous une tente magnifii|uc dont j'apercevais
les banderolles. Peu après, les gongs, les
tambours, lescymbales retentirent avec leurs
sons aigres et [jerçants. J'étais assez commo-
dément placé. Un cortège de talapoins com-
mença à défiler; ces prêtres avaient l'air
grave et s'avançaient lentement. Une triple
rangée de soldats entourait le nobli; animal,
qui avait un air maladif < t marchait difficile-
ment. — On cria à mes côlés : — Voilà celui
qui l'a pris.
■j- Je regardai et vis un petit homme borgne
et bossu, qui tenait un des nombreux rubans
dorés passés au cou de l'éléphant ; cet homme
était mon domesti(iue, Tungug-Poura.
« Le voilà donc gendre du roi.
« 11 vint me voir un jour en palanquin et
me parut fort content de sa nouvelle position.
— L'éléphant blanc, (jui a fait sa fortune, se
présenta à lui à cin(|uanic journées de mar-
che de Juthia, dansuu maraisoùil était cou-
ché, abattu par une fièvre à laquelle les ani-
maux de cette espèce sont sujets; car leur
couleur blanche est, cofnme on sait, le résul-
tat d'une maladie. Tungug-Poura s'approch i
de l'éléphant, le nettoya, versa de l'eau sur
les plaies et les boutons du dos, et prodigua
lelleaient ses soins et ses caresses à l'intelli-
gente bête, que celle-ci lécha Tungug de sa
trompe, et se mit à le suivre avec la docilité
d'un petit chien. Tungug est ainsi parvenu,
favorisé d'abord par un hasard presque ines-
péré, à s'emparer d'un éléphant blanc. Le
pauvre bossu a maintenant des esclaves, et
possède; la princesse dont le nom signifie en
langue siamoise les yeux de la nuit. »
ELFES, génies Scandinaves. On croit, aux
bords de la Baltique, qu'il y a un roi des El-
fes, qui règne à la fois sur l'île de Stern, sur
celle de Mœ et sur celle de Rugen. Il a un
char attelé de (juatre étalons noirs. U s'en Vc'i
d'une île à l'autre en traversant les airs;
alors on dislingue très-bien le hennissement
de ses chevaux , et la mer est toute noire.
Ce roi a une grandearmée à ses ordres; ses
soldats nesont autre choseque les grands chê-
nes qui parsèment l'île. Le jour, ils sont con-
damnés à vivre sous une écorce d'arbre; mais
la nuit, ils reprennent leur casque cl leur
épée, et se promènent fièrement au clair de la
lune. Dans les temps de guerre, le roi les as-
semble autour de lui. On les voit errer au-
dessus de la côte, et alors malheur à celui
qui tenterait d'envahir le pays (1)! Voy. Er-
CELDOUNE.
La tradition des bons et des mauvais anges
est sensible dans les fictions de l'Edda. Snorro
Stcrlason nous apprend que les elfs de la lu-
mière, dont Ben Johnson a fait les esprits
blancs de ses Mastiues, séjournent dans \lf-
Heim (demeure des Elfs ], le palais du ciel,
tandis que les swarl elfs , elfs do la nuit, ha-
(I) M. Marinier, Traditions de ta Balli(;ue.
CI9
DICTJONNAIRR DES SCIKNCES OCCULTES.
520
bitent les r nlrjiillrs de la terre. Les premiers
ne seront pas siiji is à la moit; car les (lam-
ines (le Siirtiir ne les consumeront pas, et
leur (leniicre ilemcure sera Vid-BIiin, le plus
haut ciel lies bienheureux; mais les sienrl
elfs sont mortels cl sujets h loules les mala-
dies, quels que soient d'ailleurs leurs attri-
buts.
Les Islandais modernes consiilèrent aussi
le peuple elfio;iime formant une monarcliie;
ou du moins ils le font gouverner par un vjcr-
roi absolu qui, tous les ans, se rend en Nor-
wége avec une dcputalion de pueks (lulin-),
pour y renouveler son serment d'hommage-
lige au souverain seigneur, (jui réside dans
la mère-palric. Il est évident (jue les Islan-
dais croient que les clfs sont, comme eux,
une colonie transplantée dans l'ile (1). Voy.
Danses des esprits.
ELIE. — Les Orientaux en font un puis-
sant magicien. Voyez Alexandre le Grand.
ELIGOR, le môme qu'Abigor. Voy. Abi-
GOR.
ELINAS, roi d'Albanie. Voy. Mélusine.
ELIXIR DE VIK. L'élixir de vie n'est au-
tre chose, selon le Trévisan,que la réduction
de la pierre philosophale en eau mcrcuridle;
on l'appelle aussi or polable. Il guérit toutes
sortes de maladies et prolonge la vie bien au
delà des bornes ordinaires, h'élixir parfait
au rouije change le cuivre, le plomb, le fer
et tous les métaux en or plus pur que celui
des mines, h'élixir parfait au blanc, (^l'on ap-
p( lie encore /j«t/e(ie <a/c, change tous les mé-
taux en argent très- fin.
Voici la recette d'un autre élixir de vie.
Pour faire cet élixir, prenez huit livres de
suc mercuriel : deux livres de suc de bourra-
che, tiges et feuilles, douze livres de miel de
Narbonne ou autre, le meilleur du pays;
mettez le tout à bouillir ensemble un bouillon
pour l'écumer; passez-le par la chausse à
iiypocras, et clarifiez-la. Mêliez à part infu-
ser, pendant vingt-quatre heures, quatre on-
ces de racine de gentiane coupée par tranches
dans trois chopines de vin blanc, sur des c n-
dres chaudes, agitant de temps en temps ;
vous passerez ce vin dans un linge sans l'ex-
primer; niellez cette colature dans lesdits
sucs avec le miel, faisant bouillir doucement
le loul et cuire en consistance de sirop ; vous
le ferez rafraîchir dans une terrine vernissée,
ensuite le déposerez dans des bouteilles que
vous conserverez en un lieu tempéré, pour
vous en servir, en en prenaiit tous les malins
une cuillerée. Ce sirop prolonge la vie, réta-
blit la santé contre toutes sortes de mala-
dies, même la goutte, dissipe la chaleur des
entrailles; et quand il ne resterait dans le
corps qu'un petit morceau de poumon et que
le reste serait gâté, il mainlicndrail le bon et
réiablirait le mauvais; il guérit les douleurs
d'estomac, la sciatique, les vertiges, 1 1 mi-
graine, el généralement les douleurs inter-
nes.
Ce secret a été donné par un pauvre paysan
de Galabre à celui qui fut nommé par (>har-
(I) Tradflions populaires, dans le Qmiteiti) eviciiw.
les-Quint pour général de celte armée navale
qu'il envoya en Barbarie. Le Ijonhocnme était
âgé de cent trente-deux ans, à ce qu'il as-
sura à ce général, lequel était allé loger chi z
lui, et, le voyant it'un si grand âge, séiaii in-
formé de sa manière de vivre et de celle de
plusieurs de ses voisins, qui élaient presque
tous âgés connue lui (2).
0.1 conte qu'un charlatan apporta un jour
à rcmpcrenr de la Chine Li-con-pan, un
élixir merveilleux, el l'exhorta à le boire, en
lui promettant (jue ce breuvage le rendrait
imiiiortci. Un ministre, qui était présent,
ayant tenlé inutilement de désabuser le sou-
verain, prit la coupe et but la liqueur. Li-
con-pan, irrilé de celle hardiesse, condamna
à mort le mandarin, qui lui dit d'un air Iran-
quille : —Si ce breuvagedonnerimmortalilé,
vous ferez de vains efforts pour me faire mou-
rir; et s'il ne la donne pas, auricz-vous l'in-
justice de me faire mourir pour un si frivole
larcin?
Ce discours calma l'empereur, qui loua la
sagesse et la prudence de son minisire (3).
ELOGE DE L'LNFER, ouvrage critique,
historique et moral; nouvelle édition, La
Haye, 173!), 2 vol. in- 12, Gg. — C'est un li-
vre satirique très-pesamment écrit, dans un
esprit trè>-médiocre.
ELOSSITE, pierre ((ui a la vertu de guérir
les maux de léle. On ne sait pas trop où cLe
se trouve.
ELXAI ou ELCESAI, chef des elcésaïles,
hérétique du deuxième siècle, qui faisait du
Sainl-Espril une femme, et ()ui proposait une
liturgie dont les prières élaienl des jure-
menis ab-urdcs.
E.MAGUINQUILLIERS, race de géants, ser-
viteurs d lainen, dieu de la mort chez les In-
diens. Ils sont charges de tourmenter les mé-
chants dans les enlers.
EMBAHKER, Voy. Ligatures.
E.MBUNGALA, prêtre idolâtre du Congo. 11
passe chez les noirs de ces contrées pour un
si grand sorcier, qu'il peut d'un coup de sif-
flet faire venir devant lui qui bon lui semble,
s'en servir comme d'un esclave, el le vendre
même s'il le juge à propos.
EMI'-RaUDE. La superstition a longtemps
atlribué à cette pierre des vertus miraculeu-
ses, telles entre autres que celé d'empêcher
les symplôincs du mal caduc, el de se briser
lors(iue la crise eA trop vioiente pour qu'elle
puisse la vaincre.
La poudre de franche émeraude arrêtait,
disait-on, la dyssenlerie et guérissait la mor-
sure des animaux venimeux.
Les peuples de la vallée de Manta, au Pé-
rou, adoraient une émeraude grosse lomme
un œuf d'autruche, el lui offraient d'autres
émeraudes.
EMMA, fille de Richard il, duc de Norman-
die. Celle princesse épousa Elheired, roi
d'Angleterre, et en eut deux fils, dont l'un
régna après la mort de son père; c'est saint
Edouard. Ce prince écoutait avec déférence
les pieux avis de sa mère ; mais un ambitieux,
(î) Admirables spcrels du Pelil Albcrl,p. 163.
(5) lîibliollièqiie de sociéié, l. 111.
S'il
£MP
ENC
5ii
que l'hisloire peint sous d'assez laides cou-
leurs, Godwin, comte de Kent, qui était son
ministre, et qui voyait avec peine son auto-
rité partagée avec Emma, chercha à perdre
cette princesse ; il l'accusa de diffcrenls cri-
mes, et il eut l'adresse de faire appuyer son
accusation par plusieurs seigneurs, mécon-
tents comme lui du pouvoir d'Emma. Le roi
dépouilla sa mère de toutes ses richesses.
La princesse eut recours à AIwin, évéqiie
de Winihester, son parent. Le comte de
Kent, voulant écarter un protecteur aussi
puissant, et nereculant pas devant les moyens
les plus infâmes, accusa la princesse d'un
commerce coupable avec ce prélat : celle
odieuse accusation, appuyée impudemiDcnt
par les ennemis de la princesse et du saint
évéque, fit impression sur l'esprit d'Edouard;
il eut la faiblesse de mettre sa mère en juge-
ment; elle fut condamnée à se purger par
l'épreuve du feu.
La coutume de ce temps-là en Angleterre,
voulait que l'accusé passât nu-pieds sur neuf
coutres de charrue rougis au feu; cl la con-
damnation portail qu'Emma ferait sur ces
coutres neuf pas pourelle-méme et cinq pour
l'évéque de Winchester. Elle employa en
prières la nuit qui précéda celle périlleuse
épreuve; puis raffermie, elle marcha sur les
neuf coulrcs, au milieu de deux évoques, ha-
billée comme une simple bourgeoise et les
jambes nues jusqu'aux genoux. Le feu ne lui
fit aucun mal; de sorte que son innocence
fut reconnue.
EMODÈS, l'un des démons qui possédaient
Madeleine de La Palud.
EMOLE, génie que les basilidiens invo-
quaient dans leurs cérémonies magiques.
EMPUSE , démon de midi. Aristophane,
dans sa comédie des Grenouilles, le représente
comuïe un speclre horrible, qui prend diver-
ses formes, de chien, de femn»;', de bœuf, de
vipère, qui a le regard atroce, un pied d'âne
et un pied d'airain, une flamme autour de la
têle, et qui ne cherche qu'à faire du mal.
Les paysans grecs et russes ont conservé
des idées populaires attachées à ce monstre;
ils tremblenlau temps des foins et des mois-
sons à la seule pensée de l'Empuso, qui, dil-
on, rompt bras et jambes aux faucheurs et
aux moissonneurs, s'ils no se jeltcnt la face
en terre lorsqu'ils l'aperçoivent. On ditmême
en Russie que l'Empuse et les démons de
midi, ({ui sont soumis à cet horrible fantôme,
parcourent quelquefois les rues à midi, en
habits de veuve, et rompent les bras à ceux
qui osent les regarder en face.
Le moyen de conjurer l'Empuse el de s'en
fiiire obéir chez les anciens, c'était de lui
dire des injures. Chacun a ses goûts.
Vascode Gama, cil5 par Leloyer (1), rap-
porte qu'il y a dans la ville de Calicot un
lemple consacre à des démons qui sont des
espèces d'Empuses. Personne n'ose entrer
dans ces temples, surtout le mercredi, qu'a-
près que le midi est passé; car si on y en-
(1) Histoire des spectrrs, etc., liv. III, ch. xiv.
(î) M. Saignes, des Erreurs el des préjugés, 1. 1, p. 313.
DiCTlOXN. DES SCIE.NCES OCCULTES, l. <
trait à celte heure-là, on mourrait à l'instant
même.
ENARQUE. Il revint de l'autre monde (on
d'une syncope ) après avoir passé plusieurs
jours en enfer, el raconta à Plularque lui-
même tout ce qui concernait Pluton, Minos,
Eaque, les Parques, etc. (2).
ENCENS.» En la région Sachalile, qui
n'est autre que le royaume de Tarlas, l'en-
cens qui s'y recueillait se mettait à grands
monceaux en certaine place, non loin du
port, où les marchands abordaient. Cet en-
cens n'était gardé de personne, parce que
le lieu était assez gardé des démt)ns ; et ceux
qui abordaient près de la place n'eussent osé,
en cachette ni ouvertement, prendre un seul
grain d'encens el le melire en leur navire
sans la licence et permission expresse du
prince ; autrement leurs navires élaienl rete-
nus par la puissance secrète des démons,
gardiensde l'encens, et ne pouvaient se mou-
voir ni partir du port (3). »
ENCHANTEMENTS. On entend par en-
chantement l'art d'opérer des prodiges par
des paroles chantées ; mais on a beaucoup
étendu le sens de ce mol.
On voyait, au rapport de Léon l'Africain,
tout au haut des principales tours de la cita-
delle de Maroc, trois pommes d'or d'un prix
inestimable, si bien gardées par enchante-
ment, que les rois de Fez n'y ont jamais pu
loucher, quelques efforts qu'ils aient faits.
Ces pommes d'or ne sont plus.
Marc Paul conte que des Tarlares ayant
pris huit insulaires de Zipangu, avec qui ils
étaient en guerre, se disposaient à les déca-
piter; mais ils n'en purent venir à bout,
parce que ces insulaires portaient au bras
droit, entre cuir et chair, une petite pierre
enchantée qui les rendait insensibles au
tranchant du cimeterre : de sorte qu'il fallut
les assommer pour les faire mourir. Voy.
Paroles magiques. Charmes, Fascination,
Tour enchantée, etc.
On entend souvent par enthanlcmenl
quelque chose de merveilleux. Les arts ont
aussi produit des enchantements, mais natu-
rels, et regardés comme œuvre de magie
par C( ux-là seuls ([ui allribuenl à la magie
tout ce qui est extraordinaire. — M. Van
Estin, dit Decromps, dans sa Magie blanche
dévoilée, nous fit voir son cabinet de machi-
nes. Nous entrâmes dans une salle biesi
éclairée par de grandes fenêtres pratiquées
dans le dôme.
— Vous voyez, nous dit-il, tout ce que j'ai
pu rassembler de piquant el de curieux en
mécaniques.
Cependant nous n'apercevions de tous cô-
tés que des tapisseries, sur lesquelles étaient
représentées des machines utiles, telles que
des horloges, des pompes, des pressoirs, des
moulins à vent, dos vis d'Archimède, etc.
— Toutes ci's pièces ont apparummcnt
beaucoup de valeur, dit en riant M. Hill;
elles peuvent récréer un instant la vue; mais
(3) Leloyer, Disc, et liist. des speclros, p. iI3.
■"' ' ■ - - n
s«
DICTIONNAIRE DF.S SCIKNCES OCCULTES.
58i
il par.-itl qu'i'l'cs ne produiront jamais de
grands effels par leurs mouvonioiils.
M. Van Estin répondit par un coup de sif-
(lel. Aussilôl les quatre tapisseries se lèvent
et disparaissent ; la salle s'agrandit, et nos
yeux éblouis voient ce que riiidustric hu-
maine a inventé de plus étonnant. D'un côlé.
dos serpents qui raiiipi'nt, des fleurs qui s'é-
panouissent, des oiseaux qui chantent; de
l'autre, des rygncs qui nagent, des canards
qui mangent et qui digôrcnl , des orgues
jouant d"elles-mème-i, et dos automates qui
touchent du clavecin.
M. Van Estin donna un second coup da
sifflet, et tous les ini>uveinoiits furent sus-
pendus.
Un instant après, nous vîmes un canard
nageant et barbottant dans un vase, au mi-
lieu duquel était un arbre. Plusieurs ser-
pents rampaient autour du tronc et allaient
successivement se cacher dans les feuillages.
Dans une cage voisine étaient deux serins
qui chantaient en s'accompagnaut, un hom-
me qui jouait de la flûte, un autre (|ui dan-
sait, un petit chasseur et un sauleur chinois,
tous artiflciels et obéissant au commande-
ment. Voy. Mécanique, Brioché, etc.
Nos pères, qui croyaient si vivement aux
fées, mêlaient à toute histoire dos enchante-
ments. Les traditions populaires en regor-
geaient; tous les romans de chevalerie, tou-
tes les chroni(]ues du moyen âge en étaient
riches. Nous n'aurions que l'embarras du
choix pour en allonger démesurément cet
article. Nous nous bornons à reproduire ici
une légende encore vive dans les souvenirs
d'un peuple voisin, et qui a l'avantage, pour
le plus grand nombre de nos lecteurs, de leur
être peu connue.
Légende de ta Dame enchantée.
"Nous devons celle tradition populaire à la
plume gracieuse de M. A. Van Hassell.
« Quand, au sortir de Namur, on suit le
cours de la Meuse, qu'on laisse à sa droite le
village de Live, et à sa gauche celui de Biez ,
qu'on dépasse les trois îles qui verdoient au
milieu du fleuve, un peu au-dessus de Bru-
maigne, et que le long du Moinil on se dirige
tout droit vers le clocher de Vaux, on trouve
entre Thon et Maizcvet un rocher escarpé,
sur lequel rampent quelques ruines infor-
mes, oiî croissent en été de jolies touffes de
clocliettes hieues, et ou glissent au soleil de
petits lézards tachetés (|ui s'enfuient au bruit
de vos pas. Ce rocher, d'un aciès difficile,
regarde le village de Namèche, bâti sur une
pointe de terre autour de laquelle la Meuse
tourne en cet endroit. Ces ruines sont les
restes d'un château fort dont l'origine re-
monte bien loin dans le moyen âge, et <I()mI
on attribue la fondaiion à Clodiou le Che-
velu; son nom est le château de Sinson.
l'hilippe le Noble, comte de Namur, (it répa-
rer en 1208 les murailles de cette forteresse,
dont Waleram de Limbourg se rendit m;iiirc
en 1216, et qui fut démolie sous le règne de
Cliarles 11, roi d'Espagne, après avoir sur-
vécu à la fureur de toutes ces forinidjbles
guerres dont le comlc do Namur fut le théâ-
tre durant le moyen âge. C'était un (ief qui
relevait de l'église de Liège, à laquelle Phi-
lippe le Noble l'avait donné.
« En 1237, la garde en fut confiée, par
l'empereur Baudouin, comlc de Namur, à des
châtelains héréditaires, dignité dont furent
d'abord revêtus les seigneurs de la maison
de Gomigny, et ()ui, dans la suite, passa do
celte maison dans celles d'Evre et d'Oullre-
mont. Ce monument est remarquable par les
ruines imposantes qu'il étale sur le coin du
rocher où il est situé, et peut-être plus en-
core par les singulières légendes qu'on en
raconte dans le pays. Les habitants de Mai-
zeret et de Thon rivalisent de Icgend 's étran-
ges sur celte vieille forteresse. Voici une de
ces traditions.
« C'est l'histoire de la Dame enchuntée.
« Vis-à-vis de Sanson, sur la rive gauche
de la Meuse et sur la hauteur au pied de la-
quelle est situé le village de Namèche, croît
un arbre connu sous le nom d'arbre de
Sainte- Anne. Il est très- vieux; mais il n'est
que le descendant d'une longue génération,
qui reinonle peut-être aussi haut que le
château de Clodion le Chevelu. Cet arbre est
le rendez-vous des fées, au milieu de la nuit
de la Saint-Jean , du Vendredi-Saint et de
saint Sylvestre. Les fées n'ont pas le pouvoir
d'y toucher, parce que sainte Anne l'a pris
sous sa protection spéciale; mais elles dan-
sent à l'entour, en chantant leurs refrains
incompréhensibles et en chevauchant sur
leurs manches à balais à demi roussis au feu.
Cependant celte puissante proledion ne put
empêcher, sous le règne du comte de Namur
Henri l'Aveugle, que dans cet arbre ne fût
exilée l'âme d'une dame, appelée par les
manants cl par les nobles la Dame bleue, et
qu'un sorcier, par d'étranges maléfices, avait
changée en
rossignol.
Cet oiseau , perché
l'hiver et l'été sur les branches de l'arbre de
Sainte-Anne, chantait toujours les chants les
plus tristes; sa voix sonore retentissait sou-
vent jusqu'à la rive droite du fleuve, el les
bateliers qui montaient ou qui descendaient
la Meuse ne manquaient jamais de fiire un
signe de croix quand ils l'enlendaienl, en se
disant tout bas :
n — C'est la Dame bleue qui chante.
« Comment ce nom de dame bleue avait été
donné à ce rossignol magique? d'où celte
femme enchantée était venue ? personne
n'eût pu le dire. Seulement on savait qu'une
demoiselle vêtue d'une robe bleue était arri-
vée au château noir de Sanson, conduite par
!e jeune châtelain qui l'avait amenée d'outre-
mer. Là, il s'était épris pour elle, et avait
résolu de vivre caché dans la calme solitude
des remparts de son manoir. Il avait laisse
là le tombeau du Sauveur el la défense de la
Ville Siiiile, et ses compagnons d'armes, cl
toutes ces idées de gloire religieuse qui cn-
fl.imniaient les chivaliers à cette époque
d'Iiéro'isme el de croyance. Il s'en revint au
rivage natal avec celle femme, qui n'avait
promis d'être à lui que lorsqu'ils seraient
SJ3
KNC
ENC
5:g
rnlîcs dans le château paternel. Us y arrivè-
rent par une belle journée de mai.
« Les remparts de Sanson étaient bariolés
de pennons élincclants; la porte était ou'
verte toute large; la herse, avec ses dents de
fer. était levée, et le ponl-levis était baissé
pour livrer passage à une magiiififiue caval-
cade qui allait entrer dans la demeure du
jeune chevalier. 11 marchait en léle du cor-
tège, souriant à la belle étrangère, assise
sur un palefroi blanc couvert d'une housse
bleue; elle portait une robe de velours de
même couleur. Après eux venait une longue
suite de cavaliers et de dames, dont aucune
n't^ait aussi ttelle que l'étrangère qui allait
devenir l'épouse du châtelain do Sanson.
Lors(|u'ils furent tous parvenus dans la
grande salie, le chevalier prit par la main la
belle étrangère et lui dit :
« — Montons dans la grande tour.
« Et ils montèrent dans la grande tour,
d'où la vue s'étendait sur tout le château,
sur les remparts crénelés, sur le cours de la
Meuse, colorée, en ce moment, de bleu com-
me le ciel, comme la robe de l'étrangère.
« — Maintenant, dit le châtelain à la dame,
tout cela est à vous; maintenant aussi, je
vous rappelle une parole sacrée, une parole
donnée en présence du tombeau du Christ.
Le chapelain est là-bas, prêt à bénir notre
amour au nom du ciel et à écrire nos noms
sur le livre saint, d'où Dieu seul peut les
effacer.
« Et l'étrangère le regarda, mais avec une
tristesse innnie.
« Il vit une larme poindre dans ses yeux et
rouler sur ses joues, qui devinrent pâles.
« Sans plus ajouter une parole, il prit l'é-
trangère par la main et l'entraîna vers la
chapelle, où l'autel était paré et prêt à rece-
voir leurs serments. Les cierges étaient al-
lumés; le prêtre, vêtu d'un surplis de den-
telle, était sur les marches de lautel. A ses
pieds s'agenouillèrent la dame et le cheva-
lier. Il les bénit au nom de Dieu et imposa
sur eux ses mains tremblantes. Mais au mo-
ment où le châtelain voulut passer l'anneau
d'or au doigt de sa bien-aimée, il sentit tout
à coup celte main se rappetisser, et il vit
{chose plus merveilleuse encore!) la robe
bleue de la dame devenir grise, son corps
devenir toujours plus petit, toujours plus pe-
tit, ses doigts s'aiguiser en forme de pattes
d'oiseau, et deux ailes grises pousser à ses
épaules. Ce fut l'affaire d'une minute. En un
clin-d'œil, la dame était changée en oiseau,
changée en rossignol. Elle ouvrit ses ailes
et se mit <à voler d'abord autour des cierges,
jiuis contre les vitraux de la chapelle, qu'elle
<'Ssaya vainement de traverser, jusqu'à ce
qu'elle eût trouvé une issue par une vitre
(|u'un orage avait brisée. Alors elle s'assit
sur la pointe d'un toit et se mit à chanter un
chant si triste, qu'on n'en avait jamais en-
tendu do pareil. Le chevalier eut beau se
désespérer et rappeler la dame, le chant
continuait toujours et devenait toujours plus
triste et plus triste. Enfin le rossignol prit sa
Volée et disparut.
« Longtemps le rhâlc'ain fut inconsolable.
En vain les chevaliers lui parlaient de guerre
et de batailles : rien ne put le distraire du
souvenir de la Dame bleue, jusqu'à ce qu'on
lui eût dit que la voix du rossignol enchanté
se faisait entendre dans l'arbre de Sainte-
Anne. Depuis ce jour, il sortait tous les ma-
lins et no rentrait que le soir, quand la lune
était depuis longtemps lovée. 11 passait des
heures entières à l'ombre de l'arbre d.^
Sainte-Anne, à écouter le chant de l'oiseau.
Souvent, la nuit, il quittait brusquement son
lit pour aller l'écouter encore.
« Un soir, une vieille bohémienne s'appro-
cha de lui, tandis qu'il était encore là couché
sur la mousse et les yeux fixés sur l'arbre.
« — Seigneur, lui dit-elle, Dieu gard !
vous plaît-il savoir l'avenir, seigneur?
« — L'avenir, vieille sorcière? N'est-ce pas
pour moi une vie désolée, puisque j'ai perdu
ce que j'aime?
« — Ne désespérez pas, beau seigneur;
l'avenir est une vie d'or pour vous.
« — Arrière, fille de Satan 1 sinon je te fais
brûler vive dr.ns une chaudière, comme on
fait des faux monnayeurs.
« — Vous n'aurez garde, beau seigneur;
car je vous rendrai la femme que vous avez
perdue par les maléfices d'un magicien. Re-
venez ici après-demain à minuit, au nn'licu
de la nuit de la Saint-Jean, et vous reverrez
la Dame bleue.
« — Femme, si cela est possible, je te fais
riche.
« — Eh bien! seigneur, après-demain à
minuit...
« El à peine cul-e'le dit ces mots qu'elle
disparut.
« Le chevalier ne dormit pas la nuit sui-
vante.
« La deuxième nuit, à onze heures et de-
mie, il descendit le sentier escarpé du rocher
de Sanson. Au pied du sentier, il trouva ta
bohémienne.
« — Je vous attends, seigneur.
« — Allons, répondit le chevalier.
o Et ils passèrent la Meuse au clair de la
lune.
« Quand ils furent parvenus au village de
Namèche :
« — Par ici, c'est le chemin le plus court,
dit la vieille.
« Ils prirent par le cimetière.
« Mais à peine se trouvèrent-ils au cime-
tière, que des voix étranges se firent enten-
dre; des hommes armés sortirent de derrière
les croix et de l'enfoncement du portail de
l'église, et s'élancèrent vers le châtelain.
« — Ce sont des voleurs, pcnsa-t-il.
« II lira sa grand- épée do guerre, dont h;
tranchant avait l'ail lomb( r plus d'une têtf>
de mécréant.
« Mais les assaillants étaient si nombreux,
qu'il y avait une forêt de dagues autour de
lui. Cependant il combattait vaillamment :
plus d'un mordit la poussière sous les coups
terribles de l'épée qu'il brandissait comm<»
uue fau!x. Il allait succomber pourtant. Une
m
DlC IlOiN.NAlKJ!, btS SCIKNCES OCCL'LTKS.
S-28
idée singulière lui passa par la télo; il s'c-
cria :
« — A moi les niorls I
« Tous les lorabcauK s'ouvrirent, et de
fli.-que loinl)cau sorlit un mort enveloppé
dans tin linceul et les yeux flirnboyants,
pour pré'.er secours au noble guerrier.
a Les brigands , cpouv.uUés à celte cf-
frnyaiile ai)parition, s'enfuirent aussi vite
ijue la terreur pouvait le leur pcrnu-ltre.
f Le chevalier avait reçu plus d'une bles-
sure.
« — Vous s.iignrz, dit la vieille.
« — Ce n'est rien, dit le châtelain.
« — Tenez, messire, mettez cette herbe sur
vos blessures.
« Elle cueillit, dans un coin du cimetière,
une herbe qu'elle posa sur les blessures : le
sang s'élancha et lès blessures se fermèrent
aussitôt.
« — Chevalier, vous êtes brave ; et ce
combat ne fut qu'une épreuve que ma puis-
sance vous a suscitée.
« Alors ils gravirent ensemble la hauteur,
et ils parvinrent à l'arbre de Sainte-Anne. 11
était minuit.
a Le rossignol chantait; mais son chant
n'avait plus cet accent de tristesse que le
châtelain de Sanson y avait remarqué jus-
([u'à cette heure.
« 11 y avait conmie un accent d'espérance.
« La vieille commença à tracer un cercle
autour de l'arbre, sur la mousse humide de
rosée.
« — Venez ici, messire, dit-elle.
« Tous deux se placèrent dans le cercle.
« Et la vieille, avec sa voix creuse, parla
ainsi :
« — Veus-tu descendre de cet arbre, ô
rossignol magique? Je te mcllrai des plumes
d'or à tes ailes et te passerai un collier de
perles à ton col.
« Le rossignol répondit :
« — Que m'importent des plurnes d'or à
mes ailes? Que m'importe un collier de per-
les à mon col? Je suis dans le monde un oi-
seau sauvage; personne ne doit savoir qui je
suis.
« La vieille reprit :
« — Si tu es un oiseau sauvage dins le
monde, et que personne ne doive savoir qui
lu es, laisse au moins cet homme te prendre
en pitié; car tu dois souffrir de soif et de
•faim.
« De nouveau le rossignol répondit :
« — Je ne souffic ni de soif, ni de faim,
mais d'une douleur secrète (jui ronge mon
vœur; car là-bas, sur le rocher escarpé, là-
bas, dans le vieux casiel, habite un chevalier
que je ne puis oublier : voilà pourquoi je
souffre et pourquoi mon chant est si triste
Je l'ai aimé sur la terre étrangère ; j'ai quitté
pour le suivre la demeure de nia mère ché-
tic. Un magicien jaloux m'a changée en ros-
signol et m'a exilée sur cet arbre. Je serai
ainsi, à moins que mon ami ne vienne me
délivrer et ne verse trois fois de l'eau bénite
sur mes ailes, en médisant : «Je t'aime.» De-
puis que je gémis sous l'infernale puissance
du sorcier, j'ai vu tous les jours mon ami et
lui ai chanté chaque fois les douleurs dont
mon âme est remplie. Il a souffert do me
voir souffrir ainsi. Mais maintenant l'heure
de ma délivrance est venue, si celui que
j'aime veut verser trois fois de l'eau bénite
sur mes ailes, en ae disant chaque fois :
« Je t'aime. »
« Quand l'oiseau eut ainsi parlé, la vieille
fil signe au chevalier, qui tendit son doigt à
l'oiseau. Et l'oiseau ouvrit ses ailes; d'un
vol léger il descendit de la branche où il
était et vint se percher sur le gant du châte-
lain.
« Il s'en alla avec l'oiseau et regagna son
château au clair de la lune. Quand il y fut
arrivé, la vieille bohémienne n'était plus là.
« Il entra dans la chapelle et versa sur les
ailes du rossignol de l'eau bénite, en disant :
« — Je t'aime.
« L'oiseau frissonna et hérissa ses plumes
grises.
« l'our la deuxième fois, le chevalier le
mouille d'eau bénite , en disant : — Je
t'aime.
« L'oiseau jeta un cri , comme si une
barre de fer rouge l'eût touché 1
« Quand l'eau bénite le toucha pour la
troisième fois , il commença à reprendie
forme humaine; et le châtelain dit :
« — Je t'aime.
« En ce moment la dame reparut devant
lui avec sa robe de velours bleu, b;lle de
toute sa beauté et ses longs cheveux flot-
tants. Une larme roula dans ses yeux :
« — Maintenant, je suis à vous pour tou-
jours, dit-elle, et aucune puissance humaine
ne nous séparera. Maintenant je suis à vous
pour toujours, et que le prêtre reçoive, au
nom de Dieu, mes serments et les vôtres.
« Ils furent bénis au nom du ciel; el leurs
noms furent écrits sur le livre saint, d'où
Dieu seul peut les effacer.
« De ces époux si heureux di'scendit une
lignée de vaillants chevaliers qui firent bril-
ler leur courage dans plus d'une bataille et
leur nom dans plus d'une guerre. »
ENCHIRIIMON. Voy. Léon III.
ÉNEUGU.MÈNE. On appelle éncrguroènes
ceux qui sont possédés du démon.
ENFANTS. Croirait-on que des savants en
démence et des médecins sans clientèle ont
recherché les moyens de s'assurer du sexe
d'un enfant qui n'était pas né, et qu'on a
fait, autour de ce thème absurde, des livres
niais qui trouvent de niais lecteurs? Voy.
ENFANTS DU DIABLE. Voy. Cambions.
ENFERS, lieux inférieurs où les méchants
subissent après leur mort le châtiment dû à
leurs crimes. Nier qu'il y ait des peines et di s
récompenses après le trépas, c'est nier l'exi-
stence de Dieu, puisqu'il ne peut être que
nécessairement juste. Mais les tableaux quii
certains poc;es et d'autres écrivains nous ont
fails des enfers, ont été souvent les fruits de
l'imagination. On doit croire ce que l'Église
enseigne, sans s'égarer dans des détails que
Dieu n'a pas jugé à propos de révéler.
:m
INF
E^F
530
Les nnricns, la plupart des modernrs, et
surloul 1rs cabalisles, placent les enfers au
centre de la terre. Le docteur Swinden, dans
ses Rpcherclies sur le feu de l'enfer, prétend
qi:e l'enfer est dans le soleil, parce que le so-
leil est le feu perpétuel. Quelques-uns ont
ajouté que les damnes entretiennent ce feu
dans une activité continuelle, et que les ta-
ches qui paraissent dans le disque du soleil,
après les grandes catastrophes, ne sont pro-
duites que par l'encombrement...
Dans Milton (c'esl du moins de la poésie),
l'abîme où fut précipité Satan est éloigné du
ciel trois Ibis autant que le centre du monde
l'est de l'extrémité du pôle ; c'est-à-dire,
selon les calculs des astronomes, à 990,000, 00()
de lieues (1). — L'enfer de Milton est un
globe énorme, entouré d'une triple voûte de
Icux dévorants; il est placé dans le sein de
l'antique chaos et de la nuit informe. On y
voit cinq fleuves : le Slyx, soune exécrable
consacrée à la Haine; l'Achéron, fleuve noir
et profond qu'habite la Douleur; le Cocyte,
ainsi nommé des sanglots perçants qui re-
tentissent sur ses funèbres rivages; le fou-
gueux Plilégéton, dont les (lois précipités en
torrents de feu portent la rage dans les
cœurs ; et le tranquille Lélhé, qui roule dans
un lit tortueux ses eaux silencieuses.
Au delà de ce fleuve s'étend une zone dé-
serte , obscure et glacée , perpétuellement
battue des tempêtes et d'un déluge de grêle
énorme, qui, loin de se fondre en tombant,
s'élève en monceaux, semblable aux ruines
d'une antique pyramide. Tout autour sont
des gouffres horribles, des abîmes de neige
et de glace. Le froid y produit les effets du
feu, et l'air gelé brûle et déchire. C'est là
qu'à certains temps fixés, tous les réprou-
vés sont traînés par les Furies aux ailes
de Harpies. Us ressentent tour à tour les
tourments des deux extrémités dans la tem-
pérature, tourments que leur succession ra-
pide rend encore plus affreux. Arrachés de
leur lit de feu dévorant, ils sont plongés dans
des monceaux de glaces ; immobiles, presque
éteints, ils languissent, ils frissonnent et sont
de nouveau rejelés au milieu du brasier in-
fernal. Us vont et reviennent ainsi de l'un à
l'autre supplice; cl pour le combler, ils fran-
chissent à chaque fois le Léthé. Us s'effor-
cent, en le traversant, d'atteindre l'onde en-
chanteresse ; ils n'en désireraient qu'une
seule goutte : elle suffirait pour leur faire
perdre, dans un doux oubli, le sentiment de
tous leurs maux. Hélas! Méduse, aux re-
gards terribles, à la têle hérissée de ser-
pents, s'oppose à leurs efforts; et semblable
à celle que poursuivait si vainement Tantale,
l'eau fugitive se dérobe aux lèvres qui l'as-
pirent...
A la porte de l'enfer, sont deux figures ef-
froyables : l'une, qui représente une femme
jusqu'à la ceinture , finit en une énorme
queue de serpent recourbée, à longs replis
écailleux, et armée à l'estrémiléd'un aiguil-
lon mortel. Autour de ses reins est une
(1) Le poêle dil qiio In rtiiiln de Satan dura noiif jours :
d'oti il siiivrall que SaUn aurait fail 1,-200 lieUcs par
meute de chiens féroces, qui, sans cesse ou-
vrant leur large gueule de Cerbère, frappent
perpétuellement les airs des plus odieux hur-
lements. Ce monstre est le Péché, fille sans
mère, sortie du cerveau de Satan ; il tient les
clefs de l'enfer. L'autre figure (si l'on peut
appeler ainsi un spectre informe, un fanlôino
dépourvu de substance et de membres dis-
tincts), noire comme la nuit, féroce comme
les Furies, terrible comme l'enfer, agile un
dard redoutable; et ce qui semble être sa
tête porte l'apparence d'une couronne royale.
Ce monstre est la Mort, fille de Satan et du
Péché.
Nous suivons toujours Milton, ce grand
poëte. Après que le premier homme fut de-
venu coupable, la Mort et le Péché conslrui-
sirent un solide et large chemin sur l'abîme.
Le gouffre enflammé reçut patiemment un
pont, dont l'élonnante longueur s'étendit du
bord des enfers au point le plus reculé de ce
monde fragile. C'est à l'aide de cette facile
communication que les esprits pervers pas-
sent et repassent sur la terre pour corrom-
pre ou punir les hommes.
Mais si le séjour des réprouvés est un sé-
jour hideux, ses hôtes ne le sont pas moins.
Citons à présent le Tasse. Quand d'un son
rauque et lugubre l'infernale trompette ap-
pelle les habitants des ombres éternelles, le
Tarlare s'ébranle dans ses gouffres noirs et
profonds ; l'air ténébreux répond par de
longs gémissements. Soudain les puissances
de l'abîme accourent à pas précipités : (luels
spectres étranges, horribles, épouvantables!
La terreur et la mort habitent dans leurs
yeux ; quelques-uns, avec une figure hu-
maine, ont des pieds de bêtes farouches;
leurs cheveux sont entrelacés de serpents ;
leur croupe immense et fourchue se recourbe
en replis torlueux. — On voit d'inmiondes
Harpies, des Centaures, des Sphinx, des Gor-
gones, des Scylles qui aboient et dévorent;
des Hydres, dfes Pythons, des Chimères qui
vomissent des torrents de flamme et de fu-
mée ; des Polyphèmes, des Géryons, mille
monstres plus bizarres que jamais n'en rêva
l'imagination, mêlés et confondus ensemble.
Ils se placent les uns à la gauche, les autres
à la droite de leur sombre monarque. Assis
au milieu d'eux, il tient d'une main un scep-
tre rude et pesant; son front superbe, armé
de cornes, surpasse en hauteur le roc le plus
élevé, recueil le plus sourcilleux : Calpé,
l'immense Atlas lui-môme, ne seraient au-
près de lui que de simples collines (2). —
Une horrible majesté, empreinte sur son fa-
rouche aspect, accroît la terreur et redouble
son orgueil ; son regard, tel qu'une funesto
comète, brille du feu des poisons dont ses
yeux sont abreuvés; une barbe longue,
épaisse, hideuse, enveloppe son menton et
descend sur sa poitrine velue; sa bouche,
dégouttante d'un sang impur, s'ouvre comnio
un vaste abîme : de cette bouche empestéo
s'exhalent un souffle empoisonné et des
tourbillons de flamme et de fumée. Ainsi
seconde.
{i) Milion duiiue à Satan quarante mille pieds de liaut.
531
l'Etna, tic ses flancs embrasés, vomit avec un
bruit aiïreux de noirs lorrenls de soufre et de
bitume. Au son de sa voix terrible, l'ablrnc
Ircmble, Cerbère se tait épouvanté, l'Hydre
est niucltc, le Cocyle s'arrête immobile (i).
Voici quelques voyages aux enfers, em-
pruntés aux clironiquenrs du moyen âge, et
qui sont moins agréables que les tableaux
des poètes, mais qui ont pourtant aussi leur
charme de naïveté.
Le landgiavc de Thuringe venait de mou-
rir. Il laissait après lui deux fils à peu près
du même âge, Louis et Hermann. Louis, qui
était l'aîné et le plus religieux (puisqu'il est
mort dans la première croisade), publia cet
édit après les funérailles de son père :
« Si quelqu'un peut m'apporter des nou-
velles certaines de l'état où. se trouve main-
tenant l'âme de mon père, je lui donnerai
une bonne ferme... »
Un pauvre soldat, ayant entendu parler de
cette promesse, alla trouver son frère, qui
passait pour un clerc distingué, et qui avait
exercé pendant quelque temps la nécroman-
cie; il chercha à le séduire par l'espoir de la
ferme qu'ils partageraient amicalement.
— J'ai quelquefois évoqué le diable , ré-
pondit le clerc, et j'en ai tiré ce que j'ai vou-
lu ; mais le métier de nécromancien est trop
dangereux, et il y a longtemps que j'y ai re-
noncé.
Cependant l'idée de devenir riche sur-
monta les scrupules du clerc : il appela le
diable, qui parut aussitôt, et demanda ce
qu'on lui voulait.
— Je suis honteux de t'avoir abandonné
depuis tant de temps , répondit Gnement le
nécromancien ; mais je reviens à toi. Indi-
que-moi , je te prie , où est l'âme du land-
grave , mon ancien maître ?
— Si tu veux venir avec moi, dit le diable,
je te la montrerai.
— J'irais bien , répondit le clerc ; mais je
crains trop de n'en pas revenir.
— Je te jure par le Très-Haut , et par ses
décrets formidables , dit le démon, que si tu
le Des à moi , je te conduirai sans méchef
auprès du landgrave , et que je te ramène-
rai ici (2).
Le nécromancien, rassuré par un serment
aussi solennel , monta sur les épaules du dé-
mon , qui prit son vol et le conduisit à l'en-
trée de l'enfer. Le clerc eut le courage de
considérer à la porte ce qui s'y passait, mais
il n'eut pas la force d'y entrer. H n'aperçut
qu'un pays horrible , et des damnés tour-
mentés de mille manières. Il remarqua sur-
tout un grand diable , d'un aspect effroya-
ble , assis sur l'ouverture d'un puits, qui
était fermé d'un large couvercle, et ce spec-
tacle le fit trembler. Cependant le grand dia-
ble cria au démon qui portait le clerc :
— Que portcs-lu là sur les épaules? viens
ici que je le décharge.
(IJ Et PhtegclODlcac requierunl murmura ripse.
CtAUDlEN.
(î) Jaro libi pcr Altisslmum, et |icr Iremeiidum cjus
jiidicium quia, si liiJei ineje le coiimiiseris, etc.
(3) Buccinavil lam valiUe.
DICTIONNAIRE DES SCIE.NCES OCClLTr.S
Non , répondit îe démon
532
celui que je
porte est un de mes amis ; je lui ai juré que
je ne lui causerais aucun mal ; et je lui ai
promis que vous auriez la bonté de lui faire
voir l'âme du landgrave, son ancien maître,
afin qu'à son retour dans le monde il publie
partout votre puissance. Le grand diable ou-
vrit alors son puits, et sonna du cornet (3)
avec tant de vigueur et de force, que la
foudre et les tremblements de terre ne se-
raient qu'une musique fort douce en com-
paraison. En même temps le puits vomit des
torrents de soufre enflammé , et , au bout
d'une heure , l'âme du landgrave , qui re-
montait du goullreau milieu des tourbillons
étincelants , montra sa léte au-dessus du
Irou , et dit au clerc :
— Tu vois devant toi ce malheureux
prince qui fut ton maître , et qui voudrait
maintenant n'avoir jamais régné...
Le clerc répondit: —Votre fils est curieux
de savoir ce que vous faites ici, et s'il peut
vous aider en quelque chose.
— Tu sais où j'en suis , reprit l'âme du
landgrave, je n'ai guère d'espérance ; cepen-
dant , si mes fils veulent restituer certaines
possessions que je le vais nommer , et qui
m'appartenaient injustement , ils me soula-
geront.
Le clerc répondit: — Seigneur, vos fils ne
me croiront pas.
— Je vais te dire un secret, répliqua le
landgrave , qui n'est connu que de moi el do
mes fils.
En même temps il nomma les possessions
qu'il fallait restituer, et il donna le secret
qui devait prouver la véracité du clerc.
Après cela , l'âme du landgrave rentra
tristement dans le gouffre ; le puits se refer-
ma, el le nécromancien revint dans la 'l'hu-
riiige , monté sur son démon. Mais , à son
retour de l'enfer, il était si défait el si pâle ,
qu'on avait peine à le reconnaître. Il raconta
aux princes ce qu'il avait vu et entendu ; el
cependant ils ne voulurent point consentira
restituer les possessions que leur père les
priait de rendre. Seulement le landgrave
Louis dit au clerc: — Je reconnais que lii as
vu mon père, el que tu ne me trompes point;
aussi le vais-jc donner la récompense que
j'ai promise.
— Gardez votre ferme , répondit le clerc ;
pour moi je ne dois plus songer qu'à mon
salut.
Et il se fil moine de Citeaux (4)
On voit que le légendaire ne désigne pas
bien si les lieux que son héros a cru visiter
sont le purgatoire ou l'enfer. Citons encore
un bon religieux anglais dont le voyagea été
écrit par Pierre-le-Vénérable , abbé de Clu-
ny, el par Denys-le-Chartreux (5). Ce voya-
geur parle à la première personne :
a J'avais saint Nicolas pour conducteur,
(4) Césarius, moine d'Heisterliacli, de l'ordre deCileaux,
Miracles illustres, liv. I, cli. xxxiv.
(5) Pétri Venerabilis, demiracul., el Dionysii Carlliu-
siani , De quatuor novissiiiils, art. 47. — Disons pourUnI
que ce passage du bieolieureux DeBis-leCliartruux puratt
5-5
LNF
E.NP
Soi
I
dit-il; il me fil parcourir un chemiii plal jus-
qu'à un espace imiiiense , horrible , peuplé
(le défunts qu'on lourmcnlait de mille ma-
nières affreuses. On me dit que ces gens-là
n'étnionl pas damnés, que leur supplice fi-
nirait avec le temps, et que je voyais le pur-
gatoire. Je ne m'attendais pas à le trouver
si rude ; tous ces malheureux pleuraient à
chaudes larmes et poussaient de grands gé-
missements. Depuis que j'ai vu toutes ces
choses, je sais bien que si j'avais quelque
parent dans le purgatoire , je souffrirais
mille morts pour l'en tirer.
Un peu plus loin , j'aperçus une vallée où
roulait un épouvantable fleuve de feu , qui
s'élevait en tourbillons à une hauteur énor-
me. Au bord de ce fleuve il faisait un froid
si glacial qu'il est impossible de s'en faire
une idée. Saint Nicolas m'j conduisit, et me
fit remarquer les patients qui s'y trouvaient,
en me disant que c'était encore le purga-
toire.
En pénétrant plus avant, nous arrivâmes
en enfer. C'était un champ aride couvert d'é-
paisses ténèbres , coupé de ruisseaux de
soufre bouillant; on ne pouvait y faire un
pas sans marcher sur des insectes hideux,
difformes, extrêmement gros et jetant du
feu parles narines. Us étaient là pour le sup-
plice des pécheurs, qu'ils tourmentaient de
concert avec les démons. Ceux-ci, avec des
crochets, happaient les âmes punies et les je-
taient dans des chaudières, oii ces âmes se
fondaient parmi des matières liquides ; après
cela on leur rendait leur forme pour de nou-
velles tortures. — Ces tortures se faisaient
en bon ordre cl chacun était tourmenté se-
lon ses crimes. »
Il voit ensuite des prélats, des chevaliers,
des dames, des religieux, des princes. Mais
toutes ces relations se ressemblent un peu.
Voy. VÉTiN, Bertuold, Charles-le Chauve,
Kngelbrecht, etc.
Il serait très-long de rapporter les senti-
ments des différents peuples sur l'enfer. —
Les Bruscs disent que tout ce qu'on man-
gera dans les enfers aura un goût de fiel et
d'amertume, et que les damnés porteront
sur la tête, en signe d'une éternelle répro-
bation, un bonnet de poil de cochon d'un
pied et demi de long.
Les Grecs représentaient l'enfer comme un
lieu vaste et obscur, partagé en plusieurs
régions, l'une affreuse,oii l'on voyait des lacs
dont l'eau infecte et bourbeuse exhalait des
vapeursmorlelles, un fleuve de feu, des tours
de fer et d'airain, des fournaises ardentes,
des monstres et des furies acharnés à tour-
menter lesscélérats; l'autre riante, paisible,
destinée aux sages et aux héros. Le lieu le
plus voisin de la terre était l'Erèbe; on y
rencontrait le palais de la Nuit, celui du
Sommeil et des Songes. C'était le séjour de
Cerbère, des Furies et de la mort ; c'est là
qu'erraient pendant cent ans les ombres in-
fortunées dont le corps n'avait pas reçu les
interpolé, cl que lo» crjtiqnet peuient qull n'est pas
de lui.
honneurs de la sépulture; cl lorsqu'Ulysse
évoqua les morts, ceux qui apparurent no
sortirent que de l'Erèbe. L'autre enfer était
l'enfer des méchants : là chaque crime était
puni; les remords dévoraient leurs victimes;
et là se faisaient entendre les cris aigus de la
douleur. Le Tartare proprement dit venait
après l'enfer: c'était la prison des dieux. En-
vironné d'un triple mur d'airain, il soutenait
les vastes fondements de la terre et des
mers. Les Champs-Elysées, séjour heureux
des ombres vertueuses, formaient la qua-
trième division des enfers ; il fallait traverser
l'Erèbe pour y parvenir.
Chez les Juifs modernes, les justes seront
heureux, les méchants seront tourmentés
en enfer, et ceux qui sont dans un état mi-
toyen, tant Juifs que gentils, descendront
dans un abîme avec leurs corps, et ils pleu-
reront pendant douze mois, en montant et en
descendant d'unlieumoins pénible à un lieu
plus rigoureux. Après ce terme, leurs cor|)s
seront consumés, leurs âmes brûlées, et le
vent les dispersera sous les pieds des justes.
Les rabbins ajoutent que, le premier jour de
l'an, Dieu fait un examen du nombre et de
l'état des âmes qui sont en enfer.
L'enfer des Romains était divisé en sept
provinces différentes : la première renfermait
les enfants morts-nés, comme ne devant
être ni récompensés ni punis; la seconde
était destinée aux innocents condamnés à
mort; la troisième logeait les suicides; dans
la quatrième erraient les parjures; la cin-
quième province était habitée par les héros
dont la gloire avait été souillée par la
cruauté ; la sixième était le Tartare ou lieu
des tourments, et la septième les Champs-
Elysées, comme chez les Grecs.
L'enfer des Musulmans a sept portes, et
chacune a son supplice particulier. Cet en-
fer est rempli de torrents de feu et de soufre,
où les damnés chargés de chaînesdesoixanle-
dix coudées sont plongés et replongés con-
tinuellement par de mauvais anges. A cha-
cune des sept portes, il y a une garde de
dix-neuf démons, toujours prêts à exercer
leur barbarie envers les damnés et surtout
envers les infidèles, qui seront à jamais dans
ces prisons souterraines, où les serpents, les
grenouilles et lescorneilles aggravent encore
les tourments de ces malheureux. Les Maho-
métans n'y demeureront au plus que sept
mille ans ; au bout de ce temps, le prophète
obtiendra leur délivrance. On ne donne aux
damnés de cel enfer que des fruits amers,
ressemblant à des tê'.cs de diables ; leur
boisson se puise dans des sources d'eaux
soufrées et brûlantes, qui leur procureront
des tranchées douloureuses.
Quelques Japonais prétendent que la peine
des méchants est de passer dans le corps d'un
renard, qui est leur enfer.
Les Guèbrcs disent que les méchants sont
les victimes d'un feu dévorant qui les brûle
sans les consumer. Un des tourments de leur
enfer est l'odeur infecte qu'exhalent les
âmes scélérates; les unes habitent d'affreux
cachots où elles sont étouffées par uue l'u«
f,5"i
DICTIONNAIUE DES
mée épaisse et dévorées pnr les morsures
d'un nombre prodigieux d'insectes et de rep-
tiles venimeux; les autres sont plongées
jusqu'au cou dans les flots noirs et glacés
d'un fictive; celles-ci sont environnées de
diables furieux qui les déchirent à coups de
dents; celles-là sont suspendues par les
pieds, et dans cet étal on les perce dans tous
les endroits du corps avec un poignard.
On croit, dans l'île Formose, que les hom-
mes , après leur mort, passent sur un pont
étroit de bambous, sous lequel il y a une
fosse profonde pkine d'ordures. Le pont s'é-
croule sous les pas de ceux qui ont mal
vécu, cl ils sont précipités dans celte horrible
fosse.
Les Musulmans ont aussi, au-dessus de
leur enfer, un pont qui est fait en lame de
rasoir. Toutes les âmes doivent passer sur ce
tranchant; et il n'y a que les âmes justes qui
le traversent sans tomber dans le gouffre.
Les Gafres admettent treize enfers et vingl-
sept paradis, où chacun trouve la place qu'il
a mérité d'occuper , suivant ses bonnes ou
mauvaises actions. Les sauvages du Missis-
sipi croient que les coupables iront dans un
pays malheureux, où il n'y a point de chasse.
Les Virginiens placent l'enfer à l'Occident,
et précisément à l'un des bouts du monde.
— Les Floridiens sont persuadés que les
âmes criminelles sont transportées au milieu
des montagnes du nord; qu'elles restent ex-
posées à la voracité des ours et à la rigueur
des neiges et des frimas.
Les Kalmouks ont un enfer pour les bêtes
de somme; et celles qui ne s'acquittent pas
bien de leurs devoirs ici-bas sont^ condam-
nées, selon eux, à porter sans relâche dans
l'autre monde les fardeaux les plus pesants.
L'enfer du Dante est célèbre. La forme de
cet enfer ressemble à un entonnoir ou à un
cône renversé. L'espace qui se trouve depuis
la porte de l'enfer jusqu'au fleuve Achéron
se divise en deux parties : dans la première
sont les âmes de ceux qui vécurent sans
honneur; ils sont tourmentés par des frelons
qui leur piquent le visage : ces damnés cou-
rent après une bannière qui tourne sans
cesse autour d'un cercle. Dans la seconde se
trouvent les enfants morts sans baptême; ces
ombres poussent des gémissements conti-
nuels. Il y a des cercles concentriques autour
de l'enfer. Le second cercle renferme les
luxurieux; ils sont sans cesse agités, trans-
portés ça et là sur des tourbillons de vent.
Le troisième est rempli par les gourmands
étendus dans la fange et continuellement ex-
posés à un déluge épouvantable de pluie, de
neige et de grêle. Le quatrième contient les
prodigues et les avares; ils sont condamnés
à rouler éternellement les unscon^ les au-
tres des poids énormes. Les autres cercles sont
partagés aussi bien.
Les trouvères du moyen âge se sont exer-
cés fréquemment sur l'enfer. Les fabliaux
«(ui s'en occupent sont nombreux. Mais sou-
vent le poêle ne fait qu'une critique de ce
monde sous le inasq^ie de l'autre. Voy.
SCIKNCES OCCULTES. 530
Cyrano. Souvent aussi il sent l'hérésie à
pleine gorge.
Dans le Songe d'Enfer de Houdan, le poëte
arrive à la ville de Convoitise, il y voit En-
vie, Avarice, Rapine. Plus loin il s'arrôlc à
la demeure de Filouterie, qui lui demande
des nouvelles de reriains Parisiens nommés
là par leur nom. Il passe à Ville-Taverne,
où il trouve Ivresse avec son fils, né en An-
gleterre. On voit (|ne ce sont des allégories.
Mais il parvient à la porle dos enfers, gardée
par Meurtre, Désespoir et Morl-Subite. Le
roi d'Enfer tient table ouverte; et on lui sert
de la chair d'usurier.
Rulebeuf fit la contre-partie en quelque
sorte de ce fabliau, sous le litre du Chemin
de paradis. Par une route étroite et raboteuse,
il arrive à la ville de Pénitence, où il trouve
Piété, qui veut bien le guider pour le garan-
tir des différents ennemis qu'il doit rencon-
trer en voyage. Le premier est Orgueil, dont
le palais, magnifique par devant, tombe eu
ruines par derrière. 11 dédaigne tout le monde,
quoique souvent son insolence lui ait attiré
de cruelles humiliations. Ses courtisans sont
vêtus de soie écarlale et portent en tout
temps sur la tête un riche chapeau. Il les
fixe auprès de lui en leur promettant des di-
gnités et des honneurs.
Plus loin est Colère, le visage rouge, les
yeux enflammés, grinçant des dents, et dans
sa rage se déchirant et se frappant elle-
même.
Au détour d'un vallon il voit Avarice. Elle
a de vastes prisons dans lesquelles elle tient
renfermés ses sujets, maigres et pâles, assis
sur des monceaux d'or qu'attire un aimant
particulier, dont sa maison est couverte. Chez
elle tout est fermé à double serrure, et l'on
n'y entre que par une seule porte, dont elle
tient toujours la clef.
Tout au fond de la vallée s'est retirée En-
vie qui, selon Ovide, dit l'auteur, lient eu
main des serpents dont elle suce le venin.
Toujours cachée dans l'ombre, elle n'en
sort que pour venir secrètement épier ses
voisins. Si alors elle entend des gémissements
et voit couler des larmes, elle est dans la
joie; mais s'ils rient ou s'ils chantent, elle
pleure et se retire.
Près d'elle est le séjour de Paresse. Du
lit où elle est couchée, elle entend le bruit
des cloches qui l'appellent à l'église; elle
maudit le sonneur et voudrait ne jamais se
lever que pour se mettre à table.
Gourmandise , quoique malade encore
d'une indigestion qu'elle a eue la veille, ne
songecependant qu'à retourner à la taverne.
Plus loin enfin est un manoir où l'on n'en-
tre qu'avec honte , où l'on reste caché dans
les ténèbres, cl d'où l'on ne sort que mécon-
tent. Le portier rebute ceux qui s'y présen-
tent les mains vides; il ouvre à ceux-là
seuls qui apportent. La maîtresse les ac-
cueille, mais c'est pour les voler. Us y sont
venus à cheval, ils s'en retournent à pied.
Aussi très-rarement y reviennenl-ils deux
fois : ou, si leur faiblesse les y entraîne, ils
savent que c'est se préparer un repenlir.
5-7
ENF
ENF
5:8
I
Ru(ebeuf .iprès avoir traversé hourcuse-
iiienl le quartier des vices, arrive enfin dans
celui des verlus. Il voit Libéralité qui est
mourante ; Franchise dont la maison est
presque déserte, etc. Enfin il parvient chez
Confession, où il voulait aller; et c'est là ce
qu'il appelle la voie de paradis (1).
Un autre fabliau plus célèbre est celui du
Jongleur qui alla en enfer, ou de saint Pierre
et du Jongleur. — On en pardonnera le
ton.
A Sens jadis vivait un ménétrier qui , pour
un trésor, n'eût pas voulu avoir querelle
avec un enfant, mais homme sans conduite
et dérangé s'il en fut jamais. Il passait sa
vie au jeu ou à la taverne. Gagnait-il quel-
que argent? vile il le portait là. N'avait il
rien? il y laissait son violon en gage. Aussi,
toujours sans It- sou, il vous eût fuitcompas-
sion. Malgré cela, gai, content, la tête en
tout temps couronnée d'un chapel de bran-
ches verles, il chantait sans cesse et n'eût
demandé à Dieu (|u'unc seule chose, de met-
tre toute la semaine en dimanches.
Il mourut enfin. Un jeune diable, novice
encore, qui depuis un mois cherchait et cou-
rail partout pour escamoter quelque â(ne,
sans avoir jusque-là, malgré toutes ses pei-
nes, pu réussir, s'étant trouvé là par hasard
quand noire violoniieur trépjissa, il le prit
sur son dos et tout joyeux l'emporta en
enfer.
C'était l'heure précisément où les démons
revenaient de leur chasse. Lucifer s'était as-
sis sur son trône pour les voir arriver; et à
mesure qu'ils entraient, chacun d'eux venait
jeter à ses pieds ce que dans le jour il avait
pu prendre; celui-ci un huissier, celui-là un
voleur, les uns des champions morts en
champ clos, les autres des marchands, tous
gens surpris au moment qu'ils s'y attendaient
le moins. Le noir monarque arrêtait un in-
stant ses captifs pour les examiner, et d'un
signal aussitôt il les faisait jeter dans sa
I haudière. Quand l'heure fut passée, il or-
donna de fermer les portes et demanda si
tout le monde était rentré : — Oui, répondit
quelqu'un, excepté un idiot, qui est sorti
depuis un mois, et qu'il ne faut pas encore
attendre aujourd'hui probablement, parce
([u'il aura honte de rentrer à vide.
Le railleur achevait à peine de parler,
quand arriva le jeune diable, chargé de son
ménétrier déguenillé qu'il présenta humble-
ment à son souverain. — Approche, dit Lu-
ciferau chanteur; qui es-tu? voleur? espion?
soldat? — Non , Sire, j'étais ménétrier, et
vous voyez en moi (iuel(|u'un qui possède
toute la sciencu (lu'un ho;ninu sur la terre
peut avoir. Malgré cela j'ai eu là-haut bien
de la misère; mais enfin, puisque vous vou-
lez vous charger de mon logement, je chan-
terai, si cela vous amuse. — Oui, des chan-
sons! C'est bien là la musique qu'il me faut
ici 1 Ecoute; lu vois celte chaudière, et te
voici tout nu : je te charge de la faire chauf-
fer; et surtout qu'il y ait toujours bon feu.
(t) Legrand d'Aiissy. Nous lui empruntons le fabliau
suivant
— Volontiers, Sire ; au moins je serai sûr
dorénavant de n'avoir pas froid. — Notre
homme aussitôt se rendit à son poste, et, pen-
dant quelque temps, il s'acquitta exactement
de sa commission.
Mais un jour que Lucifer avait convoqué
tous ses suppôts pour aller faire avec eun sur
la terre une battue générale, avant de sortir
il appela le chauffeur. — Je vais partir, lui
dit-il, et je laisse ici sous ta garde tous mes
prisonniers ; mais songe que tu m'en répon-
dras sur les yeux de ta tête, et que si, à mon
retour, il en manquait un seul... — Sire, par-
tez en paix, je réponds d'eux ; vous trouve-
rez les choses en ordre quand vous revien-
drez, et vous apprendrez à connaître ma fi-
délité. — Encore une fois prends bien garde,
il y va de tout pour toi , et je te fais manger
tout vif. — Ces précautions prises, l'armée
infernale partit.
C'était là le moment qu'attendait le bon
saint Pierre. Du haut du ciel il avait entendu
ce discours, et se tenait aux aguets pour en
profiter. Dès que les démons furent dehors,
il se déguisa, prit une longue barbe noire,
descendit en cirfer, et s'accostant du méné-
trier : — Ami, dit-il, veux-tu faire une partie
nous deux? Voilà des dés, et de bon argent
à gagner. — En même temps il lui montra
une longue bourse toute remplie d'esterlins.
— Sire, répondit l'autre, c'est bien inutile-
ment que vous venez ici me tenter; il ne me
reste rien au monde que celte chemise dé-
chirée que vous me voyez. — Eh bien 1 si tu
n'as point d'argent, mets en place quelques
âmes, je veux bien me contenter de cette
monnaie, et lu ne dois point craindre ici d'en
manquer de sitôt. — Tudieu I je n'ai garde ;
je sais trop ce que mon maître m'a promis
en partant. Trouvez-moi quelque autre ex-
pédient, car pour celui-ci je suis votre ser-
viteur. — Comment veux-tu qu'il le sache?
Sur une telle multitude, que sera-ce, dis-moi,
que cinq ou six âmes de plus ou de moins ?
Regarde, voilà de belles pièces toutes neuves.
11 ne tient qu'à loi d'en faire passer quelques
unes dans la poche. Profile de l'occasion,
tandis que me voilà, car une fois sorti , je no
reviens plus.... allons je mels vingt sous au
jeu, amène ([uelque âme.
Le malheureux dévorait des yeux les dés.
Il les prenait en main, les quittait, puis les
reprenait de nouveau. 11 n'y put tenir, et
conjcnlit à jouer quelques coups ; mais une
âme seulement à la fois, de peur de s'expo-
ser à trop perdre. — Tope pour une, répond
l'apôtre, mets au jeu. — L'un va donc cher-
cher quelques patients, l'autre étale ses cs-
lerlins; ils s'asseoient au bord du fourneau
et commencent. Mais le saint jouait à coup
sûr; aussi gagna-t-il constamment. Le chan-
teur, pour rattraper ce qu'il perdait, eul beau
doubler, tripler les mises, il jjerdit toujours.
Ne concevant rien à un malheur si con-
stant, il se fâcha, et déclara qu'il ne paierait
point. Puis il proposa de recommencer la
partie, si l'on voulait tenir la première pour
nulle, offiaut alors de donner à choisir dans
la chaudière tout ce qu'on voudrait. A celle
i
m
DICTIONNAIUE DES SCIENCES OCCULTES
5i0
partie, il ne fut pas plus heureux qu'à la
première. 11 se piqua, joua cent âmes, mille
âmes à la fois, changea de dés, changea de
place, <l n'en perdit pas moins à tous les
coups. Enfin, didc^ei-poir il se leva et quitta
le jfu, maudissant sa mauvaise fortune qui
le suivait jusqu'en enfer. Pii rre alors s'ap-
proiha delà chaudière pour y (hoisir et en
tirer cciix qu'il avait gagnés. Chacun d'eux
implorait sa pitié afin délie l'un des heu-
reux. C'éiaienl dis cris à ne pas s'entendre.
Le iiiénélner furieux y accourut, et résolut
de s'acquitter ou de tout perdre. En homme
qui ne veut plus rien ménager il proposa de
jouer ce qui lui restait. L'apôtre ne deman-
dait pas mieux. Ce va-toul si important se
décida iur le lieu même ; et je n'ai pas besoin
de vous dire quelles lurent pendant ce temps
les transes des patients qui en étaient les té-
moins. Leur sort heureusement se trouvait
enire bonnes mains. Saint Pierre gagna en-
core, et partit avec eux tous pour le para-
dis.
Quelques heures après rentra Lucifer.
Mais quelle fui sa douleur quand il vit ses
brasiers éteints, sa chaudière vide , et pas
une seule âme de tous ces milliards qu il
avait laissés ! Il appela le chauffeur : — Scé-
lérat, qu'as-lu fait de mes priMinniers? —
Ah ! sire, je me jette à vos genoux, ayez pi-
tié de moi, je vais tout vous dire. — El i. con-
ta son aventure, avouant qu'il néiait pas
p!us heureux en enfer qu'il ne l'avait élé
sur la terre. Qiel est le butor qui nous a
amené le joueur? dit le prince irrité; qu'on
lui donne les étrivières. Aussitôt on saisit le
petit diablotin qui avait fait un si mauvais
présent, et on l'étrilla si verlcmcnlqu'il pro-
mit bien de ne jamais se charger de méné-
trier. — Chassez d'ici ce marchand de mu-
sique, ajouta le ruonarciue ; on peut les rece-
voir dans leparadis,uù l'un aime la joie; moi
je neveux plus jamais entendre parler d'eux.
Le chanteur n'en demanda pas davantage.
Il se sauva piomplemeul, et vint en paradis
où saint Pierre le reculai le Ol entrer avec
les autres.
ENGASrUlMlSME , art des Ycntriloques.
On l'attribuait auirefois à la magie.
ENGASTIUMYTHES ou ENGASTRIMAN-
DRES, devins qui faisaient entendre leurs
réponses dans leur ventre. Voy. Ventrilo-
fiUES, CÉCILE, etc.
ENGELBUECHT (Jeanj, visionnaire alle-
mand, mort en 16it2. Il était protestant et
dun naturel ^i mélancolique, qu'il tenta sou-
vent de s'ôter la vie. Un soir, vers minuit,
Il lui Sembla que son corps était transporté
au milieu des airs avec la rapidité d'une flè-
che. Après un voyage très-court, il arriva à
la porte de l'enfer, uù régnait une obscurité
profonde, et d'où s'exhalait une puanteur à
laquelle il n'y a rien à cuniparer sur la terre.
11 entendit les cris et les gémissements des
damnés. Une légion de diables voulut l'en-
tratner dans l'abime ; il se débarrassa de leurs
griffes, pria, et tout cet horrible spectacle
s'évanouit. Le Saint-Esprit lui apparut, dit-il,
sous la forme d'un buwuie blanc et le con-
duisit en paradis. Quand Engelbrccht eut
goûlé les délices du séjour divin, un ange lui
ordonna de retourner sur la terre pour an-
noncer ce qu'il avait vu , entendu et senti,
avec la charge d'exhorter les hommes à la
pénitence. Engelbreeht, rc venu à la vie, ra-
conta sa vi>ion. Dans un de ses ouvrages,
(car il a fait des ouvrages, quoiqu'il ne sûi
pas lire), il dit que tous les assistants, pen-
dant son récit, sentirent la puanteurhorribic
de l'enfer, et que lui-même, en sortant de
son lit, en étailencore infecté;niaispersonne,
excepté lui, ne put jouir des parfums suaves
de la demeure des bienheureux. 11 annonça
dès lors qu'il avait élé mort et qu'il était res-
suscité, et il fonda sur ce prodige la dignité
de sa mission.
Il eut encore d'autres visions; il entendit
pendant quarante nuits une musique céhsie
si harmonieuse, qu'il ne put s'empêcher d'y
joindre sa voix. Les ministres protestants
crurent reconnafire en lui quelque chose de
surnaturel. Mais dès qu'il leur eut reproché
leur avarice, ils déclarèrent que tout n'était
que l'œuvre du démon Parcourant la Basse-
Saxe, il prêchait, disait-il, comme il en avait
reçu l'ordre d'en haut. Un jour qu'il racon-
tait ses extases, il dit qu'il avait vu les âmes
des bienheureux voltiger autour de lui, sous
la forme d'étincelles, et que, voulant su mê-
ler à leur danse, il avait pris le soleil dune
main et la lune de l'autre.
Ces absurdités no rempêchèreiil pas de
faire des prosélytes parmi les réformes. Il a
laissé divers volumes : 1° VérJubie Vue et
hislutre du ciel, Amsterdam, 1G90, in-4° :
c'est le récit de son excursion en enfer et ea
p.iradis ; 2° Mandat et ordre diviti et céleste
délivrés par la chancellerie céleste, Brème ,
1G25, in-4°; cet écrit manque dans le recueil
intitulé: OEuvr es. Visions et Révélations de
Jean Engelbreeht, Amsterdam, 1080, in-iit".
ENIGME. On lit dans de vieilles histoires
de Naples que, sous le règne de Robert Guls-
card, on trouva une statue qui avait eu la
tête dorée, et sur laquelle était écrit : Aux
calendes de mai, quand le soleil se lèvera, j'au-
rai la (été toute d'or. Robert chercha long-
temps à deviner le sens de cette énigme;
mais ni lui ni les savants do son royaume n :
purent la résoudre. Un prisonnier de guerrj
sarrazin promit de l'interpréter, si on lui ac
cordait la liberté sans rançon. Il avertit dum;
le prince d'observer aux premiers jours de
mai l'ombre de la tête de la statue, au lever
du soleil, et de faire bêcher la terre à len-
droil où tomberait cette ombre. Robert sui-
vit ce conseil et trouva de grands trésors, qui
lui servirent tians ses guerres d'Italie. H ré-j
compensa le Sarrazin, non-seulement en lui
accordant la liberté,
liant (le bonnes sommes
DERIK.
il y a beaucoup d'énigmes dans les divi-
nations. On peut voir le traité des énigmes
du père Meneslrier, de la compagnie de Jé-
sus, intitulé . ta Philosophie des images éni-
gmatiques, où il est traité des énigmes,
hiéroglyphiques, oracles, prophéties, sorts ,
Ein, non-seulement en lui
!, mais encore en lui dou-[
mmes d'argent. Voy. Ro- 1
tw
ENS
ENT
5«
divinations, loteiii'S, talismans, son<;os, cen-
turies de Noslradanius, et de la baguette.
Lyon, 169!i.. in-12.
ENLEVEMENT. Nous ne parions ici que
de ceux qui ont élé enlevés par le diable.
Une Allemande avait conlraclé l'habitude
de jurer et de dire des mots de corps-de-
garde. Elle fut bientôt prise pour modèle par
quelques femmes de son pays, cl il fallut un
exemple qui arrêiàt le désordre. Un jour
qu'elle prononçail avec énergie ces paroles,
qui sont tristes surtout dans la bouche d'une
femme : Que le diable tn'emporle!... le diable
arriva tout équipé et l'emporta (1).
On lit en beaucoup de livres qu'un certain
comte de Mâcon, homme violent et impie,
exerçait une espèce de tyrannie contre les
ecclésiastiques et contre ce qui leur appar-
tenait, sans se mettre en peine de cacher ni
de colorer ses violences. Un jour qu'il était
assis dans son palais, bien accompagné, on
y vit entrer un inconnu à cheval, qui s'a-
vança jusqu'auprès du comte, et lui dit; —
Suivcz-inoi, j'ai à vous parler.
Le comte suit l'étranger, entrainé par un
pouvoir surnaturel. Lorsqu'il arrive à la
porte, il trouve un cheval préparé, le monte,
et il est transporté dans les airs, criant d'une
voix terrible, à ceux qui étaient présents :
— A moi I au secours 1... On le perdit de vue,
et on ne put douter que le diable ne l'eût
emporté.
Dans la même ville, il y eut un bailli qui
fut aussi enlevé par le diable à l'heure de
son diner, et porté trois fois autour de Md-
con, à la vue de tous les habitants, qui assu-
rent ne l'avoir pas vu revenir (2). Voy.
Agrippa, Simon, Gabrielle d'Estrèes, Lu-
ther. DÉVOUEMENT, clc.
ENOi:H. Voy. HÉNOCii.
ENSORCELLEMENT. Bien des gens se
sont crus ensorcelés, qui n'étaient que le
jouet de quelque hallucination. On lisait ce
fait dans le Journal des Débats du 5 mars
1841. — « 11 y a trois jours, M. Jacques Co-
quelin, demeurant rue du Marché Saint-Jean,
n- 21, à Paris, logé au troisième étage, ren-
trait chez lui vers onze heures du soir, la
lôte échauffée par le vin. Arrivé sur le palier
du deuxième étage, il se croit dans son do-
micile; il se déshabille tranquillement, jette
une à une ses bardes par une large fenêtre
donnant sur la cour et que dans son ivresse
il prend pour son alcôve ; puis il se fait un
bonnet de nuitavecsa cravate, et n'ayant plus
que sa chemise sur le corps, il se lance lui-
même par la fenêtre, croyant sejeter sur son
lit.. Ce ne futquelelendemain.verssixhcures
du matin, que les autres habitants de la
maison s'aperçurent de ce malheureux évé-
nement. Le corps de l'infortuné Coquelin
était étendu sans mouvement sur les dnlles
de la cour. Pourtant cet homme, âgé seule-
ment de vingt-sept ans, et doué d'une grande
force physique, n'était pas mort, quoique
son corps fût horriblement mutilé. Trans-
(1) Wierus do Prxsl. disiii., lib. II; liodin, Dé;noiio-
maiiie, liv. Itl, cil. 1.
(2} Jcaa (Je Ùiassanion, Ijuguenol, Des grands cl redou-
porté chez lui, il vécut deux jours encore;
mais son état était désespéré et il expira après
soixante heures des plus cruelles souffran-
ces. » — Dans d'autres Icmps ou dansd'.iu-
tres pays, o\ eût vu là un cnsorceUcmcnt.
Voy. toutefois Sortilèges, Paroles, Ber-
gers, etc., etc.
ENTERRÉS-VIVANTS. — Indépendam-
ment de ce qu'elles ont d'effroyable pour
ceux qui en sont victimes, les morts appa-
rentes ont donné lieu à plus d'une terreur.
Les soupirs entendus dans un cimetière ont
passé pour la voix d'un revenant, quand ce
n'ciait que le sanglot d'angoisse d'un infor-
tuné enterré vivant. — Ces choses tiennent
trop à la mort, pour (|ne nous ne nous y ar-
rêîions pas un peu. Mais, au lieu de donner
des histoires de morts-viv mts, nous croyons
plus utile de rapporter ici la curieuse thèse
du docteur Vinslow sur cette matière. Le
lecteur sera bien aise de trouver en son en-
tier cette petite pièce rare et intéressante.
L'auteur l'a intitulée : Terrible supplice et
cruel désespoir des personnes enterrées vi-
vantes. — Rien de si certain que la morl,
puisqu'elle est inévitable; rien de si incer-
tain, puisque des personnes réputées mor-
tes et qu'on avait ensevelies, sont sorties de
leur cercueil, et même de leur tombeau.
Combien de gens y sont morts, pour avoir
élé enterrés avec trop de précipitation 1 sort
bien plus affreux, sans doute, que celui di-s
misérables livrés aux derniers supplices. Il
y a des exemples de personnes qui ont donné
des marques certaines de vie, à l'instant où
l'anatomiste imprudent, portant sur elles un
fer meurtrier, se couvrait de honte, et exci-
tait l'indignaiion de toute une famille (3).
Direz - vous que tout cela est fabuleux?
Croyez-vous qu'il soit faux que Scot se soit
rongé les bras dans son tombeau, et que
l'empereur Zenon en ait fait autant, après
plusieurs gémissements que ses gardes ont
entendus. Je le veux bien; mais rejetterez -
vous le témoignage irréprochable de gens,
dont la probité reconnue égale les lumières et le
discernemenl?Ecoutez l'illustre Lancisi, pre-
mier médecin du pape Clément XI. « Ce n'est
pas, dit-il, pardesimplesoui-dire, que j'ai su
que plusieurs personnes que l'on allait enter-
rer, ont donné des signes qu'elles étaient vi-
vantes; j'ai vu, il y a environ vingt ans, un
gentilhomme qui vit encore, à qui le senti-
ment et le mouvement sont revenus dans
l'église, pendant le service qu'on chantait à
côté de son corps; ce qui fut moins un su-
jet d'admiration que de frayeur pour les as-
sistants. »
Le P.Zacchias, très-habile médecin deRome,
rapporte qu'un jeune homme pestiféré tomba
en syncope, et fut porté dans cet étal parmi
les morts; ceux qui se disposaient à l'enter-
rer, ayant découvert en lui quelques signes
de vie, le reportèrent à l'hôpital. Deux jours
après, étant de nouveau tombé en syncope,
on le crut bien morl cette seconda fois. On le
tables jugements de Dieu advenus an monde, p. 116.
(3) L'abbé Prévost , que l'on croyait mort, liil tué ainsi
par celui qui voulait l'ouvrir.
K13
DICTIONNAIRE DliS SCIENCES OCCULTKS.
r**
mit avec les c.iilavros pour dire enlerré. 11
donna encore des marques de vie. Les se-
cours qu'on lui ailminislra curent tout le
succès imagin.iblo. Ce jeune hoinmc est en-
core vivant. Il y en a bien d"autres qui,
pend.'int cette malaiiie contagieuse, ont é'.é
mis dans le tombeau sous de fausses appa-
rences : nous en sommes certains. »
Philippe Peu, (rès-liabile accoucheur, fait
avec une franchise qu'on ne peut assez
louer, l'aveu d'une faute quil a commise.
Appelé pour faire roi)ération césarienne à
une femme que l'on croyait morte dans l'in-
stant, il tâta la région du cœur et n'y aper-
çut aucun mouvement; le miroir approché
de la bouche ne fut point terni. Sur ces in-
dices, lui-même la crut morte. A peine eut-
il commencé l'opération, qu'il s'aperçut d'un
tremblement dans tout le corps di; ce!te
femme. Elle grinça des dénis et remua les
lèvres. Cet accident causa une telle frayeur
à ce chirurgien, qu'il se promit bien de ne
plus entreprendre une telle opéralion dans la
suile, sans avoir des preuves bien cerlaines
de la mort.
On assure que pareil malheur est arrivé, il
n'y a pas longtemps, à un homme de la pre-
mière distinction, que l'on voulait ouvrir
avant l'expiration des vingt-quatre heures,
depuis qu'il était réputé mort. On sait qu'un
événement aussi funeste réduisit aux der-
nières extrémités le fameux Vesale, le plus
grand anatomisic de son siècle.
Ces exemples ne sufQscnt-ils pas? Faut-il
des témoins connus, et à qui l'on puisse
s'informer de la vérité des faits? Le révérend
père Lccler, ci -devant procureur de la mai-
son des pensionnaires au collège de Louis-
le-Grand, dont la probité est notoire, vous
dira que la sœur de la première femme de
son père, ayant été enterrée dans le cime-
tière public d'Orléans, avec une bague au
doigt, un domestique, attiré par l'appât du
gain, décou\ rit le cercueil la nuit suivante,
et que ne pouvant parvenir à ôter la bague,
il se disposait à couper le doigt. La douleur
fit jeter un grand cri à celle femme; ce qui
effraya et mit en fuite le voleur. Elle se dé-
barrassa des linges qui l'enveloppaient, et
revint à sa maison. Elle n'est morte (|uc dix
ans après, ayant survécu à son mari, dont
elle eut un enfant depuis cet accident.
M. Mareschal, prêtre très-digne de foi,
chapelain de Notre-Dame à Paris, et prieur
de Saint-Jean de la Motte, au Mans, dit que,
vers l'année 1714, passant dans la rue Jean-
Robert, il vit sur le pas d'une porte une
femme enveloppée d'une grosse :ouverture
de laine, assise dans un fauteuil, à côté d'un
cercueil, dans lequel elle avait élé apportée
jusque-là, et d'où l'on venait de la tirer à
l'instant. II cerlifie aussi avoir vu, en 1722
ou 1723, des gens qui criaient aux porteurs
de morts, qui s'avançaient vers la rue de
Champ -Fleury, que celui qu'ils venaient
chercher, était sorti do la bière, et qu'il n'é-
tait pas mort.
M. Bernard, chirurgien de Paris, assure
qu'étant Jeune, il a vu dans la paroisse de
Réol, en présence de son père et de [ilusicurs
personnes, tirer du tombeau un religieux de
l'ordre de Saint-François, qui était enterré
defiuis trois ou quatre jours. Il était encore
vivant; mais il mourut un instant après son
exhum ilion, faite sur l'avis d'un de ses amis,
qui manda qu'il était sujet à des attaques do
catalepsie. La justice dressa un procès-verbal
de ce fait.
Madame Landry, veuve du graveur de ce
nom, rapporte que son père a été tenu pour
mort pendant plusieurs heures sur une
paillasse, et qu'il est revenu par le moyen
de l'eau salée qu'on lui fit coukr dans la
bouche, par le conseil d'une de ses amies,
qui soutint avec obstination qu'il n'était pas
mort.
Tous ces faits suffisent pour convaincre de
ce que dit Lancisi. « Qui ne sait qu'en temps
de peste tout se fait en désordre, et que l'on
ne donne pas l'attention nécessaire pour dis-
tinguer ceux qui sont réellement niorls, de
ceux qui ne le sont qu'en apparence ? jt
N'est-il pas permis de penser que cela se
passe de même parmi nous, dans les temps
où règne quelque maladie épidémiquo ? Pou-
vons-nous en douter lorsque nous voyons
dans les hôpitaux, dans les faubourgs et ail-
leurs, les enterrements si fréquents, et qui
semblent dcmaiider vengeance de la mort
violente qu'ils causent? Combien de gens à
moitié morts, et même vivants, sont, surtout
après les batailles, les victimes de l'usage
terrible où l'on est de précipiter les enterre-
ments !
Celse nouâ apprend que Démocrite, qui
était, à juste titre, un homme de grande ré-
putation, avait penié que les signes de la
mort n'étaient pas suffisamment certains.
L'apoplexie, la syncope, la vraie suffoca-
tion, telle que celle des gens (lu'on a étran-
glés ou étouffés, des noyés, de ceux qui ont
été enfermés dans des lieux trop étroits, ou
exposés à des vapeurs nuisibles ; la fausse
suffocation des femmes hystériques, des hy-
pocondriaques, de ceux qui sont saisis de
violentes passions de l'âme ; tous ces cas,
et plusieurs autres de la même nature, peu-
vent induire en erreur sur les signes de la
mort; et ce n'est pas tant par l'imperfcctijun
de la médecine, que par l'ignorance ou la
négligence de ceux (|ui l'exercent, ou par le
peu d'allentio!), quehiuefuis même par la
méchanceté de ceux (jui ont soin des malades.
La couleur vermeille du visage, la chaleur du
corps, la llexibiliié des mecnbres, ne sout
que des marques incertaines (|ue l'on soit en
vie. De même la pâleur du visage, 1(> froid
du corps, la raideurdes extrémités, l'aboli-
tion des mouveuienis et des sens externes,
sont des signes qui ne prouvent pas certai-
nement que l'on soit mort. Le pouls et la
respiration sont des signes indubitables de
la vie, car elle ne peut subsister sans ces
fonctions; mais ne croyez pas qu'elle soiti
entièrement éteinte , lorsque vous ne les
apercevrez point. Examinez les choses avec
soin; en faisant fléchir le poignet, on Irouve
souvent le pouls, que l'on n'avait point senti
I
•HS E.NT
quand le poignol ctail droit ou renversé. Par
ce mouvement on relâche l'artère, cl le
sang qui n'est poussé que faiblement peut y
parvenir. Quelquefois aussi on sent l'arlère,
entre le pouls cl le premier os du métacarpe,
idrsqu'on ne la trouve point au poignet. Il
f.iut la tâter légèrement; par une compres-
sion trop forte, vous en empêcheriez la
pulsation. Le battement des petites artères
de rexlréinilé de vos doigts, peut aussi vous
faire croire que le pouls bat, quoique la
personne soit réellement morte : soyez éga-
lement en garde contre ces illusions.
Tout n'est pas désespéré, lorsiju'on ne
sent point le pouls où on le trouve ordinai-
cmcnt. On peut tâter l'artère temporale et
les carotides. Celles-ci sont considérables et
reçoivent le sang du cœur en ligne droite.
Leur situation profonde exige que , pour les
découvrir, on appuie les doigts avec assez de
force, à côlé du bord postérieur du muscle
sternomastoïdien. On peut encore tâter le
pouls avec succès aus artères crurales, vers
la région des aines. 11 faut aussi faire des
reclierches à la région du cœur; mais pour
les faire utilement, il faut que le corps soit
sur le côlé. Quand le corps est sur le dos, le
cœur s'approche de l'épine, et s'éloigne des
rôles au point qu'il ne frappe que très-fai-
blement, ou même point du tout, contre
elles ; c'est ce que chacun peut éprouver sur
Ini-uiême. Le cœur bat ordinairement du
côlé gauche; mais ses battements sont à
droite, dans ceux dont les viscères sont
transposés, singularité qui a peut-être été
plus d'une fois une source d'erreur dans le
traitement des maladies du foie, de la rate,
de l'intestin colon et du cœcum. Il faut donc
avoir égard à la possibilité de celte transpo-
sition dans l'examen que nous indiquons.
Cependant le mouvement du cœur et des
arièrcs peut échapper à toutes ces recher-
ches ; si Ion n'avait recours à d'autres si-
gnes, on jugerait mort( s des personnes qui
sont vivantes. L'examen de la resjjiralion ne
fournit pas, dans ci'S circonstances , des
preuves plus certaines d'une mort douteuse.
Ses mouvements peuvent être absolument
imperceptibles. Lorsque les vibrations du
cœur et de l'aorte sont languissantes, la
vertu élastique des bronches et des vésicules
du poumon, aidée par de légers fiémisse-
nients du cœur et de l'artère pulmonaire,
surfit alors [lour la respiration, (|ui continue
de se faire, (luoique insensiblement. Les re-
cherches qu'on a faites inutilement sur les
organes de la circulation du sang, ne dis-
pensent pas de celles (ju'on doit faire sur les
organes de la respiration, du sentiment et
(lu mouvement. En les négligeant, on se
rendrait coupable de la mort de ctmx que
l'on aurait privés de secours, d'après un ju-
gement porté sur des apparences trompeu-
ses.
DiTércnts auteurs ont proposé différentes
épreuves , pour distinguer ceux qui sont vé-
rilableuienl morts , de ceux dont la mort
est douteuse. Les uns , pour découvrir s'il y
a encore (luelques mouvements de respira-
INT
.St'i
tion , présentent dune main sûre la llainmo
d'une bougie à la bouche et aux narines. Si
la flamme vacille , sans qu'on puisse attri-
buer ce tremblement à quelque autre cause,
ils jugent que la vie n'est point entièrement
éteinte. Us pensent le contraire, si la flamme
n'est agitée en aucun sens. D'autres font la
même expérience avec un fil très-délié de
laine cardée, ou de colon. Il n'y a personne
qui ne puisse se convaincre de l'insuffisance
de cette épreuve, en modérant sa respiration.
Ces signes ne sont donc rien moins que cer-
tains. Nous en disons autant de l'épreuve
avec le miroir ; puisqu'il s'exhale de la bou-
che eldcs narines d'un cadavre encore chaud,
des vapeurs capables de ternir la glace.
Selon quelques-uns, on peut juger qu'une
personne n'est pas morte j si l'on aperçoit
du mouvement dans l'eau , dont on aura
rempli un verre posé Sur l'avance xiphoïde,
le sujet étant couché sur le dos. Il serait , je
pense, plus convenable qu'on fît celte expé-
rience , en niellant le sujet sur le côlé, de
façon que lexlrémité du cartilage de l'avant
dernière côte fut la partie la plus élevée , et
sur laquelle on placerait le verre plein d'eau:
il y serait mieux que sur le cartilage xi-
phoïde pour apercevoir le plus léger mouve-
ment qui se ferait dans la poitrine. Mais de
plus, ne sait-on pas que, pour entretenir la
respiration dans le cas dont il s'agit, il suffit
que le diaphragme ait du mouvement , et
que ce mouvement peut être assez doux pour
n'en causer aucun aux côtes ; ainsi le repos
de la liqueur n'est pas une preuve que les
fonctions vitales soient abolies ; et mérne l'a-
gitation de celte liqueur ne prouve pas
qu'elles subsistent , car la fermentation des
humeurs pourrait exciter ce mouvement
dans un mort.
Quels reproches n'aurait-on pas à se faire,
si l'on abandonnait un sujet sur lequel ces
moyens auraient été éprouvés sans succès I
On doit en tenter d'autres, qui sont efficaces
pour rappclerd'nne mort apparente à la vie.
Il faut irriter l'intérieur du nez avec des
sternutatoires, des sels et des liqueurs péné-
trantes , de la moutarde, du jus d'oignon,
d'ail , de raifort sauvage , avec les barbes
d'une plume ou le bout d'un pinceau. Il faut
frotter fréquemment et assez fortenienl les
gencives avec les mômes drogues; piquer les
organes du tact avec des orties ; irriter les
intestins avec des lavements , de la fumée
qu'on y introduira ; agiter les membres par
de fortes extensions et flexions , faire beau-
coup de bruit , et crier aux oreilles. Il ne
faut pas s'imaginer que la pirsonne n'entend
point , parce qu'elle aura paru ne pas en-
tendre : car de môme que le cœur est appelé
le premier vivant , on peut dire que des or-
ganes sensitifs, celui de l'ouïe, est le dernier
qui perde son action. On a là-dessus le té-
moignage de ceux qui, privés de l'usage de
tous les autres sens , ont entendu très-di-
stinctement , et rapporté ensuite tout ce qui
avait été dit pendant leur léthargie. Un théo-
logienavaittoujours enseignéqu'on ne devait
point donner l'absolution à un agonisant qui
Bt7
PlCTIONNAmE DES SCIENCES OCCULTES.
618
ne témoignait, p.T aucun signe extérieur,
qu'il eût la faculié d'onleudre ; il changea de
sentiment , p.irce que, privé lui-même de
tout inouvcmenl dans une faiblesse consi-
dérable , il avait entendu tout ce qui avait
été dit à côté do lui.
De toutes les parties de la médecine, la
chirurgie, comme Celse l'a remarqué il y a
longtemps , est cille dont les cfTets sont les
plus certains ; c'est donc à elle qu'il faudra
enQn avoir recours pour tâcher de trouver
des signes de la vie ou de la mort. Les épreu-
ves chirurgicales les plus convenables dans
ce cas. sont des piqûres, des incisions, ou
des brûlures. Par ces moyens on a quilque-
fois réussi à rappeler à la vie des personnes
sur lesquelles les autres épreuves avaient été
entièrement inutiles. Lirritation cl la divul-
sion que les épreuves chirurgicales causent
aux haupes nerveuses, dont l'organe du tact
est formé, produisent une sensation doulou-
reuse des plus vives ; la communication au
siège de l'âme s'en fait avec une vitesse éton-
nante , et d'une manière qu'on n'a pu ex-
pli(|uer jusqu'ici. C'est par celle raison que
les piqûres dans les mains ou à la plante des
pieds, les scarifications sur les épaules et
les bras , etc. , ont servi quelquefois à dé-
couvrir que les apparences delà mortétaient
trompeuses. C'est aussi , par cette raison ,
qu'une femme a été tirée d'une attaque d'a-
poplexie , en lui faisant entrer profondé-
ment une longue aiguille sous l'ongle d'un
des doigts du pied ; moyen , dont le siiccèi
ne justifie pas la témérité. Les incisions
peuvent produire le même effet : enfin , la
cautérisation est regardée comme un moyen
Irès-i'ffîeace.
Lancisi , dont le témoignage est si respec-
table, rapporte que des gens du peuple, que
les remèdes les plus violents n'avaient pu
réveiller d'un assoupissement apoplectique,
ont été sur le champ rappelés à la vie par
des fers rouges qu'on appiocha de la plante
de leurs pieds. Quelques autres conseillent
de mettre des fers rouges sur le sommet de
la tète. On peut exciter avec succès , sur les
mains , les bras ou autres parties du corps ,
une sensation douloureuse avec l'eau bouil-
lante , la cire ordinaire ou la cire d'Espa-
gne brûlante , ou avec une mèche allumée.
Les frictions violentes opèrent à peu près de
la même manière. On lit , dans les ouvrages
de l'Académie des Curieux de la Nature:
« Qu'un médecin s'étanl aperçu qu'un hotn-
« me , qu'on croyait mort , avait encore les
« membres flexibles , quoiqu'on ne sentît
« point de pouls , que l'immobilité du coton
« déposât contre l'existence de la respira-
« tion , et que les lavements les plus acres
fussent sans effet, il fit frotter fortement la
plante des pieds de cet homme avec une
étoffe de crin, pénétrée d'une saumure
très-forte, et , par ce moyen, il Iq rappela
à la vie. »
Quelque utiles que ces épreuves parais-
sent, elles peuvent néanmoins être fautives.
Entre plusieurs exemp'es qui le prouvent, il
suffit de citer une observation cotnmuniquéo
à l'Académie royale dos sciences. Un soldat
ne sentait point la chaleur d'un fer rouge ,
quoi(|u'il eût conservé la puissance motrice
des parties , qui étaient d'evenurs insensi-
bles.
Que résultcra-l-il , me direz vous, de tout
ce que vous proposez? à quoi bon pi(|uer.
inciser et brûler ainsi les corps? A quoi bon?
le voici : l'exemple des autres m'épouvante,
moi surtout qui, au jugement même de mé-
decins , ai été réiiulé mort et enseveli deux
fois , l'une dans n)on enfance , et l'autre
étant adolescent. « Au surplus le comtnun
des hommes, comme l'a remarqué Zarchias,
ne doit pas se moquer do î'habileté des méde-
cins qui feraient des expériences sur ceux qu(;
l'on croirait morts, ou qui le seraient véri-
tablement, pour tâcher de découvrir si la
vie subsiste encore, ou si elle est entière-
ment éteinte.» Nous pouvons citer ici ce que
Lancisi rapporte d'après Quinlilien. « D'où
croyez-vous que soit venue la coutume de
différer les enterrements? Pourquoi trou-
blons-nous les pompes funèbres, par nos
pleurs, nos gémissements et nos cris, si ce
n'est parce qu'on a vu souvent des gens
qu'on croyait morts revenir à la vie contre
toute espérance?»C'est pourquoi, continue;
ce savant homme , on ne peut trop louer la
sagesse de la loi, qui défend d'ensevelir pré-
cipitamment les inorîs, et surtout ceux dont
la mort a été subite. Il prie ensuite les mé-
decins, de même que les personnes pieuses,
dont l'état est d'exhorter les mourants, de
faire usage des moyens proposés. Il exhorte
surtout les méilecins à chercher de nouveaux
moyens, par lesquels on puisse soustraire
des victimes à la mort, ou du moins gagner
asnez de temps pour que ceux que l'on
pourra réchapper puissent au moins se re-
connaître et faire les actes de religion né-
cessairi'S. Kiol.m, un des flambeaux de l'E-
cole de Médecine de Paris, a donné des mar-
ques à peu près pareilles de sa charité, en
parlant des corps des jiisliciés, qu'on des-
tine aux dissections analoiiiiques: «Il ne faut
y procéder, dit-il, tant ijue le corps est chau'l,
et s'il n'y a pas longtemps qui> l'exécution
soit faite; la religion et Ihumanilé exigent
que l'on donne à ces malheureux tons les
secours convenabU's pour les rappeler à la
vie , afin qu'ils puissent faire pénitence de
leurs crimes. » Mais comme il n'y a (surtout
dans les cas dont nous parlons), aucun signe
certain de la mort, que les taches livides du
sujet, et l'odeur cadavéreuse qui s'en exhale,
odeur bien différente de toutes celles qui
émanent des excréments ou de certains ul -
cères, etc., le plus sûr sera de garder dans
le lit, pendant deux ou trois jours, celui que
l'on croira mort, avec ses draps, ses cou-
vertures , et ses oreillers , romine s'il était
vivant. On le laissera ainsi jusqu'à ce qu'il
soit froid et devenu raidc. Le sentiment du
célèbre Terilli, mélicin de Venise, mérite-
rait d'être gravé en lettres d'or : a (iomme il
est très-certain , par tout ce qui a été dit ,
que les fonctions vitales peuvent être dimi--
uuées au point que le corps paraisse tout à
S19 ENT
fait scmbl;ib!o à celui d'un mort , il est à
propos de dilTérer les enterrements assez de
temps, pour que la vie puisse se manifester;
la charité et la religion ne perniellcnt pas
qu'on s'expose, faute de celte précaution , à
enterrer des personnes qui ne sont point
réelleiiienl mortes. Selon tous les auteurs ,
il faut attendre trois jours naturels, ou soi-
xante et douze heures (i). Si pendant ce
temps on n'aperçoit aucun signe de vie, et
qu'au contraire les corps exhalent une odeur
fétide, c'est une preuve infaillible de la mort,
et l'on peut les enterrer sans scrupule. »
Zacchias est aussi de cet avis : « Un com-
mencement de putréfaction est le seul signe
certain de la mort. » Il ne faut donc pas être
surpris si quelques personnes, dans la crainte
d'être enterrées vivantes, ont ordonné par
leur testament qu'on ne les enterrât qu'au
bout de quarante-huit heures, et après qu'on
aurait fait sur elles les épreuves chirurgi-
cales qui peuvent servir à constater leur
mort, 'iout le monde sait que madame de
Gorbeville a prescrit ces précautions dans
son testament ; ce qui fut exécuté ; et je dé-
sire bien fort qu'on ail les mêmes atten-
tions pour moi lorsque je serai dans le même
cas.
Donc les épreuves chirurgicales ne don-
nent pas des signes plus certains d'une mort
douteuse que les autres épreuves.
Epreuves contre unemorl apparente , pour
prévenir les enterrements précipités.
I. Ne point retirer de son lit le malade que
l'on présume être mort , et l'y laisser avec
les mêmes draps , couvertures et oreillers
qu'il avait dans le cours de sa maladie.
II. Souffler avec un tujau ou chalumeau
de l'air dans les poumons ; pincer le nez et
les lèvres contre le tuyau, afin que cet air
ne revienne point par les lèvres et par les
narines.
III. L'application d'un vésicaloire ou
d'une pierre à cautère : si ce remède ex-
cite des vessies, c'est un signe certainde vie;
car il n'agit point sur des parties mortes.
IV. La flexibilité des membres est un des
principaux signes qu'une personne n'est pas
morte, quoiqu'elle ne donne aucun signe de
vie, à moins que la raideur des membres ne
soit causée par une affection convulsive ; ce
([(l'on connaîtra facilement , parce que le
membre convulsif retourne avec violence
vers le lieu où il était; on observe tout le
contraire dans les cadavres ; dès qu'on a
forcé l'articulation, le membre est indifférent
à telle ou telle situation, et il suit les règles
des corps inanimés.
V. Tant que le globe do l'œil conserve sa
fermeté naturelle, on ne peut pas prononcer
que la personne est morte, quelles «jue soient
les autres marques qui déterminent à le
penser.
VI. La cornée transparente des morls est
ordinairemenl couverte d'une toile glai-
reuse très-fine, qui se fend en plusieurs
(t) C'est ce qui se fait on Allemagne, cm Uullanilc A
Paris, on alleiid a j'ciuc viiiijl-quaire licures....
ENT
5à0
morceaux quand on y louche, et que l'on
emporte facilement en essuyant la cornée ;
ce qui donne lieu do dire en différents pays
que les yeux sont crevés, ou que le larmier
est rompu.
VII. Un seul cadavre mort d'une maladie
maligne, peut causer dans les églises une
infection très-dangereuse à plusieurs, à qui
la mén<! maladie se peut communiquer fa-
cilement, si l'on n'a soin de bien sceller
la tombe , sous laquelle on les aura in-
humés.
Nous compléterons ce qu'on vient de lire
par un Mémoire présenté, en 1839, au Con-
seil central de Salubrité publique, à Bru-
xelles , par MM. de Losen, Bigol et Vander-
slraelen ?
S'il est une question qui se rattache inti-
mement à l'hygiène publique , et qui inté-
resse la société tout entière, c'est sans con-
tredit celle des dangers des inhumations pré-
cipitées, lîn effet, arracher un grand nombre
de victimes à la mort, n'est-ce point, d'une
part , contribuer à la conservation de l'es-
pèce humaine, en la préservant du plus ter-
rible des malbt-urs, celui d'être enterré vi-
vant, et de l'autre, rassurer l'humanilé contre
les erreurs déplorables que peut entraîner une
mort apparente, garantir l'honneur et le re-
pos des familles, et fournir à la justice les
moyens de connaîîre des crimes qui reste-
raient impunis ou ignorés.
Les apparences de la mort ont été quel-
quefois si grandes , que la vérité n'a pu
éclairer les yeux de médecins instruits ;
tnais plus souvent l'ignorance, la précipi-
tation et la cupidité placèrent dans le tom-
beau des malades qui n'avaient point perdu
tous leurs droits à la vie. Winslow , Bru-
hier, Louis, etc., ont démontré l'incerliiude
des sign(S de la mort , et on ne saurait trop
accorder d'éloges au zèle qui inspira leurs
éloquentes réclamations. Aujourd'hui il n'est
plus de médecin qui ne soil convaincu que
les signes qui semblent être le cachet de la
mort, n'en sont point une preuve évidente ,
et que leur ensemble même no peutijue la
faire présumer sans l'établir d'une manière
absolue ; enfin que la putréfaction en est la
seule preuve indubitable , parce que les nou-
velles réactions chimiques qui s'opèrent
alors dans le corps, démontrent qu'il a cessé
d'être sous l'influence du principe de la vie.
Rien n'est donc plus difficile que de s'assu-
rer de la mort réelle. Et puisque des exem-
ples ont prouvé et prouvent encore tous les
jours que la précipitation des inhumations
a causé de grandes catastrophes, l'humanité
n'ordonne-l-elle pas de prendre, pour l'évi-
ter, toutes les précautions suggérées par la
prudence humaine ?
La plupart des peuples ont tellement senti
l'importance de s'assurer de la niorl réelle
d'un individu, qu'ils ont pris des mesures
pour éviter les inhumations précipitées. Le
législateur des Hébreux , Moïse, à qui Ion
doit plusieurs admirables préceptes d'hy-
giène , prescrivait de garder les morts pen-
dant trois jours. Hérodote affirme qu'il était
%n\
DICTIONNAlUE bES SCIENCES OCCULTES
552
défendu aux Egjplicns d'enlerrer leurs morls
avaut le quatrième jour du décès. Les an-
ciens Perses n'inhumaient aucun cadavre
sans que son odeur putride n'eût attiré les
oiseaux de proie. Lycurgue avait fixé à onze
jours la durée des lamentations funéraires ,
et le corps du décédé ne pouvait élre inhumé
avant celte cpocjue. A Athènes les corps ,
après avoir été lavés et parfumés, étaient ex-
posés, la tète découverte, dans le vesti-
bule des maisons , et ne recevaient les
honneurs funèbres qu'après le troisième
jour. Dans plusieurs autres villes de la Grèce,
on attendait le sixième et même le septième.
Les llomuins conservaient leurs morts pen-
dant sept Jours, confiés à la garde de per-
sonnes chargées de les ap|ieler plusieurs fois
et à grands cris par leurs noms : cet usage
se nommait la conclamtUion. Avant de dépo-
ser le corps sur h' bûcher, on l'appelait une
dernière fois, on lui coupait un doigt, et s'il
ne donnait aucun signe d'existence, il était
jugé privé de la vie pour jiimais.
Avant Léopold 1", on avait l'habitude, en
Toscane, d'inhumer 1rs morts dans les vingt-
quatre heures. Ce sage souverain prorogea
le délai à quaranlc-huit, et il prescrivit que,
dans le cas où des circonstances particuliè-
res se présenleraieiil, on ne pourrait enter-
rer les corps avant qu'ils ne manifestassent
des signes indubitables de mort réelle. 11 fit
à cet effet établir des gardiens pour veiller
les décédés cl pour faire appeler au besoin
les hommes de l'art charges de donner les
secours nécessaires. Afin que toutes ces
mesures fussent religieusement observées,
ce prince préposa à Florence et dans toutes
les communes du grand duché un magistral
à la surveillance exclusive des sépultures.
Il ordonna en outre que, sans une permission
écrite de ce magistrat, on ne pourrait pro-
céder à aucune inhumation, et il commina
des peines très-sévères pour les cas de con-
travention.
Les Anglais n'enterrent les personnes qua-
lifiées qu'au bout de trois jours, et les autres
dans le délai de vingt-quatre à trente-six
heures : mais dans l'un et l'autre cas , ce
n'est qu'après que les experts ont certifié
que la mort n'a été produite ni par le fer ni
par le poison.
En Portugal , la loi exige vingt-quatre
heures entre le décès et la sépulture, qui
néanmoins a lieu par fois cinq ou sis. heures
après la mort.
L'Espagne est le pays où l'on garde le
moins les morls : pour peu que vous dormiez
trop longtemps, dit M. Langle, on vous uiet
en terre.
En Allemagne, avanl l'impératrice Maric-
ThérCse, le temps entre la mort et l'inhuma-
tion était arbitraire ; elle remédia à cet état
de choses en ordonnant que dans ses états
on n'cnierrerait désormais que quaranle-
liuil heures après le décès. Aujourd hui les
Allemands soumettent leurs morls à une
mile d'épreuves qui rendent toute surprise
impossible, et ne les ensevelissent qu'après
plusieurs jours.
En France, l'article 77 du code civil exige
qu'aucune inhumation ne soit faite sans une
autorisation de l'officier de l'état civil , qui
ne pourra la délivrer qu'après s'être trans-
porté auprès de la personne décédée , pour
s'assurer du décès, et que vingt-quaCre heures
après le décès.
Les mesures administratives concernant
les inhumations sont les mêmes pour la Bel-
gique. 11 est aisé de démontrer leur insuffi-
sance. Nous avons vu que les peuples anciens
conservaient les cadavres pendant plusieurs
jours, et cependant, malgré tous les soins
qu'ils prenaient pour s'assurer que la perte
de la vie était réelle, Pline parle de plusieurs
morts en apparence ressuscites sur le bû-
cher. A plus forte raison le terme de
vingt-quatre, ou même do quarante-huit
heures, est-il insuftisant, surtout dans les
morts subites. H est encore souvent abrégé
par la précipitation des ensevclisseuients el
de la mise dans la bière (à couvercle cloué),
par les auîopsies cl les embaumements éga-
lement précipités, enfin par les fausses dé-
clarations de décès.
En effet, à peine quelqu'un ost-il en élat
de mort, que parents, amis , tout le monde,
l'abandonne; une main mercenaire s'em-
presse de l'ensevelir; il devient pour tout ce
qui l'entoure un objet d'horreur dont on a
hâte de se débarrasser; aussi, ne manquc-
t-on presque jamais , dans les déclarations
de décès, d'anticiper de cinq, six, et iiiémc de
dix heures, l'heure de la mort, afin de pou-
voir inhumer plus vite, sans s'inquiéter si
l'on va confier à la terre un corps en état
de morl apparente, ou un cadavre ; de telles
déclarations sont réprcliciisibles , souvent
même elles sont criminelles.
Encore si le médecin voyait son malade
lorsqu'il a cessé d'exister 1 Mais non ; l'hoin-
me de l'art qui craint pour la vie de son
client , a soin de prendre des informations
chez les voisins, el, selon leur réponse, il
entre ou s'éloigne. S'il n'a pas prévu l'événe-
ment, pour l'ordinaire on le fait avertir que
ses visites ne sont plus nécessaires, que le
malade a succonibé. Eh 1 qui a prononcé
qu'il est morl? Des parents désespérés par
une fausse apparence, ou des héritiers qui
cachent leur satisfaction sous les dehors
d'une feinte douleur , ou enfin dos gardes-
malades, souvent fort ignorantes.
En Belgique, M. le ministre de l'intérieur,
frappé delà gravité des inhninations préci-
pitées, a adressé, en juillet 1838, à tous les
gouverneurs du pays , une circulaire pour
s'assurer si , dans les différenles provincs,
l'officier de l'état civil se transportait auprès
de la personne déeédée; cette circulaire por-
tait aussi que . diins le cas où l'article 77 ne
serait pas exécuté, MM. les gouverneurs
étaient priés de rechercher quelles seraient
les mesures qu'il serait préférable d'adopter
pour remédiera cet abus, et de les lui signa-
ler. Or voici ( si nos renseignements sont
exacts, et nous avons tout lieu de le croire),
Ips résultats qu'a obtenus M. le ministre :
A Anvers l'olficierdo l'étal civil n'exécute
f5S
ENT
ENT
Ki
pas l'article 77 ; le collège communal oonsi-
ilère celte disposition comme insuffisante; il
exige que la mort soit attestée par un mé-
decin.
A Malines, un agent de police se trans-
porte auprès du décédé, pour vérifler la
mort
A Turnhout, la loi ne s'exécute pas, ainsi
que dans toutes les autres communes de la
province.
A Bruielles, à Louvain , à Nivelles , un
commissaire de l'état civil est délégué pour
constater les décès. Dans quelques communes
le secrétaire de la régence, ou le garde-cham-
pêlre est chargé de la même fonction ; dans
tout le reste de la province la loi n'est pas
exéculée.
l'ourla Flandre Orientale, M. le gouver-
neur a fait une singulière réponse. Depuis
l'existence des dispositions de l'article 77,
dit-il , aucune réclamation , aucune plainte
lie s'est élevée dans celte province, signalant
quelque abus ou quelque infraction à leur
jioiicluelle exécution. Est-ce parce que les
morts ne réclament ni ne se plaignent? Nous
serions tentés de le croire.
M. le gouverneur du Hainaut y met beau-
coup plus de franchise ; il avoue que dans
aucune ville ni commune de sa province la
loi n'est exécutée (1).
Depuis quelque temps, à Liège et à Vcr-
viers, des médecins vérificateurs des décès
ont été institués par le conseil communal ;
dans tout le reste de la province la loi ne
reçoit aucune exécution.
Dans les villes de la Flandre Occidentale,
c'est un agent de police qui s'assure des dé-
cès. M. le gouverneur garde le silence sur
toutes les autres communes.
Dans le Luxembourg, la loi n'est exécutée
nulle part.
Il en est de même dans la province de Na-
mur.
Dans le Limbourg , l'article 77 n'est ob-
servé que dans très-peu de communes.
Ainsi donc, presque partout la loi est ou
inexéculéc ou violée; car une délégation,
soit à un agent de police, soit à un garde-
champêtre, ou même à un médecin, est une
violation de l'article 77 , puis<]u'il y est dit
textuellement que l'officier de l'état civil de-
vra s'assurer en personne des décès. Ou la
loi est bonne ou elle est mauvaise ; dans ce
dernier cas, il faut la modifier.
Nous venons de voir que l'article 77 n'é-
tait exécuté nulle part; mais fût-il observé
partout, il serait encore illusoire. Voyons
en effet de quelle utililc peut être l'officier
de l'état civil, ou son délégué, pour consta-
ter les décès. D'abord le plus souvent il se
dispense de celle pénible corvée ; en second
lieu, si quelquefois il prend cette peine, ce
n'est qu'avec un sentiment de dégoût ou
même d'horreur pour un cadavre. Aussi que
fail-il? Muni d'un flacon de vinaigre ou d'un
(l| Dffpuis deux mois seulenipnl la ville de Tournay, k
l'instar de Paria et de la plupart des grandes villes de
Fr^ince oji l'irisiiOis^iiee de la constalatiuu des décès par
rollicicr de l'étal civil a élé bien sentie, a institué des
DlCTIONlf. DES SCIENCBS OCCULTES. 1.
morceau de camphre, il entre avec les plus
grandes précautions dans la chambre du dé-
funt, et à peine l'a-t-il entrevu, qu'il le dé-
clare bien et dûment mort. Supposons main-
tenant qu'il parvienne à vaincre cette répu-
gnance ordinaire qu'a l'homme pour ud
cadavre , pense-t-on qu'il aille examiner
scrupuleusement toutes les parties? et quand
bien même il se dévouerait a ce point, croit-
on que son regard scrutateur puisse saisir
les causes d'une mort violente, ouïes signes
caractéristiques de la mort réelle, signes
qui échappent quelquefois à l'investigation
des médecins? 'fout homme de bonne foi ré-
pondra sans hésiter : non. Nous ne crai-
gnons donc pas de dire que ces visites uni-
quement faites par des honmies étrangers à
l'art médical , sont illusoires. Nous irons
plus loin, nous dirons même que cette dis-
position est funeste à la société, carelle con-
sacre en principe que toute mort apparente
est une mort réelle. De là aucune tentative,
aucune expérience pour rappeler à la vie
tant de malheureux qui ne sont réellement
pas morts. En effet, l'expérience ne démon-
tre-t-elle pas que beaucoup d'élats nerveux
ou apoplectiques se trouvent dissipés par
des secours convenablement administrés, et
qui, abandonnés à eux-mêmes, auraient
amené la mort réelle ?
Bruhier, dans son Traité sur l'incertitude
des signes de la mort, publié en 1740, a ras-
semblé 181 cas de méprises, parmi lesquels
figurent 52 individus enterrés vivants, k ou-
verts avant leur mort, 53 personnes reve-
nues spontanément à la vie après avoir élé
enfermées dans un cercueil, et 72 autres ré-
putées mortes sans l'être.
Tout en admettant qu'un grand nombre de
ces faits ne présentent pas toute la garantie
désirable , il n'eu reste pas moins démontre
que des erreurs nombreuses ont élé commi-
ses. D'ailleurs, Bruhier n'est pas le seul au-
teur qui ail rapporté des fails de ce genre :
Zacchias , Lancisi, Philippe Peu, Guillaume
Fabri , Pechlin , Kirchmann, Kornmann ,
Winslow,Falcouel, Rigodeaux,elc., ont cité
des exemples analogues. On sait que sous
Charles IX, François Civile , gentilhomme
normand , se qualifiait dans ses actes de
trois fois mort, trois fois enterré, et trois
lois ressuscité par la grâce de Dieu.
Nous pourrions citer ici uu grand nombre
decas de résurrections en quelquesorte mira-
culeuses ; nous nous contenterons do rappor-
ter l'un des plus récents etdes plus digutis do
remarque, que nous empruntons au Journal
(les sciences physiques, chimiques, aria
agricoles et industriels de France (cahier de
mai 1838).
Philippe Marbois , cultivateur à Cvsoin,
village à quel(|ues lieues de Lille , âgé de
58 ans, d'un caradère bon, d'une patience
rare, à la suite d'une vive altercation avec
sa femme et ses enfants, fut atteint tout à
iitédecins inspecteurs pour s'assurer de la mort réelle.
Mais outre !a visite de ces médecins , il faudrait I'atte:>l3-
tioii signée du méduciii qui a soigné le malade.
18
KtA
riCTION.NAinE DES SCIF.NCES OCCULTES.
rss
coup (l'une attaque de catalepsie. On le mit
mort. En conséquence trois jours après (le
16 janvier 183S), jour où le froid fut exces-
sif, Philippe Marbois fut inhumé à Irès-neu
de profondeur, à cause de la difficulté qu'on
éprouvait pourcrcuser la terre. Le 2'! janvier,
le temps étant au dégel , l'exhuniatioii fut en-
treprise pour procéder à une nouvelle inhuma-
lioiidu cadavre. Quel fut l'étonneinent du fos-
soyeur d'entendre un soupir étouP^ partir du
cercueil I on ouvre la bière, on eu sort Mar-
bois, on le transporte dans une maison voi-
sine où, à l'aide des secours qui lui sont
prodigués par un homme de l'art, Il ne lar-
de pas à être rappelé à la vie.
Nous lisons dans les Notices de Froriep
(année 1829, n° 522) que, d'après une nou-
velle mesure adoptée à New-loi k, on ne
peut procéder à aucune inhumation avant
d'avoir exposé le cercueil pendant huit
jours, avec une ouverture pratiquée dans
la région de la tête, et des cordons qui des
pieds et des mains vont aboutir à une son-
netle. Sur 1200 indiDidu.? exposés de la sorte,
il y en eut 6 en état de mort apparente.
Ainsi ce n'est pas sur des millions ou des
milliers de morts, mais t)ien sur 2'!Q seule-
ment quun individu aurait été enterré vi-
vant. En vérité cette proportion d'un demi
pour cent a de quoi effrayer, si elle est la
même partout. Si nous en voulions faire par
hasard l'application à Druxclles, nous trou-
verions que depuis 182i jusqu'en 1837 il est
mort 51,^05 personnes; or.ilyenaurait donc
eu 259 d'enterrées vivantes, et qu.ind bien
même nous réduirions ce nombre de moilié,
le résultat n'en serait pas moins effrayant et
digne d'appeler toute notre sollicitude.
Le danger d'ensevelir un vivant n'est pas
la seule considération qui doit faire pro-
f-crire les inhumations précipitées, et engager
à vérifier scrupuleusement le genre de mort.
^l en est d'autres dont l'importance en ma-
nière criminelle et dans l'ordre moral est fort
grande, puisqu'elles facilitent au crime les
moyens de se soustraire aux regards des
hommes, et de braver ainsi les lois.
En lisant les journaux français, et surtout
la Gazette des Tribunaux, on est vraiment
■«iffrayé d'y rencontrer si souvent des crimes
qui , d'abord ensevelis sous terre, n'ont dû
leur découverte, et par suite leur punition ,
qu'à des soupçons qui ont forcé l'aulorilé
judiciaire à exhumer les cadavres des vic-
times. Il est à regretter que l'admini'^tration
de la justice, dans les comptes-rendus qu'elle
publie, ne donne pas la statistique d(!s ex-
humations judiciaires. Peut-être qu'effrayé
par cet épouvantable résultat, le gouverne-
ment aurait déjà depuis longtemps pris les
mesures les plus mmutieuses pour la coii-
stalalion drs décès. Pour vous convaincre
de ce que nous avançons, nous avons pris au
hasard qiielquiis numéros do la Gazelle des
TribnnaiiT deiS.'îS, et voici ce que nous y
avons trouvé:
Dans le numéro du 11 janvier, un nommé
Delunel, meunier dans le département de la
.Ucurlhc, après avoir été exhumé , a été re-
connu assassiné. Si femme, son fils, sa fillo
et un domestique ont été condamnés coitiine
les auteurs du crime.
Dans le numéro du 19 avril, Julien Rous-
seau , fermier dans le dép irtement de la
Loire-Inférieure, a été reconnu pour avoir
empoisonné sa (lualrième femme, et l'inslru-
clion a en partie démontré qu'il s'était dé-
barrassé violemment des trois autres.
Dans le numéro du 2'i- juin, la femme He-
drix,(lu départeiiicntde l'Aube, aété condam-
née pour avoir empoisonné son mari ; le poi-
son a r*^ signalé dans l'estomac de la vic-
time exhumée.
Dans le numéro du 13 septembre, Philippe
Gros, tonnelier à Béziers, a empoisonné suc-
cessivement ses deux femmes et son enfant.
Après avoir exhumé les cadavres des trois
victimes, on a reconnu chez toutes de l'ar-
senic • le criminel s'est lue en prison.
Dans le numéro du 19 septembre, Michel
Mentes a été condamné pour avoir assassiné
sa femme , ce dont on s'est convaincu après
avoir exhumé le cadavre.
Dans le numéro du 22 du même mois, Marie
Lamoure, veuve Malaurent, du déparlement
de la Corrèze , a éié condamnée pour avoir
empoisonné son enfant de k ans. De l'arsenic
a été trouvé dans l'estomac du cadavre ex-
humé.
Dans le numéro du 4 octobre, madame N.,
de Paris, a empoisonné successivement son
mari et deux enfants.
Dans le numéro du 7 du même mois, M. Sa-
vin, médecin à Pouilly, a été arrêté comme
ayant empoisonné sa femme avec de l'opium.
Depuis, Sivin s'est suicidé en prison.
Dans le numéro du 31 du même mois. Le-
eocq , du département de l'Orne, a été con-
damné pour avoir assassiné sa tante. Le
cadavre exhumé n'a laissé aucun doute à cet
égard.
Dans le numéro do 7 décembre , Mariette
Tollon, veuve Froquais , du département dis
l'Isère , est accusée d'avoir empoisonné son
premier mari et la première femme de son
second. Après avoir exhumé les victimes, on
a trouvé de l'arsenic dans l'estomac de l'une
des deux.
Dans le numéro du 8 du même mois , un
enfant de cinq ans , de l'arrondissement de
Fougères, a succombé sous les mauvais trai-
tements de son tuteur : l'exhumation du ca-
davre en lambeaux ne laisse aucun doute à
cet égard.
Dans le numéro du 23 du n;ême mois,
M. Camus, riche propriétaire du département
de Loir-et-Cher, est mort à Orléans, et quel-
ques soupçonsonidonné lieu à l'exhumation;
les viscères, soigneusement recueillis , ont
été envoyés à Paris , pour être soumis à des
analyses chimi(iues.
Il y a quelques jours , la gazelt» contenait
encore le récit d'un triple empnisonnemeiit
commis snccessiveni''iit sur ses trois femmes
par un habitant de Beaupréau, département
de Maine-et-Loire. Après avoir été exhumés,
l'examen des cadavres de deux des viclimes
a prouve l'emploi manifeste de r.irsciiic
557
ENT
TNT
65S
lînfln, aujoiirdMnii 19 février 1839, nous
lisons djins lu g;iEclle du 17 de rc mois, qu'à
Sainl-Genis, arrondissement de Libourne,
Vexhumalion du cadavre de la femme Bouri-
caut vient d'avoir lieu, et que de graves pré-
somptions accusent son mari d'ôlre l'auleur
du crime qui a causé la mort de celle femme.
Nous avons trouvé dans un autre journal
que Joseph Clémot , habitant de la commune
de Neuvy (Maine et Loire), a empoisonné
successivement avec de l'arsenic trois femmes
et un enfani; la première, Anne Bounlicr,
on 1828, la seconde, Geneviève Brillonet, en
1837, et Marie Bondu, le 23 septembre 1838.
Le môme journal rapporte qu'à Xain-
trailles , arrondissement de Nancy , Jeanne
Gaseaux, femme Sourisseau, a empoisonné,
le 2 octobre 1838, son mari avec de i'arsenic
qui a élé retrouvé dans l'estomac du cadavre
exhumé. Les débals de la cour d'assises ont
en partie démontré qu'elle avait empoisonné
de la même manière son second et son pre-
mier mari.
Si nous avions eu à notre disposition la
collection complète de la Gazette des Tribu-
naux de 1838, et le temps de la compulser,
npus ne doutons pas ({ue nous n'eussions pu
signaler au moins cinquante à soixante cri-
mes de la nature de ceux que nous venons
de vous relater; or, en admettant que la ga-
zette ne consigne que le quart des exhuma-
tions qui ont lieu dans toute la France, ce
qui n'est certes pas exagéré, il en résulterait
donc à peu près par an 200 exhumations par
suite de suspicion de crime souvent justifié,
n'est-ce pas là un chiffre effrayant? Et si
maintenant nous réfléchissons à la quantité
de crimes qui restent enfouis et impuni? et
on n'en saurait doluor, puisque, comme nous
l'avons vu, un grand nombre de coupables,
avant d'être découverts , en étaient à leur
deuxième,troisième et quatrième crime; n'en
devons-nous pas conclure avec douleur que
les plus grands coupables ne sont pas tou-
jours au bagne , qu'il n'y a que les plus ef-
frontés et les plus maladroits, mais que les
plus profonds scélérats vivent la plupart du
temps à nos côlés et quelquefois sous notre
propre toit.
£n lisant les débats criminels, nous avons
vu d'autres genres de crime, qui doivent
échapper souvent à la justice en raison de la
manière vicieuse avec laquelle on constate
les décès ; nous voulons parler de ces séques-
trations pires qu'un assassinat, telles que les
époux Wieland et plusieurs autres parents
dénaturés nous ont fourni des exemples dans
ces derniers temps. Qui aurait révélé le genre
de mort de ces malheureux, s'ils étaient
morts quelques jours avant la découverte du
crime de séquestration? Qui peut nous dé-
voiler les manœuvres coupables employées
pour produire l'avortement et qui amènent
en mémo temps la mort de la mère? Qui peut
nous signaler la mort de tant de jeunes en-
fants assassinés par leurs parents même lé-
gitimes ou qu'on laisse périr volontairement
par un assassinat plus lent, mais nou moins
révoltant. Qui pourra nous taire connaître
tous ces meurtres détournés que commellent
des héritiers avides ou des enfants dénaturés,
en ne donnant pas à des vieillards faibles ou
infirmes les aliments nécessaires à leur con-
servation , ou en les privant des secours de
la médecine et des remèdes (|ui pourraient
leur conserver la vie?
Ne croyez pas que nous cherchions ici à
rendre plus hideux , pour effrayer vos ima-
ginations, un tableau déjà si horrible par
lui-même, non; nous ne vous avons entre-
tenus que de choses qui se passent tous les
jours au milieu de nous. En faisant ressortir
des faits qui passent inaperçus , nous n'a-
vons eu en vue (lu'une seule chose, de vous
signaler les vices de la législation actuelle
concernant les inhumations, et de vous prier
de vous joindre à nous pour engager lo gou-
vernement et les différentes autorités com-
munales à adopler des mesuies qui puissent
remédier à tous ces vices et combler les la-
cunes de la législation.
Les moyens qui nous paraissent les plus
propres à remplir ce but, consistent, selon
nous, l-dans des améliorations à apporter à
la législation sur la manière de vériûer et de
constater les décès, et 2° dans l'établissement
de dépôts ou maisons mortuaires à l'instar
de celles qui existent dans plusieurs villes
d'Allemagne.
Los maisons dont il s'agit, placées dans
les cimetières , sont destinées à recevoir les
morts qui, après y avoir élé convenablement
déposés, y sont observés jusqu'à l'apparition
des signes non équivoques de la putréfaction.
11 J a déjà longtemps qu'en Allemagne, le
célèbre Hufeland avait parlé avec chaleur
contre l'insouciance, la superstition et la lé-
gèreté avec laquelle on traiie les morts, et
c'est à son mérite et à ses sollicitations qu'en
1791 , on dut, à Weimar, l'établissement de
la première maison mortuaire. Le grand-duc
Charles-Auguste et sa famille s'élant inté-
ressés à cette institution , une souscription
fut ouverte, et les amis de l'humanité virent
avec plaisir toutes les classes de la société
saisir cette idée avec empressement; aussi,
en peu de temps , tous les moyens furent
réunis pour établir une maison qui répondit
tout à fait au but qu'un s'était proposé. A
l'occasion du nouveau cimetière de 'NVeimar,
on a construit en 1824 une nouvelle maison
mortuaire qui est encore plus parfaite que
l'ancienne, sur la porte de laquelle est placée
l'inscription suivante ; Vitœ dubiœ asylum.
C'est également à Hufeland qu'on doit la
fondation d'une maison mortuaire à Berlin.
Elle a élé construite en 1797 par la société
des Amis, et se distinguo par sa construc-
tion ; elle contient deux salles, une pour les
hommes et l'autre pour les femmes.
A l'exemple de 'Weimar et do Berlin, et à
l'instigalion du professeur Ackermann, on a
fondé à Mayence, en 1803, une maison mor-
tuaire à laquelle on a donné depuis quelques
années plus d'extension.
La maison mortuaire de Munich est con-
struite sur un plan plus étendu et se distingue
tant en raison de la magnificence de l'archi-
va
niCTIONNAlRi: DES SCIENCES OCCLLTES.
B!0
lecture qu'à cniise ae l'arriiiipemont conve-
iiablp (le l'intcriciir. Elle a été bâiie on 1818
sur le nouveau cimetière; elle contient deux
Mlles spacieuses, l'une est destinée aux ri-
ches, l'autre aux pauvres. Du centre de la
maison s"étend à chaque côté une colonnade
(te 9i colonnes d'ordre corinihien ; au mur
extérieur, on a ménagé des niches pour y
mettre les bustes des hoiumos qui se sont
distingués par leurs vertus et leurs connais-
sances.
On procéda à Bamberg à la construction
d'une maison mortuaire, en 1821; à Wurz-
bourg et à Augsbourg se trouvent égalomeiit
de pareils élablisscments. Le plus nouveau
a été élevé dans le cimetière à Francfort-
sur-le-Mein; il peut servir de modèle à tous
les autres. Naguère les journaux ont annoncé
que , convaincu de l'importance el de la né-
cessité de ces salutaires institutions, le roi
de Prusse allait eu créer plusieurs dans ses
Etals.
Avant de terminer cet aperçu historique,
nous ne devons pas passer sous silence une
institution de ce genre créée en Belgique, en
1825. C'est le caveau ou dépôt mortuaire que
la ville de Verviers doit a la générosité de
madame Simonis de Sanzeilles.
Voici quelques autres faits.
En 1827, dans la séance du 10 avril de
l'Académie royale de médecine de Paris ,
M. Chantourellelut une note sur les dangers
des inhumations précipitées. Celte lecture
amena unediscussion dans laquelle M. Dis-
genettes dit tenir de M. Thouret, qui avait
présidé à la destruction du cimetière et du
charnier des Innocents, que beaucoup de
squelettes avaient été trouvés dans dis
positions annonçant que les individus s'é-
laicnt mus après leur inhumation. M. Thou-
ret en avait été si frappé, qu'il en fit la
matière d'une disjiosition testamentaire re-
lative à son enterrement.
Meruac rapporte que la femme de M. Du-
hamel, avocat célèbre au parlement de Paris,
regardée comme morte pendant vingt-quatre
heures, fut placée sur une table pour être
ensevelie. Son mari s'y oppose fortement ,
ne la croyant pas morte. Pour s'en convain-
cre, sachant qu'elle aimait beaucoup le son
de la vielle et les chansons que chantent les
vielleurs, il en fait monter un. Au son de
l'instrument el de la voix, la défunte reprend
)e mouvement et la parole. Elle a survécu
quarante ans à sa mort apparente.
M. Rousseau, de Rouen, avait épousé une
femme de quatorze ans, qu'il laissa en par-
faite santé pour faire un petit voyage à quatre
lieues de la ville. Le troisième juur de son
voyage, on vient lui annoncer que s'il ne
part promptement il trouvera sa femme en-
terrée. En arrivant chez lui , il la voit
exposée sur la porte, elle clergé prêt à l'em-
porter. Tout entier à son désespoir il fait
porter la bière dans sa chambre, la fait dé-
clouer, place la défunte dans son lit, lui fait
faire viiigi-cinq scariGcalions par un chirur-
gien, à la vingt-sixième plusdouloureuscsans
Joute que les auUcs, la défunte s'écria : —
Ah ! que vous me faites mal I on sVmpressfi
de lui donner tous les secours île l'arl. Celte
femme a eu depuis vingt-six enfants.
ENTHOUSIASTES. On a donné ce nom à
certains sectaires qui, étant agités du démon,
se crov.'iient inspirés.
ENVOUTliMKNT. Les sorciers font, dit-on,
la figure en cire de leurs ennemis, la pi-
quenl, la tourmentent, la fondent devant le
feu, afin que les originaux vivants el ani-
més ressentent les mêmes douleurs. C'est ce
que l'on appelle envoûter, du nom de la
figure, vols ou vousl ; voyez ce mot. Voy.
aussi Dl'ffus, Charles IX, Glocesteh, etc.
EON DE LETOILE. Dans le douzième
siècle, un certain Eon de l'Etoile, gentil-
homme breton, abusf.nl de la manière dont
on prononçait ces paroles : Per eum tjui ven-
turus est ( on prononçait per Eon ) , préten-
dit qu'il était le Fils de Dieu qui doit venir
juger les vivants el les morts, se donna pour
tel, eut des adhérents qu'on appela Eoniens,
et qui se mirent, comme Ions les novateurs,
à piller les églises el les monastères.
ÉONS. Selon les gnosliques, les Kons sont
les êtres vivants et intelligents que noijs ap-
pelons des esprits. Les Grecs les nominaieut
démons ; ce mol a le même sens. Ces Bons
prétendus étaient ou des allribuls de Dieu
personnifiés, ou des mots hébreux liiés de
l'Ecriture, ou des mots barbares forgés à
discrétion. Ainsi de Pléroma la divinité, sor-
taient Sophia\a sagesse, Nous l'intelligence,
Sigélc silence, Logos le verbe, Achamoih la
prudence, etc. L'un de ces Eoiis avait formé
le monde, l'autre avait gouverné les Juifs et
fabriqué leur loi, un troisième était venu
parmi les hommes, sous le nom de Fils
de Dieu ou de Jésus-Christ. Il n'en coûtait
lien pour les multiplier; les uns étaient
mâles el les autres femelles, el de leur ma-
riage il était sorti une nombreuse famille.
Les Eons étaient issus de Dieu par émana-
tion el par nécessité de nature. Les inven-
teurs de ces rêveries disaient encore que
l'homme a deux âmes, l'une sensilive qu'il a
reçue des Kous, et l'autre inlelligonleel rai-
sonnable que Dieu lui a donnée pour répa-
rer les bévues des Eons maladroits (II.
EI'AULK Dli MOUTON. Giraud, cité par
M. Gaulri I, dans son Mémoire su«" la part
que les Flamands prirent à l.i conquête de
l'Angleterre par les Normands, dit que les
Flamands qui vinrent en Angleterre connais-
saient l'avenir et le passé par l'inspection de
l'épaule droite d'un mouton, dépouillée de
la viande, non rôtie, mais cuite à l'eau: « Par
un art admirable et vraiment prophétique,
ajoute le même écrivain , ils savent les cho-
ses qui, dans le moment même, se passent
loin d'eux ; ils annoncent avec la plus grande
certitude, d'après certains signes, la guerre
et la paix, les massacres et les incendies, la
maladie el la mort du roi. C'est à tel point
qu'ils prévirent, un au auparavant, le bou-
leversement de l'Etal apiès la mort de
Henri L', vendirent tous leurs biens el
échappèrent à leur ruine eu quittant le
(1) Bergicr Dicl. lliêolog., su mot Giiostiqucs.
SOI
EIR
EUC
tAn
royaume avec leurs richesses. » — Pourtant
on voit dans les historiens du temps que ce
fait avancé par Giraud n'est pas exact, et
qu'il arriva au contraire à ces Flamands
beaucoup de choses qu'ils n'avaient pas
prévues.
EPH1.\LTES ou HYPHIALTES,ÉPHÉLÈS,
nom que donnaient les Eoliens à une sorte
de démons incubes (1).
EPICUKE. « Qui pourrait ne pas déplorer
le sort d Epirure, qui a le malheur de passer
pour avoir attaché le souverain bien aux
plaisirs des sens, et dont à cette occasion on
a flétri la mémoire? Si l'on fait réflexion
qu'il a vécu soixante-dix ans, qu'il a com-
posé plus d'ouvrages qu'auc;in des autres
philosophes, qu'il se contentait de pain et
d'eau, et que quand il voulait dîner avec
Jupiter, il n'y faisait ajouter qu'un peu de
froma<:e, on reviendra bientôt de cette fausse
prévention. Que l'on consulte Diogène l.aër-
ce, on trouvera dans ses écrits la vie d'Epi-
cure, ses lettres, son testament, et l'on se
convaincra que les faits que l'on avance
contre lui sont calomnieux. Ce qui a donné
lieu à celte erreur, c'est que l'on a mal pris
sa doctrine ; en effet, il ne faisait pas consis-
ter la félicité dans les i)Iaisirs du corps, mais
dans ceux de l'âme, et dans la tranquillité
que selon lui on ne peut obtenir que de la
sagesse et de la vertu (2). »
Voilà ce que disent quelques critiques,
comlialliis par d'autres.
EPiLEPSlE. Les rois d'Angleterre ne gué-
rissaient pas seulement les écrouelles; ils
bénissaient encore des anneaux qui préser-
vaient de la crampe et du mal caduc. Cette
cérémonie se faisait le vendredi saint. Le
roi, pour communiquer aux anneaux leur
vertu salutaire, les frottait entre ses mains.
Ces anneaux qui étaient d'or ou d'argent ,
étaient envoyés dans toute l'Europe, comme
des préservatifs infaiîlibles; il en est fait men-
tion dans différents monuments anciens [3).
11 y a d'autres moyens na'i'fs de traiter l'e-
pilepsie, qui n'obligent pas à passer la mer.
On croyait en guérir chez nos a'ieux, en
attachant au bras du malade un clou tiré
d'un crucifix. La même cure s'opérait en lui
mettant sur la poitrine ou dans la poche les
noms des trois rois mages, Gaspard, Bal-
thuzar, Melcliior. Cette recette est indiquée
dans des livres anciens ;
G.ispar ferl myrriiam, llius Melcliior, Ilalibasar auruoi.
Haec tria qui secum porlabil iiomiiia leguui,
Solvilur a morbo, Chrisli ijielate, cadiico.
EPREUVES. L'épreuve gothique qui ser-
vait à reconnaîlre les sorciers a beaucoup
de rapport avec la manière judicieuse que
le peuple emploie pour s'assurer si un chien
est enragé ou ne l'est pas. La foule se ras-
semble et tourmente, autant que possible ,
le chien qu'on accuse de rage. Si l'animal
dévoué se défend cl mord, il est condamné,
(t) Leioyer, Hist. des spectres ou ap. des esprils, liv. Il,
th. V, p. 197.
(î) Urown,Essaissurles erreurs, etc., liv. VII, th. xxvii.
d'une voix unanime, d'après ce principe ,
qu'un chien enr.-igé mord tout ce qu'il ren-
contre. S'il lelche, au contraire, de s'écliap-
pcr et de fuir à toutes jambes, l'espérance
de salut esl pcidue sans ressource : on sait
de reste qu'un cliii'n enragé court avec force
et tout droit devant lui sans se délourner.
La sorcière soupçonnée élait plongée dans
l'eau, les mains et les pieds fortement liés
ensemble. Surnageail-ellc, on l'enlevait aus-
sitôt pour la pi'écipiler dans un bûcher ,
comme convaincue d'être criminelle, puis-
que l'eau des épreuves la rejetait de son sein.
En'bnçait-elle, son innocence était dès lors
irréprochable; mais cette justification lui
coûtait la vie (4).
Il y avait bien d'autres épreuves. Celle de
la croix consistait généralement, pour les
deux adversaires, à demeurer les bras éten-
dus devant une croix, celui qui y tenait le
plus longtemps gagnait sa cause.
Mais le plus souvent les épreuves judi-
ciairrs se faisaient autrefois par l'eau on le
feu. Voy. Eac bouillante, CERCUEfL, Fer
cuAiD, Ordalie, etc.
EUCELDOUNE. Les avcnlures merveil-
leuses de Thomas d'Erceldoune sont l'une
des plus vieilles légendes de fées que l'on
connaisse. Thomas d'Erceldoune , dans le
Landerdale, surnommé le Rimeur . parce
qu'il avait composé un roman poétique sur
"Tristrem et Yseult, roman curieux cornmo
l'échantillon de vers anglais le plus ancien
qu'on sache exister, florissait sous le règne
d'Alexandre 111 d'Ecosse. Ainsi que d'autres
hommes de talent à cette épo(jue, Thomas fut
soupçonné de magie. On disait aussi qu'il
avait le don de prophétiser; ou va voir pour-
quoi.
Un jour qu'il était couché sur la colline
appelée Huniley, dans les montagnes d'Eil-
don, qui dominent le monastère de Meirose,
il vit une femme merveillensemenl belle ; son
équipement élait celui d'une amazone ou
d'une divinité des bois ; son coursier é'ait de
la plus grande beauté , à sa crinière étaient
suspendues trente-neuf sonnettes d'argent
que le vent faisait retentir; la se le élait d'os
royal, c'est-à-dire d'ivoire, ornée d'orl'évre-
rie ; tout correspondait à la magnificence de
cetéquipement. La chasseresse avait un arc
eu main et des flèches à sa ceinture. Elle con-
duisait trois lévriers en laisse, et trois bas-
sets la suivaient de près. Elle rejeta l'hom-
mage féodal que Thomas voulut lui n mire,
en disant qu'elle n'y avait aucun droit. Tho-
mas, épcrdument épris, lui proposa alors de
l'épouser. La dame lui répondit qu'il no
pouvait être son époux sans devenir son es-
clave; et comme il acceplail, l'exlérieurde la
belle inconnue se changea aussitôt en celui
de la plus hideuse sorcière : tout un côté de
son visage était flétri et comme attaqué de
paralysie; son leint, naguère si brillant, étail
maintenant de la couleur brune du plomb.
(ï) Lebrun, Hist. des pratiques supersUlieuses, t. II,
p. UIS.
\i; UulUsmilh, Essai sur les mœurs.
■J(>3
Tout alTrcusc qu'elle ét.iil, la passion de
Thomas l'avait mis sous sa puissance, et
quand elie lui ordonna de prcmlre congé du
soleil et di's feuilles qui pouss nt sur les ar-
bres, il se sentit contraint de lui obéir. Ils
pénétrèrent dans une caverne où il voyagea
trois jours au milieu de l'obscurité, tantôt
entendant le mugissement d'une mer loin-
taine, tantôt marchant à travers des ruis-
seaux de sang qui coupaient la route souter-
raine. Enfin il revit la lumière du jour, et
arriva dans un beau verger. Epuisé, faute
de nourriture, il avance la main vers les
fruits magnifiques qui pendent lic toute part
autour de lui; mais sa conductrice lui dé-
fend d'y loucher, lui apprenant que ce sont
les pommes fatales qui untuccasionné la chute
de l'homme. 11 s'aperçoit aussi que sa con-
ductrice n'était pas plutôt entrée dans ce
mystérieux jardin, n'en avait pas plutôt res-
piré l'.iir magique, ([u'elle avait repris sa
beauté, son riche équipage et toute sa splen-
deur; qu'elle était aussi belle, et même plus
belle, que lorsqu'il lavait rue pour la pre-
mière fois sur la montagne. Elle se met alors
à lui expliquer la nature du pays.
« Ce chemin à droite, dit-elle, mène les
esprits dos justes au paradis; cet autre à
gauche, si bien battu, conduit les âmes pé-
cheresses au lieu de leur éternel châtiment;
la troisième route, par le noir souterrain,
aboutit à un séjour de souffrances plus dou-
ces, d'où les prières peuvent retirer les pé-
cheurs. Mais voyez-vous encore une qua-
trième voie qui serpente dans la plaine
autour de ce château ? C'est la route d'Ellland,
(le pays des Elis) dont je suis la reine; c'est
aussi celle que nous alli>ns sui(rc mainte-
nant. Quand nous entrerons dans ce ( hâteau,
observez le plus strict silence, ne répondez
à aucune des questions qui vous seront
adressées; j'expliquerai votre mutisme en
disant que je vous ai retiré le don de la pa-
role eu vous arrachant au monde de^ hu-
mains. »
Après ces instructions, ils se dirigèrent
vers le château. En entrant dans la cuisine,
ils se trouvèrent au milieu d'une scène qui
n'eût pas été mal placée dans la demeure
d'un grand seigneur ou d'un prince. Trente
cerfs étaient étendus sur la lourde table, et
de nombreux cuisiniers travaillaient à les
découper et à les apprêler. Ils passèrent en-
suite dans le salon royal ; des chevaliers et
des dames, dansant par trois, oecupaienl le
milieu. Thomas, oubliant ses fatigues, prit
part aux amusements. Après un espace de
temps qui lui sembla fort court, la reine le
tenant à l'écart lui ordonna de se préparer à
retourner dans son pays.
— Maintenant , ajoula-l-ellc , combien
croyez-roHs être resté de temps ici?
— Assurciiienl, b;lie dame, répyndit Tho-
mas, pas plus de sept jours.
— V'ous êtes dans l'erreur, répondit-elle;
vous y êtes demeuré sept ans, et il est bien
temps que vous en sortiez. Sacliez, Thomas,
que le diable de renier viendra demain de-
luaudsr suu tribut , cl un iiumine comme
DICTIONNMflK DES SCIKNCES OCCULTES.
5b'<
VOUS attirera S( s regards; c'est pourquoi le-
vons-nous et partons.
Cette terrible nouvelle réconcilia Thoma»
avec l'idée de son déjjart hors delà leire de»
fées; la reine ne fut pas longue à le replacer
sur la colline il'Huntley, où chantaient les
oiseaux. Elle lui fit ses adieux; et, pour lui
assurer une réputation, le gratifia de la lan-
gue qui ne peut mentir.
Thomas, dès lors, tontes les fois que la
conversation roulait sur l'avenir, acquit une
réputation de prophète, car il ne pouvait
rien dire ((ui ne dût infailliblement arriver;
et s'il eût été législateur au lieu d'être poëte,
nous avions ici l'histoire de Numa et d'Egérie.,
Thomas demeura plusieurs années dans sa
tour près d'Erccldoune, et il jouissait tran-
quillement de la réputation que lui avaient
faite ses préiliclions, dont plusieurs sont en-
core aujourd'hui retenues par les gens dp la
campagne. Un jour qu'il traitait tiaus sa mai-
son le comte de March, un cti d'étonnement
s'éleva dans le village, à l'apparition d'un
cerf et d'une biche qui sortirent de hi forêt,
et, contrairement à leur nature timide, conti-
nuèrent tranquillement leur chemin eu su
dirigeant vers la demeure de Thomas, f^e
prophèie quitta aussitôt la table; voyant dans
ce prodige un avertissement de son destin,
il reconduisit le cerf et la biche d.ins la forêi,
et depuis, quoiqu'il ail été revu accidentel -
li'meul par des individus auxquels il roulait
bien se montrer, il a rompu toute liiiisou
avec l'espèce humaine...
On a suppo-é île temps en temps (]ue Tho-
mas d'Ercelilouue, durant sa retraite, s'oc-
cupait à lever des troupes pour descendre
dans les plaines, à quelque instant critii|uc
pour le sort de sou pays. On a souvent ré-
pété l'histoire d'un audacieux jockey, lequel
vendit un cheval cà un vieillard très-vénéra-
ble d'extérieur, qui lui indiqua dans les mon-
tagnes d'Eildon Luckcu-Hare, comme l'en-
droit où, à minuit sonnant, il recevrait son
prix. Le marchand y alla, son argent lui fut
payé en pièces antiques, et l'acheteur l'invita
à visiter sa résidence. Il suivit avec étoune-
ment plusieurs longues rangées de stalles,
dans cliacune des(iuelles un cheval se tenait
immobile, tandis qu'un soldat armé de toutes
pièces était couché, aussi sans mouvciiUMit,
aux pieds de chaque noble animal. « Tous
ces hommes, dit le sorcier à voix basse, s'é-
veilleront à la bataille de SherilVmoor. »
A l'extrémité étaient suspendus une épée
et un cor (jne le prophète montra au jockey
comme renfermant les moyens de rompre le
charme. Le jockey prit le cor et essaya d'en
donner. Les chevaux tressaillirent aussitôt
dans leurs slall<'s; les soldais se levèrent et
firent retentir leurs armes, et le mortel épou-
vanté laissa échapper le cor de ses mains.
Une voix forte prononça ces mots ; « .Malheur
au lâche (|ui ne saisit pas le glaive avant
d'enller le cor. » Un tourbillon de vent chassa
le marchand de chevaux de la caverne, dont
il ni' put jamais reirouver l'entrée (1)
EllKBE, lleuve d(!S enfers : ou le prcud
llj Wa'.mr SloU, Vé-iioiwicgic.
565
Eim
ESC
sob
Hussi pour une partie de l'enfer ii pour l'en-
fer même. 11 y avait chez les païens un sa-
cerdoce particulier pour les âmes qui étaient
d;ins l'Erèhe.
EUGENNA , devin d'Elrurie dans l'anli-
quilc.
ERIC AU CHAPEAU VENTEDX. On iitdans
Hector de Boëce que le roi de Suède, Eric
ou Henri , surnommé le Chapeau venteux,
faisait changer les vents, en tournant son
bonnet ou chapeau sur sa téti', pour mon-
trer au démon, avec qui il avait fait pacte,
de quel côté il les voulait; et le démon élail
si exact à donner le vent que demandait le
signal du bonnet, qu'on aurait pu, en toute
sûreté, prendre le couvre-chef royal pour une
girouelle.
ERICHTHO, sorcière, qui, dans la guerre
entre César et Pompée, évoqua un mort, le-
quel prédit toutes les circonstances de la ba-
taille de Pharsale (1).
EKOCONOPES, peuples imaginaires que
Lucien représente comme d'habiles archers,
moulés sur des moucherons-monstres.
EIIOCOIIDACÈS, autre peuple imaginaire
que le même auteur représente combattant
avec des raves en guise de flèches.
EROMANTIE, une des six espèces de divi-
nations pratiquées chei les Perses par le
moyen de l'air, lis s'enveloppaient la tête
d'une serviette, exposaient à l'air un vase
rempli d'eau, et proféraient à voix basse l'ob-
jet de liurs vœux. Si l'eau venait à bouillon-
ner, c'était un pronostic heureux.
EROTYLOS, pierre fabuleuse dont Démo-
crile et Pline après lui vantent la propriété
pour la divination.
ERREURS POPULAIRES. LorsqueleDante
publia son Enfer, la simplicité do son siècle
le reçut comme une véritable narration de
sa descente dans les sombres manoirs. A
l'époque où l'Utopie de Thomas Morus parut
pour la première fois, elle occasionna une
plaisante méprise. Ce roman poétique donne
le modèle d'une république imaginaire, dans
une lie qui est supposée avoir été nouvelle-
ment découverte en Amérique. Comme c'élait
le sièi;le, dit Oranger, BudcEus et d'autres
écrivains prirent le conte pour une histoire
véritable, et regardèrent comme une chose
importante qu'on envoyât des missionnaires
dans cette île.
Ce ne fut que longtemps après la publica-
tion des Voyages de Culliver, par Swift,
qu'un grand nombre de ses lecteurs demeura
convaincu <iu'ils étaient fabuleux (2).
Les erreurs populaires sont en si grand
nonibre, qu'elles ne tiendraient pas toutes
dans ce livre. Nous ne parlerons pas des er-
reurs physicjues ou des erieurs d'ignorance :
nous ne nous élèverons ici que contre les
erreurs enfantées par les savants. Ainsi Car-
dan eut des partisans lorsqu'il débita que,
dans le Nouveau-Monde, les gouttes d'eau se
changen*. en petites grenouilles vertes. Cé-
drénusaécrit très-merveileuscmentquo tous
les rois francs de la pren)ière race naissaient
avec l'épine du dos couverte et hérissée d'un
(1) Wierus, Je Prxslig. dann., lil). II, cap. ix.
poil de sanglier. Le peuple croit fermement,
dans certaines pro\inces, que la louve en-
f.inte, avec ses louveteaux, un petit chien
qu'elle dévore aussitôt qu'il voit le jour. —
Voyez la plupart des articles de ce Diction-
naire.
ERUS ou Er, fils de Zoroastre. Platon as-
.sure qu'il sortit (le son tombeau douze jours
après avoir été brûlé sur un bûcher, et (ju'il
coiita beaucoii[) do choses sur le sort des
bons et des méchants dans l'autre monde.
ESCALIBOR, épée merveilleuse du roi Ar-
thiis. Voy. Arthus.
ESCAMOTAGE. On l'a pris quelquefois
pour la sorcellerie; le diable, dit Leloyer^
s'en est souvent mêlé. Deirio (liv. 2, quesl.
2) rapporte qu'on (lunil du dernier supplice,
à Trêves, une sorcière très-connue qui fai-
sait venir le lait de toutes les vaches du voi-
sinage en un vase placé dans le mur. Spren-
gcr assure pareillement que certaines sor-
cières se postent la nuit dans un coin de leur
maison, tenant un vase devant elles ; ((u'elles
plantent un couteau ou tout autre instru-
ment dans le mur ; qu'elles tendent la main
pour traire, en invoquant le diable, qui tra-
vaille avec elles à traire telle ou telle vache
qui paraît la plus grasse et la mieux fournie
do lait ; que le démon s'empresse de pres.ser
les mamelles de la vache, et de porter le lait
dans l'endroit où se trouve la sorcière qui
l'escamote ainsi. Voy. Fascination, Charmes,
Agrippa, Faust, etc.
Dans les villages, les escamoteurs ont en-
core le nom de sorciers. Voici toutefois d'un
escamoteur un joli petit trait qu'on a rapporté
dans \a Chronique de Courlray,iia 25 avril
18'i3.
« Dans unedcsbaraquessurlaGrand'Place.
hier, pendant (lu'un escamoteur exécutait
ses tours, il vit un des assistants dérober
fort adroitement le mouchoir de son voisin
et s'en écarter aussitôt eu allant se placer
d'un autre côté. 11 trouva là une occasion
superbe de se donner du relief. Monsieur,
dit l'escamoteur titulaire à la victime du
larcin, prêtez-moi, s'il vous plaît, votre fou-
lard, je vais faire un tour des plus surpre-
nants. Celui-ci s'empressa de mettre la main
dans la poche, et tout ébahi s'écria qu'il
était volé, en dirigeant ses regards accusa-
teurs sur ceux qui l'entouraient. — Volet
s'écria l'opérateur tout étonné; eh bienl tant
mieux, mon tour en sera plus beau. — De
quelle couleur est votre foulard? Rouge et
jaune.— Bon, soyez trancjuille, s'il est encore
dans la salle, il vous reviendra. — Et faisant
tourner sa baguette sur le bout de ses doigts,
il en arrêta le mouvement dans la direction
de l'escamoteur de contrebande , et lui dit:
— Le foulard est dans ta poche, rends-le.
Cette apostrophe consterna le voleur qui ce-
pendant se remit aussitôt, affecta une grande
surprise, et passa le mouchoir à son pro-
priétaire, aux acclamations des spectateurs
saisis d'admiration. La police fut avertie, lo
filou mis en prison, et l'art du devin, prôné
par toutes les bouches, ne cessa d'attirer un«
(2J Berlin, Curiosilos Je la Ullératurcï, l. 1, p. 301.
8fî7
IMCTJONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
KCS
foale eonsiilérable à sa baraque pendant
toute la journée.»
ESCHYLK, — tragique prcc, à qui on avait
prédit qu'il mourrail de la chute d'une mai-
son; ce qui fil qu'il s'alla loger en pleine
campagne; mais le conte ajoute qu'un aigle,
qui portail une tortue dans ses serres, la
laissa tomber sur la lôte chauve du poëte,
pensant que ce fût an rocher; et la prédiction
s'accomplit.
ESDRAS. — Pour les écrits apocryphes
qu'on lui attribue , voy. Pic de la Mira?»-
DOLE.
ESPAGNET (.lEA:tD'),— philosophe hermé-
tique, qui a fait deux traités intitulés: l'un
Enchiridion de la physique rétablie; l'autre.
Secret de la philosophie hermétiqxte (1 ) ; encore
lui conleste-l-on ce dernier que l'on attribue
à un inconnu qui se faisait appeler le Che-
valier Impérial (2).
Le Secret de ta philosophie renfi-rme la
pratique du grand œuvre, et VEnchiridion
la théorie physique sur laquelle repose la
transmutabilité des métaux.
D'Espagnrt est encore auteur de la préface
qui précède le Traité de l'inconstance des dé-
mons de Pierre Delancre. On lit dans cette
préface que les sorcières ont coutume de vo-
ler les petits enfants pour les consacrer au
démon.
ESPAGNOL (Jeau l'), —docteur en théo-
logie, grand-prieur de Saint-Rerai de Reims,
auteur d'un livre intitulé : Histoire notable
delà conversion des Anglais, etc.,in-8°. Douai,
161i. La vingtième annotation, qui commen-
re à la page 50G et va jusqu'à la 300", est un
traité sur les apparitions des esprits, où,
avec des choses passables et médiocres, on
trouve de bonnes observations (3).
ESPRITS. — Les anciens ont cru que les
esprits, qu'ils appelaient démons ou génies,
étaient des demi-dieux. Chaque nation, dit
.\pulée , même chaque famille et chaque
lioniiiie, a son esprit qui le guide et qui veille
sur sa conduite. Tous les peuples avaient
du respect pour eux, et les Ruuiuins les ré-
véraient. Ils n'assiégeaient les villes et n'en-
treprenaientleurs guerres qu'après que leurs
prêtres avaient invoqué le génie du p.iys.
Caligula même fit punir publi(|uement quel-
ques-uns de ceux qui les avaient maudits/»).
Des philosophes se sont imaginé que ces
esprits n'étaient que les âmes des morts qui,
étant une fois séparées de leurs corps, er-
raient incessamment sur la terre. Ce senti-
ment leur paraissait d'autant plus vraisem-
blable,qu'ils se vantaient de voir des spectres
auprès des tombeaux, dans les cimetières,
dans les lieux où l'on avait tué quelques
personnes.
«Les esprits, dit'VN'^ocker, sont les seigneurs
Ue l'air; ils peuvent exciter les tmipètes,
(I) Eiichiriiiion pbjsica resliluta;. Arcauum pljilosophiae
henneiicst.
T2) Ce clievallcr, Irès-révéré des alchimistes, est mcn-
lionne souvent dans la Tiompelte française , petit volume
l'onlcnaul une Prophétie de Bomùarl sur la naissance de
Liniii XI y. On a, du Cliovaljer Iiripérial, le Miroir des
Alfliiinistes , avec iiislruclimis aux danios poiii' dorénavant
ttte oellos sans ilus astr de leurs dmds vcuimeux, IÇCi.
rompre les nues et les transporter où ils
veulent, avec de grands tourbillons; enlever
l'eau de la mer, en former la grêle et tout ce
que bon leur semble.»
Il y a, dans l'intérieur de l'Amérique sep-
tentrionale , des peuplades sauY.'it;es qui
croient que lorsqu'un homme est enterré ,
sans qu'on place auprès de lui tout co qui lui
a appartenu , son esprit revient sous forme
biiinaine, et se niontro sur les arbres les
plus près de sa maison, armé d'un fusil; ou
ajoute qu'il ne peut jouir du repos qu'après
que les objets qu'il réclame ont été déposés
dans sa tombe.
Les Siamois admettent une multitude d'es-
prits répandus dans l'air, dont la puissaneo
est fort grande, et qui sont très-malfaisants.
Ils tracent certaines paroles magiques sur
des feuilles de papier, pour se prémunir con-
tre leur malice. Lorsqu'ils préparent une
médecine, ils garnissent le bord du vase d'un
grand nombre de ces papiers, de peur que
les esprits n'emportent la vertu des remèdes.
Les autres cabalistes ont prétendu que
les esprits étaient des créatures mati^rielles,
composées de la substance la plus pure des
éléments; que plus celle matière étiiil sub-
tile, plus ils avaient de pouvoir et d'action.
Ces auteurs en distinguent de deux sortes,
de supérieurs et d'inférieurs: les supérieurs
sont ou célestes ou aériens; les inférieurs
sont ou aquatiques ou terrestres.
Ceux qui ont cru que ces esprits étaient
des créatures matérielles, les ont assujettis à
la mort comme les hommes. Cardan dit que
les esprits qui apparurent à S(m père lui fi-
rent connaître qu'ils naissaient et qu'ils
mouraient comme nous ; mais que leur
vie était plus longue et plus heureuse q'ie
la nôtre.
Voici de petits traits d'esprits.
Guillaume de Paris écrit que l'an 1447, il
y avait un esprit à Poitiers, dans la paroisse
de Saint-Paul, lequel rompait vitres et ver-
rières, et frappait à coups de pierres sans
blesser personne (5).
Césaire raconte que la Glle d'un prévAt
de Cologne était si tourmentée d'un esprit
malin, qu'elle en devint frénétique. Le père
fut averti de faire aller sa fille au delà du
Rhin cl de la changer de lieu ; ce qu'il fit.
L'esprit fut obligé d'abandonner la fille, mais
il battit tant le père qu'il en mourut trois
jours après (6).
Nous rapporterons d'autres histoires d'es-
prits. « Au commencement du règne de
Charles IV, dit le Bel, lespril d'un bourgeois,
mort depuis quelques années, parut sur la
place publique d'Arles en Provence; il rap-
portait des choses merveilleuses de l'autre
monde. Le prieur des Jacobins d'Arles, hom-
me de bien, pensa «juc Ci't esprit pouvait bien
Ii)-I6.
{'i) Lenglel-Pufrpsnoy, Catalogue des auteurs qui ont
Écrit sur les apparitions.
(4) Discours sur les esprits follets, Mercure Galant,
16«0.
ta, Kiidin, DémoDom.inie des sorciers, liv. III, p. S''^
ifi) Id , ibi4
589
i:sp
ESP
570
élre un démnn déguisé. Il se rendit sur l.i
place; soudain rtsprit découvrit qui il él;iil,
^cl pria qu'on le tirât du purgatoire. Ayant
ainsi parlé, il disparut; c(, coiniiie on pria
pour son àine, il ne fut oncques vu depuis{l).»
Eu 1750, un oKicier du prince de Conti,
étant couché dans le cliâleau do l'Ile-Adain,
sentit tout à coup enlever sa couverlure. Il
la relire; on renouvelle le manège, tant qu'à
la fin l'olûcier ennuyé jure d'exlermiuer le
mauvais plaisant, met l'épée à la main, cher-
che dans tous les coins et ne trouve rien.
Etonné, mais hrave, il veut, avant de conter
son aventure, éprouver encore le lendemain
si l'imporlun reviendra. Il s'cnfermeavecSDin,
se couche, écoule longtemps et finit par s'en-
dormir. Alors on lui joue le même tour que
la veille. Il s'élance du lit, renouvelle ses
menaces, cl perd son temps en recherches.
La crainte s'empare de lui; il appelle un frot-
leur, qu'il prie de coucher dans sa chambre,
sans lui dire pour quel motif. Mais l'esprit
qui avait fait son tour, ne parall plus.
La nuit suivante, il se fait aiconip?gner
du frolleur, à qui il raconte ce qui lui est
arrivé, et ils se couchent tous deux. Le f.in-
tôme vient bientôt, éteint la chandelle qu'ils
avaient laissée allumée, les découvre el s'en-
fuit. Comme ils avaient entrevu cependant
un monstre diiïorme, hideux et gambadanl,
le frotteur s'écria que c'était le diable, cl
courut chercher de l'eau bénite. Mais au mo-
ment qu'il levait le goupillon pour asperger
la chambre, l'esprit le lui enlève et dispa-
raît....
Les deux champions poussent des cris; on
accourt; on passe la nuit en alarmes, et le
matin on aperçoit sur le toit de la maison un
gros singe qui, armé du goupillon, le plon-
geait dans l'eau de la gouttière el en arro-
sait les passants.
En 1210, un bourgeois d'Epinal, nommé
Hugues, fut visité par un esprit qui faisait
des choses merveilleuses, el qui parlait sans
se montrer. On lui demanda son nom et de
quel lieu il venait ? Il répondit qu'il était l'es-
pril il'un jeune homme de Clérenline, village
à sept lirues d Epinal, et que sa femme vi-
vait encore.
Un jour, Hugues ayant ordonné à son va-
lel de seller son cheval et de lui donner à
manger, le valet différa de faire ce qu'on
lui commandait; l'esprit fit son ouvrage, au
grand étonncmcnl de tout le monde.
Un autre jour, Hagucs, voulant se faire
saigner, dit à sa fille de préparer des bande-
lettes. L'esprit alla prendre une chemise neu-
ve dans une autre chambre, la déchira par
bandes, et vint la présenter au maître, en
lui disant de choisir les meilleures.
Un autre jour, la servante du logis ayant
étendu du linge dans le jardin pour le lairc
sécher, l'esprit le porta au grenier elle plia
plus proprement que n'aurait pu faire la plus
iiahilo blanchisseuse.
Cequi est remarquable, c'est que, pendant
six mois qu'il fréquenta celle maison, il n'y
(1) Leloyor, Uist. dos spectres cl apparitions des es-
Urr'.s.
fit aucun mal à personne, el ne rendit qua
(le bons offices, contre l'ordinaire de ceux
de son espèce. Voy. Hecdeki:^.
Sur la fin de l'année 17iG , on entendit
comme des soupirs qui partaient d'un coin
(le l'imprimerie du sieur Lahard, l'un des
conseillers de la viile de Constance. Les
garçons de l'imprimerie n'en firent que
rire d'abord. Mais dans les premiers jours
de janvier , on disiingua plus de bruit
qu'auparavant. On frappait rudement con-
tre la muraille, vers le même coin oîi l'on
avait d'abord entendu des soupirs ; on
eu vint jusqu'à donner des soufllels aux
imprimeurs et à jeter leurs chipe.iux par
terre. L'esprit eoiilinua son manège pen-
dant plusieurs jours, donnant des souffiels
aux uns, jetant des pierres aux autres ; eu
sorie que les compositeurs furent obligés
d'abandonner ce coin de l'imprimerie. Il se
se fil alors beaucoup d'autres tours, dans
lesquels les expériences de la physicjue amu-
sante enlrèrenlprobablemenl pour beaucoup;
el enfin cette farce cessa sans explication.
Voy, Revenants, Apparitions, DnoLLEs,elc.
Voici l'histoire d'un esprit (jui fui ciiè en
justice. — En 1761, un feroiicr de Southams,
dins le comté de Warwick (Angleterre), fut
assassiné en revcnanlchez lui: le lendemain,
un voisin vint trouver la femme de ce fer-
mier et lui demanda si son mari était rentré;
el!e répondit que non, et qu'elle eu était
dans de grandes inquiétudes.
— Vos inquiétudes, répliqua cet homme,
ne peuvent égaler les miennes ; car, comme
j'étais couché cette nuit , sans élre encore
endormi, votre mari m'est apparu, couvert
de blessures, el m'a dit qu'il avait clé assas-
siné par son ami John Dick, el que son ca-
davre avait été jeté dans une marnière.
La fermière, alarmée, fil des perquisitions.
On découvrit dans la marnière le corps blessé
aux endroits que le voisin avait désignés.
C 'lui i)ue le revenant avait accusé fui saisi
el mis entre les mains des juges, comme vio-
lemment soupçonné du meurtre. Sou procès
fut instruit à Warwick; les jurés l'auraient
condamné aussi témérairement que le juge
de paix l'avait arrêté , si lord Raymond , lu
principal juge, n'avait suspendu l'arrél.
— Messieurs, dit-il aux jurés, je crois que
vous donnez plus de poids au témoignage
d'un revenant (ju'il n'en mérite. Quelque cas
qu'on ftis>e île ces sortes d'histoires, nous
n'avons aucun droit de suivre nos inclina-
li ms particulières surce point. Nous formons
un tribunal de justice, et nous devons nous
régler sur la loi ; or je ne connais aucune loi
existante qui admette le témoignage d'un re-
venant; et quand il y en aurait une qui l'ad-
mettrait, le revenant ne parall pas pour faire
sa déposition. Huissiers, ajouta-l-il, appelez
le revenant.
Ce que l'huissier fit par trois fois, sans que
le revenant parût.
— Messieurs, continua lord Raymond,
le prisonnier qui est à la barre est , suivant
le téiuoignage de gens irréprocliabies, d'une
réputation sans tuchc; et il n'a puiul paru,
57t
niCTIONAIIih i»i:S ^CIKNCI.S OCCULTES
5-2
dans le cours des inform;ilions, qu'il y ail eu
aucune espèce de querolle eulre lui el le
mort. Je le crois absoiunx ni innoccnl , et,
comme il n'y a nulle preuve coulre lui. ni
directe ni indirecle, il doit être renvoyé. Mai»
par plusieurs circonstances qui n»'onl frappé
dans le procès , je soupçonne forlenienl la
personne qui a vu le revenant d'élre le meur-
trier ; au(|(iel cas il n'est pas dil'ficile de con-
cevoir qu'il ait pu désij^ner la place, les bles-
sures, la maruière et le reste , sans aucun
secours surnaturel; en conséquence de ces
soupçons, je me crois en droit de le faire ar-
rêter, jusqu'à ce que l'on fasse de plus amples
informations.
Gel homme fui effectivement arrêté; on Gt
des perquisitions dans sa maison ; on trouva
les |)reuves de son crime, ((u'il avoua lui-
même à la fin, et il fut exécuté aux assises
suivantes. V. Génies. Kleudde, Démdn*, etc.
ESPRITS ÉLÉMEMAIKES. Les cabaiistes
peuplent les éléments, cumuie ou l'a dit (1) ,
d'esprits divers. Les Salamandres habitent le
feu; les Sylphes, l'air; les Gnomes, la terre;
l'eau est le séjour des Ondins ou Nymphes.
Voy. ces mots.
ESPRITS FAMILIERS. Scaligcr , Cecco
d'Ascoli , Cardan el plusieurs autres vision-
naires ont eu , comme Socrate , des espriU
familiers. Budin dit avoir connu un hummu
qui était toujours accompagné d'un esprit
familier, lequel lui donnait un petit coup sur
loreille gauche quand il faisait l)ien, et le ti-
rait par l'oreille droite quand il faisait mal.
Cet homme était averti de la même laçon si
ce qu'il voulait manger était bon ou mau-
vais, s'il se trouvait avec un honnête homme
ou ;ivec un coquin, etc. C'était très-avanta-
geux.
ESPRITS FOLLETS. Voy. Feux follets.
ESSÉNIENS, secle célèbre parmi les Juifs.
Les Ësséniens avaient des superstitions par-
ticulières. Leurs devins prétendaient connaî-
tre l'avenir par l'élude des livres saints, faite
avec certaines préparations. Ils y trouvaient
même la médecine el toutes les sciences, par
des combinaisons cabalistiques.
ESTERELLIi. Voy. Fées.
El'ANG DE LA VIE. Au sortir du pont OU
se fait la séparation des élus el des réprouvés,
les docteurs persans font descendre les bien-
heureux dans cet étang, dont les eaux sont
blanches et douces conmie le miel. Pour la
conunodilé des âmes, il y a tout le long de
l'étang des cruches en forme d'éloiles, tou-
jours pleines de celle eau : les fidèles en boi-
ront avant d'entrer dans le paradis, parce
<jue c'est l'eau de la vie éternelle , el que si
I un et) boit seulement une goutte, un n'a plus
rien à désirer.
ÉTERNITÉ. Boèce définit l'éternilé: l'en-
tière, parfaite et complète possession d'une
manière d'exister, sans commencement, sans
fin, sans aucune succession. Le latin est plus
rapide : Jnlerminahilis viicc lola simui et per-
fecta possessio.
L'éternité n'a point de parties qui se suc-
cèdent; elle ne va point par lu présent du
(tj Voyeï l'arlklo Cabule.
passé au futur, coiimie fait le temps. Elle est
un présent continuel. Voilà pourquoi, com-
iire le remarquent les théologiens. Dieu dit
en parlant de lui-mé ne : tïgo sum qui suin.
L'élernilé n'appartient qu'à Dieu ; elle ne
peut être communiquée à aucune créature ;
pu sque ce qui est créé a un commence-
ment.
.Mais pourtant on dit l'éternité, pour dési-
gner la vie future des intelligences créées ,
vie qui n'aura point de fin. Dans ce sens , il
y aura dans le ciel l'éternité debonheur pour
les justes, el dans l'enfer l'éternité de peines
pour les réprouvés. C'est un dogme que le»
cerveaux impies ont combattu , mais qu'ils
n'ont pu ébranler; el saint Thomas d'Aquiu
en a démontré la nécessité équitable.
Légende de rEternité.
Nous transcrivons ici celle belle et singu-
lière légi nde, qui a élé publiée en Franco
depuis peu.
Avant que Luther fût venu prêcher sa dés-
astreuse réforme, on voyait des monastères
au pench ml de toutes les collines de l'Alle-
magne. C'étaient de grands édifices à l'as-
pect paisible, avec un clocher frêle qui s'é-
levait du milieu des bois et autour duquel
volligeaie.nt des palombes. Là vivaient des
hommes qui n'occupaient leur esprit (lue
des cliD^e* du ciel.
A Oimulz, il en était un , que l'on citait
dans la contrée pour sa piété cl son instruc-
tion. Celait un homme simple, comme tous
ceux qui savent beaucoup, car la science est
semblable à la mer; plus on s'y avance, plus
l'horizon devient large, el plus on se seul
petit. Frère Alfus, après avoir ridé son front
el blanchi ses cheveux dans la recherche de
démonstrations inutiles, avait appelé à sou
secours la foi des petits enfants: puis, con-
fiant sa vie à la prière, comme à une ancre
de miséricorde, il l'avait laissée se balancer
doucement au roulis des pures amours et def
célestes espérances.
Cependant de mauvaises rafales agitaient
encore par instants le saint navire. Par in-
slanls les tentations de l'intelligence reve-
naient, el la raison interrogeait la foi avec
orgueil. Alors frère Alfus devenait triste ; de
grands nuages voilaient pour lui le soleil in-
téi leur ; son cœur avait froid. Errant dans les
campagnes, il s'asseyait sur la mousse des
rochers, s'arrêtait sous l'écume des torrents ,
marchait parmi les murmures de la forêt ;
mais il interrogeait vainement la nature. A
toutes ses demandes, les montagnes, les 11 )ls
et les fleuves ne répondaient qu un seul mot •
Dieu I
Frère Alfus était sorli victorieux de beau-
coup de ces crises ; chaque fois il s'élail af-
fermi dans ses croyances ; car la lenlalion est
la gymnasli(iue de la conscience, (juand elle
ne la bri^c point, elle la fortifie. Mais depuis
quelque temps, une inquiétude plus poi-
gnante s'était emparée du frère. Il avait re-
mar<|ué souvent que tout ce qui est beau
peid son charme par le long usage, que l'œil
se faiiguc du plus merveilleux p.iysage, l'o-
573
EIE
KTR
r.ii
ri'ill'' de lii plus douce voix, el il s'était de-
inaiiilé cominoiU nous pourrions trouver ,
inènic dans les deux , un aliment de joie
élernelle! Quedevii ndraillamoliililé de noire
ilnie, au milieu de nia;,'nific('n('es sans terme?
L'éternité !.. quel mot pour une créature,
qui ne connaît d'autre loi que celle de la di-
versité cl du chauffcmenl! O mon Dieu 1 plus
de passé ni d'avenir, plus de souvenirs ni
d'espérances 1 L'éleriiilé 1 l'élcrnilc 1... O mot
qui fais pleurer sur la terie , ([ue pcux-lu
donc signifier dans le ciel?
Ainsi pensait frère AUus, et ses incertitu-
des étaient grandes. Un matin, il sortit du
monastère avant le lever des frères ei des-
cendit dans la vallée. La campagne . encore
toute moite de rosée, s'épanouissait aux pre-
miers rayons de l'aube. Aifus suivait lenle-
meut les sentiers oml)re;ix de la collitie ; les
oiseaux, qui venaient de s'éveiller, couraient
dans les aubépines, secouant sur sa tête
chauve une pluie de rosée ; et queli]ues pa-
pillons encore à deuii endormis voltigeaient
nonclialanmienl au soleil pour sécher leurs
ailes. Alfus s'arrêta à regarder la campagne
qui s'étendait sous ses yeux ; il se rappela
combien elle lui avait semblé belle la pre-
mière fois qu'il l'avait vue, et avec quelle
ivresse il avait pensé à y linirses jours. C'est
que pour lui, pauvre enfant des villes , aCf
coutume aux ruelles sombres < t aux tristes
murailles des citadelles, ces lleurs, ces ar-
bres, cet air, étaient nouveautés enivrantes
Aussi la douce année qu'avait été l'année do
son noviciat! Que de longues courses dans
les vallées 1 (Jue de découvertes charmantesl
Oiseaux chantant parmi les glaïeuls, clai-
rières habitées par le rossignol , églantines
roses, fraisiers des bois, ohl (|uel bonheur de
vous trouver une première fois 1 ((uelle joie
de marcher par des sentiers inconnus (juc
voilent les ramées, de rencontrer à chaque
pas une source où l'on n'a point encore bu,
une mousse que l'on n'a point encore foulée.
Mais, hélas! ces plaisirs eux-mêmes du-
rent peu; bientôt vous avez parcouru toutes
les routes de la forêt, vous avez enieiidu tous
ses oiseaux, vous avez cueilli de toutes ses
fleurs, el alors, adieu aux beautés de la cam-
pagne, à ses harmonies : riiabitude qui des-
cend comme un voile cuire vous el la créa-
tion vous rend aveugle et souid.
Hélas! frère Alfus eu él.iit là; semblable à
tes hommes qui, après avoir abusé des li-
queurs les plus enivrantes, n'en sentent plus
la puissance, il regardait avec indifférence le
spectacle naguère si ravissant à ses yeux.
Quelles beautés célestes pourraient donc oc-
cuper éternellement celte âme, que les œu-
vres de Dieu sur la terre n'avaient pu char-
mer (|u'un instant?
Tout en se proposant à lui-même celte
question, Aifus s'était enfoncé dans la vallée.
La léte penchée sur sa poitrine et les bras
pendants , il allait toujours sans rien voir,
franchissant les ruisseaux, les bois, les col-
lines. iJé à le clocher du monastère avait di<-
j)aru ; Olmutz s'était enfoncé dans les brumes
avec ses cgi ses et ses fortifications; les mun-
lagnes elles-môincs ne se montraient plus »
riiorizan que comme des nuages; tout à coup
le moine s'arrêta; il était à l'entrée d'une
grande forêt qui se déroulait <à perte de vue,
comme un océan de verdure; mille rumeurs
charmantes bourdonnaient à l'eutour, et une
brise odorante soupirait dans les feuilles.
Après avoir plongé son reg ird élonné dans
la molle obscurité des bois, Alfus y entra en
hésitant, et comme s'il eût craint de faire
quelque chose de défendu. Mais à mesure
qu'il marchait, la forêt devenait plus grande;
il trouvait des arbres chargés de fleurs, qui
exhalaient un parfum inconnu. Ce parfum
n'avait rien d'enivrant comme ceux de la ter-
re ; on eût dit une sorle d'émanation morale
qui embaumait l'âme : c'était quelque chose
de fortifiant et de délicieux à la fois, comme
la vue dune bonne action, ou comme l'ap-
proche d'un homme dévoué que l'on aime.
Bientôt Alfus entenilit une harmonie qui
remplissait la forêt ; il avança encore , cl il
aperçut (le loin une clairière tout éblouis-
sante d'une lumière merveilleuse. Ce qui le
frajjpa surtout d'étonnement, c'est (jue le par-
fum, la mélodie et la lumière ne semblaient
former qu'une même chose : lout se com-
muniquait à lui par une seule perception ,
commes'ileût cessé d'avoirdes sensdisliucls,
et comme s'il ne lui lut resté qu'une âme.
Cependant il était arrivé prôsde la clairière
et s'était as-is pour mieux jouir de ces u)er-
veilles, quand tout à coup une voix se fait
entendre; mais une voix telle que, ni le bruit
des rames sur le lac, ni la brise riant dans
les saules, ni le souffle d'un enfant qui dort,
n'auraient pu donner une idée de sa douceur.
Ce que l'eau, la terre et le ciel ont de mur-
mures eiicliantcurs, ceque les langues elles
musi(|ues humaines ont de séductions sem-
blait s'être fondu dans cette voix. Ce n'était
point un chant, et cependant on eût dit d s
lluls de mélodie; ce n'était point un langage,
el cependant la voix parlait 1 Science , poé-
sie, sagesse, tout était en elle. Pareille à un
souffle céleste, elle enlevait l'âme el la faisait
onduler dans je ne sais quelle région ignorée.
En l'écoutant, on savait tout, on sentait tout;
el comme le monde de la pensée qu'elle em-
brassait en entier est infini dans ses secrets,
la voix toujours unique était pourtant tou-
jours variée; l'on eûl pu l'entendre pendant
des siècles sans la trouver moins nouvelle.
Plus Alfus l'écoutait, plus il sentait grandir
sa joie intérieure. Il semblait qu'il y décou-
vrait à chaque instant quelques mystères
inelTables ; c'était comme un horizon des Al-
pes à l'heure où les brouillards se lèvent et
•dévoilent tour à tour les lacs, les vais cl les
glaciers.
Mais enfin la lumière (jui illuminait la foret
s'obscurcit , un long murmure retentit sous
les arbres el la voix se tut. Alfus demeura
quelque temps immobile, comme s'il fût sorti
d'un sommeil enchanté. 11 regarda d'abord
autour de lui avec stupeur, puis voulul se le-
ver pour reprendre sa route; mais ses pieds
élaienlengourdis, scsmembres avaient perdu
leur agilité. Il parcourut avec peine !e seii-
f75
nifTIONNAIIŒ DKS
cl so trouva
SCIENCGS OCCULTES.
57(>
lier par lequel il était venu
biotilôl hors (in bois.
Alors il chiTclia le chemin du monastère ;
Ayant cru le rcconnnîlrc, il hâta le pas, car
1,'î nuit allnit venir ; mais sa surprise aug-
mrnlail à mesure qu'il avançait davantage :
on eût (lit (|ue tout avait clé changé dans la
camp.'ignc depuis sa sortie du couvent. Là
où il avait vu les arbres naissants, s'élevaient
inainlenant des chênes séculaires. Il chercha
sur la rivière un petit pont de bois tapissé de
ronces, qu'il avait coutume de traverser : il
nexislait plus, et à sa place s'élançait une
solide arche de pierre. En passant piès d'un
élang, des femmes, qui faisaient sécher leurs
toiles sur les sureaux fleuris, s'inlerroinpi-
retit pour le voir et se dirent entre elles : —
A'^oici un vieillard qui porte la robe des moi-
nes d'Olmulz ; nous connaissons tous les frè-
re», et cependant nous n'avons jamais vu
celui-là.
— Ces femmes sont folles, se dit Alfus, et
il passa outre.
Cependant il commenç.iit à s'inquiéter,
lorsque le clocher du couvenlse montra ilans
les feuilles. Il pressa le pas , gravit le pet t
sentier, tourna la prairie et s'élança vers le
seuil. Mais, ô surprisel la porte n'était plus
à sa place accoutumée 1 Alfus leva les yeux
et demeura immobile de stupeur. Le monas-
tère d'Olmulz avait changé d'aspect; l'en-
ceinte était plus grande , les édifices plus
nombreux; un platane qu'il avait planté lui-
itiéme près de la chapelle quelques jours au-
paravant, couvrait maintenant l'usile saint
de son large feuillage.
Le moine , hors de lui , se dirigea vers la
nouvelle entrée et sonna doucemenl. Ce
n'était plus la même cloche argentine dont il
connaissait le sou. Un jeune frère gardien
»int ouvrir.
— Que s'est-il donc passé? demanda Alfus.
Antoine n'esl-il plus le portier du couvent?
— Je ne connais point Antoine , répondit
le frère.
Alfus porta les mains à son front avec
épouvante. — Suis-je devenu fou ? dit-il ;
n'est-ce point ici le monastère d'Olmulz,
d'où je suis parti ce matin?
Le jeune moine le regarda. — Voilà cinq
années que je suis portier, répondit-il, et je
ne vous connais pas.
Alfus promena autour de lui des yeux
égarés ; plusieurs moines parcouraient les
clolires ; il les appela, mais nul ne répondit
aux noms qu'il prononçait ; il courut à eux
pour regarder leurs visages, il n'eu con-
naissait aucun.
— Y a-l-il ici quelque grand miracle de
l>ieu ? s'éoria-t-il ; au nom du ciel , mes
frères, regardez-moi. Aucun do vous ne m'a-
l-il déjà vu ? N'y a-t-il personne qui con-
naisse le frèro Alfus ?
Tous le regardèrent avec étonnement
— Alfus 1 dit enfin le plus vieux, oui , il y
eut autrefois à Olmulz un moine de ce nom,
je l'ai entendu dire à mes anciens. C'était un
homme savant et rêveur qui aimait la so-
litude- Un jour il descendit dans la vallée ;
on le vit se perdre au loin derrière les bois,
puis on l'attendil vainement, on ne sut ja-
mais ce que frère Alfus était devenu. De-
puis ce temps , il s'est écoulé un siècle
entier.
A ces mots, Alfus jeta nn ijrand cri , car il
avait tout compris. Il se laissa tomber à ge-
noux sur la terre, et joignant les mains avec
ferveur : — 0 mon Dieu , dit-il , vous avez
voulu me prouver combien j'élais insensé
en comparant les joies de la terre à celles du
ciel. Un siècle s'(^st écoulé pour moi comme
un seul jour à entendre votre voix ; je com-
prends maintenant le paradis et ses joies
éternelles ; soyez béni , 6 mon Dieu 1 et par-
donnez à voire indigne serviteur.
Après avoir parlé ainsi, frère Alfus étendit
les bras, embrassa la terre et mourut.
L'histoire du moine Alfus fait partie d'un
des ouvrages de Schubert, l'un des écrivains
les plus populaires de l'Allemagne. Elle est
dans le livre De l'ancien et du nouveau ; son
titre est l'Oiseau du Paradis. Nous avons
donné ici la belle traduction de M. Emile
So ives're.
ETERNUMENT. — On vous salue quand
vous éternuez, pour vous marquer, dit Aris-
tote, qu'on honore votre cerveau, le siège du
bon sens et de l'esprit. Celte politesse s'étend
jusque chez les peuples que nous traitons
de barbares. Quand l'empereur du Monomo-
tapa étcrnuait , ses sujets en étaient avertis
par un signal convenu, et il se faisait des
acclamations générales dans tous ses états.
Le père Famien Strada prétend que, pour
trouver l'origine de ces salutations, il faut
remonter jusqu'à Prométhée ; que cet illustre
contrefacteur de Jupiter, ayant dérobé un
rayon solaire dans une petite boîte pour ani-
mer sa statue, le lui insinua dans les narines
comme une prise de tabac, ce qui la fit éler-
nuer aussi;àt.
Les rabbins soutiennent que c'est à Adam
qu'il faut faire honneur du premier élcrnu -
ment. Dans l'origine dcj ti-mps, c'était, dit-
on , un mauvais pronostic et le présage de
la mort. Cet état continua jusqu'à Jacob ,
qui, ne voulant pas mourir pour cause aussi
légère, pria Dieu de clianger cel onlre do
choses ; et c'est de là qu'est venu, selon ces
docteurs , l'usage de faire des souhaits heu-
reux quand on élernue.
On a trouvé une raison plus probable de
cette politesse ; c'est (|ue , sous le pontificat
de saint Grégoire le Grand, il y eut en Italie
une sorte do peste qui se nianii^estait par des
éternuments; tous les pestiférés éternuaient;
on se recommanda à Dieu, cl c'est de là
qu'est venue ropini:)n popu'jiire que la cou-
tume de se saluer tire son origine d'une ma-
ladie épidéraique qui emportait ceux dont la
membrane pituitaire était slimulée trop vi-
vement.
En général, l'éternument chez les anciens
était pris tantôt en bonne, tantôt en mau-
vaise part , suivant les teuips , les lieux et
les circonstances. Un bon éternument était
c<-lui qui arrivait depuis inrdi jus(|u'à n)inuit,
cl quand la lune clait-dans les signes du
m
ETR
EVO
578
taureau , du lion , de la balance, du capri-
corne et des poissons ; mais s'il venait de
minuit à midi, si la lune était dnns le signe
de la vierge, du verseau, de l'écrevisse , du
scorpion, si vous sortiez du lit ou de la table,
c'était alors le cas de se recommander à
Dieu (1).
L'élernument , quand on l'entendait à sa
droite , était regardé chez les Grecs ot les
Uoaiaiiis, comme un heureux présage. Les
Grecs, en parlant d'une belle personne , di-
saient que les amours avaient élernué à sa
iiaissmce.
Lors(iue le roi de Sennaar élernuait , ses
coiiriisans lui lournaieiit le dos, en se don-
nant de la main une claque sur lu fesse
droite.
ETHNOPHRONES, hérétiques du septième
siècle, qui joignaient au christianisme les
superstitions païennes, l'astrologie, les au-
gures, les expiations , les jours heureux et
malheureux, les divinations diverses.
KTIENNE. Un homme, qui s'appelait Etien-
ne , avait la mauvaise habitude de parler à
ses gens comme s'il eût parlé au diable ;
ayant toujours le diable à la bouche. Un
jour, qu'il revenait de voyage, il appela son
valet en ces termes : — Viens çà, bon diable,
lire-moi mes chausses.
A peine eut-il prononcé ces paroles ,
qu'une griffe invisiiile délia ses caleçons,
fil tomber ses jarretières et descendit ses
chausses jusqu'aux talons. Etienne, effrayé,
s'écria: — Retire-toi, Salan, ce n'est pas
toi, mais bien mon domestique que j'appeilr.
Lediahle se relira sans se montrer, et maî-
tre Etienne n'invoqua plus ce nom (2).
Pour un autre Etienne, voy. Guioo.
ETNA. Le christianisme chassa de l'Etna
et des îles de Lipari Vulcain , les Cyclopes
et les Géants. Mais les démons se mirent à
leur place ; et quand on institua la fêle des
morts , afin d'enlever au purgatoire et de
rendre au paradis une foule d'âmes souf-
frantes , on entendit , comme le raconte nn
saint ermite, des bruits affreux dans l'Etna
et (les dctimatitins étourdissantes dans les
îles voisines. C'était Salan et toute sa cour ,
Silan et tout son peuple de démons qui
hurlaient de désespoir et redemandaient
à grands cris les âmes que la nouvelle fui
venait de leur ravir (3j.
ETOILES. Mahomi'l dit que les étoiles sta-
bles et les étoiles qui filent sont les senti-
nelles du ciel ; elles empêchent les diables
d'en approcher et de connaître les socreU de
Dieu.
Les llomains voyaient des divinités dans
les étoiles.
Les Etéens observaient, un certain jour de
l'année, le lever de l'étoile Sirius : si elle
paraissait obscure, ils croyaient qu'elle an-
nonçait la peste.
ETKAPHILL, l'un des anges des musul-
mans. Il se tient toujours debout : c'est lui
II) M. Saleues, Des erreurs et dt-s prùjusés, l. I.
p. 391.
(ï) Gregnrii M.igni dialoj., lil). III, cap. x\.
qui einbouchera la trompette pour annoncer
le jour du jugement.
ETRENNES. Dans les temps reculés, chez
nos pères , loin de se rien donner mutuelle-
ment dans les familles le premier jour de
l'an, on n'osait même rien prêter à son voi-
sin. Mais chacun mettait à sa porte des tables
chargées de viandes pour les passants. On y
plaçait aussi des présents superstitieux pour
les esprits. Peut-être était-ce un reste de ce
culte que les Romains rendaient, le premier
jour de l'année, aux divinités qui préï^idaient
aux petits cadeaux d'amis. Quoi qu'il en soit,
l'Eglise fut obligée, sous Cbarlemagne, d'in-
lerdlie les présents superstitieux que nos
ai.cètres déposaient sur leurs tables. Les ca-
nons donnent à ces présents le nom d'é~
trennes (lu diable.
ETTEILLA, On a publié sous ce nom dé-
guisé, qui est l'anagramme (l'Alliette , plu-
sieurs traités de carlomancie.
EUBIUS, auteur d'un livre intitulé : Appn-
rilions d'Apollonius , ou Démonstralion des
apparitions d'aujourd'hui. In-4.°, Amsterdam,
1735. (En latin.)
EUCHARISTIE. «L'épreuve par l'Eucha-
ristie se faisait en recevant la communion.
Ainsi Loihaire , roi de Lorraine , jura ,
en recevant la communion de la main du
pape Adrien II, qu'il avait renvoyé Valdrade,
sa concubine; ce qui était faux. Gomme Lo-
ihaire mourut un mois après, en 868, sa
mort fut attribuée à ce parjure sacrilège.
Celle épreuve fut supprimée par le pape
Alexandre II (4). »
EUMÈCES, caillou fabuleux, ainsi nom-
mé de sa forme oblongue, et que l'on disait se
trouver dans la Biiclriaiie; on lui attribuait
la vertu d'apprendre à une personne endor-
mie ce qui s'était passé pendanlson sommeil,
si elleavait dormi avec cettepierre posée sur
sa tète.
EURYNOME, démon supérieur, prince de
la mort, selon quelques démonomanes. Il a
de grandes el longues dents, un corps ef-
froyable, tout reni|ili de plaies, et pour vêle-
ment une pe.iu de renard. Les païens le
connaissaient. Pausaniasdil qu'il se repaît de
charognes el de corps morls. Il avait, d lus
le temple de Delphes, une statue qui le re-
présentait avec un teint noir, montrant ses
grandes dents comme un loup affamé cl
assis sur une peau de vautour.
EVANGILE DE SAINT JEAN. On croit
dans les campagnes que celui qui porte sur
soi l'évangile de saint Jean, Inprincipio eral
verbuin, écrit sur du parchemin vierge, ot
renfermé dans un tuyau Je pi unie d'oie, le pre-
mier dimanche de l'année, une heure avant
le lever du soleil , sera invulnérable et se
garantira de quantité de maux (5). Voj.
(iLÉiDOMANCIE.
EVE. Les Musulmans cl les Talmudistes lui
donnent, comme à notre premier père, une
taille d'une lieue. Voy. Adam, Sàhael. etc.
ÉVOCATIONS. Celui qui veut évoquer le
(ô) M. Didron, Histoire du dialile.
\i) Borgier. Dieiioiiiiairft tliéoIogii|ue.
(a) 'lliiers, Traité des suiierslilioiis, l. I.
879
dinblo lui dnil le sacrifice (riiii chien, d'un
cli.il oud'iinc [)oiili',à(ondilio[i que ces trois
aniniiiiix soioiil sa |)r(>])riclé. Il jure ensuite
fi.léliléil ohcissancc éli'rnelles, et reçoit une
in<-iri|iic, au movcn dti laquelle il jouit d'une
|iui>saiu'e absolue sur trois esprits infer-
naux, l'un (11' la (erre, l'autre de la mer, le
Iroisièinc de l'air (I).
On se flailedc faire venir le diable en lisant
certaines for.'nules du grimoire. Voy . Con-
jurations.
Deux chevaliers de Malle avaient un es-
clave qui s(^ vanlait de posséder le serrci d'é-
voquer les dénions et de les obliger à décou-
\rir les choses cachées. On le conduisit dans
un vieux château, où l'on soupçonnait des
trésors enfouis. L'esclave descendit dans un
souterrain, 3t ses évocations: un rocher
.s'ouvrit, el il en sortit un coffre. Il tenta plu-
sieurs fois de s'en emparer ; mais il n'en put
venir .1 bout, parce que le cofl're rentrait dans
le rocher dès qu'il s'en approchait. Il vint
dire aux chevaliers ce qui lui arrivait, et de-
manda un peu de vin pour reprendre des
foi ces. On lui en ilonna. Quelque lemiis après,
coninie ilne revenait point , on alla voir ce
qu'il faisait; on le trouva étendu mort,
ayant sur toute sa chair des coups de canif
représentant une croix. Les chevaliers por-
tèrent son corps au bord de la mer, cl l'y
précipi'.èront avec une pierre au lou ('2).
Pour l'évocation des â;iies, voy. Nécroman-
cie.
EXARL, le dixième des premiers anjres. II
apprit aux hommes, selon le livre d'Enoch,
l'art de fabriquer les armes et les machines
«le guerre, les ouvrages d'or et d'argent (|ui
])laisent aux femmes, et l'usage des pierres
précieuses, ainsi que le fard.
EXCOMMUNICATION. Il y a eu quelque-
fois des abus, de la part des hommes, dans
l'usage des excommunications; et on est
parti de là pour crier contre ces excommuni-
cations, qui ont rendu cependant desi grands
Services à la société dans des siècles barbares.
Mais on ne trouverait pas facilement, dans
toute l'histoire, un excommunié frappe ré-
gulièrement parle Sainl-Siége, qui ait pro-
spéré jusqu'au bout. Napoléon mémo peut
fournir un exemple récent (3j.
On lit dans les Menées des Grecs, au 15 oc-
tobre, qu'un religieux du désert de Scété,
ayant été excommunié par son supérieur
pour quelque tiésobéissance, sortit du dé-
sert et vi:il à Alexandrie, où il fut arrêté par
le sniivprnenr (Jp la ville, dépouillé du
saint babil, puis vivemonl sollicité de sacri-
fier aux faux dieux. Le solitaire résista gé-
néreusement; il fut tourmenté en diverses
manières, jusqu'à ce qu'enfin on lui tranchât
la télc; on jeta son corps hors de la ville.
Les chrétiens l'enlevèrent la nuit, et l'ayant
enveloppe de linceuls, renlerrèrentdaiis l'é-
glise comme martyr. Mais pendant le saint
(!) Dansiif Forllauis.
i] D. Ijlmel 01 Giiydt-Dolainarre,
(5J Vove7., (J:ins les lé^i'iiili^s ries commaiidemfints de
Diiu, la lé^eiiili' du chanoine de Liège, el dans in Chroni-
eue dt Gudefiuid de Bouiltoti le cliap. livni uii se iruuvu
nl(;TION^AlI!^: di;s fcii n f.s ocr.uLTKS.
S80
sacrifice de la messe. le diacre ayant crié (oui
haut à l'ordinaire : Que les caléthuinéiies
et ceux qui ne communient [las se retireni,
on vit lout à coup le tombeau s'ouvrir de
lui même, el le corps du martyr se retirer
dans le vestibule de l'ésïlise. Après la messe
il rentra de lui-même dans son sépulcre. Un
pieux vieillard ayant prié pendant trois
jours, apprit par révélation que ce religieux
avait encouru l'excommunicaliDii pour avoir
désobéi à son supérieur, el qu'il demeurerait
lié jus(ju'à ce que ce même supérieur lui eût
donné l'absolution. On alla donc au désert;
on en amena le supérieur, qui fit ouvrir le
cercueil da martyr et lui donna l'absolution,
après quoi il demeura en paix dans son tom-
beau (i).
C'est là un fait merveilleux, que nous no
prétendons pas donner comme incnteslable.
Dans le second concile di; Limoges, tenu
en 1031, l'évêque de Caliors raconta une
aventure qui lui était particulière, et qu'il
présenia comme toute récente :
« Un chevalier de notre diocèse, dit ce
prélat, ayant été tué dans l'excommunica-
tion, je ne voulus pas céder aux prières de
ses amis, qui me suppliaient vivement de lui
donner l'absolution : je voulais en faire un
exemple, afin ciue les autres fussent touchés
de crainte; il fut enterré par quelques gen-
tilshommes, sans cérémonies ecclésiastiques
et sans l'assistance des prêtres, dans une
église dédiée à saint Pierre.
n Le lendemain malin, on trouva son corps
hors de terre el jeté nu loin de son tombeau,
qui était demeuré entier, et sans aucune
marque qui prouvât qu'on y eût touché. Les
gentilshommes qui l'avaient enlerré n'y trou-
vèrent que les linges où il avait été enve-
loppé; ils l'enterrèrent une seconde fois, et
couvrirent la fosse d'une énorme quantité de
terre et de pierres.
« Le lendemain, ils trouvèrent de nouveau
le corps hors du tombeau, sans qu'il parût
qu'on y eût travaillé La même chose arriva
jusqu'à cinq fois. Enfin ils enterrèrent l'ex-
communié comme ils purent, loin du cime-
tière, dans une terre profane; ce qui rem-
plit les seigneurs voisins d'une si grande
terreur, qu'ils vinrent tous demander la
paix (S). »
Jean Bromton raconte dans sa chronique
que saint Augustin, apôtre de l'Angleterre,
ayant dit devant tout le peuple, avant de
commencer la messe: « Que nul excommu-
nié n'assiste au saint sacrifice! » un vil sor-
tir aussitôt de l'église un mort qui était en-
terré depuis longues années. Après la messe,
saint Augustin, précédé de la croix, alla de-
mander à ce mort pourquoi il était sorti.
Le défunt répondit qu'il était mort dans
l'excommunication. Le saint pria cet excom-
munié de lui dire où était enterré le prêtre
qui avait porté contre lui la sentence. On s'y
la fin de l'abominable empereur Henri IV. Lispi dans l<
proleslanl Voigt l'iilsluire du sainl pape liiéj(uire V[|.
(ij 1). (lalmel, Dissertaliun sur lesrevviiaiiis, p. ôiU
(o) 0)iicil., t. IX, p 'Mi.
5?»
EXO
EXT
5H2
trnnsporln. Aiigtislin conjura le prôtrn de se
leviT : il le fit; à la dcinaiide du saint évêqup,
il donna l'absolution à l'exeommuiiié, et les
deux morts retournèrent dans leurs tom-
beaux.
Les critiques vont ici se récrier et nous
adresser quelque froide plaisanterie ; nous
les avertissons que nous ne rapportons cette
légende que comme une tradition popiilaire;
qu'il peut nous convenir d'y ajouter loi, mais
<iue pourtant nous ne la garantissons pas.
Ia'S Grecs schismatiques croient que les
corps excommuniés ne pourrissent pas en
t( rre, mais qu'ils s'y conservent noirs et
puants.
Bii Angleterre, le tribunal drs doctors
cominons excommunie encore; et, (>n 1837, il
a frappé de cette peine un marchand de pain
d epices, nommé Studberry, pour avoir dit
une parole injurieuse à un autre paroissien,
dans une sacristie anglicane. Voy. Inteudit.
EXCREMENTS. Ou sait que le dalaï lama,
chef de la religion des 'farlares indépen-
dants, est regardé comme un dieu. Si'S ex-
créments sont conservés comme des choses
sacrées. Après qu'on les a fait sécher et ré-
duits en pouilre, on les renferme dans des
boîtos d'or enrichies de pierreries, ei on les
envoie aux plus grands princes. Son urine
est un élixir propre à guérir toute espèce de
maladie.
Dans le royaume de Boutan, on fait sécher
également les plus grossières déjections du
roi, et après les avoir renfermées dans de
petites boîtes, on les vend dans les marchés
pour saupoudrer les viandes. Voy. Déjec-
tions, Fientes, Tanchelm, etc.
EXOIIGISME, conjuration, prière à Dieu
et commandement l'ait au démon de sortir du
corps des personnes possédées. Souvent il
est seulement destiné à les préserver du dan-
ger.
On regarde quelquefois exorcisme et con-
iuralion comme synonymes; cependant la
conjuration n'est que la formule par Liquelle
on commande au démon des'éloiguer; l'exor-
cisme est la cérémonie entière (1).
Les gens qui s'occupent de magie ont aussi
leurs exorcismes pour évoquer el renvoyer.
Voy. Conjurations.
Voici une légende bizarre sur un exor-
cisme : on lit dans Césaire d'Hesterbach (2),
que Guillaume, abbé de Sainte-Agathe, au
diocèse de Liège, étant allé à Cologne avec
deux de ses moines, fut obligé de tenir tête
à une possédée. Il lit à l'esprit malin des
questions auxquelles celui-ci répondit comme
il lui plut. Le diable faisant autant de men-
songes que de réponses, l'ablié s'en aperçut
et le conjura de dire la vérité; il obéit. H
apprit au bon abbé comment so portaient
plusieurs défunts dont il voulait savoir des
nouvelles. Undes frères qui l'accompagnaient
voulut lier conversation avec le diable. —
Tais-toi, lui dit l'esprit malin, tu as volé hier
douze sous à ton abbé; ces douze sous sont
maintenant dans ta ceinture — L'abbé ayant
(I) Borgior, Diclioim. ila (iiêologio.
(i) O'sjiii Ucislerljacli Mùacul., liv. V, cli x\ix et
enlenilu ces choses, voulut bien en donner
l'absolution à sou moine; après quoi il or-
donna au diable de quiiter la possé<lée.
— Où voulez-vQus que j'aille? demanda le
déino!!.
— Je vais ouvrir ma bouche, répondit l'abbé,
tu entreras dedans, si tu peux.
— Il y fait trop ch.iud, répliqua le diable ;
vous avez communié.
— Eli bien! mets-toi ici; et l'abbé qui était
gai tendait son pouce.
— Merci, vos doigts sont sanctifiés.
— Eu ce cas, va où tu voudras, mais pars.
— Pas si vite, répli(]ua le diable; j'ai per-
mission de rester ici deux ans encore
L'abbé dit alors au diable : — Montre-loi
à nos veux dans ta forme naturelle.
— Vous le voulez?
— Oui.
— Voyez.
En môme temps la possédée commença de
grandir el de grossir d'une manière effroya-
ble. En ''eux minutis, elle était déjà haute
comnie une tour de trois cents pieds; ses
yeux devinrent ardents coinnie des four-
naises et ses traits épouvantables. Les deux
moines tombèreiil évanouis; l'abbé, qui seul
avait conservé du courage, adjura le diable
de rendre à la possédée la laMIe et la forme
qu'elle avait d'abord. — Il obéit encore et dit
à Guillaume : — Vous faites bien d'être pur ;
car nul homme ne peut, sans mourir, me
voir Ici que je suis, s'il est souillé.
EXIMATION. — Les anciens Arabes cou-
paient l'oreille à quelque animal et le lâ-
iliaient au travers des champs en expiation
de leurs péchés. — Un Juif, dit Saint-Foix,
s'arme d'un couteau, prend un coq, le tourne
trois fois autour de sa tête, et lui coupe la
gorge en lui disant : — Je te charge de mes
pé(hés; ils sont à présent à toi : tu vas à la
mort, et uioi je suis rentré dans le chemin do
la vie éternelle....
EXTASES. — L'extase (considérée comme
crise matérielle) est un ravissement d'eSjiril,
une suspension des .••ens causée par une forte
contemplation de quelque objet extraordi-
naire et surnaturel. Les mélancoliques peu-
vent avoir des extases. Saint Augustin l'ait
mention d'un prêtre qui paraissait mort à
volonté, et qui resta uiort, très-involontaire-
ment sans doute, dans une de ses expériences.
S'il Gt le mort, il le fit bien. Ce prêtre se nom-
mait Prétextai ; il ne sentait rien de ce qu'on
lui faisait souffrir pendant sou extase.
Les démonomanes appellent l'extase un
transport en esprit seulement, parce qu'ils re-
connaissent le transport en chair et en os,
par l'aide et assistance du diable. Une sor-
cière se frotta de graise, puis tomba pâmée
sans aucun sentiment: et trois heures après
elle retourna en son corps, disant nouvelles
de plusieurs pays qu'elle ne connaissait
point, les^quelles nouvelles furent par la suite
avérées (3).
Cardan dit avoirconnuun homme d'église,
qui tombait sans vie et sans haliine loules
Sbollcn, De D.:il)oI., liv. VII.
(3J LS^xliii, (jjiis jj Dciiioiiomaiiie
S8S
nrTfOMV.MrtK DES SCIENCES OCCULTES.
5,<!4
lesfoisqu'il Icvoulnit.Ccl état durait ordinai-
rement quelques iicurcs ; on le UxirmeiiUiit,
011 le fr^ippail, on lui brûlait les chairs, sans
qu'il éprouvât aucune douleur. Mais il en-
tendait confuscmi'nt.et comme à une distance
très-éloipnée, le hruil qu'on faisait aatour de
lui. Cardan assure encore qu'il tombait lui-
iiiénic en exiase à sa volonté; qu'il enten-
dait alors les voix sans y rien comprendre,
et qu'il ne sentait aucunement ]<-s douleurs.
Le père de Prestantias, après avoir nian(;é
un fromage maléficic. crut au'étanl devenu
ciieval il avait porté de trûspcsantos charges,
quoique son corps n'eût pas quitté le lit; et
l'on regarda comme une extase, produite par
sortilège, ce qui n'était qu'un cauihemar
causé p.ir une indigestion.
l.e magnétisme produit des extases.
UZ^f'HlEL. — Les musulmans disent qufl
les ussi-ments desséchés que ranima le pro-
phète Ezéchicl étaient les restes de la ville de
Davardan.que la peste avait détruite et qu'il
releva par une simple prière.
F
F.VAL, nom qnc les habitants de Saint-
Jean-d'Acre donnent à un recueil d'observa-
tions astrologi(|ues, qu'ils consultent dans
beaucoup d'occasions.
FABEU (Albert-Othon), médecin de Ham-
bourg au dix-septième siècle ; il a écrit quel-
ques rêveries sur l'or potable.
FASKltr (Abraham); de simple soldat, il
devint maréchal de France, et s'illustra sous
Louis XIV. C'était alors si extraordinaire,
qu'on l'accusa de devoir ses succès à un
commerce avec le diable.
FABUE (PiKHRE Jean), médecin de Mont-
pellier, qui fil faire des pas à la chimie au
commencement du dix-septième siècle. Il y
mêlait un peu d'alchimie, il a écrit sur cette
inalicre et sur la médecine spagyrique. S m
plus curieux ouvrage est VAlchimute chré-
tien (AlchiiiiUta chiisiianus),iH 8° ; Toulouse,
16.2.
Il a publié i\uss\ y If ercules piochj/micus ,
Toulouse 1C3'*, in 8°, livre où il soutient que
les travaux d'Hercule ne sont que des eni-
lilèmcs qui couvrent les secrets de la philo-
sophie Hermétique.
FABUICIUS (Jean-Ai.bert1, bibliographe
allemand , né à Lcipsick en 1668. Il y a des
choses curi( uses sur les superstitions et les
contes populaires de l'Orient dans son recueil
des livres apocryphes que l'Eglise a repous-
sés de VAncien et du Nouveau Testament (1).
FAIKFAX (Edouard), poëte anglais du
seizième siècle, au eur d'un livre intitulé /a
JJémonologie , où il parle de la sorcellerie
avec assez de crédulité.
FAIUFOI.KS, espèce de farfadets qui se
inonlrenl en Ecosse, et qui sont à peu près
nos fées.
FAKONË, lac du Japon, où les habitants
placent une espèce de limbes habités par
tous les enfants morts avant l'âge de sept
ans'. Ils sont persuadés que les âmes de ces
enfants souffrent quelques supplices dans ce
lieu-là, et qu'elles y sont tourmentées jus-
qu'à ce qu'elles soient rachetées par les
passants. Les bonzes vendent des papiers
sur lesquels sont écrits les noms de Dieu.
Comme ils assurent que les enfants épruu-
(t) CixJcx pseuc!e|ii^r3|ilius vpicris Testameiili, cotlcc-
luii, rastii,'iitu« , tusliiiioiiiis(|ue ceiisuris el animadversiu-
•itHui iiluïiruttui. lu-B». UaiiiLiourt; el Luip!>i(Ji, 1713.—
vent de l'allégemi-nt lorsqu'on jette ces pa-
piers sur l'eau, on en voit les bord» du lac
couverts. — H est aisé de reconnaitie dans
ces usages des traditions altérées de l'Eglise.
FALCONET (Noël) , médecin , mort en
iT.:k. Nous ne citerons de ses ouvrages que
ses Lettres et remarques sur l'or prétendu
potable: elles sont assez curieuses.
FANATISME. L'Eglise l'a toujours con-
damné, comn>e elle condamne tous es excès.
Les actes de fanatisme des conquérants du
Nouveau Monde étaient commis par des scé-
lérats, contre lesquels le clergé s'élevait de
toutes ses forces. On peut le voir dans la vie
et dans les écrits de Barthélemi de Las Casas.
Les écrivains philosophes ont souvent ap-
pelé fanatisme ce qui ne l'était pas. Ils se
sont trompés ou ils ont trompé lorsque, par
exemple, ils ont aitribué le massacre politi-
que de la S lint-Barthélemi à la religion, (|ui
y fut étrangère; lorsqu'ils ont défendu les
fanatiques des Covennes, etc.
11 y a eu très-souvent du fanatisme outré
dans les hérésies et même dans la sorcel-
lerie.
Sous le règne de Louis XII, un écolier de
l'université de Paris, persuadé que la reli-
gion d'Homère était la bonne, arracha la
sainte hostie des mains d'un prêtre qui la
consacrait, et la foula aux pieds. Voilà du
fanatisme.
Les Juifs en ont fourni de nombreux exem-
ples, et un très-grand fanatisme distingue
beaucoup de philosophes modernes.
«Il y a un fanatisme politique, un fanatisme
littéraire, un fanatisme guerrier, un fana-
tisme philosophique (2). »
On a nommé d'abord fanatiques les pré-
tendus devins qui rendaient leurs oracles
dans les temples, fana. Aujourd'hui on en-
tend par fanatisme tout zèle aveugle.
FANNIUS (Caius), historien qui mourut de
peur en composant un ouvrage contre Né-
ron. H en avait terminé trois livres, et il
commençait le quatrième, lorsque Néron,
dont il avait l'imagination remplie, lui ap-
parut en songe, et, après avoir parcouru les
trois premiers livres de son ouvrage, se re-
Cmlex apociyplius uovi Teslaïuculi, etc. Hambourg, 1719.
Iii 8°.
{i) Berfiier, Dici. ibéol.
R8S
FAN
FAQ
r,%
(ira sans toiichor au quatrième qui élail en
train. Ce rêve frappa Fannius; il crut y voir
que son ouvrage ne serait pas achevé, vl il
mourut en effet peu après.
FANTASMAGOUIANA, litre d'un rcrucii
d(' contes populaires où les apparitions et les
spectres jouent les preniiers rôles. Ces con-
tes prolixes sont, pour la plupart, traduits de
l'allemand, 2 vol. in-12; Paris, 1812.
FANTASMAGORIE .spectacle d'optique,
du genre des lanternes magiques perfeclion-
néis, et qui, aux yeux des ignorants, peut
paraître de la sorcellerie.
FANTOMES, oSjTits ou revenants de mau-
vais augure, qui effrayaient fort nos pères ,
quoiqu'ils sussent bien qu'on n'a aucune-
ment peur des fantômes si l'on tient dans sa
main de l'ortie avec du millefeuille (1).
Les Juifs prétendent que le fantôme qui
apparaît ne peut reconnaître la personne
qu'il doit effrayer si elle a un voile sur le
visage; mais quand celte personne est cou-
pable, ils prétendent, au rapport deBuxtorf,
(lue le masque tombe, afinquel'ombre puisse
la voir et la poursuivre.
On a vu souvent des fantômes venir an-
noncer la mort; un spectre se présenta pour
cela aux noces du roi d'Ecosse Alexandre 111,
qui mourut peu après.
Camerarius rapporte que, de son temps,
on voyait quelquefois dans les églises des
fantômes sans tête, vêtus en moines et en
religieuses, assis dans les stalles des vrais
moines el des sœurs qui devaient bientôt
mourir.
Un chevalier espagnol avait osé concevoir
une passion criminelle pour une religieuse.
Une nuit, qu'il traversait l'église du couvent
dont il s'était procuré la clef, il vit des cierges
allumés et des prêtres, qui lui étaient incon-
nus, occupés à célébrer l'office des morts au-
tour d'un tombeau. Il s'approcha de l'un deux
et demanda pour qui on faisait le service.
«Pour vous, » lui dit le prêtre. Tous les autres
lui firent la même réponse; il sortit effrayé,
monta à cheval, s'en retourna à sa maison,
et deux chiens l'étranglèrent à sa porte (2).
Une dame voyageant seule dansune chaise
de poste fut surprise par la nuit près d'un
village où l'essieu de sa voiture s'était brisé.
On était en automne, l'air était froid et plu-
vieux; il n'y avait point d'auberge dans le
village; on lui indiqua le château. Comme
elle en connaissait le maître, elle n'hésita
pas à s'y rendre. Le concierge alla la rece-
voir, et lui dit qu'il y avait au château dans
ce moment beaucoup de monde qui était ve-
nu célébrer une noce, et qu'il allait informer
le seigneur de son arrivée. La fatigue, le
desordre de sa toilette et le désir de conti-
nuer son voyage engagèrent la voyageuse à
prier le concierge de ne point déranger son
maître. Elle lui demanda seulement une
chambre. Toutes étaient occupées, à l'excep-
tion d'une seule, dans un coin écarlédu
château, qu'il n'osait lui proposer à cause
(1) Les Admirables secrets d'Albert le Grand.
(2) Toiquenia<la, Ilexaméroii.
(.")j Specinjiij, p. 79.
DiCriONN. DES SCIE.iJCES OCCULTES, l.
de son délabrement ; mais elle lui dit quelle
s'en contenterait, pourvu qu'on lui fit un
bon lit et un bon feu.
Après qu'on eut fait rc qu'elle désirait, elle
soupa légèrement, et s'étanl bien réchauffée,
elle se mitau lit. Elle conmiençait.i s'rndorniir.
lorsqu'un bruit de chaînes et des sons lugu-
bres la réveillèrent en sursaut. Le bruit ap-
proche, la porte s'ouvre, elle voit, à la clarté
do son feu, entrer un fantôme couvert de
lambeaux blanchâtres; sa figure pâle et mai-
gic, sa barbe longue et touffue, les chaînes
qu'il portait autour du corps, tout annonçait
un habitant d'un autre monde. Le fantôme
s'approche du feu, se couche auprès tout de son
long, se tourne de tous côtés en gémissanl,
puis, à un léger mouvement qu'il entend
près du lit, il se relève promptement et s'en
approche. Quelle amazone eût bravé un tel
adversaire? Quoique notre voyageuse n(!
manquât pas de courage, elle n'osa l'attendre,
se glissadans la ruelle do lit, et, avec une agi-
lité dont la frayeur rend capables les moins
légères, elle se sauve en chemise à toutes
jambes, enfile de longs et obscurs corridors,
toujours poursuivie par le terrible fantôme,
dont elle entend iefrollementdeschaîncscon-
tre la muraille. Elle aperçoit enfin une faible
clarté, et, reconnaissantia portedu concierge,
elle y frappe et tombe évanouie sur le seuil.
il vient ouvrir, la fait transporter sur son lit
et lui prodigue tous les secours qui sont en
son pouvoir. Elle raconta ce qui lui était ar-
rivé.
— Hélas 1 s'écria le concierge, notre fou
aura brisé sa chaîne et se sera échappé!
Ce foU était un parent du maître du châ-
teau, qu'on gardait depuis pl-isieurs années.
Il avait effectivement profilé de l'absence de
ses gardiens, qui étaient à la noce, pour dé-
tacher ses chaînes, et le hasard avait con-
duit ses pas à la chîimbre de la voyageusi',
qui en fut quitte pour une grande peur (3).
Voy. AppiRiTioNS, Visioxs, Hallucinations,
Esprits, Revenants, Spectres, Deshouliè-
nEs, etc., etc.
FANTOME VOLANT. On croit, dans la
Basse-Breiagnc, entendre dans les airs, lors-
qu'il fait un orage, un fan'ôiue vol.int «ju'on
accuse de déraciner les arbres et de renver-
ser les chaumières. Voy. Voltigeur hollan-
dais.
FAPISIA , herbe fameuse chez les Portu-
gais, qui l'employaient comme un excellent
spécifique pour chasser I s démons (i).
FAQUIR oc FAKIR. Il y a dans l'Inde des
fakirs qui sont d'habiles et puissants jon-
gleurs. On lit ce qui suit dans l'ouvrage de
M. Osborne , intitulé : la Cour el le Camp
de Rundjet-Sing :
« A la cour de ce prince indien, la mission
anglaise eut l'occasion de voir un personna-
ge appelé le Fakir, homme enterré et ressus-
cité, dont les prouesses avaient fait du bruit
dans les provinces de Punjab.
« Ce Fakir est en grande vénération parmi
(i) DeUincre, Tableau de riiicoiistaiicedesdéinoiis, elt.,
liv. IV, p. 297.
lU
5i7
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
S:S3
les Siiiks, à cause de la lacullé qu'il a de
s'enlirrer toutvivanl pciulanlun temps don-
né. Nous avions ouï raconter de lui tant
d'histoires, que notre curiosité était excitée.
Voilà plusieurs années qu'il fait le métier
de se laisser enferrer. Le capitaine Wade
nie dit avoir été témoin d'une de ses résur-
rections, après un enterrement de quelques
mois. La cérémonie préliminaire avait eu
lieu on présence de Rtindjel-Sing, du géné-
ral Ventura et des principaux sirdars.
« Les préparatifs avaient duré plusieurs
jours, on avait arrangé un caveau tout ex-
près. Le Fakir termina ses dispositions B:ia-
les en présence du souverain; il se boucha
avec de la cire les oreilles, le nez et tous les
autres orifices par lesquels l'air aurait pu
entrer dans son corps. Il n'excepta que la
bouche. Cela fait, il fut déshabillé cl mis dans
un sàcdi! toile, après qu'il se fut retourné la
langue pour fermer le passage de la gorge,
et qu'il se fut posé dans une espèce de lé-
thargie; le sac fut fermé et cacheté du sceau
de lluniljet-Sing et déposé dans une boîte de
.sapin, qui, fermée et scellée également, fut
ilescrndue dans le caveau. Par-dessus on ré-
pandit et on foula de la terre, on sema de
l'orge et on plaça des sentinelles.
« II parait que le maha-rnjah, très-sre-
plique sur cette mort, envoya deux fois des
gens pour fouiller la terre, ouvrir le caveau et
visiter le cercueil. On trouva cha(|ue lois le
Fiikir dans la même position et avec tous les
signes d'une suspension de vie.
« Au bout de dix mois, terme fixé, le capi-
taine Wade accompagna le maha-rajah pour
assister à l'exhumation : il examina attenti-
vement par lui-même l'intérieur de la tombe ;
il vit ouvrir les serrures, briser les sceaux et
porter l.i botte ou cercueil au grand air.
Quand on en lira le Fakir, les doigts posés
sur son artère et sur son cœur ne purent
percevoir aucune pulsatjon. La première
( hose qui fut faite pour le rappeler à la vie,
el la chose ne se fil pas sans peine, fut de
ramener la langue à sa place naturelle. Le
capitaine Wade remarqua que l'occiput était
brûlant, mais le reste du corps très-frais et
tiès-sain. On l'arrosa d'eau chaude, — el au
bout de deux heures le ressuscité était aussi
bien que dix mois auparavant.
« Il prétend faire dans son caveau les rêves
les plus délicieux : aussi redoulc-l-il d'être
réveillé de sa léthargie. Ses ongles et ses che-
veux cessent de croître : sa seule crainte est
d'être entamé par des vers ou des insectes;
c'est pour s'en préserver qu'il fait suspendre
au centre du caveau la boîte où il repose.
« Ce Fakir eut lu maladroite funlaisie de
fiiire l'épreuve de sa mort el de sa résurre-
ction d<vanl la mission anglaise, lorsqu'elle
arriva à Lahore. Mais les Anglais, avec une
cruelle ménaiicc, proposèrent de lui imposer
quelques précautions de plus : ils montrèrent
«les cadenas à eux appartenant, el parlèrent
de mettre au tombeau des factionnaires euro-
péens. Le Fakir fil d'abord de la diplomatie;
il ic U'oubla, cl finalement refusa de se sou-
mettre aux conditions britanniques. Runjet-
Sing se fâch i.
« — Je vois bien , dit le Fakir au capitaine
Osbnrne, que ^ous voulez me perdre, el qur-
je ne sortirai pas vivant de mou tombeau.
« Le capitaine, ne désirant pas du tout
avoir à se reprorher la mort du pauvre char-
latan, renonça à l'épreuve. » V. Jamambuxks.
FARFADKÏS, esprits ou Intins ou démous
familiers, que les personnes simples croient
voir ou entendre la nuit. Quelques-uns se
montrent sous des figures d'animaux, le plus
grand noinhre restent invisibles. Ils rendent
généralement de bons offices.
Des voyageurs crédules ont prétendu que
les Indes élaient pleines de ces esprits bons
ou mauvais, et qu'ils avaient un commerce
habituel avec les hommes du pays.
Voici l'histoire d'un farfadet :
En l'année 1221, vers le temps des ven-
danges, le frère cuisinier d'un monastère de
Cîteaux chargea deux serviteurs de garder
les vignes pendant la nuit. Un soir, l'un de
ces deux hommes, ayant grande envie de dor-
mir, appela le diable à haute voix et promit
de le bien payer s'il voulait garder la vigne à
sa place. Il achevait à peine ces mois, qu'un
farfadet parut.
— Me voici prêt, dit-il à celui qui l'avait
demandé. Que me donneras-tu si je remplis
ta charge?
— Je te donnerai un panier de raisin, ré-
pondit le serviteur, à condition que lu veille-
ras jusqu'au malin.
Le farfadet accepta l'offre; et le domesti-
que rentra à la maison pour s'y reposer. Le
frère cuisinier, qui était encore debout, lui
demanda pourquoi il avait quitté la vigne?
— Mon compagnon la garde, répondil-il ,
et il la gardera bien.
— Va, va, reprit le cuisinier, qui n'en sa-
vait pas davantage, ton compagnon peut
avoir besoin de loi.
Le valet n'osa répliquer et sortit; mais il
se garda bien de paraître dans la vigne. Il
appela l'autre valet, lui conta le procédé dont
il s'était avise; et tous deux, se reposant sur
la bonne garde du lutin, entrèrent dans une
petite grotte qui était auprès de là, et s'y en-
dormirent. Les choses se passèrent aussi bien
qu'on pouvait l'espérer; le farfadet fut fidèle
à son poste jusqu'au malin, cl on lui donna
le panier de raisin promis. — Ainsi finit le
conie (1). Voy. BerbIguier, Bérith, Esprits,
Feux follets, Hecdekin, Orthon, etc.
FAKMEll ( Hugues ) , théologien angli-
can, mort en 1787. On a de lui un Essai sur
les démoniaques du Nouveau Testament, 1775,
oii il cherche à prouver, assez gauchement,
que les maladies attribuées à des possessions
du déiiion sont l'effet de causes naturelles, et
non l'elTet de l'action de quelque malin es-
prit.
FASCINATION, espèce de charme qui fail
qu'on ne voit pas les choses telles qu'elles
sont. Un Bohémien sorcier, cité par B^iguel,
changeait des bottes de foin en pourceaux,
cl les vendait comme tels, en avertissant lou-
(l) Cîesarius Ueisterbadiceiisis ill. miracul., lib. V.
5S9
KAT
lefois l'aolicli^ur de ne laver ce bétail dans
aucune eau. Un acquéreur de la denrée du
Bohémien, n'ayant pas suivi ce conseil, vit,
au lieu de pourceaux, des bottes de foin na-
ger sur l'eau où il voulait décrasser ses
Détes.
Delrio conte qu'un certain magicien, au
moyen d'un certain arc et d'une certaine
corde tendue à cet arc, lirait une certaine
flèche, fuite d'un certain bois, et faisait tout
d'un coup paraître devant lui un fleuve aussi
large que le jet de cette flèche.
lit d'autres rapportent qu'un sorcier juif,
par fascination, dévorait des hommes et des
charrete'es de foin, coupait des têtes, et dé-
membrait des personnes vivantes, puis re-
mctlait tout en fort bon état.
Dans la guerre du duc Vladislas contre
Grémozislas, duc de Bohême, une vieille sor-
cière dit à son beau-fils, qui suivait le parti
de Vladislaî, que son maître mourrait dans
la bataille avec la plus grande partie de sou
armée, et que, pour lui, il pouvait se sauver
du carnage en faisant ce qu'elle lui conseil-
lerait; c'est-à-dire, qu'il luât le premier qu'il
rencontrerait dans la mêlée; qu'il lui coupât
les deux oreilles, et les mit dans sa poche;
puis qu'il fît, avec la pointe de son épée, une
croix sur la terre enire les pieds de devanl
de Sun cheval, et qu'après avoir baisé celle
croix il se hâtât de fuir.
Le jeune homme, ayant accompli toutes ces
choses singulières, revint sain et sauf de la
bataille oij périrent Vladislas et le plus grand
nombre de ses troupes. Mais en rentrant dans
la maison de sa marâ're, ce jeune guerrier
trouva sa femme, qu'il chérissait unique-
ment, percée d'un coup d'épée, expirante et
sans oreilles...
Les femmes maures s'imaginent qu'il y a
des sorciers qui fascinent par leur seul re-
gard, et tuent les enfants. Celte idée leur est
commune avec les anciens Romains, qui ho-
noraient le dieu Fascinus, à qui l'on attri-
buait le pouvoir de garantir les enfants des
fascinations et maléfices. Voy. OEil, Char-
mes, Enchantements, Faust, Prestiges, etc.
FATALISME, doctrine de ceux qui recon-
naissent une destinée inévitable.
Si quelqu'un rencontre un voleur, les fata-
listes disent que c'était sa destinée d'être tué
par un voleur. Ainsi celle fatalité a assujetti
le voyageur au fer du voleur, et a donné long-
temps auparavant au voleur l'intention et la
force, afin qu'il eût, au temps marqué, la vo-
lonté et le pouvoir de tuer celui-ci.
Et si quelqu'un est écrasé par la chute d'un
bâliment, le mur est tombé parce que cet
homme élait destiné à être enseveli sous les
ruini'S de sa maison Dites plulôl qu'il a
éié accablé sous les ruines, parce que le mur
est tombé (1).
Où serait la liberté des hommes, s'il leur
était impossible d'éviter une fatalité aveugle,
une destinée inévitable?
Est-il rien de plus libre que de se marier,
de suivre tel ou tel genre de vie? Est-il rien
M) Bardai, dans l'Argcnis.
U) iJolaucri', Tableau de l'iucoustaacc dcscljiuuos, etc., p.
lAl 6J0
de plus fortuit que de périr par le fer, de se
noyer, d'être malade?;.. L'homme vertueux,
qui parvient par de grands efforts à vaincre
ses passions, n'a donc plus besoin de s'étu-
dier à bien faire, puisqu'il ne peut être vi-
cieux?... C'est un peu la doctrine de Calvin.
FAUNES, dieux rustiques inconnus aux
Grecs. On les distingue des satyres et syl-
vains, quoiqu'ils aienl aussi des cornes de
chèvre ou de bouc, et la (igure d'un bouc de-
puis la ceinture jusqu'en bas. Miis ils ont
les traits moins hideux, une figure plus gaie
que celle des s.ilyres, et moins de brutalité.
D'anciens Pères les regardent comme des dé-
mons incubes (2); et voici l'histoire qu'en
donnent les docteurs juifs :
« Dieu avait déjà créé les âmes des faunes
et des satyres, lorsqu'il fut interrompu par
le jour du sabbat, en sorle qu'il ne put les
unir à des corps, et qu'ils n stèreut ainsi de
purs esprits et des créatures imparfaites.
Aussi, ajoutent-ils, ces esprits craignent le
jour du sabbat, et se cachent dans les ténè-
bres jusqu'à ce qu'il soit passé; ils prennent
quelquefois des corps pour épouvanter les
hommes. Mais ils sont sujets à la mort. Ce-
pendant ils peuvent approcher si près des in-
telligences célestes, qu'ils leurdérobent quel-
quefois la connaissance de certains événe-
ments futurs, ce qui leur a fiit produire des
prophéties, au grand étonnemeut des ama-
teurs. »
FAUST (Jean), fameux magicien allemand,
né à Weimar au commencement du seizième
siècle. Un génie plein d'audace, une curio-
sité indomptable, un immense désir de sa-
voir, telles étaient ses qualités prononcées.
Il apprit la médecine, la jurisprudence, la
théologie; il approfondit la science des astro-
logues; quand il eut épuisé les connaissances
naturelles, il se jeta dans la magie : du moins
toutes ses histoires le disent. — On le con-
fond souvent avec Faust, l'associé de Guttem-
berg dans l'invention de l'imprimerie; on
sait que quand les premiers livres imprimés
parurent, on cria à la magie! on soutint
qu'ils étaient l'ouvrage du diable ; et sans la
protection de Louis XI et de la Sorbonnc,
l'imprimerie, en naissant, était étouffée à
Paris.
Quot qu'il en soit, voici les principaux
traits de la légende de Faust.
Curieux de se lier avec les êtres d'un
monde supérieur, il découvrit la terrible for-
mule qui évoque les démons. H s'abstint d'a-
bord d'en faire usage; mais un jour, se pro-
menant dans la campagne avec son ami
Wagner, il aperçut un barbet noir qui for-
mait des cercles rapides en courant autour
de lui. Une trace ardente brillait à la suite
du chien. Faust étonné s'arrête; les cercles
que formait l'animal étrange devenaient tou-
jours plus petits; il s'approche bientôt de
Faust et le flatte... Le savant s'en retourne
pensif, et le barbet le suit.
Faust ne se retrouva seul que pour su li-
631
vrcr à de noires idées
veau compagnon , les inlerrompait par des
hurlements. Fausl le regarde, s'étonne de le
voir grandir, s'aperçoil qu'il a reçu un dé-
mon, saisit son livre magique, se place dans
un certle, prononce la formule, et ordonne
à l'esprit de se faire connaître.
Le chien s'agite, une fumée l'environne,
cl, à sa place , il voit un démon sous le cos-
tume d'un jeune seigneur, vêtu avec élé-
gance. C'était le démon Méphistophelès, le
second des archanges déchus, et, après Sa-
tan, le plus redoutable chef des légions in-
fernales...
Les divers légendaires rapportent cet évé-
nement avec des variantes. Widman dit qu'é-
tant décidé à évoquer un démon, Faust alla
dans l'épaisse forêt de Mangeall , près de
Witlemberg ; là, il fil à terre un cercle ma-
gique, il se plaça au milieu , et prononça la
Formule de conjuration avec tant de rapidité,
qu'il se fil autour de lui un bruit eflroyable.
Toute la nature parut s'ébranler. Les arbres
pliaient jusqu'à terre , de grands coups de
tonnerre interrompaient les soivs lointains
d'une musique solennelle, à laquelle se mê-
laient des cris, des gémissements, des clique-
tis dépécs : de violents éclairs déchiraient le
voile noir qui cachait le ciel. Une masse en-
flammée parut, se dessina peu à peu, cl
forma un spectre qui , s'approchant du cercle
sans parler, se promena alentour, d'une
marche inégale, pendant un quart d'heure.
L'esprit revêtit enûn la figure et le costume
d'un moine gris, et entra en conversation
avec Faust.
Le docteur signa de son sang , sur un par-
chemin vierge, avec une plume de fer que
lui présenta le démon, un pacte par lequel
Méphistophelès s'obligeait à le servir vingt-
quatre ans, après lesquels Fausl appartien-
drait à l'enfer.
Widman, dans son Histoire de Faust, rap-
porte les conditions de ce pacte, dont on as-
sure qu'on trouva le double parmi les papiers
du docteur. Il était écrit sur parchemin, eu
caractères d'un rouge foncé, ei portait :
1° Que l'esprit viendrait toujours au com-
niandemcnl de Fau»t,lui apparaîtrait sous
une figure sensible, et prendrait celle qu'il
lui serait ordonné de revêtir ;
2° Que l'esprit ferait tout ce que Fausl lui
commanderait ;
3° Qu'il serait exact et soumis comme un
serviteur ;
k' Qu'il arriverait à quelque heure qu'on
l'appelât ;
5° Qu'à la maison, il ne serait vu ni re-
connu que de lui.
De son côté, Faust s'abandonnait au dia-
ble, sans réserve d'aucun droit à la ré-
dcmplion, ni de recours futur à la iiii>cri-
corde divine..
Le démon lui donna , pour arrhes de ce
Iraiié, un coffre plein d'or. Dès lors, Faust
fut maître du monde, qu'il parcourut avec
éclat. Il allait partout, lorsqu'il ne voyageait
pas à travers les airs , dans de riches c jui-
jiages , accompagné de son démon. 11 vit uu
DlCTlOiNNAmE DES SCIENCES OCCULTES. 5n
Le chien , son nou- jour, au village de Roscnihal , une jeune fille
ingénue , que Widman représente comme
surpassant en grâces toutes les beautés de lu
terre, et qu'il appelle Marguerite. 11 en de-
vint épris ; mais elle était vertueuse. Méphis-
tophelès, pour le détourner de cette passion
qu'il redoutait, le mena à la cour. Chnrles-
Quint , sachant ses talents magiques , le pria
de lui faire voir Alexandre le Grand. Faust
obligea aussitôt le fameux roi de Macédoine
à paraître. Il vint sous la figure d'un peiil
homme trapu, haut en couleur, avec une
espèce de barbe rousse, le regard perçant et
la contenance fière. Il fit à l'empereur une
révérence, et lui adressa même quehiues
mots, dans une langue que Gharlcs-Quiiit
n'entendait point. D'ailleurs il lui était dé-
fendu de parler. Tout ce qu'il put faire fut de
le bien considérer, ainsi que César et quel-
ques autres que Faust ranima un instant
pour lui.
L'enchanteur opéra mille merveilles sem-
blables. A en croire ses historiens, il usait
sans discrétion de son pouvoir surnalunl.
Un jour, se renconlrant à table dans un ca-
baret, avec douze ou quinze buveurs qui
avaient entendu parler de ses prestiges, ils
le supplièrent de leur en faire voir quelque
chose. Faust perça la table avec un foret, et
en fit sortir les vins les plus délicats. Un des
convives n'ayant pas mis la coupe assez vi-
vement sous le jet, la liqueur prit feu en
tombant à terre, et ce prodige effraya quel-
ques-uns des assistants. Le docteur sut dis-
siper leur trouble. Ces gens, qui avaient la
têle échauffée , lui demandèrent alors una-
nimement qu'il leur fît voir une vigne char-
gée de raisins mûrs.
Ils pensaient que, comme on était en dé-
cembre, il ne pourrait produire un tel pro-
dige. Faust leur annonça qu'à l'instant, sans
sortir de table, ils allaient voir une vigne
telle qu'ils la souhaitaient ; mais à condition
que tous ils resteraient à leurs places , et
attendraient , pour couper les grappes de
raisin , qu'il le leur commandât, les assurant'
que quiconque désobéirait, courait risque
de la vie. Tous ayant prorais d'obéir, le m;.-
gicien fascina si bien les yeux de ces gens,
qui étaient ivres, qu'il leur sembla voir une
très-belle vigne, chargée d'autant de longues
grappes de raisin qu'ils étaient de convives.
Celle vue les ravit; ils prirent leurs couteaux,
et se mirent en devoir de couper les grappes,
au premier signal de Faust. Il se donna le
plaisir de les tenir quelque temps dans celle
posture , puis , tout à coup , il fit disparaître
la vigne et les raisins ; et chacun de ces bu-
veurs, pensant avoir en main sa grappe pour
la couper, se trouva tenant d'une main le
nez de son voisin , et de l'autre le couteau
levé , di! sorte que , s'ils eussent coupé les
grappes, sans attendre l'ordre de Faust, ils
se seraient coupé le nez les uns aux autres.
On a dit que Faust avait, comme Agrippa,
l'adresse do payer ses créanciers en monnaie
de corne ou de bois , qui paraissait bonne
au moment où elle soit;iit de sa bourse, et
reprenait, au bout de quelques jours, sa
S93 F.Vl)
véritable forme. Mais le diable lui donnait
assez d'argent pour qu'il n'eût pas besoin
d'user de ces fraudes.
Wecker dit qu'il n'aimait pas le bruit, et
«jue souvent il faisait taire, par la force de
sa magie, les gens qui le fatiguaient, « té-
moin ce certain jour qu'il lia la bouche à une
demi-douzaine de paysans ivres , pour les
empocher de babiller et de piailler comme ils
faisaient. »
Il n'avait pas renoncé à son projet chéri
d'épouser Marguerite ; mais le démon^ l'en
détournait d'autant plus, comme dit Wid-
nian, qu'appartenant à l'enfer par son pacte,
il n'avait plus le droit de disposer de lui ni
de former un nouveau lien. Méphistophelès
l'éloignait donc sans cesse.
Faust allait au sabbat; il poursuivait le
cours de sa destinée infernale. Lorsque le
temps du pacte fut accompli , il frissonna , à
la pensée du sort qui lui était maintenant
réservé. 11 voulut s'enfuir dans une église ou
dans tout autre lieu saint, pour implorer la
miséricorde divine. Méphistophelès l'en em-
pêcha; il le conduisit tremblant sur la plus
haute montagne de la Saxe. Faust voulut se
recommander à Dieu. — Désespère et meurs,
lui dit le démon, tu es maintenant à nous.
A ces mots, l'esprit des ténèbres apparut
aux yeux de Faust sous la forme d'un géant
haut comme le firmament; ses yeux enflam-
més lançaient la foudre , sa bouche vomissait
du feu, ses pieds d'airain ébranlaient la terre.
11 saisit sa victime avec un éclat de rire qui
retentit comme le tonnerre , déchira son
corps en lambeaux, et précipita son âme dans
les enfers.
Apprenez par là, frères, que tout n'est pas
gaiii en mauvaise compagnie.
Nous avons dit que la découverte de l'im-
piimerie fit poursuivre Faust comme sor-
cier : on assurait que l'encre rouge de ses
Bibles était du sang; il est vrai qu'elle a un
éclat particulier, et qu'on a pu croire au
moins, dans un siècle d'ignorance, que le se-
cret en avait été donné par le diable.
On dit encore qu'il débitait en Allemagne
des almanachs qui , dictés par Méphistophe-
lès, prédisaient toujours juste, et avaient,
par conséquent, plus de succès encore que
Matthieu Laensberg, qui se trompe quelque-
fois. Mais on ne retrouve aucun de ces al-
manachs.
La vie de Faust et de Christophe Wagner,
son valet, sorcier comme lui, a été écrite par
Wiilman, Francfort, 1387, in 8', traduite en
plusieurs langues, et en français par Victor
Palma Cayet, Paris, 1603, in-12. Adelung
lui a consacré un grand article dans son
Histoire des folies humaines. Tous les démo-
nographes ont parlé de lui : Goethe a mis ses
aventures en un drame bizarre ou chronique
dialoguée. MM. Desaur et de Saint-Geniôs
ont publié, en 1825, les Aventures de Faust
et sa descente auj; enfers , roman en trois
volumes in-12, où l'on ne trouve pas tout
le merveilleux des légendes allemandes.
M. Marinier a donné aussi une curieuse lé-
{4cnde de Fau>t.
FAU
r;ni
On trouve, dans les légendes populaires ,
plusieurs personnages qui font pendant avec
Faust, en ce point du moins qu'ils se lient
avec le diable au moyen d'un pacte. L'une
des plus originales, parmi ces traditions, est
celle du maréchal de Tamine , le Faust du
pays wallon. Nous la rapporterons ici.
La léjende du Maréchal de Tamine.
Dans ce beau village de Tamine , que
baigne la Sambre, à quatre lieues de Namur,
vivait, il y a un peu plus de trois siècles, —
peut-être au temps de la jeunesse de Charles-
Quint, — un maréchal-ferrant renommé pour
sa bonne humeur. Son atelier fiorissait; il
dormait sans soucis et menait joyeuse vie,
lorsqu'un jour, en revenant d'une fête voi-
sine, il trouva sa maison brûlée.
Aiiieu dès lors l'aisance et la galle.
Mais commentcelle maison avait-elle été la
proie des flammes? Les uns dirent que c'é-
tait un pur accident; ceux-ci un effet de
quelque négligence; ceux-là un coup de
malveillance sans doute; les autres, plus
pénétrants , soutinrent que le diable seul
avait fait le mal. C'était ajoutaient-ils, une
épreuve olîerle à la patience du maréchal de
Tamine, qui avait ainsi l'occasion de se mon-
trer le Job delà contrée.
Le Wallon, qui n'avait pas la vertu du
sageChaldéen, aima mieux, dans sa gros-
sièreté matérielle, être le Faust du pays,
moins savant et moins grave que l'Allemand,
mais plus malin pourtant et plus habile.
— Si le diable veut de moi, dit-il, nous
allons voir.
Selon l'usage populaire, qui déjà était bien
connu de tout mauvais drôle, ayant quelque
teinte des sciences de sorcellerie, le maré-
chal de Tamine s'en alla seul, le soir ,
hors de son village, s'arrêta dans un car-
refour où venaient aboutir quatre che-
mins; et là, ayant tracé un cercle avec un
bâton de coudrier, il se planta au milieu,
puis au son des heures sinistres de minuit,
il immola une poule noire, avec les cérémo-
nies voulues. G était le moyen d'obliger la
diable à paraître.
Le diable accourut. Il trouva un homme
qui avait la bourse vide, les dents longues,
l'esprit inquiet, et qui se montrait disposé
à traiter, dit la légende, ruais qui ne voulait
pas faire un marché de dupe.
Après des pourparlers qui durent être cu-
rieux, le Wallon vendit son âme, moyen-
nant trois stipulations spéciales :
1° Qu'il pourrait, pendant le bail qu'il fai-
sait avec le diable, retenir à son gré, sur un
grand poirier qui s'élevait devant sa maison,
tout imprudent qui se serailavisé d'y monter.
2° Que sa bourse de cuir, une fois fermée,
ne s'ouvrirait plus sans sa permission.
3° Que son tablier de cuir aurait désormais
celte vertu que jamais aucune puissance na
pourrait l'en détacher, s'il parvenait à s'y
asseoir.
Le diable accorda tout; il rebâtit la maison
et consentit, selon tes clauses du marché, à
Vj5
0ICTIONNA115E DES SCIENCES OCCULTES.
ne réclamer l'âme du Wallon qu'au bout de
dix ans.
Le maréchal de Tamine se reprit donc à
mener plus joyeuse vie encore (jiie p.ir le
passé, jonlssant du présent et s'occupant
très-peu de l'avenir. Les dix ans s'écoulèrent
ainsi.
Le diable vint alors sommer son homme
d'exécuter le contrat.
— Je suis prêt dit l'autre; et quoique la
journée ne soit pas finie, je ne vous deman-
derai qu'une légère faveur, celle de manger
encore une fois du fruit de mon poirier.
Le diable se montra charmé des disposi-
tions du maréchal ; il se prêta de bonne grâ-
ce à sa fantaisie et grimpa sur l'arbre; ce
qui n'était pas difficile.
Mais il fallait en descendre. Nul ne le pouTait
sans la permission du maître : c'était, comme
on l'a vu, un des avantages du contrat. Le
diable, cloué sur le poirier, n'obtint sa liberté
que moyennant un sursis de dix ans.
Le temps passa, dans cette nouvelle pério-
de, aussi rapide que la première fois, en-
traîné par les plaisirs et l'insouciance.
Lediabie revint.sur lesoir du dernier jour.
— Je suis prêt, dit encore le Wallon.
— Marchons donc, répliqua le diable, d'un
ton sérieux, il s'était bien promis, cette fois,
de ne plus être victime de sa complaisance.
Mais il ne savait pas à qui il avait affaire.
Le maréchal de Tamine avait calculé une
ressource nouvelle; il prit l'ange déchu par
son faible, l'amour-propre.
—On raconte, dit-il d'un air bonhomme,
que vous êtes très-puissant; et vous m'en
avez donné quelques marques; c'est ce qui
me rend joyeux de partir avec vous. Mais on
me disait tout à l'heure une merveille que
je n'ai pas j.'U croire. Est-il donc vrai que vous
ayez le pouvoir de prendre la taille qui vous
plaît? que vous puissiez à l'instant paraître
un géant énorme, et aussitôt après devenir
le nain le plus exigu'?
— C'est très-vrai, dit le diable avec impor-
tance; et tu vas le voir.
Pour prouver ce qu'il avançait, il se gran-
dit tellement en quelques secondes, qu'il pa-
raissait avoir trois cents pieds.
— C'est prodigieux I dit le Wallon, c'est
.«iuperbe; et je le répèle, je suis ravi. Vous
êtes plus grand que notre clocher. Ah 1 c'est
beau de s'élever si haut. Mais il doit élre
bien plus difficile de se faire petit, iuipercep-
tiblo, grand comme le pouce, petit à se loger
là-dedans.
En disant ces mots, il tenait sa bourse
cntr'ouverte.
Il n'avait pas achevé, que le diable, étourdi
par la vanité, se ramassait dans la forme la
plus mignonne et se plongeait tout entier
dansla bourse. Le maréchal de Tamine en
serra les cordons. Tenant de nouveau son
créancier, il rentra dans sa forge, mit sa
bourse sur l'enclume et travailla à l'aplatir
à grands coups de marteau.
Le diable hurlait. Pour sa délivrance, il
accorda un nouveau sursis de div ans, et
s'en alla de m.iuvaise hutiieur.
Au bout de cet autre terme, le maréchal
de Tamine, sentant qu'il vieillissait, n'at-
tendit pas que lediabie à (|ui il s'était vendu
vînt le chercher. Il alla lui-même frapper à
la porte de l'enfer. Son diable s'y trouvait de
garde; mais dès qu'il le vit, craignant de
nouvelles malices, il lui ferma la porte au nez.
Repoussé delasorle, le Wallon, quidécidé-
ment s'ennuyait ici-bas, s'en alla cherchtir
ailleurs. Nous suivons toujours la légende
populaire. En rôdant, il parvint à l'entrée du
paradis. Saint-Pierre le reconnut pour un
iiomme en commerce avec le diable et lui
refusa le passage.
Le maréchal de Tamine ne se rebutait pas
d'un premier refus. Il demanda, de l'air le
plus humble, qu'on lui permit seulement de
rejjarder un peu, par la porte cntr'ouverte
le bonheur des élus. Siint-Pierre, qui est
bon, se laissa gagner, mais le rusé Wallon,
jetant dans le paradis son tablier de cuir, se
coucha dessus, et ronnepull'en arracher (1).
Sur quoi, les uns vous affirmeront que,
malgré les murmures, il obtint, en récom-
pensede son stratagème, une petite place par-
mi les bienheureux. Maisles traditions mieux
informées portent que le tablier fut jeté de-
hors avec ce qu'il portait, rien d'impur ne
pouvant entrer dans le ciel.
L'idée de l'arbre a été employée dans un
sens plus neuf. Elle fait le fond de la char-
mante légende que voici, et qui a été donnée
par M. Léopold de Monvert, dans le journal
l'Univers.
Le bonhomme Misère.
Quelques années après la venue du Mes-
sie, on voyait sur le haut de la montagne
Saint-Jean d'Alfrelz un village isolé, assez
peuplé, pauvre, quoique l'on y compiât
quelques richards fort avares, un cure fort
débonnaire et un cabaretier dont les profils
étaient considérables et le vin mauvais : le
vin 1 chose rare en ce temps-là, les vignes
du bas Languedoc n'élanl p.is encore plan-
tées. On trouvait aussi à S tint-Jean de fraî-
ches, de jolies paysannes fort coquettes ,
trois ou quatre dévoles, de méchantes lan-
gues, des coquins qui passaient pour hon-
nêtes gens... A une certaine distance s'éle-
vait, abritée du nord, une étroite cabane bâ-
tie en pierre sèche, couverte en chaume, en-
tourée de quelques toises de jardin où se
faisait remarquer un fort beau poirier.
Là vivait, dans le plus grand désiniéressc-
ment des biens de ce monde, c'est-à-dire
dans une heureuse tranquillité, le bonhomme
Misère. Poser quelques pierres sur la mu-
raille qui défendait son petit terrain de la
visite des loups, rafistoler la porle, la lucarne
ou l'intérieur de sa demeure, donner parfois
un coup de bêche au jardin, et de temps à
autre prendre son bâton pour aller faire sa
tournée des châteaux, suivi de Farou, chien
maigre, peu doux, mais très-intelligent, tel-
les eiaienl les vicissitudes de son existence.
Quand Misère avait rempli ses besaces et
(l) C'est k peu près ce que les raliliins racoiiteat île
Josué Ueu-Lévi. Yojeï Jo=ué.
597
FAU
FAO
S98
son nnnoiro île léprutncs secs, de pain bien
cuit et de laine à filer; quand il avait ra-
inasse aulour de la cabane quantité de
branches mortes ; quand il avait bouché
avec soin dans son réduit 1rs trous et les
fentes, il attendait avec patience les rigueurs
de la rode saison. L'hiver venn, son occupa-
tion était de fller sa laine, assez bon métier
en ces temps heureux où l'on ne voyait pas
de filiilurc dans les vallons du pays. Sachant
ainsi s'industrier. Misère ne mourait pas de
faim : pour le froid, il était habitué, depuis
longues années, à l'endurer; d'ailleurs on
lui avait donné une vieille paillasse et une
couverture bonne encore, quoique un peu
trouée.
Certaine année, l'hiver, fort rigoureux, se
prolongea plus longtemps que de coutume;
Misère se trouvait à la fin de ses provisions :
cela le tracassait peu; tant qu'il lui restait
quelque chose, il n'en mangeait pas moins
sa croûte et sa bouillie tranquillement et
d'aussi bon appétit que le roi. Cependant le
mauvais temps continua, et Misère, un beau
soir, n'avait plus que deux morceaux de
pain : illes divisa, pour les multiplier, en
quatre parties, en prit un et dit en souriant :
Uans trois jours nous verrons. Possédant
encore du bois, il fil bon feu et se mit à filer,
tout en chantant, d'une voix tremblante, les
louanges du Seigneur.
Tout à coup Ion frappe à la porle. N'é-
tant pas habitué à recevoir des visites, Mi-
sère ne se souciait pas d'ouvrir à pareille
heure; mais pensant au froid que devait
éprouver l'étranger, il se leva, et voyant le
rliien faire des bonds de joie à la porte,
flairer, gratter dessous, donner mille signes
du plus grand empressement , il n'hésita
plus, certain que ce ne pouvait être un en-
nemi, puisque Farou avait si grande envie
de le recevoir. Dès qu'il eut ouvert, un
homme entra précipitamment, tout dégue-
nillé, bleu de froid, l'air mourant de faim, et
lui demandant d'une voix douce :
— N'es-lu pas Misère ?
— C'est moi-même, répondit le vieillard.
— On m'a dit que lu me donnerais l'hos-
pitalité, et je viens avec confiance.
— Vous avez bien fait, car il ne sera pas
dit que Misère ail laissé périr par sa faute
une créature du bon Dieu.
— Qu'il le bénisse donc, répondit l'in-
connu, puisque tu l'aimes dans ses enfants.
A ces paroles, Misère se sentit tressaillir;
quelque chose comme un charme puissant
pénétra tout son corps; il lui st'mblait re-
naître à la vigueur, à la jeunesse.
— Avant de venir à ta cabane, continua
l'étranger, je suis allé d'abord chez le caba-
retier; il ma répondu qu'il ne logeait pas de
voleurs , et de décamper sur-le-cliamp. J'ai
fr/ippé à toutes les maisons; on y dormait,
on ne roulait pas se déranger, ou bien on
ne se souciait pas de recevoir un inconnu :
l'un m'a dit d'aller au diable, l'autre d'aller
chez le voisin: le voisin a protesté n'avoir
pas la [ilus petite place; le pain, le vin lui
(y,i tiquaient, il croyait même l'eau gelée ;
mais il m'a indiqué la cabane : lu m'as ou-
vert, et je t'en remercie, car j'ai froid et tu
as du feu.
Farou léchait en gémissant les pieds écor-
chés de l'étranger. Misère, étonné, s'écria :
— Je crois que vous avez charmé mon
chien , si méchant pour lout le monde ; mais
n'importe, vous devez avoir faim, et voici ce
que j'ai à vous donner.
Le vieillard lira de larmoire les trois mor-
ceaux de pain, qu'il offrit à son malheureux
convive; et quand celui-ci les eut dévorés ,
Misère, étendant sa paillasse, l'y fil coucher,
enveloppé de la vieille couverture.
Le chien s'allongea aux pieds du nouvel
hôte, et le maître de la cabane s'endormit
sur l'escabeau, près des cendres chaudes.
Un moment avant l'aurore, les deux vieil-
lards s'éveillèrent, ella premièrechoseque fit
Misère fut d'aller examinerle ciel pour savoir
s'il lui serait possible de se mettre en quête.
A peine sur lesenil, la douce tiédeur d'une
matinée de printemps vint le charmer; sa
surprise était grande, ne comprenant rien à
un si subit et si extraordinaire changement.
— Nous aurons nn beau jour, lui dit en
sortant l'étranger ; je pense que tu sauras le
Hiettre à profil; pour moi, je dois te quitter;
adieu 1 Mais, reprit-il sur un ton plus grave,
lu m'as cédé la couche, lu m'as donné ton
dernier morceau de pain sans même savoir
si tu pourrais te procurer quelque chose au-
jourd'hui, que te faut- il pour cela? demande
ce que tu voudras, je puis tout t'accorder;
tu as agi selon mes commandements, et lu
recevras la récompense : — Je suis — Jé-
sus-Christ I
A ce nom. Misère se signa, et tombant à
genoux, dit au Sauveur :
— Je ne m'élonne plus, bon Dieu 1 des ca-
resse» de Farou... ; quant à ce que je vou-
drais... Seigneur, je n'ai besoin de rien; je
me trouve heureux comme je suis.
— Es-tu bien sûr de ne rien désirer?
songes-y. Misère.
— Au fait. Seigneur Jésus, j'ai là un poi-
rier qui porle beaucoup de poires et fort
bonnes, mais les enfants' du village me les
viennent voler; je voudrais que quiconque
montera dorénavant sur cet arbre ne puisse
plus en descendre sans ma permission. Le
Sauveur sourit, jeta sur Misère un regard
paternel, lui donna le pouvoir qu'il deman-
dait, sa bénédiction, et disparut.
Misère fil alors sa prière avec beaucoup
de dévotion, prit joyeusement ses besaces,
cl, suivi de Farou, s'en fut quêter dans les
cliâlellenics d'alentour.
Tout le monde se trouvait de bonne hu-
meur ce jour-là, et le mendiant rencontra
sur sa roule la plupart des seigneurs (jui
chevauchaient. Dans la vallée, et lout cou-
vert de ses armes, l'un accompagné de vas-
saux, criait d'une voix rude : — Misère I
passe au caslel, dis que tu m'as rencontré el
qu'on le donne 1 N'oublie pas un Paiera mou
intention.
Plus loin, sur l'élroile plaine dominant la
hauteur, une jeune cl jolie châtelaine arrir
5!)9
DlCnONNAinE DES SCIENCES OCCl LTES.
coo
vait au galop, suivie île ses pages et de son
énoux; elle arrêle le fringant coursier, et,
d une vois caressante : — Misère, mon pau-
▼ re vieux, il y a longtemps que je ne t'ai vu 1
tu te portes toujours bien? Demande à Ma-
rianne, la gouvernante, ce que tu voudras;
prie pour moi surtout! Et, vive et joyeuse,
sans crainte, elle lançait son cheval dans
le chemin étroit au bord des précipices...
Misère était rempli de bonheur, des larmes
de reconnaissance et d'amour se mêlaient à
ses rires : remerciant avec effusion Jésus~
Christ de son beau jour, il rentra à la ca-
bane, courbé sous le poids dos aumônes
dont il ne portail encore qu'une moitié.
De longues années s'écoulèrent sans que
le pauvre vieillard reçût d'autres visites :
mais chaque jour quelque petit polisson res-
tait immobile sur l'arbre enchanté.
Un soir d'été, pendant qu'avec délices il
prenait les derniers rayons du soleil, car Mi-
sère aima toujours beaucoup le soleil, du
milieu de la campagne silencieuse une voix
lugubre retentit tout à coup.
— Misère ! Misère I
Il en trembla de tous ses vieux membres
sur le petit banc de pierre dont était orné le
devant de sa porte. Mais quel n'est pas son
effroi, quand, tournant la léle, il aperçoit à
ses côtés la Mort, la Mort elle-même I Peu à
peu cependant l'épouvante décroît, Misère
revient à lui, son œil reprend bientôt une
certaine vivacité, son air do quiétude repa-
raît, et il répond avec calme à la Mort :
— Que me vouhz-vous?
— G<! que je veux? ne me reconnais-tu
pas? je suis la Mort I Je viens te prendre I
— Comment, déjà?
— Tu dois m'en savoir gré ; traînant de-
puis tant d'années une si misérable existen-
ce, fatigant les hommes de les haillons rt-
poussanls.de tes sollicitations importunes,
la vie doit te peser; viens donc 1 Viens, lu
ne fus ni menteur, ni ivrogne, ni libertin, ni
avare; lu aimas Dieu et Ion prochain; que
craindre de l'autre monde? Tu es vieux et
cassé, que regretter de celui-ci? Laisse-moi
t'oniporter, ma main le sera douce: ami, la
mort, c'est le repos.
— Je n'ai garde de vous contredire; mais,
entre nous, les hommes se mettent peu en
peine de moi; vous êtes mille fois trop bonne
de vous en inquiéter : certes, je suis sensi-
ble à votre amitié I cependant, s'il vous était
égal de me laisser encore quelque temps ici-
bas, je vous le dis avec franchise, vous me
paraîtriez beaucoup plus aimable : le far-
deau de la vie est lourd, je n'en disconviens
pas; mais, par suite de la longue habitude,
j'aime à le porter.
— Se peut-il que les hommes soient si bi-
zarres, et que précisément ceux qui de-
vraient, à bon droit, me craindre, m'invo-
quent avec ferveur, tandis que d'autres, à
qui je ne saurais apporter que des consola-
tions, me repoussent? J'aurai pourtant pi-
tié de Misère plus que Misère lui-même :
préparo-toi donc à me suivre, et prolitc des
quelques instants qu'il m'csl ordonné, d'en
haut, de l'accorder.
— Puisque vous ne voulez rien écouter, il
faut bien en prendre son parti, et, au fait,
peut-être dites-vous la vérité, répliqua Mi-
sère avec une feinte résignation; rendez-
moi donc, s'il vous plaît, le service de m'al-
ler quérir trois poires sur le poirier qui est
là, afln que, pendant les moments accordés,
je les mange en les offrant au Père, au Fils
et au Saint-Esprit, comme un témoignage
de ma gratitude pour tout ce qui m'a él6
donné de joie et de contentement sur la
terre.
Par respect pour la très-sainte Trinité, la
Mort voulut bien se prêter au désir de celui
qui allait devenir sa proie; elle monta sur
le poirier et cueillit les trois poires ; mais,
au moment de descendre, hernicq, elle se
trouva prise comme un oiseau à la glu.
H faisait beau la Toir ainsi enchaînée, la
main droite étendue portant les trois fruits,
le bras gauche replié autour du poirier ma-
gique, les deux jambes pendantes comme
deux longs fuseaux, son hideux visage se
décomposant, et le rusé Misère lui faisant
des langues et des pans de nez à n'en pas fi-
nir; il riait, riait, riait tant qu'il pouvait,
certain qu'il n'en mourrait pas.
La Mort employa tour à tour les menaces
et les snpplications, rien ne fit; elle eut re-
cours à la philosophie; maisàses arguments.
Misère répondait: Ah bail Ah bail tu me
plais infiniment sur ce fruitier, je l'y trouve
bien genlillc, et t'y yeux laisser passer au
moins un n>ois. D'après ce que j'ai entendu
dire, tu as tué beaucoup trop de monde de-
puis quelque temps; tu dois êlre fatiguée,
ma chère -. repose-toi donc ; l'immobilité ,
c'est le repos.
— Tu ne te rendras point coupablû de rctlo
cruauté 1 s'écria la Mort. Tu crois peul-êtro
que tout le monde me déteste? Oh 1 détrompe-
toi ; que ne peux-tu entendre, comme je les
entends, les pensées, les désirs, les cris, les
prières, les invocations qui, de toutes parts,
me conjurent et m'appellent? De co côté, des
âmes choisies qui convoitent les trésors cé-
lestes ; ailleurs, ceux que brûle la soif de la
vengeance, ceux que tourmente une ambition
jalouse, que dévore un amour impur; par-
tout des cœurs ardents qui m'aiment, me
prient, me désirent , toute laide et horrible
que je suis, comme la jeune amante la plus
aimable, la plus belle des fiancées. Ils sont
là, suppliant avec larmes, avec fureur; il
suffirait d'un geste pour m'entourer dans
l'ombre de leur cortège passionné! — Dé-
livre-moi, j'ai à remplir dans ce monde uno
haute fonction 1 Si je le quittais, le mensonge,
le vice s'en empareraient; la terre devien-
drait l'enfer, et il n'y aurait pas de ciel poul-
ies hommes! Laisse, laisse donc sf liberté
à la Mort. Ne faut-il pas que je conduise les
bienheureux élus au pied du troue de l'E-
ternel? Ne faut-il pas purger la terre des mé-
chants et livrcrau démon ceux qui l'ont servi?
— Puisque tu es si désirée, si néccssaiie,
je veux bien consentir A te laisser aller,.
ÏOI FEE
mais à une condition : (u no viemlrag me
prendre que sur madennanile ou sur un ordre
du S;uiveur.
— Tu as tort de m'imposer une semblable
condition; mieux te vaudrait partir mainte-
nant; au ciel tu seras heureux. — Possible I
possible! jo serai toujours à temps de l'appe-
ler. Pour le moment, je trouve qu'il fait bon
sur la terre. Jure donc, si tu veux quitter ce
bel arbre, jure sur le saint Evangile de n'ap-
procher de ma personne que lorsque je t'au-
rai appelée très-distinctement et par trois
fois de suite, ou que lors(|ue Notre-Seignour
Jésus-Christ lui-même t'en aura signilié le
comniandemeat exprès.
Impatiente, la Mort jura ce serment ; Mi-
sère, alors, lui donna la permission de des-
cendre du poirier enchanté; d'un bond elle
disparut par-dessus les montagnes.
Le Sauveur n'a jusqu'à présent donné à la
Mort aucun ordre nouveau, et il n'est pas
encore arrivé au vieux mendiant de l'appeler
trois fois de suite; voilà pourquoi Misère esl
toujours sur la terre.
FECHNER (Jean), auteur d'un traité latin
sur la pneumatique, ou doctrine des esprits
selon les plus célèbres philosophes de son
temps. Breslan, in-12, 1G98.
FÉCONDITÉ. De graves écrivain» afGr-
menl que le vent produit des poulains et des
perdrix. Varron dit qu'en certaines saisons
le vent rend fécondes les juments et les poules
de Lusitanie. A'^irgilc, Pline, Golumelle, ont
adopté ce conte, et le mettent au nombre des
faits constamment vrais, quoiqu'on n'en
puisse dire la raison.
On a soutenu autrefois beaucoup d'imper-
tinences de ce genre, qui aujourd'hui sont
reconnues des erreurs. On a publié un arrêt
donné en 1537 par le parlement de Grenoble,
qui aurait reconnu la fécondité d'une femme
produite par la seule puissance de l'imagi-
nation. Cet arrêt supposé n'est qu'une assez
mauvaisi- plaisanterie.
FÉCOR. Voy. Anarazel.
FÉES. Si les hisloires des génies sont an-
ciennes dans rOrient, la Bretagne a peut-être
Je droit de réclamer les fées et les ogres. Nos
fées ou fades {fatidicœ) sont assurément les
druidcsses de nos pères. Chez les Bretons, de
temps immémorial, et dans tout le reste des
Gaules , pendant la première race des rois
francs, on croyait généralement que les drui-
dcsses pénétraient les secrets de la nature,
et disparaissaient du monde visible. Elles
ressemblaient en puissance aux magiciennes
des Orientaux. On en a fait des fées. On di-
sait qu'elles habitaient au fond des puits, au
bord des torrents, dans des cavernes som-
bres.
Elles avaient le pouvoir de donner aux
hommes des formes d'animaux, et faisaient
quelquefois dans les forêls les mêmes fonc-
tions que les nymphes du paganisme.
Elles avaient une reine qui les convoquait
tous les ans en assemblée générale, pour pu-
nir celles qui avaient abusé de leur puis-
sance et récompenser celles qui avaient fait
du bien.
FEE
Sl)2
Dans certaines contrées de l'Ecosse, on dit
que les fées sont chargées de conduire au
ciel les âmes des enfants nouveau-nés , et
qu'elles aident ceux qui les invoquent à
rompre les maléfices de Satan.
On voit dans tous les contes et dans les
vieux romans de chevalerie, où les fées jouent
un si grand rôle, que, quoique immortelles,
elles étaient assujetties à une loi qui les for-
çait à prendre tous les ans, pendant quelques
jours, la forme d'un animal, et les exposait,
sous cette métamorphose, à tous les hasards,
même à la mort, qu'elles ne pouvaient re-
cevoir que violente.
On les distinguait en bonnes et méchantes
fées; on était persuadé que leur amitié ou
leur haine décidait du bonheur ou du malheur
des familles.
A la naissance de leurs enfants , les Bre-
tons avaient grand soin de dresser, dans une
chambre écartée , une table abondamment
servie, avec trois couverts, afin d'engager
les mères, ou fées, à leur être favorables, à
les honorer de leur visite, et à douer le nou-
veau-né de quelques qualités heureuses. Ils
avaient pour ces êtres mystérieux le mémo
respect que les premiers Romains pour les
cnrmenles, déesses tutélaires des enfants, qui
présidaient à leur naissance, chantaient leur
horoscope et recevaient des parents un culte.
On trouve des fées chez tous les anciens
peuples du Nord, et c'était une opinion par-
tout adoptée que la grêle et les tempêtes ne
gâtaient pas les fruits dans les lieux qu'elles
habitaient. Elles venaient le soir, au clair do
la lune, danser dans les prairies écartées.
Elles se transportaient aussi vite que la pen-
sée partout oiî elles souhaitaient, à cheval
sur un griffon, ou sur un chat d'Espagne, ou
sur un nuage.
On assurait même que, par un autre ca-
price de leur destin, les fées étaient aveugles
chez elles, et avaient cent yeux dehors.
Frey remarque qu'il y avait entre les fées,
comme parmi les hommes, inégalité de moyens
et de puissance. Dans les romans de cheva-
lerie et dans les contes, on voit souvent une
bonne fée vaincue par une méchante, qui a
plus de pouvoir.
Les cabalistcs ont aussi adopté l'existence
des fées, mais ils prétendent qu'elles sont des
sylphides, ou esprits de l'air. On vit , sous
Charlemagne et sous Louis-le-Débonnaire,
une multitude de ces esprits, que les légen-
daires appelèrent des démons, les cabalistes
des sylphes, et nos chroniqueurs des fées.
Corneille de Kempen assure que, du temps
de Lothaire, il y avait en Frise quantité de
fées qui séjournaient dans les grottes, au-
tour des montagnes, et qui ne sortaient qu'au
clair de la lune. Olaiis Magnus dit qu'on en
voyait beaucoup en Suède de son temps.
« Elles ont pour demeure, ajoute-t-il, des
antres obscurs, dans le plus profond des fo-
rêts; elles se montrent quelquefois, parlent
à ceux qui les consultent, et s'évanouissent
subitement. »
Icn
On voit, dans Froissard. ^u'il y avait éga- ^
ment une multi'.udc de fées dans l'île do'
ens
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
60k
Céphalonic; qn*ellos prolégenieni le pays
contre loulm6chef,<'t qu'elles s'enlrotcnaifiit
ftiniilièrcmi'iil avec les femmes d(; l'ile.
Les femmes blanches de rAllemnpnc sonl
encore des fées ; mais celles-là étajenl pres-
que toujours (l,in{;ereuses.
Leloyer conte que les Rrossais avaient des
fées, ou fiiirs , ou fiirfolks, qui venaient la
nuit dans les prairies. Ces fées paraissent
élre les striges, ou magiciennes, dont parle
Ausone. Hector de Boëee, dans ses Annales
d'Ecosse, dit que trois de ces fées propliéti-
sèrent à Ban((uo. chef des Sluarls, li gran-
deur future de sa maison. Sliakspeare, dans
son Macbeth, en a fait trois sorcières.
Il reste beaucoup de monuments de la
croyance aux foes : telles sont les grolles du
Ciiahlais, qu'on appelle les grottes des fées.
On n'y aborde qu'avec peine. Chacune des
trois grolles a, dans le fond, un bassin dont
l'eau passe pour avoir des vertus miracu-
leuses. L'eau qui disiil'e dans la grotte supé-
rieure, à tr.ivcrs le rocher, a formé, dans la
voûte, la figure d'une poule qui couve ses
poussins. A côté du bassin, on voit un rouet,
ou tour à filer, avec la quenouille. « Les
femmes des environs, dit un écrivain du der-
nier siècle, prétendent avoir vu autrefois,
dans l'enfoncement, une fi-mme pétrifiée au-
dessus du rouet. Aussi on n'osait guère ap-
procher de ces grolles; mais depuis que Li
figure de la femme a disparu, on est devenu
moins timide, k
Auprès de Ganges, en Languedoc, on mon-
tre une autre grolle des fées, ou grotte des
demoiselle* , dont on l'ait des conies merveil-
leux. On voit à Merlingcn , en Suisse, tine
citerne noire qu'on appelle le puits de la fée.
Non loin de Bord-Sainl-Georges, à deux îieues
•le Chambon, on respecte encore les débris
d'un vieux puits qu'on appelle aussi le puits
des fées, ou fades, el sept bassins qu'on a
nommes les creux des fides. (>n voit près de
là, sur la roche de Beaune, deux empreintes
de pied humain : l'une est celle du pied de
saint Martial, l'autre appartient, suivant la
tradition, à la reine des fées, qui, dans un
moment de fureur, frappa si forlement le ro-
cher de son pied droit, qu'elle en laissa la
marque. On ajoute que, mécontente des ha-
bitants du canton, elle larit les sources mi-
nérales qui remplissaient les creux des fées,
el les Ht couler à Evaux. où elles sonl encore.
On voyait, près de Domremy, l'arbre des
Fées: Jeanne d'Arc fut même accusée d'a-
voir eu des relations avec les fées qui ve-
naient danser sous cet arbre.
On remarque dans la petite île de Concou-
rie, à une lieue de Saintes , une haute butle
de terre, qu'on appelle le Mont des Fées.
La Bretagne est pleine de vestiges sembla-
bles ; plusieurs fontaines y sont encore con-
sacrées à des fées , lesquelles métamorpho-
sent en or, en diamant, la main des indis-
crets qui souillent l'eau de leurs sources.
Tallemant des Réaux rapporte celte mer-
veilleuse histoire de fée , qui se raltaehe à
l'origine des maisons de Croy, de Salni et de
Bassonipierrc ;
Le comte d'Angeweiller , marié avec la
coiiiless" (le Kiiispcin , allait habituellement
à la chasse. Quand il revenait lard ou qu'il
voulait partir de grand malin sans réveiller
sa femme, il couchait dans une petite cham-
bre , au-dessus de la porte d'entrée de son
château. On avait niis là pour lui une cou-
chette de bois , bien travaillée selon le
temps.
Or un lundi, en montant à sa chambre,
sur le portail, il y trouva une fée endormie.
Il ne la troubla point; et durant quinze ans
elle revint là tous les lundis, jus(]u'à un cer-
tain jour que la comtesse, étant entrée dans
celle chambre , y vit le couvre-chef de la
fée el le dérangea. La fée se voyant décou-
verte, dit au comte qu'elle ne reviendrait
p'us, cl lui donna un gobelet , une cuiller cl
une bague, lui recommandant de partager
ces trois dons à trois filles qu'il avait.
— Ces gages, dit-elle, porteront le bon-
lieur dans les maisons où ils entreront tant
qu'on les y gardera ; et tout malheur arri-
vera à qui dérobera un de ces objets pré-
cieux.
Après ces mots, la fée s'en alla, el le comte
d'Augeweiller ne la revit jamais plus. 11 ma-
ria ses trois filles avec trois seigneurs des
maisons de Croy , de Salm et de Bassom-
pierre. et leur donna à chacune «ne terre
et un gage de la fée. Croy eut le gobelet et la
lerre d'Angeweiller ; Salm eut la bague el la
terre de Fcnestrange , et Bassompierre eut
la cuiller avec la lerre d'Answeilier. Trois
abbayes étaient dépositaires de ces gages
quand les enfants étaient mineurs ; Nivelles
pour Croy, Ucmenecour pour Salm, Epinal
pour Bassompierre; et en effet ces trois mai-
sons prospérèrent longtemps.
Quant à l'autre prédiction de la fée, rela-
tivement au vol de ces objets, on en recon-
nut la vérité dans la maison de M. de Pange,
seigneur lorrain, qui déroba au prince do
Salm la bague qu'il avait au doigt, un jour
qu'il le trouva assoupi pour avoir trop bu.
Ce M. de Pange avait quarante mille écus
de revenu ; il avait de belles terres , il était
surintendant des finances du duc de Lor-.
raine. Cependant à son retour d'Espagne,
où il ne réussit à rien, quoiqu'il y eût fait
pendant longtemps bien de la dépense (il
était ambassadeur chargé d'obtenir une fille
du roi Philippe II pour son maître), il trouva
tout son bien dissipe; il mourut de regret ,,
el ses trois filles qu'il avait mariées furent
abandonnées de leurs maris.
On ne saurait dire de quelle matière sont
ces dons de la fée. Ils sont grossiers. On ra-
conte que Diane de Dampmarlin, marquise
d'Havre, de la maison de Croy, ayant laissé
tomber le gobelet en le montrant, il se cassa
en plusieurs pièces. lîHe les ramassa, les
remit dans l'étui en disant :
Si je ne puis l'avoir entier, je l'aurai au
moins par morceaux ; el le lendemain, en
ouvrant l'étui, elle trouva le gobelet aussi
entier que devant... — Voilà, ajoute Talle-
mant, une belle petite fable.
On lit, dans la légende de saint Armcn-
605
FEE
FEK
606
laire, écrite en l'an 1300, quolquns détails
sur la fée Esterelle, qui vivait auprès (Vune
fontiiine oii les Provençaux lui apportaient
(les offrandes. Elle donnait des breuvages
enchantés aux femmes. Le moiiaslère de
Notre-Dame de l'Esterel était bâti sur le lieu
qu'avait habité cette fée.
Méliisine était encore une fée ; il y avait
dans son destin cette particularité, qu'elle
était obligée tous les samedis de prendre la
forme d'un serpent dans la partie inférieure
dp son corps.
l.a fée qui épousa le seigneur d'Argouges,
an commencement du quinzième siècle, \'a-
vait, dit-on, averti de ne jamais parler de la
niorl devant elle ; mais un jour qu'elle s'é-
tait fait longtemps attendre , son mari, im-
patienté , lui dit qu'elle serait bonne à aller
ciicrchcr la mort. .\ussilôt la fée disparut en
l.iissant les traces de ses mains sur Ic's murs,
cnnlre lesquels elle frappa plusieurs fois de
•iépit. C'est depuis ce temps que la noble mai-
son d'Argouges porte dans ses armes trois
mains posées en p.il , et une fée pour ci-
mier.
L'époux de Mélusine la vil également dis-
paraîlrc pour n'avoir pu vaincre la curiosité
de la regarder à travers la porte dans sa mé-
t<:niorpliose du samedi.
La reine des fées est Titania , épouse du
roi Obéron , qui a inspiré à Wieland un
poëme célèbre en Allemagne. Voyez Eucel-
DdUNE.
Les trois commères de Beauraing , tradition
du temps des fées.
Tout passe ; et comme dit Biaise Pascal,
c'est une mort continuelle que ce change-
ment de tous les instants, qui fait que les
jours se suivent sans jamais se ressembler.
Les rois abso'.us sont déjà loin ; les hochets
de nos pères sont remplacés par d'autres
jouets; les sorciers font place aux charla-
tans; les magiciens sont remplacés par les
magnétiseurs ; les fées mêmes, dont le pou-
voir en général fut si gracieux, ne se mon-
trent plus depuis plusieurs siècles. Il paraît
que, dès le douzième, elles étaient déjà en
commencement de décadence.
Pendant que le pays de Namur obéissait à
Henri l'aveugle et à sa noble épouse, Lau-
retle d'Alsace , on vit s'éteindre en cette pro-
vince la race des fies, dont la dernière, très-
avancée en âge, laissait un flis, seul reste
de celle mystérieuse famille , mais âgé
de quatre-vingts ans, tout cassé et presque
sans puissance ; car les fées, lorsqu'elles se
mariaient, léguaient leurs baguettes à leurs
filles , et n'accordaient aux garçons que peu
lie chose.
Le fils de la fée du pays de Namur était
'Jonc un vieux bonhomme qui s'appelait Bi-
ron. C'est un nom comme un autre. Il n'a-
vait p'is d'argent et vivait de charités qu'il
nccrochait à droite et à gauche, et qui!
payait comme il pouvait, en faisant des sou-
haits , lesquels ne s'accomplissaient jamais
qu'à regard des veuves de bonne vie; mais
liii-uiôme ignorait celle particuiarilé , de
sorte qu'il souhaitait à tout le monde , et ses
vœux prospéraient si rarement , que pres-
que toujours on se moquait de lui.
Or, un jour qu'il passait à Beauraing , il
s'arrôla devant deux jolies maisonnettes bâ-
ties sur une hauteur, au sud de cette petite
ville. Les deux maisonnettes étaient habitées
pur trois bonnes commères , toutes trois
veuves, et dont les deux moins charitables
demeuraient ensemble. La nuit venue , il
heurta à la porte où logeaient ces deux
femmes, qui étaient la commère Yolande et
la commère Babet. Ce fut la commère Babet
qui vint ; le vieux Biron la pria de lui don-
ner à coucher pour la nuit. Elle, qui était
avare, s'excusa sur sa commère, disant
qu'elle était chiche et grondeuse, et lui con-
seillant d'aller demander l'IiKspilalilé à la
voisine Symphcriane. Le bonhomme y alla,
fut reçu honnêtement et bien traité par Sym-
pboriane, qui pourtant n'était pas riche non
plus.
Après avoir passé la nuit dans un bon lit:
— Ma bonne dame , dit-il le lendemain ma-
tin , je vous remercie du bien que vous m'a-
vez fait ; excusez-moi si vous n'en avez pas
meilleur paiement.
— Je vous ai reçu , dit-elle, pour l'amour
de Dieu , et quand vous n'aurez pas d'autre
asile, vous serez encore le bien venu.
— Aussi , reprit le vieillard, je vous fais
de bon cœur un souhait, que la première
chose que vous ferez aujourd'hui soit si
bonne , que vous ne puissiez de tout le jour
faire autre chose.
Ayant parlé de la sorte, il partit; et la
commère Symphoriane, ne donnant guère
d'attention au souhait de son hôte , prit un
peu de linge qu'elle avait blanchi la veille
et se mit à le plier ; mais tant plia, tant f)lia,
que plus elle pliait, plus il y avait à plier ;
et plia tellement jusqu'au soir, qu'il y avait
autour d'elle d(! grands monceaux de linge ,
lesquels emplissaient sa maison.
Sa servante alla conter ce prodige aux
voisines. Les deux commères chiches accou-
rurent et furent bien affligées de voir la
grande fortune qui leur avait échappé et qui
était survenue à Symphoriane. La commère
Yolande en fit reproche assez aigrement à la
commère Babet, comme elles s'en letour-
naient en leur maison.
— J'ai cru bien faire , dit l'autre ; mais
voici Biron qui revient de ce côté. Vous pou-
vez tout réparer, ma commère ; allez au-de-
vant de lui.
La commère Yolande ne se le fit pas dire
deux fuis. Elle courut à la rencontre do
Biron. — Ah 1 mon père, lui dit-elle, que je
suis aise de vous rencontrer. Ma commère
ISihet ne me connaît guèie. Quand elle
m'eut dit hier qu'elle ne vous avait pas hé-
bergé, je pensai en mourir de peine. Je vous
prie de ne point prendre en mauvaise part
ce qu'elle a fait, et de nous accorder Ja
faveur de venir ce soir loger chez nous.
Le bonhomme s'y rendit avec joie , fui
comblé de soins et d'égards, et mis dans un
€07
elles dirent à leur
bon lit, après un souper aussi recherché que
purent le faire los (l^ux veuves.
Le lendemain matin , il fil la même petite
excuse qu'il avait exposée à Symphoriane ,
disant qu'il était marri de ne pouvoir payer
l'hospitalité des deux commères.
— Eh ! mon bon ami , dit Babct, nous ne
l'avons pas fait par intérêt.
— Nous l'avons tait pour l'amour de Dieu,
ajouta Yolande.
— Grand merci donc 1 répliqua le vieil-
lard ; et je souhaite bien sincèrement que la
première besogne que vous ferez ce m.itin,
se continue tant , que vous ne fassiez autre
chose de tout le jour.
Les deux commères entendirent ce vœu
avec joie, et désirèrent que le souhaiteur fût
déjà loin, pour se mettre à l'ouvrage.
Aussitôt qu'il fut parti """" ■'!'"■•'
servante :
— Allons, Bribrine, va prendre notre linge
el l'apporle, que nous le puissions plier. En
pliant à deux jusqu'au soir, nous en aurons
le double de la voisine Symphoriane.
Pendant que Bribrine allait au grenier cher-
cher le peu de linge des commères, Yolande
dit : — Afin que nous puissions, sans en être
aucunement détournées, plier tout le jour,
je vais tirer de la bière et faire des tartines.
— Et moi, dit Babet, je me sens comme un
petit besoin... Je ne veux pas être dérangée.
Les deux commères sortirent donc, très-
affairées.
Bribrine cependant avait apporté le linge
dans son tablier; mais elle attendit vaine-
ment la commère Babet et la commère Yo-
lande, ses deux maîiresses, qui étalent, com-
me il fut prouvé là, deux veuves de bonne
vie, malgré leur avarice; car le souhait que
le bonhomme avait souhailc s'accomplit sur
elles. Mais la joyeuse Yolande ayant com-
mencé par boire un coup de sa bière pour se
conforter, ne fit que boire jusqu'à la nuit, et
vida le tonneau qui était plein; tandis que la
prévoyante Babet s'étant accroupie en son
jardin pour une de ces détestables petites né-
cessités qui sont pourtant infirmité commune
et obligation universelle de nature, elle ne
se put relever qu'au coucher du soleil, res-
tituant en quelque sorte, par un très-singu-
lier phénomène, tout ce que buvait sa com-
mère Yolande et au delà.
Cette merveilleuse aventure, dont nous ne
vous présentons les dernieis détails qu'avec
un humble embarras, produisit un petit ruis-
seau qui a conservé sa source à Beauraing,
et qui coule toujours dans le pays, s'appclant
le Biron, à cause du bonhomme-fée à qui on
le doit.
Bel exemple et clair miroir, qui vous
prouve que l'hospitalité, si bien récompensée
quand elle est cordiale, amène pourtant en-
(1) C'csl de la cjl)alc comme; en fail l'almanacli proplié-
tinue si célèbre de M, liug. Barosie; 4,235 se composeiil
de i ciiiiTrcs qu'un addilioiiiie : 4
%
S
5
14 uu Jeux fois 7.
niCTIONNAlUE DES SCIENCES OCCl'LTES. MS
core des profits lors même qu'elle est faite
par intérêt ou à conire-cœur.
FELGENHAVEll (Pacl) , visionnaire alle-
mand du seizième siècle. 11 se vantait d'avoir
reçu de Dieu la connaissance du présent, du
passé et de l'avenir; il prêchait un esprit
astral, soumis aux régénérés (ses disciples),
lequel esprit astral , soumis aux régénérés ,
est celui qui a donné, disait-il, aux prophè-
tes et aux apôtres le pouvoir d'opérer des
prodiges et de chasser les dénions. Ayant été
mis en prison à cause de quelque scandale
qu'il avait causé , il composa un livre où il
prouvait la divinité de sa mission par ses
souffrances. 11 y raconte une révélation dont
le Seigneur, à ce qu'il disait, l'avait favorisé.
Ses principaux ouvrages sont :
1* Chronologie ou efficacité des années du
monde, sans désignation du lieu d'impres-
sion, 1620, in-4". Il prétend y démontrer que
le monde est de 2 !5 ans plus vieux qu'on ne
le croit ; que Jésus-Christ est né l'an 4235 de
la création; et il trouve de grands mystères
dans ce nombre, parce que le double septé-
naire y est contenu (1). Or, le monde ne
pouvant pas subsister plus de six mille ans,
il n'avait plus, en 1020, à compter (jue sur
une durée de iko ans. Le jugement dernier
était très-proche, et Dieu lui en avait révélé
l'époque, qui était 1765.
2° Miroir des temps, dans lequel, indépen-
damment des admonitions adressées à tout le
monde, on expose aux yeux ce qui a été el ce
qui est parmi totts les Etats , écrit par la
grâce de Dieu et par l'inspiration du Saint-
Esprit... 1620, in-4'.
3° Postillon ou Nouveau calendrier etpro-
gnosticon astrologico-propheticum , présenté
à tout l'univers el à toutes les créatures, 1G56,
in-12 (en allemand). Felgenhaver, en résu-
mé, nous paraît avoir été un rival de Mat-
thieu Laensberg.
FEMMES. Il y eut une doctrine adoptée
par quelques hérétiques , que les femmes
étaient des brutes, mw/ieres non esse homines.
Un concile de Mâcon foudroya cette extrava-
gance.
Nous ne rapporterons pas ici toutes les
mille el une erreurs qu'on a débitées contre
les femmes. Ddancre el Bodin assurent qu'el-
les sont bien plus aptes que les hommes à la
sorcellerie , el que c'est une terrible chose
qu'une femme qui s'entend avec le diable.
D'anciens philosophes disent aussi que la
présence dos femmes en certains jours fait
tourner le lait, ternit les miroirs , dessèche
les campagnes , engendre des serpents , el
rend les chiens enragés. Les philosophes sont
bien niais.
FEMMES BLANCHES. Quelques-uns don-
nent le nom de femmes blanches aux sylphi-
des, aux nymphes cl à des fées qui se mon-
traient en Allemagne. D'autres entendent par
Mais 4,130 dounenl le même résultai, aussi liien qu'une
fouli'd'auiri'S coiMhiuaisoiisdeijiiairc cliillres, par cxcmpli!,
3,245, 2,153, clc, a moins qu'on ne veuille premlro le
premier el le iroisième cliiflVe qui font 7, comme le seeiind
avec le qualrif'me; ce qui ne fait que diminuer le niuiibre
des cuiulimat'iuns.
€00
FEM
FER
CIO
là cpriains fantômes qui causent plus de peur
que de mal.
Il y a une sorte de spectres peu dangereux,
dit Delrio, qui apparaissent en femmes tou-
tes blanches, dans les bois et les prairies ;
quelquefois môme on les voit dans les écu-
ries, tenant des chandelles de cire allumées,
dont elles laissent tomber des gouttes sur le
toupet et le crin des chevaux, qu'elles pei-
gnent et qu'elles tressent ensuite fort propre-
ment ; ci'S femmes blanches, ajouie le même
auteur, sont aussi nommées sibylles et fées.
En Bretagne, dos femmes blanches, qu'on
appelle lavandières ou chanteuses de nuit, la-
vent leur linge en chantant , au clair de la
lune, dans les fontaines écartées ; elles ré-
clament l'aide des passants pour tordre leur
linge, et cassent le bras à qui les aide de mau-
vaise grâce.
Erasme parle d'une femme blanche célèbre
en Allemagne, et dont voici le conte : — « La
chose qui est presque la plus remarquable
dans notre Allemagne , dit-il , est la femme
blanche, qui se fait voir quand la mort est
prête à frapper à la porte de quelque prince,
et nun-seulernent en Allemagne, mais aussi
en Bohême. En effet, ce spectre s'est montré
à la mort de la plupart des grands de Neu-
haus et de Rosemberg, et il se montre encore
aujourd'hui. Guillaume Slavata , chancelier
de ce royaume , déclare que cette femme ne
peut être retirée du purgatoire tant que
le château de Neuhaus sera debout. Elle y
apparaît, non-seulement quand quelqu'un
doit mourir, mais aussi quand il se doit faire
un mariage, ou qu'il doit naître un enfant;
avec cette différence que quand elle apparaît
avec des vêtements noirs, c'estsigne de mort;
el, au contraire, un témoignage de joie quand
on la voit tout en blanc. Gerlanius témoigne
aussi avoir ouï dire au baron d'Ungenaden,
ambassadeur de l'empereur à la Porte , que
cette femme blanche apparaît toujours en
habit noir, lorsqu'elle prédit en Bohême la
mort de quelqu'un de la famille de Rosem-
berg. Le seigneur Guillaume de Rosemberg
s'élaiil allié aux quatre maisons souveraines
de Brunswick, de Brandebourg , de Bade et
de Pernslein, l'une après l'autre, et ayant fait
pour cela de grands frais, surtout aux noces
do la princesse de Brandebourg, la femme
blanche s'est rendue familière à ces quatre
maisons el à quelques autres qui lui sont
alliées.
«A l'égard de ses manières d'agir, elle passe
quelquefois très-vite de chambre en cham-
bre, ayant à sa ceinture un grand trousseau
de ciels, dont elle ouvre et ferme les portes
aussi bien de jour que de nuit. S'il arrive
qu equelqu'un la salue, pourvu qu'on la laisse
faire, elle prend un ton de voix de femme
veuve, une gravité de personne noble , et ,
après avoir fait une honnête révérence de la
léle, elle s'en va. Elle n'adresse jamais de
mauvaises paroles à personne ; au contraire,
elle regarde tout le monde avec inodestie el
avrc pudeur. 11 est vrai que souvent elle s'est
fâi.bce, et que môme elle a jeté des pierres à
ceux à qui elle a entendu tenir des <liscours
inconvenants , tant contre Dieu que contre
son service ; elle se montre bonne envers les
pauvres, ot se tourmente fort quand on ne les
aide pas à sa fantaisie. Elle en donna des
marques lorsqu'après que les Suédois euren
pris le château, ils oublièrent de donner aux
pauvres le repas de bouillie qu'elle a institué
de son vivant. Elle fil un si grand charivari,
que les soldats qui y faisaient la garde no
savaient oii se cacher. Les généraux mêmes
ne furent pas exempts de ses importunités ,
jusqu'à ce qu'enfin un d'eux rappelât aux
autres qu'il fallait faire de la bouillie et la
distribuer aux pauvres ; ce qui ayant été ac-
compli , tout fut tranquille. » Voy. Fées.
FER CHAUJJ (Epreuve du). Celui qui vou-
lait se justifier d'une accusation, ou prouver
la vérité d'un fait contesté, et que l'on con-
damnait pour cela à l'épreuve du fer chaud,
était obligé de porter, à neuf ou douze pas,
une barre de fer rouge pesant environ trois
livres. Cette épreuve se faisait aussi en met-
tant la main dans un gantelet de fer sortant
de la fournaise, ou en marchant sur du fer
rougi. Voy. Emma. ^
Un mari de Didymotèque, soupçonnant la
fidélité de sa femme, lui proposa d'avouer
son crime ou de prouver son innocence par
l'attouchement d'un fer chaud. Si elleavouait,
elle était morte ; si elle tentait l'épreuve, elle
craignait dêlre brûlée. Elle eut recours â
l'évêque de Didymotèque, prélat recomman-
dable ; elle lui avoua sa faute en pleurant et
promit de la réparer. L'évêque , assuré de
son repentir, el sachant que le repentir vrai
restitue l'innocence , lui dit qu'elle pouvait
sans crainte se soumettre à l'épreuve. Elle
prit un fer rougi au feu , fil trois fois le tour
d'une chaise, l'ayant toujours à la main ; et
le mari fut pleinement rassuré. Ce trait eut
lieu sous Jean Cantacuzène.
Sur la côte du Malabar, l'épreuve du fer
chaud était aussi en usage. On couvrait la
main du criminel d'une «feuille de bananier,
el l'on y appliquait un fer rouge ; après quoi
le surintendant des blanchisseurs du roi en-
veloppait la main del'accuséavecuneserviette
trempée dans de l'eau de riz ; il la liait avec
des cordons ; puis le roi appliquait lui-même
son cachet sur le nœud. Trois jours après on
déliait la main, et on déclarait le prévenu in-
nocent, s'il ne restait aucune marqué de bi û-
lui e ; mais s'il en était autrement , il était
envoyé au supplice.
Au reste, l'épreuve du fer chaud est fort
ancienne ; car il en est question dans l'Elec-
tre de Sophocle.
FERDINAND IV (dit TAjourné) , roi de
Castille et de Léon, né en 1285. Ayant con-
damné à mort doux frères que l'on accusait
d'avoir assassiné un seigneur casiillan au
sortir du palais, il voulut que la sentence fût
exécutée, quoique les accusés protestassent
de leur innocence, et quoiqu'il n'y eût au-
cune preuve solide contre eux. Alors, disent
les historiens de ce temps , les deux frères
ajournèrent Ferdinand à comparaître dans
trente jours au tribunal du juge des rois : el,
précisément trente jours après, le roi s'élaut
611
DICTIONNAIRE DES SCIKNCES OCCULTES.
eu
relire, après 'c tllncr, pour dormir, fui trouvé
niorl (lins snii lii. Voy. Ajul-unement.
FERNAND (Antoise) , jéMiile e-p;igno!,
auleurd'u» coinmeulaire assez curieux sur
les visions el rcvélaiions de VAncien Testa-
ment, publié en '617 (1).
FERRAGUS , gcani dont parle la chroni-
que de l'arclievêqueTurpin. H avait douze
pieds de haut, et la peau si dure, qu'aucune
lance ou épée ne la pouvait percer. Il fut
vaim u par l'un des preux de Charleinagne.
FEKRIER (Augek), médecin et astrologue,
auteur d'un livre peu connu, intitulé : Juye-
menls d'astronomie sur les nativités, ou ho-
roscopes, in-16, qu'il dédia à la reine Cathe-
rine de Mi'dicis. — Auger Ferrier a laissé
encore un petit traité latin, De somniis , im-
primé à Lyon en 15W, avec le traité d'Hip-
pocraïc ^ur les insomnies.
FÉTICHES, divinités des nègres de Guinée.
Ces divinités varient : ce sont des animaux
desséchés, des branches d'arbres, des arbres
mêmes, des montagnes, ou toute autre chose.
lis en ont de petits qu'ils portent au cou ou
au bras, tels que des coquillages. Ils hono-
rent un arbre qu'ils appellent Varbre des fé-
tiches ; ils placent au pied une table couverte
(le vins de palmier, de riz et de millet.— Cet
arbre est un oracle que l'on consulte dans
les occasions importantes ; il ne manque ja-
mais (le faire connaître sa réponse par l'or-
gane (l'un chien noir, qui est le diable, selon
nos démonographes. — Un énorme rocher
nommé Tabra, qui s'avance dans la mer en
forme de presqu'île, est le grand fétiche du
cap Corse. On lui rend des honneurs parti-
culiers, comme au plus puissant des féti-
ches.— Au Congo, personne ne boit sans faire
une oblation à son principal fétiche, qui est
souvent une défense d'éléphant.
FEU. Plusieurs nations ont adoré cet élé-
ment. En Perse, on faisait des enclos fermés
de murailles et sans toit, où l'on entretenait
du feu. Les grands ^ jetaient des essences et
des parfums.
Quand un roi de Perse était à l'agonie , on
éteignait le feu dans les villes principales du
royaume, pour ne le rallumer qu'au couron-
nement de son successeur.
Certains Tarlares n'abordent jamais les
étrangers qu'ils n'aient passé entre deux
feux pour se purifier ; ils ont bien soin de
boire la face tournée vers le midi, en l'hon-
neur du feu.
Les Jagous, peuple de Sibérie, croient qu'il
existe dans le feu un être qui dispense le bien
et le mal ; ils lui offrent des sacriflces perpé-
tuels.
Ou sait que, selon les cabalisles, le feu est
l'élément (les Salamandres. Voy. ce mot.
Parmi les épreuves superstitieuses qu'on
appelait jugements de Dieu, l'épreuve du feu
ne doit pas être oubliée. Lorsqu'il fallut dé-
cider en Espagne si l'on y conserverait la li-
turgie mozarabique, ou si l'on suivrait le rit
romain, on résolut d'abord de terminer le
(î) Anlonii Fernandii , elc. Commentarii in visiona
vcleris TesUmeiili. Lu^d., 1617.
(i\ Beruier, Dict. llieolog.
difTcrenil dans un combat où les deux litur-
gies seraient représentées par deux cham-
pions ; mais ensuite on jugea qu'il était plus
convenable de jeter au feu les deux liturgies
et de retenir celle que le feu ne consumerait
pas ; ce prodige fut opéré, dit- on, en f.iveur
de la liturgie mozarabique (2). Voy. Ver
CHAUD.
FEU DE LA SAINT-JEAN. — En 16.3i, à
Quimper, en Bretagne, les habitants aiet-
taienl encore des sièges auprès des feux de
joie de la Saint-Jean, pour que leurs parents
morts pussent en jouir à leur aise.
On réserve, en Bretagne, un tison du feu
de la Saint-Jean pour se préserver du ton-
nerre. Les jeunes filles, pour être sûres de se
marier dans l'année, sont obligées de danser
autour de neuf feux de joie dans cette
même nuit : ce qui n'est pas difficile, car ces
feux sont tellement multipliés dans la cam-
pagne, qu'elle par.ril illuminée.
On conserve ailleurs la même opinion
qu'il faut garder des tisons du feude la Saint-
Jean comme d'excellents préservatifs qui, de
plus, portent bonheur.
.\ Paris, autrefois , on jetait deux douzai-
nes de petits chats (emblèmes du diable sans
doute) dans le feu de la Saint-Jean (3),
parce qu'on était persuade que les sorciers
faisaient leur grand sabbat Celte nuil-là.
On disait aussi que la nuit de la Saint-
Jean était la plus propre aux maléfices, et
qu'il fallait recueillir alors le trèfle à quatre
feuilles, et toutes lus autres herbes dont on
avait besoin pour les sortilèges.
FEU GREGEOIS.— ZJa terrible feu grégeois
el de la manière de le composer. « Ce feu est si
violent, qu'il brûle tout ce qu'il louche, sans
pouvoir être éteint, si ce n'est avec de l'u-
rine, de fort vinaigre ou du sable. On le
compose avec du soufre vif, du tartre , de la
sarcocole, de la picole, du sel commun re-
cuit, du pentréole el de l'huile commune ;
on fait bien bouillir le tout, jus(|u'à ce qu'un
morceau de toile qu'on aura jeté dedans soit
consumé ; on le remue avec une spatule de
fer. 11 ne faut pas s'exposer à faire cette
composition d<ins une chambre, mais dans
une cour ; parce que si le feu prenait, on se-
rait très-embarrassé de l'éteindre (4). »
Ce n'est sans doute pas là le feu grégeois
d'Archimèdc.
FEU SAINT-ELME . ou FEU SAINT GER-
MAIN , ou FEU SAINT-ANSELME. — Le
prince de Radzivill, dans son Voyage de Jé-
rusalem, parle d'un feu qui parut plusieurs
fois au haut du grand mât du vaisseau sur
lequel il était monté ; il le nonnn;iil fu
Saint-Germain, d'autres, /"eu Sai/U-JF/me, el
feu Saint-Anselme. Les païens attribuaient ce
prodige à Castor et Pollux, parce que quel-
quefois il paraît double. Les physiciens di-
sent que ce n'est qu'une exhalaison enflam-
mée. Mais les anciens croyaient y voir quel-
que chose de surnaturel et de divin (5).
FEUX FOLLETS.— On appelle feux folleîs,
(3) Voyei farliclc Cliat.
(4) Auinirablia secrets du Pelil Alberi, p. 88.
(5) Dum Caluiet, UisscrUt. :>ur les aiipïrilioos, p. 83.
i
')I3
t'i-;v
FID
614
ou esprits follets, ces oxIiaIai>oiis cnllammécs
que la terre, écii.iuffee par les arduurs de
l'été, laisse échapper de son sein, priiicipaie-
meiil dans les longues nuils de l'Avenl ; et,
cuinme ces flanimes roulent iialurellcinerit
vers les lieux, bas et les marécages , les
paysans, qui les prennent pour de malins
esprits, s'imaginent qu'ils conduisent au pré-
cipice le voyageur égaré que leur éclat
éblouit, et qui prend pour guide leur trom-
peuse lumière.
Oiaiis Magnus dit que les voyageurs et les
bergers de son temps rencontraient des es-
prits follets qui brûlaient tellement Ttiidroit
où ils passaient, qu'on n'y voyait plus croî-
tre ni herbes ni verdure (1).
Un jeune homme, revenant de Milan pen-
dant une nuit fort noire, l'ut surpris en che-
min par un orage ; bientôt il crut apercevoir
dans le lointain une lumière et eniendre plu-
sieurs VOIX à sa gauche ; peu après il distin-
gua un char enllammé qui accourait à lui ,
conduit par des bouviers dont les cris répé-
tés laissaient entendre ces mots : Prends
garde à loi ! Le jeune homme épouvanté
pressa son cheval ; mais plus il courait, plus
le char le serrait de près. Enfin, après une
lieuie de course, il arriva, en se recomman-
dant à Dieu de toutes ses forces, à la porte
d'une église où tout s'engloutit. Cette vision,
ajoute Cardan, était le présage d'une grande
peste (jui ne tarda pas à se faire kcnlir, ac-
compagnée de plusieurs autres fléaux.
Cardan était enfant lorsqu'on lui raconta
cette histoire, de sorte qu'il peut aisément
l'avoir dénaturée. Le jeune homme qui eut
la vi>ion n'avait que vingt ans ; il était seul,
il avait éprouvé une grande frayeur. Quant
à la peste qui suivit, elle était occasionnée,
aussi bien que l'exhalaison , par une année
de chaleurs extraordinaires.
FEVES. — Pylhagore défendait à ses élèves
de manger des fèves, légunie pour lequel il
avait une vénération particulière, parcequ'el-
les servaient à ses opérations magiques et
qu'il savait bien qu'elles étaient animées.
On dit qu'il les faisait bouillir ; qu'il les
exposait ensuite quelques nuits à la lune,
jusqu'à ce qu'elles vinssent à se convertir en
sang, dont il se servait pour écrire sur un
miroir convexe ce que bon lui semblait.
Alors, opposant ces lettres à la face de la
lune quand elle était pleine , il faisait voir à
ses amis éloignés, dans le disque de cet astre,
tout ce qu'il avait écrit sur son miroir
Pythagore avait puisé ses idées sur les fè-
ves chez les Egyptiens, qui ne touchaient pas
a ce légume, s'ifuaginant qu'elles servaient de
refuge à certaines âmes, comme les oignons
de ce peuple servaient de logement à cer-
tains dieux. On conte qu'il aima mieux se
laisser tuer par ceux qui le poursuivaient
que de se sauver à travers un champ de fè-
ves. C'est du moins une légende borgne
très-répandue.
Quoi qu'il en soit , on offrait chez les an-
cieusdes fèvesnoiresauxdivinités infernales.
Il) Dom Calmet, Dissertation sur les apparitions, il 109.
I! y avait en Egypte, aux bords du Nil,
de petites pierres faites comme des fèves,
lesquelles mettaient en fuite les dénions.
N'etaient-ce pas des fèves pétriOées ? Festus
prétend que la fleur de la fève a quelque,
chose de lugubre , et que le fruit ressemble
exactement aux portes de l'enfer....
Dans l'Incrédulité et mécréance du sorti-
lège pleinement convaincue, page 2G3, Delan-
cre dilqu'en promenant une fève noire, avec
les mains nettes, par une maison infestée, et
la jetant ensuite derrière le dos en faisant
du bruit avec un pot de cuivre, et priant neuf
fois les fantômes de fuir, on les force de vi-
der le terrain.
Les jeunes filles de Venise pratiquaient,
avec des fèves noires, une divinatiim qui
n'est pas encore passée de mode. Quand on
veut savoir de plusieurs cœurs quel sera le
plus fidèle, on prend des lèves noires, on
leur donne à chacune le nom d'un des jeunes
gens par qui on est recherchée, on les jette
ensuite sur le carreau : la fève qui se fixe
en tombant , annonce l'amant certain ; cel-
les qui s'écartent avec bruit sont des amants
volages.
FIARD, auteur des Lettres philosophiques
sur la magie , in-S" ; de la France trompée
par les magiciens et démonoldtres du dix-hui-
tième siècle, in-S" ; de la Superstition et dé~
monolâlrie des philosophes, in-12, ouvrages
publics il y a quaranli; ans.
Rien de plus crédule, disent les critiques,
que ce bon abbé , qui voit dans Cagliosiro ,
Mesmer, Sainl-Germ.iin, ces charlatans , do
vrais sorciers. Il met dans la même liste
Rob-rtson, Olivier et tous les escamoteurs.
Jl prétend aussi que Voltaire était un démon ;
et qui sait ?
FICINO (Mausile), philosophe florentin,
né en 1433. Un jour qu'il disputait avec Mi-
chel Mercati, son disciple, sur l'immortalité
de l'âme, comme ils ne s'entendaient pas, ils
convinrent que le premier qui partirait du
monde en viendrait donner des nouvelles à
l'autre. Peu après ils se séparèrent.
Un soir que Michel Mercati, bien éveillé ,
s'occupait de ses études, il entendit le bruit
d'un cheval qui venait en grande hâte à sa
porte, et en même temps la voix deMarsile
Ficino qui lui criait : Michel, rien n'est plus
vrai que ce qu'on dit de l'autre yie.
Michel Mercati ouvrit la fenêtre, et vit son
maître Ficino , monté sur un cheval blanc,
qui s'éloignait au galop.
Jl lui cria de s'arrêter ; mais Marsile Fi-
cino continua sa course jusqu'à ce qu'on no
le vît plus.
Le jeune homme, stupéfait, envoya aussitôt
chez Ficino, et apprit qu'il venait d'expirer.
Marsile Ficino a publié sur l'astrologie ,
sur l'alchimie, sur les apparitions et sur les
songes, divers ouvrages devenus rares.
FIDELITE. — On lit dans les Admirables
secrets d'Albert le Grand, qu'en mettant un
diamant sur la tête d'une femme qui dort, ou
connaît si elle est fidèle ou infidèle ; parce
que, si elle est infidèle, elle s'éveille en sur-
saut et de mauvaise humeur ; si, au cou-
DlCT10NN\mE, DES SCIKNCES OCCULTES
CIO
(;i5
traire cllecsindèlc,cllcaanrévril Rracienx.
î c Pelit Albert dit qu'on peut être bien
sûr de la fidélité d'une femme, quand on lui
I a fàil manger la moelle de l'épine du dos d un
'" FŒN ( Thomas ) , anversois , auteur d'un
livre curieux sur les eiïcls prodigieux do
Lon-
r imaginai ion, Veviribus imagimtionis
dres, 16a7.
FIENTES.— Des vertus et propriétés de plit-
sienrs sortes de fientes. « Comme l'bomme es
la plus noble créature, ses excréments ont
aussi une propriété particulière pour guérir
Dlusieurs maladies. Diosconde et Galien en
font cas cl assurent qu'ils enlèvent les maux
de gosier ou esquinancies. rv ^ „
«Voici la manière de les préparer. On don-
rera à manger à un jeune homme de bon
tempérament des lupins pendant trois jours
et du pain bien cuit, où il y aura du levain
et du sel ; on lui fera boire du vin clairet, et
on gardera les excréments qu'il rendra après
trois jours de ce régime. On les mêlera avec
autant de miel, et on les fera boire et aya-
lercommederopiat.oubien.silemaladenest
pas ragoûté d'un tel condiment, on '«s appli-
fluera comme un cataplasme : le remède es
infaillible. » Nous ne dirons pas s il est
^^Dela%nte de chien. « Si on enferme un
chien cl qu'on ne lui donne pendant trois
iours que des os à ronger, on ramassera sa
fiente, qui, séchée et réduite en poudre, est
un admirable remède contre la dyssenlerie.
« On prendra des cailloux de rivière qu on
fera chauffer; ensuite on les jellera dans un
vaisseau plein d'urine, dans lequel on met-
tra un peu de celte fiente de chien réduite en
noudre : on en donnera à boire au malade
deux fois la journée, pendant trois jours,
sans qu'il sache ce qu'on lui donne... Celte
fiente est aussi un des meilleurs dessiccatifs
pour les vieux ulcères malins et invété-
rés » -,
De la fiente de loup. « Comme on sait que
cet animal dévore souvent les os avec la
chair de sa proie, on prendra les os que 1 on
trouvera parmi sa fiente, parce que, pilés
bien menus, bus dans du vin, c est un spé-
cifique contre la colique. »
De la fiente de ba-ufet de vache. « La fiente
de bœuf et de vache, récente et nouvelle,
enveloppée dans des feuilles de vigne ou do
chou, et chauffée dans les cendres, guérit les
infiammations causées par les plaies. La
même fiente apaise la sciatique.Si on la môle
avec du vinaigre , elle a la propriété de
faire suppurer les glandes scrofuleuses et
écrouellcs. Galien dit qu'un médecin de My-
sie guérissait toutes sortes dhydropisies en
meliant sur l'enHure de la fiente chaude de
vache. Celte fiente aussi appliquée sur la pi-
qûre des mouches à miel, frelons et autres,
en enlève aussitôt la douleur. »
Fiente de porc. « Cette fiente guérit les cra-
chements de sang. On la fricasse avec au-
tant de crachats de sang du malade, y ajou-
(I) Le Solide trésor Uu Pclil Albert, p. 24.
tant du beurre frais, cl on la lui donne à
avaler. » , . > i
Fiente de chèvre. « La fienle de chèvre a la
vcrlu de faire suppurer toutes sortes de tu-
meurs.Galien guérissait fort souvent ces tu-
meurs et les duretés des genoux, mêlant celte
fienle avccde la farine d'orge et de l'oxycrat,
et l'appliquant en forme de cataplasme sur la
dureté; elle est admirable pour les oreillons,
mêlée avec du beurre frais et de la lie d'huile
de noix. Ce secret semblera ridicule ; mais
il est véritable, car on a guéri plus de vingt
personnes de la jaunisse, leur faisant boire
tous les matins, pendant huit jours, à jeun,
cinq petites crottes de chèvre dans du vin
blanc... » ...
ùe la fiente de brebis. « Il ne faut jamais
prendre celte fiente par la bouche comme
celle des autres animaux, mais l'appliquer
extérieurement sur le mal : ellealfs uiêines
propriétésquc la fienle de chèvre. Elle guérit
toutes sortes de verrues , de furoncles durs
cl de clous, si on la détrempe avec du vinai-
gre, et qu'on l'applique sur la douleur.»
De la fiente des pigeons ramiers et des pi -
néons domestiques. « Pour les douleurs de
i'os ischion, la fienle des pigeons ramiers
ou domestiques est admirable, étant inê'.éo
avec de la graine de cresson d'eau : et
lorsqu'on veut faire mûrir une tumeur ou
une fluxion, on peut user d'un cataplasme
dans lequel entre une once de cette fiente,
deux drachmes de graine de moutarde et de
cresson, une once d'huile distillée de vieilles
tuiles. Il est sûr que plusieurs personnes ont
été guéries par cette fiente, mêlée avec de
l'huile de noyaux de pêches. »
Galien dit que la fiente d'oie est inutile, a
cause de son âcreté; mais on est certain
qu'elle guérit aussi de la jaunisse, lorsqu'on
la détrempe dans du vin blanc et qu'on en
boit pendant neuf jours. »
« Dioscoride dit que la fiente de poule ne
peut être efficace que pour guérir do la brû-
lure, lorsqu'elle est mêlée avec de l'huile
rosat, mais Galien et Egiiielle assurent que,
jointe avccde l'oxymel, cette fienle apaise la
suffocation et soulage ceux qui ontmaiigc dos
champignons, car elle fait vomir tout ce qui
embarrasse le cœur. Un médecin du Içmps
de Galien guérissait la colique avec celle
fienle, détrempée d'hypocras, fait de miel et
de vin. » . • ,
« La fienle de souris, mêlée avec du miel,
fait revenir le poil , lorsqu'il est tombe,
pourvu qu'on en frotte l'endroit avec celle
mixtion... » ...
« Pour conserver la beauté, voici un se-
cret très-important au beau sexe : c'est une
manière de faire le fard. On prendra do la
fiente de petits lézards, du tartre de vin
blanc, de la raclure de corne de cerf, du co-
rail blanc et de la farine de riz, autant de
l'un que de l'autre; on broiera le tout dans
un mortier, bien menu, on le fera tremper
ensuite dans de l'eau dislillce d'une sembla-
ble quantité d'amandes, de limaces de vigne
ou de jardin, et de (leurs de bouillon blanc,
après cela on y mêlera autant de miel blai'c,
PI 7 Fir.
cl l'on broiera cnrore le loul iMisemble. Celle
C')mposilion doit êlre conservée dans un vase
d'argent ou de verre, cl l'on s'en servira
l)0iir se frotter le visage et les mains (1)... »
Voilà, convenez -en, une singulière phar-
macopée.
FIÈVRE. Quelques personnes croient en-
core se guérir de la fièvre en buvant de l'eau
hénile la veille de Pâques ou la veille de la
Pcnlecôle. En Flandre, on croyait autrefois
que ceux qui sont nés un vendredi ont reçu
de Dieu le pouvoir de guérir la fièvre (2).
FIGURES DU DIABLE. Le diable change
souvent de formes, selon le témoignage de
quantité de sorcières. Marie d'Aguère con-
fessa qu'il sortait en forme de bouc d'une
cruche placée au milieu du sabbat. Fran-
çoise Secrétain déclara qu'il avait la forme
d'un grand cadavre. D'autres sorcières ont
dit qu'il se faisait voir sous les (rails d'un
tronc d'arbre, sans bras et sans pieds, assis
dans une chaire, ayant cependant quelque
forme de visage humain. Mais plus généra-
lement c'est un bouc ayant deux cornes par
devant et deux pur derrière. Lorsqu'il n'a
(]ue trois cornes, on voit une espèce de lu-
mière dans celle du milieu , laquelle sert à
allumer les bougies du sabbat. Il a aussi une
manière de bonnit ou chapeau au-dessus des
cornes.
On a prétendu que le diable se présente
souvent sous l'accoutrement d'un homme
qui ne veut pas se laisser voir clairement, et
qui a le visage rouge comme du feu (3). D'au-
tres disent qu'il a deux visages à la léte,
comme Janus.
Delancre rapporte que dans les procédures
de la Tournelle, on l'a représenté en grand
lévrier noir, et parfois comme un bœuf d'ai-
rain couché à terre. 11 prend encore la forme
d'un dragon.
Quelquefois c'est nn gueux qui porte les
livrées de la misère, dit Leioyer. D'autres fois
il abuse de la figure des prophètes; et, du
temps de Théodose , il prit celle de Moïse
pour noyer les Juifs de Candie, qui comp-
taient, selon ses promesses, traverser la mer
à pied sec (k).
Le commentateur de Thomas Valsingham
rapporte que le diable sortit du corps d'un
diacre schismatique sous la figure d'un âne,
et qu'un ivrogne du comlé de Warwick fut
longtemps poursuivi par un esprit malin dé-
guisé en grenouille. Leioyer cite quelque
part un démon qui se montra à Laun sous
la figure d'une mouche ordinaire.
Ces figures diverses que prennent les dé-
mons, pour se faire voir aux hommes, sont
multipliées à l'infini. Quand ils apparaissent
avec un corps d'homme, on les reconnaît à
leurs pieds de bouc ou de canard, à leurs
griffes et à leurs cornes, qu'ils peuvent bien
cacher en partie , mais qu'ils ne déposent
jamais entièrement.
(I) Secrets d'Albert le Grand, p. 167.
(2)Uelancre, Iiicrédulilé et mécréance du sortilège
[ileiiiemenl convaincue, p. 1o7.
(3) Delancre, Tableau iJe l'inconstance des démons, etc..
lit. 11, p. 70.
FIN
6iS
Cœsarius d'Heislerbach ajoute à ce signa-
lement qu'en prenant la forme humaine, le
diable n'a ni dos ni <lerrière, de sorle qu'il
se garde de montrer ses talons ( MiracuL,
lib. 3).
Les Européens représentent ordinal-
rernent le diable avec un teint noir et
brûlé; les nègres au contraire soutiennent
que le diable a la peau blanche. Un officier
français se trouvant au dix-septième siècle
dans le royaume d'Ardra, en Afrique, alla
f.iire une visite au chef des prêtres du pays.
Il aperçut dans la chimbre du pontife une
grande poupée blanche,et demanda ce qu'elle
représentait. Ou lui répondit que c'était le
diable.
— Vous vous trompez , dit bonnement le
Français, le diable est noir.
— C'est vous qui êtes dans l'erreur, répli-
qua le vieux prêtre; vous ne pouvez pas sa-
voir aussi bien que moi quelle est la couleur
du diable -.je le vois tous tes jours, qI le vous
assure qu'il est blanc comme vous (5). Voy.
Sabbat, Démons, etc.
FIL DE LA VIERGE. Les bonnes gens
croient que ces flocons blancs cotonneux,
qui nagent dans l'atmosphère et descendent
du ciel, sont des présents que la Sainte
Vierge nous fail.et que c'est de sa quenouille
céleste qu'elle les détache. Ils annoncent le
beau temps.
Le physicien Lamarck prétend que ce ne
sont pas des toiles d'araignées ni d'autres
insectes fileurs, mais des filaments alnio-
sphériquos qui se remarquent dans les jours
qui n'ont pas offert de brouillard. Selon le
résultat des observations de ce savant , les
fils de la Vierge ne sont qu'un résidu des
brouillards dissipés, et en quelque sorle ré-
duits et condensés par l'action des rayons
solaires, « de sorte qu'il ne nous faudrait
qu'une certaine suite de beaux soleils et de
brouillards secs pour approvisionner nos
manufactures et nous fournir un coton tout
filé, beaucoup plus beau que celui que nous
tirons du Levant (6). »
FIN DU MONDE. Hérodote a prédit que
le monde durerait 10,800 ans; Dion, qu'il
durerait 13,98'i- ans; Orphée 120,000; Cas-
sander, 1,800,000. Il serait peut-être mieux
de croire à ces gens-là , dont les prédictions
ne sont pas encore démenties, qu'à une foule
dj prophètes , maintenant réputés sols dans
les annales astrologiques. Tel fut Aristar-
que, qui prédisait la débâcle générale du
genre humain en l'an du monde 3184.; Daré-
lès en l'an 5552; Arnauld de Villeneuve, en
l'an de Noire-Seigneur 1395; Jean Uillen,
allemand, en 1651. L'Anglais Wislon , ex-
plicaleur de l'Apocalypse, qu'il voulait éclair-
cir par la géométrie et l'algèbre, avait con-
clu après bien des supputations, que le juge-
ment dernier aurait lieu en 1715, ou au plus
tard en 1716. On nous a donné depuis bien
(l) Socraie, Hist. eccl., Ilv. VII, cli. xwni.
(3) Anecdotes africaines de la côte des Esclaves, p. 57.
(6) M. Sdlgue». Des Erreurs et des préjugés, l. 111,
p. 184.
DlCTIOISNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. L
20
819
DICTIONNAIRE DES SCIKNCKS OCCI.'LTES.
C20
li aulres fr.iycurs. L«> 18 juillet 1816 dcv/iil
<*lre le dernier jour. M. de Krudcmr l'avait
remis à 1819, M. de Libenslcin à 182;{,M.dc
Sallmard-MoMlforl à 18'3G, et d'autres pro-
nhèles, sans i)lus de succès, au 6 janvier
I8'i0.
Attendons : mais si nous sommes sages,
lenoiis-nous prêts.
Non loin d'Avignonel, village qui est au-
près de VilU'franchc en Langue<loc, est un
petit mortlicule situé au milieu d'une des
plus fcrliles plaines de l'Europe ; au haut de
ce nionlicule sont placées les pierres de Nau-
rodse; c'est-à-dire deux énormes blocs de
granit qui doivent avoir été transportés là
du temps des druides. Or, il faut que vous
sachiez (tous les gens du p.iys vous ]<• diroiil)
que quand ces deux pierres viendront à se
baiser, ce sera le signal de la fin du monde.
Les vieilles gens disent que, depuis un siè-
cle, elles se sont tellement rapprochées
qu'un gros homme a tout au plus le passage
libre, tandis qu'il y a cent ans un homme à
cheval y passait sans difficullé... Voyez Ber-
nard DB Thuringe, Felgenuaver , ECLIP-
SlilS o'c*
FJNNES. On lit dans Albert Kraniz (1) ,
(|ue les Finnes ou Finlandais sont sorciers ,
qu'ils ont le pouvoir de connaître l'avenir et
les choses cachées ; qu'ils toiiibent en extase,
que dans cet état ils font de longs voyages
sans que leur corps se déplace, et qu'à leur
réveil ils racontent ce qu'ils ont vu, appor-
tant, en témoignage de la vérité, une bague,
un bijou, que leur âme a pris en voyageant
dans les pays éloignés.
Delancre dit que ces sorciers du Nord ven-
dent les vents, dans des outres, aux navi-
gateurs, les(|ucls se dirigent alors comme ils
veulent. Mais un jour, un maladroit, qui ne
savait ce que conlenaient ces outre s les ayant
crevées, il en sortit une si furieuse tempête
que le vaisseau y périt.
OI<iiLs Magnus rapporte que certains de
ces magiciens vendaient aux navigateurs trois
nœuds magiques, serrés avec une courroie.
En dénouant le premier de ces nœuds, on
avait des vents doux et favorables; le second
en élevait de plus véhéments; le troisième
excitait les plus furieux ouragans.
FINSKGALDEN, espèce de magie en usage
chez les Islandais; elle a été apportée en Is-
lande par un magicien du pays, qui avait fait
à ce dessein un voyage en Laponie. Elle
consiste à mailrisor un esprit, ({ui suit le
sorcier sous la forme d'un ver ou d'une
uiouchi', et lui fait faire des merveilles.
FIORAVANTI (Léonard), médecin, chi-
rurgien et alchimiste du seizième siècle. On
renuirque parmi ses ouvrages, qui sont nom-
breux, le Ùésumé des secrets qui rerjaident la
médecive, ta chirurgie et l'alchimie (2). Ve-
nise, 1571, in-8, 1666; Turin, loSO.
FIORINA. Voy. Flori.ne.
FLAGA, fée malfaisante des Scandinaves.
Ouelques-uns disent que ce n'était qu'une
magicienne, fjui avait un aigle pour monture.
(IJ I-eloycr, llist. des spectres el a])[iariUoas des es-
piiu, iiv. IV, i>. 4i>U.
FLAMBEAUX. Trois n.tmlieaux allumés
dans la même chambre sont un présage de
mort. Ayez donc soin d'en avoir deux ou
quatre.
FLAMEL (Nicolas), célèbre alchimiste do
quatorzième siècle. On ne connaît ni la date
ni le lieu de sa naissance; car il n'est pas
certain qu'il soit né à Paris ou à Poiiloise. Il
lut écrivain public au charnier des Inno-
cents, libraire juré, poëte, peintre, mathé-
maticien, architecte; enfin, de pauvre qu'il
ctaii, il devint riche; el on attribua ses suc-
cès au bonheur qu'il eut de trouver la pierre
philosophale.
Une nuit, dit-on, pendant son sonimci!, un
ange lui apparut, tenant un livre assez re-
marquable , couvert de cuivre bien ou-
vragé, les feuilles d'écorce déliée, gravées
d'une très-grande industrie, cl écrites avec
une pointe de fer. Une inscription en grosses
lettres dorées contenait une dédicace faite à
la ijenl des Juifs, par Abraham le Juif, prince,
prêtre, astrologue et philosophe.
— Flamcl, dit l'ange, vois ce livre auquel
tu ne comprends rien : pour bien d'autres
que loi, il resterait inintelligible; mais tu y
verras un jour ce que tout autre n'y pourrait
voir.
A ces mots, Flamel tend les mains pour
saisir ce présent précieux; mais l'ange et le
livre disparaissent, et il voit des Qols d'or
rouler sur leur trace.
Nicolas se réveilla; et le songe tarda si
longtemps à s'accomplir, que son imagina-
tion s'était beaucoup refroidie, lorsqu'un
jour, dans un livre qu'il venait d'acheter m
bouquinant , il reconnut l'inscription du
même livre qu'il avait vu en songe, la même
couverture, la même dédicace, et le mémo
nom d'auteur.
Ce livre avait pour objet la transmutation
métallique, el les feuillets étaient au nombre
de 21, qui font la mystérieuse combinaison
cabalistique de trois fois sept. Nicolas se mit
à étudier ; et ne pouvant comprendre les figu-
res, il fil un vœu, disent les conteurs her-
niéliques, pour posséder l'interprétation d'i-
celles, qu'il n'oblinl pourtant que d'un
rabbin. Le pèlerinage à Sainl-Jacques, qui
était son voeu, eut lieu aussitôt; Flamel en
revint tout à fait illuminé.
Voici, selon les mêmes conteurs, la prière
qu'il avait faite pour obtenir l'intelligence :
— « Dieu tout-puissant, éternel, père de la
lumière, de qui viennent tous les biens et
tous les dons parfaits, j'implore votre misé-
ricorde infinie; Liissez-moi connaître votre
éternelle sagesse; c'est elle qui environne
votre trône, qui a créé et fait, qui conduit
et conserve tout. Daignez me l'envoyer du
ciel, votre sanctuaire, et du trône de votre
gloire, afin qu'elle soit el qu'elle travaille en
moi; car c'est elle qui est la maîtresse de
tous les arts célestes et occultes, (jui possède
la science et l'intelligence de toutes chose».
Faites qu'elle m'accompagne dans toutes
mes œuvres; (jue par son esprit j'aie la véri«
(-2; roiupendio Jci secreli, elc.
fi?l
FLA
FLA
r.22
table iiilelligonre ; que jt> procèJc infailli-
hlemenl dans l'art noble auquel je me suis
consacré, dans la recherche de la miracu-
leuse pierre des sajres que vous avez cachée
au monde, mais que vous avez coutume au
moins de découvrir à vos élus; que ce grand
œuvre que j'ai à faire ici-bas, je le com-
mence, je le poursuive cl ji^ raclièvc hrureu-
semenl; que, contenl, j'en joui se à tou-
jours. Je vous le demanile par Jésus-Christ,
la pierre céleste, angulaire, miraculeuse et
fondée de toute éleriiilé, qui commande et
règne avec vous (1), » etc.
Cette prière eut tout son effet, puisque Fla-
mel convertit d'abord du mercure en argent,
et bientôt du cuivre eu or. Il ne se vil pas
plus tôt en possession de la pierre philoso-
pliale, qu'il voulut que dos monuments pu-
blics allcstassent sa piété et sa prospérité. Il
n'oublia pas aussi de faire mettre partout ses
statues et son image, sculptées, accompa-
gnées d'un éiusson où une main tenait une
écritoire en forme d'armnirie. Il fil graver de
plus le portrait de sa femme, Pernelle, qui
l'accompagna dans ses travaux alcl)imii|ucs.
Flame! fut enterré dans l'église de Saint-
Jacqucs-la-Bouchcrie, à Paris. Après sa mort,
plusieurs personnes se sont imaginé que
toutes ces peintures et sculptures allégori-
ques élaient autant de symboles cabalisîi-
ques qui renfermaient un sens qu'on pouvait
mettre à profil. Sa maison , vieille rue de
Marivaux, n° IC, passa dans leur imagination,
pour un lieu oii l'on devait trouver des tré-
sors enfouis : un ami du défunt s'engagea,
dans cet espoir, à la restaurer gratis ; il brisa
tout et ne trouva rien.
D'autres ont prétendu que Flamel n'était
pas mort, et qu'il avait encore mille ans à
vivre : il pourrait n)éme vivre plus, en vertu
du baume universel qu'il avait découvert.
Quoi qu'il en soit, le voyageur Paul Lucas
affirme , dans une de ses relations, avoir
parlé à un derviche ou moine turc, qui avait
rencontré Nicolas Flamel et sa femme s'em-
barquant pour les Indes.
On ne s'est pas contenté de faire de Flamel
un adepte, on en a fait aussi un auteur. En
1561, cent quarante-trois ans après sa mort,
Jacques Gohorry publia, in-18, sous le ti-
tre de Transformation métallique, trois traités
en rhythme français : la Fontaine des amou-
reux des sciences ; les Remontrances de nature
à l'alchimiste errant , avec la réponse , par
Jean de Meung, et le Sommaire philosophique
attribué à Nicolas Flamel.
On met aussi sur son compte le Dénr dé-
siré, ou Trésor de philosophie, autrement le
Livre des six paroles , qui se trouve avec le
Traité du soufre, du cosmopolite, et l'œuvre
royale de Charles VI, Paris, 1618, 1629. in S'.
On le fait encore auteur du grand Eclair-
cissement de la pierre philosopliale pour la
transmutation de tous métaux, in-8°, Paris,
1628. L'éditeur promettait la Joie parfaite de
moi, Nicolas Flamel, et de Pernelle, ma femme,
(1) llydroticus soptiiciis seu aquarium sapient. BIbl.
cliim. (le Maiiget. l. II, p. b37.
(2) Mon en 1670.
lequel n'a point paru. On a donné enfin la
musique chimique, opuscule très-rare, cl
d'autres fatras (lu'on ne recherche plus.
Au résumé, Flamel était un homme labo-
rieux, qui sut acquérir de la fortune en tra-
vaillant avec les juifs, et romme il en fit mys-
tère, on l'attribua à des moyens merveilleux.
L'abbé de Villars métamorphose Flamel,
dans le Comte de Gabnlis , en un chirurgien
qui commerçait avec les esprits élémentaires.
On a déhilé sur lui mille contes singuliers ;
et de nos jours un chercheur de dupes, ou
peut-être un plaisant, répandit en mai 1818,
dans les cafés de Paris, une espèce d'avertis-
sement où il déclarait qu'il était le fameux
Nicolas Flamel, qui rechercliait la i)ierrep!ii-
losophale au coin de la rue Marivaux, à Pa-
ris, il y a plus de quatre cents ans; qu'il avait
voyagé dans tous les pays du monde, et qu'il
prolongeait sa carrière depuis quatre siècles
par le moyen de Vélixir de vie, qu'il avait le
bonheur de posséder. Quatre siècles de re-
cherches l'avaient rendu, disait-il, très-sa-
vant, et le plus savant des alchimistes. Il
faisait de l'or à volonté. Les curieux pou-
vaient se présenter chez lui, rue de Giéry,
n° 22, et y prendre une inscrijjlion qui coû-
tait trois cent mille francs, moyennant quoi
ils seraient initiés aux secrets du maître, et
se feraient sans peine un million huit cent
mille francs de rente.
Nous sommes heureux de pouvoir citer ici
sur Nicolas Flamel les curieuses recherchi s
de M. Auguste Vallcl, de l'école des Charles.
Elles résument une foule de livres cl d'essai»
publiés sur ce sujet.
« Parmi les arcades qui composaient jadis
les Charniers des Innocents, on vn remarquait
deux, (|ui se recommandaient plus particu-
lièrement à ia curiosité. Sur la première se
voyait une peinture représentant un homme
dans l'attitude d'un spectateur, portai>t un
phylactère dont la légende témoignait de
son admiration. La seconde offrait un tym-
pan ogive décoré de sculptures et servait dj
monument turaulaire.
« Sauvai (2) nous apprend que , de son
temps, les alchimistes visitaient ces deux
arcades, et se mettaient l'esprit à la torture
pour découvrir le sens mystérieux des figures
qu'on y avait peintes et sculptées.
C'est qu'elles avaient été construites par
Nicolas Flamel.
« Ce Flamel, dit Sauvai, est en telle véné-
« ration parmi eux qu'ils ne l'estiment pas
« moins que Guillaume de Paris (3) , et veu-
« lent qu'en 1382 (4), il souffla de sorte que
« son creuset valut bien le sien. Aussi , ne
« sont-ils pas paresseux de visiter souvent
« tous les lieux qu'il a bâtis. Us se distillent
« l'esprit pour quintcssencier des vers gotlii-
« queseldes figures, les unes en ronde bosse,
« les autres égratignées , comme on dit, sur
« les pierres , tant de la maison du coin de la
« rue Marivaux, que des deux hôpitaux qu'il
(5) Célèbre évoque de Paris, qui passait pouralchimiste,
et dout ta statue est, dit-on, ci'lle qui se vdil au irume.iu
du portail droit de Notre-Dauie de l'aris.
(i) Le texte porte 1332, mais éviJeioiniinl par i;rr( ur.
DICTIONNAIRE DKS SCIKNCF.S OCfUI.TES.
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« a fait faire à la rue Ao Monltnorfiicy. De là,
« ils vont à Saintc-Geneviève-des-Ardents,
- à l'hôpital Sainl-Gervais , à Sainl-Côme, a
.. Saint-Martin, à Saint-Jacques-de-la-Boii-
.. chérie, où l'on voit des portes qu'il a fait
1 construire, et où presque à loulcs, cl en-
« core ailleurs sereniarquenldcs croix qu ils
« tiennent pour mystérieuses.
« Quatre gros chenets de fer dressés prés
. le portail Sainl-Gcrvais et à la rue de la
u Ferronnerie, sont encore de lui, à ce qu'ils
.. prétendent sans savoir pourquoi , ni ce
« qu'ils signifient ; ils en disent autant des
. demi-reliefs, des figures de ronde-bosse et
<. de quelques peintures des charniers des
'I Saints-Innocents, et que môme il les a ex-
. pliqués dans le livre des figures hiéroghj-
« figues... Cependant il est certain que ce
« livre est la traduction d'une pièce latine
a qu'on n'a jamais vue. »
« Lo livre dont parle Sauvai est un ou-
vrage assez rare aujourd'hui et recherché
des bibliophiles. Il s'agit d'un petit in-4." de
98 pages , dont la première est enlièremenl
occupée par le titre suivant :
c Trois traités de la philosophie naturelle,
non encore imprimés.— Savoir,— le secret li-
vre du très-ancien philosophe Artephius,
traitant de l'art occulte et transmutation mé-
tallique, lat.-français. Plus.- Les figures hié-
roglyphicques de Nicolas Flamel, ainsi qu il
les a mises en la quatrième arche qu'il a bâ-
tie au cimetière des Innocents à Paris, en-
trant par la grande porte de la rue Sainl-De-
nis, et prenant la main droite ; avec l'expli-
cation d'icelles, par iceluy Flamel. Ensemble
-Le vrai livre du docte Synesius, abbé grec,
lire de la bibliothèque de l'Empereur , sur
le même sujet, le tout traduit par P. Arnauld,
sieur de la Chevallerie poitevin.— A Paris,
(hez la veuve Guillemot et S. Thiboust,
au palais, en la galerie des prisonniers.
MDCXII (1).
« La première partie de ce livre contient un
traité d'alchimie, texte latin et français en
regard , qui renferme une recette pour le
grand œuvre. La seconde est précédée d'une
planche composée de plusieurs pièces gra-
vées sur bois et formant une arcade ogive,
représentant celle que Nicolas Flamel fil éle-
ver aux charniers des Innocents.— Le sujet
principal montre lePère éternel, tenant d'une
main le globe surmonté d'une croix et levant
l'autre pour bénir. A sa droite Nicolas Fla-
mel, les mains jointes, est aux pieds de saint
Paul qui intercède pour lui. Pernelle , sa
femme, à gauche et dans la même altitude,
parait également protégée par son patron,
saint Pierre. Au-dessous sont représentés di-
vers sujets, parmi lesquels on remarque un
Jugementdernier,el,dansla partie inférieure
i)u tympan, le Massacre des Innocents. Dans
les angles de l'ogive sont des anges; chacune
de ces figures est, en général, accompagnée
de banderoLcs sur lesquelles se lisent des
inscriptions.
« L'auteur entre en matière; Nicolas Fla-
mel est censé raconter lui-même son histoire
(,1) Sauvai écrivait en lOji.
liai
et commenter les figures. Il expose que.toul
en exerçant sa fonction d'écrivain, à Paris,
en face la chapelle de Saint-Jacques-la-llou-
cherie , il n'a pas laissé d'onlendre au long
les livres des philosophes, et d'apprendre eu
iceux leurs tant occultes secrels: « Donc moi,
Nicolas Flamel, dit-il, ainsi qu'après le décès
de mes parents , je gagnais ma vie en notre
Art de l'Ecriture, faisant des inventaires,
dressant des comptes, et arrélani les dépenses
des tuteurs et mineurs, il me tomba entre les
mains, pour la somme de deux florins , un
livre doré fort vieux , el beaucoup large; il
n'était point en papier ou parchemin comme
sont les autres, mais était fait de déliées écoi-
ces, comme il me semble, de tendres arbris-
seaux (2), sa couverlure était de cuivre bien
délié , toute gravée de lettres ou figures
étranges. Quant à moi, je crois qu'elles |)ou-
vaient bien être des caractères Grecs ou d'au-
tre semblable langue ancienne. Je ne les sa vais
pas lire, et je sais qu'elles n'étaient lettres
latines ou gauloises ; car nous y entendons un
peu... Au premier des feuillets, il y avait écrit
en lettres grosses capitales dorées. Abhaham
LE JUIF, PRINCE, PRÊTRE, LÉVITE, ASTROLOGUii.
et PHILOSOPHE, A LAGENT DES JUIFS, PAR LIRE
DE Dieu dispersée aux gaules, salut, etc. »
« Ce livre élail rempli de figures peintes
en diverses couleurs et dont Flamel ne pou-
vait découvrir le sens mystérieux. Au der-
nier revers du cinquième feuillet, il y avait,
poursuit-il, un roi avec un grand coutelas,
qui faisait tuer en sa présence par des sol-
dats grande mullilude de petits enfants,
les mères desquels pleuraient aux pieds des
impitoyables gendarmes. Le sang des petits
entants élail puis après recueilli par d'autres
soldats , el mis dans un grand vaisseau,
dans lequel le soleil el la lune du ciel se ve-
naient baigner. Et parce que cette histoire
rt'présentaii la plupart de celle des Inno-
c nts , occis par Hérode, et qu'en ce livre -ci
j'ai appris la plus part de l'Art, ça a été une
des causes que j'ai mis en leur cimetière ces
symboles hiéroglyfiques do celle secrète
science. »
« Enchanté de posséder ce livre , Flamel
l'éiudiail avec ardeur. Mais tout en compre-
nant qu'il donnait la marche pour procéder
au Grand OEuvre, il ne pouvait lever le voile
énigmaliquedonl l'auteur, suivantl'usage des
philosophes hermétiques, avait gazé ses su-
blimes prescriptions. En vain communiqua-
t-il le sujet de ses peines à sa femme Pelre-
ndle, « qu'il aimait autant que lui-même el
laquelle il avait épousée depuis peu. » Per-
nelle , ainsi que son mari , prenait plaisir à
contempler les ornements dont le livre élail
exicrieurement et intérieurement embelli ;
« mais, dil-il, elle y entendait aussi peu que
moi. » Enfin il fit peindre dans son logis quel-
ques-unes de ces figures, el les montra à
plusieurs grands clercs , leur disant que ce
livie contenait une recette pour trouver le
Magistère. « Mais , dit-il encore , la plupart
d'iceux se moquèrent de moi et de la béuile
(2) C'est ainsi qu'au moyen Sge on diicrivail les ina:iu-
sfTils sur pa^yruï.
«55
FLA
pierre, » excepté toulofois un nommé maîlrc
Anseaulme, licencié en médecine, qui li.i
interpréta de la manière la plus salisfaisanlc
les premières figures peintes au commence-
ment de cet ouvrage.
« Celte première conquête ne Gt que l'en-
lljimmeret fut cause « que. durant le Ion-
espace de vingt et un ans, il fit mille brouille-
ries.» Ne possédant qu'à moitié le critérium do
ces préceptes catinlisliques, il était toujours à
recommencer. Enfin , « ayant perdu espé-
» ranci- de jamais comprendre ces figures , il
» !il vœu a Dieu et à monsieur saint Jacques
» de Uallice pour demander l'interprétalion
» d leelles a quelque sacerdoi juif.en quelque
» synagogue d'Espagne. » Prrnanl le bour-
don, muni d'un extrait de son livre , Nicolas
tiamelsemiten route pour le pèlerinage de
bainl-Jacques de Compostelle. Il accomplit
son vœu avec grande dévotion, et passant par
Léon , pour revenir en France , il fit la con-
naissance d'un « médecin , juif de nation et
lors chrétien , demeurant audit Léon, lequel
etai fort savant en sciences sublimes,appelé
maître Ganches. » ^
« Le docteur fut ravi d'entendre parlerde ce
livre merveilleux qu'ilcroyaità jamais perdu.
Aussitôt que Flamel lui eut communiqué son
extrait, le docteur lui donna l'explication des
premières figures. Il fut décidé qu'ils revien-
draient en compagnie, et ils s'embarquèrent
pour la Franco. Le juif déjà avait expliqué
la plupart de mes figures , où jusque même
aux points il trouvait de grands mystères ;
quand arrivant àOrléans.cedocte juif tomba
malade et mourut le septième jour. Du mieux
que le pus dit Flamel, je le fis enterrer en
^église de Samte-Croix à Orléans.où il repose
« Nicolas Flamel revint àParis ri reprit ses
opérations chimiques; il ne tarda pas , à
aide des instructions contenues dans son
livre, a composer la sublime pierre. « J'ac-
coniplis aisément le Magistère , dit-il; aussi
sachant la préparation des prem ers agents,
H suivant a la lettre mon livre, je n'eusse pu
laillir encore que je l'eusse voulu. Donc la
première fois que je fis la projection, ce fut
sur du mercure, dont j'en convertis une de-
mi-livre ou environ, en pur argent, meilleur
que celui de la minière, comme j'ai essayé et
tait essayer par plusieurs fois. Ce fut le 17
<le janvier , un lundi environ à midi , en ma
maison, présente Perrenclle seule, l'an mil
trois cent quatre-vingt-deux. Et puis après ,
suivant toujours de mot à mot mon livre, je
a "s avec la pierre rouge, sur semblable
qualité de mercure, en présence encore de
Perrenelle seule, en la môme maison, le 23
d avril suivant, sur les cinq heures du soir-
je transmuai véritablement en quasi autant
de pur or, meilleur très-certainement que
1 or commun, plus doux et plus ployable »
« Pour remercier Dieu de la grâce qu'il
ui avait faite en lui accordant le don de la
transmutation , Flamel de concert avec sa
tinn l. M,r„ h' P'" "'"''"'■'' '^'^ (lireque celle interpréu-
twn et chacun des mois qui la composeul , quelque al.sur-
liasqu Ils paraissent, ne soul |.as, imrinJéqucment, dé-
FLA («25
femme, se livra aux œuvres de charité II
combla de bienfaits les pauvres , répara les
églises et les cimetières, fonda des hôpitaux
etc. « Bâtissant donc, continue le récit, ces
églises cimetières, et hôpitaux, je me réso-
lus de faire peindre en la quatrième arche
flu cimetière des Innocents , les plus vraies
et essentielles marques de l'Art, sous néan-
moins dos voiles et couvertures hiéro-^Ufi-
qiies.a l'imitation du livre doré du juif Ibra-
lam, pouvant représonterdeux choses, selon
la capacité et savoir des contemplants, pre-
mièrement les mystères de noire résurrec-
tiDU future et indubitable, au jour du juge-
ment et avènement du bon Jésus (auquel
plaise nous faire miséricorde), histoire qui
convient bien à un cimetière , et puis après
encore , pouvant signifier â ceux qui sont
entendus en la philosophie naturelle, foutes
les principales et nécessaires opérations du
Alagislere. Ces figures hiérogiyfiques ser-
viront comme de deux chemins pour mener
a la vie céleste; le premier sens plus ouvert
enseignant les saints mystères de notre sa-
lut, l'autre enseignant à tout homme, pour
peu entendu qu'il soit en la pierre , la voie
linéaire de l'œuvre, laquelle étant parfaite
par quelqu'un , le change de mauvais en
t)(m, lui ôte la racine de tout péché (qui est
1 avance) le faisant libéral, doux , pieux
religieux, et craignant Dieu, quelque mau-
vais qu'il fût auparavant. Car dorénavant il
demeure toujours ravi de la grande grâce et
miséricorde qu'il a obtenue de Dieu. »
« Après ce long préliminaire , l'auteur
prend une à une les diverses figures qui
composent le dessin général mis en tête de
son traité; puis les analysant successive-
ment et en détail, il en montre le double sens
commun ou théologigue, et hiéroglyfique ou
« Nous ne suivrons pas cette énumération
dans laquelle il renchérit sur maître Canches
lui-même qui, jusque même aux points
trouvait de grands mystères. Dans cette dis-
sertation alambiquée, il n'est pas jusqu'à
1 ecritoire de Flamel qui ne puisse, comme
dit bauval, se quintessencier en interpréta-
tions. Ainsi, cette ecritoire doit être prise
pour « un matras de verre plein des coufec-
lons de l'art, comme de l'écume de la mer
Kouge et de la graisse du vent mercurial que
tu VOIS, du le traité, peint en forme d'écri-
loire. » El l'armoire (dans laquelle est con-
tenue cette ecritoire; qui se trouve répétée
trots fois en signe de la IripHcité de l'œuvre
accompli par Flamel , doit elle-même être
considérée comme le Vaisseau philosophi-
que, le Triple vaisseau, l'Athanor crible, le
^umer, le Bain Marie, la Fournaise, la
Sphère, le Lyon verd, la Prison, le Sépulcre,
la PIttole, etc., etc., où doit s'enfanter lo
grand œuvre (1) 1
« Vient ensuite le troisième livre qui con-
tient un troisième et dernier traité do la
pierre philosophale.
d éludes liérméuques. » rfeie de M. Aug. Vallet.
(^^, DICTIONNAIRE DES
« Nous n-aurions pas arrêté si longlenips
le lecteur sur ce livre, s'il ne conlena.l l ex-
pnsilion à peu près complète de la légende de
Nicolas Flnmel. et s'il n'avait donné heu ,
touchant celle lég.tid • . à des controverses
,,u'on nous saura poul-ôlre gré d avoir ré-
sumées ici.
« L'hisloire fabuleuse que nous tentons
d'éclaircir, nous a été transmise par deux
voies : la tradition orale cl la tradition écrite.
Examinons d'abord la première.
« Le livre qu'on vient d'analyser, et que
nous reprendrons comme monument de a
tradition écrite, en roniienl a peu près la
substance. On rapportait donc qu au temps
du roi Charles VI, un certain NicolasBlamel,
obscur écrivain, devint possesseur d un livre
inYSléricux dans lequel il découvrit les- se-
crets du grand œuvre, et qu'ayantie pouvoir
,1e faire de l'or, il se trouva bientôt le maître
,ruue fortune de 1,500,000 écus, avec les-
quels il construisit qu.ilorze hôpilaux, ton-
da les deux charniers des lunocenis, les por-
tails de Saint-Jacques-la-Boucherie, de sainte
Geneviève-des-Ardents,cic., etc.; sans
compter les réparations innombrables des
iieux saints, hôpilaux, églises, qu if a<da de
ses richesses, ni les aumônes considérables
qu'il ré|)and lit pirmi les pauvres. On disait
également qu'il avait déposé la science inef-
fiTble dont il était un adepte si fortune, dans
plusieurs ouvrages entre lesquels on citait le
Sommaire philosophique, le Désir désiré ou
te Livre des six Paroles, le Livre des Lavures
et la Vraie Pratique de la Science d Alqumie
oa les Lavtires de Flarnel. Enfin, on allait
jusqu'à dire que non content d'avoir fait ser-
vir le magistère à s'enrichir, il l'avait encore
employé comme breuvage sous 1 espèce d *-
lixir de longue vie, et qu'un beau jour il
avait disparu pour aller rejoindre Pernelle,
censée morte et enterrée au cimetière des
Innocents, mais qui, réellement, n avait laii
que partir pour des contrées lointaines ou
tous deux étaient allés couler les jours sans
cesse renaissants de leur vie immortelle.
- « Mais la tradition orale ne contribua pas
seule à perpétuer le souvenir de noire Rose-
Croix. Son histoire fut encore enregistrée
dans un grand nombre de livres. Le premier
ouvrage imprimé que nous trouvions sur
cette matière est de la seconde moitié du sei-
zième siècle. En 1572. Jacques Gohorry, dit
le Solitaire, publia un petit traité, en vers,
intitulé: Le Livre de la Fontaine périlleuse
(1). Dans les notes de cil opuscule, il men-
lionne la peinture cl les sculptures de Nicolas
Flarnel, eu leur allribuaut un sens hiéro-
glyphique. .,
« Eu lc61, il avait déjà paru un recueil
SClKNCfcS OCCULTE'^.
6ï8
(1) Livre de lu Foiunine Vérillense : ^uircmenl iiitilnlâ
le Songe du Verger, avec coii.iueulaire de I. <j. 1 ■ t.->.''C-
,|Ucs-Ooli<>iTï, l'aiiiieu).A l'aiis, \M Jean Biiello.libfuire,
'""(ii) Le DémoiUiion J« Uocb le naillif , lidelphe, méJe-
iu-i'.--\\.ia M«. passage :... » Lequel (Mco as Flamol)
.le pauvre ewrivaUi qu'il esloii et ayaiil iiouvo ei. un vieil
livre «ne reiejjle inelallique qu il usprouva, fui l un Uis.
l^lus ridies <ie Sun It-mi s, elc, etc. »
(3J BétmhèQM des i'IùlOivplia clumiqucs, par IjUU.
anonyme, sous le titre de Transformation
métallique, altribué au môme Gohorry. (.e
recueil conti.-nt trois petits traités, savoir :
Jn Fontaine des amoureux de sctence, par
Jean de la Fontaine, de Yalennennes ; — les
Remontrnncesde Nutureà r Alchimiste errant
avec la Réponse de l'Alchimiste, par Jean de
iijeunn-— et le Sommaire philosophique de
Nicolas Flarnel. En tête de cet ouvrage se
lit une préface relative A ces trois traites.
Dans la partie de cette préface qui concerne
Nicolas Flamel , l'auteur fait •'»'"»•«" ^f.»,
talents alchimiques, et parle des figures
symboliques que l'on voyait sur les arches
du cimetière qu'il avait fondées.
« Roch le Baillif, auteur breton, qui vivait
à la fin du seizième siècle, dans un Iraite sur
diverses matières, et entre autres sur les
sciences alchimique et médicale, qui, de son
temps, se trouvaient confondues parle éga-
lement do Nicolas Flamel, dont il rappelle la
science féconde, les richesses el les construc-
tions remarquables (2). I7U^„l
« Les ouvrages attribués a Nicolas Flamel
sont encore mentionnés dans le tome II de la
Bibliothèque des Philosophes de S'ilomon et
Mangin (3), dans Mangel (l), dans le Muséum
hermeticum de IBi-î, dans 'erecuei des écri-
vains alchimistes de l'abbe Lcngletdu Fres-
noy ; en un mot, dans presque tous les cata-
logues de livres hermétiqms.
a En 1612, Pierre Arnauld, seigneur de la
Chevalerie, publia le Livre des figures hiéro-
qlqphiques, dont nous avons donne l analyse,
ouvrage évidemment compose par le genlil-
homme poitevin, mais contenant loutefois
un exposé de la tradition donl Flamel était
" « LeVnédecin Borel, dans un article plein
d'inexactitude, et surtout empreint dune
crédulité puérile, qui le recule d un siècle,
Borel, dis-je, au mot ^nsemmt de son dic-
tionnaire (b), répèle sans intelligence tout
ce qu'on avait débité jusqu'à lui sur la science
de Fiamel. sur ses richesses, son livre, ses
talents, ses construclions, ses ouvrages, etc.
« Quant au départ de Flamel et a son im-
morUlité. rien de plus précieux ni de plus
étendu n'a été dit sur celle matière, que ce
qui en est rapporté par Paul Lucas, dans sa
relation dédiée au roi Louis MV de so
voyage en Asie Mineure («)• Ou pourra se
fonrJr une idée par le court ^''^//^'l 1"«
nous allons en faire. Le voyageur raconle
qu'à Bournous-Bachi le dervis Jes U^becs
vinl lui r.ndre visite, etques'entretenanl tous
deux de diverses malières, ils vinrenta parler
delà philosophie et de l'alchim.e. Le dervis
?ui dit entre autres choses de la même force
que les vrais philosophes possédaient le
Salomon; augmen.éo par J, «-..^-Hi ^''•'='" "'""'" "'
ad Miemium permemiuin ilieum iis. - Oeno^,e, Z vol.
"'"(IJ'rrdsor des Hecl.erches el ^j^^'f^ ^';^^""
lu Mucédoine el /■ifrii/iic. - l'aris , l/U- ^ >ol. '" "•
p. 9SU IU,V !•
CÎ9
FLA
F\A
f.ôO
moyen de prolonger jusqu'à mille ans lo
terme de leur cxisicnce, cl de la préserver
rie toutes les maladies... « Enfin, poursuit
Lucas, je lui parlai de l'illustre Flamel, et je
lui dis que, malgré la pierre philosophale, il
était mort dans toutes les formes. A ce nom
il se mit à rire de ma simplicité. Gomme j'a-
vais presque commencé à le croire sur le
reste, j'étais extréinemeut étonné de le voir
douter de ce que j'avançais. S'élant aperçu
de ma surprise, il me demanda sur le même
ton si j' étais assez bon pour croire que Fla-
mel fût mort. « Non, non, me dit-il, vous
» vous trompez , Flamel est vivant; ni lui,
» ni sa femme ne savent encore ce que c'est
» que la mort. Il n'y a pas trois ans que je
» lésai laissés l'un et l'autre aux Indes, et
» c'est un de mes plus fidèles amis. » Il al-
lait même me marquer le temps qu'ils avaient
fait connaissance; mais il se retint et me dit
qu'il voulait m'apprendre son histoire que
sans doute on ne savait pas en mon pays. »
«Alors Lucas débite un roman à peu près
calqué, pour la marche générale, sur le récit
de Pierre Arnauld, mais évidemment modifié
et augmenté de ce qu'il avait lu ou entendu
dire d'après La Croix du Maine (1). Dans
cette histoire figurent également, et l'acqui-
sition du livre hermétique, qui, selon le nar-
rateur provenait d'un juif Irès-savant, assas-
siné par un autre juif, et dont Flamel aurait
hérité, et le voyage en Espagne qu'il raconte
avec de nouvelles variantes. Il termine en
disant que, pour se soustraire à l'envie et
aux persécutions, Pernelle , d'intelligence
avec son mari, fit enterrer à sa place un
morceau de bois habillé, et se rendit en
Suisse pour y attendre son mari, qui, après
avoir fait son testament ht également ense-
velir à sa place une bûche et vint rejoindre
sa femme. «Depuis ce temps-là, coulinue le
dervis , ils ont mené l'un et l'autre une vie
philosophique, et ils .sont tantôt dans un pays
et tantôt dans un autre.... — Voilà la véri-
table histoire de Flamel , et non pas ce que
vous en croyez, ni ce qu'on en pense folle-
ment à Paris, où peu de gens ont connais-
sance de la vraie sagesse. »
« Ce récit, ajoute Paul Lucas, me parut et
il est en effet fort singulier. J'en fus d'autant
plus surpris, qu'il m'élait fait par un Turc
que je croyais n'avoir jamais mis lo pied en
France. Au reste je ne lo rapporte qu'en his-
torien, et je passe même plusieurs choses
encore moins croyables, qu'il me raconta
cependant d'un ton affirmalif. Je me conten-
terai de remarquer que l'on a ordinairement
une idée trop liasse de la s(;ience des Turcs,
et (|ue celui dont je parle est un homme d'uu
génie supérieur.»
«Enfin vers lo déclin du siècle dernier, un
(I) Voypz la Notice Inographique consacrée à rianu'l
dans la IliblioUièque da la Croix du Maiiie et Uiivcpdier.
(i) Essai sur une histoire de Saim-Jacques-la-Bouche-
rie; par L... V... Pajis, 17.t8, in 12. —Histoire crilique
l'e {ficûtas Flamel el de Pernel , sa Itinine : uar le même.
l'aris, in-12, 1782.
(3) Voici le passagt' de Paobé Vilain, auquel nous faisons
a'.lu^iiMi. I Les .luils, dil-il, cliassés de l'ari», y avaient
liisai le HiajjiiiHiiuc livre iloiU on a lu la tlcs'jrii'Uon.
homme qui joignait à une érudition brillante,
un esprit presque toujours droit et judicieux,
l'abbé Vilain, entreprit d'examiner l'histoire
de Nicolas Flamel, et de dissiper l'auréole
nuageuse dont l'amour du merveilleux avait
entouré sa mémoire. Il publia sur cette ma-
tière deux volumes{2), dans lesquels il prend
l'une après l'autre, toutes les assertions hy-
perboliques émises sur le compte de Flamel,
et il les réfute avec les trésors d'une vaste
érudition, avec les traits acérés d'une logiiiuo
qui sont parfois dignes d'une cause plus
importante. Il résulte de l'examen critique
auquel l'abbé Vilain soumet la légende de
Nicolas Flamel, que ce dernier était simple-
ment un bon bourgeois, qui , grâces à son
économie et à son activité dans son métier
d'écrivain, auquel il se livra lui el sa femme
avec assiduité, avaitacquis une forluneaisée,
mais qui n'avait rien d'exorbitant ni dans
son chiffre ni dans son origine; il résulte
également que ces deux époux, s'abandon-
nant à un goût de bâtisse analogue à celui
qui anime encore aux jours de notre dix-
neuvième siècle les bourgeois de Paris, firent
exécuter plusieurs constructions partui les-
quelles on remarque le portail de quelques
églises, deux charniers au cimetière des In-
nocents et une maison hospitalière rue de
Montmorency. Quand à ses prétendus traités
sur l'alchimie, l'inexorable abbé les biffe im-
pitoyablement jusqu'au dernier, et prononce
cette sentence (l'anéantissement avec une sé-
vérité qui, toutefois , ne proie point à ré-
plique.
«Cependant l'abbé Vilain, quel que soit le
mérite incontestable de son œuvre, ne laisse
point, son livre une fois clos, l'esprit de son
lecteur dans une satisfaction pleine et com-
plète ; préoccupé de montrer ce qu'il y avait
de faux et d'exagéré dans la chronique her-
métique de Nicolas Flamel , il a négligé de
faire voir ce qu'il y avait d'originairement
vrai dans cette môme chronique, et comment
ce noyau de vérité s'était, chemin faisant,
grossi et enveloppé d'un entourage d'erreurs,
comme une pierre qui roule dans un sentier
de neige. Ainsi, par exemple , sans prendre
de conclusions formelles sur le fait et sans
même l'élucider bien clairement, il admet la
possession du fameux livre d'Abraham le
juif, par Nicolas Flamel. Or ce fait prouve-
rait, s'il était irrévocablement constaté, non
pas que Flamel trouva une recette pour faire
de l'or, mais qu'il cherchait cette recelte cl
que , partant , il s'adonnail effectivement à
l'alchimie (3) , point qu'il était fort curieux
d'éclaircir.
«Il existe à la bibliothèque du Roi un petit
livre manuscrit ('•'), grossièrement relié, ap-
partenant selon toute apparence à la fin du
Mais, dit mademoiselle de Liissan, dans son histoire de
Cliarles Vt (u VI, p. .560). C'est une preuve certaine qu'il
ue contenait âne de vaines idées: car qu'eussent-ils pu
emporter de plus précieux ?t — Rien dn si seiisô que ce
mot, ajoute l'ablié Vilain. El jamais les Juifs, dépouillés de
leurs liions et chassés, n'auraient néglij;é la ressource la
plus prochaine el la plus abondante clans leur misère. —
llisl. crili(|ue, etc., in-12. 1782; p. 22.
(IJ l'ouiis de Saiiil-Gtrmain-des-l'riis n» 19C0.
651
DICTIO.NNAIKE DES SCIENCES OCCLLTES.
65t
«iiialorzièinc siècle et traitant des opérations
alchimiques. Ce pelil livre que nous avons
.ill.ntivemenl parcouru, commence par ces
mots: ,
« Cy commence la vraie pratique de la noble
science d'alkimie.
« Le désir désiré et le prix que nul ne peut
prUer, de tous les philosophes composé, et des
livres des anciens pris et tiré, etc.
« 11 enseigne la manière de parvenir au
grand œuvre, à l'aide d'opéra'ions succes-
sives nommées dans ce traité Lavures et qui
sont au nombre tle six.
« Au dernier feuillet du manuscrit se lit
celte indication écrite de la môme main que
le reste du texte:
« Le présent livre est et appartient a Nico-
las Flamel, de la paroisse Saint- Jacques-de-
la-Boucherie, lequel il a écrit et relié de propre
main.
« Concluons :1° Si Flamel avait transcrit
et relié pour son propre usage un livre d'al-
chimie, c'ét;iitdouc qu'il s'occupait effective-
ment de cette science; 2' Si l'on rapproche
des premières lignes formant le titre de ce
petit livre, les désignalions des ouvrages qui
sont attribués à Nicoliis Flamel comme étant
de sa composition, et que l'exagération tra-
ditionnelle n'avait cessé de multiplier, l'on
reconnaîtra comme nous, que tous ces noms,
savoir : le Sommaire philosophique , le Désir
désiré ou le Livre des six paroles, la Vraie
pratique de la science d'alquimie ou les La-
rures de Flamel, se trouvent tous plus ou
moins textuellement compris dans le tiire
réel que nous venons de rapporter. N'est-il
donc pa» évident que toute cette bibliogra-
phie apocryphe a pour origine ce seul et
même petit livre, qui fut sinon composé, du
moins ^crtt et possédé par Nicolas Flamel?
« Maintenant , résumons en parallèle , la
chronique pure et la chronique amplifiée du
héros qui nous occupe. — Flamel était un
écrivain qui gagna sa fortune dans l'exercice
de son métier et qui , probablement, en dé-
pensa quelque partie à transcrire, à étudier,
et à mettre en œuvre des livres d'alchimie;
— Et ses contemporains , amis du merveil-
leux, se plurent à imputera l'alchimie, en
les exagérant, les richesses qu'il tenait de
son travail. — Le hasard , ou une circons-
tance quelconque fil vraisemblablenient tom-
ber entre ses mains un livre d'alchimie
réputé précieux; — Et la rumeur tradition-
nelle répéta que dans ce livre il avait puisé
le secret du grand œuvre, source hypothé-
tique et censée de sa fortune réelle. — Il fit
bâtir quelques édifices dont lui-même indi-
qua la décoration et dirigea la construction;
— Et le bruit se répandit qu'il avait sous des
signes mystérieux , et par de somptueux
monuments , retracé les emblèmes de l'art
qui l'avait enrichi, etc., etc.
« De ce petit travail il résulte encore une
vérité. C'est qu'en général, là où vous voyez
une légende, quelque erronée , quelque am-
plifiée qu'elle soit, vous pouvez être sûr, eu
îillant au fond des choses , que vous y trou-
verez une histoire. »
FLAQUE (Louis-Elgèink), — sorcier jugé
à Amiens en 1825. On l'accusa d'escroque-
ries à l'aide d'opérations magiques el caba-
listiques, de complicité avecBoury, teintu-
rier, logé rue des Hautes-Cornes , au dit
Amiens, et encore avec François Russe, la-
boureur de Conli. — Au mois de mars 1825,
la cour royale d'Amiens confirma un juge-
ment par lequel il appert que les trois indi-
vidus susnommés ont, par des manœuvres
frauduleuses , persuadé à des particuliers
l'existence d'un pouvoir mystérieux surna-
turel ; sur quoi, et pour en user, l'un de ces
crédules particuliers remit à Boury la somme
de cent quatre-vingt-douze francs ; Boury
présenta le consultant à un individu déguisé
en démon, dans le bois de Naours. Le démou
promit au particulier huit cent mille francs,
qui n'arrivèrent jamais. Boury, Flaque et
Uusse n'en gardèrent pas moins les cent
quatre-vingt-douze francs; mais le bailleur
les poursuivit. Boury fut condamné à quinze
mois de prison, Flaque et Russe à une an-
née, à l'amende de cinquante francs, et au
remboursement des frais, etc.
Voici ce qu'on apprit dans les débats.
Boury exerçait l'étal de chirurgien dans la
commune de Mirvaux; n'étant pas toujours
heureux dans ses cures, il persuadait a ses
malades que l'on avait jeté un sort sur
eux ; il leur conseillait de chercher un devin
plus savant que lui; cependant il se faisait
p.iyer et se relirait. Ces escroqueries n'é-
taient que le prélude de facéties plus gra-
ves.
En 1820, le charron Louis Pâque .ayant
besoin d'argent, se rendit à Amiens, là il en
emprunta à un menuisier. Boury, qui sut la
chose, dit qu'il procurerait de l'argent à
meilleur compte, moyennant quelques avan-
ces. Le charron alla le trouver; Boury lui
déclara que le meilleur moyen d'avoir des
fonds était de se vendre au diable ; et
voyant que Pâque ne reculait pas à une telle
proposition, il lui demanda deux cents francs
pour assembler le conseil infernal; Louis
Pâ(|uc les donna.
Boury s'arrangea de façon à loucher ainsi
pour frais préliminaires, sept à huit mille
francs.
Enfin il fut convenu qu'en donnant encore
quatre louis , Pâque obtiendrait cent mille
francs; malheureusement il s'était fort dé-
pouillé ; il n'en put d mner que deux. Il par-
tit néanmoins avec Boury, Flaque, le chef
sorcier, el un sieur de Noyencourt, pour le
bois de Saint-Gervais. Boury lira d'une de
ses poches un papier écrit qu'il fit tenir aux
assistants, chacun par un coin. Il était rai-
nuit. Flaque fil aussitôt trois conjurations,
le diable ne parut pas.
Noyencourt el Boury dirent alors que le
diable était occupé ce jour-là ; on prit un au-
tre rendez-vous au bois de Naours.
Pâque à cet autre rendez-vous mena sa
fille avec lui ; pauvre fille! Mais Boury lui
avait dit qu'il fallait que sou premier-né
assistât à l'opération.
Flaque cl Boury api>clèrenl le diable en
655 n,\
lalin. Li; diable enfin p.irut. Il nvail une n--
(lingote rougeâtre bleuâtre, un chapeau g.i-
lonné. Il portait un siibre. Sa taille était
d'environ cinq pieds six pouces. Le nom de
ce démon était Robert; et celui du valet qui
l'accompagnait, Saday.
Boury dit au diable : — Voici un homme
que je te présente; il désire avoir quatre
cent mille francs pour quatre louis, peux-
tu les lui donner?
Le diable répondit : — Il les aura.
Pâque lui présenta l'argent; et le diable
lui fit faire le tour du bois en quarante-cinq
minutes, avec Boury et Flaque, avant ds!
bailler le» 40î), 000 francs. L'un des sorciers
perdit même un de ses souliers dans la
course. Pâque, à un détour, aperçut une
table et des chandelles dessus; il poussa un
cri :
Tais-toi, lui dit Flaque, ton cri a tout
perdu; l'affaire est manquée.
Le stupide charron s'enfuit à travers le
bois; puis reprenant courage il revint de-
vant le diable, qui lui dit : — Scélérat, tu as
traversé le bois au li(;u d'en faire le tour.
Uetire-toi sans te retourner, ou je te tords le
cou....
Mais ce n'était pas fini. Une autre opéra-
(iou eut encore lieu dans le même bois;
quand Pâque celte fois demanda l'argent, le
diable lui dit : — Adresse-loi au bureau.
C'était un buisson....
Comme il n'y avait rien dans ce buisson,
le démon promit que la somme se trouverait
le lendemain d;ins la cave même du charron ;
Pàque s'y rendit le lendemain , avec sa
femme et celle du bonhomme qui avait
donné les cent quatre-vingt-douze francs
pour la première affaire. Mais néant encore ;
et pour surcroît, Boury, qu'ils prenaient
à partie, les menaça de se plaindre au
procureur du roi.... Pâque reconnut qu'il
était trompé, et se retira avec son argent
perdu....
Nous sommes cependant dans le dix neu-
vième siècle, et nous avons les lumières du
dix huitièmel...
FLAUUOS, grand-général aux enfers. Il
se fait voir sons la figure d'un terrible
léopard. Lorsqu'il prend la forme humaine,
il porte un visage affreux, avec des yeux
enflammés. Il cuiinail le passé, le présent et
l'avenir, soulève tous les démons ou espriis
contre ses ennemis les exorcistes, et com-
mande vingt légions (I).
FLAVIA-VKNIÎIUA-BESSA, femme qui fit
bâtir une chapelle en l'honneur des anciens
monaniues de l'enfer, Plulon et Proserpine,
par suite d'un avertissement (ju'elle avait
eu en songe (2).
FLAVIN , auteur d'un ouvrage intitulé
l'Etat des âmes trépassées , in-8° , Paris ,
1579.
FLAXBINDKR. Le professeur Hanov, bi-
bliolliécuire à Danizitk, après avoir com-
battu les appurilions el les erreurs des diffe-
(1) Wiurus, de Pra-siig. ilsin., p. 929.
|2) Lelovei', lliit. «les si>cclros ou apiiarltioiis, I. IV,
p. 459.
Fl.O
654
rents peuples touchant les revenants et les
spectres, raconte toutefois le fait suivant :
« Flaxbinder, plus connu sous le nom do
Johannes de Curiis, passa les années de sa
jeunesse dans l'inteuipérance et la débauche.
Un soir, tandis qu'il se plongeait dans l'i-
vresse des plus sales plaisirs, sa mère vit un
spectre qui ressemblait si fort, par la figure
el la contenance, à son fils, qu'elle le prit
pour lui-môine. Ce spectre était assis près
d'un bureau couvert de livres, et paraissait
profondément occupé à méditer et à lire tour
à tour. Persuadée qu'elle voyait son fils, et
agréablement surprise, elle se livrait à la
joie que lui donnait ce changement inat-
tendu , lorsqu'elle entendit dans la rue la
voix de ce même Flaxbinticr, qui lui semblait
élre dans la chambre. Elle fut horriblement
effrayée. On le serait à moins. Cependant,
ayant observé que celui qui jouait le rôle de
son fils ne parlait pas, qu'il avait l'air som-
bre, hagard et taciturne, elle conclut que ce
devait être un spectre ; et, celte conséquence
redoublant sa terreur, elle se hâta de faire
ouvrir la perle au véritable Flaxbinder. Il
entre, il approche; le spectre ne se dérange
pas. Flaxbinder périfié a ce spectacle, forme,
en tremblant, la résolution de s'éloigner du
vice, de renoncer à ses désordres, d'étudier
enfin el d'imiler le fantôrn.». A peine a-t-il
conçu ce louable dessein que le spectre sou-
rit d'une manière un peu farourhe, comme
font les savants, ferme les livres et s'en-
vole...»
FLÈCHES. Voici une divination qui se
pratique chez les Turcs par le moyen des flè-
ches. S'ils doivent aller à la guerre, entre-
prendre un voyage, ou acheter queli]ue mar-
chandise, ils prennent quatre flèches qu'ils
dressent en pointe l'une contre l'autre, et
qu'ils font tenir par deux personnes, c'est-
à-dire par quatre mains; puis ils mettent sur
un coussin une épée nue devant eux, et lisent
un certain chapitre du Koran. Alors les flèclu s
se battent durant quelque temps, et enfin les
unes montent sur les autres. Si, par exemple,
les victorieuses ont été nommées chrétiennes
(car dans les divinations relatives à la guerre
ils appellent deux de ces flèches les Turcs, et
donnent aux deux autres le nom de leur en-
nemi), c'est signe que les chrétiens vain-
cront; si autrement, c'est une marque du
contraire (3)... Voy. Bélom*scie.
FLINS. Les anciens Vandales adoraient
sous ce nom une grosse pierre, qui représen-
tait la Mort couverte d'un long drap, lenanl
un bâton à la main , et une peau de lion sur
les épaules. Ces peuples croyaient que cette
divinité, lorsi]u'elle était de bonne humeur,
pouvait les ressusciter après leur trépas.
FLORENT DE VILLIERS. Voy. Villiers.
FLORINE, Fiorina et Florinde, noms d'un
démon familier qui, au rapport de Pic de La
Mirandole, fréquenta longtemps un sorcier
nommé Piiiet.
FLORON , démon familier de Cecco d'As-
(3) Lebrun , Hist. des (irali(iucii supcrslilieu«es, l. Il,
p AOj.
055
niCTIONNMRE DES SCIENCES OCCULTES.
C3«
coll. 11 esl de l'ordre dis chérubins damnés.
FLOTILDE. Ce personnnge csl inconnu ;
mais ses VUiovs onl éié conservées. On les
trouve dans le Recueil de Duchcsne (1).
FLOTS. Cambry parle d'un genre de divi-
nation assez curieux, qui se pratique dans
les environs de Plougasnou : des devins in-
terprètent les mouvements de la mer, les
Ilots mourants sur la plage, et prédisent l'a-
venir d'après cette inspection (2).
FO ou FOÉ, l'un des principaux dieux des
Chinois. 11 naquit dans les Indes, environ
mille ans avant notre ère. Sa mère, étant en-
ceinte de lui, songea qu'elle avalait un élé-
phant blanc, conte qui peut-être a donné lieu
aux honneurs que les rois indiens rendent
aux éléphants de cette couleur. Il finit ses
jours à soixante-dix-neuf ans. Les bonzes
assurent qu'il est né huit mille fois, et qu'il
a passé successivement dans le corps d'un
grand nombre d'animaux, avant de s'élever
à la divinité. Aussi est-il représenté dans les
pagodes sous la forme d'un dragon, d'un élé-
phant, d'un singe, etc. Ses sectateurs l'ado-
rent comme le législateur du genre humain.
FOCALOR, général aux enfers. 11 se mon-
tre sous les traits d'un homme ayant des ailes
de griffon. Sous cette forme il tue les bour-
geois et les jette dans les flots. Il commande
à la mer, aux vents, et renverse les vais-
seaux de guerre. 11 espère rentrer au ciel
dans mille ans; mais il se trompe. Il com-
mande à trente légions, cl obéit en rechi-
gnant à l'exorciste (3).
FOI. Un ministre suisse de la scclc des
dissidents méthodistes, persuadé que tout est
possible à la foi et à l'esprit de Dieu , deux
grâces qu'il se flattait vanileusemrnt de pos-
séder, se vanla en 1832 qu'il marchrrait sur
le lac de Constance. Le résultat de cette
épreuve insensée a élé ce qu'on pouvait pré-
voir, sans que cette étrange confiance ait pu
s'ébranler dans le cœur de celui qui s'y li-
vrait. Il en tira la conséquence que sa foi
était trop faible, que son cœur n'avait pas
assez ressenti l'efficacité de l'esprit de Dieu ;
et il se remit à l'année suivante pour
recommencer sa tentative. Cette seconde
épreuve faite en 1833 s'est terminée comme
la première. Le ministre a pris un bain (4).
FOLLET, Voy. Feox Follets, Lutins,
Farfadets, o(c.
FONG CHWI, Opération mystérieuse qui
se pratique dans la Chine, dans la disposi-
tion des édifices, et surtout des tombeaux.
Si quelqu'un bâtit par hasard dans une posi-
tion contraire à ses voisins, et qu'un coin
de sa maison soit opposé au côté de celle
d'an autre, c'est assez pour faire croire que
tout est perdu. Il en résulte des haines qui
durent aussi longtemps ([ue l'édifice. Le re-
mède consiste à placer dans une chambre
un dragon ou quelque autre monstre de
terre cuite, qui jette un regard terrible sur
le coin de U fatale maison , et qui repousse
(1) Flolildae visioiies, iu toin. II Scrijit. Hist. franc,
And. Duiiiesiie, 183(5.
{t) Voyage dans le t'inislcre, t. I, p l'jy.
, (3) Wierus, t)c i)ra;sligiis lixnii., [i. 'J26.
ainsi toutes les influences qu'on en peut ap-
préhender. Les voisins qui prennent cette
précaution contre le danger, ne manquent
pas chaque jour de visiter plusieurs fois le
magot chargé de veiller à leur défense. Ils
brûlent de l'encens devant lui, ou plutôt de-
vant l'esprit qui le gouverne, et qu'ils croient
sans cesse occupé de ce soin.
FONG ONHANG, oiseau fabuleux auquel
les Chinois attribuent à peu près les mêmes
propriétés qu'au phénix. Les femmes se pa-
rent d'une figure de cet oiseau, qu'elles por-
tent en or, en argent ou en cuivre, suivant
leurs richesses et leurs qualités.
FONTAINES. On prétend encore dans la
Bretagne que les fontaines bouillonnent
quand Je prêtre chante la préface le jour do
la Sainte-Trinité (■^). Voy. Htdromancie.
Il y avait au cliâteau de Goucy, en Picar-
die, une fontaine appelée Fontaine de lamorl,
parce qu'elle se tarissait lorsqu'un seigneur
de la maison de Coucy devait mourir.
FONTENETTES (Charles), auteur d'une
Dissertation sur une fille de Grenoble, qui de-
puis quatre ans ne boit ni ne mange, 1737,
in-i", prodige qu'on attribuait au diable, et
dont Fontenettes explique les causes moins
ténébreuses.
FORAY ou MORAX. Voy. Morax.
FOIICAS, FORRAS ou FURGAS, chevalier,
grand président des enfers; il apparaît sous
la forme d'un homme vigoureux, avec une
longue barbe et des cheveux blancs; il est
moulé sur un grand cheval et lient un dard
aigu. Il connaît les vertus des herbes et des
pierres précieuses; il enseigne la logique,
l'esthétique, la chiromancie, la pyromancie
et la rhétorique. 11 rend l'homme invisible,
ingénieux et beau parleur. 11 fait retrouver
les choses perdues; il découvre les trésors,
et il a sous ses ordres vingt-neuf légions de
démons (6).
FORCE. Milon de Grotone n'eut pas seul
une force prodigieuse. Louis de Boufflers,
surnommé ie Fort, au quatorzième siècle,
possédait une force et une agilité extraordi-
naires, s'il fauteTi croire les récils du temps.
Q.iand il avait croisé ses deux pieds, il était
impossible de le faire avancer ou reculer
d'un pas. Il brisait sans peine un fer à che-
val; et lorsqu'il saisissait un taureau par la
queue, il l'entraînait où il voulait. 11 enlevait
un cheval et l'emportait sur ses épaules. On
l'a vu souvent, armé de toutes pièces, sauter
à cheval sans s'appuyer et sans mettre le
pied dans l'étrier. Sa vitesse à la course n'é-
tait pas moins remarquable, puisqu'il dé-
p.issait le cheval d'Espagne le plus léger,
dans un espace de deux cents pas.
Un certain Barsabas, (jui servait au com-
mencement du dix-huitième siècle dans les
armées françaises, emporta un jour, devant
Louis XIV, un cheval chargé de son cavalier. Il
alla trouver une autre fois un maréchal fer-
rant; il lui donna un fer de cheval à forger. Ce-
(t) Le libre Examen, journal nroloslant. .lanvier ISÔi.
(o) Oinibry, Voyayedans le t'inislèro, t. Il, p. I"i.
(0) Wierus, d ■ l'raciUg., p. 921.
(;37
Fon
lOU
c;8
hii-ii s'claiit un pou éloigné, Barsahas prit
iVncluine et la cacha sous son manteau. Le
maréchal se retourne bientôt pour battre le
fer; il est tout étonné de ne plus trouver son
enclume, et bien plus surpris encore de voir
cet officier la rcmcllre s.ins difficullé à sa
place. Un G iscon, que Barsabas avait offensé
dans une coiripagnie, lui proposa un duel:
— Très-voloniiers , répondit Barsabas; lou-
chez là. — H prit la main du Gascon , et la
lui serra si fort que lous les doigts en furent
écrasés. 11 le mit ainsi hors délai de se bat-
tre.
Le maréchal de Saxe était de môme cali-
bre.— Dans les anciens jours , on regardait
comme favorisés par le diable les gens doués
d'une force extraordinaire.
FOUETS Les foréls sombres sont des
lieux où, comme dit Ltloyer (1 ) , les diables
se mêlent avec les sorciers. Ces diables y
font leurs orgies commodément sous la feuil-
lée, et il n'y a pas de lieux où ils se rendent
plus volontiers visibles.
FORGE. — La forge de Yivegnis , légende
liégeoise (2).
Quand, après avoir laissé derrière soi les
deux tours lourdes et écrasées de Saint-Bar-
thélémy, on prend par la rue au Potay et
qu'on sort de la ville de Liège parla porte
de Vivegnis, on trouve à peu près au milieu
du faubourg adroite, une petite porte basse
peinte en vert et surmontée d'une enseigne
de fleuriste. Cette porte s'ouvre dans un jar-
din assez spacieux où croissent, en toute
saison, soit en pleine lerre, soit dans une
vaste serre impénétrable au froid, les (leurs
les plus riches et les plus variées. A côté de
cette serre s'élève une modeste habitation
occupée de père en (ils par une dynastie de
fleuristes renommés dans tout ce faubourg
où cependant les fleuristes abondent; une
profonde solitude règne dans ce jardin ; les
abeilles et les i)apillons des environs y font,
durant la saison tout entière, une ample
moisson de miel et de parfums. Rien n'y
trouble leurs folâtres ébats, ni le roulement
des lourds chariots qui ébranlent presque
sans relâche le pavé de la rue, ni le relen-
tisseincnt continuel des marteaux qui frap-
pent sur l'enclume d'une forge, située en face
de la porte. Là un silence presque claustral,
tandis qu'un bruit perpétuel gronde au de-
hors.
Dans cette solitude, dans ce silence, vivait,
il y a quarante ans, le ménage le plus heu-
reux de la terre; plus d'une fois vous avez
rêvé le bonheur qui régnait dans cet enclos.
Vous eussiez envié le couple (ortuné qui vi-
vait là loin du monde, s'épanouissant parmi
les fleurs, lui né dans cette maison, elle
rieuse enfant née dans le joyeux village de
Jupille. L'hiver, ils restaient là cachés à tous
les yeux comme les roses de leur serre; cha-
que jour seulement, vers le soir, la porte
s ouvrait à demi pour livrer passage à de
frais boucjuets qui s'en allaient dans le mon-
de, messagers embaumés qui disaient de si
(1) Lcloycr, llist. des spedresoii apparilions, rhap. i,
p 5il.
douces choses dans leur langage de parfums.
Mais quand le souriant avril arrivait, quand
les premières hirondelles, attirées par un
tiède rayon du soleil, venaient à légers coups
de becs frapper sur les vitres de la serre,
comme pour inviter les fleurs à en sortir, ils
en sortaient avec toute leur famille de roses,
de nias et toutes ces milles richesses variées
du printemps, ils revenaient vivre au grand
soleil.
Ainsi deux années s'étaient écoulées. Rien
encore n'avait troublé cette vie charmante.
Pas un nuage n'était venu obscurcir l'azur
de leur beau ciel. Un matin de printemps,
Maurice le j rdinier dit à sa femme :
— Ma bonne Thérèse, il faut que je m'ab-
sente un jour tout entier. Il faut que je passe
un jour à Argenteau, là-bas où les fleurs du
comte m'appellent. Demain, avant midi, je
serai de retour. Aie soin, jusque-là, de notre
serre, car les nuits sont froides encore. Que
le l'eu ne scleigne pas. Adiçii, à demain !
— Ademain! répondit la jeune femme, triste
comme si Maurice allait s'absenter pour un
long voyage. Elle sentit son cœur se serrer
quand elle eut entendu la porte du jardin se
refermer; elle pressa sur sa poitrine son (ils
en lui disant, a l'enfant qui ne comprenait
pas encore :
— Nous prierons pour ton père.
Le jour se passa: puis, le soir venu, elle
mit son fils dans son berceau et l'endormit
doucement en lui chantant sa plus bello
chanson de nourrice. Mais cette chanson fut
d'une singulière tristesse ce soir-là. L'enfant
dormait profondément, et la mère, assise à
côié de lui, le regardait, respirant à peine,
et s'enivrait de celle délicieuse contempla-
tion. Thérèse s'était oubliée ainsi à côté <lo
l'enfant; minuit était prêt à sonner quand
elle se leva tout à coup pour s'assurer que
le feu n'était pas éteint dans la serre. Elle vit
que la bouilli! était morte, que la cendre était
froide, que les loyaux étaient glacés comme
le foyer lui-même. Les fleurs avaient froid.
Elles grelottaient et se cachaient; Thérèse
en eut pitié.
Mais elle ent beau remuer l'âtre de la cui-
sine, pas une braise à rallumer le foyer de
la serre.
— Les pauvres fleurs 1 se disait-elle, lors-
qu'elle avisa tout à coup, par la fenêtre, une
vive clarié dans la forge d'en face.
Minuit sonnait en ce moment, et tout y pa-
raissait déjà en pleine besogne; le vaste
soufflet animait la flamme du fourneau. Les
compagnons, groupés autour de l'enclume,
frap|)aient à grands coups de marteau sur le
fer rouge dont les étincelles jaillissaient au-
tour d'eux comme des gouttes de lumière.
Ele s'en alla donc à la forge.
— Maître Thomas, me permettriez-vous,
dit-elle, de prendre quelques charbons à vo-
tre fourneau pour rallumer le feu de notre
serre qui vient de s'éteindre?
Une figure qui n'était pas celle de maître
Thomasïe forgeron, luifil unsigneafûrmatif.
("J Emprunlée à M. A. Vaii-Hasscll.
6S9
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
ew
Thérèse prit donc trois ou quatre char-
bons ardents, et courut à la serre. Mais elle
y l'ut à peine arriïée, que les charbons
étaient déjà éteints. Elle eut beau souffl -r,
elle ne put parvenirà les rallumer. Ils claiLui
froids.
Elle retourna une seconde fois à la forge.
— M.iltre, vos charbons se sont éleinls
avant que je ne fusse entrée dans la serre;
nie permellez-vous d'en prendre d'autres ?
La même figure lui répondit par ie même
signe de léle.
Elle prit de nouveau quelques charbons.
Mais ils étaient éteints et froids comme les
autres, avant qu'elle n'eût franchi le seuil du
jardin.
Pour la troisième fois elle voulut retour-
ner à la forge, lorsqu'au moment de mettre
le pied dans l'ouvroir, elle fut prise soudain
d'une grande épouvante. Elle s'aperçut d'une
chose qu'elle n'avait pas remarquée d'abord,
c'est que les marteaux qui forgeaient à
grands coups le fer rougi ne produisaient pas
le moindre bruit sur l'enclume et retom-
baient sur le métal pétillant comme des mar-
teaux de ouate sur une barre de coton.
Les forgerons s'arrêtèrent aussi et se tour-
nèrent vers la jeune femme avec des regards
aus^i flamboyants que la braise de leur four-
neau. L'un d'eux lui cria d'une voix creuse
comme si elle sortait d'un souterrain :
— Que je ne le revoie plus ici, car ce se-
rait pour ton malheur.
Thérèse fut tellement effrayée, qu'un cri
qu'elle voulut jeter s'éteignit sur ses lèvres.
Au même instant elle reconnut que les for-
gerons n'étaient pas des vivants, mais des
morts qui faisaient là leur Iravailnocturnecl
mystérieux. Elle vit qu'ils tenaient les mar-
teaux dans leurs mains osseuses et déchar-
nées, elle vit les linceuls qui enveloppaient
ces corps de squelettes flotter d'une façon
étrange, et ces figures funèbres éclairées
comme des formes infernales et les orbites
creux de leurs téies où il n'y avait pas d'yeux,
— elle s'enfuit comme un éclair, et tomba à
côté du berceau de son enfant.
Combien de temps elle resta ainsi, elle l'i-
gnora toujours. Elle revint à elle, dans les
bras de M;iurice, qui, rentré le matin, ne
put comprendre comment sa femme était là
couchée sur les dalles. 11 l'avait crue morte
au premier instant. Lentement elle reprit
connaissance; et ses yeux, lorsqu'elle les
rouvrit, se dirigèrent d'abord du côté de la
forge, qui était fermée, où rien n'annonçait
qu'on eût déjà travaillé. Cependant sur le
plancher, autour d'elle, gisaient des scories
et des charbons éteints.
Alors Théfèse lui raconta l'histoire de
cette nuit.
— Ce sont de folles imaginations, un rêve
sans doute, répondit Maurice. Toute la jour-
née pourtant ils y pensèrent. Mais le lende-
main tout était oublié.
Deux années s'étaient écouléesdepuiscetle
inexplicable vision, et le forgeron voyait, de
jour en jour, la misère gagner plus de ter-
rain dans sa demeure. Sun fourneau ne s'al-
lumait plus tous les matins, faute de travail;
le vent et la pluie y exerçaient à loisir leurs
ravages. Comme la misère menaçait le maî-
tre, la ruine menaçait la forge.
Un soir, maître Thomas était tristement
assis à sa porte, rêvant à son malheur et
cherrhant un moyen d'en sortir.
— Si vous me vendiez votre forge, maître
Thomas? lui dit Maurice qui depuis long-
temps convoitait la propriété de cette m;Éi-
son noire et détraquée, et du triste verger
qui s'étendait derrière.
— La charité, s'il vous plaft, monsieur,
interrompit en ce moment un vieux mendiant
qui s'arrêta devant les interloeuleurs.
11 avait entendu Maurice proposer au for-
geron l'achat de la forge.
— J'y penserai, voisin, répondit ma!tr(r
Thomas au fleuriste avec un accent plein de
tristesse. Demain je vous dirai ma réponse.
Une nuit ce n'est pas trop pour se décider à
sortir d'une maison où l'on est né, où l'on a
grandi, où l'on a été heureux et à laquelle la
misère vous attache par un lien plus puis-
sant encore.
— La charité, s'il vous plaît, monsieur,
interrompit de nouveau le mendiant.
— Donc, à demain, voisin, répliqua Mau-
rice.
Le forgeron rentra dans sa maison, ver-
rouilla la porte, et s'en alla trouver le repos
qu'il ne goûtait plus aussi bien depuis que lu
travail était devenu plus rare.
Maurice traversa lentement la rue, suivi
par le mendiant, qui le prit par le bras :
— V^ous voulez acheter cette forge? dit-il
à Maurice, eh bien ! ce n'est pas trop de tout
ce que vous avez au monde pour payer cette
bicoque, ce palais d'or. Vendez tout ce que
vous avez, et achetez la forge; pour ce con-
seil, je ne vous demande que la vingtième
partie du trésor que vous y trouverez, et je
serai plus riche encore qu'un empereur.
— Un trésor dans la forge ? Tu rêves, je
pense, lui répondit le flauriste.
— Ce n'est pas un rêve, reprit l'autre. Un
trésor à payer un empire, et vingt diamants
comme celui du Grand-Mogol. Vous n'êtes
pas lettré. M lis je sais moi que les livres
parlent de l'ecrin de Charlemagne enfoui en-
tre Liège et Herstall, dans un palais de Pé-
pin, son aïeul. Ce palais, tombé en ruines,
on bâtit une église à la même place, une
église dont je ne me rappelle pas bien le nom.
— Sans doute l'église de Sainte-Foi.
— Cela se peut. Si vous avez vu cette
église, vous avez dû remarquer, sur une
dalle incrustée dans le mur, au fond du
chœur, trois têtes taillées dans la pierre, et
sous ces têtes, un fer à cheval, des ciseaux
de tailleur et un cornet de berger.
— C'est vrai, j'ai vu tout cela, mais per-
sonne n'a pu m'expliquer le sens caché de ce
singulier emblème.
— Je vous l'expliquerai, moi. Ces trois
(êtes signifient un maréchal-ferrant, un
tailleur et un berger. Ils se réunirent, voilà
bien longtemps déjà, pour déterrer le trésor.
Par une nuit obscure, ils s'en allèrent creu-
«H
FOP
FOS
Uî
»er au milieu du ciinedôrc el Irouvèrent l'é-
crin impérial, dont ils firent trois parts. Le
berger employa la sienne à s'acheter de ri-
rhes métairies, des foréis, des campagnes, des
châteaux. Le tailleur dissipa sa richesse en
folies orj;ies. Le marécli.il-rerrant enterra la
sienne dans sa forge, sous reiiciume, vécut
comme devant sous les semblants de la pau-
vreté, et mourut sans avoir touché à un
diamant, sans avoir vendu un joyau, sans
avoir échangé une pièce d'or. On dit que
toutes les nuits il revient veiller à la garde
de sa richesse. Mais n'importe, le trésor est
à vous, si vous achetez la forge.
Les paroles du mendiant émurent le fleu-
riste. Toute la nuit, il vit devant ses yeux la
d.illc où étaient sculptées ces trois têtes, et
l'écrin presque fabuleux. Et à propos du
mystérieux gardien du trésor déposé dans la
forge, il se rappela l'étrange apparition qui
s'était révélée à Thérèse lorsque, pour ral-
lumer le foyer éteint de la serre, la jeune
femme avait élé demander quelques charbons
ardents à maître Thomas. 11 trouva je ne sais
quelle liaison intime entre l'histoire de l'é-
crin impérial et la vision nocturne de Thé-
rèse.
Le lendemain il s'en fut trouver le forgeron.
— Eh bien, maître Thomas, votre résolu-
tion est-elle prise?
— C'est une chose bien triste de quitter la
maison où l'on est né.
— Quatre mille francs pour votre forge.
— La maison où l'on a grandi.
— Six mille francs pour votre forge.
— Voisin , quilteriez-vous la maison ou
vous avez été heureux?
— Huit mille francs pour votre forge.
— Huit mille francs, Maurice? Est-ce pour
rire que vous dites cela?
— Non, maître Thomas. Ce prix je vous
l'offre sérieusement.
— Tope donc, la forge est à vous.
L'argent fut compté et la maison vidée le
même jour. Maurice attendit avec impatience
le retour de la nuit pour se mettre en qu6;e
du trésor.
Onze heures du soir étaient sonnées ; Mau-
rice alluma une petite lanterne et descendit
dans le jardin. Thérèse vit briller la lumière
derrière les vitres de la serre, la regarda
deux minutes, puis se mit au lit et ne tarda
pas à s'endormir profondément. Maurice
croyant, après une demi-heure écoulée, sa
femme plongée dans le sommeil, cacha la lu-
mière de sa lanterne, ouvrit la porte du jar-
din, traversa la rue à pas fiirtifs, et s'enfer-
ma dans la forge, armé d'une bêche et d'un
levier. Il se mit aussitôt à l'œuvre; mais
l'enclume tenait si bien, qu'on l'eût dite pro-
fondément enracinée dans la terre. Malgré
les efforts inouis du fleuriste, elle ne bou-
geait pas. La sueur lui coulait à grosses
gouttes du front et des tempes. Toutes ses
peines n'aboutissaient à rien.
Alors il se dit : — Si je creusais autour de
l'enclume?
lît il se mil à creuser avec sa bêche.
Minuit sonnait en ce moment.
Aussitôt la forge s'illumina d'une grande
clarté; le fourneau s'alluma, et quatre sque-
lettes se rangèrent autour de l'enclume, avec
de lourds marteaux à la main. Le chef de
ces forgerons demanda à ses compagnons :
— Que ferons-nous de cet homme qui a
voulu déterrer le trésor?
— Nous le jetterons dans le fourneau, dit
le premier.
— Nous lui brûlerons, avec un fer chaud,
un signe sur le front, dit le deuxième.
— Nous lui mettrons la main dans un éfau
ardent, dit le troisième.
— Non, reprit le maître, nous lui marlel-
lerons la tête.
Six mains formidables s'emparèrent de
Maurice et placèrent sa tête sur l'enclume.
Un cri déchirant s'échappa de sa bouche ;
m.iis ce cri fut étouffé presque aussitôt par
un terrible coup de marteau.
Le lendemain on trouva là forge déserte,
quelques charbons mal éteints dans le four-
neau, el le corps de Maurice d<mt la tête
écrasée reposait sur l'enclume, autour de la-
quelle la terre était fraîchement remuée. On
assura que le malheureux avait élé victime
d'un guet-apens des chauffeurs qui ré-
gnaient à cette époque aux environs de
Liège.
FORNEUS, marquis infernal, semblable à
un monstre marin. Il inlruit l'homme dans
les plus hautes affaires, fait du bien à ses
airiis et du mal à ses ennemis ; il a sous son
pouvoir vingt-neuf légions de trônes et d'an-
ges (1).
FORRAS. Vov. Forças.
FORTES EPAULES. Le peuple de Dijon
croit à l'existence d'une espèce de lutin de
ce nom, qui porte des fardeaux et ()ui rap-
pelle le Forle-échine de madame d'Aulnoy,
dans le conle du Chevalier Fortuné.
FOSITE. Saint Wiliibrord, au septième
siècle, apôtre des Frisons, jeté par une
tempête dans une petite île des côtes de la
Frise, l'île d'Aniejand, appelée alors Fosite-
land(2), vit avec douleur que ces pauvres
peuples adoraient là le démon Fosiie, qui
donnait son nom au p;iys. Il y recevait un
culte étendu. On regardait comme impie et
sacrilège quiconque aurait osé tuer les ani-
maux qui y vivaient, manger quelque chose
de ce qu'elle produisait, el parler en puisant
de l'eau à une fontaine qui y était. Le saint
voulut détromper ces peuples aveuglés d'une
superstition si grossière. Il fit tuer quelques
animaux que lui et ses compagnons mangè-
rent; et il baptisa trois enfants dans la fon-
taine, en prononçant à haute »oix les paro-
les prescrites par l'Eglise. Les insulaires
s'attendaient à voiries saints punis de mort;
mais ils durent reconnaître que leur dieu
Fosite ne pouvait rien contre eux. Le roi
Frison Radbod, furieux de l'audace des mis-
sionnaires, ordonna de tirer au sort trois
jours de suite et trois fois chaque jour, dé-
clarant qu'il ferait périr celui sur qui le sorl
tomberait. Il tomba sur un compagnon du
(t) Wierus, de PresUgiis.
(-2) LaiiU, d:ins l'idioiut; uôerlandals, vr ul dire pni/».
(43
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
ol
saint qui fut saciiflé à la siipersiilion
mourut martyr do la vérité. Mais il ne tomba
jamais sur saint Wiliibrord.
FOSSILES. — Ce qu'on a découvert des
fossiles, dans ce premier feuillet de la gcolo-
irie.que nous n'avons encore tourné qu'à
demi , est venu démolir toutes les tours de
Babel quo dressaient les philosophes du
dernier siècle. El Cuvicr, qui n'est pas allé
loin, a déjà fait voir, aux pauvres télés étroi-
tes, qui n'ont pas place pour loger un pou
de foi, que Moïse ne pouviiit pas élre atta-
qué. _ Attendons. El , en attendant, citons
une découverte récente :
La Gazette de Cassel publiait (mai 1841)
une letirede Bombay, dans l'Elat de Missouri
(Amérique du Nord), en date du 16 février
même année, qui rendait compte d'une dé-
couverte très-intéressante faite tout fraîche-
ment par M. Eugène Koch, naturaliste Wur-
temburgeois, domicilié à Saint-Louis, capi-
tale du même Etat.
«M. Koch , dit celte lettre, se trouvant
dernièrement dans la petite ville d'Occola ,
située près du fleuve d'Osagc, apprit qu'une
Iraililion fort ancienne et répandue parmi
toutes les tribus indigènes de cette contrée,
porte qu'il y avait existé une race d'animaux
gigantesques et terribles, qui faisait les plus
grands ravages ; que ces animaux avaient
fini par se faire entre eux une guerre achar-
née, où ils avaient tous péri; et qu'ensuite
ils avaient été enterrés par le Grand-Esprit ,
dans le voisinage du ruisseau appelé actuel-
lement Aschty. M. Kock fit exécuter des fouil-
les à cet endroit ; et, à la profondeur d'envi-
ron vingt pieds, il trouva en effet deux
squelettes, dont un est entièrement complet,
cl l'autre l'est à peu de chose près, d'un ani-
mal dune laille gigantesque et tout à fait
inconnu jusqu'à présent. Ces squelettes ont
seize à dix-sept pieds de hauteur sur trente-
quatre pieds de longueur, et huit pieds de
largeur. Les tibias ont quatre pie<ls de hau-
teur. La mâchoire supérieure a quinze pou-
ces de saillie sur la mâchoire inférieure ;
elle est armée de deux défenses recourbées.
Lalôte,y comprises les deux dents, pèse onze
cents livres. M. Koch a donné aux animaux
auxquels ces ossements ont appartenu le
nom de Missourium, et il a envoyé ceux-ci à
Saint-Louis, où il possède un riche musée
d'histoire naturelle. Il se propose d'en pu-
blier une description détaillée. •
On voudrait, il est vrai, des fossiles de
géants, mais les enfants insensés n'ont pas
tout ce qu'ils souhaitent.
FOUDRE. — Lcmpereur Auguste gardait
soigneusement une peau de veau marin pour
se mettre à l'abri de la foudre. — l'ibère por-
tait dans la même vue une couronne de lau-
rier. — Quand la foudre était partie de l'o-
rient, et que n'ayant fait qu'effleurer quel-
qu'un, elle retournait du même côté, c'était
le signe d'un bonheur parfait. — Les Grecs
modernes chassent les chiens et les chats
quand il tonne, parce que leur présence est
censée attirer la foudre sur les maisons.
FOUGÈRE. — Personne n'ignore les mau-
vaises et diaboliques façons dont on se sert
pour cueillir la fougère. Le 23 juin, veille de
la S.iint-Jean Baptiste, après un jeûne de.
quarante jours , plusieurs sorciers , conduits
par Satan, recueillent pendant celle nuit la
graine de celte herbe, qui n'a ni tige, ni
fleur, ni semence, et qui renaît de la même
racine; qui plus est , le malin se joue de ces
misérables sorciersen lenrapparaissant cette
nuil-là, au milieu des tempêtes, sous quel-
que forme ntonstrueuse , pour les épouvan-
ter davantage. Us croient s'en défendre par
leurs exorcismes , les cercles el caractères
qu'ils font sur la terre autour d'eux , ensuite
ils mettent une nappe neuve de fin lin ou de
chanvre sous la fougère, qu'ils croienl voir
fleurir en une heure, pour en recevoir la
graine. Ils la plient dans un taffetas ou dans
du parchemin vierge, et la gardent soigneu-
sement pour deviner les songes el faire pa-
raître les esprits. Le démon, par ses malia>s
et mcnteries,lcur persuade que cette semen-
ce n'est pas seulement propre à deviner, et
que si on met de l'or ou de l'argent dans la
bourse où l'on doit garder la semence fou-
gère, le nombre en sera doublé le jour sui-
vant. Si lévénement n'a pas lieu , les magi-
ciens vous accuseront de mauvaise foi, ou ils
diront que vous avez commis quelque crime,
tant nous nous laissons aller à ces abomi-
nables impostures de Satan (1).
FOULQUES. Au temps de la guerre des
Albigeois , vivait un méchant comte Foul-
ques, lequel avait la coutume déteslable de
jurer cl maugréer. Un jour qu'étant à che
val, il blasphémait furieusement, il fut jeté
à bas de sa monture, el ne se releva point.
On pense qu'il avait été assommé par le dia-
ble, son grand ami.
FOURBERIES. Voy. Sobciers, Sabbat, etc.
— Voy. aussi Cagliostro el les autres im-
posteurs.
FOURMIS. Les ïhessaliens honoraient ces
animaux , dont ils croyaient tirer leur ori-
gine. Les Grecs étaient si sotlemenl vains,
(lu'ils aimaient mieux descendre des fourmis
de la forêt d'Egine, que de reconnaître qu'ils
étaient des colonies de peuples étrangers.
— La fourmi était un attribut de Cérès ; elle
fournissait matière aux observations des au-
gures.
FOUS. On sait le respect superstitieux que
les Musulmans ont pour les fous. Nous
citerons un passage du Voyage curieux de
M. Drummonil-Hay , dans la Barbarie occi-
dentale (Western Birbary, London, 18ii ).
Maigre l'ignorante brutalité d s popula-
tions assez peu civilisées de Tanger, un Eu-
ropéen ne court pas autant de dangers qu'il
serait permis de le croire, lorsqu'il se ha-
sarde dans ces régions inhospit;ilières ; mais
il faut qu'il soit muni de lellres des autorités
du lieu , il faut qu'il soit accompagné d'un
soldat qui répond de lui sur sa tête. La police
s'administre rigoureusement et promptement
dans le Maroc : dans chaque ville, dans
(t) Dclancip . Talileau itc riiiconsUiKi; des déni., i-lc,
p. 15t,
6JS
FOU
Fon
chaque bourg, un foiiclioiinaire public con-
daniue , sans plaidoiries, sans phrases et
sans appel , un délinquant à la bastonnade ;
l'on n'attend point, pour exécuter la sen-
tence, qu'elle ait été rendue, et cette méthode
rapide, énergique, impose un frein salutaire
aux penchants désordonnés de la plèlie.
11 est toutefois un péril contre Iciiuel la
protection des gens en place devient insuffi-
sante. Les fous sont nombreux dans le Ma-
roc ; ils sont l'objet d'une vénération univer-
selle, ils sont parfois redoutables et féroces;
c"estaux étrangers surtout qu'ils en veulent.
Les Mores prétendent que Dieu a retenu au
ciel la raison des aliénés , tandis (lue leur
corps est sur la terre. Dès qu'un imbécile
parle , on recueille avec soin les absurdités
qu'il débite, comme étant paroles dictées par
une inspiration surnaturelle. Un de ces saints
personnages tomba à coups de iiâlon sur le
consul de France, il y a une vingtaine d'an-
nées, et il s'en fallut de fort peu que b' consul
ne fût complètement assommé. 11 porta
plainte à l'Empereur, il demanda que le cou-
pable lui fût livré : pareil outrage au droit
des gens ne di'vait pas rester impuni. La ré-
ponse du monarque fut adroite : promesse de
châtier exemplairement l'agresseur, si l'of-
fensé l'exigeait; sermon sur le pardon des
injures et sur l'obligation imposée à tout
chrétien de pratiquer la miséricorde et de
rendre le bien pour le mal ; développement
de la maxime du coran : « H est trois sortes
de personnes dont les actions ne peuvent
s'imputer à crime, l'iusinsé, l'homme qui
dort et le petit enfant. »
Le consul ne put s'empêcher de paraître
louché d'une exhorialiou aussi adroitement
calculée ; il lui fallait taire grâce, et l'aliéné
put impunément rôder en liberté, au grand
désespoir des Juifs, qu'il se plaisait surtout
à abreuver de mauvais traitements, et qui
se seraient exposés aux plus cruels sup-
plices, s'ils s'étaient permis le plus léger
simulacre de résistance ou l'ombre d'une
plainte. On ne saurait imaginera quel point
les enfants d'Israël sont vexés, humiliés,
tyrannisés dans les états du .Maroc. Regardés
comme les esclaves des esclaves, ils ne peu-
vent sortir sans s'exposer à des volées d'in-
jures, très-fréquemment accompagnées des
indices les plus frappants de l'animadversion
populaire. Les petits enfants et les vieilles
femmes se plaisent surtout à les tourmenter:
outrages et coups, l'Hébreu doit tout endu-
rer avec un air de résignation parfaite...
M. Drumtnond se trouva un jour, grâce
au zèle haineux d'un de ces fous dont nous
venons de parler dans une situation éminem-
ment critique. Laissons-le parler.
« Ma sœur et moi, no us étions sortis île la vil-
le; nous nous promenions fort paisiblement
sur la plage; soudain, à soixante pas de moi,
j'aperçois un long fusil appuyésur un petit mur
et se dirigeant sur moi ; dans le fond, près de ce
fusil unetéte que je reconnus pour celle do Suj-
dy-Fayeb, pour celle d'un fou ([uo j'entendais
à chaque heure, <iue j'évitais dix foisparjour,
car il courait sans cesse les rues, poussant
/•|6
des cris terribles, l'iisant tourner un long
bâton et entouré de femmes qui biisaient
avec respect sa main ou sa robe. Nous étions
près d'un rocher, nous nous réfugions en
toute hâte dans une cavité qu'il nrms offre
et qui était tournée vers la mer. Nous res-
tons quelque temps muets et immobiles dans
l'espoir que la patience de ce maudit insensé
se sera lassée. Je le crois parti, j'avance la
tête et je vois juste vis-à-vis de mon œil le
fusil qui avait suivi notre direction et qui
nous attendait au passage. Une heure après,
je regarde encore; Sœdy-Fayeb était aussi
patient queson fusil; ni l'un ni l'auire n'avait
bougé.
« Pour comble de désagrément, la marée
montait; les Ilots lançaient leur écume dans
l'asile sans issue où nous étions emprison-
nés; si nous attendions encore, nous étions
certains d'avoir bientôt vingt-cinq pieds d'eau
par-dessus la tête; il n'y avait pas à hésiter;
il fallait braver la fusillade ; j'enjoins à ma
sœur de me laisser partir le premier: je m'é-
lance, le coup part, la balle siffle derrière
ma tête; ma sœur s'élance aussitôt après
moi; nous courons à toutes jambes, tandis
que le fusil se recharge avec colère et trouve
le temps de jeter à notre poursuite un plomb
qui ne manque encore son but que de fort
peu de chose. Nous louchons enfin à la porte
de la ville; nous nous y précipitons, pâles,
hors d'haleine. Ma sœur fut mal ide du sai-
sissement qu'elle avait éprouvé. La chose
s'était passé sous les yeux de bon nombre
d'habitants qui, du haut des murs, avaient
assisté avec quelque intérêt à ce spectacle ;
ils se seraient bien gardes de troubler, le
moins du monde, le respectable aliéné dans
ses meurtrières méditations, et si nous avions
reçu un coup funeste, c'aurait été pour nous
beaucoup d'honneur et matière à félicita-
tions. »
Légende de la franc-maçonnerie.
l. — Jacquemiu initié aiix premières notions de la
maçonnerie.
Au mois de mars de l'année 1814, pendant
que les alliés repoussaient Napoléon de pro-
vince en province, il y avait à Paris , dajis
un modeste hôiel garni du quai des Orfèvres,
un jeune homme qui était né dans un village
du Tournaisis , et se nommait Jacquemin
Claes.
Il faisait sa rhétorique à Tournai , lors
de l'invasion de son pays. Plus intrépide dans
les luttes où il s'agissait de vaincre par la
version ou par le thème, que (Uins les com-
bats d'alors où l'on hasardait autre chose
que de l'encre, il avait (ilé prudemment de-
vant les approches des gens de guerre. Avec
une petite somme d'argent que lui avait
donnée sa famille, forlilié des bons et sages
avis dii ses maîtres , il était parti , se pro-
posant d'attendre doucement la paix , et do
profiter en même temps de son séjour dans
la capitale, pour s'instruire en toutes sortes
de bonnes choses. Il emportait quelques let-
tres de recommandation qui lui furent inu-
tiics ; car, soit qu'ils fussent réellement ab-
017
scnts, soil qu'ils se sonciasseni peu de s'em-
barrasser de lui , il ne put jamais trouver
chez eux les personnages à qui il était
adressé. Il vivait donc solitaire, dans sa pe-
tite chambre meublée , allant travailler au\
Idblioihctiups, fréquentant les cours du col-
lège de France, se prcservanl assez heureu-
scinenl de la contagion morale qui dominait
à Paris, et se coiilenlant , pour distraction ,
du mouvement de la grande ville et de la va-
riété des habitués qui venaient dlncr dans la
salle commune de son hôlel.
Jacquemin C.laes avait déjà dix -huit ans.
On s'elTrajait , en ce temps-là, de la marche
des années. C'est que aussi le pauvre garçon
était dévolu à la conscription prochaine, et
il faisait, comme tous les jeunes gens, comme
toutes les mères, comme toutes les familles
alors, des vœux ardents, mais bien secrets,
pour la chute de cet horrible régime impé-
rial, dont nous ne Toyons plus aujourd'hui
que le prisme.
L'empire tomba le 31 mars , et le lende-
main , la restauration , poisson d'avril peu
agréable à quelques gens en place , fut ac-
cueillie partout, il faut l'avouer, avec assez
de joie. Jacquemin Claes respira plus libre-
ment. Il rontinua de vivre sans fracas, dans
son petit hôtel qui était en même temps res-
taurant et cabaret. Il y venait des gens de
toutes sortes. Il vit là l'ouvrier de Parts, l'é-
migré , le grognard, le soldat congédié, le
bourgeois du la garde nationale, l'étudiant,
tous pélc-méle avec les Russes, les Prus-
siens, les Anglais et les uniformes blancs de
l'Autriche.
il y vil aussi beaucoup d'agents de police,
que le voisinngede la rue de Jérusalem ame-
nait là pour dîner, lîn recu<'illant quelques
bribes des entretiens de ces hommes chargés
de la sûreté publique, il se forma beaucoup
dans l'appréciation des dangers que l'on doit
éviter à Paris. Il était curieux et faisait des
questions, sans que sa curiosité fût impor-
tune ni déplacée; car sa naïveté et sa jeu-
nesse intéressaient à lui; et il tombait pres-
que toujours sur cette classe de Parisiens
parleurs, qui aiment, comme ils disent, à
dégrossir un provincial. Mais sous le rapport
des principes, Jacquemin se déforma un peu;
il ne remarquiiil pas assez qu'il était géné-
ralement en mauvaise société. Les propos
inconsidérés, les plaisanteries inconvenan-
tes, les chansons hasardées, ne le choquaient
pas auta-iit qu'il aurait dû l'être ; il se refroi-
dissait dans l'accomplissement du ses devoirs
de chrétien , (k)nt il avait toujours chéri au-
paravant l'observation indispensable. Pour-
tant il ne se perdait pas encore, parce qu'en
lui le fonds était bon.
Il venait surtout dans le petit hôtel beau-
coup de gens qui se saluaient d'un air go-
guenard, avec des signes géométriques et des
gestes singuliers. Après ()u'il eut plusieurs
Ibis observé celte bizarrerie , il demanda à
madame Gersant, son hôtesse, ce que pou-
vaient être ces messieurs qui se disaient bun-
jour,en s'envoyanl des triangles.
— Ohl répondit-elle simplement, ce sont
MCIlOiNNAlUE DES SCIENCES OCCULTES.
des imbéciles
G48
comme dit la
dos maçons
chanson.
Jacquemin, comprenant le mot au positif,
s'étonna de voir des gens de bâtiment se par-
ler en signes , et venir au cabaret , en si
bonne tenue.
— Ce sont à coup sûr les chefs entrepre-
neurs, dit-il en lui-même; ou bien c'est qoe
les maçons parisiens s'habillent en quittant
leur ouvrage; car tous ceux que j'ai vus .lu
Liiuvrc sont velus de toile et souillés de plâ-
tre ; ils sont mém(! fort sales.
Dans son pays , on ne supprimait pas en-
core aux maçons leur épilhète ; on disait les
francs-maçons ; et les bonnes gens voyaient,
d.ins les hommes affiliés à cet ordre mysté-
rieux, d 'S êtres sinistres en plein commerce
avec le diable. Ses professeurs lui avaient
bien dit que les francs-maçons n'étaient ni
si malins, ni si habiles qu'on le croyait 'lans
les villages, et que leurs prestiges n'ét.iienl
que des farces plus ou moins ridicules. Tou-
tefois ils avaient laissé, attachée à ce nom ,
une prévention nuageuse qui jusque-là lui
avait fait redouter le contact des francs-
maçons.
Dans une petite explication qu'il sollicita
le lendemain, il apprit que les maçons, dont
son hôtel paraissait être une des étapes ,
étaient non pas des ouvriers de bâtiment ,
mais de vrais francs- maçons. 11 ressentit à
celte nouvelle un certain frisson qui le trou-
bla , moins cependant qu'il n'eût fait avant
son séjour à Paris. Il se hasarda à demander
si les francs-maçons n'étaient donc pas de
mauvais drôles?
— Des imbéciles , répondit encore l'hô-
Icsse.
— De mauvais drôles ! reprit l'hôte en
ériatant du rire ; mais j'en suis, mon jeune
monsieur; mais mou voisin , le marchand de
tabac, le libraire à gauche, le sellier de la
rue Sainte-Anne , les deux orfèvres que vous
voyi z devant leur porte , tout le monde eu
est. Si les femmes sont un peu contre nous ,
c'est à cause du serment qui nous oblige à
garder des secrets qu'elles voudraient sa-
voir.
Alors la maçonnerie était fort répandue
à Paris surtout , mais dans les grades insi-
gnifiants. Napoléon , arrivant au pouvoir à
la suite d'une révolution qui avait fait ger-
mer aussi toutes les idées factieuses , avait
bien prévu qu'il pourrait avoir contre lui
les sociétés secrètes , s'il ne s'en emparait
pas ; et il s'était empressé de réorganiser la
franc-maçonnerie, sous la haute direction de
l'Orienlde Paris. Il y avait établi pour grand-
mattre un de ses frères , puis à son défaut le
prince Cambacérès , ex-deuxième consul ,
archi-chancelier de l'Empire. Tous ses of-
ficiers , tous ses agents , tous ses fonction-
naires devaient se faire affilier aux loges ,
qui devenaient ainsi un auxiliaire de sa po-
lice. Mais des trente-deux degrés qui com-
posent la hiérarchie obscure des francs-
maçons, il était difficile aux bourgeois de
s'élever plus haut que le troisième, qui con-
fère la matlrisc. Ceux des habitants de Paris
6«(>
FRA
FRA
6S0
chez qui la religion n'était plus qu'un sou-
\enir, n'étaient pas satisfaits de porter l'ho-
norable uniforme de la garde nationale, s'ils
ne pouvaient encore de temps en temps se
décorer du tablier brodé et passer en sautoir
le cordon bleu du maître, qui leur donnait
l'agrément de jouer au dignitaire. Ils y te-
naient ; ils tenaient également aux dîners et
aux petites féies de l'ordre ; et pour donner
quelque satisfaction aux femmes de Paris ,
qui sont très-opposées aux plaisirs dont elles
sont exclues , ils avaient multiplié les loges
d'adoption, oiî les femmes étaient admises à
des conditions spéciales. Mais on avait soin
de ne s'occuper en loges ni de la politique,
ni des affaires de l'Etat, ni des événements
publics, ni de l'empereur, ni des ministres,
ni des gens en place , ni de rien qui fût sé-
rieux. A cela près , on pouvait faire des pa-
rades en secret, pourvu que la police sût
fidèlement de qui la loge était composée , et
de quoi elle s'amusait.
M. Gersant vanta à Jacquemin , pour l'al-
lécher, les vertus des francs-maçons, leur
fraternité, leur égalité, leur union, leur Odc-
lilé à toute espèce d'engagement.
— Tous les ans , continua- t-il , noire loge
est admise au Grand-Orient de Paris ; et Tan
passé, par exemple, moi qui vous parle, j'ai
reçu l'accolade fraternelle du grand-maître,
qui est son altesse sérénissime monseigneur
le prince Cambacérès , archi-chancelier de
l'Empire. C'est qu'en loge nous ne sommes
plus que des frères, ni plus ni moins.
— Oh 1 mais , c'est très-avantageux , ré-
pondit Jacquemin , séduit i et si vous aviez
besoin de recourir à son altesse sérénissime
monseigneur le prince Cambacérès
— C'est clair. Cependant il n'en faut pas
abuser. Ainsi, moi, après qu'il m'euienibrassé
en m'appelant son frère , je me liasardai à
lui demander par écrit, dans les formes ma-
çonniques , une petite faveur qui dépendait
de lui ; il ne me répondit point. Et comme
je m'en étonnais , M. Lassource , un de mes
amis que vous voyez souvent à cette table
du fond, me fit observer que j'avais été
trop hardi, que si je m'étais présenté chez
son altesse, elle m'eût certainement fait jeter
à la porte , malgré l'accolade , attendu qu'on
n'est frère qu'en loge. Ce sont des choses
qu'il est bcn de savoir.
Peu de jours après cet entretien , Jacque-
min Claes, remontant à sa chambre , fut ar-
rêté dans l'escalier par de grands éclats de
joie , qui partaient d'une salle du premier
étage, il entendait l'hôte parler de truelles ,
de poudre, de barils, d'étoiles allumées; une
autre voix proposait une santé au grand ar-
chitecte de l'univers ; puis on discutait sur
une planche mal faite, et on interpellait les
frères surveillants. Tout ce qui se disait s'ex-
primait dans un argot où Jacquemin ne com-
prit autre chose, sinon que c'était un dîner
Je francs-maçons.
Les allégresses bruyantes ont pour la jeu-
nesse quelque chose d'engageant ; le pauvre
garçon eût voulu être de ce tumulte, qui lui
paraissait de la galté. Il s'assit tout médila-
DicTiosN. DES Sciences Occultes. I.
bis.
bis
tif dans sa petite chambre , envahi par un
certain désir de se faire recevoir maçon,
combattant ses précédentes antipathies /lar
la persuasion où il entrait que les francs-
maçons n'étaient que de bons réjouis inof-
fensifs et calomniés.
Dans sa perplexité, il redescendit ; et trou-
vant seule la bonne hôtesse, il entama une
conversation qu'il ramena asser adroitement
et assez vite sur la maçonnerie. Il lui de-
manda bientôt pourquoi l'autre jour elle
avait traité les francs-maçons d'imbéciles ,
comme dit la chanson.
— Oh 1 c'est que vous ne connaissez pas ,
répondit-elle , la grande chanson des ma-
çons. Eh bien I je vais vous la dire. Ce qu'elle
fit aussitôt, selon l'usage des Parisiennes, qui
ne se font pas prier pour chanter :
CBASSON lUÇONIlIQUE.
iiR : litoiis, cliantons, aimons, buvons, de S^qur,
A ma truelle de fer-blanc,
Saclii'Z ma dignité suprême.
Je suis oblus; el cependant
J'ai le triangle pour emblème.
Lorsque j'étais petit garçou.
On me trailail comme un vrai Gille.
A présent q\ie je suis maçon,
Ai-je eucor l'air d'un imijécile't
J'aime à produire de l'effet ;
J'aime à me décorer, — pour cause :
J'ai le grnou gros et mal lail,
Le tablier couvre la chose.
Mon dos à droite est un peu rond ;
Le cordon là se montre utile.
A présent que je suis maçon,
Ai-je encor l'air d'un imbécile ?
Quand j'ai mon équerre en sautoir,
El que ma ceinture me sangle,
Chacun prend plaisir b me voir
Avec ma règle et mon triangle.
Vous qui m'appeliez cornichon,
Dans mes simples habits de ville,
A présent que je suis maçon, . .
Ai-je encor l'air d'un imbécile ?
Fringant conune un chapeau chinois,
Lors(|ueje me pavane en loge,
Je suis lier jusqu'au bout des doigts,
Etant très-sensil)le à l'éloge.
Qu'on me traite de polisson ;
Ma ré|)OKse devient facile :
A préseut que je suis maçon,
Ai-je eucor l'air d'un imbécile ?
Ma femme dit <)ue le compas,
Le poinl'parlait el la truelle
Sont {je le répète tout tas)
D'une stupidité cruelle.
Le tablier n'est qu'un torchon,
Si je veux en croire sa bile.
Cependant je suis frauc-maçon : . .
Ai-je donc l'air d'un imbécile?
A table, au sein de mes amis.
On m'a souvent blâmé de prendre
Des tons c)ui ne sont pas peimis.
J'étais un porc, à les entendre.
Je suis pcut-èlre un peu glouton ;
Mais quoiqu'à l'ivresse facile,
A préseut que je suis maçon , . .
Ai-je eucor l'air d'un imbécile ?
A ceux qui marchent de travers
Jo puis ma donner en exemple;
Sur mon tablier aux bords verts
J'ai les deux colonnes du temple.
Je vais, ferme sur mon arçon ,
Appuyé de leur double pile.
A présent que je suis maçon , u ■
Ai-je encor l'air d'uu imbécile?
On me croyait un sot. Parbleu ,
Ce u'est plus qu'une calomnie ,
21
bis:
C51
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
Puisqit'au l)Oiil «le mou cordon bleu
Brille l'éioilc du génie.
C'est pour les sots une leçon.
J'aurai du moins ouvert la lile.
A présent que je suis maçon , [jj^
Al-je eucor l'air d'un imbécile?
Ainsi parlait un homme , vain
De son équerre et de sa règle.
— Frère, lui dit un écrivain
Qui passait |)0ur un vieil espiègle.
Ton tablier et ton cordon
Ne t'ont pas rendu plus liabile;
Et ceux qui t'ont fait franc-maçon, v[^
T'ont fait doublemcul imbécile.
Celle chanson n'élait pas faite pour fixer
/es esprits flotlanls du Tournaisien. Mais
lout en la chantant, il paraît que l'hôtesse
avait fait ses réflexions ; car elle s'empressa
d'njouter que l'auleur était un homme qu'on
n'avait pas voulu recevoir à la loge.
Quoique je me permette d'en rire , dit-
elle encore , c'est bon à connaître pour un
jeune homme ; c'est curieux, à ce qu'on dil ;
et dans les choses de la vie cela peut se trou-
ver très-utile.
La bonne dame s'était rappelée que cha-
que admission amenait un repas, et que les
festins de la loge de son mari se faisaient
f>Kp7 clic*
Jacquemin s'alla coucher, bercé par les
chants des frères, qui poussèrent leur orgie
jusqu'au delà de minuit.
Le lendemain malin, noire jeune homme
s'ouvrit à son hôte sur les pensées qui l'agi-
taient. M. Gersant l'accueillit avec em|)resse-
menl, comme un digne cabaretier qu'il élail.
On arrivait au milieu de juin ; l'époque des
fêles maçonniques approchait.
— Mon jeune monsieur, dit-il, vous pou-
vez certainement connaître la lumière, si
vous remplissez quaire points, dont le pre-
mier est l'âge.
Et quel âge faul-il avoir î demanda
Jacquemin.
— Vingt et un ans.
— Alors je dois attendre ; je n'en ai pas
encore dix-neuf.
— Nous passerons là-dessus , répliqua
Ihôle; je vous présenterai comme louve-
teau.
— Qu'esl-ce que c'est qu'un louveteau?
— Ahl ahl c'est comme qui dirait un pelit
loup, un fils de maçon. (Le cabaretier estro-
piait le mot vrai Louflon , qu'on applique
aux fils de maçons, el qui veut dire en eflel,
dans une vieille langue du nord , quelque
chose comme enfant de la balle. ) Un louve-
teau, poursuivit-il, a le privilège, entre au-
tres passe-droits , d'être reçu à dix-huit ans,
et môme à quatorze dans certaines loges.
Votre père, mon jeune monsieur, est-il ma-
çon?
— Ah 1 grand Dicul il s'en garderait bien.
C'est un honnête fermier d'auprès de Tour-
nay. Les francs-maçons pour lui ne sont que
des excommuniés el des sorciers.
— Ahl ahl ah! s'écria l'hôte; nous sommes
de trop bonsdiablcs nous-mêmes, pour avoir
rien à l'aire avec le mauvais. Les francs-
maçons, mon jeune monsieur , sont des frè-
x&s. Si vous ùles franc-maçon , el qu'en
voyage vous vous trouviez sansargent, vous
allez en loge, vous vous faites tuiler (recon-
nailre , au moyen de signes) , vous dites le
mot de passe; el vous avez là des frères qui
vous garnissent le gousset. Si vous avez une
querelle, entre maçons le duel est interdit;
aussitôt que vous signalez le fait , votre
adversaire est obligé de mettre bas les ar-
mes.
— Mais, s'il en est ainsi, c'est superbe, dit
Jacquemin ; et volontiers je me ferais ma-
çon si c'était possible.
— Ainsi nous dirons que vous êtes louve-
teau, mon jeune monsieur; cl personne n'en
doutera.
La seconde condition exigée dans les as-
pirants est de la conduite, de la fidélilé aux
engagements. Cela ne nous embarrassera
pas ; je serai voire parrain, et je répondrai
de vous.
En troisième lieu , il faut du courage ; les
épreuves d'admission ne sont pas des jeux.
Mais pourtant si on vous reçoit comme lou-
veteau , vous ne subirez que les épreuves
morales : c'est plus facile.
Enfin, la dernière condition, qui certaine-
ment n'est pas la moins importante, c'est le
chapitre de l'argenl. On ne peut pas être reçu
par d'honnêtes gens que l'on dérange de leurs
affaires, sans les régaler un peu. 11 faut d'ail-
leurs que vous soyez initié aux usages des
festins maçonniques ; et il est juste que vous
en payiez les frais.
Jacquemin Claes , à celle parlie du dis-
cours, élail devenu plus sérieux. Il avait de
l'ordre. Il sentit que le festin, avec des gail-
lards comme son hôte, ferait une brèche à sa
petite réserve.
— Je suis mal en fends pour le moment,
dit-il; je dois attendreque mes parents m'aient
fait un envoi, et remettre ma réception à un
autre temps.
Mais le marchand de vin était un ardent
faiseur de prosélytes. II ne se déconcerta que
modérément. Après s'être échauffé sur la
pensée d'amener un nouveau fière à la loge
des Amis réunis , qui élail assez mal com-
posée, et sur l'espoir de présenter dans Jac-
quemin, qui avait fait ses éludes, un orateur,
spécialité dont on manquait alors, il lui sem-
bla dur de ne pas avoir les petits agréments
qu'il s'était promis.
— Ecoutez, dit-il, en se frappant le front
oià il venait d'apercevoir une idée, je connais
un juif, qui demande aussi à voir la lumière.
S'il peut payer un dîner convenable, je vous
ferai recevoir le même jour ; et comme lou-
veteau, vous serez exempt de frais.
Au moment où M. Gersant achevait ces
mots , le juif lui-même entra.
— C'est vous, Gédéon, dil l'hôle ; connais-
sez-vous l'acacia ?
— Lequel? demanda le juif.
— Ahl l'innoccntl ahl le profane, s'écria
le marchand de vin , en riant aux éclats. Al-
lonsl nous vous donnerons un âge, selon vos
dispositions : trois ans, cinq ani, sept ans....
— Ohl celle bêlisel
- Mon fils , car vous n'êtes pas encore
653
FRA
FRV
634
frèro,(li( Irès-gravementl'hôlc, ce n'es! point
une bêtise ; on a sept ans et plus ; et si vous
ricanez, nous ne vous donnerons que trois
ans et quelque chose I
Alors encore l'entretien fut rompu par
l'arrivée d'un maçon qui entra tout boule-
versé. C'était le voisin Cavard , sellier en
chambre, qui avait un duel. L'hôlc, compre-
nant qu'on venait l'appeler pour être témoin,
emmena vivement son voisin à l'écart, afin
que les néophytes qu'il travaillait ne com-
prissent pas que, malgré leurs serments, les
frères se hallaient en duel. Le sellier en
chambre avait cherché querelle à Delon , le
bouL-her. Il accusait Delon d'avoir fait la
cour à sa femme, nonobstant la fidélité pro-
mise en loge à toute espèce d'engagement ;
et de scandaleuses récriminations avaient
lieu de part et d'autre, en dépit des mœurs
maçonniques.
On se battit le lendemain matin; car celui
qui eût refusé le duel eût été accusé de se
retrancher par lâcheté derrière son titre de
maçon.
Mais à la première égratignure qui déchira
le pantalon de nankin du boucher, M. Ger-
sant, qui avait intérêt à fournir un déjeuner
d'amis, fit un signe qui arrêta le combat; et
les duellistes, ramenés par leurs témoins, se
réconcilièrent à table.
II. — Oq fait il Jacquemin un cours d'histoire de la
franc-inaçoiinerie.
Deux jours après le duel du frère Delon et
du frère Cavard, le frère Gersant vint s'as-
seoir auprès de Jacquemin, qui achevait de
diner. Tous les habitués étaient partis ; il ne
restait que M. Lassource, dans son coin.
— Mon jeune monsieur, ditl'hôle, avant
d'entrer dans l'ordre, il est bon d'en savoir
l'historique; et voici notre ami, qui est sa-
vant et qui veut bien vous en faire le récit.
M. Lassource était un gros homme à la
figure ouverte, qui aimait à se communi-
quer, mais qui ne se remuait pourtant qu'a-
près avoir été annoncé d'une manière con-
venable. Il avait salué à l'épithète de savant ;
il se leva dès que le frère Gersant eut fini de
parler, et vint s'asseoir de l'autre côléde Jac-
quemin, attiré sans doute p;ir les manières
de l'hôte, qui tenait d'une main trois petits
verres, et de l'autre un Hacon d'une certaine
liqueur qu'il appelait du cent-sept-ans. Il fai-
sait cette liqueur avec les restes de toutes les
bouteilles di- cognac, d'aniselte , de cassis,
de curaçao et de kirsch que l'on vidait chez
lui ; et personne ne disputait au cent-sept-
ans un nom que personne ne comprenait.
Il versa trois petits verres. Jacquemin
ayant salué M. Lassource , celui-ci toussa
élégamment et dit :
— Mon jeune ami , comme l'a exprimé le
chef, il est utile cl péremploire de connaître
la chose. Il y a des gens qui deviennent
francs-maçons et ne se doutent de rien. Ce
n'est pas cela. V^ous me paraissez être doué
d'une éducation de collège. Vous avez fait
certainement vos humanités. Jo veux donc
vous développer agréablement tout ce qui
nous concerne ; et je procède dans le bon
genre. Prenez ce poëme , mon jeune ami ,
vous le lirez ; vous verrez jusqu'où nous re-
montons. Demain j'aurai l'honneur de vous
exposer le reste ; car vous n'avez ici que les
premières origines.
Il donna à Jacquemin un vieux petit vo-
lume in-12 ; et il ajouta : — Du reste, c'est
de la naïve poésie. Vous en serez charmé.
Là-dessus, il se jeta dans la litlcralure .
cita trois strophes de l'ode à la Fortune,
beugla une tirade de Mérope , hurla quatre
passages d'Héraclius , s'appuya de Mar-
moiitel , de Laharpe , d'Armand Gouffé , de
J.-J. Rousseau , de Désaugiers , de Planard
et de Lacépède, et se retira après avoir parlé
une heure tout seul, émerveillant M. Ger-
sant, étourdissant Jacquemin.
— Un homme très-prodigieux , dit l'hôto
après qu'il fut parti.
— Que fait-il? demanda Jacquemin.
— Il est à la préfecture.
— De police?
— De police , répondit le franc-maçon ,
avec une affirmation hésitative. Mais, soyez
tranquille, continua-t-il en se raffermissant,
il est employé dans les bureaux.
— El il est de votre loge ?
— Certainement ; c'est un homme trcs-
fnstruit , qui parle comme vous voyez , sans
compter qu'il fait des chansons fort spiri-
tuelles-
Jacquemin , avant de se coucher, lut le
poëme, qui lui sembla long , et dont nous
sommes obligés de donner ici une rapide
analyse. Ce poëme était intitulé : Noblesse
des francs-maçons f ou Institution de leur so-
ciété avant le déluge universel et son rétablis-
sement après le déluge; sans nom d'auteur.
C'est un volume in-12 que l'on rencontre
encore ; il a des sommaires aussi utiles
qu'ingénieux sur les marges ; et il a été im-
primé à Francfort-sur-le-Meini chez Jean-
Auguste Raspe, en 1756.
Ce poëme commence tout à fait comme ua
vrai poëme :
Des discrets francs-maçons je chante la noblesse
L'action s'ouvre en Arménie. Avant île
mourir, Noé, qui voit ses nombreux enfants
prêts à se disperser, veut leur donner un
lien, en rétablissant l'ordre des francs-ma-
çons (1).
Un jour le patriarche à la fois les rasseml>Ie.
Après le sacrilice ils mangent tous ensemble.
Avant que de mourir , quelle joie !
Au milieu du festin il leur tient ce discours:
Pourriez-vous, cbers entants, mettre en oubli les jours
Où d'un Dieu protecteur la bonté souveraine
Daigna vous arracher aux dents de la baleine.
Vous sauva du déluge et de l'abime d'e:ui
Par qui le monde impur prit un être nouveau ?
Il ajoute à ces vers mélodieux qu'il faut se
séparer; h quoi Sera répond qu'on va s'y pré-
parer ; et alors
A l'opulent, mais triste et tranquille festin
La nuit bien avancée et Noé mettcot Hn
(1) On remarquera l'usage que les francs-maçons font
de l'histoire sainte pour e.vpliquer leur oritçine.II est cu-
rieux de voir que les savants de l'ordre ne dédaigueiil pas,
pour satisfaire des prétentions orgueilleuses, de recourir
à ces mêmes livres sacrés que leurs frères les i>hilusupli i»
CS5
DICTIONNAIRr. DES SCI^NCLS OCCULTES.
C5f.
M.iis toul le monde est convoque pour un
sacrifice qui doit avoir lieu le Icndcuiain au
point du jour. Noé tombe en extase , au mo-
ment de rétablir la franc-maçonnerie ; l'ave-
nir des frères lui apparaît ; il fait chois de
ceux qu'il veut initier, il leur annonce qu'il
va perpétuer un ordre dont il est le seul reste.
Cet ordre , leur dil-il , fut fondé par Tubal-
cain, le même qui avait entrepris , dans ses
soucis nouveaux,
De perfectionner tous les arts libérais :
S'adonnant h la forge, aux plus durs exercices,
Sur une ardenlo enclume il Irouvail des délices.
Tubalcain s'était vu secondé par trois hom-
mes anté-diluviens : Jabel , qui méditait,
dessinait , dressait des tentes et faisait le
commerce de fourrure; Jubal , père de la
musique:
Des instrumenis îi venl , dans son nouveau travail ,
L'ingéuleux Jubal iuviMile le détail.
Il imai^ina même l'orgue, du premier coup.
Le troisième personnage est un anonyme qui
dota l'humanité de la poterie , ou , si vous
l'aimez mieux , de l'art de faire des pots :
El de cet art nouveau les fruits universels
Descendent jns(iu'à nous et sur tous les mortels.
Après que Noé a raconté que Tubalcain et
ses trois amis établirent, pour se reconnaître,
les signes et les mots de passe, il ajoule que
l'ordre des maçons s'esl perpétué un certain
temps, mais, que tombé en oubli, il n'avait
plus que lui pour adepic au déluge ; qu'il l'a
sauvé dans l'arche, et qu'il le reconstitue. H
en explique les règlements :
De nus lois la plus sainte et la plus nécessaire
Sera de les celer k l'aveugle vulgaire,
dit-il ; et il ne donne pas d'autres prescrip-
tions. C'est peu de chose. Tous les assistants
brûlent de connaître les grandeurs qu'il leur
promet :
Sur le fameux détail des mystères sacrés
Tous veulent sur-le-cliamp être plus éclairés.
Le grand-inatlre attendri récite un lurmulaire
Terrible et de tout temps ignoré du vulgaire.
La vertueuse troupe, en élevant les mains,
Le répète ; et dès lors au reste des bumaius
Elle est supérieure ; elle en est séparée;
Elle n'est désormais qu'une troupe sacrée.
Elle entre au temple, où luit la S'iblime clarté.
Dos profanes sentiers ce temple est écarté.
Uue d'objets variés la main qui le leur ouvre
Aux frères éblouis subitement découvre!
Le poëte ne décrit rien de ces objets variés,
qui auraient eu de l'intérêt pour l'histoire de
l'art ancien ; et comme il est embarrassé du
costume , il fait descendre des cieux l'ange
des maçons , apportant un coffre où Noé
trouve des tabliers, des grands-cordons, des
étoiles , des compas , des truelles , des
équerres.
Sur un bureau prochain il fait en peu de temps
Des merveilleux bijoux trois monceaux éclaianls.
l'uis il lient un discours à ceux qui sont au temple ;
Il met son Liblicr; chacun suit son exemple;
El des ricbes colliers qui sont sur le bureau.
Pour eu vêtir Noé, l'ange | rend le plus beau.
Le poëte tient à son bureau, mais il ne dit
pas si c'était un bureau d'acajou à cylindre
ont aiuqués avec Uni d'acharnement. Du reste, ce poème
r<-|«sc sur des fictions ridicules, bien qu'il ait été composé
osiiï le but de gluriOer la maçonnerie symbolique
ou un bureau de palissandre à incrustations.
11 se sauve du bureau par une aposlroj he au
cordon :
Noble cordon! henrcur qui s'en voit revêUil
C'rsl un signe certain d'une haute vertu !
(lordon, (jui produira mille fois plus de gloire
Oue toul autre cordon renommé dans l'Cisloire!
Et pour lors Noé installe Sem en qualité ile
grand-maître des francs-maçons en Asie; il
nommi" Gham grand-uiatlre pour l'Afrique ;
il proclame Japhel grand-maître en Europe,
le tout rehaussé de longs discours en vers ,
aussi pompeux que ceux qu'on a lus. Seule-
ment , avant de parler à Japliet , il y met un
peu plus de façons.
Ici le patriarche , ayant repris haleine ,
D'un prophéliipie écarl, qu'd répiime avec peine,
S'abandonne au transport. 11 bégaie; il se lait;
L'allenlion redouble aux mouvements qu'd fait.
Aussi il prédit à frère Japhet toutes sortes
de succès maçonniques; et il donne aux ini-
tiés l'accolade obligée.
En quittant ce séjour, ajoule le grand-miillre.
Mille iroup -aux chcrisà votre ondire vont paiiro.
N'oublii'Zdoncj:imais celle infaillible loi,
Qu'un roi bon franc-maçon n'en est que meilleur roi.
Voilà qui est d'un à-propns très-ingénieux
et parfait pour les rois. Enfin Noé recom-
mande aux frères le langage des signes, qui
leur sera nécessaire , dit-il , à la confusion
des langues ( il prévoit la tour de Babel ) ; il
annonce Lycurgue, qui sera un franc-maçon
distingué, et fera de sa république une vaste
loge ; il prophétise le grand éclat de l'ordre
sous le règne de Salomon ; il salue de loin le
frère Charlemagne; les maçons anglais du
dix-huitième siècle; François 1'', empereur
d'Allemagne et protecteur de la maçonnerie;
Frédéric II , grand-maîlre de Prusse et de
Brandebourg, et tous les maçons futurs, sué-
dois, danois, polonais, russes , français, bel-
ges, hollandais, etc. 11 nomme Frère Jébus ,
son pclit-fi's, archiviste et secrétaire général
de l'ordre; après quoi le poëme finit, comme
toul ce qui se fait dans la maçonnerie sym-
bolique , par un nouveau repas , qui dure
toute la nuit.
En rendant ce volume le lendemain à M.
Lassource,Jacquemin témoigna qu'il en avait
tiré peu de lumières précises.
— Je le sais, dit le frère : j'avoue même que
dans quelques détails c'est un peu hasardé.
!\Iais le fond est historique , et la forme est
littéraire. J'ai voulu vous le faire lire , mon
jeune ami, pour vous prouver, comme j'avais
l'honneur de vous le dire hier, que nous da-
tons d assez loin.
— Je crois bien; avant le déluge!
—A présent , je pourrai vous conter le
reste.
Vous saurez donc que ceux mêmes qui nous
contestent l'honorable antiquité dont nous
parlons, reconnaissent au moins, pour fon-
dateur do la maçonnerie symbolique, Hiraiii
ou Adon-Uiram , que l'historien Josèplie
appelle Adoram , architecte du temps de S,i-
lomon. On a raconté son histoire avec quel-
(jnes variantes. Des savants ont écrit qu'il
s'agissait là de Hiran , roi de Tyr , (pii fit
Mliancc avec Salomon , et lui fut d'un grand
657
FRA
FUA
fôS
secours pour la construction du (emple de
Jérusalem. Mais nous avons nos archives; le
vénérable Hirani était un artiste éminemment
distingué, fi!s d'un Tyrien et d'une fenmie de
la trit)u de Nephlhali. II est nommé dans le
quatrième livre des Rois.
Salomon le fit donc venir pour diriger les
travaux du temple. Il voulut montrer incon-
tinent son habileté; il construisit devant le
portique deux merveilleases colonnes de
«uivre, qui avaient chacune vingt-sept pieds
de haut et six pieds de diamètre; il donna
à l'une le nom de Jakin , à l'autre le nom de
Jiooz. On payait les apprentis autour de la
première, et les compagnons autour de la
seconde.
Or, Âdon-Hiram avait sous ses ordres un
nombre immense d'ouvriers ; soixante-dix
mille apprentis , quatre-vingt mille compa-
gnons , et trois mille trois cents maîtres.
Ayant la direction de tout le personnel et
ne pouvant connaître chaque individu par
son nom , HIram , pour ne pas être exposé à
payer l'apprenti comme le compagnon et le
compagnon comme le maître , convint avec
les maîtres, de mots secrets, de signes et d'at-
touchements qui devaient servir à les dis-
tinguer de leurs subalternes. Il donna pa-
reillement aux compagnons des signes de
reconnaissance qui n'étaient pas sus des
apprentis , et aux apprentis des mots et des
signes qui les discernaient (ks profanes,
étrangers au bâtiment.
Tout cela se fit d ;ns un ordre si admirable,
mon jeune ami , que Salomon en fut charmé
et qu'il voulut être affilié lui-même à la con-
frérie des travailleurs. Dans son poëme inti-
tulé : Essai sur la franc-maçonnerie, en trois
chants , dédié à son altesse sérénissime mon-
seigneur le prince Gambacérès, archi-chan-
celier du ci-devant empire, le frère Pillon du
Chemin a tiré bon parti de celte glorieuse
circonstance. Le frère Pillon du Chemin est
membre de la loge du Centre des Amis. 11
s'écrie :
Vous peindrai-je, au milieu de ce peuple de frères,
Le vénérable Hiramdonnaulà Salomon
L'auguste caractère et l'habit d i maçon?
Et ce lilsde David, In plus grand d> s monarques,
Fier d'en porter sur lui les lionorables marques.
Et de sa vanité déchirant le bandeau ,
Eclairant ses sujets placés sous le niveau?
C'est très-maçonnique et fort délicat. Le
poëme a été imprimé à Paris en 1807. Mais
le frère Pillon du Chemin ne nous donne au-
cunement, ni dans son texte , ni dans ses
notes , les détails dramatiques de l'histoire
dHiram , que je dois vous achever.
Trois compagnons , peu satisfails de leur
f)aie , formèrent le dessein d'exiger d'Hiram
e mol de passe des maîtres. Ils cherchèrent
l'occasion de le renconircr seul , résolus à
obtenir ce qu'ils voudraient , de gré ou de
force.
Vous me direz : C'étaient de mauvais frères.
Il y en a.
Un soir, ils attendirent Hiram dans le tem-
ple, et se cachèrent, l'un à la porte du nord,
l'autre à la porte du midi , et le troisième à
la porte de l'orienl. lliram étant entré seul
par la porte de l'occident, après qu'il eut fait
sa ronde, voulut sortir par la porte du midi.
Le compagnon qui l'altendaitlui demanda le
mol de mallre , en levant sur lui le marteau
qu'il tenait à la main. Hiram lui dit que le
mot de maître ne s'obtenait pas de celle ma-
nière. Aussitôt le compagnon lui porta sur la
tête un coup de marteau.
Ce coup n'ayant pas été assez violent pour
le renverser , le grand-maltre s'enfuit vers
la porte du nord, où il trouva le second com-
pagnon, qui lui en fit autant. Quoique fort
blessé, il tenta de sortir alors par la porte de
l'orient; le troisième compagnon, après lui
avoir fait la même demande que les deux
premiers, acheva de l'assommer.
Les trois meurtriers , s'étant rapprochés .
cachèrent le corps sanglant, et quand la nuit
fut devenue sombre, ils le transportèrent sur
une montagne voisine où ils l'enterrèrent.
Afin de reconnaître l'endroit, ils plantèrent
une branche d'acacia sur la fosse. D'où est
venue la question maçonnique: Connaissez-
vous l'acacia?
— A quoi le petit juif n'a pas su répondre.
— Ni vous non plus, sans doute ; car il n'y
a qu'une seule formule de réponse, qui n'est
donnée qu'aux maîtres, et qui est : L'acacia
m'est conmi.
Mais je vous livre le secret des loges. Il
est vrai que vous allez être des nôtres. Re-
prenons.
Salomon ayant été sept jours sans voir
Âdon-Hiram , ordonna à neuf maîtres de lo
chercher.
Les neuf maîtres obéirent. A la suite de
longues et vaines perquisitions, trois d'entre
eux , qui se trouvaient un peu fatigués ,
s'élant assis près de l'endroit où le grand
artiste avait été enterré, l'un des trois arra-
cha machinalement la brantlie d'acacia. Il
reconnut que la terre en ce lieu-là avait été
remuée depuis peu ; il fouilla avec sa truelle
et découvrit le corps d Hiram. Il appela aus-
sitôt les autres maîtres, qui examinèrent les
plaies et soupçonnèrent les compagnons
d'avoir conuuis le crime. Dans la pensée que
peut-être ils avaient tiré du défunt le mol de
maître , qui était Jehovah , ils le changèrent
sur-le-champ en un autre , lequel signifiait
le corps corrompu, et ils allèrent rendre
compte à Salomon de l'avenlure.
Ce prince , touché douloureusement , fit
transporter le corps dans le tempife , où les
honneurs funèbres lui furent rendus avec la
plus grande pompe. Tous les maîtres à cette
triste cérémonie , portaient des tabliers et
des gants de peau blanche , pour exprimer
qu'aucun d'eux n'avait souillé ses mains dans
le sang du chef. Et quand vous serez admis ,
comme je l'espère, mon jeune ami, à l'hono-
rable dignité de maître , vous verrez que le
souvenir de la mort d'Hiram est toujours
présent à l'ordre. Les maîtres en loge ne
marchent qu'en zigzag pour signifier leurs
recherches; ils font le geste de l'horreur à
cause du meurtre; ils ont la tête couverte
pour marquer le deuil.
Ici, M. Lassourcc s'arrêta, probablement
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCLLTES.
660
ne sachant guère autre chose, et bornant son
cours d'histoire à la légende d'Hiram, laquel-
le n'est bonne qu'à expliquer aux apprentis,
aus compagnons et aux maîtres, l'origine
merveilleuse de ces trois premiers grades de
la maçonnerie.
Les adeptes, qui prétendent que la maçon-
nerie s'est conservée sans interruption jusqu'à
nous, y rattachent tous les mystères et tou-
tes les initiations de l'antiquité païenne, ainsi
que toutes les associations secrètes du moyen
âge et des temps modernes : les templiers ;
les philosophes herméiiques ; les universités
secrètes où se formaient les Agrippa, les
Nostrudiimus et tous ceux que l'opinion pu-
blique appelait devins ou magiciens : les
réunions infâmes de ceux qui dans le Midi se
faisaient passer pour loups-garous; les <ifG-
liations qui jouaient le sabbat dans les cam-
pagnes; ce qui explique la raison que le
peuple avait de traiter les francs-maçons de
sorciers, commeil faitencore.Maisle nom de
maçonnerie symbolique et de francs-maçons
resta concentré en Angleterre jusqu'en 1721;
ce fut alors qu'il se répandit au dehors, et
voici comment les maçons anglais expliquent
l'origine de l'ordre (1) :
Lorsque Carausius, ce vaillant enfant de
la Gaule Belgique, qui battit tant de fois les
Romains sur terre et sur mer, au troisième
siècle, eut conquis la Grande-Bretagne et
s'y fut fait proclamer empereur, voulant,
comme quelques-uns des autres successeurs
d'Auguste, doter ses nouveaux états de beaux
édifices, il se déclara le prolecteur des arts
utiles, à la têtedesquels il mit lart de cons-
truire. Il donna à sou ami Albanus la direc-
tion particulière des ouvriers maçons, leur
accorda des franchises spéciales, des signes
de reconnaissance, et Itur permit de s'as-
sembler en son nom. Ces hommes recevaient
deux schellings par semaine, et chaque jour
trois sous pour leur dîner. Oa les appelait
les frères-maçons.
Ces prétendus règlements furent établis en
l'année 287.
Dans les troubles qui suivirent la mort de
Carausius, arrivée en 293, la société ma-
çonniques'obscurcitunpeu. Athelstan, pelit-
lils d'Alfred le Grand, la rétablit en 924, mit
son frère Edwin à la tête des maçons, leur
accorda des franchises, une juridiction et le
droit d'avoir des assemblées. La première
grande loge s'ouvrit à Yorck en 926.
Robert, roi d'Ecosse en 1314., Edouard III,
roi d'Angleterre eu 1327, donnèrent de meil-
leures formes aux règlements des francs-
maçons. Le roi Henri VI se Gt admettre dans
la maçonnerie. Mais alors il y avait partout
des francs-maçons, comme il y .ivaitJes francs-
archers, des Irancs-laupins, des francs-bour-
geois. On encourageait par des fr;incliises
et des privilèges les arts utiles; et c'est à ct s
mesures que nous devons les cathédrales et
les nombreux édifices religieux des treizième,
quatorzième etquinzième siècles. Ces francs-
maçons, positif» et non symboliques, étaient
(t) Tbe constitutions ofllie ancicnl aiid honouralilo IVa-
teniil} of free and acceflcd ujasous Ediiiyu du 1707.
des hommes religieux , qui commençaient
leurs travaux et les terminaient chaque jour
par la prière en commun, qui campaient au-
tour de l'église qu'ils construisaient et pas-
saient joyeusement leurs soirées à chanter de
pieux cantiques.
Plusieurs princes, sur le continent aussi,
se firent un honneur de protéger les maçons
et de s'affiliera leurs confréries. Jacques I",
couronné en 1424, fut grand-maîlre des lo-
ges ou assemblées des constructeurs de l'E-
cosse. Les maçons de Saint-Pierre de Rome,
sous Léon X, avaient des franchises pareil-
lement et des privilèges qui leur donnaient
aussi le nom de francs-maçons. Inigo-Jones,
élève de Palladio, regardé par les Anglais
comme leur Vilruve, fut grand-maître des
francs - maçons d'Angleterre. Christophe
Wren, grand surveillant, à la mort d Inigo-
Joues, est celui qui fit rétablir toutes les
églises de Londres, après le terrible incendie
de ICtjG, et spécialement la grande église de
Sriint-Paul, qui , après Saint-Pierro de Ro-
me, passe pour la plus vaste église du monde.
Il avait tenu en 1663 une loge ou assemblée
générale, ct fut grand-maîlre en 1685.
Après lui l'association s'écarta de son point
de vue, qui était l'art. Lord Montagne, ayant
été élu grand-maîlre en 1721, résolut, avec
quelques amis, de construire, non plus des
édifices matériels, mais des systèmes philo-
sophiques. IlQt imprimer en 1723, dans l'es-
prit de son projet, les constitutions de l'ordre,
et s'occupa d'élcndre l'affiliation au dehors
comme un vaste réseau.
En 1725, lord Derwent-Walers établit une
loge à Paris, d'autres se formèrent rapide-
ment ailleurs. Des bruits étranges accueilli-
rent ces réunions mystérieuses, que l'on vit
se propager riipidcraent et ténébreusement
en Allemagne, en Italie, en Hollande, en Po-
logne, en Russie, en Turquie même. Il devint
bientôt évident que leur but principal était
d'arrêter le catholicisme, et que leur esprit
n'étailautre choseque le protestantisme par-
venu à l'état d'indifférence et ligué avec
le déisme. Le pape Clément XII, en 1735,
condamna la maçonnerie symbolique, ce qui
décida les francs-maçons allemands à pren-
dre le nom de Mopses. Ce mot signifie dogue;
et sous cet emblème ils se piquaient de vi-
gilance et de fidélilé. D'autres donnèrent à
leur association le nom imposant d'Ordre
de la liberté, dont ils prétendirent que Moïse
était le fondateur; ils portaient à la bouton-
nière une petite plaque de métal figurant les
tables de la loi. Mais ce n'était pas le nom seu-
lement, c'était la chose que le saint-siége
interdisait.
En 1737, leChâtelet de Paris jugea com-
me le souverain pontife et lança des ordon-
nances qui défendaient la maçonnerie sym-
bolique.
Louis XV se montra irrité contre ceux
des seigneurs de sa cour qui entrèrent dans
un ordre mystérieux dont on ne pouvait
appuyer les intentions d'aucun bon motif.
Le duc d'Antin n'en accepta pas moins le ti-
tre de grand-maîlre en France; il fut reiu-
«K.»
FRA
FflA
sm
I
placé en 1743 par le prince de Clermont, et
ensuite par d'auires personnes dont nous
parlerons tout à l'heure.
En 1793, la franc-maçonnerie fut suppri-
mée en France, avec le carnaval ; elle ne re-
vint qu'à sa suite , six ou sept ans plus
tard.
Jacquemin Claes ignorait toutes ces cho-
ses et beaucoupd'auti-esencore. On lui disait
qu'une loge est le temple de l'amitié, à
la porte duquel veille le silence. Il se dis-
posait à y entrer, comme nous verrons
bientôt.
in. — Digression historique.
L'histoire de la franc-maçonnerie symbo-
lique, quoiqu'elle ne date que de cent vingt
ans, est à peu près impossible à faire. On
en aperçoit quelques sommets obscurs ,
comme ces chaînes de montagnes que la mer
n'interrompt pas , mais qu'elle recouvre.
Nous empruntons celle comparaison au pe-
tit essai de M. Edmond Leclerc sur la franc-
maçonnerie. Ajoutons avec lui qu'il faut, en
al tendant mieux, se borner à signaler quelques
faits, queles vénérables ontlaissésurprendre.
L'auleur allemand d'Herman d'ffnno, malgré
ses recherches, n'a recueilli pareillement sur
les Francs-juges que des documents conti-
nuellement brisés ; et il n'a pu nous montrer
que la superficie de cet autre ordre mysté-
rieux, qui du moins ne s'est pas élevé contre
l'Eglise.
Nous chercherons seulement à présenter
ici quelques notes sur les personnages é;ni-
nents queles francs-maçons, au dernier siè-
cle, ont reconnus pourleurs chefs. Des prin-
ces y furent admis. C'était une habileté pro-
pre à donnerde la splendeur à la secte. Mais
en général, grands-maîtres pour l'honneur
(si l'honneur a jamais pu être là), ils étaient
menés par des mains invisibles.
L'empereur François l"dutà soninitialion
de grandes fautes et de grands revers; Fré-
déric II s'en moqua, comme il se moquait
de tout; les autres potentats n'y trouvèrent
rien de ce qu'on leur avait promis.
Lord Montagne, le fondateur de la maçon-
nerie symbolique, était un fou, qui pour
surcroit n'avait que folies autour de lui. Sa
femme était cette illustre aventurière qui
visita le harem du sultan Achmel, publia des
lettres prétentieuses, et nous rapporta par
hasard l'inoculation. Dominée par l'orgueil ,
étrangère à toute sensibilité, on ne la vit jamais
contciile d'elle-même, ni de sa position. M.
Fiévée a retracé d'elle ce portrait exact:
« A seize ans, dit-il, elle regrette do n'être
pas homme ; à trente, elle demande déjà dix
années de moins; mère de famille, elle fait
(t) Un autre descendant de lady Montagne, que le
prnice l'uckler-Muskau confond avec le ramoneur, a fait
d'antres extravagances et de longs voyages aussi, ii la suite
desquels, « étaul arrivé à Shaflhouse en 1790, ce lord eut
la malheureuse idée de vouloir descendre la chute du Uhin
dans un bateau. Ou fit tout au monde pour le retenir; mais
il n'écoula rien. Il se rendit au bord du fleuve; et après
avoir envoyé en avant , comme essai , un bateau vide qui
arriva au bas de la chute sans maleuconlre, il s'embarqua
dans un second avec son ami, M. Barnett, qui ne s'en sou-
ciait guère.
Ils ïoguèrenl d'abord lentement, puis avuc une raiiidilé
l'éloge du célibat. La loiledc dos Françaises
lui parait ridicule; et tant qu'elle a l'espoir
de plaire, elle tire ses modes de France. A
soixante-huit ans, il y avait déjà onze ans
qu'elle n'avait osé se regarder dans un mi-
roir; et lorsqu'on venait lui rendre visite,
elle recevait en domino et en masque.»
Cette femme donna à lord Montagne un
Gis, fameux aussi par la bizarrerie de ses aven-
tures. Perdu à cinq ans, on le retrouva par-
mi les ramoneurs; et ce fut afin de perpétuer
la joie causée par son retour, que ses parents
fondèrent une rente pour queles ramoneurs
de Londres eussent tous les ans un bon dî-
ner dans les jardins de l'hôtel Montague. Ce
diner se fait encore le 1" mai; chaque con-
vive reçoit, outre le petit repas, un scheliing
et la singulière permission d'emporter sou
couvert, qui n'est pas d'argent. Rentré chez,
ses parents, le jeune Edouard Wortiey Mon-
tague fut mis à l'école de Westminster. Au
bout de quelques années, il s'échappa encore.
On le retrouva vendant du poisson sur le
port de Blacitwall. Il se laissa reconduire à
regret dans sa famille, s'enfuit de nouveau
(il avait alors dix ans), s'engagea comme
mousse, sesauva du navireà Oporto, se mit
au service d'un vigneron. Reconduit dere-
chef, il commit d'autres extravagances qui
ne peuvent tenir place dans ces notes, fil
tous les métiers, professalouteslcsreligions,
parcourut tous les pays du monde, et mou-
rut sous le turban à Venise, étranglé par
un os de perdrix (1).
Le père de ce fou, l'époux de lady Mon-
tague, seul chez lui, car en même temps que
sou fils disparaissait, sa femme faisait de
petites absences de vingt-deux ans, imagina
pour se désennuyer les formules de l'ordre
maçonnique , qu'il institua en 1721, et que
ses dîners consolidèrent.
Tel est le chef des francs-maçons mysté-
rieux. Il avait succédé au poste de Christophe
Wren , grand -mallre des francs -maçons
réels, de la manière usitée en Angleterre oii
l'aristocratie envahit tout, où l'on voit lord
Wellington occuper le poste honorable de
quoique vieux savant , sous le titre de chan-
celier de l'université de Cambridge.
A l'ombre de sa dignité, lord Montague ,
pou disposé à construire des édifices, bâiis-
sait, ainsi qu'on l'a dit, des systèmes. Son
plan de philosophie n'était pas très-spiritua-
liste ; il ne se proposait que la glorification
du matérialisme, en plaçant toutes les reli-
gions à la même table sous le niveau. Sa fra-
ternité se jurait le verre à la main.
H n'avait d'abord institué que (rois degrés,
qui sont toujours la base de l'ordre : les as-
loujours croissante vers la chute, en présence de plusieurs
centaines de spectateurs. Ce que tout le monde avait prévu
arriva. Le bateau, ayant heurté contre des pointes de ro-
cher , chavira; les deux hommes ne reparurent qu'une
seule fois sur la surface de l'eau. Le bruit as.sourdissant
des flots étouCfa leurs cris , qu'on n'entendait qu'iiidiilinn -
tement par intervalles. Ils disparurent bientOt tout àfait,
et l'on ne put retrouver leurs corps.
Par une coïncidence extraordinaire, le jour même de
leur mort, le cliitteau héréditaire de la famille Montague,
dans le comté Oc Susscx, fui toialemeut consumé par tes
flammes. »
6C3
WCTlONNAmE DES SCIENCES OCCULTES.
OiU
piranls ou apprends, sur lesquels on prenait
des informations ; les novices ou compa-
gnons , que l'on soumettait à des épreuves;
les convives ou maîtres, qui étaient initiés
aux plans et aux secrets. Tout cela se per-
fectionna ensuite.
Si lord Monlague était une tête timbrée ,
un fou moitié turc , moitié bœuf, et le reste
.•inglais, comme on a dit , — lord Derwent-
Walers, qui vient après lui, n'était du moins
qu'un homme faible ; et les malheurs de
«es jeunes années excusent cette faiblesse.
Son père,- dévoué à la cause du préten-
dant, fut fait prisonnier à Preslon , con-
damné à mort par George I", exécuté le
6 mars 1716, sur l'esplanade de la Tour de
Londres. * Le comte de Derwenl-Waters ,
dit Sinollet, était un homme doué des plus
belles qualités. Sa funeste destinée tira des
larmes, de tous les spectateurs, et fut très-
préjudiciable au pays où il vivait; il était
catholique , et il faisait subsister par ses
bienfaits une foule de malheureux. » En al-
lant à la mort, il fit monter son fils sur l'écha-
faud; il lui dit: — Sois couvert de monsang et
apprends à mourir pour ton roi. — Le shérif
lui ayant demandé s'il voulait faire un dis-
cours, il répondit qu'il n'était pas venu là
pour haranguer, mais pour mourir, et qu'il
se bornait à protester hautement de son at-
tachement à la religion catholique et à la
cause de Jacques 111. Après quoi il tendit la
léle au bourreau.
L'enfant, qui n'avait que quinze ans, fut
emporté évanoui de l'échafaud. Il conserva
de cette scène un abattement et une timi-
dité qui le fit tomber dans plus d'un piège.
Six ans après, ses amis, sachant qu'il ne
songeait dans son cœur qu'à la cause pour la-
quelle son père lui avait recommandé de
mourir, lui persuadèrent qu'il trouverait
dans l'ordre mystérieux fondé par lord Mon-
tague, les moyens de relever les espérances
des Sluarts. On le présenta à lord Montagne.
Du certain intérêt s'attachait à ce jeune
homme. C'était un prosélyte important, dans
une opinion qu'il était bon de mettre aussi
sous le niveau. On le rcçnt sans effaroucher
sa conscience ; d'ailleurs, rien alors n'inter-
disait encore la franc-maçonnerie aux ca-
tholiques. Le saint-siége , qui ne fait rien
légèrement, ne connaissait pas encore le but
des maçons. Dès qu'il se vit initié, Derwcnt-
Waters passa en France, où il savait que
les Stuarts avaient des amis. La bizarre in-
stitution de lord Montagne commençait à
faire grand bruit à Paris. Le jeune Anglais
n'enl pas de peine à former une loge qui,
dans le principe, se réunit rue dos Boucheries-
Saint-lloûoré , et comme de juste chtz un
traiteur.
On ne parla bientôt plus que de cette as-
semblée secrète , où l'on n'admettait que
quelques élus, où l'on employait un langage
obscur, où l'on se faisait reconnaître par des
signes singuliers, où l'on pratiquait, disait-
on, de terribles cérémonies. Car l'ordre , à
sa naissance, exigeait un grand déploiement
de courage physique, dans des épreuves ma-
térielles que lord Montagne et ses amis
avaient inventées, et dont la mèche n'est pas
découverte encore.
Dans l'opulence du choix, on ne reçut d'a-
bord à Paris que les grands seigneurs.
A la vue de cet ordre, dont tous les mem-
bres étaient liés par des serments terribles,
dont les secrets ne pouvaient être trahis ini.-
punément , dont les affidés s'entendaient au
loin par des mots de convention et des signes
aussi incompréhensibles pour les étrangers
que le langage des télégraphes, des ambi-
tieux sentirent qu'il y avait dans la franc-
maçonnerie un levier puissant. La loge de
Paris, sous prétexte de simples festins, s'or-
ganisa ténébreusemcnt ; bientôt Derwent-
Waters lui-même ne fut plus initié à tous
les secrets , et reconnut qu'on ne s'occupe-
rait pas là de sa cause. On aitira le duc d'An-
tin, qui se fit recevoir. C'était un person-
nage éminent, que deux petites anecdotes
feront connaître.
On citait le duc d'Anlin comme un des plus
habiles courtisans de Louis XIV. Le monar-
que , un soir, alla coucher à Petit-Bourg ;
il y criti(iua une allée d'arbres qui cachait
la vue de la rivière, et fut surpris de ne plus
la voir le lendemain matin. Le duc d'Antin
l'avait fait disparaître pendant la nuit ; et il
dit au roi, qui témoignait son étonnomenl :
Les arbres n'y sont plus , parce que Voire
Majesté les a condamnés.
11 était intendant des bâtiments de la cou-
ronne.
Il fit plus à Fontainebleau. Sachant qu'an
certain petit bois déplaisait à Louis XIV, il
en fit scier tous les arbres, et posta derrière
des hommes prêts au premier signal à tirer
les cordes qui devaient les abattre. Le roi,
allant se promener de ce côté-là, suivi de
toute sa cour, ne manqua pas de répéter
que le bois ne lui plaisait point. — 11 dispa-
raîtra, dit le duc d'Anlin, aussitôt que Votre
Majesté l'aura ordonné.
— Vraiment, repondit Louis XIV, le plus
tôt sera le mieux.
Au même instant part un coup de sifflet,
et la furet tombe comme par cnchautumeut.
C'est alors que la duchesse de Bourgogne
s'écria émerveillée : — Ah 1 mesdames , si
le roi avait demandé nos têtes , M. d'Antin
les eût fait tomber de même.
Le grand courtisan avait conservé, au-
près de Louis XV, l'art particulier non de
dire, mais de faire des choses flatteuses. Eh
bien I chose surprenante ! Louis XV, à qui
la franc-maçonnerie donnait de l'ombrage,
échoua , contre toute attente , dans la de-
mande qu'il fit au duc d'Anlin de ue plu;
frcriuenter la loge.
11 était lié; sans doute déjà on lui avait
inculqué cette règle des initiations égyp-
tiennes, qu'une fois engagé dans les sentiers
de l'ordre , il n'est plus permis de se retour-
ner.
Le duc d'Antin avait soixante ans. On le
fit grand-maître de France.
On ne voit plus du tout, dans les premières
lignes, loid Derwcnt-Waters, qui voyageait
CG5
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FR\
ccc
sans doute, agent désormais exploité ; il fon-
dait un temple dans l'Artois ; des loges s'ou-
vraient partout, avec une activité incroya-
ble. Il y en eut rapidement dans tous les Etats
de l'Europe.
Mais quoique leurs menées fussent bien
çecrètes, ils ne purent dissimulerentièrement
leur but. Par la bulle in Eminenti , lancée
le 23 avril 1738, le pape ("élément XII con-
damna la franc-maçonnerie. La bulle Pro-
vidas, de BenoîlXIV (18 mars 1731), confirma
cet anathèinc. Ces mesures produisirent quel-
que elTet. En France, toutefois , les maçons
qui conservaient quelques dehors religieux
se relranchèrent derrière le gallicanisme, et
plusieurs allèrent leur train.
Le duc d'Anlin étant mort en 1736, la
grande-maîtrise fut donnée à un prince du
sang, le comte de Clormont.
Louis de Bourbon-Condé, comte de C!er-
mont, n'avait guère que trente ans ; c'était
une de ces têtes qui ont besoin de mouve-
ment et de nouveautés. 11 avait élé tonsuré
pour les ordres ; il obtint des dispenses et
tnira dans la carrière militaire. Voyant
qu'il y produisait peu de bruit , il voulut se
faire recevoir membre de l'Académie fran-
çaise. Ce fut tout un bouleversement dont il
lriom()hn. Devenu académicien , il fut acca-
blé dépigrammes, parmi lesquelles nous ne
citerons que celle-ci :
Trentp-neuf unis à zéro.
Si j'enleiids bien mon numéro,
N'ont jamais pu faire quarant ;
D'oùji' conclus, troup" savanle,
Qu'ayant k vos côiés admis
Clerniont, cotte mass ■ posante.
Ce din;ne cousin de Louis,
La place est encore vacante.
Cette épigramme est du poëto Roy, de qui
elle causa la mort ; les gens du comte de
Cleruiont le bâlonnèrenl tellement , qu'il
expira peu de jours après...
Le prince pourtant supporta d'autres cru-
dités. Lorsqu'il baltait en retraite après la
j^ournée de Crevelt, il demanda, en entrant
a Nuyiz, s'il avait paru des fuyards. Une
bonne femme lui répondit : — Monseigneur,
vous êtes le premier.
Voilà l'homme de poids que les maçons de
France mirent à leur tête en 1743.
Disons pourtant que le comte de Clermont,
qui avait aussi de bonnes qualités, qui pleura
ses fautes et ses égarements, qui termina sa
vie dans les bonnes œuvres et dans d'immen-
ses aumônes, ne voulut rester qu'un an
grand-maîlre des francs-maçons. 11 lut rem-
placé par le banquier Baure, qui prit la
chose sur une autre lace et en fit une affaire
d'argent.
Ce fut Baure qui imagina (ous les grades
honorifiques, chevaliers du Soleil, chevaliers
Kadosth, chevaliers d'Asie, frères du poi-
gnard, templiers , frères du royal secret ,
Roses-Croix, etc. Il vendit ces dignités aux
amateurs, trafiqua de tout et s'enrichit au
moyen de la fraternité.
Les gros bonnets de l'ordrel'arrêlèrentdans
celte voifi; en 17'i6 ils le remplacèrent dans
sa qualité de subslitul du grand- muîlrc; leur
choix tomba sur un maître de danse, nommé
Lacorne, ()ui sans doute avait donné des ga-
ges à l'ordre.
Celui-ci converti! la loge en salle de bals
pour les initiés , fit sauler les frères , el ,
voulant amener les dames à ses fêles, in-
venta les loges d'adoption. La duchesse de
Bourbon fut la première grand'-maîtresse de
ces loges de femmes, où l'on eut de petits
signes, de petits mois d'argot, de petites
truelles, de petits tabliers, de petits maillets;
mais où l'on ne sut de l'ordre que les enfan-
tillages et les petits mystères sans consé-
quence.
Pendant que ces joyeusctés se faisaient à
Paris, le prétendant Charles-Edouard Stuart,
se figurant que la loge d'Arras lui avait
rendu des services, ou qu'elle pouvait lui en
rendre, donna à cette loge le diplôme hono-
rifique et splendide de Chapitre primordial,
sous le nom de Loge d'Ecosse-Jacobile ; il
confia la direction de cette loge à deux avo-
cats d'Arras, M. Lagneau el M. Robespierre,
oncle de la terrible célébrité de 1793. Ceux-
là se hâtèrent de constituer la maçonnerie
dans les Pays-Bas.
On sait les tristes aventures de Charles-
Edouard Stuart, à qui sa loged'Ecosse-Jacobi le
ne rendit pas le moindre service, et que peut-
être elle perdit, en faisantrépandreàLondres,
sous prélexle de lui gagner des partisans,
le bruit injurieux qu'il avait abjuré la reli-
gion catholique; ce qui était faux.
La grande loge de Paris, que l'on commen-
çait à appeler le Grand-Orient, préparait dès
lors, au milieu des bals et des fêtes, un hardi
coup d'Etat. Hehétius, Voltaire, Diderot, d'Ar-
gens, Holbach, Boulanger, Dalembert, tous
les philosophes et encyclopédistes , s'étaient
affiliés à la maçonnerie; et l'esprit de celte
institution n'était plus douteux pour per-
sonne. Les jésuile<, devant qui les bulles des
souverains ponlifes étaient choses sérieuses,,
se croyaient tenus par leur devoir à combat-
tre un ordre si dangereux pour l'Eglise. Ils
en découvraient si précisément les inien-
liuns et la marche, ils en démasquaient si
nettement les iniquités, que le Grand-Orient
s'en troubla, prévoyant une lutte où l'une
des deux armées devait tomber.
Le parti fut bientôt pris, et 1rs batteries
dressées. Les maçons se renforcèrent d'une
grande troupe d'avocats, gens très-propres
en France à la guerre d'intrigue. On accusa
les jésuites de domination, que ceux-ci pou-
vaient reprocher à l'ordre ; les plans de bou-
leversements qui mûrissaient dans la loge
leur furent rondement attribués. On mit en
cause les petites difficultés ridicules que l'on
est convenu d'appeler libertés de l'église gal-
licane : on attira dans l'ordre les philoso-
phes du parlement, le corps de la chicane
qui n'a jamais aimé l'esprit conciliant de
l'Eglise romaine, et enfin les jansénistes, que
les bulles des papes irritaient toujours.
La campagne fui si habilement conduite,
que les jésuites furent supprimés; elle Grand-
Orient triompha.
Les francs-maçons, dans leur gloire, élureul
G67
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
€C8
pour gmnd-maîlre un autre prince du sang,
le duc de Chartres, qui, plus lard, devenu
duc d'Orléans, en dépit des arreslalions, des
menaces, de la crainte du poignard et des
terreurs de toute espèce, se leva en pleine
Convention, et renia publiquement lu franc-
niaçonneric.
Un rejîard de Robespierre, son collègue à
l'assemblée, sou frère à la loge, lui fil com-
prendre ce qui l'attendait. Le prince était
perdu. 11 alla le C novembre 1793 à l'ccha-
faud. Sa mort expia les égarements qu'on
lui reproche, car elle fut toute chrétienne.
Maximilien Robespierre avait hérité, de
son oncle d'Arras, le secret et le pouvoir
dans l'ordre maçonnique. Ce ne fut que
quand cet homa)e, qui dirigeait tout par dos
ressorts incompris, tomba lui-même, que ia
franc-maçonnerie ferma ses temples.
Voilà, sur l'ordre mystérieux dont nous
nous occupons, des aperçus et des faits rapi-
dement indiqués à vos méditations. Les gou-
vernements, fussent-ils despotiiiues connue
celui de Napoléon, ne peuvent pas maîtriser
une institution qui échappe à tout. On ne
peu' lui opposer que la religion.
Et si vous repoussez la religion , vous
serez comme cette peuplade de l'Orient qui,
dans une sorte d'illuminisme, trouvant sa
vue insuffisante, se creva les yeux et fut
dévorée par les chacals.
En fait de religion, n'oubliez pas, lecteurs,
qui que vous soyez, qu'il n'y en a qu'une. Si
vous penchez pour les néo-chrétiens, per-
mettez-moi de les comparer à ces gens qui
vous disent: — Il y a assez longtemps qu'on
fait du pain avec le grain, faisons- eu avec
la paille.
Si vous n'avez pas trop de honte des philo-
sophes, rappelez-vous le mot de Napoléon, en
quittant un philosophe illustre de son épo-
que : — En vérité, il faut avec ces gens-là
avoir les mains dans ses poches.
Ajoutons une parole illustre sur les francs-
maçons; c'est aussi de l'histoire. Lorsque la
France repoussa les jésuites, le grand Fré-
déric, dans son langage de philosophe, se
mit à dire: — Les Français renvoient les
renards ; mais ils gardent les loups, et ils
en seront dévorés.
Le vénérable Frédéric II, grand-maître
des Jrancs-maçons de Prusse et de Brande-
bourg, savait bien de quels loups il parlait.
IV. — Comnaenl Jaciiucmiii devient franc-maçon.
C'est quelque chose d'extraordinaire que
l'approche du jour où l'on doit être reçu en
loge : c'est ridicule, quand la loge est sans
portée, comme la loge des Amis réunis; c'est
triste, quand celte loge, comme il arrive
assez souvent, est un foyer de sombres
projets.
Pour fixer le jour de la réception de Jac-
quemin,il fallait stipuler avec le juif Gédéon,
qui, fidèle à sa nature, marchanda son ad-
mission comme toute autre chose. On lui de-
manda, pour le dîner, deux cents francs; il
en offrit vingt-cinq; et comme il éiait le plus
tenace dans les cllurls que l'ou lit pour se
rapprocher, la chose finalemont fut arrêtée à
soixante francs; pour laquelle somme le
frère Gersant promit un souper digne de
l'ordre, avec une nappe blanche.
On avait annoncé au juif douze convives.
On eut soin de ne convoquer que les sept
frères de rigueur; car il faut au moins sept
membres pour composer une loge ; et commo
il n'est pas permis d'être à table en nombre
pair, on compta fort bien que les sept mem-
bres, le juif et le louveteau, feraient neuf.
Les sept frères maçons qui devaient for-
mer la logo, étaient l'hôte M. Gersant, à qui
sa taille et sa physionomie prononcée, quoi-
qu'il fût bon hoiiimo, donnaient dans toutes
les cérémonies d'admission le rôle du frère
terrible ; M. Lassourco, que ses habitudes
littéraires plaçaient au siège de vénérable ou
président; M. Savoie, le marchand d'épon-
gés, et M. Cavard, le sellier en chambro ,
que l'on ne manquait pas de nommer frères
surveillants , parce qu'ils n'avaient pas d'au-
tre indemnité ; M. Félix, le peintre en bâti-
ments, qui était charge de la décoration de
la loge ; M. Delon, le boucher, et M. Hulin ,
le fruitier, ou, pour parler plus à la pari-
sienne, le mari de la fruitière ; ils fournis-
saient dans les repas ce qui était do leur
ressort.
La soirée pour la double réception fut
mise au 15 juin. Il n'y avait plus que trois
jours ; on s'occupa des préparatifs ; et tous
les soirs, l'un ou l'autre des frères travail-
lait à l'éducalion de Jacqucmin, que Thôle
avait présenté comme louveteau. Quant
à Gédéon, qui payait , il devait subir les
épreuves.
— Mon jeune ami , dit M. Lassource au
Tourn;iisien, nous vivons au milieu d'allégo-
ries sublimes, et voici l'explication que le
vénérable liiram en donna lui-même aux
frères initiés à ses grands mystères.
Le compas et Véquerre avertissent le maçon
que toutes ses actions doivent êlre réglées;
le niveau, qu'il doit régner entre tous les
frères une parfaite égalité, cimentée par la
truelle.
Les colonnes d'airain, dont l'une signifie :
i7 donnera la fermeté, et l'autre : en lui se
iroMt)e/a/'orce, annoncent que le grand archi-
tecte de l'univers est le principe de la force
et de la persévérance maçonniques. Josèphe,
au premier livre de ses Antiquités judaïques,
parle de doux colonnes fameuses, l'une de
briques et l'autre de pierres, sur lesquelles
les enfants de Selh avaient gravé los scien-
ces humaines en caraclères hiéroglyphiques,
afin qu'elles ne périssent point au déluge,
qui avait été prédit par Adam. 11 ajoute que
ces deux colonnes, quo n'endommagèrent
p is les eaux, subsistèrent longtemps après
Noé ; il est probable, mon jeune ami, qu'Hi-
ram, en élevant ces deux colonnes d'airain,
voulut conserver ainsi le souvenir du mo-
nument antédiluvien, dont les mystères et
les hiéroglyphes lui étaient parfaitement
connus,
La perpendiculaire, dont l'usage est sou-
vent rappelé, indique que tout vient d'en
6'J9
FRA
FRA
670
haut. Le pavé mozàique, qui se voit dans les
loges rigoureuses, est l'emblème de l'union
qui règne, comme on sait, entre tous les
maçons. Le dais d'or et d'azur, qui surmonte
le siège du vénérable, signiGe par l'or la
richesse, et par l'azur la sagesse.
L'étoile flamboyante, conlinua-t-il , est
l'cmblèine du génie qui élève aux grandes
choses.
— C'est aussi, ajouta le sellier, la signifi-
cation du grand architecte de l'univers.
— Et le Delta, poursuivit l'hôte, voilà qui
est sublime; ça signifie tout.
On vous parlera encore de la pierre angu-
laire, symbole que vous connaîtrez plus
tard.
Ce pathos, que l'orateur empruntait sans
rien dire au frère Pillon du Chemin, ne pa-
raissait pas à Jacquemin très-orlhodose.
Mais on ne lui laissa pas le temps d'entrer
trop avant dans ses réflexions. Ces leçons se
donnaient autour dune table chargée de pe-
tits verres; le boucher avait pris un morceau
de papier, et, avec une vraie plume d'au-
berge, il avait écrit une demi-page, où l'on
ne voyait que des signes, comme il suit :
Au G.-. 0.-. de P.-., le G.-. A.-, de TU.-, a
mis le N.'. sur les F.-, de l'O.*., sur les M.',
de la L.*. comme sur le V.*. et sur tous les
F.-. M.-.. La F.-. M.', dans son T.*., sous l'E.-.
F.", qui est l'œil de J.\ unit tout avec la ï.-..
Ainsi vivons d'E.-., et que le G.', nous règle
à la G.-, du G.-. A.-, de l'U.-..
— Lisez cela, jeune homme, dit-il, en
poussant ce papier sous les yeux de Jacque-
min. Voilà une langue qui devient la vôtre;
et quand désormais vous écrirez à des frères,
c'est ainsi que vous devez marquer vos
mots, à moins de continuer à passer pour
un profane.
Jacquemin avait déjà parcouru quelques
livres de maçonnerie; cependant, le même
signe étant employé pour diverses expres-
sions, il ne se retrouvait pas bien.
— Voilà, fieu, reprit le boucher en lisant :
' — « Au grand Orient de Paris, le grand
architecte de l'univers a mis le niveau sur
les frères de l'ordre, sur les maîtres de la
loge comme sur le vénérable et sur tous les
francs-maçons. La franc-maçonnerie, dans
son temple, sous l'éloile flamboyante qui est
l'œil de Jéhovah, unit tout avec la truelle.
Ainsi, vivons d'cquerrc, et que le compas
nous règle, à la gloire du grand architecte
de l'univers. »
On ignore si Jacquemin eut la pensée que
ce devait être encore là un sublime morceau
pillé à quehiue gros bonnet de l'ordre. Mais
le boucher l'avait appelé fieu, et ce fut ce qui
le frappa; car c'était un mot du patois de
son pays.
— Vous m'avez appelé fieu, dit-il à Delon.
— Fieu l certainement, reprit celui-ci, c'est
que je suis de Lille, et de la rue des Chals-
liossus encore. Ainsi, nous sommes voisins ;
et c'est pour cela que je vous protège; el
vous serez mailre.
Jacquemin parut très-ttatté. Il y avait ce-
pendant en lui quL'l([iie cliose qu'il ne pou-
vait pas bien déterminer, el qui semblait lui
dire qu'il s'embarquait dans une sotte af-
faire. Mais la curiosité l'entraînait. On l'en-
tretenait de tout ce qui pouvait l'exciter : on
lui parlait des trente-deux grades de la ma-
çonnerie, chevaliers, templiers, frères du
poignard, roses-croix; on lui disait que ces
titres n'étaient qu'honorifiques, et qu'il n'y
avait de grades réels que les trois premiers,
qui devaient lui être conférés tout d'un
coup. Ceux qui lui parlaient ne savaient rien
encore des projets qui grondaient dans les
hautes loges ; ils lui dirent le peu qu'ils sa-
vaient des loges du rite écossais, des loges
d'adoption, des loges d'élite, où l'on faisait
un choix épuré des frères mêmes; cl dans
ces causeries, le jour de la réception arriva.
Le quinze juin, à sept heures du soir, tous
les membres convoqués arrivèrent à l'hôtel
du quai des Orfèvres. Jacquemin avait mis
son habit noir et sa culotle courte, qui alors
était de grande mode. Gédéon était éclatant,
chamarré de chaînes d'or et de bijoux, à la
manière des juifs. On n'attendait pour partir
que M. Lassource, qui fit dire tout inopiné-
ment qu'il était indisposé et qu'on devait tra-
vailler sans lui.
La femme de M. Lassource n'aimait pas
non plus que son mari allât en loge; cela lui
semblait ténébreux, et elle ne manquait pas
de lui jouer des tours lorsqu'elle le voyait
tirer de la commode son tablier de maçon et
le mettre à l'air dans le projet de s'en parer
le soir. Ce jour-là, elle avait mis de la rhu-
barbe dans une omelette aux fines herbes
que M. Lassource avait mangée pour son
déjeuner. 11 en était devenu si relâché et si
fade, qu'il devait garder la chambre.
Les frères se fussent trouvés dans un
grand embarras, si l'hôle n'eût songé aussi-
tôt au voisin Guenaud,le marchand de tabac,
chez qui il courut, et qui fut prêt en cinq
minutes, dès qu'il apprit qu'il y avait un
souper.
On partit donc courageusement pour la
rue Saint-Merry.
Comme la troupe maçonnique enfilait cette
rue avec une grande vigueur de jarrets, le
hasard, qui est souvent original et quelque-
fois plaisant, voulut qu'un gamin de Paris
croi.-ât les frères en clianlant une joyeuse
chanson, dont ils aitrappèrent ce couplet :
Cadel Rousselle a nn cochon ,
Cadet Itoassbllc a un cochon ,
Oue l'on a riçu lianc-iiiaçou ,
O'ie l'on a ri çu franc-iiiavoii;
Il fjït caca sur la Iruelte.
yue diles-vous d,^ Cadet Roussello?
AU ! ah! ah ! oui vraiment,
Cadet llousselie est bou enfant.
— Polisson! cria, de ses solides poumons,
M. Cavard en s'arrêtant. Mais le gamin avait
passé, et il poursuivait :
Cadpt Roussplle a un cheval,
Cadot Rousselle a un cheval
yu'est ollicier municipal ,
yu'est oflicicr municipal,
Kt qui ne va plus à la s. Ile...
Un fiacre (lui arrivait avec fracas empocha
d'cnicndre le reste.
671
DICriONNAlUE DES SCIENCES OCCL'LTES
— No voyez vous pas, dit M. Gersant, pour
calmer le sellier, que c'est une chanson du
temps de l.i Terreur?
— Il est fâcheux, ajouta le peintre en bâii-
menis, que M. Lassource ne soit pas des nô-
tres. C'est celui-là qui à table sait de belles
chansons 1
Cependant on était arrivé au n° 22, où se
trouvait la loge des Arnis réunis. On entra.
Jacquemiii était un peu honteux. Après
qu'on eut monlé trois étages, on s'arrêta de-
vant une porte sur laquelle le frère Félix
avait peint ces mots en lettres rouges :
Lauge des Francs-Maçons.
Les amis réunis.
Félix s'approcha de Jacquemin, qu'il sa-
vait être un jeune homme ayant fait ses élu-
des, et lui montrant l'inscription : — Je suis
en discussion, lui dit-il, avec le frère Las-
source , à propos de mon orthographe. 11
prétend qu'il faut , au premier mol , une
apostrophe après l'L.
Ces paroles furent pour le Tournaisien un
coup de foudre. Il était évident que M. Las-
source se moquait de la maçonnerie.
La porte cependant s'était ouverte.
— Vous causerez à table, iiilerrompit lo
marchand d'épongés, en poussant Jacquemin
dans l'antichambre de la loge.
Il y avait à droite et à gauche de celle anti-
chambre, des cabinets, cl au fond, une porte
qui ouvrait dans le temple, ou du moins
dans la pièce qu'on nommait ainsi. Les frères
Savoie et Gavard, en qualité de frères sur-
veillants, s'emparèrent des deux néophytes
et les conduisirent aux cabinets de réflexion.
Jacquemin, sous la garde du frère Savoie,
entra dans le cabinet de droite, qui était bar-
bouillé ou tendu de noii jusqu'au plafond.
Une seule chandelle brûlait sur une petite
table. Devant celle chandelle on avait pré-
paré une feuille de papier, une plume et de
l'encre; et sur celte feuille, en guise de serre-
papier, une télé de mort.
Le marchand d'épongés dépouilla Jacque-
min de ses bijoux, de son argent, de tout ce
qu'il avait sur lui de métallique; puis il lui
dit:
— Ce que je fais là est pour marquer l'ab-
négation que tout franc-maçon doit faire des
richesses et des vanilés de ce monde. A pré-
sent, vous allez rester seul un moment, pour
faire vos réflexions avant les engagements
qu'il s'agit de contracter. Vous allez voir la
lumière; considérez que c'est une vie nou-
velle pour vous. En sortant des ténèbres où
végètent les profanes, nos statuts veulent
que vous fassiez votre testament : on entend
par là l'expression de vos plus intimes sen-
timents.
Tout ce discours du frère était une formule
apprise; et la môme chose fut dite avec les
mêmes accompagnements à Gédéon le juif,
dans le cabinet de gauche.
1 Jacquemin, laissé seul, ne se trouva pas à
son aise. — Qu'est-ce que tout cela? dit-il;
c'est stupide ou c'est mal. J'aurais dû recher-
cher quelque bon conseil; et puisque je ne
67*
connais ici personne, j'aurais dû écrire à
mes maîtres ou à des personnes vraiment
éclairées.
Cependant il était là, devant la télé de
mort, qui n'est jamais chose réjouissante. La
peur, l'embarras, la fausse honle, la curio-
sité le ballottaient. N'osant pas ôter la tête de
mort, il tira doucement le papier, écrivit h
la bâle quelques lignes , puis frappa trois
coups, ainsi qu'on le lui avait prescrit.
Le frère surveillant rentra aussitôt :
— Vous êtes déjà prêt, dit-il; à la bonne
heure. J'aime cela.
Il mit à Jacquemin un bandeau sur les
veux, le prit par la main et le conduisit, avec
le papier qu'il appelait son testament, à la
porte du temple, où il frappa trois fois trois
coups.
— Qui frappe là? demanda une voix de
l'inlérieur.
— Un frère,
— Que demandez-vous?
— Je demande à présenter au temple un
candidat, (ils de maçon.
Dans celle circonstance solennelle , le
mensonge, quoiqu'il fût convenu, fil battre
le cœur de Jacquemin, qui pourtant se bor-
nait à le tolérer.
— Quel est le nom du louveteau? reprit la
voix.
— Jacquemin Claes, jusqu'à ce qu'il lui
soit permis de s'appeler le frère Jacquemin.
— Que désire-t-il?
— Voir la lumière.
— A-t-il fait son testament?
— Je l'apporte.
— Qu'il soit introduit; il a ici un parrain.
Tout cela n'était pas très-régulier de l'or-
me. Néanmoins la porte s'ouvrit, et Jacque-
min entra, mais sans rien voir; car il avait
sur les yeux une serviette épaisse
Après qu'il eul fait trois pas dans la loge,
il sentit que la main du frère surveillant ie
lâchait et qu'il était abandonné à lui-même.
La feuille de papier qu'on appelait son testa-
ment fut remise au frère Félix, qui la lut à
haute voix. Elle contenait ce qui suit :
« Je suis sous la garde de Dieu. Que sa
main me dirige : si je m'égare, qu'elle me
fasse rentrer dans la voie. »
Cette lecture fut suivie d'un moment de si-
lence, que le frère Gersant rompit en disant :
— C'est fort bien ; ce n'est pas le slyle ma-
çonnique : aussi le candidat n'est-il pas en-
core initié. Je suis son répondant, corps pour
corps; et je demande que, comme louveteau,
il soit exempté des épreuves matérielles et
physiques.
— C'est accordé, répondit le vénérable.
Qu'il subisse donc la question morale. Com-
mencez, frère Félix.
— Jeune candidat, dit le peintre en bâti-
ments en se tournant du côlé de Jacquemin,
qui avait toujours les yeux bandés, que fe-
riez-vous si vous étiez au haut d'une échelle
et qu'on menaçât de vous en précipiter, à
moins de renier la franc-maçonnerie ?
— Je me dépêcherais de dosi cadre, ré-
C73
FRA
FRA
674
pondit Jacquemin, et je me moquerais de la
menace.
— C'est flnement répondu, s'écria le par-
rain. A vous, frère Guenaud.
— Que feriez-vous, jeune candidat, dit ce-
lui-ci, si l'on voulait vous faire dîner gras
un vendredi, à moins de révéler les secrets
de l'ordre, qui vont vous être confiés ?
— Je ne dînerais pas du tout, répondit
Jacquemin.
— Voilà qui vous la coupe, dit le parrain;
vous faites des questions insidieuses à ce
jeune homme, que vous effarouchez . A vous,
vénérable, la troisième question.
— Je ne ferai pas une simple question, dit le
boucher. Le candidat est chrétien catholique.
C'est une religion intolérante. Je propose
donc que lejeune homme abjure devant nous,
s'il veut être admis; ou bien qu'on le rejette
dans les ténèbres.
— Si ce qu'on dit là est sérieux, répondit
Jacquemin, on aurait dû m'en prévenir...
— Supérieurement parlé, interrompit le
parrain ; nous avons du caractère. C'est ce
qu'il taut dans notre ordre. — Puis, se re-
tournant vers l'auteur de la proposition, il
lui dit à voix basse : — Nous ferons sou édu-
cation.
S'adressant à Jacquemin, il ajouta: Vous
avez glorieusement subi les épreuves. Sortez
des ténèbres.
En disant ces mots, le frère Gersant en-
leva le bandeau qui couvrait les yeax. du
néophyte ; et Jacquemin vit la lumière.
11 se trouvait au milieu dune grande pièce
longue, barbouillée d'une couleur qui pou-
vait avoir la prétention d'être bleue. Le pla-
fond se trouvait peint en azur, avec des
éioiles, une lune et un soleil en découpures
de papier doré. Dans le haut de la salle
étaient deux colonnes, et entre les deux co-
lonnes le siège du vénérable, surmonté d'un
dais en papier azur et en papier doré. Au-
dessus du dais l'étoile flamboyante <;n clin-
quant; au milieu de l'étoile, qui avait trois
pieds de diamètre, un delta, et au milieu du
delta un G, première lettre du nom de Dieu
(God) en anglais.
Au-dessous du vénérable, des sièges ados-
sés aux murs à droite et à gauche. Les frères,
décorés de leurs tabliers et de leurs cordons,
étaient tous assis, ayant aux mains des gants
qu'ils croyaient blancs. Tous tenaient l'épée
nue à la main gauche ; il y avait devant cha-
que siège un petit bureau, sur lequel repo-
saient la truelle et le maillot. Ils se servaient
(le ce dernier instrument en frappant trois
coups, pour approuver, pour applaudir, ou
pour demander la parole.
A quelques pas devant le vénérable, s'é-
levait un petit autel triangulaire, sur lequel
on avait mis quelques fleurs dans un vase
de verre bleu.
Tout ce que nous venons de décrire occu-
pait la partie gauche du temple, qui avait un
aspect assez misérable. La partie droite avait
l'air d'un magasin, étiint remplie et obstruée
d'ohjpts singuliers en usage dans lesépreuves.
— Voilà donc ce que c'est au'une loge, dit
en lui-même Jacquemin singulièrement pré-
occupé. 11 avait cru que c'était plus curieux.
Il se consola en se promettant (juclque agré-
ment à voir les épreuves du juif.
Cependant tous les frères s'étaient assis au
moment où son parrain lui avait ôtéle ban-
deau ; ils voulaient le frapper par un impo-
sant spectacle; ils quittèrent bientôt leurs
sièges, aussi bien que le vénérable, et firent
cercle autour de lui, pour l'initier.
Ce fut son hôte, le frère terrible, qui avait
déposé son formidable ministère pour être
son parrain, qui fut chargé aussi de lui ou-
vrir le trésor des secrets. Il lui apprit d'a-
bord la marche en loge des apprentis et des
compagnons, qui consiste à n'avancer que
du pied droit, en traînant le pied gauche et
le frappant à chaque pas, par le travers,
contre le talon de l'autre; puis la marche des
maîtres, car on lui conférait à la fois les
trois grades. Son parrain marcha en maître
devant lui , avançant le pied droit sur la
droite et frappant le talon du flanc du pied
gauche, avançant ensuite le pied gauche sur
la gauche, et frappant pareillement le talon
du flanc du pied droit; puis repartant de ce
pied droit, et toujours de môme en zigzags
à angles parfaits.
A l'enseignement de la marche succéda
l'enseignement des attouchements. Il lui ap-
prit que reconnaître un maçon par l'attou-
chement, cela s'appelle le tuilcr. Il lui fit
l'attouchement de l'apprenti, qui se pratique
en se prenant mutuellement la main droite,
plaçant le pouce sur l'os de la racine du doigt
du milieu de la main que l'un serre, et pous-
sant cet os trois fois, les deux premières ra-
pidement, la troisième avec un peu plus do
lenteur.
Il exécuta les autres attouchements, qui
varient peu, indiqua les signes triangulaires
et le signal du niveau que l'on fait devant sa
figure pour saluer ; il dit les mots sacrés,
depuis le Jakin et le Tubalcain des apprentis
jusqu'au Sisboleth des maîtres, et ajouta quo
les mots de passe variaient selon les saisons,
donnés qu'ils sont par le Grand-Orient.
On lui dit beaucoup d'autres choses : que,
par exemple, en langage maçonnique un
apprenti avait trois ans et plus, un compa-
gnon cinq ans et plus, un maître sept ans et
plus, et qu'il fallait, dans les questions re-
latives à ce point, répondre conformément
à la règle, qui ne varie pas avec les années,
un maître n'ayant jamais que son âge de
maître, et un apprenti que son âged'apprenli.
On lui fit noter qu'à la demande : Connaissez-
vous la lumière ? qui se fait à tous les frères,
et à la demande: Connaissez-vous l'acacia?
qui ne s'adresse qu'aux maîtres, on devait
répondre textuellement et invariablement :
La lumièrem'est connue; l'acacia m'est connu.
On lui expliqua que le rôle du frère terrible
était de faire peur aux candidats et de les
maltraiter pour éprouver leur courage. Ou
lui dit encore que ce qu'on appelait loges
d'adoption étaient des tenues de fêtes où les
femmes étaient admises au temple, avec la
tablier et le cordon eu sautoir, et le litre de
(7S
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCL'LTES.
CT6
sœurs, mais pour des bals ou des guoulclons
seulement; el que dans ces occasions il y
avait (les mots de passe de circonstance et
des signes de convention particuliers, qui
ne couipromeltaient rien des secrets fonda-
mentaux.
Ce cours, dont les détails, si nous les al-
longions, pourraient sembler fastidieux, du-
ra tout un quart d'heure.
Cependant Gédéon avait déjà frappé trois
fois. Le fière surveillant qui l'avait mis, au
cabinet des rcllcxions alla le prendre enfin.
Tout le monde rentra dans le silence.
On heurta trois fois trois coups à la porte,
comme on avait fait pour Jacquemin; seule-
ment, au lieu de répondre que celui qui de-
mandait à étreadmis étaitunfils de maçon, on
répondit que c'était un profane. Le frère Gcr-
Siint reprit son personnage de frère terrible
et demanda si le postulant s'était préparé à
supporter courageusement les épreuves. Sur
la réponse affirmative du frère surveillant,
qui consentait à être parrain, on introduisit
Gédéon, pâle, défait, les yeux bandes selon
l'usage.
Son testament, qui occupait toute une page,
eût pu se résumer en ce peu de mots, qu'il
léguait la direction de sa conduite aux frè-
res. On en fut assez content.
Pendant qu'on lisait, Jacquemin continuait
son examen de la loge. Il vit alors que le
temple était éclairé par un lustre en bois,
chargé de sept chandelles allumées. 11 re-
marquait partout la consécration du nombre
impair, et surtout des nombres trois, sept et
neuf.
Il jeta aussi les yeux sur £es nouveaux
frères. Le marchand de tabac avait un tablier
tout gâté, et un cordon privé de son étoile.
Il lui en fit l'observation.
— Vous savez ce qu'on dit, répliqua ingé-
nument le frère Guenaud, que les cordon-
niers sont toujours les plus mal chaussés.
C'est que je vends des attributs ; et j'espère
bien que vous nie donnerez votre pratique.
C'est un de nos frères, qui va demain à la
loge du Pélican, qui est venu changer son
tablier et son cordon contre des neufs. Ce
que c'est que d'avoir des enfants 1 son petit
garçon avait pendu un polichinelle au bout
du cordon, à la place de l'étoile qu'il a éga-
rée, et sa Glle avait collé des mâts de cocagne,
des soldats et des canards sur le tablier, .l'ai
mis cela pour aujourd'hui, ne voulant pas en
compromellp-' de neufs.
En riant de tout cela, le frère Guenaud al-
luma un cigare. Le frère Félix vint lui faire
observer que ce n'était pas permis et qu'il
gâtait le temple.
— Ce n'est pas le Pérou que ton temple,
répondit le frère en éteignant son cigare.
11 marmotta pour se consoler qu'il fume-
rait en sortant, et qu'il revaudrait l'affront
an peintre.
On commençait alors les épreuves, qui
attirèrent l'attention de Jacquemin.
On fit monter le juif sur une échelle qui,
à chaque échelon qu'il montait, descendait
dans un trou de la valeur d'un échelon. Après
qu'il eut fait vingt-rinq échelons, ce qui de-
vait lui faire croire qu'il était à une certaine
hauteur, on lui commanda de se précipiter.
Apparemment qu'il avait confiance ou qu'il
était prévenu ; car il sauta sans hésiter.
Toutefois il parut surpris, ayant pris un cer-
tain élan, de tomber seulement de la hauteur
d'un tabouret.
On lui présenta alors une planche hérissée
de clous, en lui ordonnant de se laisser tom-
ber dessus. Après qu'il l'eut bien talée, il se
laissa choir; mais on avait substitué à la
planche un matelas.
On lui dit ensuite que, pour arriver au
temple, il fallait faire un périlleux voyage
souterrain. On le fil tourner quatre fois au-
tour d'une longue- table, sur laquelle des frè-
res, armés d'cpéos de théâtre, faisaient un
cliquetis épouvantable ; le frère terrible hur-
la à ses oreilles, simulant les cris des bétes
féroces avec une effroyable vigueur; on cor-
na dans des instruments sinistres ; on agita
de grandes crécelles; c'était un vacarme in-
fernal. On brûla autour du visage de Gédéon
des étoupes imprégnées d'esprit de vin; le
petit juif suait à grosses gouttes. Mais il allait
son chemin.
A la fin on lui dit qu'il était an bout du
souterrain et qu'il fallait descendre dans, un
précipice. Le juif, pensant probablement que
quoique en loge il était sous la protection des
cinq codes, se laissa faire. On l'attacha sur
une bascule, que l'on fit tourner avec vitesse.
Quand on arrêta la roue, il était temps.
Le candidat se soutenait à peine. On lui ôta
son bandeau et on le fit asseoir, en lui dé-
clarant qu'il était reçu ; le courage qu'il avait
montré le dispensait des épreuves morales,
qui d'ailleurs pour les frères présents étaient
plus embarrassantes que les épreuves phy-
siques.
La joie le remit bien vile.
Aussitôt qu'on le vit ranimé, on lui de-
manda de faire le serment, circonstance que,
dans la préoccupation des frères, on avait
oubliée pour Jacquemin. Celui-ci s'en ré-
jouit vivement, lorsqu'il en entendit la for-
mule. Gédéon prit cette formule qu'on lui
présentait, et la prononça, la main droite po-
sée sur l'autel triangulaire :
« Je jure sur les statuts généraux de l'or-
» dre et sur le glaive, symiiole de l'honneur,
» de garder inviolablement tous les secrets
» qui me seront confiés. Je promets d'aimer
» mes frères et de les secourir selon mes fa-
» cultes. Je consens, si je deviens parjure, à
» avoir la gorge coupée, le cœur et les en-
» trailles arrachés, le corps brûlé et réduit
» en cendres, mes cendres jetées au vent ; et'
» que ma mémoire soit en exécration à tous
» les francs-maçons. Que le grand architecte
» de l'univers me soit en aide I »
Le bandeau n'eût dû tomber de ses yeux
qu'après ce serment, dont nous donnons le
texte officiel, mais on avait craint que Gédéon
ne se trouvât mal.
On lui dit alors qu'il devait se féliciter de
n'avoir pas subi de plus vio'entes épreuves;
on [iromit de lui en conter de curieuses a
i
67Î FR\
t.iblc; on loi .tpprit tout ce qu'on avait appris
à Jjicqucmin. Après cela, on ferma la loge ; et
la bande, enrichie de deux nouveaux frères,
s'en alla souper.
Dans le chemin, ils se trouvèrent, par un
jeu du hasard, escortés par une bande d'ou-
vriers ivres, dont l'un chantait à gorge dé-
ployée la chanson suivante. Tous les efforts
dos frères ne purent obliger cet insolent au
silence.
LA TRUELLE.
AiH du ménage de garçon :
Je loge au quatrième éUige.
Je suis un avocat sans cause ,
Ouoiqu'à l'aBûl comme un requin.
Sur nioii couiple le bonri^eois k'osp;
On m'ose irailer de coquin.
La ni6ciisance est bien cruelle.
Mais quelque jour on se laira.
Je suis maçon; j'ai ma truelle
Le Ti sie ira comme il pourra.
On nie fait des re;)roches graves,
A moi qui suis fort et puissant,
De n'être point parmi nos braves
Et d'avoir pris un remplaçuit.
Mais le courage on moi chancelle;
Jamais il ne s'afleruiira.
Je suis maçon; j'ai ma truelle ;
Le reste ira comme il pourra.
J'ai fait souvent pleurer ma mère;
Tout petit je battais mes sœurs;
J'ai cent fols chagriné mon | ère ;
J'ai désolé mes professeurs.
A l'élude j'étais rebelle,
Mais âpre aux jeux, el cœleia.
Je suis maçon; j'ai ma truelle;
Le reste ira couime il pourra.
Je vivais mal avec ma femme ;
J'ai planté là mes deux enfants.
Mes voisins m'appelli'Ut iufàine,
Avccd'aulres mots éiouffanls.
Au diable leur trisle crécelle!
Nargue de tout ce qu'on «lira I
Je suis maçon; j'ai ma trudle;
Le reste ira comin^ il pourra.
Pour moi la chicane est une onibre
Qui m'a toujours accompagné.
Aussi j'eus des procès sans nombre;
Mais je n'eu ai jamais gagné.
Je n'ai plus rien dans l'escarcelle;
Et quand mon crédit s'éteindra ,
Je suis maçon ; j'ai ma truelle ;
Le reste ira coiume il pourra.
Mon crédit se meurt assez vite :
Mes plus beaux jours sont terminés.
On dirait que chacun m'évite ;
On me ferme la porte au ue7.
3e vais a ma loge fidèle.
Li) du moins ou me recevra.
Je suis maçon ; j'ai ma truelle;
Le reste ira comme il pourra.
J'ai fait des tours de passe-passe;
Dans plus d'un j'eus un vrai bonheur;
Et pour un traitqui les surpasse,
On dit que j'ai perdu l'honneur.
Mais de cette autre bagatelle
Le souvenir s'amortira.
Je suis maçon ; j'ai ma truelle ;
Le reste ira comme il pourra.
Maçon, sans que rien te déroute,
Vr., moque-toi d's préjugés.
Mais que la mort t'altrappe en roiili!,
'l'es comptes sont mal arrangés.
Satan te lient par la lic( lie.
Si tu dis, quand il le prendra : —
« Je suis maçon ; j'ai ma iruelK', » —
Le reste ira comme il pourra.
V. — Souper maçonnique.
En arrivant à l'hôtel du quai des Orfèvres,
désagréablement préoccupé des couplets dont
FRA
fi78
on venait de leur emplir les oreilles, les frè-
res montèrent sans s'arrêter, à la salle du
premier étage, où le feslin se dressiiil. La
table fut garnie en un clin d'œil. Les étoiles,
qu'on appelle dans le langage humain des
chandelles, étaient au nombre de neuf, ran-
gées trois par trois et en triangles, selon le
devoir. Le vénérable, conservant sa dignité
toute la soirée, prit le siège du milieu et
cria : — Frères, a l'ouvrage 1 — Ce qui veut
dire : — Messieurs, à table 1
Tout le monde le comprit Les frères an-
ciens tracèrent en l'air devant leur nez des
triangles plus ou moins corrects; Jacquemin
fll le signe de la crois el dit son Benedicite.
— Le frère Louveteau fait des triangles
quadrangulaires , dit le juif en se penchant
vers l'hôte.
— Faites vos triangles comme vous l'en-
tendez, répondit le frère Gersant ; vous n'êtes
pas frère surveillant.
— Cette planche est mal travaillée, dit le
frère Savoie en changeant la disposition do
quelques plats. — Il critiquait la manière
dont la table était servie.
— A vous la truelle, vénérable, interrom-
pit le frère Hullin, qui dévorait des yeux uu
morceau de veau aux petits pois.
Le vénérable prit la truelle, c'est-à-dire la
grande cuiller, et servit le potage.
A ce mot de truelle ainsi appliqué, Jacque-
min pensa malgré lui au cochon de Cadet
Rousselle; ce qui fit qu'il ne mangea que la
moitié de sa soupe.
Avant d'attaquer les plats de viande, le
vénérable ordonna que l'on chargeât les
barils; ce que vous autres, bons et honnêti s
lecteurs, vous appelleriez emplir les verres.
11 se leva ensuite, en proposant un toast aux
deux frères initiés.
Ce toast obligé fut accueilli par des trian-
gles horizontaux, que tracèrent les barils
dans l'espace, avant de se choquer. Après
cela, chacun joua des dents.
Dès que la conversation se ranima, elle ne
roula, comme de juste, que sur l'admission
qui était la cause du repas. On refélicita les
nouveaux frères; on leur fit valoir l'agré-
ment qu'ils auraient désormais dans leurs
voyages de pouvoir se dire en mettant le pii d
dans une ville : — J'ai ici des frères.
— Il ne faut plus aux jeunes initiés, pour
être en règle, que deux petites dépenses, dit
le marchand de tabac; la première est l'ac-
quisition du tablier, du cordon bleu et dos
autres attributs ; pour cela je me recom-
mande aux frères de notre loge, je fais des
remises qu'ils n'auront pas ailleurs.
— Nous nous entendrons, dit le juif.
— J'achèterai certainement chez vous, dit
Jacquemin. Il ajouta tout bas : Quand j'a-
chèterai; — car sa conscience éprouvait
quelque trouble.
— La seconde dépense aura lieu, reprit
Hullin, quand les frères se présenteront au
Grand-Orient pour avoir leur diplôme.
— Mais, demanda Gédéon surpris, est-ce
qu'on a besoin d'un diplôme écrit? On ne
m'avait pas dit cela. Les mots et les signes
&h
DICTIONNAIliE DES SCIF.NCKS OCCULTES.
C84
«luî viennent de nous êlre appris ne suffisenl-
ils pas?
— Ils suffisent pour la loge, dit le véné-
rable. Il est indispensable que vous les sa-
cliipz pour prouver au Grand-Orient, à ((ui
nous vous présenterons, que vous êtes ini-
tiés. Mais sans un diplôme du Grand-Orient,
avec lequel on vous donnera en môme temps
les mots de passe, vous ne pouvez entrer ni
pénétrer dans aucune loge étrangère.
— Et quelle est , demanda Gédéon, le
montant de cette dépense?
— Le diplôme est très-llalteur , répondit
Félix, je vous ferai voir le mien; c'est uu
parchemin avec gravures allégoriques.
— Et cela coule ?
— Les colonnes et tous les attributs y
éclatent.
— Mais le prix?
— Ohl le prix varie, dit l'hôte, de cent à
trois cents francs.
— Bon 1 répliquale juif, on peut s'arranger.
— Mais on ne peut pas avoir cela d'occa-
sion, ajouta malicieusement le frère Cavard;
t'est personnel.
— Quant à vous, mon jeune frère, inter-
rompit le vénérable en changeant la conver-
sation et s'adressanl à Jacquemin, à la pre-
mière assemblée, nous vous ferons orateur
de la loge.
— Je suis trop timide, répondit Jacquemin.
— Bahl vous nous connaissez tous; vous
parlerez de devoirs et de morale, de fidélité
et de bienfaisance. Vous y mettrez de la sen-
sibilité; cela fait toujours bien. Vous pour-
riez écrire vos discours. Est-ce que pour la
solennité de ce jour vous n'avez pas fait une
petite chanson?
— Une chanson, répliqua le Tournaisien,
fnais je ne sais pas faire de chansons.
— Eh bienl si c'est cela que vous voulez,
dit le peintre en bâtiments, je vais, moi, vous
chanter la chanson de M. Lassource, vu qu'il
n'est pas là pour la chanter lui-ntème. Et le
frère chanta à plein gosier, après qu'on eut
fermé les fenêtres, à cause de l'air patrio-
tique que la Restauration n'aimait guère.
PLAHCUE DE TABLE.
Sur fuir de la MarseiUaise.
^ Allons, enfanls de la truellu,
Voici le monienl du dtiier.
Si la faim nous semble cruelle ,
Nos dents voul pouvoir s'en donner, (bis.)
Voyez-vous la lourie imprévue
Mais on n'avait pas remarqué jusqu'alors
que le frère Guenaud, qui buvail sans relâ-
che, s'était enivré eu silence, et qu'un trôs-
Çrand scandale se préparait. Ce frère se mit
a l'aire sa partie dans la chanson :
— Je n'ai pas vu la tourte, dit-il en inter-
rompant le chanteur.
On lui cria unanimement le chut solennel.
Le frère Félix poursuivit :
Les poulets à la Marengo
— Les poulets à la quoi?... demanda pa-
reillement Guenaud, pendant que Félix im-
perturbable achevait son couplet :
Us viennent, Qanqués du gigot,
Auus ravir lu u\.ï et la vue.
— Oh ! la frime I il était fier le gigot pour
te ravir le nez, dit encore l'ivrogne, dont le
murmure fut couvert par le refrain :
A table 1 ctiers amis! en dignes francs-uiaçons,
Buvon'!, mangeons !
Et qu'un vin pur anime nos chansons!
Quel est ce grand plat dY-orevisses,
lie crêtes et de cliampignons ?
— Où ça des écrevisses? où ça des cliam-
pignons? interrompit derechef le frère Gue-
naud, à qui son voisin mit la main sur la
bouche, pour ne pas déranger le chanteur,
qui allait toujours :
l'ourqui la choucroute aux saucisses
Kt la friture de goujons? (bis.)
— Ohl la friture I les tas de menteurs,
grommela le frère ivre en dépit des efforts
de son voisin. C'est le vénérable qui l'aura
péchée, la friture.
M<iis le peintre en bâtiments continuait
sans s'ébranler :
Maçons, pour nous! Kl le Champagne,
Le clos-vougeot, le chamberlin
— C'est ça 1 hurla Guenaud en frappant la
table; donnez-en, versez-en; chargez les
barils I
Et ici, pendant que le frère Savoie gour-
manduit rudement l'interrupteur, le frère
Félix se vil obligé de reprendre :
Maçons, pour nous! Et le Champagne,
Le clos-vongeot, le chamberlin,
Viennent rehausser le festin !
Cédons au transport qui nous gagne.
A table I chers amis! eu di}{nes francs-maçons.
Buvons, mangeons!
Et qu'un vin pur anime nos chansons !
Maçons, en gourmets pleins d'adresse,
Sachons diriger nos travaux.
Lniionsun peu contre l'ivrossc;
Mangeons sans presser les morceaux. (biO
— H n'y a plus rien, vieux blagueur I gro-
gna le marchand de tabac, sans eaipéther la
chanson de marcher :
Mais dehors les bouteilles vides!
Mais loin de nous le plat désert!
El sur l'agréable dessert
Xoinbons en colouucs avides.
— Oui, tu tomberas sur ton Prussien, avec
les colonnes, dit encore le frère Guenaud.
Heureusement le chorus couvrit cette nou-
velle incongruité :
A table ! chers amis ! en dignes francs-maçons,
Buvons, mangeons 1
Et qu'uu viu pur anime nos chansons 1
Fi donc de ces bourgeoi.» austères,
Craignant toujours de s'aublier I
Ah! s'ils connaissaient nos mystères,
Ils prciiJraienl tous le tablier', (bis.)
— Pour des festins pareils, il y a presse
intercala l'obstiné contradicteur.
— Cet homme a le vin mauvais, dii le vé-
nérable.
— ChutI crièrent les autres frères, en ré-
pétant le bis :
Us prendraient tous le lahlier.
Aux maçons la vive allégre;>«e
Le bou(piet de ce jus divin ,
El les ragriûts et le bon vin!
Aux maçons la table et l'ivresse t
— Je crois qu'il nous insulte ce loriot-là,
dit le frère Guenaud.
681
FR.\
FRA
Après quoi il se mêla au chœur d'une voix
creuse :
A boire, chers amis! en dignes francs-maçons,
Buvons , mangeons !
Et qu'un vin pur anime nos cliansons !
Amour sacré de la cuisine,
Conduis, soutiens nos appétits.
—En voilà une bonne I en voilà une salée 1
On le dit qu'il n'y a plus rien, glapit le ma-
leucoiitreux frère ivre.
Le peintre en bâtiments suivit son che-
min avec onclion :
Que les rôtis aient bonne mine !
Qac tout soit digne des rôtis! (bis.)
Fais que ce banquet déleclable
Jusqu'au bout soit un vrai festin!
Que le soleil, demain malin,
Nous retrouve encor tous à table.
—Quand il n'y a plus rien dessus, on peut
bien êlre dessous , marmotta le frère Gue-
naud; et il coula sous la table en effet, et se
mit à ronfler comme une cloche au bruit du
refrain:
A table, chers amis! en dignes francs-maçons,
tiuvons, mangeons!
El qu'un vin pur anime nos chansons!
— Le frère Gucnaud est sujet à ces incon-
venances, dit l'hôte à Jacquomin. Aussi nous
ne l'avions pas engagé. Il n'est venu que
grâce à l'indisposition du frère Lassource.
Mais n'en concevez pas mauvaise opinion de
nos assemblées. Si nous n'étions pas comme
ce soir en petit comité, en famille, pour ainsi
dire, on l'eût mis dehors. Exceptélui,tousles
autres frères ont bon genre et se respectent.
Malheureusement , pendant que le frère
Gersaut faisait ainsi l'apologie de sa loge, le
vin, qu'il n'avait pas ménagé (on n'avait bu
que du vin ordinaire), lui préparait de cruels
démentis. Le boucher et le mari de la frui-
tière se tenaient calmes; mais les frères Savoie
et Cavard, à qui la chanson avait fait venir
l'eau à la bouche en évoquant toutes sortes
de bonnes choses dont ils avaient été prives,
commencèrent à se plaindre de la mesqui-
nerie du dîner.
— C'est lui qui ordonne la chose, dit le
frère Cavard, en désignant l'hôte, et c'est lui
qui empoche l'argent; voilà l'injustice.
— Le mal vient de là, ajouta le frcreSavoic,
que tous les dîners se font chez lui.
— Voulez-vous, dit le boucher en venant à
l'aide du frère Gersant, qu'on les fasse chez
le selliei'?
— Ou chez le marchand d'épongés? ajouta
le frère Hullin.
— Vous me faites de la peine, dit l'hôle
avec componclion , dès (lu'il se vil appuyé;
vous êtes des ingrats; je suis seul de la loge
restauraut-lraileur, faut-il porter notreargeul
à des profanes? Faut-il vous exposer chez
des gens qui vous verront, quand vous vous
oubliez, comme le marchand de tabac, sous
la table? Qu'est-ce qu'on dira de l'onlre?
— L'ordre ne va déjà pas si birn, reprit
Cavard; vous n'avez pas besoin de nous re-
garder avec votre mine de frère terrible; on
ne fait pas d'épreuves ici. Mais si on se jette
dans le chapitre des reproches, je ne trouve
DiCTioss. DES Sciences occultes, l
faut. iNolre
pas qu'on administre comme
loge est sale et décorée sans goût.
— Sans goût, releva le peintre; donnez de
l'argent, et vous aurez du goût. Tiens 1 on tm>
passe cinq francs par réception pour l'entre-
tien de la loge, et on veut du luxel Vous éle.s
trop sur votre gueule. Tout l'argent qui
rentre, vous le n>aiigez.
— Tu n'en laisses pas ta part aux chiens,
loi, riposta le frère Delon en Ciilère.
— Cela n'empêche pas, cria Savoie, que le
souper que nous avons fait ne vaut pas ce
qu'il coûte. J'ai encore faim.
L'hôle poussa un pain de quatre livres de-
vant le plaignant, mit la main sur son cœur
pour se contenir, agita la tôle pour secouer
sa douleur; puis il frappa trois fois la table
du manche de son couteau,
— Je demande la parole, dit-il
— Vous l'avez, répondit le vénérable ; et il
promena sur les convives un regard qui im-
posa silence.
— Frères, reprit l'hôte, expliquons-nous.
Comptez les bouteilles. On en a bu quarante.
J'en ai fait monter quarante-cinq. C'est cinq
bouteilles par travailleur; du vin à douze;
je ne le fais pas. Cinq bouteilles à douze font
trois francs. De cinq francs que nous allouons
par tête dans nos dîners de corps, ôtez trois ,
reste deux; deux francs, mes frères , pour
le potage, Ja viande, les légumes, le poisson,
le rôti, les ragoûts, le beurre, le sel, le poi-
vre, la moutarde, le pain, les chandelles et
le dessert; jugez.
Tous les frères, à ne discours, furent at-
tendris. Des excuses furent faites; la paix se
remontra; l'hôte, pour la cimenter, alla
prendre une bouteille de cent sept ans; et à
minuit, Jacquemin , qui n'avait travaillé
qu'avec une extrême modération dans l'ex-
ploilalion des bouteilles, put s'aller coucher,
seul entre tous, de sang-froid et méditant
sur tout ce qu'il venait de voir el d'entendre.
Les scènes qui avaient été jouées devant
lui eldans lesquelles il avait eu son person-
nage, se représentèrent dans ses rêves agités,
comme une fantasmagorie absurde. Il s'é-
veilla le lendemain très-fatigué; il descendit
bientôt pour déjeuner,
L'hôle lui fit de nouvelles excuses, d'un
air tout penaud.
—-J'aurai soin, ajouta-t-il, que la pro-
chaine loge soit mieux composée ; et j'espère
que nous aurons le plaisir de travailler de
nouveau à la Saint-Jean. Je me suis rappelé
un singulier oubli qu'on a fait hier; cela ne
s'est peut-être jamais vu; et je désire que
personne ne l'ait remarqué. Dans la préci-
pitation qui nous dominait, on n'a pas pensé
à vous demander le serment. Vous n'êtes
ainsi frère qu'à demi , car vous n'êtes pas
lié à nous. C'est comme un mariage dont une
des parties n'aurait pas donné son consente-
ment. Heureusement que nous sommes gens
de revue. Nous réparerons cela à la tenue
prochaine.
Plus heureusement pour Jacquemin, il fui
dispensé de répondre, par l'arrivée d'un
2i
•68S
DICTIONNAIRE DES SClhNCES OCCULTES.
cni
lelire que la servante du marchand tie labac
iippurtait.
— Qu'est-ce que peut avoir cet animal-là
pour m'écrirc? dit le marchand de vin, en
tournant la lettre entre ses doigts. Il se dé-
cida à l'ouvrir.
Mais comme le Irère Guenaud écrivait fort
mal et que le frère Gcrsant ne lisait pas trôs-
liicH, Jacquemin fut prié de lire cette mis-
vive, dont voici le contenu ;
Paris, le 16 juin 1814.
«Monsieur Gersant,
« Ayant été insulté hier , avec ma figure
tachée de vin, que le fière Ciivard ou auire
avait marché sur ma cravate cl sur la poi-
trine de ma ciicmise, et môme que des petits
poisauiardctaient collés au dos de mon iiatiit,
ma femme a dit que cela n'avait pas de bon
sens ni de sens commun, et que ça no pou-
vait pas continuer, et que nous n'éliunstous
que des hôtes, des serins, des vrais jocrisses.
Attendu que les petites loges comme nous
passent pour des pas-grand'clioses, cl les
grandes, des conspirateurs, vu que tous les
amis du tyran s'en mettent ; que sa majesté
Xouis le Désiré ne veut plus <le francs-ma-
çons, qui sont les agents de l'ogre de Corse
et ceux qui trament pour réintégrer l'usur-
pateur et la république. Avec çà que la police
a l'œil dessus; et que nous ne faisons que
des bêtises, dont un enfant rougirait de les
faire, comme dit ma femme. Si bien que je
ne tiens plus l'article.»
— Tant mieux, interrompit IhAle. Il ne
nous vendait que du rebut, qu'il achetait aux
ventes du mont-de-piélé.
« Et je donne ma retraite et démission de la
loge, abdiquant mon titre et dignité de franc*
maçon. Et si on veut me tuer et me couper
en morceaux pour les jeter au vent, comme
franc-maçon réfractaire, j'ai l'autorité qui
me protège. Et je me mo.|uo de vous. El
.quanta la franc-maçonnerie et tout le bata-
clan, je fais comme le cochon de Cadet Rous-
selle.
«Etant en cette qualité, monsieur, votre
voisin très-obligé, U. Guenaud.»'
Après la lecture de cette lettre , l'hôte la
prit avec consternation, la regarda, la re-
tourna, s'assura de son mieux que tout ce
<|u'il venait d'entendre y était bien; puis il
marmotta en soupirant :
— J'avais toujours bien dit qu'il n'y avait
-pas de fond à faire sur cet hoinine-là. Mais
il se taira et ne nous trahira pas. U sait ce
qui lui en reviendrait.
Le frère Gersant sortit avec la lettre, que
sans doute il allait communiquer aux autres
(rèrcs ; cl Jacquemin retomba dans tine per-
plexité pire que toutes celles qu'il avait
éprouvées avant son admission. Il en fut
tiré agréablement, deux heures après, par
une lettre de son père , qui lui envoyait un
peu d'argent et l'engageait à revenir, attendu
(t) Les francs-maçons onl été condamnés par ClémeiU
XII, bulle In eminentt, le 23 avril 17.58;— par Benoit XIV.
ImiIIk Pravidas , le 18 mars nsi. Les carbonarl ont élé
CBuUamnés par Pie VU, bulle Kcclesiam a Jetu Chriilo,
que la paix était faite entre les alliés, et que
le pays était tranquille. Jacquemin saisit
l'occasion sans hésiter; il paya son compte,
fit sa malle, et monta le jour môme, à quatre
heures , dans la diligence de Lille , avant le
retour de son hôte.
Il prit à Lille la voiture de Tournav et ar-
riva sans accident à son village , déjà remis
et calmé par la certitude que là enfin il ver-
rait véritablement la lumière.
Après les premiers embrasscments et les
mille questions qui accompagnent le retour
d'un enfant dans sa famille , à la suite de
quatre ou cinq mois d'absence, Jacquemin
conta à son père comment il était devenu
franc-maçon. Aux détails qu'il donna, son
père trouva que les gens des villes, qui s'oc-
cupent sérieusement de stupidités si grandes,
devaient cacher là-dessous quelque but se-
cret; et il conseilla à son fils d'aller con-
sulter son curé, qui était un savant homme.
Quand le bon curé eut tout appris , il tint
ce langage à Jacquemin Claes :
— La franc-maçonnerie s'est élevée au
dernier siècle . dans des projets anti -chré-
tiens; et dès qu'on eut vu sa marche, les
papes Clément XII et Benoît XIV la condam-
nèrent (1).
Indépendamment de l'infaillibilité du saint-
siége, qui est un dogme pour nous, n'admet-
tez-vous pas quele pape et ses cardinaux ont
aussi, humainement parlant, quelque impor-
tance ; et que les avis qui viennent de là va-
lent bien les jugements isolés de notre intel-
ligence?
Nous devons nous soumettre à l'aulorilé;
et dans le cas dont il s'agit , nous pouvons
méiiic marcher droit en ne nous soumettant
qu'à la raison. Quand bien même la franc-
maçonnerie ne serait pas instituée dans le
but secret de démolir ce qui vient de Dieu,
pour édifiera sa place ce qui vient de l'or-
gueil humain (et vous savez qui (>sl le père
de l'orgueil 1), n'est-il pas vrai que l'ordre
maçonnique, dans la gros-ièreté où vous l'a-
vez connu, est au moins une occasion de pé-
ché? Car il ouvre la porte aux mascarades, à
la vanité, aux excès de la table, à l'ivrogne-
rie, aux querelles, à l'oubli de Dieu : ou ne
saurait être à la fois franc-maçon et catholi-
que. C'e.st à vous de choisir.
— Je resterai catholique, répondit Jac-
quemin Claes, et que Dieu me soit en aide 1
YI. — Le iiiyslÈre du chevalier Prussien.
Le curé, qui avait à souper un de: ses pa-
rents, retint Jacquemin qu'il aimait. Lor.s-
qu'on fut à table, il lui dit:
— Je vais, mon enfant, vous raconter une
piquante aventure de maçonnerie. Elle vous
instruira ; le principal personnage est le
grand Frédéric:
Le jeudi 15 mars 1753, Frédéric il soupait
en petit comité à Postdam , avec Voltaire ,
qui était alors en disgrâce et qui demandait
13 septembre 1821;— tes francs-maçnns d tous ordres
secrets condamnés par te pape Léon XII, bulle du 1.5 n'ars
1825. Les évêquesdc Uetgique n'ont émis leur circulaire
contre les francs- maçons qu'en déceniLire 1837.
G85
FRA
FRA
6S6
à s'en aller; avec Mauperluis, qui se réjouis-
sait (le la disgrâce de Vollaire, avec le mar-
quis d'Argens qui, un peu revenu de ses ex-
travagances, ne cherchait plus qu'à vivre en
paix. Tous ces illustres convives, à l'exem-
ple du roi , dont l'appétit était formidable,
avaient mangé copieusement et bu en ama-
teurs ; la conversation avait prodigué ses
épigrammes sur tout ch qui avait un nom ,
sur tout ce qui était respectable ; elle tomba
enfin sur la franc-maçonnerie.
— Épuisons un peu cette matière flam-
boyante, dit Frédéric; les francs-maçons se
propagent; i! y en a partout; il s'en glisse
jusque dans mes États. Ces sociétés secrètes
nous joueront quelque tour, si nous ne leur
donnons un croc-en-jambe. Vous , messieurs
les philosophes, vous ne devez pas approuver
des mystères qui se font dans l'ombre, quand
vous répandez si généreusement la lumière.
— La franc-maçonnerie, dit Vollaire, n'est
qu'un amas de stupidités imaginées il y a
trente ans par un Anglnis ivrogne, propagées
par des fous. Si vous redoutez ces platitudes,
faites-les jouer sur le théâtre. C'est le conseil
qu'un donnait au lieutenant de police à pro-
pos des convulsions de Saint-Médard.
— Cependant, interrompitMaupertuis, vous
vous êtes fait recevoir.
— Vous aussi , répliqua Voltaire; on dit
mêmequevouscherchezenloge lesmoyensde
faire volrepuilsqui descendra aux antipodes.
— Allons , messieurs, dit d'Argens, en re-
marquant la pâleur subite de Maupertuis et
se hâtant d'intervenir , ne querellons point.
Moi aussi je suis maçon, et j'avoue qu'en ap-
parence c'est un peu enfant, mais...
— Mais, poursuivit te roi, ces enfantillages
joués par des hommes me paraissent sus-
pects. Si j'avais été à la place de ce gros
bœuf de comte de Clermont , qu'on a fait
grand niaîtro en France, j'en saurais plus que
lui. Il paraît qu'ils sont excommuniés ; c'est
une preuve , messieurs , que la chose n'est
pas si innocente. Eh bienl ils se font remon-
ter au temple de Salomon ; je veux faire daus
mon royaume un ordre qui aura des litres
plus anciens.
— Au delà du temple de Salomon 1 s'écria
d'Argens, je ne vois rien en fait de maçonne-
rie, sinon les pyramides.
— J'ai mieux que cela , répondit Frédéric.
Je veux que les maçons prussiens n'aientrien
à envier; ils remonteront à la tour de Babel.
— Bien trouvé, dit Mauperluis. .Mais c'est
une entreprise de rébellion que celte tour.
— N'importe, cria Voltaire, le roi arrangera
cela comme vous arrangez vos étoiles, qui
ont la forme d'une meule de moulin.
— Soyons d'accord , interrompit encore
d'Argens; nous aiderons Sa Majesté. Les
choses maçotiniques me plaisent à moi , à
cause des festins.
Eh bienl mon cher d'Argens, je vous ferai
faire une collation qui aura du moins le mé-
rite de la singularité. Voici mes bases mes-
sieurs, continua Frédéric, nos frères s'appel-
leront Noachiles ou enfants de Noé; ils s'ap-
pelleront même palriarches ; ils s'appelleront
encore chevaliers prussiens. Depuis trois
cents ans , mes ancêtres sont les protecteurs
de ce grade....
— Est-ce que c'est vrai? demanda naïve-
ment d'Argens.
— Vous ne voyez pas, répliqua Maupertuis,
que Sa Majesté s'amuse, comme M. de Vol-
taire quand il écrit l'histoire?
— C'est aussi vrai , dit Frédéric , que ce
qu'on vous a dil dans les loges adoniramiles.
Les chevaliers prussiens étaient célèbres déjà
dans la mythologie sous le nom de Titans ;
ils voulurent escalader le ciel. Nous qui con-
naissons le grand architecte del'univers, nous
laissons les Titans dans les fables; nous ne
remontons , comme je l'ai dil, qu'à la tour
de Babel. Nous célébrerons notre grande te-
nue dans la nuit de la pleine lune de mars,
anniversaire de la confusion des langues et
de la dispersion des ouvriers rebelles. Et
comme c'est là un châtiment de l'orgueil, ce
qui est toujours de bon exemple, les cheva-
liers prussiens ne s'assembleront que dans
un lieu retiré et n'auront en loge d'autre lu-
mière que la lune.
— Ce sera fort commode en campagne, dit
d'Argens.
— Et si le roi, ajouta Vollaire, permet à ses
officiers de connaître la lumière— de la lune,
— ils le feront à peu de frais.
— Ainsi, messieurs, reprit le roi, nous de-
Tons arranger cela entre nous. Comme il
est bon de savoir ce qui se fera en loge , le
grand mailre général de l'ordre sera a per-
pétuité le roi de Prusse.
— A perpétuité veut dire, interrompit Mau-
pertuis, tant que durera le grade des cheva-
liers prussiens.
— Si c'est fort stupide, dit d'Argens, il en
sera d'eux comme des sorciers, qui durent
toujours.
Le roi reprit: — Le grand maître général
de l'ordre s'appellera en loge grand comman-
deur; le premier surveillant, grand inspec-
teur; le second surveillant, grand introduc-
teur; le secrétaire, grand chancelier; le tré-
sorier, grand trésorier.
— Vous leur donnerez bien de la grandeurl
dit d'Argens en riant.
— Ce sont des grandeurs qui ne coûtent
rien à Sa Majesté, riposta Vollaire.
■ — L'orateur, poursuivit Frédéric, s'appel-
lera chevalier d'éloquence. C'est un titre
que nous vous eussions conféré avec joie,
monsieur de Voltaire; mais vous éles résolu
à nous quitter.
— Sire , répondit le philosophe , donnez
cette dignité à Mauperluis. Au clair de la lune
il sera plus pathétique qu'à l'Académie.
— Ainsi donc , repril encore le roi , nous
descendons de Plialeg, grand architecte de la
tour de Babel , qui s'éleva plusieurs siècles
avant le lemple de Salomon. Nous établis-
sons celle origine, avec les statuts du grade,
qui seront déposés dans nos archives royales;
et il sera expressément défendu aux cheva-
liers prussiens de recevoir aucun candidat
qui ne pourrait pas prouver qu'il est au
moins mailre et qu'il a rempli des foitcliouii
«87
DICTIONNAIKE DES SCIENCES OCCULTES.
css
«rofficier liignit.iire diins une logo complèle
«'l régulière. De la sorlc , sans que nous al-
lions à personne, les maçons <]ui so Irouvenl
«léjà dans nos clals seronl obliges de venir à
nous. Si c'est votre bon phiisir, messieurs ,
nous allons , ce soir même , établir ce que
vous appelcï le rituel , fixer les cérémonies,
arrêter les signes cl les mois de reconnais-
sance, déterminer le costume et les insignes.
Demain nous nommerons les dignitaires ,
avec de simples frères en nombre sufGsanl
pour composer une loge. Nous ferons prépa-
rer le temple; et lundi prochain , 19 mars ,
jour de la pleine lune , nous tiendrons loge ,
avec un aplomb suffisant pour nous montrer
constitués. Nous ferons la veille une répéti-
tion générale.
— Mais , observa d'Argens , rien ne sera
prêt ; nous n'avons que trois jours.
— Comme nous ne pouvons pas rr culer
la pleine lune de mars , dit le roi , il faudra
bien que nous soyons prêts. Je me charge
du temple. Les costumes seront des vestes
d'ouvriers. De vrais maçons n'ont pas de
robes.
— El quel sera le degré du grade? demanda
Mauperluis.
—Le vingt-et-unième, répondit le roi.
— Mais c'est superbe , s'écria d'Argens ,
ils n'ont encore que onze degrés à Paris ;
et on n'en compte que huit dans le rit écos-
sais (1).
— Les grades intermédiaires se feront, dit
le roi. Travaillons.
Les quatre philosophes , occupés par l'ac-
tivité de leur chef, se couchèrent fort tard.
Le lendemain et les jours suivants, leur uni-
que affaire fut de suivre le bizarre projet du
roi; et le lundi 19 mars , assuré par une ré-
pétition Irès-éludice que tout irait bien, le
roi s'en alla , au lever de l'astre de la nuit,
suivi de quatorze courtisans inaugurés ma-
çons du grade de chevalier prussien, à l'o-
rangerie du palais,donl il avait pris une par-
lie, exposée en plein auclair de la lune, pour
en faire son temple.
Nous rapporterons les détails de cette te-
nue, où le marquis d'Argens devait jouer le
rôle de récipiendaire.
Les quinze maçons entrèrent dans une
salle où ils déposèrent leurs habits et leurs
armes on insignes pour endosser des ves-
tes d'ouvriers qu'on avait faites à la hâte.
Tous ceignirent l'épée antique et se passè-
rent au cou le cordon ou ruban, en soie
noire unie, auquel pendait le bijou; ce bijou
est un triangle équilatér.il dont la bande in-
férieure est traversée par une flèche, la pointe
en bas. Il estenor lorsqu'on le porte au bout
du cordon, et en argent lorsqu'il se met à la
(1) l'our donner une idée de tous ces degrés, qui vien-
«cnl après les titres d'apprenli , compatînon el mallre ,
iiuus cileriiiis ici les qualités honoriliques d'u» maçon à qui
«n vieiil de décerner récemmeiil le litre insigne de su-
blime prince royal. Il fst— maître des loges symboliques,
— mattre secret,— maître parlaii,— maître anglais,— maître
irlandais ,— maître en Israël,— maUrc éludes neuf,— illu-
elre des quinze,— sublime che\alier élu ,— grand-matlre
architecte .—templier et précepteur d'Asie ,— sublime-
éci«»isou giandiionlite,— iioacLiic ou chevalier prussien.
boutonnière de la veste. Ayant lié leurs ta-
bliers de peau jaune, mis leurs gants jaune»,
el tenant d'une main l'inévitable truelle, de
l'autre le maillet, les frères entrèrent dans le
Icniple, que la lune éclairait par trois gran-
des fenêtres, et qui était régulièrement com-
pose de deux appartements. Le firmament
était badigeonné au plafond de la première
pièce, destinée aux travaux. Il y avait dans
un coin une grotte factice , et sur l'un de.s
côtés de la grotte un cercueil vide.
Le roi, en t|ualitc de grand commandeur,
se plaça à l'oppo.sé de la lune, qui éclairait
en plein son visage. Les fières s'approcliè-
rcnl de lui, pour être à portée d'enlendro .ses
ordres, n'ayant point de places fixes , pour
faire voir qu'ils étaient tous égaux. Le grand
commandeur ayant frappé trois coups, et le
grand inspecteur ayant répondu par un coui)
de maillet frappé sur le poninicau de son
épée , car les chevaliers prussiens n'avaieiil
ni table ni bureau , le grand commandeur
dit: — A l'ordre, mes frères!
Aussitôt , tons les maçons furent debout ,
élevant les bras , les doigts étendus vers la
lune.
Alors le grand commandeur, procédant à
l'instruction , qui doit se faire à chaque te-
nue, lorsqu'il n'y a pas de planche détermi-
née , s'adressa à l'un des frères. C'était,
sous sa veste, un grave général prussien ; il
lui demanda; — qui êtes-vous?
Le frère répondit selon la formule: — Ditc-
moi qui vous êtes , el je vous dirai qui ju
suis.
—Connaissez-vous les enfants de Noéî re-
prit le grand commandeur.
— J'en connais trois.
-Qui sont-ils?
—S. dit le général.
— C. poursuivit le roi.
— J. continua l'autre.
— Que signifient ces lettres?
— Ce sont les initiales du mot sacré (Sent,
Gham, Japhet).
— Donnez-moi laltouchement.
— Le voici. Et comme le grand comman-
deur présentait les deux premiers doigts de
la main droite étendus, l'autre les prit avec
le pouce elles deuxdoigts suivants, les pressa
trois fois en disant: Scm, Cliam; à quoi le
roi répliqua: Japhet; puis il reprit: — Faites-
moi le signe.
—J'y satisfais , répondit le frère. Il éleva
les mains ouvertes, les potices formant 16-
querre avec l'index , mit les pouces contre
ses oreilles et fil trois génuflexions du genou
gauche.
—C'est le s<gne général, dit Frédéric, Fai-
tes le signe d'enlrée ou signe de passe.
— royale hache on prince du Liban, — chef du tabernacle,
— prince dn tabernacle,— chevalier de l'Orient ou de l'é-
pée , — prince de Jérusalem, — souverain prince rose-
croix,- chevalier dn pélican, — chevalit;r du serpent d'ai-
rain,— prince de Mercy, — souverain commandeur du tem-
ple , — chevalier du soleil ,— chevalier Kadosch , — grand
inquisiteur souverain, — patriarche ries croisades, — prince
souverain du royal secret,— grand écossais de .saint André
d'Ecosse, etc., etc., etc. — El ces gens- là se moquent oes
titres!
R88
rnv
FR\
f,90
Le clicv.ilior frappa trois coups ègnuxavoc
son inaillel sur le manche de sa Irueile; puis
il avança les Irois premiers doigts allongés
de la main droite eu disant: Noé. Le grand
commandeur empoigna ces trois doigts en
répondant: Noé, Noé. Et il continua:— dites-
moi le mot de passe.
— riialeg.
— Connaissez-vous le grand architecte
de la tour de Babel?
— Phaleg est son nom.
— Qui vous a appris son histoire ?
— Lechevalierd'éloquence des chevaliers
iioachites.
— En quelle loge?
— Dans une loge que la lune éclairait
— N'aviez-vous pas d'autre lumière?
-^ Non.
— Cet édifice de la tour de Babel était-il
louable ?
— Non, la perfection en était impossible.
— Pourquoi ?
— Parce que l'orgueil en était le fonde-
ment.
— Est-ce pour imiter les enfants de Noé
que vous en gardez la mémoire?
— Non, c'est pour avoir leurs fautes de-
vnnt les yeux.
— Où repose le corps de Phaleg ?
— Dans un tombeau.
— A-t-il été réprouvé ?
— Non ; la pierre d'agate dit que Dieu
a eu pitié de lui, parce qu'il est devenu
humble.
— Comment avez-vous été reçu ?
— Par trois génuflexions , après avoir
baisé le pommeau de l'épée du grand com-
mandeur.
— Pourquoi vous a-t-il fait faire des génu-
flexions ?
— Pour me rappeler que je dois élre
humble.
— Pourquoi les chevaliers prussiens por-
tent-ils un triangle?
— En mémoire du temple de Phaleg.
— Pourquoi la flèche renversée?
— En mémoire de ce qui arriva à la tour
de Babel,
— Les ouvriers travaiilcnt-ils jour et
nuit?
— Oui, le jour à la clarté du soleil, la nuit
à la faveur des rayons de la lune.
Pendant cette dernière question, le grand
introducteur était sorti. Aussitôt que le
frère interrogé eut terminé sa réponse, le
çrand introducteur frappa trois coups lents
a [a porte.
Le grand inspecteur répondit par un seul
coup violent, en disant : Qui étes-vous ?
— Un chevalier qui demande l'entrée, ré-
pondit la voix du dehors.
Le grand inspecteur ouvrit la porte, reçut
lus attouchements, signes et mots de passe
du grand introducteur , le fil entrer seul,
quoiqu'il eût un compagnon avec lui cl re-
ferma la porte.
— Grand commandeur, dit alors en s'a-
dressant au roi le frère grand introducteur,
un candidat maître maçon demande la fa-
veur de participer à nos travaux.
— En répondez-vous? dit Frédéric.
— Comme de moi-môme.
— lntroduiscz-le;et qu'il entre en maître,
après avoir donné les signes et mots tie
passe de son grade.
On fit avancer le marquis d'Argens, dans
ses habits de ville, sans épée , portant le ta-
blier de maçon du troisième degré et les
gants blancs.
— Chevaliers, dit le grand commandeur,
celui qui vous est présenté est un maître
maçon, descendant d'Adoniram.qui demande
à être reçu chevalier prussien. Y consentez-
vous?
Tous les chevaliers ensemble tirèrent leurs
cpécs , en dirigèrent la poinle vers le réci-
piendaire et lui demandèrent s'il persistait
dans ses serments. Après qu'il eut répondu:
J'y persiste, tout le monde rengaina, et le roi
dit au marquis d'Argens :
— Mon frère, le désir de parvenir à esca-
laderle ciel nous en fait chercher les moyens.
Promettez-vous de nous seconder et de tra-
vailler avec nous ?
— Je le promets.
— Frère grand introducteur, mettez -le à
l'ouvrage et dirigez-le.
Aussitôt on donna au candidat une truelle;
et tous les frères , Voltaire et Maupertuis
comme les autres, se mirent avec lui à faire
semblant de maçonner , manœuvre fictive
qu'ils exécutaient avec une gravité inexpli-
cable.
Ils maçonnaient ainsi dans le vague , sans
trop de fatigue, depuis trois minutes, quand
dans la seconde pièce on entendit un bruit
qui imitait le fracas du tonnerre. Toutes les
Iruelles tombèrent à la fois des mains des
chevaliers, qui aussitôt se remirent à l'ordre,
faisant des cornes à la lune.
— Frère grand introducteur, cria le roi,
prenez cet orgueilleux (il désignait le mar-
quis d'Argens ) dont l'ostentation nourrit un
projet qui ne lend à rien moins tiu'à défier
le grand architecte de l'univers. Conduisez-
le au nord, qu'il y pleure sa faute ; qu'il tr;i-
verse, pour y parvenir, les déserts les plus
affreux.
Le grand introducteur fil donc faire à d'Ar-
gens le tour de la loge, ce qui passa pour
les plus affreux déserts ; il le conduisit à la
grotte factice, le fit asseoir dans le cercueil,
lui servit une cruche d'eau dont il lui fit
boire un coup, et une assiette de caroltt s
crues qu'il lui fil manger.
— C'est là sans doute, dit d'Argens , le
friand festin que Sa Majesté m'avait promis.
La surprise est frugale.
Pendant que le marquis d'Argens croquait
son assiette de carottes, sexécutant assez
mal, tous les frères passèrent dans le second
appartement.
— Frère grand inspecteur, dit alors le roi,
qu'est devenu Phaleg ?
Le frère répondit: — Ilestdans les déserts,
cherchant par sa pénitence à apaiser la co-
lère du ciel.
C9i
MCTIONNAmE DKS SCIENCES OCCULTES.
en
— Palriarcli. s, mes frères, reprit le prand
commandeur, allons à sa recherche. Espé-
rons que le grand archilecte de l'univers lui
aura accordé son pardon.
Sur CCS paroles, le grand commandeur,
suivi de tous les chevaliers, fil le lourde la
seconde pièce, qui n'avait aucune décora-
tion, revint dans la première, en fil le tour
également, sans avoir l'air de rien remar-
quer à celle promenade silencieuse.
Mais dans un second tour qui se fil avec
la même gravilé, le grand commandeur pa-
rut apercevoir la groUe ; il y cnlra; il fil des
gestes d'élonncmenl en découvrant le cer-
cueil. Il le montra aux frères avec des
signes d'inlelligcnce ; et lous se tnircnl à
l'ordre.
En baissant les yeux, le grand comman-
deur aperçut à terre un bijou de chevalier
prussien ; il le ramassa, tandis que le grand
inspecteur eu ramassait un autre.
Frédéric chercha dès lors plus soigneuse-
ment ; il vil dans le cercueil le candidat qui,
après avoir mangé ses carottes, s'était éten-
du tout de son long ; il le fit lever, en lui
disant :
— Mon frère, mettez votre confiance dans
la bonté du grand architecte de l'univers.
Fiez-vous à lui; il vous conduira par des
voies sûres au but où vous aspirez.
Le grand commandeur et lous les frères
retournèrent ensuite dans la seconde pièce,
dont ils fermèrent la porte.
Le grand introducteur était resté seul avec
le candidat; il le prit par la main et alla
frapper trois coups , auxquels trois coups
pareils répondirent.
— Voyez qui frappe, dil le grand comman-
deur.
— C'est, répondit le frère introducteur,
un enfant de Noé , parfait maçon, qui, après
avoir fait pénitence, demande la faveurd'ôtre
admis parmi les patriarches noachites.
— Donnez-lui l'entrée , dil le grand com-
mandeur. Consenl-il à se dépouiller, dès ce
moment cl pour toujours, de toute ostenta-
tion et de tout orgueil ?
— Je le promets , répondit d'Argcns in-
troduit.
— Que demandez-vous ? reprit Frédéric.
— La faveur d'être admis parmi vous.
— Y consentez-vous, mes frères?
Tous les patriarches tirèrent de nouveau
leurs épées, et les abaissèrent vers le candi-
dat, en signe de consentement.
— Faites approcher le candidat de l'autel,
dil le roi.
Le frère introducteur fil faire au candidat
trois génullexions du genou gauche et le
conduisit à l'autel triangulaire.
— Mon frère, dit le grand commandeur,
commencez par un acte d'humilité.
Il lui présenta le pommeau de son épée,
que d'Argens baisa trois fois. Puis s'élanl mis
à genoux, les mains étendues sur l'autel, il
prêta le serment en ces termes :
« Moi Jean-Baptiste de Boyer , marquis
d'Argcns, je promets et jure, sous les peines
portées dans mes précédentes obligaCions, de
ne jamais révéler les secrets des noarhites
ou clKMaliers prussiens, à aucun frère d'un
grade inférieur, ni à aucun profane, et à me
soumellrc aux statuts cl règlements du
grade, appelant sur moi là vengeance si j'y
manque; ce dont me préserve le grand ar-
chiti'cte de l'univers 1 »
Dès que ce sertiient fut achevé, le grand
commandeur fil passer la truelle sur la têlc
du récipiendaire et lui dit :
— En vcrlu des pouvoirs dont je suis re-
vêtu, et au nom du sublime conseil des che-
valiers prussiens , je vous reçois chevalier
noachile.
Sur quoi il lui donna le baiser de paix,
lui communiqua, avec dignité el précision,
les signes, attouchements et mots de passe,
el reprit :
— Promettez-vous, foi de maître maçon,
de garder les sccrels que je vous ai confiés ?
— Je le promets.
— Vous soumettez-vous aux trois obliga-
tions que je vais énoncer : 1* De ne janjais
révélera aucun des enfants d'Adam les mys-
tères de notre ordre, à moins ()ue vous ne
les connaissiez pour maçons ; 2' d'êlre offi-
cieux el compatissant pour tous les cheva-
liers de notre grade; 3° de ne souffrir ja-
mais, même au péril de votre rie , qu'aucun
homme porte le bijou de chevalier prussien,
à moins qu'il ne se fasse reconnaître de vous
comme tel?
— Je le jure et je m'engage sous serment
à ces conditions.
Alors le grand inspecteur el le grand in-
troducteur ôièrent à d'Argens son liabil, et
lui mirent la veste, qui, avec sa haute taille,
lui donnait un air très-singulier. On le fit
asseoir, cl le chevalier déîoquenco , qui
était en effet Mauperluis, fit le discours his-
toritiue.
«Les enfants deNoc, dit-il, nonobstant l'arc-
cn-ciel , qui était le signe de réconciliation
que le Seigneur avait donné aux hommes,
pour les assurer qu'il ne se vengerait plus
d'eux par un déluge universel , résolurent
toutefois de construire une tour assez élevée
pour se mettre à l'abri d'un désastre nou-
veau. Ils choisirent pour cela une plaine
nommée Sennaar, dans l'Asie. Dix ans après
qu'ils eurent assis les fondements de cet édi-
fice, cl comme ils étaient déjà à une grande
hauteur, le Seigneur, dit l'Ecriture, jeta les
yeux sur la terre el vil l'orgueil des hom-
mes. Pour les punir, il mil la confusion
dans leurs langues; c'est pourquoi on ap-
pela celle tour Babel , qui veut dire confu-
sion.
« Quelque temps après , Nemrod , qui a
été le premier à établir des distinclions par-
mi les hommes, fonda, dans le même lieu,
une ville qui pour cela fut appelée Babylone,
c'est-à-dire enreinte de confusion.
« Ce fut dans la nuit de la pleine lune do
mars que le Seigneur opéra la merveille de
la confusion des langues. C'est en mémoire
de cet événement que les noachites font tous
les ans leur grande assemblée dans la pleine
lune de mars, et leurs assemblées d'instruc-
C93
FBA
FRA
cgi'
lien (uu5 les inuis , le soir de l;i pleine lune,
atlcndu qu'ils ne peuvent avoir d'autre lu-
mière en loge.
« Les ouvriers de la tour de Babel ne s'en-
tendant plus, furent obligés de se séparer.
Chacun prit son parti; il le fallait bien.
Pliaieg, qui avait donné l'idée et le plan du
bâtiment, et qui en avait dirige les travaux,
était le plus coupable. H se condamna à une
pénitence rigoureuse. Il se retira jusqu'au
nord de l'Allemagne , dans des déserts où il
ne trouva , pour toute nourriture , que des
racines ou des fruits sauvages.»
— Voilà pourquoi, pensa d'Argens, on
fait manger au récipiendaire des carottes;
mais on pourriiit encore le traiter plus mal.
« Phaieg vint, reprit le chevaliir d'élo-
quence, dans cette partie de la Germanie
qu'on nomme aujourd'hui la Prusse. 11 con-
struisit quelques cabanes pour se mettre lui
elles siens à l'abri des injures du temps ; il
éleva aussi un tninpie en forme de triangle,
et il s'y enferma personiiell('mont,poursolli-
citer le pardon de son péché.
« Or , en l'an 533 , en faisant des fouil-
les non loin d'ici , on déterra un édifice
triangulaire, dans lequel se trouvait une
table de marbre blanc. Toute celte histoire
était écrite sur celle table en caractères hé-
braïques. A côté se trouvait un tombeau de
pierre de grès, et une agate chargée de
l'inscription suivante:
« I(i reposent les cendres du grand archi-
tecte de la tour de Babel ; le Seigneur eut
pilié de lui, parce qu'il était devenu humble.»
— Du moins on ne dira pas, interrompit
Frédéric, en se penchant d'un air goguenard
vers son voisin, que nous enseignons une
morale de vanité.
« Tous ces monuments, poursuivit l'cra-
leiir, sont conservés chez Sa Majesté le roi do
Prusse. L'épitaphe n'exprime pas le nom du
grand architecte de la tour de Babel; mais
la table de marbre le mentionne formelle-
ment ; et elle nous apprend que Pliaieg était
fils d'Hébrr, fils d'Arpaxad, flis de Sem, fils
aîné de Noé.»
Le discours historique étant Qni, le grand
commandeur fit donner une épéeau récipien-
daire et lui alt.-icha le bijou de l'ordre en ar-
gent à la troisième boutonnière de la veste.
Puis il ajouta :
— Quittez, mon frère, les ornements de
maitre ; cl portez comme nous l'humble ta-
blier de compagnon.
D'Argens ôla ses gants et son tablier blanc
cl prit les gants cl le tablier de peau j;iuno
«lu'on lui offiail.
— C'e<t, en effet, moins salissant, répon-
dit-il, en admirant comme le roi avait tout
prévu.
— Quelle heure esl-il, frère grand inspec-
teur? demanda alors Frédéric, en frappant
un coup.
Le grand inspecteur répondit : — 11 est
l'heure du repentir; le soleil est levé.
— Puisque le soleil est levé, répliqua le
erand commandeur, frères, le chapitre est
fermé.
Il frappa trois coups; les deux surveillants
répétèrent :
— Le chapitre est fermé.
Tous les chevaliers prussiens, se mettant
à l'ordre, gémirent trois fois d'une voix lu-
gubre : Phaieg I
El comme il était neuf heures du soir, toute
la société alla souper, après avoir déposé In
veste et les insignes de patriarches.
— Avouez, dit tout bas d'Argens à Vol-
taire, auprès de qui il cbeminail, regagnant
le palais, avouez que c'est encore plus bêle
que le reste.
— N'importe, répondit l'autre, ks che-
valiers prussiens n'en seront pas moins
fiers.
— Mais nous nous prêtons à ces plates fo-
lies ; et puis nous combattons les cérémonies
religieuses, qui sont si augustes et si impo-
santes.
— Ah I je vous vois venir, poltron 1 s'écria
Voltaire en s'arrétanl; vous nous quitterez,
je l'avais prévu ; vous vous convertirez...
— Mais ce ne sera peut-être pas ce que je
ferai de plus mal, répliqua froidement d'Ar-
gens.
— Et Maupcrluis, ce rêveur, nous tou-rnera
aussi casaque ; j'en suis sûr. Eh bien ! quand
si peu de têles ont la force de nous suivre
jusqu'au bout, il nous faut d'autres appuis.
Avec ses stupidités, la maçonnerie au moins
nous soutiendra.
— Mais, reprit d'Argens étonné, après un
mominl de silence; vous êtes donc Satan?
— Sous certains rapports, répondit Vol-
taire en riant, je ne dis pas non.
VU. — Le Comédien Franc-Maçon.
1" CITOYEN. Prends garde, citoyen Meloa,
tu trahis les secrets.
2' CITOYEN. C'est grand'choso que les se-
crets!
3' CITOYEN Des saloperiesdesccrelscoimno
ceux-là, citoyen Râteau, j'en ai plein le dos.
D'ailleurs la traiic-m.içonnerie est encore
une invention des aristocrates et des avo-
cats , avec leurs cordons et dorures, à trois
pointes. C'est encore plus bêle tiue le car-
naval , pour des Français qni ont reconquis
leurs droits de l'homme el„consenli à l'exis-
tence de l Être suprême. Çà ne peut servir
qu'il des conspirateurs.
Aneries révolulionnmres.
Voici autre chose.
Le comédien Morel,bien connu à Marseille
où il joua quarante ans la comédie classique,
faisait, sous la république et sous l'empire, la
joie des enfants de celle ville, parce qu'il por-
tait des bas rouges et qu'il se promenait dans
les rues avec ses habits de théâtre. A la scène
il jouait souvent les charges ; hors de la scène
il conservait de la gravité. On le regardait
au reste comme un assez bon homme. Il dî-
nait habituellement chez un petit traiteur
voisin du théâtre. Par convention formelle,
quoiqu'il mangeât toujours seul, on ne man-
quait jamais de lui mettre doux couverts, l'un
pour lui, l'autre pour le grand Archilecte da
l'univers.
Avant de s'asseoir à table, il saluait sou
convive invisible ; il lui servait le potage,
après quoi il se servait; quand il avait ab-
695
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES
C'Jli
sorbe son assielle, il prtMiail doucement celle
du gmnd arrhitecle de l'univers, et l'avalait
très-digncmenl. 11 servait au grand archi-
tecte le premier verre de vin, se versait le
second, lui portait une sanlé, vl dînait, par-
tageant exactement toules ses portions en
deux, ne se servant jamais que le dernier,
mais mangeant toujours la part de son con-
vive à la suite de la sienne ;;iu bout du diner,
sa bouteille vide, il [irenait modestement le
vin Verseau grand architecte de l'univers, le
buvait et s'en allait.
Qu'il fût seul ou entouré d'autres dîneurs,
Morel ne se gênait point ; il divertissait sou-
vent les étrangers, qui le voyaient faire toutes
sortes d'ofTres obligeantes et polies à une as-
siette devant laquelle on n'apercevait jamais
personne.
A ceux qui demandaient si cet homme n'é-
tait pas fou, le traiteur répondait :
— Non, il est franc-ninçon.
Il était arrivé à Morel, en 1799, à l'époque
où l'on s'occupait do réorganiser en France
la maçonnerie, une aventure assez fâcheuse
pour l'ordre. Ce pauvre homme voyait dans
la suppression des francs-m.içons, qui avait
eu lieu sous la Terreur, le plus grand délit
de la révolulion. Il ne parlait qu'en pâlissant
de l'audace d'un écrivain qui avait irailuii
les loges sur la scène dans la comédie des
Francs-Maçons. Il soupirait après le réta-
blissement de la société, où il avait occupé
un grade très-émincnt ; car il était grand
pontife ou sublime maçon écossais, dix-neu-
vième degré de la hiérarchie niaçonnique.
Il regrettait amèrement les jours où il avait
figuré en loge, voyant fièrement au-dessous
de lui dix-huit grades.
Au<si, dès que le vent de la réorganisation
souffla, il se mit en mouvement pour recons-
(iiuer son existence de dignitaire. Mais après
les longs bouleversements qui venaient d'a-
voir lieu, si les simples maçons de sept ans
et plus a\a'\enl déjà grande peine à se re-
trouver , les chevaliers hors d'âge étaient
bien plus empêchés. Comment rassembler
une loge degrands ponlifes à Marseille? Deux
mois de recherches ne lui avaient déterré que
quatre membres; il en fallait douze pour
composer une loge de perfection. On lui joua
un tour indigne.
Des farceurs, qui savaient son embarras,
et dont quelques-uns avaient été maçons du
troisième degré, mais se moquaient alors de
l'institution, vinrent le trouver solennelle-
ment et lui dirent, avec effronterie, qu'avant
quatre-vingt-treize ils avaient eu la digniié
de grands-pontifes ; ils s'appuyèrent de quel-
ques secrets que l'un d'eux avait accrochés
dans la grande débâcle ; ils lui demandèrent
le rétablissement d'une loge dont ils lui of-
frirent la présidence.
Très-fliUlé de cette démarche, de l'honneur
qn'on lui faisait, et du bonheur de s'appeler
le trois- fois-puissant, qui est le titre officiel
du président des loges de grands pontifes,
Morel accepta; et conmie il possédait le livre
des formules, que les francs-maçons appellent
leur rituel, il se mit à l'œuvre, fit préparer le
temple, fit faire les costumes; et au bout de
trois mois la loge s'installa. Il lui avait fallu
tout ce temps pour les préparatifs spéciaux,
et pour refaire l'instruction d s nouveaux
frères, à qui la curiosité donnait une forte
dose de patience.
Sans doute qu'ils s'étaient attendus à plus
de merveilles qu'on ne leur en donna ; car ii
y en eut qui regrettèrent leur temps perdu et
leurs dépenses ; et des dépits éclatèrent comme
on le verra. Mais nous devons procéder avec
ordre.
La loge s'ouvrit un vendredi du mois de
septembre. C'était une vaste salle tendue de
bleu parsemé détoiles d'or. Morel, le trois-fois-
puissant, vêtu d'une robe de satin blanc, por-
tant sur le front un bandeau de velours bleu
où étaient brodées en or douze étoiles, ayant
un sceptre à la main, s'assit sur un trône
bleu, surmonté d'un dais de môme couleur.
Au-dessus de sa tète pendait un transparent,
où l'on avait peint le delta. Ce transparent,
éclairé par une énorme lampe à trois becs,
était la seule lumière du temple, le rituel
n'en permettant pas d'autres, 'fous les frères
étaient vêtus de robes blanches; ils portaient
tous le même banJeau que le trois-fois-puis-
sant, mais lui seul avait le sceptre. Tous
avaient aussi le cordon, placé de l'épaule
droite à la hanche gauche; c'était un largo
ruban cramoisi, liséré de blanc, sur lequel
étaient brodés les m;)ts Alpha par devant.
Oméga par derrière, séparés par douze étoiles
d'or. Au bout du cordon pendait ce que les
maçons appellent le bijou; c'était un carré
long doré, portant d'un côté la première
lettre de l'alphabet grec et de l'autre côté la
dernière.
Il n'y avait, selon le règlement de cette
loge, qu'un surveillant, as^is à l'ouest, à l'op-
posé du trois-fois-puissant. Il tenait à la
main une étoile d'or au bout d'une baguette.
On voyait dans la loge une peinture qu'on
appelle le tableau. C'était la représentation
d'une ville carrée qui semblait descendre du
ciel sur des nuages et se disposer à écraser
un serpent à trois têtes. Le serpent se trou-
vait façonné en carton. La ville carrée avait
douze portes, trois sur chaque face : on re-
marquait au centre un arbre qui portait
douze sortes de fruits. En avant du tableau
était une montagne haute de six pieds, cons-
truite en planches recouvertes de toile peinte
coinn.c au théâtre.
Après que les frères eurent admiré la di-
gnité de leur temple, le trois fois-puissant
frappa douze coups avec son sceptre, et tout
le monde s'étant assis, il dit :
— Fidèles et vrais frères (c'est ainsi qu'on
parle aux maçons grands pontifes), quelle
heure est-il?
On répondit :
— Il est l'heure prescrite.
— Fidèles et vrais frères, reprit Morel,
tout est Alpha, Oméga et Emmanuel. Tra-
vaillons.
Sur quoi, le frère surveillant frappa douze
coups à son tour avec son étoile et dit :
— Fidèles et vrais frères, la loge des grands
6J7
FUA
Fn\
60*?
pontife» csl ouverte. Faites Tapplaudisse-
uieiit.
Chacun des assistants cria trois fois : — Al-
léluia 1
Pour comprendre ce mélange de choses
sacrées à des choses aiisurdes, il faut assis-
ter à toute la séance. Morel y déploya toute
sa science et tout son savoir-faire.
11 avait pensé que le meilleur moyeu de
remettre tous les assistants sur la voie des
bonnes doctrines, était de repasser toutes les
instructions, en interrogeant le frère qu'il
savait le plus solide. C eiait un vieil arma-
teur, qu'il interpella ainsi, avec la gravité
convenable :
— Qui étes-vous?
— Grand pontife, ou sublime écossais, à
qui rien n'est inconnu.
— Où avez-vous été reçu ?
— Eu un lieu qui n'a besoin, pour être
éclairé, ni du soleil ni de la lune.
— Expliquez-vous là-dessus.
— De même que la loge de sublime écos-
sais n'emprunte point de lumière extérieure
pour être éclairée, de même le Gdèle et vrai
frère n'a besoin ni de richesse ni de naissance
pour être admis en loge. Mais il doit faire
preuve de son attachement à la maçonnerie,
de son dévouement pour ses frères.
— Que représente le tableau de la loge?
Une ville carrée avec trois portei à cha-
que face. Au milic^u est un arbre qui porte
douze espèces de fruits. La ville sur des nua-
ges est suspendue au-dessus d'une autre
ville détruite d'où sort un serpent à trois
têtes.
— Expliquez-vous là-dessus.
La ville carrée représente la nouvelle ma-
çonnerie, du titre de Sublime-Ecossais; elle
vient remplacer l'ancienne, qui est détruite,
et elle écrasera le serpent à trois télés qui
est enchaîné.
— Comment la maçonnerie ancienne cst-
elle tombée en ruines, puisque ses liens sont
indissolubles ?
— Cela fut ainsi décrété de tous temps ;
nous l'apprenons par saint Jean, que nous
reconnaissons pour le premier maçon qui
tint une loge de perfection.
— Où saint Jean dit-il cela ?
— D.ins la Révélation ou Apocalypse ,
lorsqu'il parle de Babylone et de la Jérusa-
lem céleste.
( Dans tous ces détails, remarquez qu'on
se borne à transcrire scrupuleusement un
procès-verbal et des pièces authentiques. )
— Que signifie, continua Morcl, l'arbre
qui est au milieu de la ville et qui porte douze
espèces de fruits?— C'est l'arbre de vie placé
là pour faire comprendre que c'est dans la
loge sublime écossaise, parmi les grands
pontifes, fidèles et vrais frères, qu'on trouve
les douceurs de la vie ici-bas. Les douze
espèces de fruits signifient que nous devons
nous rassembler tous les mois en tenue pour
nous faire part de nos mutuelles lumières et
nous soutenir contre nos ennemis.
— Quelle étendue doit avoir la Jérusalem
céleste, et combien de portes aura son en-
ceinte ?
— Chacune des quatre faces aura trois
portes comme au tableau ; l'étendue totale
de la ville sera tle douze mille stades. Les
douze portes indiquent qu'on s'y rendra de
toutes les parties du monde.
— Comment y parviendra-t-on?
— En suivant des routes étroites et diffi-
ciles et en combattant les ennemis qui en
défendent l'entrée.
— Pourquoi portez-vous ce bandeau ?
— Parce qu'dn ne peut, sans ce bandeau,
être admis dans les sublimes l'ogcs écossai-
ses, et qu'il faudra le porter pour être admis
dans la Jérusalem céleste, ainsi que saint Jean
s'en est expliqué.
— Que signifient les douze étoiles que
porte votre bandeau ?
— Elles représentent les douze anges qui
gariletit les douze portes de la Jérusalem
céleste.
— Quefaut-il entendre par la couleurbleue?
— La douceur, qui doit être le partage des
fidèles et vrais frères.
— Quel âge avez-vous ?
— Je ne compte plus.
— Comment vous nommez-vous?
— Fidèle et vrai frère.
Après cette réponse, il y eut un moment de
silence. Le trois-fois-puissant reprit bientôt :
— Ce que vous venez d'entendre est um^
instruction. Pour achever de rappeler aux
usages les frères dont tant d'années dexil
ont affaibli la mémoire, je vous ai ménagé
aussi une réception.
Frère préparateur, continua Morel en s'a-
dressant à l'un des assistants, allez prendre
l'aspirant qui est du grade des rose-croix.
Vous, frère expert, dit-il à un autre grand
pontife, recunillez-vous.
Le frère préparateur entra dans une cham-
bre voisine, où était l'aspirant, vêtu de la
chasuble de rose-croix. Il l'amena à la porte
du temple et frappa onze coups. Tous les
frères étaient attentifs et reconnaissants de
la bonne idée de Morel.
— On a frappé en chevalier rose-croix, dit
le frère expert qui avait compté les onze
coups.
— Voyez qui frappe ainsi, dit le trois-fois-
puissant, et demandez ce qu'on veut.
— Frère préparateur , dit alors le frère
experl , pourquoi frappez-vous ainsi? qui
est celui qui vous accompagne, et que cher-
che-l-il ?
— Je frappe, répondit le frère préparateur,
pour présenter au trois-fois-puissant un che-
valier rose-croix, qui désire, pour acquérir
de nouvejles vertus, être admis au grade do
sublime écossais.
— S'il en est ainsi, qu'il soit introduit pour
être soumis aux épreuves.
On lit entrer alors le récipiendaire, chargé
de sa chasuble de rose-croix, taule bariolée
de hiéroglyphes. Le trois-fois-puissanl l'in-
terrogea aussitôt :
— D'où venez-vous, mon frère?
— De la Judée. >
C99
DICTIONNArUE DLS SCltNCES OCCULTES.
7(>0
— Par quelle ville ayez-vous passé ?
— Par N;izarotli.
— Qui vous a conduit?
— Raphaël,
— Dt! quelle (ribu éles-vous î
— De celle tic Jiida.
— Qu'avcz-voiis appris dans vos voyages?
— A croire, à espérer, à aimer.
— Mon frère, ne croyez pas aux perfides
insinuations des flatteurs; n'espérez pas dans
ce monde un bonheur parfait; n'aimez pas
les objets frivoles. Mais aimez nos cérémo-
nies, délestez les traîtres et rompez avec eux.
Le promettez-vous ?
— Je le promets et je le jure.
Vous avez manifesté le désir de parvenir
à la Jérusalem céleste. Une seule route y
conduit. Un guide éclairé vous serait utile;
mais ce serait nuire à votre mérite. Ne devez
qu'à vous seul la gloire du succès; et choi-
sissez le chemin qui vous séduira.
Aussitôt la voix du frère préparateur, qui
avait disparu derrière un rideau, se fit en-
tendre avec solennité , elle prononça ces
mois :
— Qu'il gravisse la montagne, s'il veut
parvenir à son but.
Pour arriver au sommet de la montagne de
planches, qui était haute de six pieds, il y
avait deux chemins, un chemin fleuri et un
chemin raboleux. Il fallait, pour la leçon ,
qu'il prît le chemin Oeiiri ; ce qu'il ne man-
qua pas de faire. Quand il l'eut parcouru en
cinq ou six pas, il fut contraint de s'arrêter,
la monlagne étant coupée à pic eu face du
trois-fois-puissant.
— Que ne continuez-vous votre roule, mon
frère? lui dit Murel.
— Je ne puis aller plus loin.
— Le trois-fois-puissanl frappa trois coups
cl s'écria :
— Fidèle surveillant, volez au secours de
ce présomptueux, qui a pris la route fleurie,
et montrez-lui comment on parvient à la
perfection.
Le frère appelé monta aussitôt par le sen-
tier difficile qui était opposé au premier, prit
le récipiendaire par les deux mains, le fit
descendre à reculons et le reconduisit à sa
place.
— Frère Imprudent, reprit Morel , vous
avez choisi, pour arriver à la Jérusalem cé-
leste, une route facile et jonchée de fleurs.
La perfection ne peut s'acquérir ainsi. Vous
marchiez vers un précipice affreux ; votre
perte était infaillible, si une main généreuse
n'était venue à voire secours. Ce guide pré-
cieux vous a fait franchir des routes escar-
pées cl vous a garanti des dangers qui vous
entouriiienl. Mais ne croyez pas avoir sur-
mtnté toutes les dilficullés ; un ennemi puis-
sant s'oppose à votre passage. Plusieurs
avant vous ont succombé sous ses coups.
Regardez ; il est sous vos yeux et vous at-
tend pour vousdévorer. Pour arriver jusqu'à
moi, opposez-lui le bijou que vous portez.
Alors le serpent à trois lèlcs, qui était une
machine prêtée par le théâtre , se mil à
remuer la queue assez lourdement ; il siffla
de son mieux au moyen d'un sifflet que lo
trois-fois-puissanl dirigeait avec une corde
attachée à son pied ; il agita ses trois létes
de carton. Le récipiendaire présenta son
bijou de rose-croix ; incontinent le monstre
devint immobile; et le frère préparateur,
reparaissant, fit marcher le nouveau frère
sur le serpent.
— Vous avez atteint la perfection, s'écria
Morel ; vous avez dompté votre ennemi, dont
les trois têtes vomissent trois venins. Pros-
ternez-vous devant TEernel, qui vient de
vous accorder la victoire.
F.,c récipiendaire fil trois génuflexions; et le
trois-fois-puissanl reprit encore :
— Mon frère, vous voyez sous vos yeux le
plan (le la Jérusalem céleste que vous dési-
rez habiter. Un jour vous y serez admis.
Remarquez sa vaste étendue; elle est ouverte
à tous les peuples de la terre. L'arbre qui
est au centre porte autant (respèces de fruits
que l'enceinte a d'ouverlures, pour mar-
quer que chacun y trouvera la nourriture
qui lui convient. Approchez, mon frère , et
venez prendre l'engagement du grade subli-
me qui va vous être conféré.
Nous avons négligé de dire qu'il y avait
devant le président, comme dans toutes les
loges, un autel triangulaire sur une estrade
de trois marches. Le frère admis fut conduit
à l'autel par le frère préparateur, qui lui
fit mettre le genou droit sur la troisième
marche et la main droite sur le chapitre XXI
de l'Apocalypse. Tous les frères s'éiaient ap-
prochés. Le trois-fois-puissanl posa sa main
gauche sur la main étendue du récipien-
daire ; et de la droite qui tenait le glaive, il
forma avec les glaives élevés de tous les
membres présents, une sorte de berceau au-
dessus de la léte du frère à genoux. C'est le
berceau que les maçons appellent la voûte
d'acier.
Dans cet appareil, le nouveau frère pro-
nonça ce serment :
— « Moi, Pierre Scœvola d'H , de ma
libre volonté, en présence du grand archi-
tecte de l'univers et des fidèles et vrais frères
ici rassemblés, je jure sur ce livre sacré, sous
toutes les peines portées par mes précédentes
obligations, de garder religieusement le se-
cret des sublimes écossais , tant envers les
maçons des grades inférieurs qu'envers les
profanes.
« Je promets de ne consulter dans mes liai'
sons d'amitié ni la naissance, ni le rang, de
n'estimer les hommes qu'en raison de leur
attachement à la maçonnerie, qui est la pra-
tique des vertus civiles et morales, de prolé-
ger, accueillir et rechercher les vrais maçons,
enfin de me montrer digne d'habiter un jour
la Jérusalem céleste. Amen. »
Tous les assistants dirent trois fois : Amen.
Puis le trois-fois-puissanl, couvrant seul le
récipiendaire de son glaive, le constitua grand
pontife en disant ;
— Je reçois votre serment , cl convaincu
que vous ie tiendrez, je vous reconnais et
vous proclame sublime écossais de la Jéru-
salem célesic.
70!
FIIA
FRA
70J
Après CCS mois, le digne Morel, posant son
glaive sur la léle du nouveau frère, frappa
douze coups de son sceptre sur le dit glaive ;
puis il mit bas les armes, embrassa le frère
reçu, lui fit ôler la chasuble de rose-croix,
lui fit revêtir une robe blanche avec les or-
nements du grade, puis lui donna les signes,
mois et attoucbemenis, les(]uels consistent,
savoir : le signe d'ordre, à élever perpendi-
culairement le bras droit vers le ciel, que l'on
semble montrer avec le pouce et l'index, les
trois autres doigts étant plies, mais non fer-
més ; le signe de reconnaissance, à tenir le
bras droit horizonlalement , les doigts de-
meurant comme au signe d'ordre ; l'attou-
chement, à se mettre réciproquement (le frère
qui tuile et le frère qui est luiléj la main
droite sur le fronl, en disant, le second : Al-
léluia; le premier : Louez le Seigneur, qui
sont les mots sacrés; puis le second : Umn)a-
nuel; le premier : Dieu vous assiste; les deux
ensemble : Amen, qui sont les mois de passe.
Après avoir ajouté que la léponse à l'âge
demandé est pour les grands pontifes ou su-
blimes écossais, je ne compte plus, le trois-
fois-puissant retourna à son trône, tous les
frères à leurs sièges; on fit asseoir le nou-
veau venu ; et le trois-fois-puissant ayant
frappé trois coups demanda :
— Quelle heure est-il ?
Le frère expert répondit :
— L'heure est accomplie.
— Alpha et Oméga, reprit Morel , réjouis-
sons-nous, mes frères. 11 frappa douze coups,
le trère surveillant les répéta et dit en se le-
vant :
— Fiitèles et vrais frères , la loge des
grands pontifes est fermée.
Sur quoi, la loge alla dîner , travail des
mâchoires qui est la conséquence obligée de
toute réunion maçonnique.
Morel était triomphant et superbe; ce qui
ne l'empêcha pas, sous un costume moins
imposant, de jouer Grispin, le soir même,
dans le Légataire universel.
Mais au bout d'un mois il paya sa joie par
une grande douleur. Quatre des plaisants
qu'il avait admis dans sa loge avec un peu
de légèreté, n'étaient pas même maçons. L'un
d'eux était libraire. Dans l'espoir de retrou-
ver ainsi les fra»s qu'ils avaient faits pour
être initiés, ils publièrent une brochure qui
se vendit rapidoment, et qui révélait tous les
secrets qu'on av;iit fait passer devant leurs
yeux. Celle brochure était intitulée : Une
séance à la loge des grands pontifes , sous la
présidence du père Morel, trois-fois-puissant,
sublime écossais et artiste dramatique ; tout
cela en toutes lettres.
Le Grand-Orient de Paris, qui se réorga-
nisait, envoya l'ordre à tous les maçons de
supprimer cette brochure; il interdit au pau-
vre Morel lijule présidence de loge; il défen-
dit pour dix ans à Marseille toute tenue de
loge des grands pontifes. On fit comprendre
au libraire qu'il ne fallait pas jouer avec la
maçonnerie, de sorte qu'il n'osa pas réim-
primer sa brochure épuisée; elle est devenue
fort rare; nous avons suivi celte relation
coMune un procès-verbal, sèchement et sans
commentaire, vous laissant le soin d'appré-
cier les doctrines de ces pontifes.
Quant à Morel, il devint à moitié fou de
son aventure. Comme preuve de cette asser-
tion, on raconte que depuis, lorsqu'il était
sifflé, il donnait en rentrant chez lui son sou-
per à son chien et mangeait lui le souper du
barbet. Quand il était mécontent de la ma-
nière dont il avait joué les pères ganaches,
car on l'avait fait passer à ces rôles (terme
de comédien), il faisait coucher son chien sur
son lit et se couchait dessous comme indi-
gne. On assure même ([u'il y eut souvent,
entre ces deux amis, dos débals de politesse,
et que le chien, dans ces circonstances, vou-
lait à toule force coucher aussi sous le lit, à
côlé de son maître.
On parla un jour de remercier Morel du
théâtre , parce qu'il était très-vieux. Mais
après plus de quarante ans de services, il
avait tellement habitué le public à le voir,
que la majorité des abonnés demanda qu'il
fût maintenu dans la troupe. Le directeur du
théâtre, pour faire sa cour aux jeunes gens,
annonça donc à Morel ((ue non-seulement on
le conservait, mais qu'au lieu de deux mille
cent francs qu'il avait eus jusqu'alors pour
appointements , on lui donnerait cent louis.
Le pauvre homme, habitué comme une
machine à ses deux mille cent francs, ne vit
qu'un dérangement dans l'offre qu'on lui fai-
sait ; il répondit qu'il désirait qu'on le gardât
sans rien changera son traitement ; qu'il s'é-
tait habitué à le distribuer de manière à s'y
reconnaître ; qu'à son âge il ne pouvait plus
se rompre la tête à faire de nouveaux calculs,
et qu'il demandait à rester dans le cercle de
ses vingt et un cents francs : c'était sa ma-
nière de s'exprimer. Comme on ne put lui
faire comprendre qu'au delà de celle somme
il trouvait encore trois cenis francs dans les
cent louis proposés, on lui laissa ses vingt et
un cents francs, qu'il toucha jusqu'à sa mort,
arrivée au commencement de la restaura-
tion ; et cette puissance intellectuelle de la
franc-maçonnerie conlinuade porter tous les
jours ses toasts et d'offrir ses politesses en
dînant, — au grand architecte de l'univers.
VtlI.— JacquemiQ au Graoïi-Orient.
CVstdu Grand-Orienl h merveille incomprise,
Où vous allez marcher de surprise eu surprise.
P. Leblanc, Les Synéoles nuiçonniques.
Jacquemin Glaes, sur l'honnête avis dj son
curé, abandonna donc sa dignité de maîlre ,
renonçant à cette pompe de Satan, qui esta
la lois plus périlleuse qu'on ne pense et plus
slupide encore qu'elle n'en a l'air. Mais vous
allez voir comment un piège attire un autre
piège, et comme il n'est pas bon d'avoir
connu la mauvaise compagnie.
Jacquemin, revenu chez son père , se mil
à faire du commerce. Pour l'apprendre au-
trement qu'à ses dépens, il se plaça dans une
maison honorable de Tournay. Par son exac-
titude et sa bonne conduite, il gagna pronip-
Icmcnt la confiance de son chef, ou si ce mol
703
DlCTlOiNNAIRE DES SClEiSCES OCCULTES.
704
ne vous va pas, de son patron. Il fut chnrgc
bientôt de voyages importants, intéressé dans
la maison , investi de pouvoirs; et il méri-
t.iil rtslitiie qu'on faisait de lui, car il avait
de la probité ; et son ardeur était tempérée
par une timidité rassurante.
En 1822, il avait gngné une petite somme
nsseï ronde, soigneusement économisée par
sa mère; il se décida à se marier. Il devait
faire à l'automne le voyage de Paris, pour de
nombreux recouvrements, mêlés de quelques
achats; il comptait rapporter du là ses plus
élégants présents de noces.
Il partit, l'esprit tranquille, le cœur en
paix, comme un honnête garçon qu'il était.
il arriva sans accident , fit rapidement ses
affaires; et il n'avait plus que deux jours à
demeurer dans la grande ville, lorsqu'en pas-
sant sur le quai des Orfèvres, il se rappela
tout à coup le séjour qu'il y avait fait et sa
réception à la loge des Amis réunis. Il lui
vint, je ne sais comment, la capricieuse idée
de savoir ce qu'étaient devenus ses anciens
frères ; il se dirigea vers le petit hôtel qu'il
avait habile; mais il reconnut à l'enseigne
qu'il avait changé de maître. Au même in-
stant, il aperçut dans sa boutique le mar-
chand de tabac, et il entra. Tout en achetant
de mauvais cigares , il demanda à M. Gue-
naud s'il ne le reconnaissait pas?
— Mais attendez donc, répondit M. Gue-
naud, en rejetant sa tête en arrière, je crois
qu'il me semble en effet que je pourrais bien
vous avoir vu!... Tout juste, continua-l-il,
en se remettant, c'est à vous que je dois le
bonheur d'avoir été si vertement houspillé
par ma femme, qui m'a fait planter là les
bêtises des francs-maçons. Est-ce que vous
en êtes encore ?
— Non certainement, répliqua Jacquemin.
J'ai donné ma démission le même jour que
vous.
— Touchez là, dit le marchand, vous êtes
un homme. C'était en vérité trop absurde.
Es!-Cf qu'il y a des francs-maçons dans votre
pays ? Quoique je ne sache pas de quel pays
vous êtes, vous devez être d'un pays quel-
conque.
— Je suis de Tournay. 11 y a en effet des
francs-maçons chez nous, qui font les mêmes
singeries qu'ici. On les dit inoffensifs. Cepen-
dant n'est-ce pas quelque chose de louche
qu'ils soient toujours en lutte avec le clergé?
— C'est plus que louche, c'est obscur. Et
puis, que dites-vous de la sorte de défiance
qu'ils inspirent aux villageois? de la mau-
vaise renommée qu'ils ont chez les simples
gens? Généralement il n'y a point de fumée
sans feu. Je suis allé récemment dans le pays
de nria femme, qui est Gonessc-au-bon-beur-
re; j'étais allé auparavant dans mon propre
pays, qui est Longjumeau ; j'ai vu que par-
tout les paysans regardent encore les francs-
maçons comme des sorciers. Pour moi qui
ne le suis pas, je ne me suis point vanté d'a-
voir élé de la clique. Je pense qu'il n'est ja-
mais agréable d'être vu de travers.
— On a tout à fait les mêmes opinions dans
nos contrées , reprit Jacquemin ; et derniè-
rement il est même arrivé quelque chose de
singulier à ce sujet.
Un paysan des environs de Tournay, cœur
perverti , comme il y en a malheureusement
quelques-uns en tout pays, se trouvant pressé
d'un besoin d'argent , un mauvais plaisant
s'avisa de lui dire qu'en se faisant recevoir
franc-maçon, il deviendrait tout d'un coup
riche. Mais, ajouta-t-il, vous risquerez votre
âme. l.e paysan savait bien que les francs-
maçons passaient pour être en commerce
avec le diable; il songea sans doute qu'il
s'occuperait de son âme un peu plus tard ;
car il se résolut à tenter le chemin de fortune
qui lui était présenté.
Il vint à Tournay , se promena sans rien
dire devant le bâtiment ou les maçons tien-
nent leur loge , l'examina d'un œil d'envie ;
puis il entra dans un petit cabaret voisin, ei
tout en buvant sa pinte de bière, il demanda
au cabarctier ce qu'on faisait dans ce bâti-
ment.
— On y fait de la franc-maçonnerie , ré-
pondit l'autre, qui était aussi un goguenard,
et il faut qu'il s'y passe de terribles choses ;
car toutes les fois qu'ils tiennent loge , s'ils
entrent trente, ils ne sortent que vingt-neuf.
— Comment cela? demanda le paysan in-
trigué.
— C'est, répondit le cabaretier en baissant
mystérieusement la voix, qu'on lue un hom-
me à chaque assemblée. Tenez, comptez, les
voici qui entrent.
Le paysan compta vingt-quatre personnes;
et la porte s'étant refermée, il n'ajouta pas un
mot. Il tomba dans une profonde méditation.
Au bout d'un quart-d'heure, il demanda
une autre pinte, et reprit : — Restent-ils
longtemps là?
11 désignait la loge.
— Ce n'est pas grande assemblée aujour-
d'hui, répondit le cabaretier, fier de l'effet
qu'il avait produit sur son homme, ils reste-
ront une heure.
Le villageois , décidé à attendre , retomba
de nouveau dans le silence.
Dès que les maçons sortirent, il les compta
d'un œil ardent, et la porte s'étant refermée
sur le vingt-troisième, parce que le surveil-
lant restait pour remettre les choses en or-
dre : — Ils en ont vraim^t tué un , dit-il.
Mais quel profil onl-ils à cela?
— Oh 1 c'est une épreuve ; celui qui la fait
reçoit, dit-on, une bonne somme.
Le paysan paya ses deux pintes et s'en
alla. Comme il était fin, il s'informa dans une
autre maison de la demeure de l'un des prin-
cipaux maçons ; et il alla le trouver lout ron-
dement.
— Je voudrais être reçu, monsieur, lui
dit-il; j'ai besoin d'argent; je suis prêt à
tuut. On conte que vous tuez un homme à
chaque séance ; je ne recule pas pour cela ,
si cela me profite.
Le maçon , un peu surpris d'une pareille
ouverture, voulut en réjouir ses frères. —
Nous avons assemblée sanu'di , dit-il au pay-
san ; venez me voir au coucher du soleil. Je
vous dirai si vous pouvez être reçu ; mais
705
FRA
FRA
70C
aujourd'hui écrivez là-dessus votre nom cl
voire vill.igc.
Il lui préscnla en même temps une léle de
lellre cliargée des hiéroglyphes de la maçon-
nerie. Le villageois ne savait pas écrire, mais
il dicta son nom et avoua sa demeure.
Les maçons consentirent à s'amuser du
personnage, qui vint exactement le samedi,
à l'heure prescrite, fut conduit en loge, in-
troduit 1rs yeux bandés, et placé ensuite au
milieu du Uniple, où il fui surpris de ne voir
que des bourgeois et des chandelles. Il s'at-
tendait un peu à voir le diable. On lui de-
manda s'il voulait être reçu maçon ; il répon-
dit que oui ; s'il voulait vendre son âme , il
répondit qu'il la vendrait pour dix ans ; s'il
voulait luer un homme, il répondit que cela
dépendait du prix.
Alors on lui demanda quelle somme il
voulait. — 11 me faut six mille francs, ré-
pondit-il.
— Nous ne nous arrangerons pas , dit un
maçon, car nous ne payons que trois mille
francs par homme.
Pendant que ces mots se disaient, pour
achever d'exciter le villageois, un frère ap-
portait et remuait des corbeilles d'écus.
— Je tuerai donc deux hommes, dit le néo-
phyte, car je veux six mille francs.
Les maçons commencèrent à trouver l'a-
mateur un peu féroce. Ls le firent boire et
l'enivrèrent, à quoi il se prêta de son mieux.
Puis on le mit dans une voiture , sous pré-
texte d'épreuves ; on le reconduisit à sa mai-
son. Le lenilemain matin on prévint Its au-
torités, qui firent savoir à l'ambitieux pay-
san qu'il était désormais surveillé. — Il n'en
est rien arrivé de plus. Mais vous avouerez
qu'il n'est pas très-doux d'être d'une société
qui donne lieu à des opinions comme celles
de ce malheureux enragé.
— Mais eiuore, monsieur, si vous n'êtes
venu en loge que le jour où nous vous avons
reçu, vous ne savez que peu de chose. Il faut
connaître les doctrines. Voici par exemple,
eu opposition aux commandements de Dieu,
les commandements de quelques loges :
Adore ce que lu voudras ;
Cesl Ion affaire entièrement.
Serraentsde maçon tu iieudras;
Mais des autres tais librement.
Tous les dimanetios tu feras
Ce qui le plaira scutemenl.
Le Grand-Orient serviras,
^ Si lu veux vivre sûrement.
Dispute et meurtre empêclieras
Entre maçons iidèlemeul.
Dans les amours évil-ras
Tout scandale publiquement.
' Aux frères nul ton ne feras
Et ne leur nuiras nutlemoiit.
Jamais rien ne révéleras
D;; nos secrets imprudemment.
Amour d'auirui ne troubleras
; Eu logo principalement.
Le bien des frères n'i nvipras,
Kaisanl tout délicatement
Et je vois avec plaisir, poursuivit le mar-
chand de tabac, que cette poésie-là ne vous
plaîl guère. Du reste, il est arrivé de nouvel-
les phases qui ajoutent à la joie que j'é-
prouve de n'être plus porte-tablier. Depuis
1815, la politique s'est jetée parmi les frères;
plusieurs loges sont devenues des loyers de
conspiration; de sociétés secrètes permises,
quelques-unes se sont faites sociétés secrètes
prohibées. Il en est même qui se sont trans-
formées en ventes.
— Qu'est-ce que vous entendez par là? de-
manda Jacquemin.
— Les ventes sont les loges des carbonari,
attendu qu'une loge de carbonari s'appelle
une vente, une venin; c'est un mot étranger.
Là, c'est bien pis. On ne s'assemble que pour
conspirer; et je sais beaucoup de maçons qui
n'étaient, comme dit la chanson , que des
imbéciles , et qui se sont laissé entraîner
dans le carbonarisme, où ce ne sera pas leur
faute s'ils ne deviennent pas criminels, puis-
qu'ils doivent à leurs chefs l'obéissance ab-
solue et passive.
— Mais, reprit Jacijuemin élonné , me di-
riez-vous des nouvelles di' vos anciens con-
frères, de ceux qui vous ont aidé à me rece-
voir?
— Difficilement. Tous se sont dispersés: je
crois que tous ont fait de mauvaises affaires.
L'argent qu'on sème dans les loges ne pro-
duit rien de bon.
11 n'y a qu'une chose que je regrette ,
monsieur , reprit Guenaud , après un petit
silence , c'est de n'avoir pas été admis , une
fois du moins, dans les cérémonies du Grand-
Orient.
— N'est-ce pas la chef-loge de la franc-
maçonnerie?
— Si vous voulez. Toutefois , on ne s'y
occupe que de la distribution des grades et
insignes , de l'organisation des choses, de l;i
fixation des mots d'ordre solennels, de la con-
fection des diplômes, et on ydonne continuel-
lement de fort belles fêles.
— Mais , reprit le Tournaisien , l'Eglise ,
qui repoussela franc-maçonnerie, en excepte-
lelle le Grand-Orient?
— C'est probable, dit le marchand do
tabac, puisqu'on y voit des personnages de la
cour.
De singulières idées se heurtèrent dans la
lêle de Jacquemin, qui ne sentit pas l'absui-
dité des raisonnements du marchand du
tabac, et qui ne tarda pasà sorliren songeant
au Grand-Orient.
Il n'avait p.is remarqué que pendant l'éloge
du Grand-Orient par l'ancien frère Guenaud,
un homme était entré dans la boutique pour
allumer son cigare. Cet homme, convenable-
ment vêtu , le suivit jusqu'au Pont-Neuf et
l'accosta alors, en lui disant aussi :
— Vous ne me reconnaissez pas ?
— Mais, mais, mais, répondit Jacquemin ,
absolument comme le marchand de tabac, il
me semble que je vous ai vu autrefois.
— En loge , frère ; vous ne remettez pas
Félix, alors peintre, et aujourd'hui spécula-
teur? Je suis bien charmé de vous revoir ;
vous me rappelez tout un heureux temps ; et
vous nrceptcrez un petit verre.
•rc7
DICTION.NAIUE DES SCIENCES OCCULTKS.
708
— Je suis Irès-pressé , dit Jacqueiuin.- je
n'ai plus que deux jours à resl<r ici.
— Cinq minules ne vous rclarileront pas.
On élail devant le café Daupliine; le spé-
culateur avait l'air si décent, que Jacqucmin
céda.
— Comme vous êtes pressé, reprit Félix ,
après avoir demandé un demi-bol de punch,
qu'il paya de suilc très-délicalemcnl , je ne
veux pas vous retenir. Mais je me fais une
fêle de vous procurer à la volée le plaisir que
désirait tant le marchand de tabac.
— Quel plaisir? demanda Jacquemin.
— Le plaisir de voir le Grand-Orient , où
je suis officier introducteur.
— Mais vous ignorez que je ne suis plus
maçon.
— Qu'importe 1 je ne vous offre qu'un spe-
ctacle. 11 ne s'agit là ni d'épreuves , ni de
serment ; vous n'aurez rien à dire ; vous vous
bornerez à voir. Il se trouve «ju'en ce mo-
ment il y a solennité. Du moins vous aurez
joui du plus piquant spectacle et de la pompe
la plus bizarre qu'on puisse voir à Paris.
Vidons nos verres ; nous sommes à deux pas ;
c'est l'affaire d'un quart-d'heure. Garçon ,
une voiture!
Jacquemin , comme nous l'avons dit déjà ,
était timide et taible; il éiait de plus un peu
curieux. Des senlimenls divers se déballaient
dans son esprit. Félix ne lui laissa pas le
temps de se reconnaître. Les gens qui, à
Paris surtout, n'ont pas la décision prompte,
les gens qui ne savent pas dire non , doivent
s'attendre à être menés. Jacquemin fut en-
levé, mis en fiacre et conduit plus loin qu'il
ne devait penser, car la course dura dix mi-
nules , pendant lesquelles son ancien frère
acheva d'enflammer sa curiosité et de gagner
sa confiance.
On s'arrêta enfin devant une maison de
bonne apparence ; on monta au premier
étage; on entra dans un petit salon bien
meublé. — Réjouissez-vous , dit Félix , nous
voici à la porte du grand temple. Vous n'au-
rez à remplir qu'une seulecérémonie, qui est
de rigueur; c'est de revêtir une rube comme
la mienne.
L'introducteur tira d'une armoire deux
robes d'avocal; il avait sonné, deux domes-
tiques en grande livrée entrèrent. Félix ôia
son habit, sa montre, sa bourse , qu'il remit
au valet de chambre venu pour lui , et que
celui-ci plaça soigneusement dnns l'armoire.
Maison même temps, voyant que Jacquemin
endossait sa robe par-dessus son habit de
ville , il lui dit en riant , avec une bonhomie
qui ne permit pas la défiance:
— Mais vous ne pouvez pas entrer ainsi.
Les maréchaux et les princes qui viennent
d'être introduits ne sont pas plus exempts
que nous du la formalité exigée. Il f.iut ôtcr
seulement votre habit et vous dépoukli'r de
tout métal. Si vous avez des clefs, une mon-
tre, quelque argent, niellez tout cela avec ma
défroque; c'est l'usage.
Jacquemin n'usa ni hésiter , ni reculer. II
Ht coiiune ceux qui se montrcnl bravos lors-
iju'il ne leur est plus possible de trouver une
autre issue; il déposa son habit , sa montre,
sa bourse, qui contenait deux mille francs en
or. Son portefeuille , où il avait ses recou-
vrements en papier, montant à une quaran-
taine de mille francs , était dans une poche
intérieure de son gilet ; il l'y laissa; d'ail-
leurs, il ne conlonail d'autres métaux qu'un
crayon. 11 endossa la robe; et il fut introduit
dans un second salon, fort propre aussi. Félix
lui demanda la permission de le laisser un
moment seul pour l'annoncer; puis il ouvrit
une petite porte el dispirut.
Alors seulement Jacquemin put se recueil-
lir; alors seulement, se retrouvant seul avec
lui-même , il put se demander s'il ne faisait
pas des cxlravagances? s'il avait besoin de
voir le Grand-Orient? s'il n'avait pas été
bien faible? s'il devait se fier à Félix? s'il
ne s'exposait pas à mille périls ? Il put son-
ger tout à son aise , car un quart d'heure se
passa sans que le silence où on le laissait fût
interrompu. 11 prit enfin une résolution :
— Il est possible que je fasse mal , dit- il ;
je dois oser me montrer ce que je suis et re-
fuser de mettre le pied dans ce qu'ils appel-
lent le temple.
11 tourna donc la clef du premier salon
pour reprendre ce qu'il y avait déposé,
remettre son habil cl partir; mais la porte se
trouvait fermée.
Il se dirigea vers celle que Félix avait
prise pour aller au temple; elle élail fermée
aussi.
La pièce n'avait pas d'autre issue. Une
seule fenêtre donnait sur une cour déserte.
— Serais-je pris par des filous , sedemanda-
t-il,ou par des maçons qui veulent me punir
d'avoir abandonné l'ordre?
Il ressentit une petite terreur inquiète ; et
voyant le cordon d'une sonnette , il le lira.
Des pas bientôt sefirententendre ; quelqu'un
vint, qui tourna la clef dans tous les sens cl
ne put ouvrir la porte.
— Est-ce vous qui avez sonné? dit une
voix.
— Oui, c'est moi ; ouvrez.
— Mais je ne le puis; vous êtes enfermé.
— Je suis enfermé en dehors.
— C'est vrai , dit la voix , qui était celle
d'un concierge. Il tira un pelil verrou qu'on
avait poussé sans bruit , et il entra. Surpris
de voir un avocat à l'air effaré, seul dans le
salon: — Qui êtes-vous? lui demanda-l-il.
— Je suis Jacquemin.
— Je ne connais pas Jacquemin. Comment
vous trouvez-vous ici ?
— J'y suis venu avec M. Félix.
— Je ne connais pas M.Félix.
— C'est l'officier introducteur.
— Quel introducteur?
— L'introducteur du Grand-Orienl. Ne
sommes-nous pas ici au Grand-Orient?
— Ni à l'Orient, ni à l'Occident; vous éles
dans un hôtel garni.
— Mais qui occupe cet apparlcmenl ?
— Trois messieurs, qui n'y sont que d'hier.
— Enfin, dit Jacquemin, je suis fait ; el je-
tant sa robe , il ouvrit l'armoire de la pre-
mière pièce :
7«9
FRA
FRA
710
— J'ai laissé là,dil-il, mon habit, ma mon-
tre et ma bourse.
Il pâlit en reconnaissant que l'armoire
diait vide.
— Il me semblait bien, dit le portier, com-
prenant enfin, que ces messieurs étaient trois
voleurs. Vous devez rester , monsieur, pour
ma décharge. Marie, cria-t-il par la fenêtre,
va chercher le commissaire.
Le pauvre Jacquemin, en manche de che-
mise , aida le concierge à visiter l'apparle-
ment, qui consistait en quatre pièces ; ils cu-
rent bientôt reconnu que les locataires
avaient tout dévalisé de leur mieux. Dans sa
détresse , le Tournaisien remercia Dieu du
bonheur qu'il avait eu de sauver son porte-
feuille, dont la perle eût été sa ruine entière.
Il fut obligé de conter au commissaire toute
son histoire. Le magistrat vit bien (ju'il
n'avait devant lui qu'une honnête victime ; il
la fit reconduire en fiacre à son hôtel ; car
il ne pouvait même lui laisser la robe d'avo-
cat , qui devait être jointe comme pièce au
procès-verbal.
Quand Jacquemin , de retour à Tournay ,
dit sou malheur au bon curédont il ne s'était
peut-être pas souvenu assez tôt: — C'est une
seconde leçon que vous eussiez pu éviter ,
lui répondit le vieillard. Mais remerciez Dieu
de n'y avoir perdu que votre argent.
Dans l'histoire que »'ous venez de parcou-
rir,vous avez vu, du moins, le côté grotesque
de la franc-maçonnerie; et vous avez pu en
juger les aspects coupables.
Nouscroyons devoir rapporter encore deux
pièces intéressantes.
F.-. M.-.
InilialioD au grade de clievalif r de l'Asie.
«On prépare, dans une maison de campa-
gne écartée, un caveau lugubre et une
chambre tendue de noir. Les fières qui re-
çoivent le nouveau venu sont au nombre de
cinq. Aussitôt qu'il arrive, on l'enferme
dans une chambre de réflexion, décorée lu-
gubrement et où se trouvent plusieurs em-
blèmes relatifs aux droits de l'homme et aux
crimes commis par la tyrannie et par le fa-
nati.sme. Des questions lui sont proposées
par écrit sur ces objets, et on attend ses ré-
ponses pour voir s'il est digne de l'honneur
auquel il aspire. Les réponses étant satis-
faisantes, on lui bande les yeux, ou lui lie
les mains , on lui met la corde au cou ; il est
nu-léte, et il a pour tout vêlement une robe
blanche teinte de sang; tous les frères sont
en deuil. Une musique funèbre se fait enten-
dre. Le récipiendaire subit différentes épreu-
ves physiques, et les frères le repoussent
tour à tour avec le plus grand mépris. Fina-
lement, il est introduit dans le caveau,
éclairé seulement par la flamme bleuâtre
d'un vase rempli d'esprit de vin. Là se trou-
vent un squelette, différents ossements et
un cadavre couvert d'un drap mortuaire. De
nouvelles questions sont adressées au ciin-
didat; et tous les frères lui mettent le glaive
sur le cœur, prêts à le percer. On saisit sa
main droite, et on la pose sur le tada\rc; de
sa gauche il louche les statuts de l'ordre, et,
dans cette attitude, on lui fait prêter le ser-
ment suivant :
« Je jure par tout ce que j'ai de plus sacré,
par les statuts du grade auxquels je m'en-
gage, de m'y conformer en tout temps et en
tous lieux, et, au péril de ma vie, de garder
avec une fidélité à toute épreuve les secrets
qui me seront confiés par cet illustre con-
seil. Je jure de coi pcrer à la destruction des
traîtres et des persécuteurs de la franc-ma-
çonnerie, de les écraser par tous les moyens
qui seront en mon pouvoir. Je jure haine
éternelle à la servitude, aux oppresseurs de
l'humanité et de la saine philosophie; de re-
connaîlrccoinmele fléau du malheureuxet du
monde les rois et les fanaliciues religieux, et
de les avoir toujours en horreur. Je jure do
ne jamais me faireconuuîlre comme chevalier
de l'Asie qu'à celui qui |)ossède ce grade; Jo
jure de prêcher pi^rloul où je me tiouverui
les droits de l'homme, et de ne suivre d'autre
religion que celle que la nature a gravée
dans nos cœurs; je m'engage à la répandre
sur les deux hémisphères. Je jure de ne ja-
mais admettre à ce grade aucun individu
couronné ou régnant, aucun ecclésiastique,
ni aucUH homme qui ne soit m.içoii et initié
régulièrement dans le grade de kadosch, et
qui n'ait toutes les qualités requises par les
statuts du grade des chevaliers de l'Asie. Jo
jure obéissance sans restriction au chef de
ce conseil ou à celui qui le représentera. Je
jure de ne reconnaître aucun mortel supé-
rieur à moi, et de travailler de toutes mes
forces à éiablir la liberté et l'égalité para.i
les hommes, de ne voir dans les hommes
que les enfants dune même famille dont
Dieu seul est le souverain. Que toutes les
épées tournées contre moi s'enfoncent dans
mon cœur, si jamais j'avais le malheur do
m'écarter de mes engagements, pris de ma
pleine et libre volonté. Ainsi soit il.»
a Dès que le candidat a prononcé ces pa-
roles, on le délivre de ses liens, on lui ar-
rache son bandeau et on lui ordonne d exa-
miner tout ce qui l'entoure. Tous les frères
se jettent de nouveau sur lui: on lui ouvre
une veine et on lui fait écrire de son sang ce
même serment au grand livre de l'architec-
ture et de la correspondance secrète. Après
cela, le grand maîlre lui dit: Toi que le ciel
envoie sur la terre pour amener le bonheur
parn)i les hommes, ton courage et ta 1er-
mêlé méritent notre estime ; nous te créons à
perpétuité chevalier de l'Asie. Sois discret et
n'oublie jamais les engagements que tu as
contractés parmi nous. »
« Ces cérémonies sont suivies de réjouis-
sances. On complimente le nouveau cheva-
lier, ou lui jette des fleurs, on s'embrasse, on
danse au bruit d'une musique gaie et légère.
L'initié reprend ses habits et met par-dessus
une robe noire, en mémoire de la mort de
Jacques Molai. Alors commencent les tra-
vaux dans une chambre où tout respire le
deuil. Le grand maître siège sur un trône
couvert d'une étoffe noire. Devant lui, sur la
table également couverte d'un tapis noir,
711
DlCTlONNAiUE DES SCIENCES OCCULTES.
"12
sonl deux épées en croix. Au milieu de l,i
chambre est un tombeau, éclairé par trois
vases d'esprit de vin allumé. Alors a lieu une
sorte de catéchisiue ou d'iiistruclion par de-
mandes el par réponses.
« Entre autres qucslions du grand maître,
on remarque celle-ci : — A quelle époque
sommes-nous? — Rép. A la régénération du
inonde.
« A la clôture, le grand maître prononce
les mots suivants : « Mes frères, retirons-
nous; allons éclairer les hommes el exter-
miner les serpents qui régissent l'ignorance
humaine.
« La décoration du chevalier de l'Asie est
un large sautoir noir, liséré de blanc, au mi-
lieu du()uel sont brodées les lettres initiales
de Jacques Molai, entourées de six larmes.
Au bas du sautoir est le bijou; c'est un poi-
gnard traversant un creur. La parole du
grade est jMelchisedech; le mot de passe Sy-
nedrion, mot grec qui signifie conseil, as-
semblée. Le signe consiste à tirer la main
droite en arrière, comme si on voulait en-
foncer un poignard dans le vonlre de quel-
qu'un. L'attouchement se fait en mettant
d'abord la main sur le cœur, en se donnant
ensuite mutuellement un fort coup dans la
main droite, en disant : « Sauvons le genre
humain opprimé. »
{Journal liistorique et Uuéraire à Liège. Janvier 1841.)
Installation à Bruxelles de la loge maçonnique te Travail.
« Le 17 août 184.0, à deux heures de rele-
vée, les frères de la loge le Travail, qui
étaient en instance pour se faire agréger au
Grand-Orient de Bruxelles, se réunirent au
Parc, dans le local proyisoire du Waux-
Hall, sous le maillet du très-illustre frère de
■Wargny, vénérable. Oua''a'»'e frères , dont
trente-huit maçons et deux apprentis, répon-
dirent à l'appel. Deux frères étaient absents
pour affaires profanes indispensables. Aus-
sitôt furent introduits les frères visiteurs et
les dépulations de différentes loges, ainsi
que les trois commissaires installateurs ,
chargés par le Grand-Orient de constituer la
nouvelle luge et de lui dDnner ses pouvoirs.
Ces trois commissaires étaient les très-illus-
Ires frères Defrenne, Wouters et Leroy.
L'assemblée se composait en tout de quatre-
vingt et une personnes. Deux loges do
Bruxelles n'avaient pas accepté l'invitation
«le la nouvelle, et n'y étaient pus représen-
tées. Les deux grands maîtres du rit écossais,
les illustres frères Walter et Slevens, n'a-
vaient pu venir, à cause de quelques affaires
profanes. (Juant au sérénissime grand maî-
tre de l'ordre, le frère de Slass.irt, il était
en ambassade à Turin ; et son représentant ,
l'illustre frère Verbaegen, était à Paris. A
cela près, la réunion était belle, gaie et con-
tente.
« La loge le Travail existait provisoire-
ment depuis neuf mois. Pour être reconnue
et installée par le Grand-Orient, il f.illait
qu'elle commençât par fermer son temple et
ses travaux, par mourir en quelque sorte.
Cette cdrémonic a lieu d'une manière ingé-
nieuse et fort simple. Tous les frères étei-
gnent successivement leurs étoiles , c'est-à-
dire leurs chandelles, et le vénérable soulfle
la sienne le dernier. Tout est dit alors; la
loge est morte.
« Immédiatement après commencent les
travaux du Grand Orient, les cérémonies de
la résurrection, de la vie. Les coumiissaires
installateurs vont d'abord tuiler cli;icun des
membres présents, c'est-à-dire les p.issenten
revue, examinant sévèrement s'ils sonl vrai-
ment maçons, et si les frères dépulés et visi-
teurs ont le mot d'ordre annuel. Cela fait,
et tout ayant été trouvé en règle, le premier
des trois commissaires, qui a le titre de pré-
sident, fait donner lecture des pouvoirs qui
leur sont accordés par le Grand-Orient et
des lettres de constitutions. Ces lettres por-
tent expressément que le Grand-Orient agit
sous la protection spéciale de sa majesté
Léopoldl", roi des Belges. Elles confèrent à
la nouvelle loge le pouvoir dy se livrer aux
travaux de l'art royal. Ensuite le président
ayant reçu de chaque frère séparément la
|)romcsse de fidélité et d'obéissance au
Grand-Orient, procède aux cérémonies do
l'installation et de la résurrection. Cela se
fait ainsi :
« Le président se procure du feu en battant
le briquet, allume une étoile vierge, c'est-à-
dire une chandelle neuve; celle-ci commu-
nique la Qamnie à deux autres étoiles vier-
ges. Puis il annonce, le plus sérieusement et
le plus gravement qu'il lui est possible, que
la loge est installée. Ces paroles se répètent
trois fois; et on y répond par trois applau-
dissements. Le président ouvre alors la
porte du temple, et s'écrie : « Loin d'ici,
profanes 1 ce lieu est consacré au grand ar-
chitecte de l'univers. » Il referme le temple;
encore trois applaudissements. Tous les
frères se donnent la niiiin et forment la
chaîne; le président leur communique le
mot annuel , on rouvre le temple, et tous l >s
frères y entrent. Puis le président prononce
un discours.
« Le très-illuslre frère Defrenne, chargé
de présider, parla longuement. Vu sou âge,
sa qualité et sa longue expérience, il prit la
liberté de donner quelques leçons aux novi-
ces, et c'est à eux surtout qu'il s'adressa. Il leur
recommande, entre autres vertus, une discré-
tion rigoureuse et un courage à toute épreu-
ve. « La discrétion, dit-il, parce que la du-
rée de notre existence maçonnique dépend
de la conservation rigoureuse de nos secrets ;
et le courage, pour se moquer du diable et d,:
l'enfer... Combien n'en a-t-on pas vu, ajoule-
t-il tristement, abjurer au lit de la mort, par
crainte des tourments de l'enfer, le litre de
maçon, plus eificace, d'après moi dovanl le
trône des miséricordes, que des prières sa-
lariées? » 11 fuit observer que le courage
est indispensable à tout initié , et que
c'est pour voir s'ils ont du courage (juttu
soumet les candidats à diverses épreu-
ves physiques; qu'on leur bande les yeux,
qu'on les tire, qu'on les houspille, qu'on
les introduit dans de« caveaux faiblemcul
I
Tt5
FR\
FRA
1*\
éclairés par quelque lupur salanique, qu'on
présente tout à coup à leurs regards éton-
nés des CJidavres, des squelettes, qu'on se
jette sur eux le poignard à la main, ((u'on
les tourmente enfin par toutes sortes de fan-
tasmagories et de di.ihleries, le tout pour
s'assurer qu'ils sont hommes à se rire plus
tard du diable en personne....
« Après le discours où l'on dit encore que
la maçonnerie ne s'occupe pas de politique,
tout en s'occiipant chaudement de l'inslrnc-
lion publique, des élections, des moyens
d'entraver l'action du clergé, les trois illus-
tres commissaires installateurs vont s'as-
seoir, et les travaux du Grand-Orient sont
fermés. La nouvelle loge est constituée;
c'est elle qui entre en fonctions. Le vénéra-
ble se lève, remercie les commissaires, les
députés du Gran'l-Orient et des diverses lo-
ges étrangères, les frères visiteurs , et ac-
corde la parole au frère orateur. Celui-ci
prononce un discours où il considère la
franc-maçonnerie comme une œuvre de pro-
pagande et de haute moralisalion. Le dis-
cours est suivi d'une prière à l'Kternel, avec
accompagnement de piano. La maçonnerie y
célèbre son triomphe sur Rome et sur l'E-
glise catholique.
« Cependant il est tard, et, en dépit de la
joie et des plus douces émotions, on s'aper-
çoit finalement qu'on a faim. Les frères maî-
tres des cérémonies viennent annoncer que
le dîner est servi. L'assemblée ne se le fait
pas dire deux fois, elle se rend, en défilant
sur deux colonnes, dans la salle du banquel,
où la table est dressée en forme de fer à
cheval. La réunion se trouve accrue. Le
tracé, aulremenl dit procès-verbal, ne comp-
tait que quatre-vingt-un frères dans la salle
d'installation; il en compte cent autour des
plats et des bouteilles. Musique, appétit,
chansons, toasts, santés, etc. »
{Jturnal historique et littéraire. Mars 1811.)
FRANK (Christian), visionnaire qui
mourut en 1590 ; il changea souvent de reli-
gion , ce qui le fit surnommer Girouette. 11
croyait la religion japonaise meilleure que
les autres , parce qu'il avait lu que ses mi-
nistres avaient des extases.
FRANK ( Sébastien ) , autre visionnaire
du seizième siècle, sur la vie duquel on a
peu de données positives, quoiqu'il ait dans
son temps excité l'attention du public. Il
donna en 1531 un traité de VArbre de la
science du bien et du mal, dont Adam a mangé
la mort, et dont encore aujourd'hui tous les
hommes la mangent. Le péché d'Adam n'est
selon lui qu'une allégorie, et l'arbre que la
personne, la volonté, la science, la vie d'A-
dam. Frank mourut en 15^5.
On a encore de lui une traduction alle-
mande de V Eloge de la folie, par Erasme : le
Traité de la vanité des science^, et i' Eloge de
l'âne, traduit d'Agrippa, en allemand ; Para-
doxaou deux cent quatre-vingts discours mi-
raculeux,UrésûeVÊcrilure sainte, Ulm,1533,
in-8 . Témoignage de l'Ecriture sur les bons et
DiCTI )NN. DES SCIESCES OCCCLrES. l.
les mauvais anges, 1.^35, in-8°, etc. N'était il
pas le père du précédent ?
FRANZOTIUS, auteur d'un ouvrage in-
titulé : De la divination des anges, in-4*,
Francfort ou Venise, 1632.
FRAYEUR. Piron racontait souvent
qu'il avait environ dix ans , lorsqu'un soir
d'hiver, soupant en famille chez son père, on
entendit des cris affreux qui partaient de
chez un tonnelier voisin ; on alla voir ce
que c'était. Un petit garçon, transi de peur,
conduisit les curieux dans la chambre d'où
venaient les cris, qui redoublèrent bientôt.
Ah ! messieurs, dit le tonnelier tremblant,
couché en travers sur son lit , daignez au
plus tôt faire appeler un chirurgien, car je
sens que je n'ai pas longtemps à vivre.
Le père de Piron , après avoir chargé un
domestique de remplir les intentions du pré-
tendu malade, s'étant approché de lui, et
l'ayant interrogé sur la cause de sa mata- -
die :
Vous voyez, mon cher voisin, répondit le
tonnelier, l'homme le plus misérable! Ah !
maudite femme I on m'avait bien dit que te»
liaisons avec la plus détestable sorcière di;
la Bourgogne, ne tarderaient guère à ni'élrc
fatales....
Ces propos faisant soupçonner que la
télé de cet homme était dérangée, on atten-
dit que le chirurgien fût arrivé.
Monsieur, s'écria le tonnelier, lorsqu'il la
vit entrer, j'implore votre secours, je suis un
homme mort !
Sachons d'abord , lui dit le chirurgien, de
quoi il s'agit.
Ah 1 faut-il que je sois fi)rcé, en vous di-
sant d'où partent mes douleurs, de déshono-
rer ma femme môme ! répondit le pauvre
homme. Mais elle le mérite , et , dans mon
état, je n'ai plus rien à ménager. Apprenez
donc qu'en rentrant chez moi ce soir, après
avoir passé deux heures au plus chez le
marchand de vin du coin, ma femme, qui
me croit toujours ivre, m'ayant trop poussé
à bout, je me suis vu forcé, pour pouvoir me
coucher en paix , d'être un peu rude à son
égard ; sur quoi, après m'avoir menacé de
sa vengeance, elle s'est sauvée du logis ; je
me suis déshabillé pour gagner mon lit ;
mais au moment d'y monter... Dieu 1 la mé-
chante créature I une main, pour ne pas diro
une barre de fer, plus brûlante qu'un tison,
est tombée sur ma fesse droite, et la douleur
que j'en ai ressentie, jointe à la peur qui m'a
saisi, m'a fait manquer le cœur au point que
je ne crois pas y survivre ! Mais vous en
riez, je crois ? eh bien 1 messieurs, voyez si
toute autre main que celle de Lucifer menu-
pût jamais appliquer une pareille claque 1
Au premier aspect de la plaie, de sa noir-
ceur et des griffes qui semblaient y être im-
primées, la plupart des assistants furent sai-
sis, et le petit Piron voulut se sauver. Mais
on rassura le malade sur les idées qu'il avait
conçues, tant contre sa femme que contre la
prétendue sorcière ; le chirurgien lui appli-
qua les remèdes convenables : on le laissa un
23
ri5
DICTIONNAIUF. DES SCIENCRS OCCULTES.
7JC
ppu dans son cffioi, ce qui le corrigea Icgô-
remenl de son ivrognerie.
Ce remède avait clé miployé par la femme
(au moyen d'un parent qu'elle avail fait ea-
elier dans la maison), pour corriger l'inlem-
iiéranre du toniielii-r.
FRÉDÉRIC - RAUBEROUSSE. Nous ne
voulons pas juger ici cet empereur. Nous
nous bornons à rapporter sa légende ; nous
la prenons dans les curieuses recherches
(;ue la Quarterly review a publiées sur les tra-
ditions populaires.
Dans les siècles de la chevalerie, une im-
mortalité romanesque fut souvent décernée
aux hommes supérieurs, par la reconnais-
sanee ou l'admiralion populaire. Ceux qui
avaient vu leur chef ou leur roi dans sa
gloire, après une bataille où sa bravoure le
dislingu.iit encore plus que sa couronne, ne
pouvaient se faire à l'idée de le voir mourir
comme le dernier de ses soldats. Le rêve d'un
serviteur fidèle et la fiction d'un poêle, d'ac-
cord avec la pompe des funérailles, avec
l'intérêt d'une famille , avec la créduliié du
peuple, tout concourait à prolonger au delà
de la tombe rinduence du héros. Peu à peu
les honneurs rendus à sa cendre devenaient
le culte d'un demi-dieu qui ne pouvait être
sujet à la mort. Achille reçut des Grecs cette
apothéose. De même les Bretons attendirent
longtemps le réveil d'Arthus assoupi à Ava-
lon ; et, presque de nos jours, les Portugais
se flattaient de l'espoir que le roi Sébastien
reviendrait réclainer son royaume usurpé.
C'est ainsi que les trois fondateurs de la
confédération helvétique dorment dans une
caverne près du lac de Lucernc. Les berger*
les appellent les trois Tell, et disent qu'ils
reposent là, revêtus de leur costume anti-
que ; si l'heure du danger de la Suisse son-
nait, on les verrait debout, toujours prêts à
combattre encore pour reconquérir sa li-
berté.
Frédéric-Barberousse a obtenu la môme
illustration. Lorsqu'il mourutdansla Pouillc,
dernier souverain de la dynastie de Souabe ,
l'Allemagne se montra si incrédule à sa
mort, que cinq imposteurs, qui prirent suc-
cessivement SDH nom, virent accourir autour
de le!;r bannière tous ceux qui avaient ap-
plaudi au règne de Rodolphe de Hapsbourg.
Les faux Frédéric furent successivement dé-
masqués et punis ; cependant le peuple s'ob-
sliiiait à croire que Frédéric vivait, et réjté-
tait qu'il avait prudemment abdiqué la cou-
ronne impériale. C'est un sage, disait-on ;
il sait lire dans Us astres : il voyage dans les
pays lointains avec ses astrologues et ses
tiilèles compagnons, pour évilerles malheurs
qui l'auraient accablé s'il fût reslé sur le
tiône ; <|uand les ten)ps seront favorables ,
nous le verrons reparaître plus fi rt et plus
redoutable qtie jamais.
On citait à^ l'appui de celle supposition des
(irophétics obscures, qui annonçaient que
Frédéric était destiné à réunir l'Orient à
l'Occident ; ces prophéties prétendent que les
Turcs et les païens seront défaits par lui
dans une bataille sanglante, près de Coloi,M!e,
et qu'il ira reconquérir la terre sainte
Jusqu'au jour fixé par le destin, le grand
empereur s'est retiré dans le ctiâleau de
Kilifh.iusen, au milieu de la forêt d'Hercynie ;
c'est là qu'il vil à peu près de la vie des ha-
bitants de la caverne de Monlésinos, telle que
Cervantes nous l'a décrite. Il dort sur son
trAne ; sa barbe rousse a poussé à travers la
table de marbre sur laquelle s'appuie son
bras droit, ou , selon une autre version , ses
poils touffus ont enveloppé la pierre comme
l'acanlhe enveloppa un chapiteau de co-
lonne.
On trouve en Danemark une variante de
la même fiction, arrangée d'après la localité,
où il est dit que Holger Dansvre, dont les
romans français ont faitOgierle Danois, est
endormi sous les voûtes sépulcrales du châ-
teau de Cronenbourg. Quelqu'un avait pro-
mis à un paysan une forte somme s'il osait
descendre dans le caveau et y rendre visite
au héros assoupi. Le paysan se laissa tenter ;
au bruit de s;'S pas, Ogier, à demi renversé,
lui demanda la main ; le paysan présenta à
Ogier une barre de fer. Ogier la saisit et y
laissa l'empreinte de ses doigts. — C'est bien I
ajouta-t-il, croyant avoir pressé le poignet
de l'étranger et éprouvé sa force. C'est bien,
il y a encore des hommes en Danemark.
Cela dit, Ogier letomba dans son som-
meil.
Frédéric-Barberousse aime la musique et
il l'écoute volontiers. Il y a quelques années
qu'une troupe de musiciens ambulants crut
faire une bonne œuvre en donnant une séré-
nade au vieil empereur. Se plaçant donc sur
son rocher lumulairc, ils se mirent à exécu-
ter un air de chasse, au moment où l'horloge
de l'église de Tilleda sonnait minuit.
A la seconde aubade , on vit des lumières
autour du rocher, étincelant à travers les
feuilles du taillis et illuminant les troncs gi-
gantesques des chênes. Bientôt après, la fille
de l'empereur s'avança gracieusement vers
les musiciens ; elle leur fit signe de la suivre ;
la roche s'ouvrit, et les artistes entrèrent
dans la caverne en continuant leur concert.
On les reçut à merveille dans la chambre
impériale , où ils jouèrent jusqu'au malin.
Frédéric leur adressa un sourire plein de
douceur, et sa fille leur offrit à chacun un(>
branche verle. Le cadeau était un peu trop
champêtre pour des artistes modernes , qui
n'avaient peut-être pas entendu dire que li's
vainqueurs des jeux olympiques ne rece-
vaient d'autre récompense qu'une couronne
de laurier. Mais, tout en trouvant qu'oi
payait mal la bonne musique chez le défunt
nionarque, leur respect pour sa sépulcrale
majesté les empêcha de refuser. Ils s'en allè-
rent sans murmurer, et quand ils se virent
de nouveau en plein air, tous, à l'exception
d'un seul , jetèrent dédaiu;iieusement les ra-
meaux qui leur avaieut été si gracieusement
donnés par la fille de l'empereur. Le musi-
cien qui conserva son rameau ne l'emportait
ciiez lui que comme un souvenir de celle
aventuré. Mais, lorsqu'il fut près de sa mai-
son, il lui sembla que la branche deveuail
m
FRE
FRI
71»
plus lourde dans sa main : il regarde, et
voit chaque feuille briller d'un éclat métalli-
que Chaque feuille élait changée en un
ducal d'or. Ses conipagnons, ayant appris sa
bonne fortune, coururent aux rochers où ils
avaient jeté Ifurs rameaux Hélas 1 il
était trop lard ; ils ne les trouvèrent plus, et
s'en revinrent honteux de leur dédain pour
la munificence impériale.
L'empereur Frédéric , ayec ses branches
aux feuilles d'or, n'est, selon quelques uns,
que le démon gardien d'un de ces trésors du
moyen âge dont la recherche devenait un
métier pour certains charlatans de celle
époque , prototypes du Dousterswivel de
l'illustre romancier d'Eiosse. Ces adeptes
faisaient surtout des merveilles dans les pays
de mines, où ils ont encore des successeurs.
Chacun d'eux avait sa manière d'opérer :
c'était d'abord le théurgiste qui priait et ji û-
nait jusqu'à ce que l'inspiration lui vint. A
côté de lui venait le magicien de la nature.
Le seul talisman d^nt il armait sa main était
une bagutl e de coudrier, qui lui révélait,
par une sorte d'attraction magnétique, tan-
tôt les sources d'eau vive (I), tantôt les mé-
taux ensevelis sous les couches épaisses de
la terre. « Illusions ! s'écriait l'élève de Cor-
nélius Agrippa ; toute la science est dans ce
livre du grand philosophe : heureux qui sait
y lire pour apprendre à charmer le miroir
dont la glace miraculeuse vous montre, sous
les climats les plus lointains , les personnes
que la mer et les déserts séparent de vous.
Venez, vous qui osez y fixer les yeux : ce
miroir magique a été enterré trois jours sous
;in gibet où pendait ui^voleur ; et j'ai ouvert
les tombeaux pour présenter son cristal à la
fiice d'un mort, qui s'est agité convulsive-
ment ! »
Si vous alliez consulter le cabaliste espa-
gnol ou italien , il vous recevait paré de son
costume, qui n'existe plus que dans les mas-
carades de notre carnaval : une ceinture
particulière lui ceignait les reins ; vous ne
compreniez rien à ses telesmes et à ses pen-
lacles. Il s'aidait aussi des idoles constellées,
dont l'anecdote suivante vous révélera la
merveilleuse action.
Un cabalisle savait que , s'il pouvait se
procurer un certain métal, qui élait peut-
être le platine, et profiler de l'aspect favo-
rable des planètes pour en f.iire la figure
d'un homme avec des ailes, celle figure lui
découvrirait tous les trésors cachés. Après
bi«n des recherches , il est assez heureux
|)0ur trouver le talisman , et il le confie à un
ouvrier qui , peu à peu , le convertit en la
forme astrale, ne travaillant avec ses outils
(juo les jours que lui indique le maître, qui
consultait avec soin pour cela les tables al-
lonsines. Or, il arriva que l'ouvrier, étant
laissé seul avec la statue presque achevée,
eut la bonne inspiration de lui donner la
dernière main dans un niomenl où toutes les
constellations étaient d'accord pour la douer
de ses propriétés magiques. Kn effet, à peine
:ivait-elle reçu le dernier coup de marteau,
II) Vojei BtCCbTTEDlVlKATOBB.
que rimO'ge s'échappe de l'enclume et saute
sur le plancher de l'alelier. Aucun effort ne
put l'en arracher; mais l'orfèvre, devinant
la nature de l'influence attractive, creusa
sous la statue et découvrit un vase rempli
d'or qui avait été caché là par quelque an-
cien propriétaire de la maison. Il est facile
de deviner le bonheur de l'arlisle : — Me
voici donc maître de tous les trésors de la
terre, s'écria-l-il ; mais hâlons-nous avant
que le cabaliste ne vienne réclamer sa statue.
Résolu de s'approprier le talisman , l'or-
fèvre l'emporte et s'embarque sur un navire
qui mettait justement à la voile. Le vent
élait favorable, et en peu de temps on fut en
pleine mer. Tout à coup, le navire ayant
passé sur un abîme ou quelque riche irésor
avait été perdu par l'effet d'un naufrage, le
talism.in obéit à son irrésistible influence ,
et se précipita de lui-même dans les vagues,
au grand désappointement de l'orfèvre.
Ce n'e>t pas la seule légende qui porte
avec elle sa moralité. L'avarice humaine
nous y est représeniée courant après l'or et
le demandant à l'enfer comme au ciel : son
vœu est-il exaucé, c'est au prix d'une malé-
diction qui en corrompt la jouissance ; mais
plus souvent la destinée la tour.nente, comme
Tantale, par une continuelle déception..
FIllBOURG. M. Lucien Brun a publié
celte curieuse légende des deux Fribourg.
Wilfrid de Thanenburg, un des riches gen-
tilshommes de Fribourg en Brisgaw , fêlait
ses accordailles avec la noble héritière de
Rosenberg. Les vins du Rhin , des meilleurs
crus , coulaient largement dans des coupes
souvent vidées. — Le vieux bourgmestre
Conrad de Blumenlhal céda doucement à
une impulsion communicative , et ne man-
qua pas, après des révélations que l'hisloiro
n'a pas conservées, d'épancher <iuelque dose
de mauvaise humeur contre rarclievôque
Adhémar, qui lui rognait ses privilèges.
Les convives se récrièrent sur ce couragu
inconnu , dont ils firent , du teste , tous les
honneurs au tokay, et chacun de rappe'er
au bourgmestre les prétentions dt; l'arche-
vêque, suivies d'autant de soumissions du
digne magistrat.
— Par saint Conrad, Mosseigneurs ! s'écria-
t-il aiguillonné, ne saurai-je donc pas meltru
un frein à ses empiélemenls ?
— Eh 1 mais , nous avons tout lieu de le
croire! lui dit un de ses voisins.
— Eh bien ! je veux ((ue Satan nous em-
porte, et avec nous la moiiié di\ noire bonne
ville, si hier déjà je ne lui ai fait senlir com-
bien son arrogance me déplaît , et si dé-
niai n....
En ce moment un édal de rire moqueur,
la chOte de quelques vases et d'un riche ba-
hut , interrompirent le bourgmestre :
— Qui ose rire ? s'éeria-t-il exaspéré,
(luoiqu'un peu inquiet du mensonge qu'il
venait de faire ; (lui veut que je lui prouve
ce que j'avance ?
— C'est toi qui fais loul ce bruit I dit Wil-
frid à ui<»vieux serviteur clTiayc.
719
DICTIONNAIRE DKS SCIENCF.S OCCULTES.
TM
— Non , monseigneur, mais quand on a
parlé du diable, j'ai senti....
— Le brûlé, je parie, s'érria Wilfrid en
riant ; eh bien! donne-nous du vin, el laisse
le diable en p;iix , s'il peut y rester.
Cette saillie détourna l'attention ; el les
ronvives eurent bientôt oublié la colère de
lilumenlhal et le court incident qui en était
résulté ; ils s'amusèrent beaucoup toutefois
de la figure bouleversée du vieil échanson,
(|ui affirma très-positivement qu'il avait vu
fdir les foréis et failli se heurter à la lune,
qui n'était pas à hauteur d'homme.
Or voici ce qui se passait.
Le bourgmestre avait été pris au mot par
Satan lui-même , qui faisait voyager, pour
son instruction, un jeune diable.
— Mon fils , lui avait-il dit , quand tu
sauras qu'il y a chez un jeune fou un projet
de fêle , invite-loi sans crainte , le diable
n'est jamais déplacé dans une orgie, au con-
traire.
Et ils s'en étaient allés chez Wilfrid de
ïhanenburg. — On a su ce qui précéda el
suivit les paroles du bourgmestre. Satan fil
un signe à son élève , et l'un de droite , et
l'autre de gauche, ils prirent joyeusement la
moitié de Fribourg la plus éloignée de la
cathédrale, ets'cnfuirenl comme des larrons.
C'étaient leur joie et ce brusque mouvement
qui avaient interrompu le bourgmestre.
Les deux démons ne savaient trop que
fiiire de ce riche butin ; ils avaient enlevé
Fribourg en vrais voleurs qui prennent par
goût, par instinct, sans songer que la porte
lie l'enfer, quelque vaste qu'elle fût, el quoi-
que donnant passage à des consciences d'une
largeur remarquable , ouvrait inutilement
ses deux battants devant une demi-ville
d'une dimension presque égale et d'une na-
ture beaucoup moins élastique et compres-
sible. Ils suivaient donc leur route aérienne
sans but arrêté et en devisant de choses et
d'autres. Ils remontèrent ainsi le Rhin jus-
qu'à Bâle, non sans admirer les riches plai-
nes de l'Alsace; puis, prenant un peu à
droite, ils s'avancèrent dans la Suisse.
Satan discourait toujours. — Il est tout à
coup interrompu par unébranlement subit du
fardeau que son jeune compagnon avait
cessé de soutenir. A la vue du gouffre au-
dessus duquel il planait , tout entouré de
rochers à pic et de noires forêts suspendues
sur l'abîme au fond duquel grondait un tor-
rent écumanl , Satan comprit que l'autre
avait été soudainement effrayé de l'aspect
sauvage de cotte nature inculte , el que ce
mouvement d'horreur avait causé sa chute.
Il se précipita tête baissée avec lui ; Fribourg
les suivait. — La malheureuse ville ne fut
cependant pas gravement endommagée. Elle
se posa un peu rudement sur le flanc du
ravin et roula de-ci de-là au fond de l'en-
tonnoir. C< tte ville est miiiulenant fribourg
en Suisse, où vous voyez (chose parfaite-
ment inexplicable sans légenile) des maisdiis
superposées et des rues courant sur les toits.
Satan el son compagnon , voyant la ville
(1) Letoyer, llisl. et Disc, des spectres, etc., p. 142.
prendre possession de l'endroit , trouvèrent
original d'être les fondateurs de cette cité
qui tombait des nues, et laissèrent les con-
vives et la colonie reconnaître leurs do-
maines.
Et cependant vous lirez partout qu'en l'an
i 178 Berthold Vde Zœhringen érigea en ville
Fribourg, dans l'OKchtland , sans que dis
ouvrages, du reste fort estimables, vous di-
sent un mot du fondateur. — Ce que c'est
que l'histoire 1
FRISSON DES CHEVEUX. On disait ati-
Irefois dans certaines provinces que le fris-
son des cheveux annonçait la présence ou le
passage d'un démon.
FRONT. Divination par les rides du front
Voy. MÉTOPoscopiE.
FROTHON. On lit dans Albert Krantz que
Frolhon, roi de Danemark, fut tué par une
sorcière transformée en vache. Ce roi croyait
à la magie, et entretenait à sa cour une in-
signe sorcière qui prenait à son gré la forme
des animaux. Elle avait un fils aussi mé-
chant qu'elle , avec qui elle déroba les tré-
sors du roi , et se relira ensuite. Frothon
s'étant aperçu du larcin et ayant appris que
la sorcière et son fils s'étaient absentés, ne
douta plus qu'ils n'en fussent coupables. Il
résolut d'aller dans la maison de la vieille.
La sorcière, voyant entrer le roi chez elle,
eut recours aussitôt à son art , se changea
en vache el son fils en bœuf. Le roi s'étant
baissé pour contempler la vache plus à son
aise, pensant bien que c'était la sorcière ,
la vache se rua avec impétuosité sur lui, et
lui donna un si grand coup dans les flancs
qu'elle le tua sur-le-cUamp (l).
FRUIT DÉFENDU. Voy. Tabac , Pommb
d'Adam, Adam, etc.
FRUITIER. Celui qui fait le fromage el le
beurre dans le Jura est le docteur du canton.
On l'appelle le fruitier; il est sorcier, comme
de juste. La richesse publique est dans ses
mains ; il peut à volonté faire avorter les
fromages, et en accuser les éléments. Son au-
torité suffit pour ouvrir ou fermer en ce pays
les sources du Pactole; on sent quelle consi-
dération ce pouvoir doit lui donner, et quels
ménagements on a pour lui I Si vous ajoutez
à cela qu'il est nourri dans l'abondance, el
qu'une moitié du jour il n'a rien à faire qu'à
songer aux moyens d'accaparer encore plus
de confiance; qu'il voit tour à tour, en parti-
culier, les personnes de chaque maison, qui
uennenl faire le beurre à la fruiterie: -ju'il
passe avec elles une matinée tout entière ;
qu'il peut les faire jaser sans peine, et par
e les apprendre, sans même qu'elles s'en dou-
tent, les plus intimes si crets de leurs familles
ou de leurs voisins ; si vous pe^ez bien toutes
ces circonstances, vous ne serez point étonné
d'apprendre qu'il est presque toujours sor-
cier, au moins devin; qu'il est consulté quand
on a perdu quelque chose, qu'il prédit l'ave-
nir, qu'il- jouit enfin, dans le canton, d'un
crédit très-grand, et que c'est l'homme qu'on
appréhende le plus d'offenser (2).
FUMÉE. Dans toutes les communes du Fi
(2) Leqiiiiiio, Voyage dans le Jura, t II, p. 3(iC.
I
7-21
FVl
FL'Z
ni
iiistère, on voit à chaque pas. dit Ciimbry,
(les usages cinlérieurs à la religion calholi-
que. Quand un individu va resscr d'ôlre, on
consulte la fuméi>. S'é'ève-l-plle avec facilité,
le mourant doit habiter la demeure des bien-
heureux. Kst-clie épaisse, il doit descendre
ilans les antres du désespoir, dans les caver-
nes de l'enfer.
C'est une espèce de proverbe en Angle-
terre que la fumée s'adresse toujours à la
plus belle personne. El quoique cette opi-
nion ne semble avoir aucun fondement dans
la nature, elle est pourtant fort ancienne.
Victorin et Casaubon en ont fait la remarque
à l'occasion d'un personnage d'Athénée, où
un parasite se dépeint ainsi : — Je suis tou-
jours le premier arrivé aux bonnes tables,
doù quelques-uns se sont avisés de m'appe-
1er soupe, il n'y a point de porte que je n'ou-
vre comme un bélier; semblable à un fouet,
je m'attache à tout, et, comme la fumée, je
me lie toujours à la plus belle (1).
On dit en Champagne que la fumée du
foyer, quar.d elle s'échappe, s'adresse aux
plus gourmands.
FUMÉE (Martin), sieur de Génillé ; il a
publié, comme traduit d'Athénagore, un ro-
man dont il est lauleur, intitulé : Du vrai et
parfait amour. Tout insipide qu'est ce roman.
Fumée trouva le moyen de le faire recher-
cher dos adeptes, par diverses allusions, et
surtout par un passage curieux où, sous le
voile de l'allégorie, il peint la confection du
grand oeuvre. Ce passage , devenu célèbre
chez les enfants de l'art, se trouve à la page
345, de l'édition de 1(512, moins rare que la
première, ainsi que dans V Harmonie mysli'
que (le David Laigneau, Paris, 1636, in-8°.
FUMIGATIONS. Quelques doctes pensent
que les bonnes odeurs chassent les démons,
(jens qui puent et qui ne peuvent aimer,
comme a (lit une grande sainte.
Les exorcistes emploient diverses fumiga-
tions pour chasser les démons; les magiciens
les appellent également par des fumigations
de fougère et de verveine; mais ce ne sont
que des cérémonies accessoires.
FUNÉRAILLES. Voy. Deuil, Mort.
FURCAS(lemêinequeForcf(«).Voy.cenom.
FUIIFUR, comte aux enfers. Il se fait voir
sous la forme d'un cerf avec une queue en-
(lammée; il ne dit que des mensonges, à
moins qu'il ne soit enfermé dans un triangle.
11 prend souvent la figure d'un ange, parle
d'une voix rauque, et eulrelienl l'union en-
tre les maris et les femmes. Il fait tomber la
foudre, luire les éclairs et gronder le ton-
nerre dans les lieux où il en reçoit l'ordre.
11 répond sur les choses abstraites. Vingt-six
légions sont sous ses ordres (2>.
FURIES, divinités infernales chez les an-
ciens, ministres de la vengeance des dieux,
et chargées d'exécuter les sentences des ju-
ges de l'enfer.
FUZELY (Henri), célèbre artiste anglais.
Il ressemblait un peu à nos peintres de l'école
romantique : il affectionnait les sujets hi-
'I) TUomas BrowD, Essais sur les erreurs, etc.cli. xxii.
p. 80. .
deux et sauTages. C'est pour cela, sans doute,
qu'il aimait beaucoup la mythologie barbare
des Scandinaves : il l'a prouvé par plusieurs
tableaux, la Dcscenle d'Odin au Nnstrund ,
Lock, dieu des jours noirs, dévorant des vic-
times humaines, etc. Fusely avait tant de pré-
dilection pour son Thor combattant le ser-
pent, qu'il le présenta à l'académie royale,
comme son tableau d'admission. Il était em-
barrassé quand il avait à peindre la beauté
tranquille ou les grâces paisibles. Dans les
sujets chrétiens, il introduit toujours Satan
ou Lucifer. Son goût pour les sujets ef-
frayants était si connu do ses confrères,
qu'ils l'avaient surnommé le peintre ordinaire
du diable. Il en riait lui-même en causant
avec eux. — C'est vrai , disait-il, le diable a
souvent posé pour moi.
Un jour qu'il dînait chez le libraire John-
son, un des convives lui dit : — M. Fuzely,
j'ai acheté un de vos tableaux.
— Quel en est le sujet ?
— Ma foi, je n'en sais rien.
— Vous êtes un homme étrange, d'achetef
un tableau sans connaître ce qu'il représente.
— Je l'ai acheté sur votre réputation ; cela
m'a suffi; mais je ne sais quel diable de sujet
c'est.
— C'est cela, c'est sans doute le diable, ré-
pliqua Fuzely, je l'ai peint si souvent.
Ace propos, quelqu'un de la compagnie se
mit à dire pour changer la conversation qui
s'échauffait : — Fuzely, il y a un membre du
votre académie qui a une singulière figure;
il est aussi original que vous dans le choix
de ses sujets.
— C'est vrai, répliqua le professeur; il ne
peint que des voleurs et des assassins, et
quand il manque de modèle, il se regarde
dans la glace.
A la mort de 'Willon, Fuzely devint le chef
de l'académie royale. Son talent, son origi-
nalité même lui attirèrent un grand nombre
d'élèves. La salle des leçons était ordinaire-
ment pleine. Il était caustique et dur dans ses
propos, au demeurant le meilleur des hom-
mes, fou de la folie des artistes, c'est-à-dire,
qu'il y avait toujours dans ses extravagances
un grand fonds de raison.
Un élève lui montrait un dessin qu'il ve-
nait (l'achever, en lui disant avec complai-
sance : — Voyez, je l'ai fini sans employer
un seul morceau de pain. — Tant pis pour
votre dessin, répliqua Fuzely; achetez un
pain de deux sous, et effacez-le tout entier.
Où il n'y a point de fautes, il n'y a point de
talent.
— Que voyez-vous? dit-il un autre jour à
un élève qui, son papier di>vant lui et son
crayon à la main, regardait d'un air fixe.
— Rien, monsieur, répondille jeune homme.
— Rien?reprit le maitre ; eh bien, vous ne
ferez jamais que des croûtes. Pour être ha-
bile artiste, il faut voir quelque chose Le
type idéal de votre dessin doit vous apparaî-
tre distinctement. Quant à moi, j'ai devant
les yeux la représentation de tout ce que jo
peins : et plût au ciel qu'il me fût donné (le
(2) Wierus, In rscuJomonarcliia dœm.
m
MCTIONNAIRE DliS SCIENCES OCCULTES.
m
reproduire sur la toile ce que m'offre mon
imagination 1 Âlil si j'avais pu rendre le dia-
ble coiiitne je l'ui vu, j'aurais surpassé Mi-
chel-Ange, et en le voyant, vous seriez tom
morts de peur et d'admiration (1).
G
GAAP (autrement dit Tap). Voj. Tap.
GABINIUS ou GABIENUS. ï);uu la guerre
de Sicile, entre Oclave et Sexius Pompée, un
des gens d'Oelave, nou)mc Gabinms, ayant
été fait priîionnier, eut la tôle coupée. Un
loup emporta celte téle; ou l'arraeha an
loup, et sur le soir on entendil ladite léte
qui se plaignait et demandait a parler à
quelqu'un.
On s'assembla autour; alors la bouche de
celte lêle dit aux assistants qu'elle était re-
venue des enfers pour révéler à Pompée des
choses importantes. Pompée envoya aussitôt
un de ses I eutcnanls, à qui !e mort décrira
(juo ledit Pompée serait vainqueur. La tète
chanta ensuite dans un poëme les malheurs
qui menaçaient Home ; après quoi elle se lut,
à ce que disent Pline et Valère Maxime.
Si ce trait a quelque fondement, c'était sans
doute une fourberie exécutée au moyen d'un
ventriloque, et imaginée pour relever le cou-
rage des troupes. Mais elle n'eut point de
succès : Sexius Pompée, vaincu et sans res-
source, s'enfuit en Asie, où il fui tué par les
gens de Marc-Anloine.
GABKAR. Les Orientaux croient à une
villu fabuleuse appelée Gabkar, qu'ils disent
située dans les déserts liabités par les génies.
GABRIEL (Gilles), a écrit au dix-sepiiè-
me siècle un essai de la morale chrétienne
coiiiparée à la morale du diable: Spcci iina
morulis chrisliuiiœ et muralis diabulica: in
praxi. Bruxelles, 1673, in-12.
GABRIELLE. Dans le Vexin français, le
bourgeois qui a quatre filles et veut avoir un
garçon, nomme la dernière Gabrielle; char-
me qu'il croit de nature à lui amener infail-
liblement un fils.
GABRIELLE DESTRÉES, maltresse de
Henri IV, morte en 1599. Elle cherchait â
épouser le Roi, et se trouvait logée dans la
maison de Zamet, riche financier de ce temps.
Comme elle se promenait dans les jardins,
elle fut frappée dune apoplexie foudioyante.
On la porta chez sa tante, madame du Sour-
dis. Elle eut une mauvaise nuit; le lendi-
main elle éprouva des convulsions qui la
firent devenir toute noire: sa bouche se con-
tourna, et elle expira horriblement défigu-
rée. On parla diversement de sa mort; plu-
sieurs en chargèrent le diable; on publia
qu'il l'avait étranglée; cl au fait il en était
bien capable.
GABRIKLLE de P., auteur de Vllisloire
(les Fantômes et des Démons qui se sont mun-
îtes parmi les hommes, in-12, 1819, et du
Dérnuniana, ou Anecdotes sur les appari-
tions de démons, de lutins et do spectres,
in-18, 1820.
(l)Ntitic« publiée dans plusieuis joiiruaux el sjguéc
S. G*
GAETH, dieu des morts chez les Kamts-
chadales. Voy. Lézards.
GAFFAUEL (Jacques), hébraïsanl eî
oriiMitaliste, né en Provence eu 1601, mort
en 1G8I. Ses principaux ouvrages sont :
Mystères secrets de la cabale divine, défen-
dus contre les paradoxes des sophistes, Paris,
1625, in-V.
Curiosités inouïes sur la sculpture lalisma-
nique des Persans, l'horoscope des patriar-
ches et la Lecture des Etoiles. Paris, 1629,
in-8°.
Index de 19 cahiers cabalistiques dont s'est
servi Jean Pic de La Mirandole, Paris, 1651,
in -8-.
Histoire universelle du monde souterrain,
contenant la description des plus beaux an-
tres et des plus rares grottes, caves, voûtes,
cavernes et spélonques de la terre. Le prospec-
tus de ce dernier ouvrage fui imprimé à Pa-
ris, 1606, in-folio de 8 feuillets : il esl très-
rare. Quant au livre, il ne parut pas à cause
de la mort de l'auteur. On dit que c'était un
monument de folie el d'érudition. 11 voyait
des grottes jusque dans l'humme , dont le
corps présente mille cavités; il parcourait les
cavernes de l'enfer, du purgatoire cl dis
limbes, etc.
GAILAN. Les Arabes appellent ainsi une
espèce de démon des forêts, qui tue les hom-
mes et les animaux.
GAILLARD, Voy. Coirières.
GAIUS, aveugle guéri par un prodige, du
temps d'Antonin. Esculape l'avertit, dans un
songe, de venir devant son autel, de s'y pro-
sterner, de passer ensuite de la droit ■ à la
gauche, de poser ses cinq doigts sur l'autel,
de lever la main, et de la mettre sur ses
yeux. Il obéit, et recouvra la vue pq pré-
sence du peuple, qui applaudit avec trans-
port.
C'était une singerie qu'on faisait pour ba-
lancer les miracles réels du christianisme.
GALACHIDE ou GARACHIDE, pierre noi-
râtre, à lafjuelle des auteurs ont attribué
plusieurs vertus merveilleuses, celle entre
autres de garantir celui qui la tenait, des
mouches et autres insectes. Pour en faire
épreuve, on frottait un homme de miel pen-
dant l'été, et on lui faisait porter celte pierre
dans la main droite: ()uaiid celle é(>reuve
réussissait, on reconnaissait que la pierre
était véritable. On |.iéteiidait aussi qu'en la
portant dans sa bouche, un découvrait les
secrets d»!S autres.
GALANTA, sorcière du seizième siècle.
Elle donna nu jour une pomme à goûter à
la fille du suisse de l'église du Saint-Espril à
Rayonne, qui désirait avoir trois paniers de
ces pommes. Celle tille n'eut pas (ilutôl mor-
du la pomme, qu'elle tomba du haul-mal;
72".
G AL
GAL
72«
il Ifi force du maléfice fut fcUo, qu'elle en fut
lourmenlée toute sa vie. Aussitôt qu'elle
voyait la sorcière, les accès lui prenaient
Irès-violeiriiiient : « ce qui a été conOrnié de-
vant nos yeux, » comme dit Delancre. De
nos jours, on n'allribuerait peut-éire pas
cela au sortilège; mais alors on poursuivit
la sorcière.
GALIEN. Le plus grand médecin des temps
passés après Hippocrate. On lui attribue un
Traité des enchantements, et les médecins
empiriques ont souvent abusé de son nom.
(jALltîAI (Léonoua) , épouse du maréchal
d'Ancre Coiicino Concini, tué par Vitry, capi-
taine des gardes en 1617. On la crut sorcière ;
et en elTet, elle s'occu|)ait de sciences occul-
tes et de charmes. On publia que par ses malé-
tices elle avait ensorcelé la reine ; surtout
lorsqu'on cul trouvé chez elle trois volumes
pleins de caractères magiques, cinq rouleaux
de velours destinés à donu'nrr les esprits
des grands, des amulettes qu'elle se niellait
au cou, des agnus que l'on prit pour des ta-
lismans, car elle mêlait les choses saintes
aux abomin itions magiques, et une letlre
que Léonora avait ordonné d écrire à une
sorcière nommée Isabelle. Il fut établi au
procès que le maréchal et sa ftmnie se ser-
vaient, pour envoûter, d'images de cire qu'ils
gardaient dans de petits cercueils; qu'ils
consultaient des magiciens, des astrologues
cl des sorciers; qu'ils en avaient fait venir
de Nancy pour sacrifier des coqs aux dé-
mons, et que dans ces cérémonies Galigaï
ne mangeait que des crêtes de co(i et des ro-
gnons de bélier qu'elle faisait charmer au-
paravant. Elle fut encore convaincue de s'ê-
tre fait exorciser par un cerlain Mathieu de
Monlanay, charlatan sorcier. Sur ses pro-
pres aveux, dit-on, elle eut la télé tranchée,
cl fui brûlée en 1617. Cependant le prési-
dent Courlin lui demandant par quel charme
elle avait ensorcelé la Reine, elle répondit
fièrement ; « Mon sortilège a été le pou»oir
que les âmes fort* s ont sur les âmes faibles. »
GALILÉE. Les prolestants, copiés par les
jansénistes, ont beaucoup déclamé contre la
prétendue persécution qu'essuya Galilée, à
cause de ses découvertes astronomiques. On a
fait fracas de ce qu'on appelle sa condam-
nation au tribunal de l'inquisition romaine.
Mais il est prouvé, il est constant, il est avé-
ré, il est élalili, depuis longtemps déjà, qu'on
en impose effrontément dans ces récils infi-
dèles : ce qui n'empêche pas les écrivailieurs
de les répeler toujours.
Galilée ne fut pas censuré comme astro-
nome, mais cortuiie mauvais théologien. Il
voulait expliquer la Bible. — Ses découver-
tes, à l'appui du système de Copernic, ne lui
eussent pas fait plus d'ennemis qu'à cet au-
tre savant. Ce fut son eiilêlement à vouloir
concilier, à sa manière, la Bible et Coper-
nic, qui le fit rechercher par l'inquisition.
En même temps que lui vivaient à Uome un
grand nombre d'hommes célèbres, et le sainl-
sjége n'était pas entouré d'ignorants. Eu
1011, pendant son premier voyage dans la
capitale du monde chrétien, Galilée fut ad-
miré et comblé d'honneurs par les cardinaux
et les grands seigneurs auxquels il montra
ses découvertes. Lorstiu'il y retourna, en
1(115, le cardinal Dilinonle lui traça le cer-
cle savant d;ins lequel il devait se renfermer.
Mais son ardeur et sa vanité l'emportèrent.
« Il exigeait, dit Guichardin, que le Pape et
le sainl-office déclarassent le système de Co-
pernic fondé sur la Bible, » 11 écrivit à ce
sujet mémoires sur mémoires. Paul V, fati-
gué de ses instances, accorda que cette con-
troverse fût jugée dans une congrégation.
Malgré tout l'emportenient qu'y mil Galilée,
il ne fut point inléressé dans le décret rendu
par la congrégation, qui déclara seulement
que le système de Copernic ne paraissait pas
s'accorder avec les expressions de la Bible.
Avant son départ, il eut une audience
très-gracieuse du Pape; et Bellarmin se
borna, sans lui interdire aucune hypothèse
astronomique, à lui inlcrdire ses préteatiuus
théologiques.
Quinze ans après, en 1632, sous le ponti-
fical d'Urbain VIII, Galilée imprima ses cé-
lèbres dialogues Belle due massime système
del mondo, avec une permission cl une ap-
probation supposées. Personne ne réclama.
il fil reparaîire ses mémoires écrits eu 1016,
où il s'efforçait d'ériger la rotation du globe
sur son axe en question de dogme. Ses bra-
vades le firent citer à Rome. Il y arriva le
3 février 1633. Il ne fut point logé à l'inqui-
sition, mais au palais de l'envoyé de Tos-
cane.
Un mois après, il fut mis, — non dans les
prisons de l'inquisition, — conmie laiit de
menteurs l'ont écrit, mais dans l'apparle-
menl du fiscal. Au bout de dix-huit mois,
s'étant rétracté, c'est-à-dire ayant renoncé
à sa conciliation de Copernic el de la sainte
Bible, seule question qui fût en cause, il
s'en retourna dans sa pairie.
Voici ce qu'il écrivait en 1633, au P. Ré-
ccnéri, son disciple: — « Le Pape me croyait
digne de son estime. Je fus logé dans le déli-
cieux palais de la Trinité-du-MonL Quand
j'arrivai au saint-office, deux pères domini-
cains m'invitèrent irès-honnêlement à faire
mon apologie. J'ai été obligé de rélracler
mon opinion en bon catholique. Pour mo
punir, on m'a défendu les dialogues, et con-
gédié après cinq mois de séjour à Rome.
Comme la peste régnait à Florence, on m'a
assuré pour demeure le palais de mon nieil-
leurami, monseigneur Piccolomini, archevê-
que de Sienne; j'y ai joui d'une pleine Iran-
quillilé. Aujourd'hui je suis à ma campagne
d'Art être, où je respire un air pur auprès de
ma chère pairie (1). a
Néanmoins les philosophes rebelles con-
linueront à faire de Galilée une victime de la
superstilion et du fanatisme. On citera le
coule de Galilée en prison , écrivant sur la
muraille , autour d'un cercle , e puer se
muove : et pourtant elle tourne 1 Comme si
jamais on lui eût interdit d'avancer cela. On
consacrera cette malice absurde par la pein-
ture et la gravure ; el on citera avec em-
(l) Bcrgier, Dict. de théologie, au mol Soekcbs.
727
DICTIONNAIRE DliS SCIKNCES OCCL'LTES.
IW,
phase la même Tausscté mnlrcillantc illustrée
par les beaux vers de Louis Racine, dans le
))Uome do la relitjion :
L» terre cepenilatil, à sa marche fldèle,
Emiorte G^ililée cl m)ii juge avec elle.
Tant il est difficile de déraciner une erreur
|iassi()iinéo!
Dans tout cela, nous ne jugeons pas le
fyslènie de Galilée, sur lequel il u'esl pus im-
possible que le drrnier mol ne soit pas dit.
On Tienl de retrouver les manuscrits de
Galilée, que l'on avait dit brûlés pur l'inqui-
sition. Que ne pi'Ut-on retrouver , à l'usage
des ennemis de l'Ejçlise. la bonne foi 1
GAM.\HÉ ou CAMxMEU, espèce de talis-
man qui consiste dans des images ou des ca-
ractères naturellement gravés sur certiiines
pierres, auxquels la superstition a fait attri-
buer de grandes vertus , parce qu'elle les
croit produits par l'influence des esprits. Gaf-
f.irel dit qu'Albert le Grand avait une de ces
pierres, sur laquelle était un serp(!nl qui
possédait cette admirable vertu d'attirer les
i.utrcs serpents lorsqu'on la plaçait dans le
lieu oii ils venaient. D'autres pierres, ajou-
•e-l-il, guérissent les morsures et chassent les
venins. George Agricola rapporte qu'on voit
des Gamahés de la forme de quelques parties
'lu corps, ou de quelques plantes , et qui ont
des vertus merveilleuses ; ainsi celles qui re-
présentent du sang arrêtent les pertes, etc.
GAMOULIS , esprits qui , selun les habi-
tants du Kamischalka, produisent les éclairs
en se lançant dans leurs querelles les lisons
à demi consumés qui ont chauQ'é leurs hut-
tes. Lorsqu'il tombe de la pluie, ce sont les
Gamoulis qui rejettent le superflu de la bois-
son.
GAMYGYN, grand marquis des enfers.
C'est un puissant démon. On le voit sous la
forme d'un petit cheval. Mais dès qu'il prend
«elle d'un homme, il a une voix rauqtie et
discourt sur les arts libéraux. Il l'ait paraître
aussi devant rexorcisic les âmes qui ont
péri dans la mer, et celles qui souffrent dans
eelte partie du purgatoire qui est appelée
Carlagra ( c'est-à-dire, affliction des âmes ).
Il répond clairement à toutes les questions
qu'on lui fait ; il reste auprès de l'exurcisle
jusqu'à ce qu'il ait exécuté tout ce qu'on lui
ordonne ; cependant là-bas , trente légions
lui sont soumises (1).
GANDILLON ( Pierre ) , sorcier de la
Franche-Comté, qui fut brûlé vers 1610,
pour a voir couru la nuit en forme de lièv rc (2).
GANDREID, sorte de magie en usage
chez les Islandais, laquelle magie donne la fa-
culté de voyager dans les airs ; elle est,
<'il-on, d'invention nouvelle, quoique le nom
en soit connu depuis des temps reculés. Mais
o.n attribuait autrefois les cavalcades aérien-
nes au diable et à de certains esprits. Les
Islandais prétendent aujourd'hui que ce sont
des sorcières montées sur des côtes de che-
val et des tibias, en guise démanche à balais,
qui se promènent p.ir les airs.
Les sorcières de Basse-Saxe et du duché
(t) Wierus, (le Praesi. &.vm., p. 926.
{i) M. GaririLt, HUloiro de la magie eu France, \i. 166,
de Brunswick se mellent à califourchon sur
la même monture ; et tous les autres osse-
ments qui se trouvent dans la campagne, se
pulvérisent à l'approche de l'un de ces ca-
valiers nocturnes. L'art de préparer leur
équipage consiste daiis une courroie d'une
espèce de cuir qu'ils appellent Gandreid-
Jaum, sur laquelle ils impriment leurs runes
ou caractères magiques (3).
GANGA-GRAMMA, démon femelle que
les Indiens craignent beaucoup, et par con-
séqu(>nt auquel ils rendent de grands hon-
neurs. Il a une seule tète et quatre bras ; il
tienl dans la main gauche une petite jatte ,
et dans la droite une fourchette a trois poin-
tes.
On le mène en procession sur un char
avec beaucoup de pompe ; quelquefois il se
trouve des fanatiques (lui se font écraser par
dévotion sous ses roues. Les boucs sont les
victimes ordinaires qu'on lui immole.
Dans les maladies ou dans quelque autre
danger, il se trouve des Indiens qui font vœu,
s'ils en réchappent, de pratiquer en l'hon-
neur de Ganga-Gramma la cérémonie sui-
vante. On leur enfonce dans la peau du dos
des crochets, par le moyen desquels on les
élève en l'air ; là ils font quelques tours
d'adresse, comme des entrechats, en pré-
sence des spectateurs. Il se trouve des fem-
mes simples et crédules, à qui l'on persuade
que cette cérémonie est agréable à Ganga-
Gramma , et qu'elle ne cause aucune dou-
leur. Lorsqu'elles la sentent, il n'est plus
temps de s'en dédire, elles sont déjà en l'air,
et les cris des assistants étoulTenl leurs plain-
tes.
Une autre sorte de pénitence, toujours en
l'honneurdu même démon, consiste a se lais-
ser passer une ficelle dans la chair, et à dan-
ser pendant que d'autres personnes tirent
cette Ocelle.
La nuit qui suit sa fétc, on lui sacrifie un
buffle dont on recueille le sang dans un vase;
on le place devant l'idole, et l'on assure que
le lendemain il se trouve vide. Des auteurs
dirent qu'autrefois , au lieu d'un buffle , on
immolait une victime humaine.
GANGUY( Simone), dite la Pelite-Mère,
sorcière, amie de Madeleine Buvan. 11 ne pa-
rait pas qu'elle ail été brûlée.
GANNA, devineresse germaine; elle avait
succédé à Velléda ; elle fit un voyage à Rome,
où elle reçut de grands honneurs de Domi-
tien (4).
GANTIÈRE, sorcière. En 1382, le parle-
ment de Paris confirma la sentence de mort
du bailli de la Ferlé contre la femme Gan-
tière. Elle avouait que la Lofarde l'avait
transportée au sabbat ; que le diable l'avait
marquée ; (|u'il était vêtu d'un habit jaune ;
qu'il lui avait donné huit sous pour payer sa
taille ; mais que, de retour dans son logis ,
elle ne les avait plus trouvés dans son mou-
choir.
GARDE DES TROUPEAUX, Voy. Trou-
peaux.
(5) Voyage en Islande, traduit du danois, etc., IfUi.
(i) Tatile, Annales, 'ôH.
729
GAI»
r,\l{
730
GARDEMAIN. Voyez Gi.oce^ter.
GARGANTUA. « Histoire merveilleuse
de Gargiiiitua, duns laquelle on verra son
origine surprenante, sa naissance, ses prodi-
gieux faits pendant ses voyages, et ses ac-
tions éclatantes au service tlu roi Arllius,
dans toutes les victoires qu'il a remportées
sur ses ennemis. »
Il y avait du temps du roi Arthus, un phi-
losophe, le plus habile du monde en nécro-
mancie, appelé Merlin, lequel faisait des
merveilles. Il avait sauvé le roi et toute la
noblesse de la cour d'une maladie coiila-
gieuse. Il avait imaginé de faire un navire
qui voguait sur la terre ferme ai ec autant de
f.icililé et de vitesse que ceux qu'on voit sur
la mer. Mais un de ses plus grands services
fut de découvrir au roi, par son art , une
guerre qui le menaçait. Arihus, pour en dé-
tourner l'orage, donna à Merlin tous ses
pouvoirs. Ce dernier se fit transporter sur la
plus haute montagne de l'Orient ; il avait
avec lui une grande fiole pleine du sang de
Lancelot du Lac, avec les rognures des on-
gles de Genièvre , la femme du roi Artlius.
ktant arrivé à cette montagne, il fit une en-
clume d'acier, de la grosseur d'une tour ; il
avait trois marteaux qui, par la puissance de
son art , frappèrent d'eux-mêmes sur cette
enclume avec tant de force, que l'on eût dit
que c'était le tonnerre qui tombait du ciel.
Il se fit ensuite apporter un os de baleine, et
l'ayant arrosé du sang de la fiole, il le mit sur
l'enclume , où il le réduisit en cendres ; de
cette poudre fut formé le père de Gargan-
tua
Voilà ce que dit le vieux conte populaire,
fidèlement conserve par la bibliothèque
bleue, que Rabelais a'a pas toujours suivie,
mais qui lui a fourni son canevas.
Merlin fit de nouveau une semblable opé-
ration avec les ongles de la reine , desquels
naquit la mère de Gargantua.
Après avoir achevé ce grand ouvrage,
l'enchanteur vil devant lui deux géants sur
lesquels il jeta un sort qui les endormit pen-
dant neul jours ; dans l'espace duquel temps
il forma sur son enclume une jument assez
forte pour porter ces deux créatures colos-
sales ; après quoi il rompit son enchante-
ment.
— Que fais-tu là, Galemelle ? dit l'homme
à la femme. Elle répondit : — Je t'attends,
Grand-Gosier.
Merlin rit beaucoup, et voulut d'abord
qu'ils gardassent tous deux ces noms qu'ils
venaient de se donner. Il leur prédit qu'ils
'luraient un fils qui serait invincible et «rc-
ilouté de ses ennemis ; qu'il était destiné à
èire l'appui du trône d'Arilius, qu'il fallaii le
bien traiter , et qu'à l'âge de sept ans on de-
vait le mener à la cour du prince qui avait
sa résidence dans la Grande-Bretagne. Ils
répondirentqu'ils ignoraient où était ce pays.
Mais Merlin leur signifia qu'ils n'avaient
(|u'à tourner la tète de leur jument du côté
«le l'Occident, et se laisser conduire par elle.
Après laquelle explication il disparut ; co
qui leur fil pousser des cris si violents, qu'on
les entendait de dix lieues, et verser des
larmes si abondantes qu'elles auraient fait
tourner six gros moulins.
Ce couple allait à la chasse pour dissiper
ses chagrins. Mais la femme de Grand-Gosier
devint mère; elle donna le jour à un gros
garç<m qu'ils élevèrent et qu'ils aimèrent
beaucoup. Ils lui firent un tambour de douze
peaux de bœufs, des baguettes de deux arbres
de médiocre gran leur. On l'exerçait à jeter
de petites pierres de la grosseur d'un homme.
Le terme prescrit par Merlin étant arrivé,
Grand-Gosier et Galemelle se disposèrent
au voyage pour la cour du roi Arthus. La
jument était haule comme un mât de navire ;
uarganlua, monté dessus , tenait une perche
à la main, en guise de cravache; ses parents
avaient deux rochers sur leur léte , pour
montrer leur forceau prince. Ils traversèrent
ainsi l'Allemagne et la Lorraine. Parvenus en
Champagne, qui était alors pays de forêts, il
se trouva que des mouches, ayant piqué la
jument , la firent caracoler avec une telle
violence, qu'elle renversait de sa queue les
plus gros arbres, de manière qu'il n'en resta
pas un debout dans toute celte contrée. Gar-
gantua , cherchant à arrêter sa jument , se
mil uu fétu au coin de l'œil, c'était un grand
sapin, et une accroche au petit doigt du pied,
qui pesait plus de deux cents livres. Contraint
de s'arrêter pour doruiir, on dit que la vaste
plaine où il se reposa fut abaissée de soixante
coudées par la pesanteur de son corps. Les
brebis de celle plaine couraient sur lui, il en
fut éveillé, crut que c'étaient des insectes, les
mil sous ies ongles, et en écrasa ainsi près
de deux cents. Le berger qui courait après
le loup qu'il accusait de les avoir mangées ,
tomba dans la bouihe de Gargantua; mais
s'étanl logé dans une de ses dents creuses, il
y demeura jusqu'à ce que le géant se lût
rendormi; car il dormait toujours la bouche
ouverte; le berger profila du premier moment
pour sortir.
Gargantua, à son réveil, continua sa route
avec ses parents, qui moururent d'une fièvre
violente occasionnée par les grandes chaleurs.
Gargantua , au désespoir, donnait de la tête
coulre les montagnes, dont il sortit trente
tonneaux de sang. Quand sa tristesse fut cal-
mée, il voulut visiter Paris, où il jeta la ter-
reur et l'admiration. Il alla s'asseoir sur les
grosses tours de l'église de Noire-Dame, les
jambes lui pendaient de là, depuis la rivière
de Seine jusqu'à la place Mauberl. Ensuite
il fit sonner les deux grosses cloches, ce qui
attira une grande foule qui fut bien surprise
de lui voir mettre ces cloches dans ses po-
ches, pour les attacher au cou de sa jument
comme des grelots. Mais il les remit à leur
place, sur le présent que lui firent les Pari-
siens, do> trois cents bœufs, trois cents mou-
tons , trois cents tonneaux de vin , et trois
cents fournées de pain pour son diner.
Merlin s'étanl présenté alors à Gargantua,
lui conseilla d'achever son voyage, et le con-
duisit à la cour du roi Arthus. Le roi l'ayant
reçu favorablement, lui fil faire une massue
de soixante toises de long, dont le bout était
DICTIONNMIîK DES SCIENCES OCCULTES.
751
trois fois de la grosseur d'un lonncau. Arlhns
lui dit que ses ennemis, les Gollis elles Ma-
pols , étaient de terribles gens, armés (le
pierres de tiiilie, et lui montra un prisonnier.
Mais Garganiua, loin d'être épouvanté , le
ji'la si haut dans les airs, par le collet, qu'on
leperditde vue,etque quelques heures après
on le vit tomber les bras et les jambes rom-
pus.
La massue achevée, on conduisit Gargan-
tua à l'ennemi ; il Dl un ravage affreux, sem-
blable à un loup parmi des brebis. Après sa
victoire il revint à la cour , où il fut loué et
choyé. Le roi fil préparer une magnifique
collation. Ou servit pour entrée et pour ré-
veiller son appétit les jambons de quatre
cents pourceaux, sans compter les andouilles
et les boudins. La soupe fut faite dans cin-
quante grandes chaudières. Il y avait cm ore
quatre cents pains de cinquante livres cha-
cun. Il mangea plus de doux cents bœufs, et
tout le temps du dîner il y avait quatre hom-
mes forts et robustes, qui, à chaque morceau
qu'il mangeait, lui jetaient une pelle de mou-
tarde dans la gorge. Son dessert fut une tonne
de pommes cuites. Il but à son dîner sis ton-
nes de cidre et autant de bière. Au reste, sa
fourchette et son couteau pesaient trois cints
livres chacun.
Le roi le fit ensuite habiller: huit cent
deux aunes un tiers de toile furent employées
pour sa chemise; cent cinq aunes un quart
de satin moitié cramoisi et moitié jaune ,
pour son pourpoint, avec trente-deux aunes
et demi-quart d'. franges pour la bordure;
deux cents aunes et irois quarts d'écarlate
pour des chausses; trente-cinq aunes et un
quart de taffetas, moitié noir et moitié gris,
pour des jarretières. Pour les galons du li-
vrée, neuf cent trois aunes et uu demi-quarl,
rouge et jaune; pour la bordure, soixante-
dix aunes deux pouces de velours cramoisi ;
pour son manteau, quatre cents aunes et uu
quart de drap de Hollande; quatre cent cin-
quante aunes défrise pour une robe de cham-
bre; deux mille cinq cents peaux de renards
pour la fourrure de celte robe; cinquante-
cinq peaux de vache pour les souliers, dont
les semelles employèrent les cuirs de qua-
rante bœufs ; pour un bonnet à la dragonne,
deux cents quintaux de laine de Ségovie ;
la houppe pesait plus de trois cents livres.
Il avait à un de ses doigts un cachet d'or
qui pesait trois cents marcs et dix onces,
avec un rubis du poids de trois cents livres ;
sa gibecière avait absorbé trois cents peaux
de maroquin.
Gargantua, ainsi équipé, so disposa à com-
battre les Irlandais et les Hollandais, t|ui ve-
naient de se soulever contre Arllius. Merlin
fit une nuée sur laquelle le géant avec sa
massue passa la mer. Il marcha vers la ville
ennemie; voyant un liorame armé et à che-
val, il les mit tous deux dans sa gibecière.
Arrivé à la ville, tout le peuple se sauva à la
vue de ce monstre; cl on sonna le tocsin. Le
roi d'Irlande, qui se trouvait dans la ville ,
sortit avec cin<| cents hommes pour attaquer
Gargantua. Mais quand celui-ci les vit venir,
il ouvrit une bouche fendue dequatorze bras-
sées. Ceux-ci tirèrent leurs flèches contre
lui ; Gargantua les prit avec la main, les en-
ferma au fond de ses chausses, et s'en re-
tourna vers ses gens qui latlendaient au
bord de la mer.
Le nombre des prisonniers montait à huit
cent neuf, et un qui était mort d'un vent
qu'avait l'ait Gargantua dans ses chausses,
car il est à remar(|uer qu'il soufflait si fort,
qu'avec ce souffle il renversait trois charret-
tes de foin, et faisait tourner plusieurs mou-
lins. Cela ne paraîtra pas étonnant lorsqu'on
saura qu'un de ses crachats noyait six hom-
mes.
Le roi d'Irlande, effrayé, fit demander une
trêve de quinze jours , promettant de livrer
deux vaisseaux de harengs frais, deux cents
caques de sardines salées, avec de la mou-
tarde à proportion. Le géant s'en accommoda,
et il consomma ces vivres dans un déjeuner.
Gargantua étant couché après cela à une
dcnii-lieuc de la ville, les magistrats conclu-
rent, dans un conseil, qu'on irait l'attaquer
de nuit , et qu'on le tuerait. Quand on fut
arrivé au lieu oii il dormait , du côté de la
tête , car des pieds à la tête il y avait cent
soixante-trois toises cinq pieds quatre pou-
ces, ils pensaient descendre dans une vallée
et tombèrent au nombre de deux cent dix-
sept dans sa bouchequ'il tenait ouverte selon
son usage. Gargantua, les ayant avalés , se
trouva si altéré à son réveil, qu'il mit à sec
la rivière où il alla boire. Il engloutit mêiiio
en buvant un bateau chargé de poudre à ca-
non , pour le secours de la ville. Il s'en
trouva un peu incommodé; c'est pourquoi
il se mit à siffler le signal convenu , pour
faire venir ses gens. 11 envoya avertir le roi
Arthus de sa posilion. Merlin se transporta
dans un nuage avec quatre médecins, qui
descendirent dans son gosier , et de là dans
le corps, pour découvrir la source du mal.
Après la visite, les médecins ordonnèrent à
Gargantua de tourner le derrière du côté de
la ville: celle disposition ayant été exécutée,
on lui fil ouvrir la bouche, où on jela une
charretée d'aliumelles , qui prirent feu dans
son corps au moyen d'une torche qu'un
des médecins y avait glissée. Gargantua
ferma la bouche en même temps ; alors un
entendit un effroyable tonnerre ; et du feu
qui sortit de son derrière, la ville et ses fau-
bourgs furent saccagés: le roi d'Irlande s'a-
vança enfin avec toulcs ses forces, consistant
en 900,000 hommes armés, qui lurent mis en
déroute: le roi et ses barons furent prison-
niers, placés dans une dent creuse , et pré-
sentés à la cour, au retour de l'armée victo-
rieuse. Le fils de Grand-Gosier purgea en-
suite le pays d'un géant qui avail pris le
parti des Golhs , ennemis d'Arthus ; il l'en-
ferma dans sa gibecière.
Telle est la véridique histoire d'un des
héros les plus célèbres. On ne s'accorde pas
trop sur le genre de sa mort; mais si on con-
teste quelques-uns de ses hauts faits, à cause
du prodigieux (|ui les entoure, tout K- monde
sait qu'uu moins il su signala daus les envi'
■733
GAR
G AT
731
rons (l'Aigues-Mortes; car on montre près de
celle ville une vieille tour qu'on appelle la
lourde Gargantua. La nuil on aperçoit du
loin celte tour (lui se dessine dans l'ombre
comme un géant; on croit môme distinguer
une tôte monstrueuse ; el les bonnes gens du
voisinage sont persuadés que si on entrait
après le coucber du soleil dans la tour de
Gargantua, un grand bras de vingt-cinq
mètres descendrait d'en baut et saisirait
les téméraires pour les étouffer.
GARGOUILLE. « Que vous dire de la
gargouille de Rouen? Il est certain que, tous
les ans, le cli.ipilre niélropolilain do celle
ville présentait au parlement, le jour de l'As-
cension, un criminel qui obtenait sa grâce,
en l'honneur de saint Romain el de la gar-
gouille. La tradition portail qu'à l'époijiie
{)à saint Romain occupait le siège épiscop.il
de Rouen , un dragon , embusqué à quelque
dislance de la ville, s elançail sur les passanis
et les dévorait. C'est ce dragon qu'on appelle
la gargouille. Saint Romain, accompagné
d'un criminel condamné à mort, alla attaquer
le monstre jus(iue dans sa caverne; il l'en-
chaîna et le conduisit sur la place publique,
où il fui brûlé , à la grande satisfaction des
diocésains (1). »
On a contesté cette légende en niant les
dragons, dont les géologues actuels recon-
naissent pourtant que l'existence a été réelle.
Il se peut toutefois que ce dragon soit ici
une allégorie. Des historiens rapportent que,
(lu temps de saint Romain, la ville de Rouen
fut mena<'ée d'une inondation; que ce sainl
prélat eut le bonheur do l'arrêter par ses
soins et par ses prières. Voilà l'explication
toute simple du miracle de la gargouille. Ce
mol, dans notre vieille langue, signifie irrup-
tion , bouillonnement de l'eau. t)es savants
auront rendu lemot /(î/rfraparceluidedragon.
GARIBAUT (Jeanne), sorcière, Voy. Gre-
nier, el i'iElIRE Labdurant.
GARINKT (Jules), auteur de Vllistoire de
la magie eu France, Paris , 1818 , in-S". On
trouve à la tête de cet ouvrage curieux une
description du sabbat, une dissertation sur
les démons, un discours sur les superstitions
qui se rallachent à la magie chez les anciens
el chez les modernes. Beaucouf) de faits in-
léressanls mériteraient à ce livre une nou-
velle édition ; mais l'auteur, fort jeune lors-
qu'il le publia, lui a donné une leinte philo-
sophique et peu morale que son esprit élevé
el ses vastes éludes doivent lui faire désap-
prouver aujourd'hui. Une nouvelle édition
serait donc épurée.
G.\RN1KR (Gilles), loup-garou, con-
damné à Uô!e sous Louis XIII, comme ayanl
dévoré plusieurs enfants. On le brûla vif, et
son corps réiluil en cendres fut dispersé au
vent.
« Uenn Camus, docteur en droit el con-
seiller du roi, exposa que Gilles Garnicr
avait pris dans une vigne une jeune fille de
dix ans, l'avait liu e el occise, l'avait traînée
jus()u'i!U bois de La Serre, et(iue, non content
d'en manger, il en avait ajjporlé à sa temnu' ;
(t) W. Saignes, Des Erreurs, l. 111, p. 570.
(]u'un autre jour étant en forme de lou]»
(travestissement horrible qu'il prenait sans
doute pour sa chasse), il avait également «
lue et dévoré un jeune garçon , à une lieue
de Dôle, entre Grédisans el Monolée; qu'en
sa forme d'homme et non de loup il avait
pris un autre jeune garçon de l'âge de douze
à treize ans, et qu'il l'avait emporté dans le
bois pour l'étrangler.... (2). »
GARNIZA, Voy. Eléazar.
GAROSMANCIE, Voy. GasTromancie.
GARUDA, oiseau fabuleux qu'on reprc'r-
sente souvent avec la tôle d'un beau jeuno
honmie, un collier blanc et le corps d'un
aigle. 11 sert de monture à Wishnou, comme
l'aigle servait de véhicule à Jupiter. Les In-
diens racontent qu'il naquit d'un œuf <]uesa
mère Ûiti avait pondu et qu'elle couva cinq
ans.
GASTROCNÉMIE , pays imaginaire dont
parle Lucien, où les enfants étaient portés
dans le gras de la jambe; ils en étaient ex-
traits au moyen d'une incision.
GASrRO?.lANClE ou GAROSMANCIE, di-
vination qui se pratiquait en plaçant entre
plusieurs bougies allumées, des vases de
verre ronds cl pleins d'eau claire ; après avoir
invoqué et interrogé les démons à voix basse,
on faisait regarder attentivement la super-
ficie de ces vases par un jeune garçon ou
par une jeune femme; puis ou lisait la ré-
ponse dans des images tracées par la réfrac-
tion de la lumière dans les verres. Cagliostro
employait celte divination. Une autre espèce
de Gastroniancie se pratiquait par le devin
qui répondait sans remuer les lèvres, en sorte
qu'on croyait entendre une voix aérienne.
Le nom de cette divination signifie divina-
tion par le ventre; aussi, pour l'exercer, il
faut être venlriloque, ou possédé, ou sorcier.
Dans le dernier cas, on allume des flambeaux
autour de quelques verres d'eau limpide,
puis on agile l'eau en invoquant un esprit
qui ne tarde pas à répondre d'une voix grêle
dans le ventre du sorcier en fonction.
Les charlatans trouvant, dans les moin-
dres choses, des moyens sûrs d'en imposer
au peuple el de réussir dans leurs fourberies,
la ventriloquie doit être pourcux d'un grand
avantage.
Un marchand de Lyon, étant un jour à la
campagne avec son valet, entendit une voix
qui lui ordonnait, de la partdu ciel, de donner
une partie de ses biens aux pauvres, et de
récompenser son serviteur, il obéit, et re-
garda comme miraculeuses les paroles qui
sortaient du ventre de son domestique. Ou
savait si peu autrefois ce que c'était qu'un
venlriloque, que les plus grands personnages
atlribuaient toujours ce talent à la présence
des démons, l'holius, patriarche de Cons-
lantinople, dit, dans une de ses lettres : «On
a entendu le malin esprit parlerdans le ventre
d'une personne, et il mérile bien d'avoir l'or-
dure pour logis. »
GATEAU DES ROIS. La part des absents,
quand on partage le gâteau des rois, se gardo
précieusement; dans certaines maisons su-
(2) SI Jules Gariiiol. Ui-sl. île I;i tnaKie en France, p. 129
7^5
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
736
perstitieusps, elle iii(li(](ie l'état de la santé
lie ces personnes absentes , par sa bonne
conscrr.itiun ; une maladie, par des taches
ou des ruptures.
GATEAU TRIANGULAIRE DE SAINT-
LOUP. Les pi'r>onnes superstitieuses font ce
(iâicau le 29 juillet , avant le lever du soleil ;
il est composé de pure farine de froment, de
seigle et d'orge, pétrie avec trois œufs et trois
cuillerées de sel, en forme triangulaire. On
le donne, p.ir aumône, au premier pauvre
qu'on rencontre, pour rompre les maléfices.
GAUFRIDI (Louis-Jean-Baptiste), curé de
Marseille qui , infidèle à ses devoirs, tomba
dans le désordre et se fit passer pour sorcier
vers la fin du seizième siècle.
On raconte que le diable lui apparut un
jour, pendant qu'il lisait un livre de magie;
ils entrèrent en conversation et firent con-
naissance. Le prêtre se livra au diable par
un pacte en règle, à condition qu'il lui don-
nerait le pouvoir de suborner et de séduire,
en soufflant au visage. Le diable y consentit
d'autant plus volontiers, qu'il trouvait dans
ce marché un double avantage.
L'apostat s'éprit de la fille d'un gentil-
homme, Madeleine de La Palud , dont l'his-
toire est devenue célèbre. Mais bientôt la
demoiselle eiïrayée se relira dans un couvent
d'Ursulines. Gaufridi furieux y envoya, di-
sent les relations du temps, une légion de
diables; la sorcellerie du prêtre fut prouvée.
Un arrêt du parlement de Provence le con-
damna au feu, en avril 1611.
GAURIG, génie ou lutin que la supersti-
tion des villageois bas-bretons croit voir
danser autour des amas de pierres, ou mo-
numents druidiques, désignés dans la langue
«les anciens insulaires par le mot cliiorgaur,
que l'on a traduits par ceux-ci : c/torea gi^
(janlnm, ou danse des géants, mais qu'il se-
rait peut-être plus exact d'entendre chorea
Gauricorum, danse des Gaurics.
GAUllIC (Luc), astrologue napolitain, né
en 1W6, qui , selon Mézeray et le président
de ïhou , annonça positivement que le roi
Henri H serait tué dans un duel et mourrait
d'une blessure à l'œil; ce qui fut vrai. Mais
ne prédit-il pas après coup?
Catherine de Médecis avait en Luc Gauric
la confiance la plus entière. Benlivoglio ,
seigneur de Bologne , le condamna à cin(|
tours d'estrapade, pour avoir eu la hardiesse
de lui prédire qu'il serait chassé de ses Etals ;
ce qui n'était pas difficile à prévoir, vu la
dispositicn des esprits qui détestaient ce sei-
gneur. Gauric mourut en 1358.
On a de lui une Description de la sphère
céleste, publiée dans ses OEuvres, Bâie, 1575,
3. vol. in-fol. On y trouve aussi un Eloge de
l'astrologie.
On attribue à son frère Pomponius Gauric
un livre dans lequel un traite de la physio-
ynomonie , de l'astrologie naturelle, etc. (1);
(1) Poin|ionii Gaurici N'ea|)oliiaiii Iraclalus de symmc-
triis, liucameuli'i d iilsyMiogiiomonia, cjiis<iue sprciebiis,
l'tc, Argeiilor., 1630, avec, la Chiruiiiaiicic de Jean ab lii-
il»giiie.
(2) Lucse Gaurici geoiihouciiiis e|jstopi civUalcusis Ua-
mais il ne parait pas que cet ouvrage suit de
Pomponius, il serait plutôt de Luc.
Le traité astrologique (2) de Luc Gauric
est un livre assez curieux. Pour prouver la
vérité de l'astrologie, il dresse l'horoscope de
tous les personnages illustres, dont il a [lu
découvrir l'heure de la naissance; ildémontre
que tout ce qui leur est arrivé se trouvait
prédit dans leur horoscope, — comme si ou
n'y trouvait pas tout ce qu'on vent 1
GAUTHIER (Jean), alchimiste. Charles IX,
trompé par ses promesses, lui fil donner,
pour faire de l'or, cent vingt mille livres, et
l'adepte se mil à l'ouvrage. Mais après avoir
travaillé huit jours, il se s.iuva avec l'argent
du monarque : on courut à sa poursuite, ou
l'attrapa et il fut pen iu.
GAUTHIER, conspirateur écossais, Voy.
AValteb.
GAUTHIER DE BRUGES. On conte que
ce cordelier, nommé évéque par le pape Ni-
colas 111, et déposé par Clément V, appela à
Dieu de cette déposition et demanda (|u'cii
l'inhumant on lui mit son acte d'appel à la
main. Quelque temps après sa mort, le pape
Clément V étant venu à Poitiers, et se trou-
vant logé au couvent des Cordeliers, désira
visit(!r les restes de celui qu'il avait déposé;
on ajoute qu'il se fit ouvrir le tombeau, et
qu'il fut elTrayé en voyant Gauthier de Bru-
ges agitant son acte d'appel d'une main des-
séchée (3). Conte imaginé par les ennemis
du pape.
GAZARDIEL, ange qui, selon le Talmud,
préside à l'Orient, afin d'avoir soin que le
soleil se lève, et de l'éveiller s'il ne se le-
vait pas.
GAZE (Théodore de), propriétaire d'une
ferme dans la Campanie, au seizième siècle;
il la faisait cultiver par un fermier. Comme
ce bonhomme travaillait un jour dans un
champ, il découvrit un vase rond où étaient
enfermées les cendres d'un mort. Aussitôt il
lui apparut un spectre qui lui commanda do
remettre en terre le même vase avec ce qu'il
contenait, sinon qu'il ferait mourir son fils
aîné. Le fermier ne tint compte de ces me-
naces , et, peu de jours après, son fils aîné
fut trouvé mort dans son lit.
Quelque temps plus tard, le même spectre
lui apparut, lui réitérant le même comman-
dement, et le menaça de faire mourir son
second fils. Le laboureur avertit de tout ceci
Théodore de Gaze, qui vint lui-même à sa
métairie , et fit remettre le tout à sa place :
sachant bien, dit Leioycr, qu'il fait mauvais
jouer avec les morts
GAZIEL, démon chargé de la garde des
trésors souterrains , qu'il transporte d'un
lieu à un autre pour les soustraire aux hom-
mes. C'est lui qui ébranle les fondements
des maisons et fait soulfler des vents accom-
pagnés de llanunes. Quelquefois il forme des
danses qui disparaissent tout à coup ; il ins-
ctatiis astrologicus, in quo agitur de priEtcrilis mulloni n
huniiiium acciileiililius [ler proprias eoruin geiiiluras, M
uuiiiieni exaiiiiiialis.VenPiiis. lui", 1552.
(5) M. ili' Maicti.Hiny, 'Irislan \c vdv.igeiir, "u la FrailCI
au iiualwïièiuu siècle, l. l",cliai(. 4, p. t)3.
757
(.KL
GEN
73?
pire la terreur par un graml bruil de elo» lies
cl (le clocheltes; il ranime les cadavres, mais
pour un moment. Voy. Anarazel, son com-
pagnon.
GEANTS. Les géants de la fable avaient
le regard farouche et effrayant, de longs che-
veux, une grande barbe, des jambes et des
pieds de serpent, et quelques-uns cent bras
et cinquante têtes.
Homère représente les A'oïdes, géants re-
marquables, comme étant d'une taille si pro-
digieuse, qu'à l'âge de neuf ans ils avaient
neuf coudées de grosseur, trente-six de hau-
teur, et croissaient chaque année dune cou-
dée de circonférence et d'un mètre de haut.
Les talmudistes assurent qu'il y avait des
géants dans l'arche. Comme ils y tenaienl
beaucoup de place, on fut obligé, disent-ils,
de faire sortirle rhinocéros, qui suivit l'arche
à la nage.
Aux noces de Charles le Bcl.roi de France,
on vit une femme de Zclande d'une taille ex-
traordinaire, auprès de qui les hommes les
plus hauts paraissaient des enfants ; elle était
si forte, qu'elle enlevait de chique main deux
tonneaux de bière, et portail aisément huit
hommes sur une poutre (1).
Il est certain qu'il y a eu, de tout temps,
des hommes d'une taille et d'une force au-
dessus de l'ordinaire. On trouva au Mexique
des os d'hommes trois fois aussi grands que
nous, et, dit-on, dans l'île de Crèle un cada-
vre de quarante cinq pieds Hector de
Boëcc dit avoir vu les restes d'un homme qui
avait quatorze pieds.
Pour la force nous citerons Milon de Cro-
lone, tant de fois vainqueur aux jeux olympi-
ques; ce Suédois qui, sans armes, tua dix sol-
dats armés; ce Milanais qui portail un che-
val chargé de blé; ce Barsabas qui,dutcinp<
de Louis XiV , enlevait un cavalier avec son
équipage et sa monture; ces géants et ces
hercules qu'on montre tous les jours au pu-
blic. Mais la différence qu'il y a entre eux et
le reste des hommes est petite, si on com-
pare leur taille réelle à la taille prodigieuse
que les traditions donnent auxanciensgéanls.
Voyez (ÎARGANTUA.
GEBEU, roi des Indes, et grand magicien,
auquel on attribue un traité absurde, Du rap-
port des sept planètes aux sept noms de Dieu,
et quelques autres opuscules inconnus (2).
GEDl, pierre merveilleuse qui, d.ins l'opi-
nion des Gèles, avait la vertu, lorsqu'on la
trempait dans l'eau, de changer l'air et d'ex-
citer des venis et des pluies orageuses. On
ne connaît plus la forme de colle pierre.
GELLOou GILO, c'était une fille qui avait
la manie d'enlever des petits enfants. On dit
niôin€ que parfois elle les mangeait, et qu'elle
eniporla un jour le petit empereur Maurice ;
mais qu'elle ne put lui faire aucun mal, par-
ce (ju'il avait sur lui des amulettes. Sun fan-
tôme errait dans l'île de Lesbos, où, comme
(Ile était jalouse de toutes les mères, elle
(1) Jonsthoiii lliauni;ilogra|jliia.
(2) N:milé, Atioloj,'ie pour lous les gwnds personnages
soupçonnés de magie, clmp. 14, p. 500.
(3) Dclrio, Disiiuibilioiis niagiiiues; Wierus.dt Prsest.,
f/iisail mourir dans leur sein les enfants
qu'elles portaient, un peu avant qu'ils lus-
sent à terme 3). On voit que c'était l'épou-
vantail du sixième siècle.
GELOSGOPIK. Espèce de divination qui se
tire du rire. On prétend acquérir ainsi la
connaissance du caractère d'une personne,
et de ses penchants bons ou mauvais. Un
rire franc n'annonce certainement pas une
âme fausse, et on peut se défier quelquefois
d'un rire forcé. Voy. Puysiognomonie.
GEMATRIE. C'est une des divisions delà
cabale, chez les juifs. Elle consiste à prendre
les lettres d'un mol hébreu pour des chiffres
ou nombres arithmétiques , et à expliquer
chaque mot par la valeur arithmétique des
lettres qui le composent. Selon d'autres ,
c'est une interprélation qui se fait par la
transposition des lettres.
GEMMA (Cornélius) , savant professeur
de Louvain , auteur d'un livre intitulé : Des
caractères divins et des choses admirables (k),
publié à Anvers, chez Christophe Planlin,
archilypographe du roi; 1575, in-12.
GENERATION, Voy. Enfants.
GENGUES, devins japonais qui font pro-
fession de découvrir les choses cachées et de
retrouver les choses perdues. Ils habitent des
huttes perchées sur le sommet des monta-
gnes, et sont tous extrêmement laids. Il leur
est permis de se marier, mais seulement avec
des femmes de leur caste el di^ leur secte.
Un voyageur prétend que le signe caracté-
ristique de ces devins est une corne qui leur
pousse sur la têle. 11 ajoute qu'ils sont tous
vendus au diable qui leur so illle leurs ora-
cles ; quand leur bail est fini, le diable leur
ordonne de l'atlendre sur une certaine roch;'.
A midi, ou plus souvent vers le soir, il passe
au milieu de l'assemblée; sa présence cause
une vive émotion. Une force irrésistible en-
iralne alors ces malheureux, (|ul sont préci-
pités à sa suite et ne reparaissent plus.
GENIANE, pierre fabuleuse à laquelle on
attribuait la vertu de chagriner les ennemis
de ceux qui la portaient. On pouvait de très-
loin, en frottant sa pierre, vexer de touto
façon les amis dont on avait à se plaindre,
el se venger sans se compromettre. Les doc-
tes n'indi(iuenl pas où se trouve celte pierre
curieuse.
GENIES. La tradition des anges, parvenue
altérée chez les païens, en a fiiit des génies.
Chacun av;iil son génie. Un m igicien d'E-
gypte avertit Marc-Antoine que son génie
était vaincu par celui d'Oclave; et Antoine
intimidé se relira vers Cléopâlre (5). Néron,
dans^/'i.'anntcu«, dit en piirlant ae sa mère:
Mon génie étouné tremble di'vaut le sien.
Les borboriies, hérétiques des premiers
siècles de l'Eglise, enseignaient que Dieu ne
peut être l'auteur du mal ; que, pour gou-
verner le cours du soleil, des étoiles et des
planètes, il aciéé une multitude innombrable
(i) De naturae divinis cliaracterismis; seu raris el a<i-
miraudis speclaculis, causis, indiciis, prO|iri('lalibusrerun»
in parllbus singulis uuiversi libri 2, aucture Curuelio Gein<
ma. etc.
(3) l'Iutarque, Vie de Marc-Antoine.
719
DICTIUNNAIUR W.S, SCIENCES OCCUi.TES.
710
(le génies, qui oui olc, qui soûl et seront
toujours bons et bicnfaisnnis; qu'il créa
riiomme indilTcreniincnt avec tous les au-
tres animaux, et que l'homme n'avait que
«les pâlies comme les chiens; que la paix et
la concorde régnèreni sur la terr(! pendant
plusieurs siècles, et qu'il ne s'y couitneltait
aucun désordre; que malheureusement uu
génie prit l'espèce humaine eu affection, lui
donna des mains, et que voilà l'origine et l'é-
poque du mal.
L'homme alors se procura des forces arti-
ficielles, se fabrii)ua des armes, attaqua les
autres animaux, fil des ouvrages surprenants;
et l'adresse de ses mains le rendit orgueil-
leux ; l'orgueil lui inspira le désir de la pro-
priété, et la vanité de posséder certaines
choses à l'exclusion des autres; les querel-
les et les guerres commencèrent; la victoire
fil des tyrans et des esclaves, des riches et
des pauvres.
Il est vrai, ajoutent les borboriles, que si
l'homme n'avail jamais eu que des pattes, il
n'aurait point bâti des villes, nides palais, ni
des vaisseaux; qu'il n'aurait pas couru les
mers; qu'il n'aurait pas intenté l'écriture, ni
composé des livres; et qu'ainsi les connais-
sances de sonesprit ne seseraientpoint éten-
dues. Mais aussi il n'aurait éprouvé que les
maux physiques et corporels, qui ne sont pas
comparables à ceux dune âme agitée par
l'ambition, l'orgueil, l'avarice, par les in-
quiétudes et les soins qu'on se donne pour
élever une famille, et par la crainte de l'op-
probre, du déshonneur, de la misère et des
châlioienls.
Aristote observe que l'hommen'est pas su-
périeur aux animaux parce qu'il a une main ;
mais qu'il a une main parce qu'il est supé-
rieur aux animaux.
Les Arabes ne croient pas qu'Adam ait
clé le premier être raisonnable qui ait habité
la terre, mais seub ment le père de tous les
hommes actuellement existants. Ils pensent
que la terre était peuplée, avant la création
d'Adam, par dos étre« d'une espèce supé-
rieure à la nôtre; que C 's la composition de
ces êtres, créés de Dieu comme nous, il en-
trait plus de feu divin et moins de limon.
Ces êtres, qui ont habile la terre pendant plu-
sieursmilliersde siècles, sont les génies, qui
ensuite furent renvoyés dans um; région
particulière, mais d'où il n'est pas impossible
de les évoquer et de les voir paraître encore
(jnelquefois, parla force des paroles magi-
ques et des tali.-mans.
lly a deux sortes de génies, ajoutent-ils,
les péris, ou génies bienfaisants, et les dives,
ou génies malfaisants. Gian-ben-gian,du nom
de qui ils furent appelés ginnes ou génies,
estle premier Corinne le plus fameux de leurs
rois. Le Ginnistan est un pays de délices et
de merveilles, où ils ont été relégués p.ir
Taymural, l'un des plus anciens rois de
Perse.
Ce sont encore là des vestiges altérés de
l'ancienne tradition.
Les Chinois ont des génies qui président
aux eaux, aux montagnes ; et chacun d'eux
est honoré par des sacrilices solennels. —
Voy. Fkks. Anges, Espuits, etc.
GÉNIUADK, médecin malérialiste, ami de
saint Augustin et très-connu à Carlhage pour
sa grande capaiité. Il doutait qu'il y eûl un
autre monde que celui-ci. Mais une nuit il
vil en songe un jeune homme qui lui dit : —
Suivez moi.-- Il le suivit et se trouva dans
une ville où il entendit une mélodie admi-
rable.
— Une autre fois il vit le môme jeune
homme qui lui dit : — Me connaissez-vous?
Fort bien, lui répondil-il. — Et d'où me con-
naissez-vous?— Géniradeiui raconta ce (ju'il
lui avait fait voir dans la ville où il l'avait
conduit. Le jeune homme ajouta : — Est-ce
en songe ou éveillé (jue vous avez vu tout
cela? — C'est en songe, répondit le médecin.
Le jeune homme dit : — Où <'St à présent votre
corps? — Dans mon lit. — Savez-vous bien que
vous ne voyez rien à présent des yeux du
corps? — Je le sais. — Quels sont donc les
yeux par lesquels vous (ne voyez?
Comme le médecin hésilait et ne savait
quoi répondre, le jeune ho.nme lui dit encore :
— De môme que vous me voyez et m'entendez,
à présent que vos yeux sont fermés et vos
sens engourdis; ainsi après vo'.re mort vous
vivrez, vous verrez, vous cnlendrez, mais
des yeux de l'esprit. Ne doutez donc plus.
Génirade conclut que si l'âme pouvait
voyager ainsi dans le sommeil, elle n'était
donc pas liée à la matière; et il se convertit.
GENNADIl]S,patriarchedeConstaniinople.
Allant à son église , il rencontra un spectre
hideux. Il reconnut que c'était le diable, le
conjura et entendit une voix ((ui lui dit : —
Je t'avertis, Gcnnadius, que durant ta vie je
ne pourrai nuire à l'église grecque; mais
après ta mort je la ruinerai.
Le patriarche se mit à genoux, pria pour
son église, et mourut peu après (Ij. Ceci se
passait tandis que Mahomet II faisait la con-
quôte de lempire.
GEOFFROl DIDEN. Au treizième siècle le
seigneur HumJierl, fils de Guicbard de Bélioc,
dans le diocèse de Mâcon, ayant déclaré la
guerre à d'autres seigneurs de son voisinage,
Geoffroi d'Iden reçut dans la niêlée une bles-
sure dont il mourut sur-le-champ. Environ
deux mois après, Geoffroi apparut à Milon
d'Anta, et le pria de dire àHuuibcrt de Bélioc,
au service duquel il avait perdu la vie, qu'il
était dans les tourments pour l'avoir aide
d ius une guerre injuste, et pour n'avoir pas
expié avant sa mort ses péchés par la péni-
tence ; qu'il It- priait d'avoir coni()assii>u de
lui cl de son propre père Guicbard, qui lui
.'ivait laissé de grands biens dont il abusait,
et dont une grande partie était mal acquise ;
qu'à la vérité, Guicbard, père de Humbert,
avait embrassé la vie religieuse à Cluny,
mais qu'il n'avait eu le temps ni de satisfaire
entièrement à la justice de Dieu, ni de répa-
rer ses torts envers le prochain ; qu'il le con-
jurait donc de faire offrir pour son père et
pour lui, le saint sacrifice de la messe, do
(t) Lelovfir, Ilisl. dos spccires ol npiarilioiis des e*
prils, p. 270.
7H GF.H
faire des aumônes cl demplojcr les prières
des gens de bien pour leur procurera l'un et
à l'autre une prompte délivrance dus peines
qu'ils endur.iient. Il ajouta : — Dites-lui que
s'il ne vous écoute pas, je serai contraint
daller-moi-méme lui annoncer ce que je
viens de vous prescrire.
Milon d'Anla s'acquitta de sa commission ;
Ilumbtrt en fut clTrayé, mais il n'en devint
pas meilleur. Toutefois, craif^nant que Giui-
chard, son père, ou Geoffroi d'iden, ne vins-
sent l'inquiéter, il n'osait demeurer seul,
surtout pendant la nuit; il voulait toujours
avoir auprès de lui quelqu'un de ses gens.
Un malin donc qu'il était tout éveillé dans
son lit, il vit paraître en sa présence G. of-
froi, armé comme un jour de bataille, qui lui
montrait la blessure mortelle qu'il avait re-
çue, et qui paraissait encore toute fraîche.
Il lui Gt de vifs reproches de sou peu de pitié
envers lui et envers son propre père, qui gé-
missait dans les tourments. — Prends garde,
ajoula-t-il, que Dieu ne te Iraile dans sa ri-
gueur, et ne le relire la miséricorde que lu
nous refuses, el surtout garde- loi bien
d'exécuter la résolution que lu as prise d'al-
ler à la guerre avec le comte Amédée ; si tu
j vas, lu y perdras la vie el les biens.
Humbert se disposait à répondre au fan-
tôme, lorsque l'écuyer Richard de Marsay,
ciinseiller de Humbert, arriva venant de la
messe; aussilôt le mort di^parut. Dès ce mo-
ment Humbert travailla sérieusement à sou-
lager son père et Geoffroi, et il fit le voyage
de Jérusalem pour expier ses péchés. — Ce
fiit est rapporté par Pierre le Vénérable.
GÉOMANCIE ou GÉOMANCE, divination
parla terre. Elle consiste à jeler une poignée
de poussière ou de lerre au hasard, sur une
table, pour juger des événements futurs, pur
les lignes et les figures qui en résultent : c'est
à peu près la même chose que le marc de café.
Voy. Marc de café.
Selon d'autres, la géomancie se pratique,
tantôt en traçant par lerre des lignes et des
cercles, sur lesquels on croit pouvoir deviner
ce qu'on a envie d'apprendre ; taiilôt en fai-
sant au hasard, par terre ou sur le papier,
plusieurs poinis sans garder aucun ordre;
Ks figures que le hasard forme alors fondent
un jugement sur l'avenir; tantôt enfin en
observant les fentes et les crevasses qui se
font naturellement à la surface de la lerre,
d'où sortent, dit-on, des exhalaisons oro-
pliéliques, comme de l'antre de Delphes.
GKRBERT. Voy. Sylvestre II.
GÉKÉAHS. Les habitants de Ceylan croient
les planètes occupées par des esprits (\ai
sont les arbitres de leur soit. Ils leur allri^
buenl le pouvoir do rendre leurs f.ivoris heu-
reux en dé])it des dénions. Ils Corment autant
d'images d'argile appelées Géréahs, qu'ils
supposent d'espriis mal disposés; ils leur
donnent des figures monstrueuses et les ho-
uorenl eu mangeant cl buvant; le festin est
(Il Lelover, Hisl. des spectres et apparitions dos es-
pril«i, p. 37().
(2) De proljatione spiritiuim, etc.
GER
74Î
accompagné de tambours et de danses jus-
qu'au point du jour; les images sont jetées
alors sur les grands chemins, où elles reçoi-
vent les coups et épuisent la colère des dé-
mons malintentionnés.
GER.MANICUS, général romain qui fui em-
poisonné par Planciiie. Ou ne dît pas si ce fut
p^r des parfums ou par un poison plus direct,
ou par des maléfices; mais ce (luicst certain,
dit Tacite, c'est que l'on trouva dans sa de-
meure des ossements et des cendres de morts
arrachés aux tombeaux, et le nom de Ger-
manicus écrit sur une lame de plomb qu'on
avait dévouée à l'enfer (1).
GEIISON (Jean CuAnLiER de), chancelier,
pieux et savant, de l'université de Paris, mort
en l't29, auteur de rfixamen des esprits (2),
où l'on trouve des règles pour discerner les
faus'^cs ré\élalions des véritables, et de l'yls-
trolOjie ré formée, qui eut un grand succès.
Nous ne parlons pas ici de ses ouvrages de
piété.
GERT(BERTnoMiNE de), sorcière delà ville
de Préchac en Gascogne, qui confessa vers
1G08 que lors(iu'une so.xiôre revenant du
sabbat était tuée dans le chemin, le diable
avait l'habitude de prendre sa figure, el de la
faire reparaître et mourir dans son logis pour
la tenir en bonne réputation. Mais si celui
qui l'a tuée a quelque bougieou chandelle de
cire sur lui, el qu'il en fasse une croix sur
la morte, le diable ne peut, malgré toute sa
puissance, la tirer de là, et par conséquent
est forcé de l'y laisser (.3).
GERVAIS, archevêque de Reims, morl en
1067, dont on conte cette aventure. Un che-
valier normand qui le connaissait voulant,
pour le besoin de son âme, aller à Rome vi-
siter les tombeaux des saints apôtres, passa
par Reims, où il demanda à l'archevêque sa
bénédiction, puis il reprit son chemin, dont
il s'était écarlé. 11 arriva à Rome, et fit ses
oraisons.
11 voulut ensuite aller au monlSainl-Ange.
Dans son chemin, il rencontra un ermite qui
lui demanda s'il connaissait Gervais, arche-
vêque de Reims ; à quoi le voyageur répon-
dit qu'il le connaissait.
— Gervais est mort, reprit l'ermite.
Le Normand demeura stupéfait ; il pria
l'inconnu de lui dire comment il savait celle
nouvelle.
L'ermite lui répondit, qu'ayant passé la
nuit en prière dans sa cellule, il avait en-
tendu le bruit d'une foule de gens qui mar-
chaient le long de sou corridor en faisant
beaucoup de bruit; qu'il avait ouvert sa le-
nêtre, et demandé où ils allaieiU; que l'un
d'eux lui avait répondu : Nous sommes les
anges de Satan ; nous venons de Reims. Nous
emportions l'âme de Gervais ; mais à cause
de ses bonnes œuvres, on vient de nous l'en-
lever, ce qui nous fâche rudement.
Le pèlerin remarqua le lemps el le jour OÙ
il avait appris toutcela,el de relourà Reims,
(5) Del.iiicre, Tableau de l'iiicoiislaiicc des démolis, etc.,
p. 48.1.
T43
DICTIONNAIRE DES
il tiuuva que l'arclicvéqucGervais était mort
à la même heure (I).
GEYSERIC, démoniaque golh, dont l'âme
fut emportée par le diable en enfor, après que
son corps eut crt-vé, comme ceux de Bucer
et d'Arius pondant qu'il était au lit (2).
GHILCUL ou GILGUL. Ch<z les Juifs mo-
dernes, c'est la métempsycose ou transmi-
gration des âmes en d'autres corps, doctrine
reçue dans quelques-unes de leurs sectes.
GHIRAHDELLI (Corneille) , franciscain,
né à Bologne vers la (in du seizième siècle.
Il étudia l'astrologie et la méloposcopie ; on
connaît de lui des discours aslrologi(iucs, des
nlmanachs comme celui de Mathieu La>ns-
berg, enfin, la Ccpluilonie pbysiononiique,
ayec cent léles dessinées, et des jugements
sur chaque figure, lesquels jugements sont
renfermés en un sonnet rehaussé d'un disti-
que; in-4.*, 1630.
GHOLES. La croyance aux vampires, aux
gholes, aux lamies, qui sont à peu près le
même genre de spectres , est répandue de
teuips inimémori.'il chez les Arabes, chez les
Perses, dans la Grèce moderne et dans tout
l'Orient. Les Mille et une Nuits, et plusieurs
autres contes arabes, roulent sur cette ma-
tière, et maintenant encore, cette terrible
superstition porte l'épouvante dans plusieurs
contrées de la Grèce moderne et de l'Arabie.
Les Gholes sont du sexe féminin. On en
cite des histoires qui remontent jusqu'au
dixième siècle et même jusi|u'au règne d'Ha-
roun al Raschild. Elles mangent la chair et
boivent le sang comme les loups-garous
plutôt que comme les vampires, car elles
n'ont pas toujours besoin d'être mortes pour
se livrera leurs festins funèbres.
Dans un faubourg de Bagdad vivait, dit-on,
au commencement du quinzièmi; siècle, un
vieux marchtind qui avait amassé une for-
tune considérable et qui n'avait pour héritier
de ses biens, qu'un fils qu'il aimait tendre-
ment. Il avait résolu de le marier à la fille
d'un de ses confrères, marchand comme lui,
et avec qui il avait lié un commerce d'amitié
dans ses fréquents voyages.— Cette Jeune fille
était riche, maislaide; et Abdul (c'est le nom
du jeune homme), à qui on montra son por-
trait, demanda du temps pour se décider à
ce mariage.
Un soir qu'il se promenait seul, à la clarté
de la lune, dans les campagnes voisines de
Bagdad , il entendit une voix fraiche qui
chantait quelque versets du Koran en s'ac-
compagnant d'une guitare. H traversa le
bosquet qui lui cachait lu chanteuse , et se
trou\a au pied d'une maisonnette où il vit ,
sur un balcon ombragé d'herbes traînantes,
une belle jeune femme. — Il n'osa se faire re-
marquer que par des signes de respect; la
fenêtre s'clant refermée, il regagna la maison
paternelle, sans savoir si seulement il avait
été TU.
Le Icndemam matin , après la prière du
lever du soleil, ilrovint dans les mêmes lieux,
fit d'ardentes recherches, et découvrit , non
(1) Manuseril de la bibtiotlièiiup royale, rapiioné par
Lt;iiiilul-Du.''re!>iioy, Disscrlalious, 1. 1".
SCIENCES OCCULTES. 744
sans peine, que celle qui l'avait frappé était
fille d'un sage qui n'avait point d'or à lui
donner, mais qui l'avait élevée dans toutes
les sciences sublimes : ces nouvelles ache-
vèrent de l'enll.immer. — Dès lors, le mariage
projeté par son père devint impossible. Il
alla trouver le vieillard et lui dit :
— Mon père, vous sa^ezque jus(iu'ici je
n'ai su que vous obéir : aujourd'hui je viens
vous supplier de m'accorder une épouse de
mon choix.
H exposa sa répugnance pour la femme
qu'on lui proposait, et son amour pour l'in-
connue.— Le vieillard fit quelques objections,
mais, voyfinl que son fils était entraîné par
ce que les musulmans regardent comme une
fatalité irrésistible, il ne mit plus d'obstacle
à son désir : il alla trouver le vieux sage et
lui demanda sa fille.
Le mariage se fit, dit le conte.
Au bout de trois mois , Abdul s'étant é-
veillé une certaine nuit, s'aperçut que sa
jeune épouse avait quitté la couche nup-
tiale. Il crut d'abord qu'un accident imprévu
ou une indisposition subite avait causé cette
absence: il résolut toutefois d'attendre; mais
Nadila ( c'était la jeune femme ) ne revint
qu'une heure avant le jour. Abdul remar-
quant qu'elle rentrait avec l'air effaré et la
démarche mystérieuse, Ot semblant de dor-
mir, et ne témoigna rien de ses inquiétudes,
ré>olu de s'éclaircir un pou plus tard.
Nadila ne lui parla point de son absence
nocturne; la nuit suivante, el e s'échappa
de nouveau, croyant Abdul endormi, et sor-
tiî selon sa coutume. — .Abdul se bâta de s'Iia*
biller, il la suivit de loin par de longs dé-
tours.
Il la vit entrer enfin dans un cimetière; il
y entra pareillement.
Nadila s'enfonça sous un grand tom-
beau éclairé de trois lampes.— Quelle fut
la surprise d'Abdul, lorsqu'il vil sa jeune et
belle épouse, qu'il chérissait si tendrement,
entourée de plusieurs gholes, qui se réunis-
saient là toutes les nuits pour leurs festins
effroyables !
Il avait remarqué, depuis son mariage, que
sa femme ne mangeait rien le soir; mais il
n'avait tiré de cette observation aucune con-
séquence fâcheuse.
Il vit bientôt une de ces gholes apportant
un cadavre encore frais, autour duquel tou-
tes les autres se rangèrent. L'idée lui vint de
se montrer, de dissiper ces hideuses sorciè-
res ; mais il n'eût pas été le plus fort: il se
décida à dévorer son indignation. — Le cada-
vre fut coupé en pièces, et les gholes le man-
gèrent en chantant des chansons infernales.
Ensuite, elles enterrèrent les os, el se sépa-
rèrent après s'être embrassées.
Abdul, qui ne voulait pas être vu, se hât i
de regagner son lit, où il feignit de dormir
Jusqu'au matin. De toute la journée , il ne
témoigna rien de ce qu'il avait vu; mais, la
nuit venue, il eng.igea sa jeune épouse à
prendre sa part d'une légère collation. Na-
(2) Dclaiicre, TaMeau de l'iiicougtsnce dus déinoiis, eic.
p. 6.
. 74- cm
dila s'oxci'.sa selon sa coutume; il insi-ita
longtemps cl s'écria enfin avec colère: Vous
aimez mieux aller souper avec les giioles!
Nadila ne répondit ricit, pâlit, trembla de
fureur, et alla en silence se mettre au lit av( c
son épouT.
Au milieu de la nuit , lorsqu'elle le crut
plongé dans un profond sommeil, elle lui dit
d'une voix sombre : Tiens, expie ta curio-
sité.
En mémo temps elle se mil à genoux sur
sa poitrine, le saisit à la gorge, lui ouvrit une
veine, et se disposa à boire son sang. Tout
cela fut l'ouvrage d'un instant. Le jeune
homme qui ne dormait point, s'échappa avec
violence des bras de la furie , et la frappa
d'un coup de poignard qui la laissa mourante
à ses côtés. Aussitôt il appela du secours, on
pansa la plaie qu'il avait à la gorge , et le
lendemain, on porta en terre la jeune ghole.
Trois jours après, au milieu de la nuit, elle
apparut à son époux, se jeta sur lui, et vou-
lut l'éloufferde nouveau. Le poignard d'Ab-
dul fut inutile dans ses mains ; il ne trouva
de salut que dans une prompte fuite— 11 fit
ouvrir le tombeau de Nadila qu'on trouva
comme vivante, et qui semblait respirer dans
son cercueil. On alla à la maison du sage qui
Fassait pour le père de cette malheureuse.
1 avoua que sa fille, mariée deux ans aupa-
ravant à un officier du Calife, avait été tuée
par son mari; mais qu'elle avait retrouvé la
vie dans son sépulcre, qu'elle était revenue
chez son père; en un mol, que c'était une
femme vampire. On exhuma le corps; on le
brûla sur un bûcher de bois de senteur; on
jeta ses cendres dans le Tigre, et le pauvre
époux fut délivré.
On sent bien que celte histoire n'est qu'un
pur conte ; n)ais il peut donner une idée di<s
croyances des Arabes.
On voit dans certains contes orientaux une
espèce de vampire qui ne peut conserver son
odieuse vie qu'en avalant de temps en temps
le cœur d'un jeune homme On pourrait citer
une foule de traits de môme sorte dans les
contes traduits de l'arabe : ces contes prou-
vent que les horribles idées du vampirisme
sont anciennes en Arabie.
GHOOLÉE-BEENBAN, vampire, ou lamie,
ou ghole. Les Afghans croient que chaque
solitude, chaque désert de leur pays, estha-
hité par un démon, qu'ils appellent le Ghoo-
lée-lîeenban,ou le spectre de la solitude. Ils
désignent souvent la férocité d'une tribu en
disant qu'elle est sauvage comme le démon
iju désert.
GlALL, fleuve des enfers Scandinaves ; on
le passe sur un pont appelé Giallur.
GIAN-BEN-GIAN, voij. Génies.
GIBEL, montagne volcanique, an sommet
de laquelle se trouve un cratère d'oii l'on en-
tend, lorsqu'on prête l'oreille, des gémisse-
ments et un bouillonnement effroyable. Les
Grecs jetaient, dans ce soupirail , des vases
d'or et d'argcnl, et regardaient comme un
(1) Loloyer, Histoire des spectres on apparitions des
esprits, p. 50.
UlCTlONN. DES SCIIÎNCES OCCULTE.S. I.
G!R
riC
bon présage lorsque la flamme ne les repous-
sait pas; car ils pensaient apaiser par lu les
dieux de l'enfer, dont ils croyaient que cette
ouverture était l'entrée (1).
GILBERT, démon dont parle 01a ns Ma-
gnus. Use montrait chez les Ostrogolhs, et il
avait enchaîné d;ms une caverne le savant
Catillus, nécromancien suédois qui l'avait
insulté (2).
GILO, voy. Gello.
GIMl ou GIMIN , génies que les musul-
mans croient d'une nature mitoyenne entre
l'ange et l'homme. Ce sont nos esprits fol-
lets.
GINGUÉRERS, cinquième tribu des géants
ou dénies malfaisants, chez les Orientaux.
GINNES , génies femelles chez les Persans,
qui les disent maudites par Salonion, et for-
mées d'un feu liquide et bouillonnant, avant
la création de l'iiomme.
GINNISTAN. pays imaginaire, où les gé-
nies soumis à Salomon font leur résidence,
selon les opinions populaires des Persans.
Voy. GÉNIES.
GINNUNGAGAP, nom de l'abîme , partie
de l'enfer, chez les Scandinaves.
GIOERNINCA-VËDUR. Les Islandais ap-
pellent de ce nom le pouvoir magique d'exci-
terdes orages et des tempêtes, et de faire périr
des barques et des bâtiments en mer. "Cette
idée superstitieuse appartient autant à la ma-
gie moderne qu'à l'ancienne. Les ustensiles
que les initiés emploient sont très-simples :
par exemple, une bajoue de tête de poisson,
sur laquelle ils pcignenlou graventdifférenis
caractères magiques, entre antres la léle du
dieu Thor, de qui ils ont eniprunlé cette es-
pèce de magie. Le grand art consiste h n'em-
ployer qu'un ou deux caractères, el tout leur
secret est que les mots Thor, ha fol ou ha fut
puissent être lus devant eux ou en leur ab-
sence sans être compris de ceux qui ne sont
pas admis à la connaissance de ces mystères.
GiOURTASCH, pierre mystérieuse que les
Turcs orientaux croient avoir reçue de main
en main de leurs ancêtres , en remontant
jusqu'à Japhet, fils de Noé, et qu'ils préten-
dent avoir la vertu de leur procurer de la
pluie, quand ils en ont besoin.
GIRARD, (Jean-Baptiste) , jésuite né à
Dôle en 1680. Les ennemis de la société de
Jésus n'ont négligé aucun effort pour le pré-
senter comme un homme de scandale. Ils
l'ont accusé d'avoir séduit une fille nommée
Catherine Cadière ; et sur ce thème , ils ont
bâti tous les plus hideux romans. Cette fille,
folle ou malade , sembla possédée dans les
idées du temps, ou le fui peut-être, el on dut
l'enfermer aux Ursulines de Brest. Sur quel-
ques divagations qu'elle débita, un procès
fut intenté par le parlement d'Aix. Mais tou-
tes choses examiné"S et pesées, il fallut so
borner à rendre C^ilherino Cadière à sa fa-
mille. On ne put pas même trouver moyen
d'impliquer le père Girard dans celte affaire,
commecoupable, (juoiqu'on eût ameuté trois
(2) Wierus, de Praest., p. i6(f
2&
747
DiniONNAinE OKS SCIENCES OCCULTKS.
74H
parirs violents contre lui, les jansénistes, le
parlement et les philosophes. — Ce qui na
pas empêché les écrivains anti-reli«ieux de
faire revivre sur son compte des calomnies
'■condamnées.
GIRTANNER, docteur de Gottingue, qui
a annoncé que dans le dix-neuvième siècle
tout le monde aurait le secnl de la trans-
mutation des métaux; que chaque chimiste
saurait faire de l'or; que les instruments de
cuisine seraient dor et d'argent; ce qui
contribuera beaucoup, dit-il, à prolonger la
vie, qui se trouve aujourd'hui compromise
par les oxyiles de cuivre, de plomb et de
fer que nous avalons avec notre nourri-
ture (1). Les bons cliimistes actuels parta-
gent cet avis.
GITANOS, mol espagnol , qui veut dire
Egyptiens. Voy. Bohémiens.
GIWON, esprit japonais. Les habitants
croient qu'il veille parliculièrement à la
conservation de leur vie, et qu'il peut les
préserver de tout accident fâcheux, comtne
des chutes, des mauvaises rencontres, des
maladies, et surtout de la petite vérole.
Aussi ont-ils coutume de placer sur la porte
de leurs maisons l'image de Giwon.
GRANVILLE , curé anglican d'Abbey-
Church à Balh, mort en 1680. On lui attri-
bue un traité des Visions et apparitions, in-S",
Londres, 170'i); mais il est cerlaiiieim nt au-
teur d'un ouvrage intitulé : Considérations
philosophiques louchant Vexistence des sor-
ciers et la sorcellerie, 1666, in-i".
GLAPHYRA, épouse d'Alexandre, fils de
cet effroyable Hérode, qu'on a appelé Hé-
rode le Grand. Celte princesse ayant perdu
Alexandre, se maria avec Archélaiis, son
beau-frère, et niourut la nuit même de ses
noces, l'imagination troublée par la vision
de son premier époux , qui semblait lui
reprocher ses secondes noces avec son
frère (2).
GLASIALABOLAS, Voy. Caacrinoliis.
GLOCESTER. Sous Henri VI, les ennemis
de la duchesse de Glocester voulant la per-
dre, l'accusèrent d'être sorcière. On préten-
dit qu'elle avait eu des entreliens secrets
avec Roger Bolingbrocke. soupçonné de né-
cromancie, et Marie Gardemain, réputéesor-
cièrc. On déclara que ces trois personnes
réunies avaient, à l'aide de cérémonies dia-
boliques, placé sur un feu lent une effigie
du roi, faite en cire, dans l'idée que les forces
de ce prince s'épuiseraient à mesure que la
cire fondrait, et qu'à sa totale dissolution, la
vie de Henri VI serait terminée. Une telle
accusation devait s'accréditer sans peine
ilans ce siècle crédule; plus elle s'éloignait
(In bon sens, plus elle semblait digne de foi.
Tous trois furent déclarés coupables, et ni
le rang ni l'innocence ne purent les sauver.
La duchesse fut condamnée à un emprison-
nement perpétuel, RogciBolingbrocke pendu,
et Marie Gardemain brûlée dans Smitfield (3).
GLUBBDUBDRIB. Si le fragment de Cy-
(t) l'iiilosopliie magique, t. VI, p. S8/5, cilée dans Ips
C.uriosiiés ite la lilltiralnro, I. I", p. 202.
(2) Lelo^cr, llisL. Jes spectres cl des apparitions des
rano-Bergerac sur Agri|)pa présente l'idée
qu'on avait des sorciers en France sous
Louis XIII, le passage que Swift leur a con-
sacré an siècle suivant ne mérite pas moins
d'être mis sous les jeux du lecteur. On le
trouve aux chapitres vu et viii du troisième
Voyage de Gulliver.
« Glnbbdubdrib, si j'interprète exactement
le mol, signifie l'île des sorciers ou des ma-
giciens. Elle a trois fois l'étendue de l'Ile
de Wiglit; elle est très-fertile. Cette lie est
sous la puissance d'un chef d'une tribu
toute composée de sorciers, qui ne s'allienl
qu'entre eux, et dont le prince est toujours
le plus ancien de la tribu.
« Ce prince ou gouverneur a un palais
magnifique cl un parc d'environ trois mille
acres, entouré d'un mur de pierres de taille
haut tie vingt pieds. Ce parc renferme d'au-
tres petits enclos pour les bestiaux, le blé
et les jardins. — Le gouverneur et sa famille
sont servis par des domesti(|ues d'une espèce
assez extraordinaire. Par la connaissance
qu'il a de la nécromancie, il possède le pou-
voir d'évoquer les morts et lie les obliger à
le servir [)eudant vingt-quatre heures , ja-
mais plus longtemps; et il ne peut évoquer
le même esprit qu'à trois mois d'intervalle,
à moins que ce ne soit pour quelque grande
occasion.
« Lorsque nous abordâmes à l'fle, il était
environ onze heures du matin. Un de mes
deux compagnons alla trouver le gouver-
neur, et lui dit qu'un étranger souhaitait
avoir l'honneur de saluer son altesse. Ce
compliment fut bien leçu. Nous entrâmes
tous trois dans ta cour du palais, et nous
passâmes au milieu d'une haie de gardes
arn)és et habillés d'une manière très-an-
cienne, et dont la physionomie avait quel-
que chose qui me causait une horreur indi-
cible. Nous traversâuies les appartements ,
et rencontrâmes une foule de domestiques
de la même sorte, avant de parvenir jusqu'à
la chambre du gouverneur.
« Après que nous eûmes fait trois révé-
rences profondes, il nous fit asseoir sur du
petits tabourets au pied de son Irône. Il m'a-
dressa différentes questions au sujet de mes
voyages; et, pour marquer qu'il voulait en
agir avec moi sans cérémonie, il fit signe
avec le doigt à tous ses gens de se retirer ;
et en un instant, ce qui ni'étonna beaucoup,
ils disparurent comme les visions d'un rêve.
a J'eus de la peine à me rassurer. Mais le
gouverneur m'ayani dit que je n'avais rien à
craindre, et voyant mes deux compagnons
parfaitement tranquilles, parce qu'ils claieul
faits à ce spectacle, je commençai à prendre
courage, et racontai à son altesse les diffé-
rentes aventures de mes voyages, non sans
un peu d'hésitation, ni sans regarder plus
d'une fois derrière moi la place où j'avais vu
les fantômes disparaître.
« J'eus l'honneur de dîner avec le gouver-
neur, qui nous fil servir par une nouvelle
esprits, cliap. 9.,î , p. i!i6.
(3) tiolcIsiiitUi, Uisloire il'Aii^rCtoi M.
7«9
GIU
CI.U
"M
troupe de spertrcs. Je remarquai que ma
frayeur élail moins grandi' à celle seconde
apparition. Nous fûmes à labli! jusqu'au
coucher du soleil. .le priai son ailessc de
permettre que je ne couchasse pas dans son
palais, comme il avait la honte de m'y enga^
ger; et mes deux amis et moi nous allâmes
chercher un lit dans la ville voisine, capitale
de la petite lie.
« Le lendemain matin , nous revînmes
rendre nos devoirs au gouverneur, comme
il avait bien voulu nous le recommander ;
cl nous passantes de cette manière une di-
znine de jours dans celte î'e, demeurant la
plus grande pirlie de la journée avec le
gouverneur, et la nuit à noire auberge. Je
parvins à me familiariser tellement avec les
esprits, que je n'en eus plus peur du tout,
ou du moins, s'il m'en restait encore un peu,
elle cédait à ma curiosité.
« Son altesse me dit un jour de lui nom-
mer tels morts qu'il me plairait, qu'il me
les ferait venir et les obligerait de répondre
à toutes les questions que je leur voudrais
faire, à condition toutefois que je ne les in-
terrogerais que sur ce qui s'était passé de
leur temps, et que je pourrais être bien as-
suré qu'ils me diraient toujours vrai; car le
mensonge est un talent inutile dans l'autre
monde. — J'acceptai avec de Irès-humbles
actions de grâces l'offre de son altesse.
« Nous étions dans une pièce d'où l'on
avait une très-belle vue sur le parc; cl,
comme mon premier souhait fut de voir des
scènes pompeuses et magnillques, je deman-
dai à voir Alexandre le Grand à la tète de
son armée, tel qu'il était à la bataille d'Ar-
belles. Aussitôt, sur un signe du gouver-
neur, le prince grec parut sur un vaste
champ au dessous de la fenêtre où nous
étions.
« Alexandre fut invilé à monter dans la
chambre. J'eus beaucoup de peine à enten-
dre son grec, n'étant pas moi-même très-
versé dans cette langue. Il m'assura, sur son
honneur, qu'il n'avait pas été empoisonné,
mais qu'il était mort d'une flèvre causée par
un excès de boisson.
M Je vis ensuite Annibal passant les Al-
pes; et il me dit qu'il n'avait pas une seule
goutte de vinaigre dans son camp.
« Je. vis César et Pompée à la tète de leurs
troupes prêtes à se charger. Je vis le pre-
mier dans son grand triomphe. Je voulus
voir le sénat ro^nain dans une grande salle,
avec une assemblée législative moderne ran-
gée de l'autre cô!é. Le sénat me sembla une
réunion de héros et de demi-dieux ; l'autre
assemblée m'avait l'air d'un tas de porte-
ballcs, de Clous, de voleurs de grand chemin
et de matamores.
« Je fatiguerais le lecteur si je citais le
grand nombre do personnages illustres qui
fut évoqué pour satisfaire au désir insatia-
ble que j'avais de voir toutes les périodes de
l'antiquité, mises sous mes yeux. Je les ré-
jouis principalement par la contemplation
des destructeurs, des tyrans, des usurpa-
teurs el des libérateurs des nations oppri-
mées. Mais il me serait impossible d'expri-
mer la satisfaction que j'éprouvai, de ma-
nière à la faire partager à ceux qui liront
ces pages.
« Désirant voiries anciens les plus renom-
més pour l'esprit et la science, je voulus
leur consacrer an jour. Je demandai que
l'on fît apparaître Homère et Aristote à la
tête de leurs commentateurs; mais ceux-ci
étaient tellement nombreux, qu'il yen eut
plusieurs centaines qui furent obligés d'at-
tendre dans les antichambres et dans les
cours du palais. Au premier coup d'oeil , je
reconnus ces deux grands hommes, et les
distinguai non-seulement de la fouie, mais
aussi l'on de l'aulre. Homère élait le plus
grand et avait meilleure mine qu'Aristote. Il
se tenait très-droit pour son âge, et ses yeux
étaient les plus vifs, les plus perçants que
j'eusse jamais vus. Aristote se courbait beau-
coup et il se servait d'une canne. Son visage
était maigre, ses cheveux rares et lisses, sa
voix creuse. Je m'aperçus bientôt qu'ils
étaient l'un et l'autre parfaitement étrangers
au reste de la compagnie, et n'en avaient
pas entendu parler auparavant.
« Un spectre, que je ne uonmierai point,
me dit à l'oroiile que ces commentateurs se
tenaient toujours le plus loin qu'ils pou-
vaient de leurs auteurs dans le monde sou-
terrain, parce qu'ils étaient honteux d'avoir
si indignement représenté à la postérité les
pensées de ces grands écrivains.
« Je priai le gouverneur d'évoquer Des-
cartes et Gassendi , et j'engageai ceux-ci à
expliquer leurssyslèmes à Aristote. Ce grand
philosophe reconnut ses erreurs dans la
physique, lesiiuelles provenaieut de ce qu'il
avait raisonné d'après des conjectures ,
comme tous les hommes doivent le faire; el
il nous flt remarquer que Gassendi et les
tourbillons de Descaries avaient été à leur
tour rejetés. Il prédit le même sort à l'at-
traction, que les savants de nus jours sou-
tiennent avec tant d'ardeur. Il disait que
tout système nouveau sur les choses natu-
relles n'était qu'une mode nouvelle et devait
varier à chaque siècle, et que ceux qui pré-
tendaient les appuyer sur des démonstra-
tions mathématiques , auraient de même
une vogue momentanée et tomberaient en-
suite dans l'oubli.
« Je passai cinq jours à converser avec d'au-
tres savants hoiiuncs de l'antiquité. Je vis la
plupart des empereurs romains. Le gouver-
neur eut la complaisance d'évoquer le» cuisi-
niers d'Héliogabale pour apprêter notre dî-
ner;maisilsne purenlnous montrertouieleur
habileté, faute de matériaux. Un ilote d'A-
gésilas nous fit un plat de biouct noir lacc-
démonien, et nous ne pvimes avaler la se-
conde cuillerée de ce mets....
« Mes découvertes sur l'histoire moderne
furent mortifiantes. Je reconnus que des
historiens ont transformé des guerriers im-
béciles et lâches en grands capitaines, des
insensés et de petits génies en grands politi-
ques, des flatteurs et des courtisans en gens
de bien, des alhéts en hommes pleins de rc-
751
DlCTIO.NNAmE DES SCiENCKS OCCL'LIES.
in'i
ligion, d'iiiMmc» débouchés en gens chastes,
et des délateurs de profession en hommes
vrais et sincères. Un général d'armée m'a-
voua qu'il avait une fois remporté une vic-
toire par sa poltronnerie et son imprudence ;
et un amiral me dit qu'il avait battu malgré
lui une flotte ennemie, lorsqu'il avait envie
de laisser battre la sienne.
« Comme chacun des personnages qu'on
évoquait paraissait tel qu'il avait été dans
le monde, je vis avec douleur combien le
genre humain avait dégénéré... »
GNOMES, esprits élémentaires amis de
l'homme, composés des plus subtiles parties
de la terre, dont ils habitent les entrailles,
selon les cabalistcs. — La terre, disent-ils,
est presque jusqu'au centre remplie de gno-
mes, gens de petite stature, gardiens des
trésors, des mines et des pierreries. Ils ai-
ment les hommes, sont ingénieux et faciles
à gouverner. Ils fournissent aux cabalistes
tout l'argent qui leur est nécess lire, et ne
demandent guère, pourprix de leurs services,
que la gloire d'être commandés. Les gnomi-
des, leurs femmes sont petites, mais agréa-
bles , et vêtues d'une manière fort cu-
rieuse (1).
Les gnomes vivent et meurent à peu près
comme les hommes; ils ont des villes et se
rassemblent en sociétés. Les cabalistes pré-
tendent que ces bruits qu'on entendait, aii
rapport d'Aristole, dans certaines lies, où
pourtant on ne voyait personne, n'étaient
autre chose que les réjouissiinccs et les létcs
de noces de quelque gnome. Ils ont une âme
mortelle; mais ils peuvent se procurer lim-
mortalilé en contractant des alliances avec
Jes hommes. Voy. Cabale, Pygmées, Nains,
GOBELINS, KOBOLD, CtC.
GNOSTIQUES, hérétiques qui admettaient
une foule de génies producteurs de tout dans
le monde. Leur nom signifie illuminés; ils
l'avaient pris parce qu'ils se croyaient plus
éclairés que les autres hommes. Ils parurent
au premier et au second siècle, principale-
ment dans l'Orient. Ils honoraient, parmi
les génies , ceux qu'ils croyaient avoir
rendu au genre humain les bons offices les
plus importants. Ils disaient que le génie
qui avait appris aux hommes à manger le
fruit de l'arbre de la science du bien et du
mal avait fait pour nous quelque chose de
très-signalé.... Us l'honoraient sous la figure
qu'il avait prise, et tenaient un serpent en-
fermé dans une cage : lorsqu'ils célébraient
leurs mystères, ils ouvraient la cage et appe-
laient le serpent, qui montait sur une table
■ où étaient les pains, et s'entortillait alentour.
C'est ce qu'ils appelaient leur eucharistie...
Les giiostiques , auxi]uels se rattachaient
les basiiidiens , les ophites, les simoniens,
les carpocratiens, etc., tentèrent contre le
catholicisme de grands efforts. Leur serpent,
non plus que les autres, n'y put faice qu'u-
ser ses dents. Voy. Tète de Bopuomet ,
ËuNs, etc.
(1) i\j a apparence que ces contes de gnomes doivent
leur oiiiîiiie aux relations de quelques anciens voyageurs
en Lapunie.
GOAP, roi des démons de midi. On peut
révoquer de trois heures du matin à midi, et
de neuf heures du soir à minuit (2).
GOBBINO, Voy. Imagination.
GOHIÎLINS, espèce de lutins domestiques
qui se retirent dans les endroits cachés de la
maison, sous des tas de bois. On les nourrit
des mets les plus délicats, parce qu'ils ap-
j>ortent à leurs maîtres du blé volé dans les
greniers d'autrui.
On dit que la manufacture des Gobelins à
Paris doit son nom à quelijucs follets qui,
dans l'origine, venaient travailler avec les
ouvriers et leur apprendre à faire de beaux
tapis. C'est d'eux, ajoute-l-on, qu'on lient le
secret des riches couleurs.
On appelait Gobelin ce démon d'Evreux
que saint Taurin expulsa, mais qui, ayant
montré un respect p;srliculier au saint exor-
ciste, obtint la permission de ne pas retour-
ner en enfer, et continua de hanter la ville
sous diverses formes , à condition qu'il se
contenterait de jouer des tours innocents
aux bons chrétiens de l'Eure.
Le Gobelin d'Evreux semble s'être ennuyé
de ses espiègleries depuis (juo'ques années,
et il a rompu son ban pour aller tourmenter
les habitants de Caen. L'un de ces derniers
hivers, les bourgeois de la bonne ville do
Guillaume le Bâtard furent souvent effrayes
de ses apparitions. Il séiait affublé d'une
armure blanche, et se grandissait jusqu'à
pouvoir regarder à travers les fenél^res des
étages les plus élevés. Un vieux général ren-
contra ce diable importun dans un impasse
et le défia, mais Gobelin lui répondit : — Ce
n'est pas de toi que j'ai reçu ma mission, ce
n'est pas à toi que je dois en rendre com|>te.
Le général ayant insisté, six diables blancs
de la même taille sortirent tout à coup de
terre, et le général jugea prudent do J)a(tre
en retraite devant le nombre. Le journal du
département rendit justice à son courage :
mais le général n'eut pas moins besoin de
se faire saigner par le docteur Vastel. Voy.
LoTiNs, Follets. Kobold, etc.
GOBES. On appelle gobes, dans la campa-
gne, des boules sphériques que l'on trouve
quelquefois dans l'estomac des animaux ru-
minants, et qui sont formées de poils avalés
spontanément, mêlés de fourrages et agglu-
tinés par les sucs gastriqU'S. On jcrsuaderait
difficilement à la plupart des gens de la
campagne, que ces boules ne sont pas l'effet
d'un sort (3).
GODESLAS. Lorsqu'on prêcha la première
croisade dans le diocèse di; Lii'f^c , une
bulle permettant aux vieiilaids et aux infir-
mes de s'exempter du voyage de Terre-Sainte
moyennant une certaine contribution , un
meunier , nonuné Godeslas , qui était en
même temps riche, vieux et usurier, s'arran-
gea de manière qu'il ne donna que cinq
marcs d'argent pour avoir la liberté de rester
à son moulin. Ses voisins rapportèrent à celui
qui levait l'impôt que le meunier Godeslas
(2) Wiprus, In Pseudonionarchiadxinon.
{Z) Sali{ues, des lirreurs et des préjugés, i. II.
p. U.
pouv.iit donner quarante mnrcs sans se gê-
ner, et sans ilitninucr l'Iiérilage de ses en-
fants; mais il soulinl le contraire, el per-
suadas! bien le dispensateur, qu'on le laissa
tranquille. Son imposture, dit la légende, fut
punie.
Un soir que, dans le cabaret, il avait raillé
les pèlerins qui faisaient le saint voyage,
leur disant : — Il faut convenir que vous
êtes fous d'aller traverser les mers el risquer
votre vie, tandis que, pour cinq marcs d'ar-
gent, je reste dans ma maison, et que j'aurai
autantde mérite que vous ; — il advint ce qui
suit :
De retour en son logis, le meunier s'étant
couché , entendit tourner la moule de son
moulin , el toute la machine se mettre en
mouvement d'elle-même, avec le bruit accou-
lunié. Il appela le garçon, et lui dit d'aller
voir qui faisait tourner le moulin. Celui-ci y
alla, mais il fut si effrayé, qu'il rentra sans
Irop savoir ce qu'il avait vu. — Ce qui se
passe dans voire moulin m'a tellement épou-
vanté, répondil-il, que, quand on m'assora-
nurait, je n'y retournerais point.
— Fût-ce le diable, s'écria le meunier, j'i-
rai et je le verrai.
Il saute donc à bas du lit; il met ses chaus-
ses, il ouvre la porte de son moulin, il entre
et voit deux grands chevaux noirs gardés par
un nègre, qui lui dit : — Monte ce cheval, il
est préparé pour loi.
Le meunier, tremblant, cherchait à s'es-
qui>er; le diable lui cria d'une voix terrible:
— Plus de relard I ôte ta robe, el suis-moi...
Or, Godeslas portait une petite croix atta-
chée à sa robe; il ne réfléchit point que ce
signe le garantissait; il ûl ce qu'on lui com-
mandait, et grimpa sur le cheval noir, ou
pluiôi sur le démon qu'on lui disait de monter.
Le diable se jela sur l'autre cheval, et ces
quatre personnages s'éloignèrent, allant aux
enfers. Là on fit voir au meunier une chaise
enflammée, où l'on ne pouvait attendre ni
tranquillité, ni repos, et on lui dit : — Tu
vas retourner dans ta maison, lu mourras
dans Irois jours, et lu reviendras ici pour y
passer l'éternité tout entière sur cette chaise
brûlante.
A ces paroles, le diable reconduisit, Go-
deslas à son moulin. Sa femme, qui trouvait
son absence longue, se leva enfin, el fui
éionnée de le voir étendu sur le carieau,
mourant de peur. Comme il parlait de l'enfer,
du diable, de la mort, d'une chaise ardente,
on envoya chircher un prêtre pour le rassu-
rer. — Je n'ai pas besoin de me confesser,
dit-il au prêtre, mon sort est fixé. Ma chaise
est prêle, ma mort arrive dans trois jours;
ina peine est inévitable. — lit ce malheu-
;reux mourut sans vouloir se reconnaître (1).
GODWIN, — écrivain anglais qui a pu-
blié la Vie des Nécromanciens , ou histoire
des personnages les plus célèbres auxquels
(1) Osarii Heisterbach. de Conlriiione, lib. 2 Mirac.
où. 7. '
12) (.('loyer, Hist. des spectre» OU apiar. des esprits,
cil. 11 , p. 536.
GON
7.^*
on a attribué, dans les différents âge», une
puissance surnaturelle.
GOETHE, auteur du drame de Fa««f. Voy.
Faust.
GOÉTIE, art d'évoquer les esprits malfai-
sanls, pendant la nuit obscure, dans des ci-
vernes souterraines à la proximilé des tom-
beaux et des ossements des morts, avec sa-
crifice de victimes noires, herbes magiques,
lamentations , gémissements et offrande dt;
jeunes enfants dans les entrailles desquels on
cherchait l'avenir. Voy. Théurgie.
GOGUIS, démons de forme humaine qui
accompagnent les pèlerins du Japon dans
leurs voyages, les font entrer dans une ba-
lance el les contraignent de dire leurs pé-
chés. Si les pèlerins taisent une de leurs
f;iutes dans cet examen, les diables font pen-
cher la balance de sorte qu'ils ne peuvent
éviter de tomber dans un précipice où ils se
rompent tous les membres (2).
GOHORRY (Jacques), écrivain alchimiste.
Voy. Fl.AMEL.
GOITKES. Le» Arabes prétendent guérir
cette infirmité avec des amulettes. Le docteur
Abernelhy, que l'on consultait sur la manière
de dissiper un goitre, répandit :« Je crois
que le meilleur topique serait de siffler... »
GOMORY, fort et puissant duc des enfers;
il apparaît sous la forme dune femme, une
couronne ducale sur la tête, et monté sur un
chameau; il répond sur le présent, le passé
el l'avenir; il fait découvrir les trésors ca-
chés; il commande à vingt-six légions (3).
GONDERIC, roi des Vandales, qui fut, à
l'exemple de Geyseric et de Bucer, éventré
par le diable, et dont l'âme, selon les chro-
niqueurs, fut conduite en enfer (4).
GONIN. Les Français d'autrefois don-
naient le nom de maître-gonin à leurs petits
sorciers, charmeurs, escamoteurs et faiseurs
de tours de passe-passe (5).
CONTRAN. Helinand conte qu'un soldat
nommé Gontran, de la suile de Henry, ar-
chevêque de Reims, s'étant endormi en pleine
campagne, après le dîner, ci>mme il dormait
la bouche ouverte, ceux qui l'accompa-
gnaient,etqui étaientéveillés, virentsorlirdo
sa bouche une bêle blanche semblable à une
petite belette, qui s'en alla droit à un ruis-
seau assez près do là. Un homme d'armes la
voyant monter et descendre le bord du ruis-
seau pour trouver un passage, lira son ép'ée
et en fit un petit pont sur lequel elle passa el
courut plus loin....
Peu après, on la vit revenir, et le même
homme d'armes lui fit de nouveau un pont de
son épée. La bêle passa une seconde fois el
sen retourna à la bouche du dormeur, où
elle rentra....
Il se réveilla alors ; el comme on lui de-
mandait s'il n'avait point rêvé pendant son
sommeil, il répondit qu'il se trouvait fatigué
et pesant, ayant fait une longue course <■!
passé deux fois sur un pont de fer.
Wierus. In Psi'ud.omon. daeinonum.
Detancre , 'i'abl. de rincoiii>tanco des démons, «ic.
[S) Bodin, DéiDOUomunitf, p. 1<8.
niCTlONNAlKE DES SCIENCES OCCILTRS.
7Ô6
Mais ce qui est p'us merveilleux, c'est (ju'il
alla par le chemin qii'arail suivi la belette;
qu'il bêcha au pied d'une petite colline et
qu'il déterra un trésor que son âme avait vu
en songe.
Le diahle, dit Wierus, se sert souvent de ces
machinations pourtromperleshommesetleur
fdire croire que l'âme, quoique invisible, est
corporelle et meurt avec le corps; car beau-
«ioup de gens ont cru que cette bête blanche
était l'âme de ce soldat, tandis que c'était une
imposture du diable....
GOO, épreuve par le moyen de pilules de
papier que les jammabos, fakirs du Japon,
font avaler aux personnes soupçonnées d'un
Yol ou de quelque autre délit. Ce papier est
rempli de caractères magiques et de repré-
sentations d'oiseaux noirs; le Jammabos y
met ordinairement son cachet. Le peuple est
persuadé que si celui qui prend cette pilule
est coupable, il ne peut la digérer et souffre
cruellement jusqu'à ce qu'il confesse son cri-
me. Voy. Khcmano-Goo.
GORSON, l'un dos principaux démons, roi
de l'Occident; il est visible le matin à neuf
heures (1).
GOUFFRES, on en a souvent fait des ob-
jets d'effroi. Sur une montagne voisine de
Villefranche , on trouve trois gouffres ou
étangs considérables, qui sont toujours le
théâtre des orages; les habitants du pays
croient que le diable est au fond, et qu'il ne
faut qu'y jeter une pierre pour qu'il s'élève
aussitôt sur ces étangs une tempête.
GOUL, espèce de larves ou sorcières-vam-
pires qui répondentauxcmpuses des anciens.
C'est la même chose que ghole.
GOULEHO, génie de la mort chez les habi-
tants des iles des Amis. Il gouverne une sorte
de royaume sombre où se rendent les âmes.
GRAA, sorte d'immortelle (plante) que les
Islandais employaient autrefois à la magie, et
qui servait aussi à écarter les sorciers.
GRAINS BENITS. On se sert encore dans
les campagnes (et celte coutume est désap-
prouvée par l'Eglise comme superstitieuse )
de certains grains bénits qui ont la propriété
de délivrer les possédés par l'attouchement,
d'éleiudre les incendies et les embrasements,
de garantir du tonnerre, d'apaiser les tem-
pêtes, de guérir la pesie, la flèvre, la para-
lysie, de délivrer des scrupules, des inquié-
tudes d'esprit, des tentations contre la fui, du
désespoir, des magiciens et dts sorciers (2).
GRAINS DE BLE, divination du jour de
Noël. Dans plusieurs provinces du Noid, on
fait, le jour de Noël, une cérémonie qui ne
«toit pas manquer d'apprendre au juste com-
bien on aura de peine à vivre dans le courant
de l'année. Les paysans surtout pratiquent
cette divination. On se rassemble auprès d'un
grand feu, on fait rougir une plaque de fer
ronde, et, lorsqu'elle est brûlante, on y place
douze grains de blé sur douze points mar-
(|ués à la craie, auxquels on a donné les
noms des douze mois de l'année. Chaque
(1) Wierus, l'seudom. d;Ern.. p. 931.
(i) Lebrun, Hisl. des siiiiuratiiioiis, l. t", p. 397.
Î3) ïriuiiijilie dtt l'AïQOur divin ïur it.:> puisbuucct da
grain qui brûle annonce disette et rherlé dans
le mois qu'il désigne; et si Ions les grains
disparaissent, c'est le si-;ne assuré d'une an-
née de misères. Triste divinalinnl
GKAISSK DKSSOKCIERS. On assure que la
diable se sert de graisse humaine pour ses
maléfices. Les sorcières se frotlent de cette
graisse pour aller au sabbat par la chemi-
née; mais celles de France croient qu'en se
mettant un balai entre les jambes, elles sont
transportées sans graisse ni onguents. Celles
d'Italie ont toujours un bouc à la porte pour
les transfiorler.
GRALO.V. Voy. Is.
GKANUIER ( UubiiN). L'histoire d'Urbain
Grandier est encore une de ces tristes intri-
gues dont nous n'avions pas eu jns(|u'i(i la
clef. La relation des possessions où il fut itn-
pliqué a été entreprise par plusieurs écii-
vains, presque tous ignorants ou malinlen-
lionnés, surtout le calviniste Saint-Aubin,
dont V Histoire des diables de Loudun -d trompé
beaucoup de monde. Heureusement aujour-
d'hui nous avons d'autres guides. On a pu-
blié en 1839, du bon et pieux père Surin, un
livre jusque-là resté inédit (3), et qui, laissé
par un témoin irréprochable, nous permettra
d'être plus véridique.
Un couvent d'UrsuIines avait été élabli à
Loudun en 1(J2G. Sept ans après, il y éclata de
sinistres symptômes. Il y avait en de grands
procès entre d(^ux chanoines de la collégiale
de Sainte-Croix de Loudun. L'un était M. Mi-
gnon, homme sage et vertueux, el l'autre Ur-
bain Gratidier, homme lettré, spirituel, caus-
tique et plus dissipé que ne comportait sa
condition, comme disent les écrits du temps.
Il se répandait dans le monde, n'affectait pas
des mœurs fort rigoureuses, et faisait sous le
voile de l'anonyme des chansons et des pam-
phlets; ce qui convient assez p 'U à un prê-
tre. On lui attribue la brochure politique
intitulée la Cordonnière de Loudun, petit écrit
dirigé contre Richelieu.
Mignon, généralement reconnu pour un
homme de bien, fut choisi par les religieuses
pour la direction de leurs consciences. Gran-
dier, qui eût voulu avoir accès auprès de ces
dames, échoua dans tous ses efforts : aucune
ne voulut même le voir. La haine qu'il por-
tait à Mignon et le dépit qu'il conçut dès-
lors contre les Ursulines l'entrainôieut dans
une manœuvre dont on ne le croyait pas ca-
pable. Le procès qui survint l'on convain-
quit, bien qu'il n'ait jamais avoué que son
fait fût une œuvre de nsagie noire.
Citons ici une réllexion de l'éditeur du li-
vre que nous suivons (4) : « Le principal mo-
tif qui faisait nier la possession de Loudun,
était l'irupossibilité ou l'ubsurdilé prétendue
des phénomènes allégués on preuve. Cette im-
possibilité ou cetteabsurdité peut-elle être lé-
gitimement opposée, maintenant que les plus
incrédules reconnaissent, ou du moins n'o-
sent pas contester la réalité de tant d'auires
phénomènes analogues, tout aussi extruor-
l'enfcr. Avignon, Scsnin allié, 1859. I vol. in-12.
(4) iriuniplic de l'Amour divin, etc. Avis de l'&liuur
(I. XI.
757
GRA
CRA
7, M!
(liiiaii'cs, tout aussi biziirres, lout aussi pro-
digieux, ijui, dil-on, se produisent chaque
jour par le moyen du luagnélisme? »
Donc, pour Irunchor le mot, Urbain Gran-
dier résolut, non pas de magnétiser les Ursu-
lines (le mot n'existait pas encore), mais de
les ensorceler, de leur donner des diables, de
les rendre possédées, de les livrer à des con-
vulsions, et d'amener surtout cet effet qu'el-
les devinssent éprises de lui, quoiqu'elles ne
le connussent pas. Il exécuta son dessein de
cette sorte : une branche de rosier chargée
de plusieurs roses charmées ( les magnéti-
seurs comprendront parfaitement ce fait) fut
jetée dans le couvent. Toutes celles qui les
llairèrenl furent saisies d'esprits malins, et
livrées à un ensorcellement qui les faisait sou-
pirer après Urbain Grandier, qu'elles n'a-
vaient jamais vu, — Dieu permettant ainsi
cette plaie et cette perturbation de leurs sens,
pour des raisons que nous n'avons ni le
droit ni le besoin d'approfondir. Elles étaient
comme en démence, se retiraient dans les
lieux écartés, appelaient Grandier; el lors-
que, soit par une hallucination, soit par un
acte de Satan, la figure imaginaire ou réelle
de Grandier paraissait devant elles subite-
ment, elles le fuyaient avec horreur; car le
cœur de ces pauvres filles restait pur; leurs
sens étaient seuls assiégés.
Aucune d'elles ne consentit jamais aux
suggestions qui les éprouvaient.
Klignon, assisté d'un sage curé, exorcisa la
prieure, qui était en proie à d'étranges cri-
ses, el dont le corps parfois restait élevé de
terre par une puissance occulte. La chose fit
bientôt tant de bruit, qu'on dut la déférer
aux magistrats ordinaires. Le roi même, in-
struit de ce qui se passait , ordonna à Martin
de Laubardemont, intendant de la justice
dans la province, de prendre la conduite du
procès.
Cet homme, trop noirci, mit dans l'instruc-
tion la lenteur et la modération la plus loua-
ble. Il assembla pour juger un cas si grave
quatorze juges de divers présidiaux voisins,
Poitiers, Angers, Tours, Orléans, Chinon,
La Flèche, etc. Un bon religieux récollet, le
père Lactance, exorcisait les possédées en
présence de l'évèque de Poitiers et d'un
grand concours d'hommes éclairés, pendant
«lue les juges recueillaient les dépositions à
la charge de Grandier. Ou trouva sur son
corps, chose singulière I les marques dont les
sorciers ne manquaient jamais d'être tatoués.
11 fui démontré qu'il était l'auteur de la pos-
session des pauvres sœurs; et quand même
il n'eût pas été sorcier, l'enquête eût prouvé
du moins sa mauvaise vie el ses mauvaises
mœurs. On saisit dans ses papiers un livre
scandaleux qu'il écrivait contre le célibat
des prêtres. Mais on n'y trouva pas, comme
l'ont dit de mauvais plaisants, l'original du
pacte qu'il avait pu faire avec le diable; et
les pièce» qu'on a publiées dans ce genre ont
élé fabriquées après coup.
Grandier fredonnait dans sa prison une
chanson du temps : L'heureux séjour de Par-
Ihtnice et d'Alidor, lorsqu'on vint lui annon-
cer qu'il était condamné au feu; ce qui fut
exécuté sur le grand marché de Loudun.
Une bande de coibeaux, dont quelques-
uns ont fait une troupe de pigeons, volti-
geait autour du bûcher. Il paraît qu'il mourut
m:il.
Après sa mort, la possession n'étant pas vain-
cue, les exorcismes continuèrent. Lcsdémons
qii'il fallait chasser sont nommés : Asmodée,
Lévialhan, Béhémoth, Elimi, Grésil, Aman,
Basas, Astaroth, Zabulon, etc. Le père Lac-
tance mourut de fatigue; il fut remplacé par
le père Dupin; et enfin le roi chargea des jé-
suites de dompter cette hydre. Un très-saint
homme et très-instruit, le père Surin, qui
prêchait avec grands succès à Maronnes, fut
délégué à cette opération difficile. C'était un
homme frêle et maladif, mais d'une grande
piété. Il finit par obtenir une victoire com-
plôie. Toutefois il ne sortit pas de cette lutle
sans en porter de rudes cicatrices; car pen-
dant longues années, par la permission de
Dieu, dont les secrets ne nous sont pas tous
connus, le père Surin vécut obsédé et souffrit
des peines qui ont fait de sa vie un martyre.
Voy. son livre que nous avons indiqué.
GllANGE DU DIABLE. On voit encore, à
la ferme d'Hamclghem , qui appartient à
M. d'Hoogsvorth , et qui est tenue par
M. Sierckx , frère de rarclievôquo de Ma-
lines, ferme dépendante de la commune d'Os-
selt, entre Meysse et Ophem, à une bonne
lieue de Vilvorde , à trois lieues de Bruxelles ;
en allant par Laeken , on voit , dis-je , dans
cette ferme une grange , qui passe pour la
plus vaste du pays , mais qui en est assuré-
ment la plus remarquable , el qu'on appelle
la Grange du Diable [DayveVs dak).
Voici l'histoire de celle grange , qui n'est
appuyée au reste que sur des récits populaires.
Il est vrai que ces récits ont élé peu contestés,
et que la tradition orale, qui a conservé l'ori-
gine et le nom de la Grange du Diable , est
une croyance à peu près universelle dans la
contrée.
11 y a longtemps que cette grange est de-
bout ; ceux qui l'ont vu construire ne sont
plus de ce monde. 11 no nous a pas élé pos-
sible de découvrir l'époque précise où elle
fut bâtie. Alors la ferme d'Hamelgbem était
occupée par un homme laborieux et actif,
qui se nommait Jean Moulens. Il vivait heu-
reux , du produit de sa forme , qu'il cultivait
avec ses frères dont il était l'appui. Il avait
épousé une jeune femme qu'il aimait, et qui
pour la seconde fois était enceinte; les mois-
sons étaient venues riches et abondantes ;
rarement il s'était présenté une année aussi
belle; les récoltes étaient splendides ; la si-
tuation de Jean était prospère , et son
sort digne d'envie , lorsque par une cruelle
nuit du mois d'août , le tonnerre tomba sur
sa grange, et la réduisit en cendres, sans lais-
ser un débris de chevron.
G était le moment où l'on allait rentrer les
grains; de belles moissons, fruits heureux
d'une année de travaux, d'un ciel indulgeni,
d'une saison magnifique, étaient amoncelées
dans les champs dépouillés. Et tout à coup il
;59
DICTIONNAIRE DES SCIKNCES OCCULTES.
7ro
l'iir nirinqaai! un abri. Jean Meulcns , qoi
s'était courbé heureux et opulent , se levait
nvp»; la cruflie perspective d"uiie ruine rom-
plèle ; car toute sa fortune était là , expo>éc
aux pluies et à i'orage ; il n'était riche que de
ses récoltes. Il n'avait pas d'argi-nl pour re-
faire une construction assez vaste. Kl quand
mémo il tût tenu une bourse bien garnie , il
n'avait plus le temps d>! faire bâtir. Le mois
de septembre approciiailà grands pas , ame-
nant la saison des pluies. Jenn ne savait à
qui recourir, à quel saint se vouer, ni quelle
résolution prendre.
Trois jours après l'incendie de sa grange,
n'ayant pu jusque-là que se désoler , sans
aviser un parti , Jean se promenait seul , à
rentrée de la nuit , sur un chemin croisé , à
quelque distance de sa maison , rêvant Iris-
Icmcnt à la situation embarrassante où il se
irouvail , lorsqu'il vit venir à lui un homme
de moyenne taille, vêtu de velours giis de
fer, avec un chapeau à cornes galonné d'ar-
{;rnl, les pieds courts , difformes , emboîiés
(laiis de légères bottines, les mains couvertes
de gants noirs, et marchant si lestement que,
dans l'ombre du crépuscule, il paraissait glis-
ser sur le chemin de traverse.
Il s'approcha de Jean , le salua avec poli-
tesse et lui demanda le chemin de Meysse.
— Nous n'en sommes pas loin , dit le fer-
mier en sortant de sa rêverie ; je vais vous y
conduire.
L'inconnu remercia vivement ; il fit à son
guide diverses questions qui témoignaient de
i'inlérêt pour lui. Jean répondait assez vague-
ment. Il y avait quelque chose qui le glaçait
dans l'extrême pâleur de l'étranger , et dans
SCS regards fixes et ardents. Il semblait pour-
tant s'apercevoir si bien des inquiétudes du
fermier , que s'arrêtant tout à coup au pied
d'un vieux noyer séculaire, en s'appuyanl sur
sa canne pesante ,il lui demanda d'une manière
formelle, le sujet des soucis qui paraissaient
le dévorer. Jean, subjugué en quelque sorte,
n'hésita plus. Il conta à l'inconnu toute sa
peine.
—N'est-ce que cela ? dit lentement l'homme
velu de gris. Il fallait le dire plus tôt. Je suis
ri( he et puissant ; je puis vous tirer du pas
fâcheux où vous êtes.
— Oh 1 soyez béni , si vous le faites , répIi'
qua le feruiier, à ces paroles consolantes, je
ne l'oublierai de ma vie; et Dieu vous verra.
L'inconnu tressaillit; il baissa les yeux,
garda un moment le silence. Puis reprenant
la parole, comme s'il eût fait un effort : — Je
puis fournir aux frais de la construction de
votre grange, dit-il, et vous la faire même si
belle , qu'elle sera la plus grande du pays.
—J'aurais besoin qu'elle fûtgrandeen effet,
répliqua Jean; mais le temps presse. Com-
ment avoir fini assez tôt?
— J'ai des ouvriers en nombre suffisant.
S'il le faut, elle sera terminée demain malin,
avant le lever de l'aurore , avant le premier
chant du ruq.
Le fermier recula de surprise. Il se de-
manda en lui-même qui pouvait être cet
homme? Il avait ouï parler d'entrepreneurs
habiles. Jan)ais une activité comme celle
qu'on lui offrait ne lui avait semblé possible.
— L't quel prix mcltez-vous à ce service ?
demanda-t-il ; car je dois aller selon mes
forcrs.
— Un (irix assez modeste, répondit l'étran-
ger. Je suis un original , et j'ai mes idées.
V^ous me donnerez votre second fils , qui va
bientôt naître.
— Vous donner mon fils 1 dites-vous , et
qu'en voulez-vous faire?
— il sera sous n)os orilres , j'en prendrai
soin. Que pouvez-vous craindre , en le con-
fiant à un seigneur puissant qui vous enrichit?
— l'ardon, interrompit le fermier. Où peu-
vent être vos domaines ?
— Nous y serions en moins d'une heure, si
nous allions un peu vile.
Le fermier garda de nouveau le silence.
Puis il dit:— Je ne puis donner mon enfant.
— Rélléihissez , répli^iua froidement l'in-
connu ; et revenez ici dans trois jours.
Jean rentra chez lui, excessive ment préoc-
cupé. Il ne dit rien à sa femme , rien a per-
sonne ; mais il ne dormil pas de loule la nuit.
Il se creusa la tête à chercher qui pouvait
être cet homme extraordinaire. Klail-ce un
prince? un riche négociant? un sorcier? uu
démon ? Il repoussa ces dernières supposi-
tions , i-'our s'attacher à l'idée qu'il avait
aff;îire à quelque seigneur capricieux. H se
sentait de trop tendres entrailles de père pour
livrer cependant ainsi son fils au hasard ; il
se promitdene pas retourner au rendez-vous.
Mais le second jour , un grand orage vint
encore. Des torrents de pluie fondirent sur
la terre. Les récolles qui restaient sans abri en
souffrirent cruellement. Jean pleura de dou-
leur ; et songeant que sa femme et son fils
premier-né allaient bientôt languir dans la
misère , il vit avec moins d'effroi le sacrifice
de son second enfant; il pensa que peut-être
l'étranger, qui l'achetait si cher, voulait faire
son bonheur, sa fortune; qu'il avait tort de
le repousser; et il arriva au rendez-vous le
premier.
Ses réflexions étaient amères. 11 était pres-
que nuit sombre , lorsqu'il entendit un léger
bruit ; les feuilles du vieux noyer s'agitèrent
brusquement, comme s'il eût fait un vent de
tempête , quoique l'air fût tout à fait calme ;
et aussitôt Jean vit venir à lui l'homme au
chapeau galonné d'argent.
— Je n'ai qu'un instant à vousdonner, dil-
il, je retourne à Vilvorde.Que décidez-vous ?
— Je ne suis pas encore maîlre de mou
élonncment , dit le fermier. Vous pourriez
rebâtir ma grange , et la faire la plus vaste
du BrabanI, et l'avoir finie dans la nuit?
— Avant le premier chant du coq, je le
répète. Si la grange n'est pas parfaite , et si
jfe uian(|ue à quelqu'une de mes conventions,
je n'exigerai pas l'exécution des vôires.
—Et mes blés , que les pluies viennent de
gâter , vous pourriez les faire étendre , les
sécher, les rentrer?
— Tout se fera en même temps. De plus ,
voici une bourse qui renferme eu or 1001) flo-
761
GRA
GRA
7C'2
iMis. Snffira-t-elle à payer les dégâU de
l'orage d'hier?
— Oh 1 certainement , dit le fermier avec
des palpitations.
— Acceptez donc et Gnissons-en
— Mais, mon Olsl encore qu'en voulez-vous
faire?
—Ce que je fais de ceux qui vivent sous
mes ordres et (jui vont construire pour vous.
11 se nt un silemu nouveau; après quoi ,
Jean Meulens reprit:
— Quand faudra-t-ll vous le remettre?
— Je viendrai vous le demander.
—Je.... je consens, dit enfin Jean, avec un
long soupir.
— Signez ceci ; et tout sera fait , répliqua
l'homme , en sortant de sa poche une petite
feuille de parchemin , dont l'extrême blan-
cheur faisait ressortir l'écriture , dans l'obs-
curité qui commençait à devenir profonde.
— Il n'y a là que ce que nous avons dit?
demanda Meulens d'une voix tremblante.
— Pas autre chose... Le fermier lut cepen-
dant ; les caractères étaient rouges et brll-
I nls. Eu même temps l'inconnu présentait
une petite plume de fer.
—Mais nous n'avons pas d'encre , dit Jean
Meulens.
— C'est vrai. Nous y suppléerons.
Aussitôt, par un mouvement si vif qu'on eut
pu à grainrpeine le remarquer, l'inconnu, de
la poinie de sa plume de fer , piqua la main
pauihe du fermier sous le doigt annulaire ;
un peu de sang en jaillit. Il le recueillit dans
le bec de la plume: et le fermier signa d'une
main tremblante.
Dès (lu'il eut fini , l'étranger serra le par-
cheiDin et disparut, comme s'il se fût envolé.
Le fermier se croyait le jouet d'un prestige.
II redevint convaincu que son aventure était
réelle, en sentant sous sa main la bourse de
mille florins. Il retourna à sa maison, moi-
tié craignant, moitié espérant, et sentant
dans son cœur ce trouble inexprimable que
doit éprouver un homme qui , sans savoir
pourquoi, u'est pas content de lui.
il était nuit nuire lorsqu'il rentra dans la
cour de sa ferme. Il la trouva déjà remplie
d'une foule de petits êtres , minces et fluets ,
mais singulièremeut agiles, qui portaient des
poutres , des briques , du chaume , du mor-
tier, des planches. Ils travaillaient avec une
ardeur incroyable, et dans un silence si pro-
digieux, qu'on les voyait scier, fendre, frap-
per, sans entendre le moindre bruit. Le
ciment des bri(]ues se séchait aussitôt qu'il
était posé. Ou apercevait leurs travaux , qui
montaient à vue d'œil , à la lumière que je-
laienlleurs visages, d'uùsemblaient jaillir des
lueurs de l'eu.
Jean Meulens s'épouvanta. Il crut remar-
quer de petitescornes surle fronldesouvriers
lestes qui travaillaient à sa grange. Il lui
sembla (fu'iis avaient des griffes au lieu de
mains, et qu'ils voltigeaient plutôt qu'ils ne
montaient à l'échelle.
— Aurais-]*' fait pacte avecle démon ? dit-
il en lui-même, le cœur navré.
Lu rapidité de la besogne ({ui se laisait sous
ses yeux, et mille petitescirconstances inouïes
ne lui permirent bientôt plus d'en douter.
Fréinissanl à cette pensée , désespéré de
l'horreur d'avoir vendu son fils , il ouvrit
hors de lui la porte de sa maison , où sa
femme l'attendait pour souper.
Il avait les traits si décomposés, qu'elle lui
demanda pourquoi il ne montrait pas plus
de courage ; car elle attribuait encore sa dou-
leur aux fléaux dont il était victime. 11 ne
répondit rien, sinoa qu'il était malade et
qu'il ne pouvait rien prendre. La pauvre
jeune femme l'imita ; elle pleura des peines
de son mari , et après une demi-heure de
silence pénible , l'époux et la femme se mi-
rent au lit.
Le fermier ressentait des angoisses qui
l'étouffaient; en songeant à son fils qui n'était
pas né et qui devait être la proie du démon, il
s'arrachait les cheveuxetfrappaitsa poitrine
pleine de sanglots. Sa douleur était si éner-
gique, que sa femme ne pouvant en soutenir
plus longtemps le spectacle, lui dit:
— Jean , il y a quelque chose que tu me
caches. Tout n'est-il plus commun entre
nous?
Le fermier hésita à répondre. Mais enfin ,
il conta tout à sa femme, la rencontre d-
l'inconnu, le pacte signé , et la grange qui
s'élevait. La fermière tressaillit d'horreur.
Elle se leva et fil lever son mari. Minuit ve-
nait de sonner dans les paroisses voisines.
En mettant le pied dans leur cour, Jean et
sa femme virenlavec terreurleur vaste grange
achevée , les grains rangés , et cent ouvriers
agiles occupés à couvrir le toit de chaume
avec une vitesse effrayante. Sans perdre un
instant, la jeune femme, heureusement ins-
pirée,courut à la portedu poulailler et frappa
dans ses mains. Il ne restait plus au haut du
toit qu'un troud'une aune à fermer. La botte
de chaume qui devait le clore s'élançait ,
portée par un agent actif, quand aussitôt le
ci)i( chanta....
Toute la bande infernale disparut en hur-
lant....
Le jour vint ;la grange était complètement
terminée, sauf le trou de deux pieds de dia-
mètre ; et le diable avait perdu.
On a essayé vainement juscju'à ce jour de
fermer l'ouverture , laissée au haut de cette
grange. Tout ce qu'on y met le jour disparaît
la nuit. Mais cette imperfection n'a rien
d'incommode , si ce qu'où ajoute est bien
exact , que la grêle , la neige et la pluie s'y
arrêtent , comme si la grange était close par
une glace, et que rien ne pût passera travers.
Il n'y a presque pas de province où l'on
ne montre dans quelque ferme écartée une
grange mal famée , qu'on appelle la Grange
du diable. Parsuited'un pacteavec unpaysau
dans l'embarras , c'est toujours le diable qui
l'a bâtie en une nuit, et partout le chant du
coq l'a fait fuir , avant qu'il n'eût gagné sou
pari; car il y a un trou qui n'est pas cou-
vert , ou quelque autre chose qui manque à
toutes ces granges.
Voici une autre version de la même lé-
gende (et nous pourrions eu citer un gruml.
76j
DICTIONNAIRE DF.S SCIKNCES OCCULTES.
7r>i
«oinhre ) ; nous cmprunlons celle-ci aux
lirovietmdrs d'un antiquaire dans l'ancien
duché de Brahant, par M. Eugène Gens.
« Il y a à Bicrljecck, et dans tous les villa-
ges enviroiinaiil<, dans un rayon Irès-étendu,
une loculion qui dit , (|uand un travail s'est
exécuté avec une grande rapidité : « Us ont
iravaillé cunime lus diables à la Grange-
Bleue. » Or, c'est à Bierbeeckque s'est passée
riiisloire ((ui a donné lieu à ce proverbe. Le
conte fantastique de la Grange-Bleue est po-
pulaire dans tout le Brabant; il a bercé l'en-
fance de tous nos campagnards, et la terreur
que me causait son récit est demeurée avec
la complainte de Malborough, parmi les plus
vives impressions de mes premières années.
Celte tradition se reproduit, avec de légères
variantes , dans beaucoup de pays ; mais un
fait remarqualile, c'est que la Grange-Bleue
de Bierbeeck est célèbre en Allemagne ; les
paysans de Bierbeeck furent Irèsélonncs,
lors de l'invasion des alliés, en 1814, de voir
accourir par bandes , chez eux , des soldais
autrichiens et prussiens qui venaient rendre
visite à leurGiange-Bleue.Uest probable que
ce furent les Autrichiens qui emportèrent
cette tradition dans leur pays, quand ils éva-
cuèrent la Belgique. Le génie mystique de
l'Ailemagiie s'en est emparé, comme d'une
rêverie d'Hoffmann ou de Jean -Paul. La
voici (elle qu'elle charma plus d'une fois les
veillées de noire enfance ;
La Grange-Bleue.
« Il y avait une fois un paysan, (rès-richc
ei très-avare , qui s'appelait Walter. Il avait
un caractère dur et bourru (lui le faisait dé-
lester de tous ses voisins ; jamais il n'avait
donné une aumône aux pauvres : quand ils
s'adressaient à lui, il ne les accueillait qu'a-
vec des blaspiièmes, et les chassait avec du-
reté. Quand on lui disait que cela lui porte-
rail malheur , qu'il pourrait bien un jour
trouver sa ferme en flammes, et qu'à chaque
jurement qu'il faisait , le diable était là qui
guettait son âme, il ne faisait que rire de
ces propos, et quant au diable , disait-il, il
s'en moquait. Il fallut bien cependant qu'il
reconnût la vérité de ces sages discours :
sou avarice faillit occasionner sa perle, si la
sainte Vierge n'avait eu pitié de sa femme
et de ses enfants.
« Il arriva qu'une année ses champs fu-
rent couverts d'une moisson si abondante .
que le temps de la réi olle étant arrivé, il
ne sut où placer tout son grain. Déjà s;i
maison, ses greniers et sa grange étaient
encombrés, et une bonne partie restait en-
core dans la campagne. Cependant la sai-
son des pluies allait approcher, et il fal-
lait bien prendre une résolution. Laisser
pourrir son grain dans les champs était chose
impossible ; donner son superflu aux pau-
vres était un acte au-dessus de ses forces, et
bâlir une nouvelle grange répugnait à son
avarice ; et d'ailleurs, avant qu'elle n'eût été
faite, les pluies auraient détruit son blé ; al-
ler demandera un vois'in de pouvoir leplacer
chez lui, c'eût été s'exposer à un relus cer-
tain, car il n'ignorait pas que lout le niomta
le délestait. H était donc dans une grande
perplexité, et ne savait plus où donner de la
léle.
« Un soir qu'il s'en revenait seul vers le
vill.ige.plus sombre encore que de coutume, il
repassait tristement dans sa tête toutes les
causes di> son chagrin, et lout à coup il se
tordit les poings avec rage , frappa la terre
avec violence et laissa échapper un épouvan-
table blasphème. Alors il entendit un éclat
de rirequi retentit derrière lui; il se retourna,
et il vit un étranger qui avait de fort beaux
habits. Celui-ci l'aborda en riant et lui dit :
« — Camarade, il parait que tu as du cha-
grin cl que ta patience n'est pas longue.
u — Elle l'est si peu, répondit Walter avec
colère, que je n'ai jamais souffert qu'on se
moquât de moi. — El déjà il serrait son bâton
en signe de menace ; mais quand il eut ren-
contré les yeux de l'étranger, son bàlon lui
tomba des mains. Il continua d'un ton brus-
que : — Passez votre chc.uiu; si j'ai du cha-
grin, cela ne regarde que moi seul.
« — Allons, allons , camarad.', tu n'as pas
plus de raison qu'un poulain qu'on veut fer-
rer. Calme-toi et conte-moi plutôt tes em-
barras ; nous aviserons ensemble au moyen
d'y remédier.
« — Ce serait inutile ; mon malheur est
lel que personne ne pourrait y remédier, et
vous pas plus que moi.
« — Voilà la première fois qu'on me dit
cela. Je peux tout.
« — Tuut ? dit Walter en riant à son
tour.
« — Tout, reprit gravement l'étranger.
« — Eh bien 1 si vous pouvez tout, voyons
si vous sauverez mon grain 1
« — Pour sauver ton grain, il ne le faut
qu'une grange, et je puis l'en faire une.
« — Oui , mais il m'en faudrait une pour
demain.
« — Tu l'auras.
« — Pour demain malin?
« — Pour demain malin, mais à une con-
dition : il me faut ton âme.
« — Mon âme ! s'écria Walter qui ne riait
plus, mais (jui donc êtes-vous ?
« — Satan.
« Et alors Walter le regarda avec terreur,
et il vil que les yeux de l'étranger luisaient
dans l'ombre comme deux charbons ardents,
et qu'au lieu de pieds, il avait de grandes
griffes d'oisi au. Un moment son avarice fut
balancée parla peur, mais ce fuU'avarice qui
l'emporta.
« Èh bien 1 dit-il, après un moment de si-
lence, j'accepte ton marché, Satan 1 mais il
faut que ma grange soii faite demain, avant
le premier chant du coq ; alors je te livrerai
mon âme. Dis-moi ce qu'il faut faire pour
conclure notre pacte.
« — Revenez ici ce soir, à l'endroit où ces
deux chemins se croisent ; tracez un cercle
dont le centre se trouve au milieu des deux
chemins; faites trois fois le tour du cercle à
reculons, en récitant le /'ai«r à rebours; lu z
une poule noire, et répétez à haute voix les
7!!5 (;RA
torirtos et [es conditions de noire marché.
« A l'instant mémo , l'élranger dispnrul ,
et une odeur de fumée se répandit dans les
environs.
« Walter fil ce que Sal;m lui avait ordonné;
il retourna au carrofour, Iraça un cercle, le
parcourut trois fois à reculons et récita le
Pater à rebours. Il tua une poule noire, et
répéta les termes du marché.
« Mais la nuit venue , Walter ne pouvait
dormir: le fatal marché lui revenait sans
cesse à la mémoire. Encore quelques heures,
p( nsait il, et il allait être damné sans rémis-
sion; plus de joie, plus de repos pour lui ; sa
pauvre âme était perdue I Et pour(iuoi? pour
quelques misérables gerbes de bléIQiie fera-
t-il désormais de sa richesse? pourra-t-il en
{'ouir encore quand il aura toujonrs devant
ni Satan prêt à saisir sa proie? Et il se re-
tournait dans son lit, ne pouvant demeurer
un instant dans la même position, et il gé-
missait douloureusement. Sa femme qui
s'aporçul de son agitation, lui demanda ce
qu'il avait, et pour()uoi il soupirait ainsi. Il
conta alors à sa femme lont ce qui était ar-
livé. En entendant ce récit, elle fit un grand
signe de croix, et elle dit à son mari :
« — Comment, Walter, tu as vendu ton
âme pour avoir une grange 1
« — Oui, femme; au preniier chant du coq
ma grange sera faiie, mais je serai damné!
« — Malheureux 1 dil-elle, je vais prier
pour loi.
« Alors elle récita une courte prière, et la
sainte Vierge ( comme elle l'a avoué ) lui
inspira un projet qui lui donna l'espoir de
sauver l'âme de son mari. Elle s'habilla et
descendit dans la cour, tenant d'une main
une lanterne et de l'autre un tablier. Elle vit
de loin dans le jardin la grange (jui s'éle-
vait, et les ouvriers infernaux qui travail-
laient avec une ardeur ineroyable, dans un
silence de mort. Elle marcha droit au pou-
lailler, tenant sa lanterne derrière le tablier,
cl, comme elle l'avait prévu, le coq, trompé
par celte lumière qu'il prit pour celle de
l'aurore, se mit à chanter. Aussitôt on en-
tendit un bruit épouvantable; tout le jardin
parut en feu ; les démons descendirent pré-
cipitamment de la grange en se renversant
les uns les autres et en poussant des cla-
meurs de rage, parce qu'ils n'avaient pu
achever la grange avant le premier chant du
coq. La terre s'enlr'ouvrit et les démons s'y
engloutirent.
« Ainsi fut sauvée l'âme de Walter.
« Sa grange était sur le point d'élre ache-
vée ; il ne restait plus qu'une ouverture
près du toit et personne n'a jamais pu bou-
cher celte ouvcriure. Si vous allez à Bier-
bceck, vous la verrez vous-même.
« Telle est l'histoire de la Grange-Bleue.
« La Grange-Bleue existe encore à Bier-
beeck; elle est située près d'une ferme sur
le chemin d'Opvelp. C'est une conslruclion
fort surprenanle. La charpente est formée
d'arbres entiers, employés avec leurs bran-
ches et leurs racines; tous les angles, même
ceux de la jonction du toit et dos murs, sont
GRA
me
arrondis. Vers le haut est une ourerture, et
les paysans affirment gravement (ju'il est
iuipossible de la fermer; que chaque fois
qu'on l'a essayé, ils ont trouvé détruit le
lendemain l'ouvrage de la veille. J'ai vu la
grange et l'ouverture, mais je n'ai pas es-
sayé de vérifier celte dernière assertion.
« Un fait qui paraît certain, c'est que cette
grange fut élevée dans l'espace d'une nuit.
JavDue que je serais fort embarrassé d'assi-
gner à celte étrange construction une origine
plus raisonnable que celle que la tradition
lui assigne.
« Mais pourquoi cette grange s'appelle-t-
eilo a la Grange-Bleue? yi C'est ce que per-
sonne n'a pu médire. »
GKANSON.Paul Diacre (tfàt. Longob.) fait
ce conte : Deux seigneurs lombards, nom-
mée Aldon et Granson, ayant déplu à Cuni-
bert, roi de Lombardie, ce prince résolut de
les faire mourir. Il s'entretenait de ce projet
avec son favori, lorsqu'une grosse mouche
vint se planter surson front et le piqua vive-
ment; Cuniberl chassa l'insecte, qui revint à
la charge, et qui l'importuna jusqu'à le met-
Iredansune grande colère. Le favori, voyant
son maître irrité, ferma la fenêtre pour em-
pêcher l'ennemi de sortir, et se mit à pour-
suivre la mouche, pendant que le roi tira
son poignard pour la tuer. Après avoir sué
bien longtemps, Cuniberl joignit l'insecte
fugitif, le frappa; mais il ne lui coupa ((u'une
patte , et la mouche disparut. — Au même
instant Aldon etGranson, ijui étaient ensem-
ble, virent apparaître devant eux une es-
pèce d'hon)mequi semblait épuisé de fatigue
et qui avait une jambe de bois. Cet homme
les avertit du projet du roi Cuniberl, leur
conseilla de fuir, et s'évanouit tout aussitôt.
Les deux seigneurs rendirent grâces à l'es-
pril de ce qu'il faisait pour eux; après quoi
ils s'éloignèrent comme l'exigeaient les cir-
constances.
GRATAROLE ( Guillaume ), médecin du
seizième siècle, mort en 15G8. Il esl auteur
d'un ouvrage inlilulé: Observations des di/fé-
renies parties du corps de Hiomme pour juger
de ses facultés morales (1). Bâie, 1554, in-8".
Il a composé aussi sur l'Antéchrist un ou-
vrage que nous ne connaissons pas; enfin
des traités sur l'alchimie et sur l'art de faire
des almanachs.
GRATIANNE (Jeannette), habitante de
Sibour ou Siboro, au commencement du dix-
septième siècle ; accusée de sorcellerie à l'âge
de seize ans, elle déposa qu'elle avait été
menée au sabbat ; qu'un jour le diable lui
avait arraché un bijou de cuivre qu'elle por-
tail au cou ; ce bijou avait la forme d'un poing
serré, le pouce passé entre les doigts, ce que
les femmes du pays regardaient comme un
préservatif contre toute fascination et sorti-
lège. Aussi le diable ne le put emporter, mais
le laissa près de la porte. Elle assura aussi
(m'en revenant un jour du sabbat, elle avait
vu le diable en forme d'homme noir, avec
six cornes sur la tète, une queue au der-
(I) De pnelictione inoium nalniaruimiue homiumn l'a-
cili ut i!iS|ieclioiic pai'Uum curpuris.
707
DlCTIONNAinE DES SCIENCES OCCULTES.
70.1
rière, deux visnges, etc.; qu'nyanl été pré-
sentée à lui , elle en avait reçu uiir grosse
poignée d'or; qu'il l'avait fait renoncer à
son Créateur, à la siinle V'icrgc, à tous les
saints et à tous ses parents (I). • ..
GRATIDIA, deTineresse qui trompa Pom-
pée , conitno le rapporte lloraco : car lui
ayant demandé l'issue delà guerre? de Pliar-
sale, elle l'assura qu'il serait victorieux ;
néanmoins il fut vaincu (3).
GRATOULET , insigne sorcier qui appre-
nait le secret d'enibarrcr ou non«r l'aiguil-
lelte , et qui s'était vendu à Bdzebuth. Il
donna des leçons de sorcellerie à Pierre Au-
petit, condaniné en 1598.
GREATRAKES (Valentin), empirique qui
fit du bruit en Angleterre dans le dix-sep-
tième siècle; il était né en Irlande en 1G28.
On ignore la date de sa mort. Il remplit de
brillants emplois, mais il avait ta tète déran-
gée. En 1(162, il lui sembla entendre une
voix lui dire qu'il avait le don de guérir
les écrouelles; il voulut en user et se crut
môme appelé à traiter toutes les maladies:
ce qui lui attira une grande célébrité. Ce-
pendant une sentence de la cour de l'évê-
que de Li'^more lui défendit de guérir.
Sa méthode consistait à appliepipr les
mains sur la partie malade elâ faire de légè-
res frictions de haut en bas; élait-ce du
magnétisiiie? Il touchait néme les possédés,
qui tombaient d-ins des convulsions aussitôt
qu'ils le voyaient ou l'enlendiient parler.
Plusieurs écrivains se moquèrent de lui.
Saint- Évreniont écrivit contre lacoutiance
qu'on lui accordait. Mais Greatrakes a eu
des défenseurs, et Deleuze, dans son //j'stoî're
du magnétisme animal, l'a présenté sous un
jour qui fait voir que c'était en effet un ma-
gnétiseur.
GRÉGOIRE VII (saint), l'un des plus
grands papes, sauva l'Europe au onzième
siècle. Comme il fit de grandes choses pour
l'unité, il eut des ennemis dans tous les hé-
rétiques, et en dernier lieu dans les prole-
stants, qui l'accusèrent de magie et même
de commerce avec le diable. Leurs menson-
ge-> furent stupidement répétés par les catho-
liques. Ce saint pape vient d'être bien vengé;
car l'histoire qui lui rend justice enfin est
écrite par un protestant (Voigt).
GRELE. Chez les Romains, lorsqu'une
nuée paraissait disposée à se résoudre en
grêle, on immolait des agneaux ; ou par
quelque incision à un doigt on en faisait
sortir du sang, dont la vapeur , montant
jusqu'à la nuée, l'écirtait ou la dissipait en-
tièrement : ce que Sénèque réfute comme
une folie (3).
GRENIER (Je4k), loup-garou qui flo-
rissait vers l'an IGOO. Accusé d'avoir mangé
des enfants, par Jeanne Garibaul et par
d'autres, quoiqu'il eût à peine quinze ans,
il avoua (|u'il était fils d'un prêtre noir
(1) Delanctf, Tabl. de l'iiicoiistance dosdéinuns, elc,
liv. IV, p. 152.
(2j Idem, ilwl., liv. ii. p. 53.
(T \ Lebrun, l. I", p. olii.
(4\ M. Jule:> Gikriuet, tli&loire de la magie en France,
(prêtre du sabbat), qui portait une peau do
loup ('») , et qui lui avait appris le métier.
On ne sait ce que devint ce jeune homme.
Voy. Poirier et Pierre Labourait.
GRENOUILLE. On n'ignore pas cet admi-
rable secret des pay>ans, que la grenouille
di'S buissons, coupéi; et mise sur les reins,
fait tellement uriner, que l-'s hydropiques en
sont guéris Voy. Messie des JniFs,
Tremblement de terre, etc.
Mais il y a sur les grenouilles d'autres cu-
riosités. Nous allons exposer ici les singu-
lières excentricités qu'ellcjs ont inspirées à
des philosophes allemands (5).
On sait qu'en général ces philosophes (jiii
repoussent la révélation ne repoussent ja-
mais aucune rêverie.
« Lavater a calculé d'instinct, disent-ils,
lorsqu'il a fait voir combien peu de tran-
sitions deviennent nécessaires pour con-
duire un profil de grenouille au profil ma-
gnifique de l'Apollon du Belvédère qui est,
dit-on, le beau idéal. Vingt-quatre géné-
rations qui se perfectionneraient avec per-
sévérance arriveraient en effet du type cra-
paud au type Apollon; et l'on voit tous les
jours, à l'appui de cette ass-îriion, des vil-
lages oîi l'espèce est laide, s'embellir pro-
gressivement, dès qu'il arrive quelques
circonstances favorables qui pressentie ré-
sultat.
« Il est vrai cjuc l'étude de Lavater eût
pu se faire sur un chien ou sur un c.i-
nard, aussi bien que sur une grenouille;
mais suivons nos philosophes.
« Ainsi en y réfliichissant , pour peu que
vous soyez disposé à admettre la nouvelle
doctrine d'un grand savant de l'Allemagne,
vous pourrez bien supposer avec lui que
le monde autrefois était couvert par les
eaux; qu'il n'avait que des habitants aqua-
tiques, et qu'après qu'il se fut un peu séché,
les premiers hôtes de l'élément solide fu-
rent des grenouilles. Il raisonne très-cu-
rieusement là-!essus;et les suppositions sont
un champ vaste et commode.
<( Ainsi, il ne faut plus que nous soyons
surpris de voir tant de nos frères ressem-
bler à des crapauds. La figure s'est un pou
arrondie: mais nous avons encore les bras
et les jambes de notre origine; nous nageons
comme la grenouille ; nous avons pris pour
l'agilité un juste milieu entre la grenouille
et le crapaud ; nous avons fait «les idiomes;
inventé l'imprimerie et les voilures à vapeur;
mais nous avons perdu Ihabitudo de la vie
aa;phibie. Voilà du moins ce que dit le docte
allemand.
« Un autre savant, Christian-Emmanuel
Hoppius, nous assignait, au dernier siècle,
une origine différente. Dans une dissertation
que co savant lui à l'Académie d Upsal, le
6 septembre 17i;6, Académie où présidait
alors Charles Linné , Hoppius démontra que
nous descendions du singe.... Notre devoir
(o) Le niorceaii qui siiil rsl détactié d'un préambule du
nouveau diciionnairi! des alhée» eldes iiliiiosoi)hes,pul)liB
par l'auteur de cel ouvrage.
7';9
CRR
:;re
770
d'iuiparlialilé, ilans la reclierche des belles
choses, nous oblige à faire connaître les
idées profondes du pri\seur Hoppius.
n 11 appelle anlhropoinorpbes, de deu» mots
grecs qui veulent dire fi jure d'homme , les
singes qui nous ressemblent, c'est-à-dire, se-
lon lui, les singes sans queue. De lous les
élres qui existent sur la terre, dit-il, aucun
genre ne se rapproche plus de l'Iioinine que
celui des singes. Leur face, leurs mains, leurs
pieds, leurs bras, leurs jambes, leur poitrine,
leur intérieur, ont une grande similitude
avec les nôtres. Leurs mœurs, les tours cl
les espiègleries qu'ils inventent, surtout leur
penchant à l'imitation, tout concourt aies
présenter si semblables à nous, qu'il serait
dilîicile en certain cas d'établir la différence
entre l'homme et le singe...
«Quelques personnes ne seront pas de mon
avis, poursuit le savant. Si ces hommes diffi-
ciles veulent comparer les jeunes élégants de
l'Europe aux Hotlentots qui habitent le cap
de Bonne-Espérance, s'ils mettent une belle
dan)edela courauprès d'une hideusesauvage,
ils trouveront dans ces deux espèces plus de
différence qu'entre l'homme et le singe pris
généralement. Une poire des bois, âcreetpier-
rouse, ce fruit horrible qui vous étrangle,
ressemble-t-il à la succulente poire de Si (ji-r-
main, à la poire sucrée de Messire-Jean? C'est
pourtant le même arbre.
« Venons en aide au savant profond, puis-
qu'on dit que les Allemands le sont. On a
trouvé en Hongrie, il y a peu d'onnées, une
jeune Glle élevée par une ourse. Nous en es-
périons des nouvelles qui ont manqué. M;iis
nn semblable cas eut lieu en 16G1, dans une
forêt de laLilhuanie, et Valmont-de-Bomare
(article homme sauvage) dit qu'on ne put ja-
mais apprivoiser le féroce petit Lithuanien
pris parmi les ours. Beaucoup de faits pareils
prouvent que l'homme , dans l'état brut ,
est quelque chose comme le singe de mau-
vaise espèce (nous continuons à ne pas rai-
sonner denous-méme). Philippe Camérarius
raconte qu'en 1551 , on trouva dans la Hesse,
parmi les loups, un petit garçon que les loups
avaient élevé. Ils le nourrissaient, dit-il, des
meilleurs morceaux de leur proie ; ils l'a-
vaient naturellement laissé marchera quatre
pattes; il courait avec eux, les suivait au trot
et faisait les sauts les plus légers : il se cou-
chait dans un Irou avec ses camarades les
loups. On le prit, on le mena à la cour du
landgrave de Hess •; mais il préféra toujours
la manière de vivre des loups à celle des
hommes. On ne put pas l'accoutu'oerà mar-
cher sur deux pieds, et on ne le forçait à se
tenir debout, <tu'cn lui liantdcs morceaux de
bois autour du corps..,.
« Le même Camérarius parle d'un autre
enfant, trouvé à Bamberg . parmi des bœufs
sauvages, à la fin du seizième siècle ; il ne
marchait qu'a quatre pattes. Dans cette alti-
tude, il se battait à coups de dents avec les
plus grands cliiens, et les mettait en fuite.
Nicolas Tulp cite un autre enfant , élevé par
lies brebis sauvages , et trouvé dans une con-
tiec déserte de l'Islande. Il mangeait de
riierbe et du foin qu'il choisissait à l'odorat ;
au lieu de parler, il bêlait, comme les petits
Egyptiens que Psamméticus avait fait nourrir
par des chèvres. On ne l'apprivoisa qne diffi-
cilement et fort tard. Tulp dit l'avoir vu, à
seize ans, à Amsterdam.
« Nous citerions une foule d'histoires sem-
blables. Tout le monde a lu , dans Racine
fils, le récit de la jeune fille sauvage, trou-
vée en 1731 , à Ghâlons-sur-Marne ; elle
avait dix ans : elle grimpait aux arbres,
sautait de branches en branchis, comme un
écureuil , se nourrissait de fruits , de gre-
nouilles et de poissons qu'elle attrapait : on
put la civiliser un peu , et elle apprit lo
français.
« On a tiré grand parti de cette dernière
circonstance, poursuivent nos savants. On a
soutenu qu'un singe n'aurait jamais pu par-
ler :cela n'est pas démontré complètement...
Linné dit avoir connu un chien qui parlait.
Assurément ce chien en progrès n'aurait pas
fait des discours de tribune , et n'aurait pas
pu jouer la comédie. Il ne devinait pas do
charades et ne faisait pas de calembourgs ;
mais il demandait du café, du chocolat , du
pain.... (c'est-à-dire, qu'il faisait entendre
quelques sons qu'on voulait bien inter-
préter ).
« Des renseignements que des doctes ont
pris là-dessus, avec assez de peine, leur ont
fait connaître que ce chien -parleur, qu'ils
n'ont pas entendu , avait la bouche petite ;
et c'est là, disent- ils, tout le secret. Cousez
la bouche trop grande d'un chien , et soyez
sûr qu'il parlera ; fendez la bouche d'un
homme, jusqu'aux oreilles, et vous verrez s'il
peut faire autre chose qu'aboyer. Les singes
ont. comme les chiens, la bouche faite de
manière à perdre les sons et à n'exhaler que
des cris....
« On voit que les savants de la Germanie
vont un peu devant eux. Us ne songent pas
que, chez les hommes, les sourds-muets
parlent sans le secours de la bouche.
« Revenons à nos petits sauvages. Il est
constant que tous ceux qu'on trouva étaient
velus, qu'ils marchaient à quatre pattes,
qu'ils se servaient également bien des pieds
et des mains, pour courir ; qu'ils grimpaictit
aux arbres avec une agilité singulière ; qu'ils
étaient stupéfaits d'étonnement , à l'aspect
des hommes , et qu'il était difficile de les dis-
tinguer des singes. On voit qu'ici nous ne
raisonnons avec nos doctes que matière et
physique. Des naturalistes ont voulu trou-
ver des différences , en disant que dans les
singes, les mains et les pieds se ressem-
blaient, et ils ont appelé des singes quadru-
manes ; mais il en était à peu près ainsi des
enfants trouvés dans les bois. L'd peu près
est naïf.
« Et de même qu'il y a dans l'espèce hu-
maine plusieurs degrés, depuis l'homme de
cour jusqu'au Hotlenlot, comme nous avons
dit, il y a dans les singes plusieurs classes
dont les dernières sont plus éloignées de nous
ressembler. Nous ne voulons pas encore com-
parer les hommes au singe à grande queue ;
Î7<
WCTIONNAIRF. DF.S SCIENCES OCCULTES.
77-i
mais les singes sans queue n'i)nt qu'un pas
a faire pour être des hommes sauvages , ri
les hommes sauvages ont de grands échelons
à mouler pour devenir fa^hionables. Seule-
ment il est singulier que les singes sans
<|ueue ne fasseiU point le seul pas qu'ils ont
à faire pour être des liomines.
« On jugera par des détails de la ressem-
tdancc physique qui se trouve entre le singe
et riiomme. Le singe a les épaules parlagées
par des elavictiles , les mains divisées en
•loigts armés d'ongles arrondis ; il marche
IVéqueminent sur ses seuls pieds de derrière;
il prend sa nourriture avec les mains , el la
porte à sa bouche. Il est , coinn»e nous, Car-
nivore, hardi , voleur, effronlé, rancunier,
méchant : comparaison flatteuse dans le fond
et dans la forme.
« A rencontre des autres bêles, les singes
connaissent et chérissenl leurs cnfanis ,
•luand leurs enfants n'ont plus besoin d'eux
(l'exceplion est fausse).
« Nicol.is Tulp décrit une guenon de la
elasse dite des satyres, qui fut amenée en
Hollande à la On dii seizième siècle : elle
avait près de cinq pieds de haut ; elle pre-
nait un vase à boire d'une main , soulevait
le couver(;le de l'autre, et s'essuyait la bou-
rbe, après avoir bu. En s'allant coucher, elle
posait sa tête sur l'oreiller, s'enveloppait
d'une couverture, et dormait tranquille,
comme une femme bien élevée...
« Une autre famille de singes, les troglo-
dytes, ue nous ressemblent pas moins. Dans
plusieurs contrées des Indes orientales, on
s'en sert comme de demi-domesliques (1).
Kopping dit en avoir vu un qui suivait
comme un laquais un capitaine de vaisseau ;
il levait les pieds très-haut en marchant ,
parce que. venant des montagnes, il n'avait
pas l'habitude de marcher sur un pavé plat.
Uumphius raconte qu'il a possédé huit ans
lin de ces singes ; mais les observations qu'il
avait écrites sur ces animaux sont perdues.
« Buffon parle d'un orang-outang qui se
tenait gravement sur ses deux pieds et vivait
à Paris. Je l'ai vu. dit-il, s'asseoir à table,
déployer sa serviette, s'en essuyer les lèvres,
se servir de la cuiller et de la fourchette
pour porter les mets à sa bouche, verser lui-
même sa boisson dans un verre, le choquer
lorsqu'il y élait invité , aller prendre une
lasse et une soucoupe, l'apporter sur la ta-
ble, y mettre du sucre, y verser du thé,
le laisser refroidir pour le boire, et tout cela
sans autre instigation que les signes et la
parole de son maître, et souvent de lui-même,
j'ai vu cet animal présenter sa main poui-
reconduire les gens qui venaient le visiter,
se promener gravement avec eux el comme
de compagnie : il no faisait de mal à per-
sonne ; s'approchait même avec circonspec-
lioa, et se présentait comme pour demander
des caresses. Il aimait prodigieusement les
bonbons ; tout le monde lui en donnait , et
comme il avait une toux fréquente et la poi-
trine attaquée, cette grande quantité de
{l)l.ps Kangourous fom ic iiiôine office k la NouveUe-
ZOlaudo.
choses sucrées contribua sans doute à abré-
ger sa vie. Il ne vécut à Paris qu'un été, et
mourut l'hiver suivant à Londres.
« Léguât cite une guenon qu'il connut et
qui, lorsqu'elle avait mal à la tête, se la ser-
rait d'un mouchoir et s'allait coucher dan.s
son lit, qu'elle faisait elle-même...
« On citerait des volumes de ces anecdotes
exagérées. Il n'y avait pas longtoinps qu'on
voyait dans les rues de Paris un singe de
deux pieds et demi, connu sous le nom du
Jean-Bonhomme. Il balayait les pavés, bros-
sait les habits, cirait les bottes, sollicitait une
pièce de monnaie , envoyait un baiser pour
re iiercîment, saluait en iôtant sa toque, pré-
sentait son passeport quand on lui deinan-
<lait ses papiers, et le remettait soigneuse-
ment dans sa poche, car il élait habillé. Ce
singe a même fait, par ses gentillesses, la joie
de plusieurs bals. Ou n'a pas pensé en Franco
que ce fût un homme. Les penseurs alle-
mands se fussent extasiés.
« Il est surprenant, disent-ils, qu'on ne se
soit pas plus occupé d'étudier ce ()iii fait l'ob-
jet de cet article. Ce n'est qu'aux Indes qu'on
peut observer les troglodytes ; il serait facile
à un roi à qui tant d'hommes cherc lient à
plaire, de possédei" quelques familles de celte
espèce de singes, el d'ordonner là-dessus des
élucubraîio-is ; mais on les a faites, el on a
trouvé qu'il fallait renvoyer les philosophes
de Germanie aux Javanais, les<iuels disent
que les singes pourraient parler, mais qu'ils
ne le veulent pas, de peur d'être obligés à
travailler...
« Nous avons cilé Hoppius, qui a de très-
larges épaules. C'est au lecteur à se faire sur
lui une opinion. Nous n'avons ajouté à la
doctrine du savant que des aiienlutes.
« Nous pourrions être bien plus longs si
nous voulions suivre complélemeiU et dans
tous leurs détails les raisonnements de Hop-
pius. Millin s'était proposé de lui répondre.
Persuadé que l'élève de Linné avait une ma-
nière de voir très-arriérée, Millin comptait à
son tour prouver que l'honmie perfectionné
ne ressemble pas le moins du monde au singe.
o Mais voici que M. Schneitz, un autre Al-
lemand, adoptant le système qui nous fait
descendre des grenouilles, épouse en mémo
temps l'opinion de Hoppius. Seulement, à
l'exemple du conciliateur dans la querelle
des deux frères, de CoUin d'Harlcville :
Allons chez le uolaire en passant par le mail,
« M. Schneitz nous fait descendre de la gre-
nouille en passant par le singe, qui est, dit-il,
le crapaud un peu avancé, comme nous som-
mes, nous autres, des singes très-aniéliorés.
« Les pauvres savants, en rejetant la révé-
lation, n'uni pas vu qu'ils ne pouvaient que
déraisonner. La parole les arrêtera toujours.
Dans les premières années du dix-neuvième
siècle, M. de Bonuld émit sur le langage une
théorie qui posait admirablement la question
en faveur de la tradition chrétienne.
« Celle question du langage avait été, dit
M. Camille Baxlon, un grand embarras pour
k's pivilosophcs matérialistes du dix-huilième
773
cm
CRI
77-.I
siècle qui, bien que Irès-ciiffércnts de Descar-
tes, rcleviiienl de lui ce[UMi(iant en ce qu'ils
prenaienl pour point de départ de tous leurs
systèmes la facuKé qu'a l'individu de trouver
la vérité |)ar lui-même et sans secours exlé-
rieur,(l). Dans leurs tentatives pour prouver
que l'homiue était né du liuion de la terre ,
comme en naissent encore aujourd'hui les
plus vils des reptiles et des insectes, (lu'il
avait passé par un état d'animalité absolue,
el de cet état s'était élevé par de lents degrés
jusqu'à son état présent, ils ne purent réus-
sir à expliquer conunent il avait inventé le
langage; ce fut conune une impasse où tous
leurs efforts ne purent leur faire découvrir
une issue.
« M. de Bonald, les reprenant par ce côlé
faible, posa comme un point inconlestable
l'impossibilité de l'invention du langage, et
comme conséquence nécessaire la révélation
de la parole. .Mais ce ne fut pas tout. Après
avoir ainsi retnis aux mains de Dieu et à
celles de la société, héritière des traditions
que Dieu a déposées dans son sein, cette
belle faculté du langage parlé, qui dislingue
extérieurement l'homme de la brute, et qui
est, on le savait déjà, l'élément le plus in-
dispensable du progrès, M. de Bonald lui
donna encore une valeur bien supérieure.
li l'identiQa complètement avec la pensée.
Crlle-ci, selon lui, sommeillerait éternelle-
ment, si elle n'était éveillée par la parole ex-
térieure; el une fois éveillée, ce n'est encore
<iu'à l'aide de celle parole apprise qu'elle
peut se produire, même dans l'iionime inté-
rieur, qui u'a d'idées qu'à condition de se
parler à lui-même. On connaît la phrase de
M. de Bonald : « L'homme pense sa parole
avant de parlir sa pensée. » Ainsi par celte
théorie l'homme se trouva dépendant, non-
seulement pour l'expression de la pensée,
mais pour la pensée même, de la société.
Sans son secours il resterait toujours dans
un état de torpeur, d'immobilité ; il serait
enfin conune s'il n'était p^is. M. de Bo-
nald ne niait pourtant pas les idées innées.
« Notre enlcndemenl, dit-il dans un des plus
beaux passages de son livre , est un lieu
obscur où nous n'apercevons aucune idée,
pas même celle de notre intelligence, jusqu'à
ce que la parole, pénétrant par les sens de
l'ou'ie et de la vue, porte la lumière dans les
ténèbres, cl appelle pour ainsi dire chaque
idée qui répond, comme les étoiles dans Job :
Me voilà I »
« Mais sur ses traces apparut bientôt un
autre esprit doué d'une faculté d'expression
supérieure , d'une dialectique encore plus
pressante, d'une originalité de pensée égale
peut-être, l'abbé de Lamennais. Celui-ci fit
yjUssui sur l'indifférence, pour prouver que la
règle de la certitude est dans le sens commun,
c'esl-à-dirc, dans les croyances universelles,
(t) It y a deux siècles que Réué Descartes, incitant de
côlé toutes les (loctriues de l'école , toute autorité , toute
iraililiuu, tout eiiselgiieiiieut exléi ii'up, toute notion reçue
(lu lU'Ijois, posa en principe quecliuque Individu trouvait,
dans la conscience de sa facutié de peiiscp, b puissance
de conclure à la réalité de son existence, pni< dp celle-ci
aux exiblences extérieures, puis des e>.istonces exté-
dans les croyances de la société, en donnant
à ce mol son acception la plus étendue. « Ap-
pelons vérité, dit-il, ce à quoi l'esprit de la
généralité adhère partout et loiijours. » Ce
n'émit là que poser la conséquence immé-
diate el nécessaire du système de M. de Bo-
nald ; mais celui qui la posait agit avec une
bien plus grande audace que ne l'avaient
fait ses devanciers. M. de Bonald avait res-
pecté Descaries; l'abbé de Lamennais le sai-
sit corps à corps et engagea avec lui une
lulte dont il ne se reposa que quand il crut
l'avoir terrassé. M. de Bonald avait reconnu
dans l'individu, en la paralysant, il est vrai, la
faculté innée de penser. L'abbé de Lamennais
nia, pour l'individu, la réalité de la sensa-
tion, du sentiment, de la pensée, ou ce qui
revient au même, !a possibilité de se convain-
cre de cette réalité (2). «Vous avoiieiez que le
singe et la grenouille sont un peu loin de
tout rpla.
GUIFFON. Brown assure qu'il y a des
giilToiis, c'esl-à-dire, des animaux mixtes,
qui par devant ressemblent à l'aigle et par
derrière au lion, avec des oreilles droites ,
quatre pieds et une large (lueuc.
GRIGRI. Démon familier que l'on voit chez
les Américains, et surtout dans les foréls du
Canada el de la Guinée.
GRILLANDUS (Paul), Casiillan , auteur
d'un traité des Maléfices [De malcficiis), pu-
bliéàLyon en 1535, d'un traité des Sortilèges,
des Lamies, de la Torture, etc., Lyon, 1536,
et de quelques autres ouvrages de ce genre.
11 conte quelque part qu'un avocat ayant été
noué I ar un puissant maléfice, que nul art
de médecine ne pouvait secourir, eut recours
à un magicien qui lui fit prendre, avant du
dormir, une certaine potion, et lui dit de ne
s'effrayer de rien. A onze heures et demie de
la nuit survint un violent orage accompagné
d'éclairs ; l'avocat crut d'abord que la mai-
son lui tombait sur le dos ; il entendit bientôt
de grands cris, des géuiissements, et vit dans
sa chambre une multitude de personnes qui
se iiaeurtrissaient à coups de poing et à coups
de pied , et se déchiraient avec les ongles et
les dents ; il reconnut une certaine fiume
d'un village voisin, qui avait la réputation
de sorcière, et qu'il soupçonnail de lui avoir
donné son mal ; elle se plaignait plus que
tous et s'était elle-même déchiré la face et
arraché les cheveux. Ce mystère dura jus-
qu'à minuit, après quoi lu maître sorcier
entra ; tout disparut ; il déclara au malade
qu'il était guéri : ce qui fut vrai (3).
GRILLON. Dans beaucoup de villages et
surtout en Anglelerre, on regarde les gril-
lons qui animent le foyer à la campagne et
qui chantent si joyeusement la nuit, comme
de piUils esprits faiiiilicis d'une nature bien-
vcillanle, qui empruulent leur forme exiguii
pour échapper aux malices humaines. Beau-
rieures i> celle de Dieu. Descartes arrivait ainsi à la
possession de toute certitude et de toute vérité.
(Note de M. liaxton.)
(2) M. Camille Ba\ton, des nouvelles publications reli-
gieuses. Ilevue de Paris, décembre 1840.
(3) Diliuero , lab. de l'inconslancé des démons, etc.,
p. 556.
n%
DICTlONNAlUE DES SCIRNT.ES (KXULTES.
776
coup <lc villngcois se figurent que leur pré-
senre porte l)oiiheiir dans In famille, et qu'on
ne les lue pas impunément. Aussi, en géné-
ral, ne voil-on point d'un bon œil le pied
brutal qui les écrase.
« Toute la tribu des grillons se compose
de puissants esprits, bien <|ue cela soit ignoré
des gens qui ont affiiire à eux ; et il n'est
pas dans le monde invisible de voix plus
gentilles et plus sincères, à qui on puisse se
fier davantage ou dont les conseils soient
plus dévoués et plus sûrs que les voix qu'em-
pruntent ces e>iprits deTâlreet du foyer pour
s'adresser à l'i^spècc humaine (1). »
GUIMAI.DI. Sous le règne de Louis le
Débonnaire, il y eut dans toute l'Europe une
maladie épitlémiquc qui s'élendit sur les trou-
peaux. Le bruit se répandit dans le peuple
que Grimaldi , duc de Bénévent , ennemi de
Charlemagtie, avait occasionné ce dégât en
faisant répandre de tous côtés une poudre
meurtrière par ses affidés. On arrêta un grand
nombre de malheureux, soupçonnés de ce
crime; la crainte et la toriure leur firent
confesser qu'ils avaient en effet répandu
celte poudre qui faisait mourir les troupeaux.
Saint Agobard , archevêque de Lyon , prit
leur défense et démontra que nulle poudre
n'avait la vertu d'infecter l'air ; et qu'en sup-
posant même que tous les habitants de Béné-
vent, hommes, femmes, jeunes gens, vieil-
lards et enfants, se fussent dispersés dans
toute l'Europe, chacun suivi de trois chariots
do celte poudre, ils n'auraient jamais pu cau-
ser le mal qu'on leur attribuait (2).
GRIMOIRE. — Tout le monde sait qu'on
fait venir le diable en lisant le Grimoire ;
mais il faut avoir soin , dès qu'il parait , de
lui jeter quelque chose à la télé , une sava-
te , une souris , un chiffon ; autrement on
risque d'avoir le cou tordu.
Le terrible petit volume , connu sons le
nom de (rrimotr*-, autrefois tenu secret, était
brûlé très-justement dès qu'il était saisi.
Nous donnerons ici quelques noies sur les
Irois Grimoires les plus connus.
Grémoire (sic) du pape Honorius, avec un
recueil det plus rares secrets ; sous la rubri-
que de Rome, 1670, in-16, orné de figures et
de cercles. Les cinquante premières pages
ne contiennent que des conjurations. Voy.
Conjurations et Evocation';.
Dans le Recueil des plus rares secrets, on
trouve celui qui force trois demoiselles à ve-
nir danser le soir dans une chambre. Il faut
que tout soit lavé dans cette chambre; qu'on
n'^ remarque rien d'accroché ni de pendu ,
qu'on mette sur la table une nappe blanche,
trois pains de froment , trois sièges , trois
verres d'eau ; on récite ensuite une certaine
formule de conjuration (3;, et les trois per-
sonnes qu'on veut voir viennent, se mettent
à table et dansent , mais au coup de minuit
tout disparaît.
(1) M. Cil. Dyckens, le Grillon du foyer, conte de Noël.
(2) M. Salgues, des Erreurs et des préjugés, l. I,
p. 298.
(5) Voici le» jiarolcs dp ceUe conjuration : t Bcstici-
ruiii! cousolation, viens à moi. Venu créon , créoo ,
On trouve dans le même livre lieauroup
de bêtises de ce genre, que nous rapportons
en leur lieu.
Grimorium verum, vel probatissimœ Snlo-
monis cUiviculœ rabbini Hebrnici, in quibus
lum naturalia, tum svpernaturalia secretn, H-
cet abdilissima, inpromptu apparent, modo
oprrator pcrnecessaria et contenta facial;
sciât tamen oportet dœmonum potentia dum-
taxat peragantur : traduit de l'hébreu, par
Plaingière, avec un recueil de secrets cu-
rieux. A. Memphis, chez Alibeck l'Egyptien,
1517, in-16 {sic omnia), et sur le revers du
litre : Les véritables clavicules de Satomon, à
Memphis, chez Aliberk l'Egyptien, 1517.
Le grand Grimoire avec la grande clavicule
de Salomon, et la magie noire ou les forces
infernales du grand Agrippa, pour déiou-
vrir les trésors cachés et se faire obéir h
tous les esprits; suivis de tous les arts magi-
ques, in-18, sans date ni nom de lieu.
Ces deux grimoires conlienneni, comme,
l'autre, des secrets que nous donnons ici aux
divers articles qu'ils concernent.
Voici une anecdote sur le grimoire : — Un
petit seigneur de village venait d'emprunter
à son berger le livre du grimoire, avec lequel
celui-ci se vantait de forcer le diable à pa-
raître. Le seigneur, curieux de voir le dia-
ble, se relira dans sa chambre et se mit à
lire les paroles qui obligent l'esprit de ténè-
bres à se montrer. Au moment où il pronon-
çait, avec agitation, ces syllabes niaises qu'il
croyait puissantes, la porte, qui était mal
fermée, s'ouvre brusquement : le diable pa-
rait, armé de ses longues cornes et tout cou-
vert de poils noirs... Le curieux seigneur
perd connaissance et tombe mourant de peur
sur le carreau, en faisant le signe de la
croix.
Il resta longtemps sans que personne vint
e relever. Enfin il rouvrit les yeux et se re-
trouva avec surprise dans sa chambre. Il
visita les meubles pour voir s'il n'y avait
rien de dégradé : un grand miroir qui était
sur une chaise se trouvait brisé; c'élail l'œu-
vre du diable. Malheureusement pour la
beau'é du conte, on vint dire un instant
après à ce pauvre seigneur que son bouc
s'était échappé, etqu'on l'avait repris devant
la porte de cette même pièce où il avait si
bien représenté le diable. Il avait vu dans le
miroir un bouc semblable à lui et avait
brisé la glace en voulant combattre son om-
bre (k).
GRISGRIS, nom de certains fétiches chez les
Maures d'Afriijue, qui les regardent comne
des puissances subalternes. Ce sont de pe-
tits billets sur lesquels sont tracées des figu-
res magiques ou des pages du Koran en ca-
ractères arabes ; ces billets sont vendus assi-z
cher, et les habilanls les croient des préser-
vatifs assurés contre tous les maux. Chaque
grisgris a sa forme et sa propriété. Voy. Goo.
GRISOU. Le feu Grisou est un gaz qui
fréon... Je ne niants pas; je suis maître du parchemin,
par la louange, prince de la montagne, fais taire mes
ennemis et donne-raoi ce que lu sais. »
(ij Misluire des raiitôines et dusdéinous, \>. 2U.
777
GUA
GL'I
77'J
s'enflamme sponlanétnent ou par occasion
dans les mines de houille, cl qui produit sou-
venl de grands désastres. — Beaucoup de
mineurs regardant le grisou comme un lutin
de méchante espèce.
GROENJETTli:. 11 y a , sur les côtes de
la Baltique, comme dans la plupart des con-
trées montagneuses de l'Europe, des chas-
seurs défunts, condamnés pour leurs méfaits
à courir éteriuliemcnt à travers les marais et
hs taillis. Les habitants du Sternsklint enten-
dent souvent le soir les aboiements des chiens
de Grœnjotte; ils le voient passer dans la
vallée, le chasseur réprouvé, la pique à la
main; et ils déposent devant leur porte un
peu d'avoine pour son cheval, afin que dans
ses courses il ne foule pas aux pieds leurs
moissons (1). Voy. Veneur.
GROSSESSE. On a cru longtemps à Paris
qu'une femme enceinte qui se regarde dans
un miroir, croit voir le diable: fable autori-
sée par la peur qu'eut de son ombre une
femme grosse, dans le temps qu'elle sy mi-
rait, et persuadée par son accoucheur qui lui
dit qu'il était toujours dangereux de se re-
garder enceinte.
On assure aussi qu'une femme grosse qui
regarde un cadavre, aura un enfant pâle et
livide (2).
Dans certains cantons du Brésil, aucun
mari ne tue d'animal pendant la grossesse
de sa femme, dans l'opinion que le fruit
(lu'elle porte s'en ressentirait. Voy. Iuaqi-
NATION.
On ignore encore le motif pour lequel cer-
taines églises particulières refusèrent long-
temps la sépulture aux femmes qui mou-
raient enceintes ; c'était sans doute pour en-
gager les femmes à redoubler de soins envers
leurs enfants. Un concile tenu à Rouen
en 1074, a ordonné que la sépulture en terre
sainte ne fût nulle part refusée aux femmes
enceintes ou mortes pendant l'accouche-
ment.
GROSSE-TÊTE (Robert), évéque de Lin-
coln, auquel Gouvérus donne une androïde
comme celle d'Albert le Grand.
GUACHARO. Dans la montagne de Tumé-
réquiri, située à quelque distance de Cuma-
na, se trouve la caverne de Guacharo, fa-
meuse parmi les Indiens. Elle est immense et
sert d'habitation à des milliers d'oiseaux
nocturnes dont la graisse donne l'huile de
guacharo. 11 en sort une assez grande ri-
vière; on entend dans l'intérieur le cri lugu-
bre de ces oiseaux, cri que les Indiens attri-
buent aux âmes, qu'ils croient forcées d'en-
Irer dans cette caverne, pour passer dans
l'autre monde. Ce séjour ténébreux, disent-
ils, leur arrache les gémissements plaintifs
qu'on entend au dehors. Les Indiens du gou-
vernement de Cumana, non convertis à la foi,
ont encore du respect pour cette opinion.
Parmi ces peuples, jusqu'à deux cents lieues
de la caverne, descendre au Guacharo est syn-
onyme de mourir.
GUAYOTTA, mauvais génie que les habi-
tants de l'Ile Ténériffe opposent à Achguaya-
(I) Marinier, Trad. de la Baltique.
DlCTlONN. DES SCIENCES OCCULTES I.
Xcr.ic, qui est chez eux le principe du bien.
GUECUBA, esprit du mal chez les Arau-
caii'^. Voy. ToQui.
GUELDRE. On trouve ce récit dans les his-
toriens hollandais : « Un monstre affreux
d'une grandeur prodigieuse ravageait la cam-
pagne, dévorant les bestiaux et les hommes
môme ; il empoisonnait le pays de son souf-
fle empesté. Deux braves gens , Wichard et
Lupold, entreprirent de délivrer la contrée
d'un fléau si terrible, et y réussirent. Le mon»
stre, en mourant, jeta plusieurs fois un sou-
pir qui semblait exprimer le mot y helre. Les
deux vainqueurs voulurent qu'en mémoire
de leur triomphe, la ville qu'ils bâtirent prît
le nom de Ghelre, dont nous avons fait Guel-
dre. »
GUI DE CHÊNE, plante parasite qui s'atta-
che au chêne, et qui était regardée comme
sacrée chez les druides. Au moisde décembre,
qu'on appelait le mois sacré, ils allaient la
cueillir en grande cérémonie. Les devins
marchaient les premiers en chantant, puis
le héraut venait, suivi de trois druides por-
tant les choses nécessaires pour le sacrifice.
Enfin paraissait le chef des druides, accom-
pagné de tout le peuple ; il montait sur le
chêne, coupait le gui avec une faucille d'or,
le plongeait dans l'eau lustrale et criait : « Au
gui de l'an neuf ( ou du nouvel an ). » On
croyait que l'eau charmée ainsi par le gui de
chêne était très-efficace contre le sortilège
et guérissait de plusieurs maladies. Voyez
GUTHEÏL.
Dans plusieurs provinces, on est persuadé
que si on pend le gui de chêne à un arbre
avec une aile d'hirondelle, tous les oiseaux
s'y rassembleront de deux lieues et demie.
GUIDO. Un seigneur, nommé Guido, blessé
à mort dans un combat, apparut autrefois
tout armé à un prêtre nommé Etienne, quel-
que temps après son décès, et le pria de dire
à son frère Anselme de rendre un boeuf que
lui Guido avait pris à un paysan, et de répa-
rer le dommage qu'il avait fait à un village
qui ne lui appartenait pas, ajoutant qu'il
avait oublié de déclarer ces deux péchés
dans sa dernière confession, et qu'il en était
tourmenté. — Pour assurance de ce que je
vous dis, continua-t-il, quand vous serez
retourné à votre logis, vous trouverez qu'on
vous a volé l'argent que vous destiniez à
faire le pèlerinage de Saint-Jacques.
Etienne, de retour, trouva en effet son coffre
forcé et son argent enlevé ; mais il ne put
s'acquitter de sa commission, parce qu'An-
selme était absent.
Peu de jours après, le même Guido lui ap-
parut de nouveau et lui reprocha sa négli-
gence. Etienne s'excusa comme il put, et il
alla trouver Ansehne, qui lui répondit dure-
ment qu'il n'était pas obligé de faire pénitence
pour les péchés de son frère.
Le mort apparut une troisième fois au
prêtre, et fui témoigna son déplaisir du peu
de compassion que son frère avait de lui ;
puis il le pria de le secourir lui-même dans
cette extrémité. Etienne restitua le prix du
(2) Brown, Essai sur les erreurs popul., p. '
25
779
l>(i'iif, (lit ilrs prières, fit ilesnutnônes.rccoiii-
inanda l'âinf aux gens do hini de sa connais-
sance ; cl Guido ne reparul plus (1).
GUILLAUME , domestique de Mynhecr
Clalz, cenlilhomiiip du duché dw Jiilrers, au
<|iiinzieine siècle. Ce Guillaume fut possédé
du diable, cl demanda pour exorciste un pas-
teur hérétique, nommé Barlhoiomée Paiicii,
homme qui se faisait payer pour chasser le
diable, et qui, dans relie circouslanco, fut
penaud.
Comme le démoniaque pâlissait, que son
gosier enQail, el qu'on craignait qu'il ne fût
suffoqué entièrement, l'épouse du seigneur
Clalz, dame pieuse, ainsi que toute sa famille,
se mita réciter la prière de Judith. Guillaume
alors se prit à vomir, entre autres débris, la
ceinture d'un bouvier, des pierres, des pelo-
tons de 01, du sel,des aiguilles, des lambeaux
de l'habit d'un enfant, des plumes de paon que
huit jours auparavant il avait arrachées de la
queue du paon même.
On lui demanda la cause de son mal. Il
répondit que, passant sur un chemin, il ayait
rencontré une femme inconnue qui lui avail
soufflé au visage, et que tout son mal datait
de ce moment. Cependant, lorsqu'il fut réta-
bli, il nia le fait, et ajouta que le démon l'a-
vait forcé à faire cet aveu, et que toutes ces
matières n'étaient pas dans son corps; mais
qu'à mesure qu'il vomissait, le démon chan-
geait ce qui sortait de sa bouche (2)....
GUILLAUME DE CARPENTRAS, astrolo-
gue qui fit pour le roi René de Sicile, et pour
le duc de Milan, des sphères astrologiques sur
lesquelles on tirait les horoscopes. Il en lit
une pour le roi Charles VIII, qui lui coûta
douze cents écus ; celle sphère contenait plu-
sieurs utilités, et était fabriquée de telle ma-
nière que tous les mourements des planètes,
à toutes heures de jour et de nuit, s'y pou-
vaient trouver ; il l'a depuis rédigée par écrit
en tables astrologiques (3).
GUILLAUME LE ROUX, fils de Guillaorac
le Conquérant, et lyran de l'Angleterre dans
le onzième siècle. C'était un prince abomi-
nable, sans foi, sans mœurs, blasphémateur
el cruel. Il fit beaucoup de mal à l'Eglise en
Angleterre; il chassa l'archevêque de Can-
torbéry, et ne voulut point que ce siège fût
rempli de son vivant, afin de profiler des re-
venus qui y étaient attachés. Il laissa les
prêtres dans la misère et condamna les
moines à la dernière pauvreté. Il entreprit
des guerres injustes el se fil généralement
délester.
Un jour qu'il était à la chasse (en l'année
1100, dans la quaranlc-quatrième de son âge
et la treizième de son règne), il fui tué d'une
Hèche lancée par une main invisible. Pendant
•ju'il rendait le dernier soupir, le comte de
("ornouailles, qui s'était un peu écarté de la
(basse, vit un grand bouc noir cl velu, qui
v<mportait un homme défiguré et percé d'un
(I) Pierre le Vénérable, Livre des Miracles.
{i) Wierus, de Pracsl., lib. III, cap. vi.
(?)) Exlruit d'un ancien maniiscrh , elle ï la fio dos
n'iiiarqL<!s de Joly sur Hayle.
(i) MaUljeiTjnii'li Prsèmia virluluro.— Matlhieu PJiris.
DlCTlo^^.\mE des scie.nces occi.ltes. tho
Irait de part en pari... Le comte, troublé de
ce spectacle, cria pourUiiil au bouc île s'ar-
rôler, et lui demanda qui il était, qui il por-
tail, où il allait? Le bouc répondit : — « Je suis
le diable ; j'emporte Guillaume le Roux, cl
je vais le préseuter au tribunal de Dieu, où il
sera condamné pour sa tyrannie; cl il vien-
dra avec nous (4).»
GUILLAUME DE PARIS. Il est cilé par
les démonographes pour avoir fait des statues
parlantes, à l'exemple de Roger Bacon, cho^e
qui ne peut élrc faite que par les opérations
diaboliques (5).
GUINEFOKT. Tout le monde conn.itt lo
f.ibliau intéressantdu chien et du serpent (6).
Il est fondé sur une anecdote qui a produit
de graves superstitions. Legrand d'Aussy.qui
a publié ces détails, les doit au père Etienne
Bourbon, dominicain, mort en 1262 (Traité
des différentes matières de sermons, divisées se-
lon les sept dons du Saint-Esprit, avec tes
causes, effets, raisons et exemples pour édifier.
(Scriptores ordiuis praedicalorum, touie 1",
page 193).
Le P. Bourbon raconte que, préchant cl
confessant dans le diocèse de Lyon, plusieurs
femmes vinrent à lui s'accuser d'avoir porté
leurs enfants à saint Guinefort. Curieux du
connaître quel était ce saint dont le culte de-
venait un objet de confession, il fit des infor-
mations, examina el découvrit que celait un
chien. Voici, selon lui, comment arriva l'é-
vénement.
«Ce chien appartenait au seigneur de Vil-
lar. Un jour que ce gentilhomme était sorti
avec sa femme, la nourrice qui allaitait leur
fils ayant quitté un instant son nourrisson, un
serpent entre dans la chambre pour le dévo-
rer. Le chien l'attaque el le lue. La nour-
rice, à son retour croit l'enfant étranglé. A
ses cris, le père cl la mère accourent ; el ce-
lui-ci, sans rien examiner, tue son chien.
Mais bientôt, convaincu de son injustice, il
ensevelit par reconnaissance l'animal dans
un puits, qui était devant la porte du clià-
leau : il le couvre de pierres ; el, pour éter-
niser sa mciiioire, il fait planter un arbre
auprès de ce monument.
«Peu de temps après, le château ayant élé
détruitde fond en comble, lelieu devint désert;
mais les paysans des enviions, instruits de l'a-
venture el de la mort malheureuse du chien,
l'honorèrent comme martyr, sous le nom de
saint Guinefort; et, séduits par le diable, ils
vinrent à son tombeau l'invoquer dans leurs
infortunes cl leurs iiifirmiiés.
« Les femmes surtout y apportaient leurs
enfants quand ils étaient malades. Elles s'y
faisaient conduire par une vieille sorcière
qui habitaità une lieue de là, elqui était ha-
bile dans l'art d'évoquer les démons. D'a-
bord la mère et la sorcière offraient à Gui-
nefort du sel ou quelque autre don ; et toutes
deux enfonçaient des aiguilles dans les ar-
Historia major, t. II.
(b) Naude, A|>ol. pour les grands personnages accusés
de magie, ch. xvii, p. 493.
(p) Voyez tes Fabliaux du moijen Age, recueillis p.ir
J. Loyseaii; niiez l'erisse, ISi", ji. i(i.
781
CLI
lires du lien. Puis, après avoir dépouillé ren-
iant et posé ses drapeaux sur les buissons
voisins, elles se le jetaient l'une à l'autre, en
le faisant passer entre deux arbres. Pendant
ce temps, elles invoquaient les démons et
surtout les faunes de la forêt Rimile, qu'elles
conjuraient de prendre cet enfant malade
qui leur appartenait, et de leur renire lo
leur, qui naguère était sain et bien portant.
L'enfant, après cet exercice meurtrier, élait
posé nu au pied d'un arbre, sur la paille de
son berceau. Les deux femmes alors allu-
maient deux cierges, gros comme le pouce,
qu'elles posaient, à sa tête et à ses pieds, sur
une des branches de l'arbre. Puis elles se
reliraient, ne s'arrêtant et ne cessant de
marcher que quand elles ne pouvaient plus le
voir ni entendre ses cris. Lorsque les cierges
étaient consumés, elles se rapprochaient.
Mais souvent il arrivait qu'en toinbani, les
cierges mettaient le feu à la paille, et l'enfant
alors se trouvait brûlé. J'ai même ouï dire à
une mère, continue le bon dominicain, que,
tandis qu'elles se retiraient en invoquant les
faunes, un loup sorti de la forêt, était accouru
et aurait infailliblement dévoré son fils, si
elle n'était venue au secours.
«Enfin, quand les femmes, à leur retour,
retrouvaient l'enfant vivant, elles le portaient
à un ruisseau voisin, nommé Chalarone, et
là elles le plongeaient dans l'eau neuf fuis de
suite. Peu d'enfants étaient capables de rési-
bler à tant d'épreuves meurtrières, et ordi-
nairement ils périssaient à l'endroit même,
ou peu d'heures après.
«Je me suis rendu sur le lieu, poursuit le
père Bourbon ; j'y ai assemblé le peuple, et
j'ai prêché contre celte supersiition. Par mon
ordre, on a détruit le bois, on a exhumé le
mort, on a brûlé ses os, et le seigneur a
rendu une ordonnance qui défendait de ve-
nir là pour pareil motif, sous peine d'une
confiscation générale de tous les biens. »
Il y a un autre récit, assez semblable à ce
qu'on vient de lire; seulement l'aventure a
lieu en Auvergne, sous le règne de Louis
le Débonnaire ; le chien périt d;ins le combat
avec le serpent. Ce chien s'appelait Ganelon.
Son mallre, par reconnaissance, lui fait éle-
ver un tombeau près d'une fontaine. Deux
ou trois siècles ayant aboli la mémoire de
l'événement, et la fontaine s'étant trouvée
médicinale, les guérisons qu'opérèrent ses
eaux furent attribuées à la vertu du tombeau,
et l'on y bâtit, sous l'invocation de saint Ga-
nelon, une sorte de chapelle que longtemps
le concours des peuples rendit célèbre. Entin
un évêque, après bien des recherches, dé-
couvre dans les archives du château l'anec-
dote du chien, et il abolit la superstition.
Celle dernière histoire se trouve citée dans
un ouvrage imprimé en 1713, sur la vénéra-
tion rendue aux reliques des saints selon l'es-
prit de l'Eglise, et purgée de toute superstition
(1) Le Journal de Pnris, 26 octolire 1786, donne l'his-
toiri' d'un interprèle grec à Consiaiilirio(ilc, dont la maison
élait devenue la proie di'S flammes, el dont le fils fut sauvé
de l'incendie par un cliien qui l'emporta dans sa gueule.
Cet homme , dit l'aulcur elle par le jourualisle , tuii syii
GLY 782
populaire. En l7l4, les Mémoires de Trévoux
ayant rendu compte du livre, ils citèrent
riiistoire de Ganelon ; e( depuis, le P. Feijoo,
bénédictin espagnol, l'a rapportée dans sua
Théâtre critique des erreurs communes (1).
GULLEÏS ou BONASSES, démons qui ser-
vent les hommes dans la Norwége, et qui se
louent pour peu de chose. Ils pansent les
chevaux, les étrillent, les frottent, les bri-
dent, les sellent, dressent leurs crins et leurs
queues, comme le meilleur palefrenier : ils
font même les plus viles fonctions de la mai-
son. V^oy. BÉaiTH, Hecdekiiv, etc.
GURME, chien redoutable, espèce de Cer-
bère de l'enfer des Celtes. Pendant l'existence
du monde, ce chien est attaché à l'entrée
d'une caverne; mais au dernier jour il doit
être lâché, attaquer le dieu Tyr ou Thor, et
le tuer.
GUSOYN, grand-duc aux enfers. Il appa-
raît sous la forme d'un chameau. Il répond
sur le présent, le passé, l'avenir, et décou-
vre les choses cachées. Il augmente les di-
gnités et affermit les honneurs. Il commande
a quarante-cinq légions (2).
GUSÏAPH. Voy. ZOROASTRK
GUTHEYL ou GUTHYL, nom sous lequel
les Germains vénéraient le gui de chêne. Ils
lui attribuaient des vertus merveilleuses
parliculièrementconlrel'épilepsie, etlecueil-
1 lient avec les mêmes cérémonies que les
Gaulois.
Dans certains endroits de la Haute-Alle-
mngne, cette superstition s'est conservée, et
les habitants sont encore aujourd'hui dans
l'usage de courir de maison en maison et de
ville en ville, en criant : « Gutheyl ! Gutheyl 1
Des Septentrionaux s'imaginaient qu'un
homme, muni de gui de chêne, non-seule-
ment ne pouvait être blessé, mais était sûr
de blesser tous ceux contre lesquels il lançait
une flèche. C'est à cause de ces vertus ma-
giques, attribuées au gui de chêne, qu'on
l'appelle en Alsace Marentakein, c'est-à-dire
arbrisseau des spectres.
GUYMOND DE LA TOUCHE. Le règne de
Voltaire, en 1737, brillait de toute sa fausse
splendeur. Des souverains philosophes ou
indiffirents l'encourageaient, sans prévoir,
dans leurs vues bornées, ce qui sortirait de
ces doctrines. La société, tombée dans un
grand relâchement de mœurs, applaudissait
une philosophie qui mettait les consciences
à l'aise. Une morale facile, vague, arbitraire,
toujours pliée aux passions humaines, rem-
plaçait les grands enseignements de la reli-
gion. Ou n'allait plus guère au sermon ; mais
il y avait des prêches au théâtre. Voltaire
avait mis à la mode les tirades philosophiques
sur la scène; et dans toutes les tragédies si
froides de ce temps-là, on était sûr de ren-
contrer, parmi les personnages, un prédicant
qui débitait des axiomes à tort et à travers.
'Tous les jeunes poêles fourvoyés avaient soin
cbien en reconnaissance de ce bienfait , et le flt manger
par ses amis, prélendunl qu'un pareil animal ue devait
pas être, à sa mort, la proie des vers.
(2) Wicrus, in Pstudoiaunarcliia da;m.
783
niCTIONNAIRE DES SCIENCES OCCLLTES.
78*
de moraliser ainsi, quelquefois de la manière
la plus grotesque.
On représenta en 1757, le î^juin, une Ira-
gédie intitulée : Jphigénieen Tauride, imita-
lion des anciens. Ceux qui connaissent la
lilléralure dramatique, savent que dans celte
pièce, Iphigéiiie, devenue vieillf, rompue au
métier de bourrelle, comme prétresse de Dia-
ne, immolait de sa main, dans d'horribles sa-
crifices, tous les étrangers que la mer jetait
sur son affreux rivage, lïh bien! l'auteur lui
faisait faire à celle femme un discours moral,
le couperet sanglant au poing. El quel était
le thème de ce hors-d'œuvre si singulière-
ment placé? l'éloge de la loi naturelle, qu'elle
violait tous les jours. C'est, disait-elle,
C'est la première loi, c'est la seule peut-être...
C'esl lu seule du moins qui se Tasse coiiuiiiire,
Oui soil de tous les temps, qui soit de tous les licuXj
El qui règle à la fois les hommes et les dieux...
et malgré la critique de Gilbert, qui s'écriait
indigné :
La muse de Sophocle, en robe doctorale.
Sur des tréteaux sangluuts irolisse la morale...
malgré la spirituelle parodie do Favart et Voi-
senon (les Rêveries renouvelées des Grecs),
qui est une si bonne critique, malgré le sens
commun, le public d'alors applaudissait; et
de nos jours , car il n'y a pas longtemps
qu'on jouait encore celte pièce, ceux qui vont
au théâtre ont vu de tels vers accueillis dans
une telle bouche et dans une telle situation.
L'auteur de cette tragédie était Guymond
de la Touche, poëte de 38 ans, né à Châ-
leauroux en 1719. Comme il n'a fait que celte
pièce, et que le jour de la représentation un
avocat au parlement de Paris, nommé Yau-
bertrand. Ht vendre tout imprimée une tra-
gédie de lui, intitulée. pareillement Jphigénie
en lauride, laquelle n'a pa< été jouée, on a
voulu cunlester à Guymond l'invention de sa
fable. Mais il n'y avait invention pour per-
sonne, puisque c'était, comme nous l'avons
dit, une imitation. Les sorties philosophi-
ques seules étaient nouvelles et sont bien
de Guymond de la Touche. Cet homme qui,
d'abord plein d'un zèle ardent et peut-être
mal réglé, était entré dans une maison reli-
gieuse, voulant se faire missionnaire , avait
ensuite rencontré dans le mondo des philo-
sophes dont il avait trouvé la condition plus
douce; et il s'était laissé entraîner dans leur
tourbillon. Il leur avait donné un de ces ga-
ges qu'ils demandent souvent à ceux de qui
ils s'emparent ; il avait publié une mauvaise
épîire intitulée fes Soupirs dw c/ot/re. ou le
Triomphe du fanatisme, fruit d'une colère
aveugle et injuste, dit un biographe. Lié avec
les incrédules, il y avait quinze ans qu'il
s'était rayé lui-même de la liste des chré-
tiens. Il n'avait plus de joug, disait-il, que
la loi naturelle, qui n'est ni un joug ni un
frein , puisqu'elle permet tout, qu'elle se
plie à tout, et qu'elle est la licence. Il vivait
donc en esprit fort, ne croyant à rien , mé-
prisant les préjugés, raillant la foi , se mo-
quant de la foule, au-dessus, disait-il, de la
tu, erslition, des faiblesses et de l'erreur,
ferme dans ses convictions philosophiques,
niant sans réserve tout ce qu'il ne compre-
nait pas, prétendant tout expliquer par la
seule puissance delà raison humaine, et se
promettant bien de mourir enveloppé dans
sa philosophie, — manteau un peu troué. —
Mais hélas I ainsi raisonnait l'anglais John-
son, qui avait peur des revenants.
Dans ces slo'iques dispositions , le II fé-
vrier 1760, tout préoccupé d'une Iriigéilie do
Régulus, dont il venait déterminer le plan,
Guymond s'en alla rendre ses devoirs à une
très-grande dame qui l'accueillait à ses soi-
rées. Au lieu d'arriver dans une société nom-
breuse, comme il s'y était attendu , il ne
trouva que la princesse, laquelle, en com-
pagnie de deux de ses amies, se disposait à
se rendre incognito chez une sorcière. Tel-
les étaient les mœurs d'alors; on n'avait pas
de religion, elonconsuilait les devineresses.
Desfemmesqui repoussaient le catéchisme,
ouvraient les livres qui expliquent les son-
ges. Qu'on se rappelle, un peu plus tard, les
succès de Caglioslro ; et, sous l'Empire, l'im-
pératrice Joséphine se faisant tirer les cartes
par mademoiselle Lenormand.
La sagesse philosophique de Guymond se
révolta d'abord. Malgré son respect pour la
grande dame, il osa dire : — Quoi 1 votre es-
prit élevé, madame , peut-il croire aux sor-
cières?
— C'esl fort curieux, répondit la princesse;
et puis nous ne vous mettons point dans nus
secrets pour subir votre critique.
— Mais vous n'ignorez pas, madame, qu'un
vain charlatanisme est toute la science de
ces femmes.
— Que vous importe? les philosophes sont
des charlatans aussi.
— Mais nous sommes sous le règne de la
raison, dans le siècle des lumières.
— Noire sorcière travaille la nuit; et pour
vous punir de vos observations , vous allez
venir avec nous.
— Ce sera toujours un grand honneur
pour moi. Mais au moins , madame, me sera-
t-il permis de rire des choses que je ver-
rai?
— Tant qu'il vous plaira, si vous pouvez.
— Je suis donc à vos ordres.
Il partit avec les dames, et se promit, en
y réfléchissant plus mûrement, une soirée
amusante. Toutefois , il ne pouvait se tenir
en lui-même d'avoir orgueilleusement pitié
delà princesse à l'esprit faible.
On arriva chez la sorcière. Celait une devi-
neresse de haute société. Les salons, mysté-
rieusement décorés, avaient quelque chose
de solennel et d'imposant. La tenture était
une étoffe brune, sur laquelle on avait brodé
en gris des chauves-souris , des scarabées
et des hiéroglyphes. Une seule lampe, dont
la clarté était fort vive , éclairait la salle
d'audience. Celte lampe reposait sur une table
carrée, couverte d'un tapis de serge noire (lui
traînait jusqu'à terre. Tout auprès était as-
sise, sur un trépied de fer, la sorcière en vo-
gue. Elle était velue d'une roi)e pourpre ,
avec son capuchon, bordée de baiidos blan.
785
GUY
r,u\
78fl
ches et semée d'cloiles ; àvs banilclelles égyp-
tiennes encadmicnt son visage sérieux et ré-
gulier. Celle femme avait cinquante ans;
elle était forte et puissante, relevée encore
par une haute taille et par un grand air de
dignité.
Les ricanements de Guyinond de la Touche
expirèrent un peu sur ses lèvres, à ce spec-
tacle qu'il n'avait pas prévu. Venu pour
railler, il ne sentait plus dans son esprit
qu'une curiosité vivement excitée. Se repro-
chant cette sorte de concession, il détourna
les yeux de la sorcière , cherchant à sourire
au moins des assistants , qui étaient nom-
breux. Celait une séance de celle maçonne-
rie égyptienne que des Juifs vagabonds
avaient depuis peu importée à Paris. Mais
tous les spectateurs étaient imuiobiles et
gardaient le plus profond silence.
Une manière de Cophte entra, sans dire
nn mol, velu d'une longue robe blanche, le
front ceint dune banderole d'argent. Il opé-
rait avec la devineresse. Ce personnage ne
s'annonça qu'en traçant dans l'air un alpha
avec une baguettenoire.il amenaitunejeune
Qlle vêtue de noir et couronnée de fougère,
de trèfle et de verveine, laquelle s'arrêta de-
vant la table. Un des assistants déposa un
papier, qui sans doute contenait une ques-
tion ; la princesse, que le poëte dramatique
accompagnait, en déposa un autre. Aucun
bruit, aucun mot ne rompait le silence.
Le Cophte , qui procédait avec une ex-
trême gravité, se mil à enfoncer des épingles
dans le cou de la jeune fîlle , dont le visage
n'exprimait pas la moindre sensibililé. Parmi
les spectateurs , les uns témoignaient une
terreur muette, les autres une singulière vé-
nération ; la princesse et ses amies demeu-
raient calmes.
Cuymond cherchait une figure qui du
moins échangeai avec lui un regard; mais
personne n'élail disirait du spectacle ex-
traordinaire de la jeune fille piijuéc.
Quand les épingles qu'on lui enfonçait dans
le cou eurent formé un triangle enfermé dans
an cercle , elle prit sur une console (jui était
derrière la sorcière une cloche de verre par-
faitement transparent, et la posa sur les deux
papiiTs plies qui étaient déposés devant la
lampe. Tout le monde redoubla d'atteniion.
Le Cophte se retira pendant qu'on admirait
le phénomène des deux billets agites d'un
léger mouYcment. Guymond frappé s'appro-
cha davantage. Il voulait chercher des res-
sorts à cette nwigie qu'il voyait.
La sorcière alors ouvrit enfin la bouche et
prononça sourd(!ment , mais distinctement,
ces paroles en s'adressant au poëte :
— Vous êtes bien empressé à vous éclair-
cir de ce qu'on fait ici I
Guymond releva la tête. Personne ne dé-
tourna les yeux de la cloche de verre qu'ua
nujige gris remplissait. On voyait à travers
les deux billets danser. Le nuage s'épaissit;
un moment on ne vit plus rien. La lumière
de la lampe devint plus rouge et plus c in-
centrée.
Le poëte, surpris de l'insolence de ladcvi-
ner.'sse , ne savait s'il devait la recevoir au
sérieux ou s'il devait en rire. Elle reprit sur
le même ton théâtral :
— Curieux étranger , qui rouler pcnéirer
des mystères fermés pour vous, et <iui ne
voyez pas ce qui vous touche, je vais vous
apprendre un avenir que vous no veniez pas
chercher ici....
L;i cloche était redevenue transparente ; le
nuage s'était évanoui. A la place des deux
billets qu'elle couvrait, et qu'on avait mis là
pJiés en carré, se trouvaient deux autres bil-
lets plies en triangle. C'étaient les réponses
demandées.
La jeune fille, qui devait les prendre, resta
immobile, respeclant l'action de la sorcière.
Celle-ci fixait sur Guymond un œil ardent;
et tous les regards s'étaient arrêtés sur lui.
— Vous portez au front, poursuivit-elle,
un signe qui ne me trompera point. Vous ne
reviendrez pas deux, fois devant le trépied
de fer...
Le poëte fit un mouvcmenl.
— Apprenez , dit-elle enfin , que vous
mourrez dans trois jours.
Un cri étouffé sortit de la poitrine de Guy-
mond. A ce cri, la cloche bondit sur la table
et se brisa en retombant. Ce fait acheva do
l'épouvanter; et cet homme, qui ne croyait
à rien, qui niait tout, qui voulnit tout com-
prendre, s'affaissa sur lui-même et chercha
un siège où il tomba.
Le Cophte, reparaissant subitement alors,
pour rappeler aux autres assistants la né-
cessité du silence, avait tracé en l'air un lo-
sange avec sa baguette. Tous les habitués
savaient qu'un mot, un cri prononcé par un
profane pendant les expériences, détruisait
les charmes.
La jeune fille remit au Cophte les deux
billets; celui-ci les rendit à leur adresse. La
demande de la princesse était :
— Qu'est devenu un ami bien cher que
j'ai perdu?
La réponse se fornaulait ainsi :
— Il vous attend, plein de tendresse, dans
voire salon.
Une grande joie se manifesta sur le visage
de la haute dame. Sans attendre autre chose,
elle glissa dans la main de la jeune fille aux
épingles une riche récompense , fit un signe
au poëte, qui se leva chancelant, et sortit
avec ses deux amies. Guymond était touibé
dans une si profonde rêverie et dans un si
sombre abaltcmenl, qu'il fut impossible aux
trois dames de le ramener à d'autres idées,
et qu'il se tint comme un malade dans un
coin de la voiture.
En vain la princesse fil un appel à sa
philosophie, à son esprit fort ; il était la
preuve encore vivante de la faiblesse des
sophistes.
La dame avait hâte de revoir son cher
Lauzun. Dès qu'elle rentra dans son salon,
sa femme de chambre le lui remil entre les
bras. C'était un joli épagneul anglais, qui
s'était perdu cl qui, disail-on à sa louange,
él'iit revenu seul, depuis un quart d'heure.
Col incident acheva de confondre le philo-
787
DlCTIONNAmE DE« SCIENCES OCCULTES.
788
sDphe ; il fil ses révérences et se retira chez
lui. Il se mit au lit. La révolution que la der-
nière parole de la sorcière avait opérée dans
son cerveau lui donna une fièvre telle qui!
le troisième jour en effet, — 14 février 1760,
— Guymond de la Touche mourut de terreur.
— Nous ignorons dans quels sentiments il
■rendit l'esprit. Mais s'il y avait une porte au
cerveau des incrédules, on y verrait ainsi de
surprenantes pusillanimités.
Vous seriez mal satisfaits, si nnus vous
laissions dans le doute sur les merveilles
auxquelles nous vous avons fait assister,
quand nous en avons la clef et l'explication.
Quinze jours après la visite dont nous ve-
nons de voir les conséquences, le lieutenant
de police découvrit l'antre de la sibylle, qui
exerçait sans permission une profession pro-
Inhée. Ou l'arrêta, avec le Cophte, la jeune
lille aux piqûres et un petit nain très-futé
qui 1rs servait. C'était une famille de Bohé-
miens d'Alsace, qui gagnait beaucoup d'ar-
gent. On reconnut que la table au tapis noir
était adroitement percée au milieu ; que le
nain se tenait dessous pendant les séances ;
qu'il introduisait par un tube une fumiga-
tion dans la cloche, au moyen de laquelle il
établissait l'obscurité; qu'il enlevait alors la
bonde parfaitement ajustée, retirait les bil-
lets et les passait, au moyen d'une coulisse,
dans le réduit voisin où le Cophte faisait les
courtes réponses. Quand ces réponses étaient
remises sous la cloche, le nain replaçait la
bonde et par une petite machine aspirante
relirait la fumée. II produisait par les mé-
iiies agents des commotions et d'autres pro-
diges. Ces opérations se faisaient avec une
grande habileté.
On apprit aussi le secret des épingles.
Elles étaient disposées sur une large pelote.
Le Cophte, n'ayant l'air d'en prendre qu'une,
les prenait deux par deux , une très-grande
que les assistants voyaient fort bien , une
très-petite que l'on ne voyait pas. Il laissait
couler la grande dans sa manche, disposée
pour la recevoir, et n'enfonçait que la petite,
qui n'avait qu'une ligne de longueur et qui
était tellement fine avec une très-grosse tète,
qu'elle entrait dans la peau sans y causer au-
cun dégât.
Enfin on sut que les nouvelles données sur
le tendre ami à quatre pattes delà princesse
n'avaient rien non plus de surprenant; c'é-
tait le Cophte lui-même qui l'avait volé, sa-
chant bien ce qu'il faisait, et qui l'avait fait
reporter à l'heure convenable. On découvrit
bien d'autres choses; et il s'agissait de faire
le procès à cette petite bande d'imposteurs.
Mais comme les grandes dames, qui ne sont
jamais les dernières à fréquenter les galetas
où se fabriquent des singeries mystérieuses,
craignaient de se voir compromises, on ob-
tint du lieutenant de police qu'il se conten-
tât de chasser de Paris la sorcière et ses
aides , qui allèrent ailleurs faire d'autres
dupes.
On eût pu éclairer Guymond de la Tou-
che et le faire rougir de sa petitesse d'esprit.
Mais il n'était plus temps.
GYMNOSOPHISTES , philosophes ainsi
nommés parce qu'ils allaient nus ou sans
habits. Chez lesdémonomaoes, les gymnusn-
phisles sont des magiciens qui obligeaient
Jcs arbres à s'incliner et à parler aux gens
comme des créatures raisonnables. Thespe-
sion , l'un de ces sages , ayant commandé à
un arbre de saluer Apollonius, il s'inclina,
et , rabaissant le sommet de sa tête et ses
branches les plus hautes, il lui fit des com-
pliments d'une voix distincte, mais féminine,
ce qui surpasse la magie naturelle (1).
GYUOMANCIE, sorte de divination qui
se pratiquait en marchant en rond, ou en
tournant autour d'un cercle, sur la circon-
lérence duquel étaient tracées des lettres. A
force de tourner on s'étourdissait jusqu'à se
laisser tomber, et de l'assemblage des carac-
tères qui se rencontraient aux divers endroits
où l'on avait fait des chutes, on tirait des
présages pour l'avenir. Voy. Alectrïomas-
CIE
H
HAAGENTI, grand-président aux enfers.
Il parait sous la figure d'un taureau avec
des ailes di> griffon. Lorsqu'il se montre por-
tant face humaine, il rend l'homme habile
à toutes choses ; il enseigne en perfeclion
J'art de transmuer tous les métaux en or,
<l de faire d'excellent vin avec de l'eau
claire. Il commande trente-trois légions.
HABONDIA , reine des fées , dos femmes
blanches, des bonnes, des sorcières, des lar-
ves, des furies et des harpies, comme l'assure
Pierre Delancre en son livre de l'Inconstance
des démons.
HABOllYM, démon des incendies , appelé
aussi Aym. Il porte auv enfers le titre de
<l) Delancrp, Iticrédulil'- et iiiécréaiicc du sorlilégc
l'ieiiitiiuem convaincue, [t. 33.
duc; il se montre à cheval sur une vipère,
avec trois têtes , l'une de serpent, l'autre
dhomme, la troisième de chat. Il tient à la
main une torche allumée. Il commande
vingt-six légions. Quelques-uns disent que
c'est le même quellaum; ce qui nous paraît
douteux.
HACELDAMA ou HAKELDAMA, qui si-
gnifie héritage ou portion de sang. Ce mot est
devenu commun à toutes les langues du
christianisme, depuis le récit sacré qui nous
apprend qu'après que Judas se fut pendu,
les prêtres juifs achetèrent, des trente pièces
d'argent qu'ils lui avaient données pour tra-
hir Nolre-Scigncur, un champ qui fut des-
tiné à la sépulture des étrangers, et qui
porla le nom dHaccldaaia. On montre encore
'm
H.u;
Il.VI,
7'JO
ce champ aux étrangers. Il est prtil et cou-
vert d'une voûte, sous laquelle on prétend
(lue les corps qu'on y dépose sont consumés
dans l'espace de trois ou quatre heures.
HAKELBEllG. « L'origine du nom de Wo-
lien ou Oiiin se révèle par la racine étymolo-
gique de l'anglo-saxon Woodin, (pii signifie
le féroce ou le furieux. Aussi l'appeilc-t-on
dans le Nord le chasseur féroce, et en Allema-
gne Groden's heer ou Wnden's heer. Woden,
dans le duché de Brunswirk, se retrouve
s )us le nom du chasseur Jlnkelberg. Hakel-
bcrg, seigneur de Rodcnstein, était un che-
valier pervers qui renonça à sa part des joies
du par.idis , pourvu qu'il lui fût permis de
chasser toute sa vie en ce monde : le diable
lui promit qu'il chasserait jusqu'au jour du
jugement dernier. On montre son tombeau
dans la forôt d'Usslar : c'est une énorme
pierre brute, un de ces vieux monuments
appelés vulgairement pierres druidiques ;
nouvelle circonstance qui servirait encore à
confirmer l'alliance des traditions populai-
res avec l'ancienne religion du pays. Selon
les paysans, cette pierre est gardée par les
chiens de l'enfer, qui y restent sans cesse
accroupis. En l'an 1558, Hans Kirchof eut le
malheur de la rencontrer par hasard ; car
il faut dire que personne ne la trouve en se
rendant exprès dans la forêt avec l'intention
de la chercher. Hans raconte qu'à son ex-
trême surprise, il ne vit pas les chiens, quoi-
qu'il avoue que ses cheveux se dressèn'nt
sur sa léle lorsqu'il aperçut le mystérieux
mausolée de ce chasseur félon.
« Le silence règne autour de la pierre de la
forêt d'Usslar; mais l'esprit agité du cheva-
lier Hakelberg, ou du démon qui a pris ce
nom, est aujourd'hui tout-puissant dans le
voisinage d'Oden-Wald, ou forêt d'Odin, au
milieu des ruines du manoir de Rodenstein.
Son apparition est un pronostic de guerre.
C'est à minuit qu'il sort de la tour gardée
par son armée : les trompettes sonnent, les
tambours battent; on distingue les paroles
de commandement adressées par le chef à
ses soldats fantastiques ; et, si le vent souf-
fle, on entend le frôlement drs bannières;
mais, dès que la paix doit se conclure, Ro-
denstein retourne aux ruines de son château,
sans bruit, ou à pas mesurés, et aux sons
d'une musique harmonieuse.
» Rodcnstein peut être évoqué, si on veut
lui parler. Il y a quelques années, un garde
forestier passait près de la tour à minuit ;
il venait d'une orgie et avait une dose plus
qu'ordinaire d'intrépidité : Rodenstein, ziche
fteraus! s'écria-t-il ; Rodenstein parut avec
son armée : hélas! telle fut la violence du
i!)ocdans l'air, que le garde tomba par ti^rre
comme si un coup de vent l'avait frappé:
il se releva plein d'iffroi et n'osa plus répé-
ter : Rodenstein, ziche herausl (1) »
HALEINE. Une haleine forte et violente
est la marque d'un grand esprit, dit un sa-
vant, et au contraire, ajoule-t-il, une haleine
(Ij Traililious pojjulaircs. Quartcriy Uovicw.
faible est la marque d'un tempérament usé
et d'un esprit faible.
HALLUCINATION. Walter Scott, dans sa
démonologie, voit la plupart des apparitions
comme di véritables hallucinations. Il a rai-
son en général. Mais il ne faut pas faire de
cette explication un système, à la manière
des esprits qui veulent tout comprendre, dans
un monde (jù nous sommes environnés de
tant de choses que nous ne comprenons
pas.
C'est une hallucination épidémiquc que
l'exemple qu'il cile de l'Eco^ssais Patrick
Walker, si, en eflet, il n'y avait là que les
phénomènes d'une aurore boréale. — « En
l'année loSS, aux mois de juin et de juillet,
dit l'honnête Walker, plusieurs personnages
encore vivants peuvent attester que, près le
bac de Crosford, à deux milles au-dessous
de Lanark, et particulièrement aux Mains,
sur la rivière de la Clyde, une grande foule
de curieux se rassembla plusieurs fois après
midi pour voir une pluie de bonnets, de
chapeaux, de fusils et d'épées; les arbres et
le terrain en étaient couverts; des compa-
gnies d'hommes armés marchaient en l'air
le long de la rivière, se ruaient les unes con-
tre les autres, et disparaissaient pour faire
place à d'autres bandes aériennes. Je suis
allé là trois fois consécutivement dans l'a-
près-midi, et j'ai observé que les deux tiers
des témoins avaient vu, et que l'autre tiers
n'avait rien vu.
« Quoique je n'eusse rien vu moi-même,
ceux qui voyaient avaient une telle frayeur
et un tel tiemblcment, que ceux qui ne
voyaient pas s'en apercevaient bien. Un gen-
tilhomme, tout près de moi, disait : — Ces
damnés sorciers ont une seconde vue; car le
diable m'emporte si je vois quelque chose!
— Et sur le champ il s'opéra un changement
dans sa physionomie. Il voyait...
« Plus effrayé que les autres, il s'écria :
— Vous tous qui ne voyez rien, ne dites rien ;
car je vous assure que c'est un fait visible
pour tous ceux qui ne sont pas aveugles. —
Ceux qui voyaient ces choses-là pouvaient
décrire les espèces de batterie des fusils, leur
longueur et leur largeur, et la poignée des
épées, les ganses des bonnets, etc.»
Ce phénomène singulier, auquel la multi-
tude croit, bien que seulement les deux tiers
eussent vu, peut se comparer, ajoute Walter
Scott, à l'action de ce plaisant qui, se posant
d lus l'attitude de l'étonnemenl , les yeux
fixés sur le lion de bronze bien connu qui
orne la façade de l'hôtel de Northumberland
dans le Strand (à Londres), attira l'attention
de ceux qui le regardaient en disant : — Par
le ciel, il remue 1... il remue de nouveau 1 —
et réussit ainsi, en peu de minutes, à faire
obstruer la rue par une foule immense ; les
uns s'imaginanl avoir effectivement aperçu
le lion do Percy remuer la queue; les autres
atlendant pour admirer la même merveille.
De véritables hallucinations sont enfan-
tées par une funeste maladie, que diverses
causes peuvent faire naître. La source la
plus fréquente est produite par les habitudes
791
DICTIOiNNAmE DES SCIENCES OCCULTE?.
792
d'iiilempérancc de ceux qui, à la suile d'ex-
cès de boissons , contractent ce (jue lo
peuple nomme les diables bleus , sorte de
spleen ou désorganisation mentale. Les
joyeuses illusions que , dans les commence-
ments, enfanle l'ivresse, s'évanouissent avec
le temps, et dégénèrent en impression d'ef-
Iroi. Le fait qui va suivre fut raconté à l'au-
teur par un ami du patient.
Un jeune homme riche , qui avait mené
nne vie de nature à compromettre à la fois
.va santé et sa fortune, se vit obligé de con-
sulter un médecin. Une des choses dont il se
plaignait le plus, était la présence habituelle
d'une suite de fantômes habillés de vert,
exécutant dans sa chambre une danse bi-
zarre, dont il était forcé de supporter la vue,
quoique bien convaincu que tout le corps de
ballet n'existait que dans son cerveau. — Le
médecin lui prescrivit un régime ; il lui re-
commanda de se retirer à la campagne , d'y
observer une diète calmante, de se lever de
bonne heure, de faire un exercice modéré,
d'éviter une trop grande fatigue. Le malade
se conforma à cette prescriplioa et se réta-
blit.
Un autre exemple d'hallucinations est ce-
lui de M. Nicolaï, célèbre libraire de Berlin.
Cet homme ne se bornait pas à vendre des
livres , c'était encore un littérateur ; il eut
le courage moral d'exposer à la Société phi-
losophique de Berlin le récit de ses souf-
frances, et d'avouer qu'il était sujet à une
suile d'illusions fantastiques. Les circon-
stances de ce fait peuvent être exposées Irès-
lirièvemenl, comme elles l'ont été au public,
attestées par les docteurs Ferriar, Hibbert
ri autres qui ont écrit sur la démonologie.
Nicol;;ï fait remonter sa maladie à une série
de désagréments qui lui arrivèrent au coni-
mencrment dç 1791. L'affaissement d'esprit
occasionné par ces événements , fut encore
aggravé par ce fait, qu'il négligea l'usage de
saignées périodiques auxquelles il était accou-
tumé ; un tel état de santé créa en lui la
disposition à voir des groupes de fantômes
qui se mouvaient et agissaient devant lui , et
quelquefois même lui parlaient. Ces fantô-
mes n'offraient rien de désagréable à son
imagination , soit par leur forme, soit par
leurs actions; et le visionnaire possédait
trop de force d'âme pour être saisi, à leur
présence, d'un sentiment autre que celui de
la curiosité, convaincu qu'il était, pendant
toute la durée de l'accès, que ce singulier
effet n'était que la conséquence de sa mau-
vaise santé, et ne devait sous aucun autre
rapport être considéré comme sujet de
frayeur. Au bout d'un certain temps , les
fantômes parurent moins distincts dans leurs
formes, prirent des couleurs moins vives,
s'affaiblirent aux yeux du malade, etflnirent
par disparaître entièrement.
Un malade du docteur Gregory d'Edim-
bourg, l'ayant fait appeler, lui raconta, dans
les termt'S suivants, ses singulières souf-
frances : — J'ai l'habitude, dit-il, de dîner à
cinq heures ; et lorsque six heures précises
ar<iveut, je suis sujet à une visite fantasti-
que. La porte de la chambre, même lorsque
j'ai eu la faiblesse de la verrouiller, ce qui
m'est arrivé souvent, s'ouvre tout à coup :
une vieille sorcière, semblable à celles qui
hantaient les bruyères de Forrès, entre d'un
air menaçant, s'approche, se jette sur moi ,
mais si brusquement , que je ne puis l'évi-
ter, et alors me donne un violent coup de sa
béquille ; je tombe de ma chaise sans con-
naissance , et je reste ainsi plus ou moins
longtemps. Je suis tous les jours sous la
puissance de cette apparition...
Le docteur demanda au malade s'il avait ja-
mais invité quelqu'un à être avec lui témoin
d'une semblable visite. Il répondit que non.
Son mal était si particulier, on devait si na-
turellement l'imputer à un dérangement
mental, qu'il lui a»ail toujours répugné d'en
parler à qui que ce fût. — Si vous le per-
mettez, dit le docteur, je dînerai avec vous
aujourd'hui têteàléte, et nous verrons si
votre méchante vieille viendra troubler notre
société.
Le malade accepta avec gratitude. Ils dî-
nèrent, et le docteur, qui supposait l'exis-
tence de quelque maladie nerveuse, em-
ploya le charme de sa brillante conversa-
tion à captiver l'attention de son hôte, pour
l'empêcher de penser à l'heure fatale qu'il
avait coutume d'attendre avec terreur. Il
réussit d'abord. Six heures arrivèrent sans
qu'on y fît attention. Mais à peine quelques
minutes étaient-elles écoulées , que le mo-
nomane s'écria d'une voix troublée: — Voici
la sorcière 1 — et, se renversant sur sa chaise,
il perdit connaissance.
Le médecin lui tira un peu de sang , et se
convainquit que cet accident périodique ,
dont se plaignait le malade, était une ten-
dance à l'apoplexie. Le fantôme à la bé-
quille était simplement une sorte de combi-
n.iison analogue à celle dont la fantaisie pro-
duit le dérangement appelé éphialte , ou
cauchemar, ou toute autre impression exté-
rieure exercée sur nos organes pendant le
sommeil.
Un autre exemple encore me fut cité , dit
Waller Scott , par le médecin qui avait été
dans le cas de l'observer. Le malade était un
honorable magistrat, lequel avait conservé
entière sa réputation d'intégrité, d'assiduité
et de bon sens. — Au moment des visites du
médecin, il en était réduit à garder la cham-
bre, quelquefois le lit ; cependant , de temps
à autre, appliqué aux affaires, de manière
que rien n'indiquait à un observateur su-
perficiel la moindre altération dans ses fa-
cultés morales ; aucun symptôme ne faisait
craindre une maladie aiguë ou alarmante ;
mais la faiblesse du pouls, l'absence de l'ap-
pétit, le constant affaiblissement des esprits,
semblaient prendre leur origine dans une
cause cachée que le malade était résolu à
taire. Le sens obscur des paroles de cet in-
fortuné, la brièveté et la contrainte de ses
réponses aux questions du médecin , îc dé-
terminèrent à une sorte d'enquête. Il eut re-
cours à la famille : personne ne devinait la
cause du mal*
703
HAL
HAL
7!»l
L'état des affaires du patient élait pro-
spère ; aucune perte n'avait pu lui occasion-
ner un chagrin ; aucundésappointemenidans
ses affections ne pouvait se supposer à son
âge ; aucune idée de remords ne s'alliait à
son caractère.
Le médecin eut donc recours avec le mo-
nomane à une explication ; il lui parla de la
folie qu'ily avait à se vouer à une mort triste
et lente , plutôt que de dévoiler la douleur
qui le minait. 11 insista sur l'atteinte qu'il
portait à sa réputation, en laissant soupçon-
ner que son at)attement pût provenir d'une
cause scandaleuse, peut-être même trop dés-
honorante pour être pénétrée; il lui fit voir
qu'ainsi il léguerait à sa famille un nom
suspect et terni. Le malade frappé exprima
le désir de s'expliquer franchement avec le
docteur, el , la porte de la chambre fermée ,
il entreprit sa confession en ces termes :
— V^ous ne pouvez comprendre la nature
de mes souffrances, et voire zèle ni votre
habileté ne peuvent m'apporter de soulage-
ment. La situation où je me trouve n'est
pourtant pas nouvelle, puisqu'on la retrouve
dans le célèbre roman de Lesage. Vous vous
souvenez sans doute de la maladie dont il y
est dit que mourut le duc d'Olivarès : l'idée
qu'il était visité par une apparition, à l'exis-
tence de laquelle il n'ajoutait aucunement
foi ; mais il en mourut néanmoins, vaincu
et terrassé par son imagination. — Je suis
d ins la même position; la vision acharnée
qui me poursuit est si pénible et si odieuse,
que ma raison ne suffît pas à combattre mon
cerveau affecté : bref, je suis victime d'une
m;il;idie imaginaire.
Le médecin écoutait avec anxiété.
— Mes visions, reprit le malade, ont com-
mencé il y a deux ou trois ans. Je me trou-
vais de temps en temps troublé par la pré-
s<'nce d'un gros chat qui entrait et sortait
sans que je pusse dire comment, jusqu'à
ce qu'enfin la vérité me fût démontrée,
et que je me visse forcé à ne plus le re-
garder comme un animal domestiiiue, mais
bien comme un jeu , qui n'avait d'existence
qui' dans mes organes visuels en désordre, ou
dans mon imagination déréglée. Jusque-là,
je n'avais nullement pour cet animal l'aver-
sion absolue de ce brnve chef écossais, qu'on
a vu passer par les différentes couleurs de
son plniil , lorsque par hasard un chat se
trouvait dans un appartement avec lui. Au
contr;iire, je suis aini des chats, et je sup-
portais avec triinquillilé la présence de mon
visiteur imaginaire, lorsqu'un spectre d'une
grande importance lui succéda. Ce n'était
autre chusc que l'apparition d'un huissier de
la cour.
Ce personnage , avec la bourse et l'épée,
une veste brodée et le chapeau sons le bras,
se glissait à mes côtés, el, chez moi ou chi'z
les autres, montait l'escalier devant moi,
comme pour m'annoncer dans un salon, puis
se mêlait à la société, quoiqu'il fût évident
(pie personne ne remarquât sa présence, et
que seul je fusse sensible aux cliiméri(iucs
honneurs qu'il me voulait rendre. Cttlc bi-
zarrerie ne produisit pas beaucoup d'effet
sur moi ; cependant elle m'alarma, à cause
de l'influence qu'elle pouvait avoir sur mes
facultés.
Après quelques mois, je n'aperçus plus lo
fantôme de Ihuissier. Il fut remplacé par un
autre , horrible à la vue, puisque ce n'est
autre chose que l'image de la mort elh;-
même, un squelette. Seul ou en comp.ignie,
la présence de ce fantôme ne m'abandonne
jamais. En vain je me suis répété cent fois
que ce n'est qu'une image équivoque et l'ef-
fet d'un dérangement dans l'organe de ma
vue; lorsque je me vois, en idée à la vérité,
le compagnon d'un tel fantôme , rien n'a de
pouvoir contre un pareil malheur, et je sens
que je dois mourir victime d'une affection
aussi mélancolique, bien que je ne croie
pas à la réalité du spectre qui est devant mes
yeux.
Le médecin affligé fil au malade, alors au
lit, plusieurs questions. Ce squelette, dit-il,
semble donc toujours là ?
— Mon malheureux destin est de le voir
toujours.
— Je comprends; il est, à l'instant même,
présent à votre imagination?
— Il est présent à l'instant même.
— El dans quelle partie de voire chambre
ic voyez-vous?
— Au pied de mon lit ; lorsque les rideaux
sont entr'ouverts , il se place enlre eux, et
remplit l'espace vide.
— Aurez-vous assez de courage pour vous
lever et pour vous placer à l'endroit qui
vous semble occupé, afin de vous convain-
cre de la déception ?
Le pauvre homme soupira et secoua la
tête d'une manière négative.
— Eh bien I dit le docteur, nous ferons
l'expérience une autre fois.
Alors il quitta sa chnise aux côtés du lit;
et se plaçant entre les deux rideaux entr'ou-
verts, indiqués comme la place occupée par
le fantôme, il demanda si le spectre était en-
core visible.
— Non entièrement, dit le malade, parce
que votre personne est enlre lui et moi;
mais j'aperçois sa tête par - dessus vos
épaules.
Le docteur tressaillit un moment, malgré
sa philosophie , à une réponse qui affirmait
d'une manière si précise que le spectre le
touchait de si près. Il recourut à d'autres
moyens d'investigation , mais sans succès.
Le malade tomba dans un marasme encore
plus profond ; il en mourut, et son histoire
laissa un douloureux exemple du pouvoir
que le moral a sur le physique, lors même
que les terreurs fantastiques ne parviennent
pas à absorber l'intelligence de la personne
qu'elles tourmentent.
Rapportons encore, comme fait attribué à
l'hallucination, la célèbre apparition de Mau-
perluis à un de ses confrères, professeur de
Berlin. Elle est décrite dans les Actes de la
Société royale de B^irlin, et se trouve rap-
portée par M. Thiébaut dans ses Souvenirs
de Frédéric le Grand. Il est essentiel de
795
DlCTIONNAllŒ DES SCIENCES OCCULTES.
'96
prévenir que M. Gledilcli, à qui elle est arri-
Aée, émit un bolanislt; distingué, professeur
lie philosophie naturelle, et regardé comme
un homme d'un caractère sérieux, simple et
traiiquille.
Peu de temps après la mort de M.iuper-
luis, M. Gleditch, obligé de traverser la salle
dans laquelle l'académie tenait ses séances,
ayant quelques arrangements à faire dans le
rabinel d'histoire naturelle, qui était de son
ressort , aperçut, en entrant dans la salle,
l'ombre de M. de Maupertuis, debout et fixe
dans le premier angle à main gauche, et ses
yeux braqués sur lui.
Il était trois heures de l'après-midi. Le
professeur de philosophie en savait trop sur
sa physique pour supposer que son prési-
dent, mort à Bâle dans la famille de Ber-
nouilli, serait revenu à Berlin en personne.
Il ne regarda la chose que comme une illu-
sion provenant d'un dérangement de ses or-
g.ines. Il continua de s'occuper de ses affai-
res, sans s'arrêter plus longtemps à cet objet.
Mais il raconta cette vision à ses confrères,
les assurant qu'il avait vu une figure aussi
bien formée et aussi parfaite que M. de Mau-
pertuis lui-même aurait pu la présenter.
Après avoir montré par ces récits les illu-
sions que la vue peut causer, Walter Scott
s'occupe des déceptions que produit quel-
qucfoisl'organederouïe. Le docteur Johnson
conserva, dit-il, une impression profonde de
ce que, un jour qu'il ouvrait les portes de
son coHé^çe , il entendit la voix de sa mère,
à plusieurs milles de distance, l'appeler par
son nom ; et il paraît surpris de ce qu'au-
cun événement de quelque importance n'ait
suivi cet avertissement.
Le fait que voici fera connaître encore par
quels incidents futiles l'oreille humaine peut
être abusée. Walter Scott lui-même mar-
chait dans un lieu solitaire et sauvage, avec
un jeune homme frappé de surdité, lorsqu'il
entendit ce qu'il crut être les aboiements
d'une meute, répétés par intervalles. C'était
dans la saison de l'été: ce qui, après une
courte réflexion, persuada l'illustre écrivain
que ce ne pouvait être le bruit d'une chasse.
Cependant ses oreilles lui reproduisaient
continuellement les mêmes sons. Il rappela
ses chiens, dont deux ou trois le suivaient ;
ils s'approchèrent parfaitement tranquilles,
et ne paraissant évidemment point frappés
des sons qui attiraient l'attention de leur
maître, au point qu'il ne put s'empêcher de
<'ire à son compagnon : J'éprouve en ce mo-
ment un double chagrin de votre infirmité,
car elle vous empêche d'entendre le cri du
chasseur sauvage.
Comme ce jeune homme faisait usage d'un
(Omet acoustique, il l'ajusta pendant que
je lui parlais , poursuit le narrateur ; et
dans ce mouvement, je vis la cause du phé-
nomène. Ces aboiements n'existant pas, c'é-
tait simplement le sifflement de l'air dans
l'instrument dont se servait le jeune homme,
mais qui , pour la première fois , produisait
tel effet à mon oreille.
Les autres sens trompent aussi, mais sur-
tout dans le sommeil ou dans la folie.
La vision du suicide.
Ceci est un conte fantastique extrait do
Nicolas Nikleby, de M. Charles Dickens.
Le baron von Koeldwethout de Grogzwiij;
(Allemagne) était au désespoir : sa fenune
venait de lui donner son treizième enfant, et
à chaque nouveau né elle était plus gron-
deuse. Ue plus, il venait de reconnaître que
ses coffres étaient vides. Le baron ne chas-
sait plus, ne riait plus : — Je ne sais que
faire, dit-il, j'ai envie de me tuer.
C'était une brillante idée!
Le baron prit dans une armoire un vii'ux
couteau de chasse, et l'ayant repassé sur sa
botte, il fit mine de l'approcher de sa gorge.
— Hem ! dit-il, s'arrêlant tout court, il n'est
peut-être pas assez affilé.
Le baron le repassa de nouveau; et il fai-
sait une seconde tentative, quand il fut in-
terrompu par les clameurs bruyantes des
jeunes barons et des petites baronnes; car
leur chambre était dans une tour voisine ,
dont les fenêtres étaient garnies de barres-
de fer, pour les empêcher de tomber dans le
fossé. — O délices du célibat 1 s'écria-t-il en
soupirant, si j'avais été garçon , j'aurais pu
me tuer cinquante fois sans être dérangé.
Holàl mettez un flacon de vin et la plus
grande de mes pipes dans la petite chambre
voûtée, derrière la salle d'armes.
Un valet, qui s'appelait Jean, exécuta l'or-
dre du baron dans l'espace d'une demi-heure
ou à peu près ; et le sire de Grogzwig, infor-
mé que tout était prêt, passadans la chambre
voûtée, dont les boiseries sombres élince-
laientà la lueur des bûches amoncelées dans
le foyer.
La bouteille et la pipe étaient prêtes, et,
somme toute, la pièce avait un air conforta-
ble.
— Laisse la lampe, dit le baron.
— Vous faut-il encore autre chose, mon-
seigneur? demanda le valet.
— Va-t'en.
Jean obéit et le baron ferma la porte.
— Je vais fumer une dernière pipe , dit-il,
et tout sera fini.
Mettant de côté le couteau de chasse eu
attendant qu'il en eût besoin, et se versant
un grand verre de vin, le sire de Grogzwig
s'étendit sur son fauteuil, allongea les jam-
bes sur les chenets et se mit à fumer.
Le baron eût été certainement romantique,
si le romantisme eût été inventé à celte épo-
que; mais il était doublement disposé à la
rêverie, par sa qualité d'Allemand et de fu-
meur. Rien n'est plus favorable que la pipe
aux hallucinations. La monotonie du mou-
vement d'aspiration et d'expiration jette l'es-
prit et les sens dans une espèce de somno-
lence. Les vapeurs narcotiques du tabac
surexcitent et exaltent l'imagination. Il sem-
ble que du foyer de la pipe s'échappe une
inullilude d'êtres aériens qui flottent et tour-
biliouncnl avec la luniée, se cherchent cl se
707
Il AL
IIAL
798
saisissent au milieu du nuago azuré, et mon-
liiil au ciel en dansant.
Le baron songea à une foule de choses, à
ses peines présenles, à ses jours de célibat
et aux genlilshomines verl-poinme, depuis
longtemps dispersés dans le pays, sans qu'on
sût ce qu'ils étaient devenus , à l'exceplion
di! deux qui avaient eu le malheur d'élre dé-
capités, el de quatre autres qui s'élaient (ués
à force de boire. Son esprit errait au milieu
des ours et des sangliers, lorsque, en vidant
son verre jusqu'au fond, il leva les yeux et
crut s'apercevoir qu'il n'était pas seul.
A travers l'atmosphère brumeuse dont il
s'était entouré, le baron distingua un élre
hideux et ridé, avec des yeux creux et san-
{iianls, une figure cadavéreuse et d'une lon-
gueur démesurée, ombragée de boucles épar-
.ses de cheveux noirs. Ce personnage fan-
tastique était assis de l'autre côté du feu, et,
plus le baron le regarda , plus il demeura
convaincu de la réalité de sa présence. L'ap-
parition était affublée d'une espèce de tuni-
que de couleur bleuâtre, qui parut au baron
tiiicorée d'os en croix. En guise de cuissards,
ses jambes étaient encaissées dans des plan-
ches de cercueil, et sur son épaule gauche,
était jeté un manteau court et poudreux, qui
semblait fabriqué d'un morceau de linceul.
Elle ne faisait aucune attention au baron,
mais contemplait fixement le feu.
— Ohé I s'écria le baron, frappant du pied
pour attirer les regards de l'innonnu.
— Ohé ! répéta celui-ci , levant Us yeux
vers le baron, mais sans bouger.
—Qu'est-ce? dit le baron sans s'effrayer do
cette voix creuse et de ces yeux mornes, je
dois vous adresser une question. Comment
étes-vous entré ici?
—Par la porte.
— Qui étes-vous ?
— Un homme.
— Je ne le crois pas.
— Comme vous voudrez.
L'intrus regarda quelque temps le hardi
baron deGrogzwig, et lui dit familièrement:
— Il n'y a pas moyen de vous tromper, à
ce que je vois. Je ne suis pas un homme.
— Qui éles-vous donc?
— Un génie.
—Vous n'en avez pas l'air, repartit dédai-
gneusement le baron.
— Je suis le génie du désespoir et du sui-
cide, dit l'apparition ; vous me connaissez à
présent.
A ces mots, l'apparition se tourna vers le
baron, comme si elle se fût préparée à agir ;
et ce qu'il y eut de remarquable, ce fut de la
yoir mettre de côté son manteau , exhiber
un pieu ferré qui lui traversait le milieu du
corps, l'arracher brusquement et le poser
sur la table aussi tranquillement que si c'eût
éié une canne de voyage.
—Maintenant, dit le génie, jetant un coup
d'œil sur le couteau de chasse, éLes-vous
pi et ?
— Pas encore, il faut que j'achève ma pipe.
— Dépéchez-vous.
-Vous semblez pressé.
— Mais oui, je le suis ; par ces temps de
misère et d'ennui, j'ai beaucoup à faire en
Angleterre et en France oùje vais de ce pas,
et tout mon temps est pris.
— Buvez-vous ? dit le baron , touchant la
bouteille avec la lô(e de sa pipe.
— Neuf fois sur dix et largement, reprit le
génie d'un ton sec.
— Jamais avec modération?
— Jamais, répliqua le génie en frissonnant,
cela engendre la gaieté.
Le baron examina encore son nouvel hôlc
qu'il regardait comme un visiteur extraordi-
nairement fantasque, et lui demanda enfin
s'il prenait une part active â tous les simples
arrangements du genre de ceux dont il s'a-
gissait en ce moment. —Non, répondit évasi-
vement le génie; mais je suis toujours pré-
sent.
— Pourvoirsi l'affaire va bien? je suppose.
— Précisément, répondit le génie en jouant
avec son pieu dont il examinait le fer. Ne
perdez pas une minute, je vous prie , car jo
suis mandé par un jeune homme afÛigé de
trop de loisir el de trop d'argent.
— Se tuer parce qu'on a trop d'argent!
s'écria le baron, en se laissant aller à une
violente envie de rire. Ah ! ah I ah 1 voilà qui
est bon 1
C'était la première fois que le baron riait
depuis longtemps.
— Dites donc, reprit le génie d'un ton sup-
pliant et d'un air d anxiété, ne recommencez
piis, s'il vous plait.
— Pourquoi?
— Vos rires me font mal. Soupirez tant
que vous voudrez, je m'en trouverai bien.
Le baron soupira machinalement, et le gé-
nie, reprenant son courage, lui tendit le
couteau de chasse avec la plus séduisante po-
litesse.
— Ah I ce n'est pas une mauvaise idée, dit
le baron, sentant la froide pointe de l'acier,
se tuer parce qu'on a trop d'argent 1
— Bah ! dit l'apparition avec pétulance,
est-ce une meilleure idée de se tuer parce
qu'on n'en a pas assez?
Je ne sais si le génie s'était compromis par
mégarde en prononçant ces mots , ou s'il
croyait la résolution du baron assez bien ar-
rêtée pour n'avoir pas besoin de faire atten-
tion à ce qu'il disait ; je sais seulement que
le sire de Grogzwig s'arrêta tout à coup, ou-
vrit de grands yeux, et parut envisager l'af-
faire sous un jour complètement nouveau. —
Mais, en effet, dit-il, rien n'est encore dés-
espéré.
— Vos coffres sont vides, s'écria le génie.
— On peut les remplir.
— Votre femme gronde.
— On la fera taire.
— Vous avez treize en^ints.
—ils ne peuvent tous mal tourner.
Le génie s'irritaitévidemmentdes opinions
avancées par le baron ; mais il affecta d'en
rire, el le pria de lui faire savoir quand il
aurait fini de plaisanter. — Mais je ne plai-
sante pas, au contraire, reprit le baron.
— lih bien 1 j'ensuis charmé, dit le génie..
7W DICTIONNAIUE DES
parce que, je l'avoae fram hemcnl , toute
plaisanterie est mortelle pour iiiui. Allons ,
quidez ce monde de misères.
— J'hésite, dit le baron, jouant avec le
couteau de chasse; ce monde ne vaut pas
grand'chose, mais....
—Dépêchez -vous I s'écria le génie en grin-
çant des dents.
— Laissez-moi, dit le baron ; je cesserai
de broyer du noir, je prendrai gaîiiient les
choses, je respirerai le frais, j'irai à la
chasse aux ours, et, si l'on me contrarie,
j'enverrai promener les gens.
A ces mots, le baron tomba en arrière
dans son fauteuil, et partit d'un éclat de
rire si désordonné, que la chambre en re-
tentit.
Le génie recula de deux pas, regarda le
baron avec une expression de terreur, reprit
son pieu ferré, se lenlonça violemment au
travers du corps, poussa un hurlement d'ef-
froi et disparut.
Le sire de Grogzwig, comme le bûcheron
de la fable, ne revit plus le génie de mort.
Conformant ses actions à ses paroles, il vé-
cut longtemps après sans beaucoup de for-
tune, mais heureux, laissant une nombreuse
famille exercée sous ses yeux à la chasse
aux ours.
Bonnes gens, si de semblables motifs vous
rendent jamais hypocondres et mélancoli-
ques, je vous conseille d'examiner les deux
faces de la question, en appliquant à la meil-
leure un verre grossissant. Voy. Visions.
HALPHAS, grand comte des enfers. Il pa-
raît sous la forme d'une cigogne, avec une
voix bruyante. Il bâtit des villes, ordonne les
guerres et commande vingt-six légions (1).
C'est peut-être le même que Malphas.
HA LTIAS. Les Lapons donnent ce nom aux
vapeurs qui s'élèvent des lacs, et qu'ils pren-
nent pour les esprits auxquels est commise la
garde des montagnes.
HAMELN. Voy. Magiciens.
HAMLET, prince de Danemark, à qui ap-
parut le spectre de son père, pour demander
une vengeance dont il se chargea. Shak-
speare a illustré celle sombre histoire. On
montre toujours sur une colline voisine
d'Elseneur la tombe dHamIct , que des
croyances peureuses entourent et protè-
gent.
HANDEL , célèbre musicien saxon. Se
trouvant en 1700 à Venise, dans le temps du
carnaval.iljouade la harpe dans une masca-
rade. Il n'avait alors que seize ans, mais son
nom dans la musique était déjà très-connu.
Dominique Scarlati, habile musicien d'alors
sur cet instrument, l'entendit et s'écria : Il
n y a que le Saxon Handel, ou le diable, qui
puisse jouer ainsi....
HANNETON. Il y a, dans la Cafrerie, une
sorte de hanneton qui porte bonheur quand
Il entre dans une hutte. On lui sacrifie des
brebis. S'il se pose sur un nègre, le nègre en
devient tout lier.
HANNON, général carthaginois, distingué
(Ij Wicrus ia l'seudomoaarchia daein.
SCIENCES OCCULTES
800
par cette fourberie : il nourrissait des oiseaux
à qui il apprenait à dire : Hiinnon est un
dieu. Puis il leur donnait la liberté.
HAQUIN. Les anciennes histoires Scandi-
naves font mention d'un vieux roi de Suède,
nommé Haquin, qui commença à régner au
troisième siècle, et ne mourut qu'au cin-
quième, âgé de deux cent dix ans, dont cent
quatre-vingt-dix de règne. Il avait déjà cent
ans, lorsque ses sujets s'étant révoltés con-
tre lui, il consulta l'oracle d'Odin qu'on ré-
vérait auprès d'IJpsal. Il lui fut répondu que
s'il voulait sacrifier le seul fils qui lui res-
tait, il vivrait et régnerait encore soixante
ans. Il y consentit, et ses dieux lui tinrent
parole. Bien plus, sa vigueur se ranima à
l'âge de cent cinquante ans; il eut un fils et
successivement cinq aiitn s, depuis cent cin-
quante ans jusqu'à cent soixante.
Se voyant près d'arriver à son terme, il
lâcha encore de le prolonger; et les oracles
lui répondirent que s'il sacrifiiil l'aîné de
ses enfants, il régnerait encore dix ans; il le
fit. Le second lui valut dix autres années de
règne, et ainsi de suite jusqu'au cin(iuièine
Enfin il ne lui restait plus que celui-là; il
était d'une caducité extrême, mais il vivait
toujours ; lorsqu'ayant voulu sacrifier ce
dernier rejeton de sa race, le peuple, lassé
du monarque et de sa barbarie, le chassa du
trône; il mourut, et son fils lui succéda.
Delancre dit que ce monarque était grand
sorcier, et qu'il combattait ses ennemis i\
l'aide des éléments. Par exemple, il leur en-
voyait de la pluie ou de la grêle.
HARIDI, serpent honoré à Akhmin , ville
de la Haute-Egypte. Il y a quelques siècles
qu'un derviche, nommé Haridi, y mourut;
on lui éleva un tombeau, surmonté d'une
coupole, au pied de la montagne ; les peu|)les
vinrent lui adresser des prières. Un autre
derviche profita de la crédulité des bonin s
gens, et leur dit que Dieu avait fait passer l'es-
prit du défunt dans le corps d'un serpent. Il
en avait apprivoisé un de ceux qui sont
communs dans la'fhébaïdcetqui no font point
de mal; ce reptile obéissait à sa voix. Le
derviche mit à l'apparition de son serpent
tout l'appareil du charlatanisme, éblouit le
vulgaire, et prétendit guérir toutes les mala-
dies. Quelques succès lui donnèrent la vo-
gue. Ses successeurs n'eurent pas de peine
à soutenir une imposture lucrative; ils en-
chérirent en donnant à leur serpi^nl l'immor-
talité, et poussèrent l'impudence jusqu'à en
faire un essai public; le serpent fut coupé en
morceaux en présence de l'émir, et déposé
sous un vase pendant deux heures. A l'in-
stant où le vase fut levé, les serviteurs du
derviche eurent sans doute l'adresse d'en
substituer un semblable ; on cria au prodige,
et l'immortel Haridi acquit un nouveau de-
gré de considération.
Paul Lucas raconte que, voulant s'assurer
des choses merveilleuses que l'on racontait
de cet animal, il fit pour le voir le voyage
d'Akhmin; qu'il s'adressa à Assan-Bey, le-
quel fit venir le derviche avec le serpent ou
lunge, car tel est le uom qu'on lui donnait;
I
801
HAR
HAR
8(12
et que ce derviche tir.i de son sein, en sa pré-
sence, l'animal merveilleux. C'était, ajoule-
l-il, une couleuvre de médiocre grosseur, et
qui paraissait fort douce.
HAllO. Le diable a souvent fait parler de
lui en Espagne comme partout; citons la lé-
gende relative à l'origine démoniaque de la
noble famille de Haro.
Don Diego Lopez, soigneur de Biscaye,
était à l'affût du sanglier, lorsqu'il entendit
les accords d'une délicieuse voix de femme.
Il regarde et il aperçoit la chanteuse debout
sur un rocher. 11 en devint épris et lui proposa
de l'épouser.
J'accepte votre main, répondit-elle, beau
chevalier, car ma naissance est noble; mais
à une condition: jurez-moi que vous ne pro-
noncerez jamais devant moi un nom sacré.
Le chevalier le jura ; et, quand le mariage
fut consommé, il s'aperçut que sa fiancée
avait un pied de chèvre. Heureusement c'é-
tait son seul défaut. Personne n'est parfait.
Par une convention tacite, le pied de chèvre
ne fut bientôt qu'un pied de biche, ce qui était
plus poétique. Don Diego n'en eut pas moins
d'attachement pour sa femme , qui devint
mère de deux enfants, une fille et un fils
nommé Inigucz Guerra.
Or, un jour qu'ils étaient à table, le sei-
gneur de Biscaye jeta un os à ses chiens : un
mâtin et un épagneul se prirent de querelle ;
l'épagneul saisit le mâtin à la gorge et l'é-
trangla : « Sainte vierge Marie ! s'écria don
Diego; qui a jamais vu chose pareille?»
La dame au pied de biche saisit aussitôt
les mains de ses enfants. Diego retint le gar-
çon, mais la mère s'échappa à travers les airs
avec la fille...
Par la suite , don Diego Lopez envahit les
terres des Maures : il fut malheureux dans
un combat et fait prisonnier; les vainqueurs
lui lièrent les mains et l'emmenèrent à To-
lède. IniguczGuerra était triste de la captivité
de son père. Quelqu'un lui dit alors :— Pour-
quoi n'iriez-vous pas invoquer la fée qui
vous a donné le jour? elle seule peut vous
indiquer un moyen de délivrer don Diego.
Iniguez monta à cheval, se rendit à la
montiigne; la fée était sur le rocher. Elle
reconnut son fils: — Viens à moi, lui dit-elle;
je sais ce qui t'amène et je te promets aide et
protection. Laisse là ton cheval, il ne te serait
d'aucun service. Je veux le remplacer par un
autre qui en quelques heures te portera à
Tolède; mais tu ne lui mettras pas de bride;
lu ne le feras pas ferrer; tu ne lui donneras
ni nourriture ni eau. La fée Pied-de-Biche
appela Pardalo; c'était le nom de ce coursier
extraordinaire.
Iniguez s'élança sur sa croupe, et ramena
bientôt son père.
La fée Pied-de-Biche était si bien un démon,
que la conclusion de la légende, en mention-
nant ses autres apparitions en Biscaye, nous
dit qu'elle se montre sous les traits qui ca-
ractérisent le diable (1).
H AUOLD. Gomme tous les anciens peuples,
les Scandinaves croyaient volontiers à l'cxi-
(1) TraJilioos populaires. Quarlcrly Ileview.
stcnce de démons lutélaires; et les Islandais
leur avaient voué une reconnaissance par-
ticulière pour avoir fait avorter les noirs
desseins du roi Harold-Germson. Ce roi de
Norwège , dit la Saga, désirant connaître la
situation intérieure de l'île, qu'il avait l'in-
tention de punir, chargea un habile troldman
ou magicien do s'y rendre, sous laforme qu'il
voudrait prendre.
Pour mieux se déguiser, le troldman se
changea en baleine et nagea jusqu'à l'île ;
mais les rochers et les montagnes étaient
couverts de ladwailiirs ou génies propices qui
faisaient bonne garde.
Sans en avoir peur, l'espion d'HaroId nagea
vers le golfe de Vapna, et essaya de débar-
quer; mais un énorme dragon déroula les
longs anneaux de sa queue sur les rochers,
et, suivi d'une armée innombrable de ser-
pents, descendit dans le détroit , arrosant la
baleine d'une trombe de venin.
La baleine ne put leur résister, et nagea
à l'ouest vers la baie d'Ove; mais là elle
trouva un immense oiseau qui étendit ses
ailes comme un rideau sur le rivage, et l'ar-
mée des esprits s'abattit à ses côtés sous la
même forme.
Le troldman voulut alors pénétrer par Bri-
daford,ausud.Un taureau vint à sa rencontre
et se précipita dans les Ilots, escorté d'un
troupeau qui mugit autour de son chef d'une
manière épouvantable.
Cette nouvelle rencontre ne découragea
pas l'ennemi , qui se dirigea vers Urekars-
kinda; mais là, un géant se présenta, un
géant dont la tête dépassait le sommet de la
plus haute montagne, un géant armé d'une
massue de fer , et accompagné d'une troupe
de géants de la même taille.
Cette tradition est remarquable , parce
qu'elle nous fait voir que les Scandinaves
classaient leurs esprits élémentaires d'après
la doclrinecabalisliquedeParacelse.La terre
envoie ses génies sous la forme de géants;
les sylphes apparaissent en oiseaux ; le tau-
reau est le type de l'eau; le dragon procède
de la sphère du feu.
Le mont Hécla fait partie , en quelque
sorte, de la mythologie des SkaMes. Les
hommes du Nord furent convertis peu de
teujps après qu'ils eurent fait connaissance
avec ses terreurs; et, lorsqu'ils devinrent
chrétiens , ils en firent la bouche de l'enfer.
L'Hécla ne pouvait manquer surtout d'être
le refuge des esprits du feu , que la tradition
avait probablement connus en Scandinavie
et à Asgard. Leur grand ennemi était Luri-
dan. On lit dans le livré de Vanagastus, le
Norwégien, que Luridan , l'esprit de l'air,
« voyage par ordre du magicien en Laponie,
en JPinlande, en Skrikfinlande et jusqu'à la
merGlaciale. — C'est sa natured'être toujours
en opposition avec le feu et de faire une
guerre continuelle aux esprits du mont Hé-
cla. Dans celle guerre à mort, les deux pailis
se déchirent l'un l'aulre, heurtant leurs ba-
taillons à travers les aiis. Luridan cherclic
à livrer le combat au-dessus de l'Océan où
les blessés du l'armée contraire tombent sans
P(I3
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES
SOI
ressource; ma!» si l'nclion a lieu sur la
montagne, l'avantage esl souvent aux esprits
dufeu,e( l'on entend de grandes lamentations
en Islamte, en Russie, en Norwéjçe (1), etc. »
HARPE. Chez les Calédoniens, lorsqu un
guerrier célèbre était exposé à un grand pé-
ril, les harpes rendaient d'elles-mêmes un
son lugubre et prophétique ; souvent les om-
bres des aïeux du guerrier en pinçaient les
cordes. Les bardes alors commençaient un
chant de mort, sans lequel aucun guerrier
n'était adtnis dans le palais de nuages, et
dont l'elTet était si salutaire que les laiitômes
retournaient dans leur demeure pour y re-
cevoir avec cmpressemenl et revêtir de ses
armes fantastiques le héros décédé.
HARPPE. Thomas Bartholin, qui écrivait
au dix-septième siècle, raconte, après une
ancienne magicienne nommée Landela, dont
l'ouvrage n'a jamais été imprimé, un trait
qui doit être du treizième siècle ou du qua-
torzième.
Unhommedu nord, qui se nommait Harppe,
étant à l'article de la mort, ordonna à sa
femme de le faire enterrer tout debout devant
la porte de sa cuisine, afin qu'il ne perdit p is
tout à fait l'odeur des ragoûts qui lui étaient
chers, et qu'il pût voir à son aise ce qui se
passerait dans sa maison.
La veuve exécuta docilement et fidèlement
ce que son mari lut avait commandé.
Quelques semaines après la mort de
Harppe, on le vit souvent apparaître, sous
la forme d'un fantôme hideux, qui tuait les
ouvriers et molestait tellement les voisins,
que personne n'osait plus demeurer dans le
village. Un paysan, nommé OlausPa, fut as-
sez hardi pour attaquer ce vampire, car c'en
était un ; il lui porta un grand coup de lance,
et laissa la lance dans la plaie. I^c spectre
disparut.
Le lendemain, Olaus fit ouvrir le tombeau
du mort; il trouva sa lance dans le corps de
Harppe, au même endroit où il avait frappé
le fantôme. Le cadavre n'était pascorrom[)u;
on le tira de terre; on le brûla, on jeta ses
cendres à la mer, et on fut délivré de ses fu-
nestes apparitions (2).
« Le corps de Harppe, dit ici Dom Calmct
(si l'on admet la vérité de ce fait), était donc
réellement sorti de terre lorsqu'il apparais-
sait. Ce corps devait être palpable et vulné-
rable, puisqu'on trouva la lance dans la
plaie. Comment sortit-il de son tombeau, et
comment y rentra-t-il? C'est la dilficuUé ;
car qu'un ait trouvé la lance et la bles-
sure sur son corps, cela ne doit pas sur-
prendre, puisqu'on assure que les sorciers,
qui se métamorphosent en chiens, en loups-
garous, en chats, etc., portent dans leurs
corps humains les blessures qu'ils ont reçues
aux mêmes parties des corps dont ils se sont
revêtus, et dans lesquels ils apparaissent. »
Le plus croyable sur cette histoire peu avé-
rée est probablement que c'est un conte.
Voy. Vampires.
HARVILLIEKS (Jeanne), sorcière des en-
1 ) Tradilions populaires. Quartely Uevicw.
2t liarlhuliui, de Causa coulemplui luortU, etc., lib II,
virons de Compiègne, au commencement du
seizième siècle. Dans son procès, elle racon-
ta que sa mère l'avait présentée au diable
dès l'âge de douze ans ; que c'était un grant'
nègre velu de noir; qu'il arrivait quand elle
le voulait, botté, éperonné et rcinl d'une
épée; qu'elle seule le voyait, ainsi que son
cheva!, qu'il laissait à la porte.
La mère de Jeanne avait é'é brûlée comme
sorcière. Elle, qui du reste avait commis
d'autres crimes, fut également brûlée, à l'âge
de cinquante ans, le dernier jour d'avril de
l'année 1578 (3). Voy. Sorciers.
HAIIVIS. C'est le nom qu'on donne aux
sorciers de l'Egypte moderne.
« De tout temps, dit M. Théodore Pavie,
l'Egypte a eu des sorciers. Les devins (|ui
luttèrent contre Moïse firent tant de prodiges,
qu'il fallut au législateur des Hébreux la
puissance invincible dont Jéhov.ih l'av.iit
doué, pour triompher de ses ennemis. La ca-
balistique, la m;igie, les sciences occultes,
importées par les Arabes en Espagne, puis
dans toute l'Europe, où déjà elles avaient
paru sous d'autres formes à la suite des bar-
bares venus d'Orient par le Nord, n'étaient
que des tentatives pour retrouver ces pou-
voirs surnaturels, premier apan;ige de l'hom-
me, alors qu'il commandait aux choses de
la création en les appelant du nom que la
voix de l'Elernel leur avait imposé.
« Désormais, soit que les lumières de la
vérité, plus répandues, rendent moins fa-
ciles les expériences des sorciers dégénérés,
soit que l'honime en avançant dans les siècles
perde peu à peu ce reste d'empire sur la ma-
tière, qu'il cherche aujourd'hui à dompter
par l'analyse des lois auxquelles elle obéit,
toujours est-il que la magie est une science
perdue ou considérée comme telle.
« L'Egypte cependant prétend en avoir
conservé la tradition ; et les devins du Caire
jouissent encore, sur les bords du Nil, d'une
réputation colossale. 11 ne s'agit pas pour eux
précisémenlde jeter des sorts, de prédire des
malheurs; ils n'ont pas la seconde vue du Ty-
rol ou do l'Ecosse; leur science consiste à
évoquer, dans le creux delà main d'un en-
f ml pris au hasard, telle personne éloignée
dont le nom est prononcé dans l'assemb.ée,
et de la faire dépeindre par ce même enfant,
sans qu'il l'ait jamais vue, sous des traits
impossibles à méconnaître.
« Le plus célèbre des harvis a eu l'honneur
de travailler devant plusieurs voyageurs eu-
ropéens, dont les écrits ont été lus avec avi-
dité, et il a généralement assez bien réussi
pour que sa gloire n'ait eu rien à souffrir do
ces rencontres périlleuses. Voir cet homme,
assister à une séance de magie, juger par
mes propres yeux de l'état de la sorcellerie
en Orient, trois choses qui me tentaient vio-
lemment : l'occasion s'en présenta.
« C'était au Caire, dans une des hôtelleries
de celte capitale de l'Egyple. A la suile do
quelques discussions qui s'étaient élevées
entre nous au sujet du grand harvi, il fui
cap 2.
(3J Hùtoirc de la maille co Fraoce, d. 133.
»m
IIAR
riAH
«Oi>
unaiiimcmciil résolu do le faire ajipeîor. La
lable ilail presque toute composée (l'Anglais.
« Vers la fin du dîner, le sorcier arriv.i.
Il entre, fait un léger signe de tôle, et va
s'asseoir au coin du divan, dans le fond du
salon. Bientôt, après avoir acceplé le calé
<'t la pipe, comme chose due ? son impor-
tance, il se recueille, toutenparcourantl'as-
semblée d'un regard scrutaleur. Le devin est
né à Alger; sa physionomie n'a rien do gra-
cieux, son œil est perçant et peu ouvert; sa
barbe grisonnante laisse voir une bouche pe-
tite, à lèvres minces et serrées; ses trails,
plus fins que ceux d'un Egyptien, n'ont pas
non plus le calme impassible et sauvage du
Bédouin ; il est grand, fier, dédaigneux, et
se pose en homme supérieur.
« Tandis que nous achevions de fumer, ce-
lui-ci son chibouk, celui-là son narguilé, le
liarvi, immobile dans son coin, cherchait à
lire sur nos visages le degré de croyance que
nous étions disposés à lui accorder; puis tout
à coup il tira de sa poche un calam (sorte de
plume) et de l'encre, demanda un réchaud,
l'I se mit à écrire ligne à ligne, sur un long
morceau de papier,demystérieuses sentences.
Dès qu'il eut jeté dans le feu quelques-unes
de ces lignes, déchirées successivement, le
charme commençant à opérer, un enfant fut
introduit. C'était un Nubien de sept à huit
ans, esclave au service de l'un de nos con-
vives, récemment arrivé de son pays, noir
comme l'encre du harvi, et alTublé du plus
ample costume turc. Le sorcier prit la main
de l'enfant, y laissa tomber une goutte du li-
quide magique, retendit avec sa plume de
roseau, et abaissant la tète du patient sur
ses doigts, de manière à ce qu'il ne pût rien
voir, il le plaça dans un coin de l'apparte-
nienl, près de lui. le dos tourné à l'assemblée.
« Lady K...1 s'écria le plus impétueux des
spectateurs. — Et l'enfant, après avoir hésité
quelques instants, prit la parole d'une voix
faible. — Que vois-tu? lui demanda son maî-
tre, tandis que le harvi, de plus en plus sé-
rieux, marmottait des vers magiques, tout
en brûlant ses papiers , dont il tira une
grande poignée de dessous sa robe.
« — Je vois, répondit le petit Nubien; je
vois des bannières, des mosquées, des clie-
vaux, des cavaliers, des musitiens, des cha-
meaux...
« — Toutes choses qui n'ont rien à faire
avec lady K... , me dit tout bas un esprit fort.
« — Shoufta' ib! Shoufta' ihl regarde bien I
criait le spectateur qui voulait évoquer lady
K...
« L'enfant se taisait, balbutiait ; puis il dé-
clara qu'il voyait une personne.
* — Est-ce une dame, un monsieur?
n — Une damel
« — Le harvi s'aperçut à nos regards qu'il
avait déjà converti à moitié les plus incré-
dules.
« — Et comment est cette dame?
« — Elle est belle, reprit l'enfant, bien vê-
tue et bien blanche; elle a un bou(|uet à la
main; elle est près d'un balcon, et regarde
un beau jardin.
« — On dirait que ce négrillon a vu quel-
quefois les portraits de Lawrence, dit le
maître de l'esclave à son voisin ; il a deviné
juste, et pourtant jamais rien de semblable
ne s'est présenté à ses yeux.
« — Et puis, reprit l'enfant après quelques
S( condes, car il parlait lentement et par mots
entrecoupés, cette belle dame a Crois jambes!
« L'effort que fit le harvi pour ne pas ané-
antir le négrillon d'un coup de poing se tra-
hit par un sourire forcé. Il lui répéta avec
une douceur contrainte, une grâce pleine do
rage : — Slioicf la' ib! regarde bien I
« L'enfant tremblait; toutefois il affirma
que le personnage évoqué dans le creux de
sa main avait trois jambes.
« Aucun de nous ne put se rendre compte
de l'illusion ; mais on fit retirer le petit nègre,
qui fut remplacé par un autre en tout sem-
blable. Durant celle interruption, le sorcier
avait marmotté bon nombre de phrases ma-
giques etbrûlé force papiers. L'assemblée fu-
mait, le café circulait sans cesse: l'anima^
tion allait croissant. On convint d'évoquer
celte fois sir F. S.... , facile à reconnaître,
puisqu'il a perdu un bras. Le nouveau né-
grillon prit la place du premier, abaissa de
même sa léte sur la goutte d'encre, et l'on
fit silence.
« — Sir F. S.... ! dit une voix dans l'assem-
blée, et l'enfant répéta, syllabe par syllabe,
ce nom tout à fait barbare pour lui. Ainsi
que son prédécesseur, il déclara voir des
chevaux, des chameaux, des bannières et des
troupes de musiciens : c'est le prélude ordi-
naire, le chaos qui se débrouille avant que
la lumière magique de la goutte d'encre
éclaire le personnage demandé.
« — Le harvi ne comprend ni le français,
ni l'anglais, ni l'italien ; mais, habitué à lire
dans Us regards du public, il devina qu'on
lui proposait un sujet marqué par quelque
signe particulier. Jadis on lui avait demandé
de faire paraître Nelson, à qui, comme cha-
cun sait, il manquait un bras et une jambe,
et il avait rencontré iu.>te, grâce à la célé-
brité du héros. Cetie fuis, il eut vent de quel-
que tour de ce genre ; aussi, après bien des
réponses confuses, l'enfant s'écria :
« — Je vois un mor.sieurl c'est un chré-
tien, il n'a pas de turban; son habit est
vert... Je ne vois qu'un bras I
« A ces mots, nous échangeâmes un sou-
rire, comme des gens qui s'avouent vaincus :
il fallait croire à la magie... Mais mon voisin
l'esprit fort, après avoir fait bouillonner
l'eau de son narguilé avec un bruit effroya-
ble, regarda le harvi. Je remarquai que
notre pensée avait été mal interpréiée par le
devin, et qu'il chancelait dans son affirma-
tion, supposant que nous avions ri de pitié.
Il dem'uida donc à l'enfant :
« — Tu ne vois qu'un bras? Et l'autre 7
« L'enfant ne répondit pas, et il se fit un
grand silince. On entendit les petits papiers
s'enfl immer plus vivement sur le réchaud.
« — L'autre bras, reprit le négrillon... jo
le vois : ce monsieur le met devant son dos,
et il tient un gant de cette mainl... u
«M
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCl'LTES.
SOS
Ainsi le harvi qui opéra devnnl M. Th. Pa-
vie ne fut pas heureux ounefulpasadroil (I).
M. Léon de Laborde avait clé plus favorisé;
car voici un fragment curieux qu'il a publié
en 1833 dans la Revue des deux Mondes, et
qu'on retrouve dans ses CommenCaires géo-
graphiques sur la Genèse.
« L Orient, cet antique pays, ce vieux ber-
ceau de tous les arts et de toutes les sciences,
fut aussi et de tout temps le domaine du sa-
voir occulte et des secrets puissants qui frap-
pent l'imagination des peuples.
« J'étais établi au Caire depuis plusieurs
mois (1827), quand je fus averti un matin
par lord Prudhoe qu'un Algérien (2), sorcier
de son métier, devait venir chez lui pour lui
montrer un tour de magie qu'on disait ex-
traordinaire. Bien que j'eusse alors peu de
confiance dans la magie orientale, j'acceptai
l'invitation ; c'était d'ailleurs une occasion
de me trouver en compagnie fort agréable.
Lord Prudhoe me reçut avec sa bonté ordi-
naire et celle humeur enjouée qu'il avait su
conserver au milieu de ses connaissances si
variées et de ses recherches assidues dans
les contrées les plus difficiles à parcourir.
I Un homme grand et beau, portant turban
vert el benisch de même couleur, entra : c'é-
tait l'Algérien. 11 laissa ses souliers sur le
bout du tapis, alla s'asseoir sur un divan et
nous salua tous, à tour de rôle,de la formule
en usage en Egypte. Il avait une physionomie
douceetaffable, unregard vif, perçant, jedlrai
même accablant, cl qu'il semblait éviter de
fixer, dirigeant ses yeux à droite et à gauche
plutôt que sur la personne à laquelle il par-
lait; du reste, n'ayant rien de ces airs étran-
ges qui dénotent des talents surnaturels cl
le métier de magicien. Habillé comme les
écrivains ou les hommes de loi, il parlait
fort simplement de toutes choses et même de
sa science, sans emphase ni mystère, surtout
de ses expériences, qu'il faisaitainsi en public
et qui semblaient à ses yeux plutôt un jeu, à
côté de ses autres secrets qu'il ne faisait
qu'indiquer dans la conversation. On lui ap-
porta la pipe el le café, et pendant qu'il par-
lait, on fit venir deux enfants sur lesquels il
devait opérer.
« Le spectacle alors commença. Toute la
société se rangea en cercle autour de l'Algé-
rien, qui fit asseoir un des enfants près de
lui, lui prit la main et sembla le regarder
attentivement. Cet enfant, fils d'un Euro-
péen, était âgé de onze ans et parlait facile-
ment l'arabe. Achmed, voyant sou inquiétude
au munieiil où il tirait de son écritoire sa
plume de jonc, lui dit : — N'aie pas peur,
enfant, je vais l'écrire quelques mots dans la
main, tu y regarderas el voilà tout.
L'enfant se remit de sa frayeur, et l'Algé-
rien lui traça dans la main un carré, entre-
mêlé bizarrement de lettres et de chiffres,
versa au milieu une encre épaisse et lui dit
de chercher le rollet de son visage. L'enfant
répondit qu'il le voyait. Le magicien demanda
un réchaud qui fut apporté sur-le-champ;
(1) L'extrait qu'on vient de lire de H. Titéodore l'avie
a TU le juur en 1839.
puis il déroula trois petits cornets de papier
qui contenaient différents ingrédients, qu'il
jeta en proportion calculée sur le feu. Il l'en-
gagea de nouveau à chercher dans l'encre le
nflL't de ses yeux, à regarder bien attentive-
ment, et à l'avertir dès qu'il verrait paraître
un soldat turc balayant une place.
« L'enfant baissa la tête; les parfums pé-
tillèrent au milieu des charbons: et le magi-
cien, d'abord à voix basse, puis l'éli^vant da-
vantage, prononça une kyrielle de nîots dont
à peine quelques-uns arrivèrent distincte-
ment à nos oreilles. — Le silence était pro-
fond; l'enfant avait les yeux fixés sur sa
main ; la fumée s'éleva en larges Hocons, ré-
pandant une odeur forte et aromatique. Ach-
meJ, impassible, semblait vouloir stimuler
de sa voix, qui de douce devenait saccadée,
une apparition trop tardive, quand tout à
coup, jetant sa tête en arrière, poussant des
cris et pleurant amèrement, l'enfiinl nous dit,
à travers les sanglots qui le suffoquaient,
qu'il ne voulait plus regarder, qu'il avait vu
une figure afl'reuse; il semblait terrifié. L'Al-
gérien n'en parut point étonné, il dit simple-
ment : — Cet enfant a eu peur, laissez-le;
en le forçant, on pourrait lui frapper trop
vivement l'imagination.
On amena un petit arab&au service de la
maison et qui n'avait jamais vu ni rencontré
le magicien ; peu intimidé de tout ce qui ve-
nait de se passer, il se prêta gaiement aux
préparatifs el fixa bientôt ses regards dans
le creux de sa main, sur le reflet de sa fi-
gure, qu'on apercevait même de côté, vacil-
lant dans l'encre. — Les parfums recommen-
cèrent à s'élancer en fumée épaisse , et les
formules parlées en un chant monolime, se
renforçant et diminuant par intervalles,
semblaient devoir soutenir son attention : —
Le voilà, s'écria-t-il, et nous remarquâmes
l'émotion soudaine avec laquelle il porta ses
regards sur le centre des signes magiques.
— Gomment est-il habillé ?
— Il a une veste rouge brodée d'argent, un
turban et des pistolets à sa ceinture.
—Que fait-il?
— 11 balaie une place devant une grande
lente riche et belle ; elle est rayée de rouge
et de vert avec des boules d'or en haut.
— Regarde qui vient à présent?
—C'est le sultan suivi de tout son monde.
Oh! que c'est beau !...
«El l'enfant regardait à droileetà gauche,
comme dans les verres d'une optique dont on
cherche à étendre l'espace.
— Comment est son cheval?
— Blanc, avec des plumes sur la tôle.
—Elle sultan?
—Il a une barbe.noire, un benisch vert.
Ensuite l'Algérien nous dit : Maintenant,
messieurs, nommez la peisonne que vous
désirez faire paraître; ayez soin seulement
de bien articulcrles noms, afin qu'il ne puisse
pas y avoir d'erreur.
« Nous nous regardâmes tous , et comme
(2) Ce n'était pas celui qui- vil plus lard M. Pavie.
809
IIAR
IIAR
8<0
toujours dans ce momoot personne ne re-
trouva un nom dans sa mcmoire.
« — Shakspeare, dil enfin le major Félix,
conipaprudu (le voyage d<! lord Priidhoe.
« — Ord(^nncz au soldat d'amener Shaks-
|ienre, dit l'AlRérien.
« — Amène Sliakspearel cria l'enfant d'une
voix de maître.
« — Le voilà ! » ajoula-t il après le temps
nécessaire pour écouler quel(jues-unes des
formules in in tell igi blés du sorcier. Notre élon-
nenienl serait difllcile à décrire, aussi bien
que la fixité de notre attenlioa aux réponses
de l'enfant.
« — Cotnment est-il ?
« — 11 porte un benisch noir; il est tout
liubillé de noir, il a une barbe.
« — lisl-ce lui? nous demanda le magicien
d'un air fort naturel, vous pouvez d'ailleurs
vous informer de sou pays, de son âge.
« — Eh bien 1 où est-il né?dis-jo.
« — Dans un pays tout entouré d'eau.
« Celte réponse nous étonna encore da-
vantage.
« — Faites venir Cradock , ajouta lord
Prudhoe, avec cette impatience d'un homme
qui craint de se fier trop facilement à une
supercherie.
— Le Caouas (soldat turc) l'amena.
« — Comment est-il habillé?
« — Il a un habit rouge, sur sa tête un
grand tarbousch noir, et quelles drôles de
boites ! je n'en ai jamais vu de pareilles :
elles sont noires et lui viennent par-dessus
les jambes.
« Toutes ces réponses dont on retrouvait
la vérité sous un embarras naturel d'expres-
sions qu'il aurait é!é impossible de feindre,
étaient d'autant plus extraordinaires qu'elles
indiquaient d'une manière évidente que l'en-
fant avait sous les yeux des choses entière-
ment neuves pour lui. Ainsi, Shakpeare
avait le pclil manteau noir de l'époque, qu'on
appelait benisch, et tout le costume de cou-
leur noir qui ne pouvait se rapporter qu'à
un Européen, puis(]ue le noir ne se porte
pas en Orient, et en y ajoutant une barbe
que les Européens ne portent pas avec le
costume franc, c'était une nouveauté aux
yeux de l'enfant. Le lieu de sa naissance,
expliqué par un pays tout entouré d'eau, est
à lui seul surprenant. Quant à l'apparition
de M. Cradock, qui était alors en mission di-
plomali(|ue près du pacha, elle est encore
plus singulière; car le grand tarbousch noir,
(jui est le chapeau militaire à trois cornes,
et ces bottes noires qui se portent par-des-
sus la culotte, él.'iientdes choses ([ue l'enfant
avouait n'avoir jamais vues auparavant; et
pourtatil elles lui apparaissaient.
« Nous fîmes encore apparaître plusieurs
personnes; et chaque réponse, au milieu de
son irrégiilaiilé, nous laissait toujours une
profonde impression. Enfin le magicien nous
avertit que l'enfant se fatiguait; il lui releva
la léle, en lui appliiiuant ses pouces sur les
yeux et en prononçant des paroles mysté-
rieuses; puis il le laissa.
« L'enfint était eomme ivre : ses yeux
DlCTIiNS DES SC1E>CES OCCULTES. I.
n'avaient point une direction fixe, son front
était couvert de sueur; tout son être semblait
violemment attaqué. Cependant il se remit
peu à peu, devint gai, content de ce qu'il
avait vu ; il se plaisait à le raconter, à en
rappeler toutes les circonstances, et y ajou-
tai! des détails comme à un événement qui
se serait réellement passé sous ses yeux.
« Mon éioniicment avait surpassé mon
attente; mais j'y joignais une appréhension
plus grande encore : je craignais une niysti-
fnalion et je résolus d'examiner par moi-
même ce qui, dans ces apparitions en appa-
rence si réelles et certainement si faciles à
obtenir, appartenait au métier de charlatan,
et te qui pouvait résulter d'une inllucnce
wiar/w^/i(/(je quelconque. Je me retirai dans le
fond de la chambre et j'appelai Bcllier, mon
drogman.Je lui dis deprendie à part Achmed
et de lui demander si pour une somme d'ar-
gent, qu'il fixerait, il voulait me dévoiler
son secret; à la condition, bien entendu, que
je m'engagerais à le tenir caché de son vi-
vant. — Le spectacle terminé, Achmed, tout
en fumant, s'était nùs à causer avec quel-
ques-uns des spectateurs , encore surpris
de son talent; puis après il partit. J'étais à
peine seul av<'C Bellier, que je m'informai
de la réponse qu'il avait obtenue. Aclimed lui
avait dit qu'il consentait à m'apprendre sou
secret.
« Le lendemain nous arrivâmes à la gran-
de mosquée El-Ahzar, près de laquelle de-
meurait Achmed l'Algérien. Le magicien
nous reçut poliment et avec une gaîlé affa-
ble ; un enfant jouait près de lui : c'était son
fils. Peu d'instants apiès, un petit noir dune
bizarre tournure nous apporta les pipes.
« La conversation s'engagea. Achmed nous
apprit qu'il tenait sa science de deux cheicks
célèbres de son pays, et ajouta qu'il ne nous
avait montré que bien peu de ce qu'il pou-
vait faire.
« — Je puis, dit-il, endormirquelqu'un sur-
le-champ, le faire tomber, rouler, entrer en
rage, et au milieu de ses accès le forcer de
répondre à nies demandes et de me dévoiler
tous les secrets. Quand je veux aussi, je fais
asseoir la personne sur un tabouret isolé,
et, tournant autour avec des gestes particu-
liers, je l'endors inmiédiatement ; mais elle
reste les yeux ouverts, parle et gesticule
comme dans l'état de veille.
« Nous réglâmes nos conditions ; il de-
manda quarante piastres d'E<pagne et le ser-
ment sur le Koran de ne révéler ce secret à
personne. La somme fut réduite à trente
piastres; et le serment fait ou plutôt chanle,
il lit monter son petit garçon cl prépara,
pendant que nous fumions, tous les ingré-
dients nécessaires à son opération. Après
avoir coupé dans un grand rouleau un petit
morceau de papier, il traça dessus les signes
à dessiner dans la main et les lettres qui y
ont rapport; puis, après un moment d'hésita-
tion, il me le donna.
« J'écrivis la prière que voici sous sa dic-
tée : « Anzilou-Aiouh.i-el-Djenni-Aioiiha-el-
Djeuiioun-Anzilou-Betakki-Matalalioutou"
26
élt
nicTioNNAinh: des sciencks occulter.
Sl-Î
lioii-AIcikoum-Tariiki . Anzilou, Taritki.»
— Los liois parfums sont : « Takoh Mabaclii,
— Aiiib;ir-Iiuli. — Kousonibra-Djaou. »
• L'Algérien opéra sur son enfant devant
moi Go petit garçon en avait une telle liabi-
tiide qno les apparitions se succédaient sans
difficulté. Il nous raconta des cboses fort ex-
traordinaires, et dans lesquelles on remar-
quait une originalité qui ôlait toute crainte
de super( horie.
« J'opérai le lendemain devant Achmed
avec beaucoup de succès, et avec toute lé-
molion que peut donner le pouvoir élrangc
qu'il venait de me communiquer. A Alexan-
drie je fis de nouvelles expériences, pensant
bien qu'à celle distance je ne pourrais avoir
de doute sur l'absence d'intelligence entre le
magicien et les enfants que j'employais, et,
pour en être encore plus sûr, je les allai cher-
cher dans les quartiers L's plus recules ou
sur les roules, au moment où ils arrivaient
de la campagne. J'obtins des révélations sur-
prenantes , qui toutes avaient un caractère
d'originalilé encore plus extraordinaire que
l'eût élé celui d'une vérité abstraite. Une (bis
entre autres, je fis apparaître lord Prudhoe,
qui était au C.iire, et l'enfant, dans la des-
cription de son costume, se mit à dire : —
Tiens, c'est fort drôle, il a un sabre d'argent.
« Or, lord Prudhoe était le seul peut-être
en Egypte qui portât un sabre avec un four-
reau de ce métal.
« De retour au Caire, je sus qu'on parlait
déjà de ma science, et un matin, à mon grand
éionnement, les domestiques de M. Msarra,
drogman du consulat de France, vinrent chi z
moi pour me prier de leur faire retrouver un
manteau qui avait été volé à l'un d'eux. Je
ne commençai cette opération cju'avec une
certaine crainte. J'étais aussi inquiet des ré-
ponses de l'enfant que les Arabes qui atten-
daient le recouvrement de leur bien. Pour
comble de malheur, le caouas ne voulait pas
paraître , malgré force parfums que je pré-
cipitais dans le feu, el les violentes aspira-
tions de mes invocations aux génies les plus
favorables ; enfin il arriva, et après les pré-
liminaires nécessaires, nous évoquâmes le
voleur. Il parut.
« 11 fallait voir les léles tendues, les bou-
ches ouvertes, les yeux fixes de mes specta-
teurs, attendant la réponse de l'oracle, qui
en effet nous donna une description de sa fi-
gure, de son turban, de sa barbe : — C'est
Ibrahim, oui, c'est lui, bien sûr ! — s'écria-
l-on de tous côtés ; et je vis que je n'avais
plus qu'à appuyer mes pouces sur les yeux
de mon patient ; car ils m'avaient tous quille
pour courir après Ibrahim. Je souhaite qu'il
ait élécoupabic; car j'ai entendu vaguement
parler de quelques coups de bâton qu'il re-
çut à celle occasion. »
HASAUD. Le hasard, que les anciens ap-
pelaient la Fortune, a toujours eu un culte
étendu, quoiqu'il ne soit rien par lui-même.
Les joueurs, les guerriers, les coureurs d'a-
ventures, ceux qui cherchent la fortune dans
(l) bulancrc, 'J'abic.iu Uu l'iiicoiislaiicc des démons, p.
Ui.
les roues de la loîerie, dans l'oidre des car-
tes, dans la chute des dés , daeis un tour de
roulette , ne soupirent qu'après le hasard.
Qu'est-ce donc (pie le hasarci? Un événciiient
fortuit amené par l'occasion ou par des cau-
ses qu'on n'a p.is su prévoir, heureux pour
les uns, malhe'jreux pour les antres. — Un
Allemand sautant en la ville d'Agcn sur le
gravier, l'an 1597, au saut de l'Allemand,
mourut tout roiile au troisième saut. Admi-
rez le hasard, la bizarrerie et la rencontre'
du nom, du saut et du sauteur, dit gravement
Delancrc : Un Allemand saute au saut de l'Ai
Icmand, et la mort, au troisième saut, lui fait
faire le saut de la mort... On voit qu'au sei-
zième siècle même, on trouvait aussi des ha-
sards merveilleux dans des jeux de mots.
HATTON II , surnommé Bonose, usurpa-
teur du siège archiépiscopal de Mayence, qui
vécut en 107i. 11 avait refusé de nourrir les
pauvres dans un temps de famine, et avait
uiëme fait brûler une grange pleine de gens
qui lui demandaient du pain : il péril misé-
rablement. On rapporte que cet intrus, étant
tombé malade dans une tour qui est située
en une petite île sur les bords du Uliin, y
avait été visité de tant de rats, (ju'il fuT im-
possible de les chasser. Il Si- fit transpoiier
ailleurs, dans l'espoir d'eu être délivré, miiis
les rats s'étant multipliés , passèrent à la
nage, le joignirent et le dévorèrent.
Poppiel II, roi de Pologne, souillé d • cri-
mes, fut pareillement dévoré par les rats.
IIAUSSY (jMarie de), sorcière du seizième
siècle, qu'une autre sorcière déclara dans sa
confession avoir vue danser au sabbat avec
un sorcier de la paroisse de Faks, lequel ado-
rait le diable (1).
HÉCATE, diablesse qui préside aux rues
et aux carrefours. Elle est chargée, aux en-
fers, de la police des chemins et de la voie
publique. Elle a lr.)is visages : le droil de
cheva^, le gauche de chien, le mitoyen de
femme. Delrio dit : « Sa présence fait trem-
bler la terre, éclater les feux, et aboyer les
chiens. »
Hécate, chez les anciens, élail aussi la tri-
ple Hécalc : Diane; sur la terre, Proserpine
aux enfers, la Lune dans le ciel. Ce sont, au
dire des astronomes , les trois phases de la
lune.
HÉCLA. Les Islandais prétendaient autre-
fois que l'enfer éait dans leur île, et le pla-
çaient dans le gouffre du mont Hécla. Ils
croyaient aussi que le bruit produit par les
glaces, quand elles se choquent el s'amon-
cellent sur leurs rivages, vient des cris des
da unes tourmentés par un froid excessif, el
qu'il y a des âmes condamnées à geler élcr-
nellcment, comme il y en a ({ui brûlent dans
des feux élernels.
Cardan dit que cette montagne est célèbre
par l'apparition des spectres et des esprits,
il pense av( c Leloyer (2j que c'est dans celle
montagne d'Hécla (]ue les âmes des sarciers
foul punies après leur iiiorl. V*>y. Hauoi.d.
HECDEKLN. En l'année liaO, un démon
(i) llisloiie des s;icclrcs, p. bl'X
IM5
Il KL
II FX
814
I
que les S.ixnns appelaient Ilecilckiii. ou îlo-
«Icken, c'est-à-dire Vespiit au bonnet, à c.iuse
(lu bonnet dont il était coiffé, vint passiT
«luelqtK's mois dans la ville (rilildesheiin, en
Basse-S.ixe. L'évèque d'Hihlesheiiu eu éiail
aussi le souverain. Kn raison de ces di'ux
titres, le démon crut devoir s'atlaclii'r à sa
maison. Il se posta donc dans le palais e! s'y
(il bientôt connaître avautageusemeni, soit
en se montrant avec eomplaisance à ceux (]iii
avaient besoin do lui, suit en disparaissant
avec prudence lorsqu'il devenait importun,
soit en faisant des cboscs remarquables et
difflciles. — Il donnait de bons conseils dans
les affaires diplomatiques, portait de leau à la
cuisine et servait les cui^iniers.La cliosc s'est
passée dans le douzièinc s ècle : les mœurs
étaient alors plus simples qn'aujourd'bui.
Il fréquentait donc la cuisine et le salon ;
et les marmitons, le voyant de jour en jour
plus familier, se divertissaient en sa compa-
gnie. — Mais un soir, un d'eux se porta r.on-
tre lui aux injures , quelques-uns disent
même aux voies de fait. Le démon en cidère
s'alla plaindre au maître d'hôtel, de qui il ne
reçut aucune sali -■fac' ion ; alors il crut pou-
voir si; vengor. 11 étouffa le marmiton, en
assomma quelques autres, rossa le maître
d'iiôlel, et sortit de la maison pour n'y i)lus
reparaître (1).
HÉKODIADE. On dit en Catalogne que la
danseuse homicide d'Hérode, l'inlâme Héro-
diado, ayant longtemps couru le inonde,
se noya dans le Ségré, fleuve qui passe à Lc-
riila, et cause de temps en temps des dévas-
tations. Les bonnes femmes ajoutent qu'Hé-
rode y est enseveli avec elle.
D'autres traditions noient Hérodiade dans
un lac glacé sur lequel elle dansait; ce qu'elle
n'avait cessé de taire depuis son affreuse
aventure. La glace se creva sous ses pieds,
et, se refermant pendant qu'elle s'enfonçait,
lui trancha la tête. Ce lac est en Suisse , et
cette tête danse toujours. Mais peu de gens
la peuvent voir.
HÉHUGASTE, sylphide qui se familiari-
sait avec l'empereur Auguste. Les cabalistos
disent qu'Ovide fut relégué à Tomes pour
avoir surpris Auguste en Icle à tête avec elle;
que la sylphide fut si piiiuée de ce que ce
prince n'avait pas donné d'assez bous ordres
pour qu'on ne la vît point, qu'elle l'aban-
lioniia pour toujours ^ri).
HÉXACONTALITHÔS. Pierre qui en ren-
ferme soixante autres diverses, que les Tro-
glodytes offraient au diabledans leurs sorcel-
leries (3).
HÉLA, reine des trépassés chez les an-
ciens Germains. Son gosier toujours ouvert
ne se remplissait jamais. Elle avait le même
nom ()ue l'enl'er. Vt)y. Angerbudk.
La mythologie Scandinave donne le pou-
voir de la mon à lîéla, (jui gouverne les neuf
mondes de Nilleheiin. Ce nom signifie mys-
tère, sccrel, abîme. Selon la croyaiue popu-
laire des paysans de l'aniique Cimbrie, Héla
il) Trillièine, Clironiquiî irUirsauge.
2) Letlrcs cjl>ali!>liiiuc's, l. 1", p. Ul.
5J DebiKTi', 'l'ublcau Je l'iii'.ouslance des démons, etc.,
répand au loin la peste et laisse tomber tous
les fléaux de ses terribles mains en voya-
geant, la nnil, sur le cheval à trois pied; de
l'enfer (Helhesl). lléia et les loups de la
guerre ont longlem[)s exercé leur empire eu
Normandie. Cependant, lorsque les liommti
dit Nord de Hastings devinrent les Normands
de Rollon, ils semblent avoir perdu le souve-
nir do leurs vieilles superstitions aussi rapi-
dement que celui de leur langue maternelle.
D'Héla naquit Hellequin, nom dans lequel
il c-ît facile de reconnaître Hcla-Kïon, la race
d'Héla déguisée sous l'orlhographe romaine.
Ce fut le fils d'Héla que Uichard sans Peur,
fils de Robert le Diable, duc da Normandie,
rencontra chassant dans la forêt. Le roman
raconte qu'Hellequin était un cavalier qui
avait dépensé toute sa fortune dans les guer-
res de Charles Martel contre les Sarrasins
païens. La guerre finie, Hellequin et ses fils,
n'ayant plus de quoi soutinir leur rang, s(!
jetèrent dans de mauvaises voies. Devenus de
vrais bandits, ils n'épargnaient rien; leurs
victimes ileinandèrent vengeance au ciel, et
leurs cri-> furent entendus. HcUeiiuin tomba
maladj et mourut; ses péchés l'avaient mis
en danger de damnation éternelle : heureu-
sement ses mérites, comme champion de la
foi contre les païens, lui servirent. Son bon
ange plaida pour lui, et obtint qu'en expia-
tion de ses derniers crimes, la famille d'Hel-
lequin errerait après sa mort, gémissante et
malheureuse, tantôt dans une forêt, tantôt
dans une autre, n'ayant d'autres distractions
que la chasse au sanglier, mais souvent
poursuivie elle-môine par une meule d'enfer;
punition (|ui durera jusqu'au jugement der-
nier.
HÉLÈNE, reine des Adiabénites , dont le
lo iibeau se voyait à Jérusalem, non sans ar-
tifice, car on ne pouvait l'ouvrir cl le fermer
qu'à certain jour de l'année. Si on l'essayait
dans un autre temps, tout était rompu (k).
HÉLÉNÉION, plante que Pline fait naîiro
des larmes d'Hélène auprès du chêne où elle
fut pendue, et (]ui avait la vertu d'embellir
les femmes et de rendre gais ceux qui eu
niellaient dans leur vin.
HELGAFELL, montagne et canton d'Is-
lanile, qui a joui longtemiis d'une grande ré-
putation dans l'esprit des Islandais. Lorsque
des parlics plaidaient sur des objets dou-
teux, et qu'elles ne pouvaient s'accorder,
elles s'en allaient à Helgafell pour y prendre
conseil; on s'imaginait que tout ce (]ui s'y
décidait devait avoir une pleine réussite.
Certaines familles avaient aussi la persua-
sion qu'après leur mort elles devaient reve-
nir habiter ce canton. La montagne passait
pour un lieu saint. Personne n'osait la re-
garder qu'il ne se fût lavé le visage et les
mains.
IIELIAS. « .\pparilion admirable cl pro-
digieuse arrivée à JeanHélias, le premier
jour de l'an 1623, au faubourg Saint-Germain
p. 18.
(i) Leloycr , Hist. des spectres et apparitions des es-
prits, p. al.
Rir, DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCdULTKS
fi Paris. » — C'csl un gentilhomme qui
SIS
ion le (1) :
Liant allé le dimanche, premier jour de
l'année 1()2.'{, sur les qualre heures après
midi, à Noire-Dame, pour parler à M. le
crand-pénilencier sur la conversion de Jean
Hélias, mon laquais, ayant décidé d'une heure
pour le faire instruire, parco qu'il quittait
son hérésie pour embrasser la vraie religion,
je m'en fus passer le reste du jour chez M. de
Sainle-Foy, docteur en Sorbonne, et me re-
tirai sur les six heures. Lorsque je rentrai,
j'api>t!lai mon laquais avant de monter dans
ma ciiambre; il ne me répondit point. Je de-
mand li s'il n'était pas à l'écurie; on ne m'en
sut rien dire. Je montai, éclairé d'une ser-
vante, je trouvai les deux portes fermées, les
clefs sur les serrures. En entrant dans la pre-
mière chambre , j'appelai encore mon la-
quais, qui ne ré|)ondil point ; je le trouvai à
demi couché auprès du feu, la tête appuyée
contre la muraille, les yeux et la bouche ou-
verts; je crus qu'il avaitdu vin dans la tête;
et le poussant du pied, je lui dis : Levez-vous,
ivrogne 1
Lui, tournant les yeux sur moi : — Mon-
sieur, me dit-il, je suis perdu ; je suis mort;
le diable tout à l'heure voulait m'emporter.
Il poursuivit qu étant entré dans la chambre,
ayant fermé les portes sur lui et allumé le
IV-ii, il s'assit auprès, lira son chapelet de sa
poche et vit tomber de la cheminée un gros
charbon ardent entre les chene's. Aussitôt
(Ml lui dit : — Eh bien, vous voulez donc me
quitter?
Croyant d'abord que c'était moi qui par-
lais, il répondit : — Pardonnez-moi, mou-
sieur, qui vous a dit cela?
— Je l'ai bien vu, dit le diable ; vous êtes
allé tantôt à l'église. Pourquoi voulez-vous
me quitter? je suis bon maître ; tenez, voilà
de l'argent : prenez-en tant qu'il vous plaira.
— Je n'en veux point, répondit Hélias.
Le diable, voyant qu'il refusait son argent,
voulut lui faire donner son chapelet.
Donnez-moi ces grains que vous avez dans
la main, dit-il, ou bien jetez-les au feu.
Mon laquais répondit : — Dieu ne com-
mande point cela ; je ne veux pas vous obéir.
Alors le diable se montra à lui; et voyant
qu'il était tout noir, Hélias lui dit : Vous
n'êtes pas mon maître; car il porte nue
fraise blanche et du clinquant à ses habits.
Au même instant, il fit le signe de la croix
et le diable incontinent disparut.
HELIOGABALE,empireurdeUomc;il s'oc-
cupait de nécromancie, quoiqu'il méprisât
toute religion. Bodin assure qu'il allait au sab-
bat et qu'il y adorait le diable.
IIELIOTUOPE. On donnait ce nom à une
pierre précieuse, verte et tachetée ou veinée
de ronge, à laquelle les anciens ont attribué
un grand nombrede vertus fabuleuses, comme
de rendre invisibles ceux qui la portaient.
L'héliotrope, plante qui suit, dit-on, le
cours du soleil, a été aussi l'objet de plusieurs
contes populaires.
(I) fii'i-ueil de Disscrlations de Lenalel-Durresiiov, t.
li. p. laa.
HELLEQUIN. - Voy. Héla.
HENOCH. Los rabbins croient qu'Hénoch,
transporté au ciel, fut reçu au nombre des
anges, et que c'est lui qui est connu sous la
nom de Métralon et de Michel, l'un des pre-
miers princes du ciel, lequel lient registre des
mérites et des péchés des Israélites. l!s ajou-
tent qu'il eut Dieu el Adam pour miiîtres.
S.tint Jude, dans son Epîire, parlant de
plusieurs chrétiens mal convertis , dit :
« Cestd'eux qu'Hénoch, qui a été le septième
depuis Adam, a prophétisé en ces termes :
Voilà le Seigneur qui va venir avec la mul-
titude de ses saints pour exercer son juge-
ment sur tous les hommes, et pour convain-
cre tous les impies. » Ces paroles de Saint
Jude ont donné lieu de forger, dans lo
deuxième siècle, un prétendu Livre d'Hé-
noclt, rempli de visions et de fables touchant
la chute des anges (.2). Voy. Edris.
HENRI in. Fils de Catherine de Médicis; il
était infatué des superstitions de sa mère. Ses
contemporains le représentent comme sor-
cier. Dans un des pamphlets qu'on répandit
contre lui, on lui reproche d'avoir tenu au
Louvre des écoles de magie el d'avoir reçu, en
présent, des n»agiciens , un esprit familier,
nommé Terragon, du nombre des soixante
esprits nourris en l'école de Soliman. Celte
accusation de sorcellerie est, dit-on, ce qui
mil le poignard dans les mains de Jacques
Clément. Les ennemis de ce mauvais prince
avaient lenlé auparavant de le faire mourir
en piquant ses images en cire, ce qui s'appt;-
lait envoûter.
Voici l'extrait d'un pamphlet intitulé : Les
sorcelleries de Henri de Valois, et les abla-
tions qu'il faisait au diable dans le bois de
Yincennes ( Didier-Millot, 158!) ), pamphlet
qui parut quelques mois avant l'assassinat
de Henri IH.
« Henri de Valois, d'Epernon, et les autres
mignons, faisaient quasi publiquement pro-
fession de sorcellerie, étant cumntune à la
cour entre iceux et plusieurs personnes dé-
voyées de la sainte religion catholique; on
a trouvé chez d'Epernon un coffre plein de
pajjiers de sorcellerie, auxquels il y avait
divers mois hébreux, clialdaïques, lalins, et
plusieurs caractères inconnus, des rondeaux
0.1 cernes, desquels alentour il y avait di-
verses figures et écritures, même des miroirs,
onguents ou drogues, avec des verges blan-
ches, lesquelles semblaient être de coudrier,
que l'on a incontinenl brûlés pour l'horreur
qu'on en avait.
« On a encore trouvé dernièrement au bois
de Vincennes deux satyres d'argent, de la
hauteur de quatre pieds, lis élaienl au-devant
d'une croix d'or, au milieu de laquelle on
avait enchâssé du bois de la vraie croix de
Noire-Seigneur Jésus-Christ. Les politiques
disent que c'étaient des chandeliers. Ce qui
fail croire le contraire, c'eU que, dans ces
vases, il n'y avait point d'aiguille qui passât
pour y mettre un cierge ou une petite chan-
(i) Itergior, DutioniKilid lliéotogiiiuc.
I
»n
IIEN
IIKN
818
(Itilli!. Ces monslres di.iboliqucs ont été vus
par messieurs de la ville.
« Outre ces deux diahles. on a trouve une
peau d'enfant, I;i<]nol!e avait clé corroyée, et
Bur ieelle y avait aussi plusieurs mots de
sorcellerie et divers caractères »
Le fait est que les Valois s'occupaient de
sciences occultes. Voy. ïerragon.
On fit l'anagranime du noui de Henri III.
— Henri île Valois, où l'on trouve Vilain Hé-
rode.
HENRI ni, empereur d'Allemagne. Etant
oncoie très-jeune, Henri HI obtint d'un clerc
une petite canule d'argent avec laquelle les
enfants s'amusent à jeter de l'eau. Pour l'en-
gager à lui faire ce modique présent, il avait
promis à ce clerc que, dès qu'il serait uKinté
sur le trône, il ne nian(]ucrait pas de le faire
évéquc. C'était à une éporjue où le Saint-
Siège ne cessait de travailler à éteindre la
Simonie, fréquente surtout en Allemagne.
Henri devint empereur en 1139; il se souvint
de sa parole et l'exécuta. Mais il ne tarda
guère à tomber dans une fâcheuse maladie;
il fut trois jours à l'extrémité sans aucun
sentiment. IJn faillie mouvement du pouls fit
juger seulement qu'il y avait encore quelque
hiour d'espérance de le ramener à la vie. Le
prince recouvra en effet la santé. Aussitôt il
lit appeler ce prélat, qu'il avait fait si préci-
pitamment évêque, et, de l'avis de son con-
seil, il le déposa. Afin de justifier un juge-
ment aussi bizarre, il assura que, pendant
les trois jours de sa léthargie, les dénmns se
servaient de cette même canule d'argent, qui
avait été le prix de l'évèché, pour lui souiller
un feu si violent que notre feu élémentaire
ne saurait lui être comparé.
Ce fait singulier est rapporté par Guillaume
de Malmesbury, historien du douzième siècle.
HENRI IV, roi d'Angleterre, il poursuivit
les sorciers, mais il encouragea d'autres
philosophes. Au rapport d'Evelyn, dans ses
Niimismala, Henri IV fut réduit à un tel de-
gré de bcso:n par ses folles dépenses, qu'il
chercha à remplir ses coffres avec les secours
de l'alchimie. L'enregistrement de ce singu-
lier projet contient les protestations les plus
solennelles et les plus sérieuses de l'existence
et des vertus de la pierre philosophale, avec
des eucouragemenls à ceux qui s'occuperont
do sa recherche, et leur affranchissement de
toute espèce de contrariétés de la part des
statuts et prohibitions antérieures.
On avait prédit à ce roi Henri IV qu'il
mourrait à Jérusalem. Il se garda bien d'y
aller. Mais il tomba malade subitement dans
l'abbayo de Westminster et y mourut dans
une chambre appelée Jérusalem....
HENRI IV, roi de France. On fit une re-
cherche assez curieuse sur le nombre qua-
torze relativement à Henri IV. Il naquit qua-
torze siècles, quatorze décades, et quatorze
ans après l'ère chrétienne. Il vint au moiule
le li décembre et mourut le 14 mai. Il a vécu
quatre fuis (juatorze ans, quatorze semaines,
quatorze jours. Enfin , dans sou nom de
•• (1) C'est ainsi (|iie oonimpiiç.i l';ivenuire d'Androclès ,
1J\ l»uiivj, comme li; duc de Itiuuswiijk, un a:iii daus suii
ïlcivide Bourbon, il y a quator.7(! Irtires.
HICN'RI LE LION. Nous einpruulons sa
légende à Miisa-us, dont les contes populaires
sont riches du tant de traditions merveilleu-
ses.
Pendant que la croisade de Fréiléric Bir-
btTousse occupait le monde chrétien, il y eut
grand bruit d ins toute l'Allemagne de l'a-
venture merveilkuse arrivée au duc Henri
de Rrunswick. — Il s'était embarqué pour
la Terre-Sainte. Une tempête le jeta sur la
côte d'.vlrique. Echappé seul du uaufraa:e,
il trouva un asile dans l'antre d'un lion. L'a-
nimal, couché à terre, lui témoigna tant de
douceur qu'il osa s'en approcher; il recon-
nut que celte humeur hospitalière du redou-
table animal provenait de l'extrême douleur
qu'il ressentait à la patte gauche de derrière;
il s'y était enfoncé une grosse épine, et la
douleur le faisait souffrira un tel point qu'il
ne pouvait se lever et qu'il avait complète-
ment perdu l'appéiit. La première connais-
sance faite et la confiance réciproque établie,
le duc remplit auprès du roi des animaux
les fonctions de chirurgien; il lui arracha
l'épine et lui pansa le pied (1).
Le lion guérit. Recoîinaissant du service
que lui avait rendu son hôte, il le nourrit
abondamment de sa chasse, et le combla de
touies les caresses qu'un chien a coutume de
faire à sou maître.
C'était fort bien. Mais le duc no tarda pas
à se lasser de l'ordinaire du lion , qui , av( c
toute sa bonne volonté, ne lui servait pas la
venaison aussi bien apprêtée (jue le faisait
sou cuisinier. H désirait ardemment de re-
tourner dans sa résidence ; la maladie du
pays le tourmentait nuit et jour; mais il ne
voyait aucun moyen de pouvoir jamais re-
gagner ses états.
Le tentateur s'approcha alors du duc, que
la tristesse accablait. 11 avait pris la forme
d'un petit homme noir. Henri d'abord crut
voir un orang-outang; mais c'était bien
Satan en personne qui lui rendait visite. —
Duc Henri , lui dit-il , pourquoi te lamentes-»
tu? Si tu veux prendre confiance en moi, je
mettrai fin à les peines , je te ramènerai près
de ton épouse. Aujourd'hui même, lu sou-
peras à Brunswick, où l'on prépare ce soir
un grand festin ; car la duchesse, qui te croi*
mort , donne sa main à un nouvel époux.
Celte nouvelle fut un coup de foudre pour
le duc : la fureur étincelait dans ses yeux,
son cœur était en proie au désespoir. H au-
rait pu songer que, depuis trois ans qu'on
avait annoncé sou naufrage et sa mort, il
était bien permis à la duchesse de se croire
veuve. H ne s'arrêta qu'à l'idée qu'il était
outragé.
— Si le ciel m'abandonne, pensa-t-il, je
prendrai conseil de l'onfer.
Il était daus une de ces situations dont le
diable sait profiter. Sans perdre le tetnps eti
délibérations, il chaussa ses éperons, cei-
gnit son épée, cl s'écria : —En roule, ca-
marade.
lion.
8I'.I
MCTIONNAIRE OES SCIF.NCF.S OCCULTES.
8i0
— A rinslaiil , répliqua le démon ; mais
(onvnions dos frais do Iransport.
— Demande co que lu voudras, dil le duc,
j(> le le donnerai , sur ma i)arole.
— lUi bienl il laul que Ion ânic ni'appar-
lienne dans l'autre monde.
. — Soil , répondil le duc, datninc par la
lo'ère; cl il loucha la muin du petil homme
noir.
Le marché se trouva donc conclu entre les
parties intéressées. Satan prit la forme d'un
griffon, saisit dans une de ses serres le duc
Henri, dans l'autre, le fidèle lion, cl les
transporta, des rôles de la Libye, dans la
ville (le Brunswick, où il les déposa sur la
place du marché, au moment où le guet ve-
nait de crier Ihcure de minuit. Puis il dis-
parut.
Le palais ducal et la ville entière étaient
illuminés; toutes les rues fourmillaient d'ha-
hitanls qui se livraient à une bruyante
{juîlé , et couraient au château , pour y voir
la fiancée , et pour cire spectateurs de la
tlansu des flambeaux, qui devait terminer les
fêles du jour.
Le voyageur aérien, ne ressentant pas la
moindre fatigue, se glissa à travers la fou'c,
sous le portail du palais , et , accompagne de
son lion tîdcle, il fit retentir ses éperons d'or
sur l'escalier, entra dans la salle du festin,
tira son épée, et s'écria : — A moi ceux qui
sont fidèles au duc Henri! mort et malédic-
tion aux traîtres.
En môme temps, le lion rugit , secouant
sa crinière cl agitant sa queue. On croyait
entendre les éclats du tonnerre. Les trom-
pettes et les trombones se lurent; mais les
voûies antiques retentirent du fracas des
armes , et les murs du rhâ eau en trcm-
l)lèrcnt. — Le fiancé aux boucb'S d'or et la
troupe bigarrée de ses courtisans tombèrent
sous l'épée de Henri. Ceux (jui échappaient
au glaive étaient déchirés par le lion.
Après que le pauvre fi.incé, ses chevaliers
cl ses valets curent mordu la poussière, et
que le duc se fut montré le maître de la mai-
son d'une manière aussi énergi(|ue que jadis
Ulysse avec les prélendants de Pénélope, il
prit place à table, à côté de son épouse.
Klle comniençail à peine à se remettre de la
frayeur mortelle que lui avaient causée ces
n)assacrcs.
Tout en mangeant avec grand appétit des
mets que son cuisinier avait apprêtés pour
d'autres convives, et en régalanl son com-
pagnon de ragoûts qui ne paraissaient pas
non plus lui déplaire , H(Miri jetait les yeux
do temps en temps sur sa femme, qu'il voyait
baignée de larmes. Ces pleurs pouvaient
s'expliquer de deux manières ; mais , en
homme qui sait vivre, le duc leur donna
l'interprclation la plus favorable. Il adressa
;i la dame, d'un ton affectueux, quelques
reproches sur sa précipitation à former de
nouveaux nœuds, et il repril ses vieilles ha-
bilndes.
Henri le Lion, surnommé ainsi à cause de
son aventure, disparut, ajoule-'.-on, en ll'JS,
emporté pir le petit homme noir.
HEPATOSCOPIK ou HIEUOSCOPIK, divi-
!i.ilioii qui avait lieu j.ar l'inspection du foie
d s victimes dans les sacrifices , chez les Ro-
mains.
()uelques sorciers modernes cherchaient
aus'i l'avenir dans les cnirailles des ani-
maux. Ces animaux étaient ordinairement
ou un chat , ou une taupe, ou un lézard, ou
uiw chauve-souris, ou un crapaud, ou une
poule noire. Voy. Aruspices.
HÊ1\AH)E. Voy. Heiuiaphrodites.
HliKBAUlLLA. Autrefois, il y avait à la
place du lac de Grand-Lieu en Brclagne , un
vallon délici 'ux el fertile, qu'ombrageait la
forêt de Vcrlave ou Vertou. Ce fut là que se
réfugièrent les plus riches citoyens de Nan-
tes , el qu'ils sauvèrent leurs trésors de la
rapacité des légions de César. Ils y bâtirent
une cité qu'on nomma Herbaditla, à cause
delà beauté des prairies qui l'environnaient.
Le commerce centupla leurs richesses ; mais
en même temps le luxe charria jusqu'au
sein do leurs murs les vices des Romains. Ils
provoquèrent le courroux du ciel. Un jour
que saint Martin de Vertou, fitigué de ses
courses apostoliques, se reposait prèi dUi'r-
badilla , à l'ombre d'un cliêne, une voix lui
cria : Fidèle confesseur de la foi, éloigne toi
de la cité pécheresse.
Sailli Maili» s'éloigne , cl soudain jail-
lissent, avec un bruit .ilTreux , des eaux jus-
qu'alors inaperçues, cl qui faisaient irrup-
tion dune caverne profonde. Le vallon où
s'élevait la R.ibylone des Bretons fut tout à
coup submergé. A la surface do celte onde
sépulcrale vinrent aboutir par milliers des
bulles d'air, derniers soupirs de ceux qui
expiraient dans l'abîme.
Pour perpétuer le souvenir du châtiment ,
Dieu permet que l'on entende encore au fond
de cel ;rt)îme les cloches d(! la ville engloutie,
el que l'orage y vive fumiliôremont. Auprès
est une île au milieu de laquelle s'élève une
pierre en forme d'obélisque. Cette pierre
ferme l'entrée du gouflro qui a vomi les eaux
du lac, el ce goulïre est la prison d'un géant
formidable qui pousse dhorribles rugisse-
ments.
A quatre lieues de cel endroit, vers l'est ,
on trouve une grande pierre qu'on appelle la
vieille de saint Martin; car il est bon de sa-
voir que celle pierre, qui pour bonne raison
garde figure humaine, fut jadis une femme
\érilable, laquelle, s'êlant reiournée malgré
la défense en sortant de la ville dHerbadilla,
fut Iransfornice en statue (1) Yo\i.\s.
HLRBE MAUDITE. L.s paysans nor-
mands croient qu'il existe une (leur qu'on
appelle Vlierbe maudite: celui t]ui marche
dessus ne cesse de tourner dans un même cer-
cle, et il s'imagine qu'il continue son chemin
sans avancer d'un pas au-delà du lieu où
riierbe magique l'a enchaîné.
HEUBli QUI EGARIi. H y a, dil-on aussi,
dans le l'érigord, une certaine herbe qu'on
ne peut fouler sans s'égarer ensuite de ma-
nière à ne plus retrouver son chemin. Cette
(1) M. i\>' Maitliaiigy, Trislan le vnyagciir, lui». i,i),
llj
821
IIEU
liES
S2??
hoihe qui ircsl pas coniiiic, so Irouv.iil abon-
dainiueiil aux environs (lu château de Lusi-
fçnaii, bâli par Mélusine; ceux qui uiarcliaieiit
<le>!>us erraient dans de longs circuits, s'el-
lorçaient en vain de s'éloigaer, et se reïrou-
vaient dans l'enceinte redoutée jusqu'à ce
qu'un guide préservé de l'enchantement les
remît dans la bonno voie
HKHBE ME COQ. Les habitants de Pa-
nama vantent beaucoup une herbe qu'ils ap-
pellent herbe de coq, et dont ils prétendent
«lue l'application est capable de guérir sur-
le-champ un poulet àqui l'on aurait coupé la
tête, en respectant une seule vertèbre du
cou. Des voyag(!urs sollicitèrent en vain
ceu X qui faisaient ce récit de leur montrer l'her-
be ; ils ne purent l'obtenir, quoiqu'on leur
assurât qu'elle était commune : d'où l'on
d )it conclure que ce n'est qu'un conte popu-
laire (1).
HÉllKNBKKG (Jean-Christophe), auteur
de J'emées philosophiques cl chrétiennes sur
les Vampires, 173.5. Voij. Yampibes.
HEKMAl'HUODlïES. Longtemps avant
Antoinette Bourignon, qui soutint cette sin-
gulière thèse au dix-septième siècle, il s'était
élevé, sous le pontificat d'Innocent 111, une
secte de novateurs qui enseignait qu'Adam
était à sa naissance homme et femme tout à
la fois.
Pline assure qu'il existait en Afrique , au
delà du désert de Zara, un peuple d'andro-
gynes.
Les lois romaines mettaient les herma-
phrodites au nombre des monstres, et les
condamnaient à mort.
TiteLiveet Eutrope rapportcntqu'il naquit
auprès de Rome, sous le consulat de Clau-
dius Néron, un enfant pourvu de deux sexes;
que le sénat, effrayé de ce prodige, décréta
qu'il fallait le noyer. On enferma l'enfant
dans un coflVe ; on l'embarqua sur un bâti-
ment et on le jeta en pleine mer.
Leioyer parle longuement d'une femme de
Macédoine, nommée Héraïde, qui se maria
comme femme, et devint homme ensuite dans
une absence de son mari. C'était , dans les
vieilles opinions, un hermaphrodite. Mais on
ne voit plus d'hermaphrodites aujourd'hui.
Les hermaphrodites, dans les contes plus
anciens, avaient les deux sexes, deux têtes
quatre bras et quatre pieds. Les dieux, dit
Platon, avaient d'abord formé l'homme avec
deux corps et les deux sexes. Ces hommes
doubles étaient d'une forces! extraordinaire
qu'ils résolurentde faire la guerre aux dieux.
Jupiter irrité les partagea pour les atîaiblir,
cl Apollon seconda le père des dieux dans
l'exécution de ses volontés. Voy. Polycrite.
HEllMELINE, démo» familier qui s'ap-
pelait aussi Hermione et Hermelinde, et qui
iVéquenta quarante ans Benedetto Berna ,
dont François Pic de la MIrandole rapporle
lui-même l'histoire. « Cet homme, dit-il, bu-
vait, mangeait, parlait avec son démon, qui
l'accompagnait partout sans qu'on le vit; de
(I ) La Harpe, Abrégé de l'Hlst. générale des Voyages,
L XVI, p. 106 de redit. ii.-12.
<ij Leiiijlct-Durrfsiioy , Dis,îerlalio!is sur lus ap[iaril.,
sorte que le vulgaire ne p')uvanl comprendre
le mystère de ces choses, se persuadait qu'il
était fou. B Le vulgaire n'avait peut-être pas
tort.
HEiîMÈS. On vous dira qu'il a laissé
beaucoup de livres merveilleux ; qu'il a écrit
sur les iléuums et sur l'astrolo^jie. C'est lui
qui a décidé (jue, comoii! il y a sept trous a
la tête, il y aussi sept planètes (lui présiileiil
à ces trous, savoir -.Saturne et Jupiter aux
deux oreilles, Mars et Vénus aux deux nari-
nes, le soleil et la lune aux deux yeux, et
Mercure à la bouche.
HEBMIALITES, ou Hermiens, disciples
d"uu hérétique du deuxième siècle, nommé
Hermas ; ils honoraient l'Univers-Uicu, di-
sant à la fois que ce monde est Dieu et que
ce monde est l'enfer.
HEHMIONE, votj. Hermeline.
HEHMOTIME. On sait que Cardan elunc
foule d'autres se vantaient de faire voyager
leur âme sans que le corps fût de la partie.
L'âme d'Hermolime de Clazomène s'absentait
de son corps lorsqu'il le voulait, parcourait
des pays éloignés, et racontait à son retour
des choses surprenantes. Apparemment que
Hermotime eut des ennemis. Un jour que son
âme était allée en course, et que son corps
était comme de coutume semblable à un ca-
davre, ses ennemis le brûlèrent et ôtèrent
ainsi à l'âme le moyen de rentrer dans son
étuL
Mais, dans d'autres versions, Hermotime
est un vampire. Voy. Huet.
HÉRON, ermite qui, après avoir passé
plus de cinquante ans dans les déserts de la
ïhébaïde, se laissa persuader par le diable,
sous la figure d'un ange, de se jeter dans un
puits, attendu (jue, comme il était en bonne
grâce avec Dieu, il ne se ferait point de mal.
il ajouta foi, ditLeloyer, aux paroles du dia-
ble, et, se précipitant d'un lieu élevé, dans la
persuasion que les anges le soutiendraient ,
il tomba dans le puits, d'où on le retira dis-
loqué ; il mourut trois jours après (2).
HERVILLIEUS (Jeanne J. C'est la même
que Jeanne Harvilliers.
HÈSE (Jean de), voyageur du quinzième
siècle, qui a écrit de singulières choses. M.
de Heitfenberg a consacré à ses récits un
article curieux, dansle/îecuei/enci/ciop^d/yMe
Belije. Nous en rapporterons quelques pas-
sages. Jean de Hèse débute à peu près en ces
termes :
« L'an du seigneur l'i 89, moi, Jean de Hèse,
du diocèse d'Utrecht, j'ai été à Jérusalem au
mois de mai, visitant les lieux saints. Et, dans
la mer Bouge, j'ai vu des poissons volant
aussi loin qu'une batiste aurait pu les lancer.
Ces poissons-là sont rouges, longs de plus
de deux pieds ; ils ont la tête ronde comme
des chats, avec un bec comme l'aigle; des-
quels poissons moi, Jean de Hèse susdit, j'ai
mangé Et attendu ((ue ces poissons sont
gros, il faut les faire bouillir pendant long-
temps.
lom. I", p. 159, el Hodin, Dérnonomjiiie des sorcier», p.
-m.
S2.-.
DICTlON.NAinE DFS SCIENCLS OfXUl.TR?.
824
« De la ville dHiTinopolh, il y a liuil jours
ili» Kinrchc jusqu'à la villo appt-léo Ainr.i ,
iiui est assise sur !a mer Rouge que l'on y
travirse ; cl en sept jours on arrive à pied
iiu nionl Sina'i, où le corps de sainic Callie-
line est conserve dans un couvent de cha-
noines réguliers, vivant fort dévotement et
ne mangeant qu'une fois dans la journée.
Ces chanoines sont au nombre de treize; et
tians leur église, il y a treize lampes arden-
tes, qu'on ne peut éteindre et qui brûlent
toujours, quoique sans aliments. Mais lors-
qu'un des clianoines vient à mourir, une des
lampes cesse de briller, jusqu'à ce (lu'il soit
remplacé ; cl alors elle se rallume d'elle-
même....
«DumoniSinîiï, onarrivcen quatrejoursau
fampd'Helym, duqucUesanimaux venimeux
ne peuventapprocher.Dansievoisinageest la
rivière Maralh, dont les eaux ayant clé frap-
pées par la baguette de Muïsiïdevinrcnldou-
tes, de très-anièrcs qu'elles étaient. Et au-
jourd'hui, tous les malins, après le lever du
soleil, vient une licorne (unicornus ) qui
exprime dans l'eau le poison (juc sa corne
contient; ce que j'ai vu moi-même...
« Après trois mois de navigation dans la
mer Océane, nous arrivâmes en Ethiopie ,
diie l'Inde intérieure, où prêt hasaint Barlhé-
Jemi. Là habitent les nègres. Plus loin on
pénètre parmi lesPygmées, qui n'ont qu'une
coudée de haut; ils sont difformes, n'ont
point de maisons, cl habitent dans les grot-
tes, cavernes et couches marines, et l'on ra-
conte dans ce lieu que les Pyginées combat-
tent souvent contre les cigognes qui tuent quel-
quefois leurs enfants. Ces nains vivent au
plus douze ans...
« Passant de la mer d'Ethiopie dans la mer
de Jécor (marc yccoreujn) , et dans la merde
sable, on parvient au bout de quatre jours
dans le pays de Monocules ( qui n'ont qu'un
œil). La mer de Jccor a la propriété d'attirer
les vaisseaux dans ses abîmes, à cause de
leur ferrure, et parce que son fond est pavé
d'aimant qui attire le fer. De l'autre côlé est
la merde sable. Et c'est un sable qui coule
conmie l'eau, et qui a son flux et son reflux.
Les Monocules, qui y entrent à pied, y pren-
nent des pois-ons...
« Les susdits Monocules sont gros, forts,
anthropophages; ils ont au milieu du froni un
tfiil unique, élincelant comme une escarbou-
clc, et ne vaquent à leurs affaires que la
nuit. »
Ici M. de Ueiffenberg cesse de traduire
pour résumer. ( Ce voyage, écrit en latin , a
été publié en li99, imprimé à Deventer.)
« Do là notre véridique voyageur vient à
Andrinople, ville où il y a plus de cinq cents
ponts de pierre. Après huit semaines de cap-
tivité chez le roi Brandican, de Hèse et ses
coniftagnons s'embarquèrentde nouveau ; en
dix jours ils furent en vue d'une montagne
de pierre, très-haute, sortant de la mer, et
percée d'un trou de trois milles de longueur,
à travers lequel il leur fallut passer. Ce trou
Hait si noir qu'ils curent conlinuellement
besoin de chandelle. Au sortir du trou, force
fut de descendre le navire d'environ vingt
coudéi'8, parce que la mer était plus basse...
« Après un mois de navigation, et vingt-
quatre jours de marche, ils arrivèrent A
Edesse, où le prêtre Jean fait sa résidence.
Celte ville est la capitale de tout l'empire et
plus grande que vingt-quatre villes comme
Cologne... Au milieu est le palais du prêtre
J(;an, lequel a environ deux milles d'Alle-
magne en longueur. 11 est soutenu par neuf
cents colonnes ; et à celles du milieu sont
adossés quatre géaitts de pierres précieuses
dorées, qui semblent soutenir le palais sur
leur front incliné
« Les merveilles se multiplient ; on n'a que
le choix des prodiges. Tels sont une horloge,
qui rend un son effrayant lorsqu'il s'intro-
duit dans le palais quelqu'un de suspect;
une table de pierres précieuses et dorée, aussi
légère que si elle était de bois, et qui para-
lyse les effets des mets empoisonnés que l'on
pourrait poser dessus; une cloche «jue fit
foudre saint Thomas et dont le son guérit
les possédés; des appartements tournant
comme une roue; une chapelle où le prêtre
Jean, qui est (hrélien, entend la messe, et
qui suit tous les mouvements du ciel ; un mi-
roir orné de trois pierres précieuses, dont
l'une fortifie la vue, l'autre rend plus exquise
la sensibilité, et la troisième augmente l'ex-
périence; miroir que quatre docteurs choisis
adhoc regardent sans cesse, pour savoir tout
ce qui se passe dans le monde. Ces raretés
et beaucoup d'autres sont répandues dans
sept palais différents, aussi riches que celui
du soleil décrit par Ovide.
« El remarquez bien que de Hèse a été
dans ces lieux en personne. Il visite ensuite
une île où Gog et Wagog étaient enfermés ,
disait-on, entre deux montagnes. Les insu-
laires étaient singulièrement conformés, car
ils avaient deux visages sur une seule tête,
l'un devant et l'autre derrière.
« Après cet itinéraire vient une lettre du
prêtre Jean à son ami Emmanuel, gouver-
neur de Uome. Il lui fait un détail de sa
p;iissance, et se met à conter de nouvelles
merveilles : une pierre qui guérit tous les
malades pourvu qu'ils soient chrétiens; des
vers qui ne vivent que dans 1,; feu ; une table
toujours couverte pour trente mille person-
nes, sans compter les survenants, etc..
« Ce livre est terminé par un pelit trailô
sur la vie et les mœurs du prêtre Jean et par
trois chapitres sur les curiosités de l'Inde.
J'ignore, dit M. de ll<-iffenberg, si ces fables
ont été recueillies par de Hèse; du moins
l'auteur ne se met plus en scène; il ne dit
plus : « J'ai vu ; j'ai été là. » Le phénix, des
poissons de forme humaine, des hommes à
tête de chiens, des satyres , des peuples
exempts de vieillesse et de décrépilude sont
mis sous la garantie de Pline le naturaliste.
C'est peut-être là que notre voyageur les
aura prises , on plutôt dans qnelqui's-unes
de ces compilations du moyen âge où l'an-
tiquité était ridiculement travestie, et dont
l'auteur de la chronique Margarilique, Julien
Hossetier,d'Ath, extrayait encore, vers Îo08,
Fsr.
IIIS
HiP
82»
les contes puérils dont il a f.irci son ou-
vra pf- »
HEURE. Voy. Minuit. Ann:os ou démons
des lieiirns. Voy. I'ierre d'Apone.
HIBOU, oiseau de mauvais augure. On le
regarde mlgniremenl roninie le messager de
la mort; et les personnes superslilietises, (jui
perdent quelque parent ou queliiiie ami, se
ressouviennent toujours d'avoir entendu le
cri du hibou. Si présence, selon Pline, pré-
sage la stérilité. Son œuf, mangé en ome-
lette, guérit un ivrogne de l'ivrognerie.
Cet oiseau est mystérieux, parce qu'il re-
cherche la solitude, qu'il liante les clo-
chers, les tours et les cimetières. Oa redoute
son cri, parce qu'on ne l'entend que dans les
ténèbres; et, si on l'a vu quelquefois sur la
maison d'un mourant, il y était peut-être at-
tiré par l'odeur cr.d ivéœuse, ou par le si-
lence qui régnait dans cette maison.
Un philosophe arabe, se promenant dans
la campagne avec un de ses disciples, enten-
dit une voix détestable qui chantait un air
plus détestable encore. — Les gens super-
îilitieux, dit-il, prétendent que le chant du
hibou annonce la mort d'un homme; si cela
était vrai, léchant de cet homme annonce-
rait la mort d'un hibou.
Cependant si le hibou est regardé comme
un mauvais présage chez les gens de la cam-
p:igne, (juand on le voit perché sur le haut
d'une maison, il est aussi regardé comme
d'un bon augure quand il vient se réfugier
dans un colombier. Les anciens Francs con-
damnaient à une forle amende quiconque
tuait ou volait le hibou qui s'était réfugié
dans le colombier du sou voisin (1).
Ou ne peut passer sous silence les vertus
surprenmtes de cet oiseau. Si l'on met son
cœur avec son pied droit sur une personne
endormie, elle dira aiissitùt ce qu'elle aura
fait et répondra aux demandes qu'on lui
adressera ; de plus, si oa met les mêmes par-
ties de cet oiseau sous les aisselles, les chiens
ne pourront aboyer après la personne qui
les portera; et enfin, si on pend le foie à un
arbre , tous les oiseaux se rassembleront
dessus (2).
HIERARCHIE. Agrippa disait qu'il y avait
autant de mauvais anges que de bons, qu'il
y en avait neuf hiérarchies de bons et neuf
de mauvais. Wierus, son disciple, a fait l'in-
ventaire de la monarchie de Satan, avec les
noms et surnoms de soixa:ite-douze princes
et de plusieurs millions de diables, nombres
fantastiques, qui ne son! app;iyés sur d'au-
tres raisons que sur la révélation de Satan
même. Voy. Coun infernale.
HIEROGLYPHES. Les Egyptiens avaient
beaucoup d'idées suiierslitieuses, s'il faut les
juger par leurs hiéroglyphes. Ils expriment
le sexe féininin par un vautour, dit un an-
cien, parce que tous les vautours sont fe-
melles, etquele vent seul féconde Icursœufs ;
ils représentaient le cœur par deux drachmes ,
parce que le cœur d'un enfant d'un an nu
(1) M.Salgues, Dos erreurs et des préjuges, elc.,1. 1",
p. 439.
(2) Des aJmirablcs Secrets d'Albert le Grand, r- lOT.
pèse (jue deux gros. Une femme qui n'avait
qu'un enfant, ils la figuraient par une lionne,
parce que cet animal ne fait qu'un petit (du
moins ils le croyaient de la sorte), lis figu-
raient l'avortement par un cheval qui donne
un coup de pied à un loup, parce que, di-
saient-ils , une cavale avorte si elle marche
sur les traces d'un loup (•!), etc. M. Cbam-
poUion donne d'antres explications.
HIEROMNENON, pierre que les anciens
employaient dans leurs divinations, mais
dont ils ne nous ont laissé aucune descrip-
tion.
HIEROSCOPIE. Voy. Hépatoscopie.
HIPORINDO, mot qui, prononcé d'une
certaine façon, charme les serpents et les
empêche de nuire. Paracelse en parle.
HIPPARCHUS. On lui attribue un ouvrage
intitulé : le Livre des Esprits.
HIPPOCRATE, père de la médecine. Les
légendes du moyen âge font de lui un grand
magicien, et lui prêtent des aventures dans
le genre de celles <iu'elles attribuent à Vir-
gile. On met sous si>n nom un Traité des
songes, dont on recherche les éditions accom»
pagiiées des commentaires de Jules -César
Scaliger; in-8', Gnesne, IGIO; et un autre
livre intitulé les Aspects des étoiles.
Légende d'Uippocrate.
Du temps que César-Auguste était empe-
reur deKome,son neveu Gains, qu'il aimait
par-dessus toutes chosïs et qui devait héri-
ter de l'empire, tomba malade. Les médecins
ne purent le guérir. Il y avait trois jours et
trois nuits qu'il ne parlait plus; toute la
cour était dans une grande tristesse. Sur ces
entrefaites , Hippocrate entra dans Rome ,
qu'il fut surpris de trouver en deuil. Il avait
beau interroger les passants, personne ne
lui parlait. H monta au palais de l'empereur,
pour savoir la cause de cette douleur publi-
que. Il se fraya passage jusqu'à la chambre
où le malade était couché, comprit alors la
douleur publique, mit la main sur le cœur
de Gatus, et dit à César-Auguste : Quelle fa-
veur m'accordercz-vous, si je rends la vie à
ce malade? L'empereur promit tout; et le
savant médecin, prenant dans son aumônièro
une herbe et un breuvage, en composa uno
potion qu'il fit avaler au malade, en lui ou-
vrant doucement la bouche. L'enfant ouvrit
les yeux aussitôt, dit quelques paroles. Eu
moins de trente jours, Hippocrate le remit
eu bonne santé.
Auguste combla de biens l'habile docteur
et fit élever deux piliers, sur lesquels il mit
la statue d'Hippocrale et celle de Gatus. 11
admit le savant à sa table et lui donna place
dans son amitié.
PcMi de temps après, des habitants du pays
de Galles vinrent s'établir à Rome. Il y avait
parmi eux une dame d'une grande beauté.
Un jour que de la fenêtre du palais die re-
gardait la s\atne d'Hippocrale, comme on lui
vantait le philosophe : — Tout philosophe
(3) Bfown , fessai sur les erreurs populaires, loin. II,
p.ba
827
DICTIONNAIUE DES SCIENCES OCCEETLS
8i»
qu'il est, (!it-cl!c, jo "jagc qu'en un jour je le
ferai tenir pour le plus grand fou du monde.
Le savant niédeein, ajaut appris ce pro-
pos, voulut coiiiiaîtiC !a belle tjalluise. A sa
vue, il en devint si épris, ((u'il loiuba malade',
l/enipereur, inquiel, cn\oya toute sa l'our
auprès de lui; la Galloise y vint, reçut les
aveux du philosophe, s'y montra sensible, cl
Hippocrate recouvra la santé.
Mais la belle dame, qu'il croyait épouser,
était une malicieuse. Comme Hippoerale la
pressait : — Venez c .tte nuit sous ma l'enê-
tre, lui dit-elle; je descendrai une corbeille
altachée à une coriic, et avec l'aide de ma
servante, je vous monterai dans la tour, où
je vous ferai savoir mes comlilions.
Le savant fut exact : au milieu de la nuit
que la Galloise
sommet de la
il se plaça dans la corbeille
et sa servanle élevèrent au
tour, beaucoup plus haut que leur fenêtre;
puis, attachant la corde à un croc, elles Las-
sèrent le nuilheureux Hippocrate suspendu
au milieu des airs.
Or, cette corbeille était à Rome une espèce
de pilori où l'on exposait les malfaiieurs.
Quand il fut jour et que l'on vil là Hippo-
crate, tout le monde chercha quel pouvait '
être son crime. L'empereur était à la cliasse,
d'où il ne revint que le soir : et ainsi la cor-
beille ne fut descendue qu'à la nuit.
Le savant, dont le cœur n'éiait pas guéri,
ne voulut pas faire connaître l'auteur de son
(riste accident, de peur d'exposer celle qu'il
aimait à la colère do l'empereur et sa pas-
sion à la risée des courtisans. La Galloise
lui fit donc d'autres mauvais tours; si bien
que, pour se venger alors, il la rendit éprise,
au rtioyen d'un phillre , d'un vieux nain
bossu ei contrefait, avec lequel on fut bien
surpris de la voir se marier.
Quelque temps après, un chevalier vint à
Rome annoncer à César - Auguste qu'un
homme de Nazareth, appelé Jésus, guérissait
tous les malades, ressuscitait les morts et
faisait d'autres merveilles. Hippocrate aussi-
tôt quitta Rome, en disant qu'il allait cher-
cher Jésus et apprendre de lui ce qu'il ne
savait pas.
En cheminant, guérissant parlout les ma-
lades, mais ne ressuscitant pas les morts, il
arriva chez Antoine, roi
rendit le flis à la santé. Anioine, pour récom-
pense, lui fit épouser la fille du roi de Syrie.
Pour recevoir dignement la belle prin-
cesse , le philosophe, qui était magicien,
comme vous voyez, fit construire un palais
magnifique, où éclataient l'or, l'argent et les l
pierreries; son art, d'ailleurs, l'avait rendu
puis'aiTunent riche. U consiruisil aussi un
lit qui guérissait de toutes maladies ceux
qu'il y faisait coucher.
Cependant la princesse ne l'aimait point,
parce qu'il n'était pas de race royale. Hippo-
crate s'en aperçut, et il se fil une coupe d'or,
à laquelle il fixa des pierres précieuses qui
neutralisaient l'effet des poisons. Plusieurs
fois la méchante femme essaya <le l'empoi-
sonner, mais inutilement : le charme de la
coupe était supérieur à la [)uissance dei vo-
de Perse, dont il tait d'heur
nins. Iriitce de cet obstacle, la princesse dé-
roba la coupe et la jela dans la mer.
lli pocrate s'aperçut dune de ses mauvais
desseins : au-si refii-il, au plus vile, une au-
ti'c coupe moins belle, mais qui avait la même
vertu. C'pend^iut il oubliait d'aller chercher
Jésus de Nazareth , et pour ses passions ,
comme lanl d'autres, il so perdait.
Sur ces entrefaites, le roi Anioine tint une
cour plénière, à laciuelle Hippocrate s'em-
piessa de se rendre avec la princesse sa
iemnie. Un soir, après souper, le roi, le phi-
losophe et la méchante femme étaient à une
fenêtre qui donnait sur la coui' du château.
Ils virent dans cette cour une jeune truie qui
mangeait un grand ver. Hippocrate s'écria :
— Celui qui m^ïngerail la tète de cet ani-
mal périrait sur-le-champ, nul remède iiC
pourrait bi sauver. ,
— Nul remèiie? demanda la princesse.
— Nul remède, répéta le philosophe, ex-
cepté s'il buvait Leau dans laquelle cette télé
aurait été cuite.
— Cela est bien étrange, ajouta la femme;
puis elle parut s'occuper de tout autre sujet.
Mais, aussitôt qu'elle fut libre, elle alla
trouver le cuisinier du palais et lui ordonna
de servir à Hippocrate la tête de cette truie,
qu'elle désigna, et elle recommanda de jeter
l'eau qui aurait servi à faire cuire l'animal.
Le cuisinier exécuta ponctuellement les or-
dres qu'il avait reçus; et à peine le philoso-
phe eut-il mangé une partie de la télé de la
truie, que, devinant la trahison de sa femme,
il s'écria :
— Hélas 1 je suis mort
Il s'empressa d'aller aux cuisines deman-
der l'eau dans laquelle avait été cuite la tète
de l'animal venimeux; on lui indiqua le fu-
mier sur leijuel cette eau avait été jetée. 11
s'y coucha, mais inutilement : le poison était
plus fort et le brûlait peu à peu.
La princesse qui l'avait trahi ne put jouir
de sa mort ; car malgré les prières de s<m
mari, qui lui pardonnait et demandait grâce
pour elle, le roi Antoine la fit exiioser sur
un rocher du rivage. Elle y resta trois jouis
et y mourut.
Hippocrate cherchait à force de soins à
prolonger son existence; mais la vie le qui!
en heure. 11 fit creuser sa tombe
sous un rocher; et avant de mourir, il fit une
chose qui étonna beaucoup tous ceux qui la
virent : il prit un panier de jonc et le rem-
plit d'herbes; puis il jela dessus beaucoup
u'eau, qu'il fit sortir par un seul jet, sans
"aisser une goutte s'éeha|)per d'un autre
côté. On eût dit qu'elle coulait d'un tonneau
bien fermé. On lui demanda pourquoi il agis-
sait ainsi.
— Je le fais, dit-il, pour vous montrer
combien c'est une grande chose que la mort
d'un homme, quand elle est résolue. Auiune
médecine ne [icut l'empêcher; car, si je de-
vais guérir, je pourrais arrêter la dyssenteiie
(jui me travaille, comme j'ai ôlé de ce panier
l'eau (|ui s'y trouvait.
.\près avoir ainsi parlé, le fils d'Esculape
ne l;irda pas à mourir; il expira le quin-
no
iiip
ïîèine jour do soptciTibi-o , tiuiiizc unnéi'S
av.int la mort de Notio-S ■:^iiciir...
Nous avons em;iruu!o celle iiolice à un
extrait plus étendu que M. Leroux do Lincy
a publié. Ce savant y ajoute un tVaguiciil du
louian dos Sept sages de Rome, ou Hippo-
craie joue un rô'e peu glorieux :
Hippocrale, dit l'une des liisloires de ce
îi\re, fut le plus savant médecin de la terre.
De toiile sn i'auiille, il ne lui resta qu'un ne-
veu, auquel il se garda bien de découvrir la
science qu'il possédait. Malgré tout, le jeune
houjMie étudia en silence, et devint aussi
liabilc que son oncle, qui, ayant reconnu son
talent, n'en parut nullcmenl contrarié. II ar-
riva que le (ils du roi de Hongrie tomba ma-
lade. Hippocrate fut mandé aussitôt; mais
d'importantes affaires rempêchaient d'entro-
piendre un aussi long voy.ige. Il répondit
au roi que ne pouvant obéir à ses ordres, il
lui enverrait un sien neveu. Ce dernier se
rendit à la cour de Hongrie.
Le roi et la reine présentèrent le malade
au jeune médecin, qui regarda l'entant, re-
garda le père, regarda la mère, puis demanda
à voir leurs urines : on 1rs lui montra. Après
avoir longtemps réfléchi, le jeune médecin
dit : — Donnez à manger à cet enfant de la
chair de bœuf. On ol.éit à la prescription, et
le fils du roi de Hongrie guérit aussitôt. Le
jeune médecin, richement payé par le roi,
retourna près de .'^on oncle. Hippocrate lui
demanda : As-tu guéri l'enf.mt?
— Oui, sire.
— Que lui as-tu donné?
— Chair de bœuf.
— Tu es bien savant, dit Hippocrale; —
et de ce moment il roula dans son esprit des
pensées de mort et de trahison à l'égard de
son neveu.
11 l'appela un jour cl l'emmena avec lui
dans un jardin. Je vois une belle herbe, dit
le jeune homme; et il s'empressa de la cueil-
lir et de la présenter à son oncle.
— C'est vrai, répliqua Hippocrale, mais je
crois en sentir une autre meilleure.
Le neveu s'agenouilla pour la cueillir;
aussitôt Hippocrate lira un couteau qu'il
avait caché sous sa robe, s'approcha du
jeune homme, le frappa et le tua. Il fit plus :
rentré chez lui, il prit tous les livres (jui
étaient en sa possession et les brûla.
Hippocrate, dit le même livre, sentant ci'j'il
allait bientôt mourir, se fit apporter une
tonne remplie d'eau pure , qu'il fit percer en
divers endroits, et qu'il boucha hermétique-
ment. Puis, ayant sèche l'eau de la tonne
avec une poudre, il appela si;s amis: — Voici
une tonne, leur dit-il, que j'ai remplie d'eau
claire; or, débouchez-la.
Les amis d'Hippocrate tirèrent les che-
villes; mais l'eau ne coula pas ; — J'ai pu
ctancher toute l'eau de cette tonne, reprit le
médecin; mais je ne puis arrêter celle qui
coule de mon corps : c'est pi)ur(iuoi je vais
mourir. Et il ne se Irompail pas; il ne larda
jias à rendre le dernier soupir.
Lcgrand d'Aussy, dans ses l';ibliaux, où il
(IJ Manuel lexjiiuc de l'jLibé l'icvost
IIIIl iiSO
ménage si peu la délicatesse de son lecteur,
a donné aussi d'Hippocrate l'aienture de la
corbeille, <]ui du reste est copiée de la légende
de V^irgile.
HlPl'OGUIFFE, animal fabuleux, composé
du cheval et du grilîon, (|ue l'Arioste et
les autres romanciers donnent qiiekiuefois
pour monture aux héros des romans de che-
vaiei'ie.
HH'POMANE, excroissance charnue que
les poulains apportent à la tête en naissant,
et que la mère muige aussitôt.
Les anciens donnaient le nom û'hippo-
mane à certains philtres, p.irce (|u'on prétend
qu'il y entrait de celle excioissauce.
Jlippomane est aussi le nom d'une herbe
qui fait entrer les elle vaux en fureur lorsqu'ils
la broutent (1). — On raconte qu'une cavale
de bronze , placée auprès du temple de Ju-
piter olympien, faisait hennir les chevaux
comme si elle eût été vivante, vertu qui lui
était communiquée par l'hippomane <iu'on
avait n»êlée avec le cuivre en la foiulanl.
"Voy. Philtues.
HlPPOiMANCIE , divination des Celtes. Ils
formaient leurs pronostics sur le hennis-
sement et le Irémoussemenl de certains che-
vaux blancs, nourris aux dépens du public
dins des forcis consacrées, où ils n'avaient
d'autre couvert que les arbres. On les faisait
marcher immédiatement après le char sacré. •
Le prêtre et le roi ou chef du canton obser-
vaient tous leurs mouvements, et en tiraient
des augures auxquels ils donnaient une ferme
confiance, persuadés que ces animaux étaient
confidents du secret des ditïux , tandis qu'ils
n'étaient eux-mêmes que leurs ministres.
Les Saxons tiraient aussi des pronostics
d'un cheval sacré, nourri dans le temple de
leurs dieux, et qu'ils en faisaient sortir avant
de déclarer la guerre à leurs ennemis. Quand
le cheval avançait d'abord le pied droit, l'au-
gure était favorable; sinon, le présage était
mauvais, et ils renonçaient à leur entreprise.
HIPPOMYRMEGES, peuple imaginaire ,
placé par Lucien dans le globe du soleil. C'é-
taient des hommes montés sur des fourmis
ailées, (jui couvraient deux arpents de leur
ombre, et qui combattaient de leurs cornes.
HlPPOmOES, peuple fabuleux qui avait
des pieds de cheval, et que les anciens géo-
graphes placent au nord de l'Europe.
HIIllGOYEN, sorcier du commencement
du dix-septième siècle, que l'on a vu danser
au sabbat avec le diable, qu'il ador.iit (-2)
HIRONDELLES. Plular(iue cite l'histoire
d'un nommé IJessiis qui avait tué son père
et dont on ignorait le crime. Etant un jour
près d'aller à un souper, il prit une perche
avec laquelle il abattit un nid d'hirondelles.
Ceux qui le virent en furent indignés, et lui
demandèrent pourquoi il mallraitait ainsi
ces pauvres oiseaux. Il leur répondit qu'il y
avait assez longtemps qu'elles lui criaient
qu'il avait luéson père. Toutes stupéfaites do
celle réponse, ces personnes la rapportèrent
au juge, qui ordonna de prendre Dessus cl
(J) D. riiiCuUiUuce dti UéiiiUiii, eU'., p. tU.
R3I
DlCTIONNAmE DhS SCIENf.KS OCCULTES.
8-i
do le mrltic à la loilure. Il avoua son crime
cl fut peiuiu (1).
Brown, dans son Fsuni sur /es erreurs po-
pHl'iirrx, dit que l'on craint de tuer les lii-
roniiellcs qtioiqu'oilcs soient incommodes,
parce (pi'on est persuadé qu'il en rcsullerait
quelque malheur. Elien nous appretul que
les hirondelles élaient consacrées aux dieux
Pénales, cl que par celle raison on s'abs-
leuail de les tuer. On les honorait, dit-il,
commeles hérauts du printemps; el,àUhodrs,
on avait une espèce de chant pour célébrer
le retour (l;s hirond.dli's.
mSTOIRK. Il y a , dans la bibliographie
infernale, beaucoup d'histoires prodigieuses
publiées sans nom d'auteur. Nous n'eu cite-
rons que quelques-unes :
Histoire d'une apparition, avec des ré-
flexions qui prouvent la difficulté de savoir
la vérité sur le retour des esprits, iu-8 ;
Paris, chez Saugrin, 1722, brochure de 24.
pages.
ilisloire prodigieuse nouvellement arrivée
à Paris , d'une jeune fille agitée d'un esprit
fantastique, in-8".
Ilisloire du diable, in-t2, Amsterdam,
1729, 2 vol.; et Rouen, 1730, 2 vol.
Histoire miraculeuse advenue en La Ro-
chelle, ville de Maurienne en Savoie, d'une
jeune fille ayant été enterrée dans un jardin
en temps de peste , l'espace de (juinze ans,
par lequel son esprit est venu rechercher ses
os par plusieurs évidents signes miraculeux ;
in-8°. Lyon.
Histoire remarquable d'une femme décédée
depuis cinq ans, laquelle est revenue trouver
son mari, et parler à lui au faubourg Sainl-
Marcel, Paris, 1G18, etc. Voy. Appauitions.
nistoires à faire peur.
Les lecteurs qui aiment les violentes émo-
tions recherchent beaucoup les histoires; el
on en a fait plusieurs recueils. Voici deux
histoires à faire peur, racontées par Des forges,
l'auteur du Sourd ou l'Aiiberge pleine, el en-
cadrées dans un des jolis récits que M.Henri
Berihoud a semés si abondamment sur la
presse périodique :
Kncorc enfanl, dit le lugubre narrateur,
j'habitais avec mon père une niriison de
campagne dans les environs de Paris, el il
se trouvait dans celle maison de campagne
un bon gros réjoui Champenois , nommé
Antoine. Il avait dix-huit ans à l'époque que
je cile. Ce garçon était exlrémemenl robuste
pour sou âge. On l'employait aux commis-
sions et aux transports de provisions de Paris
à la campagne el de la campagne à Paris. Il
Iravaill.iit au jardin, avait soin du cheval et
de la basse-cour ; enfin, c'était un trésor pour
l'uliiilé; ajoutez à cela qu'il étaildoux, com-
plaisant, toujours de la meilleure humeur
(lu monde; nous nous aimions, dans toute ia
force du terme , comme deux frèri'S. Le bon
jeune homme se serait vraiment uiis au feu
pour moi, el malgré mon cxlrêine familiarité
avec lui , jamais il n'oublia que j'étais le fi!s
de son mailre.
(I) t'ailli'picJ, Apii.ii'ilioiis des esprits, p. iO.
Depuis (|uclqiU'.'= semaines, .\ntoino, tour-
menté de ce (ju'on appelle la maladie du
pays, m'avait confié le désir ardent qu'il
éprouvait d'aller passer quelques jours dans
sa famille. Il n'osait pas eu demander la per-
mission à mon père; je m'en chargeai, sur la
promesse qu'il me fit de revenir bien vile,
el je n'eus pas de peine à obtenir la grâce
désirée. Antoine était absent depuis une ving-
taine de jours et je commençais à m'impa-
tienler un peu de ne pas le voir revenir. Il
n'avait pas même écrit, et je me sentais fâché
contre lui.
A quel(]ues nuils de là , à peine élai<-je
endormi, que je crus entendre du bruit. J'é-
coulai el n'entendis qu'un murmure confus.
Puis je crus sentir quelque chose de pesant
qui s'appuyait sur mon estomac. Cela res-
semblai! à un coude plié, avec lequel on me
pressait très- fort.,.. Je me mets à crier, ou
plutôt je veux crier :
— Oui Pst là?
— C'est moi, me répond très-distinctement
une voix basse qui semblait s'approcher de
mon oreille; c'est le pauvre Antoine qui vient
vous dire adieu, et border votre lit pour la
dernière fois!
Et au même instant je me sens soulevé de
tous les côtés de mon lit, comme si effi'ctive-
menl on le bordait , et je vois très-distincte-
ment, avec son chapeau rabattu, son gi!et
rouge et sa veste grise, Antoine dont le vi-
sage s'approchait du mien. Cela fait, il s'ar-
rêta devant moi les bras croisés, fixa un
instant sur mes yeux ses yeux pleins de lar-
mes, et s'évaiiouit comme la fumée d'une
lampe qui s'éteint.
Tout trempé d'une sueur froide , je tirai
mes rideaux d'une main tremblante et glacée.
La lune pénétrait dans ma chambre; sa lueur
mate donnait aux objets sur lesquels elle
portait, une clarté fixe et immobile qui avait
quelque chose d'effrayant. Je referme mes
rideaux; mais tout à coup j'entends, assez
près de notre corps de logis, de ces géiuisi-e-
mcnts plaintifs qui souvent retentissent la
nuit dans les bois, et que je ne savais point
alors cire les cris de certains oiseaux noc-
turnes. Cela mit le comble à mou effroi; la
terreur enchaîna mes facullés; je n'osais ni
respirer, ni rester dans mon lit, ni en sortir,
ni fjire le moindre mouvement, et je demeu-
rai quelques heures ainsi, douloureusement
suspendu entre rexislence el le néant.
Ce n'est pas sans raison que je raconte les
événements fantastiques de celle unit, une
des plus pénibles de ma vie : c'était la nuit
du 9 au 10 septembre, el du vendredi au sa-
medi, l'an 1760; il était à peu près une heure
et demie du matin , lorsqu'il me sembla
(ju'Anloine venait me rendre le dernier ser-
vice que je viens de décrire. Je voudrais bien
savoir u)ainlenant quel sera le génie supé-
rieur qui m'expliquera ce qui va suivre.
Tout plein de ma noclurnc frayeur, je ne
nian(inai pas, aux premiers rayons du jour,
de fuir le théâtre des scènes qui m'avaient
tant épouvanté , et d'aller courant conter
non pas mon rcve, mais ma vision, à ceux
f'3
nis
IllS
8ôi
qui, par c(at, se levaient dans la maison avec
le soleil, tels que le jardinier et sa femme.
Ces bonnes gens, comme on sait, qui nour-
rissent une foule de petits préjugés super-
stitieux, parce qu'on les en a nourris, ne
manquèrent pas de me dire que c'èt.iit mau-
vais signe; el moi de les croire, et moi de
pleurer par anticipation mon pauvre \ntoine.
Ma mère s'éveille. Je vais tout triste l'em-
brasser à son chevet. Elle m'interroge; je
réponds, je raconte, et je fonds eu larmes
volontaires. On me console, on cherche t
me désabuser. La douleur d'un enfant de
quatorze ans ne saurait être longue; et dans
1,1 maliuée même, un autre événement la
dissipa.
Le dimanche suivant , dix jours après ma
vision, mou p.ère reçut une lettre de Cham-
pagne. 11 l'ouvrit el la lut devant moi à voix
basse.
— Oh ! dit-il , voilA qui est parliculier.
— Qu'est-ce donc? dit ma mère.
«DeChaumont, en Bassigny, le 14
septembre 1760.
«Mes chers monsieur et dame,
«Je vous écris ces lignes pour vous an-
noncer que noire pauvre Antoine est mort
d'une fluxion de poitrine, la nuit du 9 au 10
de ce mois , entre une et deux heures du
malin, en se recommandant à votre ban sou-
venir et à vos prières.»
Un frisson mortel me saisit, je pensai tom-
bera la renverse; ma mère me soutint dans
Si;s bras.
«Le pauvregarçon n'avait qu'un regret
en mourant; c'éiail de ne plus vous voir,
mes chers monsieur et dame, et surtout,
bien pardon, excuse , monsieur voire petit
bonhomme, auquel il n'a décessé de penser
jusqu'à son dernier soupir.»
Mon cœur alors se gonOa de telle façon ,
qu'infailliblement j'aurais étoulTé sans un
cri terrible qui m'échappa , et avec lequel
sortirent mes sanglots et mes larmes, ce qui
me soulagea el me sauva. Je laisse aux plus
savants le soin d'expliquer ce fait; je me
contente de l'attester....
Quand il eut fait son récit, le conteur porta
les yeux autour de lui , et vil avec satisfac-
tion l'impression vive qu'il avail produite
sur son auditoire. Les femmes siirtoul étaient
pâles et agitées. Il reprit sans leur laisser le
temps de respirer.
— Quelque extraordinaire que soit cette
aventure, il en est une encore non moins
étrange et dont j'ai été pour ainsi dire éga-
lement le lémoiii. Je l'ai apprise l'année qui
suivit l'apparition d'Antoine. J'étais au col-
lège el nous avions depuis quelque temps
p;irmi nos camarades un fort aimable garçon
il'une très-bonne fami:le deVersaillcs, nommé
Pierret. Sorti de pension el maî'.re d'une
grande fortune, son premier soin fut de venir
à Paris pour y acheter un cheval do main;
il aimait beaucoup cet exercice. N'ayant pu
faire affaire, il quitta le marché, el s'enfonça
s-eul dans les sentiers écartés et déserts qui
se trouvent derrière. I! était , selon sa cou-
lumc plongé dans une profonde rêverie,
I' l'squ'i! en fut distrait par des cris redou-
blés : Au secours^ à moi ! au secours, on
m'assassine ! 1! tiip son épée el et court de
toute sa force vers l'endro t d'où les iris
semblenlpartir. Il arrive et voit un infortuné
que trois scélérats poignardaient, (amix ci
prennent la tuiteà la vuedePierret. Le jeune
iioiiinie (lue cet atlreux spectacle avait mis
hors de lui, se |)récipiie sur leurs traces, el,
tenant son é| ée comme on tient un poignard,
il en atteint un des voleurs et le renverse
nioil à ses pieds. Sans ralentir sa course, il
arrive au second assassin et le punii de même;
il était près du troisième, lorsque la maré-
chaussée, accourue enlin aux tris de la mal-
heureuse victime des trois bamliis, jirrive au
grand galop. Le sréiérat, poursuivi p.ir Pier-
ret, se retourne alors vers la maréchaussée,
et supplie les cavaliers de le pren.lre sons
leur protection contre la fureur de ce jeune
homme, qui venait déjà, disait-il, d'assassiner
trois de ses camarades. On se saisit de ions
les deux : Pierrel, sans dire un mot, rend son
épée sanglante, se laisse mettre les menottes,
et suit paisiblement la cavalcade, qui s'arrête
auprès de celui qu'il avail secouru. La
quantitédesangque cet homme avail perdu
lui avait absnlument ôté toute connaissance.
Ou fit venir des brancards, el les vivants,
ainsi que les morts, furent tous, on conduits
ou portés dans la prison. Pierrel el le misé-
rable furent placés dans la chambre de l'as-
sassiné, que les chirurgiens avaient avoué
n'être qu'évanoui.
Pierrel, interrogé, avait na'ivement raconté
les faits comme ils s'étaient passés; il avail
dit son nom, el avail demandé qu'on donnât
avis à sa famille de sa malheureuse affaire,
ce qui lui avait été accordé sur-le-champ.
Cependant le blessé, percé ou pour mieux
dire criblé de coups de couteau , ne donn.iit
encore aucun signe de vie. De lui seul on
pouvait attendre quelque lumière sur cet
événement; et s'il périssait sans avoir donné
aucun éclaircissement , que devenait son li-
bérateur, toujours effrontément accusé par
l'exécrable assassin? La figure douce el hon-
nête de Pierrel, son maintien assuré, son air
distingué, ses discours sages et sensés, son
calme , sa résignation héroïque à son sort ,
tout cela avait beau parler en sa faveur, et
intéressera lui tous ceux qui l'environnaient,
il n'en était pas moins dans un péril ef-
frayant, si le blessé mourait sans pouvoir
parler.
Enfin le ciel, qui le réservait à d'autres
destinées sans doute, le ciel permit qu'un
profond soupir de la victime annonçât son
retour à la vie. Les gens de l'art aidèrenl
celle lueur d'espérance à se changer en cer-
titu<lc: tous les secours, tous les soins furent
prodigués. Le malade commença à rouvrir
les yeux f.iiblement; ensuite il en reli'ouva
pins complètement l'usage el jiarvinl à pou-
voir les tourner sur l s objets qui l'enviion-
nairnt et (jn'on avait entourés d'une lumière
suiïisante. Tous les assistants attendaient,
sans oser respirer, le premier geste, le pre-
mier mouvement, le pren)iur mol de l'iufar-
83S
niCTIOiNNAlRE DKS SCIENCES OCCl.LTES.
836
luné D';ibord ii promène des regards éga-
ies et incerlaiiis aulour de lui. Peu à peu
sa vue se ralTermil, le premier objet qu'il
disl'iifïue est son assassin aux pie<ls de son
lil. Il l'ait un gesled'liorreur, jette un cri d'ef-
froi, et referme les yeux pour un inslant.
Ou redouble les secours, on parvient à le
ressusciter encore, on lui parle doucement;
on le console; ou l'exhorte au courag'; on
l'assure qu'il est sauvé; en un mol, ou par-
vient à lui rendre du calme et quelques for-
ces. 11 recommence à faire la revue de tout
ce qui l'entourait; el, remontrant cuGn des
yeux le jeune Pierrel, assis au chevet de son
lit, il s'écrie : Ahl le voilà! c'est lui! et en
même temps il le serre dans ses bras autant
que ses forces peuvent le lui permettre. Un
témoignage aussi authentique, aussi irrécu-
sable, devait, ce me semble, sulfire pour
attester l'innocence de notre ami et lui faire
rendre sur-le-champ la liberlé; mais ce n'est
■pas ainsi que marche la justice, qui ne veut
rien faire avec précipitation, et ne lâche ce
qu'elle tient que quand il ne lui est plus pos-
sible de le retenir.
Sur ces entrefaites, la mère de Pierret était
accourue sans délai au secours de son fi's.
Bien informée; du fait, munie d'une grande
quantité de lettres de recommandation, elle
sollicite et obtient que le blessé soit transporté
chez elle à sa uiaison de Paris, et que son fils
ne (luille pas sa chambre qui sera soigneu-
sement gardée.
De jour en jour le malade reprenait ses
forces, et la connaissance avec elles. Quand
les chirurgiens eurent déclaré qu'il élait en
étal de parler, il se fil une assemblée nom-
breuse de juges, el de tous les intéressés à
l'affaire dans la chambre de l'assassiné. Le
meurtrier, resté vivant, lu! amené chargé de
fers, les cadavres de ses complices avec leurs
mêmes habils furent apportés aussi ; on avait
eu soin de les mellre à l'abri de la corrup-
tion par des moyens connus. Quand tout fui
dans l'état convenable, le blessé, se soulevant
sur son coude, prit la parole el déposa :
«Que leljour,àtelle hcuredumalin, ilavait
rencontré au marché aux cli<'vaux ces trois
hommes avec lesquels il était lié d'inlérèls de
commcrce;qu'ils lui avaient vu faire de très-
bonnes affaires, et recevoir beaucoup d'or el
beaucoupdebilletsau porteur, qu'ils l'av-iienl
invité à dîner; que lui, ne se doutant de rien,
el ne se méfiant pas d'eux , av.iil accepié : (lu'ils
avaient essayé de le faire boire, mais qu'il
n'avait pas soupçonné leur dessein; qu'après
le dîner, où en effet il avait un peu passé les
bornes, ils l'avaient invité à faire un lourde
promenade, cl l'avaient conduit à l'endroit
écarté où on avait dû le trouver; que là ils
s'étaient jelés sur lui armés de couteaux,
l'avaient dépouillé de son or, de son argent,
de ses billets; qu'il leur avait demandé au
moins la vie, que les seélérals pour réponse
l'avaient criblé do coups de couteau ; que ses
cris redoublés avaient adiré ce jeune homme
cjui l'avail délivré cl doiu les traits s'étaient
sur-le-champ gravés dans sa mémoire d'une
manière iuilT\.iblc;<iu'ensuile il avail perdu
connaissance, et ne se souvenait plus de rien
jusqu'à son retour à la vie. »
Une déposition aussi claire cl aussi précise
ne laissait plus aucun nuage sur linnocenc:'
de Pierrel, et l'environnait même de tout l'é-
clat attaché au courage: le jeune homme fut
déchargé de l'accusation, les procès-verbaux
filent de sa belle action la mention la plus
honorable, el il revint en triomphe avec sa
mère au sein de sa f;imille. Ce ne furent que
fêles el réjouissances à Versailles pendant
quelques jours parmi ses parents et leurs
nombreuses connaissances.
Au milieu de cet enthousiasme universel
et do tous ces transports d'allégresse, lui
seul conservait un fond de mélaneolie dont
rien ne pouvait le tirer, et que la tendresse
de sa mère combattait en vain. Un jour
qu'elle le pressait plus vivement que de cou-
tume de lui ouvrir son cœur el de lui confier
la peine secrète dont il semblait dévoré, il
lui dit en l'embrassant avec tendresse :
— O ma bonne mère 1 pardonne à ton
pauvre fils dont la lêle faible nourrit des
idées noires que rien ne peut dissiper el qui
reviennent sans cesse agiter son âme. Je ne
sais si elles sont la suite de la funeste aven-
ture à laquelle je viens d'échapper; mais j'ai
le pressentiment que celte année ne se
passera pas sans qu'il m'arrive quelque
chose de fatal.
Sa mère employa tout ce que la tendresse
ella raison ont de plus efficace pour dé'ruire
celle chimère, si funeste à son repos el à
celui (le son fils. Elle ne put y parvenir. Elle
fut réduite à compter les jours de cette dan-
gereuse année, à ne pas quitter son fils d'un
instant, ni d'un pas; à 1 entourer jour et nuit
de tous les soins de la surveillance mater-
nelle, et en un mot, à jouer le rôle de ces
mères dont les enfants, dans les coules d. s
fées, se trouvent menacés d'un grand dan-
ger jus(|u'à une certaine épo(iuo. L'année fa-
tale arrivait enfin à son dernier terme; la
tendre mère avail rassemblé toute la famille
pour célébrer un si grand jour, quoiqu'elle
el sou fils fussent seuls dans la confidence
do ces craintes malheureuses. Quand le dî-
ner fut fini, comme il faisait un temps su-
perbe, et qu'on pouvait disposer encore de
quelques heures, on proposa de mettre les
chevaux aux voitures el d'aller faire un tour
à la chasse dans le parc jusqu'à la nuit. La
proposition csl accueillie ; hommes et fem-
mes partent lous, cl laissent le jeune Pierret
peu ami de ces plaisirs bruyants, dans la
compagnie de sa mère.
— lit) bien ! lui disait la vieille dame, la
voilà enfin révolue cette terrible année quo
lu craignais tant, cl que lu m'as tant fait
ciainlre! lille sera finie, cl. e l'est...
— Bientôt, mais pas encore, répondit-il
séricusemcnl.
Ma<lame Pierrel se mit à lire et haussa le»
épaules. Cependant, peu à peu le jour lom
biit. cl la compagnie, dont le rendez-vous
était à la maison, se rassemblait in>ensiblc-
ment. Us arrivaient les uns après les autres,
cl se trouvèrent bieulôl en nombre asscï
h?)''
iror:
considômblo pour essayer des jeux de so-
eU't?. Oïl proposa la main chaude : aussitôt
arccptée que proposée. On cominence, on
frappe lour à tour ; 1res peu occupé du jdi ,
et n'y trouvant de plaisir que celui que sa
complaisance pouvait faireaux autres, l'icr-
rel, hienlôl la tcle cachée sur les frenoux do
sa mère, se Irompiit à (ous les coups et ne
•levinait jaunis. Il y avait une appuence
qu'il ne quitterait pas la place de la soirée ,
lorsqu'un de ses beaux-frères, arrivé de la
chasse avec son fusil à la main, s'appruclio
du jeune homme et le chatouille dans le
creux de la main avec le bout du fusil.... Le
coup éclate aussitôt, par je ne sais quelle
fatahlé, et brise les reins du malheureux
Pierret, sur le seiii de sa mère plus malheu-
reuse encore. Je n'entreprendrai pas de vous
décrire cette scène d'horreur à laquelle j'as-
sistai. Je ne dirai pas non plus que les der-
niers mots de l'infortuné furent celle excla-
mation murmurée avec douceur :
— Eh bien! ma mèie !
Et il retomba mourant à ses pieds.
HOCQUE. Après l'édit de 16S2 pour la pu-
nilion des maléfices, la race des sorciers ma!-
laisants diminua sensiblement en France.
Mais il restait encore, dans la Brie, aux en-
virons de Paris, une cabale de bergers qui
faisaient mourir les bestiaux, attentaient à la
vie des hommes, commettaient plusieurs an-
Ires crimes, et s'étaient rendus formidables à
la protiiice. h y en eut enfin d'arrêtés; le
juge de Pacy instruisit le procès; et par les
preuves, il parut évident que tous ces maux
étaient couimis par ntaléfices et sortilèges.
Les sorts et les poisons dont ces bandits
se servaient pour faire mourir les bestiaux
consistaient dans une composition (ju'ils
avouèrent au procès, et qui est rapportée
dans les factums,mais remplie de sacrilèges,
d'impiétés, d'abominations et d'horreurs! en
niêmc temps que de poisons. Ils mettaient
celle composition dans un pot de terre, et
l'enterraient, ou sous le seuil de la porte des
elables aux bestiaux, ou dans le chemin par
ou ils passaient ; et tant que ce sort demeu-
rait en ce lieu, ou que celui qui l'avait posé
était en vie, la mortalité ne cessait point;
c'est ainsi qu'ils s'en expliquèrent dans leurs
interrogatoires.
Une circonslaiice singulière de leur procès
fit croire qu'il y avait un vrai pacte entre
eux et le diable, pour commettre tous ces
maléfices. Ils avouèrent qu'ils avaient jeté
les sorts sur les bestiaux du fermier de la
terre de Pacy, près de Brie-Comle-Robert
pour venger l'un d'eux que ce fermier avait
chassé et mis hors de son service. Ils firent
le récit exact de leur composition , mais ja-
mais aucun d'eux ne voulut découvrir le lieu
,ou ils avaient enterré ie sorl,et on ne savait,
après de semUables aveux, d'où pouvait ve-
nir leur rélicence sur ce dernier fait. Le
li'ge les pressa de s'en expliquer; ils dirent
que s ils découvraient ce lieu, et qu'on levât
le sort, celui qui l'avait posé mourrait à l'in-
stant.
L'un de leurs complices, nommé Etienne
HOC 855
Hftcquc , moins coupable que les autres, et
. qui n'avait été condamné qu'aux galères
était à la chaîne dans les prisons de la Tour-
ne!le. On gagna un autre forçat nommé
Bealrix, qui était attache avec lui. Ce der-
iiier,à qui le seigneur de l'acy avait fait tenir
lie largent, fit un jour tant boire Hoc(|(ic
quil l'eiMvraeten i et état ie mil sur le ch i-
pitre du sort de Pacy. Il lira de lui le secret
qu'il n'y avait qu'un berger nommé Bras-de-
Fer, qui demeurait près de Sens, qui pûl le-
ver le sort par ses conjurations.
Béatrix, profitant de ce commencement de
coiifiilence, engagea le vieux berger à écrire
à son fils une lettre par laquelle il lui man-
dait d'aller trouver Bras-de-Fer , pour le
prier do lever ce sort, et lui défendait surtout
de dire à Bras-de-Fer qu'il lût condamné et
emprisonné , ni que c'était lui, Hocque , qui
avait posé le sorl.
Celte lettre écrite, Hocque s'endormit.
Mais à son réveil, les fumées du vin étant
dissipées, et réfiéchissant sur ce qu'il avait
fait, il poussa des cris et des hurlements
épouvantables, se plaigaantque Béatrix l'a-
vait trompé, et (ju'il serait cause de sa mort,
lise jeta en même temps sur lui, et voulut
l'étrangler, ce qui excita les autres forçats
contre Béatrix, en sorte qu'il fallut que le
commandant de la Tournelle vînt avec ses t
gardes pour apaiser ce désordre , et tirer
Béatrix de leurs mains.
Cependant la lettre fut envoyée au sei-
gneur, qui la fit remettre à son adresse.
Bras-de-Fer vint à Pacy, entra dans les écu-
ries, et, après avoir fait des figures et des
i iiprécalions, il trouva effectivement le sort
qui avait été jeté sur les chevaux et les va-
ches; il le leva et le jeta au feu, en présence
du fermier et de ses domestiques. Mais à
l'instant il parut chagrin, témoigna du regret
de ce qu'il venait de faire, et dit que le dia-
ble lui avait révélé que c'était Hocque, soa
ami, qui avait posé le sort en cet endroit, et
qu'il était mort à six lieues de Pacy, au mo-
.ment que ce sort venait d'être levé...
fin eft'el, par les observations qui furent
faites au lîhâteau de la Tournelle, il y a
preuve qu'au même jour et à la même heure
que Bras-de-Fer avait commencé à lever le
sort, Hocque, qui était un homme des plus
forts et des plus robustes, était mort en un
instant dans des convulsions étranges, et su
tourmentant comme un possédé, sans vou-
loir entendre parler de Dieu ni de confes-
sion
Bras-de-Fer avait été presse de lever an-si
le sort jeté sur les moutons, mais il dit qu'il
n'en ferait rien, parce qu'il venait d'appren-
dre que ce sort avait été posé par les enfants
de Hocque , et qu'il ne voulait pas les faire
mourir comme leur père. Sur ce refus, le
fermier cul recours aux juges du lieu. Bras-
de-Fer, les deux fils et la fille de Hocque
furent arrêtés avec deux autres bergers,
leurs complices, iio:iwnés Jardin cl le Petit-
Pierre; li'ur procès instruit, Bras-de-Fer,
Jardinet le Petit Pierre furent condamnés
R5.)
DiCriONNAIliF. DES SCIENCES OCCUI/IKS.
8iO
à dire pentins et brûlt-s, et les trois enfants
de Hocque bannis pour neuf .ins (I)...
Oïl lira ici avec plaisir la légonde suivante
de M. EdouarU d'Angleiiioul :
LE UliliGEIl DE LA BRIE.— 1230.
Aux temps peu reculés delà sorcillcrie ,
Ali! (|irilstH:iienl |>\iissuiilH les licrgers de la llrie!
Il iiMuil polnl piiideiilirall'iiiier leur courroux!
'i'aulôl ou l.'S voyait, cliuiinés eu luiips-yaroux,
Rôder dans les liaïueaux, y ctiorclier aveuture,
Enlever les eufaiils, eu taire leur pâture;
Taiiiôt de Ools de «réle ils fiap|iaieul les uioissous
Ou dans les las de blé seinaieuldes ehaïaiiçoiis.
Avaienl-llsa franchir un inuiieuse intervalle,
Le iiiauclie d'un balai leur servait de cavale;
Leur rej,'ard rendait pâle un visage vermeil;
Avec un œil de pie ils ôtaieul le sommeil
l'our répandre l'effroi, pour troubler les esprits,
Leur fallait-il un spectre, une chauve-souris
Leur baguette aussiiôt les faisait apparaître;
Voulaient-ils mettre obstacle au sc^rmon d'un saint prilre;
D'un pécheur repentant arrêter les aveux.
Ils jetaient sous leurs pieds des crins ou des cheveux.
Mais s'ils élaient connus par de noirs malùtices
Ils rendaient quelquetois aussi de bons offices;
Souvent avec une herbe, un signe, quelques mois.
Mieux que tout l'art d'un mire, ils guérissaient les maux.
En ces champs oii, parmi les glay.iils et les auin^s,
La Marne vers Lagny roule ses ondes jaunes,
Atteint d'un mal sans nom ei qui semblait mortel ,
Un baron languissait au sein de son castel.
Soudain la renommée apporie b son oreille
Le bruit d'une science a nulle autre pareille;
Aussitôt par son ordre un varlel va chercher
Celui qui la possède, au fond de son rocher.
Il accourt au manoir; il entre; la rosée
Luit sur ses longs sourcils, sur sa barbe frisée.
El sur ses cheveux roux au hasard ondoyanis .1
Ses yeux sont tour °a tour ternes ou flamboyants :
Il porte sur son front et verveine etsélage (i) ,
Sur son dos une peau d'un noirâtre pelage ;
Un sarreau de lin gris couvre ses reins pressés
De rameaux de fougère en ceinture tressés ;
Il tient de la main droite une baguette blanche :
Un coflret de fer-blanc, qui sonne sur sa hanche,
Contient l'herbe qui tue et l'herbe qui guérit,
Un livre en traits de sang par Lucifer écrit.
Autour de son cou brille un carcan planétaire ;
Et ses pieds, tout fangeux, sont empreints d'une terre ,
yii'on ne peut rencontrer ailleurs qu'en un grand bois,
D'où partent nuit et jour des cris et des abois ;
On est mort , si l'on ose en passer les barrières !
LE BARON.
Approche. N'es-tu pas le berger des carrières?
LE BERCER.
Oui. Que demaudez-vous de moi f
LE BARON.
De me guérir.
LE BERGER.
Vous êtes en effet en dang. r de mourir. •
LE BARON.
Ton art u'aurail-il point de n ssources?
LE BERCER.
J'y pense.
LE BARON.
Sauve-mol ; tout cet or sera ta récompense
LE BERGKR.
Oui, je puis vous sauver, mais si vous conseillez
A remettre en mes mains....
LE BARON.
Eh! quoi donc?
LE BERGER.
Ecoutez:
Vous avez, monseigneur, un enfant en bas-âge.
Eh bien! coiiune l'enfer ne veut aucun dommage,
11 faudrait (ine le son que l'on vous a jeté
Sur cet être innocent fût par moi Iransporté.
LE uàhon.
Que me proposes-tu ? relne-toi.
LE BERCER
Je reste.
Vous sentez, je le vois, s'accroître un mal funeste
(t) Le commissaire Delainarre, Traité de la |k>Îicp.
fi) Le sé(agc est une | lanic dont se paraient autrefois
K'b Jruidesses et doiil les sorciers oui fuit depuis le même
LK RAHOK.
Quel feu dans ma poitrine! Ah ! quels déchircmenis I
On lit! peut suppiirler de si^nblables louriiienls!
Ah! je me iiieuis! l'enfer!.. . Sauve-moi; je le livre...,
LE BCRCER.
Monseigneur, hâlez-vous: jurez-le sur ce livre.
Et le baron, en proie â son égarement
Sur le livre magique < n laii l'.iirreiix serment'
Et le berger dans l'air agite sa houssine
Dont le signe infernal liiitemenl se dessine
En s'éeriant: « Alpha, 11. Un, JaKIérichell »
LE BARON.
Je me sons bien.
LE BERCER.
Tenez voire serment
LE BARON.
Lequel?
LE BERGER.
Livrez-moi votre enfant, car je ne puis attendre. ^
LE BARON. "
Tu me perces le cœur, je ne saurais l'entendre,
l'reuds cet or, fuis, mets II i a ces cruels débats.
LE BERGER.
L'enfant de monseigneur !
UN varlet eiilrmil.
Le voyez-vous Ih-bas?
Sur la blanche iiimenl sa nourrice l'emiiorle;
Elle a, m'a-i-elle dit, écouté de la porte;
Courez; si vous voulez les atteindre, il est temps!
Et roulant des regards de colère éclatants.
Le berger aussilôi avec des cris de rage :
« Devais-je retirer ce fruit de mon ouvrage?
Belzébulh de ses droits ne peut être frustré !
Il faut que quelqu'un meure, et c'est moi qui mourrai
Déjà des doigts de plomb pèsent sur ma pau|)iéi e ;
Ah! femme de malheur! » Et, Iroid comme la pierre,
11 s'enluilde la salle ; il veut franchir le pas.
Et tombe consumé d'un Icu qu'on ne voit pas.
HODEKKN. Voy. Hecdekin. Voy. aussi
DiABLG.
HOFFMANN. Célèbre auteur allemand dis
contes fantastiques, où le surnaturel oceupo,
d'une manière irès-originale, la plus grande
place.
HOLDA. La holda était, chez 1rs anciens
Gaulois, une espèce de sabbat nocturne, où
(les sorciers faisaient leurs orgies avec des
démons Iransformés en danseuses.Voy. Bes-
SOZIA.
On parle encore en Allemagne de holda,
la bonne pieuse (sorte de fée qui remplace,
dans les opinions populaires , une divinité
antique). Elle visite sans être vue la maison
du laboureur, elle charge de laine les fu-
seaux des ménagères diligentes , et répand
l'abondance autour d'elle (3).
HOLGEK-DANSVRE , ou Ogier le Danois.
Voy. Frédéuic.
HOLLANDAIS ERRANT. C'est un vaisseau
fanlaslique qui apparaît, dit-on. dans les para-
ges du cap de Bonne-Espérance. Ce vaisseau
dcploielouîes ses voiles lorsque aucun navire
n'oserait en risquer une seule. On est par-
tagé d'opinions sur la cause de ce prodige;
d'après la version la plus répandue, celait,
dans l'origine, un navire richement chargé
à bord duquel se commit un horrible forfait.
La pesle s'y déclara , et les coupables errè-
rent vainement de port en port, offrant leur
riche cargaison pour prix tl'uii asile. On les
repoussait partout, (le peur de la contagion.
Les matelols disent que la Providence, pour
perpétuer le souveuir de ce châtiment, per-
usage.
(.')) M. Ozanam , De l'établissement du Christianisme eu
Aileuiaiiiic.
84t
IIOM
llOM
6(»
met que le Hollandais erranC apparaisse en-
rore dans ces mors où la calaslrophe cul
lieu. Celle apparition est considérée comme
Un mauvais augure par les navigateurs (l).
Le Hollandais errant , sujet de beaucoup
de traditions , s'appelle aussi le Voltigeur
hollandais. Voyt'Z Ce mot.
HOLLERE. M.igicien danois qui s'était ac-
quis , au treizième siècle, la réputation
d'un homme à miracles, el qui n'était qu'un
sorcier adroit. Pour passer la mer, il se ser-
vait d'un os gigantesque marqué de quel-
ques charmes et Caractères magiques. Sur
ce singulier esquif il traversait l'océan com-
me s'il eùl été aidé de voiles el poussé par
les vents. Il fut mallrailé par les autres sor-
ciers, ses envieux, qui l'obligèrent à quitter
le pays (2).
HOLZHAUSER (Barthélémy), visionnaire
allemand, né en 16.3. Le diable apparut à sa
naissance, sous la forme d'un laid chien noir;
le nouveau-né s'écria qu'il ne le craignait
point, cl le diable décampa.
En étudiant le latin, il fut attaqué de la
peste qui régnait à Cologne. Comme il était
sur son lit, il sentit quelqu'un lui donner un
souffle). Il se tourna, nevit personnei mais le
souftlel l'avait guéri; il retourna en classe.
Il alla faire sa philosophie à Ingolsladt,
eut des visions sans nombre, fut vexe par les
démons, pourchassé par des spectres. Il dé-
livra des possédés, prophétisa et publia ses
visions.
Et d'abord il mit au jour son Voyage aux
enfers. — Il fit paraître ensuite un recueil
de diverses petites visions peu remarquables,
et son Explication de l'Apocalypse , dont il
trouva toutes les prédictions entrain de s'ac-
complir. Il mourut en 1658.
Ses visions sont très-bizarres. Il vit un jour
sept animaux : un crapiiud qui chantait
comme un perroquet; un chameau qui por-
tait des reliques; un être qui tenait du che-
val hennissant et du chien aboyant ; un
grand serpent plein de fiel, qui avalait des
âmes; un pourceau énorme qui se vautrait
dans la fange et qui allait du travers; un
sanglier qui exécrait, et enfin une septième
béte, morte et sans nom.
Barthélémy vit ensuite une monarchie ,
deux sièges et un archange qui se prome-
nait entre plusieurs fauteuils; il vit un roi à
cheval sur le Danul>c , puis plusieurs petits
vers qui allaient en manger un grand , lors-
qu'un chat vint qui chassa tous les petits
vers et délivra le grand (3)...
Nous ne pouvons rien prononcer sur ces
visions.
' HOMMES. Il pariJi qu'il n'y a que l'homme
à qui la nature ait donné une figure droilc
cl la faculté de contempler les cicux. Seul
parmi les animaux il a l'épine du dos et l'os
(ie la cuisse en ligne droite. C'est un fait, dit
Aiistote , que si l'homme est le seul à qui
' (!) WallerScolt, M.illiilde de Hokeby, chanta*.
(2) JuKemeiils d»; Uii'ii, de Clias^aanoii, p. lli.
(5) BioRiapliia vcn'iutjilis servi Dri liai thuloiuspi Hol-
xbiiiiser, elc , li;iiiil)erg;»!, 1781, iii-S". Acccdual ejiisdein
iii AjKicalyifti.ii euiii'iii'.ir.acii pl.iiie adniiiubllus. — Visioiies
DlCTlOX.X. DES SCIKSCSS OCCULTES. I.
il arrive des illusions nocturnes , c'est parce
qu'il n'y a proprement que lui qui se cou-
che sur le dos , c'est-à-dire de manière que
l'épine et la cuisse fassent une ligne droite,
el que l'une et l'autre, avec les bras, soient
parallèles à Ihoiizon. Or les animaux ne
peuvent pas se coUcher ainsi ; quoique leur
épine soit parallèle à l'horizon, leurs épau-
les sont détournées et forment deux angles.
Lisez Xénophon, Hérodote, Plularque et
autres historiens, vous verrez qu'il existe
des contrées fabuleuses oii les hommes ont
une léle de dogue ou de bichon, des pays où
ils n'ont qu'un œil, d'autres où ils n'ont qu'un
pied, sur lequel is sautent, de sorte que
quandils veulcntcourir,ils sont obligés de se
mettre deux et de se tenir par le bras; d'au*
très enfin où ils n'ont point de tête, etc. (4),
Voyez HÈsE.
HOMME NOIR. L'homme ttoir qui promet
aux pauvres de les faire riches s'ils veulent
se donner à lui , n'est autre que le diable. —
On lit ce qui suit dans la légende dorée : —
Un chevalier qui jouissait d'une grande for-
tune, el qui la dépensait en libéralités, de*
vintbientôt si pauvre, qu'il manquait du né-
cessaire. Comme il n'avait pas le courage de
recourir à ses amis , et que ses amis ne pa-
raissaient pas disposés à se souvenir de lui,
il tomba dans une grande tristesse , qui rc"
doubla encore à l'approche de son jour natal»
où il avait coutume de faire le magnifique.
Occupé de ses chagrins, il s'égara dans une
solitude ; il y vit bientôt paraître devant lui
un homme vêtu de noir, d'une taille haute,
monté sur un cheval superbe. Ce cavalier
qu'il ne connaissait pas lui demanda la cause
de sa douleur. Après qu'il l'eut apprise, il
ajouta : — Si vous voulez me rendre hom-
mage, je vous donnerai plus de richesses
que vous n'en avez perdu.
— Cette proposition n'avait rien d'extra-
ordinaire dans un temps où la féodalité était
en usage. Le chevalier promit à l'élraiiger de
faire ce qu'il exigerait, s'il pouvait lui ren-
dre sa fortune. — Eh bien I reprit le diable
(car c'était lui), retournez à votre maison,
vous trouverez dans tel endroit de grandes
sommes d'or et une quantité de pierres pré-
cieuses. Quant à l'hommage que j'attends de
vous, c'est que vous ameniez voire femme
ici dans un an.
— Le chevalier s'engagea, regagna sa mai'
son, trouva les trésors indiqués, et reprit son
habitude de largesses qui lui ramena ses
bons amis.
— A la fin de l'année, il songea à tenir sa
promesse. H appela sa femme. — Vous allez
monter à cheval et venir avec moi, lui dit^il,
car nous avons un petit voyage à faire.
C'était une dame pieuse, qui avait grando
dévotion à la sainte Vierge. Elle Ht sa prière,
et suivit son mari sans demander où il la
conduisait.
verierabilis servi Dei Bartholom»! Holihau!>er, etc., dlgn»
a;vi noslri meinoria ad ejiis Biograihiam appendix, Baiii*
bergie, 1793, fa-8».
(i) M. Saignes, des Erreurs el des préjugés , t. I" ;
p. 10.
27
843
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
m
— Aprc^s avoir marché plus d'une heure,
los deux ^'pous reiicoiitrèrcnl une église. La
dame voulant y entrer, descendit de cheval;
son mari l'atlendil à la porte. A peine ful-
elle entrée dans l'église qu'elle s'endormit en
commençant à prier; la sainte Vierge ayant
pris sa figure, rejoignit le chevalier et partit
avec lui auiendez-vous.
— Lorsqu'ils arrivèrent au lieu désigné,
le prince des démons y parut avec fracas.
Mais dès qu'il aperçut la dame que le cheva-
lier lui amenait, il commença à trembler de
tous srs membres, el ne trouva plus de force
pour s'avancer au-devant d'elle. — Homme
perOde, s'écria-t-il, est-ce ainsi que tu devais
reconnaître mes bienfaits? Je t'avais prié de
m'amener la femme, el tu viens ici avec la
mère de Dieu, qui va me renvoyer aux en-
fers!....
Le chevalier, stupéfait, ne savait quelle
contenance garder ; la sainte Vierge dit au
diable: — Méchant esprit, oserais-tu bien
faire du mal à une femme que je protège?
Rentre dans l'abime , et souviens-toi de ne
jamais chercher à nuire à ceux qui mettent
en moi leur confiance...
Le diable se retira. Le chevalier éperdu
se jeta à genoux devant Notre-Dame, qui,
après lui avoir reproché son égarement indi-
gne , le reconduisit à l'église où sa femme
dormait encore. Les deux époux rentrèrent
chez eux; ils se dépouillèrent des richesses
qu'ils tenaient du diable; mais ils n'en fu-
rent pas plus pauvres, parce qu'ils recon-
nurent que les biens matériels ne sont pas les
vraies richesses (1).
Le père Abram rapporte l'anecdote sni-
rante, dans son histoire manuscrite de l'u-
niversité de Pont-à-Mousson :
« Un jeune garçon de bonne famille, mais
peu fourni d'argent, se mil à servir dans
l'armée parmi les valets. De là ses parents
l'envoyèrent aux écoles ; mais ne s'accom-
moilanl pas de l'assujettissement que deman-
dent les éludes , il résolut de retourner
à son premier genre de vie. Eu chemin il
rencontra un homme vêtu d'un habit de soie
noire, au resle de mauvaise mine, qui lui
demanda où il allait, et pourquoi il avait
l'air si triste? — Je suis, ajoula-t-il, en état
de vous mettre à votre aise , si vous voulez
vous donner à moi.
Le jeune homme, croyant qu'il parlait de
l'engager à son service, lui demanda un mo-
ment pour y penser. Mais, commençant à se
défier (les magnifiques promesses que l'étran-
ger lui faisait, il le convidér.i de plus près, et
ayant remarqué qu'il avait le pied gauche
fendu comme celui d un bœuf, il fut saisi de
frayeur, fit le signe de la croix et invoqua
le nom de Jésus. Aussitôt le spectre s'éva-
nouit.
« Trois jours après, la même figure lui ap-
parut de nouveau, el lui demanda s'il avait
pris sa résolution? le jeune homme répondit
qu'il n'avait pas besoin de maître. L'homme
loir jfila à ses pieds une bourse pleine d'é-
(t) Voyez cette légende curieuse plus développée dans
U»iégeint(s de la tauue Vierge, oi» elle esl inlimlée: le
eus, dont quelques-uns paraissaient d'or et
nouvellement frappés. Dans la même bourse
il y avait une poudre que le specire Oisail
Irôs-sublile. 11 lui donna ensuite des conseils
abominables, el l'exhorta à renoncer à l'u-
sage (le l'eau bénite et à l'adoration de Ihos-
tie. Le jeune homme eut horreur de ces pro-
positions; il fit le signe de la croix sur son
cœur, et en même temps il se sentit jeté si
rudement contre terre, qu'il y demeura une
demi-heure. S'étant relevé, il retourna ( hc z
ses parents, fil pénitence et changea de con-
duile. Les pièces qui paraissaient d'or el
nouvellement frappées, ayant été mises au
feu, ne se trouvèrent être que du cuivre. »
Ainsi, lionnes gens, défiez-vous de l'homme
noir. Voy. Argent. Foy. aussi Hugues.
HOMME ROUGE, — démon des tempéles.
« La nuit, dans les affreux déserls des côles
de la Bretagne, près Saint Paul-de-Léon (2),
des fantômes hurlants parcourent le rivage.
L'homme rouge en fureur commande aux
éléments et prét;ipite dans les ondes le voya-
geur qui trouble ses secrets et la solitude
qu'il aime. »
On croit dans le peuple qu'un petit hommt
rouge mystérieux apparut à Napoléon pour
lui annoncer ses revers.
HONGROIS, Voy. Ogres.
HONOltIUS, Voy. Grimoire.
HOKEY, nom que les nègres de la côte
occidentale d'Afrique donnent au diable, qui
n'est sans doute qu'un nègre aposié par les
marabouts. Les cérémonies de la circonci-
sion ne manquent jamais d'être accompa-
gnées dos mugissements du Horey. Ce bruit
ressemble au son le plus bas de la voix hu-
maine, il se fail entendre à peu de dislance,
et cause une frayeur extrême aux jeunes
{^ens. Dès qu'il commence, les nègres prépa-
rent des aliments pour le diable, et les lui
portent sous un arbre. Tout ce qu'on lui
présente est dévoré, dil-on, sur-le-champ,
sans qu'il en reste un os. Si la provision ne
lui suifit pas, il trouve le moyen d'enlever
quelque jeune homme non encore circoncis.
Les nègres prétendent (ju'il garde sa proie
dans son ventre, et que plusieurs jeunes gens
y ont passé jusqu'àdix ou douze jours. Après
sa délivrance, la victime qui a été avalée de-
meure muette autant de jours qu'elle en a
passé dans !e ventre du diable
Les nègres parlent avec effroi de cet es-
prit malin ; cl l'on ne peut qu'être surpris
(le la confiance avec la(iuelle ils assurent
avoir été non-seulement enlevés, mais avalés
par ce monstre.
HOROSCOPES. Un maréchal ferrant de
Beauvais avait fait tirer l'horoscope de son
fils. L'astrologue, après avoir examiné les
divers aspects des astres, découvrit que Pen-
fant élail menacé de mourir à quinze ans
d'un coup de tonnerre. Il désigna en même
temps le mois, le jour el l'heure où l'événe-
mcnl devait avoir lieu ; mais il ajouta qu'une
cage de fer sauverait le jeune homme.
Quand le temps arriva, le père chercha
Sire de Champ-Fleury
(2) Caiiibry, Vojagc dans le Finistère, 1. 1
\
P45
HOR
IIOR
9\C
rommenl laca^c de fer pourrait éviter à son
(ils une mort si prématurée; il pensa que lo
sens de l'oracle était probablement d'enfer-
mer ce jour-là son enfant dans une cage de
fer bien fermée. Il se mit à travailler à la
construction de celte cage sans en parier à
persoime. Le moment arriva. Une nuée pa-
raissait se former dans le ciel, et jusiifiait
jusqu'alors le dire de l'astrologue. Il appelle
donc son fils et lui annoixce que son étoile le
condamnait à être tué du tonnerre, un peu
avant midi, s'il n'avait heureusement trouvé
le moyen de le soustraire à sa mauvaise pla-
nète; il le pria d'entrer dans la cage de fer.
Le fils, un peu plus instruit que son père,
pensa que, loin de le garantir du tonnerre,
cette cage ne servirait au contraire qu'à l'at-
tirer; il s'obstina à rester dans sa chambre,
où il se mit à réciter l'Evangile de saint
Jean. Cependant les nuages s'amoncellent, le
temps se couvre, le tonnerre gronde, l'éclair
brille, la foudre tombe sur la cage de fer et
la réduit en poudre. Le maréchal surpris
bénit pour la première fois le ciel d'avoir
rendu son fils désobéissant, et vit toutefois
l'oracle accompli. Du moins tel est le conte.
Voy. Astrologie.
.Horoscopes tout faits, ou moyen de con-
naître sa destinée par les constellations de
la naissance.
Nous empruntons ces plaisanteries, qui
ont été si sérieuses pour nos pères, et que
l'Eglise a toujours combattues , aux divers
livres sur la matière, traitée par Jacques de
Hagen et par cent autres, du ton le plus
grave.
Les auteurs qui ont écrit sur les horosco-
pes ont établi plusieurs systèmes semblables
à celui-ci pour la forme, et tout différents
pour les choses. Les personnes qui se trou-
vent ici nées avec le plus heureux naturel,
seront ailleurs des êtres abominables. Les
astrologues ont fondé leurs oracles sur le
caprice de leur imagination, et chacun d'eux
nous a donné les passions qui se sont ren-
contrées sous sa plume an moment qu'il
écrivait. Qui croira aux présages de sa con-
stellation, devra croire aussi à tous les pro-
nostics de l'almanach journalier, et avec plus
de raison encore, puisque les astres ont sur
la température une influence qu'ils n'ont pas
tant sur nous. Enfin, si la divination qu'on
va lire était fondée, il n'y aurait dans les
hommes et dans les femmes que douze sor-
tes de naturels, dès lors que tous ceux (]ui
naissent sous le même signe ont les mêmes
passions et doivent subir les mêmes acci-
dents ; et tout le monde sait si dans les mil-
lions de mortels qui habitent la surface du
globe, il s'en trouve souvent deux dont les
destinées et les caractères se ressemblent.
1" La Balance. (C'est la balance de Thémis
(ju'on a mise au nombre des constellations.
Elle donne les procès.) La Balance domine
dans le ciel depuis le 22 septembre jusqu'au
21 octobre.
Les hommes qui naissent dans cet espace
de tcmjis, naissent sous le signe de la Ba-
lance. — lis sont ordinairement querelleurs.
Ils aiment les plaisirs , réussissent dans le
commerce , principalement sur les mers , et
feront de grands voyages. Ils ont en partage,
la beauté, des manières aisées , des talents
pour la parole ; cependant ils manquent à
leurs promesses, et ont plus de bonheur que
de soin. Ils auront de grands héritages.
Ils seront veufs de leur première femme,
et n'auront pas beaucoup d'enfants. Qu'ils se
défient des incendies et du l'eau chaude.
La femme qui naît sous celte constellation
sera aimable, gaie, agréable, enjouée, assez
heureuse. Elle aimera les fleurs : elle aura
de bonnes manières ; la douce persuasion
coulera de ses lèvres. Elle sera cepenjîanl
susceptible et querelleuse. — Elle se mariera
à dix-sept ou à vingt-trois ans. Qu'elle se
défie du feu et de l'eau chaude.
2° Le Scorpion. ( C'est Orion , que Diane
changea en cet animal, et qu'on a mis au
nombre des constellations. 11 donne la malice
et la fourberie.) Le Scorpion domine dans le
ciel du 22 octobre au 21 novembre.
Ceux qui naissent sous celte constellation
seront hardis, effrontés, flatieurs, fourbes et
cachant la méchanceté sous une aimable ap-
parence. On les entendra dire une chose ,
tandis qu'ils en penseront une autre. Ils se-
ront généralement secrets et dissimulés.
Leur naturel emporté les rendra inconstants.
Ils jugeront mal des autres, conserveront
rancune, parleront beaucoup, et auront des
accès de mélancolie. Ils n'aimeront à rira
qu'aux dépens d'aulrui , auront quelques
amis, et l'emporteront sur leurs ennemis. —
Ils seront sujets aux coliques, et peuvent
s'attendre à de grands héritages.
La femme qui nall sous celle constellation
sera adroite et trompeuse. Elle se conduira
moins bien avec son premier mari qu'avec
son second. Elle aura les paroles plus douces
que le cœur. Elle sera enjouée, gaie, aimant
à rire, mais aussi aux dépens des autres.
Elle fera des inconséquences, parlera beau-
coup, pensera mal de tout le monde. Eile de-
viendra mélancolique avec l'âge. — Elle
aura un cautère aux épaules à la suite d'une
maladie d'humeurs.
3" Le Sagittaire. (C'est Chiron le Centaure,
qui apprit à Achille à tirer de l'arc, et qui
fut mis au nombre des constellations. Il
donne l'amour de la chasse et des voyages.)
Le Sagittaire domine dans le ciel, du 22 no-
vembre au 21 décembre.
L'homme qui naît sous celle constellalion
aimera les voyages et s'enrichira sur les
mers. Il sera d'un tcmjiérament robuste,
aura de l'agilité et se montrera d'un esprit
attentif. Il se fera des amis dont il dépensera
l'argent. Il aura un goût déterminé pour l'é-
quilation, la chasse, les courses, les jeux de
force et d'adresse, et les combats. Il sera
juste, secret, fidèle, laborieux, sociable, et
aura autant d'amour-propre que d'esprit.
La femme qui naît sous cette constellation
sera d'un esprit inquiet et remuant; elle ai-
mera le travail. Son âme s'ouvrira aisémenl
à la pitié; elle aura du goût pour les voya«
gcs, et ne pourra rester longtemps daus lo
847
niCTIONNAllŒ DES SCIENCES OCCL'LTES.
8»8
même pays. Elle scr.i présonipliieuseel douce
ilo quelques qualités lanl de l'esprit que du
cœur. — Elle se mariera à dix-neuf ou à
viiigl-qualre ans. Elle sera bonne mère.
i' Le Capricorne. (C'est la chèvre Anial-
lliéc qui allaita Jupiter, et qui fut mise au
nombre des constellations. Elle donne l'é-
lourderie. ) Le C :pricorne domine dans le
ciel du 22 décembre au 21 janvier.
Celui qui nait sous cette constcllalion sera
d'un naturel irascible, léger, soupçonneux,
ami des procès el des querelles; il aimera le
travail, mais il hantera de mauvaises socié-
tés. Ses excès !e rendront malade. Rien n'est
plus inconstant que cet homme, s'il est né
d.ins la nuit. I sera enjoué, arlif el fora
quelquifois du bien. Son étoile le rendra
heureux sur mer. Il parlera modérément,
aura la lôte petite et les jeux enfoncés.
Il deviendra riche et avare dans les der-
nières années de sa vie. Les bains, dans ses
maladies, pourront lui rendre la santé.
La femme qui naît sous celte constellation
sera vive, légère, et cependant tellement ti-
mide dans ses jeunes années, qu'un rien
pourra la faire rougir. Mais son caractère
deviendra plus ferme et plus hardi dans l'âge
|)lus avancé. Elle se montrera jalouse, tout
en voulant cacher sa jalousie. Elle parlera
beaucoup, et fera des inconséquences. Elle
aimera à voyager. Elle ne sera pas d'une
grande beauté.
5° Le Verseau. (C'est Ganymède, fils de
Tros, que Jupiter enleva pour verser le nec-
tar aux dieux, et qu'on a mis au nombre des
constellations. Il donne la galle.) Le Ver-
seau domine daus le ciel du 22 janvier au 21
février.
L'homme qui naît sous cette constellation
sera aimable, spiriluel, ami de la joie, cu-
rieux, sujet à la fièvre, facile aux projets,
pauvre dans la première partie de sa vie, ri-
che ensuite, mais modérément. H sera ba-
vard cl léger, quoique discret. Il fera des
maladies, courra des dangers. Il aimera la
gloire; il vivra longtemps. Il aura peu d'en-
fants.
La femme qui naît sous cette constellation
sera constante, généreuse, sincère et libé-
rale Elle aura des chagrins, sera en bulle
aux adversités, el fera de longs voyages. Elle
sera fidèle, sage el enjouée.
C° Les Poissons. { Les dauphins qui ame-
nèrent Amphilrite à Neptune furent mis au
nombre des constellations. Ils donnent la
douceur.) Les Poissons dominent dans le
ciel du 22 février au 22 mars.
Celui qui naît sous ••elle constellation sera
officieux, gai, aimant à jouer, d'un bon na-
turel, heureux hors de sa maison. Il ne sera
pas riche dans sa jeunesse. Devenu plus
aisé, il prendra peu de soin de sa fortune, et
ne profitera pas des leçons de l'expérience.
Des paroles indiscrètes lui allireront quel-
ques désagréments. 11 sera présomptueux.
La femme qui naît sous celle constellation
sera belle. Elle éprouvera des ennuis et des
I)eincs dans sa jeunesse. Elle aimera à faire
<Sa bien. Elle sera sensée, discrète, économe.
médiocrement sensible, et fuira le monde
Sa santé, faible jusqu'à vingt-huit ans, de-
viendra alors plus robuste. Elle aura cepen-
dant de temps en temps des coliques.
7» Le Bélier. ( C'est le bélier qui portait la
toison d'or, et qui fut mis au nombre des
constellations. Il donne les emportements. )
Le bélier domine dans le ciel du 23 mars au
21 pvril.
Ceux (|ui naissent sous cette constellation
sont irascibles, prompts, vifs, éloquents,
studieux, violents, menteurs, enclins à l'in-
constance. Ils tiennent rarement leur parole
el oublient leurs promesses. Ils courront de»
dangers avec les chevaux. Ils aimeront la
pérhe et la chasse.
La femme qui naît sous celte constellation
sera jolie, vive et curieuse. Elle aimera les
nouvelles, aura un grand penchant pour le
mensonge, et ne sera pas ennemie de la
bonne chère. Elle aura des colères, sera mé-
disante dans sa vieillesse et jugera sévère-
ment les femmes. Elle se mariera de bonne
heure et aura beaucoup d'enfants.
8* Le Taureau. (C'est le taureau dont Ju-
piter prit la foriiie pour enlever Europe, et
qui fut mis au nombre des constellations. Il
donne la hardiesse el la force. ) Le Taureau
domine dans le ciel du 22 avril au 21 mai.
L'homme qui naît sous cette constellation
est audacieux; il aura des ennemis qu'il
saura mettre hors délat de lui nuire. Le
bonheur ne lui sera pas étranger. Il voyagera
dans des pays lointains. Sa vie sera longue
et peu sujette aux maladies.
La fenmie qui nall sous celte constellation
est douée de force el d'énergie. Elle aura du
courage; mais elle sera violente et empor-
tée. Néanmoins elle saura se plier à son de-
voir et obéir à son mari. On trouvera dans
cette femme un fonds de raison et de bon
sens. Elle parlera pourtant un peu trop. Elle
sera plusieurs fois veuve et aura quelques
enfants, à qui elle laissera des richesses.
9" Les Gémeaux. (Les Gémeaux sont Cas-
tor et Pollux qu'on a mis au nombre des
constellations. Ils donnent l'amilié. ) Les
Gémeaux dominent dans le ciel du 22 mai au
21 juin.
Celui qui naît sous celte constellation
aura un bon cœur, une belle figure, de l'es-
prit, de la prudence et de la générosité. Il
sera présomptueux, aimera les courses cl
les voyages, et ne cherchera pas beaucoup à
augmenter sa fortune ; cependant il ne s'ap-
pauvrira point. Il sera rusé, gai, enjoué; il
aura des dispositions pour les arts.
La femme qui naît sous cette constellation
est aimante et belle. Elle aura le cœur doux
et simple. Elle négligera peut-être un peu
trop ses affaires. Les beaux-arts, principale-
ment le dessin et la inusii]ue, auront beau-
coup de ciiarmes pour elle.
10° L'Ecretissc. ( C'est le cancre ou l'écre-
vissc qui |)iqua Hercule tandis qu'il tuait
l'hydre du marais de Lerne, et qui fui mise
au nombre des constellations. Elle donne les
désagréments.) L'Ecrevisse domine dans le
ciel du 22 juin au 21 juillet.
8;9
IIOT
flOT
830
Les hommes qui naissent sous celle con-
slellalion sonl sensuels. Ils auront des pro-
cès et des querelles, dont ils sorlironl sou-
vent à leur avantage; ils éprouveront de
grands périls sur mer. Cet horoscope donne
ordinairement un penchant à la gournian-
ilise ; quelquefois aussi de la prudence, de
l'esprit, une certaine dose de modestie.
La femme qui na!l sous cette constellation
est assez belle, active, emportée, mais facile
à apaiser. Elle ne deviendra jamais très-
grasse; clic aimera à rendre service, sera
timide et un peu trompeuse.
11° Le Lion. (C'est le lion de la forêt de
Némée, qu'Hercule parvint à étouffer, et qui
fut mis au nombre des constellations. 11
d<mne le courage.) Le Lion domine dans le
ciel du 22 juillet au 21 août.
Celui qui naît sous celte constellation est
hrave, hardi, magnanime, Qer, éloquent et
orgueilleux. Il aime la raillerie. Il sera sou-
vent entouré de dangers; ses enfants feront
sd consolation et son bunhcur. 11 s'abandon-
nera à sa colère et s'en repenlira toujours.
Les honneurs et les dignités viendront le
trouver; mais auparavant il les aura cher-
chés longlcmps.il aura de gros niollets.
La femme qui naît sous celte constellation
sera vive, colère et hardie. Elle gardera ran-
cune. Elle parlera beaucoup, et ses paroles
seront souvent ainères. Au reste, elle sera
belle; elle aura la tête grosse. — Qu'elle se
tienne on garde contre l'eau bouillante et le
fiu. Elle sera sujette aux coliques d'estomac.
Elle aura peu d'enfants.
12" La Vierge. (C'est Aslrée qu'on a mise
au nombre dts constellations. Elle donne la
pudeur.) La Vierge domine dans le ciel du
22 août au 21 septembre.
L'homme qui nall sous cette constellation
est bien fait, sincère, généreux, spirituel,
aimant les honneurs. Il sera volé. 11 ne saura
garder le secret des autres ni le sien. Il aura
de l'orgueil, sera décent dans son maintien,
dans son langage , et fera du bien à ses
amis. Il sera compatissant aux maux des
autres. Il aimera la propreté cl la toilette.
La femme qui naît sous cette constellation
sera chaste, honnête, timide, prévoyante et
spirituelle. Elle aimera à faire cl à dire du
bien. Elle rendra service toutes les fois
qu'elle le pourra ; mais elle sera un peu iras-
cible. Cependant sa colère ne sera ni dange-
reuse ni de longue durée....
Ou peut espérer que le lecteur ne s'arrê-
tera à celte ridicule prescience, que pour se
divertir un instant.
HORTILOPITS (Jeanne), sorcière du pays
de Labour, arrêtée comme telle en 1603, dès
l'âge de 14- ans, et châtiée pour avoir été au
sabbat.
HOTELS DE VILLE. Plusieurs hôtels de
ville, plusieurs cathédrales et beaucoup d'au-
tres monuments qui surprennent (sans par-
ler de divers poats), passent pour avoir été
faits avec l'aide du diable. Nous donnerons
ici la légende de l'hôlel de ville de Bruxelles.
Regnard , le poêle comique , n'était connu
dans le monde à l'âge de trente-quatre ans ,
époque où il vint à Bruxelles , que par ses
dissipations et ses folies. Un immense besoin
d'activité le portait aux voyages. Fils d'un
riche marchand , qui lui avait laissé de la
fortune, il avait visité rilalio, jouant parlou'
gros jeu , et préparant déjà , du fruil de ses
observations et de ses sensations propres, sa
comé'lie du Joueur. Revenani par mer en
France, avec une dame dont il faisait grande
estime, il fut pris par des corsaires algériens
emmené à Conslantinople , où une circon-
stance le vexa beaucoup, c'est que la dame,
dont il faisait tant de cas, fut vendue cinq
cents francs moins que lui. Esclave avec elle
chez le même patron, il sut adoucir les ri-
gueurs de la captivité par les talents qu'il
possédait dans l'art culinaire. Enfin une
somme de douze mille francs, que lui en-
voya sa famille, lui rendit la liberté, ainsi
(lu'à la dame , sa compagne , qu'il voulait
épouser en arrivant en France, quand le mari
de celte dame, qu'on croyait mort, reparut
tout à coup, pour lui inspirer la comédie du
Retour imprévu.
Reprenant alors ses voyages, il se dirigea
vers les Pays-Bas , et arriva à Bruxelles ,
le 12 mai 1681.
Il visitait les monuments , les édifices pu-
blics, les objets curieux. Il alla voir Sainle-
Gudule , l'église du Sablon , Notre-Dame do
la Chapelle, le palais de l'ancienne rour, qui
fut brûlé cinquante ans plus tard ; il s'arrêta
devant le Manneken-Pis; mais la plus grande
j)art de son admiration fut donnée à l'hôtel,
de ville de Bruxelles , ce chef-d'œuvre lom-
bard-gothique, d'une architecture que riea
ne semble pouvoir reproduire aujourd'hui.
Rpgnard s'était présenté avec des lettres
de re( ommandaiion chez maître Simon de
Fierlant, chancelier de Brabant, chez maître
Jean Locquet , président au grand conseil,
et chez messire Mathias de Crumpippen ,
conseiller du prince de Parme, gouverneur
des Pays-Bas pour Charles 11. Ces trois gra-
ves personnages faisaient au poêle voyageur
les honneurs de Bruxelles.
Pendant qu'il considérait les quatre-vingts
lucarnes du toit de l'hôlel-de-ville, les qua-
rante fenêtres de la façade, séparées par des
niches qui attendent encore leurs hommes
illustres, les deux lions du perron qui gar-
dent l'écusson du sénat et du peuple bruxel-
lois, les six tourelles hexagones qui déco-
rent l'édifice, Jean Locquet lui demanda s'il
n'était pas étonné de la pompeuse tour de
Saint-Michel , haute de trois cent soixante-
quatre pieds, percée à jour dans toute son
clévalion avec tant de hardiesse cl de grâce,
surmontée de la statue dorée de saint Michel,
irouelte gigantesque de dix-sept pieds, jetée
ans les airs, sur une pierre-plate de douze
pieds de diamètre , au désespoir de tous les
architectes à venir?
— C'est admirable , dit Regnard ; et l'hôlel
de ville de Bruxelles esl le plus beau monu-
ment de ce genre que j'aie vu jamais. Pour-
quoi faut-il que sa prodigieuse tour soit
placée de travers ?
l
85!
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
85S
— Oh ! c'esl toute une histoire , dit Simon
de Ficrlant.
— Cela lient à l'aventure de l'architecte ,
ajouta Jean Locquet. Celle belle place où
nous sommes était autrefois un étang. Lors-
qu'on 1380 on l'eut desséché et comblé par
des remblais successils, on décida que cet
endroit , comme point central , serait la
t'irande-Place. Elle était précédemment au
Marché-aux-Herbes. On ne commença l'hô-
Icl de Ville qu'en liO ). On amenait les ma-
tériaux par une rue qui est ici près , cl qui
depuis s'est toujours appelée la rue des Pier-
res , parce que durant quarante ans elle en
fut constamment obstruée. Un bâtiment
comme celui-ci en absorbe 1
— Par monseigneur de Parme ! s'ecria
Mnthias de Crumpippen, vous n'arrivez pas
à l'aventure de l'archilecte.
— N'était-ce pas un Italien, demanda Jean
Locqiiei ?
- L'architecte de ceci , riposta vivement
Simon de Fierlant 1 Pour un président au
grand conseil, vous êtes merveilleux 1 Ou-
bliez-vous que ce grand homme était Jean
de Ruysbrot ck, noire compatriote? Lorsqu'il
voulut placer sa tour, où l'on devait, selon
le vœu du bon duc Henri I", élever l effigie
du saint archange qui est le patron de notre
ville, un religieux proposa de s'en rapporter
au saint lui-même. On jeta une plume au
vent ; elle s'arrêta à l'endroit où vous ad-
mirez l'élégant obélisque.
— Je voudrais savoir si c'est à la chan-
cellerie que vous avez pris cela, interrompit
Jean Locquet. Il n'en fut pas ainsi ; mais
Jean de Ruysbroeck, étant allé consulter une
sainte femme, qui vivait en recluse près de
Saint-Nicolas , paroisse de l'hôtel de ville ,
elle lui dit de fouiller ses fondations et de
poser sa tour, comme centre parfait de la
villfr, à l'endroit où il trouverait , vers une
profondeur de 27 pieds, deux petits lions de
pierres , emblèmes de Bruxelles et du Bra-
bant. Vous pouvez les voir dans la rue de
l'Ami, où ils jettent de l'eau sur des coquilles.
On les déterra à 27 pieds 6 pouces du sol, à
l'endroit où vous contemplez la magnifique
tour.
— Mille pardons , messieurs , dit alors
Crumpippen, en saisissant brusquement la
parole. Mais vous déOgurcz complèlement
les faits. Par Marie-Louisn dOrléans, notre
digne reine 1 C'est , comme l'a dit maître
Simon de Fierlant , toute une grande his-
toire. Je puis heureu>ement la conter à no-
ire jeune ami , car je descends par ma mère
dç Jeun do Uuysbrueck.
— Je vous entendrai avec plaisir, dit lleg-
nard, tout enfoncé dans la contemplation du
chef-d'œuvre qu'il avait devant les yeux.
— Or donc, reprit Malhias.vous saurez
que Jean de Ruysbroeck, jeune architecte
qui avait visité le monde, fut chargé en liOO
défaire le plan de l'hôtel de ville de Bruxel-
les et d'en diriger les travaux. Ayez mainte-
nant l'extrême bonté de diviser l'édifice en
deux parties; la première comprend la fa-
<;adc qui est devant uous , depuis la tourelle
où vous voyez une vieille horloge placée là
en \'M, jusqu'à la grande tour de Saint-Mi-
chel inclusivement. Si vous en ôliez celte
tour, l'escalier des lions ferait tout juste Je
milieu de celle façade , qui a. comme vous
voyez, onze cintres au rez-de-chaussée et dix
fenêtres en ligne au premier étage. L'autre
partie qui est a droite, ayant six arcadesseu-»
îement surmontées de huit fenêtres, n'est
plus de lui. Jean de Ruysbroeck commençait
à la rue de l'Etoile et s'arrêtait à sa bonne
tour.
Néanmoins , comme il voulait élever son
monument et le rendre durable, il s'aperçut
bientôt que la ville ne lui donnait pas assez
de fonds, et reconnut qu'il ne viendrait jamais
à bout de son œuvre. Il ne se découragea
pourtant point : il avait coutume de dire (ce
qui est un propos blâmable) qu'il se donne-
rail au diable , plutôt que de laisser l'édifice
inachevé.
Un jour qu'il manquait tout à fait d'argent,
el ()u'il ne savait plus que devenir, il vil en-
trer dans sa maison un frère Sachet, qui des-
cendait la rue de la Madelaine...
— Qu'est-ce qu'un frère Sachet , demaiid i
le poëte?
— C'étaient , dit le président Locquet , do
bons petits religieux auxquels on avait donné
la maison des Templiers, après leur suppres-
sion, maison située rue de la Madeleine, au-
près de la chapelle, et qui s'appelaient Sa-
chets, parce que leur habit avait la forme
d'un sac.
— Mais celui-là, reprit vivement Crumpip-
pen, était un faux frère sachet ; il est même
constant que ce n'était pas autre chose qu'un
démon véritable, mon cher monsieur. 11 dit
à Jean : — Vous avez faute d'argent, et moi
j'ai besoin d'un serviteur dévoué. Si vous
> oulez être à moi , signez ce contrat sur par-
chemin rouge, et voici de l'or.
Le prétendu frère portait sous sa vaste robe
une valise plus grosse que lui, une valise
que dix hommes n'eussent pas soulevée. Jean
vil tout de suite à qui il avait affaire ; il leva
la main pour se munir d'un signe de croix ,
car il était encore bon chrétien, et n'avait
tenu le propos malavisé que j'ai dit, que dans
un de ces moments de légèreté malheureuse-
ment fréquents chez les artistes. Mais il ne
fait pas bon jouer avec le diable; on y est
souvent pris. Le malin qui était là , avec sa
lourde sacoche , arrêta la main qui l'allait
éconduire, et demandant à l'architecte s'il
était fou, il le railla si ingénieusement et lou-
cha si bien dans son cœur les cordes de l'a-
mour-propre et de la vanité, que le pauvre
Jean succomba à la tentation et tomba dans
le piège.
— Le marché va , dit-il brusquement , si
vous me donnez le moyen de faire l'autre aile
ctde compléter mon édiflce, de manière que
la tour suit au milieu.
—Non pas, répliqua le Sachet; puisque lu
me reconnais, tu dois savoir que nous ne
pouvons rien faire de régulier. Mais tu élè-
veras Il tour bien haut dans les airs, et toa
nom vivra.
I
hbZ
tmi
HOU
f'i
Los yeux du faux moine brillaient sur son
visage pâle, comme deux charbons ardents
sur un monceau de cendns.
Jean de Ruysbroeck signa le pacte ; el tout
alla si bien qu'en 1V20, pendant qu'on n'a-
vait plus à élever que la tour, à laquelle il
voulait donner cinq cents pieds, il Ct faire
les fondations de la seconde partie de l'hôlcl
de ville , malgré les formelles défenses du
Sachet. Mais il ne trouva qu'un sol maréca-
geux el (les fondrières qui se remplissaient
d'eau toutes les nuits. Il fit pourtant com-
mencer la base, qu'on assit sur des sablières
enveloppées de cuirs de bœufs, mais qu'on ne
put pousser plus loin que ce que vous voyez :
car un gouffre se trouvait au bout, à l'en-
droit où vous avez maintenant une rue.
Le démon, craignant qu'il ne parvînt à le
combler, quoique le terme du pacte ne fût
pas échu, s'empara de Jean de Ruysbroeck,
etleremplitd'undésespoir de vanitési violent,
que le pauvre architecte se pendit à sa porte.
Sa maison était là , dans la rue de l'Etoile ,
qui devrait s'appeler rue de l'Eiole. Mais on
dénature tout, ainsi que vous allez en juger.
Cn bon frère Bogard vint à passer; il était
religieux du tiers ordre de Saint -Fran-
çois et venait dire la sainte messe aux ou-
vriers. Il aperçut l'architecte, le détacha, lui
mil son étole' autour du cou cl l'exorcisa ,
voyant bien que le diable l'avait envahi. Jean
revint à la vie el se mil à hurler, mais le di-
gne moine ne se rebuta point ; d'autres saints
religieux étaient accourus. Le diable, »olido-
nienl assiégé, délogea eiifin et s'alla préci-
uiter dans le gouffre dont nous parlions.
L'architecle délivré tomba à genoux plein de
repentance ; il alla finir ses jours au couvent
des Bogards; et son fils continua ses travaux.
On fouilla le gouffre où le démon s'était
jeté ; on en retira une immense léte dorée ,
qu'on apporta sur la place, et qui fit faire
bien des contes ; d'autant plus que le lende-
main elle avait perdu sa doiure et n'était
plus qu'un bronze Irès-compacî. On cn fit la
grande effigie du diable, qui est là haut, aux
pieds de larchange.
Le nouvel architecte, pour laisser à son
père toute sa gloire, ne poussa pas les tra-
vaux plus loin sur l'aile droite, qu'il acheva
ainsi irrégulière et difl'ércnte dans plusieurs
détails de la première construction, il perça
sur le gouffre qu'on parvint ^ remplir, une
rue qui s'appelle encore rue de la Téle-dOr.
Jean de Uiiysbroeik étnil mort en liiO;
l'hôtel de ville fut achevé , tel que vous le
voyez, avec sa tour, en 14V2 ; en 14i5 , le
jour de l'Ascension, on plaça au sommet de
la flèche la statue dorée de saint Michel ter-
rassant lediable, en bronze vert antique, sur
une base de pierre, de trente-six pieds de
circonférence, taillée à l'endroit qu'on nom-
me rue de la Pierre-Plate. En liiS on érigea
danslbôtel une chapelle, où l'on dilencorela
messe tous les jours, pour le repos de l'âme
de Jean de Ruysbroeck. Et voilà l'histoire.
Begnard, qui fut lui-môme le type de son
Joueur, se peignit sans doute aussi dans le
Distrait : car il entendit ce récit lellcmcnt de
travers , que dans la relation de son Voyage
en Flandre , il se borne à dire que « l'hôtel
de ville de Bruxelles fut fait par un Italien,
qui se pendit de dépit d'avoir manqué à met-
tre la tour au milieu, comme son épitaphe le
fait connaîire... » Cette épitaphe n'existe pas.
HOUILLE. Le charbon de terre qui se
trouve dans le Hainaut et dans le pays do
Liège, et que l'on y brûle communément,
porte le nom de houille, à cause d un certain
maréchal nommé Priidhomme-le-Houilleux ,
qui , dit-on, en fit la première découverte au
onzième siècle; el des doctes assurent (ju'un
fanlôine, sous la figure d'un vieillard habillé
de blanc, ou d'un ange, lui montra la pre-
mière mineel disparut.
D'autres contes populaires font intervenir
un gnome ou un gobelin dans la découverte
de la houille, ({ui eut lieu au douzième siè-
cle, selon les uns, au onzième, selon d'autres,
mais qui est beaucoup plus ancienne.
La Légende du houilleur.
Il y avait cinquante-cinq ans que le pieux
Ansfride, dernier comte de Huy, avait donné
ses domaines à l'évêque de Liège, lorsque le
pauvre Tiel, son petit-fils el son dernier
descendant, parvint à sa vingt-deuxième
année, vers la fin de l'été de l'année lO'iO.
Il se fêta tout seul d'un petit esturgeon,
qu'il avait péché dans ta Meuse. Le bravo
garçon , se trouvant sans fortune, habitait
solitairement, dans le village de Plenevaux,
une petite cabane où il ne possédait qu'un arc,
une cognée, une pioche et quelques instru-
ments de pèche. Il gagnait sa vie au métier de
maréchal ferrant, qu'un vieux forgeron du
village avait eu la compassion de lui appren-
dre. 11 était si sage el si doux, que tout lo
monde l'aimait et qu'on ne l'appelait pas au-
trement que Tiel le Prud'homme. Les vieil-
lards l'estimaient pour sa bonne conduite :
toutes les jeunes fillesdu village, des hameaux
voisins el de tout le Condros l'eussent vo-
lontiers pris pour mari, malgré sa pauvreté
Mai>Tiel ne se pressait pas de donner son
cœur.
Un beau soir du il de septembre 10'i^2,
qu'il revenait de faire ses dévolions à Se-
raing , devant la sainte châsse de l'abhaye
du Val-Saint-Lambert, il s'égara parmi le<
bois de Plenevaux cl de Brion, La nuit éiail
belle; il chercha longtemps son chemin avec
patience; il éprouva enfin une singulière
émotion de joie, cn apercevant une lumière
assez vive à l'endroit qu'on nomme aujour-
d'hui le Champ deBoiur. 11 s'en approcha ; el
peu à peu il découvrit que cette lumière, qui
s'élevail par une petite cheminée comnie
une gerbe de flamme, au-dessus de la cime
des vieux chênes, partait d'une cabane
isolée, laquelle paraissait construite à peine
di'puis quelques jours. Il n'y trouva point
de porte ; mais la vaste baie (|ui servait de
fenêtre el qui descendait fort bas n'étant
fermée ni par vitrail, ni par rideaux, il put
voir tout à son aise ce qui se passait dans
l'intérieur.
L'ameublement n'était pas considérable.
ÇS5 DICTIONNAIRE DES
il consistait en deux tabourets noirs, une
prtile table d'ardoise, et deux lils de feuil-
1 igo. La lumière, que Tiol avait aperçue,
était produite par un grand feu, qui flambait
et pétillait joyeusement dans le foyer, niais
dont le jeune prud'homme ne put reconnaî-
tre l'aliment, car il n'y avait dans l'âtre, bois,
paille, ni rameaux. (Tétait une masse de feu
de nature iiiCDiinue, qui lançait une vive
lumière, et jetait jusqu'au dehors une cha-
leur suave et confortante,
Les reflets de ce feu surn.iturel (alors on
ne conn.'iissait pas l'usage du charbon de
terre) éclairaient assez pour laisser voir par-
faitement les deux seuls habitants de la ca-
bane; c'étaient un vieillard et sa fille. Le
vieillard n'avait pas quatre pieds de haut;
ses jambes étaient contournées; sa tête pro-
fondément enfoncée dans ses solides épaules;
ses yeux étincelants ; sa figure exlréme-
nienl grave. Ses cheveux épais devenaient
gris. 11 était velu d'un hoquelon rouge ba-
riolé de bandes noires. Tiel le vit tout entier,
d'un seul coup d'œil ; et cet aspect lui
inspira un tel sentiment d'embarras ou de
crainte, (ju'il n'osait avancer, lorsque ses
regards distinguèrent la ji-une fille.
Klle paraissait avoir dix-huit ans. Un ins-
tant Tiel se crut en présence d'un ange. Il
n'avait d'abord remarqué qu'une jolie main,
blanche comme la neige, sortant d'une robe
de soie noire. Bientôt elle se tourna vers la
baie, elTiel le Prud'homme perd, t le repos, en
contemplant une jeune tète, éblouissante de
fraîcheur, une longue chevelure noire relo-
vée en nattes par derrière, une peau comme
l'albâtre, des yeux grands et doux, un sou-
rire capable de réveiller le monde éteint.
Oui, le cœur de Tiel s'ébranla avec vio-
lence; un grand amour se saisit de lui. Mais
la sorte de gène que lui inspirait le vieillard,
le tumulte de ses idées, et peut-être la pen-
sée de sa misère, pensée qui rend si timide,
ne lui laissèrent pas la force d'entrer dans la
cabane.
Le nain cl sa fille ne parlaient point, Tiel
le Prud'homme était depuis longtemps con-
ire un arbre dans l'extase, quarnJ le vieillard
!*;t levant, prit par le bras la jeune fille, qui
ie dt'passait de la tôle, et s'avança vers la
baie éonune pour sortir.
Tiel, effrayé, s'enfonça rapidement dans un
taillis. Pour tout au monde, par une de ces
inexplicables faiblesses de l'espril bumain ,
il n'eût voulu éîre vu en ce moment.
Après avoir couru quelques minutes, il se
retourna, n'entendant et ne voyant plus rien;
il écoula un moment; il hésita ; el ne distin-
guant, dans le silencç qui l'entourait, que les
palpitations de son cœur, qi^i lui semblait
prêt il s'échapper de sa poitrine, il se ha-
sarda à revenir sur ses pas ; mais il s'égara
de nouveau, et il eut beau marcher jus-
qu'au jour, il ne put retrouver ni la ca^bane,
ui sa lumière, ni ses hôtes.
H revint à Plenevaux , harassé de fatigue
et gonflé d'un sentiment qui devait désormais
Je dominer. Le soir venu, à demi reposé, il
rçlourua dans ie bois. 11 y alla tous les jours
SCItNCES OCCl'LTES.
8ÔC
suivants. Jamais il ne put reroir la chau-
mière, et personne ne sut lui en apprendre
aucune nouvelle; car lui seul, sans doute,
l'avait vue.
De vieilles femmes et de pauvres bûche-
rons lui dirent pourtant que parfois , en tra-
versant les bois de Brion, ils avaient entendu
des chants sauvages, aperçu des lueurs, el
cru voir des follets ; mais qu'ils n'avaient eu
garde de s'en approcher , parce que le bruit
courait que des lutins et des démons faisaient
leur sabbat dans les bruyères de ces bois.
Tiel ne se rebuta point el continua ses re--
cherches.
Cependant les seigneurs du pays se fai-
saient alors de ces guerres de destruction, si
fréquentes au moyen âge. En lft't4, presque
tous les villages qui n'étaient pas fortifiés
furent détruits, el beaucoup de forêts brû-
lées. La désolation était grande sur les bords
de la Meuse. Un hiver s'avançait, que l'on
présumait devoir être rigoureux ; les bonnes
gens se voyaient forcées d'aller chercher le
bois, alors seul moyen de chauffage, jusqu'à
la forêt des Ardennes. Tiel le Prud'homnie
ne méritait plus guère ce surnom; car il pa-
raissait vivre isolé au milieu de ses voisins,
ne rêvant qu'à sa vision, et oubliant tout le
reste. Néanmoins^ le 17 septembre lOii, jour
de la fête du saint prélat de Maestrichi, il se
souvint que c'était à pareil jour, en revenant
d'honorer la châsse miraculeuse de saint
Lambert, qu'il avait fait son heureuse ren-
contre. Il partit donc pour Seraing , s'age-
nouilla humblement devant l'autel de l'ab-
baye, el pria avec tendresse jusqu'à la nuit.
Il s'en revint, comme la première fois, pre-
nant son chemin à l'aventure, dans la direc-'
lion des bois de Brion et de Plenevaux, qui
avaient été brûlés. Ceux qui ont ressenti les
angoissesd'un grand sentiment que d'épaisses
ténèbres environnent, comprendront seuls
l'immense battement de cœur qui l'assail-
lit, lorçqu'en traversant celle campagne
de cendres, il aperçut, de l'autre côté d'une
masse sombre qui était devant lui, une
lueur vive, qui s'allongeait sur le Champ de
Boeur. Cette masse était la cabane. Il la
tourna en prenant le large, dans un trem-r
blemenl extrême. Dès qu'il fut en face de la
baie, il revit le même feu que la première
fois, le même vieillard un peu plus gris, la
même jeune fille un peu plus radieuse. Il sç
mil à genoux, leva les mains au ciel, et ren-
dit grâces à saint Lambert.
Après qu'il eut prié, il se leva; il s'ache-
minait, décidé à franchir la baie de la cabane,
à se jeter aux genoux du vieillard, à obtenir
la main de sa fille. Il n'étail plus qu'à quel-
ques pas, lorsqu'il entendit le nain commen-
cer une chanson, tout en remuant la braise
pétillante avec un crochet de fer; la jeune
iille, dont la voix seule l'eût ravi, accompa-
gnait les accents bizarres de son père; ils
chantaient eu vieux langage wallon, ces cou-
plets, que nous avons cru devoir traduire ;
LE CHANT DES HOUILLELRS.
Avec ardeur vous cUercbez la fortune,
DUiïil U terre, aux iiiaiianls Uu l>u&>>p.
ES7 HOO
Mai» chercUei mieux, car son poids m'importune ;
Clierchei loiijours, car elle est dans mon sein.
Pour vous je me dépouille
De mes feux les plus cUers;
Tirez, lirez la liouillo :
KécbauOuz l'univers.
La terre seule est mère de largesse,
Disait la houille, en prenant sou essor ;
Venez à moi, car je suis la richesse,
Et mon teint noir cachn un vaste li ésor.
Que le pic se dérouille,
Fraijpez, lancez vos fers;
Tirez, tirez la houille :
Ranimez l'univers.
Triomphez donc, peuples de la vallée,
Hnuillenrs constants, votre travail est bon,
Dit la fortune, au grand jour étalée,
En se montrant sur la fosse au cliarbon
Hou'lleur, fouille et refouille;
U,l répète ces vers :
Tirons, lirons la houille;
Eclairons l'univers.
Dès que les chanls eurent cessé, et qiie la
cabane fui retombée dans le silence, Tiel le
Prud'homme, qui n'avait rien compris à la
chanson, s'élança vers la baie. Mais il s'ar-
rêta encore au moment de la franchir :
— Seigneur et noble demoiselle, dit-il d'une
voix émue, m'accordercî-vQ'as de m'arrétcr
un instant à voire foyer?
La jeune fille sourit et rougit, avec la plus
gracieuse expression de bienveillance. Klle
indiqua du doigt au pauvre Tiel un troisième
siège qu'il n'avait pas aperçu, pendant que
le nain lui disait doucement :
— Soyez le bien venu, si vous nous aimez.
Tiel sentit son cœur se relever à ces pa-
roles.
— Si je vous aimel dit-il...
La jeune fille reposait sur lui un regard si
bon, qu'il s'affermit ; il osa se lancer tout
d'un coup; et se jetant à genoux entre le
nain et sa fille :
— Si je vous aimel reprit-il. 11 y a deux
ans que j'eus le bonheur de vous voir, ici
même. Depuis deux ans je ne vis que de mon
souvenir. Je suis venu ici pour y mourir, si
je ne puis obtenir la main de l'ange, dont
sans doute vous êtes le père.
Le cœur du jeune homme bondit ; car, en
finissant ces mots, il ne vit pas le front de la
jeune fille se rembrunir. Le nain le releva
en disant :
— Asseyez-vous. Ce que vous demandez
est possible...
Peut ôtie faut-il ici nous arrêter un in-
stant; car vous devez éprouver de la sur-
prise. En effet, les mœurs que nous essayons
de décrire ne sont pas h.ibituelles. On pro-
cède avec moins d'abandon parmi les hom-
mes. Mais la naïveté du nain et de sa fillo,
leur empressement à accueillir Tiel, ont fait
soupçonner aux savants que ce mystérieux
personnage était de l'espè e aujourd'hui peu
connue, que les anciens appelaient Gnomes,
ou habitants de l'intérieur de la terre, et
gardiens de ses mines, pi-tits êtres qui te-
naient à grand honneur d'être recherchés
par les hommes.
Quoi qu'il en soit, Tiel baisa avec transport
!a main du vieillard ; après quoi il saisit celle
^e la jeune fille,
HOU
S53
C'est possible, reprit le vieillard; car je
vois que Florine vous aimera.
La jeune fille rougit de nouveau , comme
pour ne pas démentir son père. Le pauvre
garçon eut besoin de toutes ses forces pour
ne pas extravaguer de joie.
— Mais qui êlos-vous, dit le nain?
—Je suis le petit-fils du comte Ansfride. On
m'appelle Tiel le Prud'homme.
— Celait un noble et digne seigneur que
le comte Ansfride. Mais ma fille aura de moi
une riche dot. El n'csl-il pas vrai , Florine,
que lorsqu'il sera voIrc époux, il faudra qu'il
s'appelle Tiel le Houilleur ?
Florine répondit par un signe de tête. Tiel
ne s'était pas attendu à un tel accueil. Mais
ces mots ; a Ma fille aura une riche dot » vin-
rent le troubler. Le nain s'en aperçut.
— Ce nom de Tiel le Houilleur vous déplai-
rait-il, mon fils, dit le vieillard?
Alors, comme nous l'avons dit, la houille
n'était pas connue. Tiel ne comprenait cas ce
nom, qui lui devenait cher s'il plaisait à Flo-
rine. 11 expliqua donc la cause de son em-
barras, qui était sa pauvreté. Le vieillard
lui dit:
— L'homme est fait de chair et d'os; totis
naissent également pauvres ; et aueun n'a
dans lui-même la mine d'or. Mais la fortune
est là (il frappa la terre du pied), dans le seiu
de leur mère commune. Il faut la conquérir.
Voici l'immense trésor qui sera votre pré-
sent de noces, ajouta-t-il, en remuant av( c
son crochet un gros morceau de houille, que
Tiel n'avait pas remarqué dans un coin de
la cheminée, et dont il était loin de soupçon-
ner les propriétés .
Tiel ouvrait de grands yeux, sans oser faire
de questions. Le vieillard reprit :
— Ceci, mon fils, vous enrichira, vous,
vos enfants et les enfants de \os enfants, vos
parents, vos amis et vos concitoyens; c'est
une fortune inépuisable , qui doublera un
jour la prospérité de ces contrées ; elle ré-
pandra ses bienfaits sur le resta du monde.
Quand la civilisation aura détruit les forêts,
dans les cruels hivers, on demandera à la
terre la houille bienfaisante.
— M is qu'est-ce que ce trésor? demanda
en tremblant Tiel le Prud homme.
— C'est le feu ei la lumière, dit le nain. En
même temps il brisa le morceau de houille
qui était devant lui ; il en jeta une partie dans
la flamme qui devint plus pétillante et plus
vive. Tiel comprit que la houille pouvait
remplacer le bois, et qu'elle avait bien plus
de chaleur.
Après cela, le nain mit l'autre morceau
enflammé dans un alambic ; il l'arrosa d'un
peu d'eau, qui rendit son arileur plus aciive;
il le distilla ; il en tira une sorte de bilum»
babylonien, un cock ou charbon qui pouvait
brûler longtemps encore, et dans un tube il
recueillit un léger gaz auquel il mit le feu.
Une lumière immense éclaira la cabane. Tiei
se croyait dans nii pays de prestiges.
— Cette lumière, dit le nain, viendra plus
lard. Ne vous occupez maintenant que de
tirer la houille et de remplacer le bois ijui
WCTIONNAIBE DES 8CKNCES OCCULTES.
£60
manque. Je vais voas conduire à la mine.
Le nain, portant à la main le tube euflam-
nié, se mil en marche. Tiel, au comble du
bonheur, donna le bras à la belle Floriiie, cl
le suivit. Arrivés au bord de la Meuse, le
vieillard siflla; une barque dcscendil, con-
duite p;ir six hommes trapus, hauts de qua-
tre pieds, qui ramèrent eu siUnce et dépo-
sèriiil no^ trois personnages dans un endroit
que le nain leur indi(iiiait. La lutnière et le
vieillard marchaient devant. Tiel suivait tou-
jours avec Florine. Quand le nain s'arrêta,
Tiel s'aperçut que les six petits hommes du
bateau, dont il n'avait point entendu les pas,
étaient avec eux. La terre en cet endroit
était couverte de quelques grès tachetés de
noir. Les six hommes de quatre pieds se mi-
rent à piocher avec une vitesse surhumaine;
la terre s'ouvrait, et on les y voyait descen-
dre, comme des masses pesantes qui s'enfon-
ceraient dans la neige. Bientôt ils découvri-
rent la houille.
— Voici, dit le nain, ce que je vous ai
promis. Amenez ici demain des hommes , et
devenez heureux. Vous n'aurez à redouter
dans l'exploitation de la houille que deux
sortes d'ennemis formidables. D'abord la Me-
haigne, le Hoyoux, la Meuse et plusieurs
autres fluenis qui, sans doute irrités de tous
voir au-dessous de leur lit, chercheront à s'in-
filtrer dans vos galeries, à détruire vos mines,
à étouffer vos ouvriers. Prévoyez ces affreux
désastres. Craignez ensuite le Grisou, démon
mauvais, rapide comme l'éclair, irritable et
funeste, que l'on dit gardien de certains mé-
Jaux et qui, dès qu'il croit qu'on en appro-
che, vomit la flamme dans les gaz, produit
d'épouvantables détonations , ébranle les
conduits souterrains et tue les mineurs. Veil-
lez à ce que la lumière qui éclairera vos tra-
vaux ne soit pas en contact avec le gaz in-
flammatoire. Adieu ; que le Très-Haut vous
protège 1 Et vous , ma fille , maintenant que
vous avez un époux, embrassez votre père et
me faites vos adi( ux.
La jolie fille du nain se mit alors à pleu-
rer. Tiel la consolait encore, lorsqu'il s'a-
perçut que tout avait disparu autour de lui.
Le nain et ses compagnons étaient partis.
Tiel emmena à sa chaumière la fille du
mystérieux vieillard, qu'il ne revit plus. Il
épousa Florine le lendemain, à l'abbaye du
Val-Saint-Lambert ; et le même jour il mit
des ouvriers à la fosse. Il devint bientôt ri-
che. Il établit des usines et de hauts-four-
ueaux. H laissa des enfants dans la splendeur.
Le commerce de la houille devint si con-
sidérable, qu'au quatorzième siècle les bouil-
leurs formaient une très-grande partie de la
puissante armée liégeoise.
Il serait inutile d'énumérer tout ce qu'on
doit aujourd'hui à celte grande et précieuse
découverte. Tiel le Uouilleur fut avec Florine
le plus heureux, et avec sa dot le plus opu-
lent des hommes de son siècle. Son bonheur
le préserva, tant qu'il vécut, d s inondations
et du feu grisou. Fasse lu bon saint Lambert
(1) Lennli'i-Dulrosnoj-, Diss«itJl , Km I.
(2) In 12, iVis. 172i.
que ces deux fléaux horribles éparj^nent tou-
jours désormais les braves bouilleurs 1
HOUMANl, génie femelle qui gouverne la
région des astres chez les (orientaux. Voy.
Scn*DA-ScHIVAOUN.
HoURIS, vierges merveilleuses du para-
dis de Mahomet ; elles naîtront des pépins
de toutes les oranges servies aux fidèles
croyants dans ce séjour fabuleux. Il y eu
aura de blanches, de j;iuncs, de vertes et de
routes. Leur crachat sera nécessairement
parfumé.
HUBNER (Etienne), revenant de Bohême.
Plusieurs auteurs ont dit qu'il parut, (|uelqne
temps après sa mort, dans sa ville, et quii
embrassa môme de ses amis qu'il rencon-
tra (1).
HUET (Pierre-Daniel), célèbre évéque d'A-
vranches, mort en 1721. — On trouve ce qui
suit dans le Huetiana, ou Pensées diverses
de M. Huet, évoque d'Avranches (2), tou-
chant les bruucolaques et les tympanites des
lies de l'Archipel.
« C'est une chose assez étrange que ce
qu'on rapporte des broucolaques des l'es de
l'Archipel. On dit que ceux qui, après une
méchante vie, sont morts dans le péché, pa-
raissent en divers lieux avec la même figure
qu'ils portaient pendant leur vie; qu'ils font
souvent du désordre parmi les vivants, frap-
pant les uns, t(iant les autres; rendant quel-
quefois des services utiles, et donnant tou-
jours beaucoup d'effroi. Ils croient que ces
corps sont abandonnés à la puissance du
démon qui les conserve, les anime et s'en
sert pour la vexation des hommes. Le Père
Richard, jésuite , employé aux missions de
ces îles, il y a environ cinquante ans, donna
au public une relation de l'ite de Sant-Erini
ou de Sainle-lrène, qui était la J'hera des
anciens, dont la fameuse Cyrène fut une co-
lonie. Il a fait un grand chapitre de l'histoire
des broucolaques. H dit que, lorsque le peu-
ple est infesté de ces apparitions, on va dé-
terrer le corps, qu'on trouve entier et sans
corruption, qu'on le brûle, ou qu'on le met
en pièces, principalement le (3j cœur ; après
quoi les apparitions cessentel le corps se cor-
rompt. Le mol de Broucolaques vient du Grec
moderne Bourcos qui signifie delà bouc,el de
Laucos qui signifie /bsse,c/oague,parcequ'on
trouve ordinairement , comme on l'assure,
les tombeaux où l'on a mis ces corps, pleins
de boue.
« Je n'examine point si les faits que l'un
rapporte sont véritables, ou si c'est une er-
reur populaire; mais il est certain qu'ils
sont rapportés par tant d'auteurs habiles et
dignes de foi, et par tant de témoins oculai-
res, qu'on ne doit pas prendre parti sans
beaucoup d'attention. Il est certain aussi que
cette opinion, vraie ou fausse, est fort an-
cienne, et les auteurs en sont pleins. Lors-
qu'on avait tué quelqu'un frauduleusement
et par surprise , les anciens habitants
croyaient ôler au mort le moyen de s'en ven-
ger en lui coupant les pieds, les mains, le
(3) Relation de l'Ile Saotcrini, j>ar le P. RicSiard, e. tS
sei
tlUG
HUL
nez et les oreilles. Gela s'appelait Acroteria-
zein. Ils pendaient tout cela au cou des dé-
funts, ou ils le plaçaient sous leurs aisselles,
d'où s'est formé le mot Mascalizein qui signi-
fie la même chose. On en lit un témoignage
exprès dans k-s Scholies grecques (1) de So-
phocle. C'est ainsi que fut traité par Ménéias
Déiphobe, mari d'Hélène, et re fut en cet état
Hu'il fut vu d'Enée dans les enfers.
Atijue liic Priamidem laniaUmi corpore loto
Doij lioljum vidil, laceruui ciuieliler ora,
Ora, niaiiusqui; aiiibas, po|iulaiaque leinpora raptis
Auribus, et truncas iuhoiiesto vuluere iiares.
« Les anciens ont traité de fable l'histoire
d'Hermolimc de Clazoïnènes, dont on dit que
l'âme sortait souvent de son corps pour
voyager d;ins les régions éloignées , et s'in-
struire de ce qui s'y passait et de ce qui s'y
préparait ; qu'à son retour il instruisait ses
compagnons de l'avenir. Mais qu'enfin ses
ennemis ayant obtenu de sa femme la liberté
de brûler son corps, l'âme, à son retour, se
trouvant privée de sa retraite ordinaire, s'é-
tait retirée pour ne plus revenir.
« Suétone écrit qu'après la mort violente
de Caligula, son corps n'ayant été brûlé qu'à
moitié et enterré fort superficiellement , la
maison où on l'avait tué et les jardins où il
était mis en (erre, furent inquiétés de spec-
tres toutes les nuits, jusqu'à ce que celte
maison fût brûlée, et que les sœurs du dé-
funt eussent rendu plus régulièrement à son
corps les derniers devoirs. Servius (2) mar-
que expressément que les âmes des morts
(dans l'opinion des anciens) ne trouvaient le
lieu de leur repos qu'après que le corps
était eniicremenl consumé. Les Grecs au-
jourd'iiui sont encore persuadés que les corps
des excommuniés ne se corrompent point,
mais s'enllent comme un tambour et en ex-
pritncnt le bruit quand on les frappe ou
qu'on les roule sur le pavé. C'est ce qui les
fait appeler toitpi ou tympanites. »
HUGON, espèce de faniôme malfaisant, à
l'existence duquel le peuple de Tours croit
très-fermement. Il servait d'cpouvantail aux
petits enfants, pour qui il était une manière
de Croquemitaine. C'est de lui, dit-on, que
les réformés sont appelés huguenots, à cause
du mal qu'ils faisaient et de l'effroi que semait
leur passage au seizième siècle, qu'ils ont
ensanghinté et couvert de débris.
HUGUES , bourgeois d'Epinal. Voy. Es-
prits.
HUGUES LE GRAND, chef des Français,
père de Hugues Capet. Gualbert Radulphe
rapporte qu'il était guetté par le diable à
l'hi ure de la mort. Une grande troupedhom-
mes noirs se présentant à lui, le plus appa-
rent lui dit : Me connais-tu ?
— Non, répondit Hugues; qui peux-tu être?
— Je suis, dit l'homme noir, le puissant
des puissanis, le riche des riches; si lu veux
croire en moi, jo te ferai vivre.
U) Vide Eleclr. v. UH; Meursiiim in Lycophronem.rag.
509, Slauliùuin iii -lEsclill. Cœpli. v. 437.
(ï| In/KiKid., liv. IV, vers. -418.
(3) Leioyer , Histoire des spcclres ou apparitions des
«sprils, liv. III, p. 273.
862
Quoique ce capitaine eût été assez dérangé
dans sa vie, il fit le signe de la croix. Aussi-
tôt cette bande de diables se dissipa en fu-
mée (3).
HUILE BOUILLANTE. Les habilanls de
Ceyian et des côtes de Malabar emploient
l'huile bouillante comme épreuve. Les pre-
miers ne s'en servent que dans les affaires
de grande importance, comme lorsqu'ils ont
des procès pour leurs terres, et qu'il n'y a
point de témoins.
On se servait autrefois en Europe de l'é-
preuve par l'huile bouillante pour les causes
obscures. L'accusé mettait le poing dans la
chaudière; s'il le retirait sans brûlure, il
était acquillé.
HUILE DE BADME. L'huile de baume,
extraite du marc de l'eau céleste, dissipera
la surdité, si on en met. dans les oreilles trois
goutlesde tempsen temps, en bouchant lesdi-
tes oreillesavec ducoton imbibé de cebaume.
H guérit toute sorte de gale et de teigne les
plus invétérées, aposlèmes, plaies, cicatrice»,
ulcères vieux et nouveaux, de morsures ve-
nimeuses de serpents, de scorpions, etc.. fis-
tules, crampes et érysipèles, palpitations de
cœur et des autres membres, le tout par fo-
mentation et emplâtre. Crollius en fait tant
d'eslime, qu'il le nomme parexcellenceAui/e
mère de baume [k).
HUILE DE TALC. Le talc est la pierre phi-
losoph;ile fixée au blanc. Les anciens ont
beaucoup parlé de l'huile de talc, à laquelle
ils attribuaient tant de vertus, que presque
tous les alchimistes ont mis ei\ œuvre tout
leur savoir pour la composer. Ils onl calciné,
purifié.subliméle talc, et n'en ont jamais pu
exîraire cette huile précieuse.
Quelques-uns entendent, sous ce nom, l'é-
lixir des philosophes hermétiques.
HU-JUM-SIN, célèbre alchimiste rhinois
qui trouva, dit-on, la pierre philoso|ih;ile.
Ayant tué un horrible dragon qui ravageait
le pays, Hu-Jum-Sin attacha ce moi.stre à
une colonne qui se voit encore aujourd'hui,
et s'éleva ensuite dans le ciel. Les Chinois,
par reconnaissance, lui érigèrent un temple
dans l'endroit même uù il avait tué le dragon.
HULIN, petit marchand de bois d'Orléans;
étant ensorcelé à mort, il envoya chercher
un sorcier qui se vantail d'mlever toutes les
maladies. Le sorcier répondit qu'il ne pou-
vait le guérir, s'il ne donnait la maladie à son
fils qui était encore à la mamelle. Le père y
consentit. La nourrice, ayant entendu cela,
s'enfuit avec l'enfanl pendant que le sorcier
touchait le père pour lui ôter le mal. Quand
il eut fait, il demanda où était l'enfant. Ne
le trouvant pas, il commença à s'écrier : —
Je suis mort, où est l'enfant? — Puis il s'en
alla très-piteux : mais il n'eut pas plutôt mis
les pieds hors la porte, que le diable le tua
soudain. 11 devint aussi noir que si on l'eût
noirci de propos délibéré; car la maladie
était restée sur lui (5).
(1) Le Pclil Albert, p. 112.
(S) Budiii , Uéiiiuiiuiiiaïur- , p. 330. C'est le trait d4
berger da Brio. Vo>ei les vers cilés il la tiu de l'arUlltf
HocQue.
8«S
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
8(5}
HUMMA.dicu souverain dos Cafrrs, qui fait
loinbcrlapluie,sourner ii's vonls,et(|uidoiine
lu froid el le chuud. Ils ne croienl pas qu'on
soit obligé de lui remlre hommage, parce
que, disent-ils, il les brûle d(M:h'ik-uret de sé-
flicrcsse sans garder la moindre proportion.
HUNKK1(>. Avant la persécution d'Huné-
ric, Gis de Genscric, roi des Vandales, qui
fut si violcnlf contre les catholiques d'Afri-
que, plusieurs signes annoncèrent, dit-on,
cel orage. On aperçut sur le mont Ziqiien un
homme de haule stature, qui criait à droite
el à gauche : « Sorli-z, sortez. » On vil aussi
à Carlh.ige, dans l'église de Suint-Fausle, une
grande troupe d'iilhiopiens qui chassaient les
sain!s comme le berger chasse ses brebis. Il
n'y eut guère de prrséculion d'hérétiques con-
tre les catholiques plus foric que celle-là (1).
HUNS. Les antiens historiens donnent à
les peuples l'origine la plus monstrueuse.
Jornandès raconte (2) que IMiilimor, roi des
(iolhs, entrant dans les lerres gétiques, n'y
tmuva que des soriières d'une laideur al-
freuse; qu'il les repoussa |i)in de son armée;
qu'elles errèrent seules dans les déserts, où
des démons s'unirent avec elles. C'est de ce
commerce infernal qu^ naquirent les Huns,
si souvent appelés tes enfaiitn du diable. Ils
étaient d'une difformité horrible. Les histo-
riens disent qu'à leurs yeux louches et sau-
vages, à leur figure torse, à leur barbe de
bouc, on ne pouvait s'empêcher de les re-
connaître pour enfants de démons. Besoldus
prétend, après Servin, que le no^u de Huns
vient d'un mol tudesque.ou celtique, ou bar-
bare, qui signifie puissants par la inajie,
grands magiciens. Ue 11 jiinaire dit, dans son
// ivoire rfeFmnce, que les Huns, venant faire
1.1 guerre à Chereberl,ou Gariherl, furent at-
taqués près de la rivière dlilbe parSigebert,
roi de Melz, et que les Francs furent obliges
de combattre contre les Huns et contre les
spectres dont ces barbaris avaient rempli
l'air, par un effet de la magie; ce qui rendit
leur victoire plus distinguée. Voy. Ogres.
HUPPE, oiseau commun, nommé par les
Chaltlcens B()ri,el par les (Irecs Isan. Celui
qui le regarde devient gros; si on porte les
yeux lie la h ppe sur i'eslomac, on se récon-
ciliera avec lous ses eiuicaiis. Enûii, c'est de
peur d'être trompé par quelque marchand,
qu'un homme de p.écaution a sa tête dans
une bourse (3;
HUTGIN, démon qui trouve du plaisir à
obliger les hommes, se plaisant eu leur so-
ciété, répondant à leurs questions, et leur
rendant service quand il le peut, selon les
traditions de la Saxe. Voici une des nom-
breuses complaisances qu'on lui attribue :
— Un Saxon partant pour un voyage, et se
trouvant fort inquiet sur la conduite de sa
femme, dit à Hutgin : — Compagnon, je le
recommande ma femme ; aie soin de la gar-
der jusqu'à mon retour.
La femme, aussitôt que son mari fut parti,
(I) Ltloyer, Hist. des speclres, p. 272
li) De rébus Kotliicis.
(S) Secrets il'Alhert le Gniml, p. 111.
(i) Wierus, De l'ijcsluiis (Ju.iu , eic.
voulut se donner des licences ; mais le démon
l'en (tmpccha. Enfin le mari revint ; Hutgin
courut au-devant de lui et lui dit :
— Tu fais bien de revenir, car je commence
à me lasser de la commission que tu m'as
donné(>. Je l'ai remplie avec toutes les peines
du uionde; et je le prie de ne plus t'absen-
ter, parce que j'aimerais mieux garder lous
les pourceaux de la Saxe que la femme (4J.
On voit que ce démon ne ressemble guère
aux .'lulres.
HVEllGELMEll, fontaine infernale. Voy.
NirLUEIM.
HYACINTHE, pierre précieuse que l'on
peiidiii au cou pour se défendre de la peste.
Ue plus, elle fortiûail le cœur, garantissait de
la foudre, et augmentait les richesses et les
honneurs.
HYDKAOTH , magicien célébré par le
Tasse; il était père du soudan de Damas, et
oncle d'Armide, ({u'il instruisit dans les arts
magiciues (o).
HYUKO.MANCIE ou HYDROSCOPIE, art
de prédire l'avenir par le moyen de l'eau;
on en attribue l'invention aux Perses. Les
doctes en distinguent plusieurs espèces :
1° Lorsqu'à la suite des invocations el au-
tres cérémonies magiques , on voyait écrits
sur l'eau les noms des personnes ou des cho-
ses qu'on désirait connaître; et ces noms
se trouvaient écrits à rebours;
2° Oa se servait d'un vase plein d'eau et
d'un anneau suspendu à un fil, avec lequel
on frappait un certain nombre de fois les
côtés du vase;
3° On jetait successivement el à de courts
intervalles, trois petites pierres dans une eau
tranquille el donnante ; el des cercles qu'en
formait la surface, ainsi que de leur intersec-
tion, on lirait des présages;
^° On examinait attentivement les divers
mouvemenls el l'agilalion des Ilots de la mer.
Les Siciliens et les Eubéiiis étaient fort
adonnés à ci Ite superstition;
5° On lirait des présages de la couleur de
l'eau eldes figures qu'on croyait y voir. C'est
ainsi, selon Varron, qu'on apprit à Rome
quelle sérail l'issue de la guerre contre Mi-
thridale. Certaines rivières ou fontaines pas-
saient chez les anciens pour être plus pro-
pres que d'autres à ces opérations ;
6° C'était encore par une espèce d'hydro-
niaiicle que les anciens Germains éclaircis-
saient leurs soupçons sur la fidélité des fem-
mes : ils jetaient dans le Rhin, sur un bou-
clier, les enfants dont elles venaient d'ac-
coucher; s'ils surnageaieni, ils les tenaient
pour légitimes, el pour bâtards s'ils allaient
au fond (6);
7° On remplissait d'eau une coupe ou une
tasse, et, après avoir prononcé dessus cer-
taines paroles, on examinait si l'eau bouil-
lonnait et se répandait par-dessus les bords;
8° On mettait de l'eau dans un bassin de
verre ou de cristal ; puisun y jetait une goutte
(5) Dehncre, Tableau de Pinconslauce desdéiiioi.s,elc.,
liv. 1, p. 37.
(6) Voyez , d.uis les l<''sfndfts de l'iiisloire de Fraucç,
une fumiUe gauloiic avant César.
8f5
ICII
rno
Ki
d'huile, et l'on s'imaginait voir Jans cette
eau, comme dans un miroir, ce dont on dé-
sirait d être instruit;
9* Les femmes des Germains pratiquaient
une- neuvième sorte d'Iiydromancie, en exa-
minnnt.pour y deviner l'avenir, les tours et
détours, et le bruit que faisaient les eaux des
fleuves dans les gouffres ou tourbillons qu'ils
formaient ;
10" EiiGn.on peut rapporter à l'hydroman-
cie une snperstition qui a longtemps été en
usage en Italie. Lorsqu'on soupçonnait des
personnes d'un vol, on écrivait leurs noms
surautantde petits cailloux qu'on jetait dans
l'eau. Le nom du voleur ne s'eftuçaiX pas. ''oy.
OoMANCIE, Cagliostro, etc.
HYENE. Les Egyptiens croyaient que la
liyènc changeait de sexe chaque année.
On donnait le nom de pierres de la hyène à
des pierres qui , au rapport de Pline, se
(rouventdans le corps de la hyène, lesquelles,
placées sous la langue, attribuaient à celui
ijui les portait le don de prédire l'avenir.
HYMERA. — Une femme de Syracuse,
nommée Hyméra. eut un songe, pendant le-
quel elle crut monter au ciel , conduite par
un jeune hommequ'elle ne connaissait point.
Après qu'elle eut vu tous les dieux et ad-
miré les beautés de leur séjour, vile aperçut,
atlacliéavec dos chaînes de fer, sous le trône
de Jupiter, un homme robuste, d'un teint
roux, le visa;;e tacheté de lentilles. Elle de-
manda à son guide quel était cet homme
ainsi enchaîné? Il lui fut répondu que c'é-
tait le mauvais destin de l'Italie et de la Sicile,
et que. lorsqu'il serait délivré de ses fers, il
causerait de grands maux. Hyméra s'éveilla
là-dessus, et le lendemain elle divulgua son
rêve.
Quelque temps après, quand Denys le Ty-
ran se fut emparé du trône de la Sicile, Hy-
méra le vit entrera Syracuse, et s'écria que
c'était l'homme qu'elle avait remarqué si
bien enchaîné dans le ciel. Le tyran ayant
appris cette singulière circonstance, fit mou-
rir la songeuse (1).
HYPHIALTES. — Voyez Ephultes.
I
lALYSIENS, peuple dont parle Ovide, et
dont les regards avaient la vertu magique de
gâter tout cequ'ils fixaient. Jupiter les chan-
gea en rochers et les exposa aux fureurs
des ilois.
lA.MEN, dieu de la mort chez les Indien».
IBIS, oiseau d'Egypte, qui ressemble à 'a
cigogne. Quand il met sa tête et son cou
sous ses ailes , dit Elien , sa figure est à peu
près celle du cœur humain.
Oii dit que cet oiseau a introduit l'usage
des lavements, honneur qui est réclamé aussi
par les cigognes. Les Egyptiens autrefois
lui rendaient les honneurs divins , et il y
avait peine de mort pour ceux qui tuaient
un ibis, même par mégarde. De nos jours,
les Egyptiens regardent encore comme sa-
crilège celui qui tue l'ibis blanc, dont la pré-
sence bénit, disent-ils, les travaux champê-
tres , et qu'ils révèrent comme un symbole
d'innocence.
I6LIS , le même qu'Eblis. Voyez ce mot.
Voyez aussi Alexandre le Grand.
ICHNEUMON.ratdu Nil, auquel les Egyp-
tiens rendaient un culte particulier; il avait
ses prêtres et ses au tels. Buffon dit qu'il vit dans
l'état de domesticité, et qu'il sert comme les
chats à prendre les souris. 11 est plus fort
tjue le chat, s'accommode de tout, chasse aux
ciseaux , aux quadrupèdes, aux serpents et
iiux lézards.
Pline conte qu'il fait la guerre au croco-
dile, qu'il l'épie pendant son sommeil, et que,
si ce vaste reptile était assez imprudent pour
dormir la gueule ouverte, l'ichneumon s'in-
troduirait dans son estomac et lui rongerait
les entrailles. M. Denon assure que c'est
t) Valère-Maxime.
i) M. Salgues, Dus Erreurs, etc., t. III, (i. 561.
une fable. Ces deux animaux n'ont jamais
rien à démêler ensemble, ajoute-il , puis-
qu'ils n'habitent pas les mêmes parages. On
ne voit pasdecrocodilesdansla basse Egypte ;
on ne voit pas non plus d'ichneumons dan»
la haute (2).
ICHTHYOMANCIE, divination très-an-
cienne qui se pratique par l'inspection d( s
entrailles des poissons. Polydamas, pendant
la guerre de Troie, et Tirésias s'en sont
servis.
On dit que les poissons de la fontaine d'A-
pollon à Miré, étaient prophètes , et Apulée
fut aussi accusé de s'en être servi (3).
IDA. On voit dans la légende de la bien-
heureuse Ida de Louvain quelques pâles ap-
paritions du diable , qui cherche à la trou-
bler et qui n'y parvient pas. {Bollandistes ,
13 avril.)
IDIOT. En Ecosse , les gens du peuple ne
voient pas comme un malheurun enfant idiot
dans une famille. Ils voient là, au contraire,
un signe de bénédiction. Celte opinion est
partagée par plusieurs peuples de l'Orient.
Nous nous bornons à la mentionner sans la
juger.
IDOLES. L'idole est une image, une figure,
une représentation d'un être imaginaire oa
réel. Le culte d'adoration rendu à quelque
idole s'appelle idolâtrie.
Si les idoles ont fait chez les pa'ïens des
choses qu'on pouvait appeler prodiges , ces
prodiges n'ont eu lieu que par le pouvoir des
démons ou par le charlatanisme.
Saint Grégoire le thaumaturge, fe rendant
à Néocésarée, fut surpris par la nuit et par
une pluie violente qui l'obligea d'entrer dans
(3) Delancre, Incrédulité et mécréanco, etc., p. 267.
B67
un temple d'idoles , fameux dans le pays à
cause des oracles qui s'y rendaient. 11 invo-
qua le nom de Jésus-Christ, fit le signe de la
croix pour purifier le temple, el passa une
partie de la nuit à chanter les louanges de
Uien, suivant son habitude. Après qu'il fut
parti, le prêtre des idoles vint au temple, se
disposant à faire les cérémonies de son culte.
Les démons, dit-on, lui apparurent aussiiôt,
cl lui diront qu'ils ne pouvaient plus habi-
ter ce lieu, depuis qu'un saint évdque y avait
séjourné. 11 promit bien des sacrifices pour
les engager à tenir ferme sur leurs autels;
mais la puissance de Satan s'était éclipsée
•levant Grégoire. Le prêtre, furieux, pour-
suivit lévéque de Néocésarée, et le menaça
de le faire punir juridiquement s'il ne répa-
rait le mal qu'il venait de c.iuser. Grégoire,
qui l'écoolait sans s'émouvoir, lui répondit ;
— Avec l'aide de Dieu, qui chasse les dé-
mons , ils pourront revenir s'il le permet.
Il prit alors un papier sur lequel il écri-
vit : — Grégoire à Satan. Rentre.
Le sacrificateur étonné porta ce billet dans
son temple , fit ses sacrifices, et les démons
y revinrent. Kéfiéchissant alors à la puis-
sance de Grégoire , il retourna vers lui à la
hâte, se fit instruire dans la religion chré-
tienne, et convaincu par un nouveau mira-
cle du saint thaumaturge, il devint son dis-
ciple.
Porphyre avoue que les démons s'enfer-
maient dans les idoles pour recevoir le culte
des gentils. « Parmi les idoles, dit-il , il y a
dos es[)ri!s impurs, trompeurs el malfaisants,
qui veulent passer pour des dieux et se faire
adorer par les hommes; il faut les apaiser,
de peur qu'ils ne nous nuisent. Les uns, gais
et enjoués, se laissent gagner par des spec-
tacles et des jeux ; l'humeur sombre des au-
tres veut l'odeur de la graisse ei se repait
des sacrifices sanglants. »
IFURIN, enfer des Gaulois. C'était une ré-
gion sombre el terrible, inaccessible aux
rayons du soleil , infectée d'insectes veni-
meux , de reptiles, de lions rugissants il de
loups carnassiers.
Les grands criminels élaicnt enchaînés
dans des cavernes encore plus horribles,
plongés dans un étang plein de couleuvres
et brûlés par les poisons qui distlllaienl sans
cesse de la voiite. Les gens inutiles , ceux
qui n'avaient fait ni bien ni mal , résidaient
au milieu des vapeurs épaisses et pénélran-
les, élevées au-dessus de ces hideuses pri-
sons. Le plus grand supplice était un froid
liès-rigoureux.
IGNORANCE. Ceux qui enseignèrent que
l'Océan était salé de peur qu'il ne se corrom-
pit, el que les marées étalent faites pour con-
duire nos vaisseaux dans les ports, ne sa-
vaient sûrement pas que la Méditerranée a
(les ports et point de reflux. Voy. Erreurs ,
Merveilles, Prodiges, etc., etc., etc.
ILKS.ll y a, dans la Baltique, des lies rap-
prochées que les pécheurs croient avoir été
filles pardesenchanleurs, qui voulaient s'en
u.lerplus facilemeut d'un lieu à Uii autre, cl
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 8C8
qui établissaient ainsi des stations sur leur
roule (1).
ILLUÂIINÉS, sorte de francs-maçons d'Al-
lemagne , qui croient avoir la seconde vue
el qui prophétisent. On connaît peu leur
doctrine, qui est vague et libre; mais ils ont
eu des prédécesseurs. En 1575, Jean de Vil-
lalpando el une carmélite, nommée Cathe-
rine de Jésus, établirent une secte d'illumi-
nés, que l'inquisition de Cordoue dispersa.
Pierre Guérin les ramena en France en
1634-. lis prétendaieni que Dieu avait révélé
à l'un d'entre eux, le lière Antoine Bocquet,
une pratique de vie et de foi suréininenle ,
au moyen de laquelle on devenait tellement
saint, qu'on ne faisait plus qu'un av(cDieu,
el qu'alors on pouvait sans péché se livrer
à toutes SOS passions, ils se nattaient d'en re-
montrer aux apôtres , à tous les saints et à
toute l'Eglise. Louis XIII dissipa cette secte
de fous. Voy. Bloemardinb.
IMAGES DE CIRE. Voy. Envoûtement.
IMAGINATION. Les rêves, les songes, les
chimères, les terreurs paniques, les supersti-
tions, les préjugés, les prodiges, les châteaux
en Espagne, le bonheur, la gloire et tous ces
contes d'esprits et de revenants, de sorciers
et de diables, sont ordinairement les enfan-
tements ,de l'imagination. Son domaine est
immense, son empire est despotique; une
grande force d'esprit peut seule en réprimer
les écarts. Un Athénien, ayant rêvé qu'il
était devenu fou, en eut l'imagination lillo-
ment frappée, qu'à son réveil il fit des foiies
comme il croyait devoir en faire, el perdit en
eflet la raison.
On connaît l'origine de la fièvre de Saint-
Vallier. A cette occasion Pasquier parle de
la mort d'un bouffon du marquis de Ferrare,
nommé Gonelle, qui, ayant entendu dire
qu'une grande peur guérissait de la fièvre,
voulut guérir de la fièvre quarte le prince son
maître, qui en était tourmenté. Pour cet effet,
passant avec lui sur un pont assez étroit, il le
poussa el le fil tomber dans l'eau au péril de
sa vie On repêcha le souverain, et il fui
guéri. Mais, jugeant que l'indiscrélion de
Gonelle méritait quelque punition, il le con-
di>mna à avoir la léle coupée, bien résolu
cependant de ne pas le faire mourir. Le jour
de l'exécution, il lui fil bander les yeux, et
ordonna qu'au lieu d'un coup de sabre on ne
lui donnât qu'un petit coup de serviette
mouillée; l'ordre fut exécuté et Gonelle délié
aussitôt après ; mais le malheureux bouffon
étaii mort de peur. Est ce vrai? Ce Pastjuier
a fait tant de contes 1
Hci|uet parle d'un homme qui, s'étant cou-<
elle avec les cheveux noirs, se leva le matin
avecles cheveux blancs, parcequ'il avaii rêvé
qu'il était condamné à un supplice cruel et
infamant. Dans le Uiclionnuire de police de
Des Essarts, on trouve I histoire d'une jeune
fille à qui une sorcière prédit qu'elle serait
pendue; ce qui produisit un lel efTet sur
son esprit, qu'elle mourut suffoquée la nuit
suivante.
Athénée raconte que quelques jeunes gens
(I) Mjrmipf, Tradiiioii de la mer Baltique.
8C9
IMA
IMA
87«
d'Agrigcnte étant ivres, dans nne chambre de
cabaret, se crurent sur une galère, au milieu
(!e la mer en furie, et jetèrent par les fenêtres
tous les meubles de la maison, pour soulager
le bâtime:it.
Il y avait à Athènes, un fou qui se croyait
maître de tous les navires qui entraient dans
le Pirée, et donnait ses ordres en consé-
quence. Horace parle d'un aulre fou, qui
croyait toujours assister à un spectacle, et
qui, suivi d'une troupe de comédiens imagi-
naires, portait un théâtre dans sa têlc, où
il était tout à la fois et l'acteur et le specta-
teur.
On voit, dans les maniaques, des choses
aussi singulières ; tel s'imagine élre un moi-
neau, un vase de terre, un serpent ; tel autre
se croit un dieu, un orateur, un Hercule. Et
parmi les gens qu'on dit sensés, en esi-il
beaucoup qui maîtrisent leur imagination,
et se montrent exempts de faiblesses et d'er-
reurs?
Plusieurs personnesmordues pardes chiens
ont été très-malades parce que, les suppo-
sant atteints de la rage, elles se croyaient
menacées ou déjà affectées du même mal. La
Société royale des sciences de Montpellier
rapporte, dans un mémoire publié en 1730,
que deux frères ayant été mordus par un
chien enragé, l'un d'eux partit pour la Hol-
lande, d'où il ne revint qu'au bout de dix ans.
Ayant appris, à son retour, que son frère,
depuis longtemps, était mort hydrophobe, il
se sentit malade et mourut lui-même enragé
par la craiiite de l'être.
Voici un fait qui n'est pas moins extraordi-
naire : un jardinier rêva qu'un grand chien
noir l'avait mordu. H nepouvait montrer au-
cune trace de morsure ; sa femme, qui s'était
levée au premier cri, lui as ura que toutes
li's portes étaient bien fermées et qu'aucun
chien n'avait pu entrer. Ce fut en vain ; l'i-
dée du gros chien noir restait toujours pré-
sente à son imagination; il croyait le voir
sans cesse : il en perdit le sommeil et l'ap-
pétit, devint triste, rêveur, languissant. Sa
femme, qui, raisonnable au commencement,
avait fait tous ses efforts pour le calmer et le
guérir de son illusion, finit par s'imaginer
(lue, puisqu'elle n'avait pas réussi, il y avait
quelque chose de réel dans l'idée de son mari,
et qu'ayant été couchée à côté de lui, il était
fort possible qu'elle eût été aussi mordue.
Otte disposition d'esprit développa chez elle
les mêmes symptômes que chez son mari,
abattement, lassitude, frayeur, insomnie. Le
médecin, voyant échouer toutes les ressour-
ces ordinaires de son art contre celte nia-
iidie de l'imagination, leur conseilla d'aller
en pèlerinage à Saint-Hubert. Dès ce moment
J.'s deux malades furent plus lrani)uilles : ils
allèrent à Saint-Hubert, y subirent le traite-
ment usité, et revinrent guéris (1).
Un homme pauvre et malheureux s'était
lelleinent frappé l'imagination de l'idée des
richesses, qu'il avait fini par se croire dans
(I) Celle anecdote ne doil infirmer en rieii la juste ré-
putaliui. du iièlcrinago de Sainl-Hiiberl^où il est avéré
la plus grande opulence. Un médecin le gué-
rit, et il regretta sa folie.
On a vu, en Angleterre, un homme qui
voulait absolumentquerienne l'aflligeât dans
ce monde. En vain on lui annonçait un évé-
nement fâcheux; il s'obstinait à le nier. Sa
femme étant morte, il n'en voulut rien croire.
Il faisait mettre â table le couvert de la dé-
funte, et s'entretenait avec elle,commesi elle
eût été présente ; il en agissait de même lors-
que son fils était absent. Près de sa dernière
heure, il soutint qu'il n'était pas malade, et
mourui avant d'en avoir eu le démenti.
Voici une autre anecdote : Un maçon, sous
l'empire d'une monomanie qui pouvait dé-
générer en folie absolue, croyait avoir avalé
une couleuvre ; il disait la sentir remuer dans
son ventre. M. Jules Cloquet, chirurgien de
l'hôpital Saint-Louis, à qui il fut amené,
pensa que le meilleur , peut-être le seul
moyen pour guérir ce monomane, était de
se prêter à sa folie. Il offrit en conséquence
d'extraire la couleuvre par une opération chi-
rurgicale. Le maçon y consent; une incision
longue, mais superficielle, est faite à la ré-
gion de l'estomac, des linges , des compres-
ses, des bandages rougis par le sang sont
appliqués. La tête d'une couleavre dont on
s'était précautionné est passée avec adresse
entre les bandes et la plaie. «Nous fa tenon»
enfin , s'écrie l'adroit chirurgien; la voici. »
En même temps, le patient arrache son ban-
deau; il veut voir le reptile qu'il a nourri
dans son sein. Quelque temps après une
nouvelle mélancolie s'empare de lui; il gé-
mit , il soupire; le médecin est rappelé t
«Monsieur, lui dit-il avec anxiété, si elle
avait fait des petits?— Impossible I c'est un
mâle. »
On attribue ordinairement à l'imagination
des femmes la production des fœtus mon-
strueux. M. Salgues a voulu prouver que
l'imagination n'y avait aucune part, en citant
quelques animaux qui ont produit des mon-
stres, et par d'autres preuves insuffisantes.
Plessir.an , dans sa Médecine puerpérale ;
Harting, dans une thèse; Demangeon, dans
SCS Considérations physiologiques sur le pou-
voir de l'imagination maternelle dans la gros-
sesse, soutiennent l'opinion générale. Les
femmes enceintes défigurent leurs enfants,
quoique déjà formés, lorsque leur imagina-
tion est violemment frappée. Malebranche
parle d'une femme qui, ayant assisté à l'exé-
cution d'un malheureux condamné à la roue,
en fut si affectée, qu'elle mit au monde ui»
enfant dont les bras, les cuisses et les jambe»
étaient rompus à l'endroit où la barre de
l'exécuteur avait frappé le condamné. Le
peintre Jean-Baptiste Rossi fut surnommé
Gobbinoparcequ'ilétaitagréablcment(/o66o,
c'est-à-dire bossu. Sa mère était enceinte de
lui lorsque son père sculptait le gobbo, bé-
nitier devenu célèbre, et qui a fait le pendant
du pasquino, autre bénitier de Gabriel Ca-
gliari.
Une femme enceinte jouait ans cartes. En
(comme il est fadlft-anx curieux de s'en convaincre) qu'w»'
cuu malade a'esl aUé sans trouver la guéri^un.
«71
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCLLTES.
8*3
relevant son jeu, elle voit que, pour faire un
grand coup, il lui manque l'as dépique. La
(li-rnièrc rarte qui lui rontro était effcclive-
menl celle qu'elle attendait. Une joie immo-
dérée s'empare de son esprit.se communique,
comme un choc électrique, à toute son exi-
stence; et l'enfant qu'elle mit au monde porta
dans la prunelle de l'œil la forme d'un as de
pique, sans que l'organe de la vue fût d'ail-
leurs offensé par cette conformation extraor-
dinaire.
« Le Irait suivant est encore plus étonnant,
dit Lavatcr. Un de mes amis m'en a garanti
l'anlhentirilé. Une dame de condition du
Rhinihal voulut assister, dans sa grossesse,
nu supplice d'un criminel qui avait été con-
damné à avoir la télé tranchée et la main
droite coupée. Lu coup qui abattit la main
effraya tellement la femme enceinte , qu'elle
détourna la lêlc avec un mouvement d'hor-
reur, et se retira sans attendre la fin de l'exé-
cution. Elle accoucha d'une fille qui n'eut
qu'une main , et qui vivait encore lorsque
mon ami me fit part de cette anecdote ; l'autre
main sortit séparément , après l'enfante-
ment. »
Il y a du reste, sur les accouchements pro-
dig'eux, lilen des contes. «J'ai lu, dans un
recueil de faits merveilleux, dit M. Salgues
[Des erreurs et des préjugés répandus dans la
société), qu'en 1778, un chai, né à Stap en
Normandie, devint épris d'une poule du voi-
sinage et qu'il lui fit une cour assidue. La
frrmière ayant mis sous les ailes de la poule
des œufs de cane qu'elle voulait faire couver,
le chat s'associa à ses travaux maternels. 11
détourna une partie des œufs et les couva si
tendrement, qu'au boutde vingt cinq jours il
en sorti! de petits êtres am| hibies, partici-
pant de la cane et du chat , tandis que ceux
de la poule étaient des canard'< ordinaires.
Le docteur Vimond atteste (|u'il a vu, connu,
tenu le père et la mère de cette singulière
fannlle, et les petits eux-mêmes. Mais on dit
au docteur Vimond : « A vieZ-vous la vue bien
nette quand vous avez examiné vor, canards
amphibies? vous avez trouvé l'animal vêtu
d'un poil noirâtre, touffu et soyeux; mais ne
savez-vous pas que c'est le premier duvet
des canards? Croyez-vous que l'incubation
d'un chat puisse dén.ilurer le getme ren-
ferné dans l'œuf? Alors pourquoi l'incuba-
tion de la poule aurail-elle été moins efficace
et n'aurait-elle pas produit des êtres moitié
poules et moitié canaids?»
Ou rit aujourd'hui de ces contes, on n'ose-
rait plus écrire ce que publiaient les jour-
naux de Paris, il y a soixante ans , qu'une
chienne du faubourg Saint-Honoré venait de
mellre au jour quatre chats et trois chiens.
— Eli( n , dans le vii ux temps, a pu parler
d'une truie qui mit bas un cochon ayant une
lê!e d'éléphant, et dune brebis qui mil bas
un lion. Nous le rangerons à côté de Tor-
quemr.da , qui rapporte, dans la sixième
journée de son lixainéron, qu'en un lieu
d'Espagne, qu'il ne nomme pas, une jument
(t) Baylo, Uépulilitiiie des leures, 1681, l III, p. 472,
cilé i<ai' M. Saigiu s.
était tellement pleine, qu au temps de mettre
bas son Iruil.clle creva, et qu'il sortit d'elle
une mule qui mourut incontinent, ayant
comme sa mère le ventre si gros et si enflé,
que le maître voulut voir ce qui était dedans.
On l'ouvrit et on y trouva une autre mule
de laquelle elle était pleine....
Autre anecdote. Un duc de Mantoue avait
dans ses écuries une cavale pleine qui mit
bas un mulet. Il envoya aussitôt aux plus
célèbres astrologues d'Italie l'heure de la
naissance de celte bête, les priant de lui
faire l'horoscope d'un bâtard né dans son
palais sous les conditions qu'il indiquait. Il
prit bien soin qu'ils ne sussent pas (|ue c'é-
t;iit d'un mulet qu'il voulait parler. Les de-
vins firent de leur niieux pour fiatier le
prince, ne doutant pas que ce bâtard ne fût
du prince. l,es uns dirent qu'il serait général
d'armée ; les autres en firent mieux encore,
et tous le comblèrent de dignités. — Mais
rentrons dans les accouchements prodi-
gieux.
On publia au seizième siècle qu'une femme
ensorcelée venait d'enfanter plusieurs gre-
nouilles. De telles nouveautés étaient reçues
alors sans opposition. Au commencement
du dix-huitième sièile, les gazettes d'Angle-
terre annoncèrent, d'après le certificat du
chirurgien accoucheur, appuyé de l'analo-
miste du roi, qu'une paysanne venait d ac-
coucher de beaucoup de lapins; et le public
le crut , jusqu'au moment où l'analumistc
avoua qu'il s'était prêté à une mystifica-
tion.
On fit courir le bruit , en 1471, qu'une
femme, à l'avie, avait mis bas un chien; un
cita la Suissesse qui, en 1278, avait donné le
jour à un lion, et la femme que Pline dit
avoir été mère d'un éléphant. — On voit
dans d'autres conteurs anciens qu'une autre
Suissesse se délivra d'un lièvre; une Thu-
ringienne, d'un crapaud; que d'autres fem-
mes mirent bas des poulets (1).
Ambroise Paré cite, sur ou'i'-dire, un jeune
cochon napolitain qui portait une tête
d'homme sur son corps de cochon.
Boguet assure, dans ses Discours des exé-
crables sorciers, qu'une femme maléficiée
mit au jour à la fois , en 1531 , une této
d'homme, un serpent à deux pieds et un pe-
tit pourceau. B^yle parte d'une femme qui
passa pour être accouchée d'un chat noir;
le chat fut brûlé comme produit d'un dé-
mon (2).
Le même Torquemada que nousavons cité,
énuiiicre beaucoup d'accouchements extra-
ordinaires : une femme qui mit au monde
sept enfants à la fois, à Médina del Carapo ;
une autre femme de Salamanque qui en eut
neuf d'une seule couche; puis une Italienne
qui donna le jour à soixante dix enfants
d'une même portée. Et com;iie on pourr.iit
être surpris du nombre , il rappelle ce que
conte Albert le Gr;inil , qu'une Allemande
enfanta, d'une seule couche, cent eint|Ui'iute
enfants, grands comme le doigt, très-biei(
f2) Bayle, Rénubliiiuc Ucs lettres , \GS6, tom. Itl, ii»fi,
1014.
873
ni A
IMM
formés et tous enveloppés dans une pellicule
On ne dit pas ce que devint celle petite fa-
mille. Mais avouez qu'il n"y a que l'Allema-
gne pour CCS choses-là. — Une Hollandaise
pourtant fil plus encore. V^iy. Marguerite.
« Ces faits soûl difficiles à croire à qui ne les
a pas vus, » dit Torque.nada; et il parle de
visu, d'un enfant né eu Italie avec une liarlu'
de bouc; comment a-l-il reconnu que celle
barbe était précisémeni une barbe de bouc?
— Volaterranus se préoccupe d'un enfant
qui naquit homme jusqu'à la ceinture, 't
chien dans la partie infôrieure du corps. Un
autre enfant monstrueux vint au monde
kous le règne de Constance, avec deux bi)U-
ches, quatre yeux, deux petites oreilles et de
la barbe.
Un savant professeur de Louvain, Corné-
lius Gemma , écrivant à une époque où l'on
admettait beaucoup de choses , rapporte
qu'en 154-5 une dame de noble lignée mil au
monde, dans la Belgique, un garçon qui
avait, au dire des experts, la tête d'un dé-
mon avec une trompe d'éléphant au lieu do
nez, des patles d'oie au lieu de mains, dos
yeux de chat au milieu du ventre, une tête
de chien à chaque genou , doux visages de
singe sur l'estomac et une queue de scorpion
longue d'une demi-aune de Brabant (trente-
cinq centimètres). Ce petit monstre ne vécut
que quatre heures , et poussa des cris en
mourant par les deux gueules de chien qu'il
avait aux genoux (1).
Nous pourrions multiplier ces contes ridi-
cules, fondes sur quelques phénomènes na-
turels que l'imagination des femmes encein-
tes a produits. Arréions-nous nu moment
aux faits prodigieux plus réels. Tels sont les
enfants né* sans tête, ou plutôt dont la tête
n'est pas distincte des épaules. Un de ces en-
fautsvintau monde au villagedeSchmechten,
près de Paderborn. le IG mai loi^o ; il avait
la bouche à l'épaule gauche et une seule
oreille à l'épaule droite. Mais en compensa-
lion de ces enfants san;i tête, une Normande
accoucha, le 20 juillet lG8'*,d'un enfant mâle
dont la télé semblait doube. Il avait quatre
yeux, deux nez crochus, deux bouches, deux
langues et seulement deux oreilles. L'inté-
rieur renfermait deux cerveaux , deux cer-
velets et trois cœurs ; les autres viscères
étaient simples. Ce garçon vécut une heure ;
et peul-étre eût-il vécu plus longtemps, si
la sage-femme qui en avait peur ne l'ciil
laissé tomber.
Le phénomène des êtres bicéphales est
moins rare que celui des acéphales. On pré-
senta en 1779, à l'Académie des sciences de
Paris , un lézard à deux télés , qui se servait
égahîment bien d • toutes les deux. Li; Jour-
nal de médecine du mois de février 1808 don-
ne des détails curieux sur un enfanl né avec
deux têtes , mais placées l'une au-dessus de
l'autre , de sorte que la pre.nière en portail
une seconde; cet enfant elail né au Bengale.
A son entrée dans le nioiide , il elîraya telle-
ment la sage-l'emme (juc , croyant tenir le
diable dans les mains, elle le jeta au Icu. On
(1) CoriU'Iii CniiiiiwR «rosmocrliics, lib. I, cap. 8.
DlCTrONS. DES SCIENCES OCCULTES. L
8-i
se hâta de l'en retirer, mais il eut les oreilles
endommagées. Ce qui rendait le cas encore
plus singulier, c'est que la seconde tête élail
renversée , le front en bas et le menton en
haut. Lorsque l'enfant eut atteint l'âge de
six mois , les deux têtes se rouvrirent d'une
quantité à peu près égale de cheveux noirs.
On remarqua que la tête supérieure ne s'ac-
cordait pas avec l'inférieure; qu'elle fermait
les yeux quand l'autre les ouvrait, et s'éveil-
lait quand la tête principale était endormie;
elle avait allernalivement des mouvements
indépendants et des rnouvemenls sympathi-
ques. Le rire de la bonne tête s'épanouissait
sur la tête d'en haul;niais la douleurde celle
dernière ne passait pas à l'autre , de sorte
qu'on pouvait la pincer sans occasionner la
moindre sensaion à la tête d'en bas. Cet en-
fanl mourut d'un accident à sa quatrième
année.
Ce que nous venons de rapporter n'est
peiit-étro pas impossible. Mais remarquez
que ces merveilles viennent toujours de très-
loin. Cependant nous avons vu de nos jours
Uilta-Christina , cette jeune fllle à deux tê-
tes , ou plutôt ces deux jeunes filles accou-
plées.Nous avons vu aussi les jumeaux Sia-
mois, deux hommes qu'une partie du ventre
rendait inséparables et semblait réunir en un
seul être. Pour le reste , le plus sûr est do
rejeter en ces matières ce qui n'est pas cer-
tifié par de suffisants témoignages.
Dans ce genre de faits , on attribuait au-
trefois au diable tout ce qui sortait du cours
ordinaire de la nature.
Il est certain qu'on exagère ordinairement
ces phénomènes. On a vu des fœtus mon-
strueux, à qui on donnait gratuitement la
forme dun mouton, et qui élaienl aussi bien
un chien , un cochon , un lièvre , etc., puis-
qu'ils n'avaient aucune figure distincte. On
prend souvent pour une cerise, ou pour une
fraise , ou pour un boulon de rose , ce q li
n'est qu'un seing .plus large et plus coloré
qu'ils ne le sont ordinairement. Voy.
Frayeurs, Hallucinations, etc.
IME , géant. Voy. Nains.
IMMORTALITE. Ménandre , disciple de
Simon le .Magicien , se vantait de donner un
baptême qui rendait immortel. On fut bien
vile détrompé.
Les Chinois sent persuadés qu'il y a quel-
(lue part une eau (jui empêche de mourir ;
et ils cherchent toujours ce breuvage d'im-
mortalité , qui n'est pas trouvé encore.
Les Strulldbruggs, ou immorlel> de Gulli-
ver, sont fort malheureux do leur ininiorla-
lité. La même pensée se retrouve dans celte
légende des bords de la Baltique : — A Fal-
ster, il y avait autrefois une f.iiinie fort ri-
che qui n'avait point d'enfants. Elle voulut
faire un pieux usage de sa tortune , et elle
bâiil uneéglise.L'édificeachevé, elle le trouva
si bien, qu'elle se crut en droit de demander
à Dieu une récompense. Elle le pria donc de
la laisservivrcau-si longtempsquesonéglise
subsisierail.Son vœu lut exaucé. La moit pas-
sa devant sa porte sans entrer; la mort frappa
autour d'elle voisins, pareiils,amis. élue lui
28
s:5
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
87C
montra passculemenl te bout de safatix.Elle
vécut au milieu de toutes les guerres, de
toutes les pestes , de tous les (léaux qui tra-
versèrent le pays. Elle vécut si longtcinps ,
qu'elle ne trouva plus un ami avec qui elle
pût s'entretenir. Elle parlait toujours d'une
époque si anricnne , que personne ne la
comprenait. Elle avait bien demandé une vie
perpétuelle ; mais elle avait oublié de de-
mander aussi la jeunesse; le riel ne lui don-
na que juste ce qu'elle voulait avoir, et la
pauvre femme vieillit ; elle perdit ses forces,
puis la vue, etrouïe et la parole. Alors elle
se fit enfermer dans une caisse de chêne et
porter dans l'église. Chaque année , à Noël ,
elle recouvre , pendant une heure, l'usage
de ses sens; et chaque année, à cette heuie-
là , le prêtre s'approche d'elle pour prendre
ses ordres. La malheureuse se lève à demi
dans son cercueil , et s'écrie: — Mon église
subsisle-t-elle encore?
— Oui , répond le prêtre.
— Hélas 1 dit-elle. Et elle s'affaisse en
poussant un profond soupir, et le coffre de
chêne se referme sur elle (1).
IMPAIR. Une crédulité superstitieuse a at-
tribué , dans tous les temps , bien des pré-
rogatives au nombre impair (2). Le nombre
pair passait , chez les Romains , pour mau-
vais , parce que ce nombre , pouvant élre di-
visé également , est le symbole de la morta-
lité et de la destruction ; c'est pourquoi Nu-
ma, corrigeant l'année de Romulus , y ajou-
ta un jour, afin de rendre impair le nombre
de ceux qu'elle contenait. C'est en nombre
impair que les livres magiques prescrivent
leurs opérations les plus mystérieuses. L'al-
chimiste d'Espagnet, dans sa Description du
Jardin des Sages, place à l'entrée une fontai-
ne qui a sept sources. Il faut , dit-il , y faire
boire le dragon par le nombre magique de
trois fois sept , et l'on doit y chercher trois
sortes de Heurs , qu'il faut y trouver néees-
sairoment pour réussir au grand œuvre. Le
crédit du nombre impair s'est étab'i jusque
dans la médecine: l'année cliniatérique est ,
dans la vie humaine , une année impaire.
IMPOSTURES. On lit dans Leloyer qu'un
valet, par le moyen d'une sarbacane, enga-
gea une veuve d'Angers à l'épouser, en le
lui conseillant de la part de son mari défunt.
Plus d'un imposteur a employé ce strata-
gème.
Un roi d'Ecosse, voyant que ses troupes
ne voulaient point combattre contre les Pie-
tés, suborna des gens habillés d'écaillés bril-
lantes, ayant en main des bâtons de bois lui-
sant, qui les excitèrent à combattre, comme
s'ils avaient été des anges, ce qui eul le suc-
cès qu'il souh iilait (3).
Nous aurions un gros volume à faire, si
nous voulions citer ici toutes les impos-
tures de l'histoire. On y pourrait joindre
maints stratagèmes et ruses de guerre. Voy.
ApPABITIONS, rA^T')MES , BuDÉMlENS, JeT-
ZEB, etc.
IMPRKCA'riONS. Ce qui va suivre est de
(1) Marinier, Traditions de la Baltique.
Ci) Hwnero Veus iin'^nre gmtlet.
Chassanion. huguenot, en ses Grands juge-
mcnls de Dieu: «Quant à ceux qui sont
adonsiés à maugréer, et qui, comme des
gueules d'enfer, à (ont propos dépilent Dieu
par d'horribles exécrations, et sont si force-
nés que de le renier pour se donner au dia-
ble, ils mérilent bien d'être abandonnés de
Dieu et d'être livrés entre les mains de Sa-
tan pour aller avec lui en perdition; ce qui
est advenu visiblement à certains malheu-
reux de notre temps, (jui onl éié emportés
par le diable, auquel ils s'étaient donnés.
« Il y a quelque temps qu'en Allemagne
un homme de mauvaise vie était si mal em-
bouché, que jamais il ne parlait sans nom-
mer les diables. Si en cheminant il lui adve-
nait de faire quelque faux pas ou de se heur-
ter , aussitôt il avait les diables dans sa
gueule. De quoi, combien que plusieurs fois
il eûl été repris par ses voisins, et admonesté
de se châtier d'un si méchant et détestable
vice, toutefois ce fut en vain. Continuant
dans cette mauvaise et damnable coutume,
il advint un jour qu'en passant sur un pont
il trébucha et, étant tombé du haut en bas,
proféra ces paroles : — Lève toi par tous les
cent diables.
« Soudain, voici celui qu'il avait tant de
fois appelé qui le vint étrangler , et l'em-
porta.
« L'an mil cinq cent cinquante et un, près
Mégalopole, joignant Voilsladl, il advint en-
core, durant les fêles de la Pentecôte, ainsi
que le peuple s'amusait à boire, qu'une fem-
me, qui était de la campagne, nommait or-
dinairement le diable parmi ses jurements :
lequel, à celle heure, en la présence d'un
chacun, l'enleva par la porte de la n)aison,
et l'emporta en l'air. Ceux qui étaient pré-
sents sortirent incontinent, tout étonnés,
pour voir où celte femme élail ainsi tram»-
porlée : laquelle ils virent, hors du village,
pendue quelque temps en l'air bien haut,
dont elle tomba en bas, et la trouvèrent à
peu prés morte au milieu d'un champ.
« Environ ce temps-là. il y eut un grand
jureur en une ville de Savoie, homme fort
vicieux et qui donnait beaucoup de peine
aux gens de bien, qui, pfiur le devoir de leur
charge, s'employèrent à le reprendre et l'ad-
miineslèrenl bien souvent, afin qu'il s'amm-
dâl : à quoi il ne voulut oncijucs entendre.
Or, advint que, la pesie étant en la ville, il
en fut frappé et se relira en un sien jardin,
avec sa feuime et qi;el(|ues parents Là, les
ministri'Sde l'Eglise ne cessèrent de l'exhor-
ter à repenlance, lui remontrant ses fautes
et péchés pour le réduire au bon chemin. Mais
tant s'en fallut qu'il fût touché par tant de
bonnes et saintes remontrances, qu'au con-
traire il ne fil que s'endurcir davantage m
ses péchés. Avançant donc son malheur, ua
jour, comme ce méchant reniait Dieu et se
donnait au diable et l'appelait tant qu'il pou-
vait, voilà le diable ((ui le ravit soudaine-
ment et l'emporta en l'air; sa femme et sa
parente le virent passer par-dessus leuis
(5) Hector de B..ëco.
8T7
INC
INC
87K
lêles. Etant ainsi transporté, son bonnol lui
tomba (le dessus la tôle, et fut trouvé auprès
du Rhône. Le magistrat, averti de cela, vint
surieliou, et s'informa du fait, prenant al-
testalinn de ces deux femmes de ce qu'elles
avaient vu.
« Voilà des événements terribles, épouvan-
tables, pour donner crainte et frayeur à tels
ou semblables jureurs et renieurs de Dieu,
desquels le monde n'est que trop rempli au-
jourd'hui. Refrénez donc, misérables que
vous êtes, vos langues infernales; départez-
vous de toutes méchantes paroles et exé-
crations, et vous accoutumez à louer et glo-
rifier Dieu tant de bouche que de fait » (1).
Quand les femmes grecques entendent des
imprécations, comme il s'en fait dans les
chaudes colères de leur pays, elles se hâtent
de mouiller leurs seins avec leur salive, de
peur qu'une partie de ces malédictions ne
tombent sur elles (2). Voy. Jurements.
INCENDIE. En UOl , un professeur de
Brunswick annonça qu'il vendait de la poudre
aux incendies , comme un apothicaire vend
de la poudre aux vers; il ne s'agissait, pour
sauver un édifice, que de le saupoudrer de
quelques pincées de cette poudre ; deux onces
suffisaient par pieil carré : et comme la livre
ne coûtait que sept à huit sous, et qu'un
homme n'a que quatorze pieds de superficie,
on pouvait, pour 17 sous ou six deniers
(vieux style), se rendre incombustible. Quel-
ques gens crédules achetèrent la poudre du
docteur. Les gens raisonnables crurent qu'il
voulait attraper le public , et se moquèrent
de lui (3).
INCOMBUSTIBLES. Il y avaitjadis en Es-
pagne des hommes d'une trempe supérieure
qu'on appelait Suludadores , Santiguado-
res, Ensalmadores. Ils avaient non-seule-
ment la vertu de guérir toutes les maladies
avec leur salive , mais ils maniaient le feu
impunément ; ils pouvaient avaler de l'huile
bouillante, marcher sur les charbons ardents,
se promener à l'aise au milieu des bûchers
enfiamniés. Ils se disaient parents de sainte
Catherine, et montraient sur leur chair l'em-
preinte d'une roue , signe manifeste de leur
glorieuse oiigine.
Il existe aujourd'hui en France, en Alle-
magne et dans presque toute l'Europe , des
hommes qui ont les mêmes privilèges, et qui
pourtant évitent avec soin l'examen des sa-
vants et des docteurs. Léonard Vair conte
qu'un de ces hommes incombustibles ayant
été sérieusement enfermé dans un four très-
chaud, on le trouva calciné quand on rouvrit
le four. Il y a quelques années qu'on vit à
Paris un Espagnol marcher pieds nus sur
des barres de fer rougies an feu , promener
des laines ardentes sur ses bras et sur sa
langue, se laver les mains avec du plomb
fondu, etc.; on publia ces merveilles. Dans
un autre temps, l'Espagiiol eût passé pour
un homme (jui avait des relations avec le
démon; alors, on se contenta de ciicr Virgile,
qui (lit que les prêtres d'.Apollon, au mont
(I ) Ch iss.inlon, Ji;!?pmcnls de D'cii, p. in'J.»
(ii lljC l'jilaiie. Souvenirs du Levain.
Soracte , marchaient sur des charbons ar-
dents; on cita Varron , qui affirme que ces
prêtres avaient le secret d'une composition
qui le^ rendait pour quelques inslants inac-
cessibles à l'action du (eu.
Le P. Regnault, qui a faitqnelques recher-
ches pour découvrir les secrets de ces procé-
dés, en a publié un dans ses Entretiens sur
la physique expérimentale.
Ceux qui font métier, dit-il, de manier le
fi'U et d'en tenir à la bouche, emploient quel-
quefois un mélange égal d'esprit de soufre,
de sel ammoniac, d'es eiice de romarin et de
suc d'oignon. L'oignon est, en effei, regardé,
par les gens de la c;impagne,co:nme un pré-
servatif contre la brûlure.
Dans le temps où le P. Regnault s'occupait
de ces recherches, un chimiste anglais, nom-
mé Richanison , remplissait toute l'Europe
du bruit de ses expériences merveilleuses. Il
mâchait des charbons ardents sans se brûler;
il faisait fondre du soufre, le pl;içait tout
animé sur sa main , et le reportait sur sa
langue, où il achevait de se consumer; il
mettait aussi sur sa langue des charbons em-
brasés, y faisait cuire un morceau de viande
ou une huître, et souffrait , sjjus sourciller,
qu'on excitât le feu avec un suufdet ; il tenaii
un fer rouge dans ses mains , sans qu'il y
restât aucune trace de brûlure , prenait ce
fer dans ses dents, et le lançait au loin avec
une force étonnante; il avalait do la poix et
du verre fondus, du soufre et de la cire mê-
lés ensemble et tout ardents, de sorte que la
flamme sortait do sa bouche comme d'une
fournaise. Jamais , dans toutes ces épreu-
ves , il ne dunnaii le moindre sigiie de dou-
leur.
Depuis le chioiisie Richardson , plusieurs
hoinines ont essayé comme lui de manier le
feu impunément. Eu 1774, on vit â la forge
de Laune un homme qui marchait sans se
brûler, surdos barres de fer ardentes, tenait
sursa maindes charbons, et les soufflait avec
sa bouche; sa peau était épaisse et enduite
d'une sueur grasse, onctueu'ie, mais il n'em-
ployait aucun spécifiiiue. Tant d'exemples
prouvent qu'il n'est pas nécessaire d'êir.'
parent de sainte Catherine pour braver les
effets du feu. Mais il fallait que quelqu'un
[irîl la peine de prouver, par des expérien-
ces décisives, qu'on pi'oi aisément opérer
tous les prodiges dont l'Espagnol incombus-
tible a grossi sa réputation ; ce physicien
s'est trouvé à Naples.
M. Semenlini, premier professeur de chi-
mie à l'université de celte vile, a publié à ce
sujet des recherches qui ne laissent rien à
désirer. Ses ()remières tentatives no furent
pas heureuses ; mais il ne se découragea
point, il conçut que ses chairs ne pouvaient
acquérir subitement les mêmes faculiés que
celles du fameux Lionctti,qui était alors in-
combustible ; qu'il était nécessaire de répé-
ter longtemps les mêmes tentatives , et que ,
[lour obtenir les résultats qull cherchait , il
fallait beaucoup do constance. A force de
\'^) H. Saignes, des Errmirs el dus préjuges , t. III, p.
215.
Dir.TIONN AmE DES SCIF.NCES OCCULTES.
i-9
soins, il rcusMi. 11 se fil sur le corps des
frictions sulfureuses, et les répéta si sou-
vent, qu'enfin il put y promener impuné-
ment une lame de fer roniîc 11 essaya de
produire le même effet a\ec une dissolution
d'alun, l'nne des substances les plus propres
à repousser l'action du feu : le succès fui en-
core plus complet.
Mais quand M. Semcntini avait lave la
partie incoinbustiblc, il perdait aussitôt tous
ses avantages, et devenait aussi périssablii
que le commun des mortels. 11 fallut donc
tenter de nouvelles expériences.
Le hasard servit à souhait M. Semenlini.
Eu cherchant jusqu'à quel point l'énergie du
spécifique qu'il avait employé pouvait se con-
server, il passa sur la partie Iroltée un mor-
ceau de savon dur. et l'essnya avec un linge:
il y porta ensuite une lame de fer. Quel fut
son étonnemenl dy voir qne sa peau avait
non-seulement conservé sa première insensi-
bilité, mais qu'elle en avait acquis une bien
plus grande encore 1 Quand on est heureux,
on devient entreprenant : M. Sementini tenta
sur sa langue ce qu'il vcnnil d'éprouver sur
son bras, et sa langue répondit parfaitement
à son attente; elle soutint l'épreuve sans
murmurer ; un fer étincelant n'y laissa pas
la moindre empreinte de brûlure. — Voila
donc les prodiges de l'inrombustibilile ré-
duits à des actes naturels et vulgaires (i).
Voy. Ffv. , .
INCREDULES. On a remarque , par de
tristes expériences, que les incrédules, qui
nient les faits de la religion, croient aux f.i-
bles superstitieuses, aux songes, aux cartes,
aux présages, aux plus vains pronost es
— comme pour montrer que l'esprit fort est
surtout un esprit faible.
INCUBES, démons qui séduisaient les fem-
mes. Serviiis Tullins, qui fut roi des Ko-
mains, était le fils d'une esclave et de Vul-
cain, selon d'anciens auteurs; d'un salaman-
dre, selon les cabalistcs ; d'un démon incube,
selon les démonographes.
INCUBO, génie gardien des trésors de la
terre. Le petit peuple de l'ancienne Rome
croyait que les trésors cachés dans hs en-
trailles de la terre étaient gardés par des
esprits nommés Incubones, qui avaient de
petits chapeaux dont il fallait d'aboi d se sai-
sir. Si on avait ce bonheur, on devenait leur
maître, et on les contraignait à déclarer et à
découvrir où étaient ces trésors. Ces esprits
sont nos gnomes et nos lutins.
INFERNAUX. On nomma ainsi, dans le sei-
zième siècle, les partisans de Nicolas Gallus
et de Jacques Smidelen.qui soutenaient que,
pendant les trois jours de la sépulture de
Notre-Seigneur, son âme, descendue dans le
lieu où les damnés souffrent, y avait été
tourmenlé • avec ces malheureux (-2).
INFIDELITE. Quand les hommes de cer-
taines peuplades d'Egypte sc^upçonnaient
leurs femmes d'inQdelile, ils leur faisaient
avaler de l'eau soufrée , dans laciuellc ils
(1) M. Saignes, des Krrmirs et ilcs |>iéjiigô"î, l. II, p. t8C
Cl MlIV. ,
(2j Bergier. Dicl. Uieulog.
mettaient delà poussière et de l'huile dclampe,
prétendant que, si elles étaient coupables, ce
breuvage leur feraitsouffrir des douleurs in-
supportables : espèce d'épreuve connue sous
le nom de calice du soupçon.
INFLUENCE DESASTRES. Le Taureau
domiiiesur le cou; les (léme aux sur les épau-
les; l'Ecrevisse sur les bras cl sur les mains;
le Lion sur la poitrine, le cœur elle dia-
phragme; la Vierge sur l'estomac, les intes-
tins, les côtes et les muscles; la Balance sur
les reins; leScorpionsur les parties secrètes;
le Sagittaire sur le nez et les excréuients; le
Capricorne sur les genoux; le Verseau sur
les cuis^es; le Poisson sur les pieds.
Voilà en peu de mots ce qui regarde les
douze signes du Zodiaque touchant les diffé-
rentes parties du corps, il est donc très-dan-
gereux d'offenser qneliiue membre, lorsque
la lune est dans le signe qui le domiiie, parce
que la lune en augmente l'humidiié, comme
on le verra si on expose de la chair frai i lie
pendant la nuit aux rayons de la lune : il s'y
engendrera des vers, et surtout dans la pleine
lune (.3). Voy. Astrologie.
INIS-FAIL, nom dune pierre fameuse at-
tachée encore aujourd'hui sous le siège où
l'on couronnait , dans l'église de Westmins-
ter, les rois de la Grande-Bretagne. Celte
pierre du destin, que dans la légende hé-
roïque de ces peuples les anciens Ecossais
avaient apportée d'Irlande, au quatrièuie siè-
cle, devait les faire régner partout où elle
serait placée au milieu d'tux.
INQUISITION. Ce fut vers l'an 1200 que le
pape Innocent III établit le tribunal de l'in-
quisition pour procéder contre les Albigeois,
héréiiques perfides, qui bouleversaient la so-
ciété. Déjà, en 118'k le concile de Vérone
avait ordonné aux évoques de Lombardie de
rechercher les hérétiques rebelles, et de li-
vrer au magistral civil ceux qui seraient
opiniâtres. Le comte de Toulouse adopta ce
tribunal en l-i29; Grégoire IX, en 1233, le
confia aux dominicains. Les écrivains qui ont
dit que saint Dominique fut le premier inqui-
siteur général, ont dit là chose qui n'est pas.
Saint Dominique ne fut jamais inquisiteur;
il était mort en 1221. Le premier inquisiteur
général fut le pieux légat Pierre de Castcl-
nau, que les Albig( oi^ a-sassinèrent.
Le pape Inuocenl IV étendit l'inquisition
dans toute l'Italie , à l'exception de Naples.
L'iispagne y fut soumise de 1480 à U84 ,
sous le règne de Ferdinand et d'Isabelle; le
Portugal l'établit en 1557. L'inquisition parut
depuis dans les pays où ces puissances do-
ruiiièrent ; mais elle ne s'est exercée dans
aucun royaume que du consentement et le
plus souvent à la demande des souverains (4).
Elle a été repoussée en France et en Bel-
gique.
« Si l'on excepte un très-petit nombre
d'hommes instruits , dit Joseph de Maislre ,
il ne vous arrivera guère de parler de I in-
quisition sans rcnconlrer dans chaque tête
(5) Admirables secrets d'All)erl le Grand, p. 18.
( i) Bergier, Dicl. llié'>log.
«81
INQ
I.XQ
882
Irois erreurs capilales , plaiilées el comme
rivées dans les esprils, au poinl qu'elles
cèdent à peine aux démonstrations les plus
évidentes.
« On croit que l'inquisition est un tribu-
nal purement ecclésiastique : cela est faux.
On croit que les ecclésiastiques qui siéjçent
dans ce tribunal condamnent certains accusés
à la peine de mort : cela est f.iux. On croit
qu'ils les condamnent pour de simples opi-
nions : cela est faux.
« Le tribunal espagnol de linquisition
était purement royal. C'était le roi qui dési-
gnait l'inquisiteur général, et celui-ci nom-
mait à son tour les inquisiteurs particuliers,
avec l'agrément du roi. Le règlement consti-
tutif de ce tribunal fut publié en Tannée liSi
par le cardinal ïorquémada, de concert avec
le roi (1).
« Doux, tolérant, charitable , consolateur
dans tous les pays du monde, par quelle
magie le gouvernement ecclésiastique sévi-
rait-il en Espagne , au milieu d'une nation
éminemment nobleetgcnéreuse? Dans l'exa-
men de toutes les questions possibles , il
n'y a rien de si essentiel que d'éviter la con-
fusion des idées. Séparons donc et distin-
guons bien exactement, lorsque nous rai-
sonnons sur l'iuquisilion, la part du gouver-
nement de celle de l'Eglise. Tout ce que le
tribunal montre de sévère et d'effrayant , el
la peine de mort surtout , appartient au
gouvernement ; c'est son affaire ; c'est à lui,
et c'est à lui seul qu'il faut en demander
compte. Toute la clémence, au contraire,
qui joue un si grand rôle dans le tribunal
de l'inquisition, est l'action de l'Eglise, qui
ne se mêle de supplices que pour les suppri-
mer ou les adoucir. Ce caractère indélébile
n'a jamais varié. Aujourd'hui, ce n'est plus
une erreur , c'est un crime de soutenir ,
d'imaginer seulement que des prêtres puis-
sent prononcer des jugements de mort.
« 11 y a dans l'histoire de Fnince un grand
fait qui n'est pas assez observe , c'est celui
des templiers ; ces infortunés, coupables ou
non (ce n'est point de quoi il s'agit ici), de-
mandèrent expressément d'être jugés parle
tribunal de l'inquisition ; car ils savaient
ui(n, disent les historiens , que s'ils obte-
n.iienl de tels juges , ils ne pouvaient plus
être condamnés à mort....
« Le tribunal de l'inquisition était composé
d'un chef nommé grand inquisiteur, qui
était toujours archevêque ou cvêque ; de
huit conseillers ecclésiastiques , dont six
étaient toujours séculiers, et do deux régu-
liers, dont l'un était toujours dominicain, en
vertu d'un privilège accordé par le roi Phi-
lippe 111. «(-2)
Ainsi les dominicains ne dirigeaient donc
pas l'inquisition , puisque l'un d'eux seule-
ment en faisait partie par privilège.
« On ne voit pas bien précisément, dit en-
core Joseph de Maistre , à quelle épocjue le
tribunal de l'inquisition commença à pro-
( t) Voyez lerapportodicii'l eu venu cluciuel l'iiiquisiliuii
lia sii|i|'nméc par les corièa do 181i.
Ci) Josoi)ti de Muibtre, Luiues a un gemilliommc ruise
noncer la peine de mort. Mais peu nous im-
porte ; il nous suffit de savoir , ce qui est
incontestable, qu'il ne put acquérir ce droit
qu'en devenant royal , el que tout jugement
de mort demeure, par sa nature, étrangi'r au
sacerdoce.
« La teneur des jugements établit ensuite
que les confiscations étaient faites au profit
de la chambre royale et du fisc de Sa Mu-
jeslc.
« Ainsi, encore un coup, ce tribunal était
purement royal, malgré la fiction ecclésias-
tique ; et toutes les belles phrases sur l'avi-
dité sacerdotale tombent à terre (3). Ainsi
l'inquisition religieuse n'était, dans le fond,
comme dit Garnier, qu'une inquisition poli-
tique (i). Le rapport des cortcs de 1812 appuie
ce jugement.
« Philippe II, le plus absurde des princes,
dit ce rapport , fut le véritable fondateur de
l'inquisition. Ce fut sa politique raffinée qui
la porta à ce point de hauteur où elle était
montée. Les rois ont toujours repoussé les
avis qui leur étaient adressés contre ce tri-
bunal , parce qu'ils sont , dans tous les cas ,
maîtres absolus de nommer , de suspendre
ou de renvoyer les inquisiteurs , et qu'ils
n'ont , d'ailleurs , rien à craindre de l'in-
quisition , ({ui n'est terrible que pour leurs
sujets.... »
Ainsi tombent ces contes bleus de rois
d'Espagne qui s'apitoyaient sur des con-
damnés sans pouvoir leur faire grâce, quand
il est démonlré que c'étaient ces rois eux-
mêmes qui condamnaient.
On a dit que depuis trois siècles l'hisloire
était une vaste conspiration contre le catho-
licisme. Ou ferait un volume effrayant du
catalogue des mensonges qui ont été prodi-
gués dans ce cens par les historiens. La
plupart viennent de la rélorme ; mais les
écrivains catholiques les copient tous les
jours sans réflexion. C'est la réforme qui la
première a écrit l'histoire de l'iuquisilion ;
on a trouvé commode de transcrire son
odieux roman, qui épargnait des recher-
ches. Vous tiouverez donc partout des faits
inventés <jui se présentent avec une effron-
terie incroyable. Nous en citerons deux ou
trois.
« Si l'on en croit quelques historiens,
Philippe m, roi d'Espagne, obligé d'assister
à un aulo-da-fê (c'est le nom qu'on donne
aux exécutions (les inquisileurs), fiémit, et
ne put lelenir ses larmes en voyant une
ji-une Juive et une jeune Maure de quinze à
seize ans qu'on livrait aux flammes, et qui
n'étaient coupables que d'avoir été élevées
dans la religion de leurs pères ( t d'y croire.
C( s historiens ajouteulque l'inquisition fiiuii
crime à ce prince d'une compassion si natu-
relle; que le grand inquisiteur osa lui dire
qu ' pour l'expier il lallail qu'il lui en coulât
(lu sang ; que Philippe III se laissa saignci',
et (|ue le sang qu'on lui tira fut brûle par la
main du bourreau
sur l'inquisiiion espagnole,
tôj Id , ibid.
Uj Hiil. du l^rançois I«', l. ll.cliap.î.
DICT.ONNAIRK DliS SUtiNCES OCCLUES.
881
•"est Sainl-Foiï qu' riipporle ce lissiid'ab-
«urdes faussetés, dans ses I''s.snis sur Paris,
sans songer qu'aucun historien n'est là pour
;ip))uyer ces faits; qu'ils ont été im.ijjinés
quatre-ringls ans après la mort de Philippe
III ; que l'Iiiiippe 111 était maître de faire
«race et de condamner; que l'inquisition ne
brûlait pas les Juifs et les Maures, coupa-
hles seulement d'avoir été élevés dans la re-
ligion de leurs pères et d'y croire ; qu'elle se
contentait de les bannir pour raisons poli-
tiques, etc.
Vous lirez ailleurs que le cardinal ïor-
quémada, qui remplit dix-huilans les fonc-
tions de grand inquisiieur, condamnait dix
mille victimes par iin,ce qui ferait cenlqua-
ire-vingt mille victimes. Mais vous verrez
ponriaiil ensuite qu'il mourut ayant faii
<!;iiis sa vie six mille poursuites, ce qui n'est
|tascenlqualre-viugtmille;que le pape lui fil
trois fois des représentations pour arrêter s«
^évc^.té; vous trouverez dans Ijs jugements
;iss(2 peu de condamnations à mort. Les
autos-(ia-fé ne se faisaient que tous les deux
■•■ns; les condamnés à mort attendaient Ion
guemenl leur exécution, parce qu'on espé-
lait toujours leur conversion ; et vous re-
t;rctlerez de rencontrer si rarement la vérité
d.ius les livres.
Un gros ouvrage qui vient de p.iraitre (le
Dictionnaire universel de la Géographie et
de l'Histoire) porte à cinq m liions le nombre
des personnes que l'inqnisilion a fait périr
en Espagne C'est, de plus de quatre mil-
lions et neuf cent mille, une erreur, —pour
ne pas dire plus.
Rapportons mainlenanl quelque procé-
dure de rinquisition. Le fait qui va suivie
est tiré de riiistoire de l'inquisition d'Espa-
gne, faite à Paris sur les matériaux fournis
par I). LIorcnle, matériaux qu'on n'a pas
toujours eiii() oyés comme LIorentc l'eût
voulu; car on a fait de son livre un pam-
[ihlet.
« L'inquisition faisait naturellement la
guerre aux francs-maçons et aux sorciers.
A la fin du dernier siècle, nn artisan fut ar-
réléaunomdu saint-office pour avoir dit
dans quelques' entretiens qu'il n'y avait ni
diables, ni aucune autre espèce d'esprits in-
fernaux capables de se rendre maîtres des
âmes humaines. Il avoua, dans la première
audience, tout ce qui lui était imputé, ajouta
qu'il en était alors persuadé pour les raisons
(juil exposa, et déclara qu'il était prêt à dé-
tester de bonne foi son erreur, à en recevoir
l'absolution, et à faire la pénitence qui lui
^erail imposée.
«J'avais >u(dit-il en se justifiant)un si grand
nombre de malheurs, dans ma personne, mii
famille, mesbiens et mes affaires, que j'en per-
dis patience, et que, dans nn moment de dé-
sespoir, j'appelai le diable à mon secours : je
lui offris en retour ma personne et mon âme.
Jle renouvelai plusieurs fois mon invocation
dans l'espace dci)ue!ques jours, mais inutile-
ment,cnrlcdiable ne vint point. Jeni'adressai
a un pauvre homme qui passait pour sorcier ;
je lui lis nai t de ma situation. 11 uie condui-
sit chez une femme, qu'il disait beaucoup
plus habile que lui dans les opérations de la
sorcellerie. Cette femme nie conseilla de me
rendre, trois nuits de suite, sur la colline des
Vistillns de saint Fr.'nçois , et d'appeler à
grands cris Lucifer, sous le nom d'anye de
lumière, en reniant Dieu et la religion chré-
tienne, et en lui offrant mon âme. Je fis tout
ce que celte femme m'avait conseillé, mais
je ne vis rien : alors elle me dit de quitter le
rosaire, le scapulaire et les autres signes de
chrétien que j'avais coutume de porter sur
moi, el d(! renoncer franchement et de toute
mon âine à la foi de Dieu , pour embrasser
le parti de Lucifer, en déclarant que je re-
connaissais sa divinité el sa puissance pour
supérieures à celles de Dieu même ; cl après
m'élre assuré que j'étais véritablement dans
ces dispositions, de répéter, pendant trois
autres nuits, ce que j'avais fait la première
fois.
J'exécutai poncluellcmenl ce que cette
1 mine venait de me prescrire; cependant
l'anije de lumière ne m'apparut pi)inl. La
vieille me recommanda de prendre de mon
sang, et de m'en servir pour écrire sur du
papier (lue j'engageais mon âme à Lucifer,
comme à son maîlie el à son souverain ; de
porter cet écrit au lieu où j'avais fait mes
invocations, el, pendant que je le tiendrais à
la main, de répéter mes anciennes paroles: je
fis tout ce qui m'avail été recommandé, mais
toujours sans résultat.
« Me rappelant alors tout ce qui venait de
se passer, je raisonnai ainsi : S'il j avait des
diables, el s'il était vrai qu'ils désirassent de
s'emparer des âmes humaines, il sérail im-
possible de leur ea ofl'iir une plus belle oc-
casion que celle-ci, puisque j'ai vérilable-
inenl désiré de leur donner la mienne. 11
n'est donc pas vrai qu'il y ait des démons ;
le sorcier el la sorcière n'ont donc fait aueun
pacte avec le «iiablc, el ils ne peuvent être
que des fourbes et des charlatans l'un et
l'autre. »
Telles étaient en substance les raisons qui
avaient fait apostasier l'artisan Jean Pérez.
11 les exposa, en confessant sincèremcal son
péché. On entreprit de lui prouver que tout
ce qui s'était pas-é ne prouvait lien contre
i'exisleiicv! des déimiis, mais fais,;it voir
seulement que le diable avait manqué de se
rendre à l'appel, Dieu le lui défendant quel-
quefois, pour récompenser le coupable de
(|uelques bonnes œuvres qu'il a pu faire
avant de tomber dans l'apostasie. 11 se sou-
mil, reçut l'absolution el fut condamné à
une année de prison, à se confesser el à
communier aux fêles do Noël, de Pâques et
de la Pentecôte, pendant le reste de ses
jours, ^0!ls la conduite d'uu prêtre qui lui
serait donné pour directeur spiriluel ; à ré-
citer une partie du rosaire el à faire tous les
jours des actes de foi, d'espérance, de cha-
rité, de contrition, elc. Tel fut son châti-
ment.
Voici maintenant l'histoire d'un antre
épouvautalilc ;uilo-d,i-fé, exlraitedu Voyage
la.l en Espagne pendaul les années 178t) el
»ts
INV
LNV
1787, par Joseph Fownsend , recteur de
Pewsey :
« Un mendiant, nommé If^nazio ïlodriguez,
fut mis en jugement au tribunal de l'inquisi-
lion pour avoir distrihué des philtres amou-
reux, dont les ingrédients étaient tels que
l'honnêteté ne permet pas de les désiqner. Kri
administrant le ridicule remède (il paraît
que le prédiranl anglais n'est pas sévère),
iipronoiiçail quelques paroles de nécroman-
cie. Il fut bien constaté que la poudre avait
élé administrée à des personnes de tout
rang. Rodrigucz fut condamné à être con-
duit dans les rues de Midiid, monté sur un
âne, et à être fouellé. On lui imposa de plus
quelques pratiquas de religion et l'esil de la
capitale pour cinq ans. La lecture de la sen-
tence futsouveni interrompue par de grands
éclats di! rire, auxquels se joignait le men-
diant lui-même. Le coupable fut, en effel,
promené par les rues, mais non fouetté; et
pendant la route, on lui offrait du vin et des
biscuits pour se rafraîchir.... »
Nous pourrions rasst mbler beaucoup de
traits pareils, qui peindraient l'inquisition
tout autrement queue la montrent des livres
infiniment trop menîeurs. Voy. Tribunal
SECRET.
INSENSIBILITE. On prétendait que le
diable rendait les sorciers insensibles à la
question on ti rture. Miis ce fait ne s'est ja-
mais VII, ou du moins avec certitude.
INTEIIDIT, censure de l'Eglise qui sus -
pend les ccciésiastiqnes de leurs fonctions,
et qui prive le peuple de l'usage des sacre-
ments, du scrvi< 6 divin et de la sépulture pu
terre sainte. L'objet de l'interdit n'était, dans
son origine, que de punir ceux qui avaient
causé quelque S( andale public, et de les ra-
mener au devoir en les obligeant à deman-
der la levée de l'interdit.
Ordinairement l'interdit arrêtait les dérè-
glements des monastères, empêchait les hé-
résies de s'étendre, mettait un frein aux ex-
cès des seigneurs lyranniques, des criminels
puissants, des perturbateurs de la paix pu-
blique. Ainsi, après le massacre des vêpres
siciliennes, le pape Martin IV mit en inter-
dit la Sicile elles Etals de Pierre d'Aragon.
Grégoire Vil, qui fil grand usage de l'inter-
dit, sauva plus d'une lois par cette mesure la
cause de l'humanité, qui sans lui périssait
de toutes parts.
L'interdit doit être prononcé dans les mê-
mes formes que l'excommunication, parécrit,
nommément, avec l'expression de la cause et
après trois monitions. La peine de ceux qui
violent l'inlerdit est de tomber dans l'excom-
munication.
INVISIBILITE. Pour être invisible, il ne
faut que mettre devant soi le contraire de la
lumière; un mur, par exemple (1).
Mais le Petit Albert et les Clavicules de
Salomon nous découvrent des secrets plus
rares et plus importants pour l'invisibilité.
On se rend invisible, par exemple, eu portant
>ous son bras droit le cœur d'une chauve-
iouris, celui d'une pouicnoirc ou celui d'une
(l) Lk (tuiiile du Gabulii.
8S6
grenouille. Ou bien, disent ces infâmes pe-
tits livres de secrets stupides, volez un chat
noir, achetez un pot neuf, un miroir, un
briquet, une pierre d'agale, du charbon cl
de l'amadou, observant d'aller prendre do
l'eau au coupde minuil àunefonlaine; après
quoi allumez votre feu, mettez le chat dans
le pot, et tenez-le couvert de la main gau-
che sans jamais bouger ni regarder derrière
vous, quelque bruit que vous enlendiez; ef
après l'avoir fait bouillir vingt-quatre heu-
res, toujours sans bouger, sans regarder
derrière vous, sans boire ni manger, mettez-
le dans un plat neuf, prenez la viande et la
jetez par-dessus l'épaule gauche, en disant
ces paroles : Accipe quod libi do et niliil am-
/j/(us; puis mettez les os l'un après l'autre
sous les dents, du côté gauche, eu vous re-
gardant dans le miroir; et si l'os que vous
tenez n'est pas le bon, je'ez-Ie successive-
ment, en di.-ant les mêmes paroles jusqu'à
ce que vous l'ayez trouvé; sitôt que vous ne
vous verrez plus dans le miroir, retirez-
vous à reculons. La possession de cet os vous
rendra invisible toutes les fois que vous le
prendrez entre les dents.
On peut encore, pour se rendre invisible,
faire celte opération que l'on commence un
mercredi, avant le soleil levé. On se munit
de sept fèves noires; puis on prend une tête
de mort ; on met une fève dans la bouche,
deux dans les narines, deux dans les yeux
et deux dans les oreilles ; on fait ensuite sur
celle tête la figure d'un triangle, puis on
l'enterre la face vers le ciel ; on l'arrose
pendant neuf jours avec d'excellente eau-iie-
vie, de bon matin , avant le soleil levé. Au
huitième jour, vous y trouverez un esprit ou
démon qui vous demandera : — Que fais-
tu là ?
Vous lui répondrez : — J'arrose ma plante.
11^ vous dira:— Donne-moi cette bouteille,
je l'arroserai moi-même.
Vous lui répondrez que vous ne le vou-
lez pas. Il vous la demandera encore ; vous
la lui refuserez jusqu'à ce qu'il t'ude la
main, où vous verrez une figure semblable à
celle que vous avez faite sur la tête ; vous
devez être assuré dès lorsque c'est l'esprit
véritable de la tête.
N'ayant plus de surprise à craindre, vous
lui donnerez votre fiole , il arrosera lui-
même, et vous vous en irez.
Le lendemain , qui est le neuvième jour,
vous y retournerez ; vous y trouverez vos
fèves mûres, vous les prendrez, vous en met-
trez une dans votre bouche, puis vous regar-
derez dans un niiroir : si vous ne vous y
voyez pas, elle sera bonne. Vous en ferez de
même de toutes les autres ; celles qui ne
vaudront rien doivent être enterrées au lieu
ouest la tête. — Pour cette expérience, ayez
toutes les choses bien préparées avec dili-
gence et avec toutes les solennités retjuiscs...
Il y a encore de malheureux niais qui
croient à ces procédés. Voy. Anneau.
INVOCATIONS. Agrippa dit (jue, pour in-
voquer le diable cl l'obliger à paraître, ou
887
DICTIONNAIIIK DES SCIiNCbS OCCULTKS.
888
fiii serl (les piirolcs mngiqaes : Dieu mies,
jc.'yuet benedo efet douvema cnileinaiisl Mais
PiiTrc Lcloyer dit (jUPCcux qui ont des rous-
seurs au »isago no. peuvent faire venir les
(louions, qiioi(|u'ils lis invoiinenl. V^oy. Evo-
cations et Conjurations.
10. Celle femme que Junun changea on
génisse esl traitée de sorcière dans les démo-
nographes. Delancre assure (1) que c'élait
une niagici une (|ui se faisait voir tantôt sous
les traits d'une femme, tantôt sous ceux d'une
vache avec ses cornes.
Il'ÈS ou AYPKKOS, prince et comte de
l'enfer; il apparaît sous la forme d'un ange,
quelquefois sous celle d'un lion, avec la Icle
et l'.'S pâlies d'une oie et une queue de liè-
vre, ce qui est un peu court; il connaît le
passé et l'avenir, donne du génie et de l'au-
dace aux hommes, el commande trente-six
légions (-2).
IRLANDE. Parmi beaucoup d'opinions
poétiques ou bizarres, les Irlandais croient
qu'ui:e personne qui doit mourir nalurelle-
nienl ou par accident, se montre la nuit à
quelqu'un, ou plutôt son image , dans un
lirap mortuaire. Celle apparition a lieu dans
les trois jours qui précèdent la mort an-
noncée.
IS Ville bretonne, gouvernée par le roi
Gralon ; loule espèce de luxe et de débau-
che régnait dans celle opulente cité. Les
plus saints personnages y prêchaient en vain
les mœurs el la réforme. La princesse Dahul,
lllle du roi, oubliant la pudeur et la modéra-
tion naturelle à son sexe, y donnait loxem-
ple de tout genre de dépravation. L'heure de
la vengeance approchait : le calme qui pré-
cède les plus horribles tempêtes, les chants,
la musique le vin, loule espèce despectacles
cl de débauchesenivraient , endormaient les
habitants endurcis de la grande vilie. Le roi
(iralun seul n'était pas insensible à la voix
du ciel ; un jour le prophète Guénolé pro-
nonça d'une voix sombre ces mots di'vant
le roi Gralon :
— Prince, le désordre est au comble, le
bras de l'Eternel se lève, la mer se gonfle, la
cité d'Is va disparaîire : partons.
Gialon moule aussitôt à cheval el s'éloigne
à toute bride; sa fille Dahut le suit en crou-
pe La main de l'Eternel s'abaisse; les
plus hautes tours de la ville sont englouties,
ii;« Ilots pressent eu grondant le coursier du
saint roi, qui ne peut .s'en dégager ; une voix
terrible se fait entendre : — Prince, si tu
veux te sauver, renvoie le diable qui le suit
en croupe.
La belle Dahnt perdit la vie, elle se noya
près du lieu qu'on nomme Poul-Dahut. La
tempéle cessa, l'air devint calme, le ciel se-
rein ; mais depuis ce moment le vasle bassin
sur lequel s'élcndail une partie de la ville
d'Is fut couvert d'eau. C'est maintenant l<i
baie de Douarnenez (3).
ISAACAHUM.l'undes adjoinisdeLevialhan
da'>^s la possession de Loudun.
tSLAND.\IS. Les Islandais sont si experts
dans l'art magique, dit un voyageur du der-
nier siècle, qu'ils font voir aux é^angers ce
qui se passe dans leurs maisons, même leurs
pères , mères, parents et amis, vivants ou
morts (i).
ISLE EN JOURDAIN (Mainfroy de l), ha-
bile devin qui découvrit par l'astrologie l'hor-
rible conduite de deux chevaliers , Philippe
cl Gauthierd'Aunoy, lesquels étaient amants,
l'un de Marguerite de Navarre , femme de
Louis le Iluliii, et l'autre de Blanche, femme
de Charles le Dél ; on prouva encore qu'ils
envoûtaient les maris de ces deux dames.
C'étaient les deux frères de Pliilip|»e-lo.
Long. Le roi Philippe en fit justice : les deux
chevaliers furent écorchés vifs et pendus, et
les deux dames périrent en prison (5).
ISPAREÏTA, idole principale des habitants
de la côte du Malabar. Antérieurement à
toute création, Isparetta se changea en un
œuf d'où sortirent le ciel et la terre et tout ce
qu'ils contiennent. On le représente avec
trois yeux et huit mains, une sonnette pendue
au cou, une demi-lutie el des serpents sur le
front.
ISUAFIL, ou ASRAFIL. Voy. Asrafil.
ITHYPHALLE, nom d'une espèce il'amu-
leltes que l'on pendait au cou des enfants et
des vcsliles; on lui attribuait de grandes
vertus. Pline dit que c'élait un préservatif
pour les empereurs mêmes, qu'il protégeait
contre les effets de l'envie.
IWAN-BASILOWITZ. Voy. Jran.
IWANGIS, sorciers des îles Moluques, qui
font aussi le métier d'empoisonneurs. On
prétend qu'ils déterrent les corps morlset s'en
nourrissent, ce qui oblige les Moluquois à
naonterla garde auprès des sépultures, jus-
qu'à ce que les cadavres soient pviurris.
J
JARAMIAU, mol puissant de la cabale élé-
mentaire, lequel, prononcé par un sage ca-
baliste, res'.ituc les membres tronqués.
JACOB. Voy. Eternoment.
JACOBINS DE BEllNE. Voy. Jetzer.
JACK. Parmi les démons inférii uis de la
(I) Tableau de l'imoiislance di'S déliions, [t. -48.
(2; VVierus, in l'srinloii.oiiarcliiadaein.
(5) M. Caiiibiy, V'oyjgc dans la l'inislère , lum, H, v:\-'.
est.
U) Nouv. vojnse vers le sijrteat., 1708. cliaii. 66
sphère du feu, nous ne saurions oublier le
follet appelé vulgairement on Angleterre
Jackwitli tbe l nlern, Jack à la lanterne, que
Millon nomme aussi le moine des marais ((>).
Selon la cli(i)nic)ue de l'abbaye de Corweg,
ce moine eu séduisit un autre, frère Séba^-
(3) Manuscrit de la Bibliollièque , cilé par Joly dans ses
Reimniues sur Baille.
(i>) Lu loiiiaiicior américaiii a fuit uu volume iur JacKi
tj laaieruc.
8S9 JAD
lien, qui, revenant (!(• pièchcr la fête de saiul
Jean, se l.li^sa conduire à travers (champs
par la fatale lanterne jusqu'au boni d'un pré-
cipice où il périt. C'était en l'année 1034- ;
nous ne saurions vérifier le fait.
Li's paysans allemands regardent cedialilc
de feu comme très-irritable ; pourtant ils ont
quelquefois la malice de lui chanter un cou-
plet qui le met en fureur. — Il n'y a pas
trente ans qu'une fille du village de Lor>ch
eut l'imprudence de chanter ce refrain, au
moment où le follet dansait sur une prairie
marécageuse : aussitôt il poursuivit la chan-
teuse ; celle-ci se mil à courir de toute la vi-
tesse de ses jambes; elle se croyait déjà sai-
vée en apercevant sa maison, mais à peine
franchissait-elle le seuil qua Jack à la lan-
terne le franchit aussi, et frappa si violem-
ment de ses ailes tous ceux qui étaient pré-
sents qu'ils en furent éblouis. Quant â la
pauvre fille, elle en perdit la vue; elle ne
ciianti plus que sur le banc de sa porte, lors-
qu'on lui assurait que le ciel était pur. Telle
est du moins la légende.
Il ne faut pns être un Irès-fort chimiste
pour deviner la nature de ce démon électri-
que ; mais on peut le classer avec les démons
du feu (\u\ dénoncent les trésors cachés par
les llammes livides (ju'ils font exhaler de la
terre, et avec ceux qui parcourent les cime-
tières par un temps d'orage. Maintes fois,
autour des sources sulfureuses où les petites
maîtresses vont chaque année réconforter
leurs poitrines délicates, le montagnard des
Pyrénées voit volligerdesgobelins de la même
famille : ils agitent leurs aigrettes bleuâtres
pendant la nuit, et font mémo entendre de lé-
gères détonations.
Le plus terrible de ces démons est celui
qui fond son essence vivante dans les li-
(jueurs fermentées, qui s'introduit sous cette
l'orme liijuide dans les veines d'un buveur,
ft y allume à la longue un incendie qui le
dévore, en fournissant aux médecins un
exemple de plus de ce qu'ils appellent scien-
tifi<)uement une combustion spontanée (1).
JACQUES I". Le roi d'Angleterre Jacques
premier , que Henri IV appelait si plaisam-
ment maître Jacques , ne se .contentait pas
de faire brûler les sorciers : il a produit en-
core, sous le litre de JJémonoloyie, un gi'os
volume pour prouver que les sorciers entre-
tiennent un commerce exécrable avec le dia-
ble. Ou trouve dans ce livre toutes les idées
de son temps, dont quelques-unes sont assez
étroites.
JADE. Pierre à laquelle les Indiens attri-
buaient, entre autres propriétés merveilleu-
ses, celles de soulager les douleurs de reins,
quand on l'y appliquait, etde faire écouler le
sable de la vessie. Ils la regardaient aussi
comme un remède souverain contre l'épi-
1,'psie, et s'étaient persuadé que , portée en
amulette, elle était un préservatif contre les
morsures des bêtes venimeuses. Ces prélen-
dues propriétés lui avaient donné la vogue à
(1) Tradilions populaires. Qimrterly Review.
li) tiros el Ariléros.
13) Hiil. des siiKCif Ci ou apparitions des esprits, liv. !v.
JVM
8Vl)
P>ii is, il y a quel(|ues années ; mais cette'
pierre prodigieuse a perdu sa réjiutatiou, et
^es grandes vertus sont mises au rang des
frbles.
JAKISES, esprits malins répandusdans l'air
chez les Japonais. On célèbre des fêtes pour
obtenir leurs bonnes grâces.
JAMAMBUKES, ou JA.MMABOS, espèce de
f uiatique japonais, du genre des fak.rs, qui
errent d.ius les campagnes et prétendent con-
verser familièremi'nt avec le diable. Quand
ils vont aux enterrements , ils enlèvent,
(lit-on, le corps sans qu'on s'en aperçoive,
et ressuseitent les morts. Après s'être meur-
tris de coups de bâton pendant trois mois, ils
entrent en nombre dins une barcjue, s'avan-
cent en pleine mer, font un trou à la barque
et se noient en l'honneur de leurs dieux.
Cette sorte de fakirs fait sa profession, à ce
qu'on assure , entre les mains du diable
même, qui se montre à eux sous une forme
terrible. Ils découvrent les objets perdus ou
dérobés ; pour cela, ils font asseoir un petit
garçon à terre, les deux pieds croisés; en-
suite ils conjurent le diable d'entrer dans le
corps du jeune homme, qui écume , tourne
les yeux, et fait des contorsions effrayantes.
Le jamambuxe, après l'avoir laissé se débat-
tre, lui recommande de s'arrêter et de dire
où est ce qu'on cherche ; le jeune homme
obéit :il prononce d'une voix enrouée le nom
du voleur, le lieu où il a mis l'objet volé, le
temps où il l'a pris, et la manière dont on
peut le faire rendre. Voy. Goo.
JAMBLIQUE, philosophe platonicien du
quatrième siècle, né en Syrie sous le règne
de Constantin le Grand. Il fut disciple d'Ana-
tole el de Porphyre. Il admettait l'existence
d'une classe de démons ou e^prits d'un ordre
inférieur, méilialeurs entre Dieu et les hom-
mes. Il s'occupait des divinations, et on a
vu, à l'article Aleclryomancie, que c'est lui
((ui prédit par cette divination l'avéncment
au trône de ïhéodose. On ignore où, quand
et comment il mourut; mais Bodin -assure
qu'il s'empoisonna lui-même pour éviter
le supplice que Valens réservait aux magi-
ciens.
Oii conte qu'étant un jour dans la ville
deGadare en Syrie, pour faire voir sa science
magique, il fit sor ir en présence du peuple
deux génies ou démons d'une fontaine; il
les nommait Amour et Contre-Amour (2);
l'Amour avait les cheveux dorés, tressés et
flottants sur les épaules ; ils paraissaient
éclatants comme les rayons du soleil; l'au-
tre était moins brillant ; ce qui attira lad-
miration de toute la populace.
Leloyer dit (3) encore que c'est Jamblique
et Maximus qui ont perdu,Julien l'Apostat. —
0.1 recherche de Jamblique le traité des
Mystères des Egyptiens, des Chaldéens et de»
Assyriens [k). Il s'y montre crédule pour
toutes les rêveries des astrologues.
JANNÈSet MAMBBÈS, sorciers égyptiens
les plus anciens que les saints livres nous
p. 511
(i) Jambiiclius, Diî mysterlis .Egyplinnpii.Chaldaeoriini,
AssjriOTum , avec d'imlres cpuscutos. In-IB, l(i07.
891 DICriO.MNAlIiE DES
fassent connaître par L-ur nom après Chain.
Ils faisaient apparaîlre des grenouilles, des
serpents; ils changaient IVau du Nil en sang,
et lâchaient il'anéantir par lenrs prestiges la
vérité des miracles que Dieu faisait par l'or-
gane de M(ris<' (1).
JAMMA LOCON, enfer indien d'où, après
un certain temps de peines et de souffran-
ces, les âmes reviennent en ce monde pour
y animer le premier corps où elles peuvent
entrer.
JARREïIÈHR. Secret de la jarretière pour
les voijageurs. V<ius cueillerez de Ihcrbe que
1 on appelle armoise, dans le temps que U>
soleil f.iil son entrée au premier signe du C;i-
pricorne; vous la laisserez un peu sécher à
l'ombre, et en ferez des jarretières avec la
peau d'un jeune lièvre, c'est-à-dire qu'ayant
coupé la peau du lièvre en courroie de la lar-
geur de deux pouces, vous en ferez un re-
doublé dans lequel vous coudrez ladite herbe,
et les porterez aux jambes. Il n'y a point de
chevalqui puissesnivn- bmglemps un homme
de pied qui est muni de ces jarretières.
Ou bien vous pn-ndrez un morceau d • cuir
de la peau d'un jeune loup, dont vous ferez
deux jarretières, sur lesquelles vous écrirez
avec votre sang les paroles suivantes : Abii-
malilli cados; vou,< serez étunné de la vitesse
avec laquelle vous cheminerez, et int muni
de ces jarretières à vosjnmbes. De peur que
les caractères écrits ne s'eflacent, il sera bon
de doubler la jarretière d'un padoue de fil
blanc du côté de l'écriiur •.
« Il y a encore une manière de faire la
larretièrc, que j'ai lue d.ins un vieux ma-
nuscrit en lettres gothiques. En voici la re-
celte. Vous aurez les ch'veux d'un larron
lendu, desquels vous ferez des tresses dont
vous formerez des jarretières que vous cou-
drez entre deux to les de telle couleur qu'il
vous plaira ; vous les attacherez aux jambes
de derrière d'un jeune poulain ; puis vous
laisserez échapper le poulain, le ferez courir
à perle d'haleine, et vous vous servirez avec
plaisir de ces jarretières » (2).
On prétendait autrefois que les magiciens
pouvaient donner une jarretière enchantée,
avec laquelle on faisait beaucoup de chemin
en peu de temps. C'est là peut-être l'origine
des botles de sept lieues.
JAUNISSE. Les rois de Hongrie croyaient
avoir le privilège de guérir la jaunisse par
I attouchement (3).
JAYET d'ISLANDE. Les anciens Islandais
attribuaient des vertus surnaturelles à ce
jayet, qu'ils regardaient comme un ambre
noir. Sa principale qualité était de préserver
de tout sortilège celui qui en portait sur soi.
En second lieu, ils le croyaient un anlidole
«jonire le poison. Sa troisième propriété était
de chasier les espiiis et les fantômes, lors-
qu on en brûlait dans une maison ; la qua-
trième,de préserverde maladies épidémiques
les appartements qui en étaient parfumés.
II '*^ ^''^'IIV' "'*^- ''''* '^PPC'rus ou apparil. des esprit!,
Uj iciruts Un l'clil AIUciI, p. 90.
sci(:nci;s oocl'ltes.
«!<]
La plupart de ces idées superstitieuses sub-
sisti'iU encore.
JEAN (EVANGIIF DE saint). Voy. «IBLIO-
MANCIK.
JEAN, magicien sectateur d'Apollonius
de Tyane. Il c ourait de ville en ville, faisant
le métier de charlatan, et portait une chaîne
de fer au cou. Après avoir séjourné quelque
temps à Lyon, il acquit une si grande célé-
brité par ses cures merveilleuses, que le sou-
verain du pays l'admit en sa présence. Jean
donna à ce prince une superbe épée enchaii-
lée; elle s'entourait m€rveilleusement, dans
le combat, de cent quatre-vingts couteaux
lires. Il lui donna aussi un bouclier porlaitt
un miroir, qu'il disait avoir la vertu de d -
vulguer les plus grands secrets. Ces arme,
disparurent un jour ou furent volées; sur
quoi Delancre conclut (i) que si les rois d.-
France dressaient, coinnve les ducs d'Italie,
des arsenaux de vieilleries (ce qu'ils font à
présent) , on y trouverait de ces armes en-
chantées et fabriquées par quelque magicien
ou sorcier.
JEAN, patriarche schismatiqne de Con-
slaiitinople. Zonaras conte que l'empereur
grec Théophile, se voyant obligé de mettre à
la raison une province révoltée sous la con-
duite de trois capitaines, consulta le patriar-
che Jean, habile enchanteur. Celui-ci fil faire
trois gros mjirleaux d'airain, les mit entre
les inains de trois hommes robustes, et con-
iluisit ces hommes an milieu du cirque, de-
vant une statue de bronze à trois (êtes. Ils
abattirent deux de ces télés avec leurs mar-
teaux, et firent pencher le cou à la troisième
sans l'abattre. Peu après, une bataille se
donna entre Théophile et les rebelles : deux
des capitaines furent tués, le troisième fut
blessé et mis hors de combat, et tout rentra
dans l'ordre.
JEAN XXII, pape, mort en 133'», après un
pontifical de dix-huit ans. On lui allribue
les Taxes de la chambre apostolique, tradu -
tes en français sous le litre de Taxes des
parties casuelles de la boutique du pape. Ce
texle, presque partout, est une supposition
d'un protestant faussaire. On donne encore
à Jean XXII VElixir des philosophes ou Art
tranimulatoire des métaux, livre qu'il n'a
pas fait. Ce livre a été traduit du latin en
Irançais ; in-12, Lyon, 1557.
On dit enfin que Jean XXII ou Jean XXI
s'occupait d'astrologie et s'amusait à suppu-
ter les changements de temps. On a fait là-
dessus de petits contes assez dépourvus de
sel.
JEAN ou IWAN BASILOWITZ, grand-dnc
dcMoscovie, au quatorzième siècle, tyran
cruel. A l'article de la mort, il tomba, dit-on,
dans des pâmoisons terribles, et son âme
fil de pénibles voyages. Dans le premier, il
fut tourmenté en un lieu obscur, pour avoir
tenu au cachot des prisonniers innocents ;
dans la seconde excursion, il fut encore plus
tourmenté pour avoir accablé le peuple
(ô)S.i)jTues, Dcsrrrenrs el des préjugés, t. I, p. 272
(l) tableau de riatoiiblaucc dus cléiiious, clc, lu v.
p. 345.
f^n
JK.\
JF.A
804
ci"impô(s; et son successeur Tliéodorc «nt
soin de l'en décharger en partit'. Iwiin inou-
riil à son troisième voyage; son corps jeta
nne puanteur si infecte qu'on ne pouvait
l'approcher; ce qui fit penser que son âme
avait été emportée par le diable; d'autant
plus ()ue son cadavre avait disparu, <]uand
vint le jour fixé pour l'enlerremcnt (1).
JEAN-BAPTISTE. I! y a des paysans qui
noient, on ne sait sur quelle autorité, que
saint Jean-Biptistecstné dans un chameau...
JEAN dARllAS, écrivain français du qua-
torzième siècle, qui compila ie roman de
jyjélusine. Voy. ce mot.
JEAN d'ESTAMPES. D'anciennes chroni-
ques rapportent que Jean d'Estampes, l'un
des gardes de Cliarlcmagne, mourut en 11.'Ï9,
après avoir vécu 3'ltj ans; mais d'autres di-
sei>t quiil ne >écut que 250 ans : malheureu-
sement son secret de lofigévité n'est connu
de personne (2).
JEAN DE MEUNG, astrologuequicomposa
le roman de la Rose, où il monire bien son
savoir, quoiqu'il ne fût âgé que de dix-neuf
ans lorsqu'il le fit. li est aus^i l'auteur d'un
livre intitulé : Traité sur la direclion des na-
tivités et révolutions des ans; il traduisit le
livre des Merveilles d jrlnnde.
On prétend que c'est lui qui a prédit les
hauts laits d'armes du connétable de France
Bertrand du Guesclin (3).
JEAN DE MILAN, astrologue du quinzième
siècle, qui prédit à Vélasquez, gouverneur
d'Hispaniola ou Saint-Domingue, rheureuse
issue de la guirre du Pérou, entreprise par
Fernand Gortcz.
JEAN DE SICILE, habile astrologue et
théologien qui prédit le couronnement de
l'empereur Sigisinoiid. C'est encore lui qui
annonça à Boucicaull ce (jui lui devait ad-
venir, el qui l'avertit de la trahison (|iie fi-
rent aux Français le marquis de Monlferral
et le comte Francisque, trahison qu'il évita
en fuyant ('i).
JEANNE liARC, dite la Pmelle d'Orléans,
née en Champagne, à Douirémi près de Vau-
couleurs sur la lisière de la Lorraine , en
IVIO. Jamais la France ne fui acablée do
calamités aussi grand<'s que durant le demi-
siècle qui précéda l'année mémorable où l'on
vit le courage abattu de ses guerriers piès
de subir coinplélement le joug de l'éiran-
ger, se ranimer à l-a voix d'une jeune fille
lie dix-huit ans.
Charles VII était sur le point de céder Chi
noH, sa dernière plac , à l'ennemi, lors(|ue
Jeanne d'Arc parut vers la fin île février IVi i.
Ce n'était qu'une simple paysanne. Son père
>e nomuiall Jacques d'Arc ; sa mère, Isabelle
Komée. Dès sa plus tendre enfance el.e avait
montré une timidité sans exemple el fuyait
b^ plaisir pour se livrer tout entière à Dieu;
mais en même temps elle s'exerçait, dit-on,
à manier les chevaux, et l'on remarquait
liéjà en elle l'ardeur m.irtialc qui devait si-
(l)Lelojer, Uisl. des spectres el clts apparilioiis des
f.sp'ils, liv. IV, p. 301.
(2) l..-all, Cal.iul. vérilab., p. liO.
(jj .Maiiuscril de ia Bits!Jot!jcqtic ilii roi . cilé dans k's
gnaler la libératrice des Français. A l'âge de
seize ans, le cœur de Jeanne s'exalta. Vers
l'heure de midi, elle vit un jour (était-ce eu
imagination ou en réalité?) dans le jardin Ak'
son père, l'archinge Mi( bel, l'ange Gabriel,
sainte Catherine et sainte Marguerite , re-
splendissants de lumière. Ces saints, depuis,
la guidèrent dans ses actions. Les voix (car
elle s'exprimait ainsi) lui ordonnèrent d'aller
en aide au roi de France, el de faire lever
le siège d'Otiéaiis. Malgré les avis contrai-
res," elle obéit aux voix et se renilil d'aboid
à Vaucouleurs. Jean de Meiz, frappé de ce
qu'elle lui dit, se chargea de la présenter
au roi.
Ils arrivèrent tous deux, le 2i février 1429,
à Chinon, où Charles tenait sa petite cour.
Jeanne s'agenouilla devant lui.
— Je ne suis pas le roi, lui dit-Il pour
l'éprouver; le voici, ajouta-l-il en lui mon-
trant un des seigneurs de sa suite.
— Gentil prince, répliqua la jeune vierge,
c'est vous et non un autre. Je suis envoyée,
de la part de Dieu , pour prêter secours à
vous et à votre royaumt;; el vous mande le
Koi lies cieux par moi que vous serez sauvé,
<'t couronné en la ville de Reims, et serez
lieutenant du Roi des cieux, qui est le vrai
roi de France.
Charies surpris lira Jeanne à l'écart; et.
après un court entretien, il déclara qu'elle
lui avait dit des choses si secrètes, que nul
ne pouvait les savoir que Dieu el lui : ce qui
attira sur-le-champ à la mjstérieuse jeune
fille la confiance de la cour. Cependant un
doute restait à éclaircir, c'était de savoir si
elle était pure: ce (jui fut reconnu; si elle
était inspirée du ciel ou de l'enfer : ce qui
sembla devoir être interprété en faveur du
ciel.
Après plusieurs consultations , on lui
donna des chevaux el des hommes; on l'arma
d'une épée que, sur sa révélation, on trouva
enterrée d^ins lEglise de Sainte-Calherine
de Fierbois. Elle se rendit aussitôt sous les
murs d'Orléans, et combattit dès le premier
jour avec un courage qui éclipsa celui des
plus grands capitaines. Elle chassa les An-
glais d'Orléans, fil ensuite , selon l'ordre
qu'elle avait reçu, sacrer son roi à Reims,
lui rendit Troyês, Châlons, Auxerre, et la
plus grande partie de son royaume. Après
quoi, elle voulut se n tirer, disant foruielle-
menl que sa mission était accomplie.
Mais elle avait donné trop de preuves desa
vaillance, et l'armée avait trop de confiance
eu elle, pour qu'on voulût sitôt lui accorder
sa liberté. Ce fut la cause de ses malheurs :
elle les prévit, les annonça en pleurant ;el
bientôt, s'élanl jetée dans Compiègne pour
délendre celle place contre le duc de Bourgo-
gne, elle fut prise par un genlilhommc pi-
canl qui la vendit à Jean de Luxembourg,
lequel ta revenditaux Anglais.
Pour .>e venger de ce qu'elle les avait trop
lieiiuiii[>tes sur Buyte.
(i) Mjiiusonl (le la BililiolUèque du roi; ou-ail du livre
(le Juiy.
893 DICTlONNAtKi: DES
sauvent vaincus, ceux-ci l'accusèrenl d'avoir
employé les sorlilégt'S et la magie à ses triom-
phes. On la trailuisil devant un tribunal cor-
rompu, qui la déclara fanatique et sorcière.
C<î procès serait ridicule s'il n'était atroce.
Ce qu'il y a de plus horrible, c'est que Tin-
terai monarque qui lui devait sa couronne
l'abandonna; il crut n'avoir plus besoin
d'elle.
Le procès se poursuivit avec activité; à la
treizième séance, on voulut lui faire com-
prendre la différence qui existait entre l'é-
plise triomphante et l'église militante. On lui
demanda ce qu'elle en pensait. — Je me sou-
mets au jugement du Sainl-Siége, répondit-
elle.
On lui demanaa si, dès son enfance, les
saints qui lui apparaissaient parlaient an-
glais ou français? s'ils avaient des boucles
d'oreilles? des bagues? etc. — Vous m'en
avez pris une, dit-elle pour toute réponse,
rendez-la moi.
— Les saints sont-ils nus ou habillés?
— Pensez vous que Dieu n'ait pas de quoi
les vêtir?
Comme on insistait sur la chevelure de
saint Miche!, elle dit : — Pourquoi la lui au-
rait-on coupée?
— Avez-vous vu des fées?
— Je n'en ai point vu, j'en ai entendu par-
ler; mais je n'y ajoute aucune f li.
— Avez-vous une mandragore? qu'en avez
vous fait?
— Je n'en ai point eu; je ne sais ce que
c'est. On dit que c'est unecliose dangereuse
et criminelle.
Quelquefois plusieurs juges l'interro-
geaient à la fois. — Beaux pères, disait-elle,
l'un après l'autre, s'ii vous plaît.
Durant l'inslruclion, Ligny-Luxembourg
vint la voir, accompagné de Warwick et de
StralTort : — Je sais bien, leur dit-elle, que
ces Anglais me feront mourir, croyant qu'a-
près ma moit ils gagneront le royaume de
France. Mais, seraient-ils cent mille, avec
ce qu'ils sont à présent, ils n'auront pas ce
royaume.
Fatiguée de mauvais traitements , elle
l-)inba dangireusement malade. Bedfort ,
Wincester, Warwick chargèrent deux méde-
cins d'en avoir soin, et leur enjoignirent de
prendre bien garde qu'elle ne mourût de sa
mort naturelle, le roi d'Angleterre l'avait
trop cher achetée pour être privé de la joie
de la faire brûler.
Le 2k mai, on la conduisit à la place du
cimetière de l'abbaye de Rouen. Guillaume
Erard déclama contre le roi de France et
contre les Français; puis, s'adressant à la
Pucelle : — C'est à toi, Jeanne, que je parle,
f t te dis que ton roi est hérétique et schisma-
ti(|ue.
L'exécuteur attendait la victime à l'exlré-
inilé de la place, avec une charrette, pour la
conduire au bûcher. Mais tout cet effrayant
appareil n'avait pour but que de lui arra-
cher des aveux. On lui lut une formule par
lai)uclle elle promettait de ne jamais monter
à cheval, de laisser croître ses cheveux, de
SCIENCKS OCCULTES,
80ti
ne plus porter les armes à l'avenir. II fallait
mourir ou signer cet écrit. Elle signa. Mais
on avait substitué une cédule, par laquelle
elle se reconnaissaii dissolue, hérétique, sé-
ditieuse, invocatrice des démons et sorcière.
Cette supercherie servit de base au jugement.
Elle fut condamnée à passer le reste de ses
jours dans une prison perpétuelle, au pain
de douleur et à l'eau d'angoisse.
Les juges, après l'arrêl, furent poursuivis
à coups de pierres par le peuple qui aimait
Jeanne; en même temps, les Anglais vou-
laient les exterminer, l(!s accusant de n'avoir
reçu l'argent du roi d'Angleterre que pour le
tromper.
— Ne vous embarrassez pas, dit l'un d'eux ;
nous la rattraperons bien.
Jeanne avait promis de ne plus porter
d'habits d'homme ; elle avait repris ceux de
son sexe. La nuit, les gardes de sa prison
enlevèrent ses vêtements, et y substituèrent
des habits d'homme. Lorsque le jour vint ,
elle demanda qu'on la déferrât , c'est-à-dire
qu'on relâchât la chaîne qui l'attachait par
le milieu du corps. Puis, voyant des habits
d'homme, elle supplia qu'on lui rendit ses
vêlements du jour préeéilent : on les lui re-
fusa ; elle resta couchée jusqu'à midi. Alors
elle fut forcée de s'habiller avec les seuls vê-
tements qu'elle eût à sa disposition. Des té-
moins aposlés entrèrent pour constater sa
désobéissance; les juges accoururent. Incon-
tinent elle fut condamnée comme relapse, hé-
rétique, sordère, exconnnuniée, rejitée du
sein de l'Eglise.
On lui lut sa sentence de mort , qu'elle en-
tendit avec constance. Elle demanda qu'il lui
fût permis de s'approcher de l'eueha'istie ;
ce qui lui fut accordé. Massieu, curé de Saini-
Claude de Ilouen , qui avait la charge de la
conduire devant ses juges, lui permettait de
faire sa prière devant la chapelle. Celle in-
dulgence lui attira de sanglants reprorhes.
Jeanne alla au supplice le 3;) mai, sous
l'escorte de cent vingt hommes On l'avait
revêtue d'un habit de femme; sa tête était
chargée d'une mitre en carton, sur laquelle
étaient écrits ces mots : Hérétique , relapse,
apostate, idolâtre. Deux pères dominicains
la soutenaient ; elle s'écriait sur la route :
Ahl Rouen , Rouen , seras-tu ma dernière
demeure?
On avait élevé deux échafauds sur la place
du Vieux-Marché. Les juges attendaient leur
victime chargée de fers. Son visage était
baigné de pleurs : on la fit monter sur le bû-
cher, qui était fort élevé, pour que le peuple
entier pût la voir.
Lorsqu'elle sentit que la flamme appro-
chait, elle avertit les deux religieux de se
retirer. Tant qu'elle conserva un reste de
vie , au milieu des gémissements que lui ar-
r.ichait la douleur, on l'entendit prononcer
le nom de Jésus, en baisant une croix de bois
qu'elle tenait de ses mains enc haînées. Un
dernier soupir, loiigueiju;nt prolongé, avertit
qu'elle \enait dexpirer.
Alors le cardinal de Wincester Ht rassem-
bler SCS ccudrcs, cl ordonna quelles lussent
«)7
iER
jetées dans la Soine. Son cœur, dil-on , fut'
respecté par les flammes : on le trouva sain
et entier
En face du bûcher, se trouvait un tableau
portant une inscriplion qui qualifiait Jeanne
de mcuideresse , invocatrice dos démons,
apostate et mal créante de la foi de Jésus-
ChrisUl).
Louis XI fil réhabiliter la mémoire de
Jeanne d'Arc. Doux do ses juges furent brû-
lés vifs, deux autres exhumés, pour expier
aussi dans los fiamnies leur jugement inique.
Mais le procès de la l'unoUe n'en sera pas
moins à jamais un sujet d'opprobre pour les
Anglais et aussi pour ie roi Charles VII.
JEANNE DIBISSON, sorcière, arrêtée à
l'âge de vingl-neuf ans. On lavait vue plu-
sieurs fois danser au sabbat; elle disait que
ceux qui y vont trouvent le temps si court ,
qu'ils n'en peuvent sortir sans regret. Il ue
paraît pas qu'elle ait été brûlée (2).
JEANNE DU HARD , sorcière , saisie à
l'âge de cinquante-six ans. On la trouve im-
pliquée dans l'aff.iire de Marie Chorropique,
pour lui avoir touché le bras, lequel devint
comme mort. Nous ne dirons pas si elle fut
brûlée (3).
JEANNE (mère). Une vieille fille véni-
tienne, connue sous le nom de mère Jeanne,
infatua tellement Gnilhiunie Poslel de ses rê-
veries, qu'il soutint, dans un livre écrit à
son sujet, que la rédemption des femmes
n'avait pas encore été achevée, et que celle
V^énitienne devait accomplir le grand ou-
vrage. C'était la mère (]ue cherchent aujour-
d'hui les saints-simonioiis.
JEANNE SOUTHCOTE. Voy. Socthcote.
JÉCHIEL, rabbin et cubalisto. Voy. Lampe
MERVEILLEUSE.
JEHOVAH. Ce nom auguste est employé
souvent chez les cabalisles juif>i. Oii le trouve
dans les odieuses et absurdes conjurations
de la magie noire.
JENNES , célèbre enchanteur de l'E-
gypte, un de ceux que Moïse confondit par
ses miracles (4).
JENOUNES. Quelques Arabes nomment
ainsi une sorte de génies intermédiaires en-
tre les anges et les diables : ils fré(]uenien(
les bosquets et les fontaines, cachés sous la
forme de divers reptiles, exposés à être fou-
lés sous les pieds des passants. La plupart
des maladies sont le résultat de leurs ven-
geances. Lorsqu'un Arabe est indisposé, il
s'imagine avoir outragé un de ces agents in-
visibles ; il a aussitôt recours à une magi-
cienne qui se rend à queli]ue source voisine,
y brûle de l'encens, et sacrifio un coq ou une
poule, un bélier ou une brebis, suivant le
sexe, la qualité du malade, ou la nature de
la maladie.
JEROME (saint). On a eu le front de
lui attribuer des livres de nécromancie, et
particulièrement VArl notoire. Voy. ce mot.
(1) Voyez dans les légeuJcs Je t'iiisloire de France les
loces d'Àrton.
(i) Delaiicre, Tableau de l'i:iconstaiice des démons, etc.,
liv. Il, p. 127.
Çt) Dclancre, Tableau deliiicoiistauce des démons, etc.,
JET . 808
JÉRUSALEM. Avant la destruction de
Jérusalem par Titus, fils de Vespasien, on
distingua , dit-on , une éclipse de lune qui
se répéta douze nuiis de suite. Un soir ,
vers le coucher du soleil, on aperçul dans
l'air dos chariots de guerre, des cavaliers,
des cohortes do gens armés, qui, mêlés aux
nuages, couvraient toute la ville et l'envi-
ronnaient de leurs bataillons. Pondant lo
siège, et peu de jours avant la ruine de la
ville, on vit lout à coup paraître un hoinnie
absolument inconnu, qui se mit à parcourir
les rues et les places publiques, crianl sans
cosse : « Malheur à loi, Jérusalem ! » On le
fit battre de verges ; on le déchira de coup-i,
pour lui faire dire d'oîi il sortait ; mais sans
pousser une seule plainte, sans répondre un
seul mot, s ins donner le moindre témoi-
gnage de souffrance, il criait toujours et sans
relâch' : « Malheur à loi, Jérusalem 1 » En-
fin, un jour qu'il se trouvait sur le remp.irt,
il s'écria • « Malheur à moi-même 1 » et un
instant après, il fut écrasé par une pierre que
lançaient les assiégeants (5).
JÉSABEL, reine des Israélites, qui fut
mangée par des chiens après avoir été préci-
I-iiée du haut d'une four, et aue Bodinraet
an nombre des sorcières.
JETZER. Celle affiire des jacobins de
Berne a fait un grand bruit; et les ennemis
de la religion l'ont travestie avec une insi-
gne mauvaise foi. Voici toute l'histoire :
Les dominicains ou jacobins ne s'accor-
ilaient pas entièrement avec los cordeliers
sur le fait auguste de l'immaculée concep-
tion de la Irès-sainle Vierge. Les domini-
cains ne l'adiiietLiienl pas alisolumenl. Or ,
au commencement du seizième siècle, il y
avait, au couvent des dominicains de Berne,
alors fort relâché, quatre mauvais moines ,
qui imaginèrent une affreuse jonglerie, pour
faire croire que la sainte Vierge se pronon-
çait contre les cordeliers, qui défendaient
une de ses plus belles prérogatives. Ils
avaient parmi eux un jeune moine, simple
et crédule, nommé Jelzer; ils lui firent ap-
paraître pendant la nuit des âu)os du purga-
toire, et lui persuadèrent qu'il les délivrerait
en restant couché en croix dans une cha-
pelle, pondant le letiips qu'on célébrerait la
sainte messe. On lui fil voir ensuite sainte
Barbe, à laquelle il avait beaucoup de dévo-
tion, et qui lui annonça qu'il était destiné à
de grandes choses. Par une nouvelle impos-
ture sacrilège, le sous-prieur, qui était un
des quatre moines criminels, fil le personnage
de la sainte Vierge, s'approch.i la nuit de
Joizor et lui donna trois goutlos de sang ,
disant que c'étaient trois liirinos que Jésus-
Chrisl avaient rép;induos sur Jérusalem. Ces
trois larmes signifiaient que la sainte Vierge
était restée trois heures dans le péché origi-
nel.... Celte explication était rehaussée di;
diatribes conlre les cordeliers. Jetzer , qui
hv. Il, p. 107.
(4) Sidiit Paul. II Tim. cliap. 5 , v. 8.
(5) Voyez .losèphe , Hisl. de la (guerre de Judée, llos-
suol, Discours sur l'.hisl. uiiiveisclle,2* pari., chap. 8.
im
DICTIUNNAIIIE DES SCIKNCES OCCULTES.
OÛC
était (1« bonne foi et qui avnil l'âme droite ,
s'iiiquiélail de la passion qui perçait dans
cette affairt' , et «e troublait surtout de rccon-
nallre la voix du sous-prit-ur dans la voix de
la sainte Vii'ige. Pour le raffermir, on l'cn-
dornii' avec un breuvage et on voulut le
stigmatiser; puis, comme il ne répondait
pas à l'espoir qu'on avait mis en lui, ou
chercha, dit-on, à l'empoisonnor, et on l'en-
ferma ; mais il trouva moyen de s'échapper;"
il s'enluit à Rome, où il révéla toute l'intri-
gue. Le Saint-Siège fil poursuivre les moines
scélérats et les fit livrer au bras séiuiir.
Les quatre dominicains coupables turent
brûlés le 31 mars loOi), à la porte <le B rue.
Mais le malhenrde ces grandes prof ination-',
c'est que les ennemis de l'Eglise oublient la
réparation ou la taisent, et n'en gardent que
le scandale.
JEUDI. Les sorciers font ce jour-là un
de leurs plus abominables sabbats, s'il faut
eu croire les démonomanvs.
JEU. Prenez une anguille morte par
faute d'eau ; prenez le Qel d'un taureau qui
aura été tué par la fureur des chiens ; met-
tez-le dans la peau de cette anguille, joignez-
y un drachme de sang de vautour ; liez la
peau d'anguille par les deux bouts avec de
la corde de pendu, et cachez cela dans du
fumier chaud l'espace de quinze jours ; puis
vous le ferez sécher dans un four chauffé
avec de la fougère cueillie la veille de la
Saint-Jean; puis vous en ferez un bracelet ,
sur lequel vous écrirez avec une plume de
corbeau ei de votre propre sang ces quatre
lettres HV'l'V, et, portant ce bracelet autour
de votre bras, vous ferez fortune dans tous
les jeux (1). Voy. Roitelet.
JOAGHLM, abbé de Flore, en Galahrc,
passa pour prophète pendant sa vie, et laissa
des livres de prédictions qui ont été condam-
nés en 1215, par le concile de Latran. O i lui
attribue aussi l'ouvrage intitulé : l'Epnngile
éternel.
JOB. Des alchimistes disint que Job, après
son alUiction, connut le secret de la pierre
philosophale, et devint si puissant, qu'il
pleuvait chez lui du sel d'or : idée analogu,;
à celle des Arabes, ([ui tiennent que la neigi^
et les pluies qui tombaient chez lui étaient
précieuses.
Isidore place dans l'idumée la fontaine de
Job, claire trois mois de l'année, trouble trois
mois, verte trois mois, et rouge trois autn s
mois. C'est peut-être celte fontaine que, se-
lon les musulmans, l'ange Gabriel flt sortir
en frappant du pied, el dont il lava Job et le
guérit.
JOCABA. Voy. Cincinnatclus.
JOHNSON (Samuel). Johnson, incrédu'e
pour tout ce qui n'éiait qu'extraordinaire,
adoptait avec plus de conliance tout ce qui
sentait le miracle, traitant de fable, par
exemple, un phénomène de la nature, et
écoulant volontiers le récit d'un songe; dou-
tant du tremblement de terre de Lisbonne
(l) AJmiralJes socrcis du Pt-lit All)ert, p. 23.
{i) i. Macauijj, Suiiiucl JuU:u>aii el !>es coiiluin|ui-
pendant six mois, el allant à U chasse du re-
venant do Cock-Lane; rejetant les généalo-
gies et les poèmes cellinues, et se (lé> laranl
prêt à ajouter foi à la seconde vue des mon-
tagnards d'Ecosse. En religion, plusieurs de
SiS opinions étaient plus (jue libérales, et eu
même temps il vivait sous la tyrannie de
certaines pratiques superstitieuses (2j. Voy.
Hallucination.
JOLI BOIS. Voy. Verdelet
JONGLEURS. « Eaisint route de Bombay a
Pounah (en 183?t). dit M. Tliéodore Pavie (3 ,
je m'arrêtai à Karli, (loiir visiter le temple
souterrain creusé dans li colline qui fait
face au village; et, pendant la chaleur du
jour, je me reposais sous l'ombrage des co-
cotiers, si beaux en ce lien, quand je vis s'a-
vancer, au bruit d'i islruments discordants,
i;ne bande d'Hindous. L'un d'eux len;iit dans
chique main une cobra-rapelln, la plus ter-
rible espèce de serpents dont l'Inde puisse se
vanter, el eu outre il portait en sautoir un
énorme boa.
« Arrivé près de moi, lejonjetir jeta ses
serpents à terre, les fil courir, irrita les co-
bras, qui déroulaient leurs anneaux d'une
manière effrayante, embrassa son boa ; puis
il se prit à les faire danser tous les trois au
son d'un flageolei singulier, qui se touchait
comme une vielle, bien qu'il fût formé d'une
calebasse. Pe.id.ml ce temps, ses acolytes
avaient disposé tout leur éialdissement sur
la poussière; le tambourin rassemblait les
enfants du village, el bientôt se forma un
cercle considérable de spectaieurs de dix ans
et au-dessous : les plus petits nus, les autres
portant une ceinture, et tous accroupis, dans
l'atlenlc des grandes choses qui se prépa-
raient.
« Ce jongleur avait toute la volubilité
d'expressions d'un saltimbaiiifue européen.
11 s'exprimait très-clairement, fn bon hin-
douslani, bien qu'il se trouvât en pays mah-
ralle; mais le public semblait n'y rien per-
dre, tant ses gestes el ses gambades étaient
inintelligibles.
« D'abord il posa par terre une marion-
nette, soldai portant le sabre et l'arc. A l'en-
tendre, c'était un sipald, un grand chasseur,
un tueur de lions, de tigres, de gazelles...
Bientôt, à son commandement, la marion-
nelle lança une flèche el renversa le bul dis-
posé devant elle, non pas une fois, mais à
plusieurs reprises, à la satisfaction évidente
de la jeune assemblée.
« Ge n'était là qu'un préambule, les baga-
telles de la porte! Le jongleur prit une poi-
gnée de blé noir [djouari], la mil dans un
manteau; puis, quand on cul bien secoué le
manteau, bien vanné le grain, il se Irou a
changé en un beau riz blanc, pur, prêt s
faire un kirry.
« Je n'y avais rien compris, et je commen-
çais à rentrer dans mes habitudes d(' crédii-
lité , lorsque l'escaïuoleur ambulant étala
une seconde marionnette, longue de six pou-
(5) Los liarvis el les jongleurs, écrit daté de Puunali ,
chez les Maliraiies , le ■iô itécenibre 1839 , publié i>;ii là
Hivue (les (teux-niui'Uet
9>)\
J'iN
JON
res au pius cl de la grosseur du pi.igiiel.
Cette informe poupée épouv.int.i gvnndomeni
la partie la plus n.iive du public; mais quelle
ne fut pas la surprise générale, quand de ce
morceau de bois, cadié sous un mouclioir.
sorlirenl successivement jusqu'à quatre gros
pigeonsl Ils devaient y être contenus d'a-
vance, à moins de sortilège... Quant à moi,
j'aurais eu peine à y introduire ([uatrc moi-
neaux.
« Noire jongleur accompagniil ses tours
de montras (prières magiques), et traçait des
cercles avic sa baguette. Mais il avail sur
SCS confrères d'Euroiic un avantage, ou plu-
tôt une supériorile bien marquée; car il opé-
rait sur le sol, sans lable ni gobelets, et com-
plètement nu, sauf le turban et la ceinture,
<iue les Hin<lous ne ((uittent jamais : donc,
pas de manches, pas de gi4)rcière. Son cabi-
net consislait en quelques mauvais paniers
de bamb<tu, destinés à porter les .'•erpenis,
qu'il escamolait aussi et faisait paraître il
disparaître avec une telle adresse, (jue le
plus fin n'y < ût rien compris. Ainsi, d'un
mouchoir déroulé, secoué et mis au vent
comme un pavillon, je le vis faire sortir une
de ses cobras, laissée dans un panier près de
moi, à une très-grande distance du lieu où ii
se trouvait; en sorte que, voyant 1é; nid de
l'animal entièrement vide, je soupçonnai
qu'il s'était frayé un chemin sous lerrê.
« Ce qui donnait à celte représentation un
caractère pittoresque et animé, c'étaient les
physionomies enfantines de ces petits grou-
pes si franchement effrayés et si francliemenl
réjouis; puis ici une jeune fille, revenalit de
puiser de l'eau au pied de la pagode, s'arrê-
tait, la cruche sur la têle, et, après avoir
prélé un instant d'allention au spectacle, re-
prenait sa roule vers le village; là un vieux
Mabratte, le bouclier sur l'épaule, la lance
au poing, se levait sur létrier, et bientôt re-
tombait dédaigneusement sur sa selle; plus
loin, de jeunes enfants attardés accouraient
si vite, que quelques-uns lombaieut en che-
min. L'aîné plaçait le plus jeutii; sur sa han-
che, à la manière des Hindous, et, pliant
sous le faix, traînait par la main le reste de
la famille.
« C'était une scène de nature, sans m i-
nière ni affectation; et en vérité je ne sais
rien de si gracieux (jue ces figures plus ou
moins brunes penchées en avant, ces têtes
étranges chargées de pendants d'oreilles et
d'anneaux passés dans le nez, appuyées sur
deux petites mains couvertes de bracelets,
ces genoux plies sous le menton et ces pieds
ornés de (jougouroux sonores ; car lel est le
vêtement des habitants de l'Inde, jusqu'à ce
que l'âge leur apprenne à purter quelque
chose de plus que des ornemenis.
« Cependant les tours de magie conti-
nuaient sans interruption. Le jongleur tenait
à la main une cruche aussi impossible à vi-
der que le tonneau des Uanaïdes l'était à
remplir : il versait l'eau à terre, la jet.iit
dans son oreille et la rendait par la bouche,
s'administrait des douches sur la lète, et tou-
jours le vase était plein jusqu'au bord.
909
« Ensuite il tira de son sac une paire do
panloufles de bois plus larges que la plinte
de ses pieds. Après bien des discours et des
charges, ii finil par faire adhérer à ses ta-
lons nus ers semelles Irès-polies, et fit pins
de gambades avec de telles ehau^sures que
n'en pourraient faire à l'Opéra de jolis petits
pieds chaussés d'élégants escarpins. Tantôt ii
s'élevait en l'air; tu;.tôt il frappait la pan-
loafle sur la terre, de manière à la faire tom-
ber, mais jamais elle ne glissait. Ce fut en-
core là une chose inexplicable pour moi ; car
il n'avait appliqué à ses pieds aucune sub-
stance collante, et il pouvait à volonté lâcher
ces pantoufles unies comme la glace.
« Enfin la séance se termina par une ex-
périence plus surprenante encore, que, par
cette raison sans doute, notre magicien gar-
dait pour la dernière. L'un des joueurs de
tambourins, grand garçon d'une belle taille,
se laissa attacher les 'pieds, lier les mains
derrière le cou, et enfermer dans un filet à
poissons bien serré par une douzaine de
nœuds. Dans cet état, après l'avoir promené
autour du cercle des spectateurs, on le con-
duisit près d'un panier de deux pieds de haut
sur quatorze ponces de large.
« — Voulez-vous que je le jette dans l'é-
tang? demanda le chef de bande. C'est un
vaurien; le voilà bien lié; l'occasion est
bonne : j'ai envie de m'en défaire 1
« Et l'auditoire crédule se tournait déjà du
côté de cette pièce d'eau, ombragée d'arbres
magnifiques et creusée au bas de la pagode
pour les ablutions et les besoins du village.
« — Non, dit en s'interrompant le jongleur,
après une minute de réflexion; je vais l'esca-
moter, l'envoyer... où vous voudrez: à Pou-
nah, à Delhi, à Ahmed Nagar, à Bénarèsl
« Et sur-Ie-cliamp il enleva le patient, tou-
jours incarcéré d.;ns son filet, et le plaça au
fond du panier, en rabattant le couvercle sur
sa léle; il j'en fallait de plus de trois pieds
que les bords se joignissent. On jeta un
uianteau sur le tout.
« Insensiblement le volu.'re diminua, s'af-
faissa; on vit voler en l'air le filet et les cor-
des qui attachaient le jeune Hindou; puis le
panier se ferma de lui-même, et une voix
qui semblait sortir des nues cria : Adieu I
« — Il est parti pour Ahmed-Nagar, il est
envolé : Oar-Gayal Our-Gatja! répéta le jon-
gleur avec transport; ii ne saurait tenir dans
Ufi aussi petit espace (et ci la paraissait phy-
siquement iuijiossiblej. Je vais donc attacher
le panier et prendre congé de l'assemblée.
« Le paquet fut ficelé; il ne restait plus
qu'à le mettre sur le dos du buffle destiné à
porter les bagages de la troupe.
« — Un insiant! reprit subitement le jon-
gleur; si pourtant il était dans le panier! Qui
sait?
« Et là-dessus, tirant un hmg sabre, il tra-
versa le panier presque par le milieu... Le
s.mg couli en abondance... l'anxiété était à
son comble... lorsque tout à coup le couver-
cle se lève de nouveau, et d'un bond le grand
garçon saule hors de sa niche, frais et dispos,
s.ins la moindre cgralignuiel
903
niCTlONNAinE HES
< Ce tour psi simple, Irès-simpir, dira-I-
on ; mais se débarrasser des cordes el dufilcl,
se cacher dans un si petit espace, y rester
un qnarl d'heure sans broncher, el de telle
façon ((ue le sabre ne puisse rencontrer
(|uel()ue membre à entamer, ce sont là des
pi'odiges de dextérité, d(' souplesse el de pa-
tience que l'on ne peut concevoir, surtout
quand on les a vus.
« Après ce nec plus uHrn de la science, les
jongleurs firent leurs paquets el se mirent
en marche vers Nipapour, 1 ur patrie. Je les
vis se perdre dans la l'oule de bœufs chTirsés
que des troupes de mahralles, tril)us ambu-
lantes traînant avec eux armes et bagages,
femmes el enfants, conduisent dans l'in-
térieur.
« La foule se dispersa peu à peu. Le snb il
déclinait derrière les montagnes, le peuple
.se rendait à l'étang pour les ablutions, et le
gros oiseau pêcheur, hôte de ces eaux trati-
quilles, était si sérieux à la pointe de la pa-
gode, qu'on l'eût pris pour le dieu de ce tem-
ple idolâtre.
« Pour moi, je remontai sur mon petit
cheval, el, tout en trottant au milieu des
nuages d'une poussière dorée par les di-r-
niers feux du jour, je ne pus ra'empêcher de
reconnaître que ces jongleurs errants bat-
taient complètement non-seulement les har-
vis du Caire, mais encore les plus fameux
escamoteurs de l'Europe, et que, si la maaie
n'est pas morte, c'est dans l'Inde qu'il faut
la chercher. »
JOURS. Les magiciens et sorciers ne peu-
vent rien deviner le vendredi ni le dimanche.
Quelques-uns disent même que le diable ne
fait pas ordinairement ses orgies et ses as-
seuiblées ces jdurs-là; m;iis ce sentiment
n est pas général.
Si on rogne ses ongles les jours de la se-
maine qui ont un r, comme le niardi, lu
mercredi el le vendredi, il viendra des envies
aux doigts. Il n'est pas facile d'en donner la
raison.
Suivant une autre croyance, en ne cou-
pant ses ongles que le vendredi, on n'a jamais
mal aux dents.
On a fait des tables des jours heureux et
malheureux pour chaque mois. Mais comme
elles varient toutes, le jour heureux de l'une
étant malheureux dans l'autre, nous laissons
aux amateurs le soin de dresser ces tables à
leur gré pour leur usage.
JOSUE BEN-LEVl, rabbin si rusé et si
sage, qu'il trompa le ciel el l'enfer toul en-
semble. Comme il était près de (répasser, il
gagna si bien le diable, qu'il lui fil promettre
(le le porter jusqu'à l'entrée du paradis, lui
disant qu'il ne voulait que voir le lieu de l'ha-
bilalion divine, et qu'il sortirait du monde
plus content. I^e diable, ne voulant p<is lui
refuser celte saiislaclion, le porta jusqu'au
guichet du paradis; mais Josué s'en voyant si
près se jeta dedans avec vitesse, l.ii>sant le
diable derrière, ei jura par le Dieu vivanl
qu'il n'en sortirait point. Dieu, disent les r.ili-
biiis,fit conseienee que le rabbin se parjurât,
et cousentit qu ii demeurât avec les jusUs.
SCIRNCES OCCULTES. 9"4
Voy. Messie ues Juifs, et à la suite de l'ar-
ticle Faust, la légende du maréchal de Ta-
inine.
JUDAS ISCARIOTE. Après sa trahison in-
fâme, il fut possédé du diable et se pemlil à
un sureau. Les Flam.inds appellent encore
les excroissances parasites de l'écorce du su-
reau sueur de Judas.
Dans le Mystère di- [a Passion, recueilli par
Jean Michel et joue'» à Aiigers en l'iSG, on
trouve réunies les traditions les plus célèl)r<s
relatives à Judas. Su' vaut les légendaires, l'af-
freux Judas avait éjxiusé sa mère et tué son
père. Au moment du ^-rand sacrifice qui ra-
chète le genre humain sur le Calvaire, les
auteurs des Mystères de la Passion nous mon-
trent Jiid.is, saisi de rage el de désespoir, er-
rant autour du gibet où étaient expo-és bs
cadavres des sup|iliciés, dans un lieu souillé
d'immondices et de décombres. Il entend de
loin les cris de la muliitude autour du Christ
qu'il a livré. En proie à des tortures ef-
froyables, courant çà et là comme un insen-
sé, il invoque l'enfer. Le démon, sous une
forme hideuse, sort aussitôt de l'ablmc.
LE DÉMON.
Mùcliaiil, que vciix-ui qu'on le fasse?
A quel pori veux lu alioidei ?
JCDAS.
.'e ne s:iis; je n\iy œil en face.
Oui daijine les deux regarder.
Qui es-lu î
LE DÉM >n.
Sans plus domaudcr,
«e suis pour venger lou offense.
JtJU.lS.
D'oU viens-tu?
LE DÉM N.
Je viens de l'enfer.
Jl'DAS
Ton nom?
LE UKMO!«.
Mon nom? Désespérance.
Jl'DAS.
Approche cl me donne allégeance.
LEUÉMIIN.
Oui; mais 11 nous faut abréger...
Celinfernaldialogue continue. Judas hésite
encore. Il voudrait invoquer Dieu, Jésus el
la Vierge Marie. Mais la présence de son im-
pitoyable compagnon l'arrête. Le démon le
presse d'en finir; il lui présente alternative-
ment une dague, une corde à nœu;l coulant,
et ne lui laisse que le choix de la mort. Un
arbre peu élevé croît près d'<'ux dans les fentes
d'un rocher. Désespérance le montre à Judas,
le pousse, l'aide à y monter. Une légion de dé-
mons apparaît alors sur la scène. Us forment
au pied de l'arbre une ronde effroyable. Dé-
sormais le traître leur appartient ; du haut de
ce nouveau gibet, il hurle son exécrable
testament.
Moi Judas, jadis traître apdlre
Me donne à vous coinine le vftlre,
El ne veux point requérir grâce,
Ni que Dieu vrai pardon nie fasse.
Mais renonce Dien el les anges.
Et saint Michel et les archanges;
Je renie la Vierge .Marie,
Et Jésus et .sa compagnie...
Item reconiiriaude mon ànie
A Lucifer ord el iulàme,
El veux que mon corps soit ravi
lui enfer au plus pré» de 'ni...
Uref, me donne Sine, corps el liieri.
S-ins i«ûiais eu excepter rien,
905
JIII
J'JI
900
En dépit de Dieu qui me Ut,
A tous les diables.
LUCIFER.
Il suOlt.
' Tu renonces à tout pardon.
Le dernier crime est consommé. Judas a
devancé la justice de Dieu ; mais son âme im-
monde s'arrête sur ses lèvres, chaudes encore
du baiser du Sauveur. Lucifer s'étonne de
cette circonstance :
Que diable est l'àme devenue?
Il n'est donc pas mort ?
Si est, si est, répondent les démons. Et une
O'ieur infecte s'exhale du cadavre du ré-
prouvé. Ses entrailles se répandent sur le sol ;
l'âme s'échappe avec elles;
Car par sa bouche orde et maligne
Oui liaisa son niaistre tant digne ,
Elle ne peut, ni doit passer.
Avant que les diables emportent l'âme,
elle dit :
Ali I maudite ftme malheurée,
Enragée et désespérée I...
Le ver de dur et vit' reinord.
Sans fin nie poingt et mord ,
Et je reste obstinée;
Mais en mon dolent tort
Je ne quiers réconfort,
Puisque je suis damnée....
JUGEMENT DE DIEU. Voy. Epreuvks.
JUIF ERRANT. On voit dans la légende du
Juil errant que ce personnage était cordon-
nier de sa profession et qu'il se nommait
Ahassvérus; mais la complainte l'appelle Isaac
Laquedcm. A l'âge de dix ans, il avait enten-
du dire que trois rois cherchaient le nouveau
roi d'Israël ; il les suivit et visita avec eux la
sainte étable de Bethléem. 11 allait souvent
entendre Notre- Seigneur. Lorsque Judas eut
vendu son maître, Ahassvérus abandonna
aussi celui qu'on trahissait.
Comme on conduisait Jésus au Calvaire
chargé de l'instrument de sa mort, le bon
Sauveur voulut se reposer un instant devant
la boutique du cordonnier, qui, craignant <ie
se compromettre, lui dit : — .Allez plus loin,
je ne veux pas qu'un criminel se repose à ma
porte.
Jésus le regarda et lui répondit : — Je vais,
et reposerai ; mais vous marcherez et vous ne
reposerez pas; vous marcherez tant que le
monde durera; et au jugement derniur vous
me verrez assis à la droite de mon Père.
Le cordonnier prit aussitôt un bâton à la
main et se mit à marcher sans pouvoir s'ar-
rêter nulle part. Depuis dix-huit siècles il a
parcouru toutes les contrées du globe, sous
le nom du Juif errant. Il a aflVonlé les
combats, les naufrages, les incendies. Il
u cherché partout la mort et no l'a pas
trouvée.
Il a toujours cinq sous dans sa bourse.
Personne nepeutso vanter del'avoir vu; mais
nos grands-pères nous disent que leurs grands-
pères l'ont connu, et qu'il a paru, il y a plus
de cent ans, dans certaines villes. Les aïeux
de nos grands-pères en disaient autant, et les
bonnes gens croient à l'existence personnelle
'lu Juif errant.
DiCTIONN. DES SCIENCES OCCULTES. I.
Ce n'est pourtant qu'une allégorie ingé-
nieuse, qui représente toute la nation juive,
errante et dispersée depuis l'analhème tombé
sur elle. Leur race ne se perd point, quoique
confondue avec les nations diverses, et leurs
richesses sont à peu près les mêmes dans tous
les temps aussi bien que leurs forces. La re-
ligion qu'ils professent les a jusqu'ici distin-
gués des autres hommes, et en fera toujours
un peuple isolé au milieu du monde.
JUIFS. Indépendamment de ce coup de
foudre qui marque partout les Juifi et les fait
partout reconnaître; il y a sur eux plusieurs
signes de l'abandon oii les a jetés la malé-
diction de Dieu. Tant qu'ils ont été le peuple
fidèle, ils ont conservé intact le dépôt des
saintes Ecritures. Depuis leur crime, les en-
seignements de Moïse sont étouffés chez eux
par les incroyables absurdités du Talmud, et
le sens n'est plus avec eux.
La Terre-Sainte, qui était le plus ferlilo
et le plus beau pays du monde, maudite
avec la nalion qu'elle portait, est devenue si
horrible, qu'elle ne nourrit plus ses rares;
habitants.
Partout en exécration, les Juifs, qui avaient
massacré et torturé les chrétiens toutes le-
fois qu'ils avaient été les plus forts, se sont
vus en tous lieux hiiïs et mal tolérés. On vou.s
dira que souvent on les poursuivit pour des
crimes imaginaires ; mais on ne prête qu'au.x
riches,et leur histoire est sérieusement pleine
de crimes irop rée s. On les chassa violem-
ment de l'Espagne, qu'ils voulaient dominer;
mais sans les mesures viol 'nies des rois chré-
tiens la Péninsule serait aujourd'hui la proie
des Juifs et des Maures.
Quelquefois, sans doute, on mit peu d'hu-
manité dans les poursuites exercées contre
eux; mais on ne les bannissait pas sans leur
donner trois mois pour s'expalrier, et ils
s'obstinaient à demeurer dans les pays où
leurs têtes étaient proscrites.
Parmi les moyens que l'on employait
pour les découvrir il en est un singulier que
rapporte Tostat dans son livre des Démons ;
c'élait une tête d'airain, une androïde, qui,
en Espagne, dit-il, révélait les Juifs ca-
chés
Us faisaient l'usure et dépouillaient large-
ment les chrétiens dans les contrées où ils
étaient soufferts ; puis, quand ils avaient îout
ravi, les princes qui avaient besoin d'argent
les faisaient regorger avec violence. JJans
de tels cas, ils essuyèrent surtout de grandes
vexations chez les Anglais. Le roi Jean fit un
jour emprisonner les riches Juifs de son
royaume pour les forcer à lui donner de l'ar-
gent ; un d'eux, à qui on arracha sept dents
l'une après l'autre, en l'engageant de la sorte
à contribuer, paya mille marcs d'argent à
la huitième. Henri III tira d'Aaroii, Juif d'York,
quatorze mille marcs d'argent, et dix mille
pour la reine. Il vendit les autres Juifs de
son pays à son frère llicliard pour le terme
d'une année, afin que ce comte évmtrâl ceux
qu'il avaitdéjàccorchés, comme dit Matthieti
Paris
En général, lorsqu'on tolérait les Juifs, ou
29
907
niCTIONNAlRE DES SCIENCES OCCULTES.
908
les distinguait des autros habitants pur des
marques infamantes, l'hilippc III les obligea
en France à porter une corne sur la tcle : il
leur était défendu de se baigner dans laSeine ;
et, quand on les pendait, c'était cuire deux
chiens.
Le jour de la fête de Pâques, c'était un vieil
usage à Toulouse de donner un soufflet à un
Juif de la ville. On raconte qu'Aymeric, vi-
comte de Rocliechouurt, accompagné de Hu-
gues son chapelain, se trouvant à Toulouse
le dimanche de Pâques, les chanoines char-
gèrent Hugues de cette cérémonie ; que le
chapelain donna un coup si violent au Juif,
qu'il lui fit sauter la cei voile; que ce malheu-
reux tomba mort. Mais il paraît que ce conte
est faux. Les Juifs de Toulouse enlevèrent
leur mort de la cathédrale, et l'inhumèrent
dans le cimetière de leur synagogue sans
(jserse plaindre, ajoute Dulaure(l), qui était
un menteur. Le vrai de ce fait, et nous som-
mes loin de l'excuser, c'est que le soufflet
renversa le Juif. Voy. Bohémiens.
« Avant de quitter Jaffa, je vous parlerai
d'une couluiiie que vous ignorez peut-être et
qui est établie chez les Grecs de cette ville.
Chaque soir, pendant le carême, les petits
enfants des familles grecques vont à la porte
des maisons chrétiennes, et demandent avec
des cris monotones, qu'on prendrait pour
une complainte, du bois ou des paras (liards)
pour acheter du bois. — Donnez, donnez,
disent-ils; et l'an prochain vos enfants seront
mariés; et leurs jours seront heureux; et
vous jouirez longtemps de leur bonheur.
« Le bois que sollicitent ces enfants est
destiné à brûler les Juifs. C'est le soir du
jeudi saint des Grecs qu'on allume les feux ;
chaque pctile troupe allume le sien. On f;i-
hrique un homme de paille avec le costume
juif, et la victime en effigie est ainsi conduite
devant le feu, au milieu des clameurs et des
huées. Les enfants délibèrent gravement sur
le genre de supplice auquel il faut condam-
ner l'Israélite; les uns disent : Crucifions-le,
il a crucifié Jésus-Christ; les autres : Cou-
pons-lui la barbe et les bras, puis la tète ;
d'autres enfin : Fendons-le, déchirons-lui
les entrailles, car il a tué notre Dieu. Le chef
de la troupe, prenant alors la parole : —
Qu'est-il besoin, dit-il, de recourir à tous
ces supplices? Il y a là un feu tout allumé ;
brûlons le Juif.
« Et le Juif est jeté dans les flammes. —
Feu , feu, s'écrient les enfants, ne l'épargne
pas, dévore-le; il a souffleté Jcsus-tîhrist ;
il lui a cloué les pieds et les mains. — Les
enfants énumèrent ainsi toutes les souffran-
ces que les Juifs firent endurer au Sauveur.
« Quand la victime est consumée, on jetlc
au vent ses cendres avec des imprécations ;
et puis chacun se relire, satisfait d'avoir puni
le bourreau du Christ. — ^ De semblables cou-
tumes portent avec elles leur caractère, et
n'ont pas besoin d'être accompagnées de ré-
flexions (2). »
Les diverses religions sont plus ou moins
M) Dulaurc, Principaux Lieux de France, lom. II, |iage
tolérées dans les Etats des Turcs et des Per-
s.'ins. Des Juifs, à Conslantinople, s'avisèrent
de dire, en conversation, qu'ils seraient les
seuls qui entreraient dans le paradis. — Oà
serons-nous donc, nous autres? leur deman-
dèrent quelques Turcs avec qui ils s'entre-
tenaient. — Les Juifs , n'osant pas leur dire
ouvertement qu'ils en seraient exclus, leur
répondirent qu'ils seraient dans les cours.
Le grand vizir, informé de cette dispute, en-
voya chercher les chefs de la synagogue, et
leur dit que, puisqu'ils plaçaient les musul-
mans dans les cours du paradis , il était
juste qu'ils leur fournissent des tentes, afin
qu'ils ne fussent pas éternellement exposés
aux injures de l'air. On prétend que c'est
depuis ce temps-là que les Juifs, outre h" tri-
but ordinaire, payent une somme considéra-
ble pour les tentes du grand-seigneur et de
toute sa maison, quand il va à l'armée (3).
Nous ne réveillerons pas ici les accusations
portées contre les Juifs à propos de l'assas-
sinat commis à Damas, le 5 février 184-0,
contre le père Thomas et son domestique.
Ceux qui ont lu les pièces officielles de co
triste procès savent ce qu'ils doivent en pen-
ser. Mais nous extrairons du savant Journr;/
historique et littéraire de Liège (janvier 18V1)
un passage relatif à la doctrine des Juifs sur
le meurtre :
Le célèbre rabbin Maimonide , mort en 1205,
écrivait à l'époque où les Juifs furent le pins
accusés de meurtres sur les chrétiens. Un
de ses principaux ouvrages est le Jad Cha-
zakah ou la Main forte , qui est un abrégé
substantiel du Talmud. Voici ce qu'il dit:
« Il nous est ordonné de tuer les héréti-
ques {minim), c'est-à-dire ceux des Israélites
qui se livrent à l'idolâtrie, ou celui qui pècho
pour irriter le Seigneur, et les épicuriens ,
c'est-à-dire ceux des Israélites qui n'ajou-
tent pas foi à la loi et à la prophétie. Si
quelqu'un a la puissance de les tuer publi-
quement par le duel, qu'il les tue de cette
manière. S'il ne peut faire ainsi, qu'il lâcho
de les circonvenir par fraude jusqu'à ce qu'il
leur ait donné la mort. Mais de quelle ma-
nière? Je réponds : S'il voit l'un d'eux tombé
au fond d'un puits dans lequel une échelle
avait été placée auparavant, qu'il la retire et
dise : Je suis obligé de faire descendre du
toit mon fils qui est en danger; quand je
l'aurai sauvé, je vous remettrai l'échelle. Et
ainsi des autres circonstances. »
Ce passage n'est qu'une paraphrase du
texte talmudique de V Avoda-Sara, clmp. 2,
qui prescrit les mêmes manœuvres pour faire
périr les hérétiques. Il ajoute un autre expé-
dient, celui de fermer le puits au moyen d'une
pierre, et de dire qu'on l'a couvert de crainte
que le bétail n'y tombât. L'objet de ces ho-
micides est moins déterminé dans le Talmud
que dans le passage de Maimonides ; il laisse
plus de latitude aux coups mcurtriiTs. Ton»
les minim sont désignés au fer assassin ; et il
est notoire que les chrétiens sont appelés de
ce nom. Le Talmud appelle les Evangiles le
(2) Micliaud cl Poujoulat, Correspondance de l'Orient.
{ô) Sainl-Foix, lissais, l. II.
9U9
JUI
JUP
910
livre des miniin. Maimonides compln parmi
les héréliques {minim) ceux qui prétendent
que Dieu a pris un corps et qui adorent,
outre le Seigneur, un médiateur entre lui et
nous, c'est-à-dire les chrétiens.
La haine des Juifs contre les chrétiens est
ancienne. Sans remonter au premier siècle ,
tout plein d'exemples sanglants, Chosroès,
roi de Perse, Ol, en 6!3, une irruption sur la
Palestine ; il comptait sur les Juifs pour se
défaire des chrétiens. Il prit Jérusalem, et fit
une multitude de prisonniers chrétiens qu'il
abandonna aux Juifs. Ceux-ci les massacrè-
rent, dit-on, au nombre de quatre-vingt-dix
mille. L'empressement des Juifs fut tel , que
chacun consacrait une partie de son patri-
moine à l'achat des prisonniers chrétiens ,
qu'il massacrait aussitôt. Basnage, dans son
Histoire des Juifs, raconte ces massacres sans
élever le moindre doute sur leur authen-
ticité.
Des Juifs convertis onti avoué plusieurs
fois que chez eux on massacrait des enfants
volés ou achetés , sous prétexte qu'en les
tuant on empêchait toute une race idolâtre
de naître. On peut aller loin avec ce prin-
cipe.
Leurs rabbins disent que le précepte du
Décalogue : Non occides, vous ne tuerez
point, n'oblige qu'à l'égard des Israélites.
Lévi ben Gersom, dans son commentaire sur
le Pentateuque , dit : « Les paroles Vous ne
tuerez point signiQenl : vous ne tuerez point
parmi les Israélites ; car il nous est permis
de tuer le» animaux; il nous est aussi or-
donné de tuer une partie des nations, comme
Amaleth et les autres nations à qui il nous
est commandé de ne pas laisser la vie. Il est
donc clair que le commandement défend
seulement de tuer les Israélites. »
Maimonides dit aussi qu'on viole ce com-
mandement lorsqu'on tue un Israélite, lais-
sant assez entendre qu'on ne le viole pas en
tuant un chrélien ou un gentil. « Un Israé-
lite qui a tué un étranger habitant parmi
nous, dit-il ailleurs, ne peut d'aucune ma-
nière être condamné à mort. » Dans le Bava
mezia, il est encore dit que les Juifs sont des
hommes et que les autres peuples du monde
sont des brutes. Les rabbins enseignent que
les autres peuples du monde n'ont pas d'âme
humaine; et ils les traitent, surtout les chré-
tiens, de porcs, de bœufs, de chiens, d'ânes
et de sangliers. Dès lors le précepte : Vous ne
tuerez point, n'obligeant pas envers les ani-
maux, n'oblige pas envers les chrétiens.
Ces doctrines ne sont ni celles de Moïse,
ni celles des aulrcs livres saints. Ce sont les
doctrines des lulmudistes, rabbins ou scri-
bes. Mais Buxtorf assure {in Synayoya Ju-
daica) que cet axiome est vulgaire : Mon fils,
faites plus attention aux paroles des scribes
(ou rabbins) qu'à celles de la loi. Salomoa
larchi, un des plus fameux docteurs juifs,
écrit dans ses commentaires sur le Deuléro-
nome : « Vous ne vous écarterez pas des pa-
roles des rabbins, quand même ils vous
diraient que votre maindroite est votre main
gauche, ou que votre gauche est votre droite.
Vous le ferez donc bien moins lorsifu'ils ap-
pelleront votre droite, droite, et votre gau-
che, gauche. »
JULIEN L'APOSTAT, né en 331, empereur
romain, mort en 363. Variable dans sa phi-
losophie, inconstant dans sa manière de pen-
ser, après avoir été chrétien, il retomba dan»
le paganisme. Les ennemis seuls de l'Eglise
ont trouvé, dans quelques qualités apparen-
tes, des prétextes pour faire son éloge. Ce sage
consultait Apollon et s-icrifiait aux dieux de
pierre, quoiquil connût la vérité. Les démo-
nomanes l'ont mis au nombre des magiciens;
et il est vrai qu'il croyait fermement à la
magie, qu'il attribuait a cette puissance les
miracles de Notre-Scigneur, dont il n'était
pas assez stupide pour nier l'évidence; et il
expliquait de ta môme manière les prodiges
que Dieu accordait alors encore à la foi
ferme des chrétiens. Enfin avec Maxinius et
Jainblique il évoquait les esprits et recher-
chait l'avenir parla nécromancie.
Ilavaitdes visions :AmmienMarccllin rap-
porte que peu avant sa mort, comme il écri-
vait dans sa tente, à l'imitation de Jules Cé-
sar, il vit paraître devant lui le génie du
Home avec un vis.ge blême.
Il fut tué par un Irait que personne ne vit
venir, à l'âge de trente-deux ans. Ennemi
acharné de Jésus-GhrisI, il recueillit, dit-on,
en tombant un peu de son sang dans sa main
et le lança vers le ciel, en disant : — Tu as
vaincu, Galiléen!
Après sa mort, on trouva, dans le palais
qu'il habitait, des charniers et des cercueils
pleins de têtes et de corps morts. En la ville
de Carres de Mésopotamie, dans un temple
d'idoles, on trouva une femme morte pen-
due par les cheveux, les bras étendus, le
ventre ouvert et vide. On prétend que Julien
l'avait immolée pour apaiser les dieux in-
fernaux auxquels il s'était voué, et pour
apprendre par l'inspection du foie de cette
femme le résultat de la guerre qu'il faisait
alors contre les Perses.
La mort de l'Apostat fut signifiée, dit-on,
dans plusieurs lieux à la fois, et au même
moment qu'elle advint. Un de ses domesti-
ques, qui allait le trouver en Perse, ayant
été surpris par la nuit, et obligé de s'arrêter
dans une église faute d'auberge, vit en songe
des apôtres et des prophètes assemblés qui
déploraient les calamités de l'Eglise sous un
prince aussi impie que Julien ;et on d'entre
eux s'étant levé assura les autres qu'il al-
lait y porter remède. La nuit suivante, ce
valet, ayant vu dans son sommeil la même
assemblée, vit venir l'homme de la veille qui
annonça la mort de Julien.
Le philosophe Didyme d'Alexandrie vit
aussi en songe des hommes montés sur des
chevaux blancs, et courant dans les airs en
disant : — Annoncez à Didyme qu'à cette
heure Julien l'Apostat est tué.
JUNG, auteur allemand, vivant encore sans
doute : il a écrit sur les esprits un ouvrage
intitulé : Tliéorie de Geister-Kunder, Nurem-
berg, 1808, in-8°.
JUPITER AMMON. Les Egyptiens portaicul
9tl niCTIONNAlIlE DES
(.ur le lORtir, comme un puissanl prcservalif,
une amulelle ou pliilaclèrc , qui clail une
lame sur laquelle ils écrivaient le nom de
Jupilcr Ammon. Ce nom élait si grand dans
leur esprit, cl mémo chez les llomains, qu'on
en croyait l'invocation suffisante pour obte-
nir toutes sortes de biens.
On sait que Jupiter Ammon avait des cor-
nos de bélier. Sa statue , adorée à Thèbes ,
dans la haute Egypte, était un automate qui
taisait des signes de (été.
JUUEMKNT. « C'est une chose honteuse ,
dit un bon légendaire, que d'entendre si sou-
vent répéter le nom du diable sans nécessité.
Un père en colère dit à ses enfants : — Venez
ici, mauvais diables I Un autre s'écrie : — Te
voilà, bon diable ! Celui-ci , qui a froid, vous
l'apprend en disant : — Diable! le temps est
rude. Celui-là, (pii soupire après la table, dit
qu'il a une faim de diable. Un autre, qui s'im-
patiente , souhaite que le diable l'emporte.
Un savant de société, quand il a proposé une
énigme , s'écrie braven)ent : — Je me donne
au diable si vous devinez cela. Une chose pa-
rait-cUe embrouillée, on vous avertit que le
diable s'en môle. Une bagatelle est-elle per-
due, on dit qu'elle est à tous les diables. Un
homme laborieux prend-il quelque sommeil,
un plaisant vient vous dire que le diable le
berce. — Ce qu'il y a de pis , c'est que des
gens emploient le nom du diable en bonne
part ; ainsi on vous dira d'une chose médio-
cre : — Ce n'est pas le diable. Un homme
lait-il plus qu'on ne demande , on dit qu'il
travaille comme le valet du diable. Que l'on
voie passer un grenadier de cinq pieds dix
pouces , on s'écrie : — Quel grand diable !
D'un qui vous étonne par son esprit, par son
adresse ou par ses talents, vous dites :— Quel
diable d'homme! On dit encore :— Une force
de diable, un esprit de diable, un courage de
diable ; un homme franc est un bon diable ;
un homme qu'on plaint, un pauvre diable;
un homme divertissant a de l'esprit en dia-
ble, etc., et une foule de mots semblables. Ce
sont de grandes aberrations. »
Un père en colère dit un jour à son Gis :—
Va-t'en au diable ! Le fils étant sorti peu
après, rencontra le diable, qui l'emmena; et
on ne le revit plus (l).
Un autre homme, irrité contre sa fille qui
mangeait trop avidement une écuelle de lait,
eut l'imprudence de lui dire : — Puisses-tu
avaler le diable dans ton ventre! La jeune
fille sentit aussitôt la présence du démon, et
elle fut possédée plusieurs mois (2).
Un mari de mauvaise humeur donna sa
femme au diable ; au même instant, comme
s'il fût sorti de la bouche de l'époux, le dé-
mon entra par l'oreille dans le corps de celte
SCIENCES OCCULTES.
912
pauvre dame. Cis contes vous font rire ;
puissent-ils vous corriger (3) 1
Un avocat gascon avait recours aux gran-
des figures, pour émouvoir ses juges. Il plai-
dait au quinzième siècle, dans ces temps où
les jugements de Dieu étaient encore en usa-
ge. Un jour qu'il défendait la cause d'un
Manceau cité en justice pour une somme
d'argent dont il niait la dette, comme il n'y
avait aucun témoin pour éclaircir l'aiïaire',
les juges déclarèrent qu'on aurait recours à
une épreuve judiciaire. L'avocat de la pariie
adverse, connaissant l'humeur peu belli-
queuse du Gascon, demanda que les avocat»
subissent l'épreuve, aussi bien que leurs
clients ; le Gascon n'y consentit qu'à condi-
tion que l'épreuve fût à son choix. — La chose
se passait au Mans.
Le jour venu, l'avocat gascon ayant lon-
guement rélléclii sur les moyens qu'il avait
à prendre pour ne courir aucun péril, s'a-
vauç:i devant les juges, cl demanda qu'avant
de recourir à une plus violente ordalie , on
lui permît d'abord d'essayer celle-ci, c'est-
à-dire qu'il se donnait hautement et ferme-
ment au diable, lui et sa partie, s'ils avaient
louché l'argent dont ils niaient la dette. Les
juges, étonnés de l'audace du Gascon, se per-
suadèrent là-dessus qu'il était nécessaire-
ment fort de son innocence cl se disposaient
à l'absoudre ; mais auparavant ils ordon-
nèrent à l'avocat de la partie adverse de
prononcer le même dévouement que venait
de faire l'avocat gascon.
— Il n'en est pas besoin, s'écria aussil6t
du fond de la salle une voix rauque.
En même temps on vil paraître un monstre
noir, hideux, ayant des cornes au front, des
ailes du chauve-souris aux épaules, et avan-
çant les griffes sur l'avocat gascon Le
champion, tremblant, se hâta de révoquer sa
parole, en suppliant les juges et les assis-
tants de le tirer des griffes de l'ange de ténè-
bres.
— Je ne céderai, répondit le diable , que
quand le crime sera révélé...
Disant ces mots , il s'avança encore sur le
plaideur manceau et sur l'avocat gascon. Les
deux menteurs, interdits, se hâtèrent d'avouer,
l'un, qu'il devait la somme qu'un lui deman-
dait ; l'autre, qu'il soutenait sciemment une
mauvaise cause. Alors le diable se retira ,
mais on sut par la suite que le second avo-
cat, sachant combien leGasconélaitpeureux,
avait été instruit de son idée ; qu'il avait en
conséquence affublé son domestique d'un ha-
bit noir bizarrement taillé , et l'avait équipé
d'ailes et de cornes, pour découvrir la vérité
par ce ministère.
K
KAABÂ. Ce lieu célèbre à La Mecque, dans l'cnccintc du temple , est, dit-on, la
(1) Cssarii Ileisterb. miractf.., \îa. 5, cap. !& (3) Kjusdein, cap. 3, Ibid.
(2) EJusUim, cap. 2, ilnd.
H5
KAll
KAL
9t«
maison (l'Abraham, bâtie par lui , scion les
croyances musulmanes. Le seuil est un bloc
de pierre qui a été, disent les Arabes, la sta-
tue de Saturne, autrefois élevée sur la Kaaba
môme, et renversée parun prodige, ainsi que
toutes les autres idoles du lieu , au moment
de la naissance de Mahomet.
La Kaaba est un petit édifice d'une quin-
zaine de pieds. Les>musulnians l'appellent
la maison carrée et la maison de Dieu; dans
le Koran elle est désignée comme le lieu le
plus saint de la terre : aussi les bons musul-
mans se tournent-ils toujours dans leurs
j-rières vers la Kaaba; et il faut être peu dé-
vot pour n'en pas faire au moins une fois en
sa vie le pèlerinage. On y révère la fameuse
pierre noire qui servait d'échafaud à Abra-
ham lorsqu'il maçonnait la maison carrée.
On conte qu'elle se haussait et se baissait
«l'elle-méme, selon les désirs du patriarche.
Elle lui avait été apportée par l'ange Ga-
briel ; et on ajoute que celte pierre, se voyant
abandonnée après qu'on n'eut plus besoin
d'elle, se mit à pleurer; Abraham la consola
en lui promettant qu'elle serait extrêine-
menl vénérée des musulmans; et il la plaça
en effet près de la porte, où elle est baisée
par tous les pèlerins
RABOTERMANNEKENS, petilslulins fla-
mands qui font des niches aux finîmes de la
campagne, surtout en ce qui touche le lai-
tage et le beurre.
KACHER, vieux magicien qui, dans
l'histoire fabuleuse des anciens rois de Ka-
chemire, transforma le lac qui occupait ce
beau pays en un vallon délicieux , et donna
aux eaux une issue miraculeuse en coupant
une montagne nommée Barabouié.
KAF , montagne prodigieuse qui en-
toure l'horizon de tous côtés, à ce que disent
les musulmans. La terre se trouve au milieu
(le cette montagne, ajoutent-ils , comme le
doigtau milieu de l'anneau. Elle a pour fon-
dement la pierre Sakhrat , dont le moindre
fragment opère les plus grands miracles.
C'est celte pierre, faite d'une seule émeraude,
qui excite les tremblements de terre, en s'a-
gilant selon que Dieu le lui ordonne.
Pour arriver à la montagne de Kaf, il faut
traverser de vastes régions ténébreuses, ce
qu'on ne peut faire que sous la conduite
d'un être supérieur. C'est, dit-on, la demeure
des génies. Il est souvent parlé de celle mon-
tagne dans les contes orientaux. Voy. Sakh-
rat.
KAHA , maléfice employé aux îles Mar-
quises. Les habitants attribuent au .Kaha la
plupart de leurs maladies. Voici comment il
se pratique : « Quelque sorcier aura attrapé
de votre salive, et puis il vous a lié du ter-
rible Kaha ou malcHce du pays, en envelop-
pant cette salive dans un morceau de feuille
d'arbre et la conservant en sa puissance. 11
tient là votre âme et votre vie enchaînées. —
A ce mal voici le remède : ceux qui ont eu
le pouvoir de vous jeter le charme ont aussi
le pouvoir de vous l'ôlcr, moyennant quel-
«lue présent. Le sorcier vient donc se cou-
cher près de vous; il voit ou il entend le gé-
nie du mal ou de la maladie quand il eniro
en vous et quand il en sort, car il parait que
ces génies se promènent souvent; et il l'at-
trape comme au vol , ou bien il le saisit en
vous frottant le bras , et il l'enferme à son
tour dans une feuille , où il peut le dé-
truire (1). »
KAIDMORDS , nom du premier homme
qui sortit de la jambe de devant d'un tau-
reau, selon la doctrine des mages ; il fut tué
par les Dives; mais il ressuscitera le jour du
jugement. On invoque son âme chez les Guè-
bres. Voy. Boundschescu.
KAIOMERS, le premier roi de l'antique
dynastie des Pichadiens ; il était, suivant les
historiens persans, le pelit-fils de Noé. C'est
lui qui vainquit les Dives ou mauvais génies
à la puissance desquels le pays était sou-
mis.
KAKOS, (icjnon invoqué dans les litanies
du sabbat.
KALMOUCKS. Les Kalmoucks rendent
hommage à deux êtres puissants : au génie
du bien et au génie du mal, sacrifiant sur le
sommet des mon'agnes, sur les bords des ri-
vières, ou dans linlérieur des cabanes, à l'un
comme à l'autre , mais le plus souvent à la
divinité mallaisante , parce qu'i's jugent né-
cessaire de la fléchir et d'en apaiser le cour-
roux.
Le soleil, ou comme ils l'appellent, l'œil
de Dieu, est pour eux l'objet d'un culte par-
ticulier. Quelque dégénérée que soit ci'tto
fausse religion , on voit cependant le rap-
port qui existe entre elle et lune des plus
anciennes, celle des disciples de Zoroastre,
qui avait étendu son iniluencc nun-seulc-
raent sur llnde et la Perse, mais encore sur
les peuples nomades des steppes mongoles ;
cl nous voyons encore de nos jours des tri-
bus, telles que les Calmoucks, qui en ont
conservé le souvenir pendant une suite do
siècles.
Aujourd'hui, comme au moyen âge , les
Kalmoucks ont des schamanes qui, abusant
de leur crédulité, leur persuadent qu'ils pos-
sèdent un empire magique sur une foule de
génies invisibles dont ils se disent accompa-
gnés et qui leur révèlent l'avenir et les cho-
ses secrètes. Gomme au moyen âge, le mort
et même le malade leur inspirent une hor-
reur qu'ils n'ont garde de cacher. Après
avoir placé près de lui tout ce dont il peut
avoir besoin à leur avis, ils s'éloignent du
malade, fût-ce leur père ; la couche du mou-
rant, s'il est riche, est gardée tout au plus
par un schamane; la famille se coniciiic
d'envoyer de temps en temps demander de
ses nouvelles.
Cette indifférence inhumaine ne les empê-
che pas de rendre après la mort tous les hon-
neurs possibles à celui qu'ils viennent de
perdre. Le défunt , vêtu de ses plus beaux
habits , est quelquefois enterré au fond des
bois, avec son arc et ses flèches, sa pipe, sa
selle et son fouet. D'autres suspendent leurs
morts dans des couvertures de feutre au
(1) I.curcs du P. îlathias Gracia sur les lies Marquises;
Icllre 6-.
M5
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTKS.
91S
haut des arbres les plus élevés; d'aulres en-
fin en brûlent les restes mortels sur un bû-
cher pour garder leurs cendres. Dans ce cas
le cheval favori du défunt est brûlé avec
lui.
Ce sont encore les mœurs dont parlent les
chroniques cl les voyageurs du moyen âge.
En général cette peuplade offre jusqu'à pré-
sent l'image fidèle de ce qu'étaient les Mon-
gols à une époque malheureusement trop
glorieuse pour celte nalion, lorsque, conduits
par Tchinguis-Khan, ils portèrent de victoire
en victoire la terreur cl la désolation jus-
()u'au centre de l'Europe, jusque dans les
plaines riantes de la Silcsie.
KALPA-ÏAROU, arbre fabuleux sur le-
quel les Indiens d'autrefois cueillaient tout
ce qu'ils pouvaient désirer.
KAMLAT , opération magique en usage
chez les Tarlares de Sibérie, et qui consiste
à évoquer le diable au moyen d'un tambour
magique ayant la forme d'un tamis ou plu-
tôt d'un tambour de basque. Le sorcier qui
fait le kamlal marmotte quelques mots tar-
lares, court de côté et d'autre, s'assied, se
relève , fait d'épouvantables grimaces et
d'horribles contorsions, roulant les yeux, \es
fermant, et gesticulant comme un insensé.
Au bout d'un quart d'heure, il fait croire
que, par ses conjurations, il évoque le dia-
ble, qui vient toujours du côté de l'occident
en forme d'ours, pour lui révéler ce qu'il doit
répondre; il fait entendre qu'il est quelque-
fois maltraité cruellement par le démon, et
tourmenté jusque dans le sommeil. Pour en
convaincre ses auditeurs, il feint de s'éveil-
ler en sursaut en criant comme un possédé.
KAMOSGHet KEMOSCH.— Voy. Cuamos.
KANTIUS LE SILÉSIEN. L'histoire de
Jean Kanlius, racontée au docteur More par
un médecin de la Silésie, est un des exem-
ples les plus frappants de celte croyance aux
vampires, qui a régné en souveraine sur cer-
tains esprits an dernier siècle. — On dit que
Kanlius, sortant du tombeau , apparut dans
la ville qui l'a vu naître; mais ce qui est po-
sitif, c'est que de nombreuses rumeurs , re-
latives à ce même fait, jetèrent une agitation
violente cl une terreur profonde parmi ses
concitoyens et dans toute l'étendue de la Si-
lésie.
Jean Kanlius était un des échevins de la
ville de Pesth; sa réputation de probité et
son jugement droit lui avaient acquis une
grande considération. Un jour le maire l'en-
voya chercher pour l'aider à terminer une
affiiire qui venait de s'élever entre des voi-
turiers et un négociant pannonien. L'affaire
arrangée, le maire invita Kantius, et l'invi-
tation fut acceptée. Or le repns était excel-
lent, et cette circonstance n'était pas d'un
médiocre intérêt pour Kanlius , qui savait
jouir en connaisseur des plaisirs de la table;
aussi était-il de très-bonne humeur.
Cependant sa gaieté paraissait ce soir-là
plus folle que réelle; tout en sablant un
grand verre de vieux vin du Rhin , il pro-
no.nça ces mots : — Plongeons-nous dans les
joies de ce monde, car un malheur peut ar-
river à tout moment. — Ce qui était d'une
morale médiocre.
Kantius fut obligé de quitter la société de
bonne heure , pour veiller aux préparatifs
d'un voyage. Arrivé chez lui, il alla à l'écu-
rie, examina son cheval , qui lui sembla
avoir perdu le fer de l'un des pieds de der-
rière ; il voulut lui prendre la jambe pour
voir le sabot, et reçut une violente ruade
dans l'estomac. Il s'écria sur-Ic-champ : --
C'est fail de moi.
On le porta au lit; bientôt sa situation fut
désespérée. Pendant son agonie, il fut en
proie à une grande tourmente d'esprit ; il ré-
pétait souvent : — Mes péchés sont tels, que
le Tout-Puissant ne me les pardonnera ja-
mais I — Cet aveu était si étrangement con-
traire à l'opinion qu'on avait de lui, q\ie les
assistants ne savaient comment s'en rendre
compte. On en vint à soupçonner qu'il s'é-
tait vendu au prince des ténèbres, et co
soupçon subit ne laissait pas d'être appuyé
sur quelques faits auxquels on n'avait pas
encore songé, entre autres sur ceux-ci . qu'il
avait acquis ses immenses richesses avec une
soudaineté inconcevable , et qu'il possédait
dans son logis un chat noir d'une grosseur
extraordinaire.
L'heure de la mort de Kantius fut signa-
lée par un orage qui ne cessa qu'après ses
funérailles. Aussitôt que le cadavre se trou-
va déposé dans la fosse, li-s éléments rentrè-
rent dans le calme, comme si la terre eût
é!é délivrée de la présence de quelque dé-
mon.
Bientôt le bruit courut qu'un spectre se
promenait dans les appartements du défunt.
Le garde de nuildu quartier avait, disail-il,
entendu un étrange tumulte dans la maison
de Kantius ; il lui avait semblé qu'on jetait
çà et là sur le parquet les glaces et les meu-
bles, en riant aux éclals d'un rire aigu et sa-
tanique. Des grilles de fer, qui chaque soir
étaient fermées aux verrous , se trouvaient
ouvertes le lendemain sans que personne
eût passé par là. — Ce bouleversement sur-
naturel s'étendit même aux écuries de l'éche-
vin défunt : tous les matins les chevaux
étaient couverts d'écume , comme s'ils eus-
sent fail une excursion dans de lointaines
contrées ; et cependant, à entendre les trépi-
gnements extraordinaires donl toute la nuit
ils ébranlaient le sol, on pouvait être assuré
qu'ils n'avaient -pas quitté l'écurie. Les
chiens ne cessaient d'aboyer et de hurler de
la manière la plus pitoyable. Les habitants
de Pesth ne pouvaient fermer l'œil de la
nuit.
Une vieille domestique, qui prétait une
grande attention à tout ce qui se passait,
jura avoir ouï quelqu'un monter et descen-
dre les escaliers à cheval, et parcourir les
appartements au galop. L'acquéreur de la
maison de Kantius, épouvanté de tout ce va-
carme, se promenail un jour dans les envi-
rons de la ville; il vit distinctement sur la
terre couverte de neige l'empreinte de pas
qui n'appartenaient à aucune créature hu-
maine, a aucun animal terrestre.
917
K\N
KAT
9!8
L'inquiétude devint inexprimable , lors-
qu'on acquit la certitude, par le témoignage
de personnes dignes de foi, que Kantius se
promenait à cheval non-seulement dans la
cour de son ancienne maison, mais encore
dans les rues de la ville, dans les vallées et
sur les collines des environs , courant avec
la rapidité de l'éclair, comme si quelque
chasseur infernal eût été à sa poursuite.
Un Juif prétendit que Kantius avait engagé
une lutte avec lui et lui avait fait souffrir une
torture inouïe. Un charretier déclara qu'en
approchant de Pesth il avait rencontré Kan-
tius, qui lui avait vomi à la figure de lon-
gues flammes bleues et rouges.
Mais voici qui est plus surprenant. Tous
les soirs, lorsque le pasteur se mettait au lit,
Kantius venait le rouler dans les draps en
avant et en arrière, jusqu'à ce que l'unifor-
mité du mouvement et la fatigue le fîïseiit
.succomber au sommeil. U se glissait auprès
de lui sous la forme d'un nain à travers les
fentes de la cloison.
Il arriva encore que les lèvres d'un enfant
furent tellement col'écs ensemble, qu'on ne
put les séparer : c'était l'œuvre de Kantius.
A certaines heures de la soirée, la lumière
des flambeaux devenait tout à coup blanche
et triste : c'était le signe infaillible de la vi-
.«ite de Kantius. — Des vases qui contenaient
du lait la veille furent trouvés le lendemain
vides ou remplis de sang. L'eau des fontai-
nes devint insalubre et corrompue ; des vieil-
lards furent étranglés dans leurs lits sans
que l'on parvînt à découvrir les auteurs de
«es crimes répétés. Tous ces événements ir-
réguliers, et bien d'autres encore qu'il serait
trop long d'énumérer, ne devaient-ils pas
être attribués à Kantius?
Qu'il nous sulfise, pour dernier trait, de
dire qu'à la funèbre clarté de la lune appa-
raissait, à la lucarne d'une yieille tour, une
tête aux yeux élincelants, qui tout à coup
prenait la forme d'un manche à balai ou
d'une chauve-souris. Celte tête était celle de
Kantius, el ne pouvait être celle d'un autre.
Enfin la frajeur et le désespoir des habi-
tants de Pesth furent poussés au dernier
point. Les voyageurs évitaient la ville ; le
commerce s'anéantissait : les citoyens fini-
rent par chercher un remède à cet état de
choses; il fut résolu en conseil de commune
<iue l'on commencerait par s'assurer si lé-
chevin était bien mort. — En conséquence
les plus courageux des habitants se mirent
en route pour le cimetière, où ils ouvrirent
plusieurs fosses avec précaution. Ils remar-
quèrent, non sans surprise , que les voisins
de Kantius, qui avaient été enterrés avant ou
après lui, éiaient tous réduits en poussière,
tandis que sa peau à lui était tendue el ver-
meille. On lui mil un bâton dans la main, il
le saisit fortement, ouvrit les yeux cl les re-
ferma aussitôt. On lui piqua une veine de la
jambe, et le sang coula en abondance. Ce-
pendant il y avait six mois qu'il avait été mis
en terre. Le maire fit sur son compte une en-
(1) Nous avons recueilli ceUe histoire dans nn feuilleton
de la presse périodique, ^ous regrettons de n'être pas en
quête en règle. Le tribunal condamna Jean
Kantius, échevin de Pesth, à être brûlé com-
me vampire.
Mais l'exécution rencontra un obstacle
étonnant. On ne put tirer le corps de la fosse,
tant il était pesant.
Enfin les citoyens de Pesth, bien inspirés,
cherchèrent et découvrirent le cheval dont la
ruade avait tué Kantius; ce cheval parvint à
grand'peine à amener hors de terre les res-
tes de son ancien maître. Mais lorsqu'il s'a-
git d'anéantir ces restes, une autre difficulté
se présenta. On mil le corps sur un bûcher
allumé, et il ne se consuma pas On fut
obligé de le couper en morceaux que l'on ré-
duisit parliellement en cendres, et depuis
lors l'échevin Jean Kantius cessa de faire des
apparitions dans sa ville natale (1).
KARCIST, nom qu'on donne, dans le Dra-
gon rouge, à l'adepte ou sorcier qui parle avec
les esprits.
KAIIRA-KALF, le plus haut degré de la
magie en Islande. Dans les temps modernes,
lorsqu'on pratiquait le karra-kalf, le diable
paraissait sous la forme d'un veau nouvelle-
ment né et non encore nettoyé par sa mère.
Celui qui désirait d'être initié parmi les ma-
giciens était obligé de nettoyer le veau avec
sa langue; par ce moyen, il parvenait à la
connaissance des plus grands mystères.
KATAKHANÈS. C'est le nom que les ha-
bitants de lî'.e de Candie donnent à leurs
vampires. En aucune contrée du Levant la
croyance aux vampires ou katakhanès n'est
aussi générale que dans cette île, où l'on
croit aussi aux démons des montagnes, de
l'air et des eaux. Voici un récit fait il n'y
a pas longtemps à un voyageur anglais ,
M. Pashiey, qui le rapporte comme il lui q
été raconté. Nous l'empruntons à la iîecwe
britannique (mars 1837) :
«Un jour le village de Kalikrati, dans lo
district de Sfakia, fut visité par un katakha-
nès; les habitants s'efforcèrent de découvrir
qui il était et d'où il venait. Ce katakJianès
tuait non-seulemenl les enfants, mais encore
les adultes, el il étendait ses ravages jusqu'aux
villages des environs. Il avait éié enterré
dans l'église de Saint-Georges à Kalikrati, et
une arche avait été construite au-dessus do
sa tombe. Un berger, gardant ses moutons
el ses chèvres auprès de l'église , fut surpris
par une averse, et vint se réfugier sous cette
arche. Après a voir ôté ses armes pour prendre
du repos, il les posa en croix à côté de la
pierre qui lui tenait lieu d'oreiller. — La nuit
vint. Le katakhanès , sentant alors le besoin
de sortir pour faire du mal aux hommes, dit
au berger:
Compère, lève-toi de là, car j'ai des affaires
qui m'obligent de sortir.
Le berger ne répondit ni la première fois,
ni la seconde, ni la troisième; il supposa qua
le mort inhumé danscelte tombe était le ka-
takhanès auteur de tous les meurtres commis
dans la contrée. En conséquence, la qua-
mcsurc de citer l'auteur.
919
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
•HO
trième fois qu'il lui adressa la parole, le ber-
ger répondit :
Je ne me lèverai point de là, compère, car
je crains que tu ne vailles pas grand'chose,
et lu pourrais me faire du mal; mais s'il faut
que je me lève, jure par ton linceul que tu
ne me toucheras pas; alors je me lèverai.
Le katakhanès ne prononça pas d'abord
les paroles qu'on lui demandait; mais le
berger persistant à ne point se lever, il finit
par faire le serment exigé. Sur cela le berger
se leva et ôla ses armes du tombeau; le ka-
takhanès sorlit aussitôt; après avoir salué le
berger, il lui dit :
— Compère, i! ne faut pas que tu t'en ailles ;
reste assis là; j'ai des affaires dont il est né-
cessaire que je m'occupe ; mais je reviendrai
dans une heure, et je te dirai quelque chose.
Le berger donc attendit ; le katakhanès s'en
alla à environ dix milles île là, où vivaient
deux jeunes époux nouvellement mariés; il
les égorgea tous deux. A son retour, le berger
s'aperçut que les mains du vampire étaient
souillées de sang , et qu'il rapportait un foie
dans lequel il soufflait, comme l'ont les bou-
chers, pour le faire paraître plus grand.
Asseyons-nous, compère, lui dit le kata-
khanès, et mangeons le Ibie que j'apporte.
Mais le berger fit semblant de manger; il
n'avalait que le pain et laissait tomber les
morceaux de foie sur ses genoux.
Or, quand le moment de se séparer fut
venu, le katakhanès dit au berger:
Compère, ce que lu as vu, il ne faut point
eu parler; car, si tu le fais, mes vingt ongles
se fixeront dans ta figure et dans celles de
tes enfants.
Malgré cela , le berger ne perdit point de
temps; il alla sur-le-champ tout déclarera
des prêtres et à d'autres personnes; et on se
renaît au tombeau, dans lequel on trouva le
corps du katakhanès précisément dans l'état
où il était quand on l'avait enterré : tout le
monde fut conTainca que c'était lui qui était
cause des maux qui pesaient sur le pays. On
rassembla une grande quantité de bois que
l'on jeta dans la tombe, et on brûla le cada-
vre. Le berger n'était pas présent; mais,
quand le katakhanès fut à moitié consumé,
il arriva pour voir la fin de la cérémonie, et
alors le vampire lança un crachat : c'était
une goutte de sang qui tomba sur le pied du
berger; ce pied se dessécha comme s'il eût
été consumé par le f.!U.
Quand on vit cela, on fouilla avec soin
dans les cendres; on y trouva encore l'ongle
du petit doigt du katakhanès; on le réduisit
en poussière.
Telle est la terrible histoire du vampire
de Kalikatri. C'est sans doute au goût qu'on
suppose à ces êtres malfaisants pour le l'oie
humain qu'il faut attribuer celte exclamation
que Tavernier attribue à une feiiinie can-
diote:— J'aimerais mieux manger le foie de
mon enfant ! Voy. Vampires.
KATMIH -Voy. D.>RM\?(TS,àli fin.
K.WBORA, esprit d.s forêts, à l'existence
dutiuel croiea' encore les Américains; ils d'-
(IJ Voyage au Brésil, par le père Neuwied, t. H, c. 12
sent que cet esprit enlève les enfants, les
cache dans les creux des arbres et les y
nourrit (1).
KELBY , esprit qu'une superstition écos-
saise suppose habiter les rivières sous diffé-
rentes formes, mais plus fréquemment sous
celle du cheval. Il est regardé comme mal-
faisant et porte quclquelois une torche. On
attribue aussi à ses regards un pouvoir de
fascination.
KELEN et NYSROCK, démons que les dé-
monographes font présider aux débauches,
aux danses, aux orgies.
RENNE . pierre fabuleuse qui se forme
dans l'œil d'un cerf, et à laquelle on attribue
des vertus contre les venins.
KEPHALONOMANCIE , divination qui se
pratiquait en faisant diverses cérémonies sur
la tête cuite d'un âne. Elle était familière aux
Germains. Les Lombards y substituèrent une
têlede chèvre.
Delrio soupçonne que ce genre de divina-
tion, en usage chez les Juifs infidèles, donna
lieu à l'imputation qui leur fut faite d'adorer
un âne. Les anciens la pratiquaient en met-
tant sur des charbons allumés la tête d'un
âne, en récitant des prières superstitieuses,
en prononçant les noms de ceux qu'on soup-
çonnait d'un crime, et en observant le mo-
ment où les mâchoires se rapprochaient avec
un léger craquement. Le nom prononcé en
cet instant désignait le coupable.
Le diable arrivait aussi quelquefois sans se
montrer pour répondre aux questions qu'on
avait à lui faire.
KHUMANO-GOO, sorte d'épreuve en usage
au Japon. On appelle goo un petit papier
rempli de caractères magiques, de figures de
corbeau et d'autres oiseaux noirs. On pré-
tend que ce papier est un préservatif assuré
contre la puissance des esprits malins; et les
Japonais ont soin d'en acheter pour les ex-
poser à l'entrée de leurs maisons. M;iis parmi
ces goos, ceux qui ont la plus grande vertu
viennent d'un certain endroit nommé Khu-
mano; ce qui fait qu'on les appelleKhumano-
goos.
Lorsque quelqu'un est accusé d'un crime
et qu'il n'y a pas de preuves suffisantes pour
le condamner, on le force à boire une cer-
taine quantité d'eau dans laquelle on met un
morceau de khumano-goo. Si l'accusé est
innocent, cette boisson ne produit sur lui
aucun effet; mais s'il est coupable , il se
sent attaqué de coliques qui le forcent à
avouer. Quelquefois on fait avaler le Goo.
Voy. ce mot.
KIJOUN, nom d'une idole que les Israélites
honorèrent dans le désert, et qui paraît avoir
été le soleil. Le prophète Amos en parle au
thap. V.
KIONES , idoles communes en Grèce, qui
ne consistaient qu'en pierres oblongues en
forme de colonnes, d'où vient leur nom.
KIIIGHIS. Les Kirghis , voisins des Kal-
moucks,>ionld'une taille jnédiocriî, ont presque
tous les jambes cagneuses, présentant une
physionomie assez agréable lorsqu'ils sont
jeunes • ils ne portent alors que la moustache,
Ô-'t
KLE
KLE
922
mais en vieillissant ils laissent croître leur
barbeàpartirde la pointe du menton, et l'em-
bonpoint effrayant qu'ils atteignent, par suite
d'une constante oisiveté, leur donne un as-
pect hideux.
Les Kirghis sont mahométans; ils ont un
crand prêtre appeIé.4c/«0Mn, qui réside près du
khan; ignorants et superstitieux, ils croient
aux sortilèges et possèdent cinq classes de
magiciens : les uns font leurs prédictions avec
dos livres , d'autres so servent de romopiate
d'une brebis, dépouillée avec un couteau,
car elle serait sans vertu si quelqu'un y avait
porté les dents; une troisième classe , pour
lire dans l'avenir, sacrifie un cheval, un
mouton ou un bouc sans défaut; la quatrième
enfin consulte Ja flamme qui s'élève du
beurre ou de la graisse jetée dans le feu.
Enfin il y a des sorcières qui ensorcèlent les
esclaves, persuadent aux maîtres que si l'es-
clave ensorcelé venait à déserter, il s'égare-
rait indubitablement dans sa fuite et retom-
berait dans les mains de son maître; que s'il
s'échappait, il rentrerait au moins dans l'es-
clavage du même peuple.
Pallas rapporte, d'après le récit même qu'il
en a entendu faire par les Kirghis , un fait
assez ingénieusement inventé :
Un parti de Kirghis se mit un jour en cam-
pagne avec un des <Ievins de la seconde classe
pour attaquer lesKalmoucks ; ceux-ci avaient
également un devin qui , employant toute sa
science, avertit ses compatriotes de l'arrivée
des Kirghis , et les engagea à s'éloigner à
mesure que ceux-ci avançaient. Le devin
kirghis, voyant que son frère le Kalmouck
allait faire échouer l'entreprise, employa la
ruse; il dit aux Kirghis de seller leurs che-
vaux à reculons et de monter dessus. Le
Kalmouck, ainsi induit en erreur, vit sur son
os que les Kirghis rétrogradaient; il conseilla
donc à son parti de revenir sur ses pas. Les
Kirghis joignirent par ce moyen les Kal-
moucks et les firent prisonniers (1).
KLEUDDE (2). Kleuddc, tout barbare, tout
cacophonique quedoit vous paraître ce nom,
est un lutin, et un lutin national, un lutin
vivant des brouillards de la Flandre et du
Brabant, un lutin belge en un mot. — Si vous
avez quelque feu dans l'imagination, sans
doute qu'à ce seul nom de lutin vous vous
formez déjà toute une cour fantastique, idéale,
surnaturelle, composée de gnomes aux yeux
malins, de sylphes aux ailes d'azur, aux
cheveux d'or, de salamandres aux pieds de
feu. — Poètes, jeunes filles, enfants, Kleudde,
avec son enveloppe sombre, avec son nom
aussi affreux que son être; Kleudde doit d'un
seul mot tuer l'échafaudage de vos songes.
Kleudde est un lutin malfaisant, qui a les re-
gards du basilic et la bouche du vampire,
l'agilité du follet et la kideur du griffon.
Kleudde aime les nuits froides et brumeu-
ses, les prairies désertes et arides, les champs
incultes et blanchis par des os de morts, les
arbres frappés de la foudre, l'if et le cyprès ;
11) la Russie pittoresque.
2) Cette notice est du M. le baroD Jutes de SaiiU-Ge-
il se plaît au milieu des ruines couvertes d«
mousse; il fuit les saints lieux où reposent
des chrétiens , l'aspect d'une croix l'éblouit
et le torture; il ne boit qu'une eau verle
croupissant au fond d'un étang desséché : le
pain n'approche jamais de ses lèvres.
Kleudde évite la foule; la lumière du grand
jour lui brûle les yeux; il n'apparaît qu'aux
heures où le hibou gémit dans la tour aban-
donnée; une caverne souterraine est sa de-
meure; ses pieds n'ont jamais souillé le seuil
d'une habitation humaine : le mystère et
l'horreur entourent son existence maudite.
Vagues comme les atomes de l'air, ses formes
échappent aux doigts et ne laissent aux
mains de l'imprudent qui essayerait de les
étreindre qu'une ligne noire et douloureuse
comme une brûlure.
Son rire est semblable à celui des damnés ;
son cri, rauque et indéfinissable, fait tres-
saillir jusqu'au fond des entrailles; Kleudde
a du sangde démon dans les veines. Malheur
à qui, le soir, dans sa route, rencontre
Kleudde, le lutin noir!
Dans certains villages du Brabant la nom
seul de Kleudde exerce sur l'esprit de»
paysans un empire si redoutable, qu'il serait
impossible de les faire sortir de leur maison
à une heure avancée de la nuit pour les en-
voyer dans un champ, un bois, une prairie
où la croyance populaire place ce lutin. Le»
cnfanîs en ont une grande peur; on les me-
nace de la présence de Kleudde lorsqu'ils
font mal. La frayeur des jeunes filles n'est
pas moins enracinée pour cette espèce de
loup-garou; plus d'une le soir arrive essouf-
flée au foyer paternel raconter en tremblant
qu'elle a aperçu Kleudde agitant ses chaînes
dans l'ombre.*
Au dire des campagnards , ce lutin est un
véritable protée, prenant les formes les plus
diverses, les plus bizarres. Tantôt c'est un
arbre d'abord très-petit , ensuite s'allon-
geant peu à peu à une hauteur prodigieuse;
puis, se mouvant tout à coup, il s'élève de
terre et disparaît dans les nuages. Le seul
mal que Kleudde fasse réellement sous cette
forme, c'est de déraciner et de renverser le»
autres arbres qu'il rencontre sur son passage
Tantôt il se revêt de la peau d'un chien*
noir; il marche sur ses pattes de derrière ^
agite une chaîne qu'il porte au cou et saul&
à l'improvisle sur les épaules de celui qu'il
voit la nuit dans un sentier isolé , l'étreint^
le jette par terre et s'enfuit.
Souvent Kleudde est un cheval maigre et
efflanqué; alors il devient l'épou vantail de»
garçons d'écurie. On sait que c'est l'usage
dans les grandes fermes de mettre pendant
la nuit les chevaux en pâture dans les prai-
ries; les domestiques rapportent avec une
bonne foi rustique qu'il leur arrive parfois,
lorsqu'ils croient monter sur une de leurs
juments, d'en fourcher Kleudde, qui aussitôt se
met à courir de toutes ses forces, jusqu'à ce
que, arrivé près d'un étang ou d'un ruisseau,
il se cabre et y précipite son cavalier : ensuite,
unis, qui l'a donnée, il j a queliues années, dans leJoUT'
naldci Flandres.
«S3
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES
m
pondant que la victime se débat dans l'eau ,
il se couche un instant à plat ventre, pousse
■un éclat de rire et disparaît au moment où le
cavalier sort de son bain.
Selon les circonstances, Klcudde se ciiange
«n chai , en crapaud , en chauve-souris , en
tout autre animal. Les paysans prétendent
pouvoir rrconnaîtreson approche à deux pe-
tites flammes bleues qui vacillent et s'avan-
cent en sautillant , mais toujours en ligne
•droite; ces petites llanimes sont les prunel-
les de ses deux yeux. Le seul moyen alors
«l'éviter Kleudde, c'est de s'enfuir en zigzag,
«omme ferait celui que poursuit un scrpenl.
H y a de cela trois mois, je logeais par
iiasard dans une ferme à Ternalh, aux envi-
rons de Bruxelles. C'était le soir ; je me trou-
vais en compagnie avec tout le personnel de
la ferme, réuni autour d'un large foyer d'hi-
ver. En société de ces bons et simples pay-
sans, c'était pour moi une nouveauté d'au-
tant plus piquante que je comptais mettre la
soirée à proflt pour recueillir quelques ren-
seignements sur Kleudde. J'amenai la cause-
rie sur ce sujet, sur les lutins, sur les kabo-
terinannekens et autres follets dont le nom
m'échappe.
— Monsieur, savez - vous l'origine de
Kleudde? me dit un vieux domestique.
— Non, lui répondis-je, ravi de son inter-
pellation.
— C'est affreux à entendre, continua le vieil-
lard. Voici comme on le raconte dans notre
endroit, lly a bien cent ans, on voyait au bout
du bois qui borde la partie nord du village
une petite et chélive maison habitée par une
femme si décrépite, si hideuse, qu'on songea
plus d'une fois à s'emparer d'elle atin de la
brûler comme sorcière ; car tout le monde
disait qu'elle avait des rapports avec le diable
et que sa baraque servait de lieu de réunion
pour le sabbat. Un soir qu'un orage, tel qu'on
n'en avait entendu de mémoire d'homme,
ébranlait toutes les habitations, le feu du ciel
tomba sur la masure suspecte et la consuma
ainsi que la vieille femme, dont on aperçut
le lendemain le corps noirci gisant dans les
cendres. Pendant (rois jours personne n'osa
approcher du lieu de l'incendie; mais enGn
comme le propriétaire du bois voulait utili-
ser cette portion de son terrain, il prit avec
lui quelques-uns de ses plus courageux do-
mestiques munis de longs crochets pour re-
tirer la sorcière des décombres. Les valets
déforme se mirent en tremblant à l'ouvrage;
à peine eurent-ils touché la sorcière de leurs
crocs , qu'ils entendirent un grand bruit et
reçurent dans tous les membres une violente
commotion ; ils virent un petit homme noir
sortir du corps de la vieille, grandir tout à
coup et s'échapper des ruines, en crian t ;/irZeuc/-
de, Kleudde , Kleudde l 'Sons les domestiques
pcrdirentconnaissance,et lorsqu'ils revinrent
a eux, ils n'aperçurent plus ricnsurle théâtre
de l'incendie qu'un étang rempli d'une eau
(1) extrait d'un article signé XX. dansl'Jmi delareli-
çion. 11» du i9 octobre 1814.
(2) Dp Sapienlla iuftisa Adamca Salomoneaquo.— Arca-
i-nm uiicrocosinicum; Paris, 1681.— rrodromusquinqueii-
croupissante dont l'odeur soulevait le cœur.
L'âme damnée de la sorcière était passée
dans le corps de cet homme noir, ou, pour
mieux dire, dans le corps de ce diable, qui
depuis, n'ayant plus aucun repos, parcourt
les campagnes et les plaines cherchant à
nuire à tout ce qu'il rencontre...
KOBAL, démon perfidequimordenrianf, di-
recteur général des farces de l'enfer, qui doi-
vent être peu joyeuses; patron des comédiens.
KOBOLD , esprit de la classe des lutins.
« C'est un petit nain étrange, de forme rabou-
grie , avec des habits bariolés, un bonnet
rouge sur la tête. Honoré par les valets, les
servantes et les cuisinières de l'Allemagne,
il leur rend de bons offices ; il étrille leurs
chevaux , il lave la maison , tient la cuisine
en bon ordre et veilleà tout. Qu'on ne s'avise
pas de le négliger. Si c'est une cuisinière,
rien ne lui réussit; elle se brûle dans l'eau
bouillante; elle brise la vaisselle ; elle ren-
verse ou gâte les sauces; et quand le maître
du logis la gronde, elle entend le Kobold
rire aux éclats derrière elle. Sil a reçu quel-
que insulte, la scène devient plus tragique,
il verse dans les plats du poison ou du sang
de vipère ; quelquefois uiôme il tord le cou
à l'imprudent valet qui l'a harcelé (!).'> — il
est de la famille des Cabales et des Coboli;
peut-être leur tige. — Voy. ces mots.
KORAN. Voy. Maohidath.
KOUGHAS, démons ou esprits malfaisants',
redoutés des Aléotes , insulaires voisins du
Kamtschalka. Ils attribuent leur état d'asser-
vissement et leur détresse à la supériorité
des koughas russes sur les leurs ; ils s'ima-
ginent aussi que les étrangers , qui parais-^
sent curieux de voir leurs cérémonies,
n'ont d'autre intention que d'insulter à leurs
koughas, et de les engager à retirer leur pro-
tection aux gens du pays.
KRATIM ou KAÏMIR. C'est le nom qu'on
donne au chien des septDormants. Voy. Dor-
mants.
KUHLMANN (Qcirinus), l'un des vision-
naires du dix-seplièi»e siècle, né à Breslau
en 1651. Il était doué d'un esprit vif, étant
tombé malade à lâge de huit uns , il éprouva
un dérangetnent dans ses organes, et crut
avoir des visions. Une fois il s'imagina voir
le diable, escorté d'une foule de démons su-
balternes ; un autre jour il se persuada que
Dieu lui avait apparu : dès ce moment il ne
cessa de voir à côté de lui une auréole écla-
tante de lumière. 11 parcourut le Nord es-
corté d'une très-mauvaise réputation, il es-
croquaitde l'argent à.ceux qui lui montraient
quelque confiance , pour l'employer, disait-
il, à l'avancement du royaume de Dieu.
Il fut chassé de Hollande au commence-
ment de l'année 1675 , et voulut se lier avec
Antoinette Bourguignon, qui rejeta ses avan-
ces. H fut arrêté en Russie pour des prédic-
tions séditieuses, et brûlé à Moscou le 3 oc-
tobre 1689. Il a publié à Lubeck un Traité
de la sagesse infuse d'Adam et de Salomon (2j;
nli mirabilis. In-S"; Lcyde, 1674. On n'a qu'un volume de
cet ouvrage, qui devait en avoir Irois et contenir cenl raille
inventions curieuses, etc.
oas
LAC
on ]ui duit une quarantaine d'opuscules qui
n'ont d'autre mérite que leur rareté.
KUPAY, nom qui chez les Péruviens dé-
signait le diable. Quand ils prononçaient ce
nom, ils crachaient par terre en signe d'exé-
cration. On l'écrit aussi Gupai, etc'est encore
le nom que les Floridiens donnent au sou-
verain de l'enfer.
LAC
habitants de
92B
Asie qui adorent
KURDES ,
le diable.
KUTUKTUS. Les Tartares Kalkas croient
que leur souverain pontife , le kuluklus , est
immortel; et, dans le dernier siècle, leurs
fakirs firent déterrer et jeter à la voirie le
corps d'un savant qui dans ses écrits avait
paru en douter.
L
LABADIE (Jean ), fanatique du dix-sep-
tième siècle, né en 1610 à Bourg sur la Dor-
dogne. Il se crut un nouveau Jean-Baptiste,
envoyé pour annoncer la seconde venue du
Messie, et s'imagina qu'il avait des révéla-
tions. 1! assurait que Jésus-Christ lui avait
déclaré qu'il l'envoyait sur la terre comme
son prophète. Il poussa bientôt la suffisance
jusqu'à se dire revêtu de la divinité et parti-
cipant du nom et de la substance de Noire-
Seigneur. Mais il joignit à l'ambition d'un
sectaire le goût des plaisirs; il f;iisait servir
à SCS odieux projets le masque de la religion,
et il ne fut nu'un détestable hypocrite. 11
mourut en 1674.
Voici quelques-unes de ses productions :
Le IJérauld du grand roi Jésus, Amsterdam,
1667,in-12. Le Véritable Exorcisme, ou l'uni-
que moyen de chasser le diable du monde chré-
tien. — Le Chant royal du roi Jésus-Christ.
Ces ouvrages sont condamnés.
LABOUR, pays de Gascogne dont les ha-
bitants s'adonnaient au commerce et entre-
prenaient de longs voyages, où ils croyaient
que le diable les protégeait. Pendant que les
hommes étaient absents, Delancre dit que
les femmes devenaient d'habiles sorcières.
Henri IV envoya en 1G09 ledit Pierre Delan-
cre, conseiller au parlement de Bordeaux,
pour purger le pays de ces sorciers, qui,
instruits de son arrivée , s'enfuirent en Es-
pagne. 11 en fit toutefois brûler quelques-
uns.
LABOURANT. Voy. Pierre Labourant.
LAC. Grégoire de Tours rapporte que
dans le Gévaudan il y avait une montagne
appelée Héianie, au pied de laquelle était un
grand lac; à certaines époques de l'année
les villageois s'y rendaient de toutes parts
pour y faire des festins, offrir des sacrifices,
et jeter dans le lac, pendant trois jours, une
infinité d'offrandes de toute espèce. Quand ce
temps était expiré, selon la tradition que rap-
porte Grégoire de Tours, un orage mêlé d'é-
clairs et de tonnerre s'élevait; il était suivi
d'un déluge d'eau et de pierres. Ces scènes
durèrent jusqu'à la fin du quatrième siècle.
Cent ans avant l'ère chrétienne il y avait
aussi à Toulouse un lac célèbre, consacré au
dieu du jour , et dans lequel les Tectosages
jetaient en offrandes de l'or et de l'argent en
profusion, tant en lingots et monnayé que
mis en œuvre et façonné.
On lit dans la Vie de saint Sulpice, évoque
de Bourges, qu'il y avait de son temps dans
le Berry un lac de mauvaise renommée, qn'on
appelait le lac des Démons. Voy. Pilate, Heb-
BADILLA, Is, etc.
LACAILLE (Denyse de). En 1612 la ville
de Beauvais fut le théâtre d'un exorcisme sur
lequel on n'a écrit que des facéties sans au-
torilé. La possédée était une vieille, nommée
Denyse de Lacaille. Nous donnons de cette
affaire la pièce suivante en résumé; nous la
croyons supposée par quelque farceur.
Extrait de la sentence donnée contre les dé-
mons qui sont sortis du corps de Denyse de
Lacaille.
« Nous, étant dûment informés que plu-
sieurs démons et malins esprits vexaient et
tourmentaient une certaine femme, nommée
Denyse de Lacaille, de la Landelle, nous
avons donné à Laurent Lepot toute puis-
sance de conjurer lesdils malins esprits. Le-
dit Lepot, ayant pris la charge, a fait plu-
sieurs exorcismes et conjurations, desquels
plusieurs démons sont sortis, comme le pro-
cès-verbal le démontre. Voyant que, de jour
en jour, plusieurs diables se présentaient;
comme il est certain qu'un cerlain démon,
nommé Lissi, a dit posséder ladite Denyse,
nous commandons, voulons, mandons, or-
donnons audit Lissi de descendre aux en-
fers, sortir hors du corps de ladite Denyse,
sans jamais y rentrer; et, pour obvier à la
revenue des autres démons, nous comman-
dons, voulons, mandons et ordonnons que Bel-
zébuth, Satan, Motelu et Briffault.les quatre
chefs, etaussi les quatre légions qui sont sous
leur puissance, et tous les autres, tant ceux
qui sont de l'air, de l'eau, du feu, de la terre
et autres lieux, qui ont encore quelque puis-
sance de ladite Denyse de Lacaille, compa-
raissent maintenant et sans délai, qu'ils aient
à parler les uns après les autres, à dire leurs
noms de façon qu'on les puisse entendre,
pour les faire mettre par écrit.
« Et à défaut de comparoir, nous les met-
tons et les jetons en la puissance de l'enfer,
pour être tourmentés davantage que de cou-
tume ; et faute de nous obéir, après les avoir
appelés par trois fois, commandons, vou-
lons, mandons que chacun d'eux reçoive les
peines imposées ci-dessus , défendant au
même Lissi, et à Ions ceux qui auraient pos-
sédé le corps de ladite Denyse de Lacaille,
d'entrer jamais dans aucun corps, tant de
créatures raisonnables que d'autres
«Suivant quoi ledit Lissi, malin esprit,
857
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES,
928
prêt à sortir, a signé ces présentes. Belzé-
bulh paraissani, Lissi s'est retiré au bras
droit; lequel Belzébulh a signé; pareillement
Reizébulh s'élant retiré, Salan apparut, et a
signé pour sa légion, se retirant au bras gau
che; Motelu, paraissant, a signé pour toute
la sienne , s'ét.int retiré à l'oreille droite;
incontinent Bjriffaultest comparu, et a signé
ces présentes. — Signé Lissi; Belzébutu;
Satan; Motelu; Briffault.
« Le signe et la marque de ces cinq dé-
mons sont apposés à l'original du procès-
verbal.
« Benuvais.le 12 décembre 1612. »
LACHANOPÏERES, animaux imaginaires
que Lucien place dans le globe de la lune.
C'étaient degrands oiseaux couverts d'herbes
au lieu de plumes.
LACHUS, génie céleste, dont les Basili-
diens gravaient le nom sur leurs pierres d'ai-
mant magique; ce talisman préservait des
enchantements.
L.\CI (Jean), auteur d'un ouvrage intitnlé
Averlissements prophétiques, publié en 1708,
un vol. in-8"; il parut différents ouvrages de
cette sorte à l'occasion des prétendus pro-
phètes des Cévennes.
LAENSBERGH (Mathieu), Liégeois célèbre
qui passe parmi le peuple pour le plus grand
mathématicien, astrologue et prophète des
temps modernes. Ses prédictions trouvent en-
core, dans les campagnes, de bonnes gens
qui se feraient scrupule d'en douter, et qui,
quand son almanach prédit de la pluie pour
un jour de beau temps, se contentent de dire :
« il pleut ailleurs. » Le premier almanach de
Mathieu Laensbergh a paru en 1636.
LAFIN ( Jacques ), sorcier qui fut accusé
d'envoûlement; on dit même qu'on trouva
sur lui des images de cire qu'il faisait par-
ler(i).
LAICA. Nom de fées chez les Péruviens.
Les laicas étaient ordinairement bienfaisan-
tes, au lieu que la plupart des autres magi-
ciennes mettaient leur plaisir à faire du uial.
LAMIA, reine de Libye, qui fendait le ven-
tre des femmes grosses pour dévorer leurs
fruits. Elle a donné son nom aux lamics.
LAMIES, démons mauvais, qu'on trouve
dans les déserts sous des Ggures de femmes,
ayant des têtes de dragon au bout des pieds.
Elles hantent aussi les cimetières , y déter-
rent les cadavres, les mangent, et ne laissent
des morts que les ossements.
A la suite d'une longue guerre, on aperçut
dans la Syrie, pendant plusieurs nuits, des
troupes de lamies qui dévoraient les cada-
vres des soldats inhumes à fleur de terre. On
s'avisa de leur donner la chasse, et quelques
jeunes gens en tuèrent plusieurs à coups
«l'arquebuse; il se trouva le lendemain que
ces lamies n'étaient plus que des loups et
Ucs hyènes.
11 se rencontre des lamies, très-agiles à la
course, dans l'ancienne Libye; leur voix est
(1) M. Garinel, Hist. de la magie en France, p. 175.
(2)Hi.sl. des 8i)eclres, ou Apparit. des esprils, liv. U\,
p. 199.
(3)Naud£, Apol. pour les grands persoaaai^es, etc.,
un sifflement de serpent. Quelle que soit leur
demeure, il est certain, ajoute Leloyer, qu'il
en existe, « puisque cette croyance était en
vigueur chez les anciens.... » Le philosophe
Ménippo fut épris d'une lamie. Elle l'attirait
à elle; heureusement qu'il fut averti de s'en
défier, sans quoi il eût été dévoré.
Semblables aux sorcières, dit encore Le-
loyer (2), ces démons sont très-friands du
sang des petits enfants.
Tous les démonomanes ne sont pas d'ac-
cord sur la forme des lamies: Torquemada,
dans son Hexaméron, dit qu'elles ont une
figure de femme et dos pieds de cheval ; qu'on
les nomme aussi chevesches, à cause du cri
et de la friandise de ces oiseaux pour la chair
fraîche. Ce sont des espèces de sirènes selon
les uns ; d'autres les comparent aux gholcs
de l'Arabie.
On a dit bien des bizarreries sur ces fem-
mes singulières. Quelques-uns prétendent
qu'ellesne voient qu'àtravers une lunette (3).
Wierus parle beaucoup de ces monstres
dans le troisième livre de son ouvrage sur
les Prestiges. Il a même consacré aux lamies
un traité particulier {'*).
LAMOTTE LE VAYER (François), littéra-
teur, né à Paris en 1588, et mort en 1672.
C'était, selon Naudé , le Plutarque de la
France, ressemblant aux anciens par ses opi-
nions et ses mœurs. Il a laissé des Opuscules
sur le Sommeil et les Songes, in-8'", Pa-
ris, 1643.
LAMPADOMANCIE , divination dans la-
quelle on observait la forme, la couleur et
les divers mouvements de la lumière d'une
lampe, afln d'en tirer des présages pour l'a-
venir.
LAMPE MERVEILLEUSE. Il y avait à Pa-
ris, du temps de saint Louis, un rabbin fa-
meux, nommé Jéchiel, grand faiseur de pro-
diges, et si habile à fasciner les yeux par les
illusions de la magie ou de la physique, que
les Juifs le regardaient comme un de leurs
saints, et les Parisiens comme un sorcier.
La nuit, quand tout le monde était couché,
il travaillait à la clarté d'une lampe mer-
veilleuse, qui répandait dans sa chambre une
lumière aussi pure que celle du jour. Il n'y
mettait point d'huile; elle éclairait conti-
nuellement, sans jamais s'éteindre, et sans
avoir besoin d'aucun aliment.
On disait que le diable entretenait cette
lampe et venait passer la nuit avec Jéchiel.
Aussi tous les passants heurtaient à sa porte
pour l'interrompre. Quand des seigneurs ou
d'honnêtes gens frappaient , la lampe jetait
une lueur éclatante, et le rabbin allait ou-
vrir ; mais toutes les fois que des importuns
faisaient du bruit pour le troubler dans son
travail, la lampe pâlissait; le rabbin, averti,
donnait un coup de marteau sur un grand
clou flché au milieu de la chambre ; aussitôt
la terre s'enlr'ouvrait et engloutissait les
mauvais plaisants (o).
cli.ip. 8.
(V) j: Wieri de Lamiis liber. In-4"; Baie, 1S77.
(s) Sauvai, Aiitinuilés de Taris, etc.
929
LAN
LAN
930
Les miracles de la lampe inextinguible
étoiinaienl tout Paris. Saint Louis, en ayant
entendu parier, fit venir Jéchiel , afin de la
voir; il fut content, disent les Juifs, de la
science étonnante de ce rabliin.
LAMPES PEUPETUELLES. En ouvrant
quelques anciens tombeaux , tels que celui
de la fille de Cicéron, on trouva des lampes
qui répandirent un pou de lumière pendant
quelques moments , et même pendant quel-
ques heures; d'où l'on a prétendu que ces
lampes avaient toujours brûlé dans les tom-
beaux.
Mais comment le prouver? dit le père Le-
brun ; on n'a vu paraître des lueurs qu'a-
près que les sépulcres ontété ouverts et qu'on
leur a donné de l'air. Or il n'est pas surpre-
nant que dans les urnes qu'on a prises pour
des lampes il y eût une matière qui , étant
exposée à l'air, devînt lumineuse comme les
pliosphores. On sait qu'il s'excite quelque-
fois des flammes dans les caves, dans les ci-
metières et dans tous les endroits ou il y a
beaucoup de sel et de saipêlre. L'eau de la
mer, l'urine et certains bois produisent de
la lumière et même des flammes , et l'on ne
doute pas que cet efl'et ne vienne des sels
qui sont en abondance dans ces sortes de
corps.
Mais d'ailleurs Ferrari a montré claire-
ment, dans une savante dissertation, que ce
qu'on débitait sur ces lampes éternelles n'é-
tait appuyé que sur des contes et des his-
toires fabuleuses.
LAMPON, devin d'Athènes. On apporta un
jour à Périclès, de sa maison de campagne ,
un bélier qui n'avait qu'une corne très-forte
au milieu du front ; sur quoi Lampon pro-
nostiqua ( ce que tout le monde prévoyait )
que la puissance , jusqu'alors partagée en
deux factions, celle de Thucydide et celle de
Périclès , se réunirait dans la personne dj
celui chez qui ce prodige était arrivé.
LAMPROIES, poisson à qui on a donné
neuf yeux ; mais on a reconnu que c'était
une erreur populaire, fondée sur ce que les
lamproies ont sur le côté de la tête des cavi-
tés , qui n'ont aucune communication avec
le cerveau (1).
LANCINET. Les rois de France ont de
temps immémorial revendiqué l'honneur de
guérir les écrouelles. Le premier qui fut
guéri fut un chevalier nommé Lancinet.
Voici comment le fait est conté :
Il était un chevalier nommé Lancinet, de
l'avis duquel le roi Glovis se servait ordi-
nairement lorsqu'il était question de faire la
guerre à ses ennemis. Etant affligé de cette
maladie des écrouelles , et s'élant voulu ser-
vir de la recette dont parle Cornélius Celsus,
qui dit que les écrouelles se guérissent si l'on
mange un serpent, l'ayant essayée par deux
fois, et ce remède ne lui ayant point réussi ,
(l)Brown, Des Erreurs popul. , lom. I", liv. Ht,
,iag. ôi9.
(2) Delaacre, Traité de ratloucheoient, p. lfJ9; Forca-
lel, De Imper, et pliilosop. gall.
(3) M. Salgues, Des Erreurs et des préjugés, etc., tom.
I", p. 273.
un jour, comme le roiClovis sommeillait, il
lui fut avis qu'il touchait doucement le cou
à Lancinet , et qu'au môme instant ledit Lan-
cinet se trouva guéri sans que même il parût
aucune cicatrice.
Le roi, s'étantlevé plus joyeux qu'à l'or-
dinaire , lout aussitôt qu'il fit jour, manda
Lancinet et essaya de le guérir en le tou-
chant , ce qui fut fait ; et toujours depuis
celte vertu et faculté a été comme hérédi-
taire aux rois de France , et s'est trausmiso
à leur postérité (2).
Voilà, sans contredit, un prodige : mais
on représentera que personne ne se nom-
mait Lancinet du temps de Clovis ; que ni
Glovis, ni Glotaire, ni le roi Dagobert, ni au-
cun des Mérovingiens ne se vantèrent de
guérir les humeurs froides; que ce secret
fut également inconnu aux Garlovingiens ,
et qu'il faut descendre aux Gapétiens pour
on trouver l'origine (3).
LANDELA, magicienne. Voy. Harpe.
LANGEAG, ministre de France, qui em-
ployait beaucoup d'espions, et qui fut sou-
vent accusé de communiquer avec le dia-
ble (4).
LANGUE. On lit dans Diodore de Sicile
que les anciens peuples de la Taprobanc
avaient une langue double, fendue jusqu'à la
racine, ce qui animait singulièrement leur
conversation et leur facilitait le plaisir
de parler à deux personnes en même
temps (5).
Mahomet vil dans son paradis des anges
bien plus merveilleux; car ils avaient cha-
cun soixante-dix mille télés, à chaque télé
soixante-dix mille bouches, et dans chaque
bouche soixante-dix mille langues qui par-
laient chacune soixante-dix mille idiomes
différents.
LANGUE PRIMITIVE. On a cru autrefois
que si on abandonnait les enfants à l'ins-
truction de la nature ils apprendraient
d'eux-mêmes la langue primitive , c'est-à-
dire celle que parlait Adam, que l'on croit
être l'hébreu. Mais malheureusement l'expé-
rience a prouvé que cette assertion n'était
qu'une erreur populaire (6). Les enfants éle-
vés par des chèvres parlent l'idiome des boucs,
et il est impossible d'établir que le langage
n'a pas été révélé.
LANGUET, curé de Saint-Sulpice, qui avait
un talent tout particulier pour l'expulsion de
certains esprits malins. Quand on lui ame-
nait une de ces prétendues possédées que les
convulsionnaires ont produites, et qui ont
donné malière à tant de scandales, il accou-
rait avec un grand bénitier plein d'eau com-
mune, qu'il lui versait sur la léle, en disant :
— Je t'adjure de te rendre tout à l'heure à
la S;ilpètrièrc,sans quoi je t'y ferai conduire
à l'instant. — La possédée ne reparaissait
plus.
(i) Berlin, Curiosités de la littérature, 1. 1", p. St.
(5) M. Salgues, Des Erreurs et des préjugés, tom. 111,
p. 119.
(6) TliomasBrown, Essais sur les erreors, t. II, ch. 23,
p. 95'.
931
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
932
LANTHILA , nom que les habitants des
Moluques donnent à un être supérieur qui
commande à tous les Nclos ou génies malfai-
sants.
LAPALUD. Voy. Palud.,
LAPONS. Les Lapons se distinguent un
peu des autres peuples : la hauteur des plus
grands n'excède pas un mètre et demi; ils
ont la tête grosse, le visage plat, le nez écrasé,
les yeux petits, la bouche large, une barbe
épaisse qui leur pend sur l'eslomac. Leur
habit d'hiver est une peau de renne, taillée
comme un sac, descendant sur les genoux,
et rehaussée sur les hanches avec une cein-
ture ornéede plaques d'argent; cequi adonné
lieuà plusieurs histori^i^dcdire qu'il y avait
des hommes vers le Nwfl velus comme des
bêles, et qui ne se servaient point d'autres
habits que ceux que la nature leur avait
donnés.
On dit qu'il y a chez eux une école de ma-
gie où lés pères envoient leurs enfants, per-
suadés que la magie leur est nécessaire pour
éviter les embûches de leurs ennemis, qui
sont eux-mêmes grands magiciens. Ils
font passer les démons familiers dont ils
se servent en héritage à leurs enfants, afin
qu'ils les emploient a surmonter les démons
des autres familles qui leur sont contraires.
Ils se servent souvent du tambour pour les
opérations de leur magie. Quand ils ont en-
vie d'apprendre cequi sepasseenpays étran-
ger, un d'entre eux bat ce tambour, meKant
dessus, à l'endroit où l'image du soleil est
dessinée, des anneaux de laiton attachés en-
semble par une chaîne de même métal. Il
frappe sur ce tambour avec un marteau four-
chu, fait d'un os, de telle sorte, que ces an-
ueaux se remuent. Le curieux chante en
même temps d'une voix distincte une chan-
son que les Lapons nomment jonk;tous ceux
qui sont présents, hommes et femmes, y ajou-
tent chacun son couplet, exprimant de temps
en temps le nom du lieu dont ils désirent sa-
voir quelque chose. Le Lapon qui frappe le
tambour le met ensuite sur sa tête d'une
certaine façon, et tombe aussitôt par terre,
immobile, sans donner aucune marque de
vie ; les assistants continuent de chanter
jusqu'à ce qu'il soit revenu à lui, car si
on cesse de chanter, l'homme meurt, disent-
ils, ce qui lui arrive également si quelqu'un
essaye de l'éveiller en le touchant de la main
ou du pied. On éloigne même de lui les mou-
ches et les autres animaux qui pourraient le
faire revenir.
Quand il reprend ses sens de lui-même, il
répond aux questions qu'on lui fait sur le
lieu où il a été envoyé. Quelquefois il ne se
réveille qu'au bout de vingt-quatre heures,
selon que le chemin qu'il lui a fallu parcou-
rira élélongoucourt;el, pour ne laisser au-
cun doute sur la vérité de ce qu'il raconte,
il se vante d'avoir rapporté du pays où il a
été la marque qu'on lui a demandée, comme
un couteau, un anneau, un soulier ou quel-
que autre chose.
Les Lapons se servent aussi du même tam-
bour pour savoir la cause d'une maladie, ou
pour faire perdre la vie ou la santé à leurs
ennemis.
Parmi ces peuples, certains magiciens ont
une espèce de gibecière de cuir, dans laquelle
ils tiennent des mouches magiques ou des
démons, qu'ils lâchent de temps en temps
contre leurs ennemis, ou contre le bétail, ou
simplement pour exciter des tempêtes et faire
lever des vents orageux Enfln ils ont une
sorte de dard qu'ils jettent en l'air, et qui,
dans leur opinion, cause la mort à tout ce
qu'il rencontre. Ils se servent encore, pour
ce même effet, d'une pelote nommée tyre,
de la grosseur d'une noix, fort légère, pres-
que ronde, qu'ils envoient contre leurs en-
nemis pour les faire périr; si par malheur
cette pelote rencontre en chemin quelque
autre personne ou quelque animal , elle ne
manque pas de leur causer la mort (1). Voy.
FlNNES.
LARES. Les lares étaient, chez les anciens,
des démons ou des génies gardiens du foyer.
Cicéron, traduisant le Timée de Platon, ap-
pelle lares ce que Platon nomme démons.
Festus les appelle dieux ou démons infé-
rieurs, gardiens des toits et des maisons.
Apulée dit que les lares n'étaient autre chose
que les âmes de ceux qui avaient bien vécu
et bien rempli leur carrière. Au contraire
ceux qui avaient mal vécu erraient vaga-
bonds'et épouvantaient les hommes.
Selon Servius , le culte des dieux lares est
venu de ce qu'on avait coutume autrefois
d'enterrer les corps dans les maisons, ce qui
donna occasion au peuple créJule de s'ima-
giner que leurs âmes y demeuraient aussi,
comme des génies secourables et propices,
et de les honorer en cette qualité.
On peut ajouter que la coutume s'étant in-
troduite plus tard d'inhumer les morts sur
les grands chemins, ce pouvait bien être de
là qu'on prit occasion de les regarder comme
les dieux des chemins. C'était le sentimenl
des platoniciens, qui des âmes des bons fai-
saient les lares, et des lémures des âmes des
méchants. On plaçait leurs statues dans un
oratoire que l'on avait soin de tenir propre-
ment. Cependant quelquefois on perdait le
respect à leur égard, comme à la mort de
quelques personnes chères; on les accusait
do n'avoir pas bien veillé à leur conserva-
tion, et de s'être laissé surprendre par les
esprits malfaisants. Caligula fit jeter les siens
par la fenêtre, parce que , disait-il, il était
mécontent de leurs services.
Quand les jeunes garçons étaient devenus
assez grands pour quitter les bulles qu'on
ne portait que dans la première jeu-
nesse, ils les pendaient au cou des dieux
lares. Les esclaves y pendaient aussi leurs
chaînes, lorsqu'ils recevaient la liberté. Voy.
Larves
LAIIMES. Les femmes accusées de sorcel-
lerie étaient regardées comme véritablement
sorcières lorqu'elies voulaient pleurer et
qu'elles ne le pouvaient. Une sorcière dont
parle Boguet dans son premier avis ne put
jeter aucune larme, bien qu'elle se fût plu-
(IJ Dom Calmet, Sur les Yaoïpires
9K3
LAV
LAZ
OZi
sieurs fois efforcée devant son juge : « Car il
a clé reconnu par expérience que les sor-
ciers ne jellenl point de larmes : ce qui a
donné occasion à Sprangeri Grillandel Bodin
de dire que l'une des plus fortes présomp-
tions que l'on puisse élever contre le sorcier
est qu'il ne larmoie point (1). »
LARIUVEY (Pieure), ancien poëte drama-
tique du seizième siècle, né à Troyes en 1590.
Il s'est fait connaître par un Almanach avec
grandes prédictions, le tout diligemment cal-
culé, qu'il publia de 1618 à 1647. Il précéda
ainsi Ma thieuLaensbcrgh.il ne mangeait point
de poisson, parce que, selon son horoscope,
il devait mourir étranglé par une arête, pré-
diction qui ne fut pas accomplie.
Lesalmanachs qui continuent de porter
son nom sont encore très-estimés dans le
midi de la France, comme ceux de Mathieu
Laensbergh dans le nord.
LARVES , âmes des méchants que l'on
dit errer çà et là pour épouvanter les vi-
vants ; on les confond souvent avec les lému-
res, mais les larves ont quelque chose de plus
effrayant.
Lorsque Caligula fut assassiné, on dit que
son palais devint inhabitable, à cause des
larves qui l'occupaient, jusqu'à ce qu'on lui
eût décerné une pompe funèbre. Voy. Fan-
tomes, Spectres, etc.
LAUNOY (Jean), célèbre docteur de Sor-
bonne, né le 21 décembre 1603 à Valdéric,
diocèse de Coutances.il a laissé une disserta-
tion pédantesque sur la vision de saint Simon
Stock, qu'il n'a pas su comprendre, étant un
peu janséniste ; un vol. in-S"; Paris , 1653
et 1663.
LAURIER, arbre qu'Apulée met au rang
des plantes qui préservent les hommes des
esprits malins. On croyait aussi chez les an-
ciens qu'il garantissait de la foudre.
LAUTHU, magicien tunquinois , qui pré-
tendait avoir été porté soixanle-dix ans dans
le sein de sa mère. Ses disciples le regardaient
comme le créateur de toutes choses. Sa mo-
rale est très-relâchée; c'est celle que suit le
peuple, tandis que la cour suit celle de Cou-
fucius.
LAVATER (Louis), théologien protestant,
né à Kibourg en 1527, auteur d'un traité sur
les spectres, les lémures(2), (ilc.yZurich, 1370,
in-12, plusieurs fois réimprimé.
LAVATER (Jean-Gaspard) , né à Zurich
en 1741, mort en 1801, auteur célèbre de l'Art
de juger les hommes par la physionomie.
Voy. Physiognomonie.
LAVISARI. Cardan écrit qu'un Italien
nommé Lavisari, conseiller et secrétaired'un
prince, se trouvant une nuit seul dans un
sentier, le long d'une rivière, et ne sachant
où était le gué pourla passer, poussa un cri,
dans l'espoir d'être entendu des environs.
Son cri ayant été répété parune voix de l'au-
tre côté de l'eau, il se persuada que quelqu'un
lui répondait, et demanda : — Dois-je passer
ici f
La vois lui répondit: — Ici.
( i i Boguet, Premier avis, n° GO, p. 26.
(2j De speclris , lemuribus el magnis alque insoliiis
Il vit alors qu'il était sur le bord d'ua
gouffre où l'eau se jetait en tournoyant.
Epouvanté du danger que ce gouffre lui pré-
sentait, il s'écrie encore une fois : — Faut-il
que je passe ici ?
La voix lui répondit : — Passe ici.
II n'osa s'y hasarder, et, prenant l'écho
pour le diable , il crut qu'il voulait le faire
périr et retourna sur ses pas '.3).
LAZARE, — tzar des Serviens dans leurs
temps héroïques. On lit sur ce prince, dans
les chants populaires des Serviens ( ces bar-
bares qui seront opprimés tant qu'ils outra-
geront les femmes, tant qu'ils diront grossiè-
rement qu'elles ont les cheveux longs et le
jugement court, tant qu'ils les écarteront de
leurs conseils el les traiteront en esclaves,) on
lit sur lui de singulières légendes.
Leur grand cycle poétique, c'est l'ère fa-
tale de la conquête, c'est la bataille de Kos-
sowo . où périt le roi Lazare , trahi par son
gendre Wuk et par ses douze mille guerriers.
A celte bataille, le poêle, c'est-à-dire, le peu-
ple ( car le poêle qui l'a chantée ne fait que
poser une tradition) le peuple fait assister
et mourir, par un touchant anachronisme,
les héros serviens qui naiiuirent plus tard,
comme s'il manquait à leur gloire d'avoir
sanctifié de leur présence et de leur mort cette
mémorable défaite des Serviens que n'eût pu
détourner tout le courage des temps passés,
rassemblé dans ce moment triste et solennel
de leur histoire. Dans un premier récit du
poëte intitulé les Apprêts religieux , le saint
prophète Elic vient annoncer au tzar la vo-
lonté de Dieu , et l'avertir qu'il est temps de
choisir entre le royaume du ciel et celui de la
terre.
« Lazare mande le patriarche de Servie et
les douze grands archevêques, pour qu'ils
donnentia sainte communion à ses braves, et
que purifiés ils se préparent à la mort »
« Comme il mène la bataille, le vaillant
Lazare I et avec lui périt l'armée entière des
Serviens ; soixante dix-sept mille vaillants
guerriers I maintenant tous pleins d'honneur
et de sainteté, ils sont admis auprès du Tout-
Puissant 1 »
Voilà le christianisme dans sa mâle austé-
rité , et le paradis chrétien dans son plus
beau contraste , avec les joies sauvages du
Walhalla et le paradis de Mahomet.
Dans un second récit , au moment où les
troupes défilent en bon ordre pour aller
mourir aux champs de Kossowo , la tzarine
Mililza demande à son noble époux qu'au
moins un de ses frères, un des neuf lugowilz,
reste avec elle dans la forteresse de Krusch-
watz. C'est bien le moment de tenircompagnio
aux femmes I Ils refusent tous de se désho-
norer. Golabun , le serviteur, reçoit l'ordre
do rester près de Mililza, et des larmes ruis-
sellent sur ses joues. Dès que l'aube du ma-
lin parait, deux corbeaux messagers, comme
dans les chants populaires de la Grèce mo-
derne , arrivent auprès de la tzarine qui se
fragoribus el prsesagilionibus qiiae obituni lioiiiinum cl»-
des, miitaiionesiiue iuiperipruiu praecfduiit. elc.
(S) Lenglel-Dutresnoy, Disseri-, 1. 1, p. ICU,
«55
trouble
DICT10N.NA.lHli: DES SCIENCES OCCULTES.
9^,6
puis le guerrier Milulinc, couvert
de dix-sept blessures et portant sa main
gauche dans sa droite , vient conter à Mi-
lilza comment l'illustre tzar, son époux, est
tombé, comment est tombé le vieux lug, son
père , comment sont tombés les neuf lugo-
witz (1) , et comment est tombé Milosch le
Wiiiwode.
« Que Dieu bénisse Milosch et tous les
siens 1 Son nom vivra dans les cœurs ser-
viens , dans les chants des femmes, dans les
récits des vieillards. »
Et comme le refrain lugubre de la chanson,
la malédiction tombe, avec le son monotone
de la gusla (2), sur l'infâme Wuk. Dans le
troisième récit, une jeune fille d'Amsel, le di-
manche au matin, pnrcourt à pas lents le
champ de carnage, le Waterloo de la Servie,
lave avec de l'eau fraîche le visage des bles-
sés , et leur verse dans la bouche quelques
gouttes de vin. Sous cette main charitable,
Paul Orlowilz , le jeune porte-étendard des
princes de Servie, reprend assez de force pour
dire à la jeune fille d'Amsel où est tombé son
fiancé , entre le waiwode Milosch et le kos-
santschilz Iwan :
« Chère sœur, jeune vierge d'Amsel, vois-îu
là-bas cet amas de lances de bataille ? Là où
elles sont plus hautes et plus pressées , là
ruisselait a grands flots le sang des héros.
Les coursiers en avaient jusqu'aux étriers
et aux sangles. Mais les héros en avaient
jusqu'à la ceinture ; c'est là que tous trois
sont tombés , les braves l Pour toi, retourne
à ta blanche demeure, et ne souille pas ta robe
dans le sang. »
On n'avait pu retrouver sur la sanglante
plaine la lête de Lazare. Un jeune Turc,
né d'une Servienne, l'avait jetée dans une
source d'eau vivej elle y resta quarante ans,
et elle brillait comme la lune sur l'eau. Ti-
rée de là enfin et jetée sur le gazon, elle va
rejoindre son corps , qui fut déposé par les
douze grands archevêques dans le beau mo-
nastère do llawanitza en Macédoine, « fondé
par Lazare de son propre argent, sans qu'il
en coûtât un para ou une larme à son pau-
vre peuple (3). »
LAZARK (Denys), prince de Servie, qui vi-
vait eu l'année de l'hégire 788. 11 est auteur
«l'un ouvrage intitulé les Songes , publié en
1686, 1 vol. in-8°. 11 prétend avoir eu des vi-
fiions nocturnes dans les royaumes de Sté-
phan, de Mélisch et de Prague.
LEAUPARTIE , seigneur normand d'un
esprit épais, qui fit paraître en 1735 un mé-
moire pour établir la possession et l'obses-
sion de ses enfants et de quelques autres
filles qui avaient copié les exlravagances de
ces jeunes demoiselles. — 11 envoya à la Sor-
bonnc et à la faculté de médecine de Paris des
observations pour savoir si l'état des possé-
dées pouvait s'expliquer naturellement. Il
exposa que les possédées entendaient le la-
Un ; qu'elles étaient malicieuses ; qu'elles
(1) lugowilz, enfants de lug.
(2) Guilare i une seule corde.
(3) Exlraiis des comptes fendus pw la presse périodique
«ur les léiieudes de la Servie.
parlaient en hérétiques ; qu'elles n'aimaient
pas le son des cloches ; qu'elles aboyaient
comme des chiennes ; que l'aboiement de
l'une d'elles ressemblait à celui d'un dogue;
que leur servante Anne Néel, quoique forte-
ment liée, s'était dégagée pour se jeter dans
le puits : ce qu'elle ne put exécuter, parce
qu'une personne la suivait ; mais que, pour
échapper à cette poursuite, elle s'élança con-
tre une porte fermée et p.issa au travers, etc.
— Le bruit s'étant répandu que les demoi-
selles de Lcauparlie étaient possédées, un
curé nommé Heurtin, faible ou intrigant,
s'empara de l'affaire, causa du scandale, fit
des extravagances. Mais M. de Luynes, évé-
que de Bayeux, le fit renfermer dans un sé-
minaire ; et les demoiselles , ayant été pla-
cées dans des communautés religieuses , so
trouvèrent immédiatement paisibles.
LEBUUN (Charles), célèbre peintre, né
à Paris en 1619 , mort en 1690. On lui doit
un Traité sur la physionomie humaine compa-
rée avec celle des animaux, 1 vol. in-folio.
LEBRUN (Piekre), oratorien , né à Bri-
gnolles en 1661 , mort en 1729. On a de lui :
1* Lettres qui découvrent l'illusion des philo-
sophes sur la baguette, et qui détruisent leurs
systèmes, 1693, in-12 ; 2° Histoire critique des
•pratiques superstitieuses qui ont séduit les
peuples et embarrassé les savants, 1702, 3
vol. in-12, avec un supplément, 1737, in-12.
Nous avons occasion de le citer souvent.
LÉCANOMANCIE. divination par le moyen
de l'eau. On écrivait des paroles magiques
sur des lames de cuivre, qu'on mettait dans
un vase plein d'eau, et une vierge qui regar-
dait dans celte eau y voyait ce qu'on voulait
savoir, ou ce qu'elle voulait y voir.
Ou bien on remplissait d'eau un vase d'ar-
gent pendant un beau clair de lune ; en-
suite on réfléchissait la lumière d'une chan-
delle dans le vase avec la lame d'un couteau,
et l'on y voyait ce qu'on cherchait à connaî-
tre.
C'est encore par la lécanomancieque chez
les anciens on mettait dans un bassin plein
d'eau des pierres précieuses et des lames d'or
et d'argent , gravées de certains caractères,
dont on faisait offrande aux démons. Après
les avoir conjurés par certaines paroles, on
leur proposait la question à laquelle on dési-
rait une réponse. Alors il sortait du fond de
l'eau une voix basse , semblable à un siffle-
ment de serpent, qui donnait la solution dé-
sirée. Glycas rapporte que Nectanébus, roi
d'Egypte, connut par ce moyen qu'il serait dé-
trôné ; et Delrio ajoute que de son temps
cette divination était encore en vogue partui
les Turcs.
Elle éiait anciennement familière aux
Cbaldéens, aux Assyriens et aux Egyptiens.
V'igenère dit qu'on jetait aussi du plomb
fondu tout bouillant dans un bassin plein
d'eau ; et par les figures qui s'en formaient
on avait la réponse à ce qu'on deman-
dait (4).
(i) Delancre , Incrédulité cl mécréance du soriilÈge
p'.eiuemoDt convaincues, p. 3GS.
957
LEG
LEG
03S
LKCHIES , démons des bois, espèces de
ratyreschez les Russes, qui leur donnent un
corps humain, depuis la partie supérieure
jusqu'à la ceinture, avec des cornes, des
oreilles, une barbe de chèvre; et, d(^ la cein-
ture en bas, des formes de bouc. Quand ils
marchent dans les champs, ils se rapetis-
sent au niveau des herbages; mais lorsqu'ils
courent dans les forêts, ils égalent en hau-
teur les arbres les plus élevés. Leurs cris
sont effroyables. Ils errent sans cesse autour
des promeneurs, empruntent une voix qui
leur est connue, et les égarent vers leurs ca-
vernes, où ils prennent plaisir à les chatouil-
ler jusqu'à la mort.
LECOQ, sorcier qui fut exécuté à 8au-
mur, au xvi' siècle, pour avoir composé des
vénéGces et poisons exécrables contre les en-
fants. Le bruit courait dans ce temps-là que,
lui et d'autres sorciers ayant jeté leurs sorts
diaboliques sur les lits de plume , il devait s'y
engendrer certains serpents qui piqueraient
<'l tueraient les bonnes gens endormis; si
bien qu'on n'osait plus se coucher. On at-
trapa Lecoq, et on le brûla, après quoi on
alla dormir (1) : ce que vous pouvez faire
aussi.
LEDOUX ( Mademoiselle ) , tireuse de
cartes, dont on fit le proies à Paris le H juil-
let 1818. Elle fut condamnée à deux ans d'em-
prisonnement et à douze francs d'amende,
pour avoir prescrit à une jeune demoiselle
d'aller la nuit en pèlerinage au Calvaire du
Alont-\ alérien , près Paris , et d'y porter
quatre queues de morue enveloppées dans
quatre moiceaux d'un drap coupé en quatre,
ciliu de détacher, par ce moyen cabalistique,
le cœur d'un jeune homme riche, de neuf
veuves et demoiselles qui le poursuivaient
en mariage (2J.
LÉGENLES. Nous avons rapporté plu-
sieurs légendes qui tiennent aux sciences
occultes et aux croyances merveilleuses.
Nous pourrions ici en réunir un grand nom-
bre qui sont sur plusieurs points à la fois de
tes croyances. Nous nous contenterons de
celles qui suivent.
La Monlatjne-du-Géant.
Si c'est possible, c'est fait; >i c'est impossible ce! j se fera.
Le duc de OccKiaGHiM.
11 est fâcheux que les hommes ne sachent
garder aucune mesure dans leurs opinions
et leurs croyances. Autrefois on croyait tout;
maintenant on ne croit plus rien. Personne
chez nos pères ne doutait des géants, que
vous regardez à tort aujourd'hui comme une
chimère. 11 y a eu des géants, et même de
Irès-grands géants.
Madeleine de Niquezza, pauvre Espagnole
de Carlhagène, prise par les Chiquitos, tomba
successivement des mains de divers peupla-
des sauvages dans une tribu de géants qui
avaient neuf pieds de haut. Le doute s'est
emparé de cette aventure; cependant l'em-
pereur Maximiii avait huit pieds. Guillaume
ïloMalmesbury dilqu'Odorwpa, fils du comte
(1) Njnaiild, Discours de la Lycaulhrople, p. b.
UuiTi.MSiiRE DES SCIENCES OCCULIES. L
de Devon, dont il mesura le lonbeau, faisait
des enjambées de cinq aunes. Lecat décou-
vrit en 1754, dans un cimetière de Bordeaux,
dos os de géants qui avaient plus de neuf
pieds; et il est constant qu'on a trouvé en
Si( ile des squelettes d'hommes qui ont eu
douze coudées ; c'est la mesure que donnent
au géant Ferragus les chroniques de Char-
lernagne.
Nous ne prétendons pas croire qu'il y ait
eu, depuis le déluge, des géants beaucoup
plus hauts que ceux-là. Nous ne pensons pas
avec les musulmans que notre premier perç-
ait porté une lieue de hauteur; nous serions
trop dégénérés. Nous trouvons de l'exagéra-
tion dans le peuple de Douai qui donne à
Gayanl, l'un de ses aïeux, un (aille de vingt
mètres; mais nous admettons les géants; et
nos pères étaient plus grands que nous.
Dans les cavalcades de fêtes que les pro-
vinces du Nord ont toujours aimées, on voit
partout des géants. A Douai, c'est donc lo
brave Gayant, avec sa famille colossale; à
Lille, c'était Lyderick et sa femme, fonda-
teurs de celte ville, hauts de soixante pieds.
A Bruges, à Anvers, à Liège, à .Matines , à
Mons, à Bruxelles, on promène aussi des
géants populaires. Charles-Quint trouvait du
grandiose dans ces usages qu'il favorisait;
comme lui, la plupart des souverains les
encouragèrent.
Mais abordons notre chronique, qui s'ap-
puie sur un géant, et qui nous reporte à des
jours un peu éloignés.
Il y avait, en 860, auprès de Bruxelles,
une sorte de petit château bâti en bois , si-
tué à l'endroit même que l'on gravit encore
par les ruelles escarpées, qui se nomment
toujours la Montagne-du-GéanI ; il occu-
pait les lieux où le dernier siècle a encore
vu la Steenpoort, et s'étendait de la rue des
Alexiens à l'allée des Ïrois-Perdrix, tout en
haut de la voie rapide dite rue de l'Escalier.
Ce petit château était occupé par un géant
dont le vrai nom n'a pas été conservé, mais
que l'on appelait l'Omméganck, d'un mol du
pays qui voulait dire alors prolecteur des
chemins, et qui signifie aujourd'hui quelque
chose comme procession par les rues. Les
langues ont aussi leurs changements. Il n'a-
vait que neuf pieds de haut.
Son manoir, bâti sur une colline plus éle-
vée de quatre-vingts pieds que le sol envi-
ronnant, était alors inabordable; la monta-
gne était de tous côtés abrupte, taillée à pic;
le géant n'y remontait qu'à l'aide d'un rude
escalier tourné vers la rue à laquelle il a
donné son nom. Il s'y plaisait néanmoins. 11
y élait respecté. On conte qu'il était bizarre,
sauvage, ne parlant point, brusque en ses
manières, mais ne faisant mal à personne,
comme c'est l'ordinaire des gens forts et bra-
ves. Il n'employait sa puissance et sa bonne
armure qu'à redresser les torts dans le pays,
pourchassant les voleurs, détendant les mar-
chands et purgeant la contrée des briganiis
vagabonds qui infestaient les routes.
(2) M. J. Gariiiet, Hist. Je la Magie en France, p. 2&t.
30
539
DICTlONNAïaE DES SCIENCES OCCULTES.
040
Or, en géant n'avait plus de femme , mais
il avait une fille qui lui ressemblait peu,
car elle était petite, gracieuse, ravissante.
Il la tenait enfermée pendant toutes ses ex-
cursions, et jamais elle n'était descendue
dans la vallée de Rollcbcck (aujourd'hui
comblée).
Un vaillant chevalier, qui s'était couvert
de gloire en repoussant les Normands, était
revenu depuis peu dans le pays. Il avait
trente ans. Il suctédait à son père qui avait
occupé de nombreux ouvriers dans ses mines
de cuivre de la forêt de Soigne. On le nom-
mait Hans de Huysleen.
Un jour que le géant, sorti pour ses cour-
5>s, avait laissé seule au manoir sa (ille
Hélène, la jeune beauté mit la tête à une
petite fenêtre qui donnait sur Bruxelles alors
naissante. Le chevalier de Huysteen passait
en ce moment au pied de la montagne; il
aperçut la charmante fille ; un éclair n'est
pas plus rapide que le trait violent qui se
jeta dans son cœur. Hors d'état de l'arracher,
il monta l'escalier du géant; mais au mo-
ment où il entrait dans le château, lOinmé-
ganck parut. Sa fille courut au-devant de
lui, le front beau de rougeur; après quoi
elle salua l'étranger. Le géant fronça le
sourcil :
— Qui l'a rendu assez téméraire pour
mettre les pieds dans ce manoir? dit-il.
— Seigneur, répondit Huysleen, escusez-
moi. J'ai vu votre fille , et l'admiration m'a-
menait à ses genoux.
Hélène tremblait.
— Qui es-tu ? dit le géant.
Son ton brusque et mécontent fit frémir
la demoiselle.
— Je suis Hans de Huysteen, répondit le
jeune homme. Lolhaire m'a fait chevalier.
— Tu n'es pas indigne de nous, reprit le
géant, avec un sourire qui annonçait quel-
que chose de bizarre. Mais j'ai fait un vœu :
lu ne seras l'époux de ma fille, que si tu
peux, demain, à la première heure du jour,
venir ici la chercher à cheval, à travers un
portique de pierres , pour la conduire à
l'église de Saint-Géry.
Là-dessus le géant rentra, ferma sa porte,
et laissa le paurre jeune homme sur le pla-
teau de la petite montagne. Un regard
()u'Hélène ne lui avait pu refuser en s'é-
loignant lui mettait au cœur un bon cou-
rage. Mais lorsqu'ens'approchantde l'escalier
il vit ce qu'on lui avait prescrit, quand il
y songea , quand il réfléchit qu'on lui don-
nait la nuit seulement pour une entreprise
immense; quand il eut mesuré les quatre-
vingts pieds d'escarpement sur lesquels il
fallait faire une route, et l'impossibilité de
monter des pierres pour bâlir là un portique,
il vit bien que le géant l'avait raillé. £t tout
le monde savait qu'il ne revenait j.imais sur
une parole dite.
Cependant le cœur touché voit rarement
un obstacle insurmontable. Hans courut à
ses mines , où travaillaient six cents ou-
vriers, il appela leurs chefs et leur demanda
a'ils ne pourraient pas en une nuit construi-
re un chemin qui , de Bruxelles , dont la li-
mite était alors vers la Grande-Place , con-
duisit à la montagne du géant. Les maîtres
mineurs lui répondirent qu'il fallait plus d'u-
ne année pour de si vastes travaux.
Hans n'ajouta rien , et se mit à soupirer.
Comme il errait, pensif et désolé, dans les
sombres galeries , il vit un petit homme à
cheveux blancs, haut de quatre pieds, qui le
regardait d'un œil fixe et ardent :
— Vous éles dans la douleur , dit-il ; si
vous le voulez, je vous tirerai de peine.
— Oh ! je ferai tout au monde , dit le che-
valier. Mais qui étes-vous ?
— Vos gens, dit le petit homme, m'appel-
lent le lutin . Mais moi et les miens , quels
que nous soyons, nous habitons ces demeu-
res souterraines que vos fouilles viennent
troubler. Si vous me jurez de fermer cette
mine et de nous y laisser, sire de Huysleen,
nous ferons celte nuit le chemin ; nous bâti-
rons la porte de pierre ; et demain , au point
du jour, vous serez l'époux d'Hélène.
Pour ne pas nuire à votre fortune , pour-
suivit le nain, je vous indiquerai ailleurs une
autre mine plus abondante , et je vous don-
nerai le secret d'étamer le cuivre.
Le chevalier promit tout, bondissant d'al-
légresse.
Pendant ce temps-là, le géant, voyant venir
. la nuit, s'entretenait avec sa fille. Il riait do
toutes ses forces , aux dépens du sire de
Huysteen. Mais Hélène soupirait.
Vers minuit , il se fit une grande tempête.
Les vents ébranlaient le manoir; les arbres
voisins se rompaient en criant; des tonner-
res lointains faisaient entendre sans relâche
leurgrondement formidable. Hélène eutpeur;
le géant ouvrit la fenêtre :
— C'est sans doute , dit-il , le démon de la
chasse qui sort de la forêt.
Mais la nuit était si noire qu'il ne vil rien ;
seulement il entendait le bruit des marteaux,
le cliquetis des pioches , le roulement des
brouettes et les voix confuses des travail-
leurs. C'était un vacarme sourd et un im-
mense bourdonnement, comme si cent mille
hommes actifs, pressés, haletants, eussent
été rassemblés là.
Il poussa un nouvel éclat de rire: — Huys-
teen est fou , s'écria-t-il ; il a entrepris le
chemin.
H referma la fenêtre , car le vent venait
d'éteindre la lampe. Hélène ne put prendre
aucun repos. Aux premiers rayons de l'au-
rore, elle courut à la verrière. Quelle fut sa
surprise et sa joie, en voyant devant le ma-
noir une magnifique porte de pierres [Sleen-
jK)orl]\ elle poussa un cri si retentissant que
le géant accourut.
lin ce moment, le chevalier Hans de Huys-
leen parut à cheval sous le portique , con-
duisant à la main un élégant palefroi pour
Hélène. Tout ce que le géant avait demandé
était fait.
Il embrassa le chevalier qui , ce jour là
même, heureux époux d'Hélénc, tint fidèle-
ment parole au petit homme à cheveux
blancs. 11 devint puissamment riche. Cent ans
ÎMl
LEG
LEG
942
plus tard, un de sps di'scondjinls. sire Ro-
(luiplie de Huystcen , qui fui chef des deux
grandes t'amillcs palriciennos deHuysleen et
(le Siecnhuys, él<iblilpuur la première fois, en
l'honneur du commerce, la procession de
rOmméganck, que Jean I ■■, duc de Brabant,
remit en vogue au Ireiz ème siècle.
Les légendes, dans le Nord et dans le Midi,
à l'Est et à l'Ouest, conlii nnent tant de tradi-
tions piquantes, que l'on pourrait en ciler
ici un grand nombre. Nous donnerons d'abord
quelques-unes de celles que Schreiber et ses
amis ont publiées à Heidelberg, il y a une
trentaine d'années. On a publié celles de
Grinini et de Musœus, qu'il faudrait toutes
reproduire, mais souvent elles sont trop
longues.
f.e burg d'Eppstein .
On trouve dans les montagnes du Taunus
quatre charmants vallons que le printemps
orne annuellement de ses plus belles fleurs,
de ses plantes les plus salutaires ; sur ces
vallons domine tristement une roche escarpée
où fut le burg (forteresse) solitaire A'Epps-
lein. Eppo l'a bâti dans un temps dont il ne
reste plus de traces. Un jour il s'y était égaré
à la chasse; car alors toute la contrée était
sauvage et n'inspirait que de l'horreur. Eppo
fatigué se couche négligemment au pied du
rocher sur un lapis de verdure arrosé d'une
source qui sort de la fente de cette masse
informe. II s'endorl, se réveille, et reposé il
se relève pour chercher son chemin, lorsqu'il
entend la voix mélodieuse d'une femme; l'air
elles paroles étaient mélancoliques et parais-
saient sortir du sein des rochers. Le cheva-
lier se met en marche à travers les ronces
et les buissons, et se fraye un sentier vers
le lieu d'où part la voix qui l'a charmé. Il se
trouve enfin à l'entrée d'une grotte où est
assise une demoiselle d'une éblouissante
beauté. La roinanct' plaintive était achevée;
des larmes anières inondaient son visagi-
qu'elle essuyait avec les boucles des longs
cheveux châtains qui flottaient sur son cou.
Elle voit le chevalier, et implore son secours
d'une voix faible cl tremblante.
Eppo lui liemande qui elle est et ce qui l'a
conduite dans ce désert.
Je ne puis vous en dire qu'un mol, dil-elle,
car bienlôl l'heure qui retient mon lyran
lians un sommeil léthargique est écoulée. Je
suis Beriha, née au Uremihal, burg qui est
là-bas. Le gémi qui domine dans ces con-
trées, a tué mon père et mes frères et me re-
tient prisonnière dans ces lieux où il me
veut contraindre à l'épouser. Heureusement
dès que je me mels à pritn- à haute voix, il
perd ses forces et il est hors d'état de me
liire aucun mal. Tous les jours à midi il esl
surpris d'un sommeil dont aucune jiuissance
humaine ne peut le tirer. C'est à ce moment
<iu'il repose sur celle pointe de roi:her.
Eppo tire son sabre; — Je vais, dil-il, en-
voyer ce monstre dans les abîmes infernaux.
— Ahl reprit Bertlia, nul fer n'a de |)0U-
vuir sur lui.
— ie vais le précipiter du rocher.
— C'est impossible; s'il dort, mille bras ne
peuvent le tirer de sa place.
— Fuyez avec moi 1
— Ne voyez-vous pas que je suis enchaî-
née (son pied était attaché aux parois de la
roche)? Chaque fois qu'il va dormir, il me
relient ainsi sous son odieux joug.
— Je vous délivrerai, belle inconnue, dûl-
il m'en coûter la vie.
Un regard de reconnaissance exprime les
senlimenls de Beriha. — Si vous y êtes dé-
terminé, dil-elle, allez au burg de mon père.
Le châtelain vous donnera lelikten maillés
de fer que mon père a rapporté en trophée
de la Palestine. Il est tissu d'un art merveil-
leux; nous y prendrons le monstre qui me
persécute.
Us convinrent encore d'autres mesures.
Eppo courut au burg de Bremlhiil, et en rap-
porta le filet le lendemain, au lieu du ren-
dez-vous indique par Beriha. Il n'avait pas
attendu l'espace d'une heure dans le bosquet
que Beriha lui cria de l'entrée de la caverne:
— Dieu nous envoie le moment favorable, le
voilà vers la montagne qui se fait un chalu-
meau; vile le filet, et ne bougez que je ne
vous appelle.
Le chevalier passe à travers la grille qui
enfermait Beriha le filet souple; il se prête
à toutes sortes de formes. Beriha grimpe
promptemenlsur la haute roche, etrélendsur
la place où le monstre a coutume de prendre
son repos. Elle a soin de le couvrir de mousse,
elle le jonche encore des fleurs champêtres
qui y croissent abondamment.
Midi approche; le géant à demi endormi
s'avance vers le lit parfume et croit voir là
les douces attentions de sa captive. La joie
qu'il en a lui fait oublier de l'attacher comme
d'ordinaire; il chancelle et tombe endormi
sur la couche traîtreusement apprêtée.
A peine est-il endormi, que Beriha accourt
replier sur lui tous les pans du filet; elle ap-
pelle Eppo, qui n'arrive qu'après beaucoup
de fatigues, car le vrai chemin passait par
la grotte fermée; il lui faut se faire voie à
travers les ronces et les épines; enfin il ar-
rive.
Beriha le prie de la ramener au burg de
son père dans le Bremlhal.
Volontiers, dit Eppo, mais vous n'y seriez
pas en sûreté contre le monstre, qui enfin
parviendra à briser son filet. Qui pourrait
lui résister ? Qu'il meure 1 Beriha craint
tout. Mais Eppo la conduit au pied de la
montagne, la prie de l'attendre, sans se li-
vrer aux inquiétudes, remonte et s'efforce en
vain de précipiter le monstre dans l'ablmc,
sur le penchant duquel il était couché. Ses
efforts étaient sans succès. L'affreux co-
losse immobile ouvre les yeux , et se voyant
dans les lacets, hurle des cris effroyables
dont tous les vallons relenlissenl. Comme il
fait un mouvement pour tâcher de rompre
les mailles, Eppo en profile, et le lance
avec tant de vigueur vers les bords du ro-
cher, que le poids du monstre l'entraîne en
roulant jusqu'au fond du vallon. Tous ses
membres sont brisés et suspendus aux poin-
045
DTICIONNAIUE DLS SCIE^CF.S OCCL'LTEg.
9i4
les des rochers; longtemps il lullc contre la
morl, qui enfin délivre la terre de son pou-
voir lyrannique. Les oiseaux de proie se
précipitent en foule sur ses membres paipi-
lanls, et mêlent les cris funèbres de leur
voracité à ses accents de mort.
Eppo conduisit la captive au burg de ses
pères. Après quelques semaines elle est son
épouse. Il bâtit le château d'Eppstein , et
suspend à ses chaînes les mains du géant ,
comme un éternel souvenir.
Le chevalier Brœmser de Pudesheim.
Comme saint Bernard prêchait la croisade
à Spire, Jean Brœmser de Uudesheim prit la
croix avec beaucoup d'autres gentilshommes
et alla en Palestine. Là il fit de grands traits
de valeur; son nom y fut fut honoré des Fran-
çais et redouté des Sarrasins.
Il y avait dans un vallon sauvage el pier-
reux un dragon, qui s'était rendu redoutable
à toute l'armée chrétienne; il égorgeait les
bonnes gens qu'on envoyait pour faire du
bois et de l'eau ; de sorte que personne ne
voulait plus se rendre dans le voisinage de
«;e monstre. Brœmser met son casque, prend
l'écu et l'épée, se rend au repaire du dragon
et le tue, comme il rampait hors de sa ca-
verne.
Le brave chevalier fut assailli dans ce
moment par des infidèles qui étaient en
embuscade et qui le firent prisonnier. Il
languit longtemps dans les fers. Se voyant
sans aucune espérance d'êlre racheté, il fit
vœu que, s'il revenait au beau Rhin, il con-
sacrerait au ciel Gisèle, sa fiile unique, et
lui donnerait le voile. Bientôt après la ville
où Brœmser était prisonnier fut prise par ses
compatriotes. Libre alors, il échangea ses
armes contre le bourdon el la calebasse du
pèlerin ; il parcourut la France, aborda en
Allemagne, et parvint à Rudesheim sans
éprouver aucun accident. Les larmes cou-
lèrent de ses yeux en entrant dans le burg;
sa fille venait au-devant de lui, avec les ser-
viteurs de la maison, et il ne pouvait expri-
mer que par des regards levés au ciel ce qui
se passait dans son âme. La belle Gisèle
avait, pendant les trois années qu'avait
duré son absence , acquis la force de la
jeunesse; la joie de son retour l'embellissait
encore.
Lorsiiue le vieux Brœmser lui parla de son
vœu, Gisèle, comme frappée du coup de la
mort, pâlit, el tous ses traits s'altérèrent.
Sans nouvelles de son père, elle av;iil depuis
quelques mois promis sa main à un jeune
chevalier du voisinage, parfaitement digne
de son choix. En revoyant son père , elle
avait espéré le voir approuver par lui. Elle
se jeta à ses pieds, embrassa ses genoux, et
Il s arrosa de ses larmes ; elle lui représenta
qu'elle voulait bien renoi'.cer à ce inari.ige ,
mais qu'elle le priait de ne pas la repousser
de la maison où elle était née, promenant
qu'elle se ferait un devoir bien doux de soi-
gner sa vieillesse et d'adoucir ses infinnilcs.
Elle lui rappelait le temps où il la portait ,
encore enfant, dans ses bras ; elle lui par-
lait de sa mère qu'ils avaient perdue, et
dont le souvenir était toujours si cher au
chevalier. M.iis ni larmes ni paroles n.3
purent fiéchir le vieux guerrier; il men.ïÇd
Gisèle de maudire les cendres de sa mère,
si elle n'obéissait pas. Le cœur de la jeunn
fille se brisa, ses sens se lroublèr»-nt ; elle
se lève, ouvre la porte de la salle bâtie sur
le Uhin ; la tempête mugit dans l'enceinte
du vallon ; la malédiction de son père la
trouble comme un spectre. Voulant s'en dé-
livrer, dans un transport de démence, elle
se précipite.
On trouva le lendemain le corps de Gi-
sèle rejeté par le Uhin, près de la tour
d'Halton; et, disent encore les bateliers alle-
mands , souvent le nautonnier voit dans le
calme de la soirée son ombre planer sur les
vieux murs du burg ; il entend des accents
plaintifs se mêler aux sifflements des vents.
Le vieux Brœmser, inconsolable , fil vœu
alors de bâtir une église pour le repos de
l'âme de sa fille, car il espérait qu'avant
d'expirer elle avait pu se repentir el mériter
le pardon d'un crime commis dans un acres
de folie; mais il oublia bientôt cet autre
vœu.
Un soir à minuit il fut éveillé par un songe
horrible ; le dragon qu'il avait lue autrefois
en Palestine lui apparut ouvrant la gueule
et menaçant de le dévorer ; mais tout à coup
il vint une figure pâle et jeune , qu'il recon-
naît pour sa Gisèle. A son aspect le monstre
s'éloigna , el au moment même les chaînes
qu'il avait portées en Palestine tombèrent du
mur avec fracas, et le réveillèrent tremblant
de frayeur. Le malin du même jour, un valet
arriva de la campagne avec une image de la
sainte Vierge : un bœuf l'avait déterrée en
labourant, et l'image avait fait entendre, di-
sait-on, un cri d'appel. Aussitôt Brœmser
prit ses mesures pour l'accomplissement de
son vœu. Il fil bâtir à l'endroit où l'image
avait été trouvée une église et un couvent
qu'on nomme encore NothgoU (secours de
Dieu). On montre dans cette église les chaî-
nes de Brœmser et la langue du dragon qu'il
avait vaincu. Son burg, que possède aujour-
d'hui le comte de Metlernich , garde en-
core des monuments de celle vieille époque.
La grande salle d'honneur est ornée des ta-
bleaux de famille des Brœmser, hommes et
femmes , peints sur une seule pièce de bois
avec les noms, l'année , les armoiries et
quelques rimes. Dans la chapelle on voit les
cornes du bœuf qui a déterré la sainte image.
La chambre à coucher csl décorée de toutes
sortes de figur. s, et le lit, qui est très-am-
ple, a des sculptures peintes qui retracent des
sujets de l'Ancien Testament, et qui font al-
lusion à la foi conjugale. Près du lit se trou-
vent divers meubles, chaises, marchepieds,
etc., tous fort simples el sans apprêt, mais
fiits pour une longue durée, comme l'était
encore alors la vie des hommes.
L'échelle du diable.
On voit à Lorch , sur les confins du Rhiiu
gau, quelques débris d'un vieux burg. Ce
945
LIOG
LtG
9l'î
fut la demeure de Sibo de Lorch, forte épéo.
d'une humeur bizarre et peu sociable. Ou
frappa à sa porte pendant une nuit fort ura-
geuse. C'était un petit vieux bonhomme qui
demandait l'hospitalité. Le chevalier refusa
brutalement de recevoir l'étranger sans ap-
parence. — Tu me le payeras, rumine dans
sà barbe le petit bonhomme, et il se retire.
Le sire de Sibo oublie bientôt celte insi-
gnifiante visite; mais le lendemain, lors-
qu'on sonne le dîner, sa fille, dont les beaus
traits commençaient à se développer, sou
unique enfant, qui n'a que douze ans, a dis-
l)aru. Il la fait chercher partout; lui-même
se fatigue en inutiles perquisitions. 11 ren-
contre enfin un jeune pâtre qui lui raconte
qu'il a vu le malin une petite fille cueillant
dos fleurs là-bas an pied de la montagne es-
carpée de l'inaccessible Kedrich ; que tout à
coup étaient venus de petits hommes bien
vieux, qui avaient pris la jeune fille par les
bras et l'avaient emportée en grimpant en
haut de la montagne aussi facilement qu'un
autre aurait couru dans les prés. — Ah 1
mon Dieu 1 ajoula-t-il, faisant un signe de
croix , ce sont sûrement les terribles lutins
qui tiennent leur sabbat là-haut sur le Ke-
drich, et qu'il est si aisé de fâcher. Le che-
valier regarde avec effroi la montagne; il
lève les yeux jusqu'en haut, et voit effecti-
vement sa fille Garlinde, qui, tout au faîte,
semblait lui tendre les bras.
11 rassemble aussitôt ses gens, espérant en
trouver un qui saura grimper à la cime,
mais inutilement. 11 leur fait apporter des
outils pour pratiquer un chemin. Ils s'em-
pressent d'y travailler; mais à peine se sont-
ils mis à l'œuvre qu'une énorme roche roule
du haut en bas, les force de prendre la fuite,
et une grosse voix se fait entendre : — C'est
ainsi que se venge le refus d'hospitalité.
Le sire de Sibo se mord les lèvres, mais il
ne renonce pas à l'espoir de tirer sa fille des
mains de ces esprits malfaisants. Il fait des
vœux; il répand à pleines mains des aumô-
nes, donne aux pauvres, aux couvents, et
ne sait plus que faire encore. Les jours,
cependant, les semaines, les mois s'écoulent ;
sa seule consolation est de savoir que sa fille
vit encore ; car le matin et le soir, ses pre-
miers et ses derniers regards sont fixés sur
le Kedrich , et toujours il la voit ; elle est là ,
regardant au fond du vallon.
Dans le fait, les Iulins n'épargnent rien de
ce qui peut conserver sa fraîcheur et sa santé.
Un petit pavillon tapissé de coquilles, de cris-
taux , de pierres brillantes, lui sert de de-
meure. Elle a des robes, des colliers de co-
rail et toutes sortes de joyaux. Des chants
mélodieux , des contes agréables, une table
abondamment pourvue de laitage et de fruits,
rien n'est négligé pour rendre doux les jours
de sa captivité. Une sorte de vieille petite
fée surtout prend à lâche de lui plaire, et lui
dit souvent à l'oreille : — Courage, ma fille,
nous vous marierons avec un des nôtres. Je
vous prépare un bon trousseau ; une reine
n'en donne pas tant à sa fille.
H y avait déjà quatre ans que la pauvre
Garlinde avait été enlevée, et son père com-
monçait à perdre toute espérance de la revoit
de près, lorsqueRulhelm, jeune et brave che-
valier, revint de Hongrie, où il avait acquis
beaucoup de gloire en combattant contre les
infidèles. Son burg n'était qu'à une demi-
lieue de Lorch. Dès qu'il apprit le malheu-
reux sort de Garlinde, sa grande âme conçut
le dessein de la délivrer. Il vint donc trouver
le père désolé, et lui fit part de son projet.
Sibo lui présente la main. — Je suis riche,
dit-il, je n'ai que cette enfant; si tu peux me
la rendre, elle est à toi.
Aussilôt Ruthelm va sonder les alentours
du rocher; il examine s'il y a moyen d'y
parvenir, mais ce n'était qu'un mur uni
comme une planche et qui ne présentait au-
cun accès. Pensif et consterné, il se tient là
debout jusqu'à l'entrée de la nuit; déjà il
reprenait le chemin de son burg, lorsqu'un
petit nain l'aborde et lui dit :
— N'est-ce pas, beau sire, que vous avez
aussi ouï parler de la belle Garlinde qui est
là-haut sur cette roche ? C'est ma pupille ; si
vous la voulez pour épouse, je vous l'accor-
derai.
— Tôpe! dit le chevalier en lui tendant la
main.
— Je ne suis qu'un nain à vos yeux, reprit
le petit bonhomme, mais je tiens parole de
géant. La belle enfant est à vous, si le che-
min qui conduit à elle ne vous paraît pas
trop difficile. Mais vraiment, le prix vaut le
travail; car , foi de nain 1 pas une fille du
Rhingau ne la vaudrait pour la beauté, pour
l'esprit, la gentillesse et la retenue.
Le petit vieillard sourit et disparaît dans le
bois. Cela donna bien à Ruthelm sujet de
penser qu'il se moquait de lui. Il jette encore
les yeux sur le rucher, murmurant à demi-
voix : — Ah I si l'on avait des ailes pour planer
jusqu'à la cimel
— On peut y parvenir sans ailes, dit une
voix.
Le chevalier stupéfait regarde autour de
lui, et voit une petite vieille qui lui frappe
familièrement sur l'épaule.
— C'est mon frère qui vient de vous parler,
j'ai entendu tout ce qu'il vous a dit. Le père
de Garlinde l'a offensé, mais il en est bien
puni depuis quatre ans, et la pauvre fille n'y
peut rien. C'est une belle et bonne petite en-
fant, douce et compatissante, qui ne serait
pas capable de refuser le couvert. Je l'aime
comme ma fille, et je ne souhaiterais rien
tant que de savoir un bon chevalier qui en
ferait son épouse. Mon frère vous a donné
sa parole , et nous ne manquons jamais à
nos promesses. Prenez cette clochette, des-
cendez au Wisperthal. Vous trouverez là
l'entrée d'une mine ombragée d'un hélre et
d'un sapin qui croissent du même tronc. En-
trez-y sans crainte , et sonnez trois fois la
clochette. Mon frère le jeune y demeure, et
vient dès qu'il entend ce signal. Vous lui di-
rez, pour vous faire connaître, que c'est moi
qui vous envoie. Priez-le de vous faire une
échelle aussi haute que le Kedrich, et vous
pourrez parvenir au sommet sans danger.
8i7
Uulhelm siiiiit ponctuellement co conseil .
courut au Wisperihal , trouva la mine aban-
donnée cl donna trois coups de sonnette. Au
troisième parut du fdnd de la mine un petit
nain vieux cl grison, une lampe de mineur
à la main ; il demanda à Uulhelm ce qu'il
voulait. Le chevalier lui exposa le sujet de
sa visite; il fut bien accueilli et reçut l'ordre
de se trouver le lendemain matin au point
du jour au pied du Kedrich : le nain en même
temps tire un sifflet du fond de sa gibecière,
silde trois fois ; et voilà que toute la vallée
fourmilla de gnomes armés de cognées , de
scies, de marteaux. Le chevalier entend en-
core dans l'éloignement le fracas des arbres
renversés, le bruit de» haches qui taillent
cl éqoarrissent, le choc des marteaux qui ras-
semblent les pièces et enfoncent les chevilles;
son cœur palpile d'espérance et de joie. Dès
qu'il entend le chant du coq, il se rend au
Kedrich ; il y trouve l'échelli! posée et bien
affermie. Il frémil aux premiers échelons ;
mais il prend courage à mesure qu'il avance.
Enfin il est à la cime, au moment où l'aurore
commence à d«rer les montagnes; Garlinde
est là couchée sur un lit de mousse que l'é-
glantine épineuse environne et que parfu-
ment les fl( urs les plus éclatantes de la mon-
tagne. Elle était profondément assoupie. Elle
se réveille et voit le chevalier : — Je suis
venu , lui dit-il , pour vous recoadaire à votre
père.
Garlinde verse des larmes de joie. Et alors
parait le vieux nain ((ui l'avait enlevée, et
derrière lui la bonne vieille qui a voulu lui
servir de mère. Le nain fronce un peu le
sourcil à la vue du chevalier; mais il voit l'é-
thelle; il devine tout, rit aux éclats et dit ;
— Ce sont sûrement ces vieux cœurs amol-
lis qui ont tout comploté. Prends celle que
lu cherches, et sois plus hospitalier que
son père; mais il faut que de nouveaux |/é-
riis payent sa rançon. Va-t'en par où lu es
venu; et pour la jeune fille nous saurons
bien te la renvoyer par un chemin plus com-
mode.
Uulhelm ne se le fait pas dire deux fois, il
descend vaillamment sa périlleuse échelle,
pendant que le vieillard et sa sœur condui-
sent Garlinde par un souterrain jusqu'au
pied du roc où est ménagée une secrète sor-
tie ; en quittant sa protégée la vieille lui remit
une cassette de pierreries et lui dit : Prends,
mon enfiinl, voilà la dot que je t'ai amassée.
— Garlinde la remercia, les larmes aux
yeux.
Uulhelm, trouvant la jeune fille au pied du
roc, la mena au burg. Qui pourrait décrire
la joie et les transports de son heureux père
en la revoyant? Corrigé par celle longue
épreuve, son cœur s'ouvrit au plaisir d'o-
bliger ses semblables; depuis ce temps, tout
étranger qui se présentait à Lorch y était
reçu et bien traité pendant huit jours.
Uuthelm obtint la main de Garlinde et
vécut longti mps avec elle dans un bonheur
non inieriompu; à chaque enfant que le ciel
leur donnait, la bonne vieille apporta un
présent au nouvcauné.
DICTIO.NN.MItE DES SCIENCES OCCULTES. Ô48
L'échelle merveilleuse subsista longtemps
au rocher impénétrable. Les voisins la re-
gardaient comme l'ouvrage d'un esprit mal-
faisant. l''est ce qui fait qu'ils ont donné lo
nom d'échelle du diable au rocher de Ke-
drich.
Le Wisperthal
Il y a derrière Lorch un vallon sauvage et
solitaire où ne se rencontrent que quelques
pauvres chaumières : longtemps ce n'était
qu'un désert; car si quelquefois les voisin»
venaient à y pénétrer, ils y éprouvaient des
angoisses et se trouvaient tellement harcelés
par des lutins qu'ils s'enfuyaient au plus
vite. On dit môme que plusieurs y firent
une malheureuse fin.
Dans un siècle qui est déjà loin de nous,
trois jeunes garçons de Nuremberg faisaient
en partie de plaisir un voyage du Rhin ; leurs
pères étaient de riches marchands. Arrivés à
Lorch, ils entendirent parler de la vallée
merveilleuse : ils se déterminèrent à en tenter
la visite. Ils franchireni en moins d'une demi-
heure un chemin qui y conduisait. Couvert
de ronces et d'épines , ce chemin avait à
peine des traces. Ils virent bientôt devant
eux une énorme masse de roche qui avait
presque la figure d'un château; de grandes
ouvertures, semblables de loin aux croisées
gothiques d'un vieux dôme, achevaient l'illu-
sion. A l'une de ces prétendues fenêtres pa-
rurent en un groupe trois télés de femmes.
Des bsl! bsll bien prononcés partirent de là,
comme un signe d'appel. — Oh I oh 1 dirent
les jeunes gens, ce manoir n'est pas si ef-
frayant qu'on nous l'avait annoncé. Ces da-
mes s'ennuient sans doute, allons leur de-
mander l'hospitalité. Ils aperçoivent une
porte étroite. Ils entrent et ne craignent pas
de traverser une longue allée qui les conduit
à un vaste et grand vestibule. Tout à coup
ils se trouvent enveloppés de ténèbres si
épaisses, qu'ils ne voient plus leur main
quoiqu'ils l'approchent de leurs yeux. A
force de tâtonner, l'un d'eux rencontre une
porte qu'il s'empresse d'ouvrir. La lumière
de mille bougies les éblouit ; c'était l'entré'
d'une magnifique salle dont les parois étaient
couvertes de glaces depuis le plafond jusqu'à
terre. Chaque trumeau n'était séparé de l'au-
tre que par des girandoles qui portaient
d'innombrables flambeaux. — Soyez les bien-
venus, s'écrient les trois jeunes filles. Mais
elles ne son.1 plus trois seulement; elles se
mulliplient en un clind'œil; elles circulent
par centaines, répétées dans les gliccs lim-
pides, et rient aux éclats de leur étoune-
meut.
Enfin s'ouvre une porte à glaces placée
dans une niche. 11 en sort un grand vieillard
vêtu do noir, la barbe plus blanche que la
neige. — Soyez les bienvenus, dit-il ; vous
venez sans doute épouser mes trois filles? Je
ne marchanderai pas avec vous, car je no
suis pas avare; je leur donne à chacune
mille livres pesant d or
Et taules les filles de rire avec plus de
briHt; et nos trois compaguoua de ne savoir
'M
LEG
LEG
9'.0
t]uc penser de tout cela. — Eh bien I que
chacun de vous choisisse celle qui lui con-
vient pour épouse, dit d'une voix de tonnerre
le vieillard impérieux.
Les trois voyageurs s'avancent en trem-
blant; chacun d'eux présente la main à la
Hgure qui lui plaît et ne touche que l'informe
superficie d'une glace inanimée.
Le vieillard se prit à rire, comme toutes les
nymphes ; sa voix faisait trembler la salle. —
J'oubliais une condition, dit-il, avant de pou-
voir être mes gendres, il faut que vous le
méritiez. Mes filles ont perdu leurs oiseaux
favoris : c'est un étourneau, un corbeau, une
pic. Ils sont sûrement là-bas dans le bois et
très-faciles à reconnaître. L'étourneau pro-
pose des énigmes , le corbeau croasse sa
chanson, la pie jase l'histoire de sa grand'-
mère, aussitôt qu'on les fait parler. Allez ,
braves prétendants, et nous rapportez ces
bons amis cmplumés, qui sont dociles et se
laissent facilement saisir.
Les trois compagnons s'empressent d'o-
béir aux ordres du vieillard. Ils s'avancent
dans le bois et trouvent en effet les trois
oiseaux perchés sur les branches d'un chêne
à demi desséché.
— Etourneau, dit l'un d'eux, propose-moi
Ion énigme.
L'étourneau vole sur son épaule et lui dit :
Quelle chose imprimée en Ion ignohie face
^e peut pourtant se voir dans la meilleure glace?
— Corbeau I corbeau ! la petite chanson I
dit le second jeune homme ; et le corbeau de
l'hanter d'un ton enroué :
.Sur un cheval du pays de Cocagne
Trois jeunes grns visitent la campagne.
Force ortolans volent de toute part,
Bien potelés et rôtis avec art.
M:iis aucun d'eux des trois Nurembergpois
Ne peut franchir les gosiers trop étroits.
Mourant de faim, les trois gaillards s'en vont
Ea leurs pays, et peu contents ils sont.
Ils se disaient : Ce pays que l'on vante
Méiile mal le renom qu'on lui chante;
Ils sont trop gros ses friands ortolans.
Ou nos gosiers ne sont pas a.sseï grands.
Le corbeau n'a pas plutôt fini sa chan-
son ingénieuse, qu'il s'élance de l'arbre et
vient se percher sur l'épaule du second com-
pagnon.
, — Margot I margot! raconte-moi l'histoire
de ta graiid'mère, dit le troisième. La pie >c
rengorge et se met à conter :
« Ma grand'mère était luie pie qui pondait des œufs d'oii
[sortaient des pies,
■ Lllsi ellen'était pas morte, elle serailencore en vie. .»
En parlant sans s'arrêter , elle bat ries
aileselvasejucher sur l'épaule du troisième.
Quelle joie pour nos jeunes marchands
d'avoir mis si heureusement fin à leur ten-
tative! IIb courent à toutes jambes au châ-
teau-rocher qu'ils atteignent encore avant
la fin de la nuit.
Mais, ô surprise 1 ce n'était plus ce salon
magnifique tapissé de glaces, resplendissant
de lumière; ce n'étaient plus ces enchanteres-
ses qui devaient couronner leur périlleuse
aventure. Lis vieux mursgris,les piliers mas-
sifs de l'énorme voûte sont d'une horrible nu-
dité. Troistablesétaient couvertes, richement
fournies de vins et de mets de toute espèce.
Trois vieilles tout édontées viennent an-
devant d'eux. — Ah ! voici nos chers amanis.
criaillaient-elles toutes ensemble. Et les voilà
ànasillonner,à gazouiller, à marmotter entre
leurs dents; et l'étourneau de les accompa-
gner de son énigme, le corbeau de son vau-
deville, la pie de son conte de grand'nière.
C'était une jaserie.une piaillerie, un gazouil-
lement, un bavardage tels que personne ne
s'entendait. Les oiseaux croassaient, jasaient,
volaient d'épaule à épaule, et ne faisaient pas
la partie la moins bruyante de ce linlamarre
infernal. Car les trois vieilles étaient trois
sorcières. Nos trois coureurs d'aventures
n'avaient plus ni faim ni soif.
Cependant il leur fallut décemmrntprendre
un doigt de vin ; le vene vidé, ils tombèrent
dans un sommeil léthargique.
Lorsqu'ils se réveillèrent le soleil élait en
son midi. Ils se trouvèrent couchés dans d'é-
paisses broussailles, au pied d'une roche sil-
lonnée par les ouragans, les jambes si pe-
santes qu'ils eurent peine à gagner un terrain
découvert. Honteux, épuisés, ils reprennent
le chemin du vallon; mais de nouveau le
maudit bst ! bst ! se fait entendre de tous les
côtés de la cime touffue de tous les arbres ;
et il leur semblait voir percer à travers
toutes les branches la tête d'une des vieilles
guenons. Les trois oiseaux perchés sur un
vieil orme à la lisière du bois , escortèrent
le retour de celte glorieuse caravane. L'éiour-
neau disait son énigme, le corbeau croas-
sait sa chanson, la pie récitait son conte de
grand'mère.
Un des compagnons plus éveillé que les
autres, et dont le grand air avait ranimé le
courage, demanda à un paysan que le hasard
amenait: — L'ami, que penses-tu que veuil-
lent dire sérieusement ces maudits oiseaux ?
— Je vous le dirai, mais ne vous fâchez pas,
dit le villageois. L'énigme signifiai un pied
de nez qu'on a reçu et dont personne ne
s'aperçoit. Le corbeau vous avertit de pren-
dre les oiseaux à la main au lieu de les at-
tendre la bouche béante, et la pie fait un
conte tel que vos arrière-neveux en feront
peut-être un de vous.
Ce qu'on vient de lire est, comme on voit,
un de ces contes de village que les Allemands
ailmircnt beaucoup.
Le Drachenfels.
Le Drachenfels est un des sept monts ; ses
ruines dominent avec le plus de hardiesse
sur les i;ontrées du Rhin qui l'avoisinent.
Dans les vieux temps, dit une antienne tra-
dition, la caverne qu'on y voit servait de re-
traite à un monstrueux dragon, auquel les
habitantsdu voisinage rendaient les honneurs
divins et offraient des viclimes humaines. On
choisissait à cet effet les prisonniers dont la
guerre avait forgé les chaînes; c'était, au dire
des habitants, le culte leplus cher à l'horrible
divinité.
Un jour il se trouva 5iarmi les captifs une
951
d;ctionnaiiie des sciences occultes.
g.";2
jeune fille des meilleures maisons du pays ;
elle avni( été élevée dans le christianisme ;
elle était d'une si rare beauté que deux dos
i;hefs se la dispulèrcnt. Les anciens les mi-
rent d'afcord en décidant qu'ils ne l'épouse-
raient ni l'un ni l'autre, mais qu'elle serait
offerte au dragon, puisque sa beauté devenait
une pomme de discorde.
Velue de blanc, couronnée de fleurs, la
belle captive fut conduite à la cime do la
montagne où gisait le monstre, et liée à un
arbre auprès duquel était une pierre qui
tenait lieu d'aulcl. Un nombreux peuple
s'était rassemblé à peu de distance pour être
témoin de l'affreux spectacle. Tous les cœurs
sensibles à la pitié plaignaient le sort de la
malheureuse jeune fille. Elle cependant, calme
et résignée, fixait ses pieux regards vers le
ciel.
Le soleil lançait ses premiers rayons der-
rière les sommets des montagnes ; et ces
avant-coureurs d'un beau jour traversaient
l'obscure entrée de la caverne. Bientôt, les
ailes déployées, le monstre rampe hors de
son repaire ; il redouble l'active lourdeur
de ses replis tortueux dès qu'il s'approche
davantage du lieu où il a coutume d'assouvir
sa Toracilé. La jeune fille n'est pas émue;
elle lire de son sein le crucifix, l'uniqucobjel
de sa confiance; elle l'oppose à son effroya-
ble ennemi. Le dragon recule avec épou-
vante; et, poussant d'horribles sifflements, il
se précipite dans l'abîme profond des bois
voisins ; jamais depuis, dit la tradition, per-
sonne ne le revit.
Le peuple, stupéfait de cette miraculeuse
délivrance, s'empresse de rompre les liens
de la jeune chrétienne; la foule voit avec
étonnement le petit crucifix qui a produit
cette grande merveille. La captive alors les
instruit de sa sainte croyance et du pouvoir
de celui qu'elle adore.
Ils se prosternent à ses pieds, la supplient
de retourner chez les siens, et de leur en-
voyer un prêtre qui les instruise et les bap-
tise au nom de ce Dieu tout-puissant. Ainsi
le Drachenfels fut le berceau de la foi dans
ces cantons, et une chapelle fut érigée dans
le lieu où la pierre avait servi d'autel.
La vierge de Lurley.
Dans les vieux temps il apparaissait quel-
quefois sur le Lurley, au déclin du jour et
au clair de la lune, une jeune fille qui chan-
tait d'une voix si agréable que tous ceux qui
l'entendaient en étaient ravis. Plus d'un ba-
telier, en descendant le Rhin, allait se briser
contre les écueils, ou se perdre dans le
gouffre, parce que, tout absorbé dans l'admi-
ration de ces sons divins, il devenait inca-
pable de mouvenienl et négligeait la con-
duite de son navire. Personne n'avait encore
vu la nymphe de près, sinon quelques jeunes
pêcheurs qu'elle favorisait et à qui elle mon-
trait, aux rapides instants du crépuscule, le
lieu où ils devaient jeter leurs filets. Ils fai-
saient bonne capture lorsqu'ils suivaient son
conseil. Us avaient tant vanté partout l'in-
connue, que le fils d'un comte palatin, «jui
Icn.iit sa cour dans la contrée, voulut la voir.
Prétextant une course à Wesel, il monte
dans un balelet et se fait descendre jusqu'au
lieu où se montrait londine, car c'en était
une sans doute. Il y arriva au coucher du
soleil, et l'étoile du berger ilépassait l'ho-
rizon lorsqu'il se trouva au Lurley.
— La voyez-vous, la maudite magiriennc?
dirent en ramant les bateliers : la voilà.
Le jeune comte l'aperçoit effectivement,
assise sur le revers de la roche; les boucles
de ses cheveux plus éclatants que l'or,
étaient retenues par une couronne de fleurs.
11 entend ses mélodieux accents ; il n'est plus
maître de lui-même; il force les matelots à
s'approcher du rivage, et veut franchir l'es-
pace pour courir à la nymphe. Mais son
pied mal assuré glisse, et il disparait dans
les flots écumants qui l'enveloppent de toutes
parts.
La nouvelle de l'événement funeste ne
larde pas à se répandre , elli^ arrive aux
oreilles du malheureux père. La douleur et
la colère déchirent son cœur; il ordonne
aussilôi qu'on s'empare de la sorcière et
qu'on la lui livre morte ou vive.
Le plus hardi de ses capitaines est chargé
de la dangereuse expédition ; il ne demande
que la permission de précipiter dans les flots
la magicienne, aussitôt qu il l'aura saisie; il
craint que dans le trajet elle n'emploie la
ruse ou la magie pour briser ses fers et se
mettre en liberté. Le comte permet tout. A
l'entrée de la nuit, la roche est environnée
d'un nombreux corps de cavaliers qui for-
ment un demi-cerle jusqu'à la rive du fleuve.
Trois des plus courageux accompagnent le
capitaine au sommet du Lurey. L'ondine
malfaisante est à la cime, ses mains se jouent
avec une ceinture decoraux ; elle voitarriver
les ravisseurs et leur demande ce qu'ils
cherchent.
— C'est loi, magicienne empestée; viens
faire le saut périlleux dans les larges bords
du Rhin.
— Eh bien ! que le capilaine vienne lui-
même à moi, dit la jeune fille en souriant.
En disant ces mots, elle jette sa ceinture
dans le fleuve et chante d'un ton formidable :
« Entends ma voix, père d«'S eaux : lance tes
coursiers rapides; qu'ils emmènent ta fille
d.ms les grottes profondes....» .
Sa voix est étouffée aussitôt par les mu-
gissements d'un violent ouragan. Le Rhin
bouillonne ; des flots écumants couvrent la
plaine et les hauteurs de leur blanche écume.
Deux vagues qui ont la forme dun beau
couple de chevaux blancs , s'élèvent à la
cime du rocher et entraînent dans l'abime
des eaux la nymphe qui disparait à jamais.
A cet aspect, le capitaine reconnaît que la
magicienne est vraiment une de ces puis-
santes ondines sur lesquelles aucun homme
n'a de puissance.
Depuis ce temps , l'ondinp de Lurley ne
s'est plus montrée ; mais elle continue de
fréquenter la montagne et de se jouer des
bateliers dont elle s'amuse à contrefaire la
voix, absolument cuuunc un écho.
9K5
LEG
Le Mummelsce.
LF.G
954
Sur une hanle montagne de la Forél-Noire,
non loin de Bade, il y a un lac dont on ne
trouve pas le fond. Si l'on noue dans un linfçe
des pois, de petites pierres ou d'autres cho-
ses pareilles en nombre impair, et qu'on
suspende ce linge au-dessus du lac , ce qui
est impair devient pair, et ce qu'on met pair
devient impair. Telle est la croyance du lieu.
Si l'on jette dans ce lac une pierre ou deux,
le ciel se trouble ; il se fait un orage avec
des gréions et un grand vent de tempête.
Un jour que des pâtres gardaient leurs
troupeaux autour du lac , il en sortit un
taureau brun qui vint se mêler aux trou-
peaux. Un pelit homme inconnu parut pf'U
après (sortait-il aussi du lac? on l'ignore;
mais personne ne l'avait jamais vu). Il vou-
lut remmener son taureau; et comme l'ani-
mal refusa de le suivre, il le laissa, le maudit,
cl retournant au lac , il y disparut. C'est là
un des contes du Mummelsee. On ne dit rien
de p'us de ce taureau; mais il y a bien d'au-
tres récits.
Cn paysan passa un jour sur le lac alors
glacé ; il menait ses bœufs qui conduisaient
quelques troncs d'arbres. Il n'y courut au-
cun danger : mais son petit chien , qui sui-
vait son lourd chariot vit la glace se rompre
sous ses pattes, et se noya.
Un chasseur, passant près du lac en hiver,
aperçut un homme des bois qui, assis sur la
glace du lac , s'amusait à jouer tout seul
avec une grande sacoche de pièces d'orélin-
celantes. Le chasseur avide coucha le bon
homme en joue pour le tuer et avoir son ar-
gent. L'homme des bois plongea aussitôt
avec sa sacoche ; puis il releva la têlc sur
le lac et cria au chasseur que s'il l'en avait
prié, il aurait eu bientôt fait de le rendre
riche , mais qu'il resterait pauvre , lui et
toute sa postérité.
Un jour un petit homme vint d 'mander à
coucher dans la ferme d'un paysan, voisine
du Mummelsee. Le paysan n'ayant pas do lit
lui offrit un banc de bois et une jonchéi* de
paille dans la grange. Mais le petit homme
voulait coucher dans la fosse au chanvre.
— Comme lu voudras, répondit le paysan ;
si cela le fait plaisir, tu pourras même cou-
cher dans le réservoir ou dans l'auge de la
fontaine. Voyant que le paysan y consentait,
le petit homme alla se coucher dans les joncs
bourbeux où était le chanvre et s'y enfonça
comme dans un lit de bon foin pour s'y ré-
chauffer. Le lendemain il se leva avec des
habits tout secs. Comme h; paysan marquait
sa surprise, le petit homme lui dit qu'il se
pouvait bien qu'aucun de ses pareils ne re-
vînt coucher dans la ferme avant des cen-
taines d'années. Il lui confia alors qu'il était
un homme des eaux ; qu'il allait chercher sa
femme dans le Mummelsee , cl il le pria de
l'accompagner. Il lui raconta en chemin
bien des merveilles, comment déjà il avait
cherché sa femme dans plusieurs lacs , et
comment tout était fait dans ces demeures-là
Arrivé au Mumuicisec il s'y plongea ,
priant le paysan d'attendre qu'il revint, ou
au moins qu'il lui fît un signal. Au bout di;
deux heures , le villageois vil le bâton du
petit homme surnager , avec deux poignées
de pièces d'or, au-dessus du lac , et venir à
lui. Il comprit que c'était là le signal pro-
mis, prit les pièces d'or et s'en alla.
Un duc de Wurtemberg fit construire un
radeau pour aller sur le lac et en sonder la
profondeur. Ayant jeté la sonde à neuf pelo-
tons de fil sans trouver le fimd, il remarqua
que le radeau, quoiqu'il fût de bois, com-
mençait à s'enfoncer; il se hâta de renoncer
à son entreprise , lâcha sa sonde el ne pensa
plusqu'àsc sauver. On montre encore au bord
du Mummelsee quelques débris de ce radeau.
L'origine du monastère de Frauenalb.
Le comte d'Erchingen habitait son château
de Magenheim ou Monheim dans le Zabern-
gau, canton voisin de ceux de Craich et du
Nècre. Il reçut un jour la visite de Frédéric,
duc de Souabe, d'Albert de Suinnern, de
Bertold d'Eberstein et d'auires seigneurs
qui venaient se divertir avec lui. La forêt de
Stromberg,pleinedegibier, n'est pas éloignée
du château. Il y paraissait de temps en temps
un grand cerf, que ni le comte ni ses gens
n'avaient jamais pu forcer. Le comte était à
table avec ses convives, lorsqu'un serviteur
vint annoncer que le cerf venait de paraître.
Toute la compagnie fut ravie, el tous les
seigneurs avec leurs gens accoururent pour
prendre le cerf mort ou vif. Albert de Suin-
mern poussait son cheval plus que les autres
dans la direction qu'on lui désignait comme
celle que sa proie avait suivie. En avant de
tout le monde , il aperçut tout à coup le
grand cerf : il était tel qu'il n'en avait de
sa vie vu un pareil. Il redouble son galop,
le poursuit longtemps, el tout à coup le perd
de vue sans pouvoir deviner ses erres. Au
même instant parait devant lui nn homme
qui portail une figure effrayante. Albert
frémit à son aspect, quoiqu'il fût bien le
moins peureux des chevaliers. Il fil le signe
de la croix. Sans se troubler de ce signe,
l'homme l'aborde et lui dit : Ne craignez
point , mais suivez-moi. Je suis envoyé pour
vous faire voir des choses surprenantes. —
Marche donc , dit Albert sans peur. Et
l'homme alla devant lui jusqu'au sortir
de la forêt; le chevalier se vil alors dans
une prairie émaillée de fleurs; devant lui
s'élevait un château magnifique qu'il n'avait
vu de sa vie. Il suivit son guide jusqu'à la
porte d'honneur. Plusieurs domestiques ve-
naient au-devanl d'eux, et aucun ne disait
mol; mais ils prirent en silence ta bride du
cheval. Le guide laid dil à Albert de ne pis
s'étonner de la taciturnité de ces gens, de ne
pas leur parler, mais de le suivre el de faire
ce qu'il lui dirait. Ils furent introduits dans
une grande salle oii siégeait un grand sei-
gneur au milieu de ses courtisans. Tous se
levèrent à la vue d'Albert, le saluèrent, se
rassirent, el se mirent à boire et à manger
Albert avait l'épée à la main el ne voulait
pas la remctlre dans le fourreau. Il consi-
nsn
DICTIONNAIRE Drs SCIENCES OCCULTES.
S5Î
dérait avec admiralion les vases d'argent
précieusement travaillés, et contemplait le
mouvement du festin qui se dévorait, mais
toujours en silence.
Après qu'il fut resté là longtemps sans
que les convives parussent s'inquiéter da-
vantajçp de lui, son puide lui fit signe de
se retirer. Albert salua la conpagnie qui lui
rendit le salut; il suivit l'homme affreux jus-
qu'à la cour d'honneur, où les domestiques
muets, qui gardaient son cheval, lui tinrent
les éperons. Ils rentrèrent sans ouvrir la
bouche, dès qu'il eut piqué.
L'homme étrange qui avait conduit Albert
le ramena par le même chemin à la forêt de
Stromberg, et lui confia alors le mol de ce
mystère (]ui excitait si vivement sa curio-
sité. — Le seigneur que vous avez vu à ta-
ble, dit-il, est votre oncle Frédéric, qui a
vaillamment combattu les infidèles. Mais
comn)e il opprimait ses vassaux , et que
nous, ses serviteurs, nous l'aidions servile-
ment dans ses exactions, nous souffrons avec
lui une juste peine jusqu'à ce qu'il plaise à
Dieu de nous accorder pardon. Je vous fais
connaître ces choses, afin que vous ne souil-
liez pas votre cœur généreux des mêmes
vices. Rejoignez vos amis : mais regardez
encore un peu en arrière, et voyez l'état
vrai du château que vous venez de visiter.
En disant ces mots, le fantôme s'évanouit.
Albert se retourne, et ne voit que des lour-
billou'i de flammes, à la place qu'il avait vue
occupée par un château splendide; il y en-
tend de longs gémissements qui paraissent
sortir du sein de l'embrasement. Saisi d'ef-
froi, il galoppe jusqu'à Monheim ; mais il ne
fut reconnu qu'avec peine par le duc Fré-
déric, son oncle, tant sa barbe et ses che-
veux avaient blanchi. Il raconta son aven-
ture, et demanda au comte d'Erchingen la
permission de bâtir une église à la place où
il avait vu l'apparitiou. Il y consentit, et
Ijirîold d'EbersIein , qui était présent , fit
aussilôt vœu de fonder un couvent de femmes
dans la vallée, qui s'appelait la vallée de
l'Alb. Telle fut l'origine du monastère de
Frauenalb.
La légende de messire Pierre de Stau/Jenberg.
Pierre d'Irminger, qui hitliitait son burg
de Stauffeu dans i'Ortenau, et se nommait
messiie de Stauffeu , revenait un jour de la
chasse, au coucher du soleil, lorsque, arrivé
au vill.ige de Nussbach, il se trouva accablé
de soif et épuisé de fatigues, il descendit à
une source qui était sur le chemin, ombra-
gée de beaux chênes. Il y trouva une jeune
iille assise : elle avait l'air noble et royal ;
elle lui rendit modestement son salut, en le
nommant par son nonr. Le chevalier, stu-
péfait, demande à l'inconnue qui elle est et
d'où elle vient. Je demeure près d'ici , ré-
pondit-elle; je vous ai vu plusieurs fois
venir avec vos chasseurs à cette fontaine ;
c'est ce qui m'a fait connaître votre nom.
Slauffen , encore sans engagement , fut
émerveillé; son cœur se préoccupa, et les
jours suivants, à la même heure, il revint
a la source .igrcstc ; mais l'inconnue n'y était
pas. Le soir du qu.ilrièmo jour, comme il
était là , livré à des pensées inquiètes, seul ,
appuyé contre un chêne , il entendit subite-
ment une voix mélodieuse qui chantait et
qui semblait venir du fond de l'eau. Il s'ap-
proche doucement , regarde partout avec une
impatiente curiosité, ne peut rien découvrir,
et bientôt la voix cesse de se faire entendre.
Il s'en retournait à son chêne, avec l'espoir
«tue peut-être la voix reprendrait ses chants.
Tout à coup il voit l'inconnue, assise sur la
pierre qu'il venait de quitter ; elle paraissait
d'une humeur enjouée. A chaque question
qu'il lui adressait , elle ne faisait , tout en
riant , que des réponses évasives, qui l'em-
barrassaient. Il en obtint cependant un ren-
dez-vous pour le lendemain, au même
endroit. Le chevalier s'y trouva de bonne
heure. L'inconnue sortit du taillis, si gra-
cieuse, que le chevalior crut voir une fée :
les boucles de ses beaux cheveux blonds pa-
raissaient humides ; une tresse de bleuets
éclatants , mêlés de roses, entourait sa tête.
Ebloui , il lui prit la main, et lui avoua la
passion qu'elle avait fait naître en son cœur.
Je ne suis pas une enfant des hommes ,
lui dit-elle; les eaux m'ont donné naissance.
Je suis une nymphe, une ondine, une fée
d( s eaux , ou tout ce que vous voudrez bien
m'appeler. Nous n'accordons notre cœur
qu'avec notre main. Pensez y , sire cheva-
lier. Si vous me donnez votre foi, votre fidé-
lité doit être pure comme cette eau limpide,
et ferme conmie l'acier de votre épée. Une
seule inconstance causerait votre mort et à
moi des regrets éternels; car et nos affec-
tions et nos douleurs n'ont point de terme.
Le chevalier confirma par serment ce qu'il
avait déjà dit , qu'il lui était impossible de
vivre sans elle , et que jamais il ne pourrait
l'offenser sans mourir. L'ondine lui donne
alors un anneau précieux. Il lui parle de la
charmante situation de son burg, lui dépeint
le bonheur qu'elle aura à y vivre dans la
paix; il fixe avec elle le lendemain pour la
conduire à l'autel.
Le lendemain matin, au point du jour, le
chevalier, entrant dans la salle d'honneur de
son manoir que l'on s'était hâté de parer, vit
sur la table trois corbeilles artistement tres-
sées. L'une était pleine d'or, l'autre pleine
d'argent, et la troisième pleine de pierreries
de toutes valeurs : c'était la dot de l'épouse.
Elle parut bientôt elle-même suivie de nom-
breuses compagnes , inconnues comme elle
dans la contrée. Avant la célébration du ma-
riage, elle voulut encore parler au chevalier.
Elle le pria de songer une dernière fois à ce
qu'il allait faire; elle lui rappela ce qu'elle
lui avait déjà dit , que si jamais il devenait
inconstant, il serait perdu : qu'il auraitalors
un signe de sa mort prochaine; qu'il serait
à jamais séparé d'elle, son épouse; et, ajou-
la-t-elle , vous ne verrez plus rien de toute
ma personne que ce pied droit que voilà.
Le chevalier renouvela ses serments sans
hésiter, et le mariage se fit. Ce jour et les
suivants , et beaucoup d'autres, s'écoulèrent
dans les plaisirs et la scréuilé. La jeune
P57
LKG
LEG
om
épouse était une (leur qui se développait tou-
jours avec de nouvelles grâces. L'année n'é-
(;iit pas encore révolue lorsqu'elle donna un
fils au chevalier.
Mais i)ieniôt après une guerre terrible oui
lieu vers les frontières du pays des Francs.
Pierre était bravent ilaiinait lagloire. L'am-
bition l'entraîna. La mystérieuse comtesse
ne crut pas convenable de s'opposer aux no-
bles désirs de son époux; elle le laissa par-
tir, mais en le conjurant de n'oublier ni sa
feiime ni le gage cliéri de leur lendrcsgn.
Pierre passa le lUiin à la tête d'une troupe
d'élite , et alla combattre sons les enseignes
lie Charles Mai tel , duc des Francs. Dès la
pr mière aff lire il montra sa valeur, sa force
et son intelligence. Le duc le remarqua, et
dans une forte mêlée , ce fut au chevalier
Pierre qu'il fut redevable de la vie. Ce fut
aussi la bravoure du chevalier qui décida la
victoire. Le duc , plein de reconnaissance,
crut ne pas trop faire en lui proposant la
plus jeune de ses filles; c'était aussi la p'u<
belle. Pierre en fut frappé.el se montra sensi-
b!p à l'honneur d'une alliance aussi ilustre;
maisiln'était pas assez vjl pour dissimuler son
m.iriagc : il raconta naïvement loul ce qui
lui était arrivé. Le duc l'entendit en secouant
la tête, dit que l'esprit malin s'en mêlait, que
le chevalier n'était pas tenu de garder parole
à des fantômes, et que pour le bien de son
âme il désirerait le voir dégagé d'une si dan-
gereuse liaison. On consulta des hommes
habiles, qui assurèrent que le chapelain qui
avait uni Pierre à la fée des eaux s'était
trouvé abusé par une puissance occulte , et
que dès qu'il aurait reçu d'un saint prêtre la
bénédiction de l'Eglise, cette illusion magique
s'évanouirait. L'infidèle Pierre n'eut pas de
peine à se laisser persuader , et l'on fit les
fiançailles. La noce fut remise à la quinzaine.
La veille du jour fixé, il arriva un des gens
de Stauffenberg , apportant au chevalier la
nouvelle que son enfant et sa femme avaient
disparu du burg. Pierre s'informa des cir-
constances, et il apprit que c'avait é'é juste-
ment à l'instant des fiançailles. Ce rapport
le confirma dans le soupçon de magie qu'on
lui avait inspiré. 11 alla donc, le cœur assez
dégagé, célébrer son nouveau mariage.
Comme on était gaîmentà table, le cheva-
lier, alors en joyeuse humeur, jeta par ha-
sard les yeux devant lui, sur le mur de la
salle. Il y vil paraître, comme sortant de la
muraille, un joli pe'.il pied de femme. 11 se
frolte les yeux, mais reconnaît clairement
et longtemps ce funeste signe. Saisi de trou-
ble, il boit coup sur coup pour dissiper de
noirs pressentiments; il y réussit en quelque
sorte. Le soir on renlie au château. Il fallait
traverser un petit pont; Pierre, (jui se défi lit,
aima mieux faire passer son cheval à gué.
A peine ciait-il au milieu de l'eau qu'elle
s'agite, écume et bouillonne, comme s'il y
eût eu une tempête; les Ilots se soulèvent;
le cheval s'effraye, se cabre, renverse le
chevalier et gagne le rivage. La tempête à
l'instant se calme ; les eaux reprennent
leur limpidité et leur paisible cours .
Mais le chevalier avait disparu; et jamais on
ne put retrouver son corps. —Ce qui fait
bien voir que les ondines et antres esprits
élémentaires sont des démons et rien plus.
La grotte de Sainle-Odille près de Fribourg.
Odille était fille d'Altich , duc d'Alsace. Ello
avait été élevée au couvent de Mayenfeld et
s'était promis dans son cœur de prendre le
voile. Un jour qu'elle vint du couvent à la
cour du duc son père, tous les jeunes sei-
gneurs furent épris de ses grâces. Un prince
allemand demanda sa main. Le duc , approu-
vant cette riche alliance, ordonna à sa fille
de considérer le prince comme son époux,
et de se préparer à le suivre à l'autel. Mais
Odille pensait à son vœu; ne sachant d'autre
moyen que la fuite pour être libre de le rem-
plir, elle se dépouilla de ses précieux vête-
ments, prit des ha bits pauvres et gagna le Rhin.
Une nacelle la passa heureusement à l'autre
rivage. Sa fuite fut bientôt découverte. Le
duc envoya partout ses gens à sa recherche.
Il monta lui-même à cheval cl prit par hasard
le même chemin que la jeune princesse avait
suivi. Le batelier qui l'avait passée la dépei-
gnit si bien, qu'il ne laissa point de doute ; le
père traversa le fleuve avec toute sa suite.
Odille était déjà arrivée à mi-côte de la
montagne qui domine le Rhin : fatiguée d'une
route à laquelle elle était si peu accoutumée,
elle s'était assise sur une roche; les yeux
levé.s au ciel el les mains jointes, elle priait.
Tout à coup elle entend du bruit; elle voit
une troupe de cavaliers; elle reconnaît les
couleurs de son père. Elle se lève et s'enfonro
dans les épais buissons pour s'y cacher. La
crainte, d'abord, lui donnait des ailes; mais
bientôt elle perdit ses forces, el tomba tout
épuisée derrière une roche qui la dérobait
aux yeux de ceux qui la cherchaient. OdilLs
tremblante étend les mains vers le ciel, implo-
rant sa délivrance; la roche s'ouvre subite-
ment ; Odille s'y jette, et la pierre se referme.
Au même instant, le trot des chevaux
frappe la roche. Odille entend la voix de sou
père (|ui l'appelle par son nom. — Mon père,
répond-elle. — Allich, surpris de reconnafire
la parole de sa fille ré.sunnant à travers la
roche sans ouverture , crie de nouveau :
— Odille! — el frémil en entendant une se-
conde fois la voix rie sa fille percer le rocher.
— Vous persécutez celui qui me protège, dil
la princesse. Je ne puis être l'épouse il'uu
homme.
Allich comprend la généreuse résolution
de sa fille timide. 11 révère dans ce qui se
passe la main de Dieu; il jure de respecter
le vœu de la pieuse Odille, el de lui bâtir un
couvent à Hohenbourg.
La roche se rouvre alors. F^a jeune fille
reparaît. Elle semble rayoniiaïUe d'une lu-
mière céleste en lombanl dans h s bras de
son père.
La roche de sainte Odille est restée ou-
verte jusqu'à ce jour. Dans la grotte qui
l'avait cachée jaillil une source, qui rend la
lumière aux yeux malades. Los pèlerins y
vont eu grand nombre.
•M DICTIONNAIRE DES SCICNCES OCCULTES.
Légende du Vieux Chasseur.
9C0
On voit enrorn dans une conlrée tauvn^e
cl déscrtp du Schwarzw;ild (rhamp noir) les
ruines d'un burg dont le n«»m même est igno-
ré. Mais on en raconte l'histoire suivante :
Le dirnier seigneur qui l'habita élail un
comte fort riche qui passait sa vie à la chasse.
Il ménageait tellement son gibier que les
terres de ses vassaux en étaient dévastées, et
que ces pauvres gens mouraient de faim.
Une veille de fé!e qu'il chassait à son ordi-
naire, il s'égara dans la forêt sans pouvoir
retrouver son chemin. En vain espère-l-il
reconnaître un sentier : les bois, à mesure
(|u'il marche, deviennent plus épais et plus
sombres. Bientôt il n'a plus qu'à grande
peine la force de se retirer des buissons et
des ronces qui couvrent la terre. Enfin, à
minuii, il parvient à une clairière qu'il n'a
jamais vue au milieu des bois où il se sent
étranger. 11 se jitle par terre pour reprendre
haleine. Il entend remuer alors dans les feuil-
lages; il prend son javelot pour se défendre,
mais ses chiens se niellent à gémir d'un ton
douloureux. Le bruit croissant, il est pris de
peur; il rentre dans les buissons épais. Tout
inirépide qu'il était, le comte se sent trembler
en voyant apparaître un homme de haute
taille, l'arc en main et le cor à la ceinture,
accourani, hors d'haleine el haletant, du fond
du bois. Derrière lui venait avec ardeur une
grande troupe de squelettes, tous montés sur
de vieux cerfs seize cors.
L'homme cherchait à leur échapper, mais
de quelque côté qu'il tournât sa course, il
était assailli par ses redoutables poursui-
vants. Le comte, éperdu, fit le signe de la
croix et se mit à invoquer le nom du Sau-
veur. Tous les fantômes montés sur les cerfs
disparurent aussitôt. L'homme traqué s'ap-
procha alors du chasseur égaré : — Que ma
rencontrete profite, lui dit-il ;jesuis un deles
ancêtres. Comme toi j'ai aimé passionnément
le brutal plaisir de la chasse; comme toi j'ai
tyrannisé mes vassaux. J'ai fait enchaîner
sur des cerfs plus de cent de ces malheureux
que j'appelais braconniers; je les ai fait pour-
suivre par mes chiens jusqu'à ce qu'ils tom-
bassent quelque part, et que le malheureux
qu'ils portaient rendît l'âme au milieu des
tortures. C'est en punition de cette longue
barbarie que j'erre maintenant dans mes
forêts; el chaque nuit la troupe de ceux que
j'ai fait périr me poursuit et me fait subir
mille fois ce que je leur ai fait endurer. Ren-
trez dans votre manoir el que mon exemple
soit votre leçon.
 ces mots le malheureux disparut. Le
comte, saisi d'effroi, ne pouvait plus se mou-
voir. Ses gens le trouvèrent le lendemain,
mais si défiguré qu'ils ne le reconnaissaient
pas. Ils voulaient le ramener au burg; il leur
déclara la résolution qu'il avait prise de bâ-
lir une cellule en cet endroit, el de se retirer
dans la plus prnch(! caverne jusqu'à ce qu'elle
fût achevée. Il distribua ses meubles aux
pauvres, fil murer toutes les avenues du
burg, afin que jamais créature humaine n'y
pût pénétrer, et que le nom de sa race fût à
jamais effacé de la mémoire des hommes. Et
c'est ce qui arriva, et ce qui fait que personne
ne sait plus le nom de ce burg.
La cloche de Wunnenstein.
L'appel aux nobles guerres de la terre
sainte pour la délivrance du saint sépulcre
avait retenti dans toutes les contrées de l'Al-
lemagne. Maint chevalier aux cheveux gris
reprenait son armure et voulait donner de
nouvelles preuves de valeur dans les com-
bats sacrés qui allaient se livrer en l'honneur
de la croix.
Le chevalier de Slein aperçut de son don-
jon de Wunnenstein un convoi de chevaliers
el d'écuyers, qui remontaient la vallée du
Nècre. Il leur envoie demander le sujet de
leur marche; il apprend que tous n'avaient
qu'un but, le but gravé dans les cœurs de
tous les vrais fidèles, celui de venger l'igno-
minie où se trouvait le sépulcre du Sau-
veur.
A CCS mots, il selle son cheval, et va se
joindre aux héroïques pèlerins qui se ren-
dent à la terre sainte. Ce ne fut qu'après
un long et pénible voyage, qu'avec ses com-
pagnons il aborde en Palestine. Chacun se
prosterne spontanément; toutes les bouches
des hommes de cœur supplient humblement
el avec larmes le Toui-Puissant de daigner
couronner l'œuvre difficile qu'ils entrepren-
nent pour sa gloire. Ce ne fut qu'au mois de
mai de l'an 1099, après bien des combats et
bien des peines.qu'ilsaperçurentdansle loin-
tain les créneauxde la sainlecilé. Ils pressent
leur marche ; un cri général remplit les airs ;
des torrents de larmes de joie inondent tous
les visages. Mais il leur restait à fournir de
grands coups de lance avant de joruir de la
conquête tant désirée. Maint valeureux che-
valier, et surtout le pieux sire di' Slein, mal-
gré toute l'ardeur avec laquelle il se prépare
au combat, ne manque pas de faire le vœu
solennel de bâtir une église dans le burg
qu'il a hérité de ses ancêtres, si Dieu lui fait
la faveur de couronner ses fatigues par le
succès et de le ramener à sa terre, où il
remerciera tous les jours l'auteur de tout
bien.
Enfin commencèrent les combats décisifs
autour des murs de Jérusalem, et ce fut une
horrible effusion de sang. Quand l'étendai'd
de la croix fut arboré sur les créneaux, le
glaive du vainqueur immola tout ce qui avait
vie parmi les Sarrasins. Ce ne fut qu'après
que l'effervescence des premiers moments do
la victoire fut un peu calmée, que les croisés
et notre chevalier avec eux pens^èrenl à pu-
rifier leurs épées souillées du sang infidèle.
Puis, la tête découverte et les pieds nus, ils
s'approchèrent du saint sépulcre; et celte
ville où venaient de se faire entendre les
cris du désespoir el les hurlements du mas-
sacre retentit de ferventes prières et du
pieux canti(fucs.
Quelques mois encore s'écoulèrent avani
961 LEG
que le chevalier de Slein fût de retour
dans sa patrie ; mais pourtiint il rentra un
jour dans Wunnenslein, le burg de ses pè-
res , et son premier soin fut d'élever le saint
édifice dont il avait fait vœu. [/église dédiée
à saint Michel fut bientôt célèbre par les
miracles qui s'y opéraient. Le puiss.inl ar-
change protégeait la contrée contre les ra-
vages du tonnerre. La foudre épargnait les
cauipagnes voisines au son de la cloche d'une
grandeur démesurée suspendue dans la tour
de son église.
Souvent, pendant un temps calme, ses sons
harmonieux se faisaient entendre aux habi-
tants d'Heilbronn , mais leur bénédiction
ne s'étendait pas sur tous les nobles de
Wunnenslein, qui souvent offensaient le
ciel. Aussi les bonnes gens d'Heilbronn cher-
chèrent-ils tous les moyens de se rendre maî-
tres de la cloche. Mais toutes leurs démarches
furent inutiles, jusqu'à ce qu'enGn les cha-
noinesses d'Obristenfeld, auxquelles l'église
et la commune appartinrent pendant un cer-
tain temps, la cédèrent à ceux d'Heilbronn
pour une grosse somme d'argent
Tous les villages qui environnaient Wun-
nenslein furent plongés dans la tristesse ,
quand ils n'entendirent plus le son de leur
cloche protectrice, pendant que les habitants
d'Heilbronn l'introduisaient en triomphe
dans leur ville. Ils la reçurent avec la plus
grande solennité, la firent bénir derechef et
la placèrent dans leur grande église. Le sénat
et la bourgeoisie s'étaient rassemblés pour
entendre les premiers sons qu'elle rendrait
parmi eux, mais inutilement : elle resta
muette. En vain les exorcistes prononcèrent-
ils les formules les plus puissantes, la clo-
che persista dans son silence. Confus et re-
pentants , les bourgeois, saisis de crainte,
ramenèrent eux-mêmes la cloche dans son
sanctuaire favori. Des troupes nombreuses
de campagnards, comblés de joie, l'allendi-
renl aux limites de Wunnenstein, et la reçu-
rent comme s'ils avaient retrouvé la plus
tendre des mères. Pour ne point perdre de
temps, un laboureur qui revenait des champs
la prit sur son chariot; et comme si le ciel
eût voulu mettre le comble à la joie commu-
ne, il permit que deux bœufs franchissent à
pas précipités la montagne escarpée, con-
duisant une masse que douze des meilleurs
chevauxd'Heilbronn n'avaient pu faireavan-
cer d'un pas.
Dès que la cloche fut replacée sur son
beffroi, elle reprit ses sons puissants ; le peu-*
pie se prosterna en chantant des cantiques
d'actions de giâces. Et depuis ce temps la
cloche de Wunnenslein n'a jamais cessé
d'annoncer harmonieusement aux campa-
gnes l'abondance des bénédictions que le
pieux chevalier avait rapportées de son pè-
lerinage.
Le chevalier de Rodenstein.
T.e burg de Rodenstein dans l'Odenwald
était occupé, à l'une des plus rudes époques
du droit féodal, par le vaillant chevalier qui
iiortait son nom. Sa figure était gracieuse et
LEG
9ÇI
belle, et pourtant il était redouté de tous ses
voisins. C'est qu'il n'aimait que la guerre et
la chasse, et que, disail-on, son cœur n'avait
pas battu encore d'un sentiment tendre.
Il vint à un tournoi où le comte palatin
avait invité tous les barons du voisinage. Sa
fière jeunesse et sa figure brillante fixèrent
tous les yeux sur lui; dans les joules il dé-
monta tous ses adversaires comme il l'a-
vait fait en mille autres occasions; et il reçut
le prix du tournoi des belles mains de Ma-
rie, fille (lu comte de Hochberg.
Rodenstein , comblé de gloire , fut frappé
en même temps des grâces de l'aimable per-
sonne (jui l'avait couronné publi(|uement.
Né avec des passions impétueuses, il n'était
pas de caractère à cacher sa passion. Il la
déclara à la jeune comtesse. Bien lait et re-
nommé, il se vit accueilli. Il épousa Marie ,
et la conduisit en triomphe à son burg, à
Rodenstein. Ce fut une joie générale dans la
contrée , que de voir le chevalier au cœur île
fer subjugué enfin. Les premiers mois de
son mariage furent pleins de bonheur. Marie
paraissait avoir adouci l'humeur sauvage et
turbulente de son époux : on ne le voyait
plus rêver sans cesse à la chasse et à la
guerre ; mais ses passions bouillantes re-
prirent bientôt le dessus ; une querelle avec
un baron voisin , par qui il se croyait of-
fensé, lui fit reprendre les armes, et il se
prépara à l'attaque.
Sa jeune épouse pria , pleura, se désola ,
mais en vain. Le chevalier emporté lui
imposa le plus strict silence, alléguant qu'il
s'agissait là de son honneur. Il part donc
armé , et M.irie, éperdue, s'étanl couchée,
pour le retenir, à travers la porte du burg ,
en l'assurant qu'un pressentiment l'avait
avertie qu'il ne reverrait pas le seuil de sa
porte, il la saisit, furieux, la repoussa bru-
talement , monta à cheval, et s'éloigna. La
pauvre épouse cependant, tombée évanouie,
accoucha , avant terme, d'un enfant mort ,
et succomba elle même, suivant son premier-
né au cercueil.
Rodenstein ne savait pas cette double
perte. Il se met en embuscade dans les épais
taillis du burg de Schnellert, son ennemi,
burg infesté d'esprits qui, la nuit, faisaient
des rondes infernales, avec grand fracas.
Là , couché sur la mousse, Rodenstein passe
sans sommeil une nuit redoutable. Tout à
coup il voit venir de Rodenstein au-devant
des esprits de Schnellert , un fantôme noir,
qui tient un enfant dans ses bras. Jusqu'a-
lors inaccessible à la peur, il sent ses che-
veux se dresser sur sa tête ; car il reconnaît
sa femme dans le fantôme. Elle est à l'instant
devant lui, avec les pâleurs de la mort ; mais
il reconnaît bien ses traits. Elle se redresse
avec lenteur, et prononce ces mots, d'une
voix sépulcrale: — Ma tendresse n'a pu qu'ex-
citer votre fureur. Vous avez oublié ces
droits sacrés qui me rend lient respectable
à vos yeux! Avec la mère, vous avez con-
duit au tombeau notre enfant, doux espoir
d'un bon père. Vous serez puni, et vous
n'aurez point de repos, même api es voti'e
963
DICTIONNAIRE DES ?CIENCES OCCULTES.
9r,4
mort. Jusqu'à la Gn des temps, vous errerez
de inonlagne en montagne, et votre spectre
sera, dans ces villages, l'annonce de laguerre
et de la désolation. »
Elle dit, et disparaît, et bientôt le sort du
chevalier est accompli. Il est blesse à mort
dans le premier choc de l'ennemi qu'il guet-
tait. On le porte mourant chez le ciiâtelain
de Schnellert ; il expire.
Il fut, il est vrai, inhumé en terre sainte,
mais la prédiction de Marie s'accomplit en
lui : son esprit errant est condamné à précé-
der les fléaux cruels; et jusqu'à nos jours,
'lès que la guerre doit se lever, l'esijrit de
Rodenslein, qui semble avoir l'oilorat du
sang, sis mois avant les hostilités , sort de
.son tombeau de Schnellert, à la tête d'une
troupe guerrière et nombreuse, que les cris
des soldats, le bruit des chariots , le galop
des chevaux ardents, le son des tambours et
des fifres, des cors et des fouets accompagnent
toujours ; ce tumulte mystérieux remplit
toute la contrée, fait frissonner le cultiva-
teur qui rentre chez lui à la hâte, llodens-
lein, dit-on, traversant les vallées et les fo-
rêts, se rend à son burg où il veille à la
garde de ses trésors enfouis, et séjourne là
jusqu'à ce que les prières des peuples aient
ramené la paix. Six mois avant les traités, il
rentre avec le même vacarme dans son re-
pos du Schnellert,
On montre dans le hameau d'Oberkries-
hach une grange par laquelle le chasseur
sauvage, comme l'appellent les gens du
pays, passe toujours quand il se rend à Ro-
denstein.
La Fosse à la poule.
Au temps où le grand doyen de Strasbourg
était étroitement resserré dans le château de
Windeck, une cabane couverte de mousse au
Wolfshag était habitée par une bonne vieille
que les voisins appelaient la petite femme des
bois. Elle avait une profonde connaissance
des choses cachées, ainsi que de la vertu des
piaules et des racines. Les bêtes féroces de
la forêt, loin de lui faire aucun mal, parais-
saient au contraire obéir à sa voix. Sdu
unique avoir consistait en quelques poules
blanches d'une taille peu commune, qui al-
laient à la picorée dans les tailiis.
Unjourqu'ellectait assise dwvant sa huile,
elle vit s'avancer deux jeunes garçons d'une
beauté remarquable., Ils étaient égarés et ve-
naient lui demander le chemin du burg; elle
les accueillit avec bienveillance, les fit re-
poser dans sa cabane, leur offrit de son pain
«■Ides fruits. Le plus jeune, qui n'avait que
treize ans, mangeait de bon appétit; l'autre,
qui pouvait en avoir dix-huit, tenait négli-
gemment sa pomme à la main et laissai!
échapper quelques larmes, que cependant il
cherchait a cacher. Il alla mêmtî se laver les
yeux à la fontaine fraîche el limpide qui cou-
lait de la roche voisine : ce rafraîchissement
rendit à son visage tout l'incarnat de la jeu-
nesse. La femme des bois prit plaisir à le
voir et lui dit : — Vous n'êtes pas un garçon,
mon enfant; vous élcs assurément une jeune
fiile déguisée; prenez confiance en moi, mes
enfants: dites-moi où demeurent vos parents
et ce que vous voulez faire à Windeck.
Les jeunes pèlerins se mirent à pleurer ;
Talné répondit : — il est vrai que je suis une
fiile; on m'appelle Emma d'Erstein, et l'en-
fant qui m'accompagne est mon frère. Le
grand doyen de Strasbourg, notre oncle, a
eu pour nous les soins «l'un père; il languit
là-haut dans le» fers; nous venons implo-
rer sa délivrance auprès du seigneur du châ-
teau.
— Apportez-vous doue une rançon? dit la
bonne vieille,
— Hélas 1 répondit Emma en tirant une
croix de diamants de sa poitrine, voilà tout
ce que je possèile, mais nous prierons tant
ce seigneur, qu'il nous prendra pour otages,
jusqu'à ce que mon oncle ail pu fournir sa
rançon.
— Eh bienl dit la vieille, en caressant les
cheveux bouclés de la jeune fille, c'est moi
(lui payerai la rançon. 'Tenez, mes enfants ,
( eux de Strasbourg se préparent au siège du
château; j'ai vu cette nuit deux espions qui
se tenaient cachés dans l'épaisseur du bois,
ils avaient soigneusement observé les issues
du château el bien reconnu le côté faible,
au bois Ass s ipins, devant la croix sépul-
crale. Allez vile au manoir; dites à sire Re-
naud, le jeune chevalier de Windeck, qu'il y
fisse creuser un fossé profond dès aujour-
d'hui; car je crains que l'ennemi ne vienne
ie surprendre à la chute du jour.
— Mais le chevalier nous rendra-t-il notre
oncle? dirent les enfanis.
— Je vais aussi vousdonner de quoi payer
la rançon.
Elle fit claquer ses doigts; et aussitôt ses
poules blanches accoururent de toutes
parts. Elle en prit une et la donna à Enmia :
— Porlez-la, dit- elle, au chevalier Renaud
de Windeck, afin qu'il relâche le grand
doyen, sire d'Oxenstein.
Les enfanis, très-surpris , la regardaient
avec de grands yeux.
— Faites ce que je vous dis, conlinua-
I -elle ; vous lui recommanderez qu'au coucher
du soleil il ait soin d^e poser la poule à 1.1
croix, où les ennemis ont médité l'ailaque;
'■■"'i j'y réfléchis, il n'a pas assez de gens au
cliâl<au pour creuser si vite un fossé large el
profond.
A ces mots la bonne femme se mit à grat-
ter la poule, en chantanl à voix basse el peu
«nlelligible :
M'eiitenjs-tultipti, poule blancheUe?
Ce soir, au ni de la cliouetle,
Que le fossé soit prolongé
Jusiju'au frr que rien n'a rnngé.
Gratte et creuse de loug en large,
Jusqu'au cliaruier. Moi ((ui l'en cliarge.
Je le sais capable du fait,
El qu'à uiiuuii tout soil p^irfait.
Emma prit la poule, non sans frémir un
peu ; mais la bonne vieille était si caressanle,
si engageante, qu'enfin elle lui inspira de la
confiance. Le petit frère n'avait pas peur; il
se réjouissait au contraire de voir le spos-
%s
LEO
LEG
&66
(;iile si merveilleux d'une poule creusant
an large fusse.
A peine furent-ils à mi-chemin de la mon-
tagne, qu'ils rencontrèrent le jeune cheva-
lier. C'était un guerrier d'un port noble.
Quoique d'abord la jeune demoiselle fût in-
quiète de la gravité de ses manières, le Ion
de douceur aveclequel il lui parla l'eut bien-
tôt rassurée.
11 leur demanda qui ils étaient, ce qu'ils
venaient faire dans son burg.
Emma répondit : — Noble seigneur, vous
relenez prisonnier le grand doyen de Stras-
bourg. C'est notre oncle. Il nous tient lieu
•le père, car nous sommes orphelins. C'est
pourquoi nous venons vous supplier de lui
rendre la liberté; et vous nous retiendrez en
otages.
Le chevalier ne put dissimuler son émo-
lion. Il considérait avec attention l'un et
l'antre enfant, et sans qu"il y pensâtses yeux
se fixèrent spontanément sur la poule blanche
que tenait Emma. Celle-ci était là toute con-
fuse, et elle ne put lui expliquer qu'avec des
paroles entrecoupées ce à quoi il pourrait
s'en servir.
Le chevalier prétait une oreille attentive :
il pensait, il réfléchissait, il lâchait de péné-
trer jusqu'au fond le secret de la poule, de
lire les pensées les plus intimes d'Emma,
lient les discours étaient sans liaison. Son
frère enfin crut devoir s'en mêler. — Emma,
interrompit-il, ce n'est pas ainsi qu'a dit la
bonne vieille.
 ces mots Emma devint brûlante comme
si le feu lui eût monté au visage. — Mes
beaux enfants, dit Windeck, c'est Dieu qui
vous a conduits ici, jouissez-y de toute ma
protection. Entrez dans mon burg, dont vous
sortirez quand il vous plaira; venez et faites
à votre oncle la plus agréable surprise.
Le chevalier les laisse dans les bras du
doyen et se hâte de faire les préparatifs de la
plus vigoureuse défense. Il n'ignorait pasque
le côté de la sapinière était le moins bien â
couvert d'une attaque, et depuis quelques
jours il employait ses gens à y faire un fusse,
mais c'était un travail de longue haleine au-
quel ils n auraient pu suffire. Aussi savait-
il bon gré de sa mission imprévue à la vieille
des bois, en qui il avait confiance. Dès que
parut l'étoile du berger, il alla porter la
poule à la croix drs morts où son aïeul
avait succombé vaillamment dans un com-
bat et où reposaient ses cendres. Il y revint
à minuit sonnant, et quelle fui sa surprise d'y
trouver un profond et large fossé, garni de
son parapet, et d'apercevoir à la lueur des
étoiles l'épée resplendissanic qu'on avait
ensevelie avec le liéros 1 La poule blanc^he
avait disparu.
Avant l'aurore on vit s'avancer les cou-
rageuses bandes de la garnison de Stras-
bourg. Elles montaient hardiment à l'as-
saut, mais le fossé leur opposa un obstacle
insurmontable. Le merveilleux travail de la
poule avait déconcerté leurs projets; elles
furent repoussées avec une grande perle.
Cependant Emma availfait impression sur
le cœur du chevalier. Le doyen ne consenlil
à leur union qu'après un traité avantageux
qui rétablit la concorde entre les familles;
lui-même leur donna la bénédiction nupliale,
tt libre désormais il demeura pourtant avec
eux pour jouir de leur bonheur. — Le nom
de la Fosse à (a poule s'est perpétué jusqu'à
nos jours.
Hohenrechberg.
A unelieuedeSchwœbich-Gemund, villedu
Wurtemberg, et à une lieue de Hohenstaulen.
berceau des illustres empereurs de la maison
de Souabe, est le célèbre burgde Hohenrech-
berg, qui a donné naissance au comte de
Rechberg et à ceux de Rothen-Lœwen. C'est
lin des sites les plus élevés des A'pes de
Souabe, isolé des hauteurs de l'Albach, au-
(luel il ne tient que par ses racines et par un
rideau d'une lieue qui le met en liaison avec
llohenstaufcn. Il a 2167 pieds d'élévation au-
dessus du nivea 1 de la mer.
Ce vieux buig. dont les possesseurs sont
connus dans l'histoire dès le temps de Char-
lemagne, domine donc une des plus belles
contrées de la Souabe. Mais ce qui lait sur-
tout sa réputation, c'est la petite chapelle,
où demeura autrefois un ermite qui apporta
là une miraculeuse image de la viurge Marie,
but révéré de grands pèlerinages. D'autres
traditions s'y rattachent : entre autres celle
du Klopferlé et celle de l'e-prit du Siauf.
Le Klopferlé est un grand mystère. On
entend frapper comme du heurtoir lorsque
la mort va choisir une proie dans la fauiille
de Rechberg. Ce bruit inconnu commence
aussitôt que le malade ne dunne plus d'espé-
rance de guérison, et dure jusqu'à sa mort.
Il a lieu non-seulement dans le burg, mais
encore dans toutes les maisons des Rechberg,
même dans celles qu'ils ont aliénées. Et voici
comme on raconte l'origine de ce heurlement.
Ulrich de Rechberg, celui qui a établi le
fidéi-commis de la famille, eut un grand chien,
tellement dressé que lorsqu'il faisait quelque
absence, il s'en servait comme d'un courrier,
lui attachant au cou une bourse de cuir (jui
contenait ses lettres à sa femme, restée dans
le burg. On voyait autrefois ce chien intelli-
gent, peint, dans ses fonctions de messager,
sur un vieux lambris du château de Weis-
senstein. il arriva qu'Ulrich, étant en voyage
en 1496, fut longtemps sans envoyer de let-
tres à sa femme , Anne de Venningen. Elle
eut de vives inquiétudes, et tous les jours
elle allait prier pieusement à la chapelle. Un
jour qu'elle répandait ainsi ses larmes devant
le Seigneur, elle entendit frapper à la porte
de l'humble sanctuaire. Elle se fà' ha de cette
importunilé , croyant que c'é ait le fait d'un
domestique, et tous savaient qu'elle n'aimait
pas à être interrompue dans ses pieux exer-
cices. Le bruit ne cessant pas, elle se leva do
son prie-dieu , et dit celte parole répréhen-
sible : — Puisses-tu à jamais frapper ainsi!
— Elle ouvrit en même tenij s la porte pour
réprimandrr le domestique. Quel fut son ef-
froi de n'y trouver que le chien, revenu sans
lettre, et s'approchanl tristement pour la
?g7
niCTIONNAinE DES SCIENCES OCCULTES.
9(m
CTresscr ! — Elle recul pou après la fatale
nouvelle de la mort du comte , et depuis ce
temps on entend ainsi frapper dans le burg
chaque fois que la mort enlève un Rechberg.
Le fait est rapporté ainsi depuis plus de trois
ceHlsans; il est enregistré dans les papiers
de la famille, et cunOrmé par les ofriciers du
château.
Un autre rérit des gens du pays explique la
tradition du Stauf, Staufengeisl ; en voici le
résumé fidèle. L'esprit du Siauf est une lu-
mière qui, aux temps d'orage, paraît poindr*
du Staufen dans la direction opposée au
Rechberg. On la voit , après le repos de la
cloche qui sonne VAngelus du soir, sur le
château dHohonstaufen; elle a tout l'aspect
de '.a bouche d'un four embrasé. Tout à coup
l'esprit (les bonnes gens du pays lui donnent
ce nom) s'élève et s'avance au-dessus du
rideau qui sépare les deux châteaux, tantôt
planant lentement , tantôt sautillant sur la
cime des sapins; puis , laissant à gauche le
Rechberg, il se porte jusqu'au Herge, reprend
ensuite son chemin vers le Staufen , où il
cesse d'être visible à VAngelus du matin.
Ce phénomène ne paraît pas tous les jours,
mais de temps à autre, surtout en automne.
Le nom d'esprit que lui donnent les habi-
tants indique qu'ils y trouvent quelque chose
de surnaturel. C'est au reste un esprit bien-
faisant, qui ne fait de mal à personne.
Passons à d'autres légendes. Celle qui suit
est empruntée au Bencley's Miscellany.
Vile de Saint-Brandan ,
« Il y a ici-bas p!us de choses que n'en a
rêvé notre philosophie , » comme dit Ham-
let. Parmi ces choses inconnues il faut placer
1 île de Saint-Brandan, la merveille et le
mystère des mers. Tout le monde connaît les
Canaries, les îles Fortunées des anciens,
fragment, dit-on, et débris de cette immense
Atlantide englouliepar l'Océan, comme nous
le voyons dans Platon. Ceux qui ont lu
l'histoire de ces îles se rappelleront les ré-
cits prodigieux d'une autre plus belle encore,
dont on aperçoit de temps en temps , de
leurs rivages, les ioiigs promontoires bru-
meux et les pics dorés par les feux du soleil.
Que de navigateurs sont partis des Canaries
à la découverte de cette île 1 Mais à mesure
qu'ils avançaient, les montagnes et les pro-
montoires s'évanouissaient peu à peu , et
enfln rien ne frappait plus les regards des
navigateurs, si ce n'est le ciel d'azur au-des-
sus de leurs têtes, et le bleu sombre des Ilots
sous leurs pieds. Aussi les anciens géogra-
phes ont-ils appelé cette terre fantastique
l'Inaccessible ; les modernes ont révoqué en
doute son existence, et l'ont traitée d'illu-
sion, comme les Fana tnorgana du détroit de
Messine, le Cap fugitif et la ferre desNuages.
Pourtant son existence a été très grave-
ment attestée par les poètes, race doues
d'une espèce de seconde vue, pour qui c'est
l'île où fleurissait jadis et où fleurit encore
sans doute le jardin des Hespérides, avec les
fruits d'or ; c'est là aussi que s'épanouissait
le jardin enchanté d'Armiile.
On voit sur ses rives Icnoruie Kraken
soulever la masse de son corps, ei couvrir,
en se vautrant, un espace immense ; 'à est
aussi le serpent de mer, replié sur lui-mëiiit!
dans l'intervalle de ses apparitions, si mal à
propos contestées ; là enfln le pelage bleu
trouve un port, jette son ancre, déroule sa
voile vaporeuse, et se repose un moment de
sa course éternelle.
Là sont conservés les trésors engloutis par
la mer , des lingots d'or , des caisses de per-
les, de riches ballots d'étoffes orientales ; on
y voit scintiller le diamant et briller I escar-
boucle ; là mouillent dans des baies profon-
des des vaisseaux enchaînés par un charme,
et depuis longtemps oubliés.
On raconte de cette île bien d'autres mer-
veilles; ce que nous en avons dit répandra
au moins quelque lumière sur la légende
qui va suivre :
Au commencement du xv siècle, lorsque
le prince Henri de Portugal, de digne mé-
moire, poursuivait le cours de ses explora-
tions le long de la côte occidentale d'Afrique,
et que le monde entier retentissait des récits
de continents tout semés d'ur et d'iies ré-
cimment découvertes, ilarri va à Lisbonne un
vieux pilote égaré, que des tempêtes avaient
poussé hors de toute voie, et qui, fort éloigné
dans les mers, avait trouvé une île inconnue,
h.ibilée par des chrétiens et couronnée de
nobles villes.
Les habitants, qui n'avaient jamais eu la
moindre visite d'un vaisseau européen, s'é-
taient, disait-il, rassemblés autour de lui, et
ils lui avaient dit être les descendants de
quelques chrétiens qui s'étaient enfuis d'Es-
pagne à l'époque de la conquête de ce pays
par les Maures. Ils avaient demandé des
nouvelles de leur patrie, et s'étaient fort af-
fligés en apprenant que le royaume de Gre-
nade appartenait encore à leurs ennemis. l's
avaient voulu mener le vieux marin à leur
église, pour le bien convaincre de leur foi;
mais il avait cru devoir retourner immédia-
tement à son bord. lien avait été puni : une
tempête furieuse s'était élevée, l'avait fait
chasser sur son ancre , l'avait jeté au larg" ,
et il n'avait plus vu l'île inconnue.
Cet étrange récit causa une grande sur-
prise. Les hommes instruits se rappelaient
en eQi-t qu'ils avaient lu, dans une ancienne
chronique, qu'à l'époque du viii* siècle, «.l'i
la croix sainte fut, en Espagne, renversée
par le croissant, et les églises chrétiennes
transformées en mosquées , sept évêques, à
la téie de pieux exilés , s'élaient enfuis de la
Péninsule , et mis en mer à la recherche de
quelque île de l'Océan, où ils pourraient fon-
der sept villes chrétiennes.
Le sort de ces pieux aventuriers élait
ignoré depuis. Le récit du vieux loup de
nier ressuscita ce souvenir. On en conclut
()ue rtle, ainsi découverte par le hasard,
était certainement la retraite des évéi|ues er-
rants et de leur fidèle troupeau. L'île des
Sept -Villes excita alors autant d'intérêt
parmi les chrétiens qu'en souleva la fameuse
cité de Tombouctou parmi les touristes mo-
m
LRG
LEG
970
riernes. Mais personne ne pril la chose à
cœur aulant que don FernantI de Ulmo ,
jeune cavalier portugais, d'un esprit ardent
et romanosiue L'ilo des Sept-Villes devint
l'unique objet de ses pensées pendant le jour
et de SCS révts pendant la nuit. Elle balança
même sa passion pour une riche Lisbon-
naise à laquelle il clail fiancé. Il s'enflamma
tellement, qu'il résolut de faire une expédi-
tion à la recherche de cette ville sain'.e. Ce
ne pouvait pas élre une excursion bien lon-
gue, puisque, sur les calculs du pilote, l'îlo
en question devait être dans 1rs parages des
Canaries; à cette époque où le nouveau
monde n'était pas encore découvert, les Ca-
naries étaient la limite des navigateurs sur
l'Océan. Fernand réclama pour son projet la
protection royale; comme il était aimé, il
obtint du roi don Juan II une commission
qui l'instituait adelantado ou gouverneur
militaire des pays qu'il pourrait découvrir,
à la seule condition que tous les frais do
son entreprise seraient à sa charge, et qu'il
abandonnerait à la couronne un dixième de
ses bénéfices.
Don Fernand se mit à l'œuvre, vendit ses
terres et en convertit le produit en navires ,
en canons, en munitions et en vivres. Beau-
coup de chercheurs d'aventures s'engagèrent
dans sa troupe.
Un seul honime désapprouvait le projet :
c'était don Ramire Alvarez, le père de Séra-
Gna, la Guneée de don Fernand, vieillard
positif. Il ne croyait pas à l'île des Sept-
Villes; il voyait avec colère son gendre futur
vendre de bonnes terres pour des châteaux
en l'air, et il l'avait baptisé du sobriquet
d'Adelantadu du pays des niais.
L'engagement de Fernand avec Sérafina le
jeta quelque temps dans un embarras ex-
trême. Il était Irès-altaché à la jeune dame ;
mais il était plus épris encore de son projet.
Comment concilier ces deux passions? Une
facile combinaison se présentait : épouser
Sérafina avant son départ. Il proposa cet ar-
rangement à doo Ramire; mais alors le
vieux cavalier laissa éclater la tempête de
sa mauvaise humeur, et reprocha à Fernand
ce qu'il appelait sa sotte crédulité; Fernand
était trop jeune [lour écouter paisiblement
un tel langage. Une querelle s'ensuivit; don
Ramire le traita de fou, et lui interdit sa
maison jusqu'à ce qu'il eût prouvé son re-
tour à des idées plus raisonnables. Le jeune
homme sortit plus obstiné que jamais dans
sa résolution.
Les apprêts de l'expédition se terminèrent.
Deux élégantes caravelles étaient à l'ancre
dans le Tage, prêtes à mettre à la voile dès
l'aurore. Le jeune homme écrivit à Sérafina:
c Quelques mois, et je reviens Iriomptiant.
Votre père rougira alors de son incrédulité,
et m'appellera le bienvenu chez lui, lors-
que je franchirai le seuil de sa porte, riche
comme un puissant monarque cl adalantado
des Sept-Villes. » Et au point du jour les ca-
ravelles gagnèrent la mer. Elles gouvernè-
rent vers les Canaries.
A peine avaient-elles atteint ces parages.
Dictionnaire des Sciences occultes. L
qu'il s'éleva une violente lempête qui les sé-
para. Fernand, sur le seul navire qui lui
restait, fut plusieurs jours et plusieurs nuits
le jouet des cléments; un soir enfin la
lempête se calma, les nuages se dissipèrent
comme si un rideau placé dov;:nl le ciel s'é-
tait écarté tout à coup; le soleil couchant
brilla sur une belle île monlueuse. Les ma-
telots, se frottant les yeux, contemplaient,
sans savoir encore si ce n'était pas une hal-
lucination, celte terre si soutlaincmcnt sortie
des ténèbres profondes. Mais elle était là,
avec ses ravissants points de vue, ses villa-
ges, ses tours et ses clochers; et la mer
calmée roulait ses flots paisibles jusqne sur
le rivage. A une lieue environ l'œil distin-
guait fort bien, baignée par une rivière,
une superbe ville, avec des tours et des mu-
railles élevées, un fort qui la prolégeail.
Fernand jeta l'ancre à l'embouchure de la
rivière, qui paraissait former un port spa-
cieux. Bientôt on vit s'avancer une embar-
cation d'apparat; elle était ornée de dorures
fort riches, quoique bizarres. Une bannière
qui portait l'emblème sacré de la croix flot-
tait au vent. Celte chaloupe, montée par
seize rameurs qui marquaient avec Icuri
avirons la cadence d'un vieux chant espa-
gnol, était commandée par un cavalier vêtu
d'un pourpoint très-riche , de forme an-
cienne , et coiffé d'un vaste sombrero, qu'une
plume légère décorail.
Lorsque le canot cul abordé la caravelle,
le cavalier monta à bord. Il était grand; il
portail une longue figure espagnole avec
une gravité Gère; ses moustaches frisées se
relevaient jusqu'aux oreilles; sa barbe éiait
régulière et partagée en deux , ses gantelets
lui montaient jusqu'aux coudes, et il lais-
sait traîner derrière lui une lame de Tolède
dont l'énorme poignée élail faite en cor-
beille. Il salua Fernand par son nom et lui
souhaita sa bienvenue avec l'antique cour-
toisie castillane. Etonné de s'entendre ap-
peler par son nom dans un pays étranger,
Fernand demanda en quelles régions il était
arrivé.
— Dans l'Ile des S:'pt-Villes.
La tempête l'avait ainsi poussé vers la
terre même qu'il cherchait. Son autre cara-
velle, dont la tempête l'avait séparé , était
entrée dans un port voisin, et avait annoncé
l'expédition qui venait réunir ce pays à la
grandj unité chrétienne. L'Ile entière célé-
brait cet événement par des réjouissances;
et on n'attendait que sa présence pour jurer
fidélité à la couronne de Portugal cl le sa-
luer adelantado des Sept-Villes.
Un grand festin devait avoir lieu le soir
même au palais de l'alcade ou gouverneur,
qui avait envoyé son grand chambellan dans
sa chaloupe d'honneur pour conduire l'ada-
lantado à la cérémonie.
Fernand se crut bercé par un rêve. Il
fixa un œil scrutateur sur le grand cham-
bellan , qui, son message accompli , restait
debout, dans une grande dignité. Le jeum;
homme, voyant bien que ce qui se passait
ne pouvait être une fiction, revélil ses jilus
31
97»
DICTlONNAlUt: DES SCIENCES OCCILTES.
87J
beaux babils. Il voulait mettre son canot à la
nier et débarquer avec ses bomnies ; mais ou
lui dit que la cbaloupe avait été disposée
pour lui ; qu'après la fête ou le ramènerait à
sou navire et que le jour suivant il ferait,
dans l'appareil convenable, son entrée au
port. Il se jeta donc dans l'embarcation. Le
grand chambellan s'assit sur un coussin en
face de lui, et les rameurs se penchèrent sur
leurs avirons.
La nuit vint avant qu'ils entrassent dans
la rivière. Ils doublèrent le promontoire dé-
fcMidu par une tour ; et les sentinelles criè-
rent : Qui va là ?
— L'adclantado des Sept-Villes.
— Il est le bienvenu. Passez.
En entrant dans le port, ils ramèrent le
long d'une galère d'un modèle fort ancien.
Des soldats armés d'arbalèies étaient en fac-
tion sur le pont.
— Qui va là ? dcmanda-t-on de nouveau.
— L'adclantado des Sept-^ illes.
— 11 est le bienvenu. Passez.
Ils abordèrent à un escalier de pierre con-
duisant, entre deux tours massives, à une
porte où ils frappèrent. Une sentinelle cria :
Qui est là?
— L'adalantado des Sept-Villes.
La porte tourna sur ses gonds.
Us entrèrent entre deux rangs de guer-
riers, cuirassés de fer battu, portant des ar-
balètes, des haches d'armes, et des masses.
Us firent le salut militaire en silence. La ville
était illuminée, mais sombre; on voyait dans
les rues des feux de jnic autour desquels so
groupaient des costumes qui rappelaient le
carnaval; les dames très-parées, que l'on
apercevait aux balcons tendus de vieilles
tapisseries , ressemblaient plutôt à des fi-
gures bénites qu'à des femmes en toilette.
Tout portail l'empreinte des anciens temps ,
ou plutôt c'était le monde espagnol rétro-
gradé de plusieurs siècles. On avait surtout
conservé dans l'île des Sept-Villes la vieille
graviié castillane : quoiqu'on célébrât des
réjouissances publiques et que Fernand
fût l'objet de leurs félicitations , partout où
il se montrait, au lieu d'arclamations, ce
n'étaient que révérences officielles et som-
breros silencieusement agités dans les airs.
En arrivant au palais de l'alcade, on ré-
péta la formalité ordinaire :
— Qui est là?
— L'adclantado des Sept- Villes.
Il est le bienvenu. Passez.
On entra dans un salon magnifique, illu-
miné aux flambeaux. L'alcade et les digni-
taires delà ville attendaient leur hôte illus-
tre; ils le reçurent avec l'étiquette officielle
remarquée partout.
Le banquet se composait de mets incon-
nus, de friandises oubliées ; un paon fut
servi dans sou plumage, sur un plat d'or, au
haut bout de la table.
La fille de l'alcade était assise à côté de
Fernand. Sa toilette à la vérité avait pu être
(le mode huit ou neuf cents ans auparavant ;
mais elle avait de beaux yeux noirs, une
charmante figure andalouse , et une voix
pleine de douceur. Le jeune homme, à qui
la brusque et complète réalisation de ses
espérances avait presque tourné la télé, et
qui avait plusieurs fuis vidé la coupe que
des pages attentifs lui présentaient à chaque
instant, n'était pas arrivé à la moitié du
banquet, que, très-épris, il sollicita l'hon-
neur de sa main. La demoiselle baissa la léto
d'une manière quisignifiaitun consenlemeni,
et Fernand allait la demander à son pèro
sans se ressouvenir de Sérafina, lorsque le
chambellan vint lui annoncer que la cha-
loupe l'attendait pour le conduire à sa cara-
velle. Don Fernand prit congé de la noble
compagnie dans toutes les règles du cérémo-
nial, dit an tendre adieu jusqu'au lendemain
à la fille de l'alcade, et fut reconduit à son
vaisseau. Rentré dans sa chambre, et pris
d'une sorte de vertige causé par tout ce qu'il
avait vu, il se jeta sur son lit, et tomba bien
vile dans un sommeil fiévreux, agité de
rêves vagues et sans suite. Combien dura ce
sommeilfil ne lesut jamais. En se réveillant,
il se trouva dans une cabine inconnue, en-
touré de personnes qu'il n'avait vues de sa
vie. Dormait-il encore? il se frotta les yeux.
En réponse à ses questions, on lui apprit
qu'il était sur un navire portugais faisant
voile pour Lisbonne, et qu'il avait été re-
cueilli sans connaissance sur un débris de
navire flottant à la merci des vagues au mi-
lieu de l'Océan.
Fernand fut fort étonné; il se rappe-
lait parfaitement tout ce qui lui était arrivé
dans l'î.e des Sept-Villes cl ce qu'il y avait
vu. On prit ses discours pour des divaga-
tions; et, dans leur sollicitude, les gens du
navire lui administrèrent des remèdes si vio-
lents, qu'il se crut obligé degarderle silence
Le vaisseau entra dans le Tage, et jeta l'an-
cre devant Lisbonne. Fernand, s'élançant
sur le rivage, courut au manoir de ses an-
cêtres. A sa grande stupéfaction, il le trouva
habité par des étrangers; et lorsqu'il demanda
des nouvelles de sa famille, personne ne put
lui en donner.
Il se dirigea alors vers la demeure de don
Ramire, car sa passion pour Sérafina s'était
ranimée. H s'approcha du balcon sous lequel
il lui avait donné tant de sérénades. Sérafina
elle-même était au balcon. 11 poussa un cri
de ravissement en tendant les bras vers elle.
Elle lui lança un regard d'indignation, se re-
tira et ferma la fenêtre. La porte était ou-
verte. Il franchit rapidement l'escalier, et eu
entrant dans la chambre il se jeta à ses pieds ;
elle recula avec eflroi. Un jeune cavalier
qui était présent s'avança :
— M'expliquerez-vous, monsieur, ce que
vous venez faire ici? dit-il.
— De quel droit, demanda Fernand, me
faites-vous cette question ?
— Du droit d'un fiancé.
Fernand tressaillit et pâlit. — 0 -Sérafina !
Sérafina 1 s'écria-t-il avec l'accent du déses-
poir, est-ce là la foi que vous m'aviez pro-
mise? — Sérafina 1 Que voulez-vous dire?
Cette jeune dame «'appelle Maria.
CT> LEG
— N'cst-clle pas Sér;ifina Alvarez? el ne
vois-je pas là son portrait?
— Sainte Viergp, s'écria la jeune fille , il
parle de ma bisaïeule 1
Le malheureux Fernand se trouvait dans
lin embarras nouveau : s'il s'en rapportait au
témoignage de ses yeux, il voyait devant lui
Sérafina; s'il en croyail ses oreilles, ce n'é-
taient que SCS traits héréditaires , perpé-
tués dans la personne de sa petilc-fiile. Sa
cervelle commença à s'embrouiller. 11 sortit
lirusquemcnl ; il courut au bureau du minis-
tère (le la marine, et fit un rapport sur son
expédition et sur l'île des Sepl-Villes. Per-
sonne n'avait entendu parler de rien de sem-
l)lablc. Il déclara qu'il avait formé cette en-
treprise après avoir reçu une commission
officielle qui le constituait adelantado. Ces
paroles attirèrent l'attention d'un vieil em-
ployé à cheveux blancs, dont la mémoire
n'était qu'un catalogue de faits officiels et de
documents. Après avoir regardé quelque
temps le navigateur du haut de son tabouret,
il se mit la plume derrière l'oreille et des-
cendit. Il su souvenait d'avoir entendu son
prédécesseur parler d'une expédition sembla-
ble à celle dont il était question. Mais clic
était partie sous le règne de Juan II, mort de-
puis plus de cent ans. Pour éclaircir la chose,
il fit d'activrs recherches dans les archives,
il y trouva l'indication d'un contrat entre la
ccuronne et un certain Fernand de Ulmo
pour la découverte de l'île des Sept-Viiles
ainsi que d'une commission qui lui avait été
donnée coumie adelantado du pays qu'il pou-
vait découvrir.
— Eh bien 1 s'écria Fernand triomphant,
■vous avez sous les yeux la preuve de ce que
j'ai dit. Je suis ce Fernand de Ulmo nommé
dans C( lie pièce, j'ai découvert l'Ile d» s Sepl-
Villes, el j'ai droit d'en être adelantado.
Le récit de don Fernand avait la meilleure
autorité historiques le témoignage des do-
cuments. Mais comment un homme à la
fleur de la jeunesse parlait-il d'événements
qui dataient de plus d'un siècle? On le re-
garda comme un fou.
Le vieux commis haussa les épaules et se
gratta le menton, remonta sur son tabouret
et se remit à copier. Ainsi abandonné, Fer-
nand s'élança hors du bureau la léte égarée.
Dans son trouble il se dirigea de nouveau
vers la demeure d'Alvarez; mais elle lui fut
fermée. Pour le convaincre que Sérafina
éiait vraiment morte, on le conduisit à sa
tombe, qui portait l'empreinte du temps ;
caries mains du cavalier son époux avaient
perdu leurs doigts, et la figure de la belle
Sérafina n'avait plus de nez. Il fit réparer
par un habile statuaire le nez de Sérafina, et
dit adieu à ce monument.
Il ne pouvait plus douter désormais qu'il
n'eût franchi un siècle pendant la nuit qu'il
avait passée dans l'île des Sepl-Villes. Il se
trouvait aussi étranger au milieu de sa pa-
trie que s'il n'y eût jamais été. Il souhaita
(le se retrouver dans ces vieilles salles où il
avait reçu un accueil si courtois; elil aurait
bien voulu entreprendre une autre cxpédi -
LEG
974
tion à la recherche de lile ; mais il n'avait
plus aucunes ressources, el personne ne vou-
lait ajouter foi à ses récits, que l'on regar-
dait comme les rêves d'un naufragé.
Il s'embarqua pour les Canaries , parce
qu'elles étaient dans la latitude de son an-
cienne principauté, et que les habitants ai-
maient assez à courirles aventures. Il trouva
là de dociles auditeurs; les vieux pilotes et
les vieux marins étaient là des chercheurs
d'Iles, et croyaient à toutes les merveilles des
mers. Tous regardèrent ce qui lui était arrivé
comme une circonstance ordinaire et se
dirent en branlant la tétc : « Il a été à l'île do
Saiut-Brandan. »
Ils lui parlèrent alors de cette énigme di^
l'Océan, de ses apparitions fréquentes et des
nombreuses expéditions parties vainement à
sa recherche. Us le menèrent à un promon-
toire d'où l'on avait le plus souvent aperçu
l'Ile mystérieuse.
Fernand ne doutait plus que ce ne fût là
le port où une influence surnaturelle avait
agi sur lui pour resserrer dans l'espace d'une
nuit l'événement d'un siècle. Il ne réussit
pas à engager les insulaires dans une nou-
velle tentative de découverte ; ils avaient
renoncé tous à l'île in.iccessible. Fernand
néanmoins ne se décourngeait pas. Assis au
promontoire de Palnia, il y restait de longues
journées, s'attendant toujours à voir poiiulro
les magiques montagnes de Saint-Brandan;
puis il s'en revenait désappointé, mais il
retournait à son poste le lenileniain. Ses che-
veux y blanchirent; cl un jour on l'y trouva
mort.
AUTRES LÉGENDES.
Il y aurait une foule do légendes bizarres
à rassembler dans les mylhologies anciennes.
Voici par exemple la fable que les Egyptiens
racontaient au sujet de Ilhéa, la fille du Ciel
et de la Terre, pour expliquer les change-
ments qu'ils avaient dû fiire à leur année,
qui n'avail d'abord que 3C0 jours.
Rhéa étant devenue grosso de Saturne, lo
Soleil, irrilé , la chargea de malédiclions et
jura qu'elle n'accoucherait dans aucun des
douze mois de l'année. Elle fil part de son
embarras à Mercure, qui entreprit de la ga-
rantir des fureurs du Soleil. La souplesse
d'esprit qui le caractérisait lui fournit pour
y parvenir un expédient. Un jour qu'il jouait
aux dés avec la Lune, il lui proposa de jouer
la soixante-douzième partie de chaque jour
de l'année. Il gagna, et, profitant de son
gain, il en composa cinq jours qu'il ajouta
aux douze mois. Ce fut pendant ces cinq
jours que Ilhéa accoucha ; elle mit au monde
Isis, Osiris, Orus, Typhon et Nephihé. Ainsi
l'année égyptienne, qui n'était d'abord que
de trois cent soixante jours , reçut les cinq
jours conplémenlaires qui lui manquaient.
C'est aussi une légende que l'histoire de
Cadmus et de son dragon. Cadmus, fils d'Agé-
uor el de Téléphassa, avant d'offrir un sa-
crifice à Pallas, envoya ses compagnons pui-
ser de l'eau dans un bois consacré à Mars;
mais un dragon, fils de ce dieu et de Vénus.
9T5
DICTIONNAIRE DES Sr.IENCE6 0CCULTK5.
Jes (icvoia. Cadnius vengea leur mori en
tuant le monstre, et en sema les dents, par
le conseil de Minerve. Il en sortit dix hom-
mes tout armés, qui rassaillironl d'abord,
mais tournèrent bienlôl leur fureur contre
eux-môiiies et s'enlre-luèrent , à l'exception
de cinq , qui lui aidèrent à bâtir la ville que
l'oracle de Delphes avait ordouné de cons-
truire.
En voici une autre :
Anius, roi de Déios, et grand prêtre d'Apol-
lon, eut de Dorippe trois filles, qui avaient
reçu de Bacchus le don de changer tout ce
qu'elles touchaient, l'une en vin , l'aulrc en
blé, et la troisième en huile. La première se
nommait OEuo ; la deuxièmi' Spermo ; et la
troisième Elaïs. Agamemnon, allant au siège
de Troie , voulut les contraindre de l'y sui-
vre, comptant qu'avec leur secours il pour-
rait se passer de pro\isions. Mais Bacchus,
qu'elles implorèrent, les changea en colom-
bes.
11 y en aurait mille.
Laodaniie, fille d'Acastc, éponsa Protésilas.
Son mari ayant clé tué par Hector, Laodamie
fit faire une slalue qui lui ressemblait : un
vaUt l'ayant vue devant cette slalue, alla
dire à Acaste que sa fille était avec un
homme; il y courut. Ayant trouvé la statue,
il la fit brûler pour ôter à sa fil^e ce trisle
souvenir. Mais Léodamie, s'é:ant approchée
du bûcher, s'y jeta et y périt. C'est là ce qui
a fait dire aux poëtes que les dieux avaient
rendu la vie à Protésilas pour trois heures
seulement, et que se voyant obligé de rentrer
dans le royaume de Plutun, il avait persuadé
à sa femme de le suivre.
On voit en Provence, entre Arles et Mar-
seille, une tiès-grande plaine couverte de
pierres dégale grosseur dont chacune peut
remplir la main. C'est aujourd'hui la Crau ,
petit pays de Provence, à l'embouchure du
Rhône. Voici la fable que les anciens ont ima-
ginée pour expliquer comment cette plaine
avait pris un tel aspect. Albion et Bergion ,
géants , enfants de Neptune , eurent l'audace
d'attaquer HiTcule, et voulurent l'empêcher
de passer le Rhâne. Ce héros ayant épuisé
ses flèches contre eux, Jupiter les accabla
(l'une giéle de pierres, et le champ où les
pierres tombèrent fut appelé campus lapi-
deus.
Mais laissons les vieilles fables. Le sujet
d'Ilamzah, dans l'Orieul, a donné lieu aux
pins curieux récits.
Hamzah, prophète d'Harem, divinité des
Druses, est, disent-ils, descendu sept fois
sur la terre. Dans l'âge d'Adam, il a paru
tous le nom dcChatnil; dans l'âge de Noé,
sous celui de Pyth;igore; dans l'âge d^Abra-
hau), sous celui du David; dans l'âge de
Moïse , sous celui de Chaïl ; dans l'âge de
Notre-Seigneur.sous celui de Messie ou d Hé-
liTisar; dans l'âge de Mahomet , sous celui de
Selman et de Farsi; et dans l'âge de Sa'id ,
sous celui de Saiih. Les livres des Druses
l'appellent le plus grand de tous les pro-
phètes, et la cause des causes. ,
Le boRaha est un arbre de l'Ile de Ccylan,
S76
que les Européens ont nommé l'arbre Dieu,
en raison du culte qu'ils lui ont vu rendre.
Le bogaha le plus renommé se trouve à An-
narodgburro, ville ruinée dans la partie sep-
tentrionale des Etals du roi de Candy, dont
les sujets ont seuls la faculté de s'approcher
de ce sanrtuaire. Selon la tradition reçue, le
bogaha traversa les airs pour se lendre à
Ceyian de quelque pays éloigné, et enfonça
lui-même ses racines en terre à la place qu'il
occupe actuellement. Il fit ce voyage pour
servir d'abri au dieu Bouddha, qui se reposa
à son ombre tout le temps qu'il demeura sur
la lerre. Quatre vingt-dix-neuf rois, qui,
par les temples et les images qu'ils ont dédiés
à Bouddha, ont niérilé que leur âme fût reçue
dans le séjour do la lélicité , ont été enterrés
sous l'arbre sacré. Transformés en bons gé-
nies, ils sont charges de veiller à la sûreté
des adorateurs de ce dieu, et surtout de les
préserver du joug des Européens.
Cambadaxus était un bonze dont les Japo-
nais racontent l'anecdote suivante : A huit
ans, il fit construire un temple magnifique ,
et, se prétendant las delà vie, il annonça
qu'il voulait se retirer dans une caverne, et
y dormir dix mille millions d'années. En
conséquence il entra dans une caverne dont
l'issue fut scellée sur-le-champ. Les Japonais
le croient encore vivant, et l'invoquent
comme un dieu. C'est bien plus hardi quo
nos sept dormants.
Voici comme le Shaslah indien trace l'o-
rigine de la métempsycose ou de la transmi-
gration des âmes. Les debtahs ou anges
rebelles ayant encouru la disgrâce de l'E-
ternel, l'univers fut créé pour leur servir de
séjour. Le dieu forma des corps qui devaient
leur tenir lieu de prison et de demeure , as-
sujettit ces corps au changement, à la déca-
dence, à la mort, et soumit les debtahs cou-
pables à quatre-vingt-neuf transmigrations.
Les quatre-vingt-sept premières transmigra-
tions devaient être leur cbâlimenl ; à la
quaire-vingt-huitième ils devaient animer
le corps d'une vache, et enfin à la quatre-
vingt-neuvième celui de l'homme ; et celle
dernière épreuve devait être la plus forte da
toutes.
Laulhu était un magicien tunquinois qui
prétendait avoir été formé et porté soixante et
dix ans dans le sein de sa mère ; ses disciples
le regardaient comme le créateur de loules
choses; c'est celle religion que suit le peu-
ple , tandis que la cour suit celle de Cou-
lulzée.
Mais le philosophe Tao Kium, auquel les
Chinois ont décerné les honneurs divins, est
encore plus surprenant. Porté quatre-vingt-
dix ans dans les flancs de sa n>ère, il s'ou-
vrit un passage par le côlé gauche, et causa
la mort de celle qui l'avait conçu : k Tao , ou
la raison et plutôt le raisonnement, disent-
ils, produisit un, un produisit deux, deux
produisirent trois, et trois ont produit toutes
choses... » Voyez la plupart des récits de ce
dictionnaire.
LEGENDUE ( Gilbert- Charles ) . mar-
quis de Saint-Aubin-sur- Loire, né à Pans en
^n LEG
1C88, mort en I7V6.0na de lui un Traité de
l'opinion, oît Mémoires pour servir à l'his-
toire de l'esprit humain , Paris , 17;{3 , G vol.
in-12 : ouvrage dont M. Salgues a tiré très-
grand parti pour son livre Des erreurs et des
préjiu/és répandus dans la société.
LÉGIONS. Il y a aux enfers six mille six
cent soixante-six légions de démons. Chaque
légion de l'enfer se compose de six mille six
cent soixante-six diables , ce qui porto le
nombre de tous ces démons à quarante-qua-
tre millions quatre cent trente-cinq mille
cinq cent cinquante-six, à la télé desquels
se trouvent soixante-douze chefs , selon le
calcul de Wierus.Mais d'autres doctes mieux
informés élèvent bien plus haut le nombre
des démons.
LELEU (Auudstin), contrôleur des droits
du duc de Chaulnes sur la chaîne de Piqui-
gny, qui demeurait à Amiens, rue de l'Aven-
ture , cl dont la maison fut infestée de dé-
mons pendant quatorze ans. Après s'être
plaint , il avait obtenu qu'où fit la bénédic-
tion des maisons infestées ; ce qui força les
diables à détaler (1).
LEMIA, sorcière d'Athènes, qui fut pu-
nie du dernier supplice , au rapport de Dé-
mosthène , pour avoir enchanté , charmé et
fait périr le bétail; car dans cette république
on avait établi une chambre de justice desti-
née à poursuivre les sorciers (2).
LEMNIUS ou LEMMENS (Lievin), né en
toOSà Ziriczée en Zélande, médecin et théo-
logien , publia un livre sur ce qu'il y a de
vrai et de faux en astrologie, et un autre sur
les nierveilles occultes de la nature (3).
LÉMURES, génies malfaisants ou âmes
des morts damnés qui (selon les croyances
superstitieuses ) reviennent tourmenter les
vivants , et dans la classe desquels il faut
mettre les vampires. On prétend que le nom
de Lérnure est une corruption de Rémure,
qui vient à son tour du nom de Rémus , lue
par Romulus, fondateur de Rome; car après
sa mort les esprits malfaisants serépaiidinnt
dans Rome ('*). Yoy. Lâres, Larves, Spec-
tres , Vampires . etc.
LENGLEÏ-DDFRESNOY (Nicolas), né à
Beauvais en 167'* , et mort en 1753. On lui
doit, 1° une Histoire de la philosophie her-
nie tique, accompagnée d'un catalogue raisonné
des écrivains de celte science, avec le véritable
philalète, revu sur les originaux, 1742, 3 vol.
in-12;
2' Va Traité historique et dogmatique sur
les apparitions , visions et révélations parti-
culières , avec des observations sur les dis-
sertations du R. P. Dom Galmet sur les ap-
parilions et les revenants , 1751 , 2. vol.
în-12 ;
3° Un Recueil de dissertations anciennes ot
nouvelles sur les apparitions , les visions et
les songes, avec une préface historique et un
catalogue des auteurs qui ont écrit sur les
(1) Lenglet-Dufresnoy, Dissertations sur les apparil.,
(,. m, p. 213.
(2) M. Garinet, Hist. de la magie tn Franco, p. 14.
(.5) iJuAsirologi.i liber unus, in (|uo obiler iii(licaliiri|uid
Ula vcii, quiil ficli fabiiiue lialjeal, cl iiualciius irli sil li»-
LEG
S78
esprits, les visions, les apparitions, les son-
ges et les sortilèges ; 1732, 4 vol. in-i2.
Nous avons puisé constamment dans ces
ouvrages.
Nous donnerons une idée de ses compila-
tions, en empruntant à son Traité hislorique
et dogmatique sur les apparitions et les vi-
sions un assez curieux morceau qui termine
le tome second. C'est la reproduction, avec
observations critiques , d'im opuscule inti-
tulé :£e retour rfesmor/s, ou Traité qui prouve,
par plusieurs histoires aulhcnliiiues , que
les âmes des trépassés reviennent quelque-
fois par la permis'iion de Dieu. Sur Fimoriiné
à Toulouse en 1694-.
LE RETOUR DES MORTS.
Première apparition. Driihelme. {Beda lib, v
Hist. Gentis Anglor. cap. 13.)
Entre les choses extraordinaires qui sont
arrivées en Angleterre, l'une des plus mémo-
rables est l'aventure d'un nommé Drithelme,
dont le vénérable Bède nous a laissé l'histoire.
Il la rapporte comme un fait dont il était très-
bien informé, et qui arriva de son temps avec
l'élonnemenl de tout le monde ; il le raconte
ainsi dans le cinquième livre de l'Histoire
d'.\nglelerre.
De notre temps, dit-il , il y eut en Angle-
terre un miracle des plus mémorables, et qui
sans doute est pareil à ceux qui se faisaient
anciennement ; car pour la résurrection
de l'âme de plusieurs personnes mortes par
le péché, l'on a vu ressusciter un homme mort
de la vie du corps. Cet homme rendu à la vie
raconta plusieurs choses très-considérables,
cl j'ai cru eu devoir citer quelques-unes en
cet endroit.
Il y avait un homme dans le pays de Nor-
thumberland qui vivait fort saintement avec
toute sa famille ; il fut atteint d'une maladie
qui augmenta toujours de plus en plus et lu
mit si bas, qu'il mourut vers l'entrée de la
nuit. Mais sur le point du jour ressuscitant
et se levant tout à coup, il remplit de frayeur
l'esprit de ceux qui, avec beaucoup de lar-
mes , avaient veillé auprès de son corps , si
bien qu'ils s'enfuirent tous , à la réserve de
femme, qui, l'aimant beaucoup, resla seule,
quoique tout eJfrayée. Le défunt pour la
rassurer lui dit : — Ne craignez rien, je suis
vraiment ressuscité , et l'on m'a permis dj
vivreencore une fois parmi les honnnes, non
pas néanmoins ainsi que j'avais accoutumé,
mais d'une bien différente manière.
Ayant dit ce peu de paroles, il se relira sou-
dain dans une petite chapelle qu'il avait à sa
métairie, où sans cesse il s'occupait à la
prière ; et peu de temps après il divisa tout
ce qu'il avait de bien en trois parties, dont
il donna l'une à sa femme, l'autre à ses en-
fants, et la troisième il la distribua aussitôt
aux pauvres. Ainsi délivré de l'embarras et
des inquiétudes du siècle, il s'en vint au mo-
benda fides; Anvers, 15SI, iii-8'.— Di! occullls nilurae mi-
raculis llbri 11; Anvers, 1539, miaUéimprimé clicz l'iaii
lin en qualre livres; Anvers, 1361.
(i) Lcliivcr, Hisl. des spectres ou appar. des osprii»,
cU. 5.
979
DICT ONNAIUE DES SCIENCES OCCULTES
L?0
nastère de Maiiros , où il se fit raspr , et se
logea dans une petite cellule que l'abbé lui
marqua, et où il passa le reste de ses jours
dans un si grand regret de ses offenses pas-
sées, qu'il était aisé de juger par la vie qu'il
monail, plus que par ses paroles, qu'assuré-
ment il avait vu d'étranges choses capables
de réveiller nos désirs , ou d'exciter nos
crainles.
Il racontait donc ainsi ce qu'il avait vu. —
Mon conducteur, disait-il , était merveilleu-
sementéclatanl enson visage et en ses babils.
Nous arrivâmes d'abord dans une vallée éga-
lement large et profonde , et d'une longueur
presque infinie; le côté gauche était horrible
à voir , à cause des Danimes dévorantes qui
en sortaient, et le droit ne l'était pas moins
parla grêle dont il était inccssammcnl ballu,
par des neiges conlinuellcs, et un vent froid
et piquant qui y règne toujours : l'un et l'au-
tre de cesdeux lieux était tout rempli d'âmes,
emportées comme par un lourbillon, qui se
lançaient tantôt dans l'un et tantôt dans l'au-
tre; car ne pouvant d'une part souffrir l'ar-
deur et la violence des flammes qui les dé-
voraient, elles se jetaient au milieu de ces
froids cuisants; et de l'autre n'y trouvant pas
le soulagement qu'elles en avaient espéré,
elles s'élançaient dans des feux qui ne s'étein-
dront jamais.
Voyant une multitude incroyable d'es-
prits tourmentés sans relâche, je n'hésitai
pas à croire que c'était là cet enfer , dont
j'avais ouï dire des choses si effroyables. Mais
mon guide, qui s'aperçut assez de ma pensée,
me dit aussitôt : — Non, ce n'est pas l'eufer,
cl savez-vous bien ce que c'est que vous avez
vu ? — Non vraiment, dis-je. — Eh bien 1
répliqua-l-il, celte vallée, que vous avez vue
si terrible par les flammes dévorantes qui en
sortent et par le froid si rude qu'on y sent,
est justement le lieu où sont punis ceux qui
ont toujours différé la confession de leurs
péchés et l'amendement de leur vie, et qui
enfin à l'heure de la mort ont eu recours au
sarrement de pénitence ; ces gens-là, parce
qu'ils se sont confessés de leurs péchés, du
moins à l'instant de leur mort, seront reçus
dans le ciel au jour du jugement ; il est vrai
que, par des prières, des jeûnes et des aumô-
nes , et surtout par le sacrifice auguste de
l'autel, les personnes qui vivent encore dans
le monde peuvent leur abréger ce temps.
Le vénérable Bède ajoute que, comme ce
saint homme ne cess.iitde se tourmenter par
de grandes austérités , que souvent il priait
Dieu et chantait ses louanges plongé dans
des fleuves tout glacés, ses confrères, surpris
d'une si étrange conduite, lui dirent : — C'est
merveille, frère Driihelme, que vous puissiez
endurer la rigueur de ce froid ; il ne répon-
dait autre chose sinon : — Le froid que j'ai
vu est encore plus grand ; et comme on lui
répétait souvent : C'est merveille que vous
ayez entrepris de mener une vie si austère,
il ne disait autre chose sinon : J'ai vu de
plus grandes austérités ; cl il persista jusqu'à
la mort dai'.s la pratique de ces pénibles
ïxercices , cl dans un Irès-ardent désir de
posséder un jour les biens éternels. 11 ma-
tait son corps par des jeûnes continuels, quoi-
qu'il fût déjà cassé de vieillesse : enfin par
ses paroles et par ses exemples, il contribua
beaucoup au salut de plusieurs personnes.
Observation.
Ce fait, raconté avec tant d'assurance par
le vénérable Bède, caractérise sa crédulité.
Peut-on regarder comme une résurrection
la syncope d'un homme qui s'évanouit le
soir, et qui le matin revient à lui ? N'est-ce
pas donner dans l'excès que dn qualifier ce
réveil du nom de résurrection? Eh 1 que ra-
conte cet homme? II ne fait que rapporter ce
qu'une pieuse imagination lui a conservé des
récits journaliers du purgatoire. Que l'on
examine toutes les peintures que ces préten-
dus revenants ou ressuscites font du purga-
toire, on n'en verra pas deux qui se ressem-
blent; parce qu'elles sont, non les portraits
delà chose, mais de l'imagination de ceux
qui en font le récit. Or les imaginations ne;
sont pas moins variées que les physionomies.
Cependant le purgatoire est toujours le
même pour toutes les âmes que la justice
divine y envoie. Pourquoi donc le peindre si
différemment? Il ne saurait l'être que d'une
seule manière. .Je n'en veux pas davantuge
pour réfuter une historiette si mal appuyée.
D'ailleurs la conduite de ce prétendu ressus-
cité n'est pas conforme à son devoir. Dieu
l'avait appelé à l'état de mariage, et l'y avait
fait prospérer; il devait eu suivant la loi, et
non pas son imagination, rester dans le
monde pour y sanctifier sa femme et ses en-
fants, et il aurait agi conformément à sa
première vocation. Satisfaire aux devoirs
généraux est la voie de la sanctification,
sans s'aller précipiter dans des abîmes d'ima-
ginations scrupuleuses, qui ne sont pas de
l'ordre de Dieu.
Deuxième apparition. Adelhard , religieux
de Fulde. ( Joannes Trithemius in Yitn
B. Rabani Mauri,archiepiscopi Moguntini,
lib. 11, cap. 3.)
L'histoire de Raban Maur, premièrement
abbé de Fulde , et ensuite archevêque de
Mayence, raconte que ce saint prélat avait
beaucoup de charité pour les pauvres ; en
sorte que la bonté avec laquelle il tâchait
de les secourir, et même de prévenir leurs
nécessités, lui avait acquis à juste litre la
qualité de père et protecteur des miséra-
bles. 11 est vrai que ses largesses passèrent
dans l'esprit de quelques-uns de ses reli-
gieux pour prodigalité, et qu'il s'en trouva
d'assez avaricieux pour plaindre ce qu'on
donnait aux membres de Jésus-Christ. On
remarque que ceux-ci n'étaient pas les stu-
dieux, mais ceux qui avaient soin du tem-
porel. Le chef de cette troupe fut un certain
Adelhard, cellérier et économe du monastère;
mais Dieu fit de sa personne un exemple
formidable, qui apprit aux autres à ne pas
regretter le pain qu'on donne aux pauvres.
Le saint abbé avait fait une ordonnance
qui n'était pas moins avantageuse pour les
religieux décédés que pour ks indigents :
S8l
L G
LEG
gsa
elle portait qu'après la morl de chaque re-
ligieux on donnât, l'espace de trente^ jours,
sa portion tout entière aux pauvres. Il arriva
que, plusieurs de ces religieux étant morts en
même temps, l'abbé, qui connaissait l'humeur
trop ménagère de son cellérier, commanda
Irès-exprrsséuient, en présence des autres,
d'accomplir ce qu'il avait ordonné. Adelhard
l'assura qu'il n'y manquerait pas; cepen-
dant son avarice prévalut sur l'obéissance;
de sorte qu'il retrancha plus de la moitié des
aumônes , et enfin il n'en donna plus du
tout.
Un soir, étant occupé fort tard à son of-
fice, et la communauté étant retirée, comme
il passait devant le chapitre pour aller au
dortoir, il aperçut, à la faveur de la lumière
qu'il portait, quantité de religieux assis aux
deux côtés du chapitre; ce qui le surprit
d'autant plus, que c'était pendant la nuit.
Regardant d'un peu plus près, il reconnut
que c'étaient tous ceux dont il avait retenu
les aumônes. Alors saisi de crainte, il aurait
bien voulu prendre la fuite; mais sa frayeur
était si grande qu'il demeura immobile sans
pouvoir avancer un pas. Dans ce moment,
toutes ces ombres s'approchant de lui, le
renversèrent par terre, et l'ayant dépouil'é :
— Voici, lui dirent-elles, le commencement
des peines préparées à voire cruauté: dans
trois jours, vous serez des nôtres, et vous
apprendrez par une funeste expérience qu'il
n'y a point do miséricorde pour ceux qui la
refusent au prochain. Ils lui donnèrent en-
suite la discipline jusqu'au sang, et le lais-
sèrent évanoui sur la place, oii il demeura
jusqu'à minuit, que les religieux s'étant as-
semblés pour matines, le trouvèrent en ce
pitoyable état. Il fut porté à l'infirmerie,
où, par les soins des religieux étant revenu
à soi, il leur exposa ce qui lui était arrivé,
et l'arrêt irrévocable de la morl qu'il devait
subir dans trois jours.
Toute la communauté fut fort touchée de
l'infortune du cellérier, mais surtout le très-
saint abbé. 11 essaya de fortiGer ce malade
et de le disposer à une sérieuse pénitence,
l'assurant que Dieu lui serait propice, quoi-
qu'il le châtiât, et qu'il importait peu qu'il
ne fit point de miséricorde en cette vie au
corps, pourvu qu'il ne la refusât pas éter-
nellement à l'âme. Enfin, ayant reçu les der-
niers sacrements, il décéda avec des marques
d'une véritable contrition.
Le saint père Raban ne termina pas ses
inquiétudes à sa mort ; au contraire, comme
il jugeait bien que ses peines étaient extrê-
mes dans le purgatoire, il offrit beaucoup
plus de sacrifices et d'aumônes pour son sou-
lagement qu'il n'avait fait pour les autres qui
l'avaient précédé. Il ordonna des jeûnes et
des oraisons plus longues et plus fréquentes,
et n'oublia rien de ce qui pouvait fléchir la
justice de Dieu en sa faveur.
Trente jours après son décès , le vénéra-
ble abbé étant en oraison pour lui après ma-
tines , le défunt lui apparut triste , défiguré ,
portant même jusque sur son habit les si-
gnes de son touruicnl. Le saint hominc ne
s'épouvanta point de cette apparition ; mais,
rempli de confiance en Dieu, il interrogea ce
frère sur son étal, et si les pénitences et les
oraisons qu'on avait faites pour lui l'avaient
soulagé. Mon père, répond le mort, vos bon-
nes œuvres sont aussi agréables à Notre-
Seigneur qu'utiles aux âmes du purgatoire
Hé ! plût à Dieu que mon avarice n'en eût
point retardé l'effet pour moi 1 Mais vous sau-
rez, mon père, que j'endure des tourments
inexplicables , et que Dieu , par un juste ju-
gement, me fera souffrir jusqu'à l'entière dé-
livrance de tous nos frères, dont mon ava-
rice a relardé le bonheur, en sorte que le
mérite des aumônes qu'on fait pour moi leur
est appliqué : je vous demande donc la grâce
de les redoubler , puisque c'est l'unique
moyen de me tirer de ces brasiers ardents,
où je suis tourmenté plus qu'on ne peut ja-
mais se l'imaginer. Le bon père lui promit
tout ce qu'il désirait, et l'exécuta avec une
fidélité nonpareille. Trente jours depuis
cette apparition, le même se présenta une
seconde fois à son abbé ; mais dans un état
bien différent ; car il témoignait sur son vi-
sage autant de joie et de gloire qu'il avait au-
paravant fait paraître de douleur et do
tristesse. Il l'assura de sa béatitude et lui
rendit grâci'S de lui en avoir procuré l'avan-
cement par ses charitables soins. Il n'est pis
besoin d'expliquer combien cette renconlre
opéra de fruit dans ce monastère , ni si l'on
donnait libéralement l'aumône aux pauvres.
Chaque religieux se retranchait tous les
jours une partie de sa nourriture pour ce su-
jet, et leur saint abbé avait plus de peine
à modérer leur ferveur en ce point qu'à
l'exciter.
Observation.
Cette seconde apparition n'est pas moins
singulière que la première. Trilhème, quoi-
que habile, vivait dans un temps où ces sortes
de merveilles étaient à la mode. Et quand la
rapporte-t-il ? Près de 700 ans après Raban
Maur, abbé de Fulde. Raban .Maur vivait au
milieu du neuvième siècle, et Trithème sur
la fin du quinzième. Or, sur un fait de cetio
nature, je croirais difficilement Raban lui-
même. Voici la raison que j'ai de rejeter
cette apparition. Il est certain que ceux que
l'on suppose en purgatoire sont morts dans
la grâce de Dieu et ave la charité dans lo
cœur, ainsi, avec la douceur et la modéra
lion qui convient au vrai chrétien. Il Icui
reste seulement quelque temps de pénitence
à accomplir. Au lieu qu'on nous représente
dans les moines de cette apparition des fu-
rieux qui se jettent sur ce pauvre cellérier
et qui le réduisent à la mort. 11 avait fait
mal à la vérité ; mais ce n'est point par des
coups mortels que les âmes prédestinées cor-
rigent ou doivent corriger les défauts d'au-
trui. C'est par de sages et utiles instructions.
Ce seul manque de charité me fait voir qu9
celte apparition est fausse : le cellérier so
sera sans doute livré à quelque excès ; cela
arrivait quelquefois chez les moines alle-
mands de ces anciens temps. Pour couvrir
sa turpitude, il aura feint cette apparition :
r.'S3
o'j pciil-ôtre quelque moine méconlenl de
son celléiior aura imaginé ce conte. C'étnil
le caractère du temps. Voulail-on prouver
une vérité de morale, ou établir une règle
de conduite, on apportait, quand on le pou-
vait, les témoignages de l'Ecriture et des Pè-
res, que l'on accompagnait de faits histori-
iiues ; si l'on ne trouvait pas de traits
d'histoire propres à prouver ce qu'on vou-
lait, on inventait ou l'on copiait une liisto-
rietle, qui pouvait s'y rapporter. C'est ce qui
nous en a produit un si grand nombre. Mais
dans de si graves questions, nous voulons
du vrai, et du yrai solidement appuyé.
Troisième apparition. Arnould, prêtre. {Ex
actis sancti Ramberti, archiepiscopi Ham-
burgensis, apud Henschenium, cap. 3.)
L'auteur de la Vie de saint Rambert, arche-
vêque de Hambourg, rapporte qu'un prêtre,
nommé Arnould, étant dérédé depuis déjà
longtemps, apparut à saint Rambert, lors-
qu'il était encore sous la discipline de saint
Anschaire, son prédécesseur. Dans cette ap-
parition, Rambert interrogea Arnould sur
l'état de son âme en l'autre vie ; il répondit
en soupirant : Pendant que j'étais au
monde, j'ai vécu dans une grande négligence
de mon salut, et sans application à ce que
Diru demandait de moi dansl'élat sacerdotal ;
au lieu d'aspirer à la sainteté et de pratiquer
les bonnes œuvres , qui en sont le chemin,
j'ai passé ma vie diins l'oisiveté et souvent
dans le désordre, jusqu'à rompre l'abstinence
aux jours défendus : c'est ce qui m'a empé-
rhé de voir Dieu , et ce qui me retient
dans une prison de feu , où j'expie avec des
tourments inexplicables mes fautes passées.
Si vous voulez , ajouta-t-il , entreprendre
un jeûne de quaranle jours pour moi, ne
mangeant que du pain et du sel, et ne buvant
cjue de l'eau , je crois que Dieu me fera misé-
ricorde et me délivrera du purgatoire.
Le saint lui promit d'accomplir sa prière ;
et en ayant conféré avec saint Anschaire ,
son maître, il commença ce rigoureux ca-
rême, pendant lequel il fut tourmenté d'un
mal de dents si violent, qu'il ne pouvait
pas seulement manger son pain, ce (jui ren-
dait sa pénitence encore plus longue et plus
difficile : de sorte qu'il était contraint de le
tremper dans l'eau pour pouvoir prendre sa
nourriture.
Son jeûne expiré, le prêtre apparut à une
sainte femme, paralytique depuis plusieurs
i'r.,)é<'s, laciuelle endurait son mal avec tant
d'égalité d'esprit, qu'il ne l'empêchait pas de
se faire porter tous les jours à l'église pour
participer aux saints sacrements et entendre
la parole de Dieu. Elle apprit dans cette vi-
siiinquela pénitence de saint Rambert avait
délivré l'âme de ce prêtre du purgatoire, et
(|i! il la priait de l'en remercier de sa part,
/tjoutant qu'il était du nombre dos justes dont
fiarte le Sage, qui portent le l'eu et la lumière
parlout où ils se rencontrent, et qu'il avan-
çait tous les jours notablement dans les voies
de la grâce.
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. $*|
Obsertatton.
<]etle historiette conduirait à l'impéniff ncc,
en nous représentant un prêtre qui néglige
ses devoirs, sans que l'on aperçoive qu'il en
ait fait une pénitence commencée. Il se con-
tente de la faire faire à saint Rambert. C'é-
tait pourtant la moindre chose que le crédule
auteur nous dit quelques mots de la conver-
sion d'Arnould. Oa le suppose, je le veux
croire; mais ce ne sont point là des choses
seulement à supposer. Il faul,pour l'instruc-
tion et l'édification des lecteurs, en donner
sinon le détail, du moins le principe et l'idée
générale.
Autre peinture du purgatoire : c'est ici une
piWson de feu. Apparemment que celui qui a
écrit cette apparition était un homme sombre,
à qui l'imagination représentai! des prisons.
Enfin, Arnould devait-il faire connaître à
d'autres qu'à saint Rambert, son bienfaiteur,
l'état de félicité où il avait été élevé par la
pénitence du saint? N'était-ce pas lui qu'il
devait remercier en personne, puisque c'était
à lui qu'il s'était personnellement adresse
pour faire en son lieu et place une pénitence
volontaire?
Quatrième apparition. Saint Odilon, abbé de
ClHny.{B. Peints Damianus, in Vita sancli
Odilonis, cap. 10 et 11).
Nous lisons dans la Vie de saint Odilon,
abbé deCluny, qui a été écrite par le B. Pierre
Damien, cardinal de l'Eglise romaine, per-
sonnage très-grave et digne de foi, qu'un re-
ligieux français venant du voyage de Jérusa-
lem, fut jeté par une tempéle dans une île
proche de la Sicile, où il fit rencontre d'un
ermite, qui passait là ses jours dans une aus-
tère pénitence au-dessous d'une caverne. Ce
solitaire le reçut fort charitablement dans sa
cellule, en attendant que la mer fût calme et
les vents propres à la navigation; et ayant
appris qu'il était Français de nation, il lui de-
manda s'il connaissait l'abbé Odilon et le
monastère de Cluny. Le religieux français lui
ayant dit qu'il connaissiiit l'un et l'autre, il
ajouta que proche de sa retraite il y avait
un certain lieu où, dit-il, j';ii vu souvent des
flammes effroyables et des feux qui semblent
être capables de dévorer tout ce pays; sor-
tant des abîmes de la (erre, ils élèvent avec
eux un million d'âmes tout ardentes , qui
endurent des tourments insupportables, et
purgent leurs péchés dans cet embrasement
avec des cris lamentables, parmi lesquels j'ai
encore entendu les hurlements horribles des
démons exécuteurs de la divine justice : je les
ai vus sous des figures affreuses; transpor-
tés de rage, ils se plaignent de ce que plu-
sieurs de ces âmes leur sont ravies avant le
Icmps, et sont conduites au ciel en triomphe
par les prières, sacrifices et pénitences de
tous les fidèles, et spécialement par les con-
tinuelles mortifications, les sacrifices et les
prières de l'abbé de Cluny et de ses religieux,
qui s'emploient à celte œuvre de charité avec
beaucoup de zèle et de ferveur.
Cela dil, il conjura le religieux, au nom
de Dieu, d'aller trouver Odilon de sa pari.
983
LEG
LEG
98()
.-iiissitôl qu'il serait de retour en France, de
lui rapporler fidèlement toul ce qu'il venail
de lui dire, ei de le supplier, au nom de
toutes les âmes du purgatoire, de redoubler
sa ferveur à les secourir, puisque ses prières
et ses bonnes œuvres leur étaient si efficaces,
ce qui paraissait visiblement par la rage de
l'enfer contre eux.
Le religieux s'acquitta fidèlement d'une
commission si importante; et, après avoir ex-
pliqué à saint Odilon son aventure, ce saint
tâcha aulant qu'il put do soulager encore da-
vantage les âmes souffrantes. Il n'eut pas
grande peine à se laisser persuader une chose
à laquelle ilavait déjà une vive inclination.
Ainsi, depuis celle rencontre, son zèle parut
encore plus ardent, afin que l'embrasement de
sa charilé éteignîtcelui du purgatoire; cardes
ce jour-là il fit un décret qu'il envoya par
toutes les maisons dépendantes de Gluny, et
dans lequel 11 ordonne que tous les ans on
ferait la commémoration des fidèles trépas-
sés, commençant leur olfice après les vêpres
du jour de la fêle de tous les saints; qu'en
ce même jour le doyen et le celléricr du mo-
nastère donneraient l'aumône générale à
tous les pauvres, de pain et de vin, selon la
pratique du jeudi saint, et que l'aumônier
aurait soin de distribuer les restes des frères,
sans rien réserver pour le lendemain; que
les préIres offriraient le saint sacrifice de la
messe à leur intention, et qu'on donnerait à
mangera douze pauvres.
Il promet à ceux qui voudront imiter sa
charité de participer aux bonnes œuvres
faites par tous les religieux de la congréga-
tion de Cluny, et conclut en exhortant ses
di.sciples d'avoir un soin particulier do sou-
lager par leurs prières et par leurs péuiten-
cis les enfants deS.iint-Bcnolt, puisqu'on est
plus obligé aux domestiques qu'aux étran-
gers. Il recommande aussi l'empereur Henri,
insigne bienfaiteur de l'ordre, et marque
quelques prières qu'on doit dire à sou in-
tention.
Voyons, dans un exemple très- illustre,
l'cfîet des prières de ce saint.
Le pape Benoit VIII étant décédé, saint
Odilon, qui lui avait des obligations infinies,
ressentit vivement sa perle, et ne manqua
pas de lui rendre devant Dieu toul le secours
que la nécessité de ce pape mort et son zèle
lui inspirèrent. Il offrit quantité de sacrifices,
veilla et pria pour lui; il fit des aumônes
extraordinaires, et intéressa ses enfants dans
le soulagement du pontife universel de l'E-
glise. Benoît connut, par la permission de
Dieu, au milieu de ses peines (car il était
en purgatoire), les pénitences et les orai-
sons que saint Odilon faisait pour en ac-
courcir la durée. Il apparut ensuite à trois
personnes différentes , desquelles le nom
est supprimé, excepté celui de Jean, évêque
de Porto. II leur déclara la violence de ses
tourments, dont il espérait néanmoins être
délivré par les prières de l'abbé Odilon, se-
lon les promesses que Dieu lui en avait faites:
il les conjura instamment d'envoyer en dili-
gence à Cluny, pour prier le saint honuuc
de sa part, do ne rien épargner pour avancer
sa béalilude ; qu'il attendait ce dernier té-
moignage de son amitié, et que sa recon-
naissance en serait éternelle.
Je ne prétends pas expliquer de quelle
manière notre saint s'employa pour procurer
la délivrance du pape. On le peut bien pen-
ser, mais non pas écrire. Je dis seulement
qu'il ne se donna pas un moment de repos,
et qu'essayant d'animer ses religieux du mê-
me zèle dont il brûliiil, c'était à qui s'impo-
serait à soi-même de plus sévères pénitences.
Bientôt après. Dieu délivra le pape du pur-
gatoire, et alors il en vint remercier son li-
bérateur. Un des religieux le vil entrer dans
le chapitre, suivi d'une grande multitude de
personnes vêtues de blanc qui portaient,
dans la joie imprimée sur leurs fronts, les
marques assurées de leur béatitude. Le prin-
cipal de cette heureuse troupe fit une incli-
nation profonde à l'abbé, le remerciant de»
grâces qu'il avait reçues par son moyen. Lo
religieux s'élanl informé de son nom par un
de la compagnie, il apprit que c'était l'âme du
pape Benoliquesaint Odilon avait délivrée du
purgatoire, et qu'il était venu exprès pour lui
en témoigner sa reconnaissance, et l'avertir
qu'il entrait dans la gloire. On peut connaî-
tre par cet exemple combien les prières, les
aumônes et le saint sacrifice de la messe sont
utiles à ces âmes qui payent au milieu des
feux allumés la peine due à leurs péchés.
Observation.
Pierre Damien, bon chrétien, et même sage
et vertueux ecclésiastique, était très-crédule,
mais il vivait dans un siècle où l'on aimait les
choses merveilleuses. Il nous en donne ici
deux preuves : celle de l'ermite des environs
de la Sicile esl for^née sur les flammes du mont
Etna, que les païens aussi bien que le bon
ermite regardaient comme une des bouches
de l'enfer; et le bruit des flammes de ce vol-
can, qui varie souvent de diverses manières,
lui représentait les plaintes de tant de per-
sonnes dans la peine et dans les souffrances.
C'est encore une autre peinture du purga-
toire. Mais qui avait dit à ce bon erniile
que c'étaient les diables qui châtiaient les
âmes détenues dans ce lieu d'attente et de
souffranc;'s? N'est ce p;is une imagination?
L'apparition du pape Benoit VllI n'est pas
mieux imaginée, puisque la fôte des Trépas-
sés, que l'on en regarde cojnme une suite,
fut fondée en 998, ainsi 2G ans avant la mort
de Benoît Vlll, qui mourut seulement en
1024, et qui fut pape l'an 1012, ainsi i\ ans
après l'établissement de cotte fête.
Cinquième apparition. Pierre d'Engeberl.
[fetr. Cluniac. lib. Il de MiFaculis,cap.2S.]
Pierre de Cluny, surnommé le Vénérable,
fil! regardé de son temps comme l'oracle d»;
Il France ; c'était un homme qui procédait
en toutes choses avec considération, sans
avancer rien de frivole ni de léger. Voilà
pourquoi je me servirai volontiers de son
autorité. Il raconte qu'en une bourgade
d'Iilspagne nommée Estella il y avait un
personnage de condition app.lé Pierre d'En-
PR7
DICTIOXNAIUE DES SCIENCES OCCULTES.
93a
geberl, qui élail fort pslimé d.iiis le mniidc
pour ses belles qualités et ses grandes riches-
ses. Néanmoins, l'esprit de Dieu lui ayant
fiiii reconnallrc la vanité de toutes les choses
humaines, lorsqu'il était dans un âge mûr,
il se rendit dans un monastère de l'ordre de
Cluny, pour y passer le reste de ses jours
plus saintement, comme on dit que le meil-
leur encens vient des vieux arbres. Il par-
lait assez souvent avec ses frères d'une vi-
sion qui lui était arrivée étant encore
dans le monde, et qui n'avait pas peu servi
h sa conversion. Ce bruit vint aux oreilles
du vénérable Pierre, qui était son général,
et qui pour les affaires d.- son ordre, s'était
alors transporté en l^spagne: voilà pourquoi,
comme il ne permettait jamais qu'on avançât
des discours de choses extraordinaires, s'ils
n'étaient 1 ien vérifiés, il prit la peine d'aller
jusqu'en un petit monastère de Navarre où
était Engeberl, et l'interrogea en présence
des évéques dOloron et d'Osma, le conjurant
en vertu de la sainte obéissance, toute puis-
sante dans l'état monastique, de dire exac-
tement la vérité touchant celte vision qu'il
avait eue étant encore dans la vie séculière.
Il parla ainsi : Bu temps qu'Alphonse le
Jeune, héritier du grand Alphonse, faisait la
guerre en Castille contre quelques factieux,
qui s'étaient soustraits à son obéissance , il
porta un édit qui obligeait chaque maison de
son royaume de lui fournir un homme de
cuerre. Pour obéir à ce commandement ,
j'envoyai à l'armée un de mes douiesliqucs,
qui se nommait Sanche. Depuis, la paix
étant faite et les troupes congédiées, il re-
vint dans ma maison où, après avoir séjourné
quelque temps, il fut atteint d'une maladie
qui l'emporta en peu de jours. Nous lui ren-
dîmes les devoirs qu'on a coutume de rendre
aux morts ; et quatre mois étaient déjà pas-
sés, que nous n'avions appris aucune nou-
Telle de l'état de son âme, quand voici
qu'une nuit d'hiver, étant dans mon lit bien
éveillé, j'aperçois un homme qui, remuant
les cendres de mon foyer, découvrit les brai-
ses ardentes, à la lueur desquelles je le vis.
Quoique je me sentisse un peu surpris à la
vue de ce spectre, Dieu me donna cependant
la hardiesse de lui demander qui il était, cl à
quel dessein il venait découvrir mon feu. 11
me répond d'une voix assez basse: — Mon maî-
tre, ne craignez point, je suis Sanche, votre
pauvre serviteur. Je m'en vais en Gastille,
avec bonne compagnie de soldats pour
expier mes péchés au lieu même où je les ai
commis.
Je lui réplique d'une voix assurée ; — Si le
commandement de Dieu vous appelle là, à
quel propos êtes -vous venu ici ? — Mon
maître, dil-il, ne le trouvez pas mauvais;
cela ne se fait point sans la permission di-
vine. Je suis dans un état qui n'est point dé-
sespéré, et où vous pouvez me secourir, si
vous avez encore quelque bonté pour moi.
Sur cela, je m'informe quelle était sa né-
cessité, et quel secours il prétendait de moi.
ous savez , répondit-il, mon maître , que
peu avant ma mort tous m'aviez cnvojé en
un lieu où l'on n'a pas coutume du se sanc-
tifier (k la guerre) ; la liberté, le mauvais
exemple, la jeunesse et la témérité, tout
conspire à perdre l'âme d'un soldat qui n'a
point de conduite. J'ai fait des excès à la
guerre dernière, volant et pillant jusqu'aux
l)icns des églises, pour lesquels je suis à
présent grièvement tourmenté : niais mon
bon maître, si vous m'avez aimé pendant ma
vie, comme vous appartenant, ne m'oubliez
point après la mort. Je ne vous demande
rien de vos grandes richesses, mais seule-
ment vos prières et quelques aumônes en
ma considération, qui aideront beaucoup à
soulagermes peines. Ma maîtressemedoilen-
core environ huit francs du reste d'un compte
qu'elle fil avec moi; qu'elle emploie cel;i,
non pour le corps, qui n'en a aucun besoin,
mais au soulagement de mon âme, qui at-
tend cela de votre charité.
Je ne sais comment je me trouvais encou-
ragé par ce discours; mais j'avais plus de
désir de m'entretenir que je n'avais do crainte
de cette apparition. Je lui demandai s'il ne
savait point de nouvelles d'un de mes com-
patriotes nommé Pierre Dejaca, qui ét:iit
mort depuis peu de temps. A quoi il fil ré-
ponse que je n'avais que faire de m'en met-
Ire en peine et qu'il était déjà au nombre des
bienheureux, vu les grandes aumônes qu'il
avait faites en la famine dernière, et qui lui
avaient acquis le ciel. De là j'entrai en une
autre question, curieux de savoir ce qui était
arrivé à un certain juge que je connaissais
fort bien, et qui était passé depuis peu en
l'autre vie. Il me réplique là-dessus :
— Mon maître, ne parlez point de ce mi-
sérable, car l'enfer le possède pour les cor-
ruptions de la justice qu'il a exercées par de
damnables pratiques, ayant l'honneur et l'â-
me vénale au préjudice de sa conscience.
Ma curiosité monta plus haut et je m'en-
quis de ce qu'était devenue l'âme du roi
Alphonse le Grand. Alors j'entendis une au-
tre voix qui venait d'une fenêtre derrière ma
tête, qui dit assez intelligiblement : — Ce
n'est pas à Sanche que vous devez demander
cela, d'autant qu'il ne peut rien savoir en-
core de l'état de ce prince; mais jeu puis
avoir plus d'expérience que lui, étant mort
depuis cinq ans, et mêlant trouvé à une
rencontre qui m'a donné quelque éclaircis-
sement là-dessus.
Je fus surpris d'entendre inopinément cette
voix ; et me tournant, je vis à la clarté de la
lune, qui donnait dans ma chambre, un hom-
me appuyé sur ma fenêtre; je le suppliai de
me dire où était donc le roi Alphonse. Sur
quoi il repartit qu'il savait bien qu'au sortir
de la vie il avait été fort tourmenié, et que
les prières des bons religieux lui avaient bien
servi; mais qu'il ne pouvait p;is dire à pré-
sent en quel élat il était. Et après qu'il eut
dit cela, il se tourna vers Sanche, qui s'était
assis auprès du feu, cl lui dit : — Allons, il
est temps de partir. A quoi Sanche, sans
lui rien répondre, se leva promplemcnl et
redoubla ses plaintes d'une voix pitoyable,
disant : — Mon uidilic, je vous en supplie
!}h9
Li:c
pour la dernière fois, souvenez vous de moi,
el que ma malin sse exécute la requête que
je vous ai faite.
Le lendemain, Engebert apprit à sa femme
ce que cet esprit lui avait dit, et se mit en
devoir de satisfaire promptenient et rharita-
biemcnt à tout ce qu'il avait demandé.
OOserialion.
Nous avons mainlenant affaire à Pierre le
Vénérable, abbé de Cluny, homme liès-dis-
tingué dans l'Eglise, tant par sa haute nais-
sance que par ses talents dans le gouverne-
ment. Cet illustre abbé était de la maison do
Montboissicr.dont il subsisteencorpplusieurs
branches avec dignité; mais s'il primait dan<
le gouvernomenl d'un ordre célèbre et fort
étendu, il vivait dans le douzième siècle, siè-
cle éclairé pour la doctrine, mais où l'on se
laissait aisément séd.uire sur des faits réputés
iiiiraculoux. Examinons celui de Pierre Eii-
l^cbert.
Sanche, qui paraît si bien instruit sur quel-
ques âmes ou bienheureuses ou damnéis,
ne l'est nullement sur ce qui regarde celle
du roi Alphonse. Cependant ce dernier fait
était de plus grande importance que les au-
tres. Mais Pierre de Cluny devait savoir que
les âmes séparées du totps sont autant d'ê-
tres indépendants les uns des autres, qui ne
savent que ce que la Divinité leur découvre;
elle ne le fait môme qu'en ce qui leur est
nécessaire de ne pas ignorer; et de quelle
utilité était à Sanche de savoir la damnation
du juge dont il est ici question?
Sixième apparition. Eusèie, duc de Sar-
daigne. {Roa, Pinelli, et alii.)
Quelques auteurs célèbres rapportent que
deux ducs se faisaient la guerre avec des
succès fort différents; l'un était Eusèbe, duc
de Sardaigne; l'autre Ostorge, duc de Silésie,
Eusèbe avait une dévotion incomparable an
secours des âmes des défunts : il faisait offrir
pour elles tous les jours des sacrifices, il don-
nait d'ampb s aumônes, et ne man(|uait point
à faire payer la dime de tous ses biens pour
leur soulagement.
Il fut jusqu'à cet excès de piété, qu'il voua
à Dieu la plus grosse et la plus riche de ses
villes pour la délivrance de ces âmes, n'en
voulant rien tirer pour son usage, et desti-
nant tout le revenu qu'il en recevait à pro-
curer les moyens de les aider. Il y nourris-
sait et entretenait une grande multitude de
pauvres à ce dessein ; il y faisait dire tous les
jours dans toutes les églises un grand nom-
bre de messes, de sorte que celle vr.lle se
nommait communément la ville de Dieu.
Ostorge, son ennemi, s'attachant à cette
ville, la prit et s'en rendit maître ; de quoi
Eusèbe eut un si sensible déplaisir, qu'il
protestait qu'il lui eût été plus supportable
d'avoir perdu la moitié de ses Etats que cette
seule ville de Dieu.
Il amasse des troupes, il se met en cam-
pagne contre le victorieux; son armée campe,
it ceux qui faisaient la garde du camp re-
gardaient de tous côtés pour découvrir co
qui se pasîail. Alors u.ie aruice leur appa-
LEG 990
raftdeloin; elle était composée d'hommes
tous vêtus de blanc, qui s'avançaient à grands
pas vers eux sur des chevaux blancs, avec
des armes blanches et des drapeaux tout
blancs ; ce que les sentinelles coururent dirp
au prince.
11 ne sait que penser el que faire à celte
étrange nouvelle; il craint el espère tout en-
semble; il lient conseil, et de l'avis de ses
gens, il dépêche quatre hommes vers cette
armée pour demander s'ils viennent comme
ennemis ou comme amis. A la demande des
ambassadeurs, les chefs de l'armée répon-
dent : — Nous sommes de la maison du Roi
des rois, et nous venons offrir notre service
à votre maître contre son ennemi.
Eusèbe n'eut pas sitôt appris une si favo*
rable réponse, qu'il marche en assurance
contre Ostorge, dont l'armée était trois fois
plus grosse que la sienne; mais son armée
cependant ne laissait pas de paraître égale à
l'autre, parce que l'armée blanche, qui lui
servait d'avant-garde ou de troupes avan-
cées, paraissait de (luaranle mille hommes.
Ostorge se trouva fort effrayé; ces cava-
liers blancs l'épouvantaient terriblement par
leurs postures et leurs menaces. 11 demande
la paix, il s'offre à donner toute satisfacliou
à Eusèbe. La paix se conclut, il rend et paye
au double tout ce qu'il avait pris, et se sou-
met avec tous ses Etats au duc de Sardiigne.
Alors l'armée blanche voulant contenter
la curiosité d'Eusèbe, qui demandait à ces
troupes qui elles étaient, on lui répondit : —
Nous sommes les âmes de ces défunts que
par vos bienfaits et par vos aumônes vous
avez mises dans le repos éternel. Travaillez
incessamment à ce que toutes les autres, que
vous rachèterez de leurs peines reposent en
paix avec nous, afin que tant de bons amis
que vous aurez délivrés vous gagnent la fa-
veur du grand Juge et l'obligent à vous fairo
miséricorde. Et cela dit, ils parurent tous
s'en aller dans le chemin par où ils étaient
venus. ,
Nous savons que colle histoire a été avé-
rée dans les deux provinces, el sur la rela-
tion d'un saint abbé de grande autorité, qui,,
dans la guerre de ces deux princes, fut pri-
sonnier, pendant qu'il visitait quelques ab-
bayes qui étaient sur les confins de leurs ter-
res. Et vraiment si cet abbé ou celui qui le
fait auteur df cette aventure, eût voulu men-
tir ou faire un conte, il est croyable qu'il
n'eût pas pris autant de témoins de son men-
songe qu'il y avait de soldats dans lis doux
armées, et d'habitants dans la Silésie et dans
la Sardaigne. Car une chose si merveilleuse
n'a pu arriver sans que ces provinces en
eussent la connaissance.
Observation.
Voici une historiette qu'il ne sera pas dif-
ficile de détruire : la géographie seule en va
montrer la fausseté. On y fait paraître
comme voisins un duc de Sardaigne et un
duc de Silésie ; et entre les deux , il y a non-
seulement un peu plus de trois cents lieues
(le dislance; mais outre l'éloigncmcnl , on y
trouve encore de terribles barrièrcSj savoir :
9Si
toute la Buiiéme
DÎCTIUNNAIRE DES SCIENCES OCCL'LTKS.
995
l'Autriche , les Alpes ,
l'Apennin , l'Italie et une partie de la mer
Méititerranée, cl l'on appelle cela des princes
voisins et limitrophes! El puis, oiî l'auteur
a-l-il pris un Eusèbe , duc de Sardaigno , et
un Oslorgp, duc de Silésle? La Sardaigne
a passé des Sarrasins aux Génois, puis fut
gouvernée par des juges , el enfin elle eut
des rois ; mais dans tout cela point de duc.
A moins que les écrivains qui ont traduit
Sardaigne, aient mal traduit, et qu'il s'agisse
d'une autre contrée.
Septième npparilinn. Sainte Christine. [Thom.
C'inlaprilanus in Vita sanctœ Christinœ.]
Sainte Christine , qui a mérité le surnom
d'Admirable, pour la vie tout à fait mer-
veilleuse qu'elle mena en faveur des âmes
du purgatoire, raconte d'elle-même qu'étant
morte son âme fut aussitôt portée , par le
ministère des anges, en un lieu obscur, hor-
rible et rempli d'âmes. Or les lounnents ,
dit-elle, qu'on faisait endurer à ces pauvres
âmes me parurent si effroyables , que je ne
pense pas qu'on en puisse jamais donner
une juste idée. Je vis dans ce lieu les âuies
de plusieurs personnes que j'avais connues
durant leur vie. Etant donc touchée d'une
ettréme compassion à l'égard de ces pauvres
infortunées, je demandai quel était ce lieu ,
dans la pensée que ce ne pouvait être que
l'enfer. Mais mes conducteurs me dirent
d'abord que c'était le lieu du purgatoire, où
les pécheurs , qui à la vérité se sont repentis
durant leur vie de leurs offenses, mais qui
n'ont pas encore satisfait à la justice de Dieu
par des peines proportionnées à l'énormilé
de leurs crimes , achèvent d'espier leurs
fautes. De là ils me conduisirent dans l'en-
fer, où je vis encore quelques personnes que
j'avais connues autrefois. Ensuite je fus por-
tée dans le pareidis , devant le trône de la
divine majesté, où, me voyant bien accueillie
du Seigneur, j'en conçus une incroyable joie,
dans la créance où j'étais que je demeurerais
éternellement avec lui en ce lieu de délices.
Mais Dieu, qui voyait les désirs de mou
cœur , me dit aussitôt : — Il est vrai , ma
chère fille , que vous serez un jour éternelle-
ment avec moi ; mais avant cela , je veux
vous donner le choix de deux choses bien
différentes , ou de demeurer ici avec moi
durant toute l'éteruilé, ou de vous en re-
tourner en terre, pour y endurer de grandes
peines en un corps mortel, et par ce moyen
délivrer ces pauvres âmes, dont vous re-
grettiez si fort le malheur , et pour qui
vous aviez tant de compassion; en mênic
temps aussi , par les exemples de votre vie
pénitci\le , vous porterez les pécheurs à
abandonner leurs crimes et à se convertir
sincèrement à moi ; ensuiti; vous revien-
drez, après avoir accru vos mérites jusqu'à
l'infini.
A cette proposition, je ne balançai pas un
moment , et dis d'abord que je voulais bien
reprendre mon corps. Le Seigneur, après
m'avoir félicilce de m'êlre si promplement
offerte , commanda qu'on tiiuU m(>n âaie
dans son corps ; et on ne saurait assez ad-
mirer l'extrême vitesse avec laquelle ces es-
prits bienheureux exécutèrent cet ordre; car
comme on prononçait pour la première fois
VAguus Dei de la messe qu'on offrait pour
moi, je fus présentée dev;int le trône de
Dieu, et quand on le dit pour la troisième
fois, mou âme se trouva réunie à mon corps.
C'est ainsi que les choses se sont passées
dans ma mort et dans ma résurrection. Je
suis donc revenue pour l'amendement des
hommes ; ainsi je f ous conjure de n'être pas
surpris des choses que vous verrez en moi,
quoiqu'on n'ait jamais rien vu de pareil dans
le monde.
C'est ainsi qu'elle parla. L'auteur de sa
Vie ajoute que pour lors elle commença à
exécuter les choses pour lesquelles Dieu l'a-
vait renvoyée. On la voyait tout d'un coup
se lancer dans des fournaises ardentes ; et
quoiqu'elle fût horriblement tourmentée au
milieu de ces brasiers, ce qui paraissait par
les cris pitoyables qu'elle jetait, néanmoins
étant sortie de là, il ne paraissait sur son
corps aucune marque de brûlure. Ensuite
elle se plongeait dans les eaux toutes glacées
de la Meuse, et y demeurait l'espace de six
jours et quelquefois davantage.
Un peu plus bas il ajoute que, priant au
milieu des eaux, elle en était entraînée jus-
que dans les moulins , où , étant froissée
par les roues, elle en sortait sans qu'il en
parût rien sur sa personne. Elle se levait
quelquefois à minuit, et parcourant toutes
les rues de la ville de Sainl-Trond , elle aga-
çait les chiens, qui la déchiraient avec leurs
dents comme une bêle féroce ; quelquefois
elle courait parmi les épines et les ronces,
et en était tellement percée, qu'il n'y avait
point de partie en tout son corps qui n'en fût
ensanglantée. Cependant après avoir ré-
pandu bien du s.ing, on ne voyait eu elle
nulle apparence de blessure.
Obsei'vatioti.
'Voilà des choses merveilleuses. N'y voit-on
prs l'effet d'une léthargie de vingt-quatro
heures ou environ? Il s'en trouve encore de
plus longues , et la sainte ,^ dont on peint ici
l'imagination , était frappée des peintures
que l'on fait et des discours que l'on tient et
que l'on a raison de tenir sur les peines des
âmes du purgatoire, et encore plus sur
celles des damnés : elle en est attendrie. C<'la
était de sa charité ; mais après avoir été pro-
menée en songe dans ces endroits de tris-
tesse et de peines , on lui fait apercevoir
cnlin ce lieu de délices et de repos où doi-
vent aspirer tous les chrétiens, et où elle
aspirait elle-même. Revenue de sa léthargie,
elle raconte tout ce qu'elle a imaginé, ou
plutôt tous les tableaux que lui a présentés
son imagination. Elle les raconte vraisem-
blablement comme des songes , et l'enthou-
siasme de ses auditeurs va si loin , que l'on
réalise en histoire tout ce qu'elle a pieu-
sement imaginé dans le sommeil. Il en eA
beaucoup d'autres de la même espèce Je
ne crois pas non plus tous les touroK nU
903
LEfi
LEG
994
que l'on prétend qu'elle s'imposa volontai-
rement.
Huiliême apparition. Frère Pèlerin d'Osma.
{Pelriis Montrai, et alii in Vita S. Nicolai
de Tokntino.)
Pondant que saint Nicolas de Tolcntino
demeurait au monaslèredeValmanant, étant
un samedi bien avant dans la nuit couché
sur son grabat , il ouït une voix qui semblait
être arrachée des plus profondes entrailles
de quelque personne réduite à l'extrémité,
qui so plaignait amèremeni , et disait : — Pè-
re Nicolas, ayez pitié de moi; grand servi-
teur de Dieu, écoulez-moi. Le saint, qui ne
reconnaissait pas la voix, voulut savoir qui
rappelait. — Je suis , dit cette même voix,
l'âme de frère Pèlerin d'Osma, qui expie
dans les flammes du purgatoire les lâchetés
que j'ai commises en l'observance de mes
règles: je vous conjure, par l'amour que
vous portez à Dieu et la sainte amilic que
vous m'avez autrefois témoignée, d'ottrir
vos sacrifices à Notre-Seigneur, afin qu'il
plaise à sa bonté de me retirer de ces brasiers
et de me conduire en un lieu de rafraîchisse-
ment.
Sailli Nicolas, qui devait cette semaine-là
dire chaque jour la messe conventuelle ,
voulant s'en excuser, —Eh! mon père, ré-
pliqua cette âme, ne m'abandonnez point en
la nécessité, et ne fermez pas à une pauvre
âme qui n'espère du soulagement que par
la vertu de vos suffrages, les entrailles de
voire charité, que vous tenez toujours ou-
Terles à tous ceux qui implorent votre se-
cours; et afin que vous voyiez combien ma
requête est juste et civile, prenez la peine
de venir avec moi ; vous verrez un spectacle
qui sans doute arrachera les larmes de vos
yeux el la pitié de votre cœur.
Le saint suivit cette âme, et vint à une
vallée siiuée à l'aulre côté du désert, où il
découvrit un grand nombre d'âmes toutes
couvertes de flammes, et lesquelles, d'aussi
loin qu'elles 1 eurent aperçu, se prirent à
crier à haute voix : — Père Nicolas, père
Nicolas, ayez pilié de nous, puisque c'est en
vous seulque gît l'espoir de notre délivrance
A ce piteux spectacle, le cœur du saint
se trouva touché d'un si intime ressenti-
ment, qu'il passa le reste de la nuit fondant
en larmes, el priant Notrc-Seigiieur pour le
suulagement de ces pauvres âmes. Le jour
venu, du consentement de son supérieur, il
commit son office à un autre, pour octroyer
à ces âmes ce qu'elles lui avaient demanoé;
il redoubla la rigueur de ses exercices reli-
gieux, jeûnant, pleurant, priant, et surtout
offrant avec une extraordinaire ferveur le
saint sacrifice de la messe; si bien qu'au bout
de huit jours l'âme de frère Pèlerin lui appa-
raissant derechef, le vint renuircicr do la
part de toutes les autres, de la grâce que
Dieu leur avait faite par l'oblalion de ses
sacrifices, les ayant retirées du purgatoire
et logées dans le ciel , pour jouir dans ce
bienheureux séjour d'un repos â jamais
durable.
Observation.
Je serai moins long sur ce récit que sur
les précédents. Celui qui l'a imaginé ne con-
naissait pas l'efficacité du saint sacrifice de
la messe. 11 représente saint Nicolas de To-
lenlino, qui refuse d'en être le ministre ac-
tuel, parce qu'il veut faire quelque acte par-
ticulier de pénitence , pour retirer une âme
du purgatoire. Mais en est-il un plus efficace
que celui de la prière, qui se fait à la vue
et en vertu de Jésus crucifié ; prière même
qui est soutenue des vœux ardents de toute
une pieuse communauté? Elle n'assiste aux
divins offices que pour y offrir conjointe-
ment avec le prêtre les prières des fidèles ,
pour la gloire de Dieu et pour les besoins
de toute l'Eglise , dont les âmes du purga-
toire font une des plus nobles parties. C'est
même la seule manière de bien et réelle-
ment assister à ce redoutable sacrifice, que
de s'unir au célébrant qui prie , et avant et
après la consécration , pour les fidèles qui
sont dccédés dans la foi et dans la chariié ,
afin que Dieu abrège le temps de leur péni-
tence. Jésus-Christ e-t mort pour le salut do
tous les hommes nés et à naître ; il nous a
ordonné de renouveler continuellement son
môme sacrifice, et do le faire dans les mômes
vues. Ce serait donc s'écarter, (juo do subs-
tituer des pénitences pariicuières et arbi-
traires à ce sacrifice, si nécessaire aux âm^s
de tous les fidèles, et qui n'a été institué que
pour leur bien spirituel , et pour leur pro-
curer les secours dont ils ont besoin.
À la suite de ce traité, l'auteur donne une
curieuse pièce que voici :
Lettre de M. Mollinger, premier secrétaire
du sérénissime électeur palatin , à M-
Schœpfflin,de l'académie royale des inscrip-
tions et belles-lettres, historiographe du roi,
professeur d'histoire et de belles-lettres à
Strasbourg.
Les bontés infinies que vons m'avez tou-
jours prodiguées depuis que j'ai le bonheur
d'être connu de vous , Monsieur, me font
espérer que vous daignerez recevoir les
vœux que je fais pour vous au sujet du re-
nouvellement de l'année. A'ous devez assez
connaître la source d'où ils partent, pour
être convaincu. Monsieur, que personne au
monde n'en forme ni de plus ardents, ni de
plus sincères que moi.
A l'exemple des anciens, qui avaient cou-
tume d'entretenir leur amitié par de pelils
présents, j'ose prendre la liberté, Monsieur,
de vous joindre ici un échantillon du petit
trésor, que je tiens sans doute de la main de
la Proviiience ou du hasard , suivant les
dogmes des esprits forts de notre siècle.
Heureux ! si vous vouliez bien lui accorder
une place dans votre cabinet.
Comme nous avons la permission de creu-
ser aussi longtemps que nous le jugerons à
propos, et que suivant les apparences , il y
a encore bien des choses cachées par ici,
je compte que nous n'en resterons pas là ,
cl que ce n'est que le commencement d'une
espèce do fortune. L'histoire de ce trésor
s'est passée forl uniment. Il y a plus d'un
995
DICTIONNAIRE DES SeiCNCES OCCULTES.
935
nn que M. Cavallari , premier musicien de
mon sérénissime maître, el Vénitien de na-
tion, avait envie de faire creuser à Uolhen-
kirchon à une demi-lieue d'ici, qui était au-
trefois une abbaye ou couvent fort renommé,
et qui fut ruiné du tem[js de la réformation.
I/occasion lui en fut fournie par une appa-
rition que la femme du ensier dudit Ko-
lienkirchen avait eue plus d'une fois en plein
midi, et surtout le 7 mai , pendant deux ans
consécutifs. Elle jure et veut prêter serment
d'avoir vu un prêtre vénérable en habits
pontificaux , brodés en or, qui jeta devant
lui un grand las de pierres. Et quoiqu'elle
soit luthérienne, par conséquent peu crédule
sur ces sortes de choses-là, elle croit pour-
tant, que si elle avait eu la présence d'esprit
d'y mettre un mouchoir ou un tablier, toutes
ces pierres seraient devenues de l'argent.
Quelle folie 1 M. Cavallari demanda donc la
permission de creuser. C'est ce qui lui fut
d'autant plus facilement accordé, moyennant
le dixième qui en est dû au souverain ,
qu'on le traita de visionnaire, et qu'on re-
garda l'affaire des trésors comme une chose
inouïe. Cependant il se moqua du qu'en
dira-l-on el me demanda si je voulais être de
moitié avec lui. Passionné que je suis pour
les antiquités, je n'ai pas hésité un moment
à aciepter cette proposition : mais j'ai été
bien surpris de irouver, au lieu des urnes
avec de la cendre , de petits pots de terre
remplis d'or. Toutes ces pièces , plus fines
que les ducats, sont pour la plupart du xiv
et du XV' siècle, à ce que je crois. 11 m'ea est
échu pour ma part six cent soixante-six ,
trouvées à trois différentes reprises. II y en
a des archevêques de Mayence, de Trêves et
(le Cologne ; des villes d'Oppcnheim , do
Bacharac, de Bingen , de Coblence. Il y
en a aussi de Rupert palatin, de Frédéric,
burgrave de Nuremberg, quelques-unes do
Wenceslas , et une de l'empereur Char-
les IV, etc.
Je me propose d'en faire une petite des-
cription , et je ferai graver en taille-douce
une de chaque espèce. Je me regarderais
comme sacriiége envers le monde savant ,
si je ne faisais pas cette petite opération.
Oicrai-jc me flatter, Monsieur, que vous
voudriez bien m'indiquer l'auteur le plus
convenable qui me pourrait servir de guide
en cette carrière ? J'auiais déjà pu faire la
vente de plusieurs de ces pièces dont on m'a
offert neuf à dix florins. d'Allemagne. Mais je
ne veux pas m'en défaire séparément. J'en
tirerai peut-être davantage.
J'ai l'honneur d'être avec un respect
iiifini, Monsieur,
Votre très-humble et très-
obéissant serviteur.
J.-F. MOLLINGER.
A Kirchheim, ce i" janvier 1747.
LENORMAND (Marie-Anne) , née en 1772
à Alençon, morte à Paris en 1843, dite la
sibylle du faubourg Saint-Germain.
C'est toujours une spéculation productive
qut celle qui s'attache aux faiblesses de l'es-
prit humain; et les devineresses qui savent
exploiter les passions plus ou moins cachées,
ont toujours prospéré lorsqu'on les a lais-
sées faire. Mademoiselle Lcnormaïul, qui est
morte depuis peu, est une preuve de celte vé-
rité peu flatteuse pour les lumières du siècle.
Ceux qui ne connaissent la sibylle pari-
sienne que par les réclames des journaux,
les canards et les poufs qui se sont propagés
sur son compte, les mystérieux prospectus
qu'elle a publiés en forme de mémoires, ne
seront peut-être pas f.;ehés d'avoir sur cette
fenmic une notice plus complète. Elle a mis
au jour des souvenirs prophéli(iucs et des
mémoires qu'elle n'a pourtant guère vendus
qu'à ceux qui allaient la consulter ; et d'après
ces autorités sans garanties on a écrit et
arrangé sur elle des anecdotes que nous ré-
duirons à leur juste valeur.
Ce qui a fait la célébrité de mademoiselle
Lenormand, c'est qu'elle tirait les cartes à
rimpératriceJoséphine,comme nous le dirons.
Mais on vous contera qu'étant petite elle
fui illuminée et douée de bonne heure de l'art
divinatoire; qu'elle prédit aux bonnes reli-
gieuses qui lui apprenaient à lire le dépla-
cement de leur supérieure, et d'autres parti-
cularités merveilleuses ; qu'en 1793 elle
tenait déjà, à vingt-deux ans, un antre de
sibylle; qu'elle reçut trois hommes (jui vin-
rent savoir chez elle leur destinée ; qu'elle
prédit à tous trois une mort violonle, avec
des funérailles éclatantes pour l'un, et pour
les deux autres les insultes de la populace ;
que ces trois hommes étaient Marat, Robes-
pierre et Saint-'ust; qu'elle osa dire à d'an-
tres terroristes des choses aussi formidables;
que ses imprudences la firent mettre en pri-
son, et que la réaction thermidorienne la
sauva. Tous ces récits, faits après coup, sont
des contes sans ombre de fondement. Made-
moiselle Lcnormand n'était pas connue eu -
core sous le Directoire.
C'était en 179tj une grosse fille d'une édu-
cation très-négligée, d'une fortune assise sur
les brouillards de la mer, qui, voulant un
mari pour avoir une position quelcoiuiue, lo
cherchait dans les cartes, comme font à Pa-
ris, aujourd'hui encore , tant de jeunes filles
incomprises.
A force de remuer le jeu de piquet, délire
nuit el jour les livres variés qui expliquent
le jeu de caries, les horoscopes cl les songes,
d'étudier les rêveries publiées par Allietle
sous l'anagramme d'Eiieila, concernant la
cartomancie et l'art de trouver les choses ca-
chées dans les tarots, elle éiait parvenue à se
faire un babil qui en imposait.
Elle était reçue dans une de ces maisons
très-mêlées que fréquentait la veuve Beauhar-
nais, créole citoyenne, à qui une vieille né-
gresse avait promis aux colonies, comme le
promettent toutes les vieilles négresses ,
qu'elle monterait sur un trône. La citoyenne
Beauharnais venait d'épouser un simple offi-
cier , le jeune Bonaparte , dont on ne pré-
voyait guère alors la splendeur future; car
lui-même cherchait du service en Corse.
Curieuse et crédule , elle se tirait les carte»
elle-même. Elle n'eut pas plulôl appris que
Q07
L!-N
LEN
<I9»
inaJcmoiselle Lononnand avait dans cet art
un talent de société de quelque force, qu'elle
la pria de lui faire le jeu. La grosse fille, sa-
chant le prix que madame Bonaparte atta-
chait , tout en riant , à son horoscope de la
négresse, rencontra intrépidement le même
horoscope dans le jeu de piquet, et protesta
fermement que la dame de trèfle porterait la
couronne. Bonaparte, qui était le roi de trè-
fle, rit beaucoup du pronostic. Mais il avait
si bien pris que la devineresse promit depuis
des royaumes à tout le monde. Si tous ces
royaumes n'arrivèrent pas, Bonapartedeviut
premier consul; et quand sa femme fut Tim-
pcratrice Joséphine, comme elle n'avait cessé
de cultiver mademoiselle Lenormand , et
qu'elle la consultait tous les mois, la sibylle
se trouva à la mode.
Elle n'attrapait toujours point de mari,
quoiqu'elle en vît sans cesse dans ses caries.
Elle s'en consola de son mieux , en établis-
sant, à la rue de Tournon (à Paris), un salon
où elle disait la bonne aventure, sous le nom
un peu classique de sibylle du faubourg
Saint- Germain. Dix ans d'études l'avaient
préparée ; et c'était un élat...
1° Elle tirait les caries. Ce qui consiste à
extraire, suivant diverses méthodes, d'un jeu
de piquet, sept, treize ou dix-sept cartes, qui
font le petit, le moyen et le grand jeu, et à
juger leur signiGcalion.
Les cœurs sont excellents et les trèfles fort
bons; les carreaux cl les piques sont dange-
reux. )*uis les combinaisons amènent des
nuances. Chaque carte sait ce qu'elle veut
dire : un dix de trèfl", est la campagne, un
sept de carreau un voyage, un huit de pique
une querelle, un as de carreau une lettre,
un as de pique un chagrin; et autres belles
choses.
Puis encore , pour ne pas se borner à la
première disposition des cartes étalées. on les
môle; on les relève deux ou trois fois dans
d'autres arrangements, on y voit encore tout
ce qu'on veut.
2" Elle faisait les tarots ; c'est le jeu de
cartes allemand, avec des coupes, des épées,
des fleurs cldes bâtons, au lieu de nos cœurs,
de nos piques, de nos carreaux et de nos trè-
fles. Mais comme il y a dans ce jeu soixante-
dix-huil cartes, contenant beaucoup de figu-
res, il offre un grimoire qui donne à la devi-
neresse plus de latitude.
3° Elle disait la bonne aventure par le
marc de café. Voici le procédé. On verse le
marc d'une once de café sur une grande as-
siette blanche très-plate, percée au milieu
d'un seul petit trou par lequl l'eau s'en va.
On laisse le marc s'assécher un quart d'heure.
Il s'est formé alors des figures capricieuses ,
qui, à vos yeux, peut-être, ne diraient rien,
fnais qui sont tout un livre pour les person-
nes dressées à lire dans les assiettes sales.
k" Ell<! pronostiquait par le blanc d'œuf,
«ulre recette qu'elle disait tenir de Caglios-
Iro. Elle prenait un œuf frais, le cassait, en
séparait le jaune, laissait tomber ce jaune
dans un grand verre d'eau; s'il ne se divisait
imi dans la chute, c'était signe de succès.
Elle le remuait ensuite, et voyait, dans !a
forme des ondulations, ce qu'on ne soupçon
nerait jamais dans un jaune d'œuf.
5° Elle donnait des horoscopes , c'est-à-
dire des thèmes tout faits, suivant les ensei-
gnements des vieux astrologues, qui ont
trouvé tant de lumières dans les douze signes
du zodiaque. Ils déclarent que ceux qui
sont nés »ous le Sagittaire (du 22 novembre
au 21 décembre) feront des voyages mariti-
mes, tandis que ceux qui ont vu le jour sous
le Capricorne (du 22 décembre au 21 janvier)
auront de petits yeux , et que les personnes
venues au monde sous le Verseau (du 22 jan-
vier au 21 février) vivront longtemps. Il y en
a ainsi pour toute l'année.
Si votre acte de naiss/incc vous place sous
les Poissons (du 22 février au 21 mars), vous
serez présomptueux. Sous le Bélier (du 2i
mars au 21 avril ) naissent les gens qui ont
1 1 migraine. Sous le Taureau (du 22 avril au
21 mai) on ne se marie qu'à vingt-quatre ans.
Soyez né sous les Gémeaux (du 22 mai au
21 juin), vous négligerez vos affaires et vous
pourrez bien être artiste. Mais si l'Ecrevisse
a présidé à votre première heure (du 22 juin
au 21 juillet), vous risquez déirc gourmand ;
et si c'est le Lion (du 22 juillet au 21 août),
vous n'aurez pas de mollets.
Sous la Vierge (du 22 août au 21 septem-
bre) on nail discret; mais on aura la chance
d'être volé dans sa poche. Sous la Balance
(du 22 septembre au 21 octobre) vous au-
rez le don de dire la bonne aventure. Sous
le Scorpion enfin (du 22 octobre au 21 no-
vembre) on sera goguenard, sournois, et
on gagnera un ventre ballonné. Voilà. —
Nous ne donnons ici qu'un sommaire.
Avec toutes ces cordes à son arc , made-
moiselle Lenormand pouvait conlenier les
plus difficiles. Elle travaillait pour cinq
francs, pour dis francs, pour vingt francs ,
pour quatre cents francs. Moyennant celte
somme on avait un horoscope écrit. Beau-
coup de têtes faibles vinrent la con'sulterea
effet. De grands personnages, grands par
leur position, mais petits du reste, lui de-
mandèrent leur bonne aventure. Comme
elle était très-fine, lorsqu'elle avait à répon-
dre à des gens de bonne mine qu'elle ne con-
naissait pas, elle les remettait au lendemain,
les faisait suivre et savait ainsi ce qu'elle
devait dire.
Voici deux anecdotes qui feront apprécier
la hauteur de son talent. Un banquier qui
en doutait lui mena son fils, âgé de quinze
ans et habillé en jeune fille. La sibylle y fut
trompée, comme l'avait été le d.^cieur Gail
en pareille occasion , et promit un époux
merveilleux avec toutes sortes de choses qui
convenaient au sexe dont le déguiseniMit
l'abusait.
Une dame, voulant savoir si les cartes di-
saient la vérité, déjeuna parfaitement; puis,
désignant sous le nom d'une opération le
repas qu'elle venait de faire, elle alla de-
mander à la sibylle si l'opération dont elle
s'était occupée tout à l'heure avait été me-
née afin; les cartes dirent que non. On
9*9
DiXTlONNAIRE DES SCl!.NCES OCCL'l.rES.
1000
ritei-at! mille faits pareils. Mais le public
bénin des niais ne les remarquait pas plus
que les prédictions d'une grande fortune aux
gens qui se ruinaient le mois i-uivant, et
d'une longue vie aux infortunés qui se hâ-
taient de mourir pour lui donner un dé-
menti.
Cependant elle assaisonnait ses consul-
tations d'accessoires et de précautions qui
auraient dû la rendre plus heureuse.
Elle avait soin de demander au consultant :
Quel âge avez-vous? Quelle couleur préfé-
rez-vous? Quel est la fleur que vous aimez î
Quel est l'animal que vous ne pouvez souf-
frir? Mangez-vous des ognons? et d'autres
questions bizarres qui lui fournissaienl ma-
tière à des inductions , et qu'elle faisait d'un
air nonchalant, tout en recommandant de
couper les cartes de la main gauche et de
garder telle ou telle position.
Si l'on s'étonne de l'espèce de renommée
où s'est vue sous l'empire mademoiselle Le-
normand, si l'on est surpris de la voir visi-
ter par de grandes dames et par des person-
nages notables , il faut en dire les deux
raisons. La première est dans la petitesse de
l'esprit humain , qui lui amena "Talma, ma-
dame de Staël elle-iiiéme, en dépit de sa su-
perbe philosophie, et le peintre David qui
faisait l'incrédule, et qui se battait les flancs
pourl'étre.Laseconderaison était une idée de
l'empereur, qui en tirait très grand parti pour
sa police. Tous les mois, et plus souvent au
besoin, l'impératrice Joséphine, qui pouvait
bien être de concert avec son illustre époux
et jouer un jeu en simulant une grande con-
fiance dans la sibylle, savait d'elle les visites
qu'elle avait reçues el les secrets qu'elle avait
dépistés. C'est ce qui explique la protection
intéressée que Napoléon donnait à ces jon-
gleries.
Mais en même temps qu'il employait ma-
demoiselle Lenurmand à l'éclaircir sur une
foule de détails, il la faisait espionner elle-
même. Lorsqu'il projeta son divorce avec
Joséphine , ce projet fut longtemps connu
avant que Napoléon voulût l'annoncer à sa
fenmie. Il était formellement recommandé à
ceux qui approchaient l'impératrice de
ne rien éventer d'une telle intention. Napo-
léon ne songeait pas à la sibylle; elle ne
matiqua pas de dévoiler le fait à Joséphine
comme une prophétie. Le lendemain, Fou-
ché, qui dirigeait la police, ûl venir made-
moiselle Lenormand.
— Savez-vous, lui dit-il, pourquoi je vous
ai mandée ?
— Pour une consultation, sans doute, ré-
pondit-elle. J'ai apporté le grand jeu.
Fouché et ïalleyrand l'appelaient quel-
quefois ainsi, sous prétexte de son art,
mais pour la faire parler d'autre chose que
des cartes.
— \ ous n'avez pas regardé dans votre
main, ou vos tarots sont embrouillés , reprit
Fouché , car vous êtes arrêtée ; et de ce pas
vous allez en prison. Vous ne l'aviez pas
prévu?
—Mais pourquoi en prison ? demanda-l-clic.
— Vous qui savez tant de choses , vous
no savez pas cela? Cherchez dans vos cartes.
Au bout de peu de jours, comme on ne
voulait donner qu'une leçon à la sorcière, et
qu'oi avait besoin d'elle , on la remit en li-
berté. Mais plus tard, quand vinrent pour
Napoléon les jours de revers, la sibylle ayant
caressé quelques espérances des légitimistes,
fut emprisonnée de nouveau, toujours sans
l'avoir prévu.
Après la chute de l'empereur , elle fut vi-
sitée par Alexandre el par le duc de Berry,
qui croyaient ramasser dans son entretien
quelquiS piquantes anecdotes. Mais ce
qu'elle savait de détails conservait peu d'in-
térêt, lis n'y retournèrent pas. Ces visites
toutefois lui firent tirer beaucoup d'argent
des Russes , des Prussiens et des Anglais.
Quand Jo-éphino fut morte et Napoléon à
Sainte-Hélène, elle se mit à rédiger ses sou-
venirs et ses mémoires, où elle débita tout
ce qu'elle voulut. Ell(! écrivit même, ou fit
écrire, une réponse à Huflmann , qui s'était
moqué d'elle dans le Journal des Débals. Et
comme dans la suite la police ne pouvait
guère soulTrir une devineresse exerçant pu-
bliquement, elle prit une patente de librairie,
et donna son adresse en mettant sur sa porte:
Mudemoiselle Lenormcnd , libraire. On ne
trouvait chez elle que ses brochures. Mais ce
n'était pas pour se meubler l'esprit qu'on y
allait.
Son astre pâlissait dans le calme de quinze
ans (jui suivit les cent jours. Pour ramener
sur e.le l'intérêt public, elle fit quelques
voyages à l'étranger. On se rappelle son ar-
rivée à Bruxelles , où elle se proposait de
tirer l'horoscope du prince d'Orange. Elle
avait fait des progrès ; elle joignait depuis
longtemps déjà à ses anciens procédés la
chiromancie, ou l'art de lire les desliné-s
dans les lignes de la main gauche. Elle pré-
tendait savoir que le prince d'Orange avait
dans la main une ligne de fortune qui se
développait avec de beaux accroissements ;
elle se proposait de lui annoncer des c.in-
quêtes.
Pour seconde ressource, elle faisait un peu
la contrebande; et les douaniers belges, plus
fins que son jeu de cartes, ayant saisi, dans
ses belles à double fond, des monlres qu'elle
fraudait, la sibylle fit dans les Pays-Bas son
entrée triomphante en prison. Elle n'avait
pas compté là-dessus. Elle en sortit pour
dire la bonne aventure au prince d'Orange,
qui en effet l'accueillit, dit-on; et elle ne vit
pas que la ligne de fortune du prince était
rompue en un certain point.
Depuis 1830, Mlle Lenormand était pres-
que oubliée, lorsque les journaux ont an-
noncé sa mort, arrivée le 25 juin 1843.
Elle n'avait que soixante-douze ans, quoi-
qu'elle eût prophétisé qu'elle en vivrait cent
et un. Elle a laissé une fortune assez ronde.
On dit qu'avant de mourir elle a reconnu
tes vanités stupides et condamnées de son
charlatanisme dangereux, et qu'elle a ter-
miné SU viu dans les scntinien'.s chrétiens. Il
1001
LEO
LES
paraît même que cent pauvros fomnics qui
ont suivi son convoi, un cierge à la main,
de l'église Sainl-Jacques-du-Haut-Pas au
cimetière du Père-Lachaise, sont des infor-
tunées à qui elle a laissé de petits legs.
Quant à ce qu ont dit les journaux pari-
siens qu'on voyait aussi à la suite du cor-
billard les élèves de la devineresse, c'est une
plaisanterie; elle n'avait rien à apprendre à
personne, et depuis plusieurs années ne pra-
tiquait plus.
C'était, dans ses derniers temps, une courte
et grosse femme, à l'air commun, qui parlait
du nez, qui débitait ses oracles avec la vo-
lubilité d'une actrice répétant un rôle, et qui
se coiffait d'un vieux turban sur une per-
ruque blonde, mise du reste comme une
femme de chambre.
Si les Parisiens ont de l'esprit, la vogue de
Mlle Lenoruiand fait voir qu'ils n'en ont pas
toujours.
LK NORMANT (Martin), astrologue qui
fut apprécié par le roi Jean , auquel il pré-
dit la victoire qu'il gagna contre les Fla-
mands (1).
LÉON III , élu pape en 795. On a eu
l'effronterie de lui attribuer un recueil de
platitudes et de choses ridicules , embrouil-
lées dans des figures et des mots mystiques
€t inintelligibles, composé par un visionnai-
re, plus de trois cents ans après lui , sous le
titre d'Enchiridion Leonis papœ{2). On a
.'ijouté qu'il avait envoyé ce livre à Charlc-
inagne.
Voici le titre exact de cet ouvrage : En-
chiridioti du pape Léon , donné comme un
présent précieux au sérénissime empereur
Charlemagne , récemment purgé de toutes
ses fautes. Rome, 1G70, in-1-2 long , avec un
cercle coupé d'un triangle pour vignette , et
à l'entour ces mots en légende : Formation ,
réformation, transformation. Après un avis
aux sages cabalisles, le livre commence par
l'Evangile de saint Jean, que suivent les se-
crets et oraisons pour conjurer le diable.
Voy. Conjurations, etc.
LÉONARD, démon du premier ordre, grand
maître des sabbals, chef des démons subal-
ternes, inspecteur général de la sorcellerie,
tie la magie noire el des sorciers. On l'ap-
pelle souvent le Grand Nègre. Il préside au
sabbat sous la figure d'un bouc de haute
taille; il a trois cornes sur la tête, deux
oreilles de renard, les cheveux hérissés, les
yeux ronds, enflammes el fort ouverts, une
barbe de chèvre el un visage au derrière.
Les sorciers l'adorent en lui baisant ce vi-
sage inférieur avec une chandelle verte à la
main.
Quelquefois il ressemble à un lévrier ou à
un bœuf, ou à un grand oiseau noir, ou à un
tronc d'arbre surmontéd'unvisageténébreux.
Ses pieds, quand il en porte au sabbat, sont
toujours des pattes d'oie. Cependant les ex-
perts qui ont vu le diable au sabbat obscr-
(1) Manuscril cilé h la lin des rem. de Joly sur Bayle.
(2) Kncliiriiiion Leouis papae screnissiiuo iiiipeialori Ca-
iwiu Magiio iii muuiis pi-eUosuiii dalum, iiuiieniiue uiendis
DlCTlO.N.V. DES SCIENCES OCCCLTES. 1.
1002
vent qu'il n'a pas de pieds quand il prend la
forme d'un tronc d'arbre, el dans d'autres
circonstances extraordinaires.
Léonard est taciturne el mélancolique;
mais dans toutes les assemblées de sorciers
et de diables où il est obligé de figurer, il se
montre avantiigcusement et déploie une gra-
vité superbe (3j.
LÉOPOLD, fils naturel de l'empereur Ro-
dolphe II. Il embrassa la magie et éludia les
arts du diable, qui lui apparut plus d'une
fois. Il arriva que son frère Frédéric fut pris
en bataille en combattant contre Louis de
Bavière. Léopold, voulant lui envoyer un
magicien pour le délivrer de la prison de
Louis sans payer rançon, s'enferma avec ce
magicien dans une chambre, en conjurant et
appelant le diable, qui se présenta à eux sous
forme et costume d'un messager de pied,
ayant ses souliers usés et rompus, le chape-
ron en tête; quant au visage, il avait les
yeux chassieux.
Il leur promit, sans que le magicien se dé-
rangeât, de tirer Frédéric d'embarras, pour-
vu qu'il y consenlît. 11 se transporta de suite
dans la prison, changea d'habit et de forme,
prit celle d'un écolier, avec une nappe au-
tour du cou, et invita Frédéric à entrer dans
la nappe, ce qu'il refusa en faisant le signe
de la croix.
Le diable s'en retourna confus chez Léo-
pold, qui ne le quitta point pour cela ; car,
pendant la maladie à la suite de laquelle il
mourut, s'étant levé un jour sur son séant,
il commanda à son magicien, qu'il tenait à
gages, d'appeler le diable, lequel se montra
sous la forme d'un homme noir et hideux;
Léopold ne l'eut pas plutôt vu, qu'il dit :
— C'est assez, — et il demanda qu'on le re-
couchât dans son lit, où il trépassa {^).
LESAGE. Voy. Luxembours.
LESCORIÈRE (Marie), vieille sorcière ar-
rêtée au seizième siècle, à l'âge de quatre-
vingt-dix ans. Elle répondit dans son inter-
rogatoire qu'elle passait pour sorcière sans
l'être; qu'elle croyait en Dieu, l'avait prié
journellement, et avait quitte le diable depuis
longtemps ; qu'il y avait quarante ans qu'elle
n'avait été au sabbat. Interrogée sur le sab-
bat, elle dit qu'elle avait vu le diable en for-
me d'homme et de bouc, qu'elle lui avait cédé
les galons dont elle liait ses cheveux, que le
diable lui avait donné un écu qu'elle avait
mis dans sa bourse; que le diable lui avail
surtout recommandé de ne pas prier Dieu, de.
nuire aux gens de bien, et lui avait dour.é
pour cela delà poudre dans une boîte; qu'il
était venu la trouver en forme de chat, et
que, parce qu'elle avait cessé d'aller au sab-
bat,il l'avait meurtrie à coups de picrres;que
quand elle appelait le diable, il venait à elle
en figure de chien pendant le jour et en fi-
gure de chat pendant la nuit ; qu'une fois elle
l'avait prié de faire mourir une voisine, co
qu'il avait fait; qu'une autre fois passant par
oniiiibiis purgaluiii, fie.
(S)Dclrio, Delaucre, Bodia, elc.
(4) Lcloycr, Hist. dts spectres, [i. 304
32
fOOÔ
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCLLTES.
1004
un village, le» chiens l'avaient suivie et mor-
due; que dans l'instant elle avait appelé le
diiible, qui les avait tués. Elle dit aussi qu'il
ne se faisait autre chose au sabbat sinon
honneur au diable, qui promettait ce qu'on
lui demandait; qu'on lui faisait offrande le
baisant au derrière, ayant chacun une chan-
delle à la main (I).
LESCOT devin de Parme qui disait in-
dilîérenimcnt à tout homme qui en voulait
faire l'essai : « Pensez ce que vous voudrez,
et je devinerai ce que vous pensez, » parce
qu'il était servi par un démon (2).
LESPÈCE, Italien qui fut avalé pendant
le séjour de la flotte françaisi? au port de
Zante, sous le règne de Louis XII. Il ét;iit
dans le brigandin de François de Grammonl.
Un jour, après avoir bien bu, il se mil à
jouer aux dés, et perdit tout son argent. Il
maugréa Dieu, les saints, la bienheureuse
Vierge Marie, mère de Dieu, et invoqua le
diable à son aide. La nuit venue, connue
l'impie commençait à ronfler, un gros et
horrible monstre, aux yeux étincelaiits, ap-
procha du brigandin. Quelques matelots
prirent cctle béte pour un monstre marin ,
cl voulurent l'éloigner; mais elle aborda le
navire, et alla droit à l'hérétique, qui fuyait
de tous côtés. Dans sa fuite il trébucha ,
et tomba dans la gueule de cet horrible ser-
pent (3).
LÉTHÉ, fleuve qui arrosait une partie du
Tartarc, et allait jusqu'à l'Elysée. Ses ondes
faisaient oublier aux ombres, forcées d'en
boire, les plaisirs et les peines de la vie
qu'elles avaient quittée.
On surnomuiail le Léthé le fleuve d'Huile,
parce que son cours était paisible, et par la
même raison Lucuin l'appelle deus Tacilus,
le dieu du silence; car il ne faisait entendre
aucun murmure.
C'était aux bords du Lélhé que les âmes
des méchants, après avoir expié leurs crimes
par de longs tourments, venaient perdre lo
souvenir de leurs maux et puiser une nou-
velle vie. Sur ses rives, comme sur celles du
Cocyte, on voyait une porte qui communi-
quait au Tartarc (4).
LETTRES sur les diverses apparitions d'un
bénédictin de Toulouse, in4°, 1G79. Ces ap-
paritions étaient, dit-on, des supercheries de
quelques novices de la congrégation de Sainl-
Maur, qui voulaient tromper leurs supé-
rieurs. On les fit sortir de l'ordre.
LETTRES INFERNALES, ou Lettres des
campagnes infernales, publiées en 1734. Ce
n'est qu'une satire contre les fermiers géné-
raux.
LECCE-CAllIN, hérétique du second siècle,
auteur apocryphe d'un livre intitulé : Voya'
(jes des apôtres. Il y conte des absurdités.
LEUCOPHYLLE, plante fabuleuse qui, se-
lon les anciens, croissait dans le Phase, fleuve
<ls la Colchide. On lui altribuait la vertu
d'cnipéctier les infidclilés; mais il fallait la
(1) Discours des sorlilégos et vénéfices, lires des procès
CriiiiiiiHls, |). ai-
(■2) Delaiicici, Incrédnliié otinôcréancede la divination,
(lu sonilégp, p. 30i.
cueillir avec de certaines précautions, et on
ne la trouvait qu'au point du jour, vers lo
commencement du printemps, lorsqu'on cé-
lébrait les mystères d'Héc.itc.
LÉ\ lATHAN, grand amiral del'enfer, se-
lon les démonomanes. Wierus l'appelle le
grand menteur. Il s'est mêlé de posséder, do
tous temps, les gens qui courent le monde.
Il leur apprend à mentir et à en imposer. Il
est tenace, ferme à son poste el difflcile à
exorciser.
On donne aussi le nom de Léviathan à un
poisson immense que les rabbins disentdes-
liné au repas du Messie. Ce poisson est si
monstrueux, qu'il en avale d'un coup un
autre lequel, pour être moins grand que lui,
ne laisse pas d'avoir trois lieues de long.
Toute la masse des eaux est portée sur Lé-
viathan. Dieu, au commencement, en créa
deux, l'un mâle et l'autre femelle; mais de
peur qu'ils ne renversassent la terre et qu'ils
ne remplissent l'univers de leurs semblables.
Dieu, disent encore les rabbins, tua la fe-
melle, et la sala pour le repas du Messie qui
doit venir.
En hébreu, Léviathan veut dire monstre
des eaux. Il parait que c'est le nom de l.t
baleine dans le livre de Job, chap. lxi. Sa-
muel Bochard croit que c'est aussi le nom
du crocodile.
LEWIS (Mathieu-Grégoire) , auteur de
romans et de pièces de théâtre, né en 1773 et
mort en 1818. On a de lui le Moine, 1793,
3 vol. in-12, production effroyable et dange-
reuse, qui fil plus de bruit qu'elle ue mérite;
le Spectre du ckâleau, opéra ou drame en
musique, etc.
LÉZARDS. Les Kamtschadalcs en ont une
crainte superstitieuse. Ce sont, disent-ils, les
espions de Gaeth (dieu des morts), qui vicii-
nent leur prédire la fin de leurs jours. Si on
les attrape, on les coupe en petits morceaux
pour qu'ils n'aillent rien dire au dieu des
morts. Si un lézard échappe, l'homme qui
l'a vu tombe dans la tristesse, et meurt quel-
quefois de la peur qu'il a de mourir.
Les nègres qui habitent les deux bords du
Sénégal ne veulent pas souffrir au contraire
qu'on tue les lézards autour de leurs mai-
sons. Ils sont persuadés que ce sont les âmes
de leurs pères, de leurs mèresctde leurs pro-
ches parents, qui viennent faire le folgar,
c'est-à-dire se réjouir avec eux (5).
LIBANIUS, magicien né en Asie, qui, pen-
dant le siège de Ravenne par Constance, eiii-
ployaitdcs moyens magiques en place d'armes
pour vaincre les ennemis(6).
LIBANOMANCIE, divination qui se faisait
par le moyen de l'encens. Voici, selon Dion
Cassius, les cérémonies que les anciens pra-
tiquaient dans la libanomancie. On prend,
dit-il, de l'encens, et, après avoir fait des
prières relatives aux choses que l'on deman-
de, on jette cet encens dans le feu, afin que
sa fumée porte les prières jusqu'au ciel. Si
(j) D"Autoii, Histoire de Louis XII.
(4) Uelaiidine, l'Enfer des anciens, p. 281.
(5) Al)régé des voyages, par de Laharpe, l. II, p. 151,
^6) Leloyer, Hisl. cl Disc, desspcclrcs, etc., p. 726.
i'MK
LIE
LIG
«000
ce qu'on sou4iaitc doit arriver, l'oncens s'al-
lume sur-le-champ, quand m<*me il serait
tombé hors du feu ; le feu semble l'aller cher-
cher pour le consumer. Mais si les vœux
qu'on a formés ne doivent pas être remplis,
ou l'encens ne tombe pas dans le feu, ou le
feu s'en éloigne et ne le consume pas. Cet
oracle, ajoute-t-il, prédit tout, excepté ce
qui regarde la mort et le mariage.
LIBERTINS , fanatiques qui s'élevèrent en
Flandre au milieu du seizième siècle et qui
se répandirent en France, oii ils eurent pour
chef un tailleur picard nommé Quinlin. Ils
professaient exactement le panlhéismc [des
philosophes de nos jours, et les rêveurs alle-
mands les copient. Ils regardaient le paradis
et l'enfer comme des illusions, et se livraient
à leurs sens. Le nom qu'ils se donnaient,
comme affranchis , est devenu une injure.
LICORNE. La corne de licorne préserve
des sortilèges. Le cardinal Torquemada, dit-
on , en avait toujours une sur sa table. Les
licornes du cap de Bonno-Espérance sont dé-
crites avec des têtes de cheval, d'autres avec
«les léles de cerf. On dit que le puits du palais
de Saint-Marc ne peut être empoisonné,
parce qu'on y a jeté des cornes de licornes.
On est d'ailleurs indécis sur ce qui concerne
ces animaux , dont la race semble perdue.
A'oy. CouNEs.
LIERRE. Nous ne savons pourquoi les
Flamands appellent le lierre fil du diable
(Duivels-Naaigaren).
LIÈV RE. On raconte des choses merveil-
leuses du lièvre. Evax et Aaron disent que
si l'on joint ses pieds avec la lêtedun merle,
ils rendront l'homme qui les portera si
liardi, qu'il ne craindra pas même la mort.
Celui qui se les allachera au bras ira par-
tout où il voudra, et s'en retournera sans
danger.
Que si on eu fait manger à un chien, avec
le cœur d'une belette, il est sûr qu'il n'obéira
jamais, quand même on le tuerait (1).
Si des vieillards aperçoivent un lièvre tra-
versant un grand chemin, ils ne manquent
guère d'en augurer quelque mal. Ce n'est
pourtant, au fond, qu'unemenace des anciens
augures expriiiiée en ces termes : Jnauspi-
câlum dat iter oblatus lepiis. Cette idée n'a-
vait apparemment d'autre fondement, si ce
n'est que nous devons craindre quand un
animal timide passe devant nous ; comme un
renard, s'il y passe aussi, nous présage quel-
que imposture.
Ces observations superstitieuses étaient dé-
fendues aux Juifs , comme on le voit dans
Maimonide, qui les rapporte à l'art de ceux
qui abusent des événements pour les con-
vertir en signes heureux ou sinistres.
ChezlesGrecs modernes, siun lièvre croise
le chemin d'une caravane, elle fera halle
jusqu'à ce qu'un passant qui ne l'ait pas vu
coupe le charme eu traversant la môme
route (2).
A l'honneur des lièvres, voyez encore Sa-
KIMOUHI.
(1) Secrets d'Albert le Grand, p. 108.
1%) Brown, Erreurs populaires.
LIÈVRE (Le Grand). Les Cliipiouyans, peu-
plade sauvage qui habite l'intérieur de l'A-
mérique septentrionale, croient que le Grand
Lièvre, nom qu'ils donnent à l'Etre suprê-
me , étant porté sur les eaux avec tous les
quadrupèdes qui composaient sa cour, forma
la terre d'un grain de sable tiré de l'Occun,
et tira les hommes des corps des animaux.
Mais le Grand Tigre, dieu des eaux, s'op-
posa aux desseins du Grand Lièvre. Voilà,
suivant eux, les principes qui se comballcnl
perpétuellement.
LIGATURE. On donne ce nom à un malé-
fice spécial, par lequel on liait et on paraly-
sait quelque faculté physique de l'homme ou
de la femme.
On appelait chevillrment le sortilège qui
fermait un conduit et empêchait p;ir exem-
ple les déjections naturelles. On appelait cm -
barrer l'empêchement magique qui empê-
chait un mouvement. On appelait plus spé-
cialement ligature le maléfice qui affectait
d'impuissance un bras, un pied ou tout au-
tre membre.
Le plus fameux de ces sortilèges est celui
qui est appelé dans tous les livres où il s'a-
gitde superstitions, dau'^ le curéThiers,dans
lepère Lebrun eldans lousles autres, \enoue-
ment de l'aiquiiletCe ou l'aiguillette nouée,
désignation honnête d'une chose honteuse.
C'est au reste le terme populaire.
Cette matière si délicate, que nous aurions
voulu pouvoir éviter, tient trop de place dans
les abominations superstitieuses pour être
passée sous silence.
Les rabbins attribuent à Cham l'invention
du nouemenl de l'aiguillelle. Les Grecs con-
naissaient ce maléfice. Platon conseille à ceux
qui se marient de prendre garde à ces char-
mes ou ligatures qui troublent la paix des
ménages (3). On nouaitaussi l'aiguillette chez
les Romains ; cet usage passa des magiciens
du paganisme aux sorciers mcderncs. On
nouait surtout beaucoup au moyen âge. Plu-
sieurs conciles frappèrent d'anathème les
noueurs d'aiguillettes ; le cardinal du Perron
fit mêaie insérer dans le rituel d'Evreux de<
prières contre l'aiguillette nouée; car jamais
ce maléfice ne fut plus fréquent qu'au sei-
zième siècle.
« Le nouement de l'aiguillette devient si
commun, dit Pierre Delancre, qu'il n'y a
guère d'hommes qui s'osent marier, sinon à
la dérobée. On se trouve lié sans savoir par
qui, et de tant de façons, que le plus rusé n'y
comprend rien. Tantôt le maléfice est pour
l'homme, tantôt pour la femme, ou pour tous
les deux. Il dure un jour , un mois , un an.
L'un aime et n'est pasaiiné; les époux se
mordent , s'égratignent et se repoussent ; ou
bien le diable interpose entre eux un fan-
tôme, etc. »
Le démonologue expose tous les cas bizar-
res et embarrassants d'une si fâcheuse cir-
constance.
Mais l'imagination, frappée de la peur du
sortilège, faisait le plus souvent tout le niul.
(3) Platon, Des lois, liv. II.
!007
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
1(K)3
On altiibuailauT soniors les accidents qu'on
ne comprenail point, sans se donner la peine
d'en chercliii- la véritable cause. L'impuis-
sance n'était donc généralement occasionnée
ijne parla peur du maléfice, qui frappait les
esprits et affaiblissait les organes ; et cet état
ne cessait que lorsque la sorcière soupçon-
née voulait bien guérir l'imagination du ma-
lade en lui disant qu'elle le restituait.
Une nouvelle épousée de Niort, dit Bodin
(1), accusa sa voisine de l'avoir liée. Le juge
(il mettre la voisine au cachot. Au bout de
deux jours, elle commença à s'y ennuyer, et
s'avisa de faire dire aux mariés qu'ils étaient
déliés ; et dès lors ils furent déliés.
Les détails de ce désordre sont presque
toujours si ignobles, qu'on ne peut mettre
sous les ycuxd'un lecleurhonnéte cet enclie-
nillement, comme l'appelle Dclancre (2).
Les mariages ont rarement lieu en Russie
sans quelque frayeur de ce genre. « J'ai vu
un jeune homme, dit un voyageur (3), sortir
comme un furieux de la chambre de sa fem-
me, s'arracher les cheveux et crier qu'il
était ensorcelé. On eut recours au remède
employé chez les Russes, qui est de s'adrcs-
ses à des magiciennes blanches, lesquelles,
pour un peu d'argent, rompent le charme et
dénouent l'aiguillette; ce qui était la cause
de l'état où je vis ce jeune homme. »
Noiiement de l'aiguilletCe.
Nous croyons devoir rapportercomme spé-
cimen des bêtises de l'homme la stupide for-
mule suivante, qu'on lit au chapitre premier
des Admirables secrets du Petit Albert :
« Qu'on prenne la verge d'un loup nouvelle-
ment tué; qu'on aille à la porte de celui
qu'on veut lier, et qu'on l'appelle par son pro-
pre nom. Aussitôt qu'il aura répondu, on
liera la verge avec un lacet de fil blanc, et le
pauvre homme sera impuissant aussitôt. »
Ce qui est surprenant, c'est que les gens
de village croient à de telles formules, qu'ils
les emploient, et qu'on laisse vendre publi-
quement des livres qui les donnent avec de
scandaleux détails.
On trouve dans Ovide et dans Virgile les
procédés employés par les noueurs d'ai-
guilleltede leur temps. Ils prenaient une pe-
tite figure de cire qu'ils entouraient de ru-
bans ou de cordons; ils prononçaient sur sa
tête des conjurations, en serrant les cordons
l'un après l'autre; ils lui enfonçaient ensuite,
ù la place du foie, des aiguilles ou des clous,
et le charme était achevé.
Bodin assure qu'il y a plus de cinquante
moyens de nouer l'aiguillelle. Le curé Thiers
rapporte plusieurs de ces sortes de moyens,
qui sont encore usités dans les villages.
Contre l'aiguillette nouée.
On prévient ce maléfice en portant un an-
neau dans lequel soit enchâssé l'œil droit
d'une belette; ou en mettant du sel dans sa
poche, ou des sous marqués dans ses souliers,
lorsqu'on sort du lit ; ou, selon Pline, en frot-
tant de graisse de loup le seuil cl les poteaux
(l)Démonomanie des sorciers, liv. IV, c!i. S.
\i) L'IncréJulité et uiécréance, etc., ir. (i.
de la porte qui ferme la chambre à cou-
cher.
Hincmar, archevêque de Reims, conseille
avec raison aux époux qui se croient maléfi-
ciés du nouementde l'aiguillette, la pratique
des sacrements comme un remède efficace ;
d'aulres ordonnaient le jeûne et l'au-
mône.
Le Petit Albert conseille contre l'aiguil-
lelle nouée de manger un pivert rôti avecdu
sel bénit , ou de respirer la fumée de la dent
d'un mort jetée dans un réchaud.
Dans quelques pays on se Halte de dénouer
l'aiguillette en mettant deux chemises à l'en-
vers l'une sur l'autre. Ailleurs, on perce un
tonneau de vin blanc, dont on fait passer le
premier jet par la bague de la mariée. Ou
bien, pendant neuf jours, avant le soleil levé,
on écrit sur du parchemin vierge le mot avi-
gazirtor. Il n'y a , comme on voit, aucune
extravagance qui n'ait été imaginée.
Voici, avant do finir, un exemple curieux
d'une manière peu usitée de nouer l'aiguil-
lette : « Une sorcière, voulant exciter une
haine mortelle entre deux futurs époux, écri-
vit sur deux billets des caractères inconnus^
et les leur fit porter sur eux. Comme ce
charme ne produisait pas assez vite l'effet
qu'elle désirait, elle écrivit les mêmes carac-
tères sur du fromage qu'elle leur fit manger;
puis elle prit un poulet noir qu'elle coupa
par le milieu , en offrit une partie au diable,
et leur donna l'autre, dont ils firent leur sou-
per. Cela le» anima tellement, qu'ils ne pou-
vaient plus se regarder l'un l'autre. — Y a-t-il
rien de si ridicule? ajoute Delancre, persuadé
pourtant de la vérilé du fail , et peut-on re-
connaître en cela quelque chose qui puisse
forcer deux personnes qui s'entr'aiment à
se haïr à morl ? »
On dit que les sorciers ont coutume d'en-
terrer des têtes et des peaux de serpent
sous le seuil de la porte des mariés, ou dans
les coins de leur maison, afin d'y semer la
haine et les dissensions. Mais ce ne sont que
les marques visibles des conventions qu'ils
ont fuites avec Satan, lequel est le maître et
l'auteur du maléfice de la haine.
Parfois , continue Delancre , le diable no
va pas si avant, et se contente, au lieu de ta
haine, d'apporter seulement de l'oubli, met-
tant les maris en tel oubli de leurs femmes,
qu'ils en perdent tout à fait la mémoire,
comme s'ils ne s'étaient jamais connus. Un
jeune homme d'Etrurie devint si épris d'une
sorcière , qu'il abandonna sa femme et ses
enfants pour venir demeurer avec elle, et il
continua ce triste genre de vie jusqu'à ce que
sa femme, avertie du maléfice, l'étant venue
trouver, fureta si exactement dans la mai-
son de la sorcière, qu'elle découvrit sous son
lit le sortilège, qui était un crapaud enfermé
dans un pot , ayant les yeux cousus et bou-
chés, lequel elle prit, et, lui ayant ouvert les
yeux, elle le fit brûler. Aussitôt l'amour el
l'affeclion qu'il avait autrefois pour sa femme
(3) Nouveau voyage vers le Septentrion, 1708. ch. 2.
fC09
LIM
LIT
101!)
et ses finfanis revinrent tout à coup dans la
inémoiro du jeune homme, qui s'en relourna
chez lui honteux et repentant , et passa
dans de bons sentiments le reste de ses
jours.
Delancre cite d'autres exemples bizarres
des effeis de ce charme , comme des époux
qui se dctes(aient de près et qui se chéris-
saient de loin. Ce sont de ces choses qui se
voient aussi de nos jours, sans qu'on pense
à y trouver du maléfice.
Le P. Lebrun ne semble pas croire aux
noueurs d'aiguillette; cependant il rapporta
le trait de l'abbé Giiibert de Nogent, qui ra-
conte (1) que son père et sa mère avaient eu
l'aiguillelle nouée pendant sept ans, et qu'a-
près cet intervalle pénible une vieille femme
rompit le maléûce et leur rendit l'usage du
mariage.
Nous le répétons , la peur de ce mal , qui
n'a guère pu exister que dans les imagina-
lions faibles, était aulrefois très-répandue.
Personne aujourd'hui ne s'en plaint dans les
villes ; mais on noue encore l'aiguillette
dans les villages; bien plus , on se sert en-
core des procédés que nous rapportons ici,
car la superstition n'est pas progressive. Et
tandis qu'on nous vante à grand bruit l'a-
vancement des lumières, nous vivons à quel-
ques lieues de pauvres paysans qui ont leurs
devins, leurs sorciers, leurs présages, qui ne
se marient qu'en tremblant, et qui ont la télé
obsédée de terreurs infernales. Voy. Chevil-
LEMENT, GniLLANDUS, LUAQINATIONS , MALÉ-
FICES, etC.
LILITH. Wierus et plusieurs autres démo-
nomanes font de Lililh le prince ou la prin-
cesse des démons succubes. — Les démons
soumis à Lililh portent le même nom que
leur chef, et, comme les Lamies , cherchent
à faire périr les nouveau-nés; ce qui fait
que les Juifs, pour les écarter, ont cou-
tume d'écrire aux quatre coins de la cham-
bre d'une femme nouvellement accouchée :
« Adam, Eve, hors d'ici Lililh (2). »
LILLY (William), astrologue anglais du
dix-septième siècle qui se Dt une réputa-
tion en publiant l'horoscope de Charles I".
11 mourut en 1681. Sa Vie, écrite par lui-mê-
me, contient des détails si naïfs et en même
temps une imposture si palpable , qu'il est
impossible de distinguer ce qu'il croit vrai de
ce qu'il croit faux. C'est lui qui a fourni la
partie la plus considérable de l'ouvrage in-
titulé Folie des astrologues. Les opinions de
Lilly et sa prétendue science avaient tant de
vogue dans son siècle , que Gataker fut
obligé d'écrire contre celle déception popu-
laire.
Parmi un grand nombre d'écrits ridicules
dont le litre indique assez le sujet, nous ci-
terons de Lilly : l' le Jeune Anglais Merlin,
Londres, 1664; 2° le Messager des étoiles,
1645; 3° Recueil de prophéties, 1646.
LIMAÇONS. Les limaçons ont de grandes
propriétés pour le corps humain, dit l'auleur
(1) De Vila sua, lib I, op. 11.
(2) D. Calmet, Dissertation >ur les apparit, lom. Il,
e. 74.
des Secrets d'Albert le Grand, et il indique
de suite quelques jocrissades.
Beaucoup de personnes doutent si les li-
maçons ont des yeux. On s'est guéri de co
doute par le secours des microscopes : les
points ronds et noirs de leurs cornos sont
leurs yeux, et il est certain qu'ils en ont
quaire.
LIMBES. C'est le mot consacré parmi les
Ihéologiens pour signifier le lieu où les âmes
des saints patriarches étaient (iclonues en
altendant la venue de Jésus-Christ. On don-
ne aussi le nom de Limbes aux lieux où
vont les âmes des enfants moris sans bap-
tême.
LIMYRE, fontaine de Lycie qui rendait
des oracles par le moyen de ses poissons.
Les consultants leur présentaient à manger;
si les poissons se jetaient dessus , le présage
élait favorable ; s'ils le refusaient, surtout
s'ils le rejetaient avec leurs queues , c'éiait
un mauvais indice.
LINURGUS, pierre fabuleuse qui se Irou-
vait, dit-on, dans le fleuve Achéloùs. Les an-
ciens l'appelaient lapis lineus. On l'enve-
loppait dans un linge, et lorsqu'elle devenait
blanche, on se promettait bon succès dans
ses projets de mariage.
LION. Si on fait des courroies de sa peau,
celui qui s'en ceindra ne craindra point ses
ennemis ; si on mange de sa chair, ou qu'on
boive de son urine pendant trois jours, on
guérira de la fièvre quarte Si vous por-
tez les yeux de cet animal sous l'aisselle,
toutes les bêtes s'enfuiront devant vous en
baissant la télé (3).
Le Lion est un des signcsduzodiaque. Voy.
Horoscopes.
Le diable s'est montré quelquefois sous la
forme d'un lion, disenl les démonogrnphes.
Un des démons qui possédèrent Elisabeth
Blanchard est désigné sous le nom du lion
d'enfer. Voy. Messie des Juifs.
LISSI, démon peu connu qui posséda De-
nise de La Caille, et signale procès-verbal
d'expulsion.
LITANIES DU SABBAT. Les mercredis et
vendredis on chantait au sabbat les litanies
suivantes, s'il faut en croire les relations :
Lucifer, Belzébulh, Léviathan, prenez pi-
tié de nous.
Baal, prince des séraphins; Baaibérith,
prince des chérubins; Aslarolh, prince des
trônes ; Rosier, prince des dominations ; Car-
reau , prince des puissances; Bélias, prince
des vertus, Perrier. prince des principautés,
Olivier, prince des archanges ; Junier, prince
des anges; Sarcueil, Fume-Bouche, Pierrc-
de-Fcu, Carniveau, Terrier, Goutellier, Can-
delier, Béhémoth, Oilette, Belphégor, Saba-
than, Garandier, Dolers , Pierre-Fort , Axa-
phat, Prisier, Kakos, Luccsme , priez pour
nous (4).
Il faut remarquer que Satan n'est pas in-
voqué dans ces litanies, non plus qu'une
foule d'autres.
(3) Admirables secrets d'All)ert le Grand, p. 109,
(4) M. Garincl, Hist. de la magie en France.
ion
DiCTlONNAlRE DES SCIENCES OCCULTES.
ior2
LITHOMANCIE, divination par les pierres.
File se faisait au moyen de plusieurs cail-
loux qu'on poussait l'un contre l'autre, et
dont le son plus ou moins clair ou aigu don-
nait à connaître la volonté des dieux.
On rapporte encore à cette divination la
superstition de ceux qui croient que l'amé-
ihyste a la vertu de faire connaître à ceux
ijui la possèdent les événements futurs par
les sonj;es.
On disait aussi que, si on arrose l'amc-
llijste avec de l'eau, ei qu'on l'approche de
l'aimant, elle répondra aux questions qu'on
lui fera, mais d'une voix faible comme celle
d'un enfant (1)...
LITUUS , baguette d'augure , rrcourbée
dans le bout le plus fort et le plus épais. Le
liluus dont on fil usage à l'élection de Numa,
second roi de llonie , était conservé dans le
lemple de Mars. On conte qu'il fut trouvé
entier après l'incendie général de Uome (2).
LIVRES. Presque tous les livres qui con-
tiennent les secrets merveilleux et les ma-
nières d'évoquer le diable ont été attribués à
de grands personnages. Abel, Adam, Alexan-
dre , Albert le Grand , Daniel, Hippocrate,
Galien, Léon ill, Hermès, Platon, saint Tho-
mas, saint Jérôme, passent, dans l'idée des
imbéciles, pour auteurs de livres magiques.
La plupart de ces livres sont jninlelligi-
Itles, et d'autant plus admirés des sots qu ils
eu sont moins entendus. Voyez à leurs noms
les grands hommes auxquels on attribue les
livres magiques.
LeLivre desprodiges, ouUlsMres et Aven-
tures mervcilleiists et remarquables de spec-
tres, revenants, esprits, fantômes, dé-
mons, etc., rapportées par des personnes di-
gnes de fui. 1 vol. in-12, ô*" édition , Paris,
1821 ; — compilation sans objet. Voy. Mira-
bilis Liber.
LIZABEÏ, démon. Voy. Colas.
LOCKI. Chez les Scandinaves, les tremble-
ments de terre é!aient personnifiés dans un
dieu, un dieu mauvais , un démon nommé
Locki. Après avoir répandu le mal dans toute
la Scandinavie, comme un semeur une grai-
ne, Lucki fut à la fin enchaîné sur des roches
aiguës. Lorsqu'il se retourne, ainsi qu'un
niuiade, sur son lit de pierres coupantes, la
terre tremble ; lorsqu'il écume et répand sur
ses membres sa bave, qui est un poison,
ses nerfs entrent eu convulsion, et la terre
s'agite (3).
LOFAKDE , sorcière qui fut accusée , en
1582 par sa compagne, la femme Gantière,
tic l'avoir menée au sabbat, où le diable
lavait marquée, lequel était vêtu d'un hila-
ret jaune.
LOKMAN, fabuliste célèbre de l'Orient
qui vivait, dit-on, vers le temps de David,
1 e qui n'est pas certain ; il fut surnommé le
iiage. Les Perses disent qu'il trouva le secret
de faire revivre les morts, et qu'il usa de ce
sicrel pour lui-même ; ils lui accordent une
longévité de trois cents ans ; quelques-uns
prétendent qu'il en vécut mille.
ilaires, t. I", p. \m.
supcnlilions, t. II, p. 591-
(1) IJrowii, Erreurs populair
ij|Lel>ruii, Traité des supc
Il a laissé un grand nombre d'apologues
qui jonissonl d'une grande célébiilc. Le»
écrivains de l'Asie réclamenl pour lui la plu-
part des actions que les Grecs attribuent à
Esope.
LOLLARD (Gauthier), hérétique qui com-
mença en 1315 à semer ses erreurs, qu'il
avait prises des Albigeois. Il rnsrignait que
les démons avaient été chassés du ciel in-
justement, qu'ils y seraient un jour rétablis,
et que saint Michel et les antres anges se-
raient alors éternellement damnés, il prê-
chait des mœurs corrompues. Ses disciples
firent beaucoup de mal ; pour lui , il fut
brûlé à Cologne en 1322.
LONGÉVITÉ. On a vu, surtout dans les
pays du nord, des hommes qui ont prolongé
leur vie au delà des termes ordinaires. Cette
longévité ne peut s'attribuer qu'à une cons-
titution robuste, à une vie sobre et active,
à un air vif et pur. 11 n'y a pas cinquante ans
que Kolzebue rencontra en Sibérie un vieil-
Lird bien portant, marchant et travaillant
encore, dans sa cent trente-deuxième année.
Des voyageurs, dans le Nord, trouvèrent au
coin d'un bois un vieillard à barbe grise qui
pleurait à chaudes larmes. Ils lui demandè-
rent le sujet de sa douleur: te vieillard ré-
pondit que son père l'avait battu. Les voya-
geurs surpris le reconduisirent à la maison
paternelle, cl intercédèrent pour lui. Après
quoi, ils demandèrent au père le motif d(> la
punition qu'il avait infligée à son fils. — Il a
manqué de respect à son grand-père, ré-
pondit le vieux bonhomme.
Les chercheurs de merveilles ont ajouté les
leurs à celles de la nalure. ïorquemada
conte qu'en 1531 un vieillard de Trente, âgé
de cent ans , rajeunit et vécut encore cin-
quante ans; clLangius dit que les habitants
de l'île de Bonica en Amérique peuvent
aisément s'empêcher de vieillir, parce qu'il
y a dans cette île une fontaine qui rajeunit
pleinement. Voy. Haquin.
Lorsque l'empereur Charles-Quinl envoya
une armée navale en Birbarie, le général
qui commandait cette cxpéililion passa par
un village d« la Calabre où presque tous
les paysans étaient âgés de cent trente-deux
ans, et tous aussi sains et dispos que s'ils
n'en avaient eu que trente. C'éiail, disent les
relations, un sorcier qui tes rajeunissait.
En 1773 mourut, près de Copenhague , un
matelot nommé Drakenberg, âgé de cent
quarante-six ans : la dernière fois qu'il se
maria il avait cent onze ans, et il en avait
cent trente quand sa femme mourut. Il de-
vint épris d'une jeune fille de dix-huit ans
qui le refusa ; de dépit, il jura de vivre gar-
çon désormais, et il tint parole.
En 1(570, sous Charles H, mourut dans
l'Yorkshire Henri Jenkins, né en loOl, sous
Henri VU. H se rappelait à merveille d'avoir
été de l'expédition de FlandresousHenri VIll,
en 1513. 11 mourut à cent soixante-neuf ans
révolus , après avoir vécu sous huit rois ,
sans compter le règne de Grooîwcll. Son der-
(3) M. DiUroii, Histoire du diable.
te 13
LOIS'
nier méticf clail celui de pécheur. Agé de
plus de cent ans, il traversait la rivière à la
iiiagp. Sa peiite-fille mourut à Cork à cent
Jircize ans. Voy. Arthephius , Dormants ,
Fi.AMEL, Jean dEstampes , Lokman, Zo-
HOASTRE, etc.
EXTRAIT d'un livre INTITULÉ : Histoire des
personnes qui ont vécu plus d'un siècle, et
de celles qui ont rajeuni, avuc le secret dit
rajeunissement, tiré d'Arnauid de Ville-
neuve, par M. de Longeville-Har court
[nous ne connaissons pas cet écrivain). Vol.
petit in-12, Paris, 1716.
I.
Dieu, qui s'était occupé de lui-même du-
rant l'éternité , résolut de tirer du néant des
créatures capables de le louer. 11 forma
l'homme à cet effet, et ce vaste univers des-
tiné pour son apanage fut aussitôt soumis à
ses lois. L'homme, dès l'instant de sa créa-
tion , fut doué d'une immortalité qui répon-
d lit à l'avantage d'être sorti de la main de
Dieu. Cétait le moyen de posséder pleine-
ment les biens dont il était comblé, pourvu
i|u'il restât fidèle à ses dovoirs.
Celle immortalité dépendait de l'innocence
où notre premier père devait demeurer.
L'arbre de vie, qui était au milieu du para-
dis terrestre, la devait conserver ; il avait
la force de réparer les dégâts du temps qui
use tout.
Dans l'état d'innocence, l'homme ne lais-
sait donc pas d'être composé de parties dont
les qualités contraires lui (louvaient nuire.
La chaleur naturelle qui le faisait vivre dé-
vorait son humide radical; en vain usait-il
d'aliments plus nourrissants que les nôtres,
il avait besoin de réparer les désordres que
causait ce feu qui le consumait intérieure-
ment; et comme la Providence n'abandonne
pas même l'homme criminel, elle avait pré-
paré pour l'homme innocent l'arbre de vio.
Dans celte situation fortunée, où l'homme
n'était occupé qu'à louer Dieu, quelque temps
qu'elle eût duré, cet homme toujours jeune
avait en même temps les avantages de la
vieillesse sans en éprouver les disgrâces ; sa
raison possédait les lumières qu'il lui fallait
pour se bien conduire, et il n'avait pas be-
soin d'affaiblir son corps par l'application à
l'étude, afin de rendre son esprit supérieur :
ces deux parties de lui-même , également
innocentes, ne formaient, à l'envi l'une de
de l'autre, aucuns désirs opposés ; toutes
deux semblaient agir de concert pour la fé-
litilé de la créature.
L'une des principales merveilles de l'arbre
de vie était donc de préserver 1 homme de la
mort. Il unissait si étroitement l'âuie avec le
corps , que le nombre des années ne les eût
pu séparer, si l'innocence eûl toujours sou-
tenu leur intelligence et prévenu leur divi-
sion.
Division funeste que causa l'égarement
du premier homme; dès ce moment son
crime le rendit mortel ; ses yeux s'ouvrirent
sur son infortune; sa nudité, jusqu'alors
innoccnle, lui fit scnlir qu'il élait devenu
tO.N KM
coupable en mangeant du fruit de l'arbre de
la science du bien et du mal ; il en perilil le
rare privilège de l'immortalité ; l'arbre de
vie lui fut ravi.
Comme Adam n'était pas tant immorlel par
sa propre conslitulion que par un secours
emprunté, afin que la nécessité de l'employer
lui apprit qu'il en devait l'avantage à la
pure libéralité de son Créateur, sitôt que ce
secours manqua, il fut trop faible pour se
soutenir par lui-même ; l'innocence l'ayant
abandonné, tout concourut à sa desiruction :
sa perte fut arrêtée, l'ange exterminateur le
chassa du paradis terrestre; il perdit son
autorité sur tout ce qui était créé ; les bêtes
qu'il avait nommées lui-même le méconnu-
rent. Sa désobéissance lui avait fait perdre la
sainteté et la justice, dans lesquelles il avait
été formé ; son corps fut soumis à la mort ;
mais par la bonté de Dieu son âme resta im-
mortelle.
L'homme ne connut sans doute le prix do
l'imraortiilité qu'après l'avoir perdue ; et
comme la privation excite les désirs, cette
perte lui donna l'envie d'en recouvrer au
moins quelque chose.
La crainte de mourir et le désir de vivre
furent, depuis celte sensible perle, les pas-
sions les plus naturelles à l'homme ; il
tremble de finir avant d'avoir à peine com-
mencé d'être. Il désire de perpétuer ses jour^
sans en comprendre le peu de durée, et dé-
sespérant d'y réussir par lui-même, on le
voit appliqué à s'en dédommager, essayant
au moins d'immortaliser son nom par la
célébrité de ses actions.
Ainsi les pères souhaitent des enfants
pour revivre dans les temps futiirs par leur
postérité ; les savants écrivent pour tromper
l'oubli par la répulation de leurs ouvrages ;
les princes élèvent des palais et bâtissent des
villes, pour êlre encore célèbres après la
mort par leur magnificence ; et les conqué-
rants ne désolent runiver.<; que pour s'éta-
blir une renommée jusque dans le sein mémo
de l'horreur et du carnage.
C'est la pensée de ïerluUien , lorsqu'il a
traité des désirs que nous ressentons pour
l'immortalité. Il dit que celle passion qui
nous est resiée pour une durée sans fin,
est une preuve certaine de notre origine im-
mortelle.
Les physiciens ajoutent que l'homme ayant
été créé pour l'immortalité, il lui en esi resté
un principe qui ne saurait êlre détruit Celle
opinion les persuade que le corps humain
renferme une source inépuisable d'un baume
capable de faire recouvrer celle longue vie ;
ils disent qu'il est dans le sang, dans le lait,
dans la graisse, dans les us, dans la cer-
velle, dans le crâne, dans le fiel.
Beker, fameux médecin , soutient que Dieu
ayant mis dans la plupart des bêles une infi-
nité d'excellents antidotes , comme dans le
cerf, la vipère, le loup, le lièvre, le renard ,
et même dans les pierres où nous éprouvons
des vertus amulétiques , telles que le jaspa
qui arrête le sang, le saphir qui préserve la
vue dans la petite vérole, et la pierre néphré-
§01"
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
10! G
tiquo qui soulage les reins, il a plu à sa bonté
d'en répandre aussi dans le corp9 humain.
Klles les surpassent môme aulant que la
rréalure raisonnable surpasse par sa dignité
tous les êtres créés.
L'Iiomme en effet fut destiné pour élre le
roi de la nature. Son âme, la plus noble par-
tic de lui-même, restée immortelle el l'éga-
lant aux anges , communique à son corps
cette majesté qui brille encore sur son visage.
C'est ce qui fait croire que le corps humain
doit avoir mille vertus qui lui sont resléos de
ses anciennes prérogatives. Les théologiens
conviennent qu'il renferme un principe de
vie, parce qu'il était originairement immor-
tel : le péché , qui l'a depuis assujetti à la
mort, l'a privé de ce premier avantage à l'é-
gard du corps, sans néanmoins anéantir sa
nalure, et sans donner atteinte à l'immorta-
lilé de son âme.
Ce n'est pas que le corps de l'homme eût
toujours subsisté sur la terre; Dieu ne l'avait
mis dans le jardin de délices que pour le cul-
tiver et pour le garder. Le premier homme
y devait travailler à sa sanctiOcation par sa
fidélité cl par ses adorations. Alors, confirmé
dans son innocence et pénétré du désir de
posséder son Dieu, une douce extase l'eût
ravi au ciel. Dans ce brillant séjour que no-
Ire esprit, selon saint Paul, ne saurait com-
prendre, l'âme, aidée dune faveur surabon-
dante , eût glorifié son corps; bonheur dif-
féré pour nous jusqu'après la résurrection.
11 y a là une preuve que cette immortalité
n'est pns absolument perdue; les miséricor-
des divines l'ont seulement suspendue pour
ceux qui seront fidèles. Ainsi la prérogative
d'une durée éternelle n'a été qu'interrompue
et non pas éteinte; les sacrements de l'Eglise
(ont chaque jour renaître l'homme à la grâce
pour le faire véritablement revivre dans
toute l'éternité.
Mais il faut avouer que l'homme a beau
désirer aujourd'hui cette immortalité éga-
rée, tout fuit et tout passe avec lui; la perte
de son innocence fut le terme de son bon-
heur. Le péché originel, qui depuis a infecté
toute la masse du genre humain, n'est effacé
que par le secours inespéré du baptême.
La mort toutefois ne fut pas si prompte à
enlever les premiers hommes qui habitèrent
la terre, puiscju'il s'en trouva qui l'habitè-
rent neuf siècles et au delà.
On peut dire , à la vérité, que la terre,
alors toute nouvelle, se ressentant de la bé-
nédiction de son créateur, était animée par
des esprits plus vifs et remplie de sucs bien
plus nourriss.inis qu'après le déluge. Les
principes de sa fécondité étaient encore en-
tiers, rien n'en avait altéré la bonté ; les
racines et les fruits, qui faisaient les seuls
aliments de l'homme, renfermaient toute la
vertu de leur espèce.
Après le déluge, la terre trop imbibée, ses
sels plus détrempés qu'il ne convenait, et
les plantes ne tirant leur substance que d'un
fonds altéré par le trop long séjour des eaux,
n'eurent ni d'égales saveurs , ni de sembla-
bles (jiialités ; l'homme , n'y trouvant plus
une nourriture solide, dut avoir recours aux
animaux. Noé en immola sur l'autel qu'il
éleva au vrai Dieu en sortant de l'arche , et
son sacrifice fut agréable
Alors, par l'ordre du Seigneur, l'homme
commença à vivre de la chair des bêtes.
Nourrissez-vous de tout ce qui a vie el mot«-
vcmenl, dit le Seigneur. Peut-être celle sorte
d'aliments composés de chair et de sang, fut
moins salutaire aux corps accoutumés aux
fruits et aux racines. C'est l'avis des physio-
logistes. Qui sait si la vie n'en lut pas abré-
gée? La diversité des viandes est dangereuse
à la santé, leurs différents sucs nuisent à
leur digestion et portent dans les veines un
principe de corruption qui devient aisément
il! levain des maladies aiguës. C'est peut-êlro
ce qui engagea bien des nations à s'en pri-
ver : les Perses, les Grecs, les Romains, et
jusqu'aux Gaulois, nos ancêtres, issus de Ja-
phet, fils de Noé, en fournissent des exem-
ples certains. La plupart des peuples de l'O-
rient ne se servent que de riz; les Ecossais,
les Islandais et les Irlandais ne vivent pres-
que que de laitages.
On sait que le paradis terrestre ayant él6
planté d'arbres dont les fruits devaient nour-
rir l'homme pendant qu'il n'avait pas appris
à vivre pour manger, mais à manger pour
vivre, ce serait se déclarer contre cette sage
abstinence, dans laquelle on employait seu-
lement les fruits de la terre, son lait, son
mielel son huile, que d'en manger sans né-
cessité les animaux. Les hommes trop car-
nassiers en tirent leur force, disons en même
temps celte férocité qu'une pareille nourri-
ture pourrait bien communiquer à ceux qui
ont tant d'appétit pour s'en engraisser. Pj-
Ihagore, qui vivait 53'* ans avant Jésus-
Christ, défendait aux disciples de son école,
à Samos et à Tarente, l'usage de toutes sortes
de viandes : l'immortalité de l'âme, qu'il en-
seignait par la métempsycose, fut l'orijinc
de cette défense; c'est pour la soutenir que
ces vers furent composés :
lieu! quanlumscelus est, in viscère viscera condi,
Congestoque avidiim piiiguoscere corpore corpus;
Alteriusque aiiiaianlem, aiiim:iDlis vivere lellio.
Quel crime d'enfermer des viscères d.ins
d'autres viscères, d'engraisser un corps af-
famé en y entassant les morceaux d'un au-
tre corps, et de faire vivre une chose animée,
au prix d'une autre à qui on a donné la
mort!
II. — Durée de la vie des hommes dans le pre-
mier âge du monde, depuis la création jus-
qu'au déluge.
Il est certain que depuis la création du
monde jusqu'au déluge, qui abîma la nalure,
et que les chronologisles marquent vers
l'an 1656 de la création, 2307 ans avant Jésus-
Christ, et la 600' de Noé, les hommes vivaient
très-longtemps par rapport à ce qu'ils ont
vécu depuis.
Ou la nature est devenue plus faible, ou
Dieu avait jugé qu'une longue vie était né-
cessaire pour peuper l'univers, et pour trou-
ver les sciences et les arts : c'est ce qui pour-
1017
LON
LUN
mn
rail avoir é(é cause que les premiers hom-
mes onl vécu plusieurs siècles.
Adam, le chef de la race humaine, a vécu
9.30 ans, Selh 912. Enos 903, Gaïnan 919,
Walaleel 895, Jared 962, Enoch 36:i.
On nous laisse douier si ce patriarche est
mort; Dieu, selon quelques auteurs, le ré-
serve pour rassembler les justes lorsqu'ils
seront dispersés par l'Antéchrist.
Le 2'v verset du chapitre v de la Genèse
porte que ce patriarche ne parut plus, parce
que Dieu l'enleva.
Maihusalrm a vécu. 969 ans.
C'est celui des hommes dont la Providence
a le plus éiendu les jours.
Sur la fin de ce premier âge, Dieu résolut
d'exterminer la race des hommes, devenue
crimiurile et infâme. Alors la vie humaine
fut ahrégée. Dieu se repentit en quelque fa-
çon d'avoir créé l'homme; son amour ou-
tragé par lingralitude , selon Hugues de
Sainl-^ ictor, ne donna que 120 ans à la créa-
turc, pour sortir de ses crimes, ou se dispo-
ser à un déluge universel.
Ces 120 ans jettent dans l'erreur ceux qui
veulent qu'ils aient été marqués pour le
terme de la vie de tous les hommes en géné-
ral, au lieu de l'avoir été seulement pour la
durée du monde d'alors, à qui ce peu d'an-
nées était donné. Noé les employa, par ordre
du Seigneur, à bâtir l'arche qui devait con-
server le genre humain épuré. Des huit per-
sonnes renfermées dans cette arche sont
également sortis tous les hommes, les mo-
narques et les bergers, les riches cl les pau-
vres.
Noé, le restaurateur de la nature, ainsi
que l'appellent des interprètes sacrés, avait
O'JO ans lorsque le déluge arriva ; il en vécut
depuis 350, preuve certaine que les 120 ans
tombaient absolument sur le terme donné à
la créature pour sortir de ses égarements, et
non pas sur l'homme innocent, ou sur celui
qui n'était pas encore né. En effet nous appre-
nons de la Gi'nèse que plusieurs de cem qui
vécurent après le déluge onl passé bien plus
de 120 ans sur la terre. Le chapitre suivant
l'exposera.
III. — Durée de la vie des hommes dans le
second âge du monde, depuis le déluge jus-
qu'à Abraham.
Les eaux du déluge, qui puriOèrenl le
monde l'an 1656 de la création, tombèrent
quarante jours et quarante nuits sur la terre;
elles s'y conservèrent 130 jours, après les-
quels elles commencèrent à diminuer; cl la
terre ensuite devint sèche: ces eaux avaient
surmonté de quinze coudées les plus hautes
montagnes, et toute la nature en avait été
bouleversée. La terre parut depuis avoir
moins de force dans ses productions ; il n'est
donc pas surprenant que l'homme en ait
senti l'altération, et que le cours de sa vie
en ait été abrégé. Malgré toutefois celte ré-
volution de l'univers, nous ne laissons pas
de trouver que les jours de l'homme passè-
nnl encore bien au delà des 120 ans.
Sem.fils aine de Noé, a depuis vécu 600 ans.
Arphaxat 338, Salé W3, Héber Wi, Phaîc"
239, Reu 239, Sarug 230, Nachor 148, ci
ïharé 203.
Il semble qu'à mesure que le monde vieil-
lissait la terre perdait peu à peu de sa
vigueur.
Le troisième âge du monde ne donne à
l'homme que des années toujours plus
courtes.
IV. — Durée de la vie des hommes dans le troi~
sième âje du monde, dejiu's Abraham.
Abraham, le père des croyants, fils do
Tharé, ne vécut que 173 ans;Sara, sa femme,
127 ;Ismaë!, fils d'Agar, servante de Sara, 137.
Isaac vécut lSOans,.Iosèplie dit 185; Jacob,
fils d'Isaao, 1V7; Joseph, fils de Jncob et de la
belle llachel, 110. H gouvernaiU'EgypIe l'an
1750 avant Jésus-Christ.
Enfin la vie de Job, cet homme d'une pa-
tience admirable, s'étendit jusqu'à 217 ans,
1300 ans avant l'incarnation du \ erbe.
V. — Des rois et des princes qui ont vécu plus
d'un siècle.
Fohi, fondateur de l'empire de la Chine,
1003 ans environ avant Jésus-Christ, quoi
qu'en disent les chronologies fabuleuses do
l'empire du Milieu, régna, dit-on, 115 ans..
C'est lui qui prit un dragon dans ses éten-
dards.
Zénung , qui établit dans ce pays l'agri-
culture et la médecine, régna HO ans.
Hoamti régna 110 ans; c'est lui qui pritlo
jaune pour la couleur des empereurs chinois.
Yao régna 100 ans, il fut pieux et libéral;
son empire fut affligé sous lui d'un déluge
partiel qui dura neuf ans, et ruina presque
toute la Chine. Dans toutes ces chroniques
incertaines on voit des souvenirs altérés do
l'Ecriture sainte.
Apaphus le Grand, roi de Thèbes aux cent
portes, dans la basse Egypte, régna 100 ans,
l'an 22i8 du monde.
Phiops, roi de Memphis, dans la basse
Egypte, régna aussi 100 ans ; il en avait six
lorsqu'il monta sur le trône.
Anliochus IV, surnommé Epiphanes, mou-
rut à l'i^9 ans.
Homère vante Nestor, fils de Nélée et de
Chloris, lequel avait (si vous voulez bien le
croire) 300 ans au siège de Troie en Phrygie,
l'an 2810 ans du monde, et 1184 avant Jésus-
Christ.
Tarquin le Superbe, dernier roi de Home,
vécut en parfaite santé 90 ans, selon Lu-
cien.
Agathocle, roi de Sicile, vécut 95 ans,
Hicron, roi de Syracuse, 92 ans.
.\nthoas, roi de Scythie, 90 ans, et fut ttiô
dans une bataille contre Philippe, père d'A-
lexandre.
Bardyles, roi des Illyriens, vécut le même
âge, et mourut de la même manière.
Terée, roi des Odrysiens, 92 ans.
Antigonus. roi de Macédoine, surnommé
le Borgne, 81 ans; il mourut dans un com-
bat contre SéleucuselLysimachus en Phrygie.
Ptolomée, fils de L.igus, vécut 80 ans.
Altalus, sou successeur, 82.
1019
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
WIO
Mitliiiilnlo, roi de Ponl, SV.
Aii;irales,roi de Cappadoce, 82; Penliccas,
•lui l'yvait pris dans un coinbal, le fit pendre
à cel âge.
Artaxerxès Mnemon vécut 9V ans.
Synarlhocle, roi des Parlhes, vint au trône
à ^"0 ans, et mourut à 87.
Tigrannes, roi d'Arménie, à qui LucuKus
fil la guerre, vécut 85 ans.
Hispasme, roi des Caraciens, vers la mer
Ronge, aussi Soans.ïerée, son successeur,
92, et Arlabaze , successeur de Terée, com-
mença son règne à 86.
Mnascire,roi dcsParthes, parvint àOGars.
Massinissa, roi de Numidie, à 90 ; il eut
un nis à l'âge du 86 ans, tant su santé était
robiiSte.
Azandre, qu'Auguste nomma roi du Bos-
|)l)ore, combattit à pied et à cheval à 90 ans ;
il se laissa mourir de faim du déplaisir d'a-
voir déplu à Auguste.
Goése, roi des Ommaniens, dans l'Arabie
Heureuse, mourut à 115 ans; tout cela sui-
vant ce que rapporte le même Lucien.
Tuisco , premier roi des Germains, selon
Tacite, parvint à l'âge de 173 ans.
Juvénal dans sa dixième satire parle d'un
prince nommé Pélius qui a vécu plusieurs
siècles.
Pline assure qu'un roi d'IIIyrie nommé
Daddon avait vécu 509 ans; il ajoute qu'il
n'éprouvait aucune des incommodités de la
vieillesse, peut-être par ses allentions à les
prévenir.
Xénophon est encore plus libéral, donnant
800 ans à l'un des rois latins, au père duquel
il en assure 600.
Cyrus le Grand, roi de Perse, vécut un
siècle.
Anacréon rapporte que Cyniras, roi de
Chypre, qui ruina ses Etats pour s'enrichir,
a vécu 160 ans, et qu'Arganthonius, roi des
Tartasses en Espagne, en a vécu 130. Silius
Italiens lui on donne 300.
Gordien l'Africain fut salué empereur
après l'âge de 80 ans, l'an 241 de notre salut.
Bonfinius écrit qu'Attila, qui vivait dans
le cinquième siècle, parvint à 124. ans, et
qu'il mourut d'excès aux fêtes de ses secon-
des noces. 11 se nommait le Fléau deDieu,à la
différence de Cosroès, roi des Perses, qui se
qualifiait le Salut des hommes.
Priniislas, villageois ou paysan qui, ma-
rié par le sort à Libussa, fille de Crocus, duc
de Bohême, vers l'an 620, succéda à ce
duché qu'il gouverna sagement près de 50
* ans, vécut un siècle, et fut le premier roi de
ce pays.
\ Piast, paysan de la Crusvicie en Pologne,
ri qui en fut élu prince en 821, après que
Poppiel II eut été mangé par les rats avec sa
femme et ses enfants, vécut 120 ans; il gou-
verna ses sujets avec une douceur extrême.
1-a postérité de Piast n'a fini que dans la per-
sonne de Casimir II dit le Grand.
Alphonse I", fils du comte Henri, issu de
llobert, roi de France, a vécu 91 ans ; il en
régna 46 dans le onzième siècle, on qualité
d( premier roi de Portugal.
W. — Chefs (les peuples et généraux d'armées
qui ont vécu plus d'un siècle.
Amrani, père de Moïse et d'Aaron, vécut
137 ans.
Moïse, selon qu'il est rapporté au chapitre
xxxi (tu Dentéronome,nc mourut qu°^120an$.
Aaron, fils de Nun, à 110.
Joïada, à 130.
ïobie, à 102.
Mardochée, oncle dEslhcr, à 197.
Lucius Metellus, à 103.
Marcus Perpenna remplit un siècle entier.
Valère Maxime nous offre Marcus Vale-
rius Corvinus, âgé de 100 ans, pour un
grand consul, un habile républicain, un la-
boureur expérimenté , un excellent citoyen;
et ce qui comble tous les éloges, pour le
meilleur père de famille, selon Galon.
Xénophon, le capitaine et l'bislorien do
la retraite des dix mille Grecs (qu'il ramen.i
de Perse en Grèce après la mort du jeune
Cyrus, tué par son frère Artaxerxès 400 ans
avant notre rédemption ), passa l'âge de 9J
ans, malgré les fatigues de la guerre et l'ap-
plication à l'étude.
Pour nous rapprocher de notre temps, Al-
bert, ducdeSase, a vécu 102 ans.
François-Albert, comte deVignacourt, en-
voyé de France à Vienne en Autriche, y
mourut à 103 ans, le 6 juin 1700, sur la pa-
roisse des Ecossais, suivant son extrait fu-
néraire. Ce seigneur remplissait encore son
ministère avec toute la dextérité qu'on pou-
vait attendre du génie le plus élevé dans la
négociation.
VII. — Bes savants qui sont parvenus à de
très-grands âjes.
Epiménide, de l'île de Crète, selon ThéO-
pnmpe, a vécu 157 ans. D'autres disent 299.
Hippocrate, prince des médecins, 104 ans.
Orbilius, du temps de Cicéron, avait 100
ans.
Euphranor enseignait ses écoliers à 100
ans.
Demonax , sous Adrien , mourut à 100
ans.
Galion, le médecin célèbre, a vécu dans
une parfaite santé 104 ans. Il ne mangeait
rien qui ne fût cuit, et ne salisfil jamais en-
tièrement sa faim, ni sa soif; d'où son ha-
leine se conserva toujours très-douce. Il a
donné un traité de la manière de se con-
server en sanlé; et il l'observa si précisé-
ment, qu'il n'eut aucune infirmité dans toute
sa vie.
Eginius a passé jusqu'à 200 ans.
Démocrite mourut d'abstinence mal ré-
glée à 104 ans. Interrogé de quelle manière
il était parvenu à cet âge avec une bonne
santé, il répondit que c'était en mangeant
du miel, et en se frottant le corps d'huile.
Solon, Thaïes cl Pittacus, trois sages dr
la Grèce, vécurent chacun 100 ans.
Zenon, chef des stoïciens, vécut 98 ans.
Cléanle, son disciple, 99.
Diogène arriva à l'âge de 88 ans,
Platon, à 81.
ion
LO.N
LOIS
I0i:2
AIhénodorc, précepteur «l'Auguste, à 82.
Nestor, précepteur de Tibère, à 92.
Ciesibius, historien, mourut en se prome-
nant, à 124 ans.
Hicronyme, cnpilaine sous Antigonus le
Borgne, mourut à lO't ans.
Timée Tauroémnile, à 93.
Aristobule de Macédoine, à90. Il avait com-
mencé son Histoire à l'âge de 8Ï ans, comme
il le dit dans sa préface.
)'olémon, pnëte, cessa de vivre à 97 ans ;
et il mourut à force de rire , pour avoir vu
un âne manger des Ogues qu'on avait servies
sur sa table.
Sophocle, poëte tragique d'Athènes, fut
étranglé par un grain de raisin à 130 ans.
L'un de ses enfants qui en avait 85, l'ayant
accusé de démence , Sophocle lut devant les
juges des vers qu'il avait composés depuis
peu, et ensuite leur dit :
Si je suis Sophocle, je ne suis pas en dé-
lire ; ou si je snis en délire, je ne suis pas
Sophocle. (Erasm., 1. Vlll Apopht.)
Soi rate l'orateur parvint à 106 ans, et
Gorgias Lcontinus à 108.
Asclépiade, médecin de Pruse, était si vi-
vacc, qu'il serait peut-être encore en vie.
sans une chute qui termina ses jours à 150
ans. Il était si certain, dit-on, des principes
de la science par laquelle il prolongeait sa
vie (quoique appuyée sur les conjectures et
sur l'expérience) , qu'il consentit à passer
pour un ignorant , s'il était attaqué de la
plus légère indisposition. C'est lui qui le
premier employa le vin consme remède pour
la santé, au contraire d'Androcide : ce der-
nier écrivait à Alexandre que le vin était le
sang de la terre, mais le poison de l'homme
lorsqu'il en usait au delà de ses besoins.
Ce conquérant en fit la triste épreuve un
vingt-deuxième de mai, 303 ans avant notre
salul. Les astronomes chaldéens lui avaient
en vain prédit d'éviter Babylone, il y mou-
rut à 33 ans, n'y faisant que manger, boire
et dormir. Sortant un jour d'un festin où il
avait excessivement bu (car Alexandre était
un fameux prince, et l'un des plus grands
ivrognes), un médecin l'invita à lui faire
l'honneur d'entrer chez lui goûter son vin.
Le vainqueur de l'Asie y défia avec une
coupe de vin tenant quatre litres, un certain
Prolhéus, grand buveur, quoiqu'il ne fût ni
Allemand ni Suisse. Cet homme, charmé de
la préférence que lui donnait Alexandre sur
toute la compagnie, lui fit à l'instant raison ;
et, remplissant aussitôt le même verre, défia
le roi de redoubler. Le monarque voulait
partout vaincre; il but: mais son estomac
ne pouvant garder le vin dont il le noyait
par une vanité hors de saison , la coupe fa-
tale tomba de ses mains, une violente fièvre
le saisit et l'emporta le douzième jour. Ainsi
le vin l'empoisonna pour en avoir trop pris,
comme lui avait écrit Androcide.
Juvénal, poëte latin du premier siècle,
vécut plus de 100 ans ; il en avait 50 lors-
qu'il composa sa seizième satire contre
Paris, l'un des comédiens de Néron.
Gralinus, autre poëte fameux, selon la
qualriènie satire du premier livre d'Horace,
était âgé de près d'un siècle, lorsciu'il expira
de douleur en voyant un tonneau rompu ,
et le vin qui s'en répandait.
Aristarqiie,poëtedeTégée enArcadic,sous
Plolomée Philadelphe, passa l'âge de 100
ans. C'est lui qui disait : Je ne puis écrire
ce que je voudrais, et je ne veux pas écrire
ee que je pourrais.
Pacuvius, neveu d'Ennius, mourut dans
ïarenle à près de 100 ans.
Varron, le plus savant des Romains , et
l'intime de Cicéron, à qui il dédia son livre
de la langue latine, et que l'on dit avoir
composé plus de 500 volumes, vécut aussi
près d'un siècle.
Carnéades d'Athènes, que Cicéron et Caton
cstiuinient l'homme du monde le plus élo-
quent, s'empoisonna à 90 ans, du chagrin
qu'il eut de la mort d'Antipater. C'est ce
Carnéades qui élonna si- fort le sénat de
Rome, à qui il parlait comme ambassadeur
d'Athènes, qu'on le renvoya au plus tôt,
tant son éloquence éblouissait les esprits par
la subtilité de ses raisons.
Vlll. — Prélats et gens d'église, dont les jours
ont été très-longs.
L'histoire des Machabées nous instruit do
la mort de Mathalhias, à 146 ans ; il soute-
nait la religion de ses pères et l'honneur
de sa patrie : ce vieillard intègre refusait de
manger des viandes défendues , et même de
faire semblant d'en manger.
Saint Jean l'Evangéliste vécut plus de 100
ans.
Saint Siméon, successeur de saint Jacques,
deuxième évéque de Jérusalem, fut mis en
croix sous Trajan, à 120 ans. La conformité
de sa mort avec celle du Fils de Dieu lui
donna des forces pour la souffrir en jeune
athlète.
Saint Polycarpe, évêque de Smyrnc, dis-
ciple de saint Jean , fut brûlé à 99 ans.
Nircisse, successeur de saint Siméon,
mourut à 166 ans, sous Septime-Sévère.
Olaûs Magnus parle d'un évêque d'An-
gleterre, nommé David, qui mourut âgé de
170 ans.
Ojius, évéque de Cordoue, vécut, selon
Ellies Dupin, 101 ans, étant né en 257, et
mort en 358. Tillemont prétend qu'il a vécu
lO'i- ans. A 100 ans il tomba dans l'aria-
nisme, pour avoir, par faiblesse, souscrit en
357 la formule arienne de Sirmiura. Mais
saint Athanase,son ami, déclare qu'en mou-
rant il protesta contre cet égarement, et
condamna formellement l'hérésie d'Arius ,
dans laquelle l'empereur Constance l'avait
forcé d'entrer.
Pierre de Natalibus assure que saint Se-
verin, évêque de Tongres, vécut 175 ans.
Saint Kenigern, dont Bollandus parle au
15 janvier, parvint à 185 ans.
Saint Paul l'Ermite, le premier des hom-
mes que l'Esprit de Dieu porta dans une
sainte retraite. Ce chef des anachorètes, qui
préféra le silence des rochers et la tranquil-
lité des forêts à la société des hommes , uc
1023
cessa de vivre qu'à 113 ans : il parvint à cet
Âge malgré ses niacéralions et son jeûne
continuel. Sa reîraite était un désert , où de
l'eau et quelques dattes, avec la nioilic d'un
pelit pain que depuis l'âge de 63 ans la l'ro-
vidcnce lui envoyait chaque jour, ont suffi
à sustenter sa vie. Mais l'amour de Dieu est
un grand aliment.
Saint Antoine , cet autre solitaire que
l'Egypte aima comme son enfant, l'Afrique et
l'Asie comme leur citoyen , l'univers cntirr
comme son proicctcur, ce grand serviteur de
Lieu vécut jusqu'à 103 ans.
Daniel le prophète parvint à l'âge de lîO
ans.
Pietro délia Valle écrit au quatrième
lomc de ses Relalions qu'en 1C2() le Père
Gaspard Dragonetti , jésui'e , âgé de près de
120 ans, était encore frais et robuste; il avait
toujours ses dents, lisait sans lunettes et fai-
sait journellement ses leçons dans l'un des
collèges de Rome , avec celte éloquence vive
et persuasive qui ne trouve rien d'impossible
et qui sera toujours l'apanage des enfants de
saint Ignace.
Saint Samson, évoque de Dol, avait vu trois
siècles; il naquit en 493 de Jésus-Christ,
vécut le cinquième siècle entier , et mourut
en 607, le 28 juillet, âgé de 112 ans.
Sous Thuatalus, quatrième roi d'Hibcrnie,
qui régnait l'an 540 de notre rédemption,
saint Mochée cessa de vivre, dit-on , à 300
ans.
Dom Félibien a laissé des mémoires sur
son ordre , où l'on trouve , pag. 502 , que
Turquétule, cousin germain d'Edouard 1 ',
dit le Vieux, après avoir été longtemps chan-
celier d'Angleterre sans être marié , se fit
moine, et fut nommé abbé du monastère de
Croyland , que les Normands avaient ruiné
vers l'an 820, en sorte qu'à peine cinq reli-
gieux y pouvaient subsister. — Turquétule
le fit rebâiir , et dota cette abbaye de six
terres qu'il possédait. Avant sa retraite, par
cri public dans Londres il en avait fait
avertir ses créanciers et tous ceux à qui il
pouvait avoir fait quelque tort, injustice ou
violence , dans le dessein de les réparer au
triple. — 11 s'adonna ensuite tout entier à ré-
tablir son couvent, qui devint plus florissant
que jadis. Il y fil rcnailre l'ancienne ferveur ;
il divisa les moines en trois classes : la pre-
mière, composée des jeunes, jusqu'à la vingt-
quatrième année de profession, portait tout le
poids des offices, du chœur et de la maison ;
la seconde , jusqu'à la quarantième année,
avait beaucoup moins d'obligations publi-
ques à remplir; la troisième classe, jusqu'à
la cinquantième année de profession, com-
prenait uniquement les anciens, nommés
Sympeclœ; ils avaient la liberté de vivre en
tranquillité , sans même qu'on leur parlât
jamais d'affaires temporelles. Les cinq moi-
nes trouvés dans l'abbaye vécurent tous au
delà d'un siècle. L'un, nommé Glérambaut,
parvint à l'âge de 148 ans ; Swarlinge arriva
à sa 142' année; Turgar mourut à 113 ans.
Turquétule leur rendit les devoirs funèbres,
et vécut lui -mémo 88 ans.
DICTIONNAIRE DES SCII':NCES OCCLLTES. lOîi
Etienne Mabillon , père du célèbre béné-
dictin, avait passé l'âge de 108 ans lorsqu'il
mourut. Il était fils d'un homme qui en avait
vécu 116. Ils étaient de Pierremont eu
Champagne.
Saint Simon Stock vécut 100 ans.
IX. — Personnages de diverses conditions qui
ont vécu plus d'un siècle.
Pierre Mafféi rapporte que , dans le Bcn-
ga!a, un paysan avait vécu 333 ans, s'il n'y a
pas erreur dans les chiffres.
Guy Donalus remarque qu'en 122.3 il con-
nut un certain Richard à qui on donnait plus
de 4C0 ans; il était soldat de profession , et
pouvait avoir porté les armes sous Gharle-
magne.
Jean d'Etampcs , écuyer de Charlemagne,
parvint à un âge semblable à celui de Ri-
chard. Il mourut sous Louis ^ II, dit le Jeune,
en 1146.
Sousl'empercur Claude H on vérifia qu'un
citoyen de Bologne, nommé Fullonius, avait
152 ans.
Lucius Térenlius, de la même \ ille, prouva
qu'il avait 130 ans sous A espasien.
Bucchanan en donne 170 à Laurent Hut-
land.
Ovide parle de son père , frais et vigou-
reux à 90 ans.
Pline nous entretient avec étonnement de
l'heureuse et agréable vieillesse du musicien
Xénophile. A 130 ans il en paraissait avoir
50, exemple cité comme miraculeux.
La vieillesse n'était apparemment pas si
difficile à supporter chez les anciens que chez
nous , quoique le poëte Euripide , dans son
Hercule furieux , assure qu'elle est plus
lourde que tout le mont Athos.
C'est dans ce sens que saint Grégoire,
évêque de Nazianzc, écrivait qu'il était ac-
cablé d'une vieillesse plus pesante que toutes
les montagnes de Sicile.
Si ces grands hommes eussent connu lo
traité que Cicéron on a adressé à Atticus. ils
eussent changé de sentiments. Caton le Cen-
seur y prouve si agréablement à Scipion el à
Lélius que la vieillesse n'affaiblit ni l'esprit
ni le corps, qu'elle n'ôle nullement le goût ni
l'usage des agréments de la vie , et qu'elle
n'est pas plus que la jeunesse menacée d'une
mort prochaine, que je ne sais trop si l'âge
florissant lui est préférable.
Lorsque les empereurs Vespasicn etTilus,
son fils, faisaientle dénombrement de l'Italie,
on trouva à Vellejacium, près de Plaisance,
63 hommes âgés chacun de 110 ans , quatre
qui en avaient chacun 120 , deux qui en
avaient 125 , quatre 130 , autant qui en
comptaient 137, et trois vieillards de 140 ans.
A Parme, on en trouva trois âgés chacun
de 120 ans, et deux de 130; à Plaisance , un
de 131 ; et enfin , à Bologne , Lucius Téren-
tius , fils de Marcus , et à Rimini , Marcus
Apponius, qui avaient loO ans chacun.
"V^incent Coquelin, maître chapelier, mou-
rut à Paris, sur la paroisse de Saint-Sulpice,
vers 1C64, à 112 ans.
L'Ordinaire de Hollande du 3 avril 1687
tOâS
LON
LON
fOîO
faisait mention d'un homme nommé Galdo ,
passant alors par Venise ; il avait son por-
trait avec lui : les maîtres de l'art le recon-
naissaient pour être du Titien , qui vivait
130 ans auparavant. Gaido pouvait en avoir
30 lorsqu'on l'avait point ; le tout revenait à
ICO ans sans ce que Galdo aura pu vivre de-
puis 1G87.
Guillaume Rouillé, dans la troisième par-
tie de sa PréexcellencR de la Gaule, rapporte
que dans la paroisse d'Aiicines, près d'Alen-
çon en Normandie, il mourut de son temps
un homme âgé de srpl-viiigt-dix ou 150 ans.
Le même auteur dit encore que Philippe
Jounnès, père d'un doses beaux-frères, avait
12i ans lorsqu'il écrivait son livre.
Alexandre Benoit et Cardan, après Albert
le Grand, remarquent qu'un homme de Sa-
mothrace était frais et vigoureux à plus de
104 ans.
Jacques II, roi d'Angleterre (à qui la
France, asile ordinaire des piinces , a s-ervi
de retraite lors de l'invasion de l'Angleterre
en 1688) , a eu la bonté de dire à l'auteur de
ceci, en présence de .Monsieur, frère de Louis
le Grand, que, le 9 octobre 1633, Thomas
Parte, Anglais, âgé de 152 ans (t quelques
mois, avait été présenté au roi Charles I",
père de Jacques il et de feu Charles II, son
Irôre aîné.
Ce vieillard , de la paroisse d'Alberbury,
était né l'an 1483; il avait vu dix rois, ses
souverains : Edouard iV , Edouard V , Ri-
chard III, Henri VII , Henri A III , qui com-
mença le schisme , Edouard \l , Marie , qui
rétablit la religion orthodoxe, Elisabeth^ qui
la renversa ; Jacques V , roi d'Ecosse et pre-
mier d'Angleterre, de la maison des Stuarls;
et Charles I", son fils, à qui on le présentait.
Parke mourut seize ans après, à Londres, le
24 novembre 1631, sans douleur, à 169 ans.
L'ouverture de son corps présenta des
viscères fort sains ; les seuls poumons étaient
noyés dans le sang; les médecins attribuè-
rent sa mort prompte à l'air grossier de
Londres.
Presque au même temps la comtesse
d'AroniJel présenta à la reine , épouse de
Charles 1'='', une sage-femme âgée de 123 ans,
laquelle deux ans avant exerçait encore sa
profession.
Dans la province de Northamphton, en
Angleterre, Jean James, sur la fin de juillet
1705, cessa de vivre à 122 ans , encore assez
fort et d'assez bon sens.
François Secardi Hongo, surnommé Hup-
pazzolij mourut à 114 ans 10 mois et 12
jours , de la gravelle accompagnée d'un
rhume, le 27 janvier 1702, dans la ville de
Smyrne, où il était consul pour les Vénitiens ;
il n'avait jamais été malade, sans doute par
la diète qu'il avait toujours observée avec
exactitude. Sa vue, son ouïe, sa mémoire et
son agilité, étaient surprenantes; il faisait à
pied quatre lieues par jour; à 100 ans ses
cheveux blancs redevinrent noirs, ainsi que
ses sourcils et sa barbe; et ce qui est de plus
admirable, toutes ses dents étant tombées, il
lui en perça deux grosses à la mâchoire d'en
haut, un an avant son décès. Il usait d'eau
de scorsonère pour toute boisson , sans
prendre vin, liqueur, sorbet, café ni tabac;
il vivait d'un peu de potage, de gibier rôti,
cl de fruits qu'il prenait avec le pain; il ne
mangeait jamais hors de chez lui, pour ne
pas interrompre son régime; il était catho-
lique, homme d'honneur, d'esprit et de mé-
rite.
Le 19 novembre de la môme année 1702
mourutau village de Vendeuille on Lorraine
Mathieu Littard, dit la Ronce, âgé de 113
ans; il avait servi dans la dernière guerre
d'Italie, du règne de Henri IV.
Lefèvre de Lezeau, oncle de d'Ormesson,
entrait au conseil du roi à 100 ans passés.
La marquise de Luxembourg mourut à
101 ans.
Eu 1708 Catherine de la Croix en Lyon-
nais mourut à 113 ans.
En 1709 Jeanne Carrière, près de Langresj
à 116 ans.
Augustin Galand, de Savignac en Auver-
gne, à 115 ans.
Le curé de Sassetot, pays de Caux, à 116
ans, plein de connaissance et de bon sens.
Nicolas de Bezanes, à 106 ans.
Claude Baranger, près d'Issoudun, à 10*7
ans.
La femme de Sagonne, notaire à Margauxj
dans le Médoc, à 116 ans.
Anne Marna, à Paris, chez madame la pré-
sidente de Bretonvilliers, à 102 ans.
En 1710 Jean Mensard cessa de vivre à
110 ans, avec bon sens et jugement. Il avait
épousé dix femmes; celle qui lui a survécu
avait dix-huit ans lorsqu'il l'épousa âgé de
9J ans.
Le sieur de Roque, avocat, près d'Ageri,
mourut à 111 ans.
Michel de GourgueSj seigneur de la Buge,-
à 105 ans et 8 mois, dans la ville de Saintes;
s4x jours avant il avait été à la chasse.
Guillaume Delabal, à la Flèche, à 111 ans.
Le sieur Castra, avocat à Bordeaux, à 111
ans 10 mois et 10 jours.
Jeanne Tiberge, veuve, parois.-e Saint-f
Germain-l'Auxerrois, à Paris, à 104 ans.
Michel Fortin, de Viinoulier eu Norman-
die, à 116 ans et 4 mois.
Louis Amiot, de Geay, près de Charente en
Aunis, à 107 ans et 3 mois. Il avait eu
sept femmes, et cherchait la huitième; il
avait vu sa cinquième génération.
Jean Guichard,deSainte-Aulaye,à lOSans.
Catherine Peliglau, de Grès près de Beau*
vais, mourut fille le 10 octobre 1710, à 113
ans. Elle était née pendant que Henri le Grand
assiégeait Amiens, que les Espagnols avaient
surpris avec des noix au mois de mars 1397.
Rachel du Bichois cessa de vivre, la môme
année, dans la ville de la Rochelle à 107
ans 3 mois et 8 jours. Elle avait été vingt-
deux fois mère. Le cardinal de Richelieu
l'avait ramenée de la religion prétendue ré-^
formée au bercail de Jésus-Christ pendant
le siège de celte ville en 1628. Louis XIIJ,
de glorieuse mémoire, lui avait fait l'hon»
ncur de manger deux fois chez elle dan»
W27
DICTIONNAIUE DES SCIENCES OCCLLTES.
1028
uue maison Je plaisance qu'elle avait à deux
lieues de lu Rochelle et dans laquelle li-s
incommodiléi du sicgc l'avaient obligée de
se retirer,
La veuve Lenioine, paroisse de S.iitU-Ni-
colas du Chardoniict à Paris , acheva sa
carrière le 15 novembre 1710 à 10(i ans.
La veuve Faveja, à Carrnan, diocèse de
Toulouse, mourut le 3 décembre suivant, à
113 ans. Elle n'avait jamais usé do remèdes.
En 1711 Benoît Chauinont de S.iint-Bon-
net en Auvergne, mourut à 110 ans 2
mois et 3 jours.
Henri le Boucher, de la ville de Caen, sei-
gneur de Verdun, à 115 ans; il n'avait ja-
mais été malade; son père avait vécu 108
ans, son Gis en avait 73.
La dame Coupper présenta alors à la
reine d'Angleterre, Anne Stuart, une femme
âgée de 128 ans.
Lucrèce Jovin, du diocèse d'Aulun, passa
à une meilleure vie, le 21 avril 1711, à 108
ans. Elle avait toujours lu et écrit sans lu-
nettes.
Guillaume Crevin, doyen des avocats de
Pont-l'Evêque en Normandie, mourut le
6 mai, à 107 ans.
La dame deGouserans,prèsdeTorniac, au
diocèse de Cahors, mourut dans son château
de Casoul à 111 ans. La veille de son décès
elle était allée à pied à sa paroisse faire une
confession générale de sa vie depuis l'âge de
cinq ans, avec mémoire et bon sens.
Jac(iues Thévenol, laboureur, à Château-
Vilain en Champagne, mourut le 11 sep-
tembre, à 114 ans. Le mois précédent il avait
fauché des prés : (rois épouses successives
lui avaient donné trente-neuf enfants.
Le chevalier Bulslradc à Sainl-Germain-
en-Layc, près de Paris, décéda le 3 octobre, à
105 ans; il laissait dix-sept enl'an'.s, dont
l'aîné avait 72 ans, et le dernier 14.
En 1712 Angélique Boursaut de Vientais,
fondatrice et supérieure des religieuses de
Beaulieu, près de Loches en Tourrainc, passa
de cette vallée de misères à la céleste Jéru-
salem, le 13 mars, à I âge de 112 ans.
François Drouin, de Chautnont en Lyon- '
nais, mourut le 9 novem))ic, à 103 ans.
Anned'Aleçon, veuve du sieur Manueville,
mourut âgée de 106 ans, le 15 du môme mois,
à Abbeville.
Alain des Croches, curé de Saint-Pierre-de-
la-Rivière, au diocèse de Lisicux. passa au
mois de décembre, âgé de 113 ans; il était
curé de sa paroisse depuis 81 ans, et célé-
brait encore la sainte messe peu de mois
avant son décès.
La daine de la Chassagne mourut la môme
année, à 108 ans.
Madelaine le Cas , religieuse de Notre-
Dame de Soissons, y décéda le 3 janvier 1713,
à 107 ans.
La demoiselle Jeanne Boor, au village de
Peunnetier, près de ïrémolal en Périgord ,
mourut le 12 août de la même année, à 108
ans. A l'âge de 90 ans une fièvre avait fait
tomber ses cheveux blancs, qui avaient re-
poussé U'jirs; lesquels blanchirent de nou-
veau à 100 ans, et peu après retombèrent,
et revinrent encore noirs.
Jacques Liiik, archevêque de Tuam en
Irlande, et aumônier d'honneur de Charles 11.
roi d'Espagne, mourut à Paris, le 29 octobre
1713, à 103 ans.
Dans le cours de cette année 1713 fut cé-
lébré le mariage du nommé Larcher, jardi-
nierdc la paroisse Saint-Hippolyle, faubourg
Saint-Marcel, à Paris; il épousait (en juillet),
à l'âge de 103 ans, une femme de 76. Ces
éponx faisaient ensemble 179 ans.
On avait vu deux ans auparavant, en 1711,
im mariage non moins suiprenant : celui de
Jeanne Scrimphau, Anglaise', de la paraisse
de Bow, née le 3 avril loS'i-; elle épousait à
127 ans Edouard Korkains, dont nous igno-
rons l'âge.
Jean Guillot , de lu ville de Dun-sur-
Meuse, au diocèse de Reims, finit sa vie le 8
décembre 1713, à l'âge de 109 ans; il n'avait
pas un seul cheveu blanc. Son ami Jean Ju-
vin, manœuvre deBrieule près deDun, l'avait
précédé de peu de jours, à 114 ans.
Le 28 décembre 1713 la princesse Ulrique
Eléonore, sœur de Charles XU, roi de Suède,
et régente du royaume pendant son absence,
ayant assemblé les états , le nommé Dannc-
man, député du quatrième ordre, qui est ce-
lui des paysans , y parla avec applaudisse-
ments, quoique âgé de plus de 100 ans.
Charles Pasquot , major des bourgeois de
Joinville, mourut à 111 ans, en 1714; il avait
peu de jours avant tiré le papeguay avec les
chevaliers de l'arquebuse.
Le 29 mars 1714, jeudi saint, la cérémonie
du l.ivemcnt dus pieds (jue l'empereur Char-
les VI et les trois impératrices , la régnante
et les deux douairières , firent à Vienne en
Autriche, était composée de quarante-huil
personnes faisant ensemble 3693 années.
L'empereur lava les pieds à douze vieil-
lards qui comptaient ensemble 976 ans.
L'impératrice régnante fil la môme céré-
monie à douze vieilles faisant 833 années.
L'impératrice mère fil la même chose à
douze autres femmes composant 910 ans.
Et l'impératrice Amélie à douze encore,
dont les années revenaient à 970.
Phlégon, dans son opuscule sur ceux qui
ont longtemps vécu , y parle d'une quantité
de personnes arrivées à 100, à 120, à 13!)
et à 130 ans ; il ajoute que la sibylle
Erythrée avait vécu dix âges, faisant 1000
ans, un âge étant composé de lOO ans. H
p.irle bien encore d'un Macroseiris qui
avait vécu 3000 ans; mais ce fait n'esl p,is
vérifié.
Labbé Dupin nous a aussi donné quelque
chose des m icrobies, ou gens qui ont long-
temps vécu ; il dérive le nom des termes
grecs macros, long, et bios, vie ; il dit que ce
nom a été donné à certains peuples d'Afri-
que, que Pomponius Mé!a place dans l'île de
Méroé : Pline les met dans l'Ethiopie, près des
peuples anthropophages ou mangeurs d'hon-
mes, comme les Lestrigons, dont parlent Ho-
mère et Ovide ; mais les habitants de cei terres
barbares nedonaaient pas letempsàla nature
fiUD
LON
LON
(le produire des macrobies ; le roi du pays
l'aisail tuer chnque jour dans son palais de
Monsol (capitale de ses Klats) deux cents
criminels ou esclaves, dont on apprêtait la
chair pour sa table et pour celle de ses cour-
tisans.
La femme de charge du vicomte de Mor-
tain, au diocèse d'Avranches, mourut en juil-
let 1712, à 102 ;ins. Elle travaillait à faire du
linge la veille de son décès ; et cinq fonimes
qui faisaient ensemble a25 ans la portèrent
en terre.
Louis Jouan, laboureur à Berville, pays de
Caux, décéda le 18 septembre ITli, à 108 ans
cl demi, ayant conduit sa charrue la veille
de sa mort.
Acesmacrobiesqiii ne sont plus on en join-
dra qui subsisleni aujourdliui {année 1715) ;
tels que le sieur de laTonr-Gory, âgé de 108
ans ; il est filleul du premier président J.iy,
décédé en 16V0 (il y a 7G ans). Ce vieillard
va presque toutes les semaines, de la rue de
Richelieu, oîi il demeure, dîner chez M. Tel-
Iclier de Souzy, conseiller dKtat ordinaire,
rue de la Coulure-Sainle-Catherine.
M. Durand , curé de Hombourg-la-Forte-
resse , m'a envoyé par M. de la Tour, com-
missaire des guerres , un certificat du 30
juillet dernier, par lequel il atteste que les
nommés Jean Diedrick et AnneSchel, ses pa-
roissiens, ont chacun 105 ans, et paraissent
par leur bonne santé en devoir vivre bien
davantage : il ajoute (ju'Anne Durand , sa
grand'mère, était décédée depuis peu , après
avoir achevé 108 années.
Philippe Herbclot , demeurant à Paris ,
cloître Saint-Nicolas du Louvre, est un autre
macrobie vivant; sou extrait baptistère, dû-
ment légalisé, prouve qu'il a 112 ans accom-
plis, étant né le 1 " janvier 1602 à Doulevant,
près Juinvillc en Champagne.
On assure qu'il y a dans lesCcvennes un
macrobie de liO ans, qui, par son grand
âge, s'est cru exempt de toute imposition ;
on ajoute que les traitants n'ont pas eu l'in-
hunianilé de faire persécuter une aussi res-
pectable vieiilesrie.
X. — Femmes de l'antiquité qui ont beaucoup
vécu.
Les sibylles, suivant le quatrième livre des
Métamorphoses, Técurenl chacune au moins
sept siècles ; nous avons dit que celle d'Ery-
thrée avait été plus loin.
La sibylle de Samos, qui vivait en l'an 3306
du monde, n'avait que 50!) ans au temps de
Numa, second roi de Rome.
ïerentia, fille de Cicéron, parvint à l'âge
(le 103 ans.
Claudia, fille d'Offilius , après avoir été
quinze fois honorée du titre de mère, ne finit
sa carrière qu'à 115 ans.
Galeria Copiola Embolaria à 10+ ans.
Sammulla vécut 110 ans.
Luceya, comédienne, jouait encore à 100
ans avfc applaudissements.
Pausanias dit que Tunagra, femme de Pé-
mandrr , vécut si vieille, (ju'on l'appelait
grand'mère par excellence.
to:o
Julia Modeslina vil l'âge de 120 ans.
Lors du dénombrement dont nous avons
parlé sous Vespasien et sous Titus on trouva
à Rimini une femme nommée Tertulla .
âgée de 137 ans, el une autre à Favenlia, qui
en avait 132.
Judith , celte veuve sainte dont l'Ecriture
a si glorieusement célébré la victoire sur
Holopherne, général de Nabuchodonosor ,
l'an du monde 33i8 , demeura 105 ans dans
la maison de Manassès, son mari; elle avait
au moins 20 ans à son mariage.
XI. — La tempérance contribueà la longue vie.
Les anachorètes des déserts n'ont dû
leurs longues années qu'à la tempérance.
S.iint Siméon Slylite mourut près d'Antioche
âgé de plus de 100 ans. On voit dans saint
Jérôme qu'il en avait passé 47 au haut d'une
colonne dans la pratique d'une oraison conti-
nuelle el dans des jeûnes extraordinaires.
Les philosophes païens ont connu l'excel-
lence et les avantages de la tempérance; elle
contribuait, selon eux , à former les grands
génies-, ils estimaient qu'elle était le premier
effet de l'étude de la sagesse ; ils croyaient
que la justice, la prudence el la force ne
pouvaient subsister sans la tempérance.
Apollonius de Tyanc se conserva, dit-on,
dans une brillante jeunesse , par la tempé-
rance et la sobriété, jusqu'au delà de 130 ans.
Démocrile dut aux mômes vertus de se
voir à 109 ans dans une santé parfaite.
Diogène Laërce rapporle une circonsianco
particulière de sa fin; savoir, qu'à la prière
de sa sœur il se conserva les trois derniers
jours de sa vie, ne se nourrissant que par
la seule odeur des pains chauds.
Polydamas, ce fameux athlète de Thessa-
lie qui arrèlait un char tiré par des chevau-i
lancés, et qui étrangla un lion sur le mont
Olympe; Milon de Crotone, qui portait un
b(Euf sur son dos; Théagène, qui courait,
tenant une statue de bronze de sa bailleur:
tous ces hommes robustes n'avaient d'aulre
secret que la tempérance pour se conserver
dans une force capable de les conduire à la
plus longue vie. Us se préparaient à jouir d( s
honneurs d'un misérable triomphe en s'abs-
lenant de tous les plaisirs; ils se condain-
naienl au régime le plus austère pour se
procurer des forces ; ceux qui courent dans
la lice s'abstienncnl de tout, dit saint Paul.
Tertullien ajoutait que ces athlètes, pour
redoubler leur vigueur, étaient continents
et sobres jusqu'à la contrainte, à la vio-
lence el aux tourments; ils no mangeaient
que des choses sèches, insipides, dures, et
s'imposaient une abstinence qui allait jus-
qu'à la macération.
Guillaume Postel, de Normandie, fut si tem-
pérant, qu'il porta sa vie au delà de 100
ans : on le surnomma l'Abîme de science du
xv ou du xvr siècle; il possédaitles langues
si éminemment, qu'il pouvait faire le tour
du monde sans interprète. Sa réputation fut
ternie par les absurdités cl les hérésies quil
soutint; car il était orgueilleux. C'est lui
qui avança que les femmes n'avaient pas
1031
DICTIONNAIIIE DES SCIENCES OCCULTES.
1(,32
été racliclécs du précieux sang de Jcsus-
Cliri^l.
De Thou fait mention, sou< l'an loGG,
de Louis Cornaro, ayant pltis de 104- ans,
sain (le corps et d'esprit, lorsqu'il uiourul à
Padouc, le '26 avril de cetle année, dans son
fauteuil, sans douleur, par la seule défail-
lance de la nature. Peu de mois auparavant
il avait perdu son épouse, qui n'était guère
moins âi^ée.
Sa tinipcrance cl sa sobriété étaient
telles, qu'en vingt-quatre heures il ne pre-
nait que douze onces de nourriture solide
et quatorze do loule boisson.
A niesurequeson âge avançait, il diminuait
insensiblement ce peu d'aliments, jusqu'à ne
prendre à chacun de ses deux repas qu'un
jaune dœuf, encore le partageait-il en di'ux
sur la fin de sa vie, trouvant sa chaleur
moins forte, à mesure qu'il avançait vers
son terme : tant il est vrai que la nature
est simple; qu'il lui faut peu de choses pour
la soutenir; et (jne la perfection qu'elle donne
à ses ouvrages ne dépend que d'un fonds de
sagesse, qui, par une même conduite, rem-
plit une infinité do vues.
Par une attention aussi sage, il se con-
serva toujours sain et vigoureux; son es-
prit n'éprouva aucune diminution ; ses yeux
et ses oreilles restèrent sans altération ; et
te qui semblera hors d'apparence, sa voix
s'entretint si nette, si étendue, si sonore et
si belle, qu'il chantait à cent ans avec une
douceur pleine d'harmonie. Il vérifiait les
paroles de l'Ecclésiastique; le Saint-Esprit y
a dit , que l'abstinent prolonge ses jours.
Il faut entendre l'abstinent qui se gouverne
avec prudence, les maladies provenant d'une
diète outrée n'étant pas moins dangereuses
que celles qui sont causées par la réplé-
tion.
Cornaro, à 83, à 86, 91 et à 98 ans, écrivit
quatre traités sur la sobriété et sur le jeûne
volontaire qu'il pratiquait depuis l'âge de 36
ans; on n'y trouve que de la clarté, de la
force et du bon sens; tout y suit l'opinion do
saint Jérôme, lorsqu'il a dit que le jeûne était
non-seulement une vertu parfaite, mais en-
core la base de toutes les vertus.
Cet illustre Vénitien disait que la nature
se contentait de peu; que ce qui excédait le
nécessaire n'était qu'une source de maladies
t]ui nous rendait vieux avant d'avoir eu le
plaisir d'être jeunes; et qu'à peine un siècle
donnait des rides et de la caducité aux per-
sonnes sobres; que la chair des animaux
était inutile à la santé; et qu'un ou deux re-
pas en vingt-quatre heures , de pain , de
fruits, d'herbes, do racines, de légumes et de
laitages, avec de l'eau ou très-peu de vin,
suivant le conseil de l'Ecclésiaslique, suffi-
saient à ceux qui ne comptaient pas leur
ventre au nombre des fausses divinités ; qu'il
avait peine à concevoir que des personnes,
abusant de leurs richesses, s'exposassent à
mourir de trop manger, pendant qu'une mul-
titude d'infortunés tombaient chaque jour
lians l'affreuse nécessité de mourir de faim,
il nommait la sobriété une inclinatioa di-
vine, agréable à Dieu, amie de la nature; il
l'appelait fille d« la raison, mère do toutes
les vertus, compagne de la chasteté; il disait
qu'elle était gaie sans évaporation, modeste
sans contrainte, sage sans artifice, et réglée
dans toutes ses entreprises; il la publiait
l'appui de la vie, la conservatrice de la santé
elle plus puissant secours d'une bonne cons-
titution; il lui donnait pour fondement les
lois les plus saintes; il assurait que son
usage chassait les intempéries de la réplé-
tion, la véritable cause de tous nos maux.
Il remarquait enfin que le bonheur et le
repos qui suivent la sobriclé nous invitaient
à l'acquérir ; que sa beauté nous y engageait,
parce qu'elle nous offrait la durée de notre
être, et conservait notre vie.
En effet cette vertu si rare enseigne au
riche à se servir modestement de son opu-
lence; au pauvre à couler sans murmure les
temps durs de la nécessité; aux vieillards
l'art de vivre; aux jeunes celui de jouir do
la vie. Elle épure les sens, fortifie le corps,
illuminel'esprit, redouble la mémoire, éclaire
la raison, embellit l'âme; elle nous dégage
dâs liens qui nous attachent trop à la terre,
et, nous élevant au-dessus de nous-mêmes,
nous rend de nouveaux hommes à mesure
qu'elle nous procure de nouveaux jours de
travail pour mériter la vie nouvelle de l'éter-
nité.
Lessius, en vue de sa santé, s'imposa une
aussi sévère abstinence; le succès lui parut
si favorable, qu'il entreprit de montrer qu'à
l'aide de cette vertu on avait vu, dans tous
les temps et dans toutes les conditions ,
nombre de personnes vivre leur siècle; elles
n'imitaient pas apparemment l'athlète Bu-
thus, qu'Hésychius de Milet rapporte, qui
mangeait un bœuf dans un repas.
Ce Buthus était bien éloigné du sentiment
de Plutarque, que Trajan fit consul ; ce Béo-
tien dans son livre de la conservation do
la santé désapprouve les viandes, parce
qu'elles causent des crudités qui fournissent
un.levain assuré aux maladies; opinion que
Gallicn a confirmée dans son ouvrage sur les
aliments du bon ou du mauvais suc; il y
écrit que l'on jouira d'une santé parfaite
tant qu'on aura soin d'éviter les crudités,
ajoutant que le grand remède contre tons les
maux est la sobriété, la tempérance et la
tranquillité.
Cardan nous assure que le jurisconsulte
Panygarole, différent de celui qui fut évoque
d'Âsti, se conserva sans incommodités plus
de 90 ans par la sobriété et par un travcil
modéré; il prenait seulement 28 onces de
nourriture par jour; 2 onces au delà de Cor-
naro, qui vécut néanmoins davantage, bien
qu'il prît moins d'aliments; il avait lu ces
mots dans l'Epydimion d'Hippocratc ; Le plus
sûr moyen de préserver la santé est de
manger sans se rassasier et de travailler
avec modération, comme font les pauvres;
ces gens-là sont moins malades de disette
que les riches ne le sont d'abondance.
Les solitaires de la Thébaïde dans la basse
Egypte vivaient de 4 et 5 dattes en 24 hcu-
^1
lo:
LON
I.ON
mi
re», bien que les arbres de leurs retraites les
ruurnissent avec profusion.
Ces iiiodèiivs en austérités n'avaient peut-
éîre pas étudié suint B.isile : il nous apprend
qu'il ne faut pas accabler le corps de ma-
nière qu'on lui ôlc les forces nécessaires à
rrniplirses devoirs; la Providence veut qu'on
satisfasse ses justes besoins pour l'entrôlenir
et le ménager.
C'est ce qui obligea l'Eglise, dans le second
siècle, à condamner les monlanislcs ; ils vou-
laient qu'on observât trois carêmes , avec les
Xérophagies de la semaine sainte ; c'étaient
des jours où l'on jeûnait avec du pain et du
sel, et où l'on ne buvait que de l'eau; on y
ajouta peu après des légumes, des herbes ,
ou quelques fruits; les esséens , au rapport
de Philon,se contentaient de joindre de l'Iiys-
sope à leur pain.
El pour faire voir que le jeûne n'est pas
si nuisible que nous le pensons, même ac-
compagné d'une retraite, d'un silence et
d'une macération continuelle , tels que l'ob-
servent les chartreux et les chartreuses, on
trouve par les mémoires de cet ordre qu'en
lo24 dom Jean Briselance, profès du Val-
Dieu au Porche, après 78 ans de profession,
y mourut à 101 ans ;
Qu'en 1559 dom Je.in-Edmond GlavCl,
profès de Bonnefoi cnNivarais, y demeura
90 ans, et ne cessa de vivre qu'à 111 ans;
Qu'en 1593 dom Corneille , profès de
Sainte-Sophie près Bois-le-Duc, y vécut 96
ans, et ne finit ses jours qu'à 118 ans ;
Que vers 1610 dom Percheron, profès du
Mont-Dieu près Sedan, parvint à 105 ans ;
Qu'en 1516 domne Mii belle de Mon-
lorsier, professe de Gannaj près Béthune, y
arriva à 118 ans;
Qu'en 1574 domne de Marsonnas , pro-
fesse deSaletle, fondée pour des filles nobles
vers 1291, par Humbert 1" du nom, prince
du Dauphiné , et par Anne son épouse ,
mouiut à 103 ans, après 85 ans de religion ;
Et enfin qu'en 1625 domne Isabelle de
Bergues , professe de la même chartreuse de
Gannay, y mourut à 101 ans, dont elle en
avait passé 83 dans les saintes austérités de
sa règle.
Xll — Climats où Von parvient à une extrême
vieillesse.
L'Inde orientale , selon Pline et Solin ,
nourrit des peuples qui vivent 400 ans , parce
qu'ils se nourrissent de vipères; ce reptile,
qui sort entier du ventre de sa mère, et non
en œuf, comme les autres reptiles, est sou-
verain pour substituer des esprits dans les
corps affaiblis, ou qui en sont dénués; la vi-
père effettivemenl est remplie de sels vola-
tils, qui sont alkalis raréfiants, sudorifiques
et apéritifs ; c'est l'un des sels les plus salu-
taires,les plus subtils, et les plus propresà pu-
rifier le sang; Charas a écrit de ses propriétés
spécifiques, et avant lui Francesco Reddi, et
Pandolphe Collenuccio : ces auteurs remar-
quent que l'essence de ce reptile, ou 1 once
de son eau prise chaque malin à jeun pen-
dant 15 jours , tous les ans , surtout au mois
DlCTIONNAIHE DES SCIENCES CICCL'LTKS. i-
d'avril et de mai , perfectionne tellement la
nature par son baume vil.il, qu'elle peut
réparer les tempéraments usés, rappeler la
fécondité , et rendre en quelque manière la
jeunesse.
Lucien, déjà cité, dit que les Sères du
Cathaï , par la bonté du climat, et parce
qu'ils ne boivent que de l'eau, vivent 300
ans, et les Athotes de Grère 120 ; les Chal-
(iéens lin peu moins: ces derniers mangent
du pain d'orge ; Lucien prétend qu'il éciair-
cit la vue et rend les sens plus vigoureux.
Antoine Pigafetta, remarque qu'au Brésil,
dans le territoire de Verzine, on y arrive a
l'iOans.
Louis Barlhema assure que, dans l'Arable
Heureuse, on y vit ordinairement l'âge de
120 ans.
Onésicrile d'Egine, historien oculaire des
guerres il'Alcxandre vers l'an 400 de Uome,
rapporte que, sons la zone torride il y a des
peuples dans ces mêmes Indes orientales ,*
qui sont hauts de 5 coudées, faisant 7 pieds
et demi, lesquels vivent 130 ans sans vieillii'.
Ctésias raconte que ceux des Pandores
qui habitent les vallons , vivent 200 ans ; ils
ont cela de contraire aux autres hommes ,
que leurs cheveux sont blancs dans leur
jeunesse et noirs dans leur vieillesse.
Pomponius Mêla écrit comme Lucien,
que ceux qui demeurent près le mont Alhos,
que Xerxès fil couper, pour s'ouvrir un pas*
sage en Grèce du côté de la Mai édoine , vi>
valent deux fois plus que les autres peuples
de la terre.
Dans les montagnes de Yucatan vers le
Mexique, la vie est très-longue , ainsi que
dans celles de l'Arabie , où l'âge centenaire
est commun : il en est ainsi dans celles de la
Laponie et de la Norwégo, où la plus extrême
vieillesse porte toujours les cheveux noirs.
A l'occident d'Ecosse, dans les lies Hébri-
des, la vie des insulaires est d'une si longue
durée, qu'on assure que les habitants ont la
cruauté d'y faire mourir ceux qu'ils esti-
ment , après 150 et 200 ans , inutiles au
monde par leur extrême caducité.
Les lieux d'une élévation raisonnable , et
dans une exposition où l'air est pur, avec
l'eau claire el légère, sont très'salutaires
pour la longue vie ; les situations des mai-
sons royales de Saint-Germain , de Meudon
et de Saint-Cloud , sont si heureuses , qu'à
[ eine y voit-on des malades quand les envi-
rons en sont remplis.
L'abbé de Vertot, de l'académie royale des
Inscriptions , a fait le plaisir à l'auteur de
ceci, de lui communiquer ses lumières sur
l'Allantica du fameux Budbeek.
Cet auteur , qui professait dans l'univer-
sité d'Upsal, en Suède, nous apprend que les
descendants de Japhel, troisième fils de Noé,
passèrent dans cette contrée septentrionale;
que l'air y est si favorable, que les hommes
y arrivent ordinairement à la plus extrême
vieillesse.
11 assure qu'outre la fécondité qui permet
d'y voir 20 et 30 enfants d'une même mère ,
on a connu par les extraits baptislaires cl
33
io:>îi DicTiortiSAmE des
mortuaires, envoyés à Rudbpck par l'cvéque
d'Arosen, ou de Wesirras, son frère, conte-
nant seulement les 73 premières années du
xvir siècle, que dans l'étendue de 12 parois-
si'S, il s"élait trouvé 232 hommes, dont plu-
sieurs avaient 140 ans, elles autres 90.
Que deux particuliers y étaient parvenus,
l'un à 156 ans et l'autre à 160; que ce der-
nier avait vu la septième génération ; et que
dans ces mêmes paroisses il y avait eu plus
de 860 personnes âgées de 70 et de 80 ans ;
qu'il n'était pas surprenant en Suède devoir
des gens de 100 ans; et que dans la seule
ville d'Upsal, le gouverneur et l'aïeul mater-
nel de Rudbeck approchaient de ce terme,
lorsqu'ils cessèrent d'y vivre à 98 et à 99
ans.
XIII. — La vie de l'homme n'a jamais été bor-
née à 70, 80, ni 120 ans, selon les Ihéolo -
giens.
Les exemples de tant de personnes qui ont
vécu au-delà de lO'J ans, et qui même ont
passé plus de 2 siècles, l'ont voir que le dé-
cret des 120 ans ne tirait à aucune consé-
quence pour le terme de la vie de tous les
hommes en général , en dépil de toutes les
disputes et de tous les écrits que celle nia-
lière a iaitnailre en Hollande.
Ce point fatal de nos jours avait autrefois
fait dire à saint Thomas d'Âquin, que Dieu
ne trouble jamais l'ordre naturel des choses
que lui-même a élabiies, qu'il les veut et
les voit de la même manière qu'elles doivent
être selon la nature qu'il leur a donnée; les
choses contingentes , contingemment ; les
choses nécessaires, nécessairement.
Le sixième chapitre de l'Apocalypse ilc-
clare que Dieu a donné pouvoir à la mort de
moissonner le genre humain : les uns sont
enlevés par le glaive; 1,100,000 âmes périrent
dans Jérusalem assiégée et prise par Tilus,
le 8 septembre de la seconde année de l'em-
pire de Vespasien. On dit que Jules César
tailla en pièces 1,200,000 Gaulois avant de
subjuguer leur patrie.
La mort lue pnr la famine. On pria l'em-
pereur Honorius de permettre d'égorger les
vieillards, les femmes et les enfants, et de
mcllre le prix sur leur chair exposée dans
les boucheries de Rome, pour essayer d'ef-
facer l'opprobre de la faim, comme dit Ezé-
chiel.
Lorsque Bénadab, roi de Syrie, assiégeail
Samarie, rapilale de Joram, roi d'Israël, du
temps d'Klisée, 901 ans avant Jésus-ChrisI,
on y vendait la tête d'un âne 80 sicles, fai-
sant 120 livres de nos monnaies ; et deux
femmes convinrent de manger leurs enfants,
et en mangèrent un en effet. Une aussi déso-
lante extrémité se fit éprouver au siège de
Jérusalem dont ont vienl de parler.
La mort enfin enlève une multitude do
créatures par les maladies et par les bêles qui
dévorent ou qui blessent.
On meurt encore par l'usage immodéré de
certains aliments, ainsi qu'il arriva à Albert
d'Autriche, à Frédéric III, et à Henri Vil,
empereurs, pour avoir trop mangé de me-
SClb;NCF,S OCCULTES. 1036
Ions : Philibert second, dit le Reau, comlo
de Brescia, et [iremier duc de Savoie, mou-
rut pour avoir bu trop frais, l'an loOi. Il est
donc certain que les 120 ans de la prétendue
restriction de nos jours, ne tombaient préci-
sément que sur la durée du monde jusqu'au
déluge, et non pas également sur la vie de
tous les hommes.
XIV. — Sentiments de Salomon sur la mort.
La mort est une suite du péché : le Christ
a été envoyé pour en être le destructeur et
la mort d • la mort même : elle doit marcher
devant lui pour justifier cequ'en adil le pro-
phète Hahacuc au chapitre troisième de son
cantique : l'auteur de la vie ne se réjouit vé-
ritablement pas dans la dcstrucdon de son
ouvrage.
Salomon pour marquer combien la longue
vie est précieuse devant Dieu, ajoute que la
vieillesse est la couronne du grand âge; elle
rend les cheveux blancs vénérables, ils don-
nent du poids à nos avis, de la confiance à
nos desseins, de l'espoir à nos entreprises et
de la préférence à nos actions : levez-vous,
dit le Dieu d'Israël, devant ceux qui ont les
cheveux blancs, et honorez la personne du
vieillard.
Si nous en croyons les anciens, la mort
était une divinité qu'ils adoraient, comme la
plus implacable des déesses : ils la faisaient
fille de la nuit et sœur du sommeil; quel-
ques-uns l'estimaient l'une des trois Par-
ques : on l'honorait à Laeédémone ; les Phé-
niciens lui avaient élevé un temp'.e dans l'Ile
de Gadira, aujourd'hui Cadix; on lui sacri-
fiait un coq; sa robe était semée d'étoiles, cl
ses ailes étaient noires.
On la représentait sans yeux, pour ne pas
voir la beauté, les richesses et la gloire, qui
eussent pu la fléchir, la corrompre et la sé-
duire ; on la dépeignait sans oreilles, ,ifin
qu'elle fût sourde aux \œux, aux prières
et aux soupirs ; on la fais;iit paraître sans
entrailles, pour être insensible à la douleur,
aux souffrances et à l'affliction ; et l'on ar-
mait ses cruelles mains d'une longue faux,
avec ces paroles qu'elle prononçait : Je n'é-
pargne personne.
Les chrétiens sont ceux pour qui la dureié
de ce terrible arrêt n'eut j ;mais rien de trop
effrayant : pénétrés des vérités qui leur ont
appris que la vie passe aussi vile qu'une
fleur, coule ainsi qu'une ombre, et s'évanouit
comme la fumée; ils savent que la seule
mort les fera jouir de l'immortalité, pour la-
quelle l'homme avait été créé. Quelle diffé-
rence entre la fin des païi ns qui terminait
tout leur bonheur, et celle des chrétiens qui
commence toute leur félicilél
XV. — Du rajeunissement, et s'il est pos-
sible.
Rajeunir, c'est rentrer dans cette belle
saison qui nous donne les agrénaenls et les
forces de la jeunesse.
Il est inutile de traiter ici la question quo
tant de savants ont agitée, pour savoir si
l'art pourrait être porté jusqu'à ce point
d'excellence, de rajeunir un vieillard : on
10S7
LON
ION
iOSS
sait combien Paracelse s'est vanté que par
son mercure de vie, il lui était possible de
métamorphoser une vieille en jeune, aussi
bien que de changrr le fer en or; lui-
même cependant qui promettait aux autres
les années des sibylles, la longue vie des
ci'rfs, ou tout au moins les 300 ans de
Nestor, cessa de vivre âgé d'un peu plus de
37 ans.
Regarderons-nous cependant la nature, si
admirable dans ses ouvrages, comme une
marâtre, et ne la croirons-nous capable que
d éiouffer ses productions presque au mo-
nienl qu'elle les aura mises au jour? Cet
instinct qu'elle donne à toutes les créatures
pour leur conservation lui manquera-t-il ?
et, serait-il possible qu'elle pût refuser <à
l'homme, pour qui tout a été créé, ce qu'elle
accorde aux cerfs fl), aux aigles, et aux
serpents? On leur voit en effet quitter tous
les ans les tristes apanages de leur caducité,
pour se revêtir des agréments de la jeunesse
la plus vive, la plus gracieuse et la plus bril-
lante.
Dieux cruels 1 s'écriait TibuUe, qui dé-
pouiller les serpents de leurs vieilles années,
qui, arrêtant la fluide rapidité de leurs jours,
retarder leur fin, et leur restituez les tendres
charmes du plus bel âge, pourquoi nous re-
fuseï-vous la môme faveur?
Sentiment que Rimer a soutenu dans la
même idée de Tibulle; il se plaignait avec
lui que la condition de l'homme fût moins
favorable que cil!e de plusieurs animaux :
ils portaient tous deux envie au rajeunisse-
ment des serpents.
Effectivement, on ne trouve pas que l'art
soit encore parvenu à ce degré de perfection
capable de rajeunir l'homme; mais ce que le
passé n'a point vu, l'avenir le pourrait trou-
ver : ce prodige serait d'autant plus à espé-
rer, que la nature l'a opéré plusieurs (ois
dans nombre de personnes que l'histoire
rapporte.
il n'y aurait ainsi qu'à observer la ma-
nière dont elle fait de si étonnants miracles,
pour exécuter ensuite avec succès une aussi
agréable métamorphose; l'arl, par ce moyen,
parviendrait certainement à ce que l'on a vu
de temps en temps arriver à plusieurs. Le
premier moyen egt un bon tempérament,
comme Moïse, dont il est dit que, pendant
cent vingt ans qu'il vécut, sa vue ne baissa
point.
Le cerf, l'aigle, l'épervier et le serpent ra-
jeunissent; Aldrovandus traite du renouvel-
lement de l'aigle. Des oiseaux du ciel, enire
lesquels Pline dit que le corbeau et ie phénix
vivent chacun six cents ans, ce renouvelle-
ment a passé aux animaux de la terre; per-
sonne ne doute que le cerf ne répare sa ca-
ilucilé par l'usage des vipères et des serpents.
Le même Pline assure que, plus de cent ans
après Alexandre de Macédoine, on prit des
cerfs aux(|ucls ce prince avait fait mettre des
colliers d'or, qui se trouvèrent recouverts de
leur peau.
(I) C'est une opinion que chaque aniiéo le curf rajeunit
en quiiuiil sou bois, l'aiale ses i.luincs. cl le serpenl sa
Il y a des singes dans le mont Caunase qui
vivent de poivre, dont ils font la récolle pour
les habitants; la chair de ces animaux est
un médicament souverain pour le lion, qui
s'en guérit et qui rajeunit lorsqu'il en mange.
Le cerf que Thisloire de nos rois marque
avoir élé pris clans les forêts vers Senlls, sous
Louis ^I, dit le Gros, mort en 1037, avait
éprouvé plusieurs rajeunissements depuis
Jules César. C't empereur régnait environ
quarante ans avant la naissance de Jésus-
Christ. Il n'est pas impossible qu'en passant
à la conquête d'Angleterre, alors dile Albion,
il eût fiit donner un collier à cet animal.
Ces mots y furent trouvés, d'un caractère
assez conforme au temps de la république :
César m\i fait ce présent. On y voyait, par la
supputation des années, que ce cerf avait
vécu près de douze cents ans (si ce n'élait
pas un autre César).
Ceux r,ui ont écrit sur l'éléphant avancent
qu'il va jusqu'à trois siècles. Le Geyian, le
royaume de Siam (2), où se trouve le fameux
éléphant blanc qu'on y sort dans des vases
d'or, et le royaume d'Achem, dans l'île de Su-
matra, produisent les plus renommés. Le roi
d'Achem fait rendre à ces animaux des hon-
neurs incroyables; on assure qu'ils ont assez
d'esprit pour y être sensibles. Leur docilité
à l'inslruelion égale leur génie ; on en amène
un nombre devant le trône de diamants du
Mogol, les cinq jours que dure sa fêle, qui
commence à celui de sa naissance : ces élé-
phants, superbement parés, saluent profon-
dément l'empereur, baissant trois fois leur
trompe et la relevant sur leur têle, poussant
en même len)ps un grand cri d'allégresse.
Passant de l'éléphant au chi val, l'histoire
nous appr( nd que, dans le commencement
du neuvième siècle, Raoul, roi de Bourgogne,
qui avait usurpé la couronne de France sur
Charles le Simple, fils de Louis le Bègue, roi
et empereur, reçut l'hommage d'un duc de
Gascogne, lequel était monté sur un cheval
âgé de cent ans, qui était encore assez vigou-
reux. Disons en passant que le cheval est le
seul des animaux de la terre donl la perfec-
tion consiste à participer de l'homme, du
lion, du bœuf, du mouton, du mulet, du cerf,
du loup, du renard, du serpent et du lièvre,
prenant trois qualités de chaque :de l'hom-
me la poitrine, la coupe et les crins; du lion
le maintien, la hardiesse, la fureur; du bœuf
l'œil, la narine, la jointure; du mouton le
nez, la douceur, la patience; du mulet la
force, la constance au travail, et le pied ; du
cerf la tôle, la jambe, le poil court; du loup
la gorge, le col et l'ouï;'; du renard l'oreille,
la queue, le trot; du serpent la mémoire, la
vue, le contournenient; et enfin du lièvre ou
du chat la course, le pas et la souplesse.
Et pour venir des animaux terrestres aux
aquatiques, l'an 1^97, dans un étang de
Souabc, près d'Huilprin en Allemagne, on
pécha un brochet dune grandeur prodi-
gieuse ; ce poisson portail à l'une de ses
"^72) Relation itu olievallcr de CliaumoDt, ambassadeur do
France a Siam, eu 1687.
^'}^9
DICTIONNAinE DES SCIENCES OCCULTES.
lOiO
Dieilles un anneau ilc cuivre; ces caractères
latins s'y lisaient :
Je suis te premier poisson mis dans cet
étang par les tiuiins de Frédéric II, gouver-
neur du monde, le 5 octobre 1230.
Ce brochet paraissait avoir vécu 269 ans,
sans ce qu'il eût pu vivre s'il n'eût pas été
I éché, et si ce récit est sinrère.
Le crocodile, selon Maruiol, est encore un
animal aquatique qui vit très-Ionglenips. On
en juge par ses forces, un seul s'élanl dé-
fendu contre trente hommes; par sa gran-
deur : on en avn de trente-trois pieds de lon-
gueur : par sa grosseur, on en a trouvé dans
la gueule desquels un homme eût pu se tenir
debout. On ajoutera (]ue sa chair odorifé-
rante parfume les lieux où l'on en fait la
dissection : ce qui pourrait encore contribuer
à sa longue vie.
Des animaux de la terre le rajeunissement
est descendu jusqu'aux reptiles; le serpent
qui renouvelle le cerf se renouvelle en quit-
tant sa vieille peau : on en peut déduire que,
la nature se rajeunissant dans l'ordre infé-
rieur des productions de Dieu, il n'est pas
hors d'apparence que le même prodige se
puisse trouver dans l'ordre supérieur de ces
mêmes productions d'où l'homme a été tiré;
car enfin l'homme n'est pas de pire condition
que les bétes qu'il devait dominer.
11 est certain que le secret du rajeunisse-
ment serait l'art de trouver au moins la lon-
gue vie; il faut pourtant convenir qu'elle
pourrait s'acquérir sans son secours; la na-
ture peut donner à un seul homme autant
de jours qu'elle en donne à plusieurs, ainsi
qu'elle a donné, par exemple, à des géants
autant de stature qu'il en eût fallu pour for-
mer les corps de trois hommes raisonna-
bles.
Moïse rapporte que de son temps on voyait
le lit de fer d'un géant, lequel avait neuf
coudées de longueur, ou treize pieds et demi,
«ur six de largeur; cette taille était bien
d.ffércnte de celle de ces pygmées du détroit
de Magellan, ou de ces Lapons de Suède qui
n'ont guère de haut que trois pieds et demi.
De semblables nains eussent pris pour un
colosse cette Sccundilla, qui rivait sous Au-
guste. Solin, dans son recueil des choses
mémorables , remarque qu'elle avait dix
pieds de hauteur; et l'Hercule thébain, que
ses trente-sept travaux ont rendu si célèbre,
n'avait que sept pieds de taille, scion le même
écrivain.
XVL — Des hommes et des femmes que l'on
croit avoir été rajeunies.
Ovidecontele rajeunissement du vieil Eson,
qui était père de Jason, roi de Thessalie, que
Médée aimait. A sa prière, elle employa sa
science à ce rajeunissement. Eson fut enve-
loppé dans une quantité d'aromates cl d'her-
bes chaudes , arrosées de liqueurs spécifi-
ques; et ce fut par le moyen de leurs sucs
que Mcdéc lui fit recouvrer sa première jeu-
nesse.
Le quatrième livre d'Hérodote fait men-
tion d'une fontaine qui rétablissait les vieil-
lards dans leur vigueur.
Pierre Chicza rapporte de semblables mi-
racles dune fontaine située à Lucaya dans
1 Amérique ; c'est peut-être sur les admi-
rables vertus de pareilles eaux qu'a paru
le proverbe d'aller à la fontaine de Jou-
vence.
Le Campus Elysius d'Arejes cite André
Bficcius, liv. VI, chnp. 28 de Thermis, qui
rapporte que l'Ile d'Euboé, aujourd'hui Né-
grepont, dans l'archipel de la Grèce, avait
une fontaine qui changeait la vieillesse en
jeunesse.
Au nord de Napoli de Romanie , dans la
Morée, près des ruines de l'ancienne Nau-
plion, voisine d'Argos, on voyait autrefois l.i
célèbre fontaine nommée Canathus. Pausa-
nias dit que la déesse Junon s'y baignait
tous les ans ; il assure que les eaux de cette
source rétablissaient, dans celte épouse de Ju-
piter, ce que le temps, qui use tout, pouvait
apporter de dommages à sa jeunesse. Ce fut
ce qui engagea les femmes du pays à y al-
ler en pèlerinage , supposé que Pausanias
ne nous en veuille pas faire accroire.
Valescus ïarentaiius parle d'une abbesse
deMorvédro, autrefois Sagonte, au royaume
de Valence en Espagne; sa décrépitude fut
convertie en brillante jeunesse, ses dents
redevinrent blanches, ses cheveux noirci-
rent et s épaissirent, les rides de son front
disparurent; elle fut une seconde fois jeune.
Ferdinand Caslenade et Mafféi assurent
unanimement qu'un noble Indien rajeunit
trois fois pendant trois cent quarante ans
qu'il vécut.
Torquemada montre qu'en 1531, à Ta-
renie, ville du royaume de Naples , un vieil-
lard âgé de cent ans rajeunit ; un reste de
mauvais cheveux tomba , et il lui revint une
tête naissante, en sorte qu'il se sentit re-
nouvelé, et vécut encore cinquante ans.
Pierre Martyr cite un autre vieillard, qui ,
pour se procurer une longue vie, se baignait
dans une fontaine, dont, ayant bu quelque
temps, il parut jeune et frais , se maria , et
eut des enfants.
Le roi de Gambnye , aux Indes orientales,
prit dans ses troupes un habitant de Ben-
gala, âgé de trois cent trente- cinq ans , qui
avait un fils très-vieux, s'il faut en croire la
physique curieuse de Gaspar Scot.
Lorichius nous apprend qu'un homme ,
dans une maladie, perdit ses cheveux blancs,
sa barbe, et jusqu'à sa vieille peau. Sa sur-
prise fut Irès-agréable quelques mois après,
voyant renaître sa chevelure blonde, et une
légère barbe, avec une peau de la plus
vive fraîcheur.
Aulu-Gelle dit qu'une femme nomméeVic-
loria , à l'âge de quatre-vingts ans , perdit
seis mauvaises dents avec ses cheveux blancs;
dans la suite, les plus belles dents et les plus
beaux cheveux lui revinrent : il est à sou-
haiter que ces auteurs ne nous trompent pas
en écrivant des événements si flatteurs.
Pline a remarqué plusieurs personnes très-
âgées, à qui les dents étaient revenues: il
lOlt
LON
ajouie que sur leurs (êtes les cheveux blancs
avaient aussi cédé la place aux plus beaux
cheveux noirs.
Poste! , dont nous avons parlé , étant par-
venu à la plus grande vieillesse, vit ses che-
veux et sa barbe changer du blanc au noir.
Ces exemples prouvent le rajeunissement
possible, d'où l'on pourrait espérer de (rès-
iongues années , pour qui découvrirait la
rare invention :heureuxcn même temps ceux
quijouiraientavecsagessedes choses de la vie!
Les gens, à la vérité, qui tranchent sur
toutes choses, qui font les génies sublimes
et qui ne trouvent rien sans le contester,
affectent d'être incrédules surdo pareils pro-
diges de la nature ; ils lui disputent son pou-
voir et ne veulent pas qu'elle puisse opérer
des choses si surprenantes.
X\ II. — Méthode d'Arnaud de Villeneuve,
pour opérer le grand œuvre du rajeunisse-
ment
.\rnaud de Villeneuve, médecin en France,
vers la fin du xiii» siècle , avait apparem-
ment lu les rajeunissements dont nous venons
de parler ; ils lui donnèrent envie d'inventer
une mélhode pour parvenir à de tels prodi-
ges, sans aller dans les pays éloignés, où se
sont trouvées les heureuses et f.ivorables fon-
taines qui y ont le plus contribué. Pour cet
effet il a Idissé à ses plus intimes le secret du
grand œuvre qu'il avait imaginé.
Il veutqu'on renouvelle cetleosuvre adtni-
rable tous les sept ans sur les corps naturel-
lement sains et bien organisés ; quant à ceux
qui sont trop ou (rop peu resserrés, il ordonne
qu'on les tempère par l'usjige d'une once de
moelle de la meilleure casse , prise en entrant
à table une fois par semaine, et trois fols avant
de commencer sa méthode; la casse étant fa-
vorable , suivant ce médecin, contre toutes
les humeurs viciées.
Dès le premier jour de l'opération on mettra
sur le cœur, pendant le sommeil, un emplâtre
d'une once de safran oriental , d'une dcmi-
jnce de roses rouges, de deux gros de santal
de pareille couleur, d'un gros de bois d'aloès,
et d'autant de bon ambre ; ces drogues Irès-
pulvérisées s'incorporeront avec une demi-
livre de cire blanche, et se malaxeront dans
une quantité suffisante d'huile rosat. Au ré-
veil on lèvera cet emplâtre pour le rouler,
afin de l'enfermer dans une boite de plomb
jusqu'au moment de s'en resservir en entrant
au lit.
Cette œuvre consiste en.<:aile à vivre quel-
que temps de poules préparées d'une certaine
manière; les lempéramenls sanguins pen-
dant 16 jours, les flegmatiques durant 25, et
les mélancoliques pendant 30.
Par cette raison on aura autant de poules
que letempéramenl l'indiquera; on lesmellra
dans un lieu spacieux où l'air soit pur et
l'eau claire, et dans lequel il n'y ait ni her-
bes ni autres choses à manger ; pour qu'elles
ne puissent être nourries que de l'aliment
destiné.
Cet aliment se fera avec autant de bonnes
vipères qu'il y aura de poules; ou fouettera
LON
mi
ces reptiles dans un tonne;iu à l'effet de leur
couper ausilôt la têle et la queue ; puis les
ayant écorchés, on les trempera dans du vi-
naigre , et on les frottera de sel avec uno
étoffe rude ; ensuite les ayant mis par mor-
ceaux, on les jettera dans une grande marmite
avec une demi-livre do fleurs de romarin, de
fenouil, de calamanthe et d'anet, autant des
unes que des autres , et l'on y ajoutera
une demi-livre d'herbes de cumin ; la mar-
mite étant aux deux tiers pleine d'eau pure
on la fera doucement bouillir jusqu'à la cuis-
son des vipères.
Alors on y versera une quantité de fro-
ment bien nettoyé, et suffisante à la nourri-
ture des poules pendant les jours arrêtés :
on fera cuire ce blé jusqu'à ce qu'il se soit
rempli de la qualité de ces reptiles, couvrant
la marmite pour y mieux conserver leur»
esprits, et la tenant élevée sur un trépied où
elle agira également à feu doux jusqu'à ce
que tout s'épaississe ; en cas de besuiu ou y
pourra remettre de l'eau.
La marmite ôlée de dessus le feu, on éten-
dra ce blé pour le sécher dans un lieu bien
aéré, crainte de corruption, et quoique chaud
on en donnera aux poules, leur en faisant de
petites peloles avec du son que l'on pétrira
dans le bouillon.
Ces poules ainsi engraissées pendant un ou
deux mois, la personne en mangera tous les
jours une ; on la fera cuire seule dans une
quantité d'eau nécessaire à faire deux assiet-
tes de potage. On fera ce potage avec un pain
de farine pure de froment, bien fait et de deux
jours au plus.
A souper, on ne prendra qu'un potage,
comme à dîner, avec le reste de la poule, ou
deux ou trois œufs frais bouillis dans l'eau, à
l'ordinaire, que l'on mangera avec un peu
de ce pain, buvant du vin blanc ou du clai-
ret, à cause de leur légèreté.
Cette opération est plus salutaire aux mois
d'avril et de mai, à cause du renouvellement
de la nature. Lorsque les jours en seront
achevés, on se baignera trois fois dans une
semaine, de deux jours l'un, dans une eau
claire et tiède, où l'on aura mêlé une décoc-
tion de fleurs de romarin, de sureau, des
deux sthécas, de camomille, de mélilot , de
roses rouges et de nénuphar, de chacune
une livre; on y joindra des racines de bis-
torte, de brionne, de coulevrée, d'aulnée, de
patience et d'iris, de chacune une poignée,
nette et concassée, le tout mis dans un sac
de loilc de lin, et bouilli une ou deux ondes
dans un grand chaudron plein d'eau de
rivière.
Le bain se prendra à jeun et jusqu'au cou,
et l'on s'y assiéra sur le sac de fleurs pour
y rester une heure au moins ; ce sac servin
seul aux trois bains.
Sortant de l'eau, on avalera un gros de
bonne thérlaque dans six cuillerées de vin
infusé de fleurs de romarin et de cumin, et
l'on se mettra dans un lit tiède pour y repo-
ser et dormir.
S'il survenait une sueur, on la soutiendra
comme l'effet favorable de ce remède ; et.
1045 DICTIONNAIRE DES SCIKNCES OCCULTES
après avoir reposé, sué cl dormi, on mangera
iiiodcrémenl selon l'appélil.
Pour achever celte opération, causera au
moins pendant douze jours de la confection
qui suit, après s'être baigné.
Ayei quatre onces de chaux d'or, dissous
philosophiquement, bois d'aloès, bois des trois
sanlaux, semences de perles, saphirs , hya-
cinthes , énicraules, rubis, topazes, corail
blanc et rouge, baume Irès-pur, rûpure d"i-
voirc, des os du cœur du cerf, de chacun un
demi gros ; ambre et musc des meilleurs, six
grains de l'un et autant de l'autre.
Pulvérisez le tout d'une manière impalpa-
ble, et l'incorporez avec conserves de citrons,
de bourrache cl de romarin, de chacune une
once; ajoutez j une livre de sucre On pour
former ce condiment avec du sucre rosat,
autant qu'il en faudra pour mettre cette con-
fection dans un vase de porcelaine ou de
fayence que" l'on couvrira bien.
Hen faut prendre les malins à jeun cl lessoirs
en se couchant environ une demi-cuillerée,
el l'on connaîtra dans peu le prix de celte œu-
vre rare pour réparer la caducité la plus
décrépite.
Gel art merveilleux de rétablir la nature ,
n'est pas dans le volume in-folio des ouvra-
ges du célèbre Arnaud de Villeneuve, impri-
més à Lyon il à Bâle au quinzième siècle ;
U est dans un ancien manuscrit latin, tombé
dans le dix-seplième à M. du Poirier, pre-
mier médecin di' I'h6|iital général de Tours,
Sii le prêta à M. l'abbé de Vallemont, au
âtcau de la Rourdaisiiôre, en Touraino, le-
quel l'a communiqué à l'auteur de ce traité.
X'III. Dfs choses qui peuvent prolonger
notre vie.
*Ml
Ces choses sont des quintessences qui se
tirent des animaux, des minéraux et des vé-
géla,ux.
La perfection de ces quintessences con-
siste dans leur préparation; elle est si diffé-
rente dans les opérations, que souvent ces
essences ne semblent pas élrc une même
chose tirée du même principe.
L'essence, par exemple, des vipères con-
serverait la santé bien des années , si elle
était vérilablement travaillée selon l'art ;
cette essence est bien plus salutaire que la
li'oudre des mêmes vipères, qui renferme
^oute leur matière terrestre.
L'essence de myrle préserve de corrup-
tion jusqu'aux choses inanimées.
L'huile balsamique du soufre, laquelle,
au dire de Paracelse, ne laisse corrompre
aucune chose morte ou vivante; elle fait
toujours du bien el jamais de mal, selon
Fioramenli : lorsqu'on a philosophiquement
extrait le sel, la teinture el l'huile essen-
tielle de ce soufre, on procède ensuite à l'o-
pération de son huile balsamique.
L'huiledc mars ou devitriol,extraitedeson
sel et de son huile, rectifiés et cuits ensemble,
produisent l'huile fixe de mars, dont les ver-
tus ne sont pas connues de tout le monde.
La vraie teinture de corail, tirée iiar les
rayons du soleil el l'eau-de-vie céleste, ou
par le jus de cilron.
La quintessence des perles, si utile à Cer-
tifier le principe de vie coalre les venins.
La quintessence de l'ambre gris pour la
santé (et non pour les parfums), laquelle
augmente notre chaleur sans l'enllammer, et
la fomente sans la résoudre; elle relève les
forces abattues des vieillards pqr l'esprit
universel dont elle est remplie.
La quintessence du sucre (dont Isaac,
hollandais, nous a laissé la pratique), cl qui
est si favorable à tous les tempéraments ; il
la prétend souveraine contre l'hydropisie,
la phthisie et la consomption, ainsi que dans,
l'épilepsie cl les accouchements.
La quintessence de miel composé de
fleurs et de rosée, laquelle renferme en elle
un esprit véritablement céleste.
La teinture de l'or naturel, réduit par celle
opéralion à l'huile véritable ou teinture
d'or
De toutes ces essences ou teintures, on
compose en.suilc le diaphoron, dont parle
Barthélémy Korodorfer dans ces termes :
« Il serait difficile d'expliquer les verlus
du diaphoron contre toutes sortes de maux.
« Si l'on en môle par dose avec notre eau
dorée, on aura une très-vigoureuse santé.
« U est le baume de la vie, et a fait dci
miracles.
« Un roi des gentils en a conservé ses
jours jusqu'à trois cents ans.
« Je m'en suis rétabli moi-même, et aussi
un mien ami, âgé de 89 ans, si bien, que
nous étions comme à vingt ans.
« J'en ai donné à des mourants une demi-^
cuillerée; ils sont revenus et se sont bien
portés. »
Le savant M. de Comiers d'Ambrun nous
a donné des règles pour la longue vie; on en
pourrait joindre la pratique aux secrets
dont on vient do parler.
Règles pour la longue vie.
Il faut qu'une bonne constitution puisse
donner lieu à de très-longs jours.
Que l'humeur radicale el la chaleur natu-
relle soient d'accord : d'où naît le tempéra-
ment sanguin, le plus favorable de tous.
Que dans un corps bien organisé il £%
trouve un esprit sain, gai et sage.
Que l'on ne mange que pour vivre , et J3-
n)ais jusqu'à être rassasié-
Qu'on agisse médiocrement, pour tenir le
corps dans une activité raisonnable.
Que l'on vive chastement, si l'on veuf v^-
vre longtemps.
Que l'on s'abstienne de manger diverses
viandes el de boire différentes boissons dans,
un même repas, de crainte que les sucshété
rogènes ne se nuisent dans l'estomac pai
leurs qualités contraires.
Que l'on brise parfaitement ce que l'on
mange. La mastication est une première di-
gestion ; elle se fait par l'humeur acid" qui
sort des glandes salivales, proche les dents,
oculaires : la mastication, la digestion el la
distribution des aliments font en nous uiig
V 5
LON
espèce de chimie imperceptible, sans laquelle
nous no pourrions subsister.
Que dans les repas on mange alternalivc-
ment les choses humides après les sèches,
les grasses après les maigres , les douces
après les aigres , et les froides après les
chaudes, afln que l'une puisse être le cor-
reclifde l'autre.
Qu'après avoir bu plus qu'on ne doit on
mange du pain sec et que l'on prenne du jus
de citron, pour se délivrer dans le moment
du hoquet, que la réplélion engendre aussi
bien que l'inanition; qu'alors on se garde de
boire de l'eau-de-vio ni d'autres liqueurs
chaudes : elles sont pernicieuses après avoir
bu trop de vin.
Que l'on ne fasse aucun exercice violent,
mais seulement jusqu'à la rougeur : jamais
jusqu'à la sueur.
Que dans une sueur extraordinaire on ne
se découvre en aucune manière, et que l'on
marche modérément, de crainte de se refroi-
dir, buvant un peu de vin pur et non de
l'eau, si elle n'est tiède, et goutte à goutte,
pour éviter la pleurésie ou quelque rhuma-
tisme.
Qu'en sortant du lit on ne s'expose pas à
la fenêtre , non plus qu'au feu quand on
vient du froid, parce que tout changement
trop prompt est dangereux.
Que dans les nouveaux fruits on en mange
peu, afin que l'estomac s'y puisse accoutu-
mer et soit ainsi délivré des fermentations,
d'où proviennent tant de fièvres périlleuses.
Que la boisson soit d'un peu de vin : l'eau,
prise dans le besoin, serait plus salutaire;
la bonne est limpide, légère, sans odeur ni
saveur; elle provocjuc un sommeil doux ; les
idées y sont nettes, à la différence des illu-
sions et des rêveries causées par les cha-
leurs et les fumées du vin.
On doit à Néron l'invention de boire l'eau
épurée après la distillation et rafraîchie par
la glace. Cette liqueur naturelle, puie et
simple, dont nos premiers pères ont usé
pendant près de dix-sept cents ans , est
capable de détruire cette pépinière de vers
qu'une corruption engendre dans l'esto-
mac de ceux qui mangent sans choix et
sans mesure, bien souvent sans goût ni déli-
catesse. M. Perrault, de l'académie des Scien-
ces, délivra par cet innocent remède une re-
ligieuse tourmentée d'un pareil accident :
tant il est vrai qu'il n'est pas nécessaire d'ê-
tre médecin pour guérir un malade.
Le dormir se trouvant une tendre inven-
tion de la miséricorde divine pour réparer la
nature épuisée, M. de Comiers veut (comme
disait Apollonius de Tyane à Pliraortes, roi
de l'Inde) que l'on ne dorme pas du bout des
paupières, mais bien de la pensée : c'est ce
qui n'arrive guère à ceux qui usent immo-
dérément du vin et des liqueurs oii entre
l'cau-de-vie, et, qui pis est, de l'esprit-de-
vin. Quoique deux ou trois cuillerées d'eau-
de-vie puissent fortifier l'estomac et aider la
digestion de ceux qui s'oublient jusqu'à trop
manger, et qu'elle soit en certaines rencon-
tres un topi<!ue excellent, on a remarqué
LON
lOiG
que son usage en boisson ayant été intro-
duit en Amériqae, les peuples y oni, ainsi
que nous, abrégé leur longue vie.
Si, après le dormir, les forces, qui doivent
en é:re rétablies, se trouvent abattues, ou
aura recours à la sueur, pour soulager la
pesanteur que causera trop de sue nutritif.
Pour cet effet, on se tiendra immobile sur
les reins, dans des dcaps blancs et chauds,
entre deux lits de plumes n'ayant que le
visage découvert, et l'on no sortira du lit
qu'une heure après avoir sué.
On suera trois fois l'année : dans l'au-
tomne, dans l'hiver et dans le printemps, el
l'on se fera frotter deux fois par semaine,
au moins, avec des linges chauds, pour exci-
ter la transpiration, si néci;ssairo à la vie.
Si l'on était dégoûté, ou fera diète pendant
vingt-quatre heures et l'on se promènera
doucement au grand air, pour ranimer la
chaleur naturelle, accablée par trop de suc
nutritif.
Ce trop de suc nuîritif, poussant avec vio-
lence le sang au cerveau, y cause une pe-
santeur qui souvent est l'avantcoureur do
l'apoplexie. Les plus tendres rameaux des
veines se rompent, et ce suc, en s'épanchant,
presse les nerfs et empôihe la distribution
des esprits. Fernel prétend qu'ils sont le vé-
hicule de la chaleur naturelle; son extinc-
tion donne la mort. On remédiera à cet in-
convénient en ouvrant la veine sans différer,
pour diminuer la cause, et faisant suer dans
le lit : les veines du cerveau s'amolliront et
s'étendront sans se rompre. Changer de lieu
dans ces instants n'est pas indifférent, sur-
tout si l'on fait passer le malade dans un air
plus doux et raisonnablement frais.
La diète el la sueur sont ainsi une espèce
de médecine universelle, capable de préser-
ver nos corps el de leur acquérir une longue
vie.
La diète ramène l'appétit; l'appélit, médio-
crement contenté, augmente les forces; les
forces contribuent à la santé, et la santé
donne la vie.
La sueur dégage des mauvaises humeurs
et soulage les obstructions, d'où procèdent
toutes nos maladies.
Les plus violentes sont guéries par la
sueur réitérée ; elle n'est pas même inutile
contre le tremblement des nerfs. On se guérit
aussi en buvant pendant trois mois, entre les
repas, de l'eau dans laquelle on aura fait in-
fuser à froid de la petite sauge verte passée
sur le feu, à cause des reptiles qui vont y
chercher leur guérison : par exemple, une
poignée de cette plante dans deux pintes
d'eau de rivière bien épurée el froide, où h's
sels ne se fixent pas et où ils restent vol itils,
à la différence de l'eau chaude, où les sels so
fixent et se soutiennent.
A celle manière prompte el simple de gué-
rir, M. de Comiers veut que l'on joigne une
nourriture de très-facile digestion pour les
malades; elle se fail de bonnes viandes cou-
pées par petits morceaux, avec les os moel-
leux cassés très-menus, et piles dans uir
mortier de marbre : ces viandes cuites à feu
io;7
blCTlONNAlUE DES SCIENCES OCCULTES
1048
lent seront passées dans un linge blanc , et
de celle espèce de panade les malades use-
ront pour aliment et buisson , en la rendant
à It'ur gré plus ou moins liquide.
Ceux qui voudront dans les bouillons faire
retenir les sels volatils des viandes, qui en
font la meilleure partie, se serviront de la
machine de M Papin , pour amollir les os :
l'utilité en est parfaitement démonlrce dans
l'impression de 1682 faite chez Michallel.
XIX. — De la médecine universelle^
La diète et la sueur, que M. de Comiers a
pensé des remèdes certains, lui ont fait in-
venter une médecine universelle qui les aidât
et même les perfectionnât.
Dans cette vue, son étude nous a dccou-
Ti rt la teinture aurifjque de l'antimoine , qui
est le premier être de l'or ; il le prétend si
homogène à nos corps, que si le secret n'en
est pas infaillible, au moins lui sera-l-on
obligé d'avoir essaye de nous procurer une
santé capable de nous faire arriver à la plus
longue vie, après notre immortalité perdue.
Composition de la médecine universelle.
Prenez sel de nilre raffiné; fondez-le len-
tement dans un vaisseau de fer ; étant fondu,
jetez dessus une légère quantité de charbon
de bois doux (comme du saule) bien pilé; ce
charbon sç consumera d'abord , ce qui
obligera d'en remettre peu à peu , jusqu'à ce
que le sel de nitre , après la détonation, soil
fixe, et qu'il ait une couleur un peu verdâtre;
c'est ce qui arrive lorsque le charbon ne se
$oulèYC pas comme il faisait auparavant :
alors versez votre sel de nitre fondu dans un
mortier de marbre bien chaud ; étant re-
froidi, il restera blanc comme pierre d'albâ-
tre , et cassant comme verre ; pikz-le incon-
tinent, et étendi-z la poudre sur une assiette
de fayence, et l'ayant couTcrte contre la
poussière , exposez-la un peu penchée à l'air,
inaia dans un endroit où le soleil , la pluie ni
la rosée ne puissent pénétrer; mettez au-
dessous un vase de tçire, pour recevoir la
liqueur huileuse qui en coulera; car l'humi-
dilé de l'air résolvant le sel de nitre en quel-
ques jours, on Irouveradeux fois plus pesant
d'huile qu'il ny avait de sel, si l'opération
se fuit dans mi temps doux, tempéré et hu-
wide.
Celte huile étant rectiflée est un très-puis-
sant dissolvan! pour extraire l'essence de
toutes sortes de mixtes.
Ainsi prenez quatre ou cinq parties de
celle huile rectifiée, avec une partie du meil-
leur antimoine, que l'on reconnaît par cer-
taines rousseurs qu'il lire de l'or, près de la
mine duquel il se forme; l'antimoine étant
réduit sur le marbre en poussière très One,
meliez-lc dans un grand matras de verre , et
versez Ihuile de nitre par-dessus ; il faul que
les deux tiers du matras restent vides; bou-
chez si bien le matras, qu'il ne transpire
point ; meltez-le en digestion à feu doux, ou
à feu de lampe, jusqu'à ce que l'huile, qui
surnage sur l'antimoine, paraisse de couleur
d'or ou de rubis ; alors lirez votre huile, et
(I) Voyages lie Cook.
l'ayant filtrée par le papier, versez-la dans
un autre matras de verre à col loug, cl
mettez par-dessus autant de bon esprit de vin
bien rectifié; les deux tiers du matras restant
vides, bouchez-le bien, mettez-le ensuite en
digestion à chaleur lente pendant quelques
jours, jusqu'à ce que l'esprit de vin ait tiré
touie la couleur de l'huile en teinture de l'an-
timoine , de manière que l'huile de nilre res-
tera au fond très-claire et blanche, sur la-
quelle surnagera l'esprit de vin, et séparez-
le par décantation ; Ihuile de nitre servira
toujours à d'autres opérations pour tirer l'es-
sence de l'antimoine autant que l'on voudra.
Mêliez votre esprit de vin dans un alambic
de verre , distillez-le doucement jusqu'à ce
qu'il n'en reste au fond que la cinquième
partie qui retiendra la teinture de l'anli-
moine, ou bien distillez tout l'esprit de vin,
ne laissant au fond que l'essence de l'anti-
moine.
Vous aurez ainsi en liqueur la médecine
universelle, qui guérira ou préservera di»
tout mal.
La dose est de cinq à six gouttes dans da
vin ou du bouillon, selon l'indisposition.
Due dose plus forte ne peut nuire ; les ma-
ladies se guérissent dans la troisième prise;
si le mal se rendait opiniâtre, un redoublera
l.i dose , et l'on en prendra trois fois par se-p
maine.
Cette médecine guérit les maux inlernoa
cl externes, comme plaies et gangrènes,
l'appliquant dessus en forme de baume; elle
réconforte laléte et l'estomac, étant un véri-
table or potable; elle opère par l'insensiblo
transpiration, souvent par les sueurs et les
urines, rarement par ailleurs, et presque
jamais par le vomissement : son effet est na-
turel et sans violence, ce qui fait qu'on en
peut user à tout âge , pour toutes com-r
plexions, et dans tous les temps.
A celle médecine universelle, nous en join-r
drons une pour réparer les forces aballuea,
et guérir toute lassitude.
Pour rappeler les forces.
Mettez un coq sous une geôle; nourrissez-,
le 15 jours de bon froment, et laissez pro-i
mener autour six poules avec un autre coq
très-rjeune: il excitera celui qui sera renfermé,
en sorte qu'il mangera de colère et de ja-
lousie, ce qui l'enflammera; après les 15
jours tuez le coq ancien , distillez-eu le sang,
versant trois fois l'eau qui sortira sur les lies;
prenez celle eau distillée, metlez-y trois
gouttes d'ambre gris , et en avalez une cuil-
lerée à jeun les malins pendant 15 jours.
Voyez Secbkt.
LOOTA, oiseau qui , dans l'opinion de»
habitants des lies des Amis, mange à l'instant
de la mort les âmes des gens du peuple , et
qui , pour cet effet , se promène sur leurs
tombes (1).
LORAY. Voy. Orat.
LOTERIE. La loterie doit son origine à un
Génois. Elle fut établie à Géncs en 17-20, eu
France en 1758. Elle est supprimée depuis peu.
Entre plusieurs moyens imaginés par les
1019
LOU
LOU
1.150
visionnaires pour gagner à la loterie, le plus
commun étail celui des songes. Un rêve,
sans que l'un en snclie la raison, indiquait à
celui qui l'avait fait les numéros qui devaient
sortir au prochain tour de roue. Si l'on voit
en songe un aigle, disent les livres qui en-
seignent cette science, il donne 8, 20, 40. Un
ange, 20, 46, 56. Un bouc, 10, 13, 90. Des
brigands, 4, Id, 33. Un champignon, 70,80,
90. Un chal-huant, 13, 85. Un crapaud. 4,
46. Le diable, 4, 70, 80. Un dindon, 8, 40,
66. Un dragon, 8, 12, 43, CO. Des fanlômes,
1, 22, 52. Une femme, 4, 9, 22. Une fille, 20,
35. 58. Une grenouille, 3, 19, 27. La lune,
9, 46, 79, 80. Un moulin, 15, 49, 62. Un ours,
21, 50, 63. Un pendu, 17, 71. Des puces, 45,
57, 83. Des rats, 9, 40,56. Un spectre, 31,43,
74, elc.
Or, dans cent mille personnes qui met-
taient à la loterie, il y avait cent mille rêves
différenis, et il ne sortait que cinq numéros ;
de plus, aucun système ne se ressemblait.
Si Cagliosiro donnait pour tel rêve les nu-
méros 11, 27, 82, un autre indiquait des nu-
méros tout opposés.
Secret pour gagner à la loterie.
Croirait-on que les livres de secrets mer-
veilleux donnent gravement ce procédé ? Il
faut avant de vous coucher réciter trois fois
la formule qui va suivre; après quoi vous la
mettrez sous votre oreiller , écrite sur un
parchemin vierge; et pendant votre som-
meil le génie de votre planète vient vous
dire l'heure où vous devez prendre votre
billet, et vous révéler en songe les numéros.
Voici la formule :
« Seigneur , montrez-moi donc un mort
mangeant de bonnes viandes, un beau pom-
mier ou de l'eau courante, tous bons signes ;
et envoyez-moi les anges Uriel, Rubiel ou
Barachiel , qui m'instruisent des nombres
que je dois prendre pour gagner; par celui
qui viendra juger les vivants et les morts et
le siècle par le feu. »
Dites alors trois Pater et trois Ave pour
les âmes du purgatoire
LOUDUN. Pour la possession de Loudun,
voyez Grandier. L'histoire des diables de
Londun est l'ouvrage d'un calviniste très-
partial, pour ne pas dire Irès-menteur.
LOUIS 1", surnommé le Débonnaire, fils
deCharlemagne, né en 778, mort en 840.
Les astrologues jouirent, dit-on, d'une grande
faveur à sa cour.
A l'article de la mort , ou raconte qu'au
moment où il rtcevait la dernière bénédic-
tion, il se tourna du côté gauche, roula les
yeux comme une personne fâchée , et pro-
féra ces mots allemands .■ hutz, hutz (dehors,
dehorsjl Ce qui fit conclure qu'il s'adres-
sait au diable , dont il redoutait les appro-
ches (1).
LOUIS XI , roi de France , né en 1+23 ,
mort en 1483. Un astrologue ayant prédit la
mort d'une personne qu'il aimait, et cette
personne étant morte en effet, il crut que la
{IJ M. Garinel, Hisl. de la magie eu Frauce, fit
prédiction de l'astrologue en étail la cause.
Il le fit venir devant lui avec le dessein de le
faire jeter parla fenêtre. — Toi qui prétends
être né si habile homme, lui dit-il, ap-
prends-moi quel sera ton sort?
— Le prophète qui se doutait du projet
du prince , lui répondit : Sire, je prévois
que je mourrai trois jours avant votre ma-
jesté.
Le roi le crut, et se garda bien de le faire
mourir. Du moins tel est le conte ; el on
en a prêté beaucoup à ce roi si bizarre.
LOUIS XIII , roi de France, né en 1001 ,
mort en 1641, surnommé le Juste parce qu'il
était né sous le signe de la Balance ; mais il
mérita ce surnom. Lorsqu'il épousa linfanle
Anned'Autricha, on prouva, dit Sainl-Foix,
qu'il y avait entre eux une merveilleuse et
très-héroïque correspondance. Le nom de
Loys de Bourbon contient treize lettres. Ce
prince avait treize ans quand le mariage fut
résolu ; il étail le treizième roi de France du
nom du Loys. Anne d'Autriche avail aussi
treize lettres en son nom ; son âge était de treize
ans, el treize infantes du même nom se trou-
vaient dans la maison d'Kspagne. Anne el
Loys étaient de la même taille ; leur con-
dition était égale ; il étaient nés la même
année et le même mois.
LOUIS XIV. Voy. Anagrambes.
LOUIS DE HONGRIE. Peu de temps avant
la mort de ce prince, arrivée en 1520, comme
il dînait, enfermé dans la citadelle de Bude-,
on vit paraître à sa porte un boiteux mal
vôlu , qui demandait avec grande instance à
parler au roi. Il assurait qu'il avait des
choses de la dernière importance à lui com-
muniquer. On le méprisa d'abord, et l'on ne
daigna pas l'annoncer. Il cria plus haut et
protesta qu'il ne pouvait découvrir qu'au roi
seul ce dont il était chargé. On alla dire à
Louis ce qui se passait. Le prince envoya le
plus apparent des seigneurs qui étaient au-
près de lui, et qui feignit d'être le roi : il de-
manda à cet homme ce qu'il avait à lui
dire. Il répondit : — Je sais que vous n'êles
pas le roi ; mais puisqu'il méprise de m'en-
lendre, diles-lui qu'il mourra certainement
bientôt. Ayant dit cela, il disparut, et le roi
mourut en effet peu après (2).
LOUISE DE SAVOIE, duchesse d'Angou-
lôme, mère de François I", morte en 1532.
Elle avait quelques préjugés superstitieux ,
et redoutait surtout les comètes. Brantôme
raconte que trois jours avant sa mort, ayant
aperçu pendant la nuit une grande clarté
dans'sa chambre, elle fît tirer son rideau .
et fut frappée de la vue d'une comète. — Ahl
dit-elle alors, voilà un signe qui ne paraît
pas pour une personne de basse qualité;
refermez la fenêtre. C'est une comète qui
m'annonce la mort; il faut donc s'y pré-
parer.
Les médecins l'assuraient néanmoins
qu'elle n'en était pas là. — Si je n'avais vu,
dit-elle, le signe de ma mort, je le croirais,
car je ne me sens point si bas.
(i) Leuaclivius, Paiidecta; lnsl. lurcic» cUurica:, p. MT.
I1(M
D:CTIO.NNAlRli DliS SCIENCES OCCULTES
lO.j-
Celle comète n'est pas la seule qui ait
épouvanté Louise de Savoie. Gomme elle se
promenait dans le bois de Uomoranlin , la
nuit du 28 août i5ik, elle en vil une vers
l'occident , et s'écria : — Les Suisses 1 les
Suisses 1
Elle resta persuadée que c'était un aver-
tissement que le roi serait en grande affaire
contre eux (1].
LOUP. Chez les anciens Germains et chez
les Scandinaves , le diable ou le mauvais
principe était représenté par un loup énorme
cl béant.
A Quimper, en Bretagne , les habitants
niellent dans leurs champs un trépied ou un
couteau fourchu, pour garantir le bétail des
loups et aiitres bêtes féroces (2).
Pline dii que si un loup aperçoit un homme
avant qu'il en soit vu, cet homme deviendra
enroué et perdra la voix ; fable qui est restée
en vigueur dans toute l'Italie.
En Espagne, on parle souvent de sorciers
qui vont faire des courses à cheval sur des
IcMips, le dos tourné vers la tête de la bête,
parce qu'ils ne sauraient aller autrement à
eause tie la rapidité. Ils font cent lieues par
heure; car ces loups sont des démons. La
queue de ces loups est raide comme un bâ-
ton, et il y a au bout une chandelle qui
éclaire la route.
Il n'y a pas un homme à la campagne qui
ire vous assure que les moutons devinent à
l'odorat la présence du loup ; qu'un troupeau
ne franchira jamais le lieu où l'on aura en-
lerré quelque portion des entrailles d'un
loup; qu'un violon monté avec des cordes
tirées des intestins d'un loup mettrait en
fuite tout le bercail. Des hommes instruits et
sans préjugés ont vérifié toutes ces croyantes
et en ont reconnu l'absurdité. Kirker a ré-
pété à ce sujet des expériences démonstra-
tives ; il a même poussé l'épreuve jusqu'à
suspendre un cœur de loup au cou d'un mou-
Ion, et le pacifique animal n'en a pas moins
hrouté l'herbe (3). Yoy. Oraison du loup,
ErREUHS PltPCLAlRES, CtC.
LOUP-GAllOC, ou LYCANTHROPE,
homme ou femme métamorphosé en loup par
enchantement ou sorcellerie. Voy. Lycan-
rnnopiE.
LOUVIERS (Possession de). Voy. Picard.
LOYER (Pierre le), sieur de la Brosse,
conseiller du roi au siège présidial d'Angers,
et démonographe, né à Huillé dans l'Anjou,
en 1330, auteur d'un ouvrage intitulé : Dis-
cours el histoires des spectres, visions et ap-
paritions des esprits, anges, démons et âmes
se montrant visibles aux hommes; divisé en
huit livres, desquels, par les visions mer-
veilleuses et prodigieuses apparitions ave-
nues en tous les siècles, tirées el recueillies
des plus célèbres auteurs tant sacrés que
profanes , est manifestée la certitude des
spectres et visions des esprits, et sont baillées
les causes des différentes sortes d'appari-
lions d'iceux, leurs effets, leurs différences,
(tl M. Weiss, Biograptiie universelle.
ii) Voyage au Finistère, t. llf, p. 33.
(3) Saisufs, Des Erreurs el des préjugés , t. 1", p, 9.
les moyens pour reconnaître les bons et les
mauvais el chasser les démons; aussi est
traité des extases et ravissements ; de l'es-
sence, nature et origine des âmes, et de leur
état après le décès de leur corps; plus des
magiciens et sorciers ; de leur communica-
tion avec les malins esprits; ensemble des
remèdes pour se préserver des illusions et
impostures diaboliques. Paris, chez Nicolas
Buon, 1603, 1 vol. in-4''.
Ce volume singulier est dédié Deo optimo
maximo ; il est divisé en huit livres, comme
l'annonce le titre qu'on vient de lire. Le pre-
mier contient la définition du spectre, la ré-
futation des saducéens, qui nicnl les appari-
tions et les esprits; la réfutation des épi-
curiens , qui tiennent les esprits corpo-
rels , etc.
Le livre second traite, avec la physique du
temps, des illusions de nos sens, des prestiges,
des extases et métamorphoses des sorciers,
des philtres.
Le troisième livre établit les degrés, char-
ges, grades et honneurs des esprits ; les his-
toires de Philinnion et de Polycrite, el di-
verses aventures de spectres et de démons.
Dans le livre suivant, on apprend à quelles
personnes les spectres apparaissent; on y
parle des démoniaques, des pays où les
spectres el démons se montrent plus volon-
tiers. Le démon de Socrale , les voix pro-
digieuses, les signes merveilleux, les songes
diaboliques ; les voyages de certaines âmes
hors de leur corps tiennent place dans ce
livre.
Le cinquième traite d« l'essence de l'âme,
de son origine, de sa nature, de son état
après la mort, des revenants.
Le livre sixième roule tout entier sur l'ap-
parition des âmes; on y démontre que les
âmes des damnés el des bienheureux ne re-
viennent pas ; mais seulement les âmes qui
souffrent en purgatoire.
Dans le septième livre, on établit que la
pylhonisse d'Endor fil paraître un démon
sous la figure de l'âme de Samuel. Il est traité
en ce livre de la magie, de l'évocation des
démons, des sorciers, etc.
Le dernier livn; est employé à l'indication
des exorcismcs, fumigations, prières et autres
moyens anti-diaboliques. L'auteur , qui a
rempli son ouvrage de recherches et de
science indigérée, combat le sentiment ordi-
naire qu'il faut donner quelque chose au
diable pour le renvoyer.
« Quant à ce qui est de donner quelque
chose au diable, dit-il, l'exorciste ne le peut
faire, non pas jusqu'à un cheveu do la tête,
non pas jusqu'à un brin dherbe d'un pré ;
car la terre et tout ce qui habile en elle ap-
partient à Dieu. »
LUBIN. C'est le poisson dont le fiel ser-
vit au jeune Tobio pour rendre la vue à sou
père. On dit (]uil a coiilre l'ophllialmie une
grande puissance, et que son cœur sert ^
chasser les démons (4).
(l) Lelover, HIsl. des snoclres-ou anparit. des esiiiiis,
liv VUl, p. S53.
<03'
IXG
F.UClîSME, démon invoqué dans les lita-
nies du snbbnt.
LUCIEN, écrivain grec donl on ignore l'é-
poque de la yie et de ta mort. On a dit qu'il
fut cliangé en âne, ainsi qu'Apulée, par !es
sorciers de Larissc, qu'il était allé voir pour
essayer si leur art magique était visible; de
sorte qu'il devint sorcier.
LUCIFER, nom de l'esprit qui préside à
l'orient, selon l'opinion des magiciens. Lu-
cifer était évoqué le lundi, dans un cercle
au milieu duquel était son nom. Il se con-
tentait d'une souris pour prix de ses com-
plaisances. On le prend souvent pour le roi
(les enfers. Lucifer coiuinande auxEuropéens
et aux Asiatiques. 11 apparaît sous la forme
et la figure du plus bel enfant. Quand il est
en colère, il a le visage enflammé, mais ce-
pendant rien de monstrueux. C'est, selon
quelques démonographcs, lo grand justicier
des enfers. Il est invoqué le premier dans
les litanies (^u sabbat.
LUCIFERIENS, nom donné aux partisans
de Lucifer, évéque schismalique de Cagliari,
au quatrième siècle.
LUCUM0RIEN8, sujets du czar de Mosco-
vie, qui, à l'instar de la marmotte , depuis
le mois d'octobre jusqu'à la fin du mois d'a-
vril suivant, demeurent comme morts, au
4ire de Leloyer (1).
LUDL.\M , sorcière , fée ou magicienne
très-fameuse, dont les habilanls du comté de
Surrey, en Anglelerre , pl.icenl l'habiiation
dans une caverne voisine du ciiâieau de Farn-
ham, connu dans le pays sous le nom du Lu-
dlam's Hole, caverne de la mère Ludlam. La
tradition popul.iire porte que cette sorcière
n'était point un de ces êtres malfaisants qui
Uennenl une place distinguée dans la démo-
nologie; au contraire, elle faisait du bien à
tous ceux qui imploraient sa protection d'une
manière convenable. Les pauvres habitants
du voisinage, manquant d'ustensiles de cui-
sine ou d'instruments de labourage, n'avaient
qu'à lui manifester leurs besoins, ils la trou-
vaient disposée à leur prêter ce qui leur était
nécessaire. L'homme qui voulait avoir un de
ces meubles se rendait à la caverne à mi-
nuit, en faisait trois fois le tour, et disait
ensuite : — Bonne mère Ludlam, ayez la
bonté de m'envoyer telle chose; je vous
promets de vous la rendre dans deux jours.
Cette prière faite, on se relirait; le lende-
main, de grand matin, on retournait à la ca-
verne, à l'entrée de laquelle on trouvait la
chose demandée.
Ceux qui invoquaient la mère Ludlam ne
se montrèrent pas toujours aussi honnêtes
qu'elle : un paysan vint la prier une fois de
lui prêler une grande chaudière, et la garda
plus longtempsq u'il ne l'avait promis.La mère
Ludlam, offensée de ce manque d'exactitude,
refusa de recevoir sa chaudière lorsqu'on la
lui rapporta, et depuis ce temps elle se venge
en ne se prêtant plus à aucune des demandes
qu'on lui fait (2).
LUGUBRE, oiseau du Brésil, dont le cri
(1) Leiovcr, Hisl. des spectres ou npparil. Je» csprils.
liv.lV, p. '455.
LL'L m*
funèbre ne se fait entendre que la nuit; ce
qui le fait respecter des naturels, qui sonl
persuadés qu'il est chargé de leur a|)porler
(les nouvelles des morts. Léry , voyageur
français, raconte que, traversant un village,
il en scandalisa les habitants pour avoir ri
de l'alteniion avec laquelle ils écoutaient le
cri de cet oiseau. — Tais-toi, lui dil rude-
nient un vieillard , ne nous empêche pas
d'entendre les nouvelles que nos grands-
pères nous envoient.
l.ULLE (Raymond), l'un des maîtres le
plus souvent cités de la philosophie herméti-
()up, et l'un des savants les moins connus
du moyen âge. Nous emprunterons ce que
nous allons eu dire à un travail très- remar-
quable de M. E.-J. Dclécluze.
«Raymond Lulle , dit-il, fut le dernier
dos grands chimistes du treizième siècle qui
étudia la science avec bonne foi et désinté-
ressement. A compter de 1330 à peu près, les
dupes et les fripons commencèrent à se mê-
ler de la transmutation des métaux , les uns
dans l'espérance de produire de l'or, les au-
tres pour faire accroire qu'ils posséilaitut le
secret du grand œuvre, et bientôt l'alchimie
devint à la mode dans toutes les classes de
la société. Cependant l'cngouementgénéral
cessa peu à peu , et la chimie, qu'Arnaud de
Villeneuve et Raymond Lulle avaient lancée
dans une si bonne voie, ne fit plus de pro-
grès jusqu'au commencement du xvir siècle.
Entre Raymond Lulle et Bernard Palissy,
cette science resla à peu près slationnaire...
« Raymond Lulle naquit à Palma, capitale
de l'Ile Majorque. Lorsqu'en 1231 le roi d'A-
ragon Jean ou Jayme I" assembla les corlèg
et lit connaître à ses vassaux le dessein qu'il
avait de chasser les Maures de l'île de Major-
que, un certain Raymond Lulle, père du chit
misle, du docteur illuminé, qui nous occu-s
pe, se présenta pour faire partie de cette
expédition, pendant laquelle il se distingua
en effet par sa bravoure. Après la conquêla
et l'expulsion des Maures, Jean d'Aragon fit
la vente des terres. Raymond Lulle en acheta
une assez grande quantité et s'y établit. Re-
vêtu d'emplois honorables et lucratifs, il ne
larda pas à se créer des revenus considéra-i
blés, ce qui l'engagea à faire venir d'Espa-
gne sa femme, donl la couche avait été jus-
que-là stérile, et dont il eut un fils en 123â,
« L'éducation de cet enfant se ressentit dq
la position où se trouvaient son père et toulu
sa famille. Quoique spirituel et fort intelli»
gent, il apprit peu de choses, et céda dQ
bonne heure à toutes les fantaisies et aux
désordres que pouvait se permettre impuné-
ment le fils d'un des conquérants de ri:e , à
qui des dépenses folles ne coûtaient rien.
Celte vie oisive et désordonnée inspira des
inquiétudes à son père, qui lui fit contracter
un mariage brillant dans l'espoir de l'amener
à une conduite plus régulière. Le jeune Ray-
mond, qui, en raison des services rendus à
Jean d'Aragon par son père , avait été fait
sénéchal de l'île et majordome du roi,,épousa
(î) M Noël, Uiciionnaire de la F.able.
1055
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
!()5d
une nob!e et riche héritière, nommée Cathe-
rine Labots, dont il eut trois enfants, deux,
fils et une filif. Malheureusement les soins
de la famille n'apportèrent aucun chango-
rocnt dans la conduite dellaymond Lullc, et
il n'en passai! pas moins son temps à dissi-
per une partie de sa fortune en bals, en fê-
tes et en banquets.
« Converti ( à la suite d'une vision qui le
frappa dans son sommeil) , il se sépara de
sa femme et de ses enfants; après avoir dis-
posé d'une partie de ses biens pour l'entre-
tien de sa famille, il en distribua le reste aux
pauvres, et prit le parti de renoncer au mon-
de. Ce grand événement dans la vie de Ray-
mond Lulle eut lieu en 1267, lorsqu'il avait
atteint sa trente-deuxième année.
« Près des maisons élégantes dans lesquel-
les il avait mené jusque-là sa vie dissipée»,
était la montagne de Ilanda , dont il avait
conservé la propriété , et au sommet de la-
quelle il se proposait de se retirer; mais,
avant de se livrer à la retraite et à la péni-
tence, il Qt d'abord un pèlerinage à Saint-
Jacques de Compostelle en Galice. A son re-
tour, et lorsqu'il se retira effectivement sur
le mont Randa, vêtu de l'habit des frères mi-
neurs, et abrité seulement par une cabane
qu'il avait construite lui-même, toute la ville
de Majorque, sans en excepter les personnes
de sa famille, jugea qu'il était devenu fou ,
et l'ou ne fit bientôt plus guère attenUon à
son nouveau genre de vie, auquel il se con-
forma rigoureusement pendant neuf ans.
« Quoique dans cette retraite il eût de fré-
quentes visions et qu'une bonne partie de
son temps fût consacrée à des devoirs reli-
gieux et à des actes de pénitence, cependant
c'est du fond de cette cellule de Randa que
Raymond forma le projet de travailler acti-
vement à la conversion des infidèles, et sur-
tout des sectateurs de Mahomet; c'est alors
qu'il commença à se livrer aux études gram-
maticales et scientifiques qu'il regardait
comme indispensables à l'accomplissement
de son vaste et hardi projet. En lisant les
livres des Arabes, les seuls où l'on puisât
alors la plupart des connaissances scientifi-
ques sur tous les sujets Raymond Lulle se
familiarisa avec leur idiome , et acquit une
érudition immense qui prépara son esprit à
s'occuper de toutes les matières, et le dispos,!
à embrasser l'ensemble des connaissances
que l'homme peut acquérir.
« Après neuf ans de retraite et d'études ,
Raymond Lulle, sentant sa foi religieuse et
ses connaissances scientifiques solidement
affermi&s, crut qu'il était temps de se rendre
agréable à Dieu et utile au monde en cher-
chant à mettre en pratique tout ce qu'il avait
appris, tout ce qu'il avait conçu. Son idée
dominante, comme celle de tous* les hommes
distingués de cette époque, était de convertir
le& infidèles , de réfuter et de détruire les
principes de l'Alcoran, et de répandre la foi
chrétienne en opposant les vérités Ihéologi-
ques, soutenues par la démonstration scien-
tifique, aux erreurs des enfants de Mahomet.
«11 est vraisemblable ijuc, pendant les
neuf années qu'il passa sur la montagne de
Randa, il s'était déjà livré à la composition
de plusieurs ouvrages importants, puisque
après avoir fait un court séjour à Montpel-
lier, il vint, à l'âge de trente-neuf ans, à Pa-
ris, où il publia différents traités de philo-
sophie, de médecine, d'astronomie et d'autres
sciences....
« Raymond Lulle, dans sa cinquante-sep-
tième année, avait atteint un âge où le corps
et l'esprit de la plupart des hommes devien-
nent ordinairement paresseux et stériles.
Cependant, grâce à l'énergie de son âme, et,
il faut bien le supposer, à la force de son
tempérament , ce ne fut qu'à dater de celle
époque qu'il entra réellement dans la dou-
ble carrière de missionnaire et de savant
qu'il parcourut toujours avec tant de cou-
rage, et souvent avec supériorité.
a Gênes paraît avoir été pour lui le point
central de ses opérations et de ses voyages.
En quittant Tunis, il revint dans cette ville,
d'où, après quelques mois de repos employés
à perfectionner sa méthode, il partit pour
Naples et y enseigna publiquement sa nou-
velle introduction aux sciences, autre forme
de son grand art.
« Cette époque (1263) fut marquée par un
événement très-important dans la vie scien-
tifique de Raymond Lulle. A Naples, où il
n'était venu que dans l'intention de répan-
dre ses doctrines, il retrouva un homme fort
célèbre, avec lequel il avait eu déjà des re-
lations à Montpellier et à Paris, Arnaud de
Villeneuve, le plus savant chimiste de ce
temps. Il s'en fallait bien que Raymond
Lulle fût précisément étranger à l'art de la
transmutation des métaux : en lisant les
auteurs arabes dans sa solitude de Randa ,
il avait née ssairement acquis des connais-
sances théoriques sur cette matière; mais il
lui manquait la pratique, il n'était pas en-
core artiste, lorsqu'en se trouvant avec Ar-
naud de Villeneuve à Naples, il prit goût à
cette science, se lia d'amitié avec le savant
chimiste, reçut de lui des conseils, et même,
à ce que l'on dit, le secret de la transmuta-
tion des métaux et l'art de faire de l'or.
Quelles que soient l'importance et la réalité
de ces prodigieuses confidences, le résultat
des entretiens scientifiques d'Arnaud de Vil-
leneuve avec Raymond Lulle à Naples fut
que le missioiiuaire devint aussi habile chi-
miste que son maître.
« On n'a sans doute pas oublié la distinc-
tion que j'ai établie en commençant entre
les alchimistes et les chimistes. Raymond
Lulle était de ces derniers, et sans m'enga-
ger ici dans une histoire de la science her-
métique, je dois cependant, pour faire con-
naître le rang que notre missionnaire y
occupe, indiquer les noms et les travaux dos
hommes les plus distingués qui font pré-
cédé dans les études chimiques depuis le
VIII' siècle.
« Cette science, déjà connue dans l'anti-
quité, fut transmise aux Européens par les
Arabes. Le plus ancien chimiste de celte na-
tion, parmi les véritables savanls^est GeUep>
f()-7
I.UL
(XL
105'<
iiui vivait vers l'an 730 de notre ère. Il reslo
(le lui un assez grand nombre d'ourragcs,
dont les plus importants sont : 1° Somme île
1.1 perfi'clinn du grand œuvre, Summa pnr-
fectionis magisterii; 2" Livres de la recher-
che du grand œuvre, Lihri invesiigalionis
magisterii ; 3" enfin le Testament de Gelier,
philosophe et roi de l'Inde, Testamenttim Ge-
bri philosophi et Indice régis. Le premier ou-
vrage traite de l'essence, des espèces diver-
ses, de la sublimation et calcinatioa des
minéraux, des préparations qu'on pont leur
faire subir et de l'emploi de c;'s corp-; dans
les opérations chimiques. Le second donne
une suite de receUes pour obtenir les sels
de toutes les substances minérales qui en
oonliennent ou en produisent. Le troisième
traite encore des sels, mais plus particuliè-
rement de la calcinalion des métaux (1).
« Rha/cs , médecin, chirurgien et anato-
mislc, arabe de naissance, mort en 922 de
noire ère , tient encore une place éminente
parmi les chimistes de son pays et de son
temps. II passe pour êlre le premier qui ait
fait mention de l'eau-de-vie, arak. Son livre
intitulé : Préparation du sel ammoniac, est
cité par les savants comme une œuvre très-
remarquable ; et dans le cours de ses traités
sur la médecine, on peut acquérir la convie-
lion que ce célèbre praticien avait fait de
fréquentes applications de ses connaissances
chimiques à la pharmacologie. La nature
de ses études l'avait également conduit à
s'occuper de la transmutation des métaux.
» Vient ensuite, mais près de deux siècles
plus tard, Albert le Grand, issu d'une très-
noble famille, et né à Lawingcn , dans le
duché deNeubourg, en Souabe, l'an 1193.
Dès l'âge de vingt-deux ans, il était entré
dans l'ordre des dominicains ; sa piété et sa
vertu le firent nommer évéque de Ratisbonne
en 12C0. Cet homme, dont les traditions po-
pulaires ont fait jusqu'à nos jours une es-
pèce de thaumaturge et de sorcier, fut re-
marquable au contraire par la profondeur
de sa science et le calme de sa raison. Con-
formément à la disposition de tous Us es-
prits élevés de son temps, il s'appliqua aux
éludes encyclopédiques , et ne négligea pas
la transmutation des métaux. Cependant son
principal ouvrage : Des minéraux et des
substances minérales [De Mineralibus et ré-
bus mctallicis) , fornie un traité dans lequel
le savant expose et discute les opinions des
chimistes de l'antiquité et de l'école arabe
avec une précision de critique et un calme
scientifique qui ne justifient guère les légen-
des absurdes recueillies par ses biographes.
Loin de se donner comme ayant des res-
sources surnaturelles et pour un inventeur
de secrets , Albert le Grand , guidé par l'ob-
servation et esclave des expériences qu'il
avait eu souvent l'occasion de faire dans son
pays si riche en mines , fut au contraire un
savant plein de discrétion et de prudence, un
philosophe vraiment sage. Sa piété, d'ail-
(1) Ces trois ouvrages se trouvent dans la Bibliotfteea
cliimica curiota. de Mauget, toni. l",i)ag. 319-564.
U) Il se irouvc fiansh ViblioUièqiie deMauget, lom. I'',
leurs, comme celle qui anima Roger Racoti
et Raymond Lulle, lui faisait voir dans l'é-
tude des sciences physiques un moyen d'af-
fermir les bases sur lesquelles devait reposer
la théologie, et une occasion d'augmenter et
de perfectionner les armes intellectuelles
destinées à combattre et à détruire les er-
reurs de Mahomet.
« C'est donc sans étonnement que l'on doit
voir le nom de saint Thomas d'Aquin ad-
joint à celui du chimiste Albert le Grand,
dont il devint l'élève favori, tors(|u'il lui fut
confié à Cologne par Jean le Teuloniquc,
quatrième général de l'ordre des domini-
cains. Sous ce maître, Thomas apprit non-
seulement la théologie , mais parcourut le
cercle des sciences, et se garda bien d'omet-
tre la chimie.
« Roger Bacon, le moine anglais, contem-
porain d'Albert, de Thomas et de Raymond
Lulle, suivit la môme direction qu'eux, et
au nombre de ses écrits, tous destinés à con-
solider la théologie et à combattre les doc-
trines mahométanes, se trouve un traité de
chimie, Spéculum alchemiœ (2).
« Alain, natif de l'Isle, dans les Pays-Bas,
moine de Clairvaux et évéque d'Auxerre en
1 151, surnommé le docteur universel, à cause
(le la variété de ses connaissances, cultiva
également la chimie et s'occupa de la trans-
mutation des métaux dans des intentions
pieuses.
« Un seul homme en ce temps semble
s'être écarté du principe exclusivement reli-
gieux qui servit de règle à tous les autres
savants. Arnaud de Villeneuve, né en Pro-
vence, mérita pins d'une fois les censures
de l'Eglise, et risqua même d'être frappé de
ses foudres.
« Le peu de détails que l'on ail sur les
relations scientifiques qui s'établirent entre
ces deux hommes , se trouvent épars dans
les écrits de Raymond Lulle. Il dit, par exem-
ple, dans celui de ses livres intitulé : Mon
Codicille: tu ie crus témérairement qu'il me
serait possible de pénétrer cette science (la
chimiejsans le secoursde personne, jusqu au
jour ou Arnaud de Villeneuve, mon maître,
me la fil connaître en me prodiguant tous les
trésors de son esprit. » Dans le livre des Ex-
périences, on trouve encore ce passage : « Je
n'ai pu fixer ces huiles, jusqu'à ce que mon
ami Villeneuve m'eût enseigné à faire celte
expérience. » Mais le document de ce genre
le plus curieux est la treizième expérience
du livre intitulé : Expérimenta. On lit eu
lèle du chapitre : Expérienct treizième d'Ar-
naud de Villeneuve, qu'il me fit connailre à
Naples, et le chapitre contient toutes les
opérations chimiques au moyen desquelles
on obtient d'abord la pierre philosophale ,
puis de l'or (3)...
>< Mais revenons au récit de la vie de R.:y-
inond Lulle. Raymond avait obtenu, en 1311,
deux succès importants. D'abord le papeClé-
nient V, Philippe le Bel et Jayme II av.iient
pag 613.
(3; Voyez Rihliotheca cliimica de Maugel, tom. 1", p.ng.
jjii et suif.
rw
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
lOCO
établi des écoles pour les langues orientales;
puis rUniversilc de Paris, par un acte au-
thenliqup, adoptait et recommandait l'usage
de sa méthode cl lie ses doctrines. Aussi l'es-
poir de ruiner les doctrines de Mahomet ot
d'y substituer celles du christianisme était-
il devenu plus vit que jamais dans son
cœur.
«A partirdecclle époque, son existence dé-
jà si aventureuse, va ledeveiiir encore davan-
tage. Le théologien, le philosophe va nous
apparaître pendant dix-huil-mois (mars 1312
— octobre 1313), comme un adepte de la
science hermétique , exclusivement occupé
de chimie et de métallurgie.
« L'Université de Paris , arbitre suprême
alors par toulel'Europe en matièredcscicnce,
avaitaccrusingulièrementla célébrité du doc-
teur illuminé, en approuvant ses doctrines.
Tous les souverains désiraient le voir et l'en-
tretenir. Comme il était encore à Vienne,
où se tenait le concile, il reçut des lettres
d'Edouard H ou V (1). roi -d'Angleterre, et
de Robert Bruce, roi d'Ecosse, par lesquelles
chacun de ces souverains l'invilail à se ren-
dre près de lui. R.iymond LuUe, dont 1 idée
fixe était la conquête de la terre sainte et la
ruine de la loi de Mahomet, se persuada, en
recevant les lettres flatteuses de ces deux
princes, qu'ils voulaient se servir de lui pour
combiner cl entreprendre quelque nouveau
projet contre les infidèles de la Palestine.
Malgré ses soixante dix-sept ans, il passa
donc en Angleterre et se mil à la discrétion
d'Edouard. La réalité de ce voyage a été con-
testée par les auteurs Espagnols, qui, en écri-
vant la vie de Raymond, se sont clToreés de
faire croire qu'il ne s'était jamais occupé de
chimie; on ne peut cependant, à ce sujet,
concevoir aucun doute (2). Outre les lettres
du savant sur les opérations du grand œuvre,
adressées au roi Edouard en 1312 (3j, il y a
un passage d'un de ses livres intitulé Com-
pendium Iransmutaliunis anitnœ,où, en par-
I ni de certaines coquilles qu'il eut occasion
d'observer, il dit : 1 idiinus isla omnin dum
ad Angliam transiimus propter inlercessionem
do)ninire(/is Edoardi illustrissimi. — J'ai vu
ces choses lorscjueje passais en Angleterre,
d'après la prière que m'en avait faite le très-
illustre roi Edouard.
« Si le fait du voyage est avéré, il faut con-
venir que le peu que l'on sail sur son séjour
à Londres est enveloppé d'un assez grand
mystère. D'après le témoignage de quelques
écrivains anglais, il paraîtrait que Raymond
Lulle fut employé à faire de l'or et à sur-
veiller la fabrication de la monnaie en An-
gleterre. On dit que , toujours préoccupé de
l'idée de reconquérir la terre sainte, Ray-
mond se fil illusion sur les véritables motifs
qui donnaient à Edouard le déïir de possé-
der de grandes richesses. 11 s'imagina que ce
(1) \oyet, dans Y Art de vérifier les dates, la double ma-
nière de compter les Edouard d'Anctoterre.
fi) Vida y liechos del admirable dolor y marti/r tiamoiit
Luit de itatlorca, por et dolor Juan Seguv, canoiiigu de
Mallurca ; eu Mallorca, ano l(i06.
(5) Voy. lom. 1", pag. 863 de la Bibliothèque chimique
prince ne voulait en faire usage que pour la
cause sainte, tandis qu'au contraire Edouard,
gouverné par des favoris , et passant ses
jours dans l'oisiveté et les délices , ne pré-
tendait user de la science du chimiste que
pour faire face à ses profusions. Dans ce
connu de passions si contraires , le zèle du
missionnaire et la cupidité du roi, il est dif-
ficile de déterminer le(|uel des deux a été le
plus dupe ; mais ce que l'histoire rapporte ,
et ce que Raymond affirme dans son Dernier
Testament , c'est le succès d'une expérience
qui tendait à convertir en une seule fois en
or cinquante mille pesants de mercure, de
plomb et d'étain : Converti in una vice, in
aurum, ad L millia pondo argenti-vivi,plumbi
et stanni.
« Edouard, beaucoup plus curieux de voir .
le résultat des opérations du chimiste que
préoccupé de l'emploi sacré que le mission-
naire prétendait que l'on en fît, reçut Ray*
mond Lulle en le comblant de caresses et
d'honneurs. Jean Grenier, abbé de West-
minster, contemporain de Lulle , et qui ,
comme lui, s'adonnait à l'étude de la chimie,
a laissé dans son Testament des détails sur
celte réception ('♦). « J'introduisis, dit-il, cet
homme unique en présence du roi Edouard,
qui le reçut d'une inanière aussi honorable
que polie. Après être convenus ensemble do
ce qui devait être fait , Raymond Lulle se
montra extrêmement satisfait de ce que là
divine Providence l'avait rendu savant dans
un art qui lui permetlail d'enriihir le roi. Il
promit donc, au prince de lui donner toutes
les richesses qu'il désirerait, sous la condi-
tion seulement que le roi irait en personne
faire la guerre aux Turcs, que les trésor* ne
seraient employés qu'aux frais qu'occasion-
nerait celle entreprise , et que sans égard
pour aucun orgueil humain , cet argent ne
servirait jamais à intenter des querelles aux
princes chrétiens. Mais, ô douleur! ajoute le
pieux abbé , qui ne fut pas moins dupe que
son ami Lulle en cette occasion, toutes ces
promesses furent indignement violées. »
« Jean Crcmer donna d'abord une cellule
à Raymond, dans le cloître de l'abbaye de
Westminster, d'où, dit-on, il ne se retira
pas en hôte ingrat; car long-temps après sa
mort , en faisant des réparations à la cellule
qu'il avait habitée, l'architecte chargé de ce
travail y trouva beaucoup de poudre d'or,
dont il lira un grand profit.
« Mais son royal patron, impatient de voir
les résultats de la science de Raymond, lui
donna un logement dans la Tour cle Londres.
La simplicité d'âme du missionnaire ne lui
permit pas d'abord de s'apercevoir de la pré-
caution maligne qui couvrait celte politesse
royale , et il se mit à faire de l'or, dont on
ballit monnaie. Jean Crcmer affirme le fait,
et Camden , dans ses Antiquités eccle'siasli-
de Mauget.
(4) Cet ouvrage, Cremeri abhatis Weumoitaiteriensii
Teslameiitum,se trouve dans hilusavm liermencum, \»-i°
Francfort, 1677 78. — l^.ainden, dans ses Hloiiwnenls ecclé-
' sittitiqiies, donne aussi des détails sur le séjour de Ray-
mouU Lullo eu Angleterre.
J((5t
LUI.
ques , (iil piénisémonl que les pièces d'or
nommées nobles à la rose , et. fabriquées au
temps d'Eiloiiaid, son! le produit des opéra-
tions chimiques que Raymond Lullc fit dans
la Tour de Londres.
« Lorsque cet important travail fut ter-
miné, et que Raymond put reprendre le
cours de SCS éludes habituelles, il ne tarda
pas à s'apercevoir que son logement à la
Tour était une prison , et que le roi le rete-
nait pour satisfaire sa cupidité. Malgré ses
soixante-dix-huit ans, il rassembla tout son
courage, et au moyen d'une barque s'étant
échappé par la Tamise , il parvint à s'em-
barquer sur un bâtiment qui le conduisit à
Messine. C'est en celle ville qu'il composa
sou livre des Expériences [ExperiinenCa), où
se trouve ce passage , faisant allusion à sa
captivité et à la mauvaise foi du prince an-
glais : « Nous avons opéré cela pour le roi
d'Angleterre, qui feignit de vouloir com-
battre contre les Turcs, et qui combattit en-
suite contre le roi de France. Il me mit en
prison ; cependant je m'évadai. Gardez-vous
d'eux, mon flis 1 »
« Il ne restait plus à cet homme extraor-
dinaire qu'une année à vivre; voici com-
ment il l'employa : de Messine il revint à
Majorque sa patrie, où, ayant pris le seul
genre de repos qui lui convînt, c'est-à-dire
ayant composé plusieurs ouvrages, il forma
la résolution d'entreprendre encore un grand
voyage en Afrique, pour prêcher les doctri-
nes chrétiennes, visiter ceux de ses disciples
qu'il avait laissés en Palestine et sur le lit-
toral de l'Afrique, et enfin pour travailler de
nouveau à la conversion des Turcs. Ce fut
un spectacle bizarre et attendrissant tout à
la fois que de voir ce vieillard de soixante-
dix-neuf ans résistant aux prières et aux
larmes de ses amis, de ses parents et de ses
compatriotes, qui tous, en le voyant partir
sans espérance de retour, se réunissaient
pour le conjurer de mourir aux milieu
d'eux. Uien ne put ébranler sa volonté ni
son courage, et il partit.
« Il ne faut rien moins quo l'attestation di;
plusieurs écrivains recommandablcs pour
ajouter foi à ce que l'on dit de sa dern ère
mission apostolique. Il débarqua en Egypte,
alla jusqu'à Jérusalem, puis revint à Tunis.
Là, toujours sous le poids d'une cond.imna-
tion à mort, il visita les amis, les disciples
qu'il avait précédemment instruits dans la
religion chrétienne, les exhortant à persé-
vérer dans leur croyance, et leur enseignant
par son exemple à braver les fatigues et la
mort même , pour la gloire de Dieu et le
triomphe de la foi chréliinne. Dès qu'il crut
élrecertain d'avoir affermi le couragedes nou-
veaux chrétiens de Tunis, il se dirigea vers
Bougie pour prendre les mêmes soins auprès
des disciples qu'il avait formés. Dans cette
ville ainsi ((ue dans l'autre, sa tôle était mise
à prix. Cependant , après s'être conformé
pendant quelques jours aux précautions
d'une pieuse prudence, afin de s'assurer que
les chrétiens de Bougie étaient demeurés
fermes dans leur foi , purs dans leur ins-
LtJL <4i«9
traction, il sortit loul à coup des retraites
qu'on lui ménageait, et se mit à prêcher pu-
bliquement l'Evangile.
« Par cet acte de témérité, Raymond Lulle
espéra-t-il entraîner la population de Bougie
à lui, ou son but en cette occasion ne fut-il,
contme le disent ses panégyristes , que do
terminer sa carrière apostolique en méritant
la palme du martyre ? C'est ce que Dieu seul
peut savoir. Quoi qu'il en soit, aussitôt que
la populace le vit et l'entendit prêcher à
haute voix la foi chrétienne, elle le chargea
d'injures et bientôt de coups. Environné par
une multitude dont le cercle, en s'avançint
sur lui, se rétrécissait de plus en plus, Ray-
mond Lulle recula pas à pas jusqu'au ri-
vage, contenant encore la fureur des musul-
mans par son aspect vénérable, parla fer-
meté de sa parole et surtout par l'insou-
ciance (ju'il montrait pour le danger. Mais
le souverain du pays n'apprit pas sans in-
quiétude avec quel calme héro'iqnc Raymond
parlait à la populace furieuse. Il anima ceux
des habitants qui étaient restés éirangers à
celte scène, en leur représentant l'injure que
l'on faisait à la loi de Mahomet, et bientôt
tout ce qu'il y avait de pieux musulman.s
à Bougie se porta sur la plage vers laquelle
11! missionnaire était toujours repoussé. En-
fin, plusieurs pierres jetées à Raymond Lulle
au même moment le forcèrent de fléchir, et
il tomba sur la grève, où cependant il fit un
dernier effort pour se relever el dire quel-
ques mots. Alors la populace furieuse se jeta
sur lui, l'accabla de coups et le laissa pour
morl.
« La nuit tombait, el son corps resta sur
le rivage. Pendant toute la durée de celle
scène terrible, aucun des convertis, ei en-
core moins les chrétiens d'Europe qui se
trouvaient à Bougie, n'avaient osé défendre
Raymond Lulle, ou même intercéder en sa
faveur. Cependant quelques marchand» gé- "
nois, désirant donner à son corps les hon-
neurs de la sépulture, vinrent dans une bar-
que, pendant la nuit, pour l'enlever du ri-
vage. Comme ils se disposaient à remplir ce
pieux devoir ils s'aperçurent que Raymond
Lulle n spirait encore. Au lieu d'aller pren-
dre terre pour faire l'inhumation, ils se diri-
gèrent aussitôt vers leur navire , et mirent
a la voile pour Majorque, dans l'intention de
reconduire le saint martyr dans sa patrie.
Mais le reste de vie que conservait Raymond
dura peu, et, comme le vaisseau était en vue
de l'île , le saint el savant homme rendit
l'esprit, le 29 juin 1315, à l'âge de quatre-
vingts ans. »
Le savant auteur de la belle el curieuse
notice qui nous a fourni ces fragments la
termine ainsi :
« Les chimistes d s xi*, xii* et xui" siècles
é:aieiit-ils des fous, cl la transmutation des
métaux est-elle une opération impossible ?
« Il ne m'appartient pas de traiter une pa-
reille question, el je me bornerai à rapporter
à ce sujet les paroles d'un des chimistes les
plus éclairés de uos jours ; — S'il ne sort de
mi
DICTIONNAIUK DES SCIENCES OCCULTES
m^
ces rapproclicmonts , dit M. Dumas (1), au-
cune preuve (le la possibilité d'opérer dos
transmulalions dans les corps simples, du
nïoins s'opposenl-ils à ce qu'on repousse
celle idée comme une absurdité qui serait
démontrée par l'état actuel de nos connais-
sances. »
LUMIÈRE MERVEILLKUSE. — Prenez
quatre onces d'herbe appelée serpentinette,
meltez-la dans un pot de terre bouché, puis
faites-la digérer au ventre de cheval, c'est-à-
dire dans le fumier chaud, quinze jours ;
elle se changera en de petits vers rouges ,
desquels vous tirerez une huile selon les
principes de l'art ; de celle huile vous gar-
nirez une lampe, et lorsqu'elle sera allumée
dans une chambre, elle provoquera au som-
meil et endormira si profondément ceux qui
seront dans la dite chambre, que l'on ne
pourra en éveiller aucun tant que la lampe
brûlera (2).
LUNE, la plus grande divinité du sabéismc
après le soleil, l'indare l'appelle l'oeil de la
nuit, et Horace la reine du silence. Une par-
lie des Orientaux l'honoraient sous le titre
d'Uranic. C'est l'Isis des Egyptiens, l'Astarlc
des Phéniciens, la Mylitla des Perses, l'Ali-
lat des Arabes, la Séléné des Grecs, et la
Diane, la Vénus, la Junon des Romains. Cé-
sar ne donne point d'autres divinités aux
peuples du Nord et aux anciens Germains
que le feu, le soleil el la lune.
Le culte de la lune passa dans les Gaules,
où la lune avait un oracle desservi par des
druidesscs dans l'ile de Sein , sur la côte mé-
ridionale de la Basse-Bretagne. Elle avait uu
autel à Arlon {Ara Lunœ).
Les magiciennes de Thessalie se vantaient
d'avoir un grand commerce avec la lune, et
de pouvoir, par leurs enchantements, la dé-
livrer du dragon qui voulait la dévorer (lors-
jqu'elle était éclipsée), ou la faire à leur gré
'descendre sur la terre.
L'idée que cet astre pouvait être habile a
donné lieu à des iictions ingénieuses : telles
sont entre autres les voyages de Lucien, de
Cyrano de Bergerac, et la fable de l'Ariosle,
qui place dans la lune un vaste magasin
rempli de fioles étiquetées, où le bon sens de
chaquCrindividu est renfermé.
On a public en 1835, sous le chaperon du
savant astronome Hcrschell, qui sans doule
ne soupçonnait pas l'honneur qu'on lui fai-
sait, la plaisanterie que voici :
« On sait que le célèbre John Hcrschell
fut envoyé en 1834 au cap de Bonne-Espé-
rance pour observer le passage de Mercure
sur te disque du soleil. Un M. Grant a publié
ses observations et les a enrichies de détails
très-plaisants sur des découvertes qu'il a
faites dans la lune. Malheureusement nous
ne connaissons pas les moyens qu'il a em-
ployés pour obtenir des résultats semblables
aux siens et qui détruiraient toutes les no-
lions d'optique admises jusqu'à ce jour. Nous
ne savons quel peut avoir élé son but. Les
voyages de Gulliver el ceux de Microinégas
(l) Leçom sw ta p'tilosophic cUimique, ncuviènic leçon
pajj. 520.
étaient satiriques; peut-élrc plus tard nous
donnera-l-on quelques détails de mœurs sur
les habitants de la lune qu'on vient de dé-
couvrir et de décrire.
« Après être entré dans quelques détails
sur la topographie de la lune, et avoir dé-
crit une belle vallée dans lanuelle se trou-
vent des moutons seiublatdes aux nôtres,
l'auteur arrive à la description des êtres qui
liabilcnt cet astre. Ils avaient, dit M. Grant,
taille moyenne , quatre pieds de haut ; ils
étaient couverts, excepté à la face, de longs
poils touffus comme des cheveux, mais bril-
lants et couleur de cuivre; ils avaient des
ailes composées d'une membrane très-mince
qui pendaiei»t derrière leur dos très-coiifor-
lablemenl, depuis le haut des épaules jus-
qu'au mollet. Leur figure, d'une couleur de
chair jaunâtre, était un peu mieux conformée
que celle de l'orang-outang. Us avaient une
expression plus ouverte, plus intelligente»
el leurs fronts beaucoup plus larges. Cepen-
dant la bouche é!ait liès-proéminenle, quoi-
qu'elle fût un peu cachée par une é|)aisse
barbe à la mâchoire inférieure el par de»
lèvres beaucoup plus humaine^ tjue celles de
toutes les espèces de la famille des singes. En
général la symétrie di; leurs corps était in-
linimenl supérieure à celle des membres de
l'orang-outang. Le lieutenant Diummonl
disait ((ue sans leurs longues ailes ils parai'
traientaussi bien sur un terrain de parade que
la plupart de nos anciens conscrits. Les che-
veux étaient d'une couleur plus foncée que le
poil du corps; ils étaient Irès-frisés, mais
moins laineux, au moins autant que nous
pûmes juger; ils étaient arrangés sur les tem-
pes endeux demi-cercles très-singuliers. Nous
ne pûmes voir les pieds de ces êtres que lors-
qu'ils les levaient en marchant ; cependant
nous remarquâmes qu'ils étaient minces au
bout cl très-prolubéranls au talon.
«A mesure que leurs groupes passèrentsur
le canevas, il était évident qu'ils étaient en-
gagés dans une conversation. Leurs gestes
l»arliculièremenl, les actions variées de leurs
mains et de leurs bras, paraissaient passion-
nés el emphatiques. Nous conclûmes de là
que c'étaient des êtres intelligents, quoique
peut-être pas d'un ordre aussi élevé (|iic
d'autres que nous découvrîmes le mois sui-
vant sur le bord de la baie des Arcs-en-citl,
el qui étaient capables de produire des œu-
vres d'art.
« La seconde fois que nous les vîmes
nous pûmes les observer bien mieux encore:
c'était sur les bords d'un pelit lac ou grande
rivière que nous aperçûmes coulant vers la
vallée du grand lac el ayant sur ses rives
orientales un joli petit bois. Quelques-uns
de ces êtres avaient traversé d'un bord à
l'autre, et y était étendus comme des aigles.
Nous pûmes alors remarquer que leurs ai-
les avaient une énorme étendue, et étaient
semblables pour h ur structure à celles de
la chauve - souris ; elles élaient formées
d'une membrane demi-transparente qui pou-
(2; Le Pelil Albert, p. Ibi
lues
H,N
LUN
1066
vait se déployer en divisions courbes par le
inojeu de rayons droits liés au dos par des
tégumpnls dorsaux. Ce qui nous élouna le
plus, ce fut de voir que celte membrane
continuait depuis les épaules jusqu'aux jam-
bes, liée au corps, et diminuant graducile-
menl de largiiir. Ces ailes semblaient en-
tièrement soumises à la volonté de ces êtres,
car nous les vîmes se baigner, et les étendre
aussitôt dans toute leur dimension , les se-
couer en sortant de l'eau, comme font les
canards, et les refermer en une forme com-
pacte. Les observations que nous fîmes sur
les habitudes de ces créatures, qui étaient
des deux sexes, nous conduisirent à des ré-
sultats si remarquables, que je préfère les
voir livrer au public dans l'ouvrage du doc-
leur Herscliel, où je sais qu'ils sont détaillés
avec une consciencieuse vérité, quelle que
soit l'incrédulilé avec laquelle on les lira.
« Au bout de quelques instants les trois
familles étendirent leurs ailes presque si-
multanément et se perdirent dans les som-
bres confins du canevas , avant que nous
pussions revenir de notre étonnemeni. Nous
appelâmes scientifiquement ces êtres hom-
mes-chauves-.souris(t;Mper07to/iomo).Cesont
sûrement des êlres innocents et heureux.
« Nous nommâmes la vallée où ils vivent
le Colisée de rubis, à cause des magnifiques
montagnes qui l'entourent. La nuit étant
Irès-avancée, nous remîmes à une autre
occasion la suite de nos éludes. »
Ce canard , qui venait des Etats-Unis où
il s'en fait tant, fut pris au sérieux par plu-
sieurs journaux.
Les Péruviens regardaient la lune comme
la sœur et la femme du soleil, et comme la
mère de leurs incas; ils l'appelaient mère
universelle de toutes choses, et avaient pour
elle la plus grande vénération. Cependant
ils ne lui avaient point élevé de temple, et
ne lui offraient point de sacrifices. Us pré-
tendaient aussi que les marques noires
qu'on aperçoit dans la lune avaient été
{ailes par un renard qui , ayant monté au
ciel, l'avait embrassée si élroitemeni, qu'il
lui avait fail ces taches à force de la serrer.
Suivant les Taïliuus, les taches que nous
(1) Voyages de Cook.
(i) Des Erreurs et des préjugés, etc., 1. 1", p. 210.
(5) Ceux ([Ui oulohservé les pliénoinènes que présente
le clunal des régions inlerlropicales n'ont pas prêté une
asscz grande alleniion à l'induence que la lune y exerce.
.Si l'on s'accorJe à reconuatlre que la pression ou Taltra-
clion lunaire agil forteuieul sur les marées, ou ne doit
pas craindre d'allirmer que l' atmosphère est soumise <i une
action semlilable. Ceiju'il y a de certain, c'est qne, dans
les basses terres des i éyions intertropicales , un observa-
teur atlciilifde la nature est frappé du pouvoir que la lune
exerce sur li s saisons aussi bien que sur le règne animai
«l sur le végétal. A Démérara, il y a chaque année treize
priiilenq)s et treize automnes; car il est constaté que la
sève des arl)res y monte aux brandies et redescend aux
raciues treize fois alternativement.
Le vallaba, arbre résineux assez commun dans les bois
de Démérara, et qui ressemble h l'acajou, fournit un exem-
ple irès-curieux eu ce genre. Si ou le coupe la nuit ,
quelques jours avant la nouvelle lune, .son bois est excel-
lent pour les charpentes et toute espèce de con.slruclions,
et la dureté en est telle qu'on ne le peut fejidre qu'avec
beaucoup de peine, et encore inégalement. Abattez-le
pendant la pleirje lune, vous le partagez en une infinité de
planches 3us'*i mines et au.ssi droites qu'il vous plaît avec
DîCTI NNAIKE DES SCIENCE-i OCCULTE*. 1.
toyons à la lune sont dos bosquets d'une es-
pèce d'arbres qui croissaient autrefois à
Taïli; un accident ayant détruit ces arbres,
les graines furent portées par des pigeons à
la lune, où elles ont prospéré (l).
Les mahométans ont une grande vénéra-
tion pour la lune; ils la saluent dès qu'elle
parait, lui présentent leurs bourses ouver-
tes, et la prient d'y faire multiplier les espè-
ces à mesure qu'elle croîtra.
La lune est la divinité des Nicaborins, ha-
bitants de Java. Lorsqu'il arrive une éclipse
de lune, les Chinois idolâtres, voisins de la
Sibérie, poussent des cris et des hurlements
horribles, sonnent les cloches, frappent con-
tre du bois ou des chaudrons, et touchent à
coups redoublés sur les timbales de la grande
pagode. Ils croient que le méchant esprit de
l'air Arachula attaque la lune, et que leurs
clameurs doivent l'effrayer.
11 y a des gens qui prétendent que la lune
est douce d'un appétit extraordinaire; que
son eslomac, comme celui de l'autruche, di-
gère des pierres. En voyant un bâtiment
vermoulu, ils disent que la lune l'a mutilé,
et qu'elle peut ronger le marbre.
Combien de personnes n'osent couper
leurs cheveux dans le décours de la lunel
dit M. Salgues (2). Mais les médecins sont
convenus enfin que la lune influe sur le corps
humain, comme sur bien d'autres choses (3).
La plupart des peuples ont cru encore que
le lever de la lune était un signal mysté-
rieux auquel les spectres sortaient de leur»
tombeaux. Les Orientaux content que les
lamies et les gholes déterrent les morts dans
les cimetières, el font leurs festins au clair
de la lune. Dans certains cantons de l'o-
rient de l'Allemagne, on prétendait que les
vampires ne commençaient leurs infesta-
lions qu'au lever de la lune , el qu'ils étaient
obligés de rentrer en terre au chant du co»].
L'idée la plus extraordinaire, adoptée dans
quelques villages, c'est que la lune ranimait
les vampires. Lorsqu'un de ces spectres,
poursuivi dans ses courses nocturnes, élait
frappé d'une balle ou d'un coup de lance, on
pensait qu'il pouvait mourirune seconde fois,
mais qu'exposé aux rayons de la lune il re-
la pins grande facilité : mais alors il ne vaut rien pour les
constructions, el se détériore bientôt. Faites des pieux
avec des bambous de la grosseur d'un bras; si vous les
avez coupés à la nouvelle lune, ils dureront dix ou douze
années ; mais si c'est pendant qu'elle était dans son plein,
ils seront pourris en moins de deux ans.
Les effets de la lune sur la vie animale sont prouvé*
aussi par un grand nombre d'exemples. 3'ai vu en Atrique
des animaux nouveau-nés périr en queliues heures au-
près de leur mère pour être restés exposés aux rayons da
la pleine lune. S'ils en sont frappés, les poissons tratche-
ment péchés se corrompent, et la viande ne se peut plus
conserver, même au moyen du sel.
Le marinier qui dort sans précaution la nuit sur le til-
lac, la face tournée vers la lune , est alteinl de nictalopie
ou cécité nocturne, el quelquefois sa tète enfle d'une ma-
nière prodigiense. Les paroxisuies des fous redoublent
d'une manière effrayante!» la nouvelle et à la pleine lune;
lesfrissons humides delà lièvre intermittente sefont sentir
an lever de cet astre, dont la douce lueur semble il peine,
ellleurer la terre. Mais qu'on ne s'y méprenne pas, ses
elfels sont puissant.s, el, parmi les agents qui lèguent sur
ralniosphèic on peul affirmer qu'elle ne tient pas le der-
nier rang. (.Wrtrlin's history of lltc lliinish coloiim.)
3*
10(V7
DICTIONNAIRE DKS SriENCrS OCCULTF.S.
I0S8
prenait ses forces ei pouvait sucer de nou-
veau les vivants.
LUNDI. En Russie, 1p lundi passe pour un
jour malheureux. Parmi le peuple et les per-
sonnes supersiilieiises, la répug[nance à en-
treprendre ce jour-là quoique chose, surtout
un voyage, est si universelle, que le petit
nombre de gens qui ne la partagent pas s'y
soumet par égard pour l'opinion générale.
LURE (Gu)llaume), docleur en théologie,
qui fut coiidainiié comme sorcier, à Poitiers,
en l<>a3, convaincu par son propre aveu, par
témoins et pour avoir élé trouvé saisi d'un
pacle fait avec le diable, par lequel il renon-
çait à Dieu et se donnait à icclui diable (1).
LUUIDAN, esprit de l'air en Norwége et en
Lapoiiie. Voy. Hirold.
LUSIGNAN. On prétend que la maison de
Lusignan descend en ligne directe de Mélu-
sine. Voy. Mélusine.
LUTHER (Martin), le plus fameux nova-
leur religieux du xvi* siècle, né en li8i en
Saxe, mort en 15^6. Il dut son éducation à la
charité des moines, et entra chez les Augus-
tins d'Erfnrt. Devenu professeur de théolo-
gie, il s'irrita de ne pas être le Judas des in-
dulgences, c'est-à-dire de n'en pas tenir la
bourse; il écrivit contre le pape et prêcha
contre l'Eglise romaine. Devenu épris de
Cilherine Bore, religieuse, il l'enleva de
son couvent avec huit autres «œurs , se
hâta de l'épouser, et publia un écrit où il
comparait ce rapt à celui <)ue Jésus-Christ
fit, le jour de la passion, lorsqu'il arracha
les âmes <le la tyrannie de Satan...
Nous ne pouvons ici faire sa vie, mais sa
mort nous revient. Ses ennemis ont assuré
que le diable l'avait étranglé; d'autres qu'il
mourut subitement en allant à la garde-
robe, comme Arius, après avoir trop soupe;
que, son tombeau ayant été ouvert le lende-
main de son enterrement, on n'y avait pu
trouver son corps, et qu'il en était sorti une
odeur df soufre insupportable. — George La-
pôlrc le dit fils d'un démon et d'une sorcière.
A la mort de Luther, disent les relittions
répandues chez ses contemporains , les dé-
mons en deuil, habillés en corbeaux, vinrent
chercher cet ami de l'enfer. Ils assistèrent
invisiblenient aux funérailles; et Thyrseus
ajoute qu'ils remportèrent ensuite loin de ce
monde, où il ne devait que passer. — On conte
encore que le jour de sa mort tous les dé-
mons qui se trouvaient en une certaine ville
de Brabaut (à Malines) sortirent des corps
qu'ils possédaient et y revinrent le lende-
main; et comme on leur demandait où ils
avaient passé la journée précédente, ils ré-
poniirent que, par l'ordre de leur prince, ils
s'étaient rendus à renterremenl de Luther.
Le valet de Luther, qui l'assistait à sa mort,
déclara, ce qui est très-singulier, en confor-
n)ilé de ceci, qu'ayant mis la tête à la fenê-
tre pour prendre l'air au moment du trépas
de son maiire, il avait vu plusieurs esprits
horribles qui dansaient autour delà maison,
et ensuite des corbeaux muigres qui accom-
(1) Di-l.incre, luconsiance des démons , I. VI, p. 493.
yt] SivliucUlhna. Uo Kxiiiiiiu llwolog, oporiiin. l l".
pagnèrcnt le corps en croassant jusqu'à Wit-
teniberg
La dispute de Luther avec le dinble a fait
beaucoup de bruit. Un religieux vint un jour
frapper rudement à sa porte, en detnandant
à lui parler. Le renégat ouvre; le prétendu
moine regarde »n moment le réformateur ,
et lui dit : — J'ai découvert dans vos opi-
nions certaines erreurs papistiques sur les-
quelles je voudrais conférer avec vous. —
Parlez, répond Luther.
L'inconnu proposa d'abord quelques dis-
cussions assez simples, que Luther résolut
aisément. Mais chaque question nouvelle
était plus difficile que la précédente, et le
moine supposé exposa bientôt des syllogis-
mes très-embarrass;ints. Luther, offensé, lui
dit brusquement: — Vos questions sont trop
embrouillées; j'ai pour le moment autre
chose à faire que de vous répondre.
Cependant il se levait pour argumenter
encore, lorsqu'il remarqua que le religieux
avait le pied fendu, et les mains armées de
griffes. — N'es-tu pas, lui dit-il, celui dont
la naissance du Christ a dû briser la tête?
Et le diable, qui s'atlendait avec son ami
à un combat d'esprit et non à un assaut d'in-
jures, reçut dans la figure l'encrier de Luther,
qui était de plomb (2) : il dut en rire à pleine
gorge. On montre encore sur la muraille, à
"Wittemberg, les éclaboussures de l'encre.
On trouve ce fait rapporté, avec quelque
différence de détails, dans le livre de Luther
lui-même sur la messe privée, sous le litre
de Conférence de Luther avec le diable (3). Il
conteqne, s'étant éveillé unjour, versminuii,
Satan disputa avec lui, l'éclaira sur les er-
reurs du catholicisme, et l'engagea à se sé-
parer du pape. C'est donner à sa secte une
assez triste origine. L'abbé Cordemoy pense,
avec beaucoup d'apparence de raison, que
certains critiques ont tort de prétendre que
cette pièce n'est pas de Luther. Il est constant
qu'il était très-visionnaire, ce qui doit suffire
aux incrédules ; et que pour les rroyants il
étiiit très en état de voir le diable. Il est
même possible que la bravade de l'encrier
soit une vauterie.
LUTINS. Les lutins sont du nombre des
démons qui ont plus de malice que de mé-
chanceté. Ils se plaisenlàtourmenlerlesgens,
et se contentent (le faire pi us de peur que de mal.
Cardan parle d'un de ses amis qui, couchant
dans une chambre que hantaient les lutins ,
sentit une main froide et molle comme du co-
ton passer sur son cou et son visage, et cher-
cher à lui ouvrir la bouche. Il se garda bien
de bâiller; mais, s'éveillanl en sursaut, il en-
tendit de grands éclats do rire sans rien voir
autour de lui.
Leloyer raconte que de son temps il y
avait de mauvais g.irncments qui faisaient
leurs sabbats dans les cimetières pour éta-
blir leur réputation et se faire craindre, et
que, quand ils y étaient parvenus, ils al-
laient dans les maisons buffeler le bon vin.
Les lutins s'appelaient ainsi parce qu'ils
(5; Colloquium LiiUiernm inler et diaboluin, al) ipso Lu-
ihero conscriplum . i;i eius librode Mibsa prl ala, cic.
ICGO
LUX
LTC
M70
prenaient qnelqnerois plaisir à lutter avec
les hommes. Il y en avait un à Thermesie
i]ui se battait avec tous ceux qui ariivaiont
dans celle ville. Au reste, disent de bons
légendaires, les lutins ne mettent ni dureté
ni violenci' dans leurs jeux
LUTSCHIN. Au pied du Lutschin , rocher
gigantesque de la Suisse, coule un torrent
où s<! noya un fratricide en voulant laver
son poignard ensanglanté. La nuit, à l'heure
où le meurtre fut commis, on entend encore
près du torrent des soupirs et comme le râle
d'un homme qui se meurt. On dit aussi que
l'àiiie du meurtrier rôile dans les environs,
cherchant un repos qu'elle ne peut trouver.
LUTTEUi'iS, démons qui aiment la lutte et
les petits jeux de muins. C'est de leur nom
qu'on a nommé les lutins.
LUXEMBOURG (François de Montmoren-
cy), maréchal de France,'né en 1628, mort en
1695, On l'accusa de s'être donné au diable.
Un de ses gens, nommé Bonard, voulant
retrouver des pnpiers qui étaient égarés, s'a-
dressa à un certain Lesage pour les recou-
vrer. CeLesage était un homme dérangé, qui
se mêlait de sorcellerie et de divinations. Il
lui ordonna d'aller visiter les églisî-s, de ré-
citer des psaumes ; Bonaril se soumit à tout
ce qu'on exigeait de lui, et les papiers ne se
retrouvèrent pas. Une fille, nommée la Dupin,
les retenait. Bonard, sous les yeux de Lesage,
lit une conjuration au nom du maréchal de
Luxembourg; la Dupin ne rendit rien. Déses-
péré, Bonard fit signer un pacte au maréchal
qui se donnait au diable. A la suite de ces
menées, la Dupin fut trouvée assassinée. Ou
t-n accusa le maréchal. Le pacte fut produit
an procès. Lesage déposa que le maréchal
s'était adressé au diable et à lui pour faire
mourir la Dupin. Les assassins de celte fille
avouèrent qu'ils l'avaient découpée en quar-
tiers, et jetée dans la rivière par les ordres du
maréchal. La cour des pairs devait le juger;
mais Louvois, qui ne l'aimail pas, le fi' en-
fermer d.ins un cachot. On mil de la négli-
gcnic à instruire son procès ; enfin on lui
confronta Lesage elun autre sorcier, nommé
Davaux, avec lesquels on l'accusa d'avoir fait
des sortilèges pour faire mourir plus d'une
personne. — Parmi les imputations horribles
qui faisaienlla basedu procès, Lesage dit que
le maréchal avait faitun pacte avec le diable,
pour pouvoir allier un de ses fils avec la fa-
mille de Louvois. Le procès dura quatorze
mois, lln'yeutde jugement ni pour ni contre.
La Voisin, la Vigoureux et Lesage, compro-
mis dans ces crimes, furent briîlé* à la Grève.
Le maréchal de Luxembourg fut élargi ,
passa quelques jours à la campagne, puis re-
vint à la cour, et reprit ses lonclion< de ca-
pitaine des gardes..
LUXEMBOURG (L* maréchale de). Ma-
dame la maréchale do Luxembourg avait
pour valet do chambre un vieillard qui la
servait depuis longtemps , cl auquel elle
étail attachée. Ce vieillard tomba tout à coup
dangereusement malade. La maréchale était
dans l'inquiétude. Elle ne cessait d'envoyer
demander des nouvelles de cet homme , et
souvent allait elle-même en savoir. Se por-
tant très-bien, elle s'éveille au milieu de la
nuil avec une agitation singulière ; elle veut
sonner pour demander ce que fait son valet
de chambre; elle ouvre les rideaux de sou
lit; à l'inslanl, l'imagination fortement frap-
pée, elle croit apercevoir d ms son apparte-
ment un fantôme couvert d'un linceul blanc;
elle croit entei\dre ces paroles : — Ne vous
inquiétez point de moi, je ne suis plus de ce
monde, et avant la Pentecôte vous viendrez
me rejoindre.» La fièvre s'empara d'elle; elle
fut bientôt à toute extrémité. Gequi contribua
le plus à augmenter sa terreur, c'est qu'à l'in-
stant même où elle fut frappéede cette vision,
l'homme en question venait effectivement
d'expirer. La maréchale a cependant survécu
à la préiliclion du fantôme i:naginaire, et
cette résurrection fait furieusement de tort
aux spectres pour l'avenir (1). »
LYGANTHROPIE , transformation d'un
homme en loup. Le lycanlhrope s'appelle
communément loup-g.irou.
Les loups-garous ont été bien longtemps
la terreur des campagnes, parce qu'on savait
que les sorciers ne pouvaient se faire loups
que par le secours du diable. Dans les idées
des démonographes, un loup-garou est un
sorcier que le diable lui-même transmue en
loup, et qu'il oblige à errer dans les campa-
gnes en poussant d'affreux hurlements.
L'existencede loups-garous est allestée par
Virgile, Solin, Slrabon, Pomponius Mé'.a ,
Diouysius Afer, Varron, et par tous les ju-
risconsultes et démonomanes des derniers
siècles. A peine commençait-on à eu douter
sous Louis XIV.
L'empereur Sigismond fit débattre devant
lui la question des loups-garous, el il fut
unanimement résolu que la transformation des
loups-garous était nnfait positif et constant.
Un garnement qui voulait faire des fripon-
neries mellail aisément les gens en fuiie eu
se faisant passer pour un loup-garou. Il n'a-
vait p.is besoin pour cela d'avoir la figure
d'un loup, puisque les loups-garous de répu-
tation étaient anêlés comme tels, quoicpio
sous leur figure humiine. On croyait alors
qu'ils portaient le poil de loup-garou entre
cuir et chair.
Peuccr conte qu'en Livonie, sur la fin du
mois de décembre, il se trouve tous les ans un
bélître (pii va sommer les sorciers de se ren-
dre eu certain lieu ; el s'ils y manquent le
diable les y mène de force, à coups si rude-
ment appliqués, que les marques y demeu-
rent. Leur chef passe devant , el quelques
milliers le suivent, traversant une rivière,
laquelle passée ils changent leur figure en
celle d'un loup, se jellenl sur les hommes el
sur les troupeaux, el font mille dommages.
Douze jours après ils relournenl au même
fleuve el redeviennent hommes.
On attrapa un jour un loup-garou qui
courait dans les rues de Padoue ; ou lui cou-
pa ses pattes de loup, et il reprit au mémo
instant la forme d'homme, mais avec les
( t ) Histoire des rcvenantsou préierulai tel», lom. I, p.l7 1 .
«C7l
DlCTIONi\AmE DES SCIENCES OCCULTES.
1072
liras et les pieds coupés, à ce que dil Fincel.
L'an 1588, en un village distant de deux
lieues d'Apchon, dans les montagnes d'Au-
vergne, un gentilhomme, étant sur le soir à
sa finétre, aperçut un chasseur de sa con-
naissance, et le pria de lui rapporter de sa
chasse. Le chasseur promit, et, s'élant avancé
dans la plaine, il vil un gros loup qui venait
à sa rencontre. Il lui lâcha un coup d'arque-
buse et le manqua. Le loup se jeta sur lui et
l'attaqua vivement. Mais l'autre, en se dé-
Tcndant, lui ayant coupé la pale droite avec
son couteau de chasse, le loup estropié s'en-
fuit et ne revint plus. Comme la nuit appro-
chait, le chasseur gagna !a maison de son
ami, qui lui demanda s'il avait lait bonne
chasse. Il lira de sa gibecière la patte coupée
au prétendu loup, mais il fut bien étonné de
la voir convertie en main de femme, et à
l'un des doigts un anneau d'or que le gen-
tilhomme reconnut être celui de son épouse.
Il alla aussitôt la trouver. Elle était auprès
du feu, cachant son bras droit sous son
tablier. Comme elle refusait de l'en tireV, il
lui montra la main que le chasseur avait rap-
portée; cette malheureuse, éperdue, avoua
que c'était elle en effet qu'on avait poursui-
vie sous la figure d'un loup-garou; ce qui se
\érifia encore en confrontant la main avec le
brasdontelle faisait partie. Lemari courroucé
livra sa femme à la ju-lice; elle fut brûlée.
Que penser d'une leMe histoire, racontée
par Boguet comme étant de son temps? Etai -
ce une trame d'un mari qui voulait, comme
disent les Wallons, être quitte de sa femme?
Les loups-garous étaient fort Lommuns dans le Poitou ;
on les v appetail la bête bigouine qui court la fialiiiode.
Qwnui les Iwniies gens eiileiideiil les liurlempnlsdii loup-
garou, ce qui n'arrive qu'au milieu iJt^ la nuit, ils se gar-
dent du mettre ta lêle à la fenêtre, parce qu'ils auraient
le cun tordu. — Ou assure, dans celle province, qu'on
peut forcer le loup-garou u (piilter sa lornie d'emprunt en
iiiidorniaul uncoupde lourilie euire les deux veux.
On sait (|ue la ()ii.ililé distinclive des loups giirnus est
un yriiud goût pour la cliair fraîche. Delancre assure qu'ils
étranglent les chiens et les enl'anls; qu'ils les niangi ni de
l)nn appétit; qu'ils marchent à qnntre pattes; qu'ds hur-
lent cnniuic de vrais loups, avec de grandes gueules, des
yeu\ élincelanls et des deuls crochues.
Rodiu racoDle s»ns rougir qu'en 15i2 on vit un malin
lliO lou|)S-garous sur une place de Constantinople. — On
trouve dans le roinau de Persilès et Sigismonde , dernier
ouvrage de Cervantes, des iles de loiips garons et des
sorcières qui se changent en louves pour enlever leur
IToie, comme on trouve dans Gulliver une Ile de sorciers.
Mais au moins ces livres sont des romans. — Delancre |iro-
pose (t) comme un bel exemple ce Irait d'un duc de Rus-
sie. Averti ((u'un sien .sujet se changeait en toutes sortes
de bêle», il l'envoya chircbfr, le fit enchaîner, Pt lui
cimiinanda de donner une preuve de son art ; ce qu'il lit, se
transformant en loup; mais ce duc, avant préparé deux
dogues, les lit lancer contre ce misérable, qui aussitôt fut
mis en pièces — On amena au médecin Poniponace un
paysan atteint de lycaatrophie, qui criait si ses voisins de
s'eniuir s'ils ne voulaient pas qu'il les mange&t. Oimme
ce pauvre homme n'avait rien de la forme d'un loup, les
villageois, persuadés pourtant qu'il l'était, avaient com-
mencé À l'écorcher, pour voir s'il ne portait pas le poil
sous la pi^au. Pomponace le guérit; ce n'était qu'un hypo-
condre. — J. deNynauld a publié eu I6I0 un traité complet
de la Lycuiitropk, qu'il aiipelle aussi Folle loiwière et ii/-
(l) Incnnslance des niauv.iis angos. liv.lV, p. ôOi.
(S) Leloyer, llist. de» spectres, i>. 198.
caonie, mais dont il admet inconteslablement la réalité. —
IJn sieur de B aiivoys de-Clianvincourt, gentilhomme an-
gevin, a fait imprimer en 1399 (Paris, petit in-12) un vo-
lume intilulé : Discours de la lycaulhrojiie, oude lalrausmu-
lalion des liommes eu loups. — Claude, prieur de Laval, avait
|)ublié quelques années au|iaravanl un autre livre sur la
môme matière, intitulé : Oiologues de la lycautltropie .
Us affirment tous qu'il y a certainement des loups-garous.
Ce qui esl plus singulier, c'est qu'il n'y a peul-ètrp pas
de vilbge qui n'ait encore ses loups-garous ; il «si possi-
ble que celui dont on va parler soit encore aux galères. Il
se faisait appeler Maréchal, et demeurait en 180i an vil-
lage de Longueville , a deux lieues de Méry-sur-Seine. Il
était bflcheron, faisait des fossés, et s'occupait de divers
métiers qui s'exercent dans la solitude, et sont par consé-
(pient propres à la sorcellerie. Avec l'aide du diable, il se
changeait toutes les nuits en loup ou on ours, et faisait de
grnndcs peurs aux bonnes gens. Un jeune paysan s'arma
d'un lusll et l'attendit une nuit. Il vit un monstre à quatre
pattes qui venait lourdetneiil à lui. Il le coiiclia enjoué et la
manqua. Le loup-garou, qui avait aussi un fusil, tira il son
tour sur le paysan et le blessa ii la jambe. Celui-ci, stupé-
fait de se trouver en face d'un leup qui tirait des coups de
fusil, se mit a fuir. A la fin, la justice informée s'empara de
riiomnie. 0» ne trouva dans le prétendu sorcier qu'un vau-
rien coupable de vols et de brigandages qu'il everçaitdans
ses courses nocturnes. On le coudainua aux galères perpé-
tuelles.
Le lecteur fera sans doute ici une réflexion tonte natu-
relle : coniiuent se peut-il qu'un loup-garou é|iOUvante
une contrée pendant trois ou quatre ans, sans que la
justice l'arrête? C'est encore une des misères de nos
pavsans. Comme il y a chez eux beaucoup de méchanu,
ils"se craignent entre eux ; ils ont un discernement et une
expérience qui leur apprennent que la justice n'est pas
toujours juste ; et ils disent : Si nous dénonçons un coupa-
ble et qu'il ne soit pas mis hors d'étal de nuire , c'est un
ennemi inipl.ncable que nous allons nous faire. Les paysaui
sont vindicatit's. Après dix ans de galères, ils reviennent se
venger de leurs dénonciateurs. Il faudrait peut-être qu'un
roupable qui sort des galères n'eût jias le droit de repa-
raître dans la contrée qui a été le théâtre de ses crimes.
Koi/. Ct.vanthhopie , BooSASiBROPie, Raollet, Bisclava-
l'yca'oN, fils de Phoronée, roi d'Arcadie, à laquelle il
donna le nom de Lycaonie. li bâtit sur les montagnes la
ville de Lycosure, la plus ancienne de toute la Grèce, et
y éleva un autel à Ju|>iter Lycaeiis , auquel il ooniiuença ï
sacrifier des victimes humaines. 11 faisait mourir , pour les
manger, tous les étrangers ipii passaient dans ses Etats.
Jupiter éiaiit allé loger chez lui, Lycaon se prépara a ûier
la vie à son hôte pendant qu'il serait endormi ; mais aupa-
ravant il voulut s'assurer si ce n'était pas un dieu , et lui
fit servir à souper les membres d'un de ses hôtes , d'au-
tres disent d'un esclave. Un feu vengeur, allumé par l'or-
dre de Ju|iiter, consuma bientôt le palais, et Lytaon fut
changé en loup. C'est le plus ancien loup-garou.
LYCAS , démon de Thémèse, chassé par le champion
Eutliyniius, et qui fut en grande renommée chez les Grecs.
Il était irès-uoir, avait le visage et tout le corps hideux,
et lortait une p>;iu de loup pour vêlement (2).
LYCll.NOMANClK, divinaiion oui se faisait par 1 mspec-
lion de la fiamnie d'une lampe; il en reste quelques tra-
ces. Lorsqu'une étincelle se détache de la mèche, elle an-
nonce une nouvelle el la direction de cette nouvelle. Voy.
LAMl>ADo,^^A^clE.
LYN.X. Les anciens disent des merveilles du lynx. Non-
seulement ils lui attribuent la faculté de voir à travers le»
nuirs, unis encore la vertu de produire des pierres pré-
cieuses. Pline raconte sérieusement que les lilets de son
urine se Iransforment en ambre , en rubis et en ■ scarbeu-
cles. Mais il aj'jiite que , par un sentiment de jalousi», cet
animal avare a soin de nous dérober ces richesses en cou-
vrant de terre ses précieuses évacnalions. Sans cela nous
aurions pour rien l'ambre, lesrubisel lesesc.irlKMicles(3).
LYSIMACHIE , plante ainsi nommée parce que, posée
sur le joug auquel les bœufs et autres animaux étaient
attelés, elle avait la vertu de les empêcher de se bultre
LYSIMAQUE, devin dont parle Uémétriu» de Phalere
dans .sou livre de Socrale. Il gagnait sa vie à interpréter
des songes au moyen de certaines tables astrologiques 11
se tenait au|]rès du temple de liacchus (i).
{5) M. de Saignes, Des lirreurs, elc. t. Il, p. lO.').
(t) Plularqup, Vie d' Aristide, § L.VVl.
FIN DU PREMIER VOLUME.
Palis. — liiipiiiKCiie .MIG-NK
<0C5
U,N
LUN
1066
»ait se déployer en divisions courbes par le
moyen de rayons droits liés au dos par des
tégumcnls dorsaux. Ce qui nous étonna le
plus, ce fut de voir que celle membrane
conlinuait depuis les épaules jusqu'aux jam-
bes, liée au corps, et diminuant graduelle-
ment de largeur. Ces ailes semblaient en-
tièrement soumises à la volonté de ces élres,
car nous les vîmes se baigner, el les étendre
aussitôt dans toute leur dimension , les se-
couer en sortant de l'eau, comme font les
canards, el les refermer en une forme com-
pacte. Les observations que nous fîmes sur
les habitudes de ces créatures, qui étaient
des deux sexes, nous conduisirent à des ré-
sultats si remarquables, que je préfère les
voir livrer au public dans l'ouvrage du doc-
teur Herscliel, où je sais qu'ils sont détaillés
avec une consciencieuse vérité, quelle que
soit l'incrédulité avec laquelle on les lira.
« Au bout de quelques instants les trois
familles étendirent leurs ailes presque si-
multanémi'iil et se perdirent dans les som-
bres confins du canevas , avant que nous
pussions revenir de notre étonnemcn!. Nous
appelâmes scientiGquement ces êtres hom-
incs-chauves-souris(ve.«perii7ïoAomo).Cesont
sûrement des êtres innocents et heureux.
« Nous nommâmes la vallée où ils vivent
le Cotisée de rubis, à cause des magnifîques
montagnes qui l'entourent. La nuit étant
très-avancée, nous remîmes à une autre
occasion la suite de nos études. »
Ce canard , qui venait des Etals-Unis où
il s'en fait tant, fut pris au sérieux par plu-
sieurs journaux.
Les Péruviens regardaient la lune comme
la soeur et la femme du soleil, et comme la
mère de leurs incas; ils l'appelaient mère
universelle de toutes choses, el avaient pour
elle la plus grande vénération. Cependant
ils ne lui avaient point élevé de temple , et
ne lui offraient point de sacriGces. Ils pré-
tendaient aussi que les marques noires
qu'on aperçoit dans la lune avaient été
faites par un renard qui , ayant monté au
ciel, l'avait embrassée si étroitement, qu'il
lui avait fait ces taches à force de la serrer.
Suivant les Taïtieus, les taches que nous
(1) Voyages de Cook.
ii) Des Erreurs et des préjugés, etc., 1. 1", p. 2i0.
(5J Ceux qui oiiloliservé les pliénouiènes que présente
le climat des régions interlropicales n'ont pas prêté une
asseï grande alteiilion à l'influence que la lune y exerce.
-Si l'uu s'accorde i reconnaître que la pression ou l'attra-
ction lunaire agit rorteuient sur les marées , ou ne doit
pas craindre d'alliimer que l'atmosphère est soumise à une
action seuil)lable. Ce (lu'il y a de certain, c'est qne, dans
les basses terres des i égious iniertropicales , un observa-
teur aticnlitde la nature e.>il frappé du pouvoir que la lune
exerce sur li s saisons aussi bien que sur le règne animal
el sur le végétal. A Déuiérara, il y a chaque année treize
printemps et treize automnes; car il est constaté que la
héve des arbres y monte aux branches et redescend aux
racines treize fois alternativement.
Le vallaba, arbre résineux assez commun dans les bois
de Déniérara, et qui ressemble à l'acajou, fournit un exem-
ple Uès-curicux en ce genre. Si on le coupe la nuit,
ipielqiies jours avant la nouvelle lune, sou bois est excel-
lent pour les charpentes et toute espèce de construcjious,
et la dureté en est telle qu'on ne le peut fendre qu'avec
beaucoup de peine, et encore inégalement. Abattez-le
pendant la pleine lune, vous le partagez en une infinilé de
|4anehes aussi m<nc<'S et aussi droites (pi'il vous jilall avec
DiCTI .NNAIKK DES .SCIENCES OCCIITE'^. 1.
voyons à la lune sont des bosquets d'une es-
pèce d'arbres qui croissaient autrefois à
ïaïti; un accident ayant détruit ces arbres,
les graines furent portées par des pigeous à
la lune, où elles ont prospéré (1).
Les mahométans ont une grande vénéra-
tion pour la lune; ils la saluent dès qu'elle
paraît, lui présentent leurs bourses ouver-
tes, et la prient d'y faire multiplier les espè-
ces à mesure qu'elle croîtra.
La lune est la divinité des Nicaborins, ha-
bitants de Java. Lorsqu'il arrive une éclipse
de lune, les Chinois idolâtres, voisins de la
Sibérie, poussent des cris et des hurlements
horribles, sonnent les cloches, frappent con-
tre du bois ou des chaudrons, et touchent à
coups redoublés sur les timbales de la grande
pagode. Ils croient que le méchant esprit de
l'air Arachula altaque la lune, et que leurs
clameurs doivent l'effrayer.
H y a des gens qui prétendent que la lune
est douée d'un appétit extraordinaire; que
son estomac, comme celui de l'autruche, di-
gère des pierres. En voyant un bâtiment
vermoulu, ils disent que la lune l'a mutilé,
et qu'elle peut ronger le marbre.
Combien de personnes n'osent couper
leurs cheveux dans le décours de la lune!
dil M. Salgues (2). Mais les médecins sont
convenus enfin que la lune influe sur le corps
humain, comme sur bien d'aulres choses (3).
La plupart des peuples ont cru encore que
le lever de la lune était un signal mysté-
rieux auquel les spectres sortaient de leurs
tombeaux. Les Orientaux content que les
lamies et les gholes déterrent les morts dans
les cimetières, et font leurs festins au clair
de la lune. Dans certains cantons de l'o-
rient de l'Allemagne, on prétendait que le»
vampires ne commençaient leurs infesta-
lions qu'au lever de la lune , et qu'ils étaient
obligés de rentrer en terre au chant du coq.
L'idée la plus extraordinaire, adoptée dans
quelques villages, c'est que la lune raniuiait
les vampires. Lorsqu'un de ces spectres,
poursuivi dans ses courses nocturnes, était
frappé d'une balle ou d'un coup de lance, ou
pensait qu'il pouvait mourir une seconde fois ,
mais qu'exposé aux rayons de la lune il re-
la plus grande facilité : mais alors il ne vaut rien pour les
constructions, el se détériore bientôt. Faites des pieux
avec des bambous de la grosseur d'un bras; si vous les
avez coupés à la nouvelle lune, ils dureront dix ou douze
années; mais si c'est pendant qu'elle était dans son plein,
ils seront pourris en moins de deux ans.
Les effets de la lune sur la vie animale sont prouvé*
aussi par un grand nombre d'exemples. 3'ai vu en Afrique
des animaux nouveau-nés périr en quelques heures au-
prèsde leur mère pour être restés exposés aux rayons du
la pleine lune. S'ils en sont frappés, les poissons Iralche-
ment péchés se corrompeni, el la viande ue se peut plus
conserver, même au moyeu du sel.
Le marinier qui dort sans précaulion la nuit sur le til-
lac, la face tournée vers la Inné , est atteint de nictalopie
ou cécité nocturne, et quelquefois sa lête enfle d'uue ma-
nière prodigieuse. Les paroxisn.es des fous redoublent
d'une manière effrayante à la nouvelle et à la pleine lune ;
les frissons humides delà lièvre inlermilteulesefoni sentir
an lever de cet astre, dont la douce lueur semble à peine
effleurer la terre. Mais qu'on ne s'y méprenne pas, ses
effets sont puissants, et, parmi les agents qui régnent sur
l'atmosphère on peut affirmer qu'elle ne tient pas le der-
nier rang. {Uartiiù liiilonj of tlte Bnuisli coluniei.)
S*
1067
DICTIONNAinK DES Sf.lËNCF.S OCCULTF.S.
1068
prenait ses forces ei pouvait sucer de nou-
veau les vivants.
LUNDI. En Russie, !•• lundi passe pour un
jour malheureux. Parmi le peuple et les per-
sonnes supersiilietises, la répugnance à en-
treprendre ce jour-là quelque chose, surtout
un voyage, est si universelle, que le pelit
nombre de gens qui ne la partagent pas s'y
soumet par égard pour l'opinion générale.
LUUE (Guillaume), docteur en théologie,
qui fui condamné comme sorcier, à Poilicrs,
en Uo3, convaincu par son propre aveu, par
témoins et pour avoir élé trouvé saisi d'un
pacte fait avec le diable, par lequel il renon-
çait à Dien et se donnait à ictiui diable (1).
LUItlUAN, esprit de l'air en Norwégc et en
Laponie. Voy. Harold.
LUSIGNAN. On prétend que la maison de
Lusignan descend en ligne directe de Mélu-
sine. Voy. Mélusine.
LUTHIÎR (Martin), le plus fameux nova-
teur religieux du xn' siècle, né en liSi en
Saxe, mort en 1516. Il dut son éducation à la
charité des moines, et entra chez les Augus-
lins d'Erfnrt. Devenu professeur de théolo-
gie, il s'irrita de ne pas être le Judas des in-
dulgences, c'est-à-dire de n'en pas tenir la
bourse; il écrivit contre le pape et prêcha
ciintre l'Eglise romaine. Devenu épris de
Citherine Bore, religieuse, il l'enleva de
son couvent avec huit autres sreurs , se
liâla de l'épouver, et publia un écrit où il
romparait ce rapt à celui que Jésus-Christ
fit, le jour de la passion, lorsqu'il arracha
les âmes de la tyrannie de Satan...
Nous ne pouvons ici faire sa vie, mais sa
mort nous revient. Ses ennemis ont assuré
-que le diable l'avait étranglé; d'autres qu'il
«nuurut subitement en allant à la garde-
robe, comme Arius, après avoir trop soupe;
que, son tombeau ayant été ouvert le lemle-
maiti de son enterrement, on n'y avait pu
trouver son corps, et qu'il en était sorti une
odeur de soufre insupportable. — George La-
pôlre le dit fils d'un démon et d'une sorcière.
A la mort de Luther, disent les relations
répandues chez ses contemporains , les dé-
mons en deuil, habillés en corbeaux, vinrent
chercher cet ami de l'enfer. Ils assistèrent
invisibiement aux funérailles; et Thyrseus
{jjoute qu'ils l'emportèrent ensuite loin de ce
inonde, où il ne devait que passer. — On conte
encore que le jour de sa mort tous les dé-
mons qui se trouvaient en une certaine ville
de Brabant (à Malines) sortirent des corps
qu'ils possédaient et y revinrent le lende-
main; et comme on leur demandait où ils
avaient passé la journée précédente, ils ré-
l>oniirent que, par l'ordre de leur prince, ils
s'étaient rendus à l'enterrement de Luther.
Le valetde Luther, qui l'assistait à sa mort,
déclara, ce qui est très-singulier, en confor-
mité de ceci, qu'ayant mis la tête à la fenê-
tre pour prendre l'air au moment du trépas
de son maître, il avait vu plusieurs esprits
borribles qui dansaient autour de la maison,
et ensuite des corbeaux maigres qui accom-
(t) Di-Lincre, Ijiconslance des démons , i. VI, p. 493.
\i) Mflaiiclilliou. do i:x;imiu Uicolog. opcruiii. l l".
pagnèrent le corps en croassant jusqu'à Wit-
teniberg
La dispute de Luther avec le diable a fait
beaucoup de bruit. Un religieux vint un jour
frapper rudement à sa porte, en demandant
à lui parler. Le renégat ouvre; le prétendu
moine regarde nn moment le réformateur ,
et lui dit : — J'ai découvert dans vos opi-
nions certaines erreurs papisliques sur les-
quelles je voudrais conférer avec vous. —
Parlez, répond Luther.
L'inconnu proposa d'abord quelques dis-
cussions assez simples, que Luther résolut
aisément. Mais chaque question nouvelle
était plus diffieile que la précédente, et le
moine supposé exposa bientôt des syllogis-
mes très-embarrassants. Luther, offensé, lui
dit brusquement: — Vos questions sont trop
embrouillées; j'ai pour le moment autre
chose à faire que de vous répondre.
Cependant il se levait pour argumenter
encore, lorsqu'il remarqua que le religieux
avait le pied fendu, et les mains armée- de
griffes. — N'es-tu pas, lui dit-il, celui dont
la naissance du Christ a dû briser la tête?
El le diable, qui s'attendait avec son ami
à un combat d'esprit et non à un assaut d'in-
jures, reçut dans la figure l'encrier d.- Luther,
qui était de plomb (2) : il dut en rire à pleine
gorge. On montre encore sur la muraille, à
Wittemberg, les éclaboussures de l'encre.
On trouve ce fait rapporté, avec quelque
différence de détails, dans le livre de Luther
lui-même sur la messe privée, sous le titre
de Conférence de Luther avec le diable (3). Il
conteqnc, s'étant éveillé unjour, versminuii,
Satan disputa avec lui, l'éclaira sur les er-
reurs du catholicisme, et l'engagea à se sé-
parer du pape. C'est donner à sa secte une
assez triste origine. L'abbé Cordemoy pense,
avec beaucoup d'apparence de raison , que
certains critiques ont tort de prétendre que
cette pièce n'est pas de Luther. H est constant
qu'il était très-visionnaire, ce qui doit suffire
aux incrédules; et que pour les rroyants il
étiiit très en état de voir le diable. Il est
même possible que la bravade de l'encrier
soit une vanterie.
LUTINS. Les lutins sont du nombre des
démons qui ont plus de malice que de mé-
chanceté. Ils se plaisentàtourmenterlesgens,
et se contentent de faire pi us de peur que de mal.
Cardan parle d'un de ses amis qui , couchant
dans une chambre que hantaient les lutins ,
sentit une main froide et molle comme du co-
ton passer sur son cou et son visage, et cher-
cher à lui ouvrir la bouche. Il se garda bien
de bâiller; mais, s'éveillant en sursaut, il en-
tendit de grands éclats de rire sans rien voir
autour de lui.
Leioyer raconte que de son temps il y
avait de mauvais g;irnemenls qui faisaient
leurs sabbats dans les cimetières pour éta-
blir leur réputation et se faire craindre, et
que, quand ils y étaient parvenus, ils al-
laient dans les maisons buffeler le bon vin.
Les lutins s'appelaient ainsi parce qu'ils
(3) Collociuium I.Hllienim inler et dbboliim, al) ipso l.u-
Ihero conscriplum , i:i cius lilirode .Mi»s:i ini ala, tic.
ïl'Gtl
LUX
LTC
1070
prônaient quelquefois plaisir à lutter avec
les hommes. Il y en avait un à Thermesie
qui se battait avec tous ceux qui arrivaient
dans celle ville. Au reste, disent de bons
légendaires, les lutins ne mettent ni durelé
ni violence dans leurs jeux
LUTSCHIN. Au pied du Lutschin , rocher
giiçantesquc de la Suisse, coule un torrent
où se noya un fralriciile en voulant laver
son poignard ensanglanté. La nuit, à l'heure
où le meurtre fut commis, on entend encore
près du torrent des soupirs et comme le râle
d'un homme qui se meurt. On dit aussi que
l'âme du meurtrier rôile dans les environs,
cherchant un repos qu'elle ne pent trouver.
LUTTEURS, démons qui aiment la lutte et
les petits jeux de mains. C'est de leur nom
qu'on a nommé les lutins.
LUXEMBOURG (Fbançois de Montmoren-
cy), fuaréehal de France, né en 1628, mort en
1695. On l'accusa de s'être donné au diable.
Un de ses gens, nommé Bonard, voulant
retrouver des papiers qui étaient égarés, s'a-
dressa à un certain Lesage pour les recou-
vrer. Ce Lesage était un homme dérangé, qui
se mêlait de sorcellerie et de divinations. 11
lui ordonna d'aller visiter les églises, de ré-
citer des psaumes ; Bonard se soumit à tout
ce qu'on exigeait de lui, et les papiers ne se
retrouvèrent pas. Une fille, nommée la Dupin,
les retenait. Bonard, sous les yeux de Lesage,
fit une conjuration au nom du maréehal de
Luxembourg; la Dupin ne rendit rien. Déses-
péré, Bonard fit signer un pacie au maréchal
qui se donnait au diable. A la suite de ces
menées, la Dupin fut trouvée assassinée. On
en accusa le maréchal. Le pacte fut produit
au procès. Lesage déposa que le maréchal
s'était adressé au diable et à lui pour faire
mourir la Dupin. Les assassins de cette fille
avouèrent qu'ils l'avaient découpée en quar-
tiers, et jetée dans la rivière par les ordres du
maréchal. La cour des pairs devait le juger;
mais Louvois, qui ne l'aimait pas, le fil en-
fermer dans un cachot. On mit de la négli-
ginee à instruire son procès ; enfin on lui
confronta Lesage et un autre sorcier, nommé
Davaux. avec lesquels on l'accusa d'avoir fiit
des sortilèges pour faire mourir plus d'une
personne.— Parmi les imputations horribles
qui faisaientla basedu procès, Lesage dit que
le maréchal avait faitun paete avec le diable,
pour pouvoir allier un de ses fils avec la fa-
mille de Louvois. Le procès dura quatorze
mois, lln'yeul de jugement ni pour ni contre.
La Voisin, la Vigoureux et Lesage, compro-
mis dans ces crimes, furent brûlés à la Grève.
Le maréchal de Luxembourg fut élargi ,
passa quelques jours à la campagne, puis re-
vint à la cour, et reprit ses fonctions de ca-
pitaine dis gardes.,
LUXEMBOURG (La maréchale de ). Ma-
dame la maréchale de Luxembourg avait
pour valet de chambre un vieillard qui la
servait depuis longtemps , et auquel elle
était attachée. Ce vieillard tomba toutà coup
dangereusement malade. La maréchale était
dans finquiétude. Elle ne cessait d'envoyer
demander des nouvelles de cet homme , et
souvent allait elle-même en savoir. Se por-
tant très-bien, elle s'éveille au milieu de la
nuit at'ec une agitation singulière ; elle veut
sonner pour demai>der ce que fait son valet
de chambre; elle ouvre les rideaux de sou
lit; à l'instant, l'imagination fortement frap-
pée, elle croit apercevoir d ins son apparte-
ment un fantôme couvert d'un linceul blanc;
elle croit entendre ces paroles : — Ne vous
inquiétez [loint de moi, je ne suis plus de ce
monde, et avant la Pentecôte vous viendrez
me rejoindre. « La fièvre s'empara d'elle ; elle
fut bientôt à toute extrémité. Cequi contribua
le plus à augmenter sa terreur, c'est qu'à l'in-
stant même où elle fut frappéede celtevision,
l'homme en question venait effectivement
d'expirer. La maréchale a cepenilanl survécu
à la préliclion du fantôme imaginaire, et
cette résurrection fait furieusement de tort
aux spectres pour l'avenir (1). »
LVCANTHROPIE , transformation d'un
homme en loup. Le lycanthrope s'appelle
communément loup-g;irou.
Les loups-garous ont été bien longtemps
la terreur des campagnes, parce qu'on savait
que les sorciers ne pouvaient se faire loups
que par le secours du diable. Dans les idées
des démonographes, un loup-garou est un
sorcier que le diable lui-même transmue en
loup, et qu'il oblige à errer dans les campa-
gnes en poussant d'affreux hurlements.
L'existencede loups-garous est attestée par
Virgile, Solin, Slrat)on, Pomponius Mêla ,
Dioiiysius Afer, N arron , et par tous les ju-
risconsultes et démonomanes des derniers
siècles. A peine commençait-on à en dciuler
sous Louis XIV.
L'empereur Sigismond fit débattre devant
lui la question des loups-garous, et il fut
unanimement résilu que la lran^fllrm.l lion de»
lonps-garons élait un fait positif et constant.
Un garnement (lui voulait faire des fripon-
neries mettait aisément les gens en fuiie eu
se faisant passer pour un loup-garou. Il n'a-
vait pas besoin pour cela d'avoir la figure
d'un loup, puisque les loups-garous de répu-
tation élaienl ariôtés comme tels, quoi(iuo
sous leur figure hum:iine. On croyait alors
qu'ils portaient le poil de loup-garou entre
cuir et chair.
Peucer conte qu'en Livonie, sur la fin du
mois de décembre, il se trouve tous les ans un
bélître qui va sommer les sorciers de se ren-
dre en certain lieu ; et s'ils y manquent le
diable les y mène de force, à coups si rude-
ment appliqués, que les marques y demeu-
rent. Leur chef passe devant , et quelques
milliers le suivent, traversant une rivière,
laquelle passée ils chang« ni leur figure en
celle d un loup, se jettent sur les hommes et
sur les troupeaux, et font mille dommages.
Douze jours après ils retournent au même
lleuve el redeviennent hommes.
On atirapa un jour un loup-garou qui
courait dans les rues de Padoue ; on lui cou-
pa ses pattes de loup, et il reprit au mémo
instant la forme d'hoiume , mais avec les
(t)lli3loircilesrcvcfianlsouiirélei.Uostelï,lom.!.p.t7l-
IC7I
DlCTIONiSAinE DES SCIENCES OCCCLTES.
bras et les pieds coupés, à ce que dit Fincel.
L'an 1588, en un village distant de deux
lieues d'Âpchon, dans les moiitagi s d'Au-
vergne, un gentilhomme, étant sur le soir à
sa fenêtre, aperçut un chasseur de sa con-
naissance, et le pria de lui rapjfortcr de sa
chasse. Le chasseur promit, et, s'élant avancé
dans la plaine, il vit un gros loup qui venait
à sa rencontre. Il lui lâcha un coup d'arque-
buse et le manqua. Le loup se jeta sur lui et
l'attaqua vivement. Mais l'autre, en se dé-
fendant, lui ayant coupé la pâte droite avec
son couteau de chasse, le loup estropié s'en-
fuit et ne revint plus. Comme la nuit appro-
chait, le chasseur gagna la maison de son
ami, qui lui demanda s'il avait fait bonne
chasse. Il lira de sa gibecière la patte coupée
au prétendu loup, mais il fut bien étonné do
la voir convertie en main du femme, et à
l'un des doigts un anneau d'or que le gen-
tilhomme reconnut être celui de son épouse.
il alla aussitôt la trouver. Elle était auprès
du feu, cachant son bras droit sous son
tablier. Comme elle refusait de l'en tirer, il
lui montra la main que le chasseur avait rap-
poriée; cette malheureuse", éperdue, avoua
que c'était elle en effet qu'on avait poursui-
vie sous la figure d'un loup-garou; ce qui se
>érifia encore en confronlaul la main avec le
bras dont elle faisait partie. Le mari courroucé
livra sa femme à la ju>lice; elle fut brûlée.
Que penser d'une telle histoire, racontée
par Boguet comme étant de son temps? Etai -
ce une trame d'un mari (jui voulait, comme
disent les 'Wallons, être quitte de sa femme?
Les luups-garous éiaienl fort communs dans le Poiloii;
on les y appeljiil la bêle biguurne qui court la gahpode.
(Jn:jiiJ les bonnes gens enlenitenl les hurlements du loup-
garou, ce qui n'arrive qu'au milieu de la nuit , ils se gar-
dent de niittre la lêle à la fenêtre, parce qu'ils auraient
le cou tordu. — On assure, dans cette province, qu'on
peut Torcer le loup-gaiou à ((uitter sa l'orme d'emprunt en
tiiidonnant un coup de tourelle entre les deux jeux.
Un sait (pie la qualité distinctive des loups garons est
im grand goût pour la etiair fraîche. Delancre assure (pi'ils
étranglent les chiens et les enfanls; qu'ils lesmaiigeiade
lion appétit; qu'ils marchent à quatre pattes; qu'ils hur-
lent connue de vrais loups, avec de grandes gueules, des
yeii\ étincelanis et des dents crochues.
Ilodin raconte sans rougir qu'en 1512 on vit un matin
150 loufis-garous sur une place de Conslanlinople. — On
trouve dans le roman de Pei's>/«5e( SijrJsnioMrye , dernier
ouvrage de Cervantes, des Iles de loui>s garons et des
sorcières qui se changent en louves pour enlever leur
I roie, comme on trouve dans Gulliver une Ile de sorciers.
U^iis au moins ces livres sont des romans.— Delancre pro-
pose (t) comme uu bel exemple ce trait d'un duc de Rus-
sie. Averti qu'un sien sujet se changeait en toutes sortes'
de bêles, il l'envoya chercher, le tit enchaîner, ei lui
coniniaiida de donner une preuve de son art ; ce qu'il lit, se
Iransformanl en loup; mais ce duc, a.yant préparé deux
dogues, les lit lamer contre ce misérable, qui aussitôt fut
Diis eu pièces — On amena au médecin Pomponace un
paysan atteint de lycantrophie, qui criait a ses voisins de
s'eniuir s'ils ne voulaient pas qu'il les mangeât. Comme
ce pauvre homme n'avait rien de la lorine d'un loup, les
villageois, persuadés pourtant qu'il l'était, avaient com-
mencé À l'écorcher, pour voir s'il ne portait pas le poil
sous la peau. Pomponace le guérit; ce n'était qu'un hvpo-
coiidre.— J. deNynauld a publié en 1615 un traité complet
de la Lycautropie, qu'il aiipelle aussi Pulle louviére et ((/-
(1) Inconslauce des mauvais anges. liv.IV, p. 30t.
(2) Leioycr, Hisl. de» spectres, p. 198.
1072
caonie, mais dont il admet incontestablement la réalité. —
Un sieur de B auvoys de-C.liauviiicourt, gentilhomme an-
gevin, a fait imprimer en 1599 (Paris, petit in-12) un vo-
lurrie intitulé : Disconrsde lalycanlhropie, oude lalrimsmu-
laliun des hommes en /orips.— ^Claude, prieur de Laval, avait
publié quelques années auparavant un autre livre sur la
môme matière, intitulé : Dialogues de la hjcaulliropie.
Ils allirmenl tous qu'il y a certainement des loups garous.
Ce qui est plus singulier, c'est qu'il n'y a peiil-élre pas
de village qui n'ait encore ses loups-garous ; il est possi-
ble que celui dont on va parler soit encore aux galères. Il
se faisait appeler Maréchal, et demeurait en 1801 au vil-
lage de Loiigueville , à deux lieues de Méry-sur-Seine. il
était bûcheron, faisait des fossés, et s'occupait de divers
métiers qui s'exercent dans la solitude, et sont par consé-
quent propres à la sorcellerie. Avec l'aide du diable, il se
changeait toutes les nuits en loup ou en ours, et faisait de
grandes peurs aux bonnes gens. Un jeune paysan s'arma
d'un liisil et l'attendit une nuit. Il vit un monstre à quatre
patles qui venait lourdement k lui. 11 le coucha enjoué et le
manqua. Le loup-garou, qui avait aussi un fu<iil, tira il son
tour sur le paysan et le blessa à la jambe. Celui-ci, stupé-
fait do se trouver en face d'un loup qui lirait des coups de
f'isil, se mit à luir. A la fin, la justice informée s'empara de
riioninie. On ne trouva dans le prétendu sorcier qu'un vau-
rien coupable de vols et de brigandages qu'il e>;erçait dans
Ses courses nocturnes. Ou le condamna aux galères perpé-
tuelles.
Le lecteur fera sans doute ici une réflexion Imite natu-
relle : coin lient se peut-il qu'un loup-garou é|;0uvanle
une contrée pendant trois ou quatre ans, sans que la
justice l'arrête? C'est encore une des misères de nos
fiaysans. Comme il y a chez eux beaucoup de méthanUs,
ils se craignent entre eux ; ils ont un discernement et une
expérience qui leur apprennent que la justice n'est pas
toujours juste ; et ils disent : Si nous dénonçons uu coupa-
ble et qu'il ne soit pas mis hors d'étal de nuire . c'est uu
ennemi implacable que nous allons nous faire. Les paysan»
sont vindicatifs. Après dix ans de galères, ils reviennent se
venger de leurs dénonciateurs. Il faudrait peut-être qu'un
coupable qui sort des galères n'eilt pas le droit de repa-
raître dans la contrée qui a été le théâtre de ses crimes.
Voy. CïNAKTHHOPlK , BOCSAHTUBOPIE , KaOLLET, BiSCLA\ A-
KET, etc.
LYCAON, fils de Phoronée, roi d'Arcadie , à laquelle il
donna le nom de Lycaonie. 11 bâtit sur les montagnes la
ville de Lycosure, la jJus ancienne de toute la Grèce, el
y éleva un autel à Ju|>iter Lycseiis , auquel il commença k
sacriUer des victimes liumaines. 11 faisait mourir , pour les
manger, tous les étrangers qui |iassaient dans ses Etals.
Jup 1er éiaiit allé loger chez lui, Lycaon se prépara a ôier
la vie à son liôle pendant qu'il serait endormi ; mais aupa-
ravant il voulut s'a.ssiirer si ce n'éiait pas un dieu , et lui
fil servir à .souper les membres d'uu de ses hôtes , d'au-
tres disent d'un esclave. Un feu vengeur, allumé par l'or-
dre de Jupiter, consuma bientôt le palais, el Lycaon fut
changé en loup. C'est le plus ancien loup-garou.
LYCAS , démon de Thénièse, chassé par le champion
Euihymius, et qui fut en grande renommée chezlesCrecs.
Il était Irès-noir, avait le visa^^e el tout le coips hideux,
el I orlait une peau ih- loup pour vêtement (2).
LYCIlNOMAiNClE, divinaiion qui se faisait par l'inspec-
tion de la flamme d'une lampe; il en reste quelques tra-
ces. Lorsqu'une étincelle se détache de la mèche, elle an-
nonce une nouvelle et la direction de celle nouvelle. Voy.
Lampadomancie.
LYN.X. Les anciens disent des merveilles du lynx. Non-
seulement ils lui altribueiit la faculté de voir il travers le»
murs, ni;iis encore la vertu de produire des pierres pré-
cieuses. Pline raconte sérieusement que les lilots de son
urine se transforment en ambre , en rubis el en > scarbou-
cles. Mais il aj'iiite que , par un sentiment de jalousie, cel
animal avare a soin de nous dérober ces riches,ses en cou-
vrant de terre ses précieuses évacuations. Sans cela nous
aurions pour rien l'ambre, les rubis et les escarboucles (5).
I.YSIMACHIE , plante ainsi nommée parce que, [xisûe
sur le joug auquel les bœufs et autres animaux étaient
attelés, elle avait la vertu de les empêcher de .se battre
LYSIMAQUE, devin dont parle Démélrius de Phalère
dans son livre de Sorrale. Il gagnait sa vie à interpréter
des songes au moyen de certaines tables astrologiques 11
se teiiail auprès du temple de Uacchus (4).
(.'51 M. de Saignes, Di'S Erreurs, eic, l. II, p. 103.
(i) Pluiarque, Vie d' Aristide, § L.\VI.
FIN DU PREMIER VOLUME.
Taiis. — Iiiipiimeric .MIC.NE